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ENCYCLOPEDIE,
ou
DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES,
DES ARTS ET DES MÉTIERS.
TROISIEME ÉDITION-
TOME TROISIEME.
ENCYCLOPEDIE,
OU
DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES,
DES ARTS ET DES MÉTIERS,
PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES.
Mis en ordre & publié par M. DIDEROT i & quant à la Partie
Mathématique, par M. D'A LE MB E RT.
Tantùm feries juncluraqiu pollct ,
Taniàm di mcdio fnmptis accedit honoris,' Ko RAT.
TROISIEME ÉDITION.
=ërste-
TOME TROISIEME.
A GENEVE,
Chez. Jean-Léonard Pellet , Imprimeur de la République.
A NE U F C H A TEL,
Chez la Société Typographique.
M. D C C, L X X ri 1 L.
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ENCYCLOPEDIE,
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DICTIONNAIRE RAISONNE
DES S C I E ^T ^ ^ «-^
DES ARTS ET DES MÉTIERS.
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A P A
VkCKKO,Ç.m.{hlfl.nat.
i Botaniq. ) nom Brame d'un
1 aibrifieau toujours verd ,
aflez bien gravé , mais fans
Il ; détails , fous le nom Mala-
bare Isjewii-panel par Van-
Rheede, dans fon Honus Malabaricus, Vol.
V , page j î , planche XVI. Les Malabares
l'appellent encore Bualapaleti & les Hollan-
dois Clyn heyl IVortel.
11 croît dans plufieurs endroits du royau-
me de Malabar , fur-tout à Angiccaimal ,
fous la forme d'un buiflon ovoïde , de cinq
à fix pies de hauteur , toujours chargé de
feuilles , de Heurs & de fruits. Son tronc cfî
garni du haut en bas de branches alternes ,
cylindriques , afî'ez longues , allez écartées ,
Tome ni.
A P A
ouvertes à peine fous un angle de trente de-
grés & couvertes d'une écorce brun-noire.
Ses feuilles font diij'.ofées alternativement
& circulairement , aflez écartées , ellipti-
ques , pointues aux deux bouts , longues de
trois à quatre pouces , une fois à une fois &
demie moms larges , entières , épaifîes ,
verd-noires , luilantes deiïus , verd-claires
& ternes defious , avec une côte longitudi-
nale , garnie de chaque côté de huit ;\ dix
nervures peu élevées , alternes , & portées
iur un pédicule cylindrique aflez court.
Entre les intervalles que les feuilles laiC-
fent entr'ellcs le long des branches mêmes ,
vers leurs extrémités , fortent des fleurs fo-
litaires, rougeâtres , longues d'un pouce
environ , portées horizontalement , eu peu»»
1 A P A
(limes fur im pédicule cylindrique , verd-
vclii , à-peu-près de même longueur. Elles
cunfiftent en un calice caduc y verdatre ,
petit , épais , d'une feule pièce , divifé en
trois parties , & en une corolle à fix pétales
égaux , longs , preique cylindriques , épais ,
ouverts en étoile & caducs; le centre de la
fleur eft rempli par une centaine d'étami-
nes courtes , à anthères blanches , parallé-
lipipedes , felFiles , tort ferrées & rappro-
chées en boule autour de huit à quinze
ovaires , portés chacun fur un difque en
forme de colonne cylindrique , & terminés
par un flyle qui a à fon côté un ftigmate
velouté. Ces ovaires en mûriflant devien-
nent chacun une baie ou une écorce char-
nue , acide , douçâtre , fphéroïde , de trois
à quatre lignes de diamètre , noirâtre , liflè ,
portée fur un pédicule mince de memiC
longueur à une loge qui ne s'ouvre point,
& qui contient un pépin en oflélet iphéri-
que noirâtre, du diamètre de deux lignes,
dont l'amande eit blanchâtre.
Qualices. Toutes les parties de Tapacaro,
fur-tout ies feuilles , ont une odeur &c une
faveur acre &. aromatique ; il fleurit en
juillet & août.
Ufages. Le fuc exprime de Ces feuilles &
donné en boit! on avec un peu d'opium ou
de iuc de pavot , au commencement des
fièvres intermittentes ,., en calme les paro-
xylmes ; leur décoâion fe boit à la dofe
d'une dcmi-tadè , pour appaifer les dou-
leurs de la goutte qui iê déclarent aux
articulaiions.
Rer,iarqu£s ."V apj.cjro doit donc faire un
genre nouveau , voifin du Cananga , dans
l'a famille des anones , & qui ne diflère
de celui du Cananga qu'en ce que les
baies, au lieu d'avoir plulieurs loges &:
plufieurs graines , n'en ont qu'une leule.
( M. ADANSON. )
* APACHES , f m. pi. ( Géog. & Hifl. )
peuples de l'Amérique leptentrionalc au nou-
veau Mexique , où ils occupent im paystrès-
^tendu , fous les noms à^Apachcs dePerillo,.
au midi; lïApaçhes de Xilla,iï^paches
de Nai-aio , au nord ; & à'Apaçhes Vaque-
ros, au levant. Voye^ la Conq. du Mnxiq.
APAGOGE, (Logiq.) kyra-ya-y), com-
pnfi d «tJ , de , Se à''ixya j mener ou tirer.
A P A
_ APAGOGIE , f. f. ( Logique. ) forte Je
dérnonfJration , par laquelle on prouve la
vérité d'une propofition , en faifant voir
que la propofition contraire eil abfurde.
( ^0) q Démonstration ; ) d'où vient
qu'on l'appelle aufli reduclio ad impojfibile .
ouadabfurdum. Fijye^ RÉDUCTION. (OJ
APALACHES, ou Apalachites.,
(Ge'og. ù Hift. ) Peuples de l'Amérique
leptentrionale , qui habitent une contrée bor-
née au nord & au couchant par les monrs
Aliganiens ou Apalataches , au fud par la
Floride & à l'efl par la Géorgie ; on les divliè
en plufieurs nations , qui ont chacune leur
chef particulier nommé p^racoujje. Les plus
conlidérables de ces nations font celles,
de Bcinarin , d'Amana & de Matique , que
les François , les Anglois & les Efpagnols-,
(mt fub-divilées en une infinité d'autres ,
ious des noms dillérens & particuliers à
leur langue. Leur ville capitale ell Alelilot ,
au fond de la vallée de Bemarin ; c'elt le
iéjour du roi d'Apalache , qui sft reconnu
pour fouvcrain par tous les autres chefs ;
les autres viiJes principales iont Schama &
Mefaco dans les montagnes, Aqualaque ,,
Coca & Capaha, le long de la rivière du
Miflillîpi. Ce pays ell fertile & allez bien
cultivé : ces peuples font bien laits , & ont
le teint natiueilemcnt blanc , mais il de-
vient olivâtre par l'ulage fréquent qu'ils;
font d'un onguent compoié de racines &:
de graiflé d'ours , auquel ils attribuent k;
propriété de rendre plus iupportables le
froid & les chaleurs. Ils Iont courageux
lans être bai'bares :. ils fç contentent de
couper les cheveux aux prUonniers qu'ils,
font , & aux ennem.is qu'ils tuent à la
guerre. La polygamie elî en ulage chez
eux : ils peuvent même époufcr leurs pa-.
, rentes , autres cependant que leurs iceurs.
Leurs mœurs font, limples & douces : ils
adorent le. foleil , qu'ils laluent tous les
jours à (on lever par des cris d'ak'grefîej,
& en l'honneur duquel ils célèbrent tous
les ans quatre fêtes lolemnelles fur la mon-,
tagne Olaymi , où accourent les habitans.
des diverlês contrées du royaume. Il n'eil;
pas rare d'en voir parmi eux qui vivent
jufqu'A cent cinquante ans; ils doivent cet,
avantage à leur grande lobriété, & à l'étaïf
paiiible de leur ame. ( C.,A-)
A PA
* APAMATUCK, (Gf'o^'. mol) rivière
de l'Amérique fcptcntrionale dans la Vir-
ginie ; elle iè décharge dans celle de Pow-
atbrn. ViyeT^Mat.Diâion. Ge'ogr.
APAME , ( Hijf. d'Egypte. ) veuve de
Magus, iiCurpareurde la Cyrcnaïque , dont
le roi d'Egypte lui avoir confié le gouver-
nement, avoir tout le courage & tous les
talens nécediiires pour aiîermir un trt^nc
ufurpé. Après la mort de ion mari , elle
ofifit fa fille en mariage à Démétrius, oncle
d'Antigone , roi de Macédoine. Ce prince,
ft'diiitpar l'appât d'une couronne , fe rendit
dans laCyrénaïque, &i la veuve, touchée des
iîraccs de fa figure , garda pour elle l'époux
qu'elle dellinoit A fit fille. La jeune princellc
outragée intércffa en fia laveur le peuple &
les grands. Tous embraflerent la caule de
la jcunefle & de la beauté : les conjurés ran-
gés fous les ordres , entrent de nuit dans
l'appartement de fit mère qu'ils trouvent
couchée avec ion nouvel époux ; la fille
furieule enfonce le poignard dans le iein de
l'on amant infidèle , & brigue le cruel hon-
neur de lui porter les premiers coups.
Ap'Zme'fin épargnée , & les conjurés la ren-
voyèrent à ion Ircre Antiochus. Elle vieillit
dans fa cour chargée du mépris public ,
quoiqu'elle poffédât tous les talens qui font
naître l'ertime ; mais il ne faut qu'un mo-
ment de foiblelfe pour ternir l'éclat de mille
vertus. (T. N.)
* AP AMÉE , fur rOronte , ( Ge'og. anc.
(s mod.) ville de Syrie , diibnte d'Antioclie
environ de vingt lieues. Les modernes la
nomment Aman ou Hama. Elle n'a de con-
fidcrable que fit fituation.
* ApamÉE , fur le Marfe , {Géog. anc. &
mod.) ville de Phyrgie : elle cft aujourd'hui
prefque ruinée.
* ApamÉE ou Apami , ( Ge'og. anc. Ù
mod.) ville de la Bithynie l'ur la Proponti-
de , entre Bourie & Cyzique. Les Turcs
l'appellent aujourd'hui Myrlea.
* ApamÉE, {Géog. anc.) ville delà Mé-
die , vers la contrée des Parthes. On la
nomme aufll Miana.
* ApamÉE : on place dans la Méfopo-
tamie deux villes de ce nom ; l'une fur
l'Euphrate , l'aL n-e fur le Tigre.
APAN, i". m. {Hiff.nac. Conchyliologie.)
çfpece de coquillage du genre du jambon-
APA 3
rieaû ", dans la famille des conques , ou de
ceux qui ont deux battans à la coquille.
Il n'ell cité dans aucun auteur; j'en ai
donné la figure dans mon Hifloire naturelle
du Sénégal , page zz z ,pl. V. figure -Ç.
Il clt commun dans la mer du Sénégal ,
où il eil attaché aux rochers, à trois brades
de protondeur , autour des caps Bernard &
Dakar, près de File Corée & du Cap-verd.
C'eil: la plus grande de toutes les eijv;ce?
de ce genre qui s'obfervent lur cette ccitc.
Sa coquille a la formcd'un jambon, ayant
le dos preique droit , l'extrémité fupéricure
fort lr.rge & arrondie , & le ventre un peu
concave vers le fommet , qui diminue iniea-
fiblcment en pointe pour former une efpc^e
de mitnche. Elle a fept pouces de long, &
deux tiers moins de largeur ; & elle eil 11
applatie que fa largeur iurpalTe plus d'une
lois fon épaifîeur. Sa fubilance efl fort min-
ce , aufll tragile que du verre , & aflè/^ iém-
blable à celle de la corne , dont elle em-
prunte la couleur & la tranfparence.
Intérieurement elle eft polie & luifnntc ,
mais au dehors fa furface efl hérifléc vers^
l'extrémité d'un grand nombre de pointes
pliéesen cornets ou en tuyaux cylindriques
tort minces , de même nature que la co-
quille , longs de quatre à cinq lignes , &
relevés en angle de quarante cinq degrés.
Ces pointes en tuyaux doivent leur origine
aux crenelures du manteau de l'animal , &
quoiqu'elles paroilîcnt fans ordre , au pre-
mier abord , ;\ cauiè du petit nombre des
grandes qui ie montrent à leur extrémité ,
néanmoins en examinant de près les vefti-
ges des premières qui ont été ufécs ou
briiées , on voit qu'elles étoient difpofées
fur quinze ou vingt rangs parallèles à la
longueur de la coquille.
Le ligament qui attache les deux bat-
tans , s'étend depuis le fommet jufqu'aux
trois quarts de leur longueur, vers l'extré-
mité fupérieure. On ne diftingue aucune
dent à la charnière.
L'animal qui remplit cette coquille , a
fon manteau bordé d'environ trente crene-
lures fort larges , au lieu des filets qu'ont
les autres efpeces.
U/ages. Les Nègres font la pêche de
Vapan , en plongeant dans le fond de la
mer ; ils le détachent avec un couteau des
Ai
4 A P A
rochers où il eu colle par un grand nom-
bre de fils, aflez femblables à ceux auxquels
les anciens donnoient le nom de byjjus ,
mais plus courts. Sa chair efl: très-bonne ,
fur-tout lorlqu'clle efl cuite & apprêtée; elle
eft fort goûtée des Européens & des naturels
du Pays. {M.AdansoN. )
APANAGE , f m. ou , comme on difoit
autrefois , APPENN AGE , . ( Hift. mod. )
terres que les fouverains donnent i^ leurs
puînés pour leur partage , lefquelles font
reverflbles à la couronne , lautc d'enfans
mîiles dans la branche à laquelle ces terres
ont été données. Ducange dit que dans la
baffe latinité on difoit apaiure , apanamen-
nim , & apanagium , pour défigner une pen-
lïon ou un revenu annuel qu'on donne
aux cadets , au lieu de la part qu'ils de-
vroient avoir dans une feigncurie , qui ne
doit point , fuivant les loix & coutumes,
fè partager , mais rerter indivife à l'ainé.
HofEnan & Monet dérivent ce mot du
celtique ou allemand , & difent qu'il fignilîe
exclure & forclorre de quelque droit; ce
qui arrive à ceux qui ont des apanages ,
puifqu'ils font exclus de la fucceilion pa-
ternelle. Antoine Loyfel , cité par Ménage,
croit que le mot apanager vouloit dire
autrefois donner des pennes ou plumes , &:
des moyens , aux jeunes fcigneurs qu'on
chaflbit de la maifon de leurs pères , pour
aller chercher fortune ailleurs , foit par la
guerre , ioit prr le mariage.
Nicod & JMénage dériver.t ce mot du
latin /'a/7Ù , pain , qui fouvent comprend
auflî tout l'accelioire de la lubfirtance.
Quelques-uns penfent que les apanages,
dans leur prem.îcre inflitution , ont été feu-
lement des penfions ou des paiemcns an-
nuels d'une certaine fomme d'argert.
Les puînés d'Angleterre n'ont point û'.t-
panage déix^rminé comme en France , inais
feulement ce qu'il plaît au roi de kur
donner. Voye^ PrincE , Ùc.
En France même , fous les rois de la
première & ceux de la féconde race , le
droit de primogtniture ou d'aincfTc , &
celui lï apanage , étoient inconnus ; les do-
maines étoicnt à-pcu-prcs également par-
tagés entre tous les enhms. Voye:^ PriMO-
cÉNiTURE & Aînesse.
Mais cuirnne il cn.naillbit de grands
A P A
inconvéniens , on jugea dans la fuite qu'il
valoit micLLX donner aux cadets ou puînés
des comtés , des duchés , ou d'autres dé-
partemens , à conduion de foi & hom-
mage , & de réverjlon à la couronne à dé-
faut d'héritiers mâles , comme il efl arrivé
à la première & à la féconde branche des
ducs de Bourgogne. A prélent même les
princes apanagilles n'ont plus leurs apana-
ges en iouveraineté : ils n'en ont que la
jouilïance utile & le revenu. Le duché
d'Orléans efl l'apanage ordinaire des fé-
conds fils de France , à moins qu'il ne foit
déjà polfédé , comme il ell aélucUement ,
par un ancien apanagifle.
On ne laifle pas d'appeller auffi impro-
prement apaihage , le domaine même de
l'héritier prélbmptif de la couronne ; tel
qu'efl en France le Dauphiné ; en Angle-
terre la principauté de Galles ; en Efpagne
celle des Ailuries; en Portugal celle du
Brcfil , ÊV.
On appelle aufll apanage , en quelques
coutumes , la portion qui eil donnée à un
des enfans , pour lui tenir lieu de tout ce
qu'il pourroit prétendre à la fucceilion.
■ Paul Emile a remarqué que les apanages
font une invention que les rois ont rappor-
tée des vovaçes d'outre - mer. ( G- H.)
AP AN AG ÎSTE, f. m. terme de droit, ell
celui qui polTèdedesfiefsou autres domaines
en apanage. ^^'0)'^:^ APANAGE, (i/. )
APANORMLA , {Gcogr.) ville de l'ilc
de Santorin , dans les plages de la Méditer-
ranée , que l'on nomme en cet endroit mer
de Candie. Elle a un porr très- fpacieux,
en forme de deirii-lu.ie ^ mais lî profond
qu'il efl impoflible aux vaifleaux de s'y
mettre à l'ancre. ( C. A. )
* APANTAo:/ APANTE, {Gcog.rnod.)
province de la terre ferme de l'Amérique
méridionale , entre le lac de Parimé & la
rivière des Amazones , à l'occident de la
province de Caropa.
* AP AR AQUA , ( Hifi. nat. bot.) efpece
de br\'one qui croît au Brelil. Ray , HiJ}.
Plant.
* APARIA , {Ge'og. mod.) province de
l'Amérique méridionale au Pérou , près de
la rivière des Amazones , & de l'endroit oi'i
elle reçoit le Curavaic au nord des Paca-
mores.
A P A
APARNI, (G/ojrrJancien peuple d'Afie,
voifin tks H} rcanicns , vers les bords de la
mer Calpienne, On croit que ce font les
Dais d'aujourd'hui , mieux connus Ibus le
nom de Petits Nogais. (C. yi.)
A PART , {Littéral.) ou , comme on
dit , à pane , terme latin qui a la même
■fignification que feorjim , & qui eft aflfèélé
à la poéfie dramatique.
A PARTE , i". m. (Belles-Lettres.) c'efl
une des licences accordées à l'art dramatique.
La vrallcmblance en efl fondée iur cette iiip-
pofition , ians laquelle il n'y auroit nulle
vraJlemblance dans la repréi'cntation théâ-
trale, que le Ipeftateur n'y eft préfent qu'en
efprit. Cela poié , tout ce qu'on a dit contre
Y à pane tombe de lui-même. Il elt , fans
doute , réellement impofllble que Fadeur
qui le lait entendre des Ipedateurs , ne foit
pas entendu des adcurs avec Iciquels il eft
en fcene ; mais dans l'hypothefe tacitement
convenue , les fpeâateurs ne font point là ,
ils ne {ont point à telle diftance , ils font
phyliquement abiens , leur prélence n'eft
qu'idéale ; car fi on les luppoloJt là , ils
lèroient vus , on n'agiroit point , on ne
parleroit point en leur prélence ; on parlc-
roit d'eux , avec eux. Il y a donc dans cette
hypothefe ablènce réelle des témoins de
l'adion. Or le fpeûateur préfent en efprit ,
eft cenfé entendre la voix de fadeur ,
quelque foible & bas qu'en loit le ion , &
lors même qu'd n'eft pas entendu des per-
lonnages qui font en Icene,
C'eft cette hypothefe qu'on a perdu de
vue , lorlqu'en mefuranc les diftances , on
a regardé comme une invrailemblance théâ-
trale , qu'un adcur tût entendu de loin &
ne le fût pas de plus près. Voye\ UnitÉ.
{M. Marmontel.)
Au fujet des à parte , nous rapporterons
une anecdote connue ; elle pourra fournir
une réflexion utile. Racine , Molière &
la Fontaine étoient amis , comme on iait;
raflemblés un jour , la converlation tomba
Iur les à parte : la Fontaine en foutenoit
l'ufage abiurde & contraire à toute vrai-
femblance; Racine le défendoit ; la difpute
devint vive : un entant , un homme natu-
rel s'échauffe ailément ; Molière profitant
de ce moment d'agiration de la Fontaine ,
cria à pluficurs reprifes : la Fontaine eft un
A P A y
coquin , fans que celui-ci l'entendit : la Forw-
taine ayant fu [\i parte de Molière , fe
conteflà vaincu.
Cette anecdote prouve fins doute , que
les ci parte iont quelquefois dans la vrai-
iemblance , même dans la nature ; mais elle
montre auill qu'on ne peut en faire ufîige
avec iuccès que dans ks momens où l'ac-
tion , pleine de chaleur & de mouvement,
entraîne également fadeur & le fpedateur ;
rien donc de plus faux & de plus ridicule
que la manière ordinaire de rendre les à
pane Iur la fcene , où fadeur paroi't tou-
jours s'adrelTcr au fpedateur & lui parler
confidemment , tandis qu'il ne dcvroif
s'occuper , ni du fpedateur , ni de foi ,
mais uniquement de l'objet qui le frappe,
du lentiment qui l'émeut. Il eft bien
lurprenant que ks filflets des ipedateurî
n'aient pas encore averti les adcurs de Cv;
contre-lens abiurde. (L)
APATHIE , f f. compofé d'i privatif,
& dsTaSof , pajjion , fjgnifie , dans un fens
moral , infenhbilité ou privation de tout
lentiment paiOonné , ou trouble d'elprit.
rojei Passion.^
Les ftoïciens attedoient une entière apj~
thie ,• leur iage devoit jouir d'un calirie,
d'une tranquillité d'efprit que rien ne pût
altérer, & n'être accelllble à aucun fenti-
ment foit de plaiiir ou de peine. V^oje-^
Stoïcien , Plaisir, & Peine.
Dans les premiers fiecles de l'églifc les
chrétiens adoptoient le terme d'apathie ,
pour exprimer le mépris de tous les inté-
rêts de ce monde , ou cet état de morti-
fication que prefcrit l'évangile ; d'où vient
que nous trouvons ce mot fréquemment
employé dans les écrivains les plus pieux.
Clément d'Alexandrie , en particulier , le
mit fort en vogue , dans la vue d'attirer au
chriftianifme les phiîolophes qui aijjiroient
à un degré de vertu fi fui^liaie.
Le quictilme n'eft qu'une apathie maf-
quée des apparences de la dévotion. Voye:^
QUIÉTISME, ( X )
APATI, ( G^ogr. ) petite ville de Hon-
grie, dans le comté de Jarmar. Elle eft fur la ri-
vière de Caraina , au iud du Tibifer , à l'eft i!u
petit Varadin , & au nord-oueft deSamos.
Long. 4^ , ^o ; lat. 48 , f. (C. y1)
APATURIES , f. f. ( Htjt anc Mjth. }
fcre folemnellc célébrée par les Athéniens en
l'honneur de Bacchus. Vojei Fete.
Ce mot vient du grec ayrar» , fraude ,* &
l'on dit que cette tête fut inflitULx; en mé-
moire d'une trauduleule vidoire que Mc-
lanthus, roi d'Athènes , avoit remportée (ur
Xanthus , roi de Béotie , dans un combat
llnguher dont ils étoient convenus pour
terminer un débat qui régnoit entr'cux ,
au fujet des frontières de leurs pays ; d'où
Budée l'appelle /f^wm deceptionis , la fête
de la tromperie.
D'autres écrivains lui donnent une dif-
férente étymologie : ils difent que les jeu-
nes Athéniens n'étoient point admis dans
les tribus , le troifieme jour de Vcipaturie ,
que leurs mères n'eufTent juré qu'ils en
étoient vraiment les percs ; julqu' alors tous
les enfcins étoient réputés en quelque façon
llinspere , inxjofn , circonftance qui don-
noit le nom à la fête.
Xénophon , d'ailleurs , nous dit que les
parens & les amis s'affjmbloient à cette
occafion , fe joignoicnt aux pères des jeu-
nes gens que l'on devoit recevoir dans les
tribus , & que la fête tiroit fon nom de
cette alTcmblée ; que dans iTaroûcfa , l'a ,
bien loin d'être privatif , efl une conjonc-
tion , & lignifie même chofe que cij.ov ,
enfemble. Cette fête duroit quatre jours : le
premier , ceux de chaque tribu fe divertif-
foient enfemble dans la leur , & ce jour
s'appelloit i'ôfTria : le Iccond , qui fe nom-
moit xv{ic(çu!ri! , on flicrifioit à Jupiter & à
Ivlincrve : le troifieme , Kou^iûvrU , ceux des
jeunes gens de l'un & de l'autre fexe qui
avoient l'âge requis , étoient admis dans
les tribus : ils appelloient le quatrième
jour sx/CcTi.
Quelques auteurs ont mal-.\-propos con-
fondu les apaturies avec les faturnales , puif-
quc les fêtes appellées par les Grecs >tpj./*,
qui répondent aux faturnales des Romains ,
arrivoient dans le mois de décembre , &
que les apaturies fe célébroient en novem-
bre. (G)
_ APATUROS , (Geogr.) nom d'un an-
cien bourg de la prcfqu'ilc de Corocc>n-
dama , entre le Pont - Euxin & le Palus
Mcotide. Vénus y avoit un temple où elle
ëtoit adorée fous le nom de Trompeufe ,
parce qu'elle avoit ufc d'ai-tificc dans la
APE
"guerre des dieux contre les génns. ( C. A.\
APAVORTEN , ( Géogr. ) nom d'une
contrée d'Afie très-fertile & très-agréable ,
dans le Mawaralnahra , A l'orient de la mer
Calpienne. C'efllà qu' Arface , reitauratcur
de l'empire des Parthes , fit bâtir Dara ou
Daraum. (C. A.)
* APEIBA,arbre du Brefil qu'on décric
ainfi : arbor pomifera Brajdienfis, frucht
hifpido, pomi magnitudine ) feminibus plu-
rimis minirn'is; apcibaBraJilienJibus. Marg.
Le Iruit n'elî d'aucun uiagc ; le bois fert
;\ faire des bateaux de pêcheurs , & des
radeaux. Ray , Hifior. plant.
APELLITES ,f. f. pi. du latin appdUtx^
( TAfo/. ) hérétiqu.s qui parurent dans le
iecond iiecle , & qui tirent ce nom d'Apel-
lesleur chef , dilciple de Marcion. Ils ibu-
tenoient que Jelus-Chrift n'avoit pas eu
(èulement l'apparence d'un corps , comme
difoit Marcion , ni une véritable chair ;
mais qu'en delcendnnt du ciel , il s'étoic
lait \in corps célefte & aérien , & que dans
lonalcenfion ce corps s'étoit rcf )lu en l'air ,
cni'ortc que l'efprit feul de J. C. étoit re-
tourné au ciel. Ils nioient encore la rélur-
reélion , & profeiloient la même dodrine
que les marcionites. Fbyf;^ ASCENSION &
Marcionites. ( G)
APÉNÉ,iHift. a/2C.)char attelé de deux
t)U de quatre mules , mis en uiage dans les
jeux olympiques par les Eléens ; qui s'en
dégoûtèrent enfuite , foit parce qu'il ne pro-
duifoit pas un bel effet , ioit parce qu'ils
avoient en horreur les mules & les mulets ,
& qu'ils n'en élevoient point chez eux.
Pauîànias traite cette invention de moder-
ne , par rapport aux jeux olympiques ; car
Sophocle dit que Laïus , dans le voyage
où il fut tué , montoit un char traîné par
deux mules , à Trînw ■rrahiXl' {G )
* APENNIN, adj. pris fublt. {Geog.
anc. & mod. ) chaîne de montagnes qui par-
tage l'Italie dans toute fa longueur , depuis
les Alpes jufqu'à l'extrémité la plus méridio-
nale du royaume de Naples. Prefque toutes
les rivières d'Italie y prennent leur (ource.
'^APENRADEo^APENRODE, {Geog,
mod.) petite ville de Danemark , dans la
préfefturc de même nom & le duché de
SlefN^rick , au fond d'un golfe de la mer
Baltique. Long, zy 3 i i lat. S5>4-
A P E
AFEPSIE, f. f. formé d'i prîvatif, & '
de TÎTrla , digérer , fignifie en médecine ,
crudité, indigcftion. Fqye;; DIGESTION.
Uapepjie peut fe définir un défaut d'ap-
pétit , qui cmpcche que l'aliment pris ne
fourniile un chyle propre à former le f;'ng
& nourrir le corps. ï^ojq NOURRITURE ,
EsToiJiAC, Chyle, Sang, Nutri-
tion , &L. (N)
APERANTES , ( Géogr. ) peuple de
l'ancienne Grèce , auquel certains auteurs
donnent une ville & d'autres une province
poLir patrie. On auroit eu vrailcmblable-
ment quelque choie de plus certain à cet
égard , 11 on n'eût rien perdu des livres de
l'hiflorien Polybe, qui a dit quelque chofe
des Aperantes. (C. A.)
APERCHER , V. ad. terme d'Oifeleur;
c'eft remarquer l'endroit où un oifeau le
retire pour y pafler la nuit : on dit j'ai
aperché un merle.
* APERITIFS ,adj. pi. m. {Médecine.)
On donne cette épirhete à tous les médi-
camens , qui confidérés relativement aux
parties folides du corps humain , rendent
le cours des liqueurs phjs libre dans les
vaiireaux qui les renferment , en détruifant
les obilacles qui s'y oppofeat. Cet eflet
peut être produit par tout ce qui entre-
tient la foupleflè & la flexibilité des fibres
dont les membranes vafculaires font com-
pofées. On doit mettre dans cette clafle les
émoUiens & les rclâchans , lur-tout ii l'on
anime leur aftion par l'addition de quel-
que llibftance laline , adive & pénétrante ,
& qu'on les emploie dans un degré de cha-
leur qui ne foit pas capable de dilFiper leurs
parties les plus volatiles. Ces médicamens
opèrent non feulement fur les vailTeaux,
mais encore fur les liqueurs auxquelles ils
donnent , en s'y mêlant , un degré de fluidité
qui les tait circuler. Les apéritijs convien-
nent dans tous les cas où l'obflrudion efl
ou la caufe ou l'effet de la maladie ; ainii
Icurufage eft très-falutaire dans la fièvre de
lait qui lurvient aux femmes nouvellement
accouchées dans le période inflammatoire
A P E 7
de la petite vérole , ou dans le temps de
l'éruption : & les évacuans peuvent être
compris fous le nom général ^''apéritifs ,
parce qu'ils produifcnt l'effet de ces der-
niers , par la façon dont on les adminiflre
& le lieu où on les applique. Dans ce
iens , les diurétiques , les ludorifiques ,
les diaphorétiqu.'S , les cmménagogues ,
les fuppuratils , les corrofifs , les caufti-
ques, &c. appartiendront à la même clafle.
On y rangera encore les réfolutits , qui ,
divilant les humeurs épailfcs , & les forçant
de rentrer dans leurs voies naturelles , font
à cet égard l'ofîîce d'apéritifs..
On compte cinq grandes racines ape'ri-
tifes. Ces cinq racines iont celles d'ache ,
de fenouil , de perfil , de petit houx, d'al--
perge ; elles entrent dans le firop qui en
porte le nom ; elles poulîent par les urines
& par les règles ; elles font d'un grand
ulage ; on en fait des conlerves ; des eaux
diilillées, & le firop..
Sirop des cinq racines Prenez des racines-
d'ache, de fenouil, de perfil, de houx,,
d'afperge , de chacune quatre, onces. Fai-
tes-les cuire dans quatorze livres d'eau
commune , réduites à huit livres. Pafléz la
décoécion , & y ajoutez fucre cinq livres..
Clarifiez & faites cuire le tout- en confif--
tance de firop. On tire de ces racines par
la diflillation une eau avec laquelle oni
pourroit faire le firop. (a) (N.)
* APETOUS.oH APETLiBES , ( Geog.
Si Hift.) peuples de l'Amérique méridio-
nale dans le Bréfil,. aux environs du gou— -
vernement de PuenoSeguro..
: * APEX, ( Hift. anc. ) bonnet à Tufage-
des Flamines & des Saliens. Pour qu'il tînt
bien fur leur tête, ils l'att^choient fous le
menton avec deux cordons. .
: Sulpitius, dit Valere MaxiiTie , fut deffi—
tué du fiicerdoce , parce que ïapex lui
tomba de la tête pendant qu'il lacrifioir, .
Selon Servius , X'apex étoit une verge cou-
verte de laine qu'on mettoit au iommet du
bonnet des Flamines. C'efl de-là que le
bonnet prit fon nom ; & les prêtres même,.
(fl) La décoftion dts racines participe à la plupart dts vfrtwt de cet plances donc les principes font fixei ou tout
aii moinj peu volatils. L'eau dillillée , au contraire , n'entraîne avec elle qu'un peu de partie aromatique peu
méJicamentcufe , fur-tout i titre d'apéritif. On fcro't donc bien troirfé en fubftituant cette eau à la décoiSisn
ebatgée d; l'extt».; dç cei lacioci, fi l'on prc'tcodoit y uouvei le» mêmes profiiciéj. { M. La fofle. )^
8
A P H
qu'on appella F/j/n/'/îfj- , comme qui diroit
Filamines , parce que la verge couverte
de laine étoit attachée au bonnet avec
un fil : il n'eft pas belbin d'avertir le ledeur
de la futilité de ces fortes d'étj-mologies.
APHACA, {Hifl. nar. hot.) genre de
plante à fleur papilionacée. Il s'élève du
fond du calice un piilil qui devient dans
la fuite une goufle remplie de fcmences arron-
dies. Ajoutez aux caraûercs de ce genre,
que fes feuilles naiïïent deux à deux à chaque
nœud des tiges , & que ces mêmes nœuds
produifent chacun une main. Tournefort ,
Jnfl. rei herb. Foyf;; PLANTE. (/.)
* APHACE , ( Géog. anc. ) lieu dans la
Palefline , entre Bibles & Perfepolis , où
Vénus avoit un temple , & étoit adorée
fous le nom de Vénus aphacite , par toutes
fortes de lafcivetés auxquelles les peuples
c'abandonnoient , en mémoire des carefl'es
que la déefle avoit prodiguées dans cet
endroit au bel Adonis.
* APHACITE, {Mythologie.) Çmnom
de Vénus. Voye\ ApHACE. Ceux qui ve-
noient conRilter Vénus aphacite jetoient
leurs offi-andes dans un lac proche Aphace ;
fi elles étoient agréables à la déefle , elles
alloient à fond ; elles furnageoicnt au con-
traire , fût-ce de l'or ou de l'argent , fi elles
étoient rejetées par la déefle. Zozime, qui
fait mention de cet oracle , dit qu'il fiit
confulté par les Palmyriens , lorfqu'ils fe
révoltèrent contre l'empereur Aurelien , &;
que leurs préiens allèrent à tond l'année
qui précéda leur ruine , mais qu'ils furna-
gerent l'année fuivante. Zozime auroit bien
fait de nous apprendre encore , pour l'hon-
neur de l'oracle , de quelle nature étoient
les préiens daas l'une & l'autre année;
mais peut-être éroient-ils néceflTairement
de plumes quand ils dévoient furnager , &
nécefl;ii ement de plomb quand ils dé-
voient defcendre au tond du lac , la déefle
inlpirant à ceux qui venoicnt la confulter ,
de lui taire des préiens tels qu'il convcnoit
fl la véracité de tes oracles.
*APHyEREMA, (Géog. anc. &f^cr.)
contrée & ville fituée tur les frontières de la
Judée & de la Samarle , dans la partie occi-
dentale de la tribu d'Ephraïm, & nom propre
d'une des trois Toparchies que les rois de
5yrie ajoutèrent il U Judée.
A P H
^ APHAR ou Al-fara , ( Géog. ) ville
d'Afie dans l'Arabie Heureufe , entre Mé-
dine & la Mecque. Elle ei\ fituée fur une
rivière qui porte le même nom. Cette ville
cft très-ancienne ; il en efl fait mention
dans les anciens auteurs Arabes. On ne la
connoît aujourd'hui , dans le pays , eue
fous le nom à'Al-Fara.
* APHARA , (Hifi. anc. ù fac. ) ville
de la tribu de Benjamin.
* APHARSEKIENS ou ARPHASA-
CHIENS , (Géogr. Ù Hift.fa-.r.) peuples de
Samarie , venus d'une contrée fituée entre
le Tigre & l'Euphrate : on dit qu'ils s'op-
poferent à la réédification du temple , après
la captivité de Babylone.
APHAS ,{Géog.) rivière de la Moloffide,
au midi de l'Epire. Les anciens lui donnoient
fa lource dans le Lacraon , l'un des fommets
du Pinde : c'efl vrail'emblablemcnt la même
que Pline nomme ApUas. {C. A.)
* APHEA , f f. ( Mythol. ) divinité ado-
rée par les Cretois &: par les Eginetes ; elle
avoit un temple en Crète. Aphea , avant
que d'être déefle , tiit uneCrétoife , appellée
Britomartis , que fa paillon pour la chafl"e
attacha à Diane. Pour éviter la pourfuite de
Minos qui en étoit éperdument amoureux ,
eHe fe jeta dans la mer , & fut reçue dans
des filets de pêcheurs. Diane récompenia
fa vertu par les honneurs de l'immortalité.
Britomartis apparut enfuite aux Eginetes
qui l'honorèrent fous le nom ai Aphea.
_ * APHEC, ( Géog. anc. Ùfac. ) Il y efl
tait mention de quatre lieux diiiérens en
Judée fous ce nom : l'un fut une ville de
la tribu d'Afer ; l'autre une tour près d'An-
tipatride ; le troifieme , une autre ville autG
de la tribu d'Aler , le quatrième , une ville
de la tribu de Juda.
APHELIE , f. m. C'efl , en Aftwnomle ,
le point de l'orbite de la terre ou d'une
planète , où la dillance de cette planète au
ibleil elt la plus grande qu'il cil pollible.
vcyei Orbite.
Aphélie efl compofé de ct-rl , longé , &
de tiA/of , fol ; ainfi , lorfqu'une planète efl
en. A } planche d'Aftwn. fig. i . comme la
diftance au foleil S , ell alors la plus grande
qu'il efl poflible , on dit qu'elle efl A ton
aphélie. Kojf:{ PLANETE , SOLEIL , &C.
Dans le fyfième de Ptolomée , ou dans
k
A P H
la fupporuion que le folcil le meut autour
de I.i ren'c , Tjphc'Iie devient Vapo^^e'e. L'a-
phélie cil le point diamétralement oppolé
au périhélie. Les aphélies des planètes pre-
mières ne lont point en repos ; car l'aétion
mutuelle qu'elles exercent les imes fur les
autres , fait que ces points de leurs orbes
loatilansun mou\emcnt continuel , lequel
cil plus ou moins ienlible. Ce mouvement
iè fait in confequentia , ou félon l'ordre
des lignes ; il cA , félon M. Ne W ton ,
en railoa feiquipliquée des dillances de
ces planètes au loleil , c'cil-à-dire , com-
me les racines quarrées des cubes de ces
dilbnces.
Si donc V aphélie de mars lait 35 m'unî-
tes , ielon l'ordre des lignes , relativement
aux étoiles hxes dans l'elpace de 100 ans;
les aphélies de la terre , de venus & de
mercure , teront dans le même fens & dans
le mime intervalle de temps 18 minutes
3*5 lecondes , n minutes 2.7 fécondes, &
4 minutes 29 fécondes.
Cependant le mouvement de Vaphélie
des planètes étant peu confidcrable, il n'eit
pas encore partaitcment bien connu 6lQs
alh'onomes. Par exemple , lèlon M. New-
ton , le Uiouvement de Vaphélie de mer-
cure efl plus grand qu'on ne l'avoir fiip-
polé jufqu'à lui. Ce mouvement , déduit
de la dieorie , crt de i<* 27' 20" en 100
ans , à railon de 52" & un deuxième par
année.
Les auteurs font encore bien moins
d'accord iur le mouvement de Vaphélie de
iaturne. M. Newton a fait d'abord celui
de mais de i^ 58' & un tiers en 100 ans ,
& il l'a enfuite établi de 33' 20". Voye\
Mars , Saturne , Vknus , &c. Inft.
Ajîron. de M. le Moiuiier.
Le doâeur Hallav- a donné une méthode
pour trouver géométriquement Vaphélie des
planètes. Tranfaâ. Philof. 72". i z8.
Kepler place Vaphélie de faturnc pcnir
l'année 1700 , aux 28^ 3' 44" du lagittaire ,
de-la-Hire, au ^^<^ 14' 41".
Celui do Jupiter , au 8<^' 10' 40" de la
balance: de-la-Hire, ^au lo^ 17' 14'.
Celui de mars , au o'' 51' 29" de la
vierge : dc-la-Hire , au o'* 3>' 25".
Celui de la terre , au S'i 2';' 30" du
tancer, & celui de venus, au 3'' 24' 27"
Tome III,
A P H i,
du vcrfeau : dc-la-Hire place celui-ci au
6'1 56' 10'.
Celui de mercure , au l'J'^ .44' 29" du
lagittaire; & de-la-Hire, au 13'^ 3' 40".
Le mouvement annuel de Vaphélie defa—
turne , eft , félon Kepler , de i' 10" ; celui
de Jupiter , de 47" ; celui de mars de i'
7 ' ; celui de venus , de i' 18" , & celui
de mercure , de i' 45".
Selon de-la-Hire , le mouvement annuel
de Vaphélie de Iaturne ell de x' 22" ; celui
de Jupiter de i' 34" : celui de mars de i*
7" : celui de venus de i' 26' , & celui de
mercure de 1' 39'^ Voye^ l'article APO-
GÉE , & l'article APSIDE. (O)
Aphélie. Ce qu'il y a de plus importanff
à expliquer au fujet de Vaphélie des planè-
tes , cfl la manière d'en déterminer la po-
lition & le mouvement , par des obierva-
tions agronomiques. La méthode la plus
liniple ell celle que Kepler tiroit de la nature
du mou\'ement elliptique , ( de fie lia martis,
page zoo.) Le point de Vaphélie A , fig.
J , efl celui où la planète a la plus petite
vîteflè , & le périhélie ell le point de la plus
grande viiCuc , le grand axe de Telliple ic-
pare deux portions de l'orbite qui lont éga-
les , iemblables , & parcourues en temps
égaux , & avec les mêmes degrés de vîteile ;
m.ais fi l'on tire , par le foyer de Pelliple ,
une autre ligne comme DSE qui ne pafîe
point en ^ & en P , elle partagera l'ellipfe
en deux parties DAE, DPE , qui ne leront
ni égales , ni parcourues en temps égaux.
La partie DAE , où le trouve Vaphélie ,
exigera plus de rcmps que l'autre , ou plus
de la moitié de la révolution : ainfi l'on peut
choifir deux obfervations d'une planète ,
où les longitudes oblervées , réduites au
ioleil , aient été diamétralement oppolées
eatr'ellcs ; & ii les temps de ces oblerva-
tions font auHi éloignés d'une demi-révolu-
tion de la planète , on laura par-là même
qu'elles ont été laites dans les apfidcs ; plus
l'intervalle approchera de la demi-révolu-
tion , plus les politions données approche-
ront d'être celles des apfides , ou de Vaphé'
lie & du périhélie. Cette méthode réullîc
très-bien pour trouver l'apogée du ioleil.
{Mém. de l'acad. ij ^j , pag. 241.)
Pour les planètes dont les oppofitionS
font rares, il ert difficile d'avoir deux loQ-«"
B
10 A P H
gitiides vues du folcil diamétralement op-
polees ; on eu obligé de fuppofer connues
l'excentriciré & la plus grande équation ,
& l'on trouve la fituation de {'aphélie par
une autre confidération. L'on prend deux
obfervations faites aux environs du point
-4 , & du point i^quieft vers les moyen-
nes diitances , on a le mouvement vrai ,
ou l'angle ASF ; mais par la durée con-
nue de la révolution , on fait toujours quel
ell le mouvement moyen pour un intervalle
de temps donné ; la différence du mou-
vement vrai au mouvement moyen doit être
d'accord avec l'équation de l'orbite calcu-
lée , en fuppolant qu'on connoifîe bien le
lieu A de {'aphélie ; mais 11 l'on iè trompe
iur le lieu de Vaphtlie , il y aura une erreur
dans l'équation calculée vers le point A,
où l'équation change rapidement ; il n'y en
aura prefque point vers la moyenne dif-
îance F , où l'équation ne varie pas fenfi-
blcment , étant à Ion maximum \ ainii le
mouvement total calculé de A en F , ne
pourra être conforme au mouvement ob-
lervé , que quand on aura employé dans
le calcul un lieu de Vaphélie A exaâement
connu ; alors on changera d'hypothele,
jufqu'à ce que l'on ait accordé le calcul
avec l'obfervation , & reconnu ainli la vraie
fituation de V aphélie.
La troifiemc méthode pour déterminer
Vaphélie , eft celle que j'ai emplo)ée pour
mercure & pour venus ; elle coniifte à
obferver la plus grande digreffion de la
planète vers fes moyennes diilances. Soit
S le foleil autour duquel tourne une pla-
nète inférieure dans une elliplè AFP , la
terre T voit la planète F par un rayon
viiuel qui touche l'orbite , & qui marque la
plus grande digreffion STF. Pour peu que
vous changiez la dircâion AP de la ligne
des apfides , le rayon 6'i^ changera de lltua-
fion & fortira du côté du point C , en forte
que l'angle d'élongation augmentera ; ainfi
Pélongation ohfervée nous apprend quelle
fituation il taut donner au point A de
l'aphélie , pour fatisfalre à cette oblèrvation.
{jWém. de l'Acad. îjGG, page 438.)
Enfin , il y a une quatrième méthode
pour déterminer Vaphélie êiunt planète;
file confiile à employer trois obfervations
po ly- déteriuiiier ùi.i fvii \\\pliili.e , r':xccn- '
Planctci.
Mercure.
Aj-kcUe.
Mou
V.
8snd33'
lin
40
Vémis.
10 8 13
4 10
0
Mars.
f I 28
I n
40
Jiip ter.
6 10 22
I 43
20
.Saturne.
8 29 J-?
2 23
20
La Teri e
6 S 38
I 49
10
A p ri
triclté & l'époque du moyen mouvement i
pourvu que ces obfervations foient réparties
vers les apiides & les moyennes dillances ;
j'en ai donné le calcul appliqué à un exem-
ple dans les mémoires de l'académie pour
z 7 S ^ i les principes font d'ailleurs les mê-
mes que ceux dont je viens de faire ufage :
il s'agit de convertir les anomalies vraies
en anomalies moyennes , dans différentes
hypothelès d'aphélies & d'excentricités ,
juiqu'à ce qu'on ait trouvé deux diffé-
rences d'anomalies moyennes , exadement
d'accord avec les intervalles des obferva-
tions. Vojei Orbite.
Voici le ré-
fultat des calculs
que j'ai faits fur
toutes les planè-
tes , en conffrui-
lant mes tables ,
pour avoir le lieu
de {'aphélie en
1750 , avec le changement pour cent
ans : il devroit n'être que i^ 2.3' Ç4" ,
comme celui de la préceffion des équi-
noxes , û les aphélies étoient auflî fixes
que les étoiles , & qu'ils n'euflent d'au-
tre changement de longitude que celui qui
vient de la rétrogradation du point équi—
noxial , d'où l'on compte ces longitudes ;
mais il ei} prouvé que tous les aphélies
ont un mouvement caufé par l'attradion
des autres planètes , ainlî que la lune ,
dont l'apogée a un mouvement rapide cau!d
par l'attrafliondu loleil : on peut voir le cal-
cul de ce mouvement de Vaphélie , produit
par les attrapions étrangères, dans le XXIÏ^.
livre de mon aflronomie , & dans l<is
ouvrages de MM. Euler , d'Alembert ,
Clairaut , ivir l'attraftion. (M. de la
Lande. )
APHERESE , f f. {Grammaire) figure
de diftion , x\piif-3i< , retranchement , d'jrîet."^
p^o) , aufero. L'aphereie cil une figure par
laquelle on retranche une lettre ou- une-.
Ijllabe du commencement d'un mot „
comme en grec ô pTtî , pour «-"OTr , qui efl
le mot oi-dinairc pour fignifier fête. C'elL
ainh que Virgile a dit :
Difcite jiijlitiam moniti , & non temnersr
diios. JEné'id. 6. v. 610^
où il a dit urimere pour co/ica.iJieri^
AP H
Cette figure efl fou vent en nfnge dnns
îcs crymologics. C'cll ainfi ,_ dit Nicot ,
que de gibbofiis nous avons hiit bo£u , en
retranchant gib , qui cH la première fyl-
labe du mot latin.
Au refîe , li le retranchement fe fait au
milieu du mot , c\-i\ une fjncope ; s'illc
fait à la fin, on l'appelle apocope. (F)
* APHESIENS , ( Mjthol. ) furnom
qu'on donnoit quelquefois à Cailor & à
Pollux , qui prcîidoicnt aux barrières d'où
l'on partoit dans les courfes publiques.
* APHETES, (Geogr. anc. & mod.) ville
de Magnefie , dans la Thelîiilic , (iir le golte
de Pagafa , d'où partit le vaifTeau des Ar-
gonautes : c'ell aujourd'hui // golfo dl
Volo.
APHGASI, {Géogr.) famille de Tar-
tares qui habite fur la rive occidentale du
Volga , au fud-ouefl du royaume d'Aflra-
can , entre la mer Cafpienne & la rivière
de Cupa , qui le jette dans les Palus Méoti-
des : elle fait partie des petits Nogais qui
avoifinenc le plus les Tartares Circallès.
{C.A.)
* APHIOM-KARAHISSART, {Gœg.
mod. ) ville de la Natolie , dans la Turquie
Afiatique. Lonc;. /).8 , 30 ; lut. ^8 , z<.
_ * APHONIE , f. f. ( Médecine. ) priva-
tion de la voix. Ce mot eu compofé de à
privatif & de ^oiv« , l'oix. JJ aphonie efl une
incapacité de produire des fons , qui efl
toujours accompagnée de la privation de
la çarole , accident alTez commun dans les
fliffocations hyflériques ; ou , dans un fens
moins étendu , c'efl une incapacité de pro-
duire des fons articulés , qui naît de quelque
défaut dans la langue , & dans les autres
organes de la parole.
Mais le mouvement d'une partie quel-
conque n'efl diminué ou anéanti que par
la diminution ou la cefîation du fluide
nerveux dans les nerfs de cette partie ; d'où
il s'enfuit que V aphonie n'a point d'autre
caufe que la diminution ou la cclîation de
ce fluide , dans les nerfs qui ièrvent aux
mouvemens de la langue.
La dilîeélion des cadavres confirme ce
fentiment. Un mélancolique , dont la tril-
teffe avoit dégénéré en folie , tut frappé
d'une aphonie qui dura jufqu'à fa mort ;
quand on le diflequa , on lui trouva le
APH XX
cerveau fec , & les nerfs qui vont A la lan-
gue plus petits qu'à l'ordinaire.
La paralylie de la langue qui précède ou
qui fuit l'apoplexie ou l'hémiplégie , e(f
toujours accompagnée diaphonie. Les vieil-
lards & les pcrfonnes d'un tempérament
afFoibli font fujets à cet accident. S'il paroîc
feul , il annonce l'apoplexie ou l'hémiplé-
gie. S'il iiiccede ;\ ces maladies , & qu'il
foit accompagné de manque de mémoire
& d'embarras dans les fondions de l'efprît ,
il annonce le retour de ces maladies. La
langue efl entièrement afFeâée dans l'apo-
plexie ; elle ne l'eil qu'à moitié dans l'hé-
miplégie.
L'aphonie pourra fè terminer heureufè-
ment , 11 elle a pour caufe la flagnatioa
de quelques humeurs (éreufès qui compri-
ment les nerfs de la cinquième paire qui
vont à la langue. Elle peut être occa-
fionée par les fuites de la petite vérole ,
l'interception des fueurs , des catarrhes
mal traités , des boutons ou des pullules
féreufes rentrées , des efforts violens , des
chûtes, des coups ; le trop de fang porte
à la langue & à la gorge , la fuppref-
fion des règles , les maladies hiftériques »
des vers logés dans l'eftomac ou les intef^
tins , l'ulage immodéré des liqueurs fpiri-
tueufes , les indigeflions fréquentes , la
frayeur , le refroidiflement , l'influence
des laifons pluvieufes & des lieux maréca-
geux , &c.
Quant aux pronoflics de V aphonie , ils
varient félon la caufe. U aphonie qui a pour
caufe la préfence des vers , efl facile à gué-
rir ; il en efl: de même de celle qui accom-
pagne les afïèâions hyflériques : mais Y apho-
nie qui naît de la paralyfie de la langue ,
réfifle à tous les efforts du médecin , ou ne
cède que pour un temps.
Il fuit de ce que nous avons dit plus
haut , que pour guérir l'aphonie , il faut
s'occuper à lever les obflacles , ou difliper
les férofités qui compriment les nerfs & le
cerveau , dans l'efpcce d'aphonie qui naît
d'une paralyfie fur la langue. Pour cet effet ,
il faut recourir aux faignées , aux clyflerex
émolliens , aux diurétiques , aux Iternuta-
toires , aux balfamiques propres dans l'af-
fedion des nerfs ; en un mot , à tous le»
remèdes capables de reltituer aux paitic»
B 2
Il A P H
dfFeaées leurs fondions. Pour cet effet ,
Poyei PaKAI.YSIE , HÉMIPLÉGIE.
* APHORISMES , en Droite en Méde-
cine y font de courtes maximes , dont la
vérité efl fondée fur l'expérience & lur la
réflexion , & qui , en peu de mots , com-
prennent beaucoup de iens.
*APH0SIAT1N, {Géog. mod.) port
fie Romelie , dans la Turquie en Europe ,
fur la côte de la mer noire , proche de
Conilantinople , vers le nord.
* APHRACTES , f. m. pi. navires des
anciens à un feul rang de rames : on les
appelloit aphracles , parce qu'ils n'étoient
point couverts , & n'avoient point de pont ;
on les diftinguoit ainfi des cataphracles qui
en avoient. Les aphracles avoicnt feule-
ment , vers la proue & vers la poupe , de
petits planchers , fur lelquels on le tenoit
pour combattre ; mais cette conllrudio.i
n'étoit pas générale. Il y avoir , à ce qu'il
paroît , des aphracfes qui étoient couverts &
avoient un pont , avec une de ces avances
à leur proue , qti'on appelloit roflra. Tite-
J.ive dit d'Odave , qu'étant parti de Sicile
•avec deux cents vnilfeaux de charge &
trente vaifleaux longs , fa navigation ne fut
pas conflamment heureufe ; que quand il
lut arrivé prefqu'à la vue de l'Afrique ,
poufié toujours par un bon vent , d'abord
il tut furpris d'une bonace ; & que le vent
ayant enfuire changé , la navigation fut
trou'olée , & fes navires difperlés d'un &
d'autre côté ; & qu'avec fes navires armés
d'éperons, il eut bien de la peine , à force
de rames , à le défendre contre les flots &
■ lii tempête. Il appelle ici vaijfeaux armés
d'éperons, les mêmes vaiffeaux qu'il avoir
auparavant appelles laiJTeaux longs. Il dit
d'ailleurs , qu'il y avoir des vaiflbaux ou-
verts , c'eft-à-dire fins ponts, & qui avoient
"des éperons; d'où il s'cnfiiit , que la ditlé-
rcnce des aphracles & des cataphrades con-
fij'loit feulement en ce que ces derniers
avoient un pont, & que les premiers n'en
a\ oient point ; car , pour le roflrum & le
couvert , il paroît que les aphracles les
•avoient quciquctois , ainfi que les cata-
phrades.'
* APHRODISÉE , aujourd'hui APISÎ-
J)iA , ( Géog. anc. & mod. ) ville de Carie ,
A P H
maintenant fous l'empire du Turc , &
prefque ruinée.
* Aphrodisée , ou Cap de Creuz ,
( Géog. anc. & mod. ) cap de la mer Médi-
terranée , près de Rofe en Catalogne : quel-
ques-uns le confondent avec le port de
^'^endres , ou le portas V^eneris des anciens.
Voyei Cadaguer.
APHRODISIAQUES, [Mat. méd.)
c'efl le nom qu'on donne à de certaines
fubflances , qui ont ou qu'on croit avoir la
propriété d'exciter la fecrétlon de la fcmen-
ce ; on les confond avec celles que les an-
ciens appelloient fpermawpoietica , dont
elles diflerent pourtant , dans le fait , en ce
que celles-ci font préfumées rendre la fe-
mence abondante lans la provoquer.
Les vues théoriques qui ne déduifent l'ap-
pétit vénérien , que de la quantité de la lè-
mence , font juiles à quelques égards ; mais
la plus légère attention fait prellèntir , que
tant d'autres circonftances phyfiques & mo-
rales concourent dans cette adion , qu'il eft
impoilible d'ailigner leur degré d' adion , &
les limites qui les léparent.
Prefque tous les auteurs de matière
médicale attribuent la vertu aphrodijiaqne
à une foule de fubflances incapables de
produire le moindre eftét ; & c'tft pref-
que toujours en fe copiant fans examen »
ou par des préjugés plus ou moins ridi-
cules , qu'on fe décide ; tels font , par exem-
ple , les tefliculcs de coq , les reins de fcinc
marin , le fatyrion , ^'c que l'abfurde cré-
dulité des fignatures établit autrefois comme
utiles.
Les principaux aphrodifiaqucs , ou crus
tels , font phifieurs médicamens & alimens
échauiians par leur aromate , oyi leur
ia\eur plus ou moins vive ; telles iont les
épiceries ordinaires , comme la vanille , la
canclle , le girofle , &c. le jonc odorant ,
la lemence de roquette , les confitures trcs-
parfumées , les artichaux , le céleri , les-
truftcs.
On leur ajoute encore les huîtres &
les écrevilfes ; mais il ne paroît pas que
l'expérience ait encore démontré cette
propriété dans ces deux derniers ali-
mens , à moins qu'on ne les mange tres-
poivrés.
L'iunbïe , le imifc & la civette paroil-
A P H
fèntau ikffiis des précédens aphrocVifiaques ,
& leur emploi ious forme de liniment ou
d'emplâtre appliqué à l'extérieur , peut pro-
duire des eilcts fenfibles. Une féconde
claflc à'dphrodifiaques , qui paroiflent les
Ijiermatopécs des anciens , fe tire des mets
ou alimcns fucculens , ou qui abondent en
fubflance nourricière , tels que les fari-
neux , comme le riz , les fucTcries , les
piliaches , le chocolat , les œufs , les crè-
mes , les glaces , la gelée de corne de cerf
fucrée , les fimples gelées de viande , les
ragoûts au jus & coulis , les bains chauds ,
le lit , &c. que ne pourroit-on pas en
efFet embrallér fous ce même point de vue ,
pour peu qu'on mêlât les caufes ou les
confidérations morales aux fubflances dont
je parle , & qu'on leur ajoutât le puiflant
mobile d'une imagination ardente & pai-
lionnée?
Les cantharides font la dernière refTource
qu'on propolè dans l'extrême frigidité :
elles font infiniment au deflus de tous les
autres moyens dont j'ai parlé , par leur
aâion fpéciale fur les voies urinaires ; mais ,
quoiqu'il foit peut-être utile de n'en pas
bannir abfolument l'uiage dans les cas ex-
trêmes , on ne doit jamais oublier que
l'inflammation luit iouvent de près l'irri-
tation qu'elles produifcnt fur ces orga-
nes fenfibles , & que d'ailleurs , félon l'ob-
fervation de Baglivi , elles agiflènt iur le
cerveau &: le lyfîême nerveux. Voyer, Gen-
SING , &c. {M. La Fosse , docteur en
médecine de la faculté de médecine de Mont-
pellier}}
*APHRODISIENNES , fêtes inflituées
en l'honneur de Vénus Aphrodite. Voye\
Aphrodite. Elles fe célébroientdans l'île
de Chypre & ailleurs. Pour y être invité ,
on donnoit une pièce d'argent à Vénus ,
comme à une fille de mauvaife vie , & on
en recevoit àw ièl & une phalle.
*APHRODITE , f f. {Myth) furnom de
Vénus , comjiofé de «Ztôî , écume ; parce
que , félon les Poètes , Vénus naquit de l'é-
cume de la mer.
APHRODITES , {Géo^r) nom de deux
villes d'Afrique , fur leiquelles les géo-
graphes ne font pas d'accord. On croit
en général que l'une étoit fituéç dans la
iTsiTe Egypte vers l'Arabie ; ôc l'autre dans
A P H 73
la haute vers l'Ethiopie. Il me fenlble , d'a-
près les recherches que j'ai faites à cet
égard , qu'il n'y a jamais eu qu'une ville
de ce nom , & que c'cll VAphrodiJin/n.
yffricLV des anciens , aujourd'liui Afrique ,
ville de Barbarie au ro)aume de Tunis en
Afrique. {C. A)
APHPxOGÉDA , cft du lait battu tout-
à-fau en écume : c'étoit une médecine de
l'ordonnance de Galien. Je crois que c'efl
plutôt aphrogala , mot grec compofé de
-<£pô- , écume , & y«Ka y lait , écume de lait ,
préparation inconnue. Peut-être efl-ce la'
crème , peut-être eft-ce Vox^'^ala des Ro-
mains , qu'ils regardoient comme un re-
mède excellent contre les chaleurs exceflî-
ves d'crtomac , & un très-bon aliment. Ils
}' mêloient de la neige , à ce que dit Ga-
lien. Je crois que nous pourrions donner
ce nom à nos crèmes ou fromages glacés ,
que les anciens ne favoient peut-être pas
faire aufli parfaitement que nous les faifons
à préfent. Ils cherchoient avec le fecours
de la neige , à donner un degré de fraîcheur
plus icnfuel à leurs laitages ou à leurs boif-
fons. (A^)
*APHRON , (Hifl. mit. bot.) efpece de
pavot fauvage dont Pline fait mention , lib.
XX. c. .TM".
aphtartodocetes,«î>t*<.t:j^ 7/:r<./,
Les Aphtartodocetes font des hérétiques en-
nemis jurés du concile de Chalcedoine.
Ce nom efl compofé des mots grecs
c"5 pT3. , incorruptible, & de S'ox^o , je crois,
j'imagine. On le leur donna , parce qu'ils
imaginoient que le corps de Jéfus-Chrifl
étoit incorruptible , impafllble & immortel.
Cette fcfte ert une branche de celle des
Eutychiens : elle parut en 535- Voyey^ Eu-
TYCHÎEN. (G)
APHTES , f: m. pi. {Médecine. ) petits
ulcères ronds & fiaperficiels , qui occupent
l'intérieur de la bouche. Le fiege principal
dé cet accident eft l'extrémité des. vaiffeaux
e-:crétoires des glandes fallvairçs , & dé
toutes les glandes quJ fournifîent une hu-
meur femblable à la falive;'ce quîfait que
non-feulement les lèvres , les gencives , le
palais , la langue , le gofier » la iuerre, mais
mêmeTejlomac , les inteflins grêles, &
quetqîi'cfdîs les gros, fc trouvent attai^ués de
cette maladie. v ■
î4 APH
La caufe de ces accidens eft un lîic vîf^
■.queux & acre , qui s'attache aux parois de
toutes les parties ci-deflûs , & y occafione
par fon féjour ces efpeces d'ulcères.
Ce ilic vifqueux & acre , tire ordinaire-
ment Ion origine des nourritures lalines ,
& de tout ce qui peut produire dans les hu-
meurs une acrimonie alkaline ; ce qui tait
que les gens qui habitent les pays chauds &
les endroits marécageux , font très - fujets
aux aphtes.
On juge de la malignité des aphtes par
leur couleur & leur protondeur. Ceux qui
font fuperficiels , tranfparens , blancs , min-
ces , iéparés les uns des autres , mous , &
qui fe détachent facilement fans être rempla-
cés par de nouveaux , font de l'efpece la
•moins dangereufe. Ceux au contraire qui
font blancs & opaques , jaunes , bruns ou
noirs , qui fe tiennent enfemble & ont peine
à fe détacher , & auxquels il en liiccede
d'autres , font d'une efpece maligne.
Les enfans & les vieillards iont fujets aux
aphtes , parce que dans les uns & les autres
3es forces vitales font languiflantes , & les
humeurs fujettes à devenir vilqueufes.
Les aphtes qui attaquent les adultes ,
font ordinairement précédés de fièvre con-
tinue , accompagnés de diarrhée &: de dyf-
fenterie , de naufées , de perte de l'ap-
pétit , de foiblelfe , de flupeur & d'afîbu-
piflemenr.
Etmullcr prétend que les aphtes des
adultes ibnt fouvent la fuite des fièvres
violentes.
Les remèdes appropriés pour la cure
de cette maladie , doivent être humec-
tans , & capables d'amollir & d'échauffer
légèrement , afin d'entretenir les forces du
malade , & lui occafioner une moiteur
continuelle.
Les gargarifmes déterfifs & un peu ani-
més d'eiprit-de-vin camphré, iont d'un
grand (ecours dans ce cas.
Lorique l'on eft venu à bout de faire tom-
ber les aphtes y on rend ces gargarifmes
jun peu plus émoUicns & adouciflans.
Enfin l'on termine le traitement par un
purgatif fortifiant , dans lequel Boerhaave
recommande la rl-tubarbe par prétérence à
ïout autre purgatif. (iV^
APH
APHYE, f. L{HiJl nat. Zoolog) aphya;
apua , petits poilî'ons de mer que les anciens
ont ainll nommés , parce qu'on croyoit
qu'ils n'étoient pas engendrés comme les au-
tres poiflons , mais qu'ils étoient produits
par une terre limoneulè. Rondelet diflingue
plufieurs fortes A'aphjes.
Uaphya vraie , «îfôi , ainfi nommée
parce qu'on a prétendu qu'elle naiiîbit de
l'écume de la mer , ou parce qu'elle eff blan-
che : on la nomme nonnata. fur la côte de
Gênes. Ces poilfons n'ont pas la longueur
du petit doigt ; la plupart font blancs , il y
en a de rougeâtres ; ils ont les yeux noirs ;
ils fe trouvent dans l'écume de la mer , (e
rafllmblent en très-grande quantité, & s'en-
trelacent fi bien les uns avec les autres ,
qu'il efl difficile de les leparer.
ISaphye de goujon , cobites , auffi appellée
loche de mer. Koje:^ LoCHE DE MER.
L'anchois a été mis aulE au nombre des
aphyes. Voye^ AncHOIS.
\Japhye phalérique , aufïï appellée na^^eZ/c
ou mêle t te. V^oye\ N A D E L L E .
Uaphye des muges , des mendales , des
furmulets , font de petits poiffons femblables
à ceux dont ils portent le nom. On a cru
qu'ils naifibient du limon de la terre , dans
les étangs defléchés , qui étoient recouverts
de nouveau par les eaux des pluies. Ronde-
let. Voyei Poisson. (/)
APHYLANTHES , [Hlfl. nat. botan)
genre de plante à fleur liliacée , compoiée
de fix pétales qui fortent d'un calice écail-
leux & fait en tuyau : il fort de ce même
calice un piltil qui devient dans la fuite un
fruit en forme de pomme de pin , qui a trois
angles , qui s'ouvre en trois parties , & qui
efl divifé en trois loges & rempli de iemen-
ces arrondies. Tournetort , Inft. rei herb.
Voyei Plante. ( /)
*APHYTACOR, {Hif}. nat. bot.) arbre
dont Pline fiiit mention , lib. XXXI. cap.
ij. & qu'il dit produire de l'ambre.
*APHYTEouAPHYTIS, {Geog. anc.)
ville de Thrace , dans le voifinage de Pal-
lene , où Apollon avoit un temple célèbre
par fes oracles , & où Jupiter- Ammon étoix
particulièrement révéré.
'^API, f. m. petite pomme d'un rouge
vif d'un )CÔté , & blanche de l'autre ,
AP ï
dont îa peau cfi extrêmement fine, la
chair tendre , & l'eau douce & fucrée ;
qui n'a point d'odeur , & n'en prend point ,
foit qu'on la ferre , foit qu'on la pochette ;
qui dure long -temps , & qui naît fui-
un arbre qui s'en charge beaucoup , & qui
la produit par bouquets ; on en garnit le
bord des plateaux. Le pomiTiier d'j/i/ efl
moins vigoureux que les autres ; il lui faut
une terre grafll- (ans être humide. Il ne
craint point les grands vents ; il donne jul-
qu'au mois d'Avril. On dit qu'il hit trou-
vé dans la forêt d'Apie , d'où il a pafle
dans nos jardins fous le nom à^api.
API-API, i". m. {Hifl. iiac. Botaniq.)
nom Macalfare d'une plante paraiite de
la fiimiUc des orchis , qui croit fur le
manglier & fur le champacca , d'où elle
tire fon nom angrec-tiam pacca , que lui
donnent les Malays , habitans des îles
Amboines. Rumphe en adonné une bonne
figure , mais à laquelle il manque quelques
détails , fous le nom Angrcecum feptimum
feu flavam , dans Çon Herbarium Aniboi-
nicum ■, vol. VI y pag. 103 , pi. XL V.
C'eft une herbe vivace , haute- de cinq
à fix pies , à racine traçante , garnie de
fibres , d'où s'élèvent deux à trois tiges
longues de deux à trois pies , comme
Tirticulées , enliées & fîriées longitudinale-
ment , d'un pouce de diamètre , garnies
d'un bout à l'autre de dix à douze teuilles
îilternes difpofées circulairement ; ces feuil-
les font elliptiques , obtufes , longues de
cinq à fix pouces , une tois moins larges ,
marquées de trois nervures longitudinales
peu fenfibles , dont l'intermédiaire forme
un fillon en canal , feiîîles lans aucun
pédicule , mais formant autour de la tige
une gaîne entière, un peu plus longue que
chacune de fes articulations dont elles
lirent leur origine.
Du fommet de chaque tige , ou de l'aif^
îelle des feuilles lupérieures , fort un épi
iimple , cylindrique , long de deux à trois
pies ,. un peu renflé à fon origine , de la
grofleur d'un tuyau de plume d'oie vers
jon extrémité , ligneux , ftrié de plufieurs
lignes brunes , & garni dans la moitié iupé-
neure de fept à huit fleurs , portées cha-
cune fur un péduncule une fois plus court
qu'elles j à l'orisiac duquel on \-oit une
APT , -Tj
petite écaille triangulaire , trois foi? plus
courte & caduque. Chaque fleur a un bon
pouce de longueur , & près de deux de
largeur lorqu'elle ell épanouie : elle a , en
quelque forte , l'apparence d'un bourdon
jaune , étant compoféc de fix feuilles inéga-
les , dont trois extérieures un peu plus
grandes & trois intérieures ; l'une de celles-
ci , ou la llxieme , forme une eljpcce dç
cafque (trié de quelques lignes purpurines.
L'ovaire eil au-dellous de ce calice , &c fait
coi'ps avec lui ; il ne paroît pas d'abord
différent du péduncule qui le foutient ;
mais dès que la fleur eil pafîée , il groillc
de jour en jour & devient une capiulc
ovoïde , longue de plus d'un pouce , deux
fois moins large , relevée de fix cotes , &
partagée intérieurement en trois loges , rem-
plies d'une fubllance comme fpongieufe , &
lemblable à une moelle remplie de graines
plates & ailées , c'efl-à-dire , bordéc:> d'uno-
mcmbranc.
Qualités. Uapi-api fleurit pendant les
mois pluvieux à Amboine ; fes fleurs du-
rent long-temps & rougilfent en vitillil-
fant : elles n'ont aucune odeur. Ses teuil-
les ont une faveur acidulé , légèrement
faline- , qui agace les dents : elles doivent
fins doute leur goût falin aux vapeurs de
la mer , car cette plante naît particuliè-
rement fur les mangliers & autres arbres
qui , comme lui , croiffcnt fur les bords
de la mer-
Ufiiges. On n'en fait aucun ufage.
Remarque. \J api- api paroît être une.'
efpece iVepi-pacIis ou d'helléborine. (M.
Adanson.)
APIA, {Géogr. anc.) nom que portoit
le Péloponefe avant qu'Argos , Pelafgus &
Pelops lui euifent donné chacun le leur.
(C. A.)
APICE , ( Géogr. ) nom propre d'une
petite ville d'Itahe , au royaume de Naples ,
dans la principauté ultérieure , flir la ri-
vière de Calore , à fept mille pas à l'efl de
Bénévent : on croit que c'efl la même que
Monte Cahv. Long. 45 y i £ î lat. 4 z j;
a 4. (C. A.)
'"^ APIDISIA, ï'oye:^ APHRODISÉE.
*APINE, {Géogr. anc.) ville de la'
Pouille , qui fut ruinée par Diomede : Trica
eu: le même' fort , & toutes deux dornct--
ig A P î
rent lien nu proverbe , Apinœ & Tricce j
chofes Je p<-ii de râleur.
* APINEL , {HijL nat. bot.) racine
qu'on trouve dans quelques îles de l'Ainé-
rique ; les fauvages la nomn-\tnt y abacani ,
& les François Apinei, du nom d'un ca-
pitaine de cavalerie qui l'apporta le pre-
mier en Europe. Si on en prélente au bout
<i'un bâton à un lerpent , & qu'il la morde ,
«lie le tue ; fi on en mâche , & qu'on s'en
frotte les pies & les mains , le ferpcnt fui-
ra , ou pourra être pris lans péril : jamais
ierpent n'approchera d'une chambre où il
y a un morceau d'Apinel. Cette même ra-
cine , fi utile à la coniervation des hommes ,
feroit , à ce qu'on dit , très-utile encore à
leur propagation , fi la propagation avoic be-
loin de ces lecours forcés qiie Ton n'emploie
guère lliivant les vues de la nature. HijL de
i'acdd. royale des Sciences , ann. iji/j..
* APIOLE, (Gfbjr. anc.) ville d'Italie ,
dont Tarquin I ie rendit maître, (S: donc
ies ruines lervirent .i jeter Jes premiers ton-
demens du capitole.
* API05, {Hift. mu. bot.) edune
efpecc de tithymale , qui poulie pluiieurs
bafTe
les
petites tiges oaiies , menues , ronc'.es , rou-
geâtres , s'éicndant louvent iur la terre. Sts
•feuilles font petites , courtes , redèmblan-
tes à celles de la rue^iauvage , mais plus
petites : ies Heurs naiflent à ies fommités ;
elles l'ont petites , en gtîdet , découpées en
plufieurs parties , & de couleur jaune-
pâle. Quand cette fleur cil paflée , il ie
torme en ia place un petit Iruit relevé
de trois coins , lequel le diviie en trois
loges , qui renterment chacune une iemence
oblonguè ;ia racine ell tubercule , & a la
figure d'une poire , plus menue en-bas
qu'en-Haut , noire en-dehors j blanche en-
dedans , & contenant beaucoup de lait.
On a remarqué que , quand cette racine
ell grofle & bien nourrie , la plante qu'elle
jioufle eil petite ; & que , quand la racine
eil moins grofle , la plante eil plus grande.
Elle contient beaucoup de ici elTentiel &
ti'huile , niêlées dans une grande quantité
de phlegme & de terre.
La racine de Vapios purge avec violence ,
par le vomiflément & par les ielles, Le-
mei'> , Dir}. des Droc:
APIQUEFx , APPIQUEPx , y. n. &
API
quelquefois aâ. Le cable apiqiie , c^cû-k"
dire que le vaifTeau approche de l'ancre qui
eit mouillée , & que le cable étant halé
dans le navire , il commence à être per-
pendiculaire ou à pic. Voyei HuTTER.
Apiquer la vergue de ch'adiere. ( Z )
* KVIS ,{'.m.{Myth.) divinité célèbre
des Egyptiens. C'étoit un bœuf qui avoit
certaines marques extérieures. C'étoit dans
cet animal que l'ame du grand Ofiris s'é-
toit retirée : il lui avoit donné la préfé-
rence llir les autres animaux , parce que
le bauf cil le lymbole de l'agriculture ,
dont ce prince avoit eu la perfection tant
à cceur. Le bœut Apis devoit avoir une
marque blanche & quarrée iiir le front ,
la ligure d'un aigle iur le dos , un nœud
ious la langue en forme d'ei'carbot , les
poils de la queue doubles , & un croisant
blanc iur le flanc droit ; il falloir que la
gcniiie qui l'avoit porte , l'ei^t conçu d'un
coup de tonnerre. Comme il ei^it été aii'ez
difficile que la nature eijt rallemblé fur un
même animal tous ces caraderes , il efl h
prélumer que les Prêtres pourvoyoient à
ce que l'Egypte ne manquât pas d^Apis ,
en imprimant iécrettement à quelques jeu-
nes veaux les marques requiiés ; & s'il leur
arrivoit de différer beaucoup de montrer
aux peuples le dieu Apis , c'étoit apparem-
ment pour leur oter tout loupçon de lu-
percherie. Mais cette précaution n'étoit
pas fort néceflaire ; les peuples ne font-ils
pas dans ces occafions tous leurs efforts
pour ne rien voir ? Quand on avoit trouvé
VApis , avant que de le conduire à Mem-
phis , on le nourrilîîjit pendant quarante
jours dans la ville du Nil. Des femmes
avoient iéules l'honneur de le vifiter & de
le ieryir : elles ie préientoient au divin
taureau dans un déshabillé dont les prê-
tres auroient mieux connu les avantages
que le dieu. Après la quarantaine , on lui
faii'oit une niche dorée dans une barque •
on l'y plaçoit , & il dei'cendoit du Nil jul-
qu'à Alemphis : là , les prêtres l'alloient
recevoir en pompe , ils étoient iuivis d'un
pcLii'le nombreux : les entans affez heureux
juiur ientir ion halçine , en rccevoient le
don des prédictions. On le conduiioit dans
le temple d'Oiiris , où il y avoit deux
iii.i'^nifiques étables : l'Unc étoit l'ouvrage
API
de Pfnmmetîais ; elle croit roiitcniie cîe fln-
tucs cciliinales de douze coluIccs dcli.iureur,
il y demcuniir prclquc toujours renfermé ;
il ne lé montroiv guère que lur un prénu , où
les étrangers avoicnt la liberté de le voir. Si
vn le promenoit dans la ville , il étoir envi-
ronné d'officiers qui écartoient la hxile ,
& de jeunes enhins qui cliantoieiu les
louanges.
Selon les livres iacrés des Égyptiens, le
â'ieu Apis n'avoir qu'un certain temps déter-
miné à vivre; qiiand la fin de ce temps
approclioit, les prêtres le conduiloientfur les
bords du Nil , & le noyoient avec beau-
coup de vénération & de cérémonies. On
l'embaumoit enlliite ; on lui failoit des
oblèques fi dili^endieuies , que ceux qui
étoicnt commis à la garde du bccuf em-
baumé , s'y ruinoient ordinairement. Sous
Ptolomée Lagus on emprunta cinquante^
-talens pour célébrer les hmérailles du bœut
yipis. Quand le bccut Apis étoit mort &
embaumé , le petiple le pleuroit , comme
s'il eût perdu Oliris , & le deuil continuoit
jufqu'à ce qu'il plût aux prêtres de mon-
trer fon fuccefleur ; alors on Ib réjouii-
foit , comme 11 le prince fût reflufcité , &:
Ja fcte duroit iept jours.
Cambilé , roi de Perie , à fon retour
d'Ethiopie , trouvant le peuple Egyptien
occupé à céiiibrer l'appitrition d'Apis , &
croyant qu'on le réjouifioit du mauvais
fuccès de ion exjiédition , fit amener le
prétendu dieu , qu'il frappa d'im coup
d'épée dont il mourut : les prêtres turent
fufiigés , & les loldats eurent ordre de
malfacrer tous ceux qui célébreroient la
fête.
Les Egyptiens confultoient Apis comme
un oracle ; s'il prenoit ce qu'on lui pré-
fentoit à manger , c'étoit un bon augure ;
fon refus au contraire étoit un fâcheux
prélage. Pline, cet auteur fi plein de la-
gefîe & d'efprit ,, obferve quApis ne
voulut pas manger ce que Germanicus
lui offrit , & que ce prince mourut bien-
tôt après ; comme s'il eût imaginé quel-
que rapport réel entre ces deux événe-
mens. Il en étoit de même des deux loges
qu'on lui avolt bâties ; fon réjour dan>
l"'une annonçoit le bonheur à l'Egypte ; &
ion féjour dans l'autre lui étoit un fignc
Tome JIJ,
A P L 17
de malheur. Ceux qui le venoient conful-
ter approchoicnt la bouche de Ion oreille ,
& luettoicnt les mains lur les leurs , qu'ils
tenoienr bouchées juiqu'à ce qu'ils fuflcnt
fortis de l'enceinrc du temple. Arrivés lA ,
ils prenoient pour la réponie du dicu la
première choie qu'ils cntendoient.
APLAfGNER , eff , dans les manufac-
tures de draperies , lynonj'nie à lainer ou
parer. Voyer^ LainÉR.
APLAÎGNEUR , i". m. ouvrier occu-
pé , dans les mânufaffuies de draps ou au-
tres étaffes en laine , à en tirer le poil au
i'ortir des mains du tilîerand. Voye\
Laineur.
APLANIR. FbjY^RÉGALFR.
APLESTER, ou APLESTRER , c'ef!
déplier & étendre les voiles , les appareiller ,
les mettre en état de recevoir le vent
lorsqu'on eff prêt de partir. { Z)
APLIQUE , f. f. che\ les Metteurs-ew
œui're , c'efl une plaque d'or ou d'argent
en plein , dans laquelle on a fait plufieurs
trous , autour de chacun defquels on foude
une lértiiîure qui fè rabat ilir les pier-
res , pour les retenir dans ces trous. Voye\
Sertissure.
A~PLOMB , forte de terme qui fert à
déiigner la fituation verticale &: perpendi-
culaire à l'horizon. Voyei;^ HORIZON &
Vertical. Un fil à-plomb qu'on laifTc
pendre librement , fe met toujours dans
une fituation verticale. C'cR de-là qu'eft
venue cette dériomination. { O)
A-PI.OMB, fe dit dans l'Ecriture d'un
caraftere mâle , dont les pleins font bien
remplis , ayant été formés par une plume
qui les a frappés également fur la ligne
perpendiculaire , & leur a d-onné toute la
plénitude & tout le produit que compor-
toit la fituation.
* APLOME, f. f {Lith.) c'efl ainfi
qu'on appelle une nappe dont on couvre
l'autel dans l'églife grecque.
* APLUSTRE, f. m. { H if. anc.) nom
que les anciens donnoient à un ornement
qu'on mettent au plus haut des poupes.
Euflathe , interprète d'Homcre , dit qu'il
étoit fait de planches larges & bien travail-
lées ; & le père Montlaucon donne pour
exemple d'aplujlre , cet inflrument de bois
. que porte fur fon épaule un Triton qui
lî A P O
joue cIli cor, & qui orne le milieu de la
troiiieme poupe , qu'on voit tome IV, page
a.z z , FI. CXXXIII. On voit un autre
aplufire , même tome , Pl.fuirante ; celui-ci
ne refTemble guère au précédent : d'ail-
leurs le premier aplufire , celui de la PL
CXXXIII , n'occupe pas la partie la plus
élevée de la poupe. Il y a d'habiles gens
qui ont cru que V aplufire étoit la flamme du
vaifleau , ce qui fert à connoître la direc-
tion du vent. Je ne fais , dit le P. Mont-
faucon , fi jamais ce mot a été employé
dans le dernier fens : mais je fuis sûr que
plufieurs auteurs anciens l'ont pris dans le
iiremier fens.
APOBATERION , [Littérat.) c^ttoU-
lipiciv , mot purement grec , & qui fignific
vn difcours d'adieu.
Les anciens , par ce terme , entendoient
tout poëme , compliment , ou difcours
qu'un perfonnage prêt à quitter ia_ patrie
ou un pays étranger, adrdibit à fes pa-
rens , amis , ou autres qui lui avoient lait
bon accueil. Tel e(t l'adieu qu'Enée fut à
Hélénus & à Andromaque dans le troifie-
ine livre de l'Enéide.
Au contraire , le premier difcours qu'on
tenoit en entrant dans un pays ou au re-
tour d'un voyage, fe nommoit épibatérion.
Voyei ÉPIBATÉRION. (G)
* APOBOMiES , ( Myth. ) de k^l , def-
fous , & de |8o//of , autel , fêtes chez les
Grecs , où l'on ne facrifioit point fur l'au-
tel , mais à plate-terre & iur le pavé.
APOCALYPSE, f f. {Théol.) du grec
cL'aMccKv^ii , rej-'élation ; c'cft le nom du
dernier livre canonique de l'Ecriture. Voj'e:^
Canon & Bible.
Il contient , en vingt-deux chapitres , une
prophétie touchant l'état de l'églile , de-
puis l'aicenfion de Jeius - Chrill au ciel
jiilqu'au dernier jugement : & c'ell comme
la conclufion de toutes les faintes Ecritu-
res , afin que les fidèles , reconnoiffant la
conformité des révélations de la nouvelle
îilliancc avec les prédidions de l'ancienne ,
J(>ient plus confirmés dans l'attente du
dernier avènement de Jefus - Chrift. Ces
révélations firent faites à l'apôtre St. Jean
durant fon exil dans l'île de Pathmos
rendant la pcrlécution de Domitien. Voye\
RÉVJiLATION,
A P O
L'enchaînement d'idées fublimes &
prophétiques qui compofent V Apocalypfe ,
a toujours été un labyrinthe pour les plus •
grands génies , & un écueil pour la plu-
part des commentateurs. On fait par
quelles rêveries ont prétendu l'expliquer
Drabienis , Jofeph Mede , le minière
Jurieu , le grand Newton lui-mtme. Les.
(ecrets qu'elle renferme , & l'explication
frivole que tant d'auteurs ont tenté d'en
donner , font bien propres à humilier l'el-
prit humain.
On a long-temps >difputé, dans les pre-
miers fiecles de l'égliie , iur l'authenticité
& la canonicité de ce livre : mais ces deux
points font aujourd'hui pleinement éclair-
cis. Quant à fon authenticité , quelques
anciens la nioient : Cérinthe , difoient-ils ,
avoit donné à Vyîpocalypfe le nom de
Saint Jean , pour donner du poids à les-
rêveries , &: pour établir le règne de Je—
ius-Chrift pendant mille ans Iur la terre y
après le jugement. Voye:^ MILLENAIRES^
Saint Denis d'Alexandrie , cité par Eufebe ,
l'attribue à un perfonnage nommé Jean ,
différent de l'évangélifle. Il efi vrai que
les anciennes copies grecques , tant manul-
crites qu'imprimées , de \'Apocalypfe , por-
tent en tête le nom de Jean le divin.
Mais on fîit que les Pères grecs donnent
par excellence ce furnom à l'apôtre S.
Jean , pour le difiinguer des autres évan-
géliffes , & parce qu'il avoit traité fpécia-
lement de la divinité du verbe. A cette
raifon l'on ajoute , i''. que dans VApoca--
lypfe , S. Jean efl nommément défigné par
cts termes : A Jean qui a publié la parole
de Dieu , ù qui a rendu témoignage de tout
ce qu'il a ru de Jefus-Chrifi ; carafteres
qui ne conviennent qu'à l'aputre. 2.°. Ce
livre efi adreffé aux fcpt églifes d'Afie ,
dont S. Jean avoit le gouvernement. 3°. Il
efl écrit de l'fle de Pathmos , où S. Irenée ,
Eufebe , & tous les anciens conviennent
que l'apôtre S. Jean fut relégué en 95 , &
d'où il revint en 98 ; époque qui fixe en-
core le temps où l'ouvrage fut compofé.
4". Enfin plufieurs auteurs voifins des temps
apofloliqucs , tels que faint Jufiin , S. Ire-
née , Origenc , Viéorin , & après eux une
foule de pères & d'auteurs eccléfiaffiques y
l'attribuent à Saint Jean l'Evangélifle.
A P O
r. Authenticité i&AuTnï:NTiQUE
Quant à fa canonicité , elle n'a pas crc
moins contcilée. S. Jcrume rapporte que
dans l'cglifc grecque , môme de (on temps ,
on la révoquoit en doute. Euiebe & S.
Epipliane en conviennent. Dans les cata-
logLies des livres faints , drefles par le con-
cile de Laodlce^e , par S. Grégoire de
Nazianze , par S. C}'rille de Jéruialem ,
& par quelques autres auteurs grecs , il
n'en eft fait aucune mention. Mais on l'a
toujours regardée comme canonique dans
l'églife latine. C'eft le fentiment de S. Jul-
tin , de S. Irenée , de Théophile d'Antio-
che , de Méliton , d'Apollonius , & de
Clément Alexandrin. Le troifieme con-
cile de Carthagc , tenu en 397, l'inléra dans
le canon des Ecritures , & depuis ce temps-
là , l'églife d'orient Ta admife comme celle
d'occident.
Les Alogiens , hérétiques du deuxième
fiecle , rejetoient VApocalypfe , dont ils
tournoient les révélations en ridicule ,
lur-tout celles des fcpt trompettes , des
quatre anges liés fur l'Euphrate , 6v. S.
Epiphane répondant à leurs inveftives ,
obferve que VApocalypfe n'étant pas une
fimple lijlloire , mais une prophétie , il
ne doit pas paroître étrange que ce livre
loit écrit dans un flyle figuré , fembla-
ble ;\ celui des prophètes de l'ancien Tef-
tament.
La difficulté la plus fpécieufe qu'ils
oppofifTent à l'authenticité de VApocalypfe ,
étoit tondée fur ce qu'on lit au ch. xj , v.
î8 : Ecrive^ à l'ange de l'églife de Thyatire.
'•Or , ajoutoient-ils , du temps de l'apôtre
S. Jean , il n'y avoit nulle égliie chrétienne
à Thyatire. Le même S. Epiphane convient
du fait , & répond que î'apon-e , parlant
d'une chofe future , c'efl-à-dire de l'églile
qui devoit être un jour établie à Thya-
tire , en parle comme d'une choie pré-
fente & accomplie , fuivant l'uiage des
prophètes. Quelques modernes ajoutent ,
que du temps de S. Epiphane , le catalogue
des évêques , & les autres aftes qui prou-
voient qu'il y avoit eu une égliie à Thya-
tire dès le temps des apôtres , ëtoient in-
connus à ce père , & que Ion aveu ne
iavorile point les Alogiens. Enfin Grotius
jsmarque qu'encore qu'il n'y eût aucune
A P O 19
églife de Païens convertis à Thyatire ,
quand S. Jean écrivit fon Apocalypfe , il
y en avoit néanmoins une des Juifs , (em-
hlable à celle qui s'étoit établie à Theda-
lonique avant que S. Paul y prêchât.
II y a eu plufieurs Apocalypfes luppo-
fées. S. Clément , dans (es hypotypoles -,
parle d'une Apocalypfe de S. Pierre ; &
Sozomene ajoute qu'on la lifoit tous les
ans vers Pâque dans les égliles de la Pa-
leftine. Ce dernier parle encore d'une
Apocalypfe de S. Paul , que les moines
cHimoient autrefois , & que les Cophtes
modernes fe vantent de pofleder. Eufebe
fait auffi mention de VApocalypfe d'A-
dam ; S. Epiphane, de celle d'Âbralwm»
fippolee par les hérétiques Séthiens , &
des révélations de Seth & de Narie femme
de Noé , par les Gnoffiqucs. Nicéphorc
parle d'une Apocalypfe d'Eldras ; Gratian
& Cédrene d'une Apocalypfe de Moyfe ;
d'une autre atribuée à S. Thomas ; d'une
troifieme de S. Etienne ; & S. Jérôme
d'une quatrième , dont on faifoit auteur
le prophète Elle. Porphyre dans la vie de
Plotin , cite les Apocalypfes de Zoroaf-
tre , de Zoflrein , de Nicothée , d'Al-
logènes , &c. livres dont on ne connoît
plus que les titres, & qui vraifemblable-
ment n'étoient que des recueils de tables.
S'ixt. fenenf. lib. 11. & f^ii. Dupin , dijferu
prxlim. tom. m. & bibliot. des aut. ec-
clefiajl (G)
APOCHYLINNE , en Pharmacie , fuc
végétal épailll , que l'on appelle dans les
boutiques/uc épaiffi. Voye\Svc ÉPAISSI.
* APÔCINOS , nom d'une danfe an-
cienne dont il ne nous eft refté que le
nom.
APOCOPE , f £ ( Gramm. ) figure de
diâion , qui i'e tait lorfqu'on retranche
quelque lettre ou quelque iyllabe A la fin
d'un mot , comme dans ces quatre impé-
ratifs die y duc , fac , fer , au lieu de dice ^
duce, Sicc. ingeni pour ingenii y negoû pour
negotii , &c.
Ce mot vient de cciroM-jn , qui efi com-
polé de la prépofition oc^tho , qui répond
à l'a ou ab des Latins , & de n<nf[a , je cou-
pe , je retranche. {F)
* APOCREAS , f f (Lithurgte.) ced
la femaine qui répond à celle que nous ap-
C i
io A P O
pelions îd feptuagelime. Les Grecs l'appel-
lent apocreas ou prh'ation de chair, parce
qu'après le dimanche qui la luit , on cefTe
tîe manger de la chair , & l'on ule de lai-
tage julqu'au fécond jour après la quinqua-
géfime, que commence le grand jeûne de
carjmc. Pendant Wipocrc'as , on ne chante
ni triode ni alléluia. Diâ. de Tréf.
APOCRISIAIRE, f. m. dans VHiflolre
ancienne , c'étoit un officier établi pour
porter & faire les mefllages , intimer les
ordres , ou déclarer lesréponfes d'un prince
ou d'un empereur.
Ce mot efl formé du grec «TOJtp/V/f , ref-
ponfiim , réponfe ; d'où vient qu'il s'ap-
pelle fouvent en latin refponfalis , porteur
de réponfes.
Cet officier devint enfuite chancelier de
l'empereur , & garda les fceaux. Nous trou-
vons quelquefois dans un latin barbare
fifecreta , iècreraire , pour apocrijmrius.
Zozime le définit un fecretaire des affaires
étrangères. C'ell ce que Vopifcus , dans la
vie d'Aurelien , appelle 'Notarius fecretorum.
iï^oj'f^ Secrétaire , &c\
Les patriarches donnèrent enfuite ce
3iom aux diacres qu'ils députoient pour
les intérêts de leurs églifes , & aux ec-
cléfiafliques qui étoient envo3'és de Rome
pour traiter des affaires du faint fiege : car ,
outre les fous-diacres & les défenfeurs que
les papes cnvoyoient de temps en temps
dans les provinces , pour y exécuter leurs
ordres ; ils avoicnt quelqu^oisiiun nonce
ordinaire rélidant à la cour impériale ,
que les Grecs appclloienr apocrifiaire , &
les Latins refponfalis ; parce que fon em-
ploi n'étoit autre que d'expofer au prince
le; intentions du pape , & au pape les
volontés de l'empereur , & les réponles
réciproques de l'un & de l'autre fur ce
qu'il avoit à négocier : de forte que ces
apocrifiaires étoient , à proprement par-
ler , ce que lont les ambalTadeurs ordi-
naii'os des fouverains & les nonces du
pape auprès des princes. Saint Grégoire
te grand avoit exercé cet emploi avant
que d'ctre pape , &: plufieurs autres l'ont
aufll exercé avant leur pontificat. Les
apocrifiaires n'avoient aucune jurifdic-
tion A Conffanrinoiile , ( ainfi que les
nonces n'en ont point en France , ) fi ce
A P O
n'étoit qu'ils fulTent auffi délégués Ju
pape , pour le jugement de quelques cau-
ics d'importance. Quoiqu'ils fuflént non-
ces du pape , ils cédoient néanmoins aux
évêques ; comme il parut au concile de
Conflantinople en $36, où Pelage, apo-
crijiaire du pape Agapet , & le premier
de les nonces apofloliques qu'on trouve
dans l'hiitoire , îoufcrivit après les évê-
ques. Ces apocrijiaires étoient toujours
des diacres , & jamais des évêques , car
ceux-ci n'étoicnt employés qu'aux am-
baflàdes extraordinaires , ou aux légations.
Nous avons remarqué que les patriar-
ches en Orient avoient leur apocrifiaire^
Ainfi dans le iynode tenu à Conilantino-
ple l'an 439, Diolcore , upocrifuire de
i'églife d'Alexandrie , foutint la primatie
de Ion prélat contre celui d'Antioche. On
trouve aulll des exemples à^ apocrijiaires
que les papes ont envoyés aux patriarches
d'Orient. On a encore donné le nom d'à-
pocrifiaires aux chancehers , que l'on ap-
pelloit auffi référendaires. Ainfi S. Ouen
eft appelle apocrijiaire du roi ; & Aimoin
dit qu'il étoit référendaire. Voyei LÉGAT.
Ducange , GLoff. latinit. Thomaffi Difcip.
ecclefajl.
Bingham , dans les Antiquités ecclé-
fiaftiques , oblerve que la fonélion ai apo-
crifiaire des papes peut avoir commencé
vers le temps de Confiantin , ou peu après
la converfion des empereurs ^ qui dut
néceffairement établir des correfpondan-
ces cntr'eux & les fouverains pontitcs ;
mais on n'en voit guère le nom que vers
le règne de Juflinien , qui en fait mention
dans fa Novelle VI, du ij , par laquelle
il paroît que tous les évêques avoicnt de
femblables officiers. A leur imitation les.
monafleres eurent auffi dans la fiiite des
apocrif aires , qui ne rélidoient pourtant'
pas perpétuellement dans la ville impériale
ou à la cour , comme ceux du pape ; mais
qu'on délcguoir dans le belbin pour les
aff)ires que le monaftere , ou qtielqu'un
des moines , pouvoit avoir au dehors ou'
devant l'évêque. Dans ces cas , Juffinien,
dans fa Novelle LXXIX , veut que les
afcetes , & les vierges coniacréx\s à Dieu ,
comparoilfenr & répondent par leurs apo-
crifuires. Ils étoient quelqu'-ifois clercs.
A P O
comme il paroît par les aftes du V con-
cile général , où Théonas ie nomme prêtre
& apocrijiaire du monaftcre du mont Sinai.
C'étoit à-peu-près ce que font aiiiourd'hui
les procureurs dans les monallcres , ou
mcmc les procureurs généraux des ordres
religieux. Suicer ajoute, que les empereurs
de Conflantinople ont aufli donné quelque-
fois à leurs ambafladcurs ou envoyés le titre
iVapoc ri l'aire ou apocri/iaire. Bingham, Orig.
ce clef. lih. III. c. xuj. 5. G.
L'héréfie des Monothélites & celle des
Iconoclaftes qui la iuivit , abrogèrent l'u-
lage où la cour de Rome ctoit d'avoir un
apocri/iaire à Conlhintinople. (G)
* ÀPOCROUSTIQUES , {Médecine. )
(ij^idiete que l'on donne aux remèdes dont
la vertu cft aftringenre & percuflîve. Ce
mot eft formé de «To<fo « , je reprime.
APOCRYPHE, {Théologie.) du grec
«TÔxpt/jof , terme qui , dans Ion origine &
félon Ion étymologie, lignifie cache'.
En ce fens, on nommoit apocryphe tout
^crit gardé iecrettement, &: dérobé à. la con-
noilTance du public. Ainii les livres des
Sybilles à Rome , confiés à la garde des
décemvLi-s , les annales d'Egypte & de Tyr ,
dont les prêtres leuls de ces royaumes
étoient dépofitaires , & dont la leâure
n'étoit pas permiie indifféremment à tout
le monde , étoient des livres apocryphes.
Parmi les divines Ecritures un livre pouvoir
être en même temps , dans ce l'ens général ,
un livre lacré & divin , & un livre apocry-
phe : /acre & dii'in , parce qu'on en con-
roifloit l'origine , qu'on iavoit qu'il avoit
été révélé : apocryphe , parce qu'il étoit dé-
pofé dans le temple , & qu'il n'nx oit point
été communiqué au peuple ; car , lorlque
les Juifs publioient leurs livres iacrés, ils
les appelloient canoniques & dit'ins , & le
nom ^apocryphes reçoit à ceux qu'ils g-ar-
doient dans leurs archives. Toute la diffé-
rence confifloit en ce qu'on rendoit les uns
publics , & qu'on n'en uloit pas de même
» l'égard des autres ; ce qui n'empêchoit
pas qu'ils ne puffent cire (acres & divins ,
quoiqu'ils ne fufTent pas co-nnus i^our tels
du public ; ainfi , avant la traduction des
Septante , les livres de l'ancien Tellament
pouvoient être appelles apocryphes , par
rapport aux Gentils \ & par rappçrt aux
A P O VI
Juifs , là'même qualification convenoir aux
livres qui n'étaient pas iniércs dans le canon
ou catalogue public des Ecritures. C'ell
précilément aiîjfi qu'il faut entendre ce que
dit laint Epiphane , que les //r/fj apocry-
phes ne font point dépofe's dans L'arche
parmi les autres écrits infpire's.
Dans le chriflianiime , oa a attaché aw
mot apocryphe une fignification différente ,
& on l'emploie pour exprimer tout livre
douteux , dont l'auteur e(i incertain , & fur
la foi duquel on ne peut f^iire fond ; comme,
on peut voir dans (aint Jérôme , & dans
quelques autres pères Grecs & Latins plus
anciens que lui : ainfi l'on dit un li/yre , un
pj^Jfagc , une hifioire apocryphe , &cc. lori-
qu'il y a de tartes raiibns de (iilpedcr leur
authenticité , & de penfer que ces écrits (ont
fuppofés. En matière de daélrine , on
nomme apocryplics les livres des hérétiques
& des fchifmatiques , & même des livres,
qui ne contiennent aucune erreur , mais-
qui ne font point reconnus pour divins ,
c'efl-à-dire , qui n'ont été compris ni par
la fynagogue ni par l'Egliié , dans le ca-
non , pour être lus en public dans les
affemblées des Juifs ou des Chrétiens.
Voye:^ Canon , BiBLE.
Dans le doute fi un livre efl canonique-
ou apocryphe , s'il doit taire autorité ou
non en matière de religion-, on fent la
néceflité d'un tribunal fupérleur & infail-
hble pour fixer rincertinide des efprits ; &
ce tribunal e(l l'Églife , à qui (èule il appar-
tient de donner à un livre le titre de dii'in ^
en déclarant que le nom de fon auteur
peut le faire recevoir comme canonique ,
ou de le rejeter comme fuppofé.
Les Catholiques & les Proteflans ont eu
des difputes très-vives fur l'autorité de
c^uelques livres que ces derniers traitent
^apocryphes , comnoe Judith, Efdras , les
Machabées : les premiers (e font fondés fur
les anciens canons ou catalogues , & fur le
témoignage uniforme des pères ; les autres
(ur kl- tradition de quelques églifes. M.
Simon , en particulier , foutient que les
Ii\ res rejetés par les Proteflms, ont été cer-
tainement lu.i en Grec cKins les plus ancien-
nes églifs-s , & même par les apôtres ; ce^
qu'il intere de plufieurs palliiges de leurs
écrits. Il ajoute que l'Eglife les reçut des
li: A P O
Grecs Helleniiles , avec les aiures livres de
l'Ecriture, & que il l'Églife de Paleftine
retul'a toujours de les admettre , c'eft ieu-
lement parce qu'ils n'étoient pas écrits en
hébreu comme les autres livres qu'elle
lifoit , &: non qu'elle les regardât comme
apocryphes , c'clt-à-dire fuppofës. A ce
raifonnement , les Proteflans oppofent l'au-
torité des écrivains de tous les liecles , qui
diflinguent précifément les livres en quei-
tion , de ceux qui étoient compris dans le
canon des Juifs.
Les livres reconnus pour apocryphes par
l'églife catholique , qui font véritablement
hors du canon de l'ancien Teflament , &
que nous avons encore aujourd'hui , font
Voraifon de Manafsès , qui efl à la fin des
Bibles ordinaires , les III Ù IV Uires
d'Efdras , les III & IV livres des Ma-
chabées. A la fin du livre de Job , on trouve
une addition dans le grec qui contient une
généalogie de Job y avec un difcours de la
femme de Job ; on voit auffi , dans l'édition
grecque , un Pfeaume qui n'eft pas du nom-
bre des CL , & à la fin du livre de la Sagelîè ,
'Un difcours de Salomon^ tiré du viij^ chap.
du IIP livre des Rois. Nous n'avons plus
le livre d'Enoch , fi célèbre dans l'an-
tiquité ; & félon faint Auguffin , on en
Jiippoia un autre plein de fidions , que tous
les Pères , excepté Tertullien , ont regardé
comme apocryphe. Il faut auffi regarder
dans la claflé des ouvrages apocryphes , le
livre de l'affomption de Moyfe , & celui
de l'afî'omption ou apocalypié d'Elie. Quel-
ques Juifs ont iuppofé des livres fous le
nom des Patriarches , comme celui des
générations éternelles , qu'ils attribuoient t\
Adam. Les F.bionites avoient pareillement
iuppofé un livre intitulé ïéchelle de Jacob ,
&: un autre qui avoit pour titre la généa-
logie des fils & filles d'Adam ; ouvrages
imaginés ou par les Juifs , amateurs des
fiflions , ou par les hérétiques , qui , par
cet artifice , (emoient leurs opinions , &
en rechcrchoient l'origine jufque dans une
antiquité prc^pre à en impofer à des yeux
peu clairvo} ans. Voye\ AcTES DES
Apotrks. {G)
APOCYNj apocymtm , f. m. {Hifl. nat.
& bot. ) genre de plante A fleurs monopétales ,
& laites en forme de cloche ; ces fleurs ne
A P O
font pas tout-à-fiiit femblables dans touteè;
les clpeces ; il faut décrire féparément les
principales différences que l'on y remixrque.
I . Il y a des efpeces à'apocyn dont les
fleurs font des cloches découpées. Il s'élève
du fond du calice un piflil qui tient à la
partie poflérieure de la fleur comme un
clou , & qui devient dans la fuite un fruit
A deux gaines , qui s'ouvre dans fa longueur
de la bafe à la pointe , & qui renferme plu-
fieurs femences garnies d'une aigrette , &
attachées à un placenta raboteux.
2. . On trouve quelques autres efpeces
A^apocyn dont les fleurs font des cloches
renverlées & découpées. II s'élève du mi-
lieu de ces fleurs un chapiteau fort joli , qui
efl formé par cinq cornets difpofés en rond.
Ce chapiteau reçoit dans fon creux le piflil
qui fort du centre du calice. Lorfque la
fleur efl pafîée , ce piflil devient un fruit
à deux gaines , elles s'ouvrent d'un bout à
l'autre , & laiffent voir un placenta feuilleté,
fur lequel font couchées par écailles plu-
fieurs lèmences chargées d'une aigrette ;
ajoutez aux caractères de ce genre , que
ces efpeces rendent du lait. Tournefort ,
Inft. rei herb. Voye\ PLANTE. (J)
Harris prétend que Vapocyn efl femblable
à l'ipécacuana , qu'il purge violemment par
haut & par bas , & qu'il efl impoffible de
dillinguer Vapocyn en poudre du véritable
ipécacuana , quoique ces deux racines en-
tières différent par la couleur des filets qui
les traverlent. (N)
APODICTIQUE ; ce mot efl formé du
grec «'T^o^itKvof/ui , je démontre y je montre
clairement-^ c'efl , en Logique y un argu-
ment ou fyllogifme clair , une preuve con-
vaincante , ou démonflration d'une chofè.
V. Démonstration, Argument,
Ùc. {X)
* APODIOXIS , (Belles-Lettres. ) figure
de rhétorique , par laquelle On rejette avec
indignation un argument ou une objeftion
comme ablin-de.
* APODIPNE , f. m. de k-jl i%v hi^ovov^
après le repas du foir (Lirhurg. ) / office de
l'églife grecque , qui répond à ce qu'on ap-
pelle compiles dans notre églile. Il y a le grand
apodipne & le périt ; celui-ci efl pour le cou-
rant de l'année ; le grand n'eft que pour le
carême^
A P O
Apodipne ou Apodeipne, (Miifî-
gite dds iinc..) ch.mlons des Grecs pour l'r-
prè.s ioupcr. Les Latins les appelloientpo//-
cœnia. (F. D. C.)
APODYTErllON, {Hifloire anc.) pièce
des anciens Thenncs ou de la Paieflrc , dans
laquelle on quittoit (es habits , loit pour le
bain , foie pour les exercices de la Gym-
naftiqiie : à en juger par les Thermes de
Diocléticn avant leur démolition, l'apodytc-
rioii étoit un grand iiillon odogone de figure
oblongue , dont chaque face formoit un
demi-cercle , & dont la voûte étoit loutenue
parpluCeurs colonnes d'une hauteur extraor-
dinaire. Me m. de l'Acad. tom. I. (G)
APOGÉE, f. m. c'eft, enAJhonomiey
le point de l'orbite du loleil ou d'une pla-
nète , le plus éloigné de la terre. Voye-;^
Orbite & Terre.
Ce mot eft compolé de xTrl , a^ & de >« ,
ou >«i'a , terra , terre ; apogée fignifie auffi
grotte ou i-oûte fomerraine.
U apogée cft un point dans les cieux ,
placé à une des extrémités de la ligne des
apfides. Lorlque le loleil ou une planète eiî
à ce point , elle le trouve alors à la plus
grande diftance de la terre où elle puifTe être
pendant fa révolution entière. l^oye\ AP-
SIDE , Terre , Planète , ùc
Le point oppolé à Wipogée s'appelle péri-
gée. Voyei PÉRIGÉE.
Les anciens Agronomes qui plaçoienr la
terre au centre du monde , confidéroient
particulièrement Vapogée & le périgée.
Quant aux modernes , qui font occuper
au foleil le lieu que les anciens avoient ac-
cordé à la terre , il n'efl plus queflion pour
eux ^apogée & de péngée , mais d'aphélie
& périhélie. "Vapogée du foleil cil la même
chofe que l'aphélie de la terre , & le périgée
du loleil eft la même chofe que le périhélie de
la terre. Voye^ APHÉLIE & PÉRIHÉLIE ;
Voyei auffi SYSTEME.
On peut déterminer la quantité du
mouvement de Vapogée par deux obl'erva-
tions faites en deux temps fort éloignés
l'un de l'autre ; on réduira en minutes la
diflTérencc donnée par les deux oblerva-
îions , & on divifera les minutes par le
nombre d'années comprifes entre les deux
obferyations : le quotient de cette divifion
fera le mouvement annuel de Vapogée, Ainfj
A P O 15
Hipparque ayant obfervé , 140 aris avant
Jcliis-Chrlfl, que Wipogée du foleil étoit au
%^ 30' desX; & Riccioli ayant obfervé en
l'an de Jefus-Chrift 1646, qu'il étoit au
f'^ 26' du ^ , il s'enfuit que le mouvement
annuel de Vapogée efl de i' 2." , puifqu'eii
divilant la diltérence 3i<* 56' 15" réduite
en minutes , par l'intervalle 1786 des an-
nées écoulées entre les deux obfervations , il
vient pour quotient i' 2" , comme le por-
tent les tables de M. de-la-Hirc.
La feule de toutes les planètes qui ait un
apogée & un périgée véritables , efl la lune ,
parce que cette planète tourne véritable-
ment autour de la terre ; cet apogée , auffi-
hien que le périgée , a un mouvement très-
iénfible d'occident en orient, félon la fuite
des lignes , de forte que l'axe ou la ligne
des apfides ne fe trouve au même point du
ciel , qu'après un intervalle d'environ neuf
ans.
De plus , le mouvement de Vapogée de la
Urne efl (ujet à une inégahté confidérable ;
car lorlque cet apogée fe trouve dans k
ligne des fyzigies , il paroît fe mouvoir de
même que le ibleil , félon la fuite des lignes ;
mais dans les quadratures , il efl au con-
traire rétrograde. Or les mouvemens de Va~
pogée , foit qu'il s'accélère ou qu'il rétro-
grade , ne font pas toujours égaux , car il
doit arriver , lorfque la lune eft dans l'un ou
l'autre quartier , que la ligne de fon apogée
s'avancera bien plus lentement qu'à l'ordi-
naire , ou qu'il deviendra rétrograde ; au
lieu que fi la lune -efl en conjondion , le mou-
vement de Vapogée fera le plus rapide qu'on
pourra obferver. Voye:^ APSIDE. Infl.All.
de M. le Mortnier. La caufe du mouvement
de Vapogée de la lune efl le ilijet d'une
grande queflion qui n'efl pas encore décidée
au moment que j'écris ceci. Voye-{ AT-
TRACTION & Lune. (O)
APOGRAPHE , f m. {Grammaire.) cÀ
mot vient de oiirl , prépofition grecque qui
répond à la prépofition latine à ou de , qui
marque dérivation , & de >pafipfj , fcribo ,
ainfi apographe efl un écrit tiré d'un autre ;
c'eft la copie d'un original. Apographe eft
oppofé à autographe. ( F)
APOINTER , V. ad. en terme de Ton-
deur, c'efl faire des points d'aiguille à une
pièce de drap , fur le manteau uu côté du
i4 A P O
chef qui enveloppe la pièce , pour l'empê-
clier de fe déplier.
^APOLITIQUE, f. m. (Luh.) c'eft
dans l'églilc grecque , une forte de retrein
qui termine les parties confidcrables de l'ot-
Hce divin. Ce refrein change félon les temps.
Le terme apolitique cfl compofé de ôcïïI &c
dcAÛ», je délie , je finis , &c.
APOLLINAiKES , ou APOLLINA-
RIS TES , i: m. pi. ( Théol. ) Les ApolU-
naires font d'anciens hérétiques , qui ont
prétendu que Jefus-Chrilt n'avoit point pris
un corps de chair tel que le nôtre , ni une
ame raifonnable telle que la nôtre.
Apollinaire de Laodicée , chef de cette
feâe , donnoit à Jefus-ChriH une efpece
de corps , dont il foutenoit que le verbe
avoit été revêtu de toute éternité ; il met-
toit auiïï de la diftérence entre l'ame de
Jefus-Chrill & ce que les Grecs appellent
fovi , efprit , entendement ; en coniéquence
de cette dillinftion , il difoit que le Chriil
avoit pris ime ame , mais liins l'entende-
ment ; défaut , ajoutoit-il , fuppléé par la
prefence du Verbe. Il y en avoit même ,
entre les feftateurs , qui avançoient pofi-
tivement que le Chrirt n'avoit point pris
d'ame humaine.
Selon l'évêque Pearfon , écrivain Anglois ,
» la différence entre l'héréfie des ApolUnai-
r res , & celle des Ariens , eft , que les
>jApollin.xires Ibutenoient que Dieu fe
» revêtit en même temps de la nature de
rîa chair & de l'ame de l'homme', au lieu
»que les Ariens ne lui attribuoient que
»la nature de la chair. Il y a deux chofes à
w remarquer dans l'héréfie des Apollinaires,
»io. un fentimcnt philofophique qui
«confifte à dillinguer trois parties dans
» l'homme, l'ame , l'entendement & le
w corps : 2-". un fentiment théologique ,
» par lequel il paroît qu'ils ct)mpolbient la
«nature humaine de Jeliis-Chrifl , d'un
»j corps & d'une ame tels que nous les
» avons , à l'exception que l'ame humaine
wprilè par Jefus-Chrifl, étoit iéparée de
w notre entendement. »j Nous remarque-
rons que l'évêque Pearfon femble s'écarter
ici de l'opinion commune des auteurs qui
ont travaillé fur l'hilloire ecclélîallique , en
fiippofant c^u Apollinaire accordoit à Jefus-
Chrifl un vrai corps tel que k autre. Voye\
A P O
Niceph. hifl. eccléf. lit: II, ch. ocij, Vincent
de Lerms.
Apollinaire prétcndoit encore que les
âmes étoient engendrées par d'autres âmes ,
comme il en efl des corps. Théodoret
l'accule d'avoir confondu les perionnes en
Dieu , & d'être tombé dans l'erreur des
Sabelliens. S. Balilide lui reproche d'un
autre côté d'abandonner le fens littéral de
l'Ecriture , & de rendre les livres laints
entièrement allégoriques.
L'héréfie X Apollinaire confifloit, comme
on voit , dans des dillinclions très-lubtiles :
c'étoit une quellion compliquée de iVIéta-
ph\ lique , de Grammaire , & de Théolo-
gie , à laquelle il n'étoit guère poiîlble que
le commun des fidèles entendit quelque
chofe ; cependant l'hilloire eccléfialîique
nous apprend qu'elle fit des progrès confi-
dérables en Orient. La plupart des églifes
de cette partie du monde en furent infectées.
Elle tut anathématilée dans un concile tenu
à Alexandrie Ibus S. Athanafb en j6z , &
dans ceux d'Antioche en 37^, & de Rome
en 381.
Cette héréfie eut plufieurs branches ,
dont la principale fut celle des Démocrites.
Voyei{ DÉMOCRITES. (G)
Apollinaires {.Teux),ludi appolUna-
res , {Hîjh anc. Ù Myth. ) jeux qui lé célé-
broient tous les ans à Rome en l'honneur
d'Apollon , le cinquième jour de Juillet ,
dans le grand cirque , & ious la diredion
du préteur. Une tradition fabuleule dit
qu'à la première célébration de ces jeux ,
le peuple étonné d'une invafion foudaine
des ennemis , fut contraint de courir aux
armes ; mais qu'une nuée de flèches & de
dards tombant i'ur les agredèurs , ils_ fu-
rent difperfés , & que les Romains reprirent
leurs jeux , après avoir remporté la vic-
toire. {G)
*APOLLON, f. m. {Myth.) dieu
des païens , finguliérement révéré par les
Grecs & par les Romains , qui le regar-
doJent comme le chef des mufes , l'inven-
teur des beaux arts , & \ç proteélcur de
ceux qui les cultivent. Cicéron dillinguc
quatre Apollons : le premier ^ le plus an-
cien fut fils de Vulcain : le lécond naquit*
de Corybas , dans l'île de Crète : le troi-
1 lieme .&. le plus cuuiiu , paUc pour fils de
Jupiter
A P O
Jupiter &• de Latoiic , & pouf frcre de
Diane ; il naquit à Dclos , ovi vint de
Scythie à Delphes : le quatric-.-nc naquit
parmi Ijs Arcadiens , dont il fut le légii-
latcur , & s'api->ella Nomios. Sur les plain-
tes des divinités infernales à qui Efculapc ,
fils d'Apollon , ravilïoit leur proie , gué-
rilllmt les malades par (es remèdes , &
relîîdcitant même les morts , Jupiter ayant
foudroyé d'habiles médecins , on dit qu'^-
pollon vengea la mort de fon fils fur les
Cyclopes qui avoient forgé les toudres ,
& les détruifit k coups de tieches • & que
Jupiter courroucé de cette reprélaille , le
chada du ciel. Apollon chafTé du ciel , s un
alla garder les troupeaux d'Admete , ]KifTa
du fervice d'Admete à celui de Laomé-
don , s'occupa avec Neptune' à faire de la
brique & à bâtir les murs de Troye ,
travail dont les deux dieux ne furent point
payés ; & il erra quelque temps iiir la
terre , cherchant à fe confoler de fa dil-
grace par des aventures galantes avec des
mortelles aimables , dont ce dieu du bel
elprit n'eut pas toujours lieu d'érre latis-
fait. Apollon fut dieu de la lumière au ciel ,
& dieu de la poéfie fur la terre. Tandis
qu'il fervoit Admete , Mercure , qui n'étoit
encore qu'un enfant , le iéduifit par le ion
de fa fiûte , & détourna le troupeau que
Admete lui avoit confié ; Apollon , au
fortir de l'enchantement où l'avoient jeté
les Tons de Mercure, s'appercevant du vol ,
courut à fon arc pour en punir Mercure :
'mais ne trouvant plus de tîeches dans ion
carquois , il le mit à rire de la fineflè du jeune
trippon qui les lui avoit encore enlevées.
Apollon, f. m. {Luth.) inffrument
relfeniblant au théorbe ; il avoit vingt
cordes fimples , & étoit d'un meilleur uiage
& plus ailé à s'accorder , à ce qu'on pré-
tend. On attribue l'invention de V Apollon
à un François qui vivoit au XVII fie-
cle. Cet inflrument n'ell plus d'ufiige.
{F. n. c.)
* APOLLONIA , ( Geogr. mod. ) cap
d'Afrique fur la côte de Guinée , un peu
à l'occident ; Mary & Corneille le placent
À l'orient du cap des trois Pointes , &
proche la rivière de Mauca.
APOLLONIE , on APOLLONIEN-
SIS , ( Geogr. anc. ) ville de Sicile près
Tome III,
A P O !<;
des Alontins. Il y a un grand nombre de
villes du même nom. On fait mcnrioii
d'une Apollonie appclléc Apolonnia Myg-
donia. , ou de la contrée des Mygdons ,»
1
dans la Macédoine ; c'cfl aujourd'hui
Ceres y ou Sercs , ou Afera , dans la Ma-
ceuomc moderne
flir la
nviere de
Te-
ratfer : d'une Apollonie fur la côte occi-
dentale de la Macédoine ancienne , ou de
notre Albanie , qu'on appelle Aujourd'hui
PoLna : d'une rivière de même nom , à
l'embouchure de laquelle elle cft fituée :
d'une Apollonie de Calchidique , aujour-
d'hui CriUbs : de deux Apollonies en
Crète , dont l'une étoit nommée Eleu-
thera : d'une Apollonie furnommée l;i
grande , Apollonia magna , ou Anihiiim ,
fituée dans une pente île du Pont-Euxin ,
proche de la Thrace , qui a maintenant le
nom SiJ/opoli , & qui elt dans la Romanic
fur la mer Noire : d'une Apollonie dans la
Myfie , en Afie mineure , lur le Rhindans ,,
qu'on fbupçonne avoir été notre Lupadie
en Anatolie , fur la rivière de Lupadie ;
d'une Apollonie en Afie mineure , entre
Ephefe & Thjatire : d'une Apollonie , qui
a été auflî nommée Maigion & Theoao-
fiana , & qu'on place en Phrygie : d'une
Apollonie àt la Galatie, dans l'Aiie mineure :
d'une autre de la Palefbne , près Joppé :
d'une Apollonie de Syrie , près d'A-
pamé , au pié du mont Cafius : de celles
de la Célé-Syrie ou Syrie creufe , de l'Afl}-
rie , de la Cyrénaïque , de laLybie , qu'on
appelle aujourd'hui Bonandrxa , & qui efl
dans la contrée de Barca : du gouverne-
ment appelle Apollopolytes nomus , Ùc,
car il y a beaucoup d'autres Apollonies ,
outre celles que nous venons de nommer,
APOLLONIEN, adj. m. On déiîg.ic
quelquefois l'hyperbole & la parabole or-
dinaires , par les noms d'hyperbole & de
parabole apolloniennes , ou d'Apollonius ,
pour les diflinguer de quelques autres cour-
bes d'un genre plus élevé , & auxquelles
on a auflî donné le nom d'hyperbole & de
parabole. Ainll ax=yy défigne la para-
bole apollonienne; aa = xy défigne l'hyper-
bole apollonienne : mais aax=yi) défigne
une parabole du 3^=. degré ; a'^=xyy dé-
figne une hyperbole du même degré.
Vovei Paradole £' Hyperbole. On.
■ D
a^ A P O
appelle la parabole & l'iiyperbole ordinai-
res , parabole & hypeiiole d'Apollonius ,
parce que nous avons de cet ancien géo-
mètre un traité de ferions coniques tort
étendu. Ce mathématicien , qu'on appelle
Apollonius Peig.vus , parce qu'il étoit de
Perge en Pamphilie , vivoit environ i^o ans
avant Jefus-Chrift. Il ramafla fur les {cc-
tions coniques , tout ce qu'avoient fait avant
lui Ariflée , Eudoxe de Cnide , Menœchme,
Euclide , Conon , Trafidée , Nlcotele : ce
fût lui qui donna aux trois lèdions coni-
ques le nom de parabole , d'ellipfe & d'hy-
perbole , qui non iculcment les diilingucnt ,
mais encore les carat^érii'ent. Voye:{ leurs
articles. Il avoit fait huit livres qui par-
vinrent entiers jufqu'au temps de Pappus
d'Alexandrie , qui vivoit fous Théodofe ;
on ne put retrouver que les quatre premiers
livres, jufqu'en 16^8 , que le fameux Bo-
relli trouva dans la bibliothèque de Flo-
rence un manufcrit arabe qui contenoit ,
outre ces quatre premiers , les trois fui-
vans : aidé d'un profefleur d'arabe , qui
ne favoit point de Géométrie , il traduifit
tes livres , & les donna au public. V^oye^
l'éloge de M. Viviani , par M. de Fon-
«enelle , Hift. acad. 1703.
Le huitième livre d'Apollonius n'eft
point de lui ; il a été rétabli par l'Edi-
leur fur les indications de Pappus.
* APOLLON lES, {Mytholog.) fêtes
înfHtuées en l'honneur d'Apollon à Egia-
\éc , où l'on dit qu'il fe retira avec Diane
fa fœur après la défaite de Python , &
d'où l'on ajoute qu'ils furent chafTés par les
liabitans. Mais peu de temps après la re-
traite des deux divinités en Crète, où elles
fe rétugicrent , la perte s'engendra dans Egia-
lée , & y fit de grands ravages. L'oracle
confulté fur les moyens d'écarter ce fléau ,
répondit qu'il falloit députer en Crète
fept jeunes filles & lept jeunes garçons ,
afin d'engager Apollon & Diane à revenir
dans la ville ; ce qui fut exécuté : les deux
divinités revinrent , & la pefle céda. Ce
fut en mémoire de cet événement que
dans les fêtes appellées apollonies , on fai-
foit (ortir de la ville ,tous les ans, le même
nombre de filles & de garçons , comme
.s'ils alloicnt encore chercher Apollon &
Diane.
A P O
APOLLONIUS , {HLft. des Juifs) ,
gouverneur de Syrie & lieutenant des armées
d'Antiochus Epiphanes , fit des maux épou-
vantables aux Juifs , il leva une puilîante
armée pour les exterminer. Mais Judas
Machabée , avec une poignée de monde , le
défit , le tua de fa main , & lu! prit (on
épée , dont il fe fervit dans- la fuite en
mémoire d'ime fi glorieuie action.
Un autre Apollonius , général des trou-
pes de Démétrius , & gouverneur de la
Célé-Syrie , fut défait par Jonathan 148
ans avant Jefus-Chriff.
APOLOGÉTIQUE , z<X].{Théo[) écrit
ou dilcours fait pour excuier ou juffifier
une perfonne ou une aûion. Voye\ APO-
LOGIE.
'L'Apologétique de Tertullien efl un
ouvrage plein de force & d'élévation , digne
en un mot du caradtere véhément de fon
auteur. Il y adrefle la parole , félon quel-
ques-uns , aux magiftrats de Rome , parce
que l'empereur Sévère , dont la perfécu-
tion commençoit , étoit alors abfent dç
cette ville ; & félon d'autres , à ceux qui
tenoient les premières places dans l'em-
pire , c'efl-à-dire aux gouverneurs des
provinces.
Tertullien s'y attache à montrer l'injuC-
tice de la perfécution contre une religion
qu'on voidoit condamner lans la connoî-
tre &c fiins l'entendre ; à réfuter & l'idolâ-
trie & les reproches odieux que les idolâ-
tres faifoient aux chrétiens d'égorger des
enfans dans leurs myfleres , d'y manger
de la chair humaine , d'y commettre des
incertes , &<r. Pour répondre au crime
qu'on leur imputoit de manquer d'amour
& de fidélité pour la patrie , ious prétexte
qu'ils refufoient de faire les fermens accou-
tumés , & de jurer par les dieux tutélaires
de l'empire , il prouve la ioumillion des
chrétiens aux empereurs. Il en expofe aulli
la dodrine autant qu'il étoit nécellairepour
la difculper , mais fans en dévoiler trop
clairement les myfîeres , pour ne pas vio-
ler la religion du fecrct , fi exprcffément
recommandée dans ces premiers temps. Cet
écrit , tout folide qu'il étoit , n'eut point
d'cHet , & la perfécution de Sévère nci\
tut pas moins violente ( G)
APOLOGIE, f. f. {Lutciat.) apologia.
A P o ^
mot originair.'ment grec , «t^xo^-/* , <^:P
cours ou i'crit pour la défenic ou la jujti-
iicarion d'un accule : toute apologie lup-
pofe une acculatinn bien ou mal tondée ,
& le but de Vapologie ell de montrer que
racculation ell faulïb ou mal- à -propos
intentée.
Les perlecutions que l'Églife eut à
eflùyer depuis la naillance , pendant les
trois premiers fiecles , obligèrent louvent
les chrétiens de préicnter aux empereurs ,
au fénar & aux magiftrats païens , des
apologies pour la religion chrétienne -, pour
répondre aux huifles imputations par le(-
quelles on s'efForçoit de les noircir , comme
ennemis des dieux , des puifîances , &
perturbateurs du repos public.
Les principales de ces Apologies font
celles de Quadrat & d'Aridide : les deux
apologies de S. Jufiin martyr , celle d'Athé-
nagore , Vapologe'tique de TertuUien , &
le dialogue de Minutius Félix , intitulé
Oc^iii-'ius.
Quadrat -, qui étoit évêque d'Athènes ,
compoià fon apologie pour les chrétiens
vers l'an de Jelus-Chrift 12.4 , & la pré-
fenta dans le même temps à l'empereur
Adrien , qui parcouroit alors les provinces
de l'empire , & entr'autres la Grèce. Eulebe
nous en a confervé quelques tragmens ;
mais il ne nous relie rien de celle qu'Aril-
ride , athénien & philofophe chrétien , écri-
vit peu après celle de Quadrat.
Des deux apologies qu'écrivit S. Juflin
martyr , la première eft de l'an de Jelus-
Chrifl 150, & porte ce titre. "A l'em-
» pereur Titus -Elius- Adrien- Antonin ,
» pieux , augufle Ccfar ; & à ion fils
7J vériiCme philofophe ; & à Luclus phi-
« lofophe , fils de Céfar , félon la nature ,
w & de l'empereur par adoption , amateur
« de la fcience ; & au lacré iénat , & à
f> tout le peuple romain. Pour les perfon-
»> nés de toutes conditions qui lont haïes
*) & maltraitées injuflement , Jurtin , fils
j> de Prifcus Bacchius , natil' de Flavia , ou
»> de Naples en Paleftine , l'un de ces per-
« iécutés , préfente cette requête. " Après
un préambule convenable , ce faint doc-
teur montre l'injuflice qir'il y a de con-
damner les chrétiens fur le ieul nom , &
détruit le reproche d'athéilme qu'on leur
A P O 27
fiiifoif , par l'expofition de quelques points
de leur dodrinc , de leur morale , & de
leur culte extérieur. Il répond eniuite aux
accufitions contre leurs mœurs , & les
rétorque avec force contre celles des païens.
Enfin il la termine par la copie d'une
lettre d'Adrien , où cet empereur défen-».
doit qu'on perlécutàt les chrétiens.
Ce pcre compoia ia (econdc ajxjlogie
feize ans après , & elle n'a pour but que
de détruire les calomnies infamantes dont
on chargcoit les chrétiens. Elle ell adrclfée
au fénat de Rome, & n'eut pas plus d'effet
que la première.
On croit que V apologie d'Athénagore efï
auffi de l'an 166, & qu'il l'adrelfa aux
deux empereurs Marc-Aurele & Lucius
Verus. Il y fuit à-peu-près la même mé-
thode que S. Juflin , & repoulfe fortement
trois accufitions , l'athéilme , le repas de
chair humaine , & les incefles.
Quant i\ ^apologie de TertuUien , nous
en avons parlé au mot APOLOGÉTIQUE.
UOclavius de Minutius Félix , orateur
romain , qui vivoit dans le troifieme fiecle ,
eft un dialogue fur la vérité de la religion
chrétienne , où , par occafion , l'auteur
répond aux calomnies des juifs & des
païens. Le caraâere de tous ces ouvrages
efl une noble & folide fimplicité, jointe k
beaucoup de véhémence , fiir-tout dans
Athénagore & dans TertuUien. {G)
APOLOGUE, f m. {Belles-Leur.)
efl un petit récit , qui couvre une vérité
du voile de l'allégorie, il efl peu de gen-
res de poéfie qui offrent autant d'avanta-
ges. Le fibuhfle , attentif
m en
ager
notre amour-propre par le déguifement de
l'inflruclion , & notre pareffc par la briè-
veté du récit , nous conduit à la vertu
par la main du plaifir : il cache , fous des
guirlandes de fieurs , les épines de la mo-
rale. Il paroît n'avoir defîein que de nous
amufer , & nous lui pardonnons de nous
inflruire.
Les perfonnages qu'il met fur la fcenc
ont quelque choie de merveilleux , & 1^?
fingulier qui plaît à tous les hommes ,
enchante les enfans : il parle à l'imagina-
tion , & l'imagination ell plus près du
cœur que l'elprit.
De la vraifemblance. Il faut que leij
D i
îS
A P O
images du fabulillc (oient conformes mix
idées que nous avons des choies. La ibciété
du lion avec la génille & la chèvre n'efl
point vraifemblable. Eft-il naturel qu'il
prenne pour compagnons de chaflê les ani-
maux qui font foa gibier? N'en coùte-t-il
pas de fe repréfenter un loup, qui maître
de la faim , fait une converlation fort lon-
gue avec l'agneau avant que de le dévorer ?
Phèdre nous peint un chien , qui en
nageant , contemple Ton image dans le cryf-
tal des eaux. Avoit-il oublié qu'il efl impof-
fible de nager lans troubler l'eau , & de
voir Ton image lorique l'eau eft troublée ?
Le Eibuliile , icrupuleux dans le choix
de fes adteurs , les fait agir félon l'inflinâ:
qui leur efl propre , félon le caractère ou
qu'ils ont , ou que l'on eft convenu de
leur donner. Avec ces précautions , il ne
choquera pas ; mais il faut qu'il mtérei'le.
De r intérêt. Il intérelTera i". par le choix
de la morale , fi elle n'ell: ni inlipide , ni
Jùrannée. Une ctiriolité naturelle nous
porte vers le nouveau ; c'efl lui qui réveille
notre attention , & le plaifir de notre efprit
dépend de l'exercice modéré de cette
faculté de notre ame. -
Il intérefîèra , 2.°. par le choix de l'allé-
gorie. Il faut que , femblable à une gaze
tranfparente , elle laifle entrevoir l'objet ;
<ie forte qu'en même temps notre elprit ait
la fatisfadion de s'exercer , & notre vanité
le plaifir de s'applaudir de la découverte.
L'écrivain doit reilembler à cette bergère
de Virgile , qui fe cache derrière des lau-
Jes , mais qui defire d'être apperçue.
Il intérelTera , ^°. s'il met la fable en
aftion , s'il fait oublier l'écrivain , pour ne
lailTer paroître que les adeurs. Cette illu-
fjon agréable , qui cft le premier charme
du récit , doit être le premier but du nar-
rateur.
Il nous intérelTera , 4°. par un ton de
naïveté , que la Fontaine appelle Wirt de
plaire, & de n'j petifer pas. Vmgénuhé
nous féduit , & l'auteur nous perliiade ,
q.uand il nous paroît lui-même perfuadé.
Il nous intérellera , 5°. par une certaine
philolophie égayée , qui nous cachera la
iécherelfc du précepte. Cet enjouement ell
4m piège auquel nous nous laiflbns pren-
lîiiT, & le poète réforme d'autant plus eifi-
A P O
cacement nos mœurs , que nous croyons
qu'il ne veut que nous faire rire.
Des perfonnages. L'apologue admet dif-
férens perfonnages. Les êtres raifonnables ,
comme dans la fable de la vieille & des
deux lavantes , n'ofïrent pas alfez de mer-
■ veilleux. Les êtres matériels , comme dans
la table du pot de terre & du pot de fer , en
préfentent trop ; on n'eff point furpris d'en-
tendre parler les hommes , & l'on le figure
difficilement le langage de deux limes. Les
êtres abitraits & moraux , comme dans la
fable où la Mothe perfonnifie dame Mé-
moire , dom Jugement , & demoifelle Ima-
gination , demandent de celle - ci un trop
grand efForr. Notre efprit peine pour le
repréfenter ces perionnages fînguliers. -
Les animaux paroilfent convenir davan-
tage à la fable , parce qu'ils ont un carac-
tère invariable. Le mot de renard réveille
en nous l'idée de la fîneffe ; & fi j'entends
nommer une brebis , je me repréiente la
douceur. Une autre raifon plaide en faveur
des animaux. En les faifant parler , on fe
prête à la fenfibilité de notre amour-pro-
pre , qui ne pardonne les cenlures que
lorfqu'elles font indirectes ; & l'on ménage
notre imagination , à qui il en coûte peu
d'entendre dialoguer , & de voir agir des
êtres qui paroilî'ent avoir tant de relî'em-
blance avec nous , & en qui nous croyons-
retrouver nos idées & nos afïèdions. Je
fuis bien éloigné de dire avec l'abbé des
Fontaines , qu'il faut être plus bête que les
bêtes , pour les croire des machines : mais
j'ofè avancer que nous n'avons point de
peine à fuppoler dans les animaux les
réflexions qu'ils font incapables de faire.
Ce que nous difons en leur faveur peut
convenir en partie aux êtres célelles'. Ils
ont , comme eux , un caradere déterminé ,
& les poètes nous ont tamiharilés avec
l'idée qu'ils penlènt & jjarlent à-pcu-près
comme nous : mais il faut convenir que
tous ceux qui connoiflént la rapacité du
loup & la fidéhté du chien , ne lavent
pas que Minerve eft la déelTe de la fa-
gelîè , & Momus le dieu de renjc'uemenr :
.ctte feule réflexion julliiîe la préférence
que nous croyons devoir donner aux ani-
maux , pour' Jouer le rôle de la petui.
conm'die que l'on appelle apologue.
A P O
L'allégorie efl le corps (le_ la fable , &
la morale en cit l'ame. Il huit l'éiioncer
lorCque vous vous défiez de la pénétra-
tion du ledeur. On reproclioit A la lionne
de ne mettre qu'un petit au monde. Un
f'eul , dit-elle , mais c'efî un Hon. Elope
pouvoit dans ce cas omettre l'allabulation ;
ians ce l'ecours , on devoit conclure qu'il
faut prifer les choies par elles-mêmes &
non par leur nombre. Lorfqu'on ne peut
fè méprendre aux traits d'un homme , eit-
il nécclîiiire de graver fon nom iur l'el-
tampe qui le repréfente ? Si vous êtes
obligé d'exprimer la vérité que déguife la
fiétion , où la placerez - vous ? Les uns
prétendent qu'elle doit fervir d'exorde au
récit , d'autres loutiennent qu'elle doit le
terminer. L'un annonce , dilent les pre-
miers , une vérité avant que de l'étaj-er
par des faits : pourquoi ne nous condui-
rons-nous pas dans la table comme dans-
la converiation ? En réiervant , dilent les
autres , la morale pour la fin , on procure
à l'elprit le plaiiir que lui cauie la iufpen-
iipn , & à notre vanité celui d'avoir pré-
venu le Poète. Le fens moral eu le dé-
nouement du Poënae ; il doit donc le ter-
miner. Pour nous , nous penions que dans
un recueil de tables , la variété en tait le
premier mérite ; & qu'en mettant la fen-
tence toujours au commencement ou tou-
jours à la fin du récit , il en réfulteroit
une uniformité qui avoifine ou amené l'en-
nui. Pour éviter cette monotonie , nous
conleillons d'introduire de temps en temps
des prologues ou des épilogues : quand leur
ton approche par des nuances prefque mfea-
fibles de celui de la narration , ils îbnt pour
le ledeur une fource d'amuiement comme
d'inlîruéllon.
De Id longueur de la Fable. Le rhéteur
Théon a prétendu que la narration de la
fable doit être , autant qu'il efl poflîble ,
ferrée & ians ornement. M. LefTing , ap-
pm-é iur cette autorité & Iur l'exemple
d tlope , ne connoît point de milieu entre
l'inutile & le néceflairc. Faifant une loi de
la plus grande précifion poflîble , il exclut
tou-; les épiiodes._ On peut lui répondre que
le goijt ne s'alîujettit point à des règles
ngoLireules. On n'alonge point un récit
jnutileinent , lorfque les ornemons qu'on !
A P O 25>
lui prête tournent au profit des vérités
qu'on développe , ou des vertus que l'on
veut inipirer. Une route agréable n'efl ja-
mais longue ; les tableaux , les deicriptions ,
les images iônt les lèuls titres qui font pla-
cer la table au rang des poéfies : fi le récit
elt dénué de ces avantages , il icra plus
coiu-t : mais fera-t-il un poëme ? Celîbns
donc ou de regarder les tabulitles comme
des poètes , ou de foutenir que la plus
grande brièveté poflîble efl de l'eflcnce de
l'apologue ; mais que les détails , que les
épiibdes ne détruiient jamais l'unité. Le
fabuliile n'en eil pas plus dii^îcnlé que les
autres écrivains.
Du Style. Cette brièveté que nous ne
croyons pas nécelîàire dans l'enfemble de
l'apologiie , convient beaucoup à ion tlyle.
Le tabulifle toujours concis & ferré , s'in-
terdit le hifle des périodes & le luxe des
phraies lyramétriquement cadencées ; il
retranche les verbes , iupprime les liailons ,
& augmente , par le fecours des eUipiês , la
rapidité du récit.
La ieconde propriété de fon tlyle eil la
fimplicité : proportionné aux objets qu'il
peint & aux adeurs qu'il fait parler , il efî
éloigné de toute oilentation de délicatelfe ,
de tout étalage d'elprit , & fiir-tout de es.
perfliJRage amphigourique , que nos mo-
dernes beaux-eijjrits appellent de la gran-
deur & du fublime. Ses idées , exprimées
avec ailance & ians eiFort , paroillént ne
lui avoir rien coûté , & l'on eil tenté de
croire que les expreillons dont il fe iért,
ie font prélentées les premières. Si quel-
quefois il emploie des périphrafes auda-
cieui'es ou des tours brillans , une correc-»
tion leur fert de paflé-port.
Quel art pour allier l'élégance à la fim-.
plicité! Cependant cette élégance efl de-
venue nécelfaire , ibit que notre eflinia
pour la Fontaine nous falTe une loi de
l'imiter , foi^t que non-e langue , un peu
ditTufe par ia nature , exige par compen-
fition que les grâces des ornemens rem-^
placent celles de la concifion.
Mais en quoi confifl; cette élégance ,
qui embellit la fimplicité fins la faire dif-
paroître ? Dans la variété des expreflions ,
pourvu qu'on ne tombe pas dans le puéril ou
le néologiCne , dans le choix des épithetes»
30 A P O
pourvu qu'on ne les emploie pas avec
prodigalité; dans les allufions aux uiiiges &
à l'hilbire , pourvu qu'elles ne loient pas
forcées ; dans les métaphores & les allégo-
ries , pourvu que , trouvées fans effort ,
elles en demandent peu du ledeur : mais
rien fur-tout n'embellit davantage la fable ,
que les images vives qui tranfportent les ob-
jets fous nos yeux , &: les expreffions imita-
tives qui peignent à l'oreille en même temps
qu'il l'efprit. Telles font les (ources des or-
nemens qui conviennent à la table.
Quelle cû l'efpece de vers qu'elle doit
préférer ? Les Latins , perfuadés que le mètre
devoit être peu marqué , fe iervoient de
l'ïambe libre , qui a tant de rapport avec la
profe , qu'on peut aiiément s'y méprendre.
Le vers alexandrin , coupé par deux hémil^
riches , offi-iroit une fymmétrie trop remar-
quable , & fa longueur pourroit ralentir
la vivacité , qui eft l'ame du récit. Le vers
de dix lyllabes paroi t plus propre à la nar-
ration , les enjambemens qu'il fé permet
laifient à peine foupçonner l'art. Il eft bon
de mélanger différentes meiures , pourvu
qu'on exile ces vers nains de deux ou trois
jyllabes , qui , dès qu'on ne les emploie
point à defîéin de produire une image , fa-
tiguent l'oreille en précipitant le retour des
mêmes ions.
HiJJoire de la Fable. L'Ecritin-e nous
offi-e des exemples de tables. Joatham y a
recours pour rappeller à Sichem l'injuilice
de ton choix , & Natham pour reprocher
il David rénormité de Ion crime. Le Sauveur
des hommes emploie des paraboles pour les
inûruire de leurs devoirs , & les t;iire rougir
xle leurs excès.
Les orateurs s'en fontfervis avec avantage.
Ce que Démoflhene n'avoit pu obtenir par
la véhémence des figures & la force du
raifonnement , 11 l'obtient par un apolo-
gue. Mnénius Agrippa appaife une {édi-
tion , en récitant la table des membres &
de l'eftomac.
Cependant El'ope patfe commlmément
pour l'inventeur des fables- Le caradere des
îîennes et! la fimplicité & la précillon.
Celles de Pilpay , IJramine Indien , dépour-
vues de naturel , pèchent louvent contre la
vraifemblance. Phèdre , plus orné & moins
concis qu'Elope , a beaucoup plus de
A P O
naïveté que Pilpay. Sa latinité a été com-
parée à celle de Térence , & Térence eii
admire iur - tout pour l'élégante fimplicité
de Itin ffyle. On ne lit plus Aviénus , & on
lit peu Phaërne. La pollérité n'a point foul-
crit au jugement de Pie V , qui mettoit ce
dernier tabulille au defiiis de l'atfranchi
d' Augufte. Phèdre ne devoit être furpalié que
par la Fontaine. Celui-ci compolôit par
inlfincl , & l'on a dit que c'étoit un tablier qui
tailoit des tables, comme un poiiJer produit
des poires. Qui lut jamais mieux varier tes
tons ? Peintre animé dans la fable du rofeau
& du chêne ; philolophe protond dans celle
du pa} fan du Danube ; plein d'enjoue-
ment dans celle du corbeau & du renard ,
de naïveté dans celle de la cigale & de la
fourmi , il efl inimitable , pour l'art du
dialogue , dans celle du loup & de l'agneau.
Le même iujet , traité par la Fontaine ,
Phèdre & Efope , fera fortir les nuances
qui les dillinguent , & l'on conclura que le
poëte françois , moins concis qu'Elope ,
plus élégant que Phèdre , elt plus enjoué
qu'eux.
Ses luccès n'ont point découragé M. la
Mothe. Il dédia au roi cent tables , dont
prefque tous les fujets lui appartiennent j la
plupart de ceux qu'a traité la Fontaine , iont
tires des fabulifles qui ra>'oient précédé.
S'il cède k la Mothe par l'invention , il lui
cède également par le choix de la moralité :
mais combien lui eit-il fupérieur par les dé-
tails , par les grâces du 11) le , & fur-tout
par l'enjoueinent ! Celui-ci et! naturel , celui-
là veut le paroître ; les naïvetés de l'un lui
échappent , celles de l'autre font réfléchies.
La Mothe , a - t - on dit , vouloir rire
comme la Fontaine , mais il n'avoit pas
la bouche faite comme lui. Ajoutez que Ion
flyle dur , & , pour ainfi parler , rocail-
leux , n'a point cette ailance , ce coulant ,
cette négligence heureuie , qui rnettent la
Fontaine au deffus de ceux qu'il a pris pour
modèles , & auxquels il en a iervi.
Benlerade a renfermé péniblement , dans
des quatrains , plufieurs des tables de ce
grand homme. On lent qu'il n'a pu avoir
que le mérite de la difficulté vaincue. Richer
a celui de la précifion , de la pureté du
langage & de la fimplicité dans les plans :
mais qu'il eft éloigné de la délicateflc
A P O
«njou^e de la Fontaine! Il en approche
cependant davantage que le Noble , qui eil
fouvent bouffon lorlqu'i] veut être plailant.
D'Ardenne n'a ni la précifion de Richer ,
ni la délicatelîe de la Fontaine , ni nicme
la grofle gaieté de le Noble , ni le ton ingé-
nieux de la Mothe : mais femblable ;\ ces
peintres fubalternes , qui nous ont_ donné
d'excellens traités fur leur art , il a tait pré-
céder Ion recueil d'un dilcours qu'on ne
iîiuroit trop lire.
Les fiibles de M. l'abbé le Monier font
pleines de naïveté : mais ce qui lui donne
des droits incontellables à l'immortalité ,
c'eil un fonds d'honnêteté & de vertu qui
fait chérir l'auteur , tandis que la vivacité
du récit fait applaudir à l'ouvrage.
Les autres nations qui ont couru cette
carrière , ne peuvent nous dilputer la ]3alme.
Gay , poète anglois , fins invention , &
prefque fans naïveté , ell iurchargé de ré-
flevions qui détruilent fouvent l'unité.
Hagedorn , fabuliffe Allemand , eil trop
férieux. Geller a un air ftcile & un ton
d'ingénuité , mais il a peu d'eniouement.
LichtWert eft l'inventeur de la plupart de
{es fables : le journal étranger lui reproche
trop peu d'exaditude & trop de longueur.
Ce dernier reproche ne pourra convenir à
M. Lelîing : mais la brièveté eff chez lui
aux dépens des grâces , & fes déclamations
contre la Fontaine , prouvent qu'il eu plus
aifé de fatyriler un grand homme que de
l'imiter.
Cet article efi tire' de la Poétique élémen-
taire de M. l'abbé la. Serre. *
APOLTRONIR , v. ad. terme de Fau-
connerie , fe dit d'un oileau auquel on a
coupé les ongles des pouces ou doigts
de derrière , qui font comme les clés de
main , & Ces armes , de forte qu'il n'eft plus
propre pour le gibier.
APOMÉCOMETRIE , f f (Géom.)
eft l'art ou la manière de mefurer la diftance
des objets éloignés. Voye\ DISTANCE.
Ce mot vient des mots grecs «t» , juîi^of ,
longueur f & ij-iî^hv , mefurer. (O)
A P O il
* APOMYUS , (urnom que les Éléens
donnèrent à Jupiter , pour avoir chaflé les
mouches qui incommodoient Hercule pen-
dant un ficrifice;à peine Jupiter tut -il
invoqué , que les mouches s'envolorcnt au
delà de l'Alphéc. Ce hit en mémoire de
ce prodige , que les Éléens firent tous les
ans un iacrifice à Jupiter apomyus , pour
être débarraffés de ces infedes.
* APON , fontaine de Padoue , dont
Claudien nous afl'ure que les eaux rendoient
la parole aux muets , & gucnffoient bien
d'autres maladies.
APONEVROLOGIE , f f c'eft la partie
de l'Anatomie dans laquelle on donne la
deicription des aponévrofes. Voye\ APO-
NEVROSE.
Ce mot eft compofé du grec «^o , de
l'sDjîoi' , nerf & de hoyof , traité 3 c'ell-à-
dire traité des nerfs , parce que les anciens
fe fervoient du même mot nerf, pour ex-
primer les tendons , les ligamens , & les
nerfs ; on y ajoutoit des carafteres par-
ticuliers, l^ovei An ATOMiE & Nerf. (L)
APONEVROSE , f f «..o.çrpa?/.- , des
mots grecs àfTo , & rsDpov , nerf; d'eu parmi
les anatomijîes , l'extenfion ou l'expanfion
d'un tendon ;\ la manière d'une membrane ,
royei TendoN Ù MEMBRANE , parce
que les anciens attachoient au mot nerf ,
l'idée des nerfs , des tendons , & des liga-
mens , en y ajoutant des carafteres particu-
liers, yoyei Nerf & Ligament. (Z)
APONEVROTIQUE , adj. e/z anato-
mie y fe dit des membranes qui ont quel-
que reffcmblance avec Yaponéyrofe. Voye\
Aponévrose.
C'eft dans ce fens que l'on dit membrane
aponéirotique. (L)
APOPHLECMATILAMES , Ou félon
quelques auteurs ,Ap0PHI.BGMATISMES ;
des mots grecs à-ari , & iph'.y/xa , phlegme ,
terme de pharmacie , médecine propre à
purger le phlegme , ou les humeurs féreufes
de la tÙK & du cerveau. Voye^ Phlegme.
APOPHLEGMATISMES & Apo-
phlegmatisans, {Médec. & matière
* On .1 fubrtitué cet article à celui de M. l'abbé Mallet , qui dirpenfe l'apologue de la
convenance des mœurs , & f.iit une règle de cette faute , échappée très-rarement à Phèdre
& à la Fontaine. Dans piefque toutes leurs fables, ils OiJt eu l'atientioa d'obferv&r I.îS
mceuts técUij ou idéales des ariinuux.
3.Z A P O
méd. ) mots par le'qucls les anciens cxpri-
moient les évacuations de iérolités ou pituite ,
& les opéroient. Cette claflè d'évacuations
& de remèdes a été reflreinte par les mo-
dernes aux évacuations de la tcte &; du cer-
veau. Les fternutatoires ou errhins , les malti-
catoires ou iialagogues , font les principaux
apophiegmatilans ; & leur emploi , regardé
comme rrès-iecondaire , elt rarement pra-
tiqué dans la médecine uiueile. Il efî
pourtant aflliré que la plupart de ces mé-
dicamens , agiflant comme topiques , &
dans la partie ou trop près de la partie
affeûée , nous offrent un fecours direct ,
bien préférable à tant de remèdes géné-
raux , dont l'aftion précaire n'a d'autre
fondement que l'ulage ou l'opinion , dans
les vertiges , les menaces de paralylie ou
d'apoplexie féreufe des vieillards , dans les
hydrocéphales qui" peuvent admettre un
traitement, dans le bégaiement dépendant
de ces caules , dans les enchitrénemens
conlidérables , avec fluxion ("ans crainte
d'inflammation ; on pourroit retirer de
très-grands avantages de tous ces remèdes.
{M. LA Fosse.)
APOPHORETA , {Hift. anc.) inf-
trumens ronds & plats , qui ont un manche
avec la forme d'alliettes. On mettoit defTus
des fruits ou des viandes ; & ils étnient
appelles apophoieta , àferendo poma. Cette
conjecture elf du Père Monthiucon , qui ne
la donne que pour ce qu'elle vaut ; car il
ajoute tout de fuite, que plutôt que de
former des conjeflures , il vaut mieux atten-
dre que quelque monument nous inflrullè du
nom & de l'ulage des inflrumens qu'il a
repréféntés , pa^. i4-^ } tom. II , & aux-
quels il a attribué celui à'apophoreta.
* APOPHORETES , {Hift. anc.) pré-
lens qui fe failoient à Rome , tous les ans ,
pendant les Saturnales. Ce mot vient de
a^oîôpiiTrt reporta- , parce que ces préfens
étoient remportés des feflins par les conviés.
VoYe:{ ÉTRENNES.
APOPHTHEGME , cû une fentence
courte , énergique &c infiruôive , pronon-
cée par quelque homme de_ poids & de
conlldération , ou faite à fon imitation.
Tels Ibnt les apophtegmes de Plutarque ,
ou ceux des anciens raiîemblés par Lyf-
cojîhenes.
A P O
Ce mot eft dérivé du grec ?9s>T9.t<et; J
parler y l'apophtegme ùtam une parole re-
marquable. Cependant paiTni les apophteg-
mes qu'on a recueiUis des anciens , tous ,
pour avoir la brièveté des ièntences , n'en
ont pas toujours le poids. {A)
APOPHYGES , f. f. en architecture ,
partie d'une colonne, où elle commence ;i
iornr de la baie comme d'tme iijurce , &
à tirer vers le haut. Kbjf;j Coi ONNE &•
Base.
Ce mot dans fon origine grecque , fignifie
ejjor ; d'où vient que les François l'appellent
ejchape , congé , Sic. & quelques Archi-
teftes , foiirce de la colonne, h'apophyge
n'étoit originairement que l'anneau ou la
ferraille attachée ci -devant aux extrémi-
tés des piliers de bois , pour les empê-
cher de le fendre , ce que dans la luite on
voulut imiter en ouvrages de pierre. Voyei^
Congé. {P)
APOPHYSE, l f. {Anatomie) vient
de ifflà , de, & ?fs) , croître. C'elt cette
partie de l'os , qui n'en a jamais été léparée
par un cartilage mitoyen. C'elf en cela que
confifle fa ditïérence d'avec l'épiphyfè , os
féparé dans le fœtus d'avec le corps de l'os
par lui cartilage , & qui ne le réunit à l'os
que lorfque ce cartilage a été effacé. On
confond très-louvent ces deux objets , & on
appelle apophyfe ce qui eff une véritable
épiphyfe.
Les apophyfes font ou originales ou ad-
ventices. La mîîchoire intérieure en a quatre
originales. Il y en a à l'os ilchion, au talon
& ailleurs.
Les apophyfes adventices fe forment par
l'atrradion des mulcles. C'clf le malloïdien
qui , en tirant à foi la furface inférieure du
crïîne , fépare la lame externe de l'interne , &C
donne naiflfance à Vapophyfe malfoïdienne.
Tous les os longs lont remplis de tubercules
que Acs mulcles ont formés de la ir.èir.e ma-
nière , & qui ne fe trouvent pas dans le foetus-
[H. D. G.) VoyeT^ CORACOIDE, Sty-
LOiDE, Mastoïdes, & Muscles.
APOPLECTIQUE , adj. relatif à l'apo-
plexie : ainfi ntnis cillons accès apoplecH"
que y eau apoplecJitjue , iymptome apoplecli-
que , un malade apopleclique , foibleflè &
paralyfie apoplcclupie , dilpolition apopUcIi'
que f amulette &. épitheme apopleclique ,
baums
haume apoplectique. Fbyq Amulette S*
Baume. ( N)
APOPLEXIE , f. f. (Médecine) maladie
dans laquelle il le fait lubitement une ful-
penlion de tous les mouvcmens qui dépen-
dent de la volonté & de Tadion des iens
intérieurs & extérieurs , lans que celle des
poumons ni la circulation du làng ioient
interrompues , la rei'piration & le batte-
ment des artères étant comme dans l'état
naturel , & iouvent même plus forts ; d'où
l'on peut conclure que les ncrts qui pren-
nent leur origine dans le cerveau lont les
feuls afîedés , fans que les fondions de ceux
qui partent du cervelet foient altérés dans le
commencement ; ce qui donne à cette ma-
ladie la redémblance d'un profond lom-
meil , qui cû cependant accompagné d'un
bruit provenant de la poitrine , auquel les
Médecins ont donné le nom de Jlerceur.
Les lignes avant-coureurs de cette mala-
die (ont , ielon Duret , des douleurs de tête
vagues , un vertige ténébreux , une lenteur
dans la parole , & le froid des extrémités.
Ces lignes ne le maniteflent pas toujours ;
car le malade eft ordinairement frappé avec
tant d'impétuofité , qu'il n'a pas occafion
de prévoir , ni le temps de prévenir , une
attaque d'apoplexie.
On doit regarder comme caufes de cette
maladie , tout ce qui peut arrêter ou dimi-
nuer le cours des eiprits animaux dans les
organes des fens & des mouvemens dépen-
dans de la volonté , tels qu'un épaiflîfTe-
ment du Hing & de la lymphe , aflcz confi-
dérable pour qu'ils ne puifTent circuler dans
les vailîèaux du cerveau ; un épanchement
de quelque matière qui , comprimant les
vailfeaux artériels , nerveux & lymphati-
ques , arrête la circulation du fluide qu'ils
contiennent ; enfin tout ce qui peut s'op-
pofer au retour du iang des vaiiTeaux du
cerveau vers le cœur.
Ces caufes ne concourent pas toutes en-
femble à V apoplexie , ce qui a donné lieu à
la diihndion que l'on a faite de cette ma-
ladie en fe'reaje & en Janguine j Boerhaave
ajoute la poljpeufe.
On tire le pronoflic de ^apoplexie de la
refpiration du malade : lorf'qu'elle eff labo-
rieufe , la maladie efl mortelle ; quand elle
eft aifée , ou que les remèdes la rendent
Tome m.
APO 35
telle , il rcHe encore quelque efpe'rancc de
fauvcr le malade.
La cure de Vapoplexie cfl difFérente , fé-
lon les caul'es qui la produilent.
Les anciens Médecins d'accord avec les
modernes fur la néceflité de la faignée dans
cette maladie , kirlqu'ellc clt produite par
une caulè chaude , ordonnent de la réitérer
fouvent dans ce cas , avec la précaution de
mettre c]uelques intervalles cntr'ellcs , félon
Hippocrate & Celle ; lorlqu'clles ne font
pas avantagcufcs , elles deviennent très-
nuifibles aux malades.
Hollicr qÛ. d'avis de taire tourmenter beau-
coup le malade attaqué A' apoplexie (éreufe ,
de le faire fecouer , & de lui faire frotter tou-
tes les parties du corps ; il prétend que l'on
empêche par ce moyen le (ang de f"e con-
geller , fur-tout 11 l'on a le foin de frotter le
cou du malade à l'endroit où font les veines
jugulaires , & les artères carotides; ce qu'il
regarde comme ablblument nécclTaire pour
palier avec fuccès à la faignée.
Duret n'admet la méthode de fecouer le
malade , que lorfque Vapoplexie cfl venue
peu-;\-peu , & que l'on eff sûr qu'il n'y a
qu'une légère obffrudion , prétendant que
dans une apoplexie fubite , les fecouflès
augmentent l'oppreflîon & accélèrent la
mort du malade.
Le reffe du traitement confifle A procu-
rer par tous les moyens pofîibles des éva-
cuations ; ainfi les émétiques font les remè-
des appropriés dans ce cas , tant pour éva-
cuer les matières amaffées dans le ventri-
cule , que pour donner au genre nerveux
une iecoufle capable de rendre aux efprits
animaux la facilité de parcourir les filets
nerveux qui leur font dcflinés.
On joindra à l'ufîige des émétiques celui
des clyfleres acres & purgatifs , afin de rap-
peller le fentiment dans les inteflins , par
l'irritation qu'ils occafionent.
Malgré tous ces fecours , Vapoplexie qui
ne s'cfl pas terminée au fepticme jour par
la mort du malade, dégénère fouvent en
hémiplégie , c'eft-.\-dlre en paralyfîe de
quelqu'un des membres , ou en paraplégie ,
qui eft une paralylie de tous , maladie or-
dinairement incurable. Voye\ HÉMIPLÉ-
GIE & Paraplégie. ( L )
wL'on vient de conlliller les émétiques
%
3+ A P O
jj M. Le Preux - Andri va prouver qu ils
7> font iouvent funertes :
» Non noftrum efi tanças cornponere lites.i)
L'uff.ge des éinétlques paroît condKré dans
le traitement ordinaire de toutes les efpeces
d'jpop/fx/V; cependant ii l'on confidere l'effet
que produit un émétique dans le moment
de Ton aftion , fi l'on fonge au reflux de fang
qu'il occauone vers les parties fupérieures ,
reHux li bien annoncé par la rougeur de la
phyilonomie , la proéminence des yeux qui
fèmblent Ibrtir de l'orbite , par une douleur
vive qui lemble fendre le crâne , par les
tintemens d'oreille très-confidérables , n'au-
ra-t-on pas lieu de craindre d'augmenter
l'embarras qui exiile dé)a dans le cer-
veau , fi l'on vient à poudcr vers cette
partie une nouvelle quantité de fang? On
dira peut - être qu'en accélérant la cir-
culation , en déterminant avec force une
nouvelle quantité de fang , on va détruire
les obflacles qui donnoient des entraves
à la circulation : inais connoît - on afîez
bien le degré de torce qu'on imprime ?
peut-on évaluer le degré de réfiitance que
préfenteroient les vaifleaux , fi la dillenfion
de ces vaiffèaux eu déjà portée à un de-
gré exceilif ? n'a-t-on pas à craindre que ,
par le premier effort qui furviendra , les
tuniques des vaifleaux , déjà incapables de
prêter , ne rompent tout d'un coup ? On
fentira , & de refle , la jufleffè de ces ré-
flexions } quand on viendra à examiner ce
qui fe paflé dans l'efpece d'apoplexie qu'on
nomme fanguine.
Car , dans cette efpece , le malade paroît
fuffoqué par la quantité de iang qui fe
porte vers la tête ; & certes le moyen
d'empêcher que le fang ne foit dardé avec
trop de violence & en trop grande quan-:
tité vers le cerveau , n'efl pas de lui don-
ner un nouveau degré d'adivité , ce que
l'adion de l'émétique produit. D'après ces
conlidérations , il femble qu'on devroit
être plus réfervé qu'on ne Feif iur l'ufage
des émétiques ; & fi la plupart du temps
les émétiques ne produlfent pas les eflets
fâcheux qui doivent rélulter nécefTairement
de leur a£fion , c'efl que les forces de la
machine le trouvent engourdies , l'émé-
tique n'exerce pas fon aélion dans toute
fon étendue ; il ne produit aloFs qu'une
A P O
impreffion légère , qui équivaut à celle
qu'un purgatif ordinaire aiiroit pu pro-
duire. Si nous paroiflons bldmer luiu^e
des émétiques dans l'efpece à^apoplexie
qu'on nomme fanguine, nous croyons qu'ils
pourroicnt être placés avec plus d'avantage
dans l'elpece d'apoplexie qu'on nomme fe-
reufe y l'inertie dans laquelle efl plongée
toute la machine , le ralentiff^ment de la
circulation , qui paroît fi bien marqué par
la pâleur de la ph) fionomie , la folbleflé &
la lenteur du pouls , annoncent que la ma-
chine a beioin d'un nouvel aiguillon qui dé-
veloppe le principe de vie prêt à s'éteindre.
D'ailleurs , comme il y a toujours dans
l'apoplexie iéreufe , appareil dans les pre-
mières voies , c'efl-à-dire , amas de faburre ,
un émétique qui va nettoyant les pre-
mières voies , ne peut que convenir. Un
remède dont on peut tirer grand profit
dans les diilcrentes efpeces d'apoplexie , efl
l'application des veilicacoires. Ce remède
convient principalement dans l'apoplexie
féreulè , parce qu'étant de nature flimulante ,
il met en jeu tout le fyflême nerveux , &
donne plus de reffort aux vaifleaux qui ne
ionr que trop affoiblis ; d'un autre coie , la
luppuration qui s'excite par l'effet des velli-
catoires elf une efpece de décharge qui va
au bien de la machine. ( M. Le Pre UX~
An DR y.)
APOPOMPÉE , f f. ( Hifl. anc. ) notn
que l'on donne à la viftime que les juifs
chargeoient de malédictions , &: qu'ils chal-
foient dans le défert à la fête de l'expiation.
Voye'^ Expiation.
Ce mot vient du grec aTro-nf^^Ttr'-iv , qui
lignifie renvoyer. Macer , in Hierolexic. (G)
APORON ou APORISME , flgmfie
chez quelques anciens Géomètres un pro-
blême difficile à refoudre , mais dont iln'cll
pas certain que la réfolution ioit impoifible.
Voyei Problême.
Ce mot vient du grec à^ocof , qui fignifîe
quelque cliofe de très-difficile, &i même d'im~
praticable ; il efl formé d'-< , privatif, & de
-rof or , pajjage. Tel efl le problême de la qua-
drature du cercle. V. QUADRATURE, Ê'c.
Enfin l'on propofoit une queffion à qiiel-
que philoiophe Grec , fur-tout de la kâs
des Académiciens : s'il n'en pouvoit don-
ner la Iblution , fa réponfe etuit àTo^sw ,
A P O
je ne la conçois pas , je ne fuis pas capa^
ble de l'éclâircir. (O)
APORRHAXIS , A'cc^'^f'mm ,
abrumpo ,frango ; ibrtc de )eu en ufage chez
Icsanciens , & qui confdfoit à jeter oblique-
ment une balle contre terre , de manière
que cette balle rebondiflant alhlt rencontrer
d'autres joueurs qui l'attcndoicnt , & qui
la repouflant encore obliquement contre
terre, lui dcnnoient occaiîon de rebondir
une féconde fois vers l'autre côté , d'où
elle étoit renvoyée de même , & ainfi de
fuite, julqu'à ce que quelqu'un des joueurs
manquât fon coup ; & l'on avoit foin de
compter les divers bonds de la balle. C'étoit
une efpece de paume qu'on jouoit à la
main. {G)
APORRHOEA , du mot grec iToffitv ,
couler , le dit quelquefois , en Phyfiqiie , des
émanations ou exhalaifons fulfureufes qui
s'élèvent de la terre & des corps (outer-
rains. f^oj'e:^ VaPEUR , EXHALAISON ,
Mephitis. (o)
* APOS , f. m. c'eft , félon Jonflon , une
hirondelle de mer , très-garnie de plumes ,
qui a la tête large , & le bec court ; qui fe
nourrit de mouches , & dont le cou ei\
court , les ailes longues , & la queue four-
chue. On le nomme apos , parce qu'il a
les jambes lî courtes qu'on croiroit qu'il n'a
point de pies : fi l'on ajoutoit à cette def-
cription qu'il a le gofier large , qu'il ne peut
fe relever quand il efl à terre , & qu'il eu
noir de plumage , on prendroit facilement
Vapos pour le martinet.
APOSCEPARNISMOS , terme de
Chirurgie , ell une efpece de trafiure du
crâne faite par un inftrument tranchant , qui
emporte la pièce comme fi une hache l'avoit
coupée.
Ce mot vient du grec j-fcêTifrov , une coi-
gne'e , une hache. VoycT^ Bibl. anat. med.
tom. I , p. 555) & ^8 2.
J'ai oui lire , à l'académie royale de Chi-
rurgie , une oblervation envoyée par un
chirurgien de régiment , qui alfuroit avoir
guéri par la limple réunion une plaie à la
tête (-aite par un coup de labre , qui en
dédolant avoit enlevé une pièce du crâne ,
de façon que la dure -mère étoit décou-
verte de l'étendue d'une lentille. Cette pièce
d'os étoit retenue par les tcgumens. Le chi-
A P O 35
rurgicn , après avoir lavé la plaie avec du
vin tiedc , appliqua les parties dans leur
fituation naturelle , & les y maintint par
un appareil & un bandage convenable. Il
prévint les acciilens par les iaignécs & le
régime , & la conduite qu'il tint eut tout le
luccès poihble.
Cette pratique ne (èroit point à imiter Ci
la dure-mere étoit contulé : il faudroit dans
ce cas achever d'ôter la pièce , & pcnler ce
trépan accidentel , comme celui qu'on fait
dans un lieu de néceflité ou d'éledion , pour
les accidens qui requièrent cette opération ,
afin de faire fuppurer la contufion de cette
membrane. Voye^ T Kt? hïi . (V)
APOSIOPËSE , f f. {Belles Letr.) figure
de rhétorique , autrement appellée réticence
ou fupprejjion : elle fe tait lorfque , venant
tout d'un coup à changer de pailion , ou à la
quitter entièrement , on rompt brufque-
ment le fil du difcours qu'on dcvroit pour-
fuivre , pour en entamer un différent. Elle
a lieu dans les mouvemens de colère , d'in-
dignation , dans les menaces , comme dans
celle-ci , que Neptune tait aux vents dé-
chaînés contre les vaiiTeaux d'Enée :
Quos ego ....fed motos praflat componere
fluclus.
Ce mot vient du grec tLvâjtn-ràoi, je me
tais. Voyei RÉTICENCE. ( G )
APOSTASIE, ce wos-asri* , réi'ohe ,
abandon du parti qu'on fuivoit pour en pren-
dre un autre.
Ce mot ell formé du grec kttI , ab , con-
tra , & de ijyiui , être debout , fe tenir ferme y
c'ell-à-dlre réfiffer au parti qu'on avoit fuivi ,
embraffer une opinion contraire ;\ celle
qu'on avoit tenue ; d'où les Latins ont formé
apoflatare, mépriier ou violer quelque chofè
que ce folt. C'efl en ce tens qu'on lit dans
les loix d'Edouard le confefleur : Qui leges
apofiatabit terrje fui.v , reusjit apud regem f
que quiconque viole les loix du royaume
foit tenu criminel de lei'c-majefié.
Apoflajie ié dit plus particulièrement de
l'abandon qu'une perlonne fait de la vraie
religion pour en embrafler une fauflè : telle
tut Taclion de l'empereur Julien , quand il
quitta le chrifliajiifme pour profeflcr l'ido-
lâtrie.
E 2
3(5 A P O ^
Parmi les Catholiques , apoflafie s'entend
encore de la délertlon d'un ordre religieux ,
dans lequel on avoit fait profellion , & qu'on
quitte lans une difpenle légitime. Voye^
Ordre & Dispense.
Les anciens diftinguoient trois fortes
à'apojhfiei la première, àfupererogaùone ,
qui fe commet par un prêtre ou un reli-
gieux qui quitte fon état de fa propre autori-
ré ,pour retourner à celui des laïques ; & elle
eft nommée de furérogation , parce qu'elle
ajoute un nouveau degré de crime à l'une
ou l'autre des deux efpeces dont nous allons
parler , & Ihns l'une ou l'autre defquelles
elle n'arrive jamais : la féconde , à manda-
lis Dei i c'crt celle que commet quiconque
viole la loi de Dieu , quoiqu'il perliiîe en la
croyance : la troifieme, àfide; c'eft la dé-
fedion totale de celui qui abandonne la foi.
Voyei Renégat. _ .
Cette dernière ell fujette à la vindifle des
loix civiles. En France , un Catholique qui
abandonne fi religion pour embraffer la re-
ligion prétendue rétormée , peut être puni
par l'amende honorable , le banniflement
perpétuel hors du royaume , & la confiica-
lion de fcs biens , en vertu de plulieurs édits
& déclarations publiés ious le règne de
Louis-lc-Grand. ( G-H)
APOSTAT, apvftata , homme qui aban-
donne ou renie la vraie foi , la vraie reli-
g'on. {G)
APOSTEME , f. m. terme de Chirurgie ,
tumeur contre nature , faite de matière
liumorale.
Nous remarquerons , dans les apoflemes,
lei'.rs différences , leurs caules , leurs iignes ,
leurs temps & leurs terminaifons.
Les dincrences des apojlemes lont efîen-
tlellcs ou accidentelles : celles-là viennent
de l'eipece de Huide qui produit la tu-
meur ; celles-ci viennent du délordre ou
dérangement que ces mêmes humeurs peu-
.^■cnt produire.
Les apoflemes étant formés par les liqueurs
renfermées dans le corps humain , il y a
siu.-nt de différentes elpeces d'apojhmes
qu'il y a de ces différentes liqueurs : ces
liqrcurs font le chyle, le fang , & celles
qui émanent du iang.
1°. Le chyle forme des apofiemes , foit
fTX s'en^orgcaat dans les ^jlaiadcs du mJlcn-
A P O
tere , dans les vaifleaux laélées , ou dans le
canal thorachique ; foit en s'échappant dans
le ventre ou dans la poitrine.
2°. Le fang produit des apoftemes , par fa
partie rouge ou par fa partie lilanche. Il y a
pluficurs elpeces d'apojiemes formés par la
partie rouge du fang : les uns le forment
par infiltration , comme le rhumbus , l'échy-
mofe , les taches fcorbutiques. Voye-{ IN-
FILTRATION. D'autres, par épanchement
proprement dit , comme l'empyerae de fang.
yoyei Empyeme. Quelquefois le fang elt
épanché, & en outre infiltré dans le tiffu
gralfleux ; tel efl le cas de l'anevryf'me faux.
Voyei AneVRYSME. Toutes ces différen-
tes efpeces d'apoftemes fanguins font produi-
tes par extravafation : il y en a de plus qui
font caufes par le fang contenu dans {es vaiC-
féaux , foit par leur dilatation contre nature ,
comme les anevryfmes vrais , les varices y
les hémorrhoïdes ; d'autres font produits ,
en conféquence de la conftricfion des vail-
feaux , ce qui produit l'inflammation , la-
quelle eft phlogofe, créfipele , ou phlegmon»
V^oye\ ces mots à leur ordre.
La partie blanche du fang caufe des
apoflemes , en s'arrêtant dans fès valffeaux,
ou en s'extravafant. On range fous la pre-
mière clailè les skirres , les glandes gonflées
& dures , les rhumatifmes , la goutte ;
l'œdème & Thydropifie font de la féconde:
celui-là fe tait par infiltration , celui-ci par
épanchement.
3°. Les liqueurs émanées du fang peu-
vent être des caufes ti\ipv/îemes : le fuc
nourricier, lorfqu'il ef^ \lcié ou en trop
grande abondance , produit , en s'arrêtant
ou en s'épanchant dans quelques parties ,
les calus difformes , les cxcroillances de
chair appellées farcomes , les poireaux , les
verrues , les condylonus , les farcoceles.
Vpye'^ tous CCS mots.
La graiffc , dépofée en trop grande quan-
tité dans quelques parties , forme la loupe
graiflcufe. Voye^ LlPOME.
La femencc retenue , par quelque caufe
que ce foit, dans les canaux qu elie par-
court , forme des tumeurs qu'on appcLe
fpermatocele , fi la liqueur cfl arrêtée dans
l'épidydime ; & tumeur fe'minale , lî la
liqueur s'amafle en trop grande quantité daus
les véliculcs iéaùu.ilcs.
A P O
Ln fyncn le , lorlqu'elle n'crt point repom-
pcc pur les parcs relorbans dus ligamciis
articulaires , produit Tank) lolc , le gonfle-
ment des jointures , & l'iiydropilie des
articles.
La bile caufc une tumeur en s'arrétant
dans les pores biliaires , ou dans les vélicu-
Ics du fiel , ou dans le canal cholidoque ; ce
qui peut être occafioné par une pierre bi-
liaire , ou par l'épaiffifiement de la bile.
L'humeur des amygdales , retenue dans
ces glandes , caule leur gonflement. La ia-
live , retenue dans les glandes , produit les
tumeurs nommées parotides ,• &; retenue
dans les canaux excréteurs des glandes
maxillaires ou lublinguales , elle produit la
grenouillettc.
Le mucus du nez produit le polype , par
l'engorgement des glandes de la membrane
pituitaire.
Les larmes , par leur mauvaife qualité ,
ou par leur lejour dans le (ac lacrymal , ou
dans le conduit nalal , produiknt les tu-
meurs du lac lacrymal , ou l'oblîrudion du
canal nalal.
La Challic , retenue dans les canaux ex-
créteurs , forme de petites tumeurs qui lur-
viennent aux paupières , & qu'on appelle
orgelets.
L'humeur febacée , retenue dans (es pe-
tits canaux excréteurs , forme lis tanes ou
taches de rouilcur.
L'urine , retenue dans les reins , dans les
uretères , dans la veflîe ou dans l'urètre ,
produit des tumeurs urinaires. Voye\ RÉ-
TENTION d'urine.
L'humeur des profiates caufe la rétention
d'urine , lorfqu'elle s'arrête dans ces glan-
des , & qu'elle les gonfle au point d'oblitérer
le canal de l'urctre.
Le lait peut obrtruer les glandes des
mimelles , ou rentrer dans la made du
iang , fe dépoîer enfuite fur quelque partie ,
& former ce qu'on appelle communément
lait répandu.
Le Iang menfiruel , retenu dans le vagin
des filles imperforées , caule un apofteme.
Voyei Imperforation.
Les tumeurs , formées par lair contenu
dans nos humeurs , pjuvent êtie regardées
comme des apojfemes. V^. EMPHYSEME &
ÏYMPAislTE, Quelques-uns regardem les
A P O 37
tumeurs renteufes , fur-tout lorfquc cet air
vient du dehors , comme formées par un
corps étranger. Kojf:; TUMEUR.
Les différences accidentelles des apsftemes
le tirent de leur volume , des accidens qui
les accompagnent , des parties qu'ils atta-
quent , de la manière dont ils fe forment ,
& des caules qui les produifent.
Par rapport aux parties où les apoflemes fe
rencontrent , ils reçoivent difFérens noms :
à la conjondive , l'inflammation s'appelle
ophtalmie : à la gorge , efquinaiicie ; aux
aines , Bubons ; à l'extrémité des doigts ,
panaris.
Les apoflemes fe forment par fluxions ,
c'efî-à-dire , promptement ; les autres par
congcffion , c'eft-à-dirc lentement : ceux
qui font formés par fluxion , font ordinai-
rement des apoflemes chauds , comme l'éré-
lipcle & le phlegmon : on appelle apoflemes
froids , ceux qui fe forment par congeflion ;
par exemple , l'œdème & le skirrhe.
Quant à leur caufe , les uns font bénins ,
les autres malins ; les uns critiques , les
autres lymptomatiques : les uns viennent
des caufes externes , comme coups , fortes
ligatures , contaâ , piquure d'infeftes ,
mprlure d'animaux venimeux , & mauvais
ulage des lîx choies non-naturelles , lefquel-
les font l'air , les alimcns , le travail , les
veilles & les paflîons , le fom.meil & le repos ,
les humeurs retenues ou évacuées ; toutes
ces caufes produifent embarras , engorge-
ment & obflruftion , & conféquemmentdcs
apoflemes ou tumeurs humorales.
Les caules internes viennent du vice des
folides , & de celui des fluides. Le vice àes
folides confifle dans leur trop grande ten-
fion , ou dans leiir contrai5i:ion , dans la
perte ou dans l'alFoiblilTèment de leur rel-
lort , & dans leur divifion.
Le vuide des fluides confifle dans l'excès
ou dans le défiuit de leur quantité , & dans
leur mauvaife qualité. Voyei ^^ mémoire de
M. Queinay , fur le l'ice des humeurs , dans
le piemier volume de ceux de l'académie
royale de Chirurgie.
Les fignes dc^^ apoflemes font particu-
liers à cliaque cfpece ; on peut les voir à
l'art'cle de chaque tumeur.
On remarque aux apoflemes , comme à
toutes les nialadies , quatre temps ; le corn-;
38 A P O
rnencernent , le progrès , l'état & la fin.
Le commencement eft le premier point
de l'obftruâion qui arrive à une partie ; on
le reconnoît à une tumeur contre nature , &
à quelques légers fymptomes.
Le progrès eft l'augmentation des cette
même oblîrudion ; on le reconnoît aux
progrès des {ymptomes.
L'état eft celui où l'obftruâion eft à Ton
plus haut point ; on le reconnoît à la vio-
lence des fymptomes.
La fin des apoftemes fe nomme leur ter-
ni inaif on.
La terminaifon des apoftemes fe fait par
réfolution , par fuppuration , par délitef-
cence , par induration , & par pourriture ou
mortification. Toutes ces terminaifons peu-
vent être avantageufes ou défavantageufès ,
relativement à la nature & aux circonilan-
ces de la maladie. VoyeT^ les mots qui expri-
ment les cinq terminaifons des apoftemes ,
chacun à fon article.
Quelques auteurs prennent le mot apof-
teme , comme fignifiant la même choie
qu'aif^j-. V^oye\ AbCÉS. ( Y)
APOSTILLE , f. f . ( Droit^ , Çomm.
L'utér. ) annotation ou renvoi qu'on lait à la
marge d'un écrit, pour y ajcu-cr quelque
chofe qui manque dans le texte , ou pour
réclaircir & l'interpréter.
ApostII.T.E , en matière d^ arbitrage ,
fignifi.c un écrit fuccinâ que les arbitres met-
tent à la marge d'un mémoire ou d'un
compte , à côté des articles qui font en dif-
pute. Les apoftilles doivent être écrites de la
main des arbitres , & on doit les regarder
comme autant de fentences arbitrales , pui!-
qu'elles jugent les conteftations qui font
entre les parties.
Celles qui font fiiltes en marge d'un aâc
pafTé pardevant notaire , doivent être para-
phées par le notaire & par les parties.
APOSTILLE , ad'], quand on dit qu'un
mémoire , qu'un compte cil apoftille par des
arbitres , c'eft-à-dire , qu'il a été réglé &
jugé par eux. VoyeiAvoSTÏLLE.
APOSTILLER , mettre des apoftilles
en marge d'un mémoire , d'un ade , d'un
compte , d'un contrat. Voye7 APOSTILLE.
(G)
APOSTIS , f. m. (Manne) on appelle
ainli deux longues pièces de bois de huit
A P O
pouces en quarré , & tant foit peu abaiP-
l'ées , dont l'une eft le long de la bande
droite d'une galère , & l'autre le long de
la bande gauche , depuis l'épaule juiqu'à la
conille , & qui portent chacune toutes les
rames de la chiourme par le moyen d'une
grolFe corde, f^oye^ GALERE , ÉpAULE ,
Conille , Chiourme. ( Z)
APOSTOLICITE , f f. fe peut prendre
en différens lens ; ou pour la conformité
de la doctrine avec celle de l'églife apofto-
lique ; ou pour celle des mœurs avec cel-
les des aporres ; ou pour l'autorité d'un ca-
radere accordé par le fiint liège. Ainfi on
dit V apoftoliciu à\\n fentiraent , de la vie ,
d'une million.
'^APOSTOLINS, f. m. pi. ( Hifl. eccléf. )
religieux dont l'ordre commença au qua-
torzième fiecle à Milan en Italie. Ils pri-
rent ce nom parce qu'ils tailoient profellîon
d'imiter la vie des apôtres , ou celle des
premiers fidèles.
APOSTOLIQUE , adj. fignifie en gé-
néral ce qui vient des apôtres , ou qui peut
convenir à un apôtre. Mais ce terme fe dit
plus particulièrement de ce qui appardenc
au faint fiege , ou qui en émane. C'eft en
ce lens qu'on dit , un nonce apoftolique y un
bref apoftolique .
Apoftolique ( Chambre ) , eft un tribunal
où l'on difcute les affîiires qui regardent le
tréfor ou le domaine du faint fiege & du
pape.
Notaire apoftolique , 7-^. NOTAIRE. {H)
Apostolique , ( Théol. ) Le titre d'j-
poftolique eft un des caraâeres dillindifs de
la véritable Eglife. Ce titre qu'on donne
aujourd'hui par excellence à l'Eglifc Ro-
maine , ne lui a pas toujours été unique-
ment aftcfté. Dans les premiers fieclcs du
Chriftianifme il étoit commun à toutes les
égliles qui avoient été fondées par les apô-
tres , & particulièrement aux fieges de
Rome , de Jérulalem , d'Antioche , &
d'Alexandrie : comme il paroît par divers
écrits des pères & autres monumens de
FHiftoire eccléfiaftique. Les égliies même
qui ne pouvoient pas le dire apoftoliques y
eu égard ;\ leur fondation faite par d'au-
tres que par les apôtres , ne laifloient pas
de prendre ce nom , Ibit à caufe de la
conformité de leur doftrine avec celle des
A P O
dgliTc; apofloliques pnr leur fondation \ foit
encore parce que tous les évcqucs le re-
gariloient comme fuccelTcurs des apôtres ,
ou qu'ils agiUbicnt dans leurs diocelès avec
l'autorité des apôtres. Voye^ EvÊQUE.
Il paroît encore par les formules de Mar-
culphe , drelfées vers l'an 660 , qu'on don-
noit aux évêques le nom A' apolîolique. La
première trace qu'on trouve de cet ufage ,
ert une lettre de Clovis aux prélnts ailem-
blés en concile à Orléans ; elle commence
par ces mots : Le roi C loris aux S S. évê-
ques & très-dignes diijïege apoftolique. Le roi
Contran nomme les évéques allémblés au
concile de Mâcon , des pontifes apofloli-
ques y apojlolici pvntijices.
Dans les iiecles iuivans , les trois patriar-
chats d'orient étant tombés entre les mains
des Sarrafins , le titre à' apoftolique fut re-
fervé au feul licge de Rome , comme celui
du pape au iouverain pontife qui en ell
évêque. Voye\ PapE. S. Grégoire le grand
qui vivoit dans le vj fiecle , dit , lii'. V.
épit. 37. que quoiqu'il y ait eu plufieurs
apôtres , néanmoins le iicge du prince des
apôtres a ieul la luprême autorité , & par
coniéquent le nom A' apoftolique , par un
titre particulier. L'abbé Rupert remarque ,
lib. 1. de Divin, oftic. cap. xxvij. que les
iuccefiêurs des autres apôtres ont été appel-
lés patriarches ; mais que le fuccefl'eur de
St. Pierre a été nommé par excellence apof-
tolique , à caule de la dignité du prince
des apôtres. Enfin le concile de Rheims
tenu en 104.9 ' déclara que le fouverain
pontile de Rome étoit le Ieul primat apofto-
lique de l'Eglile univerfelle. De-là ces ex-
preilions aujourd'hui fi ulitées , fiege apofto-
lique , nonce apoftolique , notant apoftoli-
que , bret apoftolique , chambre apoftolique ,
vicaire apolhlique , &c. Voyei NoNCE ,
Bref , &c. (G)
APOSTOLIQUES, f. m. plur. ( Théolo-
gie. ) nom qu'Hofpinien , & Baie ou Balcé ,
évéque d'Olierie, donnent à d'anciens moines
autrefois répandus dans les îles Britanniques.
Ces deux auteurs prétendent que Pela-
ge , fi fameux par ion héréfie , & qui étoit
Anglois de naillànce , ayant été témoin dans
fes voyages en Orient , de la vie monafti-
que , rintroduifit dans fa patrie , & qu'il
fut abbé du monallere de Bangor , ayant
A P O 39
fous fa conduite julqu'à deux mille mo'nes.
Mais M. Cave , dans Ion hifioire l^ittéraire ,
tom. I , pag. zs 2 , quoiqu'il avoue que
Pelage ait éré moine , traite tout le refle de
rêveries & de tables , avancées fiir l'autorité
de quelques modernes , tels que Jean de
Tinmouth , Nicolas Chanteloup , &c. écri-
vains tort peu refpe^ables.
Bede , dans fon hiffoirc d'Angleterre ,
liv. II , c. ij 1 fitit mention de ce monaflere
de Bancor ou de Bangor , dans lequel on
comptoit plus de 2000 moines ; mais il ne
dit rien du nom A' apoftolique , qui paroû
être entièrement de l'invention de Baie &
d'Hotpinien.
Bingham , de qui nous empruntons cet
article , remarqiie qu'il y avoit en L'iande
un monaflere de Benchor , fondé vers l'an
^io jrir CongcU , dont faint Gai & (aint
Colomban furent difciples. Mais , ou lui ou
ton tradudeur fe {ont trompés , en préten-
dant que lair/ Colomban avoit fondé le
monallere de Lizieux en Normandie : In
Normanid Lexovienfe monafterium. Il fal-
loit dire : Luxovienfe monafterium , le mo-
naflere de Luxeu ou de Luxeuil , & tout le
monde iait que cette abbaye eft fituée en
Franche-Comté. Bingham , orig. ecclefiaft.
lib.VIl.c. ij, § 13.
ApoSTOLlt^UES ,iThéologie.) nom que
deux fedcs différentes ont pris , fous pré-
texte qu'elles imitoient les mœurs & la
pratique des apôtres.
Les premiers apoftoliques , autrement
nommés apotactites &; apotacliques , s'élevè-
rent d'entre les Encratitcs & les Cathares ,
dans le troifieme fiecle ; ils profefï'oient l'abi-
tinence du mariage , du vin , de la chair , Ùc.
Voye\ Apotactites , Encrati-
TES , <&(.-.
L'autre branche des apoftoliques fut du
xij fiecle : ils condamnoient auffi le mariage ,
mais ils pcrmettoient le concubinage ; ne
vouloient point admettre l'ufage du bap-
tême , <k imitoient en plufieurs chofes les
Manichéens. Saint Bernard écrivit conTe la
fede Aesapoftoliques , & parle contre eux au
fermon 66 fur les cantiques. Il paroît, pir
Sanderus & Baronius , qu'ils nioient le pur-
gatoire , l'invocation Acs Saints , la prière
pour les morts , & fè difbient être le feul
& vrai corps de l'églife : erreurs qui ont
40 A P O
beaucoup de fnpport à celles des Albigeois
qui parurent vers le même temps. Voye\
Albigeois. (G)
APOSTROPHE, f. f. ( Bel. Lett. ) figure
de rhétorique , dans laquelle l'orateur inter-
rompt le dilcours qu'il tenoit à l'auditoire ,
pour s'adrefler diredement & nommément
■X quelque pcrfonne , foit aux dieux , loit
aux hommes , aux vivans ou aux morts , ou
iî quelqu'êtrc , même aux chofes inanimées ,
ou à des êtres métaphyiiques , & qu'Oii ell
en uli^ge de perlonnifier.
De ce dernier genre efl ce trait de M.
BolTuet , dans Ion orailon funèbre de la du-
cheiîb d'Orléans : " Hélas , nous ne pouvons
>» arrêter un moment les yeux lur la gloire
de la princcflc , ians que la inort s'y mêle
auHi-tôt pour tout ofFufquer de Ion om-
bre! O mort , éloigne-toi de notre pen-
iée , & laillè-nous tromper , pour un
la violence de
douL
ouieur
moment , la violence de notre
par le louvcnir de notre joie. »>
Cicéron , dans l'oraifon pour Milon ,
s'adreiîe aux citoyens illuilres qui avoient
répandu leur iling pour la patrie , & les in-
tcrelTe à la détenii: d'un homme qui en avoit
tué l'ennemi dans la perfonne de Clodius.
Dans la même pièce il apoftrophe les tom-
beaux , les autels , les bois (acres du mont
Albin. Vos Albdiii tumuU atque laci , &c.
Enée , dans un récit , remarque que fi
l'on avoit été attcntit à un certain événe-
ment , Troye n'auroit pas été prife :
Priamique arx
.^neid. IL
Trojaque nunc ftares j
altu maneres.
'L'apojlrophe fait fentir toute la tendrefle
d'un bon citoyen pour la patrie.
Celle que Démoilhene adrefle aux Grecs
tués à la bataille de Marathon , efl célèbre ;
le cardinal du Perron a dit qu'elle fit autant
d'honneur à cet orateur , que s'il eût refl'uf-
cité ces guerriers. On regarde auffi comme
un des plus beaux endroits de Cicéron ,
celle qu'il adrefle à Tubéroa dans l'orailon
pour Ligarius : Quid eiiim y Tubero , mus
illedifiriâusuiacie P harfalicâ gladius age-
bdt ? &c. Cette apoftrophe eil remarquable ,
& par la vivacité du dilcours & par l'émo-
tion qu'elle produit dans l'ame de Céfar.
Au rcftc il en cil de ïapojlrophc comme
(les autres figures. Pour plaire elle doit n'être
AP O
pas prodiguée à tout propos. L'auditeur
fouffriroit impatiemment qu'on le perdît
inceflamment de vue , pour ne s'adrefièr
qu'à des êtres qu'il llippoie toujours moins
intérefles que lui au dilcours de l'orateur.
Le mot apoftropLe ell grec , jsTori^cçi' ,
averfio , formé d'^ï-o , ah y &: de î-ffja ,
reno , je tourne ; quia orator ab audttore
convertit fermonem ad aliamperfonam. (G)
Apostrophe , f. m. ell aullî un terme de^
Grammaire y & vient d'jtTsr-sjo; , iubflanti!:
mafculin ; d'où les Latins ont Eiit apofiro-
/)Ai/.rpourle même ufage. R . àTorf sijw , aver-
to , je détourne , j'ôte. L'ulage de Vapo/lro-
phe en grec, en latin , en italien & en Iran-
çois , e(l de marquer le retranchement d'une
voyelle à la fin d'un mot , pour la facilité de
la prononciation. Le figne de ce retranche-
ment eil une petite virgule que l'on met au
haut de la conibnne , & à la place de la
voyelle qui feroit après cette confonne , s'il
n'y avoit point à'apojhvphe ; ainfi on écrit
en latin men' pour mené ? tanton' pour
tanto-ne ?
.... Tanton' me crimine dignitm ?
Virg. ^Encid. v. 668.
.... Tanton^ plaçait concurrere motu ?
Virg. ^neid. XIL v. 503.
fiden' pour vides-ne ? ain' pour af-ne ?
dix-tin' pour dixifti-ne''. & en franc ois ,
grand'mejfe , grand'mere , pas grand'-
chofe y grand' peur , &c.
Ce retranchement efl plus ordinaire quand
le mot fuivant commence par une voyelle.
En françois Xe muet ou féminin efl la
feule voyelle qui s'élide toujours devant une
autre voyelle , au moins dans la prononcia-
tion ; car , dans l'écriture , on ne marque
l'élifion par Vapojlrophe que dans les mono-
f} llabes je , me , te , fe , le , ce, que , de ,
ne y & dans jufque & quoique , quoi qu'il
arrive. Ailleurs on écrit Ve muet quoiqu'on
ne le prononce pas : ainfi on écrit , une
armée en bataille y & l'on prononce un
armé en bataille.
L'a ne doit être fiipprimé que dans l'ar-
ticle & dans le pronom la , iame, l'églife,
je l'entends y pour;> la entends. On dit la
onzième , ce qui efl peut-être venu de ce
que
A P O
que ce nom de nombre s'écrit fouvcnt^ en
chiffre , le XI roi , la XI lettre. Lcscntans
difent m' amie , & le peuple dit auiii /«'a-
mour.
L'z ne fe perd que dans la conjonftion
Ji , devant le pronom mafculin , tant au
fïngulier qu'au pluriel ; s'il rient , s'ils tien-
nent , mais on dit ,.// elles tiennent.
Vu ne s'élide point , /'/ m'a paru étonne.
J^avoue que je fuis toujours iiirpris quand
je trouve , dans de nouveaux livres , lùen-
ara-t'il , dira-t'il : ce n'eft pas là le cas de
Vapoflrophe , il n'y a point là de lettre éli-
dée ; lé f , en ces occafions , n'eft qu'une
lettre euphonique , pour empêcher le bâil-
lement ou rencontre de deux voyelles ; c'efl
le cas du tiret ou divifion : on doit écrire, vien-
dra-t-il , dira-t-il.Les protes ne lilent-ils donc
point les grammaires qu'ils impriment ?
Tous nos diâionnaires françois font ce
mot du genre féminin ; il devroit pourtant
être mafculin , quand il fignifie ce figne qui
marque la fuppreflion d'une voyelle finale.
Après tout on n'a pas occafion , dans la
pratique , de donner un genre à ce mot en
trançois ; mais c'efl une faute à ces didlion-
naires quand ils font venir ce mot d'inrar-
Tfoiii ; qui efl le nom d'une figure de rhé-
torique. Les di(5i:ionnaires latins font plus
exaèls ; Martinius dit , apofrrophe.Y{.kTompr.
ifîi ^figura rhetoricœ i & il ajoute immédiate-
ment , apojlwphus : R. ai-o<nç'o<^& Jignum
rejeâ(X vocalis. Ifidore , au lit'. I. de/es origi-
nes , chapitre xi'iij , où il parle des figures ou
Cgnes dont on fe l'ert en écrivant , dit : apof-
trophos y pars circuli dextra , & adfummam
litceram oppojita ,fit ita ' , qud nota deejje
ejienditur in fermone ultimas l'ocales. (j^)
* APOSTROPHIE , de ^^o/Tpi9î;r , dé-
tourner, {^Myth. ) nom que Cadmus donna
à Vénus Uranie , que les Grecs révéroient ,
pour en obtenir la pureté de corps &
d'elprit. Elle eut un temple à Rome y ious
le nom de Verticorda : les femmes débau-
chées & les jeunes filles lui iacrifioient ; les
unes pour le convertir , & les autres pour
perfifîer.
APOTACTITES ou APOTACTI-
QUES , f m. pi. ( Théolog. ) en grec , a^--
emiii ., ,compoléd'j< . 2& j-Ji'tu, je renonce.
C'efl le nom d'une iède d'anciens hérétiques ,
qui atfeâant de fuivre les conlèils évangéli-
Tome m.
A P O 4r
qucs fur la pauvreté, les exemples des apôtres
& des premiers chrétiens , rcnonçoient à
tous leurs biens meubles & immeubles»
P^oyei Apostoliques.
Il ne paroît pas qu'ils aient donné dans
aucune erreur , pendant que lublifla leur
premier état ; quelques écrivains eccléfiaP
tiques nous affurent qu'ils curent des mar-
tyrs & des vierges dans le quatrième fiecle ,
durant la perlécution de Dioclctien ; mais
qu'eniiiite ils tombèrent dans l'héréfic des
encratites , & qu'ils enleignerent que le
renoncement à toutes les richeflès , étoit
non ieulement de confeil & d'avis , mais
de précepte & de néceflité. De-là vient que
la fixieme loi du code Théodofien joint les
apotacliques aux eunomiens & aux ariens.
VoyeT^ Eunomiens & Ariens.
Selon S.Epiphane, \cs apotaSiques fe fer-
voient fouvent de certains aâes apocryphes
de S. Thomas & de S. André , dans lefquels
il efî probable qu'ils avoient puifé leurs
opinions. Voye\ APOGRYPHE. ( G )
APOTHEME , f m. dans la Géométrie
élémentaire , efi la perpendiculaire menée
du centre d'un polygone régulier fur un de
fes côtés.
Ce mot vient du grec oml , a3 , de , Se
^jKjt/i , fio , pono y je pofe ; apparemment
comme qui diroit , ligne tirée depuis le cen-
tre jufque fur le côté. ( O )
APOTHEOSE, f f. ( Hifi. anc. ) ou
confécration ; du grec a-TOTsii' , divinifer\ elle
eff plus ancienne chez les Romains qu'Au-
gufte , à qui l'on attribue communément
l'origine. M. l'Abbé Mongault a démontre
que du temps de la république , on avoir
inftitué en Grèce & dans l'Àfie Mineure ^
des fêtes & des jeux en l'honneur des pro-
confuls Romains ; qu'on avoit même établi
des facrificatcurs & des facrifices , érigé des
autels & bâti des temples , oi^ on les hono-
roit comme des divinités. Ainfi les habitans
de Catane , en Sicile , avoient confacré leur
gymnafe à Marcellus , & ceux de Chalcidc
alfocierent Titus Flaminius avec Hercule &
Apollon , dans la dédicace des deux princi-
paux édifices de la ville. Cet uiage , qui
avoit commencé par la reconnoiffance , dé-
généra bientôt en flatterie , & les Romains
l'adoptèrent pour leur empereur. On éleva
des temples à Augufte de fon vivant , nout
42 A P O
dans Rome ni dans l'Italie , mais dans les
provinces. Les honneurs de l'apothe'ofe lui
furent déférés après fa mort, & cela paflà
en coutume pour fes fucceflêurs. Voici les
principales cérémonies qu'on y obfcrvoit.
Si-tôt que l'empereur étoit mort , toute
la ville prenoit le deuil. On enfeveliffoit le
corps du prince à la manière ordinaire ,
cependant avec beaucoup de pompe j Ion
mettoit , dans le veftibule du palais , fur un
lit d'ivoire couvert d'étoffes d'or , unefigure
ce cire qui rcpréfentoit parfaitcmentle dc-
flint , avec un air pale , comme s'il étoit
encore malade. Le fénat , en robe de deuil ,
refloit rangé au coté gauche du lit pendant
une grande partie du jour , & au côté droit ,
ctoient les femmes & les filles de qualité ,
avec de grandes robes blanches , fins colliers
r.i bracelets. On gardoit le même ordre
fept jours de fuite ; pendant lefquels les mé-
decins s'approchoient du lit de temps en
Temps , & trouvoien»- toujours que le ma-
lade baifToit , jufqu'à ce qu'enfin ils pro-
nonçoienî qu'il étoit mort. Alors les cheva-
liers Romains les plus dilHngués , avec les
plus jeunes fcnateurs , le portoient fur leurs
épaules , par la rue qu'on ncmmoit facrée ,
îufqu'à l'ancien marché , où fe trouvoit
une eflrade de bois peint. Sur cette eftrade
étoit confirait un périple enrichi d'ivoire
& d'or , fous lequel on avoit préparé un lit
d'étoffes fort riches , où l'on plaçoit la figure
de cire. Le nouvel empereur , les magiifi-ats
s'afieyoient dans la place , &: les dames lous
des portiques , tandis que deux choeurs de
mufique chantoient les louanges du mort ;
& après que l'on fucceffeur en avoit pro-
noncé l'éloge , on tranfportoit le corps hors
delà ville , dans le champ de Mars , où fe
trouvoit un bûcher tout drefié. C'ctoit
une charpente quarrée en forme de pavil-
lon , de quatre ou cinq étages , quialloient
toujours en diminuant comme une pyra-
mide. Le dedans étoit rempU de matières
combufiibles ; & le dehors revêtu de draps
d'or , de compartimens d'ivoire , & de
riches peintures. Chaque étage tormoit un
portique ioutenu par des colonnes ; & liir
le faîte de l'édifice on plaçoit , affcz ordinai-
rement , une reprélentation du char doré
dont fe fervoit l'empereur défunt. Ceux qui
çortoient le lit de parade le reincttoiew
A P O
entre les mains des pontifes , & ceuv-ci le
plaçoient fur le fécond étage du bûcher.
On laiioit eniuite des couriès de chevaux
& de chars. Le nouvel empereur , une
torche à la main , alloit mettre le feu au
bûcher , & ks principaux magilL-ats l'y met-
tant aiiili de tous côtés , la tlummc péné-
troit promptement jufqu'au iommet , &,
en chalToit un aigle ou un paon , qui s'en-
volant dans les airs , alloit , félon le peuple ,
porter au ciel l'ame du feu empereur ou de
la feue impératrice , qui dès-lors avoient
leur culte & leurs autels comme les autres
dieux.
On accorda auffi Vapothéofe aux favoris
des princes , à leurs maîtreffes , &•:. mais en
général on ne dctéroit cet honneur en Grèce ,
que fur la répcnle d'un oracle , & à Rome ,
que par un décret du Sénat.
Les anciens Grecs déifièrent ainfi les prin-
ces , les héros , les inventeurs des Arts ; &
nous liions dans Eufebc , Tertullien , & S.
Chj-yfoilome , que fur le bruit des miracles
de Jefus-Chrifl , Tibère propofaau fénat de
Rome de le mettre au nombre des dieux ;
mais que cette propohtion rut rejctée , parce
qu'il étoit contraire aux loix d'introduire
dans Rome le culte des dieux étrangers:
c'ell ainfi qu'ils nomimoient les divniites
de tous les peuples , à l'exception de celles
des Grecs , qu'ils ne traitoient point de
barbares.
Le grand nombre de perfonnes auxquel-
les on accordoit les honneurs de Yapothe'ofe
avilit cette cérémonie , & même d'ailez
bonne heure. Dans Juvenal , Atlas fatigué
de tant de nouveaux dieax , dont on groi-
fiflbit le nombre des anciens , gémit ik dé-
clare qu'il ell prêt d'être écrafé lous le poids
des cieux : & l'empereur Velpafien , naturel-
lement railleur quoiqu'à l'extrémité , dit en
plaifantant à ceux qui l'environnoient ,_;e
fens que je commence à devenir dieu , failant
allufion à Yapothe'ofe qu'on alloit bientôt lui
décerner. ( G )
APOTHEOSE d'Homère, ( Lice. Antt-
quice's. ) On fait que ce monument cfi l'ou-
vrage d'Archelalis de Priene , fameux Iculp-
teur de l'antiquité ; & le P. Kircher pré-
tend, avec allez de fondement, que c'efl
l'empereur- Claude > grand amateur des
lettres grecques , & fur-tout des ouvrages
A P O
d'Homevc , qui le fit conih-uire à l'honneur
de ce f o-'-.e. Quoi qu'il en foit, on le rrouva
en i66b dans un Wm ivimmé Frattochia ,
appartenant aux prinCCi Colonne, où l'em-
pereur Ciauùi avoit autrefois une mailon
de plaiiancc ; & il y a peu de curieux qui
ne fâchent qu'il fait aujourd'hui l'un des
principaux ornemens du palais de ces prin-
ces à Rome.
Ce célèbre monument fut aufîï-tôt expli-
qué par le père Kirchcr , dans Ion Latium y
mais comme il lailla beaucoup de chofes fans
explication , on avoit cru que M?vl. Sévé-
roli , Falconiéri , & Spanhclm, trois célèbres
antiquaires , acheveroient d'en déchifrer
toutes les parties. M. Cuper s'efl chargé de
ce loin ; & il s'en eft fort bien acquitté dans
un ouvrage fait exprès , intitulé apothcoJis<J
confccratio Homeri y oïl il rend compte auffi
des lentimcns particuliers de MM. Span-
heim & Nicolas Henfius fur les endroits les
plus embarrailans de ce marbre. M. Grono-
vius en a donné une explication particulière,
dans le tome II de l'on Thefaurus antt-
quitatum Gnvcarurn ; & M. Weffein a fait
la même choie , dans fa DiJJertatio de jato
fcriptorum Hormri. Nous renvoyons le
ledeur à ces difFérens ouvrages , dont l'ana-
lyleparoîtroit déplacée dans celui-ci. ^oyf:^
Monument.
APOTHEQUE, f. f. {Belles-Lettres.)
Les anciens donnoient ce nom à l'endroit
de leur mailon où ils confervoicnt les vi-
vres , les parfums, & toutes autres provi-
fions. (i)
APOTHESE , f. f. ( Médecine. ) nom
qu'Hippocrate donne à l'adion de placer
dans une fituation convenable un mem-
bre rompu auquel les bandages font appli-
qués. ( ■]■ )
APOTHETE, [Mufiq. des anc.) nom
d'un air de flûte des anciens. Kojf;^ FlutE.
* APOTHICAIRE , f m. celui qui pré-
pare &: vend les remèdes ordonnés par le
médecin. Les Apothicaires de Paris ne font
avec les marchands épiciers , qu'un fetd &
même corps de communauté , le fécond des
ilx corps des marchands.
On conçoit ailémcnt qu'une bonne police
a dû veiller à ce que cette branche de la mé-
decine , qui confifîe à compoler les remèdes ,
ne fut confiée qu'à des gens de la capacité
A P O ^ 4j
& de la probité defquels on s'affuràt par des
examens, des expériences , des chefs-d'œu-
vre , des vifites , & les autres moyens que
la prudence humaine peiu luggérer.
Les llatuts de ceux qui exercent cette pro-
fcflion à Paris , contien:ient neuf dilpofi-
tions. La première , que l'alpirant apothi~
caire , avant que de pouvoir être obligé
chez aucun maure de cet art , en qualité
d'apprentif , fera amené & préfenté par le
maître au bureau , pardevant les gardes ,
pour connoître s'il a étudié en Grammaire ,
& s'il eft capable d'apprendre la Pharmacie,
Qu'après qu'il aura achevé fes quatre ans
d 'apprenti ITage , & fervi les maîtres pendant
fix ans , il en rapportera le brevet & les cer-
tificats ; qu'il fera préfenté au bureau par
un condudeur , &: demandera un jour pour
ilibir l'examen ; qu'à cet examen aflîfleront
tous les maîtres , deux dofteurs en méde-
cine de la Faculté de Paris , ledeurs en
pharmacie; qu'en préfence de la compagnie,
l'alpirant lèra interrogé durant l'efnace de
trois heures par les gardes , & par neuf au-
tres maîtres que les gardes auront choifis &
nommés.
La féconde , qu'après ce premier examen ,
fi l'alpirant e(t trouvé capable à la pluralité
des voix , il lui fera donné jour par les
gardes pour fubir le lecond examen , appelle
Vac}e des herbes , qui fera encore fait en
prélence des maîtres & des doileurs qui
auront afliité au précédent.
La troiliemc , que , fi après ces c-xamens ,
l'alpirant eil trouvé capable , les gardes lui
donneront un chef-d'œuvre de cinq compo-
fitions ; que l'alpirant , après avoir dilpofé
ce chef-d'œuvre , fera la démonrtration de
toutes les drogues oui doivent entrer dans
ces compofitions ; que s'il y en a de défec-
tueufes ou de mal choifies , elles feront
changées , &: qu'il en fera enfuite les pré-
parations & les mélanges en la prélence des
inaîtres , pour connoître par eux , fi toutes
choies y feront bien obiervées.
La quatrième , que les veuves des maî-
tres pourront tenir boutique pendant leur
viduité, à la charge toutefois qu'elles feront
tenues , pour la conduite de leur boutique ,
confection , vente & débit de leurs mar-
chandifes , de prendre un bon ferviteur
expert &: connoifi'ant ■ qui fera examiné &
F 2
44 A P O
approuvé par les gardes ; & que les veuves |
& leurs îerviteurs feront tenus de faire
ferment pardevant le magiftrat de poli-
ce , de bien & fidellement s'employer à la
confection , vente & débit de leurs mar-
chandifes.
La cinquième , qu'attendu que , de l'art
& des marchandifes des épiciers incorporés
avec les apothicaires , dépendent les con-
fedions , compoiitions , vente &c débit des
baumes , emplâtres , onguens , parfums ,
iirops , huiles , confcrves , miels , fucres ,
cires , & autres drogues & épiceries ; ce
qui fuppofe la connoiiîance des fimples ,
des métaux , des minéraux , & autres for-
tes de remèdes qui entrent dans je corps
humain , ou s'y appliquent & fervent à
l'entretien & confervation des citoyens ;
connollfanee qui requiert une longue expé-
rience ; attendu que l'on ne peut être trop
circonfped dans cette profclUon , parcu que
fouvent la première faute qui s'y comrn^'t
n'eft pas réparable : il eft ordonné qu'il ne
fera reçu aucun maître par lettres , quelque
favorables ou privilégiées qu'elles foient ,
fans avoir fait apprentifîage , & lubi les
examens précédens ; & que toutes mar-
chandifes d'épicerie & droguerie , entrant
dans le corps humain , qui feront amenées
à Paris , feront defcendues au bureau de la
communauté , pour être vues & vifuées par
les gardes de l'apothicairerie & épicerie ,
avant que d'être tranfportées ailleurs, quand
même elles appartiendroient ;\ d autres mar-
chands ou bourgeois qui les auroient fait
venir pour eux.
La fixieme , que , comme il efl très-
néceflaire que ceux qui traitent de la vie
des hommes , & qui participent à cet objet
important , foient expérimentés , & qu'il
feroit périlleux que d'autres s'en mêlaflent ;
il efî détendu à toutes fortes de perionnes ,
de quelque qualité & état qu'elles foient ,
d'cirtreprendre , compoier , vendre & dii-
tribucr aucunes médecines , drogues , épi-
ceries , ni aucune autre chofe entrant dans
le corps humain , fimple ou compofce , ou
defîinée à quelque compofition que ce foit,
de l'art d'apothicairerie & de pharmacie l
ou marchandile d'épicerie , s'il n'a été reçu
maître , &: s'il n'a fait le ferment pardevant
le magillrat de police , ii peine tic con-
A P O
fifcatîon , & de cinquante livres parjfis
d'amende.
La icptieme , que les apothicaires & épi-
ciers ne pourront employer en la confeâion
de leurs médecines , drogues , confitures ,
conférves , huiles , firops , aucunes drogues
fophifliquées , éventées ou corrompues , à
peine de confilcation , de cinquante livres
d'amende , d'être les drogues & marchan-
difes ainfi défedueufes , brûlées devant le
Logis de celui qui s'en trouvera faifi , & de
punition exemplaire , fi le cas y échet.
La huitième , que les gardes feront ait
nombre de fix , choiiis , gens de probité
& d'expérience ; qu'il en fera élu deux ^
chacun an , pour être trois ans en exercice ;
& qu'après leur éledfion , ils feront fermene
pardevant le magiilrat de police, de biea
& fidellement exercer leur charge , &
de procéder exactement & en leur con-
fcience , aux villtes , tant générales qu£
particulières.
La neuvième , que les gardes feront tenus
de procéder aux vifites générales , trois
fois du moins par chacun an , chez tous
les marchands apothicaires & épiciers ,
pour examiner s'il ne s'y pafle rien contre
les llaturs , ordonnances & réglemens. Il
efl encore défendu aux apothicaires d'ad-
miniflrer aux malades aucuns médica-
mens , lano l'ordonnance d'un médecin de
la F.iculté , ou. de quelqu'un qui en foit
approu- é.
APOTHICAIRERIE , f. f. du grec ,
a-aaiiftKv , boi'Jqite OU magafin ; c'eîl par
rapport à l'architeilure , une lalle dap.s une-
maifon de communauté ,, dans un hôpi-
tal , ou dans un palais , où l'on tient ea
ordre & avec décoration les médicr.mciis.
Celle de Loreite en Lalie , ornée de vafes
du delfein de Iviphaél , ell une des plus
belles: celle de Urefie elbaullitrès-fameufe;
on dit qu'il y a 14.000 boîtes d'argent toutes
pleines de drogues & de remèdes fort re-
nommés. {P)
APOTijME , f^ m. mot employé par
quelques auteurs , pour déiigner la ditié-
rence de deux quantités incommcniiirables.
Tel eft l'excès de la racine quarrée de 1 lur i.
Voye-{ Incommensuhable.
Ce mot cil tlériN é du verbe grec -v •" jui'a» >
abfciadoj je retranche ; un apocome ^ e.»
A P O
géométrie , ert l'excès d'une ligne donne'e
fur une autre ligne qui lui ell incomineiilli-
rable. Tel efl l'excès de la diagonale d'un
quarré fur le côté. ( O )
ApotOME, en mujîque , eu auflî ce qui
refîe d'un ton majeur après qu'on en a uté
un limma , qui eil un intervalle moindre
d'un comma que le femi-ton majeur ; par
conféquent Vapotome ei\ d'un comma plus
grand que le lemi-ton moyen.
Les Grecs qui iiivoient bi^-n que le ton
majeur ne pouvoit par des divifums harmo-
niques être partagé en deux parties égales ,
le divifoient inégalement de plufieurs ma-
nières. ( f^cnv^ Intervalle.) De l'une
de ces divilions inventées par Pythagore ,
ou plutôt par Philolaiis ion difciple , rélul-
toit le diele ou limma d'un côté , & de
l'autre Wipotome , dont la railbn eft de 2048
à 1187. Fbje:( Limma.
La génération de Wipotome fe trouve à la
feptieme quinte, lu dtefe , en commençant
par ut ; car alors la quantité dont cet ut
diefe furpafle ^ut naturel , ell précifément
le rapport que nous venons d'établir. (iS)
Les anciens appcUoient apoiome majeur
un petit intervalle formé de deux fons , en
railbn de n^ à 12.8; c'eft ce que M. Ra-
meau appelle quart de ton enharmonique ^
dans ia De'monfir. duprinc. de l'harmonie ,
Paris 17^0.
Ils appelloient apotome /7z//7fur l'intervalle
de deux (bas , en railbn de 2025 à 204.8 ,
intervalle er.core moins feniible à l'oreiLle
que le précédent. ( O )
APOTRE , f. m. ( Théologie. ) apoflo-
lus y du grec , àr'Toç-oAô" , compofé d'j^^o,
& de Akku , j'eni'oie : ce mot eftem.ployé
par Hérodote & d'autres auteurs profanes ,
pour exprimer diverles fortes de délégués :
mais dans le nouveau Teflament , il eil le
nom donné par excellence aux douze diici-
plcs de Jefus-Chriil , choilis par lui-même
pour prêcher ion évangile , & le répandre
dans toutes les parties du m,onde.
Quelques faux prédicateurs conteflerent
à S. Paid fa qualité i' xpotre , parce qu'à
les entendre , on ne pouvoit fe dire en-
voyé de Jeius-CIirill fans l'avoir vu , &
fans avoir été fémoin de fes actions. Pour
répondre à ces lophifl^s qui a\ oient fé ^uit
lés éghiés de Galaiie , il commence par ces
A P a 4j
mofs l'épître aux Calares : Paul apôtre non
des hommes ni pai les hommes , mais par
Jefus-Chrifl Ù Dieu le Père ; L-ur fai(i>.nc
ainfi connoître qu'il avoir fa million im-
médiatement de Dieu. Son élcifbion eiî clai-
rement exprimée dans ces parole'; que Dieu
dit à Ananie en parlant de Said converti.
AiT. chap. jx f vef. i6. Vas eleclionis efl
mihi ifle , ut porte t nomen meum coram geii-
tibus 6" regibus ; ce qui fait qu'il eft appelle
par excellence ['apôtre des Gentils , à I:i
converlion defquels il étoit fpécialement del-
tiné : mais il eft à remarquer que , malgré ce-
témoignage &: la vocation expreiTe du Snint-
Eljirit , fegregate mihi Saulum & Barnabarn
in opus ad quod ajfumpji eos ; il ajouta
encore la million ordinaire & légitime qui
vient de l'Egliiè , par la prière & l'impolî-
tion des mains des prophètes & des doûeurs
qui compoibient celle d'Antioche. Acf.-
chap. xiij , verf. 2. & 5.
On reprélente ordinairement les douze:
apôtres avec leurs iymboles ou leurs attri-
buts l'péciiiques ; & c'eft pour chacun d'eux^
à l'exception de S. Jean & de S. Jacques le
majeur , la marque de leur dignité , ou
rinftrument de leur martyre. Ainfi S. Pierre
a les clés pour marque de fa primauté ; S.-
Paul un glaive ; S. André une croix ea
lautoir ; S. Jacques le mineur une perche,
de foulon ; S. Jean une coupe d'où s'envole
un ierpent ailé ; S. Barthelemi un couteau ;,
S. Philippe un long bâton , dont le bouc
d'en haut le termine en croix; S. Thomas
une lance ; S. Matthieu une hache d'armes ;.
S. Jacques le majeur un bourdon de pèle-
rin & une gourde ; S. Simon une fcie , &
S. Jude une maiîue.
On fait par les ades des apôtres , par leurs
épîtres , par les inonumens de l'hiftoire
eccléfiaftique , & enfin par des traditions
fondées , en quel lieu les apôtres ont prêché
l'évangile.. Quelques auteurs ont douté s'ils
n'avoient pas pénétré en Amérique; mais
le témoignage confiant de ceux qui oni écrit
l'hiftoire de la découverte du nouveau mon-
de , prouve qu'il n'y avuit dans ces v.:iles
contrées nulle trace du chriftianifiTie. Voje:^
Actes des Ai-ôtres.
On donne communément le -lO'ri à\zpn~
tre -A celui qui le premi.r n pc;rté la foi
dans Uii pays ; t'elt aiali que S. Dejy> ,
4^ A P O
premier évêque de Paris , qu'on n long-
temps confondu avec S. Denis l'arcopagi- •
te , eil appelle Vapôcre de la France ; le ':
moine S. AugulHn , Yapocre de l'Angleterre ;
S- Boniface , ['apôtre de FAllemagne ; S.
François Xavier , l'apôtre des Indes : on
donne aufll le mcme nom aux Millionnai-
res Jcluites , Dominicains , &c. répandus
en Amérique &: dans les Indes Orientales.
Voyei Missionnaire.
Il y a eu des temps où l'on appelloit
fpécialement apôtre , le pape , à cauie de
l'a lliréminence en qualité de luccelîeur du
prince des apôtres. V oyez S idoine ApoUin.
liv. VI , epift. 4. Voyei aujfi PaPE &
Apostolique.
Apôtre , étoit encore un nom pour dé-
fîgner des minières ordinaires de l'Eglife ,
qui voyageoient pour fes intérêts. C'elt ainii
que S. Paul dit dans ibn épître aux Ro-
mains , ch. xij , verf. j. Sixlue\ Androni-
ciis & Junia , mes parens & compagnons
de ma captivité y qui font di flingues parmi
les apôtres. C'étoit aulli le titre qu'on don-
noit à ceux qui étoient envoyés par quel-
ques églifes , pour en apporter les colleâes
& les aumônes des fidèles , deltinées à lub-
vcnir aux befoins des pauvres & du clergé
de quelques autres églifes. C'eft pourquoi
S. Paul écrivant aux Philippiens leur dit
qu'Epaphrodite leur apôtre avoit tourni à
fes befoins , chap. xj , verf. z£. Les chré-
tiens avoient emprunté cet ulage des fyna-
{".ogucs , qui donnoient le même nom à ceux
qu'elles chargeoient d'un pareil foin , &
celui aapoflolat à l'office charitable qu'ils
exerçolent.
II y avoit chez les anciens juifs une
autre efpece A'apôtrcsy c'étoient des officiers
qui avoient en département une certaine
étendue de pays , dans lequel on les en-
voyoit en qualité d'infpefteurs ou de com-
miffaires , afin d'y veiller à l'oblèrvation
des loix , & percevoir les deniers levés pour
la réparation du temple ou autres édifices
publics , & pour payer le tribut aux Ro-
mains. Le code théodofien , lil\ XlV de
Judivis, nomme apôtres ceux qui adexigen-
dum auriini atque argentum a patriarchâ
certo tempore dirignntur. Les juifs appellent
ces prépolés fchetihhin , envoyés ou ména-
gers. Julien l'apullat qui vouloit faVorilcr
A P O
les juifs pour s'en fcrvir à la de/îrudion du
chriflianiline, leur remit rjp(?/?c;/j;, «TrôrsAw,
c'eit-à-dire , comme il s'explique lui-même,
le tribut qu'ils avoient coutume de lui
envoyer.
Ces apôtres étoient fubordonnés aux offi-
ciers des lynagogues , qu'on nommoit pa-
triarches , de qui ils recevoient leurs com-
miiîions. Quelques auteurs obfervent que
S. Paul avant la converiion , avoit exercé
cet emploi , & qu'il y tait allufion dans
l'endroit de l'épître aux Galates , que nous
avons cité au commencement de cet arti-
cle , comme s'il eût dit : Paul qui n'cfl plus
un apôtre de la fynagogue , ni fon envo3'é
pour le maintien de la loi de Moyle , mais
à prélent un apôcre envoyé de Jcius-Chriil.
S. Jérôme admet cette allufion à la fonc-
tion ai apôtre de la fynagogue , lans infi-
nuer en aucune manière que S. Paul en
eût jamais été chargé.
Apôtre , dans la Liturgie greque ,
cc-ToiaKQr , ell un terme particulièrement
ufité pour défigner un livre qui contient
principalement les épîtres de S. Paul, ielon
l'ordre où les Grecs les lifent dans leurs
églifes pendant le cours de l'année ; car
comme ils ont un livre nommé kvayyihiav ,
qui contient les évangiles , ils ont auffi un
nîT-oroAC^ , & il y a apparence qu'il ne con-
tcnoit d'abord que les épîtres de S. Paul ;
mais depuis un très-long temps il renferme
aufii les Uiftes des apôtres ^ les épîtres cano-
niques , & l'apocalypfe ; c'efi pourquoi on
l'appelle auili -tp:^ç*776,-ua©- , à cauie des
ades qu'il contient , & que les Grecs nom-
ment Tifila:. Le nom d'apoflolus a été en
ulage dans l'eglife latine dans le même
fens , comme nous l'apprennent S. Grégoire
le grand , Hincmar , & Ifidore de Sésille :
c'eit ce qu'on nomme aujourd'hui épiftolier.
Voyei Epistolier. (G)
Apôtres , terme de Droit : on appclloit
ainfi autrefois des lettres dimifloires , par
leiquellcs les premiers juges , de la len-
tence dcfquels avoit été interjeté appel ,
renvoyoient la connoillance de l'artaire au
juge lupérieur & s'en deflaifillbient , faute
de quoi l'appel ne pouvoit pas être pour-
fuivj.
Ces fortes de lettres étoient aufli cp ufagc
dans les cours eccléliafliques.
3:
A P O
Mais ces apôtres-là ont été abrogés tant en
cour laïque , qu'en cour eccLlialtiquc.
On appelloit encore a/^cfre.r les lettres di-
miflbires qu'ui: évcque donnoit à un laïque
ou à un clerc , pour être ordonné dans un
autre diocefe. J-'cyc:; DlMISSOIKE. {H)
Apôtres {Onguent des). Pharmacie.
L'onguent des apôtres , en Pharniacie , ell
une dpcce d'onguent qui dctcrge ou net-
toie : il ell compofé de douze drogues ;
c'efi la raifon pourquoi il efl nommé {'on-
guent des apôtres. }^oye:{ ONGUENT.
Avicenne en fut l'inventeur. On l'ap-
pelle autrement , ungaentum Veneris. Les
jTincipaux ingrédicns iont la cire , la téré-
benthine , la rciinc , la gomme ammonia-
que , l'oliban , le bdellium , la m\rrhe , le
galbanum , l'opopanaK, les racines d'arillo-
loche , le verd-de-gris , la litharge , l'huile
d'olive. Voyei DÉTERGENT, 6v.^
Cet onguent efl un exxellent digeftit , dé-
terfil , & un grand vulnéraire. {^^)
*APOTROPEENS , ( Myth. ) dieux
u'on invoquoit , quand on étoit menacé
c quelque malheur ; on leur immoloit une
jeune brebis. Le mot apotrope'ens vient de
a-TTcn^ÎTruv , détourner. Les Grecs appelloient
encore ces dieux aM^maK^i , qui chajjent
le mal ; & ils étoient révérés des Latins
fous le nom à'arerrunci y qui vient d'aier-
Tuncare , écarter.
'^APOYOMATLI , fub. m. {Hifi.nat.
lot. ) herbe qu'on trouve dans la Floride :
elle a la feuille du poireau , feulement un
peu plus longue & plus déliée , le tuyau
comme le jonc , & la racine aromatique.
Les elpagnols en font une poudre , qu'ils
prennent dans du vin pour la gravelle; elle
poufle par les urines , appaife les douleurs
de poitrine , & foulage dans les afFedions
hiflériques.
APOZEME, f î. {Pharmacie.) forte
décoâion des racines , des feuilles , & des
tiges d'une plante ou de plufieurs plantes
enlemble. Ce mot efî formé du grec ^'^^
& (.0) , feneo. Les anciens confondoient la
décodion avec Vapo^eme : cependant l'in-
fufion fimple peut feule taire un apoT^eme
qui n'efl autre chofe qu'un médicament
liquide chargé des vertus & principes d'un
ou de plufieurs remèdes fnnples ; & comme
}' extrait ou l'adion de les tirer d'un mixte
A P O 47
ne demande dans certains cas que la funple
macération de pluiieurs corps qui (ont vt)la-
tils , & dans d'autres cas 1 cbullition , il ell
clair que la décodion n'ell pas eflcnticUe à
Vapo\erne. On diviié ïapo^eme en altérant
&c en P^'gaiif. Le premier efl celui qui n'efl
compole que de fimples , ou remèdes al-
térans. Le fécond efl celui auquel on ajoute
des purgatifs.
L'altérant efl une infufion qui change les
humeurs. Le purgatif les évacue.
L'apo^eme le compofe de fimples cuirs
ou inùilés enfèmble. L'on met d'abord le
bois , les racines , enlliite les écorces , &:
après les herbes ou feuilles , puis les fruits ,
& en dernier lieu les femences & les fleurs.
L'intufion de ces fimples le f;iit dans l'eau
de fontaine ou de rivière ; on ne règle pas
la quantité de l'eau , mais on la lallfe à la
prudence de 1' .apothicaire.
Les apo:[emes s'ordoniient ordinairement
pour trois ou quatre doies , & à chacune on
ajoute deux gros de lucre ou de iirop , fclon
que la maladie l'exige.
Chaque dofe doit être de quatre ou fix
onces. On la diminue de moitié pour les
enfans.
L'ufage des apo^emes efl de préparer les
humeurs à la purgation , de les délayer ,
détremper & divifer pour les rendre plus
fluides , & emporter les obflruclions que
leur épaifliffement auroit engendrées dans
les petits vaiffeaux.
Les apo\emes doivent donc varier félon
les indications que le Médecin a à remplir :
ainfi il en efl de tempérans & rafraîchif-
fans , de caïmans & adouciffans, d'incraf^
fans & empatans , d'apéritifs , de diuréti-
ques , d'emmenagogues , d'anriplcurétiques.
C'ell ainfi que les anciens ordonnoient des
apo\emes rafraîchifîans pour la bile échauf-
fée , acre , fubtile & brûlée , qui cauioit un
délbrdre dans les maladies aiguës & dans les
fièvres putrides.
Apo\eme tempérant. Prenez racines de
chicorée , d'ofeille & de buglofe , de cha-
cune une once; feuilles de chicorée, de lai-
tue , de pourpier , de buglofe , de chacune
une poignée ; raifins mondés , une once ;
orge mondé , une pincée ; fleurs de vio-
lette & de nimphéa , de chacune une pin-
cée ; vous ferez d'abord bouillir les racines
48 A P O^
nés dans trois chopines d'eau réduites à !
pinte , & fur la fin vous ferez inlufer les
feuilles avec les femences &: les fleurs. Cet ;
apo\eme eft des plus compoles ; il eil ce-
pendant fort tempérant. Four le rendre
plus agréable , on ajoutera fur chaque dofe
du firop de nymphéa & de grenade , de
chacun deux gros ; du fcl de prunelle ,
un gros.
Apo\eme délayant & humectant. Prenez
î-acines de chiendent , de câprier , de Irai-
fier & de petit-houx , de chacune une once ;
feuilles &. racines de chicorée , feuilles d'en-
dive , de capillaire , de pimprenelle & d'ai-
gremoine , un poignée de chacune ; fleurs
de chicorée , de bourrache , de buglofe &
de violette , une pincée de chacune : laites
du tout un apo\eme félon l'art , comme il
eil marqué ci-delîus , en ajoutant iur cha-
que dofe deux gros de firop de guimauve ,
de limon ou de capillaire , avec llx gout-
tes d'eiprit-de-foufre. Cet apo\eme eft dé-
layant & tempérant ; il convient dans l'é-
paiffiffement & l'ardeur du fang & des
humeurs.
Apo\eme atténuant & dâerjif. Prenez ra-
cines d'ache , de perfil & de tenouil , fix
gros de chacune , de racine d'aunée & de
patience , de chacune demi-once ; feuilles de
chamépithys , d'aigremoine , de chamé-
drys & de capillaire , de chacune deux
gros ; fleurs de ftœchas & de fouci , une
pincée de chacune : faites bouillir le tout
ièlon l'art dans de l'eau de fontaine pour
quatre dofes , & partez la liqueur ; ajoutez
à chaque dofe du firop des cinq racines ,
deux gros,
Apo\eme apéritifs hépatique & enime-
nagogue. Prenez des cinq racines apéritives,
de chacune une once ; écorce moyenne de
Ij'cne & de tamaris , de chacune demi-
once ; feuilles de chicorée , de icolopendre ,
de capillaire , de cerfeuil , une detni-poi-
gnée de chacune : faites du tout un apo\eme
iblon r.irt ; ajoutez à chaque dofe , de fel
de duobus , un fcrupule ; de firop d'ar-
moife , une once.
Apo:[eme contre la pleuréfie , la périp^
neumonie & la toux. Prenez feuilles de bour-
rache , de buglofe & de capillaire , de cha-
cune une poignée ; de chicorée lauvage ,
une demli-poisnée : lavez ces herbes & cou-
A P O
pcz-'"s un peu ; enfuite faires-en un apo-
\cni: réduit à une pinte : paflez la liqueur ,
&. ajoutez firop de guimauve , une once :
celui-ci eft plus fimple & plus agréable.
Nous en avons donné de compofés pour
nous accommoder au goût des Médecins &
de leurs malades.
Apo\eme anti-fcorbutique. Prenez racines
de raifort & d'aunée , de chacune une once ;
de pyrethre concaflee, un demi-gros : pre-*
nez enfuite feuilles de cochléaria , de be-
cabunga , de trèfle d'eau , & de creflbn de
fontaine , de chacune une demi-poignée :
pilez le tout enlemble dans un mortier de
marbre , & jetez defllis une pinte d'eau
bouillante , laifle infufer pendant une heure.
On aura loin de bien couvrir le vaiiîeau ,
& de ne le découvrir qu'après que la li-
queur fera refroidie. Palîèz le tout , &
ajoutez à la colature , du firop d'abfynthc
ou antifcorbutique , une once. Cet apo—
-eme efl bon dans le fcorbut. Voye\ SCOR-
BUT.
A poterne pectoral & adoucijjant. Prenez
orge mondé , une demi-once ; feuilles de
bourrache , de tufilage & de pulmonaire ,
de chacune une demi-poignée : faites bouil-
lir le tout félon l'art dans trois chopines y
à réduâion d'une pinte : ajoutez enfuite
racines de guimauve , deux gros ; fleurs de
tuliilage , de mauve , de chacune une pin-
cée. Laillez infuler le tout : pallèz enfuite
fans expreflion ; édulcorez la colature avec
firop de violette ou de capillaire , une once.
La dofe ell d'un bon verre de deux heures
en deux heures.
ApoT^me laxatif. Prenez racines de chi-
corée i'auvage & de patience fiuivage , de
polypode de chêne , ratifiées & coupées ,
de chacune une demi-once ; feuilles d'ai-
gremoine , de chicorée fauvage , de cha-
cune une demi-poignée : faites bouillir le
tout dans trois chopines d'eau que vous
réduirez à une pinte ; retirez la cruche du
feu, & fiiites-y infufer pendant quatre
heures fené mondé , une once ; crème de
tartre , demi -once; iemence d'anis , un
gros , pallcz la liqueur par un linge avec
légère exprellîon , & ajoutez à la colature
du firop de fleurs de pécher , une once &
demie ; partagez le tout en fix verres à
prendre tiedes en deux jours , trois dans
chaque
A P P
chaque matinée , un bouillon entre cliaque
priie. Cet apo^eme s'ordonnera pour pur-
ger légèrement & à la longue , ceux qu'on
ne veut point taire évacuer copieulenicnt ,
ni fatiguer par un purgatif dilgracicux &
dégoûtant.
Apoieme apéritif & purgatif comre l'hy-
dropifie. Prenez racines de patience iau-
vage , de chardon-roland , d'alperge , de
chacune demi-once ; d'aunée , deux gros :
coupez le tout par morceaux après l'avoir
ratilfé , & faites-le bouillir dans trois cho-
pines d'eau que vous réduirez A une pinte ;
ajoutez (ur la fin feuilles d'aigrenioine , de
crcifon , de chacune une poignée ; paflêz
la liqueur par un linge avec expreihon ;
difTolvez-y arcanum duplicatum , deux
gros ; lirop de Nerprun , une once & de-
mie. La dofe eft d'un verre ticde de quatre
en quatre heures , en fufpendant les der-
niers , fi l'évacuation efl fuffilantc : on l'or-
donne iur-tout dans l'ccdeme & la leuco-
phlegmatie.
Apo\e me fébrifuge & laxatif.Vrcnez feuil-
les de bourrache , buglofe , chicorée fau-
vage , de chacune une poignée ; quinquina
pulvériié , une once ; follicules de iené , trois
gros ; fel de Glauber , deux gros : faites
bouillir les plantes dans trois chopines d'eau
commune , que vous réduirez à une pinte :
paflêz la liqueur avec exprelîîon , & ajoutez-
y firop de Heurs de pécher , une once &
demie. Cet apo:[cme convient dans les fiè-
vres intermittentes ; on le donne de quatre
en quatre heures hors les accès , lorfque
les urines lont rouges , & qu'elles dépofent
un fédiraent briqueté , lorlque l'éréthiline
& la chaleur font fort abattus.
Nota. 1°. que les apo\emes ci-dcfTus
énoncés peuvent être changés en juleps ,
en potions , ou autres formules plus faci-
les à exécuter. Voye^ JuLEP , PoTlON.
2.°. Tous les apo\cmes peuvent être ren-
dus purgatifs en y difibivant un fel.
3". L'uiàge de ces apo^emes demande une
grande attention pour le régime ; la diète
doit être réglée (clon l'état & la force du
malade , rcipeftivement à la qualité de
Vapo:{eme. (N)
APPAISER un cheval, ( Manège. ) c'efl
adoucir fon humeur lorfqu'il a des mouve-
mens déréglés & trop vifs par colère ; on
Tome III.
A P P 45>
I'appai{è ou en le carcfîcint , ou en lui don-
nant un peu d'herbe ;\ manger , ou au
moyen d'un litflcment doux que le cavalier
t^iit. ( V)
APPARAT , f. m. efl ufité en Littérature,
pour défigner un titre de plufieurs livres
dilpolés en forme de catalogue , de biblio-
thèque , de didionnairc , Ùc. pour la com-
modité des études. V. DICTIONNAIRE.
\J apparat fur Cicéron , efl une efpece de
concordance ou de recueil de phrafès cicc-
roniennes.
U apparat Çàcvi de PofTevin cfl une table
alphabétique des noms des écrivains ecclé-
fialfiques , avec les titres de leurs ouvrages.
Les glofes , les commentaires , &c. ont été
auffi fort fouvent appelles apparats. Voye'{
Glose , 6'c. 'L'apparat poétique du P. Va-
niere eff un recueil des plus beaux morceaux
des poètes Latins fur toutes fortes de
fujets. {G)
Apparat , s'employoit autrefois comme
f}'nonyme à commentaire , & on s'en efl
fcrvi iinguliérement pour défigner la glofii
d'Accurlè fur le digeite &: le code. V^oye\
Digeste & Code. ( H)
Apparat ou Ornement ( Lettres
<i') , (e dit , en écriture , de celles qui le met-
tent au commencement des pages ; elles font
ordinairement plus groflés que les majuf-
cules , & fe font plus délicatement avec la
plume à traits. On peut les faire plus sûre-
ment avec la plume ordinaire.
* APP ARATORIUM y\\cu des pré-
paratifs. {Hift. anc. ) M. Fabreti croit que
ce lieu des préparatifs étoit celui où l'on
tenoit difpofé le feflin des funérailles , &. où
l'on gardoit l'eau kifirale.
APPARAUX ou AP AR AUX , f. m. pi.
( Marine. ) Ce mot fignifie les l'oiles , les
manœuvres , les vergues , les poulies , les
ancres , les cables , le gouvernail , & /'ar-
tillerie du vaijfcau ; de forte qu'il défigne
plus de choies que le mot d'agrcils , &
moins que celui d'équipement , qui fignifie ,
outre cela , les gens Je l'équipage Ù les vic-
tuailles. ( Z )
APPAREIL , f. m. fignifie proprement
une préparation formelle à quelque acle
public & folemnel. Voye^ PRÉPARATION.
Nous dilons l'j/'/ia/r// d'une fcte ou d'un
couronnement ; qu'un prince a fait foa
50
A P P
entrée avec beaucoup A' appareil & ae mngni-
ficence. (G) • • m
Appari^.II. , en terme de Chirurgie ,eit la
prépiM-ation & la difpofition de tout ce qui
ell nécelîaire pour taire une opération , un
anlement , Ôc. L'appareil ell différent ,
iuivant le befoin ; les inftrumens , les ma-
chines , les bandes , lacs , comprefTes , plu'
mafleaux , bourJonnets , charpie , tentes ,
font des pièces à' appareil , de même que
les médicamens dont on doit taire ulagc.
yoye:^ lafignification de ces mots.
C'eit une règle générale en chirurgie ,
qu'il faut avoir préparé {'appareil avant que
de commencer l'opération. Cette règle
foufFre une exception dans les luxations ;
car il faut avant toutes chofes replacer les
os dans leur fituation naturelle : on fait en-
fuite V appareil.
Le mot à'appareil eu autlî d'ufiige en
chirurgie , pour défigner les opérations de
la taille : on dit le haut appareil , le grand
€> le petit appareil , l'appareil latéral. Voy.
LiTHOTOMIE. (1^)
Appareil , en Architeclure : on dit
qu'un bâtiment eft d'un bel appareil ., quand
il efl conduit avec foin , que les affiles font
de hauteur égale , & que les joints font
proprement faits & de peu d'écartement ;
tel eft celui de l'Obfervatoire , & la fon-
■ taine de Grenelle , fauxbourg faint-Gcr-
main , qui peuvent palier pour des chets-
<l'œuvre dans ce genre.
On dit aufli qu'une pierre ou affife eft
de bas appareil , quand elle ne porte que
douze ou quinze pouces de hauteur ; &
de haut appareil , quand elle en porte vingt-
quatre ou rrente. (P)
Appareil , appareil de pompe ^ c'eflle
pirton de la pompe.
Appareil de mâts & de iviles , voye\
Mat & Voile.
Appareil , en cuifine , c'eft un com-
pofé de plufieurs ingrédiens qui entrent
dans un mets : la panne , les épices , la
chair , les fines herbes , font l'appaieil d'une
andouille.
APPAREILLÉE , adj. f. ( Marine. )
l'oile appareillée ; c'ell une vcùle mile dehors
ou au vent , c'efl-à-dire déplo} ée pour
prendre le vent : ce qui ell le contraire de
ivile ferk'e ou cargue'e.
A P P
APPAREILLER , v. a. {Marine. ) ce
verbe exprime la réunion de plulicurs ma-
nœuvres d'un vailîeau dont le but elt de
quitter l'endroit où il étoit mouillé , & de
mettre à la voile.
Avant de détailler la fa^on d'appareiller y
je fuppolerai que le vaifieau ell délaftour-
ché & qu'il vire au cabellan pour lever ta
dernière ancre , parce que c'efl de ce mo-
ment-là feulement que le verbe appareiller
a fon application : je fuppolerai aufli que
le vaiflèau ell éviré debout au vent , poli-
tion dans laquelle il fe trouve le plus fou-
vent , & que l'on veut abattre fur tribord ,
le temps d'ailleurs étant beau & maniablc-
Les voiles doivent être terrées tandis que
l'on vire , parce que le vent , en les frap-
pant , tendroit à éloigner le vaifieau de fon
ancre , & augmenteroit conféquemment k
force qu'il ett nécelîliire de faire au cabel-
tan. On doit cependant excepter de cette
règle générale , le cas où un courant vicn-
droit à prendre le vaiileau , & à le faire cou-
rir fur fon ancre ; car alors on doit contre-
balancer cette torce en bralfant le perroquet
de fougue fur le mât , dans la crainte que
le vailTeau n'engageât fon cable autour ds
fon ancre. Il elt bon qu'au moins les deux
huniers ne foient tenus que par des fils de
caret , parce qu'il eti alors très-facile de les
déferler promptement quand le moment
vient de s'en lervir. Lorlque le vaiileau ett
prefque à pic , on déterle & on borde les
huniers & le perroquet de tougue. Si l'équi-
page n'étoit pas allez confidérable pour virer
en même temps , il faudroit mettre le lin-
guet au cabellan , & taire monter tout le
monde pour donner la main à la manœuvre.
Je regarde comme nuitible de hillcr le grand
hunier ; mais il taut toujours hiller tout
haut , ou en partie , le petit hunier & le per-
roquet de tougue , & tenir les tocs tout
prêts à l'être. L'ulage du petit hunier & du
perroquet de fougue ell de détcnniner l'a-
battée du vaiileau dès l'inllant où l'ancre
lui permettra d'obéir , 6i les tocs doivent
accélérer l'abat; ée que ces voiles auront dé-
terminée. Pour que ces voiles tallcnt abat-
tre , il faut , dans la liippofition que nous
avons faite de vouloir abattre fur tribord ,
brallèr bas-bord les vcrgiies de l'a\ant , &
tnbord Cviles de l'an-icrc. Le g,r.uid huiiicr ,
A P P
prefque fituë au centre du Vailfcau ï K
abrcyé par le petit Ininier , efl (ans force,
& ne peut qu'ôter le vent au perroquet^ de-
fougue , plus propre que lui à produire 1 ef-
fet que nous en attendons , à caul'c de ion
éloignemcnt du centre de gravité du vaif-
feau. CcH ce qui m'a fait dire qu'il étoit
nuifible dclehifler.
Il elf facile de fentir pourquoi les voiles
orientées , comme on vient de dire , font
abattre le vaifleau. L'obliquité , en effet ,
qu'elles ont alors avec la direûion du vent ,
décompofe l'effort du vent fur elles en deux
forces , dont l'une devient paralk-le à la
voile , & efl confequemment nulle par
rapport au vaifTeau ; & dont la féconde ,
perpendiculaire ;\ la première , &c la feule qui
agilfe , le f;iit culer dans une direflion qui
lui efl parallèle. Mais cette force ne paiîe
point par le centre de gravité du vaifleau ;
elle communique donc confequemment
un mouvement de rotation autour de ce
centre , mouvement qui forme l'abattée.
C'efl-là un principe de méclianique connu
de tous ceux qui ont quelque teinture de
cette fcience.
Les voiles de devant, braffcesà bas-bord,
jettent l'avant fur tribord ; & celle de l'ar-
riére , braffées à tribord , jettent , par la
même caufe , l'arriére fur bas-bord ; ainfi
toutes concourent A préparer le vaifleau au
mouvement que l'on defire , & à le lui
faire exécuter lorfque Ion ancre ne le retien-
dra plus , & lui permettra d'obéir aux forces
qui agiflcnt flir lui. Le vaifl'eau alors culera,
on l'a vu plus haut ; le gouvernail , confe-
quemment , ne fera plusoififj on ne doit
donc pas négliger de s'en fervjr , &z de
mettre la barre à tribord , afin qiic le gou-
vernail , placé à bas-bord du vaifleau , dé-
compofe par fon obliquité l'aâion du
fluide , & contribue de fon côté à produire
l'efîct qu'on fe propofe.
Tout étant ainfi difpofé pour l'abattée
du vaifleau , on doit virer de force au ca-
beffan pour faire déraper l'ancre. Il faut
laifler abattre le vaifleau jufqu'à ce que le
vent puiflè porter dans les voiles ; & alors,
fi l'on n'efl point forcé de faire ferviriurle
champ , il finit arrêter l'aba-rtée, & mettre
en panne jufqu'à ce que l'ancre foit haute.
On peut pour cela biffer alors le grand hu-
A P P . 5f
nîer;n on ne le faifoit pas, il faudroit du
moins balancer l'effort du perroquet do
fougue avec celui du petit hunier. Cette
pofition conduit naturellement à faire voir
qu'il ef{ défavantageux d'abattre fur le côte
où efl placée l'ancre que l'on levé ; car un
vaifleau ainfi en panne a de la dérive , &
cette dérive preflé le cable contre le bâti-
ment , & augmente confidérablement la
force qu'il faut faire au cabeflan. Quelque-
fois même l'ancre s'engage fous le navire ,
& il a fallu virer de bord pour la pcnivoir
dégager. Dans le cas où on feroit contraint
de forcer de voile fur le champ , on vire
l'ancre comme on peut , mais bien fouvenr
efl obligé de couper le cable , ou de le
filer par le bout.
Si l'on vouloit abattre fur bas-bord , on
fent bien que la manoeuvre feroit la même;
il faudroit feulement brafl"er tribord devant ,
bas-bord derrière, & mettre la barre du
gouvernail A bas-bord. Il y a des cas cepen-
dant où le gouvernail ne doit pas être placé
comme on vient de le prefcrire , ce font
ceux où un courant , venant de l'avant
du vaifleau , frapperoit le gouvernail avec
une vîtefTe quelconque : car alors ce cou-
rant peut être regardé comme une vitefîc
réelle qu'auroit le navire , & on doit ma-
nœuvrer le gouvernail , comme fi le vaif^
feau alloit de l'avant.
Si le courant prenoit le vaifl'eau de côté,
à bas-bord , par exemple, & que fon voulût
abattre fur tribord , il faudroit mettre la
barre à bas-bord , parce que le gouvernail,
effacé & prefque parallèle au courant, n'of-
friroit alors que peu de prife au fluide ,
& ne s'oppoferoit , par conféquent , que
foiblement à l'abattée. Si , dans la fuite, le
recul du vaiflxau furpafloit en vîtefTe le
courant , il efl évident qu'il faudroit chan-
ger la barre.
Si ce même courant ne fuivoit point la
direftion du vent , & tenoit un vaifl^êau
qui veut appareiller, évité , non plus debout
au vent , mais de forte que fes voiles pour-
roient porter ; on a foin alors , avant de
déraper, de h'tfCcv les huniers & le perro-
quet de fougue ferrés par des fils de caret,
& de brafler toutes les vergues du même
bord & fous le vent , afin que , lorfqu'on
viendra à border ces voiles , elles puiifent
C z
5î A P P
porter & fervir à gouverne!' le vaifTcau dès
que l'ancre quittera le fond. Cette façon de
tenir les huniers hauts,avant de les border, eft
fort bonne ; & on la pratique fouvenr, parce
que la manœuvre en eft plus vive.
Si le vent , trop confidérable , ne permet-
toit de fc fervir des huniers qu'avec des ris ,
il faudroit les prendre avant d'orienter les
voiles : fi même la force du vent empêchoit
tout-à-fait de les pou voir porter, on ne fe
lerviroit , pour abattre , que des tonds du
petit hunier que l'on ferreroit tout de fuite
après , ou même fimplement des fonds de
miiaine.
Lorfque l'on appareille d'une rade fort
petite , ou généralement lorlqu'on veut
appareiller en faiiant uneabattée prompte,
& dans laquelle on ne perde point de ter-
rain , on appareille en faiiant emboflure.
Pour cela , du côté oppofé à celui fur le-
quel on veut abattre , on pafTe une aulîlere
ou un grelin par un des labords de la
féconde batterie le plus en arrière , & on
l'amarre fur le cable en avant du vaifïêau &
en dehors ; on roidit cette auffiere , & on
l'amarre folidemcnt au pied du grand mât ,
ou on la garnit au cabellan afin de pouvoir
virer defîùs. Lorlqu'on veut appareiller, on
coupe le cable ou on le file par le bout. Le
vaiiTèau n'étant plus retenu , obéit en entier
un infiant à la torce qui le tenoit éviré ,
jufqu'à ce que l'auflîcre , venant à le roidir,
retient l'arriére , & ne permet qu'à l'avant
de céder. Le mouvement de rotation que
fait alors le vaifieau efl très -vif, & on
doit l'apprécier pour régler la grandeur de
î'abattée & l'amortir à propos. Il ell , en
effet , également déiavantageux de lailîér
trop abattre le vaifTeau ou de ne point le
laifler allez abattre ; parce que ce vailTeau ,
qui n'a d'autre mouvement que celui de ro-
tation, ne pourroit point obéir à fon gou-
vernail , & reprendre promptement la route
qu'on veut lui faire tenir. On ell toujours
maître d'afTjrer I'abattée du bord oppofé à
celui de l'aullîcre , & il n'y auroit pour cela
qu'à filer du cable en douceur , & attendre,
pour le larguer tout-à-fait , que l'aulliere
eut commencé à faire force , (on pourroit ,
par ce moyen , mettre un vaiffcau en tra-
vcrs , ou dans telle autre pofirion que l'on
ddireroit par rapport au vent ; ) na.us fi
A P P
l'on fe fervoît de voiles pour la faciliter , A
faudroit avoir du monde lur les bras , des
vergues pour les bralTcr dès qu'elle feroit
décidée , & difpofer les voiles à recevoir
le vent dedans le plutôt qu'il efl poffible.
Lorfque le vaifleau a fait I'abattée que l'on
veut de lui , on coupe l'aulliere pour laquelle
feule il étoit tenu.
Une ancre & un c>ible que l'on lailTe ,
& une aufliere que l'on coupe , doivent
facilement perfuader que l'on n'emploie
cette façon (^appareiller que lorlqu'on y
ell forcé. On éviteroit ces inconvéniens ,
s'il étoit poffible de lever fon ancre , & de
la remplacer par un autre point d'appui ,
tel qu'un corps mort ou un bâtiment
mouillé , qui largueroit de fon bord les
amarres , ou auquel on largueroit celles
qu'il auroit prêtées. {M. le Chevalier DE
LA COUDRAYE.) Voye^ BoSSER ,
DÉSERTER , Lap,.GUER , HALER , Ê'C.
Appareiller le corps , les arcades, les
femples, &cc..dans les Manufactures de foieî
c'eii égalifer toutes les parties dont font
compofés les corps , les arcades , les fem-
ples , ^c. de manière qu'elles loient toutes
de niveau , & que l'une ne foit pas plus
haute que l'autre. Voye^ à l'article VE-
LOURS CISELÉ , la néceffité de cette at-
tention.
Appareiller, terme de Chapelier ^
c'ell former le mélange des poils ou des lai-
nes qui doivent entrer dans la compofition
d'im chapeau , félon la qualité qu'on veut
lui donner.
Appareiller , en terme de Layetier ;
c'ell joindre cnfemble une ou plufieurs
planches d'égale grandeur.
Appareiller , v. aél. {Manège^ fc dit
de deux , de quatre ou de fix chevaux de
mêiue poil , qu'on veut mettre à un car-
rollé On dit auHî apparier. Appareiller , en
terme de haras , lignifie faire faillir à_ un
étalon la jument la plus propre pour taire
avec lui un beau & bon poulain. {V)
APPAREILLEUR, I". m.{Architec7.)
efl le principal ouvrier chargé de l'appareil
des pierres pour la conllrudion d'un bâti-
ment; c'ell lui qui trace les épures par
paneaux ou par équarriflement , qui pré-
ilde à la pofe , au racordement , Sv.^ Il
feroit névefli'ire q,ue ces fortes d'ouvriers
A P P
fufîent cîcflîner l'architc(5liire ; cette fciencc
leur appicndroit l'art de profiter , & de
former des courbes- élégantes , gracicufcs ,
& lans jarrets : il fcroit auili très-impor-
tant qu'ils tuiïent mathématiciens , afin de
pouvoir iè rendre compte de la pouflée
des voûtes , du poids , de la charge , &
du fruit qu'il convient de donner au mur ,
félon h» divcrfité des occaiions qu'ils ont
d'être employés dans les bâtimens ; mais la
plupart de ceux qui f'e donnent pour tels ,
n'ont que le métier de leur art , malgré les
cours publics qui leur font ofîœrts ;\ Paris
pour s'infîruire. (P)
* APPARENCE, eocténeur, dehors,
(Gram.) IJ extérieur fait partie de la chofe ;
le dehors l'environne ;\ quelque diflance :
Yapparence efl l'effet que produit là préfen-
ce. Les murs iont ï extérieur d'une maifon ,
les avenues en iont les dehors : ïapparence
réllilte du tout.
Dans le fens figuré , extérieur fe dit de
l'air & de la phylionomie ; le dehors , des
manières & delà dépenfe ; {'apparence , des
aftions & de la conduite, l^'extérieur pré-
venant n'efl pas toujours accompagné du
mérite , dit M. l'abbé Girard , Syn. Franc.
Les dehors brillans ne font pas des preuves
certaines de l'opulence. Les paniques de
dé^'otIon ne décident rien fur la vertu.
Apparence , f. m. 1.' apparence cÇ[ pro-
prement la furface extérieure d'une chofe ,
ou en général ce qui affede d'abord les fèns ,
l'efprit & l'imagination.
Les académiciens prétendent que les qua-
lités fenfibles des corps ne font que des
apparences. Quelques philofophes moder-
nes ont embraffé ce féntiment. V. ACADÉ-
MICIEN & QUALITÉ. Voye-;{auffiCov.VS.
Nos erreurs viennent prefque routes de
ce que nous nous hâtons de juger des cho-
ies , & de ce que cette précipitation ne nous
permet pas de difcerner le vrai de ce qui
n'en a que ['apparence. Voje^ VOLON-
TÉ , Liberté, Erreur, Vraisem-
blance.
yipparjnce en perfpecfii'e : c'efl la rcpré-
fentation ou projeftion d'une figure , d'un
corps , ou d'un autre objet , fur le plan
du tableau. Voye^ PROJECTION.
Uapparcncs d'une ligne droite projetée ,
droite ; car la corn-
A P P j,.
mune fèélion de deux plans efî toujours une
ligne droite : donc la commune (célion du
plan du tableau , & du plan qui paffe par
l'ail & par la ligne droite qu'on veut repré-
lenter,_eft une ligne droite: or cette com-
mune (edion efî ['apparence de la ligne qu'on
veut projeter. Fbjr^ PERSPECTIVE. L'a/7-
parence d'im corps opaque ou luminCLix
étant donnée , on peut trouver Yapparence
de fon ombre. Fbvf^OMBRE.
Apparence 2' une étoile , d'une pla-
nète , &c. y. Apparition. On entend
quelquefois par apparences , en ;vftronomie ,
ce qu'on appelle autrement phénomènes ou
phafes. Voye\ PHENOMENE & PhASE.
On fc fert en optique du terme d'appU'
rence directe , pour marquer la vue d'ua
objet par des rayons direifs , c'efl-à-dire ,
par des rayons qui viennent de l'objet, fans-
avoir été ni réfléchis ni rompus. Voyei^ DI-
RECT & Rayon. Voye^ aujjl O^tkive.
&■ Vision. ( O)
Apparence, belle apparence , {Ma-'
nege. ) ie dit ordinairement d'im cheval qui ,.
quoiqu'il paroiffe très-beau , n'a cependant
pas beaucoup de vigueur , & quelquefois
même point du tout : on dit , l'oilà un che^
rai de belle apparence. ( V^)
efl toujours une ligne
APPARENT , apparens ,- adjed. m..
Cette épithcte convient à tour ce qui citvi-
fiulc , à tout ce qui eft ienîible à l'œil , ou
intelligible à l'efprit. Voye-{ APPARENCE.
Hauteur apparente. P^oye:^ HAUTEUR.
Conjonction apparence. Il y a conjonclion
apparente de deux planètes, lorfque la ligne
droite qu'on iuppofe tirée par les centres
des deux planètes , ne paflc point par le
centre de la terre , mais par l'œil du fpec-
tareur. La conjonclion apparente eH^iïïm-
guée de la conjonction praie , où le centre de
la terre efl dans une même ligne droite avec
les centres de deux planètes Voye-{ CON-
JONCTION.
Horizon apparent ou fenfible ; c'e/1 le
grand cercle qui termme notre vue , ou celui
qui efl formé par la rencontre apparente du
ciel & de la terre.
Cet horizon fépare la partie vifible ou fu-
périeure du ciel , d'avec la partie infé-
rieure qui nous cfl invifible , à caufe de la
rondeur de la terre. LViorqon apparent dif-
fère de ['horizon ratioael qui lui dl parai-
54 APP
lele , mais qui pnfTe par le centre de la terre,
ï^o/f^ Horizon. On peut concevoir un
cône dont le iommet feroit dans notre œil ,
& dont la bafe Icroit le plan circulaire qui
termine notre vue : ce plan cÛVhuriioii ap-
parent. Koje^ Abaissement.
IShor'n^on apparent détermine le lever &
le coucher apparent du foleil , de la lune ,
des étoiles, <Sv. K.Lever,Couciier,&c.
Grandeur apparente. 'L^ grandeur appa-
rente d'un objet ell celle ibus laquelle il
paroît à nos yeux. Voye^ GRANDEUR..
L'angle optique eft la mefure de (a gran-
deur apparente ; du moins c'ell ce que les
auteurs d'optique ont fou tenu long-temps.
Cependant d'autres opticiens prétendent avec
beaucoup de fondement , que la grandeur
apparente d'un objet ne dépend pas feu-
lement de l'angle fous lequel il cil vu ; &
pour le prouver, ils difent qu'un géant de
fix pies, vu à fix pies de diflance , & un
nain d'un pié , vu A un pié de dillance ,
font vus l'un & l'autre fous le même angle ,
& que cependant le géant paroît beaucoup
plus grand : d'où ils concluent que tout
le relie étant d'ailleurs égal , la grandeur
apparente d'un objet dépend beaucoup de (a
diitance apparente , c'elWi-dire , de l'éloi-
gnement auquel il nous paroît être. Voyci
Angle.
Ainfi , quand on dit que l'angle optique
cfl la mefure de la grandeur apparente , on
doit refireindrc cette propofition aux cas
où la dillance apparente cû luppofée la
même : ou bien on doit entendre par le mot
de grandeur apparence de l'objet , non pas
la grandeur fous laquelk il paroît véritable-
ment , mais la grandeur de l'image qu'il
forme au fond de l'œil. Cette image efl , en
effet, proportionnelle à l'angle lous lequel
on voit l'objet ; & en ce fens on peut dire ,
que la grandeur apparente d'un objet eil
d'autant de degrés que l'angle optique lous
lequel on voit cet objet en contient. J^oye:^
Vision.
On dit aufll que les grandeurs apparentes
des objets éloignés , iont réciiiroqucment
comme les dillances. Voyc^ Vision &
Visible.
Cependant on peut démontrer en rigueur
qu'un même objet A C ( PI. d'opr. fig.
0'^.) étant vu ^ des dillances diflérentes,
APP
par exemple , en D &. en B , Ces grandeurs
apparentes , c'efl-à-dire , les angles A D C
&c A B C , font en moindre railon que la
réciproque des diflanccs D G & B G : A
n'y a que les cas où l.s angles optiques A
DC & ABC leroient tortpetiis, comme
d'un ou de deux degrés , dans lequel ces
angles ou les grandeurs apparentes feroicnt
à-peu-près en railon réciproque des dif-
tances.
La grandeur apparente., ou le diameti'C
apparent du foleil , de la lune, ou d'une
planète , efl la quantité de l'angle lous le-
quel un obi'ervateur placé fur la furface de
la terre , apperçoit ce diamètre.
Les diamètres apparens des corps célefles
ne iont pas toujours les mêmes. Le diamètre
apparent du ioleil n'eft jamais plus petit que
quand le foleil eiKidns le cancer, & jamais
plus grand que quand il ell dans le capri-
corne. Fbj'f;j Soleil.
Le diamètre apparent de la lune augmente
& diminue alternativement, parce que la dit
tance de cette planète à la terre varie conti-
nuellement, î-'bj'f:^ Lune.
Le plus grand diamètre apparent du foleil
efl , ielon Caffmi , de 3' 10"; le plus petit de
31' 38". Selon de-la-Hire, le plus grand
efl de 32' 43" , &: le plus petit de 31'
28".
Le plus grand diamètre apparent de la
lune elt , l'elon Kepler , de 32' 44", & le
plus petit de 30' 60'. Selon de-la-Hire, le
plus grand eif de 33' 30", & le plus petit
de 29' 30". Voyei SOLEIL & LUNE.
Le diamètre apparent de l'anneau de ft-
turne efl, félon Huyghens , de i' 8", lori-
qu'il eit le plus petit. Voye^ SATURNE.
Quant aux diamètres apparens de> autres
planètes , ivye-^ Varticle DiAMETRE.
Si les diflanccs de deux objets fort éloi-
gnés , par exemple, de deux planètes, Iont
égales , leurs diamètres réels leront propor-
tionnels aux diamètres apparens ; & fi les
diamètres apparens iont égaux , les diamètres
réels leront entr'eux comme les diflanccs k
Vou'A du fpedateur : d'où il s'enUiit , que
quand il y a inégalité entre les diflances &
entre les diamètres apparens , les diamètres
réels (ont en railon compolée de la direâe
des diflances , 6<: de la dircûe des diamètres
apparens.
A P P
Au refle , quand les objets font fort éloi-
gnés de l'ail, leurs grandeurs apparentes ,
c'ert-à-dire , les grandeurs dont on les voit,
font proportionnelles aux angles iôiis lel-
quels ils ibnt vus ; ainlî quoique le loleil &
la lune foient fort diiîerens l'un de l'au-
tre pour la grandeur réelle , cependant leur
grandeur apparente cil à-peu-près la même ,
parce qu'on les voit à-pcu-près fous le
même angle. La raifon de cela ell que ,
quand deux corps Ibnt fort éloignés , quel-
que différence qu'il y ait entre leur dirtance
réelle , cette ditlérence n'ell point apper-
çue parnosyeux, & nous les jugeons l'un
& l'autre à la même diicance apparente ;
d'où il s'enfuit que la grandeur dont on les
voit , eit alors proportionnelle à l'angle opti-
que ou viliiel. Par coniequent fi deux ob-
jets font fort éloignés , & que leurs gran-
deurs réelles foient comme leurs diftances
réelles , ces objets paroîrront de la même
grandeur , parce qu'ils feront vus fous des
angles égaux.
Il y a une difFérence très-fenfible entre
les grandeurs apparentes ou diamètres appa-
rens du foleil & de la lune à l'Iiorizon , &
leurs diamètres apparens au méridien. Ce
phénomène a beaucoup exercé les philolo-
phes. Le P. Mallebrancheed celui qui paroît
l'avoir expliqué delà manière la plus vrai-
femblable , & nous donnerons plus bas fon
explication , cependant l'opinion de cet au-
teur n'ell pas encore reçue par tous les ph}-
ficiens. Voye\ LUNE.
Diftance apparente ou dijlance apperçue ,
eft la dillance à laquelle paroît un objet.
Cette diflance efl fouvent fort diHérente de
la diflance réelle ; & lorlque l'objet efl tort
éloigné , elle eil prelque toujours plus pe-
tite. Il n'y aperfonne qui n'en ait tait l'ex-
périence , & qui n'ait remarqué que dans
une valle campagne , des mailons ou autres
objets qu'on croyoif aïïéz près de foi , en
font fouvent fort éloignés. De même le
foleil & la lune , quoiqu'à une diilance im-
menfe de la terre , nous en paroilfent cepen-
dant afiez proches , ii nous nous conten-
tons d'en juger à la vue limple. La railon
de cela efl , que nous jugeons de la dii-
tance d'un objet , principalement par le
nombre d'objets que nous voyons interpoles
eatre nous ik cet objet ; or quai;d ces ob-
A P P jy
jets intermédiaires (ont invifiblcs, ou qu'ils
lont trop petits pour être apperçus , nous
jugeons alors l'objet beaucoup plus proche
qu'il n'ell en ellet. C'ell par cette raifon >
félon le père Mallebranche , que le foleil X
midi nous paroît beaucoup plus près qu'il
n'efl réellement , parce qu'il n'y a que très-
peu d'objets remarquables & ienfibles en-
tre cet allre & nos yeux ; au contraire , C2
même loleil à l'horizon nous paroît beau-
coup plus éloigné qu'au méridien , parcs
que nous voyons alors entre lui & nous un
bien plus grand nombre d'objets terrel-
très , & une plus grande partie de la voûte
célelle. C'ell encore par cette raifon que
la lune , vue derrière quelque grand objet
comme une muraille , nous paroît immé-
diatement contiguë A cet objet. Un autre
raiion pour laquelle nous jugeons louvenc
la dillance d'un objet beaucoup plus petite
qu'elle n'ell réellement , c'ell que pour juger
deladillance réelle d'un objet , il huit que le?
diflérentes parties de cette dillance foient
apperçues ; &: comme notre œil ne peut
voir à la lois qu'un allez petit nombre d'ob-
jets , il ell nécelïiûre pour qu'il puidé dif^
cerner ces dirlérentes parties , qu'elles ne
foient pas trop multipliées. Or , lorfque la
diflance ell conlidérable , ces parties fonc
en trop grand nombre pour être dillin-
guées toutes à la lois , joint à ce que les
parties éloignées agillent trop foiblemenc
fur nos yeux pour pouvoir être apperçues.
La dillance apparente d'un objet eil donc
renfermée dans des limites allez étroites ,
& c'efl pour cela que deux objets fort éloi-
gnés font jugés fouvent à la même dif-
tance apparente , ou du moins que l'on n'ap-
perçoit point l'inégal té de leurs diltancci
réelles , quoique cette inégalité loit quel-
quefois immenfe , comme dans le foleil &
dans la lune , dont l'un ell éloigné de nous
de I looo diamètres de la terre , l'autre de
60 feulement.
Mouvement apparent , temps apparent ,
&c. Voyei Mouvement, TexMps , 6v.
Lieu apparent. Le lieu apparent d'un
ob'et , en opt que , efl celui 011 on le voin
Comme la dilfance apparente il'un objet elî
louvont fort différente de fa diflance réelle ,
le lieu apparent i-fc fouvent fort diiférenc
1 du lieu P'rai, Le Usu appaicnc le die prin-
5^ A P P
cipalemcnt du lieu où l'on voit un ob)et , en j
l'obiervantà travers un ou pluficurs verres ,
ou par le moyen d'un ou pluficurs miroirs.
Fbvr:îDiopTRiQUE , Miroir , £v.
Nous dilbns que le lieu apparent d\ diffé-
rent du lieu vrai ; car lorfque la rélradion
que fouffrent à-travers un verre les prin-
cipaux optiques que chaque point d'un ob-
jet fort proche envoie à nos yeux , a rendu
les rayons moins divergens : ou lorfque par
un effet contraire , les rayons qui viennent
d'un objet fort éloigné Ibnt rendus par la
réfraftion auffi divergens que s'ils venoient
d'un objet plus proche ; alors il eft nécel-
laire que Fobjet paroifîè à l'œil avoir changé
de lieu ; or le lieu qve l'objet paroît occu-
per , après ce changement produit par la
divergence ou la convergence des rayons ,
eh ce qu'on appelle /o;z lieu apparent. Il
en efl de même dans des miroirs. Voye\
Vision.
Les opticiens font fort partagés fur le
lieu apparent d'un objet vu par un miroir ,
ou par un verre. La plupart avoient cru
jufqu'à ces derniers temps que l'objet
paroiffoit dans le point où le rayon réfléchi
ou rompu , pafifant par le centre de l'œil ,
rencontroit la perpendiculaire menée de
l'objet fur la furfacc du miroir ou du verre.
C'eR le principe que le père Taquet a em-
ployé dans la catoptrique , pour expliquer
les phénomènes des miroirs convexes &
concaves ; c'eflaufli celui dont M. de Mai-
ran s'efl fervi pour trouver la courbe appa-
rente du fond d'un badin plein d'eau , dans
im Mémoire imprimé parmi ceux de l'aca-
démie de 1740. Mais le père Taquet con-
vient lui-même à la fin de fi Catoptri-
que , que le principe dont il s'eft fervi n'efl
pas général , qu'iî eft contredit par l'ex-
périence. A l'égard de M. de Mairan , il
paroît donner ce principe comme un prin-
cipe de géométrie plutôt que d'optique ;
& il convient que Newton , Barrow , &
les plus célèbres auteurs ne l'ont pas entiè-
rement admis. Ceux-ci pour déterminer le
lieu apparent de l'objet , imaginent d'abord
que l'objet envoie (ur la furlace du verre
ou du miroir , deux rayons fort proches
l'un de l'autre, lefqucls, après avoir fouf-
fert une ou plufieurs rélraftions ou réfle-
iJons , entrent dans l'œil. Ces rayons rora-
APP
pus ou réfléchis , étant prolongés , concoU*
rent en un point , & ils entrent par confé-
quent dans l'œil comme s'ils venoient de
ce point ; d'où il s'enfuit , félon Newton
& Barrow , que le lieu apparent de l'objet ,
ell un point de concours de rayons rom-
pus ou réfléchis qui entrent dans l'œil , &
ce point eil ailé à déterminer par la géo-
métrie. Voyez Voptique de Newton , & les
leçons optiques de Barrow. Ce dernier
auteur rapporte même une expérience qui
paroît fans réplique , & par laquelle il ell
démontré que l'image apparente d'un fil à-
plomb enfoncé dans l'eau , eu courbe ;
d'où il rélulte que le lieu apparent d'un
objet vu par réfradion n'efl point dans l'en-
droit où le raj'on rompu coupe la perpen-
diculaire menée de l'objet fur la furtace
rompante. Mais il faut avouer auffi que
Barrow , à la fin de (es leçons optiques , fait
mention d'une expérience qui paroît con-
traire ;\ fon principe fur le lieu apparent de
l'image : il ajoute que cette expérience efl
auffi contraire à l'opinion du père Taquet
qu'à la fienne : maigre cela , Barrow n'en efl
pas moins attaché à fon principe fur le lieu
apparent de l'objet , qui lui paroît évident
&c très-limple ; & il croit que , dans le cas
particulier où ce principe femble ne pas
avoir lieu , on n'en doit attribuer la caufe
qu'au peu de lumières que nous avons fur
lavifion direfte. A l'égard de M. Newton,
quoiqu'il fuive le principe de Barrow fur
le lieu apparent de l'image , il paroît regar-
der la folution de ce problême comme une
des plus difficiles de l'optique : Puncfi illius ,
dit-il , accurata determinatio problema fo-
lutu difficillimum prccbebit , niji hypotheji
alicui falcem verijimili , fi non accuratè
i-'er^v , nitatur ajfertio. Lee. op. fchol. Prop.
VIII. pag. 80. VojeiMlKOlK Ù DiOP-
TRIQUE.
Quoi qu'il en foit , voici des principes dont
tous les opticiens conviennent.
Si un objet efl placé à une diflance d'un
verre convexe , moindre que celle de fon
foyer , on pourra déterminer fon lieu appa~
rent : s'il efl placé au foyer , Ion lieu ap~
parent ne pourra être déterminé ; on le verra
feulement dans ce dernier cas extrêmement
éloigné , ou plutôt on le verra très-confu-
fément.
Le
Le lieu apparent ne pourra point encore
fe déterminer , fi l'objet eft placé au delà
du foyer Sun verre convexe : cependant fi
l'objet eft plus éloigné du verre convexe
que le foyer , & que l'œil l'oit placé au
delà de la baie diltinde , ion lieu apparent
fera dans la bafc diftinde. On appelle hafe
dijUncle un plan qui paiîé par le point
de concours des rayons rompus. Voye\
Lentille.
De même , fi un objet eft placé à une dif-
tance d'un miroir concave moindre que
celle de l'on foyer , on peut déterminer
fon lieu apparent : s'il cil placé au foyer ,
il paroîtra infiniment éloigné , ou plutôt
îl paroîtra confulément , fon lieu apparent
ne pouvant être déterminé.
Si l'objet eft plus éloigné du miroir que
le foyer , & que l'œil foit placé au^ delà de
la baie diilinfte , le lieu apparent iéra dans
la baie diftinde. Vqyei MiROIR , CON-
CAVE &CATOPTRIQUE.
On peut toujours déterminer le lieu ap-
parent de l'objet dans un miroir concave.
Le lieu apparent d'une étoile , &c. eft un
point de la iurface de la fphere , déterminé
par une ligne tirée de l'œil au centre de l'é-
toile , &c. Voyei Lieu.
Le lieu vrai ou réel le détermine par une
ligne tirée du centre de la terre , au centre
de la planète , ou à l'étoile , &c. (O)
APPARITEUR , f m. {Hifl.^ anc. &
mod. ) C'eft le nom du bedeau d'une uni-
verfité , dont la fondion eft de porter la
maffe devant les dodeurs des facultés. Voy.
Bedeau, Université, Masse.
On appelle aufll appariteurs , ceux qui
ont l'emploi de citer quelqu'un devant un
tribunal eccléfiaftique. Voyei^^ SOMMER ,
Citation.
Les appariteurs , chez les Romains ,
étoient la même chofe que les i'ergens ou
les exempts parmi nous ; ou plutôt , c'étoit
\\n nom générique , exprimant tous les mi-
niftres qui exécutoient les ordres des juges
ou des magiflrats ; & de-là leur eft venu le
nom (S appariteurs , formé i'apparere être
préfenr.
Sous le nom d'' appariteurs , étoient com-
pris, /cr/èi-J? , accenjï, interprètes y proeco-
nés , l'iatores , Uclores ,Jîatores , & même
tarnijkes, les exécuteurs. Voyei SCRIBE ,
Tome III,
A P P 57
Licteur. &c. On les choiriiToit ordinaire-
rement parmi les affranchis de Magiffrats :
leur état étoic méprilé &c odieux , telle-
ment que le iénat impoibit comme une mar-
que d'infamie à une ville qui s'étoit révoltée ,
le foin de lui fournir des appariteurs. Il y
avoit auflî une l'orte A'appanteurs des co-
hortes , appeWés cohonales & conditionales y
comme étant attachés à une cohorte , &
condamnés à cette condition. Les appari-
teurs des prétoires , apparitores pretoriani ,
étoient ceux qui fervoient les préteurs &
les gouverneurs des provinces ; ordinaire-
ment le jour de la naiilance de leurs maîtres
on les changeoit , & on les élevoit à de
meilleures places. Les pontifes avoient auflî
leurs appariteurs , comme ilparoît par une
ancienne inl'cription en marbre , qui eft
dans la voie Appia.
Apparitori
popttificum
Parmulario,
* APPARITION , l'ifion , ( Gram. ) la
vifion le pâlie au dedans , & n'eif qu'un
effet de l'imagination : V apparition fuppofe
un objet au dehors. S. Joi'eph , dit M. l'abbé
Girard , fut averti par une vihon de pafler
en Egypte : ce fut une apparition qui inftnii-
fit la Magdeleine de la rélurredion de Jelus-
Chrifl. Les cerveaux échauffés & vuides de
nourriture font fujets àdes vifions. Les cf^
prits timides & crédules prennent tout ce
qui fe préfente pour des apparitions. Synon.
Franc.
Apparition , fe dit , en aflronomie ,
d'un aflre ou d'une planète qui devient
vifible , de caché qu'il étoit auparavant.
Apparition efl oppoié dans ce icns à occul-
tation. Voyei Occultation.
Le lever du Soleil eff plutôt une apparition
qu'un vrai lever. Voy. SOLEIL & LEVER.
Cercle à' apparition perpétuelle. Voye^
CERCLE. ( O )
APPAROIR, enftyle de Palais, eflfy-
nonyme à paroître : faire apparoir, c'efl
montrer , prouver , conffater. {H)
* APPARONNÈ , adj. {Comm.) on dit
à Bordeaux qu'une banque , ou qu'un vail^
fèau aété<-'a;)paro/z;z/, quand il a été jaugé
parles officiers commis à cet effet.
APPARTEMENT, 1". m. ( archite^. )
H
-,5 APP
Ce mot vient du latin partimentum , fait du
verbe pardri , divifer ; aiiffi entend-on
par appartement la partie eflentielle d'une
maifon royale , publique ou particulière ,
ct^mpolee , lorfque Vappunement eu com-
plet , d'une ou plufieurs antichambres , de
falles d'aflemblée , chambre à coucher ,
cabinet , arrière-cabinet , toilette , garde-
robe , Ùc. En général on dillingue deux
fortes d'appartemens ; l'un que l'on appelle
de parade , l'autre de commodité; ce dernier
eft à l'ufage perfonnci des _ maîtres , & efl
ordinairement expofé au midi ou au nord ,
félon qu'il doit ctre habité l'été ou l'hiver :
Jes pièces qui le compofent doivent être d'urc
médiocre grandeur , & d'une moyenne
hauteur : c'efl pourquoi Is plus iouvent ,
Jorfque l'efpace du terrain elî refîcrré , l'on
pratique des entrefols au defllis pour les
garde-robes , fur-tout lorfque ces appane-
mens de commodité font contigus à de
grands appartemens ^ dont le diamètre des
pièces exige d'élever les planchers depuis
i8 jufqu'à lo ou 22. pies ; ces petits appar-
temens doivent avoir des communications
avec les grands , afin que les maîtres puil-
fcnt pafler de ceux-ci dans les autres pour
recevoir leurs vifites , fans rifquer l'hiver de
prendre l'air froid de dehors , ou des veili-
bules , antichambres , & autres lieux habi-
tés par la livrée ; & pour éviter la prélence
des domeftiques ou perfonnes étrangères
auxquels ces fortes de pièces font dcftinées.
Il efl fur-tout important d'éloigner ces ap-
partemens des baflês-cours , & de la vue des
domelliqucs fubalternes , & autant qu'il fe
peut même de la cour principale , à caufe
du bruit des voitures qui vont & viennent
.dans un£ maifon de quelque importance. Le
nombre des pièces de ces appartemens de
commodité n'exige pas l'appareil d'un grand
appartement ; le commode & le ialubre font
les chofes effentielles ; il fuffit qu'ils foient
eompofés d'une antichambre , d'une deuxiè-
me antichambre ou cabinet , d'une cham-
bre à coucher , d'un arrière-cabinet , d'une
garde-robe , d'un cabinet d'alfance , Ùc.
jnais il faut eflentiellement que ces garde-
robes & antichambres foient dégagées , de
manière que les domeftiques puiflcnt faire
leur devoir fans troubler la tranquillité du
jnaîtrc.
APP
II faut favoir que, lorfque cf appartement
font deflinés à l'ufage des dames , ils exigent
quelques pièces de plus , à caufe du nom-
bre de domeftiques qui communément
lont attachés à leur iervice ; qu'il taut aug-
menter le nombre des garde-robes , & y
pratiquer quelques cabinets particuliers de
toilette , &c.
A l'égard des appartemens de parade , il
faut qu'ils foient ipacieux & expofés au
levant , autant qu'il eft poffible , auftî-bien
que placés du côté des jardins , quand il
peut y en avoir : il faut fur-tout que les.
enfilades régnent d'une extrémité du bâti-
ment à l'autre , de manière que l'appartement
de la droite & celui de la gauche s'alignent
par l'axe de leurs portes & croilées , & s'u-
nifîent avec lymmétrie avec la pièce d\x
milieu , pour ne compofer qu'un tout lans
interruption , qui annonce d'un feul coup—
d'ccil la grandeur intérieure de tout l'édrfi-
ce. Sous le nom dH appartement de parade ,
on en diftingue ordinairement de deux ef-
peces ; l'un qui porte ce nom , l'autre celui.
de focicté. Les pièces marquées l^dans le
plan de la onzième Planche y. peuvent être
confidérées comme appartement de fociété y
c'eft-à-dire , deftiné à recevoir les perfonnes
de dehors , qui l'après-midi viennent faire
compagnie au maître & à la maîtrefie du
logis ; & celles marquées Z com.pofent ce-
lui de parade , où le maître pendant la ma--
tinée reçoit les perfonnes qui ont affaire à
lui , félon (a dignité : mais en cas de fête
-ou d'alîemblée extraordinaire , ces deux
appartemens fe réuniiVent avec le grand fai-
ion du milieu , pour recevoir avec plus d'c^
clat & de magnificence un plus grand
nombre d'étrangers invités p;tr cérémonie
ou autrement. Ces grands appartemens
doivent auilî être munis de garde-robes &
de dégagemens nccellalres à l'ulage de.s
maîtres , des étrangers & des domeftiques.
Voye\ la dcftination de chacune de ces
pièces , & la manière dont il les faut dé-
corer , dans les définitions des mots Salle
A MANGER., ChAMBRE A COUCHER ,
Cabinet , ùc. (F)
APPARTEMENS d'un vaijfeau. II eft dé-
fendu aux gardiens de prendre leur loge-
ment dans les chambres & principaux ap-
partemens des vaiffcaux j ra.i:s iculcraent
A P P
^ la fainfc-birlic ou enrrc les ponts. (/?)
APPARTENANCES , r. f. {Manège) k
dit de toutes les choies néceflaires pour
compoler cnticrcment les harnois d'un che-
val de lèllc , de carrofle , de charette , &c.
quand on ne les déraille pas._ Par exemple ,
on dit une ielle avec touies les appanr/uzn-
ces , qui (ont les langles , la croupière , Ùc.
Voyei Selle. ( V)
Appartenance , enDwic, eu fyno-
nyme à dépendance , annexe y &:c. V^oje^
l'an & l'autre.
Ce mot ell formé du latin aJ ^ à , &
peninere , appartenir.
Les appartenances peuvent être corporel-
les , comme les hameaux qui appartiennent
à un chef-lieu : ou incorporelles telles
que les fervices des vaflaux ou cenfitaires.
(^)
* APPAS , f m. pi. attraits y charmes ,
( Gram. ) outre l'idée générale qui rend ces
mots fynonymes , il leur efl encore commun
de n'avoir point de fmgulier dans le fens où
on les prend ici ; c'ell-â-dire lorfqu'ils font
emplo3és pour marquer le pouvoir qu'ont
lijr le cœur la beauté , l'agrément ou les
grâces : quant à leurs ditiérences , les attraits
ont quelque choie de plus naturel ; les appas
tiennent plus de l'art , & il y a quelque chofe
de plus fort & de plus extraordinaire dans
les charmes. Les attraits fe font luivre , les
appas engagent , & les charmes entraînent.
On ne tient guère contre les attraits d'une
jolie femme ; on a bien de la peine à fe dé-
fendre des appas d'ime coquette ; il efl prei-
qu'impolllble de réiifler aux charmes de la
beauté. On doit les attraits & les charmes à
ia nature : on prend des appas à fa toilette.
Les défauts qu'on remarque diminuent l'ef-
fet des attraits ; les appas s'évanouiffent
c^uand l'artifice le montre : on fe fait aux
charmes avec l'habitude & le temps.
. Ces mots ne s'appliquent pas ieulement
aux avantages extérieurs des femmes ; ils le
difent encore en général de tout ce qui
afFeâe agréablement. On dit que la vertu a
des attraits qui le font lentir aux vicieux
même ; que la richeiïe a des appas qui font
quelquefois fuccomber la vertu , & que le
plaifir a de charmes qui triomphent fouvcnt
de la philofophie.
Avec des épithetes , on met de grands
A P P yp
attraits , de puilTiins appas , & d'invincibles
charmes. V^qye:[ les Synon. Franc.
A P P A T , fublL mafc. fing. c'efl le
nom générique fous lequel on comprend
tous les mo}ens dont on fe ièrt , (bit à la
jîcche foit à la cliaflè , pour lurprendre les
animaux.
APPATER , V. aft. terme d'Oifeleur ,
mettre du grain ou quolqu'autre amorce dans
un lieu , pour y attirer les oifeaux ou les
poillons qu'on veut prendre. On doit appâter
les perdrix pour les prendre au fier.
§ A PP AUMÉE, ad j . f. {terme de Blafon.)
fe dit d'une main étendue , les bouts des
doigts en haut : elle eil ain'i nommée de ce
qu'elle montre la paume.
La main droite eil le fymbole de la fidé-
lité , parce que c'ell avec cette main levée
que l'on prête le ferment en julKce.
Goulard d'Livillier , en Orléanois , d'a'^ur
à une main appaume'e d'argent.
Baudry de Piencourt , diocefes d'Evreux
& de Lifieux , de fable à trois mains droites
appaumc'es d'argent. { G. D. L. T. )
APPEAU , vieux terme de Palais , qui
s'eft dit autrefois pour appel : on dit même
encore dans quelques jurifdidions , le greffe
des appeaux. { H)
Appeau , f. m. filHet d'oifeleur avec le-
quel il attrappe les oifeaux en contretai-
iant le ion de leur voix ; l'appeau des per-
drix rouges cû diflérent de celui des per-
drix grilès ; il y en a auflî pour appeller les
cerfs , les renards , &c. ce ibnt des an-
ches femblables à celles de l'orgue , qui
ont dilîérens c"^:ts , félon les petites boîtes
qui les renferment. On donne aufii le nom
d'appeau aux oifeaux qu'on élevé dans une
cage , pour appeller les autres oifeaux qui
partent , & que l'on nomme plus commu-
nément appcllans.
API- EL , f m. {Hifl. nat. Botaniq.)
plante du Malabar , figurée aflèz bien , mais-
lanspref qu'aucuns détails ,parVan-Rheede ,
dans fbn Hortus Malaharicus , l'ol. I. pag.
c)9 , plane. Lin. Les Malabares la norn-
ment encore nalla appella ; &: les Brames ,
caro-nen'oloe. Jean Commclin , dans lès
notes fur cet ouvrage , pag. z oo , la déligne
fous le nom de arbor Malabarica haccifera y
flore pan'o umbellato odore.
C'elî un aibre de moyenne grandeur ,
H J
■^o
A P P
qui croît dans les terrains fablonneux , à ia
hauteur de vingt à vingt-cinq pies. Son
tronc a cinq ou fix pies de hauteur , &
quinze à dix-huit pouces de diamètre ; il
porte fes branches droites , peu écartées_ ,
ce qui kii donne une forme conique aflez
agréable ; Ton bois eft blanc , à cœur roux-
brun ; les jeunes branches font vertes , ten-
dres , quadrangulaires , & marquées d'un
fillon (ur chaque face ; fa racine eft épaifîè ,
couverte de fibres & jaunâtre.
Ses feuil^.^s lônt oppofées deux à deux ,
en croix , elliptiques , quelquefois obtufes ,
mais pour l'ordinaire légèrement pointues ,
longues de deux à trois pouces , prelqu'une
fois moins larges , épaiiles , folides , mais
molles , lilTcs dclTus , verd-brunes & lui-
fantes , verd-claires deflous , & portées fur
lin pédicule cylindrique fort court. Leur
furface inférieure efl relevée d'une nervure
longitudinale , accompagnée fur chacun de
fes côtés , de trois à quatre côtes d'un verd
clair , relevées auffi fur leur furface fupé-
rieure , qui fe rencontrent avant que d'ar-
river aux bords de la feuille ; de forte qu'el-
les forment , par leur réunion , une eipece
de bordure ail'ez remarquable. L'efpace
compris entre ces côtes , efî coupé par nom-
bre de veines fubriles , qui fe croifent en un
rcleau à mailles fort petites & ferrées.
Les fleurs forment , au bout de chaque
branche , un corymbe A- peu-près hémif-
phérique , de deux pouces de diamètre fur
un pouce de hauteur , porté fur un pédicule
de même longueur , compoié de cinquante
A cent fleurs , fupportées cîiacune fur un
péduncule égal à leur longueur. Elles font
fort petites , blanches ou d'un verd blan-
ch;are , d'une ligne au plus dé diamètre
quand elles font épanouies , compolées de
quatre feuilles , dont une un peu plus
grande , un peu plus blanche , qui enve-
loppe toutes les autres ; de quatre pétales
blancs , & de quatre étamines menues de
mcme longuetir , à anthères fphériques &
blanchâtres. Du centre des étamines fort un
ilyle menu , vcrd-clair , fourchu en deux
ihgmates courts. Au deffous du calice efl
l'ovaire , d'abord peu fenfible , comme un
5^1obule de demi -ligne de diamètre , qui
•devient par la fuite une baie fphérique de
h grolTeur d'un pois , c'elt-à-dire , de trois
A P P
lignes de diamètre , d'un vcrd-clair d'abord ,'
enfuite brune & noirâtre dans fa maturité ,
couronnée du calice qui efl peu fenfible , &
à une loge qui contient un olTelet fphérique
de deux lignes de diamètre.
Qualités. L'appel fleurit & fruflifie une
fois chaque année. Sa racine a l'odeur du
fafran , & fes fleurs répandent une odeur
forte , qui n'eff pas défigréable ; fes autres
parties rendent pareillement ime odeur pi-
quante & comme parfumée.
Ufages. On tire , par la diflillation de
l'écorce de fa racine , une huile claire ,
jaune-dorée , hmpide , d'une odeur péné-
trante & très-agréable ,. d'une faveur un
peu acre & légèrement amere. Cette huile
le boit dans les fièvres froides , & l'on en-
frotte le ventre dans les coliques venteufes.
La décoûion de fes feuilles , mêlée avec le
poivre en poudre , a à-peu-près la même-
vertu , foit qu'on l'emploie en bain , (dit
qu'on la boive dans les fièvres froides , ou
dans les douleurs caufées par les vents
arrêtés dans diverfes parties du corps. Son-
écorce , pilée très-menue , & réiuite en
pâte avec le miel , s'applique en cataplafme
pour arrêter la lienterie. La décoftion de fa
racine fe boit pour difliperla goutte , pourvu
qu'on applique en même temps , fur la
partie affèftée de la douleur , un cataplaf-
me fait de la même racine , pilée & cuite
dans l'eau laîée. La décoétion de toute la
plante diflipe toutes les douleurs de la tête
& du corps , pourvu qu'on en baigne les
parties afîèâées. Le fuc extrait de fa décoc--
tion , afîaifonné de fucre , fe donne dans
toutes les maladies occafionées par le
froid , ou qui exigent de la chaleur.
Remarques. L'appel ayant un calice &
une corolle , avec des étamines pofées fur
le Fruit , fe range donc naturellement dans
la famille des onagres , à la première {çc~'
tion , qui comprend les plantes à une feule
graine , où nous l'avonts placé. {M,
Adanson. )
APPEL , en terme de Droit , efî un afte
judiciaire par lequel une caufe jugée par un
tribunal inférieur efl portée à un iupé-
rieur ; ou le recours à un juge fupérieur
pour réparer les griefs qui réfultcnt d'une
feiitence qu'un juge inférieur a prononcée-
Fu/q JUG£ &COUR..
APP
Les appels fe portent du tribunal qui a
rendu le jugement dont ell appel , à celui
d'où il rcHortit nûmcnt &: llins moyen :
par exemple , d'un bailliage à un prcli-
dial , d'un prélidial au parlement , lequel
juge louverainemcnt & fans appel : mais il
n'cltpas permis d'appeller , omijfo medio ,
c'ell-à-dirL- d'un premier juge ;\ un juge
luperieur d'un tiers tribun;d intermédiaire.
Il taut parcourir en montant tous les de-
grés de junidiétions fupérieurs les mis aux
autres.
Il hiur excepter de cette règle générale
les appels "n matière criminelle , lelqucls fè
portent redànn parlement, omijfo medio.
Il hiuc dire la même chofe , même en ma-
tière civile, des appels de déni de renvoi
& d'incompétence. voy€\ DÉNI.
Ou a quelquet'ois appelle d'un tribunal
eccléfiaflique à un léculier ou à une cour
laïque. Le premier exem.ple que l'on en a ,
eft celui de Paul de Samofate , lequel étant-
condamné & dépofé par le fécond concile
d'Antiociie, reiuCade livrer la maifon épil-
copale à Domnus , qui avoir été élu Ion
fùccefieur , & appella à l'empereur.
La même choie fe pratique journelle-
ment dans le cas où il y a lieu à l'appel
comme d'abus. yoje:[ au mot Abvs.
L'appela h force de lufpendre, toutes
les fois qu'il a pour objet de prévenir un
mal qu'on ne pourroit réparer s'il étoit une
fois fait.
Mais quand Vappel na pour objet qu'un
jugement préparatoire , de règlement eu
d'infîrudion , il ne lulpend pas l'exécution
du jugement , lequel elï exécutoire proviloi-
rcment & nonobilant l'appel.
U appe l pént par le laps de trois ans,
c'ell-à-dire lorfqu'on a été trois ans depuis
lé jour qu'il avoit été interjeté & lignifié,
fans le pourluivre ; l'appellant n'edpas même
reçu à interjeter un iecond appel de la
même fèntence , laquelle acquiert par la
péremption force de chofe jugée , & vaut
arrêt. Voye^ PÉREMPTION.
L'appellant qui luccombe en fon appel ,
cil condamné , outre les dépens , en l'a-
mende de 6 livres dans les préfidiaux ; &: de
12 dans les cours lupérieures.
Appel comme d'abus. Voye^ AbUS.
ASiZl. Jimple par oppofiticn à l'appel
APP
€i
comme d'abus , eft celui qui ell porté d'une
cour eccléfiaflique inférieure A une fùpé-
rieure , au lieu que l'appel comme d'abus
cft porté d'une cour eccléfiaflique dans ua
parlem.ent.
Les appels dans les tribunaux eccléliafti-
ques font portés comme dans lus cours laï-
ques , du moins en France, par gradation
& lans omillion de moyen , d'un tribunal
à celui qui lui cfl immédiatement fupé—
rieur , comme du tribunal épifcopal à celui
de l'archevêque , de celui de l'archevêque à
celui du patriarche ou du prim.at , & de
celui-ci au pape. Mais en France , lorfque
l'appel efl porté à Rome , le pape eil obligé,
en vertu du concordat, tic. dscaufis y de
nommer des commiflaires en France pour-
juger de l'appel. De même , fi l'appel d'un
olHci.il françois ell dévolu à un archevêché-
Il tué hors de France , les parties convien-
dront de juges rélidans dans le royaume ;
linon il leur en fera nommé d'office par le-
parlement , ainfi qu'il a été réglé par le-
concordat , ibid.
Le fiege vacant , le chapitre connoît des
appels dévolus- à l'évêque..
On peut appeller du chapitre où a affilié-
l'évêque comme chanoine, à l'évêque même:
fecàs s'il y a allilL* comme préfident & en
la qualité de prélat. Oa ne lauroit appeller
de l'official à l'évêque..
Lorfqu'ime fois il y a eu trois fentences
conformes dans la- même caufe , il n'y a
plus lieu à l'appel, & la dtcifion paffe en'
force de choie jugée.
L'appel e(l ordinairement dévolutif & fuf-
penlif : mais il n'efl que dévolutif lorlqu'il
s'agit d'une fentence de correâion , con-
forme aux ftatuts fynodaux & aux canons
des conciles , laquelle s'exécute provifoire-
ment nonobilant l'appel , ne detur occafio
licentiiis delinquendi. Voye\ DÉVOLUTIF'
& Suspensif. {H)
On diflingue en général deux fortes d'iZ/j—
pels , l'appel /impie & l'appel qualifie ; fa-
voir appel comme de juge incompétent,a/jpf /
comme de déni de renvoi , appel comme
de déni de juflice , &: appel comme d'abus.
Il n'y a en France que l'appel lim.ple qui foir
entièrement delà jurildidion eccléfiaflique;
& on prétend qu'elle ne peut prononcer que
par bien ou niai jugé. Les appels qu3liiié&
^î A P P
fc relèvent contre teux qui jugent , & au
nom du roi comme protedeur des canons
& de la judice. Uappel comme d'abus ell
une plainte contre le juge eccléfiaflique ,
lorfqu'on prétend qu'il a excédé ("on pou-
voir & entrepris , en quelque manière que
•ce foit , contre la jurildiâion iécuiiere , ou
en général contre les libertés de l'églife gal-
licane. Cette procédure eft particulière à la
France.
On appelle quelquefois des jugemens des
papes au futur concile , & nous avons dans
notre hilloire difFérens exemples de ces
appels. Le dernier exemple qu'on en ait , ell
Yappel interjeté au futur concile de la bulle
TJnigemtiis , par les évêques de Mirepoix ,
de Senez , de Montpellier , & de Boulogne ,
jiuquel accédèrent le cardinal de Noaillcs ,
& l'univerfué de Paris, qui l'a rétrafté en
1739 , fous le redorât de M. l'abbé de Ven-
ladour , aujourd'hui cardinal de Soubilé &
.^vcquc de Strasbourg. ( G )
Appel , 1". f. {E [crime. ) eft une attaque
qui fc lait d'un limple battement du pié droit
dans la même place- Voye^ ATTAQUE.
Appel , en terme de chajfe , eft une ma-
nière de Ibnner du cor pour animer les
chiens.
APPELLANT , en termes de Palais,
une des parties coUitigantes, qui iè prétendant
léfée par un jugement , en interjette appel
devant des juges fupérieurs. {H)
AppellanT ; nom qu'on a donné au
commencement de ce fiecle aux évêques &
autres eccléliaftiques , Ùc. qui avoient in-
terjeté appel au futur concile de la bulle
Unigenhus , donnée par le pape Clément
XI , & portant condamnation du livre du
père Quefnel , intitulé Réflexions morales
fur le nouveau tejlament. ( G )
AppeLLANT,_ f. m. {Chajfe.) eft un
<iifeau dont on fe fcrt quand on va à la chailc
«des oilèaux , pour en appeller d'autres 6c les
faire venir dans les filets.
APPELLATIF, adj. ( Grammaire.) du
l-AXmappellatii'Us, <\u\\\tni A'appellare, ap-
peller , nommer. Le nom appellatij eft op-
pofé au nom propre. Il n'y a en ce monde
que des êtres particuliers , lefoleil, la lune ,
cette pierre, ce diamant, ce chei'al, ce chien.
On a obfervé que ces êtres particuliers fe
^reflimbloicnt cnrr'cux par rapport à cer-
A P P
taines qualités ; on leur a donné un nom
commun à caufe de ces qualités commu-
nes entr'eux. Ces êtres qvii végètent , c'eft-
à-dire qui prennent nourriture & accroifle-
ment par leurs racines , qui ont un tronc ,
qui pouflent des branches & des feuilles ,
& qui portent des fruits ; chacun de ces
êtres , dis-je , eft appelle d'un nom com-
mun arbre , ainfi arbre eft un nom appel-
latif.
Mais un tel arbre , cet arbre qui eft de-
vant mes fenêtres , eft un individu d'arbre ,
c'eft-à-dire un arbre particulier.
Ainfi le nom à^ arbre eft un nom appella-
tif , parce qu'il convient à chaque individu
particulier d'arbre ; je puis dire de chacun
qu'il eft arbre.
Par conféquent le nom appellatif ett une
forte de nom adjeâif , puilqu'il lértà quali-
fier un être particulier.
Obfervez qu'il y a deux fortes de noms
appellatifs : les uns qui conviennent à tous
les individus ou êtres particuliers de difFé-
rentes elpeces ; par exemple , arbre con-
vient A tous les noyers , à tous les orangers ,
à tous les oliviers , S^c. alors on dit que
ces fortes de noms appellatifs font des noms
de genre.
La féconde forte de noms appellatifs ne
convient qu'aux individus d'i'.ne elpece : tels
font noyer , olivier , oranger.
Ainfi animal cil un nom de genre , parce
qu'il convient à tous les individus de difté-
rentes efpeces ; car je puis dire , et chien eft
un animal bien careflant , cet éléphant eft
un gros animal , Ùc. chien , éléphant , lion ,
cheval , &c. font des noms d'efpeces.
Les noms de genre peuvent devenir noms
d'efpeces , fi on les renferme fous des noms
plus étendus , par exemple , fi je dis que
ï arbre eft un être ou une fuhftance , que
\\mimjleï\. une fubftance : de même le nom
d'efpece peut devenir nom de genre , s'il
peut être dit de diverfes fortes d'individus
fubordonnés à ce nom ; par exemple , chien
fera un nom d'efpece par rapport à an:-
mal ,• mais chien deviendra un nom de
genre par rapport aux diftérentes efpeces
de chiens ; car il y a des chiens qu'on ap-
pelle dogues , d'autres limiers , d'autres épd'
gneuls , d'autres braques , d'autres mâtins ,
1 d'autres barbets , 6ic. ce l'ont lA autant d'd-
A P P
peces difféfentes de cbiens. Ainfi chien ,
qui comprend toutes ces clpeces,eft alors
un nom de genre , par rapport à ces efpe-
ces particulières , quoiqu'il puifle ctre en
même temps nom d efpece , s'il eft conii-
dcré relativement à un nom plus étendu ,
tel qii'animal ou fubjîiince ,• ce qui fiiit voir
que ces mots genre , efpece , font des ter-
»hes métaphyfiques qui ne fe tirent que de
la manière dont on les confidcrc- {F)
APPELLATION , f. i. terme de Palais,
qui au fond c{\ tout-à-fait lynonyme à
appel ; cependant il y a des phrales aux-
e;uenes le premier ef{ fpécialement confii-
cré : par exemple , au parlement , pour évi-
ter de prononcer exprcflément fur le bien
ou le mal jugé d'une i'entence qu'on infir-
me , on dit , la cour a mis Vappellacion
au néant ; on ne dit jamais a mis l'appel au
néant. On dit appellation verbale d'un appel
interjeté fur une fentence rendue à l'au-
dience ; on ne dit pas appel verbal. D'ail-
ïeurs le mot appellation a encore ceci de par-
ticulier , qu'il fc peut dire au plurier, & non
pas appel. {H)
APPELLE , r. f. ( Marine. ) c'cfl une
forte de manœuvre, voyeT^ MaN(EUVRE.
Une manœuvre qui appelle de loin ou de
près , efî celle qui efl attachée loin ou près
du lieu où elle doit fervir. {Z),
* APPELLER, nommer. [Grammaire.)
On nomme pour diflinguer dans le dif-
eours ; on appelle pour faire venir. Le
SeigrKur appella tous les animaux &. les
nomma devant Adam. Il ne faut pas tou-
jours nommer les chofes par leurs noms, ni
appeller toutes fortes de gens à fon iecours.
Synon. François.
Appeller un cheval de la langue, {Ma-
nège.) c'efl frapper la langue contre le pa-
lais , ce qui fait un fon qui imite le tac. On
accoutume les chevaux à cet avertilTcment
en l'accompagnant d'abord de quelqu'autre
aide {voye^Kl'DY.z) , afin que parla fuite il
réveille fon attention pour fon exercice , . en
entendant ce Ion tout feul.( V)
APPENDICE, f f {Littérature.) du
latin appendix ; chapitre accefloire ou dé-
pendant d'un traité. Voye\ ACCESSOIP.E.
On emploie ce terme principalement en
matière de littérature , pour exprimer une
addition placée à la fin d'un ouvrage ou
A P P 6y
d'un écrit , & néccfTaire pour réclairciffe-
ment de ce qui n'a pas été fufhfimment
expliqué , ou pour en tirer des conclullons ;
en ce fens ce mot revient à ce qu'on a^-
pc\k fupple ment. Voye\ SUPPLÉMENT.
Le père Jouvencl , A la fuite de fes no-
tes & commentaires fur quelques poètes
latins , a donné un petit traité de Mytho-
logie , intitulé : Appendix de diis & heroi~
bus. {G)
Appendice, f f. en terme d'Anatomiey
c'efl une partie détachée en quelque forte
d'une autre partie, à laquelle cependant elle-
efl adhérente ou continue.
Il }' a des appendices membraneufes de
difîérentes figures dans la plupart des par-
ties intérieures du corps.
Sur rappf«J/'c^ vcrmiculaire de l'inteflin
caecum, Voyei CjïCUM.
Appendicexyii\ïOïà&, rqyf;^ XypHOïDE.
APPENS (Gu«-), f m. pi. eflunaffiffi-
nat concerté & prémédité. Appens ne fe dit
plus que dans cette feule exprcffion. {H)
APPENTIS, f m. terme d'Arclùteaure,
du latin ap/je/Zis'ij: , dépendance , qui n'a
qu'un égoût , i'oye\ AngaRD.
* APPENZEL , {Géog. mod.) petite ville
ou gros bourg de Suiffe , dans le cantoa-
d'Appen^el, le treizième & dernier des can-
tons. Longitude xj , 6 ; lat. 47 , jz...
APPERT ( IL ), terme uftte au Palais,,
dans le Commerce Ù dans lejiyle de Chan-
cellerie, pour fignifier ilefl manifefle, avéré '
ou confiant ; c'efl un imperfonnel qui rend
le mot latin apparet , il apparoît. {If)
Les négocians fe fervent fouvent de ce '
terme dans la tenue de leurs livres. Par
exemple : M. Roger , fecretaire du Roi ,
doit donner premier Juin , pour marchan-
difes , fuivant fa promefî'e payable dans
trois mois , appert au journal de vente ,
fol. 2. 1. 40 : 10. (G).
APPESANTIR , v. ad. rendre plus pe-
lant , moins propre pour le mouvement ,
pour l'affion ; l'âge , la vieillefie , l'oifivetéj
ijv. appefantijjent le corps. { L)
^ APPESANTISSEMENT , f m. l'état
d'une peribnne appefîmtie , foir de corps ,
foit d'eiprit , par l'âge , par la maladie , par
le fommeil , Êv. Jl eji dans un grand app(~
fantijjement, (L)
€+ A P P
APPÉTER , V. aa. defirer par inflinift, '
par inclination naturelle , indépendamment
delà raiibn. L'eftomac appete les viandes;
la femelle appete le mâle. Pourquoi appete-
t-on des alimens folides & des liqueurs ra-
fraichiffantes , lor [qu'on eftfort échauffé, Ù
excédé de faim Ù de fatigue ?
APPÉTIT , f. m. {Morale.) ce mot ,
pris dans le (ens le plus générJ , défigne
la pente de l'ame vers un objet qu'elle le
repréfente comme un bien; car cette re-
préfentation du bien eft la raifon fuffiiante
qui détermine notre appétit , & l'expérience
le prouve continuellement. Quel que foit
l'objet que nous appelons , eût-il tous les
défauts imaginables , dès-là que notre ame
fe porte vers lui , il faut qu'elle s'y repré-
fente quelque forte de bien, lans quoi elle
ne fortiroit pas de l'état d'indifférence.
Les fcholailiques ont diltingué un dou-
ble a;;pâ/r, concupifcible & irafcible ; le
premier , c'eft ï appétit proprement dit , la
détermination vers un objet entant qu'elle
procède des fens ; Vappétit irafcible , c'eft
î'averfion ou l'éloignement.
A cette diflindion des écoles , nous en
fubflituerons une autre , plus utile, entre Vap-
pétit fenjuif&c Vappétit raifonnable. 1.' ap-
pétit (tn^mi cft la partie intérieure de la fii-
culté appétitive de l'ame ; cet appétit naît
de l'idée confufe que l'ame acquiert par la
voie des fens. Je bois du vin que m on goût
trouve bon ; & le retour de cette idée que
mon goût m'a donnée , me fait naîtte l'en-
vie d'en boire de nouveau. C'efl à ce genre
A' appétit que fe bornent la plupart des hom-
mes , parce qu'il y en a peu qui s'élèvent
au deffus de la région des idées confufes .
De cette fource féconde naiiTent toutes les
pallions.
h' appétit raifonnable eft la partie fupé-
rieure delà faculté appétitive de l'ame , &
tUc conftitue la volonté proprement dite.
Cet appétitdX l'inclination de l'ame vers un
objet , à caufe du bien qu'elle reconnoît
diftinàement y être. Je feuillette un livre ,
& j'y apperçois pluiieurs chofes excellen-
tes , & dont je puis me démontrer à moi-
même l'utilité ; là-de(îus je forme le def-
fein d'acheter ce livre ; cet afte cfl un aâe
de volonté , c'cft-à-dire , à' appétit raifon-
nable. Le motif ou la raifon fuffifante de
ÀPP
cet appétit eft donc la repréfentatîon dif-
tindle du bien attaché i\ un objet. Le livre
en qu.lHon enrichira mon ame de telles
connoiflances , il la délivrera de telles er-
reurs ; rénumération diflinûe de ces idées
efl ce qui me détermine à vouloir l'ache-
ter ; ainii la loi générale de Vappétit , tant
fenfnif querûiionnable , eft la même. Quid~
quidnobis reprixfentamus tanquam bonum^
quoadnos , id appetimus. Lifez la Pfychol.
de M. Wolf , part. II. fec7. 1. ch. ij. (X)
* APPIAUES, f.f. cinq divinités ainfi
nommées , parce que leurs temples étoient
à Rome aux environs des fontaines d'Ap-
pius , dans la grande place de Céfar ;
c'étoient Vénus , Pallas , Vefta , la Con-
corde & la Paix.
* APPIENNE (la voie) , grand che-
min de Rome , pavé , qu'Appius Claudius,
cenfeur du peuple romain, fit conftruire
l'an 4-44 de Rome ; il commençoit au for-
tir de la porte Capenne , aujourd'hui porte
de faint Sebaftien , payant flir la monta-
gne qu'on appelle fanai Angeli , traver-
loit In plaine Valdrane , agri Valdrani , les
Palus Pontins , & finifloit à Capoue. Il
avoit vingt-cinq pies de largeur avec des
rebords en pierres qui (ervoient à contenir
celles dont le chemin étoit fait , de douze
en douze pies. On y avoit ménagé , d'ef-
pace en efpace , des efpeces de bornes pour
aider les cavaliers à monter à cheval , ou
pour fervir comme de fieges fur lefquels
ceux qui étoient à pié puiTent ie repofer.
Caius Gracchus y fit placer de petites co-
lonnes qui marquoient les milles.
* APPIUS (marché d'), Hifi. anc.
Il ne faut pas entendre feulement par le
marché d'Appius une place de Rome, mais
plutôt un petit bourg diftant de cette ville
d'environ trois milles. Nos géographes pré-
tendent que le petit bourg de Saint Donate
eft \e forum Appii des anciens.
APPLANIR, V. ad. c'eft, dans un grand
nombre d'arts , élever les inégalités d'une
furface ; ainfi on applanit un terrain , en
agriculture , en unifiant & mettant de ni-
veau toute la furface.
APPLATI , adj. m. fphéroïde applati ,
eft celui dont l'axe eft plus petit que le dia-
mètre de l'équateur. Voye^ ALLONGÉ ,
Sphéroïde, & Terre. (O)
APPLATIR,
A PP
APPLATIR, V. ;ia. c'crtnltcTCf In for-
me cfiin corps , (clon quelqu'une de (es di-
menfions , de mnnicre que la diineniion du
corps , lllon laquelle le lèra faite l'altération
de la forme, en fuit rendue moindre. Exem-
ple : lî l'on apphuit un globe par un de les
pôles , la ligne qui paflera par ce pôle , &
qui fe terminera à l'autre pôle , fera plus
courte après l'applatiiîement qu'elle ne l'é-
toir auparavant.
Ce qui rend le mot applatir difficile à dé-
finir exaélement , c'eft qu'il faut que la défi-
nition convienne à tous les corps , de quel-
que nature & de quelque figure qu'ils ioient,
avant & après l'applatifTèment , réguliers ou
irréguliers , terminés par des furfaces planes
ou par des liirfaces convexes , capables de
condcnlation ou non.
Pour cet effet, concevez une puiflance
appliquée au corps qu'on applatit ; imagi-
nez une ligne tirée à travers ce corps dans
la diredion de cette puiflance ; li de cette
ligne indéfinie qui marque la diredtion de
la puilTance , la partie interceptée dans la
folidité du corps , fe trouve moindre après
l'aftion de la puiiîlince qu'elle ne l'étoit au-
paravant , le corps eft applati dans cette
direélion.
Il e(l évident que cette notion de l'ap-
plariflcment convient à chaque point de la
iurface d'un corps applati pris iéparémcnt ,
& qu'elle eft par coniéquent générale , quoi-
qu'elle (emble d'abord loutiiir une excep-
tion.
Applatir. Voye-(?V.'ES%V.K, en terme
de cornetier.
APPLATISSOIRES , f. f. pi. c'ctt dans
les ujines où l'on travaille le fer , le nom
que l'on donne à des parties de moulins
qui fervent à applatir & étendre les barres
de fer , pour être fondues de la même
chaude dans les grandes fonderies , ou d'une
autre chaude dans les petites fonderies.
Voyei les articles FoRGES , Fondre ,
Fonderies petites & grandes. Ces parties
qu'on appelle applatijjoires , ne lont autre
chofe que des cylindres de ter qu'on tient
approchés ou éloignés à dilcrétion , & entic
lelquels la barre de fer , entraînée par le
mouvement que font ces cylindres lur eux-
mêmes & dans le même feus , elf allongée
& étendue.
Tonfe III.
A P P <?y
APPLAUDISSEMENT , f. m. ( Hiji,
anc. ) Les applaiidijjemens chez les Ro-
mains accompagnoient les accb.mations , &
il y en avoit de trois lortes : la première
qu'on appelloit iombi, parce qu'ils imitoient
le bourdonnement des abeilles : la iccondô
étoit appellée irnbrices , parce qu'elle ren«
doit un Ion icmblable au bruit que tait la
]iluie en tombant iur Acs tuiles ; & la troi-
fieme le nommoit tefi.v , parce qu'elle imi-
toif le fon des coquilles ou caftagnettes :
tous ces applaiidijjcmens , comme les accla-
mations , le donnoient en cadence ; maii
cette harmonie étoit quelquefois troublée
par les gens de la campagne qui venoienc
aux fpeéfacles , &: qui étoienr mal inflruits.
Il y avoit encore d'autres manières d'applau»
dir; comme de fe lever , déporter les deux
mains à la bouche , & de les avancer vers
ceux à qui on vouloit faire honneur; ce qu'on
appcHolt adorare , ou bafla jacîare ,• de lever
les deux mains jointes en croilànt les pou-
ces ; & enfin de faire voltiger un pan de fa
toge. Mais comme cela étoit cmbarraflant ,
l'empereur Aurélien s'avisa de faire diflri-
bucr au peuple des bandes d'étoffe , pour
iervir à cet ulage. Mérn. de l'Acad. des
Belles-Lettres. (G)
* APPLEBY, ( Geog. mod) ville d'An-
gleterre, cap. du Werfimorland , furl'Eden.
Long, t/j-f ^o i lac. 54, 40.
* APPLEJ:>ORE, ÇGéog.mod.) petite
ville du comté de Kent , en Angleterre , fur
la rivière de Photen , à deux lieues au nord
du château deRey.
APPLICATION , f. f. aaion par la-
quelle on applique une choie fur une autre :
application d'un remède fur une partie ma-
lade.
Il fe dit auffi de l'adaptation des particule:?
nourricières en place de celles qui fe font
perdues. Voye^ NUTRITION. (L)
Application: c'efi l'aâion d'appliquer
une choie à une autre , en les approchant ,
ou en les mettant l'une auprès de l'autre.
On définit le mouvement , Vapplicatiori
'Iiccefllve d'un corps aux difSrentes parties
del'efpace. Fojeij MOUVEMENT.
On entend quelquefois en géométrie par
ipplication , ce que nous appelions en arith-
nétique dii'ifton. Ce mot eÛ plus d'uîage
, en latlu qu'eu françois : appUcare G ad j j
ce A P P
efl la même chofe quedn'ifer S par 3. Voy.
Division.
Application , fe dit encore de l'aâion de
pofcr ou d'appliquer l'une fur l'autre deux
figures planes égales ou inégales.
C'eft par l'application ou fuperpofition
qu'on démontre plufieLUs propofitions fon-
damentales de la géométrie élémentaire ;
par exemple , que deux triangles qui ont
une même bafe & les mêmes angles à la
bafe , font égaux en tout ; que le diarnetre
d'un cercle le divife en deux parties parfaite-
ment égales ; qu'un quarré eit partagé par fa
diagonale en deux triangles égaux & fem-
blables,&c. Fbjf:{ SUPERPOSITION.
Application d'une fcience à une autre,
en général , fe dit de l'ufage qu'on tait des
principes & des vérités qui appartiennent
à l'une pour perfeâionner & augmenter
l'autre.
En général , il n'efi point de fcience ou
d'art qui ne tienne en partie à quelqu'autre.
Le difcours préliminaire qui e{\ à la tête de
cet ouvrage , & les grands articles de
ce diâionnaire , en fourniflent par-tout la
preuve.
Application de l'Algèbre ou deVana-
lyfe à la géométrie. L'algèbre étant , comme
nous l'avons dit A fon article , le calcul des
grandeurs en général , l'analyfe l'ufige de l'al.-
gebre pour découvrir les quantités incon-
nues ; il étoit naturel qu'après avoir décou-
vert l'algèbre & l'analyiè , on fongeât à
appliquer ces deux fciences à la géométrie ,
puifque les lignes , les furfaces & les folides
dont la géométrie s'occupe , font des gran-
deurs mefurables & comparables entr'elles,
& dont on peut par conléquent aflîgner les
rapports. VoyCT^ ARITHMÉTIQUE UNI-
VERSELLE. Cependant jufqu'à M. Def-
■cartes , perfonne n'y avoit penfé , quoique
l'algèbre eût déjà fait d'aflez grands progrès ,
fur-tout entre les mains de Vietc. Voye\
Algèbre. C'eft dans la géométrie de M.
]Defcartes que l'on trouve pour la première
iois ['application de l'algèbre ;\ la géométrie ,
ainfi que des méthodes excellentes pour per-
feclionner l'algèbre même : ce grand génie a
rendu par-là un fervice immortel aux mathé-
matiques , & donné la clé des plus grandes
découvertes qu'en pût efpérer de taire dans
c«tte fcience.
A P P
Il a le premier appris à exprimer par de?
équations la nature des courbes , à réfoudre
par le fecours de ces mêmes courbes , les
problêmes de géométrie ; enfin , à démon-
trer louvent les théorèmes de géométrie
par le fecours du calcul algébrique , lorf-
qu'il feroit trop pénible de les démontrer
autrement , en fe fervant des méthodes-
ordinaires. On verra aux articles CONS-
TRUCTION , ÉQUATION , Courbe , en
quoi confifie cette application de l'algèbre à
la géométrie. Nous ignorons fi les anciens
avoient quelque fecours femblable dans leurs,
recherches : s'ils n'en ont pas eu , on ne
peut que les admirer d'avoir été fi loin fans
ce fecours. Nous avons le traité d'Archi-
mede fur les Ipirales , & (es propres dé-
monflrations : il ell difficile de favoir fi ces
démon flrations expoient précifément la mé-
thode par laquelle il eft parvenu à découvrir
les propriétés des fpirales ; ou fi après avoic
trouvé ces propriétés par quelque méthode
particulière , il a eu defiein de cacher
cette méthode par des démonftrations em--
barraffées. Mais s'il n'a point , en effet j
fuivi d'autre m.éthode que celle qui eft.
contenue dans ces démonllrations mêmes,
il eu étonnant qu'il ne fe foit pas égaré ; Sc
on ne peut donner une plus grande preuve
de la profondeur & de l'étendue de foo;
génie ; car Bouillaud avoue qu'il n'a pas
entendu les démonfirations d'Archimede ,
& Viete les a injufiement accufées de para-
logifiTie.
Quoi qu'il: en foit , ces mêmes démonf~
trations , qui ont coûté tant de peine à Bouil^
laud & ;\ Viete , & peut-être tant à Archi-
mede , peuvent aujourd'hui être extrême-
ment facilitées par l'application de l'al-
gèbre à la géométrie. On peut en dire au-
tant de tous les ouvrages géométriques
des anciens , que prefque perlonne ne lit ,
par la facilité que donne l'algèbre de ré-
duire leurs démonfirations à quelques lignes
de calcul. ^
Cependant M. Newton , qui connoiflbit
mieux qu'un autre tous les avantages d=3
l'analyle dans la géométrie , fe plaint eu
plufieurs endroits de lés ouvrages , de ce
que la Ledure des anciens géomètres ell
abandonnée.
En effet , on regarjî communénjent h
APP
m^tliode dont les anciens fe font fervis
dans leurs livres de géométrie , comme
plus rigoureulc que celle de l'analylej &
c'efl principalement i'ur cela que font fon-
dées les plaintes de M. Newton , qui crai-
gnoit q^ue par l'ufage trop fréquent de
l'anah le , la géométrie ne perdît cette
rigueur qui caradérife fes démonllrations.
On ne peut nier que ce grand homme ne
fût fondé au moins en partie , à recom-
mander jufqu'à un certain point la ledure
des anciens géomètres. Leurs démonftra-
tions étant plus difficiles , exercent davan-
tage l'efprit , l'accoutument à une applica-
tion plus grande , lui donnent plus d'éten-
due , & le forment à la patience & à l'opi-
niâtreté , fi nécelTaires pour les découver-
tes. Mais il ne faut rien outrer ; & fi l'on
s'en tenoit «la feule méthode des anciens ,
il n'y a pas d'apparence que , même avec le
plus grand génie , on pût faire dans la géo-
métrie de grandes découvertes , ou du
moins en auiïï grand nombre qu'avec le
lècours de l'analyfe. A l'égard de l'avantage
qu'on veut donner aux démonfirations tiii-
tes à la manière des anciens , d'être plus
rigoureufes que les démonfirations analy-
tiques ; je doute que cette prétention loit
tien fondée. J'ouvre les Principes de Nev?-
ton : je vois que tout y efl démontré à la
manière des Anciens ; mais en même temps
je vois clairement que Newton a trouvé lès
théorèmes par une autre méthode que celle
par laquelle il les démontre , & que (es
démonfirations ne font proprement que des
calculs analytiques qu'il a traduits , & dé-
guifés en fubllituant le nom des lignes à
leur valeur algébrique. Si on prétend que
les démonfirations de Newton font rigou-
reufes , ce qui eft vrai ; pourquoi les tra-
duâions de ces démonfirations en langage
algébrique , ne feroient-eltes pas rigoureu-
fes auili ? Que j'appelle une ligne A B ,
ou que je la défigne par l'expreffion algé-
'brique a , quelle différence en peut-il réful-
ter pour la certitude de la démonflration ?
A la vérité la dernière dénomination a
cela de particulier , que quand j'aurai dé-
figne toutes les lignes par des carafteres
algébriques , je pourrai faire fur ces carac-
tères beaucoup d'opérations , lans fonger
aux lignes ni à la figure ; mais cela même
APP ^7
efï un avantage ; l'efprit cfl foulage , il n'a
pas trop de toutes fes forces pour réfou-
dre certains problêmes , &: l'anal) le les
épargne autant qu'il t(l poflible. Il fufîît
de lavoir que les principes du calcul font
certains; la main calcule en toute sûreté «
& arrive prelque machinalement àunréiuU
tat qui donne le théorème ou le problè-
me que l'on cherchoit , & auquel fans cela
l'on ne feroit point parvenu , ou l'on n'y
feroit arrivé qu'avec beaucoup de peine.
Il ne tiendra qu'à l'analyfle de donner à fa
démonflraiion ou à fa folution la rigueur
prétendue qu'on croit lui manquer ; il lui
fuffira pour cela de traduire la démonflra-
fion dans le langage des anciens , comme
Newton a fait les fiennes. Qu'on fe contente
donc de dire que l'uiage trop fréquent 8c
trop facile de l'analyfe peut rendre l'efprit
parefTcux , & on aura raifon , pourvu que
l'on convienne en même temps de la nécef^
fité abfolue de l'analyfe pour un grand
nombre de recherches ; mais je doute fort
que cet ufage rende les démonfirations ma-
thématiques moins rigoureufes. On peut
regarder la méthode des anciens comme
une route difficile , tortueufe , embarraffée ,
dans laquelle le géomètre guide fes leâeurs :
l'analyfle placé à un point de vue plus
élevé , voit pour ainfi dire , cette route d'ua
coup-d'œil ; il ne tient qu'à lui d'en par-
couru- tous les fentiers , d'y conduire les
autres , & de les y arrêter aufli long-temps
qu'il veut.
Au refle , il y a des cas où l'ufage de l'ana-
lyfe , loin d'abréger les démonfirations ,
les rendroit au contraire plus embarraflées.
De ce nombre font entr'autres plufieurs
problêmes ou théorèmes , où il s'agit de
comparer des angles entr'eux. Ces angles ne
font exprimables analytiquement que par
leurs finus ; & l'expreffion des finus des
angles efl fouvent compliquée , ce qui rend
les conflrudions & les démonfirations diffi-
ciles en fè fèrvant de l'analyfe. Au refle,
c'efl aux grands géomètres à favoir quand
ils doivent faire ulage de la méthode des
anciens , ou lui préférer l'analyfe. Il feroit
difficile de donner fur cela des règles exac-
tes & générales.
Application de la géométrie à l'algè-
bre. Quoiqu'il fyit beaucoup plus ordinaire &
I 2,
^8
A P P
plus commode d'appliquer l'algèbre à la
géométrie , que la géométrie à l'algèbre ,
^Cependant cette dernière application a lieu
en certains cas. Comme on repréicnte les
lignes géométriques par des lettres, on peut
quelquefois reprélenter par des lignes les
grandeurs numériques que des lettres ex-
priment^ & il peut même dans quelques
occafions en réiulter plus de facilité pour
Ja démonfiraîion de certains théorênies , ou
la réiolution de certains problèmes. Pour
en donner un exemple limple , je luppol'e
que je veuille prcncre le quarré de a 7 /■> ;
je puis par le calcul algébrique démontrer
c^ue ce quarré contient le quarré de â , plus
celui de b , plus deux fois le produit de a
par b. Mais je puis aulil démontrer cette
l')ropofltion en me fervanr de la géomé-
trie. Pour cela je n'ai qu'à faire un quarré ,
dont je partagerai la baie & la hauteur
chacune en deux parties , dont j'appellerai
l'une a , &. l'autre 3 ; enfuire tirant par les
points de di\ ifion les lignes parallèles aux
curés du caijé , je diviierai ce quarré en
quatre furiaces , dont on verra au premier
coup-d'œil que l'une fera le quarré de a,
une autre celui de h , & les deux autres
feront chacune un retlangle formé de a &
de 3 ; d'où il s'cnluit que le quarré du bi-
nôme a-\- b contient le quaf-ré de chacime
des deux parties, plus deux fois le produit
de la première par la féconde. Cet exem-
ple , très-lîmple & à la portée de tout le
monde , peut fervir à faire voir comment
on applique la géométrie A l'algèbre , c'efl-
à-dire comment on peut le fervir quel(]ue-
fois de la géométrie pour démontrer les
théorèmes d'algèbre.
Au refle , l'application de la géométrie
à l'algèbre n'efl pas li néceflaircdans l'exem-
ple que nous venons de rapporter , que
dans plufieurs autres , trop compliqués
pour que nous en fafhons ici une énumé-
ration fort étendue. Nous nous contente-
rons de dire que la confidération , par exem-
ple , des courbes de genre parabolique , &
du cours de ces courbes par rapport à leur
axe , ert fouvent utile pour démontrer aifé-
mcnt plufieurs théorèmes fur les équations
& fur leurs racines. f'o>'f^ cntr'autrcs l'u-
(iige que M. l'abbé de Gua a fait de ces
(bitcs de courbes , mân. acad. fj^i ^ pour
A P P
démontrer la fameuf'e règle de Dcfcartes fur
le noaibre des équations. voyf\ PARABO-
LIQUE , Construction , àc
On peut inéme quelquefois appliquer la
géométrie à l'arithmétique , c'eit-.i-dirc fe
i'ervir de la géométrie pour démontrer plus
aifément fans analyie & d'une manière géné-
rale , certains théorèmes d'arithmétique ;
par excinple , que la luite des nombres
impairs 1,3, 5 , 7 , 9 , dv. ajoutes fuc-
celtivement, donne la luite des quarrés i,
4, 9, 16, 25, &C-.
Pour cela , faites un triangle rcâangle
ABE\fig. 6^. Médian) dont un curé loit
horizoiital &: l'autre vertical ( je les défîgne
par horiT^ontal S>i. j't'ma?/, pour fixer l'imagi-
nation ) : diviiéz le côté vertical A B en
tant de parties égales que vous voudrez , &
par les points de diviiion 1,2,3,4, &c.
menez les parallèles i/', ^g , îjc. k B E ,
vous aurez d'abord le petit triangle A i fy
enfuite le trapèze "i/g^ y &c. qui vaudra
trois fois ce ïriangle ; puis un troiiieme tra-
pèze 2. gh'j.qm vaudra cinq fois le triangle :
de forte que lés éijjaces terminés par ces
parallèles ly", ^ g^ d''-'- feront reprefentés
par les nombres fuivans, 1,3, S » 7 > t'c.
en commençant par le triangle-^ ify &
délignant ce triangle p.'r i , 5-
Or les fommes de ces elpaces feront les
triangles A \ f, A z g , A } h , &c. qui
font comme lei; quarrés des côtés A i ,
^2,^3, c'eft-à-dire comme 1,4-, 9 ,
&c. donc la fomme des nombres impairs
donne la fomme des nombres quarrés. On
peut fans doute démontrer cette propofi-
tion algébriquemepr; mais la,démonflranon
précédente ^peut fàtisfaire ceux qui ignorent
l'algèbre. ï-'oye^ ACCÉLÉRATION.
Application ûV la géométrie & Je l'al-
gèbre à la me'chanique . Elle efî fondée fur les
mêmes principes que Vapplication de l'algè-
bre à la géométrie. Elle confifle principale-
ment a reprélenter par des équations les
courbes que décrivent les corps dans leur
mouvement , à déterminer l'équation entre
les cfpaccs que les corps décrivent ( lorf-
qu'ils font animés par des forces quelcon-
ques ) , & le temps qu'ils emploient à par-
courir ces efpaccs , Ùc. On ne peut à la
vérité comparer enicmbic deux choies d'une
nature différente , telles que l'efpacc & fe
A P P
remps ; mais on peut comparer k rapport
dos parties du temps avec celui des parties
de IVTpace pnrco'jru. Le temps par la na-
ture coule imiformémcnt , &c la mécliani-
que fuppofe cette imiiormitë. J3u rcfle ,
làns connoître le teiiips en kii-mcme , &
lans en avoir de mclurc précile , nous ne
pouvons reprélenrer plus clairement le rap-
port de fes parties , que par celui des par-
ties d'une ligne droite indéfinie. Or l'ana-
logie qu'il y a entre le rapport des par-
ties d'une telle ligne , & ctlui des parties
de rcfpace parcouru par un corps qui le
meut d une manière quelconque, peut tou-
jours être exprimé par une équation. On
peut donc imaginer une courbe dont les
abfciires repréientent les portions du temps
écoulé depuis le commencement du mou-
vement ; les ordonnées correfpondantes
défignant les elpaces parcourus durant ces
portions de temps. L'équation de cetee
courbe exprimera , non le rapport des temps
aux eipaces , mais , ii dn peut parler ainfi ,
le rapport du rapport que les parties de
temps ont à leur imité , à celui que les par-
ties de l'efpace parcouru ont à la leur ; car
l'équation d'une courbe peut c-tre conlldé-
rée , ou comme exprimant le rapport des
ordonnées aux ablcifles , ou comme l'équa-
tion entre le rapport que les ordonnées ont
:'i leur unité, & celui que les abfciHes cor-
refpondantes ont à la leur.
Il eu donc évident que par VappUcation
feule de la géométrie & du calcul , on peut ,
fans le fecours d'aucim autre principe , trou-
ver les propriétés générales du mouvement ,
varié iuivant une loi quelconque. On peut
voir à l'amc/f Accélération , un exem-
ple de VappUcation de la géométrie à la
méchanique ; les temps de la delcente d'un
corps pelant y font repréfentés par l'ablcilTe
d'un triangle , les vîtefîes par les ordonnées
(j'o)'f{ Abscisse & Ordonnée) &les
elpaces parcourus par l'aire des parties du
triangle. Voye:[ TRAJECTOIRE , MOU-
VEMENT , Temps , &c.
Application de la méchanique à la
ge'ome'trie. Elle confille principalement dans
l'ulage qu'on fait quelquefois du centre de
gravité des figures , pour déterminer les
iblides qu'elles forment. Voye^ CENTRE
DE GRAVITÉ.
A P P 6t,
Application de la géométrie ù de
l'a/hononiie à la gc'ogiùphie. Elle confiile
en trois choies. i°. A déterminer par les
opérations gcomctriques & altronomiques la
figure du globe que nous habitons. Voye^
Figure de la Terre, Degré , &c.
2°. A trouver par l'oblervarion des longitu-
des & des latitudes la polition des lieux.
Fbyf- Longitude & Latitude. 3°. A
déterminer par des opérations géométriques
la poiition des lieux peu éloignés l'un de
l'aiiire. Voye^ CaRTE.
L'iillronomie & la géométrie lont auffi
d'un grand ulage dans la navigation. V^vye:^
Navigation , &<:.
Application de la géométrie & de
ranalyfe à la phyjique. C'til à Newton
qu'on la doit, comme on doit à M. ]3t(-
cartes ^application de l'algèbre à la géo-
métrie. Elle eil fondée lur les mêmes princi-
pes que VappUcation de l'alg-bre à la géo-
métrie. La plupart des propriétés des corps
ont entr'elles des rapports plus ou moins
marqués que nous pouvons comparer , &:
c'ell à quoi nous parvenons par la géo-
métrie , & par TanalyCe ou algèbre. C'efl
iur cet;e application que lont tondées tou-
tes les iciences phyfico-mathématique.'. Une
feule oblervation ou expérience donne ibu-
vent toute Une fcience. Suppolez , comme
on le lait par l'expérience , que les rayons
de lumière fe réfléchirent en tailant l'angle
d'incidence égal à l'angle de réflexion ,
vous faurez toute la catoptrique. Voye:^
CatoptriqUE. Cette expérience une
lois admiiè , la catoptrique devient une
Icience purement géométrique , puilqu'elle
fe réduit à comparer des angles & des
lignes données de pofition. Il en efl de
même d'une infinité d'autres. En général-,
c'eft par le iccours de la géométrie & de
l'analyfe que l'on parvient à déterminer la
quantité d'un effet qui dépend d'un autre
elîlr mieux connu. Donc cette fcience
nous eft prcique toujours néceffaire dans
la comparaifon & l'examen des faits que
l'expérience nous découvre. Il faut avpuer
cependant que les différens fujets de physi-
que ne font pas également iulccntibles de
Vappltcacion de la géométrie. Plufieurs ex-
périences , telles que celles de l'aimant ,
de l'éledricité , & une infinité d'autres ^
f 0 A P P
ne donnent aucune prife au Calcul ; en
ce cas il faut s'abftenir de l'y appliquer.
Les géomètres tombent quelquefois dans
ce défaut , en fubiHtuant des hypothelés
aux expériences , & calculant en conlé-
quence ; mais ces calculs ne doivent avoir
de force qu'autant que les hypothefes
fur lefquelles ils Ibnt appuyés , font contor-
mes à la nature ; & il faut pour cela que
les obfervations les confirment , ce qui
par malheur n'arrive pas toujours. D'ail-
leurs quand les hypothefes feroient vraies ,
elles ne font pas toujours fuffilantes. S'il
y a dans un efFet un grand nombre de
circonflances dues à plufieurs caufes qui
agiflênt à la fois , & qu'on fe contente de
conlidérer quelques-unes de ces caufes ,
parce qu'étant plus fimples , leur effet peut
être calculé plus aifément , on pourra bien
par cette méthode avoir l'effet partiel de ces
caufes ; mais cet efîèt fera fort différent de
l'effet total , qui réfulte de la réunion de
toutes les cauies.
Application de la mâhode géométri-
que à la métaphyfique. On a quelquefois
abufé de la géométrie dans la phyfique , en
appliquant le calcul des propriétés des corps
;'i des hypothefes arbitraires. Dans les fcien-
ces qui ne peuvent par leur nature être fbu-
mifes à aucun calcul , on a abufé de la
méthode des géomètres , parce qu'on ne
pouvoit abuler que de la méthode. Plufieurs
ouvrages métaphyfiques , qui ne contien-
nent fouvent rien moins que des vérités
certaines , ont été exécutés à la manière
des géomètres ; & l'on y voit à toutes les
pages les grands mots é^ axiome y de théo-
rème y de corollaire y &c.
Les auteurs de ces ouvrages fe font appa-
remment imaginé que de tels mots fai-
foient par quelque vertu fecrete l'efîence
d'une démonflration , & qu'en écrivant à la
fin d'une propofition , ce qu'il fallait dé-
montrer y ils rendroient démontré ce qui
ne l'étoit pas. Mais ce n'eft point à cette
méthode que la géométrie doit fîi certi-
tude , c'efi à l'évidence & à la fimplicité
de fon objet ; & comme un livre de géo-
métrie pourroit être très-bon en s'écartant
de la forme ordinaire , un livre de méta-
phyfique ou de morale peut fouvent être
mauvais en fuivant la méthode des géo-
A P P
mètres. Il faut même fe défier de ces fol^
tes d'ouvrages; car la plurii des préten-
dues démonflrations n'y ic fondées que
fur l'abus des mots. Ceux qui ont réfléchi
fur cette matière , favent combien l'abus
des mots efl facile & ordinaire , fur-tout
dans les matières métaphyfiques. C'efl en
quoi on peut dire que les fcholaftiques ont
excelle , & on ne fauroit trop regretter
qu'ils n'aient pas l^iit de leur fagacité un
meilleur ufage.
Application de la métaphyfique à la
géométrie. On abufe quelquefois de la mé-
taphyfique en géométrie , comme on abufè
de la méthode des géomètres en méta-
phyfique. Ce n'efl pas que la géométrie
n'ait , comme toutes les autres iciences ,
une métaphyfique qui lui foit propre ; cette
métaphyfique cft même certaine & incon-
teffable , puilque les propofitions géomé-
triques qui en réfultent , font d'une évi-
dence à laquelle on ne lauroit le refufer.
Mais comme la certitude des mathémati-
ques vient de la fimplicité de fon objet , la
métaphyfique n'en fauroit être trop fimple
& trop lumineufe : elle doit toujours fe
réduire à des notions claires , précifes &
fans aucune obfcurité. En effet , comment
les conféquences pourroient-elles être cer-
taines & évidentes , fi les principes ne
l'étoient pas ? Cependant quelques auteurs
ont cru pouvoir introduire dans la géomé-
trie une métaphyfique fouvent afl'ez obf-
cure , & qui pis efl , démontrer par cette
métaphyfique des vérités dont on étoit déjà
certain par d'autres principes. C'étoit le
moyen de rendre ces vérités douteules , fi
elles avoient pu le devenir. La géométrie
nouvelle a principalement donné occafion
à cette mauvaile méthode. On a cru que les
infiniment petits qu'elle confidere , étoient
des quantités réelles ; on a voulu admettre
des infinis plus grands les uns que les au-
tres ; on a reconnu des infiniment petits de
différens ordres , en regardant tout cela
comme des réalités ; au lieu de chercher ;i
réduire ces fuppofitions & ces calculs à des
notions fimples. Voy. DIFFÉRENTIEL ,
Infini & Infiniment petit.
Un autre abus de la métaphyfique en
géométrie , confifle à vouloir fe borner
dans certains cas à la métaphyfique pour
A P P
des dcmon/lrations géométriques. En fup-
polant même que les principes métaphjfi-
3ues dont on part (oient certains & évi-
ens , il n'y a guère de propoiltions géo-
métriques qu'on puifll" démonti-cr rigou-
reufement avec ce feul iecours ; prelquc
toutes demandent , pour ainii dire , la toile
& le calcul. Cette manière de démontrer
cft bien matérielle , fi l'on veut : mais enfin
c'cft prelquc toujours la iéule qui ioit sûre ,
c'eft la plume à la main , & non pas avec
des railbnneraens métaphyfiques , qu'on
peut taire des combinaifons & des calculs
cxaifts.
Au refle , cette dernière métaphyfique
dont nous parlons , efl bonne julqu'à un
certain point , pourvu qu'on ne s'y borne
pas : ell» lait entrevoir les principes des dé-
couvertes ; elle nous tournit des vues ; elle
nous met dans le chciTÙn : mais nous ne
fommes bien sûrs d'y être , fi l'on peut s'ex-
primer de la forte , qu'après nous être aidés
du bâton du calcul , pour connoître les.
objets que nous n'entrevoyons auparavant
que Lontufément.
Il lêmble que les grands géomètres de-
vroient être toujours excellens métaphy-
ficlens , au moins fur les objets de leur
fclence : cela n'eil pourtant pas toujours.
Quelques géomètres relTemblent à des per-
fonnes qui auroient le fens de la vue con-
traire à celui du toucher : mais cela ne
prouve que mieux combien le calcul eft
nécelTaire pour les vérités, géométriques. Au
rcfte , je crois qu'on peut du moins afTurer
qu'un géomètre qui eu mauvais métapliyil-
cien fur les objets dont il s'occupe , fera à
coup sûr métaphyficien détertable fur le
relie. Alnfi la géométrie qui mefure les
corps , peut fervir en certains cas à mefurer
les efprits même.
Application d'une chofe à une autre ,
en général , fe dit ^ en matière de fclence
ou d'art , pour défigner l'ufage dont eÛ la
première , pour connoître ou pertedionner
Idl'econde. Aïnfii'application de la.cycloïde
aux pendules, fignifie l'ulàge qu'on a fait de
la cycloïde pour perfeâionner les pendules.
Voye^ Pendule , Cycloïde , &c. &
ainfi d'une infinité d'autres exemples. ( O )
Application , fe dit particulièrement ,
fAj Théologie , de l'aftion par laquelle notre
AP P 7ï
Sauveur nous transfère ce qu'il a mérité par
fa vie & par fa mort. Voye^ IMPUTATION.
C'clt par cette application des mérites de
Jefiis-Clirift que nous devons être juftifiés ,
& que nous pouvons prétendre ;\ la grâce
& à la gloire éternelle. Les (acremens font ,.
les voies ou les inllrumens ordinaires par
lelquels fe fait cette application , pourvu
qu'on les reçoive avec les difpofitions
qu'exige le faint concile de Trente dans Ix
ijfejjion. (G)
APPLIQUEE , f f. en Géométrie, c'efl
en généi-al ime ligne droite terminée par
une courbe dont elle coupe le diamètre ,
ou en général c'efl une ligne droite qui fe
termine par une de les extrémités à une
courbe : & par qui l'autre extrémité le ter-
mine encore à la courbe même , ou à une
ligne droite tracée fur le plan de cette courbe.
Ainfi (fis. zG. Sec7. con. ) EM, MM,.
font des appliquées à la courbe M A M.
Voye^ Courbe , Diamètre , ùc
Le terme applique'e efl fynonyme à or-
donnée. Voyei Ordonnée. ( O).
APPLIQUER , {^gnlfïe, en Mathémati-
que , tranfporter une ligne donnée , foit dans
un cercle , foit dans une autre figure cur-
viligne ou reûiligne , cnforte que les deux,
extrémités de cette ligne foient dans le pé-
rimètre de la figure.
Appliquer fignifie auflî dififer , fur-touc
dans les auteurs lanns. Ils ont accoutumé
de dire duc A B in C D , mene\ A B fur
CD, pour multiplie^ A B par C D ; ou
faites un parallélogramme reftanglc de ces
deux lignes , & applica A B ad C D , appli~
que\AB à C D f pour dii'tfe\ AB par
A B
C D y ce qu'on exprime ainu , ^' Oa
entend encorepar appliquer , tracer l'une fur
l'autre des figures différentes , mais dont
les aires font égales. (E)
APPIÉTRIR , v. paflf. terme de Com-
merce. On dit qu'une marchandife sappie'-
trit , lorfque fa bonté , la qualité & fa valeur
diminuent , foit à caufe qu'elle fe corrompt
ou fe gâte , foit parce, que le débit ou là.
mode en efl pafTée , & qu'il s'en fait de
mauvais relies. Savary , dicl. du comm. tom.
I. pag. 68 z .
Ce terme paroît un compofé du mot
piètre , qui fignifis mauyais j i ilj mcprifabli.
m A P P
V oiîà do piètre marcbanc'ife , pour dire une
maufdife maichiMidiie. {O)
APPUI. \ T ou APUINT , terme de Ban-
que ; c'ell une lommc qui fait la lolde d'un
compte ou le montant de qiielques arti-
cles que l'on rire jufte. On dit , j'ai un
appoint de telle fomme à tirer lur un tel
lieu.
Voye\ fur ce mot Samuel Ricard dans
fon traité général du commerce , imprimé
à Amfkrdam en 1700 , pag. ^03 ; & le diâ.
du commerce de Savary , tom. I. pag. 68 1 .
Appoint fignifie auiii la même chofe que
pa.fj'e dans les paiemens qui le font comp-
tant en eipeces , c'eft-.'i-dire ce qui le paie
en argent fi le paiement ie tait en or ; ou
en petite monnoie , s'il fe fait en argent ,
pour pariaire la (omme qu'on paie & la
rendre complète. Savary , dicl. du comm.
tom.I.p.68z.{G)
APPOINTE , adj. m. ( Art. mil. ( un fan-
tallln appointé , eiî celui qui reçoit une
paie plus forte que les autres foldats , en
confidération de fon courage , ou du temps
qu'il a ftrvi. f^oyei Anspessade. ( Q)
Appointé ou Morte PAIE , (Manne.)
c'ell un homme qui étant A bord ne fait
rien s'il rcut , quoique fa dépenle & les
mois de gages ioient employés fur l'état
d'armement ; en quoi il diffère du volon-
taire qui ne reçoit aucune paie. (Z)
Appointé , en terme de Blafon , fe dit
des choies qui fe touchent par leurs pointes :
ainli deux chevrons peuvent être appointes ;
trois épées miles en pairie , peuvent êti-e
appointées en cccur ; trois flèches de même ,
Ùc.
Armes en Nivcrnois , de gueules à deux
épées d'argent , appointées en pile vers la
pomte de l'écu , les gardes en bande ix en
barre , à une rôle d'or en clîef entre les
gardes , & une engrélure de même autour
de l'écu. (F)
Appointé & joint. roye:[ ci-dejfous
Appointement.
APPOI .TEjvïENT , f. m.en termes de
Palais , cil un règlement ou jugement pré-
paratoire qui fixe & détermine les points de
la contellation , les qualités âes parties , &
la manière dont le procès fera inflruit ,
lorlqu'il n'efl pas de nature à être jugé à
.l'audience , foit parce que fa décifion dépend
^A P P
de quelque qucaion qui mérite un examen
ierieux , foit parce qu'il contient des déiails
trop longs , ou parce que les parties de
concert demandent qu'il ioit appointé ,
c'eil-à-aire inftruit par écritures & jugé
fur rapport. P\ ECRITURES ù RAPPORT.
Les appointemens des initances appoin-
tées de droit , ne font point prononcés à
l'audience , on les levé au grefi'e : telles
lont les inflances fur des comptes , fur des
taxes de dépens où il y a plus de trois croix ;
les appels des jugemens intervenus dans des
procès déjà appointés en première inffance ,
les caules miles fur le rôle pour êtreplaidées ,
qui n'ont pu être appellées dans l'année ,
Ùc. J^oyei RÔLE , DÉPENS.
Il y a plufieurs fortes d'' appointemens ;
Yappointement en droit , qui efl eelui qui
fe prononce en première infiance : ïap—
pomtement à mettre , lequel a lieu es ma-
tières Ibmmaires , & ne s'inflruit pas au-
trement qu'en remettant les pièces du pro-
cès ;\ un rapporteur que le même jugement
a du nommer: V appointement d^ écrire & pro-
duire , & donner caufes d'appel , com.me
quand on appointe une caufe fur le rôle
de la grand'chambre : Yappointement en faits
contraires , qui ert un délai pour vérifier
des faits fur leiqucls les parties ne font pas
d'accord : Yappointement à ouir droit y qui a
lieu en matière criminelle , lorlqu'après le
recollement & la confrontation , le procès
ne ie trouve pas lulfiiamment inftruit : Yap-
pointement en droit & joint , efl celui par
lequel on a joint une demande incidente
avec la demande principale , pour être
jugées l'une & l'autre par un lèul & même
jugement.
Appointement de conclufion efî un arrcf
de règlement lur l'appel d'une lenrence ren-
due en procès par écrit. V. CONCLUSION.
iH)
Appointemens , penfion ou falalre ac-
cordé par les grands aux perlcinnes de mérite
ou aux gens ;\ talens , à delî'cin de les atta-
cher ou de les retenir à leur fervice. yoy.
Honoraire.
On ie fert communément en France du
mot A^ appointemens ; par exemple , on dit
le roi donne de grands appointemens aux
officiers attachés à Ion icrvice.
Les appointemens {ont dilférens des gages,
en
A P P
en ce que les gages font fixes & pay^s par
les tréforiers ordinaires , au lieu que les
appointemens lont des gratifications annuel-
les accordées par brevet , pour un temps
indéterminé , & aflignées (ur des fonds
particuliers. (G)
* APPERCEPTION, f. f. [Pfychologie.)
aâe par lequel l'ame fe confidere comme
le fujet qui a telle ou telle perception , &
par cette réflexion fe dirtingue des objets
de fes perceptions.
* APPERCEVOIR, V. a. {Pfychologie.)
avoir la perception d'une cholê , c'efl-à-
dire , le la repréfenter en loi ou hors de foi
k l'occafion de quelque modification que
l'ame éprouve. S^ appercevoir y c'eft avoir
la confcience de fes perceptions.
* APPLICATION , f f. {Pfychologie.)
afte de l'ame , par lequel elle fixe (on
attention lur un fujet , en fait pendant long-
temps l'objet de les peniées , à defîèin de
le connoître aulli parfaitement qu'il eft
poffible. (+)
APPOINTER, terme de Corroyeur, d'eu
donner la dernière foule aux cuirs pour les
préparer à recevoir le fuif , il ell temps d^ap-
pointer ce cuir de vache.
APPOINTEUR , f. m. fe dit dans un
(tns odieux de juges peu aflidus aux au-
diences, & qui û'y viennent guère que
quand il ell bcfoin de leur voix pour faire
appointer le procès d'une partie qu'ils veu-
lent lavorifer.
Ce terme fe dit aufîî de toutes perfon-
nes qui s'ingèrent à concilier des dilferends
& accommoder des procès. ( H) ■.
APPONDURE, f. f. terme de rit-lere ,
mot dont on fe fert dans la compolition
d'un train ; c'efl une portion de perche
employée pour fortifier le chantier lorfqu'il
eiï trop menu.
APPORT du fac ou des pièces ; c'efl la
remife faite au gretfè d'une cour lupérieure ,
en conféquence de fon ordonnance, des
titres & pièces d'un procès inilruit par des
juges inférieurs dont la jurifdiclion refîbrtit
à cette cour ; & Fade qu'en délivre le
greffier s'appelle a^e d'apport.
On appelle de même celui que donne
un notaire à un particulier qui vient dépo-
fer une pièce , ou un écrit jbus fcing-privé
Tome III.
A P P 7i
dai^s fon étude , à l'effet de lui donner une
date certaine.
Apport fè dit aufll, dans la coutume de
Rheiras, de tout ce qu'une femme a apporté
en mariage, & de ce qui lui eft échu depuis ,
même des dons de noces que fon mari lui
a faits.
Apports j dans quelques autres coutumes,
fè prend auffi pour rentes & redevances,
mais confidérées du côté de celui qui les
doit. {H)
APPORT AGE, f m. terme de rivière,
qui défigne & la peine & le falaire de celui
qui apporte quelque fardeau.
APPOSITION , f. f. terme de Gram.
figure de conflrudion qu'on appelle en Latin
epexegejis , du grec ii-i^iiynTU , compofë
d'i-ri , prépofition qui a divers ufages , &
\\ent d^î ya, fequor , & d'i^ny)i7ii,enarratio.
On dit communément que Vappojition
confifle à mettre deux ou plufieurs fubl^
tantifs de fuite au même cas , fans les
joindre par aucun terme copulatif , c'efl-
à-dire , ni par une conjondion ni par
une prépofition : mais félon cette défini-
tion , quand on dit la foi , Vefpe'rance ,
la charité font trois vertus théologales J
St. Pierre , St. Matthieu , St. Jean , &c.
étoient apôtres ; ces façons de parler qui
ne font que des dénombremens , feroient
donc des appojitions. J'aime donc mieux
dire que Vappojition confifle à mettre en-
femble fans conjonâion deux noms dont
l'un eu un nom propre , & l'autre un
nom appellatif , enfbrte que ce dernier efî
prisadjedivement , & en qualificatif de l'au'
tre , comme on le voit par les exemples :
ardebat Alexim , delicias domini ; urbs
Rama , c'efl-à-dire , Roma qua efî urbs :
Flandre, théâtre fanglant , &:c. c'efl— .\-
dire , qui efl le théâtre fanglant , &c. ainfi
le rapport d'identité eft la raifbn de Vap-
pojition. {F)
Apposition, f f. c'efl l'adion de join-
dre ou d'appliquer une chofe à une autre.
Appojition fe dit en phyjique , en parlant
des corps qui prennent leur accroiffement
par leur jondion avec les corps environ-
nans. Selon plufieurs phyficiens , la plu-
part des corps du règne toflile ou miné-
ral fe forment par juxta-pofition , ou par
ïappcjition des parties qui viennent fe join-
K
74 A P P
tire ou s'attacher les unes aux autres. Vqy.
JUXTA-POSITION. (O)
APPRÉCIABLE, ad]. { Mitfique.) Les
Tons appréciables font ceux dont on peut
trouver ou (cntir l'unifTon , & calculer les
intervalles. M.. Euler donne un eipace de
huit oftaves depuis le Ton le plus aigu jul-
qu'au fon le plus grave , appréciable à notre
oreille ; mais ces Ions extrêmes n'étant guère
a-zréables, on ne paflè pas communément,
dans la pratique , les bornes de cinq odaves ,
relies que les donne le clavier à ravalement.
Il y a auffi un degré de force , au delà du-
quel le fon ne peut plus s'apprécier. On ne
iauroit apprécier le l'on d'une groile cloche
dans le clocher même , il fout en diminuer
la force en s'éloignant pour le diflinguer.
-De même les fons d'une voix qui crie ,
ceflent d'être appréciables ; c'eft pourquoi
ceux qui chantent fort font fujets à chanter
taux. A l'égard du bruit ,_ il ne s'apprécie
jamais ; & c'elt ce qui fait la différence
d'avec le fon. K BruiT & SoN. {S)
APPRÉCIATEUR, terme Je commerce,
celui qui met le prix légitime aux chofes ,
aux marchandifes. On a ordonné que telles
marchandifes feroient eflimées & miies à
prix par des appréciateurs & des experts.
Appréciateurs ; l'on nomme ainlî à
Bordeaux ceux des commis du bureau du
convoi & de la comptablie , qui font les
appréciations & efiimations des marchandi-
fes qui y entrent ou qui en fortent , pour
régler le pié fur lequel les droits d'entrée &
de iortie en doivent être payés. On peut
voir le détail de leurs fondions dans le
Diclionn. du Comm. tom. I. p. 68^.
APPRÉCIATION , f. f. eAimation faite
par experts de quelque chofe , lorlqu'ils en
déclarent le véritable prix. On ne le dit
ordinairement que des grains , denrées-ou
chofes mobiliaires. On condamne les débi-
teurs à payer les chofes dues en efpeces ,
finon ta jufle valeur , félon Yappréciarion
qui en fera faite par experts.
APPRECIER , V. aft. eftimer & mettre
un prix à une chofe qu'on ne peut payer
ou repréfenter en elpece. (G)
APPRÉHENSION, {Ordre encyclope^
d'que. Entendement. Rai/on. Philufvphie
ou fcience. Science de V homme. Art de pen-
fa\ Appre'hcnjion.) elî une opération de l'cl-
AP P
prit qui lui fait appercevoir une chofê ; elle
eft la même chofe que la perception. L'ame,
félon le P. Mallebranche, peut appercevoir
les chofes en trois manières ; par l'enten-
dement pur , par l'imagination , par les
fens. Elle apperçoit par l'entendement pur »
les chofes fpirituelles , les univerfelles , les
notions communes , l'idée de la perfedion y
& généralement toutes fes penfées , lorf-
qu'elle les connoît par la réflexion qu'elle
fait fur elle-même. Elle apperçoit même
par l'entendement pur , les chofes maté-
rielles , l'étendue avec fes propriétés ; car
il n'y a que l'entendement pur qui puific
appercevoir un cercle & un quarré par-
fait , une figure de mille côtés, & chofes
femblables ; ces fortes de perceptions s'ap-
pellent ^urfj imelleclions ou pures percep-
tions y parce qu'il n'ell point néccfTaire que
l'elprit forme des images corporelles dans,
le cerveau , pour fe repréfenter toutes ces
choies. Par l'imagination l'ame n' apperçoit
que les êtres matériels , lorlqu'étant abiêns
elle fe les rend preféns en s'en formant ,.
pour ainfi dire , des images dans le cerveau :
c'efl de cette manière qu'on imagine toutes
fortes de figures. Ces fortes de perceptions
fe peuvent appeller imaginations y parce
que l'ame fe repréfénte ces objets en s'en
formant des images dans le cerveau ; &
parce qu'on ne peut pas fç former des ima-
ges des chofes fpirituelles , il s'enfuit que
l'ame ne peut pas les imaginer. Enfin l'ame
n'apperçoit par les fens que les objets fen»
fibles & grofiiers, lorlqu'étant préfens ils font
impreflion fur les organes extérieurs de fon
corps , & que cette impreflion fe commu-
nique au cerveau : ces fortes de perceptions
s A^ç^WcM fenfations ou fentimens.
Quand le P. Mallebranche prononce que
les chofes corporelles nous font repréfen-
tées par notre imagination , & les fjjiri-
tuclles par notre pure intelligence , s'en-
tend-il bien lui-même ? De côté & d'autre
n'efl-ce pas également une penfée de notre
efprit, & agit-il moins en pcnfant à une
montagne , qui cfl corporelle , qu'en pen-
fant ù une intelhgence , qui eft li-)irituelle •:
l'opération de l'elprit , dira-t-on , qui agic
en vertu des traces de notre cerveau par,
les objets corporels , cfl l'imagination , ^
Topéraiiun de. Tef^rit indépendante de ces.
A P P
traces , efi la pure intelligence. Quand les
cartéficns nous parlent de ces traces du
cerveau , diient - ils une choie férieul'e ?
Avec quelle efpece de microlcope ont - ils
apperçu ces traces qui forment l'imagina-
tion ? & quand ils les auroient apperçues ,
peuvent-ils jamais favoir que l'efprit n'en a
pas beloin pour toutes fes opérations ,
même les plus ipiriiuelles.
Pour parler plus julte , difons que la
faculté de penlèr e(ï toujours la même ,
toujours également (pirituelle , fur quel-
que objet qu'elle s'occupe. On ne prouve
nullement là l'piritualité , plutôt par un
objet que par un autre; ni plutôt par ce
qu'on appelle pure incelleclion , que par ce
qui s'appelle imagination. Les anges ne pen-
lent-ils pas à des objets corporels & à des
objets Ijiirituels ? nous aviions-nous pour
cela de dillinguer en eux l'imagination
d'avec la pure intelligence ? ont-ils beioin
àes traces du cerveau d'un côté plutôt que
de l'autre ? Il en ell ainh de nous ; dès
que notre elprit pcnfe , il penle abfolu-
ment par une fpiritualité aufli véritable
que les purs cfprits , loit qu'il s'appelle
imagination ou pure intelligence.
Mais quand un corps fe prélente à notre
efprit , ne dit-on pas qu'il s'y forme un
fantôme ? Le mot fantôme , admis par
d'anciens philoiophes , ne lignifie rien dans
le fujet préfent , ou fignifie feulement l'objet
intérieur de notre elprit , entant qu'il
penfe à un corps. Or cet objet intérieur
ell également Ipirituel , foit en penlant
aux corps , foit en penlant aux efprits ;
bien que dans l'un & l'autre cas il ait bc-
foin du fecours des lens. Je conclus que
la ditference eflentielle qu'ont voulu éta-
blir quelques-uns entre l'imagination & la
pure intelligence , n'eft qu'une pure imagi-
nation. { X)
Appréhension, f f. e/i fer/77f <^eZ)roif,
fignifie la prife de corps d'un criminel ou
d'un débiteur. ( H)
* APPRENDRE , étudier, s'inftruire,
(Gramm.) Étudier, c'efl travailler à devenir
favant. apprendre , c'ell réuffir. Oi étudie ■
pour apprendre , & l'on apprend à torce i
ai étudier. On ne peut étudier qu'une choie '
à la fois , mais on peut , dit M. l'abbé
Girard , en apprendre plufieurs ; ce qui mé- 1
A P P 75
taphyfiquement pris n'eft pas vrai : plus
on apprend , plus on fait ; plus on étudie ,
plus on le fatigue. C'ell avoir bien étudié
que d'avoir J/jpm à douter. Il y a des choies
qu'on apprend fans les étudier , & d'autres
qu'on étudie fans les apprendre. Les plus
favans ne font pas ceux qui ont le plus
étudié, mais ceux qui ont le plus appris.
Synon. Frany.
On apprend d'un maître ; on sinflruit
par loi-même. On apprend quelquefois ce
qu'on ne voudroit pas favoir ; mais on veut
toujours f;ivoirles choies dont on sinfiruit.
On apprend les nouvelles publiques ; on
s'injhuit de ce qui le pafTe dans le cabinet.
On apprend en écoutant ; on sinfiruit eu
interrogeant.
APPRENTIE eu APPRENTI , f m.
{Commerce!) jeune garçon qu'on met &
qu'on oblige chez un marchand ou chez un
maître artifan dans quelque art ou métier ,
pour un certain temps , pour apprendre le
commerce , la marchandile & ce qui ea
dépend , tel ou tel art , tel ou tel mé-
tier , afin de le mettre en état de devenir
un jour marchand lui-même , ou maître
dans tel ou tel art.
Les apprentijs marchands font tenus d'ac-
complir le temps porté par les flatuts ; néan»
moins les enfans des marchands font réputés
avoir tait leur apprentiflage , lorfqu'ils ont
demeuré aftuellement en la mailon de leur
père ou de leur mère , faiiant prntcOion
de la même marchandile , julqu'A dix-fept
ans accomplis , lelon la difpofition de l'or-
donnance de 1673.
Par les flatuts des fix corps de marchands
de Paris , le temps du fervice des apprentifs
chez les maîtres , efl différemment réglé.''
Chez les drapiers- chaufièriers , il doit être
de trois ans ; chez les épiciers-ciriers , dro-
guifles & confifeurs , de trois ans ; & chez
les apothicaires , qui ne font qu'un corps
avec eux , de quatre ans ; chez les merciers-
jouailliers , de trois ans ; chez les pelletiers-
haubanniers-fourreurs , de quatre ans ; chez
les bonnetiers-aumuciers- mitonniers , de
cinq ans ; & chez les orfevres-jouailliers ,
de huit ans.
Les apprentifs doivent être obligés pardc-
vant notaires , & un marchand n'en peut
prendre qu'un à la fois.
7<J A P P
Outre les apprenti/s de ces fix corps , il y
a encore des apprenti/s dans toutes les com-
munautés d'ars & métiers de la ville &
fauxbourgs de Paris ; ils doivent tous , auffi-
bien que les premiers , être obligés parde-
vant notaires , & lent tenus après leur
apprentiflage de fervir encore chez les maî-
tres pendant quelque temps en qualité de
compagnons. Les années de^ leur apprentif-
■fâge , auili-bien que de ce iecond lêrvice ,
font différentes , fuivant les différens ftatuts
des cominunautés.
Le nombre des apprenti/s que les maîtres
peuvent avoir à la fois , n'cft pas non plus
uniforme.
Aucim apprenti/ ne peut être reçu à la
tnaîtrife , s'il n'a demandé & fait fon chef-
d'œuvre.
La veuve d'un maître peut bien conti-
nuer ]! apprenti/ commencé par Ion mari ,
mais non pas en taire un nouveau. La veuve
qui épouié un apprentij , l'affranchit dans
plufieurs communautés.
Les apprenti/s des villes où il y a juran-
des , peuvent être reçus à la maîtrife de
Paris , en faifant chef-d'œuvre après avoir
été quelque temps compagnons chez les
maîtres , plus ou moins , luivant les com-
munautés. (G)
APPRENTISSAGE , f. m. {Comm.) fe
dit du temps que les apprentits doivent être
chez les marchands ou maîtres des arts &
métiers. Les brevets ^apprenti/] âge doivent
être enrégiHrés dans les regillres des corps
& communautés , & leur temps ne com-
mence à courir que du jour de leur enre-
giflrement. Aucun ne peut être reçu mar-
chand qu'il ne rapporte fon brevet & ics
certificats â'apprentijjage. Arc. 5. dutit. z
de l'ordonn. de iGj^. (G)
APPRENTISSE , f. f. {Commerce) fille
ou femme qui s'engage chez une maîtreffe
pour un certain temps par un brevet parde-
vant notaire , afin d'apprendre ion art &
Jbn commerce , de la même manière à-peu-
près que les garçons apprcntifs. Voye\
Apprentif. (G)
APPRET des étoffes de foie. Toutes les
étoiles légères de ioic lônt apprêtées, princi-
palement le fatin , & prennent par cette fa-
çon qu'on leur donne, du lullre & de la
jconfiilance.
A P P
Pour apprêter un fatin , on fait diflbudre
de la gomme arabique dans une certaine
quantité d'eau ; après quoi on pafle l'étoiîè
enroulée fur une enfuple , au deflus d'un
grand brafier ; & à mefure qu'elle paflè , on
l'enroule fur une autre enluple éloignée de
la première de 12. pies environ. L'étoffe eft
placée lur ces enluples, de manière qui
Y endroit efl tourné du côté du brafier : c'ell
entre ces deux enfuples que le brafier elt
pofé ; & à mefure que l'ouvrier roule d'un
côté la pièce d'étofte bien tendue , un autre
ouvrier pafle fur la partie de Veni'ers de
l'étoffé , qui efl entre les deux enliaples ,
l'eau gommée avec des éponges humedées
pour cette opération. La chaleur du brafier
doit être fî violente , que l'eau gommée ne
puifle tranlpirer au travers de l'étoffe , qui
en feroit tachée , de façon qu'il faut que
cette eau feche à mefure que la pièce en eft
humeâée. Voilà la façon d'apprêter les
petits fatins.
Les Hollandois apprêtent les petîîsvelours
de la même façon , avec cette différence ,
que l'étoffe cil accrochée par la hfiere fur
deux traveri'es de bois de diilance en dillance
d'un pouce , pour lui conierver fa largeur
au moyen de vis & écroues qui l'empêchent
de i"e rétrécir. On ne décroche l'étoffe ap-
prêtée que quand la gomme eff iéche , ce
qui rend ra/>;3r£r plus long à faire que pour
une étoffe mince. On iîiit une pareille mé-
thode pour les étoffes fortes qui n'ont pas la
qualité qu'elles exigeroient ; ce qui efl une
efpece de fraude. On appelle donneurs d'eau
ces apprêteurs.
Apprêt, f. m. en draperie. On comprend
fous ce mot toutes les opérations qui iuivent
la foule, telles que le garnifîage ou le tirage
au chardon , la tonte , la preflè , û'c. Vo} cz
l'article DRAPERIE.
Apprêt , terme de chapelier \ ce font les
gommes & les colles fondues dans de l'eau,
dont les chapeliers ie fervent pour gom-
mer les chapeaux & leur donner du corps ,
afin que les bords le foutiennent d'eux-
mêmes , & que k'iu-s formes coniervcnt
toujours leur figure. Vapprct efl une des
dernières façons que les ouvriers donnent
aux chapeaux , & une des plus difficiles ;
car pour que Vappràùïthoa, il ne doit
A P P
point du tout paroître en dehors. yoye\
Chapeau & Chapelier.
Apprêt, chi\ Us pelletiers. Les peaux
qu'on deftine à taire des fournitures , & qui
ibnt garnies de leur poil , doivent , avant
que d'être employées par le pelletier , rece-
voir quelques façons pour les adoucir. Cette
préparation coniKle A les paflèr en huile ,
fi ce font des peaux dont le poil tienne
beaucoup ; mais fi le poil s'enlève aifément ,
on les prépare à l'alun , comme nous Talions
expliquer.
Les principales peaux dont on fe fert pour
les fourrures , font les martres de toute cf-
pece , les hermines , le caftor , le loutre , le
tigre , le petit-gris , la fouine, Tours , le
loup de plufieurs fortes , le putois , le chien ,
le chat , le renard , le lièvre , le lapin , Ta-
gneau , & autres femblables.
Manière de pajfer en huile les peaux dejl-
ne'es à faire des fourrures.
Sitôt que les peaux font arrivées chez
l'ouvrier , on les coud enfemble , de ma-
nière que le poil ne puifl'e pas fe gâter ; en-
fuite on les enduit d'huile de navette , qui
cil la feule qui foit propre à cet uiage ;
après quoi on les foule au pie , pour y fiiire
pénétrer Thuile & les rendre plus mania-
bles. Si elles ne font pas iulhlamment adou-
cies , on réitère la même opération , & on
y remet de nouvelle huile , jufqu'^ ce qu'el-
les foient arrivées au point de pouvoir être
maniées comme une étoffe. Cela fait , on les
net lur un chevalet pour y être échainées ;
& lorfqu'elles font bien nettoyées du côté
de la chair , & qu'il n'y refle plus rien , on
les découd , & on les dégraiffe de la ma-
nière fuivante. On étale les peaux lur terre ,
le côté de la chair en deflous , &: on les
poudre du côté du poil avec du plâtre bien
fin & paflé au tamis ; enfuite on bst les
peaux avec des baguettes , pour en faire
tomber le plâtre. Il faut recommencer cette
opération jufqu'à ce qu'elles ioicnt totale-
ment dégraillées , & en état d'être em-
ployées.
Mais comme il fe trouve fouvcnt des
peaux dont le puil ne tient pas beaucoup ,
ces peaux perdroient leur poil fi on les pal-
foit en huile ; ainh au lieu d'huile on les
apprête de la manière fuivante.
APP 77
On prend de l'alun , du fel marin , & de
la farine de feigle ; on délaie le tout en-
femble dans Teau , & on en forme une pâte
liquide comme de la bouillie ; enfuite on
enduit les peaux du côté de la chair ; cette
opération rcflerre la peau & empêche le
poil de tomber. Cette façon fe réitère juf-
qu';\ ce que les peaux foient tout-à-fait de-
venues fimples & maniables ; après quoi
on les porte chez le pelletier pour y être
employées en fourrures.
Apprêt , (Peinture d') c'ef} ainfi qu'on
appelle la peinture qui fe fait fur le verre
avec des couleurs particulières. On fe fert
du verre blanc. Les couleurs appliquées fur
ce verre, fe fondent & s'incorporent. Cette
peinture étoit tort en ulage autrefois , prin-
cipalement pour les grands vitraux d'églife ,
où Ton employoit , . dit M. de la Hire
( Mémoire de l' académie y tom. IX. ) pour
des couleurs vives & fortes , de verres co-
lorés dans le fourneau , fur Icfquels on met-
toit les ombres pour leur donner le relief;
ce qui ne s'entend guère. Mais l'oyeT^ à l'ar-
ticle Peinture le détail delà manière de
peindre âi apprêt ou fur le verre.
APPRETER , v. a. chei les fondeurs
de caractère d' imprimerie y c'cfl donner aux
carafteres la dernière façon , qui confifte
à polir , avec un couteau fait exprès , les
deux côtés des lettres qui forment un corps ;
pour fixer & arrêter ce corps , fuivam les
modèles qu'on aura donnés à fuivre , ou
fuivant la proportion qui lui e(î propre , ce
qui fe fait à deux , trois , ou quatre cents
lettres à la fois , qui font arrangées les unes
à côté des autres , fur un morceau de bois
long qu'on appelle compofteur. Etant ainfi
arrangées , on les ratiÔè avec le couteau ,
plus ou moins , jufqu'à ce qu'elles foient
polies & arrivées au degrés précis d'épaifTeur
qu'elles doivent avoir. V. COMPOSTEUR,
Fonderie, & Caractères.
Apprêter ïétain. Toutes les gouttes
étant reverchées ( /-'ojf:^ Revercher , )
on les apprête , ainfi que les endroits des jets
qu'on a épilés. J-^oye?^ EpiLER. Apprêter ^
c'eft écouaner , ou râper , ou limer la pièce ,
pour la rendre unie & facile à tuurner. On
dit e'couaner , parce qu'on fe fert d'une
écouane ou écoine, ou d'une râpe, outil
de fer , dont les dents font plus groflès
7? A P P
que celles des limes. V ouï apprêter sSc-
ment , il faut avoir devant foi une telle de
bois à quatre pies , de trois pies de long
fur environ un pié de large, de la hauteur
du genou , au milieu de laquelle il y ait
une planche en travers d'environ ib pou-
ces de long& de lo ou li de large; on
arrête cette felle , que l'on appelle établi ou
apprétoir, avec une perche ou morceau de
bois pofé l'ur le miheu , & portant roide
contre le plancher , pour tenir l'apprctoir
en arrêt. En tenant fi pièce du genou gau-
che , fi c'cll de la poterie , & appuyant
contre l'apprêtoir , on a les deux mains
libres , & avec l'écodane on râpe les gout-
tes , en faifant aller cet outil à deux mains.
Si c'efl de la vaifT'elle , on tient plufieurs
pièces enfemble l'une lur l'autre , fur fes
genoux , en les appuyant à l'apprêtoir ,
foitpour râper les jets.-, foit pour râper les
gouttes. L'écouane ou la râpe doit être
courbe lorfqu'il faut aller dans les endroits
plats , comme les tonds ; puis on râpe les
bavures d'autour du bord avec une râpe
plus petite que l'écouane, ou un grattoir fous
bras ; & fi les gouttes font un peu groiles
par de dans , on les unit avec le grattoir ou
un ciieau.
On dit encore apprêter pour tourner , de
ce qui le tourne avant de touder , comme
les bouches des pots-à-vin , les bas des pots-
à-l'eau , &c.
On peut encore dire apprêter pour tour-
ner de ce qui le rapporte à la main avant de
tourner la pièce , comme les oreilles d'é-
cuelle , les cocardes ou becs d'aiguiere ,
Ùc. Voyei RÉPARER.
Apprêter , ( en terme de rergetier) ,
c'eil mettre enfemble les plumes & les foies
de même grofleur, de même grandeur , &
de même qualité.
Apprêter au fourneau, {en terme de
P'ergetier. ) c'etl paflèr le bois d'une ra-
quette au feu pour le rendre plus pliant , &.
lui faire prendre la forme qu'il doit avoir ,
& qu'il ne pourroit acquérir fans cette
précaution.
AFFRETEUR, i^m. c'efl le nom qu'on
donne aux peintres fur verre, ^"oj'^ij AP-
PRET & FeintURE SUR VERRE.
APPROBAMUS y terme de droit ca.-
noni^ue : ce mot cû. purement latin ; mais
AP P
les canonifles l'ont introduit en François ;
pour lignifier le t'ifa que donne l'ordinaire
à un mandat ou refcrit in forma dignum.
L'ordinaire à qui la commitlion efl adrelTée
pour le vifa. , ne doit pas prendre connoil-
lànce de la validité du titre ; ni différer ,
à raifon de ce , de donner ton approbamus.
{H)
AFFROBATEUR , en librairie. yoye\
CENSEUR.
APPROBATION , f f. en librairie y
efl un acte par lequel un cenfeur nommé
pour l'examen d'un livre , déclare l'avoir lu
& n'avoir rien trouvé qui puifle ou doive
en empêcher l'impreflion. C'eft fur cet afte
tlgné du cenfeur, qu'ell accordée la per-
miliîon d'imprimer ; & il doit être placé
à la tête ou à la fin du livre pour lequel il eft
donné.
Il ell vraifemblable que lors de la naif-
(ance des lettres , les livres n'étoient pas
iujets , comme ils le font à préfent , à la
formalité d'une approbation ; & ce qui nous
autorife à le croire , c'eft que le bienheu-
reux Autpert, écrivain du VIII fiecle ,
pour fe mettre à couvert des critiques jaloux
qui le perfécutoient , pria le pape Enenne
III , d'accorder ;\ fon commentaire fur l'a-
pocalypfe une approbation authentique : ce
que , dit - il , aucun interprète n,'a fait
avant lui , & qui ne doit préjudicier en rien
à la liberté où l'on eft de faire ufage de fon
talent pour écrire.
Mais l'art admirable de l'imprimerie ayant
confidérablement multiplié les livres , il a
été de la fagelîe des difFérens gouvernemens
d'arrêter , par la formalité des approbations,
la licence dangereufe des écrivains , & le
cours des livres contraires à la religion , aux
bonnes mœurs , à la tranquillité publique ,
&C. A cet efFet il a été établi des cenfeurs
chargés du foin d'examiner les livres. Voye\
Censeur.
APPROCHE , f. f. {en géométrie. ) La.
courbe aux approches égales , accefjus a'qua-
bilis , demandée aux géomètres par M.
Leibnitz , eft fameufe par la difficulté qu'ils
eurent a en trouver l'équation. Voici la
queftion.
Trouver une courbe le long de laquelle
un corps defcendant par l'aftion feule de la
pelanteur , approche également de rhorii:on
A P P
en des temps égnux , c'efl-à-dire trouver la
courbe AMP (fig.4.0 anal. ) , qui loit
telle que fi un corps pelant le meut le long
êx. la concavité A M P Ac cette courbe , &
qu'on tire ;\ volonté les lignes horizontales
QM y RN, S O, TP,&c. également
disantes l'une de l'autre , il parcoure en
temps égaux les arcs MN j NO y OP , &c.
terminés par ces lignes.
MM. Bernouilli , Varignon & d'autres ,
ont trouvé que c'écoit la féconde parabole
cubique , placée de manière que ion lom-
metJi fût ia partie lupérieure. On doit de
plus remarquer que le corps qui doit la dé-
crire , pour s'approcher également de l'hori-
zon en temps égaux , ne peut la décrire
dès le commencement de fa chute. Il faut
qu'il tombe d'abord en ligne droite d'une
certaine hauteur VA , que la nature de
cette parabole détermine ; & ce n'ell qu'avec
Li vîteiFe acquife par cette chute qu'il peut
commencer à s'approcher également de l'ho-
rizon en temps égaux.
M. Varignon a générahfé la queftion à
fon ordinaire , en cherchant la courbe qu'un
corps doit décrire , dans le puide , pour s'ap-
procher également du point donné en temps
égaux , la loi de la petàateur étant luppolée
quelconque.
M. de Maupertuis a auffi réfolu le même
problême , pour le cas où le corps fe mou-
vroit dans un milieu réfiflant comme le
quarré de la vîtefTe ; ce qui rend la quef-
tion beaucoup plus difficile que dans le cas
où l'on fuppole que le corps fe meuve dans
le vuide. Voyei Hifl.de l'acad. royale des
fcienc. an., i 6gg. pag. Sz. &c an. z JJO ,
pag. izg. Mc'm. pag. 333. VoYe:{ auj/î
Descente , Accélération. ( O)
Approche ygrejfhen approche. VoyeT^
Greffe.
Approche , terme de fondeur de carac-
tères d'imprimerie , par lequel on entend la
diftance que doivent avoir les lettres d im-
primerie , à côté les unes des autres : un j,
un  j &c. qui dans un mot feroient trop
diiîans des autres lettres , feroient trop gros
& mal approches.
On appelle un c.araftere approché ., quand
toutes les lettres font fort prelîees les unes
contre les autres ; les imprimeurs font quel-
■qiiefjis taire des caraiSleres de. cette, façon ,
pour qu 11 tienne plus de mots dans une
ligne & dans une page , qu'il n'en auroit
tenu (ans cela. Les lettres ainfi approchées
ménagent le papier, mais ne font jamais des
impredions élégantes. Voye\ Imprimerie.
Approche , f. f. terme d'imprimerie:
on entend par approche , ou l'union de deux
mots qui font joints , qu'ils doivent être
efpacés ; ou la défunion d'un mot dont les
lyllabes font efpacées , quand elles doivent
être jointes. Ces deux défauts viennent de
la négligence ou de l'inadvertance du com-
pofiteur.
Approches , f. f. terme de fortification y
qui fignifie les diiférens travaux que font les
aillégeans pour s'avancer & ab(;rder une
iorterefTe ou une place aflîégée. Voye^ les
PI. de l'art, milit. /-'oj.aulli TRAVAUX &
Fortification. Les principaux travaux
des approches font les tranchées , les mines ,.
la fiipe , les logemens , les batteries , les
galeries , les épauleraens , &c. voyei ces
articles.
Les approches ou lignes d'approches fefont
ordinairement par tranchées ou chemins
creufés dans la terre, voye^ Tranchées.
Les appro.hes doivent être liées enfemble
par des parallèles ou communications,
i^oyei Communication.
Les aflîégés font ordinairement des con--
tre-approches , pour interrompre & détruire
les a/)/7roc/jfj des ennemis. roye^CotiTK'E-
APPROCHES. (O)
APPROCHER , {manne) s'approcher
du vent. f^oy. AlLER AU PLUS PRÈS, (Z)
Approcher , ( en monnoyage. ) c'efl
ôter du flanc fon poids fort en le limant ,
pour le rendre du poids prefcrit par les
ordonnances. Voye:{ REBAISSER.
Approcher carreaux , terme d'ancien,
monnoyage ,• c'étoit achever d'arrondir les
carreaux , & approcher du poids que le
flanc devoit avoir.
Approcher à la pointe , à la double-
pointe, aiicifeau : ce fontenfculpture dJ verfe:.-
riianieres de travailler le marbre , lori'qu'on
tait quelques figures, /'oj-f^ PoiNTE.
Approcher le gras des jambes , les
talons ouïes éperons , (manège) c'efl averti?
un cheval qui ralentit fon mouvement , ou
qui n'obéit pas , en ferrant les jambes plus
ou moins tort vers le. flanc. ( f^)
8o A P P
Approcher , conferve fa fignification
dans la chaire aux oiiêaux marécageux.
Voici une machine plus facile & de moin-
dre dépenfe que les peaux de vaches prépa-
rées pour tirer aux canards.
C'efl un habit de toile couleur de vache
ou de cheval , depuis la tête jufqu'aux pies ,
avec un bonnet qui doit être fait comme la
tête d'une vache ou d'un cheval , ayant des
cornes ou des oreilles , des yeux , & deux
pièces de la même toile pour attacher autour
du cou & tenir le bonnet. Il faut laiflèr pen-
dre deux morceaux de la même toile au bout
des manches , pour imiter les deux jambes de
devant du cheval ou de la vache. Il faut
marcher en fe courbant , & préfentant
toujours le bout du fufil : vous approcherez
.ainfi peu-à-peu pour tirer les oifeaux à bas ;
& s'ils fe lèvent , rien ne vous empêchera
de les tirer en volant. La meilleure heure
pour cette chafle eu le matin.
APPROPRIANCE , terme de droit cou-
tumier , ufité dans quelques coutumes ,
pour fignifier prife de pojjejfion. Dans la
coutume de Bretagne , ce terme efl fyno-
nyme à décret. voye\ DECRET. ( H)
APPROPRIATION , f. f. ( Gramm.
^^S^l-) On nomme ainfi le changement
que l'on tait (iibir au fens d'un mot , lorfque
de ion emploi naturel à défigner une chofe
d'un certain genre , on le fait fervir à en
déligner une autre d'un genre différent.
C'elî ainfi que prefque tous nos termes ,
employés d'abord à défigner des êtres phyfi-
ques , font devenus par appropriation des
termes métaphyfiques ; ceux qui ne mar-
quoient que les ades du corps , ont été em-
ployés pour exprimer ceux de l'ame : ce qui
iè diioit des hommes , a pu fe dire de Dieu.
Ainfi un mot propre à une idée , eft devenu
par l'appropriation , propre à une idée de
nature toute différente. Pour que cette ap-
propriation des termes n'induife pas en
erreur , il faut avoir grand foin , par des
définitions ou des explications , de détermi-
ner dans quel Icns on rend un tel mot propre
à défigner une autre chofc. ( G. M. ) '
Appropriation , (Chjmie.) terme
mis en uiiige paj- le célèbre chymilte Jean-
Frédéric Hcnckcl , d.ins un ouvrage qu'il a
donné en Latin , fous le lirre de Mediorum
chimiçonirn non ultimum conjunffionis prir
A P P
mum appropriatio , & dont la traduâion ea
françois a été imprimée avec la Pyritologie
& le Flora faturnifans du même auteur.
Dans cet ouvrage l'auteur s'efl efforcé de
rafîembler tous les faits chymiques qui ten-
dent à prouver , félon lui , que la, combi-
naifon des corps , ou la mixtion exécutée
par des opérations chymiques , a fouvenc
befoin d'être préparée par des changcmens
préliminaires , que l'artifie procure aux
fubfiances qu'il veut combiner , ou , ce
qui efl la même choie , aux matériaux
ou principes de la combinaifon qu'il fe
propofè de produire. Cette préparation ou
prédifpofition , en prenant ce mot dans un
fens aéfif , efl précilément ce qu'il appelle
appropriation ; & le terme n'exprime pas
mai en effet le changement introduit dans
ces corps , & la fin ou le but que le chy-
mifie fe propole en le leur faifant fiibir.
Henckel , félon fa manière ordinaire , qui
ert auffi , il faut en convenir , celle de
beaucoup de chymifîes d'ailleurs illufires ,
entafle les obfervations les moins exades
& les plus mal conçues , tirées des phéno-
mènes de l'économie végétale & animale ,
& les allégations les plus gratuites emprun-
tées des prétendues merveilles alchymi-
qiics ; il enraffe , dis-je , cette fautfe ri-
cheffe avec plufieurs notions très-pofitives ,
& qui auroient futfi afîurément pour éta-
blir fa doârine fur l'appropriation. De ce
dernier ordre efl ia théorie de l'union de
l'efprit de îèl en argent , qui a été prédif-
pofé ou approprié à cette mixtion par foti
union préalable à l'acide nitreux ; théorie
dont Henckel le dit l'inventeur. Cet exemple
& un petit nombre d'autres , luffiront pour
faire convenablement entendre ce que c'c.'t
que V appropriation des chymifies modernes J
& il nous paroùroit au moins mutile de
clafîèr , comme Henckel l'a fait fort arbi-
trairement & fort confulément , les difïererïs
genres à' appropriation.
Les autres exemples que nous croyons
convenables de citer , font les fuivans :
l'acide nitreux concentré , qui dans cet état
n'attaque que très-difficilement & très-
imparfaitement l'argent , cil approprié A
cette combinaifon par l'aildition d'une
quantité convenable d'eau qui l'afioibht ou
le di^laie.
L'argent
A P P
L'argent &c le mercure fonr appropriés
à être dillous d.ms les acides végétaux par
une dillolution préalable dans l'acide ni-
trcux , &: une précipitation opérée par di-
verfes matières fàlines, d'aprcs les procédés
que M. Marggraf a donnés dans l'Hifioire de
l'académie royale des Sciences Ù Belles-Lettres
de Berlin , année 1 1/^6.
L'eau échaurtl-e jufqu'à l'éhuUition efl:
appropriée à s'unir avec la crème de tartre.
Dans la préparation du vernis de fuccin,
que les chymilles emploient à la compofi-
tion d'un excellent lut, 1 huile de lin, & le
liiccin dont le vernis elt compofé , lont dif-
polcs ou appropriés à la combniailon , en
faifant bouillir Thuile &: en failant fondre
k ûiccin ; circonllances fans lelquelles cette
combinailon ne le fcroit point. (Cer article
ejlde M. Venel.)
ApraopRiATioN , f, f. terme de Jurifpru-
dence canonique , eft l'application d'un béné-
fice ecclélialîique , qui de fa propre nature
eft de droit divin , & non point un patri-
moine pcrfonnel, à l'ulage propre &c perpé-
tuel de quelque prélat ou communauté reli-
gieule , afin qu'elle en jouiilc pour toujours.
Fbyc^ Approprié.
Il y a appropriation quand le titre & les
revenus d'une cure lont donnés à un évc-
ché , à une mailon religieule , à un collège,
&c. ôc à leurs fuccelleurs , & que quelqu'un
des membres de ce corps lait l'office divin ,
en qualité de vicaire, f'oye-^ Cure 6' Vi-
cariat.
Pour faire une appropriation , après en
avoir obtenu la permilTion du roi en chan-
cellerie , il eft néceftaire d'avoir le confen-
tement de l'évêque du diocefe , du patron ,
& du bénéficier, h l'évêque ou le bénéfice
eft rempli; s'il ne l'eft pas, l'évêque du dio-
cefe &: le patron peuvent le faire avec la per-
milTion du roi.
Pour dilloudre une appropriation , il fuffit
de prélcnter un clerc à Pévêque , & qu'il
l'inftitue & le mette en pollelïion ; car cela
une* fois fait , le bénéfice revient à fa pre-
mière nature. Cet aéle s'appelle une déjhp-
proprintion.
L'appropriation eft la même chofe que ce
qu'on appelle autrement en droit cano-
nique union. Voye^^ Union. ( H)
Approprié, adj. en terme de droit cano-
Tome m.
A P P
8r
nique ^ fe dit d'une églile ou d'un bénéfice
dont le revenu eft annexé A quelque dignité
eccléliaftique ou communauté religicufe ,
qui nomme un vicaire pour dcflérvir la
cure. En Angleterre , le mot approprié oft
(ynonyme à /V^yi'oty''. ^'"oje^ Inféodé. On y
compte 3845 t^x^a appropriées. V. Appro-
priation. ( //)
_ APPROVISIONNEMENT des places ,
I. m. c'eft dans l'art militaire , tout ce qui
concerne la lourniture des chofes nécellàires
à la fubfiftancc des troupes renfermées dans
une place.
Cet objet demande la plus grande atten-
tion. M. le maréchal de Vaubaii a donné
cies tables à ce fujet , qu'on trouve daiv;
pludeurs livres , & notamment d*ns la
défende des places par M. le Blond ; mais
elles ont le défaut de n'être point raifon-
nées. Elles font proportionnées au nombre
des baftions de chaque place , depuis quatre
baftions julqu'à dix-huit. Il faudroit des
règles plus générales &c plus particulières à
ce fujet , qui pullent îervir de principes
dans cette matière. Il y a un grand état de
M. de S. Ferrier dreflé en 1751 pour Vap-
provijîonnement des places de Flandre. On le
dit fait avec bien de l'intelligence ; & c'eft
une pièce manulcrite à laquelle il feroit à
propos de dop.ner plus de publicité. ( Q )
APPROU V ER un livre , c'eft déclarer par
écrit qu'après l'avoir lu avec attention, on
n'y a rien trouvé qui puille ou doive en em-
pêcher'i'imprcllion. ^'oje^ Approbation ,
Censeur.
Ar?ROXlUATl01Si,approxi;natio, f. f.
(en mathématique. ) eft une opération par la-
quelle on approche toujours de plus en plus
de la valeur d'une quantité cherchée , fajis
cependant en trouver jamais la valeur exaéle.
Foje^ Racine.
Wallis , Raphfon , Halley , & d'autres ,
nous ont donné différentes méthodes d'ap-'
proximation ; toutes ces méthodes conliftenc
à trouver des fériés convergentes , à l'aide
defquelles on approche iî près qu'on veut
de la valeur exaéVe d'une quantité cher-
chée ; & cela plus ou moins rapidement ,
(don la nature de la lérie. V. Convergent
& SÉRIE.
Si un nombre n'eft point un quarré par-
fait, il ne faut pas s'attendre d'en pouvoir
L
8i
A P P
tirer la ricine exaéte en nombres rat;one!s , '
entiers , ou rompus ; dans ces cas , il Fiur
avoir recours aux méthodes A' approxima-
tion , & le contenter d'une v:ileur qui ne
diffère que d'une très-petite quantité de la
valeur exafte de la racine cherchée. Il en
eft de même de la racine cubique d'un nom
bre qui n'cd pas un cube parfait , & ainll
des autres puilîànces , comme on peut voir
dans les Tranfacl. phi'of. n°. xiy.
La méthode la p'.us ilmple & la phis facile
d'approcher de la racine d'un nombre , eft
celle-ci : je fuppoic , par exemple , qu'on
veuille tirer la racine quarrée de 2 ; au lieu
de i , j'écris la. fraârion 7777^ > <lui lui eft
égale , ayant foin que le dénominateur
loodO foie un nombre quarré , c'eft-à-dire ,
fenferme uir nombre pair de zéros; enfuire
jt tire la racine quarrée du numérateur
iooGo ; cette racine , que je peux avoir à
fine un'cé près, étant divifée par loo , qui
eft la racine du dénominateur , j'aurai , à
^^ près , la racine de \^l , c'eft-à-dire ,
de 1.
Si on vouloir avoir la racine plus appro-
chée, il faudnDÏt écrire '°7~ , & onau-
roit la racine à rTTZ F^'^s , &c. de même
pour avoir la racine cubique de 2 , il faudroit
^.2000000 ^ .
écrire ,~'j7;;zi > icooooo étant un nombre
cubique , & on auroit la racine à — ^
X ■' 1000
près , ôc ainfi à l'infini.
Soit a a-\- i un nombre quelconque qui
ne loit pas un qunrré parfait , 8; a' -+■ b
un nombre quelconque qui ne foit pas un
■ cube parfait. Soit a alo. plus grand quarré
■ parfait , contenu dans le prenaier de ces
nombres. SoitûMe plus grand cube parfait
contenu dans le fécond de c.s nombres , on
aura \'{,a, -}-.')=..+*— |^* , ^c. & v'(^'-H)
■=.a-\ , &;c. Voyer Binôme. A l'aide
de ces équations- , on aura facilement des ex-
pre (lions fr)rt approchées des racines qaar-
récs & cubiques que l'on cherclicra.
S^it proptjfi' d'avoir la racine d'u ue équation
perJppïïOXir^ATian, 1°. d'une équation
dxi! fécond degré; Soit l'équation- donnée
du 'tcond dcgr--, dont il f'i'î avoir la racine
par apprf,xim^tier\ , :i:'- — î .v-^-3i=û-, on
iKpfoîcquii fojwlicke déj» qwc la Mcinc eft
A P P
à-pcu-prcs 8 ; ce que l'on peut trouver aifé-
rpcnt par différentes méthodes , dont plu-
heurs (ont expoices dans le /-T Lvre der
l'analyfe démuiurè& du P. Reyneau;.
Soir 8 -f-j la- racinede l'équacion propo-
Ice , enforre que y foit. une fiadhioir égale à
la quantité , dont 8 eft plus grand ou plus
petit que la racine cherchée , on aura donc
— 5;c= — 40— ;j
— 7+-iij-f-y=o.
Or, comme une fradion devient d'autant
plus petite , que la puifl'ance à laquelle elle-
fe trouve élevée eft grande , & que nous ne
nous propofons que d'avoir une valeur
approchée de la racine de l'équation , nous
négligerons le terme j^ ; & la dernière-
équation '" -'•^■''-— -
le réduira à
— 7
•I I
j=o
3»= r,^^^~ a-peu-pres=^o. 6.
D0nc.r = 8-1- 0.6=8. 6.
Seit encore a- = S. 6 -Hy , on aura
_ji=— ji.
7JJ& 4)0 rjt
. . , — 'TT— î' + T7 y— 53- —^^
Réduifmt les fr-idtions au même déno-
minateur , on aura l'equation fuivante :
73-. y6 — 4500 — 3 100 +(1710 — jooj_)=o.
— o. 04+1220^ =0.
12. 20J^^=C^.04.
y = 004.: 12. io^^o. 0031.
Donc ^ = 8. 6000 -f-o. 003-2=3. 6052.
Soit encore .v =^8. 603 2 -\-y , on aura
*"=^740i 5050-14 -4- 17. 206400007 -H- j'
5 X= 43 . o 1 600000 5 OOOOOOGO
— 3 I = — 3 1. 00000000
■'—O'. 000094976 — I 2. 206400003=3.
3 =0. 000094970 : 12, 206400003 =j-.
000077808.
Donc x= S . 603 toooooo -\- o. 0000s-
76808. = &, 603277808,
A P P
<>oit imiiiten.inr ccrrc équation du troi-
fieme degré , dont il l'uit chercher la racine
parapproximitioiT, x'-i-i. x''- i^ x-70=o,
& don: on fuppofeque l'on fâche à-pcu-près
la racine , par exemple f .
Soit donc la racine de cette équation
f -f-y. Comme on peut négliger les termes
où y fe trouve au fécond & au troifieme
degré , il n'ett p is nccolfure de les exprimer
dans la transformation. On aura donc ieule-
ment.
-+- 1 r =)OH- loy
— 70= — 70-
A P P
83
— 1 0-4-71 y-
Donc j:=; + o. 1 = ). I.
Soit derechef a: = y. i + j, on aura
x — iii. 6)1-4-75. 050J
+ zr= f 1. Oio 4- io. 400 y
— 13 x = — 117. 300 — 15. 000 y
— 70 = — 70.000.
— 1. 5i9 + 75.450J = o
vy. 45oy =1. 629.
y = i. 6i9 : 7). 450 = 0. 054S.
Donc « = j. I 4- o. 054S = S- 1340 , &
ain(i de fuite à Tinfini. Il eft évident que plus
on réitérera l'opération , plus la valeur de
X approchera de la valeur exaéle de la racine
de l'équation propofée.
Cette méthode , pour approcher des raci-
nes des équations numériques , ell due à
M. Newton. Dans les mém. de l' Acad.de
1744 , on trouve un mémoire de M. le
marquis de Courtivron, où il periedionne
& kmplifie cette méthode. Dans Us mânes
m''moires , M. Nicole donne auffi une mé-
thode pour approcher des racines des équa-
tions du troiilemc degré dans le cas irréduc-
tible ; <5c M. Clairaut , dans fes élémens
d'algeh-e , en feigne auffi une manière d'ap-
procher de la "racine d'une équation du
troiiîeme degré dans ce même cas. V. Cas
Irréductible du troifieme degré. [O)
A cet article de M. d'Alembert , nous
joindrons l'article liiivant de M. le marquis
de Condorcet , qui a mérité , par les grands
talens , que l'académie des fciciioes lui con-
fiât fa plume.
Approximation. {Mathématiques ) Mé-
thode d'avoir la valeur approchée de toutes les
racines d'une équation numhak déterminée.
Cette méthode elt de M. de la Grange , qui
l'a donnée dans les volum.s XXIII 6' XXiy
des mémoires de Berlin.
Le premier point que propofe M. de la
Grange , eft de trouver toutes les racines
réelles , pofitivcs & inégales d'une équation;
mais , pour cela , il faut commencer par
connoitre le nombre de fes racines. Soit
donc la propolée x-a. x-b. x-c. . . . = o ,
il eft aife de voir que , Il je mets à la place
de X un nombre poiîtif quelconque , les
x-a, x-bj x-c , Cl'c. relieront toujours
pofîtifs , Çi a, b ,c, font des nombres
négatife ; que s'ils font imaginaires , le pro-
duit de chaque paire d'imagjnaires fera aulTî
toujours politif , &.il en fera de même de
chaque paire de racines égales, quel^ que
foie leur figne : donc fion divife une équa-
tion propofée en deux faclieurs y A &i B ,
dont l'un A renferme les racines imaginaires
négatives , ou enfin les paires des racines
égales, Hc 5 , les racines réelles pofitives
(Se inégales , la valeur du fedeur A ne chan-
gera point de ligne , quelque nombre politif
qu'on mette à la place de x & reftera tou-
jours politive. Je confidere feulement le
fideur B^ que je fuppofe égal à x-a .
x~b^ ?. x-J .... les a , b' , c , étant des
nombres pofitifs, & c' < b < c <' , &c.
dans ce cas fi je mets pour x un nombre plus
petit que a , tous les fadeurs feront négatifs;
& fi je mets pour' x un nombre > a 8>c
< y , ils feront encore tous négatifs, hors
le fadeur x-J , qui fera pofitif ; donc le
produit B changera de ligne , il en chan-
gera encore lorfquc l'on mettra pour x un
nombre > b<c, &c encore lorfque l'on
mettra pour x un nombre > e <o, & ainii
de fuite , enforte que h on met fuccellive-
ment pour x les nombres o , A , 2 y ,
5 V , &c. où la différence v loit plus petite
que la plus petite différence entre deux
racines confécutives , il y aura autant c^»
racines réelles pofitives inégales , que la
84 A P P
valeur de la quantité égalée à zéro changera
de ligne; il faut donc connoitre maintenant,
1°. un nombre tel qu'en menant pour ;c un
nomAire quelconque plus grand, B ne
■ change point de ligne , afin de ne pas être
obligé d'étendre à l'infini la lubflitution des
0,^,2'^,?'^, f-v". pour X ; i°. un nom-
bre A , tel qu'il ioit , plus petit que la plus
petite différence entre deux racines confé-
cutives , ou en général , entre deux racines
pour le premier point ; comme cette valeur
de X doit rendre B policiF, le ligne du
premier terme l'étant auffi, il eft clair que
prenant un nombre égal au coéflicienc le
plus grand des termes négatifs , augmenté
. de l'unité , B ne deviendra pas négatit ,
mettant pour x le nombre ou un nombre
plus grand; car prenant le cas le plusdéfa-
n n—i n—i
vorable , celui où l'onauroit:i- = .i.vH-3.r...
i} ,a,l',...q étant pofidfs, on trouvera que
; H- I =/''.; + 1 -{-pp. + i...> ap-\-i-\-
. bp-\- I . . . puifque à, b. . . . q , par l'hy-
pothe'é, ne peuvent êsre plus grands que/'.
Pour le fécond point , on prendra d'abord
l'équation entre les diflérences des racines
de la propofre,& pour cela on remarquera
que loir u cette difttrence, &i mettant au
lieu de X , :c -H z/ dans la propofce , on aura
une équation qui devra avoir lieu en même
temps que la propoléc ,&: diminuant x, il
reliera une équation en F, qui lera l'équa-
tion cherchée. Cette équation ne contiendra
que des puillànces paires de u , parce que
ioientiî & b , deux racines de la propolée,
il eft clair que l'équation, pour les diffé-
rences , aura également pour racines c— -b
& b — a , 8c que , par canféquenr , u —a—b^
fera un des divifeurs. De plus, elle lera
tant de fois di\ilible par w' , qu'il y aura de
racines égales enrr'elles. Puis donc que nous
cherchons un nombre plus petit que cette
diff:*rence entre des racines inégales, mettant
au lieu de u la quantité - , on aura une
équation en ^, & connoillanc une valeur
■ plus grande que la plus gr. nJe racine poli-
tive de cette équation, l'unité divKée par la
racine quarrée de cette valeur , fera plus
petite que la plus petite différence entre les
racines ; on trouvera cette valeur par lamcrae
A P P
méthode que la limite des racines pofîtives
de la piopolce , trouvée ci - deffus. Cela
polé , Il on lubftitue à la place de x , les
nombres o, ^ , t ^ , ^ '^ , . . ^ , étant i jut-
qu'au nombre ;> + i , qui furpaflè la plus
grande racine politive , on aura autant de
racines politivcs qu'il y aura de changemens
de lignes ; mettant enfuite , au lieu de x,
une quantité — x : &faifaiit les mêmes opé-
rations , il y aura autant de racines négatives
inégales , que de changemeias de lignes.
Qii-int aux racines égales , fort X= o h
propofée , Yx_ ^^^ o aura lieu en même temps ,
s'il y a des racines égales. Mais de plus foie
~=^x-\-a.x-^b. x-\-c &c. X^=fx-\-a.
■hb....dx-\-N.='^^.x-\- b. .r-f-c...
■"—"fx -\- y . X -\- c d X + N. Soit
'maintenant X auffi divilîble par a: -h (2 , il
f lUt qu'en mettant — a pour x dans cettt;
intégrale , elle devienne zéro , donc N=- o ,
donc A' cfl: divifible par a: + a , donc toute
racine commune entre Xùcj'^ — o , aonne
une égalité de racines entre celles de X = o y
prenant donc le commun divileur de X &
j^ , il efi: clair qu'il contient & ne contient
que les racines égales de X, élevées à des
puillànces moindres d'une unitc_ que dans
X , donc traitant le commun divileur cornme
la propoiee , on trouvera que la propoiée a
autant de racines réelles politives ou néga-
tives , égales au nombre pair , que le com-
mun divileur a de racines inégales. Enkiite
li j'appelle à' le commun divifeiir , & que
j'aie celui de X' & de — , j'aurai autant de
racines égales , trois à trois , en nombre
impair au dellus de trois , que !e divi'eur
commun a de racines inég.'.'es , iSc ainli de
fuite. Soit , par exemple , ot , le degré de
l'équation ,^n< m , le nombre des racines
in.-gales , p , celui des racii.es inégales du
premier commun divifcur , r , celui des
mêmes racines pour le fécond commun
divileur , & s pour le troilieme , &: qu'il n'y
en ait point au delà, la propoiée aura /2 —
r-\- ip — is-i- i r -i- ^t . ., racines réelles >
A P I^
A — r , ir.c'gùles , ;)—.>■ , égales deux à Jeux ,
égales trois à trois , Ik s , égales quatre à
quatre , & les r , racines égales trois à trois,
auront été déterminées p.-.rmi les n racines ,
que la médiode ci-delllis trouve p.ir l'équa-
tion A'=c, de mcnic que les s parmi celles
du commun divileur de X ik. d X, égalé à
zéro. Le nombre des racines imaginaires eft
égal au nombre total des racines , moins
celui des réelles , donc on aura le nombre
de ces racines ; iS>: quant à la dillinc\ion de
celles qui font égales, on les trouvera comme
ci-dellus , en connoitlant le nombre de raci-
nes imaginaires des divileurs communs.
Maintenant l\ on veut avoir une valeur
approchée d'une des racines réelles , poli-
tives &: inégales de la propolée , on prendra
fér
l '^ , 5 '^ , ôcc. ou A e
0
une lerie , o ,
à la fois plus petit que l'unité , & plus petit
que la plus petite dift rence entre deux r.'.ci-
nes ; on mettra luccclTivement dans la pro-
pofée pour x , les diftérens termes de cetce
férié , & l'on ob'ervera le point oi!i en met-
tant l'une après l'autre deux valeurs confé-
cutives , le rélultat changera de ligne ; alors
la plus petite de ces valeurs ne différera de
la plus petite des racines politives , que d'une
quantité moindre que a^ appellant p cette
valeur , je ferai x =/, H , & j 'aurai une
équation en ^ que je traiterai comme la
prcpofée ; appellant ^ fa première valeur ,
] aurai x =p •
-7 + 1
& une équation en u ;
appellant r la première valeur de n , tou-
jours trouvée par la même méthode , ]a\x-
rat .V =;? H — ^ , valeur qui approche
pt-i
continuellement de la vraie , puifque , par
l hypothefe j y, r , &c. font des quantités
pluj grandes que l'unité.
Si A eft plus petit que i , faifuit "^ = -y ,
a &c b font des entiers , on n'aura qu'à
mettre , au lieu de x , une autre quandté
■^5 & on aura , pour l'équation en ^
■*=-2 j & pir conféquent , '^ fera un entier
U pourra être fuppofé i , & on aura i , !cb
quantités j7, Q , r, &c. égales à des nom-
A P P S'y
bres entiers , ce qui limplifîc la fi/xtioii
continue ; z° . on aura une valeur exacit;
de la racine toutes les fois qu'elle y en x
une rationcUe ( voyez la fin de l'article , )
pourvu que tous les coefHciens de l'équa-
tion en Q loient entiers , ce qu'il elT: tou-
jours poiTible de faire.
On pourra trouver , par cette méthode ,
fucceluvcment une valeur approchée de
toutes les racines politi^'es de lapi-opoféei
pour trouver celles de ces nicines qui ])Our--
roicnt en avoir d'autres égales , appcllanc
X=o 5 la propolée , prcn^int le commun
divirtur AeXS<.dX,c& commun divifeur
contiendra les racines de la propcfée , qui
en ont d'autres qui leur font égales , «Se
elles feront toutes inégales enrr'elles dans
ce divifeur. Subftituant donc dans ce divi-
feur la même férié o , '^ , 2'^ , &:c. ou
o , I , 1 , 5 , 4.... que dans la propofée ,
on trouvera , s'il y a une des racines trouvées
par approximation , où font celles qui font
auffi racines approchées du divifeur , &
toutes celles qui font dans le c?s indiquent
que , dans la propofée , elles font égales
au moins deux à deux ; on trouvera de
même celles qui font égales trois" à trois,
en cherchant le commun divifeur de X,
iZi . i±^ . &c ainfi de fuite.
Après avoir ainfi trouvé toutes les raci-
nes pofitives , fai.Cmt a= — x , on aura
une équation en x , dont on cherchera
les racines pofitives , & les prenant avec le
fîgne — , on aura les racines négatives
cherchées.
Quant aux imaginaires qui font de la
plus grande importance pour la folution
approchée des équations diftcrentielles ,
( voye^ ci - dejfous , & l'article Equation
SÉCULAIRE ) on fera x = a -i- l> V — i ,
& prenant la partie réelle & la partie imagi-
naire de ce que devient la propofce après
cette fubflitution , les égalant chacune à
zéro , éliminant a , on parviendra d'abord à
avoir a ■■
: ^ , A &c 3 étant
des fonttions
rationelles & entières de 3 , de plus en
aura une équation en /i. Cela pofé , il eft
clair que chaque valeur réelle de b donnera,
une valeur réelle de a , à moins que A , B ,
ne fciïnt nuls eji même temps que la pro-
^ A P P
pofée. Si donc cel.i n'a point lieu , on r
prendra dans Téquacion en b les valeurs
approchées des racines réelles polîrives à
chacune defquelles répondra une racine
négative de la même valeur , on aura a en
mettant dans -g- au lieu de b cette valeur
approchée , & par conféquent on connoi-
tra une valeur approchée des deux racines
imaginaires , a -\- b y — i ,a — bv — i.
Mais il l'équation en b a lieu en même
temps que ^=o&J? = o, on prendra
le commun divifeur de ces trois équations ,
enfuite on divil'era par ce commun divi-
feur l'équation en b , Se chaque racine
réelle de l'équation ainlî divilée donnera
une valeur de b ; enfuite prenant le divi-
feur commun & une équation du fécond
dcré trouvée en éliminant a & de la for-
me Mil'- ■+• Na-\- P=o , on obfervera (î
le commun divileur {M, N3c P , peuvent
être en même temps égaux à zéro. Si cela
lie peut arriver , on prendra les racines de
ce commun divifeur à chacune delquelles
répondent les deux racines de l'équation
en ^ , fi M , N, P , peuvent devenir nuls
en même temps que le commun divifeur ,
on prendra de nouveau le commun divi-
feur de ces quatre fondions , & une équa-
tion du troilieme degré trouvée en^ élimi-
nant a , Se qui fera de la forme M' a\ -|-
Js' (ù -^ P a -\- Q = o , & on opérera
comme ci-delïïis , & ainlî de fuite.
Toutes les fois que , dans la recherche
des racines approchées , on aura fubftitué
dans chaque approximation la férié 0,1,
2 , 3 .... à la place de la racine , on fera fur de
trouver la valeur exade lorsqu'elle fera ra-
tionelle : en effet , cette valeur exafte cfl: né-
certairemententre/7, première valeur trouvée,
^- ;; 4- I , entre p -H ^ & p + — , > ^ étant
, entre P + "7+, •^'Z' + 1"+ i »
un entier ,
& ainfi de fuite. Or , foit -^ la quantité plus
•petite que i à aioutcr à p pour avoir la
vraie valeur , q fera égal^ au quotient de n
p,ir m, plus un relie, ^^ n <' m ; àc
même , r fera égal au quotient de m par
n', un refte^; '«' ^t^nt plus petit que
n' , donc , en fuivant toujours , on par-
A P P
viendra à un refte nul , ou égal à — , &: , par
conféquent , à la valeur cxaclc, f^oye'^
Fractions continues.
La méthode dont je viens de rendre
compte , eft générale pour toutes les équa-
tions numérales , Z<. elle donne pour tous
les cas , d'une manière certaine, une valeur
aulTi approchée qu'on veut de chacune des
racines. Elle a de plus l'avantage eflentiel ,
qu'il eft inutile de connoitre d'ailleurs la
valeur approchée des racines , comme cela
étoit nécellaire dans la méthode de Newton.
Méthode d'avoir les valeurs approchées des
racines d'une équation algébrique déterminée.
Il faudroit , pour que cette méthode
fût générale , pouvoir trouver autant d'ex-
prclTions de l'inconnue en fériés convergen-
tes que la propofée a de racines réelles.
Commençons par chercher un moyen
général de réduire la valeur de x en ferie :
pour cela je remarque que , quelle que loic
une fondion de x qui foit égale à y , je puis
fuppofer que j 'aie l'équation 3 — v — j x=o ,
ou .r=y-i-9a: ; doRC fi je cherche à avoir,
eny-H?, la valeur d'une fondion de a: ,
j'aurai , par le théorème de M. d'Alembcrt ,
démontré à {'article Série des fupplémens.
&: , par conféquent ,
' 1 iy^
? X'
faifant donc àc(^x = 'iy-\-B, dans la
féconde formule , & ordonnant par rapport
aux puiiTànccs de ? y , il eft aifé de voir que
B doit être une "férié , dont le premier
terme iera du fécond degré , égalant à zéro
le terme qui , après la fubftitution , eft de
ce degré ; &i prenant b valeur qu'il donne
pour B , j'aurai celle du premier terme de
la vraie valeur de B ; elle eft — ? y ; je
ferai enfuite B = ~ ç y -+- C , où C eft
une férié , dont le premier terme eft du
troifieme degré , & continuant ainh , je
trouverai.
&:c.
A P P
A P P
87
par la même- méthode ,
1 2
^- 3
&C.
■»• 3
3. 4 </>■
-f
^ <f
2. 3.4-
?■ <<>'
,&c.
fuhftiruant ces valeurs dans l'expreffion de
4 .T , l'ordop.nanr par rapport aux puil'.'nces
de-i Jt^ î 3' ) &- rcduiiant chaque rang de
termes, j'aurai finalement
4x=43-
z d y
1. 3 iy'^
H-&C.
.... férié , dont la loi efl: très- facile à faifir.
Il eft aifé de voir que {\<p x concenoit en-
core y , on aura également la valeur de
4 en ;i: j , quand même 4 ^ contiendroit
aulîi y , en obfervant alors , dans la manière
de prendre les différences , que — — ou
dy
\
font alors égaux à ce que devient -^ y -j^
Si , après , la différenciation , on met y pour
ar , ou , ce qui revient au même , différencier
en regardajit comme contantes les y qui
fe trouvent dans -^ x ëcz x; on voit de-là
comment, fi l'on a ip,x,y=o , on aura
( par une lérie ) x en j , & de même en
une foniftion quelconque de. x ôc y. Si Ton
veut appliquer cette manière d'avoir en y
la valeur de ;r , lorlqu'on a pai équaciou
en X 3c en y la Ibluxion des équations dé-
terminées , on obfervera : 1° que fi on l'ap-
plique immédiatement , on n'aura que
des exprelTions réelles &c rationelles pour
la valeur de x : 2"'. que pouvant prendre
pour y telle quantité qu'on voudra , on
;iura une infinité de valeurs de .r ; j°. que
parmi toutes ces valeurs , il n'y en aura de
léelltm.ent diflt rentes qu'autant que la pro-
pok'e peut avoir de racines : 4°. qu'il y en
aura un nombre de convergentes différen-
tes entr 'elfes, égal au nombre des racines
réelles: 5.°. que fi on prend un nombre /n
moindre que n degré de l'équation , qu'on
m
fafic ût -i-x = o , Si qu'on fubftitue au
lieu de -v fa valeur en -k- , on aura une
nouvelle équation , d'oii tirant les valeurs
-1- cii icrie , cai auia autans de valeurs ima-
ginaires de chaque férié que l'équation x
-f- I a. de racines imaginaires , & la pro-
pofée aura autant de racines imaginaires , fi
une de les léries cil convergente.
Ces principes poiés , on voit qu'il s'agit
d'abord de fivoir dillinguer entre une in-
finité de fériés celles qu'on peut prendre
pat des racines différentes / ioit donc k
n
propofée a-\- bxA- ex'' -4-px=o j
U cÎl aifé de voir que li on fait 0 = 0 , il
y a une racine qui s'évanouira , deux qui
s'évanouiront , h on fait à la fois ^ & /> =0 ,
trois , i\ on fait a , h , c , =o , & ainfi de
luire. Par coniéqucnt 11 on fait d'jborj
n
/^ = c, on aura (3 -f- ex" l-px=o,
l'équation a^ura deux racines égales à zéro ,
en tailantc = o , &: par confequent deu:c
racines infiniment petites & égales aux deux
racines de a -f- c x^ =0 lorfque a eft infini-
ment petit. Il eft aifé en effet de voir que
a étant infiniment petit , Se b manquant ,
la propolée a deux racines infiniment peti-
tes ; quedans le cas de deux racines infi-
niment pedtes c fe réduit à être le produit
de toutes les autres racines , puilque les
autres termes qui entrent dans c , difpa-
roillent devant celui-là ; & qu'ainfi^:, qui
eft le produit de toutes les racir.cs , étant
divifé par c , devient le produit des deux
racines infiniment petites , qui font par
conîéquent égales aux racines de l'équation
a -4-c X ^ =0 ; de même i\, l'on fait b Se c
égaux à zéro , & a infiniment petit , trois
des racines de l'équation deviendront égaies
à celles de l'équation a -\~ c x' =0 , Se
ainli de fuite.
Si donc on a différentes fériés qui rcpré-
fentcnt la valeur de x , on pourra diftinguer
par-là celles qui font réellement différen-
tes, c , a , (f, qui appartiennent à des ra-
cines différentes.
La méthode propofée ci-deffiis donne
une valeur de x en quantité comuic toutes
les fois que x eft donné par une équation
déterminée , ioit qu'il y ait , foit qu'il n'y
."it pas de tranfctndantes. Mais on n'eft
pas fùi d'avoir cette valeur par MVit fér'e
qui ioit toujours convergente. C'eft par
cette rp.ifcn que je vais indiquer ici une
mcfiiode élémentaire Se très-fimple > par
8S A P P
laquelle on parvicrlra toujours à routes les
valeurs approchées de x.
1°. Si la foncCtion X== o a plufieurs va-
leurs , on les prendra fuccefllvement ; ainli
X fera confidéré dans la fuite comme une
fondion qui n'a qu'une valeur répondante
à chaque valeur àex.
2.°. On cherchera d'abord les valeurs de x
pofitives qui rendent A' = o , & on com-
mencera par déterminer pour x une quan-
tité telle qu'en l'augmentant X ne piiillc
plus changer de ligne , ni devenir zéro ,
ce qui fera toujours polTible toutes les fois
que X=o n'aura pas une infinité de raci-
nes. Ce dernier cas ie rappellcroit aux au-
tres eh mettant au lieu de x , x= Cm. x
par exemple, en effet alors au lieu àex,
on auroit u angle dont le fînus eft x' , &:
au lieu d'un feul X à examiner ,, on en
mcttroit une infinité rejondans à l'angle
dont le finus eft x + ot i i , /" étant un en-
tier quelconque.
;°. Connoillant les limites de *,on prendra
a ~] - qu'on fubftitucra dans la propofée ,
£c on aura X'=o, alors y repréfentera
les ditférences qu'il y a entre x Se la valeur
de l'équation X = o.
4°. Subftituant dans X= o les valeurs
fuccelTives en nombre entier de .t depuis
.-,. = o jufqu'à fit limite , & cherchant pour
chacune les limites de ;r , j'aunnj=;< yî ,
A étant cette limite , donc il n'y a point de
racines de X = o entre cette valeur de x Se
A'
5°. Prenant enfuitc toutes les valeurs x-{-
";j entre o & la limite de :r, on fera la même
opération , £c , par ce moyen, on parviendra
à approcher des valeurs de a:.
6". Pour trouver les valeurs négatives, on
fera dans la propofée a; = — x & on cher-
chera les valeurs pofitives de x.
7°. Pour trouver s'il y a des racines égales ,
on égalera à zéro la quantité 5—. 5 enfuite on
cherchera les racines pofitives ou négatives ,
& on verra fi les racines nedltlcrent de celles
de X== o que d'une petite quantité ; 6ç li ou
répète les approximations , cette diftorence
fliminue continuellement.
La méthode de M. de la Grange four-
AP P
nit un moyen d'avoir en férié la valeur
d'une quantité quelconque y enx, lorlque
y eft donné par une équation en x 8c y :
h cette équation eft diftérenrielle , on par-
viendra également à avoir une telle (érie :
foit en effet une équation différentielle en
y &C X , on fera aniorte qu'elle ru coirtienne
plus que dx ; cela pofé , fi l'équation mile
fous une forme rationelle & entière , ayant
tous fes rangs , & la plus haute dift-iencc
fe trouvant dans le premier , elle n'a point
de terme conftant , on fera y = Ae -{•
ex t' X 2 -f .V /-fr fx
Be +Ce... -\- A' c + B' e e +
Ce &c. & 1°. on aura ^, B , C , Sec.
arbitraires, & fi /z eft l'ordre de l'équation,
f fera donné par une équation du degré n ,
f par la même équation , &c. en forte que
f ,j' f" , font les différentes racines de
cette équation : 2°. la fubftitution de A'e
H- B' dans le premier rang , donnera
des termes égaux , chacun à chacun , à
t X ex
ceux que Ae -\- B e Sec. produit dans
le fécond ; donc A' B' Sec. leront donnés
en A, B , Se ainfi de fuite : 5°. Si l'équa-
tion en /a deux racines égales , foit / cette
r .K ! X
racine , fl faudra faire Axe ~\- B e Sec ,
n K-i ni
en effet , fi P ^ j^ + Q '^ y +Rd^
y &c. eft le premier rang de la propofée ,
on aura B (P/4- <?/ + Rf Sec.) ■+■ o
Se A ( P/+ Q+n Pf-i-R-\-n-QfSec.)=:t
donc on aura à la fois ,
n n-i n-i
Pf+Qf + Rf . &c. =0,
&/jP/'-|-i-i Qf +n-iRf ,&ec—o.
Ce qui a lieu toutes les fois que l'équation
en fa. deux racines égales. On prouvera de
même que fi cette équation en a trois , il
.^ tx
fuidra faire y = Ax' ■+■ Bx-h C , e +
t X
De Sec. Se ainfi de fuite, pour quatre,
cinq , Sec. racines égales : au lieu de
ifx f^^f'x ifix
A c -\- h' e + C e 5cc. On voit que ,
dans
A P P
CM
nies
r'.n
dans le cn^ cic deux racines
iCnx' fx ' if'x
ui'x +5'.ve H- C /-{-/'. ïjDc
4- &c. qu'il faut prendre* , & ainlî de luire.
Si 1a propofée avolc eu un terme con(-
tant, <jC (|uelle eut contenu y au premier
rang , on auroit fait
tx tix 'fx r + "-
y = A-A' D e -]- C e £<c , -h ^4 ^- + iV.- ,
Se a y avoit été dans les rangs li'p?rieurs ,
ou aiiroit trouve les B ,C , !kc. toujours ar
bitrairib-, t?-: s par une équation d'un degré
dépendant du rang de la valeur hypoihcti-
que , où l'on (c lera arrêté : li y mim\\ic
dans les rangs fupcrieurs de la propofLe ,
alors /efh encore ici donnée par une équa-
tion du degré /7.
Si la propofée ne contient pas y au pre-
mier rang , &: qu'elle ait un rermi,' conllant ,
il faudra preuv^re
fx f'„ fx
j = ^.v -\-Tie -I- i'e &c , A'x -\- B'x &c.
Cette m.'tliode d'avoir en féric la valeur
de y, loviqu'on a une équation dirîéren-
lielle en y & en .r, s'applique au cas, où
ayant m équa:ions en m -{- i vari.'.Wes
[, u , y .r , on clierche à exprimer
:^, u ^y , par une toni5tion en .r.
da peut m.?me l'ércndre aux équations
aux diftértiices finies, où A x eft luppofé
confiant, la folution fera la même abrolu-
ment , à cela près que les arbirraires A ,
B , C , S.<c. feront , dans ce cas , égales à
a X fi <1 .v
des fomilior.s de <.' ; c = o , ,Jc ces fonc ■
lions étant telles qu'elles ne changent pas
de valeur , lorfque x devient ;r -}- A x.
Cette même méthode s'appliquera en-
core aux équations aux différences partiel-
les ; loit Cil effet une de les équations qui
ne contienne que \^, & les différences lans
.contenir de a: , de y , ni de terme confiant ,
tx4-sy t'x+s'y
fi je fais ^=yie Be &ic , -\-
^fx + ^sy ïfx-^g + s'y
A' e -{-B'e -f&c, j'au-
rai, les A, B, arbitraires, une équation
enfScg, en forte que / lera tout ce qn'-jn
voudra , ik. g donné en/, & que le terme
A e &c , fera la fomme de tous ces ter-
mes , dont le nombre eff infini.
S'il y a un terme confcant , & que ^ foit
dajis le premier rang , on fera ^ = -(^ -h
Tome III.
A P P 8^
t X '^■gy
B e Sec, Se alors , félon le rang oîi
l'on s'arrêtera , l'équation en /&§• fera d'un
ordre plus élevé.
Le moyen pour déterminer les arbitrai-
res, fera le même que dans les équations
luiéaires. ( ^cye^ Linéaire.)
La méthode expofée jufqu'ici fert à don-
ncy en .r , lorfqu'on fait quc^ tll: três-pecit,
is: qu'on n'en peut négliger une certaine
puilljnce. Voici une autre méthode qui
peut Icrvir à avoir y en x lorfque x c(ï très-
petit , lorfque l'équation efl du premier
ordre.
Eile eft fondée fur cette remarque que
Cl A d x-i- B i!y eft une équation qui a tous
les termes, A Se S étant rationels, & que
■4'
— , ces fondions étant de degré m , ren-
dent différentielle exaéle une équati»n pe*
différente de ^</ A' H- B dy = o , on pourra,
en prenant - „-< pour ractcurs de A d x
-hBd'y, faire Z Se Z' d'un degré tel , que
négligeant les fécondes dimenlions des coëf-
liciens de Z & Z' , Se de* petits coêftîciens
de A d X -f- A dy , dans la condition d'inté-
grabilité , le nombre des coëfKciens indé-
terminés furpalîe celui des équations de
comp.irai'on , donc on aura en féric l'inté-
grale de yl d X -\- B dy , toutes les fois que
l'on aura celle d'une équation peu diffé-
rente : donc on l'aura toutes les fois que l'on
pourra regarder x comme une quantité très-
petite.
On peut étendre cette méthode aux ordres
plus élevés.
A près avoir donné le moyen d'avoir y
en X par une lérie lorfque y efl: do:nié par
une équation différentielle , fuppofons que
y foit très-petit , qu'on puiffe en négliger
une certaine puiflance. Se voyons ce qui
doit arriver.
f»
1°. Si la valeur de y efl de la forme A e
fx fx 2fx f+fx '
-i- Be ~\- Ce . . . . ■+• A'c -{- £' e
Sec. Se que tou; les/foient réels & négatifs,
ou bien imagiiiires fans partie réelle,
ou bien imaginaires avec une panie réelle ,
mais négative, il arrivera que, dans le cas
M
SO A P P
des racines purement imaginaires , la va-
leur de X lèra donncfe en linus & co-finus de
multiples de .T , & pourra être toujours
très -petite, & la férié convergente lorf-
ijue celle des A , A' , 6:c. le fera dans des
/'négatifs , ou partie négatifs & partie ima-
ginaires, la même chofe aura lieu , fi l'on
ne conlidere que les valeurs de x depuis o
jufqu'à co , & qu'on fuppofe j: allez grand
fx
pour que e < i, & fimême , dans le cas,
tous les iimxs tk co-iinus font multipliés
fx ^
par e , il y aura un point où la férié fera
convergente , indépendamment de la con-
vergente des coèfficiens.
2°. Si la valeur de y confèrvant la même
forme, /a des valeurs réelles pofîtives , ou
des valeurs imaginaires donc la partie réelle
foit politive , alors la valeur de y ne peut
plus être approchée pour toute l'étendue des
valeurs de x.
j". Si la valeur de j contient des x, la
snême chofe aura lieu.
4°. C'ell à caufe de l'égalité de plufieurs
racines dans l'équation qui donne /, que
y contient x dans fa valeur , de fouvent la
t]uantité réelle pofitive ou négative de la
valeur imaginaire de /eft très-petite ; il fuf-
fit donc alors d'un léger changement dans
ces coé'fficiens de la propofée pour faire que
y change de forme : or ce changement de-
vient permis toutes les fois , ou que les cocf-
ficiens de la propofée font donnés par l'ob-
iervation , ou qu'on peut les produire , en
y augmentant V d'une petite quantité conf-
iante qui ne rempcche pas de refter très-
petit , do!K toutes les fois que cela arrivera ,
il lera impolTible de juger fi la férié eft ou
n'eft pas convergente pour toute l'étendue
clés valeurs de x.
5°. Si la valeur dey eft telle qu'elle puiiTe
fe réduire à un nombre fini de fériés de
la forme numéro i" multipliées par des
/ X
•p uiftances de x & de e , / étant pofitif ,
alors j fera donné par des fériés convergen-
tes pour toutes les valeurs de x quel que
foit ;<:; & fi on peut s'aflurer de la conver-
gence indéfinie des cocfficiens des fériés ,
alors la valeur de y contiendra une vérita-
ble équation cculaire.
ô". Si h valeur de y nVft pas approchée
AP P
pour toute l'étendue des x , il faut faire plu-
hcms approximations fucceflâves ; & fi Pon ne
peut pour chacune déterminer les arbitraires
par de nouvelles conditions , on emploiera k
méthode indiquée à Van. Comète, l O)
^^ APPUI , SOUTIEN , SUPPORT.
L'appui fortifie , lefoutie/i porte , le fupport
aide; V appui eft à coté, le foutien dcflbus,
l'aide à l'un des bouts : une muraille eft ap-
payée, une voûte ei\ fou tenue , un toît dlfup-
porté : ce qui eft violemment pou fié a befoin
d'appui; ce qui eft trop chargé a befoin de
foutien ; ce qui eft très-long a befoin de fupport.
Au figuré , l'appui a plus de rapport à la,
force &: à l'autorité i le foutien , au crédit
& à l'iiabileté; & le fupport , à Paffedion
a 1 amicie.
Il faut appuyer nos amis dans leurs pré-
tentions , les Joutenir dans Padverfité , & les
fupporter dans leurs momens d'humeur.
Appui ou Point d'Appui d'un levier, eft
le point fixe autour duquel le poids &c la
puillànce font en équiUbre dans un levier ;
ainfi , dans une balance ordinaire , le point
du milieu par lequel on fufpend la ba-
lance , eft le point d'appui. Le point d'appui
d'un levier , lorfque la puillànce &: les poids
ont des diredions parallèles , eft toujours
chargé d'une quantité égale à la fomme
de la puiftànce & du poids. Ainfi , dans
une balance ordinaire à bras égaux , la charge
du point d'appui eft égale à la fomme des
poids qui font dans les plats de la balance ,
c'eft-à-dire , au double d'un de ces poids.
On voit auffi par cette raifon , que l'appui
eft moins chargé dans la balance appellée
rornaine ou pefon , que dans la balance ordi-
naire ; car pour peier , par exemple , un
poids de lîx livres avec la balance ordin lire ,
il fiiut de l'autre côté un poids de lîx livres,
& la charge de l'appui eft de douze Hvres ;
au lieu qu'en fe fervant du pefon , on peut
pefer le poids de fix hvres avec un poids d'une
livre, & la charge de l'a.pui n'eft alors que
fept livres. Fbje^PtsoN, Romaine, t>c.
Appui , f. m. terme de Tourneur ; c'eft
ainfi qu'ils appellent une longue picce de
bois qui porte des deux bouts fur ks bras
des deux poupées, Ik que l'ouvrier a devant
lui pour foutenir Ik affermir fon outil,
Oji lui donne iiulFi le nom de barre ou de
APP
'fupport du tour. Foje^ Support & Tour.
Appui , en archiceclurc , du \M.m podium ,
félon Vitruve ; c'eft une baUiftrade entre
deux colonnes ou entre les deux tableaux ou
pics droits d'une croilée dont la hauteur
intérieure doit être proportionnée à la gran-
deur humaine , pour s'y appuyer , c'eft-à-
dire , de deux pies & un quart au moins , 6c
de trois pies & un quart au plus. Voye[
Balustrade.
On appelle auffi appui , un petit mur qui
fépare deux cours ou un jardin , (ur lequel
on peut s'appuyer : on appelle appui continu ,
la retraite qui tient lieu de piédeftal à un
ordre d'architedture , &C qui dans l'inter-
valle des entre-colonnemens ou entre-pilaf-
tres , fert d'appui aux croifées d'une façade
de bâtimens.
On dii appui allégé ,]orfq\.\c\'appui d'une
croilée eft diminué de l'épaifleur de l'ébra-
fement , autant pour regarder par dehors
plus facilement , que pour loulager le lin-
tot de celle de deflbus.
On appelle appui évidé , non-(eulement les
bakiftrades , maisauffi ceux ornés d'enrre-
Lics percés à jour , tels qu'il s'en voit un
modèle au peryftile du Louvre , du côté de
l'Auxerrois.
On appelle appui rampant, celui qui fuit
Li rampe d'un efcalier , foit qu'il foit de
pierre, deboisou defer. Foye^ Rampe. (P)
Appui , c'eft , en Charpenierie , le nom
qu'on donne aux pièces de bois que l'on
met le long des galeries des efcaliers Se aux
croilées. L'ufage des appuis eft d'empêcher
les paftàns de tomber.
Appui , en terme de manège , eft le fen-
timent réciproque entre la main du cavalier
& la bouche du cheval , par le moyen de
la bride , ou bien c'eft le fentiment de
l'adlion de la bride dans la main du cava-
lier. Foye^ Main, Frein, Mors , Bri-
de , &c.
Un appui fin le dit d'un cheval qui a
la bouche délicate à la bride ; de manière
qu'intimidé par la feniibilité & la délica-
tefle de fa bouche , il n'ofe trop appuyer
fur (on mors , ni battre à la main pour
réfifter.
On dit qu'un cheval a un appui fourd ,
oitus , quand il a une bonne bouche , mais
la langue fi épaillè que le mors ne peut
APP 91
agir ni porter fur les barres , quoique cet
effet provienne quelquefois de l'épaillèur
des lèvres.
Un cheval n'a point d'appui , qunnd il
craint l'embouchure, qu'il appréhende trop
la main , & qu'il ne peut porter la bride ;
Se il en a trop , quand il s'abandonne fur
le mors. La rêne de dedans de caveçou
attachée courte au pommeau , eft un ex-
cellent moyen pour donner un appui au
cheval , le rendre ferme à la main Se l'af-
furer : cela eft encore utile pour lui allôu-
plir les épaules ; ce qui donne de l'appui
où il en manque , &c en ote où il y en a.
trop.
Si l'on veut donner de l'appui à u«
cheval , & le mettre dans fà main , il fiuc
le galopper , & le faire fouvenc reculer.
Le galop étendu eft aulTi très - propre à
donner de l'appui à un cheval , parce qu'ei»
galoppanc il donne lieu au cavalier de le renie
dans fa main.
Appui à pleine main , c*eft-à-dirc , appui,
ferme , fans toutefois pefer à la main , &
fans battre à la main. Les chevaux pourl'ar-»
mée doivent avoir l'appui à pleine main.
Appui au-delà de la pleine main ou ptui
qu*à pleine main y c'eft-à-dire qui ne force
pas la main , mais qui pefe pourtant ui»
peu à la main : cet appui eft bon pour ceux:
qui faute de cuifles , fe tiennent à la.
bride. ( V)
Appui-maim , fub. m. baguette que les
peintres tiennent par le bout avec le petic
bout de la main gauche , &: fur laquelle
ils dépofent celle dont ils travaillent. Il > i
ordinairement une petite boule de bois oit
de linge revêtue de peau au bout , quî
pofe fur le tableau pour ne le pas écor-
cher. {R)
APPULSE , f. en terme d'ajlronomie, (edie
du mouvement d'une planète qui approche
de fa conjondtion avec le foleil ou une
étoile. I^oje^ Conjonction. Ainfi on dit ,
l'apulfe de la lune à étoile fixe , lorfquc
la lune approche de cette étoile , & eft prête
de nous la cacher. Fbje^ Occultation, &"
Lune. (O)
Ai'PUREMENT d'un compte , terme de
finance & de droit , eft la tranfiiftion ou
le jugement qui en détermine les débats c^'
le paiement du reliquat , au moyen <ic
Mi
5)t
A P P
quoi le comptable demeure quitte & dé-
chargé. VuyclCOMVTABtt.
Appu REMENT à'un ccmpte , eft Tapproba-
tion des articles qui y font portés , conte-
jiant décharge pour le comptable.
Les Anglois appellent cette décharge un
^uietus ejî , parce qu'elle fe termine chez eux
par la formule latine , abinde rtcejjit quietus.
VoycT^ Compte. (H)
APPUYER Ver moulu , terme de Doreur
fur rnéial , c'eft , après que l'or en chaux a
été amalgamé au feu avec le vif-argent , le
laver dans pluficurs eaux pour en ôter la
crafie Si les icories.
APPUYÉ (Tril ) , Mufiij. Quelques mu-
ix:tns appellent tril appuyé , celui qu'on ne
commence pas brulquement , mais qu'on
prépare en quelque forte de la note fupé-
rieure. Dans quelques cas on peut aulT! pré-
parer le tril appuyé de la note inférieure.
{F.D.C.) ^
APPUYÉ , adj. m. on dit , en terme de
fécniétrie , que les angles dont le lommet
cft dans la circonlérence de quelque feg-
mcnt de cercle, s'appuient ou font poi'éslur
l'arc de l'autre fegmenr de dcllous. Ainli
(f-g. jS. Grcmet.) l'angle ^^C ,dont lefom-
met tft dans la ciiconférence du legment
ylJ^C , eft dit appuyé (ur l'autre legment
^WC. Voyei Segment. { E )
APPUYER des deux , ( Manège ) c'eft
frapper & enfoncer les deux éperons dans
le flanc du chevr.l. Appuyer ouvertement les
deux , c'eft donner le coup des deux épe-
rons de route fa force. Appuyer le pinçon ,
c'eft faire fcntir la pointe du poinron iur
Li croupe du cheval de m.anege pour le foire
fr.uter. Fcyci Poinçon. {V )
Appuyer la chier.s , en Vénerie , c'eil^
fuivre toutes leurs opérations , & lesdiriger,
les sn'mcr de la trom-pe &: de la voix.
APPUYOIR , f. m. pour j relier lesfeuil-
les de fer blanc que le teiblancier veut fou-
dcr enfèmble , ilfe fcrc d'un morceau de
bois plat de forme triangulaire , qu'on ap-
pelle aj-puyoir.
APPY A , f. m. ( Tiijî. nat Sctaniq.) fiante
de la famille des tirhymalcs , & commune
dans les îles d'Amboiue. Rumphe en dil-
linguc de trois efpeces , dent il n'y en a que
deux qui foicnt de ce genre : c'ell à tes
deux que nous hous axittcrons.
A P I>
Première efpece. Appya.
L'Appya, ainfi nommé par les habitans
de Leytimore , eft deligné fous le nom d'ka-
Lcus terrejiris vulgaris ruera , par Rum-
phe , qui en donne une bonne figure ,
mais avec peu de détails des fleurs , dans
Ion Herbarium Amboiiiicum , volume III ,
page iQj , planche CXXVII. Les Malays
l'appellent aleky mer a , c'eft-à-dire , haleki
rouge , & les habitans d'Amboine , haleky
lau mûri , qui veut dire la même choie à-
peu-près.
'Cet arbrifleau s'élève à la hauteur de
vingt à vingt - cinq pies lous la forme d'un
coudrier , ayant un. tronc droit , haut de huit
à douze pies , d'un pié de dia.metre & au-
delà , couvert d'une écorce cendrée-brune,
charnue, iouple , qui s'enlève aifément par
lanières. Ses branches (ont alternes , très-
diftantes les unes des autres , couvertes ho-
rizontalement, velues , cylindriques, vertes
dans leur jeunelle.
Ses feuilles font alternes , comparables
en quelque lorte à celles du coudrier , m.ais
plus pointues par les deux bouts , longues
de cinq à fix pouces , preique une fois
moins larges , minces ,
molles , marquées
de huit à dix dents fur chaque coté , verd-
foncées deilus , glauques dellous , velues ,
avec une nervure longitudinale à huit ou
dix paires de côtes alternes , & portées fur
un pédicule cylindrique, pareillement velu ,
& quatre ou cinq fois plus court. Dans les
jeunes pies ces feuilles lont plus brunes ou
verd plus foncé deflus , plus velues , plus
uiguleulcs , ou, comme marquées de deux
^.ngles qui manquent dans les vieux pies. A-
l'ongine de leur pédicule (e voient deux
ftipules triangulaires alongées.
Les lexts des fleurs k;nt léparées de ma-
nière que les fcm.tlles forcent (olidairement,
ou de deux à deux , des aillelles des feuilles
iur ks branches inférieures , portées fur
un pédicule , d'abord égal à celui de l.V
leuille , enfuire s'alcngeant de quatre iï cinq
pouces , & de manière à atteindre fon mi-
lieu. Chaque fleur f;me!le conlifte en un
deux à trois gran.des
calice en enveloppe de
feuilles elliptiques , pointues , dentelées ,
ncrveufes comme des feuilles , coati-nanc
un ovaire fphérique qui devieuc une cap-
A P P
fuie ridé: , pointillée Se chagrinée , <3e la
grolleur d'un j»r.ùn de poivre , de deux à
tToib loges, contenant chacune une graine
Iphérique de b. grolleur d'un grain de co-
riandre.
Les fleurs mâles (brtent de l'aillelle des
feuilles fupcrieares , fous la forme d'un pan-
nicule à quatre ou cinq branches en épi
qui égalent la longueur de ces feuilles. Cha-
que pannicule en porte environ deux cents
tort petites , vertes , allez (emblablcs à
celles de la vigne , c'ell-à-dire , compolées
d'un calice de quatre à cinq feuilles , lans
corolle , & de quatre à cinq étamines cour-
tes , à anthères jaunes & réunies par leurs
filets.
Culture, h'appyn croît par-tout dans les
îles d'Amboine, tant iur le rivage que dans
le continent , non pas dans les vallons &
les lieux humides , mais au bord des gran-
des forêts , dans les lieux fecs les plus expoi'és
aux vents , où il :ie croît que des arbrilleaux
ou des arbres de la petite taille , <*c plus le
terrain où il croit ell: fec , plus Tes feuilles
font petites. Il ie multiplie de femences ; il
fleurit <?>: fructifie dans les mois pluvieux de
juin (ïc juillet.
Qualités. Toutes Tes parties n'gnt ni laveur
ni odeur , non plus que la mauve. Ses aman-
des font blanches & fort douces.
Ufages. Son bois eft blanc , compofé de
fibres grollîeres , léger , (ec , peu durable,
excepté dans les habitations bien enfumées.
Il eft fi fec , qu'on ne peut Remployer à
faire des haies , parce qu'il ne repouflè pas
comme les autres arbrilleaux.
Deuxicme efpcce. Mulira.
La féconde efpece A'app^'a eft nommée
hulira & halery par les habitans de Loehoë ,
is. haleky daunhcfr.ar , c'eft-à-dire , haleky ,
arbre à larges feuilles , par les MaLiys.
Rumphe le défigne lous le nom de hakcus
rurofa , Hinsen donner aucune figure , dans
fon Hcrbarium Amboinicum, volume III, page
C'eft un arbre de trente à trenre-cinq pies
de hauteur , à rronc haut de quinze à vingt
pies , fur deux pies de diamètre , couronné
par une tête ronde.
Ses feuilles font prefquè rondes , d'an
A P R 5)3
pié & plus de longueur & de largeur , à trois
angles dans les jeunes pics , taillées en cccur
dans les vieilles branches , très - rudes &
ridées délias & délions , & hérifi'ées de poils
piquans faciles à tomber , & qui excitent
des démangeailons à la peau.
Ses fleurs rellemblen.r à celles de Vûppyn ;
mais fes caplulcs lont plus grandes , vif-
queules , à deux loges & deux poils eu
crochet ou en hameçon , par lei quels elles
s'attachent comme les têtes ou enveloppes
des fleurs de la bardane.
Qualités. Ses capiules vifTiucufes répan-
dent une odeur agréable du champaca.
Ufeges. Son bois elt blai-ic , à grodès
fibres , & léger comme celui de Wippya ,
mais plus durable : aulTi le préfère -t-on
pour frire le comble & les couvertures des
maiions.
Remarques, 'L'appya vient donc alTcz près
du ricin , dans la famille des tithymalcs , à
la féconde fedion qui raflemble les genres
dont les étamines font réunies par leurs hlcts.
( M. Adanson. )
'>■ APRACKBANIA ou ABRUCKBA-
NIA , ( Géog. ) ville de Traniylvanie Iur la
rivière d'Ompas, au delfus d'Albc- Julie.
•*■ APRE, adj. ( GrûOT/n.) acide, rude,
défagréable au goût ; il fe dit auffi au figu-
re , & lignifie ûv/«fe , ardent , pajfwnné pour
quelque chofe.
APRE, terme de Grammaire greque. Il y
a en grec deux fignes qu'on appelle efprits ;
l'un appelle efprit doux, ôc le marque fur
la lettre comme une petite virgule , i>à ,
moi , je.
L'autre eft celui qu'on appelle efprit âpre ,
ou rude ; il le marque comme un petit c fur
la lettre à'/>t« , enfcmble. Son ufage eft d'in-
diquer qu-'il fiiut prononcer la lettre avec
une forte alpiration.
f prend toujours l'efprit rude , v^a^ aqua-;
les autres voyelles & les diphtongues ont le
plus fouvent l'el prit doux.
Il y a des mots qui ont un efprit & un
accent , comme le rehtif %( , n,o , qui , quae,
quod.
Il y a quatre confonnes qui pj-ennent
un efprit rude , t , « , t , p : mais on ne
marque plus l'efprit ruce fur les trois pre-
mières , parce qu'on a inventé des carac-
tères exprès , pour marquei que ces Ict^ï^
^4 A P R
font afpir jes ; aiiifi au lieu d'écrire t , k' , t',
on écrit : if, x^ ^ > "^^i^ °'^ ^'^'^''^ > ''^ com-
mencement des mots : Pnrof /kw , rhétorique ;
PHTof/xof , rhétoricien ; fâ/jm , force. Quand
]e p eft redoublé , on met un efprit doux fur
le premier , & un âpre fur le lecond ; ^ôp f w ,
lo,igè , loin.
APREMONT , ( Géogr.) petite ville de
la Lorraine , avec un château & baronnie ,
entre la Mofelle & la Meule , près du bail-
liage de Saint-Michel. C'étoit l'un des plus
anciens fiefs de l'évêché de Metz , lorfque
dans le XVI' fiecle , il en fut démembré
pour faire partie des domaines de la maifon
de Lorraine. Son nom vient du haut rocher
efcarpé fur lequel on a bâti le château.
(C. A.)
Apremont , {Géogr.) château fortifié
de Savoie , à l'oueft nord-oueft , & affez
près de Montmélian. Il a donné Ton nom
à une famille illuftre de cette province.
(C.A.)
* APREMONT» ( Géogr. mod.) petite
ville de France dans le Poitou , généralité
de Poitiers. Long. i£ , §2.; lat. 46 , 45.
APRÈS , prépofition qui marque pofté-
riorité de temps , ou de lieu ou d'ordre.
Apris les fureurs de la guerre.
Goûtons les douceurs de la paix.
Après fe dit auffi adverbialement : par-
tez , nous irons après , c'eft-à-dire , enfuite.
Après eft aulTi une prépofition infépara-
ble , qui entre dans la compollrion de cer-
tains mots , tels que après-demain, aprè<:-
dîné ,l'après-dince , après-midi, après-foupé ,
l après- foupé.
C'eft fous cette vue de prépofition infé-
parable , qui forme un fens avec un autre
mot , que l'on doit regarder ce mot dans ces
façons de parler ; ce portrait eft fiit d'après
nature ; comme on dit en peinture & cnfcu/p-
ture , delTîner d'après l'antique ; modeler
d'après l'antique ; ce portrait eft fait d'après
nature ; ce tableau eft fût d'après Raphaël ,
frc. c'eft-à-dire , que Raphaël avoit fait
l'original auparavant. {F)
APRETÉ, (.i. {Gramm.) qualité de ce
qui eft âpre. On le dit des fruits , quand,
fuute de maturité , ils font rudes , acres ,
dcfagréablçs au goût ; l'âpreté diminue dans
A P R
(es fruits , à mefure que les arbres vieiliiC»
(ènt. (-}-)
Apreté , f. f. Te dit de l'inégalité & de la
rudcdè de la furfacc d'un corps , p'r 1 -quelle
quelques-unes de fes partie^ s'-lcvent telle-
ment au deflus du leltc, qu'elles empêchent
de pailèr la main deflus avec aifance & li-
berté. Fbjfif^ Particule.
h'dpretéou la rudelle eft oppofée à la dou-
ceur , à l'égalité , à ce qui eft uni ou poli ,
&c. le frottement des lurfices conr-guës
vient de leur âprcté. V. Surface & Frot-
tement.
L'âpreté plus ou moins grande des fur-
faces des corps , eft une cho!e purement rela-
tive. Les corps qui nous paroillen: avoir la
furface la plus unie , étant vus au microf-
cope , ne lont plus qu'un tillu de rugolités
& d'inégalités.
Suivant ce que M. Boyle rapporte de
Vermau fen , aveugle très -fameux par la
délicatelfe & la finrlfe de Ion toucher ,
avec lequel il diftmpuoit les couleurs , il
paroîtroit que chaque couleur a fon degré
ou fon efpece particulière à'âpreté. Le noir
paroit être la plus rude , de même qu'il
eft la plus obfcure des couleurs ; mais les
autres ne font p;is plus douces à proportion
qu'elles font plus éclatantes ; c'eft-à-dire ,
que la plus rude n'eft pas toujours celle
qui réfléchit le moins de lumière : car le
jaune eft plus rude que le bleu ; & le verd ,
qui eft la couleur moyenne , eft plus rude
que l'une &: l'autre. Foye^ Couleur , Lu-
mière. (O)
APRIÉS , ( Hijl. d'Egypte.) fils de Pfam-
nis , fut fon héritier au trône d'Egypte.
L'aurore de fon règne fut brillante ; & tous
fes combats furent fuivis de la vidtoire. Ses
flottes qui couvroient les mers , lui afler-
virent l'Egypte & Sidon , dont il fit paflèr
les richefles & le commerce dans fes états.
Les conquêtes qui fouvent épuifent les peu-
ples conquérans , ouvrirent dans l'Egypte
les fources de l'abondance. Apriès ne fe livra
à fes inclinations beliiqueufcs que pour ren-
dre fon pays plus florilfant. Les Juifs fati-
gués du joug tyrannique de Nabuchodo-
nofor , cherchèrent un afylc dans l'Egypte
où leur induftrie commerçante accumula
l'or des nations. L'ivrelfe de fes fuccès le
rendit impie, & fe croyant plus qu'un homme j
A P H
il ofa défier les dieux &: braver leur pulf-
lance. Son audace facrilege fut punie par
la révolte des égyptiens , qui jamais ne
lailferent impunies les ofFcnfes faites au
culte public. Ce monarque , vainqueur des
nations , fe vit abhorre de fcs lujtts. Il
pallà de l'infoknce de la vidoire dans l'a-
battement d'un efclave qui attend en trem-
blant fon arrêt de la bouche d'un maitre
irrité. Ses fujets lui paroillbient d'autant
plus redoutables , qu'il les avoir inftruirs
lui - même dans l'art de combattre 6c de
vaincre. Il eut dans cette extrémité recours
à la négociation , & choillt pour médiateur
Amalîs , qui avoir , par fes talens &: Ha pro-
bité , mérité la conhance de Ton maître &:
l'afleétion des peuples. Cet agent également
propre à la guerre tk: à la négociation , avoit
montré jufqu'alors u::e ame infenlible aux
promefl'es de l'ambition. A peine eut - il
cxpofé aux rebelles le (ujct de fa million ,
qu'un de leurs chefs lui mit un calque fur
la tête & le proclama roi. Aprih ne re-
garda ce feu dévorant que comme une étin-
celle prompte à s'éteindre. Il avoit dans fa
cour un de ces hommes privilégiés , qui la-
tisfaits de leur devoir , n'attendent leur ré-
compenfe que du témoignage intérieur de
leur confcience. C'étoit Paterbemis , que
(on intégrité & fon délintéreilement avoient
rendu l'idole de la nation. Ce fage , dont
la fidélité écoit incorruptible , fut chargé
d'amener Amalîs vivant , & de le livrer
aux vengeances d'un maître ofFenfé. Sa né-
gociation eut un mauvais fuccès , il n'elfuya
que les railleries de ceux qu'il crut devoir
étonner par ces menaces. Aprih mécon-
tent , le loupçonna d'être le complice de
l'uiurpateur de fon pouvoir , & pour l'en
punir , il lui fit trancher la tête. La nation
indignée d'avoir vu tomber un citoyen fi
refpeil:able , fous la hache du bourreau ,
fe louleva pour venger la mémoire. Tous
les yeux fe fixèrent lur Amafis , qui dès
ce moment fut regardé comme le vengeur
de la nation. Apnis abandonné de les fa-
voris , fe jeta entre les bras de l'étranger.
Trente mille Cariens & Ioniens mercenaires
trafiquèrent de leur fang avec lui. On en
vint aux mains dans les plaines de Mem-
phis. Les étrangers combattirent avec un
courage qui teuoit du délefpoir ; rruus en-
A P S «?5
fin , accablés par la fupériorité du nombre ,
& fatigués de donner la mort , ils furent
dans l'impuillance de détendre leur vie ,
tous expirèrent en combattant. Aprih fait
prilonnier , ne leur furvécut que pour être
tramé au fupplice par fes propres fujets.
( T—N.)
* APRIO , ( Géofr. anc. & mod. ) ville de
la Romanie , que les anciens nommoient
Apros Se Apri. Elle porte aulTi le nom de
Theodofiapolis , parce que Thédofe le
grand en aimoit le fejour.
APRISE , vieux terme de palais , fyno-
nyme à ejlimation , pnfée. Il eft fiit d'a~
prijîa , qu'on trouve en ce fens dans d'an-
ciens arrêts , &: qui vient du verbe appre~
tiare , priler. {H)
APRON , afper , ( Hi/I. nat. Zoloog.)
poillon de rivière affez rellemblant au gou-
jon ; cependant fa tête eft plus large ; elle
eft terminée en pointe : là bouche eft de
moyenne grandeur ; les mâchoires , au Heu
d'être garnies de dents font raboteufes ; il
a des trous devant les yeux. Ce poillbn eft
de couleur roufle , & marqué de larges ta-
ches noires qui traverfent le ventre &c le dos
obliquement : il a deux nageoires auprès
des ouïes & fous le ventre , deux autres lur
le dos , allez éloignées l'une de l'autre.
On le trouve dans le Rhône , fur -tout
entre Lyon & Vienne : on a cru qu'il vi-
voit d'or , parce qu'il avale avec le gravier
les paillettes d'or qui s'y rencontrent, fà
chair eft plus dure que celle du goujon.
Rondelet. Vcye'^ Poisson. (/)
^APROSIDE, ou l'île inccceffîbk.
Phne la place dans l'Océan atlantique :
quelques géographes modernes prétendent
que c'eft l'iie que nous appelions Perto-
Santo ; d'autres , que c'eft Ombris ou Samt-
Blandan ; ou par corruption , la ijla de
San-Boror.don ; ou Vencubierta , la couverte ,
ou la non trovada , la difticile à trou-
ver. C'eft uire des Canaries du côté d'oc-
cident.
APSIDE , f. f. fe dit en afironomie , de
d-ux points de l'orbite des planètes , où
ces corps fe trouvent; loit à la plus grande,
loir à la plus pecire diftance pofliblc ou de
la terre ou du foîeil ^'bje^. Orbite , Pla-
NETF , Distance, & Ligne.
A la plus grande diftance Vaijide s'ap-
9
APS
pelle la grande abfide , fumma apfis ; a la
plas petite difiaiice , Vabfide s'appelle la
petit? chftdc , infima on ima abfis.
Les deux abfides enfemble s'appellent auges.
Voyei^ Auges,
La grande a'fide fe nomme plus commu-
iiément Vaphllie ou Vapogée , & ^ la petite
ahfJc, le périphélie ou le périgée. Voyei
Apogée ù Périgée.
La droite qui pafTe par le centre de
l'orbite de la planète, & qui joint ces
deux points , s'appelle la ligne d.s abfidss
de la pbnetc. Dans Paftronomie nouvelle
la ligne des abfides eft le grand axe d'un
orbite elliptique , telle t'a la ligne A P ,
planche d'afIro/wmi3 , fig. l , tirée de l'a-
phélie ^, ou périphélie P. Fbjc^ORBixE ,
Planète. , r t .•
On eftime l'excentricité fur la ligne des
abfides ; car c'eft la diftance du centre C de
l'orbite de h planète au foyer S de l'orbite.
Voyr-{ Foyer & Ellipse. Cette excentricité
eft différente dans chacun des orbites des
phnetes. Fbj'f:^^ Excentricité,
Quelques philofophes mcchaniciens con-
lileren.t le mouvement d'une planète d'une
ahfidi à l'autre-, par exemple , le mouve-
ment de la lune du périgée à l'apogée ,
& de l'apogée au périgée , comme des
ofcilktions d'un pendule; & ils appliquent
à ce mouvement les loix de rofcillation
d'un pendule : d'où ils infèrent que l'équi-
libre venant un jour à fe rétablir , ces ofcil-
lations des corps céleftes céderont. Voyci
Hcrreb. Clar.afircn. c. xx. Fbje:^^ Oscilla-
tion ù Pendule.
D'autres croient appercevoir dans ce
mouvement quelqre chofe qui n'eft point
m.échanicjue , & ils demandent : pourquoi
l'équilibre s'eft-il rompu & 'les olcillations
de ces corps ont-elles commencé ? pour-
quoi l'équilibre ne renaît-il pas ? quelle eft
la caufe qui continue de le rompre : ^oye^
Mém. de Trcv. avril îj^o , page J0<) Ù
fuivantes. Ils regardent toutes ces queftions
comme infolubles; ce qui prouve que la
philofophie neuwtonienne leur eft inccn-
jiuc. Vuye7 Neuwt. princip. rn^tkcm. lib. I.
fecl. Q. Hcrrnan. Phoron. l:b. I. c. jv. Voyei^
encore Gravitation, Planète, Orbi-
T E , Distance , Période , Lune , 6'c.
P.tfiiii les auteurs qui ont comparé les
APS
ofciUations "k celle d'un pendule, un des
plus célèbres eft M. Jean Bernouilli, pro-
i'clkur de mathématiques à Baie , dans une
pièce ■.iititLilée , iiouvclle.' penféet fur le fyl-
tcme de Dejcaries , avec la minière d'en, dé-
duire l s orbites £' les aphélies des planètes ;
pièce qui remporta en 1750 le prix pro-
pofé par l'académie royale des fciences de
i'aris. Il tîche d'y expliquer comment il
peut arriver que , dr.ns le {yftême des tour-
billons , une plar.ete nt ioit pas toujours à
la même dift.u-ice du fôleil , mai;-, qu'elle
s'en approche & s'en éloigne alternative-
ment. Mais en phyfique il ne fufnt pns
de donner une explication plauhble d'un
phénomène particulier , il faut encore que
l'hypotheie d'où l'on part pour expliquer ce
phénomène , puide s'accorder avec tous les
autres qui l'accompagnent, ou qui en dé-
pendent. Or (I on exam.ine l'explication
donnée par M. Bernouilli , nous croyon»
qu'il feroit difficile de faire voir comment ,
dans cette explication , la planète pourroit
décrire une elliple autour du foleil, de
manière que cet aftre en occupât le foyer,
i^ que les aires décrites autour de cet aftre
fuftent proportionnelles aux temps , ainli
que les obfervations l'apprennent, Foje^
fur cefujst un mém. de M. Bouguer , mém.
acad. 17^1 , fur le moiivcnent curviligne des
ccrps dans des milieux qui fe meuvent.
Si la ligne de la plus grande diftancc
d'une planète , & celle de la plus petite
diftancc , ne l'ont pas iituées précifément
en ligne droite , mais qu'elles fallent un
angle plus grand ou plus petit que 180
degrés, la différence de cet angle à iSo
degrés , eft appcllée le m.ouvem.ent de la
ligne des abfidts , ou le mouvement des
abfides ; & fi l'angle eft plus petit que 180
degrés , on dit que le mouvement des
abfides eft contre l'ordre des fignes : au con-
traire fi l'aiigle eft plus grand , on dit que
le mouvemen: des abfides eft fuivant l'or-
dre des fignes.
A l'égard de la méthode pour déterminer
la poiition des abfiJes mcraes, en s'eft lervi
pour y parvenir de diffcrcns moyens. Les
anciens qui croyoient que les planète'?
décrivoient des cercles parfaits dont le foleil
n'occupoit pas le centre , ont employé
pour déterminer les abfiJcs , une méthode
expliquée
A PS
expliquée par Keill dans Ces Inft'nutions
aftroiwmiques. Depuis , comme on s'eO
appcrçu que les planètes ck^crivoient des
elliples dont \z folcil occupoit le toyer , on
a été obligé de chercher d'autres moyens
pour déterminer le lieu des a/î/zt/^j- dans les
ortites. M. Hallcy a donné pour cela une
méthode qui ne (iippole de connu que le
temps de la révolution de la planète. Sethus
Wardus en a auiii donné une ,qui iuppole
qu'on ait trois oblervations différentes
d'une planète en trois endroits quelcon-
qiics de Ion orbite; mais la méthode qu'il
donne pour cela ,eft fondée fur une hypo-
thele qui n'eft pas exaâemcnt vraie ,
& le célèbre M. Euler en a donné une
beaucoup plus exaâe dans le tome Vil des
mém. de l'acad. de Pe'tersbourg. On peut
voir ces diiîcrentes méthodes , excepté la
dernière , dans l'aflronomie de Keill , ou
plutôt dans les Inft'uudons agronomiques
de M. le Monnier.
M. Newton a donné dans fon livre des
Principes , une très-belle méthode pour
déterminer le mouvement des apjides , en
fuppolant que l'orbite décrite par la pla-
nète Ibit peu différente d'un cercle , com-
me le font prefque toutes les orbites pla-
nétaires. Ce grand philofophe fait voir que
fi le foleil étoir immobile , & que toutes
les planètes pefafTent vers lui en raifon in-
verfe du quarré de leurs diflances , le mou-
vement des apfides feroit nul , c'ell-à-dire
que la ligne de la plus grande diflance & la
ligne de la plus petite diilance , feroient
éloignées de i8o degrés l'une de l'autre ,
& ne formeroient qu'une leule ligne droite.
Ce qui fait donc que les deux points des
apfïdes ne font pas toujours exadement en
ligne droite avec le foleil , c'efl que par la
tendance mutuelle des planètes les unes
vers les autres , leur gravitation vers le
foleil n'ert pas prccifément en raifon in-
verfe du quarré de la diftance. M. Newton
donne une méthode très - élégante pour
déterminer le mouvement des Apjîdes , en
fuppolant qu'on connoifle la force qui ell
ajoutée à la gravitation de la planète vers
le foleil , & que cette force ajoutée ait
toujours fa diredion vers le Ibleil-
Cependant , quelque belle que foit cette
méthode , il faut avouer qu'elle a befoiii
Tome m.
APS 97
d'être perfeflionnée ; parce que dans toutes
les planètes , tant premières que fecondai-
rcs , la force ajoutée à la gravitation vers
le foyer de l'orbite , n'a prefque jamais fa
diredion vers ce foyer : auHi M. Newton
ne s'en ell-il point fervi , du moins d'une
manière bien nette , pour déterminer le
mouvement des apJides de l'orbirc lunaire;
la théorie exade de ce mouvement efî
très-ditîicile. K APOGÉE &LLrNE.(0)
* APSILES , 1". m. {Géog. anc.) peu-
ples qui habitoient les environs du Pont-
Euxin , & le pays de Lazcs.
APSIS ou ABSIS , mot ufité dans les
auteurs eccléfiafliques pour lîgnifîer la
partie intérieure des anciennes églifes où le
clergé étoit affis , & où l'autel étoit placé.
Fqyq Eglise.
On croit que cette partie de l'églife s'ap-
pelloit ainfi , parce qu'elle étoit bâtie en
arcade ou en voûte , appellée par les Grecs
â-iî( , & par les Latins ahfis. M. Fleury
tire ce nom de l'arcade qui en fiiiloit l'ou-
verture. Ifidore dit , avec beaucoup moins
de viaifemblance , qu'on avoit ainfi nomme
cette partie de l'églife , parce qu'elle étoit la
plus éclairée , du mot grec ^xnnv , éclairer.
Dans ce fens le mot abjis fe prend auffi
pour concha , caméra , presbyterium , par
oppofition à nef , ou à la partie de l'églife
où fe tenoit le peuple ; ce qui revient à ce
que nous appelions chœur & fancluaire,
Voyei^-ET, Chœur, i&c.
Uapjis étoit bâti en figure hémifphéri-
que , & confifloit en deux parties , l'autel
& le presbytère , ou fanduaire. Dans cette
dernière partie étoient contenues les fîalles
ou places du clergé , & entr'autres le trône
de l'évêque , qui étoit placé au milieu ou
dans la partie la plus éloignée de l'autel.
Peut-être , dit M. Fleury , les chrétiens
avoient-ils voulu d'abord imiter la féance
du fanhedrin des juifs , où les juges étoient
affis en demi-cercle , le préfident au mi-
lieu : l'évêque tenoit la même place dans le
presbytère. L'autel étoit à l'autre extrémité
vers la nef , dont il étoit féparé par une
grille ou baluilrade à jour. Il étoir élevé
iur une ellrade , & fur l'autel étoit le ci-
boire ou la coupe , fous une efpece de pa-
villon ou de dais. Voye\ Cordemoy , Ale'm.
de Tre, JuilUt i^^o ,pag. iz6É b fuiv.
N
C;.8 A P T
Fleury , Mœurs des chref. tit. xxxu.
On faifoit plufieurs cérémonies à l'entrée
ou fous l'arcade de Vapjis , comme d'im-
f ofer les mains , de revêtir de lacs & de cili-
ées les pénitens publics. Il eft auffi fouvent
fait mention dans les anciens monumens ,
des corps des laints qui étoient dans Yapjis.
C'étoient les corps des laints évcques , ou
d'autres faints , qu'on y tranfportou avec
grande folemnité. Synod. 31. Canh. can.
32.. Spelman.
Le trâne de l'éveque s'appelloit ancien-
nement cipjïs , d'où quelques-uns ont cru
qu'il avoit donné ce nom à la partie de
Ja bafilique dans laquelle il étoit Ctué ;
mais , félon d'autres , il l'avoit emprunté
«ie ce même lieu. On l'appelloit encore apjis
gradata , parce qu'il étoit élevé de quel-
ques degrés au defTus des fieges des prê-
tres ; eniuite on le nomma
exhedi
ra .
puis
trône & tribune. Voye:{ TRIBUNE
■^pfis étoit auffi le nom d'un reliquaire
ou d'une chaffé , où l'on renfermoit ancien-
nement les reliques des Saints , & qu'on
nommoit ainli , parce que les reliquaires
étoient faits en arcades ou en voûte; peut-
être auffi à caufe de Vapjis où ils étoient pla-
cés , d'où les Latins ont formé capfa , pour
exprimer la même chofe. Ces reliquaires
ctoient de bois , quelqueiois d'or , d'ar-
gent , ou d'autre matière précieufe , avec
des reliets , & d'autres ornemens ; on les
plaçoit fur l'autel , qui , comme nous l'a-
vons dit , faifoit partie de Vapfis , qu'on a
aulii Kûmmé quelquefois le chevet deVé-
glife ) & dont le fond , pour l'ordinaire ,
étoit tourné à l'orient. Voye\ Du-Cîtnge,
Defcript. S. SophiiZ. Spelman. Fleury ,
ioc. cit. ( G )
* APT , {Ge'og. anc. & mod.) autrefois
Apta Julia , ville de France en Provence,
fur la rivière de Calaran. Long, aj j & ,
îat. 4;^ y ^o.
* APTERE , de a-nîprx , fans aile ,
( myth. ) épithete que les Athéniens don-
noient à la vidoire qu'ils avoient repréfèn-
tée fans aile , afin qu'elle refiât toujours
parmi eux.
* Aptère, (Gf'o^.a,7c. &moJ.) ville de
l'île de Crète : c'efl aujourd'hui yjtteria
ou Paleocaftro. On dit c\W Aptère fut ainfi
nommée de «TfT.pii ,/ans aile \ parce que
APT
ce fu:-là que les fîrenes tombèrent , Icrf^
qu'elles perdirent leurs ailes , après qu'elltis
eurent été vaincues parlesmufes, qu'elles
avoient défiées à chanter.
^ AP-THANES , c'efl un ancien mot
écoffbis qui dcfigne la plus haute no-
bleife d'Ecodé. Voye^ Thane ou AN-
CIEN NOBLE. ( G)
APTITUDE , en terme de jurifpru-
dence , eft fynonyme à capacité S:C habileté.
Voyei Fan & l'autre. {H)
APTOTE, ce mot efl grec, & fignifie iir-
de'chnable. Suntquivd.jm,quœ declinationem
non admntunt , & in quibufdam cdjibustan-
tum ini'eniuntur, & dicunturaptota. Sofipa-
ter 3 lii'. I. pag. 23. comme fas , nef as ,
&c. ci'7nd\'A , c'efl-à-dire fans cas , formé
de ^tSo-k , cas, & d'à privatif. (P)
* APUA , ville de Ligurie. Voye\ PoN-
TREMOLE.
* APUIES , f. m. pl.^ {Geog & Hifl.)
peuple de l'Amérique méridionale , dans le
Brcfil. Ils habitent à la fource du Ganabara
ou du Rio-Janeiro , & près du gouver-
nement de ce dernier nom.
* APURIMA ou APORIMAC, rivière
de l'Amérique dans le Pérou , la plus rapide
de ce royaume, à 11 lieues de la rivière
d'Abancac.
* APURWACA ouPIRAGUE, {Geog.
mod. ) rivière de l'Amérique méridionale ,
dans la Guiane ; c'efl une des plus confidé-
rables du pays.
§ APUS ou APOUS , {Aftron.) c'efl-
à-dire pedibus carens ; quelquefois auffi par
corruption apis ; c'efl le nom d'une conl-
tellation méridionale, appellée en françois
Yoifcau de paradis, avis indicu nianucodiata
ou paradifea , c'efl le nom que lui donne
M. Linné. Cette conflellation dans les
cartes de Bayer , a douze étoiles : il y en
a un plus grand nombre dans le catalogue
de M. de la Caille. Voyez Cœlum aufirale
ftelliferum , & les Mémoires de Vacadémie
royale des Sciences de Paris i j £Z y pag.
'569. La principale éfoile de cette conflel-
lation efl de la cinquième grandeur ; elle
avoit le 31 mai i7$i , 14*^ 19 H" d'afcen-
fîon droite en temps, & 41'' 3' de décli-
naifon aufirale : ainfî elle pafîê au méridien
à 7' feulement au defTus de l'horizon de
l'oblervatoire de Paris ; ce qui ne fulEt
A P Y
pas pour qu'on puifTe y obfcrver cette étoile.
( M DE LA Lande )
APYCNI , adj. pi. ( Mufiq. des anc. )
Les anciens nopelldient ainfi dans les genres
épais , trois des huit Ions Ihibles de leur
lyilême ou diagramme , Icfquels ne tou-
clioient d'aucun coté les intervalles ièrrés ;
l'avoir la prollanhanomene, lanete fynné-
menon , & la nete hyperboléon. Ils ap-
pelloient aufli dpycnos , ou non-épais , le
genre diatonique , parce que dans les tétra-
cordes de ce genre , la fommc de deux
premiers intervalles étoit plus grande que
le troifieme. roj^^ ÉPAIS, GENRE, SON,
TÉTRACORDE. (S)
APYRE ( Chym.) Ce nom^eft employé
pour défigner la propriété qu'ont certains
corps de relilW à la plus grande aâion du feu,
fîins en recevoir d'altération fenlible. On doit
diflingucrles corps apyres d'avec ceux qu'on
nomme réfraclaires ; car il fuffit , pour qu'on
puiflè qualifier une fubftance de réfraftaire ,
qu'elle rcfifte à la violence du feu fans (è fon-
dre , quoiqu'elle éprouve d'ailleurs des alté-
rations confidérables : au lieu que le corps
véritablement apyre ne doit éprouver , de la
part du feu , ni fufion , ni aucun autre
changement. Il luit de-là que toute fubf-
rance apyre efl réfraôaire , mais que toute
fubftance réfraôairc n'efl point apyre. Les
pierres calcaires bien pures , par exemple ,
font réfraâaires , parce qu'elles ne fe fon-
dent jamais feules : mais elles ne font point
apyres , parce que l'adion du feu les fait
confîdérablement diminuer de poids , dé-
truit l'adhérence de leurs parties intégran-
tes , & change toutes leurs propriétés eiren-
ticUes , en leur donnant les caraderes de
la chaux vive : au contraire , le diamant
bien net & bien pur eft une fubftance dpyre ,
parce que l'aâion du feu le plus fort eft
incapable , non feulement de le fondre ,
mais même de lui caufer aucune altération
lenlible , en forte qu'un diamant qui a été
expolé pendant très-long temps au feu le
plus fort, fe trouve après cela tel qu'il
étoit auparavant.
Peut-être, au reftc , n'y a-t-il aucun
corps dans la nature qui foit efîéntiellc-
ment & rigoureulement apyre : & cela efi
vraifemblable ; mais il iuffit qu'il s'en
--fxouve qui le foient relativement au degré
A Q^U 99
du feu que l'art peut produire , pour
qu'on (oit en droit de leur donner cette
qualification. ( "f )
APYREPXIE, f. f.d'« privatif, & de
Tupij/a , fièvre , ablence de fièvre ; c'cft ,
en médecine , cet intervalle de temps qui fe
Trouve entre deux accès de fièvre intermit-
tente , ou c'cfl la- ceffation entière de la
fièvre. Koye^ FlEV RE. (A^
AQ.U
* AQUA , province d'Afrique , fur la
côte d'or de Guinée.
* AQUA-DOLCE ou GLECINIRO ,
(Ge'og. anc. & mod.) rivière de Thrace , qui
ié jette dans la Propontide , vers Selivrée.
AQUA-NEGRA , petite place d'Italie
dans le mantouan , fur la Chiefe , un peu
au delà de la jonûion de cette rivière avec
l'Oglin,27, 55 , 45. lo-
AQUA-PENDENTE , voye^ AcQUA-
PENDENTE.
* AQUA-SPARTA , petite ville d'Ita.
lie , dans la province d'Umbrie , fur un
mont , entre Àmelia & Spolette.
*Aq Uy€-CALID^, {Ge'og. a;zc.)vilie
ainfi nommée de fes bains chauds. C'ell la
même qu'on appelle aujourd'hui Baih ,
dans le comté de Sommerfet en Angleterre :
Antonin l'appelle aufll Aquœ folis.
AQUARLENS , (r/i^W.)"efpece d'héré-
tiques qui parurent dans le III^. fieclc ; ils
fubfiituoient l'eau au vin dans le facrement
de l'euchariftie. Voye\ EUCHARISTIE.
On dit que la pcriecution qu'on exer-
çoit alors avec fureur contre le chnllianif-
me , donna lieu à cette héréfie. Les chré-
tiens , obligés de célébrer pendant la nuit
la fcene eucharlflique , jugèrent à propos
de n'y employer que de l'eau , dans la crainte
que l'odeur du vin ne les décelât aux païens.
i'3ans la luite , ils pouflerent les choies plus
loin ; ils bannirent le vin de ce iacrement ,
lors même qu'ils pouvoient en faire uiage
en fureté. S. Epiphane dit que ces héréti-
ques étoient feétateurs de Tatien , & qu'on
leur donna le nom d'Aquariens , parce qu'ils
s'ab flenoient abfolument de vin , julque-là
:r,ême qu'ils n'en uloient pas dans le fa»
crementdel'eucharinie. ï^(_yf7^ AbsTEME,
AbSTI>'ENCE. ( G)
N 2.
loo A Q U
AQUARJUS , eft le nom latin du
Verfeau. Voyei Vef.sEAU. ( O)
* AQUATACCIO , ou AQUA D'A-
C lO, on RIOD'APPIO , {Géog. anc. &
jnod. ) petite rivière dans la campagne de
Rome en Italie , qui fe jette dans le Tibre à
un mille de Rome. On ne connoît cette
rivière , que parce qu'autrefois on y lavoit
les chofes facrifiées à Cybele.
AQUATIQUE , adj. fe dit des animaux
& des végétaux qui fe plaifent dans l'eau ,
tels que l'aulne , l'ofier , les faules , le peu-
plier , le marfaut & autres. ( iC )
AQUATULCO,f'q)'^,'AGUATULCO.
AQUE ou ACQUS ,U.{ marine. ) c'cf]
une efpece de bâtiment qui amené des vins
du Rhin en Hollande : il eft plat par le
fond, large par le bas, haut de bords, &
le retrcciflant par le haut ; fcin étrave eit
lar^e de même que fon étambord. ( ^ )
AQUEDUC , f. m. bâtiment de pierre ,
fait dans un terrain inégal , pour conferver
le niveau de l'eau , & la conduire d'un lieu
dans un autre. Ce mot efl formé d'agud,
eau , & de duclus , conduit.
On en diflingue de deux fortes , d'ap-
parens & de louterrains. Les apparens font
conflruits à travers les vallées & les fon-
drières , & compofés de tremeaux & d'ar-
cades ; tels font ceux d'Arcueil , de Marly
& de Bucq près Verfailles. Lesfoucerrains
font perfeés à travers les montagnes , con-
duits au deffous de la fuperficie de la terre ,
bâtis de pierres de taille & de moilons , &
couverts en defiùs de voûtes & de pierres
plates , qu'on appelle dalles : ces dalles
nettent l'eau à l'abri du foleil ; tels font
ceux de Roqucncourt , de Belleville , &
du Pré S. Ger\Tiis.
On diilrjbue encore les aqueducs en
doubles ou triples, c'eft-à-dire portés fur
deux ou trois rangs d'arcades: tel efl celui
du Pont-du-Gard en Languedoc , & celui
qui fournit de l'eau à Conflantinople;^aux-
quels on peut ajouter Vaqueduc que Pro-
cope dit avoir été conftruit par Cofroës ,
Roi de Perle , pour la ville de Petra , en
Mirgrclie ; il avoit trois conduits fur une
même i'gnc , le* uns élevés au defllis des
autres.
Souvent les aqueducs (onx pavés; quel-
A Q^U
cjuefois l'eau roule fur un lit de ciment
tait avec art , ou fur un lit naturel de glaife :
ordinairement elle pafle dans des cuvettes
de j lomb , ou des auges de pierre de taille ,
auxquelles on donne une pente impercep-
tible pour faciliter ion mouvement; aux
côtés de ces cuvettes font ménagés deux
petits channers où l'on peut marcher au
befoin. Les aqueducs , les pierriers , les
tranchées , £v. amènent les eaux dans un
réfcrvoir ; mais ne les élèvent point. Pour
devenir jaillifTantes , il faut qu'elles loient
rclTèrrées dans des tuyaux, {k)
* Les aqueducs de toutes eipeces éroient
jadis une des merveilles de Rome : la grande
quantité qu'il y en avoit ; les frais immen-
fes employés à faire venir des eaux d'en-
droits éloignés de trente, quarante , foixan-
te , & même cent milles lùr des arcades ,
ou continuées ou (uppléées par d'autres
travaux , comm.e des montagnes coupées ,
& des roches percées : tout cela doit fur-
prendre : on n'entreprend rien de fembla-
ble aujourd'hui ; on n'oferoi: même penlèr
i\ acheter fi chèrement la commodité publi-
que. On voit encore en divers endroits de
la campagne de Rome de grands relies de
ces aqueducs , des arcs continués dans un
long eipace , au deiïus defquels étoient les
canaux qui portoient l'eau à la ville : ces
arcs font quelquefois bas , quelquefois
d'une grande hauteur , félon les inégalités
du terrain. Il y en a à deux arcades Tune
fur l'autre ; & cela de crainte que la trop
grande hauteur d'une feule arcade ne
rendît la fhudure moins folide : ils font
communément de briques {î bien cimen-
tées , qu'on a peine à en détacher des
morceaux. Quand l'élévation du terrain
étoit énorme , on recouroit aux aqueducs
foutcrrains ; ces aqueducs portoient les eaux
à ceux qu'on avoit élevés l'ur terre , dans
les fonds &: les pentev des montagnes. Si
l'eau ne pouvoit avoir de la pente qu'en
paiTiint au travers d'une roche , on la per-
çoit A la hauteur de l'aqueduc fupérieur :
on en voit un iemblable au delfus de
Tivoli , & au lieu nommé Vicvraro. Le
canal qui formoit la iuite de {'aqueduc , g\\
ccupé dans la roche vive i'cipace de plus
d'un mille , fur environ cinq pies de haut
& quatre de iagc.
A QU
Une cliore digne de remarque , c'eft
que ces aqueducs qu'on pouvoir conduire
en droite ligne à la ville , n'y parve-
noicnt que par des finucfités fréquentes.
Les uns ont dit qu'on avoit iuivi ces
obliquités , pour éviter les frais d'arca-
des d\uic hauteur extraordinaire : d'au-
tres qu'on s'étoit propolc de rompre la
trop grande impétuofité de l'eau qui ,
coul.uit en ligne droite par un efpace im-
menlc , auroit (ouiours augmenté de vî-
teflè , endommagé les canaux , & donné
une boillbn peu nette & mal-fiiine. Mais
on demande pourquoi , y ayant une fi
grande pente de la cafcade de Tivoli à
Rome , on ert allé prendre l'eau de la
même rivière à vingt milles &; davantage
plus haut; que dis-jc vingt milles, à plu^
de trente, en y comptant les détours d'un
pays plein de montagnes. On répond que
la raifon d'avoir des eaux meilleures & plus
pures luffiloit aux Romains pour croire
leurs travaux nécefiaires &; leurs dépenies
jufliiîées; &; il l'on conhdere d'ailleurs
que l'eau du Teveron eft chargée de par-
ties minérales , & n'efl pas faine , on fera
content de cette réponfe.
Si l'on jette les }cux fur la planche 12-8
àuIV^ volume des Antiquités an?. Mont-
faucon , on verra avec quels foins ces im-
menfcs ouvrages étoicnt conflruits. On y
laidoit d'efp.ice en efpace des loupiraux ;
afin que fi l'eau venoit à être arrêtée par
quelque accident , elle pût fe dégorger juf-
qu'à ce qu'on eût dégage fon palfage. Il
y avoit encore dans le canal même de
V aqueduc , des puits où Feau fe tenoit , fe
repoloit & déchargeoit ion liinon , & des
pifcines où elle s'étendoit & ib pui-ifîoit.
Uaqucduc de ÏAqua-Marcia a l'arc de
feize pies d'ouverture : le tout efi compofé
de trois différentes fortes de pierres ; l'une
rougeatre , l'autre brune , & l'autre de
couleur de terre. On voit en haut deux
canaux , dont le plus élevé étoit de l'eau
nouvelle du Téveron , & celui de deflttus
étoit de l'eau appellée Claudienne ; l'édiiîce
entier a foixante &: dix pies romains de
hauteur.
A coté de cet aqueduc , on a dans le P.
Montfaucon la coupe d'un autre à trois
canaux ; le fupérieur efi d'eau Juliu , celui
A Q, U ror
du milieu d'eau Tepula , & l'inférieur
d'eau Marcia.
L'arc de V aqueduc d'eau Claudienne cfl
de très-belle pierre de taille ; celui de l'a-
queduc d'eau Ne'ronniere efl de brique ; ils
ont l'un & l'autre foixante - douze pies
romains de hauteur.
Le canal de Vajufduc qu'on appelloif
Aqud-Appia mérite bien que nous en laf-
fions mention par une fingularité qu'on y
remarque ; c'eil de n'être pas uni comme
les autres , d'aller comme pnr degrés , en
iorre qu'il eil beaucoup plus étroit en-bas
qu'en-haut.
Le coniul Frontin ,qui avoit la dircflion
des aqueducs fous l'empereur Nerva , parle
Ac ncwî aqueducs c[m avoicnt 15594- tuyaux
d'un pouce de diamètre. Vigerus obicrve
que dans l'efpace de 24 heures , Rome
recevoir 500000 muids d'eau.
Nous pourrions encore faire mention de
Vaqucduc deDrufus & de celui de Rimini:
mais nous nous contenterons" d'obierver ici
qu'Auguile fit réparer tous les Oiqueducs ;
& nous pafîèrons enfuite à d'autres mo-
numens dans le même genre, & plusimpor-
rans encore , de la magnificence romaine.
Un de ces monumens eil Vaquedac de
Metz , dont il reile encore aujourd'hui un
grand nombre d'arcades ; ces arcades tra-
verfoicnt la Mofelle , rivière grande &
large en cet endroit. Les iources abondan-
tes de Gorze fourniffoient l'eau à la Nau-
machie ; ces eaux s'allernbloient dans un
réi'ervoir ; de là elles étoient conduites par
des canaux fo\i terrains faits de pierre de
taille , & fi ipacieux qu'un homme y
pouvoir marcher droit : elles paiî'oient la
Moielle fur ces hautes & fuperbes arcades
qu'on voit encore à deux lieues de Metz ,
fi bien maçonnées & fi bien cimentées ,
qu'excepté la partie du milieu , que les
glaces ont emportée , elles ont réfirté &
réfiftent aux injures les plus violentes des
faifons. De ces arcades, à^ autres aqueducs
conduifoient les e-aux aux bains &: au Heu
de la Naumachie.
Si l'on en croit Colmenarès , V aqueduc
de Ségovie peut être comparé aux plus
beaux ouvrages de l'antiquité. Il en refle
cent .cinquante-neuf arcades , toutes de
grandes pierres iaas ciment. Ces arcades
"loi A Q^U
avec le rcfte de l'cdifice ont cent deux pics
de haut; il y a deux rangs d'arcades l'un
lijr l'autre ; Vaque Juc traverfe la ville &
pafle pardertus la plus grande partie des
mailbns qui (ont dans le fond.
Après ces énormes édifices , on peut
parler de Vaqueduc que Louis XIV a
fait bâtir proche Maintenon , pour porter
les eaux de la rivière de Bucq à Vtrfailles ;
c'elî peut-être le plus grand aqueduc qui
Ibit à prélent dans l'univers ; il eit de 7000
brades de long fur 1560 de haut, & a 242
arcades.
Les cloaques de Rome , ou (hs aqueducs
fouterrains , étoient auflî comptés parmi
fes merveilles ; ils s'étendoient fous toute
la ville, & fe fubdivifoient en plufieurs
branches qui fe déchargeoient dans la
rivière : c'étoient de grandes & hautes voû-
tes bâties folidement , fous leiquelles on
alloit en bateau ; ce qui failoit dire à Pline
que la ville étoit fufpendue en l'air , &
qu'on navigeoit fous les maifons ; c'ell ce
qu'il appelle le plus grand ouvrage^ qu'on
au jamais entrepris. Il y avoit lous ces
voûtes des endroits où des charrettes char-
gées de foin pouvoient pafîér ; ces voûtes
foutenoient le pavé des rues. Il y avoit
d'efpace en efpace des trous où les immon-
dices de la ville étoient précipitées dans les
cloaques. La quantité incroyable d'eau que
les aqueducs apportoient à Rome y étoit
auffi déchargée. On y avoit encore dé-
tourné des ruifl'eaux , d'où il arrivoif que
la ville étoit toujours nette , & que les or-
dures ne féjournoient point dans les cloa-
ques , & étoient promptement rejetées
dans la rivière.
Ces édifices font capables de frapper de
l'admiration la plus forte : mais ce feroit
avoir la vue bien courte que de ne pas la
porter au delà , & de n'être pas tenté de
remonter aux caufes de la grandeur & de la
décadence du peuple qui les a confh-uits.
Cela n'efl point de notre objet. Mais le
leéfeur peut confulter là-de(Tus les Conjrde-
rations de M. le prélident de Montelquieu ,
& celles de M. l'abbé de Mably , il verra
dans ces ouvrages , que les édifices ont tou-
jours été & feront toujours comme les hom-
mes , excepté peut-être à Sparte , où l'on
frouvoit de grands hommes dans des mai-
A QU
fons petites & chétives : mais cet exemple
efl trop fingulier pour tirer à conféquence.
Aqueduc , f. m. Ie3 Anatomifles s'en
fervent pour défigner certains conduits
qu'ils ont trouvé avoir du rapport avec les
aqueducs.
Vaqueduc de Fallope efl un trou fituc
entre les apophyfes flyloïde & maitoïde ,
on a aufll nommé ce xron ftyla-majhïdien.
Vnyei StYLOïDE & MaSTOïDE.
'L'aqueduc de Sylvius efl un petit canal
du cerveau dont l'anus efl l'orifice poflc-
rieur ; & la fente qui va à l'infundibulum ,
efl l'intérieur. V. CERVEAU , AnuS , &
iNFUNDlIiULUM.
AQUERECY, aquerecy , haut, il *
paj/e' ici , terme dont on fe fert à la chaflè
du lièvre , lorfqu'il efl à quelque belle pafTée.
AQUEUX ,aquof us , adj. qui participe
ou qui efl de la nature de l'eau , ou bien
ce en quoi l'eau abonde ou domine. P'oye\
Eau.
Ainfi l'on dit que le lait confifle en par-
ties aqueufes ou léreufes , & en parties
buryreufes. T-^oye\ LaiT.
C'efl par la diflillation que les Chymifles
féparent la partie aqueufe ou le phlegme
de tous les corps. Voye:{ PhleGME.
Conduits ou canaux AQUEUX. f-'oye\
l'article LYMPHATIQUE.
Humeur AQUEUSE ; c'efl la première
ou l'antérieure des trois humeurs de l'ceil.
royei Humeur & (Eil.
Elle occupe la chambre antérieure & la
poflérieure ; elle laifTe par l'évaporation iin
iel lixiviel , & au goût elle eil un peu la-
lée ; elle s'évapore promptement , & tou-
jours après la mort. Il efl très - confiant
qu'elle fe régénère, & qu'il y a par conlé-
quent quelque fource d'où elle coule fans
celfe. Èfl-ce dans les vaifleaux lècréteurs
qu'Hovius croit avoir vus à l'extrémité de
l'uvée , ainfi que la Charriere ? Albinus a
vu fes injedions transfuder par les extré-
mités des vailfeaux de l'iris ; mais on n'eil
pas décidé à le croire , & l'analogie des
liqueurs exhalantes qui viennent toutes des
artères , periuade autre chofe.
L'humeur aqueufe efl repompée par des
veines abforbantes ; autrement , comme
elle abonde fans celle par les artères , elle
s'accumulcroit , & l'ccil deviendroit hy-
A Q.U
dropîqiie , d'ailleurs , on Cm pnr evpérience
que le iang épanché dans l'humeur aqiteufe
a été rei)ompé ; elle circule donc. Mais ,
encore une fois , quels en (ont les conduits ?
Nuck croit avoir découvert ces conduits.
R'j^ich en parle dans deux endroits. San-
torini , dans un aveugle , a quelquefois vu
des canaux pleins d'une liqueur rougtâtre.
Hovius a cru découvrir de nouvelles (our-
ces ; mais il les regarde comme artérielles ,
& il a nié quelles hiflcnt des conduits par-
ticuliers. Mais comment d'une artère vifi-
ble , dans un canal également fenfible à
l'tcil , une autre liqueur que le fang pour-
roit-elle padèr ? Il n'y a aucun exemple
de ce fiiit dans le corps humain , qui em-
pêche le fang même d'entrer dans un vaif-
leau d'un auHl grand diamètre. En voilà
afîcz pour détruire ces fources particuliè-
res de l'humeur aqueufe. Haller , Comment.
Boerh. (Z)
Aqueu X. Les remèdes aqueux font tous
ceux où l'eau domine ; tels font les plan-
tes fraîches & nouvelles & entr'elles , tou-
tes celles qui (e réfolvent aifément en eau ,
f()it par la diiiillation , ioit par la coâion ,
foit par la macération. Les laitues , les lai-
trons , les patiences , les oleilles , les poirées ,
les chicorées & autres , font fur-tout dans
cette clalîe : le pourpier , le cotylédon , le
fèdum , en (ont aufîi.
Entre les légumes ; font les poids verds ,
les haricots nouveaux , les alperges , toutes
les herbes potagères.
Entre les fruits font les railîns , les poi-
res , les pommes douces ; les cerilés dou-
ces , les prunes , les abricots , les pêches ,
& autres.
Les alimens aqueux tirés du règne végé-
tal & animal , conviennent à ceux qui ont
les humeurs acres , les fibres trop roides ,
& les fluides ou le fang adufle ; ainfi dans
l'été on doit ordonner aux malades beau-
coup d'aqueux & de délayans , pour cal-
mer les douleurs que produifent l'ébuUition
& l'efFervefcence des humeurs. { N)
*AQ\Jl & AQUITA , ville & province
du Japon , dans la contrée nommée Ni-
phon. La province A'Aquita efl aux envi-
rons de ChançLique , vers le détroit de
Sangaar.
*AQUIGIRES , f. m. pi. iWfi. & Geog.)
AQU loî
l")ciîplc3 de l'Amérique méridionale , dars
le liréld , vers la prétcflure du Saint-Elprit.
AQUILA, ( Geog. mod. ) ville d'Italie au
royaume de Naples , dans l'Abnizze ulté-
rieure , fur le Pelcara. Long. "^ z , lO , lac.
^'^*ÂQuiLEGES, f m. pi. (////?. anc.)
c'efl le nom que les Romains donnèrent
fous Aiigude à ceux qui étoient chargés
du foin d'entretenir les tuyaux &; les con-
duits des eaux.
^ * AQUILEE , {Geog. anc. ù mod.) ville
d'Italie dans le Frioul , jadis conlldérable.
Long, ji , ^3, la:. 4/;, $$.
AQUILIENNE (Loi) , lex Aquilia ,
{Juii [prudence criminelle.) c'étoit une loi
pénale qui avoir deux objets. Le premier
d'affurer la punition & la réparation du
dommage que l'on avoit caufé à un parti-
culier , foit en bleflant, (oit en ruant, foit
en lui enlevant (es efclaves ou fbn bétail ;
le fécond d'afllirer de même la réparation
& la punition du tort que pouvoit avoir
occalioné à un citoyen le fait de l'efclave
ou du bétail appnrtcnanr à un autre. Elle
fut dénommée Aqutlienne ) paUkC qu'elle
obtint la fandion du peuple Romain fur
la propofition qu'en fit L. Aquilius , Tun
de (es tribuns , qui remplifloit cette charge
en l'année 572 de la fondation de RoiTie.
V. Pighius, tome II de les Annales Romai-
nes; Terrafibn , Hijioire de la Jurifprudence
Romaine y &c.
Sur le premier chef, la loi ne pronon-
çoit que des dédommagemens. A l'égard
du fécond , elle vouloir , qu'outre le dé-
dommagement , on livrât à l'ofFenfc l'ef-
clave ou l'animal qui avoit caufé le
dommage.
Parmi nous & chez tous les peuples de
l'Europe , cette loi Aquilienne ne produit
plus qu'une adion civile en dommages &
intérêts.
Qu'on nous permette de confidércr ici
rapidement , quelle eft la manière dont la
juilice a cru devoir procéder dans les diflé-
rens temps , contre les animaux qui avoient
caufé quelque dommage. C'efl une chofe
digne d'être obfervée par le philofophe ,
& de tenir fa place dans l'hidoire de l'ef^
prit humain.
Le chapitre XXI du Le'i-'i tique , veut que
104 AQ_U
tout animal qui aura tué un homme foit la-
pidé & mis ;i mort.
En Crere, Minos avoit ordonne que , fi
un pourceau faifolt quelque Aégat dans un
champ de blé , on lui arrachât toutes les
dents.
Solon , le fngc Solon , lur la plainte d'un
particulier qui avoit été mordu par un chien ,
fit charger l'animal de chaînes , & le fit li-
vrer en cet état àrolFenfé.
Démocrite , quoique philofophe , vou-
loit qu'on punît de mort tout animal qui
aurolt fait un tort quelconque.
Les loix de Dracon alloient plus loin que
les premières loix. Non feulement elles
dévouoient A la peine & au trépas , les
animaux dont la griffe ou la dent avoient tué
ou blefîe un particulier, elles envoyoient
encore au fupplice les êtres' même inani-
més & infenfibles qui avoient occafioné de
femblables accidens. Meurfius , dans fon
excellent abrège Jes loix Athéniennes , Uv.
I, chap. ij y cite plufieurs exemples de
condamnations prononcées contre des ar-
bres , àts pierres , des ftatues , dont la chute
avoit écraié ou blefle des citoyens. L'exécu-
tion le faifoit avec appareil. Paulanias parle
d'une ftatue qui fut précipitée juridiquement
dans la mer , pour être tombée de fon
piédeflal fur un particulier , qui en avoit été
bleflë.
Nos pères adoptèrent , à leur tour , cette
jurifprudence du prytanée. Il feroit facile
d'en rapporter beaucoup de preuves &
beaucoup d'exemples. Nous nous borne-
rons à en citer deux. Guipape , jurifcon-
fulte inllruit , conleiller , & enfiilte préfi-
dent au confcil fouverain de Dauphiné ,
lequel a écrit vers l'année 1440 , fe fait
à lui-même cette demande , quxfl. 238. Si
un animal commet un délit , comme font
quelquefois les pourceaux qui mangent des
enfans , faut-il le punir de mort? Il n'héfire
pas à répondre affirmativement , & à dire
qu'on le jugeroit de la iorte en Dauphiné ,
fi le cas s'y prél'entoit. Il confirme fon opi-
nion par un lait dont il avoit été témoin ; il
allîire que traverlant la Bourgogne , pour
le rendre à Chalons-fur-Marnc , où étoit alors
le roi , il vit un pourceau fuipendu aux
fourches patibulaires , pour avoir tué un
enlant.
AQU
Dans les archives du Collège de Befan-
çon , exille un tirre qui prouve que la juriP-
prudence des Comtois ctoit la même que
celle des Dauphinois & des Bourguignons.
C'cll une fentence que rendit fur un con-
lijt de juril'didion , GitilUume le bâtard
de Poiciers , cheualier , bailli du comté
de Bourgogne. Il ordonne qu'un pourceau
atteint & convaincu d'avoir tué & meurtri
un enfant , fera conduit juiqu'en un tel
endroit par les officiers de l'abbefTe de
Eeaume , &: que là , il fera remis au prévôt
de Montbafon , pour exécuter ledit porc aux
fourches dudit lieu , &c.
Ces loix étoient fondées fur la néceffité
de veiller à la conlervaiion des hommes.
On vouloit engager les maîtres à veiller lur
les bêres qui pouvoient nuire , & on les ren-
doit refponiables du dégât. Leur négligence
étoit punie par la perte d'un animal utile.
C'étoit le maître qui étoit puni plutôt que
l'animal ; mais comme les inftiturions les
plus fenfées s'altèrent aifément , on s'imagina
peu-à-peu que la punition tomboit fur l'ani-
mal plutôt que fur le maître : on transforma
leur mort en un l'upplice proprement dit ; &
ce fut le comble du ridicule , lorfqu'on
voulut traiter l'animal malfaiteur comme
l'homme coupable. {AA.)
'* AQUILIES ou AQUIlICINIAy
(àcrifices que les Romains faifoient à Jupiter
dans le temps de b féchereffe , pour en obte-
nir de la pluie.
Les prêtres qui les offroient s'appelloient
aquiliciens , parce qu'ils attiroient l'eau ,
aquam eliciebant. Il faut voir comment
Tcrtulien charge de ridicule toutes ces fu-
perflitions , dans fon Apologétique.
AQUILON , f. m. eft pris par Vitruve
pour le vent du nord-ell , ou pour ce vent
qui fouffle à 4'> degrés du nord , entre le
nord & l'efK F'.VeNT, NoRD & PoiNT.
Les Poètes donnent le nom (ïaçuilon X
tous les vents orageux que les nautonniers
redoutent. ( O)
* AQUILONDA , ( Géog. mod. ) grand
lac d'Alrique en Ethiopie , aux pies des
montagnes du Soleil , fur les confins du
Congo & d'Angola.
AQUILONIE , ( Géo^.) ancienne ville
d'Italie , fur le fleuve Auiide , dans le terri-
toire des Hirpins , aux confins de l'Apulie.
Oi»
On croît que c'eft aujourd'hui Calongiia ,
petite ville cpifcopale tle la province ulté-
rieure , au royaume <ic Naples. {C. A.)
AQUIMINARIUM ou AMULA ,
{HijL.anc. ) vaifleau rempli d'eau luflrale ;
il ,étoit placé à l'entrée des temples , & le
peuple s'arrofoit de cette eau bénite.
* AQUINO , ( Geog. anc. & mod. ) ville
d'Italie au roj-aume de Naples , dans la terre
de Labour. Long. 31 , 13 ; Ut. 41 , 31.
,* AQUITAINE, f. i.{Géog. & Hifl.
anc. Ù mod. ) une des trois parties de l'an-
cienne Gaule. Céfar dit qu'elle étoit léparée
au nord de la Gaule celtique, par la Ga-
ronne. Il y a fur fes autres bornes des con-
tefbtions entre les favans ; on en peut voir
le détail dans le Dictionnaire de Morcri.
Selon le parti qu'on prendra , V Aquitaine
fera plus ou moins reflèrrée. Lorlquc Celar
divifa les Gaules en quatre grands gou-
vernemens , il fit entrer dans VAquuaine
les Bourdelois , les Angoumois , les Au-
vergnats , ceux du Vêlai , du Gévaudan ,
du Rouergue , du Quercy , les Agénois ,
les Berru}ers , les Limofins , les Périgor-
dins , les Poitevins , les Saintongeois , les
Elviens ou ceux du Vivarais , à la place del-
quels un empereur , qu'on ioupçonne être
Galba , mit ceuxd'Albi. Sous Julien , V Aqui-
taine étoit partagée en deux provinces ; ces
deux provinces s'appellerent fous Valenti-
nJen -, première ^féconde Aquitaine , dont
Bordeaux fut la métropole. Dans la fuite
on voit Bourges métropole de la première
Aquitaine , compofée de fept autres cités ;
favoir , celles d'Auvergne , de Rhodes ,
d'Albi , de Cahors , de Limoges , de la cité
de Gévaudan & de celle de Vêlai ; & Bor-
deaux métropole de la leconde Aquitaine ,
& fous elle Agen, Angoulême , Saintes,
Poitiers & Périgueux. Cette contrée fut ap-
i;>ç\\éç Aquitaine , de l'abondance de les eaux;
on l'appelloit anciennement Armorique , de
armor , qui en langue gauloife fignifioit
pays maritime. Il faut ajouter à la première
& féconde Aquitaine , la Novempopulanie ,
compoiée des douze cités iuivantes ; Eaule
métropole , Acqs , Leitoure , Cominges ,
Conferans ; la cité des Boiates ou de Bufch ,
celle de Béarn , Aire , Bazas , Tarbes , Olé-
ron& Aufch; & ces trois provinces formè-
rent l'Aquitaine , qiii , après avoir éprouvé
Tome III.
ARA 105-
plufieufs révolutions , fut érigée en royau-
me en 778 par Charlemagne , & fuppri-
mé par Charles-le-Chauve , qui y mit des
ducs.
L'Aquitaine , qu'on peut appcUer moc/fr-
ne , d\ renfermée entre la Loire, l'Océan
& les P>renécs. Il y en a qui ne compren-
nent fous ce nom que la Guienne & la
Gafcognc. D'autres divifent l'Aquitaine en
trois parties ; la première comprend le Berry
& le Bourbonnois , la haute & balle Auver-
gne , le Vêlai & le Gévaudan , le Rouer-
gue & l'Albigeois , le Querci , le haut &
bas Limofm , la haute & bafle Marche ;
la féconde , le Bourdelois , le Médoc , la
Saintonge , l'Aunis , l'Angoumois , le Pé-
rigord , l'Agénois & le Condomois ; la troi-
fieme , l'Armagnac & le Bigorre, Comin-
ges , Conicrans , le Béarn , la baffe Na-
varre , les Balques , les Landes , le Baza-
dois , & la petite Gafcogne.
*AQUITECTEURS, f m. pi. ( Hifi.
anc. ) nom que les Romains donnèrent à
ceux qui étoient chargés de l'entretien des
aqueducs & de tous les bâtimens deflinés
ou à dillribuer les eaux dans la ville , ou à
en expulfer les immondices.
AR
* AR , ( Gebgr. anc. & facr. ) ville des
Moabites. Voye-{ Aroer.
ARA , elt le nom latin de la conflella-
tion appellée autel. Vove?^ AuTEL. (O)
*ARA ou HAR A , {Ge'og. anc&fainte.)
ville d'Affyrie où les tribus qui éttncnt au
delà du Jourdain , lavoir de Ruben , de
Gad , & la moitié de celle de Manailès ,
furent menées en captivité par les rois Phul
& Theglathphalafar. S. Jérôme croit que
cette ville cfl la même que Rages ^ dont il
ell parlé dans Tobie , ch. f.
* Ara ( Cap. d') , Géog. anc. & mod.
autrefois Neptunium promontoriiim , efl le
cap le plus méridional de l'Arabie heureule ;
il forme avec la cote d'Ajan en Afrique , le
détroit de Babelmandel.
AR AB , ( Gc'ogr. ) petite ville d'Afie dans
l'Arabie déferte , au pays de Naliid ou
Nedfched. C'efl une des plus anciennes
de cette contrée, & peut-être de l'Afic.
(C.^.)
jo^ ARA
* ARAB , ( Geog. anc. Ù fduite. ) ville
de la tribu de Juda.
* AR ABA , ( Geog. anc. & mod. ) ville de
Perfe , dans le Sigillan , entre la ville de ce
nom & le Candahar. Un penle coramuné-
ment que c'elt l'ancienne ville d'Arialpe ,
capitale de la Drangiane , à moins que ce
ne l'oit Gobinam , ville de la même pro-
vince , au midi de celle de Sigillan.
ARABAN , ( Geog.) petite ville d'Afie ,
fur le fleuve Khabur , dans le Diarbekir ,
ïiu gouvernement Turc d'Urhi ou Raca.
C'eil une de ces villes où les peuples vaga-
bonds de ces contrées , tels que les Kiur-
des, les Turcomans & les Arabes féjour-
nent tour-à-tour , & qu'ils abandonnent
tous les ans pour aller arrêter les carava-
nes , ou vendre leurs fervices au premier
bâcha qui veut les prendre à la lolde.
( C. A?}
AR \BAT , ( Ge'ogr. ) petite ville mari-
time d'Europe , dans la Tartarie-Crimee ,
fur la partie orientale , au lud de Bacha-
Serai. Elle fut emportée d'alVaut en 1771 ,
par les Rulfes , lous la conduite du prince
TfchibalotF. La plupart des troupes qui la
défendoient turent paflées au fil de l'épee ,
& le reite tut prilonnier de guerre. Cette
ville , ainfi que toute la Crimée , cû fou-
mife maintenant à l'impératrice de Ruille.
long. î4;Zjt.45.(C.y4. )
ARABE , ad). On appelle arabe & ara-
bique tout ce qui a rapport à l'Arabie ou
aux Arabes ; arabique langue ou langue
arabe , c'ell un dialede de l'hébreu.
Le P. Ange de S. Jofeph exalte beaucoup
la richeflè & l'abondance de Carabe. Il
afllire qu'il y a dans cette langue plus de
mille mots qui fignifienr une èpée y cinq
cents qui lignifient un lion , deux cents pour
dire un ferpent , &c huit qui ligniÊent du
miel.
Caraclires arabes ou figures arabiques ,
ce lont les clntïres dont on le (ert ordinai-
rement dans les calculs d'arithmétique.
Voyei Figure , Nombre. Les carac-
tères arabes lont ditférens de ceux des
Romains. Voye^ CARACTERE.
On croit communément que les Sarra-
fins nous ont donné les caraderes arabes ,
qu'ils avoicnt appris eux-mêmes des Indiens-
iJc^-.Iigcr étoir li pcriuadé de leur nouveauté,
ARA
qu'U aflûra qu'un médaillon d'afg«tt» C\tt
lequel il fut confulré , étoit rpoderne > parce-
que les caraderes 134 & 235, étoienx gravé»
defllis.
On croit que Planude , qui vivoît lùr
la lîn du treizième liecle , a été le premier
d'entre les chrétiens qui ait fait uiage de
ces chiffres. Le P. Mabillon afTure dans fora
traité de Re diplomadcâ , que L'on ne s'e«
efl pas fervi avant le quatorzième fiecle-
Le dodeur Wallis foutient qu'ils étoient
en ufige long-temps auparavant , du moins-
en Angleterre , & fixe cette époque au temps
d'Hermannus-Contradus,quivivoit environ
l'an 1050. Ces chiffres , félon lui, étoient
d'uiiige , finon dans les comptes ordinaires ^
du moins dans les mathématiques , & lur-
tout pour les tables aftronoraiques. Voye\
ïvallis y algeb. ch. if.
Pour prouver l'antiquité des chiffres
arabes , le même auteur le fonde fur une
infcription en bas relief qui étoit fur un
nianteau de cheminée de la maiion pres-
b> lerale de Hélindon , dans la province de-
Northampton , où on lifoit ces caraÛeres ,,
n°. 133 , avec la date de l'année ii33'
Tranfacl. Philofop. n°. 174.
M. Tuffkin fournit une preuve plus (Cire
de l'antiquité de Tufage de ces chifîres.
C'eft la croifée d'une maifon faite à la
romaine , & fituée dans la place du marcha
de Colchefler , lur laquelle , entre deux lions
cii'elés , eff un écuffon contenant cette mar-
que 1350. Trojifacf. pkiù'fopii. n°. 1^').
M. Huet penie que ces caraderes n'ont
point été empriMirés dc^Ari.U>es , m.tis des
Grecs ; & qu- les chittres arabes ne (ont
autre choie que le> lettres greques que
l'on fait que ces peuples employoient pouf:
nombrer & chitlrer. voye^ NOMBRE.
Oii dit qi.e Ton nourrit les chevaux ara"
bes avec du liic de chameau , & on rap-
porte des choies étonnantes Je ces ani-
maux. Le duc de Neuc;'(lle afliire que le
prix ordinaire d'un cheval arabe , elf de
icoo , 1000 , & jufqu'à 30CO livres ; &
que les Arabes (ont aulll (oigncux de con-
(erver la généalot,ie de leurs chevaux , que
le-; princes (ont curieux de celle ae leurs
familles : les écujers ont foin d'écrire le nom
des pcrcs & mcres de ces animaux , & oa
eu trouve dont ki nobleflè en te genre ve-
ARA
fnnnte Fort haut. On aflurc qu'il y a eu
tels chevaux pour lei'qucls on a trappe des
iTiédailles.
Le bien que les arabes donnent i\ leurs
«nfans , quand ils font arrivés à l'âge d'hom-
me, confdle en deux habits , deux cimeter-
res , & un cheval qui les accompagne tou-
jours. Les chevaux arabes que l'on a amenés
en Angleterre , n'ont jamais rien montré
qui tût extraordinaire. Voye^ ChEVAL.
Année des ARABES, voyei An.
ARABES ( Hifl. des ). Les Arabes , eni-
vrés de la noblelîê de leur antiquité & de
leur defcendance des patriarches , réfervent
toute leur eftimc pour eux-mêmes , & tout
leur mépris pour le relie des nations. Il eft
bien difficile de déchirer le voile qui cou-
vre leur origine , tous les monumcns hil-
loriques font mutilés ou détruits , & l'on
ne peut s'appuyer que fur des traditions
qui ont conlervé quelques vérités & beau-
coup de menfonges. On afTure que l'Arabie,
dans les temps les plus voifms du déluge ,
fut peuplée par trois familles dirtcrentes ;
la poflérité de Cham s'établit fur les bords
<le l'Euphrate & du golfe Arabique. L'in-
térieur de la partie méridionale hit occupé
par les fils de Jochtan , dont l'ainé donna
Ion nom à toute la prefqu'île : les deicen-
(dans furent regardés comme Arabes natu-
rels ; au lieu que la poftérité de Cham ,
& les Ifmaélites qui formèrent des établii-
iemens dans l'Arabie Pétrée quelques-
temps après , furent toujours défignés par
le nom dcMofi-Arahes ou de Mac-Arabes ,
ce qui marquait leur origine étrangère.
La pollérité d'Ifmacl devenue la plus
nombreule , & par conféquent la plus
puiflànte , réunit les forces pour envahir
tout le domaine de l'Arabie, & les deux
autres peuples lurent exterminés par elle :
ce maflacre tut accompagné de beaucoup
de prodiges tans preuves. Quoiqu'on ne
puifîè (e difllmuler les atrocités énormes
de ces fiecles , dont on n'exalte ordinaire-
ment l'innocence que pour mieux taire la
cenlure du nôtre , efl-il à préfumer qu'il y
ait eu une génération allez féroce , pour le
réloudre à exterminer deux peuples dont
elle vouloir envahir les pofTeflions ? C'étoit
dans un temps où la terre manquoit de
cultivateurs &; ù'habitans ; où l'on pouvoit
ARA 107
étendre Ces domaines autant que fcs dcdrs ,
où le fupcrflu gcrmoit à côté du néceifairc;
il etl donc plus naturel de crt»iie que les
trois nations te confondirent , & qu'affu-
jetties par la nature du fol & du climat X
un même genre de vie & aux mêmes ufa-
ges , elles formèrent entr'elles des alliances
qui , par la lucccfllon des temps , firent
difparoître les ditlindions qui défignoienc
la différence de leur origine. Mais cette
façon de concevoir efl trop fimple , & les
Arabes , flattés de defccndre tous d'Abra-
ham , aiment mieux calomnier leurs ancê-
tres , & les repréfenter comme des conqué-
rans barbares , que d'avouer que le fang
ifmaëlite a été altéré par le mélange impur
du fmg étranger; & en efîet toutes les
tribus lé glorifient d'avoir également Abra-
ham pour auteur.
Ce peuple, comme tous ceux de l'orient ,
étoit partagé 'en difîerentes tribus , dont
chacune avoir fon chef , les ufages & les
rits facrés qui lui étoient particuliers : quoi-
que chaque famille formât une efpece d'em-
pire domelHque abfolument indépendant ,
quoiqu'éloignées les unes des autres, fans
relations d'intérêts & d'amitié; elles avoient
confervé certains traits qui failoient recon-
noître que c'étoient autant de rameaux lortis
de la même tige ; toutes avoient le même
amour de l'indépendance ; & libres dans
leurs déferts , elles plaignoient les nations
afîèrvies à des maîtres : cet amour de la
liberté qui ei\ la pafllon des âmes nobles
& généreufes , étoit un fanatifme national
qui , leur faifant mépriier le refle des hom-
mes, les empêchoit de participer au détor-
dre & aux crimes dont le poilon a infedé la
fource des mœurs publiques.
Les Arabes, grands & bien faits, entretien-
nent leur vigueur par des exercices pénibles ,
par une vie aftive qui les endurcit au tra-
vail & aux fatigues. La frugalité qui leur
ett infpirée par la tlérilité du climat , femble
en eux une vertu naturelle : l'eau cû un
breuvage qu'ils préfèrent k toutes les li-
queurs aromatifées qui énervent les forces,
éc qui fufpendent l'exercice de la railon ;
uniquement occupés des moyens de lub-
fiffer & du plaifir de fe reproduire , ils
n'éprouvent jamais les inquiétudes de l'am-
bition , ni les tourmens de l'ennui ; ils ne
04
loS ARA
coiinoifTent point cet cfîiiim de maladies
qui affligent les peuples abrutis par l'intem-
pémncc ; ils n'ont d'autre lit que la moufle &
le gazon , ni d'autre oreiller qu'une pierre,
& jamais leur ibmmeil n'eft troublé par le
tumulte des pallions rebelles. Ce genre de
vie les conduit fans infirmité à une longue
vieillefle ; & quand il taur payer le dernier
tribut impofé à l'humanité , ils femblent
plutôt cefler d'être que de mourir ; ils ont
des vertus & des vices qui tiennent de
l'influence de leur climat : telle ell cette
gravité mélancolique qui les rend infenfi-
Hes à tout ce qui aifede le plus délicieu-
fement les autres hommes. Cette indifférence
dédaigneufe elt une fuite néceflaire de la
foiitude où ils font confinés ; & vivant pour
eux-mêmes , ils font bientôt fans fenfibilité
pour les autres. On les taxe de s'abandon-
ner avec trop de facilité aux fecouflès d'une
tumeur chagrine , qui eft entretenue par
leur tempérament fec & bilieux, & qui
les dépouille de toutes les qualités qui for-
ment l'homme focial ; de-là naît encore cet
orgueil inililtant qui le contemple loi-même ,
& qui craint d'abaifler fes yeux fur les au-
tres. Ces vices , fans être inhérens au ca-
radere , (è contraâent néceflairement dans
la vie folitaire où l'on peut conièrver la
folidité de l'amitié , fans en avoir les de-
hors affeâueux. En général, ce n'efl point
dans le filence des déferts qu'il faut cher-
cher ces hommes compatiflans , pleins d'in-
dulgence pour les toibleflès de leurs iem-
blables , & réfervant toute leur iévérité
pour eux-mêmes : c'efl plutôt dans la re-
traite , que l'amour propre , pour confoler le
îP-ifintrope , va lui exagérer fon mérite &
les impertcifcions des autres. Il eft un re-
proche plus grave qu'on fait aux Araires ,
& dont il efl difficile de les juflificr , c'efl
un fonds de cruauté qui leur fait répandre
fans fruit & fans remords le fang humain.
Leurs propres hilloriens nous ont tranlmis
des atrocités , qui dépofent que ce peuple
féroce fe propoloif moins de conquérir le
monde , que de le détruire ; mais comme
ils ont des vertus qui femblent incompati-
bles avec leurs vices , développons les rel-
forts qui produilent des effets fi oppofés.
Pour juger une nation , il faut partir d'après
Je principe c^ui la fait agir. Un feul prc-
A II A *'
jugé d'éducation fufnt pour la rendre vcr-
tueule ou féroce. Les Arabes defcendus
d'Ifmacl regardoient le domaine de la terri;
comme leur héritage ; leur patriarche chafle
de la maiion paternelle , eut pour partage
les plaines & les délerts ; les delcendans
qui le repréientent , s'arrogent le même pri-
vilège : ainfi l'enlèvement d'une caravane
n'efl point un larcin qui puill'e exciter leurs
remords : ils le regardent comme la récom-
penfe de leur coiu-age , & comme la relli-
tution d'un bien ufurpé fur eux : leurs
erreurs fur le droit de la guerre les ont
précipités dans un déluge de crimes. La
plupart des pays qu'ils ont fubjugués , ont
été privés de la moitié de leurs habicans.
L'exemple des Amalécites exterminés parle
peuple Hébreu , leur avoit peut-être donné
de fauiTes idées fur les égards qu'on doit
aux vaincus. Effrajés du deflin de leurs
voifins , ils fe perfuaderent que tout ennetpj
étoit exterminateur; ils fe crurent donc au-
torifés par la loi naturelle ,'à malTacrer des
hommes qui les auroient exterminés s'ils,
avoient remporté la viftoire fur. eux. Ces
excès , que l'expérience auroit dû leur ap-
prendre à réprimer , furent epcore autorifës
par la religion Mufulmane qui , au lieu
d'adoucir les mœurs , leur communiqua
plus de férocité. Les premiers Mululmans ,
fe regardant comme les exécuteurs des
vengeances anticipées du ciel , croyoient
avoir droit d'égorger ceux dont Dieu avoit
prononcé la condamnation : ces million-
naires guerriers étotent intolérans par prin-
cipe , & infpiroient à leurs dilciples ram-»
bition d'être ks vengeurs de ce qu'ils ap-
peiloient la caufe de la religion. J'avoue
que , pour adopter des préjugés fi barbâtes >
il faut avoir un penchant décidé à la cruauté ;
mais on peut leur ailigner une autre caufe.
L'attachement des Arabes pour leurs ulages
& leurs opinions, le mépris de la mort
qu'ils contemplèrent avec une froide intré-
pitiité , leur vie ifolée qui les éloignoit des
hommes , étoient autant de cauics qui pou-
voient les rendre barbares. Celui qui mé-
prife la vie efl ina.cellible à la pitié , & il
n'y a point d'ennemi plus redoutable que
celui qui lait mourir.
Si les Arabes ont furpaffé ks autres nai-
tions eu férocité , Us ont aulU donné des
ARA
exemples de bienfaiiance qui ont eu peu
d'imitateurs. Nobles &: fiers dans leurs ièn-
fimens , ils ont hiit coniirtcr la félicité dans
la diilfibution des bicntaits , & le malheur
dans l'humiliante nécellité d'en recevoir.
Pères tendres , cnfans rei'pcdueux , ils écou-
tent avec une délicieuie émotion la voix de
la nature , qui Gins cefTe parle à leur cœur.
On a tait de tout temps l'éloge de leur
fidélité à tenir leurs engagemens ; celui qui
viole la lainteté du ierment , cÛ condamné
à vieillir dans l'ignominie : c'efl avec leur
fang qu'ils fccllent leur alliance , pour leur
imprimer un caradere plus lacré ; les droits
de l'amitié lont inviolables. Deux amis
contradcnt des obligations réciproques
dont ils ne peuvent fe diipenfer fans être
traités de profanateurs. Les arabes bien-
faifans envers tous les hommes , ont étendu
leur généroiité jufque iur les animaux qui
ont vieilli à leur lèrvice : ils leur accordent
le privilège de paître dans les plus gras
pâturages , fans en exiger aucun travail.
Quelques dévots infenlcs , confidérant les
bétes féroces comme l'ouvrage de la divi-
nité , leur envoient des lubliitances Iur le
fommet des montagnes. Quand on voit ce
peuple réunir les vertus & les vices qui
iemblent les plus Incompatibles , on eil
prelque tenté de croire qu'il a deux natures ;
mais c'eft par cette oppofition qu'il refl'em-
ble au reite des hommes , qui lont un
aflemblage de grandeur & de foiblelle , &
dont le caraftere du matin efl démenti par
celui du loir. Ce peuple qui , dans la cha-
leur de la m-êlée , ne refpire que le lang ;
qui , dans une ville prife d'alTaut , égorge
fans pixié des femmes , des enfans & des
vieillai-ds , fe dépouille de la férocité du
Kon , & n'a plus que la douceur de l'agneau ,
lorlque l'ivreffe du carnage ell diflipée ; on
le voit dans le délert & les routes enlever
les dépouilles du voyageur ; & , un infiant
après , il exerce la plus généreufe hofpitalité
envers l'étranger qui fe réfugie dans fa tente
& qui le confie à fa foi. Dans chaque can-
ton habité on allume des feux pendant
h. nuit , qu'on nomme les feux de l'hol-
pitalité , pour appeller les voyageurs qui
s'égarent dans leur route , ou qui ont
beloin de fe délalfer de leurs fatigues ; & ,
açïci les avoir bien régalés , on les rccon-
A R A 109
duit nu fon des infîrumens , & on les
comble de prélens ; mais ce qui décelé en
eux un fonds d'humanité, efl leur indulgence
pour les foibleffes , & la modération dont
ils ufent envers les hommes convaincus de
crimes : ils rougiroient de faire uiiige de
ces tortures barbares , adoptées pour dé-
couvrir la vérité , & qui fouvent arrachent
de la bouche de l'innocent , l'aveu d'un
crime qu'il n'a pas commis ; ils ne drefîent
point ces échaflauds , ils n'allument point
ces bûchers où la loi , fous prétexte de
prévenir la tentation , ne proportionne pas
toujours la peine au délit : ils fe font un
Icrupule d'inHiger la même peine au foible
qui n'a fait qu'une chiàte , & au fcélérat
qui a vieilli dans l'habitude du crime. La
loi du talion règle leurs jugemens , & le
mépris public efl le iupplice que redoute le
peuple à qui il refîc des mœurs.
Les Scenetis , dont les defcendans font
connus adjourd'hui iousle nom de Bédouins^
habitent les délerts & mènent la vie no-
made comme leurs ancêtres. La flérilité de
leur fol a perpétué chez eux le goût du
brigandage ; ils font des incuriions fur les
frontières de la Syrie , de l'Egypte , & fè
répandent quelquefois jufque fur les cotes
d'Afrique. Ils n'ont point de demeures fixes.
Ils s'arrêtent dans les lieux où ils trouvent
des eaux 6c des pâturages ; ils fe nourrifTent
de chair de cheval , de chameau , ou de
fruit : dès qu'ils ont épuilé les produ<ffions
d'un canton , ils recommencent leur courfe
vagabonde , jufqu'à ce qu'ils aient trouvé
un territoire où ils puifTent jouir d'une
nouvelle abondance; Ils marchent ;\ la
gua-re fous les ordres d'un émir ou d'un
chérif f dont l'autorité eft à-peu-près la
même que celle des gouverneurs établis
dans les provinces par les fucceffcurs de
Mahomet. Ce chef , toujours tiré de la
famille la plus noble , n'efl obéi qu'autant
qu'il efl fécondé par la fortune dans fes-
expéditions militaires. Dans le calme de ht
paix, ils ne font plus que des magiflrats qui-
prétident auxaflemblées pubhques , & quoi-
qu'on leur jure une obéiilance fans réplique ,
ils font obligés de rendre compte de leur
conduite au peuple , qui fouvent les dégrade
pour les punir de l'abus de leur pouvoir.
Ce peuple y proin]?: à s'abriccr pcm^ fya.
110 ARA
indépemiance , & qui aurreroîs auroît
blanchi d'écume le mors qui l'eût répri-
mé , n'eft plus embraie de l'ancien fana-
tifme républicain. Les émirs , devenus plus
puiflans , l'ont façonné à l'obéiflance , &
la couilitution nouvelle de l'Arabie a favo-
rifé les defieins de ces chefs ambitieux.
Les caravanes mieux efcortées ont impofé
aux tribus la néceffité de réunir leurs for-
ces pour agir avec plus de fuccès ; & à
mefure que les fociétés iont devenues plus
nombreules , chacune a été obligée de
faire le facrifice d'une portion de fon indé-
{)endance au maintien de l'ordre focial ; &
'horreur qu'infpiroit le tumulte des villes ,
a été remplacée par l'amour des commodi-
tés qu'elles procurent. Des befoins multi-
pliés ont allumé de nouvelles paflîons , qui
ne peuvent être fatisfaites qu'en le faifant
acheter par des chefs , leuls affez riches
pour les paj'er ; ils n'ont confervé qae le
goût du brigandage , & l'horreur & le mé-
pris de l'agriculture. Les Arabes , habitans
des villes & des bourgades , ont à-peu-près
la même forme de gouvernement que les
Bédouins. Ils ont , comme eux , des chefs
.qui , magidrats & guerriers , préftdent à la
police intérieure ; quoique leurs mœurs
aient efluyé le plus d'altération , ils ont
confervé certains traits de famille qui rap-
pellent leur origine. Les villes modernes ,
beaucoup plus confidérables que les an-
ciennes , qui n'étoient qu'un aflemblagc in-
forme de tentes & de chariots , font habi-
tées par des commerçans & des cultivateurs.
Plufieurs ports font ouverts aux nations ;
c'efl fur-tout ;\ Moka , fitué fur la mer
rouge , que les Européens vont chercher le
café qu'ils changent contre leur or & leurs
vices. Les Arabes , féduits par leur exemple
contagieux , ont lenti naître en eux la cupi-
dité. Ils ont abandonné leurs défcrts lauva-
^es , & fe font répandus dans les échelles du
îevant , où l'or qu'ils accumulent par leur
commerce , ne fert qu'à leur apprendre à
rougir de leur antique fimplicité ; & , deve-
rius plus riches & moins heureux , ils atFoi-
bliffept chaque jour le fentiment généreux
de cette liberté précieufe , dont toutes les ri-
chefîès du monde ne peuvent dédommager.
Le pays des arts & des fciences eil lou-
vtnt infellé de charlatans qui obfcurciflent
ARA
leur fplendeur. On voyoit en Arabie de
prétendus favans qui fe vantoient d'enten-
dre le langage des oifeaux. Ils préféroien»
leur converfation à celle de leurs fembla-
bles. Ils prenoient un grand plaifir à dé-
couvrir leurs fecrets & leurs petites intri-
gues. Une fcience auill extraordinaire ne
pouvoit être que bien accueillie chez un
peuple amateur du merveilleux. D'autres ,
profanant le titre de prophète , fe retiroient
dans les antres & les délerts , où , après
des jeûnes aufleres & des macérations dou-
loureufes pour plaire à la divinité , ils
étoient gratifiés de vifîons qu'ils venoient
annoncer à la multitude , qui n'avoit garde
de reconnoître un fripon dans un homme
pâle & décharné , & louvent couvert de
plaies & d'ulcères , qu'on regardoit comme
autant de caraâeres de lainteté. Ce fut
encore dans cette partie de l'Arabie , qui
confine à l'Egypte , qu'on vit éclore cet
eflaim d'aventuriers , qui errant fans patrie
fur le globe , fous le nom de diieurs de
bonne aventure , font payer leurs menion-
ges au peuple imbécille ; c'étoit avec des
flèches , des baguettes divinatoires , des
phyltres , des amulettes , que ces impofteurs ,
en prononçant des paroles myfléneules ,
faifoient leurs opérations magiques.
La médecine languit dans une longue
enfance en Arabie : ceux qui l'exerçoienc
n'avoient que leurs expériences & le fe-
cours des traditions. Les mêmes fymptomes
leur paroiflbient demander les mêmes
remèdes , ils ignoroient le méchanifme du
corps , & ne faifoient aucune diilindion
des tempéramens. Mais les aromates & les
plantes ialubres dont le pays abonde , la
iobriété & la vie aftive des habitans , ilip-
pléoient à l'ignorance des médecins , dont
la plupart emplo}'oient des paroles magi-
ques pour guérir leurs malades. Il efl vrai
qu'à la rcnailîîince de la médecine , ce fu-
rent les Arabes qui furent les premies maî-
tres dans l'art de guérir. Ils eurent des
dilciplcs chez toutes les nations. Les rois
& les grands , affligés de maladies , leur
donnèrent leur conhance , qui tut juftifîée
par quelques fuccès.
Les Arabes , fiers de la noblefle de leur
origine , ont toujours fait une étude lérieufè
de leur généalogie , & comme leurs ancêtres
ARA
iv« {àvoient ni lire ni écrire , ils n'dht pu
leur tranlmettre des titres qui conilatenr
leur delccndance , & par lu mcme raifon
il efl impollible cie les convaincre d'erreur.
Il ell vrai que depuis environ trente - fix
liecles les filiations lont dépolecs dans les
archives publiques. Cet ulage , religieule-
ment oblervé , hit introduit par Adnan ,
qui fut un des ancêtres de Mahomet. Au
refte , un peuple auUi peu nombreux , qui
n'a point contratlé d'alliance étrangère ,
qui n'a jamais efliiyc de révolutions ; qui ,
dans ion loilir folitaire , eft toujours occupé
des intérêts de fa vanité , a pu tacilemcnt
conlèrver le iouvenir de les ancêtres & la
fuite de les générations.
Les arts méchaniques ne durent pas beau-
coup le perte^lionaer chez un peuple qui
ëprouvoit peu de beloins. Comme leurs pro-
ductions ont moins d'éclat que d'utilité ,
c'eiî plutôt dans les villes qu'au milieu des
déierts qu'on les voit éclore , parce que le
belbin elt créateur de l'induilrie. Les
Ardbes , uniquement occupés à taire la
guerre aux hommes & aux animaux , n'ex-
cellèrent qu'à fabriquer des cimeterres , des
arcs & des dards. Leurs toiles de coton ne
furent jamais tort ellimées.
Les fciences graves & lérieufes qui s'ap-
puyent du fecours des calculs , qui deman-
dent une méditation profonde pour lier le
principe avec les confcquences , ne peuvent
prendre de grands accroiflemens chez une
nation dominée par une imagination tou-
jours embrafée , & qui ne s'éteint que quand
on veut régler lli marche avec le compas
géométrique. Ces fciences , bannies des cli-
mats voifins du tropique , ont été rem-
pkcées par les arts d'agrément , qui n'aiment
que ces défordres &. ces écarts qui étonnent
l'efprit & maîtrifent les cœurs. C'ell-là qu'on
découv rc le berceau de la poéde & de l'élo-
quence , qui étant à peine écloles , y font
par^ enues à une prompte maturité. Les
Arabes , en fortani des mains de la nature ,
font tous poètes &: orateurs. L^ne langue
harmonieufe & téco.nde , qui admet des
figures -ludncieufes , favorife. leurs penchans
fortu'ié.-'. Les maximes qui afTurent & cm-
bellifîent là fociété ne s'y montrent que
parées des grâces de la poéfie , & la mo-
rale fe dépouillant ainli de les rides & de
ARA m
Ton auflérité , s'inlinue plus aifément dans
lescccurs. L'émulation multiplie les produc-
tions du génie : les pièces (ont récitées dans
les aflcinblées publiques , &c l'on décerne
des honneurs & des récomponles A l'au-
teur qui a le mieux réulb. Les femmes ,
revêtues de leur robe nuptiale , chantent la
gloire du vainqueur , dont les louanges lont
encore célébrées parles rivaux , & les pièces
couronnées font dépotées dans les archives
de la nation. Les orateurs étoient honorés
des mêmes dillindions. Leur éloquence
étoit une profe harmonieufe & cadencée ,
laite pour leurs oreilles , & accommodée au
génie de leur langue & à la trempe de leur
caraâere ; mais elle ne peut fervir de
modela aux étrangers. Toutes ces pièces
enfantées par l'imagination n'ont aucune
chaîne dans les raiionnemens , ce lont des
lentences fans liaifon qui le fuccedent & te
choquent avec bruit , des tranfitions lubites
& inattendues , des éclairs qui éblouiffent
plutôt qu'ils n'éclairent ; entin , l'imagi-
nation bondiflante & vagabonde fe promené
d'objets en objets , & n'en laifTe entrevoir
que la fuperficie.
Ce fut encore dans l'Arabie que l'apolo-
gue prit naiiTance : cette manière d'inltruire
a , dans tous les temps , été en ufage chez
les peuples de l'orient , qui aiment à enve-
lopper d'un voile myflérieux les choies les-
plus communes pour en relever la dignité.-
Les Arabes fur-tout ont fait briller leur fub--
tilité à deviner des énigmes. Ils fc glori--
fient d'avoir produit Lockan , dont les
traits font trop refl'emblans à ceux d'Eiope ,.
pour ne pas reconnf)îfre l'identité. Ce célè-
bre fabulifle a fervi de modèle à tous ceux
qui l'ont fuivi. Ainfi ce peuple , aidé de
fon génie , a puilé , dans ton propre tonds , ■
les richelîes que les autres ont empruntées-
réciproquement de leurs voifins.
L'éducation de la jeuneiTe n'cfl point
confiée à des inftitutcurs mercenaires , qui
ie chargent ians pudeur d'enl'cigner ce qu'ils
ignorent , & ce que leurs élevés doivent ou-
blier dans un rige plus avancé , pour n'être
point confondus dans la clafTe abjefte des
h'îmmes vul^';:-.res. Chaque père de tamille
chez les Arabes en règle la police ; ^c , à (on'
défaut , c'efl à celui qui a le privilège de l'âge '
& le plus defagçirc , qu'ell confié l'cinploi
î,ii ARA
glorieux de former les mœurs des enrans.
Ce n'ert point par des maximes furannées
& parafites qu'il les inftruit ; au lieu de
tous ces apophtegmes rebutans , il n'oppole
que Tes exemples , pour reâifier leurs pen-
chans ; & comme il ert intérefle à perpé-
tuer la gloire de la famille v '1 ^'^ montre
toujours pur & réfervé , pour ne point
étouffer en eux le germe héréditaire des
vertus. Les Arabes , fubjugués par l'exem-
ple , font pendant toute leur vie ce que fai-
loient leurs pères.
La langue Arabe , qui efl la langue fa-
vante des Mufulmans , eft une de celles
qui difputent l'honneur de la maternité.
Ses titres , fans être décififs , étabUlfent fa
haute antiquité. Le pays où elle elf en ulage
çut des habitans dans les fiecles les plus
reculés , de nouvelles colonies n'y font
point venu chercher des établiifemens ; il
ne fubit jamais de domination étrangère ,
& s'il eût à lutter contre des invaiions , ce
furent des torrens paiTàgers qui fe difCpe-
rent. Ainfi le langage n'eut point à efTuyer
ces altérations qu'occafione le mélange de
difîérens peuples. Sa fécondité & fon har-
monie n'ont pu être que l'ouvrage tardit
du temps. Riche juiqu'à la profufion , elle
offre fouvent le choix de cinq cents mots
pour exprimer une feule & même chofe.
Ses tropes hardis , fes métaphores fécondes ,
qui préfentent leurs objets avec leurs ima-
ges , multiplient encore fon abondance :
or , comme elle fè montroit avec la même
parure & la même magnificence dans les
Jfiecles oi\ le refie des nations étoit plongé
dans la plus épaifîê barbarie , on ne peut
lui contefter une origine afîèz ancienne
pour légitimer Ces prétentions au titre d'ai-
nefîe. Cette langue eff compofée de diffé-
i^ens dialedcs dont le plus eflimé eft celui
des Koreishitcs , parce que c'étolt celui que
parloit le prophète légiflateur. Les autres
font tombés dans une elpece de mépris.
Les premiers caraderes ne font plus d'u-
fage ; Morabès , du temps de Mahomet ,
leur en lubfhtua de nouveaux qui font
appelles encore aujourd'hui les enfans de
Morabès. Ce fut avec ces caraderes que le
Koran fut écrit pour la première fois. Quoi-
que moins imparfaits que les anciens , ils
croient encore informes & groIUcrs ; ou
A k A
leuf eh fubfîitua de plus nets & de plus
réguliers , qui furent perfeûionnés dans la
iuite par le fecretaire du dernier calife
Abbaîllde ; & ce font ceux qui font en
ulagc aujourd'hui.
Les Arabes avoient des ufages qu'ils
tenoient de leurs pères , & qui leur étoient
communs avec la plupart des peuples de
l'Orient , qui n'avoient aucune relation avec-
eux ; ce qui femble démontrer que ces
ufages s'étoient établis par le beloin du
climat. La circoncilion douloureufe qu'ils
tenoient d'Ihnacl , a été retenue par la
perlualion qu'elle arrêtoit les ravages de
certaines maladies , dont la fourcepeut être
heureufement tarie. La diflindion des vian-
des permîtes & prohibées , étoit une leçon
donnée par l'expérience , qui avoir appris
que les alimens qui influent fur le phyfl-
que , avoient également une influence (è-
crette fur le moral : ainll , une fage police
étoit autorifée à interdire la chair de porc
& des autres animaux immondes , qui pou-
voit également altérer la fanté & les mœurs.
Les ablutions n'ont rien de bizarre que les
cérémonies prefcrites pour en alTurcr l'effi-
cacité. Les Arabes ne connoifîoient point
l'ulàge du linge & de la toile ; la poul-
fiere du défert enlevée par le vent s'atta-
che à leur corps , & les rend files & dé-
goûtans. La chaleur du climat , les tem-
péramens fecs & brûlés , les maladies de
la peau , dont la lèpre étoit la plus hideuie ,
trouvoient dans les lotions un remède facile
& peu difpendieux , & par conléquent
convenable à un peuple indigent : cette
inflitution politique & religieuie n'a rien de
pénible , & fi la religion ne l'eût pas prei-
crite , les Arabes feroient par plail'ir ce
qu'ils font par devoir.
La polygamie , autorifée par l'exemple
des patriarches , s'cft perpétuée dans l'Ara-
bie , quoique ce ne (oit point un privilège
dans un pays où le divorce efl permis ,
ians alléguer d'autres motifs que les dé-
goûts. Plufieurs cantons dérogeoient ;\ l'u-
fage le plus univerfcl ; les Troglodites poflé-
doient leurs femmes en commun , & chez
les Sarralins le mariage n'étoit qu'une union
pafTagcre , formée par un beloin récipro-
que. Les Arabes attachoient un grand hon-
neur à la fécondité ; 6c cumine ils le
croyoienf
ARA
croyoicnt formés d'une argile plus pure que
le refte des hommes , ils ctoient pcrfuadés
que leur efpecc ne pouvoir être trop mul-
tipliée : errans & iblitaircs dans leurs dé-
fbrts , ils croyoient que la trifte uniformité
de vi\Te avec le même objet , les plon-
geroit dans un alFoupiflement perpétuel , au
lieu qu'une famille plus nombreufc diver-
/Ifie leurs occupations &c leurs plaifirs :tout,
jufqu'aux jalouiies domeftiques , les réveille
& les fait fortir de la langueur. Les femmes
réduites à l'indigence par un partage inégal,
fiipportcnt ians murmure le joug qui leur
clt impofë ; leur vie laborieufc , les détails
domelHqucs dont elles font furchargées ,
écartent les tentations qui font prefque tou-
jours viftorieufes dans les aflauts qu'elles
livrent à la pareffe & à l'inutiJité. La difci-
pline à laquelle on les aifujettit depuis l'in-
troduciion du mahométifme , eft bien plus
auftere que celle des jiremiers ten:ps ; elles
accompagnoicnt autrefois leurs maris à la
guerre , elles prélidoient aux têtes , & ja-
mais cette liberté ne dégéneroit en licence;,
la chaftcté étoit une vertu nationale , & la
crainte de perdre un cœur dont cJles n'a-
voient que le partage , les précautionnoit
coiitre une chute dont le fctindale lesauroit
réduites à une Tndigence abfolue.
Les ^4rabes naturel!e;nent guerriers n'at-
tendirent que les circonilances pour être
conquérans •■, long-temps pacifiques & obf-
curs , ils ne prirent les armes que par l'avi-
dité du butin, & jamais pour étendre leurs
limites : ils méprifoient trop les hommes
pour dcfirer de les avoir pour fujets. Ils
marchoient fans ordre & fans difcipline ;
niais accoutumés à combattre les bêtes fé-
roces , ils portoient le courage jufqu'à la
férocité. Quelques hordes plus fàuvages que
les autres , vendoient leur fang & leurs fer-
vices à des rois riches pour les payer , &
c'étoit moins par un ièntiment de gloire,
que par l'efpoir du butin, qu'ils renonçoient
à la douceur de leurs folitudes. Les Ro-
mains & les Perfès avoient dans leurs ar-
mées un corps de Sarrafiiis , qui fouvent
fixa le fort des combats j quoique , (àtisfaits
de leur indépendance , ils fe filTent un fcru-
pule d'attenter à la liberté de leurs voifins ,
ils donnèrent à l'Egypte des rois qui font
connus fous le nom de paflcur j leur plus
Tome II h
ARA 113
^nde gloire fut de n'avoir jamais fubi de
domination étrangère. Sefoftris , dont les
exploits pouvoient bien n'être que fabuleux^
ne fe rendit maître que de quelques villes
maritimes qu'il fut obligé d'abandonner. Ler
Perles , proteéfeurs de quelques tribus , ne
leur donnèrent jamais la loi , &c on ne
trouve point l'Arabie dans aucun dénom-
brement de leurs jirovinces. Les Sj>artiates
accoutumés à vaincre y firent une invafion ^
& fe repentirent de leur témérité. Les pré-
j)aratifs que fit Alexandre à fou retour des
Indes , prou\cnt qu'il regardoit cette con-
quête conune digne de tout fon courage :
la mort l'iirrcta au milieu de ce projet , 8c
l'on ne peut décider quel en auroit été le
fucccs. Les fucceffeurs de ce héros qui en
tentèrent l'exécution , n'éprouvèrent que
des défaites. La réponfe des Arabes à Dé-
métrius fait connoître leur mâle fermeté &
leur iiidilîerence pour la gloire des armes.
« Roi Démétrius , lui dirent-ils , quelles
font tes prétentions ? qu'exiges-tu de nous ?
quel motif t'engage à troubler le filence de
nos défèrts , oir la nature m.arâtre n'ofire
à fes enfans que des moyens pénibles de
fubfifter. Nos plaines arides & fablonneulès
n'ont d'attraits pour nous que par la liberté
dont nous y jouilTons , & que tu veux nous
ravir. C'eft cet amour de l'indépendance
naturelle qui nous rend fupportables des
maux inconnus aux autres habitans de la
terre. Ces rochers font trop durs pour être
brifés par ton foeptre. Tu voudrois nous
foumettre à ton joug , commence par ftib-
juguer nos fentimens j change notre manière
de vivre , & fonge auparavant aux inoycns
de fubfiiler dans un pays qui n'a que dit
fable , des rochers & des métaux ; crois-
nous , laifl'e vivre en paix des peuples dont
tu n'as aucun fujet de te plaindre , & qui
ne veulent avoir rien à démêler avec toi :
voici des préfens que nous t'apportons ,
puifîènt-ils t'engager à ne voir dans les
Nabathéens que tes amis. »
Les Romains pénétrèrent dans l'Arabie ,
& n'en flirent jamais les conquérans. Quel-
ques tribus vaincues par Lucullus rendirent
hommage à la majcfté du peuple romain.
Aretas , prince d'une contrée , fut forcé
de recevoir garnifon dans Petra •^ Craiîlis
ambitieux d'en faire la conquête y entra
P
JI4 -^ ^ ^ , .
avecuuenomfcrciifë année qui périt dans les
déferts de foif & de mifere : Elius-Galliis
répéta la honte de ce délàftre. C'eft le gé-
néral romain qui a pénétré le plus avant
dans ces immeiifes déferts ^ il eut d'abord
les plus brillans lliccès , mais les chaleurs
meurtrières lui enlevèrent fes meilleurs fol-
daîs , & il fut contraint de fe retirer en
Egypte avec les débris de fon arnice , dont
ks flatteurs d'Augufte cclcbrcrent les vic-
toires ftérilcs. Caïus , fon petit-fils , recon-
Hoilîànt rimpoflibilité de fubjuguer un peu-
ple qui n cftimoiî la vie qu'autant qu'il poa-
voit \ivre libre , jwrta le fer & la flamme
dans leurs villes , d'où ils faifoient des in-
curfions fur les terres de l'empire , & il crut
en avoir fait affcz pour fa gloire , que de
leur avoip ôté le moyen de nuire : depuis ce
tcnr«-s, jufqn'au règne de 'i'rajan, en ne
voit aucun démêlé entre ces deux peuples.
Cet empereur fit le fiege de la capit:;^j des
Magaréniens qu'il eut la honte de lever ;
fès firccclfeurs payèrent un fubfide aux
Sarrafins qui fervoient dans leurs armées j
mais Julien qui les regardoit comme fes
liijets , & non comme lès alliés , trouva
que ce traité avililibit la majefté de l'em-
pire , & il refufa de payer un tribut qu'on
qiialifioit du nom de fubfide :, les barbares fe
plaignirent de cette infraâ:ion , mais ce
I>rince qui iiivoit combattre comme il fa-
\'oit gou^'erner , leur répondit avec fierté :
Je ii'ufe que du fer , & je ne connois pas
l'or. Ces peuples belliqueux miarcherent
fpielquc temps après au fecours de Conf-
îanrinople , dont ils furent les libérateurs.
C;c fut fous le règne de Théodoiè qu'ils
cOinmencerent à faire la guerre en leur
nom , & après avoir fouteini i'cmpircchaiî-
ceiaiit , ils en furent la terreur. Les Arabes ,
iu((]ii'alors partagés en tribus , fe réunif-
ient & deviennent conquérans. Il fatloit
qne le gernie de cette valeur barbare fût
1 enfermé dans leur cœur , & que leur vie
tkirc les eût préparés à devenir intrépides
foklats. Leurs déferts étoient une barrière
qui les mcttoit à l'abri des incurfions étran-
gères \ on ne pouvcit y pénétTcr fiins s'cx-
pofer à périr par la diiétte des eaux;, & les
j'uits qui pouvoieiit en fournir , nétoient
connus que des Jiabitans qui n'en lévéloient
jttiimis le fccret j leurs villes ^'ctgicrit c^ue
ARA
des magafîns où ils renfermoient le fruit cfe
leurs brigandages ^ elles n'étoicnt formées
que d'un alfemblagc de cabanes qu'ils aban-
donnoient aux approches de leurs ennemis y
leurs citadelles étoient l'ouvrage de la na-
ture : c'étoient des rochers efcarpés d'où ils
déficient les armées les plus nombreufes ,
qui , comme eux , n'avoient à redouter
que la famine & la difette d'eau. Comme
ils ignoroicnt l'art de fortifications , ils
étoient peu \'erfés dans l'attaque des pla-
ces ; ainfi leurs guerres olïenfives n'étoient
que des incurfions pafTageres ^ les citadelles
que leurs eiuremis élevoient far les fron-
tières , réprimoicnt leurs brigandages. Ils
avoient coutume de remercier le ciel de ce
qu'il leur avoir donné des épées au lieu de
remparts ;, leur éducation étoit toute guer-
rière , ils exerçoient leur enfance à fe fervir
de l'arc & de l'épée , & à domter leurs
chevaux ^ une excellente épée étoit un
monum.cnt domeftique qu'un pcre lailToit
à fes enfiuis pour les faire fouvenir du cou-
rage de leurs ancêtres. Prodigues de leur
fang, ils ne dévoient pas être avares de celui
des autres. Ils ne combattoient qu'cà la clarté
du jour , parce que le courage s'enflamme
quand il a des témoins de fej efforts , & ils
croyoieiit que les ténèbres favorifbicnt la lâ-
clieté '., il n'eft donc pas étonnant qu'un peu-
ple né a\'ec des penchans fi nobles , ait en-
fanté tant de prodiges de valeur , quand il
a fuccombé à l'ambition des conquêtes. Foj^.
Religion ( des Arabes, )
Arabes. Etat de la philofophie che[ les
anciens Arabes, Après les Chaldéens , les
Perfes &: les Indiens rient la nation des
Arabes , que les anciens hifiroriens nous re-
préfcntciit comme fort attachée à la philo-
fophie , & comme s'étant diftinguée dans
tous les temps par la fubtilité de fon efprit^
inais tout ce qu'ils nous en difent paroît
fort incertain. Je ne nie pas que depuis
rifinamifiiie , l'érudition & l'étude de la
philofophie n'aient été extrêmement ea
honneur chez ces peuples ; mais cel.i n'a
lieu 5c n'enire que dans l'hilloire de la
phiiofophie du moyen âge : aullî nous pro-
pofous-nous d'en traiter au long , quand
nous y ferons p3r\enus. Maintenant nous;
n'avons à parler que de la philofophie dça
ancieus h»ibiîaus de l'Arabie liciiraifc»
ARA
TI y a cîcs favans qui veulent qiic ces peu-
ples ie foient lisrés aux fî>éculaîions ohilo-
iôpliiques ; & pour prouver leur opinion
ils imaginent des fyftcmcs qu'ils leur attri-
buent , &c font venir à leur fccours la re-
ligion des zabiens , qu'ils prétendent être le
fruit de la philofophie. Tout ce qu'ils difcnt
n'a pour appui que des rai{ônne;nens & des
conjeflures : mais que prouvc-t-on par des
raifonnemens & des conjefturcs , quand il
faut des tcmoigr.agcs ? Ceux qui font dans
cette perfuafion , que la philofophie a été
culti\ ée par les anciens Arabes , font obli-
gés de convenir eux-mêmes , que les Grecs
iiavoieift aucune connoiirance de ce fait.
Que dis-je ? ils les regardoient comme des
peuples barbares & ignorans , & qui n'a-
voient aucune teinture des lettres. Les
écrivains Arabes , fi l'on en croit Abul-
farage , difcnt eux-mêmes qu'avant l'iima-
niifme , ils étoient plongés dans la plus
î'rofonde ignorance. Mais ces raifons ne
font pas affcz fortes pour leur faire changer
de fontiment fur cette philofophie qu'ils
attribuent aux anciens Arabes. Le mépris
des Grecs pour cette nation , difent-ils ,
«e prouve que leur orgueil & non la bar-
barie des Arabes. Mais enfin quels mé-
moires pcu\ent-iis nous produire , & quels
ruitcurs pem'cnt-ils nous citer en faveur de
l'érudition Se de la philofophie des pre-
miers Arabes ? Ils conviennent avec Abul-
farage qîi'ils n'en ont point. C'eft donc bien
graniiteinent qu'ils cii font des gens lettrés
& adonnés à- la philofophie. Celui qui s'eft
le plus fignalé dans cette difpute , ôcquia
eu plus à cœur la gloire des anciens Ara-
bes y ccCi Joicph Pierre Ludew-ig. D'abord
il commence par nous oppofor Pythagore ,
qui , au rapport de Porphyre , dans le
voyage littéraire qu'il avoit entrepris , fit
l'honneur aux Arabes de paflêr chez eux ,
de s'y arrêter quelque temps , & d'ap-
prendre de leurs philofophes la divination
par le vol & par le chant des oifcaux , ef-
pece de divination où les Arabes excel-
ioient, Moyfè lui-même , cet homme inf-
tniit dans toute la fagefl'e des Egyptiens ,
quand il fut obligé de quitter ce royaume ,
ne choifit-il pas pour le lieu de fon exil
l'Arabie , préférablement aux autres pays ?
i)r qui pourra s'imagiEcr que ce légifîateur
ARA tif
' des hébreux fe fût retiré cîiez le»; Arabes , fi
ce peuple avoit été grolîicr , ftupidc , igno-
rant ? Leur origine d'ailleurs ne laille aucun
doute fiir la culture de iciir efprit. Ils fe
glorifient de defcendrc d'Abrnliam , !\ qui
l'on ne peut rcfufor la gloire d'avoir été un
grand philofoiihe. Par quelle étrange fa-
talité auroient-ils laiffé éteindre dans l?t
fuite des tem[)s ces premières étincelles de
l'efprit philofophique , qu'ils avoient hérité
d'Abraham leur pcrc commun ? Mais ce
qui paroît plus fort que tout cela , c'ell que
les livres fiiints , pour relever la fageiïc de
Salomon , mettent en oppofition avec elle
la fageife des Orientaux : or ces Orientaux
n'étoicnt autres que les Araées. C'eft de
cette même Arabie que la reine de Saba
vint pour admL-er la làgeflê de ce philofo-
phe couronné j c'eft l'opinion conftaiîte de
tous les fiivans. On pourroit prouver auflî
par d'excellentes raifons , que les mages
venus d'Orient pour adorer le Mcflie ,
étoient Arabes. Enfin , Abulfarage eft
obligé de convenir qu'avant Ifmamiir.e
nîéine , à qui l'on doit dans ce pays la
renaiiTance des lettres , ils entcndoient par-
faitement leur langue , qu''ils en connoif-
foient la valeur & toutes les j>ropriétés y
qu'ils étoient bons poètes . oxceilcns ora-
teurs , habiles aftronomes. N'en cft-cc pas
a'fez pour mériter le no:r. de plnlofopîies ?
Non , vous dira quelqu'un. Il fe peut que les
Arabes aient poli leur langue, qu'ils aient
été habiles à deviner & à interpréter les
fonges, qu'ils aiefit réufll daiis la compofï-
tion & dans la folution des énigmes , qu'ils
aient même eu f{iiclque connoift'ance du
cours des aftrcs , fans que pour cela on puifîcr
les regarder comme des philofophes ^ car
tous ces Arts , fi cependant ils en méri-
tent le nom , tendent plus à nourrir & à
fomenter la fuperftition , qu'à faire con-
noître la vérité , &; qu'à purger l'ame Aqs
paftions qui font fcs tyrans. Pour ce qui re-
garde Pythagore , rien n'eli moins certain
que fon voyage dans l'Orient ■■, ?c quand
m.ême nous en conviendrions , qu'eu réfol-
teroit , finon que cet impofteur apprit àcs
Arabes toutes ces niaifèi ies , ouvrage de
la fuperftition , iSc dont il étoit fort amou-
reux ? II eft inutile de citer ici Mayfe.
Si ce faiut hoir.me nafla dans i'.^j-abie , êc
Pi
1 16 ARA
s'il s'y établit en époufant une des filles
tle Jétro , ce n eioit pas alîuréinent dans Je
idcJîèin de méditer chez les Arabes , & . de
nourrir leur folle curiefité de fyltcines phi-
loibphiques. La providence n avoit permis
cette retraite de Moyle chez les Arabes ,
que pour y porter la connoifrance du vrai
Dieu & de fa religion. La philofophie d'A
Lraham , dent ils fe glorifient de defcen-
dre , ne prouve pas mieux qu'ils aieni
cultivé cette fcience. Abraham pourroit
avoir été un grand philofophe & avoir été
leur père , fans que cela tirât à conféquence
pour leur philofophie. S'ils ont laillé perdre
le fil des \ crités les plus précieufes , qu'ils
avoient apprifes d'Abraham ; fi leur reli-
gion a dégénéré en une groflîere idolâtrie ;
pourquoi leurs connoiilances philofophi-
ques , fuppofé qu'Abraham leur en eîit
communiqué quelques-unes , ne fe fèroient-
cUes pas aufli perdues dans la fuite des
îcmps ? Au relie , il n'eft pas trop sûr que
ces peuples defcendent d'Abraham. C'eft
une liiiloire qui paroît avoir pris naiflance
avec le inahcmétifme. Les Arabes ainfi
que les mahométans , pour donner plws
d'autorité à leurs erreurs , en font remon-
ter l'origine jufqu'au père des croyans. Une
chofè encore qui renverfe la fuppolition de
Liidewig , c'elt que la philofophie d' Abra-
ham n'elt qu'une pure imagination des
juifs , qui veulent à toute force trouver
chez eirx l'origine & les commencemens
des arts & des fciences. Ce que l'on nous
oppofè de cette reine dh midi , qui vint
Irouver Salomon fur la grande réputation
de fa fagelfe , & des mages qui partirent
de l'orient pour fe rendre à Jérufalem , ne
tiendra pas davantage. Nous voulons que
cette reine (oit née en Arabie : mais elî-ii
Lien décidé qu'elle fût de la fefte des za-
biens ? On ne peut nier fans doute , qu'elle
s'ait été parini les femmes d'orient une
des plus inllniites , des plus ingcnieufes ,
qu'elle n'ait louvent exercé l'efprit des rois
de l'orient par les énigmes qu'elle leur
envoyoit ^ c'eft -là l'idée que nous ei;
tlonue l'hiftorien facré. Mais quel rapport
cela a-t-il avec la philofophie des Arabes ?
Nous accordons aiifîi \oloutiers qu: les
jnages venus d'orient étoicnt des Arabes ,
yi'ils Lvoient quelque coiuioiflaucc du cours
ARA
des aftres ; nous ne reflifons point abfolu-
ment cette fcience aux Arabes ; nous vou-
lons même qu'ils aient alTez bien parlé leur
langue , qu'ils aient réuiîl dans les choies
d'imagination , comme l'éloquence & la poe-
iie : mais on n'en conclura jamais , qu'ils
aient été pour cela des philofophes , &
qu'ils aient fort cultivé cette partie de la
littérature.
La féconde raifon , qu'on fait valoir en
faveur de la philofophie des anciens Ara-
bes , c'eft l'hiftoire du zabianifrne, quipaffe
pour avoir pris iiaiffance chez eux^ & qui
iuppofe nécelfaireirient des connoifTances
phiiofophiques. Mais quand même ^out ce
que l'on en raconte feroit vrai , on n'en
pourroit rien conclure por.r la philofophie
des Arabes ; puifque le zabianifrne , étant
de lui-même une idolâtrie honteufe & une
fuperftition ridicule , eft plutôt l'extinftion
de toute raifon qu'une vraie philofophie.
D'ailleurs , il n'eft pas bien décidé dans
quel temps cette fefte a pris iiaiffance ; car
les hommes les plus habiles , qui ont tra-
vaillé pour éclaircir ce point d'hiftoire ,
comme Hottinger , Pocock , Hyde , 6c
fur-tout le dode Spencer , avouent que
ni les Grecs , ni les Latins ne font aucune
mention de cette fedte. Il ne faut pas con-
fondre cette fefte des zabiens Arabes avec
ces autres zabiens dont il eft parlé dans
les annales de l'ancienne égliie orientale ,
lefquels étoient moitié juifs & moitié chré-
tiens , qui fe vantoient d'être les difciples
de Jean - Baptifte , & qui fe- trouvent en-
core aujourd'hui en grand nombre dans
la ville de BafTore , près des bords du Ti-
<^re , & dans le voiiinage de la mer de
Perfe. Le fameux Moyfe Maimonidcs a
tiré des auteurs Arabes tout ce qu'il a dit
de cette ki.ïe ■■, & c'eft en examinant d'un
œil curieux & attentif toutes leurs cérémo-
nies extravagantes & fuperftitieufes , qu'il
iuftifie très-ingénieufement la plupart des
loix de Moyfe , qui blcircroient au premier
coup d'ail notre délicatelfe , fi la fageffe
de ces loix n'étoit marquée par leur op-
pofition avec les loix des zabiens , }K>ur
lefquelles Dieu vouloit infpircr aux juifs
une grande avcrfion. On ne pou\oit met-
tre entre les juifs & les zabiens qui étoicnt
lciu"s voifiiis une plus forte biuricre. On
ARA
peut lire fiir cela l'ouvrage de Spencer fur
î'éconamie nioiaiquc. On ii'ell pas moins
partagé fur le nom de cette fcdte que fur
ion âge. Pocock prétend que les '/.abicns
ont été ainfi nommés <le ^fDp , qui, en hé-
breu , fignifie les afhcs ou Xarméc cétejh ,
piu^ce que la religion des Zabicns coniiltoit
principalement dans l'adoration des aftres.
Mais Scaliger penfe que c'eft originairement
le nom des Chaldéens , ainfi appelles parce
qu'ils étoient orientaux. Il a été fuivi en
cela par plulîeiirs favans , & entr'autres par
Spencer. Cette Signification du nom de
Zabicns eft d'autant plus plaufible , que les
Zabiens rajjportent leur origine aux Chal-
déens j & qu'ils font auteur de kur fbfte
Sabius fils de Seth. Pour nous , nous ne
cro3'ons pas de\oir prendre parti far ime
choie qui déjà par elle-même eft ailëz
peu intereilante. Si par les 7.abiens on en-
tend tous ceux qui parmi les peuples de
l'orient adoroient los aftres , fentiment qui
paroît être celui de quelques Ai abcs & de
quelques auteurs chrétiens , ce nom ne ïè-
roit plus alors le nom d'une fefte particu-
lière , mais celui de l'Idolâtrie univerièlle.
Mais il paroît qu'on a toujours reg;u-dé ce
uom comme étant propre à une kiïc par-
ticulière. Nous ne voyons point qu'on le
donnât à tous les peuples , qui à l'adora-
ticn à&i aftres joignoient le culte du feu,
Si pourtant , au milieu des ténèbres où eft
enveloppée toute l'hiftoire des '/.abicns , on
peut à force de conje£tures en tirer quel-
ques rayons de lumière , il nous paroit pro-
bable que la fefte des Zabiens n'eil: qu'un
mélange du Judaïfme & du PaganiCne \
qu'elle a été chez les Arabes une religion
particulière & diftinguée de toutes les au-
tres ^ que pour s'élever au delfus de toutes
celles qui florlifoient de fou temps , elle
avoit non feulement affedlé de fe dire
très-ancienne , mais même qu'elle rappor-
toit fon origine jufqu'à Sabius , fils de
Seth : en quoi elle croyoit l'emporter pour
l'antiquité fur les Juifs mêmes , qui ne
peuvent remonter au delà d'Abraham. On
lie fe perfuadera jamais que le nom de
Zabiens leur ait été donné , parce qu'ils
étoient orientaux , puisqu'on n'a jamais
appelle de ce nom les Mages & les Maho-
métans y qui habitent \qs provinces de
ARA J17
l'Afiê fituces à forient. Quoi qu'il en fbit
de l'origine des Zabiens , il eft certain qu'elle
n'eft pas aufli ancienne que le prétendent
les Arabes. Ils font même fiir cela partagés
de fèntimens j car fi les mis veulent la
faire remonter jufqu'à Seth , d'autres fe
contentent de la fixer à Noé , & ii;cmc
à Abraham. Eutychius , auteur Arabe ,
s'appuyant fiir les traditions de ion pays ,
trouve l'auteur de cette fefte dans Zoroaf-
tre , lequel étoit né en Pcrfe , fi vous
n'aimez mieux en Chaldée. Cependant
Eutychius obfenc qu'il y en avoit quel-
ques-uns de fon temps qui en faifoicnt
honneur à Juvan \ il a voulu fans doute
dire Javan ; que les Grecs avoient embraftë
avidement ce fentirnent , parce qu'il flat-
toit leur orgueil , Javan ayant été un de
leurs rois ^ & que pour donner cours à
cette opinion , ils avoient compofé plufieurs
livres fur la fcience des aftres & fur le
inouvement des corps céleftes. I! y en a
même qui croient que celui qui fonda la
feinte des Zabiens étoit un de ceux qui
travaillèrent à la conftruûion de la tour de
Babel. Mais iiir quoi tout cela eft-il appuyé ?
Si la fe£le des Zabiens étoit aulfi ancienne
qu'elle s'en vante , pourquoi les anciens au-
teurs Grecs n'en ont-ils point parlé ? Pour-
quoi ne lifons - nous rien dans l'écriture
qui nous en donne la moindre idée ? Pour
répondre à cette difficulté , Spencer croit
qu'il fuffit que le zabianifine , pris maté-
riellement , c'cft-à-dirc pour une religion
dans laquelle on rend un culte au foleil 6c
aux afties , ait tiré fon origine des anciens
Chaldéens & des Babyloniens , & qu'il ait
précédé de plulieurs années le temps où a
vécu Abraham. C'eft ce qu'il prouve par
les témoignages des Arabes, ({m s'accordent
tous à dire que la religion des Zabicns eft
très-ancienne , & par la refremblance de
doftrinc qui fe trouve entre les Zabiens &
les Chaldéens. Mais il n'eft pas queftion de
ihvoir fi le culte des étoiles & des planètes
eft très-ancien. C'eft ce qu'on ne peut con-
tefter ; & c'eft ce que nous montrerons
nous -mêmes à VarticU des Chaldéens.
Toute la difficulté confifte doue à favoir
fi les Zabiens ont tellement reçu ce culte
des Chaldéens & des Babyloniens , qu'on
puilfe aiFurer à juftc titre que c'eft chez
iiS ARA
ces peuples que le zabianifme a pris naif^
fancc. Si l'on fait attention que le zabia-
nifme ne fc bornoit pas fculcmeiit à adorer
le foleil, les étoiles & les planètes, mais
qu'il s'etoit fait lui-même un plan de céré-
monies qui lui étoient particulières , & qui
le diftinguoient de toute autre forme de re-
ligion , on m'avouera qiùm tel Sentiment
ne peut fe foutenir. Spencer lui-niême ,
tout fubtil qu'il ell , a été forcé de conve-
nir que le zabianifme confidéré formelle-
ment , c'eft-à-dire autant qu'il fait une
religion à part & diftinguée par la forme
de fon culte , eft beaucoup plus récent
gic les anciens Chaldéeiis & les anciens
abyloniens. C'eft pourtant cela même
qu'il auroit dû prouver dans fes principes ;
car il le zabianifme pris formellement n'a
pas cette grande antiquité qui pourroit le
faire remonter an delà d'Abraham , com-
ment prouvera-t-il que plufieurs loix de
Moyfe n'ont été divinement établies , que
pour faire un contrafte parfait avec les
cérémonies fiiperftitieufes du zabianifme ?
Tout nous porte à croire que le zabianifme
ell; aflez récent , qu'il n'eft pas même an-
térieur au mahométifme. En effet , nous
re voyons dans auani auteur , foit Grec ,
foit Latm , la moindre trace de cette fèfte ■■,
elle ne commence à lever la tête que de-
puis la nailfance du mahométifme , &-c.
Nous croyons cependant qu'elle eft un peu
phîs ancienne , puifque l'alcoran parle des
Zabiens comme étant déjà connus fous
ce nom.
Il n'y a point de feflie fans livres ^ elle
en a bcfoin pour appuj'er les dogmes qui
lui font particuliers. Auni voyons-nous que
les Zabiens en avoicnt , que quelques-uns
attribuoieiu à Hermès & à Ariliote , &
d'autres à Seth & à Abraham. Ces li-
vres , au rapport de Maimonidès , conte-
lioient fur les anciens patriarches , Adam ,
Seth , Noé , Abraham , des hilloires ridi-
i;ulcs , & pour tout dire , comparables aux
fables de l'alcoran. On y traitoit au long
des démons , des idoles , des étoiles & des
planètes ; de la manière de cultiver la vigne
& d'enfcmencer les champs : en un mot
on n'y omettoit rien de tout ce qui cou-
ccrnoit le culte qu'on rcndoit au foleil ,
au feu , aux étoiles , 8c aux planètes. Si
ARA
l'on efl curieux d'apprendre toutes c^
belles cliofcs , on peut confulter Maimo-
nidcs. Ce fcroit abufbr de la patience du
leftcur , que de lui préfenter ici les fables
dont fourmillent ces livres. Je ne veux que
cette feule railbn pour les décrier comme
des li'.Tes apocryphes & indignes de toute
créance. Je crois que ces livres ont été
compofcs vers la naiifance de Mahomet . 6c
encore par des auteurs qui n'étoicnt point
guéris ni de l'idolâtrie , ni des folies du
platonifme moderne. Il nous foffira , pour
faire connoître le génie des Zabiens , de
rapporter ici quelques-uns de leurs dog-
mes. Ils croyoicnt que les étoiles étoient
autant de dieux , & que le foleil tenoit
parmi elles le premier rang. Ils les hcno-
roient d'un double culte ) favoir , d'un culte
qui étoit de tous les jours , & d'un autre
qui ne fe renouvelloit que tous les mois.
Ils adoroient les démons fous la forme de
boucs •■, ils fe nourriirjicnt du fang des
viftimes , qu'ils avoient cependant en abo-
mination ; ils croyoient par-là s'unir plus
iatimcment avec les démons. Ils rendoieiit
leurs hommages an foleil levant , & ils
obfèrvoicnt fcnipuleufèment toutes les cé-
rémonies , dont nous voyons le ccntraflc
frappaîit dans la plupart des loix de Moyfe j
car Dieu , félon plutieurs fa\-ans , n'.l
affedé de donner aux Juifs des loix qui
fe trouvoient en ôppofition avec celles des
Zabiens , que pour détourner les premiers
de la fuperftition extravagante des autres.
Si nous lifons Pocock , Hyde , Prideaux,
& les auteurs Arabes , nous trouverons que
tout leur iy^èmc de religion fe réduit à
C2S différens articles que nous allons dé-
tailler. 1°. Il y avoir deux feétes de Za-
biens ; le fondement de la croyance de
l'une & de l'autre étoit , que les hommes
ont befoin de médiateurs qui foient placés
entr'eux & la divinité ^ que ces média-
teurs font des fubftances pures , fpirituelles
& imifibles ^ que ces fubftances , par cela
même qu'elles ne peuvent être %aies , ne
peuvent fe connnuniquer aux honnnes , fi
l'on ne fuppofè entr'clics & les hommes
d'autres médiateurs qui foient vifibles ^ que
ces médiateurs vifibles étoient pour les un^
des chapelles , & pour fes autres des fîmu-
lacres : que les chapelles étoient pour ccus
ARA
■qui adoroicnt les fept phmctcs , îefqiielles
étoient animées par autant d'intclli^îeuccs ,
qiii gomernoient tous leurs inouveinciis ,
à-peu-près comme notre corps eil aiiiinc
par une ame qui en conduit & gouverne
tous les rcUbrts ^ que ces aftres étoient des
dieux , & qu'ils préfidoient au deftin des
hommes , mais qu'ils étoient fournis eux-
mêmes à l'Etre fupréme ; qu'il falloit ob-
fener le lever & le coucher des planètes ,
leurs difFérentes conjonctions , ce qui for-
inoit autant de pofitions plus ou moins
régulières ; qu'il falloit afTigner à ces ph-
netes leurs jours , leurs nuits , leurs heures
pour divifer le temps de leur révohition ,
leurs formes , leurs perfonnes , & les ré-
gions où elles roulent ■-, que moyennant
toutes ces obfervations , on pouvoit faire
des talifmans , des enchantemens , des évo-
cations qui réulTiflbient toujours ; qu'à
l'égard de ceux qui le portoient pour ado-
rateurs des fimnlacres , ces hmulacres
leur étoient nécclfaires , d'autant plus qu'ils
a\'oient befoin d'un médiatcia- toujours
vifible , ce qu'ils ne pouvoient trouver
dans les aftres , dont le lever & le coucher
qiii fe fucccdent régulièrement , les déro-
bent aux regards des mortels ; qu'il falloit
donc leur fiibftituer des fimnlacres :
moyennant lesquels ils juifTent s'élever juf-
qu'atn< corps des planètes , des planètes
aux intelligences qui les animent , & de
ces iriielligenccs jufqu'au Dieu fiiprême ;
que ces fimulacrcs dévoient être faits du
métal qui eft confacré à chaque planète :
& avoir chacun la figure de l'aflire qu'ils
rcpréfeirtent ; mais qu'il falloit fiir-tout
obferver avec attention les jours , les heu-
res , les degrés , les minutes , & les autres
circouftances propres à attirer de bénignes
influences , & fe iènûr des évocations ,
des enchantemens , & des talifmans qui
étoient agréables à la planète- ; que ces
fimulacres tendent la place de ces dieux
céleîles ■■, & qu'ils étoient entr'eux ^ nous
autant de médiateurs. Leurs pratiques n'é-
loient pas moins ridicules que leur croyan-
ce. Abulfeda rapporte qti'ils avoient coutu-
roc de prier la face touriîée vers le pôle
aréique , trois fois par jour ; avant le lever
du folcil , à midi , & au fbir , qu'ils
avçiciit trois jcimcs, Vu!i de trente jours ,
ARA iT(f
l'autre de neuf , & l'autre de fept ; qu'ils
s'abftcnoicnt de manger des fèves & de
l'ai! :, qu'ils faifoicnt brûler entièrement les
viftimes , & qu'ils ne s'en réfcrvoicnt rien
pour manger.
Voilà tout ce que les Arahex nous ont
appris du fyftémc de religion des zabiens.
Plufieurs traces de l'Aftrologie chaldaïque ,
telle que nous la donnerons à Vanic/e Ciui.-
DÉENS , s'y laiifcnt appcrccvoir. C'cfi: elle
Cins doute qui aura été hi première pierre
de l'édifice de religion que les zabiens ont
bâti. On y voit encore quelques autres traits
de relfcmblance , connue cette ame du
inonde qui fe diftribue dans toutes (es difté-
rentes parties , & qui anime les corps cé-
Icftcs , iiir-tout les planètes , dont l'influence
fur les choies d'ici-bas ell fi marquée fie
fi inconteftable dans tous les vieux lyftémes
des religions orientales. Mais ce qui y do-
mine fur-tout , c'eft la doôrine d'un iné-
diateur -^ doârine qu'ils auront dérobée ,
foit aux juifs, fbit
aux chrétiens ;, la doc-
triiie des génies médiateurs , Liquciie a eu
un fi grand cours dans tout l'Orient , d'où
elle a paffé chez les cabalifies & les philo-
fophes d'Alexandrie , pour revivre chez
quelques chrétiens hérétiques , qui en pri-
rent occafion d'imaginer divers ordres d'sso-
nes. Il eft aift de voir par-là que le za-
bianifine n'eft qu'un compofé inonfirueux
& un mélange embarrafl'ant de toiit ce que
l'idolâtrie , la fiiperftlîion & l'héréfieoîitpu
imaginer dans tous les temps de plus ridi-
cule & de })lus extravagant. Voilà pour-
j quoi , comme k remarque fort - bien
Spencer , il n'y a rien de fijivi ni de lié dans
les différentes parties qui compoient le
zabianifme. On y retrouve quelque chofe de
tontes les' religions, ir.a'gré ladiverfité qui
les fépare ks unes des autres. Cette feule
remarque fuffit pour faire voir que le za-
bianifine n'eft jxjs auiîi ancien qn'on le croit
ordinairement ; & combien s'abufciu ceux
qui en doniicat le nom. à cette idolâtiie r.ni-
Aerfèllement répandue des premiers fie-
clés , laquelle adoi-oit le fclei! & les allres.
Le cuke religieux que les zabiens rendoient
aux aftres , les jeta , par cet enchaînement
fatal que les erreurs ont entr'elles , dans
l'aftrologie , fcience vaine & ridicule , mais
qui flanc ks deux palfioBS favorites 4e
iio ARA
l'homme \ fa crédulité , en lu! permettant
qu'il percera dans l'avenir \ & fon orgueil ,
en lui inlînuant que fà deftinée eft écrite
dans le ciel. Ceux qui d'entr'eux s'y font le
plus diftingués , font Thebet Ibn Korra ,
Albategnius , &c.
ARABESQUE ou MORESQUE , f. m.
ouvrage de peinture ou de Icujpture , qu'on
nomme ainfî des Arabes & des Mores ,
qui employoient ces fortes d'ornemens au
défaut de reprélèntations humaines & d'a-
nimaux que leur religion défendoit d'em-
ployer. On fait encore ufage de ces orne-
jnens , que l'on exécute en peinture feule-
ment & non en icuipture ■■, tels qu'on en
voit au château de Meudon : à celui de
Sceaux , de Chantilly , à la ménagerie , à
Trianon , &c. peint par Audran avec beau-
coup d'art , de feu , & d'invention. Berin ,
Gillot & Vateau ont aufîl excellé dans ce
genre d'ornemens , dont on s'eft fervi pour
fabriquer aux gobelins Se à la fàvonnerie
quelques tapiiferies des appartemens du
roi , des portières , des paravens , & autres
meubles de cette efpece , auxquels ces for-
tes d'ornemens font propres , & non ail-
leurs : aufll nos meilleurs architeâes n'en
font-ils u/kge que là , ou tout au plus dans
de petits appartemeiis , comme chambre &
fîille de bains , cabinets de toillette , garde-
robes, &c. Se méprifent-its le mauvais goût
de ces fculpteurs , qui prodiguent ces orne-
niens chimériques & imaginaires dans les
appartemens qui demandent de la gra-
vité , au lieu de leur préférer ce que la na-
ture nous offre de plus beau dans fès pro-
ductions. {P)
* ARABI , l( golfe de Gli'Aralù, ( g^og.
anc. ù mod. ) autrefois Gyfis ou Zygis ,
petit golfe de la mer de Barbarie , entre les
côtes de Barca & de l'Egypte,
* Arabi , la torre de Gli-Arabi^ tour
S? village d'Egypte , fîtués dans le petit golfe
qu'on nomme le golfe des Arabes. Voye^
(article précédent.
§ ARABIE, { Géogr. ) Cette région qui
forme la plus grande prcfqu'île du monde ,
a une étendue prefque de cinq cents lieues
du midi au fcptentrion , & environ de
quatre cents lieues d'orient en occident.
Les géographes en ont étendu ou rclfbrré
tes linutes, fçlon le temps où ils écrivoieut j
ARA
quelquefois Ils ont compris fous ce nom kî
contrées voifines qui pouvoient être alion ;.^s
à quelques tribus , & quelquefois ils en c:.t
détaché quelques cantons fournis à une
domination étrangère.
Cette prefqu'île eft bornée à l'orient par
le golfe Perfique , &c la baie d'Ormus ,
au couchant par la mer rouge, l'ifthme
de Sues , la Terre Sainte & une partie de
la Syrie 5 au midi par le détroit de Babel-
Mandel & l'océan Indien ; au feptentrion
par l'Irak , le Kureftan , & la Turquie
d'Afie. On lui donne le nom de péninfùle ,
parce qu'elle lé rétrécit entre l'Euphrate Se
la Méditerranée. Les révolutions des
temps n'ont point changé fbn nom pri-
mitif ^ & dès les liecles voiiîns du déluge ,
elle fut connue fbus le nom à'Arab , que
les uns dérivent d'Iarab , fils aine de Joc-
tan , & d'autres d'Araba , canton habité
par Ifïnael : un pays aultî vafte ne put
recevoir la même dénomination de tous fes
voifîns ; ainiî les Syriens l'appellerent Ari-
bifian , & nos livres facrés le défignent
fous le nom du pays de Cush. Moy/e a
fondé fà divifion fiir les trois différens
peuples qui y formèrent les premiers éta-
bliiîêmens ; & fa géographie exafte & pré-
cilè n'a point à redouter la févérité de la
critique. Ptolomée eft le premier qui a
diftingué cette région en Arabie heureufè,
Arabie pétrée , Se en Arabie déferte \ Se
comme fbn ouvrage nous eft plus fami-
lier que ceux des Orientaux , nous l'avons
choifi pour guide. Les géographes Arabes,
mieux inftruits de la fituation de leur pays ,
le partagent en cinq provinces qui s'éten-
dent depuis Allah ou Galflnn fur la iner
rouge jufqu'à la mer des Indes. Cette
divifion eft d'autant plus nanirelle , qu'elle
eft fondée fiir les différens genres de vie de
fes habitans , dont les uns errans dans
leurs défèrts , ne s'arrêtent que dans les
lieux où ils trouvent des eaux pour leiu's
befbins , Se des pâturages pour leurs trou-
peaux. Ils n'ont d'autres toits qtie leurs
tentes \ Se toute leur richefiè coniifte dans
leur bétail Se leurs armes. D'autres fe réu-
niffcnt dans les villes , qui ne font que d'igno-
bles bourgades formées d'un aifemblage de
tentes ou de ir.aifbns de cannes Se de ro-
fcaux. Ces fimulaacs de villes font fort
diftaijs
ARA
rfiftantes les unes des autres , parce que la
terre rebelle à la culture ne pounoit fournir
allez de prodnâion,«pourla iubliltancc d'une
multitude raflembice.
La province de lehania s'étend fiir tout
le nord de cette pcninfule julqu a Eleaf ;
on n'y trouve ni villes ni hameaux , &
c'eft ce qui lui a fait donner le nom du
grand Dffen ; mais comme le fol eft le
plus bas de toute \' Arabie , on y rencontre
une quantité de Iburces , richefle prccicufc
pour un pa)-s aride & delleché. En fortant
de cette province , ou entre daiis le Ka-
jed , pays élevé qui n'offre que des rochers
& des déferts , ci'où la diiètte des eaux
profcrit les hommes & les animaux, ex-
cepté dans certains cantons plus favori'cs .
où l'ombre des montagnes garantit des ar-
deurs du foleil. En s'avaaçant au ftid-cll
vers l'orient , on trouve l'Hejias , pays
dilgracié de la natui-e , où la terre delîé-
chce ne fournit ni eaux , ni fruits , ni
moiffons ^ mais la crédulité fiipcrilitieurey
fait germer l'abondance , & cette pro-
vince , condamnée par la nature à la Ité-
rilité , eft devenue la plus riciie & la plus
fortunée de VAraiic ; elle fut comme des
les premiers temps ibus le nom de la Ma-
dianite , où VArabk pétrée. C'eft aux villes
de la Mecque & de Mcdine qu'elle doit
fbn opulence Si fa célébrité. L'une s'honore
d'avoir donné nailFance à Maho-net , &
l'autre fe glorifie de lui avoir fervi d'atyle,
lorfqu'au commencement de fa prédication,
il fut obligé de fe fouftraire au glaive de Tes
perlécuteurs. Bien des titres annobliirent
cette province : ce fut-là , à ce qu'on dit ,
qu'Abraham jeta les fondem.ens du plus
ancien temple du monde ^ ce fut-là qu'If-
maël , forcé de quitter la maifon pater-
jielle , fut chercher une nouvelle patrie ; ce
fut-là que Moyfè fugitif d'Eg}'pte , fe dé-
roba aux vengeances de ceux qui vouloient
le punir d'avoir tué un Eg)^ptien , il s'y
maria avec la fille de Jethro , prophète
fort révéré , qui donna , difent les Ara-
bes , d'utiles inftru£Hons à ce condufteur
du peuple Hébreu. C'eft encore-là qu'on
voit les montagnes d'Orcb & Sinaï , où
l'Eternel donna des loix à Ion peuple , au
bruit des tonnerres & à la lueur des éclairs.
C'eft par ces titres de nob'eftê qu'une pro-
Tome ni.
ARA xi.i
vince qui n'offre que des fables & d;s
rochers d'où fbrtent des eaux ameres ^
établit fil prééminence 8c trouve des ref-
fourccs toujours renaillhntes , dans une
tradition qui lui eft glorieulc & avanta-
geufe. L'Orudc , qui oft la quatrième
partie de cette divifion , s'étend depuis le
NVijed jufqu'à la terre d'Oman. Les habi-
tans agrcftcs & fauvagcs font encore plon-
gés dans la barbarie des pi-emiers temps 5
ils jouifTent en communauté de toutes les
produûions de la nature , qui n'eft pas ex-
trêmement libérale pour eux : l'ignorance
où ils font des comn:odités de la vie & des
rafinemens du luxe , leur fait regarder leur
pays ingrat coir/me la contrée la plus dc-
licieufc de la terre. Quoiqu'on pêche les
perles liir leurs côtes , quoique leur fol fc^it
parfcmé de poudre d'or , ils font fans atta-
chement pour ces richelles d'opinion , qu'ils
abandonnent à la cupidité des ctrangcry
beaucoup plus à plaindre qu'eux.
La province d'Vemen, plus connue fous
le nom (X Arabie hzurcufe , eft la plus fé-
conde & la phis étendue \ ce pays li vanté
par la verdure de fes arbres , par la pureté
de l'air qu'on y rcfpire , par l'excellence de
fes fruits , par l'abondance variée de fês
lirodudions , n'oFfre plus aujourd'hui le
fpcftacle de fon antique opulence ^ on a
peine à comprendre comment on a pu
ilonncr le nom ô^'ieureufe à une contrée où '
la plus grande partie du fol rcfte fans cul-
ture , & qui , delîechée p;u- des chaleurs
brûlantes , ne trouve d'habitans que dans
les lieux où les montagnes prêtent le fe-
cours de leur ombre : il eft donc à préfumer
que les chofcs de luxe qu'elle produit . 8c
dont les peuples policés fe foi.t un belbin,
ont doiuié lieu de croire que par-tout où
l'on trouvoit des fuperfluités , on jouiffoit
d'un néceifaire abondant : de même que le
vulgaire s'imagine que les lieux les plus
fortunés font ceux qui produifent l'or , les
perles 8c les diamans. Cette province ,
beaucoup moins féconde que l'Egj'pte 8c la
Syrie qui lui font contigucs , ne paroît
avoir ufurpé le nom à^heureufe , que par
comparaifon avec les contrées ftériles 8c
indigentes qui l'environnent.
V Arabie a trop d'étendue pour que les
productions de chaque province foient les
121- 'ARA
mêmes ^ on n'y trouve plus ces parfums ,
cet or , CCS perles , ces épiceries dont la
fource eft épuiiee , ou dont rexiitence
pourroit bien n'être qu'imaginaire : ces ri-
cheires paroiffent avoir été autant de pro-
duirions des Indes & des côtes d'Afrique,
où les Egyptiens alloient les cherclier pour
les répandre chez les peuples d'occident; &
comme il étoit de l'intérêt de cacher la
fource de leur abondance , ils aimoient
mieux faire croire qu'ils comanerçoient en
Arabie , où l'on ne pouvoir pénétrer , fans
expofer fa vie diuis les làbles & lapoufTiere
des déferts. Homère , da'is l'énumération
qu'il fait des peuples commerçans , ne fait
aucune mention des Arabes •■, ce font les
Européens qui les ont tirés de l'oubli ; ils
ont tra\'eifé les mers croyant y trouver la
fource de toutes les richefles , S4 ils n'en
ont rapporté que le café , qui eft devenu un
befoin pour les peuples policés , Se qui eil
un bien réel pour le pays qui le produit.
La principale richclle de VArabit con-
fiée dans fes troupeaux , & fur-tout dans
les efpeces qui n'exigent pour fe nourrir que
des herbes fucculentes. La vache y donne
peu de lait , & la chair du bœuf qui ,
comme elle , fe plaît dans de gras pâtu-
rages , eft infipide & fans fuc. Le veau
gras éîoit un mets rare & recherché , qu'on
réfcrvcit pour les feftins de l'holpitalité.
Le mouton , le chameau décorent les ta-
bles les plus délicates. Le cochon ycftrare,
parce qu'il auroiî peine à fe multiplier dans
un pays qui fournit à peine des fubiîftan-
ces à lès habitaris , où l'on trouve peu de
pâturaj^es & de bois , de racines 8c de
retres labourables : prefque tous les légilla-
teurs de l'orieiit ont défendu de s'en nourrir
parce que , outre que la chair en eft fafti-
dieufè & dégoûtante , elle eft encore nui-
fible à la faute : ces animaux fujets à la
ladrerie , qui eft contagieufe , pourroicnt
la communiquer aux troupeaux dont la
chair fcrt de nourriture aux homines. Il
fiilloit que Vylrabie , malgré la ftérilité de
fon fol , fût ii.Tchargée de troupeaux ,
puirqu'clle en faifoit un grand objet de com-
merce avec (es voilins \ mais on f lit que ,
dans tous les climats brûlans , il fc fait une
plus grande confommation de fruits que de
viandes. Le bétail u'étoit pus ion. unique
A RA
Ticheïïê ; on a beaucoup vanté l'excellence
de ies dattes , la iuavité de fes parfums , le
goût délicieux: de fes fruits , la beauté de
fon ébene & de Ibn ivoire. Toute l'anti-
quité dépofe que lesTyriensy puifoientces
monceaux d'or qu'ils étaloient comme ligne
de leur puiflancc : c'étoit , dit - on , dans
les provinces méridionales , que germoit
ce précieiL>v métal dont les habitans fai-
foient des tables , des fieges & des lits ; ils
ouvroient les entrailles de la terre , d'où ils
en tiroient des morceaux de la groffeur
d'une noix. Hérodote fait mention d'une
rivière qui rouloit tant d'or , que fes eaux
portoient tout l'éclat de ce métal : ces ri-
chefles étoient inutiles à ces pofiéiléurs , ip.i
préféroient une indigence parelfeufe , à des
biens qu'il failoit acquérir par un travail
pénible. Un nombreux troupeau leur pa-
roilFoit une richelTe plus réelle que des
perles & des diamans , que la nature a
enfouis dans le fein do la terre , comme fi
elle eût préui qu'ils feroieiit les aliir.cns de
nos maux & de nos crimes.
\J Arabie eft infeftée de toutes les bêtes
féroces qui préfèrent aux terres humides ,
les {àbles brûlans & les montagnes arides :
elles établi/font leur demeure dans les ca-
vernes d(ts montagnes , dans les fentes des
rochers , ou dans des tanières qu'elles le
crculènt elles - mêmes. Ces rois folitaires
exercent lui empire abfolu dans les déferts ,
dont l'homme fier de fes titres, n'eft que
le monarque dégradé. Mais il les lions ,
les tigres , les hyènes , les panthères & les
léopards , exercent avec impunité leurs
ra\ages dans les déferts , on trou^'e dans
les montagnes d'autres animaux qui , quoi-
qu'auftl féroces , produifent de grands
avantages pour le commerce ; tels font les
chats muf jués , la civette , la belette odo- ,
rante , la genette , le chevreuil de mufc,oC
plalieurs autres que l'éducation dépouille
de leurs inclinations féroces , & que l'ha-
bitude accoutume à la difcipline don'.eûi-
quc. Ces animaux portent auprès des par-
ties de la génération , irn fac dans lequel
fe filtre une humeur odorante , dont on
fait des pommades & des parfums fort
recherchés. Les anciens , qui en connoif-
foient la vertu ftimulante , en ccmpolbicnt
des philtres. Les peuples de l'orient iifeut
A Fv A riî
pns refpii'cr un air de fci! , & pour iê
dcrc/hcr aux aideurs d'un foyer que les
ve;iîs femblent proiiicner daus les airs.
(T-N.)
Arabie, (Comm.) L'intérieur de 1'^^-
rabic étoit jufqii'ici peur iiciis un pays en-
tièrement inconnu. Les voyageurs ^ daus
Icr.rs relations , (a font bornés à la defcrip-
tion dos côtes de cette vaftc contrée qlii ,
fans doute , avoient été le terme de leurs
courics. M. Midiaëlis , célèbre profclîèur
de Gottingue , propofa au feu roi de Da-.
nemarck. d"en\'oyer cinq favans reconnoîtk'B
le terroir & les produdions de V Arabie i
de ces cinq Danois il en mourut quatre fiir
la route. M. Nicbuhr , qui étoit chargé dé
la partie géographiqrc , a tâché de remplif
tout feul le but de foji voyage ^ il en a pu-
blié la relation en 1772 : nous en extrairont
ce qu'il y a de relatif à notre cbjct , en
l'abrégeant.
De toutes les cartes de ÏArabie qui ont
paru jufqu'ici , ce favant donne la préfé-
rence à celle de M. d'Anville , publiée eii
17 51 , fous \c titre : ficniiere partie de la-
carte cfA/ie , la Turquie , l'Arabie , Pliide
& la Tartarie.
Il a auffi recueilli un grand nombre
d'iiifcriptions & de médailles en carafteres
cufiques , & dont il rapporte les explica-
tions données par M. Reiske , piofeîleura
Leipfick. Parmi ces antiques on diftingua
un moyen bronze qui oiîre l'image de la
croix , aycc le nom d'un calife & une
légende Turque : on ceifera d'être étorij.é
d'un auffi bizarre mélange , lorfqu'on fau: a
que cette médaille fiit frappée dans u.i
pays qui étoit eri menie temps gouveinî
par les empereurs Grecs & par les califes
de Bagdad.
U Arabie cft divifée en huit provinces en-
tièrement indépendantes les unes des autres,
& qui font Ardcl , lemen , Hadramar.t ,
Oman , les contrées fituc-es le long du golfe
Perfique, Hadsjar, Mcdficd , Hcdfias , oC
le pays des Bédouins.
La province dlemen qui a 48 milles
d'Allemagne de longueur , far vingt de lar-
geur , eft partagée en quatorze diftrids. Les
principaux font les feigneuries d'Aden &L
de Kaukebon , le pays du lemen pro-
ARA
encore t^c cet nrtifîcc pour llipplécr à la
Cage ccoiiomie de la nature, 'trop avare au
gré de leurs dcfirs immodérés. Les Hol-
haidois excellent , dit-on , dans la compo-
sition de ces ponmiadcs , bi on les croit
beaucoup phis aâ:i\es & vivifiantes que
celles de ï Arabie & des Indes , qu'on altère
par le mélange des drogues odorantes.
Quoique le fol de ï Arabie ne Ibit en
général que Cible & poullicre , il eic certains
C^'ntons privilégiés où des iburces abon-
d.iiites arrofent des terrains imprégnés de
fel , qui n'ont bcfoin que d'être amollis par
l'humidité pour produire de riches moif-
fons. 'l'ont i'art du cultivateur fc borne à
bien préparer la terre , pour recevoir les
feis qui ont befoin du fècours des eaux ,
pour donner au fol un aliment convenable
à la fcmencc qui lui a été confiée. Les
déferts cou\'erts de fable n'ont pas la même
rcllburce : les eaux concentrées dans les
entrailles de la terre , ne peuvent s'élever
dans l'air , ni lui donner ces vapeurs vi-
vifiantes qui , en retombant fur la fi'.perfi-
cie du fol , s'infinuent dans fon fein pour
en favorifèr la fécondité. y\ini'î , ^tandis
que certains cantons font rafraîchis par des
pluies abondantes , d'autres languilfent dans
l'aridité. Cette inégalité n'a d'autre caufe
«[ue la pofîtion des eaux : coulent-elles fur
la furface de la terre ;, l'aâiion du foleil
attire des vapeurs humides d'où ic for-
nicnt des orages : font-elles renfermées
dans l'intérieur de la terre '-, le foleil cfi:
âmpulifant à les en détacher pour tempérer
l'ardeur de fes rayons , & le fol brûlé par
lès ravages , n'eft pliis que cendre &
pouffiere. Le même phénomène fe fait re-
marquer dans tous les pays voiiins du tro-
pique \ les Grecs établis fur les côtes de
Cirene en Afrique , avoient peine à com-
prendre comment la Lybie, qui étoit con-
tiguë à la Pentapole qu'ils habitoient ,
cp-rouvoit une fécherelfe continuelle , tan-
dis qu'ils étoient fans celle inondés de
pluies qui leur faifoient dire que leur ciel
étoit percé. Quoique YArabie fcit fbuvent
agitée de tempêtes violentes , l'air y eft
par-tout égalemeiit brûlant ; & c'eil quand
les vents fouillent avec le plus de vio-
lesice que la chaleur eft excellive. L'on eft
obligé de fe coucher par terre pour ne.| premeut- dit, Chaiilan, kaifigtau De
Q i
ii4 ARA
tous les étals à' Arabie , l'Iemen eft le phis
uniforme & le mieux policé •, gouverné d'à
bord par des fbiiveraius particuliers , il reçut
ralcoran la Septième année de l'hégire.
Cette belle province excita plufieurs fois
l'anîbiîicn de l'Egypte , & fut foumife aux
iùltans ottomans. Elle devint la proie de
Saladin , de Guri , de Soliman ; mais l'a-
mour de la liberté triompha toujours des
armes ottomanes flir les montagnes de
cette province. En 1630 , KhaiTem , l'un
fies fcheichs indépendans , força les bâchas
Turcs à quitter le pays : Ifmaël , fon fils ,
affermit cette heureufè révolution , & prit
la qualité d'iman : on l'honora comme un
iàint pendant fa vie & après là mort : fon
renoncement aux plaifirs du fiecle , fa
frugalité , fa inodération , furent les titres
de ion apothéolè. Il n'eut d'autres reve-
rus que le produit de la vente des bonncis
qu'il n'avoit pas dédaigné de faire lui-
ir.ême.
De toutes les villes commerçantes de
Y Arabie , la plus riche , la plus flcrilfante ,
cil celle de IVloka , fituée dans un terroir
llérile , à ijd 19' de latitude. On voit pref-
que toujours ibn port rempli de vaiiTeaux
qui arrivent d'Egypte & des Indes. Moka
ïut fondée par un fage de la feâe de Sunni ,
qui s'étoit confiné dans un hermitage des
environs. Almanzor , fécond calife Abaf-
ilde , bâtit près de la cellule d'un autre phl-
îofophe , la ville de Bagdad , qu'on peut
appeller lùBabylone de ï Arabie.
Beit-el-fakih ( c'eft-à-dire , la maifon
tles favans ) , fituée au 14^ 31' de latitude,
eft maintenant l'entrepôt du commerce du
café : c'eft au port de cette ville qu'abor-
dent continuellement des vaiiTeaux de tous
les pays , pour acheter cette denrée , de-
venue ii précicufc & fi néceiTaire en Afie
& en Europe. La croupe des montagnes
voifines prclènte de tous côtés des cafiers.
Sana , capitale de l'Iemen , cft le lieu
de la rcfidencc de l'Iman. Sa fituation ,
peu favorable pour le commerce , n'y attire
point cette foule d'étrangers qu'on remar-
que dans les villes dont nous venons de
parler ;, mais l'air y ell infiiiiment plus pur ,
phis fain , {k le foleil beaucoup moins ar-
dent. Elle connnande une vafîe phiiiic où
la r.aturc a pris pluilir d'étaler fcs plus pré-
A R A
cieux tréfors. Tel eft le féjour où quelque»
pontifes mufiilmans s'endorment dans les
bras de la molleire & de la volupté.
Taâs , éloigné de l'équateur de 1^ i/^' ,
eft rempli de mofquées magnifiques , qui
atteftent fon ancienne fplendeur.
Aden , l'une des plus anciennes & des
plus célèbres villes de \ Arabie , fituée à
iz<^ 40' de latitude , a fecoué depuis 1740
le joug de la domination de l'iman. Le def-
potifme des pontifes, le fouvenir de l'expul-
fion des ottomans , encouragèrent les habi-
tans à tenter cette révolution. Ils réclamèrent
leurs anciens droits , & nommèrent un
fcheich qui ne devoit exercer fur eux qu'une
puilfance paternelle.
Dans la vafte contrée de Hafchid & de
Bekil , on trouve plufieurs chefs qui font
autant de fouvcrains fous le titre de Nakib.
L'iman iè fait gloire de les avoir pour alliés*,
& c'eft parmi les Arabes de ce pays , qu'on
regarde comme les plus belliqueux , qu'il
forme fes meilleures troupes. Le métier de
partifan eft fort à la mode dans le Nedsje-
tan ; un fcheich de ce diilriâ: , appelle
Mekkrami , tra\'erfa Y Arabie avec un camp
volant, depuis la mer rouge jufqu'au golfe
Perfique.
Les habitans de Sahan ne connoifl"ent
d'autres loix religieufes ou civiles , que
celles de l'inftinft. Ils fe contentent d'une
feule femme , & ne marient leurs filles qu'à
quinze ans , tandis que dans le diltrict de
l'iman , elles font communément mères à
l'âge de neuf ou dix ans.
Les mœurs , les ufages , tout chez ce
peuple , annonce une iimplicité & une in-
nocence qui valent bien , fans doute , les
vices aimables des villes polies.
Dans la province d'Oman , les débau-
ches du pontife Seif-Bcn , fultan , ont opéré
depuis peu une révolution remarqu.ible.
Achmct-Bcn-Said qui l'a chaflc , par la dou-
ceur de fon règne , fit oublier aux habitans
les maux qu'ils avoient foufferts fous de per-
fides ufurpateurs.
Mafcat , fitué au 23<l 37' de latitude ,
a un port audi siir que commode. Cette
ville , la plus riche & la plus comiîierçante
de Y Arabie , qui s'étend le long du golfe
Perfique , eft défendue par deux ci>âteaux.
Les Portugais i'enip;ixcrcat de cette plaça.
ARA
en 1 508 , & la perdirent 1 50 années après ,
parce que le gouverneur avoit enlevé la
£lle d'un Banian.
Parmi les différentes cclonics Arabes ,
établies fur la plage maritime du goUc
Perfique , la plus confidcrable cft la ville
d'Abulchahr , éloignée de Téquateur de
z8<* 59'. Celle de Ganibron , fondée par
Schab-Abhas , a perdu depuis les troubles
qui fuivirent la mort violente de Schach-
Nadir , cette opulence , cette fplendeur
qu'elle dcvoit à l'étendue de fou com-
merce.
L'île de Baharein , qui renferme cin-
quante petits villag-es , appartient mainte-
nant , ainli que la pêche des perles qui fe
fait dans les parages , au fcheich d'Abuf^
chahr , Arabe de nation : elle lui produit
environ 67 mille écus.
A cinq lieues de cette lie , on trou^-e
la ville de Katif qu'enrichit la pêche des
perles , entreprifb aux frais des habitans.
Les Arabes de la pro\ ince de Hedlîas ,
ne dépendent eu rien des Ottomans. Il eu
vrai qi:e le Grand Seigneur a un Bâcha
à Olîadda , ville maritime de cette con-
trée ■■, mais fa jurifdifticn ne s'étend pas
au delà des murs de la cité.
Le Sultan envoie chaque année à la
Mecque & à Médine quatre ou cinq vaif
féaux chargés de denrées , qui font diftri-
biiés aux habitans de ces villes. Il fait paiîer
anfli annuellement an liege de la foi Mu-
fulmane , des fommes immenfes que par-
tagent entr'eux les defcendans de Malio-
met. Rien de plus lîmple que l'architeâure
de la Câba ou inaifon de Dieu : à deux
tiers de fa hauteur , pend ime large bande
de foie noire , qui prélènte les principaux
paffages de l'alcoran, brodés en or. Les
revenus de la plupart des bains , bazars &
caravanlèras qui font en Turquie , appar-
tiennent à cette célèbre mofquée.
Dans toute la prefqii'île de Y Arabie , on
ne connoît que deux faifons , la feche ^
la pli;\ieuic : celle-ci commence ])our la
province d'Icinen , vers le milieu de Juin ,
& finit en Septembre : à Malcat , elle dure
depuis le 21 Novembre au 18 Février ;, &
dans l'Oman , depuis le 19 Février jufqu'au
20 Avril. La chaleur n eft pas moins fujette
à des variations que le froid j à Sara le tlier-
A R A ■ 125
mometre n'a jamais été au delà de 85 de-
grés, depuis le 18 au 29 Ac Juillet , tandis
que dans le Théama , qui cfl plus bas que
l'Ionien , on l'a vu au 98 i\<:gié , depuis
le 6 au 21 Août. Les Arabes donnent le
nom de famum à leur canicule , ainli qu'à
un vent mortel qui fou f fie i)endant les
grandes chaleurs ilans le défert , entre Baf-
fora , Bagdad , Alep & la Mecque. Pour
fe garantir du danger qui les menace , les
habitans fe jettent à terre. Les peuples de
l'île de Charedfi & de Marcdin , n'ont rien
à redouter du ihnium : ils couchent en
;)leiii air depuis le 15 Mai julqu'en Odobrc,
fans en être aucunement incommodés. Foyei
Sa MU M.
Les Arabes ne rcconnoiffcnt pour noblci
que les defcendans de Mahomet & des
Scheichs, (fcigneurs indépendans.) Prefque
tous les Schérifs ou Emirs , font reinomer
leur origine au faint prophète. Les Arabes
obfervent à la rigueur la tolérance rc!i-
gieufe , & font prêts à recevoir dans leur
communion tous ceux qui le défirent. Le
goi;vernement de Moka paie , à chaque
nouveau converti , un écu & un quart par
mois , jufqu'à ce qu'il ait appris un mé-
tier. Quant à la fuperftition , elle règne
parmi les Arabes comme chez la plupart
des autres nations.
On trouve , fur les montagnes de Hedfias ,
des tribus entières de Juifs , qui ne rccon-
noilfent d'autre dominalion que celle de
leurs Scheichs j les chrétiens y font en petit
nombre ; & de tant de temples fuperbes qui
avoient été élevés au vrai Dieu dans cette
vafie contrée , il ne leur relie plus qu'une
églife à Balfora.
L'éducation des Arabes eft très-févere :
à peine font-ils fortis du harem , d'où on
les retire à l'âge de quatre à cinq ans , que
les percs les tiennent continuellement auprès
d'eux , fans leur permettre les amuretiiens
les plus innocens. Le beau fexe ne paroît
jamais dans les compagnies : en peut juger
par-là du pLifir qu'on y goûte. On n'eft
guère moins délicat en Arabie fur le point
j'hoiuiear , que dans les autres pays.
Les loix pénales ont beaucoup de rapport
avec les loix judiciaires. A Sane on décerne
la peine de mort contre l'hoinicide ; mais ,
dans quelques autres diftrids de l'Iemcn ,
»i(f AilA-
Ics pp.reiîs de l'aiTafTiiic ont Je choix de faire
quelque pcco.rmodciiient avec le meurîrier,
ou de le battre en duel.
Les liabitans de VAral-k àé^zxXc préfè-
rent l'état de vierg-e à la plus riche dot. Le
moindre foupçon lur la conduite d'une fille ,
eft une railhn fufnfaute de la renvo}-er,
Chofe iiii'juliere ! fi un père fiirpreiul la
fillei en fla jrant délit avec un fédudteur ,
il a le droit de lui ôtcr la vie ■^ il n'efc point
obligé d'examiner li le criine a été volon-
taire ou no!i. Les geiîs aifés le contentent
ordinairement d'uiic femme , parce qr.c les
polygames y font Hjjets à quelques loix peu
coînmcdcs.
C'eft à tort que la plupart des voyageurs
ont avancé , qu'en Arabie les pères vendent
leiirs filles au plus olirant : il en ell: peu qui
ne foient dotées. La femme peut diipofer
de fa dot comme d'un bien qui lui appar-
tient exclurivement , & le mari s'engage
devant le Cadi , à payer à ion épouiè , en
cas de divorce , une certaine foinme Ipé-
cifiée dans le contrat de mariage : ils ont ,
l'un & l'auti-e , le même droit de demiuidcr
la icparation de biens 8î de corps.
La vertu d'hofpitaliîé caraétérile parti-
culièrement la nation Arabe : les feigneurs
des villages vinrent plufieurs fois eux-mê-
mes inviter M. N à leur table , &
comme le voyageur n'acceptoit point leurs
oiTres , ils lui iaifoient palier les mets les
plus délicieux. Les écoles font fiîuées fiir
les grandes places des villes ; c'clt-là qu'on
voit chaque étudiant aiïis devant fon pupi-
tre , fans être difirait p;ir le bruit des
paiîans. La province de l'Iemcn a deux
académies , l'une à Zcbid , l'autre à Damar.
La première eil: réfervce aux Siumites , la
fecondc aux Zeïditcs. Quand il s'agit de
décider des points de controverfe , on a
recours à l'académie du grand Caire.
Les Arabes, en général, & particuliè-
rement ceux du défert , ont un talent fupé-
rieiu- pour la verfification. L'auteur raconte
<}u'un Schcich , ayant vu un oifcau s'envo-
ler du toït d'une maifon qui étoit vis-à-
lis de la prifon où on l'avoit confiné ,
compofa fur le champ un poème , dans
lequel il faifoit voir combien il y auroit
de mérite à lui rendre la liberté. La mufe
du prifoiinier fiécliit l'Iman , qui le re-
ARA
mît en pofTefTîon de fes droits priniîflf?.
Les fcieuccs exacres font encore au t-er-
ceau en Arabie : les cônuoifliuiccs afrrono-
miqiîes de ces peuples le bornent à la no-
tice hiftorique des allrcs. Dans ce pays ,
chaque particulier eft fi-n propre médecin.
De tous les animaux le cheval y eft lo
plus eftimé, far-tout de l'elbcce de ceux
que l'on appelle koch'ani , dont la noblelFe
cil juridiquement prouvée , 6c que leî
Bédouins élevem entre Baffi-ra , Merdin &
la frontière de la Syrie : ils ne for.t i-emar-
quab'es, ni par leur grandeur , ni par- leur
beauté ^ une agilité extraordinaire , une
douceur extrême , un attachem.ent fingulier
pour leiu-s maîtres , voilà ce qui en fait
le prix. Voye[ Journal Encycl. j'eptembie
I77^ (C)
ARABIHISSAR, (Géogr.) petite ville
de la Turquie dans l'Anatolie. Elle eft
fituée fur le bord méridional de la rivière
Schina : on croit que c'eil l'ancieiuie Alinda.
Les mai/bns qui y relient font chéti\'es , Se
les liabitans pauvres & miférables. ( C. A.)
♦ARABIQUE (gomme), mat. méd.
eft un fuc en grumeaux , de la groflcur d'une
aveline ou d'une noix , & même plus gros ,
en petites boides ; quelquefois longs , cy-
lindriques ou vermiculaires ■-, d'autres fois
tortillés , 8c comme des chenilles repliées
fur elles-mêmes ;, tranfiiarcns , d'un jaune
pale ou tout-à-fait jaiuie , ou brillans ^
ridés à la llirface '-, fragiles , luifans en-
dedans comme du verre , s'amoUilIant dans
la bouche , s'attachant aux dents ; fans
goût , & donnant à l'eau dans laquelle on
les dillbut une vifcofité gluante.
La gomme arabique vient d'Egy^ite ,
d'Arabie, & des côtes d'Afrique. Celle
qui eft blanche ou d'un jaune pâle , tranf-
parente , brillante , feche & fans ordure ,
eft la plus eftiméc. On en apporte auili en
grands morceaux roullàtres & lalés , qu'on
vend aux artifans qui en emploient.
Il eft conftant , dit M. GeolFroi , que la
gomme thébaïque ou égyptiaque des Grecs
& Varabiijue de Sèrapion , eft un liic gom-
meuxqui découle de l'acacia : mais on doute
ii celle de nos boutiques eft la même que
celle des Grecs. M. Geoftroy prouve que
ce doute eft nîal fondé. Voye^ la Matiert
J mcd. L'acacia qui doiuie la gomme arabiqut
ARA
eft , félon lui , un grand arbre fort brnn-
chu , dont les racines fe diilribiicnt ik s'é-
tendent en rameaux , 6f dont le tronc a
fouvent un pié d cpaiffcur , qui é<ralc, ou
même ftirpaifeen hauteur les autres acacia ;,
qui eft ferme &c armé de fortes épines ^
qui a la feuille menue, conjuguée & ran-
gée par paires fur une cote de deux pou-
ces de long , d'un vcrd obfcur , loii.fac
de trois lignes & large à peine d'une ligne ,
& dont les fleurs viennent aux aiirdks des
côtes qui portent les feuilles , ramallécs en
un bouton fjihérique porté fur un pédi-
cule d'un pouce de long , & font de cou-
leur d'or & fans odeur , d'une feule pièce ,
çn tuyau renflé à Ion extrémité fupéricure ,
& divile en cinq legmens :, garnies d'un
grand nombre d'étamines , Se d'un piftil
qui dégénère en une goulîé femblable en
quelque chofe à celle du lupin , longue de
cinq pouces ou environ , bnme ou rouf-
fâtre , applatie , cpaifî'e d'une ligne dans
Ion milieu , plus mince fur les bords ,
large inégalement , fi fort étranglée par in-
tervalles , qu'elle repréfente quatre , cinq,
fix, huit, dix, Se même un plus grand
nombre de papilles applatics , unies enlèni-
ble par un hl d'un demi-pouce dans leur
plus grande largeur , d'une li:;-nc à peine à
l'endroit étranglé ^ plcip.es chacune d'uiie
fèmcnce ovalaire , applatie , dure , mais
moins que celle du caroubier , de la cou-
leur de la châtaigne ^ inarquée tout au-
tour d'une ligne telle qu'on la voit aux grai-
nes de tamarins , Se cn^'cloppée d'une ef-
pece de mucilage gommeux, allriiigcnt,
acide , & rouffâtre. Cet acacia , fi l'on en
croit Augiiftin Lippi , eft conunun en
Egypte , auprès du grand Caire.
On pile les gonfles quand elles font en-
core vertes , & l'on en exprime un fiic que
l'on fait épaiiïir & que l'on appelle fuc
d'acacia ; mais il découle des fentes de
l'écorcc , du tronc & des rameaux une hu-
meur vifqueuiè qui le durcit avec le temps ,
& qu'on appelle gomme vermiculaire.
La gomme arabique domie dans l'analylè
du flegme limpide, làns goût Se iàns odeur,
un acide rouflàtre , une liqueur alkaline , Se
de l'huile.
La mafle noire reftée dans la cornue,
calcinée au feu de réverbère pendant trente
ARA 117
heures, lai/Te des cendres grlfcs, dont ou
retire parlixiviation du fel fixe alkali.
La gomme arabique n'a ni goût ni odeur.
Elle {e difiout dans l'eau , mais non dans
l'eiprit-de-vin ou l'huile , elle fô met eu
charbon dans le féu : elle ne s'y enflamme
pas ^ d'où il s'enfuit qu'elle eft compoice
d'un fcl falé , uni avec une huile groiïiere
Se une jjortion aflcz confidérablc de terre ;
elle entre dans un grand nombre de médi-
camcns ;, on la donne même comme ingré-
dient principal.
Elle peut , par fes parties mucilagineufes ,
adoucir la lymphe acre , épaiflir celle qui
eft terme ■■, Se appaifer les mouvemcns trop
violens des humeurs. On s'en fert dans lu
toux , l'enrouement , les catarres fiilés , le
crachement de fang , la ftrangiirie , Se les
ardeurs d'urine. f^oye[ Mat, méd. de M.
Geofroy.
Cette f.ibftance , de nature végétale ,
abiblument Icmblable à celle qui s'échappe
par les fentes ou crevaiïës de la plupart de
nos arbres fruitiers , eft le corps muqueux ,
fade ou gommeux des ciiymiftes, appelle
vulgairement mucilage. Il y a néanmoins
quelque différence entre ce corps ou cette
gomme , Se le mucilage proprement dit j
on obfcrve même quelques variétés enti^c
cette gomme, prifedans différcns végétaux.
La gomme arabique eft alimenteulè, à con-
fidérer fês principes ^ Se l'cbièrvaticn vient
à l'appui de cette conjecture , déduite de
l'aualyfe chymique. M. Adanfon rapporte
que ks nègres qui portent cette gonnnc
dans nos comptoirs du Sénégal , n'ont pas
d'autre nourriture durant la traverfée des
déierts par où ils paflenî. ( Article de M.
LA Fosse.)
Arabiques, adj. pris fubft. ( tke'ol. )
feâ:e d'hérétiques cfui s'élevèrent en Arabie
^•ers l'an de J. C. 207. Ils enfeignoient que
l'aine nainoit Se mouroit avec le corps ,
mais aufli qu'elle reiliilcitcroit en même
temps que le corps. Eulèbe ( /. VI. c.
xxxviij ) rapporte qu'on tint en Arabie
même, dans le III fiecle un concile auquel
aflifta Origene , qui convainquit fi claire-
ment ces hérétiques de leurs erreurs , qu'ils
les abjurèrent Se fe réunirent à l'églife.
Vovci THNELOFSYCHITLS. (G)
ÀRABISSEj {Géo^r.) ville d'.'^'mcnie,
ii8 ARA
jadis munie crune fortercfrc. Il y a eu un
évêque , & liiiiit Jcaa Chryibilome s'y re-
fiifjia dans le tcm.ps que les Ifaiires défo-
loient le pays d';ilentoiir. [C. A)
AllABlSTAN , ( Géogr. ) nom que les
Turcs 8i les Pcrfans donnent à l'Arabie
moderne.
* AR ABOUTEN , f. m. ( Ai/h nat. bot. )
îTrand arbre du Brcfil qui donne le bois de
Brciîl li connu par lii bonne odeur, 8: dont
il (croit à fouhaiter qu'on eût une ir.cilleure
defcription. Cette obfervation eil même
commune pour tous les arbres étrangers
dont o!i nous apporte des bois ^ il n'y en a
prerqu' aucun qui foit bien connu.
* ARACA , ( Géog. anc. & mod. ) ville
de Chaldcc dans la terre de Scnnaar , une
tics plus anciennes du inonde, piùfqu'elle
fut ( dit-on ) bâtie par Nemrod. On croit
que c'cft l'ancienne Edeffe & i'Orpha d'au-
jourd'hui.
AUACA-MIRI , ( Hift. nat. bot. ) ar-
briffeau commun au Bréiil. Son fruit mûrit
en Mars & en Septembre :, il tient de la
faveur du mufc & de l'arboifier. Il fe
garde confit. Il efi: aftringent & rafraîchif-
fant.
On fait des feuilles & des boutons de
Yaraca-miri,\m bain falutairc pour toutes
les affeftions du corps , où l'on peut em-
ployer l'aftringence. Sa racine eft bonne
pour la dylTenterie :, elle eft fur-tout diuré-
tique. Ray, Hift. Plant.
* ARACAN , ( Géog. mod. ) royauine
maritime des Indes , proche l'emboiicliure
<Ui Gange , bornée au midi par le golte de
Bengale , à l'orient & au feptcntrion par
]ç royaume d'Ava , à l'occident par le
royaume de Bengale. La ville à'Aracan ,
<!tuée fur la rivière du même nom , elt la
capitale de tout le royaume. Long. 110-30.
lût. 20-30.
Le cominerce à'Aracan n'eft pas fort
confidérable. Pour celui de Pégu il vaut
mieux: on y porte des toiles, des iriou-
choirs , du poivre , de la canelle , de la
mufcade , des bois odoriféraiis , ik on en
tire du gingembre, de l'or , de l'argent,
des pierreries & des perles. La manière
dont on y commerçoit dans les commcn-
cemens étoit allc^ iinguliere. Les marchés
ie faifoicut fans mot dire : l'acheteur 8c le
ARA
vendeur fe donnoient la main couverte d'un
mouchoir , & ils convenoient de prix par
les mouvem.ens des doigts. Voilà un excellent
moyen pour prévenir les enchères.
ARACA-PUDA, f. m . {Htft. nat. bo-
taniq. ) plantiî très-approchante du roffolis ,
allez bien deflinée fous ce nom par Van-
Rheede , dans fou Honus Malabaricus ,
vol, X , pag. 39. pi. XX. Les brames l'ap-
pellent mefi. Jean Commelin lui donne le
nom à'avine myriophylli folio yjlore carneo ;
& M. Linné , celui de rojfolis Indica, caule
ramofo folio fo , foliis linearibus , dans fon
fyftema natiirœ , imprimé en 1767 , pag.
Z2 5, n°. 6.
C'eft une herbe vivace , qui fe propage
par fes racines traçantes dans les fables du
Malabar , où elle s'élève à la hauteur de
trois pouces. Sa racine eft courte , menue ,
articulée & fibreufe. Ses tiges , au nombre
de cinq à fix à chaque pié , font cylin-
driques , menues , prefque fimplcs , ou
divifées en deux rameaux vers leur extré-
mité , vertes, charnues , tendres , couvertes
de poils blanchâtres. Chaque tige eft gar-
nie , du bas en jiaut , de fix à huit feuilles
alternes , fort écartées , difpofées circulai-
rcment , femblables à un filet cylindrique ,
verdâtre , roulé en partie en fpirale en
deilus , comme les feuilles des fougères
avant leur développement , & couvert un
peu au delà du milieu de fa longueur , de
quantité de poils allez long* , ferrés , cylin-
driques , terminés par un petit globule
jaunâtre.
Le bout de chaque branche eft terminé
par un épi de deux à quatre fleurs rouge-
bleuâtres , de deux bonnes lignes de dia-
mètre , portées fur un pédicule prefqu'une
fois plus long. Ciiaque Heur conlifte en un
calice d'une feule pièce , à cinq divifions
profondes perfiftantes en une corolle à
cinq pétales égaux & ronds , & en cinq
étamines à anthères jaunes , entre lefquelles
on voit cinq autres filets fans anthères. Du
centre de la fleur s'élève un ovaire fphéri-
que,contigu aux étamines , couronné piu"
deux ftyles {impies. Cet ovaire , eu nuirif-
fant , devient une capfule fphcroïde à une
loge, s'ouvrant en deux valves ou battans ,
qui portent chacun fur un placenta , élevé
comme une ligne longitudinale à leur mi-
lieu ,
ARA ARA ïi>
lieu, nombre de graines fphcroïdcs très-Tuli pccîimcule , un à trois fois plus long;
' '■ ' 1- • quelles.
Remarqua:. Ces Cara<£tcrcs font , à moiJf
avis , bien fiiffifiuis, pour ne pas confondre
!e kandula'lla avec Varaca-puda , comme s
fait M. Linné d'après M. Burmann. ( M,
Adanso:^. )
Al^ACARI , f. m. f HiJI. nat. Ornith. %
c{î)ecc de toucan , ainli nommé au Bréfîl ^
au rapport de Margoravc , qui , dans foit
hifioive naturelle du Bréjil , pag. 317, en a
donné une figure pallablc , laquelle a été
copiée par Jonftlion & Kuylch , pag. 148 y
pi. LX de fon hifhire naturdU des oi féaux ,
& par Willugliby , pi. XXll de fon orni-
thologie. Belon avoir publié , dès l'année
1750 , une alFez bonne figure de fon bec ,
'bus le nom ^oifiau des Terres-Neuves ,
dans fon hifioire naturelle des oifeaux , pag.
184, & fous celui A'oifeau aquatique apporté
des Terres-Neuves. Portraits d' oi féaux ^ pag.
40. M. BrilFon l'appelle toucan verd.,tucan/i
fupernè ohfcurè-viridis , infenic fulphurea ,
capite., gutture ù collo tiigris ; dorfo infimo ,
uropigio , reclricibus caudœ fuperioribus , &
tœniâ tranfverfâ in ventre coccineis , reclrici-
bus fupernè obfcurè , infernè dilute viridi'
bus.... tucana Brafdicnjis viridis ; & il en
donne une bonne figure dans fon ornitholo-
gie, vol. ly ,pag. 416, /i°. ç). pl.XXXIII f
fig- ^-
Cet oifeau eft un peu plus gros qu'uif
fort merle \ il a fèize pouces & demi de
longueur , du bout du bec jufqu'à celui de
la queue , treize pouces & demi jufqu'aii
bout des ongles , & deux pouces deux tiers?
d'épailfeur aux épaules. Son bec a quatre
pouces deux lignes & demie de longueur ,
depuis fon extrémité jufqu'aux coins de la
bouche , & fcize lignes d'épailfeur , c'eft-à-
dire , de profondeur à fon origiîie. Sa
queue a fix pouces & un quart , fon pied
fèize lignes & demie , fon doigt antérieur
le plus long , dix-fept lignes & dci:iic. Ses
ailes , lorfqu'elles font étendues , ont dix-
fcpt pouces de vol , & pliées , elles n'attei-
gnent guère au delà du croupion ou de
l'origine de la queue.
ISAracari a la tête petite , comprimée ;
le col médiocrement long , les ailes & les
pieds courts, la queue longue , arrondie au
1 bout , compofce de dix plumes roides j
R
petites , d'un fixiemc do ligne de diamètre,
d'abord blanches , cnfuite verdâtrcs , enfin
noirâtres.
Qualités. Toute cette plante eft fans goût.
Ufages. Son ici palfe pour le fpécifiquc
des obftruftions du foie , de la rate & du
inéfentcre.
Remarques, h'eiraca-puda a, comme Ton
voit, beaucoup de rapport avec IcrolFolis ,
mais il ca ditlère allez par les cinq filets
d'étamincs qu'il y a de plus , Ik par le nom-
bre des ilyles & dos battans de fon fruit ,
jiour en faire un genre ditFcrent dans la
famille des pourpiers. Confultez , à cet
égard , nos familles des plantes ; vol. II ,
pag. 245.
Quoique M. Linné ait confondu cette
plante avec celle de Ceyian , que les habi-
tans de cette île appellent kandultrjfn , nous
la croyons trop différente pour ne la pas
tliftinguer comme une cfpece particulière ,
que nous allons décrire.
Deuxième efpece. KanduL/ESSA.
Le kandulaefla , ainfi nommé à l'ilc de
Ceyian , du mot kandula , qui , dans le
langage du pays , veut dire une larme ,
parce que fes feuilles font toujours cou-
vertes de gouttelettes d'eau qui rellemblent
à des larines , a été figuré allez bien , quoi-
que fsns détails , par M. Burmann , dans
fon thefaurus Zeylanicus , pag. 209 , /'/.
XCiy,fg. I. où illedéfigne fous le nom
•de rojfolis ramofus caule foliofo. Hartog
l'appelloit , faxifraga Zeylanica mufcofa ,
minutiffimo folio , flore albo.
Il difière principalement de Xaraca-puda.,
en ce que fes tiges ont communément cinq à
fix pouces de hauteur , & qu'elles fe rami-
fient en deux , non pas à leur extrémité fu-
périeure , mais dans le bas , un peu au def-
fiis des racines. Ses feuilles font plus me-
nues , plus courtes , couvertes de poils à
peine jufqu'au milieu de leur longueur.
Ses fleurs font blanches , à pétales moins
ronds , elliptiques , une fois plus longs que
larges ; elles fortent rarement du bout des
branches , mais pour l'ox-dinaire Iblitairc-
incnt , ou difpofces en épi , de deux à trois ,
de raillclle des feuilles, portées chacune fur
Tome III,
.J-50 ARA
rondes , dont les intermédiaires font les plus
longues. Le bec eft extrêmement grand ,
de la groITcur delà tête , de forme conique ,
très-allongé, comprimé par les côtés, arqué
ou courbé légèrement en bas vers fou extré-
jniîé , creux intérieurement , plus léger
qu'une éponge , dentelé fur prclque toute
la longueur des deux demi-becs , dont le
iiipérieur ell une fois plus profond que l'in-
férieur, & plus allongé. Sa langue eft longue
de trois pouces , très-mince , très-Iégere ,
noire , ornée de deux côtés de barbes ,
comme une plume. Ses doigts font au
nombre de quatre , diftindts ou féparés ,
jufqua leur origine , fans aucune mem-
brane , & difpofés de manière que deux
font tournés en devant & deux en arrière ,
.comme dans le perroquet. Ses yeux font
grands à prunelle noire , entourée d'un iris
jaune. Les niirines font nues , rondes , pla-
cées à l'origine du demi-bec fupérieiu-.
Le verd , le jaune , le rouge & le noir ,
.lont les quatre couleurs dominantes qui
parent cet oifeau. Sa tête , fa gorge & fon
cou font noirs :, fon dos , fes ailes , fa queue,
iès cuiiîés <k {es pieds , d'un verd - obfcur
& noirâtre , à-peu-près comme dans nom-
bre de poiflbns j fon ventre jaune , tacheté
<le verd vers le croupion , &c traverfé à
/on milieu par une bande couleur de fing ,
large d'un bon travers de doigt. Le crou-
pion en delfus eft auffi couleur de fang ,
Einfi qu'une tache qui entoure les yeux ,
mais qui eft plus obfcure , & qui tire uapei:
fur le marron. Le dellbus de la queue &
des ailes , eft d'un verd-clair ou ceiicîré-verd.
Ses ongles font noirs comme fon b2c , qui
n'a de blanc que les côtés du demi - bec
fupérieur , ix une ligne anguleufc qui indi-
que fa féparation d'avec la tête.
Moeurs. Cet oifeau eft commun au Bréiil
& à Cayenne. Son cri ordinaire eft aigu ,
fans être très-bruyant ; il femble prononcer le
jiiot aracari , par lequel les habifans ont
coutume de le défigner. ( M. Auanson. )
* ARACENA , (Geog-.) bourg d'Efpagne
dans l'Aiidaloufie , à la fourcc de la rivière
de 1 into.
AR/VC-GELARAN , (G.'og. ) petit pays
du Chuiiftan , province du loyaume de
Perle. Baudrand,
ARACHiDNA j f. m, {WJi, nat. hou ) \
ARA
genre de plante à fleur papillonacée. Le
piftil devient dans la fuite un fruit mem-
braneux oblong , qui mûrit dans la terre ,
& que l'on nomme par cette raifon pijlacàe
de terre. Ce fruit eft compofé d'une feule
capf .'le qui renferme une ou deux feinences
teiubes & oblongues. Plumier, Novaplan-
tarum gênera, Voye-{ Plante. ( / )
ARACHNÉ , f Mjih. ) fille d'Idmon ,
de la ville de Colophon , difputa à Minene
la gloire de travailler mieux qu'elle en toile
& en tapiiferie. Le défi fut accepté y & la
déclfc voyant que l'ouvrage de fa rivale étoit
d'une beauté achevée , lui jeta fa na\'ette à
la tête , ce qui chagrina Arachné au point
qu'elle fe pendit de défelpoir \ & les Dieux,
par pitié , la changèrent en araignée. La
travail de l'araignée a probablement donné
lieu à cette fable. ( -J- )
ARACHNOÏDE , f. f. en terme d'Ana.-
tomic , c'eft une membrane fine , mince ,
iraniparente , qui règne entre la dure-mere
&c la pie-mere , &que l'on croit envelopper
toute la lubftance du cerveau , la moelle
allongée , la moelle de l'épine. Voye{ Mé-
xiNCE ù Cerveau.
Ce mot eft dérivé du grec \;à:vn , une
araignée , une toile d'araignée , & de ê;/of ,.
ferme : eu égard à la fineife de la p;irtie
que l'on croit reftémblcr à une toile d'arai-
gnée. Elle fut décrite pour la première fois
par Varole.
Plulieurs Anatomiftes nient l'exiftence
de cette troiiîemc méninge ou membrane ,
cC prétendent que l'on doit plutôt la re-
garder comme la lame externe de la pie-
mere , dont la lame interne s'inlînue entre
la circonvolution du cerveau. Voyei^ Pie-
mere.
Arachnoïde fê prend pareillement pour
une tunique fine & déliée qui en\'eloppe
Ihumeur cryllalline. Voy. CrystallIN.
Cette tunique eft appellée par d'autres
cryj'alloïde ou capfule du cryflallin. Plu-
iieurs ont même douté de Ion exiftence ; ce
qui eft d'autiuit plus extraordinaire que Ga-
lien en parle , h. la compare à une pellicule
d'oignon. Véfile la compi^re à de la corne
fine & tranfp;nente. Il eft ai'é de la trouver
dans les quadrupèdes , particulièrement
dans le mouton , le bœul , le cheval j ôc
quoif^u'il icù lui peu plus (Urîi.ilc de lii
A R A ^
flccouvrir dans l'hoiiime , néatimoîns uiic'
perfoiine qui l'a vue une feule fois , pourra
la trouver allez vite.
Ce qu'il y a de furprcnatit , c'eft que
Brijî'^s n'en dit pas un mot ; & qu'un auiîi
liabilc Anatoiîiiitc que Ruyfch en a douté
fort long-temps : ce ne fut qu'au moyeu
d'injeitions qu'il la découvrit , quoiqu clic
(bit très-aifce à difcerner dans un mouton ,
comme je l'ai déjà dit.
'\Jaiachnoidi eft adhérente par fa partie
poftcricureà la tunique \itrée. Dans l'homme
elle eil deux fois aulli épaiife qu'une toile
d'araignée , au moins par fa partie anté-
rieure. Dans un bœuf elle eft encore aulîi
épaitle que dans l'homme ■■, & dans un che-
val elle ell plus épaiife que dans un bœuf.
Cette tunique a trois ufages : i". de re-
tenir le cryftallin dans le chaton de l'hu-
meur vitrée , & d'empêcher qu'il ne change
de (îtuation •■, 2°. de fëparer le cryftallin
de l'humeur aqueufe , & d'empêcher qu'il
n'en foit continuellement humefté ; 3°. les
vailfcaux lymphatiques fourniifent une li-
queur qu'ils dépofent dans fa cavité , par
le moyen de laquelle le cryltallin eft con-
tinuellement rafraîchi , & tenu en bon
état j de forte que quand cette liqueur man-
que , le criftallin fc fechc bientôt , devient
dur & opaque , & peut même être réduit
en poudre. Voyci^ Petit , Mém. de tAcad.
Roy. des Scienc. an, ij^o.p, 6ii. & fuiv.
Voyei CiLiAiRE & Tunique. {L)
ÂRACHOSIE ou Arachotis,
(Géogr. ) contrée d'Alie dont parlent les
anciens géographes. Sa capitale étoit Alexan-
dreïopolis : on la plaçoit entre l'Inde & la
Perfe. On croit que c'eft aujourd'hui le
pays connu fous le nom inoderne de Haican ,
aux frontières du Candahar. (C.A.)
ARACK , f. m. (Comm,) Efpece d'eau-
de-vie que font les Tartares - Tungutes ,
fujets du Czar ou grand duc de Mofco\ie.
Cette eau-de-vie fe fait avec du lait de
cavale qu'on lailfe aigrir , & qu'enfuite on
diftille à deux ou trois reprifes entre deux
pots de terre bien bouchés , d'où la liqueur
Ibrt par un petit tuyau de bois. Cette cau-
de-vie eft très-forte & enivre plus que celle
de vni. (G)
* ARACLEA, f Géog. ) V. Héraclée.
♦ ARACOUA ou ARCHOVA , bourg
ARA 131
de Grèce dans la Livadie , proche le golfe
de Lépante. On croit que c'eft l'ancienne
Anibrilfc.
* ARACUIES ou ARACUITES , f. m.
pi. (Géog.) peuples de l'Amérique méri-
dionale dans le Brélîl , d-ans le voilinage de
la préfeêture des Pcrnambuco.
* ARACYNAPPIL , (H//L nat. bot. )
malo auraiitio parvis fruclibus fimilis , eft la
feule plante dont Ray ait fait mention ,
fans lui alligner ni propriété ni ufa<^e.
* ARAD , { Géog. anc. & faune) ville
des Amorrhéeus au midi , de la tribu de
Juda , vers le défert de Cadès.
* Arad , (Géog.) ville de la haute Hon-
grie fur la rive droite de la Mai'ifch.
* ARADUS, (Géog. anc. & mod.) île
& ville de la Phénicie fur la côte de la mer
de Syrie , proche de Tortofe , qin fe nom-
moit Antaradus. Les anciens ont cru que
ce fut près <\' Antaradus qu'Andromède fut
exj?ofce au monftre marin.
AR^PHILENORUM , (Géog. Hijl.)
lieu d'Afrique , non loin de la mer Médi-
terranée , au bout de la Cyrénaïque , 8c
aux confins de la province Tripolitaine.
Les François le nomment le Fort - de-
Sahle. Sallufte en donne l'origine dans la
digreflîon fur la guerre de Carthage con-
tre Cyrrhenc. C'eft un des monumens les
plus frappans de l'enthoufiafme auquel
ait pu porter jadis l'amour de la patrie.
Deux Frères Carthaginois , nommés Phi-
lenes , qui avoient été choiiis pour fixer
les bornes du territoire de Carthage , aimè-
rent mieux iè lailfer enterrer vifs en cet
endroit par les Cyrrhénéens , que de recu-
ler en arrière. En mémoire d'un tel facri-
fice , leurs compatriotes firent élever deux
autels fur leur tombeau , & on y bâtit
enfuite un petit bourg , qui a toujours
confervé le nom diArœ Philenorum. (C. A.)
ARAFAT , r Géog. & Hiji. tnod. ) mon-
tagne peu éloignée de la Mecque , remar-
quable par la cérémonie qu'y pratiquent
les pèlerins Turcs. Après avoir fait fept
fois le tour du temple de la Mecque , &
avoir été arrofés de l'eau du puits nommé
Zemiem , ils s'ea vont fur le foir au mont
Arafat , où ils paJiènt la nuit & le jour
fiiivant en dévotion & en prière. Le leit-
demaiu ils égorgent quantité de moutoiffi
R i
nt
A R A
ARA
dans la vallée de Mina , au pié de cctft T yeux bien marq'jés , qui font tous fân*
montagne j & après en avoir envoyé quel- 1 paupière , & couverts d'une croûte dure ^
que partie par préfent à leurs amis , ils polie & tranfparente. f^oyci IxsECTE.
dirtribucnt le rcile aux pauvres -^ ce qu'ils
T^ppeWcnt fair-e lecorban^ c'cft-à-dirc fobla-
tion : ce qu'ils exécutent en mémoire du
fâcrifice qu'Abraham voulut faire de fon
fils Ifaac fur cette même montagne , félon
eux. Au haut de cette montagne il n'y a
qu'une molquéc & inie chaire pour le pré-
dicateur , mais point d'autel. On n'y brûle
aucun des moutons égorgés t, c'ell pour-
quoi ce corban n'cft point \\\\ facrifice pro-
prement dit , ïi. encore moins un holo-
caufte , comme l'ont avancé quelques hifto-
riens. Ricaut , de femp. Ottom. (G)
* ARAGON , (Géog.) royaume & pro-
vince confidérable d'Elpagne , bornée au
feptenîrion par les Pyrénées qui la fépa-
rent de la France ^ à l'occident par la
Navarre & les deux Caftilles -^ au midi par
le rcyainne de Valence •■, & à l'orient par
une partie du royaume de Valence & par
la Catalogne. Saragollé en eft la capitale ,
& l'Ebrc la rivière la phis confidérable. Ce
royaume prend fon nom de V Aragon , pe-
tite livicre qui y coule.
* Aracon-Subordant , petite rivière
cl'Ef|)agiie dans le royaume d'Aragon , qui
a fa fource dans les Pyrénées , paife à
Jacafa , Senguefla , &c. fe joint à l'Agra ,
2>c fc jette dans l'Ebre.
ARAIGNE ou ARAIGNÉE , f f. poif-
fon de mer, mieux appelle du nom de vive.
Voyei Vive. (I)
ARAIGNÉE , f. f. (Hifl. nau Zoolog.)
g^ire d'inlèûc dont il y a plulîeurs efpe-
ces fort différentes les unes des autres :
en reconnoît aifément dans le corps d'une
araignée la tête , la poitrine , le \'entre &
les pattes '-, la tête & la poitrine compo-
sent la partie antérieure du corps ^ les pat-
tes font attachées à la poitrine ;, 8f le ven-
tre , qui efl: la partie poftérieure , y tien
par un étranglement ou par un anneau for
petit : la tête & la poitrine font couver-
tes d'une croûte dure & écaillcufe dans la
plupart des araignées , & le ventre eft tou-
Dans les difiérentes cljîeces ^araignées y
ces yeux vaiicnt pour la grollcur , le nom-
bre & la iituation ■■, elles ont fur le front
une eijiece de ferre ou de tenaille , com-
pofée de deux branches un peu plates ,
couvertes d'une croûte dure , garnies de
pointes fur les bords intérieurs ^ les bran-
ches font mobiles fur le front , mais elles
ne peu\'ent pas s'approcher au point de
faire toucher les deux extrémités l'une
contre l'autre ; le petit intervalie qui refce
peut être fermé par deux ongles crochus
& fort durs , qui font articulés aux extré-
mités des branches de la ferre : c'eft au
moyen de cette ferre que les araignées fai-
llirent leur proie , qui fe trouve alors fort
près de la bouche qui eft derrière cenc
ferre. Elles ont toutes huit jambes , arti-
culées comme celles des écreviifes. /'o.yc^
EcREVisSES. Il y a au bout de chaque
jambe deux ongles crochus , mobiles , &
garnis de dents comme une fcie : il y a
un troifieme ongle crochu , plus petit
que les deux premiers , & pofé à leur ori-
gine i celui-ci n'eft pas garni de dents.
On trouve entre les deux grands ongles
un paquet que l'on peut comparer à une
éponge , qui contient une liqueur vif-
queufe ; cette forte de glu retient les
araignées contre les corps polis fur lefquels
les crochets des pattes n'ont point de prilé •.
cette liqueur tarit avec l'âge. On a obfervc
que les vieilles araignées ne peuvent pas
monter contre les corps polis. Outre les
huit jambes dont on vient de parler , il y
a de plus auprès de la tête Acuy. autres
jambes, ou plutôt deux bras : car elles ne
s'en fcr\'ent pas pour marcher , mais feu-
Icmcîit pour manier la proie qu elles tien-
nent dans leurs ferres.
On voit autour de l'anus de toutes les
araignées quatre j^ctits mam.clons mufcu-
Icux , pointus à leur extrémité , & mobiles
.lans tous les feus : il fort de l'endroit qui
eft entre ces mamelons , comme d'une
tes font dures comme la partie antérieure
du corps •■, le corps eft couvert de poils.
Toutes les eli^cces d'«rrt/g^/!<'f ont pluiieurs i & qui la rciferr
jours enveloppé d'une peau fouple ^ les pat- efpece de iilicre , une liqueur gluante dont
' le fil de leur toile & de leurs
icre a un fphinder qui l'ouvre
liTerre plus ou luoiîiE \ aiafi le
eft forme le
nids ; la fili
ARA
lîl peut être plus j^ros ou plus fin. Lorfque
ïaraignéc cil Lfpcnduc à ion fil , elle peut
lallonfîcr , & clefccnclrc par Ion propre
poids en ouvrant la fîiicrc , & en la fermant
elle s'arrête à l'inirant.
Les ûniigiu'ts mâles font plus ])c:ites que
les araignées femelles •■, il faut qucI([uciois
cinq on lîx mâles des araignées de jardin ,
pour faire le poids d'une iéule femelle de
la même eipece. Toutes les efpeccs A\irai-
gnées font o\iparcs : mais elles ne font pas
toutes une égale quantité d'œufs '-, elle les
pondent fur une portion de leur toile :
cnfuite elle tiennent les œufs en un pelo-
ton , & elles les portent dans leurs nids
pour les corner. Si on les force alors de
fbrtir du nid , elles les emportent avec elles
entre leurs icrres. Dès que les petits font
cclos , ils commencent à filer , & \ils grof-
iilfent prcfqu'à vue d'œil. Si ces petites
craignecs peuvent attraper un mouciieron ,
elles le manp^ent : mais quelquefois elles
pafTent un jour eu deux , & m.ême plus ,
îàns qu'on les voie prendre de nourriture :
cependant elles groiîiirent toujours égale-
ment , & leur accroiifement eil fi prompt ,
qu'il va chaque joiu^ à plus du double de
leur grandeur.
M. Horabcrg a diftingué fix principales
efpeccs d'araignées , ou plutôt fix genres j
car i! prétend que toutes les autres efj^)eces
qu'il connoiilbit pouvoient s'y rapporter.
Ces fîx geiu^cs font ïaraignée domeflique ,
Varaignée des jardins , Varaignée noire des
caves ou des vieux murs , ïaraignée vaga-
bonde , Varaignée des champs , qu'on appelle
communément le faucheur , parce qu'elle a
les jambes fort longues , & Varaignée enra-
gée , que l'on conuolt fous le nom de taren-
tule. Voyci Tarentule. Le caraftere
tliilinftif que donne M. Homberg, n'eil
pas facile à reconnoitre , puifqu'il s'agit de
la différente poiîtion de leurs yeux , qs.i
font fort petits : à ce caractère il en ajoute
d'autres qui Ibut plus fénfibles , & par con-
féqnent pli:s commodes : mais ils ne font
pas fi confiants.
Les araignées domefliqiies ont huit pe-
tits yeux , à-peu-prcs de la m.ême graii-
deur , placés en ovale fur le front : leurs
bras Ibnt plus courts que les jambes , mais
au refte ils leur refTenibleut parfaitement j
ARA ni
elles ne les po/cnt jamais à terre. Ces arai-
gnées font les feules tle toutes les autres
araignées qui quittent leur peau , même
celle des jambes , chaque aimée , comme
les écreviflcs. Il leur vient une maladie dans
les pays chauds , qui les couvre d'infeifles
& de poux. Vj araignée donicfcique vit allez
long-temps. M. Homberg en a vu une qui
a \êcu quatre ans .- fbn corps ne grofiif-
foit pas , mais fès jambes s'allongeoient.
Cette efpcce ^araignée fait de grandes &
hu-ges toiles dans les coins de* chambres
S{ contre les ir.urs : lorfqu'clle veut com-
mencer \mQ toile , elle écarte fcs mame-
lons , & elle applique à l'endi'oit où elle
fe trouve une très-petite goutte de liqueur
gluante qui fort de fa filière : cette lif{ucur
fe colle ■■, voilà le fil attaché : en s'éloignant
elle l'allonge , parce que fa filière eft ou-
verte , & fournit fans interruption au pro-
longement de ce fil. Lorfque ïaraignée efl
arrivée à l'endroit où elle veut que fa toile
aboutiffe, elle y colle fon fil, & enfîiitc
elle s'éloigne de l'efpace d'environ une de-
mi-ligne du fil qui efl tendu , Se elle ap-
plique à cette diilancc le fécond fil qu'elle
prolonge pareillement au premier , en re-
venant , pour ainfi dire , liir fes pas ■■, &
lorfqu'elle eft arrivée au premier point, elle
l'attache , & elle continue ainfi de fuite fiir
toute la largeur qu'elle vent doimer à fa
toile. Tous ces fils parallèles font , pour
ainfi dire , la chaîne de la toile : reile à
faire la trame. Pour cela , ïaraignée tire
des fils qui traverfent les premiers , oi elle
les attache par un bout à quelque chofè
à'é'rangcr , & par l'autre au premier fil
qui a été tendu ^ de forte qu'il y a trois
côtés de la toile qui font attachés : le qua-
trième efl libre : il eft terminé par le pre-
mier fil qui a été tiré ^ Sc ce fil , qui eîl
ie premier du premàer rang, c'efl-à-dirc
de la chaîne , fert d'attache à tous ceux
qui traverfent en croix les fils du premier
rang , 6c qui forment la trame. 'J'ous ces
(ils étant nouvellement filés , font encore
glutineux , & fe collent les uns aux autres
dans tous les endroits où il fe croiient ,
;e qui rend la toile afi'ez ferme. D'ailleius ,
à melure que ïaraignée paffe ua fil flu- un
autre , elle les ferre tous deiLX avec iès
manieloiis , pour ki coller ciiiêiablc ; djg
J34 ARA
p!u3 , elle triple & quadruple les fils qui "
borc'cnt la toiie , pour la rendre plus forte
tiaiis cet Ciidroit , qui eft le plus expofé à le
.déchirer.
Une araignée ne peut faire que deux ou
trois toiles daus fa vie , fuppofé inême que
la première n'ait pas été trop .'-grande ; après
cela elle ne peut plus fournir de matière
glutineufe. Alors , iî elle manque de toile
pour arrêter fa proie , elle meurt de faim :
dans ce cas il faut quelle s'empare par
force de la toile d'une autre araignée , ou
qu'elle en trouve une qui foit vacante ^ ce
qui arrive , car les jeunes araignées aban-
tlonnent leurs premières toiles pour en faire
de nouvelles.
Les araignées de la féconde efiîece font
celles des jardins :, elles ont quatre grands
3'cuK placés en quarré au milieu du front ,
Hc deux plus petits fur chaque côté de la
tête. La plupart de ces araignées font de
couleur feuille-morte ; il y en a de ta-
chetées de blanc & de gris j d'autres qui
Ibnî toutes blanches j d'autres enfin de
tliiîérentes teintes de verd : celles-ci font
plus petites que les blanches ; les grifcs
ibnt les plus groifes de toutes : en général ,
les femelles de cette eljpece ont le ventre
plus gros que celles des autres elî)eces , &
]es mâles font fort menus. Ces araignées
font à l'éprem'e de l'elprit-de-vin , de
l'eau-forte , & de l'huile de vitriol ;, mais
l'huile de térébenthine les tue dans un inf-
tant : on peut s'en fervir pour détruire leur
nichée , où il s'en trouve quelquefois une
centaine.
Il eft plus difficile aux araignées des jar-
dins de faire leur toile , . qu'aux araignées
domeftiques : celles-ci vont aifément dans
tous les endroits où elles veulent l'attacher ^
les autres travaillant , pour ainfi dire , en
l'air , trouvent plus difficilement des points
d'appui , & elles font obligées de prendre
bien des précautions , & d'employer beau-
coup d'inchîfcie pour y arriver. Elles choi-
fîifent un temps calme , & elles fc pofent
(lans un lieu avancé : là elles fo tiennent
fur fix pattes feulement , & avec les deux
pattes de derrière, elle tirent peu-à-peu de
leur filière un fil de la longueur de deux
pu trois aunes , ou plus , qu'elles laiilént
conduire au kafard. Dès que ce fil touche
ARA
à fjiielquc cliofe , il s'y colle ^ Varaignée le
tire de temps en teinps , pour favoir s'il
ell attaché quelque part ■■, & lorftfu'elle font
qu'il réfifte , elle applique fur l'endroit où
elle ell , l'extrémité du fil qui tient à fon
corps j enfoite elle va le long de ce pre-
mier fil jufqu'à l'autre bout qui s'eft
attaché par' hafard , & elle le double dans
toute fa longueur par un fecond fil^ elle
le triple & même elle le quachiiple , s'il
eli fort long , afin de le rendre plus fort j
cnfuite elle s'arrête à-peu-près au milieu
de ce premier fil , & de-là elle tire de fon
corps , comme la première fois , un nou-
\eau fil qu'elle lailfe fiotter au hafiird ^ il
s'attache par le bout quelque part , comme
le premier ;, ïaraignée colle l'autre bout au
milieu du premier fil ; elle triple ou qua-
druple ce focond fil , après quoi elle revient
iè placer à l'endroit où il eiî attaché au
premier : c'eft à-peii-près un centre , au-
quel aboutiflent déjà trois rayons : elle
contiinie de jeter d'autres fils , jufqu'à ce
qu'il y en ait un allez grand nombre pour
que leurs extrémités ne fo troment pas
fort loin les unes des autres \ alors elle tend
des fils de travers qui forment la circon-
férence , & auxquels elle attache encore
de nouveaux rayons qu'elle tire du centre :
enfin tous les rayons étant tendus , elle
revient au cemre , & y attache un nouveau
fil qu'elle conduit en Ipirale fur tous les
rayons , depuis le centre jufqu'à la circon-
férence. L'ouvrage étant fini , elle fe niche
au ccinre de la toile , dans une petite cel-
Itile où elle tient fa tête en bas & le ventre
en haut , peut-être parce que cette partie ,
qui ell fortgToire,incommoderoitra7ï2/'o-/;ir
dans mie autre fituation : peut-être auilî
cache-t-elle fes yeux , qui font fans pau-
pière , pour éviter la trop grande lumière
qui potirroit les bleilèr. Pendant la nuit ,
^ lorfqu'il arrive des pluies & de grands
vents , elle fe retire dans luie petite loge
qu'elle a eu foin de faire au delfus de fa
toile fous un petit abri. On pourroit croire
que ce petit aiyle eft ordinairement l'endroit
le plus haut , parce que la plupart des
araignées montent plus aifément qu'elles ne
defcendent.
Les araignées attendent patiemment que
des mouches viennent s'cnibarrallér dau3
ARA ,. A ^ A ^35
leurs toiles ; dès qu'il en arrive , elles f;ii- 1 (ie couleurs àlirércines ;, il y en a c!e blan-
fiiient la proie , ik l'einporteut dans leur ches , de noires, de roug-cs , de grifes, &
nid pour la manger. Lorfque les mouches
font allez groifcs pour rcfiilcr à ïaraigm'e ,
elle les cn\eloppe d'une s^rande quantité
de fils qu'elle tire de fa filière , pour lier
les ailes & les pattes de la mouclie» Quel-
quefois il s'en trouve de fi fortes , qu'au
lieu de s'en fiiiiir , X'araignce la délivre clle-
incmc eu détachant les fils qui l'arrêtent ,
ou en déchirant fa toile. Dès que la mou-
che ell dehors , Yaraignee raccommode
promjîtement l'endroit qui elè déchiré, ou
bien elle fait une nouvelle toile.
La troilicme eljîece d'umignee comprend
celles des caves , & celles qui font leurs
nids dans les vieux murs : elles ne paroif-
fënt a\oir que fix yeux à-peu-près de la
ir.ême grandeur, deux au milieu du front,
& deux de chaque côté de la tête , elles
font noires & fort velues : leurs jambes
font courtes. Ces araignées font plus fortes
& vivent plus long-temps que la plupart
des autres ^ elles font les feules qui mor-
dent lorfqu'on les attaque ■■, aufii ne pren-
nent-elles pas tant de précautions que les
autres pour s'aiiiirer de leur proie j au lieu
de toile , elles tendent feulement des fils
de fcpt à huit pcuces de lou^jneur , de-
puis leur nid julqu'au mur le plus pro-
chain. Dès qu'un infeâie heurte contre u;i
de ces fils en marchant fur le irmr , Y arai-
gnée eft a\ertie par l'ébranlement du fil,
8c fort au'H-tôt de fo;i trou pour s'empa-
rer de l'infecte , elles emportent les guê-
pes mêmes , que les autres araignées évi-
tent à caufc de leur aiguillon ^ celles-ci ne
les craignent pas , peut-être, parce que la
partie antérieure de leur cor[>s & leiirs jam-
bes fant couvertes dune écaille extrême-
ment dure, & que leur ventre eft revêtu
uun cuir fort épais •, d'ailleurs leurs ferres
fo.'it aflez fortes pour briier le corcelet des
guêpes.
Les araignées de la quatrième efpecc ,
qui font les vagabondes , ont huit yeux
deux grands au milieu du froùt , u i plu.
\>'^nt fur la même lig!;c que les grands de
clK.q .e côté , deux auties pareils fur le der-
rière de la tête , & eafiu deux tres-petic?
entre le front Se le derrière de la tête. Ce
firaigr.éfs foat de diiféïcutes grandeurs Sc^
de tachetées : leurs bras ne font pas termi-
nés par des crochets , comme ceux des
autres araignées , n:ais par un bouquet de
plume qui eft quelquefois aulfi gros que
leur tête ^ elles s'en fervent pour envelop-
per les mouches qu'elles faifilTcnt , n'ayant
point de toile ni de fils pour les lier. Ces
araignées vont chercher leur proie au loin ,
of la furprennent avec beaucoup de rulc
& de fineife.
Les araignées de campagne , appcllées
Iqs faucheurs , qui font celles de la cin-
quième efjiece , ont huit yeux , difpofés
^icn difîijremment de ceux des autres ef-
peces ^ il y en a deux noirs au milieu du
front , fi petits , & placés fi près l'un de
l'autre , qu'on pourroit les confondre. Sur
chaque côté du front il fe trou\e trois
autres 3'eux plus gros , & arrangés en forme
de trèfle fur une boffe ^ leur cornée efl
fort convexe & tranfparente , & le fond
de l'œil eft noir. La tête & la poitrine de
1.CS araignées font applaties , & ont quelque
tranfjjarence :, l'écaillé qid les recou'vre efè
fort fine , lilfe & tranfjiarente ;, il y a utie
'ïrande tache fur la tête •, les jambes font
fort menues , velues , & beaucoup pli!s
grandes à proportion que celles des autres
araignées : les bras font extrêmement courts
ix fort charnus ^ ils font fort dilférens des
jambes. Voye-^les mémoires de M. Homberg,
dans les mémoires de t académie royale d;s
Sciences , année 1707.
Il y a en Amérique une très-groffe ef^
pece ^araignées , qui occupent un efpace
d'environ fept pouces de diamètre , lorf-
que les pattes fout fort étendues. Ces arai-
gnées forit couvertes d'un poil roux , &
quelquefois noir , aiTez long :, les jambes
fjiu terminées par une petite pince de
':-bftance de corne noire fort dure. Cet
'uléêèc a fi:r le devant de la tête deux
wPochets de la. même fiibllance que lés
puices , fort pointus , & d'iui noir luifant.
On croit que ces crochets gnérifFent du
i.al de dents, fi on s'en fert ccm.me de
cuicdents \ on croit aufîi , mais peut-être
"Acc phis de fondement , que cette arai-
gnée eft autant venimeufè que la vipère :
on dit qu'elle darde ion venin fort loin 3
,5^ ARA
que fi on la tcndie , on relF^nt
mangeaifon comn-ie celle qui cil caufie par
des ortiis j c<. que fi on comprime cet
infc£te , on éprouve la piquurc d'un petit
niguillon très - venimeux. Les° œufs font
dans une coque fort grofle , formée par
nue pellicule affez femblable au canepin ,
il y a au dedans de la foie qui enveloppe
les œufs. Ces araignées portent cette coque
attachée fous le ventre : on dit que leurs
toiles font fi fortes quelles arrêtent les
petits oifeaux. Il y a des efpeces de coli-
bris , qui font beaucoup plus petits que
ces araignées , & qui n'ont pas allez de
force ou de courage pour les empêcher de
jnanger leurs œufs , dont elles font fort
avides, f^oyei Colibri.
On a donné à certaines araignées le nom
de phalange , phalangium. Il y a différentes
opinions fur la v raie fignificaticn dece
nom i les uns ont cru qu'il u'appartenoit
qu'aux araignées qui n'ont que trois pha-
langes , c'ell-à-dire, trois articulations dans
les pattes , comme nous n'en avons que
trois dans les doigts ■■, d'autres ont prétendu
c{ue le nom de phalange ne convenoit qu'aux
araignées venimeufes , aranei noxii , telles
que la tarentule , la grofTe araignée d'A-
mérique , &c. Voyei Phalange.
En général les araignées vivent d'm-
feftes , & elles font fi voraces qu'elles fe
mangent les unes les autres.
On détruit les araignées autant qu'on
peut , parce qu'elles rendent les inaifons
mal propres en y faifant des toiles. Outre
ce inotif , la plupart des gens ont une
a'.erfion naturelle de cet inlcfte , & lui
trouvent un afpeâ; hideux : enfin on l'évite
8c on le craint , parce qu'on le croit veni-
meux. On a foupçonné que fa morfure ou
fa piquure étoient venimeufes ; & on a
prétendu que fi quelqu'un avaloit une arai-
gnée , il éprouvoit des fymptomes qui dé-
iiotoient le venin de cet infecte. Je ne fais
fi la chaleur du climat peut rendre les arai-
gnées vçnimeufes , ou fi cette mauvaifc pro-
priété cft particulière à quelques elpeces ,
comme à la tarentule. Ce qui me pmoît
certain , c'eft qu'on ne relient aucun mai
réel pour avoir avalé des araignées de ce
J)ays-ci : combien de gens en avalent fans
p ilivpir j 6c niêiiie de ces araignées de
ARA
une dé- f cave , noires 8c velues , pour le/quelles n-i
a tant d'horreur ? Je crois que le (cul rif^
que qu'ils courent , ell de prendre du dé-
goût & de l'inquiétude , s'ils s'en appcrce-
voient j mais qu'ils n'en rellcntiroient pas
plus do mauvais effet , que n'en relTentent
tous les oifeaux qui mangent ces infeftes
avec beaucoup d'avidité. On n'a pas encore
fait voir bien clairement en quelle partie de
Varaignée réfide fou prétendu venin. Les
uns ont cru que c'étoit dans les ferres •, on
a pris ces ferres pour des dents : d'autres
les ont comparées à l'aiguillon de la queue
du fcorpion ^ mais la plupart ont cru que
Xaraignée répandoit du venin par ces orga-
nes. Enfin on a obfervé que Xaraignée a
une petite trompe blanche qui fort de fa
bouche , 8c on croit que c'eft par le moyen
de cette trompe qu'elle répand du venin.
On rapporte quantité de faits qui , s'ils
étoient bien avérés , ne lailîeroient aucun
doute fur le venin des araignées , 8c fiu"
fes funeftes effets -, mais je ne crois pas
qu'il foit bien prouvé que celles de ce pays
aient un venin qui puiffe être mortel : il
eft feulement très-probable qu'elles répan-
dent , comme bien d'autres animaux , luie
liqueur ailez acre 8c affez corrofive pour
caufer des inflammations à la peau , 8c
peut-être pour irriter l'eftoniac. Je crois
qu'il y a du rifque à voir de près une arai-
gnée qui crevé au feu d'une chandeUe , 8c
dont il peut jaillir jufque dans les yeux une
liqueur mal-faine ou au moins très-malr
propre , qui eft capable de caufer une in-
flammation. Ces effets , quelque légersr
qu'ils foient , peuvent devenir plus dange-
reux , fi on travaille à les aggraver en feli-
vrant à fou imagination.
M. Bon , premier préfident de la chambre
des comptes de Montpellier , & affocié ho-
noraire de la fociété royale des fciences de
la même ville , a cherché le moyen de ren-
dre utiles les araignées, qu'on n'avoit regar-
dées que comme très-nuifibles. Il en a tiré
une foie , 8c il eft parvemi à faire , avec
cette foie d'araignées , dirîcrens ouvrages ,
comme des bas 8c des mitaines , auffi forts
Se prefqu'auffi beaux que les ouvrages faits
avec la foie ordinaire. ?^ojf{ Soie d'A-
raignée, Insecte. (I)
* Il paroit par ce qui iliit , que le méde-
ciû
Ara
<;m traite le poifon & la piqiiure de Varalgnee
Tin peu plus (ériciileinent que le naturiilillc.
Voici ce qu'il dit de les cHers & de i'a cure.
Les fynipromes que caulè la piquure de
Yariiigiiee , font un engourdiflement dans la
partie alïcdée , un ientiment de troid par
tout le corps , qui efl bientôt fuivi de l'en-
flure du bas-ventre , de la pâleur du vifage ,
du l.irmoycment , d'une envie continuelle
d'uviner, de convuliîons , de iueurs troides.
On parvient A la cure par les alexiphar-
maques ordinaires. On doit laver la partie ,
aiilll-tôt après la piquure , avec de l'eau
ialce , ou avec une éponge trempée dans le
vinaigre chaud , ou dans une décodion de
mauve , d'origan & de tliym.
Celle veut qu'on applique un caraplafme
de rhue, d'ail , piles , & d'huile, lur une
piquure d'arjignee ou de fcorpion.
Lorfque l'on a avalé une araignée , s'il
Jurvient des convulfions & contradit)ns de
l'eflomac , elles (ont plutôt occafionées
par les petits poils de Varaigne'e , qui s'at-
tachent à la membrane interne , que par le
poiibn de cet iniede.
■ On prétend que la toile de ïaraignét efl
fpécifique Contre les fièvres intermittentes :
on l'applique aux poignets , ou bien on la
fufpend au cou dans une coquille de noix
ou de noilette. L'expérience dément fou-
vent cette prétendue vertu.
On fe fert de la toile d'amignee pour arrê-
ter le fang dans les coupures légères. (N)
Les fentimens ont varié fur la généra-
tion des araignées. Quelques naturalillcs
ont cru qu'elles étoient androgynes ou her-
maphrodites ; mais la diverfité des Icxes eft
bien marquée : la femelle , comme parmi
tous les infedes , efl bien plus grande que
le mâle, & la difproportion ell telle dans
quelques efpeccs , que M. Homberg a trou-
vé qu'il faUoit cinq à fix araignées mâles
des jardins , pour égaler le poids d'une
temclle. Il y a encore quelques autres ca-
raderes qui les dillinguent. Lifler , qui
avoit obfervé au bout des antennes des
mâles , les boutons qui manquent aux fe-
melles , avoit foupçonné que ce pouvoit
être les organes de la génération , ce foup-
çon paroît confirmé par les obfervations
intéreffantes qu'a faites M. Lyonnet fur
l'accouplement des araignées de jardin , &
Tome m.
ARA Ï37
qu'a répétées M. Geofiroi. Voici ce que
ces naturalilles ont obicrvé. Depuis le com-
mencement d'odobre jujqu'au milieu , on
voit fur les toiles à réfeau dans les jardins »
Acs araignées femelles qui le tiennent tran-
quilles la tête en bas vers le milieu de la
toile : le mâle va & vient dans les environs ,
il s'avance doucement iur la toile , il s'ap-
proche inienfiblemcnt de la femelle , qui
relie toujours dans la même place , & lorl-
qu'il en efl tout près , il lui touche légè-
rement la patte avec l'extrémité d'une des
ùennes , & recule aufli-tot de quelques
pas , comme s'il avoit peur : quelquefois
elles fe lailîcnt tomber l'une & l'autre avec
précipitation , & demeurent quelque temps
iufpendues à leurs fils. Le courage enfuite
leur revient : elles s'approchent de nouveau
& répètent plufieurs fois le même manège.
Pendant ce temps les boutons des anteii-
nes du mâle s'entr'ouvrent & paroilTcnt
humides : celui-ci devenu plus hardi , s'ap-
proche davantage , & porte vivement le
bout d'une de fcs antennes dans la fente
qui efl au devant du ventre de la femelle
& fe retire aufll-tôt : un moment après il
tait la même choie avec l'autre antenne,
& ainfi plufieurs fois alternativement. Ces
mouvemens font 11 prompts qu'on a peine
à appercevoir autre chofc qu'un fimple
contad : cependant en y regardant de fort
près , on découvre un tubercule charnu 6c
blanchâtre qui fort dans ce moment du
bouton entr'ouvert de l'antenne , & qui y
rentre dès que le mâle fe retire. V^oye:^
Théolog. des Infecl. par Lefler , tom. I. pag.
184. GeofFroi, Hiji. des Infeâ. tom. II.
pag. 637.
Voilà des amours moins fiirprcnans par
les marques de défiance mutuelle bien
aflbrtie au caradere féroce de ces infedes ,
que par la façon fingulicre dont s'opère
l'accouplement. Du relie , c'efl à des ob-
fervations ultérieures à nous apprendre
s'il n'y a point d'autres accoupicmcns , &:
s'il s'opère de la même mani'ere dans tou-
tes les efpeces (îaraignées , ce que l'ana-
logie doit cependant préfumer. Les anciens
ont dit qu'elles s'accouplent à reculons , &c
quelques modernes ont prétendu que c'cft
ventre contre ventre. L'auteur d'un Mé-
moire fur les araignées aquatiques, loup-
Ï38 ARA
çonne qu'un tuyau recourbé & élaftique
qu'il a oblervé ious le ventre des mâles de
cette efpece , pourroit bien être l'organe
mafculin ; auquel cas l'accouplement fe
feroit dans cette forte d'araignées d'une
manière bien différente que celle que nous
avons décrite.
Quoi qu'il en foit de l'accouplement ,
les femelles dépofent bientôt leurs aufs.
Ces œufs font nombreux , petits , ronds ,
tuifans , couverts d'une peau molle _& tranf-
parente , dont la couleur varie félon les
elpeces : ['araignée pour les garantir des
injures de l'air & des atteintes des autres
inlééles , les raflémble fous une enveloppe
commune de foie en forme de coque ar-
rondie ou ovale , dont le tillli & la forme
varient. Uaraigne'e domeftique & celle des
trous des murs , renferment leurs œufs
dans des toiles peu différentes de celles
qu'elles tendent, d'autres en font dont le
îifTu beaucoup plus fort & plus ferré leur
donne quelque rapport avec les cocons du
ver à foie , & a fait naître à M. Bon ,
préfident de la fociété royale de Montpel-
lier , l'idée de les faire fervir à notre ulage.
Quelques araignées cachent leurs coques
en terre ou dans les troncs d'arbres ; d'au-
tres les fufpendent à des fils avec la pré-
caution de les cacher derrière un paquet
de feuilles feches : d'autres les cachent dans
des feuilles roulées par des chenilles : une
efpece d'araignée des prairies qui ne tend
que des fils confus , colle fa coque fur une
feuille & femble la couver : fon attache-
ment eif tel , qu'elle fe lailTè emporter avec
la feuille fur laquelle elle efl , fans l'aban-
donner julcju'à ce que les petites araignées
foient éclolés : d'autres araignées de celles
qu'on nomme vagabondes , portent pour
le moins aulïi loin l'attachement pour leur
poflérité.
Dès que les petites araignées font éclo-
fes , elles (è mettent à filer. Ce premier
temps de leur vie efl le feul où elles vivent
en famille , bientôt elles le iéparent & de-
viennent ennemies. Elles croiiTent coniidé-
rablement dans ces premiers jours , quoique
fouvent elles ne mangent point , ne pouvant
encore attraper des mouches. A mefure
qu'elles cr, iflent , elles changent de peau ;
^ quelques uiitmaljlles out remarqué
ARA
que celles même qui ont acquis tout
leur accroiflément , changent encore de
peau tous les ans au piintemps, & laïf^
fent des dépouilles complètes comme les
écrevifl'es.
On n'a rien de certain fur la durée de
la vie de ces infeâes. Plufieurs auteurs
prétendent que les araignées vivent très-
long-temps ; & M. Hombcrg rapporte qu'il
en a vu une qui vécut quatre ans : fon
corps ne grofiilfoit pas , mais {es jambes
s'allongeoient.
'L'araignée maçonne qu'a décrite M. l'abbé
de Sauvages , elt d'une eipece fmguliere .
elle relfemble prefqu'entiérement à celle
des caves ; elle en a la forme, la couleur &
le velouté : fa tête efl , de même, armée
de deux fortes pinces , qui paroifîent être
les feuls inftrumens dont elle puilTe lé fervir
pour creufer un terrier comme im lapin , &
pour y fabriquer une porte mobile , qui
ferme fi exaflement , qu'à peine peut-on
introduire in:e pointe d'épingle entre iés
joints. Elle apporte, ainfi que les fourmis &
plufieurs autres inieftes , une grande atten-
tion pour le choix d'un lieu favorable
pour établir fon habitation. Elle choifit
un endroit où il oe fe rencontre aucune
herbe , un terrain en pente pour que l'eau
de la pluie ne puilTe pas s'y arrêter , &
une terre exemente de pierradles qui op-
poferoit un obfîacle invincible à la conf^
trudion de fon domicile : elle le creufe à
un ou deux pies de profondeur ; elle lui
donne affez de largeur pour s'y mouvoir
facilement , & lui conferve par-tout le même
diamètre : elle le tapiflé enfuite d'une toile
adhérente à la terre , foit pour éviter les
écoulemens , foit pour avoir prife à grimper
plus facilement , foit peut-être encore pour
ièntir du fond de fbn trou ce qui fe paffe
à l'entrée.
Mais où l'induftrie de cette araignée
brille particulièrement , c'efl dans la ferme-
ture qu'elle conflruit à l'entrée de fon ter-
rier , & auquel elle lért tout ;\ la fois de
porte & de couverture. Cette porte ou
trappe eft peut-être unique chez les in-
feftes ; & félon M. de Sauvages , on n'en
trouve point d'exemples , que dans le nid
d'un oifeau étranger , repréfenté dans le
tréfor d'Albert Séba. Elle eft formée de dif-
ARA
férentes couches de terre, détrempées &
liées entr'cUes par des fils , pour empêcher
vraifemblablement qu'elle ne le gerce , &
que Tes parries ne fe Icparent ; Ton contour
cÛ parFaitement rond ; le defllis , qui eu à
fleur de terre , eil plat & raboteux ; le del-
fous eft convexe &: uni , & de plus il eiî re-
couvert d'une toile dont les fils lont très-
forts & le tiflii ferré ; ce font ces fils qui ,
prolongés d'un côté du_ trou , y attachent
fortement la porte , & forment une efpece
de pcnture , au moyen de laquelle elle s'ou-
vre & lé ferme. Ce qu'il y a de plus admi-
rable dans cette conllrudion , c'eft que
cette pentureou charnière eft toujours fixée
au bord le plus élevée de l'entré , afin que
la porte retombe & fe ferme par fa pro-
pre pefanteur ; effet qui eft encore facilité
par l'inclinaifon du terrain qu'elle choifit.
Telle elt encore l'adrefTe avec laquelle tout
ceci efî fabriqué , que l'entrée forme par
fon évafement une efpece de feuillure ,
contre laquelle la porte vient battre ,
n'ayant que le jeu néceflaire pour y entrer
& s'y appliquer exaûement ; enfin le con-
tour de la feuillure & la partie intérieure
de la porte font fî bien formés, qu'on di-
roit qu'ils ont été arrondis au compas.
Tant de précautions pour fermer l'entrée
de Ion habitation paroifTent indiquer que
cette araignée craint la furprife de quelque
ennemi : il i'emble auflî qu'elle ait voulu
cacher la demeure ; car la porte n'a rien
qui puiffe la faire diftinguer ; elle eft cou-
verte d'un enduit de terre de couleur fem-
blable à celle des environs ; & que l'infeâe
a laifTé raboteux , à defl'ein fans doute ; car
il auroit pu l'unir comme l'intérieur. Le
contour de la porte ne déborde dans au-
cun endroit , & les joints en font fi
ferrés , qu'ils ne donnent pas de prife
pour la faifir & pour la foulever. A tant
de ioins & de travaux pour cacher fou
habitation & pour en fermer l'entrée ,
cette araignée joint encore une adrefîé &
une force finguliere pour empêcher qu'on
n'en ouvre la porte.
A la première découverte que M. l'abbé
de Sauvages en fit , il n'eut rien de plus
prefTé que d'enfoncer une épingle fous h
porte de cette habitation pour la ioulever ,
maisily trouva une réliftance qui l'étouna;
ARA iji)
c'étoit Varaigne'e qui retenoit cette porte
avec une force qui le luprit extrêmement
dans un fi petit animal : il ne fit qu'en-
tr'ouvrir la porte ilMa vit le corps ren-
verlé , accrochée par les jambes d'un côté
aux parois de l'entrée du trou , de l'autre
à la toile qui rccouvroit le dcffous de la
porte : dans cette attitude qui augmentoit
la force , Varaigne'e tiroit la porte à elle le
plus qu'elle pouvoit , pendant que le na-
turaliile tiroit auffi de Ion côté , de façon
que , dans cette efpece de combat , la porte
s'ouvroit & le refermoit alternativement.
L'araignée bien déterminée A ne pas céder,
ne liîcha prile qu'à la dernière extrémité ;
& lorfque M. de Sauvages eut entière-
ment foulevé la trappe , alors elle fe précit
pita au fond de fon trou.
Il a fouvent répété cette expérience , &
il a toujours oblervé que Varaigne'e accou-
roit fur le champ pour s'oppofer à ce qu'on
ouvrît la porte de fa demeure. Cette promp-
titude ne montre-t-elle pas que , par le
mo}en de la toile qui tapifîe Ion habita-
tion , elle fent ou connoît du fond de fà
demeure tout ce qui fe pafTe vers l'entrée ,
comme Varaigne'e ordinaire , qui par le
moyen de fa toile , prolonge , fi cela fe
peut dire , fon fentiment à une grande
dlflance d'elle ? Quoi qu'il en foit , elle ne
ceflé de faire la garde à cette porte , dès
qu'elle y entend ou y fent la moindre chofe ;
& ce qui efl vraiment fingulier , c'eit que
pourvu qu'elle fût fermée , M. l'abbé Sau-
vages pouvoit travailler aux environs &
cerner la terre pour enlever une partie du
trou , fans que Vaniignee frappée de cet
ébranlement ou du fracas qu'elle entendoit,
& qui la menaçoit d'une ruine prochaine,
longeât à abandonner fon polie ; elle fè
tenoit toujours collée fur le derrière de fa
porte , & M. Sauvages l'enlevoit avec ,
làns prendre aucune précaution pour l'em-
pêcher de fuir. Maisfi cette araignée mon-
tre tant de force & d'adrefle pour déten-
dre fes foyers , il n'en eu plus de même
quand on l'en a tirée : elle ne paroît plus
que languilfante , engourdie , & fi elle fait
quelques pas , ce n'efl qu'en chancelant.
Cette circonilance , & quelques autres ,
ont fait penfer à notre obfervateur qu'elle
pourroit bien être un inlccle nodurne que
S i
Ï40 ARA
la clarté du jour blefliè ; au moins ne l'a-t-il
jamais vu fortir tle fon trou ■ d'elle-même ,
& iorfqu'on l'expofe au jour, elle paroît être
dans un clément étranger.
Cette araignée fe trouve fur les bords des
chemins aux environs de Montpellier : on
la rencontre auffi fur les berges de la petite
rivière du Lez qui pafîe auprès de la même
ville. On n'a pas de connoifiancc qu'on
l'ait encore découverte ailleiu-s ; peut-être
n'habitc-t-clle que les pays chauds.. La
manière fingulicre dont fe loge cet infeûe,
fi différent des autres araignées , infpire
naturellement la curiofité de favoir com-
ment il vit , comment il vient à bout de
fe fabriquer cette demeure , Ê'c mais il
faut attendre de nouvelles obfervations.
Jufqu'ici , quelques efforts qu'ait tait M.
l'abbé de Sauvages pour conferver ces
araignées vivantes , il, n'a pu poufler plus
loin lès découvertes flir leur manière de
vivre. Il faudroit peut-êrre , pour parve-
nir à les mieux connoître , enlever tout-
à-la-tois leur demeure & une portion con-
fidérable de la terre qu'elles habitent , qu'on
placeroit dans un jardin : alors , comme
on les auroit l'ous les yeux , on pourroit
plutôt découvrir leurs difR'rentes ma-
nœuvres. ( -}- )
Araignée , en- terme de fortification.,
fignifîe une branche , un retour, ou une
galerie d'une mine , Ùc. Voye\ RAMEAU
DE MlNE.(Ç)
Araiqnée ,. Araignées , Marti-^
NET , Moques de TRÉLINGAGE, {ma-
rine^ ce font des poulies particulières où
viennent paflcr les cordages appelles marti-
nets ou marticles. Ce nom à^araignée leur a
été donné à cau(c que les martinets forment
plufîeurs branches qui viennent le terminer
;\ ces poulies , à-peu-près de la même; façon
que les filets d'une toile à^araignée vien-
nent aboutir par de petits rayons à une
cfjsece de centre.
Le mot (Wiraignée fe prend quelquefois
pour le martinet ou le? marticles ; comme
le martinet fe prend auffi pour les araignées.
Voyei Martinet , Moques de tré-
iingage,Tréi.ingage., (2")
Araignée , terme de chaj/e , forte de
filet qu'on tend le long des bois ou des buif-
Ws; pour prendre les oiieauji de proie avec le
ARA
duc , on s^en fert auffi pour prendre les
merles & les grives , pourvu que ce filet foit,
bien fait , & d'une couleur qui ne foit pas
trop vifible.
ARAINE, f f (Luth.) Les trom-
pettes le nommoient anciennement arai—
nés. (F. D. C.)
AKAL,(G/o^.) grand lac d'Afie , dans,
la Tartarie indépendante , à l'orient de la,
mer Calpienne; il efl au milieu du pays,,
habité indiftinclement par les Turcomans ^
les Caracalpacs ou Calmoucs blancs & les.
peuples de la Calatcha-horda. Il a envi-
ron trente milles d'Allemagne du fud au.
nord, & quinze de l'elt à l'ou-.d. Il reçoit
deux grands fleuves , l'ancien Jaxartes ,,
appelle aujourd'hui Sir-Daria ; & l'ancien
Oxus , nommé Ami-Daria. Ses eaux font
très-falées , & les poiifons qu'on y trouve-
font de la même elpece que ceux de la mer
Cafpienne., Les peuples qui- habitent fes.
bords pratiquent près du rivage des ca--
naux larges , mais peu profonds , dans.
lefquels ils font écouler Çts eaux pour en-
tirer le fel ; ce qui réuffit très -bien à laj
faveur des exhalaifons occafionées par le-
foleil. On ignore de quel côté font les ifîlies.
de ce lac ; ce qu'il y a de certain , c'efl qu'il:
en fort des rivières qui viennent tomber
dans la mer Caipienne. (C A. )
§ ARALIA. {Botanique.) en françois ^
augéliqiie baccifere ; en anglois , berry--
bearingangehca ; en allemand, beertragende.'
angelica.
Caraclere générique. .
Ses fleurs , qui naiflfcnt en ombelles , font-
pourvues de cinq pétales & de cinq éta-
mines ; le piflil efl formé, d'un embryon
arrondi qui fait partie du calice , & qui:
efl furmonté de quatre flyles obtus ; cet.
embryon devient une baie fucculente , où:
font renfermées cinq femences dures , de
forme oblongue.
Efpeces,
I. Angélique baccifere en arbriffeau , à
tige & à pédicules épineux.
Frutex I. Angélique épineufe.
Aralia arbore/cens caultbus pedicuUfquit
fpinofis.Hort. Colomb..
Angelica tra,^
ARA
i. Angcîlique bacciferc , A rîge nue.
Plante. Aialij. caule nudo. Hort. Clijf'.
J13.
Berry-bearing angelica. with a nakedfldlk,
3. Angélique bacciferc , A tige unie , her-
bacée & garnie de feuilles.
Plaine. Aralia caule foliofo , herbaceo ,
Lvii. Hoir. Upfal.yo.
Canada beny-bearing angelica.
Aralia caule foliofo Ù hifpido.
"V Aralia n°. i porte les Heurs en gros
bouquets , compofés de cent ou cent cin-
quante petites ombelles , formées par la
réunion de vingt , de vingt-cinq ou trente
fleurs d'un blanc-vcrd;1tre , qui dans nos
climats paroiiîènt tantôt en été , tantôt en
oftobre. Nous tirons ces particularités du
Traite des arbres & arbujhs de M. Duha-
mel : nous n'avons pas encore vu Heurir
cet arbuile dans nos jardins.
Sa tige efl groflê & fort moëlleufe ;
elle eil couverte d'épines courtes , larges
par leur baie , & dont la pointe ell cour-
bée vers le bas : les pédicules des teuilles y
font très-tortement attachés par une ei-
pece de cuilleron ou genou qui l'embrafle ;
ces pédicules font ordinairement d'un pié
& demi de long , ils l'ont armés d'épines
rares placées fans ordre ; d'elpacc en elpace
ils ont des protubérances ou articulations ,
d'où partent , au nombre de deux ou trois ,
de petits pédicules qui s'élèvent & qui
portent des folioles ovales pointues &
entières.
Si les fleurs à!' Aralia ont quelque mé-
rite , c'eft plutôt par leur maiïe que par
leur couleur : fes feuilles prodigieuies font
d'un très-bel effet ,• comme elles lont en-
core très-vertes en oclobre , il convient
d'employer cet arbufte dans les boiquets
d'été & d'automne ; il aime une terre lé-
gère & fraîche , & "n emplacement un
peu ombragé.
Ni en France , ni en Angleterre fes
baies ne parviennent à. une parfaite matu-
rité,; on les envoie de l'Amérique, mais
comme elles n'arrivent que vers le mois de
Mars , leurs graines qui lont afTez dures ne
germent que le printemps (uivant : alors il
faut airoler avec foin les caifl'es où on les a
lémées , & les parer de la plus grande cha-
Içior par quelque légc;;j; couverture , en
ARA 141
leur donnant par gradation plus d'air & de
lumière. Les deux hivers fuivans , on les
mettra dans des caiflcs à vitrages ; les étés ,
on les enterrera contre un mur expolé au
levant ; le troilieme printemps , on trans-
plantera chaque petit arbrilfeau dans un
pot , & on continuera de les traiter de la
manaerc que nous venons de dire , &: fur-
tout de les arrofer fouvent.
Au printemps de la leconde année , d'a-
près cette tranfplantation , peu avant la
poufle , on les enlèvera avec leur motte y.
&; on les plantera à demeure.
Les jeunes poulies de cet arbuffe étant
fort tendres., il conviendra de l'empailler-
les deux ou trois premiers hivers qui fui-
vront cette dernière tranfplantation ; que
par la iuite ils fe trouvent endommagés
par des froids rigoureux , c'eff à quoi l'on ^
ne peut parer ; mais les maîtrefl'es tiges-
rélilleront : quand même elles périroient ,
les racines qu'on aura toujours (oin de
couvrir de litière , poufTcront de nouveaux
jets ,. & une tojs que cet aralia efl parvenu
à une certaine force , il produit à une
certaine diflance de ion pié , des fiirgeons
dont on pom-ra fe fervir : cela me conduit
à penler qu'il feroit facile de le multiplier
comme la campanule pyramidale '& le
bonduc , par des morceaux de racine plan-
tés dans des pots fur couche ; c'eft un eflîii.
que nous nous propofons de faire.
Les autres elpcces lont des plantes du-
res ; elles aim^ent l'ombre & l'on peut les
planter fous des arbres ; elles ie multiplient
aiiément de graines , qu'on doit femer en
automne , dès qu'elles lont mûres. Ces
aralia n'ont nul agrément , on ne les
fouffre dans un jardin qu'en f;iveur de la
variété., ou pour apprendre à les connoître ;
mais c'eft une fort bonne connoifHmce à
taire , fi , comme le dit M. Sarrafin , la dé-
codion de leurs racines guérit la leucophleg-
matle. ( M. le Baron de Tschoudi. )
* ARALIASTRUM , ( hift. nat. bot. )
efpece de plante hermaphrodite , dont la.
fleur eft régulière , poiée iur un ovaire iur-
monté d'un calice découpé en plufieurs.
endroits. Ce calice fe. change en un fruit
qui contient deux ou trois lêmences plates
& faites en cœur. Sa tige le termine en.
une ombelle , dont chaque pçjnte ne porte.-
T4t ARA
qu'une fleur. On y remarque plufieurs
pédicules , comme fur l'anémone. De leurs
extrémités partent comme en rayons plu-
fieurs feuilles. On diffingue trois efpeces
à'araUaftrum dont nous ne ferons point
mention , parce qu'on ne leur attribue
aucune propriété.
* ARAMA , ( Géog. fainte. ) ville de
Paleftine de la tribu de Ncphtali.
* AraMA , ( Géog. fainte. ) ville de
Paleftine de la tribu de Siméon , mais fur
les confins de celle de Juda. On^croit que
cette ville & Jérimoth font la même ville.
ARAM ACA , f m. ( Hifl. nat. Ichthyo-
logie. ) efpece de foie , ainfi nommée par
les habitans du Brefil , figurée paflable-
ment par Marggrave , dans Ion Hiftoire
■ naturelle du Brefil, liv. IV chapitre 1% ,
& enfuite copiée par Jonflon & Ruylch ,
pag. l'jS , planche XXXVI ,, figure x , de
lem- Hiftoire naturelle des poijfons.
Ce poilTon , que les Portugais appellent
encore lingoada & cubricuncha , a la forme
applatie de la foie, que les Hollandois
appellent tonge , fon corps a une fois &
demie plus de longueur que de largeur , &
les yeux placés tous deux fur la gauche ,
c'efl-à-dire , fur le côté quieft griiatre ,
pendant que le côté droit qui eft blanc en
efi dépourvu ; ces yeux font de la grofleur
d'un pois , à prunelle cryftalline , envi-
ronnée d'un iris en croilfant bleuâtre ; fa
bouche ell petite ians langue, & garnie
de petites dents très-aiguës, l'ouverture
des ouies efl: aflez grande.
Ses nageoires font au nombre de fcpt ,
dont deux ventrales très-petites , placées
au deflbus de l'ouverture des ouies , &
au devant des deux pedorales qui fontaflez
longues , & terminées chacune par un filet
en forme de poil ; la nageoire anale , c'efl-
à-dire de l'anus , commence au deflbus de
l'origine des pcfloralés , pendant que la
dorliile commence au defllis des deux ven-
trales } & toutes deux s'étendent jufqu'à la
queue ; celle-ci en ell diftinde , & un peu
arrondie à ion extrémité : tout fon corps
ell couvert d'écaillés fort petites.
Mœurs. Uaramaca vit dans les fonds
fablonneux de la mer du Brefil ; il fe
mange , fi chair ell de bon goût. ( M.
Adanson. )
ARA
ARAMBER , v. n. {marine.) c'efl
accrocher un bâtiment pour venir à l'a-
bordage , foit qu'on emploie le grapin ,
foit d'une autre forte. {Z)
* ARAMONT , ( Géog. ) petite ville
de France , dans le Languedoc , diocelc
d'Uzès , fur le Rhône. Long. 22.. 21 ; lat.
43 '54-
'* AR AN , ( Géog. ) vallée des Pyrénées ,
à la fource de la Garonne , avant que
d'entrer dans le pays de Comrninges.
* Aran ( iles d') , deux îles d'Irlande
dans le golfe de Gallowai , province de
Connaugth.
ARAM , ( Hifl. facrée. ) frère d'Abra-
ham , fur l'ainé des fils de Tharé : il mou-
rut avant fon pcre , & ce fut le premier
des hommes qui ne furvécut point à l'auteur
de fes jours ; fa mort prématurée , félon
S. Epiphane , fut une punition de Dieu
qui voulut châtier Tharé d'avoir forgé des
dieux nouveaux. Les Rabins difent qu'ayant
refufé d'adorer le feu , fon père qui tut
fon juge & fon accufneur , le fit préci-
piter dans une fournalfe ardente ;• d'autres
aflurent qu'ayant voulu éteindre le feu
qu'Abraham avoit mis aux idoles de fon
père , il fut dévoré par les flammes. ( T-N. )
AR ANAPANNA , f m. ( Hijhire nat.
Botaniq. ) efpece de fougère du Malabar ,
gravée fous ce nom affez bien ,_ mais fans
dérails , par Van-Rheede dans fon Hortus
Malabaricus , volume XII, page 61 ,
planche XXXI.
D'une tige traçante fous terre , fous la
forme d'une racine garnie de fibres capillai-
res, s'élèvent plufieurs ieuilles ailées une fois
feulement fur deux rangs de folioles à pé-
dicule commun cylindrique , ligneux ,
roide , rouge-brun , luilànt , marqué d'un
large & profond fiUon iur fa fiice iiipé-
rieure ou intérieure ; fes folioles font au
nombre de trente ou environ , placées de
chaque côté alternativement fur un même
plan , longues de cinq à fix' pouces , dix à
douze fois moins larges , marquées de
chpque côté de quarante à cinquante cre-
nelures rondes prel'que lèfliles , à bafe
arrondie , pointues à leur extrémité , ter-
mes , & d'un verd vif & luilànt , fur-tout
en deffous oii elles font relevées d'une côte
longitudinale fort épaillè.
ARA
Chnque foliole ou divifion de feuille ,
porte en deflous deux r.ings de paquets de
ileurs , chaque rang de quarante à cin-
quante paquets ; chaque paquet ci\ placé
fous la fente qui fépare deux crenelures
l'une de l'autre ; il e(l irrrondi , d'un jaune-
brun d'abord , enfuite rougcatre , com-
pole d'un amas de globules qui paroiilent
nus fans enveloppe & fins anneau ; le
defllis de la feuille cil marqué de petites
taches correlpondantes à ces paquets &
afîez agréables ;\ la vue.
Ufdges. On n'en fait aucun ulage dans le
pays.
Remarques. Van - Rheede ne dit pas
précifément que les paquets de fleurs de
V aranapanna Ibnt nus , mais il donne à
entendre qu'ils lont ians envelope ; ainfi
on ne peut guère douter que cette plante
ne foit une efpece du genre du polypode.
{M. AVANSON.)
A R A N A S , ( Ge'ogr. ) petite rivière
d'Efpagne qui a fa fource à Salvatierra ,
dans les montagnes du Guipulcoa , & (on
embouchure dans l'Arga : elle coule de
l'oueflàl'efl. ( C. A.)
* A R A N A T A , f m. ( Hifl. nat.
Zoolog. ) animal indien de la grandeur d'un
chien , dont le cri ert horrible , & qui
grimpe aux arbres avec légèreté. Il manque
à cette defcription beaucoup de chofes
pour être bonne ; & Varano-ta eft encore
un de ces animaux dont nous pourrions
ne faire aucune mention , fans que les lec-
teurs lenfés trouvaient notre Didionnaire
plus pauvre.
ARANCEY ou ARANCY , ( Géog. )
petite ville de Luxembourg , au gouverne-
ment de Metz : elle efl iur la rivière de
Crune , au fud-eft de Montmedy , & au
nord-efl de Dampville ; c'eft une des cinq
petites prévôtés dont l'Efpagne fit cellion à
la France , par le traité des Pyrénées de
i6î9. Long.Z';,, 50; /af. 49, 32.
*ARANDA DE DUERO , fub. f.
( Géog. ) ville d'Efpagne , dans la vieille
Caftille , fur le Duero. Long. 24 , 33 ;
lat. 41 , 40. Il y a auffi un Aranda au
royaume d'Aragon.
* ARANDORE ou ARRANDARI ,
fort de l'île de Ceylan , à cinq lieues du pic
d'Adara.
ARA 143
*ARANIES (Iles d' ), Voyei Aran.
ARANIMEGIES, {Geogr.) jolie
petite ville de la Hongrie dans le comté de
Zatmar ; elle cil au milieu d'une plaine
entre la rivière de Samos & celle de Tur , à
trois lieues au nord-eft de Zatmar. Long.
45, 20; lat. 47, Î2. ( C. A.)
*ARANIOS, rivière de Tranfylvanie ,
qui a la lource près de Claufembourg , &
k joint à la Marilch ou Merilch.
ARANJUEZ , ( Ge'ogr. ) petite ville de
l'Amérique feptentrionale , dans la nouvelle
Eipagne , province de Coflarica , audience
de Guatimala ; elle ell au fud-efl du lac de
Nicaragua , £c à cinq ou lix lieues delà mer
du fud. Long. 290 : lat. 10. (C. A)
_ ARANJUEZ , ( Geog. ) maifon de plai-
fance du roi d'El)iagne iur le Tage , dans la
nouvelle Caftille. Long. 14 , 30 ; Ut. 40.
*ARANTELLES , f. f. pi. ce terme fe
dit , en Vénerie , des filandres qui font au
pié du cerf, & qui ont quelque refîémblancc
avec les fils de la toile de l'araignée.
ARAPABACA , {Hift. nat. bot.) genre
de plante dont la fleur efl en forme d'en-
tonnoir & découpée. Il fort du calice un
]')\?{\\ qui efl attaché à la partie inférieure
de la fleur comine un clou, & qui devient
dans la fuite un fruit compofé de deux cap-
fules , & rempli de femences pour l'ordi-
naire très- petites. Plumier, nova plant,
gêner. Voje:; PLANTE. (/)
* ARAQUIL ou HUERTA - ARA-
QUIL , ( Ge'og. anc. & mod. ) petite ville
de Navarre , à fept lieues de Pampelunc ,
vers les confins de l' Alava & du Guipufcoa.
On croit que c'efl l'ancienne Aracillum
ou Arocellis.
ARARA, f m. {Hift. nat. Ornitho-
log. ) nom Brafilien d'une elpece de perro-
quet ou d'ara , décrit par Marggrave , p. 207
de fon Hijhire naturelle du Brejil , & par
Jonffon , page 141 de fon Hifloire naturelle
des oi féaux , fous le nom de maracana fe~
cunda Brajilienjjs. Jean de Laer lui donne
le nom à'arara & macao , dans fon Hili,
noti orbis , page ^56. M. Brlifon l'appelle
ara ver & rouge du Brefil ; phttacus major
longicaudu < , fatui acê piri. : is y macutâ in
fyncipite fufcd ,■ vertice viridi«xrulefcente;
maadâ in alarum exortu miniatd ; genis
nudis candidis 3 liiieis plumofis nigris firia.-'
144 ARA
tis ; reclr'iclbus fupernè prima medletate vi-'
ridibus , altéra cyanets , fu'utits fatwatè
ruhris .... ara Brajîlienjis erjclirochlora.
Ornithologie , vol. IV , page loi, n°. 7.
Ccû le pjittaciis 6 fei'erus, niacrourus liri-
dis , genis nudis , remigibiis reclricibufque
cceruleis y fubtùs purpurafcentibus , de M.
Linné dans Ton Syfiema naturœ , édition
de ïj6j f page 140.
Cet oilêau n'a encore été figuré nulle
part , à moins que ce ne foit celui qu'Ed-
wards a reprélènté lous le nom de maracana.
Voici la delcription qu'en tait Marggrave;
il a la grandeur du perroquet amazone , ou
il elt un peu plus petit que l'ara verd du
Brefil , il a la queue allongée de même , le
bec noir , les joues nues , à peau blanche
pointillée de plumes noires.
Son front a une petite tache brune à
l'origine du bec , & la tête efl en deiFus
d'un verd-clair & comme bleuâtre ; les
cpaiilcs & ie defTous des ailes & de la queue
cil d'un bleu obfcur ; le refle de fon corps ,
c'eft-à-dire , la tête , le cou , le dos , les
ailes , la queue , le ventre , >les cuifîès ,
font d'un verd foncé ; fes pies iont bruns ,
la prunelle des yeux ell noire , & leur iris
jaunâtre ; fa queue ell elliptique , compolée
de douze plumes pointues , graduées pro-
portionnellement , de manière que les deux
extérieures font une fois plus courtes que
les deux intermédiaires qui font les plus
longues.
Moeurs. Le cri ordinaire de cet oifèau
cfl oe oe oe : il fe trouve en Amérique ,
depuis la Jamaïque julqu'au Brelil. {M.
Adânson. )
ARARACANGA, f. m. {Hifi. mt.
Ornitholog. ) autre efpece d'ara du Brélil ,
figuré affez mal par Marggrave fous ce nom
dans fon Hiftoire naturelle du Brefil , pag.
206 ; Gefner en avoit donné une allez mau-
vaife figure fous le nom de pfittacus erj-
throcyaneus f dans fon Hiftoire des oi féaux y
page 721 ; Albin en a publié une plus
exaâ:e , mais très -mal coloriée , fous le
nom de perroquet de la Jamaïque , l'olume
II , page 1 1 , planche XVII ; les Amé-
ricains de Guiane l'appellent conorro ,•
c'eft \e pfittacus erythrocyaneus , caudâ cu-
neiformi i temporibus nudis y rugofiis , de
lyL Linné , dans fon Syftema naturig , e'di-
AK k
tion de 1767 , page 237 , n". i. M. Brif*
fon l'appelle ara de la Jamaïque ; pfittacus
major longicaudus , dilutê coccineus uropy~
gio dilutè cxruleo ,• pennis fcapularibus
luteis f viridi-terminatis ; genis nudis can'
didis y rechicibus fupernè cyaneis violaceo
admixto , infernè obfcurè rubris ; binis in~
termediis utrinquè proxinid primd medte-
tate obfcurè nihrâ . . . ara Jamaicenfis. Or-
nithologie , volume IV , page 188.
Il égale la grolî'eur du chapon , fa lon-
gueur du bout du bec jufqu'à celui de la
queue eil de trente-deux pouces & demi ,
&; de quinze pouces jufqu'au bout des on-
gles ; fon bec a vingt-une lignes d'épail-
fcur , & vingt-huit lignes de longueur du
bout de ion crochet julqu'aux coins de la
bouche; la queue vingt-un pouces , fon pié
quatorze lignes , fon doigt antérieur le plus
long joint à l'ongle , vingt-fix lignes ; fes
ailes ouvertes ont trois pies onze pouces de
vol , & lorlqu'elles (ont pliées , elles s'éten-
d-cnt julqu'au tiers de la queue.
Sa tête efl plate en defllis & fort large ;
fà queue efl elliptique très-longue , compo-
lée de douze plimies qui vont toutes en di-
minuant de longueur par degrés depuis les
deux du milieu julqu'aux deux extérieures ,
qui font des deux tiers plus courtes qu'elles ,
la troifieme des plumes de l'aile cil la plus
longue de toutes. La baie du demi-bec fu-
périeur eft entourée d'une peau blanche &
nue , dans laquelle lont placées deux na-
rines rondes.
Le croupion en delTus efl bleu - clair ,
ainfi que les deux plumes du milieu de
la queue , & le bout des autres qui , à
leur origine, iont d'un rouge obicur comnre
leur dedous & le deflbus des ailes ; le
relie du corps , lavoir la tête , le cou , le
dos , le ventre , le croupion en delTous ,
& les cuilîès ou les jambes , iont d'un
beau rouge clair ; mais les moyennes cou-
vertures du deifus des ailes ont le bout
orangé terminé de verd , & celles qui les
(uivent en s'éloignant de l'épaule , font d'un
bleu mêlé d'une Kgere teinte de violet le
long de la tige de chaque plume ; la tige
de routes les plumes de l'aile efl noire.,
les dix-huit premières de ces plumes font
d'un bleu mêlé d'une teinte de violet le
long de leur tige , & ont une grande par-
tie
A R A ^
lie de leur côte inrcricur noirâtre ; les
autres font vnriccs de verd , de bleu &:
de marron-pourpré ; les jooes & la gorge
'font couvertes d'une peau bbnche nue de
plumes ; l'iris des yeux ell blcuiitre & la
prunelle noire ; le demi-bec liipérieur cil
blanc , excepté le bout de Ton crochet , &
fes côtés vers fa baie qui l'ont noirs , ainli
que le demi-bec inférieur & les ongles de
les doigts : ceux-ci Ibnt noirâtres , ainli
que les pies.
Alœiirs. ISararacanga cil commun en
Amérique, depuis la Jamaïque julqu'au
Brefil , il a la langue comme le perroquet
& la fort de même; il apprend de même
à répéter certains mots.
Remarque. Il s'efl gliiïe deux erreurs
dans la delcription de M. Briflbn , qui dit
que le bec de cet oilcau a deux pouces
quatre lignes d'épaifléur , i'ur vingt - une
lignes de longueur , & que l'iris de lés yeux
elt jaune : Marggrave nous apprend que
cet irisell bleu. {M. Adanson.)
* ARARA DE CLUSIUS, {Hijl nat.
bot.) c'elt un fruit de l'Amérique , long ,
couvert d'une écorcc dure & noire , atta-
ché A une longue queue , & contenant une
noix noire de la grofleur d'une olive
fauvage. Il ne s'agit plus que de lavoir
quelle ell la plante qui porte ce fruit. On
dit que la décoflion nettoie & guérit les
ulcères invétérés. Il faudroit aulli s'afllirer
fi le Iruit a cette propriété.
* § ARARATH , l'on a dit que c'étoit
une montagne d'Arménie fur laquelle l'Ar-
che de Noé s'arrêta près de la ville d'Eri-
van. Les Arméniens prétendent que l'on y
garde encore une partie du bâtiment : mais
M. Saurin {Dtfcoiirs IX. fur la Bible) pré-
tend que par le mot Ararath , employé
dans divers endroits de l'écriture , il taut
entendre l'Arménie ; que c'ert dans ce
fens que le prennent les Septante , la Vul-
gate , Théodoret, &c.
ARARAUNA , f. m. {Hift. nat. Orni-
thologie. ) troifiemc elpece d'ara , ainil
nommé au Brefil , & décrit fous ce nom par
Marggrave dans fon Hifloire naturelle du
Brejil , page lo6. Aldrovande l'a décrit
fous le nom de pjntacus maximus cyano-
croceus , & en adonné une figure peu e\aéte.
Arium , volume I ^pj^es 663 & 664. , qui a
2'ome III.
ARA i4y
éré copiée d'abord par Jonflon & Ruyfcfi
fous le nom de pfittacuf maximus , Af.
page 141 , planche Xî^, & cnfuirc par Wil-
lughby , avec la dénomination de p/ittacus
maximus cyanocroceus Aldro/'axtli , dans
fon Ornithologie , pag. jn, planche XV..
CdX le canide de Leri , & l'ara blevi & jaune
d'Edwards qui en a donné une figure cxaàle
& bien coloriée , T'o/z.'/nc IV , page 1$-}
Albin l'a gravée auiîl & enluminée, le mâle
à la planche XVII du volume II , & la fe-
melle à la planche X du volume III. Les-
habitans de la Guianc l'appellent kararaoua,
& M.Linné, pjittacus , ararauna^ ma-
crourus , fuprà Cixruleus , fulnus lutcus ,
genis midis , lineis plumojis ; dans fon Syj-
tema natura^, édition de z 7 G J, page z jg y
n°. j. M. Bridbn en a ffit graver une bonne
ligure fous le nom d'ara bleu & jaune du Bre-
iil ; pfutacus major longicaudus , fupernè
cyaneus , infernè croceus ; fyncipite viridi;
tccniâ tranfversâ fubguttiue nigrd ; genis
midis, candidis , lineis plumo/i.s nigrisflria-
tis ; reclricihus infernè lineis , fupernè cya-
neis, lateralibus interdis adviolaccum incli-
nantihus Ara Brajdienjis cyano-crccea.
Ornithologie, vol. IV, p. i^-]. planche XX.
Su. grandeur cil la même que celle de
l'araracanga ; la longueur depuis le bout
du bec jufqu'A celui de la queue ell de
trente-un pouces & demi , & julqu'à ce|ui
des ongles de feize pouces & demi ; Ion
bec a depuis fon crochet jufqu'aux coins de
la bouche deux pouces de longueur , (à
queue dix-neuf pouces , fon pié quatorze
lignes , fon doigt antérieur le plus long_ ,
joint avec l'ongle , ving-huit lignes ; fes
ailes ouvertes ont quatre pies de vol , &
pliées , elles s'étendent au quart ou à pein©
au tiers de la longueur de la queue.
Ses joues font couvertes d'une peau blan-
che nue , marquée fur chacune de neuf .
lignes , formées par de petites plumes noi-
res ; toutes ces lignes partent du coin de
la bouche , en divergeant comme autant
de rayons , dont fix plus courts & plus
rapprochés remontent au defl'us des yeux,
pendant que les trois autres plus longs def-
cendent au defibus ; la bafe du demi-bec
fupérieur d\ entourée d'une peau nue &
blanchâtre dans laquelle font les narines^;
la queue cû elliptique , allongée , compofée
14^ ARA
de douze plumes larges , obtufes , dont les
deux du milieu font deux fois plus longues
que les latérales , qui vont en diminuant
de longueur par degrés jufqu'à la plus exté-
rieure de chaque côté.
Tout fon corps efl généralement bleu
en defllis , & jaune - fafran en deffous :
cependant fon front efl d'un verd obfcur ,
& fa gorge porte un demi - collier noir ,
bordé dans là partie inlérieure d'un peu
de verd obfcur ; les plumes des ailes & de
la queue , quoique bleues fur leur côté exté-
rieur, tirent furie violet à leur côté inté-
rieur qui efl bordé de noir , & elles font
d'un jaune obfcur en deffous : la prunelle
des yeux efl noire & entourée d'un iris
bleu ; fon bec & fes ongles font noirs , fcs
pies & leurs doigts font cendré-noirs.
Quelques individus , & ce font vraifem-
blablement les mâles , ont quelques plumes
jaunes de fafran , mêlées au milieu des cou-
vertures fupérieures des ailes un peu der-
rière les épaules.
'L'araranna fe trouve fur la côte orientale
de l'Amérique , depuis la Jamaïque jufqu'au
Bréfil.
Remarque. M.Brifîbnn'eflpas plus d'ac-
cord fur la couleur de l'iris de cet oifeau ,
qu'il dit être jaune comme dans î'araracan-
ga , pendant que Marggravc qui l'a obfcrvé
vivant au Bréiil , nous ailure que cet iris efl
bleuâtre. {M. Avanson)
AR ARENE, (Geag.) contrée des peuples
vagabonds de l'Arabie heureufe, (elon Stra-
bon. Quelques-uns croient que c'eit aujour-
d'hui le pays ou ro3-aume de Mahré qui s'é-
tend le long du golfe d'Ormus , depuis le
cap Ra?-nl-gate jufqu'au cap Mofîandan.
(C. J.)
* ARARI , rivière de l'Amérique meri-
•dionale dans le Bréfil : elle fe jette dans la
mer du nord , dans la préfedure de Ta-
maraca.
* ARAS ou ARAXE , (Geog.) rivière
d'Afic , qui prend fa fource aux frontières
de la Turquie afiatique , du côté d'Aflan-
calé, traverfc l'Arménie, une partie de la
^Pcrfe, & Te jette dans le Kur.
ARASE , f f. terme d'arclmeclure ; c'efl
ainfi qu'on nomme un rang de pierres plus
bi.flès ou plus hautes que celles de_ dcflous ,
lur ieicuelles elles ion: affiles fucceflivc-
A RA
ment , pour parvenir à la hauteur n^-
ceflaire.
ARASEMENT, f m. dans Van de bâtir,
c'eft la dernière affile d'un mur arrivé à fa
hauteur.
ARASER , V. n. terme d'architecture ,
c'efl conduire de même hauteur & de ni-
veau une affife de maçonnerie , foit de
pierre , loit de moilon , pour arriver à une
hauteur déterminée. ( -P)
Araser , terme de memtiferie , qui fl-
gnifie couper à une certaine épaifleur avec
une fcie faite pour cet ufage , le bas des
planches où l'on veut mettre des cmboifu-
res , & coniérver du bois fuffifamment
pour faire les tenons.
* ARASSI , {Géog.) ville maritime d'I-
talie , dans l'état de Gènes. Long. 2.5^ 50 ,•
lat. 44, j.
ARATE , f m. ( Comm.crcc. ) poids
de Portugal, qui efl auffi en ulageàGoa
& dans le Bréîil ; on le nomme allez
fouvent cuobe , qui elt le nom qu'il a ea
Efpngne.
l^'arate ou arohe portugaife efl de beau-
coup plus forte que Varohe efpagnole ,
celle-ci ne pefant que vingt-cinq livres ,
& celle- hà trente-deux ; ce qui revient
poids de Paris , à près de vingt - neuf
livres de Lisbonne , & celle de Madrid
icidcment à vingt-trois & un quart. V^oyc\
AR()j3E. ( Ct)
* ARATEES , ( Myth. ) fêtes qu'on
célébrolt dans la Grèce , en honneur d'A-
ratus , capitaine célèbre , qui mérita des
monuraens par la conllance avec laquelle
il combattit pour la liberté de fa patrie.
* ARATICU , f m. ( Hifl. nat. bot. )
Ray fait mention de trois arbres diiFérens
fous ce nom. Le premier a le tronc, les
branches , & l'écorce de l'oranger ; m.ais
fon fruit , fa fleur , &: les feuilles font
très-différentes. Sa feuille grillée fur le
feu , trempée dans de l'huile , & appli-
quée fi;r un abcès , le fait mûrir, percer,
& cicatrifer.
On n'attribue aucune vertu aux deux au-
tres efpeces , ce qui feroit prelquc croire
que le premier a celles qu'on lui donne.
* ARATICUPANA , f m. ( Hift. nat.
hct. ) arbre du Bréfi! , de la grandeur de
l'oranger , 6: portatit un fruit odorant ,
ARA
«gré<»blc nu goût , mais dont il ne faut pas
manger louvcnt : dtlcription inkillilhnte &
mauvailc ; il y a cent aibies au Hiéiii à qui
ces carnclcres peuvent con\ enir.
AR ATU , i; m. ( Htjh ncit. Infecîologie. )
nom liraiilien d'une elpece de crabe , cancer^
qLie Ton appelle auiîi aracu-pinirn.i au Bré-
fil , ièlon Marggiave qui en donne la del-
cription luivante.
Cet animal ne quitte point la terre pour
iiller dans l'eau ; il vit iui' le rivage mari-
time. Son corps eft quarré , c'e(l-à-dire ,
t Libique , de médiocre grandeur , peint de
tiiverfes couleurs qui iont le brun , le bleu ,
le rouge & le blanc , mêlées agréablement
& comme par points. Son ventre ell jaune.
Ses deux yeux font noirs , très-écartés ,
portés chacun (ur une longue colonne en
forme de lunette placée vers les angles de
la bouche.
Il a dix jambes , dont deux antérieures
en pinces égales de médiocre grandeur ,
r^ulil's , mais blanc-jaunes à leur extrémité.
Les huit autres jambes font plates , roulTes ,
variées de taches purpurines noires & blan-
ches , fèmécs de quelques poils noirs &
rompofées chacune de quatre articulations.
( M. An.iNSON. )
AR ATUS , ( Hijl de Sycione. ) chef de
la ligue des Achcens , étoit lils de Clinias ,
qui fut élevé au trône ou plutôt à la pre-
mière magillrature de Sycione par le kû-
frage unanime de la nation. Depuis la mort
du roi Cléon , ce petit royaume étoit dé-
chiré de faâions ; il s'élevoit de petits ty-
rans , qui bientôt éîoient punis de leur am-
bition. Clinias , ajipellé au gouvernement
4>ar une autorité légitime , fut enlevé par
une mort prématurée. Abantidide s'empara
de la tyrannie , & bientôt il tut maliacré
par Nioclés qui lut ulurpateur à ion tour.
stratus s'impcfa un exil volontaire pour
n'eue pas la viélime de cet ambitieux ; mais
toujours occupé de (a patrie dans une terre
étrangère , il le lia avec tous les autre^
exilés pour la tirer de l'oppreflion ; il n'avoit
que vingt ans ; & c'elt à cet îige que les
entreprifes les plus périlleules ne laliït-nt
appercevoir que la gloire attachée à l'exé-
cution. Il s'approche en filence de Sycione
où il s'introduit par elcalade. Tous les par-
îifans de la liberté fe rangent fous fes en- |
ARA 147
feignes ; ils mettent le ieu au palais de
Nioclés , qui a le bonheur de fe louihaire
à leur vengeance. Les Sycioniens recon-
noifîans lui déicrcnt le pouvoir lupréme ;
mais il leur déclare que, fatistait du titre
de leur libérateur , il vouloit qu'il n'y eue
plus d'autres rois que les loix.
Son premier ouvrage fut la réunion des
cœurs juiqu'alors di\ lies par la haine des
ladions. Revêtu de tout le pouvoir, parce
qu'il avoit la confiance publique , il en-
gagea Sycione dans la ligue des Achéens.
Les Macédoniens s'érigeoicnt alors en arbi-
tres de la Grèce ; Si tout préiageoit qu'ils
en leroient bientôt les tyrans. Aratus ,
nommé chef de la ligue , en dirigea les
mouvemens avec la dextérité d'un génie
exercé dans la politique. Corinthe fut ia
première conquête ; & il en fut rede\ able
à ion or plutôt qu'à lés armes. Cette ville
lui iut livrée par un de fes habitans à qui
il promit ioixante talcns. Ce fuccès fut le
fondement de (a réputation. EpiJaiirc ,
Trézene & Mégare abandonnèrent les M:i-
cédonicns pour entrer dans ion alliance ;
quoiqu'il eût autant de courage que de
prudence , 11 étoit plus propre à gouverner
qu'à combattre. A force de trop prévoir ,
il étoit d'une circonipection timide , & fe
précipitoit dans les dangers qu'il craignoic
pour les autres. Soa défmtércilèment Si ies
talens éprouvés firent fermer les yeux fur
ce qui lui manquoif pour être grand capi-
taine. Il fut nommé pour la féconde fois
chef de la ligue des Achéens ; & il flgnala
ion comrrandement par l'extinflion de l;i
tyrannie dans pluîicurs villes du Pélnpo-
nelè & deriUirie. Son ambition étoit d'hu-
milier les Macédoniens , regardés encore
comme des barbares par le reile de la
Grèce qu'ils médltoientd'allervlr. Ils étoient
déjà les maîtres de Pyrcée , de Muni-
chie, de Sunium & de Mégare, il nepou-
voit ic flatter de leur en enlever la poffei-
iion par la force des armes. Il corrompit , à
force de préicns , Diognes qui lui livra ces
villes dont il étoit gouverneur. Ce fut en-
core le moyen qu'il employa pour déter-
miner Lyliade à abdiquer la tyrannie de
Mégnlopolis.
Les Macédor:iens n'avoient point encore
eu d'ennemi plus redoutable. Aratus de-
Ti
jt.48 ARA
Vint tour-à-coup leur plus zélé partifan ; &
ce furent les circonflances qui réglèrent la
politique. Cléonnene , roi de Sparte , lous
prétexte des hoftilités exercées fur le terri-
toire des Arcadiens par Aratus , déclara la
guerre aux Achéens : les avantages qu'il
remporta fur eux, les forcèrent d'accepter
la paix aux conditions qu'il prefcrivit lui-
même ; il exigea d'être reconnu généralii-
lime de la ligue. Aratus accoutumé au com-
mandement , regarda cette condition com-
me un outrage ; & ce fut pour en prévenir
l'effet , qu'il fc dépouilla de ia haine contre
les Macédoniens. 11 fit alliance avec eux ;
& pour gage du traité , il leur remit Co-
rinthe. Antigone qui gouvernoit alors la
Macédoine en qualité de tuteur du jeune
Philippe , joignit les forces à l'armée des
Achéens. On en vint aux mains dans les
plaines de Selafie ; & la phalange macédo-
nienne eut tout l'honneur de cette journée.
Aratus e.n9ié dece i'uccès , marcha contre les
Etoliens qui ravageoient la Meflènie ; & il
efluya une ianglante défaite. Depuis ce re-
vers , il devint plus circonfpeâ & plus
timide , il fe confola de cette dilgrace par
la gloire dont fon fils le couvrit au fiege
de Pfopolis , ville d'Arcadie , dont il fit la
conquête au milieu de l'hiver, Philippe
ctant monté au trône de Macédoine , ayoit
donné toute fa confiance à un favori nommé
Appelle ) dont les Achéens eurent à ef^
fùyer les hauteurs. Ce prince inftruit de
lès vexations , kii ordonna de ne rien faire
fans l'approbation ôi Aratus ; mais ce tyran
iubalterne , abul'ant toujours de fon pou-
voir , força fon maître de l'arrêter & de
le faire mourir.
Tant que Philippe fuivit les confei-ls
Ci Aratus f fa vie fut un enchaînement de
prolpérirés , mais auffi-tôt qu'ébloui de Ça
iortimc , il le gouverna par lui-même , il
s'affoupit dans les plus laies débauches. Les
Romains dont il étoit l'cnnem.i , eurent
des avantages qui , au- lieu de Thumilier ,
:.igrirent Ion caraâere ; & d'humain &:
ju^puLiire , il devint (ombre & féroce. Il
jj-init (ur les alliés la. honte de la défaite ;
d'ç ce furent fur-touc les MeOéniens qu'il
traita avec plui de rigueur. Anuus eut le
courage de lui r;raontrcr l'injuilice de la
<,-i)n.diiJtc ; & Philippe le fvt alliiliiuîr, pour
ARA
fe débarrafîer de l'importunité de fâ cen-
fure. Toutes les villes de l'Achaïe fe dif-
puterent l'honneur d'êtfe les dépofitaires
de fes cendres. Sycione , où il avoit pris
naiffance , eut le privilège d'obtenir fes
dépouilles mortelles ; on lui fit de magni-
fiques funérailles. On oiFrit des facrifices
fur fôn tombeau , & toutes les villes lui
érigèrent des autels , & lui décernèrent les
honneurs div ins. ( T-N. )
'*AR A V A , ( Ge'og. ) forterefTe delà haute
Hongrie , dans le comté & fur la rivière de
même nom. Long. 37 , 30 ; lat. 49 , 20.
*ARAUCO, ( Geog.) fortereflé de l'A-
mérique méridionale , dans le Chili , à la
fource de la rivière de Tucapel. Long. 309 ;
Idt. 42 , 30.
ARAUQUES ( LES ) , Geog. peuples,
qui Iwbitent la vallée d' Arauco , au Chili ^
clans l'Amérique méridionale; ils font vail-
lans , & ont fait la guerre pendant près dé-
cent ans aux Efpagnols établis dans leur-
voinnage. Leurs armes font des arcs , des,
flèches , de longues piques , des rondaches ,
& des cuiralTes faites de peaux de loups
marins ; ils ont coutume d'élire pour chef
celui d'entr'eux qui porte le plus lourd
fardeau. Alonzo de Eurcilla a célébré dans,
fon poëme de V Araucaria , la paix qu'ils,
fij-ent en 1658 avec les Elpagnols. ( C.A.)
ARAURACIDES ( les) , po^^. ancien
peuple d'Afrique , que Pïolomée place dans
la Pentapols Lybienne , aux environs de-
Bérénice , il ne nous apprend rien de plus,
particulier fur ce peuple. ( C. A.)
* ARAW, ( G'fb^. ) ville de SuifTe dans.
l'Argow, flir l'Aar. Long. 2^ , 30; lar,.
ARAXAI, (Geog.) rivkre de l'Amé-
rique méridionale, au Bréfil; elle coule vers
la préfeéture de Paraïba où elle fe jette dans,
la rivière de Mongaguaba. (A. C.)
* ARAXE, autrefois AraxES , aujour-
d'hui Arais 3 Araifs y Achlar & Cafaci,.
Voye-^ Aras.
*' Araxe , fleuve de Perfidue , qui cou-
loit près des murs de l'ancienne Perlepolis..
On donneroit le même nom au Pénée ,,
fleuve de Theniilie..
AR AYA , ( Geog. ) cap de l'Amérique
méridionale , dans la nouvelle An>ia|ouiie-,,
à y ose. degrés ii' de J^ititude i&çi- il
A R B
forme le golfe appelle par les Efpagnols
Goîfo di Cariaco. Ceû près de-là qu'on
voit, à trois cents pas de la mer, la plus
fameufc faline que l'on connoifîb : elle
donne un fol excellent & très-dur. On
l'exploite tous les mois. (C. A.)
*ARBA ou ARBÉ, {Gcog. anc. &
niod. ) ville de Palefline , appcUee autrefois
Hébron y Mamre , Cariatli , aujourd'hui
CalU.
ARBACE, {Hi_fl. d'Afyrie.) Mede
d'origine, fut un des principaux c^^pitaines
de Sardanapalc , dernier roi d'Afîyrie : ce
monarque , honteufement célèbre par là iiio-
leflè & Tes débauches , s'étoit rendu invilible
■^ fes fujets , pour vivre dans ion palais , envi-
ronné d'eunuques &: de concubines. Arhace
profita du mécontentement du peuple pour le
précipiter du trône; &: pour mieux afliirer le
Îlicccs d'une révolution , il crut devoir fe
faire un complice parmi les prêtres , dont le
minifîere lacré en impole toujours au vul-
gaire : il jeta les yeux fur Belilis , prêtre ré-
véré , allrologue lavant, & qui joignoit à ces
deux titres , tous les talens de l'homme de
guerre. Ce complice artificieux l'allura que
les dieux l'appelloient au trône d'AlIyrie.
Arbace , flatte de cette prédidion , lui pro-
mit le gouvernement de Babylone : les ma-
n-ieres arfltbles & populaires lui concilièrent
tous les coeurs ; mais ambitieux avec pru-
dence , il voulut connoître le caraélere du
monarque avili, dont ilvouloit envahir la
puilfance.. Les eunuques , corrompus par fes
largelfes , l'introduifirent dans l'endroit oli
languifl'oit ce fantôme couronné ; dès qu'il
eût étudié fes penchans & fes mœurs , il
eut une pleine confiance dans les promefles
de Belifis , qui eut l'adrefle de faire entrer
les principaux feigneurs Babyloniens dans
la conjuration.
La conftitution militaire de rA{T)Tie
étoit de lever une armée qui , après avoir
fervi un an , étoit remplacée par une autre
Tannée fuivante. Arhace profita de cette
coutume pour taire entrer dans la rébellion
les Perfes , les Medes & les Babyloniens
qui dévoient fervir L'année iuivante : il en
forma une armée de quatre cents milU,' hom-
mes tous dévoués à les volontés. Sardana-
pale forti du Ibmmeil de la débauche ,
œarclie contre ks rebelisî qu'il a la gloire
A R B r4<;
de tailler en pièces. Arbace ne fut pas
moins redoutable après lii défaite ; il rnf-
(emblc les débris de fon armée , & vient
défier fon vainqueur au combat. Sardana-
palc , au lieu a'oppofer la force , met à
prix la tête de ce rebelle. Aucun lôldat ne
tut allez avare pour ie fouiller d'un aflaf-
finat \ & Arbace vaincu une lecondc fois ,
fe retira dans des montagnes inacceffibles ,
où , fans efpoir de vaincre , il n'eut rien à
redouter des vengeances du monarque
oHenfé. Belilis fit fervir la religion pour le
relever de l'a chute ; il annonça aux rebelles
que les dieux dont il étoit l'interprète , lui
avoient révélé qu'ils n'avoient qu'à com-
battre pour remporter la vidoire : encou-
ragés par fes promefles , les rebelles enga-
gent une aûion ; & ils elTuient une nou-
velle défaite. Belifis ne fut point rebuté par
ce mauvais fuccès ; il emploie toute la nuit
à confulter les aflres ; & , au lever de l'au-
rore, il leur annonce l'arrivée d'une milice
célefle. Il étoit intormé qu'une armée de
Baclriens marchoit au lècours de Sardana-
pale ; il députe des hommes de confiance à
ces auxiliaires pour leur repréfènter la.
honte d'obéir à un prince elFéminé , &
leur offi-ir les moyens de rentrer dans leur
ancienne indépendance. Les Baclriens éblouis
par cette promefTe , fe joignent aux rebel-
les. Arbace foutcnu de ces nouveaux alliés ,
attaque Sardanapale qui étoit occupé à
donner des fêtes aux complices de fès dé-
bauches ; il en fit un horrible carnage ; &
ce monarque fe retira fous les murs de
Ninive , où il elTu} a une féconde défaite.
Il y foutint un fi-ge de trois ans ; & fe
voyant fans efpoir d'être i'ecouru ,. il fe pré-
cipita dans un bûcher avec fes femmes ,
fes- concubines & fes eunuques. Arbace ^
po(l"efléur de 'ics états , forma de l'empire-
d'Afiyrie trois grandes m-,<narchics ; la.
Médie , Babylone & la Perle eurent leurs,
rois particuliers. ( T-N. )
Arbace, (Ge'ogr.) ^ille de la Celri-
bérie félon Etienne le géographe. On ne
nous appi-end aucunement en q_uel lieu elle-
étoit firuée. (C. A.)
§ ARBALETE, {Artmi!iLaire,ATmes.)}
Uarbalete , appellée en latin iuctis bjlîJJa~-
rius ou balifia ma lualis , pour \d diftinguei;-
des baliftîs &: des- catapultes , étok 'iua,-
150 A R B
machine offcnfive , qui confifîoit en un
arc attache au bout d'une cfpcce de bâton
ou chevalet de bois , que la corde de l'arc ,
quand il n'étoit point bandé , coupoit à
angles droits.
Ce bâton ou manche ou chevalet , qu'on
appelloit auffi Varbrier Je l'arbalète , avoit
vers le milieu une petite ouverture ou
fente de la longueur de deux doigts , dans
le milieu de laquelle étoit une petite roue
d'acier lolide & mobile , au travers du
centre de laquelle pafloit une vis qui lui
fervoit d'ailîleu. Cette roue fortoit en partie
en dehors au deflfus du chevalet , & avoit
une coche ou échancrure où s'arrêtoit la
corde de V arbalète quand elle étoit bandée ,
-& une autre coche plus petite dans la
partie oppofée de (a circonférence , par le
moyen de laquelle le refibrt de la détente
tenoit la roue' terme. Cette roue s'appelloit
la noix de l'arbalète. Sous le chevalet en
approchant vers la poignée , étoit la clef de
Ja détente , allez lemblable à celle de la
clef du ferpentin d'un mouiquet. Par le
moyen de cette ciel , que l'on prelToit avec
la mnin contre le manche de ï arbalète , le
redbrt laiiîbit le mouvement libre à la roue
qui arrêtoit la corde , & celle-ci , en le dé-
bandant , faifoit partir le dard.
Sur le chevalet , au delTous de la petite
joue , étoit une petite lame de cuivre qui
le levoit & fe couçhoit , & étoit attachée
par fes deux jambes avec deux vis aux
deux côtés du chevalet. C'étoit le tron-
teau de mire. Elle étoit percée au haut de
deux petits trous l'un iur l'autre ; &: quand
la lame étoit levée , ces deux trous répon-
doient à un globule de la grolTeur d'im
petit grain de chapelet , qui étoit fufbendu
tout au bas de Varbalete par un fil de ter
très-menu & attaché à deux petites colon-
nes de fer perpendiculaires , une à droite
.& l'autre à gauche. Ce petit globule répon-
dant au trou de la lame , fervoit à régler
la mire , foit pour tirer horizontalement ,
ioit pour tirer en haut , loit pour tirer
en bas.
La corde de l'arc étoit double. Les deux
.cordons étoicnt tenus iéparés l'un de l'au-
ATC à droite & à gauche par deux petits
,cyiindres de fer , à égale dillance des deux
«xtrénjités de l'arc & du ceatre. Au.v deux
A R B
cordons dans le milieu tenoit un anneau de
corde , qui fervoit à l'arrêter à la coche dont
j'ai parlé , lorfque l'arc étoit bandé. Entre
les deux cordons au centre de la corde,
& iiTimédiatement devant l'anneau , étoit
un petit quatre de corde où l'on plaçoic
l'extrémité de la flèche pour être pouflee
par la corde.
Telle étoit l'ancienne arbalète , & je
crois qu'elles fe reiîémbloient toutes pour
les parties efientielles. C'étoit avec la main
que l'on bandoit la corde des petites arba-
lètes , par le moyen d'un bâton ou d'un fer
en forme de levier , appelle pie de cheire ,
parce qu'il étoit fourchu du côté qui s'ap-
puyoit iur Varbalete & fur la corde- On
bandoit les grandes avec le pié, & quel-
quefois avec les deux , en les mettant dans
une eipece d'étrier , félon ce vers de Guil-
laume le Breton :
BalUftâ dupUci tensâpede mijfafagitta.
On les bandoit aufli avec un moulinet &
avec une poulie. Ces arbalètes étoient ou
de bois ou de corne ou d'acier , ce qui k
doit entendre de l'arc feul. Elles étoient de
différentes grandeurs , comme d'un pié &
demi , de deux pies & demi , & de trois
pies , & d'autres plus longues , fournies de
leur pié de chèvre , de leur moulinet & de
leur poulie.
Ce tut Richard cœur-de-lion , roi d'An-
gleterre , qui rétablit l'ufage de Varbalete ,
& il fut tué de cette arme. Ce n'efi pas
qu'avant ce temps-là on ne fe fut jamais
fcrvi de Varbalete : on s'en fervoit fous
Louis le gros, aïeul de Philippe Augufle;
car l'abbé Sugcr , dans la vie de Louis le
gros , dit que ce prince attaqua Drogon de
Montier avec une groile troupe d'archers
& d'arbalétriers ; & plus bas que Raoul de
Vermandois eut l'œil crevé d'un carreau
d'arbalète.
I! y avoit un canon du fécond concile
de Latran , tenu en 113S, fous le règne
de Louis le jeune, père de Philippe Au-
gufle , qui défendoit cette arme. On l'ob-
férva fous le règne de Louis le joime &
au commencement du règne de Philippe
Augufk; mais depuis on n'y eut nul égard ,
ni en France, ni en Angleterre , quoi-
qu'Innocenc III en eût rcteomniaudé l'ob-
A R B
fervation. L'ufage de la ballifte & de Yar.
haleté avoir cté aboli dans ces deux ro)au-
mes , pendant qu'on obferva le canon du
fécond concile deLatran ; & cet uHige tut
rétabli d'abord en Angleterre par Richard ,
& en Erance par Philippe Augulle; & il
redevint commun depuis ce temps-là.
Varbalete étoit encore en uiage en
France fous le règne de François I : li avoit
;i la bataille de Marignan pour une partie
de fa garde une compagnie de deux cents
arbalétriers à cheval qui firent des mcrveil-
Je.s : mais dans la liiite cet uinge lut prel-
qu'entiérement aboli , excepté parmi les
Galcons. Guillaume du Bellai rapporte
qu'à la Bicoque , en i^ii , il n'y avoit dans
l'armée trançoiié qu'im feul arbalétrier ,
mais fi adroit , qu'un capitaine Elpagnol
nommé Jean de Cardonne , ayant ouvert
la vifiere de Ion armer pour relpirer , l'ar-
cher tira fa flèche avec tant de jurtefle , qu'il
lui donna dans le vifage & le tua. Ce même
auteur rapporte qu'au fiege de Turin , en
1Î3(5 , le feul arbalétrier qui étoit dans la
place , tua ou blefla plus de nos ennemis
en cinq ou fix efcarmouches où il fe trouva,
que les meilleurs arquebufiers qui hiOènt
dans la ville, ne firent tout le temps du
fiege. Cela prouve qu'on ne fe lervoit plus
guère d'arbalétriers en France vers le mi-
lieu du règne de François I : mais on s'en
fervoit encore en Angleterre fur la fin du
règne de Charles IX , comme il paroît par
le traité fait en i^yi entre ce prince & la
reine Elizabcth , qui s'obligea à fournir au
roi 6000 hommes armés partie d'arcs & par-
tie d'arqi;cbufes. On confond quelquefois
dans l'hifioire le nom à'a.rchers & A'arbdé-
triers , & l'on donna à celui qui comman-
driit ces troupes le nom de grand-maître
d'arhalccners. On a abandonné Varhalete
depuis l'invention des fufils ou de nos mouf-
çucts , quoique cette arrne fût infiniment
plus meurtrière & plus avantageufe que ne
le font les fufiis ; fes coups font plus certains
ÉC plus affurés , & *a force au moins égale. Si
l'on n'ef.t introduit labayonnette au bout du
fufil, qui lait prefque tout l'avantage de cette
arme, Yarèalete l'eût emporté- de beau-
coup. ( V)
Les marir.s ont un infîrumcnr appelle
arbalète ou arbalejirtlle , qui leur iért à
A R B 151
prendre hauteur. Voy. RaYON ASTRO-
NOMIQUE , Flèche , Arualestrille,
Ê-c. ( T)
Arbalète, f f. {chajje) efpece de
picge dont on fe krt pour prendre les loirs :
on y met un appât de noix feches à demi-
caflées , de châtaignes ou de chandelles. Il
hiut prendre garde qu'en plaçant cette ma-
chine dans un mur , il ne le trouve point de
branche d'elpalier, d'où le loir puifîe attein-
dre ^ l'appât par un autre endroit que par
l'arbatere.
Arbalète , ( Manège. ) ou cheval
en arbalète ; c'ell un cheval attaché leul à
une voiture devant les deux chevaux du
timon. {V.)
Arbalète , f f. dans les manufjJIures
en foie , on dillingue trois fortes d'arbalètes.
V arbalète du battant , qui n'ell autre chofe"
qu'une corde doublée au haut des deux lan-
ces du battant , & tordue avec une cheville ,
à laquelle on donne le nom de râler. Cette
corde lert à tenir la poignée du battant fo-
lide , & à l'empêcher de remonter ou de
badiner fur le peigne. Voyei^ Valet &
Battant.
Arbalète des étrh'ieres ; c'efl.une corde
paffée à chaque bout des lifîerons de rabat ,
à laquelle on attache les e'tririeres pour faire
baiffer les liiles. VoYe:[ LiSSES , LISSE-
RONS & Étrivieres.
Arbalète de la garaj/îniere ; c'efl une
grofie corde à laquelle la gavajfiniere ell
attachée. Voye\ GavassinierE.
Arbalète , inflrument à l'ufage des fer-
ruriers , des taillandiers , d'autres ouvriers
en métaux-, & même de ceux qui travaillent
aux glaces dont or. lait des miroirs. \J arba-
lète des taillandiers efl compofée de deux
lames d'acier élafiiques , courbées en arc ,
allant toutes deux en diminuant , appliquées ,
le gros bout de l'inférieure contre l'extré-
miîé mince d'e la fupérieure , & retenues
l'une fur l'autre , dans cti état , par deux
efjDeces de viroles quarrées , & de la même
figure que les lames ; l'une de ces lames efî
fcclléefi>iement à un endroit du plancher qui
correlpond perpendiculairement un peu en
deçà des mâchoires de l'étau ; l'autre lame
s'applique fur ime encoche ou inégalité d'une
lime à deux manches , qu'elle prtlîe plus ou
moins fortement , à la difcrétion de l'ouvrier,
. ) i A R B
contre in furfacc de l'ouvrage A polir. L'ou-
vrier prend la lime à deux manches, & n'a
prefque que la peine de la laire aller ; car ,
pour la faire venir ; c'eil V arbalète qui pro-
duit ce mouvement par Ton élafticité. L'jr-
halete le foulage encore de la preliion qu'il
fcroir obligé de taire lui-même avec la lime ,
contre l'ouvraqe , pour le polir.
^ ARBALETRIERE, {'. ^.^{Marine)
c'ell le pofie où combattent les foldats , le
long des apoflis & des courtois , ordinaire-
ment derrière une paiTevande. F". Apos-
Tis , Courtois & Passevande. (Z)
ARBALESTRIERS , fub. m. {Char-
pente. ) Ce lont deux pièces de bois dans
un cintre de pont, qui portent en décharge
fur l'entrait.
ARBALESTRILLE , fub. f. ert un inf-
trument qui fort ;\ prendre en mer les hau-
teurs du Ibkil & des aftres.
Cet inlîrument forme une efpece de
croix ; il elî compolé de deux parties , la
rieche &: le marteau , voyeT^ PL Narig.
fig. 12 ; la flèche AB c^ un bâton quarré ,
uni , de même grolleur dans toute la lon-
gueur , d'un bois dur, comme d'él>ene ,
ou autre , ayant environ trois pies de long
& fix à iept lignes de grofîèur. Le marteau
C Z) efl un morceau de bois bien uni , ap-
plani d'un coté , & percé partaitement au
centre d'un trou quarré , de la grofleur de
Ja flèche : au moyen de ce trou , il s'ajufle
fur la flèche où il peut glifler en avant ou
en arrière ; il efi beaucoup plus épais vers
le trou , afin qu'il foit ferme fur la flèche ,
& qu'il lui ibit toujours perpendicu-
laire. On pourroit , en cas de néceflîté , fe
contenter d'un feul marteau : mais , comme
on verra plus bas , il elt bon d'en avoir
plufieurs ; ils font au nombre de quatre.
Voici la manière d'obferver. On lait entrer
le marteau fur la flèche , de façon que le
côté uni regarde la partie A j où l'on pofc
Tccil ; l'œil étant au point ^ , on regarde
cnfulte l'aflre par l'extrémité i'upérieure du
marteau ; &: par l'extrémité inférieure T) ,
l'hoi'izon : fi l'on ne peut les voir tous les
deux à la lois , on tait avancer ou reculer
le marteau julqu'à ce qu'on en vienne à
bout. Ceci une fois fait , l'obfervation (era
achevée , & les deux rayons vifiiels , qui
vont de Tccil à raflrc & à l'horizon , for-
A R B
meront un angle égal A la hauteur de l'aflre.
On obierve , de la même manière , l'angle
que font deux aflres entr'cux , en poin-
tant à l'un par l'extrémité du marteau C ,
& à l'autre , par l'extrémité D ; en con-
léquence de cette façon d'obferver , on
divilè la flèche de la manière fuivante. On
la place fur un plan , figure 13 ; & par
l'extrémité^ , qui ell celle où on applique
l'œil , on élevé une perpendiculaire A P ,
égale à la moitié du marteau : du point P ,
comme centre, du rayon A P , on décrit
un quart de cercle , que l'on divife en demi-
degrés , & on tire depuis le 45'' julqu'au
50^ , par tous les points de divilion des
rayons , du centre P à la flèche^ F ; les
points où ces rayons la couperont , feront
autant de degrés. On marquera les 90^ à
une diflance du point A , égale à la moiiié
C £ du marteau ; les autres angles ie trou-
veront lucceilîvement , en marquant fur la
flèche le nombre de degrés d'im angle
double du complément de l'angle E P A i
alors le marteau ie trouvant iur un de ces
degrés , indiquera la hauteur de l'aftre ;
car fi on le fuppofe en £ , &: que du point
A , & par les points C ^ D , on tire des
ra}-ons viiiiels qu'on fuppofe dirigés vers
l'aflre & à l'horizon , il efl clair que l'angle
CAD l'era double de l'angle C A E : mais
cet angle C A E eu égal à l'angle P E A;
puifqueles triangles P A E , A C E , font
égaux & femblables , les angles P A E ,
A E C étant droits , le coté A E commun ,
& les côtés A P C E égaux ; ainfi l'angle
CAD fera double de l'angle P E A : mais
cet angle P E A e^ \e complément de
l'angle A P E ; par conféquent , l'angle
marqué fur la fleciie fera toujours égal à
l'angle formé par les rayons viluels. De
plus , on voit qu'il falloit divifer le demi-
cercle en demi-degrés, puiique chaque angle,
formé par les rayons viluels , cil double
du complément de l'angle E P A ; i\ dl
clair , par cette façon de diviler la flèche ,
qu'en approchant des <po'^ , les degrés de-
viennent plus petits ; & qu'au contraire , en
s'en éloignant , ils deviennent plus grands ;
conléquemment , qu'il faut donner au mar-
teau une certaine longueur , pour que les
degrés vers E loicnt diilinds : mais fî le
marteau cil grand, cela donnera une trt)p
grande
A R B
grande longueur ù la flèche ; c'ert pour-
quoi , au lieu d'un lèiil marteau , on en a
quatre , comme on a dit plus haut , autant
que de faces : & ces marteaux , étant plus
grands les uns que les autres , fervent à
obferver les diftcrc-ns angles. Par exemple ,
le plus grand ièrt pour les angles au defTus
du ^C* ; celui d'eiiiiiite , pour ceux au
defTus du 2.0 ; le troiiieme , pour ceux au
dellus de lo ; & enfin le quatrième , pour
les plus petits angles. Il eft inutile de dire
que chaque marteau a la lace particulière ,
& qu'elle eft divilee comme nous venons
do l'expliquer. Il y a encore une autre façon
d'obferver avec cet inilrumcnt , qui ci\ plus
{Tire & plus exacte , parce que l'on n'eft
obligé que de regarder un leul objet â la
fois ; cela fe tait de la manière fuivante.
On ajuUe le plat du grand marteau dans
le bout de la flèche A {figure \.\) , de
forte que le tout toit à l'uni ; enluite on
paflé dans la flèche , le plus petit Ats
marteaux qui a une petite traverlè M d'i-
voire , fon côté plat étant tourné auflî vers
le bout A ; & l'on ajoute une vifiere au
bout d'en-bas D du marteau C , c'efl-à-
dire , une petite pièce de cuivre , ou autre
métal , qui ait une petite fente.
VarhalefiriUe ainfi préparée , comme le
montre la figure , on tourne le dos à l'aflre ,
& on regarde l'horizon fenfible par la vifiere
D , & pardedous la travcrfe M du petit
mar;eau : en regardant ainfi par le rayon
vifuel D M ,on approchera ou on reculera
le petit marteau , julqu'à ce que l'ombre
du bout C du grand le termine lur la tra-
verlè M , à l'endroit qui répond au milieu
de la grolîéur de la flèche. Alors le petit
marteau marquera fur la flèche les degrés
de hauteur du loleil , ce qui efl ienlible ;
puiique l'angle , formé par l'ombre qui tombe
fur le petit marteau , & par le rayon viliiel
D M , ell égal à l'angle que l'on auroit , fi
oblervant pardevant , l'ail étant en .^ , le
grand marteau ie trouvoit au point M.
Tel efl l'inflrument dont on s'efl fervi
long-temps en mer , malgré tous les dé-
fauts. Car , 1°. fans les détailler tous , il
ell lur que , quelque attention que l'on ap-
porte dans 1;; divifion de l'inflrument , elle
cfl toujours tort imparfaite, i". Etant de
bois , & d'une certaine longueur , il efl
Tome III.
A R B MÇ
toujours à craindre qu'il ne travaille & ne
fe déjctte ; & enfin il eft tort difficile de
s'en fervir avec précifion : on compte même
généralement qu'il ne vaut rien pour les
angles au defllis de 60^. Ainfi on doit
abfolumcnt l'abandonner , fur-tout depuis
rinftrument de M. Hadley , fi fupérieur à
tous ceux qui l'ont précédé. Voye\ INS-
TRUMENT de M. Hadley.
Varbdlefirille a eu dilFérens noms , comme
radlometre , rayon aftronomique , bâton de
Jacob , & i-erge d'or ; mais arbaleftrille eft
aujourd'hui le plus en ulage.
Comme les obfervations qui fe font fiir
un vaiflèau , donnent la hauteur du folcil ,
tantôt trop grande , tantôt trop petite ,
félon qu'elles le font par -devant ou par
derrière , & cela à caufe de l'élévation de
l'obfervateur au deilus de l'horizon , on eft
obligé de retrancher plufieurs minutes de
l'angle trouvé par l'obfervation , ou , au
contraire , d'en ajouter à cet angle. Voye^
là-defifusT article QUARTIER AnGLOIS ,
à la fin. {T)
* § ARBATA , ( Geog facrée. ) c'eft
un nominatif pluriel qui fignifie des lieux
champêtres & incultes. Voye\ Calmer ,
fiir le f. 23 , du chap. v. du prem. liv. des
Machabe'es.
ARBE , ( Géog. mod. ) ville de la répu-
blique de Venifc , dans l'île de même
nom , près les côtes de Dalmatie. Long.
32,, 54 ; lat. 44, 55.
ARBELLE , ( Géog anc.) ville de Sicile ,
dont les habitans étoient fi lots & fi Cupi-
des , qu'on difoit de ceux qui en failoient
le voyage , quid non fies Arbelas profec-
tus ? Ce qui peut s'entendre de deux façons :
que vous ferez fot , ou que vous ferez riche
i\ votre retour ! fot , pour avoir vécu fi long-
temps avec des fots ; riche , parce qu'il eft
facile de faire tortune avec des gens aufli
peu fins.
* ArbellE , ( Gebg.fainte. ) ville de la
haute Galilée , dans la tribu de Nephtali ,
à l'occident du lac Semachon , où l'on ren-
controit des cavernes affreufes , la retraite
des voleurs ou des jififs perfécutés. Hérode
le grand en fit boucher quelques-unes , &
mettre le feu aux autres : on lit dans Jolcph ,
Antiq. lib. XII , c. xviij , que l'accès eu
étoit rendu fi difficile , par des rochers & d^
V
',54 . A R B
précipices , qu'on n'y pouvoir prefqiic abor-
der quand on étoit au pié , ni deicendre ,
quand on avoir arreinr le (bmmer. Il ajoure
qu'Hérode y lir deicendre , dans des coffres
arrachés à des chaînes de fer , des foldars
'^rmés de hallebardes , qui accrochoienr &
tuoienr ceux qui faifoienr réliftance.
* ArbeLLES, bourg d'Afl)rie , fur le
fieuve Lycus , célèbre par la féconde vic-
toire qu'Alexandre le grand remporra fur
Darius , roi de Perfe.
* ARBENGIAN , petire ville de la cam-
pagne ou de la vallée , qu'on appelle Sogde
de Samarcand ; ceÛ propremenr le rerri-
îoirc de cerre ville.
ARBENNE , ( HiJJ. mt. ornithol. ) La-
gnpus avis. Aid. Cer oiicau eft de la gran-
deur & de la figure du pigeon domeltique ,
ou peur -erre un peu plus grand. Il pc(e
quatorze onces ; il a environ un pié rrois
pouces de longueur , depuis la poinre du
bec jufqu'à fexrrémité de la queue ou des
parres , l'envergure elt d'un pié dix pouces ;
le bec efr courr , noir , & femblable à celui
d'une poule , mais un peu plus périr ; la
prrrie fupérieure efl plus longue , &: déborde
im peu la parrie inférieure ; les narines
fonr couverus par de perites plumes ;_il y
a , au deifus des yeux , en place de ibur-
cils , une pcrire caroncule dégarnie de plu-
mes , fiire en forme de croiiîîmr , & de
couleur de vermillon. On diflingue le mâle
de la femelle par un rrair noir , qui com-
mence à la parrie fupérieure du bec des
mâles , qui pafle au delà des yeux , & qui
finir vers les oreilles : rour le reffe du corps
ell d'une couleur rrès-blanche , à l'excep-
tion de la queue ; il y a vingr-quarre gran-
des plumes dans chaque aile , donr la pre-
mière , ou l'exrérieure , ell plus courte que
la féconde ; la féconde eil auffi plus courte
que la troifieme ; les fix plumes extérieures
ont le ruyau noir : la queue a plus d'une
palme de longueur ; elle cil compolée de feize
plumes ; les ileux du milieu Ibnr blanches ,
de même que les barbes exrérieures de la
dernière plume de chaque c6ré ; roures les
autres plumes fonr de couleur cendrée noi-
râtre , à l'exceprion de la pointe qui eft
blanche ; les plumes qui fonr fur la queue ,
fonr aufli grandes que la queue même. Les
pattes font couvertes en entier , jufqu'uu
A R B
bout des doigts , de petites plumes molles
pofées fort près les imes des autres ; ce qui
a fait donner à cer oiieau le nom de La-
gopus. Les ongles fonr rrès-longs , & ref-
lèmblans à ceux de quelques quadrupèdes ,
rels que le lièvre ; ces ongles ibnr de cou-
leur de corne obfcure , ou de couleur de
plomb ; le doigr de derrière elf périr , mais
i()n ongle c(l grand &: recourbé ; le doigt
exrérieur & le doigr intérieur de devant
riennenr au doigr du milieu , par imc
membrane ; l'ongle du doigr du milieueil
rrès-long & un peu creux ; les bords ionr
rranchans ; il y a des poils longs & touffus
fous les doigrs.
On rrouve ces oifeaux fur les Alpes , qui
fonr couverres de neige pendanr la plus
grande parrie de l'année , & lur d'aurres
monragnes rrès-élevées. On a donné à cet
oifeau le nom de perdrix blanche , ians
doure parce que la chair a quelque rapport
à celle de la perdrix pour le goût ; car
['arljenne eft un oiléau différent de la per-
drix , quoiqu'il lui reflêmble pour la figure
&: pour la grandeur. Cependant le nom de
perdrix blanche , a fair croire que l'oileau
donr il s'agir , étoit vraiment une perdrix :
c'eit pour éviter cetre équivoque , que je
le rapporte ibus le nom d'arbenne , qu'on
lui a donné en Savoie , comme celui de
perdrix blanche. Il icroir à fbuhaiter que
l'on pur ainfi prévenir les erreurs qui vien-
nenr des noms. Willughby , Aldovrande ,
Ornith. lh\ XIII , pag. 245. Ko>'f:(
Oiseau. ( /)
* ARBERG , ( Ge'og. ) ville de Suilît ,
dans le cnnron de Berne , dans une clpece
d'île (îir l'Aar. Long. 24 , 45 ; lac. 47.
ARBEROU , ( Ge'ug. ) nom d'un des
cantons de la Baflé- Navarre , qui avec
ceux d'Amix , de Cize , de Baigorri &
d'Oftabarer , coinpofe rour ce périr royau-
me , auquel on ne donne environ que
dix lieues de longueur & cinq de lar-
geur. (C. A.)
* ARBI , petit pays de l'Amérique mé-
ridionale , près des Andes , entre le Po-
pa>an fie la nouvelle Grenade.
'^ ARBIA, petite rivière d'Italie , qui a
ia (ource dans le rerriroire de Florence ,
pafîè fur celui de Sienne , & fe jette dans
i'Ombrone.
A R B
ARBÎENS, (Geogr.) narion d'Afic ,
dans la Gcdrofie , entre l'Indoibn & la
Perle. C'étoit prccifément celle qui Ivabi-
toit les rives de l'Arbis , voiiînagc des
Orites. Elle avoit auill une ville du nom
A'Aibis , que Ton prend aujourd'hui pour
Araba. Leur pays répond à celui que l'on
nomme Send , qui tait partie du Mecran ,
anciennement la Gédrolie. Il y avoit auITi
dans la contr(fe une chaîne de montagnes
nommées ai hiti montes ; ce iont vraiiem-
blablcment les monts qui léparent les
Indes de la Perle , & qui s'étendent
depuis Buckar iufqu'à l'embouchure de
l'Indus. (C. A.)
ARBITRAGE, f. m. en Droit ,^ efl le
jugement d'un tiers , qui n'eil établi ni par la
loi , ni par le magiftrat , pour terminer un
différent ; mais que les Parties ont choiii
elles-mêmes. Kojf^j ARBITRE. [H)
Arbitrage, en matière de change,
veut dire une combinailon ou aflèmblage que
l'on fait de plufieurs changes , pour connoî-
tre quelle place efl plus avantageufe pour
tirer & remettre. De la Porto , Science des
Nc'goctans. Fojfij ChANGE & PlACE.
Samuel Ricard , dans fon traite gênerai
de commerce f dit qucles arbitrages ne (ont
autres qu'un preflentiment d'un avantage
confidéi'able , qu'un commettant doit rece-
voir d'une remil'e ou d'une traire f;tite pour
un lieu préférablement à un autre.
M. de Montodcgni définit l'arbitrage de
change } un troc que deux banquiers le font
mutuellement de Iciu-s lettres de change iur
diliérentcs \ illes , au prix & cours du change
conditionne.
Suivant M. J. P. Ricard , qui a donné
ane nouvelle édition du traite' des arbitra-
ges , l'arbitrage cft une négociation d'une
iomme en échange , à laquelle un banquier
ne ie détermine qu'après avoir examiné ,
par plufieurs règles , de quelle manière elle
lui tournera mieux à compte. M. Savari
penie que ces deux dernières définitions font
les méities pour le fond; & quant aux rè-
gles ou opérations qu'on luit pour l'arbi-
trage , il en rapporte un exemple qu'on peut
voir dans Ion ouvrage , Tom. I, pag.
^93- {G)
ARBITRAIRE, ad), pris dans un fens
général : ce qui n'elt pas défini ni limité par
A 71 B IJ5
aucune loi ou conititution exprciTe , mais
qu'on laifle uniquement au iugcmcnt & à la
difcrétion des particuliers. La punition d'un
tel crime efl arbitraire. Ce mot vient du
latin , arbitrium , volonté. Les loix ou les
mcfures par lefquellcs le Créateur agit , font
arbitraires , au moins toutes les loix phyfi-
ques. Fo)'e;j Physique , Pouvoir ar-
bitraire , Despotisme , Monar-
chie , Êv. [H)
ARBITRAL, terme de Droit , fe dit
des décifions , fentcnccs ou jugemens éma-
nés des arbitres. Voy. ARBITRE & COM-
PROMIS. Les fentences arbitrales doivent
être homologuées en juflice, pour acquérir
l'autorité d'un jugement judicia-re, & pour
pouvoir emporter hypothèque fur les biens
du condamné; & lorfqu'elies le font, elles
font exécutoires , nonobllant oppofitions ou
appellations quelconques.
S'il y a quelques difficultés pour l'inter-
prétation d'une lentence arbitrale , c'efl aux
arbitres qu'il faut s'adreflcr pour l'interpré-
tation , s'ils font encore vivans ; finon il
fiuidra s'en rapporter au juge ordinaire.
(H)
ARBITRATEUR , f m. terme de Droit,
efl une efpece d'arbitre. Voy. ARBITRE.
En Angleterre , les parties en litige choi-
fifTent ordinairement deux arbitraceurs ; &
en cas qu'ils ne puilTent pas s'accorder , on
y en ajoute un troifieme , que l'on appelle
arbitre, à la décifion duquel les deux parties
font obligés d'acquiefcer.
Les jurilconfultes mettent une différence
entre arbitre &: arbitrareur ; en ce que ,
quoique le pouvoir de l'un & l'autre foit
fondé fur le compromis des parties , néan-
moins leur liberté efl différente ; car un
arbitre efl -tenu de procéder Se de juger fiii-
vant les formes de la loi ; au heu que l'on s'en
remet totalement à la propre dilcrétion d'un
arbitrateur : fans être obligé à aucune pro-
cédure folemnclle , ou à fuivre le cours des
jugemcns ordinaires , il peut accommoder
à fon gré l'affaire qui a été remiie à Ion juge-
ment , pourvu que ce foit juxta arbitrium
boni pi ri. (H)
Arbitrateur, fiibfl.prisadj. [Myth.)
nom que les païens donnoient à Jupiter :
il yavoità Rome unportiqueàcinqcolonnes,
confacré à Jupiter ai bitraieur.
V z
j^S ARB
ARBITRATION , f. f. terme de Pa-
lais , eil: une elHmation ou évaluation faite
en gros , & ians entrer en détail : ainfi l'on
dit en ce iens qu'on a arbitre les dépens ou
les dommases & intérêts , à telle lomine.
ARBITRE, f. m. en terme de Droit,
eft un juge nommé par le magifh-at , ou
convenu par deux parties , auquel elles don-
nent pouvoir par un compromis de juger leur
différent fuivant la loi. P^qye^ JuGE &
Compromis.
Les Romains fe foumettoient quelquefois
à un feul arbitre ; mais ordinairement ils
en choifiiloient pluileurs qu'ils prenoicnt
en nombre impair. Voye^ ARBITRAGE.
Dans les matières qui regardoient le pu-
blic ,' telles que les crimes , les mariages,
les afïaires d'état , &c. il n'étoit pas permis
d'avoir recours aux arbitres. On ne puu-
voit pas non plus appeller d'une ientence ou
d'un jugement par aréme ; l'eltèt d'un appel
étoit de iuipendre l'autorité d'une juril-
didion , &: non pas d'un pafle, d'une con-
vention ou d'un contrat. Voye^ APPEI..
Chez les modernes il y a ordinairement
différentes fortes d'arbitres ; quelques-uns
font obligés de procéder iuivant la rigueur
de la loi , & d'autres font autorifés par les
parties mêmes à s'en relâcher , & fuivrc
l'équité naturelle. Ils font appelles propre-
ment arbitrateurs. Voye\ ARBITRA-
TEUR.
1.CS uns & les autres font choifis par les
parties ; mais il y en a une troifieme forte qui
Ibnt des arbitres nommés par les juges , lef-
quels font toujours tenus de juger fijivant la
rigueur du droit.
Juflinien ( L. ult. c. de recept. ) défend
abfolument de prendre une femme pour
arbitre , comme jugeant qu'une pareille
fonflign n'efl pa^ bienféante au fexe : néan-
moins le pape Alexandre III confirma une
ientence arbitrale donnée par une reine de
France. Le cardinal Wolfey fut envoyé par
Henri VIII i\ François premier , avec
plein pouvoir de négocier , faire & con-
clure tout ce qu'il jugeroit convenable à fes
intérêts ; 6c François premier lui donna
le même pouvoir de fon côté : de forte qu'il
lut conltitué le '[<:\A arbitre de leurs affaires
réciproques.
ARB
Les arbitres compromifïïonnaires doi-
vent juger à la rigueur aulli bien que les
juges , & font obligés de rendre leur juge-
ment dans le temps qui leur efl limité ,
fans pouvoir excéder les bornes du pouvoir
qui leur efî pref crit par le compromis : ce-
pendant fi les parties les ont autorifés à pro-
noncer félon la bonne foi & fuivant l'é-
quité naturelle , fans les aflreindre à la ri-
gueur de la loi , alors ils ont la liberté de
retrancher quelque chofe du bon droit de
l'une des parties pour l'accorder à l'autre ,
& de prendre un milieu entre la bonne toi
& l'extrême rigueur de la loi. De Launay,
traité des Dejcentes. .
Les ades de fbciété doivent contenir la
claufe de fe foumettre aux arbitres pour les
conreftations qui peuvent furvenir entre
alîociés ; & fi cette claufe étoit omife , un
des alïbciés en peut nommer ; ce que les
autres font tenus pareillement de taire, au-
trement il en doit être nommé par le juge
pour ceux qui en font retus.
En cas de décès ou d'une longue abfence
d'un des arbitres , les ailociés en peuvent
nommer d'autres ; iinon il doit y être pourvu
par le juge pour les retufans.
Quand les arbitres font partagés en opi-
nion , ils peuvent convenir de fur-arbitres
fans le confentement des parties ; & s'ils
n'en conviennent , il en eft nommé par le
juge. Pour parvenir à taire nommer d'otHce
un fur-arbitre , il faut préfenter requête au
juge, en lui expofant la néceflîté d'un fur-
arbitre , attendu le partage d'opinions des
arbitres ; & l'ordonnance du juge fur ce
point doit être fignitlée à la diligence d'une
des parties aux arbitres , en les priant de
vouloir procéder au jugement de leur difié-
rent. Les arbitres peuvent juger fur les
pièces & mémoires qui leur font remis
fans aucune tarmalité de juflice , &
nonobffant l'abfence de quelqu'une dus
parties.
Tout ce qui vient d'être dit a lieu à l'égard
des veuves , héritiers & ayans caufe des
aflociés , & efl conforme aux articles 9 ,
10, Il , 12, 13 cy 14 Jzi titre il' de
l'ordonnance de i6y].
Dans les contrats ou polices d'aflurance ,
il doit y avoir une claufe par laquelle les
parties f"c foumettcnt aux arbitres en cas
A R B
^e conteflation. Article 5 du titre rj du
là'. III de l'ordonnance de Li Marine , du
mois d'Août 1681.
On peut appcllcr de la fentonce des ar-
bitres , quand mcmc il auroit cté convenu ,
lors du compromis , qu'on n'appclleroit
pas. {H)
ARBITRER , v. ad. c'eft liquider,
eflimcr une choie en gros , fans entrer dans
le détail ; ainii l'on dit : Acs amis communs
ont arbitré À une telle fomme le dépérifre-
menr de ces marciiandilès. ( G )
ARBITRK) , ( mujiq. ) Koj'qCADAN-
ZA {muhq.) (ô)
ARUOGKN ou ARBO , {G/og.) wWk
de Suéde , dans la province de Wcllmanie ,
fur la rivière de même nom.
* ARBOIS , ( Ccog. ) petite ville de la
Franche-Comte , entre Salins & Poligny.
Long. 63, 30;/af. 4<5 , 55-
ARBOLADE , i; f. c'ell , en terme de
Cuijine , le nom d'un flanc fait avec le
beurre , la crème , les jaunes d'ccufs , le
jus de poiré , le fucre & le fel. Voye-{ le
Cuijinier François.
* ARBON , ( Géog. anc. & mod. ) ville
de Suiife , fur le bord méridional du lac
de Confiance , dans le Turgow. Long. 27 ,
30 ; lat. 47 , 38.
ARBORER un mat , ( Marine. ) c'eft
mater ou drefler un mat fur le vaifleau.
Le mât de fume efl arboré fur le grand mât.
On fe fert dans la manœuvre des galères
du mot d'arborer &: dcfarborer , pour dire
qu'une galère levé fon mellre & le brin-
quet pour appareiller , ou qu'elle démâte
& qu'elle abat fes mâts. Voye:^ MaT ,
Mestre , Brinquet, Galère.
Arborer le paiillon , c'eil le hilîêr & le
déployer. Fo)'f^ HisSER. (Z )
* ARBORIBONZES , ï. m. pi. {Hifi.
mvd. ) prêtres du Japon , errans , vaga-
bonds , & ne vivant que d'aumônes. Ils
habitent des cavernes ; ils le couvrent la
tête de bonnets faits d'écorce d'arbre termi-
nés en pointe , & garnis par le bout d'une
touffe de crin de cheval ou de poil de
chèvre. Ils font ceints d'une liiicre d'é-
toffe groiîîere , qui fait deux tours fur leurs
reins ; ils portent deux robes , l'une fur
A R B 15-^
l'autre ; celle de dedii-ieflde coton, fort
courte , avec de-> demi-manches ; celle de
dedus efl de peau de bouc , & de quatre
;\ cinq doigts plus longue ; ih tiennent en
marchant , d'une mn-n , un gobelet qui
peni d'une corde attachée à leur ceinture,
& de l'autre une branche d'^-n arbre lâu-
vage qu'on novnmc foutan , i: dont le fruit
efl femblable à notre nciHe ; ils ont pour
chaull'ure des fandales attacliécs aux pics
avec des courroies , & garnie:, de quatre
fers qui ne font guère moins br'iyans que
ceux des chevaux ; ils ont la baibe & les
cheveux fi mal peignés , qu'ils font horribles
à voir. Ils fe mêlent de conjurer les dénions :
mais ils ne commencent ce métier qu'à
30 ans. Ambajfad. part. I. pag. 89 &
* ARBORICHES , f. m. pi. ( Hifi. )
peuples que quelques-uns croient être les
iiabitans de la ifelande ; d'autres , d'anciens
habitans du territoire voifin de celui de
Malfrichr : félon Bécan les Arboriches oc-
cupoient le pays qui efl entre Anvers & la
Meufe.
* ARBORIQUES , f. m. {Hifi. mod )
nom de peuples que quelques Auteurs pré-
tendent être les mêmes que les Armuriquc;-
ou Armoricains. Les Arboriques dont le
P. J3aniel fait mention , habitoient entre
Tournai & le Vahal , ctoient chrétiens fous
Clovis comme la plupart des autres Gau-
lois , & fort attachés à leur religion. i^vye\
Armoriques. *
* ARBwURG , ( Géog. ) ville de Suilfc
dans le canton de Berne , dans l'Argow ,
au bord del'Aar. Long;. 25 , 25 ; lat. 47 , 10.
ARBOUSES , f. f. fruit de l'arboufer.
Les arboufes reflèmblent aux frailcs , l'ont
rouges étant mûres , d'un goût ppre , <Sc
difîicilcs à digérer. L'arbriiîèau qui les porte
croît dans les lieux montagneux, & entre
dans plulieurs remèdes. Voye\ l'antcle fui-
vant. (K)
§ ARBOUSIER , ( Bvtzn. Jardinage
d'agrément ) en latin , ar butas; en Anglois ,
fîraw - herry tree ; en Allemand , erd-
beerbaum. ■
Jubeo frundentia capris ,
Arbuta fujpcere Geogr. Liy. JII.
* L'Aiiujt des Lcitrc! f:;!- l'Emydof cj^e piéccni g^u'Aiboriches & Aibori^HiS foac les mêmes PeupUs , z:àii ne
font pas les mêmes qu'Atirioii^uss,
,158 ARB
Cara3ere générique.
Du fond d'un petit calice découpé en
cinq parties s'élève un embryon arrondi , fur-
monté d'un llyle environné de dix étamines :
le calice fupporte une fleur monopétale ,
femblable à un grelot. L'embryon devient
une baie ronde ou ovale , à cinq cellules
qui l'ont remplies de petites femences
dures.
Efpeces.
I. Arboufier à feuilles unies , dentelées,
à tige droite , ligneufe , à baies polyi'per-
mes Arbre 4.
Arbanis foins glabris , feratis , caule
ereclo j.rboreo , baccis polyfpermis. Mill.
En Anglois , the commonftrau-berrytree^
Variétés de cette efpece,
et. Arboujier à fleur double.
/3 Arboujier à fleur rougeatre.
y Arboujier à fleur oblongue , ;\ fruit
ovale.
z. Arboufier à feuilles unies & entières ,
à tige droite , ligneufe , à baies polyipermes
Arbie 3.
ArbutusfoUis glabris integerrimis, caule
ereclo arboreo ; baccis polyfpermis. Mill.
Tlie oiiental firaw-berry tree called
adrachne.
3. Arboufier à tiges traînantes , à feuil-
les ovales un peu dentelées , à fleurs déta-
chées. Arhou/ier de marais d'Acadie.
Arbutus caulihiîs procuinbentibus , foliis
oi'atis fubferratis , floribus fparjis. Linn.
Sp. pi. 13S.frutex 4.
Swamp arbutus ofnorth America.
4. Arboujier à tiges traînantes , à teuilles
rudes & dentelées.
Arbutus caulibus procumbentibus yfoliis
rugojis ferraùs. FI. Lap. 161. frutex 3,
Arbutus vit trailing, Jialks , and rough
fawed leares.
5 Arboufier à tiges traînantes & à feuilles
très-enrieres.
Arbutus caulibus procumbentibus foliis
integerrimis. FI. Lap. 161. uva urji y an-
ciennement connu. Jrutex 5.
Bearberries.
\,' Arboufier n°. I. croît naturellement
en Ei'pagne , en Italie , dans l'Ile de Corlc ,
ARB
aux lieux pierreux & montagneux : les
plus pauvre, gens mangent de ion fruit ,
quoiqu'il foit lade & indigefle. Daiit ar-
butajih'ie , dit Virgile ; ce qui prouve que
de Ion temps on regardoit les arboufes
comme une reflource pour les payfans , &
que par conféquent la milere étoit
extrême : elle croît dans les campagnes
en proportion de la pompe des Cours
& des richefles des grands , & ce n'eft
qu'alors qu'on trouve des poètes cour-
tiians qui chantent le bonheur de la vie
rurale.
Sans doute que les feuilles de Varboufier
fint un très-bon lourrage pour les chè-
vres , car Virgile prefcrit de leur en don-
ner : puifque le même Auteur dit dans un
autre endroit , & quce vos rata viridis
tegit arbutus umbra ; il paroît que cet ar-
briiléau s'élève à une certaine hauteur. Je
le trouve dans un catalogue Hollandois au
nombre des arbres du troifieme ordre ,
mais comme il fleurit très-jeuné , je penie
qu'il n'efl tout au plus que du quatrième.
Il s'eleve fur une tige un peu torfe , recou-
verte d'une écorce rougeatre , dont l'épi-
derme fe gerfe de bonne tieure : les poulies
de l'année font de la couleur du corail:
il en fort des poils rares &; un peu rigides ;
elles fupportent des feuilles qui y font at-
tachées par de petits pédicules rouges :
les feuilles ont environ trois pouces de
long , & un demi dans leur plus grande
largeur , elles font oblongues , finement
dentées , & pointues par le bout: les
dents &; la pointe ibnt bordées d'un beau
rouge.
Les fleurs naiflent fur un filet commun
en forme de petites grappes ; elles lont
blanches & paroiflcnt en novembre &
décembre. C'efl alors aulFi que les baies
de l'année précédente acquièrent leur ma-
turité; elles font allez groffes & d'un beau
rouge: ces fleurs & ces fruits contraflent à
merveille avec le verd gracieux des feuilles
dont le delfous efl très -luifant. Ainfi cet
arbre ottre une décoration pittoreique &
riante , lorfque la campagne efl déjà dé-
valuée par les approches de l'hiver.
Il nous lailfe quelquefois reipirer : on
aime à profiter d'un rayon de lolcil réflé-
chi par des arbres toujours vcrds , c'elt le
A R B
jnéme plaifir que refîent un vicillnrd ,
lorlqu'une ienfation un peu vive l'aver-
tit de ton exilknce qui eu près de lui
t^chapper.
'V Arboufier mcritc une place diflinguée
dans les bolquets d'hiver ; il aime une
terre plus lèche qu'humide , & veut erre
paré des \ents Froids : on le plante avec
lùccès à la fin de Septembre , mais il
faut le lever en motte autant qu'il ell
poliible.
11 s'élève de fcmences & de marcottes.
Les baies fe rccueilUnt en décembre; on
en tire la graine par des lotions , on la
l'ait lécher , puis on la conlerve dans du
lable fin & fcc julqu'en mars. Alors on
la feme dans de petites caillés ou dans
des pots emplis de bonne terre légère ,
fuivant la méthode détaillée dans V article
Cyprès.
Ces pots ou cailles doivent être enterrés
dans une couche chaude. Les petits arbou-
Jiers fe montreront au bout de iix iêmaines
ou deux mois. La première & la féconde
année on les laiflera dans le Icmis , mais
on leur fera palier l'hiver fous des chaflis
de verre , en leur donnant toutefois autant
d'air que le temps pourra le permettre. La
féconde année, à la fin de feptembre, on
les plantera chacun dans un petit pot , on
les mettra l'hiver fous le mêrrte abri , &
l'été on les enterrera contre une muraille
expofée au levant. Au mois de leptembre
de la féconde année d'après cette première
iranfplantation , on les plantera à demeure.
Il conviendra alors de mettre de la menue
litière autour de leurs pies & de les em-
pailler pendant quelques années , depuis le
commencement de janvier julqu'au lo
d'avril , félon la méthode détaillée à V article
Alaterne , mais en donnant de l'air au-
tant qu'il ef^ poliible , car cet arbre en a
grand beloin. Varboujier n'cfl pas fort
délicat ; Miller dit qu'il croît naturelle-
ment en Irlande ; la graine qu'on tireroit
de ce pays feroit préférable à celle qu'on
fait venir de nos provinces méridionales :
les arbres qui en proviendroient , s'accoutu-
meroient plus aiiément au climat de la
France feptentrionale ; la nature auroit fait
la moitié des frais de leur éducation. En
Angleterre les arbouJUrs ont perdu leurs
A R B 159
feuilles & leurs jeunes brandies dans des
hivers très-rigoureux : plufieurs pcrionnes
les ont cru morts & les ont fait arracher ;
mais ceux qui ont eu plus de patience, les
ont vu repoullèr &: réparer leurs pertes en
fort peu de temps.
Les variétés de cette efpcce fc perpétuent
par les marcottes , ou en les grcHaiit en ap-
proche lur rjr/'c>;{/ïfr commun. Les marcot-
tes le font en fepcembre , liiivant la méthode
détaillée dans \'art. AlaTERNE.
La variété ii fîeur double n'a pas beau-
coup de mérite ; c'efi un godet dans un
godet , & ce petit enrichiffement s'achète
par la privation du bel effet des fruits. Cette
variété n'en donne que fort peu.
Il n'en efl pas de même de la variété |5.
Sa fleur , qui elt purpurine à l'extérieur , &
qui devient tout-à-fait rouge avant de tom-
ber , fait une oppofition agréable avec celle
de V arboujier coiwmun , lorlqu'on entremêle
ces deux arbuftes.
La troifieme variété n'a que le mérite
d'en être une. C'elf l'efpcce n° . 3. de M.
Duhamel, & c'cft peut-être auili de l'efpece
«°. 2. , de Tournefort , que M. Duhamel
a tranfcrite , & qui cil aufii Ion /z". 2.
Ainli , d'une légère variété on auroit fait
deux eipeces , par l'inexadirude ê.cfi phra-
ies , &. pour n'avoir pas éclairé la nc/men-
clature par la culture ; elle auroit appris A
conflater l'elpece par la confiance de la
graine à la reproduire le plus louvent fans
altération , & les variétés par la dilpolition
de leur femence à reflituer l'elpece origi-
nelle , plutôt qu'à rendre la diliérence acci-
dentelle qui les caradérife.
Uarboi.Jier n°. Z , cil de la plus grande
beauté par la largeur de les feuilles &: par
fa hauteur. Il eff devenu très-rare. On vend
lous fon nom , en Angleterre , une variété
à feuilles larges , mais dentées. Je trouve
aufG cette variété fur un catalogue Hollan-
dois. La véritable adrachne croit naturel-
lement dans la Natolie aux environs de
Manachie ( l'ancienne Magnefie ). Cet arbre
y efî fi conimun qu'il fournit aux habitans
preL]ue tout leur bois de chauffage. Il ne
peut y réulfir que dans un terrain très-lèc ,
& demande bien plus de protedion contre
le froid que ïarhoujier n°. i.
Les autres efpeces d'*r3ou/'r^rreflêmblent
j^o A R B
à Yura urfi ào. Tournefort , qui efî notre
dernière ; ce ibnt de frêles arbrillèaux dont
les tiges ne fe loutiennent pas.
L'elpece n°. 3 , ell indigène de l'Amé-
rique leptentrionale, & fur-tout de l'Acadie,
elle y croît dans les marais ; ainfi cette
plante elf fort difficile à entretenir dans les
jardins.
\Jarboufier n°. 4 , croît en SuilTe , en
Sibérie & en Laponie , dans la moufle qui
couvre certaines terres marécageutes : j'ai
lien de croire , d'après la delcription qu'on
m'a faite d'un fruit que mangent les Lapons ,
qu'ils le doivent à cet arboujier ; c'ell le
.dernier préfent de la nature , près d'expirer
fous les glaces du nord.
iL'uva ur// donne un fruit rouge , il croît
fur les montagnes en Efpagne , & dans
•quelques autres parties de l'Europe ; il ne
s'élève guère qu'à un pie de hauteur. ( ]\I.
le Baron DE TsCHOUVi. )
ARBRE , f. m. ( Hifl. nat. bot. ) Les
Arbres ("ont les plus élevés , les plus gros , &
par conléquent les plus apparens de tous les
végétaux. Ce (ont des plantes ligneufes &
durables ; elles n'ont qu'un l'eul & princi-
pal tronc qui s'élève , ie divilè & s'étend
par quantité de branches & de rameaux ,
dont le volume &; l'apparence varient en
raifon de Tàge , du climat , du terrain , de
la culture , & principalement de la nature
de chaque arbre. En comparant la hauteur
.& la confiftance de toutes les plantes , on
va par des nuances inienfibles depuis Vhyf-
fope jiifqu'au cèdre du Liban ; je veux dire ,
depuis la plante la plus baffe jufqu'à Y ar-
bre le plus élevé ; depuis l'herbe la plus
tendre , juiqu'au bois le plus dur. Ainfî ,
quoique les herbes ioient les plus petites
dts plantes , on auroit pu confondre cer-
taines efpeces d'herbes avec les arbres , 11
on n'étoit convenu de donner les nt)ms
à'arbrijfeaux & de fous-arbrijjeaux ( i'oye\
Arbrisseau & Sous-Ariirisseau , )
aux plantes de grandeur & de confiftance
fnoyenne entre les herbes & les arbres :
,cei>endant il ell encore aflez difficile de
diiliiiguer les arbres des arbriiléaux. Quelle
diflerence y a-t-il entre le plus petit des
arbres & le plus grand des arbriflèaux ?
Il n'ell pas pollible de la déterminer pré-
.CJfçment ; mais on peut dire , en général ,
A R B
qu'un arbre doit s'élever à plus de dix ou
douze pies. Cette hauteur ell bien éloi-
gnée de celle des chênes ou des fapins ,
dont le foramet s'élève à plus de cent pies ;
c'ell pourquoi on peut diviler les arbres
en grands , en moyens & en petits arbres ;
le chêne , le fapin , le maronnier d'Inde ,
&c. font du premier rang ; l'aulne , le chêne
verd , le primier , Ùc. peuvent être du
fécond ; le pêcher , le laurier, le néflier , &c.
font du nombre des petits arbres.
Les Botanifles ont rapporté les différen-
tes efpeces d'arbres à differens genres qu'ils
ont caraftérilés comme toutes les autres
plantes , par le nombre , la figure & la
pofition de certaines parties , principa-
lement des Heurs & des Iruits ; & , dans
cet arrangement , la plupart ont conton-
du les herbes avec les arbres. On a mis
fous le même ordre ou dans la même
fedion , la capucine avec l'érable , la tili-
pendule avec le poirier , le pourprier avec
le tilleul, &L. Ces méthodes pourroient
donner une fiiufre idée de certains arbres
lorfqu'on les voit (ous le même genre ,
c'eft-à-dire , fous un nom commun avec
des plantes qui ne (ont que des fous-ar-
bri fléaux , par exemple , le chêne & le
faule font deux grands arbres j cependant,
félon les méthodes de Botanique , il y a
des chênes & des faules nains. Lesmétho-
diftes qui fe font fi peu de (crupule de
changer les noms des plantes les plus ull-
tées, & qui leur en (ubflituent de nouveaux
à leur gré , devroient bien plutôt donner
à certains arbriflèaux des noms differens
de ceux que portent de grands arbres ;
par ce moyen on otcroit toute équivoque
dans la lignification du mot arbre , autre-
ment on ne s'entend pas; car on a nécef»
fairement l'idée d'un arbre , lorfqu'il s'agit
d'un chêne ou d'un faule ; cependant pour
fe prêter aux conventions des méthodit-
tes , & pour fe faire à leur langage, il laut
prendre de petits arbriflèaux pour des chê-
nes & pour des faules, & donner le nom
à' arbre A des plantes que l'on ne doit re-
garder que comme des fous-arbrifleaux.
Toute méthode arbitraire nous induit né-
ceflliirement en erreur ; celle que M. de
Tournefort a donnée pour la dillributioa
des plantes , cil une des meilleures que
nous ayons fur cette matière ; il a fenti
le ridicule des métliodiflcs , qui mêlent
indifféremment les herbes & les arbres , &
il a tiiché de l'éviter en rangeant [c:^ arbres
& les arbrilfeaux dans des claflès particu-
lières : cependant , comme la méthode eft
arbitraire , il a été obligé , pour la fuivre ,
de s'éloigner quelquefois de l'ordre natu-
rel : par exemple , en réunilîant fous le
mc:ne genre l'yeble avec le iureau , Yal-
r/iivj y'/wffO" avec la gui mauve , &c. La na-
ture ie refulcra toujours à nos conven-
tions ; elle ne s'y ioumettra jamais , pas
même à la meilleure des méthodes arbi-
traires. Voye:^ MÉTHODE.
Les jardiniers & tous ceux qui ont cul-
ti\é des arbres , n'ont donné aucune atten-
tion aux calices &. aux pétales , ni aux
piflils & aux étamines des fleurs : mais
ils ont_ obiervé foigneufement la nature
des difîérens arbres , pour favoir la façon
de les cultiver ; ils le lont efforcés de multi-
plier ceux qui méritoient de l'être par la
qualité du bois , la bonté des fruits , la
beauté des fleurs & du feuillage. Aufli ont-
ils dillingué les arbres ,1 en arbres robufies &
en arbres délicats ; arbres qui quittent leurs
feuilles ; arbres toujours verds ; arbres cul-
tivés ; arbres de forêt ; arbres fruitiers ;
arbres d'avenues , de bofqucts , de palifla-
des ; arbres fleuriflans , Ùc.
Tous les arbres ne peuvent pas vivre
dans le même climat : nous voyons que
pour les arbres étrangers , le climat efl en
France le plus grand obfiacle à leur multi-
plication ; il y a peu de ces arbres qui fe
refuient au terrain , mais la plupart ne
peuvent pas réfiflcr au froid. La ferre &
l'étuve font une foible refîource pour fup-
pléer A la température du climat ; \cs arbres
délicats n'y végètent que languiliiimment.
Les arbres qui quittent leurs feuillesjfont
bien plus nombreux que ceux qui font tou-
jours verds; les premiers croiflent plus
promptement, & fe multiplient plus aifé-
ment que les autres , parmi Iciqucls , d'ail-
leurs , il [ne s'en trouve qu'un très-petit
nombre dont le fruit (bit bon à manger.
On ne feme pas toujours les arbres pour
les multiplier; il y a plufieurs autres fa-
çons qui font préférables dans certains cas.
La greffe perfectionne la Heur &: le fruit :
Tome IIJ,
A R B iGi
mais c'efi aux dépens de la hauteur & de
l'état naturel de Yarbre. La bouture efl une
voie facile, qui réuflit plus communémenr
pour les arbiilTeaux que pour les arbres.
Le rejeton eil un moyen limple& prompt;
mais il n'y a que de petits arbres , & les
plus communs , qui en produiîcnt. Enfi;i
la branche couchée , la marcotte ou le
provin , efl un autre expédient que Tort
emploie pour la multiplication ; c'efl ce-
lui qui convient le moins pour les grands
arbres. Ceux qu'on multiplie de cette fa-
çon , pèchent ordinairement par les raci-
nes qui font trop foibles , en petite quan-
tité , & placées le plus fouvent d'un feul
côté. On ne parle pas ici de la inultipli-
cation par les racines & par les feuilles ,
qui elt plus curieufe qu'utile. Tous lc"î
arbres cependant ne ie prêtent pas à tou-
tes ces façons de les multiplier ; il y en 3
qui ne réuffiffent que par un feul de ces
moyens , & ce n'efl pas toujours celui de
la graine : beaucoup d'arbres n'en produi-
fent point dans les climats qui leur font
étrangers.
Les arbres des forêts ne font pas les mê-
mes par-tout, le chêne domine plus géné-
ralement dans les climats tempérés & dans-
les terrains plats ; on le trouve auHî dans
les coteaux avec le hêtre , fi le terrain cft
crétacé ; avec le châtaignier , s'il ell fa-
blonneux &; humide ; avec le charme , par-
tout où la terre efl ferme & le terrain pier-
reux : par-tout où il y a des fourccs , le
frêne vient bien. Les arbres aquatiques ,
tels que le peuplier , l'aulne , le faule , &c.
fe trouvent dans les terrains maréca-
geux ; au contraire , les arbres réfineux ,
comme font lespins , le fapin , le me-
leié , (&<;•. font fur les plus hautes mon-
tagnes , &c.
On diilingue en général les arbres frui-
tiers qui portent des fruits à noyau , de '
ceux dont les fruits n'ont que des pépins.
On s'efforce continuellement de les multi-
plier les uns & les autres ; mais c'eff moins
par la femence , qui donne cependant de '
nouyclles efpeces , que par la greffe qui
prrteéfionne le fruit. C'ell par le moyen
de la taille , l'opération la plus difficile du
jardin , que l'on donne aux arbres frui-
tiers , de k durée, . de l'abondance & de la
i6i A R B
propreté. Les arbres d'ornement fervent à
former des avenues & des allées , auxquel-
les on erriploie plus ordinairement l'orme ,
le tilleul , le châtaignier , le peuplier , l'é-
picéas , le platane , qui eu le plus beau &
Je plus convenable de tous les arbres pour
cet objet. On emploie d'autres arbres à
faire des plantations , à garnir des boiquets ,
à former des portiques , des berceaux , des
paliifades , & à orner des plates - bandes ,
des amphithéâtres , des terrafles , &c. Dans
tous ces cas la variété du feuillage , des
£eurs & des formes que l'on donne aux
crbres , plaît aux yeux & produit un beau
fpeâacle , ii tout y eft dilpofé avec goût.
yoye\ PlaKTE. (/)
* Le jardinier s'occupe de Varbre de cinq
manières principales : i°. du choix des ar-
bres : 2°. de la préparation qu'il ell à pro-
pos de leur donner avant que de les plan-
ter : 3°. de leur plantation : 4-°. de leur
multiplication : 5°. de leur entretien. Nous
sillons parcourir les règles générales que
l'on doit obferver dans la plupart de
ces occafions ; & nous finirons cet ar-
■ ticle par quelques obfervations auffi curieu-
fes qu'importantes , qu'on a faites fur les
arbres.
1°. Du'choix i/fj arèrej. Prenez plus de
poiriers d'automne que d'été, & plus d'hi-
ver que d'automne : appliquez la même
Tegle aux pommiers & aux autres arbres ,
TTiutatis mutandis ; ceux qui donnent leur
fruit tard , relativement aux autres de la
même efpece , font préférables. Gardez-
vous de prendre les poiriers qui auront
ëté greffés llir de vieux amandiers , de
«quatre à cinq pouces : rejetez ceux qui
auront plus d'un an de grefle. Les pre-
miers, pour être bons, doivent avoir trois
ou quatre pouces. Les arbres greffés fur
colgnafiîer , font les meilleurs pour des ar-
bres nains : prenez les jeunes arbres avant
trois ans ; trop jeunes , ils leroient trop
long-temps à fe mettre en buiffon ; trop
vieux , on n'en obtiendroit que des pro-
duirions chétives : rejetez les arbres moui-
fus , noueux, gommés, rabougris & chan-
creux. Que ceux que vous préférerez aient
les racines faines & belles ; que la grefie
eh ait bien recouvert le jet; qu'ils fbient
bien fournis de branches par le bas ; qu'ils
A R B
foient de belle venue. Les pêchers te les
abricotiers doivent avoir été greiles d'un
an feulement. Il fuffira que les pommiers
greHes fur paradis , aient un potice d'é-
paifleur. Pour les arbies de tige, ils n'en
feront que meilleurs s'ils ont quatre à cinq
pouces d'épailleur fur fept à huit pies de
haut. Prenez , li vous êtes dans le cas de
les choifir fur le pié , ceux qui auront pouflé
vigoureufement dans l'année , qui vous
paroîtront fains, tant à la feuille qu'à l'ex*-
trémité du jet , & qui auront l'écorce unie
& luifante. Les pêchers qui auront plus
d'un an de greffe , & qui n'ont point été
recépés en bas , font mauvais. Il en eft de
même de ceux qui par bas ont plus de
trois pouces , ou moins de deux de grof-
feur , & de ceux qui font greffés fur des
arbres de quatre à cinq pouces. Que les
nains ou arbres d'efpaliers foient droits ,
d'un feul brin ou d'une feule greffe ; qu'ils
foient fans aucune branche par bas , qu'on
y apperçoive feulement de bons yeux. Que
fi l'on ne choifit pas les arbres fur pié,
mais arrachés ; outre toutes les obfer\'a-
tions précédentes , il faut encore veiller à
ce qu'ils n'aient point été arrachés depuis
trop long-temps ; ce qui fe reconnoîtra à
la lécherefîe du bois & aux rides de l'é-
corce : s'ils ont l'écorce bien écorchée ,
l'endroit de la greffe étranglé de filafîè , la
greffe trop bafîe, laiffez - les , fi fur-tout
ce font des pêchers. Examinez particuliè-
rement les racines ; que le nombre & la
groffeur en foient proportionnés à l'âge
& à la force de l'arbre ; qu'il y en ait une
au moins à-peu-près de la grolfeur de la
tige ; les racines foibles & chevelues mar-
quent un arbre foible ; qu'elles ne foient
ni fèches , ni dures , ni pourries , ni écor-
chées, ni éclatées , ni rongées : diilinguez
bien les jeunes racines des vieilles , & exi-
gez fcrupulcufement que les jeunes aient
les conditions requifes pour être bonnes :
les jeunes racines font les plus voifînes de
la fiirtace de la terre , & rougeâtres
& unies aux poiriers , pruniers fauva-
gcons , <Sv. blanchâtres aux amandiers,
jaunâtres aux mûriers , & rougeâtres aux
cerificrs.
2.°. De lapre'paration des arbres à planter.
Il y a deux choies à préparer , la tête &
A RB
le pic. Pour la tête, quç V arbre foit (îe
tige, qu'il foit nain; comme on l'a tort
alfoibli en l'arrachant , il faut i°. lui oter
de la tête à proportion des forces qu'il a
perdues. Il y en a qui différent julqu'au
mois de mars à décharger un arbre de fa
tête ; d'autres font cette opération dès
l'automne , & tout en plantant ï arbre ,
oblérvant de maftiquer le haut des bran-
ches coupées , afin qu'elles ne ioufFrent pas
des rigueurs du froid, i". Il fiiut lui ôter
de fa tète , félon l'ufàge auquel on le def^
fine. Si l'on veut que Marbre faffe fon efïêt
par bas , comme on le requiert des buifîons
& des elpaliers , il faut les couper courts ;
au contraire , fî l'on veiit qu'ils gagnent en
hauteur. Voye\à l'article Taille , tou-
tes les modifications que doit comporter
cette opération. Mais on ne travaille guère
^ la tcte des arbres , qu'on n'ait opéré lur
les racines & au pié.
Quant aux racines , féparez-en tout le
chevelu le plus près que vous pourrez , A
moins que vous ne plantiez votre arbre
immédiatement après qu'il a été arraché.
L'adion de l'air flétrit très-promptement
ces filets blancs qu'il importe de conferver
fâins , mais qu'il n'unporte pas moins
d'enlever & de détacher , pour peu qu'ils
ioient malades. La loufiradion de ce
chevelu met les racines à découvert , &
expofe les bonnes & les mauvaifes. Voje:^
fur le caractère des racines , ce que nous
avons dit à la fin de Vanicle précèdent ;
iéparez les mauvailes , & donnez aux
bonnes leur jufte longueur. La plus longue
racine d'un arbre nain n'aura pas jilus de
huit à neuf pouces ; celle d'un arbre de tige
n'aura pas plus d'un pié. Laifîez , fi vous
voulez , un peu plus de longueur à celles
du mûrier & de l'amandier ; en général aux
racines de tout arbre qui les aura ou fort
molles ou fort feches. Deux , trois ou
quatre pouces de longueur fuffiront aux
racines , moins importantes que les racines
maîtreflès. C'efl aifez d'un feul étage de
racines , fur-tout fi elles font bien placées.
Des racines font bien placées , quand elles
fè difb-ibuent du pié circulairement , &
laiflent entr'elles a-peu-près des intervalles
égaux , en forte que les arbres fe tiendroient
droits; ians être plantés , fur-tout pour ceux
ARB 1^3
qui font deflinés au plein vent; cette con-
dition n'elf pas néceliaire pour les autres.
Ce que nous venons de dire du choix & de
la préparation , fe réduit à un petit nom-
bre de règles li fimples , que celui qui
les aura miles en pratique quelquefois fera
aufli avancé que le jardinier le plus expé-
rimenté.
3°. De la manière de planter les arbres.
Commencez par préparer la terre : faites-y
des trous plus ou moins grands , félon
qu'elle efl plus ou moins ieche. Ils ont
ordinairement fix pies en quarré dans les
meilleurs fonds ; deux pies de profondeur
iuffilent pour les poiriers. Séparez la mau-
vaile terre de la bonne , & ne laiflé^ que
celle-ci. Il efl très-avantageux de laiflèr
le trou ouvert pendant plufieurs mois.
Labourez le fond du trou : remettez-jr'
d'excellente terre à la hauteur d'un pié ,
& pardefliis cette terre mie couche d'un
demi-pié de fumier bien pourri : mêlez
la terre & le fumier par deux autres
labours ; remettez eniuite un fécond lit
de bonne terre , un iecond lit de fu-
mier , & continuez ainli , obfervant k
chaque fois de mêler le fumier par des
labours.
Si la terre eft humide & n'a pas grand
fond , on n'y fera point de trou ; c'efl afièz
de l'engrallfer & de la labourer. Après cette
façon on y placera les racines à la hauteur
d'un pié & demi , & à la diffance de qua-
tre à cinq en tous fens , avec de la terre
de gazon bien hachée : enfoncez votre
arbre plus avant , fi votre fol eft fec & fa-
blonneux. Si vous appliquez un efpalier k
un mur , que votre trou ioit de huit pies
de large fur trois de profondeur , & à
un demi-pié du mur. Retenez bien encore
les règles fuivantes. Le temps de planter
efl , comme l'on fait , depuis la fin
d'octobre julqu'à la mi-mars. Dans cet
intervalle , choifilTez un jour ièc & doux :
plantez volontiers dès la fcùnt Martin ,
dans les terres feches & légères ; atten-
dez février , & ne plantez que fur la fin
de ce mois , fi vos terres font froides &
humides : laifléz entre vos arbres , foit
elpaliers , fou buiflons , arbres de tige ,
la diflance convenable : & réglez à chaque
einece fbrî canton , & dans ce canton la
X ^
1^4
A R B
place à chacun en particulier : dilpoftz vos '
trous au cordeau : faites porter chaque 1
arbre près de fon trou ; plantez d'abonl
ceux des angles , afin qu'ils vous fervent
d'aliment ; pafll'z eniuite à ceux d'une :
même rangée ; qu'un ouvrier s'occupe à
couvrir les racines ;\ mefure que vous
planterez ; plantez haiit &: droit ; n'oubliez j
pas de tourner les racines vers la bonne '
terre ; fi vous plantez au bord d'une i
allée, que vos principales racines regardent
le côté oppolé. Quand vos arbres ièront i
plantés , faites mettre deux ou trois pouces
de fumier fur chaque pié; recouvrez ce lit
d'un peu de terre. Au déhiiu de tumier ,
lervez-vous de méchantes herbes arra-
chées. Si la iaifon cil: feche pendant les
premiers mois d'avril , de mai «Se Je juin ,
on donnera tous les quinze jours une cru-
chée d'sau à chaque pié ; & afin que le
pié profite de cette eau , on pratiquera ;\
l'cntour un llllon qui la retienne. Vous
aurez l'attention de faire trépigner la terre
de vos petits arbres \\os efpaliers auront
la tête penchée vers la muraille : quant à
la diitance , c'ofl la qualité de la terre
à la déterminer ; on laille depuis cinq à
fix pies jufqu'à dix , onze , douze entre
le? efjjaliers ; depuis huit à neuf julcju'à
douze entre les buiffons , & depuis quatre
toiles jufqu'à icpt à huit entre les grands
arbres. Il faut dans les bonnes terres laifier
plus d'elpace entre les arbres que dans les
mauvailes , parce que les têtes prennent plus
d'étendue. Les arbres qui jettent plus de
bois , coirme les pêchers , les poiriers &
les abricotiers , demandent aulli plus d'el-
pace. Si l'on cultive la terre qui eft entre
les arbres , on éloignera les arbres les uns
<les autres de huit .'i dix toiles , fur-tout fi
ce (ont des poiriers ou des pommiers ; fi
l'on ne la cultive pas, quatre à cinq toiles
en tous fais fuffiront à chaque arbre. Laifîez
trois toiles ou environ entre les fruitiers à
noyau , loit en tige , foit en buiflon ,
fur-tout fi ce iont des cerifiers & des biga-
roticrs plantés lur merifiers ; s'ils ont été
f;refFés fur d'autres cerifiers de racine , ne
es elpacez qu'à douze ou quinze pies. Les
poiriers fiircoignalFiers plantés en builîon ,
ie dilpolènt de douze en douze pies , à
moins que les terres ne ioicat irts-himii-
A R B
des ; dans ce cas on les éloigne de quinze
en quinze piés. Il tant donner dix-huit
pies aux poiriers & pommiers entés fur le
ïranc , & plantés fur des terres légères &
iablonneu'es ; vous leur en donnerez vingt-
quatre dans les terres grailes &c humides :
c'eft aflez de neut piés pour les pommiers
entés fur paradis , fi l'on en tait un plan
de plufieurs allées ; c'eft trop fi l'on n'en a
qu'une leulc rangée : il ne leur taut alors
que lix piés. Donnez aux pêchers , abri-
cotiers & pruniers en efpalier , quinze piés
dans les terres légères , dix-huit piés dans
les terres fortes ; aux poiriers en eljialier
huit ou dix piés , félon la terre. Ne mettez
jamais en contre- efpalier , ni bergamotes ,
ni bons-chrétiens , ni petit muicat. On
peut mêler des pêchers de quatre piés de
tige ; ou environ , de quinze en quinze piés ,
aux mufcats mis en elpalier ; mais que les
pêchers que vous entremêlerez ainfi , foient
plantés fiir d'autres pêchers : on peut le
fervir en même cas de poiriers greffés fur
coignaffiers , pourvu qu'ils aient quatre
piés de tige. Les châtaigniers , les noyers ,
les pommiers & les poiriers mis en aveni;es ,
en allées & en routes , demandent une
difiance de quatre , cinq ou fix toiles ,
félon la terre ; les ormes & les tilleuls deux
ou trois toiles ; les chênes & les hêtres
neuf à dix piés ; les pins & les lapins quatre
à cinq toiies. Quant aux expofitions , nous
obierverons en général que la plus favora-
ble dans notre climat ell le midi , & la plus
mauvaile le nord ; que dans les terres
chaudes , le levant n'eil guère moins bon
que le midi ; enfin , que le couchant n'elt
pas mauvais pour les pêches , les primes ,
les poires , &c. mais qu'il ne vaut rien pour
les mufcats , les cha(lelats& la vigne.
4". De la multipUcdtion Jis arbres & Je
leur taille. Nous renvoyons le détail de
ces deux articles , l'un à l'^rî/c/f Taille ,
l'autre aux articles PLANTE , VÉGÉTA-
TION , VÉGÉTAL , & même à ïanicle
j AniaiaL, où l'on trouvera q'.!e!c]ues ob-
I (ervations relatives à ce iujet. ^. aiij/i les
'articles GREFFE, MARCOTTE, BOUR-
GEON , Pincer , Pincement , 6v.
5°. de rennecien des arbres. Otcz aux
1 vieux arbres les vieilles écorces julqu'au vif ,
; avec la l'erpe ou une bêche bien tranchante ;
A R B
àéchArgez-les du trop de bois vers le mi-
lieu de tévricr ; tournez-leur la tête à un
nié au delîus des fourches pour les rajeunir;
fiiitcs-en autant A vos elpaliers , _contre-ef-
palicrs , & buiirons lur coignaiiiers & fur
franc. Quand ils font vieux ou malades ,
ce que vous rcconnoîcrez à la couleur jaune
de la feuille , faites-leur un cataplalmc de
forte terre , de crotin de cheval ou de
boufe de vache , bien liés cnfemble. Quand
on coupe des branches , il taut toujours les
couper près du corps de ['arbre. Pour cet
crtèt ajez un fermoir , ro_)'f^ FERMOIR.
Il y en a qui , iiir les greties en tentes &
fur les plaies des arbres y aiment mieux ap-
pliquer un mélange d'un tiers de cire, d'un
tiers de poix réiine , d'un tiers de luit , le
tout fondu eniemblt. S'il eft néceilaire de
fumer les arbres greHés fur tranc , taites-les
déchaufîer au mois de novembre d'un
demi-plé de protondeur lur quatre à cinq
pies de tour , félon leur grofleur ; répan-
dez lur cet efpace un dcmi-pié de haut
de lumier bien gras & bien pourri : mais
à la diiîance d'un pic de la tige , & un
mois après rejetez la terre fur le fumier
en mettant le gazon en dcflous. Il )• en
a qui ie contentent de les déchauffer en dé-
cembre ou novembre , tk de les rechaufier
en mars , ne leur procurant d'autre engrais
que celui de la laiion. N'oubliez pas de
nettoyer la moufle des arbres quand il aura
plu : cette moufle eft une galle qui les
dévore.
Si le naturalise a les diftributions d'ar-
bres y le jardinier a auili les lienncs. Il par-
tage les arbres en faui-uges , qui ne font
j^oint cultives ; & en domeftiques qui le
font ; cette diltribution elt relative à l'avan-
tage que nous en tirons pour la nourriture.
En voici une autre qui eft tirée de l'origine
des arbres. Il appelle arbre de brin , celui
qui vient d'une graine , & où le coeur du
bois eft entier ; & arbre de fciage , celui
qui n'eiî qu'une pièce de bois refendu , où
il n'y a qu'une partie du cœur où l'on
n'apperçoit même cette partie qu'à un
angle. Il donne le nom de crojfette à celui
qui vient de marcotte ; de taillis , à celui
qui croît (lir foudre ; s'il confidere les
arbres par rapport à leur grandeur , il
appelle les plus élevés j arbres de haute
A R B itfy
futaie ; ceux qui le font moins , arbres de
moyenne futaie ; ceux qui font au defîbus
de ceux-ci , arbres taillis. Joint-il , dans
fon examen , l'utilité à la grandeur , il aur.i
des arbres Jruitiers de haute tige & de baJJ'e
tige y ou nains , & des arbres Jruitiers en
bui£ons ; des arbrijjeaux y ou frutex ; & des
arbuftes ou fous-arbrijjeaux ,fuffrutex. S'at-
tachc-t-il feulement à certaines propriétés
particulières, il dit que les pêchers le met-
tent en efpalters , que les poiriers forment
des vergers ; que les pommiers donnent dts
pommeraies ; que les abricotiers iont en
plein-i'tnt ; que les châtaigniers font les
châtaigneraie.^ ; les cerificrs, les ccrifaies; les
faules, les fauj/aies ; lesofiers, ks ofcraies;
les ormes, les charmes, les tilleuls, les
maronnicrs , les hêtres, les allées ,• les char-
milles & les érables , les pahjjades ; les
chênes & tous les autres arbres , les bois.
Quelle foule de dénominations ne vcrra-
t-on pas naître , ti l'on vient à confsdércr
les arbres coupés & employés dans la vie
civile ! Mais Varbre coupé change de nom ,
il s'appelle alors bois. Voye^ BoiS.
Des arbres en palijjades. Les efpaliers fe
palifîent à la mi-mai. On les palil'ie encore
en juillet, pour expofer davantage les fruits
au foleil. Foy. Palisser & Palissades.
Des arbres à haute-tige. Il faut les placer
à l'abri des vents du midi , parce qu'au
mois de feptembre , ces vents les dépouillent
de leurs truits. Pour faire un plant de ces
arbres , il faut choilîr un terrain qui ne
foit point battu des vents, ni mouillé d'eaux
croupifHintes , & chercher la quantité d'ar-
bres nécellaires pour l'ctendue du terrain ;
ce qu'on obtiendra par les premières règles
de l'arpentage & de la géométrie ; vous
divilerez enfuite votre terrain ; vous m.ar-
querez l'endroit & l'étendue des trous , &
vous achèverez votre plant , comme nous
l'avons dit ci-defTus : mais comme les arbres
partent ordinairement de la pépinière dans
le plant , il y _a quelques cblbrvations à
taire iur la manière de déplanter les arbres.
Marquez dans votre pépinière avec une
counle ronde , les arbres que vous voulez
faire déplanter ; marquez les trous du coré
du midi , afin de les orienter de la même
taçon , car on prétend que cette précaution
eft utile ; marquez , fur du parch:min , h
i66 A R B
qualité de Varbre & du fruit; attachez-y
cette étiquette , & faites arracher. Pour
procéder à cette opération , levez prudem-
ment , & fans oftenfer les racines , la pre-
mière terre ; prenez enlliite une fourche ;
émouvez avec cette fourche la terre la plus
profonde ; vuidez cette terre émue avec la
pelle ferrée ; ménagez toujours les racines.
Cernez autant que vous le pourrez ; plus
votre cerne fera ample , moins vous rilquc-
rez. Quand vous aurez bien découvert les
racines , vous les féparerez de celles qui
appartiennent aux arbres voifms, vous vous
alîbciercz enfuite deux autres ouvriers,
vous agiterez tous enfemble l'arbre , &
l'arracherez. S'il y a quelques racines qui
réhflent , vous les couperez avec un fer-
moir bien tranchant. C'ell dans cette opé-
ration que l'on fent combien il efî impor-
tant d'avoir laifle , entre ces arbres y une
jufte diflance.
Arbre de haut ou de plein l'em y arbre de
tige ou en plein air. Toutes ces expreflîons
Jbnt fynonymes , & défignent un arbre qui
s'élève naturellement fort haut & qu'on ne
rabaifîe point. Il y a des fruits qui font
meilleurs en plein vent qu'en buiiîon ou
en efpalier.
Arbre nain ou en bitijjon : c'cfl celui
qu'on tient bas , auquel on ne laiilè que
demi-pié de tige. On l'étage en dedans,
afin que la fève fe jetant en dehors , iés
br.mches s'étendent de côté , & forment
une boule ou builTon arrondi.
Arbre en efpalier : c'eil celui dont les
branches font étendues & attachées contre
des murailles , & qu'on a taillé ;\ main ou-
verte ou à plat ; il y a aulil des elpaliers
en plein air ; ils font cependant taillés à
plat , & prennent l'air lur deux faces ;
mais leurs branches font foutenucs par des
échalas difpofés en raquette.
Arbres fur franc : ce font ceux qui ont
été greflés lur des fauvagcons venus de
pépins , ou venus de boutures dans le voi-
linage d'autres iauvageons ; ainii on dit ,
vn poirier greffe' fur franc , &:c.
Arbres en contrc-cfpalieruu haies d'appui:
ce font des arbres plantés fur une ligne
parallèle à des elpaliers.
Obfervations particulières fur les arbres.
1°. La racine des a'bres y même de toute
A R B
plante en général , en eft comme l'eflo-
mac : c'eiî-Ià que fe fait la première &
principale préparation du fuc. De-là il
pafle , du moins pour la plus grande par-
tie , dans les vaiffeaux de l'écorce , & y
reçoit une nouvelle digefhon. Les arbres
creulés & cariés , à qui il ne refle de bois
dans leurs troncs que ce qu'il en faut pré-
ciiément pour loutenir l'ecoroe , & qui
cependant vivent & produilei.t , prouvent
aflez combien l'écorce eft plus importante
que la partie ligneufe.
2°. Les arbres dont les chenilles ont
rongé les feuilles , n'ont point de fruit
cette année , quoiqu'ils aient porté des
fleurs , ou du moins n'ont que des avor-
tons : donc les feuilles contribuent à la
perfedion du fuc nourricier. Hiji. deVAcad.-
pag. îi,a/2. 1707.
Les deux propofitions précédentes font
de M. de Réaumur : mais la première pa-
roît contredite par deux oblervations rap-
portées. Hifi. deTAcad. 1709, pag. 5 1. En
Languedoc , dit M. Magnol , on ente les
oliviers en écuflon, au mois de mai, quand
ils commencent d'êire en levé, au tronc
ou aux groffes branches. Alors on coupe
l'écorce d'environ trois ou quatre doigts
tout autour du tronc ou des branches , ui\
peu au delTiis de l'ente ; de lorte que le
bois ou corps ligneux efl découvert, &
que Varbre ne peut recevoir de nourriture
par l'écorce. Il ne perd pourtant pas en-
core fes feuilles ; elles iont nourries par le,
lue qui efl déjà monté. Ce qu'il y a de re-
marquable , ce que l'arbre porte dans cette
année des fleurs & des fruits au double
de ce qu'il avoit coutume d'en porter. En-
fuite les branches au defius de l'ente ,
étant privées du lue qui doit monter p;ir
l'écorce , meurent , & les re'ietons qui
lortent de l'ente , font un nouvel arbre :
il paroît de-là que le lue qui monte par
l'écorce n'eft pas celui qui tait les fleurs &
les fruits; que c'efl donc celui qui a paflë
par la moelle & qui y a été préparé ; que
la quantité du fuc qui devoit naturelle-
ment palfer par la moelle a été augmenté-
de celui qui ne ponvoit plus palier par-
l'écorce, & que c'ei'-là ce qui a caufé la
multiplication des fleurs & des fruits. En
eitièf , ajoute M, Magnol , la moelle dcs:
A R B
plantes eft , comme celle des animaux ,
un amas de vclicules , qui paroillent del-
rinées à filtrer & à travailler un (uc plus
finement qu'il ne feroit nccellaire pour la
feule nourriture du bois ; & les plantesqui
ont beaucoup de moelle , comme le rofier ,
le troiilne , le lilas , ont aufll beaucoup de
fleurs & de graines : dans les plantes téru-
lacces , la moelle monte de la tige jufqu'à la
femence ; & les longues femences du myr-
rhis odorata, n'étant pas encore mûres , ne
Ibnt vilîblement que de la moelle.
Un orme des Tuileries qui , à l'entrée du
printemps de 1708 , étoit entièrement dé-
pouillé defon écorce depuis le pie jufqu'aux
branches , ne laifl'a pas de pouflfer la fève
dans toutes fes parties , & d'entretenir fes
feuilles pendant tout l'été fuivant , cepen-
dant avec moins de vigueur que les autres
ormes. Le premier Jardinier le fit arracher
en automne , perfuadc qu'il ne pouvoit plus
fubllfter à l'avenir. C'eft dommage , dit M.
de Fontenelle, qu'on ne l'ait pas laiffé vivre
autant qu'il auroit pu ; mais les intérêts de
la Phyfique & ceux de la beauté du jardin
fe font trouvés difil'rens. M. Parent a mon-
tré à l'Académie une atteilation de M.
Dupuis ( c'étoit le premier Jardinier ) qui
méritoit en effet d'être bien certifiée ; car
on a cru jufqu'à préfent l'écorce beaucoup
plus néceflaire à la vie des plantes. L'Aca-
démie avoir donc alors changé d'avis ,
& ne penfoit pas fur ce point en 1709 ,
comme en 1707.
3°. Un arbre abandonné à lui-même,
poufle à une certaine hauteur un certain
nombre de branches plus ou moins grand :
par exemple X , 3,4, î , félon l'efpece ,
le fol , l'expofition & les autres circonf-
tances. Si ce même arbre eil cultivé par
l'amendement de la terre , par le labour au
pié de Varbre , & par l'arrofement durant
les fechereffes, il pouffera peut-être mi plus
grand nombre de branches & de rameaux ;
mais la culture par le retranchement d'une
partie de fes branches , contribue plus qu'au-
cune autre induflrle à la multiplication :
de forte qu'on peut dire , que plus on
retranche de cette forte de corps vivans
jufqu'à un certain point , plus on les mul-
tiplie
Cela montre déjà combien font aboa-
A R B \6j
dafttes les fcflburces de cette forte d'êtres
vivans ; car on peut dire que depuis l'extré-
mité des branches jufqu'au pié de Varbre ,
il n'y a prelque point d'endroit , fi petite
qu'on puilfe le défigncr , où il n'y ait une
elpece d'embryon de multiplication prêt à
paroître , dès que l'occafion mettra Varbre
dans la nécelilté de mettre au jour ce qu'il
tcnoit en réferve.
Si l'on n'avoit jamais vu 6'arbre ébranché
jufqu'à fa racine , on croiroit qu'un arbre en
efi eftropié làns relfource & n'eft plus bon
qu'à être abattu , pour être débité en char-
pente ou mis au feu. Cependant fi un
orme , ou un chêne , ou un peuplier , en
un mot , un arbre dont la tige s'étend afïez
droite du pié à la cime , elt ébranché de
bas en haut , il poufléra depuis le collet des
branches retranchées jufqu'à la cime de la
fige , de toutes parts , un nombre infini de
bourgeons , qui , poufî'ant des jets de tous
côtés , feront d'un tronc haut de trente à
quarante pies , comme un gros bouquet de
feuilles , ii touffu , qu'à peine verra-t-on le
corps de Varbre.
Si l'on n'avoit jamais vu d'arbre étété par
un tourbillon de vent , ou par le retranche-
ment exprès de Ion tronc au collet des bran-
ches , il n'y a perfonne qui ne regai'dàt du-
rant fix mois , un arbre mis en cet état ,
comme un tronc mort & inhabile à toute
génération ; cependant cet arbre étêté re-
poulfera du tronc au deifous de l'endroit oîi
il avoit poufle les branches , un grand nom-
bre de jets , ou au couronnement , ou vers
le couronnement.
On en peut due autant des arbres coupé*'
à rafe terre ; car ils repouiTent autant &
plus qu'à toute hauteur ; c'elt ce qui fait les
arbres nains , en buiflbn ou en elpalier , entre
les fruitiers , & les taillis entre les fauva-
geons. Voye\ mém. de l'acad. an. 1700 ,
pag. 140. Je rappelle ces fiits , afin qu'on (c
détermine à réfléchir un peu plus fur cette re-
produélion, & à en tirer plus d'avantages en-
core qu'on n'a fait jufqu'à préfent, foitpour
l'ornement des jardins', foit pour l'utilité du
jardinier.
4°. Comme il e(l néceflaire que les bois
aient une certaine courbure pour la bonne
I& facile conllrudion des vaifîèaux, il y a
long-temps que l'on a propofé de les plier
îé8
A R B
jeunes dans les forêts : mais il ne paroît pas
que iufqu'H préfcnton ait fuivi cette idée :
{croit-ce qu'elle ei\ d'exécution difficile ?
5°. Dans les environs de Paris , M.
Vaillant comptoit , en 1700, jufqu'à 137
cfpeces de moufles ou plantes paralites , qui
lont , dans le règne végétal , ce que les in-
Icdes font dans le règne animal. Toutes ces
plantes lucent la fève des arbres par une
infinité de petites racines ; & c'eftune forte
de maladie pédiculaire , dont il feroit très-
important de les guérir. Pour cet effet ,
l'expédient le plus iimple qui fe prélente ,
feroit de la racler, fur-tout dans un temps
de pluie , comme nous l'avons prefcrit plus
haut : mais , outre que cette opération l'e-
roit longue dans bien des cas, elle feroit dans
tous trés-imparlaite : c'eft-là ce qui déter-
mina M. de Reflbns à propofer à l'Acadé-
mie, en 1716 , un moyen qu'on dit être plus
court &: plus sûr : c'efl de faire , avec la
pointe d'une ierpette, une incillon en ligne
droite , qui pénètre au bois , depuis les pre-
mières branches julqu'à tleur de terre ; cette
longue plaie fe relerme au bout d'un certain
temps , après quoi Fécorce eu toujours
nette , & il n'y vient plus de moufle. Le
temps de cette opération eft depuis mars
jufqu'à la fin d'avril. En mai , l'écorce
-vuiroit trop de fcve & s'entr'ouvriroit trop.
Ce remède a été luggéré à M. de Reffons
d'une manière fmguliere ; il s'apperçut que
les noyers , auxquels c'eft la coutume en
Bourgogne de faire des incifions , n'avoient
point de lèpre , & il conjedura qu'ils en
ctoient garantis par cette opération. Voye-{
dans les mémoires de Vacademie , année
17^^» P'^g- 41 de l'Hifloire f le rapport
qu'il y a entre le remède & le mal.
6". Pour peu qu'on ait fait attention à
l'état des arbres qui tonnent les forêts , on
aura remarqué que ceux qui lont plus près
des bords lont confidérablement plus gros
que ceux qui font plus proches du mi-
lieu , quoiqu'ils foicnt de même âge ; d'où
il s'enfuit , dit M. de Rcaumur , dans un
mémoire fur l'amélioration de nos forêts ,
que quand on n'a pas une grande quantité
de terrain où l'on puifle élever des arbres
en Kitaie , il cil plus avantageux de les
kiflêr élever fur les lifieres longues &: étroi-
tes , que de laifTer élever la même quantité
A R B
A'arhres fur un terrain plus large & moirtî
long. Voye^ Mémoires de l'Académie , an.
7°. Le rigoureux hivïrde 1709, dont la:
mémoire durera long- temps , fit mourir
par toute la France un nombre prcjdigieux
d'arbres : mais on remarqua , dit M. de
Fontcnelle, Hijljire de l' Académie , 1710,
Pj^S^ 59 1 que cette mortalité ne s'étendoit pas
lur tous indiiléremment : ceux qu'on auroie
jugé en devoir être les plus evemts par
leur force , y furent plus fujets. "Les arbres
les plus durs , & qui confervent leurs feuil-
les pendant l'hiver , comme les lauriers ,.
les cyprès , les chênes verds , £>c. Se entre-
ceux qui lont plus tendres , comme les oli-,
viers , les cliataigniers , les no;,-ers , &Cj,
ceux qui étoient plus vieux & plus forts ,
moururent prel'quc tous. On chercha dans.
l'Académie la caule de cette bizarrerie appa-
rente (cela fuppole qu'on s'étoit bien aifuré
de la réalité ; ) & M. Cailini le fils en donna
une fort fimple à l'égard des vieux arbres.
Il dit avoir remarqué que le grand froid
avoit détaché leur écorce d'avec le bois , de
quelque manière que cela fût arrivé. En
effet , il eft bien naturel que l'écorce foit
plus adhérente au bois dans les jeunes arbres
que dans les vieux , beaucoup plus remplis
de lues , & de lues huileux. M. Chomelcn
imagina une autre raifon. M. Homberg
tenta auffi d'expliquer le même phénomène.
Voye\ leurs conjedures dans les Mémoires
de V académie.
Quoi qu'il en ioit , il eff confiant que plu—
fleurs arbres qui lembloient avoir échappé
;\ ce cruel hiver , parce qu'ils repoulferent
des branches & des feuilles à la fève du
printemps , ne purent profiter de celle de
l'automne , & périrent tout-à-fait. Quand
on les coupoit , on les trouvoit plus noirs
& plus brûlés dans le cœur , que vers
l'aubier &: vers l'écorce ; le cœur , qui
e(l plus dur , avoit été plus endommagé
que l'aubier ; & il étoit déjà mort , que
l'aubier coafervoit encore un petit refle de
vie.
8°. Dans plufieurs arbres fruitiers ,
comme les pommiers , les poiriers , les châ-
taigniers , & généralement dans ceux qui
en imitent le port , tels que font les noyers ,
les chênes , les hêtres , la baie de la touffe
aiiede
A R B
afFcTle rou)oiiri u'ctre pnrallclc- au plan
d'oLi forrciU les tiges , foit que ce plan ioit
horizontal ou qu'il ne le ioit pas , loir que
les riges elle<;-mcmcs foient perpendicu-
Inires ou inclinées fur ce plan ; & cette
alfedation ef{ fi conlîante , que fi un arbre
fort d'un endroit où le plan Ioit d'un côte
horizontal , &: de l'autre incliné r. l'horizon ,
la baie de la toufte le tient d'un coté hori-
zontale , & de l'autre s'incline ;\ l'horizon
nutant que le plan. C'eft M. Dodart qui
s'elt le premier apperçu de ce iihénomene
extraordinaire , & qui en a recherché la
caulé.
Nous ne rapporterons point ici les con-
jedures de M. Dodart, parce que nous
ne délefpérons pas qu'on n'en forme quel-
que jour de plus vrail'emhlables & de plus
heureuics ; & que ce feroit détourner les
elprits de cette recherche , que de donner
quelque latistaftion à la curiolité. Quand la
lolution d'une difficulté eft éloignée , i-^ptre
parelTe nous dilpoie à prendre pour bonne
la première qui nous eft préfentée : il fuf-
fît donc d'avoir appris le phénomène à
ceux qui l'ignoroient.
9°. Tout le monde connoît ces cercles
peti réguliers d'aubier & de bois partait ,
qui fe voient toujours dans le tronc d'un
arbre coupé horizontalement , & qui mar-
quent les accroillemens en grofièur qu'il a
pris lucccflivement ; par-là on compte fon
âge affez lurement. Le dernier cercle d'au-
bier qui ell immédiatement enveloppé par
l'écorce , eftla dernière production du tronc
en grofieur, eft d'une fubilance plus rare &
moins compare , eft un bois moins partait
que le cercle qu'il enveloppe lui-même im-
médiatement , & qui a été la produélion de
l'année précédente ; & ainfi de fuite julqu'au
cœur de Varbre : mais on s'appcrçoit qu'à
mefure que les cercles concentriques font
plus- petits , la différence des couleurs qui
eft entr'eux dil'paroîr.
On croit affez communément que ce»
cercles font plus ferrés entr'eux du coté du
nord que du côté du midi; & on en con-
clut qu'il feroit poflible de s'orienter dans
une forêt en coupant un arbre. En effet ,
il paroît afTez naturel que les arbres cro'ii-
fcnt plus en groflcur du câté qu'ils Ibnt
plus expo.'és aux rayons du iijleil : cepcn-
Tome III.
A R B i5^
dant ce fentiment n'eft pas général ; on
loutient que c'cil du côté du midi que les
cercles font plus Icrrés ; & on en donne
la railon phyfique , bonne ou mauvaife :
quelques-uns même font pour le levant,
ci d'autres pour le couch.mt.
On a trouvé par un grand nombre d'ex-
perijnccs que ces faits oppoiés (ont vrais.
Varbre a de grofTcs racines qui fe jettent
les unes d'un côté , les autres de l'autre :
s'il en avoit cjuatre à-peu-près égales , qui
tcndifTent vers les quatre points cardinaux
de l'horizon , elles tourniroient à tout ie
tronc une nourriture égale , & les diffé-
rens cercles auroient chaque année un même
accroiffement , une même augmentation de
largeur ou d'cpaiffeur , i'aïf les inégalités-
qui peuvent lurvenir d'ailleurs ; mais fi
une des quatre racines manque, celles du
iiord , par exemple , ce côté-là du tronc
lera moins nourri , & les cercles par con-
féquent feront moins larges ou plus ferrés
du côté du nord ; mais une grofTe branche
qui part du tronc d'un certain côté , fait
le même effet qu'une grofTe racine ; la nour-
riture quia dû fe porter à cette branche en
plus grande abondance , a rendu les cer-
cles plus larges de ce côté là ; & de-là le
refte s'enfuit. Mais on voit que tout cela
fuppofe une direélion régulière dans le mou-
vement des fucs de V arbre : or fi une par-
faite régularité n'cfl pas dans la nature ;
il Euit y calculer des à-peu-près , réitérer
des expériences , & reconnoître une caufè
générale à travers les petites altérations qu'on
remarque dans fes effets.
D'où il s'enfuit que plus les grofles ra-
cines font également dillribuées autour du
pié de Y arbre , & les grofî'es branches au-
tour du tronc , plus la nourriture fera éga-
lement difhibuée dans toute la fubfiancc
de y arbre ; de forte qu'on aura un fignc
extérieur d'une de {es principales qualités ,
relati\'ement à l'ufage des bois.
L'aubier fe convertit peu-à-peu en bois
parfait qu'on appelle cœur : il lui arrive
par le mouvement , foit dircft , foit latéral
de la fcve , des particules qui s'arrêtent
dans les interfîices de la fubfiancc lâche ,
& la rendent plus ferme & plus dure. Avec
le temps l'aubier n'efl plus aubier ; c'efl
une couche ligneufe : le dernier aubier c({
i-jo A R B
à la circonférence extérieure du tronc ; &
il nV en a plus quand \" arbre cefle de croître.
JJn. arbre eft d'autant plus propre au fcr-
vicc, qu'il a moins d'aubier & plus^ de
c œur : & MM. Duhamel & de BufFon ,
dont nous tirons ces remarques , ont trouvé ,
par des expériences réitérées, que les bons
terrains ont toujours fourni les arbres qui
avoient le moins d'aubier ; & que plus les
couches d'aubier ont d'étendue, plus le
nombre en efl petit. En effet , c'ell l'abon-
dance de nourriture qui leur donne une
plus grande étendue ; & cette mêrtie abon-
dance fait qu'elles ic converriffent plus
promptement en bois, & ne font plus au
îiombre des couches d'aubier. ^
L'aubier n'étant pr.s compté pour bois
l'e icrvicc , deux arbres de même âge &
<le même efpecc peuvent être tels , par la
î-;ule différence des terrains , que celui qui
aura cru dans le bon, aura deux fois plus
fie bois de fervice que l'autre, parce qu'il
aura deux fois moins d'aubier. II faut
pour cela que ks arbrei foient d'un certain
"iîge.
On croit communément qu'en plantant
lis jeunes arbres qu'on tire de la pépinière ,
W faut les orienter comme ils l'étoient dans
la pépinière ; c'ell une erreur : vingt-cinq
jeunes arbres de même efpece, plantés daris
un même champ, alternativement orientés
& non orientés comme dans la pépinière ,
ont tous également réuiii.
Le froid par Ivîi-même dimimie le moii-
veitïent Je la fève , & par conféquent il
oeur lire au point de l'arrêter tout- a-fait ,
& V arbre périra : mais le cas cfl rare , &
♦rommunément le froid a befoin d'être aidé
j)our tiuire beaucoup. L'eau & toute li-
queur aquGufe le raréfie , en fe gelant ;
s'il y en a qui folt cofiferue d.ins les pores
■jlitérieures de ïaibte , elle s'éfertdra donc
j)ar un certain degré dé froid , & mettra
nccedalrement les petites parties les plus
«lélicates dans une diOonfion forcée & très-
conlldérable ; car on fait que la force de
Vcxtcnlion de t'eaù qtii '^(i gelc cft prel-
3UC prodigiuifé ; que le folcil furvicnne ,
fondra bru'qu'.ment tous ces petits gla-
çons , qui reprendront leur volume naturel :
mais les parties de Xarbte , qu'ils avoient dil-
kodues violemment j pourront ne pas re-
A R B
prendre de même leur première extenfion ;
& fi elle étoit néceffaire pour les fondions
qu'elles doivent exercer , tout l'intérieur de
\' arbre étant altéré , la végétation fera trou-
blée ou même détruite , du moins en quel-
que partie. Il auroit fallu que Varbre eût
été dégelé doucement & par degrés, comme
on dégelé les parties gelées d'animaux vi-
vans. Ce fyflême eil très-applicable à l'effet
du grand froid de 1709, dont nous avons
par'é plus haut.
Les plantes réfineufes feront moins Çu-
jettes à la gelée, ou en feront moins en-
domm.agées que les autres. L'huile ne s'é-
tend pas par le froid comme l'eau; au con-
traire , elle fe refferre.
Un grand froid agit par lui-même fiir
les arbres qui contiendront le moins de
ces petits glaçons intérieurs, ou qui n'en
contiendront point du tout, fi l'onvciit ;
fur les arbres les plus expofts au loleil &:
fur les parties les plus tortes, cominic le
tronc. On voit par-là quelles font les ci_r-
conflances dont un froid médiocre a beloîn
pour être nuifihle : il y en a fur- tout deux-
fort à craindre ; l'une , que \çs arbres aient
été imbibés d'eau ou d'humidlrc quandle
froid eff venu , & qu'eafuite le dégel l'oit
brufque ; l'autre , que cela arrive dans un
temps où les parties les plus tendres & les
plus" précieufes de ï arbre , les rejetoris ,
les bourgeons , les fruits commencent à fc
former.
L'hiver de 1709 raffembla les circonf^
tances les plus fachcufes ; aufli e(t-on bien
!'ûr qu.'un pareil hiver ne peut être qu-c
rare. Le froid fut par lui-même fort vif :
mais la combinaifon des_ gelées & des dé-
gels fut finguliérement fiiiieflc ; après àe
grandes pluies, & immédiarenicnt après,
vint une gelée ti-ès- forte dès Ion premier
commencement lenfuite un dégel d'un jour
ou deux,, très-uibit S: très-court; &: aulii-
tôt une féconde gelée longue & forte.
MM. c?e Buffon & Duhamel ont vu beau-
coup A\vbres qui lé fentoicnt de l'hiver
de 1709 , & qui en avoient conrradé clcï
maladies mi des défaut^; ians remède. Vn
des plus remarquables eft ce qu'ils onrap-
ptiie le faux-aubier : on voir lôus j'écorce
de ïarlre le véritable aubier , cnfiiite une
couche de bols parfait , qui ne s'étend pas
AR B
cortimc cUe dcvroir juiqu';iu centre du
tronc, en dcvcnanc toujours plus iwrfaitc ,
mais qui cit (i.;ivic par une nouvelle couche
de bois imparli'.it ou de taux aubier ; nprès
quoi revient le bois parf.iit qui va juiqu'au
centre. On eit lùr par les indices de 1 aj;e
àcVnrhre, & dj leurs différentes couches ,
que le faux aubier eft de 1709. Ce qui
cette annt!e-là étoit le véritable aubier ne
put fe convertir en bon bois , parce qu'il
tut trop altt'ré par l'excès du troid ; la vé-
gétation ordinaire fut comme airctée là :
mais elle reprit ion cours dans les années
fùivantcs, & palia pni-defTus ce mauvais
pas ; de forte que L. nouvel aubier qui
environna ce taux aubier, fe convertit e-n
bois de l'on temps , & qu'il refla à Ja cir-
conférence du tronc celui qui devolt tou-
jours y être naturellement.
Le taux aubier eft donc un bois plys mal
conditionné & plus imparfait que l'aubier;
c'eft ce que la différence de pelant^tir Se la
facilité à rompra ont en effet prouve. Un
arbre qui auroit un taux aubier ieroit tort
défedueux pour les grands ouvrages , &
d'autant plus que ce vice eft plus caché , &
tju'on s'avile moins de le ioupçonner.
Les gelées comme celle de 1709, & qui
font proprement des gelées d'hiver, ont
rarement les conditions néceflaires pour
Élire tant de ravages , ou des ravages fi
marqués en grand : mais les gelées du
printemps , moins fortes en elles-mêmes ,
font aiîez fré<jucntes, & aflcz fouvent en
état, par les circonflances , d^ faire beau-
coup de mal. La tliéorie qui précède en rend
railon : mais elle fournit en même temps,
dans la pratique de l'agriculture , des règles
pour y obvier, dont nous nous contente-
rons d'apporter quelques exemples.
Puifqu'il eft fi dangereux que les plantes
foient attaquées par une gelée du printemps,
lorfqu'elles font fort r-emplies d'humidité ,
il faut avoir attention, fur-tout p ,ur les
plantes délicates & précieufes , telles que
la vigne , A ne les pas mettre dans un ter-
rain naturellement humide, comme un
fonds , ni à l'abri d'un vent de nord qui ,
auroit diffipé kur humidité , ni d.ins le
voifinage d'autr«s plantes qui leur en au-
raient fourni de nouvelle par leur iranl-
piratioîj, eu âes mrss lahoiirées «cu-
A R B 17/
veljcmcnt, qui feroicnt le même efer.
Les grands arbres mêmes , dès qu'ils
font tendres i. la gelée , comme les chênes ,
doivent être compris dans cette reg'e : xiiais
voyez, dans le mémoire même de MM.
DuhajTiel & Buflbn , année 1737, le dé-
tail des avantages q-u'on peut retirer d,c leurs
obleivations, & concluez, avec l'hiitorien
de l'académie, i^. que fi la inécefijté des
expériences pouvoit être douteuie , rien ne
la prouveroit mieux que les grands effets
que de petites attentions peuvent avoir
dans l'agriculture & dans le jardinage. On
apjjcrçoit à chaque njomeat des dif[ûrences
tres-feniibles , dans xles cas où il ne paroît
pas qu'il dtt s'en trouver aucune ; d'où
naifiènt-elles? de quelques .principes .qui
échappent par leur peu d'importance ap-
parente : 2". que fi l'agriculture , qui oc-
cupe la plus grande partie des ilioiiynes
pendant toute leur vie , & pour leurs
befoins les plus efîentiels , n'a pourtant
tait que des progrès fort lents , c'eft que
ceux qui exercent par état cet art impor-
tant, n'ont prefque jarHais un certain cfpi-it
de recherche & de curiofité ; ou que , quand
ils l'ont , le loifir Jeur manque ; ou que fi
le loilir ne leur manque pas , lis ne font
pas en état de rien liazarda' pour des épr«»-
ves. Ces gens ne voient donc que ce qu^'ils
font forcés de voir, & n'apprenneat .que
ce qu'ils ne peuvent , poui- ainfi dir* ,
éviter d'api^rendre. Les académies moder-
nes ont enfin fenti combien il «toit ntJledc
tourner Ces vues d'un côté fi intéreflànt ,
■quoique f)eut-:être dépourvu d'un certaù»
éclat ; mais tout prend de l'étendue , de
l'élévation &c de la .dignité dans certaines
mains ; le caraûere de l'efprit de l'hommç
:paflê néceilâiremeut dans la manière dont
il exécute fa tâche, & dans la manier*
dont il l'expoié. Il eft des gens qui ne faverrt
dire que de petites chofes ilir de grands
iiujets ; il en eft d'autres , à qui les plus
ipetits lujets en fuggerent de grandes.
10. Des arbres dépouillés de leur écorce
dans toute leur tige , & laiCés fur pié ea
icet état julqu';\ ce qu'ils meurent, ce qui
ne va qu'à trois ou quatre ans au plus ,
fourni lient un bois plus pefant , plus ferré ,
,2c plus uniformément ferré que ne feroient
d'aut.'-es arbres de même efpece, de raênae
Y 1
172 A R. B
âge, de même groficur, femtlables en
tout , mais qui n auroient pas été dépouil-
lés de leur écorce, & qui n'auroient pas
été traités de même : outre cela , ils four-
nirent plus de bois bon à employer ; car ,
des autres arbres , il en faut retrancher
l'aubier , qui eft trop tendre & trop diffé-
rent du cœur; au lieu que , dans ceux-ci,
tout cil coeur ; ou leur aubier, ou ce qui
en tient la place , eil: auili dur , ou même
plus dur que le cœur des autres. On trou- ,
vera , dans les remarques précédentes , de
quoi expliquer ce phénomène ; on n'a
qu'à voir comment l'aubier devient bois
parlait à la longue , & l'on verra com-
ment il doit fe durcir , tout en fe formant ,
quand V arbre ell'ians écorce.
• La différence de poids entre deux mor-
ceaux de chêne , qui ne différent que de
ce que l'un vient d'un arbre écorce , &
4 que l'autre vient d'un arbre non écorce ,
&C par coniéqucnt la différence defolidité ,
efl d'un cinquième , ce qui n'eft pas peu
confidérable.
Malgré cet avantage de l'écorcement
des arbres j les ordonnances le défendent
févérement dans le royaume ; & les deux
académiciens , ;\ qui nous avons obligation
de ces expériences utiles , ont eu befoin
de permiflion pour oler les faire. Cette
manière de conlolider les bois n'étoit en-
tièrement inconnue ni aux anciens ni aux
modernes : Vitruve avoit dit que les
arbres entaillés par le pié en acquéroient
plus de qualité pour les bâtimens ; &
un auteur moderne Anglois , cité par M.
de Buffon , avoit rapporté cette pratique
comme ufuée dans une province d'An-
gleterre.
Le tan nécefîaire pour les cuirs fe fait
avec l'écorce de chêne ; &. on l'enlevoit
dans le temps de la fève , parce qu'alors
elle étoit plus aifée à enlever, & que l'opé-
ration coûtoit moins : mais ces arbres
écorcés ayant été abattus , leurs fouches
rcpoufToient moins , parce que les racines
s'étoient trop épuilées de fucs. On croyo-t
d'ailleurs que ces fouches ne repoulloient
pluj du collet , comme il le faut pour
faire de nouveau bois ; ce qui n'eft vrai
que des vieux aibres , ainfi que M. de
BufFon s'en efl alTurc.
A R IB
L^n arbre écorce produit encore r.u
moins pendant une année des feuilles ,
des bourgeons , des fleurs , & des fruits ;
par confcquent il efl monté des racines
dans tout Ion bois , & dans cclui-même
qui étoit le mieux formé , une quantité
de fève fuffifante pour ces nouvelles pro-
dudions. La feule fève propre à nourrir
le bois, a formé aufîi tout le refle : donc
il n'efl pas vrai , comme quelques-uns le
croient , que la iéve de l'écorce , celle de
l'aubier , & celle du bois , nourrirent &
forment chacune une certaine partie à l'ex-
cluiion des autres.
Pour comparer la tranipiration des arbres
écorcés & non écorcés , M. Duhamel fit
j paffer dans de gros tuyaux de verre des
] tiges de jeunes arbres , toutes femblables ;
j il les mnftiqua bien haut & bas , & il
I obferva que, pendant le cours d'une jour-
I née d'été , tous les tuyaux fe rempliiloient
! d'iine efpece de vapeur , de brouillard ,
1 qui fe condenfoit le foir en liqueur ,
I & couloir en bas ; c'étoix là fans doute
la matière de la tranipiration ; elle étoit
fenfiblement plus abondante dans les ar-
bres écorcés : de plus , on voyoit fortir
des pores de leur bois une fève épaiiîè &
comme gommeufe.
De là M. Duhamel conclut que l'écorce
empêche l'excès de la tranfpiration , & la
réduit à n'être que telle qu'il le faut pour
la végétation de la plante ; que puilqu'il
s'échappe beaucoup plus de lues des arbres
écorcés , leurs couches extérieures doivent
le deffécher plus ailément & plus promp-
temont ; que ce delléchement doit gagner
les couches inférieures , &c. Ce raiionne-
ment de M. I^u'iamel explique peut-être
le d irciflèment prompt des couches exté-
rieures : niais il ne s'accorde pas , ce me
lL"mble , aufC facilement avec l'accroifle-
ment de poids qui iurvient dans le bois des
arbres écorcés.
Si l'écorcement d'un arbre contribue à le
faire mourir , M. Duhamel conjedure que
quelque conduit pourroit lui prolonger la
vie , fans qu'il prît un nouvel accroilVement:
mais il ne pourroit vivre ians s'accroître ,
lu'il ne devînt plus dur &: pluscompaâe,
I& par coniéquent plus propre encore aux
ufages qu'on en pourroit tirer : la conjec-
A R B .
turc de M. Duhamel mî'rite Jonc beau-
coup d'atreution.
Mais nous ne finirons point cet article
fans faire mention de quelques autres vues
de l'habile académicien que nous venons de
cirer , & qui lont enncrcmcnt de notre
iujet.
La manière de multiplier les arbics par
bouture & par marcotte , eft extrême-
ment ancienne & connue de tous ceux qui
fe font mclcs d'agriculture. Une branche
p'quée en terre devient un urbre de la
même efpece que ïarbie dont elle a été
l'cparée. Cette manière de multiplier les
arbres efl beaucoup plus prompte que la
voie de femence ; &: d'ailleurs elle ell
unique pour les arbres étrangers tranfportés
dans ce paj-s-ci , & qui n'y produiient
point de graine. C'eft auiii ce qui a engagé
M. Duhamel à examiner cette méthode
avec plus de loin.
Faire des marcottes ou des boutures ,
c'efl faire en forte qu'une branche qui n'a
point de racines s'en gnrnifle ; avec cette
différence que li la branche eft féparée de
Varbre qui l'a produite , c'eft une bouture ;
& que fi elle y tient pendant le cours
de l'opération , c'ell une marcotte. Voye^
Bouture & Marcotte. Il étoit
donc nécelTaire d'examiner avec attention
comment fe faifoit le développement des
racines , fi l'on vouloit parvenir à le
faciliter.
Sans vouloir établir dans les arbres une
circulation de fève analogue à la cirailation
de fang qui fe fait dans le corps animal ,
M. Duhamel admet une fève montante
qui fert à nourrir les branches , les feuilles
& les bourgeons , & une defcendante
qui fe porte vers les racines. L'exiftence de
ces deux efpeces de levé efl démontrée par
plufieurs expériences i celle-ci fur-tout la
prouve avec la dernière évidence. Si l'on
interrompt par un anneau circulaire enlevé
à l'écorce , ou par une lorte ligature , le
cours de la fève , il fe forme aux extrémi-
tés de l'écorce coupée deux bourrelets :
mais le plus haut , celui qui eft au-bas de
l'écorce fupérieure , ell beaucoup plus tort
A R B 173
forme de même une grofleiir , & fi cette
grofleur e(l à portée de la terre , elle ne
manque pas de pouller des racines : alors
ii le fujet e(l plus h )ible que Varbre c^u on
!n
que 1 intérieur , que celui qui couronne la
partie la plus balfe de l'écorce. La même
■chofe arrive A i'iniertioa des greffes \ il s'y
a greffé deiîîis , il périt , & la greffe de-
vient une véritable bouture.
L'analogie de ces bourrelets & de ces
grofléurs dont nous venons^ de parler , a
conduit M. Duhamel A penfer que ceux-ci
pourroient de même donner des racines ;
il les a enveloppés de terre ou de moufle
humeâee d'eau , & il a vu qu'en ciFet ils en
produifoient en abondance.
Voilà donc déjà un moyen d'afîîircr
le fiiccès des boutures. Ordinairement
elles ne périffent que parce qu'il fiut qu'elles
vivent de la fève qu'elles contiennent, &
de ce qu'elles peuvent tirer de l'air par
leurs bourgeons , julqu'à ce qu'elles aient
formé des racines par le moyen que nous
venons d'indiquer. En laiiant fur la bran-
die , encore attachée à Vaibre , la plus
grande partie de ce qui le palleroit en
lerre , on les préfervera de la pourriture
& du defï'échement , qui font ce qu'elles
ont le plus à craindre.
M. J!)uhamel ne s'eft pas contenté de
cène expérience , il a voulu connoître la
caufe qui faifoit defcendre la fève en 11
grande abondance. On pouvoir foupçonner
que c'étoit la pefanfeur. Pour Ken éclair-
cir , après avoir tait des entailles & des
ligatures à des branches , il les a pliées
de façon qu'elles euilent la tête en-bas :
cette fituation n'a point troublé l'opéra-
tion de la nature , & les bourrelets fe font
formés , comme fi la branche eût été dans
fa fituation naturelle. Mais voici quelque
chofe de plus furprenant. M. Duhamel a
planté des arbres dans une fituation abfo-
lument renverfée , les branches dans la
terre & les racines en l'air : ils ont repris
dans cette étrange pofition ; les branches
ont produit des racines , & les racines
des feuilles. Il efl vrai qu'ils ont d'abord
poulîé plus toiblement que ceux qui étoient
plantés à l'ordinaire : mais enfin ils ont
pouffé ; & dans quelques-uns de ces fiijets,
la différence au bout de quelques années
ne s'appercevoit plus.
Il en a fait arracher plufieurs , & il a
vu que les racines portoicnt toutes des
'7- A RB
grorieiM-s qu! Te trouvoient àriniertion des
bourgeons ; il a jugé en conféquence que
ces grofl'eurs analogues aux loupes des
greffes & aux 'bourrelets caules par les li-
gatures , iroKiit indLtîorentes à prockiirc
des bourgeons ou des racines. Pocir s'en
aiTurer il a fait élever â trois pies de haut
une f jtaille , qu'il a remplie de terre ;
après en avoir percé le fond de plulieur^
trous, il a pafle par ces trous des boutu-
res , dont le bout entroit dans le termiu
au dcfTous de la futaille. Les unes étoient
placées le gros bout en haut , & les autres
au contraire. Toutes ont poufTé des racines
dans la partie qui entroit dans le terrain ,
des bourgeons & des feuilles entre le ter-
rain & la futaille , des racines dans la tu-
taille & des feuilles au deflîis.
Les germes qui exiflent dans les arbres
font donc également propres à produire
àss bourgeons ou des racines : le feul con-
cours des circonllances les détermine h
l'un ou à l'autre ; il n'en faut cependant
rien conclure contre les caufcs finales : ce
n'efl pas un feul phénomène qui peut ébran-
ler un dogme conforme à la raifon , à la
laine Théologie , & confirmé par une
multitude d'ctfets enchaînés les uns aux
autres avec tant de fagefle.
M. Duhamel appuie l'expérience précé-
dente par un grand nombre d'autres , &
donne le manuel de l'opération néceflaire
pour ékver des boutures avec autant .de
lùreté & de facilité qu'il eft poflible. Voici
l'extrait de ce manuel.
Le vrai temps pour couper les boutures
eft vers le commencement du mois de
Mars. Miller veut qu'on attende l'automne
pour les boutures à^arbres verds : & peut-
titre a-t-il railoii. Il faut choifir une bran-
cbe dont le bois foit bien tormé , & dont
les boutons paroiflent bien conditionnés.
Oti fera former un bourrelet , fi on £n a
le teinps & la commodité : dans ce cas , fi
la branche eft menue , on n'entaillera piis
l'éccrce ; 11 fuffira d'une ligature ferme de
laiton ou de ficdle cirée : fi elle a plus
d'un pouce de diamètre , on pourra en- ;
lever un petit anneau d'écorce de la lar-
geur d'une ligne , & recouvrir le bois de
plufieurs tours de fil ciré : fi la branche ne
périt pas > le bourrelet en fer* plus gros
A R B
& plus difpofé à produire des racines ;
on recouvrira aufîl-tôt l'endroit où fc doit
lormer le bourrelet , avec de la terre & de
la raoufib qu'on retiendra avec un rclcau
de ficelle : on ïsrn bisa de garantir cet
endroit du fulejl , & de le tenir un peu
humide. Le mois de Mars fuivaat , \\ ea
dcfiiii.iit Taj^jartil on trouve au deffus de
la ligatura un gros bourrelet , on aura tout
lieu d'efpcrer du fuccès : fi le bourrelet eft
chargé de mamelons ou de racines , le
luccès eil certain ; on poUrft en alîurance
couper les boutures au delfous du bourre-
let & les mettre en terre , comme on va
dire.
Si on n'a pas le temps ou la comrnodité
de lailTtr former des bourrelets , on en-
lèvera du moins avec les boutures la
groflèur qui iê trouve à l'infertion des
branches. Si dans la portion des boutures
qui doit être en terre , il y a quelques
branches à retrancher , on ne les abattra
pas au ras de la branche : mais , pour mé-
nager la grofleur dont on vient de parler »
on conlérvera fur les boutures une petite
éminencc qui ait feulement deux lignes
d'épaiilèur.
Si , à la portion des boutures qui doit
être en terre , il y a voit des boutons , on
les aiTachei'oit , en ménageant feulement
les petites éminences qui les fupportent ,
puilqu'on a reconnu qu'elles (ont dilpofées
à fournir des racines. Malpighs recom-
mande de faire de petites entailles à l'c-
corce ; & je crois que cette précaution
peut erre avantageufe.
Voilà les boutures choifies & taillées :
il faut faire en iorte qu'elles ne fe deflê-
chent pas , qu'elles ne pourrilîent pas , &
qu'elles pouilènt promptement des racines.
Voyei , dans le Mémoire de M. Duha-
mel , ce «qu'on peut pratiquer pour remplir
ces intentions.
Quant aux marcottes , quand on veut
en avoir ixaiicoup d'un même arbre , oh
fait ce que les jardiniers appellent des me'
res , c'ei'l-ii-dire <ju'on abat im gros arhre
prelqu'à ras de terre ; le tronc coupé
pouffe au printemps quantité de bour-
geons ; l'automne l'uivante on biMe la fou-^
che , c'ell-à-dire qu'on la couvre d'un bon
denii-pié d'cpaiCcur de cerre , ayant foi»
A R B
que les bourgeons forcent cn-dehnrs : deux
ans après on trouve tous ces bourgeons
garnis de bonnes racines , & en état d'être
mis en pépinière ; & comme la louche ,
à mcliire ' qu'on la décharge de bour-
geons qui ont pris racine , en fournit de
nouveaux , une mcre bien ménagée tour-
nit tous les deux ans du plant enraciné en
abondance, &: cela pendant des nà i^
années.
La tige pouffe d'autant plu.^ de bour-
geons qu'elle eft plus grolîè , & qu'on n'au-
roit qu'un très-petit nombre de boutures
d'une tige qui n'auroit que deux A trois
pouces Je diamètre. En ce cas , on coupe
la tij;eà un pié ou deux pies de terre : elle
produit quantité de bourgeons dans toute
cette longueur; l'automne on fait une dé-
comble tout autour & une tranchée , dans
le milieu de laquelle on couche cette tige,
& on étend de coté & d'iratre tous les
bourgeons. On couvre de terre la tige cou-
chée & l'inlcrtion des bourgeons ; & on
■ peut être afluré que la féconde année ,
toutes ces marcottes (èront bien garnies
de racines.
Mais il y a des branches qui feront dix
à douze ans en terre , fans y produire la
moindre racine ; tel eu le c.-talpa : alors il
faut arrêter la fève defcerulante , & occa-
iioner la formation d'un bourrelet par
inciGon ou par ligature.
On fera l'incilion ou la ligature à la par-
tie bafle. Si on lailîe les bourgeons dans la
Jituation qu'ils ont prife naturellement ,
on fera la ligature le plus près qu'on pourra
de la louche , ou de la brunchs dont on
fort la marcotte. Si on eft obligé de cour-
ber la marcotte , on placera la lig.uure à
la partie la plus balle , au delTotts d'un
bouton, de l'éruption d'une branche, &c.
Enfin, comme les racines poull'ent aux
endroits où les tumeurs iont environnées
il'une terre convenablement humectée , on
entretiendra la terre fraîche & humide ;
ce iera pour les marcottes qu'on fait en
pleine terre , en couvrant la terre de li-
tière , & en l'arrofant. Quant aux mar-
cottes qu'on paiTe dans des mannequins ,
pots ou caiffes , foye^ , dans le mémoire
de M. Duhamel , les précautions qu'il faut
prendre.
A R B 175
Il fuit de tout ce qui précède , que plus
on émdie la nature , plus on eft étonné
de trouver dans les fujets les plus vils , en
apparence , des phénomènes dignes de toute
l'atteiition & de toute la curiofité du phi-
lolbphe. Ce n'eft pas allez de la fuivrc
dans Ion cours ordinaire & réglé , il faut
quelquefois eifayer de la dérouter , pour
connoître toute fa fécondité & toutes fes
reHburces. Le peuple rira du philoloph^
quand il le verra occupé dans lès jardins
à déraciner des arljies pour leur mettre la
cime en terre & les racines en l'air : mais
ce peuple s'émerveillera quand il verra les
branches prendre racine , & les racines fe
couvrir de feuilles. Tous les jours !e fage
joue le tC>Ïc de Démocrite , & ceux qui
l'environnent celui 6cx Abdéritains. Cette
aventure eft des premiers âges de la phi-
lofophie & d'aujourd'hui.
Arbre de Judéi- , ou ArbFvE de
Judas j i-ovc:? Gainier. (/)
Arbre , (Riff. nar. bot.) qui porte des
!.-!vonnetfes , arbor fa.pinda. ; genre de plante
obfervé p-ar le P. Plumier. Ses fleurs font
compo&s ordinairement de quatre pétales
difpoles_ en rolé ; le piftii Ibrt d'un calice
compoié de quatre feuilles , & devient dan;;
la liiite un fruit fphérique , qui renferme
une petite noix auliî fphérique , dans la-
quelle il y a une amande de même figure.
TouTnçïoTi.InJl.rei herb. /^.Plante. (/}
* Cet arbre eft déligné dans les bota-
niftes , par arbor fjpenar'ui arnericano-. II
croît .; la Jamaïque & d.uis d'autres con-
trées des Indes occidentales. Son fruit eft
mâr en octobre. Lorlqu'il eft fec , it eft
fphérique , d'une couleur rougearre , plus
petit qu'une noix de galle, amer au goût,
mais fins odeur.
On le recommande dans les pâles cou-
leurs. Le truit palTè pour un fpécifi-iue
contre cette maladie ; il la guérit infailli-
blement, jur-tout quand on a fait ulage
des eaux terrugîneufes. On en croit la tein-
ture , l'extrait & l'eiprit , plus énergiques
encore.
Arbre de vie, thuya, {Hifl. nat. bot.)
arbrifleau dont les embryons écailleux
deviennent des iruits oblongs. On trouve ,.
entre les écaille; , des feinences bordées
d'uiifeuilkx délié. Ajoutez , aux c.vadcrcs
17^
A R B
de ce genre', In flriK^lurc fingiiliere de Tes
feuilles , qui loiit formL-es par de pérîtes
écailles polécs les unes liir les autres. Tour-
nefort , Infl. rei herb. Voy. PLAN. (/J
On apporta cet arbre de Canada en
France , au roi François I. Ses feuilles font
réioiutives , dellicat'ves , carminatives ,
fudorifiques : fon bois eft déterfif , iudo-
rilique , propre pour réfiller aux venins,
aux maux des yeux ou des oreilles , étant
pris en poudre ou en infulion.
Il cil ainfi nommé parce qu'il cft tou-
jours verd , & qu'il rend une odeur douce
& agréable. On l'appelle encore cèdre
américain , ou arbre toujours verd. Il eft
chaud & apéritif; il provoque les règles,
guérit les pâles couleurs , diffjut les tu-
meurs : fon huile , appliquée fur la goutte ,
la foulage. Son aâion ert analogue à celle
du feu ; elle irrite & elle dlflour ; elle
purge les lits de puces & de poux. Boerrh.
InJl{N)
" Nous croyons que les lefteurs nous
» iauront gré de l'attention que nous avons
» de leur mettre fous les yeux la manière
»> dont M. le baron de Tfchoudi a traité
» le même fujet. »
§ ARBRE , {Bocaniq. Jardin.) Pour dé-
terminer la place que Varbre occupe fur
l'échelle végétale , il eft lans doute inutile
d'en parcourir tous les échelons ; mais du
moins taut-jl s'arrêter aux derniers , afin
d'écarter des rapports qui nous le feroient
confondre avec les plantes , & de diker-
ner par-là même les différences qui l'en
diftinguent.
I. Comme l'arbriffeau ne diffère de Varbre
qu'en ce qu'il pouffe de lon.pié plufieurs
branches à - peu - près d'égaFe torce , que
cette différence n'eil pas effentielle , & qu'il
lui refleiTible parfaitement dans toutes les
parties conflituantes ; comprenons-le dans
l'idée générale de Varbre , & voyons par
quels traits Varbre eft caraâérifé.
Seroit-cc par l'appareil de fes vaiflèaux ?
Il eft le même dans la plupart des plantes :
par la tige lubfiflante ? quelques plantes
bilannuelles en (ont aufll pourvues : par
fa longévité ? des plantes vivaces durent
aufll long-temps que certains arbres : les
boutons intérieurs qui repercent fous l'é-
curce , font communs à d' autres ordres de
A R D
' végétaux ; & fi les boutons à fleurs affiiej
ne le trouvent dans auctinc plante , ils ne
le rencontrent pas non plus dans tous les
arbres. Les boutons extérieurs à bois ne
diff-rent guère de ceux qui s'élèvent fur
la couronne des racines des plantes vivaces ;
ceux - ci contiennent lei rudimens des tiges \i t
futures, & ceux-là renlerm^nt les nouveaux <aH
bourgeons : ces boutons lont cependant la r^H
feule marque oiftindive de Varbre , mais-
on tant qu'ils repol'ent fur des tiges & des
branches fubfiilanres , & qu'ils font cxade-
ment lermts par le bout.
Les premiers arbriffeaux qui s'élancent
l'ur une tige unique , doivent être les der-
niers arbres , & nous les appellerons arbres
du quatrième ordre j tels lont les hlas &
l'obier : viennent enl'uite , fuivant leur de-
gré d'élévation , les arbres du troifieme
ordre , comme le (orbier des olfeieurs &
legriotier: ceux du fécond , coinme le faux,
fycomore &: le trcne : enfin ceux du pre-
mier , comme le noyer , le châtaigner &
le chêne , ouvrage des fiecles.
i. A melure que le règne végétal s'élève ,
il améliore & embellit davantage la de-
meure de l'homme ; que la terre foit ta-
piiîëe de prairies , c'eft une forêt pour l'in-
iède qui rampe au fond de l'herbe ; mais
les yeux de l'homme, naturellement dirigés
vers le ciel , font bientôt las d'être baiffes
vers ce tapis de verdure qui les foulage
pourtant; ils reçofvcnt avec bien du plaifir
la lumière trop éclatante des cieux ; lorl-
qu'elle defcend tempérée par l'ombre ver-
doyante des arbres , comme elle eft enfuite
modifiée par la paupière llipérieure. Qu2
les regards s'étendent au loin , ils fe fati-
guent en errant fur une furface trop plane
& trop uniforme. Les arbres & les bois
placés çà & là fur l'efpacc , procurent des
points de repos à la vue : ils coupent la
plaine, ils coiffent les montagnes, ils def-
finent les ruiifeaux & les valions , ils font
rcffortir mille grouppes du tond du tableau ;
c'eft de leurs touffes épaiffes que partent
les concerts de la nature ; dociles au foutHe.
des vents , ils i'emblent refpirer la vie ; leurs .
rameaux agités animent la icene champêtre ,
dont ils font en un mot prefque tout l'or-
nement.
Quelle affrcufe nudité n'offrent pas les
pôles
A R B
pôles du monde qui en font de'nucs ! Ce
trifte fpeiftacle fc retrouve fur le fommet des
mont.igiics. Après avoir dcfccndu long-
temps depuis la cime des plus hautes Alpes
au travers des glaces & des neiges , le pre-
mier arbrifîèau que je rencontre ell un faulc
qui rampe contre les pierres ; la petite
dapliné avertit bientôt mon odorat , elle
attire mes yeux par l'aménité de les Heurs
incarnates y mais elle ne croit qu'à un pié
de haut : plus bas , un bolquet de ledum
me préfente des touffes purpurines qui at-
teignent à ma hauteur ; bientôt je trouve
les berceaux des coudriers ; ils me condui-
iênt vers un bois d'aliziers qui me couvrent
d'un dôme plus élevé ; leurs tiges élancées
m'annoncent que je vais renconti-er les plus
grands arbres. En effet , du périilyle des
liipins , j'entre fous la nef majeilueule des
hêtres & des chênes : affis à leur ombre
fraîche , combien le fentiment de mon
cxiflence me devient agréable ! Que ma
poitrine efl dilatée par un air plus humec-
tant ! Que mes yeux fatigués par l'éclat des
neiges le foulagent en s'égarant lous ce dais
de verdure ! Que ma vue échappée au tra-
" vers des rameaux , tombe avec plaifir fur le
vallon voifin!
3. J'éprouve tout l'agrément des arbres ,
& déjà je découvre les biens les plus pré-
cieux que nous leur devons. La fumée qui
s'élève de ces hameaux , cette charrue qui
rompt la glebe , cette forge qui retentit ,
cette gondole qui fillonne les eaux , me
donnent la plus grande idée de leur utilité:
les arts de premier befoin ne peuvent fe
pafler de leurs bois ; il fert aux arts agréa-
bles ; mais avant d'être livrés à la hache ,
que de préfens les arbres nous ont faits !
C'eff de leurs rameaux que la pomme &
l'orange tombent à nos pies ; les uns don-
nent un fruit qui fupplée le pain ; d'autres
fournidènt une liqueur vineulé : les châtai-
gnes & les glands doux contiennent une
farine , le fagou vient de la moelle d'un
palmier ; l'huile découle de l'olivier , du
noyer & du hêtre ; la fève du bouleau efl
une liqueur ratraîchiflante ; les feuilles du
tahpot & du bananier couvrent les cabanes ,
l'écorce d'un autre arbre procure une forte
de dentelle : on fait des cordages de celle
du tilleul , & de la toile de quelques au-
Toinc m.
^A R B ï^j
tecs ; les feuilles du mûrier font tifTucs de
foie ; le fucre cfl délayé dans la fève des
érables ; la poix , la térébenthine exfudcnt
des lapins & des térébinthes ; la graine d'un
mirica efl enveloppé de cire ; un arbre de h
Chine fournit du fuif , les vernis fortent du
tronc des fumacs ; les abeilles trouvent le
miel lur la feuille du faux fycomore ; ht
manne (e fige lur celle du frêpie de Calabrc;
&c du melele , au pié duquel croît l'agaric
inédical ; le fucre acide du tamarin s'oppofe
à la putriditédes humeurs ; la cafie donne
un purgatif rafraîchiUant ; une écorce dé-
truit la fièvre; le peuplier , le copaïda four-
niflènt un baume déterlit ; le gayac opère
les prodiges du mercure ;* dans un pa)'s
privé de fontaines, l'eau dégoûte des feuil-
les d'un arbre. Nous ne finirons pas , fi
nous voulions détailler tous les ufages de
ces végétaux. Telle efl la protufion de la
nature , qu'elle raflemble fouvent dans unô
feule defes produdions les avantages de tou-
tes les autres.
4. L'utilité des arbres peut être encore
envifigée fous un nouvel aipeâ , des plus in-
téreflans par leurs eflets fur le fol.
Telle montagne ne s'aflaiffe & ne fe dé-
charné par les éhoulemens fuccefltfs , que
parce qu'on l'a privée des arbres qui rete—
noient les terres par l'entrelacement de leurs
racines : couverte d'une épaiffe forêt , cette
autre montagne gagne annuellement de
nouvelles couches de terre par la pourri-
nire des feuilles , des racines & des ra-
meaux.
Quelques femences d'arbrifîeaux faxatiles
font jetées fur un rocher nu ; qu'elles y
germent , ces arbrifliaux profiteront d'une
de fes crevafîês où leurs racmes vont s'éten-
dre ;elles y puiferont les lues de quelque amas
de terre recelé dans fbn fein : dépofés main-
tenant fur la fuperfîcie du rocher , par le
détritus des parties de l'arbufle qui tombent
ou fe détruilent , ces principes , naguère
inutiles , vont couvrir le rocher d'une petite
couche de terre végétale ; à mefure que
cette elpece s'y multipliera , cette couche
augmentera de volume : avec le temps elle
admettra des efpeces d'arbriffeaux plus
élevés ; enfin de grands arbres pourront y
croître.
D'après ce procédé de la nature., que
178 A R B A R B
l'on feme fùcceffivement , fur un fol trop ^ que les principes qu'ils s'approprient (îe-
peuprofond , des taillis d'arbrifleaux d'elpe-
ces toujours plus élevées ; on le rendra par
la fuite capable de porter des bois , ou d'ê-
tre fiilonné par le ibc.
Le féjour des forêts a d'abord fécondé la
terre : qu'elles cèdent aux guérets & aux
prairies une partie de l'étendue qu'elles
av oient envahie , mais qu'on fe rappelle
leurs premiers bienfaits : il ne fuffit pas de
les conferver dans la proportion de nos be-
foins ; il convient encore d'en couvrir les
terres maigres , & d'en enrichir les fols trop
peu protonds , dans la vue de les rendre un
jour capables de culture.
Les arbres "pourroient - ils augmenter
l'épaiileur du fol , s'ils n'attiroient pas plus
de principes nutritifs de l'air , qu'ils ne
l^ompent de fucs dans la terre. Plufieurs
oblervations paroiflent prouver ce para-
<ioxe ; perfonne n'ignore que l'atmofphere
charie quantité de fubftances ; des bafes ter-
reufes ou alkalines expolées au courant de
l'air libre , fè combinent avec les acides
qui y nagent & forment des fels neutres.
Qu'on ouvre la terre , & qu'on laifîè la
glèbe long-temps expolée aux influences de
l'air , ce fluide lui rendra les fucs épuiiés
par la récolte précédente : feroit-ce que la
terre , telle qu'elle fe trouve autour du
globe , ne tait guère , à l'égard de la végé-
tation , que filtrer , préparer & combiner
les principes contenus dans l'air qui la pé-
nètre ?
Quoi qu'il en foit , il n'efl guère poffi-
ble de douter que certains arbres ne tirent
plus de nourriture de l'air par leurs orga-
nes d'imbibition , qu'ils n'en dérobent A la
terre par leurs racines : il femble que la na-
ture ait pris foin de nous dévoiler ce myf-
tere , en nous ofl&ant un arbufl'e pourvu ,
Ibus l'aiflelle de ks feuilles , de racines
fibreu(es qui nagent dans l'air. Le cierge
du Pérou vient d'autant plus haut qu'il eft
reflerré dans un plus petit pot , & l'on a vu
des pins hauts de vingt pies , croître fur des
murailles.
Mais , {bit qu'en efïèt les arbres firent
immédiatement plus de nourrriture de l'at-
molphere que du fol, foit qu'ils pompent
dans les lits de terre les plus profonds , des
i'ucs qnui y (croient demem-és inutiles, Ibit
viennent plus féconds , en paffant par cet
alembic végétal ; foit enfin que toutes ces
cauies agillent enfemble , il eil très-vrai
que le féjour des arbres améliore le loi &
augmente Ion épailfeur : ils lervent encore
à le delTécher.
5. Couvrez un marais A'' arbres , le ter-
rain s'élèvera parle détritus végétal qu'ils
dépoferont , leurs racines le haufleronr en
grofliflant ; elles fourniront , le long de
leurs parois , des couloirs à l'eau ; mais ce
qui contribuera peut- être le plus à fa re-
traite , c'ed Ibn abiorption produite par la
prodigieuletranipirationdes jeunes rameaux
& des feuilles.
6. Cette tranfpiration eft même un nou-
veaubien , l'air en ell trempé \ on le refpire
plus humedant & plus balfimique. Vers
la fin d'avril , lorfque la poitrine efl fati-
guée par les vents defléchans , comme on
defire alors la verdure nouvelle ! On lent fi
bien la fraîcheur qu'elle met dans les pou-
mons. Après avoir parcouru les coteaux
brûlés par le foleil , qu'on approche d'une
forêt , l'odeur végétale qu'elle répand ,
caufe un plalfir qui avertit du mieux être
de toute l'économie animale. Dans certai-
nes efpeces A' arbres , comme les peupliers ,
les pins , les melefes , cette odeur elt un
vrai baume ; qu'on voie , à cet égard , ce
que nous en difons à Vartide CYPRÈS.
Dans une île de la mer Pacifique , Telfart
qu'on y fit des forêts de cèdres , rendit A
l'air une qualité fi mal - faine , qu'on tut
obligé de les replanter.
7. Que les arbres rafîêmblés foient autlî
une des fources des pluies bienfailantes ,
c'eft ce dont on ne peut pas douter. Il s'é-
lève de la tranfpiration des torèts , & de la
fraîcheur qu'elles entretiennent dans leurs
fonds , une évaporation confidérable : les
nuages s'enrichilfcnt de ces parties aqucu-
fes ; portées fur les vents , elles vont fécon-
der les terres qui en étoient privées. Les
vents font modifiés , brifés & dirigés par
les bois : telle contrée ne jouit d'un climat
11 doux , en comparaiion de celle qui l'avoi-
fine , que par l'abri dont la couvrent les
forêts lltuées au nord - eil & nord - oucft ;
dans les paya chauds , au contraire , elles-
tempèrent les vcms brûians ; depuis quoi»
A R 8
les a couples dans la Caroline , on a ot-
lèrvé que les moiflbns n'y lont plus fi
abondantes.
Combien tant d'avantages que nous
procurent les arbres , ne doivent - ils pas
nous rendre attentifs aux facultés de re-
produâion dont l'auteur de la nature les
a doués ! fuivons - la dans lès procédés ,
nous ne pouvons jamais nous égarer en
l'imitant.
8. Prelque toutes les femences des
arbres ont une forme ou une propriété
capable de procurer leur diiperfion ; celles
<ks fapins , des érables , des frênes , des
tulipiers , des bouleaux , font pourvues
d'une aile ; les noix , les glands , les châ-
taignes , par leur rondeur , roulent au bas
des coteaux ; les oifeaux lèment les noyaux
& les pépins ; les ofTelets du houx ont reçu ,
dans l'eflomac des grives , une préparation
qui hâte leur germination , ils font dépofés
avec leur fiente.
Mais ces graines que répand la nature ,
ne peuvent pas germer & croître dans tous
les lieux où elles tombent.
Pourquoi le lapin hériffe-t-il le front des
montagnes , & que le peuplier s'incline fur
le rivage des eaux ? C'efl que les femences
de ces arbres ont , avec ces fituatlons , des
rapports qui les y font prolpérer.
Quel eft le nuage qui environne la tête
de ce faule ? C'eff la foule de fes graines qui
s'élèvent à l'aide des aigrettes dont elles
font pourvues : confiées aux vents qui les
charient à l'aventure dans l'efpace de l'air ,
elles font enfin dépofées en des lieux bien
difiérens. Toutes celles qui fe trouvent
paries fur les coteaux & dans les terres
feches , font perdues : celles - là feules ger-
meront qui ont été jetées fur la moufle qui
tapifle le bord d'un ruifTeau ; mais com-
bien de femences inutilement prodiguées ,
pour une qui réuffit ? En feroit-il né un
feul arbre , ii la nature l'avoit répandue avec
moins de profufion ?
1°. De cette obièrvation naît le premier
principe de la multiplication artificielle des
arbres. Ne les femez que dans des terres
& des fituations analogues à celles où la
nature les fait croître ; ainfi vous procu-
rerez à des millions de femences les mêmes
avantages qu'a rencontré cette graine pri-
A R B 17^
vilégîée , jetée par les vents dans un local
favorable.
Cette graine qui tombée fortuitement fur
un fol & dans une expofition convenable ,
ne peut jamais être que très -légèrement
couverte de terre , foit par l'effet des pluies ,
foit par quelque petit éboulement ; fouvent
elle n'a befoin que de s'infinuer dans les
touffes de la moufîê , ou bien fous quelques
feuilles feches : ainfi elle poufle fes foibles
radicules dans cette fuperficie de terre meu-
ble , qui n'efl qu'un détritus de fubflances
végétales ; par conféquent les racines laté-
rales du jeune arbre provenu de cette graine ^
s'étendront toujours à peu de profondeur ,
elles profiteront des fucs qui abondent dans
cette première couche , de même que du
bénéfice des météores qui pénètrent ailé-
ment la terre légère & poreufè dont elle eft
compofée.
2°. N'enfoncez jamais trop ni les femen-
ces â! arbres , ni les jeunes arbres que vous
confierez à la terre , & recouvrez les femen-
ces de ce terreau léger & végétal que leur a
préparé la nature.
Suivez , dans fa croiflânce , cet arbre
enfant qui vient de s'élancer du fein de la
graine , il a d'abord une tige imique pour-
vue de plufieurs feuilles ; à leur aiflêlle fè
trouvent autant de boutons , ces boutons
contiennent les rudimens des jeunes bran-
ches qui en fortent la féconde année : ces
branches font difpofées latéralement : le
bouton terminal efl le feul qui produife
une branche verticale qui continue ]! arbre
en hauteur ; ainfi , durant plufieurs années ,
il reffemble parfaitement à un buiflbn ;
cependant fa flèche s'élève toujours , tandis
que la fève , arrêtée par les branches laté-
rales , grofEt le tronc fucceffivement : ainfi ,
parla proportion qu'il acquiert , il fe pré-
pare à braver l'efïort des tempêtes ; peu
à peu il perd fes branches latérales infé-
rieures , que la fève abandonne pour fè
porter plus vivement vers fa partie fupé-
rieure ; ou , s'il croît d'autres arbres autour
de lui , elles fe fechent par la privation du
courant d'air ; alors fe forme fa tête qu'un
tronc vigoureux porte aifément.
3°. Cette obièrvation efl le principe de
l'importante opération d'élaguer.
Divers arbres croiflènt près les uns des
Z 2.
i8o
A R B
entres dans une torct , & vivefit comme
en l'ociété ; leurs têtes entremêlées ne pa-
roiflent former qu'une feule voûte : parmi
leurs branches entrelacées , j'en vois quel-
ques - unes qui fe crollent , qui fe prefTent
& femblent faire corps enfemble : je regarde
de plus près ; celles-ci fe trouvent entail-
lées les unes dans les autres , mais elles ne
font pas jointes ; celles-là , au contraire ,
font étroitement unies , ce n'efi qu'un feul
nœud formé par l'abouchement des vaifîeaux
Jigneux : ce mariage intime m'annonce que
les arbres d'où partent ces branches font
d'une même famille.
4°. Voilà le principe de toutes les allian-
ces qu'on peut faire contrader aux diffé-
rentes efpeces ou variétés d'arbres , en un
mot de leur multiplication par la greffe.
En arrachant un jeune arbre dans un
bois , une de fes branches dont on s'efl
débarrafle , eft tombée dans la terre nou-
vellement remuée , elle s'y trouve comme
fichée par un bout : efl-ce la fraîcheur en-
tretenue par l'ombre qui lui a fait poufler
des racines au bout de quelques mois ?
50. Cette bouture fortuite ert le modèle
de cette voie curieufe & fertile de repro-
duftion.
Qu'une branche inférieure d'une cepée
traîne fur la terre , dans un taillis , les
feuilles de l'automne vont recouvrir l'en-
droit le plus bas de fa courbure , tandis
qu'elle fe relevé un peu par le bout. L'au-
tomne fuivante, û je haufle cette branche ,
je la trouve garnie de jeunes racines dans
toute la partie qui étoit cachée , &: j'obferve
qu'elles partent des nœuds & des petites
protubérances de l'écorce.
00. C'eflde l'obfervation de cette marcote
naturelle que doivent fe former les méthodes
de marcoter les arbres.
On voit des arbres poufler de leurs pjés
des branches droites , appellées e'cujers y
«n déterrant ces écuyers , on les trouve
.pourvus de quelques racines ^ s'ils adhèrent
^u tronc d'un côté , ils s'appellent éclats , du
moment qu'on les a détachés. Plus loin du
.rronc , il s'élève fouvent nombre de petits
arbres : un coup de bêche apprend qu'ils
.partent des nœuds fupérieurs des racines
latérales qui s'étendent fous la première
couche de terre ; qu'une de ces racines fe
A R B
trouve coupée par une tranchée , il partira
de ion bout. quantité de rejets.
7°. Ces faits procurent & indiquent dlf-
férens moyens très-utiles de multiplier les
arbres.
Dans le nombre des fruitiers qui croif^
fent naturellement dans les bois , j'en trouve
dont les fruits méritent d'être trani'plantés
dans nos jardins ; comme ils n'ont pas été
greffés , ils ne peuvent provenir que d'un
noyau & d'un pépin ; ce pépin ou ce
noyau étoient donc organifés différemment
de ceux des fruitiers agreftes. Les plus
communs ne feroient-ils pas nés de la pro-
jedion fortuite des pouffieres prolifiques
d'une certaine efpece dans les ovaires d'une
autre efpece.
8°. Cette conjeâure m'engage à femer
les graines des fruitiers qui fe trouvent
rafîemblés dans nos vergers : comme ils y
forment une forte de fociété , ils ont pu
contrader des alliances , d'où il doit naître
de nouveaux fruits.
Que je feme les noyaux ou pépins de ces
fruits , dans le nombre de ceux qui en
feront provenus , peut-être s'en trouvera-
t-il quelques-uns qui leur reflèmbleront plus
ou moins j mais on verra revivre dans la
plupart l'ancien modèle , c'eff-à-dire , les
efpeces agreiles & primitives qui tormenî
leur louche commune.
9°. Loin donc que la greffe produife
quelque altération dans le caradere des
fruits , elle n'ert faite , au contraire , que
pour perpétuer & fixer les variétés trouvées
ou obtenues fortuitement.
Cependant , qu'un arbre fe trouve greffé
fur un autre dont le bois eil fort diffé-
rent , foi^y-ent il arrive que le bois du lujet
■ change de couleur peu à peu , & s'imbibe
de celle de l'efpece greffée : d'où il fuit que
I la levé des greffes a été repompée par le
fujet ; à plus forte riiifon la fève des lujets
doit-elle opérer fur les greffes.
10°. Encore , bien donc que la greffe foie
faite pour fixer le caradcre des fruits , elle
^ peut néanmoins , par le choix du lujet ,
leur faire iubir quelques légers changcmens ,
; & contribuer, piir exemple, à leur colons,
! leur groflèur , leur goût , leur abondance.
J'admire la beauté de cet arbre que la
nature a ékvé clans k iwà des iurêts 1 1*
A R B
flèche s'élance à une hauteur confuléniblc ,
Tes rameaux régLiliers lui donnent une forme
pyramidale , c'eit dommage qu'il ne porte
point de fruits : cet autre , au contraire ,
en cil chargé , qui n'attiroit pas d'abord
mes- regards , je l'obfcrve : fa flèche a été
rompue par un coup de vent , la tige efl
demeurée baflè , il en part des branches
divergentes à-peu-prcs d'égale force , qui
portent d'autres branches du lecond & du
troifieme ordre , où la fève paroît également
& fobrement diflribuée.
11°. Cette obfervation efl le principe de
l'importante opération de la taille.
Que ce vallon efl décoré par cette malTe
à'd'ères fruitiers ! l'heureux fol ! quelle
abondance de truits ! Je les goûte , ils font
fades ou amers ; iur un rocher expofé aux
rayons du midi , ils font peints des plus
vives couleurs , mais leur goût efl trop
mufqué ; ils font petits & durs : fur ce
coteau expofé au levant , où la terre efl fubl-
tantielle , quoique mclée de gravois , les
fruits font lavés de couleurs tendres , ils
font d'une belle torme , d'une pâte douce ,
d'un goût exquis ; leur abondance eft mé-
diocre ; ils chargent les branches lans les
courber.
12°. De ces comparaifons nailTènt les
règles propres à guider le cultivateur dans
le mélange des terres , l'expofition naturelle
ou artificielle qui conviennent aux arbres
à fruits.
13°. Des êtres organifés qui vivent, s'ac-
croilTent , fe perpétuent par l'admifllon &
la modification des principes qu'ils tirent
des élémens ; des êtres qui ne fe confer-
vent que par l'adion & la réaftion des li-
quides & des folides , dont les humeurs
font même de diflérente efpece , & les
vaifleaux de différente llrudure , les arbres
auflî bien que les plantes doivent être fujets
à des défordres , & ils ont fur -tout de
commun avec les autres plantes , les ma-
ladies qui attaquent la racine.
Mais les arbres font en général des corps
plus_ compoiés que la plupart des plantes ,
ils font pourvus d'une tige pérenne qui fait
leur caradere principal : cette tige avec fes
branches , les boutons & fes feuilles , eft une
machine hydraulique & pneumatique , dont
le jeu doit être en harmonie avec les racines
A R B
i?i
qui font l'office des pompes. Que cette réac-
tion (oit interrompue ou troublée , il en
doit réfulter divers accidens ; auffi vo^t-on
que les maladies des feuilles de Varbre i"e
communiquent fouvent aux bourgeons ,
de - là , aux branches , au tronc & quelque-
fois aux racines ; que s'il arrive qu'elles
demeurent faines , Varbre a perdu la tige ,
& n'elt par conféquent plus un arbre ; au
contraire , la tige d'une plante peut périr
phdleurs fois ; fi les racines fubfiltent , elle
renaîtra bientôt aulîi haute & auifi belle.
D'ailleurs , la tige de Varbre qui flotte
dans l'air , & qui doit braver les hivers ,
efl continuellement cxpoléb aux variations
des météores ; les vents lui procurent la
lanté , ou lui portent les germes des mala-
dies , fuivant qu'ils lont chargés d'une fraî-
cheur bientaifante , d'une douce chalem- ,
des principes vivifians , ou qu'ils charient
des dards frigorifiques , des exhalaifons brû-
lantes , des mialmes dangereux.
Rarement les arbres deviennent malades
durant l'hiver , lorfque leur tranfpiration
efl: prelque nulle ; c'eft dans le printemi'-s
& l'été , qu'elle efl fort abondante , que les
arbres font fujets à plus de délordres. Il
paroît donc que ces défordres dépendent
en grande partie des caules extérieures qui
peuvent troubler ou fupprimer la tranfpi-
ration ; de-là l'épaiffifTement de la fève ,
l'obflruifiion des vaifîèaux , les gonflemens
extraordinaires , les dépots de gomme &
de réfine , & la pléthore qui frappe fouvent
de mort Varbre le plus vigoureux.
14°. Ce manque de tranipiration , en
épaiiîillîint la fève , efl fouvent la première
caule des maladies pédiculaires des arbres.
Un f uc coagulé tapille la feuille d'un pêcher :
les fourmis viennent s'en nourrir : elles pi-
quent les feuilles qui le recoquillent ; que
les pucerons foient attirés par quelque hu-
meur viciée qui translude des écorces , c't-ll
ce que nous ne pouvons alTurer , puiiqu'il
s'en faut peu que chaque arbre n'ait {'un
puceron particulier , & que ces infectes
attaquent fouvent des branches très-faines ;,
mais nous oblérvons en paifant , que les
fourmis qui fe niélent parmi eux ne font
pas complices de leurs dépravations ; elles
viennent gober un globule lucre qui fort
de temps h autre de leur anus. Les premiers
i8z A R B
font beaucoup de mal aux arbres : en per-
çant (/e mille trous la tendre écorce , ils
contrarient la circulation de la fève , les
feuilles fe boflellent & fe recourbent , le
jeune bourgeon fe tourmente & s'incline :
après la retraite des infedes , la branche
attaquée ne repoufle que fort tard , & avec
beaucoup de peine.
Que les racines d'un arbre fe chanclflent
par la flagnation des eaux ou par quel-
qu'autre caufe , les fourmis rouges , les
vers blancs , les jules , les fcolopendres vien-
nent s'y loger : rarement attaquent-ils un
arbre fain.
Il en ert de même des moufles & des
lichens. Toutes les précautions propres à
conferver la vigueur de Varbre & à retar-
der fa vieillefTe , font auffi les moyens les
plus furs d'en écarter ces parafites. Leurs
très-petites femences s'arrêtent dans les af-
pérités d'une écorce raboteufe ; les parties
d'écorce d'entre les gerçures n'étant plus
alimentées par la fève , fe pourriflent peu
à peu , & fe changent en un terreau léger ,
propre à la germination de ces plantes , qui
s'étendent fouvent jufqu'au point de tapifler
tout le pourtour de V arbre.
C'eft donc en vain qu'on attribue à un
fôl humide la difpofition des arbres à fe
couvrir de moufle ; s'il y contribue , ce
n'eft qu'en tant qu'il ne convient pas à
l'efpece à^arbre qui s'y trouve ; alors fa
végétation fe ralentit , l'écorce fe ride &
devient galeufe : inconvénient qui réfulte-
roit de même de la plantation en un terrain
fèc , d'une efpece d'arbre propre aux terres
fraîches & trempées.
♦ )°. Mais parmi les accidens qui mena-
cent les arbres ; il en eft que les foins les
plus éclairés ne peuvent guère prévenir.
Difficilement peut-on parer aux coups que
leur porte la gelée ; les uns y font plus ou
moins fenfibles , par une fuite de leur ca-
radere fpécifique , tous en reçoivent plus
ou moins de dommage , fuivant qu'ils
font vigoureux ou languiflans , jeunes ou
vieux.
Les jeunes arbres ont réfifté A l'hiver
de 1709 , & les vieux y ont fuccombé.
Le framboifier , dont le bois eft tendre &
fpongieux , fe trouve également fous la
ligne & vers les pôles ; tandis que l'oran-
ARB
ger , dont le bois eft fi dur , périt fous fîx
ou fept degrés de congélation.
Frappé de ce phénomène , & convaincu
de la refl^mblance qui fe trouve entre un
jeune arbre , de quelque efpece qu'il foit y
& un arbre naturellement pourvu de fibres
molles ; que l'on s'attache à découvrir la
railon de leur propriété commune de réfifter
à la gelée : peut-être la trouvera-t-on dans
l'élafticité de leurs vaifleaux ; la glace qui
occupe plus de place que l'eau , les difiend
fans les rompre ; après le dégel ils repren-
nent peu à peu leur calibre , la fève reflue
dans fes conduits.
16°. Si les pays chauds , dans le nombre
de leurs arbres indigènes , en offrent plu-
fieurs dont les vaifleaux manquent d'élafti-
cité , doit-on défefpérer d'accoutumer à
des climats moins heureux , ceux d'entre
ces arbres qui ne font pas entièrement
privés d'une difpofition femblable ? Ne
peut-on pas augmenter cette difpofition ,
en la foumettant , par degrés , à Fadion
de la gelée ? C'eft ce qui paroît réfulter
de nombre d'expériences. Le fuccès fera
d'autant plus certain , qu'on aura pris ces
nouveaux colons dans leur plus bas âge ,
& qu'on les aura conduits , d'une main plus
attentive , au travers des frimars de notre
température. Les élever de graine , femer
celle qu'ils donneront ;\ leur tour , eft ,
fans doute , le plus fur moyen ; cette féconde
graine aura déjà fubi quelque changement
dans les organes , imprimé par un climat
différent. De génération en génération , la
colonie s'affermira toujours davantage con-
tre l'inclémence d'un nouveau ciel , & pourra
peut-être un jour l'affronter.
Souvent même ces précautions devien-
nent en partie inutiles. Dans le nombre
des arbres qui croifTent fous les latitudes
chaudes , il s'en trouve qui font organifés
de manière à fupporter la gelée. Ceux qui
habitent la cime des hautes montagnes ,
où le froid même , fous la ligne , eft ex-
cefEf , s'accommoderont des coteaux &
des plaines dans les lieux voifins du pôle.
Il en eft qui ne font frilleux que dans le
temps de leur poufle ; la froidure du prin-
temps de ces contrées réprimera les pre-
mières faillies de leur fevc ; ils végéteront
plus tard-, mais avec fureté.
être
A R B
L'efpece de plaqueminicr , qu'on croit
le lotus des anciens , a été apporté
d'Afrique à Padoue ; de-là il a pafle dans
nos provinces méridionales , il a étc enluite
naturalilé en Angleterre , & Ton ne doute
pas qu'il ne puiH'e enfin s'accoutumer au
climat des provinces Septentrionales de la
France. Le buplevrura ligneux , naturel des
montagnes d'Ethiopie , liipporte dix^ ou
douze degrés de congélation, le mûritT
blanc indigène de la Chine , a été tranl-
planté dans l'Inde : long-temps après il a
peuplé le Peloponefe ; bientôt l'Italie a :
joui de fes dons ; notre bon roi Henri en
a enrichi nos provinces méridionales ; après
un llecle , le nord du royaume l'a vu réufllr
avec étonnement ; on vient enfin ae l'éta-
blir en Danemark.
Après ces obiervations & ces expérien-
ces , combien ne feroit-il pas ridicule de
demander encore , fi l'on peut élever en
France des arbres étrangers ; fijr-tout fi
l'on confidere qu'il n'y a guère de climats ,
de fols , d'expofitions dans les zones tem-
pérées , qui ne puifîênt rencontrer leurs
analogues dans les différentes parties de
ce grand royaume, ( M. le Baron DE
TSCHOUDJ. )
Arbres , ( Droit ) Les arbres de réferve
& baliveaux lur taillis l'ont réputés faire
partie du fonds des forêts , fans que les
engagiftes , douairiers ou ulufruitiers y
puifTent rien prétendre , n'y aux amendes
qui en proviendront.
Les propriétaires d'héritages tenans &
aboutiflans aux grands chemins , & bran-
•ches d'iceux font tenus de les planter
A^arbres , fuivant la nature du terrain , à
la.diilance de trente pies l'un de l'autre ,
& à une toife au moins du bord extérieur
des tofles des grands chemins , & de les
armer d'épines ; & à leur détaut , les fei-
^neurs qui ont le droit de voierie iur lel-
dits chemins , pourront en faire planter à
leurs trais , dont ils auront l'ulutruit &: la
propriété. Il y a des peines contre ceux
qui dégradent les arbres, foir dans les lo-
rêts , Ibit iur les chemins. Loriiqu'il y a
contellation lur la propriété d'un arbre ,
on l'adjuge à celui dans l'héritage duquel
eft le tronc ; mais quand le tronc ell dans
les limites , Varbre ei\ commuii. Quand
A R B 183
un arbre étend fes branches fiir le i^âtlmcnc
du voifin , celui-ci peut dtmandei qu'il
(oit coupé par le pié ; mais fi elles s «ten-
dent ieuïement fur un lieu où il n'y a point
de bâtiment , le voifin peut demander que
les branches (oient coupées à quinze piés
de terre. Il e(t permis , dans l'uiage , au
voifm qui foulFre que les branches d'un
arbre (oient pendantes llir fon héritage ,
de cueillir les fruits de ces branches. Les
arbres morts appartiennent à l'ulufruitler ;
ceux abattus par le vent , à ce'ui qui a là
propriété. Les arbres en futaie font ré(èr-
vés au propriétaire ; rufufruiticr peut feu-
lement en danander pour les réparations.
Un fermier qui a planté des arbres, peut
les emporter à la fin de l'on bail ; mais le
propriétaire du fonds ell en droit de les re-
tenir , en payant la valeur au fermier. ( + )
§ Arbre de vie , ( boraniq. ) en latin
arbor l'itje , thuya Theoplirafli ; en allemand
Icbensbaum , l'anglois n'a pas de nom par-
ticulier. Thuya vient du grec ^w ^ par-
fumer.
Caractère générique.
Le même individu porte des fleurs mâles
& des rieurs femelles. Les premières com-
po(ent , par leur réunion , un petit chaton
ovale ; elles naiflent oppolées lùr un filet
commun , qu'elles embrafTènt par leur bafe,
& confiffent dans une écaille ovale & con-
cave, pourvue de quatre étamines à peine
remarquables , dont les Commets (ont atta-
chés prelqu'à la bafe de l'écaillé. Les fleurs
femelles (ont groupées en forme de cône ,
& (ont oppofées deux à deux dans chaque
écaille ; chacune a un petit embryon qui
(upporte un (tyle délié , couronné d'un leul
(ligmate.
Nous ne faifons pas entrer dans cette
defcription la (orme du cône perfeâionné ,
ni celle des (émences qu'il renferme ; ces
parties (ont fi dilparates dans les deux e(^
pcces de thuya connues , qu'elles fervironc
plutôt à les différencier qu'à les réunir fous
un caradere commun.
Efpeces.
I Arbre de vie à andouiflers alternes ,
à feuilles puiluleufes.
Thuya uncis ahemis , teguUs bululojis.^
Hort. Col.
i84 ARB
ThujCL Canadenjis.
Arior l'itœ of Canada.
z. Arbre de vie à andouillers oppofés ,
à feuilles fillonnées.
Thuya uncis oppofitis , tegulis fulcatïs.
Hort. Col.
Arborvitce Sinenfis. A rbor vita of China.
Il n'eft point aifé de diftinguer au pre-
mier coup d'œil ce qu'on doit appeller
feuille dans les arbres de vie. On fe réfout
difficilement adonner ce nom à des efpeces
de petits rameaux verds qui naiflent en
foule fur les branches ; cependant lorfque
l'on obferve qu'ils tombent vers la fin de
feptembre de leur féconde année , on s'af-
fure que ce font de vraies feuilles extrê-
mement compofées ; car on n'a pas d'exem-
ples de branches qui fe détachent d'elles-
mîmes périodiquement.
C'efl fous cet afped que nous allons
confidérer la feuille des arbres de vie.
Elle confifle premièrement dans un pé-
dicule principal & commun , lequel eft plat,
mais arrondi dans fa partie inférieure. Ileft
garni par les bords de petites folioles op-
pofées , qui l'embraiTènt en fe réuniffant par
leur bafe , tandis qu'elles s'en écartent par
leur bout , qui ell aigu , de forte qu'il fem-
ble voir de petites urnes pofées les unes
lur les autres. Ce pédicule principal fe fub-
divife en d'autres moins longs , qui font
alternes , & qui donnent naiflance à d'au-
tres encore moindres , reflemblans à des
andouillers , lefquels font toujours plus pe-
tits à meiure qu'ils s'approchent du bout ,
& qui portent quelquefois de très - petits
pédicules en forme de crochets , mais d'un
feul côté. Ces andouillers , outre les fo-
lioles de côté que nous avons décrites ,
en ont d'autres fur les deux faces , qui ref-
femblent A de petites écailles , & font po-
iits les unes lur les autres comme les tui-
les d'un toît.
Les tolioles qui couvrent les faces , font
aflcz grandes ; elles ont vers leurs pointes
une petite protubérance , excepté dans le
tluiya de la Chine , où elles font au con-
traire fillonnées & très-petites.
Dans le Thuya de Canada , les protu-
bérances dont je viens de parler font allez
grofles fur les deux faces du pédicule prin-
ARB
cipal , elles font rondes & bruncis ; ce font
de vraies puftules qui jettent une goutte
de réfine lorfqu'on les écrafe. Ce n'eil pas
la leule différence qui fe trouve dans les
f-euilles de l'une & de l'autre de ces efpeces ;
dons le thuya de Canada , les andouillers
lont alternes & aiïèz éloignés ; dans celui
de la Chine , ils font oppofés & très - rap-
prochés. Dans le premier , les pédicules
les plus élevés du fécond ordre n'ont des
andouillers que du côté intérieur , fi ce
n'eft vers le bout. Dans le fécond , ils font
oppofés deux-à-deux dans toute la lon-
gueur du pédicule qui les foutient.
Il eft encore dcs_ différences plus frap-
pantes qui caraftérifent ces detHc efpeces.
Le thuya de Canada étend les branches
prelque horizontalement ; celui de la Chine
les raflemble en faifceau. Le premier porte
de très-petits cônes ovoïdes , pointus ,
bruns , compofés d'un petit nombre d'é-
cailles lâches , lifles & oblongues , au fond
defquelles fe trouvent d'infiniment petites
femences plates , creufécs en cuilleron
& membraneufes. Les cônes du fécond
font gros comme une petite noix , ronds ,
bleuâtres ; ils font compofés d'écaillés lar-
ges , qui ont vers leurs bouts des cro-
chets^ recourbés en en-bas ; elles contiennent
des femences dures ^ brunes , reluifantes ,
afîcz grolfcs , ovoïdes , & terminées en
pointe.
Le verd du thuya n* . i , n'a pas beau-
coup d'éclat en été ; pendant l'hiver il efl
terne , & tirant fur la couleur feuille-morte
pâle , dès les derniers jours de l'hiver. En
été , & dans le commencement de l'au-
tomne , la verdure de Tarbre de vie de
la Chine efl fi belle & fi éclatante , qu'elle
effiice celle àes arbres les plus fraisa feuil-
les vernales. Mais elle fubit de fingulieres
altérations ; dès la fin d'odobre , fans qu'il
fe produite aucun changement dans la ma-
tière ni dans la forme de l'arbre , fans
qu'd perde aucune feuille , il devient à-
peu - près de la couleur qu'on appelle
maure-doré ; il ne lui refte plus que de
très-petits linéamcns verds qu'on n'ap-
pcrçoit qu'avec peine fur les revers des feuil-
les. Il demeure cnièveli fcnis cet efpece
de métamorphoic , jui'qu'aux premiers
jours favorables de février ou de mars ,
qu'il
A R B
qu'il reprend tout-à-coup fa veidure &
ion éclat.
Le thuya n°. i , croît de lui-même en
Canada & en Sibérie ; en France , où il a
été apporté fous François I, il s'élève ;\ la
hauteur de quarante pies. Le fécond eft
originaire de la Chine (cptentrionalc , il y
acquiert , dit-on , une élévation confidé-
rable : il n'elt pas encore depuis allez long-
temps en France, où fes lemences ont été
envoyées par nos millionnaires, pour fivoir
la hauteur à laquelle il pourra atteindre
Ibus ce nouveau ciel. Miller dit qu'il
en a vu en Angleterre de plus de vingt
pies. Nous en avons un qui en a déjà
plus de dix-fcpt, & qui gagne beaucoup
annuellement.
Uarbre de vie du Canada peut être placé
dans le boiquet d'été en faveur de la va-
riété ; la cilelure de les feuilles y contraf-
tern à merveille avec les feuilles très-larges
& très-entières des peupliers de Caroline,
tulipiers & catalpas qui doivent faire le
fonds de ce boiquet ; on doit l'employer
dans ceux d'automne , fa verdure étant
encore alfez belle dans cette faifon : com-
me elle ell en général fort terne en hiver ,
nous ne pouvons confeiller de le placer
parmi les arbres â feuilles pérennes , à
moins qu'on n'ait l'attention de l'environ-
ner par des maflTes : leur abri l'empêchera
de jaunir; cette altération dans la couleur
de l'es feuilles n'ert produite que par le
contad des vents froids qui briferont ces
abris. En effet , retournez en janvier une
feuille d'un de ces thuyas qui foit expofé
au courant libre de l'air, vous la trouverez
très-verte à fon revers qui en aura été
garanti.
L'arire de vie de la Chine , par fon vcrd
éclatant , fon port , la forme élégante de
fes feuilles & leur grand nombre , décore
fmguliérementlesbofquets du printemps &
de l'été.
Comme les deux efpeces ont des ports
& des verds différens , on peut en former
de petites allées , en les plantant alterna-
tivement à la difiance de neuf ou dix pies
les uns des autres; il conviendra auflî d'en
faire des haies : ils garniflent à merveille :
il faut les pahflèr les premières années , &
^nfuite réprimer le luxe de leurs pouffes
Tome III,
A R B 185
par ta tonte qu'ils fouffrent très-bien. Ces
paliflades s'élèvent à une hauteur confidé-
rable , & lont d'un effet majellueux; com-
me elles font toujours vertes & impéné-
trables , elles forment des abris excellens ,
dont l'ufage ne fe borneroit pas même à
garantir les efpeces d'arbre, curieufes &
délicates , qu'on plantcroit auprès ; elles
ferviroient encore à abriter une vigne , un
quinconce de figuiers , des contr'cfpaliers
de toute efpece , & même certains légumes.
Une palifl'ade de thuya de la Chine eft une
riche tapilîèrie.
On attribue à ces arbres les vertus dt
la labine , &: leurs feuilles font fudorifi-
ques. Il fort de l'efpece , /i°, i. ( dit M.
Duhamel ) des graines de réfine jaune &
tranfparente comme la copale ; en la brû-
lant , elle répand une odeur de galipot.
Quoique le bois du thuya n*". i , foit
plus tendre que celui du fapin , cependant ,
comme il eft prefque incorruptible , on
en fait des palUfades d'une extrême durée.
Le bois de l'arbre de vie de la Chine paroît
être plus dur ; & comme cet arbre elf d'une
plus haute flature , il y a toute apparence
qu'il fera placé par la fuite dans le nombre
des arbres utiles.
Cette confidération doit engager les cul-
tivateurs , amis de la fociété , à propager
ces arbres par la graine qu'ils portent en
abondance : c'eft le moyen de les multi-
plier & de les répandre extrêmement , de
les avoir droits , vite & bien venans; en
un mot, de les faire atteindre à toute la
hauteur que leur a prefcrit la nature. La
méthode d'en faire des femis , eft différente
pour les deux efpeces.
Les cônes du thuya de Canada Com-
mencent ;\ s'ouvrir dans les premiers joiS'rs
d'oûobre : c'eff alors qu'il faut les recueil-
lir; on en emplira un ou plufieurs petits
facs ,_ que l'on confervera dans un lieu fec-
En février , on s'occupera à apprêter les
graines : on recueillera d'abord celles qui
feront tombées d'elles-mêmes au fond des
facs ; quant à celles qui feront reffées fixées
au fond des écailles des cônes, nous ne
connoiffons d'autres moyens de les en dé-
gager , que de les lever une à une : on
jettera les écailles à mefure qu'on recueil-
lera la graine , qu'il d\ effentiel d'avoir pure.
Aa
lU A R B
Cette befo^ne demande de l'adreflè & de
Ja patience.
I. Cette opération faite, munifTez-vous
de cailles de lapin ou de chêne , profon-
des d'un pie , & percées par le bas de plu-
fieurs trous , que vous couvrirez d'écaillcs
d'huîtres ou de têts de pots : emplifTez-les
d'une bonne terre fraîche & légère , mê-
lée par égale partie de terreau bien con-
fommé; à melure que vous verferez cette
terre dans les caifles , prefTez-la doucement
avec la main pour prévenir Ion affaifîe-
ment; quand on viendra à la couche fupé-
rieure & dernière , au lieu de la prefler
avec la main , égali(ez-la avec les doigts
le plus qu'il vous lera poflible , cnfuite
ferrez-la & l'applanifîez avec une plan-
chette unie , pourvue d'un manche. Alors
femez la graine aflez épais , mais égale-
ment. Vous aurez à portée de vous une
terre légère , mêlée d'un tiers de fablon
£n & d'un tiers de terreaa confommé :
css fubllances auront été intimement unies
& le m.êlange bien tamilé. Prenez-en avec
îamain, & l'éparpillez à plufieurs rcpriies
iur les graines , jufqu'à ce qu'elles en
foient couvertes de l'épaifîeur d'environ
quatre lignes, mais de manière qu'elles ne
Je loient pas plus dans un endroit que dar.s
l'autre.
Les graines femées & couvertes , vous
applanirez la fuperficie de la terre , en prêt
fant doucement avec la planchette. Pour
très-bien faire , il conviendra de lemer ,
pardelTus le tout , environ une ligne d'épaif-
feur de terreau confommé , mêlé de dé-
tritus de bois pourri , tamifé. Vous con-
fervercz de ce dernier mélange dans un
pot auprès de votre femis..
* L'emplacement de ces caifTes n'ert pas
une précaution de moindre importance que
celles déjà indiquées ; fi elles font petites
£c en petit nombre , vous les plongerez
dans une couche ttmpérée , ombragée par
des paillafTons , & les gouvernerez fuivant
la méthode indiquée à ï'anùle CyprÈS ;
vous leur ferez pnfîer le premier hiver
fous des chailis , & cet abri iéra d'un grand
fecours aux petits thuyas..
2. Mais il vous vous propofez d'en,
élever un très-grand nombre , vos c.ùlfes
£eï.çuxt trcp grandes pu trc^p uyilibreules
A R B
pour être aifément portatives ; d'ans ea;
cas-là , vou.-s • les enterrerez dans une terra
fraîche à l'expofuion du levant le plus ma-
tinal : fi vous ne pouvez pas trouver une.
expoîition lemblable, vous y fuppléerez par
des paillafîons élevés des cotes- où vous
voulez intercepter les rayons du foleil ,
ou bien vous formerez au dcffus de vos
cailles dé petites arcades avec des branches
de coudrier , Iur lelqueiles vous pokrez
des rameau.x de bru}"ere , de pin ou de Ih'.
paille de pois.
3. Les bords de la caille doivent fortir-
de terre d'environ deux pouces , de crainte
que les taupes ne s'y glilTent, accident fâ-
cheux, par lequel nous avons vu fouvent
nos plus beaux femis anéantis en un inf-
tant ; pour y parer plus sûrement encore ,
& pour oter tout accès aux oiieaux qui
mangent quelquefois les jeunes plantules à
meiure qu'elles s'élèvent du lein des grai-
nes , nous ne pouvons alfez recommander
de couvrir ces cailles d'un réfeau , 6c
mieux encore d'un chaflis à mailles de fîl
d'arch.'.i.
4. Ce lemis une fois établi de la ma-
nière que nous venons de détailler, voici,
les foins & l'entretien qu'il demande..
Tous les jours , au loir , on l'arrolera , afin
de précipiter la germination , à moins
qu'il ne tombe de temps à autre des pluies
douces , fines & paiflbles , les feules dont
on ofe profiter : les pluies abondantes ou
turbiilentes , ainfl que celles à grolfes gout-
tes, doivent être loigneufement parées p.?r-
des auvents qu'on pofera iur les caiifes ;
car elles dérangeroient la dernière couche
de terre légère, dont les gnànes lont cou-
vertes , & les détcrreroieut. Pour éviter
cet inconvénient , les arrokmen.'; ne le fe-
ront pas même avec la pomme d'un petir
arroloir ; on le lervira d'un- goupillon
qu'on fecoucra doucement & de près Iur
le lemis , julqu'à ce qu'il lolt iufîiianin".ei<t.
imbibé.
'). Malgré ces précautions , peut-être,
verra-t-on au bout de quelque temps les
graines un peu découvertes ; on prendra
de cette terre fine mile en rélcrve auprè's
des femis ,. 6c on en répandra pardelfus
autant qu'il faudra : louvent cette opér>>-
jjoa ihli C'U-c rci>é;éej mvn".ç loxfqiic ks.
A R B
tl)\iyas Ùym {îermcs ; car on vcrra_ quel-
quefois ces frclcs plantules dcchaullées du
pie, près de chanceler & de tomber. Si
l'on ne néglige aucun de ces (oins, on fcpro-
curera d'exccilenr plr.nr do cet arbre de ne ,
& dan;; la plus grande abondance.
6. Si le ternis n'ert pas deitinc à paficr
l'hiver fous des chaiUs , il i'cra nécefian-c de
le j^arantir au moins le ]iremier hiver des
efFeis du troid & des frimars. Le plus grand
danger n'efl^pas que ce:; jaunes plantes périf^
icnt par le iimple contaft de la gelée , mais
elle haufieroit la terre , & en même temps
les petits arbres. Que le dégel (lirviennc , la
terre s'aftaiflèra , & les plantes ne ie ren-
l/)nceront pas ; elles demeureront couchées
Ôl déracinées.
Pour parer à cet inconvénient , nous con-
noiflbns deux bons moyens ; le premier ,
c'eft de former iiir les caifles une faîtière
de paille , avec une porte A chaque bout
pourradmiflion de l'air, lorlque le temps le
permettra ; le fécond qui ert plus liijiple , c'eff
^'entourer le lemis de branches de pin ou de
fapin , qui fe réuniront en arcades par leurs
Jommitcs.
Les petits thuj'as doivent demeurer deux
ans dans le femis : le troifieme printemps,
?u commencement d'avril , le matin ou le
i<)ir d'un jour doux & nébuleux , on s'oc-
cupera à les tranfplanter pour les mettre en
nourrice.
7. ChoififTez un morceau de terre fraîche
& douce dans un lieu légèrement ombragé ,
cm bien contre un mur ou une haie expofés
au levant ; 11 vous n'aviez pas des pofitions
femblables , vous pourriez y iuppléer par des
abris ; & fi la terre étoit trop compafte , il
conviendroit de la divifer par des iables &
des terreaux.
Tracez des planches d'une longueur in-
déterminée y mais qui n'aient que deux
pies de large , afin que l'on puilTe les foi-
gncr plus commodément ; après les avoir
laboufées & nettoyées avec foin , creufez
à l'entour des rigoles , dont la terre fervira
à les relever de quelques pouces au defîiis
du niveau du terrain : aminciflèz bien la
terre pardellûs , & l'applaniflèz exade-
ment.
Faites alors apporter les caillés où font
vos petits arbres ; déi-.louez-les par un bout ,
A R lî l'gy
afin de les en tirer plus aifcment ; après
avoir marqué le milieu de vos planches ,•
vous porterez cinq pouces de chaque
côté , & tendrez deux cordeaux qui fc
trouveront ainfi elpacés de dix pouces :
vous ferez le long des cordeaux de petits
trous avec la truelle, à dix pouces les uns
des autres ; c'cll dans ces trous que vous
planterez vos petits thuyas, qui fe trouve-
ront cntr'eux à la dillance de dix pouces
en tout fens. "^'^oici comment on doit les
planter : vous les tirerez dtjucemen: les
uns après les autres delà caifle, en com-
mençant par ceux qui leront les plus pro-
ches des bouts que vous avez décloués ;
de cette manière , il vous fera lacilc de
les avoir avec leurs racines bien enrieres,
& quelque peu de terre après ; ce qui elî
très -avantageux. Vous poiérez vos petit.?
arbres dans les trous , de manière qu'ils:
y loient un peu plus avant qu'ils n'étoient
enterrés dans le iemis. Tandis que vous
les foutiendrez d'ime main dans cette po-
lition , vous prendrez de l'autre d'un mé-
lange de terre (emblable à celui du le-
mis , & le jetterez délicatement contre la
racine , en même temps que vous étendrez
les fibres dans tous les fens : la racine cou-
verte , vous preflerez doucement , & vous
achèverez d'emplir le trou. Vos thuyas
font-ils tous plantés, arrolez-les légèrement
pour coller la terre contre leurs racines ;
& dans la vue d'y entretenir la fraîcheur,
plaquez adroitement un peu de moufle au-
tour de leurs pies. L'ombre efl abfolumentr
néceflaire pour la reprife & la croiflance
de CCS arbres : vous pratiquerez donc au
deflus des planches des arcades formées
de cerceaux , & vous couvrirez cette efpece
de berceau de paille de pois ou de rameaux
de bruyère. Vos foins fe borneront défor-
mais à quelques légers arrofemens de temps
à autre , & à béquiller adroitement la
terre entre les petits arbres ; mais il faudra
leur procurer autant d'air & de lumière qu'il
iêra poillble j afin de les y accoutumer peu-
à-pCU.
8. Dans ce deflein , il conviendra d'ô-
ter les couvertures , tant que dureront les
pluies douces & les jours nébuleux, &en
général tous les jours depuis lept ou huit
heures du foir jufqu'à fept ou huit heures
Aa i
,88 A R B
du 'matin. Au bout de deux mois , on
pourra leur donner graduellement plus
d'air. En fèptembre , il ne faut plus du
tout les couvrir. Ils doivent refier deux
ans dans ce berceau : le troifieme printemps
on les tranfplantera , après les avoir enle-
vés en petites mottes , mais dans les mê-
ines circonftances , & avec les mêmes pré-
cautions qui ont accompagné la première
plantation; & on les mettra en pépinière
à deux pies & demi en tout lens les uns
des autres. On les arrofera , & l'on pla-
quera de la moufle ou de la litière autour
de leurs pies ; ils peuvent relier deux ou
trois ans en pépinière : au bout duquel
temps on les enlèvera en motte , pour les
placer où l'on veut les faire croître. Mais
il y a deux autres partis à prendre; le
premier , qui convient à ceux qui font de
grandes plantations d'arbres verds dans des
lieux bien clos , eff de les planter à de-
meure au fortir de nourrice ; ils n'en vien-
dront que mieux & plus vite; le fécond
eft de les laifler , au contraire , en pépinière
jufqu'à ce qu'ils aient huit ou dix pies
de haut : de les enlever en grofl!es mottes ,
à cette époque , pour les mettre en place :
ce dernier parti eff indifpenfable , lorfqu'on
veut les planter dans des lieux fans dé-
fenfe : &' il convient à ceux qui veulent
former des bofquets d'un prompt effet.
Les thuyas tirés de pépinière au bout de
deux ans , c'eff-à-dire , âgés de fix ans ,
font très-propres à former des paliflades ,
en les plantant en ligne à dix pouces ou
un pié les uns des autres , & même à
une diflance bien plus confidérable , fî l'on
veut économifcr ; car ils garniront bien
vite leurs intervalles par le palifllîige & la
tonte.
A quelques difFérences près que nous
ferons remarquer , tout ce que nous ve-
nons de dire convient au thuya de la
Chine : fes cônes ne font ordinairement
bien mûrs qu'A la fin de l'hiver ; alors les
graines fortent ailémcnt d'entre les écailles :
on les recueille & on les feme tout de
fuite ; mais comme elles font bien plus
groflTes que celles du thuya , n°. i , il faut
les couvrir d'un demi-pouce au moins de
terre moins légère que celle indiquée pour
les premières : quelquefois elles ne lèvent
A RB
que le fécond printemps. Jamais elles ne lè-
vent toutes le premier.
Nos deux thuyas fe multiplient auffi de
marcotes & de boutures : les marcotes fe
font au printemps , en juillet & en fèptem-
bre , avec les branches les plus baffes &. les
plus fouples , fuivant la méthode détaillée
à ['article Alaterne.
Les boutures de l'efpece n°. i. peuvent
fe faire en avril & en iéptembre ; il faut
prendre les pouffes de l'année , pourvues
du bois de l'année précédente : on les cou-
pera rez-tronc pour en lever la protubé-
rance qui fè trouve à leur infcrtion , cir-
conftance dont l'utilité ell indiquée à Var-
tide BuPLEVRUM.Vous les émonderez du
bas , & les enfoncerez de la moitié de leur
hauteur dans une planche de terre fraîche,
bien préparée contre un mur ou une haie »
à l'expoiition du levant , ou bien entre des
paillaflbns dreflés au midi & au couchant.
On peut aullî couvrir la planche de la
manière indiquée pour les thuyas en nour-
rice ; mais alors il convient de ne lailfér
la couverture que durant les plus chaudes
heures du jour , c 'eif-à-dire , depuis neuf
heures du matin juiqu'à cinq du loir , du
moins ii vos planches de boutures font
placées dans un endroit légèrement om-
bragé f comme entre des charmilles ou des
pépinières : fi vous n'avez à leur donner
qu un emplacement expofé par tous les côtés,
il faudra lailfer la couverture plus long-
temps.
Les boutures de thuya de la Chine ne
peuvent fe faire avec fuccès que vers la
fin de fèptembre. Nous avons elfiyé en
vain dans tous les autres temps de l'année,
de multipher cet arbre par ce moyen : on
les plantera dans une planche m\ peu re-
levée dans une bonne terre fraîche , à l'ex-
poiition du levant ; & l'on couvrira toute la
fuperficie de la terre , dans leurs intervalles ,
d'écorce , de tan confommé ou de Iciure de
bois.
9. Ces couvertures , dont nous avons
déjà parlé plufieurs fois , font d'un excel-
lent ulage ; mais , par l'humidité qu'elles
entretiennent , elles attirent les vers que
luivent les taupes , dont ils (ont la proie :
celles-ci , par les galeries qu'elles fe font.
A R B
déterrent les boutures & les jeunes arbres ,
ou elles empêchent leur reprile en cavant
auprès. Pour le mettre à l'abri de cet in-
convénient , fans perdre le fruit de la pra-
tique que nous venons d'indiquer , lori-
qu'on n'aura que peu de boutures ou de
plantules rares , il conviendra de les plan-
ter dans de longues cailfes profondes d'un
pie , qu'on enterrera & qu'on couvrira de
challls à mailles de fil d'archal , en forme
de faîtières , ou tout au moins de réfcaux.
Si vos boutures ou vos arbres nourriçons
font en aflez grand nombre pour devoir
être plantés en pleine terre , du moins
faudra - 1 - il livrer aux taupes une guerre
continuelle , au moyen des taupieres qu'on
tendra foigneulement lur les traînées abou-
tiflantes à la petite plantation. Les taupie-
res de bois cylindrique , formées de deux
parties qui i"e joignent , & munies d'un
fermoir à reflbrt , font les meilleures que
nous connoiillons. Le troifieme printemps ,
les boutures feront fuffifamment enracinées
pour les mettre en pépinière.
Lorfqu'on plantera les thuyas à demeure ,
il conviendra de les arrofer , & de mettre
de la raouffe , de la litière , ou des gazons
retournés autour de leurs pies.
Comme les arbres de fie ne Ibnt pas
auflî réfmeux que les pins & fapins , ils
ne fouffrent pas autant d'un élaguement
inconùdéré ; cependant ce fera bien fait
de ne leur retrancher h la fois qu'un petit
nombre de branches inférieures , fe con-
tentant de couper par la moitié quelques-
unes de celles de l'étage d'au deflus , lef-
quelles l'année fuivante on coupera rez-
tronc , en répétant cette opération julqu'à
ce que l'arbre ait un tronc nu de la
hauteur que l'on voudra : fix ou fept pies
fufBfent ordinairement ; car la beauté de
ces arbres, ainfi que de tous ceux dont la ver-
dure eft pérenne , efl de préfenter une
belle touffe pyramidale. Nous avons élagué
les thuyas avec luccès vers la fin de juni ;
alors il fe forme encore un bourrelet autour
des coupures : nous n'avons pas encore ofé
rilquer cette opération dans d'autres temps ;
nous penions qu'il n'y auroit guère moins d'in-
convénient à la faire en feptembre , comme
aux pins & fapins : le peu de réfine qui
fortiroit encore , garantiroit la bleiîùre des
A R B 1S9
injures delà mauvaife faifon. {M.le-baron
DE TSCHOUDJ. )
Arbre de vie. {The'olog.) c'étoit
un arbre planté au milieu du paradis , dont
le fruit auroit eu la vertu de conferver la
vie à Adam , s'il avoir obéi aux ordres de
Dieu ; mais cet arbre de vie tut pour luî
un arbre de mort , à caufe de fon infidélité
& de la défobéifllince.
Arbre de lafdence du bien & du mal;
c'étoit un arbre que Dieu avoit planté au
milieu du paradis. Il avoit défendu A Adam
d'y toucher , lous peine de la vie : quoenim
die comederis ex eo , morte morieris. On
difpute fi Wirbre de vie & Varbre de IiX
fcience du bien ù du mal étoient un même
arbre. Les fentimens font partagés lur cela.-
Voici les raifons qu'on apporte pour &
contre le fentiment qui tient que c'étoient
deux arbres ditférens. Moyfe dit que Dieu
ayant planté le jardin d'Eden , y mit toutes
fortes de bons arbres , & en particulier,
l'arbre de l'ie au milieu du paradis ; comme
aujji V arbre de la fcience du bien & du mal.
Et lorfqu'il eut mis l'homme dans le para-
dis , il lui dit : mange\ de tous les fruits dit
jardin , mais ne mange\ pas du fruit de la
fcience du bien 6" du mal ; car au moment
que vous en aure:[ mange' ^ fous mourrer^. Et
lorfque le ferpent tenta Eve , il lui dit :
pourquoi Dieu vous a-t-il défendu de manger
de tous les fruits du jardin? Eve répondit.
Dieu a permis de manger des fruits du pa~
radis y mais il nous a défendu d'ufer du fruit
qui efl au milieu du jardin , de peur que
nous ne mourions. Le ferpent répliqua •
l'ous ne mourre^ point ; mais Dieu fait
quauffi-tôt que vous en aurc:{ mange, vos
yeux feront ouverts , & vous fere^comme
des dieux , fâchant le bien & le mal. Et après
qu'Adam & Eve eurent violé le commande-
ment du Seigneur , Dieu ks chafTà du
paradis , & leur dit : l'oiLi Adam qui eji
devenu comme l'un de nous , fâchant le bien
& le mal ; mais à prefent de peur qu'il ne
prenne encore du fruit de vie , qu'il n'en
mange ^ & ne vive éternellement y il le mit
hors du paradis. Genef. ij. q ,
1 7 ; Genef. iij. z , 2.5 , & i'.
De tous ces pafîages , on
en faveur du fentiment qui n'admet qu'un
1 arbre dont Dieu ait défendu l'ufage à Adam.
ibid. vcrf.
peut inférer
JpO
A R B
1°. Qu'il n'cfl pas nccclTaire d'en recon-
jioîire deux ; le même fruit qui devoir con-
iervcr la vie à Adam , pouvant aufii don-
ner la fcience. 2-°. Le texte de Mo) le peut
îort bien s'entendre d'un feul arbie : Dieu
planta l arbre de la fie ou l'arbre de lafacnce.
Souvent dans i'hebreu la conjonction & , elt
équivalente à la disjonctivc o;/; & de la même
manière , de peur quil ne prenne aujji le
fruit de rie , Ù ne vive éternellemenc ^ iè
peut expliquer en ce fens : de peur que
comme il en a pris , croyant y trouver la
Icience , il n'y retourne aufli pour y trou-
ver la vie. 3°. Enfin le démon attribue vé-
ritablement au même arbre le fruit de la
vie & le fruit de la (a nce : vous ne mourre^
point ; mais Dieu fait qu'auffi-tot que vous
a<jre\ mangé de ce fruit , vous faure:[ le bien
& le mal. Il les afîure contre la peur de la
mort , & leur promet l\ Icience en leur of-
irant le truit détendu.
Mais l'opinion contraire paroir mieux
fondée dans la lettre du texte. Moyfe dil-
tingue manileitement ces deux arbres , Par-
Ire delà vie p & l'arbre delà fcience ; pour-
quoi les vouloir confondre fans néceillté ?
La vie & la fcience font deux effets tout
lîifFérens ; pourquoi vouloir qu'ils foient
produits par le même fruit ? Elf-ce trop
que de défendre Adam l'uGige de deux
arbres ? Le difcours que Dieu tient à Adam
après fon péché , paroît bien exprès pour
dllfinguer ici deux arbres : de peur qu'il ne
prenne auffi du fruit de vie , Ù ne vive éter-
nellement ; comme s'il diioit , il adéja goûté
du fruit de la fcience , il faut l'éloigner du
fruit de la vie , de peur qu'il n'en prenne
aufli. Le démon , à la vérité , ralTure Eve &
Adam contre la crainte de la mort ; mais
il ne leur offre que le truit de la fcience ,
en leur difant , que dès qu'ils en auront
goûté , ils ferx)nt aufli éclairés que des
dieux , d'où vient qu'après leur péché il
efl dit que leurs yeux furent ouverts. Ces
railons nous font préférer ce dernier fen-
timent au premier. Voye\ Saint Auguffin ,
lib. VI. de l'ouvrage imparfait contre Ju-
lien , cap. XXX , pag. 13 §9 , &fuiv.
On demande quelle étoit la nature du
fruit défendu. Quelques-uns ont cru que
c*étoit !e froment , d'autres le figuier ,
d'autres le cerilier , d'autres le pommier:
A R B
ce dernier fentiment a prévalu , quoiqiî'R
ne toit guère moins fondé qiio les autres.
On cite pour le prouver le pailage du can-
tique des cantiques: je vous ai éveillé fous
un pommier , cefi-làque votre mère a perdu
fon innocence ,• comme fi Salomon avoit
voulu parler à cet endroit de la chute de la
pj-emiere femme. Rabb. in Sanhed. fol. jo.
Theodof. apud Theodor. quceft. xxviij. in
Cent. ind. Peluf. L I. ep. ij. cant.viij,§.
Plufieurs anciens ont pris tout le récit
de Mo}'lé dans un fens figuré , & ont cru
qu'on ne pouvoit expliquer ce récit que
comme une allégorie.
S. Auguflin a cru que la vertu del'ar^-?
de vie & de V arbre de la fcience du bien &
du mal étoit i'urnaturelle & rairaculeule;
d'autres croient que cette vertu lui éroir
naturelle. Selon Philon , ïarbre de vie mar-
quoitla piété , & Varbredelafcienceh pru-
dence. Dieu efl l'auteur de ces vertus. Les
Rabbins racontent des choies incroyables
& ridicules de l'arbre de vie. Il étoit d'une
grandeur prodigieufe , toutes les eaux de la
terre fortoient de fon pié ; quand on auroit
marché cinq cents ans , on en auroit à
peine fait le tour. Peut-être que tour cela
n'eff qu'une allégorie ; mais la clr^'.e ne
mérite pas qii'on le fatigue à en chercher
le fens caché. Auguû. de Genef. adLitter.
lib. VIII, & lib. II , de peccat. Merit. c.
a-x/.Jofeph , ^nr^/^. ///>. /.Bonavent. Huguo
Viftor Ùc. Philo, de Qpificio mundi , pag.
J5. Bcfnage , Hifl. des Juifs , Uv. VÏ,
cap. xij , art. i 8. Calmet , diâ. de la Bib.
tom. I , lett. A , pag. :i0 5. (G)
ArbPvE de Diane ou AkbR'E philofo-
phiqiie , (Chjm.) végétation métallique ar-
tificielle , dans laquelle on voit im arbre le
former , & croître peu .\ peu du fond d'une
bouteille pleine d'e;ui.
Cette opération fe tait par le mélange de
l'argent du mercure & de l'elprit de nitre ,
qui fe cryflallifent cniemble en forme d'un
petit arbre.
Furetiere dit qu'on a vu à Paris végéter
les métaux , l'or , l'argent , le fer , & le
cuivre , préparés avec l'eau-forte ; & qu'il
s'élève dans cette eau une efpece â'arbre
qui croît à vue d'œil , & iè divife en plu-
fieurs branches dans toute la hauteur de
l'eau , tant qu'il y a de la matière. On ap-
A R B
pelle cette eau ;, eau Je caillou ; & le fecret
en a été donné par Rhodes Caraflcs ,
ehymifte grec , dont parle le journal des Sa-
ransde 1677.
11 y a des manières difFérentes de faire
cette expirience amuiante. La première ei\
d'une lonaieur à faire languir un curieux :
voici comment la décrit Lemery. Prenez
une once d'argent ; faites la diflblution dans
une once d'elprit de nitre ; jetez votre
difîôlufion dans un matras où vous aurez
mis dix-huit onces d'eau & deux onces de
vif-argent : il faut que le matras loit rem-
pli julqu'au cou ; lailîez - le en repos fur
un petit rondeau de paille, en quelque lieu
sûr , durant quarante jours: vous verrez
pendant ce temps-là fe former un arbre
avec des branches , & de petites boules au
bout qui repréfentent des tnms.
La féconde manière de taire Wzrf-re de
Diane eft plus prompte , mais eile cû moins
parfaite ; elle elt due à M.^ Homberg , &
elle fe fait en un quart-d'heure. Pour la
faire , prenez qiratre gros d'argent^ fin
en limaille ; faites-en un amalgame à iroid
avec deux gros de mercure ; difîblvez cet
amalgame en quatre onces d'eau - torte ,
verfez cette diiTolurion d'ans trois dcmi-
fetiers d'eau commune ; hattez-les un peu
enfemble pour les mêler , & gardez le tout
dans une bouteille bien bouchée.
Quand vous voudrez vous en fervir pour
fliire un arbre mèiaiUque , prenez -en une
once ou environ , & mettez dans la même
bouteille la grolleur d'un petit pois d'amal-
game ord'naire d'or ou d'argent, qui ioit
maniable comme du beurre : enfuite laifîez
la bouteille en repos deux ou trois minutes
de temps.
Aulîi - tôt après vous verrez fortir de
petits fîlamens perpendiculaires de la boule
d'amalgame , qui s'augmenteront à vue
d'œil , en jetant des branches en tonrie
d'arbrilîcau.
La petite boule d'almagamefê durcira , &
deviendra d'un blanc terne ; mais le petit ar-
briffeau aura une véritable couleur d'argent
poli. M. Homberg explique parfaitement la
torm.ationde cct-irbreanificiel.LeP. Kirkcr
avoir à Piome dans fon cabinet un pareil
arbre nie'tallique , dont on peut trouver une
iclL: -hiai^^ion .'.ans ion Muf^vuni cçlleg.
A R B 15?/
Rom. f. 4. p. /j.6. Cet article eft en partie
de M. Forme)'.
ArbR'E Je mars , (Chymie.) c'eft une
invention moderne , dont on ell redevable à
M. Lemery le jeune.
Il la découvrit de la manière fuivante. Sur
une dilfolution de limaille de fer dans l'ef-
prit de nitre renfermé dans un verre , il
verflt de la liqueur alkaline de tartre. La
liqueur s'échauffii bientôt très - confidérabîe-
ment , quoiqu'avecune fort petite termen-
tation • elle ne fut pas plutôt en repos ,
qu'il s y éleva une forte de branches adhé-
rentes à la furf\ice du verre , lefquelles
continuant à croître , le couvrirent enfin
tout entier.
La forme des branches étoit fi parfaite ,
que l'on pouvoit même y découvrir des
eîpeces de feuilles & de fleurs ; de mania-e
que cette végétation peut être appellée F^Jr-
bre Je Mars , à aulii julle titre que l'oa
appelle la précédente Varbre Je Diane. Voy.
rHijh Je Pa'.-aJ. royale Jes Sciences Ji
ijo6.{M) .
Abbre Je porphyre , en Logique, sap-
pelle autrement échelle des prédicamens ,
fcalaprœJicamemaus.P^.Vv.tDlCk'^'E^T.
* Arbre , ( Afydiol. ) Il y avoitche^
les païens des aibres eonfacrés à cerraines
divinités. Exemple : le pin à Cybele , le
hêtre à Jupiter , le Chêne A Rhea ; l'olivier
à Minerve , le lam-ier à Apollon , le lotus
& le myrte à ApoUo-i & à Vénus , k
cyprès à Jluton , le narciile , l'adiantc o;i
capillaire à Profcrpine; le trêne &c le chien-
dent à Mars , le pourpier ;\ Mercure , h:
pavot à Cérès & à Lucine ; la vign^e &
le pampre à Bacchus ; le peuplier à Her-
cule ; l'ail aux dieux Penaies ; l'aune ,^ le
cevlre , le narcilie k le genévrier aux Ea-
menides ; le palmier aux Muies ; le platar^e
aux Génies. V'oye:[ aux articles Je ces Jin-
nire's , les raifons de la plupart de ces co:i-
fécrations ; mais obfervez combien elles
dévoient embellir la poéfie des anciens : un
poète ne pouvoir prefque pas parler d'un
brin d'herbe , qu'il ne pût en même temps en
relever la dignité , en lui afïbciant le n^m
d'un dieu ou d'une déeife.
Arbre , f. m. aibor , oris j f. f . ( '^'■'««^
Je Blafoi2. ) meuble dont on charge les ar-
moiries.
ipi A R B
L'arbre a pour émail particulier le fino-
ple , il y en a cependant de differens
émaux ; lorfqu'on peut diftinguer l'efpece
par les fruits , on le nomme de (on nom ,
Ibit chêne , pin , olivier , poirier , ùc.
On dit d'un arbre , fûté, lorfque le fût
eft d'un autre émail ; arraché , quand on en
voit les racines ; e'cote' , fi les branches
ont été coupées ; effeuillé, de celui qui n'a
point de feuilles.
Baudean de Parabere , en Bigorre ; d'or
à r arbre de Jhiople.
Rouflelet de Châteauregnauld , en Bre-
tagne; <^'or au poirier deJinople.{G.D.L. T.)
Arbre généalogique ,arbor œnfan-
guinùatis , flemma , atis , plufieurs rangs
d'écuflbns poiés fur des figures de branches
d'arbres ) qui partent du tronc , au delîbus
duquel on voit quelquefois des racines.
h'arbre généalogique eft nécefTaire , lorf-
qu'il s'agit de faire des preuves pour entrer
dans un chapitre noble , ou pour être reçu
dans quelque ordre qui exige des preuves
de noblefTe.
Sur le tronc de ['arbre fe trouve l'écuf-
fon de celui qui fait fes preuves , que l'on
nomme le préfenté.
Au premier rang au deflîis , il y a deux
écuflbns ; le père 'a droite , la mère à
gauche.
Au deuxième rang ,_ quatre éculTons ;
l'aïeul paternel & fa femme , à droite ;
l'aïeul maternel & fa femme , à gauche.
Au troifieme rang ,' huit éculîbns ; les
bifaïeuls paternels , à^droite , & maternels ,
À gauche.
Au quatrième rang , feize écuffons ; les
bifaïeuls paternels à droite , les maternels
à gauche , &t-. toujours en doublant le
nombre des écuflbns , à mefure que l'on
monte de rang en rang.
Arbre, 1. m. en Marine ^ c'eft le nom
que les Levantins donnent à un mât. Arbre
de meftre , c'eft le grand mât. Voye^
Mat. (Z)
Arbre fe dit figurément , en méchani-
que y pour la partie principale d'une ma-
chine-qui fert à fbutenir tout le refte. On
s'en fert pour défigner le fufeau , ou l'axe
fur lequel une machine tourne. ( O )
Dam Part de bâtira dans la Charpenterie,
Varbre eft la partie la plus forte des ma-
A RB
chines qui fervent à élever des pierres ; cells
du milieu , qu'on voit pofée à plomb , &
lur laquelle tournent les autres picces qu'elle
porte , comme l'arbre d'uae grue , d'un
gruau, ou engin. VoyeiGKVh , Uruau,
Engin.
Chei les Cardeurs , c'eft une partie du
rouet à laquelle eft fufpendue la roue , par
le moyen d'une cheville de fer q;.'i y entre
dans un trou affez large pour qu'elle puifTe
tourner ailément. Voyei^ RoUET.
Che'^ les Cartonniers , c'eft une des prin-
cipales pièces du moulin , dont ils fe fer-
vent pour broyer & délayer leur pâte. Il
conlilte en un cylindre tournant fur un
pivot par en-bas , & fur une crapaudine
placée dans le fond de la cuve ou pierre ,
& par en-haut dans une folive. La partie
d'en-bas de ce cylindre , qui entre dans la
cuve ou pierre , eft armée de couteaux : à
la hauteur d'environ fix pies , eft une pièce
de bois de quatre ou cinq pies de longueur ,
qui traverfe par un bout de l'axe àcY arbre, &
qui de l'autre a deux mortoifes , à environ
deux ou trois pies de diftance , dans lef^
quelles fon affujetties deux barres de bois
de trois pies de longueur , qui defcendent
& forment une efpece de brancart ; on
conduit ce brancart à bras , ou par le
moyen d'un cheval , qui , en tournant au-
tour de la cuve , donne le mouvement à
{'arbre , & par coniéquent facilite l'adion
des couteaux.
Clie:^ les Frifeurs d'étoffes , c'eft une
pièce qui eft couchée le long de la machine
à frifer, fur laquelle eft montée la plus grande
partie de la machine. L'enfuple eft aufli
montée fur un arbre de couche. Voye\
Ensuple.
Che^ les Fileurs d'or , c'eft un bouton
de fer qui , traverfant le flibot & la grande
roue , donne en les faifant tourner , le mou-
veiTient A toutes les autres , par le moyen
de la manivelle , qu'on emmanche A une
de fes extrémités. Voyei}Ao\il.\li A FILER
l'or.
Che'^^les Horlogers , c'eft une pièce ronde
ou quarrée , qui a des pivots , & fur la-
quelle eft ordinairement adaptée une roue.
hes arbres font, en général , d'acier ; quel-
quefois la roue tourne lur Varbre , comme
le barillet fur le lien ; mais le plus com-
munémeat
ARB^
munémcnt, ils ne font l'un & l'autre qu'un
leul corps. Lorfqu'il devient fort petit , il
prend le nom de tige. Voy. EssiEU, AXE,
TlGE,BARILLET,FUSÉE,&f.(T')
Chc-{ les mêmes ourriers , c'ell un cllieii
qui d\ au milieu du barillet d'une montre
ou d'une pendule. Cet arbre a , iur ia cir-
conférence , un petit crochet auquel l'œil
du reflbrt s'arrêtant , il fe trouve comme
attaché à cet arbre par une de fes extré-
mités : c'eit autour de cet eflicu que le
relfort s'enveloppe lorlqu'on le bande en
montant la montre. I^ojei Barillet ,
Ressort , Crochet , &C.
C'ell encore , che\ les horlogers , un outil
qui (ert à monter des roues & autres pie-
ces , pour pouvoir les tourner entre deux
pointes. Voye^ ToUR d'Horloger.
On appelle encore arbre , un outil qui
a un crochet , & qui lert à mettre les
relUjrts dans les barillets & à les en ôter ;
il fe met dans une tenaille à vis par la
partie qui elt quarrée. ( T" )
Che^ les imprimeurs , on nomme arbre
de prejfe , la pièce d'entre la vis & le pivot :
ces trois parties , diftinâes par leur déno-
mination leulement , ne font efientielle-
ment qu'une même pièce de ferrurerie travail-
lée de trois formes différentes. La partie iupé-
rieure eft une vis. Le milieu ou Varbre , de fi-
gure quarrée, quelquefois fphérique , efl celle
où pafle la tête du barreau ; fon extrémité efl
un pivot qui , eu égard à la conlîruétion gé-
nérale & aux proportions de la prelTc , a
toute la force qui efl convenable à ia delli-
nation , & aux pièces dont il fait la troi-
fieme & dernière partie ; laquelle , trois ou
quatre doigts au dellùs de ion extrémité ,
eft percée & reçoit une double clavette
qui foutient la boîte dans laquelle paiîe la
plus grande partie de V arbre , dimenfion
prifè depuis Tentrée du barreau juiqu'à- la
clavette qui ioutient la boite. VoyeT^ Vis,
Pivot, Barreau , Boite.
Ardre du rouleau, che\ les mêmes ;
j'oy^'iç Broche du rouleau.
Dans les Papeteries , arbre efl un long
cylindre de bois qui fert d'axe à la roue
du moulin ; il efl armé des deux côtés de
tourillons de fer , qui portent fur deux pi-
liers ou montans , fur lefquels il tourne
par l'aâion de l'eau. Cet arbre eft garni
Tome II J.
A R B 195
d'cfpace en efpace de morceaux de bois
plar , qui rciTortent d'environ qua'rc pou-
ces , & qui , en tournant , rencontrent l'ex-
trémité des pilons ou maillets qu'ils élè-
vent , & lallfent eniuite retomber. Les
arbres des moulins A papier lont plus ou
moins longs , ielon la dii"|)ol"ition du ter-
rain & la quantité de maillets qu'ils doi-
vent faire jouer. J'ai vu un moulin à papier
dont Varbre donnoit le mouvement à vingt-
quatre maillets diflribués en fix piles, y^oye:^^
Moulin a papier.
Chei les Potiers-d'e'tain , c'efl la princi-
pale des pièces qui compofent leur tour ;
elle coniiife en un morceau de fer ordi-
nairement rond ou à huit pans , dont la
longueur & la grofTeur n'ont point de rè-
gle que celle de l'idée du forgeron. Cepen-
dant on peut fixer l'une à-peu-près à fix
pouces de circonférence , & l'autre à en-
viron dix-huit pouces de long. On intror
duit dans le milieu une poulie de bois iur
laquelle pafle la corde que la roue fait tour-
ner : aux deux côtés de la poulie , A en-
viron deux pouces d'éloignement , il y a
deux moulures à Varbre qu'on nomme les
oignons ; ils i'ont enfermés chacun dans un
collet d'étain polé vers le haut des pou-
pées du tour : ces oignons doivent être
bien tournés par l'ouvrier qui a fait l'arbre,
& c'eif fur ces oignons que Varbre fe meuf.
Uarbre efl ordinairement creux par le bout
en dedans du tour , pour y introduire Iç
mandrin. Voye^ MANDRIN. L'autre bouc
qu'on appelle celui de derrière , doit être
préparé à recevoir quelquefois une mani-
velle qu'on appelle ginguette. J^oye;^ TOUR-
NER A LA guinguette.
Il y a des arbres de tour qui ne font
point creux , & dont le mandrin & Varbre
iont tous d'une pièce : mais ils font anciens
& moins commodes que les creux. V^oye\
Tour de Potier d'Etain.
Chei les Rubaniers , c'efl une pièce de
bois de figure odogone , longue de quatre
pies & demi, avec Ces mortoifes percées d'ou-
tre en outre , pour recevoir les traveries qui
portent les ailes du mouhn de l'ourdiiîoir ;
cet arbre porte au centre de ion extrémité
d'en-haut une broche ou bouton de fer ,
long de 8 à 9 pouces , qui lui icrt d'axe ;
l'extrémité d'en-bas porte une grande poa-
B b
35)4 A R 3
lie , fur laquelle pafTe la corde de la felle à
ourdir. Fojf;^ Selle AOURDIR. Ily a en-
core au centre de l'extrémité d'en-bas , un
pivot de fer qui entre dans une petite cra-
Ïaudine placée au centre des traverfes d'en
as. C'eit fur ce pivot que Varbre tourne
pendant le travail. Voye^ OURDISSOIR.
Che:[ les Toumeurs , c'elt un mandrin hit
de plufieurs pièces de cuivre , de fer , &
de bois, dont on fe fert pour tourner en
l'air , pour faire des vis aux ouvrages de
tour, & pour tourner en ovale & en d'au-
xres figures irrcgulieres. Voye\ ToUR.
On voitpar ces exemples qui précèdent,
qu'il y a autant à^ arbres diftérens de nom ,
qu'il y a de machines difiérentes où cette
pièce fe rencontre ; mais qu'elle a prefque
par-tout la même fonâion : auffi les dif-
férentes fortes à'arbres dont nous avons
fait mention , fufîiront pour faire connoître
cette fonction.
ARBRISSEAU Jnnex , f. m. {Hifi. nat.
iot.) plante ligneufe , du tronc de laquelle
s'élèvent plufieurs tiges branchues , qui for-
ment naturellement un buidbn. Il n'eflpas
poffible de déterminer précifément ce qui
didingue un arbrijfeau d'un arbre ; il ell
fur qu'un arbrij/eau elf moins élevé qu'un
arbre, mais quelle différence y aura-t-il
entre la mefure d'un grand arbrijjéau & d'un
petit arbre ? Varbrijfeau lèra quelquefois
plus grand que l'arbre. Cependant on peut
effimer en général la hauteur d'un arbrif-
feau , depuis environ fix juiqu'A dix ou
douze pies ; tels font l'aubépin , le grena-
dier, le filaria , &c. Voye^ ArbRE. ( /)
SoUS-ARBRISSEAU , f m.fijjfrutex ,
plante ligneuiè qui produit d'un ieul tronc
plufieurs menues branches qui forrnent un
petit buiflbn. Les fous-arhrijjeaux font plus
petits que les arbriiTeaux , comme leur nom
le défigne. On peut regarder comme /o;/j-
arbrijjèjux , toutes les plantes ligneuies que
l'on voit fous fa main , lorlqu'on ell de-
bout , comme les groiéliers , les bruyères ,
^c. Voye\ Arbrisseau. (I)
ARBROT , f. m. terme d'Oifeleur , c'eil
un petit arbre garni de gluaux, On du
prendre les oileaux .1 Yarbrot.
ARBUSTE , lùb. m. [Hift. nat.^ Bot. )
très-petite plante ligneuiè , telle qu'un ious
arbrillcau. roje^^SoUS-ARBRlSSEAU. (/J
ARC
ARC , arme ofFenfive propre à combat-
tre de loin , faite de bois , de corne ou
d'une autre matière élaffique , & que l'on
bande fortement par le moyen d'une corde
attachée aux deux extrémités , enforte que
la machine retournant à fon état naturel,
ou du moins le redreflant avec violence ,
décoche une tleche. Ko)'<':j FLECHE, Ti-
rer DE l'arc.
L'arc eff l'arme la plus ancienne & la
plus univerielle. Les Grecs , les Romains ,
mais lur - tout les Parthes , s'en fervoient
fort avantageulement. Elle eft encore en
ulage en Afie , en Afrique , & dans le
nouveau monde. Les anciens en attribuoient
l'invention à Apollon.
Avant que l'ulage des armes-à-feu fût
introduire en Europe , une partie de l'infan-
terie étoit armée d'arcj , & l'on nommoit
archers les foldats qui s'en fervoient. Les
habitans des villes étoient même obligés
de s'exercer à tirer de l'arc ,* c'eft l'origine
des compagnies bourgeoifes, des compa-
gnies de ïarcs , qui fublïilent encore dans
plufieurs villes de France. Louis XI abolit
en 14B1 l'ufage de l'arc &. de la tleche ,
&c leur iubffitua les armes des Suilfes , la
halebarde , la pique & le fabre.
En Angleterre on fait un grand ufige de
l'arc , il y a eu même des loix & des ré-
glcmens pour engager les peuples à fe per-
fedionner dans l'art d'en tirer. Sous le
règne de Henri VIII , le parlement fe plai-
gnit que les peuples négligeoient un exer-
cice qui avoit rendu les troupes Angloi-
les redoutables à leurs ennemis ; & en
effet , elles durent en partie à leurs archers
le gain des batailles de Créci , de Poitiers ,
& d'Azincour. Par un règlement d'Henri
VIII, chaque tireur d'arc' de Londres ell
obligé d'en fiire un d'if &. deux d'orme ,
de coudrier , de frêne , ou d'autre bois :
ordre aux tireurs de la campagne d'en faire
trois. Par le huitième règlement d'Elizabeth,
c/ijp. X , les uns & les autres turent obligés
d'avoir toujours chez eux cinquante arcs
d'orme , de coudrier , ou de frêne , bien
conditionnés. Par le douzième règlement
d'Edouard , cAa^. /)'. , il eit ordonné de mul-
tiplier les arcs , & détendu de les vendre
trop cher. Les meilleurs ne pouvoicnt pas
valoir plus de 1L\ fous huit deniers. Cha-
ARC
que commerçant qui trafique à Vcnlfc , ou
aux autres endroits d'où l'on tire les Mtons
propres i\ fair-c' des arcs, doit en apporter
quatre pour chaque tonne-au de marchan-
dife , fous peine de lîx fous huit deniers
d'amende, pour chaque bâton manquant;
& par le premier règlement de Richard III ,
cliap. xj , il leur cil: ordonné d'apporter dix
biîtons à faire des arcs , pour chaque botte
ou tonneau de malvoifie , à peine de treize
fous quatre deniers d'amende- L'arc n'efl
plus guère en ulage dans la Grande-Bre-
tagne , que parmi les montagnards d'EcofTe
& les fiuvages des îles Orcades : quelques
corps de troupes Turques ou Ruiliennes
en font auffi ulage. (G)
Arc, fub. m. en Géométrie, c'eflune
portion de courbe , par exemple , d'un cer-
cle, d'une ellipfe, ou d'une autre courbe.
yoyei Courbe.
y4rc de cercle, efl une portion de cir-
conférence , moindre que la circonférence
entière du cercle. Tel ci\A E B , Planche
de Ge'om.fig. 6. Voye^ CERCLE & CIR-
CONFÉRENCE. La droite ^5 qui joint les
extrémités d'un arc s'appelle corde- & la
^perpendiculaire D E , tirée lur le milieu de
la corde, s'appelle/fcAe. Foj'c;^ CoRDE,
Flèche. Tous les angles font mefurés par
Ats arcs. Pour avoir la valeur d'un angle
on décrit un arc de cercle , dont le centre
foit au fommet de l'angle. Voye:{ AngLE.
Tout cercle efl fuppofé en 360^. Un arc
efl plus ou moins grand , félon qu'il con-
tient un plus grand ou un plus petit nom-
bre de ces degrés. Ainfi l'on dit un arc de
30, de 80, de 100^. Voye^ DEGRÉ.- La
mefure des angles par les arcs de cercle , efl
fondée fur ce que la courbure du cercle
efl uniforme. Les arcs d'une autre courbe
ne pourroient y fervir.
Arcs concentriques , font ceux qui ont le
même centre: ainfi dans \a figure 80, les
arcs b H , e K , font des arcs concentri-
ques. Kqyq Concentrique.
Arcs égaux , ce font ceux qui contien-
nent le même nombre de degrés d'un mê-
me cercle ou de cercles égaux ; d'où il s'en-
fuit que dans le même cercle ou dans
des cercles égaux , les cordes égales fou-
tiennent des arcs égaux. Un rayon C E
(fis- ^ > ) l'Ji coupe en deux parties éga-
A R C 19^
les en D une corde A B , coupe audl en
E ïarc A E B en deux parties égales , &
ell perpendiculaire à la corde , & f-'iee verfâ.
Le problême de couper un arc en deux par-
ties égales fera donc réfolu , en tirant une
ligne C E perpendiculaire fur le milieu D
de la corde.
Arcs femblables , ce font ceux qui con-^
tiennent le même nombre de degrés de
cercles inégaux. Tels font les arcs A B Se
D E 3 fig. 87. Si deux rayons partent du
centre de deux cercles concentriques , les
arcs compris entre les deux rayons , onc
le même rapport ;\ leur circonférence en-
tière; & les deux fefleurs , le même rap-
port à la iiirfacc entière de leurs cercles»
La diftance du centre de gravité d'uit
arc de cercle au centre du cercle , efl une
troifieme propoçtionelle à cet arc , à fi
corde , & au r-ayon. Voyei Ce N TRE i/e gra-
rite. Quant aux lînus , tangentes , fécantes ,
&c.desarcs, roye^ SiNUS, TANGENTE,
& Arc en Ajîronomie. L'arc diurne du
foleil efl la portion d'un cercle parallèle à
l'équateur, décrite par le foleil dans fbn
mouvement apparent d'orient en occident ,
depuis fon lever jufqu'à fon coucher. Voye^
Diurne, Jour , 6'c.
L'arc noûurne efl la même chofe , ex-
cepté qu'il efl: décrit depuis le coucher juf-
qu'au lever. Voye^ NUIT , LEVER , &<:.
Voyei aujfi NoCTURNE.
La latitude & l'élévation du pôle font
mefurées par un arc du méridien. La lon-
gitude efl mefurée par un arc de l'équateur.
l^oyei Elévation , Latitude , Lon-
gitude , 6v.
L'arc- de progrejfion ou de direclion , efE
un arc de l'écliptique qu'une planète^ fem-
ble parcourir, en fuivant l'ordre des lignes.
Voye\ Direction.
L'arc de rétrogradation efl un arc de
l'écliptique qu'une planète femble décrire,
en fe mouvant contre l'ordre des lignes.
Voyei[ Rétrogradation.
Arc déflation. Voye\ STATION & StA-
tionnaire.
L'arc entre les centres dans les éclipfes i
efl un arc tel que AI { Plane. d'Aflr. fig.
55.), qui va du centre de la terre A
perpendiculairement à l'orbite lunaire O
B. Voye-z Eclipse.
Bb 2
15)6 ARC
Si la fomme de Varc encre les centres A I
& du demi-diametre apparent de !a lune ,
eft égale au demi-diametre de l'ombre,
l'écliple fera totale fans aucune durée ; fi
cette fomme eft moindre, elle fera totale
avec quelque durée; & fi elle efl plus
grande , & toutefois moindre que la fomme
des demi-diametres de la lune & de l'ombre ,
elle fera partiale.
L'art- de vifion eft celui qui mefure ja
dlfiance à laquelle le foleil eft au defiùs
de l'horizon , lorfqu'une étoile que les
rayons déroboient, commence à reparoî-
tre. rqyf:^ Lever. ( O)
Arc fe dit, en archucclure , d'une ftnic-
ture concave qui a la forme de Varc d'une
courbe , & qui fert comme de fupport
intérieur à tout ce qui pofe dclTus. M.
Henri Wotton dit qu'un arc n'eil rien
autre cbofe qu'une voûte étroite ou refler-
rée , & qu'une voûte n'elt qu'un arc dilaté.
Voyei VOUTE.
On fe fert A'arcs dans les grandes in-
tercolumnations des vaftes bâtim.ens , dans
les portiques , au dedans comme au dehors
des temples , dans les falles publiques ,
dans les cours des palais , dans les cloîtres,
aux théâtres & amphithéâtres. 7'oye;[ POR-
TIQUE , Théâtre , Lambris , Ê'c. On
s'en fêrt auffi comme d'éperons & de
contreforts pour foutenir de fortes mu-
railles qui s'enfoncent profondément en
terre , de même que pour les fondations
des ponts, des aqueducs,^ des arcs de
triomphe , des portes , des fenêtres. voye\
ÉPERON, ArC-EOUTANT, &C,
Les arcs font auffi foutenus par des pi-
liers ou pies droits , des impolies , &c.
ToyeT^ Pilier ou Pié droit , Lmpos-
TE , &c.
Il y a des arcs circulaires , elliptiques ,
droits.
Les arcs circulaires font de trois efpe-
ces ; flwoir , les arcs demi ~ circulaires ,
qui font exaftement un demi-cercle, &
qui ont leur centre au milieu de la corde
de l'arc-; les architeftes François les ap-
pellent auffi des arcs parfaits ou des arcs
en plein cintre.
Les arcs diminu's ou bombes font plus pe-
tits qu'un demi-cercle , & par conléqucnt
ces arcs font plus plats : quelques-uns con-
A R C
tiennent 90 degrés, d'autres 70, & d^au-
tres feulement 60 : on les appelle auffi arcs
imparfaits.
Les arcs tiers & quart-point , comme s'ex-
priment quelques ouvriers d'Angleterre ,
quoique les Italiens les appellent di terip^
& quarto acuto , parce qu'à le-ur lommet
ils font toujours un angle aigu , lont deux
arcs de cercle qui le rencontrent en for-
mant un angle par le haut , & qui fe ti-
rent de la divif'on de la corde en trois ou
quatre parties à volonté. Il y a un grand
nombre d'arcj de cette efpece dans les an-
ciens bcitimens gothiques : mais M. Henri
Wotton veut qu'on ne s'en ferve jamais
dans la conllruérion des édifices , tant à
caufe de leur foiblefie , que du mauvais
cfFct qu'ils produifent aux yeux.
Les arcs elliptiques confillent en une de-
mi-ellipfe; ils étoient- autretois fort^ ufités.
au lieu des manteaux de cheminée; ils ont
communément une clé de voûte & des
impolies.
Les arcs droits font ceux dont les côtés
fupérieurs & inférieurs font droits , com-
me ils font courbes dans les autres ; &
ces deux côtés l'ont auffi parallèles , les
extrémités & les jointures toutes dirigées
ou tendantes à un centre. On en fait prin-
cipalement ulage au deffus des fenêtres ,
des portes , &c.
La doûrine & l'ufage des arcs font très-,
bien expofés par M. Henri Wotton , dans
les théorèmes fuivans.
1°. Suppoibns différentes matières foli-
desj telles que les briques , les pierres ,
qui aient une forme reûangulaire : fi l'on
en difpofe plufieurs les unes à côté des
autres, dans un même rang & de n:ycau ,
& que celles qui font aux extrémités
Ibient foutenues entre deux fupports ; il
arrivera néccflairement que celles du mi-
lieu s'aflTaifleront , même par leur propre
pcfinteur, mais beaucoup plus fi quclq\ie
poids pofe deliiis; c'eft pourquoi, afin de
leur donner plus de folidité, il faut chan-
ger leur figure ou leur pofition.
2°. Si Ton donne une forme de coiii aux
pierres , ou autres matériaux , qu'ils foienr
plus larges en deffus qu'en delfous _, &,
djfpolcs dans un même rang de niveau
avec leurs extrémirés, foutenues comme
ARC
^ans le précédent théorcme ; il n'y en a
aucun qui puiffe s'abailler , à moins que
les fupports ne s'écartent ou s'inclinent ;
parce que , dans cette fituation , il n'y a pas
lieu à une defcente perpendiculaire : mais
ce n'eu qu'une coniîruiâion toibie , atten-
du que les fupports font fujcts à une trop
grande impulhon , particulièrement quand
la ligne ell longue : ainii l'on tait rarement
ufage CCS arcs droits , excepté au deiîiis
des portes & des Fenêtres où la ligne cû
courte : ce([ pourquoi , afin de rendre
l'ouvrage plus fblide , il finit non feulement
clianger la figure des matériaux , mais en-
core leur pofition.
3°. Si les matériaux font taillés en for-
me de coin , difpoiés en arc circulaire , &
dirigés au même centre , en ce cas aucune
des pièces de Varc ne pourra s'afFaifîer ,
puifqu'elles n'ont aucun moyen de dcfcen-
dre perpendiculairement , & que les iup-
ports n'ont pas à ibutenir un auiii grand
effrrt que dans le cas de la forme précé-
dente ; car la convexité fera toujours que
le poids qui pefe delTus , portera plutôt
fur les fupports qu'il ne les pouflera en
dehors ; ainfî l'on peur tirer de-là ce co-
rollaire , que le plus avantageux de tous les
arcs dont on vient de parler , efl l'arc demi-
circulaire , & que de toutes les voûtes l'hé-
mifphérique efl: préférable.
4°. Comme les voûtes faites d'un demi-
cercle entier font les plus fortes & les plus
folides, de même celles-là font les plus
agréables , qui s'élevant à la même hau-
teur , font néanmoins allongées d'une qua-
torzième partie du diamètre : cette aug-
mentation de largeur contribuera beaucoup
à leur beauté , fans aucune diminution
confidérable de leur force. On doit néan-
moins obferver que , fuivant la rigueur géo-
métrique, les arcs qui font des portions
de cercle , ne font pas ablolument les plus
forts ; les arcs qui ont cette propriété , ap-
partieniient à une autre courbe appelléc
chainette , dont la namre efl telle , qu'un
nombre de fphercs dont les centres iont
difpofés fuivant cette courbe , fe foiîtien-
dront les unes les autres , & formeront un
arc- Voyei CHAINETTE.
M. Grégory fait voir même que les arcs
qui 'Dût vii.s autre fc;rme que cette courbe .-
ARC 197
ne fe foutîennent qu'en vertu de la chaî-
nette qui efl dans leur épaifïèur ; de forte
que s'ils étoient infînimgiit minces , ils tom-
beroient d'eux-mêmes , ou naturellement ;
au lieu que la chaînette , quoiqu'infiniment
mince , peut fe fourcnir , parce qu'aucun
de (ts points ne tend en bas plus que
l'autre. Tranfaâ. phitof. n°. x-^i. Voye:;^
une plus ample théorie des arcs à l'article
VoUTE. (rP)
Arc , ou ligne courbe de l'éperon {Ma-
rine.) c'cft en longueur la diflance qu'il y
a du bout de l'éperon à l'avant du vaif-
feau pardeffus l'éperon ; cette courbe efl
formée principalement par les aiguilles , ou
plutôt par l'aiguille inférieure & la gorgere.
On donne aujourd'hui beaucoup à' arc à
l'éperon. Voye^ la figure de V éperon , tom. I.
Marine, PL IV. (Z)
Arc, f. m. partie de la ferrure d'un
carrofle; Ce fbnt les Maréchaux grofîlers
qui forgent les arcs aintl nommés parce
qu'ils en ont la forme.
* Arc , rivière de Savoie qui a fa fource
à la partie feptcntrionale du grand mont
Cenis , aux confins du duché d'Aofle , tra-
verfe le comté de Maurienne , & va fè jeter
dans l'Ifere.
ArC-DOUTANT , & mieux ArC-BU-
TANT, enArchitecIure , efl un arc ou portion
d'un arc rampant qui bute contre un mur ou
contre les reins d'une voûte , pour en em-
pêcher l'écartcment & la poufTéc , comme
on le voit aux églifes gothiques. Ce mot eil
françois , & efl formé d'arc & de buter.
On appelle aufli allez mal-à-propos arc-
bu^ant , tout pilier ou mafle de maçonnerie
qui fervent à contretenir un mur , ou de
terraiTe , ou autre. V. PiLTER-BATTANT ,
Contre-fort &EPERON. Cemotd'arc-
butant ne convient qu'à un corps qui s'élève
& s'incline en portion de cercle contre le
corps qu'il (outient. {D)
AE.CS-BOUTANS , en Marine , ce font
des pièces de bois entaillées fur les baux ou
barots , & fervant à foutenir les barotins.
Vvyerjesfig. de Marine , PL IV.fig. z . le
n°. 7j. marque les arcs-boutans & leur
fituation. On peut les voir encore dans la
Planche V. fig. i. fous le n°. JJ. Voyc\_
Baux , Bae.ots & Barotins.
Arcs-boiuans fc dit encore d'une &ï^ccs
198 A R. C
de petit mât de iÇ à 30 pi^s de long,
ferré par un bout avec un fer à trois poin-
tes de 6 à S pouces de longueur , donr
l'ufage eflde tenir les écoutes des bonnettes
en état, & de repoulTcr un autre vaifTeau
s'il venoit à l'abordage. ï^qye^ ECOUTES ,
Bonnettes. (Z)
Arcs-BOUTANS, ou étais des jumelles ,
ce font , dans un grand nombre de ■ ma-
chines , des pièces de bois qui-aflemblent
& foutiennent les jumelles fur les pies des
patins.
Arc-BUTER , V. aâ. en Architecture ,
c'efl contretcnir la pouffée d'une voûte ou
d'une plate-bande avec un arc-butant : mais
contre-biiter y c'eft contretenir avec un pi-
lier butant ou un étai. Voye\ CONTRE-
buter. (P)
Arc-en-ciel , iris , f. m. {Phyfiq. )
météore en forme d'arc de diverfes couleurs ,
qui paroît lorfque le temps efl pluvieux ,
dans une partie du ciel oppofée au foleil ,
& qui eft formé par la réfraflion des rayons
de cet aftre , au travers des gouttes fphé-
riques d'eau dont l'air eft alors rempli.
Voyei MÉTÉORE , PlUIE & RÉFRAC-
TION.
On voit pour l'ordinaire un fécond arc-
en-ciel qui entoure le premier à une cer-
taine diflance. Ce fécond arc-en-ciel s'ap-
pelle arc-en-ciel-extérieur , pour le diilin-
guer de celui qu'il renterme , & qu'on
nomme arc-en-ciel intérieur. Uarc inté-
rieur a les plus vives couleurs , & s'ap-
pelle pour cela Varc principal. Les couleurs
de l'arc extérieur font plus foibles , & de-
là vient qu'il porte le nom de fécond arc.
S'il paroît un troifieme arc, ce qui arrive
fort rarement , fes couleurs font encore
moins vives que les précédentes. Les cou-
leurs lont renverlées dans les deux arcs ;
celles de l'arc principal font dans l'ordre
fuivant , à compter du dedans en dehors ,
violet , indigo , bleu , verd , jaune , oran-
ge , rouge : elles font arrangées au con-
traire dans le fécond arc en cet ordre ,
rouge , orangé , jaune , verd , bleu , indi-
go , violet : ce Ibnt les mêmes couleurs
que l'on voit dans les rayons du foleil qui
traverfent un prifme de verre, l^oye:^
Prisme. Les Phyliciens tont aulil mention
d'un arc-en-ciel lunaire & d'un arc-en-
ARC
ciel marin j dont nous parlerons plus basr,^
V arc-en-ciel , comme l'obferve M. New-
ton , ne p.iroît jamais que dans les en-
droits où il pleut & où le ioleil luit en
même temps ; & l'on peut le former par
art en tournant le dos au foleil & en tai-
(ant jaillir de l'eau , qui poulfée en l'air
& difperfée en gouttes , vienne tomber en
forme de pluie; car le foleil donnant fur
ces gouttes , fait voir un arc-en~ciel à tout
fpedateur qui fe trouve dans une jufle
polîfion à l'égard de cette pluie & du fo-
leil , lur-tout 11 l'on met un corps noir
derrière les gouttes d'eau.
Antoine de Dominis montre dans fon
livre , de radio lifùs & lucis , imprimé à
Venife en 161 1 , que Varc-en-ciel ell pro-
duit dans des gouttes rondes de pluie ,
par deux réfraftions de la lumière folaire ,
& une réflexion entre deux ; & il confirme
cette explication par des expériences qu'il
a faites avec une phiole & des boules de
verre pleines d'eau , expofées au foleil. II
faut cependant reconnoître que quelques
anciens avoient avancé, antérieurement à
Antoine de Dominis , que Varc-en-ciel étoit
formé par la réfraâion des rayons du foleil
dans des gouttes d'eau. Kepler avoit eu
la même penfée , comme on le voit par
les lettres qu'il écrivit à Berenger en 1605 ,
& .1 Harriot en 1606. Defcartes , qui a
luivi dans ks météores l'explication d'An-
toine de Dominis , a corrigé celle de l'arc
extérieur. Mais comme ces deux favans
hommes n'entendoient point la véritable
origine des couleurs , l'explication qu'ils
ont donnée de ce météore, efl défeâucufe
à quelques égards ; car Antoine de Dominis
a cru que Yarc-en-ciel extérieur étoit formé
par les rayons qui rafoient les extrémités
des gouttes de pluie, & qui venoient à
l'œil après deux réfra£lions & une réfle-
xion. Or on trouve , par le calcul , que
ces rayons , |dans leur l'econde réfraftion ,
doivent faire un angle beaucoup plus petit
avec le rayon du foleil qui pafle par l'oeil ,
que l'angle ious lequel on voit l'arc-e/z-
ciel intérieur ; & cependant , l'angle fous
lequel on voit Varc-en-ciel extérieur , eff
beaucoup plus grand que celui fous lequel
on voit Varc-en-ciel intérieur : de plus ,
les rayons qui tombent fort obliquement
AR C
fijr une goutte d'eau , ne font point de
couleurs fenlîbles dans leur kconde ré-
fradion , comme on le verra ailément par
ce que nous dirons dans la luite. A l'cgard
de M. Delcartes , qui a le premier expliqué
Yarc-en-ciel extérieur , par deux réHexions
& deux réfraftions , il n'a pas remarqué
que les rayons extrêmes qui font le rou^c ,
ont leur rétradion beaucoup moindre que
félon la proportion de 3 à 4? & l^'c ceux
qui font le violet , l'ont beaucoup plus
grande : de plus , il s'efl contenté de dire
qu'il venoit plus de lumière à l'ccil fous
les angles de 41 &c de 42.<* , que lous les
autres angles , fins prouver que cette lu-
mière doit être colorée ; &. ainli il n'a pas
fuffilàmment démontré d'où vient qu'il
paroît des couleurs lous un angle d'envi-
ron 41'' , & qu'il n'en paroît point fous
ceux qui font au delTous de 40^* , & au
delfus de 44 dans l'arc-en-ciel intérieur.
Ce célèbre auteur n'a donc pas iuffilamment
expliqué ïarc-en-ciel , quoiqu'il ait fort
avancé cette explication. Newton l'a ache-
vée par le moyen de l'a dodrine des
couleurs.
Théorie de Varc-en-ciel. Pour concevoir
l'origine de Varc-en-ciel , examinons d'a-
bord ce qui arrive lorfqu'un rayon de lu-
mière qui vient d'un corps éloigné , tel
que le loleil , tombe fur une goutte d'eau
fphérique , comme lont celles de la pluie.
Soit donc une goutte d'eau A D K N ,
( J'ab. Opt.Jig. ^^. n°. z.) &i. les lignes
EFy BA, &CC. des rayons lumineux qui
partent du centre du loleil , & que nous
pouvons concevoir comme parallèles entre
eux à caufe de l'eloignement immenfe de
cet aflre .. le rayon B A étant le feul qui
tombe perpendiculairement lur la lurtacc
de l'eau , & tous les autres étant obliques ,
il efl ailé de conce\ oir que tous ceux-ci
louHriront une rétradion & s'approcheront
de la perpendiculaire ; c'eft-à-dire que le
rayon E F , par exemple, au lieu de con-
tinuer Ion chennn luivant F G ^ fe rom-
pra au point F , & s'approchera de la ligne
H F I perpendiculaire à la goutte en i^ ,
pour prendre le chemin FK. Il en efl de
même de tous les autres rayons proches
du rayon EF , lelquels fe détourneront à^F
vers K, où ii y en aura vraifemblabieraent
ARC J59
quelques-uns qui s'échapperont dans l'air,
tandis que les autres le réfléchiront fur la
W^ntKN , pour taire des angles d'incidence
& de réflexion égaux enir'cux. Voye\
Réflexion.
De plus , comme le rayon KN te ceux
qui le iuivent , tombent obliquement fur
la furtace de ce globule , ils ne peuvent
rcpafler dans l'air (ans le rompre de nou-
veau & s'éloigner de la perpendiculaire
MN L ; de lorte qu'ils ne peuvent aller
diredemcnt vers Y , & font obligés de fe
détourner vers P. Il faut encore oblèrver
ici que quelques-uns des rayons , après
qu'ils font arrivés en iV, ne paflent point
dans l'air , mais fe réfléchiffent de nouveau
vers Ç , où fouffrant une rétradion comme
tous les autres , ils ne vont point en droite
ligne vers P, mais vers ii, ens'éloignantde
la perpendiculaire TV : mais comme on ne
doit avoir égard ici qu'aux rayons qui peu-
vent affeder l'œil , que nous fuppofons
placé un peu au deflbus de la goutte , au
point Z , par exemple , nous laifîbns ceux
qui fe réfléchiflent de N vers Q comme
inutiles , à caufe qu'ils ne parviennent ja-
mais à l'œil du fpedateur. Cependant il
faut obfèrver qu'il y a d'autres rayons ,
comme 2. , 3 , qui le rompant de 3 vers
4 , de-là fe réfléchiffant vers 5 , & de 5
vers 6 , puis fe rompant luivant 6, 7,
peuvent enfin arriver à l'œil qui ell placé au
deffous de la goutte.
Ce que l'on a dit jufqu'ici efl très-évi-
dent : mais pour déterminer précilément
les degrés de réfradion de chaque rayon
de lumière , il faut recourir à un calcul , par
lequel il paroît que les rayons qui tombent
fur le quart de cercle A D , continuent
leur chemin luivant les lignes que l'on voit
tirées dans la goutte ADKN, où il y a
trois choies extrêmement importantes à
oblèrver. En premier lieu , les deux réfrac-
tions des ra) ons à leur entrée & à leur
fortie lont telles , que la plupart des rayons
qui étoient entrés parallèles fur la fin-face
AF, iortent divergens , c'efl-à-dire , s'é-
cartent les uns contre les autres , & n'arri-
vent point jufqu'à l'œil ; en fécond lieu,
du taifceau de rayons parallèles qui tom-
bent lur la partie A D Ac la goutte , il y
en a une petite partie qui , ayant été rora-
îoo ARC
pus par la goutte , viennent (ê réunir au
fond de la goutte dans le même point,
& qui étant réfléchis de ce point , fortent
de la goutte parallèles entr'eux comme ils
y étoient entrés. Comme ces rayons lont
proches les uns des autres , ils peuvent agir
avec force fur l'œil en cas qu'ils puifTcnt y
entrer, &c c'ell pour cela qu'on les a
nommés rayons efficaces ; au lieu que les
autres s'écartent trop pour produire un eftct
fenfible , ou du moins produire des cou-
leurs auflî vives que Varc-en-ciel. En troi-
lieme lieu, le rayon NP a une ombre
ou obfcuriié fous lui ; car puifqu'il ne fort
aucun rayon de la furtace N 4 , c'eft la
même chofe que fî cette partie étoit cou-
verte d'un corps opaque. On peut ajouter à
ce que l'on vient de dire, que le même
rayon NP a de l'ombre au deiîîis de l'œil ,
puifque les rayons qui font dans cet en-
droit , n'ont pas plus d'effet qt!e s'ils n'exil-
toient point du tour.
De-là il s'enfuit que pour trouver les
rayons efficaces , il faut trouver les rayons
qui ont le même point de réflexion , c'efl-à-
dire , qu'il huit trouver quels font les rayons
parallèles & contigus , qui , après la ré-
fraûion , fe rencontrent dans le même point
de la circonférence de la goutte , & fe réflé-
chiflent de-là vers l'œil.
Or fuppofons que N P foit le rayon effi-
cace , & que E F foit le rayon incident
qui correlpond à NP , c'efî-A-dirj , que F
foit le point où il tombe un petit faifceau
de rayons parallèles , qui après s'être rom-
pus , viennent fe réunir en K. y pour fe réflé-
chir de-là en iV, & fortir fuivant N P ,
& nous trouverons par le calcul que l'an-
gle O N P y compris entre le rayon N P &
la ligne Q N tirée du centre du foleil , efl de
41'' 30'. On enfeignera ci-après la méthode
de le déterminer.
Mais comme, outre les rayons qui vien-
nent du centre du foleil à la goutte d'eau ,
il en part une infinité d'autres des diflé-
rens points de fa (ijrlace , il nous relie
à examiner plufieurs autres rayons eflicaces ,
Hir-tout ceux qui partent de la partie
fupérieure & de la partie inférieure de fon
difque.
Le diamètre apparent du foleil étant d'en-
viron 31' , il s'enfuit que fi le rayon £ F
ARC
palfe par le centre du foleil , un rayojt
efficace qui partira de la partie fupérieure
du foleil , tombera plus haut que le rayon
EF àt 16' , c'eft-à-dirc , fera avec ce rayon
E F un angle d'environ 16'. C'efl ce que
fait le rayon G H{fig. ^6.) qui fouflrant la
même réfraûion que E F y le détourne vers
/ & de-là vers L , jufqu'à ce que lortant
avec la même réfraûion que N P , \\ par-
vienne en M pour former un angle de 41**.
14' avec la ligne O N.
De même le rayon Ç-R qui part de la
partie inférieure du ioleil , tombe iur le
point R 16' plus bas, c'efl-à-dire , fait un
angle de 16' en deffous avec le rayon E F,
& fouHrant une réfraâion , il fe détourne
vers S & de-là vers T , où pafiant dans
l'air il parvient jufqu'à F'; de forte que la
ligne jT ?^ & le rayon O T forment un
angle de 41'^ 46'.
A l'égard des rayons qui viennent â l'œil
après deux réflexions & deux réfraâions ,
on doit regarder comme efficaces ceux qui ,
après ces deux réflexions & ces deux ré-
fraélions , fortent de la goutte parallèles
entr'eux.
Supputant donc les réflexions des rayons
qui viennent , comme 13 , {fig. 45- 'z". i. )
du centre du foleil , & qui , pénétrant dans
la partie inférieure de la goutte , iouffi-ent ,
ainll que nous l'avons iuppolé , deux ré-
flexions & deux réfractions , & entrent
dans l'œil par des lignes pareilles à celle qui
eft marquée par 67 , {fig. 47-) nous trou-
vons que les rayons que l'on peut regarder
comme efficaces , par exemple 67 , for-
ment avec la ligne 86 tirée du centre du
foleil , un angle 867 d'environ 5 i** : d'où
il s'enfuit que le rayon efficace qui_ part de
la partie la plus élevée du foleil , fait avec
la même ligne 86 un angle moindre de 16' ;
& celui qui vient de la partie inférieure , un
angle plus grand de 16'.
Imaginons donc que AB C D E F foit
la route du rajon efficace depuis la partie
la plus élevée du foleil juiqu'à l'œil Fy
l'angle 86 F fera d'environ Si<* & 44'. De
même , Ci GUI KLM eu la route d'un
rayon efficace qui part de la partie inférieure
du foleil & aboutit à l'œil , l'angle 86 M
approche de ^i"^ & 16'.
Comme il y a plufieurs rayons efficaces
outre
ARC
outre ceux qui partent du centre du folcil ,
ce que nous avons dit de l'ombre ioulire
quelque exception ; car , des trois ravons qui
l'ont tracés {fig. 4^. 11". -l. & 46". ), il n'y a
que les deux extrêmes qui aient de l'ombre
À leur côté extérieur.
A l'égard de la quantité de lumière ,
c'ell-à-dire du lailccau de rayons qui (è
réunifient dans un certain point , par exem-
ple , dans le point de rellexion des rayons
elficaces , on peut le regarder comme un
corps lumineux terminé par l'ombre. Au
refte il taut remarquer que julqu'ici nous
avons iuppolé que tous les rayons de lu-
mière le rompoient également ; ce qui nous
a fait trouver les angles de 41'' 30' & de 52<^.
Mais les ditlérens rayons qui parviennent
ainll julqu'à l'œil , iont de diverles cou-
leurs , c'eil-à-dire propres h exciter en nous
l'idée de ditFérentes couleurs ; & par con-
léquent ces rayons Iont dllléremment rom-
pus de l'eau dans l'air , quoiqu'ils tombent
de la même manière fur une furface re-
Irangible : car on lait que les rayons rou-
ges , par exemple , fouflrent moins de
rétraction que les rayons jaunes , ceux-ci
moins que les bleus , les bleus moins
que les violets , & ainfi des autres. Voye\
Couleur.
Il iliit de ce qu'on vient de dire , que les
rayons diiférens ou hétérogènes le léparent
les uns des autres & prennent différentes
routes , & que ceux qui ("ont homogènes fe
réunifient & aboutilîent au même endroit.
Les angles de 4-i<* 30' & de 5 z^ ^ ne font
que pour les rayons d'une moyenne rcfran-
gibilité, c'ed-à-dire, qui en le rompant, s'ap-
prochent de la perpendiculaire plus que les
rouges , mais moins que les rayons violets:
&: de-Li vient que le point lumineux de
la goutte où fe fait la réfraction , paroît
bordé de différentes couleurs , c'efl-à-dire
que le rouge , le verd & le bleu , naifitnt
de diftérens rayons rouges , verds & bleus
du foleil , que les difFérentes gouttes trani-
n.ettent à l'œil , comme il arrive lorlqu'on
regarde des objets éclairés à travers un pril-
rr.e. Vuje^VKlsWE.
Telles font les couleurs qu'un feid globule
de pluie doit repréicnter à l'œil : d'où il
s enfuit qu'un grand nombre de ces petits
fclobules venant à ié répandre dans l'air , y
Tome III.
ARC loi
fera appercevoir diflerentes couleurs , pour-
vu qu'ils ioicnt tellement difpofés , que \ts
rayons efùcaces puiilènt afleâer l'œil ; car
ces rayons ainii dilpofts , formeront un
arc-en-ciel.
Pour déterminer maintenant quelle doit
éci c cette difpofuion , fuppoi'bns une ligne
droite tirée du centre du foleil à l'ail du
fpeélateur, telle que V X {fig. ^G.) que
nous appellerons ligne d'afpecl: comme elle
part d'un point extrêmement éloigné , on
peijt la fuppofer parallèle aux autres lignes
tirées du même point ; or on fait qu'une
ligne droite qui coupe deux parallèles ,
forme des angles alternes égaux. Voyez
Alterne.
Imaginons donc un nombre indéfini de
lignes tirées de l'œil du Ipeflateur , à
l'endroit oppolé au folcil où font des
gouttes de pluie , lelquelles forment diilé-
rens angles avec la ligne d'afpeâ , cgauT
aux angles de réiradion des diffcrens rayons
réfrangibles , par exemple , des angles de
4i<i 46' , & de 41^ 30' , & de 41'' 40' ,
ces lignes tombant fur des gouttes de
pluie éclairées du foleil , formeront àts
angles de même grandeur avec les rayons
tirés du centre du foleil aux mêmes gout-
tes ; de forte que les lignes , ainfi tirces
de l'ail , repréienteront les rayons qui occa-
fîonent la ienfation de différentes couleurs.
Celle , par exemple , qui forme un angle
de 41*^ 46' , rcprélentera les rajons les
moins rérrangibles ou rouges , des difFé-
rentes gouttes ; & celle de 41'* 40' les
rayons violets qui font les moins réfrangi-
bles. On trouvera les couleurs intermédiai-
res &. leurs réfrangibilités dans l'efpace inter-
médiaire. voye\ Rouge.
On fait que l'œil étant placé au fômmet
d'un cône , voit les objets fur fa furface
comme s'ils étoient dans un cercle, au moins
lorique ces objets font aiTez éloignés de lui :
car quand difîerens objets l'ont à une dil-
tance affez confidérable de l'ail, ils paroif-
fent être à lamême diflance. Nous en avons
donné la railon dans V article ApI'AREnT •
d'où il s'eniuit qu'un grand nombre d'ob-
jets ainfi difpofés , paroîtront rangés dans
un cercle fur la furface du cône. Or l'œil de
notre l'iieâateur efl ici au fommet com-
mun de pluiieurs cônes formés par ks dille-
Cc
201 ARC
rentes efpeces de rayons efficaces & la ligne
d'alpeft. Sur la lurtace de celui dont l'angle
au iommet eil le plus grand , & qui con-
tient tous les autres , font ces gouttes ou
parties de gouttes qui paroiflent rouges ;
les gouttes de couleur de pourpre font lur
la fuperficie du cône qui forme le plus
petit angle à fon fommet ; & le bleu , le
verd , Ùc. font dans les cônes intermé-
diaires. Il s'eniiiit donc que les diliérentcs
efpeces de gouttes doivent paroître comme ii
elles étoient difpofôes dans autant de bandes
ou arcs colorés , comme on le voit dans
Varc-en-ciel.
M. Newton explique cela d'une manière
plus fcientifique , & donne aux angles des
valeurs un peu dilFérenres. Suppofons , dit-
il , que O {fig. 4-8. ) foit l'œil du fpefta-
feur ; &c O P une ligne parallèle aux rayons
du foleil ; & foient P O E , P O F Ats^n-
gles de 46«1 17' , de 41-^ i' , que l'on fup-
pofe tourner autour de leur côté commun
O P : ils décriront par les extrémités E , F ,
de leurs autres côtés O E & O F, les bords
de Wirc-en-ciel.
Car ÇiE ) F font des gouttes placées en
quelque endroit que ce foit des i'urtaces
coniques décrites par O E , O F , &: qu'el-
les (oient éclairées par les raj-ons du foleil
S E f S F ; comme l'angle S E O ci\ égal à
l'angle POE qui cfî de 40^ 17' , ce fera
le plus grand angle qui puifle être fait par
la ligne S E ; &c par les rayons les plus
rétrangibles qui font rompus ^trs l'œil
après une leule réflexion ; & par coniéquent
toutes les gouttes qui fe trouvent lur la ligne
O E y enverront à l'œil , dans la plus grande
abondance poflible , les rayons les plus
rélrangibles , & par ce moyen feront fentir
k violet le plus foncé vers la région où elles
font placées.
De même l'angle S FO étant égal à l'an-
gle P O i^ qui eil de 41^^ 2' , fera le plus
grand angle félon lequel les rayons les moins
réfrangibles puifîcnt fortir des gouttes après
une feule réflexion ; & par conféquent ces
rayons feront envoyés à l'œil dans la plus
grande quantité poflible par les gouttes qui
le trouvent fur la ligne OF, & qui produi-
ront la fenfation du rouge le plus foncé en
cet endroit.
Par la meaie raifon les rayons qui ont des
ARC
degrés intermédiaires de réfrangibîlité, vien-
dront dans la plus grande abondance pof-
fible des gouttes placées entre E S>c F ^ &c
feront fentir les couleurs intermédiaires dans
l'ordre qu'exigent leurs degrés de réfrangi-
bîlité , c'eft-à-dire en avançant de E en F y
ou de la partie intérieure de Varc à l'exté-
rieure dans cet ordre , le violet , l'indigo ,
le bleu , le verd , le jaune , l'orangé & le
rouge : mais le violet étant mêlé avec la
lumière blanche des nuées , ce mélange
le fera paroître foiblc , & tirant fur le
pourpre.
Comme les lignes O E , O i^'peuvent être
fituées indificremment dans tout autre en-
droit des furfaces coniques dont nous avons-
parlé ci-deiTus , ce que 1 on a dit des gouttes ,
& des couleurs placées dans ces lignes ^
doit s'entendre des gouttes & des couleurs
difîribuées en tout autre endroit de ces
furfaces ; par conféquent le violet fera ré-
pandu dans tout le cercle décrit par l'extré-
mité -E du rayon O E autour de O P ; le
rouge dans tout le cercle décrit par F , &
les autres couleurs dans les cercles décrits
par les points qui font entre E &c F. Voilà
quelle eft la manière dont fe forme Varc-,
en-ciel intérieur.
Arc-en-ciel extérieur. Quant au fécond
arc-en-cicl qui entoure ordinairement le pre-
mier , en ailignant les gouttes qui doivent
paroître colorées , nous excluons celles qui
partant de l'œil , font des angles un peu
au deiTous de 42.*^ i' , mais non pas celles
qui en font de plus grands.
Car (i l'on tire de l'œil du fpeftateur
une infinité de pareilles lignes , dont quel-
ques-unes fafîènt des angles de 50'^ 57' avec
la ligne d'aipeft , P^r exemple O G ; d'au-
tres des angles de 54'' 7' , par exemple O H,
il faut de toute néceflité que les gouttes
fur lefquelles tomberont ces lignes , falîênt
voir des couleurs , fur-tout celles qui for-
ment l'angle de 50^ 57'.
Par Qxemple , la goutte G paroîtra rouge ,
la ligne G O étant la même qu'un rayon
efficace , qui , après deux réflexions & deux
réfradions , donne le rouge ; de même
les gouttes fur lefquelles tombent les lignes
qui font avec O P des angles de 54'' 7' ,
par exemple , la goutte H i^aroitra couleur
de pourpre ; la ligne O H étant la même
ARC
qii'un rayon cfTicace , qui , après deux ré-
ijexions & deux rétradions , dojinc la
couleur de pourpre.
Or , s'il y a un nombre fuffilant de ces
gouttes , & que la lumière du l'oleil ioit
aflêz forte pour n'être point alîoiblie par
deux réflexions & réfradions conl'écuti-
ves , il efl évident que ces gouttes doi-
vent former un fécond arc fcmblable au
premier. Dans les rayons les moins ré-
frangibles , le moindre angle fous lequel
une goutte peut envoyer des rayons effi-
caces après deux réflexions , a été trouvé
par le calcul de 50=* ^7 , & dans les plus
féf'rangibles , de 54*^ 7'.
Suppolons l'œil placé au point O, com-
me ci-devant , & que P O G , P O H
l'oient des angles de îo'l 57' , & de 54'* 7 :
li ces angles tournent autour de leur côté
commun O P, avec leurs autres côtés O G,
OH, ils décriront les bords de l'arc-en-ciel
C H D G, qu'il faut imaginer , non pas dans
le même plan que la ligne O P, ainfi que
la figure le prefente , mais dans un plan
perpendiculaire à cette ligne.
Car fi G O l'ont des gouttes placées en
quelque endroit que ce Ibit des furfaces
coniques décrites par O G , OH, & qu'elles
ioient éclairées par les rayons du f'oleil ;
comme l'angle *S" G O eft égal ;\ l'angle
P O G de 5o<l 57' , ce fera le plus petit
angle qui puifTe être fait par les rayons les
moins réfrangibles après deux réfiexions ;
& par conléquent toutes les gouttes qui fe
trouvent fur la ligne O G , enverront à l'œil
dans la plus grande abondance pollible , les
rayons les moins réfrangibles , & feront
fentir par ce moyen le rouge le plus foncé
vers la région où elles font placées.
De même l'angle S HO étant égal à
l'angle PO H , qui efl de 54^ 7' , fera le
plus petit angle fous lequel les rayons les
plus réfrangibles puiflent fortir des gouttes
après deux réfiexions ; & par conléquent
ces rayons feront envoyés ;\ l'œil dans la
plus grande quantité qu'il foit pollible par
les gouttes qui font placées dans la ligne
O /f , & produiront la fenl'atlon du violet
le plus foncé dans cet endroit.
Par la même raifon , les rayons qui ont
des degrés intermédiaires de réfrangibilité ,
viendront dans la plus grande abondance
ARC zoj
poffible des gouttes entre G & H , & feront
fentir les couleurs intermédiaires dans l'or-
dre qu'exigent leurs degrés de réfrangibi-
lité, c'efl-.\-dire , en avançant de G en H,
ou de la partie intérieure de l'jri.- à l'exté-
rieure , dans cet ordre , le rouge , l'orangé ,
le jaune, le verd, le bleu, l'indigo, &
le violet.
Et comme les lignes O G, OH, peu-
vent être tituées indifléremment en quel-
que endroit que ce foit des lurfaces coni-
ques , ce qui vient d'être dit des gouttes
& des couleurs qui font fur ces lignes ,
doit être appliqué aux gouttes & aux cou-
leurs qui font en tout autre endroit de ces
furfaces.
C'efî ainfi que feront formés deux arcs
colorés ; l'un intérieur , & compofé de cou-
leurs plus vives par une feule réflexion ;
& l'autre extérieur , & compofé de cou-
leurs plus foibles par deux réfiexions.
Les couleurs de ces deux arcs feront
dans un ordre oppofé l'une à l'égard de
l'autre ; le premier ayant le rouge en dedans
& le pourpre en dehors ; & le fécond le
pourpre en dcbors & le rouge en dedans ,
& ainfi du refle.
Arc-en-ciel artificiel. Cette explication
de ïarc-en-ciel efl confirmée par une expé-
rience facile : elle confifle à fufpendre une
boule de verre pleine d'eau en quelque en-
droit où elle foit expofée au foleil , & d'y
jeter les yeux, en le plaçant de telle ma-
nière que les rayons qui viennent de la
boule à l'œil , puilfent faire avec les rayons
du foleil un angle de 41 ou de 50^* ; car fi
l'angle eft d'environ 42. ou 43** , le fpeûa-
tcur ( fuppofé en O) verra un rouge fort vif
fur le côté de la boule oppofé au foleil ,
comme en i^ ; & fi cet angle devient plus
petit , comme il arrivera en faifant delcen-
dre la boule jufqu'en E , d'autres couleurs
paroîtront fuccefïivement fur le même côté
de la boule, favoir , le jaune, le verd &
le bleu.
Mais fi l'on fait l'angle d'environ ^o'^, en
haufîant la boule jufqu'en G , il paroîtra
du rouge fur le côté de la boule qui efl
vers le foleil , quoiqu'un peu foible ; &. fi
l'on fiit l'angle encore plus grand , en
haufîant la boule jufqu'en H, le rouge fé
changera iucceilivemcat en d'autres cou-
Cc z
104 ARC
leurs, en jaune, verd & bleu. On obferve
la même choie lorlqiie , fans faire changer
de place ;\ la boule , on haiifle ou l'on baifle
l'oeil pour donner à l'angle une grandeur
convenable.
On produit encore , comme nous l'avons
dit , un arc-en-ciel artificiel , en tournant
le dos au foleil , & jetant en haut de
l'eau dont on aura rempli fa bouche ; car
on verra dans cette eau les couleurs de
Varc-en-cicl , pourvu que les gouttes loient
pouflees -iifTez haut pour que les rayons
tir^s de ces gouttes à l'œil du fpeftateur ,
iafîcnt des angles de plus de 4.i<^ avec le
rayon O P.
DimenJ-ion de l'arc-en-ciel. Defcartes a le
premier déterminé fon diamètre par une
méthode indirede , avançant que fa gran-
deur dépend du degré de rctraftion du
fluide , & que le iinus d'incidence efl à
celui de réfraâion dans l'eau , comme 250
à 187. Voye\ RÉFRACTION.
M. Hnlley a depuis donné, dans les
Tran factions philo fophique s , une méthode
iimple & direde de déterminer le diamè-
tre de Y arc-en-ciel y en luppofânt donné le
degré de réfradion du fluide , ou récipro-
quement de déterminer la réfraction du
fluide par la connoiflance que l'on a du
diamètre de Marc-en-ciel. Voici en quoi
conidfe fa méthode, i". Le rapport de la
rétradion , c'efl-à-dire des finus d'inci-
dence & de réfradion , étant connu , il
cherche les angles d'incidence & de ré-
fradion d'un rayon , qu'on fuppofe deve-
nir efficace après un nombre déterminé de
réflexions ; c'eit-à-dire _, il cherche les- angles
d'incidence & de réh-adion d'un failceau
de rayons infiniment proches , qui , tom-
bant parallèles iur la goutte , fbrtent pa-
rallèles après avoir foufièrt au dedans de
la goutte un certain nombre de réflexions
déterminé. Voici la règle qu'il donne pour
cela. Soit une ligne donnée ^^C {PL d'Opt.
fis- 49) ; on la diviiéra tn D , enfortequc
jD C (bit À A C en raif()n du finus de ré-
fradion au finus d'incidence ; enfuite on
la divilera de nouveau en E , enfortc que
ui C foie à A E comme le nombre donné
de réflexions augmenté de l'unité efî A
cette même unité ; on décrira après cela
fur le diuineirc A E le demi-cercic ABE ;
ARC
puis du centre C & du rayon C D on
tracera un arc D B , qui coupe le demi-
cercle au point B : on mènera les lignes
A B , C B ; A B C y ou fon complément
à deux droits , fera l'angle d'incidence ,
& Cy^iî l'angle de rétradion qu'on de-
mande.
2°. Le rapport de la réfradion & l'an-
gle d'incidence étant donnés , on trouvera"
amfi l'angle qu'un rayon de lumière qui
iort d'une boule après un nombre donné
de réflexions," tait avec la ligne d'alpcd ,
& par conféquent la hauteur & la largeur
de Varc-en-ciel. L'angle d'incidence & le
rapport de rétradion étant donnés , l'an-
gle de réfradion l'eft aufli. Or , fi l'on mul-
tiplie ce dernier par le double du nombre
des réflexions augmenté de 2 , & qu'on
retranche du produit le double de l'angle
d'incidence, l'angle refiant lera celui que
l'on cherche.
Suppofons avec M. Newton , que le
rapport île la réfradion foit comme 108
;\ 81 pour les rayons rouges, comme 109
à 8 1 pour les bleus , Ê'c. le problème pré-
cédent donnera les angles fous lelquels on
voit les couleurs.
rLe fpfftateur ayant
l. -*'«""'•-; yjuiet^d. ,^'. \kil , parce que les
^ /rayons qui viennent à
^ l'œil du fpei>£teur >
V après Line ou tieux ré-
- j o. ^^exions, font du mà-
//. Arc-cn-ciel.S> roiiîçe 70 d. fS'. /me côté de la goutte
<i violet /4 d. 99'. / nue les rayoïu inti-
Vdens.
Si l'on demande l'angle formé par un
rayon après trois ou quatre réflexions , &
par conféquent la hauteur à laquelle on
devroit appercevoir le troilieme & le qua-
trième arc-en-ciel , qui (ont très-rarement
& très-peu {éniibles , à caulè de la dimi-
nution que fouffi-ent les rayons par tant
de réflexions réitérées , on aura
m. Arc-cn.cld. 5'rousMi d- 37;
C violet î7a. 9 •
^^•^«^ "■"''• -^Yiolet4iid./3'.
Le fpeilateur jy.nt
le vifase tourné vers
le (ulei! , parce que
les r.Tyors qui vien-
nent a l'œil du Ipec-
lûteur, «près tro s oo.
quatre réflexions, fer-
rent de la goutte
d'un côté oppofê À
celui p:ir où ils y font
entrés , >\ conféqiiwn-
ment (ort , par rap-
port au foleil y d'un
auttecùtéde la goutte
. quelestiyooiiacidem»
ARC
Il efl aifé fur ce principe de trouver la
largeur de Varc-en-ciel ,• car le plus grand
demi-diatnetre du premier arc-en-ciel ,
c'elt-à-dire de (a partie extérieure , étant
de 41'' II', & le moindre, lavoir, de la
partie intérieure , de 40'' 16' , la largeurde
!a bande meliiréc du rouge au violet fera
de i<* 55' ; & le plus grand diamètre du
fécond arc étant de '54'* 9' , & le moindre de
50^ 5S' , la largeur de la handc Icra de 3^*
II', & la diUance entre les dtux arcs-en-
ciel de 8d 47'.
On regarde dans ces mefures le fbleil
comme un point ; c'eft pourquoi comme
fon diamètre eil d'environ 30' , & qu'on
a pris jui'qu'ici les rayons qui paflcnt par
le centre du foleil , on doit ajouter ces
30' à la largeur de chaque bande ou arc
de rouge ou violet; lavoir, 15' en del-
fous au violet à l'j'f intérieur , & 15' en
deiTus au rouge dans le même arc ; &
pour l'arc-^/î-aV/ extérieur , 15' en deflus
au violet, & 15' en deiTous au rouge; &
il faudra retrancher 30' de la dillance qui
elt entre les deux arcs.
La largeur de Varc-en-del intérieur fera
donc de ^^ 25' , & celle du fécond de ^'^ 41',
& leur diftance de 'é'^ 17'. Ce font là les
dimeniïons de Yarc-en-ciet , & elles font
conformes à très-peu-près à celles qu'on
trouve en melurant un arc-en-ciel avec des
inflrumens.
Phénomènes particuliers de V arc-en-ciel.
Il efî aifé de déduire de cette théorie
tous les phénomènes parnculiers de ïarc-
en-ciel : 1°. par exemple, pourquoi Varc-
en-ciel efl toujours de même largeur ?
c'efl parce que les degrés de réfrnngibi-
Ijté des rayons rouges & violets qui for-
ment fes couleurs extrêmes , font toujours
\?s mêmes.
2-°. Pourquoi on voit quelquefois les jam-
bes de V arc-en-ciel cont'guës à la furface de
la terre , & pourquoi d'autres fois cts jambes
ne viennent pas jufqu'à terre ? c'efl parce
qu'on ne voit Varc-en-ciel que dans les en-
droits où il pleut : or fi la pluie ell afîèz
étendue pour occuper un eipace plus grand
que la portion vilible du cercle que décrit
le point E , on verra un arc-en-ciel qui
ira jufqu'à terre , fmon l'oa ne verra d'urc^
, A R C aoî
en-ciel ^nc dans la partie du cercle occupée
par la pluie.
3°. Pourquoi Varc-en-ciel change àc fitua-
tion il meliire que l'œil en change ; pour-
c]uoi , pour parler comme le vulgaire , il
fuit ceux qui le fuivent , & fuit ceux qui le
fuient ? c'efl que les gouttes colorées font
diipolées fous un certain angle autour
de la ligne d'afpcd , qui varie à mefure
qu'on change de place. De-lA vient auflï
que chaque fpcdateur voit un arc-en-ciet
dillérent.
Au refle ce changement de Varc-en-ciel
pour chaque fpedateur , n'efl vrai que rigou-
reulement parlant ; car les rayons du fbleil
étant ceni'és parallèles , deux fpedateurs voi-
fins l'un de l'autre ont alTez fenfiblement le
même arc-en-ciel.
4°. D'où vient que Varc-en-ciel forme
une portion du cercle tantôt plus grande &
tantôt plus petite ? c'efl que fa grandeur
dépend du plus ou moins d'étendue de
la panie de la fuperfïcie conique qui efl au
delfus de la furface de la terre dans le temps
qu'il paroît ; & cette partie efl plus grande
oti plus petite , fuivant que la ligne d'afpeâ;
eft plus inclinée ou oblique à la furface de la
terre, cette obliquité augmentant à propor-
tion que le foleil efl plus élevé , ce qui fait
que Varc-en-ciel diminue à proportion que
le fbleil s'élève.
5°, Pourquoi Varc-en-ciel ne paroît ja--
mais lorfque le foleil efl élevé d'une cer-
taine hauteur? c'eft que la furface conique
fur laquelle il doit paroître , eft cachée fous
terre lorfque le fbleil efl élevé de plus de
42'* ; car alors la ligne O P , parallèle aux
ra}'ons du foleil , tait avec l'horizon en
delîous un angle de plus de 42.'' , & par
conléquenr la ligne O E , qui doit faire un
angle de 42** avec OP x efl au delTbus de
l'horizon , de forte que la rayon E O ren-
contre la furface de la terre , & ne fuiroit
arriver à l'œil. On voit aufli que fi le fo-
leil eft plus élevé de 42.'* , mais moins que
54 , on verra Varc-en-ciel extérieur , fans
Varc-en-ciel intérieur.
6°. Pourquoi rJ^c-e/r-aV/ ne paroît jamais
plus grand qu'un demi-cercle ? le fbleil
n'efl jamais vifible au deffous de l'horizon ,
& le centre de l'arc-^/z-c/f/ efl toujours dans
la ligne d'afpefl ;,or ,, daus le cas où le folai.
icff ARC
eft à llioriiion , cette ligne rafe la terre : donc
elle ne s'é'eve jamais au deflus de la furtace
<3e la terre.
Mais û le fpedateur eft placé fur une
ëininence confidérabie , & que le foleil foit
dans ou fous l'horizon , alors la ligne d'al-
peâ: dans laquelle ell le centre de Varc-en-
cielf fera conlidérablement élevée au del-
fus de l'horizon , & Yarc-en-ciel pour lors
fera plus d'un demi-cercle ; & même ii le
Jieu ell extrêmement élevé , & que la
pluie foit proche du fpeftateur , il peut
arriver que Yarc-en-ciel torme lui cercle
entier.
7°. Comment Yarc-cn-ciel peut paroître
interrompu & tronqué à ia partie iupé-
rieure? rien n'efl plus fimple à expliquer.
Il ne faut pour cela qu'un nuage qui in-
tercepte les rayons , & les empêche de
venir de la partie lupérieure de l'arc à
l'œil du fpeâateur ; car , dans ce cas , n'y
ayant que la partie inférieure qui foit vue,
Varc-en-ciel paroîtra tronqué à fa partie
fupérieure. Il peut encore arriver qu'on
ne voie que les deux jambes de Viirc-en~
ciel , parce qu'il ne pleut point à l'endroit
où devroit paroître la partie lupérieure de
Varc-en-ciel.
8°. Par quelle raifon l'arc-en-ciel peut
paroître quelquefois renverlé ? fi. le loleil
étant élevé de 41'' 46', les rayons tombent
fur la furface de quelque lac fpacieux , dans
le milieu duquel le lj-)eâateur foit placé ,
& qu'en même temps il pleuve , les rayons
venant A fe réfléchir dans les gouttes de
pluie , produiront le même effet que fi le
foleil étoit fous l'horizon , & que les rayons
vinfTent de bas en haut; ainfi la furtace
du cône fur laquelle les gouttes colorées
doivent erre placées , fera tout-à-fait au
deifus de la furface de la terre. Or , dans
ce cas , fi la partie fujiérieure eft couverte
par des nuages , & qu'il n'y ait que fi partie
inférieure lur laquelle les gouttes de pluie
tombent , l'arc fera renverfé.
9°. Pourquoi Varc-en-ciel ne paroît pas
toujours exadement rond , &: qu'il eft
quelquefois incliné ? c'eft que la rondeur
exaâe de Varc-en-ciel dépend de fon éloi-
gnement , qui nous empêclie d'en juger :
or fl la pluie qui le forme , eft près de
nous , on apperceva fes irrégularités ; Ik
ARC
fi le vent chafle la pluie , enforte que (â
partie lupérieure foit plus ienfiblement éloi-
gnée de l'œil que l'inférieure , l'a/c paroîtra
incliné ; en ce cas Varc-en-ciel pourra pa-
roître ovale , comme le paroit un cercle
incliné vu d'aflez loin.
10°. Pourquoi les jambes de Varc-en-
ciel paroiflènt quelquefois inégalement éloi-
gnées ? il la pluie le termine du côté du
Ijîedateur dans un plan tellement incliné
à la ligne d'al'pecl , que le plan de la pluie
i rme avec cette ligne un angle aigu du
côté du ipeclareur , & un angle obtus de
l'autre côté , la lurface du cône fur le-
quel iont placées les gouttes qui doivent
taire paroître Y arc-en-ciel , fera tellement
dilpolée , que la partie de cet arc qui fera
du côté gauche , paroîtra plus proche de
l'œil que celle du côté droit.
C'eft un phénomène fort rare de voir
en même temps trois arcs-en-ciel ,• les
rayons colorés du troifieme font toujours
tort toibles , à caufè de leurs triples réfle-
xions : auffi ne peut-on jamais voir un
troifieme arc-en-ciel , à moins que l'air
ne toit entièrement noir par devant & tort
clair par derrière.
M. Halley a vu en i6^S à Chefter trois
arcs-en-ciel en même temps , dont deux
étoient les mêmes que Varc-en-cicl inté-
rieur & l'extérieur qui paroiflènt ordinai-
rement. Le troifieme étoit prefqu'aufli vif
que le fécond , & fes couleurs étoient
arrangées comme celles du premier arc-
en-ciel ; fes deux jambes repol oient à terre
au même endroit où repoloient celles du
premier arc-en-ciel , & il coupoit en haut
le fécond arc-en-ciel f divifant à-peu-près
cet arc en trois parties égales. D'abord
on ne voyoit pas la partie de cet arc qui
étoit ;\ gauche ; mais elle parut enluite fort
éclatante : les points où cet arc coupoit
l'arc extérieur , parurent enfuite le rappro-
cher , & bientôt la partie lupérieure du
troifieme arc-en-ciel fe confondit avec l'arc'-
en-ciel extérieur. Alors Varc-en-ciel exté-
rieur perdit fa couleur en cet endroit ,
comme cela arrive lorfque les couleurs fe
confondent & tombent les unes fur les
autres; mais aux endroits où les deux cou-
leurs rouges tombèrent l'une fur l'autre en
, fc coupant , la couleur rouge parut avec
ARC
plus d'éclat que celle du premier arc-en-
ciel. M. Senguerd a vu en 1685 un plié-
romene femblable , dont il fait mention
dans ia Phyjiqiie. M. Halley failant atten-
tion à la manière dont le foleil luifoit , &
à la pofition du terrain qui recevoit fes
rayon'i , croit que ce troificme circ-en-ciel
étoit caul'é par la réHcxion des rayons du
foleil qui tomboient lur la rivière Dée qui
paffe :\ Chcfler.
M. Celfius a obfervë enDalécarlie , pro-
vince de Suéde , très-coupée de lacs & de
rivières , un phénomène à-peu-près iem-
blable , le 8 Août 1743 > vers les 6 à 7
heures du foir , le foleil étant an'* 3°'
de hauteur ; & le premier qui en ait ob-
fervé de pareils , a été M. Etienne , cha-
noine de Chartres , le 10 Août 1665.
Voye7 le Journ. des Sar. & les tranfacl.
plul. âe 1386 , & VHift. acad. des
Scienc. an. i 'J4-3-
Vitellion dit avoir vu à Padoue quatre
arcs-en-ciel en même temps ; ce qui peut
fort bien arriver , quoique Vicomercatus
foutienne le contraire.
M. Langwirh a vu en Angleterre un
arc-en-ciel lolaire avec ies couleurs ordi-
naires ; & fous ce premier arc-en-ciel on
en voyoit un. autre , dans lequel il y avoit
tant de verd , qu'on ne pouvoit diffinguer
rii le jaune ni le bleu. Dans un autre temps
il parut encore un arc-en-ciel avec les cou-
leurs ordinaires , au deillis duquel on re-
marquoit un arc bleu , d'un jaune clair
en-haut ,. & d'un verd foncé en-bas. On
voyoit de tem.ps-en-temps au delTous deux
arcs de pourpre rouge , & deux de pour-
pre verd. Le plus bas de tous ces arcs
étoit de couleur de pourpre , mais fort
foible , & il p.^roifroit & difi^aroifibit à
diverfes reprifes. M. Muflchenbroek ex-
plique ces différentes apparences par les
obkrvations de M. Newton fur la lu-
mie.'-c. Voye^ l'EJJai de Phyf. de cet au-
teur) an, iG i t.
Arc-en-ciel lunaire. La lune forme aufli
quelquefois un arc-en-ciel par la rélraftion
que ioulïrent fes rayons dans les gouttes
de pluie qui tombent la nuit î^oj. LUNE.
AriAotc dit qu'on ne l'avoit point remar-
qué avant lui , & qu'on ne l'apperçoit
qji'à la glcine Igne, Sa lumière dans d'au-
A R C ioj
très temps efi trop foible pour frapper la
vue après deux réfrndions &: une ré-
flexion.
Ce philolophe nous apprend qu'on vie
paroître de Ion temps un arc-en-ciel lu-
naire , dont les couleurs étoient blanches.
Gemma Frifuis dit aulïî qu'il en a vu un
coloré ; ce qui cil encore confirmé par
JVi. Vcrdricrs , & par Dan Sennert , qui
en a oblérvé un femblable en 1599* Snel-
lius dit en avoir vu deux en deux ans de
temps., & R. Plot en a remarqué un en
1675. En 171 1 il en parut un dans lai
province de Darbyshire en Angleterre.
Y."" arc-en-ciel lunaire a toutes les mêmes
couleurs que le lolaire , e\'cepté qu'elles
iont prefque toujours plus foibles , tant ;t
caufe de Li différente intenfité des rayons ,
qu'à caufe de la différente difpofition du
milieu. M. Thoresby , qui a donné la def-
cription d'un arc-en-ciel lunaire dans les.
Tranf. phil.n°. 331. dit que cet arc étoir
admirable par la beauté & l'éclat de fes
couleurs ; il dura environ dix minutes „
après quoi un. nuage en déroba la vue.
M. Weidler a vu en 1719 un arc-en-ciel
lunaire , lorfque la lune étoit à demi-pleine ■,
dans un temps calme , & où il pleuvoir
un peu ; mais à peine put-il reconnoître
les couleurs ; les fupérieures étoient un
peu plus diflinftes que les inférieures :
Varc dilparut aufli-tSt que la pluie vint à
ceffer. M. Muffchenbroek dit en avoir
obfervé un le premier Odobre '^J'^S ,
vers les 10 heures du foir : il pleuvoir
très-fort à l'endroit où il voyoit Varc-en-
c-/>/, maisil ne put diilinguer aucune cou-
leur , quoique la lune eût alors beaucoup
d'éclat. Le même auteur rapporte que le
27 Août 1736, à. la même heure, on vit
à Yiîèincin un arc-en-ciel lunaire fort
grand, tort éclatant ; mais cet arc-en-cicl
n'étoit par-tout que de couleur j.aune.
Arc-en-ciel-marin .L,'arc-en- ciel- marin
eft un phénomène qui paroi't quelquefois
lorique la mer efl extrêmement tourmen-
tée , & que le vent agitant la fuperficie
des vagues , fait que les rayons du foleil
qui tombent defî'us , s'y rompent , & y
peignent les mêmes couleurs que dans les
gouttes de pluie ordinaires. M. Bowrzcs
obferve dans les Tranfacliçiu philofonhi*-^
îo8- ARC
ques , que les couleurs de Vcirc-en-ciel-
rnarin font moins vives , moins diftinc-
tes , & de moindre durée que celles de
\'arc-en-ciel ordinaire , & qu'on y dillin-
gue à peuie plus de deux couleurs ; lavoir ,
du jaune du côté du lolcil , & un vcrd
pale du côté oppofé.
Mais ces arcs lont plus nombreux , car
on en voit fouvent 2.0 ou 30 à la fois ;
ils paroilîent à midi , & dans une pofition
contraire à celle de V arc-en-ciel , c'efl-à-
dire renverfés ; ce qui elt une fuite né-
celîaire de ce que nous avons dit en ex-
pliquant les phénomènes de l'arc -en - ciel
lolaire.
On peut encore rapporter à cette clafîè
une elpece d'arc-en-ciel blanc que Menze-
lius fie d'autres diient avoir obfervé à
l'heure de midi. M. Mariotte , dans fon
ejj'ai. de Phyjique , dit que ces arcs-en-ciel
ians couleur fe forment dans les brouil-
lards , comme les autres fe font dans la
pluie ; & il afiure en avoir vu à trois di-
verfes fois , tant le matin après le lever
du (olei
lune.
Le
fait un grand brouillard au lever du ib
Icil ; une heure après le brouillard fe fé-
para par intervalle. Un vent qui venoit
du levant ayant poufle un de ces brouil-
lards fcparés à deux ou trois cents pas de
J'obiervateur , & le foleil dardant fes
rayons deflus , il parut un arc-en-ciel iem-
blable pour la figure , la grandeur & la
fituation , à V arc-en-ciel ordinaire. Il étoit
tout blanc, hors un ptu d'obfcurité qui le
terminoit à l'exiérieur
AK C
Çts remplies d'air , ne rompent point afîez
les rayons de lumière , outre qu'elles font
trop petites pour (cparer les difFérens rayons
colorés. De là vient qu'elles rétléchilTent
les rayons aulli compelés qu'elles les ont
reçus, c'efl-à-dire blancs.
Rohaulf parle d'un arc-en-ciel qui fe for-
que
la nuit a
après
la clarté de
jour qu il vit le premier , il avoit
milieu étoit trcs-éclatanre
dans
dui
les prairies par la retr
aa:
ion
:es
olcu clans
Ians les gouttes de roiée.
& furpadoit de
beaucoup celle qui paroifloit fur le relie
du brouillard : l'arc n'avoit qu'environ un
degré & demi de largeur. Un autre brouil-
lard ayant été poulie de même , l'obferva-
tcur vit un autre arc-en-ciel femblable au
premier. Ces brouillards étoient il épais ,
qu'il ne voyoit rien au delà.
Il attribue ce défaut de couleurs à la
petitefle des vapeurs imperceptibles qui
compofent les brouillards : d'autres croient
plutôt qu'il vient de la ténuité exceilîve
des petites véficules de la vapeur , qui n'é-
fant en effet que de petites pellicules aqucu-
me
rayons
Traité de Phjjiquc.
Nous ne nous arrêterons pas ici à rap-
porter les fentimens ridicules des anciens
philofophes l'ur Yarc-en-ciel. Pline & Plu-
nirque rapportent que les prctres , dans leurs
offrandes, fe fervoient par préférence du
bois fur lequel Varc-en-ciel avoir repofé ,
& qui en avoit été mouillé , parce qu'ils
s'imaginoient , on ne lait pourquoi , que
ce boij rendoit une odeur bien plus agréa-
ble que les autres. Voye^ Vejjzi Je Phyf.
de Muflch. d'où nous avons tiré une par-
tie de cet article. Voye\ aujfi le traité des
météores de Defcartes, l 'optique de Newton,
les lecïiones opticx de Barow , &; le qua-
trième volume des œuyres de M. Bernouilli,
imprimées à Lauianne , 1743- On trouve
dans ces différens ouvrages , & dans plu-
fieurs autres , la théorie de Wirc-en-ciel.
Finiilbns cet article par une réflexion
philofophique. On ne fait pas pourquoi
une pierre tombe , & on llfit la caui'e des
couleurs de Yarc-en-cicl, quoique ce dernier
phénomène foit beaucoup phis lurprenant
que le premier pour la muhitude. Il fem-
ble que l'étude de la nature ioit propre à
nous enorgueillir d'une part , & à nous
humilier de l'autre. (O)
Pour faire aifcment concevoir les phé-
nomènes de Yarc-en-ciel , Mullchenbroeck
a imaginé une machine , par le moyen de
laquelle on les repréfente tous aiiémcnt ,
& d'une manière très-claire. AAAA {pi.
I. de Phyjique , fig. i .) c'cft une table à
quatre pies , ouverte à Ion milieu , afin
qu'on puilTe faire monter & deiccndre à
travers cette table un corps conique. B C
eil la moitié d'un cône , dont le fommec
eil en D. Ce fommet ell appuyé fur un
axe tranfverlal fur lequel tourne le cône
5 C , & fur lequel il s'élève au defllis de
la table , ou fur lequel il s'abaiflé au dei-
fous : à l'extrémité du même fommet eil
adapté
ARC
adapte lin œil de la grandeur ordinaire de
l'oeil d'un homme , <?: qui ilrt à repré-
fentcr l'ucil du Ipcdateiir : outre cela une
verge de fer, longue de trois pies , cfl
adajîtée au cCme & à l'axe , l'extrémité de
cette verge fe termine par un manche M:
un globe doré i' ell enfilé fur cette verge ,
&c ce globe reprci'ente le iolcil ; la bafe du
cône B eft entourée d'une large bande
femi - circulaire , fur laquelle on peint les
fept couleurs de l'iris : le côté du cône
forme avec l'axe un angle de 40<1. 17' : la
largeur de la bande peinte fur la bafe du
cône , ell de près de deux degrés , con-
formément à la largeur ordinaire d'une iris
principale. E , E , lont deux plans trian-
gulaires mobiles , dont le centre du mouve-
ment cû placé au deflùs du fommet du
cône ; ces deux plans font conflamment
appliqués à chaque côté du cône : ils
fervent à cacher l'échancrure faite à la
table , & repréfentent en même temps
l'horizon. On verra dans la figure z , com-
ment ils font conllamment appliqués aux
deux côtés du cône. Cela pofé , \orf-
que la tige de fer , ainfi que le foleil S ,
eft parallèle à l'horizon , la moitié du cône
eft au delTus de la table , & l'œil du fpec-
tateur , qui eft en D , voit la bande co-
lorée femi-circulaire placée à la bafe du
cône : mais , lorfque la main iaifit le man-
che de la tige de fer , & élevé le foleil S ,
le cône s'abailîe , ainfi que le limbe qui
eft adhérent à la bafe du cône , qui , alors ,
devient moindre qu'un demi - cercle. Si
on élevé encore le foleil S , on abaifle tou-
jours dans la même proportion le cône ,
& conféqueminent ïarc qui repréfente l'iris
diminue aulii ; ce qui a lieu jufqu'à ce que
le foleil S i'o'it élevé à 42.'* i' ; car alors
tout Varc-en-ciel fe trouve au defîijs de
J'horizon , & les plans E E couvrent en-
tièrement le cône. Ce limbe coloré appli-
qué à la baie du cône , repréiente la pluie
qui tombe au devant & au loin du Ipec-
tateur , dans le temps qu'on obierve dans
le ciel un ample arc-en-ciel : mais , comme
il arrive quelquefois que l'arc-e/z-c/V/ paroi t
plus petit , lorfque la pluie qui tombe n'eft
pas éloignée du fpeâateur , il y a fur cette
machine un autre arc plan L , fur lequel on
peint les fept couleurs de l'iris , qui eft
Tome III.
ARC io^
plr.cé à une plus proche diftance du fom-
met du cône , &; dont la largeur eft pro-
portionnée , de façon que cet cire forme
un demi-cercle fur l'horizon , lorfque le
kileil eft à l'horizon , & qu'il eft tout-à-
fait caché par les plans ii" , E , brfque le
foleil eft élevé à 42."^ i' au deffiis de l'ho-
rizon : on repréiente donc aifément , à
l'aide de cette machine , comment il arrive
que Varc-en-ciel paroilîe quelquctois très-
ample , & quelquefois très-petit.
Il y a outre cela fur cette machine un
autre limbe N , placé au defîîis du premier
limbe L ; ce limbe N repréfente la féconde
iris , & les couleurs de cette dernière y
font peintes dans un ordre renverfé. Oa
a donné à ce dernier limbe une largeur
fufïlante , pour que cette iris paroilîe à l'œil
du fpedateur placé en D , de 3'' 8' de
largeur. Ce liiube repréfente un demi-
cercle au deflîis de la table , lorfque le
foled S eft placé dans le plan de cette ta-
ble , ou fe trouve à l'horizon. Mais , lorf-
que le foleil iS' eft élevé à 54'^ 7' au delîlis
de l'horizon , ce limbe defcend au deftous
de l'horizon , & fe dérobe à l'œil du fpec-
tateur. Les bords intérieurs des plans E ,
E , ceux qui font contigus , & qui tou-
chent les côtés du cône , font aufli peints
des mêmes couleurs que l'iris j ils ont les
mêmes dimenfions que l'iris elle-même
dans l'endroit où ils touchent le limbe de
la baie 3 : mais leur largeur va toujours
en diminuant , & ils fe terminent en un
point auprès du fommet du cône. Ces
bords colorés repréfentent les jambes de
l'iris , celles qu'on remarque à la campa-
gne , dans une iris naturelle , lorfqu'une
nuée qui lance la pluie pafle fur la tête
du fpeûateur , & fait tomber des gouttes
de pluie qui s'attachent à l'herbe. La figure a
repréfente la même machine , mais vue par
derrière : on y voit même le limbe coloré
qui eif adhérent à la bafe du cône. Les
plans triangulaires E , E , font tirés par
les cordes H H , qui palTent fur la circon-
férence de deux poulies horizontales K ,
K y pour venir embraffer les gorges de
deux autres poulies verticales R , R : on
attache aux extrémités de ces cordes deux
poids t P f P y par le moyen dcfqucls les
deux plans font conftamment tirés & ap-
Dd
iio ARC
pliqués contre les côtés du cône ; & par
ce moyen Téchancriire fixité à la table efl:
continuellement cachée , & les plans E E
repréfen'ent Thorizon. On peut confulrer
fur cela , & fur ce qui y a rapport , les Tmn-
faclions philofophiques d'Angleterre , n.
240 , 267 , 371;. Les notes de Clarck , fur la
phyfique de Rohault , part. III , chap. 1 7.
Les ouvrages de Jean Bernouilli , vol. ï ,
pag. ^oi. L'optique de Newton, & fes
leçons d'optique. Smith compleat fyftem.
of Optiks , Book. ^ , c. lO. Martin dans fa
philoi'oph. Britann. volum. II. Le célèbre
Nocctus a décrit l'iris dans fes vers , d'une
manière fort élégante. (+)
Arc de Cloître , {Archhec}. ù Coupe
des pierres. ) On appelle ainfl une voûte
compolée de deux , trois , quatre , ou plu-
lîeurs portions de berceaux qui le rencon-
trent en angle rentrant dans leur conca-
vité , comme les portions ABC , fig. j.
Coupe des pierres , enforre que leurs côtés
forment le contour de la voûte en poly-
gone. Si les berceaux cylindriques (e ren-
controient au contraire en angle laillant {ur
îa concavité , la voûte changeroit de nom ,
elle s'appelleroit l'oûte d'arête. V. Arete.
(D)
Arc-DOUBLAU , c'ell une arcade en
faillie lur la douille d'une voûte.
Arc-droit , ( Coupe des pierres. ) c'eft
la fedion d'une voûte cylindrique perpendi-
culairement à (on axe.
Arc-rampant , {Coupe des pierres.)
c'efl celui dont les impolies ne (ont pas de
niveau. Voy. la fig. Z. Coupe des pierres.
* Arcs de triomphe , {Hifi. anc. &
mod. ) grands portiques ou édifices élerés
à l'entrée des villes ou (ur des paflages pu-
blics , en l'honneur d'un vainqueur à qui
l'on avoit accordé le triomphe , ou en mé-
moire de quelque événement important. On
élevoit audi des arcs de triomphe aux dieux.
Une inlcription confervée dans les regiflres
de rhôrel-de-ville de Langres , montre que
dans ces monumens on ailocioit même quel-
quefois les- hommes aux dieux. Voici cette
inlcription :
ARC
AuG. * ARCUM
Augufio.
Q. Sedulius Fil. *
Seduli major
Dis iiARis AC
"filius
Statuas idem
M. "^ D. D. munus ou municeps
dedicai'it.
Quintus Sedulius , fils aine d'un autre Se'
dulius , a dédie aux dieux de la mer & d
Augufle , l'arc de triomphe & lesfiatues.
Ces édifices étoient ordinairement dé-
corés de llatues & de bas-reliefs , relatifs
à la gloire des dieux & des héros , & à la
nature de l'événement qui en avoit occa-
fioné la condruftion. Plufieurs arcs de
triomphe des anciens (ont encore fur pié :
celui d'Orange , qui tair une des portes de
cette ville , fut érigé , à ce qu'on croit ,
à l'occafion de la vidloire de Caïus Marius
& de Catulus , fur les Teutons , les Cim-
bres & les Ambrons. On en peut voir
dans les antiquités du (avant père Mont-
taucon , un deffin fort exaft. Cet arc a
environ onze toiles de long fur dix roifes
en (a plus grande hauteur. Il efl compolé
de trois arcades embellies en dedans de
comparnmens , de feuillages , de fleurons &
de fruits , & filetées avec foin. Sur l'ar-
cade du milieu efl une longue table d'at-
tente , & la repréientation d'une bataille
de gens de pié & de cheval , les uns
armés & couverts , les autres nus. Sur
les petites portes de côtés des quatre
avenues , font des amas de boucliers , de
dagues , coutelas , pieux , thrombes , heau-
mes & habits , avec quelques fignes mili-
taires relevés en boffe. On y voit aulfi
d'autres tables d'attente , avec des trophées
d'adions navales , des rollres , des acrolly—
des , des ancres , des proues , des apluiles ,.
des rames & des tridens. Sur les trophées
du côté da levant , eit un (oLnl rayon-
nant dans un petit arc femé d'étoiles ; au
haut de ïarc, fur la petite porte gauche
du fèptentrion , font des inflrumcns de-
(acrifices ; ;\ la même hauteur , du côté
du midi , eft une demi -figure de vieille
(einmc , entourée d'un gr.wd voile comme
l'éternité. Les frifes principales font par-
femées de foldats combattans "à pié. Il
réliilte de cette dcfcription , que cet arc
triomphal a été conllruit ;\ l'occûion de
deux vidoires , l'une fur mer & l'autre
fur terre , & qu'il )■ a tout lieu de douter
ARC
«fiie ce foit celui de Caïiis Marius & de
Cafuliis.
Il y a ;\ Cavaiilon les ruines d'un arc de
triomphe ; à Carpentras les vertiges d'un au-
tre ; A Rome , celui de Tite eil le plus ancien.
& le moins grand de ceux qui lublillent dans
cette ville. Celui qu'on appcUoitde Portugal,
arco di Porcogallo , a excite de grandes cun-
tfflations entre les antiquaires ; les uns
prétendant que c'étoit l'arc de Domitien ,
d'autres celui de Marc - Aurelle : mais
Alexandre VII le propolant d'embellir la
rue qu'on appelle il corfo , lit examiner cet
arc qui la coupoit en deux. On reconnut
que la llrudure en étoit irrcguliere dans tou-
tes les parties ; que les ornemens n'a-
voicnt entr'eux aucun rapport , & que le
plan & le terrain kir lequel il étoit cons-
truit ne s'accordoient point avec les an-
ciens ; d'où l'on conclut que cet édifice
étoit moderne , qu'on l'avoit formé de
bas - reliefs , de marbres antiques , & d'au-
tres morceaux ralîemblés au hazard ; & il
fut détruit.
Il y a deux arcs de Sévère , le grand &
le petit : le grand eft au bas du capitole. Le
Serlio a prétendu que c'étoit aulli un amas
de ruines différentes , rapportées : mais la
conjeâure de cet architede eft bazardée.
Cet arc efî à trois arcades. Dans les bas-
reliefs qui font au deilùs des petites arcades
de côté , on voit Rome allîfe tenant en fa
main un globe , & relevant un Parthe
fùppliant. Viennent des foldats , dont les
uns mènent un captif & les autres une cap-
tive , les mains liées. Sur le milieu ci\ une
femme affile , qu'on prendroitaifément pour
une province. Suivent des chariots chargés
de dépouilles , les uns tirés par des chevaux ,
ks autres par des boeufs. Ce bas-relief fert ,
pour ainfi dire , de bafe pour un autre ,
où l'on voit Septime Sévère triomphant &
accueilli du peuple , avec les acclamations
& les cérémonies ordinaires.
Le petit arc de Sévère , qui eft auprès de
S. George in velabro , à Rome , a quel-
ques morceaux d'architedure remarqua-
bles. On voit fur un des petits côtés Sévère
qui lacrifie en verfant fa patere fur le foyer
d'un trépié : ce prince eft voilé. On croit
que la femme voilée qui eft à fes côtés ,
cil ou fa femme Julia , ou la paix avec
ARC 2n
(on caducc^e. Il y avoit , derrière , une troi-
lieme figure qui a été enlevée au cifeau :
c'etoit Geta , Ipedateur du facrifice. Après
.que Caracalla Ion frère l'eut tué , il fit Ater
fa figure & fon nom des monumens publics.
Au deOous de ce lacrificc font des infti-u-
mcns facrés , comme le biîton augurai , le
préfériculc , l'albogalérus , &c. Plus bas en-
core eft l'immolation du taureau ; deux
vidimaires le tiennent , un autre le frappe.
Le tibicen joue de deux flûtes. Camille tient
un petit coffre. Vient enfuite le facrifica-
teur voilé avec une patere ; ce facrifica-
teur fans barbe pourroit bien être Cara-
calla. Le grand morceau qui fuit eft entre
deux pilaftres d'ordre compofite. Sur la
corniche , entre les chapiteaux il y a deux
hommes dont l'un verfe de fon vaie dans
le vafe de l'autre. Deux autres plus près
des chapiteaux tiennent , l'un un pre'férL~.
cule , & l'autre un acerre. Plus bas font deux
captifs les mains liées derrière le dos , &
conduits par deux foldats. Au dedous
font des trophées d'armes ; & plus bas un
homme qui chaffe des bœufs. C'eft tout ce
qu'on apperçoit dans la planche du P.
Montfaucon.
L'arc de Galien fe reflent un peu des
malheurs du temps de cet empereur. L'em-
pire étoit en combuftion. Les finances étoient
épuifées. Les particuliers avoient enterre
leurs richelfes. Marc-AurelleVidor fit élever
ce monument en l'honneur de Galien &
de Salonine fa femme. L'infcription eft ,
cujus ini'icla p'irtus folâ pietate fuperata eft ;
ce qui ne convient guère à Galien , qui vit
avec joie Valerien Ion père tomber entre
les mains des Parthes. Les chapiteaux font
d'ordre corinthien d'un goCit fort médiocre.
On s'apperçoit-là que les arts tomboient , &
fuivoient le fort de l'empire.
L'arc deConftantin eft un des plus confi-
dérables ; on y voit les batailles de Conf-
tantin , & il eft orné de monumens tranf^
portés du forum Trajani. Les têtes & les
mains qui manquent aux ftatues pofecs fur
le haut de Varc , ont été enlevées furtive-
ment.
L'arc de Saint -Rémi en Provence n'a
qu'une porte large , au defTus & fur chaque
côté de laquelle on a placé une vidoire. Il y
a à côté de la porte , entre deux coLnnes
Dd ï.
211 ARC
cannelées , deux figures d'hommes maltrai-
tées parle temps.
Outre ces arcs de triomphe anciens , les
médaillons en offrent un grand nombre d'au-
tres. Ceux qui feront curieux d'en favoir
davantage , n'auront qu'à parcourir le qua-
trième volume A^Antiq. expliquées.
Mais les modernes ont aulîî leurs arcs
de triomphe ; car on ne peut donner un
autre nom à la porte de Peyro à Mont-
pellier , aux portes de (aint Denys , de Saint
Martin , & de laint Antoine à Paris. Outre
les arcs de triomphe en pierre , il y a des
arcs de triomphe d'eau ; tel eft celui de
Verfiiilles , du deilîn de M. le Nautre. Ce
morceau d'architecture efl un portique de
fer ou de bronze à jour , où les nus des
pilafh-es , des faces & des autres parties ren-
fermées entre des ornemens , font garnis
par des nappes d'eau. VoyeiVlhCEZ PU-
33LIQUES DE ROME , & RoME.
Arc , ( Mufiqiie ) On trouve quelque-
fois ce mot dans de vieux auteurs pour
archet. ( F. D. C. )
Akc femi-diiirne , ( Aftron. ) c'efl Varc
parallèle diurne d'un aflre qui efl compris
entre le méridien & l'horizon , & qui règle
le temps qui s'écoule depuis le lever jul-
qu'au pafl^ige par le méridien , & depuis
ce paflàge julqu'au coucher ; ainfi le calcul
du lever ou du coucher d'un aftre , fe
réduit à celui des arcs femi-diurnes , qui
changent à raifon de la hauteur du pôle du
lieu & de la déchnaifon de l'aftre. On en
trouve une table fort détaillée dans la plu-
part des volumes de la connoijfance des
temps que l'académie pubhe chaque année ,
pour l'ulage des allronomes & des naviga-
teurs. ( M. DE LA Lande. )
Arc d'emerjion , ( Aflron. ) eiî la quan-
tité dont il faut que le foleil/foit abaifie
verticalement au dcffous de l'horizon pour
qu'un autre aftre foit vifible à la vue lim-
ple ; on eflime ordinaireinent l'arc d'e'mer-
Jion de dix-huit degrés pour les plus petites
étoiles , de quatorze degrés pour les étoiles
de troifieme grandeur , de onze à douze
degrés pour les étoiles de première gran-
deur , comme pour mars & laturne , de
dix degrés pour venus ; mais ce dernier
varie beaucoup , & il fe réduit même à rien ,
puifque l'oa voit quelquefois vcijus en
A RC
plein jour , le folcil étant très-élevé fur
l'horizon. Voyei l'art. CREPUSCULE ",
( M. DE LA Lande. )
Arc de pojition , ( terme d'Aflrologie. )
l'arc de l'équateur compris entre le méri-
dien & le cercle horaire ou cercle de décli-
naiion qui palîe par le pôle & par l'ailre
dont on s'occupe ; c'eft la même choie que
ce que nous appelions angle horaire. ( M.
DE LA Lande. )
§ Arc en Barrois , ( Géog. ) petite
ville de France , dans le duché de Bour-
gogne , au bailliage de la Montagne , dio-
cefe de Langres , fur l'Aujon. Ce lieu a été
déclaré ville , par arrêt du Parlement , en
1716 Arc eft A 14 lieues nord de Dijon ,
& 6 nord-oueft de Langres. C'eft la patrie
de Pierre du Chatel. { C)
Arc ou l'A.R , ( Ge'ogr. ) petite rivière
de France en Provence. Elle a ia loiirce
du c6té de Porciouls , traviu^lé la plaine
de Pourieres où Marius défit les Cimbres ,
pafTe aux environs d'Aix , & eniuite va fe
jeter dans l'étang de Berre , près de la
ville de ce nom. Quelques-uns la pren-
nent pour le canum fiumen de Ptolomée.
{C.A.)
Arc du Colon , ou la grande courbure
du colon , ( Anat. ) c'eft le nom que l'on
donne ;\ une grande courbure que fait
l'inteftin colon en remontant lous la véii-
cule du fiel , fous l'eftomac , & defcen-
dant enfuite fur la rate & le rein gauche ,
jufque fur le dos des îles , où fe termine
fon arc. (-H)
Arc (Jeanne d' ) , Hifl. de France.
Cette célèbre amazone à qui la France dut
fa confervation , & Charles VII la couronne ,
naquit l'an 1412. à Domremi , hameau de
la paroifTe de Greaux , proche de Vaucou-
leurs. Elle eut pour père Jacques d'Arc ,
& pour mère Ifabelle Rome , dont proba-
blement le nom n'auroit jamais figuré
dans l'hiftoire fans les exploits de leur
fille. Obligée par mifere de fortir de
la maifon paternelle , Jeanne fe mit fer-
vante d'hôtellerie ; née dans un rang in-
férieur , elle avoit des grâces naturelles y
une phyfionomie très-heureufe : ces détails
font intérefllms , ils donnent plus d'éclat
■\ cette vertu qui lui mérita le iurnom de
pucelle , fous lequel on la défigne plus or-
ARC
dinalrement que par celui de fa famille.
Elle avoit à peine dix-fcpt ans lorfqu'elle
conçut , ou plutôt lorfqu'on lui infpira le
noble defTein de fauver la France du joug
des Anglois ; ces fiers inlulaires en étoient
prelqu'entiérement les maîtres. Leur do-
mination étoit afFcrmic dans la capitale ;
Charles VII au déCeipoir faifoit des prépa-
ratifs pour fe retirer en Daupliiné , leulc
province que les ennemis n'eiilient pas en-
tamée , il ne lui reitoit de plus que quel-
ques places éparles dans le royaume. Ce
hit dans ces tridcs conjedures que Jeanne
s'offrit à Baudricourt , gouvcrnetjr de Vau-
coulcurs en Champagne. Son imagination
cmhrali^e par le récit des hauts faits dont
elle entcnt'oit parler chaque jour , & pen-
fant avoir une inlpiration divine , elle crut
qu'elle étoit dcllince à'chalîêr les Anglois ,
& conduire Charles à Rheims. Charles ne
portoit dans les pays où dominoit la fac-
tion Bourguignone , que le titre de Vaii-
pkin 3 encore qu'il tiit vraiment roi :
les cérémonies du facre n'ajoutant rien A
la dignité , elles ne fervent qu'à rendre la
perlonne des rois plus vénérable , en lui
donnant un caracflere lacré : la couronne
ne dépend en France que de la loi qui la
défère aulli - tôt au plus proche héritier du
roi décédé. » Capitaine Meffire ^^n Jeanne
» à Baudricourt , Dieu depuis un temps
»j en ça m'a plufieurs fois fait lavoir &
M commandé que j'allaflé devant le gentil
f) dauphin qui doit être & eft vrai roi de
>j France , & qu'il me baillât des gens
»j d'armes , & que je leverois le fiege d'Or-
»> léans : >5 telle lUt à-peu-près fa harangue.
Rejetée par le gouverneur , qui la traita
comme une fille en délire , elle aUa faire
le même compliment à Longpont ; ce vieux
gentilhomme blâma Baudricourt de Ion
indifférence , &: eut alTez de génie pour
voir qu'elle pouvoit fervir à infpirer un
zele extraordinaire , feul remède qui pût
alors opérer une révolution. Jeanne avoit
bien des qualités qui pouvoient la faire
pafTer pour une fille envoyée par le ciel :
elle avoit un efprit juile , une conception
vive , une taille bien prife & peu ordinaire
aux perfonnes de Ion fexe , un cou-
rage à défier non un homme , mais une
armée; maniant un cheval , le pouffant
ARC "113
avec autant d'adrcffc Se d'intrépidité que
le cavalier le mieux exercé ; elle fe lervolt
avec la même dextérité du fabre & de
l'épée ; elle s'étoit formée à tous ces exer-
cices dans fon hôtellerie , dont elle alloit
abreuver les chevaux , & où elle vivoit
coniondue avec les gens de guerre , dont
la Champagne étoit pour lors remplie.
Elle étoit parfaitement iniiruite de tout ce
qui s'étoit fait de grand dans les deux ar-
mées , elle connoiifoit le nom de tous
les foldats & des officiers qui s'étoient dif-
tingués par quelque adion d'éclat : enflam-
mée du delir de partager leur g'oire , elle
retourna chez Baudricourt. » Au nom de
»> dieu, lui dit -elle, que tardez -vous à
>5 m'envoyer ? aujourd'hui le gentil dau-
» phin vient d'avoir un aflez grand dom-
» mage aux environs d'Orléans. » Baudri-
court , déterminé par Longpont , confcntit
enfin à l'envoyer au roi qu'il avoit eu l'at-
tention de prévenir ; il lui donna des ar-
mes , un cheval , & la fît conduire à Chi-
non où la cour étoit alors : elle parut de-
vant le roi fous l'appareil d'un guerrier ,
& le reconnut , dit-on , au milieu d'une
foule de ieigneurs , quoiqu'il lut déguilé.
Suivant une reflexion judicieufe du père
Daniel , cette circonftance , dont on eut
grand foin d'informer l'armée , n'avoit rien
d'étonnant , parce que la majeflé d'un roi
imprime toujours un certain relpeéî que
l'on ne fauroit perdre , lors même qu'il l'or-
donne ; mais n'étoit - il pas auffi poflîble
que Jeanne fût informée du déguifèment
dont le roi devoit ufer ce jour-là , comme
de l'habit qu'il avoit coutume de porter.
Les aflaires de Charles étoient tellement
défefpérées , que l'on croyoit qu'elles ne
pouvoient le rétablir que par un miracle ;
il ne devoit donc pas être fâché que l'on
crût que le ciel pût en opérer en fii faveur.
Jeanne ayant obtenu l'audience du roi , lui
fit part de fa million , l'affjrant qu'elle
venoit de la part de Dieu pour le con-
duire à Rheims & délivrer Orléans dont
l'ennemi faifoit le fiege. Charles confentir
lans peine à la rcconnoîtrc polir une inf^
pirée ; il la fit auffi - tôt paroître en pré-
lénce de fa cour , armée de toutes pièces ;
la pefanteur de fbn armure ne l'empêcha
pas de monter fur Ion cheval fans aide.
114 ARC
ce que pouvoient à peine les cavnliers les [
plus robuftes. Comme elle n'avoit point
d'ëpée , elle voulut en avoir une qui de-
puis plus d'un fiecle étoit dans le tombeau
d'un chevalier , derrière l'autel de Ste. Ca-
therine de Fierbois ; le roi afkflant une
grande (urprife , publia qu'elle avoit de-
viné un grand fecret , qui n'étoit connu
que de lui feul ; telle fut la leconde preuve
miraculeufe de fa million. Il en falloir une
troifieme , on la trouva dans fa virginité ;
on ne croyoit pas que , fans une laveur
particulière du ciel , une fille fi favante
dans le métier de la guerre , & qui avoir
fait ion apprentiffage dans le lieu le plus
funefte à la vertu , Teût confervée jufqu'à
l'âge de dix-iept ans. Jeanne fut indignée
Au loupçon , elle jura ; on ne le contenta
pas de ion ferment ; on la met entre les
mains des matrones ; ces vénérables , pré-
ildées par la reine de Sicile , déclarèrent
qu'elle étoit vierge , & lui expédièrent des
lettres de pucellc. La multitude étonr.'ée
d'un aufii grand prodige , ne douta plus
que ce ne tût un ange. Charles l'envoya
iiufli-tôt vers Orléans avec un corps de
îroupes ; mais quelque iublime idée qu'on
«eût de fa capacité , on la iubordonna au
maréchal de Rieux & au bâtard d'Or-
léans ; dès qu'elle eut déployé fa bannière
où Dieu étoit repréicnté iortant d'un
nuage , & tenant un globe , elle écrivit au
roi d'Angleterre & à iès généraux , leur or-
donnant de par dieu de ibrtir du royaume
de France. " Et fi ainfi ne le faites , di-
»> foit-elle , attendez les nouvelles de la
V pucelle qui vous ira voir brièvement à
»> vos bien grands dommages .... roi d'An-
V gletei-re , fi ainfi ne le faites , en quelque
9> lieu que j'attendrai vos gens en France ,
« je les ferai aller , veuillent ou non veuil-
»j lent : " le reile de la lettre étoit à-peu-
près dans ce flyle. Les Anglois au lieu
xl'en faire le fujet de leur plaifanterie , trai-
tèrent la chofe trcs-férieuî'ement , & firent
arrêter le meiîîigcr. Des qu'elle parut à la
vue d'Orléans , le comte de Dunois qui
détendoit la ville , en fortit & vint au
/devant d'elle avec toutes fès troupes. On
prétend que ce fut ce fameux comte qui ,
syant reconnu dans Jeanne de l'cfprit &
à^ courage , forma le projet de s'en bien
ARC
fcrvir : rîen n'efl plus probable que cettft
conjedure , Dunois étoit bien capable de
diriger les organes de cette héroïne. Quoi
qu'il en foit , Jeanne juflifia par des vic-
toires les menaces qu'elle avoit faites.
Cette amazone animant le courage du fol-
dat par les paroles, & plus encore par fes
exemples , enleva iuccelîn ement aux An-
glois Jargeau , Beaujencl & toutes les pla-
ces qu'ils tenoient dans l'Orléanois. La
journée de Patai en Beauce , où quatre
mille des ennemis furent couchés iur le
champ de bataille , & où le brave & géné-
reux Talbotfut fait prifonnier , mit le com-
ble à fa gloire. Les François voloient à fa
fuite , & la regardoient comme une fille
divine ; ils s'enfonçoient dans les plus af-
freux périls. Les Anglois la fuyoient
comme un foudre , ou plutôt comme une
femme envojée par le diable & animée
par les dénions. Jeanne viélorieufe court
vers le roi , met à les pies ies lauriers ,
& lui dit que c'efl dans Rheims même
qu'il faut en aller cueillir de nouveaux.
La Champagne preique entière étoit au
pouvoir de l'ennemi ; mais rien n'étoit
impoiîlble , il n'y avoit aucun oblîacle ca-
pable d'arrêter la pucelle : ion nom feul
réduifoit h la fuite l'ennemi le plus aguerri ,
& changeoit en foldat intrépide le Fran-
çois le plus puiillanime. Charles ne man-
qua pas de profiter de cette heureufc ef-
fervel'cence , il lui donne l'étendard royal
& marche vers Rheims à ia iuite : Auxer-
res , Troyes , Châlons , fe rendent fans
foufirir de liège. Les officiers qui com-
mandoient dans la ville archiépilcopnle ,
prévoyant bien qu'il faudroit le réioudre à
la fuite , cherchèrent àes prétextes pour ex-
culcr leur puiillanimité , & s'éloignèrent.
Charles ne voyant autour de lui ni enne-
mis , ni rivaux , entre triomphant dans la
ville , toujours précédé de la pucellc. Les
cérémonies de ion iacre furent ordonnées
pour le lendemain. Dès que le roi eut
reçu le diadème des mains du prélat ,
Jeanne ne put retenir ies larmes ; elle le
jette ;\ les genoux , les embralic , expri-
mant ainfi la joie dont fon ame étoit pé-
nétrée : » Enfin , gentil roi , lui dit-elle ,
» cil exécuté le plaiiir de Dieu , qui vou-
}) loit due vinifiez à Rheims recevoir votre
ARC
n digne fiicre , en montrant que vous êtes
») vrai roi. » Charles ctoit trop reconnoil-
fant pour laifTer tant de bienfaits , tant de
zèle ians récompcnie : que la piicelle tut
ange ou fille , il lui étoit également redeva-
ble de Ça couronne. Il fit frapper une mé-
daille , dont un coté repréfentoit l'effigie
de l'héroïne , l'autre une main tenant une
épée ; cette médaille avoit pour légende ces
mots : confilio confirmata D i. La reddition
de Rheims & des autres villes de la Cham-
pagne , fraya un chemin au roi pour arri-
ver dans la capitale. Quoique Jeanne eût
exécuté les deux points de fa million ,
elle confentit , à la prière des gens de
guerre , de fi.iivre l'armée au fiege de Paris.
Les villes de Crepy , de Scnlis , de Saint-
Denis &: de Lagny , furent prilès aulli-tot
qu'attaquées. Paris fit une vigoureufe dé-
fenfe , le courage de la pucelle ne put
rien décider pour cette fois ; & l'envie
qu'avoient excité fbn courage & les fuccès ,
s'en prévalut. Les farcalmes qu'elle avoit
chaque jour à efluyer , ne lui permettant
pas de refîer davantage , elle fupplia le roi
de confentir A fa retraite ; mais ce prince ,
connoiffanr trop bien le prix de fes l'ervi-
ccs , la fit folliciter par le comte de Du-
nois , qui l'invita à le iuivre au fecours
de Compiegne ; elle fe laiilà vaincre , &
ce fut fon malheur : hcureufe à combattre
contre les ennemis de l'état , elle devoit
fuccomber (ôus les traits des jaloux.
Elle fe fraya un chemin dans la ville af-
fiégée , où fa préi'ence donna une ardeur
nouvelle aux habitans ; fon courage bouil-
lant ne lui permettant pas de combattre à
l'abri d'un rempart , elle fait une fortic à
la tête de fix cents hommes , deux fois
elle chargea les ennemis & les relança jus-
que dans leurs forts les plus reculés. Obli-
gée de rentrer dans la ville , par des trou-
pes fraîches qui arrivoient au fecours des
Anglois , elle fit une retraite : mais lorf-
qu'clle fe préienta aux portes , elle les
trouva fermées. Se voyant trahie. , fon
courage fe changea en fureur ,. elle faifoit
un carnage horrible àcs Anglois ; mais
enfin, fon cheval, ayant été tué fous clic,
elle fut forcée de fe rendre à Lionner ,
bâtard de Vendôme , qui la remit à Jean
de Luxembourg. Ce duc , au mépris de
A RVC 215
fon rang , de fli naiiïance , & du rclped
qu'un guerrier doit à la valeur , la vendit
dix mille livres aux Anglois : c'étoit un
commerce aulli flétrifTant pour ce feigneur ,
que glorieux pour la puccllc. Elle fut d'a-
bord enfermée dans le château de Beau-
manoir , d'où elle tut transférée à Rouen ; ce
fut là que le duc de Betfort fe couvrit d'une
tache ineffiiçable ; ne pouvant foutcnir la
préicnce d'une femme qui Favoit fi louvent
réduit à la fuite , il la fit acculer de ma-
gie , & par un arrêt , dont la honte .doit
retomber fur fon auteur , il la fit condam-
ner à être brûlée vive. Comme il étoit
difficile de donner une baie à cette pro-
cédure inique , on eflaya d'abord de flétrir
la vertu , & de la faire palfer pour une
fille de débauche. Forcé d'abandonner ce
moyen , la duchciï'e l'ayant reconnue pour
vierge dans une féconde aflemblée de
matrones , on chercha une nouvelle efpece
de crime ; alors on l'accufa d'être forciere ,
héréfiarque , devinerelîe , faufle prophe-
telîe , d'avoir f\iit pade avec les efprits
malins , d'avoir oublié la décence de fon
fexe : tel fut le fommaire du procès. La
pucelle montra , dans toutes fes réponfes ,
autant de bon fens que de fermeté ; &
lorlque l'évêque de Beauvais , fon principal
juge , lui parla de l'état des affaires de
Charles VIL , elle lui dit qu'elle ne devoit
point d'obéiflance à fon évêque , au point
de trahir les intérêts de fon roi. La con-
vidion de ion innocence ne fuflîiant pas
pour délarmer les bourreaux , elle voulut
le dérober A leur fureur , & fe laiffà tomber
du fommet de la tour où elle étoit cap-
tive ; mais le bruit de fa chute l'ayant
trahie , la feniinclle qui la gardoit , la faifit
avant qu'elle eût repris fes fens : fon évafion
lui fut reprochée comme un nouveau cri-
me , on l'accufa de fuïcide. Les évêques
de Beauvais , de Coutance &: de Lizieux ,
le chapitre de Notre-Dame , ieize licen-
ciés théologiens , & onze avocats de Rouen ,
fignerent l'arrêr de mort de cette lié-
roïne : la décifion de ces doéfej.rs fait
connojtrc de quelles erreurs l'homme efi
capable , lorfque iéduit par la corrup-
tion de fon cœur , il ferme ks yeux à ce
que lui idiûent la religion & la railon.
/fj/i/2f jugée coupable d'enchantement & de
iî6 ARC
fortilcge , fut livrée au bras féculier le l6
mai 143 1 ; & comme ii le fupplice du
feu eût étf trop doux , on la fit monter
fur un echafau dans une cage de fer ; ce
fut dans cette polturc humiliante & péni-
ble , qu'on Texpofa aux outrages d'une
mulriiude infultante. Jeanne montra une
conllance fupéncure à la tyrannie de les
juges ; incapable de crainte , elle entre dans
le huai bûcher , & regarde avec douceur
la main qui le difpofe à y mettre le feu.
Elk remercia le ciel de fon fupplice ,
comme elle le remercioit auparavant de
fes vidoires ; Dieu loit béni , dit-elle , en
voyant la Hamme s'approcher : telles fu-
rent Ces dernières paroles. Ainli mourut
, Jeanne : elle périt contre toutes les loix ,
même contre celles de la guerre qui rend
ficree la perfonne d'un ennemi défarmé.
On blâme l'inlénlibilité de Charles VII ,
il eût pu , dit-on , arracher au iùpplice
cette héroïne , en menaçant les Anglois
d'ufer de repréfalUes. Si ces menaces enflent
fuiîî , eil-il à croire que ce prince eût re-
tufé de les einployer ? Il connoifloit l'achar-
nement des Anglois , capables de fàcrifier
iniile victimes au plaifir féroce de la faire
périr , & fes mœurs étoient trop douces
pour lui permettre de fuivre ces exemples
barbares. Charles l'avoit recompeniée d'une
manière à le juflifier de tout loupçon
d'ingratitude ; outre la médaille qu'il avoit
fait frapper à l'honneur de cette héroïne ,
il l'avoit annoblie elle & toute la tamille ,
c'eft-à-dire , fon père , fa mère , fes trois
frères & toute leur poftérité , tant en ligne
mafculine que féminine ; on leur donna à
tous des armoiries qui ne pouvoient être
plus nobles & plus jîgnificatives ; c'étoit
un écu d'azur à deux fleurs de lis d'or ,
une épéc d'argent i\ la garde dorée , la
pointe en haut férue en une couronne
d'or qu'elle loutient. Son nom d'Arc fut
changé en celui de Lys. Le hameau où
elle avoit pris nailTance , tut exemtc de
toutes tailles , aides &c autres fublîdes à
perpétuité. Il refle encore des rejetons de
cette illuflre famille en Anjou & en Bre-
tagne : le dernier mâle ell mort en 1660.
Les prérogatives accordées aux femmes
leur furent ôtées en 16 14 , au regret de
tous les bons citoyens : on pourroit les leur
ARC
rendre. Les monumens de la reconnoif-
fance à Orléans , & du repentir à Rouen ,
le follicitcnt plus puiflamment que les dif^
cours étudiés des paneg}rilles : puifque
c'étoit une femme qui avoit acquis les
privilèges de cette famille , il étoit peut-
être plus jufle d'en priver les mâles. Au
relie , on ne rapportera pas ici les fables
inventées parla luperltition & par la haine.
Des auteurs pieulement imbécilles ont
remarqué qu'étant chez (es parens , elle
avoit coutume de fe retirer fous un chêne ,
& en ont conclu qu'elle avoit eu de longs
entretiens avec laint Michel : on ne dira
rien non plus de cette colombe blan-
che que l'on vit à fa mort , ni de ion
cœur qui fe conferva entier au milieu des
flammes. Jeanne fut fans doute une fille
rare , mais elle ne dut peut-être fes fuccès
qu'à la crédulité des deux partis ; fit chaf-
teté , fon courage , fa fermeté tranquille à
la vue des tourmens , tout en ia conduite
elt admirable , mais n'a rien de lurnatu-
rel : elle lut blelfée autant de fois qu'elle
combattit. Quant à cette épée , dont on
feignit que le fecret lui avoit été révélé ,
la lame en fut briiée avant même qu'elle
eût vu les Anglois. Des écrivains ont élevé
des doutes fur fon iùpplice ; ils ont pré-
tendu que l'on choifit une perfonne du
même fexe , digne d'une mort auffi cruelle ,
qui lui fut fubffituée. Ces hiftoricns fe
fondent lur plulieurs circonifances iedui-
lantcs ; ils remarquent que l'évêquc de
Beauvais , à qui l'on avoit confié le foin
de la delfinée , Liifla palfer cinq femaines
entre la dernière fentence & l'exécution ;
choie extraordinaire , & qui , dit-on , fiit
ménagée afin de pouvoir convaincre celle
que l'on vouloit lui llibffituer. Ce fenti-
ment eil fortifié par les termes d'une lettre
de don , accordée à Pierre , l'un des frères
de Jeanne par le duc d'Orléans, l'an 1443 »
treize ans après iim prétendu lupplice
" oui la iupplication , c'eil ainfi que s'ex-
prime cette lettre , dudit meiliri Pierre ,
contenant que , pour acquitter la loyauté
envers le roi mitre lire , & M. le duc d'Or-
léans , il le partit de ion pays pour venir
;\ leur fervice en la compagnie de Jeanne
la pucelle fa iœur, avec laquelle, & ju(-
ques à fon abfcntement, & depuis julQu'à
prélent
ARC
prirent , il a expolé fon corps & Ces biens
audit fcrvice. » A ce témoignage poli-
tif, ils ajoutent le filence du roi , qui n'eût
pas manqué de venger la mort ignominieule
de cette héroïne lur les Bourguignons & les
Anglois qui turent en la puiHance. Les par-
tilans de cette opinion croient que Jeanne
en tut quitte pour qiielques années de cap-
tivité , &; qu'après la mort du duc de Bet-
fort , général des Anglois , arrivée à Rouen
c" H35 ? ^^^^ trouva moyen de s'entuir,
& de retourner dans l'a province, où elle
termina Tes aventures par fon mariage avec
un riche leigneur nommé Robert des Ar-
moifes. On trouve dans un manufcrit , con-
tenant une relation des choies arrivées dans
la ville de Metz en 1436 , que le pcre
Vignier, prêtre de l'oratoire, a vu le con-
trat de mariage de Jeanne d'Arc avec Ro-
bert des Armoifes. On ne lauroit le difîîmu-
1er la torce de ces autorités ; c'eft un frère
qui attefte avoir toujours été en la com-
pagnie de cette illuftre fille , avant & après
la captivité ; c'etl un prêtre qui dit avoir vu
l'aûe de célébration de mariage. On répond
•à ces difficultés en dilant que l'épouiè du
fieur des Armoilés étoit une fourbe qui fè
paroit d'un grand nom , & qui avoit eu
aflêz d'adreli'e pour taire croire à Pierre &
à Jean d'Arc quelle étoit vraiment leur
fœur ; mais il vaudroit mieux nier le fait :
car enfin il n'y auroit plus rien de certain
dans le monde , s'il étoit poffible qu'une fille
en impolât ;\ un homme , au point de lui
^aire croire quelle 'ett fa (ccur , avec laquelle
il a toujours vécu. Voici les paroles du
manufcrit de Metz : " la pucelle Jeanne Ac
» France s'en alloit à Erlon en la duché de
)■> Luxembourg, & y tut grande preffc jul-
» qu'à tant que le fils le comte de Vunem-
» bourg la menoit à Cologne , de côté fon
M père le comte de Vunembourg, & la
» menoit le comte très-fort , & quant elle
?) en va_ult venir , il l'y fit une très-belle
« curafle pour le y armer & puis s'en vint
yy à ladite Erlon, & là fut fliit le mariage
» de M. de Hermoifc , chevalier , & de ià
» Gehanne la pucelle, & puis après s'en
» vint ledit fieur Hcrmoife , avec fa femme
» la pucelle, demeurer en Metz, & fe
» tinrcnt-là tant qu'il leur plaifit aller. >?
Plufieurs hifloriens , & enrr' autres du Hail-
Tome III,
ARC ti-y
kn , rapportent les actes de fon procès. On
ne contelle pas que fon procès n'ait été
fait ; on fe fonde encore (ur les termes de
la réhabilitation taite en 1456, où l'on voit
ces paroles : Jean & Pierre , frère de dé-
funte Jeanne d'Arc ; mais elle pouvoit
être vivante en 1436, & détunte en 1456.
Au refle-, le leifleur peut fe décider pour
l'opinion qu'il jugera la plus probable.
On admire dans l'hiiloire de Jeanne y
non ion iupplice , mais fa fagciïe , ion
courage & la politique de Dunois , &
plus encore le fil où tient la dciFinéc des
empires. Il elt probable que , fans cet heu-
reux événement , Charles n'eût jamais
monté iur le trône de i'ts pères. P^'oye-^
tous les hiftoriens de France. { T—N )
ARCADE , f. f. en architecture , fe
dit de toute ouverture dans un mur , for-
mée par le haut , en plein cintre ou demi-
cercle parfait. Vojei Arc & VOUTE ,
en latin fornix.
Nous obierverons d'-abord que la règle
établie par Vignole , & aiTez générale-
ment fuivie pour la hauteur & la largeur
des arcades des portiques , leur donne
deux fois plus de hauteur que de largeur
pour les ordres tolcari, dorique & ioni-
que , & un module de plus de hauteur
que le double de leur largeur pour ley
ordres corinthien & compollte. Mais les
colonnes qui accompagnent ces arcades ,■
apportent quelque changement à leur lar-
geur , parce qu'elle doit être plus grande
quand ces colf)nnes ont des picdefiaux ,
que quand elles n'en ont point. Voici
les proportions qu'on doit obfcrver dans
ces deux cas.
Lorfque les colonnes tofcanes n'ont
point de piédeflaux , les arcades reçoivent
iix modules & demi de largeur , & leurs
jambages trois modules. Lorfque ces co-
lonnes ont des piédeflaux , la largeuf
des arcades augmente d'un quart de mo-
dule , & celle de t'es jambages d'un mo-
dule entier ; ainfi les arcades ont alors
tiois modules trois quarts de largeur ,
& leurs [jambages quatre modules.
Dans l'ordre dorique fins piédeflaux ,
on donne fept modules de largeur aux
arcades, & trois à leurs jambages. Mais'
fi cet. ordre a des piédeflaux , les arcade fi
E e
2i8 ARC
prennent dix modules de largeuf , & leufs
jambages cinq modules.
Si l'ordre ionique eft fans piédefîaux ,
les arcades auront huit modules & demi
de largeur , & les jambages trois modu-
les. Si l'on donne des piédeftaux à cet
ordre , il faudra donner aux arcades une
largeur d'onze modules , làns augmenter
celle des jambages , qui n'aura que trois
modules de largeur.
Les colonnes corinthiennes & compofi-
tes fins piédeflaux exigent neuf modules
de largeur peur les arcades , & douze
modules fi elles ont des piédeflaux ; mais
dans l'un & l'autre cas , la largeur des
jambages ne doit être que de trois mo-
dules.
Telle ert la proportion donnée par
Vignole d'après l'antique. Scamozzi qui
l'a vérifiée, Fa adoptée, & leur autorité,
d'accord avec le bon goût , a entraîné
le reite des archirecles qui s'y conforment
lans difficulté ; ceux qui ont olé s'en
écarter en ont été juilement blâmés.
Lorfque l'on engage les colonnes dans
les jambages des arcades , Vignole veut
2ue la partie engngée foit les trois quarts
e la colonne , de manière qu'il n'en forte
qu'un quart. Scamozzi prétend au con-
traire que la colonne forte àts trois
quarts de fon diamètre , & que la par-
tie engagée ne forte que d'un denii - mo-
dide.
On fait des arcades fans colonnes ni
pilaftres , ce qui n'empêche pas qu'on
ne foit obligé de donner A leurs jamba-
ges les niêmes proportions que fi ces
arcades étoient accompagnées de colon-
nes ; obfervant fur-tout de ne jamais t^'ire
ces jambages plus larges que la moitié
de Y arcade , ni plus étroits que le tiers ,
& de faire toujours les baies plus gran-
des aux ordres maillfs qu'aux ordres dé-
licats.
Les pies droits d'une arcade font ter-
minés par un impolie A , {Jiqure Z de
la planche IV d'architecture du jupph'ment
des planches),, à l'endroit où. la ligne
courbe qui terme V arcade , joint la ligne à
plomb de l'alettc. L'impoilc ell ui:e petite
corniche , dont la iaillic ne doit point excé-
der celle des pilailres ou des colonnes, quand
ARC
il y en 9 aux jambages , parce que ctj
importes fervent feulement de couffinets
pour recevoir la retombée des arcades
avec leur bandeau & archivolte B. Vignole
a établi cette règle , & a donné des def-
fins d'impofles pour tous les ordres
( Voye\ planche IV) , corrigeant en cela
les anciens , qui donnoient beaucoup trop
de faillie à cette partie de leurs arcades.
Selon Scamozzi , les importes des grandes
arcades , dont les colonnes fans piédef-
taux ne portent que fur des focles , ne
doivent avoir de hauteur que la treizième
partie & demie de celles de leurs jamba-
ges. Le même architeâe donne pour la
largeur des bandeaux de l'arc ou archivol-
te , la neuvième partie de celle de Yarcade.
dans l'ordre tofcan , la dixième partie
dans l'ordre corinthien , & une proportion
mitoyenne entre ces deux-là pour les au-
tres ordres. La clef C {fig. 2. de la planche
IV d' architechire ) , qui ert le fommet
de Xarcade , a ordinairement un boflage
qui excède le bandeau de l'arc. La largeur
de ce boflage efi au moins de deux tiers
de module , & d'un module au plus.
Quant à fa hauteur , poi;r être afl'ortie
aux ordres y elle doit être moindre dans
les ordres maflifs , & plus élevée dans
les ordres légers & délicats. Ces boffages;
qu'on nomme auffi clavaux , peuvent re-
cevoir divers ornemens , un mafquc , une
conlok , un trophée,, un écufTon , un car-
tel, un: tête d'animal, ^c. Leur force,
leur relief & leur richefîe , doivent fe pro-
portionner au ton de l'architedure où ils
font employés. Le galbe des cartels qui
renferment ces omcmens , doit fur-tout
être afllijetfi au profil des bandeaux , afin-
que par ce moyen l'architeéfure & les or-
nemens paroilîcnt être faits l'un pour l'au-
tre. On fait que les bandeaux de l'arc ou
•rcl'iivoltc lent les deux parties courbées
entre les iniportes & la clef..
La même planche IV ofîre des modèles»
de moulures & d'autres ornemens pro-
pres aux impofles & aux archivoltes des
aicades , luivant les dirtérens ordres ,
d'après les deffins de Vignole. Nous repré-
iéncons dan.s les deux planches fuivantes-
im portique dorique , & un portique-
ionique , par lefquels on pourra juger de.
ARC
ceuT des autres ordres. Le dernier a été
delliné par M. tk Chambray , d'après des
édifices antiques de Rome , & il en parle
comme du plus beau & du plus m.igni-
fique morceau de ce gcnre^ que l'on puillc
voir. Nous l'avon"; choiil avec d'autant
plus de raifon , qu'il oflre un bel enfem-
ble de toutes les parties d'une ordon-
nance.
Arcade, {en Amcomie.) arc us , ar-
CUdtio , le dit des parties qui ont la forme
d'un arc.
Arcade alvéolaire, c'efl le con-
tour formé par toutes les alvéoles.
Arcade des mufcles de l'abdomen. Sous
le ligament inguinal pallènt l'extrémité du
muicle iliaque & le tendon du pfoas , fié-
chilfeurs de la cuillè , & outre cela , les
vaideaux cruraux, artère, veine & nerf,
avec la graiflè & les membranes qui les
accompagnent. L'efpace qui donne partage
à toutes ces parties , elt ce que l'on nomme
communémeat , ïarcade des mujcles du
hds-venne ,• & c'eft par-là que s'échappe
auffi quelquefois une portion d'intelHn ou
d'épiploon, qui forme au bout de la cuilîé
une hernie , appellée crurale , aflez ordi-
naire aux femmes , plus rare aux hommes.
Arcade furciliere ou orbitaire. On ap-
pelle ainii l'avance fenfible qu'on découvre
à l'os coronal , & qui couvre en partie &
défend le globe de l'œil. Elle eit inter-
rompue dans fa partie qui approche du
nez , par une imprefllon , en forme de
poulie, qui donne paffiige au tendon d'un
mufcle de l'œil. Dictionnaire raifonné
d'Anatomie & de Pliyjiologie.
Akcade feinte y eft une fauflè porte
ou fenêtre cintrée , pratiquée dans un mur
d'une certaine profondeur , pour répondre
à une arcade percée , qui lui eft oppolée
ou parallèle , ou i'eulement pour la déco-
ration d'un mur. (-P)
Arcade , en jardinage , fe dit d'une
palilfade formant une grande ouverture cm-
trée par le haut, qui peut être percée juf-
qu'en bas , ou arrêtée fur une banquette
de charmille.
Les arcades fe plantent de charmilles ,
d'ifs , d'ormilles , de tilleuls , & même de
grands arbres rapprochés. Le terrain frais
ARC trj,
& marécageux leur cffabfolumentnécefîàire,
ou du moins une terre extrêmement forte.
On donne A ces arcades , pour jufle pro-
portion de leur hauteur , deux fois ou deux
fois & demie leur largeur. Les tremeaux:
auront trois ou quatre pies de large ; au
dellus on élevé une corniche ou bande [ilatc
de deux ou trois pies de haut , taillée en
chanfrain , & échappée de la même char-
mille , avec des boules ou aigrettes faites
en forme de vaies (ur chaque tremeau ; s'il
y a quelque corps faillant, tel qu'un focle ,
un claveau , ce ne doit être au plus que de
deux ou trois pouces.
Il cft néceflaire de tondre quatre fois
l'année ces fortes de paliflîides , pour leur
conferver plus exaftement la forme con-
trainte où on les tient, (it)
Arcade, c'eil, dans les manufactures
de foierie , une ficelle de la longueur de
cinq pies pliée en deux , bouclée par le haut,
ou du moins arrêtée par un nœud en bou-
cle ; c'eff dans cette boucle qu'on parte la
corde de rame : quant aux deux bouts , ils
fe rendent dans des planches percées qu'ils
traverlent , & fervent à tenir les mailles de
corps qui leur font attachées ; c'efl par le
moyen de V arcade que le deiîîn eff répété
dans l'étoffe ; elle fe parte de deux façons ,
à pointe & à adc ou à chemin. \Jarcade
'e palle à pointe pour les delEns à fym-
métrie & à deux parties également fembla-
bles , placées l'une à droite & l'autre à
gauche ; elle efl à aile ou à chemin , lors-
que le defUn ne peut fe partager en deux
parties égales & fymmétriques fur fa lon-
gueur. Il faut obferver que dans les deffins
qui demandent des arcades à pointe , l'ex-
trémité d'une ffcur pouvant fe trouver cora-
pofée d'une feule corde qui tireroit les deux
mailles jointes enfemble , elle formeroit ua
quarré ou une découpure trop large , pro-
portionnellement aux autres mailles qui font
léparées , & qui contiennent neuf à dix fils
chacune. Pour éviter ce petit inconvénient ,
on a la précaution de ne mettre dans cha-
cune des deux mailles qui fe joignent k la
pointe , que la moitié des fils dont les au-
tres font compolées , afin que le volume des
deux ne faffe que celui d'une; ce qui s'ap-
pelle en terme de l'art , corrompre le cvurfe.
Voyei Velours ciselé.
Ee 1
jid- ARC
Arcade , en pajjemeiuerle , efl un
morceau de fer plat , haut de trois à quatre
lignes , allant en augmentant depuis les ex-
trémités julqu'au centre , où il a à-peu-près
le tiers de largeur de plus, & où il efl
percé de trois trous ronds qui donnent
l^afTage aux guipures qui fervent à la li-
vrée du roi & autres qui portent comme
celle-ci de pareilles guipures ; les deux
extrémités font terminées en rond pour
lervir à l'ufage que l'on expliquera en
ion lieu ; ce morceau de fer elt encore
arrondi en demi-cercle fur le dedans , &
au centre de cet arrondilfement efl atta-
chée uqe autre petite pièce de fer , d'é-
gale hauteur que le centre : cette pièce
til percée en fon milieu d'un feul trou
dont on dira l'ufage ; les extrémités ter-
minées en rond portent elles-mêmes deux
petites éminences de fer rivées fur leurs
faces ; ces éminences rondes fervent à
entrer dans les deux trous du canon à
grands bords , en élargifîant un peu
ladite arcade , qui obéit aflèz pour cet
effet. Ce canon eil percé dans toute fa
longueur d'un trou rond , tant pour être
propre à être mis dans la broche du rouet ,
que pour être chargé de trois brins de
guipure dont on le remplit ; ce trou fert
encore à recevoir dans fcs deux extrémités
les petites éminences dont on a auffi parlé.
Ces trois brins paffent tous d'abord dans le
feul trou de la petite pièce , enfuite chacun
d'eux pafTe dans chacun des trois trous du
devant. Voici à préfent la manière de char-
ger le canon appelle à grands bords : ce
canon étant à la broche du rouet à faire
de la trame , 11 faut tenir les trois brins
de guipure les uns à côté des autres entre
le pouce & le doigt index de k main gau-
che , pendant que la droite fait tourner le
rouet ; on conduit ainfi également cette gui-
pure le long de ce canon , le plus uniment
qu'il efl poflib'ic , pour éviter les lâches qui
Kuiroient à l'emploi : voici h préicnt Ion
ulàge ; cette arcade fert comme la navette
a introduire ce qu'elle contient, à travers
la levée de la chaîne, & y arrêter par ce
moyen les guipures qui forment diffcrens
entrclacemens , qui comme il a été dit en
commençant , ornent la livrée du roi & au-
tri's : il faut toujours deux arcudes ^ dont
ARC
l'une fait la répétition de l'autre , mais cha-
cune de fon côté.
Arcade, en pajjementerie , efl encore
une eipcce d'anneau de gros fil d'archal ,
qu'on a attaché au lieu & fur l'épallFeur du
retour , en faifant entrer les deux bouts dans
le bâton du retour. Voye\ RETOUR.
Arcade, en femirerie , eu , dans les
balcons ou rampes d'elcalier , la partie qui
forme un fer à cheval, & qui fait donner
à ces rampes & balcons le nom de rampes
en arcade ou balcons en arcade.
ARCADES {Académie des) , f. m. V.
Arcadiens.
*ARCADIA (l') ou ARCADIE,
( Ge'og. ) ville de la Morée proche le golfe
de même nom , dans la province Belvé-
dère. Long, jc) , jo,* lat. ^j , xj .
*ARCADIE, {Géog. anc. & mod.)
province du Péloponeie qui avoit l'Argolide
ou pays d'Argosau levant, l'Elide au cou-
chant , l'Achaïe propre au feptentrion , &
la Mellinie au midi. Elle étoit divilee en
haute & bajlfe Arcadie. Tout ce pays efl
connu aujourd'hui fous le nom de T\a-
conie..
* Arcadie ou Archadie , ville au-'
trefois aflez renommée dans l'île de Crète
ou de Candie. Le golfe d' Arcadie efl le Cy--
pariJTus /mus des anciens.
* ARCADIENS , f. m. plur. (mjf. lito-
te): ) nom d'une fociété de lavans qui s'eft
formée à Rome en 1690, & dont le but
eu la confervation des lettres & la per--
fedion de la poéfie italienne. Le nom d'ar-.
cadiens leur vient de la forme de leur gou--
vernement , & de ce qu'en entrant dans-
cette académie , chacun prend le nom d'un,
berger de l'ancienne Arcadie. Ils s'elilent
tous les quatre ans un prefident , qu'ils,
appellent le gardien , & ils lui donnent tous
les ans douze nouveaux aifcireurs : c'eft ce.
tribunal qui décide de toutes les affiiires
de la fociété. Elle eut pour fondateurs
quatorze lavans , que la conformité de
ientimens , de goût & d'étude , raflembloit
chez la reine Chrifline de Suéde , qu'ils
fc nommèrent pour proteâlrice. Après fa
mort , leurs loix , au nombre de dix ,
furent rédigées , en 1696 , dans la langue
& le llyle des douze tables , par M. Gra-
vina ; on Içs voit cxpofées fur deux '^aux
ARC
morceaux de marbre dans le Serhatojn ,
fiille qui fert d'archives à l'académie ;
elles font accompagnées des portraits des
académiciens les plus célèbres , à la tctç
defqucls on a mis le pape Clément XI ,
avec (on nom paltoral , Alnano Melieo.
La i'ociété a pour armes une flûte cou-
ronnée de pin & de Ir.urier ; elle ert con-
(acrée à Jelus-Clirilt naiflant ; & les bran-
ches (e font répandues lous diflcrcns noms
dans les principales villes d'Italie : celles
d'Aretio & de Macerata s'appellent /ji^o/-
:[atu y celles de Bologne , de Venife & de
Ferrare , VAnimofu ; celle de Sienne , la
Phyfu-d-criticj. ; celle de Pife , VAlpIuja ;
celle de Ravenne , dont tous les membres
font eccléfiafliques , la Camalduîenjis , &f.
Elles ont chacune leur vice-gardien ; elles
s'alTemblent lept fois par an , ou dans un
bois , ou dans un jardin , ou dans une
prairie , comme il convient ; les premières
fëances fe tinrent lur le mont Palatin ;
elles le tiennent aujourd'hui dans le jardin
du prince Salviati. Dans les fix premières
en lait la ledure des arcadiens de Rome.
Les atcadlennes de cette ville font lire
leurs ouvrages par des arcadiens, La fep-
tieme efl accordée à la ledure des arca-
diens aflociés étrangers. Tout poflulant
doit être connu par iès talens , & avoir ,
comme difent les arcadiens , la noblelfe de
Oiériteou celle d'extradion , & vingt-quatre
fins accomplis. Le talent de la poéfie ell
le feu! qui puifîè ouvrir la porte de l'aca-
démie à une dame. On efl reçu , ou par
l'acclamation , ou par ^enrôlement , ou par
la repréfemation , ou par la furrogation , ou
par la defiination : l'acclamation eli la
réunion des lufFragcs , fins aucune déli-
bération ; elle efl rélervée aux cardinaux ,
aux princes & aux ambaffideurs ; l'enrô-
lement eft des dames S>c âcs étrangers : la
rupréfentation , des élevés de ces collèges
où l'on initruitla nobleffe : la furrogation ,
de tour homme de lettres qui remplace
un académicien après fa mort : la dellina-
tion , de quiconque a mérité d'obtenir un
nom arcàdien , avec l'engagement folenncl
de l'académie , de fucccder à la première
place vacante. Les arcadiens comptent par
olympiades ; ils les célèbrent tous les quatre
^s. par des jeiu d'clprit. On écrit 1,1 vie
ARC Tix
•^cs arcadiens. Notre des Yvetaux auroif
bien été digne de cette foclété ; il faifoic
paflàblemcnr des vers ; il s'étoit réduit ,
dans les dernières années de fa vie, à la
condition de berger , & il mourut au fon
de la mulécte de fa bergère. L'académie
auroit de la peine à citer quelque exemple
d'une vie plus aicadienne , & d'une fin plus
pafîorale. Voyer^ AcADKMIE.
ARCApIUS&HONORIUS, { Hijl.
Empi re d' Orient. ) turent aflociés à l'empire
par le teflamcnt de Théodofe leur père.
Leur jcunefle fit craindre qu'ils ne fulîènt
encore trop loihles poiu' foutenir le poids
des affaires , & leur pei-e trop prévoyant
leur nomma à chacun un tuteur pour les.
infiruire dans l'art de gouverner. Le mal-i
heur des fouverains eil de donner leur
confiance à leurs flatteurs. Arcadius fut
mis fous la tutelle de Rufin , & Honorius:
lous celle de Stilicon. L'empire fut partagé
pour éviter les haines qui naifient de la:
rn-alité du pouvoir. Conîlantinople fut le
fiege où Arcadius établit fa domination ,
qui s'étendoiî iur tous les peuples de l'orient::
Rome ious Honorius redevint la capitale;
des nations de l'occident & du feptentrion.
Chacun , content de Ion partage , fem.bloit
promettre à la ten-e un calme durable , fi
les tuteurs ambitieux le fuflènt reflerrés-
dans les bornes de leur devoir. Rufin , que
l'habitude de commander dégoûtoit de la
vie privée où la majorité de fon pupille
alloit le condamner , crut devoir i"e ren-
dre nécellaire en replongeant l'état dans-
la conlufion. Les richelles qu'il avoir accu-
mulées par fes exadions , lui fervirent à.
préparer l'invafion d'Alaric, roi des Goths,
dans l'Italie , & il eut l'adrelTe de lui per-
fuader , qu Arcadius intimidé pitr fes armes,
abdiqueroit fans eflljfion de fang , im em-
pire que ce tuteur parjure ambitionnoic
pour lui. La conjuration fut découverte ,
& les ioldats indignés lui tranchèrent la
tête ,_ qui fut envoyée à Conflantinople , où.
ellei.:: expofée fur une des portes de cette-
c?pitale_, pour prévenir la tentation de
ceux qui auroient voulu lui renêmblcr.
Le gouvernement de l'Afrique qui étoit
de la dépendance d'Honorius , étoit confié
j à Gildon qui voulut en envahir la l'ouve-
I raineté ; mais ce ^çuvirneur iufidele ,
111 ARC
ayant trempé fes mains dans le Hing de
lès neveux , attira fur lui les armes de leur
père Marellus qui le vainquit & le fit étran-
gler. Marellus fier de la vifloire , regarda
l'Afrique comme fon héritage ; Honorius
qui tailla fon armée en pièces le traita en
rebelle. Stilicon , beau-pere d'Honorius ,
eut l'ambition de placer fon fils fur le
trône , & , pour y réuffir , il lufcita dts
ennemis A fon gendre jufqu'aux extrémités
du nord. Les Sueves , les Vandales & les
Allemands firent une irruption dans l'Ita-
lie avec une armée de deux cents mille
hommes , fous la conduite de Radagule.
Ce chef de brigands , plus propre à piller
qu'à combattre , fut vaincu & précipité
dans une prifon où il fut étranglé. Son
armée fe réunit & élut pour chet Alaric,
<îui , l'an 411, fe rendit maître de Rome.
Le perfide Stilicon ne jouit pas du truit de
fon crime , fa trahifon fut découverte , &
il fut condamné à la mort avec Ion fils.
Honorius fut dans la fuite plus réfervé à
donner la confiance. Son règne qui avoit
été fi orageux devint plus tranquille ; il
mourut à Rome, & lai fia fes états à fon
fils Théodofe. (T-n)
* ARCAHON (golfe d') ou ^' ARC AS-
SON , petit goUe de la mer de Gafcogne ,
entre l'embouchure de la Garonne & celle de
i'Adoure. Il y a dans le voifinage un cap de
même nom.
ARCALU (Principauté d') , petit
état des Tartares Monguls , fur la rivière
d'Hoamko , où commence la grande mu-
raille de la Chine, fous le Hi^ degré de
longitude & le 41^ de latitude lépten-
trionale.
ARC AN , {Géogr. ) ville d'Afieen Tar-
tarie , fur les frontières du Mawaralnahra.
Elle cft fur la rivière de Caffima. On la
nomme aufli Adercand. ( C. A.
ARCANE , f m. ( Chymïe. ) On fe fert
ordinairement de ce mot pour défigner un
remède lecret , un remède dont la com-
polifion n'cft pas connue ; ce qui rend ce
remède myllérieux & plus eflimable pour
le vulgaire , ou pour ceux qui pèchent
par l'éducation ou par l'cfprit. On diroit
que ces perlbnncs veulent être trompées ,
& le plaiient à être les dupes de ces fanfa-
cous en médecine , qu'on nomme charlatans.
ARC
Les hommes , agités par leurs paflîons y
détruifent la fanté dent ils jouifl'ent ; & ,
aveuglés par de dangereux préjugés , ils
s'en -mpofent encore lur les moyens de
recouvrer cette fanté précieulé , lorfqu'ils
l'ont perdue. Ils blâment injufiement la
médecine , comme une fcience extraordi-
nairement obfcure ; cependant en ont-ils
befoin , ils n'ont pas recours à ceux qui ,
par leur étude & leur application conti-
nuelle , pourroient en avoir difEpé les
prétendues ténèbres ; & , dans leurs mala-
dies , ils s'en rapportent à des ignorans.
Tout le monde elî médecin , c'efl-à-
dire , tous les hommes jugent fur la méde-
cine décifivcment , comme s'ils étoienc
certains de ce qu'ils difent ; & en même
temps , ils prétendent que les médecins ne
peuvent qu'y conjecturer.
On ne doit avancer que la médecine efl
conjeûurable , que parce qu'on peut dire que
toutes les connoifTances humaines le font ;
mais 11 l'on veut examiner fincérement la
choie , & juger lans préjugé , on trouvera
la médecine plus certaine que la plupart des
autres fciences.
En efiet , fi une fcience doit pafTer pour
certaine , lorfqu'on en voit les règles plus
conflammcnt fulvies , les médecins font
plus en droit de réclamer ce témoignage
en leur faveur , que les autres favans. Quel
contrafle de maximes dans l'éloquence , la
politique & la philofophic ! Socrate a fait
oublier Pythagore ; la doélrine de Socrate
a de même été changée par Platon Ion
élevé ; Ariflote, formé dans l'école de Pla-
ton , icmble n'avoir écrit que pour le con-
tredire.
Et pour fè rapprocher de nos jours ,
nos pures ont vu Dcicartes fonder fon em-
pire fur lis ruines de l'ancienne Philofo-
phie : les fuccès ont été fi éclatans , qu'il
iembloit avoir fait difparoiitre devant loi
tous les phildlophes ; & cependant moins
d'un fiecle a lufii pour changer prcfque
toute la dodrine : celle de Newton y a
luccédé , & plufieurs philofc)phes ceniu-
rent aujourd'hui celle-ci.
Au milieu des ruines des écoles de Pytha-
gore , de Socrate , de Platon , d'Arillote ,
de Defcartes & de Newton, Hippocrate,
qui vivoit avant Platon , iè Ibutient, &
A KG
jouit à préfcnt de la mcm; eflime que Tes
contemporains lui ont accordée ; ia doc-
trine liiblifle, au lieu qie elles des autres
(avans les contemporains lont oubliées ou
dt'cné.s.
Cependant Hippocrate n'étoit pas un
plus grand homme que Socrate ou que
Platon. Si la dodrinc de ce médecin a été
plus diu-able qu- celle de c;.s lavans , c'ell
qae la médecine dont Hippocrate a traité ,
a quelqu.- chafe de plus conHant que n'ont
les fcienccs que ces grands philofophes
cultivoicnt.
Cett^ foule d'opinions littéraires ou plii-
k^Tophiques ^ qui, tour-A-toar , ont am.ifé
1; monde, d\ enievelic depuis long-temps ;
& l'art qui a pour objet la fanté des hom-
mes, cil encore aujo.ird'hui à-peu-près le
même qu'il étoit du t.mps d'Hippocrate ,
malgré l'immenfe intervalle des temps ,
malgré les ch'ingemens nécelTaires qu'ont
introduit en médecine la variété des cli-
mats , la dilFérencc des mœurs , les maladies
inouies aux ilecles palTés. Toutes les décou-
vertes faites par Galien, par Avicenne ,
par Raiîs , par Fernel & par Boerhaave ,
n'ont fervi qu'A confirmer les anciennes.
Pour juger la philoiophie , on ouvre
les ouvrages des premiers philofophes. S'a-
git-il de la médecine , on lailTe-là Hippo-
crate & Boerhaave , & l'on va chercher
des armes contre elle dans les livres & la
condiiite des gens qui n'ont que le nom
de médecin; on lui objecte toutes les rêve-
ries des alchymifles , entre lefqueUes les
arcanes ne font pas oubliés.
Il efl du devoir d'un citoyen de faire
tous fes efforts pour arracher les hommes
à une prévention qui expofe iouvent leur
vie , tant en les écartant des vrais iecours
que la fcience & le travail pourroient leur
donner , qu'en ks jetant entre les mains
des prétendus pofireffeurs de iecrets-, qui
achèvent de leur ôfer Ci qui Irur reife de
{ànté. Combien d'hommes ont été dans
tous les temps , & font encore tous les
jours les vidimes de cette conduite IC'elf
pourquoi les magiftrats attentifs A la con-
fcrvation de la vie des citoy.ns , le iont
toujours fait le plus elîenti.l devoir de leurs
charges de protéger la médecine , & ont
donné une attention particulière à. cette
ARC izj
pAn'ic du gouvernement ; fur-tout en ré-
primant l'impudence de ces impoiteurs
qui , pour tenter & exciter la confiance
du peuple qu'ils trompent , ont des fecrets
pour tout , & promettent toujours de
guérir.
ParafcKe dit qi'on entend par ce ter-
me , une fubllance incorporelle , immor-
telle, fort au defiiis des connoiflànc^s des
homm s &; de leur intelligence ; mais il
n'entend cette incorporéité que relative-*
ment , & par comparaifon avec nos corps j
& il ajoute que les arcanes (ont d'une exr-
cellence tort au defllis de la mati.rj donr
nos corps lont compolés j qu'ils ditierent
comme le blanc du noir ; & que la pro-
priété eflentielle de ces arcanes ert de chan*
ger , altérer , reflaurer & conferver nos
corps. Varcane efl proprement la fubdancs
qui renferme toute la vertu des corps
donr elle ell tirée. Le même Paracelfe dil-
tingue deux (brtes à^arcanes , l'un qu'il
appelle perpétuel , le fécond pour la perpe'-
mité. Il iubdivile enfuite ces deux en qua--
tre , qui font , la première matière , le mer-
cure de vie , la pierre des philolôphes ,
& la teinture.
Les propriétés du premier arcane ou de
la première matière , font de rajeunir l'hom--
me qui en lait ulage, & de lui donner
une vie nouvelle , coname celle qui arrive-
aux végétaux qui fe dépouillent de Icura
feuilles tous les ans , &: le renouvellent
l'année d'après.
La pierre des philofophes agit fur nos
corps comme le teu fur la peau de la fà-»
lam_andre ; elle en nettoie les taches , les
purifie & les renouvelle , en confiimant
toutes leurs impuretés, & en y introdui--
fint de nouvelles forces , & un baume
plein de vigueur , qui fortifie la nature hu--
maine..
Le mercure de vie fait à-peu-près le-'
même effet ; en renouvellant la nature ;
il fiiit tomber les cheveux , les ongles , la
peau , & en fait revenir d'autres à Lï
place.
Le célèbre M. Haies , dans fc^ dernières
années , avoit aulli donné dans une pareille
fohe ; il crut avoir trouvé un p;;reil ar-
cane dans une efpece d'efprit de melilîe.
La teinture, montre fes effets à la uw-'
114 ARC
jiiere de JR.ehis , qui tranfmue l'argent & les
autres métaux en or. Elle agit de même
fur le corps humain ; elle le teint , le purge
de tout ce qui peut le corrompre , Ck lui
donne une pureté & une excellence au
defilis de tout ce qu'on peut imaginer. Elle
fortifie les organes , & augmente tellement
le principe de vie , qu'elle en prolonge la
durée fort an delà des bornes ordinaires.
yîrcane , fe prend auili pour toutes for-
tesde teintures , tant métalliques que végé-
tales ou anim.ales. Parafelfe l'a employé
plufieurs fois dans ce fens-lA.
Arcanc , par les mêmes philoiophes ,
doit s'entendre de l'eau mercurielle épail-
fie , ou du mercure animé par la réunion du
foufre philofophique. ( H- )
ARCANE-C0RALLIN,(C7l>'m.OTçJ.)c'eft
le précipité rouge adouci par l'elprit-de-
vin. Arcane veut dire fecret ; & corallin
veut dire ici , de couleur de corail. En di-
fant arcane-coralUn , on dit une compoli-
tion ou un remède fecret qui efl rouge
comme du corail. Paracelfe a quelquelois
nommé l'arcane corallin , diacelta tefion.
Pour fi.ire Varcane-corallin , il faut com-
mencer par faire le précipité rouge , & pour
faire le précipité rouge , on met dans un
matras ou dans une phiole de verre , par-
ties égales de mercure & d'efprit-de-nitre.
Lorfque la diflolution ell faire , on la met
dans une petite cornue , que l'on place dans
du iable fur le feu ; on ajoute unrécipient
à cette cornue , & on en lutte les jointures.
Enfuite on dillille jufqu';\ icc , & on
renverfe dans la cornue ce qui a diflillé dans
le récipient. On fait rediftiller , & l'on re-
met dans la cornue ce qui ell paflë dans
le récipient. On réitère ainii cette opéra-
tion julqu'.i cinq fois; on a par ce mojen
un beau précipité rouge qui eft en feuil-
lets , comme du talc. Il faut ;\ la dernière
diflillation augmenter le feu julqu'à taire
rougir la cornue.
Il y en a qui , au lieu de faire le préci-
pité rouge par la diflillation , comme l'on
vient de le dire , le font par évapôration :
ils mettent dans une phiole ou dans un
matras A cou court , partie égale de iner-
cure & d'efprit-de-nitrc ; enluitc ils met-
tent le vaiflèau fur le Iable à une chaleur
d'jucc Lorfque la diflblution du mercure
ARC
ciî achevée , ils augmentent doucement
le feu , pour diflîper ce qui relie d'elprit-
de-nitre & toute l'humidité ; ce qui donne
un précipité blanc , qui devient jaune en
augmentant le Icu delTous. Enfuite , on
met ce précipité dans un creulet , qu'on
place au milieu des charbons ardens : le
précipité devient rouge par la force du
feu , cependant il n'eft jamais aufli rouge
que celui dont on a donné auparavant la
préparation ; & lorlque pour tâcher de le
rendre aufll rouge on emploie plus de Icu ,
il devient moins fort , parce que le feu
ditlipe de l'acide ; & même on rétablit par-
là en mercure coulant , une partie du pré-
cipité. On trouve des globules de mercure
au couvercle du creulet.
Le précipité rouge , fait par la diflillation,
efl d'autant plus fort qu'il devient plus
rouge , parce qu'il ne devient plus rouge
que par la cohobation qui y concentre plus
d'acide.
Il y a des fripons qui vendent du mi-
nium pour du précipité rouge. Un des
moyens de diflingucr l'un de l'autre , c'efl
de verfcr defllis de l'efprit-de-nitre ; mais
le plus fur moyen d'éprouver le précipité ,
c'efl d'en mêler trois parties avec deux de
tartre crud , & une de lalpêtre , qu'on
fond enfèmble dans un creulet. Si c'efl du
minium , ou s'il y en a avec le précipité ,
on trouve après cette opération du plomb
dans le fond du creulet. Kcye^ PRÉCIPITÉ.
On ne doit point employer intérieure-
ment le précipite rouge , qu'on n'en ait
fait Varcane corallin.
Cette opération fe fiit en verfmt refprit-
de-vin fur le précipité rouge , fait par la
cohobation , jufqu'à ce qu'il en foit cou-
vert. Il faut employer un efprit-de-yin bien
rcSifié , & y mettre le feu ; enfuite on
fait lécher , & on réitère quatre fois ; &
même, félon quelques chymifles , on y
brûle aufll de l'eiprit-de-vin jufqu'à fept fois.
TJarcù.ne-corallin ell par ce moyen fort
différent du précipité rouge ; l'elprit-dc-
vin y apporte un grand changement. Il y
a autant de difîerence entre Varcane corallin
(Se le précipité rouge , qu'il y en a entre
l'efprit-de-nitre , qui ell une eau-forte , &
l'cliM-it-de-nitre dulcif.é, qui efl une liqueur
agréable.
On
ARC
On fliit peu d'ufage de Varcane-corallin ,
•cependant il cil fort eflîcace en médecine ,
& il ièroit bon de s'en lervir dans des cas
de maladies opiniâtres , qui réllrtent aux re-
mèdes contraires.
Il eft très-bon de fimplificr la pratique
de la médecine , c'efl-à-dirc , il eft à pro-
pos de ne pas donner plus de remèdes qu'il
n'efl nécefiaire , 6c il taut les donner
les plus faciles & les plus fimplcs qu'il ett
poflible. Mais il cil des maladies qui exi-
gent plus de remèdes , & des remèdes plus
forts , lans lefquels ces maladies rcftent in-
curables ; & ce que fait un médecin qui
a traité par les remèdes fimples &c ordinai-
res , ne fert fouvent que de préparation
pour un remède plus efficace ; le malade
ennuyé de ne pas guérir, reçoit quelque-
fois ce remède d'un charlatan qui le donne
làns connoiflance , au lieu que le médecin
pourroit le donner méthodiquement. Si le
médecin fe conduifoit ainfi , il ne foroit
que iuivre le conleil d'Hippocrate , qui dit :
tnelius ejlancepsadhibereremedium , quàm
nullum.
On peut regai'der Varcane-corallin , com-
Pic un des plus grands fondans des humeurs
froides ou véroliques , qui lont des tumeurs
ou des ulcères cancéreux. Il produit aulli
de bons effets dans certaines hydropihes , &
dans de vieilles maladies de la peau , comme
(ont certaines dartres.
\J arcane-corallin eft un bon remède pour
les vieilles véroles , dont le dépôt efl dans
les parties folides du corps , comme dans
les os. Il ne réufiit pas 11 bien pour les
véroles qui ne font fenfibles que dans les
humeurs , fur-tout fi elles font nouvelles ;
pour celles-là le mercure crud pris en fric-
tion ou autrement , vaut mieux.
On fait prendre Yarcane-corallin ou com-
me évacuant , ou comme purifiant. Lorf^
qu'on le donne comme évacuant , on le
fait prendre à la dolc de trois grains ; aux
perfonnes délicates on n'en donne qu'un
grain , & aux perfonnes robufles on en fait
prendre jufqu'A cinq ; & même dans des
cas extraordinaires , juiqu'à fix grains tout
d'un coup : il purge par-bas , & quelque-
fois par le vomlifement.
Lorfqu'on veut fondre les humeurs &
les purifier , on en fait prendre matin &
To/ne m.
ARC liy
foir une prîfe d'un demi-grain ou d'ua
grain.
Pour purifier & vuidcr en même temps
les humeurs , M. Malouin en fait prendre
trois prifes le matin à une heure de dillance
l'une de l'autre , d'un demi-grain ou d'un
grain de chaque prilê.
On prend une talle d'eau tiedc ou de
tifanne une demi-heure après chaque prifc ;
& un bouillon une heure après la dernière
priiê.
On peut auffl fc fervir extérieurement
de Yarcane-corallin ; on l'allie avec de la
pommade ou avec du cérat de Callen , pour
en frotter de vieilles dartres après avoir purgé
fuffiiamment.
Arcane de tartre , ( Chym. mc'd.)
c'efl une matière faline compofée de l'acide
du vinaigre & de l'alkali du tartre. Elle
fe fait lorfqu'on précipite le loufre dore
d'antimoine avec le vinaigre j on fait éva-
porer la liqueur où s'eft faite cette préci-
pitation , on en tire Y arcane du tartre , qui
efl une efpece de terre ou de tartre folié.
(M)
* Arc ANE , ( Ge'ogr. anc. 6' mod. ) petite
ville de la Turquie Afiatique dans la Na-
tolie propre , (ur la côte de la mer noire ,
entre la ville de Sériape ou Sinape , & le
cap Pifello. Quelques géographes préten-
dent que c'eif Y Abonitrichos des anciens^.
Fqyq Craie.
* ARCANEE , f f. nom qu'on donne i
une craie rouge minérale , qui iert dans plu-
lleurs profeiîions à tracer des lignes lur
le bois , la pierre , iSc.
* ARCANI , ( Ge'ogr. anc. & mod. ) ville
de Tilingrelie , à l'embouchure de la rivière
du même nom. On croit que c'eff l'an-
cienne Apfarum , Apfarus , Apfarrus , &c-
de la Colchide.
ARCANUM DUPLICATUM ,
( Chym. méd. ) comme qui diroit double
arcane , c'eft-à-dire un remède iecret com-
pofé de deux , lavoir de l'acide vitriolique
"& de la bafe alkaline du nitre , ce qui fait
un ici moyen qu'on nomme Jel de duobus,
Voyei Sel de duobus. ( M)
Arcanum Jo vis , ( Chymie méd. )
eft un iinialgame fait de parnes égales d'étain
& de mercure pulvérife & digéré avec du
bon eiprit-de-nitre. Après en avoir tiré de
Ff
2i5 ARC
l'eiprit dans une retorte , on lailTe fécher
la maflè ; & l'ayant pulvérilée de nouveau ,
on la digère avec de l'cfprit-de-vin , )ufc,u'à
ce que la poudre devienne infipide. ( -^^)
* Cet arcane eft fort vanté dans la phar-
macopée de Bath : on le donne là comme
un puiflant fudorifique , & l'on fixe fa
dofe entre trois & huit grains. Mais l'u-
fàge intérieur de toutes les préparations
d'étain eft dangereux.
* ARCAS , ( Géogr. anc. & mod. ) petit
bourg d'Ei'pagne dans la Callille : c'elt
VArcabrica des anciens.
ARCASSE , f. f. terme de Marine , par
lequel on entend toute la partie extérieure
de la poupe d'un navire , qui dans les
vaifleaux de guerre eft afîez ornée. Il faut
que toutes les pièces qui compofent Viuxajfe,
foient bien liées l'es unes avec les autres ,
pour s'oppofer aux coups de mer qui quel-
quefois enfoncent cette arcajje.
Sa hauteur eft déterminée par l'étam-
bord & le trépot , & fa largeur par la hife
de hourdi ou grande barre à^arcajfe. Vqye^
Etambord , Trépot , Lisse de
HOURDI. Voyei aux figures de laMarine,
PI. V. lafig. 2 , qui réprefente Varcajfe ou
la poupe d'un vaifl'eau , avec les noms des
principales pièces qui la compofenr.
ArcassE , f. f. en Marine , eft aufii le
corps de la poulie qui renferme le rouet. (Z)
* ARCE , {Ge'ogr. anc.) ville de Phénicie.
■ *ARCÉE, (Gfbg-r.) Koye^PETRA.
ARCEAU, f. m. en Architecture , eft
la courbure du cintre parfait d'une voûte ,
d'une croifée ou d'une porte ; laquelle cour-
bure ne comprend qu'une partie du demi-
cercle, un quart de cercle au plus, ëc au
deflôus. Voye^ CROISÉE BOMBÉE , &
VOUTE BOMBÉE.
On appelle aufll de ce nom des omemens
de fculpture en manière de trèfle. ( P )
Arceau , fur les rivières , c'cft la voûte
ou la petite arche d'un ponceau.
Arceau , en Chirurgie , demi-caiflè de
tambour, dont on fait un logement à la
jambe ou au pié dans les fradures ou au-
tres maladies , afin que le membre foit à
l'abri de la pelanteur du drap & des cou-
vertures du lit. Voye\ PI. X. de Chirur-
gie , fig. 2..
ARCEGOVINA, (G^ogr.) piovincade
ARC
la Dalmatie , entre le pays des Dulcignofes
au fud-eft , la république de Ragufe au
nord-oueft , une partie de la Bofnie au
nord-oueft , & la mer Adriatique au fud-
oueft. Ses villes principaks font Rifano ^
Caftel-Novo , Cataro &c Budoa , routes
places fortes ; la rivière de Moraccia la
traverfe du nord-oueft au fud-oueft. Le
pays eft rempli de montagnes , & cepen-
danr trcs-fertlle. Cette province eut autre--
fois fes ducs fouvcrains , que l'on appelloit
ducs de Saba ; les Vénitiens en poflédentla.
plus grande partie , le refte appartient aux
Turcs. {C. A.)
ARCHAGETES , Voye^ Sparte.
ARCHAÏSME , ( Littérature. ) eft une.
imitation d." la manière de parler des an-
ciens , foit que l'on en revivifie quelques-
termes qui ne font- plus ufités , fiiit que
l'on fafTe ulage d'e quelques fours qui leur
étoient familiers , & qu'on a depuis aban-
donnés. Ce mot vient du grec afyaiof ,
ancien , duquel , en ajoutant la terminaifon
i-7y.oi , qui eft le fymbole de l'imitation ,.
on a fait /a-uot, qui veut dire antiquorum
imitatio , imitation des anciens. (^gx^"^/-"'f ».
Les pièces de J. B. Roufleau , en ftyle
marotique, font pleines d^archai'fmes.l^audét^
parifien , a écrit plufieurs ouvrages dans lo
ft}le de Montaigne , quoiqu'il foit venu
long-temps après ce philofophe ; on ignore
ce qui l'engagea à préférer ce vieux lan->
gage , qu'on ne permet guère que dans la
poéfie familière : c'eft même un mauvais
genre qu'on ne doit pas employer , quand
on veut fe faire lire de tout le monde. Si
l'on prélentoit à un françois , qui prétend
pofleder fa langue , la lettre du comte Ha-
milton à J. B. RoulTeau , il lui faudroit un
didionnaire archaïque pour bien entendre
routes les expreffions que le poëte emploie.
Voici le commencement , ou, fi l'on veut,
l'adreftè de cette épître :
A gentil Clerc qui fe clame RoufTel ,
Ores chantant es marches de Solure ,
Oit , de Cantons Parpaillots n'ayant cure^
Prêtres de Dieu haifent encore Mijfel j.
De r Evangile en parfinantlecturc ,•
Jllec qui ra dans moult noble écriture
( Digne trop plus de lo^fempiternel , }
Mitiaju plojue ù cet aimque fd
ARC
'Qu'en Virelais mettait parfois Voiture ,
A cil RoufTel ma rime , aincoit obfcure
Mande falut dans ce chàif charlet. (+)
ARCHANGE , f. m. {néol) fubrtance
intelleduelle ou ange du fécond ordre de
la hiérarchie célefle. Voye^ AnGE &HlÉ-
RARCHIE. On appelle ces efprits archan-
ges y parce qu'ils font au deflûs des anges
du dernier ordre ; du grec apm princi-
pauté y & d'ii»êAo , ange. Saint Michel eft
confidéré comme le prince des anges , &
on l'appelle ordinairement {^archange S. Mi-
chel. (G)
* ARCHANGEL, ( Geb^. ) ville de la
Ruflîe feptentrionale , capitale de la pro-
vince de Dowina , fur la Dowina. Long.
57, 2.0,- lat. ^4. y z6.
Le commerce à'' Archangel comprend ce-
lui d'une partie de la Molcovie. Les An-
glois & les Hollandois s'en font prefqu'en-
tiérement emparés. Cependant les Fran-
çois , les Suédois , les Danois , & ceux de
Hambourg & de Brème , ont des corref-
pondans à Archangel.
La foire s'ouvre le 20 Août & dure
dix jours : mais le commerce peut com-
mencer une quinzaine plutôt. Il fe fait ou
en échange , & c'efl le plus ordinaire , ou
partie en échange & partie au comptant ,
ou tout au comptant. Il faut y envoyer
de France les vins de Bordeaux & d'An-
jou ; des toiles , des futaincs , des draps ,
des lainages , des rubans , des chapeaux ,
quelques riches étoflfès , des bagues , des
tijoux , des ufîenliles de ménage, des ou-
tils d'artifans , du papier , des épices , &c.
on en tire des pelleteries , des cuirs , des
cires , des martes , &c.
ARCHE , en Architecture , efl l'efpace
qui efl entre les deux piles d'un pont , &
fermé par le haut d'une partie de cercle.
On appelle maîtrejje arche celle qui efl au
milieu d'un pont , parce qu'elle efl plus
large & plus haute que les autres pour la
facilité de la navigation , & auÎG pour
élever le milieu du pont , & former une
pente à chaque bout pour l'écoulement des
eaux de pluie fur le pavé. Les arches re-
çoivent différentes exprefîîons , par rap-
port à la forme du cercle ou de l'arc qui
les ferme par le haut. Voye\ Arc.
ARC 2t7
'Arche d^ajfemblage , eft un cintre de char-
pente bombé & tracé d'une portion de
cercle pour faire un pont d'une feule ar-
che , comme il s'en voit dans Palladio ,
& comme il avoit été propofé d'en faire
un à Sève près Paris , par M. Perault.
Voyei M. Blondel , cours d'Architeàure ,
part. V. liv. I. &c. (P)
Arche extr adossée, eft celle donc
les voufToirs font égaux en longueur , parallè-
les à leurs douelles , & qui ne font aucune
liaifon entr'cux , ni avec les afllf^s des
reins. V^oye\ celle de Notre-Dame.
Arche , f f. en Marine , c'efl la boîte de
menuiferie qui couvre la pompe , pour
qu'elle ne foit point endommagée. On fe
fert auflî pour le même efFet des cordes
dont la pompe efl furliée. (Z)
Arche , f. f. en Verrerie, c'efl une par-
tie du four. Il y en a fix , quatre grandes
& deux petites ; elles font faites de bri-
que , & forment l'extérieur du four , à
l'intérieur duquel elles communiquent cha-
cune par une lunette d'environ un pié de
diamètre. C'efl dans ces arches que l'on
met recuire les matières propres à faire le
verre, avant que de les mettre dans les
pots ; elles fervent aufîi à attremper les
pots , avant que de paflêr pour la pre-
mière fois dans l'intérieur du four. Les
arches font chauffées par la chaleur du
four qui s'y porte par les lunettes. Voyez
Four , Lunettes, ù Attremper,
Arche d'alliance , (Théol.) dans
l'Ecriture-fainte fignifie une forte de coffre ,
dans lequel étoient renfermées les deux
tables de pierre fur lefquclles étoient gra-
vés les dix commandemens de la loi don-
née à Moyfe fur le mont Sinaï , ainfi que
l'avoit ordonné Dieu lui-même. Exod.
c. xxt'. perf. i 6.
Cette arche étoit en finguliere vénéra-
tion ^ parmi les Hébreux , qui l'avoienc
placée dans la partie la plus fàinte du ta-
bernacle. On la portoit dans les expédi-
tions militaires , comme un gage fenfiblc
de la proteftion divine : mais Dieu irrité
contre fon peuple , permit qu'elle fut prife
par les Philiflins , au pouvoir defquels elle
demeura fept mois. Les iîéaux dont à leur
tour les Philiflins furent frappés , les obli-
gèrent de reftituer Marche aux liraelites ,
F fa
1x8 ARC
^ui la dépoferent à Cariarhiariiïi dans la
maifon d'un lévite nommé Abinadab , chez
kq'.icl elle demeura encore foixante & dix
ans , iuivant Ufièrius & les plus habiles
chronologilles. David fit tranlporter Var-
che avec beaucoup de folennité à Jéruia-
lem , 6: la plaça fous un tabernacle qu'il
avoit fait conlhuire ; & enfin Salomon la
iit mettre dans le temple. Quoique l'Ecri-
ture femble dire en plufieurs endroits ,
qu'il n'y avoit dans Varche que les deux
tables de pierre , elle marque expreffcment
ailleurs , qu'elle renfermoit une urne pleine
de la manne qu'avoient mangé les liraë-
lites dans le défert , & la verge ou ba-
guette d'Aaron qui avoit fle.iri- Hébr. ix.
rerf. 4,
On peut voir dans l'Ecriture la def-
cription de Marche. Voici celle qu'en donne
Jofeph. h' arche p dit-il, avoit cinq pal-
mes de longueur , trois de largeur , & au-
tant de hauteur. Le bois de l'un & de
l'autre côté étoit revêtu de lames d'or ,
& attaché avec des clous dorés ; à quoi
il faut ajouter qu'elle avoit à lés deux plus
Jongs côtés de gros anneaux d'or qui tra-
verfoient le bois , dans lefquels on mettoit
de gros bâtons dorés pour la porter lelon
le befoin , ce que taiioient les iacrificateurs
( & les lévites ). La couverture de ï arche
s'uppeWonle propitiatoire , lur lequel étoient
placées deux figures appellées chérubins ,
ï'elon la forme qu'en avoit prelcrit Moyfe ,
<5ui les avoit vus devant le trône de Dieu,
j^oy. Chérubin. Quelques critiques pren-
nent ce mot chéiube', TDnn , pourune tranf-
pofition de celui-ci mm, re'chub y qui
■fignifie chariot y & prétendent que par les
chérubins qui étoient placés fur Varche
J'alliance , on doit entendre que \^ arche
étoit comme une forte de char fur lequel
on lùppofoit que Dieu étoit aflis. Voye\
Propitiatoire & Chérubin.
Les Juifs modernes ont une efpece d'ar-
che dans leurs fynagogues , c'g[1 un co(îre
«u une armoire dans Liquellc ils mettent
leurs livres facrés , & qu'ils regardent com-
me une figure de Varche d'alliance conf-
iruite fur les deffins de Moyfe. lîs la
nomment aron. Les Juifs , dit Lécjn de
Alodcne , dans le détail qu'il a donné Ats
«outumcs & des cér^mgnies de ceux de
ARC
fa nation , ont au côté oriental cTê leura
fynagogues , une armoire qui repréicnte
Varche d'alliance , dans laquelle ils confer-
vent le Pentateuquc écrit fur du vélin
avec une encre particulière. Cet ufage n'eft
pas nouveau , puifque Tertullien appelle
cette arche , armarium Judaicum ,* d'où efl
venue cette façon de parler , être dans Var.
moire de la fynagogue , pour dire être au
nombre des écrits canoniques. J^qycijCANO»
NIQUE & Apocryphe.
Quant à Varche d'alliance qui étoit dans
le temple , on lit dans le fécond livre des
Alachabt'es , chap. ij. que peu de temps
avant la prilé de Jérulalem , Jerémie ayant
fait cacher le Icu lacré , l'autel des par-
fu.ms , & Varche , dans un foutcrrain , par
les prêtres & les lé.ites , les en retira après
le départ des Chaldéens , & les fit porter
à fa fuite ju!qu'au-delà du Jourdain, à la
montagne de Nebo , tameufe par la mort
& par la fépulture de Moyfe ; & qu'ayant
fait retirer tous ceux qui l'accompagnoient ,
Dieu lui découvrit une caverne profonde y
où il plaça Varche & l'autel des parfums ,
& en ferma Ç\. bien l'entrée, que fins une
révélation particulière , il n'étoit pas pof-
fible de la connoître : que fes compagnons
s'en étant approchés dans ce deflein , le
prophète leur déclara que l'autel & Varche
demeureroient en dépôt dans cette caverne
inconnue , julqu'à ce qu'il plût au Seigneur
de railembler fon peuple de tous les pays
où ils étoient dilperfés : qu'alors il leut
rendroit l'un & l'autre avec une grande
magnificence , & qu'on verroit alors le
renouvcller les merveilles opérées du temps
de Moyfe & de Salomon. Cet oracle n'étant
point encore accompli , les interprètes pen—
icnt qu'il ne le fera qu'à l'entière réunion des
Juils , qui doit précéder le jugement dernier^
Vqvei SiNAI (MONT.) (G)
Arche de NoÉ fignifie, félon le langage
de l'Ecriture , une forte de bateau ou de
vafle bâtiment flottant , qui fut conllruit par
Noé , afin de prclèrver du déluge les di-
verlés efpeces d'animaux que Dieu avoir
ordonné à ce patriarche d'y f;iire cntrcn
Voyei DÉLUGE.
Les Naturalifles & les critiques ont fait
divcries recherclies , & imaginé difféien»
ÔHèmcs i'ur ïarchi Je Not, lur fa forme ^
ARC
fa grandeur , fa capacité , fur les matériaux
employés à la confirucHon , fur k rtir.ps
qu'il a fallu pour la bâtir , & fur le lieu
où elle s'arrêta quand les eaux du déluge
fe retireront. Nous parcourrons tous Ci.s
points avec l'étendue que comportent les
bornes de cet ouvrage.
1°. On croit que Noé employa cent
ans à bâtir Varc/ie ; fwoir , depuis l'an du
monde i^^î jufqu'en 1656 qu'arriva le
déluge. C'ell l'opinion d'Orisjene, lib. IV .
contra Celf. de S. Augufiin , dccii'it. Dei ,
lib. XV. cap. xxpij. & coin. FmiJI. Ub. XII.
cap. xtiij. & dans fes quell. 5 &' ^5 /"'' ^-^
Crncfe ; & de Rupert , lib. lï^. furlaGe-
nefe , chap. xxij. en quoi ils ont été fuivis
par Sdlien , S ponde , le Pelletier, &c.
D'autres interprètes prolongent ce terme
jufqu'à fix vingts ans. Berofe afilire que Noé
ne commença;! bâtir V arche que 78 ans avant
le déluge : Thanchuma n'en compte que
cinqu;inte-deux ; & les Mn'iométans ne
donnent à ce patriarche que deux ans pour
la conllruirc. Il eft certain d'un côté par
le texte de la Genefe , que le déluge arr/Vj
Tanfix cent de Noé i &. d'un autre, que
Noé étoit Jgé de cinq cents ans , loifqujl
eutSem, Cham & Japket j d'où il s'enluit
que l'opinion de Berofe paroît la plus pro-
bable ; car félon le P. Fourr.ier dans fon
Hydrographie , qui luir en cela le fenri-
ment des pères , Noé fut aidé dans fon
ouvrage par fes trois fils ; & le même au-
teur ajoute que ces quatre perfonnes fuffi-
rcnt pour le finir ; ce qu'il prouve par
l'exemple d'Archias le Corinthien , qui ,
avec le Ibcours de trois cents oiivriers , con(-
t]-uifit en un an le grand vaiflèau^ d'Hieron
roi de Syracufe. Quand on fuppoièroit
Varche beaucoup plus grande , & bâtie en
78 ans , il faudroit faire attention aux
forces des hommes des premiers temps ,
qu'on a toujours regardées comme de
beaucoup fupérieures à celles des hommes
jui vivoient long-temps après. Par ces con-
idérations , on peut répondre aux objec-
tions de ceux qui prétendent que l'ainé
des enfans de Noé ne naquit qu'environ
dans le temps où Varche fut commencée ,
& que le plus jeune ne vint au monde
cii'après que fouvrage eut été mis en
train , eafortc qu'il fe pafla un temps COU-
l
ARC 129
fidtrablc avant qu'ils fulfent en é'at de
rendre fervice à leur père. On détruit
également ce que c'au'.res ohjcflcnt , qu'il
cil impoiublc que trois ou quatre hom-
mes aient pu futKrc à conllruirc un bâti-
ment où il falloit employer une protli-
gicufe quanti'.é d'arbres , qui demandoicnt
un nombre infini d'ouvriers pour les ex-
ploiter.
1°. Le bois qui fcrvit A bâtir V arche y
efi appelle dans l'Ecriture *i'; t^T:: , & ce
gopher , bois de gopher , que les Septante
rraduifentpar, r'''vîv TUfaya ■■.v bois équarri:
Onkclos , Jonathan & quelques autres ont
ertimé que ce bois ttoit le cèdre. S. Jérô-
me , dans la vulgate , emploie le raor ligna
leiigaia, bois taillé ou poli ; & ailleurs //,5'--J.i
bituminata , bois enduit de bitume ou gou-
dronné. Kimki dit que c'étoit du bols
propre à aller fur l'eau : Vatable l'entend
d'un bois léger , qui demeure dans l'eau
fins fe corrompre, ce qui n'explique pas
de quelle elpcce étoit ce bois. Junius ,
Tremellius & Buxtc,;! prétendent que c'é-
toit une efpece de cèdre , appelle par les
Grec5 K.ii'^iKccii\. M. Pelletier de Rouen pan-
che pour cette opinion , ô: en donne pour
rr.ifon l'mcorruptibili-'-é de ce bois , & la
grande quantité de ion efpece en Afie ;
puifque félon Hérodote & Arifînphane , les-
rois d'Egypte & de Syrie emnioyoient le
cèdre , au lieu de fapin , à la conlîruéiion
de leurs fiottes ; & que c'efi ime tradition
reçue dans tout l'Orient, que \'arche s'eft
confer\'ée toute entière juiqu'à préfcnt fur
le mont Ararath. Bochar au contraire ibu-
tient que gopker fignifie le cyprès , parce
que dans l'Arménie & dans TAfTyrie , où
l'on fuppofe avec raifon que Varche fut
confiruite , il n'y a que le cyprès propre
à faire un long vaifleau tel qu'étoit ï ar-
che , ce qu'on prouve par l'autorité d'Ar-
rien, lir. VU & de Strabon , lu: XVI,
qui racontent qu'Alexandre étant dans la
Babylonie , & voulant faire conflruire une
flotte , fut obligé de faire venir des cy-
près d'Affyrie. Ce dernier fentiment pa-
roîî- d'autant plus fondé , qu'il n'efl pas
vraifemblable que Noé , avec l'aide de ks
feuls enfans , & le peu de temps qu'il eut
pour bâtir un vailfeau aufll varte , dûi
encore tirer de loin les bpis de coaftruc»-
13D ARC
tion. Enfin , quelques auteurs croient que
i'iicbrcu gopher lïgnifie en général des bois
gras Ôcrdineux , comme le pin , le iapin ,
le térébinthe. Les Mahométnns difent que
c'étoit le fng ou le platane des Indes , que
Dieu indiqua à Noé , qui le planta de fa
main , & le vit croître fi prodigieufement
en vingt ans, qu'il en tira toute la char-
pente & les autres bois néceflaires à la
■conftruâion de Varche.
3°. Ce bâtiment , ielon Moyfe , avoit
trois cents couiées de longueur, cinquante
lie largeur & trente de hauteur , ce qui
'paroîf d'abord infuffiiant pour contenir
toutes les chofes dont Varche a dû nécef-
fàirement erre remplie ; & c'eft cette pro-
portion inégale qui a fait révoquer en
doute à quelques-uns l'autorité de cette
relation de Moyfe. Celfe ,^ entr'autres , s'en
efl moqué, & Fa nommée x.t7 on ov à}^oiia\ov ^
Varche d'abfurdné. Pour réfoudre cette dif-
ficulté , les SS. Pères & les critiques mo-
dernes fe font efforcés de déterminer l'ef-
pece de coudées dont Moyfe a voulu
parler. Origene , S. Augufiin & d'autres ,
ont penfé que par ces coudées 11 ialloit
•entendre les coudées géométriques des
Egyptiens , qui contenoient ,_ félon eux,
iix coudées vulgaires ou neuf plés. Mais
■où trouve-t-on que ces coudées géomé-
triques des Egyptiens fuffent en ufage
parmi les Hébreux? D'ailleurs, dans cette
luppofition , Yarche aurolt eu zyco pies
de longueur ; ce qui , joint aux autres
«limenfions , lui eût donné une capacité
énorme & (out-:\-falt fuperflue , tant pour
les efpeces d'animaux qui dévoient y être
renfermés , que pour les provlfions def-
tinées à leur nourriture. D'autres dilènt
que les hommes étant plus grands dans le
premier âge qu'ils ne font maintenant ,
la coudée qui efl une mefure humaine ,
devoir être proportionnément plus gran-
de : mais cette ralfon eft folble ; car les
animaux dévoient être aufli plus grands
& occuper plus de place. D'autres enfin
fuppofent que Moyfe parle de la coudée
facrée , qui étolt de la largeur de la main
plus grande que la coudée ordinaire , opi-
nion qui n'ert pas encore folidement ap-
puyée ; car il ne paroît pas qu'on ait ja-
mais employé cette mefure , fi ce n'cfl
ARC
dans les édifices fiicrés , comme le temple
& le tabernacle. Cette difficulté a été mieux
réfolue par Buteo & par Kircher , qui , en
fuppofant la coudée de la longueur d'un
pié & demi , prouvent géométriquement
que Varche étoit très-fuffifante pour con-
tenir tous les animaux. On eft encore
moins gêné à cet égard dans le fyftéme
de ceux qui , comme Meffieurs le Pelle-
tier , Graves , Cumbcrland & Newton ,
donnent à l'ancienne coudée hébraïque la
même longueur qu'à l'ancienne coudée
de Mcmphis , c'cft-à-dire , vingt pouces
& demi environ mefure de Paris. Les
dimenfions de Varche , prlfes fulvant cette
mefure , donnent une capacité fuffifantc
pour loger commodément , non leulement
les hommes & les animaux , mais aufli
les provlfions néceffaires , & l'eau douce
pour les entretenir pendant un an & plus ,
comme on le verra cl-deflbus par l'expo-
fition des fyftêmcs de M. le Pelletier &
du P. Buteo.
Snellius a prétendu que Varche avoit plus
d'un arpent & demi : Cuneus , Budée S>c
d'autres ont aufl: calculé la capacité de
Varche. Le doâeur Arbuthnot compte
qu'elle avoit quarante fois 81061 pies cu-
biques. Le P. Lami dit qu'elle étoit de cent
dix plés plus longue que l'églile de S.
Merry à Paris , & de foixante - quatre
pies plus étroite ; à quoi fon tradudeur
Anglois ajoute qu'elle étolt plus longue
que l'éghfe de S. Paul à Londres ne
l'eft de l'eft à l'oueft , & qu'elle avoit
folxante-quatre plés de haut félon la me-
fure angloife.
4°. Xjarche contenoit , outre les huit
perfonnes qui compofoient la famille de
Noé , une paire de chaque efpece d'ani-
maux Impurs , & fepr d'animaux purs ,
avec leur provifion d'alimens pour un an ,
ce qui , du. premier coup d'œll , paroît im-
poflible : mais fi l'on delcend au calcul ,
on trouve que le nombre des animaux n'cil
pas fi grand qu'on fe l'étoit d'abord ima-
! giné. Nous ne connoifTons guère qu'envi-
i ron cent , ou tout au plus cent trente e(-
! peces de quadrupèdes , environ autant des
j oifeaux , & quarante efpeces de ceux qui
vivent dans l'eau. Les Zoologiftes comptent
ordinairement cent folxame & dix efpeces
A R C ^
d'oifeaiix en tour. Wilkins évcquc de Chef-
cer , prétend qu'il n'y avoit que foixantc &
douze elpeces de quadrupèdes qui tulFent
néceilairement dans ['drche.
5°. Selon la dcfcription que Moyfe hiit
de Varche y il iemble qu'elle étoit divilee en
trois étages , qui avoient chacun dix cou-
dics ou quinze pies de hauteur. On ajoute
que l'étage le plus bas ^toit occupé par
les quadrupèdes & les reptiles ; que celui
du milieu renfermoit les proviiipns , que
celui d'en haut contenoit les oileaux avec
Noc & fa famille ; enfin que chaque étage
çtoit (ubdivifé en plufieurs loges. Mais Jo-
feph , Philon & d'autres commentateurs
imaginent encore une elpece de quatrième
étage , qui étoit fous les autres , & qu'ils
regardent comme le fond de cale du vaii-
ieau, lequel contenoit le lefl & les ex-
crémens des animaux. Drexelius croit que
Yarche contenoit trois cents logis ou appar-
temens ; le P. Fournier en compte trois cent
trente-trois ; l'auteur anonyme des Quel-
rions fur la Genefe, en met jufqu'à quatre
cents. Budée , Temporarius , Arias Mon-
tanus , Wilkins, le P. Lami & quelques
autres fuppofent autant de loges qu'il y
avoit d'efpcces d'animaux. M. le Pelletier
& le P. Bureo en mettent beaucoup moins ,
comme on le verra : la raifon qu'ils en
apportent , ell: que II l'on fuppofe un grand
nombre de loges , comme trois cent trente-
trois ou quatre cents , chacune des huit
perfonnes qui étoient dans Varclie , au-
xoient eu 37, ou 41, ou 50 loges à pour-
voir & à nettoyer par jour , ce qui e(t im-
piiiiîble. Peut-être y a-t-il autant de diffi-
culté il diminuer le nombre des loges , à
moins qu'on ne diminue le. nombre des
animaux ; car il feroit peut-être plus diffi-
cile de prendre foin de 300 animaux en 71
Joges, que s'ils occupoient chacun la leur.
Budée a calculé que tous les animaux qui
étoient contenus dans Varche , ne dévoient
pas tenir plus de place que cinq cents che-
vaux , ce qu'il réduit à la dimenfion de
cinquante-fix paires de bœufs. Le P- Lami
augmente ce nombre jufqu'à foixante-
quatre paires ou cent vingt-huit bœuh ;
de forte qu'en fuppofant que deux che-
vaux tiennent autant de place qu'un bœut ,
â ïurchi a eu de l'efpace pour deux cent
A R. C 231.
cinquante-fix chevaux, elle a pu coutenir
tous les animaux ; & le même auteur dé-
montre qu'un ieul étage pouvoit contenir
cinq cents chevaux, en comptant neuf pies
quarrés pour un cheval.
Pour ce qui regarde les aliraens contenus
dans le fécond étage , Budée a obfervé que
30 ou 40 livres de foin fuffifent ordinaire-
ment à un bœuf pour fa nourriture journa-
lière, & qu'une coudée folide de loin prel-
fée comme elle l'eil dans des greniers ou
magafins , pefe environ 40 livres. De lorfe
qu'une coudée quarrce de loin eH plus que
fuffifante pour la nourriture journalière
d'un bœuf : or il paroît que le fécond étage
avoit 1 50000 coudées folides. Si on les di-
vife entre ioé bœufs, il y aura deux tiers
de foin plus qu'ils n'en pourront manger
dans un an.
L'évêque Wilkins calcule tous les ani-
maux carnaciers équivalens , tant par leur,
volume, que par rapport à leur nourriture ,.
il 27 loups , & tous les autres à io8 bœuls.
Pour l'équivalent de la nourriture des-
premiers , il met celle de iBi'} brebis ,
& pour celle des féconds 109500 coudées
de foin : or les deux premiers étages,
étoient plus que fuffiians pour contenir
ces choies. Quant au premier étage , il
n'y a point de difficulté ; tout le monde:
convient qu'il y avoit plus de place qu'il
n'en falloit pour les oifeaux , pour Noé &
pour fa famille.
Enfuite le favant évêque obfcrve qu'il
eft infiniment plus difficile d'évaluer en
nombre la capacité de Varche , que de trour
ver une place fuffifante pour les différentes
efpeces d'animaux connus. Il attribue cette
différence à l'imperfection de nos liites d'a-
nimaux , fur-tout des animaux des parties
du monde que nous n'avons pas encora
fréquentées ; il ajoute du refte que le plus
habile mathém.aticien de nos jours ne dé-
tcrmineroit pas mieux les dimenlions d'ua
vaifîèau , tel que celui dont il s'agit ici ,
qu'elles ne le font dans l'Ecriture, relati-
vement il l'ufage auquel il étoit deftiné.
D'où il conclut que Varche, dont on a pré-
tendu faire une objeclion contre la vérité
des écritures divines , en devient une preuve >
puifqu'il eft ii préfumer que , dans les pre-
miers lîges du monde , les hommes , moins
25Î ARC
vcrfés dniT; les fciences & dans les arts , 1
dévoient être infiniment plus fujets à des
erreurs , que nous ne le ferions aujour-
d'hui : que cependant , i\ l'on avoit aujour-
d'hui à proportionner la capacité d'un vaif-
fcau à la malfe des animaux & de leur
nourriture , on ne s'en acquitteroit pas
mieux ; & que , par conféquent , V arche ne
peut être une invention humaine ; car l'efprit
humain étant expoié en pareil cas à ie
grollir prodigieuiement les objets, il feroit
arrivé indubitablement dans les dimen-
jfionsdel'arcAedeNoc, ce qui arrive dans
l'ellimation du nombre des étoiles par la
feule vue ; c'eft que de même qu'on en
juge le nombre infini , on eût pouffé les
dimenfions de Varchc A des grandeurs dé-
méfurécs , & qu'on eût ainfi engendré
un bâtiment infiniment plus grand qu'il
ne le falloit ; & péchant plus par ion excès
de capacité dans l'hiflorien , que ceux qui
attaquent l'hiftoire ne prétendent qu'il
pèche par déhuit.
Mais pour donner au lefteur une idée
plus julte des dimenfions de l'arc/ze, de fa
capacité , de fa dillribution intérieure &
aLitres proportions , nous allons lui faire
part de l'extrait des ("yflêmes de M. le Pel-
letier de Rouen & du P. Buteo, fur cette
matière , tel qu'il fe trouve dans la difîèrta-
tion du P. Calmct fur {'arche de Noe.
M. le Pelletier fuppofe que V arche étoit un
bâtiment de la figure d'un parallélipipede
reflangle , dont on peut divifer la hau-
teur par dedans par quatre étaj^es , don-
nant trois coudées & demie au premier ,
fcpt au fécond , huit au troifieme , & fix
& demie au quatrième , & laifier les cinq
coudées reftantes des trente de la hauteur ,
pour les épaiifeurs du fond , du comble &
des trois ponts ou planchers des trois der-
niers étages.
Le premier de ces étages auroit été le
fond , ou ce qu'on appelle carène dans
les navires , le fécond pouvoit fervir de
grenier ou de magafin : le troifieme pouvoit
contenir les érables , & le quatrième les vo-
lières : mais la carenc ne fè comptant point
pour un étage , & ne fervant que de réfèr-
voir d'eau douce , Varche n'en avoit propre-
ment que trois , & l'Ecriture n'en met pas
on plus grand nombre , bien que les inter-
ARC
prêtes 3' en aient mis quatre , en y ajoutant
la carène.
Il ne fuppofe que 36 étables pour les ani-
maux de terre , & autant pour les oifeaux ;
chaque étable pouvoit être de quinze cou-
dées % de long , de dix-lèpt de large , &
de huit de haut ; par conféquent elle avoit
environ vingt-fix pies & demi de long,
plus de vingt-neuf de large , & plus de
treize & demi de haut de notre mefure ;
car il faut fe Ibuvenir que M. le Pelletier
donne à fa coudée vingt pouces & demi ,
ou environ , melure de Paris. Les trente-
fix voheres étoient de même étendue que
les étables.
Pour charger l'arche également , Noé
pouvoit remplir ces étables & ces voliè-
res , en commençant par celles du miheu,
des plus gros animaux & des plus gros
oifeaux. Cet auteur fait voir , par un
calcul exaft , que l'eau qui étoit dans la
carène , pouvoit être de plus de 31 174
mu;ds , ce qui efl plus que luffiiant pour
abreuver , pendant un an , quatre fois au-
tant d'hommes & d'animaux qu'il y en
avoit dans Varche; il montre enfuite que
le grenier pouvoit contenir plus de nour-
riture qu'il n'en falloit à tous les animaux
pendant un an.
Dans le troifieme étage Noé a pu conf^
tru:re 3 loges pour ferrer les uftenfiles de
ménage , les inflrumens de labourage , les
étoffés , les grains , les fimences ; il s'y
pouvoit ménager une cuifine, une falle,
quatre chambres , Se un efpace de 48 cou-
dées pour fe promener.
M. le Pelletier place la porte , non au
coté de la longueur , mais à l'un des bouts
de Varche , perfuadé qu'A l'un des côtés
de la longueur , elle auroit gâté la fj-m-
mctric de l'arcAf , & en auroit ôté l'équi-
libre.
Quelques-uns ont cru qu'il n'ctoit pas
néccfîîiire de faire provifion d'eau douce
dans Varchc , parce que l'eau de la mer
ayant été mêlée avec les eaux du déluge,
pouvoit être affez dcflalce pour être rendue
potable , & qu'on en pouvoit tirer par la
fenêtre de Varche pour abreuver les ani-
maux : mais cette prétention e(l infoute-
nable ; l'eau de la mer cft en bien plus
grande quantité que l'eau qui tomba du
ciel
ARC
ciel pour Inonder la rcrre : or l'expcricnrc
fjiit voir qu'un tiers d'eau ialéc , mêlée
avec deux liers d'eau douce fait une potion
qui n'efl point bonne à boire ; & l'ar-
die ayant ceflc de flotter fur les eaux
dès le vingt - feptieme jour du feptieme
mois , elle demeura à lec fur les montagnes
d'Arménie pendant prclque fept mois ,
pendant Iciquels on n'auroit pu puilcr de
l'eau de dehors. Tel ell le fyftêmc de M. le
Pelletier de Rouen.
Le pcre Jean Buteo , natif de Dauphiné ,
& religieux de Tordre de S. Antoine de
Viennois , dans Ion traité de ïarche de
Noe, Je fd forme & cie fu capacité' , fuppofe
que la coudée de Moyfe n'étoit que de i8
pouces comme la notre ; & cependant il
ne laiiîê pas de trouver , dans les dimen-
fions marquées par Moyfe , tout l'efpace
convenable pour loger dans Varche les
hommes , les animaux , & les provifions
,nccciraires. Il croit que Varche étoit com-
pofée de plulieurs fortes de bois gras & réil-
neiix , qu'elle étoit enduite de bitume ,
qu'elle avoit la forme d'un parallélipipede,
iivec les dimenfions qu'en marque l'Ecriture,
meliirées à notre coudée.
Il divife le dedans en quatre étages ,
donnant au premier quatre coudées de hau-
teur , huit au fécond , dix au troifierae ,
& huit au dernier. Il place la fentinc dans
le premier , les étables dans le fécond , les
provifions dans le troifieme , les hommes ,
lesoileaux , & les lidenfiles de ménage dans
le dernier. Il met la porte à 2.0 coudées
près du bout d'un des côtés du fécond étage ,
& la tait ouvrir & tcrmer en pont - levis.
Il dilpofe la fenêtre au haut de l'appar-
tement des hommes , prétendant que les
îinimaux n'avoient pas beioin de lumière.
Il ferme cette fenêtre d'un double chaflis
il carreaux de cr) fiai , de verre ou de pierre
traniparente , pajce qu'il la croyoit très-
grande. II élevé le milieu du comble d'une
coudée de hauteur fur toute la longueur ,
prenant , pour cette hauteur , 1p. coudée que
les interprètes expliquent de la hauteur de
la fenêtre.
Ayant dans le fécond étage tiré du côté
de la porte une allée de fix coudées de laige
& de 300 coudées de long , & conflruit
Tome III.
ARC 135
deux cfcaliers aux deux bouts pour mon-
ter au troifieme & quatrième étages , il
prend lur le milieu du relie de la longueur une
autre allée de douze coudées de large , tom-
bant perpendiculairement ou ;\ angles droits
fur le milieu de la première, & de côté &
d'autre de cette dernière ; il divife unefpace
de 1 5 coudées de large & de 44- de long ,
en trois parties égales (ur la largeur , &: en
douze parties (ur la longueur , pour trouver
par cette divilion 36 cellules ou étables
de chaque côié , dont fix étant prifcs pour
deux allées traverlantes , il en refle 30 de
chaque côté qui forment trois reflangles,
deux qui en contienneiM chacun neuf, &
celui du milieu douze ; & ces étables ou
cellules ont l'J coudées de long& trois tiers
de large. 11 prend encore tiir le relie de cet
et4ge de côté & d'autre un elpace de i^ cou-
dées de largeur , & de 44 coudées de
longueur , dont il retranche quatre coudées
de côté & d'autre fur la largeur pour taire
deux allées ; & il lui refle un reâangle de
fept coudées de largeur & de quarante-qua-
tre coudées de longueur , dont il divife la
largeur en deux , enfbrte qu'une moitié ait;
trois coudées de large & l'autre quatre ; &
la longueur en vingt parnes égales : & ces
divifions lui donnent quarante petites éta-
bles ou cellules en deux rangs , dont vingt
ont chacune trois coudées , & les vingt au-
tres quatre de long , & les unes & les au-
tres deux coudées & demie de large ; & par
ce moyen il fe trouve 6c grandes étables ,
40 moyennes & 40 petites , &: outre cela
encore deux eipaces de côté & d'autre,
de 1 14 coudées de long , & de 44 coudées
de large.
Or en réduifant tous les animaux qui en-
trèrent dans Varcheîi la grandeur du bœuf,
du loup & du mouton , il trouve qu'ils
étoient égaux à lio bœufs, 80 loup's , &
80 moutons ; de forte qii'aj'ant difpofé 60
grandes étables , 40 moyennes & 40 pe-
tites , il prétend qii'cUes pouvoient contenir
60 paires de boeufs, 40 paires de loups ,,
& 40 paires de moutons. Mais comme il
penfe qu'on devoit nourrir de chair les
bêtes carnacicrcs , il en conclut qu'on de-
voit avoir mis dans Va;cke 3650 moutons
pour la fubfifiance de 40 paires de ces ani-
maux , qu'il clliraoit de la grandeur du
134 ARC
loup , pour leur en donner dix par jour , ou
un à quatre.
Il perce toutes les étables par le bas , afin
que les excrémens des animaux tombent
drns le premier étage ou lentine , qu'il
difpofe nufli pour le lelt ; mais de peur
que Tinfedion des himiers n'incommode,
il conilruit en plufieurs endroits de cet
étage des foupiraux , qu'il fait monter
julqu'au dernier , pour y donner de
l'air.
Il divifè le troifieme étage en plufieurs
réparations , pour mettre à part le loin , les
feuilles , les fruits & les grains : il prétend
même qu'on pouvoit conilruire un réfer-
voir pour y nourrir du poilfon pour les
animaux & les oifeaux amphibies qui en
vivent , & un réièrvoir pour l'eau douce.
De plus , il veut que toutes les cellules ou
étables qui étoient immédiatement lôus cet
étage , aient été percées par en-haut , pour
difînbuer par ces ouvertures la nourriture
dont les animaux auroient bcioin ; & au
moyen de certains canaux qui alloientdans
chaque étable , on auroit pu leur donner
de l'eau pour plufieurs jours.
11 croit qu'au milieu du quatrième étage
il devoit ie trouver pour l'appartement des
hommes une grande chambre éclairée par
la fenêtre de ïarche , une dépenfe , une
cuifine dans laquelle il y auroit eu un
moulin à bras & un tour^ des chambres
particulières pour les hommes & pour les
femmes , enfin des lieux pour le bois , pour
le charbon , pour les meubles & uflenfiles
du ménage &: du labourage , & pour les
autres choies qu'on vouloit garantir des
eaux ; & que, fiir le relie de cet étage , on
avoit conftruit de côté & d'autre des cages
Gu volières pour renfermer les oifeaux , &
des loges pour en ferrer les provifions.
Ayant accordé pour nourriture dix mou-
tons chaque jour aux animaux carnaciers ,
eflimés à 80 loups , il en auroit fiiUu '^6'^ci
pour un an , mais ce nombre diminuant
de dix par jour , ne devoit être compté
que comme un nombre fixe de 1820 : or
jyant eflimé les animaux qui vivent d'her-
bes , de graines , ou de fruits , égaux ;\
120 bœufs & à 80 moutons , ajoutant 80
■i i8zo, on reconnoît qu'il auroit eu 19CO
jfcwuttos à nourrir j & liohxufs. 11 trouve
ARC
que fèpt moutons mangent autant de fou-
rage qu'un bœuf; d'où il conclut qu'il fal-
loit autant de nourriture à tous ces ani-
maux qu'à 400 bœufs ; & parce qu'il efiime
que 40 livres , ou une coudée cube pari-
fienne de foin , pourroient nourrir un bœuf
en un jour , il en réiulte qu'il en auroit
fallu 146000 coudées pour un an. Le troi-
fieme étage étoit de la capacité de 150000
coudées cubes. Le foin ell k nourriture
qui occupe le plus de place : mais 146000
coudées cubes de foin luffiloient pour nour-
rir les animaux pendant un an ; ainfi , lui-
vant cet auteur , il y auroit eu luflîfam-
ment de place dans cet étage pour ferrer
autant de nourrittu'e qu'il en falloit pour
nourrir les animaux pendant un an. Toute
la capacité de l'arche , en prenant la coudée
à 18 pouces , éccit de 45000 coudées ou.
675000 pies : elle avoit 450 pies de long,
75 pies de large , & 45 de haut. Tel efl
le fyflême du P. iiureo , qui vivoit dans le
XVI'' fiecle.
Quelque ingénieules que paroiflent fes.
idées , & quelque exad que fbit fon cal-,
cul , fon opinion ioufîre pourtant de gran-
des difficultés. Les principales qu'y remar-
que M. le Pelletier, font i". que la coudée
dont parle Moyfe étoit celle de Memphis ,
diflérente de celle de Paris , & plus courte
d'une fcptieme partie : i°. qu'un bâtiment
plat & quarré , plus long & plus large que
haut , n'a nul befoin de lefi pour l'empc-.
cher de retourner , de quelque manière qu'on
le charge : 3°. qu'il eif ridicule de placer,
des animaux entre des fumiers & des pro-
vifions pour les étouffer, & de les mettre
lous l'eau pour les priver de la lumière ;
au lieu qu'on prévient tous ces inconvé-.
nicns en les mettant au troifieme étage :
4°. que la pefantcur du corps des animaux
qui entrèrent dans Varche , ne pouvant aller
à ioixante dix milliers , & les provifions
qu'on y enferma & qui étoient au deffus
des animaux , pouvant aller A plus de dix
millions , il n'y auroit pas de bon lens de
mettre dix millions de charge dans un étage
placé au delfus d'un autre qui n'en auroit
contenu que foixante & dix milliers: 5°. qu'en
plaçant la porte de Varche à un des côiés
pour laiifer une allée vuide de trois cent?-
coudées de !on£ fur fix de large , on au-
ARC
toit rendu cette arche plus pefante d'un
côté que d'un autre , & incommode en
gâtant la fymmétric des étables & des au-
tres appartemens. Mais , ajoute D. Calmet ,
il y a peu d'auteurs qui aient traité cette
matière , qui ne (oient tombés dans quel-
ques inconvénicns. Les uns ont fiiit Varche
trop grande, les autres trop petite; d'au-
tres trop peu iolide : la plupart n'ont ap-
perçu d'autres dilîicultés dans l'hiltoire du
déluge , que celle qui regarde la capacité
de Varche , fans taire attention à une infi-
nité d'autres inconvéniens, qui réfultent de
la forme, de la diilribution des apparte-
mens , des étages, des logemens des ani-
maux, de leur diltnburion , de la manière
dont on pouvoit leur donner à boire &
à manger , leur procurer du jour & de
l'air, les nettoyer & foire couler le fu-
mier & les immondices hors de Varche ou
dans la fèntine. On peut voir toutes ces
difficultés éclaircies par M. le Pelletier de
Rouen , dans le chap. xxr de fa DiJJer-
tation fur Varche de Noe'.
Nous terminerons cet article par quel-
ques obicrvations iur le lieu où s'arrêta
Varche après le déluge. Quelques-uns ont
cru que c'étoit près d'Apamée , ville de
Phrygie , iur le fleuve Marlyas , parce que
cette ville prenoit le furnom d'arche , &
portoit la figure d'une arche dans iès mé-
dailles , comme il paroît par une pièce
frappée en l'honneur d'Adrien , où l'on
voit la figure d'un homme qui repré-
fente le fleuve Marfias , avec ces mots :
AITAMEQN KICnTOS MAl'SXAS , c'eft-à-dire
médaille d'Apame'e , l'arche , le fleure Alar-
fyas. Et dans les vers Sibyllins , on lit que
le mont Ararat , où s'arrêta Varche , efl
Iur les confins de la Phrygie , aux lources
du fleuve Marfyas : mais ce fentiment n'efl:
pas loutenablc ; le plus fuivi , appujé fur
une tradition confiante des Orientaux &
fur la narration de Moylé , elt que Varche
s'arrêta fur le mont Ararat ; ce que St. Jé-
rôme traduit par les montagnes d'Arménie.
Jofeph l'hiftorien parlant d'Izates , fils du
roi de l'Adiabene , dit que fon père lui
donna un canton dans l'Arménie , nom-
mé Kaeron , où l'on voyoit des reftes de
Varche de Noé , & il cite encore Berolè
le Chaldéen , qui dit que de l'on temps
ÂRC i3î
on voyoit des refles de Varche fur Icî
montagnes d'Arménie. Antiquit, La-. I.
ch. r. Lib. XX. cap. ij.
Nicolas de Damas , Théophile d'Antio-
che , Ifidore de SéviUe , racontent U
même chofe ; Jean Struys , dans f:s voy^i-
ges, dit qu'en 1670 il monta fur la mon-
tagne d'Ararat , & y trouva un hermite
Italien , qui l'alfura que Varche étoit en-
core toute entière fur cette mf)ntagne ;
qu'il étoit entré dans ce bâtiment , & lut
montra une croix faite du bois qu'il eit
avoit lui - même arraché : mais M. de
Tournefort qui a été iur les lieux aifure
que la montagne d'Ararat elt inacceffible ,
& que , depuis le milieu jufqu'au fommet ,
elle elt perpétuellement couverte de nei-
ges qui ne fondent jamais , & au travers
defquelles on ne peut s'ouvrir aucun pat.
làge. Les Arméniens eux-mêmes tiennent
par tradition , qu'à caufe de cet obllacle ,
perfonne , depuis Noé , n'a pu monter
fur cette montagne , ni par conféqu^^nt
donner des nouvelles bien certaines de
l'état de Varche ; c'elt donc fans aucune
preuve folide , que quelques voyageurs
ont avancé qu'on en voyoit encore des
débris. Calmet , Differt.fur l'arche de Noe\
& Dicl. de la Bible , tom. I. lettre A , aux
mots Apamée , Ararat & Arche. (G)
Arche ( la cour des arches ) , en Angle-
terre elt une cour épilcopale à laquelle.
reilortilTent les appels en fait de matières
ccclcllaftiques de toutes les parties de la.
province de Cantorbéri. V^oyei CoUR ,
Appel , & Archevêque. Cette cour eft
ainfi appellée de l'égliiè & de la tour
voûtée de fainte Marie , où elle fe tenoit
ordinairement. Les officiers de cette cour
iônt le juge , le i'ecretaire de lynode , les
greffiers , les avocats , les procureurs ou
députés de l'aflcmblée du clergé , Ùc.
Le juge de la cour des arches tlt appellp
le doyen des arches ou l'official de la cour
des arches , &c. On joint ordinairement à
cette officialité une juriididion particulière
Iur treize paroilîes de Londres : cette ju-
rifdiâion s'appelle un doyenné ; elle n'efl:
point iubordonnce à l'autorité de l'évêque
de Londres, & elle appartient à l'archevê-
que de Cantorbéri.
D'autres pcnfent que le nom & les fonc«
Gg 1
M^ ARC
tions du lîoyen de la cour des arches vien-
nent de ce que l'official de l'archevêque
ou le doyen , étant ibuvent employé dans
les ambaÎTades étrangères , le doyen des
arches étoit fon flibititut dans cette cour.
Ce juge, fur quelque appel que l'on tafle
Il fa cour , fur le champ & fans aucun
examen ultérieur de la cnufe , envoie fon
ajournement à l'accufé , & fi défenfe au
juge dont eft appel. Les avocats qui plai-
dent ou qui peuvent plaider à la cour des
arches , doivent être dodeurs en droit civil
dans quelqu'une des univerfités d'Angle-
terre. ( H)
ARCHE ou ARCHI, [Gramm) terme
qui par lui-même & pris ieul n'a aiicune
iîgnilication déterminée , mais qui en ac-
quiert une très-i'orte lorfqu'il en précède
quclqu'autre lîmple , qu'il élevé au degré
fuperladf , dont il a pour lors l'éner-gie ;
ainli l'on dit archi-fou ^ archi-coquin , &zc.
pour exprimer le plus haut degré de folie
& de fourberie; on dit aullî pour marquer
une fur-éminence d'ordre ou de dignité ,
archange , archevêque , archi - diacre y
archi-tréjorier , archi-maréchal y ôcc.
Ce mot ell formé du grec «p-ii , primauté ,
commandement , autorité ; d'où e(l dérivé
ocfM' , princeps , fummus , prince ou chct.
En Angleterre on fupprime ordinaire-
ment Vi final du mot archi , ce qui rend
durs à l'oreille les termes dans la compofi-
tion defquels il entre ; défuit qu'on a évité
dans prefque toutes les autres langues ,
foit mortes , foit vivantes. Voye\ AnomaI
ou Irrégulier. ( G)
ARCHEE, f m. (Phyfwlogie) ce mot
flgnifie ancien dans fa propre étymologie.
Baille Vakntin & autres chymiites abu-
ferent de ce mot , qu'ils convertirent en
den natw-knaben , appellanr aind le prin-
cipe qui détermine chaque végétation en
ion efpece. Paracelfé admit ïarchée y &
Van-Helmont voulut exprimer par-Iù un
erre qui ne tût ni l'elprit pealant , ni un
corps groflier & vulgairc , mais quelque
être moyen qui dirigeât toutes les fonc-
tions du corps iain , guérit les maladies
dans lefquelles il erre , ou même entre
quelquefois en délire , &c. Ce qui a engagé
ces Philofophes ;\ fè forcer ces hypothe-
Ut, c'eft qu'ils ont vu que le corps hu-
ARC
main étoît conllruit avec un art fi mèf-
veilleux , •& fuivant les loix d'une mécha-
nique fi déliée , qu'ils ont cru en confé-
quence qu'un aufli grand nombre de fonc-
tions , fi fubtilement enchaînées entr'elles ,
ne pouvoient jamais fe faire lans le iecours
de quelque intelligence qui préfidat A
tout : mais ils ne voulurent point accorder
ce minirtere à l'ame , parce qu'il leur
fembloit qu'il s'enfuivroit de -là que nous
euiiions dû favoir ce qui le pafle au de-
dans de nous-mêmes , & pour pouvoir com-
mander à toutes nos fondions , fans ex-
cepter celles qu'on nomme vitales. Cette
opinion ne mérite pas d'être réfutée; je ne.
crois pas que Van-Helmont ait été afléz
infenfé pour croire vrai tout ce qu'il a
écrit fur fon archée , & lorlqu'il dit que
ïarchée a faim ou foif, digère, choifit ,
expulfe , Ùc. il n'a fans doute voulu dire
autre chofe , linon que c'elt une puiflancc
inconnue qui fait tout cela dans l'homme;
car qu'importe qu'on avoue ignorer la
caufe de quelque aélion , ou qu'on la mette
dans un être imaginé dont on ne connoit
ni l'exifiencc , ni la nature , ni les affec-
tions, ni la façon d'agir? Mais pour nous ,
nous connoilfons plulicurs caufes méchani-
ques des fondions du corps : nous lavons
qu'elles dépendent toutes d'une infinité ai
caufes phyliques connues, tellement ral-
1 femblées en un tout , qu'elles forment la
' vie & la fanté , la confervent , & la réta-
bliflént. Comment. Botrh. Fq>'(f:{ VlE &
Santé, (i)
ARCHEE DE LA NATURE, {philcfo-
p/iie herm. ) les phyficiens & particuliére-
j ment les philofophes fpargyriqu^s appeUent
ainfi l'agent univerfel. V. i' article précédent.
ARCHEGETES, { Myth.) nom fous
! lequel Apollon avoit un autel & un culte
J dans l'île de Naxos. Sur des monnoies de
, la même île , on voyoit la tête d'Apollon
avec ce furnom. On donnoit à Hercule le
même titre dans l'île de Malte , où Ion
cuhe avoit été apporte
de Tvr. Ce
mot
ÇigriiÇit chef y prince , conducleur y du grec
I a^K
ARCHELAUS , ( hijl des Juifs.) fils
d'Hérode le grand , lui fuccéda dans le
royaume de Judée , non fous le titre de
roi , mais fous celui d'ethnarque , que lui
A H C
nccotà^ Aiiguffe , avec la moitié Iciileinent
des états dont fon père avoit Joui , lui pro-
mettant qu'il lui accorderoit la royauté ,
s'il s'en rendoit digne. Mais il gouverna
k Judée avec tant de violence & de
cruauté , que les Juifs ie révoltèrent con-
rre lui , & portèrent leurs plainres ;\ Au-
guftc , qui le fit venir à Rome pour répon-
dre aux accufittions formées contre ion
adminiflration. 11 ne put lé juftifier. Au-
guftc le rélégua à Vienne dans les Gaules ,
où Archelaus finit (es jours. j
ArchelauS , {hifi. d'Egypte.) Après j
l'expulfion d'Auicfc , (a fille Bérénice fut j
élevée lur le trône d'Eg3;pte , qu'elle n'am-
bitionnoit pas , & ce fut pour adoucir le
poids des affaires qu'elle épouia Archelaus ,
grand-prctre de Comanc , dans le Pont.
Ce n'étoit point un Ipcdacle rare en Egypte ,
de voir le fceptre dans les mains d'un mi-
niltre de l'autel. Aflocié au gouvernement ,
H montra qu'il poflcdoit tous les talcns qui
conltituent le grand capitaine & le politi-
que le plus rafîiné. Les temps étoient ora-
geux , & il falloit des mains habiles pour
diriger les rênes d'un empire agité par tant
de tempêtes.
Gabinius , fous prétexte de rétablir Au-
Jete , s'en approprioit les plus riches dé-
pouilles. Archelaus ofa s'oppofer à la for-
tune des romains. Il leva une nombreufe
armée. Mais les Egyptiens amollis par les
délices , fécondèrent mal fa valeur & ia
prudence. Tremblans & lans dilciplinc ,
ils ne favoient ni combattre ni obéir. Tou-
tes les fois que la nécefllté leur preicri-
Toit de fé retrancher , ils refufoient de
remuer la terre pour s'en faire un rempart ,
alléguant qu'un peuple libre & guerrier ,
ne, devoit point s'avilir par un travail qui
tie convenoit qu'à des eiclaves. Archela.ds ,
général d'une multitude fans courage &
fans difcipline ,• eut aflez de confiance pour
en venir aux mains avec Antoine & Gabi-
nius. Il déploya toutes les reflburces d'un
génie fait pour la guerre , mais étant mal
fécondé , il tomba percé de- coups. An-
toine qui honoroit le mérite jufque dans
fes ennemis , lui fit rendre- les honneurs
funèbres. ( T—N. )
Archelaus, {hifi. de Lace'de'm.) roi
de. Sparte , régna pendant foixante ans ;
ARC 137
l'hiflolre ne nous a tranimis rien de mé-
morable touchant ce prince , qui ne nous
tif connu que par la conquête d'Egis , ville
frontière de Laconie , qui s'étoit liguée
avec les Arcadiens , alors en guerre avec
Sparte ; il régna conjointement avec Cha-
rillas , qui ne nous efl connu que par Ion
nom. ( T—N.)
ARCKELET , f. m. c'cfl , en terme de
Pécheur ^ une branche de iaule pliée en
rond , qui s'attache avec de la lignetto
autour du verveux pour le tenir ouvert.
Voye\ Verveux. C'efI encore le nom-
de deux bîitons d'orme courbés & fe tra-»
verlant en forme de croix , à l'extrémité
delquels font attachés les quatre coins du
filet à prendre le goujon , qu'on appelle
échiquier. Vave?^ ÉCHIQUIER.
ARCHELUGIE , {. f. nom d'un traité
des premiers élémens de la Médecine, fon-
dés fur la ralfon & l'expérience , & conil-
dérés par abilraâion. iL)
ARCHERS , f. m. [An militaire.) forta
de milice ou de foldats armés d'arcs &: de
flèches. roYc\ Armes , Flèche. Ce mot
vient du latin J/rz/.r^ arc ; d'où l'on a formé
arcuarius & arquis y & arquites , termes de
la bafle latinité. On fe lervoit beaucoup
A' archers anciennement : mais prélenrement
ils ne font plus d'uiage qu'en Turquie &
chez les Afiatiques , qui ont encore des
compagnies êi archers dans leurs armée^. ,
defquels on fit une terrible boucherie à la
bataille de Lepante. Le nom d'archers eu
cependant reftc chez les peuples même qJi
ne s'en fervent plus : par exemple , les
officiers exécuteurs des ordres des lieute-
nans de police & des prévôts , &c. dont
l'emploi efl de faifir , faire des captures ,
arrêter , i/c. font appelles archers , quoi-
qu'ils aient pour armes des hallebardes &
des fufils ; c'eff dans ce fens que l'on die
les archers du grand preï'ât de l'hôtel , da"
pre'i'oc des marchands ^ les archers de iille ^
les archers du guec ou de nuit. Il y a auili
des archers que l'on appcllela marechaujfc'e y
qui font continuellement fur les grands
chemins pour les rendre sûrs contre les
voleurs. La diligence de Lyon eff toujours
efcortée par la maréchauOée. Ces archers
ou cette maréchauffée eft caufe que l'on
peut voyager- dans toutes les parties de \x
13» ARC
France fans courir de rifquc ; cîc foffe qu'il
arrive moins de vols dans le royaume de
France pendant un an , qu'auj^rès de Lon-
dres pendant une femaine.
Il yaaulU les archers des paui'res y dont
l'office ert de lailir les mcndians qui errent
dans les rues , & de les mettre à rtiôpiral.
Il y a eu autretois en France un corps
d'infanterie créé par Charles VII , lous le
nom de francs ~ archers ; ce corps éroit
formé par les difTérentes paroifl'es du royau-
me ; chacune fournifioit un homme armé :
le privilège que ce prince accorda à ceux
qui étoicnt choifis , tut caufe qu'il y eut
de Femprefiement pour l'être , car il les
afîranchit prefque tous de fubiîdes ; & c'efl
de cet afîranchiflement , dit le P. Daniel ,
qu'on les z])^e\\a francs-archers ou francs-
taupins , nom qui leur fut donné fans
doute , parce qu'on le donnoit alors aux pay-
fans h cauie des taupinières dont les clos
des gens de campagne font ordinairement
remplis.
Cette milice n'a fubfirté que jufque vers
la fin du règne de Louis XL II cafla les
francs-archers pour décharger les bourgs
& villages qui étoient tenus de leur entre-
tien : mais pour luppléer à cette infanterie ,
il leva fix mille SuilTes & dix mille hom-
mes d'infinterie Françoife à fa foide. Hif-
toire de la milice Françoife j par le P.
Daniel. (Ç)
§ ARCHER , ( an. milit. milice Grec-
que. ) Les Grecs cmployoient les archers ,
les jaculateurs , en général tous les gens
de trait , pour engager une affaire & pour
attirer l'ennemi au combat. Quoiqu'ils ne
l'attaquaflent que de loin , ils ne laifloicnt
pas de lui brifer bien des armes , de lui
blefîer & tuer beaucoup de monde , & de
mettre le défordre dans fes rangs. Quel-
quefois leurs brulques attaques déconcer-
toient l'eiFort d'une aile de cavalerie , & la
forçoicnt de plier. Ils fervoient encore à
favoriler les retraites , à fouiller les endroits
fufpeds , à inventer & drefler des embuf-
cades. Dans une bataille , ils en venoient
toujours aux mains les premiers ; ils ne
cefTbient point d'agir pendant la chaleur
de l'adion , & ils combattoient encore
après qu'elle étoit décidée; en un mot
ARC
! ils rendoient en toute occafion des fei'vîcerf
fignalés.
Les armes de jet des anciens produi-
foient un effet plus conlidérable que nous
ne penlons. Le but des archers & des
frondeurs étoit une butte de gazon , à la»
quelle on tiroit & que l'on touchoit , au
moins les tondeurs , de 600 pies de dif-
tance , ce qui tait une longueur d'environ
lio pas. ( V)
ARCHET , f m. en Luterie , petite ma»
chine qui fert à faire raifonner la plupart
des inlfrumens de mufique à corde. Il efl
compolé d'une baguette de bois dur ua
peu courbée , pour éloigner les crins de la
baguette, & d'un faifceau de crins de che-
val , compofé de 80 ou cent brins , tous
également tendus.
Afin que Varchet touche plus vivement
les cordes , on en frotte les crins de colo-
phane, forte de poix. ?^oje:j COLOPHANE.
Archet, outil d^ArquebuJier , eff un
morceau de lame d'épée ou de fieuret ,
emmanché dans une poignée faite comme
celle d'une lime , mais percée tout proche
du manche , d'un trou , dans lequel on
pafle une grofle corde à boyau qui eft
retenue à demeure par un nœud. Le haut
de cette lame efl dentelé comme une cré-
maillère , & l'autre bout de la corde à boyau
elt noué en boucle , & peut s'arrêter par
cette boucle dans chaque dent ; les Arque-
buders fe fervent de V archet pour faire tour-
rier la boîte à foret. Pour cet effet , ils
font taire un tour à la corde à boyau au-
tour de la boîte , & l'accrochent par la
boucle ou rofette à une des dents de la
crémaillère de la lame ; de manière que le
tour de corde tait fur la boîte foit bien
ferré , en vertu de l'élaf licite de la lame. On
conçoit que fi la corde n'étoit pas ferrée fur
la boîte , Varchet en allant & venant ne
feroit pas tourner la boîte , ni par conié-
quent percer le foret ; fi fur-tout la matière A
percer oppofoit quelque réfiffance au mou-
vement du foret & de la boîte.
Cet archet eff auffi à l'ufage du doreur.
Celui des horlogers n'eff prefque pas dif-
férent ; ils fubffituent quelquefois à la lame
d'épéc un morceau de baleine ou de canne.
Si vous comparez cette defcription avec
celle qui fuit , vous verrez que l'archet du
ARC
{èrrurier eft très-iemblablc à celui de l'ar-
quetiulicr.
Archet, che:^ les ferruriers , eft un
outil qui fort à faire marclier le foret. Cet
outil cil fait d'une lame d'épée ou de fleu-
ret , ou d'un morceau d'acier étiré fous
cette forme. A fon extrémité , faite en cro-
chet , elf attachée la lanière de cuir ou la
corde à boj'au qu'on roule fous la boîte
du foret. Cette lanière lé tend au manche
de Varchet & y eft attachée , en paluint
dans un œil ou un p\ton ; l'œil eu percé
dans la lame , ou le piton cû rivé dclîui.
On cloue la hinicre , après avoir traverie le
piton ou l'œil lur le manche ; on a des
archets de toute grandeur , félon la force
des ouvrages à foret.
Archet , che^ les fondeurs decaracleres
d'imprimerie , ell un inflrument faiiant par-
tie du moule qui fert à fondre les carac-
tères de l'imprimerie. C'eft un bout de fil
de fer long de douze à quatorze pouces
géométriques , plié en cercle oblong. Des
deux bouts qui fé rejoignent , l'un eff
arrêté dans le bois inférieur du moule , &
l'autre refte mobile , faiiant un reflbrt que
l'on met iiir le talon de la matrice , pour
l'arrêter au moule à chaque lettre que l'on
fond.
Archet , che\ les Tourneurs , efl un
nom que ces ouvriers donnent à une perche
attachée au plancher , fufpendue au deiîus
de leur tête , & à laquelle ils attachent la
corde qui fait tourner leur ouvrage. Voje\
Tourneur.
ARCHETYPE ,Ç.m.{âlj Monnaie. )
efi l'étalon primitif & général , fur lequel
on étalonne les étalons particuhers. Voye\
Etalon.
ARCHEVÊCHÉ , f. m. ( Gram. & Ju~
ri/p. eccle'f. ) terme qui fe prend en difîé-
rcns féns : i°. pour le diocefe d'un arche-
vêque , c'efl-à-dire , toute l'étendue de pays
foumife à fa jurildiûion , mais qui ne com-
poie qu'un iéul dioceie ; on dit en ce iens
que tel évêché a été érigé en archevêché ;
que tel archevêché contient tel nombre
de paroifles : l°. pouç une province ecclé-
fiallique compofée d'un fiege métropoli-
tain , & de plufieurs évêques fufTragans ;
alnli Varchei'iché de Sens , ou l'églife mé-
îioço]it.ùne & primatiale de Sens, a pour
ARC 13^
fuffi-agansles évêchés d'Auxcrre, de Troycs,
de Nevers , & l'évêché titulaire de Betli-
léem : 3". pour le palais archiépiicopal ,
ou pour la cour ecclétiafJiquc d'un arche-
vêque ; ainfi l'on dit qu'un tel eccléfiafli-
que a été mandé A V archevêché , qu'on a
agité telle ou telle matière à Varchei'iché' :
4°. pour les revenus temporels de l'archei-ê-
ché ; ainii ïarcheiCché ilc Tolède paflc pour
le plus riche du monde. ( G )
11 y a maintenant en France dix- huit
archevcchéi. Celui de Paris eflle plus dif-
tingué par le lieu de fon fiege qui efl la
capitale du ro}-aume : mais quelques au-
tres le font encore plus par une préémi-
nence afFedée à I. ur fiege.
II n'y a que deux archevlchés en Angle-
terre , celui deCantorbéri , & celui d'Y"ork ,,
dont les prélats font appelles primats &
métropolitains ; avec cette unique difFéi'ence ,.
que le premier efl appelle primat de toute
l'Angleterre , & l'autre fimplement primat
d'Angleterre. Voye7^ Primat Ù AÎÉTRO-
POLITAIN.
L'archevêque de Cantorbéri avoit autre-
fois juril'diélion fur l'Irlande , auflî bien
que flir l'Angleterre : il étoit qualifié de
patriarche , & quelquefois alterius orbis
papa , & orbis Britannici pontiftx.
Les aftes qui avoient rapport A ion au-
torité fe fiiilbient & s'enrégiflroient en fon
nom, de cette m.aniere , anno pontificatûs
nojlri primo , &c. Il éroit aufli légat né ,
&c. Voyei LÉGAT. Il jouifToit même de
quelques marques particulières de royauté ,
comme d'être patron d'un évêché , ainfi
qu'il le fut de celui de Rochefler ; de créer
des chevaliers , & de fiiire battre monnoie ,
^c. Il efi encore le premier pair d'Angle-
terre , & immédiatement après la famille
royale , ayant la préféance fur tous les ducs
& tous tes grands officiers de la couronne ,
é'c. Suivant le droit de la nation , la véri-
fication des tefiamens refibrtit ;\ fon auto-
rité ; il a le pouvoir d'accorder des lettres
d'adminiflration , Ùc. Il a auffi le pouvoir
d'accorder des licences ou privilèges , &
des difpenfcs dans tous les cas où elles
étoient autrefois pourfuivies en cour de
Rome , & qui ne font point contraires à
la loi de Dieu. Voye^ DISPENSE. U tient
auffi plufieurs cours de judicatures , telles
A40 ARC
que la cour des arches , la cour cTînidience ,
la cour de la prérogative , la cour des pa-
roifles privilégiées. Voye-{ ArchE , AU-
DIENCE , &c.
L'archevêque d'York a les mêmes droits
dans i'a province que l'archevêque de Can-
torbéri ; il a la préiéance fur tous les ducs
qui ne font pas du (îing royal , & i'ur
•tous les minières d'état , excepté le grand
chancelier du royaume. Il a les droits d'un
comte Palatin fur Hexamshire.
Le noraà^ archevêché n'a guère été connu
en occident avant le règne de Charlemagne ,
& fi l'on s'en efl fervi auparavant , ce n'é-
roit alors qu'un terme de dillinflion qu'on
donnoit aux grands fieges , mais qui ne leur
attribiioit aucune forte de jurifdidion ; au
lieu qu'à préfent ce titre emporte le droit
de préiider au concile de la province. C'cit
aufli à fon officialité que font portés les
appels fimples des caufes jugées par les
officiaux de fes fufFragans. Fbye^ApPEL,
SUFFRAGANT , & ARCHEVÊQUE. {H)
ARCHÏÏVEQUE , f. m._{2héol.) en
latin archiepifcopus , compolé du grec -fie s ,
prince ps , & d'e^io- o^o? , vigd j c'ell-à-
dire chef , ou premier des évêques dans
une certaine étendue depays. C'efl ce qu'on
nomme aujourd'hui métropolitain , qui a
plufieurs évêques fulFragans ; mais cette
notion reçue maintenant ne feroit pas
exacte pour tous les fiecles de l'Eglilè ,
pui(qu'il y a eu autrefois des métropoli-
tains fins fufFragans , & des archevêques qui
n'étoient pas métropolitains. Voy. MÉTRO-
POLITAINS. Voyei aujjl le P. Thomaffin ,
difcipUne de l'Eglife ,part. I , liv. T.
Le nom d\irchevêqiie fat ablolument in-
connu dans les premiers fiecles de l'Eglile :
il l'étoit encore du temps du premier con-
cile général de Nicée , & même de ceux
d'Antioche & de Sardique , où il n'en cft
fait nulle mention dans les canons qui con-
cernent les privilèges des premiers fieges
& les appels eccléTiafliques ; ce titre d'hon--^
neur & de jurifdiclion n'eût pas été ou-
blié , s'il eût alors exiflé. Il paroît feule-
ment par le trente-troifieme canon attribué
flux apôtres , que lorlqu'on vouloir mar-
quer le prélat qu'on a depuis nommé an
fhevêque , on diioit feulement le premier
évêquç d'unç nation. C'ell flinfi qu'EuIebe ,
"ARC
HiJÎ. eccléf. liv. V. dit qu'Irenée , évcque
de Lyon ,étoit évêque des églilès des Gaules,
lur lelquelles il avoit l'intendance.
On croit que S. Athanafe introduifit le
premier ce terme dans l'Eglife , vers le mi-
lieu du quatrième fiecle , en donnant par
occafion ce titre à l'évêque d'Alexandrie.
Mais ce nom dans fon origine n'étoit qu'un
terme de vénération & de retpeft , & ne
fut d'abord employé en orient , qu'à l'égard
des évêques les plus illullres par leur doc-
trine & par leur fainteté. C'ell en ce lèns
que S. Grégoire de Nazianze qualifie d'ar-
clievêque S. Athanafe lui-même. Eniuite ce
titre fut donné par déférence aux évêques
des villes les plus diffinguées , mais fans
y attacher aucun rapport aux privilèges qui
pouvoient être attachés à leurs fieges. Tout
l'orient afTemblé dans le troiaemc concile
général d'Ephefe , le donna au pape S. Cé-
leflin & à S. Cyrille , fans prétendre égaler
les prérogatives du fiege d'Alexandrie à celles
du fiege de Rome. D;ms le concile général
de Chalcédoine , les pères le donnèrent
auffi au pape S. Léon ; & S. Epiphane en
ufa ainfi non feulement à l'égard de Saint
Alexandre & de S. Pierre martyr , mais
même de Melece , auteur du ichifme qui
défola l'orient. Ce ne tut qu'après que
l'évêque d'Alexandrie fè fut attribué le nom
^ archevêque ^ qu'il l'eût fait valoir contra
les évêques de fa province , qui lui iuici-
toiejit des coiueflations injurtes , qu'on le
regarda comme un titre de prééminence
& de jurifdiâion. Alors on le reflraignit
particulièrement aux métropolitains qui
avoient des fuflragans , au lieu qu'on l'avoir
donné jufque-là à de fimples évêques qui
n'en avoienr aucun. C'efl donc à l'évêque
d'Alexandrie qu'on doit proprement rap-
porter l'origine du nom à^ archevêque dans le
îèns où il lé prend aujourd'hui.
Mais , quelqu'autorilée que fût l'éghfe
Grecque à dillinguer ainli fes métropoli-
tains , l'églilè latine fut long-temps fans
fùivre fon exemple. Celle d'Afrique fur-
tout s'en éloigna julqu'à profcnre dans le
troifieme concile de Carthage , auquel afllfîa
S. Auguflin, le titre Hê archevêque , comme
plein de fafie & d'orgueil. Vetuit fynodus
ucprimxfedis eptfcopus non appelkturprin-
ceps facerdotum amfumniui facerdos y fed
tantiim
ARC
tantùm prima: fedis epifcopus. Cependant
elle aclmctroit les titres d'archl - prêtre ,
d'arclii-dincrc , de primat ; il e/t vrai qu'en
Afrique la priniatic n'étoit attachée à aucun
liège épiicopal en particulier , mais à la
perlonne du plus ancien évêque , à dater
du temps de (a promorion à l'épifcopat.
Voyci Primat & Primatie.
Si les autres égiiies d'occident iirent moins
d'éclat que celle d'Ahique , il eft certain
qiK les principales , telles que celles de
France &: d'Elpagne, n'avoient pas encore
adopté ce titre dans le feptieme ficcle ,
comme il paroît par S. Ifîdore de Séville ,
qui vivoit en 625 , & qui eft le premier
auteur latin qui faiie mention des arche-
vtques , & d'un grand nombre d'évêques
qui louicrivirent au concile d'Orléans
tenu en 621 ; nul ne prend ce titre, quoi-
que piuiieurs prennent celui de métropo-
litain.
Ce que ce terme fembloit avoir d'odieux
ayant difparu avec le temps , toute l'égliiè
d'occident l'a adopté aufli - bien que celle
d'orient , comme un terme énergique &
propre à exprimer le degré d'honneur &
de jurifdiûion dans l'épiicopat , qu'ont les
métropolitains fur les évêques leurs i'uf-
fragans. On ne diftingue plus aujourd'hui
]a dignité de métropolitain d'avec celle
di'archei'êque. Uizrchei'éque a droit de con-
voquer le concile de (à province & d'y
prélider , de juger par appel des caufes des
fujets de iés iutfragans , de vifiter même
fa province , félon le concile de Trente ,
mais pour des raifons approuvées dans le
concile provincial. Il jouit encore de plu-
fieurs autres prérogatives , dont on peut voir
îcs fondemens & les preuves dans le P.
Thomaflin, Difciplin. de l'Eglife y lit'. I ,
pan. /. ( G )
ARCHI-ACOLYTE , f. m. (HiJÎ. eccUf.)
nom d'une dignité qui étoit au defTus de
Vacùlyce dans les églifes cathédrales , lef-
queiies étoient divifées en quatre ordres de
chanoines ; lavoir , les prêtres , les diacres ,
ies !ous-diacres , & les acolytes : ils avoient
chacun leur chef ,& celui de ces derniers
s'appelioit arcki - acolyte : ils n'affifloient
point iiu chœur , ils n'avoient point de
voix au chapitre , non plus que les aco-
-ytes. Cette dignité ell préfentement éteinte.
Tome IIL,
A Pv C 24ï
Du - Cangc , GloJJjrium Litinitatis. {G)
ARCHI-CAME.UER ou ARCHI-
CHAMBELLAN, f. m. (////?. mcd. ) of-
ficier de l'empire d'Allemagne , qui n'a pas
les mêmes fondions que le grand-cham-
bellan en France , & dont la dignité n'cft ,
à proprement parler , qu'un titre d'homicur.
L'éleâeur de Brandebourg e(è archi~
chambellan de l'empire , comme il eft porté
par la bulle d'or , & en cette qualité , il
porte le iccptre devant l'empereur , & mar-
clie à la gaiiche dc'l'éledeur de Saxe. Dans
le feilin qui fuit l'éleûion de l'empereur ,
il eit à cheval comme les autres électeurs ,
porte un ballin & une aiguière d'argent
avec une ferviette fur le bras , pour donner
à laver à ce prince : ce n'ert guère qu'en
cette occafion qu'il exerce les fondions de
ia charge , & même il peut être fuppléé
par un vice - gèrent , qui e(l le prmce
d'Hoenzoliern , auffi de la maifon de Bran-
debourg. Heifs , Hilî. de VEmp.
ARCHI-CHANCELIER , f. m. [Hifi.
mod. ) grand cliJncelier ,• c'étoit ancienne-
iiient le chef des notaires , c'eft-à-dire , des
fecretaires d'état. Voye-;^ CHANCELIER.
On trouve cet oifice établi en France
f()us les rois de la première & de la féconde
race , & enfiiite fous les empereurs. Cornmê
ils avoient trois différons gouvernemens ;
ftvoir , l'Allemagne , l'Italie , & le royautne
d'Arles, ils avoient trois archi -chance-
liers ; ce qui fubfille". encore en Allemagne j
l'archevêque de Mayence eil: archi-chancelier
d'Allemagne , celui de Cologne l'eff d'Italie,
& celui de Trêves a le titre (ï archi-chance-
lier d'Arles.
Bern. de Mallincrot , dans fon traité de
Archicanceliis Imp. rom. montre que ces
trois archevêques furent archi-chancelier s
avant que d'être électeurs. On trouve aulïi
dans l'hiftoire , des archi -chanceliers de
Bourgogne , & ce titre fut donné par
l'empereur Frédéric I , à l'archevêque de
Vienne.
Des trois éledeurs archi-chanceliers de
l'empire , celui de Trêves & celui de Cologne
n'ont aucune fondion ;rélcdeur de Mayence
(eul en fait les fondions , ce qui rend la di-
gnité très-confidérable : car, en cette qua-
lité , il efl le doyen perpétuel des éledeurs
& le garde de ia matricule de l'empire, fi
Uli
24î ARC
a inipection fur le coni'eil auliquc , fur la
chambre impériale de Spire ;£■: en cas de
vacance du liege impérial , le droit de con-
voquer les diètes d'éleâi'.n. Non feule-
ment il a en fi pofièlîion les archives de
l'empire , pour ce qui concerne i'A!lemac,ne,
mais encore tous les diplômes , titres &c
papiers des afîliires d'Italie. Il y a à la cour
impériale im vice-cnancelier qui garde ces
archives , & en délivre des expéditions.
L'abbé de Fulde a aulli le titre d'archi-chan-
celier de l'impératrice , qui lui fut confirmé
par l'empereur Charles IV, en 1368. Heiif,
Hifl. de l'emp. ( G )
ARCHI-CH ANTRE , f m. (////?. ecd.)
principal cliantre ou le premier des chantres
d'une églilc. Cette dignité eft encore en
ufage dans quelques chapitres. Voy€\
Chantre. {'H)
ARCHI-CH APEL AIN , f. m. {Hift.
m.od.) Sous la féconde race des rois de P'rance
le titre di archi-chapelaui étoit conlàcré à
lignifier celui qui avoit la conduite de la cha-
pelle du palais. Son autorité éroit tort grande
lùr tout ce qui pouvoir concerner les af-
faires eccléfiaifiques. Il étoit dans le confeil
comme le médiateur entre le roi & les évê-
ques. Souvent il décidoit les conteftations ,
& ne rapportoit au roi que les plus confi-
dérables. 11 paroît aufll par les monumens
<ie ce temps-là , qu'on le nommoit grand
chapelain ^fouverain chapelain , quelquefois
iimplement chapelain & garde ou primicicr
du palais. Les papes lui donnoient aulIl quel-
quefois le titre & les tondions d'apocri-
Jiaire auprès de nos rois. Voye\ Apo-
CRISIAIRE.
Cette fonftion fut d'abord exercée par
des abbés , particulièrement par Fulrad abbé
de S. Denys , fous le règne de Pépin , &
enfuite par des évêques. L'archi-chapelain
étoit alors , en même temps , aflez fouvent
chancelier , ou , comme on difoit alors , no-
taire du roi. Sous la troifieme race il n'efl
plus fait mention d'archi-chapelain , mais de
chapelain , de confefleur , d'aumônier , &
enfin de grand aumônier. T'^oye:^ GRAND
AUMÔNIER. Thomaflin , Difciplin. eccléf.
part. III, lii: I, chap. liv. Ù pan. IV, liv.
1 , ch. Ixxwj.
Al^CHIDAPIFER, fub. m. {Hifl.
mçd. ) grand maître d'hôtel : c'ell le nom
ARC
d'un des grands officiers de l'empire. L'e'-
lecicur de Bavière eft revêtu de cette char-
ge , qui lui a été conteflée par les éleâeurs
Palatins , ceux-ci prétendant qu'elle étoit
annexée au Palatinat ; mais ils le font dé-
fillés de cette prétemion. Voye\ PalATIN.
Il faut diltinguer cette charge de celle de
grand maître d'hôrd de l'empereur , qui
ti\ la première de la cour. Sous celui-ci
iont les contrôleurs , les tréioriers , les ar-
gentiers , les officiers de la bouche , les
maîtres & autres officiers de cuiline ,
d'échanf()nnerie , de lommélene , de pan-
netcrie , de fruiterie , les pourvoyeurs , &
les marchands qui en dépendent. HeifT,
Hijl de l'enzp. ( G )
ARCHIDIACONAT , f. m. ( Hifl.
eccléf. ) dignité d'archidiacre.- Voye^ ci~
dejfcus Archidiacre.
ARCHipiACONÉ , eft la portion
d'un diocele liijettc à la vilite d'un archi-
diacre.
ARCHIDIACRE , f m. ( Hifi. eccUf. )
nom que Ton donnoit anciennement au
premier des diacres , ou à celui qui éioit
leur chef. St. Augultin attribue ce titre à
S. Etienne , parce que S. Luc le nomme le
premier desfept diacres. II n'y avoit d'abord
que les diacres qui pufîènt être élevés à
cette dignité ; &: li celui qui en étoit revêtu
recevoit l'ordre de prêtrife, il ne pouvoir
plus exercer la iondiionà' archidiacre ; mais
dans la fuite on donna auffi ce titre à des
prêtres , comme on le voit dans Hincmar ,
fan 877.
U' archidiacre , dit M. Fleury dans fon
Inftituticn au droit ecclejiafiique , tome I ,
partie I, chap. xjx,pa>g. 2 68, &fuii\ étoit,
des les premiers temps , le principal miniftre
de l'évêque pour toutes les fondions exté-
rieures , particulièrement pour l'adminiftra-
tion du temporel : au dedans même il avoit
foin de l'ordre & de la décence des offices
divins. C'étoit lui qui préfentoit les clercs
à l'ordination , comn>e il fait encore , qui
marquoit à chacun ton rang & fes fonc-
tions , qui annonçoit au peuple les jours de
jeûne ou de fête , qui pourvoyoit à l'or-
nement de l'églife & aux réparations. Il avoit
l'intendance des oblations & des revenus
de l'cglifc , fi ce n étoit dans celles où il y
ARC
avoir des économes particuliers. Il faifoit
(lillribuer aux clercs ce qui étoit rér;lé pour
leur liiSriftance , & avoit toute la direOion
àcs pauvres, avant qu'il y eût des liôpi-
raux. Il éroit le cenfeur de tout le bas clergé
& de tout le peuple , veillant A la correc-
tion des nifjLur^i. 11 devoir prévenir ou ap-
jiail'er les querelles , avertir l'évêque des
défordres , & être comme le promoteur
pour en pourl'uivrc la réparation : auffi
r,ippelloir-on la main & rœil de Vévêque.
Ces pouvoirs , continue M. Fleury , atta-
chés aux cliolês fenfibles & à ce qui peut
intéreder les hommes , mirent bientôt l'i^'-
chidiacre au delîus des prêtres , qui n'a-
voient que des loiiûions purement fpiri-
tuclles ; juiqur-là qu'ils en vinrent à mé-
prilêr les prijrres ; vanité contre laquelle S.
Jérôme s'élc/a vivement. \j^ archidiacre n'a-
voit toutefois aucune jurifdiûion fur eux
jiifqu'au VP fiecle ; mais enfin il leur fut
rupcrieur , & même aux arcl-.iprêtres : ainfi
il devint la première perfonne après l'évê-
que , exerçant fa juriidiûion & failant
{es vifites , foit comme délégué , foit à
caule de ion abfcnce , ou pendant la va-
cance du fiege. Ces commilllons devinrent
enfin fi fréquentes , qu'elles tournèrent en
droit commun ; enforte qu'après l'an loco
les archidiacres furent regardés comme juges
ordinaires , ayant juril'didion de leur clief,
avec pouvoir de déléguer eux-mêmes d'au-
tres juges. Il efl vrai que leur jurifdidion
étoit plus ou moins étendue, félon les
différentes coutumes des églifes , & félon
que les uns avoicnt plus empiété que les
aurres ; elle étoit aufli bornée par leur ter-
ritoire , qui n'étoit qu'une partie du dio-
cele : car depuis qu'ils devinrent li puiflans ,
on les multiplia , fur-tout en Allemagne ,
& dans les autres pays où les diocefes font
d'une étendue excefllve ; celui qui demeura
dans la ville prit le titre de grand archi-
diacre. Dès le IX*^ fiecle il fe trouve des
archidiacres prêtres, & toutefois il y en
a eu loo ans après qui n'étoient pas même
diacres ; tant l'ordre étoit dès-lors peu con-
fidéré en comparaifon de l'office. On les a
obligés à être au moins diacres ; & ceux
qui ont charge d'ames , A être prêtres. C'eft
ia^difpofition du concile de Trente , iS'f^
XXI l'^. de reform. c. xij.
ARC 143
Les évêques fe trouvant ainfi prcfque dé-
pouillés de leur jurililiclion , travaillèrent
après l'an 1200 à diminuer celle des archi-
diacres , leur défendant de conntn^re des
caufes des mariages, & des autres les plus
importantes , & d'avoir des officiaux qui
jugeaifent en leur place. L'aflemblée du
clergé tenu à Melun en 1579 , rcRreint à
cet égard les droits, auxquels préteiuloient
les archidiacres ; & divers arrêts , foit du
conicil , foit du parlement , ont limité leur
jurifdidion contentieulc. ThomalKn , Dif~
cipline de Veglife , part. I , lit: J , ch. xxv
& xxxj. pan. JT , lir. 7, chap. xiij & part.
Il , liv. I , chap. xij , b part. IV^ la: /,
chap. xxi:
Uavchidiacre cfî obligé de faire Aqs vifi-
tes dans fon diflrift , qu'on n(.'mme archi-
diacone. Il y connoît des matières provi-
fionnelles & qui le doivent juger fur le
champ , mais pour la plupart de peu de
conléquence. Il y a quelquefois j'jlufieurs
archidiacres dans une irême cathédrale ,
qui ont chacun leur difirid: , iur-tout dans
les grands diocefes , & dans quelques-
unes ils ont des places diflinguées au chœur.
En quelques diocefes , comme dans celui
de Cahors , les archidiacres tiennent le pre-
mier rang après l'évêque & devant les
doyens , ce qui s'obfervoit autrefois en An-
gleterre. Il y avoit anciennement un archi-
diacre de l'églife romaine, & le pape Ge-
iafe II avoit exercé cette dignité avant que
d'être élevé au fouverain pontificat. Pan-
vinus dit que Grégoire VII fupprima cet
office , & établit en (a place celui de camé-
rier , pour garder le tréfor de l'églife ro-
maine. On lit néanmoins dans l'hiffoire , qu'il
y a eu depuis des archidiacres fous Urbain
II ,, Innocent II , & Clément III. A l'égard
des archidiacres cardinaux , ils ont été ainfi
' appelles , non qu'ils cufTeni le titre de car-
I dinal de l'cglife romaine , mais du nom
' cardinalis , qui {ignifie principal. Dans l'é-
I glife de Conflantinople le grand archidia-
cre eft du nombre des officiers , comme
j on peut le voir dans le catalogue des offi-
1 ciers de cette églife , que le F.Goara fait
imprimer; & c'efl à lui à lire l'évangile
lorlque le patriarche célèbre la liturgie , ru
il en commet un autre peur la lire en fa
place. Du-Cange , Glojfar. latinit.
Hii >
244 ARC
Le P. Morin obferve que le tirre d'ar-
chidiacre efi devenu aujourd'hui un titre
aflez inutile en quelques églifes où l'on
pourroit s'en pafler. Leur principale fonc-
tion, dit-il , ert d'examiner la dépcnie
du revenu des églifes , d'avoir l'œil fur
leur temporel , de faire rendre les comp-
tes aux marguilliers des paroiiïes , & de
voir s'il ne s'y commet point d'abus ;
ce que peuvent faire , ajoute cet au-
teur , les cvcques ou les grands vicaires
dans le cours de leurs vifites.
L'auteur des fupplémens au diâionnaire
Àt Moreri , traite allez au long , & prouve
par des taits , la prétention que forment en
quelques dioceles les archidiacres , du droit
de dépouille ou des funérailles . Ils préren-
dent , dit-il , que lorfqu'un curé de leur
archidiaconé ell mort , ils ont droit d'a-
voir fon lit, ion bréviaire, Ion lurpbs ,
fbn bonnet quarré , & une anuéa du re-
venu de la cure , qu'ils appellent ['année
du déport. Dans d'autres endroits il^ pren-
nent auiii le cheval du dclunt. M. Thiers,
ajoute-t-il , dans ("on Traité de la dé-
pouille des curés , li^uncnt que. ce droit ell
une pure exadion, &. qu'il ell: contraire
aux canons des conciles , aux décrets des
papes , aux libertés de l'esiliie gallicane ,
aux ordonnances de nos rois , aux lorx &
aux coutumes générales du royaume, &
aux arrêts du parlement. Ce droit de dé-
port étoit accordé aux archevêques ou évê-
ques par des privilèges particuliers du pape,
comme il paroît par un bref de 12.46 ,
accordé à l'archevêque de Cantorberi ; &
par la fuite dans d'autres églifes les archi-
diacres le partagèrent avec les évêques , à
la charge de faire deflervir le bénéfice pen-
dant l'année du déport. Il fubfifle encore
en Normandie, où l'on tâcha inutilement
de l'abolir dans le concile de Rouen en 1521.
JC^oyf:^ DÉPORT. Thomair. Difcip. del'égl.
paît. IVy lii'.IV, ch.xxxij. Supplément
au diclionn. dt Aloreri , tom, /_, lett. A
au mot Archidiacre.
Binghani remarque qu'anciennement l'ar-
chidiacre étoït choifi par l'évcque , au-
quel fouvent il fuccédoit ; que ces princi-
paux ofîices étoJent de fervir l'és'êque à l'au-
tel; &, au conuTtencemcnt de la communion,
tic cficr À- haute voix au peuple, nemo
ARC
contra aliquem, nemo injimulatione accédât"
d'adminiflrer ious l'évêque les revenus de'
l'églife ; de le foulager dans le miniftere de.,
la parole ; d'alFifler aux ordinations des moin-
dres clercs, & de leur préfenter les inflru-
mens de leur ordre ; d'infliger des peines ca-
noniques aux diacres & autres clercs infé-
rieurs. Il ajoute qu'ondonne à F jr^/z/t/Zacre les
noms de chorévêque &: â'jc-r^fjirrf , c'eft-à-
dire , infpeâeur ou l'ijiteur. Quelques-uns.
croient que l'archidiacre avoit inipcâion
fur tout le diocele , & d'autres fur quelque
partie feulement. Habert regarde la dignité-
d'archidiacre comme d'inftiiution apoiioli-
que ; d'autres en fixent l'origine vers le mi-
lieu du troifieme fiecle : & Saumaifè a mcrae
prétendu , mais fauflement , qu'elle etoit
inconnue du temps de S. Jérôme. Bingham ,
orig.eccleftaJt.lib.il, cap.xxj, § P' , x y.
34- J 6' ./>?• ( G )
ARCHIDAME, {Hifl. de Lacédémone.y
monta fur le trône de Sparte au milieu
àes calamités publiques. Athènes avoit re-
pris fa fupsriorité , l'état étoit décl-Jré de
fadions. Un tremblement de terre bou-
leverfa toute la Laconie , qui refla preiquo
ians habitans. Les Ilotes , ennemis fecrets
des Lacédémoniens , qui les traitoient eii:
elclaves , profitèrent de cette défolation
pour fe venger de leurs maires infolens.
Les MefTéniens qui avoient une origino-
commune avec ces peuples opprimés , leur-
envoyerent du fecours pour les relever de
leur dégradation.. Cette guerre n'otîrit quj'
des fcenes d'atrocités. Les Ilotes vouloienr
exterminer jufqu'au dernier des Lacédé-
moniens. Mais malgré la fupériorité de
leur nombre , ils furent contraints de (c.
retirer -X Itonic en- Mefîcnie , d'où ils fi-
rent des courtes fur le territoire de Lacé-
démone. Les Spartiates implorèrent l'afll!-
tance des Athéniens , qui turent allez gé-
néreux pour oublier qu'ils avoient été of-
tenfés ; mais ces nouveaux aUiés devinrent
bientôf fufpeds , &. cet outrage lait .\
leur fidélité, les rendit ennemis de ccu?c
dont ds s'étoient oHcrrs d'être les libéra-
teurs. Il s'éleva une guerre (anglante qui '
partagea la Grèce. Les Spartiates & les
Aibéniens cmbrallerent chacun un parti
différent. Le début en fut heureux piuir
Athènes ; mais, la fortune , à force de. la..
ARC
favorifer , multiplia fcs ennemis. Toute la
Grèce ic foiileva contre elle. Ardiulame fut
ehoiiî pour être le pacificateur de la Grèce
& l'arbitre des dillcrcnds. Mais les efprits
étoient trop aigris pour concourir à les
vues pacifiques. Il fallut reprendre les ar-
mes , & toutes les villes regardèrent les
Spartiates comme leurs libérateurs. A:chi-
darne laiffe trente mille hommes pour la
défenll de la Laconie , & entre à la tête
de foixante mille dani l'Attique. La Grèce
n'avoit jamais mis i'ur pié une armée aulFi
fcmid-ible. Archidame , avant de com-
mencer les huflilités , députe un Spartiate
aux Athéniens , mais ils retulerent de l'en-
tendre , iufqu'à ce que leurs ennemis eui-
fent mis bas les armes. L'Attique fut dévaf-
rée , ians que les Ar!:cniens , renfermés
dans leurs villes , fifient aucun mouve-
ment. Tranquilles dans leurs murailles ,
leurs armées les vengeoient dans le Pélo-
ponelè , & ravageoicnt cette riclie contrée.
L'année iuivante n'offrit encore que des
fcenes de déiolation : nul parti ne rem-
porta des avantages déciiifs ; mais la pefle
épuila les Athaiiens , qui abaiflèrcnt leur
fierté , & demandèrent la paix. Archidame
fe louvenant de la réception faite à fon
député , répondit qu'il ne favoit point
pardonner quand on le forçoit de punir ;
la guerre fut continuée avec fureur. Les
Platéens , alliés des Athéniens , furent ai-
fiégés & obligés de fe rendre après deux
ans de ré'àihnce. Archidame les abandonna
aux vengeances des Thébains , leurs im-
placables ennemis. Tous furent égorgés
par ces vainqueurs barbares avec les Athé-
niens qui fe trouvèrent dans leur ville.
Archidame mourut l'an 42.6 avant Jcfus-
Chriil.(r-iv.)
ARCHIDAiMIE, {Hifi. anc.) femme
Spartiate , fut l'honneur de fon fexe , &
mcrita d'avoir une place parmi les défcn-
feurs de la patrie. Pyrrhus , roi d'Epire ,
aipiranr à la doiiiination de la Grèce , af-
fiégcoit Sparte prel.^^ue ians défjnfe , il fut
arrêté que, pourfe debarralîêr des bouches
inutiles , en enverroit ks femmes <m Can-
die. Gette réfolution parut llétrifîàDte à
Archidamie : elle le traniporte dans la fa;le
du confcil , tenant en là main une épée
aue.;, &,, le char^içanc de venger i'hon-
A R C 247
neur des femmes ; elle reproche à ceux:
qui avoient opiné contre elles , l'injuilice
de les avoir crues allez lâches pour fur-
vivre à la ruine de la patrie. Cette fer-
meté couraecufe fit révoquer la délibéra-
tion. .<'irc-/ii.;U/n/> , à la fê;e des femmes ,
fè joignit aux vieillards débiles , & tous
travaillèrent à l'envi aux tranchées qu'oii
formoit vis-à-vis du camp ennemi. Lorf-
que* l'ouvrage fi.it achevé , elles voulurent
elles-mêmes armer les hommes en h's exhor-
tant de détendre avec inrrépidiré le rem-
part qu'elles venoient d'élever , ou de
mourir en Spartiates. Les unes le précipi-
toient avec les foldats dans la mêlée .}-
d'autres alloient leur chercher des flèches &
des javelots : elles leur donnoient à boire
& cT manger , & remportoicnt fiir leur*
épaules les blcflés pour les faire panier--
Ce tut la valeur héroïque de ces femmes
qui lauva Sparte d'un joug éiranger. Pyr-
rhus , forcé de lever le iiege , avoua qu'il
avoir été vaincu par des femmes. ( T-n. )
* ARCHIDANA , ( Géogr. ) petite
ville d'El'pagne dans l'Andaloufie , fur le
Xénil.
* ArchIDANA , petite ville de l'Amé-
rique méridionale, dans le Pérou, & la
province de la Caneile.
ARCHIDUC , f. m.{Hi_ll. mod. ) cft un -
duc revêtu d'une autorité , d'une préémi-
nence fur les autres ducs. V'ojei Duc.
V archiduc d'Autriche efl celui dont les
titres lont les plus anciens. Il y a eu'auiU-
archiducs de Lorraine & de Brabant.
L'Autriche fut érigée en marquiiiu par
Othon ou Henri I , & en duché par I" ré-
deric I, en 1 1 56 ■ mais on ne lait pas le temps
où le nom d'archidache lui fut donné. Les
uns croient que ce fut Frédéric iV qui
prit le premier le nom d' archiduc ■. d'au-
tres , que ce nom fut accordé par Maxi-
milien I , en 14^9 » ^ "ï"-'''! annexa à cette
qualité de très-grands privilèges ; les pr:; --
cipaux lont , que Varckiduc exerce ton e
julhce dans Ion don-Kiine , Ians appel: qu'il
■cff cenfé recevoir 1 invefliture de (es ératï ,
après en avoir fait la demande par trois fois ;
qu'il ne peut être dépouille de Ion état ,
même par l'empereur oc les états de 1 eir.-
pire ; que Ion ne peut conclure aucune
atràirc qui concerne l'empire , Ians là par-
1^6 ARC
ticipation ; qu'il a le pouvoir c^e créer des
comtes , des barons , & d'anoblir dans tous
les états de l'empire ; privilèges que n'ont
point les autres ducs. Outre cela , dans les
dictes de l'empire l'archiduc d'Autriche tient
le directoire des princes , c'ert-à-dire qu'il
préiidc à leur collège alternativement avec
l'archevêque de Salzbourg. Cette alterna-
tive ne fe fait pas à chaque féance , mais
à chaque changement de matière : fans
pourtant que l'un &; l'autre quittent leur
place pendant qu'on agite les propofitions
£.1 qu'on eil aux opinions : mais Wirchiduc
fait toujours l'ouverture de là diète. HeifT,
HiJ}. de V empire. (G)
ÀRCHIDRUIDE, f. m. {Hifl.anc.) chef
ou pontife des Druides , qui étoienr les fages
ou les prêtres des anciens Gaulois. Vcyeî^
Druides. (G)
ATICÎ-ÎÏ-ECHANSON ou GRAND-
ECHANSON , r. m. {Rijh rriod.) dignité
de l'empire. Le roi de Bohême , en qua-
lité d'éledcur , en efl revêtu , & fa fonc-
tion confillc , dans le feffin qui fuit l'éledion
d'un empereur , à lui préfenter la première
coupe de vin ; mais 11 n'cfl point obligé d'a-
voir en cette occafion la couronne liFr la tête.
Il a pour vicaire ou fous-échanfon le prince
héréditaire de Limhourg. Heifif, Htft. de
r empire. {G)
ARCHI-EPîSCOPAL , adj. fe dit de ce
qui a rapport . à la dignité ou à la per-
fonne d'archevêque ; ainfi l'on dit , palais
nrchi-epifcupal , croix archi-c'pifcopale ,
cour archi-épifcopale , jurifdiclion archi-
e'pifcopale. Le paliium eft un ornement
archi-epifcopd. roy€\ Croix , JURIS-
DICTION , PALLIUM.
ARCHI-EPISCOPAT , f. m. {Hifl.
eccle'Jidfl. ) le dit de la dignité d'un arche-
vêque. U archi-c'pifcopat , quant à l'ordre ,
n'ert dans le fond que la même chofe que
i'épil'copat. Le premier lui ell iupérieur par
la jurifdiflion. Archi-e'pifcopat fe prend aiiflî
pour la durée du temps qu'un archevêque
a occupé le iiege archi-épilcopal. M. le car-
dinal de Noailles mourut ap-ts trente-quatre
3ns à'archi-épifcopat. [G)
ARCHI-EÙNUQUE , f m. {Hifl. anc.)
le chef des eunuques. Voye\ EuNUQUE.
Sous les empereurs grecs Varçhi-eunugue
ARC
étoit un des principaux officiers à Confîan-
tinople.
ARCHIGALLE , ( ///^. arx.) chef des
Galles ou des facrificatcurs de Cybele ,
grand-prêtre de Cybele. On le tiroit ordi-
nairement d'une famille difiinguée. Il
étoit vêtu en tcmmc , avec une tunique
& un manteau qui lui delcendoient jul-
qu'aux talons. Il portoit un collier qui lui
delcendoit fur la poitrine , & d'où pen-
doient deux têtes d'Atys (ans barbe , avec
le bonnet Phrygien.
ARCHIGIŒLIN , terme de Garderie ;
c'ell un cordage commis trois lois , &
compoié de piuficurs grelins. Le plus
limple de ces cordages aura vingt-fept
torons ; & li l'on vouloit faire les cordons
à fix torons , les grelins de même à fix
cordons , & Wirchigrelin auffi à fix grelins ,
on auroit une corde qui ieroit compofée
de deux cent ièize torons. Mais cette corde
en leroit-elle meilleure ? j'en doute. Il ne
feroit guère poUible de multiplier ainfi les
opérations , lans augmenter le tortillement ;
& lùrement on perdroit plus par cette aug-
mentation du tortillement , qu'on ne gagne-
roit par la multiplication : ces cordes de-
viendroient fi roides , qu'on ne pourroit
pas les manier , iur-tout quand elles fe-
roient mouillées ; d'ailleurs elles lèroient
fort difficiles à fabriquer , & par confé-
qucnt très-fujettes à avoir des défauts. Voye'^
Corde.
ARCHILEVITE, f. m. Voyei ARCHI-
DIACRE.
ARCHILUTH , f m. {Lmh. ÙMufiq.)
forte de grand luth , ayant les cordes éten-
dues comine celles du théorbe , & étant à
deux jeux ; les Italiens s'en fervent pour
l'nccompagremenf. Brojf. pag. z o. Voye^
Théorbe &LuTH , Ù U table du rapport
de l'étendue des injlrumens de mujique , où
les nombixs 1,2,3, 4 , 6v. marquent
prr les notes , vis-à-vis lelquelles ils font
placés , quels fcns rendent ces cordes A
ARCHIMANDRITE, f m. {Hifl. mod.
esck'f.) Ce nom i;gn:fioit anciennement le
fupe'rietir uun monaflere y & revient à ce
cu'on appelle préfentemcnt un ahhe régu-
lier. Vcyc~y A3BÉ , Supérieur , «Sv.
Covarruvias oblerve que ce mot lignifie
AR C
littéralement \cchefo\x le gLiide d'un trou-
peau ; &; , dans ce Ions , il peut convenir à un
fupcrieur ecclcfuillique : railll tr(,)u\ c-t-on
dans î'hifbire ce nom quelquefois donné
îiux archevêques , mais dans l'égliie gre-
que , il étoit & cil encore particulièrement
atFecié au liipérieur d'une abbaye ou mo-
nallere d'hommes.
M. Simon allure que ce mot efl originai-
rement lyriaque , au moins ia dernière
partie > maïuirhe , qui , dans un Icns éloi-
gné , liguiiîe un foUtaire ou un moine : la
première eft greque,»!^"" , empire, autorite.
Les abbés des monalleres , en Aloicovie ,
où l'on iliit le rire grec , ié nomment ar-
chimandrites ; & les lupéricurs des caloyers,
ou autres moines répandus , tant dans la
Grèce moderne , que dans les îles de l'Ar-
chipel, portent aulli le même titre.
ARCHI- MARECHAL, f. m. {Htfl.
mod.) On nomme ainh le grand maréchal
de l'Empire. Voyei Map.ÉCHAL. L'élec-
teur de Saxe efl arclii-marechal de l'Empire,
& , en cette qualité , il précède immédiate-
ment l'empereur dans les cérémonies , &
porte devant lui l'épée nue. Avant le dîner qui
ïliit le couronnement de l'empereur , Yar-
chi-maréchal accompagné de les officiers,
monte à clieval , 6c le poulFe à toute bride
dans un grand monceau d'avoine amaflee
dans la place publique ; il en emplit une
grande mefure d'argent qu'il tient d'une
main , & qu'il racle de l'autre avec un
rafoir auffi d'argent : enfuite de quoi il
donne cette mefure au vice-maréchal héré-
ditaire de l'Empire , qui la rapporte à la
maiibn-de-ville. Cette dernière charge eft
depuis long-temps dans la maifon de Pap-
penheim. Heifl", Hift. dePEmp.
ARCHIMIME , f. m. {Hijl anc.) c'efl
la même chofe qu'archibouffon ou bateleur.
Les archimimes , chez les Romains , étoient
dçfi gens qui imitoient les manières , la
contenance & le parler des perfonnes vi-
vantes , & mêmedesmorts. Voye\ MlME.
On s'en fervit d'abord pour le théâtre ,
enfuite on les employa dans les fêtes , &
à la fin dans les fiinérailles. Ils marchoient
après le corps , en contrefaifant les geiks
& les manières de la pcrfonnc morte , com-
me fi elle étoit encore vivante. Voye^
Funérailles.
ARC 147
APvCHIMINISTRE,|f. m. {Hij}. mod)
le premier minillre d'un prince ou d'un
état. Char'.es-le Cjiauve ayant déclaré Bofon
ion viceroi en Italie , le fit auffi Ion pre-
mier min'llre, ibus le titre d'archiminiffre.
Ce mot ell formé du grec x^kô , &c du latin
minijler , Choricr. (G)
^ ARCHIPEL ( duché de /' ) , Géogr.
fouveraineté qui a duré plufieurs fieclcs
dans la mail'on des ducs de Naxe , alors
propriétaires de la plupart des ilcs de la
mer Egée. Le dernier duc qui la pofieda
hit Jacques Crifpo. Le grand feigneur ,
Selim II, la lui enleva en 1^5^, pour la
donner au juif Michez , qui la gardf» peu
de temps. Depuis la mort de ce dernier ,
elle fait partie de l'empire Ottoman. (C-«4.j
ARCHIPEL ou ARCHIPELAGE, fub.
m. (Géog.) terme de Géographie, qui
lignifie une mer entre-coupée d'un grand
nombre d'îles. Voye7^ Mer.
Ce mot ell formé par corruption , félon
quelques-uns , (ÏJEgeopelagus , mer Egée ,
lormé à^xiyaiov 'TrÎKxyoi, mer £^ei?,nom que
les Grecs donnoient à une partie de la mé-
Jiterranée , qui renferme beaucoup d'îles.
D'autres font venir ce mot de '^X'' > prin-
cipe , & ^i^a>of , mer; apparemment parce
que cette mer eft regardée comme la por-
tion la plus remarquable de la Méditerra-
née, à caufe des îles qu'elle contient. Le
plus célèbre Archipel , & celui à qui ce
nom efi donné plus parnculiérement , cd
fitué entre la Grèce, la Macédoine & l'Afie.
Il renferme les îles de la mer Egée , la-
quelle eff appellée auffi mer Blanche , pour
la diffinguer du Pont-Euxin , qui fe nom-
me mer Noire. Les géographes modernes
font mention d'autres Archipels , comme
celui de S. Lazare proche les côtes de Mala-
bar ; l'Archipel du Mexique ; celui des
îles Caraïbes , qui contient un grand nom-
bre d'îles; ainfi que celui des Philippines,
que l'on appelle le grand Archipel ,• celuic
des Moluques , &c. voyez MeR. (O)
ARCHIPERACITE^f. m.{Hifi. anc.)
c'efl le nom des minifîres des fynagogues
des Juifs , qui font chargés délire & d'in-
terpréter le Perakim , ou les titres &
chapitres de la loi , & les prophètes. L'ar-
chiperacite n'eft pas la même chofe que
ï'archifjnagogusj comme Grotius & d'au»
248 ARC
très auteurs l'ont cru ; mais c'efl_ plutôt le
chef ou le premier de ceux qui (ont chor-
gés de lire , d'expliquer & d'enfeigner la
loi dans leurs écoles , comme le nom le
fait voir , lequel efl formé du grec ^■■x^'^ »
fhef; & de l'hébreu ou chaldéen phérak ,
divilîon , chapitre. { G )
ARCHIPOMPE , f. f. ou puits. On ap-
pelle ainfi, en Marine, une enceinte ou
retranchement de planches dans lefond
Je cale , pour recevoir les eaux qui ie dé-
chargent vers l'endroit où elle eft fituée ;
les pompes ibnt élevées au milieu d'une
(irchipompe.
Le matelot qui va vifiter Yarchipompc ,
& qui trouve que l'eau ne franchit pas ,
y jette une ligne chargée de plomb , pour
ïbnder & melùrer la profondeur de l'eau :
on y met quelquefois les boulets de canon.
j^oye\ aux figures , Marine , Planche IV y
figure première , n°. ^8 ,1a fuuation delà
grande archipompe ; & au n". ^$ , Varchi-
pompe (Ai lanterne d'artimon. {Z')
ARCHIPRETRE , f. m.{Hifl. ecdéf. )
titre d'une dignité eccléfiaftique , que l'on
donnoit autrefois au premier des prêtres
dans une égliiè épifcopale. Sa fonâionétoit
.de veiller fur la conduite des prêtres &
des clercs , de célébrer la meffe en ab-
ience de l'évêque , d'avoir foin des veuves,
des orphehns & des pauvres pafïans , auffi
bien que l'archidiacre. La dignité à''archi-
prêtre , encore à-préfent , efl la première
après celle de l'évêque , dans quelques
éghfes cathédrales , comme à Vérone , à
Peroufe, Ùc. Depuis on a donné le titre
â' archiprêtre au premier curé d'un diocefe ,
ou au doyen des curés. On les diflingue en
archiprêcres de la ville & en archiprêtres Ac
îa campagne , ou doyens ruraux. Il en efl
parlé dans le deuxième concile de Tours
en 567 , & dans les capitulaires de Charles-
Je-Chauve , qui mourut l'an 877. Il y 3
pncore à préfent deux archiprêtres dans la
ville de Paris , qui font les curés de la Mag-
deleine & de S. Séverin. M. Simon remar-
que que , comme les curés étoient autrefois
ïirés du clergé de l'évêque , & qu'il y
avoit entr'eux de la fubordination , celui
qui étoit le premier fe nommoit archiprê-
tre , & avoit en effet une prééminence au-
.dciÉjs des autres prêtres ou curés. Il ajoute
A RC
QUcVarchiprctreÇt nomme 2_^otopapas cîiez
les Grecs , c^c{k~À-d^ne , premier papas , ou
prêtre \ & que , dans le catalogue des offi-
ciers de l'églifc de Conrtantinople , il eft
remarqué qu'il donne la communion au
patriarche , & que le patriarche la lui donne;
&; qu'il tient le premier rang dans l'églife ,
remplifTant la place du patriarche en foa
ablence. Le P. Goar , dans fes remarques
iur ce catalogue , dit que Varchiprêcre chez
les Grecs a luccédé en quelque manière aux
anciens chorévêques ; & que , dans les îles
qui font de la dépendance des Vénitiens ,
il ordonne les lecteurs & juge des caufes
eccléfiafliques. Il y a des euchologes où
l'on trouve la forme de conférer la dignité
A\irchiprci'-e , &: le P. Goar l'a rapportée
d'un euchologe tnanufcrit qui appartenoic
à Allatius. L'évêque lui impofe les mains ,
comme l'on tait dans les ordinations , &C
ce font les prêtres qui le prélentent à l'é-
vêque. Du-Cange, Glojf. latinit.
ARCHIPRIEUR , f. m.{Hifl. ecdéf)
On donnoit quelquefois ce nom au maître
de l'ordre des Templiers. Voye\ TEM-
PLIERS & Maître. (G)
ARCHISTRATEGUS , royei GÉ-
NÉRALISSIME.
ARCHISYNAGOGUS, f. m. {Hifl.
anc.) chef de la fynagogue ; c'étoit un titre
d'office chez les Juifs. Ordinairement il y
avoit plufieurs notables qui préfidoientaux
fynagogues & aux aflemblées qui s'y te-
noient. Leur nombre n'étoit pas fixé ni
égal dans toutes les villes , cela dépendoit
de la grandeur des heux , & du plus ou
moins grand nombre de gens qui ve-
noient aux fynagogucs.il y avoit telle fyna-
gogue où foixante & dix anciens préfiùoicnt;
d'autres en avoientdix , d'autres neuf , d au-
tres feulement quatre ou cinq , ou même
un fcul chef ou archifynagogus. On leur
donne quelquefois le nom à^ange de la. fy-
nagogue ou de prince de la fynagogue. Les
juits leur donnent aufll le nom de chacha»
mim ou fage. Ils préfidoient aux alTemblées
de religion , invitoient à parler ceux qui
s'en trouvoient capables , jugeoient des
affiiires pécuniaires , des larcins &: autres
choies de cette nature. Ils avoient droit
défaire fouetter ceux qui étoient convaincus
de quelcjucs contraventions à la loi. 11$
pouvoicnt
ARC
f' )ouvo!ent auflî excommunier & chafler de
a fynagogue ceux qui avoient mérité cette
peine. Voye\ Bainage , hift. des Juifs , Ih:
yil i c. pij , 6" Vitringua, de fynac;og. (G)
ARCHITECTE, Ibhil mafc. des mots
grecs Jto^ii & de t-jc ay , principal ouvrier.
On entend par ce nom un homme dont la
capacité , l'expérience & la probité méri-
tent la confiance des perlonnes qui font
bâtir. De tous les temps les architectes ont
éti utiles à la focieté , quand ils ont fu
réunir ces différentes qualités. Les Grecs
&les Romains ont montré dans plus d'une
occafion le cas qu'ils ont tait des nrchitecles ,
par les éloges qu'ils nous ont laiflés de la
plupart des leurs. Mais fans remonter fi
liaut , la protedion que Louis XIV a accor-
dée à ceux de fon temps , nous fait aflez
connoitre qu'un bon architecte n'eft point
un homme ordinaire , puilquc (ans compter
les connoiflances générales qu'il efl; obligé
d'acquérir , telles que les Belles-Lettres ,
Ùc. il doit taire ion capital du deflîn,
comme l'ame de toutes les produirions ;
Az% mathématiques , comme le leul moyen
de régler l'eiprit , & de conduire la main
dans Tes différentes opérations ; de la coupe
des pierres, comme la bafe de toute la
main-d'œuvre d'un bâtiment ; de la per(-
peftivc , pour acquérir les connoillances
des difïérens points d'optique, & les plus-
valeurs qu'il ell obligé de donner aux hau-
teurs de la décoration , qui ne peuvent
être appcrçues d'en bas. Il doit joindre à
ces talens les dilpofitions naturelles , l'in-
telligence , le goût , le teu «Se l'invention;
parties qui lui font non-feulement nécef-
faires , mais qui doivent accompagner tou-
tes fes études. C'ell lans contredit par le
(ècours de ces connoiflances diverfes, que
de Brofle , le Mercier, Dorbets , Perrault,
& fur-tout les Manfards , ont mis le fceau
de l'immortalité fur leurs ouvrages , dans
la conftrudion des bâtimens des Invalides ,
du Vai-dc-grace , du Palais-royal , de Ver-
failles ; de ceux de Clagny, de Maifons,
des quatre-Nations , du Luxembourg , du
périiîyle du Louvre , &c. monumens éter-
nels de la magnificence du monarque qui
les a tait ériger , & du favoir de ces grands
architectes. C'cll aulTi par ces talens réunis
que nous voyons encore de nos jours MM.
Tome III.
ARC 24^-
Boffrand , Cartault & plufieurs autres , qui
font au nombre des hommes illuflres de
notre fiecle, fe diflinguer avec éclat dans
leur proteflion , & avoir place dans l'aca-
démie royale d'archircâiire , qui a été
fondée par Louis XIV, en 1671 , & cft
compofée de vingt-fix architectes y entre
lefquels je nommerai M. Gabriel , premier
architecte du Roi , & MM. de Cote , d'Klc
l'Allùrencc , Bilaudel , contrôleurs des bâ-
timens du Roi , Ùc. qui ont pour chef &
directeur général , M. le Normant de Tour-
nehem , iur-intendant des bâtimens.
Indépendamment des architectes de l'aca-
démie , dont plufieurs i"e font diilingués
dans la conilrudion , diflribution & dé-
coration de leurs édifices , Paris en poffede
encore quelques-uns d'un mérite dillingué ,
;\ la tête defquels on peut mettre MM.
Franque & le Carpentier , dont la capacité
& la probité véritablement reconnues ,
leur ont attiré l'eflime & la confiance des
perfonnes du premier ordre. On verra quel-
ques-unes de leurs productions dans cet
ouvrage. Je les ai engagés de trouver bon
qu'elles y parudent ; j'ai compté par-là
rendre un véritable tèrvice au public. Ces
morceaux d'architedure feront de différent
genres , & d'autant plus ellimables qu'ils
ibnt éloignés du dérèglement dont la plu-
part des architectes ufent aujourd'hui en
France dans leurs bâtimens. J'oferois prêt
que avancer que plufieurs de ces derniers
n'ont ^architecte que le nom , & joignent
à une fuiïîfance mefurée à leur ignorance ,
une mauvaife foi & une arrogance infup-
portables.
Peut-être trouvera-t-on ma fmcérité ba-
zardée ; mais comme j'écris ici plus en qua-
lité de citoyen qu'en celle d'artide , je me
fuis cru permife la liberté d'en ufer ainfi ,
tant par l'amour que je porte aux progrès des
beaux arts , que dans l'intention de ramener
la plupart de ceux qui font leur capital de
l'architedure , des vices trop marqués de la
jalouiie, de la cabale & des mauvais procé-
dés dont plufieurs d'entr'eux font profelCon
ouvertement , fans retped pour le prince ,
l'état & la patrie.
L'on trouvera auflî plufieurs deflîns de
compofition , dans le nombre des planches
qui teiont partie de celles d'architedure j
150- ARC
dans lefqiieJles j'ai tâche de donner une
idée de la fnçon dont je penfe fur la fim-
plicité , la proportion & l'accord auxquels
je voudrois que l'archltedurc fût réduite ,
de manière que l'on trouvera danî la di-
verfité de ces exemples une variété de pré-
ceptes , de formes & de compolitions qui ,
je crois , fera plailir aux amateurs. Heu-
reux il je puis trouver par-là l'occafion de
prouver aux hommes du métier , qu'il n'efl
point de vice plus honteux que la jaloulîe ,
m qui dégrade tant l'humanité : du moins
me iaura-t-on quelque gré , malgré les
bontés dont le public a honoré mes ouvra-
ges jufqu'à préfcnt, de m'ctre fait honneur
de partager le bien detre utile au pubhc,
avec les deux habiles architectes que je
viens de nommer , qui méritent , à toute
forte d'égards , l'eftime des citoyens & l'at-
tention du miniifre. (P)
*'M. Sulzer a traité le même fujet dans
j» l'article fuivant. En le tranlcrivant , nous
» croyons ajouter au plaihr des lefleurs. >'
Architecte, [Beaux-Ans.) Celui
qui prétend au titre A'archueclc , dans toute
la force du terme , doit réunir , à beaucoup
de taiens naturels , des connoiilances très-
eteiulues dans la plupart des arts &; des
fciences. Il ne iera pas inutile d'expliquer
plus en détailles qualités de Varchitecfe que
nous venons d'indiquer.
Nous exigeons d'abord dans un archi-
tecte y une connoiflance lolide & étendue
des mœurs & ulages des principaux peu-
ples , mais (ur-tout de la nation au milieu
de laquelle il vit. Cette connoifiance lui
fèrvira à ordonner chaque bâtiment iiiivant
le rang & la manière de vivre du pro-
priétaire. Chaque claile d'hommes a ics
beloins , Çts occupations , les commodités
particulières , que V architecte doit connoître
& confuler , pour ne pas tomber dans
dts fautes groffieres. Un grand a non-feu-
lement beft)in d'un logement plus fpacieux
que le fimple bourgeois ; il lui faut encore
UflC toute autre diflribution des apparte-
mens. Une mailon qui doit contenir un
nombreux domeflique , exige un arrange-
ment différent de celui qu'on leroit pour
un domeflique feul. Le nombre des cir-
conffanccs de cette namre , qui diverfifîent
i«s bâtimens Iliivant l'état des propriétaires ,
ARC
efl très-grand ; Varchitecle doit les pefêr rou-
tes , s'il veut éviter des défauts ridicules.
Cette connoifiance lui fervira enfuite à
maginer des difpofitions , qui peuvent
fouvent influer très - cfKcacement fur le
goût & fur la manière de vivre dans les
différentes clafîès de citoyens. Il n'eff pas
douteux que les hommes ne s'avlieroient
point de divers expédiens avantageux , ni
de plufieurs arrangemens utiles à leur
genre de vie , s'ils n'y étoient conduits par
des conjcâures purement accidentelles.-
Un archiiecîe qui aura oblervé avec atten-
tion tout ce qu'il y a de plus raifonnahle
& de plus folide dans la manière de vi-
vre de divers peuples , faura faire entrer ,
dans le plan de fès batimens , des idées
dont les propriétaires profiteront ; ils fe-
ront entraînés à imiter de bons uiages y
qu'ils avoient négligés ou ignorés jufqu'a-
lors.
Mais cette connoiflàuce feroit inutile à
V architecte , s'il n'}' joignoit pas un juge-
ment lolide pour difcerner l'utile , le con-
venable & le décent. Dénué de cette qua-
lité eflèntielle , il entraînera le bourgeois
opulent à imiter , d'une façon ridicule , la
manière de bâtir qui ne convient qu'aux
grands , ou bien il voudra refïèrrer l'hom-
me de qualité dans les bornes du fimple
bourgeois. L'art de difcerner famement ce
qui convient à chaque état dans la vie ci-
vile , efl donc un talent nécellaire à l'ar-
chittcle.
Nous exigeons troifiémement de lui qu'il
foit doué d'un bon génie , c'efl-à-dire ,
qu'il ait une grande facihté d'inventer &
d'ordonner. Avec ce talent , il faura non-
leulement placer à propos dans fes bati-
mens tout ce qu'il juge y être nécefî^iire ,
mais il faura de plus varier ces arrange-
mens félon le goût particuher du proprié-
taire , & fuivant la nature propre des
lieux , des temps & de l'emplacement. Si ,
pour chaque efpece d'édifice , il n'avoir
qu'un modèle ou deux dans fii tête , il
courroit rUque bien fouvent de faire des
incongruités.
C'efl ce génie qui , dirigé par un juge-
ment folide , le tirera d'embarras dans les
cas où divers beloins fe trouvent en oppo-
fition. Il liiura difcerner lequel de ces \>o
ARC
foin'; eu le plus indirpeiilhble ; il faiira vain-
cre les obfhicks par des moyens inconnus
juiqu'iilors , & il liirmontera les plus grandes
difiicultcs , à l'aide de quelques heureules
inventions.
Un goût épuré en tous genres de beauté,
crt encore une qualité nécedaire A Varchnecle.
Parce talent , il donnera d'abord à l'édifice
entier, ou l'élégance, ou la magnificence,
ou la majefté convenables , & il augmen-
tera enfuite l'effet de rcnlemble par le cboix
des beautés de détail.
Enfin VarchiteSe doit pofîeder diverfes
parties des mathématiques , un précis de
î'iiiftoire naturelle , la méchanique , & la
connoifîance de tous les arts qui entrent
dans la conftrudion d'un bâtiment. Sans
la facilité de calculer , il ne fauroit déter-
jnincr exadement les divifions , les propor-
tions , la quantité dts matériaux & la
folidité des pièces. Sans connoiflance de
la inéclianique , il ne finira pas propor-
tionner les forces aux befoins , & il don-
nera des dimenfions défi^dueufes. Sans habi-
tude avec les beaux-arts , il omettra plu-
fieurs orneniens qui dévoient trouver leur
place, ou il les defUnera dans un mauvais
goût. Sans notion des arts méchaniques ,
il imaginera des chofes dont l'exécution
ou ne fera pas polfible , ou ne répondra
pas à fon attente ; car tout architecle qui
fé repofe fur le goût , le jugement ou l'habi-
leré des ouvriers , ert ordinairement trom-
pé ; il faut qu'il leur prefcrive chaque ou-
vrage dans la plus grande précifion , ou
qu'il veille lui-même à leur travail , & qu'il
les redrefTe dans l'exécution. Enfin , liins
étude de la phylique , il pourra tomber,
dans des fautes très-graves , fiiire des loge-
niens mal-fains , conflruiie un bâtiment peu
lolide & peu durable , prendre une mauvail'e
expofition à l'égard du vent & de la pluie,
manquer à donner une prompte ilTue à la
fumée. & aux exhalailons , & rendre les
appartemens incommodes à l'égard du froid
ou de la chaleur.
Les remarques précédentes indiquent les
direclions que Varchicecfe doit fiiivre dan,
ics études. Il doit débuter par celle de
l'hifloire '& des fciences philofophiques ,
pour exercer les forces de l'eiprit , & pour
ncquénr la pénétration & la Xolidité qui.
ARC iji
font indifpenfablement nécefTaires. Il cii
efl de V ai chnecle comme du poète : pour
réufiir , il faut s'être exercé dès l'enfance
dans les ans & dans les fciences. Après
avoir pofé de folidcs fondcnicns dans ces
études générales , Varchuecle s'ajipliquera
particulièrement aux mathématiques & au
defiin ; il faut qu'il s'exerce daiis ce deri-
nier art, autant qu'un futur peintre pour-
roit le faire , afin de s'y. former un goût
délicat, nun-feulement pour juger du beau
en matieie de figures & de décorations ,
mais encore pour inventer au befoin dans
ce genre.
Muni de ces connnifTances préliminaires ,
notre élev^ archueSe dannera tous fes l'oins
à étudier les principaux morceaux d'archi-
teéture difperlès dans les divers pays de
l'Europe. Il étudiera d'abord avec attention
les différens traités des plus célèbres archi-
tecles ,• il en apprendra les règles qu'ils don-
n.ent , & les exécutera par des deflîns. Il j^
formera enfuite la colledion la plus éten-
due , d'autant de plans de beaux édifices ,
de jardins , de places & de villes entières
qu'il en pourra rafCembler. Il les contem-
plera d'un ail attentif , s'attachant première-
ment ;\ conlidércr l'enfemble , & à obfcrver
avec foin l'eflet qu'il produit fur lui. Il exa-
minera enfuite chaque partie fépaiément
dans fon rapport au tout, dans fa pofition ,
dans fa figure , dans fes ornemens , dans les
proportions de iés parues tubordonnèes ;
& cet examen fe fera le compas & l'échelle
A la main.
Il eft efîèntlcl que dans ces recherches
[''architecle remonte toujours aux premiers
principes de l'art ; qu'il demande , pour
ainfi dire , à chaque pièce du bâtiment ,
que fais-tu ici ? comment remplis-tu ton
but ? en quoi contribues-tu à l'alped , à la
commodité , à l'embelliflement ? fatisfais-tu
pleinement , & mieux que toute autre pièce
ne l'eût pu faire , à ta deflination ? Et , qu'ici
le jeune archiucle fe garde bien de s'en
laitier impofer par l'autorité ou la célébrité.
Apperçojt-il quelque chofe qui n'ait point
la raiion luliilante , qui bielle même les
règles de première nécdflité , ou qui cho-
.iue du moins le bon goût ; que ni le ref^
ped de l'antiquité , ni l'autorité de Palladio ,
oi l'ufage établi, n.e rempèchcnt point de la
li i
15^ ARC
tiélapprouver , & qu'il ne fe laifTe pas in-
tliiirc à l'adopter. Les meilleurs architecles
modernes ont commis des butes groffieres ;
& l'on tolère aflez généralement , en archi-
fcdure , certaines chofes qui lont évidem-
ment contraires au bon goût.
Après que \architeâe aura puifé ce fonds
de connoilîances dans les écrits & les 'lef-
fms des grands maîtres , il lui fera très-
utile de voyager en Italie & en France , pour
y examiner de près les principaux édifices ,
y découvrir la méthode d'appliquer les rè-
gles de l'art , y obferver des chofes que
les fimples plans ne fauroient indiquer. Il ne
iuffira pas , dans ces voyages , de confidérer
feulement les bâtimens iiolés ; il taut en-
core faire attention à leur rapport avec les
bâtimens voifms , & avec la place oih ils
font conllruits. Ce n'eft pas alfez qu'un
architecte ait la capacité de tracer des édi-
tées ifolés ; c'efl ce qu'il apprendra le plus
aifément. Pour être parfait dans fon art ,
il doit favoir bâtir des places entières , des
villes même , & leur donner au dedans
& au dehors , toutes les commodités &
toute la beauté pofllbles. Il faut , pour y
réudîr , des vues qui tendent au grand , &
qui fuppofent un génie élevé au defTus du
commun. Depuis l'économie privée du fim-
ple bourgeois , jufqu'à celle des grands ,
à la ville & à la campagne ; de-là julqu'à la
cour des princes , & de celle-ci enfin jufqu'à
la police des villes & des pays entiers : fes
vues doivent tout embrafîcr. Il n'eil permis
qu'.\ celui qui fe fent des connoiiîances auffi
«étendues, d'afpirer à l'emploi ài'circhitecle
d'un grand prince.
C'eil fans doute cette étendue de talens
& de connoi (lances , & la dépenfe que
leur acquifition exige , qui fait qu'un grand
peintre , un grand pocte eit une choie
moins rare qu'un architecte parfiit. Il tau-
droit qu'il y eût dans chaque état un établillè-
mentpour former de grands architectes ; que
du féminaire des élevés on choisît les plus
intelligens , & que ceux-ci lufTent indruits &
perfectionnés dans leur art aux dépens du
pubhc.
Il importe A l'état d'avoir un certain
nombre d'habiles architecles , qui foient en
même temps gens d'honneur & de pro-
bité. Il coiivicndroit qu'ils hillent large-
ARC
ment penfionnés du public , & qu'on leur
impofât l'obligation d'affifter de leur confeil ,
moyennant une modique rétribution , tout
particulier qui voudroit bâtir , pour que
celui-ci ne fût pas expofé , par l'igno-
rance ou la cupidité des ouvriers , A eflliyer
des pertes confidérables.
ARCHITECTONIQUE , adj. (Phyfiq.)
eft ce qui donne à quelque choie une forme
régulière , convenable à la nature de cette
chofe , & à l'objet auquel elle eft defttnée :
ainfi la puiflTance plaflique , qui , ielon quel-
ques philolbphes , change les œufs des fe-
melles en créatures vivantes de la même
efpece , eft appellée , par ces philofophes ,
efprit architeâonique. Sur le lyftcme des
puiflances & natures plaftiques , voye\ l'ar-
ticle FlaSIIÇ^VE. ( O)
ARCHITECTURE , f. f. eft , en gêné-
rai , l'art de bâtir.
On en diftingue ordinairement de trois
efpeces ; favoir , la cii-'ile , qu'on appelle
architecture tout court ; la militaire , &: la
navale.
L'ordre encyclopédique de chacune eft
différent.
On entend par architecture cii'ile , 1 art
de compoier & de conftruire les bâtimens
pour la commodité & les diiférens ulages
de la vie, tels que font les édifices facrés,
les palais des rois , & les mailons des par-
ticuliers ; auffi-bien que les ponts , places
publiques , théâtres , arcs de triomphe , Ùc.
On entend par architeclure militaire , l'arc
de fortifier les places , en les garantiflant ,
par de folides conftruclions, de l'infultedes
ennemis , de l'effort de la bombe , du bou-
let , &c. & c'eft ce genre de conftruélion
qu'on appelle i^orn^c-ar/'o/j. yoye:{ FORTI-
FICATION. On entend par architechtre na-
vale , celle qui a pour objet la conftruûion
des vaiflTcaux , dts galères , & générale-
ment de tous les bâtimens Hottans , aufli
bien que celle des ports, mrtlcs , jetées,
corderies, magafins, &c. érigés furie rivage
de la mer , ou fur fes bords. V^oye\ l'ar-
ticle Marine.
Pour parler de {'architecture civile , qui eft
notre objet , nous dirons en général que for»
origine eft aufli ancienne que le monde;
quelanéceflité enfeigna aux premiers hom-
mes à fe bâtir eux-mêmes des huttes , des
ARC
tentes , & des cabanes ; que par la fuire
des temps , (e trouvant contraints de ven-
dre & d'acheter , ils le réunirent enfemble ,
& vivant fous des loix communes , ils par-
vinrent à rendre leurs demeures plus régu-
lières.
Les anciens auteurs donnent aux Egyp-
tiens l'avantage d'avoir élevé les premiers
des bâtimens fymmétriques & proportion-
nés ; ce qui fit , diient-ils , que Salomon
eut recours à eux pour bâtir le temple de
Jérui'alem , quoique Villapandre nousafllire
qu'il ne fit venir de Tyr que les ouvriers
en or , en argent , & en cuivre , & que
ce fut Dieu lui-même qui inlpira à ce roi
les préceptes de ïarchneclure ; ce qui fc-
roit , f^'ion cet auteur, un trait bien ho-
norable pour cet art. Mais làns entrer dans
cette difculfion , nous regardons la Grèce
comme le berceau de la bonne architecture ,
foit que les règles des Egyptiens ne foient
pas parvenues julqu'à nous , loit que ce
qui nous refte de leurs édifices , ne nous
montrant qu'une architecfure folide & co-
lolfale , ( tels que ces tameufes pyramides
qui ont triomphé du temps depuis tant
de fiecles ) ne nous afîede pas comme les
refies des monumens que nous avons de
l'ancienne Grèce. Ce qui nous porte à
croire que nous (ommes redevables aux
Grecs des proportions de Yarchiceclure ^ ce
font les trois ordres , dorique , ionique &
corinthien , que nous tenons d'eux , les Ro-
mains ne nous ayant produit que les deux
autres , qui en font une imiration affez im-
parfaite , quoique nous en laffions un ufage
utile dans nos bâtimens ; exprimant par-
faitement chacun à part le genre d^archi-
teclure ruitique , folide , moyen , délicat &
compofé , connus lous le nom de tofcun ,
dorique , ionique , corinthien , & compojne ,
qui , enfemble , comprennent ce que l'ar-
chiieclure a de plus exquis ; puifque nous
n'avons pu en France , malgré les occa-
fions célèbres que nous avons eues de bâ-
tir depuis un fiecle , compofer d'ordres
qui aient pu approcher de ceux des Grecs
& des Romains : je dis approcher ; car plu-
fieurs habiles hommes l'ont tenté , tels que
Bruant , le Brun , le Clerc , £v. fans être
approuvés ni imités par leurs contempo-
raios ni leurs fucceUeurs \ ce qui nous
ARC in
montre aflez combien Varchiteclure , ainfi
que les autres arts , ont leurs limites. Mais
lans parler ici des ouvrages des Grecs , qui
font trop éloignés de nous , & dont plu-
fieurs auteurs célèbres ont donné des del^
criptions , partons à un temps moins re-
culé , & dilons que Varchiteclure , dans Ra-
me , parvint à ion plus haut degré de per-
feâion ious le règne d'Augufte ; qu'elle
commença à être négligée Ibus celui de
Tibère fon iuccefleur ; que Néron même ,
qui avoit une paffion extraordinaire pour
les arts , malgré tous les vices dont il étoit
poflcdé , ne le fervit du goût qu'ii avoit
pour l'architecture , que pour étaler avec
plus de prodigalité fon luxe & fa vanité ,
& non la magnificence. Trajan témoigna
auflî beaucoup d'affeflion pour les arrs ;
& malgré l'atFoiblifTement de V architecture ,
ce fiif fous fon règne qu'Apollodore éleva
cette fameufe colonne qui porte encore
aujourd'hui dans Rome le nom de cet em-
pereur. Enfuite Alexandre Sévère foutint
encore , par fon amour pour les arts , V ar-
chitecture : mais il ne put empêcher qu'elle
ne fût entraînée dans la chute de l'empire
d'Occident , & qu'elle ne tombât dans un
oubli dont elle ne put fe relever de plu-
lieurs fiecles , pendant l'efpace defquels les
Vifigoths détruifircnt les plus beaux monu-
mens de l'antiquité , & où Varchiteclure le
trouva réduite à une telle barbarie , que
ceux qui la prolcd'oient négligèrent entiè-
rement la jultefle des proportions , la con-
venance & la corredion du dellin , dans
lelquels confifte tout l^mérire de cet art.
De cet abus fe forma uiie nouvelle ma-
nière de bâtir , que l'on nomma gothique ,
& qui a fubfillé julqu'à ce que Charle-
magne entreprit de rétablir l'ancienne.
Alors la France s'y appliqua avec quelque
luccès , encouragée par Hugues Capet ,
qui avoit auffi beaucoup de goût pour
cette Icience. Robert fon fils , qui lui fuc-
céda , eut les mêmes inclinations ; de forte
que par degrés , Varchiteclure y en changeant
de lace , donna dans un excès oppolé en
devenant trop légère ; les architeûes de
ces temps-là fiiilant confificr les beautés
de leur architecture dans une délicateflé &
une proluhon d'ornemens juiqu'alors in-
connus : excès dans lequel i^ tombèrent
254 ARC
fans cloute pnr oppoiition à la gothique
qui les avoit préctdés , ou par le goût
qu'ils reçurent des Arabes & des Maures ,
qui apportèrent ce genre en France des
pays méridionaux ; comme les Vandales &
les Goths avoient apporté du pays du
nord le goût pelant & gothique.
Ce n'eft guère que dans les deux der-
niers fiecles que les architeftes de France
& d'Italie s'a})pliquerent à retrouver la
première fimphcité , la beauté & la pro-
portion de l'ancienne archueclure; aufli n'eft-
•ce que depuis ce temps-là que nos édifices
ont été exécutés à l'imitation & fuivant
le' préceptes de Vaichitec^ure antique. Nous
remarquerons à cette occafion que Varchi-
•teclare civile qui fe dilHngue, eu égard à
■ff diî+érenres époques &: à les variations ,
en antique f ancienne gothique &i moderne ,
peut encore fe dillinguer félon fes diffé-
rentes proportions &c ies ulages , lelon les
• différens caraderes des ordres dont nous
avons parié. Voje^ TosCAN , DoRIQUE ,
IoMi^UE,CoRINTHIEN,i5COMPOSITE.
Pour avoir des notions de ï architecture ,
& des principes élémentaires concernant la
matière , la iorme , la proportion , la fl-
tuation , la dillribution & la décoration ;
voye\ la définition de ces diftérentes ex-
preflions , auiii-bien que celles des arts
qui dépendent de Y arc hi te Bure -, tels que
la Sculpture, Peinture , Dorure ,
Maçonnerie, Charpenterie, Me-
nuiserie, dv. Voye7^ce s articles.
De tous les arcîiiiedes gi ecs qui ont
écrit fur ïarchitiêlkre y tels qu'Agatarque
l'athénien , Démocnte , Théophralte , &f.
aucun de leurs traités n'efl parvenu jul-
qu'à nous , non plus que ceux des auteurs
latins , tels que lurent Fuflitius , Terentius
Varo , l'ublius Septimius , Epaphroditus ,
ÊV. de forte que Vitruve peut être regar-
dé comme le feul architefte ancien dont
nous ayons des préceptes par écrit, quoi-
que Vegece rapporte qu'il y avoit à Ro-
me près de fept cents architedes contem-
porains. Cet architefte vivoit fous le rè-
gne d'Augufle , dont il étoit l'ingénieur ,
& compola dix livres Saichiteclure , qu'il
dédia à ce prince : mais le peu d'ordre ,
l'obfcurité &c le mélange de latin & de
grec qui le trouve répandu dans fon ou-
ARC
vrage , a donné occafion à plufieurs archi-
teâes , du nombre delquels font Philan-
der, Barbare, &c. d'y ajouter des notes;
mais de toutes celles qui ont été faites fur
cet auteur, celles de Perrault, homme de
lettres & favant architede , font celles
qui font le plus d'honneur aux commen-
tateurs de Vitruve. Ceux qui ont écrit fur
l'architecture depuis cet autein* , font Léon ,
Baptifîe Alherti , qui publia dix hvres d'ar-
chueciure , à l'imitation de Vitruve , mais
où la dodrine des ordres eft peu exade ;
Seballien Seiiio en donna aulll un , & lùi-
vit de plus près les préceptes de Vitruve;
Palladio , Philibert Delorme & Barrozio
de Vignoble , en donnèrent auffi ; Daviler
a fait des notes tort utiles fur ce dernier.
On peut encore ranger au nombre des ou-
vrages célèbres llir V architecture , ViJe'euni-
l'erfelle de cet art , par ^'^incent Scamozzi ;
le parallèle de l'ancienne architechire avec
la moderne , par M. de Chambray, le cours
d'architeclure de François Blondel , profeA
leur & diredeur de l'académie royale d'ar-
chiteclure y qui peut être regardé comme
une colledion de ce que les meilleurs au-
teurs ont écrit fur les cinq ordres ; Var-
chiteBure de Goldman , qui a montré com-
bien il étoit aifé d'arriver au degré de per-
iedion dans l'art de bâtir , par le fecours
de certains iiîflrumens dont il efl l'inven-
teur; celle de Wotton, réduite en démonf-
trations par V7olfius , à qui nous avons
l'obligation , ainfi qu'à François Blondel ,
d'avoir appliqué à \' architeâure les dé-
monflrations mathématiques.
Depuis les auteurs dont nous venons de
parler , plufieurs de nos architedes fran-
çois ont auflî traité de \' architecture , tels
que M. Perrault , qui nous a donné les
cinq ordres avec des additions fur Vi-
truve , & des oblèrvations fort intéreilan-
tes ; le P. Dairan , qui nous a donné un
excellent traite' de la coupe des pierres , que
' la Rue , architede du roi , a commenté ,
écluirci & rendu utile à la pratique ; M-
Fraizier , qui a donné la théorie de cet art ,
prefque inconnue avant lui; M. Botirand ,
qui nous a donné ies ceufres , dans lel-
quclles cet habile homme a montré fon
érudition & Ion exi^érience dans l'art <.Yar-
chiteclure ; M. Brizeux nous a aulli donné
ARC
un ercùte de la difiribution & de la décora-
tion des muifons de campagne ; & Daviler ,
qui non-Ieulement a commenté Vignoble ,
maisqiii nous aàonniwn traité d archicecluie
fbit eUimé , augmenté par le Blond , qui a
(jciiine les planches de l'excellent traité du
jardinage de M. d'Argenvillc , dont il t(t
parlé dans le diicours préliminaire , &: de-
puis par Jacques - François Blondel , pro-
[c^çm ^architecture , dont nous avons au (îî
un traité de la dijlribiition & de la décora-
tion des édifices y fans oublier Bullet , le
Nuet , Bofïé , tiic. qui nous ont aulfi donné
quelques ouvrages fur Wirchitecliire .
Le terme à'arckiteclure reçoit encore
plulieurs ligniHcatinns , félon la manière
dont on le met en ulàge , c'efl-à-dire ,
qu'on appelle architecture en perjpecli^-e
celle dont les parties font de diflcrentes pro-
portions , & diminuées ù radon de leurs
diilanccs , pour en faire paroître l'ordon-
nance en général plus grande ou plus éloi-
gnée qu'elle ne l'eit réellement, tel qu'on
voit exécuté le tameux efcalier du Vaii-
can , bâti fous le pontificat d'Alexandre VII,
fur les dellîns du chevalier Bernin. On
2i\i'ç>e^t architeclure feinte y celle quia pour
objet de repréfentcr tous les plans , faill es
& reliets d'une architeclwe réelle par le
feul fecours des coloris , tel qu'on en voit
dans quelques fronrirpices de l'Italie , &
aux douze pavillons du château de Marly ;
ou bien celle qui concerne les décorations
des théâtres ou des arcs de triomphe , pein-
tes fur toile ou fur bois , géométrakment
ou en perfpeftive , à l'occahon des entrées
ou fêtes publiques , ou bien pour les pom-
pes funèbres , feux d'artifice , &c. ( P )
" Les obfervations que nous allons
» ajouter , lont encore de M. Suider. >»
§ ACHITECTURE , { Beaux -Arts.)
Nous ne parlerons, dans ctx article , del'ar-
chiteclure , qu'autant qu'elle tient au goût.
Si l'on fait abfiradion de la méchanique
de cet art , que l'architefte doit pofléder à
fond , & de ce qu'il doit emprunter de la
géométrie, il refte encore alTez à V archi-
tecture , pour lui affigner un rang parmi
les beaux arts. Les mêmes talens qu'on a
droit d'exiger de tout autre artifte , doi-
vent fe trouver dans l'architeâe. Ce génie
qui donne aux ouvrages de l'art leur im-
AïlC 15^
porrance , leur dignité , une force capable
d'enchaîner l'attention , & de s'emparer des
elprits & des cœurs ; ce bon goût qui répand
fiir fes ouvrages , la beauté , l'agrément ,
l'harmonie , en un mot certain attrait au-
(]uel l'imagination ne fauroit le ioultraire.
Le mêm.e elprit qui inipira Homère & Ra-
phaël , doit anim.er l'architcfre qui afpire
à la célébrité ; tout ce qu'il produira ,
guidé par cet efprit , fera A jufle titre un ou-
vrage des beaux arts. Le befoin qui fait con!-
truire un bâtiment , en détermine auiii les
parties principales ; les règles de la mé-
chanique & de la géométrie , lui donnent
la folidité néccfîaire : mais de compoi'er
avec des pièces que le befoin a inventées ,
un tout qui , dans chaque partie , puifle
iatisfaire ;\ ce que l'imagination exige ; un
tout qui puifle foutenir l'examen réfléchi
de la railon , & entretenir l'cfrrit dans une
utile aâivité ; un tout dont l'afjieci puiite
exciter divers genres de fentimens agréa-
bles,, qui imprime dans les cœurs l'ad-
rniration , le refpeû , la dévotion , un fai-
(ilTcment alFtûueux ; ce font-là des pro-
dudions du génie gi-iidc par le goût : c'efl
par-là que l'architeéle s'aifure un rang dii-
tingué dans la claiTè des arcifles.
Eavifèigée drns (es objets , Y architecture
ne le cède en nobkfle à aucun des autres
arts, & confidérée dans fes eBets, elle y
(outient très-bien Ion rang. D'où l'Homme-
a-t-il eu les utiles & importantes notions
d'ordre , de beauté y d'harmonie , de fym-
métrie ? D'où lui font venus les premier?
tentimens de l'agréable , du gracieux , &
ceux d'admiration pour la grandeur, dc
reljied même & de culte pour la divinité ,
fi ce n'efl de la contemplation réfléchie des
objets fenfibles que la flrudu re de l'uni-
vers ofTre .i fes yeux ? N' cfl-il pas évident:
que c'efl à la beauté , aux agrémens , à
ja commodité, & aux autres avantages des
contrées que l'homme habire , qu'il eff re-
devable des premiers progrès dans fa perfec-
tion ? comme d'un autre côté rien ne con-
tribue plus à l'entretenir dans la barbarie
& dans l'état de pure animalité , que le
féjour habituel d'un climat malheureux ,>
privé de tous les agrémens , & de toutes-
les commodités de la vie. On ne fauroir
dçnc jyer que ïarchiteclurc n'ait une utilité
t^S A R. C
bien décidée pour la culture de l'efprit &
du cœur , puifque ce^t art fait reproduire
à fa manière toutes les impreffions avan-
tageufes que la beauté d'une contrée peut
exciter.
Que celui qui a quelque goût pour l'or-
dre , la beauté , la magnificence des objets
purement matériels & inanimés , prenne la
peine de lire la relation que Paulanias nous
a donnée de la ville d'Athènes , & qu'il
fafle enfùite réflexion aux effets que le fé-
jour d'une telle ville a dû produire fur un
athénien. Ce leroit bien peu connoître la
nature de l'homme , que de ne pas fentir
combien de pareils objets ont dû contribuer
efficacement à ennoblir les fentimens. Si la
nation la mieux logée n'eft pas précifëment
la plus parfaite ; fi dans des pays où l'on
ne voit que de miférables cabanes , on
rencontre des hommes qui ne font rien
moins que barbares , il n'en taut pas con-
clure que cette nation-là ne doive rien à la
beauté de fon architecture , ou que l'habi-
tant de ces cabanes n'en feroit pas plus
perfedionné pour avoir fenti l'heureufe in-
fluence de cet art. En un mot, auroit-on
fort de foutenir que Varchiteclure foit de
tous les beaux arts le plus utile à la culture
de l'homme ; mais on auroit également tort
de ne pas reconnoître que cet art peut effi-
cacement concourir avec les autres à cet
objet le plus important de tous.
L'eflence de ]! architecture , en confidé-
rant cet art com.me une produftion du
génie dirigé par le bon goût , confifte à
donner aux édifices toute la perfeâion fcn-
fible , ou ellhétique , que leur deftination
comporte. Perfeâion , ordre , convenance
dans la diftribution intérieure ; beauté dans
la figure , caraftere aflortiffant , régularité ,
proportion , bon goût dans les ornemens
au dedans & au dehors ; voilà ce que l'ar-
chitede doit mettre dans tous les bâtimens
qu'il veut conftruire.
Dès qu'on lui en aura indiqué la def-
tination précife , c'efl à lui à trouver le nom-
bre des pièces principales , & à donner à
chacune la granAjur la plus convenable
pour l'ufagc auquel elle eft dcflinée ; il doit
enfuite diflribuer ces pièces principales, &
les réunir en un tout , de manière que cha-
que pièce ait la place qui lui convient le
ARC
mieux y & qu'en même temps le toiu pré*
fente au dedans & au dehors un édifice
bien entendu , commode , qui réponde à
fon genre , & à la deftination , dont la
forme plailc aux yeux , & qu'il n'y ait au-
cune partie qui , jufque dans le petit détail ,
ne loit telle précilément que fon ufage le
demande ; qu'on voie régner dans l'ouv rage
entier l'intelligence , la réflexion , le bon
goût : qu'on n'y apperçoive rien d'inutile,
d'indécis , de confus ou de contradiftoire J
que l'œil attiré par la forme gracieufe de
l'enlemble foit dirigé dès l'abord vers les
principales parties ; qu'il les diftingue fans
peine , & qu'après les avoir coniidérées
avec plaifir , il s'arrête fur les parties de
détail , dont l'ufage , la nécefficé , & le
jufte rapport au tout , fe faflent ailément
fentir. Qu'il y ait dans l'enlemble une telle
harmonie , un tel équilibre entre les par-
ties , qu'aucune ne domine au préjudice
des autres ; & que rien de défeâueux ou
d'imparfait n'interrompe délagréablement
l'attention. En un mot , il laut qu'on dé-
couvre^dans un bâtiment parlait, autant que
la nature de l'objet peut le permettre , la
même fagcfl'e , le même goût , que l'on
admire dans la flruélure intérieure & exté-
rieure du corps humain j lorfqu'il eft fans
défauts.
La nature eft donc la véritable école de
l'architede comme de tout autre artifte.
Tout corps organiié eft un édifice , cha-
que partie eft parfaitement propre à l'uiage
auquel elle eft dcftinée ; toutes ces parties
ont entr'elles la liaiion la plus intime , &
en même temps la plus commode ; l'en-
lemble a dans Ion efpece la forme extérieure
la mieux choifie , des propordons juftes,
& une exaéle fymmétrie des parties : le luftre
& la diftribution des couleurs en font un
tout agréable. Tout bâtiment parfait doit
réunir les mêmes perledions ; on en pour-
roit donc conclure , avec quelque apparence
de raifon , que l'invention & le génie font
des qualités plus nécelîaires encore à l'ar-
chiteâe qu'au peintre ; celui-ci , par une
fimp'.e imitation fcrupuleule de la nature,
peut déjà produire un bon ouvrage ; l'au-
tre au contraire, n'imite point les auvres
de la nature , il n'en imite que l'elprit &
le génie , & ce genre d'imitatioa luppofe
autre
ARC
«utre cliofc que bons yeux. Le peintre n'in-
vente pas fcsi figures.; il les trouve dans la
■nature : l'architedc les crée.
Audi la perteâion dans l'art de bâtir
fait -elle autant d'honneur à une nation,
que les autres talens qu'on y cultive. Des
édifices mal entendus , qui , malgré leur
grandeur , n'ont ni commodité , ni régula-
rité , dans Iciquels l'ablurdiré , la difpro-
portion, la négligence , & d'autres détaurs
de cette nature régnent de tous cotés, lont
une preuve infaillible que la nation manque
elle-même de goût , de jugement & d'or-
dre. On (e Fera au conrraire l'idée la
plus aviuuageufe de la manière de penfer
d'un peuple chez lequel on verra jiilque
dans les moindres batimens & leurs plus
petites parties , une noble fimplicité , un
goût lûr , & un rapport judicieux. Elien
rapporte qu'à Thebes , le peintre qui taiioit
ndai
un mauvais taoleau , etoit condamne a une
amende pécuniaire. (-/Elianus Par. Hijh L.
ly, chap. 4. ) Il feroit plus important en-
core , dans un état policé , d'étabhr des
loix pour prévenir des tautes groilieres en
architecture. La protedion de cet art , & (on
extenfion julqu'aux moindres batimens des
particuliers , n'eft point un objet indigne
de l'attention d'un iage Légillateur. Uar-
chitcclure peut auffi bien influer lur les
mœurs , que la muhque y intluoit , au
jugement des anciens Spartiates. De milé-
rables édifices , conçus & exécutés fans
ordre & ians jugement , ou lurchargés d'or-
nemens ridicules , extravagans & monl-
tnieuv , ne peuvent que produire wcv mau-
vais effet fijr la manière de penièr d'un
peuple qui ne voit que des batimens dans ce
goût-là.
Le bon goût en archlteclure n'efl au fond
que le même goût qui'fe maniterte fi a va n-
tageulement dans les autres arts , & même
dans toute la vie civile. L'eflfet de ce bon
goût , en matière de batimens , fera qu'on
n'y appercevra rien qui ne foit réfléchi ,
intelligible , digne d'une imagination bien
réglée ; chaque partie harmonicra avec le
tout : l'air , la forme , le caradere répon-
dront à fa defîination. Nulle pièce , nul or-
nement dont , à la première vue , on ne
puilTe fe rendre railbn. La noble fimpli-
cité y fera préférée à l'excès dans les orne-
Tome III.
ARC iy7
mens; & jufque dans le moindre détail,
on remarquera dillindcment l'intelligence,
& la ibignculè induiîrie de l'architede. Ua
retrouve clairement tous ces caraderes dans
le petit nombre d'édifices qui iiiMidcnt en-
core des beaux ficelés de Varchiieclure grec-
tjue. Ce lont les ;3iodeles d'un goût épuré.
Dès qu'une nation fortie de fa première
barbarie , a le loifir d'y réfléchir , & qu'elle
commence à avoir quelques notions d'or-
dre , de commodité , de convenance , fes
premiers efforts iè tourneront naturellement
vers ïarchiceclare. Il d\ dans la nature de
l'homme de préférer l'ordre au déiordre.
L'origine de \'iircliùec?ure remonte donc
aux temps les plus reculés , & ne doit pas
être cherchée en un feul pays. Il lu'oit
également agréable & inflrudif de pouvoir
mettre ious les yeux les principaux genres
de goût en hiit A' architeccure , en raifem-
blant les deflms d'édifices confidérables chez
les diverfes nations qui ont cultivé cet art ,
ians avoir de communication entr'elles. On
en pourroit tirer bien des éclaircillemens
(ur le caradere national de ces peuples. On
retrouveroit par-tout les mêmes principes
Ians doute; mais la manière de les appliquer
leroic bien différente.
Le goût que Us Européens d'aujourd'hui
ont adopté , eff le même , au tond , qui
régnoit autretois en Grèce & en Italie. L'ar-
chiceclure, auflî peu que les autres arts ,
ne paroît point être née dans la Grèce ;
elle y avoit été apportée de l'Egypte & do
la Phénicie ; mais c'ell chez les Grecs qu'elle
atteignit à fa perledion , grâces au juge-
ment folide , & à la lenfibilicé délicate de
ces peuples. On voit encore en Egypte des
ruines d'édifices qui , lelon toutes les appa-
rences , font antérieurs aux temps hiffo-
riques. On y découvre néanmoins déjà le
goût grec ( y. les articles CORINTHIEN ,
Dorique, ) même julque dans les orne-
mens de dérail. Il n'exiffe plus rien des bati-
mens Phéniciens , Babyloniens ou Pcrians ,
de la haute antiquité. Cependant , comme
le temple de Salomon tenoit fins doute de
ra7r/z/,:ft7ur<f Phénicienne , on peut encore
affirmer de celle-ci , qu'elle relîembloit à
['architecture des Egyptiens.
C'eil donc l'Orient , & probablement
l'Afie , en deçà de l'Euphrate , qui eil U
258 ARC
pays natal de ce genre d'architecture , que la
Grèce a porté au plus haut dcgrt; d^ perfec-
tion. II paroît que cet art, lorlqu'il pafTa
chez les Grecs , étoit encore tort groflier ,
car il fublilte encore des ruines conlidé-
rables d'édifices grecs , qui remontent à des
temps bien antérieurs à celui du bon goût :
telles font les ruines de Peitum fur le golfe
de Salerne , & celles d'Agripente en Sicile.
Succelllvement cette archiceclure reçut en
Grèce & en Italie diverfcs modifications ;
c'étoient autant de nuances difFérentes qu'on
de'iigna dans la fijlte fijus le nom d'ordres.
Les Etrulqiies & les Doriens s'écartèrent
le moins de l'ancienne fimplicité & du flyle
grolUer. Les Ioniens y introduifirent un
peu plus d'agrément , & une efpece de
moUeflè. Mais , lorfqu'eniuite la Grèce de-
vint le féjoiir des beaux arts , ï'architeclure
fat plus ornée ; il y entra même du luxe ,
comme on l'obferve dans l'ordre corin-
thien. Enfin les Romains, venus plus tard ,
renchérirent encore lùr les ornemcns. V^oj.
l'article OR.DRE , {Architecliire.)
Ces cinq anciens ordres à' architecture fer-
vent encore de règle aujourd'hui , toutes
les tois qu'il eft queliion d'employer des
colonnes & des pilaftres ; & ils lont fi bien
choifis , qu'on ne fauroit guère s'écarter
des formes & des proportions que les an-
ciens leur ont données, fans rifquer de gâter
l'ouvrage. 11 n'elt plus à prélumer qu'on
puiiie inventer un nouvel ordre qui ditiere
réellement de ceux-là , & qui ioit bon.
Les Romains ont déjà épuifé , ce me fem-
ble , tous les eflais poffibles à cet égard. Ils
s'étoient propoié de taire de Rome la plu.s
belle ville du monde , par la beauté de les
édii'ices. On lit avec plaifir ce que Strabon
rapporte à ce fujet , au livre J^defa Ge'o-
^^raphie. Cependant tous ces gi'ands efforts
des plus habiles architeftes , raiiemblés de
toutes les contrées de la Grèce , n'abouti-
rent qu'i\ imaginer le feul ordre romain ,
qui n'cA que le compofé du corinthien & de
l'ionique.
A l'extinfiion de la maifon de Céfar ,
ïarchitecluie romaine commença à décli-
ner. On s'éloigna inienfiblement de la belle
^iimpliclté des Grecs : on prodigua les or-
fiemens. Les édifices prirent le caraflere
des mau.irs qui rognent dans toutes les
ARC
cours defpotiqiies. Une pompe éblouiflantc
remplaça la véritable grandeur.
11 iubiHte encore divers morceaux d'ar-
chitec/ure de ces temps-Iù ; tels font les
arcs de triomphe des empereurs Sévère ,
Marc-Aurele &. Conlhmtin , & fur-tout les
thermes de Dioclétien. A mefure que la
majefté de l'empire le dégradoit , Yarclii~
teclure dégénéroit de même. Les Romains
la tranfportercnt A Conilantinople , où elle
s'efi: foutenue pendant plulieurs fiecles dans
un état de médiocrité. En Itahe , on né-
gligea de plus en plus les belles propor-
tions; elles s'y perdirent enfin totalement.
Après la chute de Fempire d'occident , les
Goths , les Lombards & enfuite les Sarra-
zins , ayant aftcrmi leurs conquêtes , en-
treprirent de vaftes édifices , dans Icfquels
on ne vit plus que de foibles vefi'iges de l'an-
cien bon goût. On avoit perdu de vue pref-
que toutes les règles du vrai beau ; on s'ef-
força d'y lublVituer \i peiné , le maniéré ,
le fingulier , & en quelque façon le
monftrueux.
C'elt au milieu de ces temps, où la bar-
barie régnolt , que la pliiparr des villes
d'Allemagne , & des temples en occident ,
furent confcruits: ils portent encore de nos
jours l'empreinte d'un goût qui bravoit
toutes les règles. Ces batimens étonnent
par leur grandeur , par l'abus exceilit des
ornemens, & par l'oubh total des propor-
tions. On y trouve néanmoins de loin en
loin quelques traces de l'ancien goût. L'éghfc
de Saint Marc à Venife , bâcie dans les
années dès 977 jufqu'à 107 1 , con-
tient encore des veftiges de la vraie magnifi-
cence &: des belles proportions ; & l'églife
de Santa-Maria-ForiTiolà dans la même ville,
conflruite par l'architcfie Paulo Barberta ,
en I350,efi prefque entièrement dans le
goil'it antique.
Divers édifices confidérables du bas âge,
qui exiiîcnt encore dans plufieurs villes
d'Italie , feniblent prouver alîcz clairement
que le bon goût en architeclwre , ne s'efl
jamaisentiérement éreint. On poia en 1013 ,
à Florence, les loadcinens du temple de
Saint- Amiat ; cet édifice efl d'un goût pal-
fible. La carliédralede Pile fut commencée
l'an 1016. L'architecte étoit un Grec de
Dulichium; ks Italiens le nomment Buf-
ARC
eheto. Comme les Plfans faifoient en ce
temps-là un grand commerce au levant ,
ils firent tranfporter de Grèce des colon-
nes de marbre tirées des monumens anti-
ques , pour les employer à cet édifice. Ils
appellerent auili de la Grèce des peintres &
> des fculpreurs. Vers ce temps-lA , on com-
mença aufli i"i b'itir à Rome , à Bologne
& à Florence La belle ciiapelle de mar-
bre , dans réglilè de Sainte Marie Majeure
ï Rome, fut biltie vers l'an Ili6, par un
certain Marcbione qui étoit i\ la fois fculp-
teur & archicede.
L'un des plus grands arcliiteâesdu bas-
âge, fiic un allemand no'nmé Maitre-Jj.c-
ques : il s'établit à Florence , oi\ ilbâtitle
grand couvent des Francifcains ; fon fils ,
que les Italiens nomment Arnolfo Lapo ,
confîruifit , dans la même ville , l'églil'e de
la Silnte-Croix , & donna les plans du
magnifique temple de Santa-Maria de Fiori ;
il mourut l'an 1200.
Cependant ces .petits reftes du bon goût
ne s'étendirent point encore au delà de
l'Italie. Dans tous ces vafles batimcns qu'on
élevoit alors aux Pays-Bas , monumens de
l'opulence qui y régnoit , on ne voit qu'un
travail infini fans goût. On en geut dire
autant de la cathédrale de Strasbourg ,
l'un des plus étonnans édifices qui aient ja-
mais été entrepris ; c'cft un ouvrage du
treizième fiecle , dont l'architeâe fe nom-
moit Erwin de Steinbach.
Mais au quinzième fiecle ^architecture
commença à renaître de fes ruines. Les vil-
les dévailées par les troubles qui avoient
agité l'Europe, le rétablirent, la tranquil-
lité permit d'entreprendre de nombreux bâ-
timens , & d'y mettre du goût. On confi-
déra avec plus d'attention les mouvemcns
de l'antiquité ; on en prit les dimenfions. Un
certain Scr Brunelelchi , qui vivoit au com-
mencement de ce quinzième fiecle , fut
l'un des premiers qui prit la peine de par-
courir dans Rome Içs anciennes ruines ,
l'échelle & le compas à la main. Dès-lors ,
l'attention pour ces beaux modèles alla
toujours en augmentant , jufqu'à ce que ,
vers la fin du quinzième fiecle , & au com-
mencement du feizieme , Alberti, Serlio ,
Palladio , Michel-Ange , Vignole , & d'au-
tres grands architeâes s'occupèrent, avec
ARC 15^
un foin infatigable , à découvrir toutes
les règles qu'avoient fuivi les anciens ,
pour donner â leurs édifices la beauté qui
les diflingue : c'eft ainfi que \ archiceclure
renaquit.
Elle ne reparut pas néanmoins dans foii
ancienne pureté ; on avoit compris dans les
modèles qu'on confuira , les raouvemenî
pollérieurs de Rome ancienne , & fur-tout
les thermes de Dioclérien > qui n'étoient
pas exempts de défauts. Palladio & Michel-
Ange , les deux plus grands architectes ,
mirent eux-mêmes au nombre des règles
qu'ils adoptèrent , les délauts que la déca-
dence du goût fous les empereurs , avoir
inlenfiblcment introduits ; & l'autorité de
ces deux grands hommes leur a donné un
poids qui les fait encore refpeâer aujour-
d'hui. Cependant le bon goût fe répandit
fucceflivement de l'Italie dans le refie de
l'Europe. De la Ruffie jufqu'en Portugal ,
& de Stockolm à Rome , on voit au-
jourd'hui , quoique feulement de loin ea
loin , des édifices qui , à la vérité , ne font
pas fans défaut , mais qui , à les confidé-
rer en gros , font conflruits avec goùr.
Mais ces ouvrages font en trop petit nom-
bre pour qu'on puiffc affirmer que la bonne
architeaure ioit généralement reçue en Eu-
rope. Il n'y a encore que trop de villes
confidérables , où l'on en apperçoit à peine
quelque vertige. Il ne manque néanmoins
aux architedes modernes , pour acquérir
le bon goût des anciens , qu'à étudier avec
une attention réfléchie , les plans & les del-
fins des monumens antiques de la Grèce
& de Rome. On en a des recueils afTez
complets , & qui font répandus dans tous
les pays.
Nous allons terminer cet article par
quelques réflexions fur la théorie de Var-
chiuclure.
L'ufage auquel chaque bâtiment ert def^
tiné , donne prefque toujours à l'architeâc
l'étendue de l'édifice & le nombre des
pièces , pourvu qu'il ait le jugement allez
fain pour diftinguer ce qui , dans chaque
c^s , convient aux temps , aux circonf^
tances & aux perfonnes. C'eft à lui cnfuite
à faire la diflribution Ats pièces , & le
plan de l'cnfemble. C'eft dans ce travail qu'il
a befoin d'être dirigé par certains princi-
Kk 2
a^o ARC
pes, pour ne point fe trompei* dans fon
jugement fiar le beau & l'agréable. Il lui
faut en outre certains principes d'expérien-
ce , qui lui taiîenr connoître le beau , dans
tous les cas où les régies fondamentales ne
le déterminent pas avec allez de précilion.
De - là réfulte la théorie de V architeBiire :
il y a d'abord certaines règles dont l'ob-
fervation eft indiipenfable dans toute ci-
pece d'édifice , & dans chacune de fes par-
ties, fous peine de tomber dans des déti\uts
qui choquent & qui révoltent ; nous les
nommerons des règles ne'cejfaires. Il y en
a d'autres qu'on peut négliger , lans qu'il
en réiulte aucun délaut dans l'ouvrage ,
mais auffi il manquera totalement de
beauté.
Nous nommerons ces dernières des règles
accejjohes : la théorie doit déterminer avant
toutes chofes les règles de la première el-
pece : elles iè réduifcnt à la jultelîe , à la
régularité, à la liaiion, à l'ordre, à l'uni-
formité & À la proportion ; car les attri-
buts déiignés par ces termes (ont tellement
cfientiels aux bâtimensde toute eipece , que
le moindre déîaut à cet égard choqueroitun
ccil actcntit.
Mais un édifice où l'on aura évité tout ce
qui pourroit choquer , peut encore n'être
point un bel édifice ; pour qu'il devienne
tel , il ne luifit pas que l'oeil n'y apperçoive
rien de choquant, il faut de plus que l'e-
fiifice puiife lui plaire. Cette condition iu[)-
pole d'abord qu'on y ait obler\ c unee':aéte
réunion de la pluralité avec l'un fé. {V^oye^
l'an. Beau ; ) c'ell ce qu'on obtient par
la variété des parties , le nombre & la juf-
tefle de leurs proportions. La. théorie doit
donc enleigner l'art d'arranger l'eniemblc
d'un bâtiment , en combinant tliveries pie-
ces qui aient entr' elles une juile harmonie &
de belles proportions. Les auteurs qui ont
traité de Wirchiteaure , n'ont pas été affez
attentifs à diilinguer ces deux efpeces de
règles ; & ce manque de préciiîon a rei-
ierré ï architeâure dans des bornes trop
étroites.
La plupart des architeftes parlent des
proportions des colonnes , & des ornemens
dans cliaque ordre , de manicie à faire pen-
1èr . que toutes Icj règles t^u'on en donne
font d'une précilion & d'une nécelHié ab-
ARC
folues. Ils envifagent les écarts de ces rè-
gles comme Aes défauts efientiels , tandis
que fouvent ces écarts ou ne produil'enc
point de mauvais eiîets , ou même en pro-
duilent un bon. Ce feroit, au jugement
d'un grand nombre d'architectes , une faute
impardonnable, que d'employer dans l'or-
dre ionique ou dans le corinthien , les or-
neniens que Vaichueffure greque donnoit
à la frile d'une colonne dorique. Pluheurs
pouilent le fcrupule fi loin , qu'ils ne per-
mettent pas qu'on s'écarte dans les moin-
dres minutes des règles prefcrites. Vitruve ,
par exemple , veut que dans la triie dori-
que , la largeur du triglyphc foit égale^
aux deux tiers de fa hauteur , & que les
métopes aient ces deux dimenfions égales,
r.'lallieur à l'architede qui s'aviferoit de
rcnverier ces proportions de Vitruve j,
eût -il railemble dans fon bâtiment tous
les genres de beauté , fes contreres l'ac-
cuferoient d'avoir commis une faute irré-
rriilîible.
C'eil-lA un préjugé qui rétrécit trop le
goût ; il n'y a de règle fixe & in^'ariable,
que celle- dont la violation air.cne un dé-
faut qui blefle nécetlairement la vue , &
qui répugne à la manière de penfer & da
ientir commune & narurelic à tous les
hommes. Des règles de cette nature font
inaltérables , il n'eil point permis de s'ea
dJlf>cnfer : mais comme il n'y a point de rai-
fon necefiliire pourquoi dans un tel ordre ^
la frife doit avoir des triglyphcs , & dans
ha autres ordres, d'autres ornemens; ou
pourquoi l'on donne au chapiteau corin-
thien , trois rangs de feuilles plutôt que
deux, il ,ic faut pas non plus convertir ces
beautés ac<"ideiitelles en règles neceflaires.
Il n'cil pij>;rrant que trop commun de par-
donner plus tacilement i\ l'architede uti
fronton brllé , quoiqu'il choque la nature,
qu'un triglyphe qui s'écarte des dimenfions
de Vitruve , bien qu'il n'en loit fouvent que
plus beau.
Les règles nécefiaircs font fondées fur la
nature de nos conceptions. Les règles acci-
dentelles ne font que le réiultat du coup-d'œii
& du leniiment, dont on ne lauroit aiiîgner
les limites préciies. vJn lait par une longue
expérience que les architcdes Grecs avoient
le coup-d'ocil très-fui ; que kur.s propor?-
ARC
lions plaifcnt , que leurs ornemens font gra-
cieux ; mais pcrionne ne liuiroit ck'montrer
que ce l'oient les leuLs qu'on doive adopter.
Nous (avons que plulicurs de ces orno-
rnens font purement accidentels , & qu'on
peut fouvcnt en fubflituer de plus agréables.
S'ailreindre fi Icrupuleulement aux règles
des anciens , ce lêroit décider qu'il ne peut
y avoir en femmes A: belle figure , que celle
qui refîembleroit en tout poijit à la Vénus
de Médicis ; ni de bel homme qui n'eût
toutes les proportions d'Apollon du
Belvédcre.
Nous confeillons donc à ceux qui veu-
lent écrire fur la théorie de l'architecture ,
de bien développer, avant toute choie,
les règles nécef'.aires, & d'en piefcrire ri-
goureufement robfervation ; puilqu'il n'eft
permis de s'en écarter en aucun cas. (^uant
aux règles accidemclies , ils peuvent les
prendre des meilleurs modèles de l'anti-
quité , deVitruve, & des architedes mo-
dernes les plus eilimés ; en avcrtifîànt néan-
moins que l'obfervation krupuleufe de ces
règles n'eft point d'une nécellité abiolue.
On ne doit les confidérer que comme des
limites à-peu-près exaftes , qu'on ne fau-
roit excéder de beaucoup lans tomber dans
des écarts dangereux. 11 ei\ très-bon que
les archireéles médiocres , qui manquent de
goût & d'un coup d'œil jufle , s'aflreignent
à fuivre ponduellem.cnt ces règles. Mais,
avec un goût plus (ûr , & un coup-d'œil
plus fin , on peut fouvent s'en écarter ians
inconvénient.
Un des meilleurs guides que l'on puKTe
fuivre à l'égard de ces règles accidentelles ,
c'eft Goldman ; peu d'architedes ont traité
de cet art avec autant de fagacité & de
réflexion qu'il l'a fait.
L'application des règles générales , tant
néceflà'î-ei qu'accidentelles , roule fur les
tros objets principaux que nous allons in-
diquer ; i". fur l'ordonnance générale du
tàrimcnt , c'eir- à-dire , fit torme & fa fi-
gure ; 2°. fur (.' diilribution intérieure ; 3^.
lur la décoration des parties : ainfi la théorie
compiere de V architecture embrafle les fept
articles fuivans : 1°. àts recherches gi ncra-
les fur la pcrt'eâion & la beauté des édi-
fices'; 2°. les règles de Tc^donnance; 3°.
ks re^jles de la diftribuiion ; 4°. des rcile-
A R C i^Ti
xions & des règles fur la beauté des faça-
des ; î°. la defcription des divers ordres
d^ architecture , avec les confidérations qui
y font relatives ; 6". des ornemens conve-
nables aux petites parties ; 7". des décora-
tions de l'intérieur. Nous pallons ious filcnce
ce qui concerne la méchanique de l'art. ( Cet
article efi tue de la Tiu'orie générale des
beaux arts de M. Sui.ZER.)
ARCHI-THRESORIER, fub.^m. {Hijî.
mod. ) ou grand thréforier de l'Empiie ,
dignité dont eft rcvctu l'éledeur Palatin.
Cette dignité fut créée avec le huitième
éleftorat , en taveur du prince Palatin du
Rh.in : mais Frédéric V ayant été dépo!-
fédé de ion éledorat par l'empereur Fer-
dinand II, après la bataille de Prague, la
charge lut donnée à l'élccleur de Bavicre :
m'.;is elle a été rendue à la maiion Pala-
tine , loriqu'elle eil rentrée en pofîeifion
d'une partie de fes états par le traité de
Weflphalie. Au commenceinentde ce fiecle,
l'einpereur Joleph ayant mis l'éledeur de
Bavière nu ban de l'Empire, le priva de
fon éledorat & de fa charge de grand-
maître d'hôtel , qu'il donna à l'éledeur
Palatin, revêtit de celle de grand tré-
iorier l'éledeur d'Hanovre , qui fonde d'ail-
leurs Ion droit à cette charge lia- ce qu'il
defcend de Frédéric V. Mais la mailbn;
de Bavière ayant été rétablie dans les états
& dans fes droits , le Palatin contefie à.
l'éledeur d'Hanovre le titre de grand thré-
forier, d'autant plus que ceîui-ci ne le
tient qu'en vertu d'une difpolition parti-
culière de l'empereur Joleph , qui n'eft
point confirmée par la décifion du corps
germanique. Quoi qu'il en foitde ces droits ,'
une des principales fondions de l'archi-
thréforier de l'Empire, le jour du cou-
ronnement de l'empereur , eft de monter
à cheval-, & de répandre des pièces d'or
& d'argent au peuple dans la place publi-
que. Heifs , hi^. de l'Empire. (G)
* ARCHITIS, {Myth.) on adoroit Vé-
nus au mont Liban ious ce nom ; elle y
éioit repréfentée dans l'afflidion que hii
caille la nouvelle de la ble.'iii'x d'Adonis,
la tête appuyée lur la main gauche, &
couverte d'un voile, de deflbus lequel on
croyoit voir couler les larmes.
ARCHITRAVE , i'ub. f. {Architeclure.)
1^1 ARC
du grec «PJc^f, principal , & du latin trahs ,
une poutre ; on le nomme aufll épiftyle ,
du latin epiftylium , fait du grec i^l , fur y
& çi)h(jf , colonne. Sous ce nom on entend
la principale poutre ou poitrail qui porte
horizontalement fur des colonnes , & qui
fait une des trois parties d'un entable-
ment. Koj/q Entablement. Comme les
anciens donnoient peu d'efpace à leur en-
tre-colonne, leur architrdt-'e étoit d'une
feule pièce qu'ils nommoient/yz/Z/TZii?''. Nos
architedes modernes , qui ont mis en ufage
les colonnes accouplées, ont donné plus
d'efpace A leurs grands entre-colonnemens ,
& ont fait leur architrave de plufieurs cla-
veaux , tels qu'on le remarque aux grands
& petits entre-colonnemens du périfK-le du
Louvre, au Val -de- grâce , aux Invali-
des , Ùc.
Les architraves font ornées de moulu-
res nomrnées plates-bandes , parce qu'elles
ont peu de faillie les unes iur les autres.
Ces plates -bandes doivent être en plus
ou moins grande quantité , félon que ces
architraves appartiennent à des ordres ruf-
tique , folide , moyen ou délicat. Voye\
Ordre.
Il eft des architraves mutilées , c'ell-A-
dire dont les moulures font arafées ou re-
tranchées , pour recevoir une infcription ,
tel qu'on le remarque au périftyle de la
Sorbonne du côté de la cour. Cette licence
eft vicieufe , ces infcriptions pouvant être
mifes dans la frife , qui doit toujours être
lifTe. Voyei FrISE.
Il eft aulÙ des architraves qu'on nomme
coup'es , parce qu'elles font interrompues
dans l'efpace de quelque entre-pilaftrc
( Foye^ Pilastre), afin de laifTer monter
les croifées julque dans la frile , tel qu'on
peut le remarquer à la face des Thiiile-
ries , dans les ailes qui iont décorées de
pilaftres d'ordre compoiite. Mais cette pra-
tique eft tout-à-fait contraire aux principes
<îe la bonne architecture , & ne doit être
iiiivie par aucun architeile , malgré le nom-
bre prodigieux d'exemples qu'on remarque
de cette licence dans la plupart de nos
édifices. (P)
Architrave , f f. épiflile- c'efi , en
marine , une pièce de bois mile fur des
«olonnes au lieu d'arcades , qui eft la pre-
ARC
miere & la principale ,' & qui foutient lesr
autres. Au deflous de la plus baffe frife de
l'arcalTe qui fert de bafe aux termes , il y
a une architrave qui , dans un vaiilèau de
134 P'és de longueur de l'étrave à l'étam-
bord , doit avoir deux pies de largeur &
quatre pouces & demi d'épaifleur. Vcye\
aux figures de Marine , FI. V y fig. i ,
l'architrave marquée G. G. { Z )
^ ARCHIVES , f f. ( Htfi. mod. ) fe dit
d'anciens titres ou chartes qui contiennent
les droits , prétentions , privilèges & pré-
rogatives d'une maifon , d'une ville , d'un
royaume : il fc dit aulFi d'un lieu où l'on
garde ces titres ou chartes. Ce mot vient
du latin arca , coitre , ou au grec it^X' ^ '■ 1
dont Suidas fe fert pour figniner la même
chofe ; on trouve dans quelques auteurs
Latins , archarium. On dit les archives d'un
collège , d'un monaftere. Les archives des
Romains étoient confervées dans le temple
de Saturne , & celles de France le iont
dans la chambre des comptes. Dans le Code
on trouve qu'archivum publicum vel arma~
rium f étoit le lieu ubi a3a & libn expone-
bantur. Cod. de fid. injlrum. auth. ad ha:c
XXX, quxll j. {H)
ARCHI- VIOLE DE LYRE, {Luth,
mufiq. ) inftrument à cordes uCté ci-devant
en Italie , & qui étoit femblable , par fa
ftruâure & par ion jeu , à la baffe de viole ,
excepté fon manche qui étoit beaucoup
plus large à caufe de la quantité des cor-
des : car quelques-uns en mettoient douze ,
& d'autres julqu';\ feize. Comme cet
inflrument avoit beaucoup de cordes ,
l'on pouvou prendre des accords com-
plets. Il avoit deux cordes au grave , qui
débordoient le manche , & qui par con-
féquent ne pouvoient donner chacune qu'un
ton. {F D C.)
'^ARCHI-VIOLE, f f {Luth. & Mufiq.)
efpece de clavecin qui n'eft prefque d'aucun
ulagc , auquel on a adapte un jeu de
vielle , qu'on accorde avec le clavecin , &
qu'on fait aller par le moyen d'une roue
éc d'une manivelle.
ARCHIVISTE , f m. garde des archi-
ves. Voye\ Archives.
ARCHI-VOLEUR , f m. {Hift^. anc.)
chef ou capitaine de filous. Si l'on en
croit Diodore de Sicile , les voleurs égyp-
ARC
tiens obfervoicnt cette coutume : ils fc
faifoient infcrirc par le chef de leur bnn.de ,
en promettant de lui apporter fur le
champ, & avec la plus exaâe fidéliré , ce
qu'ils auroicnt dérobé, afin que quiconque
auroir perdu quelque choie , pût en écrire
à ce capitaine , en lui marquant le lieu ,
l'heure & le jour auquel il avoit perdu ce
qu'il cherchoit , qui lui étoit reilitué , à
condition d'abandonner au voleur , pour
(?. peine, la quatrième partie de la choie
qu'on rtdcm-.indoit. { G)
ARCHIVOLTE , l'. m. du latin anus
vohuus , arc contourné. Sous ce nom l'on
entend le bandeau ou chambranle ( l'oye^
Chambranle ) qui règne autour d'une
arcade de plein cintre , & qui vient fe termi-
ner llir les importes. Voye^ IMPOSTE. Les
moulures de ces archivoltes imitent celles
des architraves , èc doivent être ornées à
raifon de la richefie ou de la fimpiicité
des ordres. On appelle an-hirolte retourne,
celui qui retourne horizontalement fur
l'importe, comme au château de Clagny ,
& à celui de Val proche Saint-Germain-
en-Laje ; mais cette manière ert pelante ,
& ne doit convenir que dans une ordon-
nance d'architedure rulhque. On appelle
archivolte rufiique , celui dont les moulures
font fort fimplcs , & font interrompues
par des boflages unis ou vermiculés. l^oye^
Bossage.
*ARCHO ( LES ) , Géograph. trois pe-
tites îles de l'Archipel, au fud fud-eft de
Pathmos , & au iud fjd-ouert de Samos.
ARCHONTES , f. m. pi. ( Hijl anc. )
niagirtrats , préteurs ou gouverneurs de
l'ancienne Athènes. Ce nom vient du grec
aer.v.' au pluriel aixa/ra , commanddns OU
princes. Ils étoient au nombre de neuf ,
dont le premier étoit l'archonte , qui don-
noir fon nom à l'année de fon adminiflra-
tion ; le fécond i'e nommoit le roi; le
rroilicme, le polémarque ou généralifîlme,
a\ ec fix thefmothetes. Ces magiftrats , élus
par le fcrutin des fèves , éroicnt obligés de
taire preuve devant leur tribu , comme
ils étoient iflus , du côté paternel & ma-
ternel , de trois afcendans citoyens d'A-
thènes. Ils dévoient prouver de même leur
attachement au culte d'Apollon , protedeur
de la patrie , & qu'ils avoient dans leur
ARC 2^3
maifon un autel confacré à Jupiter ; & ,
par leur refpe,.t pour leurs parens, faire
eipértr qu'ils en auroicnt pc)ur leur patrie.
Il talloit aufli qu'ils euUent rempli le temps
du fervice que chaque citoyen devoit ^
la république; ce qui donnoir des officiers
bien préparés , puiiqu'on n'étoit licencié
3u'à 40 ans : leur tortune même, dont ils
evoient inftruire ceux qui étoient prépofés
à cette enquête , fervoit de garant de '"ur
fidélité. Après que les commilîaires nom-
més pour cet examen , en avoient tait !- r
rapport , les archontes prêtoient ferment
de maintenir les loix , & s'engageoient , en
cas de contravention de leur part , à en-
voyer à Delphes une ftatue du poids de
leur corps. Suivant une loi de Solon , fi
V archonte fe trouvoit pris de vin, il étoir
condam.né à une forte amende, & même
puni de mort. De tels officiers rnéritoicat
d'être refpeâés : auffi étoit-ce un crime
d'état que de les inlulter. L'information
pour le lecond officier de ce tribunal , qui
étoit nommé le roi , devoit porter qu'il
avoit époufé une vierge , & fille d'un
citoyen, parce que , dit Démollhenes, ces
deux qualités étoient néceflaiies pour ren-
dre agréables aux dieux les iacrifices que
ce magiftrat fie fon époufc étoient obligés
d'offrir au nom de toute la république.
L'examen de la vie privée des archontes
étoit très-iévere, & d'autant plus néceiîaire,
qu'au lortir de leur exercice, & après avoir
rendu compte de leur adminiftration , ils
entroient de droit dans l'Aréopage.
Ceci regarde principalement les archontes
décennaux , car cette lorte de magirtrature
eut ï(:s révolutions. D'abord dans Athènes
les archontes fuccéderent aux rois , & fu-
rent perpétuels. Medon tut le premier , l'an
du monde 29^9, & eut douze fucceilèurs
de la race, auxquels on fubrtitua les ar~
chontes décennaux , qui ne durèrent que
70 ans , &: qui turent remplacés par des
archontes annuels. Le premier de ces ma-
girtrats le nommoit proprement archonte ;
on y ajoutoit l'épithete ^e'ponyme , parce
que dans l'année de ton adminiftration tou-
tes les affiures importantes fe pafl()ient en
Ion nom. Il avoit foin des chofes facrées ,
préhdoit à une eipece de chambre ecclé-
iiartique où l'on décidoit de tous les démê-
1^4 ARC
les des époux , des percs & des cnf;ins , &z
les contcilations formées fur les teftamers ,
les legs , les dots , les fuccelîlons. Il étoit
chargé particulièrement des mineurs, tu-
teurs, curateurs; en général , toutes les
affaires civiles étoient portées en première
inftance à ion tribunal. Le deuxième ar-
chonte avoit le furnom de roi ; le refte
du culte public & des cérémonies, lui étoit
confié. Sa tonclion principale étoit de pré-
fider ;\ la célébration des iètes , de termi-
ner les querelles des prêtres & des familles
lacrées , de punir les impiétés & les pro-
fanations des myrtcres. On inftruiloit en-
core devant lui quelques afîàires criminelles
& civiles , qu'il décidoit ou renvoyoit à
d'autres cours. Le polémarque veilloit auflî
à quelques pratiques de religion ; mais l'on
vrai département étoit le militaire , comme
le porte ion nom , dérivé de 'srôAî^.f , guerre ,
& d'-f/jx^ff , commander. Il étoit tout-puil-
ianr en temps de guerre , & jouiiîbit pen-
dant la paix de la même jurilHidion liir
l'étranger , que le premier archonte iur le
citoyen d'Athènes. Les iix autres, qui por-
toient le nom comjmun de thefmothetes ,
qui vient de-S-êa-z^w, loi , & dei-(6«/x/, e'tablir ,
formoient un tribunal qui jugeoit des lé-
dudions , des calomnies , de toute fauiîe
•accufation ; les différens entre l'étranger
& le citoyen , les faits de marchandiies iSc
de commerce , étoient encore de ion ref-
ibrt. Les theimothetes avoient fur- fout
l'œil à l'obfervation des lolx , & le pou-
voir de s'oppoier -à tout établiffement qui
leur paroiilôit contraire aux intérêts de la
fociété , en faifant une barrière élevée entre
les autres magiilrats & le peuple. Tel étoit
le diilriét de chaque archonte en particulier.
Le corps feul avoit droit de vie & de mort.
En récompenie de leurs fervices , ces juges
croient exempts des impôts qu'on levoit
pour l'entretien des armées , & cette im-
munité leur étoit particulière. La iiicccfllon
des archontes ïm régulière, & quelles que
•fi-irent les révolutions que l'état ibuffrit par
les faflions ou par les ui'urpateurs , on en
revint toujours ;\ cette iorme de gouverne-
ment , qui dura dans Athènes tant qu'il
y eut un refte de liberté & de vie.
Sous les empereurs romains pkiiîeurs
autres villes greques eurent pour pré-
ARC
miers magiflrats deux archontes , qui avoient
les mièmes tondions que les duumvirs dans
les colonies 5; les villes municipales. Quel-
ques ;: tireurs du bas empire donnent le nom
d'urchontss .V divers officiers , ioit laïques ,
foit ecciélialhques ; qmelquetois aux évê-
ques , & plus fouvent aux feigneurs de la
cour des empereurs de Conllantinople.
Ainli archonte des archontes , ou grand ar'
chonte , fignihe la première perionne de
l'état après l'empereur ; archonte des églifes ,
archonte de l'évangile , un archevêque, un
évêque ; archonte des murailles , le fur-in-
tendant des fortifications , èc ainii des au-
tres. T^ojei Ar.éOPAG£.
ARCHONTIQUES,adj. ( Theol. ) mot
formé du grec af^a- , au plurier «fxwi'Ttif ,
principautés ou hiérarchies d'anges. On
donna ce nom à une iede d hérétiques qui
parurent iiir la fin du n^ iiecle , parce
qu'ils attribuoient la création du monde ,
non pas à Dieu , mais à diverfes puilfjnces
ou principautés , c'eif-A-dire , à des iubl-
tances intelleéiuelles iuhordonnées à Dieu ,
& qu'ils appelloient archontes. Ils rej^toient
le baptême & les iaints myileres , dont ils
faii'oient auteur Sabahot , qui étoit , ielon
eux , une des principautés intérieures. A
les entendre , la iemme étoit l'ouvrage de
iatan , & l'ame devoir rcituiciter avec le
corps. On les regarde comme une bran-
che de la i'eéle des Vaîentiniens. voye'^
Valentiniens & Gnostiques. (G)
ARCHURE , f f. f Charp. ) nom de
plufieurs pièces de charpente ou de me-
nuiierie , placées devant les meules d'un
moulin.
ARCILACIS , (Ge'ogr. ) nom de deux
anciennes villes dElpagne , l'une dans la Bé-
tique , &: l'autre dans le territoire des
Bailitans. Ptoloméc eil le ieul qui en ait
parlé. ( C. A. )
ARCILiERES, f. f. terme de ririere ,
pièces de bois cintrées &: tournantes , (er-
vant à la conilrudion d'un bateau ioncet.
ARCIROESSA , ( Ge'ogr. ) nom d'une
ancienne ville d'Afie , iur le Pont-Euxin
ou mer Noire. Etienne le géographe dit
qu'elle étoit tributaire d'Héraclée : on loup-
çonne que ce pourroit bien être aujour-
d'hui Elchiiumuni , dans le pays d'A-
ballâ. ( C. A. )
ARCISSA
ARC
AnCISSA ou ARSISSA, (G%/-.)
grarn.1 iac d'Afio dans l'Armcnie majeu-
re , au ilid-elt du Pont-Euxin ; on l'ap-
pelle aujourd'hui mer de V^n ou S' Acra-
mar. [C.A.)
' ARCIS-SUR-AUBE , (Gcog.) ville
de France en Champagne, iur l'Aube. Lonc,.
zi ,4^; Idt. 48 , ^o.
ARCITENENS, nom latin delà conf-
tellation ^u Sagittaire. yoje:[ SAGIT-
TAIRE. ( O)
* AIUIK , lac d'EcofTe dans la province
de Loqucbar , près de celle de Murmii.
ARCREL ( Terre d' ) , contrée du
Brahant-Eipagnol , dont la ville de Licre
ou Lire clt le lieu principal.
* ARCLO ou ARECLO , ville d'Irlande
dans la Lagcnie à l'embouchure de la ri-
vière de Doro.
ARCO (L'),f. m. terme de fonderie ;
ce font des parties de cuivre répandues
dans les cendres d'une fonderie , & qu'on
retire en critilant ces cendres , & en les
failant paflèr flicceilîvemcnt par difïerens
tamis, royeil'article CALAMINE.
ARCO , Archet , {Mufique.) Ces mots
Italiens cc/2 farco , marquent qu'après avoir
pincé les cordes il faut reprendre ï archet
•à l'endroit où ils font écrits. {S)
* ARCO, [Géog.) ville d'Italie dans
le Trcntin , proche la rivière Sarca , un
peu au nord de l'extrcmiré feptentrionale
dulac«leGarde.Zo/2j:r. z8, z^-^Iat./}.^,^?..
ARCOB , {G e'ogr.) ancienne ville de la
Paleltine , dans une contrée du même nom :
elle dépendoit de la tribu de Manallc.
{A.C.)
ARCOBRIGA, (Gfb^^r. ) nom de deux
anciennes vilies d'El'pagnc , l'une dans la
Luiitanie , que l'on prend aujourd'hui pour
Arcos de Valden , & l'autre au pays des
Celtibériens , que l'on croit être la même
qu'Arcos dans la vieille Cailille : Prolomée
en a fait mention. 11 y a eu encore une
ville de ce nom dans le rox'aume de Sc-
viile ; c'cft aujourd'hui Arcos de la Fron^
tera.
ARCOL , (Geogr. ) ville de la CaHille
vieille , Iur la rivière Xalon.
ArlÇON , f. m. (Manège.) e{\ une ef-
pece d'arc compolé de deux pièces de bois ,
qui fouficnnent une felle cle cheval , & lui
Tome III.
ARC iS^
donnent fà forme. Il y a un arçon de devant
&; un arçon de derrière.
Les parties de l'arçon font le pommeau ,
qui ell une petite poignée de cuivre élevée
au devant delà icile ; le garrot, petite ar-
cade un peu élevée au dclTus du garrot du
cheval ; les mammelles , qui (ont l'endroit
où aboutit le garrot; & les pointes qui
forment le bas de Varçon. On y ajoutolt
autrefois des morceaux de licge , fur lef-
qucls on chauffoitles battes. K. GARE.OT ,
MammïTlles, Pointe, Batte, ùc.
Il y a des arçons mobiles pour les fellcs
A tous chevaux , qui changent l'ouverture
de la felle. Uarçon de derrière porte fur
le troufllquin. ?-'oj'f:j TrouSSEQUIN. Les
arçons font nervés , c'efl-à-dire , couverts
de nerfs battus & réduits en filafTe , puis
collés tout autour des arçons pour les ren-
dre plus forts. On les bande eniuitc avec
des bandes de fer qui les tiennent en état.v
Au deflous des arçons on cloue les contre—
fànglots , pour tenir les fanglcs en état. ï'.
Contre-sanglot, Sanglot, &c.
Les pidolets d'arçon iont ceux qu'on
porte ordinairement à Yarçon de la (elle.-
Perdre les arçons , vuider les arçons , fer-
me fur les arçons.
Arçons à corps, fervoient autrefois aux
gendarmes. Le troulTequin leur alloit jus-
qu'au milieu du corps. ( J^)
Arçon , outil de chapelier , avec lequel
ils divilènt & féparcnt le poil ou la laine
dont les chapeaux doivent cire fabriqués.
h'arçon refiemble par fa forme à un
archet de violon ; il clt long de fix à fept
pies ; & il a une corde de boyau, bien ban-
dée , qui , étant tirée & agitée avec la main .
par le moyen d'un périt morceau de bois
qu'on nomme coche ou bobine , de huit à
diX pouces de long , mais dont le milieu
efl fort enflé pour donner plus de priiè ,
pour la tenir de la main droite quaad on
veut arçonner , fait voler la matière fur
une claie.
Cet arçon cfl compcfc d'un bâton cy-
li.'driquc qu'on appelle perche, & quia
!'ept à huit pies de longueur ; A l'un de lès
bouts cfl fi\-ée à tenon & mortaifè une
petite planche de bois chantournée , qu'en
appelle bec decc'bin\ flir fon épaificur ïl
y a une petite rainure , dans îaquclle'fe loge
1^5 ARC
h corde de boyau, qui , aprcs avoir pafle
dans une fente pratiquée du côté de la
petite planche, va s'entortiUer & fe fixer
il des chevilles de bois , qui font placées au
côté de la perche, diamétralement oppolé
au bec de corbin ; à l'autre bout de la
perche eft de même fixée à tenon & mor-
laiib une planche de bois qu'on appelle pJ/J-
neaii; on évide cette planche dans ion irii-
lieu pour la rendre plus légère ; on laiife
Tes extrémités plus épaifles , & on la met
dans le même plan que le bec decofbin. L'é-
paifieur qui eil: du côté de la perche , fait
qu'elle s'y applique plus fortement ; celle
qui eft pratiquée de l'autre côté fert à re-
cevoir le cuiret f qui eil un morceau de
peau de caflor que l'on tend fur l'extré-
aiité du boVd du panneau ; ce cuiret lert
d couvrir la chanterelle , & à empêcher que
la corde n'y touche immédiatement , au
moyen des cordes qui font attachées à fes
extrémités. Ges cordes font le tour de la
perche , &: font tendues pardc petits taraux,
qui les tordent enfemble deux à deux , de
la même manière que les menuifiers ban-
dent la lame d'une fcie.
Gn attache enfuite, au moyen d'une nœud
coulant , une corde à l'extrémité de la per-
che où eft le panneau. Dès qu'elle y eft
fichée , on la fait pafiêr defTus le cuiret ,
& on la conduit dans la rainure du bec
de corbin, d'où elle revient par la fente prati-
quée à l'extrémité de la petite planche con-
tournée jufqu'aux chevilles où elle doit être
fixée & fuffifamment tendue.
Pour éloigner le cuiret du panneau , lai(-
fer un vuide entr.e deux , & faire rendre
"* à la corde un fon proportionné à fa ten-
fion , on fe fert de la chanterelle qui eft
une petite pièce de bois ou cheville d'une
ligne ou envircc d'épaifleur , & qu'on ap-
Selle ainfi , parce qu'elle donne à l'accord
e l'arçon une efpece de ton mufical , com-
me d'une trompette marine. Ce fon fait
connojtre à l'ouvrier quand elle efl afTez
tendue pour ar^onner la matière.
Sur le milieu de la perche de l'arçon ,
il y a une poigne'e , c'eff-A-dire , une cour-
roie de cuir ou de toile , qui iért à entourer
(e defllis de la main gauche de l'arçonneur.
Cette courroie empêche que le poids du
ARC
panneau & du bec de corbin ne fiilTe tom-
ber la corde à boyau fur la claie , & aide
l'arçonneur à foutenir l'arçon dans fa fitua-
tion horizontale.
ARÇONNER. Voy. {Terme de Cha-
pelier) , lorsqu'on veut arçonner , on met
fur deux tretaux une claie d'ofier , dont les
doffiers font deux autres claies poiées à les
extrémités , courbées en dedans , & qui
fervent ;\ arrêter les matières qu'on arçonne
fur celle qui eft polée horizontalement ; un
côté de la claie eft appliqué contre le mur ,
& celui qui eft vis-à-vis de l'ouvrier a deux
pièces de peau qui ferment les angles que
la claie & les doûiers lalflént entr'eux ,.
qui retiennent les matières qu'on arçonne..
L'arçonneur tient de fii gauche , & le
bras tendu , la perche de l'arçon qui eft.
fufpendu horizontalement par une corde,
qui tient au plancher ; en forte que la corde
à boyau de l'arçon eft prefque dans un,
même plan horizontal que la perche. Dc;
fa main droite il tire à lui la corde à boyau ,.
qui échappe en gliflant fur la rondeur du
bouton , & va frapper , avec la iorce élaf--
■ tique que la tenfion lui donne , fur le poil
ou la laine précédemment cardée ; ce qui
divife l'étoffe & la fait paffer par petites par-
ties de la gauche à la droite de l'ouvrier ;,
cela s'appelle faire voguer. On répète cette
opération jufqu'à ce que le poil ou la laine
foient fuflifamment arçonnés , pour cela
on les raflemble fur la claie avec wn.
clayon , qui eft un quarré d'ofier qui a,
deux poignées , & dont le côté a un peu.
plus d'un pié : on s'en fei-t_ pour ramalTer.
au miheu de la claie l'étofte éparle.
Les- cardeurs , qui prennent auflî le nom
de maîtres arçonneurs , fe fervent de l'ar-
çon pour préparer les cotons & les laines,
qu'on emploie dans les robes de chambre,
couvertures & courte-pointes piquées. C'eft-
aullî au moyen de cet inftrument que les.
chapeliers forment les capades , qui font une.
certaine étend.uc de laine ou de poil qu'on. .
a formée par le movcn de l'arçon.
ARÇONNEUR ,' f. m. eft un ouvrieE-
qui fç fert de l'arçon,, ou qui , par fon
moyen , fait voler ilir une claie la laine ou
le poil , qui auparavant ont été bien car-.
dés , pour être employés .» la thapeUe?..
rie. Foyei Ap.Ç0l4,.
ARC
ARCOS , (G/ogr. ) petite ville d'Efpagr.e
clans la vieille Caflille, à deux lieues à l'eft
de Médina-Celi : elle eil au pié d'une mon-
tagne , fur le chemin de Siguenza à Sara-
goflê. On la nommoit anciennement Arco-
brigj. Long, i 5, jo,* lat. 14, t §. {C.A.)
Arcos de la Frontera, (Gfb^r.)
petite ville forte d'Elpagne dansl'Andalou-
fîe , au pays d'Agaraflb : elle eft ilir un
roc efcarpé au pié duquel coule la rivière
de Guadalctes , au nord-efl de Cadix & au
fud - ouert de Séville. Les rois d'Elpa-
gne l'érigerent en duché , il y a environ deux
cents ans , en faveur de la maifon Ponce de
Léon , lorfque celle-ci fit ceffion à la cou-
ronne de la ville & du port de Cadix. Arcos
de la Froncera fe nommoit aufll ancienne-
ment , Arcobriga. Long, tz, îO ; lac.
3S , :s5- (c.A.)
Arcos de Valdevez , ( Géàgr.) pe-
tite ville de Portugal , dans la province
d'entre Minho & Douro : elle a un dillrid:
de quarante-cinq paroiflTes , & elle eft poflé-
dée , à titre de comté , par la maifon de
Moronhan. C'efl l'ancienne Arcobriga Lu-
Jhaniana de Ptolomée. ( C. A.)
ARCS ( Les ) , Ge'ogr. petite ville de
France en Provence , dans la viguerie de
Draguignan : elle eft fur la rivière d'Ar-
gent , à deux lieues fud-ell de Draguignan ,
& à quatre à l'oucll de Fréjus. Long. 2.7 ,
41 ,• lac. 43, 2.5. (C.A.)
ARCTIQUE, adj. c'eft , en aftronomje ,
une épithete qu'on a donnée au pôle lèp-
tentrional , ou au pôle qui s'élève iur notre
horizon. Fqye;i[ NoRD , SEPTENTRION ,
POLE.
Le pôle feptentrional a été appelle pôle
arSique , du mot grec ccçKJa{ , qui fignifie
ourfe ; d'où l'on a fait le terme arclique ,
épithete qu'on a donnée au pôle feptentrio-
nal , parce que la dernière étoile fituée dans
la queue de la petite ourfe , en eft trcs-
voifme, Fbje^ OURSE.
Le cercle polaire arâique eft: un petit cer-
cle de la fphcre parallèle à l'équateur , &
éloigné du pôle arclique de 2,3d 30'. C'eft
de ce pôle qu'il prend le nom ^arclique.
Voye\ Cercle , Sphère.
Ce cercle & le cercle polaire ancarclique^
(bn oppofé , font ce qu'on nomme les cer-
cles polaires. On peut les concevoir décrits
ARC ^^7
par le mouvement des pôles de i'écliptique
autour des pôles de l'équateur ou du monde.
Depuis le cercle jufqu'au y'oIc ixrc^ique , eft
comprilè la partie de la terre appellée ^onc
froide fepcencrionale. Les obfcrvations fai-
tes en 1736 & 1737 , par l'académie des
fciences , pour déterminer la figure de la
terre , ont été faites lous le cercle polaite
arclique. Voye\ PoLE Ù POLAIRE. ( O )
ARCTOPHl'LAX, cerme d'afirono-
mie , nom d'une conftellation qu'on ap-
pelle autrement /'oorej- ou bouvier. Arclopiij'
lax fignifie gardien de l'ours : il eft dérivé
des deux mots grecs iciro', ourfe, &c luKcci'ja ,
je garde. La conftellation du bouvier eft
ainfi appellée , parce qu'elle fe troyve pro-
che de la grande & de la petite ourfe. ( O )
ARCTURUS, en grec àpinvfix, dérivé
d'jti'/.Tj , ourfe & de»'?*, queue ; cctt , en
afronomie , une étoile fixe de la première
grandeur , fituée dans la conftellation du
bouvier , très-voifine de la queue de l'ourfe.
Voyei Bouvier. Voyei aufjî Ourse &
Constellation.
Cette étoile a été fort connue des an-
ciens , comme on le voit par ce vers de
Virgile :
Arclurum, pluviafque HyadaSf geminofquc
Triones.
Il en eft aufîl parlé dans l'Ecriture en pîu-
fieurs endroits , comme on le voit par ces
pafîàges : Qui fecit arcfurum & onona &
hyadas , & inceriora aujiri. Job , c. jx, v. 9,
&: c. xxxviij , v. 31. Nunquid conjungere
valcbis micances flellas ple'iadasy aucgyrum
arcluri poceris diffipare ? ( O )
ARCTUS , «r-lof, fub. m.{Aflrono-
mie.) c'eft le nom que les Grecs ont donné
;\ deux conftellations de l'hémifphere fepten-
trional , que les Latins ont appellées urfa
major & minor , & que nous appelions liZ
pecice Ourfe & la grande Ourfe. J^oye^
Ourse (grande S>c pecice. ( O)
ARCÙATION , f. f. terme dont quel-
ques chirurgiens fe fervent pour exprimer
la courbure des os , comme il arrive
aux enfans qui fe nouent , 6'c. roye^
Rachitis. ( Y)
*ARCUDIA, {Géogr. anc. & mod.)
ville d'Afrique dans la Barbarie , royaumç
Ll z
1^8 ARC
de Tripoli , vers la frontière de celui de
Earca , ilir le golfe de Sidra. Quelques-uns
croient que c'efl l'ancien piciis PhiL-e-
dorum ou PhiLvnomm anv ; d'autres que
c'efl l'ancienne Aiuomala.
ARCUEÏL , {Géog'r.) )oli village de l'île
de France aux environs de Paris , au fud :
il exifioit dès le temps de l'empereur Ju-
lien , Çuraommé V apofl.u : ce prince y fit
conflruire le fameux aquelnc qui fut réparé
fous le règne de Loui. XIII , & au moyen
'dnqucl la bonne eau de Rongis parvient à
Paris. ( C. A. )
ARC UL/E A VES , ( Myth. ) nom
que les Romains donnoicnt à certains oifeaux
qui étoient de mauvais pn'fage y foit par
leur vol , foit par leur manière de pren-
dre la mangeaille. Ils empêchoient , di-
foit-on , qu'on ne fornnât aucune entre-
prife ; arculce aves , quia aicebant ne quid
fieret. (G)
ARC VL US , f m. ( Myth. ) nom du
dieu qui préfidoit aux colîres & cailettes , •
du nom latin arca , un cclire , & du di-
minutif arcula , caflette. Quelques-uns dé-
rivent ce nom ô'arx , citadelle , fortereffe ,
& font d'aradus le dieu tutelaire des cita-
delles. ( G )
ARCY. P^cyei Grotte.
■ *ARDACH, {Geogr.) ville épifco-
pale d'Irlande , au comré de Longlort.
Long, c,, 4^ ; l^ii- 35 > 37-
*ARDALIDES, furnom des raufes ,
pris d'Ardalus fils de Vulcain , qui honoroit
fort ces déefies.
ARDANAT , ( Geog. ) ville des Indes
orientales aux environs de l'île Diu , en
terre ferme , au-delà de l'Indus : elle pafle
pour être grande , riche & affez peuplée.
Les juifs ik les maures y font le principal
commerce : les loix du pays où elle eft fi-
-tuée n'ont d'autre manière de taire mourir
les malfaiteurs que par le poifon nommé
argenca.
*ARDASTAN o!^ ARDISTAN , ville
de la province appellée Gebal , ou Iraque
Perfiqiie.
ÀRDAVALISouHardavalis, {Mu-
Jiqiie infir. des Hébreux, Bartoloccius, dans
fil (grande bibliothèque rabbi nique, tome II,
parle de cet inllrument de muliquc d'a-
près pliifieurs rabbins , qui dil'ent qu'on. ne
AR D ,
le trouvolt point dans le fanâuaire ; cet
auteur veut que Vardai'dlis loit une orgue
h}draulique , & que ce nom m£me loit le
mot grec hydnialis corrompu , ce qui pa-
roît aifes: probable. ( F. D. C. )
ARÎ3AXANE , ( Géogr. ) c'étoit , félon
Polybe , une rivière d'IUyne dans le voi-
finage de la ville de Liii'us , aujourd'hui
AleJJîo : c'cil vraifemblablement l.i même
qui pafle près des murs de cette ville , au
midi , &: qui va fe jeter dans le goite dii
Drin. (C'A.)
ARDBRY , ( Ge'ogr.) petit port d'Afri-
que fur la Méditerranée , au ro)aume de
Barca : il eft fitué près des ruines d'une
petite ville anciennement nommée Bniorum
Littus.
* ARBE3IL , ( Geog. ) ville d'Afie dans
la Perle , dans l'Adirbeizan. Long. 6 ^ ,■ Lu.
37, SS-
*ARDÉE , {Géog. anc. & Mythol) ville
capitale des Rutules. Les foldars d'Enée y
ayant mis le teu , on publia , dit Ovide ,
qu'elle avoit été changée en héron ,oi'eau que
les Latins nommoient ardea ; c'eft tout le
fondement de cette métamorphole. Peut-
être Arde'e avoit-elle été ainii nommée du
grand nombre de hérons qu'on trouve dans
cette contrée.
*ARDEMEANACH, contrée d'Ecofiè,
dans la province de Rois; elle eil pleine de
hautes montagnes toujours couvertes de
neige.
*ARDENBOURG , ville des Pays-Bas ,
dans la Flandre HoUandoilè. Long. s.i ;
lat. 5 z , i6.
*ARBENNE, f f^( G^'og.) grande
forêt fur la Meufe , qui s'étend tort loin de--
l'occident à l'orient , & qui paffe entre Char-
lemont au nord , & Rocroi au fud.
ARDENS, adj.pl. {Hijl mod.)cûle
nom qu'on a donné à une clpece de maladie
peftilentielle , qui fit autrefois beaucoup de
ravage à Paris, & dans le royaume de France;
& c'eft de-là qu'eft venu le nom de fainte
Generiei-e des ardens , parce que cette
maladie fut , dit-on , guérie par l'intercelllon
de cette fainte.
Il y avoit A Paris, proche l'églifè métro-
politaine , une petite paroifTe fous le titre-
de fainte Geneiieve des ardens , érigée
en mémoire de ce miracle , & qu'on vient
^A R D
-de détruire pour agrandir l'hôpital des
cnfans-rroiivés. (G)
ARDENT, yoyei MiKoïK.
Ardent fe dit quelquefois d'un météore
ignée, qui reiîemble à une iampc allurnée.
K. MÉTÉORE, r. auj/li'' EU -h OLET. {())
Ardent le dit aulli, en MeJecine f 6i
de l'habitude du corps dans certaines ma-
ladies, ik de la maladie même.
Fièvre ardente , c'eil une fièvre violente
& brûlante , que l'on appelle autrement
cauftij. . Voyc\ Ti E V R E . {N)
Ardent le dit, en Marine, d'un vail-
feau qui le comporte à la mer de façon qu'il
approche adément au plus près du vent. (Z)
Ardent, {Manège. ) poil ardent , efl
celui qui tire lur la couleur du feu. Un dit :
ce chei-al cjî p^il ardent. ( V)
§ ARDEN F , adj. acce/ifus , part, d'ac-
cendo y {terme de Blafun.) le dit d un char-
bon qui paroît allumé : ce mot vient du
vieux verbe tiri//Éf, brûler.
Sandras du Metz à lUieimS, à^ argent à
trois charbons de fable , ardens de gueules.
Carbonnieres de la Barthe en Auvergne ;
d'argent à quatre cotices d'a\ur , aceôtees de
quator\e,ciiaibons de fable , ardens de gueu-
les , un en chef , un en pointe , les duu:^e
autres quatre à quatre , en ci ois raners.
{G.DL.T.) ^
*AR13Ell ou ARDRA, petit royaume
d'Afrique dans la Guinée proprement dite,
au nord du golfe de Saint-ïhumas : Ardre
ou Afftn en elt la capitale. On lit dans le
£)iJionnaire géographique de M. jde Voi-
gien, que le peujde y eil fort débauché;
qu'une femme y paife pour adultère fl elle
•accouche de deux jumeaux; qu'il n'y a ni
temple ni aflèmblées publiques de religion ,
& que l'on n'y croit ni rélurrecfion , ni
autre vie après celle-ci.
ARDES , elpece de péuinfule fur le
lac Coin en Irlande, dans ILitonie & le
comté de Downe.
*Ardes , (Gfbg-r.) ville de France dans
la balTe Auvergne , chef-lieu du duché de
Mercauj-. Zo/2^. zo , 40 ; lat. 45 , zz.
ARCESCHE , rivière de France dans
le Vivarès : elle vient de Mirebel , pafTe à
Aubenas , reçoit d'autres rivières , & fé
jette dans le Rhôioe à une lieue au defTus
du Pont-Saint-Erprit,
A R D i6cf
ARDESTON, ( Geogr. ) ville d' Afic dans
la Perfe : elle ell connue par les bonnes
toiles qui s'y fabriquent. ( C. A. )
ARlJEUK d'urine y voye?^ ]>YSURIE.
Ardeur, i". f. {Manège. ) clieval A'ar-
deur ou qui a de V ardeur ; c'elt un cheval
toujours inquiet fous le cavalier, & dont
l'envie d'avancer augmente ,-\ mcllire qu'd
efl retenu : c'eft un défaut bien fatigant.
{V)
ARDEY ou ArdÉE , (Geogr. ) petite
ville d'Irlande dans la province de Leinf-
tcr , au comté de Louth : elle efl iiir la
rivière de More, au liid-efl de Kilmorc,
& au nord de Kelles. Long. 10 , 40 ; lat.
S4-y lO. {C.A.)
* ARDFËARD ou ARTFE ART , ville
d'Irlande au comté de Kerry , près de la mer ,
à l'occident. Long. J , ^"^ i lat. 52. , ^4.
^ AKDIENS, (c;fo^r.) peuple d'Illyrie,
l'un de ceux que les Romains forcèrent
d'abandonner les bords de la mer , &• d'al-
ler chercher d'autres terres à défricher ,
parce qu'ils étoient indociles & turbulens.
Il y a eu encore un peuple de ce nom
dans les Gaules, qui habitoit un vallon le
long uu Rliône ; Polybe en a fait mention.
( C. A. )
ARDIERE , ( Geogr. ) rivière de France
qui prend là fource dans le Beaujolois ;
& qui, après avoir traverfé une partie de
cette province de l'ouelt à l'ell , & avoir
paflé à Beaujeu , va fé jeter dans la Saône.
ARJJiLLA , rivière d'Efpagne qui a fa
fource dans l'Andaloufie , & lé jointàl'Anas-
ou Gurdiana au delius d'Olivança.
^ ARDMILLON , ( Geogr. ) petite ville
d'Ecoffe dans le comté de Carrick : elle
efl à l'embouchure d'une petite rivière ,,,
dans le golfe de Cluyd , au fud-ouefl
d'Ayr, & à l'ouell de Bangery. Long, i z ,
zo ; lat. 55 , ^o {C.A.)
ARDMORE , ( Géogr^) port d'Irlande,
fur la côte méridionale , au comté de Wa-
terford , entre la baie d'Youghal au fur"-
ouefl , & celle de Dungarvan au nord-eil;
il y a encore une petite ville de ce nom
dans le même royaume , au comré de Tir-
conel fur la rivière de 1 --unnagal. {C.A.)
* ARDOINNA ou ARI'UINNA ,.
j ( MythoL ) ogra que les Gaulois ôc les
£70 A R D
•Sabins donnoient à Diane , proteârice des
■chaflèurs. Ils la repréientoient armée d'une
eipcce de cuirafle , un arc débandé à la
main , avec un chien A fon côté.
ARDOISE , i'.t ( Hijl nat. Minerai.)
lapis fijfdis affdejm , ardojia ; efpece de
Ichift , matière de la nature de l'argile , de
couleur bleue ou grife , ou même roufle , qui
le divife en lames minces , plates , unies ,
qu'on emploie pour couvrir les maifons.
Cette elpece de couverture n'étoit pas con-
nue des anciens ; le nom d'ardoife cil nou-
veau , mais cette matière a fervi , dans les
temps pailes , de moëlon pour la conilruc-
■tion des murs. On en tait encore aujour-
d'hui le même ufage dans les pays où il
s'en trouve des carrières. On dit que la
plupart des murs d'Angers font bâtis de
tlocs d^ardoife , dont la couleur rend cette
ville d'un trille afpeft. Uardoife eft tendre
au lortir de la terre ; mais expofée à l'air ,
elle acquiert aiïèz de dureté pour foutenir
le poids d'un bâtiment : c'eft par cette rai-
ibn apparemment qu'on lui a donné le
nom de pierre. Cependant, ce n'efl qu'une
terre plus dure qu'une autre ; c'eft un fchiit,
un argile, comme nous l'avons dit , mais
qui fe trouve à une grande profondeur
■dans la terre. A mefure qu'on creufe da-
vantage, on trouve cette terre plus dure
& plus ieche; elle eft dilpolée par bancs,
dans leiquels il y a des tentes qui fe trou-
vent fi près les unes des autres , que les
lames qu'elles forment ont très-peu d'épaif-
ieur. C'elî par ces fentes qu'on les divife,
lorlqu'on les prépare à fervirde couverture
aux bâtimens.
Nos plus fameufes carrières d^ardoife font
aux environs d'Angers : auffi efl-ce dans
!a province d'Anjou que fe tait le plus grand
commerce d^ardoifc pour ce royaume &
pour les pays étrangers. La plus belle vient
de Trélaze & des Ayraux , paroilîês di(-
tantes d'une lieue de la ville d'Angers ;
mais on trouve de Vardoife de ditiérentes
qualités en d'autres lieux de l'Anjou. Il y
en a dans les Paroiifes de l'Hôtellerie , de
Fiée , de la Jaille , de Margné près d'Aon ,
& dans l'éleftion de Château-Gontier. Celle
tie Mczieres efl plus tendre que les autres.
On a trouvé , i quelques lieues de Charle-
viJIe, de Vardoife auffi bonne & auffi belle
ARD
que celle d'Anjou , quoiqu'elle ne foit pas
d'une couleur auffi bleue ou auffi noire. Il
y en a plufieurs carrières ;\ Murât & X
Prunet en Auvergne. On en voit auprès
de la petite ville de Fumai en Flandre , fur
la Meule , au detTus de Givet. On en tire
de la côte de Gènes qui eft très-dure. II
y a en Angleterre de Vardoife bleue & de
Yardoife grife. Celle-ci efl connue fous le
nom de pierre de Horsham ^ du nom d'une
ville de la contrée de Sulfex , où elle ert
très-commune. Pour faire des tables & des
carreaux , on donne la préférence aux ar-
doifes les plus dures. On a remarqué , fur
des morceaux de pierre d^ardoife , mais plus
fréquemment fur le fchifl , des repréfenta-
tionsde poifîbns & déplantes. V. ScHIST.
Après cet hiftorique de Vardoife , nous
allons pafler à une confidération plus voi-
finc de Ççs carrières & de fa tabrication.
C etl avec de grands rifques qu'on entre-
prend d'ouvrir & de travailler une carrière
d'ardoife. On n'a point de lùreté que la
roche découverte dédommagera dans latùite
des frais confidérables. Il ne faut pas trop
compter tur le jugement que les ouvriers ne
manquent jamais d'en porter à la première
inipedion de la cojfe. On entend p.w cojje f
la première lurtace que prélente le rocher
immédiatement au delfous de la terre. La
cofle peut promettre une bonne ardoife ,
& le tond de la carrière n'offrir que des
feuillets & des chats : deux défauts qui ren-
dent Vardoife mauvaile. On travaille donc
long-temps en aveugles : fi la carrière fe
trouve bonne , on tait fa fortune ; finon l'on
efl ruiné. Voyei MiNES & ScHIST.
Les ardoifes peuvent être conlldérées
félon leurs échantillons. La grande quarréc
forte tait le premier échantillon ; on dit
que le millier couvre environ cinq toifes
d'ouvrage ; la grande quarrée fine fournit
par millier cinq toiles & demie , & tait le
fécond échantillon ; la petite fine environ
trois toifes par millier , & elt du troilieme
échantillon : la quatrième , qu'on appelle
quarteletce y fait le quatrième échantillon,
& donne deux toiles & demie de cou-
verture.
Ardoises ; elles fervent aux pafTemen-
tiers pour les liantes lifles , au lieu de pla-
tines. Voyei Platine.
A R D
* ARDONA, ( Ge'ogr. ) ville autrctois ,
nuinrenant village de la Capitanate , pro-
vince du royaume de Naples.
*ARDRA , ANDRA , ou ORDRA ,
( Gf'og. ) ville d'Afrique dans la Guinée. Il y
a aulli un royaume de ce nom en Guinée ,
entre la rivière de Volta & le lac de Durante.
Ardra en eJl la capitale.
* ARDRES , ( Géogr. ) ville de France
dans la bafle Picardie , au milieu des marais.
Long. î9,lJ.t. 30; ^o , 3^.
ARDSCHIR I , roi de Perfe. voye^
Bahaman.
Aroschir U, furnomrné Sabegan ,
{Hij}. de Perfe. ) fut le premier roi de la
quatrième dynailie de Perie. " Lorfque le
» roi s'applique à rendre la juflice , le peu-
w pie fe paflionne à lui rendre obéifiance :
» le plus méchant de toius les princes efl
» Celui qui ie rend redoutable aux gens de
« bien & acceflible aux médians. L'auto-
u rite royale ne fe maintient que par les
» troupes , par l'argent : l'argent ne vient
>j que par la culture des terres , qui lan-
>} guit il le fouverain néglige la juftice &
>j la police. » Telles turent les princip-ales
maximes de ce prince , un des plus grands
rois dont la Perie s'honore : il feroit bien
difficile de rien ajouter à l'idée que pré-^
lenrcnt czs nobles & véritables principes.
L'iiilloire varie fur fon origine : les uns
le font fils de Saflim ,. homme privé , &
même d'une condition très-obfcure. Sui-
vant cette opinion ,. Saflan fut berger d'im
nommé Babek qui , pour récompenler les
loias , lui donna ia fille en mariage. Sal-
fiin glorieux de cette alliance , & pour en
gcrpéruer le fouvenir , donna à Ardfchir
Ion fils le furnom de Babegan ; mais cette
origine que l'on trouve dans le Lebtarik ,
çft prcfque totalement abandonnée. Nous
fuivrons dans cet article le récit de Knon-
dcmir ; il aflure l'avoir tiré du Tai'ik-Kon-
dek & du Bina Kitl qui lont , fans con-
tredit , les deux hiflcires le plus jurtemcnt
accréditées. Suivant cet écrivain , Safîan
6-ere. deBahaman , roi de Perfe, ne pou-
vant s'accommoder du lecond rang , fe
bannit volontairement de la Perfe , & alla
dévorer loin de fa patrie des chagrins que
Iç trône feul pouvoit difliper. Un de les
enfçiÂis , jaloux de voir ia Perle j d'où, on
ARD îyï
lui avoir appris qu'il tiroit Ton origine , y
fit un voyage , & entra au lervice de Ba-
bek , gouverneur de la province , qui ,.
charmé du naturel aimable de ce jeune
homme , lui donna fi propre fille en ma-
riage. Ce tut de cette union que fortit
Ardfchir , qui prit le furnom de Babegan.
en mémoire de Babck fon bcau-pere &
fon bienfaiteur. Ardjchir tlit élevé avec
les foins les plus tendres ; & (a vive recon-
noifl'ance , jointe au fouvenir de Ion ori-
gine , le perteétionna dans tous les exer-
cices dignes d'un prince. Ses talens jetè-
rent tant d'éclat , que dans toute la Perfe
on ne parloit que du jeune Ardfchir. Ar-
davan qui régnoit alors , curieux de le voir,,
le fit venir à fa cour , & le retint dans fon.
palais , où il lui témoigna autant d'amitié,
qu'à fes propres enfans. Bientôt ces mê-
mes talens qui venoient de captiver fon.
admiration j changèrent Ion amitié en ja —
loufie : humilié de la différence que la na-
ture avoir mile entre fes fils & Babegan , .
il l'éloigna de la cour ; mais trop juftc.
pour vouloir qu'un homme de fon mérite
languît dans une obfcurité honteufe , iL
lui donna le commandement des troupes
d'une province. Ardfchir condamné à cette,
efpece d'exil , s'en dédommiagea en te per —
fedionnant dans les exercices qui avoient
fait admirer fon entance. Il ne reparut X
la cour que pour demander le gouverne-
ment qu'avoit poffédé Babek , dont on
venoit de lui apprendr'e la mort. Ardavan
ne put lui accorder la demande , parce
qu'il avoit diipofé du gouvernement en
faveur de fon fils aine ; mais il mit tant
de douceur dans fon refus , qu'il ne retta^
dans le cœur à^Ardfchir , que la douleur
d'avoir perdu fon beau-pere. Cependant
Ardavan ayant vu dans un fonge plufieurs
objets etîrayans , confulta les mages qui ,„
jaloux de fon repos , lui répondirent-
que fon fonge prélageoit fa ruine , qu'un
étranger monteroit (ur fon trône. Ardavan •
plus troublé par cette interprétation, qu'il'
ne l'avoit été pendant fon fonge , tourna-
es regards fur Ardfchir crut apperce—
voir en lui le detiruûeur de fa race & le
fien propre ; il le regarde dès-lors comme
une viûime qu'il devoir facrifier à fa fu-
reté ; mais une fille du ferrail , inllruite des.
lyi A R D
inquiétudes du prince , avertit Arâfchir
qu'il en ctoit l'objet ; & s'oltrant à parta-
ger fa dellinée , elle l'engagea à s'éloigner
de la Perle déjà fi iunelte à la tamille.
Ardfchir profita de cet avis : mais au lieu
de fuivre l'exemple de Saflan , il le rendit
dans la province de Fars , dont Babek
avoit eu le gouvernement. Le fils aine
d'Ardavan voulut s'aflijrer de fa perfonne ;
mais le nom à'A'dfcIilr t-toit fi puiflant dans
la province , que tous les liabitans s'ofiri-
re/it à fc dévouer pour Ion fervice. Il
accepta leurs oltres , & marcha aufll-tôt
contre le jeune Ardavan qui périt après
plufieurs combats. Tous les Molouk-Tha-
vais fublrent le même fort d'Ardavan ,
ou liiivirent la fortune du vainqueur. Le
roi , affligé de ces trilles nouvelles , s'avan-
ça auiu-tôt dans la province de Fars , ré-
lolu de périr ou de venger la mort de Ion
fils. L^nc bataille, qu'il perdit pi es d'Hef-
tliekar . jullilia la p)cdii5iion des mages.
Ardfchir , pour prix de la vidoire , c^ui
fiit fcellée du fang d'Ardavan , monta iur
le trdne qu'avoit occupé fes ancêtres ,
&. piitaufiitot le titre de Schainkal^ , qui
fignifie empereur- ou Alcnarque. Les Perles ,
naturellement jaloux d'une vaite domina-
tion , n'eurent point à gémir de l'avoir
pour maître. Leurs voiiins ne purent ré-
fifler à un prince qui fans états venoit de
conquérir le royaume le plu.s floi'il^ant de
toute l'Afie. La Ivjcfopotamie & l'AlIyrie
furent les principaux monumens de les
viûoires ; mais c'efl moins par l'éclat de
lès triomphes que l'I.ifloire de ce prince
nous inttrefle, que par le foin qu'il prit
de rendre les peuples heureux. La vraie
gloire des fouverains ne confilîe pas à cou-
vrir la terre de débris , ni à faire des ef-
claves. Les laui'iers d'un conquérant lont
bientôt deiléchés , s'il ne les arroie que
du fang &: des lueurs des vaincus. Ardfchir,
dans les délc/rdres même des guerres , bâtit
plus de villes qu'il ne détruifit de villages,
6; tous fes fujcts eurent autant de droits
fur fon cœur , que s'ils eufient été fes en-
cans. Perfuadé qu'un prince qui fe né-
jjige , eft indigne de l'êti-e , il eut toujours
les yeux attaches iùr lui-même. Chaque
^our il méduoit Iur les devoirs des rois ;
l'ans la crainte d'y manquer , ce prince
A R D
bienfaifant nomma un officier , qui , tous les
matins , devoit l'interroger fur les adiors
du jour précédent ; il connoiflbit la namre
indulgente pour foi - même , & il ne fe
permettoit pas d'être fon propre juge :il
donna peu de temps nu fommeil , & moins
encore au plaifir. Toutes les heures du jour
furent confacrées à la gloire ou à la tran-
quillité des Perles ; il avoit des inflans pour
agir , d'autres pour réfléchir ; & comme il
n avoit à rougir ni de fes aélions , ni de
fes penices , il en compofa un mémorial
qui fervit de règle à fes îuccefîeurs. Ardf-
chir fit encore plufieurs ouvrages , & tous
avoicnt pour objet la pureté des moeurs
ou la perlefî-ion du gouvernement. Le
fameux Nouskervan ne dut peut-être fa
célébrité qu'au foin de conlulrer ces pré-
cieux ouvrages qu'il fit publier. Entre ley
iàges inflitutions de ce monarque , on rer-
marque l'attention qu'il eut de difiribuer
le peuple en plufieurs clafîês qui toutes
eurent leurs cenieurs particuliers. Les arti-
lans furent diitingués des foldats ; les fim-
ples citoyens des nobles, & chaque doc-
teur avoit foin de parier un langage c>-in-
venabie à feip it de la claiTe commife à
fes foins. Rien n'étoit puis fage : il iaut
bien plus de reiiorts pour émouvoir le cœur
fourbe & délié du courtifan , que pour
touciier une populace fimpic & grolTiere.
Le Ipedacie attendriilant d un peuple
fortuné rui la plus douce recompenle pour
le' cœur de ce prince ami de l'humanité.
La Perle ik les provinces nouvellement fou-
miies le louoient , le bénifîoient à l'envi.
Les vœux de ce peuple n étoient cepen-
dant pas fatislaits. ^ufehir etoit fans hé-
ritier : le ciel long-tempsjfourd à leurs priè-
res , lui en acccuda un. Ce prince le plus
doux , le plus digne d'êt'c heureux , man-
qua de frapper l'objCt de tant de vaux
dans le fein d'une é'poufè ingrate , & de
paiièr le relie de les (durs dans le chagrin
le plus amer. Adfchir rejetant cette ma-
Nime barbare, qui prefc'rit aux ufurp.iteurs
d'éteindre la race des rois légitimes , avoit
époulé la fille d'Ardavan : cette princelTe
peu reconnoiila):te ne goùtoit aucun plaifir
fur un trône dont ion fang étoit prolciit.
Sans celle agitée du dcfir do voir les Ar-
davans dans l'appareil de leur première
grandeur ,
A R D
gMndcur, elle conçut le criminel projet d'cm-
poilbnner fon mari , & de donner la couronne
au frère du feu roi ; elle alloit confommcr ce
crime , lorfque le monarque , averti par fes
officiers du coup dont il étoit menacé, la
remit en leurs mains. L'arrêt de mort hit pro-
noncé contre cette époulc coupable: elle avoit
jufqu'alors celé fa grolTcflc ; &: elle ne la dé-
clara qu'à l'inllant où le minirtre auquel on
avoit confié le loin de (a dcflinée , alloit la
frapper : ce minidre , relpedant en elle l'héri-
tier du trône , lui procura une retraite lure :
elle y donna le jour à SchaSour , autrement
Sapor ; ce tlit ce Sapor qui vengea lurValérien
tes anciennes injures que les Perles avoient
reçues des Romains. Ardfchir charmé de
contempler Ton digne héritier, récompenfa
nvec magnificence le fiige minilire qui le lui
avoit confervé. L'hifîoire varie llir la durée
■du règne de ce prince. Le Lebtarik la fait de
quarante ans ; mais Knpndemir que nous
avons fuivi , ne compte que quatorze ans de-
puis fa vidoire fur Ardavan jufqu'à fa mort.
La Dynaflie à laquelle iJ donna naifîànce,fut
nommée SalTanide, du nom de SalTIin, l'un de
fes aïeux ; ce qui prouve queia tige des Saffan
n'étoit pas obfcure comme quelques hiflo-
riens l'ont prétendu, &: qu'elle étoit au moins
-jufll illufîre que celle des Babek. L'hifîoire
confcrve une anecdote fur Ardfchir que le
iedeur feroit fâché de ne pas trouver ici ; elle
fert à montrer que ce prince , qui donnoit à
fon elprit tous les alimens poffibles , étoit
avare de ceux qu'il donnoir à fon corps :
voulant le reflreindre à (es feuls befoins , il
demanda à fon médecin combien il devoit
prendre de nourriture pour entretenir fa vi-
gueur ; cent gros ou dragmes arabiques (ce
poids répond à notre livre) vous fulîîlent ,
répondit le médecin. Si vous vous en con-
tentez , cette quantité vous portera ; mais fi
elle excède , c'ell vous qui ferez obligé de
la porter.
Ardschir IIL Ce prince étoit fils de
Schirouik que nous prononçons Siroès ; il
ne fit que paroître fur le trône. Schéheriat ,
fon général , s'étant révolté , le vainquit près
la ville de Madain , & le fit mourir le dix-
huitieme mois de ion règne. La viûoire du
rebelle étoit ailée. La Perfe étoit fans géné-
raux , & le prince cntroit à peine dans fa
huitième année. Ebn-Batrik compte un qua-
Tome IIL
A R D Z73
trieaic Ardfchir; mais les hifloricns les
plus exads ne font mention que des trois
dont on a parlé. Le mot Ardfchir répond
à celui d'Adûérus & d'Artaxcrxès ; & l'on
prétend qu'il fignifie/^ri/ie & laie. D'Herb.
Bih. Orient. {M- Y.)
* ARDSTiN ou STINCHARD ,
( Gc'og. ) petite rivière d'Ecofle qui fc
décharge dans le golfe de Cluyd , vis-A-vis
de la pointe de la prefqu'ile de Cantyr.
ARDSTINSEL ou ARDSHINSTUR ,
( Ge'ogr. ) petite ville d'EcolTe dans le comté
de Carrjck ; elle eft fituée k l'embouchure
de la petite rivière d' Ardflin dans le golfe de
Cluyd au fud-oueil de Carleto\7n. Long.
11. 15 ; lat. '^^. 40. (C. A.)
ARDUE NNENSIS , SvLrA &
Pa g us , {Ge'ogr. du moyen âge.) La foret ,
le pays des Ardennes tire fon nom de la
célèbre forêt des Ardennes , Arduenna ,
Ardcnna,Ardoenenfisfjh-a.CéiAT dit qu'el-
le commençoit au bord du Rhin , & qu'elle
s'étendoit jufqu'aux confins du Rhémois ;
il ajoute" même qu'elle comprenoit le pays
de Trêves, & s'étendoit jufqu'auprès des
Nerviens , & qu'elle renfermoit non-feu-
lement le pays entre le Rhin & la Meufe ,
mais encore celui qui fe trouvoit entre la
Meufe & l'Efcaut jufqu'à l'Océan. Strabo»
ne la borne qu'à l'Océan & au pays d'Ar-
tois. On voit encore aujourd'hui entre
Douzy-les-Prés , Sedan , l^onchçry &
Rheims une grande forêt , qui confervé le
nom de hois des Ardennes ; & furie che-
min de Sainte-Menehould à Verdun , oii
trouve une partie de ce même bois , qin'
fe nomme [^ forêt d'Ardenne.
Sigebert . roi d'Auftrafie , appelle l'Ar-
denne fa forêt , foreftem fuani vocdt. Char-
les-le-Chauve , dans fes capitulaircs , la met
au nombre des forêts royales. On voit dans
nos annales que les empereurs Charlemagne
& Louis -le -Débonnaire alloicnt chaque-
année en automne chnfler dans la forer d'Ar-
denne ou des Voges. L'infcription fuivante
prouve le culte rendu à Diane , déeflè des
cliafTeurs , dans le pays des Ardennes :
D. M.
Ç. CORSIUS Q. FiLIUS
Cl. Anlianus sacerdos
DiAKjE AR.DUINN/R FECIT
Mm
î74 A R D
Sisi ET Hjsredisvs suis
In Fr. p. Xji. jy agro
P. XV. IIII ID. OCTOB.
JmPER. C^S. Fl. DoMITfANO
VIII ET C. Valerio Messa-
tINO Cos.
Broverius , qui cite cette Infcription , nous
apprend que dans le même canton , à Ep-
ternac , on trouve les refies d'un ancien
temple de Diane, avec cette infcription:
Dem Dianjs
Q. Posthumus potens
V. S.
c'efl-,n-dire , votum folvit ; d'où Diane a
reçu le liirnom de Ardoina , comme le
prouve une infcription rapportée par Gru-
ter,c. 4s :
V. Dus sacra
ArdoinjE , Camulo , Ion ,
Mercurio , Herculi.
Voyei Greg. Tur. à D. Ruinart, in-foL
page i 555.
Indiciomare aflembla les états d^la Gaule
contre Céfar à Amberlove , dans la foret
d'Ardenne , où Cingentorlx fut profcrit par
les Trévirois , l'an de Rome 700. Voye\
Hifl. du Luxemb. in-zj.". zj4i,p. 4.4.
Il efl fait mention du comté des Arden-
nes dans le partage fait entre les entans de
Louis-le-Débonnaire. Ce Comté efl placé
entre Asbania & la Friie , au-deçà du
Rhin. , qui s'étendoit juiqu'à la Meufe ,
ou même jufqu'à l'Efcaut. Les annales de
S. Bertin , -à l'an 839, mettent ce comté
entre le Molelgow ou duché de Lorraine ,
& le comté de Condroz.
Sigebert , roi d'Auflrafie , y fonda deux
rnonafîeres, celui de Malmedi , Malmunda-
rium in parochia Agrippinenfi , 6" celui de
Stavelo, Stubulùus in dioceji 'l'rajeclenji.
Mais aujourd'hui, par les loins des an-
ciens moines & des habitans qui ont dé-
friché le pays , les deux monalleres fe trou-
vent hors de la forêt.
Dans les geftes des évêques d'Auxerre ,
il eft parlé de Bafîoigne ou Ballagne , Baf-
tonia rilla Jrta in fdhu Arduennce. Eginhart
dit que Grippon fut enlcrmé par ordre de
fon frère Carloman dans la citadelle de
Neufchâtcl , Novo Cajîdlo quod juxtaAr-
ducnnd!7:fuum ejî.
ARE
La célèbre abbaye de Prum , fondée par
Pépin , où fut relégué & tondu Pépin ,
fils aine de Charlemage , pour s'être ré-
volté contre fon père , étoit dans les Ar-
dennes , à douze lieues du diocefe de
Trêves.. L'empereur Lothairc , fils aine de
Louis-le-Débonnaire , après avoir vécu en
tyran ,. y mourut fous l'habit de religieux :
fon tombeau fe voit au milieu du choeur.
L'abbé a le titre de prince du Saint-Em-
pire.
La belle abbaye de S. Hubert, au comté
de Chiney , qui a leize villages dans fa dé-
pendance , fut fondée au huitième fiecle
dans les Ardennes, à quatre lieues de Ro-
chefort & quatorze de Liège. Elle por-
to!; autrefois le nom êiAndaium ou An-
dagium. VoYe:^not. Gall. Valois. La AI ar-
tiniere. (C.)
ARDUSSON , ( Ge'og. ) petite rivière
de France en Champagne. Elle a fa fource
auprès de Saint-Flavy & fon embouchure
dans la Seine , entre Nogent & Pont-fur-
Seine , après un cours de trois à quatre,
lieues. (C. A.)
ARE OH Arek , (Geog.) nvkre d'An-
gleterre au duché d'Yorck. Elle a la iource
dans le comté de Lancaflre , & fon em-
bouchure dans l'Humber , à douze milles
au deifous de la ville d'Yorck.
Ptolomée place une contrée de ce nom
dans l'Arabie Heureule , & une île dans le
golfe Perfique. Ce pourroit bien être la
même chofe que les deux ^recJ modernes.
Voje\ ces mots. {C A.)
AREALU , f. m. {Hifi: nat. Botaniq. )
cfpece de figuier du Malabar , très-bien
gravé fous ce nom par Van-Rheede dans
Ion Honus MaLibaricus , vol. I.page 4j ,
pi. XXVlI. Les Brames l'appellent bipaloe,
les Cinghalesde l'île deCeylan bhoudo'ugas
& rhoQgas , & Jean Commelin , dans les
notes , ficus Malabarenfis ^ folio cufpidaco ,
frucfu rotundo , parro , gemino. M. Linné
le défigne fous le nom de ficus religiofa ,
foliis cordaiis , oblongis , integerrimis , acu-
minatijfimis , àAnsÇon. Syftcmanatura: , im-
primé pour la douzième fois en 1767 , .
pag. 68 1 , 72°. J.
C'cll un arbre qui croît dans les terrains
i'ablonncux & pierreux , où il s'élève ;\ la
haiiteur de quarante à cinquante pies ,
ARE
-en étcn(^ant (et branches horizontalement ,
de manière qu'il forme une cime é])aif]c ,
hL'milpÎK'riqiie , de trente-cinq A quarante
pies de diamètre. Sa racine ei\ cpaillc , &:
répand au loin les rameaux fibreux , tant
an defTbus qu'au defliis de la terre ; elle
eu couverte d'une écorcc blanche , qui rou-
git lorlqu'on l'a écorcliée ; ce que fait auffi
celle du tronc , qui d\ cylindrique , de huit
à dix piés de hauteur , iur trois pies de
diamètre. Les jeunes branches Ibnt vertes ,
afll'Z épainès , & comme noucufes.
Les feuilles font dilpolees alternative-
ment & circulair^mjnt , aifez ferréts L-
long des branches , & pendantes à un pé-
dicule cylindrique , à peine une fois plus
court qu'elles. Elles ibnt arrondies ou tail-
lé.'s en cœur , légèrement échancrées à leur
origine dans les i'.i.mes piés , & terminées
par une pointe égale au tiers de leur lon-
gueur , qji tll de fix à fept pouces , fur
une largeur prelqu'une fois moindre. Leurs
bords iontenners, environnés d'une elpece
de nerf, mince & blanchâtre ; leur fubl-
tance eu folide , épaific , d'abord tendre &
iîexible , enfuite roide à mefure qu'elles
vieillirent. Elles font lifîes , d'un verd-
brun & luifnnt en deflîis , pKis clair en def-
lous , & reLvécs d'une nervure longitu-
dinale , à cinq ou fix côt^ s alternes & tranf-
verlales de chaquj côté , dont l'cfpace
intermédiaire eft rude par un nombre con-
fldérahle de petites n-rvures qui s'y crol-
ient en forme de réf.au.
Chaque branche efl tv:rminéc par un.-
pointe conique , oblongue , lifîe , verdatre ,
■formée par une ftipule roulée en cornet ,
qui env.loppe la f-r.ille , à l'oppofé d;i
pédicule de laquelle elle crt attachée , fur la
branche qu',.lle quitte au moment de fbn
développement.
L'aiflellc de chaque feuille porte deux
enveloppes de fleurs , c'eit-à-dire , deux
figues Iphériq'.ies , fefliles , de c nq à fix
l.'gn.s de diamètre, cre.'.fé s d'un petit ombi-
lic en deflùs , rougeàtres dans le-.r maturité ,
allez f-rmes , & entièrement pleines de peti-
tes graines noirâtres.
Ufages. Varealu eff conflicré par les gen-
tils _ du Malabar au dieu Vifinu , qu'ils
croient être né fous cet arbre , & en avoir
enlevé les fleurs , dont il paroû en effet
ARE i7y
dépoiirvii , puifqu'elles font cachées dans
cette enveloppe , que l'on appelle com-
munément Al figue. En conféquencc , leur
religion leur impofe comme un devoir
d'adorer cet arbre , de lui faire un culte
qui confifle à élever autour de lui un mur
de pierres , & de marquer en rouge fon
tronc ou le mur qui l'environne. C'ef!
pour cela que les chrétiens qui habitent
les Indes , appellent cet arbre l'arbre du
diable , arbor diaholi , félon Van-îlheede.
La décodion de l'écorce de fa racine
fe boit pour adoucir l'âcreté des humeurs ,
purifier le iang , & déraciner les fièvres
les plus longues & invétérées. L'écorce de
fbn tronc & de (es branches pilée & réduite
en pâte avec de l'eau , s'applique (ur les
ulcères , qu'elle nettoie & guérit. Le fuc
exprimé de les feuilles , & cuit avec l'huile ,
s'emploie en liniment dans les fièvres caulées
par la goutte. «
Remarques. En comparant la defcriptioa
de Varealu avec celle de l'antsjac , on voit
ailémenr que ces deux arbres diffèrent com-
me efpeces , quoique M, Linné les air con-
fondus fous le nom commun de ficus reli-
giofa y &c. comme il a été dit A l'article
de l'antsjjc. Le figuier fe range naturelle-
ment , comme l'on ialt , dans la famille des
châtaigniers , où nous l'avons placé. P'^oye^
nos Familles des plantes , vol. II. pag.
3JJ. ( M.ADATiSOJS!. )
* AREB , ( Com. ) monnoie de compre
dont on fe lert dans les états du grand Mo-
gol, & fur-tout à Amadabath.
L'arfi vaut 25 lacs , ou le quart d'un
crou , ou 25CCCCO rouptes. Voye\ Crou ,
Lacs , Roupte.
AREBBA , ( Gcogr. ) ville de la tribu
de Juda , d ns laPaleiline. Elle étoit fur les
frontières de .cette tribu , au fud-oueft dé
Bethléem , à égale diflance à-peu-près de
ces deux villes. Long. 6j , £^. lat. ^o ^
55- {C. A.)
AREBO ou Arbon , ( Ge'ogr.) place de
commerce en Afrique , fur la cote de Gui-
née , au royaume de Bénin. Elle eft fituée
fur la rivière Formolè , à foixjnie lieues
de fui embouchure. La ville efi grande ,
bien peuplée , & alTez agrca'ole ; fi forme
eft ovale. Ses édifices (ont propres & com-
modes , quoique peu décorés. Le pays eft
Mm z
z-j6 ARE
gouverné par un viceroi. Les Anglois y
avoient autrefois un comptoir ; mais les
HoUandois feuls y en poiredent un aujour-
d'hui ,& fe font emparés du principal com-
merce qui s'y fait. Les vailTeaux remon-
teiît la rivière jufqu'à Arebo. Long, zz ^
SA.lat. ^. (A.)
ARECA , ( Mat. méd. & Bot. ) efpece
d'arbre qui croît fur la côte de Malabar ,
& en général dans l'Lide. Ses fleurs font
petites , blanches &: fans odeur; fon truit
tfft ovale , gros comme une noix , ayant
une écorce verte au commencement , mais
qui devient fort jaune en mûriflant , molle,
couverte d'une efpece de duvet ou bourre.
Cette écorce étant ôtée , il paroît un fruit
gros comme une aveline , à demi-rond ou
pyramidal , qui , étant rompu , reflemble à
une mufcade caflTée.
Cet arbre , appelle areca catechu par
Linné , é\ le même qu'on a appelle /au/k/
oxxfufel, ii'ellana Indica rerjkolor par
quelques auteurs. Le fuc ou l'extrait de ce
fruit épaifli donne ce qu'on appelle le ca-
chou , qu'on avoit cru pendant long-temps
être une' efpece de terrç , à laquelle on avoit
donné le nomàt terra Japonica ou catechu.
M. de Juflîeu , dans les Mémoires de V aca-
démie de 172.0 , prétend que le cachou efl
je fuc pur du fruit de V areca : d'autres afTu-
Tcnt qu'on y mêle auffi le fuc de l'écorce
d'un arbre appelle Ctir/fAu , eu le fuc delà
des Lides.
réglifie , & celui d'un acorus
\m. la Fosse.)
Areca , ( Géogr. ) île d'Afie , dans le
golfe Perfique , au voifinage de celle d'Or-
mus. Elle e{l fertile & agréable ; mais il
n'y a ni rade ni port où l'on puiffe s'éta-
tiir & réfilter aux pirates , qui viennent
iouvent la défoler. Les HoUandois ont tenté
inutilement de s'y établir. ( C A. )
ARECON , (Géogr. ) ville delà Palef-
tlne, dans la tribu de Dan. Elle étoit à
l'orient de Geth & à l'ouefl de Ramatha.
Long. 6y , 4.0 i lat. 31 , z^.{C. A.)
§ AREK , f. m. ( Hifi. nat. Botaniq. )
genre de palmier des plus connus & des plus
en ufage dans les Indes. On en diflingue
fcpt cfpeccs principales , dont nous allons
faire l'hilloire.
Première efpece. Arek.
L'iirf^ j proprement dit , ell connu fous
ARE
ce nom au Malabar & dans toute l'Inde ,
lelon Gardas , félon Zanoni qui l'appelle
arecha , & lelon Rumphe qui , ayant fait
beaucoup de recherches intéreflantes pour
éclaircir Thifloire , jufqu'alors fortobfcure ,
d'un arbre auffi utile , remarque que ce
nom eft auffi connu au Malabar & dans
toute l'Inde , que l'efl peu celui de caunga ,
fous lequel Van-Rheede en a donné une
figure très-détaillée & aflcz bonne dans
Ibn Hortus Malaharicus , vol. I , pag. g ,
pi. V,VI, VII Ù VIII. Quelques dic-
tionnaires , au lieu à^arek , écrivent areque.
Les Portugais l'appellent arequiero ; les
Efpagnols arreguero , les chinois kman , les
Arabes faufel &: fiifel , qui , félon Avi-
ccnne , vient du mot fiefel , qui chez eux
déi'.gne le poivre. Les Brames le nomment
madi , les Malays pinang & pinanga pceti y
d'où Rumphe a fait le mot latin pmcinga.
& pinanga alba , fous lequel il a donp.é ,
de cet arbre , une bonne figure & bien détail-
lée dans fon Hetbarium Amboinicnm , vol.
I y pag. z6 , pl.lV , figures C a, D a &c
E. C'efl \! areca , catechu , frondibiis pin~
natis , foliolis replicatis , oppojins , prcc~
morfis , de M. Linné , dans fon Syficma.
natura- , imprimé pour la douzième fois en
1767 , page J30.
Tels font les noms fous lefquels on
défigne communément l'arbre de l'ar?^ par-
tout où il eft connu ; mais ion fruit , qui
en cft la partie la plus eftiméc , à caufe
de fon grand uHige , a reçu différens noms
fuivant fes divers degrés de maturité. Lorf-
qu'il efl très-jeune & verd encore , les Ma-
lays l'appellent pinang moeda ou pinang
muda , les habitans de Ternate hcna , ceux
du Malabar pinga félon Rumphe , &: tanni
paina , ou fchalembapaina félon Van-Rhee-
de. Ce fruit un peu plus avancé , ou mûr
;\ demi , c'efl-à-dire , tel quel fon amande >
encore molle & comnse fpongieufc &
mucide , ne puifle le manger , !é nomme
adecca ou aria-decca chez les Malal-arcs , &
pinang-t.'jelacatte chez les Malay.--. Enfin
lorfque ce fruit eft parfaitement mûr , que
(on amende efl entièrement formée , bien
fechc & dure , les Malabares l'appellent
areec & pac , on paleca félon Rumphe ;
les Javanois boa , les Indiens koffol , Itlon
Rumphe, & coffoh IclonZ;inoniy les ha-
ARE
bitans ae Banda erec & pit2 , ceux des
îles Maldives feulement pua y ceux de l'ilc
Ceylan poac , ceux d'Amboine hoa & hue y
ceux de Ternate pare ; enfin les Macailares
l'appellent rapo , & les Malays pnanr^-ioihi
& pinang-tua. La citation de tous ces dit-
férens noms , ainfi expoles avec méthode ,
étoitabfelument indilpenlable pour démêler
laconfui'ion qui a régné julqu'ici dansl'hil-
toire de Varek.
C'eft un arbre de moyenne grandeur ,
& qui s'élève rarement au delîus de trente
à quarante pies. D'une racine en pivot ,
de fept k huit pouces de diamètre , noirâ-
tre , couverte d'une touiîe Iphéroïde de
deux pies de diamètre , de fibres cylin-
driques de cette longueur , onduleuies ,
comme vermiculées , à peine de la groflêur
du petit doigt , roides , piquantes , roufîês
ou noirâtres dehors , blanches dedans ,
avec un filet ligneux , s'élève un tronc
droit , cylindrique , allez égal , de fept à
huit pouces de diamètre dans preîque
toute fa longueur , qui ne pafie pas vingt
à trente pies. Ce tronc eft d'un verd-clair
ou comme cendré à ibn extérieur , qui eft
marqué , fur toute fii longueur , du nom-
bre d'anneaux circulaires , parallèles , affèz
ferrés Se peu élevés , qui indiquent le lieu
où étoient attachées les feuilles qui lont
tombées. Ces anneaux lont plus itrrés
dans les individus qui croiflent lentement
& avec peine , & moins dans ceux dont
la végétation eft vigoureuie. Son bois eft
plus blanc , plus fibreux que celui du
cocotier , Ipongieux d'abord dans la jtu-
nefle , enfuite tenace, enfin dur & compacie
comme de la corne , auflî facile à fendre
dans fa longueur , que difficile à couper
en travers.
La cime de ce tronc ert couronnée par
fix à huit teiiillcs longues de quinze pies ,
une à d.-ux fojs moins larges, qu' , for-
tait deux à deux comme à l'oppolé l'une
de l'autre , & s'épanouiflant fous un angle
de quarante-cinq degrés, lui forment une
tête hémifphérique d'environ vingt pies
de diamètre. Chaque feuille efr ailée une
rois, c'clf -à-dire , lui; deux rangs , chacun
de trente-cinq à quarante ailerons ou fo-
lioles comme oppolées , longues de trois à
quatre pies , iiuit à dix lois plus courtes ,
A k E
27'
pliées en deux , à cinq plis plats &: unis ,
liiîes , verd-brunes , luiliintcs , pointues ,
convexes en deflus , & relevées en angle
de vingt à trente degrés , au contraire de
celles du cocotier , qui font concaves &
pendantes en delTous. La côte longitudinale
qui porte les ailerons ou les folioles , cfl
triangulaire , de manière que fon dos ell
convexe , pendant que les côtés qui atta-
chent les folioles font plats , & que i()n
deflus forme un angle aigu ; elle ciï verte ,
libreule , lolide , très-louple , & forme , à
fon origine , une efpece de gaine cylindri-
que , longue de deux pies & plus' , trois
fois moins large , verd-brune & lilïc exté-
rieurement , blanchâtre & flriée à leur
face intérieure , de fuhlbncc coriace , qui
enveloppe le tronc. Celle qui efl la plus
extérieure enveloppe les autres feuilles ; &
c'ell après la chute qu'on voir , au lieu où
elle étoit attachée , un fillon circulaire ,
imprimé comme un petit degré fur le tronc.
Chaque fillon indique une couche ligneufe ;
eniorte que le tronc auroit autant de couches
qu'il a porté de feuilles.
Cette partie du haut du tronc , qui elt
environnée & comme engaînée par la bafe
des feuilles, forme une efpece de bourgeon
long de deux à trois pies dans les jeunes
arbres , mais qui diminue à mefure qu'ils
vieillifl'ent , au point de n'avoir plus qu'un
demi- pie de longueur. Ce bourgeon cil ce
qu'on appelle le chou du palmier , qui efl
compolé uniquement de l'alTcmblage des
ieunes feuilles qui doivent fe développer,
& dont la plus avancée s'appelle la jLxhe
parce qu'elle pointe en haut comme une
flèche. Ce chou de Varek, quoique blanc
& tendre , ne fe ui.inge pas comme celui
du cocotier, parce qu'il eiv trop auflere.
Uarch ne commence à fieur.t qu'à ui
cinquième ou fixieme année , &; quoique
les fleurs fortentde l'aiflelle des feuilles , ce
n'ciîqvi'après leur chute qu'on en voit for-
tir les gaines , au nombre d'une à quatre
au deflus du bourgeon , c'elf-à-dire , de
l'origine des feuilles extérieures de la tête
de l'arbre. Chaque gaine ou fpatlie e/l une
efpece de fac ou de poche parf.iitomenc
lemblable à celle du cocotier ou du dat-
t.'cr , & du chamircps , elliptique , très-
applatie , obtufe , longue d'un pié &l detwi
278 ARE
à deux pies , trois fois moins large , lilTe ,
d'abord verd-blanche , enfuite jaunâtre ,
dure , coriace , fendue au milieu de la tace
intérieure d'un fiUon longitudinal , qui laifTe
iortir un régime en forme de grappe , ou
plutôt de faifceau ou de balai , d'abord
blanc-jaunatre , eniuite verd , enfin verd-
brun , long de deux pies & demi à trois
pies , felfde , comprimé & mince comme
une feuille ;\ fon origine , compofé de cinq
à fix branches principales , divifées chacune
en quinze à vingt branches alterne? , angu-
leules , difpofées fur toute leur longueur.
Chacune de ces dernières ramifications porte
environ cinquante à cent petites fleurs blan-
ches , dont les fupérieures , quoiqu'herma-
phrodites , iont flériles , & tombent peu
après leur épanouiiTement , pendant que les
inférieures , qui font femelles ou herma-
phrodites fertiles , reftent au nombre de
dix ou environ. Les premières grappes de
Heurs des jeunes areks Iont toutes îlérilcs ,
comme il arrive à tous les arbres qui n'ont
pas la force de nourrir leurs fruits. Lori-
quil 3' a pluCeurs grappes iur un même pié ,
la grappe la plus inférieure fleurit & mûrit
la premicre ; celle qui c-(\ un peu au deffus
ileuritsenluites , & ainfi luccelfivement; de
ibrte que fouvent la grappe iupérieure sÛ
à peine en fleur , lorfque Fintérieure a fcs
fruits en maturité.
Chaque fleur efl: d'abord un bouton
ovoïde , triangulaire , de deux lignes de dia-
mètre , qui en s'épanouiiTànt , forme une
étoile de quntre hgncs de diamètre, com-
pofée d'un calice à fix feuilles elliptiques ,
concaves , une fois plus longues que larges ,
épa'fîes , dont trois extérieiires , toutes aflc^
égales & réunies par le bas , de manière
^qu'elles tombent enieinble comme un ca-
lice d'une feule pièce ; fix étamines réunies
à leur origine par une membrane fort courte,
Portent du réceptacle de la fleur , oppoléo.s
à chacune des feuilles du calice, plus courtes
qu'elles , peu l'':niibles & fans anthères dans
les fleurs intérieiires qui font fertiles ; &
au contraire égales à leur longueur , & por-
tant chacune une anthère jaune ^: pleine
d'une pouiîiere de même couleur dans les
ileiirs fupérieures , qui font hermaphrodites
ifériles. Au centre de la fleur s'élcve un
ovaire blanc , ovoïde , triangulaire , égal
ARE
au calice , dans les fleurs inférieures qui
(ont fécondes , & couronné de trois ilylea
qui ont chacun fur leur face intérieure un
fillon velu ; cet ovaire efl plus petit &c avorté
dans les fleurs fupérieures.
L'ovaire en grandiffant devient un fruit
en écorce , de la grandeur & de la forme
d'un œuf de poule , mais pointu aux deux
bouts , accompagné du calice qui y rient
fi fort , qu'on ne peut l'en féparer qu'avec
la queue , & qui relie fur l'arbre juiqu'à
ion enriere putréfadion ; fon écorce efl
très-mince , mais coriace , lifTe , d'abord
blanche , enfuite verte , enfin jaune-doré ou
orangé : elle recouvre une chair blanche
fucculente , épaifî'e de trois ;\ quatre lignes ,
tiilue de fibres dures qyi s'amoHiHent fous
la dent , & qui fe mange fous le nom de
pz/rfa au Malabar , & ibus celui àe pinang
moeda chez les Malays , eniuite ieche, fi-
breufe , roux-brune , fins fuc , incapable
d'être mangée , à une loge qui tient une
noix ou plutôt une amande conique , nue ,
longue d'un pouce & demi , de moitié moins
large , à peau fine jaune ou brun rougeâtre ,
veinée à-peu-près comme la muicade , &
marquée fur un des bords de fà baie , c'eft-
à-dire , iur le côté , d'un petit enfoncement
orbiculaire qui efl le point de fon attache.
Cette amande , loriqu'elk efî encore jeune ,
a fort peu de chair , qui efl blanche , ten-
dre , creufe au milieu , & pleine d'une eau
limpide &: auflere comm.e elle ; on l'appelle
alors tanni-paina au Malabar ; lorlque cette
eau efl convertie en chair blanc-jaune , &
que famande à demi-mûre efl pleine & en
chair blanche & tendre , on l'appelle /c'/ia-
lemba-paina : enfin, lorlque cette amande eft
feche & un peu dure , on l'appelle aria-
dccca; un peu plui dure elle s'appelle adccca,
& pjlfcj , lorl'qu'elle eH extrêmement dure
d; à écçrce jaune dorée ; alors la lubflance
efl blanc-griliitre , prelqu'aulH dure que de
la corne, toute criblée & trpveriée de veines
brunes fort feches. Ce n'efl qu'un mois
après la flcin-aifon que fés amandes font
pleines d'eau ou tznni-pjina ; il leur faut
trois mois pour le remplir de chair molle
& devenir Jclialeml^a-pauu,^ fix mois pour
être dans leur parfaite maturité ou dans
leur état de fechcrenè.
Qualicù. Toutes les parties de ïarek pnc
ARE
une faveur auflere & /îyptîque : (es fleurs
Jorfqu'elles s'ouvrent , répandent une odeur
foible à la vérité , mais agréable , & plus
lènfible le matin ou le loir que dans la cha-
leur du jour.
U/ages. La chair du fruit de Varek ie
mange avec le bétel, lori'qu'eileefUraîche ;
mais ion amande eil d'un ufpge beaucoup plus
général dans tout Flndoifan. Elle le mange
rendre ou ieche , mais plus communément
tendre : on la coupe en trois ou quatre
portions, dont chacune fe mange enveloppée
dans une ou deux feuilles de bétel , appelle
Jiri p;ir les Malays , avec autant de chaux
qu'il en faut pour couvrir l'ongle : ces trois
jngrédiens compofent ce mers. L'amande
R-ndre de Varek caufe une eipece d'ivreflc
& de vertige , comme le tabac en opère
fur ceux qui n'y iont pas accoutumés ; &
c'eil vrailemblablement pour cette raifon
qu'on ne les mange jamais lans chaux , au
lieu que les feches fe mangent fans elle :
c'efl auiîî pour cela , & parce qu'elles font
moins fibreules , moins pâteuiès , & em-
barraffent moins les dénis , que les vieil-
lards préfèrent les ièches ; ils les concafiènt
groiLérement dans des mortiers de bois ,
& les mangent comme les tendres avec la
chaux & le betei. Cette amande feule fe-
roit peu agréable au goût , étant auflere
«-peu- près comme le gland du chêne; le
betei qu'on y ajoute , fait dii'paroîrre
cette auHérité par ion piquant , dont ïù-
creté eft tempérée par le lél alkalin de la
chaux. Enfin , de l'union de ces trois cho-
ies, il en réiiilte un mets agréable , qui tient
la falive en un rouge purpurin , quoique
chacune d'elles , prife léparément , ait un
goût défagréable ; & fi l'on en omet une
des trois, il ne rélulte du mélange des
deux autres , ni un mers agréa'fle , ni une
teinture rouge. Pour tirer de ce mets fm-
gulier tout l'avantage poflihle , il faut fa-
voir le manger ; cela fe réduit aux deux
méthodes fuivantes.
Dès qu'on a mâché Varek fuffifamment
pour que la falive , que ce mets procure
à la bouche, l'oit teinte en un beau rouge
purpurin, on crache auflî-tot cette teinture
qui contient la plus grande partie de la
chaux ; puis on mâche le refte ,. on le re-
rcàche en l'exprinianr , en fuçant &: ava-
A R E Î79
lant à ch.ique fois fa teinture jufqu'à ce
qu'il ne relie plus qu'un marc , une parc
lemblable à de l'étoupc ou de la filaffe
qu'on rejette. Telle clt la pratique ordi-
naire. Les gourmets crachent deux à trois
lois de fuite cette teinture avant que de
l'avaler, afin que ne donnant pas à la"
chaux le temps de fe dilToudre elle ne nuifé
pas aux dents, aux gencives & à rcllomac.
Cette mailication de Varek avec le bétel
efl d'un ulage journalier dans toute l'Inde;
hommes, femmes, enfans , les Européens -
rnéme s'en occupent du matin au loir. La
faveur de cette pilte efl d'abord très-acre,-
très-aromatique & finit par être fort agréa-
ble ; ceux qui en font uiage pour {a pre-
mière fois éprouvent une efpece d'ivrcffe ;"
mais le corps s'y accoutume en peu de
temps, au point qu'elle ne fiiit plus qu'é--
chauHer doucement le fing , fortifier l'ef-
tomac , & procurer une haleine douce , de
vives couleurs au vifage , aux lèvres & aux
dents , ce qui pafie pour un agrément dans
rinde , comme les dents blanches en Eu-
rope : delà , l'ufage chez les grands &
chez tous les gens aifés d'oiTrir un plat
d'arekh ceux qui les vifitent ; après le falut
on commence par manger Varek avant que
d'entamer la converfation. On regarde avec
mépris tout homme qui néglige d'offrir
ainil Varek , ou celui qui le refuie , à moins
qu'il n'ait quelque raifon légitime qui l'en
difpenie , comme une maladie , un jc-me
ou une femblable cérémonie réiigieufe.
C'efi donc un point effentiel pour les voya-
geurs dans ces pays , que de s'accoutumer '
à cet ufage , quelque fingulier qu'il pa-
roifle , s'ils ne veulent pas être traités de
nouveaux venus. Le lervice de Varek fe fait
avec magnificence dans l'Inde ; les rois le
font ièrvir dajis des plats d'or ou d'un bois
prefque auiTi précieux' , les grands dans de
l'argent , & le peuple dans le cuivre : de
quelque matière que fbicnt ces plats, ils font
très-ornés de figures cizelées habilement, &
creufés tour-autour , vers leurs bords , de
nombre de foflfertes dont les unes contien-
nent des doi'cs toutes féparées d'arek ten-
dre , pendant que les autres font garnies
de noix ou d'amendes entières & dures
à'arek , de- feuilles de bétel ; au milieu du
plat cflune petite boîre d'argent pleine de
28o ARE
chaux réduite en poudre humide , aux
bords de laquelle pend une petite cuiller
en fpatule , grande comme l'ongle , & une
force à poignée d'argent pour cpncafTer
Yarck , à l'ufagc de ceux qui préfèrent de
le mar.ger dur. A cette boîte de chaux
les Européens, qui entretiennent leurs ap-
partemens plus proprement que les Indiens,
joignent des talTes ou des icucoupes d'ar^-
gent , à l'ufagc des voyageurs ou des nou-
veaux arrivés : car les Indiens & ceux qui
font bien accoutumés à ce mets crachent
très-peu.
La chaux qui fe mange avec Varck n'efi
pas indifférente , il eft eflèntiel , pour qu'elle
ne ibit point acre , qu'elle foit taite de co-
quillages d'une fubltance très-légère ; la plus
cflimée fe fait dans les îles orientales des
Moluqucs , avec une efpecc de miUepore
nès-bianche , très-légère , très-poreufe , à
branches plus menues que celle qu'on ap-
pelle abrocanoïJc , qui croît fi abondam-
ment dans la mer de ces îles , où on l'ap-
pelle caran^-bongj , qu'on pourroit en faire
de la chaux pour bâtir des citadelles & une
ville entière. Cette chaux eft la plus douce
de toutes , & ht plus propre à être mangée
avec ^arek ; elle ne ronge ni la langue ni les
gencives , comme fait la chaux des madré-
pores de Java & la chaux de pierre. Elle
eft ordinairement bknche , mais on la tient
en divers endroits , tant en rofe qu'en j.iu-
ne , avec la racine de curcuma & d'autres
drogues , fans doute pour pallier les dé-
fauts ou les mauvailés qualités : celle de
Siam , qui lé porre dans des calebafl'es par
toute rinde , efl rofée & extrcmement acre;
au refle, c'eil l'expérience qui apprend la
<lofe qu'il fiut employer de ces diveriès
chaux . fuivant leur qualité & leur force.
Lorlqu'on a mangé une trop grrnde por-
tion de feuilles du bétel , au point que la
bouche en efl comme enflammée ou trop
poivrée , alors on y ajoute une plus grande
quantité de chaux & A^arek qui tempère ik
calme aulll-t6t cette chaleur.
JJarek fe prépare encore autrement : les
Indiens de Suratte & du Pégu , & les Por-
tugais augmentent la force du bétel enl'a-
romatifant par l'addition de plufieurs épi-
ces , comme le géroHe , le cardamome &
le cachou, appelle c»v,f/j au Pégu; ils y
ARE
mêlent auflî le gatta-gambir , qui font de
petites pafhlles ou des trochifques de la
grandeur d'un denier , faites avec le fuc de
certaines feuilles & de la farine , qui font
d'abord ameres , & qui laiîfent enfuite à
la bouche une douceur agréable , en pro-
curant de la fermeté aux gencives & une
belle couleur rouge aux lèvres ; ou bien
ils y mêlent le cackunde qui efl une
maflè compofée de cardamome , de mufc,
d'ambre & de divers fucs qui , à la
vérité , procurent une bonne haleine , mais
qui foutevent le cœur à nombre de per-
fonnes.
Les habitans de la cote de Coromandel
ontune autre façon de préparer l'arfA: vieux
& trop fée, qu'ils appellent kqffol , & d'en
faire un mets délicat. Pour cela , ils le cou-
pent en petits morceaux qu'ils font macé-
rer dans 1 eau de rofe, dans laquelle on a in-
fufé du catsja ou cachou broyé , & qu'ils
font enfuite fecher au foleil pour s'en fer-
vir au beloin. Ces fragmens fe conlervent
long-temps fans fe corrompre , fe portent
au delà des mers , & ont la propr é:é de rat-
lermir les gencives & de procurer une ha-
leine agréable à la bouche.
L'ulàge de ïarek , continué toute la jour-
née à la façon des Indiens , cil pernicieux
aux affhmatiques Se aux phrhyiiques ; il
mine les dents ,ies ébranle & les fait tom-
ber de bonne heure : cet ufage entraîne
encore beaucoup d'inconvéniens & d'abus^
Des gens mal intentionnés , mêlent iouvent
du poiion qui efl caché lous leurs ongles, &
le glifi'ent fi fubrilement dans Yarek qu'ils
préparent devant vous , qu'il eff plus pru-
dent de le préparer foi-même. Lorfqu'en
mangeant pour la première fois de ïarek y
on reffént des vertiges & des opprefllons
de poitrine, le vrai remède efl d'avaler un
peu de fel ou du jus de limon ; tout autre
acide , comme la mange ou le fruit du
mangier , crud ou mariné au fel , opère
la même guérilon. Son amande vieille ou
feche ell aflringente , deflicative & ra-
traîehiflante , & l'on en fait boire avec fuc-
cès la poudre , à la dofe d'une deml-dragme^
pendant plufieurs jours , dans du bon vin
louge pour la diarrhée & la dyflènterie ;
la décodion de l'on brou a la même vertu-
la décoftion de fi racine Icrt en gargarifmc
pour
ARE
four les nphtes & autres ulcères de la bou-
che. Le fuc exprime de fcs jeunes feuil-
les fe boit avec l'huile de lélame contre les
vers.
Le bois des vieux troncs de Varek fe fend
en long en deux pour faire des poutres ,
& en quatre pour faire en lolivcs , des
chevrons & des pieux de paliflàde ; mais
il dure moins que celui des areks lauva-
ges. Les Malays appellent du nom d'upe
& oepe les gaines dos feuilles ; ils en cou-
fent deux enlemble pour en faire des facs
& des féaux à puiier l'eau. Lorfque ces
gaines font encore verres , leur épiderme
ou l'écorce qui couvre leur face intérieure
eu blanche ; les Malays l'enlèvent pour enve-
lopper , au lieu de papier , les carottes de
tabac. La gaîne ou fpathe des fleurs leur fert
comme de boîte pour envelopper & envoyer
au loin des poifions frais qui s'y coniervent
parfaitement.
L'drek eli , avec le cocotier , une des
■ plantes dont les Indiens fe fervent comme
de carafteres , en coupant fes fruits dlver-
lemcnt , pour exprimi;r diveri'es écritures ou
des idées f}"mboliques à la manière des
Chinois & des anciens Egyptiens. Les exem-
ples fuivans donneront une idée de leurs cx-
preflions fymboliques. Une feuille d'urek
nouée & entrelacée de manière qu'elle le-
préfente un arékier entier , envoyée à quel-
qu'un , eif une déclaration d'amitié & d'af-
fvdion : une iemblablc feuille verte , c'efl-
à-dire , bien fraîche , écorcée de manière
qu'elle forme un trépied , s'envoie à une
çerlonne pour lui témoigner qu'on deiire
faire une alliance avec elle. JJ'arek où il
manque quelque chofe , par exemple , en-
voyé fans chaux , par une femme à fon mari ,
lui annonce une rupture & une iéparation
prochaine. Si ï'arek a quelque chofe de plus
que les trois ingrédiens ordinaires , comme
par exemple , un poil , un f^tu , &c. & qu'il
loit aiufi placé quelque part , il pafie dans le
pays pour un filtre defliné ;\ enchanter celui
qui le mangera.
Culture. Varek fe trouve dans l'Inde ,
prefque par-tout où croît le coco , mais en
moindre quantité & moins près de la mer :
il eil cependant des pays où il ne fe trouve
pas , comme la côte de Coromandel & le
-Bengale ; c'eit pour ces pays qu'on en fait
Tome ni.
A H E
'.Bt
la récolte , & comme il devient un objet de
commerce & d'un bon rapport , on le cul-
tive avec foin. On choilit les fruits aban-
donnés fur l'arbre & les plus vieux , on les
enterre dans une folle qu'on recouvre d'un
peu de terre ; & quand ils ont germé , on
les repique en cercle autour des m.iilbns , ou
en allées qui forment un effet aufll agréable
que le cyprès en Italie ; il croît plus vite que
le coco , & réuflit bien dans toute forte
de terrain & beaucoup mieux fur la côte
maritime.
L'arek produit dès la cinquième année
jufqu'à la trentième où il dépérit peu A peu ,
en produifant d'abord par degrés moins de
feuilles chaque année , & les perdant fuc-
ceflivement ; il vit ainfi cinquante ans : la
récolte de fes fruits fe tait en arrachant ou
eoœoupant ("es régimes entiers ; ce font les
enriins qui font chargés de cette opération ,
parce qu'ils le montent plus ailément que
des hommes faits qui font plier le tronc
ious leur poids. Lorfqu'on veut conferver
Ces amandes tendres pour les manger jour-
nellement dans les voyages fur mer , on en
fufpend les régimes dans le vailfeau , ayant
auparavant briié &c tortillé leur pédicule »
afin que le fuc ne retourne plus des aman-
des dans le régime , & qu'eiles ne fechent
pas fi-tôt. Les Portugais de Surattc & Au
Pégu pratiquent une autre médiode ; ils
cueillent ces fruits encore verds , les déta-
chent de leur régime , les couvrent de (ablc
par lits dans des corbeilles , de manière qu'ils
ne le touchent pas , & prétendent que par
ce moyen leur amande eif attendrie & plus
facile à digérer.
Dans le tronc des vieux areks o.n trouve
des arékites ou des pinangites , c'eff-à-dire ,
des pierres d'drek ou des elpeccs de bézoards
végétaux , de la grandeur & forme d'un
grain de velîe ou de froment , blancs , lui-
fans , pefans , durs & froids comme un cail-
lou ; les Indiens les portent enfilés dans un
anneau en forme de bague à leurs doigts :
on s'en iert auifi comme de pierre de tou-
che pour éprouver l'or & l'argent : l'or le
plus pur, au titre de 23 carats , y paroir
d'un beau jaune, pendant que celui qui cît
mélangé a une couleur rouife &c terne :
l'argent y paroît blanc , mais avec une lé-
gère tejnte de couleur cuivrée.
28Z
ARE
Variétés. Rumphe dit que cet arbre a
gliifieurs variétés. La première coniifte à
àyoir un goût de fumée à Ton amande ,
à-peu-prcs , comme du riz frais ; ce goût ,
qui plaît aux Indiens , cil regardé comme
un grand défaut par les Européens. Quel-
quefois les hermaphrodites fupérieures por-
tent du fruit , mais il n'efl: pas plein & a
une forme fmguliere , communément fphé-
rique ou en rein. On en a vu quelquefois
une monftruofité à deux amandes d.ins le
même fruit.
Remarques. Nous ne voyons pas trop
fur quelle autorité M. Linné aflure que
Varek a neuf éramines dans les fleurs ; s'il
eût moins copié fervilement , qu'interprété
le fens des exprelîlons peu exactes de Van-
Rheede & de Rumphe , il eût reconnu que
tous deux , & fur-tout le premier , en diûmt
fores aperiunt fe in triufolia . . . continem-
qiie in mcdio jiamina noue m alUcantia te-
niiia. fine ullis apiclbus , tria longiora ex
ftai'o albibicantia , qux à fex mmoribus
magis flai-'is cinguntur , a pris pour trois éta-
mines plus longues & moins jaunes les trois
fligmates de l'ovaire , qui font en elfct plus
longs que les llx étamincs qui les entourent
dans les fleurs hermaphrodites fertiles.
On fait aujourd'hui que le cachou n'efl:
pas tiré de l'arékier , m.-is d'un autre arbre
lie nous ferons connoiiie ; ainfi le nom
Je catechu , que M. Linné donne_à Vuiek ,
n'efl pas plus exad que les neuf étamJnes
qu'il lui accorde : ce qui feroit une chofe
bien extraordinaire , vu que toutes les au-
tres plantes de la famille des p.iimiers en
ont fix , ni plus ni moins. Coniuhez nos
Familles des plantes , volume II ^pag. z.i.
Enfin * M. Linné en fait une troifitme ,
Iprfqu'il dit que les feuilles de Varek font
tronquées & dentées , areca , catcchu , folio-
lis . . . prcvmorfs ; il les a pointues toutes
le 5 fois qu'elles n'ont pas été ufées , ni dé-
chirées par le frottement.
Deuxième efptce. HoEA-NvWEL.
La féconde efpece A\irek que les habi-
tans d'Ambotne appellent hoea-niwel , les
"hlûàys , pinangcalappa , & Rumphe /'/«^z-
ga-calapparia au l'ohime premier de fon Her-
baniim Amboinicum , page zS , planche
Vijigures C. D , ellplus haut S: plus ^rand
3
ARE
que les autres efpeces à^arek. Il reflembîe
beaucoup au cocotier par ion tronc , (es
feuilles & fes régimes , qui fortent des ail-
felles des feuilles aduellement exiftantes , &
non pas au defTous d'elles. Ses fruits font
de la groflfeur d'un œuf d'oie , obrus ou
prefque fphéroïdes , à peine un fixieme
plus longs que larges , à écorce rouge ex-
térieurement , avec des flries cendrées , à
amande fphéroïde , longue de treize à qua-
torze lignes , avec une petite pointe au bout ,
douce au goût , mais dure.
Vhoea-nywel eft très-rare à Amboine , &
commun à file Céhbe, llir-tout autour de
Macaffar.
Ufages. On en fait peu d'ufage pour la
nourriture à caufe de fa dureté , mais
beaucoup en médecine pour les maladies
auxquelles on emploie Varek.
Troifieme efpece. MabocK.
Le mabock , appelle pinang-mabock , &
pinang-itam par les Malays , & décrit fans
figure par Rumphe , fous le nom àtpinanga.
nigra , page xq , diffère de Varek par les
caïaderes ïuivans ; il aies racines plus femées
d'épines , plus élevées au defl'us de la terre ;
les articulations ou filions du tronc plus,
écartés , les feuilles d'un verd plus noir ;
le fruit plus petit , mais plus étroit , plus
menu à proportion , à-peu-près comme un
gland , roux ou plus rougeatre que le h(iea-
nywel , l'amande conique plus alongée ,.
plus menue, moins blanche, plus féche ,
plus aulfere , plus fujette à enivrer , 6c fou-
vent amere.
Ufages. Le mabock cfl commun dans
les îles or.ien^ales Mf.luques , où on en,
mange Taraande communément verte.
Quatrième efpece. Hena-HENA.
La quatrième efpece A\i!ek eft appellée
hena-kena par les habitans de Tcrnate ;
hena-ewam , c'e'f-à-dirc , arek de montagne ,
p^ir ceux li'Anîboine -Jina-aUng, par ceux
d'Hitoë ; pinang-cecan hefaar , par les Ma-
lays, &:pinangafj h cfris globofa , par Rum-
phe , qui en a donné une figure payable
dans fon Herhaiium Amboinicum, iclurne
premier, pag. 38 ,pl. V , fig. t , & A.
Voici en quoi il dilfere de Varek commun.^
Son tronc eft un peu plu? ép:iis , de ucu£
ARE
â dix pouces de dinmetre , haut de douze
à vingt pies , plus blanc , ;\ anneaux plus
larges , à feuilles longues de dix à douze
piifs , à côte grollc comme le doigt , à
vingt folioles de chaque cote' , longues cha-
cune d'un pié & detni à deux pies , neuf
à dix fois moins larges , pointues , pliées , &
à pluficurs côtes longitudinales on defîbus.
Le régime des fleurs n'ell pas ramifié ,
mais femblable à un épi funple , long comme
les feuilles ; au lieu de i'ortir au deflbus
d'elles ou de la tige après leur chute , il
fort du haut de leur gaine , comme s'il
faifoit corps avec leur pédicule. Sa partie
inférieure efl nue ou fins fleurs , dans une
Longueur de trois pies environ , le refle
cfl garni de plus de deux cents fleurs fcf-
liles , ad'ez écartées , lemblables à celles de
l'iirek , c'eil-à-dire , hermaphrodites , dont
les iupérieures avortent, pendant que douze
à quinze des inférieures font fertiles : elles
font accompagnées de grandes écailles qui
refient fur l'épi après leur chute.
Les fruits font fphériqucs , de dix lignes
environ de d:ametre , d'un jaune orangé ,
A peau & chair minces , feches & fragiles ,
contenant une amande fphérique avec un
point , recouverte d'une peau dure comme
une efpcce d'écorce. La fiibflance de cette
amande reilemblc à celle de Varek , mais eft
plus dure , plus auilere , plus amere , & ce-
pendant mangeable.
Culture. L'hena-hcna ne croît ni dans les
jardins , ni dans les petites forêts , mais feu-
lement fur les montagnes , & à l'ombre des
arbres de haute futaie.
Qualités. Son bois eft d'abord blanc , en-
fuite roux , plus ferme & plus durable que
celui de l'arek , compofé de fibres longitu-
<linales ; mais il a , comme l'aiek , le cœur
blanc , plus tendre , compofé de fibres plus
courtes.
Uf âge s. On fend facilement fon tronc'
pour en faire des folives ; fes amandes le
mangent dans les lieux où ïarek manque ;
pour cela on les concafîe en gros fragmens ,
& , quoique plus dures que celles de ['arek ,
cependant un coup fuffit pour les brifer en
iclats : quoiqu'aufteres & ameres , elles l'ont
préférables à toutes les autres efpcces fau-
A R E . 2S3
Cinquième efpece. HudA-Keker.
Vhuda-keker eft un arckier fiiuvage , qui
croît égaleinent fiir le rivage & ilir les
montagnes des ilos Moluques , où il eft
fcmé par-tout par les chauvc-fouris qui fe
gorgent de les fruits ; les Malays l'appel-
lent pinang-lanfd ou pinang-pandan^ , A
caufe de la dilpofition de les fruits , qui
lont ferrés comme ceux du lanfj. ou du pan-
daiig : les habitans d'Amboine l'appellent
nibun. mera , & les Hollandois mode nie-
boom , parce que (on bois eft rouge.
Il a le tronc plus haut , plus menu que
Varek , marqué d'articulations plus gran-
des , & le bois plus dur , roux au dehors ;
les feuilles ont fcpt à huit pies de lon-
gueur , ;\ côte velue d'un pouce de dia-
mètre , vingt folioles de chaque côté , dou-
blées pour l'ordinaire , c'eft-à-dire , fortanc
deux à deux d'un même point ; de forte
qi:'il y en a quarante de chaque côté ,
quoiqu'il n'en paroiiîe que vingt. Chaque
foliole eft pointue , longue de trois pies ,
quinze à vingt fois moins large , pliée ea
deux leulement , avec une nervure au def-
fous , Kfîe comme celle du nipa.
Le régime des fleurs fort de la tige un
peu plus bas que les feuilles de la cime ,
comme dans Varek , mais d'une gaîne plus
étroite ; il a les fleurs plus petites , & ref^
femble à un épi long d'un pié & demi ,
dont la partie lupéricure avorte & fe fé-
pare , pendant que la partie inférieure , qui
relie longue de trois pouces , & une fois
moins large , eft couverte comme l'épi de
l'arum de trente à quarante fruits , entre
lefquels on voit nombre de fleurs avortées ;
chaque fruit eft ovoïde , femblable à un
gland , fouvent anguleux ;\ caufe de la
prciîion , pointu par le bout , long de neuf
à dix lignes , de moitié moins large , verd
d'abord , cnfuite jaune , enfin rouge , à chait
fibreule douce , h amande ovoïde , obtulè
& très-fragile.
Qualités. Son amande eft afTez douce
d'abord , mais amere fur la fi:i , & croque
fous la dent.
Ufages. Vhuda-keker fe mange feule-
ment au défaut de Varek ; les perroquets
hupés & les chauve-fouris eo aiment beau-
coup la chair ; fon bois eft rouge , & ferc
N n Z
284 A ï^ E
à faire des planches & àes pcufres , qui font
d'une longue durée , lorfqu'on a ioin de
l^s pafler à la fumée avant que de les em-
ployer. Leshabitans de l'île Célebe tirent
de fes jeunes feuilles du fil dont ils tout
des facs. Son chou , c'eft-à-dire, Ion
bourgeon cuit ié mange , mais il taut le
cueillir fur les ieunes arbres qui n ont pas
encore fleuri ; car dès qu'ils ont une lois
porté du fruit , il n'cfl plus mangeable a
caul'e de fbn amertume.
Remarque. On voit à Ambcine une va-
riété de cette efpece à tronc plus menu ,
haut de trente à quarante pies , à régi-
mes plus longs , rameux , à truirsplus
hiches , rouges du corail , dont la chair elt
feche & fragile , & Tamande ierablable a
un pois.
Sixume efpece. O P O S s Y.
Les habitans de la côte orientale de l'île
Célebe appellent opojfy une iixieme elpece
à'arek , que les habitans d'Ambome nom-
ment hua-foil ou hua-tette , ou bien hiia-
tette ev. an , c'eft-à-dire , arck menu , & les
MaJays nibum mera kitsjil ou p:nang oetan
htsjil oupinangfahe , parce que (es fruits
ne ibnt pas plus gros que les grains du
riz ou de la larme de Job , qu ils appellent
falce. Rumphe l'a décrite & figurée lous
ie nom à^ pmangafyh'eflns oryjaformis ,
dans fon Habanum Amboimcum , voLume
I , page 4.0 , planche V ,fig- '3- B. C. D.
Son tronc a à peine quatre pouces de
diamètre ^ fur vingt à vingt-cmq pies de
hauteur , les anneaux fort lerres , le bois
irès-dur , rouf^âtre , fibreux , à centre moel-
leux ou fongueux , plus tendre ; les kuil es
ont huit i\ neuf pi^is de longueur , à pédi-
cule triangulaire avec un liUon en dellus ,
dont le tiers inférieur fornie une gaîne qui
embraflTe à peine la moitié du tronc , &
qui ell ordinairement couronnée de folioles
lameufes & ailées ; le fécond tiers , ou celui
du milieu de la côte de la teuille , elt
nu , & le troifieme tiers qui le termine ,
çit garni de chaque côté de vingt à vingt-
cinq paquets , chacun de trois teuilles en
lame, pointues , longues de deux piés &
plus , dix à douze fois moins larges , ter-
mes , pliées en deux , avec une nervure en
tlelfous.
ARE
Les fleurs ont ,- comme dans l'are* y
une Ipathe de trois pouces de diamètre,
d'où fort un régime partagé en vingt à
vingt-fix branches , iortant en failceau d un
même point , & couvertes d'un bout à
l'autre de fleurs hermaphrodites , dont plus
de la moitié avorte ; les fruits de celles qui
reflent font fphéroïdes , de la grolTeur d'un
pois, c'ell-à-dlre , de trois à trois lignes
& demie de diamètre , d'abord verd-blan-
chiitres , enfuite rouges de fang , à amande
fort petite &: peu léniible.
Qualités. Vopojfy efl rare à Amboine ,
& très-commun dans les moyennes torcts
de l'île Célebe.
Ufages. Ses fruits fe mangent entiers^,
parce que leur chair feche efl à -peu -près
de même goût & folidité que lamanue.
Son régime appelle rambu , étant ieparc de
l'arbre , ne peut retenir fes fruits pendant,
plus de deux jours lans les laiffer quitter leur
calice , & tomber ; au contraire de 1 arek
commun qui les retient pendant des an-
nées entières.
Septième efpece. S A L E Y T.
Selon Rumphe, les habitans deBoëron
appellent du nom de faleyt une |ep"e"]3
& dernière efpece à'arek , qui diflere de
l'opoliy en ce que ; 1°. les racines lont éle-
vées en arc au deflus de la terre , où elles
préfentent leurs pointes obtuics comme
des épines ; z°. les anneaux de Ion tronc
iont plus écartés : 3". fes teuil es lont hlles ,
fans poils , femblablesà celles de 1 are* ,
garnies d'un plus petit nombre de folioles ,
longues d'un pié , trois fois moins larges ,
pointues , ù fept nervures , dont quatre en
deflbus & trois en delTus ; 4°- io" ■•«-'S'^e
efl femblable à celui de Varek ,mais les truits
font plus petits , femblables à ceux du
gnemm , ou A un gland pointu aux deux
bouts , long de neuf à dix lignes , de moitié
moins larges , rougeatres-
Ufa:;es. Ses fruits , avant la maturité,
f Mit aidleres & acerbes ; mais bien mûrs ,
ils fe mangent & croquent lous les dents^
Les habitans de Boëron , Cn)eli & Bêla, fen-
dent (on écorce pour en tirer des hls , donc
•ils font dis habits qu'ils appellent meuta
ARE
& badjas qui durent nombre d'années. {M.
AREKCA , ( Gi'ogr. ) port de la mer
Rouge , à 2.2. lieues de Suaquem.
* AREMBERG , ( Géogr. ) petite ville
d'Allemagne dans le cercle de Weilplia-
lie , kir la rivière d'Alir , capitale du
comté de même nom , incorporé au cer-
cle du bas Rhin , & érigé en principauté
par l'empereur Maximilien II. Long, z^ ,
33 ,• lat. ^O , Xj.
AREMOGAN ou ARMEGON, {Géog)
ville & port des Indes, furie gollc de Ben-
gale , au royaume de Bil'nagard ; elle cH
entre Paliacate & Maliilipatan , lur vcriz
petite rivière qui vient des montagnes
de Cadapa. Zo/j^-. jj 5 , t^, lat.i^; zo.
( C, A. )
ARENA , ( Ge'ogr. ( rivière de Sicile ,
dans la vallée de Mafara , elle prend fa
fource dans les montagnes près de Saimi ,
& r.prts un cours de dix ou douze lieues
du nord au lud , elle vient fe jeter dans le
golfe de Mafara , à l'orient de cetic ville.
( C. A. )
ARENE , arena, {Hifi. nat.foff.) amas
de particules de pierres , formé du débris
des matières îapidifiques calcinables. Uare-
ne , le gravier , & le lable calcinable , lont
de la même iubilancc , & ne difièrent que
p.ir la groiTeur des grains. Le cours des
eaux , l'aâion de la gelée , l'impreflion de
l'air , &c. réduilent peu à peu les pierres
en petites parties plus ou moins fines : les
plus petites torment le fable calcinable ; les
plus grolTes font du gravier ,• & on a don-
né le nom d'arène à celles qui lont plus
grofies que le iahle , & plus petites que le
gravier. On a auill divifé ïarene en fojfile ,
Jîui'iatile , & marine: mais quelle différence
y a-t-il entre Yarene qui fe trouve dans les
terres , & celle qui e lur les côtes de la
mer ou dans les lits des rivières ? Leur ori-
gine & leur nature ne font -elles pas
les mêmes ; & à quoi fervent en hil-
toire naturelle toutes ces divifions arbi-
traires? Vid. Terr.v Mitfxireg. Drefdeiifis.
aut. Gotdich Ludwig. page j ^. Voye\
Pierre. (I)
Arene , {Hifi. anc.) partie de l'amphi-
thét^trc des Roœai.is. C'étoit une vafle place
ARE igj
fiiblée oh cotnbattoient les gladiateurs ; d'oii
cft venue Texprellion in aienam defccndeie
pour iignificr/t prefencer au combat. Le ia-
ble dont ï arene étoit couverte, outre qu'il
amortilloit les chûtes , iérvoit encore aux
athlètes à ié frotter , pour donner moins
de prile à leurs adverfaiies. 1^'autres pré-
tendent qu'on avoit pris la précaution de
fabler l'amphithéâtre , pour dérober aux
Ipeélateurs la vue du lang qui couloit des
blefliires des combattans. On dit que Néron
porta l'extravagance jufqu'i\ taire couvrir
Varene de fable d'or : cette partie du cirque
étoit pour les gladiateurs ce que le champ
de bat. ille étoit pour les foldats ; & de-Li
leur vint le nom d'arenarii. Voyc\ GLA-
DIATEUR. (G)
ARENER , v. paff. terme d'' architecl. {e:
dit d'un bâtiment qui s'eft alïiiiiré , qui a-
baiiïé , n'étant pas bâti il(r un fonda folide..
On dit : ce hàiiuient ejl arene. ( P )
* ARENSBERG ,'( Geogr. ) ville d'Al-
lemagne dans le cercle de Wellphalie , fur-
la Roer. Long. Z^ , Ao ; lat. < z , z<.
_ * ARENSBOURG , ( Geogr.) ville ma-
ritime de Suéde dans la Livonie , dans l'île-
d'Ofel , fur la mer Baltique. Long. Ao, zo;.
lat. ^8 , JA.
* ARENSWALDE , ( Geogr. ) ville
d'Allemagne dans la nouvelle Marche de
Brandebourg , iur le lac Slavin , fro.n-
tiere de la Poméranie. Long., jz, aa. ;
^'V. $3 , 23.
AREOLE , f f efl un diminutif d'a/Vt' ,
& fignifi.e petite fur/ace. Voye:^ Aire &
Surface. {E )
ARÉOfE, en anatomie, eftce cercle co»
loré qui entoure le mammelon. T^oy. Mam,--
MELLE , Mammelon , &c.
Ce cercle efl A\in rouge agréable dans
les iilles, un peu plus oblcur ou d'un rouge
pale dans les jeunes femmes , & tout-à-fait
livide dans les vieilles.
Oh remarque fur les aréoles, tant des hora-
mes que des femmes , des tubercules dont la
fituation n'efi pas conllante. Ces tubercu-
les lont chargés de glandes fébacées ; ces
glandes ne reçoivent point de conduits lac-
tileres , & ne fervent pas à fournir du lait.
La nature cft trop fage pour aller perdre
une liqueur utile , que ces petits conduits ne
aS(î
ARE
pourroient pas faire pafler clans la bouche
tle l'entant. Tous ces conduirs paflent dans
le mammelon , s'ouvrent entre les plis donc
il efl ridé , & fournifllent du lait dès que l'é-
rcitiondu mammelon a rendu à ces conduits
une direction qui favoriie la lortie de cette
liqueur. ( H. D. G. )
AREOMETRE, r. m. mot dérivé d'iî-a-5,
temns,6c dey ïtco- ^menfura. On appelle arco-
mecre un inrtrument qui fcrt à melurer la
dcnfité ou la pefanrcur des fluides. Voye:^
Fluide , Gravité , Pesanteur , &
Densité.
JJ'are'ometre ordinairement eu de verre ;
il confifîe en un globe rond & creux , qui
{c termine en un tube long , c\ lindrique ,
& périt ; on {"onne ce tube hermétique-
ment , après avoir tait entrer dans le globe
autant de mercure qu'il en faut pour fixer
le tube dans une pofition verticale , lorfque
l'infhument el\ plongé dans l'eau. On di-
vife ce tube en degrés , comme on voir
PL Je Pneumat.fig. 2 8. &. l'on ellimelapc-
fanteur d'un fluide , par le plus ou le moins
de profondeur à laquelle le globe detcend ;
enibrte que le fluide dans lequel il del-
cend le moins bas efl: le plus pefant ; &
celui dans lequel il deicend le plus bas ,
efl le plus léger.
En effet , c'efl une loi générale , qu'un
corps pefant s'entonce dans un fluide ,
jufqu'à ce qu'il occupe dans ce fluide la
place d'un volume qui lui loit égal en pe-
fanteur : de-l;\ il s'enfuit que plus un fluide
eff denfe , c'efl-à-dire , plus il efl pelant ,
plus la partie du fluide , qui fera égaie en
•poids à l'aréomètre , iera d'un petit volume ,
& par conféquent le volume de fluide que
Yizreometre doit déplacer fera aulfi d'autant
plus petit , que le fluide efl plus pelant :
ainfi plus le fluide efl pelant , moins ïare'o-
metre doit s'y enfoncer. Il doit donc s'enfon-
cer moins dans l'eau que dans le vin , moins
dans le vin que dans l'eau-de-vie , è't . comme
il arrive en etFet.
Il y a un autre aréomètre de l'invention
de ?i'I. Hombert : on en trouve la deicrip-
tion luivante dans les Tranfacl. philo f. n° .
z6z. Ayfig. Z5, efl une bouteille de verre
ou matras , dont le col C B efl fl étroit ,
qu'une goutte d'eau y occupe cinq ou fix
lignes ; A côté de ce col cft un petit tube
ARE
capillaire D de la longueur de fix pouces ;
& parallèle au col C B. Pour remplir ce
vaiffeau , on verte la liqueur par l'orifice
B , dans lequel on peut mettre un petit
entonnoir ; on veriera jufqu'à ce qu'on voie
fortir la liqueur par l'orifice D , c'efl-à-
dire , julqu'à ce qu'elle toit dans le coi
CB , à la hauteur C • par ce moyen on
aura toujours le même volume ou la même
quantité de liqueur ; te contéquemment ,
on pourra trouver par le moyen d'une
balance quelle efl , parmi les différentes
liqueurs dont on aura rempli cet aréomètre ,
celle dont la peianteur abiolue efl la plus
grande, ou qui pefe le plus.
Il faut avoir quelque égard à la faitbn de
l'année , & au degré de chaleur ou de froid
qui règne dans l'air; car il v a des liqueurs
que la chaleur raréfie , & que le froid con-
denle beaucoup plus que d'autres , & qui
occupent plus ou moins d'efpace , félon
qu'il tait plus ou moins chaud ou troid.
royei Pesanteur spécifique, Ra-
réfaction , &c.
A l'aide de cet inflrument , fon fivant
auteur a conftruit la table liiivante , qui
montre, tant pour l'été que pour l'hiver ,
les dittérentes peianteurs ijiecifiques des
fluides , dont l'ui'age efl le plus ordinaire
en Chymie.
AREOMETRE
PESÉ EN
ÉTÉ , EN
hiver.
plein de
One. D^jg- Gr
One. Drsg. Gr.
Vit-argent. . . .
II CD 06
II co 31
Huile de tartre. .
oi 03 08
01 03 31
Eiprit d'urine . .
01 00 31
CI 00 43
Huile de vitriol .
01 03 58
01 04 03
Elpritdenitre. .
01 lo 40
01 lo 70
Sel
01 CD 39
01 00 47
Eau-forte . . . .
Efprit-de-vin . .
CI CI 38
00 06 47
01 01 55
00 c6 61
Eau de rivière . .
.Eau diflillée . . .
00 07 53
80 07 50
00 07 57
00 07 54
L'inflrumcnt vuide pefoit une dragme
vin^t-huit grains.
Une autre méthode pour connoîtrc le
degré de peianteur d'un fluide , efl de iuf-
pendre une mafle de verre maflit &c de
figure ronde à un crin de cheval , que l'on
ARE
attache au dclTous tl'uii pcrit plat : cette
mafle ainil liilpenduc d;ms l'air a une ba-
lance bien juile , demeure en équilibre avec
un poids tait en iorinc de baiiln , & fui-
pendu à l'autre bras de la balance ; on
plonge enfuite le corps de verre dans la li-
queur dont on veut examiner la peia:neur,
& fur le champ l'autre bra.s de la balance
s'élève & devient plus léger , parce que le
corps de verre a perdu dans la liqueur une
partie de Ion poids : on met cniinte lur le
petit plat auquel le crin de cheval cil atta-
ché , autant de poids qu'il en faut pour que
l'équilibre ioit rétabli ; &: ces poids ajoutés
indiquent ce que la malfe de verre a perdu
de ion poids dans la liqueur : or le
poids que ce corps a perdi! :i\ égal au
poids d'un pareil volume de la liqueur ;
donc on connoit par - là ce que pelé un vo-
lume de la liqueur égal à celui du petit corps
de verre.
M. MufTchenbroek paroît préférer cette
dernière méthode à toutes les autres qu'on a
imaginées pour peler les liqueurs. 11 pré-
rend que la méthode de M. Homberg en
particulier a les inconvéniens , parce que
la vertu attractive du tuyau étroit , fait que
la liqueur y monte plus haut que dans le
col large ; & comme les liqueurs ont une
yemi attraclive différente, il devra y avoir
auili une grande différence entre les hau-
teurs dans le col large , lorlqu'elles ieront
élevées julqu'à l'orifice du tuyau étroit.
Si , au haut de la tige de V aréomètre, on
met quelque petite lame de métal , &c. il
s'enfonce plus avant , quoique dans la mê-
me liqueur. En eiîer , la partie plongée de
ïaiéometre iouleve autant de liqueur qu'il
en faut , pour faire équilibre à l'inlfrimient
entier. S'il pcfe une once , par CAcmple ,
il louleve moins d'eau que de vin , quant
au volume , parce qu'il faut plus de vin
que d'eau pour le poids d'une once ; &
comme il ne fait monter la liqijrur qu'en
s'entonça.it , il doit donc plonger plus avant
dans celle qui ell la plus légère. Si Ion
avigmcntcle poids de i aréomètre par ad-
dition de quelque lame de métal ou autre-
ment , il" s'enfo.nce plus avant , quoique isans
la même liqueur;, parce qu'alors il en faut
une plus graiule quat-^tité pour lui faire équi-
libre, M. Fcrniey.
ARE iRy
Cela ferr à expliquer divers ffits. Si tous
les corps qui flottent , s'enfoncent plus ou
moins , fuivant la denlité du Huidc , une
barque chargée en mer aura donc moins
de parties hors de l'eau , fi elle vient à re-
monter une rivière ; car l'eau lalée pcfe plus
que la douce , (5c les nageurs ailurent qu'ils
en lentent bien ladilîercnce. On doit donc.<
a\'oir égard à cet cilct , & ne pas rendre
la charge aufll grand-, qu'elle pourroit i'étrc ,
Il l'on prévoit qu'on doive palier par une
eau moins chargée de fel , que celle où l'on
s'embarque. On a vu quelquefois des iles
flottantes, c'efl-à-dire , .des portions dé-
terre allez conlid^ râbles qui ie déiachcnc
du continent , & le trouvant moins peiân-
tcs que l'eau , fe loutiennent à laliirface,.
& flottent au gré des vents. L'eau mine
peu- à-peu certains terrains , qui font plus
propres que d'autres à fe diftoudre : ces-
fortes d'excavations s'augmentent avec le
temps, & s'étendent au loin: le delfus de-
meure lié parles racines des plantes & des
arbres , & le fol n'efl ordinairement qu'une-
terre bitumineufe , fortlégere; de forte que
cette efpece de croûte elt moins pelante
que le volume d'eau {i.ir lequel elle efl
reçue , quand un accident quelconque'
vient à la détacher de la terre ferme ,
& à la- mettre à flot. L'exemple de Va-
re'ometre fait voir encore qu'il n'eff pas
befom , pour furnager , que le corps flot-
tant fo;t d'une matière plus légère que
l'eau. Car cet infîruir.ent ne le fouticnt
point en vertu du verre ou du mercure ,
dont il efl lait , mais feulement parce qu'il
a , avec peu de folidité , un volume con-
fidérable qui répond à une quantité d'eau
plus pelante.- Ainfi l'on pourroit faire
des barques de plomb , ou de tout a.;tre
métal , qui ne s'enfonceroient pas. Et en
effet , les chariots d'artillerie portent fou-
lent à la fuite des. armées des gondoles de
cuivre, qui fervent à établir des ponta
pour le paflage des troupes. M Formey.
Il faut apporter diveries précautions dans
la conffruéiion & l'uiage de cet inlîrument.
I". Il faut que les liqueurs dans lefquellcs
on plonge i'iîrfb/nfr/f , foientexaftement au
même degré de chaleur ou de-froid , afin
qu'on p.uiife être fur que leur diliérencc
de denlité ne vient point de l'une de ces
i88 ARE
deux caiifes , & que le volume de l'areo-
metre même n'en a reçu aucun changement.
2". Que le col de l'infirument fur le
quel font marquées les gradations , foit
par-tout d'une grofleur égale ; car s'il eft
d'une forme irréguiiere , les degrés mar-
qués à égales difiances ne mefureront pas
•des volumes de liqueurs lémblablcs en fe
plongeant ; il fera plus i'ûr & plus facile
de graduer cette échelle relativement à la
forme du col , en chargeant fuccefiîvement
l'inih-ument de plufieurs petits poids_ bien
égaux , dont chacun produira l'entoncc-
nient d'un degré.
3°. On doit avoir foin que l'immerfion
fe talle bien perpendiculairement à la (ur-
face de la liqueur , fans quoi l'obliquité
empêcheroiî de compter avec jultefle le
degré d'entoncement.
4°. Comme l'ufage de cet inflrument cfl
borné à des liqueurs qui différent peu de
pelanteur entre elles , on doit bien prendre
garde que la partie qui furnage ne fe charge
de quelque vapeur ou faleté , qui occa-
fioneroit un mécompte , dans une eftima-
rion où il s'agit de différences peu confi-
dérables. Et lorfque ïare'ometre pafTe d'une
liqueur ;\ l'autre , on doit avoir loin que
fa furface ne porte aucun enduit , qui em-
pêche que la liqueur où il entre ne s'appli-
que exaftement contre cette flirface.
5°. Enfin, malgré toutes ces précautions,
il relie encore la difficulté de bien juger le
degré d'enfoncement , parce que certaines
liqueurs s'appliquent mieux que d'autres
au verre ; & qu'il y en a beaucoup qui ,
lorfqu'elles le touchent , s'élèvent plus ou
moins au delfus de leur niveau. Quand on
{c fert de V aréomètre que nous avons dé-
crit , il faut le plonger d'abord dans la li-
queur la moins pefinte , & remarquer à
quelle graduation ie rencontre fa furlace :
nefijite il huit le rapporter dans la plus
denfe , & charger le haut de la tige , ou
du col, de poids connus, julqu'à ce qu&
le degré d'enfoncement ioit égal au pre-
mier. La iommc des poids qu'on aura ajou-
tés , pour rendre cette immerfion égale à
la première , iera la différence des pefan-
teurs fpécifiqucs entre les deux liqueurs.
Nous devons ces remarques à M. Formey ,
ARE
qui les a tirées de M. l'abbé Nollct ,£eû?.
phyf. m
ARÉOPAGE, f. m. ( Hifl. anc.) fénat
d'Athènes, ainfi nommé d'une colline voi-
fme de la citadelle de cette ville confacrée
à Mars , des deux mots Grecs 3-«;,of , bourg ,
place ^ éc\f»f , le Dieu Mars ; parce que ,
félon la fable, Mars,accufëdu meurtre d'un
fils de Neptune , en tut ablous dans ce lieu
par les juges d'Athènes. La Grèce n'a point
eu de tribunal plus renommé^ Ses mem-
bres étoient pris entre les citoyens diftin-
gues par le mérite & l'intégrité , la naif-
tiince & la fortune; & leur équité étoit.fi
généralement reconnue, que tous les états de
la Grèce en appelloient à Vare'opage, dans
leurs démêlés, & s'entcnoientàfes décifiOiis.
Cette cour eil la première qui ait eu droit
de vie & de mort. Il paroît que , dans fa
première inllitution , elle ne connoifToit
que des affaflinats : fa jurifdiélion s'étendit
dans la fuite aux incendiaires , aux conf'pi-
rateurs , aux transfuges, enfin à tous les
crimes capitaux. Ce corps acquit une au-
torité fans bornes , fur la bonne opinion
qu'on avoit dans l'état de la gravité & de
l'intégrité de fcs membres. Solon leur con-
fia le maniement des deniers publics , &
i'infpeâion fur l'éducation de la jeunelfe ;
foin qui entraîne celui de punir la débau-
che & la fainéantife , & de récompenfer
rinduftrie & la fbbriété. Les are'opagites
connoifToient encore des matières de reli-
gion : c'étoità eux à arrêter le cours de l'im-
piété, & à venger les dieux du blaîpheme ,
& la religion du mépris. Ils délibéroient
fur la confécra'ion des nouvelles divinités ,
fur réreâion des temples & des autels ,
& fur toute innovation dans le culte di-
vin ; c'étoit même leur fondion principale.
Ils n'entroient dans l'adminiflration des au-
tres afiaires , que quand l'état alarmé de
la grandeur des dangers qui le menaçoicnt
appelloit à fon f'ecours la fagefle de Varéo-
page , comme fon dernier refuge. Ils con-
ferverent cette autorité julqu'à Périclès ,
qui ne pouvant être are'opagitc, parce qu'il
n'avoit point été archonte , cmpkiya toute
la puiffince & toute ton adrelTe à l'avilii-
femcpt de ce corps. Les vices & les excès
qui corrompoient alors Athènes, s'étant glif-
féi" dans cette cour , elle perdit par degrés
Tcllima
ARE
Peftime dont elle avoir joui, & le pou-
voir dont elle avoir éré rcvcnie. Les au-
teurs ne s'accordenr pas fur le nombre des
îiii;es qui compofoicnt ïare'opj^e. Quelques-
uns le hxcnr à rrcnre-iin , d'aurres à cin-
quante un , iSc quelques autres le tont mon-
ter julqu'à cuiq cents. Cette dernière opi-
nion ne p:ur avoir lieu que pour les temps où
ce tribunal , tombé en dilcrédit, admettoit
ind'.lftremment les Grecs iic les étrangers ;
car, au rapport de Ciceron, [es Romains
s'y tailoiint recevoir : ou bien elle contond
les are'opagites avec les pry canes.
Il eii prouve par les marbres d'Arondel,
que r^r/o/'J^-i? kiblifloit 941 ans avant Solon :
mais comme ce trilunal avoit été humilié
par Dracon, & que Solon lui rendit ia
première Iplendeur ; cela a donné lieu à
la méprife de quelques autours , qui ont
regardé Solon comme rinltituttur de Varéo-
Les are'opagites tonoient leur audience en
plein air , & ne jugeoient que la nuit , dans
la vue, dir Lucien, de n'être occupés que
des rations , & point du tout de la figure de
ceux qui parloicnt.
L'éloquence des avocats pafioit auprès
d'eux pour un talent dangereux. Cependant
leur févcrité fur ce point lé relâcha dans
la fuite ; mais ils furent conflans à bannir
àes plaidoyers tout ce qui tendoit à émou-
voir les pafEons , ou ce qui écartoit du
fond de la queflion. Dans ces deux cas , un
héraur impoloit lilence aux avocats. Ils don-
noient leur fjiirage en lilence , en jetant
une efpece de petit caillou noir ou blanc
dans des urnes , dont Fune étoit d'airain ,
& fe nommoit l'urne de la mort , djcvarou ;
l'autre étoit de bois , & s'appelloit Vume
de la mifencorJe,'-Kiv. . On comptoit enfuite
les fufFrages ; & lelon que le nombre des
jetons noirs prévaloit ou étoit inférieur à
celui des blancs , les jirges traçoient avec
l'ongle une ligne plus oir moins courte fur
une efpece de tablette induite de cire. La
plus courte fignifioit que l'accufé étoit ren-
voyé ablous ; la plus longue exprimoit la
condamnation-
AREOPAGITE , juge de l'aréopage.
Voici le portrait qu'Ifocrate nous a tracé
de ces hommes merveilleux , & du bon
ordre qu'Us établirent dans Athènes. " Les
Tome IJI.
ARE 189
» Juges de Y aréopage , dit cet auteur , n'é-
» toient point occupés de la manière donc
» ils puniroient les crimes , mais unique-
» ment d'en infpirer une telle liorrtur ,
>) que perfonne ne pCit ié refoudre à en
yy commettre aucun : les ennemis , (clon leur
» hiçon de penler , étoient faits pour punir
» leurs crimes, mais eux pour corriger les
»j mœurs. Ils donnoient à tous les cito}ens
»5 des ioins généreux , mais ils avoienf
» une attention ipéciale aux jeunes gens. Ils*
»j n'ignoroient pas que la lougue des paî-
» lions nailïantes donne A cet âge tendre
>j les plus violentes fecoulTes , qu'il faut
» à ces jeunes cœurs une éducation donc
n l'âpreté foit adoucie par une certaine
» melure de plaillr ; & qu'au fond il n'y a
» que les exercices où le trouve cet heu-
» reux mélange de travail & d'agrément ,
» dont la pratique conltante puill'e plaire
» à ceux qui ont été bien élevés. Les for-
»> tunes étoient trop inégales pour qu'ils
» puflent prefcrire à tous indiîiéremmcnc
» les mêmes chofes & au même degré ;
') ils en proportionnoient la qualité &:
» l'ulage aux iacultés de chaque lamil.'e. Les
»5 moins riches éto'cnt appliqués à l'agri-
» culture & au négoce , (lir ce principe que
>5 la pareife produit l'indigence , & ainii
» l'indigence les plus grands crimes : ayant
» arraché les racines des plus grands maux ,
» ils cro}oient n'en avoir plus rien à crain-
y) dire. Les exercices du corps , le cheval , la
» chalTe , l'étude de la philolophie , étoienc
» le partage de ceux à qui une meilleure
» fortune donnoit de plus grands fècours:
» dans une diltribution fi lage, leur but
» étoit de fauver les grands crimes aux
j> pauvres, & de faciliter aux riches l'ac-
» quihtion des venus. Peu contens d'avoir
>5 étabh des loix fi utiles , ils étoient d'une
>j extrême attention à les faire obferver :
" dans cet eiprit, ils avoient dillribué la
» ville en quartiers , & la campagne en
>y cantons diliérens. Tout fe palîoit ainlt
>5 comme fous leurs yeux. Rien ne leur
>j écliappoit des conduites particulières.
>j Ceux qui s'écartoient de la règle , étoient
» cités devant les magiitrats, qui aflôrtif-
» loient les avis ou les peines à la qualité
» aes fautes dont les coupables étoient con-
;> vaincus. Les mêmes aréopagnes enga-
Oo
j^o ARE
») geoîent les ric'ies à foulager les pauvres ;
}j ils repli moient rintempérance de la jeu-
» nèfle par une difciplinc aufîcre. L'avarice
») des mngillrats , effrayée par des fupplices
» toujours prêts à la punir , n'oloitparoître ;
n & les vieillards à la vue des emplois &
» des refpeâs des jeunes gens , fe tiroient
» de la léthargie, dans laquelle le grand
» âge a coutume de les plonger. » Aufli
ces juges fi refpeélables n'avoienr en vue
que de rendre leurs citoyens meilleurs , &
la république plus fioriflànte. Ils étoient fi
défintérenés , qu'ils ne recevoient rien ou
prelque rien , pour leur droit de préience
aux jugemens qu'ils prononçoient ; & fi
intègres qu'ils rendoient compte de l'exer-
cice de leur pouvoir à des cenfeurs publics ,
qui, placés entr'cux & le peuple, einpê-
ciioient que l'ariftocratie ne devînt trop
puiiîante. Quelque courbés qu'ils fuflent
f()us le poids des années , ils le rendoient
fiir la colline où fe tenoient leurs aflerablées ,
evpoiés à l'injure de l'air. Leurs, décilions
ctoient marquées au coin de la plus exaéle
jufiicL^ : les plus intéreflàntes par leurs objets ,
ibnt celles qu'ils rendirent en laveur de
Mars ; d'Oreîle qui y fut abfous du meur-
tre de la mère , par la protedion de Mi-
nerve qyi le iauva , ajoutant fon iutîrage
à ceux qui lui étoient favorables , & qui
fe trouvoient en parfaite égalité avec les.
fuffrages qui le condamnoient. Céphale
pour le meurtre de fa kmmc Procris , &
Dédale pour avoir aflaffiné le fils de fa
fœur , furent condamjiés par ce tribunal.
Quelques anciens auteurs prétendent que
S. Dcnys premier éveque d'Athènes , avoit
été aréopagite , & qu'il lut converti parla
prédication que S. Pau! ht devant ces juges.
Un plus grand nombre ont confondu ce
Denys Vareopague avec S. Denys premier
éveque de Paris. Voye\ dans le recueil de
\acad. des belles-Lettres , tom. VIT, deux
«xcellens mémoires fur Varéopage ,, par M.
Fabbé de Canaye , qui fait allier à un de-
gré fort rare l'efprit & ia philofophie à
l'éniditinn. (G)
AREOSTYLE, f. m. ,ltins \\incienm
architecture ^ c'eit une des cinq fortes d'in-
tercolonnations , dans laquelle les colonnes
ctoient placées à la dillance de huit , ou ,
tomme dilbic quelques-unj , de dix. mo-
ARE
dules l'un de l'autre. Voyei IntEUCOLON-
NATION. Ce mot vient d'^^^'cf, rare, &
ç-i'?.« , colonne ,• parce qu'il n'y avoit point
d'ordre d'architedure où les colonnes ful-
lènt aullt éloignées les unes des autres que
dans ïaTéoJitle.
On fait principalement ufage de Vare'of-
tyle dans l'ordre toican , aux portes des
grandes villes & des torterefles. Voyei^
Toscan , &<:. Vunue. (P)
AREOTECTONIQUE, adj. d\ cette
partie de fortification & d'architeâure mi-
litaire , qui concerne l'art d'attaquer & de
combattre. (Q)
AREOTlQUES , ( en mc'Jecine. ) fe dit
de ces remèdes qui tendent à ouvrir les
pores de la peau , à les rendre alTez dilatés ,
pour que les matières morbifiques puiifent
être poufTées dehors par le moyen de la
fiicur ou de l'infenfible rranipirarion. Voy.
Pore , Sueur, Transpiration ,&■:.
qui appartiennent à la cklie des are'otiques.
Voy. DiAPHORÉTIQUES , SUDORIFI-
OUES, ÊV. (xV)
■^ * ARÊOTOPOTES , ( mjf. anc. ) ou
le grand bui-'eur de vin ; nom ious lequel
Cfn honoroit à Munichia, omme un hom-
me doué de vertus héroïques , celui qui
lavoit bien boire.
ARÉRUE, areca , fire faufel , ( Hifi,
nat. bot. ) c'eA le fruit d'une efpece de
palmier qui croît aux Indes orientales. Il
e{\ ovalaire & relTemble à la datte ; il eft
feulement plus ferré par les deux bouts»
Son écorce eft épaifle , lilTe & membra-
neufe , & fa pulpe d'un brun rougeâtre.
Elle devient en féchant fibreufe & jaunâ-
tre. La moelle , ou plutôt le noyau qu'elle
environne , efi blanchâtre , en forme de
poire , & de la grofièur d'une mufcade.
Les Indiens le mâchent continuellement;
qu'il foit dur ou qu'il foit mou , il n'im-
porte ; ils le mêlent avec le lyeyon ou le
kaath , la feuille 'de bétel , & un peu de
chaux. Ils avalent leur îalive teinte par ces
ingrédiens, & rejettent le refie. Geojf. &
dicL de m éd.
*ARÉQUIPEou AREQUIPA, {Geog.y
ville de l'Amérique méridionale dans la
Pérou, fur une rivière, dans un terrain.
fertile. Long. 308 ; lat. mer. 16 , 40.
ARER QUihj^iirJurfci.ani:rcs, {Mari/i.}
ARE
fe dit lorfque l'ancre étant mouillde dans un
mauvais fond , elle lâche prile , & ic traîne
en labourant le iable. Voy. CHASSER. ( /:';
* ARES , ( Mjch. ) nom que les Grcoi
donnoient à Mars. Il lignifie dommage ;
d autres le dérivent du phénicien ancs ,
qui veut dire/ort', terrible.
AHESC OL , ancienne ville du royaume
d'Alger , dont il ne relie que les ruines ;
elle citoit auparavant la capitale de la pro-
vince & de tout le rosaume de Tremecen ,
qui fait une partie de celui d'Alger.
* ARESIBO , ( Ceog. ) petite ville d'A-
mérique , fur une rivière du même nom , ;\
trois lieues de fan Juan de Porto - Ricco ,
dans l'île de ce nom , qui cil une des gran-
des Antilles.
ARETA , (Gc'o^r.) petit pays d'Afie ,
dans la Paleiline , (ous l'empire turc : c'eft
l'ancienne tribu d'Ifachar. Ses bornes font,
■À l'orient , TElbife , rivière qui fort du mont
Dari ou Hermon , Se fe jette dans le Jour-
dain ; au leptentrion , la montagne de Tha-
bor ; à l'occident , la mer Méditerranée ;
au midi , le gouvernement de Mabolos ,
anciennement la demi-tribu de Manalfé ,
cil deçà le Jourdain ; on le nomme aujour-
d'hui Mjrdfche-eb-aamer , c'eft-à-dire ,
la prairie des fils d'Aamer : la plaine lerrile
de Jefrael ou d Efdrelon eft comprife dans
VAreta. On y trouve encore quelques villes
ruinées , telles que le Nain , Endor , Ccla-
rée , &c. mais toute cette contrée n'ell
habitée aujourd'hui que par les Arabes ,
nomades ou vagabonds , & par quelques
chrétiens , qui tous vivent fous des tenter ,
& obéifî'ent à des émirs de la race de Tura-
béia. Chacun de ces émirs exerce une auto-
rité lans bornes dans ion camp ; le grand
ë_mir qui eft le juge fouverain des émirs
lubalternes habite ordinairem.ent le mont
Carmel ; il paie un médiocre tribut au grand
feigneur , en chevaux & en chameaux •
mais il efl obligé de pourvoir à la sûreté des
caravanes marchandes , de fournir des ef-
cortes aux couriers du fultan , & de faire
marcher fes troupes dans l'occafion : ion
armée , y comprifes celles des autres émirs ,
peut former un corps de cinq à lix mille
hommes. ( C. A. )
ARETAS I. {Hifi. des Arabes.) chef ou
roi d'une tribu des Arabes Nabatées. On
ARE ipr
ne fait à quelle époque rapporter le co ,,-
mencementde ion règne. Ajant été appelle
parles habitans de Damas, quiétoientcn
guerre contre les juifs , il marcha à leur
iecours vers l'an quatre-vingt-quatre avant
notre ère. Après avoir délivré Damas , il
}X)urluivit les juifs julque dans le centre
de leur pays , & remporta flir eux une fa-
mcuie vidoire près d'Adida , quoiqu'ils
fulTent commandés par Alexandre Jeannée ,
leur roi. Areias'à^ une féconde cxpéditioa
en Judée , & prétendit contraindre Ariflo-
bule II , fils d'Alexandre Jeannée , .i rendre
le Iceptre des juifs à Hircan , frère aine de
ce prince. Son armée compolée de cin-
quante mille hommes , tant arabes que
juifs , étoit devant Jérufalem , qui dcli-
béroit pour lui ouvrir les portes , lorfque
Schorus, lieutenant de Pompée , l'obligea
de lever le ficge. Une défaite qu'il efî'uya
dans un lieu nommé Papiron , lui fit aban-
donner le pays , & rentrer en Arabie. Aretas
craignant l'événement de cette guerre , dé-
larma le général romain par un préfent de
trois cents talens. Ce prince eut encore plu-
iieurs démêlés avec les juifs , dont , fuivant
Joieph , le luccès lui fut toujours contraire :
on place ordinairement fa mort vers l'an 66
avant J. C. Jofcph. Ant. Judaïq. ( T-N.)
AR.ETAS II. autrement Ente , arrierc-
fliccefi'eur A^ Aretas I. Il paroît que de fou
temps les Arabes de fa tnbu étoient obligés
à quelques devoirs envers les Romains. Ea
efTet , dès qu'il fut reconnu pour roi , il
envoya des amhafladeurs à Rome pour faire
confirmer Ion éledion par l'empereur , &:
lui oflrir une couronne d'un très-grand priy»
Augufle rejeta ces prélens , & refufa d'ad-
mettre les ambafladeurs à fon audience : "le
motif de ce refus fait honneur à l'empereur,
Aretas étoit accufé d'avoir fait empoilbnner
Obadàs Ion prédéccffcur ; cette calomnie
ayant été découverte , Sylleus , qui en étoie
auteur , fut jugé digne de mort , & fubit cet
arrêt : Augulte rendit aulK-tôt fa faveur
au prince Arabe ; l'hiiioire ne l'accufe pas
d'en avoir abufé , il ne fit aucune enrreprifè
fous fon règne dont les Romains euilènt
à le plaindre. Suivant l'auteur des antiqui-
tés juives , Aretas remporta une grande
viûoire fur le tétrarque Hérode , qui ve-
noit de lui renvoyer fa fille pour cpoufer
Oo i
ARE
1^1
Hérocliade : on ne fait ni le genre , ni l'an-
née de (a mort. Des écrivains donnent à
tes deux Aretas la qualité de rois des Ara-
bes ; cette tnaniere de s'exprimer eft peu
exade , elle feroit entendre que l'Arabie
ctoit gouvernée par un ieul louverain, tan-
dis qu'elle en avoit une multitude , tous
flépendans les uns des autres : ces rois n'é-
foicnt proprement que des chefs décorés
■du titre d'émir, qui répond au mot capi-
taine ou duc. Jofeph. yint. Jud. ( T-N )
ARETE , fpina i^^^fi- Ane.) partie du
corps de la plupart des poifîons ; on en-
tend communément par ce mot toutes les
parties dures & piquantes , qui fe trouvent
dans les poifTons : mais dans ce fens on
doit diflinguer plufieurs fortes ^arêtes ; car
il y a des parties dures dans les poiflons,
qui iont analogues aux os des ferpens , des
-oifeaux , & des quadrupèdes ; tels iont les
t)s de la tête des poifïbns , leurs vertèbres ,
& leurs côtes. La plupart ont de plus des
piquansdans les nageoires, dans la queue,
& fur d'autres parties de leur corps. Il y
a auffi dans la chair de pluiieurs poillons ,
des filets foHdes , pointus , plus ou moins
longs , de différente grofleur , dont les uns
font fimples & les autres tourchus. On
ne peut donner à ces parties que le nom
à-'aréte. Voy e7^V OISSOÎ^. { I)
Arête , ( Coupe des pierres. ) c'efl
l'angle ou le tranchant que font deux furta-
cc'-' d'-oites ou courbes d'une pierre quelcon-
que : lorfque les furiaces concaves d'une
xoîne compofée de plufieurs portions de
berceaux , fe rencontrent en angle làilknt ,
on l'appelle voCue. {D)
* Lorfqu€ l'angle d'une pierre efî bien
taillée , fans aucune cafllire , on dit qu'elle
cff à rire-are te.
Sur la mefure des voûtes d'arêtes. Voye\
VoUTE.
Arête , f f. fe dit , che\ les Chapeliers,
de l'extrémité par où l'on arrondit un cha-
peau , & où l'on coud ce qu'on appelle
un bord de chapeau. Pour arrondir Varice ,
on met une ficelle autour du lien , ou bas
de la forme ; on tourne cette ficelle tout
autour lur la circonférence du bord exté-
rieur ; & , avec un morceau de craie qui tû
au bout , on marque ce qu'il y a à enlever
au bord du chapeau , qui par ce moyen
ARE
fe trouve parfaitement rond. Voye^ Cha-
peau.
Arête , che^ les diamantaires , le dit
proprement des angles de toutes les faces
que peut recevoir un diamant; c'efl pour-
quoi , il ne hiut pas confondre Vare'te avec
le pan. Voye^ Pan.
Arête, en terme de planeur , c'eflune
carne ou angle , qui fépare dans tout le
contour de la boîte le bouge d'avec la mar-
lie. On dit pincer l'arête. Voye^ PiNCER.
Arêtes , 1". f pi. {Manège & Mare'^
challerie. ) maladies du cheval , galles qui
viennent aux jambes.
Les arêtes ou queues de rat ne font autre
choie qu'un infirmité qui vient le long du
nerf de la jambe , au defTous du jarret,,
qui s'étend jufqu'au boulet, tait tomber le
poil , & découvre des câlus & des grofleurs
très-rudes.
Le remède ell de couper ces grofleurs
ou câlus avec le teu , & d'appliquer defllis
l'emmiellure blanche , que nous décrirons
à ia place ; il tombera une efcarre , qu'on
deiTéchera avec les poudres pour les plaies.
Si les arêtes font humides , & qu'il n'y
ait ni cal ni enfliu-e , il faut appliquer defliis
l'onguent verd pour la galle.
Ce mal efl défagréable , en ce qu'il fait
tomber le poil de la partie : mais il ne porte
aucun préjudice notable au cheval. ( f^)
ARESTIER , f. m. en charpenterie , cil
une principale pièce de bois d'un comble ,
qui en forme V arête ou angle laillant. (-f* )
ARESTIERES, f f. en architeBare y
font les cueillies de plâtre que les Couvreurs
mettent aux angles fnllans d'un comble
couvert en tuile. ( -P )
*ARESTINGA , île fur la mer des Lides
vers le Kerman & la ville de Dulcinde. On
croit que c'elt la Liba de Ptolomée.
* AREÏHUSE , f f. (A/yv/z.) fontaine
de la prefqu'île d'Ortygie. On dit c^\A-
re'thufe , avant que d'être fontaine , étoit
une des compagnes de Diane ; qu'un jour
qu'elle fe balgnoit dans un ruiflêau , elle
fut appcrçue par.Alphée; que fc fentant
vivement pourfuivie par le fleuve amou-
reux , elle implora le fecours de Diane ,
qui la métamor])hofa en fontaine , rnais
qu'Alphte ayant reconnu fon amante ious
ce déguifement , ne s'en ujiic que plus ioi»
ARE
timement avec elle , en mclant Ton onde
aux lîennes. On lit dans Ciceron , que l'A-
ràhufe eût été de Ton temps entièrement
couverte des flots do la mer , ians une digue
& une levée de pierres qui l'en léparoit.
Pline & plufieurs des anciens paroiiient
avoir cru que l'Alphée continuant Ion cours
fous la mer , vcnoit reparoitre en Sicile; i
& que ce qu'on jetoit dans ce fleuve en
Arcadic , fe retrouvoit dans la rivière d'Or-
tygie : mais Strabon ne donne pas dans
cette tradition ridicule ; il traite de men-
fonge b coupe perdue dans l'Alphée , &
retrouvée dans la Sicile , & ne balance pas
à dire que l'Alphée le perd dans la mer
comme les autres fleuves. Pline débitoit
encore une autre fable (lu- les eaux de PA-
re'tkufe ; c'cfl qu'elles avoient une odeur de
fumier dans le temps des jeux c>Iympiques
qui Te célébroient en Grèce, fous les murs
d'Olympe où paflbit l'Alphée , dans lequel
on jetoit le fumier des vidimes , & celui
des chevaux cjui fervoient dans les courfes.
Outre la tontaine d'Ortygie , il y en a
eu encore plufieurs du nom d'Arethufe.
Ortelius parle d'une qui ctoitprès de Smyrne;
Etienne le géographe en place une autre
dans l'ile d'Ithaque ; Pline en met une
troifiemc en Béotie , & une quatrième dans
l'Eubée. (C.A.)
* ArethUSE , ville de Syrie , entre
Emefle & Epiphanie. On dit que c'efl aujour-
d'hui Fomacufd.
ArethuSE , ville de Macédoine , que
quelques-uns appellent Taduio , & d'autres
Rendina. Elle eft fur le bord du golte que
nous appelions di Comtejfj- , & que les
anciens nommoient Stry-nzonium.
ArethuSE , lac dans l'Arménie ma-
jeure , près de la lource du Tigre , non loin
des monts Gordiens , que quelques-uns
appellent Gihel-Noé.
ARETINI , ( Geogr. ) peuples d'Italie ,
dani l'Etruric , aujourd'hui la Tofcane : ils
habitoient trois villes au territoire de Flo-
rence , dont il ne refle maintenant qu'A-
re.Tzo. ( C. A . )
AHETOLOGIE , f. f. ( Momie. ) c'efr
le nom de la partie de la Philofophie mo-
rale , qui traite de la vertu , de fa nature , &
des moyens d'v parvenir. ro}'<?;^ VerTU ,
Morale. ( X)
A R G 193
ARE VACJE ou AREVACl , ( Géo$.\
peuples de l'Elpagnc Tarraconoile , qui
occupoient les territoires de Burgos , de
Ségovie & de Valladolid , dans la Caflille
vieille : ils tiroient leur nom de lari\ iere d'A-
reva , que l'on croit être l' Arlançon. (C A^
* AREVALO , petite^ ville d'Efpagne
dans la vieille Caflille , près du royaume de
Léon.
AREVATILLO , ( Gc'ogr.) rivière d'Ef-
pagne f dans la vieille Caflillc : elle a ia
fource dans les montagnes , au nord-ouefl
d'Avila , & fon embouchure dans TAdaja f
au deflus d'Arevalo. {C. A.)
* ARE US , ( Myt/i. ) fils ou enfant de
Mars ; épithete que les poètes donnoient à
ceux qui s'étoient illullrés dans les combats.
Voye:{ A RE S.
* AREZZO , ( p/og. ) ancienne ville
d'Italie dans la Tolcane & le territoire de
Florence. Long, zg , ji ,• lat. 45 , 2.7.
* ARG , ( Géog. anc. & mod. ) rivière
d'Allemagne dans la Suabe : c'efl ÏArgux
des Latins ; elle pafle à Wangen j & le jette
dans le lac de Conflance.
ARGA ou Algiar , ( Geogr. ) petite
ville de l'Arabie Pétrée , dans le gouver-
nement de Médine. Elle cfl iur le golfe
Arabique , à trois flations à l'ouefl de
Médine , dont elle efl conlidérée comme le
port de mer. Quelques-uns la nomment
Egra ; & d'autres croient que c'efl la même
qucDfchar. Long. ^£ ; lat. 2.5. ( C. A. )
* ARGA , rivière dEfpagnc , qui a la
lource dans les Pyrénées , aux trontieres
de la baffe Navarre , traverfe la haute ,
baigne Pampelune, &: le joint à l'Arragou ,
vis-à-vis de Villa-Franca.
ARGyE US ,(G/ogr. } très-hrute mon-
tagne de l'ancienne Cappadoce , aujourd'hut
la Caraménie. Le lommet en eft , en tout
temps , couvert de neige. Sa paite fep-
tentri :;nale , qui fait face à la ville de
Kailerie, autrefois Ctr/iZa'ti CappadociiS ^ eft
pleine de grottes taillées dans h roc , ici-
quelles on croit avoir fervi jadis de tom-
beaux ou d'hermitages. Les Turcs appellenr
cette mont-^gncErd^ifche ouErdjujib. Lat.
37. (C. A.) '
ARG Aïs, ( Géogr.) île de la Méditer-
ranée , (m la cate de Lycie , 1c1û;i Eiiciiae
le géograplie. {C..A-)
if)4 A R G
ARGALUS , ( Hift. de Lac/Je'mone. )
fucceflêur d'Amiclès au trône de Sparte ,
n'a fauve que Ion nom du naufrage des
temps. La fable même n'en fait aucune
mention , ce qui femble indiquer qu'il fut
fans vices & (ans vertus. ( T-N. )
* ARGAN , ville d'Efpagne dans la nou-
velle Caftllie , & le dioceic de Tolède.
ARGAN A , ( Ge'ogr. ) vUle d'Afic , au
gouvernement de Diarbekir , fous l'empire
des Turcs. Elle eft lur une montagne , au
bas de laquelle on voit le lac Geultfcliik.
Ceft la capitale d'une principauté du même
nom , qui n'eft pas tort étendue , mais qui
eft toute Couverte de vignobles , dont les
vins font très-bons. On en lait une exporta-
tion confidérable. Long Î7 y liit. ■^j.{C.A.)
ARGANEAU ou ORGANEAU d'une
ancre , eft un anneau placé à l'extrémité de
l'ancre , auquel on attache le cable. V^ojei
Ancre. ( O)
ARGANETE , ( Art milit. Machines.)
forte de balifte , dont les anciens fe fervoient
pour lancer des matières combuflibles , &
même des barils de poudre , auxquels on
mettoit le feu par le moyen d'une mèche ou
d'une fuiée de compofition.
ARGARICUS Sinus, ( Geog )
golte d'Afie dans la mer des Indes , dont plu-
sieurs géographes anciens ont parlé. C'efl
aujourd'hui le golfe de Bengale. ( C. A.)
* ARGATA ( Chevaliers de l' ) ,
Jlifi. mod. ou Chevaliers du De'vidoir; com-
pagnie de quelques gentilshommes du quar-
tier de la porte neuve ;\ Naples , qui s'uni-
rent en 1388 , pour défendre le port de
cette ville en faveur de Louis d'Anjou ,
contre les vaiiïeaux & les galères de la
reine Marguerite. Ils portoient lùr le bras ,
ou fur leur côté gauche , un dévidoir d'or
en champ de gueules. Cette efpece d'ordre
finit avec le règne de Louis d'Anjou. On
n'a que des conjeâures futiles fur le choix
qu'ils avoientfait du dévidoir pour la mar-
que de leur union ; & peut-être ce choix
n'en mérite-t-il pas d'autres.
ARGEENS ou ARGIENS , adj. plur.
fubfl. ( Hift. anc. ) c'étoit anciennement des
reprélentations d'hommes , faites avec du
jonc, qie les veflalcs jetoient tous les ans
dans le Tibre tous les jours des Ides de
Mai. Fcyq Vestales.
A R G
Cette cérémonie efl rapportée par Feflus
& Varon ; Feflus dit cependant , qu'elle
étoit faite par les prêtres , à fcLcerdocibus ;
nous lijppofons que c'étoient les prêtreifes.
Il ajoute que le nombre de ces figures étoit
de trente. Plutarque dans its queflions
fur les Romains , recherche pourquoi on
appelloit ces figures argea. , & il en .:unne
deux raifons : la première , que les na-
tions barbares qui habitèrent les premières
ces cantons , jetoient tous les Grecs qu'ils
pouvoient attraper dans le Tibre ; car
arge'ens ou argiens étoit le nom que l'on
donnoit à tous les Grecs ; mais qu'Hercule
leur perluada de quitter une coutume fi
inhumaine , & de fe purger d'un crime
pareil en iniHtuant cette folennité. La fécon-
de; qu'Evandre l'arcadien , cruel ennemi
des Grecs , pour tranfmettre fa haine à fa
poflérité , ordonna que l'on fît des repré-
lentations à'argiens , que l'on jetteroit dans
la rivière. Les fêtes dans lefquelles ces
Grecs d'ofier étoient précipités dans leTibre,
s'appellerent arge'es. (G)
* ARGÉES, adj. ( Hift. anc. ) nom qui
fut auffi donne , félon quelques-uns , aux
fept collines fur lefquelles Rome fut afîîfè p
en mémoire d'Argeus , un des compagnons
d'Hercule qu'Evandre reçut chez lui; félon
d'autres , aux feuls endroits de la ville de
Rome , où étoient les tombeaux des Argiens ,
compagnons d'Hercule. V. ArgÉENS.
ARGEIInsula y ( Géorg.) petite île
d'Egypte , auprès de Canope , ainfi nom-
mée d'Argée, fils de Macedon , duquel les
Argéades ont auffi pris leur nom. {C. A.)
* ARGEIPHONTES ,{Myth. ) furnom
qu'on donna à Mercure après qu'il eut tué
Argus.
ARGEMA ou ARGEMON , f m. {Chi~
rurgie. ) efl un ulcère du globe de l'œil ,
dont le fiege cû en partie iiir la conjonc-
ture ou blanc de l'œil , & en partie iur la
cornée tranfparente. Il paroît rougeâtre fur
la première membrane , & blanc fur la cor-
née. L'inflammation , les pullules , les abcès ,
ou les plaies des yeux , peuvent donner lieu
A ces ulcères.
En général , les ulcères des membranes de
l'œil font des maladies tâcheui'es , parce
qu'ils donnent fouvent beaucoup de difficulté
j\ guérir , & qu'ils peuvent être accompa-
A R G
gnés d'cxcroiflances de chnir , die firtulcs ,
d'inflammations , de la forcit- & de la rup-
ture de l'uvée qui fait flétrir l'œil ; enfin
parce que leur guérilon laiile des cicatrices
qui empêchent la vue , lorlqu'eiles occupent
la cornée tranfparcnte. Les ulcères luperfi-
cicls font moins fâcheux & plus faciles à gué-
rir que les profonds.
Pour la cure , il tant , autant qu'on le
peut, détruire la caufe par l'ufage des re-
mèdes convenables. Si elle vient de caule
interne par le vice & la furabondance
des humeurs ; les faignées , les lave-
mens , les purgatifs , le régime , les
vélicaroircs , les cautères , fervu'onr à di-
minuer & à détourner les fucs viciés ou
fuperflus. S'il y a inflammation , il faudra
employer les topiques émoUicns & anodyns.
Enfuite on tâcl-iera de cicatriier les ulcères.
Le collyre luivant efl tort recommandé :
dix grains de camfre , autant de vitriol
blanc , & un fcrupule de fucre candi ; faites
dilloudre dans trois onces des eaux dillll-
lées de rofe , de plantain ou d'euphraife ,
dans leiquelles on ait fait fcadre auparavant
dix grains de gomme arabique en poudre ,
pour les rendre mucilagineufès. On en fait
couler quelques gouttes tiedes dans l'cei! ma-
lade , diK à douze fois par jour; & parueiilis
l'œil on applique une comprefîe trempée
dans un collyre rafraîchi ffant , fait avec un
blanc d'œuf & les eaux de rofc & de plan-
tain , batms enfemble. (F)
ARGEr^ONE ou parot e'p-neux , f. f.
(Hij}. nat. tôt.) genre de plante dont les
fleurs font compoiées de plufieurs feuilles
difpofées en rofe. Il s'élève du milieu de
la fleur un pifiil qui devient dans la l'jirc
un fruit ou une coque ordinairement ovale,
qui n'a qu'une feule capfLie & qui elf
ouverte. Il y a des efpeces de côtes qui
s'étendent depuis la hafe jufqu'au fommer ;
& les jnrervalles qui rcflent entr' elles, font
remplis par des panneaux qui s'écartent
dans le haut & laiifent un vuide entre les
côtes ; chacune foutient un placenta chargé
de femences arrondies pour l'ordinaire.
Tournefort , EUm.Bot. rcy. Pl A.NTE. (/}
On la fcine en feptemhre & en cfro-
f>rc flir tjne couche bien ameublie , cou-
verte d'un peu de tencau , & on la n-anf-
poite en avril daas iss Bbtes-buadss. ( /i ]
A R G- iç)^
' * ARGENCES , ( Ge'o^^. ) bourg de
France en balTc Normandie fur la Meance,
Long, ij y zo ; lat. 45» , 25.
* ARGENDAL , petite ville d'Allema-
gne dans le Palatinat du Rhin , entre Sim-»
meren & Bacharach.
* Argend AL, rivière de France en Pro.
vence , qui a trois fources ; l'une à Sell-
ions , l'autre vers Saint-M?.rtin-tle-Vara-
gcs , l'autre du coté de Barjols , S>c fe jette
dans la mer près de Fréjus , après avoir
reçu plufieurs rivières.
ARGENNUM,{Géogr. ) on donnoit
autrefois ce furnom à trois promontoires
de la mer Archipélagienne : (avoir, le ca[>
Blanc , dans le golfe de Smyrnc ; le cap
Saint-Alexis , fur la côte orientale de la
Sicile , & le cap Malia , dans l'île de Me-
telin , jadis Lesbos. {C. A. )
*ÀRGENS (l'), rivière de France ea
Provence , qui prend fa fource pxi marais
d'Olietes, & fe jette dans la Méditerranée
près Fréjus.
ARGENSOLE, ( Gcoj;r. ) abbaye de
France , au diocefe de Soifions. Elle efl'
dans un lieu lolitaire , entre Epernay &
Vertus. Ce fut une reine de Navarre ,
veuve d'un comte de Champagne , qui la
fonda dans le XIIP fiecle , poiir des reli-
gieulês de Cîteaux. L'abbeife a le privilège
de pouvoir afiiflcr au chapitre général des
pc-res de Cîteaux. [C. AS)
ARGENSON ,{Gtogr. ) perire viilr de
France , dans les montagne"; du D.uiphiné,
au diocefe de Gap , ;\ deux lieues d'AfJDre>.
On la nomme ordinairement Saim-Pierre-
d'Argenfon.
_^ '* ARGENT, f. m. {Ordre emyc. Entend,
Rûifon. Phil<\fopkis OJ Science; Science
de la. naswe, Chymie , metalliirr^ie,Argent. )
c'eH ua àcx métaux que les Chymiftes ap-
pellent/^ar/i;'^ ^ précieux & nobles. Il eft
bî-.mc q'und il eft travaillé ; fin , pur, duc-
tile ; fe fue au teu comme l'or , & n'etz
diffère que par le poids & !a couleur.
On trouve quelquefois de l'argent pur
formé naturellement dans les mines : ma 19
ce méiiù , ainfi que tous les autres métaux ,
eft pour l'ordinaire mêlé avec àss matières
étrangères. }J'argent pur des. mines eff le.
plus fouvcnt dans les fentes êii:s rochers;.
, il. ell adûéreat à la pierre j &. oaett obligé!
t^S A R G
de l'en détacher : mais quelquefois le cou-
rant des rivières , la chute des pierres ,
rimpétuofKé des vents, entraînent des mor-
ceaux à'aigenc au pié des rochers, où il
eii: mêlé avec les labiés & ks tcrrts. Ces
morceaux d'argenc n'ont pas toujours Ja
même forme ; les uns font en grains de
dirtérentes grolîeurs ; il y en a de petits qui
font polés les uns llir les autres ; il y en a
de très-gros ; par exemple , celui que Worm
diibit avoir été tiré des mines de Norvè-
ge , & peler 130 marcs.
L'argent en cheveux efl par filamens fi
déliés & il fins, qu'on ne peut mieux le
comparer qu'à des cheveux , à des fils de
foie , ou à un flocon de laine qui leroit
paricmé de points brillans. 'L'argent en fi-
lets eil en effet compolé de fils fi bien
formés, qu'on croiroit qu'ils auroient été
paiîés à la filière. L'argent en végétation
reiîèmble en quelque forte à un arbrilTeau :
on y remarque une tige qui jette de part
& d'autre des branches ; & ces branches
ont des rameaux : mais il ne faut pas ima-
giner que les proportions ioient bien ob-
Ibrvées dans ces Ibrtes de végétations. Les
rameaux font aulFi gros que les branches ,
& la tige n'ell^ pas marquée comme de-
vroit l'être un tronc principal. L'argent en
feuilles elt allez reffemblant à des feuilles
de fougère ; on y voit une côte qui jette
de part & d'autre des branches , dont cha-
cune a aufîî de petites branches latérales.
L'argent en lames efl ailé à reconnoître ; il
eft étendu en petites plaques fimples , unies
& fans aucune forme de feuillage.
Les mines d'argent les plus ordinaires
font celles où l'argent eft renfermé dans
la pierre : les particules métalliques lont
difperlées dans le bloc , & la richefTe de
la mine dépend de la quantité relative &
de la grofleiir de ces particules au volume
du bloc. Dans ces fortes de mines ,
['argent efl de la couleur naturelle : mais
dans d'autres 11 paroît de diflTérentes cou-
leurs , qui dépendent des matières avec
lefquelles il cil mélangé. Il efl ici noir ,
roux ; ailleurs d'un beau rouge , d'une fuhf-
tance tranljiarentc , & d'une forme appro-
chante de celle des cryflallilations des pier-
res précieufes ; de forte qu'A la première
.vue on le prendroit plutôt pour du rubis
A R G
que pour de la mine d'argent. On l'appelle
mine d'argent rouge.
Il y a des mines d'argent dans les qua-
tre parties du monde : l'Europe n'en man-
que pas , & la France n'en eil pas tout-à-
fait privée , quoiqu'il y ait des contrées
plus riches en cela qu elle ne l'ell. Au relie
on peut juger de ce qu'elle poflede en mi-
nes d'argent par l'état iuivant.
Dans la générante de Paris & l'ile de
France , en plulieurs endroits & au miheu
des mafll's de fable jaune & rougeârre , il
y a des veines horizontales de mine de fer
imparfaite , qui tiennent or & argent : on
en trouve à Géroncourt , Marine , Grizy ,
Berval , & autres villages au delà de Pon-
toile , route de Beauvais , qui donnent
aux elîais depuis 450 julqu'à 1000 grains
de fin , dont moitié & davantage ell en
or , & le refle en argent : mais il eft diffi-
cile d'en féparer ces deux métaux dans la
fonte en grand. A Geninville , demi-lieue
ou environ pardelà Magny , route de
Rouen ; à deux lieues de Notre-Dame-la-
Delirée; près Saint-Martin-la-Garenne , &
à quatre lieues de Meulan , il y a piulieurs
indices de mine d'argent. On y fit faire
en 1729 un puits de i^ pies de profon-
deur & d'autant de large , à io pies de
la route du moulin de ce heu. Suivant la
tradition du pays , la mine n'eft pas à plus
de 15 pies de profondeur. Ce puits eft
aftuellemcnt rempli d'eau. En Hainault ,
on dit qu'il y a une mine d'argent à Chi-
mai. En Lorraine il y a plufieurs mines
d'argent : celle de Lubine dans la Lorraine-
Allemande , donne de l'argent & du cui-
vre. Le filon a plus d'épaUfcur. La mine
de la Croix a des filons qui donnent du
plomb, du cuivre, & de l'argent. Les mi-
nes de Sainte-Marie au village de Sainte-
Croix , & à celui de Lufl'e dans la prévôté
de Saint - Diez , font de cuivre tenant an^
gent. Nous donnerons à l'article CuiVRE
les procédés par lefquels on travaille ces
mines , & on obtient ces métaux léparés.
Il y a au Va!-de-Lievre plulieurs mines
d'argent , de cuivre , & d'autres métaux.
AChipaul, des mines d'argent , de ix^r , &
d'autres métaux. Au Val-de-Sainte-Marie :
1°. une mine d'argent naturel qui fe trouve
immédiatement au dcflus de la pyrite , ce
qui
A K G
qui efl très-rai'« : 2°. une mine émargent
rouge, mêlie avec la mine de cuivre, ce
qui cù. auHi h.rt rare. A Sainte- jMarie-aux-
Mines, plulleuri mines de cuivre tenant
fl/je/:.',' d'autres mines de plomb tenant ur-
gc^nc ; quelques filons de mine à'argent
ronge, lie mine d'argent vitrée , éparpillée
dans vn beau quartz.
En Allace , à Giromagnj', & au Puy ,
dans la haiire Alincc , il y a une mine
i\'arg<'nr ik une mine de cuivre dont on a
tire 1600 m.ircs pelant en argent , & 2.4.
milliers ea cuivre : mais la dcpenfc égab.nr
preique le profit, elles ont éré abo.ndon-
néco. Kaye^à l'anicle AciER ce qu'il iaut
pcnier (ica mines d'Aîiace & de leur ex-
jiloiidtion. Il y a aducilement dans un
canton appelle vulgairement Phenigtorne;
&: dans un autre appelle le cancan de Saint-
Pierre , deux mines ^argent qui ,s'c\p!oi-
tear. Celle de Theitz-gran , conhdérable
en 1733 , ^ ^"l'f l'ie'fie , s'eil enloncce &
1 emplie d'e,Tj. Il y a une mine à\irgc!it à
Haunette-le-haut , appcUéc Cuefchajf: elle
contenoir nulli du cuivre ; les guerres l'ont
fait sbandonner. Au village de StemSach
proche Sernay, dans le Val de Saint-Amand-
de-Thurn , & À Saint-Nicolas près Rou-
gemonr, il }■ a deux mines de cuivre te-
nant argent , & de plomb tenant argent ,
auiii abandonnées à caule des guerres. On
a repris depuis quelques années le travail
de celles de Stembach qui font de plomb.
En Franche-Comté , félon Dunod , Hif-
toire du comté de Bourgogne , tome II y
pag. 4-3 ^- 11 y a trois mines d^argent ou-
vertes dans ce comté ; favoir , deux de Char-
quemont dans le mont-Jura : mais elles font
■abandonnées depuis quelques années ; une
mine d'argent près la Ville de Lons-le-
Saunier , qu'on dit abondante. En Dau-
phiné , haut & bas Briançonnois , depuis
Valence à deux lieues de Tournon , on
voit le long des rivages du Rhône un bon
nombre de payfans occupés à iéparcr les
paillettes d'or & d'argent: ils y gagnent 30
ou 40 i'ous par jour. On n'en trouve ordinai-
rement que depuis Valence jufqu''à Lyon.
A l'Hermitage , au defllis de Thin & vis-
à-vis Tournon, il y a une mine d'or &
argent ,- Chambon dit , p. jj de fa Phy-
Jique , qu'il en a tiré par fes eflais ; que la ,
Tome m.
i5>7
A R G
rr.'nt ert heurcurcmein iitu^e ,
nieiite aiicniion. A l-i Gardcttc, lieu dé-
pendant de la communauté de Villar-Ed-
mont , une mine dont les efLtis ont donné
or èc argent.
En Provence , au territoire d'Ycres , une
mine do cu!\ rc tîn.int argent & un peu
d or. A Barjols , ime mine d'or èc une
mine d'argent. Au territoire du Luc, dio-
ceie de Fréjus , une mine d'a>gent. A Va-
daches , près de la ville de Digne, une
mine de cuivre tenant or & argent. Daiis
le Vêlai , le Vivarais , le Gévaudan , & les
Cévenncs , à la monta^^ne d'Elquicies près
le \ illage d.'O en Vêlai , une mine d'argent.
Près de Tournon , fix mines de plomb
tenant jr^tvzf. ALodeve près des Cévames
& au pié des montagnes , une mine de
cu;vre qui tient argent. A une lieue de
Mende , paroilTe de Bahours , mine de
plomb tenant args^it. Le filon du puit^
de Saint-Louis rend à l'edai trente-deux
livres & demie de plomb & ièpt onces &
un denier d^argcnt. Le filon du puits Saint-
Pierre pris au hazard, ne donne que cinq
livres douze onces de p'omb , & trois gros
deux deniers huit grains d'argent. Le filo-i
qui ci't au côté de la fontaine du village ,
donne en plomb treize livres & demie , &
en argent une once (ept gros un denier.
Le filon du puits Saint-François donne en
plomb rrente-ncut livres , & en argent neuf
onces cinq gros un denier. A Efpagnac , une
mine qui donne trente-trois livres en plomb ,
«Se huit onces d'argent par quintal de plomb.
A Montmirat , à trois lieues de Florac ,
mine de plomb qui donne quatre-vingt
pour cent , & tient un peu d'argent. A
l'Eicombet , à quatre lieues de Mende ,
mine de plomb qui donne trente-trois par
cent ; ce plomb tient deux onces d'argent
par quintal.
En Languedoc & en Rouergue ; la mine
d'argent de la Canette, fur la montagne
noire , près de cette vallée. A Lanet dans
le même canton, en 1660, le filon qui
étoit à rieur de terre avoit plus d'un pié ;
iept quintaux de Ion minéral donnoient un
quintal de cuivre & quatre marcs d'argent.
On a trouvé à Avéjan des roignons de
mine de plomb , qu'on a nommés extrafi.-.
Ions , couverts de terre fort liumide. Dans
ipS A R G
une ancienne ouverture , il y avoir deux
filons qui fe réunifToient dans le roc juf-
qu'à quatre toiles de profondeur ; cette
mine donne par quintal dix onces d'ar-
gent : on en fit tirer deux cents quintaux ,
qyi rendirent deux cents cinquante marcs
d'argent. A Meux-des-Barres , petite ville
de la vallée de Cambellon , une mine d'ar-
gent. On trouve dans le mas de Cabardes ,
fous la montagne noire, des marcaffites
qu'on a dit autrefois tenir beaucoup d'ar-
gent. Dans le dioceie de Beziers, an-
ciens travaux des Romains découverts en
1746 & 1747 , aux lieux deCeilhes , Ave-
nès , J3ié , Lunas & Boullagues , il y a des
mines de plomb & de cuivre riches en
argent. Près de la Vaouile , comté d'Alais ,
une mine de plomb tenant argent.
Dans le RouiHUon, au territoire de Pratz-
de-Mouilhou , une mine de cuivre nom-
mée lej billots , ou de Sainte-Marie , tenant
argent. A deux cents pas de la précédente ,
un autre filon dit le minier de Saint-Louis ,
tenant argent. Au même territoire , le lieu
appelle 6'^//2f-<S"j//'a(ior, à une lieue & de-
mie de diflance , autres filons iemblables
aux précédens. Près de la Vaill , mine de
cuivre tenant argent , en deux filons voi-
fins. Dans la viguerie de Contient , au
Territoire de Balleiftin , col de la Galline ,
mine d'argent & de cuivre , filon de quatre
pies. Au Puich-des-Mores , même terroir ,
filon de cuivre tenant argent. Au terroir
de Saint Colgat , mine d'argent , filon d'un
travers de doigt dans une roche bleuîître.
Dans la même paroifTe d'Efcarro , mine
d'argent & cuivre , au lieu nommé Lopla-
de~Gaute. Un filon de cuivre & argent à
la gauche des étangs. A la Cama , mine
de cuwrs S^ argent , filon de trois pies. Au
territoire d'Ellouere , derrière le col de la
Galline, mine de cuivre &: argent. Dans
la Cerdagne françoife , vallée de Carol ,
au lieu nommé Pedreforte , une mine d'ar-
gent. Au village de Mezours, à quelques
lieues de Perpignan , filons riches en ar~
f'ent , cuivre & plomb. Dans le ventre de
A montagne , entre l'ell & le fud , il y a
des morceaux de ce minéral cuivreux , qui
donnent à l'efîai depuis quatre juiqu'à
neuf onces d'argent.
Dans le comté de Fol.x , de Coufcrans;
A R G
les mines de S. Pau , où les Efpagnols ve-
noient en léoo fouiller furtivement , &
cmportoient de la mine d'argent très-riche ;
on s'en plaignit à Henri IV qui y mit ordre.
A Alfen , mine d'argent. A Cabanes ,
trois mines d'argent. A Cardazet , une mine
d'argent. Les minières de l'Alpic font des
mines de plomb tenant argent. A Coulfon,
mine d'argent qui tient or. A Defallie ,
mine d'argent. Dans la montagne de Mon-
troufland , une mine di argent. A Lourdat
ou Londat , une mine d'argent. Plulîeurs
mines dans la vallée d'Uilon, environnées
de montagnes , dont les principales font
celles de Byros , de Peyrencre , de Car-
bonere , d'Argentere , de Balougne, de
l'Arpiant , de la Fonta , de Martera , de
Pejrepetufe , toutes riches en argent. La
montagne de Rivière - nord e(f riche en
mines de cuivre tenant or & argent, l^ans
la montagne d'Argentere , mines d'argep.t
en abondance. Dans la montagne de Mon-
tarillc , refle des anciens travaux des Ro-
mains , on trouve une raine d'argent abon-
dante. Dans la montagne de Gerus, une
mine de plomb tenant argent & or, dont
le filon eft gros comme la cuifle. Près la
bafiide de Seron , les mines d'argent &
cuivre de Meras & de Montegaie décou-
vertes en 1749-
Comminges , à cinq lieues d'Aipech &
hors de Portet , dans la montagne de Chi-
chois , mine d'argent tenant or. Dans l'Al-
perges , montagne de la vallée d'Arbouil ,
mine de plomb tenant argent. Dans la val-
lée de Luchon , voifine de celle d'Ayron ,
entre les montagnes de Lys , de Gouveilh ,
& de Barouflé , une mine de ploinb tenant
argent. Dans la petite ville de Lege , une
inine de plomb tenant argent. Dans la mon-
tagne de Souquette , mine de plomb & d'jr-
!^e/z? tenant or. Govciran , montagne voilinc J
du comté de Comminges , remplie de mines f,
d'argent. A Goveilh , entre les vallées de
Loron , de l'arboull & de Barouges , auprès
d'un château royal de Henri IV , deux ri-
ches mines de plomb tenant argent. La val- |
lée de TElquicie ell abondante en mines '
de plomb tenant Jnrf -3/ ; un feul homme peut
en tirer deux quintaiix par jour. Dans la
montagne du Lys , plufieurs mines de
plomb leniuat argeat.
A R G
Dans leBéiirn , la mine de cuivre de Bielle , '
à cinq iicuos de Laruns , vallée d'Olleaii ,
tient un peu d'arirenc. Dans la halfe-Navar-
re , dans la montagne d'Agella , plulicurs
mines de plomb tenant argent. Dans la
niontsgne d'Avadet , une mine de plomb
tenant argent.
Dans les Pj'rénécs , dans la montagne de
Macliicot , mine de cuivre tenant un peu
ôidrgent ; le hlon paroit couper la montagne.
Dans la montagne de Malpeflre , plulieurs
filons de mines de cuivre tenant argent. Dans
la montagne de Ludcns, une mine de plomb
tenant argent. Dans les montagnes de Por-
tulon , mines de plomb & A'argem. Dans
celles de Baraava , du côté de l'Elpagne ,
mine de plomb , d'argent & d'azur de
roche. Dans celle de Varan ou Varen, au
pij de laquelle d\ la petite contrée nommée
Zar^aa , mine de plomb tenant un trentiè-
me d'argent. Dans la montagne de la Cou-
made, mine de plomb tenant argent. I^àns
la montagne de Bouris , pluiieurs mines de
cuivre , de plomb , d'argent & d'azur. Dans
la montagne de Saint-Bertrand , deux mi-
nes de cuivre tenant argent. A Pladeres ,
montagne du côté de l'Elpagne , raines de
plomb abondantes & tenant argent. A une
lieue de Lordes, aux Pyrénées , une mine
d'argent. En Auvergne , àRouripe, près de
Li montagne du Pui, une mine d'argent.
Dans l'Angoumois , à Manet près Mont-
brun , une mine d'antimoine où il fe trouve
de ['argent. Dans le Nivcrnois , une mine
d'argent fort riche , au village de Chitri liir
Yonne ; en un an elle a rendu onze cents
marcs d'argent , & environ cent milliers de
plomb : elle tut trouvée en touillant les fon-
demens d'une grange. En Touraine , auprès
de l'abbaye de Noyers , une mine de cuivre
tenant argent. Dans le Berry il y a quel-
ques mines d'argent , mais elles font né-
gligées. En Bretagne dans la petite torêt
nommée le buijfon de la Roche-Mareft ,
une autre mine d'argent. Près de la petite
ville de Lavion , une autre mine d'argent.
Ce détail elt tiré de M. Héliot , tom. I de la
fonte des mines Q des fonderies , traduit
de l'allemand de Schluter.
La mine d'argent de Salfeberyt en Suéde ,
eft ouverte par trois larges bouches , lem-
blables à des puits dont on ne voit point le
A R G a99
fond. La moitié d'un tonneau fbutenu d'un
cable , iert d'eicalier pour dcicendre dans
ces abymcs , au moyen d'une machine
que l'eau tait mouvoir. La grandeur du
péril le conçoit ailément : on elt à moitié
dans un tonneau , où l'on ne porte que
(ur une jambe. On a pour compagnon un
latellite comme nos forgerons , qui entonne
triflement une chanlon lugubre , & qui
lient un flambeau à la main. Quand on efl
au milieu de la dclcente , on commence à
lentir un grand troid. On entend les rorrens
qui tombent de toutes parts ; enhn , après
une demi-heure , on arrive au tond du
goufFre ; alors la cr;iinte le diilipc ; on n'ap-
perçoit plus rien d'atïreux , au contraire
tout brille dans ces régions fouterraines. On
entre dans un lalon foutcnu par des colon-
nes d'argent ; quatre galeries fpacieufes y
viennent aboutir. Les tcux qui fervent k
éclairer les travailleurs , fe répètent fur l'ar-
gent des voûtes & fur un clair ruiilèau qui
coule au milieu de la mine. On voit là des
gens de toutes les nations ; les uns tirent
des chariots , les autres roulent des pierres ,
arrachent des blocs ; tout le monde a fori
emploi : c'eft une ville louterraine. Il y a
des cabarets , des maifons , des écuries , des
chevaux ; mais ce qu'il y a de plus fingu lier ,
c'eft un moulin-à-vent qui va continuelle-
ment dans cette caverne , & qui fert à élever
les eaux.
Les min s d'argent les plus riches & les
plus abondantes font en Amérique , fur-
tout dans le Potofi , qui elt une des pro-
vinces du Pérou. Les filons de la mine
étoicnt d'abord à une très -petite profon-
deur dans la montagne du Potoh. Peu-à-peu
on a été obligé de delccndre dans les en-
trailles de la montagne , pour fuivre les
filons ; à préfent les protondeurs font fi
grandes , qu'il faut plus de quatre centâ
marches pour atteindre le fond de la mine.
Les filons fè trouvent à cette profondeur
de la mime qualité qu'ils étoient autrefois
à la fùrface ; la mine eft aulU riche ; elle
paroît être inépuilable ; mais le travail en
devient de jour en jour plus difficile; il cfî
même tunefte à la plupart des ouvriers par
les exhalailons qui lortent du tond de la
mine , & qui le répandent même au dehors ;
il n'y en a aucun qui puifTe flipporter un
Pp i
300
A R G
air fi pcraicicux plus d'un jour de tiiite ; I
il fait impreiiîon lur les aainoaux qui pail-
{cnt aux enviions. Souvent on rencontre
de; veines nvétaliiques qui rendent des va-
peurs ii pernicieuil'i , qu'elles tuent iur le
champ ; on cfl obligé de les refemier auûi-
t<5t, & de les .ib-mdonner : prefque tous
les ouvriers font perclus , quand ils ont
travaillé p;ndant un cenain temps de leur
vie. On ieroit étonné il l'on lavoit à com-
bien d'Indiens il en a coûté la vie, depuis
q.ue l'on travaille dans ces mines , &c com-
bien il en périt encore tous les jours. La
mine d'M-ge/u , quoique dans le même filon ,
a'eit pas toujours de la même couleur &
de la même qualité : on
au Péri
ou
le nom de minerai ; s'il e(i blanc ou gris ,
niêlé de taclies rouges blanchâtres , on
l'appelle ja/a/zfa-Wa/îcv:.! ,• c'eit le plus riche
& le plus facile à exploiter. On trouve du
Ruinerai noir comme du mdchcier que l'on
noinmo plomo-roiiro. Il y a une autre lorte
de minerai noir , auquel on a donné le
nom de bo[Jkler , parce qu'il devient rouge
lorfquon le Irotte contre du ter , après
l'avoir mouillé. Le minerai appelle lorociie ,
brille commue du talc ; quoiqu'il fcmble
argenté, on en retire peu d'argent: lepaco
efl d'un rouge jaunâtre , en petits morceaux
fort mous ; il eit peu riche ; le minerai verd
appelle cohrijfo , cil prefque friable ; on y
découvre à l'oeil des parties à\irgent : mais
il elî très-diiùcile de les en retirer. Enha
il y a duiis la mine de Catamiro au Potofi ,
i?n minerai appelle arannea , compoiéde fils
d'argent pur ; c'ell ee (^ue nous avons ap-
pelle mine d'ojfvnt en filets. Les filons font
toujours pkis riches dans leur milieu que
fiir leurs bords : mais l'endroit le plus abon-
dant dl celui où deux liloiW iè croifent &
ïb traverfent. Les deux premières mines
jju Potofi furent ouvertes en î54'> i on
appelIaruneJi;c-7, Si ['mViC Diego ■jcnteno.
La première étoit élevée iv,u deiîiis de la
terre , en iorme de CFcte de coq , de la
hauteur d\me lance , ayant trois cents pies
de longueur & 13 de largeur. Cette mine
ctoit fi riche , c^u'il y avoit prefque la moitié
.<ïar^ent pur jufqu'à $0 ou 60 braffes de
profondeur , oii cile commença un peu :\
daanger. Au refle , l'on regarde comme un
graud accroilieinciit à Li lidieilè des naines ,
A K G
d'être placées proche des rivières , h caufér
de l'avantage des moulins propres à broyer
La mine. A Lipes & au Potofi même , il
tant bien abaniionner dix marcs par cha-
que quuiial , pour acquitter la dépenie ;
au lieu qu'au Tanara , il n'en coûte pas
plus de cinq. On ne trouve les mines d'ar-
gent les plus riches , que dans les endroits
froids de l'Amérique. La tenipérature du-
Potofi eil 11 froide , qu'autrefois les fem-
mes Eipagnoles ne pouvoicnt y accoucher ;
elles étoient obligées d'aller à 10 ou 30
lieues au delà , pour avoir un chmat plus
doux : mais aujcnn'd'hui elles accouchent
auili aiiément à Potoli, que les Lidicnnes
naturelles du pays. Au pie de la montagne
du Potoli cÛ la ville du même nom , qui
eif devenue tameuie par les grandes richel—
les que l'on a tirées de la montagne ; il y
a dans cette ville plus de loixante mille-
Indiens & dix mille Efpagnols. On oblige
les paroill'es des environs de fournir tous
les ans un certain nombre d'Indiens pc>ur
travailler aux mines ; c'efl ce qu'on appelle
la mita : la plupart mènent avec eux leurs
teromes & leurs enfans , & tous partent
avec la plus grande répugnance. Cette fer-
viîiide ne dure qu'une année , après laquelle
ils l'ont libres de retourner à leurs kabua-
tions ; il y en a pluheurs qui les oublient ,
& qui 3'h.abitucnt au Potoii , qui devient
aioG tous les jours plus peuplé. Les mines
du Potofi (ont les moins dangereules ; ce-
pendant lans l'herbe du Paraguai , que les
mineurs prennent en infulion comme nous
prenons le thé , ou qu'ils mâchent comme
du tabac , il faudroit bientôt les abandon-
ner. Les raines du Potofi & de Lipes con-
lèrvent toujours leur réputation ; cependant
on en a découvert d'autres depuis quelques
années qui paient pour plus riches : telles
iont celles d'Oruvo à 3 lieues d'Arica , &
celles d'Ollacha , près de Culco , qu'on a
découvertes en 17 II.
Four rentrer un moment dans nôtrr con-
tinent, il y a, à ce qu'on dit, en Saxe &
j dans le p.<iys d'Hanovre, beaucoup de mines
d'aigcnt : on trouva à Hartz un morceau
d'argent 11 conîidérabio , qu'étant battu , on',
en fit une table où pi^uvoient s'alîcoir vingt-
quatre perfonnes.
Les aiiues les plus riches ^ après k mir*-
A R G
nanirelle , font les mines à'argent corne ; '
elles cèdent lous !c mnrtenu con'.me fait le
plojnb , & ie lallfcnt couper comme de
la corne ; elles contiennent de l'arlenic.
la couleur de ces mines ell noirâtre ; &
pliis elles font noirâtres , plus elles font
riches : il y en a de li riches qu'elles
donnent cent quatre-vingts marcs d'iirgent
par quintal ; c'cll-à-dire , par cent livres de
mine , de lorte qu'il n'y a que dix livres
de déchet , iur chaque quintal de mine.
Il y en a qui neû ni li facile à couper , ni
fi noire , &. qui donne cent foixante marcs
À'iirgent par quintal : ces mines font fort
aifées à fondre , pourvu qu'on les air fépa-
rces des pierres qui y font fouvent jointes ,
ft qu'elles ne ioient pas mêlées de cobvilth ,
qui cil originairement ferrugineux. Les mi-
nes à'argent noires font rarement ièiiles ;
elles le trouvent prelqiic toujours avec la
blende & avec le miiprckel , qui efl: une
eipcce de cobalth ou mine nrfenicale. On
a beaucoup de peine à les ieparer , ce qui
rend la mine diflicile à fondre : ces mines
noires d'urgent le trouvent quelquefois mê-
lées avec les mines de plomb à gros grains :
mais les unes & les autres (ont fort trai-
lables.
La mine d'argent rouge eu la plus riche ,
après la mine cornée. Il y a de plufieurs
fortes de mines d'argent r-ougc ; il y en a qui
font en grappes de raifln ; il y en a de tranf-
parenres , d'autres qui ne le font pas ^ il y
en a de noires avec des taches rouges ; il v
en a de dures , compafies d; rouges com-
me du Cinabre ; ce font de toutes les mines
roiiges d\irger.r les phis riches ; elles don-
nent depuis 90 julqu'à ïco marcs d'argent
par quinral. Celles qui font comme de la
^uie , tachetées de rouge , donnent vingt
marcs par quinc/il. Cette mine ie trouve
orninairemenr cians les montagnes aridesv
Les mines rouges fe trouvent quelquefois
dans des pierres dures , qui paroilîènr à la
vue peintes de cciikur de f-'ng. Ces pier-
res font ou de quartz, ou de la pierre à
fuhl , que les minciirs appellent pierre cor-
aee , à caufe de fa reffemblance avec la
«orne de cheval coupée.
■_ Les mines blanches & grilês donnent
pjfqu'à 2-0 marcs d'o-rgenc par quinial. On
aou-ve dajxs des Icufcrraius- de ces- mines
A R G 301
blanches qui ne donnent qu'un marc par
quintal ; c'cfl ce qu'on nomme JauJ/c
apparence.
Pour retirer V argent du minéral qui le
contient , on commence par le cafier en
morceaux , alTez petits pour être moulus
& broyés fous des pilons de fer qui pefent
julqu'à deux cents livres , & qui, pour
l'ordinaire , font mis en mouvement par le
moyen de l'eau. On paflc le minerai réduit
en poudre par un crible de fer ou de cuivre j
& on Icpétrit a', ec de l'eau pour en faire une
pâte^qu'on laiflè iin peu deficcher , puis on
la pêtnt derechef avec du ILI marin ; enfin
on y jette du mercure , & on la pétrit ime
troifiemc fois pour incorporer le mercure
avec l'argent,- c'eil ]à ce qu'on appelle j/tt.z/-
game._ Huit ou dix jours fulîilént pour h
taire dans les hejix tempérés : iinais dans les
pays froids il faut quelquefois un mois ou
fix lemaines. On jette la pâte dansdes lavoirs
pour en léparer la terre : ces lavoirs confif-
tent en trois bailiiw qui font fiir le courant
d un ruifîeau qui entraîne la terre, lorf-
«u'elle a été délayée dans chaque baflîn.
Pour faciliter l'opération , on agite conri-
nuellement la p;ite avec Ici pies , afin que
quand l'eau fort claire des balîins, il ne
refte au fond que de l'argent & du mer-
cure amalgamés enfemblo ; c'efl ce qu'or»
appelle jPig-/2e. On r-iche de tù-er le mercure
qui n'efi pas uni à l'argent , en preflant la
pignc , en la battant fortement , ou en la
foulant dans une preffe ou moule. II y a
des pignes de différentes groffeurs & de
dittercntes pe-ianreurs ; ordinairement elles
contiennent de l'argent pour le tiers de leur
poids ; le mercure fait les deux autres tiers.
On pofe la pignc fur un trépié , au defTous
duquel efl un vafe rempli d'eau ; on couvre
le tout avec de la terre en forme de cha-
piteau , que l'on environne de charbons
ardens. L'aâion du feu fait fortir le mer-
cure de la pigne ; il fe fùtvlime , & enuiite
il retombe dans l'eau où il fe condeniè.
Les intervalles que le mercure occupoit
dans la pigne ,. relient vuides ; ce n' efl plus
qu'une mafie d'argent poreufe & légère ,.
en cdmparaifon de fon volume.
On paît encore tirer l'argent de la mine
de la nîaniere luivanfc : on covnmence par
la caliè-r , & quelquefois on la lave pous crî:
joi A R G
féparer la partie pierreufe qui s'eft réduite
en poufliere ; on la calcine cnfiiite pour en
chaifer le foutre & l'arlenic; c'efîce qu'on
appelle rôtir la mine ; puis on la relave pour
en ôter la poudre calcinée. La mine érant
ainfi préparée , on la fait fondre avec du
plomb , avec de la litharge , ou avec des
têtes de coupelles qui ont fervi : on em-
ploie à cet elFet le plomb granulé , quand
le travail efl petit. Plus la mine eft difficile
à fondre , plus on y met de plomb ; on
ïhet julqu'à ieize ou vingt parties de plomb
pour une partie de mine. Cette opération
le nomme fcorifier. Les fcories font compo-
{éis du plomb qui fe vitrifie avec la pierre ,
& avec ce qui n'eit point or ou argent dans
la mine ; & ce qui ell métal , tombe dclTous
en régule. Si ce régule paroît bien métal-
lique, on le paflê à la coupelle ; s'il eil
encore mêlé de fcories , s'il ell noir , on
le fait refondre avec un peu de verre de
plomb.
Pour féparer \'argent du mercure avec
lequel il efl amalgamé , on a un fourneau
qui a une ouverture au fommct; on cou-
vre cette ouverture d'une efpece de chapi-
teau de terre de forme cylindrique , qu'on
peut laifler ou enlever à difcrétion. Quand
on a mis dans le fourneau la mafle d'ar-
gent & le mercure , & qu'on a appliqué
Je couvercle & allumé le feu , le vif-
argent s'élève en forme de vapeurs , &
s'attache au chapiteau , d'oi\ on le retire
pour le faire fervir une féconde fois.
Lorfque Wirgent ell bien purifié , qu'on
en a oté , autant qu'il efl poiliblc , toute
la matière étrangère , loit métallique ou
autre , qui pourroit y être mêlée , on dit
qu il efl de douze deniers ; c'eil-là l'ex-
prefîîon dont on fe fert pour défigner le
titre de Vargent le plus pur , & fans aucun
mélange ni alliage : mais s'il s^y en trouve ,
on déduit le poids du mélange du poids
principal , & le reflc marque le titre de
Vargcnt. Le denier efl de 24 grains; ainfi,
lorfque fur le poids de douze deniers il y a
douze grains de mélange , le titre de l'argent
cil onze deniers douze grains , & ainfi des
autres exemples.
Pour monter le titre de l'argent en le
raffinant , on s'y prend de la manière lui-
vante. On met une coupelle ou une tête
A R G
j à rougir au feu , enfuite on y met le pIom6;
Quand le plomb efl fondu & bien clair, 00
y ajoute une quantité (^argent proportion-
née ; favoir , une livre de plomb pour
quatre à cinq onces d'argent. Gn met quel-
quefois davantage de plomb , lorlque ['ai—
gent a beaucoup d'aUiage. A melure que
ces deux métaux fé fondent enlemble , le
cuivre , qui auparavant étoit mêlé avec
Vargent , s'en \ a en fumée , ou lort avec
l'écume & la litharge. Le plomb s'évapore
de même , & il ne relie dans la coupelle
que l'argent , qui efl au degré ce fineilê
qui lui convient. K^oje:^ LiTHARGE , AF-
FINAGE , Coupelle , Coupelet.
Indépendamment de la manière de raf-
finer \ argent avec le plonib , il y en a une
autre qui fe fait avec le lalpêtre. Voyt\
Raffiner «& Affinage. Mais toutes
ces méthodes font incommodes &: ennu-
yeufes ; ce qui a donné lieu à M. Hom-
berg de chercher à abréger cette opéra-
tion , & il y a réuiii. Sa méthode conllfle
à calciner l'argent avec moitié de la pe-
lanteur ordinaire ; &: après avoir fondu le
tout enlemble , d'y jeter à diiicrentes fois
une certaine quantité de limaille d'acier.
Par cette opération le foufre abandonne
l'argent pour le joindre au ter, & l'un &
l'autre le convertiiient en écume qui nage
fur l'argent ; & on trouve au fond du
creulet le métal purifié.
L'argent , en Chymie , s'appelle liina ,
lune : on en fait dilîerentes préparations ,
principalement en teinture. Pour avoir la
teinture à'argent , diflolvez des plaques
^argent minces dans l'efprit-de-nitre , &
jetez cette dil'folution dans un autre vafe
plein d'eau de fel ; par ce moyen X argent
fé précipite aulîi-tôt en une poudre blan-
che , qu'on lave plufieurs fois dans l'eau de
fontaine. On met cette poudre dans un
matras, & on jette pardefliis de l'efprit-de-
vin redifié & du lel volatil d'urine : on
laiflc digérer le tout fur un feu modéré
pendant quinze jours ; durant ce temps
l'elprit-de-vin contrade une belle couleur
bleu-célefle. Cette couleur lui vient du
cuivre ; car il y a environ deux gros de
cuivre pour l'alliage iur chaque marc d'jr-
gent y & ï argent monnoyé en a plus que
celui de vaifîèlle. Ceux qui ignorent la
A R G
Chymie jettent le rede ; & ceux qui font
ufagc de cette teinture de lune , remploient
contre l'épileplie, l'apoplexie , la paralylie ,
& la plupart des maladies de la tête , com-
me l'hydropifie du cerveau. Mais toutes
les préparations d\irgent en général iont
fufpcâes , lans en excepter les pilules de
Boyle, compofées de iels de ['argent & du
nitre : quoiqu'on les adouciiTe avec trois
fois autant de lucre , elles ne laiïïent pas
d'être corroiives & d'aff()iblir rdlomac ;
elles ne conviennent qu'à l'extérieur , pour
ronger & guérir les parties attaquées d'ul-
ccres invétérés.
On peut convertir l'argent en cryfîal par
le moyen de refpnt-de-nitrc , & c'elt ce
qu'on appelle improprement vitriol d'ar-
gent. Voyei CrysTAL.
La pierre infernale A' argent n'cfl rien
autre chofe que le ci-}-nal d'argent fondu
dans un creulet a une chaleur modérée ,
& enluite jeté dans des moules de fer.
Lorlqu on verlè dans une dilîblution
d'argent faite par l'eau-torte de l'eiprlt-de-
fel , ou du lèl commun fondu dans de
l'eau , l'argent fe précipite en une poudre
qu'on nomme c/iaux d'argent. Cette chaux
d'argent le tond ailément au feu ; elle s'y
diiîîpc 11 le feu ell fort : & fi au contraire
le feu elî médiocre , & qu'on ne l'y lailiè
pas long-temps , la chaux d'argent fe change
en une mailc qui eft un peu tranfparente ,
& qu'on peut couper comme de la corne :
dans cet écat on la nomme lune cornée.
Voye\ Lune cornée.
On peut conjecturer fur ce qui précède,
que la manière de féparer l'argent d'avec
la terre de mine , eft la même que celle
dont on iépare l'or de la mine , c'elt-à-dire ,
par^ le moyen dti vii-argcnt ; avec cette
dirtércnce que pour Xargcnt on ajoute fur
50000 hv. pelant de mine , mille livres de
fel naturel, i^oye-^ la defcription au long
de cette curieuie opération , à l'article Or.
L'argent eft après l'or le métal le plus
fixe. Kunckel ayant laiifé pendant un mois
de l'argent bien pur en iontc dans un feu
de verrerie , trouva après ce temps qu'il n'a-
voit diminué que d'une loixante-quatrieme
partie. Hallon de Claves expofa de même
de l'argent dan» un fourneau de verrerie ;
A R G 3Cî
& l'ayant laifTé deux mois dans cet état , il
le trouva diminué d'im douzième , & cou-
vert d'un verre couleur de citron. On ne
peut douter que cette diminution ne pro-
vînt de la matière qui s'étoit l'éparée & vi-
trifiée à la lurface de l'argent ; & on peut
aflurer que ce verre n'elt point un argent
dont les principes aient été détruits par le
feu : c'cfl plutôt im compoic de cuivre ,
de plomb , & d'autres matières étrangères
qui ie trouvent preique toujours dans l'ar-
gent.
L'argent efi moins duflile que l'or . il
l'ell plus qu'aucun des autres métaux. Voye:^
Ductilité. Le pouce cube d'argfnt pefc
fix onces cinq gros & vinet-fix grains. Nous
venons de confiuérer l'argent comme mé-
tal , ou comme produftion de la nature ,
nous allons maintenant le confidérer comme
monnoie.
Argent efl dans notre langue un terme
générique , loiis lequel Iont comprifes tou-
tes les efpeces de fignes de la richelîè courans
dans le commerce ; or , argent monnoyé ,
monnoies, billets de toute nature, t'c. pour-
vu que ces lignes (oient autoriîés par les
loix de l'état. L'argent, comme métal, aune
valeur , comme toutes les autres marchan-
dii'ës; mais il en a encore une autre , com-
me ligne de ces marchandilès. Conlidéré
comme figne , le prince peut fixer fa valeur
dans quelques rapports , & non dans d'au-
tres ; il peut établir une proportion entre
une quantité de ce métal , comme métal ,
&■ la même quantité comme ligne ; fixer
celle qui ell entre divers métaux employés
à la monnoie ; établir le poids & le titre
de chaque pièce , &: donner à la pièce de
monnoie la valeur idéale , qu'il faut bien
dilfinguer de la valeur réelle , parce que
l'une ell intrinfeque , l'autre d'inllitution ;
Tune de la nature , l'autre de la loi. Une
.grande quantité d'or & d'argent efl toujours
tavorablc , lorlqu'on regarde ces métaux
comme marchandifé ; mais il n'en efl pas
de même lorlqu'on les regarde comme fi-
gnes , parce que leur abondance nuit à leur
qualité de figne, qui elf fondée fur la rareté.
L'argent eft une richefTe de fiction ; plu5
cette opulence fictive fe multiphe, plus elle
perd de fon priv , parce qu'elle rcpréfentc
moins; c'elt ce que les Efpagnols ne compri-
3C4 A R G
rent pas lors de la conquête du Mexique &
duPéroii.
L'or & l'argent ^toient alors très-rares
en Europe. L'Efpagne , maîtreflc tout-d'un-
coup d'une très-grande quantité de ces
métaux , conçut des efpérances qu'elle n'a-
voir jamais eues. Les richeilcs reprélcnta-
îivcs doublèrent bientôt en Europe, ce qui
parut en ce que !e prl\ de tout ce qui
s'acheta fut environ du double ; mais Var-
genc ne put doubler en Europe , que le
profit de l'exploitation des mines , confi-
déré en lui-mcme , & fans égard aux per-
tes que cette exploliation entraîne , ne di-
minuât di.1 doublepour les Elpagnols , qui
n'avoient chaque année que la même quan-
tité d'un métal qui étoit devenu la moi-
tié moins précieux. Dans le double de te;nps
Vargent doubla encore , & le profit dimi-
nua encore de la moitié ; il diminua m2me
dans une progreflîon plus forte : en voici
la preuve que donne l'auteur de VEfprit
des LoiXf toin. II. pug. /^8. Pour tirer l'or
i.]es mines , pour lui donner les prépara-
tions requifes & le traniporter en Europe ,
il falloir une dépenfe quelconque. Soit cette
dépcnfe comme i efl à 64. Quand Vargen^
fut une lois doublé , & par coniéquent la
moitié moins précieux , la dépenle fut com-
me 2. à 64 , cela eft évident ; ainiî les flottes
qui apportèrent en Efpagne la même quan-
tité d'or, apportèrent une chofe qui réelle-
ment valoit la moitié moins , & coûtoit la
moitié plus. Si l'on fuit la même progrel-
fion , on aura celle de la caufe de l'im-
puilTance des richeffes de l'Elpagne. Il y a
environ deux cents ans que l'on travaille
les mines des Indes. Soit la quantité d'ar-
gent qui eu à prélènt dans le monde qui
commerce , à la quantité qui y étoit avant
la découverte , comme ^1 à i , c'ell-à-dire ,
qu'elle ait doublé cinq lois, dans deux cents
ans encore , la même quantité fera A celle
qui étoit avant la découverte , comme 64.
à I , c'efl-à-dire , qu'elle doublera encore.
Or , à prélènt , cinquante quintaux de mi-
nerai pour l'or , donnent quatre , cinq &
fix onces d'or ; & quand il n'y en a que
deux , k mineur ne retire que fes frais. Dans
deux cents ans , loriqu'il n'y en aura que
quatre, le mineur ne retirera aulfi que les trais:
il y aura donc peu de prolit à retirer fur
A R G
l'or. Mciner.ûConn^incpT luv l'argent y ex~
ccpré que le travail des mines d'argent eii
un peu plus avantageux que celui des mines
d'or. Si l'on découvre des mines lî abon-
dantes qu'elles donnent plus de profit , plus
elles feront abondantes , plutôt le profil
finira. Si les Portugais oni en etiet trouvé
dans le Brefil des mines d'or & d'a'gent
très-riches , il faudra néceiiaire'iient que le
profit des Elpagnols diminue con'idér^i.bie-
mcnt , &: le leur aulli. J'ai ouï déplorer
pluiieurs fois , dit l'auteur que nous ven )ns
de citer , l'aveuglement du conleil de Fran-
çois premier, qui rebuta Chrillophe Colomb
qui lui propoioit les Indes. En venté ,
continue le même auteur , on fit peut-être
par imprudence une chofe bien lage. En
iuivant le calcul qui précède lur la multi-
plication de largent en Europe , il cil facile
de trouver le temps où cette richelfc reprc-
{èntative {cra li commune qu'elle ne {er-
vira plus de rien ; mais quand cette valeur
iera réduite à rien , qu'arrivera-t-il ? préci-
{ément ce qui étoit arrivé chez les Lacédé-
moniens lorlquc l'argent ayant été préci-
pité dans la mer , & le fer fubftitué k là
place , il en falloit une charretée pour con-
clure un très-petit marché. Ce malheur
fera-t-il donc fi grand ? & croit-on que
quand ce figne métallique Icra devenu , par
fon volume , très-incoinmoJe pour le com-
merce , les hommes n'aient pas l'induilrie
d'en imaginer un autre ? Cet inconvénient
cÛ de tous ceux qui peuvent arriver , le
plus facile à réparer. Si l'argent eft égale-
ment commun par-tout , dans tous les
royaumes ; fi tous les peuples fe trouvent à
la fois obligés de renoncer à ce figne , il
n'y a point de mal : il y a même un bien ,
en ce que les particuliers les moins opulens
pourront fe procurer des vaiflelles propres,
laines & folides. C'ell apparemment d'a-
près ces principes , bons ou mauvais , que
les E'pagnols ont rail'onné , lorlqu'ils ont
défendu d'employer l'or &i l'argent en do-
rure &: autres lliperfluités ; on diroit qu ils
ont craint que ces lignes de la richefîe ne
tardaient trop long-temps à s'anéantir â
force de devenir communs.
Il s'enfuit de tout ce qui précède , que
l'or &c l'argent fe détruifant peu par eux-
mêmes , étant des figncs trèt-durables , il
n'dl
A R G
n'eil pretque d'aucune importance que
leur quantité abfolue n'augmente pas , &
que cette augmentation peut à la longue
les réduire ;\ Tétat des choies communes ,
qui n'ont du prix qu'autant qu'elles font
utiles aux ufages de la vie , & par ciwilé-
quent les dépouiller de leur qualité repré-
(entative , ce qui ne feroit peut-être pas
un grand malheur pour les petites répu-
bliques; mais pour les grands états c'ed
autre choie , car on conçoit bien que ce
que j'ai dit plus haut eft moins mon ien-
timent , qu'une manière frappante de fiirc
fentir l'abfurdiré de l'ordonnance des Ef-
pagnols iur l'emploi de l'or & de Yargenc
en meubles & étuifes de luxe. Mais fi
l'ordonnance des Efpagnols efl nr.l railbn-
née , c'efl qu'étant polfelfeurs des mines ,
on conçoit combien il étoit de leur intérêt
que la matière qu'ils en tiroient s'anéantit
& devînt peu commune , afin qu'elle en
fût d'autant plus précicufe ; & non préciié-
mcnt par le danger qu'il 3' avoit que ce figne
de larichelTe tût jamais réduit ;\ nulle valeur
à force de fe multiplier : c'eft ce dont on
fe convaincra facilement par le calcul qui
fuit. Si l'état de l'Europe refloit , durant
encore deux mille ans , exaftement ce
qu'il efl aujourd'hui , fans aucune viciffi-
tude fenfible ; que les mines du Pérou ne
s'épuiiafîent point & puflent toujours fe
travailler ; & que , par leur produit , l'aug-
mentation de ïargent en Europe fuivît la
proportion des deux cents premières an-
nées, celle de 31 A i , il efi: évident que
dans dix-fept à dix-huit cents ans d'ici , Y ar-
gent nt feroit pas encore allez commun pour
ne pouvoir plus être employé à représenter
la richeiïe ; car fi V argent étoit deux cent
quatre-vingt-huit fois plus commun, un
ligne équivalent à notre pièce de vingt-
quatre fous , devroit être deux cent quatre-
vingt-huit fois plus grand, ou notre pièce de
vingt-quatre fous n'équivaudroit alors qu'un
figne de deux cent quatre-vingt-huit fois plus
petit. Mais ily a deux cent quatre-vingt-huit
deniers dans notre pièce de vingt-quatre fous;
donc notre pièce de vingt -quatre fous
ne repréfenteroit alors que le denier ; repré-
fentation qui feroit , à la vérité , fort incom-
mode, mais qui n'anéantiroitpas encore tout-
à-fait dans ce métal la qualité repréfentativc.
Tome IJI.
ARG 30J
Or dans combien de temps penfe-t-on que
l'ar^e/if devienne deux cent quatre-vingt-huit
fois plus commun, en lliivant le rapport d'ac-
croifîément de 32 à i par deux cents ans ?
dans 1800 ans, à compter depuis le mo-
ment où l'on a commencé à travailler les
mines , ou dans 1600 ans , ;\ compter
d'aujourd'hui ; car 23 eu neuf fois dans
288 , c'ei't-à-dire que dans neuf fois deux
cents ans , la quantité d'a'g:nt en Europe
fera à celle qui y étoit quand on a com-
mencé à travailler les mines , comme 288
à I. Mais nous avons fuppoie que dans
ce long intervalle de temps, les mines don-
neroient toujours également ; qu'on pour-
roir toujours travailler ; que ["argent ne
foulFriroit aucun déchet par l'ufige , & que
l'état de l'Europe reltcroit tel qu'il eft fans
aucune vicillitude; fuppofitions dont quel-
ques-unes font fauffes , & dont les au-
tres ne font pas vrai'emblables. Les mines
s'épuifent ou deviennent impoffibles à ex-
ploiter par leur profondeur. L'argent dé-
cheoit par l'ulage , & ce déchet efl beau-
coup plus confidérable qu'on ne le penfc ;
& il lurviendra nécellairement dans un
inLervalle de 20CO ans , â compter d'au-
jourd'hui , quelques-unes de ces grandes
révolutions , dans lefquelles toutes les ri-
chelles d'une nation difparoiffent pref^
qu'entièrement , fans qu'on fâche bien ce
qu'elles deviennent : elles font , ou fondues
dans les embraiemens , ou enfoncées dans
le fein de la terre. En un mot , qu'.ivons-
nous aujourd'hui des tréfbrs des peuples
anciens ? prefque rien. Il ne faut pas remon-
ter bien haut dans notre hifloire , pour y
trouver Vargent entièrement rare , & les
plus grands édifices bâtis pour des fom-
mes fi modiques , que nous en fommes nu..
jourd'hui tout étonnés. Tout ce qui fub-
fille d'anciennes monnoies difperfécs dans
les cabinets des antiquaires , rempliroit à
peine quelques urnes : qu'ell devenu le
refte ? il eft anéanti ou répandu dans Us
entrailles delà terre, d'où les ibcs de nos char-
rues font fortir de temps à autre un Anto-
nin.un Othon, ou l'effigie prccieufe de quel-
qu'autre empereur. On trouvera ce que l'on
peut défirer de plus intéreffant fur cette ma-
tière X Y article MONN OIE. Nous ajouterons
feulement ici que nos rois ont défendj, foiui
^oS ARG
des punitions corporelles & confifcarions , à
quelques perlonnes que ce fût , d'acheter de
l'argent monnayé ,loitaucoin de France ou
autre , pour le déformer , altérer , refondre
ou recharger , & que l'argent monnoyé ne
paie point de droit d'entrée , mais qu'on ne
peut le faire lortir fans pafîeport.
Argent blanc, fe dit de toute monnoie fa-
briquée de ce métal. Tom notre argent hlanc
cft aujourd'hui , écus de fix francs , de trois
livres, pièces de vingt-quatre ious , pièces
de douze , & pièces de fix.
Argent fin , fe dit de {'argent à douze de-
niers , ou au titre le plus haut auquel il puiiîe
être porté.
Argent bas ou bas argent , fe dit de celui
qui elt plus de fix deniers au deflbus du
titre de l'argent monnoyé.
Argent faux , fe dit de tout ce qui efl fait
de cuivre rou^e, qu'on a couvert à pluiieurs
fois par le feu , de feuilles d'argent.
Argent tenant or, le di' de l'or qui a perdu
fon nom & la qualité pour être allié llir le
blanc , & audefious dt d.x-fept karats.
Argent de cendrée ; c'ell ainli qu'on ;ippclle
une poudre de ce métal, qui ell attachée aux
plaques de cuivre miles dans de l'cau-forre ,
qui a lèrvi à l'aiHua; e de l'or , après avoir
été m jlée d une portion d'eau de fontaine ;
cet arrjfwr elleltimé àdouze deniers.'
Argent-le-roi \ c'elt celui qui ellau ti;re
auqikl les ordonnances l'ont fixé pour les
ouvrages d'orfèvres & de monnoyeurs.
Par l'article ^ de l'édit de Henri II, roi de
France , il fut défendu de travailler de
Yargent qui ne fût à onze deniers douze
grains de fin au remède de deux grains ;
iuijourd'hui on appelle argent-le-roi. celui
qui paflè à la monnoie & dans le commerce,
:i cinquante livres un fou onze deniers , &
qui efi au titre de onze deniers dix-huit
£rains de fin.
Argent en pâte , fe dit de Vargent prêt à
ttre mis en fonte dans le creufet. Voye:^ le
commencement de cet article.
Argent en bain , ib dit de celui qui ell. en
fulion aduclle.
Argent de coupelle ; c'efl celui qui efl à
onze deniers vingt-trois grains.
Argent en lame ; c'eft Parfît'/?/ trait, ap-
plati er. re deux rouleaux , &diipoléA être
appliqué fur la foie par le moyezi du mou-
ARC.
lîn , bu à être employé tout pîat dans les of-
ncmens qu'on fait à plufieurs ouvrages bro-
dés , brochés , Ùc. Voye\ Fleur d'or.
Argent trait; c'eft celui qu'on a réduit
A n'avoir que l'épailîeur d'un cheveu , en le
iaifant palier fucceffivement iwr les trois
trous d'une filière.
Argent filé , ou fil d'argent enhme , em-
ployé & apphqué fur la îbie par le moyen
du moulin.
Argent en feuille ou battu ; c'eft celui
que les batteurs d'or ont réduit en feuil-
les très-minces , à l'ulage des argen-
teurs & doreurs. Fo>'q BATTEUR d'or.
Battre, Or.
Argent en coquille, fe dit des rognures
même de l'argent en feuilles ou battu ,
il cfl employé par les peintres & les ar-
gentcurs.
Argcntfinfume, fe dit de Vargent fin ^
(oit trait , ibit en lame , loit Hlé , ibit
battu , auquel on a taché de donner la cou-
leur de l'or en l'expoiant à la fumée ; cette
fraude efl dclcndue Ious peine de confifca—
tion entière &; deux mille livres d'amende ,
i'0)'f ., pour l'intelligence de tous'ces articlesy
1 Ïtre , Battre , Filer l'or.
Argent d la grojje ; c'efi: la mime chofè.
qu'argent mis A la groHê aventure.
Aigent de permijjlon ; c'ell asnfi qu'oti^
nomme l'jrge/j/- de change dans la plupart,
des Pa}s-bas François ou Autrichiens:.
cet argent efl diitérent de Vargent cou-
rant. Les cent tloriiis de permiflion va-
lent huit cents florins & un tiers cou--
rant ; c'efl à cette mefure que fe rédui-^
fent toutes les remiles qu'ion fait en pays,
étrangers.
Argent, endroit, s'entend toujours de
1 argent monro^é.
Argent, Te dit, enblafon, de la cou-
leur blanche dans toute ârmoirie. Les ba-
rons & nobks l'appellent en Angleterre.
blanche peile ; les princes , lune ; & Icshé-
raults difent que luns or èi uns argent , \\.
n'y a point de bonnes armoiries, h'argent.
s'exprime , en gravure d'armoiries , en.
laiflânt le fond tel qu'il efl , tout uni &.
finis hachure. l'^ove~^\1tTAVX. (blafon.)
* ARGENTAC , {Céog) ville de Fran-
ce, dans leLimoulin, liirlaDordogne. Lorjg..
^9 3 33 i^<i"^-45 3 5-
AR G
ARGENTAN, (Geogr.) vilkdeFnince,
dans la baffe -Norinaiidie , au diocclc de
Seez. Elle eit fur une petite montagne , au
milieu d'une belle plaine très-tertile , au
bord de l'Orne. Il y a une éleftion , un bail-
liage , un bureau des Tels & un des torcts.
On y trouve trois égiifès paroiffiales , quatre
monafleres & deux hôpitaux. Il s'y t^abrique
quantité de toiles , d'étamines & d'autres
étofïès légères. Cette ville a titre demarqui-
fat & de vicomte. C'elt VArgentomnm ou
Argentomagum A<is. anciens. Long, ij ,3 Si
ht. 48 , $4. {C.A.)
ARGENTANVM , ( Geogr. ) ville
d'Italie au pays des Brutiens. On ne lait
pas préciiémcnt fi c'eft Argentins ou San-
Marco , villes modernes de la Calabre cité-
rieure. (C. A. )
ARGENTARIA ou ARGENTO-
VARIA , ( Géogr. ) ville de la Gaule Sé-
quanoile , près de laquelle l'empereur Gra-
tien battit les Allemands , & qui fut eniliite
détruite par Attila. On croit qu'elle n'étoit
pas éloignée de l'endroit où le trouve au-
jourd'hui Colmar dans la haute - Aliace.
(C.A.)
ARGENTARO ou Monte-Argen-
TARO , ( Geogr. ) cap d'Italie en Tolcane.
Il c[\ au midi d'Orbitello , & k l'ell de
l'ile Giglio. On y trouve Porto-Hercolc ,
& quelques autres bourgs. Long, ^z , / 5 ,•
lac.4z , s 5' {C.A.)
ARGENTE, adj. {Manège) gris ar-
genté, nom d'un poil de cheval. Voyer
Gris. (A)
ARGE\TEAU, {Gesgr.) ancien châ-
teau tort dans les Pays-Bas , lur la Meufe ,
su duché de Limbourg, dans le comté de
Fauquemont. Il tfl tout ruiné. Une branche
de la mailon de Merci porte le titre de comte
d'Argenreau. ( C. A.)
ARGENTER , v. au. c'eft appliquer &
fixer_ des feuilles d'argent lùr des ouvrages
en f-er , en cuivre , ou autres métaux ,
en bois , en pierre , en écaille ; fur la toile ,
lur le papier , &c. pour faire paroitre ces
ouvrages en tout ou en partie , comme
s'ils étoient d'argent. P^oje^ ci-après Ar-
GENTEUR,
ARGEi'>JTEUIL , ( Geogr. ) gros bourg
de France fur la Seine , à deux lieues de
Paris, entre Saint-Denis & Saint-Gçrmain,
A R G 307
II cft entouré de murailles & de foiîés
comme une ville. On y cOinptc près de
cinq mille habitans. Il s'y fait un afTcz
grand commerce de vin & d'autres denrées ,
& l'on trouve dans les environs pluficurs
carrières de plâtre très -abondances. Les
bcnédidins de la congrégation de Saint-
Maur en pofledcnt la fcigneuric. Ils coa-
lervcnt une robe ians couture , qu'on dit
être la robe de J. C. Cette robe eft de cou-
leur ventre-de-biche.
Il y a encore un bourg du nom à'Ar^
genteuil en Bourgogne, au comté de Ton-
nerre , fur la rivière d'Armancon. ( C. A )
^ ARGENTEUR , ouvrier 'dont l'art eft
d'apphqucr & fixer l'argent eni. feuilles fur
des ouvrages en tous métaux ; fur papier ,
bois , écaille, toile, &.c. & de taire paroitre
ces ouvrages, en toutou en partie , comme
s'ils etoient d'argent.
On ne fiit pas précifcment en quel temps,
cet art a commencé , ni ceux qui en fu,
rent les premiers inventeurs. II y a cepen-
dant lieu de préfumer qu'il doit l'on origine
au_ luxe àcs peuples , qui , n'étant pas
ailez riches pour avoir en matière d'argent
certains iTicubles , ou certains ornemens
dontils fe fervoient , imaginèrent de leur ap-
pliquer quelque couleur qui les fît regarder
comme s'ils étoient réellement d'un métal
aulli précieux.
Lorlqu'on veut donner l'apparence de l'ar-
gent à ce qui n'en eft pas , on y appli-.-iue
lortement des fel^iillcs d'argent ; & , après
les avoir répandues également par-tout , on
doit les unir fi bien , que l'ccil ne puilfe pas
s'appercevoir qu'une pièce argentée difl'cre
d'une pareille qui cft d'argent. L'ouvrage palîè
pour mauvais lorlqu'on )■ trouve quelque iné-
galité , & pour mal fait lorfque fa lurtaceeff
mal adhérente , légère & raboteufe pour
avoir employé de l'argent qui n'eiî: pas d»
bon alûi.
On argenté différemment fur les métaux
que fur toutes les autres matières. On le
lèrt du feu dans le premier cas , & dans
le fécond , on fait ulage de quelques ma-
tières glutineufes, qui prennent (ijr les feuilles
d'argent, & fur les pièces qu'on doit argcnter.
Pour argenter fur ter ou fur cuivre , on
commence par einorfiler l'ouvrage ; c'eft-à-
dire , que, iorlque cet ouvrage a été lait
3oS A R G
au tour , on en oce le morfilau vives arêtes
avec fies pierres ï polir. Après qu^les pièces
ont été bien émorfilces , on les fait recuire ,
c'eft-à-dire , qu'on les met rougir dans le
feu ; & après qu'elles font un peu refroi-
dies , on les plonge dans de l'eau féconde ,
OL^ on les laifie pendant peu de temps : 'ior-
tics de cetre eau , on les ponce ,• c'efl-à-dire ,
en les éclaircit en les frottant à l'eau avec
une pierre-ponce. Dès qu'elles iont éclair-
cies , on les fait réchauifer un peu , aflez
cependant , pour qu'en les replongeant dans
l'eau féconde , l'ébuliition qu'elles caulent
en y entrant , foit accompagnée d'un peu
de bruit. On ne fait cetre efpece de fé-
conde trempe , que pour donner à chaque
pièce de petites inégalités infenlibles , qui
la dllpofent à prendre mieux les feuilles
d'argent dont on doit la couvrir.
Lorfqu'on veut que l'argenture foit folide
& durable , on hache les pièces ; c'efl-à-
dire , qu'on y pratique en tout fens un nom-
bre prodigieux de traits, qu'on appelle Ai-
chures f & qu'ontoit avec le tranchant d'un
couteau d'^acier ,,dont la forme & la grandeur
font proportionnées à l'ouvrage qu'on doit
hacher.
Lorfque cette opération eil faite , on met
bleuir les pièces hachées ; c'efl-à-dlre , qu'on
leur donne un degré de chaleur qui change
leur furface en bleu. Ce degré de chaleur y
efl fi néceflaire , qu'on ne fauroit les finir
fans le leur continuer ; & comme on ne
pourroit le tenir à nu dans la main , on les
monte fur des tiges ou challis de fer qu'on
nomme mandrins. Ces mandrins varient
dans leur forme & dans leur grandeur , re-
lativement aux ouvrages qu'on veut argcn-
rcr. Les pièces plates, comme les afllettes ,
font montées fur un mandrin àchaffis ou a
coulice. Les pies des chandeliers & de tou-
tes les pièces percées , font tenus par une
broche de fer terminée par une vis ; & au
moyen d'un écrou, on fixe l'ouvrage fur cette
broche , qu'on appelle auSi mandrin. Ainfi ,
félon la dilRrence des ouvrages , on dit un
mandrin à aiguière , à ajfiette , à plat & à
chandelier.
Chaque feuille d'argent dont on fc fert ,
a cinq pouces en quarré, & quarante-cinq
de ces feuilles doivent pefer un gros.
On commence par en mettre deux à I3
A R G
fois fur une pièce chaude , ce qu'on appelle
charger. On prend les feuilles de la main
gauche avec des brujjèlles ou pinces, & de
la droite , on tient un bruniffoir à ravaler ,•
c'ell-à-dire , à prelfer & frotter fortement
les feuilles appliquées fur la pièce.
Ces brunifloirs ont une forme & une
grandeur difiérente , fuivant les divers ou-
vrages auxquels on les emploie. Les uns
font droits , les autres courbés ; mais ils
font tous d'un acier bien trempé , très-poHs,.
& parfaitement arrondis par leurs angles ,
pour ne pas faire des raies en allant & va--
nant fur l'ouvrage. Ils font aufli emmanchés
de bois ; ce manche de bois cil un biiton
cylindrique , de longueur & groffeur con-.
venable , garni d'une frète de cuivre par le
bout , ik percé dans fa longueur d'un trou
dans lequel eff cimentée la tige du bruniflbir y
la frète empêche le manche de fe fendre,,
on en contient les parties quand il eft fendu.
yoye:^ BRUNISSOIR.
Lorfque le teu a trop pénétré la pièce en,
quelque endroit , on la grattebojfe , c'eft-.
à-dire , qu'on emporte avec un inflrument-
de laiton , appelle grattebojfe , une efpece-
de poufiierc noire qui s'efl formée à la fur-,
face de la pièce : on la charge enfuite comme
auparavant.
Les argenteurs travaillent toujours deux
pièces à la fois. Pendant qu'une chauffe ,
ils bruninènt l'autre.
Quand les deux premières feuilles d'ar-
gent font bien appliquées , on fait réchauf-
fer la pièce comme auparavant. On y met
pardeflus quatre ou fix feuilles d'argent à
la fois , & l'on continue juf'qu'à trente , qua-.
rante, cinquante & foixante feuilles , félon
qu'on veut donner A la pièce une argenture
plus durable & plus belle. Pour rendre ces
feuilles adhérentes entr'elles & les deux pre-
mières , on pafl'e pardeffus , à chaque fois ,
le brunijfoir à brunir , qui ne diffère du
brunijjoir à ravaler que par la longueur de.
fon manche.
Chaque pièce étant revêtue de la quan-
tité de feuilles d'argent qu'on jugea propos
de lui donner , on la brunit à fond , en ap-
puyant fortement le bruniifoir contre elle.
Comme on argenté le bois , la toile, le
cuir , &c. de la même façon qu'on les dore,
r.o'vîs en parlerons à l'article du doreur
A R G
Pour défargenter une pièce , on la fait
chauffer à deux fois ; & on la trempe autant
de fois dans de l'eau féconde , qui prend
peu A peu toute l'argenture ; il faut cepen-
dant bien prendre garde de ne pas l'y lailTer
tremper trop long-temps , parce que l'eau
féconde prendroit trop iur le corps de la
pièce , y formeroit des inégalités , & lui
donneroit une furface raboteufc & défagréa-
ble , quand on la réargenteroir.
Les Itatuts des argenteurs datent depuis
Charles IX. Ils Ibnt les mêmes que ceux
des doreurs fur cuivre & autres métaux ,
avec lefqucls les argenteurs ne font qu'une
même communauré. Voj'e:^ DoREUR.
ARGENTIER, f. m. (Commerce.) tlms
les anciennes ordonnances, eil le nom qu'on
donnoit à ceux qui fe mêloient du com-
merce de l'argent , comme les banquiers ,
les changeurs.
Argentier, {Hifi. mod.) fignifioit
autrefois en France le lurintcndant des
finances du roi. Le fameux Jacques Cœur
étoit argentier du roi Charles VIII. {G)
* ARGENTIERE ( l' ) , petite ville de
France en Languedoc , dans le Vivarajs.
Long, zz f ^^ i lat. 4/f. y ^o.
"^ ARGENTIiiRE ( /' ) , Géog. petite île
de l'Archipel , proche celle de Milo. Elle a
été ainfi nommée de fes mines d'argent aux-
quelles on ne travaille point. Long. 4.2. ,
49 ; Ut. :s6 , ^o.
ARGENTINE , plante qui doit être
rapportée au genre des pentaphylloïdes.
Fo/q Pentaphylloide. (/)
* Sa racine eft noirâtre, afb-ingente, tantôt
fimple , tantôt fibreufe. Ses feuilles font
conjuguées , femblables à celles de l'aigre-
moine , compolees de plufieurs grands lo-
bes , obtus & dentelés profondément vers
les bords , entremêlés d'autres lobes plus
petits. Ses feuilles font vertes pardeflus ,
& garnies pardeflbus de petits poils blancs
argentins. Ses fleurs naiflent feule à feule
de l'aiiTelle des feuilles , qui embraflènt les
petites tiges par leurs appendices ; elles font
portées fur de longs pédicules velus , &
compofées de cinq pétales jaunes. Leur
calice eft d'une feule pièce divifée en cinq
parties pointues , entre lefqueiles il y en
a cinq autres plus petites ; elles renferment
pluiieurs étamines garnies de leurs foiïunets
A R G 30^
de même couleur. Le piflil fê change en
une tête Iphérique de trois lignes de diamè-
tre , couverte de pluiieurs petites graines
arrondies , jaunâtres , & femblables k celles
du pavot. Elle ell commune dans les lieux
humides , le long des chemins , Iur le bord
des rivières ; elle trace par des jets comme
le fraifier. Sa racine , fes feuilles , & fa
graine font d'ufage en médecine.
DilHllée fraîche au bain marie , elle donne ^
un flegme hmpide , infipide & fans odeur ,
une liqueur hmpide , obfcurément acide ,
puis man.iteflement acide , enfin fort acide.
Ce qui cfl rcffé dans l'alembic , diffillé à
la cornue , a donné une liqueur rouflatre ,
foit acide , foit auflere , foit alkalinc uri-
neufe ; une liqueur roufle cmpyreumati-
que , urineufe , remphe de beaucoup de
fel volatil urineux ; du lel volatil urineux
concret , & de l'huile de la confiilance du.
beurre. La mafTe noire refiée dans la cor-
nue a donné , après une calcination de
treize heures au feu de réverbère , des cen-
dres noirâtres , dont on a tiré par la lixi-
viation du fel fixe alkali.
Toute la plante a \m goût d'herbe un-
peu falé & ffyptique. Son fuc rougit le pa-
pier bleu ; d'où il eil clair qu'elle eil com-
pofée d'un fèl ammoniacal & un peu alu-
mineux & vitrioliquc , uni avec une huile
épaifîe. Elle pafTe pour rafraîchiflante , af-
tringente , deliicative , repercufllve , & for-
tifiante. On la met au rang des plantes vul-
néraires , aflringentes ; & en effet elle ar-
rête toute forte d'hémorrhagies. On la pref^
crit utilement dans le crachement de fang ,
dans les pertes de fapg ; & dans les hémor-
rhoïdes. On lui attribue encore la vertu de
foulager dans la diarrhée & les «flux de
fang. GéofF. mat, méd..
* ARGENTINUS , f. m. (MjthoL)
dieu de l'argent , fils de la déeflè Pecunia.
'^ARGENTO , C Ge'ogr. ) rivière de la
Turquie en Europe ; elle coule dans l'Al-
banie & fe jette dans le golfe de Venife.
* ARGENTON, ( Geog. ) ville & con-
trée de France , dans le duché de Berri ,
divifée en deux par la Creufe ; l'une de ces
parties efl appellée la haute ville , & l'autre
la ville bajfe. Long. 19 , 10 ; lac. ^o , 30.
ARGENTON-LE-CHATE AU, petite
3T0 A R G
ville de France en Poitou , gén^ralit^ de
Poitiers.
ARGENTOR , rivière de France dans
l'Angoumois , formée de deux ruiflèaux ,
Tun nommé argent , l'aurre or ; elle ie jette
dans la Ciiarente , au village de Porlar.
ARGENTURE , f. f. (e prend en deux
fens diltérens ; ou pour l'art d'appliquer
des feuilles d'argent fur quelque corps , ou
pour les feuilles même appliquées. Voye^
Van de Va rge nuire à l'article ArgENTER.
Quant à l'argenture prife dans le fécond
iens , il faut qu'elle foit forte , fortement
Appliquée , égale par-tout , bien unie. Le
hin de cette façon eft de donner l'appa-
rence de l'argent à ce qui n'en ell pas ; fi
donc on apperçoit à l'ccil , dans la pièce
argentée , quelque différence d'avec une
pareille pièce qui feroit d'argent , V argen-
ture efl mal faite ] elle eft mauvaife fi elle
eft inégale , mal adhérente , légère , & ra-
boteule , & fi l'argent efl mauvais.
* ARGIAN ou ARREGIAN , ville du
Cluiliftan , province de Perié ; elle eft iln-
la rivière de Sirt , proche du golfe de Bal-
fora.
*ARGIENNE, ouARGOLIQUE,
( Mjth. ) furnom de Junon. Voyei Ca-
NATHO.
*ARGIENS, f. m. pi. ( Geogr. Hifi.)
ies habitans d'Argos. V. ci-après , Argos.
( Ge'og. Hi/î. anc. )
*ARGILE , rayer Argyle.
ARGILLE, argilla, f. f. { Hifl.nat.
fojf. ) terre pefante , compafte , grade , &
glilfante. L'argille a de la ténacité & de la
duftilité lorfqu'clle eft humide , mais elle
devient dure en léchant , & ce changement
de conftftance n'en délunit point les par-
ties ; c'eft pourquoi cette terre eft propre
à diftérens u£iges. On en fait des vales de
toute elpece , des tuiles , des briques , des
carreaux , des modelés de Iculpture , 6v.
car on peut lui donner toutes fortes de
formes lorfqu'elle eft molle , & elle les con-
Icive après avoir été durcie au feu. Dans
cet état elle réfiile à l'humidité ; & fi l'on
pouflé le feu à un certain point , on la vi-
trifie. 11 y auroit pour ainfî dire une infi-
nité d'elpeces à^argille , fi on votiloit les
diftinguer par les codeurs ; il y a des ar-
pUes blanches , jaunes , grifes , roufles ,
A R G
bleues , noires , Êv. on en voit qui font
veinées comme les marbres. Uargille (e
trouve par-tout , mais à différentes profon-
deurs ; elle fert de bafe à la plupart des
rochers. C'eft une matière des plus abon-»
dantes & des plus utdes que nous con-
noiilions.
M. de Bufiôn a prouvé que Yargille
forme une des principales bouches du
globe terreftre ; & il a traité cette matière
dans toute fon étendue. C'eft en réflechif^
iant iur la nature de cette terre , qu'il en
découv re l'origine , & qu'il fait voir que fà
fîtuation dans le globe eft une preuve de
l'explication qu'il donne de la formation du
globe. Comme cette explication fait partie
de la théorie de la terre , que M. de Buffon
nou5 a donnée dans le premier volume de
ÏHift. nat.génér. Ù part, avecladefcrip. du
cabinet du Roi , il faudroit pour le bien
entendre avoir une idée fuivie de l'enfemble
de cet ouvrage. Nous ne pouvons rappor-
ter ici que ce qui a un rapport immédiat
avec V annule.
Les labiés , dit M. de BufFon , dont les
parties conftituantes s'imiflent parle moj-en
du feu , s'allunilent &" deviennent un corps
dur , très-denlè , & d'autant plus tranl-
parent que le fable eft plui homogène ;
expofës au contraire long-temps à l'air , ils
fe décompolent par la délimion & l'exto-
liation des petites lames dont ils lont for-
més , ils commencent à devenir terre; &,
c'eft ainfî qu'ils ont pu former les terres
& les argilles. Cette pouftiere , tantôt d'un
jaune brillant, tantôt Icmblablc à des pail-
lettes d'argent , dont on le lert pour lé-
cher l'écriture , n'elt autre choie qu'un
fable très - pur , en quelque façon pourri ,
prelque réduit en lés principes , & qui
tend à une décompoiition parfaite ; avec
le temps \<:s paillettes feroient atténuées &
divilées au point qu'elles n'auroient plus
eu allez d'épaiileur & de furface pour ré-
fléchir la limiiere , &: elles auroient acquis
toutes les propriétés des glaifes. Qu'on re-
garde au grand jour im morceau d'argille,
on y apperccvra une grande quantité de
paillettes talqueuies , qui n'ont pas entière-
ment perdu leur forme. Le iable peut donc
avec le temps produire Yargille ; & celle-
ci , en fe divjfant , acquiert de mÊine les
A R G
propriétés d'un véritable limon , matière
vitrifiable comme VargilU , & qui eit (.lu
mêine genre.
Cette tliéorie cft conforme à ce qui (e
}>a(re tous lei jours fous nos yeux. Qu'on
ave du labié fortant de ia minière, l'eau ie
chargera d'une alfe^j grande quantité de
terre noire , dudile , gralle , de véritable
argille. Dans les villes où les rues font pa-
vées de grais , les boues font toujours noires
& trcs-grafles ; & deiT.chés , elles for-
ment une terre de la même nature que
Vargille. Qu'on détrempe & qu'oi> lave de
même Va.igtlle priie dans un terrain , où
îl n'y a ni grais ni caillous , il fe précipi-
tera toujours au fond de l'eau une affjz
grande quantité de lable vitrifrable.
Mais , ce qui prouve parfaitement que le
fable , & même le caillou & le verre exii-
tent dans ïa'-gille , & n'y font que dégui-
{és , cci\ que le ieu en réunifiant les par-
ties de celui-ci , que l'aclion de l'air &
dos autres élemens avoir peut-être divilées ,
lui rend f^ première forme. Qu'on mette
de V argille dans un fourneau de réverbère
échauffe au degré de la calcination , elle
fe couvrira au dehors d'un émail très-dur ;
fi à l'extérieur elle n'eit pas en jore vitrifiée ,
elle aura cependant acquis une très-grande
dureté , elle réfiflera à la lime & au burin :
elle étincellcra fous le marteau ; elle aura
foutes les propriétés du caillou. Un degré
de chaleur de plus la fera couler , 5c la
convertn-a en un véritable verre.
Uargille & le fable font donc des ma-
tières parfaitement analogues & du même
genre. Si ïdrgille en ie condenlanr peut
devenir caillou , d#.i verre, pourquoi le
fible en fe diviiant ne pourroit-il pas de-
venir de Yargille. Le verre paroît être la
véritable terre élémentaire , & tous les
mixres un verre déguifé. Les métaux', les
minéraux , les fels , &c. ne font qu'une
terre vitrefcible, La pierre ordinaire , les
autres matières qui lui font analogues , &:
les coquilles des teflacées, des cruitacées ,
&c. font les fjules fubftances qu'aucun agent
connu n'a pu jufqu'à préfent vitrifier, &:
les feules qui femblent faire une clafle à
part. Le feu , en réunifiant les pai-ties divi-
fées des premières, en fait une matière
homogène , dure & tranfparente à un ccr-
A R G 3 I r
tain degré , fins aucune diminution de pc-
fanteur, &: à laquelle il n\([ plus capable
de caufer aucune altération. Celles-ci , au
contraire, dans Icfquelles il entre une plus
grande quantité de principes aâifs & vo-
latils , qui fe calcinent, perdent au feu
plus du tiers de leur poids , & repren-
nent fimj^lement la forme de terre , fans
aucune altération que la défunion de leurs
principes. Ces matières exceptées , qui ne
font pas en bien grand nombre , & dont
les combinaifons ne produiient pas de gran-
des variétés dans la nature ; toutes les autres-
fubflances , & particuliéreinsnt VargilU ^
peuvent être converties en verre , & ne'
font eiTentiellemcnt , par conféquent , qu'un
VMTC décompolé. Si le feu fiit changer
promptemcnt de forme ;\ ces fubilances en
les vitrifiant, le verre lui-même , foit qu'il
ait fa nature de verre , ou bien celle de
làble ou de caillou , fe change naturelle-
ment en argille , mais par un progrès lent
&: infcnfible.
Dans les terrains où le caillou ordinaire
eu la pierre dominante, les campagnes en-
font ordinairement jonchées ; & fi le lieu
efl inculte , & que ces caillous aient été
long-temps expofés à l'air , fans avoir été
remués, leur fuperficie fupérieure efîtou--
jours très-blanche , tandis que le côté op-
pofé qiii ^touche immédiatement la terre,
efl très-brun, &c conferve Ct couleur na-
turelle. Si l'on caffe plufieurs de ces cail-
lous , on reconnoîtra que la blancheur n'eft
pas feulement en dehors ; mais qu'elle pé-
rietrc dans l'intérieur plus ou moins pro-
fondément , & y forme une efpece de
bande qui n'a dans de certains caillous
que très-peu d'épailTe .r , mais qui dans
d'autres occupe prefque toute celle du cail-
lou ; cette partie blanche d\ un peu gre-
nue , entièrement opaque , aufîl tendre que
la pierre ;.& elle s'attache â la langue
comme les bols , tandis que le refte du
caillou ell lifle & poli, qu'il n'a, ni fif
ni grain , &c qu'il a cOnfervé fa couleur-
naturelle , fa tranfpnrence , & fa même
dureté. Si l'on mer dans un fourneau ce
mcnie caillou à moitié décompofé, fa par-
tie blanche deviendra d'un rouge couleur
de tuile , & fa partie brune d'un très-
beau blanc. Qu'on ne diie pas avec un de-
3TZ A R G
nos plus c^letres naturaliftes, que ces pierres
font des caillous imparfaits de diiierens
âges , qui n'ont pas encore acquis leur
perfedion. Car , pourquoi feroient-ils tous
imparfaits ; pourquoi le feroient-ils tous du
même côté ? pourquoi tous du cote expofé
à l'air ? Il me femble qu'il eft aifé de fe
convaincre que ce font au contraire des
caillous altérés , décompofës , qui tendent
à reprendre la forme & les propriétés de
l'argilk & du bol dont ils ont été formés.
Si c'eft conjeflurer que de raifonner ainfi ,
qu'on expoie en plein air le caillou le plus
caillou, (comme parle ce fameux natura-
lifte, ) le plus dur & le plus noir , en moins
d'une année il changera de couleur à la
furface ; & fi l'on a la patience de fuiyre
cette expérience, on lui verra prendre in-
fenfiblement & par degrés fa dureté ,^ fa
rranfparence , & fes autres caraéteres fpé-
cifiques , &; approcher de plus en plus cha-
que jour de la nature de Yargille.
Ce qui arrive au caillou , arrive au fable.
Chaque grain de fible peut être confidere
comme un petit caillou , & chaque caillou
comme un amas de grains de làble extrê-
meiiient fins & exaûement engrenés. L'exem-
ple du premier degré de décompofition du
fable , fe trouve dans cette poudre brillante ,
rr.ais opaque, mica, dont nous venons de
parler, & dont Yargille & l'ardoilè font
toujours parfemées:les caillous entièrement
tranfparcns , les quarts, produifent enfe dé-
compofant des iables gras & doux au tou-
cher ; aufli pétriflables & duûiles que Ir.
glaife , & vitrifiables comme elle , tels que
ceux de Venife & de Mofcovie ; & il me
paroît que le talc eft un terme moyen entre
le verre ou le caillou tranfparent & Vargille ;
au lieu que le caillou groffier & impur ,
en fe décompofant , paile à Yargille fans
intermède.
Notre verre faélice éprouve auffi la même
altération ; il fc décompofe à l'air , & ie
nourrit en quelque façon en fé)ournant dans
les terres. D'abord la fuperficie sirrife ,
s'écaille , s'exfolie , & en le maniatit , on
s'apperçoit qu'il s'en détache des paillettes
brillantes : mais , iorfque fa décom-
pofition eft plus avancée, il s'écrafe entre
les doigts , & fe réduit en poudre talqueufe
îrès-blanche & très-fine. L'art a même imité
ARG
la nature par la décompofition du verre
& du caillou. Efi etiam certa methodus fo-
lius aqucv commurus ope , Jilices 6" arenam
in liquorem vifcofum , eumdemque infal i^i-
ride conpercendi , Ù hoc in oleum nibicun-
dum y &c. folius ignis & aquce ope fpeciali
expérimenta durij/imos quofque lapides in
mucorem refolvo , qui difiillatus fubcilem
fpiritiim exhibée & oleum nullis laudibus
prcvdicabile. Bech. Phyjic. fubterr.
Les différentes couches qui couvrent le
globe terreftre , étant encore aâuellement
ou de matières que nous pourrons confi-
dérer comme vitrifiables , ou de matières
analogues au verre , qui en ont les pro-
priétés le-; plus eflentielles , & qui toutes
iont vitreicibles ; & comme il ell évident
d'ailleurs que , delà décompofition du cail-
lou & du verre , qui fe tait chaque jour
lous nos yeux, il réfulte une véritable terre
argilleufe ; ce n'eft donc pas une fuppofi-
tion précaire ou gratuite , que d'avancer
que les glaifes , les argilles & les fables ont
(.té formés par des icônes & des écumes
vitrifiées du globe terreftre , (ur-tout quand
on y joint â priori , qu'il a été dans un état
de liquéfaction caufée par le feu. Voye\
Hift. nat. tom. I , pag. s.£3- (l)
ARGINUSES, (t^eog.) Diodore de
Sicile , Thucidide & Xénophon , difent
qu'à la vue des îles Argineufcs , les Athé-
nien^ conduits par Conon , vainquirent
les Lacédémoniens commandés par Calli-
cratidas. Ces îles au nombre de trois ,
étoient auprès de File de Lesbos , vis-à-
vis Mitylcne.
* ARGIPPÉENS , f m. pi. {ffi/l) an-
ciens peuples de la Sarmatie , qui , fi l'on
en croit Hérodote, naiffoient chauves,
avoient le menton large , peu de nez , &
le fon de la voix différent de celui des au-
tres hommes, ne vivoient que de fruits,
& ne faifoient jamais la guerre à leurs
voifins , qui , touchés de refpeft pour eux ,
les prenoient fouvent pour arbitres de leurs
diiférens.
* ARGO , f m. ( Mjth. ) nom du vaif-
leau célèbre dans les Poètes , qui tranl^
porta en Colchide l'élite de la jcuneiîë
Greque , pour la conquête de la toilon d'or.
Voye\ Argonautes.
Les critiques font partagés fur l'origine
de
A Pv G
<1e ce nom , que les uns tirciir à\\n cer-
cain Argus , qui donna le delièin de ce
navire ôc le conftruilic ; d'autres de Hi
vitclle & de Hi légèreté par antiplirnfc du
grec apyU , qui fignifie lent & parejjeux ;
ou de la hgure longue , <5v: du mot arco ,
dont les Phéniciens le fcrvoient pour nom-
mer leurs vailleaux longs. Qiielques-uns
l'ont fait venir de la ville dMrwj.t où il
tut bati ; de d'autres enfin des Argiens qui
le montèrent , félon ce diltque rapporte par
Ciccron , I. Tufcul,
■Ai'go , quia -Arg't i in câ delicli viri
Vecli ,pstebantpelkm inauratam ariens.
Ovide appelle ce navire facram Argum ,
parce que , lelon lui , ce fut Minerve qui
en donna le plan & qui préfida à fa conl-
rruéfion ; peut-être encore parce que fa
proue étoit formée d'un morceau de bois
coupé dans la for^t de Dodone , & qui
rcndoit des oracles , ce qui lui fit auiïl
donner le nom de loquax. Voy. Oracle
fr DoroNE. Jafon ayant heureufement
achevé Ion entreprife , confiera à Ion re-
tour le navire Argo à Neptune , ou /clon
d'autres , à Aiincr^'e , dans l'ifthme de Co-
rinthe , où il ne fut pas long-temps fans
être placé au ciel & changé en conftclla-
rion. Tous les auteurs s'accordent à dire
que ce vaifi'eau étoit déforme longue com-
me nos galères , & qu'il avoir vingt-cinq
à trente rames de chaque côté. Le fcho-
liafte d'Apollonius remarque que ce fut le
premier bâtiment de cette forme. Ce qu'at-
telle auffi Pline après Philoftephane. longâ
nave Jafonem pr mum navigajje Philofiepha-
fius auclor eft. Hiji, nat. lib. VU. cap.
xxx\j. Une circonftance qui prouve qu'il ne
pouvoir pas être d'un volume bien vafte,
c'eft que les Argonautes le portèrent fur
leurs épaules , depuis le Danube jufqu'à
la mer Adriatique. Mais pour diminuer le
merveilleux de cette aventure , il eft bon
de fe reflbuvenir de la force prodigieufe
que les poètes attribuent aux hommes des
temps héroïques.
Quant aux oracles qu'on prétend que
rendoit le navire Argo , M. Pluche dans
fon hijioire du ciel explique ainfî la chofe.
" Quand les Colques ou habitans de la Col-
" cliide avoient ramaflede l'or danslcPhafe ,
Terne III.
A R G 315
" il falloir rappeller le peuple a un travail
•• plus néceilaire , tel qu'étoit celui de fi-
" 1er le lin Se de fabriquer les toiles. On
" changeoit d'affiche : l'ifis qui annonçoic
" l'ouverture du travail des toiles, prenoic
" dans la main une navette , & prenoic
» le nom d'argoniotk , le travail des navet-
" tes. Qiiand les grecs , qui alloient faire
'• emplette de cordes ou de toiles dans la
" Colchide , vouloient prononcer ce nom ,
" ils di'.oicnt argonaus , qui , dans leur lan-
" gue , lignifîoit le navire Argo. S'ils de-
" mandoient aux Colques ce que c'étoit
" que cette barque dans la main d'Ifis ( car
» en effet la navette des Tiflerands a la
" hgure auilî-bien que le nom d'une bar-
" que ) les Colques répondoient apparem-
" ment que cette barque fervoit à régler
» le peuple ; que chacun la confultoit ; &
" qu'elle apprenoit ce qu'il falloit faire.
" Voilà , ajoute-t-il , le premier fonde-
" ment de la fable du vaifteau Argo , qui
» rendoit des rcponfes à tous ceux qui
" venoient le confulter. » H//?, du ciel ,
tome I, page ^XJ. (G)
Argo, le navire Argo ou le vaijfeau des
Argonautes, lubll. m. C'eft ainfi que les
Aftronomes appellent une conteftellation ou
un ajfemblage d'étoiles fixes dans 1 hémif-
phere méridional. Ces étoiles lont , dans
le catalogue de Ptolomce , au nombre de
huit, dans celui de Tycho , au nombre de
onze ; dans le catalogue Britannique , au nom-
bre de vingt-cinq , avec leurs longitudes ,
latitudes , grandeurs , ùc. ( O )
ARGOLIDE , Argos ou Argide ,
( Géogr. ) royaume de Grèce , dans le
Péloponefe , fondé par Inacchus , l'an du
monde 1197. Il avoir au levant la mer
Egée , & le golfe Argoltque , aujourd'hui
golfe de Napoli de Romanie ; au couchant
l'Arcadie ; au midi la Laconie ; Se au fep.»
tentrion le pays de Corinthe & le golfe
d'Engia. Argos en étoit la ville capitale ;
fcs villes principales étoient Epidaures ,
Hyrinthe , Cynethia, &c. Il y a eu plulîeurs
rois fameux dans l'Argoline. Apres Pcrféc
qui fut le dernier , cet état devint répu-
blicain. Il palla enfuite aux P.omains, &
depuis aux Turcs , qui le pofledent aujour-»
i'hui , & qui le nomment la Remanie de
Morée ou Scanie. On n'y retrouve plus
Rr
314 A R G
ces belles villes , cet empire florinant ,
chanté li majeftiieurement pitr Homère^ on
n'y voit que des villes rainées , des cam-
pagnes ftériles & clélertes , alheux monu-
mcns de la barbarie des liommes , du
defpotilnie des tyrans , &c du décourage-
ment des pevphs. { C u4.)
* ARGONAUTES , f. m. pi. ( ATythoL )
c'eft ainfi qu'on appella les princes Grecs ,
qui entreprirent de concert d^'aller en Coi-
chide conquérir la toilon d'or , & qui
s'embarquèrent pour cet efFer fur le navire
^rgo , d'où ils tirèrent leur nom. On
troit qu'ils étoient au nombre de cinquante-
quatre , non compris les gens qui les
accompagnoient. Jalon étoit leur chet , &c
l'on compte parmi les principaux , Her-
cule, Callor & Poliux, Laerte père d'U-
lyfl'e, Oïlée pcre d'Ajax , Pelée père d'A-
chylle , Theite & Ion ami Pynchoiis. Ils
ô'embarqucren.t au Cap de Magnelie en
Thelfalie : ils allèrent d'abord à Lemnos,
de-là en Samothrace ; ils encrèrent enluite
dans PHellefpont , 6c côtoyant l'Aile mi-
neure , ils parvinrent par le Pont-Euxin
jufqu'à j£a , capitale de la Colchidc j d'où ,
après avoir enlevé la toilon d'or , ils re-
vinrent dans leur patrie , après avoir fur-
monté mille dangers. Cette expédition
précéda de trente-cinq ans la guerre de
Troye , félon quelques-uns , & félon d'au-
tres de quatre-vingt-dix ans. A l'égard
de l'objet qui attirâtes Argonautes daiis la
Colchide , les ientimens font partagés.
Dicdore de Sicile croit que cette toilon
d'or tant prônée, n'ctoit que la peau d'un
mouton que Phrixus avoir immolé , de
qu'on gardoit très-foignculemcnt , à caufe
qu'un oracle avoir prédit que le roi feroic
tué par celui qui l'enieveroit. Strabon &
Juftin penlo^ent que la fable de cette toilon
croit fondée fur ce qu'il y avoit dans la
Colchide des torrens qui roaloient un fible
d'or , qu'on ramaflbit avec des peaux
de mouton, ce qui fe pratique encore au-
jourd'hui vers le fort-Louis , où la poudre
d'or (e recueille avec de femblables toi-
fons , le: quelles , qurnd elles en lont bien
remplies , peuvent être regardées comme
des toilons d'or. Varron & Pline préten-
dent que cette fab'e tire fon origine des
belles laines de ce pays , & que le voyage ,
A R G
qu'avoient fait quelques marchands Grecs
pour en acheter , avoit donné lieu à la fic-
tion. On pourroit ajouter que comme lei
Colques failo.ent un grand commerce de
peaux de marte & d'autres pelleteries pré-
cieufes , ce fut peut-être là le motif du
voyage des Argonautes. Paléphatc a ima-
giné , on ne laie fur quel fondement , que
Ibus l'emblème de la toilon d'or on avoic
voulu parler d'une belle Ifatue d'or que
la merc de Pelops avoit fait faire , & que
Phrixus avoit emportée avec lui dans la
Colchide. Euiîn Suidas croit que cette
toilon étoit un livre en parchcniin , qui
contenoit le fecret de faire de l'or , digne
objet de l'ambidon , ou plutôt delà cupi-
dité non feulement des Grecs , mais de
toute la terre ; & cette opinion que Tol-
lius a voulu faire revivre , ell embrallée
par tous les Alchymiltes. Hi/f. des Argon,
par M. l'ahbé Bannier. Mém. de l'académie
des Belles-Lettres , tome XII. ( G )
ARGONAUTÏQUE , ( HiJI. littéraire
& critique.) c'edle nom d'un poëme épi-
que d'Apollonius de Rhodes , l'un des
lept poètes qui florilloient à la courde Ptolo-
mée Philadelphe , roi d'Egypte. Ce poème
eft écrit , en grande partie , du ton uni &
fimilier qu'exige 1 intime lociété de gens
qu'un même vailkau ralîèmble. Le caractère
particulier de chaque perlonnagey ell mis
dans un jour allez bien marque. Tous ces
caractères tiennent entre eux par quelques
traits généraux, il y règne une eipece de
piété à l'antique , ou de vénération pour
les dieux , de zèle pour leur culte , d'amitié
& de complaifance réciproques. Chaque
Iicros a un rolc conforme à Ion caritlere ,
& tous ces rôles fe rapportent à la navi-
gation , & à la toifon qui en fiit l'objet.
Ainli le lecteur eft à tout moment ramené
au but général , ce qui forme l'unité
d'aétion. Junon protège l'entrepr^fe , &C
dirige la courle. Les héros ne lont que
les inftrumens de la déelfe , mais fans le
lavoir^ Des détails trcs-circonlfanciés dans
la dclcriprion des objets animes & inani-
més , répandent un jour clair & gracieux
lur ce poème. Ceux qui fe plailcnt à iui-
vre les traces du cœur & de refprit hu-
main ju/que dans les temps les plus recu-
lés , trouverouc ici une ample moillôn i
A R G
lecuciHir , principnlement fur les dnp;mes
litigieux , l'inflicunon des rcmpits , les cé-
icmoiiies des Hicrifices , & les liei!X con-
ficrés. Virgile a imité Apollonius dans 1 cpi-
(ode de i3idon ; l'.imour de cette reine
cft trace d'après celui de Mcdée , & il cil
fort douteux que l'avantas^e !oit du côté
du poète Latin. Longin donne la prétc-
rence à l'Iliade fur le poëme des Arsroniu-
tes , de il la donne à ce poëme fur l'Odyll^x".
Mais tout ce qu'il dit à ce (ujet fe rétluit
prefque à remarquer que \'Argun.iuti.]i:c
&: l'Odyllée n'ont pas autant de feu que
niiade.
Divers poètes Romiins avoient auiri
choiiî l'expédition des Arp-onauies pour le
fuje: de leurs chants ; mais il n'y a q^ue
X'argonautica de Valerius Flaccus qui loit
parvenu jufqu'à nous. Ce poëme n'a rien de
bien remarquable. ( Cet article efl tiré de la
théorie des beaux-arts de M. SULZ ER.)
* ARGONNE ( l' ) ,^ Géogr. contrée de
France , entre la Meufe , la Marne , &
l'Aine. Sainte-Menehould en eft la capi-
tale.
* ARGORF.US ou DIEU DU MAR-
CHÉ , {Myth. ) lurnom de Mercure , lous
lequel il avoir une ftacue à Phares en
Acliaïe. Cette ftatue , dit Paulanias , ren-
doit des oracles ; elle ctoit de marbre , de
médiocre grandeur , de figure quarrée , de-
bout à terre , fans piédeftal.
ARGOS , {Géog. Hijî. anc.) Argos ,
ville du Péloponefe , n'eft aujourd'hui
qu'une bourgade appellée Naupalia : dans
Ion origine , elle fait connue fous les noms
de Phoronique , à'Egiali & à'Apé , de trois
de les rois appelles Phoronêe , Apis , &
Egiale , qui furent rois de cette ville &
de Sycione. Strabon nous apprend qu'elle
étoit lituée dans une plaine défendue par
Larille , citadelle qui étoit foutenue par
des arcades ; ainli , cette forterefie fimeufe
doit plutôt fa célébrité à la hardiefle de
l'ouvrage qu'à fa force &: à fa folidité. L'hif-
toire des rois à' Argos n'eft qu'un mélange
de fables qui enveloppent quelques vérités.
Le premier fut Inachus , qui réunit en fo-
ciété des hommes épars & fauvages. Il eut
pour fuccelfeur Phoronéc , qui donna des
moeurs à les fujets barbares , en inftituant
uji culte religieux &; des loix. On prétend
A R G ^ 3 ' 5
qu'il .1. appris aux liommcs à fe nourrir de
glands & de cliltaigries , au lieu d'herbes
fauvages dont ils faiioient leur nourriture.
Après un règne de foixante ans , la n-con-
noilLuKc publique le mit au rap.g des dieux,
iS; on lui i'n des ficrific;';. Ce fut environ
ilans ce temps qu'arriva le déluge d'Ogi-
gès. Cette inondation l'obligea de quitter
la Béotie , & de fc retirer fur " les bords
du lac Tricon , où il fut le fondateur di
h ville d'Eleulîs , où dans la fuite ie tint
l'aHcmblce de la Grèce pour y célébrer les
myfteres de Ccrès.
Après la mort , Apis , quoique ctrar.ger ,'
s'empara du trône , où il fe maintint par
les violences; iS^' pour rendre Ca puifl.mce
plus relpeétable , il fc vanta d'être fiis de
Jupiter & de Niobé , qui pafla pour avoir
été la première mortelle qui eut commerce
avec ce Dieu , ou plutôt qui rejeta lur lui
la faute dont elle étoit coupable. Le peuple
parut le croire ; mais après l'avoir adore
pendant fa vie , il eut fa mémoire en exé-
crarion. Sa famille fut profcrite. Argus ,
petit-fils de Phoronée , fut rétabli fur le
trône de fes pères. Il donna (on nom à
toute la contrée , dont la métropole fut
appellée Argos. Sa poftérité fournit iix rois ,
qui remplirent le trône pendant Telpacc
de cent loixante & fept ans. Le dcrniet
nommé Gelarmr , fut détrôné par Danatis ,
aventurier Egyptien , qui employa avec
fuccès les fuperftitions de fon pays pouc
(édiiire des hommes grodiers. Le flambeau
des Iciences qu'il fit briller dans ces con»
trées ténébreules , ne ht que multiplier le?
fables. Je ne m'étendrai point fur l'hiftoire
des Danaïdcs , dont l'abfurdité révoltante
ne trouva point d'incrédules dans la Grèce.
Après Danaiis , on voit le trône occupé
par ion neveu Lyncée , qui eut pour fuc-
cellcurs Abbas & Prœtus , dont le règne
n'eft célèbre que par l'aventure fabuleule
de la Chimère & de Bellerophon. Acrile
qui lui fuccéda , eut pour fille Danaé ^
qu'il fit enfermer dans une tour , pour
prévenir l'accompliflement de l'oracle qui
lui avoir annoncé qu'il périroit de la maiij
, d'un fils qui naîtroit d'elle. La précaution
fut inutile , Prœtus , frcre d'Acrife , paf-
iîonnément amoureux de la princelîe , cor^
rompit les gardes à force de préfens, &
Rr i
3i6 A R G
fut introduit dans la tour. Perfée fut le fruit
«le cette vifîte -, Se pout c:ich3r cette intri-
gue , on publia que cet enfant étoit fils
de Jupiter. Perfée expofé lur mer dans
une frêle barque , fut jeté près de Seriphe ,
l'une des Cyclades , où il fut élevé par Po-
lideéte , qui régnoit alors dans cette île. Ses
premières inclinations fe tournèrent vers la
guerre , Se la première viiboire fut contre
les Gorgones qui régnoient fur les îles
Gorgades , où le fceptre étoit toujours
ûétcré aux femmes. Médufe , qui alors
occupoit le trône , s'étoit rendue honteu-
lement célèbre par Tes proftitutions. On la
peignit avec des ferpens lur la tcre , pour
marquer l'horreur qu'inipiroient fes dcior-
dres. Elle avoir pour (ccurs Stheno & Eu-
riales, auffi lubriques qu'elle. Leur union
étoit fi parfaite , qu'on publioit qu'elles n'a-
voient qu'une dent , qu'une corne & qu'un
œil. Perlée furprit Médule ians défenle ,
& il lui coupa la tête , qu'il mit fur l'égide
de Pallas , fymbole de la lagelfe qu'il avoir
fait éclater dans cette expédition.
Cette viéloire fut luivie d'une plus écla-
tante , contre Gerion , roi d'Efpagne ou
d'Ibérie. La fable le reprélente avec trois
corps , parce qu'il avoir trois fils , tous
éprouvés par leur courage , ou félon d'au-
tres j trois habiles généraux qui comman-
doient fes armées. On diloit qu'il nourrifloit
des bœufs avec de la chair humaine , parce
que Tes enfans ravageoient tous les champs
enfemencés , ou failoient paître leurs nom-
breux troupeaux dans les terres de leurs
fujets. Perlée délivra l'Ibérie de (es ty-
rans , & le bruit de fes vièloires réveilla
la nature dans le cœur d'Acrife , qui eut
une entrevue avec le jeune héros. Tandis
qu'ils s'abandoniioient aux transports d'une
joie réciproque , & qu'ils varioicnt leurs
plaifirs à diftcrens jeux d'adreOe , Perlée
lança un palet avec tant de violence ,
qu'Acrife , qui en fut atteint , mourut fur
le champ. Le défcfpoir caufé par ce crime
involontaire , lui fit dédaigner un trône
fouillé d'un parricide ; & ne voulant plus
vivre dans un lieu qui lui en rappelloit
fans celle le fouvenir , il échangea fon
royaume avec celui de Mégapente , roi
de Tyrinte. Ce nouveau roi d'^4rgos
iroQya tout le royaume daiis h conflifion 5
A RG
fon fils Anaxngore fut fon fuccefleur :
ce fut fous fon rcgiie que les femmes
Argiennes furent attaquées d'une maladie
dont il eft facile de deviner la caufe ,
quand on fait le remède qui la guérit :
elles couroient toutes échevclées dans les
campagnes Se les forêts , montrant ce que
la pudeur ordonne de cacher. On inftitua
les grandes orgies de Bacchus ; on ht de
pompeufes proceffions , où l'on porta
l'image oblcene du Phallus , Se aulTi-tot les
Argiennes rentrèrent dans l'exercice de
leur rai!bn.
Le royaume à'Atgos , qui par lui-même
étoic peu confidcrable, fut encore parcage
en trois ; Se comme il ne tint plus un rang
parmi les autres états de la Grèce , il clî
difficile de démêler la luite de fes rois.
Orelle , fils d'Agamemnon , en fit la con-
quête , Se depuis ce temps Argos fut dans
la dépendance de Mycene. Ce royaume
lubfifta 690 ans.
Les Argiens avoient les mœurs , les
ufages & les rites facrés des autres Grecs.
On raconte que deux frères fe rendirent
également recommandabLs par leur ten-
drelle réciproque &: par leur refpeél pour
leur mère. Un jour qu'elle vouloir aller
au temple de Junon , pour y offrir un
lacrifice , elle demanda fon char ; les
bœufs , trop lents à féconder fes vœux ,
excitoicnt fon impatience. Cléobis Si Biton ,
les deux fils , fe mirent avec empreOcment
fous le joug j & traînèrent le char julqu'au
temple. Toutes les femmes applaudirent à
ce zèle filial. La mère demanda à la déefl'e ,
pour les deux fils , la grâce qui poux oit le
plus contribuer à la félicité des hommes ;
la prière fut exaucée. Cléobis Se Biton
s'endormirent dans le temple , &: termi-
nèrent leur vie dans ce tranquille fomm.eil.
Les Grecs , pour iramortalilcr leur mé-
moire , placèrent leur Itatue dans le temple
de Delphes (T-n.)
Arsos , {Géogr.) petite ville d'Afrique ,
au royaume de Dojigala en AbilTinie , dans
la province de Fungi. Elle eft iur la rive
orientale du Nil , au r.ord de la mer de
Fungi. Il y pafle des caravanes chargées de
toiles (Se de lavons qui p;iient un droit ,
en nature de marchandifes , à la doiuiie
de cette ville. {C. A.)
AR G
* ARGOSTOLÏ , {Géog. ) port de Tlle
de Ccph.ilonic , vis-à-vis de 1 Albanie , le
meilleur de Pile.
ARGOT, C. i. {Jardinnr;c) fe dit de
l'extrémité d'une branche morte , qui étant
défngrcable à la vue , demande à être cou-
pée près de la tige. On en voit beaucoup
dans les pépinières , fur les arbres greffés
en ccullon. ( K)
* ARCOUDAN , f. m. forte de coton qui
fe recueille en dilL-rens endroits de la
Cliine , & dont les hab'tans de Canton
font trafic avec ceux de l'île de Haynin.
ARCOUSIN , f. m. ( Mann-. ) c'ell un
bas officier de galère , qui a loin d'oter ou
de remettre les chaînes aux forçats, & qui
veille fur eux pour empêcher qu'ils ne
s'échappent. ( Z)
* ARGOW ( 1.') , pays de Suilfe fur
l'Aar, dont il tire fon nom.
ARGOULETS. f m. pi. {Hi(I. milit.)
cfpece de hufiards de l'ancienne milice
françoiîe. Ils étoicnt armés de même que
les eftradiots , excepté par la tête , où ih
mertoient un caballctqui ne les empêchoit
point de coucher e;i joue. Leurs armes
cffinhves étoient l'épce au coté , la maflè
à l'arçon gauche , & au droit une arque-
bufe de deux pies & demi dans un four-
reau de cuir bouilli; par dellus leurs ar-
mes , une foufcrcveftc courte , comme
celle deo efl.rau.ots, & comme eux une
longue banderole pour fe rallier. Ces ar-
goukrs étoient des efpeces de hulîards
qu'on envoyoit à la découverte. Il y en
avoit encore à la bataille de Dreux , fous
Charles IX. ( f )
ARGUE , i. f. machine à l'iiflige des ti-
reurs d'or; lorfque le lingot qu'on deftine
aux hleurs d'or a été fondu, examiiié pour
le titre , & divifé par le forgeur en trois par-
ties égales, au ffi rondes qu'fl eft polTible cîe
le frire fur l'enclume ; chrcune de ces parties
va au laboratoire pour être paifée à Vûrgue.
L'effet de \'ars:ue eft de les étirer en un fil
Çlus rond & plus menu, par le moyen d'une
filière , ju'qu'à ce qu'elles loien: réduites en
une grolfcur convenable , & telle que deux
hommes puiflcnt après cela les d'grvjjir.
.^03 e:;; Tireurs d'or.
- ARGUE ROYALE (l'), c'cft un lieu
ou bureau public, où les orfèvres & les
A R G 317
tireurs d'or vont faire tirer & dégrofTîr
leurs lingots d'or & d'ars,enr. Ce bureau
a été ét.:bli pour confcrver les droits de
marque ; «J: c'ell: à même fin qu'il a été
défendu aux orfèvres & tireurs d'or d'a-
voir dans leurs maifons ou boutiques , m
argue ni autre machine capable de pro-
duire le m.ême effet.
/ ARGUENON , {Gèog.) petite ri-
vière de France , en Bretagne , qui a fâ
lource près du bourg de Jugon , & fe dé-
charge dans la mer de Bretagne , à trois
lieues de Saint-Aialo.
ARGUER , V. aa:. c'cft , en terme de
tireur d'or , paffcr l'or & l'argent à l'ar-
gue pour le dégrolfir. V^^yc^ Argue &
Tireur d'or.
_ * ARGUIN , C Géog. ) île d'Afrique ,
fur la cote occidentale de la Nigritie.
Long. I. lût. 10. 10.
ARGLTMENT , f. m. en Rhctori.jue.
Cicercn le défiràt une raifon probable
qu'on propofe pour fe faire croire. Riiio
vrobabilis & idonea ad facicndam fidem,
^'^. Probabilité , Seniimîîk't, Les lo-
giciens le déhniflent plus icientinquemeiit ;
un milieu qui, par la conr.cxionavec les
deux extrêmes, établit la liailon que ces
deux exrrêmxcs ont entr'cux. Voy. IVIilieu
& Extrême. On diflingue les nrgumzns
la fc
ù ils fo
pir rapport a la lource d ou ;is (ont tires ,
en argiimens tirés de la raifon , & argumcns
nrés de l'autorité. Et par rapport à leur
forme, les rhéteurs auffi-bien que les logi-
ciens , les divifent en fyllogifmcs , enthy-
inêraes , indudlions ou forcies , & dilem-
mes, ^"^oyf^ ces mots à kur place.
Un argument en forme eft un fyHogifme
formé félon les règles de li logique , à
laquelle cette efpece d'argumentation eft
principalement affeélée. Tous les rhéteurs,
après Ariftore , difent que l'enthymêine eft
\' argument de la rhéroriqui , parce que
c'eft la forme de raifonnemcnt la plus fi-
miliere ailx orateurs. La rhétorique n'é-
tanr , fur leur définition , que l'arc de
trouver en chaque fujet à&s argumeiwçxo-
pres à perfuader , ils diftinguenr deux ef-
peces principales à'argumens par rapport
aux lources qui peuvent les fournir : les
uns intriii!eques ou artificiels , les autres
e.ïtriiifcqucs ou naturels. Les arg::mz:is iiH
3iS A R G
trinfeqiies ou artificiels appeilîs par les
Grecs a'i-v'i' , iSc par les Launs infiia, font
ceux qui dcpLiidcnt de l'indultrie de i'o-
r.ireur , & qu'il tire ou de la propre per-
sonne , ou de celle de Tes auditeurs , ou
du foud mc-me du (ujet qu'il traite. Lo-
ratciir perfuade à l'occalion de fa perionne
& de les mœurs , lorlque Ion dilcours
donne à Tes auditeurs une grande idée de
fa vertu & de fa probité , parce qu'on
ajoure volontiers foi aux paroles d'un hom-
me prudent , écLiiré èc vertueux , lur-
tout en matière douteufe & problémati-
que ; c'eft pourquoi Caton regardoit la
probité comme la première bafe de l'élo-
quence : oratcr vir bonus dicendi pcritus.
Les argumcns qui fè tirent de la part de
l'auditeur , ont pour but de le porter à
quelque palTion qui incline fon jugement
pour ou contre. C'efl: par-là que l'orateur
exerce un empire abfolu lur ceux qui l'é-
coutent , & qu'il peut déterminer le ju-
gement qu'il en loUicite. Cette partie
demande une connoillance approfondie
des mccurs & des palTions. Voy. Mccurs
€' Passion.
Enhn les argumens qui naillent du fujet
confiftent à le faire enviHiger par Ion pro-
pre fond , fa nature , Tes circonftances , Tes
fuites , la conformité ou Ion oppolîtion
avec d'autres , &: de - là ct% rellources
qu'on nomme lieux communs.
Les argumcns naturels ou extrinfeques ,
X'niyjx , que Ciceron appelle affumpta ,
c'eft-i-dire moyens extérieurs , font ceux
qui ne dépendent point de l'orateur , &
qu'il trouve, pour ainlî dire, tous faits,
comme les arrêts & jugemens, les loix, les
preuves par écrit , les regiftres publics , la
dépolîtion des témoins , les procès-ver-
baux , &'c. qui lui fournilTent des autorités
d'où il tire des conféquences.
Un auteur moderne diftingue encore les
lieux communs ou chefs à' argumens , par
rapport aux trois genres de rhétorique :
1°. en ceux qui lervent à periuader ou à
dilfuader , ik. qui font ordinairement fon-
dés fur des motifs de profit , d'honneur
8c d'équité : i°. ceux qui ont pour but la
louange ou le blâni; ( yoy. Panégyri-
Q_ui:); & ;°. ceux qu'on emploie pour
accufcr ou pour défendre. Ffiyc;^ Re-
A R G
FUTATiON , Accusation , Confirma-
tion, fi'C.
Argument , terme ufitc pour fignifiet
l'abrégé , le lommaire d'un livre , d'une
hiftoire , d'une pièce de théâtre, f^oy^'^
Sommaire. On a prefque perdu l'ulage
des prologues , qui contenoient pour l'or-
dinaire ['argument d'une tragédie ou d'une
comédie. Les prologues d'un grand nombre
de nos opéra font même totalement étran-
gers à la pièce. ( G )
Argument DIALECTICLUE , en logique,
c'cil: le nom qu'on donne à des ra.i!on-
nemens qui font uniquement probables ;
c'eft-à-dire qui ne convainquent pas l'el-
prit , ou qui ne le déterminent pas ab-
folument à l'affirmative ou à la négativo
d'une queftion. Voye:^ Dialectique &
Probabilité. (X)
Argument , argumentum , f. m. termz
d' ajlronomie ; ['argument de la latitude
d'une planète quelconque eft l'angle qui
mefure la diftance de fon lieu vrai à fon
nœud , c'eft-à-dire la diftance du point
qu'elle occupe dans fon orbite , au point
où cette orbite coupe l'orbite tcrreflre. Les
degrés de cet angle fe Comptent fuivant
l'ordre des lignes ; & le nœud dont on
prend la diftance au lieu vrai , eft le
nœud afoendanr. \J argument de la latitude
s'appelle encore argument de l'inclinai fon.
Vcyc':^ Inclinaison.
Argument menjiruel de la latitude de la
lune , eft la diftance du vrai lieu de la lune ,
au vrai lieu du foleil. Foje^ Lir.u. C'eft
par {'argument raenftruel de la latitude ,
qu'on trouve la grandeur d'une éclipfe ,
c'eft-à-dire , combien il y aura de doigts
d'éclipfes de la lune ou du foleil. Voyc[
Eclipse.
Argument de la longitude menjtruelle dc
la lune , ou argument menjiruel de la
longitude , dans l'aftronomie ancienne , eft
un arc de fon excentrique L P { Planche
Aflr. fig. çix. ) intercepté entre fon vrai
lieu L , déterminé p.ir une première équa-
tion , & une ligne droite P Q , tirée par
le centre de l'excentrique B parallèlement
à la ligne mcnftruclle des aplides. L'argu-
ment annuel de- la longitude eft reprélencc
par l'angle D A H. L'un ôc l'autre ne font
plus d'ufage.
A R G
Argument annuel de i apogée de la lune ,
ou limplement argjtnent annuel, dans b
Douvclleaftroiiomie, clHa dillance du lieu
du (oleil au lieu de l'apogée de la lune; c'ell-
à-dire, l'arc de l'écliptique compris entre ces
deux lieux. (OJ Fojc^Plant.te.
* ARGUN, {Gcogr.) ville de Ruffie ,
fur la rivière de même nom , dans la Tar-
tarie orienrale , troiiciere- de l'empire Rui-
(ien & de l'empire Chinois. Long. ?jff, xo ,
1^1.49,30.
Akgun , (Gcogr.) r;viere d'Alîe dans
la Tarcarie orientale. Elle le ;crtc dans l'A-
mur Ik lépare l'empire des Rulîès de celui
des Tartares Chinois , par une convendon
faire en 172.8 , entre ces deux puiilances. On
y piehe des perles & des rubis ; & on, trouve
aux environs des mines de plomb & d'ar-
gent. ( C. A. )
ARGUS , ( Myth.) fils de Phrixus , in(-
piré , dit-on , par Minerve , conftruiiit le
navire Argo , qui porta loii nom , & in-
vita Jalon (S: les autres princes de la Grèce ,
à aller venger la mort de Ion pfre. (,-j-)
Argus , ( Myth. ) avoir cent yeux à la
tcte , dit la fable ; il n'y en avoit jamais
que deu^' qui fe fermaflent à la fois , les
autres veilloient &: failoient lentinclle. C'efl
à ce furveillant que Junon conha la garde
d'Io : mais Mercure , ayant trouvé le
moyen de l'endormir par le doux fon de
fa flûte , lui coupa la tête. Junon prit
les yeux à' Argus , & les répandit fur les
ailes & fur la queue du paon. Cet Argus
fut le quatrième roi d'Argos , depuis Ina-
chus , & donna ion nom à cette ville.
C'étoit apparemment un prince auiTj fage
qu'éclairé , & voilà pourquoi on lui donne
cent yeux. Peut-être avoit-on mis lou's fa
conduite lo , qu'il prenoit foin d'él^^ er ,
ifc que quelque prince , pour la ravir , fie
pcrir Argus, (-f-j
Argus , {Myth. ) petit-fils de celui à qui
les poètes ont donné tajic d'yeux , fuccéda
à Apis , roi d'Argos , & donna Ion nom
à la ville d'An^os , & aux Argiens. La
Grèce ayant tait de grandes récoltes de
blé lous fon règne , cette abondance , à
laquelle il avoit contribué par la Agelle
de fon gouvernenieiiï , lui mérita , après
fa mort , des autels & des fiicrifices. (+)
Argus , ( H^Jl. nat, ) On a donné ce
A R G 3:9
nom , 1°. à des papillons diurnes , à fîx
pies , qui ont iur les ailes des taches ei»
forme tl'yeux , dont le nombre îk la cou-
leur varient félon les efpeces , ainli que
celle du fond : les chenilles de ces papil-
lons font de celles qu'on nomme chenilles-
cloportes. Celui qui porte plus particuliè-
rement ce nom , eft d'un beau bleu : le
dellôus des ailes eîl gris - blanc , parfcmé
de plufieurs petits yeux noirs , bordés de
blanc. On voit fouveiit ce petit papillon
voltiger daiis les prairies & Iur les bruyè-
res. Sa chenille vit Iur \cfrangula.
1°. On appelle a:cûre argus , des co-
quillages du genre des pcrceLiines , donj;
la robe eft couverte de taches rondes,
3'^. On a {inhw donné ce nom à un fer-
pent très- rare de Guinée , fur lequel ^ju
voit un double rang de taches en forme
d'yeux , depuis la tête ju'qu'a la queue \
ainfi qu'à ui; petit léfard d'Amérique , d»
couleur bleue , dont tout le corps efi- cou-
vert de pareilles taches , excepté la tête &
la queue. {D)
Argus , [termes de Fleurijfc.) tulipe
couleur de feu ^ gris- de- hn & bianc - de-
lait. (+)
^ * ARGYLE , ( Géogr. ) province de
l'Ecofle occidentale , avec titre de duché ;
la capitale cil: Innérata.
* ARGYNNJS , {Myth.) furnom de
Vénus, lous lequel Agamemnon lui fit bâtir
un temple.
ARGYRA , (Géogr.) nom donne par
les anciens géographes, à une contrée de
l'Inde , au delà du Gange, où l'or ik. l'ar-
gent étoient fort communs. On ne lait pas
précifément aujourd'hui, li c'cll le royaume
d'Ava, ou la pvefqu'ile de Melaca ; mais on
ne doute pas que ce ne foit l'une de ces deux
contrées. ( C. A. )
Argyra, (Gcogr.) nom que plulîears
villes ont porté cliez les anciens : il y en
avoit une dans l'ilede Jara, une autre dans 1 1
Tatrobone, aux Indes , une troilîeme dans
l'Achaïe , ëc une quatrième dans la Judée ;
mais toutes font tellement cnfevelies fous
leurs ruines, que nous ignorons entiércniont
leur emplacement. (C. A.)
ARGYR ASPIDES . f. m. pi. ( Hijl. anc. )
(oldats Macédoniens iignalés par leurs vic-
toires , & qu'Alexandre diibijgua en leur
* lo A 11 G
uonmilt des boucliers d'argent ; aiiifi nom-
mes du Grec K-^-)Vf!>i ) argent , &C àe--Ti< ,
houclier. Selon Qjiinte-Curce , liv. IV. n°.
2j & 17, les Argyrafpides failoient le fé-
cond corps de l'armée d'Alexandre , la
plulange Macédonienne étant le premier.
Autant qu'on peut conjeélurer des paroles
de cet hiftorien , les Argyrafpides n'au-
roient été que des troupes légères. Mais il
eft difficile de concilier ce fentiment avec ce
que rapporte Jurtin , liv. XU. ch. vij. que
Alexandre ayant pénétré datis les Indes , &
poulie les conquêtes ju!qu''à l'Océan, voulut
pour monument de fà gloire , que les ar-
mes de les foldats & les houlTes de leurs
chevaux , fuflent garnies de lames ou de
plnques d'argent , & que de-là elles fullent
appellées iirgyrûfpidcs ; ce qui (emble in-
(înuer que toutes les troupes 'd'Alexandre
auroient porté ce nom. Ce qu'il y a de cer-
tain , c'eil qu'après la mort d'Alexandre,
les capitaines , qui partagèrent entr'eux les
conquêtes , trichèrent à l'cnvi d'engager
dans leur parti les Argyrafpides , qui les
mcpriiant ou les trahiflànt tour-à-tour ,
failbicnt pafler la viéloire du coté du prince
auquel ils s'attachoient. Ce fait feul prouve
que les Argyrafpides étoient l'élite de l'ar-
mée d'Alexandre. (G)
ARGYROCOME , adj. eft le nom que
certains auteurs donnent à une comète de
couleur argentine , qui diffère très-peu de
l'héliocometc , linon qu'elle eft d'une cou
leur plus brillante , Se qu'elle jette allez
d'éclat pour éblouir les yeux de ceux qui
la regardent. Ce mot eft formé du Grec
atyjfo< , argent , & du mot latin coma ,
chevelure. Vov- Héliocomete. (O)
AP.GYROPiiE , f. m. terme d'alchymie ,
dérivé des mots grecs , «cj-i/fo? , argent , &
rroT.a , je jais. IJargyropi'e eft l'art de faire
de l'argent avec un miétal d'un prix infé-
rieur. V. Alchymie iS" Argent. L'obier
de ï'ûrgyrnfi'e & de la chryfopée eft de
faire de i'or & de l'argent. V. Transmu-
TATIOU , PURBI- PHILOSOPHALE. (M)
*ARGYRUNTUMou ARGYRU-
TUM , ( Gé(g. anc. & mod. ) ville de
Dalmatic , que quelques géographes difent
être le Novigrad d'aujourd'hui , & d'au-
tres notre Obrovazza , qui n'ell. pas loin de
Novigrad.
A R G
ARHON , (Géogr.) grande montagne
d'Afrique , en Barbarie , au royaume de
Fez , pn-s d'EGaen. C'eft une branche du
mont Atlas. Sa dircébion va d'orient en oc-
cident, & ton étendue eft très-conlidérablc.
Elle eft peuplée en partie par des anciens
Maures chalics d'Efpagne , & par quelques
• familles Arabes. Le fol y produit abondam-
ment de l'orge , qui eft la feule graine du
pays. On y recueille des olives 8c des raifins
.'ecs. Les hab'tans entretiennent une grande
quantité d'abeilles qui y réuftillènt admi-
rablement bien ; ils font commierce de
lavon liquide qu'ils fabriquent eux-mêmes.
Leurs habitations lont éparfes çà Se là
comme des majfons de cam.pagne ; elles
lont preique toutes , ou de planches ou de
groOcs toiles , en forme de tentes. L'em-
pereur de Maroc en tire un tribut confi-
dérable ; on prétend qu'il peut lever dans
ce feul canton , jufqu'à dix mille hommes
d'infmterie. (C. A.)
* ARHUS ou ARHUSEN , ville de
Danemarc!^ dans le nord Jutland , capi-
tale du Dioceie d'Arhus , au bord de la
mer Baltique , à l'embouchure de la ri^
viere de Gude qui la traverle. Long. %j ,
^o ; lat.^G , 10.
^ ARIA , alni effigie , folio laniato ma-
jor. ]ons{Hijf. nar. bot.) Cette plante croit
dans les bois , lur les montagnes , entre les
rochers. Elle fleurit en avril. On lui attribue
la vertu d'appailer la toux , & d'en faciliter
l'expectoration. Dak.
ARIA , (Mujiq. Chant.) Ce terme em-
prunté de l'Italien , appartient également à
la poélîe (!s: à la mAilique. En poélie , c'eft
un petit morceau lyrique , une ftrophe à
chanter pour l'ordinaire à deux repriles.
En mufique , c'eft l'air noté , tel qu'il doit
l'être pour le chant.
Dans un drame mufical , les fentimcns
s'élèvent fouvent à un tel degré de force ,
les pallions deviennent lî vives , que pour
le foulager , il faut leur accorder un libre
elior ; tel eft le but de Varia. Le poète choilir
pour cet effet un maître lyrique ; mais ,
entre un grand nombre de penfécs & d'ex-
prellions qui fe prélentent d'elles-mêmes ,
il n'en choidt que quelques-unes , & pré-
cilément celles qui dépeignent en peu de
traits la palTion entière , ou qui du moins
mettent
A R I
mettent le muficleii lur I.i voie d'.iclicver
le tableau.
Comme ['t^ria eft: deftinée au chant , de
à un chant enrichi de tous les ornemcns
de la mulique , il eft évident que le lujet
en doit être une efFufion du coeur. Car ce
n'eft que dans ces épanouillemens , qu'il
eft naturel à l'homme de lubftituer le chant
au langage ordinaire. L'(2/7j ne diffère de l'ode
& de l'élégie , qu'en ce qu'elle peint le Icn-
riment en moins de traits , qu'elle le con-
centre , pour ainfi dire , en un feul point.
Ainh l'aria ne veut point de poëte mé-
diocre. Il faut qu'il lâche lailir le fenti-
menf d.uis toute ion étendue , & le ren-
dre en peu de mors , mais choilîs & cou-
lans. Une palTîon trop véhémente & trop
inquiète en même temps , qui cherche à
le répandre (Se à extravaguer de tous cotes ,
n'eft pas propre à l'aria , parce qu'on n'y
lâuroit obierver l'unité de (entiment que
ce genre de compolition exige. C'eft aux
accomp.''gnemens à exprimer les palfions
fbugeults.
h'aria eft compofée de deu x parties , ou
de deux propolitions. La première renferme
l'exprelîion générale du fentiment , & la
reptile en fait l'application particulière au
fùjet, ou en indique la modihcation pré-
cifè : par cette diftnbution , le compofiteur
a l'occahon de mieux développer l'expref-
fion. Au reftc l'ordre des parties peut aulTi
être rcnvcrlé. Mais en général , l'aria la
fjlus parfaite eft celle où la première partie
ait une antithefe avec la féconde.
La théorie mulicale de Varia n'eft pas,
à beaucoup près , auffi perfeélionnée que
la thcone politique : ici , comme dans plu-
fieurs autres cas , le compofiteur n'a point
dérègles bien folidement établies.
Quant à la forme extérieure ,lescompofî-
teurs italiens ont introduit une méthode qui
apalléen loi , ou peu s'en faut. La mu-
hque inftrumentale débute par un prélude
qu'on nomme la ritournelle. Cette courte
lymphonie exprime le fentiment général
qui doit régner dans l'aria : vient enfuite
la voix qui chante feule la première partie
de l'air allez uniment , & d'un bout à l'au-
tre , après quoi elle en répète les périodes
& les décompofe. Puis le chanteur reprend
haleine pendant quelques iiaftans , & cette
Tome IIJ.
ARI ■ 321
paufe eft remplie par les inftrumcr.3 v]ui
répetentles principales exprelTioiis du chaîit.
La muiliiue vocale recommence. Le chan-
teur analyfe de nouveau les mots de la pre-
mière partie , (Se appuie principalement fur
ce qui fait l'efléntiel du fentiment. Il achève
de chanter cette reprife ; & quand il a fini ,
les inftrumens continuent le même fujetpour
dojiner à l'expreiïion du fentiment , toute
la force dont elle eft fufceptible. Ainfî finit
la première partie.
La féconde partie fe chante tout uni-
ment , fans les fréquentes répétitions Se dé-
compofitions multipliées qu'on fe permet
dans la première partie. Seulement , dans les
pentes paules que le chanteur fiiit , les inftru-
mens appuient & fortifient l'cxprefTion du
chant. Qiiand celui-ci a fini , la mufiquc
inftrumentale joue une féconde rirournelle,
après quoi la voix reprend la première partie
de l'air , & chinre une féconde fois avec
la même étendue Se les mêmes répétitions.
Il faut convenir que cette méthode efi
judicieufe & trèi-conforme au but de la
mufique. Le chanteur un peu fatigué par
le récitatif qui précède Varia , a le temps
de prendre haleine pendant la ritournelle ,
& de fe préparer au chant; Se les .auditeurs
fentcnt réveiller leur attention, La ritour-
nelle les difpofe d'avance à l'exprefîion que
le chant doit faire fur eux. Cependant les
compofiteurs ne s'aftreigncnt pas toujours
à cerufage. Qiielquefbis le chant commence
fans aucune préparation ; & dans certaines
conjondures , lorfque la paffioneft violente,
cette méthode eft plus naturelle, & l'effet
en eft plus sur. Tous ceux qui ont entendu
chanter Varia , O numi configlio , Sec. dans
l'opéra de Cirma , ont eu l'occafion de s'en
convaincre.
C'eft auffi avec raifon qu'on fait d'abord
chanter de fuite la première partie de Varia ,
prefque fans aucun accompagnement. Par
ce moyen on faifît rapidement le (ujet gé-
néral qui doit nous occuper , Se l'on fe
dilpofe à entrer dans le fentiment du poëte
Se du compofiteur. Alors les répétitions du
chanteur viennent à propos , pour appuyer
fur les expreffions les plus énergiques , Se
les ramener en plufieurs manières différen-
tes , Se fur des tons toujours variés.
Ces répétitions font dans la nature du
Sf
312 A R. I
lenTimciK ; il revient fan? cefi'e fur l'objet
qui l'occupe , t:c l'enviiage fous toutes Or,
fices. Et cen'efîauifi que pir des impref-
lions redoublées que hradireur pear ccre
vivement ému. La muîîquc inilinimentale
îicheve de frapper les derniers coups.
Comme la féconde reprit n'efl pour l'ordi-
naire , qn'ur.e application particulière de la
première , où le iènrimenr s'eft pleinement
enveloppé , elle n'exige pas que le chan-
teur y iniîfte beaucoup. Le compolireur
fé contente ordinairement de changer le
mode ou la micfure , pour donner un nou-
veau tour à la même expredion.
Le da-capo , ou la répétition de la pre-
mière partie , n'a probablement d^autre mo-
tif que le delir de faire entendre une féconde
fois un chant bien expreffif. Les impreffions
de 1.1 mulïque p fient rapidement ; la ré-
pétition les fortifie & les rend plus dura-
bles. Mais pour que cette répéution ne (brte
pas de la vraifemblance , il faut que le poëte
&c le compofîtcur aient arrangé l'aria de
manière que fa véritable fin foie réellement
placée au bout de la premiiere partie. La
clîofe n'eft pas aifée , parce qu'une fin trop
marqtiée rendrait la féconde partie inutile :
elle paroitroit déplacée. La répétition la
plus naturelle cft celle qui cfc amenée par la
manière dont la (econde reprife finit: ii
elle fe termine par une queftion dont la
première partie contient la réponfe , ou ,
en général , fi elle excite une attente à la-
quelle là première reprile fatisfait , la répé-
tition n'aura rien que de très- vraifemblable.
Il n'y a , au refre , que les artitles mé-
diocres , ceux qui ne connoi lient d'autres
règles que l'ufage , qui s'aftreignent fervi-
ïement ii la pratique ordinaire. Delà vien-
nent ces aria froides & indpides que l'on
entend q[ue!quefois. Le pocre n''y a mis que
des pen'.ées triviales & plates. Le compo-
fitrur s'appcfantit à les répéter, à les ana-
lyfer , comme il a vu qu'on le ftit lorf-
qu'il y a des ientimcns intérefTans à expri-
mer. D'autres , avec la même fimplicité ,
ont recoUr? à la mufique inftrumentaîe pour
lui faire dire ce que la voix devoir feule rendre
d'aune manière touchante (?>: énergique ; c'eft
qUeces compoficetrrs ont obfervé qu'en cer-
tains cas, lorfque le chant a donné à l'exprèf-
fion toute la force dwitilcll capable ^ les irif-
A R I
tramrns rcmplilTent fa place pendant une
petite pauCe de la voix , appuient l'expref-
iîon du fentiment & y ajoutent encore ;
cette obfervation les induit à placer des
paufes fans néceffité , pour faire exécuter
à la mufique inftrumentaîe quelques tirades
inutiles , furchargées d'agrémens ou qui ne
iignificm rien, ou qui dilcnt le contraire de ce
que le chanteur exprimoit. Ils outrent pour
l'ordinaire les roulades & les trerablemens.
\Jr\ compolîteur habile ne s'attache pas
il fcrvilement à la form.e , qu'il ne lâche
s'en affranchir dès que la nature du fujec
l'exige. Il n'a en vue que l'eflenriel de l'ex-
preffion. C'eft le fentiment qui règle le
chant; tantôt il fera fore, fimple & fans
ornement; tantôt riche , nombreux & v;-
rié ; ici rapide & véhément ; ailleurs doux
&: moelleux. Les palTions férieufcs & cha-
grines ne veulent ni tirades ni roulemens ,
& le compofiteur judicieux ne prodigue pas
toutes les richtfîès de la mufique lans de
bonnes raifons. Il n'emploie pas tous les.
inflrumensà la fois ; il ne prend jamais que
ceux que l'exprefïîon demande.
Nous renvoyons le chanteur au traité de
Tofi fur l'étude de fon art ; il fufnra de lui
recommander ici l'attention aux règles qu'il
doit fe propofer.
Une des principales , c'ell que le chanteur
fe fouvienne toujours qu'il ne chante pas
dans la vue de faire admirer aux allîilans
ion habileté , mais dans le but de leur pré-
(enter l'image exacfte d'un homme pénétré
de tel ou tel fentim.ent. Mieux il rculïîr.1
à faire oublier qu'il n'ell que chanteur &
qu'adfeur, plus il s'affurera un applaudifie-
ment légitime. Ce n'efl pas fon goiîer , c'eft
Ion ccrur que les gens de goût veulent ad-
mirer. Dès qu'ils s'apperçoivent qu'on leur
fait perdre l'objet principal de vue , pour
étonner par les coups de l'art, ils fe retroi-
dillcnt, .5i le charme cerillufîon efldétroit.
L'application la plus f.'rieufe à\:: chanteur
doit être de bien choifir le véritable carac-
tère de Varia , & d'entrer exactement dans
toutes les pcnft'es du poé'ce &: du compo-
fiteur , afin de pouvoir rendre cl;aq;:e fyl-"
labe , chaque ton a\TC la plus grande vé-
rité. S'il a en otnrc atfez de cap icité pour
renforcer l'expfclïîon par de nouveaux tons^
ii lui iSc psrniis de le frJrc , mais- qu'il ne
ART
le fàfTe qu'autnnc qu'il /êra bien aflurc^ du
fucccs. A ce dcf.mt, il vaut mieux qu'il s'eii
tienne fcrupuleulcmcnt à fon texte. Il lui
rcfte allez d'occupation à bien étudier la
meilleure manière de rendre les tons qui
lui lonr prefcrits. Un ton unique qui porte
au fond de l'ame , cil prcft rable , dans Ta
iîmplicité , à ces longues cadences , impro-
prement ainli nommées , dont tout le mérite
ne conlîfte que dans la diriicuké de l'exé-
cution. ( Cet article ejl tiré de la Théorie
générale des l>eaux-ans Je M. SULZER.)
Ari.a. , ( Gc.gr. ) daiiS les pays où les
Grecs (ont parvenus , ce nom tiré du mot
iiréios , qui daiîs leur langue- iîgnifie con-
facré au dieu Mars , a été donné à plus d'un
endroit : c'cfl: ainli qu'une île du Pont-
Euxin j -vers les cotes de Trébifonde , &
une chaîne de monragiies de l'Aile mi-
neure , l'ont porté ; mais ce n*eft pas ainfî
que le porte d.ans les temps modernes ,
une ville du Royaume d'Arima, au Japon,
laquelle baignée du laiig de nombre de
marcyrs chrttiens , ne paroit pas plus avoir
jeçu (on nom aria des anciens Grecs , qu'elle
n'en exerce la tolérance. ( JD. G. )
AaiA, (Géogr.) contrée de l'ancienne
Afie , à l'orient de la Perle , &c au nord-
oueft de l'Inde. Il y avoir un lac , un fleuve
& une ville de même nom ; miais l'obfcu-
rité ou les contrariétés , avec lefquelles les
Î;cognip!ies fie les hiftoriens en parlent , nous
;ii(Ient dans une incertitude abloîue lur la
pofition de ce lac , de cette ville & de cette
contrée , 6c fur le cours de ce fleuve. ( D. G.)
* ARIA , alni effigie , folio laniato major.
Jons. ( Hijl. nat. bot. ) Cette plante croit
dans les bois , fur les montagnes , entre les
rochers. Elle fleurit en Avril. On lui attri-
bue la vertu d'appaifer la toux , & de faci-
liter l'expedoration. Dale.
ARIACE , ( 9écgr. ) peuple de l'ancienne
Scythie vers les bords orientaux de la mer
Cafpienne. (D. G.)
ARIADAN ou Aridan, ( Géog.) lieu
de l'Arabie Heureufe , dans le Tahama , fur
la mer Rouge : quelques voyageurs en font
une ville , & d'autres prérendent que ce n'elt
qu'un village habité par des payl'ans , èc
dépendant de la Mecque. (D. G.)
ARIADNE ou Ariane, { Myth.) fille
«le Minos , chaiciée de la boiiiie mine de
A R. I ivî
Théfée qui étoit venu pour combattre le
Minotaure, elle lui donna un peloton de fil
dont il fe fervit heureulement pour lorcir
du labyrinthe , après la dtfaite du Mino-
ijure; c'eft-à-dire, qi\ Ariadne apprit à
fon am-jnt les moyens de vaincre Tau-
rus ; & par le peloton , il taut entendre le
plan du labyrinthe o^u AiiaJne avoit reçu
de l'architecle rncmc , & donc Théfée fc
(crvit pour en forcir. Théfée , en quit-
tant la Crète , emmena avec lui la belle
Ariadne; mais il l'abandonna dans l'île de
Naxe. Bacchus qui vint peu après dans
cette île , conlola la princcfle de l'infidélité
de Ion amant , & en Tépoulant il lui fit
prélent d'une belle couronne d'or , chc''-
d'ceuvre de Vulcain , laquelle tut dans la
fuite métam.orpholée en aftre. Plutarque
dit q\x Ariadne fut enlevée à Théfée dans
l'île de Nafxe par un prêtre de Eacchus,
ce qui e(t plus vraifembLible que l'ingrati-
tude de Thélée. Homère dit que ce fur
Diane qui retint Ariadne , à la prière de
Oacchus , voulant marquer par-là que U
prince (le y étoit morte fubitement , ou par
quelque accident. Hygin dit que c'cft Thé-
fée qui donna la belle couronne à Ariadne ,
& ajoute que c'cft à la lueur des diamans
qui la conipoioient , que Théfée fortitdu
labyrinthe. Thomas Corneille a donné une
tragédie à' Ariadne abandonnée par Thélée.
Elle a fourni auffi le fujet de trois opéra ,
l'undePerrin , donné ii 1661 ; le fécond du
fieur de Samr-Jean , doiit le titre eft Ariadne
& Eacchus , en 1666; le dernier eft de MM.
la Grange & Roi, donné en 1717. ( + )
* ARIADNÉES ^My^.") fêtes inftituées
en l'honneui d' Ariadne, fille de Minos.
ART.^NISME , f. Tïi. ( Tkéol. Hifr. eccl. )
héréfîe d'Arius & de (es feélateurs. Uaria-
nifme tÙ. une hcréfîe ancienne dans l'églile-,
Arius , prêtre de l'égUfe d'Alexandrie , en
fut l'auteur au commencement du IV fle-
cle. Il nioit la confubftantialité , c'eft-à-
dire , l'égalité de lubftance du Fils avec
le Père dans la fainte Trinité , & prétendoit
que le Fils étoit une créature tirée du néant
& produite dans le temps, Fcve^ Anti-Tri-
NITAIRES Ù CoNSUBSTANTIEL.
Les Ariens convenoient que le Fils étoit
le Verbe : mais ils foutenoient que le Verbe
ii'écoit point éternel. Ils lui accordoienr feu-
sr2
3^4 A R I
lement une priorité cl exiftence fur les autres
êtres créés, ils avançoieiit encore que le
Chrift n'avoit rien de Thomme en lui que le
corps dans lequel le Verbe s'ctoit renfer-
mé , y opérant tout ce que l'ame fait en
nous. Arius, après avoir l'outenu de vive
VOIX ces erreurs à Alexandrie , les répandit
dans tout l'Orient par Tes écrits, & lur-
tout par celui qu'il intitula Thalie. f^oyei,
Apollinaikes , Trinité, Fils , Père,
&c.
Cette héréfie fut anathématifée dans le
premier concile de Nicée , tenu en 3Z5.
On dit mcmc qu'il y eut un ordre de Cont-
tantin qui condamnoit à mort quiconque
ne bruleroit pas tous les ouvrages d'Arius
qui lui tomberoient entre les mains. Mais
les foudres lancées alors contre elle , ne l'a-
néantirent pas ; elle prit au contraire de nou-
velles forces , & fit en Orient des progrès
aulTi étendus que rapides : Tes ravages ne
furent pas lî terribles en Occident. Un grand
nombre d'évcques d'Orient étoit déjà tom-
bé dans cette erreur ; ceux d'Occident
ctoient inclinés par l'autorité de l'empe-
reur Confiance , & féduits par les propo-
rtions artificieufes des deux évcques Ariens ,
Valcns &: Urface , qui leur firent entendre
que pour rendre la paix à l'églife , il n'étoit
queilion que de ûcrifier les termes amphi-
bologiques , inventés par les pères du coi;-
cile de Nicée , ov^ia, ô/j-m^tot iiTiKcLutî ,
termes nouveaux , ajoutoient-ils , qu'on ne
trouyoit point dans l'Ecriture , & qui fcan-
dalifoient & jetoienten perplexité les efprits
foibles ; quelques Occidentaux eurent donc
la foibleiîé de foufcrire à une formule
arienne, tandis que les ariens allemblés à
Seleucie, & dans un conciliabule qu'ils
tinrent à Nicée , firent la même chofe.
Par cette fupercherie, le monde, dit S.
Jérôme , lut éroiuié de le trouver tout-
à-coup arien. Une paix fondée fur un mal-
entendu, ne pouvoir être dur.-.ble. La plu-
part de ceux qui avoient ligné la formule de
Kimini , reconnurent leur faute & la répa-
rèrent. L'cgliie ne manqua de défenfeurs ,
ni en Orient, ni en Occident; & les
ariens, nr.dgré leur nombre &: leurs intri-
gues , virent b plus grande c^ U plus faine
parde des évéques foutenir généreufcment
u loi de Nictc. Les termes cW<« & i3,'/«wiw
A R I
furent établis dans leurs premiers d'rolts ,'
& les cxprefïîons ambiguës fous leiquclles
l'erreur le cachoit , profentes. On dif'-
puta un peu plus long-temps fur le mot
ùiTÎias-ts ; mais dans un concile tenu à Ale-
xandrie en 362 , S. Athanafe accorda le
différent qui étoit à cet égard entre les catho-
liques.
Il paroît que du temps de S, Grégoire de
Nazianze, les ariens dominoient à la cour
& dans la capitale , où ils reprochoient aux
orthodoxes leur petit nombre ; & c'eil ce
qui donna lieu apparemment à ce père de
commencer fon vingt-cinquième dilcours
contre les ariens par ces 'mots : Où font
ceux qui nous reprochent notre pauvreté ; qui
prétendent que la multitude du peuple fait
l eglife ; qui méprifent le petit troupeau ?
&c. Exagération viiible de la part des ariens ,
puilquc tous les nionumens de ce temps-
là font foi qu'ils avoient très -peu de par-
tiians en Occident , & que les catholiques
les égaloient , au m.oir.s en nombre , dans
l'Orient.
L'arianifme y fat enfin abattu fous le
grand Théodofe , en forte qu'à la fin du
IV fiecle , les ariens fe trouvèrent réduits
psr les loix des empereurs à n'avoir plus m
égliles , ni évcques dans toute l'étendue de
l'empire Romain. Les Vandales portèrent
cette hér-fîe en Afrique , & les Vifigoths en
Efpagne : c'efl où elle a fubiiué le plus long-
teihps fous la proteftion des rois qui l'a-
voient embraflée ; mais ceux-cf l'ayant enfin
abjurée , elle s'y éteignit aufTi vers Pan de
Jelus-Chrift 660.
Il y avoir près de 900 ans qu'elle étoit
enfevelie fous fes ruines , lorlqu'au com-
rnencement du XVI lîecle , Eralme , dans
fon Commentaire fur le nouveau Teflament ,
parut avoir dellèin de l'en tirer. Ses ennemis
ne manquèrent pas de l'acctfer d'avoir femé
dans cet ouvrage des interprétations & des
gloles ariennes , avec d'autres principes
favorables à la même hérélie. La feule
réponfc qu'il fit à ces imputarions , c'ert: qu'il
n'y avoit point d'hcrcfie i\ parfaitement
détruite que Varianijme , nulla luvrcfis magis
exiincla quàm arianorum : ce n'étoit poii>t
aflurer qu'elle ne renaitroir pas, ni qu'on
n'eut nulle envie de la rellùfciter. En etïèt ,
eu j;5i Michel Servet, Efpaguol, publia.
ARI
un petit rraicé contre le myftere de li Tri-
nité. Après avoir dogmacKc en Allemagne
6c en Pologne , il vint à Genève , oii Calvin
le fit bri'lcr. Servet (e montra plutôt pho-
tiiiien qu'arien. La feule choie qu'il avoit
de commun avec les ariens , c'ell qu'il ie fer-
voit des mêmes armes qu'eux pour com-
battre la divinité de Jcfus-Clinll: ; je veux
dire des mêmes pallages de l'écriture , & des
inèmcs railonnemens :Tnais le but (Se le (onds
de Ion lyftême étoient diftérens. Voye^
Servetistes.
On ne peur pas dire proprement que Ser-
vet eut des feclateurs , mais il efi: vrai qu'a-
près la mort , on vit paro:tre à Genève un
nouveau iyftême à'arianifme , élevé fur les
principes , mais avec plus d'art &: de finede
que le lien. Ces nouveaux ariens donneren:
beaucoup d'occupation à Calvin , parce qu'il
leur avoit lui-même enfeigné la voie de
prendre («n eiprit particulier pour inter-
prète & juge du véritable lensdes Ecritures.
C'ette iecte palla de Genève en Pologn.e , o;'i
elle Hc des progrès conlîdérables : à la lon-
gue elle dégénéra en (ociniar.itme. J'^oye;^
SOCINIENS.
On accu.Q; le favant Grotius d'avoir ù-
voriie ['ûrian/fnn dans fes notes iur le nou-
^■eau telViment. Il eft certain qu'il y élevé
tellement le Père au deflus du Fils , qu'on
fcroir tenté de croire qu'il le regirdoit
comme le feul Dieu tout-puillînt , & qu'eji
cette qualité il lui accordoit une grande Cu-
périorité (ur le verbe. Cela fuppo'e , il au-
roit plus penché vers l'iiérélie des femi-
ariens que vers celle des ariens. Voye^^AniEus
&■ Se.vii-ariens.
L'ariamfme moderne , étant une fecte
anti-chrétienne , ne({ tolcié ni à Genève ,
ni dans les cantons Suill'es , ni dans le Nord ,
m en Angleterre , à plus forte raifon dans
les pays carlioliques. On le profelle ouver-
tement en Turquie , parce que les maho-
métans ne croient pas la divinité de Jcfus-
Chriil. Au refte il nulle hérélie ne s'enve-
loppe & ne le défend avec plus de fubti-
lité , on peut dire qu'aucune n'a été ni
mieux démêlée , ni combattue avec plus d'a-
vantage par les théologiens , tant protelbns
que catholiques. (G)
* ARIAKO , ville d'Italie au royaume
A R I 3iy
de Naples dans l.i principauté ultérieure.
* Ariano , ( Géog. ) bourg d'Italie
dans le Fcrrarois iur un bras du Pô. Il
donne (on nom à une petite contrée. Long;
ARIBERT , fils de Clotaire II. ( WJt.
de France. ) fut exclus du partage de la mo-
narchie françoife, par Dagobcrt I, fonfrerc
aine , qui la réunit toute entière , contre
les loix en ulage jufqu'alors. Il eut beau-
coup de peine à obtenir une partie du
duché d'Aquitaine , qu'il gouverna avec
lagelle ; il devoir la tenir plutôt comme
duc que comme roi. Il fe fit cependant cou-
ronner à Toulouie , qui fut le fiege de là
domination : ce prince mourut en 630 ,
deux ans après fbn couronnement. Chll-
péric , Ton fils , fut mis à mort par l'ordre de
Dagobert , qui commettoit indifféremment
tous lescrim.es , pourvu qu'ils fullent avoués
p ir la pohtique. Vaiflete , auteur de l'Hif-
toire du Languedoc , prétend qixArihert eut
d'autres enfans , Bertrand & Boggis , qui
tans deux échappèrent au couteau du tyran :
Eoggis , l'ainé , eft regardé comme la tige
d'une longue fuite de princes qui fe font
éteints dans la perlonne de Louis d'Ar-
magnac , q^Lii fut duc de Nemours , & périt
à la fameule bataille de Cerignole , en i J05.
{M- y)
<> ARICA , C réog.) port & ville de l'A-
mérique méridionale. Long. 327, iç;lat.
mérid. 1 8 , xG. Dès le commencement de
la dom'nation Efpagnole au Pérou , Arica ,
lîtuée Iur la mer du fud , au bout d'un
vallon de peu de largeur , ■'^■c de quatre à
cinq lieues de longueur , devint un des plus
grands gouvernemens du pays : ce fut l'en-
trepôt des mines du Potoli , deftinées pour
Lima ; l'argent y arrivoit par terre , & en
parcoit par mer , de façon que la position
re!pe6bive de ces divers lieux en rendoit les
voyages égdement courts & commodes.
Mais ce bonlieur particulier d' Arica ne
devoir pas durer. En l'an 1 579 , le fameux
Drake faifant le tour du monde , au nom
de la reine Eliiabeth d'Angleterre , entra
ians peine dans le port à' Arica , & le trou-
vant plein de trélôrs ailez mal gardés, y
prit ce que tout autre homme de meir au-
l roit pris à fa place. C'en fut allez pour
3i6 ARI
décourager les Efpagnols de l'eiitrepot , &
pour leur faire abandonner la voie de rranf-
porter par mer à Lima , les richellès du Po-
to/i. Ainli privée d'un avantage qui lui
avoic donné quelque célébrité , la ville
é'yir/ca , dès-lors , ne fit plus que languir ,
& enfin (a deftrudion totale arriva , par
im tremblement de terre , qui la renverfa
de fond en comble en i(Soy. Un village,
donc les maiions ne iont bâties que de can-
nes , Se couvertes de nattes , en a pris la
place aujourd hui. On dit qu'il ne pleut
jamais dans le vallon à'Arica , que les ruil-
feaux y font rares , & que le terroir en ell
cependant d'une fécondité iurprenanre. L'on
di; que tans autre engrais que la hentc -'.'oi-
feaux 5 que Ton y ramalle avec grand loin,
le blé , le mays , la luzerne , & lur-tout
îe piment , iorte d'épicerie que les Efpa-
gnols aiment beaucoup , y font cultivés
avec un luccès prodigieux. (D. G.)
Ar^îcA , {Géog.) nom latin de la petitr
jle d'A'dcrney ou Aurigni , dans le canal
de Saint-George , polTédée par les x'Vnglois ,
au vollinage de Jerfey &c de Guernefey.
(Z?. G.)
ARICARF.TS, ( Gp^. ) nation de l'A-
mérique mérid'onale dans la Guiane , lur
ics bords d'un fleuve nommé Aricari. Elle
cft 5 quoique peu nombreufe , divifée en
orientale iSc en occidentale , commerçant
d'une part avec les François de la Cayenne ,
<Sc de l'autre avec les Portugais du fort
Strerro.(Z). G.)
ARICIE, {Géog.) ville d'Italie dans le
Latium , au pié du mont Albano. Sa
fondation avoit , dit-on , devancé celle
de Pv.ome , &c fes loix mAUiicipales la ren-
doient refpedtable par leur fagefle. Il efl
aflez vraifcmblable que la réputation avan-
tageufe dont elle jouilloità ce dernier égard ,
donna lieu au titre de 3o/.î facré que por-
toit une forêt de fon voifinage , dans la-
quelle on vint , en effet , à bâtir un temple
à Diane , & à placer la demeure de la nym-
phe Egérie , confultée & citée par l'habile
roi Numa. Cette ville n'eft aujourd'hui
qu'un bourg médiocre , avec un château ,
dans l'état de l'églifc. On le nomme Lar-
ricia.{D.G.)
Aricie , {Hiji. Poé/.) princefle du fang
royal d'Acheues , 6c refte mallieurcux de
ARI
la famille des Pallantides , fur qui Thélee
ufurpa le royaume. Virgile dit qu'Hyppo-
litc l'époufa & en eut un fils après qu'Ef-
culape l'eut relTufcité. Elle donna fon nom
à la ville , décrite à l'article précédent , &
à une forêt voifine , dans laquelle Diane
cacha , dit-on , Hyppolite, après fa réfur-
redion. En reconnoiîlance d'un tel bien-
fait , il lui éleva un temple , & y établit
un prêtre , & une fête en fon honneur.
Le prêtre étoit un elclave fuginf , qui dé-
voie avoir tué de fa main fon prédécelleur ,
&c qui avoit toujours en main une épée
nue , pour prévenir celui qui auroit voulu
lui fuccéder à la même condition. La fête
qui le célébroit aux Ides d'Août , coniif-
toit à s'abflenir ce jour-là de la chaffe , à
couronner les bons clriens de chailè , &: à
allumer des flambeaux. (-|-)
* ARICINA , ( Myth. ) furnora fous
lequel on honoroit Diane dans la forêt ap-
pellée Ariane , d'Aricie , princellc du iang
royal d'Athènes & refte de la famille des
Pallantides , fur qui Théfce ufurpa le royau-
me. Virgile dit qu'Hyppolite époula Ari-
cie , & qu'il en eut un fils après avoir été
reirufcité par Elculape On ajoute qu'Aricie
donna Ion nom à une petite ville d'Italie
dans le Latium , & à une forêt où Diane
cacha Hyppolite après fa réf urredion ; &
qu'en mémoire de ce bienfait , Hyppolite
éleva un temple à Diane , & y établit un
prêtre & des fêtes. Le prêtre étoit un efclave
fugitif qui devoit avoir tué de là main fon
prédécelleur , <Sé-qui , pour prévenir celui
qui auroit été tenté de lui fuccéder , por-
toit toujours une épée nue. La fête qui fe
célébroit aux Ides d'Août confifloit à s^abfle-
nir ce jour de la chafle , à couronner les bons
chiens , & à allumer des flambeaux.
ARICONIVM, {Gtcg.) ville ou bourg
de la Grande-Bretagne , fameux autrefois
par les belles chalîes qui fe faifoient dans
les environs. On croit que c'elt aujour-
d'hui Cancefler , dans la province d'He-
reford , l'une des plus fertiles , quoiqu'en
même temps l'une des moins unies à fa fur-
fiice de toute l'Angleterre. {D. G.)
§ ARICOURl, {Géog.) peuple de l'A-
mérique méridionale dans la Gui.uic , vers
la rivière des Am.azones. De Laëc dit que
les Arkouris ne donnent prcfqu'auçwî
A R I
(îgne de religion ; qu'ils refpeélcnt le Piloi'
^ic 1.1 lune, Hms pouiMiit les ndorT; qu'il'
paroilll-nt croire à l'immorraliré de l'âme
en ce qu'ils alTlgnent le ciel pour clemeur
après la mort , à ceux qui ont bien vécu ;
que cependant ils lont timides, foupco: -
ncux , & âpres ;\ la vengeance ; qu'ils r -
courent volontiers aux^devins, lefquels 'eus
le nom de psccïos , le dilent in'pirés pai
le démon Vr'aupa , & les inlrruifent tan
des chofes futures , que de celles qui fc
padent dans les pays éloignés : que ce fôn
d'ailleurs gens de moyenne taille , dont le
yeux & les cheveux iont noirs , dont les
femmes accouchent (ans beaucoup de (ouf-
france , & dont la nudité n'eft: couverte ,
pour l'ordinaire , que d'une iorte de tein-
ture gommée , divcricment employée par
l'im éc par l'autre fexe. Les hommes s'en
frottent épaillement le corps , pour fe prc-
ferver de l'ardeur du foleil ; & les femmes
s'en peignent légèrement le leur , pour y
ménager à leur mode la repréfentation de
p'.ufieurs figures. { D. G.)
* ARIEGE ( r ) , rivière^ de France ,
qui a Hi fource dans les Pyrénées , pallc à
Foix & à Pamiers , & fe jette dans la Ga-
ronne. Elle roule avec Ion iable des pailles
d'or.
ARIEN ATES , ( Gêugr. ) peuple d'Italie,
dans la lixieme région où ctoit, entr'autrcs,
l'Ombrie moderne, f Z). fî. )
ARIENS , f.m. pi. ( Th^ol hîfl. cccléf. )
hérétiques feétateurs d'Arius , prêtre de
réglile d'Alexandrie , qui vivoit dans le
IVhecle, &: mourut en 55^ Cet hérc(rar
que convenoit de la divinité de Jcfus
Chrifl:; mais il prétcndoit que comme Dieu
il ctoit inférieur à (on père ; que le pcrt
& le fils diflcroient en effènce; qu'il n'y
avoir point entr'eux d'égalité , & qu'ils n'é-
toient point co-éternels , mais que le fil ,
avoit été créé de rien , &c qu'il étoit du
nombre des créatures : à quoi il ajoutoit que
le Saint-Efprit n'étoit pas Dieu , mais un
être créé p.ir le fils , quoiqu'il n'enleignâr
pas ces deux dernières erreurs d'une ma-
nière aufïî ouverte que les macédoniens &:
les Sociniens. Fbje:[ Macédoniens & So-
ciMiENs. Les ariens fur;ntd'abord condam-
nés par un concile tenu à Alexandrie , fous
Alexandre évêque de cetre ville , & aifuite
A R I 327
par le concile général de Nicée , où aiïifte-
renr trois cents dix-huit Evoques. Depuis
•.ecre condamnation , la feéte fe divifa en
lifférentes branches : les purs Arien':o\i ann-
nécns fuivoient l'héréfie d'Arius telle qu'elle
'toit dans la naiflance ; on les nomma /ir^-
cicnx Se eudoxicns , d'Acace évêque de Cé-
farée , & d'Eudoxe Patriarche d'Antiochc ,
leux de leurs principaux chefs : anomccns ,
parce qu'ils fourcnoient que le fils de Dieu
'toit diflemblable à ion père , ài'svo/j' ; nrfa-
cicns , d'Urface évêque dé Tyr , ftlon quel-
p.ies-uns , & de Sigedum ielon d'autres,
& aétiens &: eunomiens , d'Aétius & d'Eu-
lomius.
Les femi - cricris qui vouloienr confcrver
une partie des dogm.es d'Arius , & cepen-
dant rejeter les impreffions conlicrées par
les orthodoxes pour exprimer laconfubflan-
rialité , au lieu d'^'y^-f^'of , confuhjlantid y
ils avoient imaginé le terme i[/.i VTUf Jèm-
Hahk en fuhjiance. Ils avoient pour chefs
Bafile évêque d'Ancyre , George de Laodi-
cée , Euftarhius de Scbidc , i-'c. dont les uns
renoient que le verbe avoit commencé d'ê-
tre , mais avant tous les iîecles, les autres
qu'il av;<!t été de toute éternité ; quoiqu'ils
'butinfîent opiniâtrement qu'il n'étoit pas
le la même lubrtan.-e que le Père. Rien ne
fut moins confiant que les profclTions de
foi des rtr/f/25 : ils changeoienr, ajoutoienr ,
retranchoient , pour ainfi dire , à chaque
in liant , des exprelTions. Au concile d'An-
cioche , tenu en 541 , ils en dreflcrcnt qua-
re , où condamnant Arius en apparence,
ils combattoient réellement la foi du con-
cile de Nicée : celle de F^imini n'étoit pas
■noins captieufe : celle de Sirmich appro-
:hoit allez du fens catholique ; mais ils en
iltéroient ces mors en toutes chofes , qui
'mportoieiît implicitement l'unité de firhC-
tmce entre le pcre & le fils , (c réfe'rvant
par-là la refiource de n'admettre qu'une
imilitude de nature : tant de variations ne
dévoient pas être priles pour des caraileres
ic vérité. ( G. )
'^ Arirns, f. m. ( Hijï. C' Géo^. ) peu-
oies d'Allem-agi^e , dont Tacite fait men-
cion , & que quelques - uns preniienr
pour les habicans de l'île d'Ar.'cn ou d'Ar-
rée.
ARJEPLOG, {GJog.) par-^iiro de k
■3i8 A RI
Laponie Pîtea , foumife à b Suéde. Elle
touche au grand lac d'Hornawam , & elle
comprend cinq villages. La couronne y a
établi, en 1745 , une école pour lix La-
pons à la fois. (D. G.)
ARIES, eft la même chofe que la conf-
tellacion du Eelier. Foye:^^ Bélier. ( O)
ARIETTE , fub. f. ( Muftque. ) dimi-
nutif venu de l'Italien , iignihe un pcm
air ; mais le fens de ce mot cd change en
France , & l'on entend aujourd'hui par-li
un grand morceau de muiique , d'un mou-
vement pour l'ordinaire allez gai & mar-
qué , qui fe chante avec des accompa-
gnemens de fymphonies : les arieites font
communément en rondeau. Voy. Air. {S)
^ ARICNANO , ( Géog. anc. & moci. )
ville autrefois , maintenant village d'Italie ,
dans la Tofcane fur la rivière d'Arno , au
territoire de Florence.
ARIM , ( Géog. ) ville d'Afie dans les
Indes ,' fuppofée par les géographes orien-
taux , à une égale dilLmce des colonnes
d'Hercule au couchant , (Se de celles d'Ale-
xandre au levant , & employées par eux
en conféquence , à faite le compte des lon-
gitudes. (-D. G.)
* ARIM A ( le détroit d'): il cfl tians
l'Océan oriental , entre la petite île de
Nangayauma & celle de Ximo : il eft amli
nommé à'Arima , ville qui n'en eft pas
éloignée.
^ Arima , {Géog.mod.) ville & royaume
du Japon, dans l'île de Ximo
Arima, {Géog.) mont de l'Ahe Mi-
reurr , placé par quelques uns en Cilicie ,
& rar d'autres en Lydie. La fable , plus
poiinve à fon égard que la géographe ,
en tait la malle énorme , lu us le^ poids de
laquelle Juplicr condamna le géant Ty-
plion à demeurer éternellement couche.
(D.G.)
ARiMAPYsyEcvs^ ,(Géog.)cenom
que portoit jadii l'de d'Uchia , lur les co-
tes de Naples , veut dire Vile des finges.
{D.G.) ^ .„ ,
* ARIM AN , ( Géog. fiinte ) ville de
Galaad , dans la partie méridionale de la
tribu de Manafté , au delà du Jourdain.
ARIMASPA , ( Géog. ) fleuve aurifère de
A RI
la Sq'thie feptentrionale , fur les bords
duquel habitoient les Arimafpes. {D. G.)
§ ARIMASPES , ( Hifl. anc. ) on a publié
tant de fables fur les Arimr.Cpes , qu'on eft
en droit de révoquer en doute leur exif-
tence: on eit encore incertain quel étoic
le pays qu'us habitoient. Les uns les pla-
cent en Aiie , d'autres en font un peuple
de Sarmares , qui confinoit au pays des
Hyperboréens. Ce qui fait prcfumer que
ce peuple n'a été enfanté que par l'ima-
gination , c'cft qu'on a débité qu'ils n'a-
voiejit qu'un ail au milieu du front , Jk.
qu'ét -.lit voilins des griflons , ils leur fai-
•bient une éternelle guerre. Or , on fait
que ces griffons étoient des animaux fau-
vages qui , guidés par un inftincb fingu-
lier , fouilloicnt dans les entrailles de U
terre pour en tirer de l'or & des pierres
précieufes ; &: lorfqu'ils avoient trouvé leur
proie , ils auroient plutôt perdu la vie que
de l'abandonner. Tous ces contes puérils-
ont été accrédités par le témoignage
d'écrivains d'un grand poids, tels que Pline ,
Pomponius Mêla , Strabon , Pauianias (5c
Solin. Mais on peut beaucoup lavoir (?c .
être fort crédule. La plupart des auteurs
en parlent comme d'un peuple qui n'avoit
exifté que dans la première origiiie des
lîecles. Diodore de Sicile eft le feul qui
afliire qu'ils formoieut un corps de nation
du temps de Cyrus , roi de Perie , qui leur
donna le nom d'Evergeres , qui lignifie
bicnfnifaiit. L'armée de ce prince éprou-
voit l'hcrreur de la pkis cruelle famine , &
les foldats étoiçit réduits à fe manger les
uns les autres. Les Arima fpes , touchés de
leur affreufe deftinée, leur envoyèrent trois
mille chariots chargés de blé. Cette géné-
rolité méritolt bien que le monarque Per-
fm les nomir.ât les bienfùcenrs. Le même
auteur nous aprend qu'ils fubfiftoient en-
core du temps d'Alexandre le grand , qui
les rangea fous fon obéillance. Etienne de
Bifance cite un ancien auteur qui en a
beaucoup fait mention , & qui les place
autour de la forêt Hercynie.
Ceux qui n'ofent contredire des autori-
tés lî impofantes , ont entrepris de démê-
ler toutes ces fibles , (S: de déchirer le voile
qui cachoit la vérité; & par le lecoursdes^
écymologies , ils ont fiit difparoîtie l'.iblur-
diîc
ART
Aité de ne donner à cou: un peuple qu'un
fcul ccil au milieu du front, yîri , en 1 uiRue
Scythe , lignifie l'unité , & mnpfos dé/igne
l'oeil ; ainli en décompolant le mot , on
trouve l'origine du nom de borgne , qu'on
donnoit aux Arimafpes. D'autres , fans re-
courir aux érymoTogies , ont vu la réalité
dans la figure. Les Sarmates étoient armés
de la lance & du bouclier. Les Arimafpes
ne le rer\'oient que de l'arc & des flèches ,
& pour diriger plus sûrement leurs coups ,
ils fermoient un oeil , & tenoient l'autre
ouvert. Ce fut de cette coutume qu'ils acqui-
rent la réputation d'être borgnes. ( T—N. )
* ARIMATHIE, {Géog.anc. ù fainte.)
ville de la Judée &: de la tribu d'Ephraïm ,
à dix lieues de Jérufalem ; on l'appelloit
iiniefois Rjmar h/am fop/iim , & elle s'ap-
pelle aujourd'hui Rama , Retnle , 6c Ra-
mola.
* ARIMOA , ( Giog, ) île de l'Afie ,
près de la nouvelle Gumée , à côté de la
terre des Papous , entre celle de Moa & de
Schouten.
* ARINDRATO , f. m. arbre dont le ,
bois pourri rend une odeur fort agréable
quand il eft mis au feu : on le trouve dans
l'île de Madagafcar; c'eft tout ce qu'on nous
en apprend : ce n'en eft pas alFez poux le
ccnnoître.
* ARINGIAN , ville de la province de
Trrnfoxane , appartenante à la fbgdc ou
vaiiés de Samarcand.
ARIOLA , ( Géographie. ) petite ville du
royaume de Naples , dans la Province ulté-
rieure, avec titre de principauté , que porte
la maifbn deCarraccioli. (D. G.)
ARION, {Hijl. Poêt.) célèbre muficien
& poète grec, de la ville de Methymne , de
l'île de Lesbos , inventa le Dythirambe , Se
excella fur-tout dans la poëfie lyrique. Il de-
meura long-temps à la cour dt PérianJre,
roi de Corinthe; & y ayantamafte de grands
biens , il voulut retourner dans fa patrie : il
s'embarqua pour cela fur un vaifteau dont
les matelots voulurent le tuer pour s'emparer
de Tes richelTes. Arien les pria de lui permet-
tre de chanter avant que de mourir , quel-
ques airs fur la lyre ; & le charme de fes
chants attira auprès du vaifleau plufieurs
dauphms : û fe précipita fur l'un d'eux? qui
Tome m
A RI 3ip
r fon dos juiqu'iu cap dcTenarc,
le parta fu
aujourd'hui djp Marapuri , qui fait la poiiite
de la Morée. Le Muiicien (è réfugia ch«
Périaiîdre , & lui raconta fon aventure ; Se
quelque temps après le vaiflèiu ayant été
jeté fur les côtes de Corinthe , le roi fit faifir
les matelots , & les fit pendre près du tom-'
beau du dauphin , qui avoit fauve la vie à'
Arion. ( t )
* ARJONA , petite ville d'Efpagne ,
dans l'Andaloulie , fur la rivière de Frio ,
entre Jaën & Anduxar.
ARIOSO , ( Mufique. ) adj. pris adverbia-
lement. Ce mot Italien , à la tîte d'un air ,
indique une manière de chant foutenue , dé-
veloppée Se affcdtéc aux grands airs, (S)
/ ARIPO , ( G%. ) fort , c-n Afie ] fur la
côte occidentale de l'île de Ceylan , à l'em-
bouchure de la rivière de Ccroudai il ap-
partient aux HoUandois , on y pêche . des
perles, long. 57 , 55 ; lat. 8 , 44.
ARIS , ( Géog. ) ville de la Lituanie Pruft
fienne , dans le cercle ou grand bailliage
de Rhein. C'eft une de celles que les foins
& les vues économiques du feu roi Frédéric ■
Guillaume , firent pallci , pour ainli dire ,
du néant à l'exiftence, & dont la fage admi-
niftration moderne accroît de jour en jour
lapoftérité. (D.G.)
ARISABIUM , ( Géog.) ville de l'Inde ,
au-delà du Gange, Quelques interprètes
de Ptolomée , croient que c'eft Ava moder-
ne , capitale d'un royaume de même nom.
(D.G.)
ARTSARUM , ( HiJÎ. nat. bot.) genre
de plante qui ne diffère du pié-de-veau Se
de la fcrpentaire , que parce que fes fleurs
lont en forme de capuchon. Tournefort ,
Injî. reiherb. Foye^PiÉ-DE-v EAU .Serpen-
taire. C/)
ARISBE , ( Géog. ) nom de quelques
villes de l'antiquité , lltuées en Béotie , dans
la Troade & dans l'ile de Lesbos. On fait
que l'sndroit où Alexandre rallembla fon
armée , après avoir pafle l'Hellefpont , fe
nommoit aulîî Arisbs ; Se l'on croit que
cette ^/M^eeft aujourd'hui MulTakui, bourg
de Natolie , entre Lampfaque & l'ancien
château des Dardanelles, {D.G.)
ARISBUS , ( Géog. ) rivière de la Thrace,
qui alloit fejeterdans l'Hebrus , aujourd'hui
♦ Ss
330 A R I
le Maritz : on ne connoît pas le nom mo-
derne de ['Arisbus. (D. G.)
ARISH , f. m. ( Commer. ) longue me-
fure de Perfe , qui contient j 1 97 pics d'An-
gleterre. Arbuth. p. ^i..
ARISITIUM, (Geo^.) ville cpifcopale
de France , dans le Rouergue , aux con-
iins du Languedoc : elle eft détruite depuis
long-temps ; mais Tes ruines fc voient en-
core près de Aiilhaud , dans le petit pays
d'Arfàd. (Z). G.)
ARISTAGORAS , ( Hiji. anc. ) fils^ de
îk'lelpagoras , gendre èc coufin d'Hiftée ,
fouverain de Milet. Sa fierté ne lui permet-
tant pas de voir Athènes fa patrie , fous la
domination des Perfes , il forma le projet
lie l'âfFranchir. Son activité égalant fon
génie , il mit une flotte en mer , & s'avança
jufqu'à Sardis qu'il rcdai'it en cendre. Da-
rius en conçut un reflentiment fi vif , qu'il
recommanda à fes principaux officiers^ de
l'entretenir de cette révolte tous les loirs
avant le fouper , & de l'exhorter à laver
cette injure dans le (ang du rebelle. Arijla-
goras recula fon châtiment par des viâoi-
res: mais fes compatriotes ne pouvant ré-
fîfter à la fupériorité des Perfes , il fut dé-
fait & mé vers la foixante-dixieme olym-
piade , après avoir foutenu Gx ans de guer-
re. L'hiftoire fait mention de pluficurs au-
tres Ai-ifiagcras , dont l'un avoit fait des
recherches fur l'Egypte, On croit que ce-
lui-là eft le même dont parle Diogene Laëi-
ce , dans fa vie de Chinon. Il vivoit fous le
règne de Ptolémée Philadelphe. ( T-n. )
ARIST ARQUE , ( Hift. & Littéral. )
dans fa fignification Ettérale , fignifie un
hon prince , ce mot étant compofé du grec
«firof , & dfX"^ \ mais on le prend ordinai-
rement pour un critique éclairé &: fcvc-
le , parce qu'un grammairien , nommé
Arijlarqiie , fit une critique folide & fcnfée
des meilleurs poètes , fans en excepter
Homère. Un Arifinrejne fîgnific donc un
cenfeiir ; & cette expreffion étoir déjà paiîéc
en proverbe du temps d'Horace.
jArguet ambiguë dicfum , mutanda notabit.
fiet Aristarchus , &c. Art. poët.
Ainfi dans une épigramme , Boileau ap-
pelle les Joumaliftes de Trévoux ,
Grandi jirifûr^àts de TYéyout^
ART
De ce nom viennent encore les titres de
quelques livres de critique & d'obfcrva-
tions fur d'autres ouvrages , comme Ariflar-
c/iusfûcer , qui font des notes d'Henfius fur
le nouveau Teftament , Arijiarchus anti-
Bcmiheïanus. Il faut encore oblerver que
le nom à'AriJlarque feul ne fe prend point
en mauvaife part , comme celui de Zoïle.
Voyei Zoïle. ( G )
ARISTOBULE, (HiJ!. des Juifs.) au-
trement appelle Judas , & furnommé Phi-
lellen , fib d'Hircan , & petit-fils de Simon
Machabée , grand-Prétre & roi des Juifs ,
fuccéda à fon perc l'an du monde 5898 ; il
ne régna qu'un an , pendant lequel il fie
mourir de faim fa mère dans la prifon , oùil
l'avoit fait enfermer avec trois de fes frères >
il fit mourir auffi Antigone fon frère , mais
par un accident , ou plutôt par La fourberie
infigne de quelques-uns de fes courtifans.
Arijiobuk , malade , envoya fon frère Anti-
gone à une expédition militaire , dont il re-
vint viftorieux. Des hommes , jaloux de fz
gloire , firent entendre à Ariji^^bule qu'il
avoit tout à craindre d'Antigone , qui avoit
formé le projet de le tuer pour régner feul.
Quoique le roi n'ajoutât pas foi à ces propos ,
il voulut s'en éclaircir avec fon frcre , & lui
fit dire de le venir voir fans armes ; en mê-
me temps il ordonna aux gardes qui étoient
dans fon palais, en un lieu obfcur & fouter-
rain , par où le prince devoir pader , de le
mettre à mort s'il venoit armé , ne doutant
pas qu'alors il n'eût réellement quelque
mauvais deflein. Ceux qu'AriJIobule avoit
chargés de dire à fon frère de le venir trou-
ver lajis armes , lui dirent au contraire que
le roi , ayant entendu parler de la beauté de
fon armure , étoit curieux de le voir fous les
armes brillantes , & le prioit de le venir ^'oit
armé de pié en cap. Antigone donna dans le
piège , Se fut mallacré par les gardes de fon
frcre. Arifiobule fut fi touché de cette mort,
dont il étoit beaucoup moins coupable que
de celle de fa meie, qu'il devint plus mxlade
& mourut peu après , l'an du monde 38^9.
Aristobule, {Hijh des Juifs.) fécond
fils d'Alexandre Jfannee &c d'Alcxatidra , &
frère puîné du grand-prêt*? Hircan , à qui
Alexandre, en mourant, laiflàia ccmronne,
ufurpa Hc le royaume & la fbuveraint facritt-
'catuic for fon fiels » qui lui ciia 1^411**
A RI
l'autre forcément, après une guerre dans la-
quelle Arifiobule fut viâorieux ; il en jouit
fendant trois ans &c trois mois , au bout du-
quel temps , Pompée ayant des fujets de
mécontentement à'AriJIobuls , le mena
prifonnier à Rome , après l'avoir dépoiiillc
de la royauté & de b dignité de grand-prêtre
pour les rendre à Hircan. Pludeurs années
après , Jules-Célar lui ayant rendu la libci té ,
voulut le charger de quelque expédition
contre Pompée ; mais les parcilans de celui-
ci l'empoilonnerent avant qu'il forcit de
Rome , l'an du monde 5955.
Aristobule , ( HiJI. des Juifs.) pctir-fils
du précédent , eut pour fœur Mariamne ,
cpoufe d'Hérode le grand : celui-ci fk tout
te qu'il put pour l'éloigner de la ibuveraine
facriiîcature qui lui étoic due. Vaincu néan-
moins par les lollidrations de Mariamne , il
. lui accorda cette dignité , quoiqu'il n'eiit en-
core que dix-(ept ans. Mais ayant remarqué
la grande affcétion du peuple juif pour c<;
jeune prince , il en prit de l'ombrage ; &
lorlque Arijîobule ie baignoit à Jéricho dans
un réfervoir d'eau près du palais , Hérode
envoya quelques jeujies gens fe baigner avec
lui , avec ordre de le noyer ; ce qu'ils firent
par un jeu barbare , l'an du monde 5970.
Aristobule, (if//?, û'c^/ui'/j.) fils d'Hé-
rode le grand & de Mariamne , fut un prince
d'une extrême beauté , &c ce qui eil: beau-
coup plus cftiraable , doué des plus hel'cs
qualités de l'ame. Son oncle Pheroras & fa
tante Salomé le noircirent tellement auprès
d'Hérode , parleurs infâmes calomnies, que
ce père déuaturé , au lieu de s'éclaircir de la
vérité de leurs imputations , le jeta dans un
affreux cachot avec Ion frère Alexandre , &
ne les en tira que pour les faire étraiig'er.
ARISTOCRATIE , Ç. i. { Folitique. )
forte de gouvernement politique , admi-
niftré par un petit nombre de gens nobles
& fages , d'apiK , Mars , ou puijfan: , ou
à'ipiçof , trh-bon , tr^s-fort , & de xpaa-Jî ,
force , puijfance , puillance des grands. Les
auteurs qui ont écrit fur la politique pré-
fèrent Varifocratie à toutes les autres formes
de gouvernement. La république de Vcniie
& celle de Gènes font gouvernées par des
nobles, à l'exclufion du peuple. Il me fem-
ble que Variflocratie & l'oligarchie aient
beaucoup de rapport enlèmble ; cependant
A III 3j,
l'oli^rchie n'eft qu'un gouvernement arif-
tocratique vicie , puifque dans l'oligarchie ,
l'adminiftration confiée à un petit nombre
de perfonnes , fe trouve comme concentrée
dans une ou deux qui dominent fur toutes
les .autres. Voye-^^ Oiigarchie. (G)
* Quant aux loix relatives à Variffccratir ,
on ptuc confuker l'excellent ouvrage de
M. de Monteiquicu. Voici les principales :
ï. Dans une arifiocratit , le corps des
nobles donnant les fuffrages , ces fuifrages
ne peuvent être trop fccrets.
1. Le luftrage ne doit point fe donner
par lort ; ori n'en auroir que les inconvé-
iiicns. En eftét , lorique les diftinâiions qui
élèvent quelques citoyens au delTus des au-
tres , (ont une fois établies , quand on fè-
roit choilt par le fort , on n'en feroit pas
mx>ins odieux : ce n'efi: pas le m.agiftrat ,
c'eit le noble qu'on envie.
5. Quand les nobles font en gr.and nom-
bre , il faut un fénat qui règle les afïiiircs
que le corps des nobles ne fiuroir décider ,
& qui prépare celles dont il décide ; dans
ce cas , on p;ut dire que Varifocraùe eft en
quelque forte dans le fénat , la démocratie
dans le corps des nobles , & que le peuple
n'ed rien.
4. Ce fera une chofe très-heureulè dans
Varifiocratie , fi , par quelque voie indireéle,
on fait fortir le peuple de fon anéantiilè-
ment.' Ainfi à Gènes la banque de S. Geor-
ge , qui eft dirigée par le peuple , lui donne
une certaine influence dans legouvemement
qui en fair toute la profpérité.
5. Les fénateuTS ne doivent point avoir le
droir de remplacer ceux qui manquent dans
le féiiat; c'eft à des cenlèurs à nommer les
nou-ï'eaux fénareurs , fi l'on ne veut perpé-
tuer les abus,
6. La meilleure arifocratie eft celle oit
la p.iTtie du peuple , qui n'a point de part à
la puillance , eft fi petite & li pauvre , que
la partie dominante n'a aucun intérêt à
l'opprimer.
7. La pluï imparfaite eft celle où la partie
du peuple qui obéit, eft dans l'efclavage
civil de celle qui commande.
8. Si dans Varifocratie le peuple eft ver-
tueux , on y jouira à-peu-près du bonheur
du gouvernement populaire , <&: l'état de-
viendra puifiànt.
* Ssi
331 A R I
. 9. L'cfprit de modération , eft ce qu'on
pppelle la vertu dans Varijiocratie ; il y
tient la place de l'égalité dans lecat popu-
laire.
10. La modeftie & la iîmplicité des
manières , font la force des nobles arifto-
cratiqnes.
1 1 . Si les nobles avoient quelques préroga-
tives perionncUes & particulières , diftindles
de leur corps , Varijiocratie s'écarteroit de
là nature & de fon principe , pour prendre
ctux de la monarchie.
■ II. Il y a deux iourccs principales de
délordres dans les états ariftocratiques : l'iné-
galité exceirive entre ceux qui gouvernent
Si ceux qui font gouvernés , & l'inégalité
entre ceux qui gouvernent.
13. Il y aura la première de ces inéga-
lités , Il les privilèges des principaux ne
font honorables que parce qu'ils ibut hon-
teux au peuple , & ii la condition rela-
tive raix fubildes efl difiérente entre les
citoyens.
14. Le commerce eft la profelTîon des
gens égaux : les nobles ne doivent donc pas
commercer dans une nrijiocratie.
15. Les loix doivent être telles que les
nobles foient contraints de rendre juiiice au
peuple.
16. Elles doivent mortifier en tout l'or
gueil de la domination.
17. Il faut qu'il y ait, ou pour un temps,
eu pour toujours , une autorité qui falle
trembler les nobles.
1 S. Pauvreté extrême des nobles , richefles
exorbitantes des nobles , permcieufes dans
VariJiGCratie.
19. Il ne doit point y avoir de droit d'ai-
nefie entre les nobles , afin que le partage des
fortunes tienne toujours les membres de cet
ordre dans une égalité approcliée.
20. ]l fii:: que les conteftations qui fur-
viennent entre les nobles ne puilknt durer
long-temps.
11. Les loix doivent ter.dre à abolir la
difti)"i<!;i:ion que la vi;nitémet entre les familles
nobles.
11. Si elles ionr bonnes , elles feront plus
ff ntir a'.i:: lîoblc:; les incommodités du com-
mandement . que les avantages.
15, Ucrijlioaùe Je cciiompra quand le
fcavoiidci nobles j dtYcii;;;3t urbiuùaïe, il
A R I
n'y aura plus de venu dans ceux qui gou-
veriKiit , ni dans ceux qui (ont gouvernés.
Fbyc^ l'Efprit des loix , p. î Ù fuiv. IJ &
fuiv. 11^ 1!^ fuiv. où ces maxim.es Ton: ap-
puyées d'exemples anciens &: modernes ,
qui ne permettent guère d'en contefter la
vérité.
ARISTOLOCHE, «r//7o/oc^w, f. f {Htjl.
nat. bot.) genre de plante, à fleur mouopé-
tale irréguliere , tubulée , terminée en forme
de langue , & crochue pour l'ordinaire ; le
calice devient un fruit membraiieux , le
plus louvent arrondi , ovale ou cylindri-
que , divilé en lîx loges , & rempU de
lemences applaties & pofées les unes lur
les autres. Tournefort , Injl, rei herb. y^oye:(_
Plante. (/)
Il y a quatre fortes à'aiijlolochet employées
en médecine. La première eft l'arijîcluche
ronde , & nommée anfloLchia ruunda ,
Matth. Ça racine eft ron.de , allez grolle ,
charnue , garnie de fibres , gri!e en dehors ,
jaujûtrc en dedans , d'une odeur déiagréa-
ble, d'un goût trcs-amer. La féconde tC-
pcce eftlongue, & nomm.ée arijîolochia longa
vcra ; C. B. Pit. Tourn. la racme eft longue
d'environ un pié , grolle comme le poignet.
La troifieme eft Xavijhlocke clématite , c'eft
Varijlolochia clematitis recla ; C. B. La qua-
trième eft la petite , ou arifwlockia tenais
piflclcckia ; les racines de cette arfolcche
lunt plus menues & plus délices.
On nous apporte routes les racines
d'arijiclcche feclies du Languedoc & de la
Provence ; la longue oc la ronde doivent être
choillcs grolfes «Se bien nourries , nouvel-
lement féchées , pelîuites, griles en dehors,
jaunes en d«dans , d'un goù: extrêmement
amer. La |>etitc doit être bien nourrie ,
touflue comme la racine d'ellcbore noir ,
récemment léchée , de couleur jaunâtre ,
d'une odeur aromatique , d un goût amer : •
on la préfère à toutes les autres pour la
théri.'ique.
Toutes les arifioloches contiennent une
huile exaltée , du fel ellcntiel, & peu de
phlegme ; elles (ont deterfr es , vulnéraires,
atténuantes , apJritivcs \ elles réhfttnt à la
malignité des humeurs. 'L'uripolocheiXimx-
tiie eît la plus foible de toutes. Diolcoride
regarde toutes ces plantes comme propres
àfùiic fort il les vuidanges ; de-lî leur vient
A R ï
te nom d'nrifolochid ; de «p<f of , optimus , Se
xoyii. , purgammta qux p:jl j'Jicum cgreàiun-
tur. ( N)
ARISTOLOCHIQUE , {Mat. méJ.)
l'opinion géniiMlcnicnt roi,ue , que chr.quc
évacuation du corps hum.iin peut être (pé-
cialemcnt excitùe ou aidée pî;r des mcdi-
cimeiis appropriés , a fait donner le nom
à'r.rijlolochiques à ceux que l'on croit e\citcr
le flux des lochies ou vuidangcs ; on les
a Jiitinguésdesemménagogucsqu'ondeftine
à exciter ,1e cours périodique des règles, «S»:
dei ccboliques qu'on fuppoie plus propres
à faciliter la fortie du fatus & de l'arricre-
f.:ix. Fi.je^EMMÎNAGOGUES.EcBOLlQUES.
Cette dillindion n'exifte pas dans la
n.'.ture comme dans les livres : on ne trouve
dans les arijioluchiques , que la vertu très-
géncrale des emmcnagogues ; ils n'opèrent ,
tout au plus , qu'en dirigeant l'irritation vers
l'utérus, ou en déterminant le cours du iang
vers ce vilcere. Fcjt-^ Utérins , LocHiti.
On divife les arijiolochiqucs en apéritifs
&: en dérivans.
La première clalTe contient la plus grande
partie des utérins ou emménagogues, qu'on
appelle aulli quelquefois h^magogu£:i ou ké-
natogogues , &c p.umi lelqucls les auteurs
de matière médicale , ont tait un choix de
ceux qu'ils croyoient plus propres à exciter
le cours des lochies. Tels font , le petit chjjie,
le marrubc , le matricaiie , le cal ;raent , le
diftamne , la menthe , l'armoiie , la mi-
lin'e , la canellc , l'ariitoloche , la rue , la fa-
bine , ùc. leurs huiles difiillées , l'a-la-fcctida ,
la myrrhe , l'aloés , le fafran , &<. en général
Lrs différentes compûiitions officinales , dans
Iciviuelles on fait entrer ces fubltances ou
leurs diffécens produits.
Si l'on parcourt avec atrenrion la lifte
de ces médicamens , on voir qu'ils lont
tous plus ou moiiis irrltans , principalement
p.îr leurs liuiles circndelles ou diilillées , que
la plup.irt contiennent en abondance ; ds ont
même un certain degré de caufticité , qui les
rend propres à mondifier ou déterger les
parties ulcérées ou uftuleufes par leur em-
ploi extérieur ; mais cette action n'eft pas
la mènx' dans tous , elle paroit relative ou
proportionnée à la quantité d'huile qu'on
ai retire ; ainfi deux livres de (Iibine , félon
le rappoit d'HoùiUinu , j^r odaiferiC cinq ou
A R I 53,
fix onces d'une huile dillilce , tres-pcnctrante:
&: ti :-r(iire : oiue proportion n'ert pas h.
même dans l'arffloife , la méliilè , &<:.
La féconde clalîe contient tou» les moyens
qui peuvent attirer ou déterminer le cours
du lang IV des humeurs vers l'utérus & les
parties intérieures : iel, (ont les bains locaux,
les fomentations , les ventouies , les em-
plâtres aromatiques , les friiitions , la faignée
du pie , £v.
Il cft peu de remèdes dont l'ufrge exige
autant de précautions que les arifioluchiquesy
l'abus eft preique toujours à coté de l'ulage,
& il vaudroit peut-être mieux manquer
d'une rcllource utile dans le petit nombre
des cas qui l'exigent, que de courir le plus
iouvent les rifques d'une application impru-
dente ou criminelle. F. AvoRTEMENTjC^eV.
kg. ) C'eft ici que l'arbitraire des théories
entraîne les conlcquences les plu* funefles.
L.1 multiplicité &i la fréquence des maladies ,
particulières au fexe , mettent eii jeu l'imagi-
nation des médecins ; l'amour-propre s'irii-
tant lies voiles dont la nature le couvre , on
lubftirue aux caufes dont la chaîne ne
s'.:pperçoitpas , desobftrudtions, des éréthif-
m.es & des pléthores : tout s'explique alors
avec une merveilleufe facilité; & le choix du
remède découle , pour ain(î dire , de l'expli-
cation même ; mais ce choix , il fubordonné
au point de vue tous lequel onconlîdere les
cailles de la maladie , ell: rarement relatif à
cette caule : la plus légère attention démon-
tre que les trois fyftêmes d'explications que
je viens de propofer , exigent dans le tr.îitc-
ment des remèdes contradiiiloires. Q_ue d'er-
reurs ! Et qu'il y a loin du point où nous
forames , à celui où l'on pourroit marcher
avec confiance !
L'ariftolckhe qui femble avoir donné le
nom à cette cLlIe de remèdes , eft l'un des
plus éprouvés , mais n'eft pas leplus efficace ;
il faut , fans doute , beaucoup rabattre des
éloges ampoulés d'Apulée , qui prétend que
les médecins n'ont des fuccès à elpércT , que
par le fecours de cette plante.
On peut voir aux diftérens articles des
médicamens ariflolochiques , la manière de
s'en fervir , la dofe , les indications & les
particularités qu'on peut oblerver fur chacun
d'eux, (^rr. du M. la Fosse , docteur <. h
médicine de la faculté de Mon:pdlier. )
334 AR.I
ARISTOTELISME , fubf. m. Anftote,
fils de Nicomachus &c de Itiarftiade , naquit
à Stagire , petite ville de Macédoine. Son
père étoit médecin 8c ami d'Amintas , père
oc Philippe. La mort prématurée de Nico-
machus ût tomber Ariftote entre les mains
d'un certain Proxenus, qui fe chargea de
fon éducation , & qui lui donna les princi-
pes de tous les arts & de toutes les fciences.
Ariilote en fut fi reconnoiflànt , qu'il lui
éleva des ftatues après fa mort , & qu'il en
ula envers fon fils Nicanor , qu'il inftruilbit
dans tous les arts libéraux , ainfi que fon
tuteur en avoit ufé envers lui. On ne fait
pas trop de quelle manière il pafla les pre-
mières années defaieuneflè. Si l'on en croit
Epicure, Athénée & Elien, il avoit reçu
de la part de fon tuteur une très-mauvaife
éducation ; & , pour le confirmer, ils difent
qu'abandonné à lui-même , il dilTîpa tout
ion patrimoine , ôc embrafla par libertinage
le parti des armes ; ce qui ne lui ayant pas
réulTî , il fut obligé dans la fuite , pour pou-
voir vivre , de faire un petit trafic de pou-
dres de fenteur , & de vendre des remèdes :
mais il y en a qui recufent le témoignage
de ces trois philofophes , connus d'ailleurs
par leur animofité , & par les traits fatyri-
ques qu'ils lançoienr contre tous ceux dont
le mérite les bleflbit , & ils en appellent à
Ammonius, lequel rapporte cet oracle d'A-
pollon qui lui fut adrelle ; Alle^ a Athènes ,
Ù étudie^perlévéramment la philofophie : vous
aure^plus befoin d'être retenu que d'être pou0.
Il falloit que les oracles fuflent alors bien
oififs , pour répondre à de pareilles inter-
rogations.
La grande réputation que Platon s'étoir
acquife , engageoit tous les étrangers à fe
mettre fous fa difcipline. Ariftote vint donc
à Pacadémie ; mais dès les premiers jours,
il y parut moins en difciple , qu'en génie
fupérieur. Il devança tous ceux qui étudioient
avec lui ; on ne l'appelloit que Vefprit ou
l'intelligence. Il joignoit à fes talens natu-
rels , une ardeur infatiable de tout favoir ,
une lecture immenfe , qui lui fai/bit par-
courir tous les livres des anciens. Sa pamon
pour les livres alla fi loin , qu'il acheta jus-
qu'à trois talens les livres de Speufippe.
Strabon dit de lui qu'il pen(a le premier
à fe faire une bibliothèque. Sa yafte licté-
A R I
rature paroît alTèz dans les ouvrages qui
nous reftent de lui. Combien d'opinions des
anciens a-t-il arraché à l'oubli , dans lequel
elles feroient aujourd'hui enfevelies , s'il ne
les en avoit retirées , & s'il ne les avoit
expofées dans fes livres avec autant de ju-
gement que de variété? il feroit à fouhai-
ter que fa bonne foi dans leur expofi-
tion , égalât fa grande érudition. Si nous
nous en rapportons à Ammonius , il de-
meura pendant vingt ans fous la difcipline
de Platon , dont il honora la mémoire par
un autel qu'il érigea , & fur lequel il
fit graver ces deux vers :
Gratus Arijîoteles ftruit hoc abare Platoni ,
Quem turbx injujlce vel celebrare nefas.
Il y a bien d'autres preuves de fon amour
envers fon maître , témoin l'oraifon funè-
bre qu'il compofa pour lui , &: mille épi-
grammes dans lefquelles il a rendu juftice
à fes grands talens. Mais il y en a qui pré-
tendent que tous ces témoignages de l'atta-
chement d'Ariftote , font démentis par la
brouillerie qui s'éleva entre lui & Platon. En
effet , le maître fe faifoit louvent un plaifir
de mortifier fon difciple ; il lui reprochoit ,
entr'autres chofcs , trop d'afFedation dans
fes difcours , & trop de magnificence dans
fes habits. Ariftote de fon côté ne ceftbit de
railler fon maître , & de le piquer dans
toutes les occafions qui fe préientoient.
Ces méfintelligences allèrent fi loin , que
Platon lui préféra Xénocrate , Speufippe,
Amiclas , & d'autres qu'il afFedta de mieux
recevoir que lui , & pour Icfquels il n'eut
rien de fecret. On rapporte même qu'Arif-
tote prit le temps où Xénocrate étoit allé
faire un voyage dans fon pays , pour rendre
vifite à Platon , étant efcorté d'un grand
nombre de difciples ; qu'il profita de l'ab-
fence de Speufippe , qui étoit alors mal.ade ,
pour provoquer à la dilpute Platon , à qui
fon grand âge avoit ôté la mémoire ; qu'il
lui fit mille queftions fophiftiques , plusem-
barraflàntes les unes que les autres ; qu'il
l'enveloppa adroitement dans les pièges fé- t
duifans de fa fubtile dialedique , & qu'il r
l'obligea à lui abandonner le champ de ba-
taille. On ajoute que Xénocrate étant reve-
nu trois mois après de fon voyage , fuc
A R I
fort furpris de trouver Ariftote i la place
de Ion maître; qu'il en demanda la railon;
& fur ce qu'on lui repondit que Platon
avoit été forcé de céder le lieu de la pro-
menade : qu'il étoit allé trouver Ariftoce ;
qu'il l'avoit vu environné d'un grand nom-
bre de gens fort eftimés , avec lelquels il
s'entretenoit paitiblement de queftions plii-
lofopliiques; qu'il l'avoit Hilué très- refpec-
tucuiement , ians lui donner aucune mar-
que de fou étonnement : mais qu'ayant
allèmblé fes compagnons d'étude , il avoir
fut à Speufippe de grands reproches d'a-
voir ainiî laillé Ariftote maître du champ
de bataille; & qu'il avoit attaqué Ariftote,
& l'avoit obligé de céder à ion tour une
place , dont Platon étoit plus digne que
lui.
D'autres difent que Platon fut vivement
piqué que , de Ton vivaju , Ariftote fe fût
fait chef de parti , &: qu'il eût érigé dans
le Lycée une fede entièrement oppofée à
la fîtnne. Il le comparoir à ces enfans vi-
goureux , qui battent leurs nourrices après
s'être nourris de leur lait. L'auteur de tous
ces bruits fi défavantageux à la réputation
d'Ariftote j eft un certain Ariftoxene, que
l'elprit de vengeance anima contre lui ,
félon le rapport de Suidas , parce qu'il lui
avoit préféré Théophrafle, qu'il avoit dé-
figné pour être ion fucceffeur. Il n'eft point
vraifemblable , comme le remarque fort
bien Ammonius, qu'Ariflotc ait o(e chaflèr
Platon du lieu où il enfeignoit , pour s'en
rendre le maître , & qu'il ait formé de Ton
vivant une fèdte contraire à la fîenne. Le
grand crédit de Chabrias & de Timothée ,
qui tous deux avoient été à la têt€ des ar-
mées , & qui étoient parens de Platon ,
auroit arrêté une entreprife fi audacieufe.
Bien loin qu'Ariflote ait été un rebelle qui
ait ofé combattre la dodrine de Pbton ,
pendant qu'il vivoit , nous voyons que
même depuis fâ mort , il a toujours parlé de
wi en termes qui marquoient combien il
l'eftimoit. Il efî vrai que la feue péripaté-
ticienne eft bien oppofée à la fede acadé-
nuque , mais on ne prouvera jamais qu'elle
foit née avant la mort de Platon : & fî
Ariftote a abandonné Platon , il n'a fait que
jouir du droit des philofophes i il a fait
céder l'amitié qu'il devoit à Ton nuîtie ,
a l'amour qu'on doit encore plus à la vé-
rité. Il peut le faire pourtant que dnns l'ar-
deur de la difpute , il n'ait pas aflèz mé-
nagé fon maître ; mais on le peut pardon-
ner au feu de fa jeunedè , & à cette granvle
vivacité d'ciprit qui l'emportoit au delà des
bornes d'une diipute modérée.
Platon , en mourant , lailîà le gouverne-
ment de l'académie à Speufippe ion neveu.
Choqué de cette préférence , Ariftote prie
le parti de voyager , & il parcourut les prin-
cipales villes de la Grèce, fe familiarifanc
avec tous ceux de qui il pouvoit tirer quel-
que inftrudion ; ne dédaignant pas même
cette forte de gens qui font de la voluptç
toute kur occupation , & plaifent du moins
s'ils n'inftruifent.
Durant le cours de fes voyages , Plii-
lippe roi de Macédoine , & jufte apprécu-
teur du mérite des hommes , lui manda
que fon dcfTein étoit de le charger de l'é-
ducation de fon fils. » Je rends moins gra-
» ces aux dieux , lui ccri voit-il , de me l'a-
» voir doiuîé , que de l'avoir fait naître
" pendant votre vie; je compte que par vos
» confeils il deviendra digne de vous & de •
» moi." Aul. GcU. lit. IX. Quel honneur
pour uii philofophe , que de vou" fon nom
lié avec celui d'un héros rel qu'Alexandre
le Grand ! 6c quelle récompcnfe plus flat-
teufe de fes foins, que d'entendre ce jeune
héros répéter fouvent: "Je dois le jour à
" mon père , mais je dois à mon préccp-
" teur l'art de me conduire ; fi je règne
" avec quelque gloire, je lui en ai toute
" l'obligation. »
Il y a apparence qu'Ariftote demeura à
la cour d'Alexandre , & y jouit de toutes
les prérogatives qui lui étoieut dues , juf-
qu'à ce que ce prince , deftiné à conquérir
la plus belle partie du monde , porta la guerre
en Afie. Le piiilofophe fe fentant inutile ,
reprit alors le chemin d'Athènes. Là , il fut
reçu avec une grande diftindion , & on
lui donna le Lycée , pour y fonder une nou-
velle école de philofbphie. Quoique le foin
de fes études l'occupât extrêmement , il ne
laifToit pas d'entrer dans tous les mouve-
mcns & dans toutes les querelles qui agi-
toient alors les divers états de la Grèce.
On le foupçonne même de n'avoir point
ignoré la malheureafe confpiration d'Aji-
3».ô A m
tipster, qui fit cmpoifonner Alexandre à
la fleur de Ton âge , & au milieu des plus
juftes efpérances de saflu)ectir le monde
entier.
Cependant , Xénocrate qui avoit fuccédé
à Speufippe , enfeignoit dans l'académie la
doctrine de Platon. Ariftotc qui avoit été
fon dilciple pendant qu'il vivoit , en de-
vint le rival après fa mort. Cet efprit d'é-
mulation le porta à prendre une route dif-
férente vers la renommée , en s'emparant
d'un diftriâ que perfonne encore n'avoit
occupé. QLioiqu'il n'ait point prétendu au
caraftcre de légiflateur, il écrivit cepen-
dant des livres de loix & de politique , par
pure oppofition à fon maître. Il obferva , à
la vérité , l'ancienne méthode de la double
doftrine, qui étoit fî fort en vogue dans
l'iicadémie, mais avec moins de rclerve &
de dilcrétion que ceux qui l'r.voient pré-
cédé. Les Pythagoriciens Se les Platoni-
ciens faiioient de cette méthode même un
fecret de leurs écoles ; mais il femble qu'A-
riftote ait eu envie de la faire cormoître à
tout le monde , en indiquant publique-
ment la diftinction que l'on doit faire de
CCS deux genres de doétrines : aulTî s'ex-
plique-t-il fans détours, 3i de la manière la
plus dogmatique, contre les peines & les
récompenfes d'une autre vie. La mon , dit-
il , dans ion traité de la Morale , eft de
toutes les chofes la plus terrible ; c'eft la
fin de notre exiftence , & après elle l'hom-
me n'a ni bieji à efpérer, ni mal à
craindre.
Dans fa vieillefle Ariftote fur attaque par
un prêtre de Cérès, qui l'accufà d'impiété
Se le traduifit devant les juges. Comme
cette accufition pouvoit avoir des iuites
fâcheufes , le philolophe jugea à propos de
le retirer i'ecrétement à Chalcis. En vain fes
amis voulurent-ils l'arrêter : Empêchons ,
leur cria-t-il en partant , empêchons qu'on
ne fajfe une féconde injure à la Fhilofuphie.
La première , fins doute , étoit le fupplice
de Socrate , qui pourroit être regardé
comme un martyr de l'unité de Dieu, dans
la loi de nature , s'il n'avoit pas eu la foi-
bleflè , pour complaire à fes concitoyens ,
d'ordonner en mourant, qu'on facrifiât un
coq a Efcu'ape. On raconte diverfement la
mort d'Ariftote. Les uns difent que défef-
A R T
pcré de ne pouvoir deviner la ciufe du
flux & reflux qui le fait fentir dairs l'Eu- •
ripe , il s'y précipita à la fin , en difan: ces
mots : pnifqu'AriJlrjie n'a jamais pu com-
prendre l'Euripe , que l'Euripe le comprenne
donc lui-même. D'autres rapportent qu'après '
avoir quelque temps fou tenu Çoy\ infortune ,
& lutté , pour ainfi dire , contre la calom-
nie , il s'empoifonna , pour finir comme
Socrate avoit fini. D'autres enfin veulent
qu'il foit mort de la mon n: tutelle , ex-
ténué par les trop grandes veilles , & con-
fumé par un travail trop opiniâtre : tel
eft le fentiment d'ApolIodore , de Denys
d'Halicarnalîè, de Cenforin, de Laërce.-
Ce dernier , pour prouver fon infatigable
adivité dans le travail , rapporte que lorf-
qu'il fè mettoit en devoir de repofer , il-
tenoit dans h. main une fphere d'airain , ap-
puyée fur les bords d'un balTîn , afin que'
le bruit qu'elle feroit en tombant dans le
balTin , piit le réveiller. Il rendit l'ame en
invoquant la caufe univerfelle , l'Etre fu-
prême , à qui il alloit fe rejoindre. Les Sta-
giriens dévoient trop à Ariftote , pour ne
pas rendre à fâ mémoire de grands hon-
neurs. Ils transportèrent fon corps à Sta-
gire , & fur fon tombeau ils élevèrent un
autel, & une efpece de temple qu'ils ap-
pelèrent de fon nom , afin qu'il fit un
monument éternel de la libené <?c des
autres privilèges qu'Ariftote leur avoir ob-
tenus, foit de Phihppe , foit d'Alexandre. Si
l'on en croit Origerie , hb. I, contra Celf.
Ariftote avoit donné lieu aux reproches
d'impiété qui lui firent abandonner Athènes
pour s'exiler à Chalcis. Dans les converfà-
tions particulières , il ne fe ménageoit pas
alfez : il oioit foutenir que les otîrandcs
& les làcrifices font tout -à- fait inutiles;
que les dieux font peu d'attention à b
pompe extérieure qui brille dans leurs tem-
ples. C'étoit une luitc de l'opinion où il
écoit , que la pro\'idence ne s'étend point
julqu'aux choies fublunaires. Le principe
fur lequel il s'appuyoit pour foutenir un
fyftémc fi fivorable à l'impiété , revient à
ceci : Dieu ne voit 3ç ne connoît que et
qu'il a toujours vu & connu : les chofes
contingentes ne font donc pas de fon ref-
fort : la terre eft le pays des changemens ,
de la génération & de la corruption ; Dieu
n'y
A RI
n'y a donc aucun pouvoir : il fe borne au
pays de l'imniorc.ilité , à ce qui oll: de f.i
nature incorruptible. Ariftote, pourall'urer
la liberté de l'homme , croyoit ne pouvoir
mieux faire que de nier la providence : en
falloit-il davantage pour armer contre lui
les prêtres intcrellcs du paganiimei Ils par-
donnoient rarement , «In: fur-tout à ceux qui
vouloient diminuer de leurs droits & de
leurs prérogatives.
Quoique la vie d'Ariftote ait toujours
^té tort tumultueule, foit au Lycée , foit
à la cour de Philippe , le nombre de les
ouvrages eft cependant prodigieux : on en
peut voir les titres dans Diogene Laërce ,
& plus corredtement encore dans Jérôme
Gùmi!.î:us, médecin & profellèur en phi-
lofoph'e à Bâle , qui a compolé un traité
int-.cule de rita Arijlotelis & ejus operum
cenfura ; encore ne lommes-nous pas fùrs
de les avoir tous : il eft même probable que
nous en avons perdu plulleurs , puifque
Ciceron cite dans fes entretiens des pallàges
qui ne fe trouvent point aujourd'hui dans
les ouvrages qui nous reftent de lui. On
auroit tore d'en conclure , comme quel-
<]ues-uns l'on: fait , que dans cette foule
de livres qui portent le nom d'Ariftote ,
& qui padent communément pour être de
Jiii , il n'y en a peut - être aucun dont la
fuppofition ne paro'llè vraifemblable. En
effet , il leroit aifé de prouver , ii l'on vou-
loir s'en do;ine.- la peine, l'authenticité des
cuivrages d'Ariftote , par l'autorité des au-
teiirs profanes , en defcendant de fiecle en
fiecle, depuis Ciceron julqu'au nôtre : con-
tentons-iK)us de celle des auteurs eccléllaf-
riques. On ne niera pas fans doute que les
ouvrages d'Arillote n'exiilanènt du temps
de Ciceron , puifque cet auteur parle de
pluficurs de ces ouvrages , en nomme dans
d'autres livres que ceux qu'il a écrits fur
la nature des dieux , quelques-uns qui nous
relient encore, ou du moins que nous
prétendons qui nous reftent. Le ChrilHa-
Jiilme a commencé peu de temps après la
mort de Ciceron. Suivons doiic tous les
pères depuis Origene «S: Tertullien : con-
lultons les auteurs eccléfiafliques les plus
illuftres dans touî les (iecles , & voyons fi
les ouvrages d'Ariltote leur ont été connus.
Les écrits de ces deu:: premiers auteurs
Tome III.
A R I 337
ccclénaftiques font remplis de paffages , de
citations cl'Ariftotc , foit pour les réfuter,
foit pour les oppofer à ceux de quelques
autres philolophes. Ses partages le trou-
vent aujourd'hui , excepté quelques-uns ,
dans les ouvrages d'Ariftote. N'eft-il pas
naturel d'en conclure que ceux que nous
n'y trouvons pas , ont été pris dans quel-
ques écrits qui ne (ont pas parvenus jul-
qu'à nous ? Pourquoi , ii les ouvrages
d'Ariftote étoient fuppolés , y verroit-oi»
les uns &: point les autres ? Y auroit - ou
mis les premiers , pour empêcher qu'on ne
connût la fuppo/lcion i Cette mêm.e railo»
y eût dû faire mettre les autres, il eft vifi-
ble que c'eft ce m.anque & ce défaut de
certains padliges , qui prouve que les ouvra-
ges d'Ariftote lont véritablement de lui.
Si , parmi le grand nombre de pallàges
d'Ariftote qu'ont rapporté les premiers
pères , quelques-uns ont été extraits de
quelques ouvrages qui font perdus , quelle
impolîibilité y a-t-il que ceux que Ciceron
a placés dans (es entretiens fur la nature des
dieux , aient été pris dans les mêmes ouvra-
ges ? Il leroit impoffible d'avoir la moindre
preuve du contraire , puifque Ciceron n'a
point cité les livres d'où il les tiroir. Saint
Juftin a écrit un ouvrage confidérable (ur
la phyfîque d'Ariftote : on y retrouve exac-
tement, non (eulement les principales opi-
nions , mais même un nombre infini d'en-
droits des huit livres de ce philofophe. Dans
prelque tous les autres ouvrages de fiinc
Juftin , il eft fait mention d'Ariftote. Saint
Ambroile & faint Auguftin nous aflureiic
dans vingt endroits de leurs ouvrages ,
qu'ils ont lu les ouvrages d'Ariftote ; ils les
rétuteiit ; ils en rapportent des morceaux ,
& nous voyons que ces morceaux (e trou-
\ent dans les écrits qui nous reftent , &
que ces réfutations conviennent parfaite-
ment aux opinions qu'ils contiennent. Al-
lons maintenant plus avant , & paflbns au
hxieme liecle : Boëce , qui vivoit au com-
mencement , parle (ouvent des livres qui
nous reftent d'Ariftote , & fait mention
de les principales opinions. CalTiodore , qui
fut contemporain de Boëce , mais qui mou-
rut beaucoup plus tard , ayant vécu jus-
que vers le lèptieme iiecle , eft encore un
témoin iiTépruchable des oavraces d'Adl-
Tc
358 A R I
tote. il nous fait connoître qu'il avoir écrit
d'amples commentaires lur le livre d'Arif-
torc de \' Interprétation , ëc compoié un
livre de la divillon , qu'on explique en logi-
<]ue après la définition , «Se que Ton ami
le patrice Eoëce , qu'il appelle homme ma-
gnifique , ce qui éroit un titre d'honneur
en ce temps, avoir 1 incroduclion de Por-
phyre , les cathégories d'Ariftotc , Ion livre
de l'interprétation , & les huit livies des
topiques. Si du feptieme llccle , je pallè
au huineme & au neuvième , j'y trouve
Photius , patxinrcJie de Conilantinople ,
dont tous les lavans anciens & modernes
ont fait l'éloge à l'envi les uns des autres :
cet homme dont l'érudition étoit profonde ,
Se h connoi (Tance de l'antiquité au.lTi vafte
que (Lire , ratifie le témoignage de iaint Jul-
tJi , Se nous apprend que les livres qu'il
.ivoit écrits fur la phylique d'Arilrore, exii-
toienc encore ; que ceux du philolophe
«'étoicnt auffi coniervés, & il nous en dit
nior à mot le précis. On lait que (aint Ber-
nard 5 dans le douzième llccle , s'éleva ii fort
contre la philofophie d'Ariftote , qu'il fit
condamner famétaphyfiquepar un concile :
A,'
lie
■^.'epenaant , peu de temps après , elle reprit
le deillis ; & pierre Lombard , Albert le
Grand , faint Thomas , la cultivèrent avec
loin , comme nous Talions voir dans la
laite de cet article. On la trouve prefque
en entier dans leurs ouvrages. Mais quels
ibnr ceux à qui la fupporirion des ouvrages
d'/uriflote a paru vraiîén-iblable ; Une toule
de dcmi-favans hardis a décider de ce qu'ils ,
n'entendtiit point, & qui ne font connus
■que de ceux qui font obligés par leur genre
de travail, de parler des bons ainli que
des mauvais écrivains. L'auteur lepluscon-
iidérablc qui ait voulu rendre fuipeéis quel-
ques livres qui nous reftcr.t d'Arillote,
■c'eft Jamblique , qui a prétendu rejeter les
•cntcgories : mais les auteurs, les contempo-
r.'iins, iSc Ijs plus h. biles critiques moder-
jics Ce font moques de lui. U~i certain
H:lndronicus Rlio dieu , qui étoit apparem-
ment l'i-lardouin de Ton fiecle , avoir auffi
rejeté j comme lu ppofés, les livres de l'In-
terprétation : voilà quels (ont .ces lavans
fur l'autorité desquels on regarde comme
A[30cryphcs les livres d'Arillote. Mais , un
iiayaiir qui vaut iaicux qu'eux tous , &.
AR I
qui eft un juge bien compétent dans cette
matière , c'eft M. Leibnitz ; on voudra
bien me permettre de le leur oppofer.
Vpici comme il parle dans le fécond tome
de fes Epitres , png. 1 1 J , de l'édition
de Leiplîc, 1738; » Il eft temps de re-
" tourner aux erreurs de Nizolius; cet
" homme a prétendu que nous n'avions
" pas aujourdhui les véritables ouvrages
" d'Ariftote : mais je trouve pitoyable
" l'objection qu'il fonde fur les paflàges
" de Ciceron , & elle ne fauroit faire la
" moindre impreffioir fur mt>n eiprit. Eft-
" il bien furprenant qu'un homme accablé
" de (oins , chargé des ail^aires publiques ,
" tel qu'étoit Ciceron , n'ait pas bien com-
" pris le véritable fens de certair.es opi-
" nions d'un philoiophe trcs-lubtil, &;
,, qu'il ait pu le tromper en les parcou-
,, tant très -légèrement? Qiiel eft l'homme
,, qui puille le figurer qu'Ariftote ait ap-
,, pelle Dieu Vnrdeur du Ciel? Si Ton croit
,5 qu'Ariftote a dit uiK pareille abfurdité ,
„ on doit conclure néceflairement qu'il
5, étoit inlênfé : cependant nous voyons
„ par les ouvrages qui nous reftent qu'A-
„ riftote étoit un grand génie ; pourquoi
,, donc veut -on fubftituer par force, &
„ contre toute rail'on , un Ariftote fou ,
,, à l'Ariftote (âge; C'eft un genre de cri-
,, tique bien nouveau Se bien lîngulicr ,
,, que celui de juger de la luppolition des
,, écrits d'un auteur , généralement regarde
,, de tous les grands hommes comnie un
,, génie fupérieur, par quelques abiurdités
,, qui ne s'y trouvent point : en (brte que,
,, pour que les ouvrages d'un philolophe
,, aulli (ubtil que profond , ne pallent point
„ pour (uppoles , il fuidra délormais qu'on
,, y trouve toutes les fautes & toutes je;
,. impertinences qu'on lui aura prêtées , 'o'X
,, par inadvertance , ("oit par malice. Il eft
,, bon d'ailleurs de remarquer que Cicei on
,, a été le feul que nous coimoillons avoir
,, attribué ces fentimens à Ariftote : quant
,, à moi, je (uis très - perfuadé que tous
,, les ou\Tages que nous avons d'Ariftote
,, font conllamment de lui ; i?c , quoique
,, quelques-uns aient été regardés comr.ie
,, (iippolés , ou du moinscomme fufpeétes,
,, par Jean-François Pic , par Pierre ixamus,
„ par Patridus &:parNaudé, je u'cu fuk
A R i
» pas moins convaincu que ces livres font
w vcrirablcmcnt d'Arirtore. Je trouve d.ms
« tous une parfaite liailon , &: une iiar-
»• monic qui les unit : j'y découvre la mtmc
»» hypotliefe toujours bren fuivie , & tou-
» jours bien lt)utcnue : j'y vois enfin In
» même mctiiode , la môme fagacitc i\'
M la même habileté. » Il n'cil: guère iur-
prenant que , dans le nombre de quatorze
ou quinze mille commentateurs qui ont
travaillé lur les ouvr<;ges d'Ariftote , il ne
s'en foit trouvé quelques-uns qui , pour fe
donner un grand air de critique , «S: mon-
trer qu'ils avoient le goût plus hn que les
autres , aient cru devoir regarder comme
(uppofé quelque livre particulier parmi
ceux du philofophe grec: mais que peu-
vent dix ou douze pcricnnes qui auront
ainli penfé , contre plus de quatorze mille ,
dont le fentiment lur les ouvrages d'Aril-
totc eft bien différent î Au refte , aucun
d'eux n'a jamais foutenu qu'ils fuilent tous
luppofés; chacun , lelon Ion caprice (!?c la
fantailie , a adopté les uns , & rejeté les
autres ; preurè bien fenlible que la {cule
fmraifîe a didié leur déciiîon.
A la tête des ouvrages d'Ariftotc , iont
ceux qui roulent lur l'art oratoire & lur
la poétique : il y a apparence que ce lonr
les premiers ouvrages qu'il ait compofés ;
il les dellina à l'éducation du prince qui
lui avoir été confié; on y trouve des choies
excellentes , & on les regarde encore au-
jourd'hui comme des chefs-d'œuvre de goût
&: de philoiophie. Une leClure alTîdue des
ouvrages d'Homcre lui avoir formé le juge-
ment, & donné un goût exquis de la belle
littérature ; jamais perlonne n'a pénétré plus
avant dans le coeur humain ; ni mieux connu
les relforts invifiblcs qui le font mou-
voir : il s'étoit ouvert , par la force de fon
génie , une route fùrejurqu'aux (ources du
vrai beau ; & fi , aujourd'hui , l'on veut dire
quelque chofe de bon fur la rhétorique &
iur hpoéfiçue , on fe voit obligé de le répé-
ter. Nous ne craignons point de dire que
ces deux ouvrages font ceux qui font le
plus d'honneur à ta mémoïic; voyc^-e/i un
jugement plus déraillé aux deux «rricle
qui portent leur nom. Ses traités de morale
Viennent enfuite , l'auteur y garde un ca-
ractère d'honnête homme qui plaie iurim- '
ment : mais par malheur il atléuir au lieu,
d'échauffer ; on ne lui donne qu'une ad*,
mirarion flérile ; on ne revient point à ce
qu'on a lu. La morale ell ieche & infruc-
tucule , quand elle n'offre que des vues gii-
nérales & des propodtions métaphylî-
ques , plus propres à orner refprit & à
•:hargcr la mémoire , qu'à toucher le coruï
:k. à changer la volonté. Tel efl: en géné-
ral l'e!prit qui ngne dans les livres de
morale de ce philoiuphe. "Voici quelques-
uns de les préceptes , avec le tour qu'il
leur donne.
1°. Le bonheur ilc l'homme ne confillc
ni dans lesrichefles, ni dans les honneurs,
ni dans la puiflance , ni dans la nobleffc ,
ni dans les Ipcculations de l.i philofophiej
mais bien plutôt dans les habitutles de l'a-
nie , qui li rendent plus ou moins parfaite.
1°. La vertu eft pleine de charm.es iSc d'at-
traits ; ainfi une vie où les vertus s'en-
cha'nent les unes avec les autres , ne Gu-
roit être que très-heureuie. 5". (Quoique la
vertu le fuffile à ellc-mcTnc , on ne peut
nier cependant qu'elle ne trouve un puil-
lant appui dans la faveur , les richcffci ,
les honneurs , la noblelfe du iang , la beauté
du corps , ^' que toutes ces chofes ne
contribuant à lui faire prendre un plus
grand eiior, & n'augmentent par-là le bon-
heur de l'homme. 4°. Toute vertu le trou-
ve placée dans le milieu entre un aéle
mauvais par excès & entre un ac^:e mau-
vais par défaut : ainfi le courage tient le
milieu entre la crainte & l'audace; la libé-
ralité , entre l'avarice & la prodigaUté ; la
modeffie , entre l'ambition &: le mépris fu-
perbe des honneurs ; la magnificence , en-
tre le frffe trop recherché & l'épargne for-
dide ; la douceur , entre la colère & l'infen-
fibilité ; la popularité , entre la miiantropic
& la baile flatterie , &c. d'où l'on peut con-
clure que le nombre des vices double de
celui des vertus , puilque toute vertu eft
toujours voilme de deux vices qui lui fisnt
contraires. 5°. Il diftingue deux fortes de
juff:ice ; l'une univerfelle , &•: l'autre particu-
lière , la jutcice univerleilc tend à conler'.cr
la lociété civile par le relpeâ: qu'elle infpirc
pour toutes les loix : la juitice particulière ,
qui coniilte à rendre à chacun ce qui lui eft
dû, eft de dïux lortcs; la juffiice diih-ibutivc
Tt 1
340 A R I
Se la commutative : la juftice diftributive
dirpenfe les charges & les récompenfes ,
félon le mérite de chaque citoyen ; & elle
a pour règle la proportion géométrique :
la juliJce commutative , qui confifte dans
un cchr.nge de choies, donne à chr.cun ce
qui lui d\ dii , & gu'de en tout une pro-
portion arithmétique. 6". On fe lie d'ami-
tié avec quelqu'un ou pour le plaiiir qu'on
retire de Ion commerce , ou pour l'utilité
qui en revient, ou pour Ton m:rite fondé
Jhr la vertu ou d'excellentes qualités. La
dernière efl: une amitié parfaite : la bien-
veillance n'eft pas , à proprement parler ,
l'amitié ; mais elle y conduit ; & en quel-
que fcçon elle l'ébauche.
Arillore a beaucoup mieux réuffi dan.s
la logique que dans (a morale. Il y décou-
vre les principales fources de l'art de rai-
lonner ; il perce dans le fond inépuiG.ble
des penfccs de lliomme ; il dénule les pen-
fées , Elit voir la liaifon qu'elles ont en-
rr'elles , les fuit dans leurs écarts & dans
leurs contrariétés , les ramené enfin à un
point fixe. On peut allurer que , h l'on pou-
voit atteindre refpnt , Ariîfote l'auroit at-
teint. N'efl-ce pas une choie admirable ,
que p.ir différentes combinaifons qu'il a
fiiites de toutes les formes que Telprit peut
'prendre en raiionnant , il l'ait tellement
cnchamé par les règles qu'il lui a tracées,
qu'il ne puiflè s'en écarter, qu'il ne railonne
inconléquemment"; Mais la méthode , quoi-
que louée par tous les philofophes , n'eft
point cxemte de défauts. i°. Il s'étend
trop , & par-là il rebute : on pourroit rap-
peller à peu de pages tout fon livre de ca-
fhégories , 5c celui de l'interprétation ; le
fens y eft noyé dans une trop grande abon-
dance de paroles. z°. Il eft obicur & em-
barrallé ; il veut qu'on le devine , 8c que
fon ledrenr produife avec lui fes penféc?.
Quelque habile que l'on foit , on ne peut
guère fe iîjtter de l'avoir totalement enten-
du ; témoin fes analytiques , où tout l'art du
jyllogilme eft enîeigné. Tous les membres
qui compolent fa logique le trouvent di(-
perlés dans les diffijrens articles de ce Dic-
tionnaire i c'eft pourquoi , pour ne pas en-
nuyer le Itâ'eur par une répétition inutile
des mêmts choies, on a jugé à propos de
l'y renvoyer afin qu'il les conlulte.
A R I
PalTbns maintenant à la phyfiquf d'AriC-
totc i & dans l'examen que nous en allons
faire , prenons pour guide le célèbre Louis
Visés , qui a difpofé dans l'ordre le plus
méthodique les différens ouvrages où elle
eft répandue. Il commence d'abord parles
huit_ livres des principes naturels , qui pa-
roillcnt plutôt une compilation de diifércns
mémoires , qu'un ouvrage arrangé fur un
même plaji ; ces huit livres traitent en gé-
néral du corps étendu , ce qui fait l'objet
de la phyiique, &-en particulier des prin-
cipes , (Se de tout ce qui eft lié à ce prin-
cipe , comme le mouvement , le lieu , le
temps, f.'c. Rien n'eft plus embrouillé que
tout ce long détail ; les définitions rendent
moins intellig'bles des choies qui , par elles-
mêmes , auroicnt paru plus claires , plus
évidentes. Ariftote bl'me d'abord les phi-
lofophes qui l'ont précédé , & cela d'ui:e
manière alîez diire ; les uns d'avoir admis
trop les principes, les autres de n'en avoir
admis qu'un fcul : pour lui , il en étabUc
trois , qui font la matière , la forme , la
privation. La matière eft , félon lui , le fujet
général fur lequel la nature travaille; lujer
éternel en même temps , & qui ne cefiera
jamais d'exifter ; c'eft la mère de toutes
choies , qui foupire après le mouvem.ent ,
& qui fouhaite avec ardeur que la forme
vienne s'un.ir à elle. On ne lait pas trop
ce qu'Ariftote a entendu par cette matière
première qu'il définit, ce qui n'efl , ni qui
ni corr.Hen grand , ni quel , ni rien de ce Viir
quoi l'être eji détermine. N'a-t-il parlé ainfi de
la matière que parce qu'il étoir accoutumé
à mettre un certain ordre dans fes penlécs,
&: qu'il commençoir par envifagcr les cho-
ies d'une vue générale , avant de deicen-
dre au particulier ? S'il n'a voulu dire que
cela , c'eft-à-dire, fi , dans Ion eiprit , la ma-
tière première n'avoit d'autre fondement
que cette méthode d'arranger des idées ou
de concevoir les chofes , il n'a rien dit qu'on
lie puilîe lui accorder : mais auiTi cette
matière n'eft plus qu'un être d'imagina-
tion ; une idve purement abftraitc ; cl!e
n'exifte pas plus que la fleur en général ,
que Uhomme en général , 6'c. Ce n'eft
pourtant pas qu'on ne voie des philolo-
phes aiiioiud'luii , qui, tenant d'Ariftocc la
manière de confidércr les choies en gcuti J
A R I
avant que de venir à leurs efpeces , & de
!)a(]èr de leurs cfpcces à leurs individus , ne
buticnnent de (ens froid , & même avec
ur.eeipcce d'opiniârreré , que l'univcrfel eft
dans du'.que cbjec particulier: que la fleur
en générai, par exemple, eft ui.e rv'alitc
vraiment exifc.nte dans chaque jonquille &
dans chaque violette. Il pnroït à d'aiures
que, par matière première , Anllote n'a pas
entendu leultment le corps en général, mais
une pâte uniforme dont tcuc devoit être
conllruic; une cire obéiflante qu'il regardoit
com.m.e le fonds corrmun des corps , commic
le dernier terme où rcvenoit chaque corps
en le détruiiant: c'étoit le magnifique bloc
du Statuaire de la Fontaine :
Un hkc de marbre cicii fi beau ,
Qu'un Rasuaire en fit f emplette :
Qu'en j<.va , dit-il, mon cifenu ?
Stra-t-U dieu , tûilc ou curette ?
Brifez ce d;cu de m.arbre , que vous
refte-t-il en main ': des morceaux de marbre.
Caliez la table ou la cuvette , c'eft encore
du marbre ; c'ell le même fonds par-tout ;
ces chofes ne différent que par une forme
extérieure. Il en eft ce même de tous les
corps; leur malle eft elîtntieliem.ent la nîê-
me; ils ne diilercntquepar la figure, parla
quantité, par le repos , ou parle mouve-
ment, qui font toutes choies accidenteiks.
Cette idée qu'on doit à Ariftote, a paru li
Ipécieu.'e à tous les phiiofophes, tant an-
ciens qre modernes , qu'ils l'ont générale-
ment adoptée : m.ais Cette idée d'une m.a-
tiere généra'e , dans laquelle s'en retournent^
tous les corps en dcrnicre décompoiltion ,
eft démentie par l'expérience : (i elle étoit
vraie , voici ce qu'il en devroit arriver.
Comme le m.ouvemtnt fait fortir de cette
cire un animal , un m.orceau de bois , une
maOe d'or ; le rr.cuvenicnt , en leur ôtsnt
une fonr.e paliagere , devroit les ramener
à leur c;re pr.mcrdi.'le. Emipedccie, Platon ,
Ariflore & les Schobftiques le difent: mais
la cho*e n'arrive point. Le corps erg -nifé
fe dil^Ait tn difterentes maflès de peaux,
depoib, de chairs, d'os, 6< d'autres corps
mélanges. Le corps miî.te le refont en eau ,
tn f ble, en fcl, en terre: mais, avec les
dilIcilviKS les plus fores, avec le feu le plus
A R
34'
vif, vous n'obtiendrez point de ces corps
(impies de ie changer. Le (able refte fable ,
le fer demeure fer , l'or épuré ne change
plus; la terre morte fera toujours terre : 6c
après toutes les épreuves &: tous les tour-
mens imaginables , vous les retrouverez
encore les mêmes. L'expérietice ne va pas
loin : les élémcns font chacun à part des
ouvrages admirables qui ne peuvent chan-
ger , afin que le monde , qui en eft compolé ,
puille recevoir des changemens par leurs
mélanges, & foit cependant durable comme
les principes qui en lont la baie. 1^'^oy. l'art.
Chymie.
Pour la fc)rm.e , qui cfc le (econd prin-
cipe d'Ariftote , il la regarde comm.e une
■ ubftance, un principe a^bif qui conftitue
les corps, i?; aflujetci:, pour ainfi dire, la
matière. Il luit de-là qu'il doit y avoir au-
tant de form.es naturelles qui naiiicnt &
meurent tour-à- tour , qu'il y a de corps
primitifs & élémentaires. Pour la priva-
tion , dit Ariftote , elle n'efl point une
lubrtance; elle eft même, à quelques égards ,
une iorte de néant. En effet , tout corps qui
reçoit une telle form.e, ne doit pas l'avoir
auparavant ; il doit mêm.e en avoir une
qui loit .ablolument contraire. Ainfi les
m.orts fè font des vivans , & les vivans des
morts.
Ces trois principes étant établis, Ariftote
pafle à l'explication des cautes, qu'il traite
d'une manière allez diftinéle , mais prcf-
que fans parler de la première caule qui
eft Dieu. Qiielques- uns ont pris occaiîon ,
tant de la définition qu'il donne de la na-
ture , que du pouvoir illimiié qu'il lui
attribue, de dire qu'il m.éconnoît cette pre-
mière caule: mais nous le juftifierons d'a-
tliéilme dajis la fuite de cet article. Selon
lui , la nature eft un principe efteé?cif , une
cauie pléniere , qui rend tous les corps
où elle ré<idc capables par eux - mêmes de
mouvemer.t & de repos; ce qui ne peut
point fe dire des corps où elle r,e ré/îde
que jar accident , & qui appartier.nent à
l'art : ceux-là n'ont rien que par emprunt,
& fi j'ofe ainfi parler , que de la féconde
m.aiu. Continuons : tous les corp> ayant en
eux cette force , qui dans un fens ne peut
être anéantie , & cette tendance an mou-
vement qui eft toujours cg.-la , fw:" des
3i.r A R. I
f ubltanres véritablement dignes âc ce nom :
1,1 nuiirc par conféque;ic ell up. sutie prin-
cipe d'Anftote ; c'eil elle qui produit les
formes , ou plutôt qui fe divife & fubdivife
en une infinité de formes , fiiivant que les
bcfoins de la matière le dcmanJenr. Ceci
mérite une atrention particulière , £■: cîoni-.e
lieu à ce philo(opiie d'expliquer tous les
cîiangcmens qui arri\'enr iux corps. Il n'y
en a aucun qui ibit parfaitement en repos,
parce qu'il n'y en a aucun qui ne fade effort
pour fe mouvoir. ïl conclut de - 1\ que la
nature infpire je ne fais quelle nécefTité à la
matière. ESeclivement , il ne dépend point
d'elle de recevoir telle ou telle forme ; elle
cfl: afiuiettie à recevoir toutes celles qui fe
prcfenrent , & qui fe fuccedent dans un cer-
rain ordre , Se dans une certaine proportion.
C'efl-li cette fameule entéléchie qui a
tant cmbarrallé les commentateurs , & qui
a fait dire tant d'extravagances aux Icho-
lafliques.
Après avoir expliqué quelle eft la caufe
cfÏ!cien:e , quel ell le principe de toute la
iforce qui fe trouve répandue dans l'uni-
vers , Ariftote entre plus avant dans Ca
matière , & tâche de développer ce que
c'cft que le mouvement. Oi\ voit bien
qu'il fait là de grands efforts de génie :
mais fes efforts aboutillent à une définition
très - obfcure , & devenue même fameufc
par Ton obfcurité. Plus Ariitorc s'avance ,
plus il cmbrafie de terrain : le fini &
I infini , le vuidc & les atomes , l'cfpace Se
le temps , le lieu & les corps qui y font
contenus ; tour le préfente devant fes yeux :
ii ne confond rien , une propofinon le mené
à l'autre ; &c quoique ce foit d'une façon
rrès-r.:pide , on y fent toujours une (brte de
liaifon.
La doétrinc qui eft compri'.e dans les
deux li\Tes de la génération , tient nécef-
lairement A ce que nous avons déjà déve-
loppé de fes principes. Avant Socrate , on
croyoit que nul erre ne périlloit, & qu'il
ne s'en rcproduifoit aucun; que tousles
changemc'.i^ qui arrivent aux corps, ne lont
que de nouveaux arrangemens , qu'une
diftributlon différente des parties de ma-
tière , qui conapofent ces mêmes corps ; on
n'admcttoir dans l'univers que des accroif-
icmens & des diminutions , des réunioui
A R r
&: des di-nnons, des mélanges & des le-
parations. Arifrote rejeta toutes ces idées ,
quoique fîmples , & par - là allez vraifem-
blables ; & il établit une généralité & une
corruption proprement dites. Il reconnut
qu'il le formoit de nouveaux êtres dans le
fein de la nature , & que ces êtres périf-
foient à leur tour. Deux chofes le condui-
fîrent à cette pcnfée : l'une qu'il s'imagina
que dans tous les corps le fujet ou la ma-
tière eft quelque choie d'égal & de conf-
tant ; & que ces corps comme nous l'avons
déjà obfervé, ne différent que par la forme,
qu'il regardoit comme leur ellence : l'au-
tre , qu'il prétendoit que les contraires
naillent tous de leurs contraires, comme le'
blanc du noir; d'où il luit que la forme
du blanc doit être anéantie avant que celle
du noir s'établifle. Pour achever d'éclaircir
ce fyllême , j'y ajouterai encore deux re-
marques. La première , c'eft que la géné-
ration & la corruption n'ont aucun rap-
port avec les autres modifications des
corps, comme l'accroillement &: ledécroif-
femenr , la tranfparence , la dureté , la liqui-
dité, f-'c. dans toutes ces modifications, la
première forme ne s'éteint point , quoi-
qu'elle puille fe diverfifier à 1 infini. L'autre
remarque fuit de celle-là; comme tout le
jeu de la nature confif^e dans la généra-
tion £<: dans la corruption , il n'y a que
les corps lîmples & primitifs qui y foient
iujets ; eux ieuls reçoivent de nouvelles
formes , & pafltnt par des métamorphofes
fans nombre : tous Içs autres corps ne font
que des mélanges , & pour ainli dire des
entrelacemens de ces premiers. Qiioique
rien ne foit plus chimérique que ce coté
du lyflérac d'Arifcote , c'eft cependant ce
qui a le plus frappé les Scholaftiques , & ce
qui a do:mé lieu à leurs exprefïions barba-
res & inintelligibles : de-là ont pris naillàn-
ce les formes ihbflantielles , les entités, les
modalités, les intentions réflexes, f-v. tous
ces termes qui, ne réveilhnt aucune idée,
perpétuent vahiem.ent les difputes & l'envie
de difputer.
Ariffote ne fe renferme p.as dans une
théorie générale: mais il delcend à un très-
grand nombre d'explications de phyfique
particulière : & l'on peut dire qu'il s'y mé-
uage , qu'il s'y oblerve plus que d.uas tout
A R I
le rcfte ; qu'il ne donne point tout l'cffôr
j. l'on imagination. Dans les quatre livres
iur les météores , il a , félon la réflexion
judicieufe du pcre Rapin , plus cclairci
j'ertets de la nature que tous les philofo-
phes modernes joints enlemble. Cette
aix)ndance lui doit tenir lieu de quelque
mérite , Ik certainement d'excufe. En etfet ,
.au travers de toutes les erreurs qui lui
font échappées faute d'expérience , iIJc de
-quelques-uiy;s des découvertes que !e lia-
Jard a préfentées aux modernes , on s'appcr-
^oit qu'il liiit allez le fil de la natur-e , «I^
^u'il devine des chofes qui certainement
lui dévoient être inconnues. Par exemple ,
il détaille avec beaucoup d'adiefle tout ce .
<jui regarde les météores aqueux , x:omrae ;
1.1 pluie , la neige , la grêle , la rofce , &c.
il donne une explication trcs-ingénieufê de
î'arc-en-ciel , & qui au fond ne s'éloigne
.pas ttcp de eelle tk Delcartes ; il définit
le vent un courant d'air , & il htit voit que
la direction ciéptnd d'une infinité de cauies
:étrangercs Se peu connues , ce qui empè-
jclie , dit - il , d'en donner im lyitême
.général.
On peut rapporter à la pliyiique parri-
>culicre ce que ce philolophe a publié iur
l'hiftoire des animaux. Voici le jugem.ent
.-avantageux qu'en a porté M. de Bufton dans
Ion premier dilcours de lliilloire naturelle :
-» L'hiftoire des animaux d'Ariftoteeft peut-
■» être encore aujourd'hui ce que nous avons
-'• de mieux iait en ce genre ; & il leroit
•" à defirer qu'il nous eut laifié quelque
•" choie d'aulli complet fur les végétaux &
" Iur les minéraux : mais les deux livres
•'» de plantesqve quelques-uns luiatrribuenr,
" ne reilemblent -point à cet oin'-rage ,
» & ne lont pas .en etîet de lui. f'^oye:^ le
" commemaire de Scaliger. Il eft vrai que la
'> botanique n'étoit pas fort en Ix^iuieur
» de loïî temps : les Grecs Se les Romains
." même ne la regardoient p.-s comm.e une
j> fciencequi dut,exirter par elle-même , &
» qui dut faire im objet à part ; ils ne la
o' confidéroient que .jelatn'em.ent à l'agri-
« culture , au jardinage , à la.médeciiie <?c
•» aux arts; &c quoique Théophr.tfte , dif-
« ciple d'Arvftùtc , connut plus de cinq
•" cents genres de plantes , & que Pline en
»> £Jte plus de mille : ils n'en parlent que
ARÏ 34î
» pour nous en apprendre la culture , ou
" pour nous dire que les unes ent.ic;it dans
la compofition des drogues ; que les
autres font d'ufage pour les arts \ que
d'autres lervait à orner nos jardins , ùc.
en un mot , ils ne les conlidercnt que
par l'utilité qu'on en peut tirer , «ïc ils
ne Çt font pas arrachés à les décrire exac-
tement. >>
" L'hiftoire des animaux leur étoit mieux
connue que celle des pLuites. Ale;;andre
donna des oi-dres & ht des déptnies
très - conlidérables pour rallemblcr des
animaux , & en faire venir de tous les
pays , i\. il mit Ariftote en érat de les
bien obferver. ilparoit , par ion ouvrage ,
qu'il les connoiflbit peut - être mieux ,
& fous des vues plus générales , qu'où
ne les connoit aujourd'hui. Enfin , quoi-
que les modernes aient ajouté leurs décour-
vertes à celles des anciens , je ne xoh
pas que nous ayons Iur l'iiiftoire naturelle
beaucoup d'ouvrages modernes qu'on
puilîe mettre au dcflus de ceux d'A.riftote
& de Pline ; mais , comme la prévention
naturelle qu'on a poiu' Ion (tecle pourroit
perfuader que ce que je viens de dire eft
avancé témérairement , je vais fiire en
peu di- mots l'expofition du plan de
l'ouvrage d'AriÛote. "
■" Ariftote commence fon liiftoire des
animaux par établir des différences &:
des reflemblances générales entre les dif-
férais genres d'animaux , au lieu de les
divifer par de petits caractères particu-
liers , comme l'ont fait les modernes. Il
rapporte liiftoriquement tous les fiits &
toutes les obfervations qui portent fur
des rapports généraux , & fur des carac-
tères leniibles. Il tire ces caractères de
la forme , de la couleur , de la grandeur,
cv de toutes les qualités extérieures de
lanimJ enitierj aulTî du nombre &: de
la poiition de fes parties , de la grandeur ,
du mouN'cment , de la forme de les
membres , des rapports femblables ou
ditférens qui le trouvent dans ces mêmes
parties comparées ; .& il donne par-
tout des exemples pom^ fe 'fiire mieux
entendre. Il confidere auiÏÏ les différences
des animaux paT leur façon de vivre ,
leurs aâionSj leurs maursj, leurs i^>
3 44 A R I
» cations , C'c. il parle des parties qui (ont
» communes & eilcnnelles aux animaux ,
" & de celles qui peuvent manquer , &
» qui manquent en effet à plufieurs efpe-
" ces d'animaux. Le fens du toucher , dit-
" il , eft la feule cliofe qu'on doive re-
" garder comme nécellaire , & qui ne doit
'> manquer à aucun animal : & comme
>' ce fens eft commun à tous les animaux ,
" il n'eft pas pollible de donner un nom
" à la partie de leur corps , dans laquelle
» réllde la faculté de fcntir. Les parties
" les plus efïèntielles font celles par lef-
" quelles l'animal prend Ta nourriture ,
" celles qui reçoivent & digèrent cette
" nourriture , & celles par où il rend le fu-
" perflu. Il examine enfuite les variétés de
» la génération des animaux , celles de
" leurs membres , & des différentes parties
" qui fervent à leurs fondions naturelles.
" Ces observations générales & prélimi-
" naires font un tableau dont toutes les par-
» fies font intérellantes : & ce grand philo-
" fophe dit aulîî qu'il les a préfentées
"fous cet afped: , pour donner un avant-
" goût de ce qui doit fuivre & faire naître
" l'attention qu'exige l'hiftoire particulière
" de chaque animal , ou plutôt de chaque
» chofe. "
" Il commence par l'homme , & il le
" décrit le premier , plutôt parce qu'il eft
" l'animal le mieux connu , que parce qu'il
» eft le plus parfait; & pour rendre fa def-
» cription moins feche & plus piquante ,
" il tâche de tirer des connoillances mo-
» raies en parcourant les rapports phyfi-
" ques du corps humain , & il indique les
" caractères des hommes par les traits de
" leur vifage. Se bien connoître en phy-
" fionomie , feroit en effet une fcienee bien
" utile à celui qui l'auroit acquile : mais
" peut - on la tirer de l'hiftoire natu-
» relie ? Il décrit donc l'homme par toutes
" les parties extérieures & intérieures ; &
" cette defcription eft la feule qui foit cn-
" tiere : au lieu de décrire chaque animal
" en particulier , il les fait connoître tous ,
" par les rapports que toutes les parties
» de leur corps ont avec celles du corps
» de l'homme. Lorfqu'il décrit , par exem-
» pie , la tête humaine , il compare avec
•' elle la têce de toutes les clpeces d'aiii- i
A R I
» maux. Il en eft de même de toutes le*
" autres parties. A la defcription du pou-
" mon de l'homme , il rapporte hiftori-
" quement tout ce qu'on fivoit des pou-
" mons des animaux : & il fiic l'hiftoire
" de ceux qui en manquent. A l'occafio»
" des parties de la génération , il rapporte
" toutes les variétés des animaux dans la
" manière de s'accoupler , d'engendrer , de
" porter & d'accoucher. A l'occafion du
" fang , il fait l'hiftoire des animaux qui
" en font privés ; & iuivant ainii ce plan
" de comparaifon dans lequel , comme l'on
" voit , l'homme fert de modèle , oc ne don-
" nant que les différences qu'il y a des
" animaux à l'homme , & de chaque par-
" tie des animaux , à ch.ique partie de
" l'homme , il retranche à deflein toute def-
" cription particulière ; il évite par-là toute
" répétition ; il accumule^ les faits , & il
" n'écrit pas un mot qui foit inutile : auflî
» a-t-il compris dans un petit volume un
" nombre infini de différens faits ; & je
" ne crois pas qu'il foit polTible de réduire
" à de moindres termes tout ce qu'il
" avoit à dire fur cette matière , qui pa-
" roît fî peu fufceptible de cette préci-
" fïon , qu'il falloit un génie comme le
„ fîen pour y conferver en même temps
„ de l'ordre & de la netteté. Cet ouvrage
„ d'Ariftote s'efl préfenté à mes yeux ,
„ comme une table de matières qu'on
,, auroit extraites avec le plus grand loin
„ de plufieurs milliers de volumes rem-
„ plis de defcriptions & d'obfervations de
,, toute efpece : c'ef^ l'abrégé le plus lavant
„ qui ait jamais été fait , fî la Icience efl
„ en effet l'hiftoire des faits ; ôc quand
„ même on fuppoferoit qu'Ariftote auroic
„ tiré de tous les livres de fon temps ce
,, qu'il a mis dans le fien , le plan de l'ou-
,, vrage , fa diftribution , le choix des
„ exemples, la juftefîe des comparaiions ,
„ une certaine tournure dans les idées ,
,, que j'appellerois volontiers le caraclere
„ philofophiquc , ne laiflent pas douter un
„ inftant qu'il ne fut lui-même beaucoup
,, plus riche que ceux dont il auroit em-
„ prunté. „
Voici de nouveaux dogmes. Nous avons
vu que la matière qui compote tous les
corps eft foncièrement la même , félon
Ariftotc ,
A R I
Ariftote , Se qu'elle ne doit toutes les form«
qu'elle prend (ucceirivement , qu'à la diffé-
rente combinaifon de les parties. Il s'cfl: con-
tenté d'en tirer quatre élémens , le feu , l'air ,
l'eau & la terre , quoiqu'il lui fàz libre d'en
tirer bien davantage. 11 a cm apparemment
qu'ils faffifoient pour former ce que nous
voyons. La beauté des cieux lui fit pourtant
foupçonner qu'ils pouvoicnt bien être com-
poiés de quelque choie de plus beau. Il en
forma une quintellence pour en conftruire
les cieux : c'eft de tout temps que les philo-
lophcs font en polTelllon de croire que quand
ils ont inventé un nouveau mot, ils ont dé-
couvert une nouvelle choie , & que ce qu'ils
arrangent nettement dans leur pcnfee , doit
tout de fuite le trouver tel dans la nature;
m.ais ni l'autorité d*Ariftore& des autres phi-
lolbphes , ni la netteté de leurs idées , ni la
prétendue évidence de leurs raiionnemens ,
ne nous garantiflent rien de réel. La nature
peut être toute différente. Qiioi qu'il en foit
de cette réflexion , Ariftote croyoit qu'il n'y
avoit dans cet univers que cinq efpeces de
corps : les premiers , qui font la matière qui
forme tous les corps céleftes , fc meuvent
circulairement ; & les quatre autres , dont
font compofcs tous les corpsfublunaires , ont
un mouvement en ligne droite. La cinquième
eflence n'a ni légèreté , ni peianteur ; elle
eft incorruptible 5: étemelle ; elle fuit tou-
jours un mouvement égal & uniforme : au
lieu que des (uuître élémens les deux premiers
font pefari:: , & les deux autres légers. Les
dci.x prem-ers defcendcnt en bas , tk font
pouffes veis le centre ; les deux autres ten-
dent en iiaut , Se vont fe r.^ncer à la circon-
férence. Quoique leurs places ("oient ainfi
précifes & m.uquécsdcJroit , ils peuvent ce-
pendant en changer , & en changent cffedli-
vement;cequivientdel*extrèmef.cilit5qu'i!s
ont de fe transformer les uns dans les autres,
& de fè communiquer leurs mouvemens.
Cela fuppofé , Anftoti; r-lfurc que tout
l'univers n'eft point ég-.lement gouverné par
Dieu , quo-qu'i! 'oit la caufe générale de
tout. Les corps céleftes , ce qui eft compofé
de la cinquième effcnce , méritent Tes (oins
& fon attention : mais il iie fe mêle point
de ce qui eft au defibus de la lune , de ce
qui a rapport au>x quatre élémens. ^oute la
terre échappe j. fa providence. Ariftote , dit
Diogene Lacrce , croyoit que la puilïance
Tome IIL
divine régloit les chofes céleftes , & que
celles de la terre (e gouvernoient par une
efpece de fympathie avec le ciel. En fuivanr
le même raifonnement , on prouve d'après
Ariftote que l'ame eft morcelle. En effet ,
Dieu n'étant point témoin de fa conduite ,
ne peut ni la punir , ni la récompenfer ; s'il
le faifoit , ce ferait par caprice Se fans aucune
connoiflance. D'ailleurs Dieu ne veut point
le mêler des adtions des hommes ; s'il s'en
mêloit , il les prévoiroit ; l'homme ne (croit
point libre ; lî l'homme n'étoit point libre ,
tout feroit bien arrangé fur la terre. Or tout
ce qui fe fait ici-bas eft plein de chaiigemen?
ôc de variations , de déiaftres & de maux ;
donc l'homme fe détermine par lui-même ,
& Dieu n'a aucun pouvoir fur lui. Un autre
railon qui f\ifoit nier à Ariftote l'immorta-
lité de l'ame , c'cft l'opinion où il étoit avec
tous les autres philofophes , que notre amc
étoit une portion de la divinité dont elle
avoit été détachée ; &c qu'après un certaii»
nombre de révolutions dans différens corps ,
elle alloit s'y rejoijidre &c s'y abymer , ainfi
qu'une goutte d'eau va (è réunir à l'Océan,
quand le vale qui la contenoit vient à le
brifer. Cette éternité qu'ils attribuoient à
l'ame , étoit précifément ce qui détruilbit
fon im.mortalité. V. l'artick Amé , où nous
avons développé plus au long cette idée des
anciens philofophes grecs.
Les fauftès idées qu'Ariftote s'étoit fiiites
fur le mouvement , l'avoient conduit à croire
l'éternité du monde. Le mouvement , di-
loit-il , doit être éternel , ainfi le ciel ou lé
monde dans lequel eft le mouvement , doit
être éternel. En voici la preuve. S'il y a
eu un premier mouvement , comme tout
mouvement fuppofe un mobile , il faut
abfolu ment que ce mobile foit engendré ou
éternel , m:ns pourtant en repos , à caufe de
quelque empêchement. Or de quelque façon
que cela (oit , il s'enfuit une abfurdité ; car
(\ ce premier mobile eft engendré , il l'eft
donc par le mouvement , lequel par confé-
qucnt fera antérieur au premier , & s'il a été
en repos éternellement , l'obftacle n'a pu être
ôté lanslemouvement , lequel derechef aura
été antérieur au premier. A cette raifon
Ariftote en ajoute plu fieurs autres pour prou-
\ er l'éternité du monde. Il foutenoit que
Dieu & la nature ne feroient pas toujours ce
qu'il y a de meilleur, fi l'univers n'étoit cter-
54^ A !l I
ncl , pruC]uc Dieu ayant jw^éde tont temps
que l'arrangement du monde étoit un bleu ,
il auroit difeé de le produire pendant route
l'éternité antérieure. Voici encore un de fes
argumens fur le même fujet: ii le monde a
été créé , il peut être détruit ; car toute ce qui
a eu un commencement doit avoir une hn.
Le monde eft incorruptible & inaltérable ;
donc il eft éternel. Voici la preuve que le
monde eft incorruptible : fi le monde peut
être détruit , ce doit être naturellement par
celui qui'l'a créé : mais il n'en a point le
pouvoir i ce qu'Ariftote prouve ainfi. Si l'on
îuppofe que Dieu a la puiflraice de détruire
le monde , il faut lavoir alors (î le monde
ctoit parfait : s'il ne l'étoit pas , Dieu n'avoit
pu le créer , puiiqu'une caufe parfaite ne
peut rien produire d'imparfait, ëc qu'il fau-
' droit pour cela que Dieu fût défectueux ; ce
qui eft abfurde : fi le monde au contraire eft
Ëarfiiit, Dieu ne peut le détruire, parce que
L méchanceté eft contraire à Ion efience ,
&: que c'eftle propre de celle d'un être mau-
Tais de vouloir- nuire aux bonnes chofes.
On peut juger maintenant de la dodtrine
d'Ariftote fur la divinité ; c'eft à tort que
quelques-uns l'ont accufé d'athéifme , pour
avoir cru le monde éternel : car autrement
51 faudroit faire le même reproche à prefque
tous les anciens philofbphes , qui étoient
infectés de la même erreur. Ariftote étoit fi
éloigné de l'athéilme , qu'il nous repréfente
Dieu comme une être intelligent & imma-
tériel ; le premier moteur de routes chofes ,
qui ne peut être mu lui-même. Il décide
même en termes formels, que fi dans l'uni-
vers il n'y avoir que de la matière , le
monde fe trouveroir (ans caufe première &
eriginale ; & que par conféquenr il faudroit
admettre un progrès de caufes h l'infini ; ab-
furdité qu'il réfute lui-même. Si l'on me de-
mande ce que je penie de la création d'A-
xiftote, je répondrai qu'il en a admis une ,
même par rapport à la matière, qu'il croyoit
avoir été produite. Il différoit de Platon fon
maître , en ce qu'il croyoit le monde une
émanation naturelle & impétueufe de la di-
vinité , à-peu-prcs comme la lumière eft une
émanation du foleil : au lieu que , félon Pla-
ton , le monde étoit une émanation éter-
nelle & néceftaire , mais volontaire 8: réflé-
chie d'une caufe toute fitge & toute pail-
lante. l.'uue & rauiie ctéatiep^, cu£iwc on
A R I
voir , emporte avec foi l'éternité du monde ,
& eft bien différente de celle de Moyi'e , où
Dieu eft C\ libre par rapport à la production
du monde , qu'il auroit pu le laiflèr éter-
nellement dans le néant.
Mais fî Ariftote n'eft pas athée en ce fens
qu'il attaque direétement & comme de front
la divinité , & qu'il n'en reconnoille point
d'autre que cet univers , on peut dire qu'il
l'eft dans un fens plus étendu , parce que les
idées qu'il fe formée de la divinité , tendent
indirecT:cment à la renvcrfer & à la détruire.
En eftet Ariftote nous reprélente Dieu com-
me le premier motcf.r de toutes chofes : mais
il veut en même temps que le mouvement
que Dieu imprime à la matière , ne foit pas
l'efrct de fa volonté , mais qu'il coule de la
ntcefllté de fa nature; do6trine monftrueule
qui ôte à Dieu la liberté , ôc au monde fa.
dépendance par rapport à fou créateur.
Car li Dieu eft lié & enchaîné dans fes
opérations , il ne peut donc faire que ce
qu'il fait, & de la m.anicre dont il le fait ;
le monde efl: donc auffi éternel Se auifi né-
ceflaire que lui. D'un autre coté , le Dieu
d'Ariftote ne peut être immenfe ni préfenc
par-tout , parce qu'il eft comme cloué au
cielie plus élevé , oià commence le mouve-
ment , pour fe communiquer ded.i aux
cieux inférieurs. Àbyme de toute éternité
dans la contemplation de fes divines per-
fections, il ne daigne pas s'informer de ce
qui (e pafTe dans l'univers , il le laide rou-
ler au gré du hazard. Il ne penle pas même
aux autres intelligences qui font occupées ,
comme lui , à taire tourner les fpheres aux-
quelles elles fe iont attachées. Il eft dans
l'univers ce qu'un premier mobile eft dans
une m.ichine ; il donne le mouvement à
tout , (Se il le donne nécellairement. Un
Dieu i\ éloigné des hommes , ne peut être
honoré par leurs prières , ni appaifé par
leurs fàcrifices , ni punir le vice , ni récom-
penfer la vertu. De quoi ferviroit-il aiiT
hommes d'honorer un Dieu qui ne les con-
noit pas , qui ne fait pas même s'ils exiftent ,
dont la providence eft bornée à faire mou-
voir le premier ciel où il eft attaché î II en
eft de même des autres intelligences , qui
contribuent aux mouvemens de l'univci^s ,
ainii que les différentes parties d'une machi-
ne , où plufieiu^s reiforts font fubordonnéi
à US prey)icj: qui leur imprime ce mouvc*
A R I
nient. Ajoutez à cela qu'il croyoît nos amcs
morcelles, & qu'il rejetoir le dogme des
peines Se des rcconipenlcs éternelles ; ce qui
éroit une fuite , comme nous l'avons ci-del-
fusobfervé, de l'opinion monftrueufe qui
foiloic de nos âmes autant de portions de
la divinité. Jugez après cela (î Ariftote pou-
voir être fort dévot envers les dieux. N'ell-
il pas pl.tilant de voir que même dans les
plus beaux lîecles de l'églife , il y ait eu des
hommes allez prévenus , & non moins im-
pies qu'infenlés , les uns pour élever les
livres d'Ariftote à la dignité du texte divin ,
les autres pour faire un regird de ion por-
trait & de celui de J. C ; Dans les ficelés
fui vans & même depuis la nailHince des let-
tres en Italie , oji n'a point hélité à mettre
ce philoiophe au nombre des bienheureux.
Nous avons deux ouvrages exprès fur
cette matière , l'un attribué aux théologiens
de Cologne , &^ intitulé. Du fr.lut d'AriJhte :
l'autre compoié p.ir Lambert Dumont ,
profclleur en philolophie , & publié lous
ce titre: Ce qu'on peut avancer de plus proba-
ble touchant le falut d'Arijlote , tant par des
preuves tirées de l'écriture fainte , que par des
témoignages empruntés de la plus faine partie
des théologiens : tandis qu'il eft conllant par
l'expolltion de ion iyftëme , qu'il n'a point
eu d'idée laine de la divinité , Se qu'il n'a
nullement connu la nature de l'ame , ni fon
immortalité , ni la hn pour laquelle elle ell
née. On iuppoie dans ces deux ouvrages
comme un principe clair & évident, qu'il a
eu une connoiflànce anticipée de tous les
mylteres du chriibanilme , qu'il a été rem-
pli d'une force naturelle. A combien d'excès
l'envie opiniâtre de chriftianifer les anciens
philofophes , n'a-t-elle point donné naiflan-
ce ? Ceux qui auroient l'efprit tourné de ce
coté-là , ne feroient pas mal délire l'excellent
traité de J. B. Criipus , Italien , qui florlflbit
au commencement du xvj^ fiecle. Ce traité
eft plein d'une critique fine & délicate , &
ou le difcernement de l'auteur brille à cha-
que page : il eft intitulé , Des précautions qu'il
faut prendre en étudiant les philofophes païens.
Si Ariftote a eu des temples, il s'eft trouvé
bien des infidèles qui fe font moqués de la
divinité : les uns l'ont regardé comme le
génie de la nature , Ôc prefque comme un
dieu : mais les autres ont daigné a. peine lui
donner le tiae de phylicien. Ni ks pojié-
A R I 347
gyrifics , ni les critiques , n'en ont parlé
comme ils dévoient , les premiers ayant
trop exagéré le mérite de ce philoiophe, &
les autres l'ayant blâmé fans aucun ména-
gement. Le mépris qu'on a eu pour lui dans
ces derniers lîecles , vient de ce qu'au lieu
des originaux , que perfonne ne lifoit , parce
qu'ils étoient en grec , on confultoit les
commentateurs arabes & fcholaftiques , en-
tre les miins dclqucls on ne peut douterqiie
ce philoiophe n'ait beaucoup perdu de fes
traits. En eflet ils lui ont prêté les idées les
plus monftrucufes , & lui ont fait parler uij
langage ininrelligrble. Mais quelques torts
que lui aieht fait tous ces écarts & routes ces
chimères , .lu fond il n'en eft point relpon-
lable. Un m..utre doit-il fouftrir de l'extrava-
gance de les difciples î Ceux qui ont lu fes
ouvrages dans l'original, lui ont rendu plu*
de juflice. Ils ont admiré en lui (m efprit éle-
vé , des connoillances variées , approfondies.,
& des vues générales ; & lî lur la phyfique il
n'a pas poulie les recherches aulïî loin qu'cfii
l'a fait aujourd'hui , c'eft que cette Icience
ne peut le perfedbionner que par le lècour»
des expériences, ce qui dépend, comme
l'on voit , du temps. J'avouerai cependant
d'après le fameux chancelier Bacon, que le
défaut ell'entiel de la philofophie d'Ariftote ,
c'eft qu'elle accoutume peu à peu à fe paf-
fèr de l'évidence , & à mettre les mots à la
place des choies. On peut lui reprocher en-
core cette obfcurité qu'il aftedle par-tout, &
dont il enveloppe fes matières. Je ne puis
mieux finir, ni faire connoîtrece qu'on doit
penfer du mérite d'Ariftote, qu'en rappor-
tant ici l'ingénieux parallèle que le P. Rapiii
en fait avec Platon, qu'on a toujours regar-
dé comme un des plus grands philoiophes.-
Voici à - peu - près comme il s'explique : les
qualités de l'efprit étoient extraordinaires
dans l'un & dans l'autre : ils avoient le génie
élevé & propre aux grandes chofes. Ileftvrat
que l'efprit de Platon eft plus poli ; & celui
d'Ariftote eft plus vafte & plusprofonJ. Pla-
ton a l'imagination vive , abondante , fertile
en inventions , en idées , en expreiïîons, en
figures , donnant mille tours dift'érens , mille
couleurs nouvelles , & toutes agréables à
chaque choie. Mais , après tout , ce n'eft
touvent que l'imagination. Ariftote eft dur
& kc en tout ce qu'il dit ; mais ce font des
uifons que ce qu'il dit , quoiqu'il le dife fc-
* Tt i
34» A R î
chcment : fa didiion toute pure (qu'elle cfl
a je ue lais quoi d^auftere ; ftsoblcurités na-
turelles ou afledées , dégoûtent & fatiguent
les ledleurs. Platon eft délicat dans tout ce
qu'il penfe , & dans tour ce qu'il dit : Arit-
tote ne i'tft point du tout , pour être plus
naturel ; fou ftyle eft fimple &: uni , mais
ferré 8c nerveux. Celui de Platon eft grand
&c élevé , mais lâche & diftus : celui-ci dit
tçujours plus qu'il n'en faut dire ; celui - là
n'en dit jamais allez , & laifle à penfer tou-
jours plus qu'il n'en dit : l'un furprend l'ef-
prit, éc l'éblouit par un caradVere éclatant &
ileuri: l'autre l'éclairé Ik l'inftruit par une
jnéthode jurte & folide: &c comme lesrai-
dbnnemens de celui-ci font plus droits Se
plus (impies , les railonnemens de l'autre
dont plus ingénieux & plus embarraflcs. Pla-
ton donne de l'efprit par la fécondité du fien ,
ilk Ariftote donne du jugement & de la rai-
ion par l'imprelTion du bon fens qui paroît
dans tout ce qu'il dit. Enfin Platon ne penfe
îe plus louvent qu'à bien dire , Se Ariftote
ne penfe qu'à bien penfer , à creufer les
.tnatieres , à en rechercher les principes , &
<Ics principes tirer des conicquences infailli-
bles ; au lieu que Platon , en fe donnant
plus de liberté , embellit fon difcours &
plaît davantage ; mais par la trop grande
envie qu'il a de plaire , il le laillè trop em-
porter à fbn éloquence ; il eft figuré en tout
ce qu'il dit. Ariftote fe poflede toujours : il
appelle les chofes tout limplement par leur
nom : comme il ne s'élève point , & qu'il
ne s'égare jamais , il eft aum moins lujet à
tomber dans l'erreur que Platon , qui y fait
-tomber tous ceux qui s'attachent à lui: car
il féduit par fa manière d'inftruire qui eft
trop agréable. Mais quoique Platon ait ex-
cellé dans toutes les parties de l'éloquence ,
qu'il ait été un orateur parfait au fentiment
de Lorigin, &c qu' Ariftote ne foit nullement
bloquent , ce dernier donne pour l'ordinaire
du fonds & du corps au difcours, pendant que
l'autre n'y donne que la couleur & la grâce.
Lorfque les injuftes perfccutions des prê-
tres de Cérès contraignirent Ariftote de fe
retirer à Chalcis , il nomma Théophrafte
pour fon fuccefleur, Se lui légua tous fes
Hianufcrits. Ce philofophe jouit toute la vie
d'une trcs-grandc réputation : on comparoit
la' douceur de Con éloquence à colle du vin
de Lesbos , qui cioit la patrk. Ne douji ^
A R I
obligeant , il parloit avanrageufcment ^c
tout le monde , & les gens de lettres, fur-
tout , trouvoient dans fa générolîté uji ap-
pui aulTi fur que prévenant. Il favoit faire
valoir leur mérite lors même qu'ils l'ou-
blioient , ou plutôt qu'ils fembloient l'igno-
rer par un excès de modeftie. Pendant que
Théophrafte fe diftinguoit ainlî à Athènes ,
Sophocle fils d'Amphldide porta une loi ,
par laquelle il étoit défendu à tous les phi-
lofophes d'enieigner publiquement fans une
permiffion expreffe du fénat & du peuple.
La peine de mort étoit même décernée con-
tre tous ceux qui n'obéiroient point à ce rè-
glement. Les philofophes indignés d'un pro-
cédé fi violent , fe retirèrent tous à Athènes ,
& laillerent le champ libre à leurs rivaux &
à leurs ennemis , je veux dire aux rhéteurs
& aux autres favans d'imagination. Tandis
que ces derniers jouilTbienr de leur triom-
phe , un certain Philon qui avoit été anri
d'Ariftote , & qui faifoit profellion d'ignorer
les beaux arts , compolà une apologie en
faveur des philofophes retirés. Cette apolo-
gie fut attaquée par Démocharès , homme
accrédité, & fils d'une fœur deDémoftliene.
L'amere critique n'étoit point épargnée dans
fa réfutation, & il failoit lur-toutun portrait
odieux de tous les philofophes qui vivoienc
alors , ôc d'autant plus odieux , qu'il étoit
moins reflemblant. Ce qu'il croyoit devoir
fervir à la caufe, la gâta, & la perdit fans ref-
fource : le peuple revenu de fa première cha-
leur, abolit l'indécente loi de Sophocle^ &
le condamna lui-même à une amende de
cinq talens. Les jours tranquilles revinrent
à Athènes , ôc avec eux la raiion j les philo-
fophes recommencèrent leurs exercices.
Le Lycée perdit beaucoup par la mort de
Théophrafte : mais quoique déchu de fon
ancienne Iplendeur , on continua toujours
d'y enfeigner. Les pro;vl1eurs furent Démé-
trius de Phalere , Straô^n lurno:nmé/e Pky-
Jlcien , LycîMi , Arifton de l'île de Cea ,
Critolaiis, & ]>;n.1orc qui vécut fur la fin
de la \Cc^ olympiade. Mais de tous ces pro-
feOeurs , il n'y eut que Straron qui donna
quelque choie de nou\'eau, & qiii attira fur
lui les regards des autres phîloîbphes ; car
pour ceux que je viens de nommer , on lus
fait d'eux que leur nom , l'ép^. que iu leur
n.iifl:mce , celle de leur mort , &: quW oitc
Clé da;is k Lycée les fucceljeurï d'Arill.ote.
.1'
AR I
Straton ne fc piqu.i point de fuivre h pur
péripatcticilme. Il y ht des innovations : il
rcnverlà le dogme de l'exiftence de Dieu.
Il ne reconnut d'autre puillancc divine que
celle de la nature ; <!<c (ans trop éclaircir ce
3UC ccpouvoit être au fond que cette nature ,
la regardoit comme une force répan-
due par-tout & edtnticlle à la matière ,
une efpece de iympnthie qui lie tous les
corps &: les tient dans l'équilibre; comme
uue puillance , qui , (ans (e décompolcr elle-
même, a le (tcret merveilleux de varier les
êtres à l'inlîni ; comme un principe d'ordre
& de régularité , qui produit éminemment
tout ce qui peut (e produire dans l'univers.
Mais y a-t-il rien de plus ridicule que de
dire qu'une nature qui ne fentrien, qui ne
connoit rien , fe co.iforme parfaitement à
des loix éternelles; qu'elle a uneaélivité qui
ne s'écarte jamais des routes qu'il faut tenir,
&■ que dans la multitude des facultés donc
elle e(t douée , il n'y en a point qui ne falîé
les fondions z\ec la dernière régularité ?
Conçoit on des loix qui n'ont pas été cta
blies par une caufe intelligente • en conçoit-
on qui pui(ïent être exécutées régulièrement
par une^ caufe qui ne les connoit point. Se
qui ne (ait pas même qu'elle (bit au monde ?
c'efl-là, métaphyiîquement parlant , l'en-
droit le plus foible du ftratonifrae. C'efl: une
objection infoluble , un écueil dont il ne
peut le tirer. Tous les athées qui font venus
après Straton , éblouis par des difcours dont
la détail eft feduil'ant , quoique frivole , ont
embralTé fon (yftême. C'eft ce (yftême fur-
tout que Spinofa a renouvelle de nos jours,
& auquel il a donné l'apparence d'une forme
géométrique , pour en impofer plus ficile-
ment à ceux qui ont l'imprudence de i'e Liillèr
prendre dans les pièges qu'il leur prépare.
Entre ces ceux fyftêmes, je ne vois d'autre
d:fFo.ence , /,non que Spinofa ne faifoit de
tout l'univers qu'une feule fubCtance, dogme
qu'il jv..,_c emprunte de Xenopli.mes , de
î^eiJliis, 5c de Parmenides; au lieu que
Straton rcconi.oifloit autant de fubftances
qu'il y avoir de molécules dans la matière.
A cela prrs , ils penfjient précifémcnt la
même chofe. y^oyei l'art. Spikosisme &:
celui d'HvLozoïsME , où le fyftême de Stra-
ton cil plus développé.
Des refîanraieurs de Lt pkilnfcphie d'Anf-
tou. Jamais oa n'a tant cultivé la philofo-
A R I 34^
phie que fous les empereurs romains : on
la voyoit lur le trône comme dans les chaires
des lophiftes. Ce goût (emble d'abord annon-
cer des progrès rapides ; mais en lifaiit
liiirtoire de ce temps-là , on eft bientôt
détrompé. Sa décadence fuivit celle de l'em'-
pire romain, & les barbares ne portèrent
pas moins le dernier coup à celle-là qu'à
celui-ci. Les peuples croupirent long-temps
dans l'ignorance la plus craffe : une dialefti-
que dont la finelîe coniîltoit dans l'équivo-
que des mors & dans des diftincl;ions qui ne
hgnilioienv nen , étoit alors feule en hon-
neur. Le vrai génie perce ; & les bons efprits,
d,:.s qu'ils fe replient fur eux-mêmes, ap-
perçoivent bientôt (î on les a mis dans le
vrai chemin qui conduit à la vérité. A la
renaiflmce des lettres, quelques fivans in(-
truits de la langue greque , & connoif-
fant la force du latin , entreprirent de donner
une verdon exafte de corrtâre des ouvra-
ges d'Ariftote , dor.t fes difciplcs même
difoient beaucoup de mal, n'ay.mt entre les
ma;n3_ que des tradudions barbares , & qui
repréfentoient plutôt i'efprit tudelque des
tradudeurs , que le beau génie de ce philo-
(ophe. Cela ne luffifoit point pourtant pour
remédier entièrement au mal. Il filloit ren-
dre communs les ouvrages d'Arirtote ; c'é-
toit le devoir des princes, puisqu'il ne s'agif-
foit plus que de f.iire certaines dépenfes.
Leur empreflement répondit à l'utilité ': ils
lurent venir à grands frais de l'orient plu-
(îeurs manufcrits, & les mirent entre les
mains de ceux qui écolent verfés dans la lan-
gue greque pour les traduire. Paul V s'ac-
quit par-là beaucoup de gloire. Perfonne
n'ignore combien les lettres doi\ent à ce
pontife : il aimoit les fivans , & la pbilofo-
phie d'Ariftote fur-tout avoit beaucoup d'at-
traits pour lui. Les fivansfe multiplièrent, &
avec eux les ver(îons : on recouroit aux
mterpretes fur les endroits difficiles à enten-
dre. Ju'que-là on n'avoir confulté qu'Aver-,
roès ; c'étoit-là qu'alloient fe brifer toutes les
difpures des fi.vans. On le trouva dans la
fuice barbare; Se le goi'it étant devenu plus
pur, les gens d'efprit cherchèrent un inter-
prète plus poli 8c plus élégant. Ils choilîi-ent
donc Alexandre , qui paftbit dans le Lycée
pour l'interprète le plus pur &: le plus exad.
Averroès ik lui étoient fins difficulté les deux
chefs du pcripatécicifme , & ils avoient con-
350 ARI
tribuc à jeter un grand éclat fur cette (è(île ;
mais leurs
doRr
fur 1,
mes lur la nature
de 1
a me
n'étoient pas orthodoxes ; car Alexandre la
croyoit mortelle ; Averroès l'avouoit à la vé-
rité immortelle , mais il n'entendoit parler
que d'une ame univerlelle , & à laquelle
tous les hommes participent. Ces opinions
éîoicnt fort répandues du temps de S. Tho-
mas , qui les réfuta avec force. La feéte d'A-
verrocs prit le defliis en Italie. Léon X , Ibu-
verain pontife , crut devoir arrêter le cours
de ces deux opinions i\ contraires aux dog-
mes du chriftianiime. Il ht condamner
comme impie la doctrine d' Averroès dans
le concile de Latran qu'il avoir aflemblé.
" Comme de nos jours , dit ce (ouverain
" pontife , ceux qui iement l'ivraie dans le
" champ du Seigneur , ont répandu beau-
" coup d'erreurs , & en particulier fur la
" nature de l'ame raifonnable ; diiant qu'elle
'■ eft mortelle , ou qu'une leule 5c même
" ame anime les corps de tous les hommes ;
" ou que d'autres , retenus un peu par l'é-
" vangile , ont oie avancer qu'on pouvoir
»> défendre ces (entimens dans la philolo-
" phie leulement , croyant pouvoir faire un
» partage entre la foi & la raifon : Nous
'< avons cru qu'il étoit de notre vigilance
'> paftorale d'arrêter le progrès de ces er-
" reurs. Nous les condamnons , le laint
5) concile approuvant notre cenfure , & nous
" déhniflons que l'ame raifonnable eft im-
" mortelle ; & que chaque homme eft ani-
» mé par une ame qui lui eft propre , dif-
" tinguée individuellement des autres 5 5i
" comme la vérité ne lauroit être oppofée à
" elle-même , nous défendons d'enlcigner
" quelque chofe de contraire aux vérités de
" l'évangile. " Les docteurs crurent que les
foudres de l'églife ne iuffifoient pas pour
faire abandonner aux favans ces opinions
da.igereufes. Us leuroppoferent donc la phi-
lofophie de Platon , comme très-propre à
remédier au mal ; d'autres pour qui la phi-
lofophie d'Ariftote avoir beaucoup d'at-
traits , & qui pourtant refpeitoient l'évan-
gile , voulurent la concilier avec celle de
Platon. D'autres enfin adoucifl'oient les pa-
roles d'Ariftote , Se les plioient aux dogmes
de la religion. Je crois qu'on ne fera pas
fâché de trouver ici ceux qui (e diftingue-
rent le plus dans ces fortes de difputes.
Parmi les Grecs qui abaudoiuierent leur
A R I
pati-îe , $C qui vinrent , pour aln/î dire ?
tranfplanter les lettres en Italie , Théodore
Gaza fut un des plus célèbres ; il étoit inf-
truit de tousles fentimens des différentes fec-
tes de philofophie : il étoit grand médecin ,
profond théologien , & fur-tout trcs-verfé
dans les belles-lettres. Il étoit de ThelTàlo-
nique : les armes vicliorieufes d'Amurat qui
ra\ageoit tout l'Orient , le firent réfugier en
Italie. Le cardinal Belîàrion le reçut avec
amitié , Se l'ordonna prêtre. Il traduifît
1 hiftoire des animaux d'Ariftote , (Si les pro-
blèmes de Théophrafte fur les plantes. Ses
fraduétions lui plailoient tant , qu'il préten-
doit avoir rendu en aulTi beau latin Arifto-
te , que ce philoiophe avoit écrit lui-même
en grec. Quoiqu'il pafle pour un des meil-
leurs traducteurs , il faut avouer avec Eraf-
me , qu'on remarque dans fou latin un
tour grec , Se qu'il fe montre un peu trop
imbu des opinions de fbn fiecle. Col'me de
Médicis fe joignit au cardinal Bellarion ,
pour lui faire du bien. Comblé de leurs
bienfaits , il auroit pu mener une vie agréa-
ble Se commode : mais l'économie ne fut
jamais fon début ; l'avidité de certains pe-
tits Grecs Se des Brutiens ne lui laiftà jamais
de quoi parer aux coups de la fortune. Il
fut réduit à une extrême pauvreté : Se ce
fut alors que pour foulager la milcre, il tra-
duifît l'hiftoire des animaux , dont j'ai déjà
parlé. Il la dédia à Sixte IV. Toutes les ef^
pérances de fa fortune étoient fondées fur
cette dédicace : mais il fut bien trompé ;
car il n'en eut qu'un préfent d'environ cent
piiloles. Il en conçut une fi grande indi-
gnation , (Se fut lî outré que de li pénibles
(Se 11 utiles travaux fuflent auflî mal payés,
qu'il en jeta l'argent dansleTibre. Il fe retira
chez les Brutiens, où il feroit mort de faim ,
lî le duc de Ferrare ne lui avoit pas donné
quelque fecours. Il mourut peu de temps
après , dévoré par le cliagrin , laillant un
exemple mémorable des revers de la fortune.
George de Trébizonde s'adonna , ainlî
que Gaza , à la philolophie des péripatéti-
ciens. Il étoit Cretois de naillance , Se ne
fe difoit de Trébilonde que parce que c'é-
toit la patrie de Tes ancêtres paternels. Il
palla en Italie pendant la tenue du concile
de Florence, Se loriqu'on traitoit de la réu-
nion des (jrecs avec les Latins. Il fut d'a-
bord à Yenilc , d'où il pailii à Rome , Sc
AR I
y cnfeigna la rhctoiiquc Se la philoropliic.
Ce fut un des plus zélés dcfenfcurs de la
philofophie péripatéticienne ; il ne poiu oit
l'ouftrir tout ce qui y donnoit la moindre
atteinte. Il écrivit avec beaucoup d'aigreur
8c de fiel contre ceux de Ton temps qui lui-
voient la philofophie de Platon. Il s'attira
par-1 1 beaucoup d'ennemis. Nicolas V, Con
protefteur, délapprouva la conduite , mal-
gré la pente qu'il avoit pour la philolophie
d'Ariftote. Son plus redoutable advcriairc
fut le cardinal Beflarion , qui prit la plume
contre lui , & le réfuta fous le nom de Ca-
lomniateur de Tla'on. Il eut pourtant une
ennemie encore plus à craindre que le car-
dinal Bedàrion; ce fut la milere (!<; la pau-
vreté : cette dilpute , malheureulem.entpour
lui , coupa tous les canaux par où lui ve-
noient les vivres. La plume d'un lavant , li
die ne doit point être dirigée par les gens
riches , doit au moins ne pas leur être déla-
gréable : il faut d'abord alîurer la vie avant
de philo'.opher ; femblables en cela aux
aftronomes, qui quand ils doivent extrême-
ment lever la tête pour obterver les allres,
afllirenr auparavant leurs pies. Il mourut
ainlî martyr du péripatéticilme. La pofté-
rité lui pardonne plus aiiément fes injures
contre les platoniciens de Ion temps , que
(on peu d'exaétirude dans les traduél:ions.
En effet , l'attention , l'érudition , & qui
plus eft, la bonne foi, manquent dans les
rraduétions des loix de Platon , c\: de l'hif-
toire des animaux d'Ariftote. Il prenoit mê-
me fouvent la liberté d'ajouter au texte, de le
changer, ou d'omettre quelque choie d'inté-
rellant , comme on peut s'en convaincre par
la traduction qu'il nous a donnée d'Eulebe.
C^w a pu voir julqu'ici que les lavans
ctoient partagés à la rcnaifCince des lettres
entre Platon & Arilliote. Les deux partis
fe firent une cruelle guerre. Les fedtateurs
de Platon ne purent louffrir que leur maî-
tre , le divin Platon , trouvât un ri\al dans
Ariftote : ils penfoient que la feule barbarie
avoit pu donner l'empire à (a philolophie,
& que depuis qu'un nouveau jour luifoitllir
le monde favant , le péripatéticifmc devoit
difparoitre. Les péripatéticiens de leur coté
ne délendoicnt pas leur maître avec moins
de zèle : on fit des volumes de part & d'autre ,
où vous trouverez plus aiiément des
injures que de bonnes raifons; enlbrce que
ARI 3j,
fl dans certains vous cliangicz le nom des
perlonnes, au lieu d'être contre Ari Ilote ,
\'ous les trouveriez contre Platon : & cela
parce que les injures font communes à tou-
tes les fèctes , & que les dcfcnleurs &: les
agreHeurs ne peuvent diiïi-'rer entr'eux, que
lorlqu'ils donnent des railons.
Des philojophcs rècens Arijlotclico - fcho-
Injliqucs. Les difputes de ces lavans atrabi-
laires , dont nous venons de parler , n'ap-
prenoient rien au monde : elles paroiiloient
au contraire devoir le replonger dans la
barbarie d'où il étoic forti depuis quelque
temps. Plulîeurs favans firent tous leurs ef-
forts pour détourner ceux qui s'adonnoient
à ces miférables fubtilités fcholaftiques , qui
condRent plus dans les mots que dans les
chofes. Ils développèrent avec beaucoup
d'art la vanité de cette méthode ; leurs le-
çons en corrigèrent quelques-uns , mais il
reftoit un certain levain qui le fit lentir pen-
dant long - temps. Qtielques théologiens
même gâtèrent leurs livres , en y mêlant de
ces fortes de fubtilités à de bons raifonne-
mens , qui font d'ailleurs connoitre la foli-
dité de leur efprit. Il arriva ce qui arrive
toujours : on palîe d'une extrémité à une
autre. On voulut le corriger de ne dire que
des mots , &: on voulut ne dire que des cho-
fes, commue fi les chofes pouvoient fe dire
clairement fans luivre une certaine méthode.
C'ell l'extrémité où donna Luther ; il
\'oulut bannir toute fcholaftique de la théo-
logie. Jérôme Angelfe, doélcur de Paris,
s'éleva contre lui , & lui démontra que ce
n'étoit pas les fyllogifmcs qui par eux-mê-
mes croient mauvais, mais Pufage qu'on en
■fiifoit. Qiielqu'un dira-t-il en effet que la
méthode géométrique eft vicieule , & qu'il
faut la bannir du monde , parce que Spinofa
s'en elf fervi pour attaquer l'exiftence du
Dieu que la r.aiion avoue r Faut - il , parce
que quelques théologiens ont abufé de la
Icholaftique, la bannir? L'expérience de-
puis Luther, nous a appris qu'on pouvoir
s'en fervir utilement : il pouvoit lui-même
s'en convaincre en lifant faint Thomas. La
définition de l'églife a mis d'ailleurs cette
quellion hors de difputc. Selon Bruker ,
cette définition de l'éghfe pour maintenir la
théologie Icholaftique , fit du tort à la bon-
ne philofophie ; il le trouva par-là que tan-
dis que dans toutes les uiiiveriités qui u'q-
3ji A R I
béiffoient plus à la cour de Rome , on dic-
toit une philo(ophie raifbnnablejdans cel-
les au contraire qui n'avoient o(c fecouer
le joug , la barbarie y régnoit tou'jours. Mais
il faut être bien aveuglé par les préjugés pour
penfer pareille chofe. Je crois que l'univcr-
lité de Paris a été la première à dider la
bonne philofophie ; & pour remonter à la
lource , n'eft-ce pas notre Delcartes qui le
premier a marqué la route qui conduit à la
Bonne pliilofophie ? Quel changement fit
donc Luther dans la philofophie ? il n'écri-
vit que (ur des points de théologie. Suffit-
il detre hérétique pour être bon philofo-
pWe? Ne trouvons-nous pas une bonne phi-
lofophie dans les mémoires de l'académie ?
il n'y a pourtant rien que l'églife romaine
ne puille avouer. En un mot , les grands
philofophes peuvent être très - bons catholi-
ques. Delcartes , Gafiendi , Varignon , Mal-
Itbranche , Arnaud , Se le célèbre Pafcal ,
prouvent cette vérité mieux que toutes nos
raifons. Si Luther & les proteftans n'en veu-
lent précifément qu'à la théologie fcholafti-
que, on va voir parceux dont nous allons par-
ler , fi leuropinion a le moindre fondement.
A la tête des fcholaftiques nous devrions
mettre fans doute St. Thomas & Pierre
Lombard ; mais nous parlons d'un temps
beaucoup plus récent : nous parlons ici des
fcholaftiques qui vivoient vers le temps de
la célébration du concile de Trente.
Dominique Soto fut un des plus célèbres ,
naquit en Efpagne de parens pauvres; fa
pauvreté retarda le progrès de fes études ; il
tut étudier à Acala de Henares ; il eut pour
jnaître le célèbre Thomas de Villa-Nova :
de-là il vint à Paris, où il prit le bonnet de
dodeur ; il repafl'a en Efpagne , & prit l'ha-
bit de faint Dominique à Burgos, Peu de
temps après il fuccéda à Thomas de S. Vic-
tor dans une chaire de profefleur à Sala-
manque. Il s'acquit une fi grande réputa-
tion , que Charles V le députa au concile de
Trente , pour y alTifter en qualité de théo-
logien. La cour Se la vue des grands le fati-
guèrent; la chaire de profefleur avoir beau-
coup plus d'attraits pour lui : auiïî revint-il
en Faire les fon6tions , & il mourut peu de
temps après. Outre les livres de théologie
qui le rendirent fi fameux , il donna des com-
mentaires fur Ariftote Se fur Porphyre. Il
donna auflî en fept livres un traité du droit
A R I
& de la juftice, où on trouve d'excellentes
chofcs & des raifonnemens qui marquent un
e'prit très-fin. Il eut pour difciple Français
Tolet, dont nous parlerons dans la fuite.
François de S. Vi£tor vivoit à-peu-près
vers le temps de Dominique Soto, il naquit
au pays des Cantabres ; il fit fes études à
Paris, ou il prit auili l'habit de faint Do-
minique. On l'envoya profellèr la théolo-
gie à Salamanque , où il fe rendit très - cé-
lèbre; il y compofa, entr'autres ouvrages ,
fes livres fur la puiffance civile &c ecclé-
fiaftxque. Plufieurs affurent qu'ils ont beau-
coup fervi à Grotius pour faire fon droit
de la guerre Se de la paix ; le vengeur de
Grotius paroîc lui-même en convenir. On
trouve en effet beaucoup de vues dans ce
traité, &: beaucoup d'idéesqui font Ci analo-
gues à certaines de Grotius , qu'il feroit diffi-
cile qu'elles ne les euilent point occafionées.
Bannes fut encore un des plus célèbres
théologiens de l'univerfité de Salamanque v
il croit fubtil , 8e ne trouvoit pour l'ordi-
naire dans les pères de l'éghfe que ce qu'il
avoir penfé auparavant ; de forte que tout
paroillbit fe plier à fes fêntimens. Il foute-
noit de nouvelles opinions , croyant n'avoir
d'atitre mérite que de les avoir découver-
tes dans les pères. Prefque tout le monde
le regarde comme le premier inventeur de
la promotion phyfique , excepté l'école de
S. Thomas , qui l'attribue à S. Thomas mê-
me ; mais en vérité je voudrois bien favoir
pourquoi les dominicains s'obftinent à re-
fufer à Bannes le mérite de les exercer de-
puis long-temps. Si faint Thomas cft le pre-
mier inventeur de la prcmction phyfique ,
elle n'en acquerra pas pins de certitude que
fi c'étoit Bannes : ce ne font pas les hom-
mes qui lendent les opinions bonnes, mais
les raifons dont ils les défendent ; i<s: quoi
qu'en difent toutes les différentes écoles ,
les opinions qu'elles défendent ne doivent
leur origine ni à la tradition écrite ni à la
tradition orale. Il n'y en a pas une qui ne
porte le nom de Ion auteur , Se par con-
féquent lecaraftere de nouveauté ; tous pour-
tant vont chercher des preuves dans l'écri-
ture & dans les pères , qui n'ont jamais eu
la première idée de leurs fêntimens. Ce n'cf:
pas que je trouve mauvais qu'on parle de
l'écriture dans ces queftions théologiques;
mais je voudrois feulement qu'on s'attachât
A R I
à fiirc voir que ce qui cft dansl'ccrlrurc ^'
(hiis les pères , ne s'oppofe nuliemer.c à h
nouvelle opinion qu'on veut dctcncirc. Il eft
juftc que ce qu'on défendue contiedile poini
récriture & les pères ; & quand je â:s les
pères , je p.irle d'eux en tant qu'ils conlla
tcnt la tradition , & non quant à leurs opi-
nions pirticuliercs , parce qu'enfin je ne fuis
pas oblige d'être platonicien avecles premiers
pères de l'églife. Toutes les écoles doi\ ent
dire : voici une nouvelleopinion qui peut être
défendue , parcequ'ellenccontreditpoint l'é-
criture ik les pères , & non perdre le temps à
faire dire auxpallagesce qu'ils ne peuvent pas
dire. Il Icroit trop long de nommer ici tous
les théologiens que l'ordre de faint Domi-
nique a produits ; tout le monde lait que de
tour temps cet ordre a fait de la théologie la
principale étude , & en cela ils (uivent l'el-
prit de leur inftiturion ; car il cli certain
que faint Dominique leur fondateur étoit
plus prédicateur controveriille que prédi-
cateur de morale , & il ne s'anociides com-
pagnons que dans cette vue. L'ordre de S.
François a eu des Icholaftiques fort célè-
bres ; le premier de tous eft le fameux Scot ,
iurnommé Ij docleur fubtil. Il fiiioit con-
(ifter Ion mérite à contredire en tout S.
Thomas ; on ne trouve chez lui que de vaines
lubtilités, & une mctaphylîque que tout
homme de bon fens rejette ; il cft pourtant
à la tête de l'école de S. François ; Scot
chez les cordehers eft une autorité relpedla-
ble. Il y a plus : il n'eft pas permis de
penfer autrement que lui; & j'ofe dire qu'un
homme qui lauroit parfiitemeuttout cequ'il
a fait , ne fauroit rien. Qu'il me foit permis
de faire quelques réflexions ici fur cette
manie qu'ont les differens ordres de défendre
les lyftêmes que quelqu'un de leur ordre a
trouvés. Il faut être thomifte chez les jaco-
bins , (cotifte dans l'ordre de S. François ,
molinirte chez les jéfuites. Il eft d'abord
cvideiit que non leulement cela retarde les
progrès de la théologie, mais même les
arrête ; il n'eft pas pofTible de penfer mieux
que Molina chez les jéfuites , puilqu'il faut
penfer comme lui. Q.uoi ! des gens qui fe
moquent aujourd'hui de ce refpeét qu'on
a\oit autrefois pour les raifoniicmens d'A-
rirtote , n ofent pas parler autrement que
Scot chez les uns , & que Molina chez les
autres ? Mais homme pour homme , philo-
Tome II L
A ai 3î3
fophc pour philolophe , ykiftore les valolc
bien. Des gens qui le piquent un peu dt
railonner, ne devroicnt reîi)eder que la foi
& ce que l'églife ordonne de refpeéter , &
du refte fe livrer à leur génie. Croit-on que
fi chez les jéfuites on n'avoit point été gêné ,
quelqu'un n'eût pas trouvé un fentiment
plus aifé à défendre que les fentimcns de
Molina î Si les chefs des vieilles (ed:cs de
philolophie dont on ritaujourd'iiui , avoieht
été de quelque ordre, nous verrions encore
leurs lentimens défendus. Grâces à Dieu ,
ce qui regarde l'hydioftatique-, l'iiydrauli-
que & les autres Iciences , n'a point été
livré à Tefprit de corps & de fociété ; car
on attribueroit encore les cftlts de l'air à
l'horreur du vuide. Ileftbien lîngulicr que
depuis cent cinquante ans il foit défendu dans
des corps très-nombreux de penl'er , & qu'il
ne loit permis que de favoir les penfées d'un
léul homme ? Eft-il polTible que Scot ait
allez penfé pour meubler la tête de tous les
francilcains qui exifteronr à jamais ? Je fuis
bien éloigné de ce ftntimcnt, moi qui crois
que Scot n"a point penfe du tout : Soot gâta
donc l'efprit de tous ceux de fon ordre. Jean
Poiilius profelïït la théologie à Paris félon les
fentimcns de fon maître Scot. Il eft inutile
de peindre ceux qui fe font diftingués parmi
les francifcains , parce qu'ils font tous jetés
au même moule ; ce font tous des fcotiftes.
L'ordre de Citeaux a eu aulfi fes théolo-
giens : Manriqués eft le plus illuftre que je
leur connoifle : ce qui le diftinguç de la plu-
part des théologiens purement Icholaftiques ,
c'eft qu'il avoit beaucoup d'cfprit , une élo-
quence qui charmoit tous ceux qui l'enten-
doient. Philippe IV l'appcUa auprès de lui ;
il lit beaucoup d'honneur à l'univerlîté de
Salamanque dont il étoit membre , auffi l'en
nommoit-on l'Atlas : c'eft de lui que font
les annales de Citeaux ; & plufîeurs ouvrages
de philolophie &: fcholaftique.
L'ordre de Citeaux a produit auflî Jean
Cararnuel Lobkowitz, un des elprirs les
plus linguliers qui aient jamais paru. Il na-
quit à Madrid en 1 607. Dans fa plus ten-
dre jeunefte Ton efprit fe trahit , on décou-
vrit ce qu'il étoit , & on put juger dès-lors
ce que Caramuel feroit un jour. Dans mi
âge où rien ne peut nous fixer, il s'adonna
entièrement aux mathématiques : les pro-
blémos les plus difficiles ne le rebutaient
Yv
'354 A III
point ; & lorfque (es camarades etoient oc-
cupés à jouer , il méditoic , il écudioi: une
planète pour calculer fes révolutions. Ce
qu'on dit de lui eft prefqu'incroyable. Après
la théologie il quitta l'Elpagne , & pafla dans
les Pays-Bas ■■, il y étonna tout le monde par
fon lavoir. Son efprit adif s'occupoit tou-
jours, & toujours de chofes nouvelles ; car
la nouveauté avoit beaucoup de charmes
pour lui. Son rare mérite le fit entrer dans
le confeil aulique ; mais l'éclat de la cour
ne l'éblouir pas. Il aimoit l'étude , non pré-
cifément pour s'avancer , mais pour le plai-
fir de favoir : aulli abandonna-t-il la cour ,
il fe retira à Bruges, & fit bientôt après fes
vœux dans l'ordre de Citeaux. Il alla en-
fuite à Louvain , où il pafla maitrc-ès-arts,
& en 1 6 j© il y prit le bonnet de docteur.
Les études ordinaires ne fuflifoient pas à
un homme comme Caramuel ; il appnt les
Langues orientales , & fur-tout celle des Chi-
nois 5 Ton défit de favoir s'ctendoit beau-
coup plus que tout ce qu'on peut appren-
dre ; en un mot, il avoit réfolu de deve-
nir une encyclopédie vivante. Il donna un
ouvrage qui avoit pour titre , la théologie
douteufe , il y mit toutes les objedtions des
athées & des impies. Ce livre rendit fi foi
fufpedle, il alla à Rome pour fe juftifier.
Il parla fi éloquemment , 6c fit paroitre une
i\ vafte érudition devant le pape & tout le
facré collège , que tout le monde en fut
comme interdit. Il auroit peut-être été ho-
noré du chapeau de cardinal , s'il n'avoir pas
parlé un peu trop librement des vices qui ré-
gnoient à la cour de Rome : on le fit pour-
tant évêque. Son defir immodéré de fivoir
fit tort à fon jugement; & comme fur tou-
tes les fciences il vouloit fe frayer de nou-
velles routes , il donna dans beaucoup de
travers; fon imagination forte l'égaroit lou-
vent. Il a écrit fur toutes fortes de matières ;
& ce qui .arrive ordinairement , nous n'avons
pas un feul bon ouvrage de lui : que ne
faifoit-il deux petits volumes , & fi réputa-
tion auroit été plus alTurée!
La lociétc des jéfuitcs s'eft extrêmement
diftinguée fur la théologie fcholaftique ; elle
peut fe vanter d'avoir eu les plus grands
théologiens. Nous ne nous arrêterons pas
long-temps fur eux , parce que s'ils ont eu
de grands hommes , il y en a parmi eux
qui ont été occupés à les kmer. Cette fo-
ARI
ciété étend fes vues fur tout , & jamais
jéfuite démérite n'a demeuré inconnu.
Vafqués eft un des plus fubtils qu'ils aient
jamais eus ; à l'âge de vingt-cinq ans il en-
feigna la philofophie & la théologie. Il fe
fit admirer à Rome & par-tout où il fit
connoitre la ficilité de fon efprit; les grands
talens dont la nature l'avoir doué paroif-
foient malgré lui. Sa modeftie naturelle &
celle de fon état n'empêchèrent point qu'on
ne le reconnût pour un grand homme : Îj.
réputation étoit telle , qu'il n'oloit point fe
nommer , de peur qu'on ne lui rendit trop
d'honneur ; & on ne connoilfoit jamais fon
nom &: fon mérite , que par le frère qui l'ac-
comp.agnoit par-tout.
Suarez a mérité à jufte titre la réputation
du plus grand fcholaftique qui ait jamais
écrit. On trouve dans fes ouvrages u)ie gran-
de pénétration , beaucoup de juftciiè , un
protond fivoir : quel dommage que ce gé-
nie ait été captivé par le iyftcme adopté par
la fociété ! il a voulu en faire un , parce
que fon efprit ne demandoit qu'à créer ; mais
ne pouvant s'éloigner du molinilme , il n'a
fait pour ainfi dire que donner un tour ingé-
nieux à l'ancien lyftcme.
Arrlaga , plus eftimé de fon temps qu'il
ne méritoit de l'être , fut fuccclTivement
profelleur & ciiancelier de l'univerfité de
Prague. Il fut "député trois fois vers L^rbiiii
VIII , & Innocent X. Il avoit plutôt l'ef-
prit de chicane que de métaphylique ; on
ne trouve chez lui que des vétilles , prefque
toutes difficiles parce qu'on ne les entend
point , peu de difficultés réelles. Il a gitté
beaucoup de jeunes gens auxquels il a donné
cet efprit minutieux : plulieurs perdent leur
tems A le lire. On ne peut pas dire de lui
ce qu'on dit de beaucoup d'ouvrages , qu'on
n'a rien appris en les lifmt ; vous apprenez
quelque chofe dans Arriaga , qui leroit
capable de rendre gauche l'efprit le mieux
fait, & qui paroit avoir le plus dejullelle.
La rhéologie Icliolalbque eft fi lice avec la
philofophie , qu'on croit d'ordin.rire qu'elle
a beaucoup contribué aux progrès de la mé-
taphylique : fur-tout la bonne morale a paru
dans un nouveau jour. Nos livres les plus
communs fur la parole , valent mieux que
Ceux du divin PLuon; 6c Bayle a eu raifon
de reprocher aux protelb.ns , de ce qu'ils
blâmoiaic tant Ja théc'ogie fcholufti-iUe.
A R. ï
L'apologie de Bayle en faveur de h théo-
logie fcholaftiqiie , eft le meilleur trait
qu'on puille lancer contre les hérétiques qui
l'attaquent. Bayle, dira-t-on, a parle ailleurs
contre cette méthode, (Se il a ri de la bar-
barie qui rei^ne dans les écoles des catholi-
ques. On le trompe : il eft permis de (e mo-
quer de la barbarie de certains Icholafti-
ques , lans blAmer pour cela la icholallique
en général. Je n'eftime point Arriaga , je
ne le lir.ii pas ; & je lirai Suarcz avec plailir
dans certains endroits , & avec fruit prel-
que par-tout. On ne doit pas faire retom-
ber fiir la méthode ce qui nedoitctreditque
de quelques particuliers qui s'en ionr lervis.
Des philojopkes qui ont fuivi la véritable
philofovhie d'AriJlote, On a déjà vu le péri-
p.itctihne avoir un rival dans le pLitonil me;
il étoïc mcme vraifemblable que l'école de
Platon grolTiroit tous les jours desdélerteurs
de celle d'Ariftote , parce que les fentimens
du premier s'accordent beaucoup mieux
avec le chriftianirmc. Il y avoir encore quel-
que choie de plus en la faveur , c'eft que
prelquetous les pères lont platoniciens. Cette
raifon n'ell; pas bonne aujourd'hui , & je fais
qu'en philolophie les pères ne doivent avoir
aucune autorité : mais dans un temps où l'on
traitoit la philolophie comme la théologie ,
c'eft- à-dire dans un temps où toutes les dif-
putes le vuidoient par une autorité , il eft
certain que les pères auroient dû beaucoup
influer iur le choix qu'il y avoir à faire entre
Platon & Ariftote. Ce dernier prévalut pour-
tant , & dans le iîecle où Delcartes parut , on
avoit une lî grande vénération pour les len-
timens d' Ariftote , que l'évidence de toutes
les raifons de Defcartes eurent beaucoup de
peine à lui foire des partifans. Parla méthode
qu'on fuivoit alors, ilétoitimpolTîble qu'on
fortitde la barbarie; on ne raifonnoit pas
pourdécouvrir de nouvelles véi-ités, on lecon-
tentoit de favoir ce qu' Ariftote avoit penfé.
On recherchoit le lens de fes livres aulTî
fcrupuleulement que les chrétiens recher-
chent à connoitre le lens des écritures. Les
catholiques ne furent pas les leuls qui fuivi-
rent Ariftote, il eut beaucoup de partifans
parmi les proteftans, malgré les déclama-
tions de Luther; c'eft qu'on aimoit mieux
fuivre les lentimens d' Ariftote , que de n'en
avoir aucun. Si Luther, au lieu de. déclamer
contre Ariftote , avoit doiuié une bonne plii-
A RI 3^y
lofophîe , &: qu'il eût ouvert une nouvelle
ix)ute , comme Defcartes , il auroit réulïî à
fiire abandonner Ariftote , parce qu'on ne
lauroit détruire une opinion lans lui en fubf-
tituer une autre : l'efprit ne veut rien perdre.
Pierre Pomponace fut un des plus célèbres
péripatéticiens du xvi* Iîecle ; Mantouc
etoit fa patrie. Il étoit fi petit qu'il renoic
plus du nain que d'un homme ordinaire. Il
ht les études à Padoue ; les progrès dans la
philofophie furent li grands , qu'en peu de
temps il le trouva en état de t'enfeigner aux
autres, il ouvrit donc une école à Padoue; il
expliquoit aux jeunes gens la véritable philo-
fophie d'Ariftote , &: la comparoir avec celle
d'Averroès. Il s'acquit une grande réputa-
tion , qui lui devint à charge par les enne-
mis qu'elle lui attira. Achillinus , profelfeut
alors à Padoue, ne put tenir contre tant d'é-
loges ; fa bile lavante & orgueilleufe s'allu-
ma : il attaqua Pomponace, mais en pédant»
& celui-ci lui répondit en homme poli. L*
douceur de Ion caraétere rangea tout le
monde de Ion parti , car on ne marche pas
volontiers lous les drapeaux d'un pédant : la
victoire lui refta donc ; & Achillinus n'en
remporta que la honte d'avoir voulu étouffer
de grands talens dans leur naiflance. Il faut
avouer pourtant que quoique les écrits de
Pomponace fullent élégans , eu égard aux
écrits d' Achillinus , ils le reftèntent pour-
tant de la barbarie où l'on étoit encore.
La guerre le força de quitter Padoue & de
fe retirer à Bologne. Comme il profelloit
précife'ment la même doctrine qu'Ariftote ,
& que ce philofophe paroît s'éloigner en
quelques endroits de ce que la foi nous ap-
prend , il s'attira la haine des zélés de fon
temps. Tous les frelons froqués cherchèrent
à le piquoter , dit un auteur contemporain ;
mais il fe mit à l'abri de leur aiguillon , eii
proteftant qu'il le (oumcttoit au jugement
de TcgUre , & qu'il n'entendoit parler de la
philolophie d'Ariftote que comme d'une
chofe problématique. Il devint fort riche ;
les uns dilent par un triple mariage qu'il
ht , & les autres par fon fèul fivoir. Il mou-
rut d'une rétention d'urine, âgé de loixante-
trois ans. Pomponace fut un vrai pyrrho-
iiien , & on peut dire qu'il n'eut d'autre
dieu qu'Ariftote , il rioit de tout ce qu'il
voyoit dans l'évangile & dans les écrivains
laciés : il tâchoit de répandre .une certaine'
Vv z
religion
3 5(? A R. I
obfcLirlté fur tous les dogmes de 1;
chrctienne. Selon lui , rhomme n'eft pas,
libre , ou Dieu ne connoir poinc les choies
futures, & n'entre en rien dansle cours
des événemens ; c'eft-à-dire que , lelon lui ,
l;i providence détruit la liberté ; ou que li
Von veut conferver l.i liberté , il faut nier
la providence. Je ne comprends pas com-
jnent fes apologiftes ont prétendu qu'il ne
feutcnoit cela qu'en philolophe , &c qu'en
qualité de chrétien il croyoit tous les dog-
mes de notre religion. Qiù ne voit h frivo-
lité d'une pareille diftintlionî On lent dans
tous fes écrits le libertinage de fon elprit ;
il n'y a prefque point de vérité dans notre
religion qu'il n'ait attaquée. L'opinion des
f.oïciens liir un deftin aveugle , lui paroit
plus philolophique que la providence des
chrétiens : en un mot fon impiété le montre
par-tout, il oppofe les ftoïciens aux chré-
tiens , & il s'en faut bien qu'il falk railon-
iticr ces danicrs aulii fortement que les pre-
jn ers. il n'admettoit pas comme les ftoï-
citns j une nécelTité intrinleqite ; ce n'eft
pas , lelon lui , par notre nature que nous
jommes néceffités , mais par un cer.tain ar-
rangement des choies qui nous efl: totale-
ment étranger : il eft difficile pourtant de la-
voir précifément ion opinion là-delTias. Il
trouve dans le lentiment des péripatéticiens ,
«les floïciens , <S<: des chrétiens iur la prédefti-
nation , des difficultés inlurmontables : il con-
clut pourtant à nier la provider.ce. On troitve
toutes ces impiétés dans Ion livre fur le deilin.
Il n'eft ni plus lage ni plus raifonnable dans
{on livre iur les enchantcmcns. L'amour
extravagant qu'il avoir pour la philofophie
d'Ariftote , le faifoit donner dans des travers
extraordinaires. Dans ce livre on trouve des
rêveries qui ne m.irqucnt pas une tête bien
alîurée; nous allons en fàii'e un extrait allez
détaillé. Cet ouvrage eft très-rare , & pcut-
çtre ne fera-t-on pas f'xhé cie vrpviyer ici
fous les yeux ce qu'on ne pourroit fe pro-
curer que très-difi:cilement. Voici donc
les propofitions de ce philoicphe.
1°. Les démons ne connoiftcnt ks cho-
fes ni pai leur eftfnce , ni par celle des
chofes connues , ni par rien qui fqit diftin-
gué des démons.
x,°. Il n'y a que les fots qui attribuent ;\
Dieu ou aux démons , les cttccs dont ils ne
foiinvifidit jas ks caufeî.
A R ï
5°. L'homme tient le milieu entre les
choies éternelles & les chofes créées &c
corruptibles , d ou vient t}ue les vertus tk
les vices ne fe trouvent point dans notre
nature ; il s'y trouve feulement la iemcnce
des vertus &: des vices.
4°. L'ame h'jmaine eft toutes ckcfes ,
puisqu'elle renferme &C la feniation & la
perception.
5°. Quoique le fentiment &c ce qui eft
fenlîbk loicnt par l'acte même dans l'ame
ieulement , félon leur être Ipirituel , &
non lelon leur être réel , rien n'empêche
pourtant que les efpeces i'pirituelles ne pio-
duiient eÛes-mêmcs réelkment les choies
dont elles font les tlpeces , h l'agent en ell
capable , & Il le patient eft bien dilpole.
Pcm.ponace traite cet article fort au long ,
parce qu'il prétend démontrer par-là que !a
ibrce de l'imagination eft telle , qu'on peut
lui attribuer les cftets extraordmaires qu'on
raconte. Tous les mouvemens des corps qui
produifent des phénomènes extraordinai-
res , il les attribue à l'imagination i il en
donne pour exemple les Ululions , & ce
qui arrive aux femmes enceintes.
6°. Quoique par les elpeces qui font re-
çues dans l'ame ik par les paffions , il arrive
des effets furprcnans , rien n'empêche qu'il
n'arrive_ des efiets lemblables dans des corps
étrangers ; car il eft certain qu'un patient
étant difpofc au dehors comme intérieure-
ment , l'agent a allez i'enipire fur lui pour
produire les mêmes effets.
7°. Les démons meuvent immédiatement
les corps d'un mouvement local , mais ils ne
peuvent cauler immédiatement une altéra-
tion dans les corps; car l'altération fe fait p.T
les corps naturels qui fout appliqués par les
démons aux corps qu'ils veulent altérer, 6c
cela en fecret ou ouvertement. Avec fes feuls
principes Pomponace fait la démonftration.
8°. Il fuit de-là qu'il eft arrivé beaucoup
de chofes félon le cours ordinaire ^ par des
caufes inconnues , ^' qu'on a regardées
comme miracles ou comme les auvres dçs
dv.mi0MS , tandis qu'il n'en étoit rien.
9°. U fuit de-là encore que s'il eft vrai ,
comme dilent des gens dignes de foi , qu'il
y a des herbes , des pierres ou autres choies
prcpi'-'s à éloigr.er la giêk , la pluie & les
vents , ik qu'on puille s'en iervir , comme les
hommes peuvent trouver cela uaturelk*
A R I
ment , puifque cela ctt dans la nature , ils
pourront: donc faire ccllcr la grêle , arrêter
li pluie lans miracle.
io°. De là il conclut que plulîeurs per-
/ôiuies ont pallé pour magiciennes & pour
avoir un commerce avec le diable , tandis
qu'elles croyoient , peur-êrre avec Arillote ,
qu'il n'y avoit pas de démons ; & qi.ie par la
mcme rai'.on plulicurs ont pallé pour lainrs ,
à caufe des choies qu'ils opcroicr.r , ik n'é-
tolent pourtant que des fcélérats. Qiie lî l'on
objede qu'il y en a qui font des lignes iaints
par eux-mêmes , comme le ligne de la croix ,
& que d'autres iont le contraire , il répond
que c'ell: pour amuler le peuple , ne pou\ani
croire que des perlonncs Vivantes aient tant
étudié pour augmenter le mal qui fe trouve
dans le monde. Avec de tels principes , ce
Î)hilolop!ie incrédule renverle ailément tous
es miracles , même ceux de Jelus-Chriil.
Mais pour ne pas paroi tre Gns religion , &
éviter par-là les pour(uites dangereufes fcar
il étoit en Italie ) , il dit que s'il le trouve
dans l'ancien ou dans le nouveau teftament
des miracles de Jeius-Chrifl: ou de Moylc
qu'on puiil'e attribuer à descaufesnanarelies,
mais qu'il y ioit dit que ce font des miracles,
il faut le croire , à cauîe de l'autorité de
l'églife. Il s'objetre qu'il y a plufieurs effets
q l'on ne lauroit attribuer à des caui'es na-
rurelles , comme la rélurreétion des morts ,
h vue rendue aux aveugles ; mais il répond
que les hiftoires des païens nous apprennent
que les démons ont f lit des choies Tembla-
bles , & qu'ils ont fait fortir des morts de
l'enfer & les ont reproduits fur la terre , &
qu'oiva guéri des aveugles par li v;rtu de
certaines herbes. Il veut détruire en chrétien
ces réponies , mais il le fait d'une liianiere à
faire connoirre davantage Ton incrédulité ; car
il dit que ces réponies fc)nt mauvaifcs , parce
que les théologiens l'ail arent , Ik dans la i'iiite
il marque un gr.vrA mépri-. pour eux.
Il eft lurprenant , dit Pomponace , qu'un
aulïi grand philofophe qu'Ariftote n'eût pas
reconnu l'opération de Dieu ou des démons
dans les faits qu'on cite , fi cela avoit été
réel. Cela jette un doute fur cette queftion ;
on fent que Pomponace groilît la diificulté
le plus qu'il peut : il en fiit un monftre , &:
ià réponle ne fert qu'à confirmer de plus en
plus l'impiété de ce philofophe. Il apporte la
laifon pourquoi Ariftote a nié' l'e:dftence des
ARI . 357
démons , parce que , dit-il , on ne trouve
aucune preuve de ces folies dans les choies
ienhbles , & que d'ailleurs elles font oppo-
fées aux choies iiatureiles ; & comme on allè-
gue une infinité d'exemples des choies opé-
rées par les démons , après avoir prorcfté que
ce n'eft qiie félon le {enriment d'Ariflote
qu'il va parler , & non lelon le lien , il dit pre-
mièrement que Dieu eft la eau le univerièlle
des choies matérielles 8c immatérielles , non
feulement eflîciente , mais encore finale,
exemplaire & form.ellc , en un mot l'arché-
type du monde. i°. De toutes les chofes cor-
porelles créées £c corruptibles, 1 homme eft la
plus noble. 5 ". Dans la nature, il y a des hom-
mes qui dépendent les uns des autres , afin
de s'aider. .|°. Cela fe pratique différem-
ment,félon le degré de dépendance. j°. Quoi-
que Dieu foit la caufe de tout, félon Ariftote,
il ne peut pourtant rien opérer fur la terre &
lur ce qui l'environne , que par la médiation
des corps céleftes , ils font les inltrumens
nécelliires , d'où Pomponace coPiclut qu on
peut trouver dans le ciel l'explication de tour
ce qui arrivs lur la terre. Il y a des hommes
qui connoilîent mieux ces choies que d'au-
tres, foit par l'étude , foit par l'expérience,
<3: ces hommes-là font regardés par le vul-
gaire , ou comme des l'aints ou comme des
magiciens. Avec cela Pomponace entreprend
de répondre à tout ce qu'on lui oppole de
lurnaturel. Cette fuite de propoiitions fiit
allez connoitre que ce n'eft pas fans fonde-
ment que Pomponace eft accule de l'impiété
des péripatéticiens. 'Voici encore comme il
s'explique dans les propofitions fuivantes.
Dieu coniioiL toutes choies foi - même
dans Ion eifence , & les créatures dans 'a
toute -puifiance.
Dieu & les efprits ne peu\ ent agir fur les
corps , parce qu'un nouveau mouvem.ent ne
lauroit provenir d'une caufe immobile , que
par la médiation de l'ancien mouvement.
Dieu &c les efprits meuvent dont l'e::-
tenùement & la volonté , comnie premiers
moteurs, mais non fans l'intervention des
csrps céleftts.
La volonté eft en partie matérielle , parce
qu'elle ne peut agir lans les corps ; & en
partie immatérielle , parce qu'elle produit
quelque chofe qui eft au de/lus des corps:
car elle peut choilir, elle eft libre.
Les prophètes foiit dilpofésp rj leur iLiture
-358 ARI ^
& les principes de leur génération , quoique
d'une façon éloignée , à recevoir les impref-
fîons de l'efprit divui ; mais la caufc formelle
de la connoiflànce des chofes futures leur
vient des corps céleftes. Tels furent Elifée ,
Daniel, Jofeph , & tous les devins des gentils.
Dieu eft la caufe de tout , voilà pourquoi
il eft la fource des prophéties : mais il s ac-
commode à la difpolkion de celui qu'il in!-
pire , ^ à l'arrangement des corps céleftes :
or l'ordre des cieux varie perpétuellement.
La fanté rendue à un malade miraculeule-
ment , vient de l'imagination du malade ;
c'eft pourquoi fi des os réputés être d'un
faim , étoient ceux d'un chien , le malade
n'en feroit pas moins guéri : il arrive même
fouvent que les reliques qui opèrent le plus
de prodiges , ne font que les triftes débris
d'un homme dont l'ame brûle en enfer. La
guérifon vient auiïi quelquefois d'une dif-
polition particulière du malade.
Les prières frites avec ardeur pour de-
mander la pluie , ont fouvent leur eftet , par
la force de l'imagination de ceux qui la de-
mandoient ; car les vents Se les élémens ont
ime certaine analogie , une certaine fympa-
tliie avec un tel degré d'imagination , & ils
îui obciilent. Voilà pourquoi les prières n o-
perent point qu'el.les ne partent du fond du
cccur , & qu'elles ne ioient ferveîites.
. Suivant ce fentiment , il n'eft pas incroya-
ble qu'un homme né lous une telle conftel-
lation , puilfe commander aux vents & à la
mer , chafler les démons , & opérer en un
mot toutes ibrtes de prodiges.
Nier que Dieu & les efprits foient caufe
de tous les maux phyfiques qui arrivent ,
c'eft renverfer l'ordre qui confifte dans la
diverfiré.
Comme Dieu ni les corps céleftes ne peu-
vent forcer la volonté à le porter vers un
objet -, auffi ne peuvent-ils pas être la caufe
du mal moral.
Certaines difpo&ions des corps influent
pourtant fur le mal moral , mais alors il celle
d'être mal moral , «S; devient vice de nature.
Les aftrologues difent toujours des chof*
conformes à la raifon .Se au bon lens : l'homme
par la force de ce qu'il renferme , peut être
changé en loup , en pourceau , prendre en
un mot toutes fortes de formes.
Tout ce qui commence doit avoir une
fin ; il n'eft donc pas furprcnant que les ora-
fjçsaieiit ccflc.- ,
ART
L'attcicnne loi , félon l'ordre , demando'c
des oracles : la nouvelle n'en veut point ,
parce que c'eft un autre arrangement ; il
falloit contracter d'autres habitudes.
Comme il eft fort difficile de quitter une
ancienne habitude pour en prendre une n.ou-
velle, il s'enfuit que les miracles étoient né-
ceilaires pour faire adopter la nouvelle loi ,
& abandonner l'ancienne.
Lorlque l'ordre des cieux commencera à
changer , tout changera ici bas : nous voyons
que les mir.icles furent d'abord foibles, & la
religion aufTi ; les miracles devinrent plus fur-
prenans , la religion s'sccrut ; les miracles ont
celle , la religion diminue: tel eft l'ordre des
cieux ; il varie &: il variera fi fort , que cette
religion ceflera de convenir aux hommes.
Moyfea fait des miracles , les païens aulîî,
avec eux Mahomet &: Jefus-Chrift. Cela eft
nécellaire , parce qu'il ne fauroit y avoir de
changement conlidérable dans le monde ,
lans le lecours des miracles.
La nature du miracle ne confifte pas en
ce qu'il eft hors de la fphere des clioles or-
dinaires , mais en ce que c'eft un eftet rare ,
dont on ne connoît pas la caule , quoiqu'elle
le trouve réellement dans la nature.
Voilà l'impiété de Pomponace dans (oh
entier : il croit l'adoucir , en dilant que
Je(us-Chrift doit être préféré à Ariftote &
à Platon. " Et quoique , dit-il , tous les mi-
5, racles qui lont arrivés puillcnt s'expliquer
„ naturellement , il faut pourtant croire
„ qu'ils ont été faits iurnaturellement en fa-
„ veur de la religion , parce que l'égliie veut
,, qu'on le croie. >> Il avoir pour maxime
de parler comme le vulgaire , & de penfer
comme un philoiophe ; c'eft-à-dire , qu'il
étoit chrétien de bouche , &: impie dans te
ccxur. " Je parle, dit-i! en un emiroit , pour
,, des philolophes^qui font les leuls hommes
,, qui Ioient iiir la terre ; car pour les autres ,
„ je les regarde comme de fimples figures
,, propres à remplir les vuides qui le trouvent
,, dans l'univers. ,, Qii'eft-il befoin de ré-
futer ce qu'on vient de lire î ne fuftit-il point
de l'avoir mis fous les yeux 1 Pomponacei-euc
plulieurs difciples, parmi lefquels le trouve
Hercule de Gonzague , qui fut cardinal dans
la fuite , de qui eut tant d'eftimc pour Ion
ma'tre, qu'il le fit inhumer dans le tombeau
de les ancêtres, il paroit par une lettre de Ju-
' les Scaliger^qu'i! a été dilciple de Pompoiwcc,
A R I
Auguftin Niphiis fat Padverfaire le plus
redoutable de Pomponace : ce fur un des
plus célèbres pcripatcticiens de Ton fiecle. Il
naquit dans la Calabre , quoique plulîeurs
l'aient cru Suillè. Il eft vrai que Niphus
lui-même donne occaflon à cette erreur ; car
il il' diioic SuilIe , parce qu'il avoir vécu
long-temps dans ce pays-là , Se qu il s'y croit
marié. Son père le remaria après avoir perdu
la mère de Nipiius : (a markre étoit cruelle
& injufte; elle poulTà la haine h loin , que
Niphus , quoique fort jeune , fut obligé d'a-
bandonner la maiion de Ion père. Il s'enfuit
à Naples où il eut le bonheur de rencontrer
un Suillè à qui il plut : il le regarda comme
un de Tes enfuis , «Je lui donna la même
éducation. On l'envoya faire les études à
Padoue : il y étudia la philoiophie des péri-
patéticiens , & s'adonna à la médecine. Selon
la coutume de ce temps -là dans l'Italie , ceux
qui n'embrailoient pas l'état eccléliaftique ,
joignoient l'étude de la médecine à l'étude
de la philoiophie : c'efl: pourquoi Niphus tut
dans (on hecle auffi bon médecin que célèbre
philolophe. Il avoit eu pour maître un pé-
ripatéticien fort attaché aux opinions d'A-
verroès , iur-tout à celle de l'exiftcnce d'une
feule ame : il avoit apporté tant d'argumens
pour prouver ce fentiment , que le peuple &
ks petits phiîolophes l'adoptèrent avec lui ;
de lorte que cette opinion le répandit dans
toute l'Italie. Il avoir encore enchéri lur
Averrcès ; il fourenoit entr'autres choies ,
qu'il n'y avoir d'autres fubftances imma-
térielles que celles qui faifoient mouvoir les
fpheres céleftes. Niphus n'examina point
dans la fuite (I ce que Ton maître lui avoit
appris étoit bien fondé; il ne chercha que
les moyens les plus propres à bien défendre
les opinions de ce maitre. Il écrivit dans ce
deilein fbn livre de l'entendement tk des
(démons. Cet ouvrage fit beaucoup de bruit :
lés moines fe récrièrent hautement fur les
erreurs qu'il contenoit : ils excitèrent contre
lui une (î violenre tempête , qu'il eut toutes
les peines du monde à n; pas faire naufrage.
Cela le rendit plus Cage & plus prudent dans
la fuite. Il enfeigna la philoiophie dans les
plus célèbres académies de l'Italie , & où
Achillinus & Pomponace étoicnt en grande
féputarion -, comme à Pife , Bologne , Sa-
krne , Padoue , & enfin à Rome, dans le
collège de la Sapience. Niphus nous aiHi^e,
A RI 3ÇP
que la ville de Bologne & celle de Venife
lui avoient offert mille écus d'or par an pour
profeller la philoiophie dans leur ville. La
maiion de Médicis le protégea beaucoup ,
&: en particulier Léon X qui le combla de
biens & d'honneurs. Il lui ordonna de réfu-
rer le livre de Pomponace fur l'immortalité
de l'ame , & de lui prouver que l'immorta-
lité de l'ame n'étoit pas contraire aux lenti-
mens d'Arirtote ; ce que Pomponace pré-
tendoit. C'eft ainfi que la barbarie du ficelé
rendoir mauvaifes les meilleures caules. Par
la façon ridicule de réfuier Pomponace , ce
philolophe le trouvoit avoir railon : car il
eft certain qu'Ariftote ne croyoit pas l'im-
mortalité de l'ame. Si Niphus s'étoit atta-
ché à prouver que l'ame écoit immortelle , il
auroit tait voir c^e Pomponace avoit tort ,
avec Ariftore , fon mai'rre &: Ion guide. Ni-
phus eut beaucoup d'adveriaires , parce que
Pomponace avoit beaucoup dedifciples.T ous
ces écrits contre lui n'empêchèrent pas qu'il
ne fut fort agréable à Charles V , & même
aux femmes tie fa cour ; car ce philolophe ,
quoiqu'allez laid , favoir pourtant li bien
dépouiller la rudctié philolophique , & pren-
dre les airs de la cour , qu'il étoit regardé
comme un des hommes les plus aimables. Il
contoit agréablement , & avoit une imagi-
nation qui le iervoit bien dans la comerla-
tion. Sa \'oix étoit lîmore ; il aimoir les fem-
mes, & beaucoup plus qu'il ne com'enoit
à un philofophe : il poulla quelquefois les
aventures li loin , qu'il s'en ht mépriler, &
rilqua quelque chofe de plus. Bayle, com-
me on leur bien , s'étend beaucoup fur cet
article ; il le fuit dans toutes les aventures ,
où nous croyons devoir le laifler. Nous ne
faurions trop nous élever contre fcs mccurs ,
& cor.tre la fureur de railler indiftinéte-
ment tout le monde , fur quelque matière
que ce fut. Il y a beaucoup de traits obi cè-
nes d.ans fes ouvrages. Le public le venge
ordinairemenr ; il y a fort peu de pcrfo:ines
lur qui on fade des conres aulTi piail.ms que
lur Niphus. Dans certains écrits on lit qu'il
devint fou : mais nous ne devons pas fiire
plus de cas de ces hiftorierres que des fien-
nes. On peut allurer feulement que c'étoit
un homme de beaucoup d'esprit; on le voit
aifément dans fes ouvrages. Il a fait des
commentaires fur prefque tous les livres
d'Arillote qui regardent la philoiophie j c'eit
^<jO
A R î
ir.cn-.e ce qu'il a fait de mieux j car ce qu'il a
t'crit kir la morale n'eft pas à beaucoup près
(îbon. Son grand dLÏauréroir la diffulion;
lorfqu'il a une idée, il ne la quitte pas qu'il
ne vous l'ait préfentée de toutes les façons.
Parmi les derniers^ philolbphes qui ont
fuivi le pur pcripatctiiine, Jacques Zaborella
a été un des plus fameux. Il naquit à Padoue
en 1535, d'une famille illuftre. L'efprit de
ceux qui doivent fiiire un jour du bruit Ce
développe de bonne heure. Au milieu des
fautes &c des mauvaifes chofes que fait un
jeui:e homme, on découvre quelques traits
de génie , s'il ed deftiné un jour à éclairer le
monde. Tel fut Zaborella: il joignoit à une
grande ficilité un delir infatiable de favoir.
Il auroit voulu podédcr toutes les fciences ,
& les épuifer toutes. Il s'eicrima de bonne
Heure dans le pcripatétifme ; car c'étoit alors
ie nccplus ultra des philofophes. H s'appliqua
fur-tout aux mathématiques & àl'aflrologie,
dans laquelle il fit de grands progrès. Le
fcnat de Venife l'eftima fi fort , qu il le fit
fuccéder à Bernard Tomitanus. Sa réputation
ne fut point concentrée dans l'Italie leule-
ment. Sigifmor.d , alors roi de Pologne , lui
oftrit des avantages fi confidérables pour
aller profefTcr en Pologne , qu_^il fe dctcr-
mina à quitter fa patrie , 6c à iatisfiire aux
delirs de Sigi^mond. lia écrit plufieurs ou-
vrages qui lui donneroient une grande répu-
tation , li nous étions encore dans la bar-
barie de ce temps-là : mais le nouveau jour
qui luit fur le m.onde littéraire , obfcurcit
l'éclat que jetoient alors ces fortes de livres.
Les PicolomJnis ne doivent point être
oubliés ici. Cette maiioi-i efc aulTi illuflre par
les favans qu'elle a produits , que par Ion
ancienneté. Les parelis d'Alexandre Picco-
iomini ayant hérite de leurs ancêtres l'amour
des fciences , voulurent le transmettre à leur
fils : pour cela ils lui donnèrent toute forte
de maîtres , & Ls plus habiles. Ils ne pen-
foient pas comme on penfe aujourd hui : la
vanité fait donner des précepteurs & des
gouverneurs aux enfans; il lu (fit qu'on en
ait un , on ne s'emlTarralTe guère s'il efl pro-
pre à donner l'éducation convenable; on ne
demande point s'il (ait ce qu'il doit apprendre
à fon élevé; on veut feulement qu'il ne foit
pas cher. Je fu's perfuadé que cette faconde
penfer a caufc la chiite de plulieurs grandes
mailons. Un jeune homme ojal élevé donne
A R r
dans toutes fortes de travers ,& (ê ruine;
^ s'il ne donne pas dans des travers , il ne
fait pas pour s'avancer ce qu'il auroit pu
faire s'il avoir eu un^ m.eilieure éducation.
On dit que les inclinations du duc de Bour-
gogne n'ctoient pas tournées naturellement
au bien : que ne fit donc pas l'éducation que
lui donna le grand Fénélon , puifqu'il en fit
un prince que la France pLutera toujours?
Pour revenir à Alexandre i'iccolomini , il fie
avec de tels maîtres des progrès extraordi-
naires. Je crois que ce qu'on dit de lui tient
un peu de l'exagération , & que la flatterie y
a eu un peu de part : il elt pourtant vrai qu'il
futundtsplushibiles hommes de Ion temps:
la douceur de les mœurs , & ion urbanité
digne du temps d'Aiiguife , lui firent autant
d'amis , que Ion favoir lui avoir attiré d'ad-
mirateurs. Il n'eut p.is feulement le mérite
philolophique , on lui trouva le mérite épif-
copal : il fut élevé a cette dignité , & fut
eniuite fait coadjuteur de l'archevêque de
Sienne. Il vieillit ellimé &i relpetté de tout
le monde. Il mourut en 1 578 , regretté de
tous les lavans & de tous fes diocéfains ,
dont il avoir été le père. On ne fauroit com-
prendre l'amour qu'il avoit pour les ouvrages
d'Arilfoce : il les Ufoit nuit & jour , & y
trouvoit toujours un nouveau plaifir. On a
railon de dire qu'il faut que la palTion Scie
préjugé s'en mêlent : car il eft certain que
dans quelques ouvrages d'Ariltote , les plai-
ins qu'un homme d'elprit peut goûter l'ont
bientôt épuilés. Alexandre Piccolomini a été'
le premier qui ait écrit la philofophie en
langue vulgane : cela lui attira les reproches'
de plulieurs lavans , qui crurent la philofo-
phie d'Ariifote profanée. A peine ces fu-
perftitieux ofoieiu-ils l'écrire en latin : à les
entendre , le grec feul étoit digne de renfer-
mer de li grandes beautés. Que diroient-ils
aujourd'hui s'ils revenoient ? notre philofo-
phie les lurprendroit bien : ils verroient que
les plus petits écoliers le moquent des opi-
nions qu'ils ont tant refpeé^tées. Comment le
peut-il faire que dej hommes , qui aiment
naturellement l'indépendance , aient Hécliî
le genou lî long-temps devant Arillore; c'efl: L
un problême qui mériteroit la plume d'un '
homme d'elprit pour le réloudre : cela me
lurprend d'autant plus, qu'on écrivoit déjaf
^contre la religion. La révélation gênoit ; on
ne vouloit pas captiver l'on efprit fous les
prophètes y
A R r
prophètes, fous Ic<; cvangcliftcs , fous (ainî
l'aui : (es i-p^'cres poiiitaiic contiennent une
meilleure philolophie que celle d'Ariftoce.
Je ne luis pas (urpris de voir aujourd'hui des
incrédules : Defcartes a appris à n'admenre
rien qiu ne loit prouve trcs durement. Le
philosophe qui connoilloit le prix de la
lournilhon , la rcfula à tous les philolophes
anciens. L'intérêt ne le guijoit pas; car, par
les principes , on a cru ne devoir le fuivre
que lorfquc Tes raifons étoient bonnes. Je
conçois comment on a étendu cet examen à
toutes choies , même jufqu'à la religion :
mais que dans un temps où tout en philolo-
phie fe jugeoit par autorité , on examinât la
religion , voilà ce qui cft extraordinaire.
François i^iccolomini fut encoreun de ceux
qui firent honneur à la philolophie péripaté-
ticienne. Il lemble que Ion cfprit vouloir
fortir des entraves où il étoir. L'autorité
d'Ariftote ne lui fuffifoit pas : il ofa aulTi
penler comme Platon; ce qui lui attira fur les
bras le fougueux Zaborella. Leur difpute fut
fîngulicre ; ce n'écoit point fur les principes
de la morale qu'ils difputoient , mais iur la
façon de la traiter. Piccolomini vouloir qu'on
la traitât fynthctiquement , c'eft - à - dire ,
qu'on part'^t des principes pour arriver aux
conclulions. Zaborella difoit qu'à la vérité
dans l'ordre de la nature on procédoit ainfî ,
mais qu'il n'en étoit pas de même de nos
connoillances ; qu'il hl'oir commencer par les
elfetî pour arriver aux caufes; & toute fon
attention ctoit à démontrer qu'Ariftote avoit
penlé ainfi; croyant bien avoir terminé la
difpute s'il vcnoit à bout de le démontrer :
njais il fe trompoit. Lorfque Piccolomini
étoit battu par Ariftote , il fè réfugioit chez
Platon. Zaborella ne daignoit pas m^me l'y
attaquer ; il auroit cru manquer au refpeâ:
du à fon maître, en lui donnant un rival.
Piccolomini voulut accorder ces deux phi-
lofophes enfemble; il croyoit que leurs prin-
cipes étoient les mêmes, & que par confé-
qucnt ils dévoient s'accorder dans les con-
clufions. Les zélateurs d'Arifcore improuve-
rent cette conduite; ils vouloient que leur
maître kit le feu! de l'antiquité qui eût bien
penlé. Il mourut âgé de quatre-vingt-quatre
ans. Les larmes qui Rirent verfées à fa fépul-
ture, font l'orai (on funèbre la plus éloquente
qu'on puifle faire de lui ; car les hommes n'en
aiment pas un autre précifémenc pour fes
Tumt m
A RI y6i
talcuî', fi !e coeur lui manque , ils le borneiTt
à clHaier l'eîprit. François Piccolomini m-i-
rita l'eftime &c l'am-itié de tous (es citoyens.
Nous avons de lui un commentaire fur les
livres d'Ariftotc qui traitent du ciel , & fur
ceux qui traitent de l'origine & de la mort
de l'aine; un lyftêm.e de philolophie natu-
relle & morale , qui parut fous ce titre : La
A/er.ce parfaite & philofophique de toute la
nature , dijirihuèe en cinq parties.
Les grands étudioient alors la philolo-
phie , quoiqu'elle ne fiit pas à beaucoup près
îi agréable qu'aujourd'hui. Cyriaque Strozzi
fut du nombre : il étoit de l'illullrc mailon
de ce nom chez les Florentins. Après une
éducation digne de la haute naillànce , il
crut néceflaire pour la perfe6bion , de voya-
ger dans les différentes parties de l'Europe.
Il ne le fit point en homme qui voyage
précifément pour s'amuler. Toute l'Europe
devint un cabinet pour lui , où il travail-
loit autant & avec plus de fruit que certains
favans qui croiroient perdre leur temps s'ils
voyoient quelquefois le jour. De retour
dans la patrie , on le nomma profeiîeur ;
car les grands ne le croyoienr pas alors dés-
honorés en prouvant qu'ils en lavoient plu?
que les autres. Il fut enfuite profeiîeur à
Bologne , d'où il fut transléré à Pile , par-
tout il loutint fa réputation qui étoit fore
grande. Il entreprit de donner au public le
ne'ivicme & le dixième livre de la poUtique
d'A^nllote , qui font perdus. Us ne font peut-
être pas de !a force de ceux qui font fortis
de la plume d'Ariftore : mais on peut dire
qu'il y a de la finelTe dans fes réflexions , de
la profondeur dans fes vues , &c de l'efprit
femé dans tout Ion livre. Or dans ce temps-
là l'efprit étoit beaucoup plus rare que le la-
voir: & je fuis perfuadé que tels qui brilloient
alors , ne pourroient pas écrire deux lignes au-
jourd'hui; il but allier la fcience avecl'elprir.
André Cœfàlpin & Céfar Crémonia Ce
rendirent fort illuftres drns leur (îecle. Il
cft ailé de fixer les yeux de tout le monde
fur (()i-mêm.e ,en écrivant contiç la religion ,
Se fur-tout loriqu'on écrit avec efprit : on
voit que tout le monde s'emprefle à acheter
ces livres; on diroit que les hommes veulent
ie venger de la gêne où les tient la religion,
& qu'on eft bien aife de voir attaquer des
préceptes qui font les ennemis de toutes les
palfions de l'hoinjne. Ca^falpin pafla nout
^ V y
^.6i A R. I
impie, &iK)n fsns raifoii :.jatnA-'s pcrroiinc
n'a (a.i' moins de cas des vcriïcs révél-fes.
/47US les cnidçs oxclijiaires, il .prit la rélo-
4iïtir-n de devenir h'^bilc dniis h médecine
^fc dansla phi'o'op'niç d'Anllotc. Son génie
jerçnr/t Ci facile lui fit faire des progrès rapi-
d';s dans ces deux fciences. Sa v.ifte érudi-
tion couvrit qn peu la tache d'irnpitté dont
il éroit accufé ; car le pape Cl'-mcnt VIII, le,
fît Ton premier médecia , & liû donna une:
chaire de médecine au collège de -Sapience :■
ce fvz là qu'il Ht connoitre toute (a fugacité.
H Te fie un grand nom par Içs différens ouvra-
ges qu'il donna , & fur- tout par la décou-
verte de la circulation du fang ; car jl paraît
tn cela avoir préverm Harvei. La jufl.ice
dem.ande que nous rapportions fur quoi l'on
fc fonde pour difputer à Harvei la gloire de
cette découverte. Voici comipent parle C.x-
falpin ; Idrirco pulmo per venam arteriis
f-rrukm ex dextro ccrdis ventriculo fervidim
hauriens fanguinem , eumque pcr ancflomo-
Jim arurix venali reddens quiV in finijîrvm
Cor dis veniriculum tendit , tranfmiffo intérim ,
aère frigido per afperœ arteriçe canales , qui
juxta arteriam vcnalem prctenduntur : non
/amen ofculis communicantes , ut putavit
Galenus , folo taclu tempérât. Huic fangui-
nis circuiationi ex dextro cordis ventrtcido
fer pulmones in finijirum Cjnfdem veniricu-
lum , optimtl refpondent ea qux in dijfcc-
lione apparent : nam duo funt vafa in
dextruni ventriculum definentia , duo etiam
in finijirum ; àuorum autem iinum intro- ■
mitiit taniàm , altcrum educit , membranis
eo ingénia conjiitutis. Je laifle aux méde-
cins à juger (1 ces paroles ne prouvent pas!
jue Cafàlpin a connu la circulation du
ang. La pîiilofophie eft ce qui pous inté-
redele plus dans la perfonne de Cxfalpin ,
piu'que c'cfl: ici de la philoiophie feule-
ment qu'il s'agit. Il s'étoit propofé de
iuivre Arillote à b rigueur ; aucun com-
mentateur n'étoit une autorité fufiilnntepour
lui. Heureux s'il avoir pu fecouer celle d'A-
ndote même! mais il étoit donné à la Fr.mce
de produire ce génie, qui devoir tirer de
1 efclavage tous les efprits du monde. Lorf-
^qu'il trou voit quelque çhofc dans Atiitote qui
lui paroifibit contraire aux dogmes .de la
rt'ligion chrétienne , cela ue ' Tariêtoit
point : il pourfuivoit toujours ion chemin ,
;^ iaifloit aux tbcologii.us ù /t tiigr jie te
l
A R I
mauvais pas. Il paroit même qu'il a prévenu
bpinofa dans pluhcurs de fcs principes
impies; c'eft ce qu'on peut voir dins fès
queftions péripatcciciennes fur les premiers
principes de la philofophie naturelle. Npp
Iculcment il a luivi les impiétés d'Ariftotej
mais on peut dire de plus qu'il a beaucoup
enchéri lur ce philolophe. Voilà pourquoi
plulieurs pcrlonnes dillinguées dans leiu
fieçle par leur mente , l'ont accufé d'athéif-
me. Nous allons dire en peu de mots ce
qui doit être repris dans Carfalpin. Il fia:
auparavant fe rappeller ce que nous avons
dit iqr le lyftême de la phyhologie d'Arifr
tofe i car fms cela il feroit difficile de nous
(uivre. Pour mieux faire avaler le poi(on ,
il prenoit iin pallage d'Ariftote , <ïc l'inter-
prétoit à (a façon , lui failant dire ce qu'd
vouloit ; de forte qu'il prêtoit fouvent à cç
philolophe ce qu'il n'avoit jamais penlé. O»
ne peut lire iàns horreur ce qu'il dit dp
Dieu & de l'ame luimaine; car il a lurpafié
en cela les impiétés & les folies d'Averrocs,
Selon Cafàlpin , il n'y a qu'une ame dans
le monde , qui anime tous les corps & Dieu
mêm.e ; il paroit même qu'il n'admettoit
qu'une feule lubftance : cette ame , félon lui ,
eft le Dieu que nous adorons; & li on lui
demande ce que font les hommes , il vous
dira qu'ils entrent dans la compofition de
cette ame. Comme Dieu eli: un & limple
( car tout cela le trouve réuni dans cette
doélrine , ) il ne fe comprend que lui-même ,
il n'a auame relation avec les chofes exté-
rieures , & par conféqucnr point de providen-
ce. Voilà les fruits de la philofophie d'Arif-
tote , en partie , il eft vrai , mal entendue , &
en partie non corrigée. Car Ariftotc ayaqr
enfeigné que toutes chofes partoicnt de 1a
matière, Cacialpin en conclut qu'il n'y avoit
qu'une fgbfiance fpirituellc. Et comme il
voyoit qu'il y avoit pluficurs corps animés ,
il prétejidit que c'étoit une partie de cette
ame qui animoit chaque corps en particulier.
Il le fcrvoit de cet axiome d'Ariftote , qi!t)4
in fe optimum , id feipfum intelUgere , poilX
mer la providence. Dans la phyiique , il cft
encore rempli d'erreurs. Selon lui , il n'y ft
aucune différence entre la modification &J^
fubftance : & ce qu'il y a de linguher , il veiit
qu'pn défiuille la matière & les diH-crciis
corps , par les différais accidens & Us
.<juijftés ^uJ JiKs ;^citem.,il tftlàns dou^e
A R I
dans tout cela plein de contraJiiîtions : mais
on ne fauroit lui refu/er d'avoir défendu quel-
3ues-uiics de (es propohiions avec beaucoup
e fubrilité & fore ingcnieuicment. On ne
fàuFoit rrop déplorer qu'un tel génie fc lôit
occupé toute fa vie à des choies fi inutiles.
S'il avoir entrevu le vrai , quels progrès n'nu-
foit-il point faits? Prclque tous les iavans ,
comme j'ai déjà remarqué , reprochent le
fpinoiilme à Ca.-!a!pin. Il faut pourtant
avouer qu'il y a quelque ditfcrencc elIeiitieUe
entre lui & ce célèbre impie, La fubftaiicc
unique daiis les principes de Carlalpin , ne
regardoit que l'ame ; & daiis les principes de
Spinola elle comprend aulTila matière : mais
qu'importe ? l'opiiiion de Ca;f3lpin ne détruit
pas moins la nature de Dieu que celle de Spi-
rofa. Selon Ca-^falpin , Dieu cil: la fublbnce
du monde , c'en; lui qui leconîtitue , & il n'cft
j)as dans le m^onde. Q;atUe ablurdicé 1 il cchi-
/idéroit Dieu par rapport au monde , comme
une poule qui couve dcstrufs. Il n^y a pas plus
d'aélion du coté de Dieu pour foire aller le
ihonde , qu'il y en a du coté de cette poule
pour faire écïore fcs œufs : comme il ^li im-
boiTîble , dit-il ailleurs , qu'uiicpuillance ioit
lànsiujet, aufll eft-il impolTiblc de trouver
un efpritfrns corps. Il cil rem. pli dépareilles
aîjfurdités qu'il ieroit fupcTfiu de raupcrcer.
Crémonin fut un im.pie dans le goût de
Ca-falpiji ; leur im.piécé éioir form.ee fur le
Ihéme modèle , c'ell-à-dire fur Ariftote.
Ces cfpeces de philofophcs ne pouvoient pas
s'imaginer qu'il fit polllile qu'Ariftore fe
fàt trornpé en quelque chofe ; tout ce que
ce philolophe , leurm.a;tre, avoit prononcé ,
leur paroilToit irréfragable : voilà pourquoi
tous ceux quifaiioient profelfion de le fuivre
a h. rigueur , nioient l'immortalité de l'ame
& la providence ; ils ne croyoient pas devoir
profiter des lumières que la religion chré-
tienne avoit rcipanducs fur ces deux points.
Ariftote ne l'avoit point penfé; pouvoit-on
rnseux pen.'eraprès lui ? S'ils a voient un peu
réfléchi lur leur conduite , ils fe feroient ap-
perçus qu'Ariftote n'étoit point leur maître ,
mais leur dieu , car il n'eft pas d'un homme
àe découvrir tout ce qu'on peut favoir îk de
nefe tromper jamais. Avec une telle vénéra-
tion pour Ariftote , on doit s'imaginer aifé-
mcnt avec quelle fureur ils dévoroient (es ou-
vrages. Cférhoninaété un de ceux qui les oitt
ie mieux ciirendus. Ufe fît unesîanderc]5u:a-
A R I 3^i
tien qui lui attira l'amitié S: l'cllime dc-s
princes : &c voilà œq^>e je ne comprend» pas ;
car cette cfpece de pliiloropliie n avoir rien
d'attrayant. Je ne (crois pas furpi'is Ci les
philo icplies de ce temps-ll av-oient été ren-
voyés dans leur école ; car je lèns qu'ils
dévoient être fortcinuyeux : mais qa'.:UJour-
d'hui ce qu'oji appelle w/7 gr.md phiLiophe ne
foit pas bien accueilli cimtz les rois > qu'ils
[ n'en ir.([cv\i pas iciu' .'mi ^ voill ce qui me
furprcnd; car qui dit un gr.ui.i philo.ophe
aujourd'hui , dit un homme rcnipli d'une
infinité de ctMinoi'.briCt^ utiles 5: agréables»
un homme qui tft rempli de grjjidcs vues.
On nous dira que ces ph loiophes n'enten-
dent rien à la politique : ne iaic-on point que
le train des afflures cft une efpece de routine ,
& qu'il faut nécellaifcmejity être entré pour
les ciitendre ? Mais croit- on qu'un homme
qui par les ouvrages cfl: reconnu pour avoir
un g^nic vafte & étendu , pour avoir une
penetracion iurprenante , aoit-on , dis je,
qu'un tel ho.mme ne foroit pas un grand
miniftre iîonl'employoit ? {j\\ grand eiprit
eft toujours actif&; le porte toujours vers quel-
que objet : il feroit donc quelque chofe ; nous
verrions certains lyftêmes redrefTés , certai-
nes coutumes abolies , parce qu'elles font
mauvailes ; on verioit de nouvelles idées
éclore & rendre meilleure la condition des
citoyens ; la fociétc en un mot ie perfcction-
neroit, commelaplulolophie le perfeélionnc
tous les jours. Dans certains états on eft au-
jourd'hui , eu égard au fyftêm.e du bien géné-
ral de la iociété , comme étaient ces philolo-
phes dont je parle , par rapport aux idi^
d'Ariftote ; il faut elpérer que h. nature don-
nera à la fociété ce qu'elle a déjà donné à la
philolophie ; la fociétc aura ion Defcarres qui
renver(era une infinité de préjuges , & fera:
rire nos derniers neveux de toutes ks focales
que nous avons adoptées. Pour revenir à
Crémonin , le fond de (on fyft:ême eft le mié-
me que ccîuide C.TÎalpin. Tous ces philoio-
phes icntoient leur impiété, parce qu'ilne faut
avoir que des yeux pour voir que ce qu'ils
foutenoienteftcoiuraire au dogme duchril^
tianiGre: mais ils croyoient rendre un hom-
mage fufniant à la religion en lui donnant
la foi j & ré.Qrvant la raifbn pour Ariftote ,
partage tics-àéravantàgeux. Comment ne
fentoient-iis point que ce qui eft contraire à
Uraifon, ce: qUe laraifon prouve faux , ne
l
3^4 A R l
iaiiroit être vr.ii dsns la religion r La vérité
ei\ la même dans Dieu que dans les hommes ;
c'cll la même lource. Je ne fuis plus iurpris
qu'ils ne rencontra'Tènt pas la vérité ; ils ne
iavoient ce que c'ctoit : manquant par les
premiers principes , il ecoitbien dùîïcile qu'ils
lortiflcnt de l'erreurqui les lubjuguoit.
Les philo(ophes don: j'ai p-rlé ju 'qu'ici
font fortis du iein de l'egliie romaine: il y
en a eu beaucoup d'autres , (ans douce: mais
nous avons cru devoir nous arrêter ieulement
à ceux qui le (ont le plusdiftingués. Lespro-
telLms ont eu les leurs , ainli que les catholi-
ques, ïl (embi'JÎt que Luther eut porté dans
ce parti le dernier coup à la philo fophie péri-
jatécicienne , en l'enveloppant dans les ma-
édiélions qu'il donnoit à la théologie (clio-
laftique ; mais Luther lui-même fcntit qu'il
avoir été trop loin. La fecle des anabapciftes
lui fit connoitre qu'il avoic ouvert la porte
aux enthouliaftes & aux illuminés. Les armes
pour les réfcter manquoienr aux Luthériens ,
6c il fallut qu'ils empruntailcnt celles qu'ils
maudiiloient dans la main des catlioHques,
Mélantthon fut un de ceux qui contribuèrent
le plus au rétabhflemenr delà philo'ophie par-
mi les proteftans. On ne favoit être dans ce
temps-1 '. quepéripatéticien. Mélanfthon étoit
trop éclairé pour donner dans les erreur:
grolLicres de cette feéVe , il crut donc devoir
rÉiormer la philolophie drns qu'.lques-uncs
de fes parties , 8c en conferver le fond qu'il
jugea nécefîàire pour repouiler les traits que
lânçoicntles catholiques, 8c ev même rem.ps
pour arrêter les progrès de certaines fcô.t:,
cfui alloieiit beaucoup plus loin que les pro-
teftans. Cet homme cékbrc naquit à Eretten ,
d'une fimiile honnête , il reçut une fan bonne
cdacarion. Dès fa premières ar.nécs on dé-
couvrit en lui un Jeiîr infariable d'appren-
dre; les pîailîrs ordinaires ne l'amufoicnt
point , fon application continuelle le rendoi:
grave Se fcrieu^ : mais cela n'airéra jamais
la douceur de 'on ciraéVere. A l'âge de iz
ans , ilalla continuer les études à Keidclberg ;
il s'attira bicnt' t l'eftime & l'r.mirié de tout
le monde ; le comte Louis de Lowenitein le
choiiîf pour être précepteur de .'es eiifans.
CeQ-nvcc raifon que Bailler l'a mis au nom-
bre des ei-.f.ips qui fe font dilVngacs dans un
;1^c peu avancé, où Pon polîède rarement ce
qui eft nécellaire pnur être favant. Mélanc-
snon étolt uaturelicrûent cloquent , coiume
ART.
on le volt p,i r fes écrits ; il cultiva avec grand
foin les ralens naturels qu'il avoir reçus en ce
genre. Il étudia la philofophie comme les
autres, cnr on n'étoic rien fi on ne favoit
Ariftote. Il fe diftingua beaucoup dans les
lolutions qu'il donna aux difficultés fur les
propolitions morales. Il parut un aigle fur
les univerlaux. On lera fans douce iurpris
de voir que je loue Mélantthon par ces en-
droits ; on s'en moque aujourd'hui , & avec
raifon : mais on doit louer un homme d'avoir
été plus loin que tout Ion fieclc. C'étoient
alors les queltions à la mode , on ne pouvoir
donc le dilpenier de les étudier , & lorf-
qu'on excelloit pardellus les autres , on ne
pouvoir manquer d'avoir beaucoup d'e'pritj
car les premiers hommes de tous les lle-
cles iont toujours des grands hommes, quel-
ques ab.'urdicés qu'ils aient dires. Il faut
voir , dit M. de Fontenelle , d'où ils font
partis : un homm,e qui grim.pe fur une mon.
tagne e'.carpée pourra bien erre auflî lé^er
qu'un h.omme qui d. "ns la plaine fera hx fois
plus de chemin que lui. Mélanélhon avoit
pourtant trop d'e(prit pour ne pns fentir que
la philo'ophie d'Ariftote étendoit trop loin
fes droits ; il défapprcuva ces queftions épi-
r.cufes, difficiles 8c inutiles donc tour le monde
le tourmenroit l'efprit ; il s'apperçut qu'une
iîifinité de folies f.toient c.ichécs fous de
gr.inds mots , & qu'il n'y avoit que leur habit
philolophique qui pût les faire refpcélcr. Il
eft n c5-évidcnt qu'.\ force de mettre des mots
dan, la tête , on en challe toutes les idées ;
on (e trouve fort favanc, & on ne fut rien ;
on croit avoir la tête pleine , & on n'y arien.
Ce fut un moine qui aclieva de le convaincre
du mauvais goùc qui tyranni(oit tous les
honimes: ce moisie un jour ne facliant pas
un fcrmon qu'il dévoie prêcher, ou nel'ayanr
pas fait , pour y fupplccr imagina d'expliquer
quelques qucfticns de la morale d'Arift >cc;
il fe fervoit de tous les ternes de l'art : on fent
aifémcnt combien cette exhortation fut uriic,
8c quelle ondion il y mit. Méjniélhon iuz
' indigncde voir que la b:irb^rier,lioit ju'que-
W: heureux iî dans h luire , il n'aboie pas
f'it un crime à l'églife entière de la fol'ed'un
particulier , qu'elle a délavnuée dans tous les
temps, comme elle déiavouc tous les jours
les extravagances que font des zélés! Il finit
fes études à l'âge de dix-(ept aris , &: Ce mit à
expliquer ,enparçiculicr aux Çiifoiis , Téraicc
• A R ï
& Virgile : quelque temps r.près on le clmr-
Eca d'une harangue , ce qui lui fit lire atten-
tivement Ciccron^ Tite-Live, ih'en acquit-
ta en lionime de beaucoup d'elprit , îs: qui
s'étûit nourri des meilleurs auteurs. Mais ce
iqui (lupric le plus Mélandhon , qui ctoit ,
comme je l'ai déjà dit, d'un car.-.dere fort
dou>:,c'ell: lorlqu'il vit pourla première loi', les
diip ites desdincrences leCles : alorscelles des
Nominaux & des Réels fermentoienc beau-
coup : après plufieurs mauvailes raifons de
parc i>: d'autre, i!^' cela parce qu'on n'en iai iroit
avoir de bonnes là-delilis , les meilleurs poi-
gnées relloient victorieux : tousd uncommun
accord dépouilloier.cla gravité philolophique,
& fe b..tcoien: indécemment : beureux il dans
le tumulte quelque coup bien appliqué avoit
pu f.ùre un changement dans leur tête ; cr^r
fi , comme le remarque un homme d'e'prir ,
Bii coup de doigt d'une r.ourrice pouvoir faire
de Pafcal un foc , pourquoi un lot trépan.;
ne pourroit-il pas devenir un hom.me d el-
prir ? Les accoucheurs de ce temps-là n'c-
loient pas fans doute fi habiles qu'à préfci:: ,
& je crois que le lo::g triomphe d'Arillote leur
cftiù.Mélanfthon fut appelle p::rlY'leâ:eur de
Sexe , pour être profefleur en grec. L'erreur
de Luther faiioit alors beaucoup de progrès ;
Melanûhon connut cedangcreuxhérédarque,
& comme il chercholtquelquechofede nou-
veau , parce qu'il fentoit bien que ce ou'on
lui avoir appris n eCoïc pas ce qu il taliOïC la-
voir, il avala le poi 'on que lui préferita Lu-
ther ; il s'égara. C'eft avec raifon qu'il cher-
choitquelque choie de nouveau ; mais ce ne
de "oit être qu'en Philofophie ; ce n'étoit pas la
religion qui demandoit un ch.'.ngemenc; on
rie fait pas une nouvelle relig'.oncomme on fait
un nouveau fyftêmc. Il ne peut miême y avoir
une rétorme lurla religion ; elle prélenre de;,
clio'es il extraordinaires à croire , que (i
Ltnher avoit eu droit de h réformer , je la
réformerois encore , parce que je me per-
fuaderois ailement qu'il a oublié bien des
cîiofes : ce n'ed que parce que je lais qu'on
ne peut y toucher, que je m'en tiens à ce
qu'on me propofe. MélanAhon , depuis fa
conno'lL.nce avec Luditr , devint lecture
& un feéxaire ardent , & par conféquent fon
efprit fut enveloppé du voile de l'erreur ;
fes vues ne purent plus s'étendre comme
elle ; .u;ro:emfaic s'il ne s'écoit livré à un parti :
ilprêchoit^il civkhlC'j'.: , il ô inrrijjuoit , £<.
A RI y<fî
enfin îl n'abandonna Ariftote en' quelque
chofe , que pour fuivre Luther , qui lui ctoic
d'autant moins préférable qu'il attaquoit plus
formellement la religion. Luther répandit
quelques nuages fur l'efprit de Mélandhon ,
à l'occafion d'Ariftote : car il ne rougit pas ,
après les leçons de Luther , d'appeller AnC-
tote un vain fophijîe : mais il ie réconcilia
bientôt , & malgré les apologies qu'il fit
du fentiment de Luther , il contribua beau-
coup à rétablir la philofophie parmi les pro-
veftans. Il s'appcrçut que Luther condamnoit
plutôt la fcholaHique que la philofophie ; ce
n'étoit pas en elfet aux philolophes que cet
héreliarque avoir à faire , m:h aux théolo-
giens ; & il faut avouer qu'il s'y étoit bien pris
en commençant par rendre leurs armesodieu-
es cv méprilables. Mélanéthon déteftoit tou-
:es les autres (edles des philofophes ; le Icul
pcripuétiime lui paroilloic loutenable ; il re-
:eto!t également le fto'i'cifme , le fcepticifme
cScl-picuréilme. Il rccommandoit à tout le
monde la lecture de Platon , à caule de l'abon-
dance qui s'y trouve , à caule de ce qu'il dit
!ur la nature de Dieu , & de (a belle diétion ;
mais il préféroit Ariftote pour l'ordre & pour
la méthode. Il écrivit la vie de Platon & celle
d'Ariftote ; on pourra voir aifcment fon lei'.-
timcnt en les liiant j je crois qu'on ne fera
pas fiché que je tranfcrlve ici quelques traies
tirés de fes harangues ; elles font rares ; &
d'ailleurs on verra de quelle façon s'exprimoit
cet homme h f imeux , &: dora les dilcours.
ont fait tant d'im.prelTïon : cùm eam, dit-il ,
quam toties F lato p'Wdi 'at methodum , non
(Ivp} aàhilvat , £' eiûgcnir aliquarido libe-
rius in difputando , gucedam aiam figtiris
itnolvat , ac vulcns occultet , denique cùm
varo prcniinciet quid fit fentiendum ; ajfen-
.ior adolefceniibus potius proponeiidum c-fc
Ar:[l,.telcm , qui arics , qttas tradit , ex-
plisat intégras , & methodum fimpliciorem ,
fiU filum ad regcndum leclorem adhihet ,
Ù quid fit fintiendum plerumque proniin-
tint : ftiVC in docentihus ut requrantur ,
mut ce caujle grjv>.s funt ; ut eiiim fatis
deniibus draconis à Cadmo figes e.vorta
'fi arma'orum , qui inter fie ipfii dimicârunt ;
ita fil quis fierai amhiguas opinioncs , exo-
riuntur inde variiV ac pcrniciofje dijjenfiio-
'le.s. Et un peu après , il dit qu'en le 1er-
van: de la méthode d'AriTcote , il tlt ficile
de i'éJuIrs ce qui dans l-Lcor. ieroïc ^.\-
'^■€6 ART
tnemeiit long. Ariftote , nous cllt-il ailleurs ,
H d'autres avantages fur Platon ; il nous a
donné un cours entier ; ce qu'il commence il
l'achevé , il reprend les chofes d'auiïi haut
qu'on peut aller , & vous mené fort loin.
Aimons , conclut-il , Platon &c Ariftote ; le
premier à caufe de ce qu'il dit fur la politique ,
& à cauie de fon élégance ; le fécond à caufe
de fa méthode : il faut pourtant les lire tons
les deux avec précaution , & bien diftiiigu'er
ce qui eft contraire à la dodrine que nous
lifons dans l'évangile. Nous ne faurions nous
paflcr d'Ariftôfedàns l'cglife , dit encore Mé-
ianélhon , parce que c'cft le feul qui nous
apprenne à défi'nir , à divifcr , & à Juger ; lu;
feul Mous apprend même à raiionncr ; or
dansl'égli(ë tout cela n'cft-il pas néceflairc?
Pour les chofes de là vie n'avons nous pas
b«(bin debien dès chofes que la pliy lique feule
nous apprend î Platon en parle à la vcritc ; mais
on diroit que c'eft un prophète qui annonce
l'avenir , & non un maître qui veut inftruire ,
au lieu que dnns Ariftote , vous trouvez les
principes , & il en tire lui-même les confé-
qucîîces. Je demande feulement , dit Mélanc-
rhoii , qu'on s'attache aux choies que dit Arif-
tote , & non aux mots , qu'on abandonne ces
vaines lubrilités 5c qu'on ne fe lerve de dif-
tiiiétions que lorfqu'elles feront nécefîàires
pour faire fentir que la difficulté ne regarde
point ce que vous défendez ; au lieu que com-
munément on diftingue afin de vous faire per-
dre de vue ce qu'on foutient : eft-ce le moyen
d'éclaircir les matières? Nous en avons , je
crois alfez dit pour démontrer que ce n'eft
pas (ans raifon que nous avons compris Mé-
knéton au nombre de ceux qui ont rétabli
la philofophie d'Ariftote. Nous n'avons pas
prétendu donner fa vie ; elle renferme beau-
coup plus de circonftances intéred'antes que
celles que nous avons rapportées ? c'eft un
grand homme , & qui a joué un très-grand
rôle dans le monde : mais fa vie eft très-con-
nus , & ce n'ctoic pas ici le lieu de l'écrire.
Nicolas Taureiil a été un des plus célèbres
philoiophes parmi les proreftans : il naquit
de parcns dont la fortune ne fàifoit pas
elpérer à Taureiil une éducation telle que
fon efprit la demandoit ; mais la facilité & la
pénétration qu'on dpperçut en lui , fit qu'on
engnj^ca le duc de Wirtemberg à fournir
aux fais. Il fit des progrès extraordinaires , &
jamais pcrfonnc n'a moins trompé ics bien-
A R I
laideurs que lui. Les différens des catholi-
ques avec les proteftans l'empBcherent d'em-
brader l'état eccléfiaft que. Il fe fit médecin.
Se c'eft ce qui arrêta fa fortune à la cour de
Wirtemberg. Le duc de Wirtemberg defiroit
l'avoir auprès de lui , pour lui faire défendre
le par.i de la reforme qu'il avoir embralfé ,
& c'eft en pr.râe pour cela qu'il avoir four-
ni aux Ir.-'.is de Ion éduc.ition; mais on le
ibupçonna de pencher pour la confclfion
d' Aiigsbourg ; peut-être n'ctoit-il pour aucun
parti : d'. quelque religion qu'il fàt , cela ne fait
r-.cn à laphiloiophiL-. \'o.li pourquoi nous ne
diicutons pas cet aràc'e exadtement. Après
avoir profcllé long -temps la midecine à Bile ,
il padà à Strasbourg ; & de cett^ ville , il revint
à bâle pour y être profelfeur de morale. De-là
il rcpad'a en Allemagne où ii s'acquit une
grande réputation : Ion école étoic remplie
de barons & de comtes qui venoient l'enten-
dre. Il étoit 11 déllntérelfé qu'avec toute cette
réputation & ce concours pour l'écouter, il ne
devint pas riclic. Il mourut de la pefte , âgé
de ^<) ans. Ce fur un des premiers hommes
de fon remps ; car il ofa penfer icul Ik il ne
fe laidà jamais gouverner par l'autorité : oh
découvre par tous fes écrits une certaine har-
diede dans fes penîées & dans !es opiiiioiis.
Jamais pcrfonne n'a mieux faifi une diffi-
culté, & ne s'en eft mieux fer^'i cortre fes
adverfaires , qui communémenrne pouvo:e:ït
pas tenir contre lui. Il fut gr.md ennemi de
la philofophie deCxfalpin : on découvre dans
tous fes écrits qu'il étoit fort conrc-nt de ce
qu'il faifoit -, l'amour propre s'y montre un
peu trop à découvert , &: on y apperv^oit
quelquefois une préfomption inlupportabîe.
Il regardoit du haut de fon efprit tous les
philoiophes qui l'avoient précédé, li ow en
excepte Ariftote Se quelques anciens. Il exa-
mina la philoiophie d'Ariftote , & il y apper-
çut plufieurs erreurs ; il eut le courage de les
rejeter , & allez d'efprit pour le faire avec
fucccs. Il eft beau de lui entendre dire dans
la préface de la méthode de la médecine de
prediélion , car tel eft le titre du livre : " Je
" m'attache à venger la dodrine de Jelus-
" Chrift , & je n'accorde à Ariftote rien de
" ce que Jefus-Chnft paroît lui refuler ; je
" n'examine pas même ce qui eft contraire
" à l'évangile , parce qu'avant tout examen ,
" je fuis adiiré que cela eft faux. » Tous les
philofophcs deyroicnt avoir dans l'efprit que
A R I
Jcur philofophie ne doit point être oppofee à
la religion ; toute leur raifon doit s'y brifèr,
Ëarceque c'eft un édihce appuyé fur l'immua-
le vérité. Il faut avouer qu'il eft difficile de
Taifir ion lyftcm*; philolophique. Je lais Seu-
lement qu'il mépriioit beaucoup tous les
comment-iteurs d'Arillotc , ik qu'il a\'oue
que la philoiophie péripatéticienne lui plai-
ioit beaucoup , mais corrigée & rendue con-
forme à l'évangile ; c'elt pourquoi je ne crois
pas qu'on doive l'eifacer du catalogue des
péripatt ficiens , quoiqu'il l'ait réformée en
i)lulieurs endroits. Un elprit aulFi hardi que
e (len ne pouvoir manquer de laiflcr échap-
per quelqi;cs paradoxes : Tes adverîaires s'en
iont lervis pour prouver qu'il éroit athée:
mais en vérité , le re'peét qu'il témoigne par-
tout à la religion , & qui certainement n'étoit
point limulé , doit le mettre à l'abri d'une
pareille accuiation. Il ne prcvoyoit pas qu'on
put tirer de p.ireiUes coniéguenccs des prin-
cipes qu'il avançoit ; car je fuis perfuadé qu'il
les auroir rétrjclés, ou les auroit expHqucs
de façon à (atisfaire tout le monde. Je crois
qu ou doit erre fort réfervé fur i'accuiation
d'athéiime ; & on ne doit jamais conclure
fur quelques propoiitions hazardées , qu'un
homme cil athée ; il faut confulrer tous Tes
.ouvrages ; ik l'on peut alÏÏirer que s'il l'eft
jréellement, Ton impiété fe fera lemir p.ir-tout.
Michel Picc.-rt briiloit vers le temps de
Nicolas Taurcill ; il profcilà de bonne heure
la logique , & s'y diftingua beaucoup ; il
luivit le torrent & fut péripiréticien. On lui
confia après les premiers eilais la chaire de
^étaphylique & de pocde ; cela prao;t alfez
Jirparate , Se je n^augure guère b;en d'un
temps où on donne une chr.irc pour la poé.'îe
2 un pjripatéticien : mais enfin il ctoit peut-
être le meilleur dans ce temps-là , S< il n'y a
rien à dire, lorfqu'on vaut mieux que tous
.ceux de fon temps. Je ne comprends pas
conim.ent , d.ms un fiecle où on payoit fi bien
les iàv.ans , Piccart fût li pauvre ; car il lutta
toute (a vie contre la pauvreté , & il fit bien
..connoitre par la conduite que la philoiophie
^e fon cœur 8c de fon e'prit valoir mieux
rflue celle qu'il didoit dans les écoles. Il ht
vUn grar.d ncmibre d'ouvr.iges , & tous fort
eftimés de fon vivant. Nous avons de lui cir-
>quante & une diilèrtarions , où il fait conno -
■tre qu'il polîédoit Arilloce rupérieuremenr. îl
fit auiïi le manuel de Li.p.hjQ%h:,e d'Arif-
A R I 3<7
rote, quî eut beaucoup de Cours : la réputa-
tion de Piccart fublille encore ; Se ce qui
ne peut guère le dire des ouvrages de ce
temps-là , on trouve à profiter dans les ficiis.
Corneille Martini naquit à Anvers ; il y
fit les études , & avec tant de diftinétion ,
qu'on l'attira immédiatement après à Amller-
dam , pour y prcfefîer h philoiophie. llétojt
lubiil , capable d'cmb.itrafler un homme
d'eiprit , &: fe tiroir aifément de tout en boa
périparéticien. Le duc de Erunfwick jeta les
yeux hir lui pour l'envoyer au colloque de
Ratisbonne. Gretzer qui ttoit auiîî député à
ce colloque pour le parti des catholiques ,
trouva mauvais qu'on lui allbcick un profeC-
feur de philoiophie , djr.5 une difpute où ou
ne devoir agiter que des queftions de théolo-
gie ; c'eft: ce qui lui ht dire , lorfqu'il vit Mar-
tini dans l'aficmblée, quidSoUl imerpropkctas
(juœrit ? A quoi Martini répondit , cfiiiam
patrisfui. Dans la iuite Martini fit bien con-
r.oftre q».'C Gretzer avoit eu tort de fepla:n;l;e
d'un tel fccond. Il fut très-zélé pour la philo-
fophie d'Ariftote-, il trovailla toute (a vie à
la détendre contre les silautsqu'on commen-
çoit déjà à lui Uvrer; c'eft ce qui lui lit pren-
dre les armes contre les partiians de Ramus;
& on peut dire que ce n'eft que par des efïbrts
redoublés que le péri p.néti fine fe foutint. Il
étoit prêt à difputer contre toijt le monde :
jamais de fa vie il ni ref.ilé un caitel philo-
fophique. Il mourut Jgé de 54 ans , un peu
martyr du péripatétifme ; car il avoir altéré
fa (nnté , foie par le travail opiniâtre pour
défendre Ion cher m.aître , foit par fes dil"-
putes de vive voix , qui infailliblement
ulêrent fa poitrine. Nous avoiis de lui l'anâ-
lyie logique , & le commentaire logiq-ie
contre les llamiftes , un fyftôme de philofo-
phie morale <?>: de métaphylique. Je ne Bis
point ici mention de fes dilfércns écrits fin-
la théologie , parce que je ne parle que de c-z
qui regarde la philofophie.
Hermannus Corringius eft- un des plus
lavans homm.es que l'Allemagne ait produits.
On pourroit le louer par plulieurs endroits :
mnis je m'en tiendrai à ce qui regarde h phi-
loîop'i't ; X s'y diltingua li fort , qu'on ne peut
le di'ptnfcr d'en faire mention avec éioqe
dant cette hlftoire. Le duc Ulric de Biunf-
wick le fit profeileur dans fon univerlité ; il
vint dans un mauvais temps , les guerres dé-
tcloiç;!!; tpute l'Li'rope : ce lléaa aîiiigcok
■ ■ ■ f •
36§ A R I] A R I
toutes les différentes nations ; il eft difficile un peu trop contre Defcartesri! ne voyoit rien
avec de tels troubles de donner à l'étude le j- - j" ■ ■ ■ -r
temps qui eft néceflaire pour devenir favant.
Il trouva pourtant le moyen de devenir un
des plus favans hommes qui aient jamais paru.
Le plus grand éloge que j'en puille faire ,
c eft de dire qu il fut écrit par M. Colbert lur
le catalogue des favans que Loiiis-le-C.rand
récompenfa. Ce grand roi lui témoigna par
fes largefTes au fond de l'Allemagi-,e le cas
qu'il faifoit de Ton mérite. Il fut péripitéti-
cien , & le plaint lui-mêm.e que le relpcdl:
qu'il avoit pour ce que les maîtres lui avoient
appris , alloit un peu trop loin. Ce n'eft pas
qu-'il n'osât examiner les opinions d' Ariftote :
mais le préjugé fe mettant toujours de la
partie , ces fortes d'examens ne le condui-
ibient pas à de nouvelles découvertes. Il pen-
foit fur Ariftote, &: fur la façon dont il falloii
l'étudier, com.me Islélandhon. Voici comme
il parle des ouvrages d'Ariftote : " Il manque
„ beaucoup de chofes dans la philofophie
„ morale d'Ariftote que je defirerois ; par
,, exemple , tout ce qui regarde^ le droit
„ naturel , & que je crois devoir être traité
,, dans la morale , puifque c'eft fur le droit
3, naturel que toute la morale eft appuyée. Sa
„ méthode me paroit mauvaifeik fes argu-
„ mens foibles. „ Il étoit difficile en effet
qu'il piit donner une bonne morale , pui(-
qu'il nioit la providence , l'immortalité de
l'amc , & par conféquent un état à venir où
on punit le vice , & où on récompenfe In
vertu Oiaelles vertus veut-on admettre en
niant les premières vérités ? Pourquoi donc
ne chercherois-je pas à cire heureux dans ce
monde , puifqu'il n'y a rien à efpérer pour
moi dans l'autre ? Dans les principes d'Arif-
tove , un îiomm-e qui fe facrifie pour la patrie,
eft fou. L'amour de foi-mcme eft avant
l'amour de la patrie ; & on ne place ordi-
nairement l'am^our de la patrie avant ramom
de foi-même , que pr.rce qu'on eft perfuadé
que la préférence qu'on donnera l'intérêt de la
patrie fjr le fien eft récompcnice. Si je meurs
pour la patrie , & que tout meure avecjmoi ,
n'eft-cc pas la plus grande de toutes les folies î
Quiconque prnfcra autrement , fera plus
attention aux grands mots cle ^atrk , qu'à la
réalité des chofes. Corringius s'éleva pourtant
: morceaux d
dans fa phyltque de raifonnable , & celle
d'Ariftote le iansfaifoit. Que ne peut pas le
préjugé fur l'eprit? Il n'approiuoitDelcartes
qu'en ce qu'il rcjetoit les formes fubftajitiel-
les. Les Allempnds ne pouvoient pas encore
s'accoutumer aux nou\ elles idées de Def-
cartes , ils reliembloient à des gens qui ont
eu les yeux bandés pendant long-temps , &
auxquels oncte le bandeau : leurs premières
démarches lont timides ; ils refufen: de s'ap-
puyer lur la terre qu'ils découvrent ; Se tel
aveugle qui dans une heure traverie tout
Paris , leroit peut-être plus d'un jour à faire
le même chemin , il on lui rendoit la vue
tout d'un coup. Corringius mourut , & le
péripatétifme expira prefque avec lui. Depuis
il ne fit que languir , parce que ceux qui
vinrent après & qui le défendirent , ne pou-
voient être de grands hommes ; il y avoit
ilors trop de lumière pour qu'un homme
i'elprit put s'égarer. Voilà à-peu près lecom-
mencement , les progrès & la fin du péripa-
cétilme. Je nepenfc pis qu'on s'imr.gir,e que
l'aie prétendu nommer tous ceux qui fefont
iiftingués dans cette Itde : il faudroit des vo-
lumes immenses pour cela, parce qu 'autrefois,
pourêtreun hommediftinguédans Ion (iecle,
il falloir le lîgnaJer dans quelque feéle de phi-
lofopliie -, & tout le monde lait que le péri-
patétiim.ea long- temps dominé. Si unhomme
pailoit pour avoir du mérite , on commcnçoit
par propoler quelque argument , in baroco
très-ibuvent , afin de juger il fa réputation
étoit bien fondée. Si Racine & Corneille
étoicnt venus dans ce temps-là , comme on
n'auroit trouvé aucun crgo dans leurs tragé-
dies , ils auroient pafle pour des ignorans ,
& par conféquent pour des hommes de peu
d'efprit. Heureux notre (iecle de penfer au-
trement 1 {'*-)
ARI :T0XÉNIIINS , (Mufiq.) fede qui
eut pour chef Ariftoxene de Sarente , dilci-
ple d'Ariftote , & qui étoit oppolée aux
Pyth:igoriciens lur la melure des intervalles
& fur la manière de déterminer les rapports
des ions ; de forte que les Ariftoxénienss'en
rapportoient uniquement au jugement de
l'oreille <Sc les Pydipgor'ciens à la pr'cilîori
du ca'ci.l. J'7'3e^ Pythagoriciens. (.V)
l'i^irvmgï de M. Dedmies , qui r'on: fnvlron la d'xieme
(*) L'aiitejir a cr'.i |îOiivo!r f.-mer :ci qui. -^ ..,.,.-,,.-..• uv .. ......j,. -- ■■■• ^- — - . -,-..--.. .... — -~
parti.; cle c<; lonç artlcU»; le rcPte eli un c<tuir ."ulift.nitiel & raifonni- de riii!>oire larlne de )a phiIof^phie ic Bru.-ker ;
ouvrage moderne tK\n\i dfs ctrjuj-ers, peu connu en Hrance , & dont on a fjit benucoiip d'ur^çe pour la partie philo-
fopliiquc de l'Encyclopédie , coamc dans i'anki: ARABts, d; dant un tc«i-gr»nj noœbte d'iutrfs.
^ ' ARlTHMANCIfi
A II I
ARïTHAfANClLovAHITHMOMAN-
CiE , r. f. divination ou niariicrc de con-
noitre cv de prédire l'a^. civr p?.T le moyen
des nombres. Ce mot eft tormé du grec
icfiHfxif , nombre , & de |Mxv^'ilA , divination.
Delrio en dillingue de deux forces ; l'une en
ulage chez les Grecs , qui conlidéroicnc It
nombre & la valeur des letcres dans Ici
noms des deux combattans , par exemple ,
& en auguroient que celui donc le nom ren-
fcrinoic un plus grand nombre de leccres ,
& d'une plus grande valeur que celles qui
compoioient le nom de Ion adveriaire ,
remporceroit la vidoire ; c'eft pour cela ,
difoient-ils , qu'Hedor dévoie êcre vaincu
par Acbiile. L'autre elpece écoic connue des
Clinldéens , qui parcageoient leur alphabec
en crois décades , en répécanc quelques
lettres , changeoient en letcres numérales les
lettres des noms de ceux qui les confultoient ,
& rapporcoient chaque nombre à quelque
planète , de laquelle ils ciroienc des préfages.
La cabale des juifs modernes eil une ef-
^ece à'crit/irn.incic ; au moins la divi(enc-ils
en deux parcies, qu'ils appellenc théomancie
& ariJimancic.
L'évangélifte S. Jean , dans le ch. xiij de
VAp 'Calypfe , marque le nom de l'Ance-
Chrift par le nombre Go6 , pallage donc l'in-
telligence a beaucoup exercé les commen-
tateurs. Cell: une prophétie enveloppée
(ous des nombres myiîérieux , qui n'autorile
nullement l'efpece de divination dont il
s'agit dans cet article. Les platoniciens &
les pychagoriciens ccoienc fore adonnés à
\'ari:hmancie. Delrio , Difquifit. Mdgicar.
lib. ly , cap. ij , quxfi. J ,feâ. 4 , pag. ^G^ &
S66.{G) ,
ARITHMETICIEN , f. m. fe dit en gé-
néral d'une perfonjie qui laie l'arichmécique ,
& plus communément d'une perfonne qui
Tenlcigne. Voye^^ Arithmétique. Il y a
des experts jurés écrivains arithméticiens.
Fbyc^ Expert , Juré, &<:.(£)
ARITMÉTIQUE, f. f. (Ordre encycl.
Entend. Raifon , Philof. ou Science , Scienc'^
de la nat. ou des êtres , de leurs qualités abf-
traites , de la quantité , ou mathémat. Math,
pures , Arithmétique. ) Ce mot vient du grec
«fiSjWÔf , nombre. C'eft l'art de démontrer ,
ou cecce partie des mathématiques qui con-
lidei'e les propriétés des nombres. On y
Tome II J.
ART 3^p
apprcni à calculer cxa&ment , f.'.ciicrneiit »
prornptement. T'o^c^ No.mbre , Matiié-
MATIQ.UES , Calcul.
Quelques auteurs définidcnt l'arithmé-
tique , la fcieiice de la quantité difcrete,
Voye^ Discret 6' Quantité.
Les quatre grandes règles ou opérations,
appellées \'addi:icn , la. fuuf!r.:cîion , la multi--
plication , Se la. d,viJion , conipofent propre-
ment toute l'arithmétique. V. Addition , t'c.
Il eft vr.ii que pour faciliter & ex'pédier
rapidement des calculs de commerce , des
calculs afi:ronomiques , fi'c. on a hiventé
d'autres règles fort utiles, telles que les règles
de proportion , d'alliage , de fiufle polition ,
de compagnie, dextradion de racines, de
piogrellion , de change , de troc , d'ef-
compte , de réduction ou de rabais , Ê'c.
mais en faiiant ulage de ces règles , on s'ap-
perçoit que ce ibnt leulement différences
applications des quatre règles principales,
^'oje^ Règle. Voye'^ aujji Proportion,
Alliage , &c.
Nous n'avons rien de bien certain fur
l'origine & l'invention de l'arithmétique :
mais ce n'eft pas trop rifquer que de l'attri-
buer à la première lociété qui a eu lieu parmi
les hommes , quoique l'hiftoire n'en hxe ni
l'auteur ni le cemps. On conçoit clairement
qu'il a fallu s'appliquer à l'art de compter,
des que l'on a été ncceiTicé à faire des par-
cages , & à les combiner de mille différentes
manières. Ainlî comme les Tyriens paflent
pour êcre les premiers comm:rçans de cous
les peuples anciens , plufieurs auteurs croient
qu'on doit l'arithmétique à cette nation, f^oy.
Commerce.
Joleph adure que par le moyen d'Abra-
ham l'arithmétique palla d'Aile en Egypte ,
où elle fut extrêmement cultivée & perfec-
tionnée , d'autant plus que la philofophie 8c
la chéologie des Egyptiens rouloient entière-
ment lur les nombres. C'eft de-là que nous
viennent toutes ces merveilles qu'ils nous
rapporient de l'unité , du nombre trois , des
nombres quatre , fepr , dix. F". Unité , &c.
En effet , Kirchcr fait voir , dans foiî
(SJip. Mgypt. tome II , page % , que les
Egyptiens expliquoient tout par des nom-
bres. Pythagore lui-même allure que la
nature des nombres eft répandue dans tout
l'univers , &.que lacoirioillance des nombres
370
A R I
conduit à celte de la diviiiiré , & n'en eft
prefque pas dit^ércnte.
La llience des nombres pafla de l'Egypte
dans la Grèce , d'où ajprès avoir reçu de
nouveaux degrés de perrcition par les agro-
nomes de ce pays , elle fut connue des Ro-
mains , & de-là eft enfin venue jufqu'à nous.
Cependant l'ancienne arithmétique n'étoit
pas , à beaucoup près, auiTi parfaite gue la
moderne : il paroit qu'alors elle ne lervoir
guère qu'à coniidérer les différentes diviiions
des nombres : on peut s'en convaincre en
lilanc les traités de Nicomaque , écrits ou
compurés dans le troilieme liecle depuis la
fondation de Rome , & celui de Boëce ,
qui exiftent encore aujourd'hui. En 1556 ,
Xylandcr publia en latin un abrégé de Tan-
cienne arithmétique , écrite en grec par
Pléllus. Jordanus compola ou publia , dans
le douzième ilecle, un ouvrage beaucoup plus
ample de la même efpece , que Faber Stapu-
leniis donna en 1480 , avec un commentaire.
U arithmétique , telle qu'elle efl aujour-
d'hui , le divife en diiférences elpeces ,
comme théorique , pratique , injîrumentale ,
logarithmique , numérale , fpécieilfi , décimale,
îétraâique , duodécimal: , fexagéjimale , &c.
Uarithménque théorique eft la fcience des
propriétés & des rapports des nombres .ibf-
traits , avec les raitbns &; les démonftrations
des différentes règles. F'oje:{^ Nombre.
On trouve une ariihmétique théorique
dans les feptieme , huitième , neuvième livres
d'Eudydc. Le moine Earlaam a aullî donné
une théorie des opérations ordinaires , tant
en entiers qu'en fradbions , dans un livre de
fà compolu'ion intitulé Logijîica , de publié
en latin par Jean Cl'ambers , anglois, l'an
j6oo. On peut y ajouter l'ouvrage italien
de Lucas de Burgo , mis au jour en 1523 :
cet auteur y a donné les différences divi-
iions de nombres de Nicomaque & leurs
propriétés^ conformément à la dodtrined'Eu-
clyde , avec le cilcul des entiers Se des frac-
tions , des extradions de racines , &<:,
h'arithmétique pratique eft l'art denom-
brer ou de calculer , c'cft-à-dire , l'ait de
trouver des nombres par le moyen de certains
nombres donnés , dont la relation aux pre-
miers eft connue; comme Ci l'on demandoit,
par exemple , de déterminer le nombre égal
aux deux nombres doimés > 6 j 8.
A R T
Le premier corps complet à' arithmétique
pratique nous a été donné en 1556, par
fart.'glia , Vénitien : il confifte en deux
livres ; le premier contient l'application de
\ ariihmétique aux ufiiges de la vie civile ; &
le fécond , les fondemens ou les principes
de l'algèbre. Avant Tarcaglia , Stifelius avoir
donné quelque choie iur cette matière en
1 544 : on y trouve différentes méthodes Se
remarques Iur les irrationnels , &C.
Nous fupprimons une infinité d'autres
auteurs de pure pratique qui lont venus de-
puis , tels que Gemma Frifîus , Metius ,
Clavius , Ramus , 6t.
Maurolicus , dans fes Opufcula mathe^
matica de l'année i 577 , a joint la théorie à
la pratique de \' arithmétique , il l'a même
perfecliionnée à plufîeurs égards : Henei^
chius a fait la même choie dans l'on Arith-
metica p.rftcla de l'année 1 609 , où il a ré-
duit toutes les démonftrations en forme de
lyllogilme . ainlî que Taquet, dans la Theo-
ria & praxis Arithmeticcs de l'année 1704,
Les ouvrages fur V arithmétique font fi
communs parmi nous , qu'il feroit inutile
d'en faire le dénombrement. Les règles
principales de cette fcience (ont expofées fort
clairement dans le premier volume du cours
de mathématique de M. Camus , dans les
inltitutions de géométrie de M. de la Cha-
pelle , dans Vari'hmétique de Potîîcier par
M. le Blond. (O)
Uarithmétique inftrumentale eft celle oi»
les règles communes s'exécutent par le moyer»
d'inftruraens imaginés pour calculer avec
facilité & promptitude : comme les bâtons
cie Neper ( Foje:^ Nlper) , l'inftrument de
M. Sam. Moreland , qui en a publié lui-
même la delcriprion en 1666 ; celui de
M. Leibnitz , décrit dans les Mifccllan.
Berolin. la machine arithmétique de M. Paf-
cal , dont on donner.- la deiciipnon plus
bas , &c.
'L'arithmétique logarithmique , qui s'exé-
cute par les cables des logarithmes. Vvye:[_
Logarithme. Ce qu'il y a de meilleur là-
dellus eft VArithmetica logarithmiea de Hen.
Brigg , publiée en 1614.
On ne doit pas oublier les tables arithmé"
tiques uiiiverfeÙes de Proltapharefe, publiées
en 1610 par Herwarc , moycmiant lei-
A a t
quelles l.i multiplication fc (ûif aifémcnt &:
cxadcmcnt par l'addition , & la divifion par
la foullradion.
Les Clùnois ne fe fervent guère de règles
dans leurs calculs ; au lieu de cela , ils font
ufage d'un inftruraent qui conlîfte en une
petite lame longue d'un pié & demi , tra-
verice de dix ou douze fils de fer , où lont
enfilées de petites boules rondes : en les
tirant enfemble , Se les plaçant eniuite l'un
après l'autre , luivant certaines conditions &
conventions, ils calculent à-peu -près comme
nous fiifons avec des jetons , mais avec tant
de facilité & de promptitude , qu'ils peuvent
fuivre une perfonne quilit un livre décompte,
avec quelque rapidité qu'elle aille ; & à la fin
l'opération fe trouve faite : ils ont auiïî leurs
méthodes de la prouver. Voyc^ le P. le
Comte. Les Indiens calculent à-peu-prcs de
même avec des cordes chargées de nœuds.
\Jarithmétii]ue numérale eft celle qui en-
(èigne le calcul des nombres ou des quantités
abftrairei défignées par des chiffres ; on en
fait les opérations avec des chiffres ordinaires
ou arabes. Foje^ Caractère & Arabe.
\J arithmétique fpécieufe eft celle qui en-
feigne le calcul des quantités délignées par
les lettres de l'alphabet. Voyc:^ Spécieuse.
Cette arithmétique eft ce que l'on appelle
ordinairement Y algèbre ou arithmétique litté-
rale. Foyt'^ Algèbre.
Wallis a joint le calcul numérique à l'al-
gébrique , & démontré par ce moyen les
règles des fradtions , des proportions , des
extractions de racines , ùc.
Wels en a donné un abrégé fous le titre
de Elementa arithmetiae , en 1698.
h' arithmétique décimale s'exécute par une
fuite de dix caractères , de manière que la
progrefllon va de dix en dix. Telle eft notre
arithmétique , où nous tailons ufage des dix
caraélcres arabes ,0,1,2,3,4,5,6,
7,8,9: après quoi nous recommençons
10, 11,11, &c.
Cette méthode de calculer n'eft pas fort
ancienne ; elle étoit totalement inconnue
aux Grecs & aux Romains. Gerbert , qui
devint pape dans la fuite fous le nom de
Sylveftre îl , 1 introduilit en Europe , après
l'avoir reçue des Mores d'Eipagne. Il eft
fort vraifemblable que cette progrelTîon a
pris fon origine des dix doigts des maiiis.
A R I 371
dont on faifoit ufage dans les calculs avant
que l'on eût réduit {'arithmétique en art.
Les miftionnaires de Porient nous aftureni:
qu'aujourd'hui même les Indiens (ont très-
experts à calculer par leurs doigts , (ans fc
lervir de plume ni d'encre. Voye^^ les lett.
édif. & curicufes. Ajourez à cela que les
naturels du Pérou , qui font tous leurs cal-
culs par le différent arrangement des grains
de maïz , l'emportent beaucoup , tant par U
j uftelle que par la célérité de leurs comptes ,
fur quelque Européen que ce foie avec toutes
les règles.
L'arithmétique binaire eft celle où l'on
n'emploie uniquement que deux figures ,
l'unité ou I & le o. Voye^ Binaire.
M. Dangicourt nous a donné , dans les
Mifcell. Berul. tome I , un long mémoire fur
cette arithmétique binaire -, il y fait voir qu'il
eft plus aifé de découvrir par ce moyen les
loix des piogreffions , qu'en fe fervant de
toute autre méthode où l'on feroir ufage
d'un plus grand nombre de caradteres.
'L'arithmétique tétraCtique eft celle où l'on
n'emploie que les figures i , z , 5 , & o.
ErhardWeigel nousa donné un/ra//e de Cette
arithmétique ; mais la binaire & la tétradti-
que ne font guère que de curiolîté , relative-
ment à la pratique , puifque l'on peut expri-
mer les nombres d'une manière beaucoup
plus abrégée par l'arithmétique décimale.
L' aritk?nétiquey\.\\gdÂïe roule fur les entiers
& les fradtions. V. Entier 6' Fraction.
L'arithmétique iexagédmale eft celle qui
procède par foixantaines , ou bien c'eft la
dodrine des fraétions fexagéfimales. Voye^
Sexagésimal. Sam. Reyher a inventé une
efpece de baguettes fexagénales , à l'imi-
tation des bâtons de Neper , par le moyen
defquelles on fait avec facilité toutes les
opérations de {'arithmétique fexagéfimale.
L'arithmétique des infinis eft la méthode
de trouver la (emme d'une fuite de nombres
dont les termes lont infinis , ou d'en
déterminer les rapports. V. Infini , Suite
ou Série , ùc.
M. Wallis eft le premier qui ait traité
à fond de cette méthode , ainfi qu'il paro:t
par Ils Opéra mathematica , où il en a fait
voir l'ufage en géométrie pour déterminer
l'aire des furfaces &c la folidité des corps ,
aiiili que leurs rapports : mais la méthode
Xx z
37. A RI
des tluxions , qui cft Vaihhm' tique nnivcrfcUe
des infinis, exécute tout cela dui'c manière
beaucoup plus piorr.pre ^c plus commode ,
indcpcnaammcnt d'une infiiiité d'autres
choies .auxquelles la première ne faiiroit
atteindre. V. Fluxions , Calcul , ^fc.
Sur V arithmétique des incommenlurables
ou irrationnels 3 voy. Incommensurable ,
Irrationnel ,. ê'c.^
Jean de Sacrobolco ou Halifix compofa
en 1251 , félon V/oflius , un traité d'ar/VA-
métique ; mais ce traité a toujours ïtûé
mauufcrit : Se félon M. l'abbé de Gua ,
Paçiolo qui a donné le premier livre d'-^l-
.gcbre , eft aufu le premier auteur d'arith-
métique qui aie été imprimé. V. Algèbre.
Jufqu'ici nous nous fommes contentés
d'expoler en abrégé ce que l'on trouve à-
peu -■ près dans la plupart des ouvrages
liiathcmatiques fur la fcience des nombres ,
ce nous n'avons guère fait que traduire
l'article arithmétique tel qu^il fe trouve dans
l'encyclopédie angloife : tâchons préfente-
ment d'entrer davantage dans les principes
de cette fcience , & d'en donner une idée
plus précife.
Nous remarquerons d'abord que tout
nombre, fuivam la définition de M. Newton,
n'eft proprement qu'un rapport. Pour en-
tendre ceci , il faut remarquer que toute
grandeur qu'on comp.'.re à une autre , efi:
ou plus petite , ou plus grande , ou égale ;
qu'aiiiiî toute grandeur a un certain rapport
avec une autre à laquelle on 'a compare ,
c'eft-à-dire qu'elle y eft contenue ou la
contient d une certaine manière. Ce rapport
ou cette manière de contenir ou d'être
contenu , efl: ce qu'on appelle n,cmbre ;
ainfi le nombre 5 exprime le rapport d'une
grandeur à une autre plus petite , que l'on
l^rend pour l'unité , & que la plus grande
contient trois fois : au contraire \\ fraétion ',
exprime le r.ipport d'une certaine grandeur
à une plus grande que l'on pre-.id pour l'uni-
té , & qui cft contenue trois fois dans cette
flus grnde. Tout cela fera expofé plus en
détail aux articles Nombf.f, Fraction, ùc.
Les nombres étant des rapports apper-
^us p;r l'efprit ^ diftingués p.n- des fîgnes
yarciculicrs, \'r.rithn:éiique , qui eft la Icience
uks EOEabics , tlt donc l'art de combiner
AR I
entr'eux ces rapports , en fe fervant pour
faire cette conibmaifon des lignes mêmes
qui les diftinguent. De-là les quatre princi-
p. des règles de {'arithmétique , car les diiie-
rentes combinaiions qu'on peut faire des
rapports, fe réduil'cnt ou à examiner l'excès
des uns fqr les autres , ou la manière dent ils
ie contiennent. L'addinon &c la fouftravftion
ont le premier objet, puifqu'il ne s'ngitqued'y
ajouter ou d'y iouftraire des rapports ; le fé-
cond objet cft celui delà mukipiication & de
la diviiion , puilqu'on y détermine de quelle
manière un rapport en contient un autre..
Tout cela fera expliqué plus en détail aux 1
articles Multiplication 6' Division. |
Il y a , comme l'on fiit , deux fortes,
de rapports , 1 arithmétique <^' le géomé-
trique. V. P. apport. Les nombres ue font
proprement que des rapports géomiCtriques ;
mais il lemble que dans les deux prcm.eres
règles de l'jrithmttiquc , on conlidere ariih-
métiquement ces rapports , & que dans les
deux autres on les conlidere géométrique-
ment. Dans l'addition de deux iiornbrea
( car toute addition fe réduit proprement à
celle de deux nom.bres )■ , l'un des deux
nombres repréfente l'excès de la lomme lur
l'autre nombre. Dans la multiplication , l'un
des deux nombres eft le rapport géométrique
du produit à l'autre nombre. V^, Somme,
Produit.
A légard du détail des opérations parti-
culières de l'arithmétique , il dépend de la
forme & de l'inftitution des fignes par lef-
quels on dcligne les nonibres. Notre arith-
iiihique , qui n'a que dix cliiftVes , feroit fort
diftérente lî elle en avoir plus ou moins i
6V' les Romains qui avoient des chiffres difFé-
rens de ceux dont nous nous lervons ,
dévoient aulTi avoir des règles à'arithmc-
rique toutes différentes des nr-tres; mais toute.
arithmétique fe réduira toujours aux quatre
règles dont nous parlons , parce que de quel-
que manière qu'en déligne ou qu'on écrive
les rapports . on ne peut j.'-mais les combiner
que de qu ure façons , & même , à propre-
ment pnrler , de deux manières feulement ,
dont chacune peut érte envifîigce fous deux
fices différentes.
On pourroir dire encore que toutes les-
règles de l'arithmétique le réduilent ou ;t
former un tout par la réunion de différentes
A R I
parries , comme dans l';v.idition ^- la mulcl-
plicatioii , OH à rcfoudrc un coiu en différen-
tes p:irties , ce qui s'cxcciiie par la louftrac-
tion ^ la diviiion. En cttct , la mukipli-
cacion n'clt qu'une addition iv-pjtce , Ik la
diviliun n'ert aulTi qu'une loultradrion ré-
pétée ; d'où il s'en'uic encore que les règles
primitives de Varitkmétigiie peuvent à la
rigueur le réduire à l'addition (is: à la fouf-
traction. La multiplication tSc la diviiion ne
font proprement que des manières abrégées
de faire l'addition d'un même nombre plu-
fieurs fois à lui-même , ou de foufnaire
pluheurs fois un mêmie nombre d'un autre :
aulFi M. Newton appcl!e-t-il les règles de
Variihmétique , cc.rr.fojilio & rej'clutio arith-
metka , c'eft-à-dire , compofuion £' réfolution
des nombres.
ArithmÉtiq^ue universtlie ; c'efl:
ainli que M. Newton appelle l'algèbre ou
calcul des grandeurs en général : &; ce n'eft
pas (ans railbn que cette dénomination lui
a été donnée par ce grand homme , dont le
génie également lumineux & profon.d paroit
avoir remonté dans toutes les Icienccs à leurs
vrais principes métaphyiiques. Eneftet, dans
V arithmétique ordinaire on peut remarquer
deux e'peces de prirxipes ; les prem.iers ibnt
des règles générales , indépendances des
(jgnes particuliers par le'que!s on exprime
les nombres; les autres font des règles dé-
pendantes de ces mcm.es lignes , & ce font
celles qu'on appelle plus pjrriculiéremenr
règles de l'arnhnié-.iqve. Mais les prem.iers
principes ne font autre chofe que des pro-
priétés générales des rappor:s, qui ont lieu
de quelque manière que ces rapports '.oient
défignés : telles 'ont,, par exem.ple, ces règles;
fi on cte \\n nombre d'un autre, cet autre
1 nombre joint avec le refle . doit re;idre le
i prem.er norrire ; li on divife une grandeur
I pax une autre , le quotient multiplié par le
! divifeur , doit rendre le dividende ; ii on
! multiplie la lorame de plulicurs nombres
par la fomm.e de plufieurs autres, le pro-
, uu;t eft égal à la lomme des produits de
] chaque partie p.u toutes les autres , 6'c.
De-là il s'eniliit d'abord qu'en défignant
les nombres par des expreiTions gcnéiales ,
c'eft-à-dire qui n.e délignent pas plus un
nombre qu'un autre , on pourra fonner
çeitaiiacs règles relatives aux opératiovis
A RI 373
' qu'on peut fnre lur les nombres aînli déli-
gnés. Ces règles ie rcdullent à reprélènter
de la manière la plus (impie qu'il eft pof-
lible , le réiultat d'une ou de piuiieurs opéra-
tions qu'on peut faire lur les nombres expri-
més d'une manière générale ; & ce réfultar
ainli exprimé ne fera proprement qu'une
opération arithmétique indiquée , opération
qui variera félon qu'on donnera dilFéieiîtes
valeurs arithmétiques aux quantités qui ,
dans le réiultat dont il s'agit , repréfentent
des nombres. ,
Pour mieux faire entendre cette notion
que nous donnons de l'algèbre , parcouj-ons-
en les quatre règles ordinaires , éi commen-
çons par l'addition. Elle conlille , com.nie
nous l'avons vu dans \' article Addition , à
ajouter enlem.ble avec leui-s lignes , fans
aucune autre opération , les quantités dif-
lemblables, & à ajourer les coëfficicns des
quantités lemblables : par exemple, i! j'ai à
ajouter enienible les deux grandeurs dilïèm-
blables a, h, j'écrirai limplcment ci-\-b ;
ce ri:!u!tat n'eft autre chofe qu'une manière
d'indiquer que li on déligne a par quelque
nombre , & b par un autre , il faudra
ajouter enfemble ces deux nombres ; air.lî
a-\-h n'eft que l'indication d'u.ne addirioa
arithmétique , dont le réliiltat fera diffé-
rent , lelon les valeurs numériques qu'on
alîîgnera àa &c à b. ]c 1 uppofe preicntcment
qu'on me propofe d'ajouter y a avec 3 « , je
pourrois écrire f (2 H- 5 a , &c l'of éracion
arithmétique leroit indiquée comme ci-def-
lus; mais en examinant ^ a ik ^ a , ]e vois
que cette opération peur être indiquée d'une
manière plus limple : car quelque nombre
que û repréfente , il efl évident que ce nom-
bre pris j- fois , plus ce même nombre
pris j fois , eft égal au même nombre pris
S fois ; ainli je vois qu'au lieu de j a 4- 3 a,
je puis écrire 8 a , qui eft l'expreilion abré-
gée , Ce qu! m'indique une opération ar:th-
métique plus luTiple que ne me l'indique
l'expreilion f ^ -H 3 «.
C'eft là-defîusqu'cft fondée la règle géré-
raie de l'addition algébrique , d'ajouter les
grn.ieurs fernblables en ajoutant leurs ccëf-
licieiis numériques , cc écrivant enfuitc h.
oartie littérale une lois.
On voir donc que l'addition aigb ique
fe r.duir à exprimer de la m.uriere la ^ La;
374 A m
fimple la fomme ou le réfiilcat de plufieurs
nombres exprimés généralemenr , & à ne
îaiflèr , pour ainiî dire , à l'arithméticien
que le moins de travail à faire qu'il elt
poflible. Il en eft de même de la (ouftrac-
tion algébrique. Si je veux retrancher i de a ,
j'écris fimplement a — b , parce que je ne
peux pas repréfenter cela d'une manière plus
iîmple ; mais fi j'ai à retrancher 5 a de f a ,
je n'écrirai point j a — ^ a, parce que cela
me donneroit plulleurs opérations cj/ry^we-
tiques à faire : en cas que je voululle donner
-à a une valeur numérique , j'écrirai fimple-
ment i a , expreffion plus limple & plus
commode pour le calcul arithmétique. Voy.
Soustraction.
J'en dis autant de la multiplication &
de la divifion. Si je veux multiplier a-\- b
par c -+- ^ , je puis écrire indifféremment
(û + i^) X (c-4-^), 0\xac-\-b c-\-ad-\-b
d ; &c fouventmême je préférerai la première
expreiïion à la féconde , parce qu'elle lemble
demander moins d'opérations arithmétiques :
car il ne faut que deux additions & une
multiplication pour la première , & pour la
féconde il faut trois additions ôz quatre mul-
tiplications. Mais il j'.ii à multiplier 5 n par
3 (7, j'écrirai 1 5 «(Z au lieu de j a X 3 <2, parce
que dans le premier cas j'aurois trois opé-
rations arithmétiques à faire , & que dans le
fécond je n'en ai que deux ; une pour trou-
ver aa , & l'autre pour multiplier aa par 1 y.
De même fi j'ai a -f-^ à multiplier par a — b ,
j'écrirai a a — èb, parce que ce rél'ultat fera
fouvent plus commode que l'autre pour les
calculs arithmétiques , & que d'ailleurs j'en
tire un théorème , favoir, que le produit de
la fomme de deux nombres , par la différence
de ces deux nombres , eft égal à la différence
des quarrés de ces deux nombres. C'efl: ainfi
qu'on a trouvé que le produit de «+3 par a
+3, c'eft-à-dire le quarré de a-\-b étoit
aa-\- 1 a b~{- b b , & qu'il contenoit par
conléquent le quarré des deux parties , plus
deux fois le produit de l'une par l'autre ; ce
qui fert à extraire la racine quarrée des nom-
bres, Voy, Quarré & Racine quarrée.
Dans la divifion, au lieu d'écrire-7-^,
ARI
he
diviferôcpar hd, j'écrirai;^ 3 ne pouvant
trouver une expreffion plus fimple.
On voit donc par-là que M. Newton a
eu raifon d'appeller l'algèbre arithmétique
univerfelle , puilque les règles de cette Icience
ne confiftent qu'à extraire , pour ainfi dire ,
) ecrn-ai
aa'~~xa
fimplement 4 a.
, j 'écrirai <? — .v
au lieu d'écrire
: mais fi j'ai à
ce qu'il y auroit de général & de commun
dans toutes les arithmétiques particulières qui
le feroient avec plus ou moins ou autant
de chiffres que la notre , & à prélenter
fous la forme la plus fimple &: la plus abré-
gée , ces opérations arithmétiques indiquées.
Mais , dira-t-on , à quoi bon tout cet écha-
fiudage ? Dans toutes les queftions que l'on
peut Te propofer fur les nombres , chaque
nombre eft défigné ôc énoncé. Quelle uti-
lité y a-t-il de donner à ce nombre une
valeur littérale dont il femble qu'on peut fc
paffer ; Voici l'avantage de cette déno-
mination.
Toutes les queftions qu'on peut propo-
fer fur les nombres, ne font pas aulh lim-
ples que celles d'ajouter un nombre donné
à un autre , ou de l'en fouftraire ; de les mul-
tiplier ou de les diviler l'un par l'autre. Il eft
des queftions beaucoup plus compliquées,
& pour la folution defquelles on eft obligé
de faire des combinaifons , dans Iclquelles
le nombre ou les nombres que l'on cher-
che doivent entrer. Il faut donc avoir un
art de fiire ces combinaifons fans connoi-
tre les nombres que l'on cherche , ik: pour
cela il faut exprimer ces nombres par de«
caraéleres différens des caraderes numéri-
ques , parce qu'il y auroit un très-grand
inconvénient à exprimer un nombre incon-
nu par un caraélere numérique qui ne pour-
roit lui convenir que par un très -grand
hazard. Pour rendre cela plus fenfible par
un exemple , je fuppofe qu'on cherche deux
nombres dont la fomme (bit 100 , Ôc h dif-
férence 40. Je vois d'abord qu'en défignant
les deux nombres inconnus par des carac-
têtes numériques à volonté , par exemple
l'un par 25 ^ l'autre par 50 , je leur don-
nerois une cM^relTion très-faultè , puifque
i)- &c 60 ne (atlsfont point aux conditions
de la queftion. Il en fcroit de même d'une
infinité d'autres dénominations numériques.
Pour éviter cet inconvénient , j'appelle le
plus grand de raes nombres x , 6c le plus
AR I
petit y; .5; j'ai par cette dénomination algé-
brique les deux conditions ain(i exprimées :
X plus y eft égal à loo , .Sc .v moins y elï
égal à 60 ; ou en caraderes algébriques.
a:-f-j'=ioo.
3! — y = ^o. Voyei Caractère.
Puifque x-\-y e(t égal à 100 , & x — y égal
à 60 , je vois que lûo , joint avec 60 , doit
erre égal à x-+-y , joint à x — y. Or , pour
ajouter x+y \x — y, il Hiut, fuivant les
règles de l'addition algcbrique, écrire ix ; je
vois donc que ix elt égal à 1(^0 , c'eft-à-dire ,
que 160 ell le double du plus grand nom-
bre cherché ; donc ce nombre eft la moi-
tié de 160 , c'clt-à-dire 80 : d'où il eft ficile
de trouver l'autre qui eft y ; car puifque
x+y eft égal à 100, & que .r eft égal à
80, donc 80 plusj eft égal à 100; donc y
eft égal à 100 dont on a retranché 80 , c'eft-
à-dire, 10 ; donc les deux nombres cherclîé^
font So ik 20 : en eftct leur lomme eft 100 ,
& leur différence eft 40.
Au rtfte je ne prétends pas faire voir par
cet article la nécelfité de l'algèbre , car elle
ne ferOic encore guère néceflà-ire, fi on ne
propofoit pas des queftions plus compliquées
que celles-là : j'ai voulu feulement faire \o[t
par cet exemple très-fimple , & à la portée
de tout le m.onde , comment par le fecours
de l'algèbre on parvient à trouver les nom-
bres inconnus.
^ L'exprefÏÏon algébrique d'une queftion
n'eft autre chofe , comme l'a fore bien remar-
qué M. Newton, que la traduction de cette
même queftion en caraderes algébriques;
traduction qui acela de commode & d'ef-
fciîtiel, qu'elle fc réduit à ce qu'il y a d'ab-
folument néceftaire dans la queftion , &c que
les conditions fuperflues en font bannies.
Nous allons en donner daprès M. Newton
l'exemple fuivant.
Qmftion énoncée fur le
langage ordinaire.
On demande trois nom-
bresavec cesconditions:
Q-i'ils foient en pro-
portion géométrique
continue.
Qiieleutfomirefoitio.
ït qne la fomme de
leuis quartés foie I40.
La même ijuejiion tra-
duite algébriquement,
x:y::y-.^,onxi=^yy.
i^oy. Proportion.
Amli la queftion le réduit à trouver le»;
trois inconnues x,y,-^, par les trois équa -
tions.ï^=jy ^-+-J+^=xo, xx-\-
yy-^l\~ 140. Il ne lefte plus qu'à tirer
de ces trois équations la valeur de chacune
des inconnues.
On voit donc qu'il y a dans V arithmétique
umverfclle deux parties à diftinguer.
La première eft celle qui apprend A f'ire
les combinaifons & le calcul des quantités
reprefentées par des lignes plus univerfels
que les nombres : de manière que les quan-
tités inconnues , c^cft-à-dire , dont on i-^nnre
la valeur numérique, puiilént être combi-
nées avec la même facilité que les quantités
coiinues , c'eft-à-dire , auxquelles on peut
allignerdcs valeurs numériques. Ces opéra-
tions ne fuppoient que les propriétés généra-
les de la quantité , c'eft-à-dire , qu'on envi-
Irge .a quantité lîmplem.ent comme quantité,
^ non comme repréfenrée & fixée par telle
ou telle exprelTîon particulière.
La féconde partie de ^arithmétique uni-
v?r/e//econlifte à favoir faire ufige de la mé-
thode généralede calculer les quanutés , pour
découvrir les quantités qu'on cherche par le
moyen des quantités qu'on conr.oit. Pour
cela il faut, 1°. repréfenter de la manière la
plus fimple & la plus commode , la loi du
rapport qu'il doit y avoir entre les quantités
connues & les inconnues. Cette loi de rap-
port eft ce qu'on nomme équation ; ainfi le
premier pas à faire lorfqu'on a un oroblême
à refoudre , eft de réduire d'abord le pro-
blême à l'équation la plus lîmple.
tnhiire il faut tirer de certe équation la
chaleur ou les différerires valeurs que doit
avoir l'inconnue qu-'on cherche ; c'eft ce qu'on
appelle réfoudre l'équation. Vcye[ l'article
Fciu ATioN , où vous trouverez là-delTus un
plus long détail , auquel nous renvoyons ,
ayant dii nous borner dans cet article adon-
ner une idée générale de l'arithmétique uni-
verfelle , pour en détailler les règles dans les
articles particuliers, ^^oje^/zuj/i Problème,
Racine, &c,
La première partie de l'arithmétique uni-
verfdk , s'appelle proprement algèbre , ou
cience du calcul des grandeurs en général;
la leconde s'appelle proprement analyfe :
mais ces deux nom.s s'emploient allez fouvent
l'un pour l'autre. F. AiCf bre &■ Analyse.
l~,G
A il I
Non: ignorons li les anciens ont connu
cette kiciicc : il y a pourcans; bien de l'ap-
parence qu'ils avoicnt quelque moyen iern-
biab'e pourréfoudre au mouis les queftions
nuiiiériques ; par exemple , les qucilions qui
ont: été appellées quejlions de Diophaïue.
Voye':^ DiornANTE ; vojc^ aujji Applica-
tion de l'analyfe à la géométrie.
Selon M. l'abbé de Gua , dans Ton excel-
lente hifoire de l'alghre , dont on trouve la
plus grande partie à l'an. Algèbre de ce
didlionniire , Théon paroit avoir cru que
Platon eft l'inventeur de l'analyie; & Pappus
nous apprend que Diophante & d'aucres
auteurs anciens s'y croient principalement
appliqués , comme Euclyde , Apollonius ,
Ariiléc , liratofthene , & Pappus lui-même.
Mais nous ignorons en quoi conlîftoit préci-
fcm.ent leur analyie , & en quoi elle pouvoit
différer de la nôtre ou lui rellembler. M. de
?vlalezieu , dans Çesélémens de g'cmétrie , pré-
tend qu'il eft moralement impoiîîble qu'Ar-
chimede ioit arrivé à la plupart de les belles
découvertes géométriques , fans le fecours de
quelque choie d'équivalent à notre analyie :
mais tout cela n'eft qu'une conjeélure ; & il
feroit bien (ingulier qu'il n'en relHt pas au
moins quelque veftige dans quelqu'un des
ouvrages des anciens géomietres. M. de
l'i-î:-pital, ou plutôt M. de Fontenelle , qui
eft l'auteur de la préface des infiniment petits ,
obfcrve qu'il y a apparence que M. Palcal
eft arrivé à force de tète & lans analyie , aux
belles découvertes qui compofent Ion traité
de la roulette , imprimé ious le nom èîEton-
vilk. Pourquoi n'en feroit-il pas de même
d'Archimede & des anciens î
Nous n'avons encore parlé que de l'ulage
de l'algèbre pour la rélolution des queftions
numériques : mais ce que nous venons de
dire de l'analyie des anciens , nous conduit
naturellement à p:rler del'ufàge del'algcbre
dans la géométrie : cet uHige coniifte prin-
cipalement à réfoudre les problèmes géomé-
triques par l'algèbre, comme on réibut les
problêmes numériques , c'efl-à-dire , à don-
ner des noms algébriques aux lignes connues
& inconnues; & après avoir énoncé la quef-
tion algébriquement , à calculer de la même
manière que il on réfolvoit un problème
numérique. Ce qu'on appelle en algèbre équa-
tion d'une courh , n'eft qu'un problème géo-
A RI
métrique indéterminé , dont tous les points
delà couibe donnent la lolution; &; ainù
du relte. Dans l'application de l'algèbre à la
géométrie , les lignes connues ou données
lont repréfentées par des lettres de l'alpha-
bet ; comme les nombres connus ou donnés
dans les queftions numériques : mais il faut
obferver que les lettres qui repréfentent des
lignes dans la folution d'un problême géo-
métrique , ne pourroient pas toujours être
exprimées par des nombres. Je fuppofe , par
exemple , que dans la lolution d'un problê-
me de géométrie , on ait deux lignes con-
nues, dont l'uncque j'appellerai a (oit le coté
d'un quarré , «Se l'autre que je nommerai b foie
la diagonale de ce même quarré , je dis que
il on ailigne une valeur numérique à a, il
lera i.mpofTible d'alTigner une valeur numé-
rique à b , parce que la diagonale d'un quarré
& fon coté lonc incommenfurables. Voye^^
Incommensurable , Diagonale , Hypo-
THÉNUSE, £-t, Ainiî les calculs algébriques
appliqués à la géométrie ont un avantage ,
en ce que les caractères qui expriment les
lignes doiuiées peuvent marquer des quan-
tités commenlurables ou incommenihrables;
au lieu que dans les problèmes numériques ,
les caractères qui repréfentent les nombres
donnés ne peuvent repréfenter que des nom-
bres commenlurables. Il eft vrai que le nom-
bre inconnu qu'on cherche , peut êcre repré-
lenté par une expreillon algébrique qui déli-
gne un incommenlurable : mais alors c'eft
une marque que ce nombre inconnu & cher-
ché n'exifte point , que la queftion ne peut
être rélolue qu'à-peu-près, & non exadte-
ment ; au lieu que dans l'application de l'al-
gèbre à la géométrie , on peut toujours aifi-
gner par une conftruition géométrique la
grandeur exaéte de la ligne inconnue , quand
même l'exprciTîon qui défigne cette Ugne
leroitincommeniurabîe. On peut mêmelou-
vant ailigner la valeur de cette ligne , quoi-
qu'on ne puiliè pas en donner l'expremon
algébrique, loi: commeniurable , ibit in-
commenlurable : c'eft ce qui arrive dans le
cas irréductible du troilîeme degré. yoye[
Cas IRREDUCTIBLE.
\jn des plus grands avantages qu'on a
tirés de l'application de l'algèbre à la géomé-
trie , eft le calcul dirferenticl ; on en trouvera
l'idée au mot DiFFtRENTiEL , avec une
nodoa
A R I
notion exade de la nature de ce calcul. Le
calcul difFéicntiel a produit l'intégral. Voyci
Calcul & Intégral.
Il n'y a point de géomètre tant (oit peu
iiabile , qui ne connoille aujourd'hui plus ou
moins l'ulage infini de ces deux calculs dans
la géométrie tranfcendante.
M. Newton nous a donné fur l'algèbre
un excellent ouvrage , qu'il a intitulé Arith-
metka univcrfalis. Il y traite des règles de
cette fcience, & de Ton application à la géo-
métrie. Il y donne plulieurs méthodes nou-
velles , qui ont été commentées pour la plu-
part par M. s'CraveHinde dans un petit ou-
vrage très-utile aux commençans , intitulé
Elementa algebrœ , &C par M. Clairaut dans
ïès élémens d'algèbre, f^oye:^ à l'article Al-
gèbre les noms de plulieurs autres auteurs
qui ont traité de cette fcience. Nous croyons
que l'ouvrage de M. s'Gravelande , celui du
P. Lamy , la Science du calcul du P. Rey-
X^tMX yV Aimlyfe démontrée du même auteur ,
& {'Algèbre de Saunderfon publiée en An-
S;lois , font en ce genre les ouvrages dont
es jeunes gens peuvent le plus profiter 5 quoi-
que dans plulieurs de ces traités , & peut-
être dans tous , il refle bien des chofes
à defirer. Sur la manière d'appliquer l'algè-
bre à la géométrie, c'eft-à-dire de réduire
en équation les queftions géométriques ,
nous ne connoiflbns rien de meilleur ni de
_ plus lumineux que les règles données par M.
Newton, p. 8z & fuiv. de [on arithmétique
univcrfelle , édition de Leyde 1731 , )ufqu'à
. Ja page gff ; elles font trop précieufes pour
être abrégées , & trop longues pour être in-
férées ici dans leur entier ; ainfi nous y ren-
voyons nos lc6teurs : nous dirons feulement
qu'elles peuvent fc réduire à ces deux règles.
Première règle. Un problême géométri-
que étant propofé ( & on pourroit en dire
. autant d'un problême numérique ) compa-
rez enlemblc les quantités connues & incon-
nues que renferme ce problème ; &c ftns
diftinguer les connues d'avec les inconnues ,
examinez comment toutes ces quantités dé-
pendent les unes des autres ; & quelles font
celles qui étant connues feroient connoître
les autres , en procédant par une méthode
fynthétique.
Seconde règle. Parmi ces quantités qui fe-
xoient connoître les autres, & que je nomme
Tome II L
A R I 377
pour cette raifon fynthétique , therchez celles
qui feroient connoître les autres le plus faci-
lement , & qui pourroient être trouvées le
plus difficilement , fi on ne les fuppofoic
point connues ; & regardez ces quantités
comme celles que vous devez traiter de
connues.
C'eft là-deiïiis qu'eft fondée la règle des
géomètres , qui difont que pour réfoudre un
problême géométrique algébriquement , il
fiut le fuppofer rélolu : en effet , pour ré-
ioudre ce problême il faut fe repréfcntcr
toutes les lignes , tant connues qu'inconnues ,
comme des quantités qu'on a devant les
yeux , & qui dépendent toutes les unes des
autres , en forte que les connues & les in-
connues puident réciproquement & à leur
tour être traitées , ii l'on veut , d'inconnues
& de connues. Mais en voilà alfez fur cette
matière , dans un ouvrage où l'on ne doit en
expofer que les principes généraux. Voye:^
Application. ( O)
* Arithmétique politiclue ,c'eft celle
dont les opérations ont pour but des recher-
ches utiles à l'art de gouverner les peuples ,
telles que celles du nombre des hommes qui
habitent un pays ; de la quantité de nourri-
ture qu'ils doivent confommer ; du travail
qu'ils peuvent faire ; du temps qu'ils ont à
vivre ; de la fertilité des terres ; de la fré-
quence des naufrages , &c. On conçoit aifé-
ment que ces découvertes & beaucoup d'au*
très de la même nature , étant acquifes par
des calculs fondés fur quelques expériences
bien conftatées , un minirtre habile en tire-
roit une foule de conféquences pour la per-
feâion de l'agriculture , pour le commerce
tant intérieur qu'extérieur , pour les colo-
nies , pour le cours & l'emploi de l'argent ,
ô'c. Mais fouvent les miniftres (je n'ai garde
de parler fans exception) croient n'avoir pas
befoin de palier par des combinaifons & des
fuites d'opérations arithmétiques : plufieurs
s'imaginent être doués d'un grand génie na-
turel , qui les dilpenfe d'une marche fi lente
& fi pénible , fans compter que la nature des
affaires ne permet ni ne demande prefque
jamais la précifion géométrique. Cepen-
dant fi la nature des affaires la demandoit &
la permettoit , je ne doute point qu'on ne
parvint à fè convaincre que le monde poli-
tique, aulTl bien que le monde phyfiquc,
Yy
378 A R I
peut régler à beaucoup d'égards par poids j
nombre Se mefure.
Le chevalier Pccty , Anglois , eft le pre-
mier qui ait public des cflàis fous ce titre. Le
premier cfl; fur la m ulripli cation du genre
humain ; fur raccroifiement de la ville de
Londres , fes degrés , (es périodes , fes cau-
Ics &: fes faites. Le fécond , lur les maifons ,
les liabicans , les morts & les naiflànces de
la ville de Dublin. Le troifieme eft une com-
parailon de la ville de Londres & de la ville
de Paris ; le chevalier Petty s'efiorce de prou-
ver que la capitile de l'Angleterre l'emporte
fur celle de la France par tous ces cotés. M.
Auzout a attaqué cet elîai par plufeurs ob-
ieftions , auxquelles M. le chevalier Petty
a fait des réponfes. Le quatrième tend à faire
voir qu'il meurt à l'Hotel-Dicu de Paris en-
viron trois mille malades par an , par mau-
vaise adrninillration. Le cinquième eft di-
vifè en cinq parties : la première eft en ré-
ponfe à M. Auzout ; la féconde contient la
comparaifon de Londres & de Paris fur plu -
fieurs points ; la troilieme cvrlue le nombre
des paroiflîens des i ^4 paroilles de Londres
à 69^ mille ; la quatrième eft une recherche
lur les habitans de Londres , de Paris , d' Am I -
terdam , de Venife , de Rome , de Dublin ,
de Briftol & de Rouen ; la cinquième a le
même objet , mais relativement à la Hol-
lande & au refte des Provin.ces-Unies. Le
fixieme embraffe l'étendue & le prix de^
terres , les peuples , les maifons , Tinduftrie ,
l'économe , les manufaéburcs , le commer-
ce 5 la pcche , les arrifans , les marins ou
gens de mer , les troupes de terre , les reve-
nus publics , les intérêts , les taxes , le lucre ,
les banques , les com.pagnies , le prix des
hommes , l'accroidement de la marine &
des 'croupes ; les habitations , les lieux , les
conftrudiions de vaideaux , les forces de mer ,
&C. relativement à tout pays en général , mais
particulîércm.ent à l'Angleterre , la Hollan-
de , la Zélande & la France. Cet eftài eft
adreffé au roi ; c'eft prefque dire que les ré-
fultats en iont fivorahli's à la nation An-
gloife. C'tft le plus important de tous les
ellais du chc.alicr Perty ; cependant il eft
trcs-ccurt , fi on le compare à la multitude
& à la complication des objets. Le cheva-
lier Petty prétend avoir démontré dans en-
viron uBC centaine de peticeslpagcs in-douze ,
A R I
gros caracTrere : 1°. Cm 'une petite con- '
trée avec un petit nombre d habitans peut
équivaloir par la (itiiation , Ion com.merce
& fa police , à un grand pays ôc à un peuple
nombreux , foit qu'on les com.pare par la
force ou par la richclle ; ëc qu'il n'y a rien
qui tende plus efHcacem.ent à établir cette
égalité que la marine 6c le commerce mari-
time. z°. Que toutes fortes d'impôts & de
taxes publiques tendent plutôt à augm.enter
qu'à afFoiblir la fociété & le bien public.
5°. Qii'il y a des empêchemens naturels &
durables à jamais , à ce que la France de-
vienne plus puillante lur mer que l Angle-
terre ou la Hollande : nos François ne por-
teront pas un jugement favorable des calculs
du chevalier Petty fur cette propolition , &
je crois qu'ils auront raifon. 4°. Q_ueparfon
fonds & fon produit naturel , le peuple &
le territoire de l'Angleterre font à-peu-près
égaux en richeile Se en force au peuple &: au
territoire de France. 5°. Que les obftaclcs
qui s'oppofent à la grandeur de l'Angleterre,
ne font que contingens & amovibles. 6°.
Qiie depuis quajrante ans , la puiftance Se la
richeile de l'Angleterre le font fort accrues.
7°. Qiie la dixième partie de toute la dé-
penfe des li'.jets du roi luffiroit pour entre-
tenir cent mille hommes d'infanterie , trente
mille hommes de cavalerie , quarante mille
homm.es de mer ; & pour acquitter toutes .
les autres charges de l'état , ordinaires & "y
.ixtraordinaires , dans la feule luppolîtion
que cette dixième partie feroitbien impofée,
bien perçue , & bien em.ployée. 8°. Qu'il y
a plus de lujets fans emploi , qu'il n'en f<iu-
droitpour procurer à la nation deux millions
par an , s'ils étoient convenablement occu-
pés ; £c que ces occupations font toutes prê-
tes , &■ n'attendent que des ouvriers. 9°. Que
la nation a allez d'.argent pour faire aller ■
fon commerce. 10°. Enfin que la nation a
tout autant de refloiuxes qu'il lui en taut pour
emhralfer tout le commerce de l'univers , de
quelque nature qu'il foit.
Voilà , comme on voit , des prétentions
bien cxcelTlves : mais quelles qu'elles loitnt,
le lecLeur fera bien d'examiner dans l'ou-
vr.-.ge du chevalier Petty , les raiionneniens
& les expériences fur lefqiiels il s appuie :
dans cet examen , il ne faudra^ p-s Oublier
«iu'il arrive des révolucions , ioii: en bien ,
A R I
foit en mil , qui clungenc en un moment
1.1 ùce des eues , & qui moclihciic & môme
ancantillènc les fuppoficions ; & que les
calculs & leurs réiulcats ne font pas moins
variables que les événemens. L'ouvrage du
chevalier Petcy fut compolé avant 1699.
Selon cet auteur , quoique la Hollande &
la Zclande ne contiennent pas plus de
1 000000 d'arpens de terre , 8c que la Fran-
ce en contienne au moins Scocooo , ce-
pcnd.":nt ce premier pays a prefque un tiers
de la richell'e & de la force de ce der-
nier. Les rentes des terres en Hollande fbjit
à proportion de celles de France , com-
me de 7 ou 8 à r. (Obfervez qu'il eftquef-
tion ici de letar de l'Europe en 1699 ; (Se
c'elt à cette année que fe rapportent tous
les calculs du chevalier Petty , bons ou mau-
vais). Les habitans d'Amfterdam ("ont ,' de
ceux de Paris ou de Londres; & la diffé-
rence entre ces deux dernières villes n eft ,
félon le même auteur , que d'environ une
vingtième partie. Le port de tous les vaif-
lèaux app.^rtenans à l'Europe , fe monte
à environ deux millions de tonneaux , dont
les Anglois ont 500000 , les HoUandois
9000C0 , les Fr.inçois 1 00000, les Ham-
bourgois, Danois, Suédois, & les habitans
de Dantzic 150000; l'Elpagne, le Portu-
gal, ritalie , £'1.-. à-peu-près autant. La va-
leur des marchandifes qui fortent annuel-
lement de la France , pour Tufage de dif-
férens pays , fe monte en tout à environ
50C0000 livres fterlin; c'eft-à-dire quatre
fois autant qu'il en entroit dans l'Angle-
terre feule. Les marchandiles qu'on fiit for-
tir de la Hollande pour l'Angleterre va-
lent 500000 livres fterlin ; &: ce qui fort
de-là pour être répandu par tout le refte du
monde , vaut 18000000 livres licrlin. L'ar-
gent que le roi de France levé annuellement
en temps de paix fait environ 6i millions
fterlin. Les fommes levées en Hollande &
Zélande font autour de z 1 00000 liv. fter-
lin ; & celles provenantes de toutes les Pro-
vinces-U nies font enfemble environ 3 000000
livres fterlin. Les habitans d'Angleterre lont
à-peu-près au nombre de 6000000; & leurs
dépenfes à raifon de 7 livres fterlin par an ,
pour chacun d'eux , font 41000000 livres
fterlin ou 8ooco livres fterlin par femaine.
La rente des terres en Angleterre eft d'en-
A R I 379
viron 8 millions fterlin ; & les intcr*-ts &
prohts des hieiK propres à-peu-près autant,
La rente des maiions en Angleterre 4000000
l.vrcs fterlin. Le proht du travail de tous
'es habitans fe monte à 16000C00 livrer,
fterlin paj: an..Les habitans d'Irlande font au
nombre de 1100000. Leblé coniomméan-
nuellement en Angleterre, comptant le fro-
ment à 5 fchelins le boiflèau , & l'orge à
I i fchelins , fe monte à dix millions fter-
lin. La marine d'Angleterre avoir befoin
en 1699, c'eft-à-dire du temps du che-
valier Petty , ou à la fin du dernier fiecle ,
de 56000 hommes pour les vaifleaux de
guerre; & 48000 pour les vaiffeaux mar-
chands & autres , & il ne falloir pour route
la marine de France que 1 5000 homm.es.
II y a en France environ treize millions ôc
demi d'ames; & en Angleterre , Ecofteoi:
Irlande , environ neuf millions & demi.
Dans les trois royaumes d'Angleterre , d'E-
colle & d'Irlande , il y a environ 10000
eccléfiaft-iques ; & en France , il y en a plus
de 170000. Le royaume d'Angleterre a plus
de 40000 matelots , & la France n'en a pas
plus de 1 0000. Il y avoir pour lors en An-
gleterre , en Ecolîe , en Irlande , &dansles
pays qui en dépendent , des vailleaux dont
le porc fe moncoit environ à 6coco ton-
neaux , ce qui vaut à-peu-près quatre mil-
lions (Se demi cie livres fterlin. La ligne ma-
rine aurour de l'Angleterre , de l'Ecoftè ,
de l'Irlande, Se des îles adjacentes, eft d'en-
viron 5800 milles. Il y a dans le monde en-
tier environ 500 millions d'ames , dont il
n'y a qu'environ 80 millions , avec lefquels
les Anglois &c les HoUandois foient en com-
merce. La valeur de tous les effets de com-
merce ne paflè pas 45 millions fterlin. Les
manufa6tures d'Angleterre qu'on fait lor-
tir du royaume fe montent annuellement
à environ 5 millions fterlin. Le plomb , le
fer -blanc 6c le charbon, à 500000 livres
fterlin par an. La valeur des marchandifes
de France qui entrent en Angleterre , ne pafle
pas 1 100000 livres fterlin par an. Enfin il
y a en Angleterre environ lix millions fter-
lin d'efpece monnoyée. Tous ces calculs ,
comme nous l'avons dit , font relatifs à l'an-
née 1699 , & ont dû fans doute bien chan-
ger depuis.
AL Davenant, autre auteur à'ar'chmc-
Yy i
38o A R I
tique politique , prouve qu'il ne faut pas comp-
ter abfolument fur pluiieurs des calculs du
chevalier Petty : il en donne d'aurres qu'il
a faits lui-même & qui fe trouvent fondés
fur les obfervations de M. King. En voici
quelques-uns.
L'Angleterre contient , dlt-il , 59 mil-
lions d'arpens de terre. Les habitans , fé-
lon fon calcul , font à-peu-près au nombre
de 5j4yooo âmes , & ce nombre augmente
tous les ans d'environ 9000 , dédudtion feite
de ceux qui peuvent périr par les pertes ,
les maladies , les guerres , la marine , &c.
ôc de ceux qui vont dans les colonies. Il
compte j 3 coco habitans dans la ville de
Londres ; dans les autres villes ôc bourgs
d'Angleterre 870000 , & dans les Villages
& hameaux 4100000. Il eftime la rente
annuelle des terres à 10 millions fterlin ;
celle des maifons & des bâtimens à deux
millions par an ; le produit de toutes fortes
de grains , dans une année pallablement
abondante , à 9075000 liv. fterlin ; la rente
annuelle des terres en blé à deux millions,
& leur produit net au dedus de 9 millions
fterlin ; la rente des pâturages , des prairies ,
des bois , des forêts , des dunes , &x. à 7
millions fterl. le produit annuel des bcftiaux
en beurre , fromage & lait , peut monter ,
félon lui , à environ li millions ftcrl. Il
eftime la valeur de la laine tondue annuel-
lement à environ deux millions fterl, celle
des chevaux qu'on élevé tous les ans à en-
viron 2 j 0000 liv. fterlin i la, confommation
annuelle de viande pour nourriture , à en-
viron 3350000 liv. ftel. celle du luif & des
cuirs environ 600000 livres fterlin : celle
du foin pour la nourriture annuelle des che-
vaux , environ 13000CO livres fterlin , Se
pour celle des autres beftiaux , un million
fterlin : le bois de bâtiment coupé annuelle-
ment , 50G000 liv. ftcl. Le bois à brûler ,
fi'c. environ 500000 liv. fterl. Si toutes les
terres d'Angleterre étoient également diftri-
buées parmi tous les habitr.ns , chacun au-
loit pour fi part environ 7^ nrpens. La va-
leur du froment , du (eigle , & de l'orge
néceflaires pour la lubliftancede l'Angleter-
re , fe monte au moins à 6 millions fterl.
par an. La valeur des manuficluresde laine
trav,ullées en Angleterre , eft d'environ S
millions par )in ; & toutes les marchau-
A R I
dlfes de laine qui fortent annuellement de
l'Angleterre , paflent la valeur de 1 mil-
lions fterlin. Le revenu annuel de l'Angle-
terre , lur quoi tous les habitans fe nour-
rilTent & s'entretiennent , & patent tous les
impôts & taxes , (è monte , félon lui , à en-
viron 45 millions : celui de la France à 80
millions: & celui de laHolbn le à i S 15 0000
livres fterlin.
Le major Grant , dans fes obfervations
fur les lijies mortuaires , compte qu'il y a
en Angleterre 39000 milles quarrés de ter-
re : qu'il y a en Angleterre & dans la prin-
cipauté de Galles , 460C000 âmes : que les
habitans de la ville de Londres fout à-peu-
près au nombre de 640000 ; c'eft-à-dire la
quatorzième partie de tous les habitans de
l'Angleterre : qu'il y a en Angleterre & dans
le pays de Galles , environ i cooo paroifles :
qu'il y a 15 millions d'arpens de terre en
Angleterre & dans le pays de Galles , c'eft-
à-dire environ 4 arpens pour chaque habi-
tant : que de 100 enfans qui naillent , il n'y
en a que 64 qui atteignent l'âge de 6 ans ;
que dans 1 00 , il n'en rcfte que 40 en vie
au bout de 16 ans ; que dans 1 00 , il n'y
en a que 2 5 qui pafient l'âge de 16 ans ; que
16 qui vivent 56 ans accompUs, & 10 feu-
lement dans 100 vivent jufqu'à la fîn de
leur 46^ année ; & dans le même nombre,
qu'il n'y en a que 6 qui aillent h. ^G ans
accomplis ; que 3 dans 1 00 qui atteignent
la fin de 66 ans ; & que dans loo , il n'y
en a qu'un qui ioit en vie au bout de 76
ans : & que les habitans de la ville de Lon-
dres font changés deux fois dans le cours
d'environ 64 ans. Voye[ Vie , 6'c. MM.
de Moivre , BernouUi, de Montmort , &
de Parcieux , fe font exercés fur des fujets
relatifs à V arithmétique politique : on peut
confulver la dvclrine des hasards , de M. de
Moivre ; \'art de conjeclurcr , de M. Ber-
nouUi ; Vanalyfe des jeux de hm^rd , de M.
de Montmort , l'ouvrage fur les rentes via-
gères & les tontines , ècc. de M. de Par-
cieux ; & quelques mémoires de M. Hal-
ley , répandus dans les tranfhclions p>-ilofo-
phiques , avec les articles de notre didion-
naire , Hazard , Jeu , Probabilité,
Combinaison , Absent , Vik , Mort ,
Naissance , Annuité , Renie , Ton-
tine , ùc.
AR I
Arithmétique , pris adjedivement , Ce j
dit de tout ce qui a rappui r aux nombres ,
ou à la fcience des nombres , ou qui s'exé-
cute par le moyen des nombres. On dit opé-
ration arithmétique , de toute opération lur
les nombres.
Moyen arithmétique. Fbjcf Moyen.
VKOGK^ision arithmétique. V. Progres-
sion.
Proportion arithmétique. V. Propor-
tion.
Rapport arithmétique. V. Rapport.
TKiA'tici.t.arithmétique. Voy. Triangle.
Echelles Arithmétiques, eftlenom
que donne M. de BufFon ( Mém. Acad.
tj^i. ) aux différentes progreiTîons de nom-
bres, iuivanc lelquelles [arithmétique auroit
pu être formée. Pour entendre ceci, il faut
obferver que notre arithmétique ordinaire
s'exécute par le moyen de dix chiffres , &
qu'elle a par confcquent pour baie la pro-
greffion arithmétique décuple ou déiiaire ,
o,i,i,3j4>5.6,7, 8, 9, voyei Pro-
gression , £'c. Il eft vraifemblabie , com-
ine nous l'avons remarqué plus haut , que
cette progreflion doit Ton origine au nom-
bre des doigts des deux mains , par lefquel;
on a dû naturellement commencer à comp-
ter : mais il eft vilible aulTi que cette pro-
grelTion en elle-même eft arbitraire , &: qu'au
lieu de prendre dix caraderes pour expri-
mer tous les nombres poiïlbles , on auroit
pu en prendre miOins ou plus de dix. Sup-
polons , par exemple , qu'on en eût pris
cinq feultmcnt, o , i , i , 3 , 4; en ce
cas tout nombre paflé cinq, auroit eu plus
d un chifire , & cinq auroit été exprimé p.ar
j o ; car I dans la féconde pbce , qui dans
la prorreiTion ordinaire , vaut dix fois
plus qu à la première place , ne vaudroit
drus la progreflion quintuple, que cinq fois
plus. De m^me 1 1 auroit rî pré'enté 6 ; ij
auroit été reprcTenté par 100 , & tout nom-
bre au def us de zj , auroit eu trois chif-
fres ou d.-vantnge. Au contraire fi on pre-
roit vingt chiffres ou caractères pour repré-
ftnttr les nombres ; tout nombre au deftbus
de 10 , n'auroit qu'un chiffre ; tout nom-
bre au dellous de 400 , n'en auroit que
deux, &c.
La nrogreflion la plus courte dont on
puiilc ie fcrvir pour exprimer les nombres ,
A R I 38r
eft celle qui eft compofce de deux chiffres
leulemtnt 0,1, & c'eft ce que M. Lcib-
nitz a nommé arithmétique binaire. Voye^
BiNAiRf. Cette arithmétique auroit l'incon-
vénient d'employer un trop grand nombre
de cliiftres pour exprim.er des nombres aflèz
petits , Se il eft évident que cet inconvé-
nient aura d'autant plus Heu, que la pro-
greflion qui fervira de bafe à l'arithmétique,
aura moins de chiffres. D'un autre côté (i ou
employoit un trop grand nombre de chiffres
pour ['arithmétique , par exemple , vingt ou.
trente ch'ffres au lieu de fix , les opérations
'ur les nombres deviendroient trop diffi-
ciles : je n'en veux pour exemple que l'ad-
dition, l! y a donc un milieu à garder ici j
&: la progrclTion décuple, outre fon origine,
qui eft allez naturelle , paroit tenir ce milieu ;
cependant il ne faut pas croire que l'incon-
vénient fût fort grand , fi on avoir pris neuf
ou douze chiffres au lieu de dix. Voye^Cnit-
FRE & Nombre.
M. de Buffon , dans le mémoire que nous
avons cité , donne une méthode fort fim-
ple (?>; fort abrégée pour trouver tout d'un
coup la manière d'écrire un nombre donné
dans une échelle arithmétique quelcon-
que , c'eft-à-dire , en fuppofant qu'on Ce
lerve d'un nombre quelconque de chiffres
pour exprimer les nombres. Foye? Binaire.
(O)
* Arithmétique ( Machitie ) , c'eft un
aflemblage ou fyftême de roues & d'autres
pièces , à l'aide defquelles des chiffres ou
impr'més ou gravés (e meuvent , & exécu-
tent dnns leur mouvement les principales
règles de l'arithmétique.
La première mach ne arithmétique qm ait
paru , eft de Blaife Pafcal , né à Clermont
en Auvergne le 19 juin 1613 , il l'inventa
à l'âge de dix-neuf ans. On en a fait quel-
ques autres depuis , qui , au jugement même
de MM. de l'académie des fcicnces , paroif-
fent avoir fur celle de Pafcal des avantages
dans la pratique ; mais celle de Pafcal eft
la plus ancienne ; elle a pu fervir de modèle
à toutes les autres > c'eft pourquoi nous
l'avons préférée.
Cette machine n'eft pas extrêmement
compliquée ; mais entre les pièces , il y en
a une lur-tout qu'on nom.me/cy^t'/'o/r, qui
le trouve chargée d'un i: grand nombre de
38i A R I
fondlions , que le rell:e de li mac'iine en
devient très-difficile à expliquer. Pour fe
convaincre de cette diificuke , le lecteur
n'a qu'à jeter les yeux iur les figures du
recueil des machines approuvées par Taca-
démie, & fur le dilcours qui a rapport à ces
figures & à la machine de Palcal : je luis
fur qu'il lui paroitra , comme à nous , pref-
que auffi difncile d'entendre la machine de
Pafcal , avec ce qui en eft dit dans l'ouvrage
que nous venons de citer , que d'imaginer
une autre machine arithmétique. Nous allons
faire en forte qu'on ne puilfe pas porter le
même jugement de notre article, lans tou-
tefois nous engager à expofer le méchanilm.e
de la machine de Patcal d^me manière ii
claire, qu'on n'ait befom d'aucune conten-
tion d'elprit pour le laiiir. Au reile , cçx
endroit de notre dictionnaire rellemblera
à beaucoup d'autres , qui ne font dellinés
qu'à ceux qui ont quelque habitude de s'ap-
pliquer.
Les parties de la machine arithmétique fe
rellèniblant prefque toutes par leur figure ,
leur difpolîrion & leur jeu , nous avons cru
qu'il éroit inutile de reprél enter la machine
entière ; la portion qu'on en voit P/. //
d'arithmétique , fuffira pour en donner une
jufte idée. N 0 P R,fig. i , eft une plaque
de cuivre qui forme la furface fupérieure
de la machine. On voit à la partie inférieure
de cette plaque , une rangée JV" O de cercles
Q , Q , <2 , &c. tous mobiles , autour de
leurs centres Q. Le premier à la droite a
douze dents ; le (econd en allant de droite
à gauche , en a vingt ; & tous les autres en
ont dix. Les pièces qu'on apperçoit en S, S, S,
&CC. & qui s'avancent fur les difques des
cercles mobiles R, R , R, Sec. font des
étochios ou arrêts qu on appelle potences.
Ces étochios iont fixes & immobiles ; ils
ne pofent point Iur les cercles qui le peuvent
mouvoir librement lous leurs pointes ; ils
ne fervent qu'à arrêter un ftylet , qu'on
appelle direclcur , qu'on tient à la main , ii\:
dont on place la pointe entre les dents des
cercles m.obiles Q , Q , Q , &c. pour les faire
tourner dans h direition 6 , 5,4, 3 , Ê'c.
quand on fe fert de la machine,
Jl eft éviùeni par le nombre des dents des
cercles mobiles (^ , Q , Q , &.'c. que le pre-
mier à droite marque les deniers ; le lecond
A R I
en allant de droite à gauche, les fous; le
troilicme , les unités de livres ; le quatrième,
les dixaines \ le cinquième , les centaines ;
le fixieme , les mille; le feptieme, les
dixaines de mille; le huitième , les centai-
nes de mille : & quoiqu'il n'y en ait que
huit , on auroit pu , en agrandillànt la
machine , poufler plus loin le nombre de
les cercles.
La ligne IT Z e{^ une rangée de trous, à
travers lelquels on apperçoitdes chiffres. Les
chiffres apperçus ici font 46309 1. 15 f lod.
mais on verra par la fuite qu'on en peut
faire paroître d'autres à difcrétion par les
mêmes ouvertures.
La bande P R eft mobile de bas en haut,
on peut , en lareprenant par fes extrémités R
P , h faire delcendre fur la rangée des ouver-
tures 46509 1. ij f. 10 d. qu'elle couvri-
roit : mais alors on appercevroit une autre
rangée parallèle de chiffres à travers des
trous placés directement au deflus des pre-
miers.
La même bande P R porte de petites
roues gravées de plulleurs chiffres, toutes
avec une aiguille au centre , à laquelle la
petite roue lert de cadran : chacune de ces
roues porte autant de chiffres que les cercles
mobiles Q, Q, Q, Szc. auxquels elles cor-
refpondent perpendiculairement. Ainll y i
porte douze chiffres, ou plutôt a douze divi-
lions ; f^ 1 en a vingt , K 3 en a dix , F" 4
dix , & ainli de fuite.
A B C D , fig. z , eft une tranche ver-
ticale de la machine , faite félon une des
lignes ponétuées m x , m x , mx , Sec. de la
fig. i , n'importe laquelle ; car chacune
de ces tranches, comprife entre deux paral-
lèles m X , m X, contient toutes le3 parties
dela_/%. 1 , outre quelques autres dont nous
ferons mention dans la fuite, i Q 2 repré-
fente un des cercles mobiles Q de la fig. i ;
ce cercle entraîne par fon axe Q 3 , la roue
à chevilles 4, 5, Les chevilles de la roue
4,5, font mouvoir la roue 6 , 7 , la roue
8,9, & la roue 10, 11, qui font toutes
fixées fur un même axe. Les chevilles de
la roue 10, 11 , engrennent dans la roue
II, 1 3 , & la font mouvoir , & avec elle le
barillet 14, i j .
Sur le barillet 14, 15, mêm.efig. z , fbient
tracées l'une au deflus de l'autre , deux ran-
A Tv I
gt'cs de cliiffrcs de la mp.r.icic qu'on va dire.
Si l'on luppole que ce b'.rillet (oit celui de
hticinclic des denicis , luieiit tracées les deux
rang .'es :
0,11,10,9,8,7,6,^,4,5,1, 1,
11,0, I , 2, 3 , 4, j , 6 , 7, 8, 9, 10.
Si le barillet 14 , 15 , efl: celui de la tran-
che des (eus , loient tracées les deux rangées :
0,19, 18,17, 16, 15-, 14,15,11,11,10,
19, 0,1, 1,5, 4, y, 6, 7, 8, 9,
9,8,7,6,5,4, 5,2, I,
10, II , II, 13 , 14, ly , 16, 17, 18.
Si le barillet 14 , i y , elt celui de la tranche
des unités de livres , loient tracées les deux,
rangées :
0,9,8,7,6,5,4,3,1,1.
9,0,1,2,3,4,5,6,7,8.
Il eft évident 1°. que c'eft de la rangée infé-
rieure des chiffres tracés fur les barillets ,
que quelques-uns paroiiTc-nt à travers les
ouvertures de la ligne XZ , &c que ceux qui
paroîtroient à travers les ouvertures couver-
tes de la bande mobile P R , font de Li
rangée lupéricure. 2". Qii'en tournant , fig.
2 , le cercle mobile Q , on arrêtera (ou s une
des ouvertures de la ligne XZ , tel chiffre
que l'on voudra ; & que le chiffre retran-
che du 1 1 (lir le barillet des deniers , don-
nera celui qui lui corrcfpond dans la rangée
iupérieure des deniers , retranché de 19 fur
le barillet des loas , il donnera celui qui lui
correfpond dans la rangée fupérieure des
fous; retranché de 9 fur le barillet des unit('s
de livres , il donnera celui qui lui corref-
po;v.i dans b rangée kip.-rieure des unités
de livres , & ainfi de fuite. 3°. Qiie pareil-
lement celui de la bande fupérieure du ba-
rillet des deniers , retranché de 1 1 , don-
nera celui qui lui correfpond dans la rangée
mfl-rieure , 6'c.
La pièce ahcdefghikl -, qu'on entre-
voit, mime fig. z , elt celle qu'on appelle /c
Jnutoir. Il efc important d'en bien confidé-
rer la figure , la poiition , & le jeu ; car (ans
une connoiffance rrès-exade de ces trois
chofes , il ne faut p iS c(pércr d'avoir une
idée précife de î'i niachine : au.Ti avons-
nous répété cette pièce en trois figures dif-
férentes, abc dîfgh i k l ,fig. X , eft le fau-
toir , comme nous venjas d'en avertir : i a
A R I 383
5 4 y ^''' 7 --f y Tî •' . leit ^ufTi ,/■/?-. 5 ; fc I i
5456789 i'eft encore .,fig. 4.
Le fauroir,_^^. a, a tieux .^nneaux ou por-
tions de douilles , dans le quelles pallc li
portion /,i & ^ / cie l'axe de la roue h che-
villes 8 9 iil eft mobile lur cette partie d'j:;e.
Le laucoir ,_^^, 5 , a une concavité ou partie
échancrée 5 , 4,5; un_ coude 7,^,9, pra-
tiqué pour laiiler palier les chevilles de I.1
roue 8,9; deux anneaux dont on voit un
en 9 , l'autre eft: couvert par une portion Je
la roue 6 , 7 , à la partie inférieure de i'é-
cliancrure 3,4, 5 j en 2 , une elpece de
coulillè , dans laquelle le cliquet i eft fnf-
pendu par le tenon 1 , & preilé par un re(-
fort entre les chevilles de la roue 8 , 9. Pour
qu'on apperçut ce reftbrt & fon effet , on
a rompu ,fig. ^ , un des cotés de la couliff:
en x,y; 11 eft le cliquet; 2 le tenon qui
le tient fufpendu ; & Z v le reffort qui ap-
puie fur ion talon , cC poiifle ion extrémité
entre les chevilles de la roue 8,9,
Ce t|ui précède bien entendu , nous pou-
vons palier au jeu de la machine. Soiifig. x ,
le cercle mobile i Qz, mu dans la dire^Aion
I Qi , la roue à chevilles 4,5, iera mue,
6 la roue à chevilles 6 , 7 ; & fig. j la roue
VIII, IX ; c.\[ c'eft la même que la roue S,
9 , de h figure %. Cette roue VÏII , IX ,
iera mue dans la diredion VIII, VIII, IX,
IX. La première de fes deux chevilles r , s ,
entrera dans l'échancrure du fautoir ; le
iautoir continuera d'être élevé , à l'aide de
la féconde cheville R S. Dans ce mouve-
ment l'extrémité i du cliquet fera entraî-
née ; & i'e trouvant à la hauteur de l'en-
tre-deux de deux chevilles immédiatement
lupérieur à celui où elle étoit , elle y fera
pouftce par le relfort. Mais la machine eft
conftruite de manière que ce premier échap-
pement n'eft pas plutôt fait , qu'il s'en rair
un autre , celui de la féconde cheville R S
de deiibus la partie 3 , 4 , du iautoir : ce
fécond échippement laide le iautoir aban-
donné à lui-même; le poids de ia partie
4 5 6 7 S 9 , fait agir l'extrémité i du cli-
quet contre la cheville de la roue 8,7,
fur laquelle elle vient de s'appuyer par le
premier échappement ; frit tourner la roue
8,9, dans le iens 8 , 8 , 9 , 9 , & par con-
fcquent auffi dans le même fcns la roue
10 , ij , Il , & la rcue 12 , 13 , en Iens
584 A R I
contraire , ou dans la diredtion 13,15,12;
& dans le même fens que la roue 12, 15,
le barillet 14, i). Mais telle eft encore la
conftruftion de la machine que , quand par
le fécond échappement , celui de la cheville
22 5" de deflous la partie 5 , 4 , du fautoir j
ce (àutoir fe trouve abandonné à lui-même ,
il ne peut defcendre & entraîner la roue 8 ,
*) , que d'une certaine quantité déterminée.
Qiiand il eft defcendu de cette quantité , la
partie Tfig. i , de la couliiVe rencontre l'éto-
chio r qui l'arrête.
Maintenant fi l'on fuppofe i**. que la roue
VIII, IX , a. douze chevilles , la roue X ,
XI autant , Se la roue XII , XIII autant
encore : 2". que la roue 8 , 9 a vingt chevil-
les , la roue 10 , 11 , vingt , &c la roue 1 2 ,
15 autant: 5°. que l'extrémité Tdu fiiutoir,
figure ^ , rencontre l'étochio r précifément
quand la roue 8 , 9 ,fig. ^ , a tourné d'une
vingtième partie , il s'enfuivra évidemment
que le barillet XIV , XV, fera un tour fur
lui-même , tandis que le barillet 14 , i j ne
tournera fur lui-même que de fa vingtième
partie.
Si l'on fuppofe 2°. que la roue VIII, IX
a vingt chevilles , la roue X , XI autant , &
la roue XII , XJ/f autant : 2^. que la roue
5 , 9 ait dix chevilles , la roue 10,11 au-
tant , & la roue 12 , 15 autant ; 3°. que
l'extrémité T du fautoir ne foit arrêtée ,
figure 2 , par l'étochio r , que quand la roue
8,9, figure /f. , a tourné d'une dixième par-
tie, il s'enfuivra évidemment que le baril-
let XJ^, XFfera un tour entier fur lui-
même , tandis que le barillet 14, i j ne
tournera fur lui-même que de fa dixième
partie.
Si l'on fuppofe 5°. que la roue VIII , IX
ait dix chevilles , la roue X , XI autant ,
6 la roue XII, XTII autant: 2°. que la
roue 8 , 9 ait pareillement dix chevilles , la
roue 10,11 autant , & la roue 12 , 13 au-
tant aulTi : 3°. que l'extrémité Tdu fautoir,
fig. 2 -, "c foit arrêtée par l'étochio /• , que
quand la roue 8,9, fig. ^ , aura tourné
d'un dixième , il s'enluivra évidemment
que le barillet XIV , XV fera un tour en-
tier fur lui-mênae , tar;dis que le barillet
14, If ne tournera fur lui-même que d'un
dixième.
On peut donc en général établir tel rap-
A R I
port qu'on voudra entre un tour entier
du barillet XIV , XV , & la partie donc
le barillet 14, 15 tournera dans le même
temps.
Donc , fi l'on écrit fur le barillet XIV ,
XV les deux rangées de nombres fuivan-
tes , l'une au dellus de l'autre , comme on
les voit ,
G, II , 10,9, 8,7,6,5,4,3,2,1.
Il, G, 1,2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, lû.
& fur le barillet 14, 1 5 , les deux rangées
lui vantes , comme on les voit ,
0,19,18,17,16, 15, 14,13,12, II, 10,
19, 0,1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8,9,
9.8,7,6,5,4,3,2,1.
10,11 , 12, 13 , 14, 15, 16,17, i8j
& que les zéros des deux rangées inférieu-
res des barillets correfpondeiic exactement
aux intervalles A , jB , il eft clair qu'au bout
d'une révolution du barillet XIV , XV , le
zéro correfpondra encore à l'intervalle B:
mais que ce fera le chiffre /du barillet 14 ,
1 5 , qui correfpondra dans le même temps
à l'intervalle A.
Donc , fi l'on écrit fur le barillet XIV,
XF'les deux rangées luivantes , comme ou
les voit ,
0,19,18,17,16,15,14, 13, ii,i 1,10,
1950,1,2,5,4,5,6,7,8,9,
9 > 8> 7 j 6 , 5 ,4, 5 , 2 , I.
10, II, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18,
& fur le barillet 14,15, les deux rangées
fui vantes , comme on les voit ,
059>8,7, 6,5,4,5,2,1,
9,0, 1,2,5,4,5,6,7,8.
& que le zéros des deux rangées inférieu-
res des barillets correlpondcnt en même
temps aux intetvalles ^ , 5 , il eft clair que
dans ce cas , de même que dans le premier,
lorfque le zéro du barillet XIV , XV cor-
refpondra , après avoir fait un tour , à l'in-
tervalle J5 , le barillet 14, if prélentera à
l'ouverture ou elpace A , le chittre i.
Il en fera toujours ainfi , quelles que fbient
les rangées de chiffres que l'on trace fur le
barillet XIV, XV, Se fur le barillet 14,
1 5 : dans le premier cas le barillet XIV ,
XV tournera fur lui-même , & préfentera
les douze caraderes à l'intervalle £ , quand
le
A RI
le barillet 14 , i f , n'ayant tourna que d'un
vingtième, prc/encera à l'intervalle A , le
chiffre i. Dans le fécond cas, le barillet
XIV , Xf^ tournera fur lui-même, &:pré-
fèntera (es vingt carad:éres à l'ouverture ou
intervalle B , pendant que le barillet 14, i y ,
n'ayant tourné que d'un dixième , préfcnte-
ra à l'ouverture ou intervalle A , le chiffre i .
Dans le troiiiemc cas , le barillet XIV , XV
tournera fur lui-même , &; aura préientc (es
dix caraâeres à l'ouverture B , quand le
barillet 14, 15, n'ayant tourné que d'un
dixième , préfentera à l'ouverture ou inter-
valle A , le chiffre i .
Mais au lieu de faire toutes ces fuppofi-
tions fur deux barillets, je peux les faire (ur
uji grand nombre de barillets , tous ailem-
blés les uns avec les autres, comme on voit
ceux dela^^^. 4. Rien n'empêche de lup-
pofer à côté du barillet 1 4 , i y un autre ba-
rillet placé par rapport à lui , comme il eft
placé par rapport au barillet XIV , XV ,
avec les mêmes roues , un fautoir , & tout
le refte de l'aflemblage. Rien n'empêche que
je ne paille (ûppofer douze chevilles à la roue
FlIIfIX Se lesdeux rangées,o, 11,10,9, &'c.
I I , o , 1 , 1 , f.'C.
tracées fur le barillet XIV, XV, vingt che-
villes à la roue S , 9 , & les deux rangées
o, 19 , 18, 17, 16, ij, &c.
19, G , I , 1 , 5 , 4, fi-c.
tracées fur le barillet 14, if ; dix chevilles
à la première , pareille à la roue 8 , 9 , &
les deux rangées 0,9,8,7, 6 , &c.
9 > c , I , 2 , 3 , &<:.
fur le troifieme barillet ; dix chevilles à la
Seconde pareille de 8 , 9 , &: les deux ran-
gées 0,9,8, 7,6, &c. fur le quatrième
9 , o , 1 , 2 , 5 , £'c.
■barillet; dix chevilles à la troifieme pareille
de 8 , 9, & les deux rangées o, 9, 8, 7, 6, &c.
■ 9,0, I , 2, 3, &<:.
lur le cinquième barillet , & ainfi de fuite.
" Rien n'empêche non plus de fuppofer que
tandis que le premier barillet préfentera fes
douze chiffres à fon ouverture , le fécond
ne préfentera plus que le chiffre i à la fien-
ne ; que tandis que le fécond barillet pré-
fentera fes vingt chiffres à (on ouverture ou
intervalle, le troifieme ne préfentera que
k chiffre i ; que tandis que le troifieme ba-
rillet préfeurera les dix caraûeres à fon ou-
TomelII,
A R r 38^
vertiire , le quatrième n'y préfentera que le
chiffre i ; que tandis que le quatrième ba-
rillet prélêntera (es dix caradercs à fon ou-
verture , le cinquième barillet ne préfen-
tera à la fienne que le chiffre i , & ainfi
de fuite.
D'où il s'enfuivra 1°. qu'il n'y aura aucun
nombre qu'on ne puifle écrire avec (es ba-
rillets; car après les deux échappemens , ch.'4-
que équipage de barillet demeure iiolé , e(l
indépendant de celui qui le précède du côté
de la droite, peut tourner fur lui-même
t.-nt qu'on voudra dans la dire6tion VIII ^
VIII, IX, IX, & par conlequent offrir
à fon ouverture celui des chiffres de fa ran-
gée inférieure qu'on jugera à propos : mais
les intervalles yi, -S , font aux cylindres
nus XIV, XV, 14, ij, ce que leur font
les ouvertures de la ligne Y, X , figure i ,
quand ils font couverts delà plaque NORP,
2°. Que le premier barillet marquera des
deniers , le fécond des fous , le troifieme
des unités de livres, le quatrième des dixai-
nes , le cinquième des centaines , &<:.
5°. Qu'il faut un tour du premier barillet,
pour un vingtième du fécond; un tour du fé-
cond, pour un dixième du troifieme; un tour
du troifieme, pour un dixième du quatrième;
& que par conféquent les barillets fuivent
entre leurs moutcmens la proportion qui
règne entre les chiffres de l'-arithmétiquc
quand ils expriment des nombres ; que la
proportion des chiffres eff: toujours gardée
dans les mouvemens des barillets , quelle
que foit la quantité de tours qu'on faffe faire
au premier , ou au fécond , ou au troifie-
me , & que par conféquent de même qu'on
fait les opérations de l'arithmétique avec des
chiffres , on peut la faire avec les barillets
& les rangées de chiffres qu'ils ont.
4". Que pour cet effet , il faut commen-
cer par mettre tous les barillets de manière
que les zéros de leur rangée inférieure cor-
ref pondent en même temps aux ouvertures
de la bande FZ , & de la plaque A^Oi^P;
car ii tandis que le premier barillet , par
exemple , préfente O à fon ouverture , le
fécond préfente 4 à la fienne , il eff: à pré-
fumer que le premier barillet a fiit déjà qua-
tre tours ; ce qui n'eft pas vrai.
5°. Qu'il eft affez indifférent de faire
tourner les barillets dans la diredion VUI,
Z z
3S(Î A R I
VIII, IX; que ce mouvemenc ne dc:.ingc
rien à Peftet de la machine ; mais qu il ne
fiut p£s qu'ils aient la liberté de r>.tiogra-
der; & c'tll auffi la fonftion du cliquet lu-
périeur C de la leur oter.
Il permet , comme on voit , aux roues
de tourner dans le Cens VJII , FUI , IX :
inais il les empêche de tourner dans le fens
contraire.
6°. Que les roues ne pouvant tourner que
dans la dired.on VIII, VIII, IX, c'eft
de la l'gi e ou rangée de chiffres inférieure
des barillets qu'il faut le fervir pour écrire un
riombre ; p.r conléquent pour faire l'addi-
tion ; par tonlcquent encore pour faire la
multiplication; & que comme les chiffres
des rangées font dans un ordre renverfé , la
jouflraâtion fe doit faire iur la rangée fupé-
rieure , & par conléquent auifi la divihon.
Mais tous ces corollaires s'éclairciront da-
vantage par l'ufage de la machine , &: la
jnîanieie de faire les opérations.
Mais avant que de patfer aux opérations,
nous ferons obierver encore une fois_ que
chaque roue 6,7, f.g. 4 , a fa corrcfpon-
<dance ^ , ^ , fig. z , <k chaque roue 4,5,
ion cercle mobile Q ; que chaque roue S ,
<j , a fon cliquet fupérieur , & ion cliquet
inférieur ; que ces deux cliquets ont une de
leurs fondions commune ; c'eft d'empêcher
les roues VIII, IX , 8,9, &c. de rétro-
grader ; enfin, que le talon i , pratiqué au
cliquet inférieur , lui eft ellentiel.
UJûges de la machine arithmétique pour
l'addition. CommeiKcz par couvrir de la
bande PR, la rangée tupérieure d'ouver-
tures , en forte que cette bande ioit dans
l'écat où vous la yoyezfig. i ; mettez enfuite
toutes les roues de la bande inférieure ou
rangée à zérojtk foient les fommesàajoutei
69 7 8
;84 i; <j
34i II 9 . .
Prenez le conduéteur ; portez la pointe
dans la huitième denture du cercle Q , le
plus à la droite ; fiites tourner ce cercle juf-
qu'à ce que l'arrêt ou la potence S vous em-
pêche d'avancer.
Pallez à la roue des fous, ou au cercle Q
qui fuit immédiatement celui fur lequel vous
avez opéré , en allant de la droite à la gau-
che ; portez la pointe du conduftcur dans
AR.I
la fepcieme denture , à compter depiu's ta
potence; faites tourner ce cercle juiqu'a ce
que la potence S vous arrête ; pallez aux li-
vres , aux dixaines , ik: faites la même opé-
ration Iur leurs cercles Q.
En vous y prenant ainfi , votre première
femme fera évidemment écrite : opérez fur
la féconde , précilémen: comme vous avez
fait fur la première , fans vous embarrafler
des chiffres qui le pré I entent aux ouvertu-
res ; puis iur la troilieme. Après votre troi-
fieme opération , remarquez les chiftres qui
paroitront aux ouvertures de la ligne YZ,
ils marqueront la fomme totale de vos trois
Ibmmes partielles.
Démonjiraticn. Il eft évident que fi vous
faites tourner le cercle Q des deniers de huit
parties , vous aurez 8 à Pouvercure corref^
pondante à ce cercle : il eft encore évident
que h vous faites tourner le mêm.e cercle de
lix autres parties , comme il eft divilé ea
douze , c'eft la même choie que lî vous
l'aviez tait tourner de douze parties, plus 2 :
mais en le failant tourner de douze , vous
auriez remis à zéro le barillet des deniers
correfpondant à ce cercle des deniers , puif-
qu'il eut fait un tour exaéi fur lui-même :
mais il n'a pu faire un tour fur lui-même,
que le fécond barillet , ou celui des lous
n'ait tourné d'un vingtième ; & par conlé-
quent mis le chiffre i à l'ouverture des fous.
Mais ce chiffre des deniers n'a pu rélilter à
o ; car ce n'eft pas feulement de douze par-
ties que vous lavez f'.it tourner, mais de
douze parties , plus deux. Vous avez donc
fait en lus comme li le barillet des deniers
étant à zéro , & celui des feus à i , vous
eulTiez fait tourner le cercle Q des deniers
de deux dentures : m.ais en faifant tourner
le cercle Q des deniers de deux dentures ,
on met le barillet des deiiiers à i , où ce ba^
rillet préfente a à fon ouverture. Donc le
barillet des deniers oftrira i à fon ouvertii^
re , & celui des lous 1 : mais 8 deniers&tf
deniers font 14 deniers, ou un fou, plus»
deniers ; ce qu'il falloir en efîet ajouter , SÇ
ce que la machine a donné. La démoniha-
tion fera la même pour tout le refte de l'o-
pération.
Exemple de foiifiraâion. Commencez par
bailler la bande PR liirla ligne Xl^d'ou-
vcnures inférieures; écrivez la plus grande
A R I
fommc fur les ouvertures de la ligne fupé-
rieure , comme nous l'avons prcfcrit pour
l'addition , par le moyen du condudeur ;
faites l'addition de la lomnic à (ouihaire ,
ou de la plus petite avec la plus grande,
comme nous lavons prefcrit à l'exemple de
l'addition : cette addition faite, la fou llrac-
tion k fera aullî. Les chiffres qui paroi-
tront aux ouvertures , marqueront la difté-
lence des deux tommes, ou l'excès de la
grande liir la petite ; ce que l'on cherchoit.
Soit ijiii 9 i
dont il faut fouftraire 8989 16 11
Si vous exécutez ce que nous vous avons
prefcrit , vous trouverez aux ouvertures
Démonfiration. Quand j'écris le nombre
91 il liv. 9 f. 1 d. pour faire paroltre z à
l'ouverture des deniers , je fuis obligé de
faire palier a\x'c le directeur, onze dentu-
res du cercle Q des deniers; car il y a à la
rangée fupérieure du barillet des deniers
onze termes depuis o juiqu'à i : fi à ce 1
j'ajoute encore 1 1 , je tomberai fur 5 ; car
il faut encore que je falle faire onze dentu-
res aux cercles Q : or comptant 1 1 depuis
2 , on tombe fiir 3. La démonftration eft
la même pour le relie. Mais remarquez
que le barillet des deniers n'a pu tourner
de 11 , fans que le barillet des fous n'ait
tourné d'un vingtième ou de douze deniers.
Mais comme à la rangée d'en-haut les chif-
fi-ps vont en rétrogradant dans le fens que
les barillets tournent ; à chaque tour du ba-
rillet des deniers , les chiffres du barillet des
fous diminuent d'une unité ; c'eft-à-dire
que l'emprunt que l'on fait pour un barillet
eft acquitté fur l'autre , ou que la fouftrac-
lion s'exécute comme à l'ordinaire.
Exempte de multiplication. Revenez aux
ouvertures inférieures ; faites remonter la
bande P R fur les ouvertures fupérieures ;
mettez toutes les roues à zéro ; par le moyen
du conduftcur , comme nous avons dit plus
haut. Ou le multiplicateur n'a qu'un ca-
raâere , ou il en a plulîeurs ■■, s'il n'a qu'un
caractère , on écrit , comme pour l'addi-
tion , autant de fois le multiplicande qu'il y
a d'unités dans ce chiffre du multiplica-
teur : ainfi la fomme 1 145 étant à multi-
plier par 5 , j'écris ou pôle trois fois cette
fomme à l'aide de mes roues & des cer- |
ART 3S7
clés Q ; après la dernière fois , il paroit aux
ouvertures 375 y 3 qui eft en cfl'et le produit
de 1145 par 3.
Si le multiplicateur a plufieurs caradc-
res , il faut multiplier tous les chiffres du
multiplicande par cli.'cun de ceux du multi-
plicateur , les écrire de la même manière
que pour l'addition : mais il faut obilrvcr
au fécond multiplicateur de prendre pour
première roue celle des dixaincs.
La multiplication n'étant qu'une efpece
d'addition , & cette règle le faifant évidem-
ment ici par voie ci'addition , l'opération
n'a pas belbin de démonftration.
ExempL de divifioii. Pour faire la divi-
fion , il fiut (e feivir des ouvertures fupé-
rieures ; faites donc defcendre la bande
P R fur les inférieures ; mettez à zéro tou-
tes les roues fixées fur cette bande , & qu'on
appelle roi/ej (/e ijuoticnt ; ù'ncs paroitre aux
ouvertures votre nombre à divifer , & opé-
rez comme nous allons dire.
Sok b fomme 65 à divifer par cinq ;
vous dites , en fix , cinq y eft , & vous fe-
rez tourner votre roue comme fi vous vou-
liez additionner s ^'^i cela fait , les chif-
fres des roues fupérieures allant toujours en
rétrogradant , il eft évident qu'il ne paroi-
tra plus que i à l'ouverture où il paroifloit 6 ;
car dans o , 9 , 8 , 7 , 6 , j , 4 , 3 , 2 , i ;
I eft le cinquième terme après 6.
Mais le divifeur j n'eft plus dans i , mar-
quez donc I fur la roue des quotiens , qui
répond à l'ouverture des dixaines ; paftèz
enluite à l'ouverture des unités , otez-en 5
autant de fois qu'il fera poffible , en ajou-
tant f au caraârere qui paroît à travers cette
ouverture , jufqu'à ce qu'il vienne à cette
ouverture ou zéro , ou un nombre plus pe-
tit que cinq, & qu'il n'y ait que des zéros
aux ouvertures qui précèdent : à chaque
addition faites paftèr l'aiguille de la roue des
quotiens qui eft au deftbus de l'ouverture
des unités, du chiffre i f'ur le chiffre 1 ,
fur le chiffre 3 , en un mot fur un chiffre
qui ait autant d'unités que vous ferez de
IbuftraCtions : ici après avoir ôté trois fois
5 du chiffre qui paroiftoit à l'ouverture des
unités , il eft venu zéro ; donc y eft 1 3 fois
en 65.
Il fuit obferver qu'en ôtant ici une fois j
du chiffre qui paroît aux unités , il vient
Zz i
3^8 ARI
tout de fuite à cette ouverture ; mais que
pour cela l'opération n'eft pas achevée , par-
ce qu'il refte une unité à l'ouverture des di-
zaines , qui fait avec le zéro qui fuit lo ,
qu'il faut épuifer ; or il eft évident que 5 ôté
deux fois de 10 , il ne reftera plus rien ;
c'eft-à-dire que pour exhauftion totale , ou
que pour avoir zéro à toutes les ouvertures,
il faut encore fouftrairc j deux fois.
Il ne faut pas oublier que la fouftraâiion fe
fait exadement comme l'addition , & que
la feule différence qu'il y ait , c'eft que l'une
fc fait fur les nombres d'tn-bas, &: l'autre
fur les nombres d'en-haut._
Mais h le diviieur a plufieurs caraderes ,
voici comment on opérera : foit 9989 à di-
vifer par 114, on otera i de 9 , chiffre qui
paroit à l'overture des mille ; 1 du chiffre
qui paroit à l'ouverture des centaines; 4 du
chifVre qui paroîtra à l'ouverture des dixai-
iies , tk l'on mettra l'aiguille des cercles de
quotient , qui répond à l'ouverture des di-
zaines , fur le chiflre i. Si le diviieur 124
peut s'ôter encore une fois de ce qui paroî-
tra , après la première fou tira élion , aux
ouvertures des mille , des centaines , & des
dixaines , on l'otera & on tournera l'aiguille
du même cercle du quotient fur z , &c on
continuera jufqu'à l'exhauflion la plus com-
plète qu'il fera poffible ; pour cet effet il
faudra réitérer ici la fouftr^.étion huit fois
furies trois mêmes ouvertures; l'aiguille du
cercle du quotient qui répond aux dixai-
nes 5 fera donc fur S , & il ne fe trouvera
plus aux ouvertures que 69 , qui ne peut
plus fe diviferpar 114 ; on mettra donc l'ai-
guille du cercle du quotient , qui répond à
Pouverture des unités, fur o, ce qui mar-
quera que 124 été 8c fois de 9989, il refte
cnfuite 69.
Manière de réduire les livres en fous , 6"
les fous en deniers. Réduire les livres en
fous , c'elT: multiplier par lo les livres don-
nées ; & réduire les fous en deniers , c'eft
multiplier par douze, Voy. Multiplica-
tion.
Convertir les fous en livres Ù les deniers en
fous , c'eft divifer dans le premier cas par
10 , èc dam le fécond par douze. Voye^
Division.
Convertir les fous en livres , c'eft divifer
far 240. Vuye'^ Division..
A R I
Il parut en 172 j une autre machine ar//^-
métique , d'une compofition plus fîmple que
celle de M. Pafcal , &: que celles qu'on avoir
déjà faites à l'imitation ; elle eft de M. de
l'Epine ; & l'académie a jugé qu'elle con-
tenoit plufieurs chofes nouvelles & ingé-
nieufement penfées. On la trouvera dans
le recueil des machines : on y en verra en-
core une autre de M. de Eoitiflendeau , dont
l'académie fait aufîî l'éloge. Le principe
de ces machines une fois connu , il y a peu
de mérite à les varier : mais il falloir trou-
ver ce principe ; s'il filloit s'appcrcevoir que
fi Ton f?iic tourner verticalement de droite
à gauche un barillet chargé de deux fuites
de nombres placées l'une au defTus de l'au-
tre , en cette force ,0,9,8,7,6, f-'c.
9 > o > I > 2. , 3 , Ê c.
l'addition fe fiiifoit fur la rangée fupérieure ,
& la fouftraftion fur l'inférieure , précifé-
ment de la même manière.
* ARIZA, (Géog. anc. Ù mod.) bourg
d'Efpagne dans l'Aragon, fur les frontières
de la vieille Caftille , & fur la rivière de
Xalon. Les géographes prétendent que cette
Ari^û eft la ville qu'on nommoit ancienne-
ment yirji ou Arci.
ARK A , ( Géog. ) ville d'Afie , en Syrie ,
agréablement fituée fur une rivière de fon
nom , vis-à-vis de l'extrémité feptentrio-
nale du miOnt-Liban. L'on en voit encore
les ruines dans un endroit qui fait pnnic du
gouvernement moderne de Tripoli de Syrie.
{D.G.)
^ARKEG , ( Géog.) lac d'Ecoffe dans
la province de Loch-Aber, à l'occident du
lac Aber , avec It quel il communique par
un canal c'e trois à qu:tre milles : le hcArkeg
a près de iîx milles de long.
ARKEL,(G.V.) diftrid des Provin-
ces-unies des Pays Bns , appartenant en par-
ticulier à celle de Hollande. Il comprend les
villes & ieigneuries d'Afperen, de Eleuchcl-
num &: quelques vilb.ges ; on le nomme au-
trement le Pays de Gorkum. (D. G.)
^ ARKI, ( Géog) ville de la Turquie
en Europe , fituée dans la Bolnie , à l'em-
bouchure de la Boina , dans la Save.
ARKONA , ( Gécg) forterelfe de la
prefqu'ile de 'VVitto en Poméranie , proche
de l'île de Rugcn. Elle ne lublJ^'' plus de-
A R L
puis pafTé 600 ans. Un roi VValdemar la prit
tn 1168 , Si. la rafa de fond en comble,
enveloppant dans (a dcftrudion letemple de
Swaniwoit , idole f.imeuledu pays. {D. G.)
* ARL ANZA , petite rivière d'iifpagne ,
qui a fi fource à Lara , baigne Lerma , &
le rend dans l'Arlanzon.
*ARLANZON, rivière d'Efpagnedans
la vieille Caftille , qui baigne Burgos , reçoit
l'Arhnza , &c fe jette dans le Pizuerga fur
les frontières du Royaume de Léon.
ARLBERG , ( Géog. ) branche des Alpes
Rhctiennes , qui pénètrent dans Pempire ,
vers le Tyrol & le lac de Conftance , Se fous
le nom général de laquelle on comprend en
Autriche les comtés particuliers de Bregentz ,
de Sonneberg , de Pludentz, &: de Fcld-
kirck ou Montfort , avec la leigneurie de
Hoheneck. (D. G.)
ARLENC ou ARL ANC, ( G^^.) ville
de France dans la ba(Iè- Auvergne , éleélion
d'illbire , généralité de Clermont. {D. G)
ARLEQUIN, f. m. {Littêr.) perfon-
nage qui dans la comédie italienne fait le
rôle de bouffon , pour divertir le peuple
par ies plailanteries. Nous l'avons introduit
fur nos théâtres , & il y joue un des prin-
cipaux rôles dans les pièces que l'on repré-
fente fur le théâtre italien.
Quelques-uns prétendent que ce nom doit
fon origine à un fameux comédien italien
qui vint à P.aris fous le règne de Henri III , &
que , comme il fréquentoit familièrement
dans la maifon du prélîdent de Harlai qui
lui avoir accordé {es bonnes grâces , fes ca-
marades l'appelloient par derilion ou par
envie harkquino , le petit de Harlai ; mais
cette hiftoire a tout l'air d'une fible , quand
on fait atcention au carasftere d'Achilles de
Harlai , qui aulLi bien que les autres magif-
trats de ce temps-là , ne s'avilifïïiit point à
recevoir chez lui les baladins. Fbye? Comé-
die. (G)
§ Le caraétere diftindif de l'ancienne
comédie italienne , eft de jouer des ridicu-
les , non pas perfonnels, mais nationaux.
C'eft une imitation grotelque des mœurs des
différentes villes d'Italie , & chacune d'elles
elt repréfentée par un perfonnage qui eft tou-
jours le même ; Pantalon eft Vénitien , le
Codeur eft Bolonois , Sc.ipinefl Napolitain,
& Arle.juin eft Bergarai.fque,
r
V-Ciui-c: eu en
n-.
ARL 385,
même temps le perlonnage le plus bizarre
& le plus plaifant de ce théâtre. Un nègre
Bergamafque eft une choie abfurde ; il ell
même aÔez vraifemblable qu'un eftlave
Africain fut le premier modèle de ce per-
fonnage. Son caradlere eft un mélange d'i-
gnorance , de naïveté , d'efprit , de bétifc Sc
de grâce ; c'eft une efpcce d'homme ébauché ,
un grand enfant qui a des lueurs de rait'on
& d'intelligence , & dont toutes les méprifes
ou les mal-adrelles ont quelque chofè de
piquant. Le vrai modèle de fon jeu eft la
ibuplefle , l'agilité , la gentillellè d'un jeune
chat , avec une écorce de groflîéreté qui rend
fon aétion plus plaifante ; fon rôle eft celui
d'un valet patient , fidèle , crédule , gour-
mand , toujours amoureux , toujours dans
l'embarras , ou pour fon maître , ou pour
lui-même ; qui s'afïlige, qui fe confole avec la
facilité d'un enfant , Se dont la douleur eft
aufTi amufante que la joie
Ce rôle exige beaucoup de naturel & d'e(^
prit , beaucoup de grâce & de foupled'e.
Le feul des poètes françois qui l'ait em-
ployé heureuferaent , c'eft de l'Ille dans Ar-
lequin fiiuvûge , Se dans T.mo.'i le mifantrope ;
mais en général la liberté du jeu de cet ac-
teur naïf & l'originalité de fon langage s'ac-
commodent mieux d'un fuiiple canevas,
qu'il remplit à fa guile , que du rôle le mieux
écrit. {M. Marmontel.)
Ce perfonnage de la comédie italienne ,
où il a un caractère approprié , a palTé dans
la comédie françoife ; Sc dans l'allemande
il mériteroit de remplacer le rôle du hans~
wurfl. Soncaradiere confifte à avoirl'air d'un
garçon lîmple , très-naïf, ou tout au plus
bouffon , mais d'être au fond très-rufé, fpi-
rituel , habile à oblerver les foibleffes & le
ridicule des autres , & à les relever avec
autant de naïveté que de fincffe. Quelques
critiques penfent que ce perfonnage avilit
la Icene comique , Sc qu'il choque le bon
goût du fpeélacle théâtral , mais il n'eft pas
difficile de faire voir que cette décifîon eft
peu réfléchie Se que dans plufieurs cas le
rôle de l'arlequin eft un rôle dont on ne
peut prefque point fe pafïèr.
Lorsqu'il elt queftion d'expofer fur la
fcenc un fou férieux dans tout le ridicule de
ia folie , le moyen le plus fur , c'eft de le faire
:;ccompr)£iîer d'uû bon arlequin. Qu'en Ce
3^o A R L
rappelle avec quelle énergie les bouffons des
princes lavoienc autrefois taire fentir les fo-
lies des grands , & combien ils humilioicnt
l'orgueil par la vivacité de leurs faillies. Il
n y a que le ridicule qui puilfe décontenancer
un fat de qualité , ou un fourbe accr.;dité
& puillant; mais pour^ y réuflîr , il fau-
droit que les railleurs eullent le caradercd'un
véritable arlequin. On fera fort bien par con-
lét[uent de conferver au moins au théâtre le
rôle des anciens bouffons de la cour.
H n'eft pas nécetfaire , à la vérité , que
le bouffon ait un habillement bizarre ou une
niaroce , ni qu'il foit toujours polillbn ; on
tombe trop ailémcnt par-là dans le bas co-
mique. Son grand rôle doit être de dévoi-
ler le ridicule qui fc cache fous un air de
gravité ou de dignité ; de démafquer le four-
be , & de lexpofer aux huées du public.
C'cft-là fans contredit , le plus grand avan-
tage qu'on peut attendre du théâtre comi-
que , & cet avantage n ell; pas médiocre. Il
y a des hommes allez effrontément médians ,
pour fe mettre au ce 'Tus des loix , de l'équité
&c de l'humanité. Les plus fortes remontran-
ces , tirées de la faine raifon & des principes
de la juftice , ne font pas la plus petite
im.preffion fur eux ;. nul hein ne peut arrêter
leur folie ou leur fourberie. Livrez-les à arle-
quin ; auffi indiff'érens qu^'ils étoientaux re-
proches , auffi fenflbles feront-ils aux rail-
leries : car ils faifoient préciiément conhfter
leur grandeur à tout braver. C'étoit en
dédaignant le jugement des autres , qu'ils
croyoient fentir plus vivement le prix de
leur qualité , de leur rang , de leur puilîànce ;
la rifée publiqu<tfles fait tomber tout-à-coup
de cette hauteur , ils fe fentent eux-mêmes
avilis &c mépriiés.
Au fond , arlequin fait exaftement fur la
fcene ce que Lucien & Swifft faifoient dans
leurs écrits. Les railleries fatyriques de ces
deux auteurs font dans le véritable caraélere
d'arlequin , aulli y a-t-il des comédies où ce
perfonnage fait le premier rôle. Les poètes
comiques , à qui ce rôle a paru trop bas ,
en ont néanmoins fenti le be foin ; ils l'ont
fait remplir par des valets : mais ces valets
ne font en effet que des arlequins en livrée ,
&i lorfqu'ils font obligés de fiire ce perfon-
nage, ne feroit-il pas mieux qu'arlequinle
fit lui-même î Au refte , il faut convenir que
A R L
c'eft un rôle très-difficile à bien traiter , &
qui doit être tracé de main de maître. Il
n'eft pas ailé de faire paroitre à propos ce
perloiinage au moment où fon miniftere
ièroit le plus important ; d'ailleurs pour en
drer tout le parti poffible , il faut avoir
le don de la raillerie , &: c'eft peut-être de tous
les talens le plus rare. ( Cet article ejltiréde.
la théorie des beaux arts de M. Su LZER.)
§ ARLES , ( Gécg. ) ville très-confidé- i
rable de France , lur le Pvhone , à huit lieues |
de la mer , & au voifmage d'un grand
marais , dont (a fituation élevée ne lui per-
met pas de craindre les inondations , mais
dont le loulîle de certains vents lui rend quel-
quefois les vapeurs allez incommodes. Long.
i.%, l8 ; lat. 43, 40'-, 3f.
Placée dans l'enceinte du gouvernement
de Provence , & pourvue d'un territoire de
plulîeurs lieues de circuit , elle a , par la
nature de fon fol & de fon climat , de quoi
commercer en bons vins , en vermillon ,
en manne , en huiles & en exccllens fruits.
Elle eft le lîcge d'un archevêché , d'un
bailliage , d'une viguerie , d'une amirauté ,
& d'un bureau des cinq grolîes fermes. Qua-
tre évêques , favoir , ceux de Marleille , de
Saint-Paul-trois-Châteaux , de Toulon , &c
d'Orange relèvent de fon archevêque ,
lequel, lôus le titre de prince de Montdragon.
& avec trente-trois mille Uvres de rente ,
gouverne cinquante-une pareilles , dans Ion
diocele particulier.
Cette ville eft en elle-même grande &
bien bâtie : l'on y trouve neuf églifes , une
abbaye , quatorze couvens , un hôpital &c
une académie des belles-lettres , fondée , |
par une inftitution linguliere , en 166S, f
pour des gentilshommes uniquement. L'on
y trouve auffi , peut-être plus que dans au-
cun autreendroitde la France , des morceaux
d'antiquité dignes de l'attention des curieux,
il y a des tombeaux à la Romaine, ^ des urnes
lépulcrales ians nombre : il y alesreftes d'un
capitule , d'un théâtre <!<>: d'un amphithéâtre,
le bulle d'un Elculape entouré d'un lerpent ,
&: un obélilque de Porphyre , érigé & ren-
verlé , on ne fait à quelle date , mais re-
dreiTé en i6j^ ,3. l'honneur de Louis XI'V ,
fur une baie, à la vérité , de roc ordinaire ,
«Se peu proportionnée par conféquent à h
beauté de la matière dont la pièce eft formée.
ARL
[ Arks érigea une colonne en l'honneur
du grand Conllantin , fur laquelle on voie
CCS mots gravés en cinq lignes.
IMP. Cjes. Flav. Val.
CONSTANTINO P. F. AUGUSTO ,
PIO TËLICI AuGUSTO
DIVI CONSTANTI Al/G. PII
FILIOy
Areiatis RESTITUTORI.
En effet , après la mort de Maximilien
Hercule , Conltantin tixa Ion léjour à Arles ,
dont il releva les murs ruines par Crocus , en
ayo : il y bâtit un p^liis dont la tour s'ap-
pelle encore aujourd'hui le château de la
Trouil'e.
C'ell alors qu'Arles , pour marquer fa
reconnoillance envers fon rellaurateur , Ht
élever cette colonne. L'empereur répondit
par les liberaUtés à l'atlection d'un peuple
qui paroilloit fi zélé pour la gloire : il ht
frapper des médailles d'or , &c en diftribua une
grande quantité au peuple. M. Terrin , qui
nous a donné à ce lujet une bonne dillerta-
tion , en cite une rapportée par Ducange dans
fou ouvrage des médailles & des familles
Byzantines ; on y lit : virrus Augujli ; &
dans l'exergue , P. Are , c'eft-à-dire , per-
cujfa Arelare , frappé à Arles. Voye'^ Jour,
de Trév. févr. izil , page 50^. J (C)
Ces diverles antiquités , renfermées dans
Arles , font aifémenc juger de celle de la
fondation & de la prolperité de cette ville.
Jules Céfar, dans les commentaires , parle
déjà d'Arles fous le nom d'Arelaie , & dit
qu'il y fit conftruirc douze vaillcaux , pour
iervir au lîege de MarleiUe ; il lalloit que les
bouches du Rhône dans ce temps-là , fullent
moins en'ablées qu'elles ne le iont aujour-
d hui. ArLs eut part à ratteCtion de Conf-
tantin le Grand, qui lui donna le nom de
Conjlaruine ; & à celle de l'empereur Ho-
norius , qui lui donna le pretedoire des
Gaules , a\'ant que le fiege en fut trans-
féré à Trêves. {D. G.)
§ Arles, {Géographie.) petite ville de
France d;uis le Rouirillon , à lix lieues de
Perpignan, au piédu Canigou , lui la rivière
du fec. il y a deux paroilfès dans cette pe-
tite ville , &c une abbaye de bénédictins ,
la plus confid.rable qui ioit dans cette pro-
YJuce j Ik iameule d'ailleurs par le concours
ARL jfi
cte dévots que lui attire le tombeau , mira-
caleulement humide, de faint Abdon & de
laint Scnnen. {D. G.)
§ ARLEiHEIM , ( Géog. ) bourg agréa-
ble au milieu d'un vallon riant & fertile ,
dans l'évêché de B'ile , à une lieue & demie
de la ville du même nom -, léjour des cha-
noines réguliers du chapitre de Baie , com-
pote de nobles. C'eft dans leur corps qu'ell
choid le prince-évêque , à la pluralité des
(uffrages. Lors de Li réformation , le cha-
pitre lé réfugia de Bâle à Fribourg en Brif-
giu ; après y avoir efluyé toutes fortes d'ad-
verfîfés , particulièrement pendant la guerre
de trente ans , les chanoines obtinrent enfin
à la paix de Nimegue en 167S, la liberté
de s'établir à Arlesheim. {D. A.)
* ARLEUX , petite & ancienne ville des
Pays-Bas dans le Cambrelis , fur les confins
de la Flandre ik du fiainaut. Long, xo, ^$ ;
lat. 50 , ij.
ARLEY ou ARLAY , ( Gécgr.) petite
leigneurie de France dans le comté de Bour-
gogne , (ur la rivière de Seille ; elle étoit
jadis du patrimoine de la mai(on de Chi-
lons , luccédée par celle d'Orange ; & le
roi de Prulle , comme cohéritier de cette
dernière, ne dédaigne pas de faire entrer
encore le titre d'Arley ou Arlay , parmi les
liens propres. {D. G.)
§ ARLON , ( Géog. ) Le territoire à'Ar-
Ion , reconnu depuis long-temps pour l'une
des douze prévotés du duché du Luxem-
bourg , comprend environ cent villages
grands & petits. Le titre de Marquifat lui
lut donné, croit-on, l'an 1103 , à la place
de celui de comté , fous lequel il avoir fait
partie jufqu'alors du pays des Ardennes.
Quant à la ville à'Arlon même , elle eft
bltie iur une hauteur, d'où part la rivière
de Semoi , & commandée par un château
encore plus élevé qu'elle ; mais les François
râlèrent Tes fortifications proprement dites
en i67i.(i). G.)
ARLSTEIN ou ARNOLDSTEIN ,
( Gèogr. ) très-ancien château de La Carin-
thie , dans le cercle d'Autriche en Allema-
gne. Il appartient , avec pluiîeurs autres du
même pays , à l evêque ae Lamberg , par
donation de l'empereur Henri 11 , îx: il tifc
aujourd'hui rempli de moines de làint Ee*
noit. La fouveraineté de cet endroit 6c de
39* ARM
ceux que Bamberg poflede encore dans la
Carimhie, eft un long & ennuyeux objer
de litige , entre la cour de Vienne & celle
de i'évêque. {D.G.)
ARLY , ( Géog. ) rivière de Savoie , qui
defcend des montagnes du FolTigny , reçoit
les torrens de Montoux & d'Aron , & va
fe jeter dans l'Hère , proche de Conflans.
{D.G.)
ARMA , .( Géog. ) petite province de
l'Amérique méridionale , dans le Popayan ,
avec une ville & une rivière nommées comme
elle. Le fol en eft , dit-on , fi fertile , que
l'on y moiflbnne le maïz deux fois l'année.
{D.G.)
* ARM A DE, f. f. {Hifl. mod.) ou le
régiment de l'armade; c'eft celui qui a droit
de garder la principale porte du palais du
roi de Portugal , & de loger dans la ville.
ARMADILLE , animal quadrupède ,
mieux connu Tous le nom de tatou, f^oye^
Tatou. ( /)
Armadille , f. f, {Marine. ) On appelle
ainfi un certain nombre de vailleaux de
guerre , comme fix ou huit , depuis vingt-
quatre jufqu'à cinquante pièces de canon ,
qui forment une petite flotte que le roi
d'Efpagne entretient dans la nouvelle Efpa-
gne pour garder la côte , & empêcher que
les étrangers n'aillent négocier avec les Efpa-
gnols &c les Indiens. Cette flotte a le pou-
voir de prendre même tous les vailîeaux
efpagnols qu'elle rencontre à la côte fans
perraifïîon du roi.
La mer du Sud a fbn armadille , de même
que celle du Nord; celle-ci réfide ordinai-
rement à Cartliagene , & l'autre à Callao ,
qui eft le port de Lima.
Armadilles : c'eft aufîî une efpece de
petits vaifl'eaux de guerre dont les Efpagnols
fe fervent dans l'Amérique. ( Z )
ARMAGAPvA, {Géog.) ville de l'In-
de , en deçà du Gange , fuivant Ptolomée.
(D.G.)
ARMAGH , ( Géog. ) Cette ville , que
les guerres, les féditions , les incendies, ont
fucceiïivement réduite à la milere , eft
cependant encore le iiege d'un archevêque,
primat d'Irlande, & la feule avec Charle-
mont, capitale de Ion comté , qui envoie,
pour J,rmng,h , des députés au parlement.
(Z?. G.)
A H M
"f- ARMAGNAC , province de France ,
avec titre de comté, d'environ ii lieues de
long fur \6 àt large , dans le gouvernement
de Guienne , bornée à l'orient par la Ga-
ronne , au fond de la Bigorre & le Déarn,
à l'occident par la Gafcogne particulière ,
au feptentrion par le Condomois & l'A gé-
nois : Auch en eft la capitale. Il y a le haut
& le bas Armagnac.
§ C'eft un pays généralement fertile en
grains , en vins & en bons fruits , & d'où
l'on exporte du marbre , du plâtre , du fal-
pêtre & des eaux-de-vie. Il y a eu long-temps
les comtes particuliers , qui formoient une
branche de l'ancienne maifon de Gafcogne ,
& dont le dernier , peu fîdele au roi Louis
XI, fut tué au fiege de Ledloure en 1470.
{A. G.)
ARMAMAR , ( Géog. ) ville de Portu-
gal , dans la province de Beira, au départe-
ment de Lamego : l'on n'y trouve que deux
égliles paroifïiales ; preuve du peu de con-
iidération qu'elle mérite; car dans ce pays-
là les moindres villes ont plufieurs égliles.
{D.G.)
ARMAND , terme ufité parmi les maré-
chaux , eft une efpece de bouillie qu'on fait
prendre à un cheval dégoûté & malade,
pour lui donner de l'appétit & des forces :
en voici lacompofîtion.
Prenez plein un plat de mie de pain blanc
émié bien menu ; mouillez - la a\'ec du
verjus, y mettant trois ou quatre pincées de
fel ( au défaut de verjus le vinaigre pourra
fervir , ) & fuffilante quantité de miel rofat
ou violât , ou à leur défaut , du miel com-
mun : faites cuire cette pâte à petit feu pen-
dant un quart-d'heure pour en oter l'humi-
dité fuperflue, & ajourez-y de la canelle en
poudre le poids de deux écus , une douziiine
& demie de clous de girofle battus , une
mufcade râpée , & demi-livre de cafTon-
nade : remettez le tout fur un petit fèu , Se
laiftez cuire à feij lent un demi-quart d'heure ,
remuant de temps en temps avec une fpa-
tule de bois , pour bien mêler le tout , Se
foire incorporer les aromates avec le p.ain Se
le miel ; mais il faut peu de feu , parce que
la vertu des drogues s'exhale promptemcnt
par le moindre excès de chaleur.
Il faut 'avoir un nerf de banif , & mettre
tremper le gros bout dans l'eau pendant
quatre
ARM
quAtre ou cing heures; & après qu'il fcr.i
ramolli de la iorte , le faire ronger au che-
val , qui 1 àpplatira peu à peu : ou biai
vous l'appla tirez avec un marteau , & y
mcrtrez enluitc gros comme une noix de
Vnimnid : vous ouvrirez d'une main la
bouche du cheval , lui fainint tenirh lanpu?
par quelqu'un avec la main , iS: la téce aulïi,
de peur qu'il ne la remue; & vous inrro-
duirez votre ncrfainh charge , le plus avant
qu'il fera poflible. Dès qu'il aura pénétré
allez avant dans Ij bouche , il faut lui lâcher
la langue, & lui lailler mVher le nerf de
bœuf & l'jrmj/it/toutenfemble l'elpace d'un
fiur ; vous lui en remettrez enfuite jufqu'à
cinq ou (ix fois , & le lailTèrez manger au
bout de trois heures , pour lui redonner
Varmand ; & continuerez delà iorte de trois
■ en trois heures.
h'nrmand eft utile à tous les chevaux dé-
goûtés (Se malades , pourvu qu'ils n'aient
foint de fièvre. Il nourrit & &it revenir
appétit , (Se ne manque jamais , lorlqu'on
fourre tout doucement le nerfjulqu'au fond
du gofier, de faire jeter au dehors quantité
de flegmes amers & bilieux qui çaulènt
le dégoût. Il faut à chaque fols qu'on retire
lencrfdu gofier , le nettoyer & l'eduyeravec
du foin. Solleyfel , Farfaitmaréchal.
Unrrr.andt^ bon pour déboucher le gofier
d'un cheval qui auroit .avalé une plume ou
telle autre ordure lemblable , enfonçant par
Çlufieurs fois le nerfchargé à' armand]\xÇ(^d'3M.
Fond. On éprouvera que l'ulage de ce re-
mède ne fût aucune violence au cheval , &
qu'il le nourrit & le remet en appétit; mais
fi le maréchal a la main rude , & que le
nerf ne foit pas amolli , il peut crever le
gofier du cheval , Se le faire mourir par la
fuite : mais cela arrive fort narement. Ihid.
Autre armand pour un cJicval dégoûté.
Prenez une livre de mie! , &le faites un peu
cluuffer ; un demi - verre de vinaigre , &
un peu de farine de froment cuite au four :
faites a-.ire doucement le tout dans un pot
devant le feu : ajoutez-y une canelle râpée ,
& pour deux liards de girofle battu. Quand
le tout fera cuit , vous le ferez prendre au
clieval le mieux que vous pourrez.
Comme un cheval peut être dégoûté parce
qu'il eft malade , & que fi on laiiibit .-.gir la
nature il fcroircn dangerdcfelaillcr atténuer
Tomt III,
A Iv M 35? 3
faute Gc nourriture , on prend du gruau ou
de l'orge mondé qu'on hit bouillir dans Un
pot (lins beurre, puis on le donne tiède au
cheval ; ce qui fuff.t pour le fourenir d.-ms
fou mil , & empjchcr qui! ne meure de
fiim. ( V)
J- ARM ANOTH , ( G'ocr. ) province de
i'Iicoileicprenrrionale, qui tait partie de la
province de Ro!s, entre celles de Loquabir
&de Murrai.
/•ARMANSON ou ARMENîON, ri-
vière de France en Bourgogne , qui a fa
iource au defliis de Semur oii elle pafic ,
reçoit la Rrenne jarrofe Tonnerre , & le jette
dans l"i"onne à la gorge A'Armanfon , près
d'Auxerre.
ARMARINTE, f. i.c^tchrys {Hift. nat.
t'ot. ) genre de plante à fleurs en ro!'e , fou-
tenues par des rayons en forme de paraibl ,
compofées de plufieurs pétales difpofés en
rond lur un calice qui devient dans la fuite
un fruit compolé de deux pièces faites en
demi-ov.ale , d'une matière fpongieuie , lilTes
dans quelques cfpeces , cannelées & rabo-
teufes dans quelques autres : ces deux pièces
renferment ch.rcune une femence iemblable
à un grain d'orge. Tournef. Injl. rei. herb.
Voyei^ Plante. (/)
ARM ATA , ( Myth. ) furnom fous le-
quel les Lacédémoniens honoroient Vénus,
qu'ils rcprélentoient armée.
ARMATEUR ou CAPRE , ( Marine. )
on appelle ainfi le commandant d'un vailTeau
qui eft armé pour croifèr lur les bâtimens dm
parti contraire; & c'ell: aulfi le nom Ipécieux
que prennent les pirates , pour adoucir celui
de corfaire.
On appelle aulTî armateurs les marclrands
qui afretent ou équipent un vaifleau , foit
pour la courfe , foit pour le commerce. ( Z )
ARMATURE, f. f. (Fonderie.) Les
fondeurs en (latues cqueftres & en grands
ouvrages de bronze , appellent airifi un
alfemblage de ditférens morceaux de fer,
pour porter le noyau &■ le moule de potée
d'un ouvrage de bronze. Ceux d'une forme
pyramidale n'ont pas be'oin d'une forte ar-
mature , parce que la bafe foutient les partiel
d'au dcliUs qui diminuent de grolleur ; & il
fuffit d'y mettre quelques barres de fer , dans
lefquelles on palfe d'autres fers plus menus
qu'on appelle lardons , pour lier le noyau
Aaa
.Î04 ARM
avec le moule de potce. Voye:^ Fonderie ,
Noyau , Lardon , 6c.
Quelques fers de V armature font faits pour
lefter toujours enfermes dans le bronze ,
parce qu'ils fervent à donner plus de Iblidité
aux parties qui portent le hirdeau ; les autres
font faits de manière qu'on peut les retirer
lorfque Touvrage efl: fondu : & de-là vient
qu'onleshiitdepluiieurs pièces attachées les
inies aux autres avec des vis, des boulons
& des clavettes , afin de pouvoir les tourner
dans le vuide du bronze lorlqu'on en otele
noyau. Il faut obferver en forgeant les fers
de {'armature , de leur donner un contour
fort coulant, pour ne pas corrompre les cor-
pufcules du fer,ce qui lui oteroit toute ia force.
Pour mettre en leur place tous les fers de
l'armature , on commence par démolir la
grille & le maflif qui portoit dellus, de
façon qu'on puilfe alVembler &: river les
principaux fers fur la bafe de l'armature.
Armature, ( en ArchiteB.) nom gé-
nérique fous lequel on comprend toutes les
barres , boulons, clés , étriers & autres liens
de fer qui Icrvent à contenir un aflèmblage
de charpente.
* ARME , ARMURE , ( Qram. ) Arme
fe dit de tout ce qui fert au foldat dans le
combat , foit pour attaquer , foit pour le
défendre : armure ne s'entend que de ce qui
fert à le défendre. Oji dit une armure de
tête, de cuilTe , &c. Dcm Quichotte prend
vm baffin à barbe pour une armure àtièxt,
èi fait tcmJoer fur des moulins à vent l'effort
de fes armes. La mode des armures cil
piiffée , mais celle àcs armes nepallera point.
y^oye^les Sy non. franc.
Arme ow Scie a main, (Luth. Menuif.
Mari.].) outil dont fe lervent les facteurs de
clavelTin , les ébéniftés , les menuifiers , &c.
cft un feuillet de Icie très -mince & fort
large , denté dans toute la longueur. Voye:^
SeiE A MAIK. {Luth.)
Arme les avirons , ( Marine. ) c'cft un
commandement de mettre les avirons fur le
bord de la chaloupe , tout précsà (ervir. ( Z)
Armes , 1. f. {Art militaire. ) le dit en
génjral de tout ce qui peut fervir à fe ga-
rantir ou couvrir des attaques de l'eunemi
& à le combattre. Nlcod îait venir ce mot
d'une phrafe latine, i/uôd operiant armos ,
parce qu'elles couvrent les épaules ou les
ARM
flancs ; maïs il pàroit qu'il vient plutôt cïu
latin arma , que Varron d>.'rive al' arcendo^ eo
qu(jd arceant kufics. On croit que les pre-
mières armes étoient de bois & qu'elles
lervoicnt uniquement contre les bêtes; que
Nembroth , le premier tyran , les employa
contre les homiries , &; que Ion fils Belus
tut le premier qui ht la guerre ; d'où , félon
quelques-uns , il a été appelle Bdlum. Dio-
dore de Sicile croit que Belus eft le même
que Mars , qui drella le premier des foldats.
Selon Joieph , ce fut Moyie qui comm.ènça
à armer les troupes avec du fer , on le fer-
voit auparavant d'(7//77« d'airain. Les armes
(ont oltendves ou défenfives ; les premières
fervent à attaquer l'ennemi, les autres à le
couvrir de les coups. Les ar/nw chez les Ro-
mains étoient dcfenfives ou offenhves; les
offenlives étoient principalement le trait : il
y en eut de bien des efpeces , Iclon les diffé-
rens ordres des foldats. Les foldats armes à
la légère s'appelloient en général /ère/2rûn7.
Les Vclites qui furent créés en 541, cef-
ferent quand on donna le droit de bour-
geoifie à toute l'Italie : on leur lubftitua les
frondeurs , funditores , & les archers , ja-
culatores. Les armes des Vélites étoient pre-
mièrement le fabre d'Efpagne , commun à
tous les foldats; ce fabre avoit une excel-
lente pointe , & coupoit des deux côtés ,
en forte que les foldats pouvoient le lervir
du bout & des deux tranch.ans : du temps
de Polybe ils le ponoient à la cuille droite.
Ils avoicnt en fécond lieu iept javelots ou
demi piques qui avoient environ trois piés
de longueur , avec une pointe de neuf doigts.
Cette pointe étoit fi fine, qu'on iie pouvoir
renvoyer le javelot quand il avoit été lancé,
parce que cette pointe s'émoufloi'" en tom-
bant. Ils portoient un pedt bouclier de bois
d'un demi-pié de large , couvert de cuir.
Leur calque étoit une efpece de chaperon
de peau , appelle gûla ou g.ilerus , qu'il fiill
bien diftinguer des calques ordinaires, qui
étoient de métal , & qu'on appelloit caps:
cette forte de calque étoit allez connue chez
les anciens. Les armes des piquiers iS: des
autres loldats croient premièrement un bou-
clier , qu'ils apj->elloient /tr«/z/OT, dilférent de
celui qu'ils nommoicntc/jpruj; celui- ci etoïc
rond , & Piutrc ovale. La largeur du bou-
clier étoit de deux piés Cic demi , 5c fa l©ar
ARM
giiw.r écQÎt: de près de quatre pics; de façon
qu'un homme , en le courbant un peu ,
pouvoir flicilemenr s'en coûV.'ù' j garce qu'il
écoit fair en forme de tuile creulè , imbri-
cata. On failoit ces boucliers de bois Icgci"
& pliant , qu'on couvroit de peau ou de
toile peinte. C'eft de cette coutume de
peindre les armes que lont venues dans la
luite les armoiries. Le bout de ce bouclier
étoit garni de ter , atîn qu'il piit réfillerplus
facilement , iIn; que le bois ne le pourrit
point quand on le poloit à terre , comme on
le failoit quelquefois. Au milieu du bouclier
il y avoit une bolle de fer pour le porter ,
on y attachoit une courroie. Outre le bou-
clier , ils avoient des javelots qu'ils nom-
moient pila ; c'éroit Varmc: propre des Ro-
mains : les uns croient ronds & d'une
grolleur à remplir la main: les autres étoient
quarrc's , ayant quatre doigts de tour , & le
bois quatre coudées de longueur. Au bout
de ce bois étoit un fer à crochet qui failoit
qu'on ne retiroit ce bois que très-difficile-
ment : ce fer avoit à-peu -près la même lon-
gueur que le bois. Il étoit attaché de rha-
niere que la moitié tenoit au bois , (ik: que
l'autre fervoit de pointe , enforte que ce
javelot avoit en tout cinq coudées & demie
de longueur ; l'épaiiTeur du fer qui étoit
attaché au bois , étoit d'un doigt & demi :
ce qui prouve qu'il dcvoit être tort pelant ,
& dcvoit percer tout ce qu'il atteignoit. On
fe fervoit encore d'aurrcs traits plus légers
qui reliembloient à-peu-près à des pieux.
Ils portoicnt auffi un cafque d'airain ou
d'uij autre métal , qui lailloit le vilage dé-
couvert : d'où vient le mot de Céiar à la
bataille de Pharfale ; Soldats , frnppc^^ au
vifage. On voyoit flotter fur ce cafque une
aigrette de plumes rouges & blanches , ou
de crin de cheval. Les citoyens de la pre-
mière clallè étoient couverts d'une cuirallè
qui étoit bite de petites mailles ou chaînons,
& qu'on appelloit famata : on en faifojt
auiïi d'écaillés ou de lames de feT : celles-ci
étoient pour les citoyens les plus diftingués ;
elles pouvoitnt couvrir tout le corps. Hélio-
dore , Mthiop. Uv. IX , en fait , vers le milieu
de fon ouvrage, une defcription fort exadle.
Cependant la plupart portoient des cuiraf-
fes de lames d'airain de 1 1 doigts de largeur,
qui couvraient feulement h poitrine.
ARM 35J
Le bouclier , le cafque &C la cuirafie étoient
enrichis d'or & d'argent , avec différentes
ligures , qu'on gravoit dellu:; ; c'eft pourquoi
on les portoit toujours couvertes, excepté
dans le combat & dans diftérentes céré-
monies, i-^'" Romains portoient auffi des
bottmes , mais queL]'.:^'"'^ "■-- -eulc à unç
des deux jambes. Les loldats iur-tout por-
toient de petites bottines garnies de clous
tout autour , c^u'on appelloit caligx , d'où
eft venu le mot de Caligula , que l'on donna
à l'empereur Caïus , parce qu'il avoit été
élevé parmi les fimples loldats dans le camp
de Germanicus Ion père.
Dans les premiers temps les cavaliers ,
chez les Romains , n'avoient qu'une elpece
de vefte , afin de m.onter plus facilement
à cheval. Ils n'avoient ni étriers ni felle ,
ipais feulement une couverture qui leur en
fervoit. Ils avoient au in des piques très-légè-
res & un bouclier de cuir; mais dans la
luite ils empruntèrent leurs armes des Grecs,
qui conlirtoient en une grande épée , une
pique lojigue , une cuirallè , un cafque ,
& un bouclier. Us portoient aulTi quelque-
fois des javelots. Nieupoort , coutumes djs
Ilomaiiis.
Les armes des François , lorfquc Clovis
fit la conquête des Gaules , étoient la hache ,
le j.avelot , le bouclier & l'épée. Procope,
fecretaire du fameux Bclifaire , parlant de
l'expédition que lesFran(pis firent en Italie ,
fous Théodoric I , roi de la France Auftra-
lîenne , dit que ce roi , parmi les cent mille
hommes qu'il conduiloit en Italie , avoit
fort peu de cavaliers , qui étoient tous au-
tour de fa perfonne. Ces cavaliers feuls
portoient des javelots, qui Joli hajlas fer ebant;
tout le relie étoit infanterie. Ces piétons
n'avoient ni arc ni javelot ; non arcu , non
hafiâ armati ; toutes leurs armes étoient une
épée , une hache , & un bouclier. Le fer
de la hache étoit à deux tranchans; le
manche étoit de bois & fort court. Au mo-
ment qu'ils entendoient le lignai , ils s'avan-
çoient , & au premier aflàut , dès qu'ils
étoient à portée , ils lançoient leur hache
contre le bouclier de l'ennemi , le calToient ,
& puis fautant l'épée à la main fur leur
ennemi , le tuoient.
Les calques & les cuirafles n'étoient guère
ea uiàge parmi les François du temps de
Aiia 2.
35>^ ARM
nos premiers rois : mais cet ufage fur intro-
duit p^ii à peu. Ces cuirallès , dans les pre-
miers temps , étoient des coues Je mailles ,
qui couvroient le corps depuis la gorge
jufçiu'aux cuidès ; on y ajouta depuis des
mr.nches & des chau dures de même. Comme
une partie de l'adrcP': J^s combarcans , fuit
«aâri.î icâ unta:Ues , foie dans les combats par-
ticuliers , étoit de trouver le défaut de la
ciiirallèj c'ert- à-dire les endroics où elle fe
joignoit aux autres pièces de l'armure , afin
de percer par-là l'enricmi , nos anciens che-
valiers s'appliquoient à remédier à cet incon-
vénient.
G uillaumiC le Breton , de Rigord , tous
deux hiftoriensde Philippe Augulle , remar-
quent que ce fut de leur temps , ou un peu
auparavant , que les chevaliers réuiïîrent à
fe rendre prerqu'iiivulnérables , par l'expé-
dient qu'Us imaginèrent de joindre tellement
toutes les pièces de leur armure , que ne la
lance , lu l'épée , ni le poignard , ne pulîent
guère pénétrer jufqu'à leur corps , & de les
rendre h fortes , qu'elles ne pulTènt être per-
cées. Voici ce que dit Rigord là-delî'us.
" Le chevalier Pierre de Mauvoilm , à la
,, bataille de Bovines , failît par la bride le
,, cheval de l'empereur Othon; & ne pou-
jj vant le tirer du milieu de Tes gens qui
„ l'entraînoicnt , un autre chevalier porta
„ à ce prince un coup de poignard dans la
„ poitrine : mais il ne put lebleilcr , tant les
j, chevaliers de notre temps , dit-il , font
35 impénétrablement couverts. ,, Et en p;r-
lant de la prife de Renaud de Damn:iartin ,
comte de Cologne , qui étoit dans la même
barai'.le du prn-tid'Othon. "Ce comte , dit-
_,, il , étant abattu & pris fous Ton cheval. . . .
y, un fort garçon , appelle Commote , lui ôta
„ fon ca(<pae , & le blella au vilage. ... Il
,, voulut lui enfoncer le poignard dans le
„ ventre ; mais les bottes du comte étoient
}, tellement attachées &: uniei aux pans de
jj la cuiralle , qu'il lui Rit impolTible de
,, trouver un endroit pour le percer. ,,
Guillaume le Breton décrivant la même ba-
raille ._ dit la même cho'e encore plus
cxpiedemenr , ce qui m-^rque dillindement
que cette manière de s'armer avec tant de
précaution étoit nouvelle; que c ctoit pour
cela que dans les batailles on fbngeoit à tuer
ics chevaux i pour renvcr.^er les c.^Y»liers ,
ARM
&: enluitt les adommerou les preivJre, par-
ce qu'on ne pouvoit vciû." à bout de percer
leurs armures,
• Equorum vifcera rumpunt
Demi s ghidiis dombiorum corporc qiian^h
Ncn patitur fcrro conti/igi ferrta vejlis ,
lahuntur icâi , lapfs ricloribus ; & fie ,
Vinabdes mugis exiffunt in puheiejlraii :
Sed nec tune aeics valet illos tangcre ferro ,
Ni prias armurum careat munimine corpus:
Toiferrifua memhraplieis,tot quifquî'fatenis
Peciora, tôt eoriis, lot ganihufonihus armant.
Sic mcgis attcmi funt fe miinire mod^rni ,
Qiiàmfuerint lAirn vcieres
Et il fait la réflexion que c'étoit pour celi
que dans le temps paile, où l'on ne prenoit
pas tant de précaution , il périilbit tant de
gens dans les batailles.
ubi millia mille
Unà fixpe die legiiuus eei.idijjc virorum ;
Nam malii dum erefcunt , crefcit cauteLi
malorum ;
Munimcn,]ue iiovum contra nova te!a repcr-
tum ejl.
De forte que dans le temps dont il parle ,
pourvu que le cheval nefacpomtrenverlé,
que le cavalier le tînt bien ferme fur les
éiricrs , lorlque l'ennemi venoit tondre (ut
lui avec la lance , il étoit invulnérable ,
excepté par la villere du calque. Il falloic
être bien adroit pour y donner ; & c'ctoic
à acquérir cette adrelle que fervoient divers
exercices en uiage , comme les tournois ,
& autres divercillemens milit.ùres de ccs
temps-là. On y acquéroit cette jullelle de
bien diriger la lance dans la courle de U
bague , & dans quelques autres exercices.
Lesblellures que les chevaliers remportoier.c
alors des combats n'étoient d'ordinaire que
des contulions , caufécs ou par les coups
de mallue qu'on leur déchargeoit , ou par
de violens coupsde labre qui taulloient quel-
quefois l'armure; «Se rarement étoient -ils
bleflés julqu'au fang : ainll ceux qui étoient
les plus roburtes & les plus forts pour por-
ter leurs armes très-pelantes, ou pour alié-
ner , ou pour foutenir mieux un coup ,
avoient l'avantage; de (ortequ'rlors la force
tiu corps entroit beaucoup plus dansles qua-
lités du héros qu'aujourd hui.
i * ' Quant aux hommes de cheval , die
AR M
«» Faucliet , ils chaunôienc des cluulTes de
i> mailles , des éperons à inolecies , auiït
" larges que la paume de la main ; car c'ell
» un vieux moc que le chevalier commence
« à s'armer par les chaudes ; puis 0!i don-
>' noie un gobidon .... c'étoic un vèrcmenc
» long julque lur lescuifles , ^ contrepointé:
» dcllus ce gobillon ils avoienc une chemile
» de mailles , longue julqu'au delîous des
" genoux , appelK'e auber ou haub^r , du m(>t
» aibus , pource que les mailles de ter bien
» polies , forbies , iSc reluifantts, en lem-
» bloicnt plus blanches. A ces chemiies
» ccoient coufucs les chaudes , ce dilencles
» annales de France , en parlant de R.enaud ,
« comte de Dammartin , comibattant à la
« bataille de Bovines. Un capuchon ou
» coiffe, aufTi de mailles, y tenoic, pour
» mettre auffi la tête dedans ; lequel c.ipu-
» chun fe rejeroit derrière , après que le
» chevalitr i'éîoic oté le heaulmc , & qu.md
» ils vouloient fe rafra chir flins oter tout
" leur hariiois ; ainli que l'on vo t dans
» pluiîeurs Tépultures , le hauber ou brugr.e,
» ceint d'iuie ceinture en large courroie . . .
» & pour dernière arme détenlive un ehne
» ou heauime , fait de plulieurs pièces de
» fer élevées en pointe , & lequel couvroit la
»tctc, le vifrge, & le chir.on du cou ,
:> avec la viiîere & ventaille, qui ont pris
"leur nom de rue,&C de vent, lefquels
» pouvoienr s'élever & s'abailler pour pren-
» dre vePit &: haleine ; ce néanmoins fort
»> poifant , & fi malaifé , que quelquefois
}> un coup bien afîené au naGl , ventaille
» ou vifiere , tournoit le devant derrière ,
» comme il avinten ladite bataille de Eovi-
» nés à un chevalier Fr.^nçois Depuis,
" quand les heaulmes ont mieux reprélenté
» la tète d'un homme , ils furent nommés
» bourguignotes ; pofTiblc à caule des Bour-
" guignons inventeurs ; par les Italiens fer-
» lades , ou cclaies armcts. . . . Leur cheval
" étoit volontiers bouffé , c'eft-à-dire cou-
» vert ^' caparaçonné de (oie , aux armes
" & blaion du chevalier , iSc pour 1 1 guerre,
» de cuir bouilli , ou de bandes de fer. "
Cette manière de s'arm.er tout de fera duré
long-temps en France; & elle écoit encore
en ufige fous Louis XIII , parce qu'il y avoit
peu de temps qu'on avoit ceflé de fe fi-Piir de
la lance dans les armées. Or c'écoic une nécef-
ARM
397
fité de s'armer de la forte contre cette efpecc
d'ûrme , dont on n.e pouvoit fe parer que par
la rcfiftance d'une forte armure. Sur la lia
du règne de Louis XIII notre cavalerie ctoic
encore armée de même pour la plupart ;
car voici comme en parle un ofKcier de ce
temps-là, qui imprima un livre des princi-
pes de l'art militaire en 1646.
" Ils font il bien armés , dit -'i\ , ( nos
"gens de cheval) qu'il n'ell: pas bcloinde
" parler d'autres armes; car ils ont la cui-
" ralle à l'épreuve de l'arquebufe , & les
" tallettes , gtnouillieres , hauflecols , braf-
" farts, gan:elets , avec la l'alade , dont la
" vifiere s'élève en haut , & fuit une belle
" montre .... qu'il les faut arm.erà cru &
" fans cafaques , car cela a bien plus belle
" montre, & pourvu que la cuiraflè foie
" bonne , il n'importe du refte. Il feroit bon
" que feulement la première brigade qui
" feroit au premier rang , eût des lames avec
" des pillolets ; carcela feroit un grand efîort ,
" foit aux hommes, foit aux ch.evaux des
" ennemis : mais il faudroit que ces lancicrs-
'> là fullent bien adroits", auriementils nui-
>» fent plus qu'ils ne fervent.» Or il n'y en
avoit plus guère qui fuilent alors fort adroits
dans l'exercice de la lance.
Les chevaux avoienî auflî dans !es anciens
tempsleurs armes défevAix es. On le^ couvroit
d'abord de cuir; on fe conier.ta eniuire de
les couvrir de lames de fer fur la tête : & le
poitrail feulement , Se les flancs de cuif
bouilli. Ces armes défenfives du cheval
s'appello;ent des bardes , ôc un cheval ainfî
armé s'appelloit un cheval lardé. On voit des
figures de ces chevaux ainfi armés & bardés ,
dans les anciennes tapifleries , & en plufîeurs
autres mor.umens. Cette couverture , dit le
préfidcnt Fauehet , étoit de <;u;r ou de fer.
Mais la chronique de Cefinn^r , lous l'an
1158 , parlant des chevaux dtf batailles , die
que ces couvertures étoient comme les hau-
bers , faites de mailles de fer. Hi ecjui coo-
pcrti futrunt coopenuis fcrreis , id efl , rejh
ferre/s circuits ccntcxta ; mais cela n'étoit pas
général. Par une lettre de Philippe-le-bel ,
datée du lojanvierijoj , au bailli d'Orléans,
il eft ordonné que ceux qui avoient cinq
cents livres de revenu dans ce royaume, en
terres , aideroient d'un gentilhomme bien,
armé ^ & bien morue d'un cheval de cinquoncc
35>8 ARM
livres tournois . & couvert de couverture de fer,
ou couverture de puurpointe. Et If rCl Jean
dans Tes lettres du mois d^aoùt 1353, écrit
aux bourgeois & aux habitans de Nevers ,
de Chaumont en Balligni , &c autres villes ,
qu'ils eullenc à envoyer à Compicgne , à
la quinzaine de pâque , le plus grand nom-
bre d'hommes & de chevaux couverts de
W2fl///ei- qu'ils pourroient , pour marcher con-
tre le roi d'Angleterre. Depuis on fe con-
tenta de leur couvrir la tête & le poitrail
de lames de fer , & les flancs de cuir bouilli.
Ilefl: fait encore mention de cette armure
dans une ordonnance de Henri II. " Ledit
" homme à'armes fera tenu de porter arme
" petit ëc grand , garde - bras , cuirafle ,
" cuidots , devant de grèves , avec une
" groflè & forte lance ; & entretiendra qua-
" tre chevaux , & les deux de ^rvice pour
" la guerre , dont l'un aura le devant garni
" de bardes, avec le chamtrain & les flan-
" cois ; &C il bon lui femble aura un piltolet à
" l'arçon de la klle. » C'ctoient ces flancois ,
c'eft-à-direce qui couvroit les flancs du che-
val, qui étoient de cuir bouilli. Les feigneurs
armoient fouvent ces flancois de leurs écu!-
fons ; nos rois les fcmoient fouvent de fleurs
de lis , quelquefois de quelques pièces des
armoiries d'un pays conquis.
Lechûrnfrain qui ctoit de mitai ou de cuir
bouilli , fervoir encore d'arme défenfive au
cheval ; il lui couvroit la tête pardevant , &
c'étolr comme une elpece de mafque qu'on
y ajuftoit. Il y en a un de cuir bouilli au
magalin à'ûrmcs de l'arfenal de Paris. Il y a
dans le milieu un fer rond & large, Se qui
fe termine en pointe aflez longue ; c'étoit
pour percer tout ce qui ie préfenteroit , &
tout ce que la tête du cheval choqueroit.
L'ulage de cette armure du cheval ctoit con-
tre la lance , & depuis contre le piflolet.
Les leigneurs françois (e piquoient fort de
magnificence fur cet article. Il efl: rapporté
dans l'hilloire de Charles VII que le comte
de S. Polaufiege de Harfleur , l'an 1449 ,
avoir un chamfrain à (on cheval d'armes,
c'eft-cà-dire à fon cheval de bataille , prifé
trente mille écus. Il falloit qu'il fût non feu-
lement d'or, mais encore merveilleufement
travaillé. Il efl: encore marque dans l'hiflioire
du même roi , qu'après la prife de Bayonnc
par l'armce de ce prince , le comte de Foix •
ARM
en «ittaiît dans la place , a\'oit la tête de
Ton cheval couverte d'un chamfrain d'acier,
garni d'or & de pierreries , que l'on prifoit
quinze mille écus d'or; mais communément
ces chamfrains n'étoient que de cuivre doré
pour la plupart , ou de cuir bouiUi , ainli
qu'on le voit par un compte de l'an 13 16, à
la chambre des comptes de Paris , ou il eft dit
entr'autres chofes : item , deux chamfrains
dorés & un de cuir. On trouve dans le traité
de la cavalerie françoife de M. de Mongom-
meri , qu'on donnoit encore de Ion temps
des chamfrains aux chevaux , c'eft-à-dire ,
du temps de Henri IV. La principale ra.fon
de cette armure des chevaux n'étoit pas feu-
lement de les conferver , Se d'épargner la
dépcnle d'en acheter d'autres , mais c'eft qu'il
y alloit louvent de la vie & de la liberté du
gendarme même. Car comme les gendar-
mesétoient très-pefamment armés , s'ils tom-
boient iur leur cheval tué ou bleflé,ils étoient
eux-mêrnes tués ou pris, parce qu'il leur
étoitprefqu'impoiTible de fe retirer de deflous
le cheval. Ces armes defenfives, comme on
l'a vu plus haut , étoient nécelTàires pour
les hommes comme pour les chevaux, pour
les garantir des coups de lance. Ainli depuis
qu'on ne s'eft:plusfervide cette arme offenh-
ve, &: peu de temps après, on a abandonné
non feulement les chamfrains , mais encore
tous cesharnoisdonton a parlé , à caufe de
leur pefmteur , de l'embarras , & de la dé-
penie qu'ils caufbient.
Pour les armes défenfives de l'infiiiterie ,
on en trouve la defcription dans une or-
donnance de Jean V , duc de Bretagne , pu-
bliée en l'an i j 1 f .
» Jean , par la grâce de Dieu vou-
" Ions & ordonnons que des gens de
» commun de notre pays &: duché , en ou-
" tre les nobles , fe mettent en appareil
" promptement & fans délai ; favoir efl ,
» de chaque paroifle trois ou quatre , cinq
" ou fix, ou plus , félon le grand ou qua-
,, lité de la paroifle , lelquels ainli choifis
,, & élus , foient garnis d'armes , & h.-.bil-
,, lemens qui enliaivent favoir eft,
,, ceux qui (auront tirer de l'arc, qu'ils aient
,, arc , troufle, capeline , couftille , hache,
,, ou mail de plomb , &: foient armés de
,, forts /VtY^e^ garnis de laifches , chaînes
,, ou miiilles poui couvrir le bras ; qu'Us
AR M
» foîent armés de jacfucs , capelines , h.i-
... ches , ou bouges , avec ce , ayanc panier
„ de tremble , ou autre bois plus conve-
» nable qu'ils pourront trouver , &c foient
.. les paniers allez longs pour couvrir haut
» tic bis. » Les armes dL-fenfives qu'on
donne ici aux piétons , Ibnt la capeline, le Jac-
ques , & le panier. La capeline étoir une
cipece de calque de fer ; le Jacques étoit
une efpece de juil:e-au-corps ; les piétons
portoient cet habillement garni de lail'ches ,
c'eft-à-dire , de minces lames ou plaques
de fer , entre la doublure de l'étofte , ou bien
de mailles. Ces paniers de tremble dont d
clt parlé dans l'ordonnance , étoient les bou-
cliers des piétons ; on les appelle pjniers ,
parce qu'en-dedans ils étoient creux 5c faits
d'ofier. L'ofier étoit couvert de bois de
tremble ou de peuplier noir , qui eft un
bois blanc & fort léger. Ils étoient allez longs
pour couvrir tout le corps du piéton; c'étoient
des elpeces de targes.
Du temps de François I , les piétons avoient
les uns des corcelets de lames de fer , qu'on
appelloit hallecrets ; les autres une velie le
maille , comme nous l'apprenons du li\ re
attribué à Guillaume du Belay , feigncur
de Lengei " La façon du temps préfent ,
» dit-il , eft d'armer l'homme de pie d'un
» hallecret complet , ou d'une chemife ou
w gollette de mailles &c cabalfet , ce qui
» me femble , ajoute-t-il , ruffifant pour la
1) défenfe de la perfonne , & le trouve meil-
» leur que la cuirafle des anciens n'étoir. »>
L'armure des francs-archers doit avoir été
à-peu-près la même que celle du refte de
l'infanterie françoife. Nous avons vu de
notre temps donner encore aux piquiers des
cuirafles de fer , contre les coups de piftolets
des cavaliers qui les attaquoient en cara-
colant , pour faire brèche au bataillon , &
enfuite l'enfoncer. M. de Puyfegur , dans
fès mémoires, dit qu'en 15 87 les piquiers
des régimens des gardes & de tous les vieux
corps avoiei:r des corcelets , & qu'ils en
portèrent jufqu'à la bataille de Sedan , qui
fut donnée en 1641. Les piquiers du régi-
ment des gardes-fuifles en ont porté juf-
qu'au retranchement des piques , fous le
précédent règne. Wjl. de la milice Fran-
çoife par \qV. Daniel.
Les armes dcfenlives de la cavalerie font
ARM 35>^
aujourd'hui des plaftrons à Péprcuve au
moins du piftolet: les oHiciers doivent avoir
des cuirades de même. A l'égard des ar-
mes otfenlîves , elles confiftent dans un
moufqueton , deux piftolets & un (abre.
Les dragons ont un moufqueton & un la-
bre comme les cavaliers ; mais ils n'ont
qu'un pillolet à l'arçon de la Telle ; à la
place du iecond piftolet , ils portent une
bcche , ferpe , hache , ou autre inftrumenc
propre .1 ouvrir des palTages. Ils ne (ont
point plaftronnés , attendu qu'ils combat-
tent quelquefois à pié comme l'infanterie.
l'". Dragon. Ils ont de plus une bayon-
nette. Les armes de l'infinterie Ibnt le fudl ,
la bayonnette & l'épée. Cette dernière arme
eft inutile aujourd'hui , attendu que l'infante-
rie ne combat que la bayonnette au bout du
fufîl : ce qui fait que plulîeurs habiles officiers
penlent qu'on devroit la (upprimer, de mê-
me que le fabre. Car , dit M. le maréchal
de Puyfegur , comme on les porte en travers ,
dès que les foldats touchent à ceux qui font
à leur droite & a leur gauche , en fe remuant
& en fe tournant , ils s'accrochent toujours.
Un homme feul même ne peut aller un peu
vite , qu'il ne porte la main à la poignée de
fon épée , de peur qu'elle nepaffe dans Ces jam-
bes , & ne le fajfe tomber ; à plus forte rai~
fon dans les combats , fur-tout dans des bois ,
haies ou retranchemens , les foldats pour ti-
rer étant obligés de tenir leurs fufils des deux
mains.
Cet illuftre maréchal prétend que les cou-
teaux de chade devroient être fubftitués
aux épées , & qu'ils feroient beaucoup plus
utiles dans les combats. " J'ai oblervé ,
» dit-il , que quand on fe johit dans l'ac-
" tion , le foldat allonge avec le fufil for»
" coup de bayonnette , &c qu'en le pouf-
" faut il relevé Tes crmes ; en forte que fou-
" vent la bayonnette fe rompt ou tombe.
" De plus , quand on eft joint , il arrive
» ordinairement que la longueur des armes
" fait que l'on ne peur plus s'en fervir ; aulîî
» le foldar en pareil cas ôte-t-il fa bayon-
» nette du fulîi , quand elle y eft encore ,
" & s'en fcrt de la main , ce qu'il ne peut
" plus faire quand elle eft rompue ou tom-
" bée. S'il avoit un couteau de chaOe , cela
" remédieroit' à tout , Se il ne feroir pas
» obligé d'ôtcr fa bayonnette du bouc de
4-00 ARM
" Ton rufii : àe forte qu'il miroir en mcmc
" temps une nrme longue & une courte ;
>' reflourcc qu'il n'a pas avec l'cpée , vu fa
" longueur," yîrt de la guerre , par M. le
maréchal de Puyfegur.
A l'égard des ormes des officiers de l'in-
fanterie , il eft enjoint par une ordonnatice
du premier décembre 1710, aux colonels,
lieutenans-coloncls & capitaines de ce corps ,
d'avoir des e(ponton<; de lept à huit pies de
longueur , de aux officiers fubalternes d'a-
voir des fufils garnis de bayoneties. Pour
les fergens , ils font armés de hallebardes
de fix pies & demi environ de longueur ,
y compris le fer.
Selon M. de Puyfegur les fergens & les
officiers devroient être armés de la même
manière que les foldats. Il prétend qu'il n'y
a aucune bonne raifon pour les armer dif-
féremment , des qu'il eft prouvé que l'ar-
mement du fufil avec la bayonnette à douille
cft l'arme la meilleure & la plus utile pour
routes fortes d'aftions. Aufli voit-on plulieurs
officiers qui dans les combats fe fervent de
fufils au lieu d'efpontons ; & parmi ceux
qui font détachés pour aller en parti à la
guerre , aucun ne fe charge de cette longue
ûrme, maisd'un bon fufil avec fa bayonnette.
P^r les anciennes loix d'Angleterre , cha-
que perfoime croit obligée de porter les ar-
mes , excepté les juges & les eccléfiaftiques.
Sous Henri VIII , il fut exprcdément or-
donné à toutes'pcrfonnes d'être inftruites dès
leur jeunelîe .aux armes dont on fe fervoit
alors , qui étoient l'arc & la flèche, XXXIII.
h. vilj. P'oyei Arc.
Armes , félon leur fignification en droit,
s'entendent de tout ce qu'un homme prend
dans fa main , étant en colère , pour jeter
à quelqu'un ou pour frapper. Car armo-
rum cppellatio non ubiquc jcuta & gladios ,
& gakûs Jjfnificar , fed &fufes Ù lapides.
Armes de parade , c'étoient celles dont
on le fervoit dans les joutes & dans les
tournois. ï'^ojf^.JouTE & Tournoi, C'é-
toient ordinairement des lances quin'étoient
pas ferrées, des épécs fans pointe & /cu^■ent
des épées de bois , ou des cannes de rofeau.
Paffe d'armes , c'étoit une lorte de com-
bat en ufage parmi les anciens chevaliers.
Foje:^^ Fleuret.
Armes, fignif-e auffi lesarmes naturelles.
ARM
ou les défenfes des bêtes , comme les grif-
fes , les dents Se les défenfes d'éléphans ,
de les becs des oifcaux. Voy. Dent , On-
gle ,^ B^c , 6'c. Il y a des anmiaux qui font
fuffiiamment en garde contre tous les dan-
gers ordinaires , par leur couvenure njtu-
relle , ou leur armure d'ccaille , comme les
tortues, f^oyc^ Ecaille , Tortue. D'ou-
trés qui n'ont pas ces avantages , font ar-
més de corriCS, d'autres de pointes aiguës ,
comme le porc-épic & le hérilTon ; d'autres
font armés d'aiguillon. J^oyei Aiguillon ,
Corne , &c.
Armes , fe difent auffi au figuré pour la
profeffion de foldat. C'eft: dans ce fcns que
Tondit ùre élevé aux armes, ^'oj?'^ Soldat.
Fraternité d'armes, ^.Fraternité.
Loi d'armes , VoycT^ Loi.
Suspensiond'armes.Foj. Suspension.
Nous avons cru qu'il ne feroit pas hors
de propos, après avoir parlé de l'ufage des
armes dans la guerre , d'ajouter quelques ar-
ticles des ordonnances de nos rois , fur le
port des armes pendant la paix.
Article III de l'ordonnance du roi , du
mois d'août iG6g. Interdiions à toutes per-
lonnes , fans diftinftion de qualité , de temps
ni de lieu , l'uiage des armes à feu brilees
par la crofle ou par le canon , & de can-
nes ou bâtons creufés , même d'en porter
ious quelque prétexte que ce foit ou que
ce puille être ; & à tous ouvriers d'en fa-
briquer & façonner , à peine contre les
particuliers de ico livres d'amende , outre
la confilcation pour la première fois , & de
punition corporelle pour la leconde ; & con-
tre les ouvriers , de punition corporelle pour
la première fois.
Article IV , mtme ordonnance. Faiionsauflî
défenfes à toutes perfonnes de challer à feu ,
&: d'entrer ou demeurer de nuit dans no9
forêts , bois & builfons en dépcndans , ni
même dans les bois des particuliers , avec
armes à feu , à peine de 100 livres, & de
punition corporelle , s'il y échet.
Article V , mîme ordonnance. Pourront
néanmoins nos lujets de la qualité requilc
par les édits &: ordonnances , palfmt pat
les grands chemins des forêts & bois , por-
ter des piftolets & autres armes non pro-
hibées , pour la dcfenle & confcrvarion de
leur perlomie.
Artkk
ARM
"Article Vdc l'ordonnance du roi , du mois
'd'avril i6Sg. DcFenfes à tous payfans , la-
boureurs , & autres habicans domiciliés en
1 étendue de nos capitaineries , d'avoir dans
leurs maifom ni ailleurs , aucuns fufils ni ar-
quebufes fîmples ni brifécs , moulquetons
ni piftolets , porter ni tirer d'iceux , fous
prétexte de s'exercer au blanc , ni aller ti-
rer au prix , s'ils ne font établis par per-
miiTlon du roi , duement enrégiftrée en la-
dite capitainerie , ou fous autre prétexte
que ce puil^e être , à peine de confiication
& amende-, à eux enjoint de porter lefditcs
armts à feu es châteaux & maifons feigneu-
riales des lieux où ils réfident , es mains def-
dits feignenrs ou leurs concierges , qui en
donneront le rôle au greffe de ladite capi-
tainerie , & demeureront refponfables def-
dites armes à eux dépofées.
Article VI , même ordonnance. Permis
Jiéanmoins auxdits habitans domiciliés qui
auront betoin à' armes pour la fùretc de leurs
maifons , d'avoir des moufquets à mcche
pour la garde d'icelles.
Article XV de la déclaration du roi , du
18 décembre i68o. Et ne pourront les gen-
tilshommes fe fcrvir d'arquebufes ou fufils
pour la chafle , finon à l'égard de ceux qui
ont juftice & droit de chafle , pour s'en
fèrvir & en tirer fur leurs terres , & autres
fur lefquelles ils ont droit de chaflèr ; & à
l'égard de ceux qui n'ont ledit droit , pour-
ront s'en exercer feulement dans l'enclos de
leurs maifons.
Extrait de la déclaration du roi , du 4 dé-
cembre iG'jQ. Enjoignons pareillement à tous
nos autres fujcts , tant pour lefdits couteaux
& bayonnettes , que piftolets de poche , que
nous voulons être rompus , à peine de con-
fiication , & de 80 livres parilîs d'amende
contre chacun contrevenant.
Extrait de l'ordonnance du roi , du g fep-
lembre ijoo. Sa majefté permet néanmoins
par les mêmes déclarations à tous lès fu-
jets , lorfqu'ils feront quelque voyage , de
porter ur.e (impie cpéc , à la charge de la
quitter lorfqu'ils feront arrivés dans les lieux
où ils iront.
Armes a l'épreuve , cft une cuiraffe
de fer poli , confiftant en un devant à l'é-
preuve du moufquet , le derrière à l't'preuvc
iu piftolet , &: " n pot-cn-tête auHi à l'épreuve
Tome III.
ARM 401
du moufquet ou du fufil. il y a aufTi de
calottes de chapeaux de fer de la mêms
qualité.
Armes des piecfs de canon ; ce font
tous les inftrumens nécclfaires à fon fervice :
comme, la lanterne , qui fert à porter la
jxjudre dans l'amc de la pièce ; le refouloir ,
t]ui cil: la boite , ou malle de bois montre
liir une hampe , avec laquelle on foule
le forage mis fur la poudre , & cufuice iur
le boulet ; l'écouvillon ', qui efl: une autre
boire montée fur une hampe , &; couverte
d'une peau de mouton , qui l'ert à nettoyer
ôc rafraîchir la pièce ; le dégorgeoir , qui
fert à nettoyer la lumière , &c. Foyei
ces difféi-cns inftrumens dans la (>^ fig. de
la pi. VI de l'art militaire. Voyei encore
Charge & Canon. Le mortier a aulTi fcs
armes. Voye^^ Mortier.
Armes a outrance ; c'étoit une efpecc
de duel de iix contre fix , quelquefois de
plus ou de moins , prefque jamais de feul
à feul. Ce duel étoit fait fans jpermiffion ,
avec des armes ofFen/îves & déftnfîves, en-
tre gens de parti contraire ou de différente
natiort , faais querelle qui eût précédé , mais
feulement pour (aire parade de fcs forces
& de fon adreflè. Un héraut d'armes en
alioit porter le cartel , dans lequel étoit mar-
qué le jour & le lieu du rendez-vous , com-
bien de coups on devoir donner , & de
quelles armes on devoir £è fcrvir. Le défi
accepté , les parties convenoicnt des juges:
on ne pouvoit remporter la vi<3:oire qu'en
frappant fon ennemi dans le ventre ou dans
la poitrine ; qui frappoit aux bras ou aux
cuillès pcrdoit fes armes & fon cheval , &
étoit blâmé par fes juges ; le prix de la vic-
toire étoit la lance , la cotte à' arme & l'épée
du vaincu. Ce duel fe feifoit en paix & en
guerre. A la guerre , avant une aftion ,
c'en étoit comme le prélude : on en voit
quantité d'exemples , tant dans l'hiftoire de
S. Louis, que dans celle de fes fuccelleurs ,
jufqu'au règne de Henri IL
Armes doucanieres; on appelle ain/î
les fiifils dont fe fervent les chaflèurs des
lies , & principalement ceux de Saint-Do-
mingue. Le cajion eft long de quatre pies
& demi , & toute la longueur du fulil eft
d'environ cinq pies huit pouces. La batte-
rie eft forte , comme elle doit être à des
Bbb
4Dt ARM
ormes de fatigue , & le calibre efl: d'une
once de balle , c'cft-à-dire , de 1 6 à la livre.
La longueur de cette arme donne tant de
force au coup , que les boucaniers préten-
dent que leurs fiifils portent aulTi loin que
les canons ; quoique cette expreffion ne loit
pas exadbe , il eft néanmoins certain que ces
fu()ls portent beaucoup plus loin que les fu-
fils ordinaires. En effet , les boucaniers fe
tiennent afllircs de tuer à trois cents pas ,
& de percer un boeuf à deux cents. Voye^
Boucanier.
L'auteur anonyme de la manière de forti-
fier , tirée des méthodes du chevalier de Ville ,
du comte de Pagan , & de M. de Vauban. ,
voudroit que les arfenaux fulîent fournis de
lept à huit cents fiiiils boucaniers , & même
davantage félon la grandeur de la place ,
afin d'en arrner les foldats placés dans les
ouvrages les moins avancés. Les moufquets
bi^aïens y (croient auflî également utiles.
^ojc:^ Mousquet BiscaÏen.
Armes courtoises , fe difoit autre-
fois des armes qu'on employoit dans les
tournois ; c'étoient ordinairement des lances
fans fer, & des épées fans taillans & lans
pointe.
Armes a feu , font celles que l'on
charge avec de la poudre & des balles :
comme les canons , les mortiers , & les
autres pièces d'artillerie ; les moufquets , les
carabines , les piftolets , & même les bom-
bes , les grenades , les carcafles , &c. Voyei^
Canon , Mortier , Artillerie , S'c.
Pour le rebond ou reflaut èits armes a feu y
voye:^ Rebond j roje^ auffi Poudre a Ca-
mion , Boulet , Canon , é>c.
On trouve dans les mémoires de l'acadé-
mie royale de Xaniiée tjoj , le détail de
quelques expériences faites par M. Caflini
asec des armes à feu diiîéremment chargées.
Il obferve entr'autres choies , qu'en char-
ceant la pièce avec une balle plus petite que
Ir.ji calibre , avec de la poudre deflus &
d.fious , il fe fait un bruit violent , fans que
Il balle reçoive la moindre impulfion de la
part de la poudre. Il prétend que c'eft en cela
que confifte le fecrct de ceux qui fe difcnt
i .vulnérables ou à l'épreuve des armes à
* Armfs {exercice des) , Hijl. anc. par-
tie de la gyœnaftitjue j les Romains 1 in-
A R M
ventèrent pour perfeftionner l'art miliraîre.'
Le foldat fe couvroit de fcs armes , & fe
battoir contre un autre foldat , ou contre
un poteau : les membres devenoient ainfî
fouples & vigoureux ; le foldat en acquéroit
de la légèreté &; l'habitude au travail. Nos
exercices ont le même but & les oiêmcs
avantages.
Armes 5 {Hiji. anc.) arma dare , don-
ner les armes , fignifie dans quelques ancien-
nes Chartres , armer quelqu'un chevalier.
Arma depenere , mettre bas les armes ;
c'étoit une peine que l'on impofoit autrefois
à un militaire qui avoir commis quelque
crime ou faute confidérable. Les loix de
Henri I le condamnoient à cette peine , qui
eft encore en ufage parm.i nous dans la dé-
gradation de noblellè , où l'on brife les armes
du coupable.
Arma mutare , échanger les armes , étoit
une cérémonie en ufage pour confirmer une
alliance ou amitié ; on en voit des traces
dans l'antiquité , dans l'Iliade , lorfque Dio-
mede & Glaucus , après avoir combattu
l'un contre l'autre , fe jurent amitié , Se chan- .
gent de cuirallè ; Diomede donne la fienne j|
qui n'étoit que d'airain à Glaucus qui lui
rend en échange une cuirafle d'or ; d'où
eft venu le proverbe , échange de Diomede ,
pour fignifier un marché dans lequel une
des parties a infiniment plus d'avantage que
l'autre.
Arma moluta , étoient des armes blan-
ches fort pointues ; Fleta les appelle arma
emolita.
Arma reverfata , armes renverfées , etoit
une cérémonie en uiage , lorfqu'un hommç
étoit convaincu de trahiibn ou de fclonie.
Koyc:(^ Dégradation. (G)
Armes ajfimptives, en terme de Blafon ,
font celles qu'un hcmme a droit de prendre
en vertu de quelque belle adion. tn An-
gleterre un homme qui n'eft pas gentil-
homme de naifl'ance , & qui n'a point d'ar-
moirie , fi dans une gutrre légitime il peut
faire prifonnier un gentilhomme , un pair ,
ou un prince , acquiert le droit de porter les
armes de fbn prifonnier , 6c de les tranl-
mettre à fi pcftériré : ce qui eft fondé fur
ce principe des loix militaires , que le do-
maine des choies prilos en guerre légitime'
paflè au vainqucui. ( V)
ARM
Armes , ce terme s'emploîe, en efcrime ,
de la manière fui vante : on dit , tirer dans
les armes , c'ert: allonger un coup d epée
entre les bras de l'ennemi , ou , ce qui efl:
la même choie , du coté gauche de (on
ëpée. Tirer hors les armes , c'eft allonger un
coup d'epée hors des bras de l'ennemi , ou ,
ce qui eft la même chofe , du coté droit de
fon épée. Tirer fur les armes , c'eft porter
un coup d'eftocade à l'ennemi, dehors ou
dans les firmes , en failant palier la lame de
l'épéepardedus fon bras. Tirer fous les armes,
c'eft porter une eftocade à l'ennemi dehors
ou dans les armes, en foilant palier la lame
de l'épée pardeilous Con bras.
Armes qu'on applique en or fur les
livres; ces armes doivent être gravées (ur un
morceau de cuivre fondu , taillé en ovale
ou en rond ; il doit y avoir pr.r-derriere deux
queues courtes , d'une force proportionnée
à la grandeur du morceau , lelquelles queues
fervent à tenir le carton avec lequel on les
monte. On applique ces armes des deux
cotés du volume lur le milieu , par le moyen
d'une prcllè.
§ ARMÉ, Ée, adj. unguibus armatus ,
a , um. ( terme de Blafon. ) fe dit du lion ,
du léopard t'v des autres quadrupèdes qui
ont des ongles ou griffes , lorfqu'ils font
d'émaux difterens.
Armé , fe dit aufll des ongles des oifeaux
Jorfqu'ils font d'un autre émail que leurs
corps.
Armé , fe dit encore d'un foldat ou cava-
lier couvert d'un calque , d'une cuiralTe , &
généralement de tout ce qui peut le garantir
de l'attaque de l'ennemi.
Armées , ne fe dit point des flèches dont
Je fer efl iémail diflférent, comme quel-
ques auteurs l'ont prétendu; mais en pareil
cas , ont dit telle flèche d'un émtiiï futée d'un
autre émail.
De Polaftron de Grepiac , diocefe de Tou-
louie ; d'argent au lion de fable , lampajfé &
armé de gueules.
Aubaud du Perron , en Artois ; d'argent
a l'aigle de fable becquée Ù armée d'or. Voye?
MÉTAUX , {Blafon. ){G.D. L. T. )
Armé en guerre , ( Marine.) c'eft-à-dire,
équipé & armé pour attaquer les vaifleaux
ennemis.
Un vaiffeau armé moitié en guerre &
ARM 403
moitic en marchandife, cft celui qui, outre
l'équipage néceirairc pour le conduire , a
encore des officiers , des foldats , des armes
& des munitions propres pour l'attaque &
la défenle. La plupart des vaillcaux mar-
chands qui font des voyages de long cours
font ainfi armés , ce qui diminue beaucoup
le profit.
On ne peut armer un vaiflèau en guerre
fuis commiffion de l'amiral : celui qui l'a
obtenue efl obligé de la faire enrégiflrer au
greffe de l'amirauté du lieu où il fait fon
armement , & de donner caution de la fom-
me de i jooo livres , laquelle efl reçue par
le lieutenant de l'amirauté , en préfence du
procureur du roi. Articles j & ij du titre g
du liv. III de l'o4-donnance de la marine , du
mois d'août 1681.
Armé en cours ou en courfe. V. CouRSE.
ARMÉE , f. f. ( Art. milit. ) efl un nom-
bre confidérable de troupes d'infanterie 6c
de cavalerie jointes enfemble poar agir con-
tre l'ennemi. Cette définition regarde les
armées de terre. On peut définir celles de
mer , qu'on appelle armées navales , la réu-
nion ou l'afTemblage d'un grand nombre
de vaifleaux de guerre qui portent des
troupes deftinées à agir contre les vaifleaux
ennemis. Voyci Flotte , Vaisseau , &c.
On comprend dans ce qui compofe l'ar-
mée, l'artillerie, c'eft-à-dire, le canon & les
autres machines de guerre en ufage dans
l'attaque & la défenfe.
" 'Toutes les troupes d'une armée étant
" divifées en efcadrons Se en bataillons ,
" ces différens corps de cavalerie & d'in-
•' fanterie peuvent être confîdérés comme
" les élémens de ['armée , de même que les
" hommes le font de tous les corps dont
" elle eft compofée. Ainfi la formation de
" Y armée ne dépend que de l'arrangement
» des bataillons & des efcadrons : comme
» l'aélion la plus confidérable qu'elle puiflè
» faire , eft celle de livrer bataille , on appelle
" ordre de bataille celui qui s'obferve dans
>' la pofîtion des bataillons & des efcadrons
» de Varmée.
" On place l*s bataillons &: les efcadrons
» à côté les uns des autres , par les mê-
" mes motifs qui font placer les hommes
» de cette manière dans les différentes trou-
Bbb z
404 ARM
» pes : mais ces troupes ainfi placées dans
>' l'ordre de bataille , ne font point appel-
» lées troupes en rang , mais troupes en ligne
'> ou en bataille ; & l'on ne dit point non
" plus un rang de troupes , mais une ligne
" de troupes.
» On met les troupes les unes derrière les
" autres , par les mêmes raifons qui font
" placer ainfi les hommes dont_ elles font
" compofées : mais on ne le fert pas du
» terme de file par rapport à cet arrange-
» ment. Si celles qui font portées les unes
M derrière les autres font deftinés à fe fui-
» vre, & qu'elles foient en grand nombre,
î> on les appelle /roz/pei en colonne; l'on dit
» colonne de troupes , Sc non pas file de
» troupes. Si les troupes placées les unes
» derrière les autres ne font pas deftinées à
» fa fuivre, on ne les confidere point par
» rapport à l'arrangement précédent , mais
y> feulement par rapport aux autres troupes
» avec lefquelles elles font en ligne. Ce der-
>■ nier cas eft beaucoup plus commun dans
„ l'ordre de bataille que le premier.
„ Le nombre des lignes qu'on doit don-
,, ner à l'armée n'efl: pas fixé , non plus que
„ le refte de l'ordre de bataille : la diffé-
„ rence des pays & des terrains où l'on doit
j, combattre , & la difpofition des ennemis ,
„ peuvent y occafionerdeschangemtns con-
j, îidérables. Ainfi il paroît qu'on doit défi-
j, nir l'ordre de bataille : l'ordre & l'arran-
„ gcmcnt des bataillons Ù des efcao'rons d'une
,, armée par r appert au terrain & aux def-
„ feins du général , Ù par rapport à l'arran-
3, gcment que les ennemis ont pris ou qu'ils
,, peuvent prendre.
,, On n'entreprend point ici de donner
„ tous les différens ordres de bataille ou
., exécutés ou polfiblcs : on fe contentera
„ pour en donner une idée , d'en luppolcr
,, un qui foit le plus conforme aux maximes
,, en uiage , & qu'on rcgardoit encore dans
,, la guerre de 1701 , comme des règles
,, dont on ne dcvoit point s'écarter. On
j, eft fondé à taullr aiull fur ce qui fe pra-
„ tique réellement lorlqu'on allemble une
j, armée. On (iippoie d'abord un ordre à-
j, peu-près tel qu'on va le décrire , pour
,, uirigiicr & pour apprendre à chaque
„ troupe le porte où elle doit être : on en tait
j, un état dont on dUkibue des copies aux
ARM
,, officiers principaux. Cet ordre n'cft pas
„ pour cela regardé comme quelque choit
,, de fixe , & le général y fait dans la fuite
„ les changemens qu'il juge à propos.
„ Voici les maximes qui dans 'es der-
„ nicres guerres fervoient de baie à l'ordre
„ de bataille.
„ Principes ou maximes qui fervent defon-
,, dément à l'ordre de bataille. Première ma-
„ xime. " Former Varmée fur deux lignes
„ de troupes.
„ La ligne la plus proche des ennemis
„ ert appeiléc la première lig;ie ; celle qui
3, fuit immédiatement , la féconde ; celle qui
„ fuit la féconde j la troifieme; &i ainii de
,, fuite fi l'on a un grand nombre de lignes :
„ ce qui arrive lorique le terrain ne permet
„ pas que Varmée loit feulement lur deux
„ lignes.
//. maxime. „ Garder quelques troupes
„ outre celles qui compofent les deux lignes»
„ pour s'en fervir au befoin , à porter du
,, fecours dans les endroits où il eft nécef-
„ faire. Le corps compofé de ces troupes,
„ ou de bataillons & d'efcadrons , eft appelle
„ réferve dans l'ordre de bataille. On en a
„ vu jufqu'à trois dans les grandes arméet..
,, Le pofte le plus naturel des lélerves tft
„ derrière la féconde ligne.
///. maxime. ,, Mettre toute l'infanterie
„ au milieu de Varmée. L'efpacc qu'elle oc-
„ cupe aiull placée le nomme le centre.
IV. maxime. ,, Placer la cavalerie éga-
„ lement lur les deux flancs de l'infanterie,
,, Cette cavalerie de chaque ligne fe nomme
„ alors a les de cavalerie.
V. maxime. ,, Laifler entre les bataillons
„ un intervalle égal à leur front, &: obler-
„ ver la même chofe entre les eicadrons},
„ en forte que pr.r cette difpofition les lignes
,, aient autant de vuide que de plein ;
,, ce qui fiit que les bataillons & les eica-
,, drons peuvent (e mouvoir facilement , &
,, exécuter les diftercns mouvemens qui leur
„ font ordonnés par le général , lans que
,, pour cela ils s'embarralTent les uns les
„ autres.
VI. maxime. „ Placer les bataillons & les
,, ef cadrons de Li féconde ligne vis-à-vis les
„ intervalles de ceux de la première , afin
„ qu'en cas de befoin les troupes de la
,j féconde ligne puilllut lecouru: iiilémenï.
ARM
celles de la première ; & que fi les trou-
pes de cette première ligne font battues
& mifcs en défordre , elles trouvent les
intervalles de la (ccon ie , par où elles peu-
vent fe retirer lans cauler de délordre à
cette ligne , Se qu'enfin elles puillent fe
rallier ou réformer derrière.
y II. maxime. ,, Placer la ieconde ligne
environ à trois cents pas , ou cent cin-
quante toiles de la première , afin que
le feu des ennemis ne parvienne pas j ufqu'à
l'endroit qu'elle occupe. Dans le moment
du combat , la féconde ligne s'approche
davantage de la première; mais à cent
toiles elle perd du monde , Sc elle en
perd beaucoup plus à cinquante toifes &
à vingt-cinq.
Otfcn'ations fur les maximes précédentes.
Suivant ces maximes une armée doit avoir
une très-grande étendue de la droite à la
gauche , & très-peu de profondeur de la
tête à la queue.
„ Pour connoitre cette étendue , il faut
favoir le nombre des bataillons & des
efcadrons dont la première ligne doit être
compofée , & quel doit être l'intervalle
qui les fépare. Comme on connoit l'ef-
pace qu'occupe un bataillon & un efca-
dron , il ne s'agit plus que d'une fimplc
multiplication pour lavoir l'étendue du
terrain de cette première ligne , & par con-
féquent celui du front de l'armée.
„ Si l'on objed:e à cela que les bataillons
& les efcadrons peuvent être fort diffé-
rens les uns des autres , & qu'ainfi le cal-
cul qu'on vient d'indiquer ne peut être
exact , on répondra à cette objection ,
que 11 ces troupes différent confîdérablc-
ment entr'eiles , c'eft aux officiers à qui
il importe particulièrement de connoitre
le terrain que Vrrmée doit occuper, de
s'inftiuire de ces difrcrences pour y avoir
égard d.ins le calcul. Si ces différences
ne lont pas conlîdérables , ou fi elles ne
viennent que du nombre complet des
troupes , on peut lans erreur fenfible ajou-
ter la moitié de la difftrence des plus
fortes troupes aux plus petites , & regar-
der enfuite comme égales celles de la
même efpece : autrement il faut calcu-
ler l'étendue de cliaque troupe en parti-
culier , & les additionner cnfemble avec
ARM 40 y
les intervalles convenables. Ce calcul elT;
un peu plus long que le précédent,
mais il faut convenir auffi qu'il n'a rien
de diflicile.
,, M. le maréchal de Puyfegur propofc
dans fon excellent livre de \'art de la
guerre , pour déterminer exa6tement le
terrain necellaire à une armée , de régler
au commencement de la campagne le
nombre de rangs que les bat-tillons &
les elcadrons doivent avoir. Pour cela il
faut examiner la force ou le nombre des
hommes de chacune de fes troupes , &:
fixer ce qu'il peut y en avoir à chaque
rang pir le plus grand nombre des ba-
taillons 6c des efcadrons. S'il s'en trou-
ve quelques-uns qui aient un front beau-
coup plus grand que les autres , cet illuf-
tre général prétend qu'il faut leur donner
un rang de plus , & en donner un de
moins à ceux qui auront trop peu de
front. De cette façon on pourroit regar-
der les bataillons & les efcadrons , com-
me occupant toujours le même front ,
& faire le calcul du terrain que toute
\' armée doit occuper avec une très-grande
facilité.
5, Pour donner une idée du calcul qu'on
vient d'indiquer , c'eft-à-dire de celui
qui efl utile pour trouver l'cfpace nécef-
faire pour le front d'une armée , foit une
armée àt 48 bataillons & 80 efcadrons,
& Toit fuppofé aufli que, fuivant l'ufage or-
dinaire , les intervalles font égaux au front
de chaque troupe , & qu'on veut difpolèr
ou placer V armée fur deux lignes. On aura
14 bataillons & 40 efcadrons pour chaque
ligne. On iuppofe que les bataillons font
de 6fo hommes à 4 de hauteur , &
les efcadrons de 1 50 à 3 de hauteur ; ce
qui donne, en comptant i pies pour cha-
que foldat dans le rang , & 3 pies pour le
cavalier , f 4 toifes pour le front du ba-
taillon, & iy pour celui de Pefcadron,
Multipliant donc 14 par 54 , on aura i xç)6
toifes pour le front de 24 bataillons ,
ci , 1296
,, On aura la même étendue pour les in-
tervalles , ci , I içf6
„ Pcmr le front des efcadrons , on mulci-
pliera 40 par zy : ce qui donnera 2000
toiles pour le front , ci , , . 1000
4o^
ARM
ARM
„ Il faut obferver les mêmes efpaces pour I '„ M. de Puyfegur examine encore , G une
3, les intervalles , ci , . . . . looo
Total du front de chaque ligne, 45 9 z
„ A l'égard de la profondeur du terrain
„ occupé par l'armée , elle ne contient que
„ celle de deux bataillons ou de deux eica-
„ drons , avec la diftance de deux lignes ,
,, qu'on peut régler de 150 toifes; ainli
,, cette profondeur n'auroit guère que 160
,, toifes. On n'a point parle des réi'erves
„ dans ce calcul, parce qu'elles n'ont point
,, de pofte fixe & déterminé,
,, Ueft difficile de ne pas convenir qu'une
„ étendue de 4591 toifes, ou de deux lieues
,, communes de France , telle qu'eft: celle
„ du front de l'armée qu'on vient de fuppo-
„ fer , efl: exorbitante par rapport à la pro-
,, fondeur de cette même armée. AulTi d ha-
,, biles généraux penfent-ils qu'il feroit à
,, propos de diminuer ce front en retran-
,, chant quelque chofe de la grandeur des
,, intervalles.
5, M. le marédial de Puyfegur efl: non
,, leulement de l'avis de ceux qui croient
„ que les grands intervalles font préjudicia-
,, blés & qu'il faut les diminuer : mais il
,, penfe encore qu'il feroit à propos de filre
,, combattre les troupes à lignes pleines ,
„ c'eft-à-dire fans intervalle.
„ Il fuppofe , pour en dcmontrcr l'avan-
j, tage , 10 bataillons de 12.0 hommes de
„ front fur fix de hauteur , rangés à coté
,, les uns des autres fans aucun intervalle ,
„ Se que chaque bataillon occupe un elpace
„ de 40 toifes de front : il fuppofe aulïî lo
,, bataillons de pareille force , qui leur foient
„ oppofés & rangés à l'ordinaire avec des
„ intervalles égaux à leur front : cela pofé ,
„ il paroît évident que les zo bataillons bat-
„ tront fans difficulté les 10 oppofés , &
„ même 15 qui occuperoient un pareil front;
,, car lorlque deux troupes combattent l'une
„ contre l'autre , l'avantage doit être du coté
„ de celle qui a le plus de combattans qui
,, agillent enfemble dans le même lieu. Il
,, eft arrivé cependant quelquefois que des
„ lignes pleines ont été battues par des
„ lignes tant pleines que vuides : mais l'évc-
„ nement en doit être attribué aux troupes
„ de la ligne pleine , qui n'ont pas fu entrer
„ dans les intervalles de l'autre ligne , & at-
„ taquer le flanc des bataillons de cette ligne.
„ armée , rangée lur une leule ligne pleine ,
„ fera placée plus avancageufement qu'une
,, autre armée de pareil nrimbre de batail-
„ Ions & d'efcadrons rangée fur deux lignes
„ tant pleines que vuides. Il ell clair qu'a-
„ lors les deux armées occuperont le même
„ front : mais il ne l'eft pas m.o'.ns que li des
,, deux troupes qui ont à combattre , l'une
„ joint tout ion monde & l'autre le fépare,
„ celle qui attaque avec tout le fien a incon-
„ teftablemicnt un avantage confidérable fur
„ la partie qu'elle attaque , & qu'elle doit
„ battre en détail toutes celles de la troupe
,, dont le monde eft léparé.
„ S'il efl: difficile de ne pas penfer là-def-
,, fus comme l'illuflire maréchal qui fait
„ cette obfen'ation , on peut lui objeâer ,
,, & il ne fe le diffimule pas , que fi la pre-
,, miere ligne eft: rompue , la iéconde vient
„ à Ion fecours pour en rétablir le défordre :
„ & que la première peut alors fe rallier der-
„ riere la leconde ; au lieu qu'en combat-
,, tant à ligne pleine, fi l'effort de cette ligne
,. ne réuffit pas , l'armée fe trouve obligée
„ de plier fans pouvoir fe réformer derrière
,, aucun autre corps qui la couvre & qui la
,, protège. A cela M. le maréchal de Puy-
,, legur, d'accord avec le lavant marquis
,, de S.uita-Crux , prétend que tout le luc-
,, ces d'une bataille dépend de l'attaquedc
„ la première ligne , & que fi elle eft rom-
„ pue , la féconde ne peut guère rétablir le
„ combat avec avantage. Ajoutez à cela,
,, que cette féconde ligne s'avançant avec la
„ même foiblelle dans fon ordre de bataille
„ que la première , elle fera battue avec la
„ même facilité par la ligne pleine , qui a
„ prelque le même avantage fur cette ligne
,, que iur la première ; on dit prclque ,
„ parce qu'il n'eft p.aspoflriblc à li ligne plei-
„ne, de battre celle qui lui eft oppofée,
„ fins déranger un peu fon ordre , & que
„ la féconde ligne .arrivant dans ce moment ,
,, eft en état d'attaquer la ligne pleine avec
„ plus d'avantage que la première ne le
„ pourroit faire. Il faut voir plus en détail
„ dans l'ouvrage de M. le maréchal de Puy-
„ fegur , tous les raiionnemens par lefquels
,, il démontre en quelque façon ce qu'il dit
,, à l'avantage des lignes pleines. Ce dét.iil
„ n'eft point de la »ature de ce traité , SC
ARM
» nous n*en avons dit un mot , que pour
S) exciter les militaires à ne pas négliger l'c-
M tudc d'un livre aulU utile pour l'intelli-
» gence de leur métier , & dont ils peu-
» vent tirer les plus grands avantnges , pour
« en polléder parfaitement les principes.
Des divi fions de l'armée , appellces briga-
des. " S'il n'y avoir point de divillon dans
V ['armée que celle des bataillons & des ef-
» cadrons , c'eft-à-dire ii elle étoit ieule-
>j ment partagée en pluiieurs parties par ces
,, différentes troupes , ou bien en partie du
,, centre &c en ailes , on pourroit dire que la
„ première de ces divilîons donneroit de
„ trop petites parties , Se la féconde de trop
,, grandes. Mais comme on a vu par la for-
„ mation des troupes en p.irticulier qu'il ne
„ convient pas de les compofer , ni d'un
,, trop petit nombre d'hommes , îii d'un
j, trop grand ; il s'enfuit que les divilîons de
„ Varmée doivent être porportionnées de
„ même d'un nombre de bataillons ou d'ef-
,j cadrons allez confidérable pour produire
,, de grands elîets dans le combat, mais trop
,, petit pour donner de l'embarras dans le
,, mouvement de l'armée. Ce qu'on ap-
,, pelle divijion dans Varmée n'étanr autre
„ chofe que l'union ou laliaifon de plufieurs
j, corps de troupes deftinés à agir eniemble ;
,, l'union de pluiieuxs bataillons ou efca-
,, drons peut donc être conliJérce comme
j, une divilion de Varmée.
,, Chaque régiment peut aufTi être confi-
„ déré comme une divifion : mais comme
,5 les régimens iont très-diflérens en France
„ les uns des autres par le nombre d'hommes
■„ dont ils font compofés , la divillon de
„ l'ordre de bataille par régimens ne con-
i, viendroit pas ; c'eft pour cela qu'on en
„ joint plufieurs eniemble , qu'on met fous
„ les ordres d'un même chef appelle briga-
■y, dier ; & cette union de régimens , ou plu-
■„ tôt des bataillons ou des elcadrons qu'ils
■„ com.pofent , le nomme brigade d'armée
„ ou Iimplcment brigade. Voye\^ Briga-
,5 DIER. Il luit de-là qu'on doit définir la
'j, brigade un certain nombre de bataillons ou
j, d'efccdrons dejUrJs à combattre Ù à faire
■„ lefervice militaire eiifemble fous les ordres
„ d'un chef appelle brigadier.
„ Les troupes d'une même brigade font
J, fur h même ligne dans l'ordre de batail-
A R M 407
,, le , & placées immédiatement à côté les
,, unes des autres : elles ne (ont point de
,, différente efpece , mais feulement ou d'in-
„ fanterie ou de cavalerie.
,, Toute ['armée eft divilee par brigades :
„ mais le nombre des bataillons ou des ef-
,, cadrons de chaque brigade n'eft pas fixé.
,, On regarde cependant le nombre de fix
„ bataillons ou celui de huit efcadrons
5, comme le plus convenable pour former
,, les brigades : mais il y en a de plus fortes
J, & de plus foibles.
,, Il y a encore quelques autres règles ufi-
,, tées dans la formation de l'ordre de ba-
,, taille , par rapport au rang que les régi-
„ mens ont entr'eux : mais on renvoie pour ce
„ détail aux ordonnances militaires , qui
,, fixent le rang de chaque régiment , &
„ l'on fe reftreint à ce qu'il y a de plus
,, eflentiel & de plus général dans l'ordre
„ de bataille.
,, Les brigades fuivent entr'elles le rang
,, du premier régiment qu'elles contiennent:
5, les autres régimens font regardés comme
,, joints avec ce premier , & ne faifmt en
,, quelque façon que le même corps. Con-
,, formément au rang de ce régiment , on
„ donne aux brigades les pojfes d'honneur
,, qui lui conviennent. ,, Voye^^ Poste
d'honneur. Ejfai fur la Caframétation par
M. le Blond.
On a expérimenté en Europe , qu'un
prince qui a un million de fujcts, ne peut
pas lever une armée de plus de dix mille
hommes lans fe ruiner. Dans les ancien-
nes républiques cela étoit différent ; on le-
voit les foldats à proportion du refte du
peuple , ce qui étoit environ le huitième ,
iS: préfentement on ne levé que le centième,
La raiion pourquoi on en lesoit ancienne-
ment davantage , lemble venir de l'égal
partage des terres que les fondateurs des ré-
publiques avoient fut à leurs lujets ; ce qui
faifoit que chaque homme avoit une pro-
priété conhdérable à défendre , & avoit les
moyens de le faire. Mais préientement les
terres & les biens d'une nation étant entre
les mains d'un petit nombre de perfonncs ,
& les autres ne pouvant fubfîfter que par
le commerce ou les arts , &c. n'ont pns de
propriétés à défendre , ni Içs moyens d'al-
ler à la guerre fins écrafer lîurs LnaiUes 5
4o8 ARM
car la plus grande partie du peuple eft com-
pofée d'artifans ou de domeftiques , qui ne
font que les miniftres de la moUefTe &: du
luxe. Tant que l'égalité des terres fubllfta ,
les Romains, quoique bornés à un petit état
&c dénués du fecours que les Latins dévoient
leur fournir après la prile de leur ville, fous
le confulat de Camille , levèrent cepen-
dant dix légions dans la Icule enceinte de
leur ville : ce qui , dit Tite-Live, étoit plus
qu'ils ne peuvent faire à prcfent, quoiqu'ils
ioient les maîtres d'une grande partie du
inonde ; & la raifon de cela , ajoute cet
hiftorien , c'efl: qu'à proportion que nous
ibmmes devenus plus puifTans , le luxe &
la moUefTe fe font augmentés, yoye^ Tite-
Live . Dec. I , liv. VII , confié, fur les cauf.
de la grand, des Rom. ck. iij ,p. X^.
Anciennement nos armées ctoient une
forte de milice compofée des vallàux & des
tenans des feigncurs. f. Vassal , Tenant,
Seigneur, Service , Milice. Quand une
compagnie avoit fervi le nombre de temps
qui lui étoit enjoint par fon tcncment ou
par la coutume du fief qu'elle tenoit , elle
étoit licenciée. Voy. Tenement , Fief , 6^c.
Les armées del'Emp'ne confiftent endiifé-
rens corps de troupes fournies par les dif-
férens cercles d'Allemagne. Fbjf^ Empire ,
Cercle. La principale partie de Varmée
françoifè , fous la première race , confif-
toit en infanterie. Sous Pépin Se Charlc-
magne elles étoient compofées également
d'infanterie &: de cavalerie : mais depuis le
d faut de la ligne carlovingienne , les fiefs
étant devenus héréditaires , les armées na-
tionales , dit le Gendre , font ordinaire-
ment compofées de cavalerie.
Les armées du grand-feigneur font com-
pofées de janiflaires , de fpaliis , & de ti-
mariots.
Armée d'observation , eft une armée
qui en protège une autre qui fait un /legc ,
& qui eft deftinée à obferver les mouve-
, mens de l'ennemi pour s'y oppofer.
Suiv.ant M. le maréchal de Yauban , lors-
qu'on fiit un (îege , il faut toujours avoir
une armée d'obfcrvation : mais elle doit être
placée de manière qu'en cas d'attaque elle
puiilè tirer du fecours de l'/îrOTt'e afîiégean-
le , avec laquelle elle doit toujours confer-
ver des communications. ;
ARM
ArmÉe royale , tft une armée qui
marche avec du gros caaion , & qui eft eu
état d'aflîéger une place force & bien dé-
fendue. On pend ordinairement le gou-
verneur d'une petite place , quand il a ofé
tenir devant une armée royale.
Armée a deux fronts, c'eft une armée
rangée en bataille fur pîuiieurs Lgnes , dont
les troupes font face à la ttte & à la queue ,
enforte que les icldats des premières «Se des
dernières fe trouvent dos à dos. Cette poli-
tion fe prend iorfqu'on eft atuqué par la
tête &c par la queue. (Q)
Armée navale : on appelle ainfi un
nombre un peu coniidérable de vailleaux
de guerre réunis & joints cnfemble : lorf.
que ce nombre ne pafle pas douze ou quinze
vaifîcaux, on dit une efcadre.
Qiielques-uns le lervent du mot dejlntt:,
pour exprimer une efcadre ou une armée na-
vale peu confidérable : mais cette expreC
fion n'eft pas exaéle ; on la rélerve pour
parler de vaifleaux marchands qui lont réu-
nis pour naviger enfemble, Voye-^ Flotte.
Une armée navale eft plus ou moins for-
te , fuivant le nombre & la force des vaif-
féaux dont elle eft compofée. La France
en a eu de confidérables à la fin du fiecle
dernier , & au commencement de celui-ci.
En 1690, l'armée navale commandée par
M. le comte de Tourville , vîce-amiral de
France , étoit de 1 1 6 voiles ; favoir 70 vaif-
feaux de ligne, depuis 100 canons jufqu'à
40 canons ; 10 brûlots , 6 frégates , & 10
bâtimens de charge.
En 1704 , \' armée navale commandée par
M. le comte de Touloufe étoit de $0 vaif-
féaux de ligne, depuis 104 canons jufqu'à
54 canons ; de quelques frégates , brûlots,
& bâtimens de charge , avec 14 galères.
Nous divilons nos armées navales en trois
corps principaux , ou trois efcadres , qu'on
diftingue par un pavillon qu'ils portent au mât
d'avant ; l'une s'appelle Vefcadre bleue , l'au-
tre Vefcadre blanche , & la troifiemc Vefcadre
bleue & blanche. L'efcadre blanche eft tou-
jours celle du commandant de Varmée. Ces
trois elcadres forment une avant-garde , un
corps de kitaillc, & une arriere-garde ; cha-
que vaiffeau porte des flammes de la cou-
leur de fon efcadre.
L'avant -garde eft l'efcadre la plus au
vent
A R M 4o<?
diftinitcment. Elles ont lcsm"-mcs propriccés.
La pierre d'Arménie purge fcùlcmeni: plus
forcement que celle d azur ; on les recom-
mande dans les mêmes maladies : la dcfc"
en ell depuis fix grains julqu'à un fcrupulii.
r.lle .Icteige A l'extérieur, avec un peu d'acri-
monie & d'artricilion : mais on s'en (erc ra-
rement en médecine.
Les peintres en tirent un beau bleu tirant
lur le verd. Geoff. Alexandre de Trulles
préfère \x pierre d'Arménie à l'ellébore blanc ,
en qualité de purgatif, dans les affecbions
mélancolioues.
ARMÉNIENS , f. m. pi. ( Théo!. h:j}.
cccléf. ) confidérés par rapport à Icwr reli-
gion , c'eft une re>5be des chréciens d'orieiit,
ainiî appelles pirce qu'ils habitoienr autrc-
f^ois l'Arménie. Voy^^ Secte.
On croit que la foi fut portée dans leur
pays par l'apotre S. Barchelemi : ce qu'il y a de
certain , c'eic qu'au commencement du iv*
iiccle l'églife d'Arménie étoit trés-florilïànte,
& que l'arianilme y fit peu de ravages. lis
étoient du relTIort du patriarche ce Conf-
tantinople : mais ils s'en féparerenr avant !e
temps de Photius , aulli-bien que l'églile
greque , Se compoferent ainil ur.e églife
nationale , en partie u:iie avec l'églife ro-
maine , & en partie léparée d'elle : car on
en diftingue de deux lortes ■, les francs Ar-
m'iiiens , &c les (chihnanques. Le: francs
Arméniens iont carhoî ques , & fournis à
réglife romaine. Ils ont un patriarche à
Nakiivan , ville d'Arménie , fous la domi-
nation du roi de Pcrfe , &c un autre à Kami-
niek , en Pologne. Les Arméniens fchifma-
tiques ont aulLi deux patriarches ; l'un ré-
lîdant au couvent d'Elchemiazin , c'eft-à-
dire , les trois égiiles proche d'Erivan , &:
l'autre à Eti en Cilicie.
Depuis la conquête de leur pays par Scha-
Abbas , roi de Perle , ils n'ont prefque
point eu de pays ou d'habitation fixe : mais
ils le !o;j: dilperlés dans quelques parties de
la Perfe , de la Turquie , de la Tartaric , Sc
même en pluiieurs parties de l'Europe , par-
ticulièrement eiî Pologne. Leur principale
occupation eft le commerce , qu'ils cnten-
derit très-bien. Le cardinal de Richelieu ,
qui vouloir le rétablir en France , projeta
{x) C'cft fiîiilement un des trois l".nt:niens des favans , car le P. Hardonin, la Marciniere & d'autres le placent
oaiii la Paleftmc, cVft pour mieux fcsi cmnoitre (h (Ituacion dtttérente piéteodu: par Jet fjvans, que M. Deliû»
nous a donné, en 17S4, cette bdlc cane Je P.rUfi tc.-r'Jiri: f.:u.
Tome m. Ccc
ARM
vent , & l'nrricrc-garde , celle qui eff fous
le vent. Lors du combat , ces tro;s eicadres
fe rangent lur une même ligne , autant qu'il
cft pollible ; de forte que le commandant
fe trouve au milieu de la ligne. (Z )
ARMEDON 02/ ARMENDON, (G/og-.)
île dans le voilmage de l'de de Crète , à
l'oppolite du promontoire Sammonicn. C/efl
apparemment l'un de ces écueils , lans nom
moderne , dont on (ait que de nos jours Can-
die ell encore environnée. (£). G.)
ARMEMENT, f. m. {Art militaire.)
gr.md corps de troupes abondamment four-
m de touiei fortes de provillons , foir pour
le fèrvice de terre , loit pour le lervice de
mer. Voy^^ Armée. On dit qu'un prince
fait un armement , lorlqu'il augmente le
nombre de (es troupes , & qu'il tait de
grands amas de munirions de guerre & de
bouche. (Q)
Armemint , f. m. (Marine. ) c'eft l'équi-
pement , foit d'un viiileau de guerre , loit
de pluiieurs, & la diltribution ou embar-
quement des troupes qui doivent monter
chaque vaideau. Il le prend aulÏÏ quelquefois
pour les gens de l'équipage.
On appelle état d'armement , la lifte que
la cour envoie , dans laquelle font mar-
ques lesvailleaux , les officiers, & le nombre
des matelots qu'on defline pour armer. On
dit encore état d'armement , pour ligniher le
nombre , la qualité , & les proportions des
agrcts , apparaux , &.: munitioiis qui doivent
être employés aux vailleaux qu'on doit armer.
Armement ; temps d'un armement. On dit,
Wirmement ne durera jue quatre mois. (Z)
* ARMENIE , iVf. ( Géog. & Hiff. anc.
ù mod. ) grand pays d'Afie , borné a l'occi-
dent par l'Euphrate ; au midi par Diarbeck ,
le Curdillan &: l'Adcrbijan; à l'orient par
le Chirvanj & au fcptentrion par la Géorgie.
Il efl arrolé par pluiieurs grands fleuves. Le
paradis terreftre y étoit fitué. (a)
* Arménie (Piep.rh d') , Hil. nat.
fojf. elle cft opaque; elle a des taches vertes ,
bleues &: brunes ; elle cft polie , parfemée
de petits points dorés , comme li pierre
d'azur , dont elle diifere en ce qu'elle fe met
aifément en poudre. On les trouve dans la
même terre ; c'eft pourquoi on les emploie in-
4if) ARM
d'y atc'rer grnnd nombre à' Arméniens ; 8c
le chancelier Seguier leur accorda une im-
primerie à Marieille , pour mukiplier à
moins de frais leurs livres de religion , qui ,
avant cela , ctoienr fort rares &c fort chers.
Le chriftiamlme s'eft conicrvé parmi eux ,
mais avec be. ucoup d'altération , fur-tout
pnrmi les Aiméniens fcliifmatiques. Le père
Galanus rapporte que Jean Hernac , Armé-
men cathoLque , alfure qu'ils luivent l'hé-
réiie d'Eutychès , touchant l'unité de nature
en Jefus-Chrill: ; cju'ils croient que le Sainx-
Lfprit ne procède que du père : que les
âmes des juftes n'entrent point dans le para-
dis , ni celles des damnes en enfer , avant le
jugement dernier ; qu'ils nient le purgatoire;
retranchent du nombre des facremensla con-
firmation & l'extrcme-ondrion ; accordent
au peuple la communion (ous les deux ef-
peces ; la donnent aux enfans avant qu'ils
dient atteint l'âge de raifon , & penfent oitin
»jue tout prêtre peut abloudre indifféremment
de toutes fortes de péchés; enforte qu'il n'efl:
jioint decasréfervésj foit aux évêques, foit au
pape. Michel Fevre , dans Ton théâtre de la
Turque , dit que les Arméniens font Mono-
fhyfves , c'eft-à-dire , qu'ils n'admettent en
Jeius-Chrift qu'une nature compofce de la
nature divine & de la nature humaine , fiuis
jiéanmoiirs aucun mélange. Voye^ Mono-
THYSITES.
Le même auteur ajoute que les Arméniens
en rejetant le purgatoire , ne laiifènt pas que
de prier & de célébrer des meffcs pour les
morts , dont ils croient que les âmes atten-
dent le jour du jugement dans un lieu où les
juftes éprouvent des fentimens de joie dans
l'espérance de la béatitude , & les médians
des imprefTions de douleur , dans l'attente
des fupplices qu'ils (avent avoir mérites ,
<|uo'que d'autres s'imaginent qu'il n'y a plus
d'enfer depuis que .Tefus-Chrift l'a détruit en
de(cend.-n:aux lymbes , «S: que la privation
de Dieu (era le fupplice des réprouvés ; qu'ils
ne donnent plus l'extrcme-ondioii depuis
environ locnns , parce que le peuple croyant
que ce Gcremtnt avoir la vertu de remettre
par lui-même tous les péchés , en avoir pris
occadon de négliger tellement la confeiTîon ,
qu'in'enllblement elle auroit été tout ù fiit
abolie : que quoiqu'ils ne reconnoi/îènt pas
la primauté du pape , ils l'appellent néaii-
A R M
moins dans leurs livres le yafkvr univerfet ,
& vicaire de J. C. Ils s'accordent avec les
Grecs hir l'article de l'euchariftie , excepté
qu'ils ne mêlent point d'eau avec le vin dans
le facrifice de la mcfle , & qu'ils s'y fervenr
de pain {ans levain pour la conlécration ,
comme les catholiques. Voyc;^ Azyme,
C'ell (ans fondement que Brcrewood les
a accufés de fivorifer les opinions des facra-
mcntaires , & de ne point manger des ani-
maux qui font eftimés immondes dans la
loi de Â'ioyfe , n'ayant pas pris garde que
c'eft La coutume de toutes les fociétés chré-
tiennes d'orient de ne manger ni f'.ng ni
viandes étouffées ; en quoi , lelon l'efprit de
la primitive églife , il n'y a point de luperC-
tition. Ils font grands jeûneurs ; & à les
entendre , l'eflentiel de la rehgion conlîfte à
jeûner.
On compte parmi eux plufieurs monaf-
teres de l'ordre de S. Bafile , dont les Ichif-
matiques obfen'ent la règle : mais ceux qui
le font réunis à l'églile romaine ont cmbralle
celle de S. Dominique , depuis que les domi-
nicains envoyés en Arménie par Jean XXII
eurent beaucoup contribué à les réunir au
(îiint fiege. Cette union a été renouvellee &
rompue plulieurs fois , fur-tout au concile de
Florence , fous Eugène IV.
Les Arméniens {ont l'office ccdéfiaftique
en l'ancienne langue Arménienne, difté-
rente de celle d'aujourd'hui , & que le peuple
n'entend pas. Ils ont auffi dans la même
langue toute la bible , traduite d'après la
verfion des Septaiite. Ceux qui font fournis
au pape font aulTi l'office en cette langue , &
tiennent la même créance que l'églife catho-
lique , fms aucun mélange des erreurs que
profefl'ent les (chifmatiques.
Nous remarquerons encore que le titre
de vertabied , ou docteur, eft plus refpeAé
que celui d'évcque; qu'ils le confèrent avec
les mêmes cérémonies qu'on donne les ordres
iacrés , parce que , lelon eux , cette dignité
repréfente celle de Jedis-Chrift , qui s'ap-
pelloit raMù ou docteur. Ces vcrtabieds ont
droit de prêcher alTîs , & de porter uue
crofle ftmiblable à celle du patri:irche , tan-
dis que les évêques n'en ont qu'une moins
diftiiîguée, <3c prêchent debout , l'ignorance
de leurs évêques ayant acquis ces honneurs
\s<. cette préférence au;!, dodeurs, Giiluius>
ARM
conciliât, de Vcgl. armén. avec l'égî. rom. Si-
mon , hi(l. des rclig. du levant. (G)
* ARMENNA , (Gcoe. anc.) ruines d'une
ville appellce autrefois Medobriga : on les voir
dans l'Alentéjo , près de l'Elhv.m.idure d'El-
p.ij^ne , ^ du bourg de Marvaon.
* ARMENTIERES , ( Géogr.) ville des
Pays-Bas , dans le comté de Flandre , au
territoire d'Ypres, capitale du quareier de la
W'epe fur la Lys. Lc/ig. zo , zj ; lat. 50, 40.
§ Cette ville , qui a Ion feigneur particulier
de la maifon d'Egmont , fut prife & déman-
telée par les François l'an 1667. Son lort,
avant cette époque , pareil à celui des autres
places fortes de la contrée , l'avoit fouvent
expofec aux horreura de la guerre : & les
François & les Elpagnols conftamment en
guerre dans le dernier hccle Se dans le pré-
cédent , tour à tour s'emparoient iSc (e chal-
fôient de (es murs ; leur démolition a fait
Ion repos ; & cellant d'être importante
comme forterelle , elle l'eft devenue com.me
ville de commerce , comme place de fabri-
ques de draps très-eftimés. (Z). G.)
ARMER ( s' ) , en terme de manège , le
dit d'un cheval qui bailîe fa tête , & courbe
(on encolure julqu'à appuyer les branches
de la bride contre (on poitrail , pour ré-
fifter au mors , &c défendre Tes barres &: fa
bouche.
On dit encore qu'un cheval s'arme des
lèvres, quand il couvre ies barres avec les
lèvres , afin de rendre l'appui du mors plus
lourd. Les chevaux qui ont de grollès lèvres
(ont fujets à s'armer ainfi. Le remède à cela
cft de lui donner un mors plus large, & qui
foit mieux arrêté fur les barres.
Pour le premier cas , le remède eft de lui
attacher ious la bouche une boule de bois
entourée d'étoffe entre les os de la mâchoire
inférieure qui l'empêche de porier fa bouche
fi près de fon poitrail. ( V)
Armer un vaifl'eau , c'eft l'éc^uiper de
vivres , munitions , foldats - matelots , <Sc
^ autres chofes néceflaires pour faire voyage &
pour combattre. (Z)
Armer , terme de Fauconnerie. On dit
armer les cures de l'oifeau. ^oje^CuRE. On
dit aufTi armer l'oifeau ; c'eft lui attacher des
fonnettes au pié.
Armer un métier , terme de fabrique des
ctofFes de foie ; c'eft par rappon à la chaîne ,
A R M 411
quand elle eft pafloc au travers du rcmillè ,
qu'elle eft tirante , &c qu'il s'agit de la frire
mouvoir pour former le corps de l'étotTe ;
attacher des ficelles de moyenne groOeur aux
lillerons par de longues boucles , enfiler les
marches & les ajufter , pour fiirc lever ou
bailler les lilles & partager la chaîne, de
fxçon que l'ouvrier puifle mouvoir fa navette.
L'armure efl: très-peu de choie , pour es
qui concerne la chaîne : mais elle ell de
conléquence pour les lilles de poil : quant à
cette opération voyc^l'article Armure.
Armer , {Jard. ) fe dit d'un arbre qu'on
garnit d'épines par le pié pour empêcher
les bcftiaux de s'y frotter & d'en offenfer
l'écorce. On doit en couvrir la tige avec
des cordons de paille qu'on entortille tout
autour ; c'eft une précaution nécefîaire
pour la maintenir fraîche & pour faciliter
le cours de la fève pendant les grandes
chaleurs.
Comme les arbres d'une pépinière ont leur
écorce tendre & délicate , parce qu'ils ont
toujours été à l'ombre , il faut quand on les
tranfplante , avoir foin de les armer pour ne
pas les expofer tout à coup aux fortes ge-
lées , ni aux grandes ardeurs du folc-il.
C'eft un moyen de confcrver leurs tiges
belles & nettes : il fliut avoir cette atten-
tion jufqu'à ce qu'ils aient pris leur force,
&c fè foient accoutumés au grand air. (+)
Armer un canon, {Artil.) c'eft mettre
le boulet dans un canon. Lorfqu'oii ôte le
boulet d'un canon , on appelle cela défarmer
le canon. (+)
Armer un fourneau de mine , ( Artil. )
c'eft , après l'avoir chargé de la poudre né-
celTaire , couvrir le coflre avec des madriers ,
pour fervir de bafe aux étançons qui fou-
tiennent le ciel du fourneau ; eniuite fer-
mer la chambre par pluiîeurs madriers que
l'on nomme porte , que l'on arc-boute avec
des étrillons qui appuient contre un des côtés
des rameaux oppofés à la chambre. (-}-)
Armer la clef, ( Mufiq. ) c'eft y mettre
le nombre de diefes ou de bémols conve-
nables au ton & au mode dms lequel ou
v;;ut écrire de la mufique. Voye';^ Bémol ,
Clef, Dièse. (S)
§ ARMES ou ARMOIRIES , f. f. qui
n'a point de hngulier , {terme de Blafon.)
marques d'homieur fur les éçns &: fur les
Ccc 2
4ir A R. M
cnfeignes & drarcnux , pour connoitre les
fomiiies nobles & diftingucr les nations.
Les armes les plus fimples & les moins di-
verlifiées , font les plus Belles & les plus no-
bles i on entend par-là que dans l'ccu , moins
il y a de pièces , plus elles iont diicinguces.
Les pièces qui tiennent le premier rang
dans les armaines Iont les pièces honorables ,
le chef, la fafce , le pal , la croix, la bande ,
le chevron & le lautoir.
Les autres pièces , compofees de pièces
honorables , font le fafcé , le paie , le bandé ,
le chevronné.
Les quatre partitions , le coupé , le parti ,
le tranché & le tailU, & les réparations.
Toutes ces pièces foîit héraldiques , parce
•qu'elles ont été inventées & roifcj en ulr.ge
pour les hérauts d'armes , des l'origine des
armoiries.
Les lions , léopards , aigles , allérions ,
merlcttcs, befàns , tourteaux , billettes, ùc.
Iont entrés dans les armoiries , prelque dans
le même temps.
En général toutes les pièces & meubles
dont on compofe les armes font très-hono-
1 Ifiques , puifqu'elles reprcfentent les aétions
éclatantes des ancêtres ou aïeuls de ceux
qui ont droit de les porter.
. îl y a différentes fortes d'armes ou ar-
ipciries. Armes pures & pleines iont celles
où il n'entre aucun mélange , que les aines
des maifons ou fùmilles portent telles que
leurs ancêtres les ont toujours portées.
Armes Irifécs ; celles que les cadets ont
augmentées de quelque pièce , pour être dil-
lingucs d'^ leur aine.
Armes parlantes ; celles où il y a quelques
figures , pièces ou meubles qui tonr allulîon
au nom de la fimilie.
Armes de cr.;ice(fion ; celles faites de
quelques pièces des armoiries des louverains,
«u même leurs armoiries pures & pleiiies ,
accordées à certaines perlonnes pour les
réccmpenlcr de quelque fervi-ce important.
Armes chargées ; cellis où l'on ajoute
d'autres armoiries par lubftitution.
Armes futJl/nJes ; celles qui ôtent la con-
noifTànce d'une f.nnille , puilque par lublli-
tution de biens & d'rrmes faite i une per-
fonnc , elle cil obligée de quitter fon nom
ik. fes armes , di de prendre celles du fubf-
tituant par mariage.
ARM
Arm.es à enquérir ; celles qui , ayant xxn.
champ de métal , font chargées de pièces
pareillement de métal , ou celles qui , étant
de couleur , font chargées de pièces aulTi
de couleur , ce qui cil: contre les règles de
Tnrt du blafon , Se donnem occalion désin-
former pourquoi elles font de la forte.
Armes ou armoiries vient du mot armure ,
parce que les marques que l'on prenoit pour
ic faire conno.tre , du temps des anciens
tournois & des croifades , furent d'abord
portées lur les boucliers , cotte-d'armes &
autres armes oftcnfives & défenfives. Vaye^^
Tournois ^ origine des armoiries.) (G. D.
L. T.)
ARîvIbT , f. m. ( Art militaire. ) On
jppclloit ainli un chapeau de fer que les
chevaliers failoient porter avec eux dans les
batailles , Se qu'ils fc mettoient fur la tête ,
lorlque s'étant retirés de la mêlée pour le
repofer Se reprendre haleine , ils quittoient
leur heaume.
Dreuxe de Mello , dans l'elcarmouche de
Mante , n'ayant quecette armure , fut attaqué
par le feigneur de Préaux , vafl'al du roi
d'Angleterre, qui, d'un coup de fabre, lui
abattit fon chapeau de fer & le bleiîà au front.
Froiflart parle fouvent de ces chapeaux
de fer : c'étoit un calque léger , ians vi-
liere Se fans gorgerin , comme ce qu'on a
depuis appelle bacinet. Ces calques légers
'toient dans ce temps-là l'armure de tête
de la cavalerie légère & des piétons. ( K)
^ ^ ARMIER, {Géog) ville de France,
dans le Dauphiné , au Valentinois.
* ARlvUERES, {Géog.) petite ville du
Hainaut , lur la Sambre. Long. X£ , ? ; lat.
ARMIGER, f. m. (Hi/l. mod.) mot
latin compolé d'arma gercre , porter les
armes. C'étoicnt chez nos anciens , ceux qui
;iccom.pagnoient les héros au combat , &
écoicnt leurs porteurs d'armes. Dans les
écrivains modernes , artnigcr cil un titre de
dignité , lui degré de noblelïe , que nous .
exprimons eiî françois par écaycr. Voyei^
ECUYER. ( G)
ARMILLAIRE , adj. en ajlronomie ; c'eft
ainli que l'on appelle une fphcre artificielle ,
compofée de pluiieurs cercles de métal ou
de bois ,qui reprélenttnt les difterens cercles
1 de la fpliere du miOnde ^ mis cnfcinblc dans
ARM
leur ordre naturel, rovc? Sphfre £• Ctr-
CLE. Ce mot armillairecn forme A'ûimiUa,
qui veut dire un br.icclcc. La iplïcre ar-
h'.illaire Icrc à aider l'imagination pour con-
cevoir l'arrangement des cieux , & le mou-
vemait des corps celeites. Voyt^QitL, So-
leil , Planète.
On en voit la reprcfentation dans la
planche nftrcr.omrq. fig. Zi . P Se Q repré-
flntcnt les paroles du monde; AD, l'ciju.i-
tcur ; EL, l'écliptique , ou le zodiaque ;
PAQD , le méridien; ou le colure des
foUtices ; T, la terre ; EG ,\t tropique du
cancer; HL , le tropique tiu capricorne;
BIN , le cercle arctique ; O ^' , le cercL-
antarctique; N £c O , les pôles de l'éclipti-
que ;&ii5', l'horizon. Il y a cette ditfé-
rence entre le globe ^' la fpherc armiliairc ,
que la Iphere ctt à jour, &: ne contitnt pré-
cilcment que les principaux cercles ; au lieu
(juc le globe eft entièrement lolide , & que
les cercles y font imiplement tracés. Outre
1.'. fphere armilbire , qui repréfente les ditle-
rens cercles qu'on imagine lur le globe ter-
rcltre ou célelte , il y a d'aunes Ipheres ar-
millr.ires , qui reprélcîitent les orbites ou les
cercles que décrivent les planètes dans les
diliércnts fyitèmes. Ainll il y a la ipliere
c-.miUaire de Ptolomée , celle de Copernic ,
celle de Tycho : ces dilTérentcs Ipheres re-
préfentent les difFérens arrangemens des pla-
nètes , luivant ces aftronomes. iOj
AïlMILLE,e/2 Architeâure. Voy, [. Anne-
LETS.
ARMILLES , r. m. pi. ( Afircnomie
l'ifirum. ) Le arinilies d'Alexandrie font cé-
lèbres dans lallronomie par les obfervations
de Tymocharis & d'Erato/thene. La plus
ancienne oblcrvation faite à Alexandrie
fous le règne des Ptolémces , environ 294
ans avant J. C. . fur la déclinaifon de l'épee
de la vierge , fut faite avec ces armilks ; &
ces on'ervations fervirent à Elypparquepour
découvrir le changement de situation des
étoiles fixes ou la précelTion des équinoxes.
Ce armilks coniîltoient probablement en
deux cercles de cuivre , fixés dans le plan
de l'cqu-ateur & de méridien , & peut-être
un tro:l:cme cercle mobile , à-peu-près
comme l'allrolabe que Ptolomée décrit dans
rAlmageftcJ/^?. S. C. LCesarmiUesavolem
•une demi-aune de diajBecre , fuivant Pro-
A R M 4t3
dus; &: com;"e l'aune des an.cicns étoit ,
fuivant quelques auteurs , la longueur des
bras étendus , Fanellad icnfc que ces ^r-
milles pouvoient avoir trois pies de diamè-
tre. Hijioriacakjli.'; , prokgomei'.a ic) , xi ,
_?o ; & il croit qu'on pouvoir ob.'crver à
cinq minutes près avec ces armilks. Ptolo-
mée s'en iervit auffi pour ob!ervcr les équi-
noxes , depuis l'an 151 de J. C. jufqu'à l'an
147 , à l'exemple d'Hypparque , dont Pto-
lomée rapporte de lèmblables obfervations.
( M. DE I.A T.ANDE. )
_ AR^iILU^TRiE , fub. f. {Hif}. onc.)
fJte des Romains , dans laquelle on ftifoic
une revue généraledes iroupesdansle champ
de Mars , au mois d'oil(jbre. Les chevaliers ,
les centurions & tous les foldats étoient cou-
ronnés , & l'on y falloir un ficrilice au fon
des trompettes. Ce 1:0m vient du latui arma
luftrare , faire la revue des armes. Varron
donne à cef.e fête une autre origine ; il pré-
tend que cette fètc étoit regardée comme un
6?^f:ojca.Sc(^:rioi/ , expiation ou bénédiction des
armées , décrivant armibjlrium de arma liiere ,
ou fujirare , qui en termes confacrés à la re-
ligion païenne , fîgnifioienr une expiation ,
pour la profpérité des armes des Ro-
mains, (c )
* ARMiNACHA , C G>^og. anc. & w.cd. )
petite ville de la Natolie , dansl'Aladulie,
au pié du mont Taurus ; on prérend que c'efl
l'ancienne Cyhijlra.
ARAlINIAbNIME , fubfr. m. ( T'rJol.
Hiji. eccléf. ) doélrine d'Arminius , célèbre
miniUred^Amllerdam , & depuis profellèur
en théologie dans l'académie de Leyde &:
des arminiens (es lectateurs. (''oyci(_ Armi-
nien?. Ce qui diilingue principalement les
arminiens des autres réformés , c'efl que
perfuadés que Calvin , Beze , Zajicliius ,
&c. qu'on regardoit comme les colonix - du
calvinifme , avo en.t établi des dogmes trop
féveres , fur le libre arbitre , la prédcflina-
t;on , la juilihcarion , la perfévérance ik la
grâce ; ils ont pris fur tous ces points des
léritimens plus modérés, & approchans à
quelques égards de ceux de l'églile romaine.
Gomar , profeficur en théologie de l'aca-
démie de Groningue , & calvinifte rigide ,
s'éleva con.tre la doctrine d'Arminius. Après
bien des difputcs commencées dès 1609 , 6c
qui mcnaçoient les Provinccs-uuies d'une
414 ARM
guerre civile , la matière futdircutée& dé-
cidée en faveur des gomariftes par le fynode
de Dordredl: , tenu en 1618 &c 1619 , &
compofé outre les théologiens de Hollande,
de dcputés de toutes les cglifes réformées ,
excepté des François , qui en furent em-
pochés par des raifons d'état, C'eft par lex-
poiîcion de Varmimanifme faite dans ce fy-
node , qu'on en pourra juger faincmcnt. La
cifpute entre les deux partis étoit réduite à
cinq chefs : le premier rcgardoit la prédefti-
ration \ le fécond , l'univerdilité de la ré-
demption ; le troiiieme & le quatrième ,
qu'on traitoit toujours enfemble , regar-
cioient la corruption de l'homm.e & la con-
verilon \ le cinquième concernoit la perfé-
vér.-înce.
Sur la préceftination , les arminiens di-
foient " qu'il ne filloit reconnoître en Dieu
" aucun décret abiolu , par lequel il eût ré-
" ibiu de donner Jelus-Chrift aux (êuls élus ,
?' ni de leur donner non plus à eux feuls par
" une vocation efficace , la foi , la juftifî-
" cation , la perfévérancc & la gloire ;
»-■ mais qu'il avoir donné Jeius-Chrifl: pour
" rédempteur commun à tout le monde , &
" réfolu par ce décret , de juftifier & de
» fauver tous ceux qui croiroient en lui , &
" en même temps de leur donner à tous les
" moyens fuffifans pour être fauves ; que
" perfonne ne périlVoit pour n'avoir point ces
" moyens , mais pour en avoir abufé ; que
>' l'éleftion abiolue & précife des particuliers
»• fe faifoit en vue de leur foi & de leur per-
» févérance future , & qu'il n'y avoit d'é-
» ledtion que conditionnelle ; & que la ré-
» probation fe faifoit de même , en vue de
» l'infidélité & de la perfévérancc dans un lî
» grand mal. » Ce qui étoit direétement
oppofé au fyftême de Calvin, qui admet un
décret abfolu & pofirif de prcdeilination
pour quelques-uns , &: de réprobation pour
tous les autres , avant toute prévifion de
leurs mérites ou démérites futurs. Voye[
Prédestination , Décret , Mérite ,
DÉMÉRITE , Réprobation, Prévision ,
(■c. Sur l'uni\ crfalité de la rédemption , les
arminiens enfeignoient , " que le prix payé
!' par le Fils de Dieu , n'étoit pas feulement
" îiiffifant à tous , mais aéhiellement offert
„ pour tous & un chacun des hommes 5
., qu'aucun n étoit exclus du fruit de la ré-
ÂR M
,, aemptîon par un décret abfolu , ni autre-
,, ment que par fa faute ; ,, doâ:rine toute
différente de ccUe de Calvin & des Goma-
rifles , qui poioicnt pour dogme indubi-
t.îble, que Jefus-Chrift n'étoit mort en au-
cune forte que pour les prédeftinés , & nulle-
ment pour les réprouvés. Sur le trcifieme ic
quatrième chef, après avoir dit que la grâce
cfl nécellaire à tout bien, non ieulemiCntpour
l'achever, mais encore pour le commencer ,
ilsajoutoientque la grâce n'étoit pas irréjîf-
tible ; c'efl-à-dire qu'on peut y réfîfler , &
foutenoicnt " qu'encore que ia grâce fût
„ donnée inégalement , Dieu en donnoit
„ ou en ofFroit une iufîîlanre à tous ceux à
„ qui l'évangile étoit annoncé , même à
„ ceux qui ne fe convertilîoient pas ; &
„ l'offroit avec un defir Imcere & férieux
,, de les fauver tous, fans qu'il fit deux
,, perlonnages , failant femblant de vouloir
„ îauver , & au fond ne le voulant pas , &
„ pouflànt fecrétement les hommes aux pé-
„ chcs qu'il défendoit publiquement; „ deux
opii:ions monflrueuies qu'avoient introduit
les premiers réformateurs. Sur le cinquième ,
c'efî-à-dire , la periévérance , ils décidoient
" que Dieu donnoit aux vrais fîdeles, régé-
,, nérés par fa grâce , des moyens pour fe
,, conferver dans cet état ; qu'ils pouvoient
,, perdre la vraie foi juffifîante , & tomber
„ dans des péchés incompatibles avec la
,, juffifïcation , même dans des crimes atro-
„ ces ; y perfévérer , y mourir même , s'en
,, relever par la pénitence , fans néanmoins
„ que la grâce les contraignit à la faire ; „
& par ce îentiment , ils détruifoient celui
des c.alviniffes rigides ; iavoir que l'homme
une fois juftifîé , ne pouvoir plus perdre la
grâce , ni totalement m finalement ; c'eft-à-
dire , ni tout-à-fait pour un certain temps ,
ni à jamais & fans retour. Synod. Dordac,
fejf. ^l &34 , Bofl". Kijl. des var. liv. XIV ,
«". 2.:j , 2.4, 2.5 , Zfff.- 2.7. V. GOMARISTES.
ARMINIENS , fedateurs d'Arminius ,
parti ou feéte qui s'éleva en Hollande au
commencement du dix-feptieme fîecle , &
qui fe fépara des Calviniffes. V. Arminia-
NiSME. Les arminiens font auilî appelles
remontrons , par rapport à une requête ou
remontrance qu'ils adrefferent aux ct.its
généraux des Provinces-unies en iGw , &
dans laquelle ils expoferent les principaux
ARM
articles de leur croyance. V. Remontrans.
Les derniers ann'-niens ont poulie les chofes
beaucoup plus loin que n'avoit fait Arminius
lui-mime , & fe font fort approchés du foci-
nianilme , fur tout loilqu'ils avoient pour
chet Simon lipKcopius. Qiiandlescalvinilles
lesacculoient de rcnouvelleruncanciennc hé-
réliedéja condamnée dans les péLigiens & les
femi pélagienSjils repliquoient que la (iinple
autorité des hommes ne pouvoir paiîcr pour
une preuve légitime que dans l'églile romaine;
que les calvinilles eux-mêmes avoient intro-
duit d^ns la religion une toute autre manière
d'en décider les dlfFérens ; & enfin qu'il ne
fuififoit pas de faire voir qu'une opinion
avoir été condamnée , mais qu'il falloit
montrer en même remps qu'elle avoir été
condamnée à jufte titre. Nec fatis cfi damna-
tam olim fententiam effè , niji damiiandam
eam , aut juré aut rite damnatam cjfc conflit.
Sur ce principe que les calviniftes ne font
pas trop en état de réfuter, les arminiens
retranchent un alfez grand nombre d'articles
de religion que les premiers appellent/(j/2(/<î-
m:n:aux , parce qu'on ne les trouve point
aflez clairement expliqués dans l'écriture. Ils
rejetcent avec mépris les caréchifmes & les
confelfions de foi, auxquels les calviniftes
veulent qu'ils aient à s'en tenir. C'eft pour-
quoi ceux-ci dans le fynoie de Dordred ,
s'attachèrent beaucoup à établir la nécelliré
de décider les différens de religion par voie
d'autorité , &c y condamnèrent les arminiens,
qui furent d'abord profcrits en Hollande ,
où on les rolere cependant aujourd'hui.
Ils ont abandonné la doélrine de leur pre-
mier maître fur la prédeftination ^l'éleélrion
faites de toute éternité , en conféqueiice de
la prévifion des mérires ; Epifcopius ayant
imaginé que Dieu n'élir les fidèles que dans
le temps , & lorfqu'ils croient adtuellenient.
Ils penfent que la dodlrine de la Trinité n'eft
point néceflaire au falur , & qu'il n'y a dans
l'écriture aucun précepte qu i nous commande
d'adorer le S. É'prit. Enfin leur grand prin-
cipe eft qu'on doir to! 'rer toutes les CeÙ.^^
chréfennes , prrce que , difent-ils , il n'a
point été décidé ju 'qu'ici qui font ceux d'en-
tre leschrérii'nsqui ont cmbradl- la religion
la plus vf'rit. ble & la plus conforme à la p i-
role de Dieu.
On adiflinguc les arminiens en deux bran-
A R M 4iy
chcs ; par rapport au gouvernement , &: par
rapport à la religion. Les premiers ont été
nommés arminiens politiques; 6z l'on a
compris fous ce titre tous les HoUandois
qui (e font oppolés en quelque cliDfc aux
delleinsdes princes d'Orange, telsqueM.M,
Barneveld & de Witt, & plulieurs autres
réformés qui ont été vlttimes de leur zèle
pour leur patrie.Les arm/Vz/e/z^cccléliaftiques,
c'clV-à-dire ceux qui profellant les (entimens
des remontrans touchant la religion , n'ont
cependant point de part dans l'adminiftra-
tion_ de l'état , ont été d'abord vivement
perlécutés par le prince Maurice; maison
les a en fuite laillcs en paix, fans toutefois
les admettre au miniftere ni nux chaires de
théologie , à moins qu'ils n'aient accepté les
aélres du fynode de Dordrccl. Outre Simon
Epifcopius, les plus célèbres entre ces derniers
ont été Etienne de Courcelles & Philippe
de Limborch, qui ont beaucoup écrit pour
expofer & foutenir les fentimens de leur
p.'j-â. C G )
^ ARMIRO , {Giogr.') ville de la Tur-
quie Européenne , dans la Macédoine, fur le
golfe de Vole , & les côtes de l'Archipel , vis-
à-vis l'de de Négrepont. Long.^i , 20 ; lat.
Il y a encore en Candie une rivière de ce
nom; elle coule près le Caftel-Mdvefi , &
fe décharge dans la Méditerranée , près
de Paleo Caftro. On dit que cdW'Oaxès des
anciens.
On croit que l'Armiro , montagne de
Portugal , aux confins de l'Alentéjo , près
de Portalegre , eft YHerminius ou Eminius
mons des anciens.
ARMIROS , ( Géofrr. ) peuples de l'A-
mérique m'ridionale non loin du bord de
la rivière de la Plata. Leur pays fut décou-
vert par les E'pignolsen 1541 ; on le dit
fertile en maïz , en calîàve & rempli d^oies,
de poules d'Inde & de perroquets. Quel-
ques-uns croient que ce font les mêmes que
les Arécifes. ( A.C.)
^- ARMISTICE, f.m.Mr/OT/7/V.)treve
fort courte , ou fufpenlion d'armes pour
uu petit e'pace de temps. Voy. Trêve , &c.
* ARMOA , petite rivière d'Arcadie , qui
fe jette dans l'Alphée ; on croit que c'eft
\' Amarynchus des anciens.
ARMOACHIQUOiS , {Géogr.) Ciuva/-
41^ A R M
ges clé l' Aincriqiic feprcnmoiip.lc > qui chan-
gent i'ouvenc-de demeure. On n'a encore
rien de certain fur leur figure ni fur leur
caradere. ( C. A.)
ARMOG AN , f. m. ( Marine ) on a hllfc
pafler Varmogan. Les pilotes fe lervent de ce
mot pour dire le b^au temps , qui eft propre
pour naviger. Il WcSk en ufage que dans la
mer Méditerranée, ( Z )
ARMOIRIES, voye'^ Armes , £' Tour-
nois {origine des Armoiries.)
ARMOISE , f. i.anemifw, ( H. nat. bot.)
genre de plante , dont les fleurs font de
petits bouquets à fleurons découpés , portés
îur un embryon , & ioutenus par un calice
ccailleux : on trouve parmi ces fleurons
quelques embryons découverts & lurmontcs
d'un filet fourchu. Tous ces embryons de-
viennent des lemences femblables à celles
de l'ablmthe. h'armoife ne diffère de l'ab-
/intheqne par fon port extérieur , car la dif-
férence des ficurs n'ellpreique pas fenfible.
Tourncfort, Injl.rei hcrh. V. Plante. (/)
\Jcrtcmijia vidgr.ris tnajor , C. B. Ù Fit.
Tcurmf. donne du lel ellencicl , de l'huile à
demi- exaltée , peu de flegme, & allez de
terre ; fon odeur efl forte & pénétrante.
Elle eft dticrdve, vulnéraire , apéritive ,
hyfî-érique , forrihante ; elle excite les mois
aux femmes; provoque la fortie du foetus (ï:
de l'arrierc-faix ; elle nettoie & fortifie la
matrice ; elle abat les vapeurs : enfin em-
ployée à l'intérieur j elle met les humeurs en
mouvement , les divife extérieurement ;
elle eR réfotudvc, tonique iSc fortifiante;
elle entre dans les compoirdons hylL-riques
ou emménagogues.
Pour faire du fircp d'crmcife ^prenez feuil-
les à'ûrmoife nouvellement cueillies quatre
JK^ignées : coupez- les <ïc les pilez , puis îaiiîez-
es infufer pendant douze heures dans deux
çintes d'eau d.iftiUce d'ûrmoife : après cela
Faites-les bDuillir juiqu'à conlomption du
quart : pallezlecouc aiec une forte expreU
iîon , ajoutez fucie deux livres : clarif^CT,
enfuite la colature & la faites cuire à conlif--
tance de fîrop ; mettez fur la fin de la cuite
un nouer dar.s lequel on enfermera de fel
d'armoife , demi-once ; cannelle ccncailée ,
trois gros ; ipicnar J haché , caftoreum , de
chaque un gros. La nouvelle ph.irmacopée
le fait plus lur.plemenc ; ce llrop a toutes ics
ARM
vertus de X'anroife. V. S. Jean (Aer^e delà).
ARAîO:>IM , f rp..{Manuf^.âiiredefoie.)
c'efè le nom d'un cafteras extrêmement mince,
qui fe fabrique en Italie, mais fur-tout à
f'iorence. J-'cjei^^ Taffetas.
■*■ ARMON , 1". m. {terme de charron &
de carrcjjier-fellicr. ) c'efl le nom que ces
ouvriers donnent aux deux pièces de bois
qui aboutifiènt au timon d'un carrolîè , Se
qui foutieniient ia cheville.
ARMONIAC, Ici plus ordinairement
nomméyè/ ammoniac. Voy. Ammoniac. ( /)
* ARMORIQUE , adj. {HijLù Gêog.)
c'eft ainil que les anciens délignoient Li
petite Bretagne. Ce mot fignihe maritime :
il faut comprendre tous ce nom , outre b
petite Bretagne , quelque portion de la Nor-
mandie ; félon Sanfon , il convenoit à tous
les peuples qui formoientla province Lyon-
noifè féconde , qui fut enfuite divitée en
féconde & troiiieme , où font maintenant
les archevêchés de Rouen & de Tours.
* ARMOT (Ile d'), {Gêog.) petite
île de la mer de Galcognc, fur la côte
de Sainronse.
ARMURE, i: f. (Hijl. anc. & m.od.)
habit de défent'e , qui fert à mettre le corps à
couvert des coups des ennemis. V. Armes.
Dans les anciens écrits , Yarmure c\\. iouvent
nommée harnais. V. Marnois. Tels font
le bouclier , la cuiraflè , le heaume , la cotte
de maille , le gantelet , ùc. Voy. Bouclier,
Cuirasse , t'c.
L'ancienne armure complète étoit com-
pofce d'un cafque ou heaume , d'une gorge-
rctte ou hanlleco! , de la cuiralle, des gante-
lets , des talletres , des brafiarts ^ des cuillàrts,
cv' de \ armure des jainbcs auxquL'Ues étoient
attachés les éperons ; c'eft ce qu'on nommoit
ï armure de p:é-en-cap ; & c'étoir l'habille-
ment des cavaliers & des homm^es d'armes:
l'infanterie ne portoit qu'une partie de l'^r-
'lure , lavoir, le pot-en-rête , la cuifafle &
les t.iflettes , mais plus légers que ceux des
cavaliers. Enfin les chevaux avoien: aufTi
leir armure , qui leur couvroit b tête & le
pairrail. De toute cette armure, on ne fe fert
à prefent que de la cuiralle , car le hauflecol
que portent lesoflîcieis, efl plutôt un habil-
lement d honneur que de defenle, cepen-
dant il eft pour 1 infanterie comme une
marque de gorgerin ou gorgerctte , q ui fiifoit
partie
AR M
partie de l'ancienne armure. Les Prançois
poullerent fi loin la coutume d'aller au com-
bat à découvert & ians aucune armure
défenfive , que Louis XIV fur obligé de
fcire publier louvent des ordonnances pour
obliger les officiers à le Icrvir à'armure : en
conicquence de quoi les officiers généraux
^ les olHcJors de cavalerie furent obligés de
reprendre la cuirifiè. La cavalerie de la
mailbn du roi porto auffi la cuiralle & lur le
chapeau une calotte de fer pour parer les
coups de tranchant , ou nnt calotcede mcche
en tiedans du chapeau : le rtfte de la cava-
lerie porte des plaflrons de fer, qui s'atta-
chciK derrière le dos avec deux fortes cour-
roies palTces en lauroir. Les dragons ne por-
tent point de cuiralie. Voyi^^ Armes. ( G)
AuAfURr d'un aii-arir , {Phyjique.) n'eft
autre choie que plusieurs plaques de fer
qu'on attache à une pierre d'aimant , & par
le moyen defquelles on augmente prodi-
gieuiement fa force. Voyc-^ Aimant. (O)
AaMt^RE , f. f. dans ks manufaclures de
fcfc; c'eft, après que le: métier efl: monté,
l'ordre dans lequel on fait mouvoir les lifles
tant de cliame que de poil, pour la fabrica-
tion de l'étolfe : cet ordre fuppofe une cer-
taine corrcfpondance déterminée parle genre
de l'étofle , entre les lillès & les marches ;
d'où il s'enluit qu'il doit y avoir un grand
nombre à'armures différentes.
Armure , f. f. en fernircrie : on donne
généralemenrccnom à toute la ferrure d'une
poutre , d'une machine , î>t-. nécellàirc foit
à fa confervation , foit à fes ufigcs. Ainli
■on dit une poutre cr;nce , un aimant armé ,
&c.
Armure, ce font, chci^les pajfemcnticrs
& autres ouvriers en foie , de petites pièces
de fer que l'on met aux deux bouts de la
navette , en failant de petites échancrures
dans le bois de ladite navette , de fiiçon que
ces petites pièces ne b déiafteurent pas.
L'ulagedel'ûT-OTwre ell de préferver les bouts
anguleux de la naveae , lors de Tes chûtes.
^'cjq; Navette.
ARMURIER , f. m. celui qui faifoit
autrefois les armes défen(îves dont les gens
de guerre fecouvroient , telles que le heaume
on le cafque , le gorgcron , la cuirafle , les
brolTarts, les cuilLirts , le motion , le haulle-
col, ùc. On confond aujourd'hui r^r/TTuner
Tame 1 1 1.
ARM 417
avec larquebufier ; il cft cependant évident
que {'armurerie & l'arquebulerie Ibnt deux
profeffions fort différentes ; & que l'une
(ubiîftoit dans toute (a vigueur , que l'autre
n'étoit pas encore établie. Les armuriers
s'appelloient aufïi heaumrers , du heaume ou
calque. Leur communauté étoit nombreufe.
Leurs premier'; flatuts font de i^^oo , ibus le
règne de Charles YI; ils furent renouvelles
en 1562. , fous Charles IX. En voici Ici prin-
cipaux articles.
I. Us auront quatre jurés , dont deux
feront élus chaque année : ces jurés \e;ile-
ront à l'exécution des réglemcns & à la con-
ferv.-ition des privilèges, z. Chaque maitre-
ne fera qu'un apprentif à la fois, qui fera
obligé pardevant notaire & reçu par les
jurés. } L'apprentiflagc fera de cinq ans •■,
les fils de maîtres n'en feront pas exempts ;
ils auront feulement le droit de faire appren-
tillage chez leur père ; & les pères , celui
d'avoir un autre apprentif avec leur fils.
4. Le chef-d'œuvre fera donné par les jurés;
les fils de maîtres en feront exempts, f . Les
veuves, reftanr en viduité, jouiront des
privilèges de leur mari , excepté de celui de
faire des apprcntifs. G. Les ouvrages & mar-
chandifes des forains feront vifités par les
jurés. 7. Les matières deflinées à la fabrica-
tion des armures , fer , acier , fer-blanc ,
cuivre , &c. feront aufli vifîtées. S. Ciiaquc
maître n'aura qu'une boutique. 9. Toute
pièce de harnois fera marquée d'un poinçon
donné par les jurés, (Se dont l'empreinte en
plomb fera dans la chambre du procureur
du roi. 10. Les apprentifs de Paris , en con-
currence de boutique avec les compagnons
étrangers , leur feront préférés. 11. Les
armuriers feront tous harnois pour homme ,
comme corcelets, cuiratTes, hauflecols, ùc.
Les armuriers avoienr faint Georges pour
patron & leur confrérie étoit à S. Jacques de
la boucherie : mais les armures ayant pafîë
de modes , la communauté des armuriers^
efl tombée. La fabrique des corps de cuirafîè
dont on fe fert encore dans quelques régi-
mens de cavalerie françoife , efl à Befançon.
* ARMYDEN , ( Géogr. ) ville des Pro-
vinces-Unies des Pays-Bas, dans l'île de
Valcheren. Long.xi, îo ; lat. £i , ^o.
ARNA, ( Géogr.) nom de trois villes
anciennes , dont l'une ér(>'{X dans la Boétie
Ddd
4i8 ARN
l'autre dans la Thellàlie , &c la troifieme en
Italie ; il ne refte plus aucunes traces que
de l.i deriiif^re que Pon croit être aujour-
d'hui CiviteUa d'Arno daios le Pérugin , fur
l'ctac eccléiiaftique ; il y a encore un bourg
de ce nom dans l'île d' Andro , qui en eft le
lieu principal. V. ci-dc(fiis , Andro. { C.A.)
ARNALDISTES ou ARNAUDISTES,
f", m. pi. ( Théologie, H/JIoire eccléjiajfigue. )
hérétiques , ainlî nommés d'Arnaud de Érefie
leur chef. Ils parurent dans le xii^ fiecle ;
& à l'exemple de leur maître , ils inveclive-
jcnt Iwutement contre les polleiTions Icgi-
Tjmcs des biens apparrenans aux cglifes &
aux eccl liaftiques , qu'ils traitoient d'ufur-
pation. Ils enfeignerent enfin des erreurs con-
rrele Baptême is; contre l'euchariftie -, & furent
condamnés au concile de Latran ious Inno-
cent II en II 3 9. Arniud , après avoir excité
de dangereux troubles à BreOe & à Rome,
fut pendu & brûlé dans cette dernière ville
en 115 f, ^c fes cendres furent jetées dans
ke Tibre. Qiitiques-uns de les difciples ,
qu'on \-\c>mmoiz:{i\i'ly yuîlicainsoxipoblicains ,
étant pallés de France en Angleterre vers
l'an 1160 , y furent arrêtés & dillïpés. Cette
fç(5te devint enfuite une branche de l'hérélîe
des Albigeois. V. Albigeois. ( G )
, "^ ARNALT , f, m. ( Hipire nat. bot. )
c'eft un arbre qui croit, à ce qu'on dit, aux
Indes orientales , & qui a l'odeur du citron
éc la feuille du laule. On ajoute qu'il ne
porte point de fruit : mais cela ne fuHit pas
pour le caraélérifcr.
ARNAUTES , f. m. pi. peuples d'Al-
banie , fur la côte orientale du golfe de
Venife : ils font errans & vagabonds. On
donne aulTî le nom. à'Aniûutes aux Albancvts
qui fe ionr fixés dans l'ilc de Nio , une de
celles de l'Archipel.
_ ARNAY-LE-DUC, iGéogr.) petite
ville de France en Auxois , au duché de
Bourgogne , diocefe d'Autun , fur la rivière
d'Arroux. Il y avoir autrefois un château
^ui paiîoit pour fort ; mais il n'en refte plus
Qu'une tour. L'églife paroiilîale efi: bkie
dans renccintc du château. Il y a un prieuré
de l'ordre de faint B;ijo;t, fondé en loSS
par Girard, feigneur de ladite ville; le
prieur a juftice dans Arnay deux fois l'an-
née , depuis midi de la vieille des fêtes de
S. Jacques & de S» Bbife , julqu'à midi du
ARN
lendemain. Il y a un Hôpital fondé en 166^;
par les libéralités de plulicurs citoyens.
Le collège doit Ion exiiT:encc & fes fonds
à Jean Lacuriie , Lieutenant civil du bailli igc
en 16 ji : ce bailliage eft; ancien; on trouve
des fentences rendues en 1379. Quatre
rivières y prennent leurs fources, l'An oux,
l'Armanlon, laBraine & le Serain.
Le duc Robert II acquit Arnay de J.
Rabuthau , en 1189, pour quinze cents
livres , d'où elle a reçu le nom à'Arnay-
li-duc. Philippe le Bon l'unit au comté de
Charni qu'il donna à Pierre de Eeaufre-
monc en faveur de fon mariage avec Marie,
la fille naturelle , en 1456, Depuis ce temps,
les comtes de Charni ont toujours été fei-
gneurs à.' Arnay : c'eft aujourdhui madame
la comreflè de Brione.
Hugues W accorda aux hibitans des fran-
chiles & le droit de commune en izz 3 ; on
en voit la chartre dans Perard , paga ^x.G.
Arnay eft remarquable par la baDiille qui
s'y livra, entre l'amiral de Coligny , &: le
maréchal de Collé-Erillàc , le 27 juin 1^70.
Henri IV y fit fes premières armes ; ik. il dit
depuis qu'il étoit queftioii dans cette aff lire
de vaincre ou d'être pris ; animés par li
préfence, 4000 protcftanslai:s canons & fans
bagages défirent 12000 catholiques : par h
paix boiteufe qui luivit bientôt cette aélion,
Charles IX accordoit aux huguenots quatre
places de lùreté ; &: pour l'exercice de leur
religion, en Bourgogne, les f.iuxbourgs de
Mailli-la-ville &ceux A' Arnay.
Depuis ce temps , les calvimftes y eurent
un miniftre qui tenoit le prêche au faux-
bourg St. Honoré , où toute la ïnoblellè des
environs fe rendoit pour la cène juiqu'à
la révocation de l'é^lit de Nantes en i6Sj,
Arnay a donné naidance à quelqires hom-
mes illuftres , tels que Bonaventure Defpe-
riers , valet de chambre de la reine Mar-
guerite de Navarre, & fort connu par loa
Cymbiilum mundi.
L'avocat Guillaume , orateur du tiers-état
aux états de Bloisen ij88 , mort à Dijon en
lùiG , étant conleiUer des états de la province.
Jean Laverne à qui Saumaile rend ce
témoignage, ,, qu'il étoitaïuantveriéen tou-
„ te doctrine & bonnes lettres qu'autre qu'on
„ puiile nommer , en lomme les délices d'A-
,, pcllon Se des Aluiçs > „ il mérita qjne Jeaa
A R N
<3e Chevanes conipo{ac Hi vie , mort en 1^31.
François Florenc , a\'ocat diftingué , pro-
felTeur à Paris en droit canon , avec pcn-
iion du roi de deux mille liv. que le garde
dts fceaux Mole lui lit donner ; mort à
Orléans en 1650. L'abbé Lenglcr alfure que
Florent éroit très-verfc dans les niaticres bé-
néficiales. Se que les traités tout utiles 6c
fàvans ; on peut en voir la lifte dans la
libl/oihe'^ue d?. Bourgogne.
Cliudede la Ville connu par ron(//c7/o///z.
des arrêts.
Le commerce à'Arnay eft en blé , en laine
ic en bcftiauximaisil n'eft pas considérable.
Cette petite ville eft à cinq lieues d'Au-
tun j iîx de Beaune ik dix de Dijon. ( G )
ARNDAL , ( Géogr. ) ville très-commer-
çante de Norwece , dans le diocefe provin-
cial de Chriftianùnd fur le bord du fleuve
d'Arendal ;, à deux lieues de la mer. Elle
cft coupée de canaux , eft bâtie !ur pilotis :
les plus grands vaillcaux s'en approchent
commodément. On les y charge du fer &
<ies bois que produit la contrée , & que
les étrangers achètent. Le gouvernement y
protège & y tavorile même be.iucoup ceux de
aiver'és n.ations qui vont s'y pourvoir. {-\-)
ARNH , ( Mythol. ; hlle née dans l'iie de
Sichone , ayant tiahi la patrie pour de l ar-
gent : les Dieux , pour la punir , la chin-
jerent en chouette c[ui conlerva , dit Ovide,
après fon changement la même paîiion
fOur l'argent, f-h)
ARNEAF , f. m. oifeau mieux connu fou s
le nom de pie-gricche. K Pie-griÉchh.( /j
* ARNEBERG , ( Gcogr. ) ville d'Alle-
magne , dans la vieille marche de Brande-
bourg , fur l'Elbe , entre Angermonde &
VVerbcn. Elle appartient au roi de Prullè.
'^ ARNEDO , ( Gèagr. ) ville du Pérou ,
à une dcmi-lieuc de la mer du (ud , où elle
a un port , à 10 lieues au nord de Lima.
ARNE-SYSSEL, i Géog.) diftrid; de
i'I'lande , dans l'enceinte duquel eft la ville
cpi^copale deSkaalholt. (Z). G.)
§ APv.NHEIM ou plutôt Arnhem ou
Arnem , {Géogr.) ville des provinces-Unies
des Pays-Bas dans la partie de la Guel-
dres , appellécle Velnwe , furie Rhin, & à
«ne demi-lieue de l'endroit où commence
l'YIlel. Le célcbre Coehoorn en rép<;ra les
fortifications en 1702, Long. 2.J , 2.5 ; bt. £i.
A R N 419
I Cette ville , entrée dans l'union en 1 ySy ,
& devenue La première en rang dans l'or-
dre de celles qui opinent pour la province »
(emble à quelques égards difputcr A Nimc-
guele titre de capitale. Elle e!Î en elle-même
pa.iàblement grande & bien bâtie. La
plupart des geiuilshommcs pallent l'été dans
le Velu-.ve , l'hiver dans Araheim. Elle tft
le fiege de la chambre des comptes & du
tribunal fuprême de la provnice. Ancien-
nement les ducs de la Gueldres , & dans la
luire fcs ftadthouders n'ont pas eu d'autre
réildence. Elle a mêm.e encore un palais ^
à l'ufage du ftadthoudcr de la république
toutes les fois que les affaires appellent ce
prince à l'afîèmblée des états de la Gueldres.
Son égliie principale renferme les tombeaux
de plufieurs comtes & ducs du pays , &C
cette égliie eft accomipagnée de trois autres ,
dont l'une eft luthérienne &c deux font ré-
formées. Enfin cette ville tut une des qua-
rante que le torrent des François fit tomber
en 1 671 fous la main de Louis XIV , qui la
garda deux ans. (Z). G.)
Arnheim ou Terre D'arnheim ,
( Géogr. ) partie de la terre auftrale que
les Hollandois ont découverte au midi de
la nouvelle Guinée. Les relations ne nous
apprennent absolument rien de particulier
fur cette terre à' Arnheim. {C. A.)
*ARNHUSEN, petite ville d'Allema-
gne , près de la rivière de Rcga , fur les
confins de la marche de Brandebourg.
ARN IS ,( Gp'c^r.) petite ile du duché
de Schlelwig en Danemarck , dans le golfe
de Schely. L'on y trouve depuis cent ans
une cinquantaine d'habitations , fondées
par quelques payfans de la contrée, à qui
la dureté des gentilshommes avoit fait aban-
donner leurs villages. Ce n'étoit , avant ce
temps-là , qu'un terrain chargé de bois &
de brouiTailles. La prore6tion donnée à ces
fugitifs par le fouverain , les ayant rendus
laborieux , induftrieux & tranquilles , Arnis
s'eft peuplée , cultivée & enrichie ; &c les
gentilshommes en font peut-être devenusplus
humains. ( D. G.)
^ ARNO , ( Géogr^.) fleuve d'Italie dans
la Tofcane -, il a la fource dans l'Apennin ,
paftè à Florence & à Pi(e , Se le jette dans
la mer un peu au dcllous.
^ Ce fleuve, iujet à des débordemens j,
Ddd 1
4Z0 A R N"
qui ont fouvcnr donné l'alarme à Florence ,
fe groiTit des marais de la chiane & des
eaux delaSieve, avant que d'arriver à cette
ville, il reçoit , après 1 avo rouJEtée , le Bifen-
tio , la Pcfa , l'hra & h Pticia , & cefi au
de nous de rembouckuie du Bifentio , qu'il
con^.mence à porter des barques. ( D. G. )
ARNODES , C m. pi, { Linér.) nom que
i'cn donnoit à ceux qui , parmi les Grecs ,
drns les fdtins ou d'autres allèmblces , réci-
toient des vers d'Hcmere, une brandie de
laurier à la rnain. On les nommoit ainfi
parce qu'on kurdoîinoitpourrécompenleun
agneau , qu'tni appelle en grecÀp^G* son les
appelloic ixi'Xirlapfldes.V.l^ii Avsovis. (G)
ARMOC NES ( irs) , d'ugr. quartier du
gouvernenient de Nivtrnois en France , où
l'on ne trouve ni villes ni bourgs ; mais où
l'on a lieu d'admirer lafcondité de laterre , ;\
la vue de la quantité de grains , de vins , de
bois & d'herh'ge qu'elle y produit. {D. G.)
^ AP.NON , ( Géog. S.e. ) fleuvequiavoit
ix foarce d.'us les mont^ignes d'Arabie , tra-
verfoit le défert , cntroitdansle lac Alphakite ,
,.& divi'oit les Mopbites des Amorrhéens.
ARNOUL, {Empire François.) roi de
GLim;"nie , empereur d'occident. Ce prince
fut furnommé îc Eâ:ard. Carloman , fils de
Louis le germanique , l'avoit eu de Lito-
rinde , orig'iiaire de Carinthie où elle renoit
«n rang diftinguc. Qiîoique fa naiflance
fut illuftre , elle r.e fut point honorée du
titre de reine . prs même de celui d'Vpoule.
jérp.iultio\t à peine forri de l'Lnf.'.nce , que
Carloman lui donna le duclié de Carinthie
&C celui de Styrie. Le gouverncm^t de ces
deux provinces vx fuftîfoit point à Pambi-
ricn de ce jeune duc ; & quo\-]ue le vice
de fa naillance diit IVcarter du tr^ne , il
fongea à monter fur celui que Charles le
Gros , fon oncle , occupoit. La bâtaiîdile
commencoit à être reg.-îrdi'c comme une
cache qui donnoit l'exclu (ion aux enfins
des rois. Cette tache dtveroii de jour en
jeur plus infrm'nte , àmtfurc que les peu-
ples de la domination trançoife !è ioumet
to'cntaux décifions du St. Siège; mais ce
ne fut point un obftaclc pour Arnovl. Les
coîMondhires étoitnt on re peut plus favo-
rables aux deiluns qu'il meditoit. Ch;ir!es
le (iros ch^^nceîoit fur un trône que l'am-
liitiou des gcands cb^igcoic eu un funefte
A R N
écueil , & leur fu ffrage vénal étoir Tnujours
pour celui qui ofiroit le plus d'aliment à
leur cupidité. Les nobles &c les prélats,
après avoir contribué de leurs bras , & de
leurs confeils aux conquêtes dei François ,
afpiroient à en devenir les propriétaires
titrés. Poilcfiturs à vie des fiefs , dont ia
propriété appartenoir à la couronne , ils
prétendoieiu les tranfmettre à leur poftévité
'ans l'agrément du prince , mais feulement
par droit de naiiLuice. Les guerres étran-
gères & civiles qui fignr.lerent le règne dé-
plorable des enfins de Louis le Débon-
naire , avoient favorite ces prétentions con-
firmées en partie par un décret de Char-
les le Cbauve , prince foible , & dont l'am-
bition égaloit l'incjpacicé. Les grands , de-
puis le berceau de la monarchie , jouidoienc
d'un droit qui , à la longue , devoit fipper
les fondemens du trône , & leur en faire-
pailer les privilèges. Libres dans le choijt
de leurs louverain; , pourvu qu^'ils les prif-
fent parmi les enfans des rois , ils te par-
tagco;ent en faélions , & ne donnoient la
couronne qu'aux prétendans auxquels ils
ccnnoiOoient des dit pot tons favorrliles à
leurs defieins ; & s'ils ne condamnoient pas
au rang delujet celui qu'ils jugeoient capa-
ble de leur oppofer ur.e fermeté légitime ,
ils ne lui donno:ent qu'une portion de la
couronne. La rrce de Charlemrgne étoir
preîqu'éteinte ; il ne reftoit en 8S4 de la
non.brcufe polarité de Louis le Débon-
naire, que deux princes habiles à fuccéder;
favo'r , Charles le Gros , déjà roi de Ger-
manie & emipereur d'Occident , & Charles
qui , dans la mite, fiit furnommé le Simple ^
quoique on courage Si. l'excellence de fon
cœur lui euflent mérité ur;e de r.ominat.' en-
plus honorable. Celui-ci , comm.e fils de
Louis le Bègue , devoit régner fur les Neuf-
triens , ou Fr;inçois occi'dentaux. C'cft ainfi
qu'on appeiloit les peuples d'en deçà de la
Aïeule . pour les diliinguerdc ceux d'au delà-
de ce fleuve (Se du Rhin, que les écrivains
du moyen âge appellent ^;//?/'<?/7er7j ou Fran-
çois orientaux. L es grands '.-chant bien qu'un
roi couronné par leurs tuKr;-ges , leur fcroit
de ciands iacnfces , ne permirent pas à
Charles le Simple de m.i^ntt r '^ur le trcnede
on père , parce que la fo bltHe de 'en âge
l'éloignoit d'un ctat agité par des faûions ,
A RN
S: dcchiré par des giicTies ccrangercs ; ce
n'étoit au fond qu'un prétexte : Icj François
ne rainquoieiic p.is de généraux pour rc-
pciiircT Icnr.emi du dehors, m de miniftres
pour compoler un conîcil de régence. L'en-
fance n'écoii poir.î unobftacle à Iclivarion
des princes François , & Louis le Débonnaire
croit encore au berceau , lor'que Cbarle-
magne Ton père lui donna le trône d'Aqui-
taine : ce n eft pas le feul exemple qu'on
puiilè alléguer. Charles le Gros s'écant rendu
iî Gondreville , y reçut leur hommage; mais
fôn nouveaufceptre prépnra tous Tes mallieurs.
Eudes ou Odon , comre ou gouverneur de
Paris , le lui arracha prelqu'aulïi-tot. C'étoic
un feigneurdonr la valeur & les talensmili-
trires étoiejit foutenus par toutes les grâces
de refprit & du corps. Arnoul, témoin des
fuccès de cet ulurpateur, ne balança pas
à luivre la route qu il lui avoit tracée. Ses
cmilîaires , réprindus dans la Germonie ,
déclamèrent contre l'empereur que la fortune
abmdonnoit ; les bruits les plus injurieux
infcifterent les provinces , & annoncèrent
fâ chùce prochaine ; en peignoir Charles le
Gros , tantôt comme l.lche & imbécille ,
rantr,t comme tyran, Arnoul, auteur de
ces bruits , ctoit repréfcntc feus les plus
leduifantcs couleurs d.^.îis les temps d'anar-
chie ; il eft auffi difficile de trouver un prince
fans défauts & fans vices , qu'un préten-
dant {ans talens Se fans vertus. Charles le
Gros voulut en vain arrêter les progrès de la
lévolte, on peut juger de l'audace ^ du pou-
voir des grands , prr la dcmnndc de leurs
députés. Us û'erent demander à l'empereur
qu'il eût à déJ'gner fur le champ Ton fuc-
ceflèur : s joutant que les vœux de lan.ation
appclloient j^rmul ; & que ce feroit e>:po'er
h Germ-^nienux m Ihcurs d'une guerre civile
<[:ue de fiJre un autre choix.
Cette d^u:»*'on attdadeti'e fit frémir
Ch'rles d'une jufte indignation : il répondit
qu'il écoit encore d'gne d'êure leur roi , &
<)u'il vouloir vivre & mourir avec ce titre.
Ma.'s c'(:toit en vr/in qv.e ce prince prétendoic
lutter contre fa deilinée : un rebelle lui
avoir ravi la Fnnce ; Tîtalie , h Bourgogne
la Lorraine & l'Allcm.Tgne lui éch.'pperc:-.
dins un inft.-inr. On prétend qu'il confer'.' >
toujours le titre d'empereur & de roi d Itdie
mais quel roi qui n o:è mime réclamer l'ai- ,
A R N 4it
(îftar.ce de (es prétendus fujets , &qui fe voii-
contraint de recourir à l'ennemi qui lui
ravit fon tronc , .& de mendier auprès de
lui des fecours pour fournir à fes preirsiers
Ix'loins ! Charles obtint à peine d'Àr/inul le
revenu de trois villages , & avant d'en jouir
il manqua d'expirer de mifcrc,
Arnoul, après avoir réduit l'empereur
(on oncle r.ux plus affreux malheurs , Ce
rendit à Ratisbonne , où les feigneurs Se
les prélats de Germinie vinrent lui rendre
un hommage , qu'ils prétendirent avoir le
droit de révoquer. L'empire ou la royauri
avoî: été jufqu'alors un propre dans b
per'onne des princes fi-ançois ; ce ne fut
plus qu'un iief amovible , & dépendant du
caprice des feigneurs. C'étoit une confé-
quence néceffiire de l'acception d'ArncuL
L'héritage de Charlemagne fut donc
partagé entre deux ufurpateuR , dont l'un
defcendoit de ce prince en ligne direéte ,
mais par un mariage illégitime ; l 'autre n'avoit
pour titre que fes talens , & quelques vertus
qui pouvoient bien n'être que des vices
déguifés-Celui-ci convaincu de l'impofnbilité
de jouir du fruit de (on ufurpation , s'il avoit
Arnoul pour ennemi , fe rendit à VVorms ,
ou ce monarque tenoit une diète générale.
Il lui remit entre les mains le fceprre & la
couronne Se les autres marques de la royauté,
l'aflurant qu'il ne vouloit les porter qu'avec
Ton agrément. Le roi de German^r ftatté de
cette déférence , les lui rendit auffi-tot, &
confentit rnéme à l'admettre dans fon alliance,
au préjudice de Charles !c Simple fon neveu ,
qui (oilicitoit In même Paveur ; mais que fx
qualité de fils légitime d''un roi rendoit
langereux.
Cette modération étott moins un cfet de
la g°nérofitc d' Arnoul que de fa politique.
Il n'eut pas manque de retenir pour lui-
même le fceprre pour lequel Eudes venoit
de lui rendre tiommage, s'il eûtp.i le con-
'erver (ans péril. Il éroit même de Tinter jt
ecet u'urpateur de l'avoir pour allié dans^
un temps où Gui Se Berenger lui di-putoieitt
je titre d'empereur avec l'Italie , & R.odolphc-
'a Bourgogne. Il traitoit ces prince; de rebelles,.
m :is alors_ la force d-^cidoir le droit ; & Ife-
uccrs (uffifoitpour faire d'un ufurpateur uns
"buvcr.iin 1-gitime : d'ailleurs Charles le
iimpie ji'ctoit pas faiis pardfiuis. il ctûk
4ii A R N
d'autant plus redoutable , que Ces adions
dans ion extrême jeunefle montroient qu'A
ctoit vraiment digne de régner. Louis diipu-
roit la Provence , que l'empereur Lothaire
r.voit crigce en royaume pour Charles le plus
jeune de Tes fils. Cet état qu'avoir poflcdé
Eofon , père de Louis , comprenoît , outre
la province qui conferve ce nom , le Lyon-
rois, le Dauphiné, & cette partie de l'ancien
royaume de Bourgogne , qui confinoit au
rcont Jura. On prétend que ce fils de Bofon
avoir été adopté par l'empereyr défiant.
Arncul auffi-tot après Ion couronnement ,
longea à (oumcttre ces différents fbuverains
qui ambitionnoient fur -tout le royaume
d'ïtslie , auquel le titre d'empereur fembloit
être attaché. Tandis qu'il faiibit fes dilpofi-
tions pour y entrer. Ton arm.ée marcha contre
Pvodolphe , & le contraignit à demander la
paix. Rodolphe conserva l'es ét.ats qu'il pof-
iéda à titre de royaume , mais à condition
qu'il en feroit hommage.
Tendis que lestroupes du roi de Germanie
forçoicnt les Bourguignons , fujets de
Ilcdolphe , à reconnoître la puillance , la
politique fcmolt en Italie des troubles qui
lui en appknirent la conquête ; il offrit des
fecours à Bereriger contre Gui , ion concur-
rent. L'un & l'autre lui ctoient également
odieux , & fes projets étoient de les écrafcr
par leurs propres armes. Le pape Formo'e
leur rr.oiirroit beaucoup de zèle; mais dans
le temps qu'il pofoit la couronne impériale
fur le front de Gui , ce pontife qui ne vou-
loir pas d'un maître il voiiîn de Rcme ,
ëcrivoit à Arncul de venir la repreîidre :
" hîâtez-vous , lui difoit-il , de mettre dans
votre main le royaume d'Italie , &: les biens
de laint Pierre ; ne fouffrez pas plus long-
temps que ce malheureux état Ibit déchiré
par de mauvais chrétiens , &l par le tyran
Gui. ,, Cette propofition étoit trop flatteuie,
& le roi de Germanie trop ambitieux ,
pour que Formofe pût craindre d'eiluyer
un refus. Toutes les rigueurs de l'hiver ne
furent pas capables d'arrêter le zèle à'Arnoul.
Il partit au mois de janvier pour l'Italie ,
féconde par Berenger que Gui en avoit
chaflé. Entré dans la Lombardie , il aflîege
& prend Bergame, ville alors trcs-fortifiée ,
& défendue par une garnilon puillante. Le
gouverneur fut traité aion comœc ennemi ,
A R N
mais comme rebelle. Il fut pendu dans le
premier rumulte de la viéloire. Intimidés
par cet exemple , plufieurs ducs & feigneurs
qui poilédoient des châteaux dans les envi-
rons,, envoyèrent des députés, 'offrant de fe
Soumettre à certaines conditions. Arnoul
exige une prompte obéiilance , & refuie
toute négociation. Irrité de leurs délais ,
il les fait arrêter , & ne les relâche qu'après
les avoir menacés de fes vengeances , s'ils
oient jamais violer le ferment de fidélité
qu'il exige de leur part. Tous les feigneurs
Lomb.irds , & Toicans , ducs , comtes ou
marquis , turent traités avec la même
lévérité également digne d'un conquérant &
d'un roi. Arnoul prit auffi-tct la couronne
d'Italie, lans cependant le qualifier d'em-
pereur. Ce titre ne lui auroit point échappé,
lans l'infidélité de Rodolphe , qui proba-
blement étoit d'intelligence avec Gui , fin-
tome d'empereur , que la frayeur des armes
germaniques retenoit dans Rome. Arnoul
replié vers les Alpes , prend le château
d'ivrée , défendu par une garnifon Bour-
guignone ; mais ne pouvant punir Rodolphe
qui fe cantonna dans les montagnes de Suillè,
il confia le fom de ion armce à Zwente-
bilde , ion fils , qu'il avoit fiit roi de Lor-
raine , &c rentra dans la Germanie , toujours
accompagné de Berenger, qu'il traitoic moins ,
en roi qu'en captif.
La mort de l'empereur arrivée le iz
décembre de la même année (894) , rappclla
bientôt Arnoul en Italie. Il failoit (es prépa-
ratifs , fe confuitoit les états pour ce voyage,
lorlque de nouveaux députés de Formofe
l'invitèrent à le rendre à Rome , ix)ur y
recevoir la couronne impériale. On étoit
étonné de voir ce pontife écrire à Foulques ,
archevêque de Pvheims , & l'ennemi àAr-
noul\ qu'il avoit de Lam^bert , fils de Gui ,
le même foin qu'un père rendre pouvoir
avoir pour fon fils ; & qu'il vouloir vivre
avec ce jeune prince dans une inaltérable
union ; qu'il leroit toujours fon ami ,
malgrélcs efforts &les artifices des méchans. „
y!/r«cz// déterminé par les inftancesdu pape ,
palïc aulfi-tôt les Alpes : ion armée .parta-
gée en deux corps , ravage le territoire de
Florence & de Luques. Ce fut dans cette
dernière ville qu'il dépouilla Berenger , on
ne lait pour quel motif: fans doute qu'il
A RN
ij'efpcroit plus rien des mcnagemens dont
il avoir uie envers ce feigneu-r : cependant
il le rétablit peu de temps après. Il lui donna
le m.irquilat , ou la marche de Vcronne ,
avec l'utàge du titre de roi d'Italie. Les
Germains s'avançoient vers Rome , dont
ils fe flattoient de voir les portes s'ous'rir à
leur approche ; mais une femme qui allioit
toutes les fubtilités de Ton iexe au courage
du notre , les av«it prévenus ; c'ctoit Agel-
trude , veuve de Cùii , & mère de Lambert ,
femme vraiment digne de commander aux
Romains dans le temps de leur fplendeur.
Cette héroïne parut fur les remparts avec
une armée déterminée à vaincre lous les
yeux , ou à s'enlevelir lous les runies de
Rome. Le roi , témoin des préparatifs de
l'impératrice , n'oia fè promettre un fuccès
favorable ; il parloit même de fiire une
retraite , lorfque les troupes indignées des
railleries de quelques Romains , le conju-
rèrent d'en tirer vengeance : alors il s'appro-
cha de la ville , & s'en rendit maître après
quinze jours de liège. Entré dans Rome ,
il s'y comporta moins en vainqueur qu'en
juge inexorable.
Après avoir reçu la couronne impériale
des mains de Formofe (le 15 avril S91S) ,
il fit punir pluficurs des principaux parcifans
d'Asreltrude ; & feignit de les immoler au
relicntimcnt du papequ ils avoient outrage.
Voici le ferment que lui prêtèrent les
Romains , aflemblés dans la bafilique de
fxint Paul : ferment équivoque dont fe font
fouvent fervi les empereurs & les papes
pour appuyer leurs prétentions. " Je jure
par tous les divins myfteres que , fauf moii
honneur, ma foi & ma fidélité pour le
pape Formofe , je fuis & ferai iîdele tout le
temps de ma vie à l'empereur Arnoul.
Je ne me liguerai jamais avec un homme
contre lui. Je jure que je ne donnerai aucun
fecours ni à Lambert , ni à Ageltrade là
mère , pour en obtenir des charges , &: en
aMyérir des honneurs -, que je ne livrerai
j^imais cette ville ni à lui , ni à elle , ni à leurs
hommes en quelque m.aniere , ni pour quel-
que railoii que ce loir. ,,
Arnoul loupiroit après la fin de cette
guerre ; mais tant que rerpiroit A.gcltrude ,
il ne lui iufnfolt pas de commander dans
Rome. Cette prii:ceffe étoic bloquée dans
A RN 42 î
la cité léonine ; c'cfl: ainlî qu'on appelloit le
quartier de St. Pierre de Rome , depuis que
Léon , qui mérita le furnom de grand ,
l'avoit fait fortifier , t?^ y avoit fixé un nom-
bre conhdérable d'habitans, que la terreur
des Sarralms en avoit fouvent challes. L'im-
pératrice !e voyant prête de tomber au pou-
voir des Germains, quitta cette place incom-
mode , & fit une retraite vers Camcrino.
Forcée d'en fortir , elle alla s'enfermer dans
Fermo. Les fortifications de cette ville
(îtuée fur une montagne , dans la marche
d'Ancone , tomboient lous les coups redou-
blés des Germiins , lorCqa' Arnoul , fiappé
d'apoplexie , fut obligé de lever le llege.
Des écrivains prétendent que cette princelîè
artificieule lui fit donner une liqueur qui le
plongea dans un fommeil léthargique: mais
c'eil une fable digne de ces temps grofficrs.
La maladie dont l'empereur étoir atteint ,
s'étant changée en paralylie , il ne longea
qu'à rentrer dans fes états d'Allemagne, où
il mourut peu de temps après fon retour,
laiilant l'Occident dans la même agitation
où ce malheureux empire avoit été depuis
la mort de Charlemagne , fon reftaurateiir.
Oda la femme donna le jour h Louis IV"
furnommé l'enfam , le dernier de la race des
Pépin , qui ait occupé le trône de Germanie ,
& à I^edwinge qu'Othon le grand époudi'
en fécondes noces. Cette princeîlè avoit été
accufée-d^adultere , ôc jullihée dans une
diète. Triteme donne à Arnoul une autre
femme , nommée Agn}s ,^ hlle d'un empe-
reur grec dont il fait delcer.dre Arnuul de
Bavière , ce duc fimcux par les guerres qu'il
fufcita à Conrad. Arnoul , outre ces deux
princefïes , tint une concubine iK)mmée
HeUngardé , qui fut mère de Zuinrilbod ,
roi de Lorraine , & de Ralbod , que l'on
regarde com.me la tige des anciens comtes
d'Andeks , en Bavière. Il eut de la même
Helingarde une fille nommée Berihe , qui
fut mariée à un duc de Cleves. On ignore li
naiifance de cette concubine ; mai;, fi l'on en
juge pari amour qu'elle futiafpirer à l'empe-
reur , il efr à croire qu'elle étoit trop obfcure
pour pouvoir être aflociée à les deflinées.
On m.et au nombre des fautes à' Arnoul
l'indifcrécion qu'il eut d 'appeller les Hongrois
à Ion fecours. Ce peuple alors barbare , de
qui. figure'*aujO-,ird hui avec les plus lages &:
4H A R N
les mieux policés , venoit de conquérir la
Panonie fur les Huns qui , comme eux ,
étoicnt fortis des vaftesdéferts de la Scythie.
Le fecours de ce peuple lui avoir paru
néceflaire pour contenir les Moraves qui ,
conduits par Zuintilbod , duc ingrat auquel
îl avoir donné l'inveftiturc de la Bohême ,
prétendoi'jnt fe foufeaire à (on obéillance.
Ce fut fous le règne d'Arnoul qiw s'écr.blit
ia chevalerie. Cet ordre ii propre à faire
juîtrerenthoufiafmc , vrai germe des gi-andes
actions , avoir été connu en Germanie de
toute antiquité. Il avoit été en ui.ige (ur-tour
parmi les Cartes , pères des François. Les
hommes , parmi ces nations généreufes ,
faifijient vccu , au fortir de l'a-ifànce , de
liifler croître leurs cheveux & leur barbe ,
jufqu'à ce qu'ils cuftent délivré la patrie d'un
«nnemi étranger ou domeflique , ils le
tiévouoient même à l'cfclavage. Ces hommes
étranges que l'amour de la liberté rendoic
féroces , fe chargeoient de chaines & ne les
cjuittoient que fur le corps de l'ennemi
terra (le. Ils le coupoicnt alors les cheveux &
la barbe , & les confacroient aux dieux
î^près les avoir trempés dans le iang de lair
viclime. Telle étoit , fuivan: eux , la plus
îigréable offrande que l'on put faire à la divi-
jiité. " Ils ne quittent pas même cet équi-
jnge pendant la paix , dit Tacite ; les braves
parmi les Cattes , vieilliflent fous d'illuftres
fers également révères du citoyen & de
l'étranger. ,, Entre les loix qui intéreflent le
gouvernement , on en remarque une , datée
du concile de Tribur , que les papes avoient
long-temps ambitionnée : cette loi ordonne
d'honorer l'églife de Rome , cornme celle
d'où dérive le facerdoce , & de louftrir le
joug qu'elle impote , quand même il fcroit
à peine fupportable.
On croit que les cendres de cet empei-eur
repofent à Ratisbonne , dans l'abbaye de
St. Emmeran , où fon corps fut trans.^éré
d'Oerdngue peu de jours après fa mort ,
arrivée le a 6 novembre S99. Il avoit été fait
duc de Carinthie en 877 ; roi de Germanie
en 8S7; d'Italie en 8 14. Ce fut le i6 avril 896
qu'il reçut la couronne impériale des mains
du Pape Formoie. {M— y. )
"^ ARNOULD , petite ville de France
d-ans la Beauce , dans la foré: d'Yveline.
* >\RNSEOURG, F. Arensbourg.
A R N
* ARNSHEIM , petite ville d'Allemagne,
dans le Palatinatdu Rhin . bailliage d'Ak?e>'.
§ ARNSTADf , ( G%.; ancienne ville
de Thuringe en Allemagne , dans le cercle
de Haute-Saxe , fur la rivière de Géra. Elle
étoit originairement du domaine des premiers
ducs de Sa.v.e, dont les grands états, comme
on iait , fe trouvent aujourd'hui part^g^s
entre bien des mains différentes. L'eiapercur
Othon I , non moins libéral que dévot , fi:
prélent à'Arnftadt à l'abbaye , it riche dans
la fuite , de "^Hcrïfeld en He(:è. Mais des
comtes de Kefernbcrg , pTore6t:e'.irs de cette
abbaye , s'étant alliés avec les maisons d'Orla-
munde & de Wcim-^r , l'on trouva moyen
de faire repallev Anijiadt fous une domina-
tion féculiere , & les comtes de Schwartz-
bourg l'achetèrent de ceux d'Orhmunde ,
au commencement du XIV^ liecle. C'ell
aujourd'hui la branche de Sondcrshauleii
qui poOède cette ville , & qui la fait fleurir.
On l'agrandit & on l'embellit tous lés joui-s.
Elle a quatre éghfcs en comptant celle du
château ; un palais bâti il y a quarante ans
pour fervir de réiîdence aux princefîes douai-
rières de Schwarzbourg ; \inz école diviice
en huit claiîcs , à l'ufage de toute la jeuneii'e
de la contrée ; & enfin pluheurs autres
bâtimens publics où fe tiennent les collèges
ecclélîartiques & civils du pays, & fa cham-
bre des finances. La Géra fait mouvoir dans
Arnjtadt di\'ers rouages pour le travail du
fer & du léton ; & à cet objet conlldérable'
de commerce & d'induftrie pour l'intérieur
de la ville , il fiut joindre celui du falpêtrc
pour fes environs. Long. x8 , ^-^ ; lat. ^o ,
54- ^D. G.)
ARNSTEIN,(G^^.) château & bail-
liage d'Allemagne , dans le cercle de Fran-
conie , dépendance de l'évéché de Bamberg.
L'évêché de Wirtzbourg pollede aulTi une pe-
tite ville du même nom ; lequel eft encore ce-
lui d'une abbaye de prémontrés lur la Lahne ,
relcN-ant de l'archevêché de Tre^-cs ; celui
d'une ancienne fèigneurie du comté de Man^j
feld en Haute-Saxe , & celui de quelques
autres petits endroits d'Allemagne. {D. G.)
ARNSTORFF, ( Gcogx-) ville d'Allema-
gne fur le Danube. Elle eft enclavée dans
le cercle d'Autriche ; mais elle appartient à
l'archevêque de Saltzbourg. (D. G.)
* AROBE ou ARROUE, f. m. ( Comm.)
en
A R O '
en erpagnol arohas , en p 'ruvîen , aroutt ,
poids dont on (e 1ère en Elpagne , en Porcu-
igal , à Goa , & d.i.ns rouce l'Amérique el-
pagnole. Les Portugais s'en fervent auiri au
Brehl , où , aulTi-bien qu'à Goa , on l'appelle
arate : tous ces arobcs n'ont guère que le nom
de commun ; & ils (ont d ailleurs allez dif-
fcrcns pour leur pelaiiteur & pour leur éva-
luation au poids de Fiance. \Jarobe de Ma-
drid , & du refte de pie'que toute l'Elpa-
gne , à la rcierve de Séville & de Cadix ,
cil de vingt - cinq livres efpagnoles , qui
n'en font pas tout-à-fait vingt-trois & un
quart de Paris ; en lorte que le quintal com-
mun , qui elt de quatre arabes , ne fait que
quatre-vingt-treize de nos livres. Uarole de
"séville î^: de Cadix eft aulTi de vingt-cinq
livres , mais qui en font vingt-iix & demie
Eoids de Paris , d'Amllerdam , de Stras-
ourg & de Belançon , où la livre etl égale.
Quatre arabes font le quintal ordinaire, c'eft-
à-dire , cent livres ; mais pour le quintal ma
cho ,il faut fix arobcs . qu on peut réduire en
livres de Paris , fur le pié de la rédudJtlon
qu'on a faite ci-dellus de l'arobc de ces deux
villes. Voye^ Quintal.
L'arabe de Portugal eft de 32 livres de
Lifbonne , qui reviennent à vingt-neuf livres
de Paris, ^ojc:^^ Arate. (G)
AROCHA , ( Gé^gr. ). rivière d'Italie
dans la grande Grèce. On croit que c'eft
prélèntement la Crecha , au royaume de
Naples. {C. A.)
AROCK-SZALLAS, C G^V.) jolie ville
de la Hongrie , au pays des Jazigiens Méta-
raftes , dans une contrée fertile & agréable.
C'eft la même qu'Aracha , qui efl fur une
petite rivière au nord-oueft du Temefwar.
Long. 44 , lat. 46 , Z5. {C. A.)
* AROÉ , ( Géogr. anc. & mod. ) ville
d'Acliaïe : c'eft aujourd hui Fatras.
AROER , ( Gèogr. faime. ) ville de la
Judée en Aile , au delà du Jourdain , de la
tnbu de Gad , proc he la rivière d'Arnon , fur
les contins de la tribu de Ruben , ce du pays
des Ammonites.
AROMAIA , (GAigr.) contrée de l'Amé-
rique méridionale , dans la Guyane, au pays
des Caraïbes. On la place au midi de i'Ore-
noque , &: non loin de l'embouchure ; mais
elle eft encore peu CG4inue. {C. A.)
AROMATA ,(Gcog.) montagne d'Afie ,
Ts,me ni.
A R O 42 j
d.ins la Lydie , félon Srrabon. Il y avoit ,
Iclon Ptolomée , une ville &c un promon-
toire de ce nom dans l'Ethiop'e , fous l'E-
gypte. {C.A.)
+ AROMATES , f. m. pi H,Ji^ /,ar. &
mat. nietiic. ) On comprend Ibus ce nom
générique tous les végétaux pourvus d'une
liuile & d'un Tel acre , qui , par leur union ,
forment une (ubitance lavonneule , qui eft le
principe de l'odeur ^ du goût acre , ftimu-
lant & échauftant qu'on y découvre. Tels
l'ont le cardamome , le clou de girofte , la
cannelle , le poivre , le gingembre , le nT^cis ,
fiv. Si , dans le cas où la bile a perdu la force
iSc Ion énergie , & où les fibres de l'eftomac
lont relâchées , les aromates font d'un grand
lecours ; ils font aulTi très - nuilibles dans les
difpoiitions contraires, par l'impétuolité du
mouvement qu'ils occalionent dans les hu-
meurs qui font déjà trop agitées. L'abhnthe ,
qui facilite l'écoulement des eaux , en rele-
vant le ton & le rellbit des vailVenux atFoi-
blis , & diviiant & incilant les humeurs mu-
queules , eft un excellent remède dans Phy-
dropilie ; mais dans les fièvres inflammatoi-
res , elle feroit certainement beaucoup de
mal , en produilant les mêmes effets que dans
Phydropifie.
AROMATIQUE , adj. V. Odorant,
* AROMATITE ,^ f. f. ( HJI. aat. fo(f. )
p:erreprécieu!e d'une fubllancebitumineufe ,
&c fort rcllemblante , par la couleur & fou
odeur , à la myrrhe , qui lui donne (on nom.
On la trouve en Egypte & en Arabie.
ARON , ( Géogr. ) gros bourg d'Afie ,
en Perle , dans Pi'rac Agemi. Il eft à deux
lieues de Cachan , & à vingt d'ilpahan. Il
y a un grand nombre d'habitans , & on y
fait un grand commerce de foie. {C. A.)
* ARONCHES , petite ville de Portugal ,
dans l'Alentéjo , fur les confins de l'Eftr*-
madure Elpagnole : elle eft fur la rivière de
Care , qui coule proche l'Alegrctte , & joint
la Guadiana un peu au dellus de Badajoz.
Long. Il , 14 ; lat. ^9.
ARONDE, terme de fortification , voye:(^
Queue d'aronde. C'efî ainfi qu'on appelle
les ailes ou les branches d'un ouvrage à corne
ou à couronne , lorlqu'elles vont en fe rap-
prochant vers la place , en forte que la gorge
le trouve moins étendue que le front. ( Q )
* ARONDEL , voye^ Arundel.
E ee
jjiô A R O
ARONDELIERE , f. f. nom de plante ,
fynonyiTje avec celui de chélidoine. Voye-^^
CHÉLlbOIN^È. ( /)
ARONDELLES , f. f. (Murinf.) arondelks
de mer , c'eft ainfi qu^on appelle , en terme
de marine , les brigantins , les pinafies , &
autres vailîèaux médiocres & légers. (Z)
* ARONE ou ARONA , ( Géog. ) ville
d'Italie dans le- territoire «i''Anghiéra , au
duché de Milan. Long. ï£ , f, ; lat. 45 , 4?.
* AROOL , ( Gécg. ) ville de l'empire
Ru(Tien dans rUckraine , fur la rivière
d'Occa , à 80 lieues nord de Mofcow. Long.
* AROSBAY , ville des Indes dtirft la
contrëe fepœntiionale de la côre occidentale
de l'île de Madura , proche celle de Java.
Lmg. zji ; lai. mérii. g , ^0.
'^ AROSEN ou WESTERAS , petite
ville de Suéde , capitale de la W eftimaniCj lur
le lac Mêler.
AROT & MAROT , f. m. ( Théol. &
Hijî. ) l'ont les noms de deux anges que l'im-
■jlofteur Mahomet difoit avoir été envoyés de
Dieu pour enfeigner les hommes , & pour
leur ordonner de s'abftenir du meurtre , des
faux jugémens , & de toutes fortes d'excès.
Ce faux prophète ajoute qu'une tïès -belle
femme ayant invité ces deux anges à man-
der che2elle , elle leur fit boire du vin , dont
étant cchauft. s , ils la folliciterent à l'amour ;
qu'elle feignit de confentir à leur padîon ,
-à condition qu'ils lui apprendroient aupara-
vant les paroles par le moyen dclquelles As
«Jifoient que 1 on pouvoir ailément monter
auciel i qu'après avoir lu d'eux ce qu'elle leur
avoit demandé , elle ne voulut plus tenir la
{iromefle , & qu'alors elle fut enlevée au
ciel , où ayant fait à Dieu le récit de ce qui
s'étoit paflé , elle fut changée en l'étoile du
maiiii , qu'on appelle lucifcr on aurore , £^
»)ue 'es deux nit^^s furent fcvérement punis.
C'eft de-l.\ , (el on Malromet , que Dieu prit
occalion de défendre Tufage du vin aux
hommes. f^<-y '{_ Alcoran.
AROTES, 1: m, pi. {Hift. tinc.) nom
i^'-ie les Syraculains donnoient aux hommes
<le condition 1 bre , qui , par le malheur de
•leur fortune , ttoienc obligés de fcrvir pour
fublifter. (G)
* AROU ou AAROW , ( Géog.) ville du
canton de Beine c.\\ pii^'S d'Aigow , f«-r l'Aar ,
 R Ô
qui lui a donné fcn nom : elle eft bâtie fur les
mines de l'ancienne forterelVe de Rora.
* AROVAQUES , f. m. pi. peuples de '
la Caribrne dans l'Amérique (eptentrionale ,
proche les bords de l'Ellekebe & les fron-
tières du Paria.
* AROUCA , ( Gérgr. ancicine & mod.)
vil!,-ge de Portugal dans la province de Beira ,
cnne Vifeu & Porto , fur la rivière de Paira.
On croit que c'eft l'ancienne Araducla.
AROUE , fubft. f. ( Commerce. ) poids
donc on fc fert dans le Pérou , le Chily , &c
autres provinces & royaumes de T Amérique
qui font de la domination e'pagnole. Uûroue^
qui n'cft rien aune cho(e que 1 arobc dElpa-
gne , pefe vingt-cinq l.vres poids de France.
/-•"bjE^ Arobe. D.âion. du comm. tom, I ,
"^ AROUENS (île dfs), l'une des iles
qui font proche de l'embouchure de la ri-
vière des Amazones , dans l'Amérique méri-
dionale.
* AROUGHEUN , ( Uifl. nat. Zoolog. )
animal qu'on trouve en Virginie , & qui eft
tout femblable au caftor , à l'exception qu'il
vit fur les arbres , comme les écureuils.
La peau de cet animal forme une partie
du commerce que les Anglois font avec les
fauvages voilins de la Virginie ; elle com-
pofe une forte de fourrure fort eftimée en
Angleterre.
AROUKORTCHIN , ( Géo^r. ) contrer
d'Afie, dans la grande Tartarie , vers la mu-
raille de la Chine. Elle eft habitée par les Tar-
tares furnommés Niuches , qui Ibnt une fa-
mille des Mongals. { C. A.)
AROURE , f. f. ( Hiji. anc. ) nom d'une
mefure en ufage chez les Grecs ; elle conte-
noit cinquante pies , fi l'on en croit Suidas.
Ce mot lignif.oir plus fréquemment une me-
fure quiirrée ,(\\x\ faifoii la moitié du plechron,
Foyc^ Plïthron.
Uaroure égyptien étoit le quatre de cent
coudées, félon le calcul du doéfeur Arbu-
noch , tal>. 9. ( G )
AROVV ou Arou , ( Gi'ogr. ) ile de la
mer des Indes , à l'orient des Moluques, &
au midi de la nouvelle Guinée. Elle eftconfi-
dérahle : on lui donne plus de trente lieues
de longueur , & environ dix de largeur. Il
y a deux petites ilcs du m'-me nom ; luric
au fud-^cft , & l'autre à l'oucft de cette ilc
A R P
A'Arew. Long, t^o ; lat. $-6 , jjo. {C. A.)
* ARO / , ( Géog. ) rivière de l'Améri-
que méricTonale ; elle lorc du lac Cadîpe
dans la province de Paria , & (c jette dans
la rivière de ce nom.
ARPA EMINI , f. m. {Hijf. mod.) offi-
cier du graiid-feigneur ; c'eft le pourvoyeur
des écuries : il cil du corps des mutafcracas
ou R^p.riUhommes ordiiuires de ù hautedc.
A la ville il reçoit l'orge , le foin , la paille i?^'
les autres fourrages d'impolition ; à l'armée
ils lui loiit fournis par le dcflerdard ou grand
tréloricr qui z foin des magilins. L'arpa
emini en fait la diftribution auï écuries du
fultan &: à ceux qui en ont d'étape; Tes commis
les délivrent & lui rendent compte du bé-
néfice , qui eft quelquefois Ci conlidérable ,
qu'en trois ans d'exercice de cette charge , il
fe voit en état de devenir bâcha par les voies
qui conduilênt ordinairement à ce grade,
c'eft -à- dire les riches préfens fiits aux
fultanes &: aux miniftres. Guer. Mxurs des
Turcs, tom. H. (G)
ARPAGE , adj. des deux genres , {Hiff.
anc, ) ou plutôt HARPAGE , comme on
le trouve écrit dans les anciennes infcrip-
tions , fignifîe un enfant qui meurt au berceau ,
©u du moins dans fi plus tendre jeunefle.
Ce mot eft formé du Grec x^Tta^a , rapio ,
je ravis , on le trouve rarement dans les au-
teurs latins. Gruter l'emploie , page G8z ,
infcrip. ix, dans Tépitaphe deMarc-Aurele,
qui mourut à l'âge de 59 ans 2 mois & 1 5
jours; mais cette infcriprion fut trouvée dans
les Gaules , oii l'on parloir le grec corrompu.
Les Romains ne flnfoieiit nifiinérailles ni
epitaphes aux harpages ; on ne brûloir point
leur corps ; on ne leur érigeoit ni tombeaux
»u HKMuimens , ce qui fait qu'on trouve dans
Juvcnal :
Tcrrû clauditur iiifans ,
Et minor inné rcgi.
Dans b fuite on introduidt la coutume de
brûler les corps des enfans qui avoient vécu
4<^ jours , &à qui il y avoir pouflë des dents ;
011 appelloir auHi ceux-là , écfrct.tt.-ôi , rapti.
Cet ufage femble avoir été emprunte des
precs, qui , félon Euflachius , ne brùîoicnt
les enfans ni la rtuit ni en plein jour, mais
de* le matin ; & ils n'appelloicnt pas leur
décès mort , mais d'un nom plus doux ,
'é**fs «/iT*>» , difant que ces enfans écoiei.t
A R P 417
Mvis par l'aurore , qui jouiiroir ou qui fe pri-
voit de leurs embrallemens. (G)
* ARPAIA, ( G^vg. anc. & mod. ) village
de la principauté ultérieure au royaume de
Naplts , fur les confins de la terre de La-
bour , entre Capoue & Bénévent. On croit
que c'efl: l'ancien Caudium , & que notre
ilrctto à'arpûje 'ont les fourches Cau Jincs ,
furc.e caudinx , des anciens.
* ARPAILLEURS , f. m. nom que l'on
Jonne à ceux qui s'occupent à remuer les
fables des rivières qui roulent des paillettes
d'or , afin de les en féparer. Ces ouvriers
n'ont aucun emploi dans les mines.
^ ARPAJON , ville de France dans le
Rouergue , avec titre de duché.
ArpAJON , ^oje^CnARTRES.
ARPASKALESI , ( GSogr.) ville ruinée
Je la Turquie d'Afîe , en Natolie , près du
Méandre , vis-à-vis de NaiValéc , fur un em-
placement élevé. On croît que c'eft ou VOrto-
•pia ou la Cofchinia des anciens. A l'orient , Se
à peu de diftance de cet endroit, fe voient
encore les ruines d'une autre ville qui pafle
dans l'opinion de quelques-uns pour y4/2/'/ocAc
fur l méandre , &i dont le nom moderne eft
Jennifcheher. Il y a fous ces ruines nombre
de voûtes & de caveaux : c'eft-là qu'en 1735
la Porte fit raallacrer le féditieux Soley
Begy , & ies quatre mille complices. (C A^)
ARPA-SOU ; ( Géog. ) rivière d'Afie ,
en Arménie , dans le Karafbag. Elle cohIc
du fud-oueft au nord -eft , entre Erivan Se
Tauris ; & après avoir féparc les terres du
grand - feigneur de celles du roi de Perfè ,
elle va fe jeter dans l'Araxe. Elle eft très-
dangereufe par fes crues fubites qui lui don-
nent une profondeur & une rapidité louvent
funefte à ceux qui la pailent. {C. A.)
ARPEGGIO , ARPEGE ou ARPEGE-
MENT , f. m. en mufique, eft la manière de
faire entendre fucceflivemeut & rapidement
les divers fons d'un accord, au lieu de les
napper tous à la fois.
Il y a des inftrumens fur lefquels on ne
peut former un accord plein qu'en arpégeantj
tels (ont le violon , le violoncelle, la viole,
& tous ceux dont on joue avec l'archet ,
car l'archet ne peut appuyer fous toutes les
-ordes à la fois. Pour former donc des ac-
cords fur ces inftrumens , on eft contraint
d'arpéger ; iSc comme on ne peut t'rer qu'au-
Eee a
4i8 A R P
tant de fons qu'il y a de cordes, X'ârpegk du
vio'on & du vJolonCL-llc ne lauroit être com-
pofé de plus de quatre fons. Il taut pour arpéger
que les doigts loient arrangés en même temps
chacun lur la corde , & que \' arpège le
tire d'un Icul 6c grand coup d'archet , qui
commence fur la plus grofie corde , & vienne
finir en tournant fur la chanterelle. Si les
doigts ne s'arrangeoient fur les cordes que
fucceffivement , ou qu'on donnât plufieurs
coups d'archet , ce ne ieroit plus un arpvg; , ce
feroit palfer très-vite plufieurs notes de i'uite.
Ce qu'on tait fur le violon par nécedité ,
on lepratique pargoût furleclavelIui.Comme
on ne peut tirer de cet inftrument que des
fons iccs qui ne tiennent pas , on eft obligé de
les refrapper fur des notes de longue durée.
Pour faire donc durer un accord plus long-
temps , on le frappe en arpégeant , en com-
mençant par les (bns bas , & en oblervant
que les doigts qui ont frappé les premiers ne
doivent point quitter leur touche que tout
ï'arpige ne foit fini, afin qu'on puiOe enten-
dre à la fois tous les fons de l'accord. Voye^^
ACCOMP AGNEM ENT.
Arpeggio eft un mot italien que nous avons
francifé par celui à'arpege ; il vient du mot
^rpa , à caufe que c'eft du jeu de la harpe
qu'on a tiré Pidée de l'arpcgement. (S)
On entend encore par arpcggio , un trait
de chant compofé feulement des différentes
notes d'un accord , qti'on fait entendre l'une
après l'autre. Lorlqu'il y a plufieurs arpeggio
de fuite , on n'écrit que le premier «Se on fe
contente d écrire les notes qui forment les
autres en forme d'accord , & de mettre def-
fous le mot arpeggio. Quelquefois on ne
marque pas feulement le premier arpeggio ,
fur-tout dans les partitions, m.iison a tort;
cela laifle de l'équivoque : fouvent aulTi on
omet le mot arpeggio. Voye^^ fig. j ,pL ^ ,
fupplément des planches. ( F. D. C. )
§ ARPENT ( Agriculture. ) C'eft u
ne
furface qui fert à évaluer les prés , les bois
&i autres efpeces de terrains. Il y en a de plu-
fieurs fortes , l'arpent de Paris eft de cent
perches quarrées , la perche étant fuppofée
de dix-huit pies ou trois toifes de longueur ;
ainfi {'arpent de Paris contient trente toifes
en iput fcîis ou e_n quatre , & il a neuf cents
toifes de lupcrficie ; c'eft celui dont on fe
if jt en Fiance dans tous les livres d'agricul-
A R P
turc & de commerce. Un arpent de terrain
aux environs de Paris rapporte 16 à i8 liv.
de ferme , & coûte environ 400 livres, il
faut un feptier de bled poux l'enfemencer ,
& il en rapporte quatre & cinq. Le territoire
de la France, fuivant M. de Mirabeau , eft
d'environ cent & trente millions d'ar;7e/jj,
dont une moitié eft cultivable en grains .•
mais il n'y en a pas quarante qui foient
cffedlivement cultivés.
h'arpent des eaux & forêts établi par l'or-
donnance eft aufli de cent perches quarrées;
mais la perche a vingt-deux pies , ainfi cet
arpent a 1 5 44^5 toifes de fuperficie.
Le journal de Bourgogne approche beau-
coup de Y arpent de Paris , car il eft de 560
perches quarrées , chacune ayant neuf pies
& demi de longueur ; ainh il a 501 \ toi-
fes de fuperficie.
L'acre d'Angleterre a zio toiles mefure
de Paris. Il fe fubdivife en quatre rood , le
rood en 4.0 pôles ,h pôle contient 10 thpactSy
\epace ij yards , Vyard ç^^'iés quarrés, lepié
1 1 pouces 5 lignes. îôli . Pkilofoph. Tranjacl.
ij68 , p. 2?-6.
Le jugerum des anciens Romains avoit
de longueur 2.40 pies romains , ou environ
56 toiles de Paris ; & de largeur 181 feule-
ment , fuivant Arbuthnot ; ainfi il devoir i
avoir 64S toifes de furface. Aclusquadratusy
modius , mina, ejl la moiiié du jugerum.
A Rome le rubio eft de 4866 toiies quar- 1
rées ; on donne le même nom à une melur^ 1
de blé qui pelé 445 livres de France. Voyage I
d'un François en Italie , fait en i j6^ , &;c.
A Naples le moggio eft de 887 toiles
quarrées ; mais il varie beaucoup dans les
différentes provinces du royaume, Ibid.
A Turin la giornata eft de icoo toifes.
Ibid.
A Milan la ;'fr//cj eft de itj toifes. Ibid,
A Parme la biolca eft de 802 toifes. Ibid,
A Florence le y7(oro ou ^a/orj eft de ipfS
toiles. Ibid.
M. Criftiani , dans Ion livre Dclk mifurt
d'ogni gcnere , imprimé à Drelcia en 1760,
a rapporté aufti les arpens de diftércns pays,
en piés quanés de France, dont 36 font
la toile qu.;rrée ; nous rapporierous ici la
table; après le nombre de piés quarrés,. on
trouve le nombre i\' arpens des eaux & fotcis,
iJv les millièmes à'arjjcrit^
A R P A R P 419
Ancona, di Pertiche Sjo
ïizç)6j pies quarrés 1 arpen;
> 541 millièmes.
700
ioii()7
z
9i
61s
90417
I
868
Bergamo
6194
0
12S
Bolgiano, detco Srochiaculi
j;35i
I
143
Jauch
41498
0
8f7
Tagmac
27665
0
57i
-
Staarlandt
6916
0
14}
Graber
5J3Î
0
114
Bologna , detto
Biolca
26955
0
557
Tornatura
19248
0
3 '97
Brifcia pio
30709
0
656
Crema
7500
0
ijf
Cremona
7;J4
0
in
Ebraico
^957
0
61
Ferrara , detro
Moggio
203495
4
411
Biolca
61048
I
261
Firenze
JJ47
0
iij
Francfort fui Meno
19150
0
596
Inghilterra
55^^
0
114
Infpruc
41498
0
8J7
Livoriio
51215
I
5S
Montova
29326
0
606
Milano, pertica
6lJ2
0
12.7
Modena
39528
0
816
Napoli , moggio
30624
0
633
Padova
5170S
I
68
Piacenza
72-37
0
149
Roma Salto
19049600
393
591
Centuria
4762400
98
598
Giugero
25812
0
492
/•Atto Maggiore
J Mina
l Moggio
1 1906
0
246
Pezza
i;o55
0
518
Rovigo
61015
I
261
Saflonia , detto Morgcn
63;^
I
311
Stufa
1905750
39
375
Torino
3^4^?
0
731
Trento
32701
0
67^
Treviio
4937i
I
20
Venezia
28
0
0
Verona
28726
0
;94
Vicenza
54561
0
710
Zurigo di Pertiche î'OO
25522
0.
5M
320
27010
0
ns
360
30386
0
628
{M. DE LA Lande.)
430 A R P
ARPENTAGE ou GÉODÉSIE , f. m.
c'cft proprement l'art ou radion de mefurcr
les terrains , c'eft-à-dire de prendre les
dimeniîons de quelques portions de terre ,
de les décrire ou de les tracer iur une carte ,
& d'en trouver l'aire. J^oye^ Mesure &
Carte , &c.
L'ûrfentage efl un art très -ancien : on
croit mêmeque c'eft lui qui a donné naif-
fance à la géométrie. Voyei Géométrie.
L'crj-entage a trois parties ; la première
confifte à prendre les mefures 6c à faire les
obfervationsnéceirairesfur le terrain même ;
la féconde, à mettre fur le papier ces
mefures &: ces obftrvations ; latroifieme , à
trouver Taire du terrain.
La première partie eft proprement ce que
l'on appelle ['arpentage : la féconde eft l'art
de lever ou de faire un plan ; ôc la troiheme
cfl: ie calcul du toifé.
De plus, la première fe divife en deux
parties , qui confident à fùre les obferva-
tions des angles , &: à prendre les mefures
des diftances. On fait les obfervations des
angles avec quelqu'un des inftrumens fui-
vans; le graphometre , le demi-cercle, la
plmchetce , la bouflole , &c. On peut voir
la defcription & la manière de faire ufage
decesinilrumens, aux articles Graphomu-
TRE, Planchette, Boussole, Cercle
d'arpenteur , &c.
On mefure les diftanccsavec la chaîne ou
l'odometre. Voye^ la defcription & la ma-
nière d'appliquer ces inftrumens , aux articles
Chaîne & Odometre ou Compte-pas.
La féconde partie de l'arpentage s'exé-
cute par le moyen du rapporteur &: de l'é-
chelle d'arpenteur. Foye^- en ksufagesaux
rtfV/j/fïRArroRTEUR , Échelle, év. Voy.
auJJiCA-RTV..
La troiiîeme partie de ['arpentage fe fait
enréduifmt les différentes divilîons , les dif-
fércns enclos, et. en triangles; en quarrés,
tn parallélogrammes , en trapèzes , f.'c. mais
principalement en triangle' , après quoi l'on
détermine l'aire ou la furi.iccde ces diff."-
rentes figures , iuivant les règles expofécs aux
articles Aj-Ri , Triangle, Qltarré , &<:.
La croix à'ûrpeiuogc ou le bâton d'arpen-
teur, eft un inllrument peu connu , (Se en-
core moins ufiré en Angleterre , quoiqu'en
France , £v. l'on s'en fervc au lieu de gra-
A R P
phonictrc ou de quelqu'autre inftrument
lemblable. Il eft compofé d'un cercle do
cuivre , ou plutôt d'un limbe circulaire gra-
dué , & de plus divifé en quatre partie»
ég lies par deux lignes droites qui fe coupent
au centre à angles droits; à chacune des qua-
tre extrémités de ces lignes éc au centre
font attachées deux pinules ou des vilîeres,
& le tout cIl monté iur un bâton. f'^oytT
Baton. (E)
§ Il s'ell élevé depuis quelque temps une
queftion relative à la pratique de l'arpentage.
Il s'agit de favoir fi dans la mefure d'un ter-
rani incliné , on doit prendre ou fa fupcr^»
ficie réelle ou celle de u bafe horizontale.
Nous remarquerons d'abord que cette
queftion n'eft pas du reffort de la géométrie.
En effet, quelque manière qu'on prenne, il
faudra néce liai rement déterminer les limitcj
du terrain qu'on mefure, & (on inclinailoii
fi.tr l'horizon , &: après cela , fbit qu'on
mefure fa bafe horizontale , foit qu'on mefure
fa fuperficic , on voit que le réfukat find
détermine également le même terrain.
Mais ['arpcntag'j eft encore plus l'art de
reconnoitre , de part.'.ger & d'évaluer un
champ , que celui d'en marquer la pofition,
de le melurer i?; de le divifer ; & c'cft dans
cette partie civile &: économique de l'art
qu'il peut feulement y avoir quelques diffi-
cultés qu'on refondra facilement dans tous
les cas , à l'aide des principes lui vans.
i". On peut propofer de mefuier un tel
nombre d'arpens de terre , pris dans un
chjmp dont la polition eft donnée. Dans
ce cas il faut examiner d'abord fi cette
quantité à prendre n'a pas été déterminée
par un arpentage antérieur ; & fi cela eft ,
& qu'on connoifle la méthode qu'on a fui-
vie , il faut encore la fuivre. Si c'eft ce pre»
mier arpcntag: , nous remarquerons que le
ieul but qu'on puifle avoir eft de prendre
la méthode qui donne en général un pro-
duit de culture proportionnel à la mefure ;
ainfi fi le produit d'un plan incliné étoit à
celui de La bafe horizontale comme la.
fuperficie de ces deux pkns, ce feroir la
luperfîcie du terr.'in incliné qu'il fiudroit
meiurer; mais c'eft ce qu'on nepeutafliv.
rer. Car fi la difHculté de la culture , les
ravines , la dégradation des terrains eft pltw
que compcnfée par la facilité de placer les
A R I>
plantes à des difliiiccs hori/ontolcs moins
grandes , il ell aifc de voir que cet avan-
tage n eft pas , à beaucoup près , dans la
proportion dont je viens de parler ; en etfet ,
il faudroit pour cela qu'ui>e lîiperficie incli-
née à 60 degrés , par exen.ple , produisit
autant que la même fuperlicie horizontale ,
ce que personne ne s'avifera de (outenir.
Ainli, il Itra en général plus commode c'e
mefurer feulemcnc la baie horizontale , Se
de fe conduire , par rapport à l'avantage des
terrains inclinés , comme fi , dans le même
champ , on avoii des terrains de différentes
valeurs.
1°. Si on a un champ à divifev en raiion
donnée , il faut encore préférer la méthode
de mefurer la bafe horizontale , & on auroit
alors à partager un champ horizontal , mais
dont les différentes parties iont inégales ,
quant au produit. Ainfi , pour que te partage
(bit égal , il faut , au lieu de le diviler en par-
ties égales , le diviler en parties qui loient
entre elles en raifon inver'e de leur produit.
5°. S'il eft queftion d'évaluer un champ
par la quantité de la iuperticic , on voit que
poux une é\ aluation exaéte , il faut ou me-
furer fa ba!e horizontale , Se avoir égard aux
avantages de l'inclination , ou melurer la
fuperficie inclinée , ôc a\oir égard à Ion dé-
favantage fur une fuperficie égale &; horizon-
tale. Or, puifque dans aucun des deux cas
une fimple mefure ne fuffit , c'eft la méthode
de mefurer la baie horizontale qu'il faut pré-
férer.
Elle eft , dans tous les cas , auffi exaéte pour
le but civil , qui eft le rapport des produits ,
plutôt que celui des furfaces ; Se l'autre ne
peut être pratiquée avec exaâitude fur des
terrains de ce urbures , (buvent irrégulieres ,
ïâns des attentions «Se des précautions qu'on
ne doit pas atttendre des arpenteurs.
Lorfqu'il eft queftion de lever des plans ,
& de déligncr les terrains mefurés par leurs
limites , la manière de prendre , par leur
fuperficie , celle du plan incliné , rend la
conftruftion de l'ufage de ces plans pref-
que impraticable , de c'eft une raifon pour
faire préf:rer l'autre méthode toutes les fois
qnun arpentage fïiz antcrieurtmciit , & qui
doit fervir de règle , n'oblige pis à prendre
la première i je crois même qu'il feroit utile
de faire une règle générale qui aftrcigivt à
A R P 45 1
fuivre la méthotle qu'on vient de voir être U
meilleure ; 5-: dans le cnsoù l'autre auroit été
employée d'avance , on détcrmineroit aifé-
ment quelle feroit , dans la n-.éthodc de mi-
furer la bife horizontale, la incfure &: les
terraii^i auxquels on auroit aiïlgné une me-
fure par l'autre méthode.
La méthode qui ne mefure que les bafcs
s'appelle , par les gens de l'ait , méthode de.
ciiltcUation ; & celle qui mxfure ce piaji
incliné , méihodc du développtmait . Les arpen-
teurs prét-éreront long-temps cette dernière ,
quoique trcs- fautive entre leurs ir.ains , parce
que , de la manière dont ils l'emploient ,
elle eft beaucoup plus ailée dans la prati-
que ; & que fur des terrains peu inclinés S<.
peu étendus , fes inconvénieiis font adlz
bornés. ( O )
ARPENTER , v. ad. & neut. ( Gèom.)
c'eft l'aétion de mefurer un te nain , c'eft-à-
dire , de l'évaluer en arpens. Vcye^^ Arfent
£• AnprMTAcr.
ARPENTEUR , f m. ( Gécm. ) On ap.
pelle ainli celui qui melure, ou dont l'office
eft de meiurer les terrains , c'eft-à-dire , de
les évaluer en arpens ou en toute autre me-
fure convenue dans le pays où fc fait l'arpen-
tage. F. Arpentagf. Il faiK qu'un (3r/>c,2/c';.r
fâche bien l'arithmétique & la géométrie pra-
tiques ; on ne dcvroit même jamais en ucc-
voir , à moins qu'ils ne Rifi'ent inllraits de la
théorie de leur art. Celui qui ne fait que la
pratique , eft l'efclave de fes règles. Si la mé-
moire lui manque , ou s'il le picfente quelque
circonftance imprévue , fon art l'abandonne ,
ou il s'expofe à commettre de très - grandes
erreurs i mais quand on eft muni d'une bonne
théorie ,c'eft-à-dire , qunnd on eft bien rem-
pli des railons & des principes de (on art , on
trouve alors des rellources : on voit toujours
clairement fi la nouvelle route que l'on va
f^:ivre conduit droit au but , ou jufqu'à qutl
point elle {-eut en écarter. ( £)
ARPENTEUSE , f f. ( 7///?. nat. Infecl. )
eruca geomctra ; dénomiiiat'on commune à
toutes les chenilles qui n'ont que drx à
douze jambes. Leur démarche leur a fait
donner ce nom. Pour faire un paSj eles
approchent leurs jambes de dcriierc de celles
■le devant, en ployant leur corps par le milieu,
& portent cnfuitc en avant -la partie an •-
ricurc, de force qu'à chaque pas elles mefu-
4)1 A R P
renc un efpace ds teirnin égal à la longueur de
leur corps, comprile entre les jambes de de-
vant & les pofterieures.
Toutes les arpenteufes fe changent en pha-
lènes. Il y en a un a(Tez grand nombre
d'efpcccs , dont quelques-unes ne font que
trop connues , par les dégâts qu'elles font
dans certaines années aux arbres & aux
légumes.
La plupart de ces chenilles , fur-tout de
celles à dix jambes , ont dans le repos une
attitude fuiguliere. Cramponnées par leurs
jambes de derrière , elles tiennent le refte de
leur corps en l'.iir , quelquefois tout-à-fait
droit , d'autres fois courbé : elles ont alors
l'ripparence d'un petit bÂton , & cette refîem-
blance eft d'autant plus grande , que leur cou-
leur approche communément de celle du
bois, ( D )
* ARPENTRAS , ( Géog. anc. & mod. )
anciennement ville fur le lac Léman , main-
tenrnt village appelle Vidi , au dcllous de
Laulane.
ARPMAS , ( Géogr.) ville de laPaleftine ,
dans la demi-rribu de Manaflé , au deli du
Jourdain. Elle étoit à l'occident des mon-
tagnes de Galaad , & au fud-efl du tabernicle
de Cédar ; fcs environs éroicnr très -agréa-
bles & trcs-fcrtiles. Lorg. jo ; lat. 52 , ^j.
^ARPHASACEENS, f m. piur. {Hijl.
anc. ) peuples de Samarie qui s'oppo!erent au
jécabliUl-ment du temple. V. Efd. xlix , z-j.
ARFHAXAD , ( Hif. Sacrée. ) fils de
Sem , & père de Salé , naquit l'an du monde
1 6 j8 , un an après le déluge , (Se mourut l'an
du monde 1096 , âgé de quatre cent trcnre-
huit ans.
Il cfl: aufll parlé dans le livre de Judith ,
d'un Arphaxûd , roi des Medes, que l'on
fuppofe ttre le même que Phraortcs , fils &
fuccelllur de Dcjocès , roi des Medes.
ARPHYE , poillon de mer, miieux connu
fous le nom à'r.iguillc. Vcye'^ Aiguille.
^ ARPINO , ( Gé,g anc. & mod. ) ville
d'Italie au royaume de N.'ples , dans la terre
de Labour ; c'eft l'Arpinuri des Romains , &
la patrie de Cicéron. Lo/!g. 52 , xo j lat.
ARPLTLI, ( HiJ}. r.at. bot. ) nom Brame
d'une plante du NIalabar , confondu mal-à-
propos , par le, modernes ; avec la cafTc. Les
A R P
Malabares l'appelle nt ponna - vinem \ &
ponn m-tagera ; c'eft lous ce nom que Van-
Rheede en a donné une figure allez médio-
cre & incompicce dans ion Hortus Mala-
baricus , volume JT ,pag. loi , planche LU,
M. Linné l'appelle caj/ia , fophcra , foliis de-
cemji/gis lanc-:clatis , g.'ûndtdâ bafeos oblongâ ,
dans Ion Syji^ma naturce , imprimé en 1767,
pagexgo.
C'eft un arbriflêau de cinq à fix pies de
hauteur , Se formé en builîon ovoïde pointu ,
de moitié moins large , & peu épais : la ra-
cine forme un pivot replié pour tracer hori-
zontalement fous terre , garni çà & là de fi-
bres , à bois & écorces jaunes , couvertes
d'une peau noirâtre. Sa tige eft cendre brune,
garnie de bas en haut de branches de même
couleur.
Ses feuilles font alternes allez ferrées ,
di'pofées circulairement le long des bran-
ches , ailées une fois leulemenc de (îx à dix
paires de folioles lans impaire , exadtement
oppofées entre elles , taillées en fer de lance,
longues d'un pouce & demi , à un pouce
trois quarts , deux fois moins larges , molles ,
lilles , verd-brunes dellus , plus claires dellous
avec une nervure , portées lur un pédicule
cylindrique fort court, & attachées iur un
pédicule commun cylindrique , depuis fon
extrémité juiqu'au lixieme de la longueur
près de la tige , (ur laquelle on voit à Ion ori-
gine deux ftipules , petites , triangulaires y
caduques.
De l'aidelle de chacune des feuilles fupé-
rieures , fort un épi de deux fleurs ; mais au
bout des branches , cet épi forme une efpece
de pannicule longue comme les feuilles, de
cinq à (ix pouces , compolées de lix à dix
fleurs , dont les intérieures lont couplées deux
à deux fur un pédicule commun , comme
les fleurs qui ibrtent de l'aillelle des feuil-
les , pendant que les autres lont portées loli-
tairement fur un péduncule preique égal à
leur longueur. Chaque fleur forme d'abord
un bouton rond , de quatre à cinq lignes de
diamètre , en'uite elle s'épanouit comme une
rôle jaune , d'un pouce un quart à un pouce
& demi de diamètre , à cinq pétales ellipti-
ques , concaves , obtus , peu inégaux , ftriés
de trois à quatre nervures , recouvrant un ca- .
lice verd de cinq feuilles, aulTi arrondies, une
fois plus courtes. Au centre de la fleur , s'ele-
vcst
A R (^
vent dix cramines une fois plus courtes que
les pcralcs , dont cinq une tois plus pctiteb
lônt ffériles , & les cinq autres rccoui'bées
en crochet en deifus à anthères jaunes ,
entourant l'ovaire qui e(l verd , un peu plus
long , recourbé de même & porté fur un
pédicule qui rék)igne des étamincs. L'ovaire
en grandilTant , devient un légume droit ,
long de cinq à fix pouces , d'abord verd ,
très-applati , enfuite jaune & cendré,
renrié , cjdindrique , relevé de deux nervu-
res comme deux coutures , l'une en dellus ,
l'autre en deÛous par leiqueJles elle s'ouvre
en deux valves ou battans, & partagé par
des cloii'ons membraneufes en vingt-cinq à
trente loges qui contiennent chacune une
graine orbiculaire , blanche-brunâtre , un
peu luiiante , dont la largeur répond au
travers du légume, à la couture fupérieure,
duquel elle eii: détachée , pendante par un
petit tubercule laillant iur un de fes bords.
Qu.ilire's. L'arpuli n"a pas d'odeur même
dans fes fleurs.
Ufages. Sa décoiSion fe boit dans 'es
fièvres caufées par la goutte. L'infulion de
fes feuilles le donne avec le lucre contre la
jaunilTe.
Remarques. Cette plante peut fiire un
genre particulier avec le fophera & qiielques
iiutres qui ont été confondus dans le genre de
la cafl'e qui ralîemble trop de plantes d'un
caraâere bien différent. {M. AnANSON . )
ARQUA ou Arquato , ( Ge'ogr.) vil-
Jage d'Italie dans l'état de Venife , entre
Vicenze &. Padoue : il ett recommandable
par le tombeau de Pétrarque qui vint y finir
les jours. Il y a encore deux bourgs de ce
nom en Italie , l'un dans la marche d'Anco-
iie , aux frontières de ^Abbruz^e , & l'autre
dans le duché de Milan fur la Serivia. Long.
19.17; lat.A^,p.{C.A.)
ARQUE , adj. (Marine.) quille arquée ,
c'eft celle dont les deux bouts tombent plus
que le milieu ; navire arqué , c'ell: celui dont
la quille cû courbée en arc , foit que ce
vaiflèau ait touché fur un terrain inégal , ou
qu'il foit vieux. (Z.)
Arqué , adj. (Man. ) fe dit des jambes
du cheval. Arqué efl celui dont les tendons
des jambes de devant fe font retirés par fa-
tigue , de façon que les genoux avancent
irop , parce que la jambe eif à moitié plice
Tome m.
A R Q 435
en defTcius. Les chevaux brafllcourts ont
auilî les genoux courbés en arc , mais cette
difformité leur efî naturelle. (V)
ARQUEBUSADE ( kau d' ) , Mac.
méd. voici comme on la fait.
Prenez feuilles récentes de laugc , d'angë-
liquc , d'abfmtl.e , defariette, de fenouil ,
de mentaftrum , d'hyflôpe , de meliflè ,
feuilles de balilic , de rhue , de thim , de
marjolaine , de romarin , d'origan , de ca-
lamant , de ferpolet , fleurs de lavande , de
chaque quatre onces ; efprit-dc-vin redifié ,
huit livres.
On coupe grofllérement toutes ces plantes;
on les met infufer pendant ip ou 11 heures
dans l'efprit-de-vin ; on procède enfuite à la
dillillation au bain-maric , pour tirer toute la
liqueur fpiritueule : on la conlérve dans une
bouteille qu'on bouche bien. Et c'ert là ce
que l'on nomme eau l'ulnéraïre fpirhueufe.
Si l'on emploie de l'eau à la place de l'ef^
prit-de-vin , on obtient l'eau vulnéraire à
l'eau , qui efl blanche , laiteufe , & fur la-
quelle il fumage un peu d'huile eflentielle
qu'on fépare. Cette eau vulnéraire efl beau-
coup moins agréable à l'odorat, que celle
qui a été préparée avec l'efpiMt-de-vin.
Enfin fi l'on emploie du vin blanc ou du
vin rouge en place d'eau ou d'efprit-de-vin ,
on obtient l'eau vulnéraire au vin , qui efl
plus agréable que celle qu'on tire à l'efprit-
de-vin.
Telle efl la compofition de M eau d'' arquée
bufade. Elle efl excellente pour les contii-
fîons , pour les diflocations , les plaies , &
fur-tout celles d'armes à feu pour lefquelles
on lui a donné le nom d'f JU d'arquebufade ;
pour réfoudre les tumeurs , & nettoyer les
ulcères , pour fortifier les parties foibles &
réfiffer à la gangrené , appliquée extérieure-
ment. Elle efl auffi trè'S-utile pour les dou-
leursde rhumatilme , appliquée en linimens ,
& avec des comprellès qu'on laiile lécher
fur la partie , & qu'on renouvelle de temps
en temps. (+)
ARQUEBUSE, f f. {AnmiUt.)zrmti
feu de la longueur d'un tufd ou d'un moul-
quet : c'efl la plus ancienne des armes à feu ,
montée fur un fût ou un long bâton. Ce mot
vient de firalien acrobujio ou arco abufo ;
arco lignifie arc , & bujw , trou. L'ouverture
par où le feu le communique à la poudre
Fff
434 A II a
dans les arquebufes , qui ont lucccde aux
"arcs des anciens , a donné lieu à cctcc déno-
mination.
Uarquebufe f félon Hanzclet , doir avoir
quarante calibres de long , & porter une
balle d'une once &: lépt huitièmes , avec
autant de poudre. Le P. Daniel prétend que
cette arme commença au plutôt à être en
ufage fur la fin du règne de Louis XII , parce
que Fabrice Colonne , dans les dialogues de
Machiavel i'ur l'art de la guerre , ouvrage
^crit à-peu-près dans le même temps , en
parle comme d'une invention toute nouvelle.
L'arquebitfe , dit-il , qui efl un bdion invemé
dé nouveau y comme vous fave\ , eft bien ne-
cejfaire pour le temps qui court. L'auteur de
la difcipline militaire , attribuée au leigneur
de Langis , en parle de même : la harquebufe ,
dit-il , trouvée de peu d'ans en fd , eft très-
bonne. Il écrivoit fous le règne de François I.
Cette arme avoit beaucoup de rapport à nos
moufquetons d'aujourd'hui pour le tût & le
canon , mais elle étoit à rouet.
Des arquebufes y'mrcnt les piftolets oupif-
tolers ;\ rouet, dont le canon n'avoit qu'un
pic de long : c'étoient les arquebufes en petit.
Les arquebufes & les piftolets à rouet l'ont
aujourd'hui des armes rort inconnues ; l'on
n'en trouve guère que dans les arfenaux &
dans les cabinets d'armes , où l'on en a con-
fervé par curiuhté.
Le rouer qui donnoit le mouvement à tous
les reflorrs de ces armes , étoit une petite
roue folide d'acier qu'on appliquoit contre
la platine de Varquebufe ou du piftolet ; elle
avoit un eiiieu qui la perçoit dans Ion centre.
Au bout intérieiu- de l'cffieu qui entroit dans
la platine , étoit attachée une chainette qiu
s'entortlUoit autour de cet eflieu quand on la
failoit tourner , & bandoit le reflbrt auquel
elle tenoit. Pour bander le reiîort on le 1er-
voit d'une clé , oij l'on iniéroit le bout ex-
térieur de l'eflieu. En tournant cette clé de
gauche à droite on failoit tourner le rouet ,
& par ce mouvement une petite coulilie de
cuivre qui couvroit le baiilnet de l'amorce ,
fe retiroit de deflus le baflînet : par le même
mouvement , k chien armé d'une pierre de
Biine , comme le chien du fufil fefl d'une
pierre à fufil , étoit en état d'être lîîché dès
que l'on tireroit av.ec le doigt la détente
tomme dans les piftolets ordinaires ; alors le
A K. Q_
chien tombant fur le rouet d'acier , faifoit
feu &; le donnoit à l'amorce. On voit par
cet expofé , que nos pdlolets d'aujourd'hui
font beaucoup plus fimples , & d'un ufage
plus aifé quelespiltolcts à rouet. Hift. de la
milice Franf. par le P. Daniel.
Lorfque Varquebufe étoit en ufiige , on ap-
pclloit arquebujicrs les l'oldats qui en étoient
armés. Il y avoit des arquebufîers à pié &
à cheval. On tire encore en plufieurs villes
de France le prix de Varquebufe pour le plaifir
u: l'amulement des bourgeois. On l'appelle
ainli , parce que l'établiflement de ces priv
avoit eu pour objet d'exercer les bourgeois
des villes à le Icrvir de cette arme avec
adrelle dans des temps où la garde de la
plupart des villes leur étoit conhée. Ces prix
lubfillent encore dans plufieurs villes ; &
quoique l'on s'y fervede tufils , ils retiennent
leur ancien nom àe.prix de Varquebufe. ( Ç )
Arquebuse à croc , eft une arme que
i on trouve encore dans la plupart des vieux
châteaux : elle reîîémble afîez à un canon de
tiifil, & elle eft ioutenue par un croc de
fer qui tient à ion canon , lequel eft loutenu
par une eipece de pié qu'on nomme che-
valet. On s'en iervoit beaucoup autrefois
pour garnir les créneaux &: les meurrneres.
On dit que la première fois qu'on ait vu
de ces arquebufes y ce fut dans l'armée im-
périale de Bourbon , qui chafta Bonnivet de
l'érat de Milan. Elles étoient fi maflives & fi
pelantes, qu'il failoit deux hommes pour les
porter. On ne s'enfert guère aujourd'hui , ii
ce n'eit dans quelques vieilles forterelles ,
& en France dans quelques garnifons. Le
calibre de Varquebufe à croc eft plus gros-
que celui du luCl , & bien moindre qui
celui du canon. On charge cette arme de
la même manière que le canon , & l'on y
met le teu avec une mèche. Sa portée eft
plus grande que celle du fufil. ( Q )
ARQUEBUSEiZrcrtf, ?'.FuSIL A VTNT.
AP^QUEBUSERIE , fuh. f. art de tabri-,
quer toutes lortes d'armes à feu , qui fè
montent fur des fûts , comme iont les arque-
bules , les fufils , les moufquets , les cara-
bines , les mcufquetons , les piftolets. Il (e
dit auili du commerce qui fe fait de ces
armes-. Uarquebujerie , que quelques-uns
mettent au rang de la cllncaillerie , tait partie
du négoce des marchands merciers.
A p. Q^
ARQUEBUSIER, (". m. qu'on nominoi;
auricfois artillier , arri'an nui hibrique les
pérîtes armes à feu , telles que font les ar-
qucbufcs , dont ils ont pris leur nouveau
nom, Ls fulils, les moufquets , les piflo-
lets , 6c qui en forgent \q^ canons , qui en
font les platines , & qui les montent fur i!cs
fûts de bois. Toutes les armes que fabriquent
les arqiichujiers confiflcnt en qiiarre princi-
pales pièces , qui font le canon , la platine ,
le tût & la baguette.
Les meilleurs canons fe forgent à Paris ,
par des maîtres de la Communauté , qui ne
s'appliquent qu'à cette partie du métier , &
qui en fourniffent les autres. Il en \ icnt
néanmoins quantité de Sedan , de Chaile-
ville , d'Abbeville , de Forez , de Franche-
Comté , ùc. Les canons des belles armes
s'ornent vers la culafTe d'ouvrages de cife-
lure & de damafquinure d'or ou d'argent ,
fuivant le génie de l'ouvrier & le goût de
celui qui les commande. voye\ Damas-
QUINURE. C'efl: aulG à Paris qu'on tra-
vaille les plus excellentes platines; chaque
maître faifant ordinairement celles des ou-
vrages qu'il monte. Pluiieurs fe fervent néan-
moins de platines foraines pour les armes
c^ommuncs , & les rirent des mêmes lieux que
les canons. Voye^ CanoN , PLATINE.
Les fûts qu'on emploie pour l'arquebu-
ferie , font de bois de noyer , de frêne , ou
d'érable , fuivant la qualité ou la beauté
des armes qu'on veut monter delfus. Ce
font les marchands de bois qui vendent les
})ieces en gros; les menuifiers qui les dé-
bitent fuivant les calibres au modèle qu'on
leur fournit , & les arquehufiers qui les dé-
grofllffent & les achèvent. On embellit quel-
quefois c-s fûts de divers ornemens , d'or ,
d'argent , de cuivre ou d'acier , gravés ti:
cifelés ; les flatuts de la Communauté per-
mettent aux maîtres de travailler & d'ap-
pliquer ces ouvrages de gravure & de ci-
fclure , de quelque métal qu'ils veuillent les
faire. Voye\ FuT.
Les baguettes font de chêne , de noyer ,
ou de baleine ; il s'en tait aux environs de
Paris : mais la plus grande quantité & les
meilleures viennent de Normandie & de
Ligourne : elles fe vendent au paquet &
au quart de paquet. Le paquet eft ordi-
nairement de cent baguettes , néanmoins
A R. Q 435
' i: nombre Ji en ell jias réglé. Ce font les
arqucbujievs qui les ferrent & qui les achè-
vent : ils font aufii les baguettes ou verges
de 1er , qui fervent à charger certaines armes ,
particulièrement celles dont les canons font
ra_\és en dedans.
C'efl aufli au\ maîtres arquehufiers à faire
tout ce qui fert à charger , décharger , mon-
ter , démonter & nettoyer toutes les fortes
d'armes qu'ils fabriq';.cnt.
Les outils Lv inflrumens dont fe fervent
les maîtres arqutbnjxrs , font la forge ,
comme celle <^xs ferruriers , l'enclume , la
grande bigorne , divers marteaux , gros ,
moyens & petits ; plufieurs limes , les com-
pas communs , les con^ipas à pointes cour-
bées , les compas à lunette & les compas à
tête; les calibres d'acier doubles & fimples
pour roderla noix & les vis ; d'autres calibres
de bois pour fcrvir de modèle A tailler les
fûts ; diverfes hlieres , les unes communes ,
les autres fimples, & les autres doubles;
des pinces ou pincettes , des ctaux à main ,
des rifloirs , des cifelets , des matoirs , àcs
gouges & des cifeaux en bois & en ter ;
des rabots ; la plane ou couteau à deux man-
ches ; la broche à huit pans pour arrc^ndir
les trous ; celle A quatre pour les agrandir &
équarrir; les tenailles ordinaires , les tenail-
les à chantraindre , la potence , l'équierre ,
les traifes , le tour avec les poupées & ton
archet ; le poinçon à piquer , pour ouvrir les
trous ; le bec d'âne pour travailler le fer ;
des écouennes & écouennettes de diverfes
flirtes; des portes-tarieres ; des portes-bro-
ches ; un chevalet à trailer avec ton arçon :
enfin plufieurs fcies A main & à retendre ,
& quelques autres outils que chaque ouvrier
invcnre , fuivant fon génie & fon bcfoin , &
qui ont rapport A plufieurs de ceux qu'on
vient de nommer.
'Les arquehufiers , nommés improprement
armuriers , parce que ce nom ne convient
qu'aux heaumicrs qui tont des armes dé-
fenfives , compofent une des plus nombreu-
Çts communautés de Paris , quoique leur
éreflion en corps de jurande ne foit pas
d'une grande antiquité. Les réglemens des
arquehufiers font compofés de 2.8 articles :
L-s jurés font fixés au nombre de quatre ,
dont deux s'élifent chaque année. Les jurés
font chargés de la paflation & enrcgiflre-
F f f i
43^ A R Q,
ment des brevets d'apprentiflâge , des ré-
ceptions à maîtrife pour lelquelles ils don-
nent le chef-d'auvre ; des viiltes , tant or-
dinaires qu'extraordinaires , loit àes ouvra-
ges des maîtres , foit des ranrchandifcs fo-
raines ; enfin de tout ce qui regarde l'exé-
cution des flatuts &: la police de la com-
munauté. Nul ne peut tenir boutique qu'il
n'ait été reçu maître , & aucun ne peut
être reçu maître qu'il n'ait été apprenti
& compagnon du métier d'arqucbuferie.
Il n'efl permis aux maîtres d'ouvrir lur
rue qu'une feule boutique. Tout maîcre
doit avoir fon poinçon pour marquer Tes
ouvrages , dont l'empreinte doit relier iur
une table de cuivre , dépofée au Chatelct
dans la chambre du procureur du roi. L'ap-
prcntiOage doit être de quatre années con-
lécurives , & le fervice chez les maîtres en
qualité de con'ipagnon , avant d'afpirer à la
maîtrife , de quatre autres années. Chaque
maître ne peur avoir qu'un feul apprenti à la
fois , fauf néanmoins à ceux qui le veulent ,
d'en prendre un fécond après la troifieme
année du premier achevée. 11 ell défendu
à tout apprenti d'être plus de trois mois
horTrle" chez fcn maître , s'il n'a caufe lé-
gitime , à peine d'être renvoyé & être dé-
chu de tout droit à la maîtrile. Les maîtres
ne peuvent débaucher ni Ls apprentis, ni
Jes compagnons, non plus que ceux-ci quit-
ter leurs maîtres pour aller chez d'autres ,
avant que leurs ouvrages ou leurs temps
foient achevés. Tout aipirant à la maîtrile
doit chef-d'œuvre, à l'exception des fils de
maîtres , qui ne doivent qu'expérience.
Les fils de maîtres , foit qu'ils travaillent
dans la maifon de leur père , foit qu'ils ap-
prennent le métier dehors , font obligés à
l'apprentilfage de quatre ans ; tenant lieu
d'apprentis aux autres maîtres , mais non
pas à leurs pères. Nul apprenti ne peut ra-
cheter fon temps. Les compagnons qui ont
fait apprentifiac;e à Paris , doivent êtri: pre-
iérés pour l'ouNrage chez les maîtres , aux
compagnons étrangers , à moins que les pre-
miers ne voulurent pas travailler auxmêmes
prix que les derniers. Les veuves i-cilant
en viduité jouiilén: des privilèges de kurs
maris , fans néanm.oins pouvoir taire d'ap-
prentis ; & elles & les filles de maîtres
luiviinchiiTent les com;-;)j;-'.cns qri les épou-'
A R Q
fent. Toute marchandife foraine du métier
d'arqucbuferie , arrivant à Paris , pour y
être vendue , foit par les marchands forains
mêmes , loit par teux de la ville , ne peut
être expofée en vente , qu'elle n'ait éré vifi-
tée & marquée du poinçon de la commu-
nauté , étant au furplus détendu aux maîtres
d'aller au-devant deidits forains , ni d'ache-
ter d'eux aucune marchandife avant ladite
vilite faite.
Enfin il cff défendu aux maîtres île la
cominunauté &: aux forains , de brafer , ni
d'expofer en vente aucuns canons braies ,
avec faculté aux jurés , qui en font la vilue ,
de les mettre au feu , pour découvru' ladite
braiure & les autre-; défauts detdus canons ;
à la charge néanmoins par leidits jurés de
les remettre , s'ils ie trouvent de bonne
qualité , au même état qu'ils éroicnt aupara-
vant qu'ils les eu fient mis au feu.
Il a été permis aux maîtres arqitebitfiers
d'établir à Paris un jeu d'arquebufe , tel
qu'on le voit dans les foflés de la porte S.
Antoine , pour y exercer la jeune noblelîê
& ceux qui font profeflîon des armes. Les.
maîtres arquebiijjers peuvent faire toutes
fortes d'arbalètes d'acier , garnies de leurs
bandages , arqucbuies , piflolets , piques ,
lances &: fullels ; monter leidltcs arquebu-
les, piitolets , hallebardes & bâtons à àtWK
bouts, & les ferrer &c vendre.
Il leur eft pareillement permis de fabri-
quer & vendre dans leurs bouàques tous
autres bâtons ouvragés en rond &: au rabot
privativement à tous autres mét'ers. Aucun'
maître ne peut tenir -plus de deux compa-
gnons , que les autres m.aîtres n'en aient
autant , fi bon leur femble , à peine d'amen-
de. Les fils de maîtres doivent être reçus
maîtres audit métier, en tailant l'expérience
accoutumée. Les compagnons époulant les
filles de maîtres , font obligés à pareille
expérience. Aucun maître ne peut être élu
juré , qu'il n'ait été auparavant maître de
confrairie , à peine de nullité de feledion ,
& de demi écu d'amende contre chacun
des maîtres qui auront donné voix à celui
qui n'aura pas été m. litre de contrair e.
^ A.RQUER , s- arqua-, v. ad. {Mdiine.)
le dit de la quille , lorlque mettant le vaifleau
à l'eau , ou que taifnnt voile , & venant n ■
toucher par l'avaiit ou par l'arriére , peur
A R d
être inégalement chargé , la quille fe dément
p.ir cet effort , licvient arquc'e , & pcrcl de
l'on trait & de fa figure ordinaire. Lorlqu'on
lance un vaiflcau de delTus le chantier pour
le mettre à l'eau , la quille peut ^.''arquer ,•
on ne court point ce rifque en bâtifllmt les
vaifîeaux dans une forme. (Z)
ARQUE H AGE , f. m. terme d'ancien
droit coatumier , lignifiant une force de fer-
iitiide , en vertu de laquelle un vaflal étoit
obligé de fournir un ioldat ;\ (on feigneur.
On a auill dit arclutrage & archo-irage. Il
fcmhle que ce mot loit dérivé de celui
d'archer. (H)
* ARQUES , ( Ge'ogr. ) petite ville de
France en Normandie , au pays de Caux ,
fur la petite rivière d'Arqués. Long. i8 ,
50; bt. 49 , 5+.
ARQUET, f. m. petit fil de fer attaché
le long de la brochette ou du pointicelle
qui retient les tuyaux dans les navettes ou
efpolins , où il forme une efpcce de relTort.
V. Brochette, Pointicelle, Na-
vette & ESPOLINS.
* ARQUIAN , petite ville de France
dans le Catinois , éledion de Gien.
ARRA , ( Ge[og. ) ville d'Afie en Syrie,
dont Ptolomée fait mention : elle étoir gran-
de & bien peuplée ; Ion nom moderne ell
Maara; ce n'eft plus aujourd'hui qu'un gros
bourg, fous le gouvernement d'Alep , & le
lieu principal d'un petit pays très-tertile en
grains &; en bons fruits. On voit près de
là , dans un endroit délert , les ruines de
l'ancienne ville de Seriane dont quelques
morceaux font encore magnifiques. {C. A.)
ARRA ou ARRAS , f. m. {H. nar. Orn.)
nom que l'on a donné en Amérique à une
des plus grandes & des plus belles efpeces
de perroquets. Koy. PERROQUET. (/)
ARRA-BID A l ( Ge'og. ) haute montagne
du Portugal dans l'Alentéjo , lur les fron-
tières du royaume d" Algarve : elle fait partie
de la Sierra ou montagne de Calderaon.
{C.A.) ^
ARRACHÉ , ad), terme de Ma/on ; il ie
dit des arbres & autres plantes df)nt les raci-
nes paroiiîenr auiîi bien que des têtes &
membres d'animaux , qui n'étant pas cou-
pés net , ont divers lainbeaux encore fan-
glans ou non fanglans ; ce qui fait connoî-
tre qu'on a arraché ces merobres-par fofce.
A R R 437
De Launay en Bretagne , d'argent à un
arbre de fm()))lc arrache. ( V)
^ ARRACHEMENT, f;. m. en bâtiment,
s'entend des pierres qu'on arrache & de
celles qu'on laide alternativement pour faire
liaiibnavec un mur qu'on veut joindre à un
autre : arrachemens font aufii les premières
retombées d'une voûte enclavée dans le
mur. {P)
ARRACHER , v. aft. [Jardinage. ) ce
terme s'emploie à exprimer l'aélion de tirer
de terre avec force quelque plante qui y cf{
morte. ( /v )
Av.K\CWEK le jarre y terme de chapelier ,
qui fjgnifîe éplucher une peau de ca/tor , ou
en arracher avec des pinces les poils longs &
luifins qui s'y rencontrent. Fbrrr Jarre.
ARRACHEUSES , f. f pi. nom que les
chapeliers donnent à des ouvrières qu'ils
emploient à ôter avec des pinces le jarre de
defîiis les peaux de cador. i^ojfij Jarre.
ARRACHIS , f. m. terme de droit , uihé
en matière d'eaux & forets , qui lignifie
Venléi'ement trauduleux du plant à^s arbres.
^ARRACIFES ( Cap des ) , il cû flir la
côte des Cafrcs , en Afrique , à 60 lieues
de celui de Bonne-Efpérance.
* ARRADES , villed'Afriquc , au royau-
me de Tunis , fur le chemin de la Gouîette
à Tunis.
ARRAGIAN, rmrT Argian.
AR-R AKIN , ( Gcog. ) petite ville d'Afie
dans l'Arable Pétrée , au dillricl d'Al-Bkaa :
on croit avec allez de vraifcmblance que
c'eil: l'ancienne Petra , capitale de la contrée
appellée Sela dans la bible , & Adri^ia.
par l'empereur Adrien : la plupart de les
maifc)ns font taillées dans le roc , ce qui a
pu la faire nommer Ar-Rakin ; car rakin ,
en langue du pays , veut dire tailler , (Se ar
veut dire rilie. ( C. A.)
* ARRAMER , v. ae^. c'efl étendre , ou
plutôt c'efl diflendre fur des rouleaux la
fergc & le drap. Cette manœ-uvre efl défen-
due aux fabriquans & aux f )ulons.
AJ^RAN ou^ ARREN , ( Geogr.) fie
coniidémble d'Ecoflé, & l'une des 'Hébri-
des ; ia plus haute montagne efl Capra.
Long. 31 ; Lit. 59.
* ARRAS , _ grande & forte ville dcs
Pays-Bas , capitale du comté d'Artois. Elis
4yîl A R R. ^
cft divifce ei Jeux villes ; l'une qu'on nomme
la cite , qui efl l'ancienne ; & l'autre la l'ille ,
qui eft la nouvelle. Elle eft fur la Scarpe.
Long.xo^ lé, 12; lat. ^o , 17, 30.
ARR ASSADE. Foye^ Sourd , Sala-
mandre.
ARRAYOLOS , ( Géogr. ) pcrire ville
du royaume de Portugal , dans l'Alentéjo :
elle ert au nord d'Evora & au fud-eft de
Monre-Ma)'or ; fa lituation , fur le penchant
d'une montagne , eit des plus riantes : on
y compte près de deux mille habitans , &
fon diUria eft de quatre paroiflTes. Lon^.
10, i^; /ar. 38 35. (C.^.)
ARREGES ( Contrat d'). Voye\
Gazaille.
ARRENTEMENT , f m. terme de droit
coinumier , bail d'héritage à rente. On ap-
pelle auiii arremement y l'héritage même
donné à rente. (G)
ARREPHORIE, f f. {Myth-) c'étoit
parmi les Athéniens une fête inflituée en
l'honneur de Minerve , & de Herfe fille de
Cécrops. Ce mot efl grec & compofé d'«p'p 1-
T,î5v , myflere , & îêf.i , je porte ; parce que
l'on portoit de certaines chofes myftérieufes
en proceffion dans cette folemnité. Les gar-
çons , ou , comme d'autres difent , les filles
qui avoient l'âge de fepi à huit ans , étoient
les miniftres de cette fête ,^ & on les appel-
loit «fiY«?ie;f:;. Cette fête fut aullî nommée
Herfiphoria , «fy/çofi;:, de Herfe fille de
Cécrops , au temps de laquelle elle tut infli-
tuée. [G )
ARRÉRAGES , f m. pi. terme de prati-
qtie , fe dit des paiemens d'une rente ou
redevance annuelle , pour raifon defquels le
débiteur eft en retard. On ne peut pas de-
mander au delà de 2.9 années A^arrérages
d'une rente foncière , ni plus de cinq d'une
rente conftituée. Tous les arrérages échus
antérieurement aux 29 années ou aux cinq ,
font prefcrits par le laps de temps , à moins
que la prefcription n'en ait été interrompue
par des commandcmens ou demandes judi-
ciaires. V. Rente , Intérêt , &c. {H)
Toute rente peut être regardée comme le
denier d'une certaine fomme prêtée ; loit
donc a la fbmmc prêtée , & /7? le denier ,
c'cft-à-dirc la lra6lion qui défigne la partie
de la fomme qu'on doit payer pour la rente :
Ç\ fin térêt cft fimplc , la fomme due au
ARR.
bout d'un nombre d'années q pour l:s arré-
rages fera am q ; c'eft-à-dire l'intérêt dû à
la fin de chaque année , multiplié par le
nombre des années : & fi l'intérêt eft com-
pofé , la fomme due au bout de ce temps fera
a ( 1+^2) '^~ a, c'cft-à-dire le fomme totale
due à la fin du nombre d'années exprimé
par q ; de laquelle fomme il faut retrancher
le principal.
Pour avoir rexprclîion arithmétique de
a (^i -\-m) ' a , fuppolons que la lorame
prêtée ou le principal (oit loococo liv. que
le nombre des années foit 10 , & que le de-
nier foit 20 ; il faudra chercher une frac-
tion qui foit égale à lî multiplié par lui-
même 10 fois moins une, c'eft-à-dire 9
fois j ce qu'on peut trouver ailcment parle
fecours des logarithmes (>^'.L0GARxTHMe)
& cette fraûion étant diminuée de l'unité
& multipliée par icocooo , donnera la
fomme cherchée.
Ceux de nos lefteurs qui font un peu
algébriftes, verront ailément fur quoi ces
deux formules font fondées. Les autres en
trouveront la raifon à Yarticle INTÉRÊT ,
avec beaucoup d'autres remarques impor-
tantes fur cette matière.
On pourroit au rcfte fc propofer ici une
difficulté. Dans le cas où l'intérêt eft fimple ,
ce qui dépend de la convention entre le
débiteur & le créancier , le débiteur ne
doit en tout à la fin d'un nombre d'années
q , que la fomme totale a-{- a m q , com-
pofée du principal a ; & du denier a m
répété autant de lois qu'il y a d'années :
ainfi retranchant de la fomme totale qui
eft due , le principal a , il ne refte que a m
q A^arrérages à payer en argent comptant.
Mais dans le cas où l'intérêt eft compofô ,
l'intérêt joint au principal devient chaque
année un nouveau principal ; ninfi à la fin
de la ç — i*^ année, ou ce qui revient au
mêinc , au commencement de la q^ année , le
débiteur cft dans le même cas que s'il rece-
voit du créancier la fomme a ( i^m )'~' de
principal. Cette fomme travaillant pen-
dant l'année , le débiteur doit à la fin de
cetic année la fomme totale a (i-hm)"', d'où
retranchant le principal a ( i-i-m)!~^ qui
eft cenfé prêté à la fin de l'année précédente ,
il s'enlliit , ou il paroît s'cnfuivre , que le
A 11 R
Jthitciir à la fin de la q' année doit payer au
créancier en argent compt;inc la lomme
û ( I + OT ) ' — a(i-\-m) '— ' , & non pas
a( I H-/72 ) ■' — j. Pour rendre cette dilii-
culté plus Icnlible , examinons en quoi con-
fiée proprement le paiement d'une rente.
Un particulier prête une fomme à un autre ;
au bout de l'année le débiteur doit la lomme
totale j4- il/» ^ tant pour le principal que
pour l'intérêt ; de cette iomme totale il ne
paie que la partie a m j ainli 11 relie débiteur
de la partie a comme au commencement de
la première année : donc le débiteur qui
paie exactement iix rente eil dans le même
cas que h chaque année il rendoit au créan-
cier la Comme a -{- a m p &. qu'en même
temps le créancier lui reprêiâc la fomme
a : donc tout ce que le débiteur ne rend
point au créancier eil cenié au commen-
cement de chaque année iormer un nou-
veau principal dont il doit à la fin de l'an-
née les intérêts en argent comptant. Ainil
;\ la fin de la q — i' année le débiteur ell
ccnfé recevoir a ( i-{-m )7~' de principal ;
donc à la fin de l'année fi.iivante il doit payer
a( i + m)'J — a ( 1 -\- m )'-' d'argent
comptant , par la même raifon que s'il re-
cevoit b en argent comptant il devroit payer
à la fin de l'année ù ( i -\- m) — b.
La réponfe à cette difficulté efi que la
quantité d'argent qijjj le débiteur doit payer ,
dépend ablolument de la convention qu'il
fera avec le créancier , & que d'une manière
ou_ d'une autre le créancier n'ell nullement
lélé ; car fi le débiteur paie à la fin de la
g* année la fomme a ( i +/")/ — a> il ne
devra donc plus au créancier au commence-
ment de l'année fuivante que k fomme a ,•
il fe rctrouvera_dans le même cas où il étoit
avant le temps où il a celfé de payer , & àla
fin de l'année ?+ i , il ne devra au créan-
cier que la fomme a m. Mais fi le débiteur
ne paie que la fomme a ( i -f- ot )' —
a{ i -{- m)^ ', laquelle efi moindre que
a{ i-f-zT?)' — a , toutes les fois que g eil
plus grand que i , comme on le fùppole ici ;
alors le débiteur au commencement de la
çH-i'-' année, fe trouvera redevable d'une
fomme plus grande que a ; & s'il veut en
faire la rente annuelle , il devra payer
a[ï-{-/7t )i xm d intérêt chaque année e»
argent comptant. Ainfi le créancier recevra
une fomme moindre ou plus grande dans les
années qui fuivront celle du paiement des
arrérages , félon qtie le débiteur aura donné
pour le paiement de ces arrérages une i()mmc
plus ou moins grande. II n'efl donc léfé ni
dans l'un ni dans l'autre cas , & tout dépend
de la convention qu'il voudra taire avec le
débiteur.
Autre queflion qu'on peut faire fur les
arrérages dans le cas d'intérêt compofé. Nous
avons vu que le débiteur au commence-
ment de la q' année doit la fomme totale
a{i~\rm) y—' ; luppolbns qu'il veuille s'ac-
quitter au milieu de l'année fuivante , & non
pas à la fin , que doit-il payer pour les arré-
rages ? Il eft vilibL que pour réfoudre cette
queflion il faut d'abord liivoir ce que le dé-
biteur doit au milieu de la q' année. En pre-
mier lieu , le principal ou fcmme totale
a ( I -f- OT ) '-' étant multiplié par i -{-m y
doit donner la fomme qui fera due à la fin.
de la ç-^ année , favoir a ( i -yrri )^ , ou , c«
qui revient au même , le débiteur devra à
la fin de cette année a ( i-\-m)^ — ' , plus
l'intérêt de cette fomme, c'efl-à- dire ,
a(i-j-m )7 — • X m. Dans le cours de l'an-
née , il doit d'abord a ( i -\- m)^ * qui
tft le principal ; il doit déplus une portion
de ce principal pour l'intérêt qui court depuis
le commencement de l'année : cette por-
tion doit certainement être moindre que
a ( I -f- /7z ) 7— ' xm, qui efl l'intérêt dû à la
fin de l'année : mais quelle doit-elle être ?
Bien des gens s'imaginent que pour l'intérêt
de la demi-année il faut prendre la moitic-
de l'intérêt de l'année , c'efi -à-dire ,
a ( I -{- m )' 'X " ^ le tiers de l'intérêt pour
le tiers de l'année , & ainfi du refle i mais ils
font dans Tcreur. En effet , qu'arrive-t-il
dans le cas de l'intérêt compofé ? c'eft que
les fommes dues au bout de chaque année
font en progrcflion géométrique , comme iL
cfi aifj de le voir. Or pourquoi cette loi
n'auroit-ellc pas lieu aufli pour les portions
d'années , comme pour les années entières ?
J'avoue que je ne vois point quelle en pour-
roit être la railon. La iomme due à la fin
de la 2 — i"^ année ell a ( i -{-m)i—\ celle;
440 A R R
qui cû due à la fin de la q' année efl a (-|-m)'^,
celle qui feroit dueàlafindela ç+i'fcroit
a( I + OT )''■'■' ; & ces trois iommes lunt
dans une proportion géométrique continue.
Donc la fomme due au milieu de la q' année
doit être moyenne proportionnelle géomé-
trique entre les deux fommes dues au com-
mencement & à la fin de cette année ; c'efl-
à-dire entre a {i+m)i~~^ & a ( i+m)''; donc
cette fomme fera a { i + m )'— ' i =
a{ï+m )■'""' y.{i + m)\. Or cette fom-
me cû moindre que a ( i + /72 )'""' -f-
a ( 1 -\-m)'^ ix^ qui feroit due fuivant
2
l'hypothefe que nous combattons.
De même s'il efi: queftion de ce qui efl dû
au bout du tiers de la q' année , on trouvera
que la fomme cherchée d\ la première de
deux moyennes proportionnelles géométri-
ques entre a ( i-}-m)''"~' , & a ( i -h ^ )'',
c'eft-à-dire a{i + m )^—'" ; & en général
k étant un nombre quelconque d'années en-
tier , rompu , ou en partie entier , & en partie
iradionnaire , on aura a{i+m)'' pour la
fomme due à la fin de ce nombre d'années.
Dans l'hypothefe que nous combattons ,
on fuppofe que l'intérêt e(l regardé comme
compofé d'une année à l'autre, mais que
dans le cours d'une feule & unique année il
efl traité comme intérêt fimple ; luppofition
bizarre , qui ne peut être admife que dans le
cas d'une convention formelle entre le créan-
cier & le débiteur. En effet , dans cette fup-
pofition le débiteur paieroit plus qu'il ne doit
réellement payer, comme nous l'avons vu
tout-à-l'heure. Nous traiterons cette matière
plus à fond à ^article INTÉRÊT , & nous
eiiîérons la mettre dans tout fon jour, & y
joindre plufieurs autres remarques curieufes.
Mais comme l'obiérvation précédente peut
être utile , & eft affez peu connue , nous
avons cru devoir la placer d'avance dans cet
article.
Soit donc — la portion d'année écoulée ; il
efl vifible, par ce que nous venons de dire ,
que le créancier doit au bout de cette portion
la fomme totalea ( 1 + "'). "^ 'i ^
pour avoir les arrérages j il faudra retrancher
A R R
de cette fomme ou le principal a , ou le prin-
cipal a ( i-^m )'— I ; ce qui dépend , comme
nous l'avons obiervé , de la convention mu-
tuelle du débiteur & du créancier.
On peut propofer une autre queflion danç
le cas de l'intérêt limple. Dans ce cas il y a
cette convention , du moins tacite , entre le
créancier & le débiteur , que le principal
ieul , touché par le débiteur , & prêté par le
créancier , produit chaque année a m d'inté-
rêt , & que l'intérêt ( non paj-é chaque année )
efl im argent mort, ou un principal qui ne
produit point d'intérêt ; ainfi dans le cas où
cette convention tacite feroit fans refiridion ,
la fomme totale due à la fin de la q' année
feroit a-^ a m q , & les arrérages feroient
amq. Mais fi la convention entre le débi-
teur & le créancier étoit , par exemple , que
le débiteur payât tous les cinq ans l'intérêt
fimple î a/72 , & que le débiteur fût quinze
ans tans payer , alors la fomme a.-\-<,am duc
à la fin de la cinquième année , efl regardée
comme un nouveau principal fur le p;iic-
ment & les intérêts duquel le créancier peuf
faire au débiteur telles conditions qu'il lui
plaît. Suppofons, par exemple, que parleur
convention il doive porter intérêt fimple du-
rant cinq ans, en ce cas , au bout des cinq
années qui fuivent les cinq premières , la
fomme totale due par le débiteur fera a -\-
5 a m-\-a m-\-l') a mm ; S>c à la fin des cinq
années fuivantes , c'efl-à-dire au bout des
quinze années révolues^*la fomme due fera
a-\- ^ am-\-^ am-\-i') amm-\-') a/77-f-
25 a/72 ;;z-t- -5 jw /;z-f- IZ5 j /7z' = a -\~
l'^am-^-y^ amm+it'^am' . F. INTÉRÊT,
Annuité , Rente , Tontine , &C. (O)
ARRET , fub. m. terme de palais , efl le
jugement d'une cour fouveraine. On n'ap-
pelloit autrefois armj que les jugemens ren-
dus à l'audience fur les plaidoyers refj^eâifs
des parties ; & fimplement/ugf/72f/2j- ceux qui
étoient expédiés dans des procès par écrit, ils
ferendoient, ainfi que la plupart des juge-
mens , ou du moins s'expédioient en latin ,
jufqu'à ce que François I par fon ordonnance
de 1539, ordonna qu'à l'avenir ils leroient
tous prononcés &: rédigés en françois.
Arrêts en robes rouges , étoient des arrêts
que les chambres affemblées avec folemnité
îk dans leurs habits de cérémonie , pronon-
çoicnt
A R R
çoîent fur des qucllians de droit dcpouilk'es
de circonftaïK'cs , pour fixer hi juriiprudriicc
fur CCS qiiclHons.
Les arràs Je vcglemens (ont ceux qui ct;i-
blideat des règles & des in.iximes en matière
de procédure : il ert d'ufage de les iignifier
à l;i communauté des avocats & procureurs.
Arrêt de ciejenfe , ei\ un arrêt qui reçoit
appellant d'une (entencc celui qui l'obtient ,
& bit détenle de mettre la fenvenceà exécu-
tion ; ce qu'un llmple appel ou relief trappcl
obtenu en chancellerie n'operc pas , quand
la lèntcnceeft exécutoire nonobilant l'appel.
Arrêt du conft'il du roi , efl un arrêt que
le roi , fcant en (on conleil j prononce lur
les requêtes qui lui (ont prélenrées , ou lur
les remontrances qui lui (ont faites par (es
lujets , pour taire quçique érablilîemcnt , ou
pour réformer quelque abus.
Les fieges inférieurs rendent des jugemens,
prononcent des Centences , dont les parties
peuvent appeller devant les cours Couverai-
nes , auxquelles ces (leges rellortillent. On
n'appelle pas des décifions qui émanent des
cours (ouveraines j & c'eft pour cela qtie
ces décifions (e nomment arrêts : arrêt du
parlement, arrêt delà chambre des comptes ,
arrêt de la cour des aides , arrêt du conleil ,
&:c. Il faut chercher l'origine de c,e mot
dans cesexprefllonsdu moyen âge arreflum,
arreflare , qui fignifioienr , Celon Ducnnge
&: les autres commentateurs ou glofîatcurs,
faifir , prendre , détenir quelqu'un , faijie ,
détention , capture y &f. ainfi les décifions
des cours (ouveraines , arrêtant le cours de
la procédure & polant la borne que la chi-
cane ne devoit point pafler , ces décifions
furent appellées arrêts. Cependant le recueil
de Jean du Luc, l'un des plus anciens arrê-
tifles que l'on connoifTe , e(f intitulé Placita
curiœ y ijc. comme qui diroit : recueil de
décifions qii il a plu à la cour de porter.
Audi le premier préfident , en prononçant
les arrêts , fe (ervoit de cette locution :
placuit curice.
Il fe (ert à préfent de celle-ci : la cour
a mis & met l'appellation au néant , ÉV.
M. de Montefquieu prétend que cette for-
mule vient de nos anciens combats judi-
CLiires. "En effet, dit-il, quand celui qui
avoit appelle de faux jugement étoit vaincu ,
J'appelétoitanéanti : quand il étoit vainqueur,
Tome III,
A R R 441
le [ugement etoit anéanti & l'.ippel même ,
il talloit procéder à un noivenu jugement,
&c. „ Voy. le /£>. XXl^III de ÏEfprk
des luix , chap. 55.
Ce n'cfl pas qu'on ne puifTc fitire l'éfor-
mer la decilion d'une cour Ibuveraine , mais
c'effpar d'autres voies que celle de l'appel ,
qui n'eff point autorlfé d.ms ces fortes de
cas. En matière civile , il faut prendre l'une
de ces trois voies , fuivaatlcs circonllance; ;
ou (è pourvoir au conleil du (buverain , fi
l'on a jugé contre les orJonnnnces ( ^^oyc^
Cassation ) , ou former oppoiltion .;
V arrêt y pardevant la cour qui l'a rendu : (i
elle a prononcé contre une partie qui ne pa-
roilfjit point (F. OPPOSITION, TIERCE-
Opposition) , ou enfin prendre , en chan-
cellerie, des lettres de requête civile contre
1 arrêt y & taire de nouveau juger la caulè par
le même tribunal. (V. flEQUÊrECIVlLE).
S'il s'agit d'une afiuùre criminelle , on prenJ
aiors, au conieil du prince, des lettres de
revlfion , & ralK:ire (é porte & (c juge de '
nouveau par les mêmes magiifrats qui l'ont
décidée la première fois. F". REVISION.
Plufieurs arrêts conformes lur une même
qucffion de droit , forment ce qu'on nomme
la jurifprudence des arrêts ou des cours ; la
polledcr, c'eii avoir la Icience , la connoif^
lance des décifions que les cours font dans
f uiage de porter (ur ces fortes de que(bons.
Il n'en e(t po:nt dont les arrêts n'aient
été recueillis pai- quelques compilateurs :
de-là , cette multitude d'arrêtilies dont les
ouv rages furcaargent les bibliothèques des
jurilconlultcs , (ans éclairer leur elprit. Oti
elfimc la collection connue firjs le nom de
Journal du palais y z pol. in-fol. O.i re-
cherche les arrêts àt Bonif^îce , de le Preftre,
de Bordet & un petit nombre d'autres.
Il exilfe aulfl un DiSionnaire des arrêts i
& l'auteur a eu le c^ruragc de porrcr (a com-
pilation julqu'à fix volumes in~fol. elle fe
vend chèrement parce qu'elle ell rare : mais
elle ne vaut rien. L'auteur n'a mis , dans
(on travail, ni choix, ni méihoJc ,'ni goût ,
il a ralîemblé au hazard une multitude
i^arrêts pour & contre , fur les mêmes quel-
tions , il a grolll des volimies par des mé-
moires qu'il avoit compofés dans ditterens
procès , & qui n'ont ni le méiite in (lyle,
ni le mérite du fond ; en un mot , avec
G gg
^"4^
A R R
cette quantité â' arrêts peu conformes & foii-
venr contraires , il ne peut que Jeter dans
l'embarras un juge fcrupuîeux , égarer le
jurifconlulte qui cherche à s'inilruire , _ &
fournir des armes à la chicane. La coileclion
qui vient d'être donnée au public , fous le
nom d'un procureur au châtelet de Paris ,
appelle Déni fart, vaut beaucoup mieux que
le Du7. de ferillon.
Arrêts, f. m. pi. {DifcipUne militaire.)
punition qui s'inflige à l'officier , pour des
fautes légères ; ils font à-peu-près pour lui ,
ce que la prifon efi pour le ioldat. Mettre
un officier aux arrêts , lui ordonner les arrêts,
c'eiHui enjoindre de le retirer dans fon ap-
partement &L lui détendre d'en lortir.
Quelquefois pourtant les arrêts ceffent
d'être une correction militaire j ils ne lont
alors qu'une fuite de la vigilance d'un com-
mandant , qui \ oulant prévenir les effets
d'une querelle furvenue entre deux officiers,
leur prefcrit de reiter chez eux , ils lont
précaution en ce cas , & non châtiment.
Au refte , les arrêts n'ont rien de déshono-
rant pour celui à qui on les ordonne ; la
prifon même ne flétrit point le foldat.
Quelle efi: donc cette bizarrerie de l'opi-
nion publique , qui imprime une tache
su malheureux citoyen que la calomnie aura
taie précipiter dans une prilon , pour des cri-
mes dont il cil innocent ? Qu'on pardonne
à un jurifconlulte humain , de fouhaiter qu'il
y ait enfin , pour les acculés , un lieu de
détention & de sûreté qui ne foit point la
prifon : ils y feroient gardes & fo;;^nés jul-
qu'à ce que , par les voies les plus pr;>mptes ,
on eût reconnu leur crime ou leur inno-
cence ; ils n'en fortirolent que pour entrer
dans la prifon , s'ils étoient coupables ; ou
pour être rendus h la fociété , s'iis ne l'étoicnt
point. Mais enfin , leur ftjour dans cette
maifon de sûreté n'aurolt rien d'aviliifmt.
Quel homme peut fe lîarter d'être au detfus
du loupçon ù: de l'accufation ? Ce n'efl
donc pas la calomnie qui lui fait perdre
quelque chofe dans l'eilime publique ; c'e(l
la juflicc qui , le retenant dcns le même lieu
que les cnminels , femble le confondre avec
eux &: lui fait partager iiiiuftcment le Àcs-
hnnneur que le public vi. ril flir les coupa-
bles. En Rulile , on a déjà imaginé trois
lieux dilfércns de détention : l'ui pour les
A H R
prévenus , l'autre pour les accufés reconnu»
criminels , le troifiemepour les condamnés.
Oeft du nord aujourd'hui que nous vient
la lumière. Volt. ( AA. )
Arrêt & brandon, terme de pratique, efl une
faille des fruits pendans par les racines. (H)
Arrêt de vaiffeaux Ù fermetures des
ports : c'eft l'aâionde retenir dans iesports ,
par l'ordre des fouverains , tous les vailîèaux
qui y font , & qu'on empêche d'en fortir ,.
pour que l'on puiflé s'en fervir pour le f ervice
&C les befoins de l'état. On dit arrêter les
vaijjeaux ù fermer les ports. (Z)
Arrêt, en terme de manège, eu la
paufe que le cheval fait en cheminant. For-
mer l'a/reV du cheval , c'efl l'a rrêrer fur t'es
hanches. Four former l'arrêt du cheval , il
tant en le commençant approcher d'abord h
gras des jambes pour l'animer , mettre le
corps en arrière , lever la rnaiu de la bride-
fans lever le cof.de , étendre enluirevigou-
reufcment les jarrets , & appuyer fur les
étriers pour lui taire former le remps de Ion
arrêt, en talquant avec les hanches trois oa
quatre fois. V'oye\ FalCADE.
Un cheval qui ne plie point fur les han-
ches , qui fe ti-averfe , & qui bat à la main ,.
formi^un arrêt de mauvaife grâce. Après,
avoir marqué Wirrêt , ce cheval a f'it au
bout une ou deux, pelades. V^oyei PesadE.
Former des arrêts d'un cheval courts &
précipités , c'efl fe mettre en danger de rui-
ner les jarrets & la bouche.
Après Varrêt d'un cheval , il faut taire en
forte qu'il iourniile de.uxou trois courbertes.
Le contraire deïarn-t ciWs partir. On difoit
autrcloi"; le parer & h parade d'un cheval ,
pour dire {onarrêt. KParadE &PaRER.
Demi-arrêt , c'efl un arrêt qui n'cll p.i»
achevé , quand le cheval reprend & conti-
nue fon galop fins faire ni pelades ni cour-
bettes. Les chevaux qui n'ont qu'autant de
force qu'il leur en faut pour endurer riî'rfV,
f(MU les plus propres pour le manège & pour
la guerre. {V.}
Arrêt, terme de chiffe , défigne l'aâion
du chien couchant qui s'arrête quand il voir
ou fent le gibier , &: qu'il en eff proche :
on dit , le chien efl à Varrêt ; & àêun excel-
lent chien , on dit qu'il arrête terme poil
ik plume.
A R R
Arrêt, Çc An, fur les rivières , d'une
file de pieux traverfce de pièces de bois nom-
inées clianlatccs ., pour arrêter le bois qu on
met à flot , cnfuite le tirer , le triquer & en
faire des piles.
AriikT , on donne ce nom, en ffrruiene,
à un étocliio qui lert à arrêter un pêne , un
reflort, ÊV. ou autre pièce d'ouvrage. L'arrt'r
?e rive liir lepalatre ou la platine fur laquelle
font montées les pièces qu'il arrête.
§ ARRÈTE-B(EUF , {Boc.) en latin
anonis , en anglois rejî-harrow , cammock ,
pettY-ii'hin , en allemand hauheciiel.
Caraclere générique.
La fleur cft papillonnacée : elle efl com-
pofée d'un calice découpé en cinq fegmens
étroits : l'étendard cW cordiforme ik plus
large que les ailes ; celles-ci lont ovales &
plus courtes que la carenne qui le termine
en pointe : elle contient deux étamines réu-
nies «Je un embryon oblong &: velu qui fiip-
porte un feul llyle couronné d'un ftigmare
cbtus : l'embryon devient ime lilique enflée
à une feule cellule , contenant des lemen-
ces rénitormes.
Efpeces.
1. Arrite-bœuf ai montagne précoce en
arbriffeauà fleur purpiu-ine.
Anonis momcmapiecox , purpurea , fru-
tefcens. Mor. H. R. Blejf.
Early srhubby reft-harrow.
1. Arrête-bœuf à feuilles étroites trifo-
liées , charnues &: tridentées.
Anonis foliis ternatis ^ carnofis , fitbli-
nearibiis , tridentaris. Linn. Spl.pl. y i8.
Refl-hiirrow icith tri/oliate fiesliy leaves
which are narrow Ù luu'e three indentures.
Nous croyons que cette efjiece efl la
même que celle n". i de M. Duhamel , qui
porte la phrafe de Tournefort.
3. Arrête-bœuf i\ fleurs , naiffant ordinai-
rement au nombre de trois fur chaque pédi-
cule , & djipolces en pannicules.
Anonis jloribus pannicul.itts , peduncu-
lis Jubtriforis ) ftipulis l'dginalibus , foliis
ternaiis. Hort. Cliff. ^ §8.
Reft-harrow with pantadated flov.'ers y
generallv growing three upon a foot-ftalk ,
iheath UkefiipuLt and trtfoliate leaves , or
purple srubby refî-harrow.
Il le pourroit que cette espèce fût le a°. i
A R R 44^
de M, Duhamel qui efl auflî notre n". i ;
mais comme la phrafé trançoife dans cet
auteur porte qu'elle efl d'Efpagne , & que
Miller aOlire que celle-ci efl originaire ics
Alpes, nous les avons (éparées , en atten-
dant que nous foyons à portée de lever cettC'
difficulté.
4. ^/Tf/f-iœz//cpincux à fleurs^ r^.
afiiles ,^ latérales & folitaires. j '^'^<^'^^-
Arrête-bœuf des phannaco-' r,
pôles. ( France.
Anonis floribus fnbfffdibus , \
folitariis , lateralihus , caule f
fpinofo. Hort. Clff. 3§c). i Angleter,
Rcjl-harrow withfnn^^le flowersy
fitiingclofe to the jides of the\
branches and a prickly fialk. jAllerna'^,
Petcy whin. ^
5 . Arrête-hoouf àèi^-mt à fleurs~) j^.
lolitaires , latérales & aflii'es. | '''
Anonis floribus fuhfe ffdibu s ,
ihtariis y lateralibus , ram
inermibus. Hort. Cliff'. ^ £g.
ace.
Angleter.
AllemaŒ.
Angleter.
folitariis, lateralibus, ramis\ ''^'"'^'
-'lermibus. Hort. Cliff'. J^ r
Reft-harrow withfnglefiowers |
ftting clofe to the flalks and
branches witliout fpines. J --"•"•"'"6*
6. Arrête - bœuf -^ branches^ Vivace.
traînantes & à leuilles velues.
Anonis caulibus procnmben-.
tibus , floribus fubfcflllibus , ^France,
folitariis foliis hirfutis. Mill. /^
Refl-harrow with trailingX ff''''^^J^'
flalks & hairy leaves. J blonneuf
7. Arrête-bœuf à. fleurs foli-") ,,.
taires, terminées par un fil. i^ivace.
Anonis pedunculis unifloris t
foliis ternatis. Hort Cltfl^.j^S. \^'';''.'f
Reft-harrow wuh one flower ,meridion.
on cach foot ftalk which are ter- | „^
minatedby athread, &c. broad- l^JP'^S'^'^'
leaved. J
8. Arrête-bœuf i\ fleurs foli-
taires & terminées par un fil , -à \ .
tige rameufe & velue , à feuilles ^'"2«"-
dentelées. |
Anonis pedunculis unifloris \ „
filo terminatis , caule ramofo , "^'^^S'
villa fo , foliis ternatis , ferra- {
tis. Mill. I
Broad- leaved erecl refl-har- |
row of Portugal.
Ggg 2.
France
méridion.
444 A R R
9. Arrtte-hœufÀ fleurs aflàfes ,
latérales , dont toutes les feuilles
(ont trifoliées & munies de pédi
Gulcs & V llipules hériflées.
Aïonis flor'ibiis fejjilibas la-
te.ral'.bus , foliis omnibus ter-
nati<: petiolatifqne , flipuUsfe- ,
tace'is. Linn. Sp.pl- J 17. \
Reft-harrow wichjtowcrsjît- ' & Italie
tinir dbfe to the Jides of the i
fiaïks , ail the leayes trifoiiate |
çroDv'/!!,' upon foot fialks and 1
"briflly Jlipuhv. .
"10. y//Tfrf-/'o;i://à deux fleurs j
fur un pédicule , terminées par Annuel.
un fil. . . . i
Anonis pedunculis bifloris,filo \
terminatis. Pivd. Leyd 376. î Sicile..
Rep-harrow with two fiowers I
upon a foot-flalk -ivich are ter-\
minatcd by a tread. )
II. Arrcte-bœuf -A trois feuil-
les 6c à trois fleurs lur des pé
dicules latéraux & nus.
Anonis pedimculis axillaribus
trifloris midis foliis ternatis
Hort. Clijf. 3 5S-
Refl-harrciv n^ith nakedfpoi:-
falks to the Jides ofthe branches
fitjiaining three flovers & trifo-
iiate le.wes.
ïX. Arrête-bœuf i\ cinq fleurs^
fur un pédicule latéral, à tiges
éparfes &; tombantes , à |euilles
trifoliées, & à liliquesluniformes.
Anonis pediinculis quinque /lo-
ris, axillaribus, caulibus di}fu-
f.s procumbentibus, foliis terna- i
m, legurninibuslunulatis. Mill. C
Relt-harrou' •^■ichjii-e fiowers
onafloot-fialk, proceedingfreni
the Jides ofthe branches , dijfu-
fed trading ftalks y trifoiiate
leaves Ù moonshaped pods. -'
13. Arrc ce-bœuf dout les fly-''
les des fleurs font ovales , mem-
braneulès & entières.
Anonis ftipnlis floralihus ova-
tis , memhranaceis , integerri-
mis. Prod. Leyd. 576'.
Rcfl-harrow with aval , en-
tité 3 mcmbranoceous JiipuL?. J
} Annuel.
'^Alpes.
Bifann.
, Virginie.
Annuel.
>
Barbades.
Vipace^
Caroline^
Annuel:.
Iles dé^
l'Ameriq.,
A RR
14.. Arrête -bœuf à feuilles^
ovales , lancéolées & entières ,
A ti^e droite , herbacée , à épi
de fleurs terminal. .
Anonis foliis ternatis lanceo- X
latooi'atis integenimis , caule
erecfo herbaceo , racemo ter- j
minali. Mill. \
Carolina reft-harrow. 1
1 5 . Arrête-bœuJ à épis mêlés .
de feuilles fimples & obtuies. ^Annueli.
Anonis fp ici s J'olicJisJimpli-{
cibus,obtiiJis. Linn. Sp.pl.JiJ. r Port.
Rejl-hancw widi leafyfpikes <■. vfoafnf
and Jingle obtufe leaves. _ , ^JP^'Z^^*-
1(5. Arrête-bœuf \{t\.\\\it% tri-"l Italiet
foliées ovales , à pédicules très-
longs , & à filiques velues.
Anonis foliis ternatis , ora-
tis , petiolis longiffimis , legu- S
minibus hirfutis. Mill..
' Reft-harrow with oral trifo-
iiate leai'es grouing en lery
long footftalks and hairy pods.J
Les trois premières eipeces font de petits,
ai-briil'eaux qui ne parviennent guère qu'à la-
hauteur de trois pies. les efpecesn". i &3;
pîuvent s'élever en pleine terre , & n'ont;
rien à redouter du troid dans les provinces,
feptentriona'es de la France. La première ert-
indigène d'El'pagne. Selon Miller , la troi--
fieme croît naturellement dans les Alpes..
La féconde vient de l'Efpagne & du Portu-
gal : en Angleterre elle demande d'être
abritée pendant les mauvailes failons fous
des chaflls à vitrages.
Les première & troifieme forment de
très-jolis arbrifleaux , par les épis de grandes
fleurs couleur de rofe qu'ils portent à la fin
de mai , ou au commencement de juin :■
on doit les planter en première ligne dans leS;
mallîfsdcs bofquets de ces mois , ou dans.
les plate-bandes qu'on peut former en avant:
de ces maflîfs.. Ils s'élèvent fort bien des,
fcmences & marcottes. Les fdiques fontt
mûres au commencement de Septembre :.■
on les cueillera alors pour 'les confcrven-
dans un lieu icc. Au mois de mars on en
tirera les graines qu'on femera dans de pe-»-
tires ca'flcs préparées & garnies, fuivant k'
méthoc'c détaillée à Varticle CypRKS.
Comme les graiucs font médiocreiuçoL-
A R R
jfofTcs, il fluidra les couvrir d'environ un
dcmi-poiice de terre. Les cniHes doivent être
plongées lîins une couche tempérée , mais if
ne faut pas les trop ombrager , ni les trop
arroler. La féconde année on mettra les petits
arbulles un à un dans des pots. Au bout de
ticuK ans on les en tirera avec la motte pour
les planter à demeure.
Les marcottes ie font en juin , fliivant la
méthode indiquée à l'amWe Alaterne.
La féconde automne elles feront (uffilam-
racnt enracinées , & on pourra les enlever.
Les el'peces ^.^ /^ Ù 6 ont des tiges ligncu-
fes qui fe foutiennent bien avant dans l'iiiver,
& qui ne périflent même qu'en partie vers la
fin de cette faifon ; mais comme elles tracent
beaucoup , on n'oie les employer pour la
décoration des Jardins.
Nous croyons que l'efpece n°. G eÇ^l^ano-
nls pnjîlla. , rillofa & vifcofa de Tourne-
tort. Les petits poils dont cette plante e(l
couverte font imprégnés d'une lorte de glu :
l'odeur forte & aromatique que répandent
{'i$ feuilles , lorfqu'on les froiire , ne décelc-
t-el!e pas des venus qu'on ne s'eft pas encore
tivifé d'y chercher? Peut-être cette elpece en
a:-t-elle de plus puiflantes que celle n°. 4 em-
ployée dans la pharmacie , celle-ci paiîè pour
ê;re apéritive , diurétique & emmenagogue.
Ses préparations s'emploient pour l'iâere , la
colique néphrétique &: le icorbut.
Linnïus en changeant le nom à^anonis en
ononis , n'a fait que fuivre l'étymologie que
donne Tournetort. Le botanifle françois dit
que le nom de cette plante dérive du mf)t
grec o'.iQ- , âne , parce que cet animal la
broute volontiers. Tout le monde lait que
le nom françois d^arrêtc-hivuf, lui vient de
ce que fes racines fortes & traînantes réfil-
tent aux efïiirts du coutre & du foc. (M, le
b^nvi DE TSCHOUDI.)
* Cette plante donne dans l'analyle chymi-
que beaucoup d'huile , de iel acide , & de
terre ; une quantité médiocre de Iel fixe , &
très-peu d'ei'prit urineux. Ces principes lont
enveloppés par un lue vilqueux , qui le dé-
truit par le feu. Le fuc de la bugrande ou
arrête-hœuf ^ rougit un peu le papier bleu.
Ses feuilles ont une laveur de légume, lonr
fétides &■ gluantes : c'eft ce qui a tait dire à
M. Tournetort , que cette plante ell com-
gofée d'un fel prefque fcmblabie au tartre
A R R 44y
vitriolé , enveloppé dans du phicgme , &
dans beaucoup de terre & de (oufrc.
On compte communément fa racine par-
mi les cinq racines apéritives. En etiet , elle
refont puiliamment les humeurs éiiaifîès ,
elle efl falutaire dans les obilruflions rebelles
du foie & delà jaunide , elle foulage dans la
néphrétique &: les lupprcflions d'urine. S.
Pauli la regarde comme un excellent remède
au calcul des reins & de la vcflîe. Matthiole
la recommande pour les excroilïances char-
nues. Ettmullcr la croit utile pour le fiirco-
cele. Voye\ Matière médicale de Geoffroy ,
le refle du détail de fes propriétés , & les-:
compofitions qu'on en tire.
AR!\ETE , f. m. terme de palais, fignific
une rélolution ou détermination prife par-
une cour de judicature , en conféquence-
d'une délibération , & qu'elle n'a pas encore:
rendue notoire par un arrêt ou jugement..
Vojeici-dejfus ArrÈT. (H)
Arrêté d'un compte , en commerce ,.
c'eft l'acte ou écrit qu'on met au bas d'un'
compte, par lequel comparant enfemble le
produit de la recette & de la dépenie , oii'
déclare laquelle des deux excède l'autre ; ce-
qui rend le comptable débiteur, fî l'excé--
dant eil du côté de la recette; au contraire-
l'oyant compte , fi c'eft du côté de la dépenfe
que l'excédant fe trouve. On l'appelic auiH-
finito de compte. V^^oye^ FinitOj
AruÊTÉ , fe dit encore dans les fociétés
de marchands & dans les com[iagnies de
commerce , desréiolutions priles parlesafTo-
ciés ou directeurs à la pluralité des voix. {G)
Arrêté, adj. terme de blafon , fe dir
d'un animal qui eft fur fes quatre pies , fans
que l'un avance devant l'autre \ ce qui efl
la pofture ordinaire des. animaux que l'on
appelle pajjans. .
Baglione marquis de Morcone à Florence,
& Bâillon comte de la Sale -A Lyon , dont il^
y a eu un évêque de Poitiers , d'azur au lion
léopardé d'or arrête &c appuyé de la patte
droite de devant fur un tronc de même ,
trois fleurs de lis d'or rangées en chef,
lurmontées d'un lambel.de quatre pièces dé.
même. ( V)
ARRÊTER , V. au. en bâtiment , t{[-
affurcr une pierre à demeure , maçonner les-
iolivcs , &C. c'eft aufli fceller en plâtre , en.
ciraentj en plomb, <&c. (P),
44^
A R R 'A R R
AviKÛTEK Tiiitillerie, terme de mdrine, [Ce font des gales & tumeurs qui viennent
dont on Te fcrt pour fignifier attacher un
coin avec des clous , fur le pont , immédia-
tement derrière l'aiiut de grands canons ,
pour les teo'r fermeinent attachés aux côtés
du vaiflêau , afin qu'ils ne vacillent point
quand le vaiifeau b.ilance , & que par ce
moyen ils ne courent pas rlique d'endom-
mager les bords du vaiileau. ( Z )
Arrêter , en jardinage , le dit de Fac-
tion d'empêcher un arbre ou une palifÏÏuie
de monter haut : on les coupe à une cer-
taine hauteur , pour ne pas les laiiTer e:npor-
ter ni s'échapper. On le dit auiîi des melons
& des concombres , dont on abat des bras
ou des branches trop longues. {K)
Arrêter, fendit, en peinture , d'une
cfquiiîe , d'un dellm fini , pour les dilHn-
guer des croquis ou efquilfcs légères. Un
deffin arrêté , une eiquiflè arrêtée.
On dit encore des parties bien arrêtées,
loriqu'ellcs font bien terminées , bien recher-
chées. (R)
Arrêter, en terme de metteur en œu-
vre , n'efl autre chofe que fixer la pierre en
rabattant les fertiflures d'elpace en efpace ,
afin d'achever de la lertir plus commodé-
ment & avec moins de rifque.
Arrêter un compte , ( Comm. ) c'eft
après l'avoir examiné & vérifié fur les pièces
jufiificatives , & en avoir calculé les diiiérens
chapitres de recette & de dépenie , en taire
la balance, déclarer au pié par un écrit figné,
îefquels des uns ou des autres font les plus
forts. On dit auili /o/<i^r «/2 c'o/;2jDrÉ'. Voye\
Compte 6" Solder.
Arrêter un mémoire , arrêter des parties,
c'eil régler le prix des marchandées qui y
font contenues , en apoftiller les articles ,
& mettre au bas le total à quoi ils montent
avec promcfîe de les payer & acquitter dans
les temps convenus.
Arrêter , fignifie aufll convenir d'une
chofe , la conclure , en tomber d'accord
avec les aflociés. IL a été arrêté de faire un
emprunt de cent mille écus au nom de la
fociété. yoye\Soc\tTt.
AIIRÈTES ou Queue de rat ,
( terme de maréchal. ) ce font des croûtes
dures & écailleules qui viennent aux jambes
des chevaux , qui rongent le poil , & que
l'on trouve quelquefois le long du tendon.
(ur les nerfs des jambes de derrière du chc-
v'al , entre le jari'et & le paturon.
Les arrêtes {ont de deux eipeces : il y en
a de crullacées &: de coulantes. Les pre-
mières font fans écoulement de matière ,
les fécondes fe difiinguent par des croûtes
humides , d'où découle une iérolité rouflâ-
tre , dont l'âcrcté ronge trcs-louvent les té-
gumens : on doit les mettre au rang des
maladies cutanées, qui attaquent les chevaux,
& qui ont toutes Icurlource dans une lym-
phe ialée , plus ou moins iicre , & plus ou
moins viiqueule.
Si les arrêtes font feches , le meilleur
remède eft de les emporter avec le tcu , &
d'appliquer defl'us l'cmmiellure blanche.
Lorlque l'elcarre efl: tombée , on deiîechc
la plaie avec des poudres defllcatives : fi
les arrêtes font coulantes lans cnRure , on
les guérit avec )'onguent verd , décrit pour
la gale. Mais on peut dire en général que
cette maladie & toutes celles qui viennent à
la peau du cheval, demandent, lorlqu'elles
lont portées à un certain point, un traitement
intérieur.
Les arrêtes font un vilain mal en ce qu'il
dépouille la partie du poil ; mais il ne porte
aucun préjudice notable au cheval. On
appelle aufil arrêtes les queues des chevaux
dégarnies de poil , qu'on appelle queues de
rat. { -f- )
ARFIHABON AIRES, f m. pi. ( ThéoL
Hifl. eccl. ) nom qu'on donna aux iacramen-
taires dans le xvj^ iiecle, parce qu'ils difoient
que l'euchanllie leur étoit donnée comme le
gage du corps de Jefus-Chrill , & comme
l'invefiiture de l'hérédité promiie. Stancarus
enfeigna cette dodrine enTranfilvanie. Pra-
téole au mot Arrahah.
Ce mot efi dérivé du latin arrhaou arrhabOy
arrhe , gage , nantiiîemeiu. Les catholiques
conviennent que l'euchariitie eît un gage de
l'imtr.ortalité bienheureufe : mais que c'eft
là un de fes eflets , &: non pas fon elTence ^
comme le loutenoient les hérétiques dont il
ell ici quelîion. { G )
ARRHEMENT oi/ENHARREMENT,
fublK m. en commerce, c'efi line convention
que l'on fait pour l'achat de quelque mar-
chandile , iur le prix de laquelle on paie
quelque chofe par avance. J^oje^ ARRHES.
A R R
Savari , Diclionn. du commerce ^ tome I,
P^g^ 737-
ARRHENE , ( Geog. ) contrée d'Afie ,
dans I;i grande Arménie. I! y en avoir encore
une de ce nom dans l'Arabie heureule , ha'oi-
téepar di-s Arabes vagabonds , laquelle Stra-
bon nomme Ararejie. ( C. A. )
ARRHER ou ENARRHEPv , ( Comm. )
c'eft donner des arrhes. Voye\ ARRHES.
Ce verbe eil iiilté dans quelques ordon-
nances , pour aller au devant des marchaîids,
& acheter les denrées avant qu'elles loient
arrivées aux ports ou marchés.
Les ordonnances de police détendent à
tous marchands , regrattiers , &c. d'aller au
devant des laboureurs & marchands tora'ns
pour anher les grains ou les marchandiles ,
& les acheter avant que d'être arrivées lur
les ports ou aux marchés ; comme auili
à'eiiharrer ou d'acheter tous les blés en verd.
Il y a aufli différentes communautés ou
corps de métiers de Paris , entre autres celle
des bonnetiers , par les ftaruts delquelles il
eil défendu d'arrAer par les chemins les mar-
chandifes deftinées pour Paris , comme cCar-
rher dans Paris aucun ouvrage de bonnete-
rie qui n'ait été vu & vifité par les maîtres
& gardes de ce corps. ( G )
ARRHES , r. f. pi. en droit, eft un gage
en ai-gent que l'acheteur donne au vendeur ,
pour lûreté du marché qu'il tait avec lui. Si
le marché eft conCommé par la fuite , les
arrhes font autant d'acquitté fur le paiement;
& fi l'acheteur rompt , les arrhes relient au
vendeur pariorme de dommages & intérêts :
c'eft la condition fous laquelle les arrhes ont
été données. V. Denier-a-DIEU. {H)
* Les arrhes ont quelquefois un etTet plus
rigoureux ; celui qui les donne eft obligé
d'exécuter exactement le marché qu'il a tait;
& dans le cas où il refufe de l'exécuter , la
perte des arrhes qu'il a données ne fufSt pas
toujours pour ia décharge : on peut le pour-
fjivre pour le paiement du prix entier du
marché arrêté.
ARRL\NA , {Géog ) ville de Germa-
nie , au département de la Panoaie norique.
On croit que c'eft aujourd'hui Attenhoven ,
bourg d^ Autriche liîr le Danube. ( C.A. )
ARRL\NE , ( Gc'kÇ. ) ville d'Afrique au
royaun;ie de Tunis. ECe eft petite , & n'a
pour habitani que des laboureurs &: des .
. A R R 447
jardmiers; mais quelques morceaux d'archi-
tecture & de Iculptin-c que l'on y trouve ,
tont conjecturer qu'elle étoit anciennement
plus confidérable. ( C. A. )
ARRIENNES , on Airiennes , ou
Erenmes , ( Géog. ) montagne de France
en Normandie , à une lieue de Falaife , du
coté de l'occident ; elle eft connue par fcs
oifeaux de proie , & par quelques médailles
antiques que l'on y déterra dans le XVI=
liecle. C'eft dans fbn voifinage , mais dans la
plaine , qu'cft fitué le village d' Arne , où l'on
prétend que la mer envoie les eaux de temps
en temps par des conduits fouterrain;; 2: in-
connus , & que là , formant un petit lac
très-poiilonncux , ce lac tantôt le maintienr
à une hauteur confidérable, tantôt Çt defle-
che abfolument. Ce qu'il y a de certain , c'eft
que ce village n'eft baigné d'aucune rivière
ni d'aucun ruifîèau , & qu'il eft à plus de
huit lieues de la mer. {^C. A.)
ARRIERE , f. m. on poupe , {Marine. )
c'eft la partie du vaiffeau qui en tait l'arriére,
& qui eft foutenue parl'étambord , le trépot
& la lilTe de hourdi ou barre d'arcailê. On
comprend ordinairement fous le nom d'ar-
rière &c de poupe , cette partie du vaiffeau
comprile entre l'artimon & le gouvernail ; où
Ton trouve la dunette , la galerie , la cham-
bre du capitaine, &'c. Voy. ArcASSE,
Faire vent arrière, c'eft prendre le vent en
poupe : on dit auiTi, venir vent arrière, porter
vent arrière , & aller vent arrière. Le vaif^
feau qui porte vent arrière , ne va pas li vite
que quand il fait vent largue , & qu'il porte
de vent de quartier; fuj^oiant que dans l'une
& l'autre navigation , le vent foit d'une égale
force : car ayant vent largue , toutes les voiles
fervent & prennent le vent de biais ; au lieu
que lorfque le vent eft en poupe , & qu'il
porte également entre deux écoutes , la voile
d'artimon dévoie une partie du vent à la
grande voile , & celle-ci à la mifene , les
dernières faifiint toujours obftacle à celles
qui les préccdent.^ ^oje:{ Largue.
Fajferà l'arriére d'un vaijfeau; c'eft aller
fe mefre à Varnere d'un vaifleau , ou le tail-
ler pailèr devant & fe mettre à fa fuite.
Demeurer de l'arriére ,- fe trouver de
l'arriére à l'atterrage fuivant l'eftime de les
routes, V. Navigation & Naviger.
SUR LA Terre.
44S A R R
Mettre un vaijfeau de V arrière ; c'cfï le
dépafler & le laiilèr derrière foi. ( Z )
Arrière , terme que l'on joint avec un
autre mot , pour taire fignilîerà ce mot quel-
que choie de poftérieur , qui eil derrière ;
oppofë à ai'ant ou Jerant. Voye^ AvANT.
Arrière , en terme militaire, fignific la
partie pollérieure d'une armée ; c'eil: l'oppoié
de front ou face. Foye;; Front.
ArrierE-GARDE ; cMl la partie d'une
armée ciui marche la dernière immédiatc-
ment après le corps de l'armée , pour empê-
cher les deferteurs. Voye^ Garde.
ArrieRE-DEMI-FILE ;ce font les trois
derniers rangs d'un bataillon qui ell rangé iur
fix hommes de profondeur. V'oye:[ FiLE.
ArrieRE-LIGNE ; c'cll la Icconde ligne
d'une armée campée , qui eft éloignée de
trois ou quatre cents pas de la première ligne
ou du fronr. f^o)'<f;j LiGNE.
ARRIER.E-RANG ; c'eft le dernier rang
d'un bataillon ou eicadron , quand il elt
campé. Voye\ RANG.
Toutes ces applications du terme di arrière
ne s'emploient guère à préfent , fi ce n'efl
pour lignifier la partie de l'armée qui mar-
che la dernière , c'cll-à-dire ^arriere-garde :
car on dit, féconde ligne d'une armée , &
non arrière-ligne , & dernier rang d'un ba-
taillon , &CC. {Q)
ArriERE-GARDE , (Marine.) Var-
riere-garde d'une armée navale , c'eit la divi-
fion qui fait la queue de l'armée , & c'ellauffi
celle qui eft fous le vent. ( Z)
ARRIERE-BAN , f. m. ( Hifl. mol )
terme de milice ,- c'aft la convocation que le
prince ou le fouverain fliit de toute la no-
bleflé de fes états pour marcher en guerre
contre l'ennemi. Cette coutume étoit autre-
fois fort commune en France , où tous ceux
qui tenoient des fiefs & arriere-fiets , étoient
obligés fur la fommation du prince de le
trouver à l'armée , & d'y mener félon leur
qualité , un certain nombre d'hommes d'ar-
mes ou d'archers. Mais depuis qu'on a in-
troduit l'ufage des compagnies d'ordonnance
& les troupes réglées , Varriere-han n'a été
convoqué que dans les plus prcflântes extré-
mités. On trouve pourtant que fous Louis
XIV Varrierc-ban a été convoqué pendant
la guerre qui commença en 1688 , & fut
terminée par la paix de Riivick. Dans ces
A R R.
occafions la noblefle de chaque province
rorme un corps léparé , commandé par un
des plus anciens nobles de cette province.
Il y a des fiunilles qui font en pofléirion de
cet honneur. En Pologne, fur les univer-
iaux du roi ou de la diète , les gentilshommes
lont obligés de monter à cheval pour la dé-
tenlc de l'érat , & l'on nomme ce corps ds
Ciwaleiie Fofpolite. VoyeT^ POSPOLITE.
Quelqu.s-uns dil'cnt que le ban efi: la pre-
mière convocation , & Varriere-ban la fé-
conde ; comme une convocation réitérée
pour ceux qui ont demeuré arrière , ou qui
ne fe font pas rendus ;\ temps à l'armée.
D'autres tont venir ce nom d'iieri bannum^
proclamation du maître eu du fouveraia
pour appeller les iujets au fcrvice militaire ,
ous les peines portées par les loix. VoyeiL
Ban. (G)
ARRIERE-BEC d'une pile , en terme de
nviere , c'efl la partie de la pile qui efl fous
le pont du côté d'aval.
ARRIERE-BOUTIQUE , en Architec
ture. V. Magasin de Marchand. [F)
ARRIERE - CHANGE , eft la même
chofe que l'intérêt A(^s intérêts. Voyei^
Intérêt.
ARRIERE-CHCffUR , voyez Chœur.
ARRIERE-CORPS , en Serrurerie ; ce
font tous les morceaux ajoutés au nu d'ua
ouvrage, de manière qu'ils en foient excédés;
en forte qu'on pourroit dire que fi l'avant-
corps fiiit relief fur le nu , le nu au contraire
fait relief fur Yarriere-corps. Les rinceaux
& autres ornemcns de cette nature ne font
jam-ais arriere-corps. Des moulures formées
fur les arrêtes de barres de fer ou d'ornement
tormeroient fur le nu des barres dont elles
porteroient le quarré , arriere-corps. Les
avant & arriere-corps dcvroient être pris
dans le corps de la pièce , &: fi on les rap-
porte, & s'ils font des pièces détachées , c'efl
feulement pour la faciCté du travail d' éviter
ladépenfe. Fq>-c;j AvANT-CORPS.
AWVxmKE-COUV., en Architeclure, efl
une petite cour qui dans un corps de bâti-
ment fert à éclairer les moindres apparte*
mens , gardes - robes , efcaliers de dégage-
ment , ùc. Vitruve les appelle mefauLv. (P)
ARRIERE-FAIX ell , en anacomie , la
membrane ou tunique dans laquelle étoit en-
veloppé l'entant dans l'utérus. V. FcETUS.
Oo
A R R.
On l'appelle aind , parce qu'il ne fort
qu'après l'enfant , comme par un fécond
accouchement ; c'eft aulli ce qui lui a fait
donner le nom de délivre. f^oye^DÉtiVRE.
Les médecins l'appellent aulTi fccondine ,
encore par la même raifon. Il contient le
placenta & les vaiflcaux ombilicaux, ( Z )
Il a quelques uiTLgcs en médecine : on ào\t
le ciioilir nouvellement (orti d'une femme
faine &c vigoureiifc , entier , beau ; il con-
tient beaucoup de Ici volatil & d'huile. On
l'applique tout chaud, fortaiit de la ma-
trice, lur le vf(agc , pour en etfacer les len-
tilles. On en fiit diftiUcr de l'eau au baia-
nari? pour les taches du vilage; on s'en fert
auili à Piiuérieur , mis en poudre, pour
répi'..'plic , pour hâter l'accouchement, pour
appaitèr les tranchées : la do(e en eft de-
puis un demi-lcrupule jufqu'à deux fcru-
pules. ( N )
ARRIERE-FERMIER, terme fynony-
me à fous-fermier. ( H )
ARRIERE -FIEF, {Jurifp.) c'eft un
fief qui dépend d'un autre fief. Koje^FiEF,
Les arrière -fiefs commencèrent au temps
où les comtes & les ducs rendirent leurs
gouvememens héréditaires. Ils diftribuercnt
alors à leurs officiers certaines parties du
domAine royal, qui étoient dans leurs pro-
vinces, & ils leur permirent d'en gratifier de
quelque portion les foldats qui avoient fervi
lous eux. Voye7^ Comte, Duc. {H)
ARRIERE - FLEUR , terme de chamoi-
feitr ; c'eft un refte de fleur que l'on a oublié
d'«niever de delfus les peaux en les effleu-
rant. Voye^ Effleurer , Fleur.
ARRIERE- FONCIERE ( Rente ) , ter-
me de coutumes , fynonyme â fur -foncière.
Voyc:^ ce dernier. {H)
ARRIERE-GARDE , terme de droit cou-
tumier,ç{l une forte de garde qui a lieu quel-
quefois dans les coutumes où la garde appar-
tient au roi ou au feigneur , commeen Nor-
mandie ; dans le cas où il échet une garde
feigneuriale à un mineur , qui lui-même , à
caufe de fon bas âge , eft en la garde de fon
lâigneur ; car alors la garde de T'arriere-vaf-
Cz\ tourne au profit du feigneur fuzerain, &
c'eft ce qu'on appelle arriere-garde ; &cela
en conféquence d'une maxime de droit , que
celui qui eft fous la puillance d'autruine peut
pas exercer la m:me puiflance fur un autre.
Tome III.
A H R 449
C'eft par la même raifon qu'un fils de fa-
mille en pays de droit écrit, n'a pas fcs en-
fans fous lii puiflance ; qu'un elclavc ne peut
pas poflëderdes efcLaves , ni un mineur exer-
cer une tutelle, f^oye[ Garde , Fils de
FAMILLE, Tutelle, ùc.{H)
ARRIERE-MAIN, ( Maréchall. & Ma-
nège. ) c'eft tout le train de derrière du
cheval. ( V)
Arrière - MAiM , terme de Paumi^t ,
prendre une balle d'arrrere-mnin , c'eft la
prendre à (a gauche. Pour cela il faut avoir
le bras plié, & l'écoidre enlachaflanc.
ARRIERE - NEVEU ou ARRIERE-
PETIT-NEVEU , terme de généalogie^ & de
droit , eft le petit-fils du neveu , ou fils du
petit-neveu. Il eft diftantdela louche corh-
mune ou de fon bi*'aieul au cinquième de-
gré. Voy^iT>s.GKi. ( H)
ARRIERE -PAN AGE, term; de droit,
uiicéeii matière d'eaux & forêts , qui iignifie
le temps auquel on laifle les beftiaux paître
dans la forêt après que le panagc eft fini.
Fbje^PANAGE. ( H)
ARRIERE-PETIT-FILS ou arriere-
PETITE-FILLE , c'eft le fils ou la fille du
petit-fils ou de la petite-fille , defcendans en
droite ligne du bifaieul ou de la bifaïeule
dont ils font diftans de trois degrés, yoye^
Degré. (H)
ARRIERE-POINT , f. m. manière de
coudre que les couturières emploient aux
poignets des chemiles , aux furplis , &c fur
tous les ouvrages en linge où il s'agit de tra-
cer des façons ou des deffins. Pour former
\' arrière-point on commence par féparer avec
la pointe de l'aiguille un des fils de la toile ,
qu'on arrache fur toute la longueur où l'or»
veut former des arrière - points. Qiiand ce fil
eft arraché , on apperçoit les fils de la chaîne
feuls , fi c'eft un ni de trame qu'on a arra-
ché; & les fils de trame feuls, fi c'eft un fil
de chaîne : on paflc l'aiguille en deflus ; on
embraflè en dcllous trois fils df chaîne ou
de trame ; on revient repafler enfuite fon
aiguille en deflus dans le même endroit , &c
l'on embraflè en deffous les trois premiers filï
& les trois fuivans ; on repafTe fon aiguille
en deflus , entre le troifieme & le quatrième
de ces fix fils; l'on continue d'embrafTcr en
deflbus les tiols derniers fils avec les trois
fuiv.ans , & de repafler fon aigi'lle en defTus j
Hhh
450 A R R A R R
entre le troifieme & le quatrième des fix \ que , pour ainfi dire , il les lailTe enarrierel
derniers fils embraffés; & à chaque fois on
forme ce qu'on appelle un arriere-poiiiL Si
l'on n'eût embralîe d'abord que deux fils ,
on eût fait des arrière -points de deux en
deux fils , mais l'opération eût été la même.
Si l'on veut que les arricre-points aillent en
zig-zag , on n'arrache point de fil : mais on
compte ceux de la trame ou de la chame ,
car cela dépend du fens dans lequel on tra-
vaille la toile ■■, ëc l'on opcre comme dans le
cas où le fil cft arraché , laiHant à droite ou
à gauche autant de iils que le dernande le
deflln qu'on exécute , _& embrallant avec
Ion aiguille autant de fils perpendiculaires
aux fils laifles, qu'on veut donner d'étendue
à fes arrière-points. Mais il faut obierver
dans le cas où les arrière-points font en ligne
droite & où l'on arrache un fil , d'arracher
un fil de chaîne ou un fil p.uallele à la Uile-
te , préférablement à un fil de trame , les
points en feront plus étroits & plus ferrés :
ce qui n'eft pas difficile à concevoir ; car la
trame paroillànt toujours moins que la chaî-
ne, la maticrc qu'on y emploie eft moins
belle & plus grolîe ; d'où il arrive que l'ef-
paee que laiilé un fil de cette matière , arra-
ché , eft plus grand & plus large.
ARRIERE-VASSAL , terme dejurifprii-
éencc féodale , eft le vallal d'un autre vailal.
Fbye:^^ Vassal & Arriere-fief. ( H)
ARRIERE-VOUSSURE , coupede pier-
res ; c'eft une forte de petite voûte dont le
nom exprime la polition , parce qu'elle ne
fe met que derrière l'ouverture d'une baie
de porte ou de fenêtre , dans l'épaifleur du
mur , au dedans de la feuillure du tableau
des pié-droits. Son uGige eft de former une
fermeture en plate - bande , ou feulement
bombée ou en plein cintre. Celles qui font
en plate-bande à la feuillure du linteau , &
en demi-cercle par derrière , s'appellent ar-
riere-voitjfure-faint- Antoine , parce qu'elle eft
exécutée à la porte Saint-Antoine à Paris.
Celles au contraire qui font en plein cintre
à la feuillure & en plate-bande par derrière,
s'appellent arriere-voujfure de Montpellier.
ARRIÉRÉ , adjeâ;. dans le commerce , le
dit d'un marchand lorfqu'il ne paie pas ré-
guHérement fes lettres de change , billets,
' fromedes , obligations , & autres dettes , &
(G)
ARRIMAGE , f. m. ( Marine. ) Ce mot
exprime l'arrangement de tout ce qui entre
dans l'intérieur d'un vailleau ; mais il déligne
d'une manière plus particulière la façon dont
font arranges dans la cale , le left , les futail-
les , les quarts de viande &c ceux de farine ,
&c. & c'eft en ce fens que je vais traiter de
l'arrimage.
Il eft d'u fage que le foin de l'arrim.-:gc ,
toujours joint avec le détail de tout le v^aif-
leau , ne regarde point les officiers qui iont
d'un grade (upérieur à celui de lieutenant
de vaifleau ; mais c'eft ordinairement au
plus ancien d'eux à qui le capitaine le con-
fie. Dans le bâtiment où le fécond n'eft
point au defl'us de ce grade , c'eft le fécond
même qui en eft chargé. On donne toujours
le nom delieutenant-en-pié à l'officier chargé
de l'arrimage , de quelque grade qu'il foit.
Il choiiit pour travailler ious les ordres un
contre-maure & un certain nombre de
matelots qui ne quittent point la cale , &
ne font occupés que du foin de l'arrimage ,
& qui pendant tout le cours de 'a campagne
font également chargés d'une façon particu-
lière de tout ce qui entre dans la caîe , &
de tout ce qui en fort : on diftingue ce
contre-maître par le nom de contrc-m.ahre
d'arrimage , & les matelots font diftingués
auffi par le nom de gens de la cak.
On commence par bien nettoyer le vai!-
feau , décharger le vieux left , laver , balayer
& vifiter les lumières &: les conduits bits
pour laillèr couler l'eau juiqu'aux pompes:
îorlque ces précautions Ibnt priles, on
embarque le left. On doit fe régler pour la
j quantité qu'il en faut prendre fur les dim.en-
lîons du vailTeau , fur le poids de fachsrgc;
car le même vaiffeau ne doit pas toujours
porter la même quantité de left à toutes fes
campagnes , parce qu'il n'a pas à toutes la
même Ibmme de poids à porter.
Pour déterminer la quantité de left qu'il
convient d'embarquer dans un vailleau neuf
& qui n'a point encore été à la mer, la règle
la plus sûre feroit de prendre la quantité en
poids que doit porterie vailleau pour être a
fa charge la plus avantageufe , 8é c'eft au
conftruéieur à la donner , & d'en fouf-
trairc le poids de la mâture, gréement.
A R R
reclinngc , artillerie , munitions de guerre &:
de bouche , des hommes avec leurs armes
& bagages , & généralement de tout ce qui
doit entrer dans le vailkau , le refte donne-
roit la quantité de lell qu'il faut prendre
( lorlqu'on fuit cette règle , on cllime ù trois
cents livres le poids de chaque homme <!k de
fcs effets) : mais la difficulté de cuber routes
ccschofeSj &c le peu de certitude que l'on doit
avoir fur le jaugeage du vailleau tait par
le conftrutteur , rendent cette méthode
prefqu'impraticable. Dans la pratique on le
contente donc de juger du mieux qu'on
peut des capacités du vailleau, de le com-
parer avec celles d'un vailleau de même rang
qui a navigué , & de déterminer là-dellus
la quantité deleff que l'on doit prendre. Si
levaiffeaua déjà été à la mer, on fè règle
fur l'état que l'on tient à chaque campagne
de Varrimagd du vaiileau , tk de la façon dont
il s'eft componé. La fimilitude des vailTeaux ,
&: le pouvoir que l'on le ménage d'ajouter
une certaine quantité de left à la charge ii
le vaiffeau n'etoit point affez plongé dans
l'eau lorlqu'il eft entièrement armé , rendent
cette méthode luftilante , quoique fort détec-
tueuie par elle-même. On ne peut pas de
même retirer du lefflorfque Vûnimûgecîifim
& que le vailleau eft trop calé, maison y fup-
plée à la mer en ne remplaçant point en poids
les confommationsjournalieresque l'ony fait.
On lefte tous les vailleaux avec du fer &
des pierres. Le left de fer eft compote de
vieux canons , de bombes &c de boulets de
rebut , de tronçons d'ancres , £'c. & il eft
aflujetti par des lifteauxde bois cloués lur
le fond du vaifTeau. On l'embarque le premier,
obfervant de le tenir éloigné d'un pié & demi
ou de deux pies de chaque côté de la carlinge,
parce que la réunion rendroit les mouvemens
du rouUs trop vifs , &; fatigucroit beaucoup
la mâture : on ne l'éloigné pas trop non
plus de la carlinge , pour qu'il ne foit point
rtppuyé fur l'extrémité des varangues , ce qui
pourroit nuire au vaiffeau & le trop délier.
La quantité de left de fer eft déterminée
par la quantité totale du left que l'on veut
prendre , parce qu'elle eft ordinairement
environ le tiers de toute la fomme : on s'en
rapporte à l'eftime pourla mefurer , & c'eft le
maître canonier du port qui fait cette eftime.
On fent combien cette méthode peut trom-
A R R 451
per , & il feroit bien plus convenable d'avoir,
comme dansquelques endroits , des (aumons
de fer depuis cinquante jufqu'à deux cents
livres qui porteroient la marque de leur
poids. On y trouvcroit le double avantage
ie favoir exaélement la quantité de left de
fer qu'on embarque , &: de le pouvoir
diftribuer également , & de forte qu'aucune
partie ne feroit plus furchargée que l'autre.
Le Lft de pierre s'embarque enluite : le
meillcureft celui qui n'eft ni trop gros ni trop
petit ; mais propre à Lien engraver les futailles
qui portent deîfus : qui cff net & point mêlé
de terre , & dont la pefinteur fpécifiquc lui
tait occuper le moins de place. Un bâtiment
chargé de left vient s'amarrer le long du vaif-
ieau d'où on le prend pour le vuider dans la
cale. On le mefure ou avec des mannes donc
on compte le nombre & dont on apefé quel-
ques-unes pour avoir le poids moyen en cha-
cune , ou par le jaugeage du bâtiment même
qui l'apporte , ou enfin onlemclure avec une
caille iufpendue au deff'us du grand pan-
neau , ik fait pour contenir un tonneau leu-
lement , que l'on vuide lorfqu'elle eft plei-
ne en laiflant tomber le fond , qui, tenu par,
une charnière , peut s'ouvrir & fe refermer.
Ces trois méthodes pour connoître le poids
du left ne peuvent donner qu'un à-peu-
près à caufe de la difficulté de cuber les bâti-
mens qui le portent , & parce qu'on remplie
plus ou moins les mannes ou la caiffe , qui
d'ailleurs ne pefent point également fous
un volume égal. Il y auroit une autre mé-
thode que voici & que je rire des papiers
d'un officier de la marine diftingué , &
dont le nom feul formeroit l'autorité la plus
complète. " Elle confffte , dit-il , à faire
une romaine dont le plateau feroit une
caille telle que celle dont on vient de par-
ler , &c dont la verge feroit une barre de
cabeftan. On fufpendroit cette romaine au
grand panneau par le moyen de cordes que
l'on attacheroit à des barres mifes fur le
fécond pont : à l'autre extrémité de la verge ,
on mettroit un poids qui feroit en équilibre
avec la caillé , étant remplie & pelant un
tonneau. On rempliioit cette caifle , &
dès qu'elle feroit lever le poids du bout
de la verge , on feroit sur que le left qui
y ieroit peferoit un tonnealu. Cette métho-
de paroit d'autant meilleure , qu'elle ne pa-
HhK 1
4-5 i A R R
roit avoir aucun des iuconvénieiis des prc-
ccdenrcs, & qu'elle ne (eroir p:»s bien em-
hirriflanre : li on trouvoit que h pelanteur
d'un tonneau fut trop grande on pourroit
faire la caille d'un demi-tonneau. "
On doit avoir l'attention , lorlqu'on em-
barque le left de pierre , de mettre en de-
hors du vaifleau un prélat qui prenne de-
puis le fabord par ou on le fait palier, jui-
que dans le bâtiment qui l'a apporté , afin
qu'il n'en tombe point à la mer entre les
deux bâtimens , ce qui à la longue pour-
roit giter le port. On met auffi des plan-
ches en dedans du vailleau appuyées îur le
feuillet de ce même fabord , par lequel on
embarqué le left , & fur lefquelles on fait
courir les mannes pleines julqu'au grand
panneau , ou jufqu'à la caiflé où on les
vuide. A mefui e qu'on le jette dans la cale ,
les matelots ont loin de le répandre avec
des pelles & de le placer comme on a dé-
terminé de le faire , foit en avant, loit en
arrière , foit en dos d'âne , foir d'une ma-
nière horizontale ; c:s tout le monde n'eft
pas d'accord fur la façon de placer le left ,
ëc c-'cft ce dont il faut ici parler,
Plufieurs perfonnes veulent qu'on place
le left de façon que le vailfeau ait la mcme
oJiférence de tirant d'eau après qu'il eft
îefté, qu'auparavant lorfqu'il ctoit entière-
ment vuide. Cette méthode Hms doutepeut
être fuivic avec fucccs dans quelques bàri-
mens, mr.is en faire une règle générale &
v.niverfclle , la mauvaife foi & l'entêtemenr
peu'^ent feuls le confciller. Qiie l'on com-
pirc en effet deux vaiilèaux dont l\in ait
bcaucoap de cap.itité de l'arriére relative
îTïent à l'avant , S< donc l'autre au contraire
«1 ait beaucoup de l'avanc , & peu de l'ar-
jierej il eft évident que le premier de ces
vaifleaux étant entiéremciit vuide , aura
peu de dilfértjice de tirant d'eau , & que
l'autre en aura une çoniîdérablei G cepen-
dsnton lefte ces deux bfttimcns , en les laif-
fclnt à la mçmc difFiicnce que chacun d'eux
-avoir avant d'être iefté , il arrivera que com-
me dans les vailleaux la place de la plupan
des cho.'es tft marquée , & qu'on ne peut
changer , par exemple , la f laee des canons ,
des cables , des ancres , &c. il arrivera ,
dis-jc , que le premier vaifTeau dont les ca-
pacités OC raiïicre font grandes ne colcw
A RR
pas plus fous fa charge par l'arriére que par
l'avant : au contraire même , comme les
poids placés de l'avant dans les vaifleaux
font beaucoup plus conlidérables que ceux
que Ion place de l'arriére , ce vaifleau peut
être réduit à n'avoir point du tout de diffé-
rence , ou même à tirer plus d'eau de l'a-
vant que de Parritre: Se l'expérience, ainlî
que le railonnemenr , démontrent qu'un
vaifleau ainll arrimé navigueroit très-mal,
& ne gouverneroit point. Le fécond viiC
(eau toniberoit dans un autre excès , moins
nuilible à la vérité, mais qui contribv.eroit
aulÏÏ à le faire mal navigvKr. Il faut donc
placer le left de forte qu'il mette le vaiffeaii
à une différence telle que le refte de la char-
ge le ramené à celle qui lui eft la plus avan-
tageufe pour le bien comporter à la mer.
C'eftau conftrucfteur qui a tait le vaifleau à
la calculer &: à la donner ; comme cepen-
dant , quelqu'habile qu'il foit , il peut fe
tromper, on a la précaution d'avoir du left
volant que l'on puiffè placer en avant ou
en arrière pour corriger fbn erreur , Se ra-
mener le vaifleau à la différence du tirant
d'eau qu'on veut lui donner. Lorsque le
vailTeau a déjà fait campagne , on doit rou-
jours s'informer de la fiçon dont il étoit ar-
rimé , & dont il s'eft comporté , car il eft
d'un grand avantage de pouvoir s'appuyer
Iur l'expérience.
On ne convient point non plus générale-
ment que l'on doive placer le lelt horizon,-
talemtnt 6c de niveau ; quelques perfon-
nes le relèvent en dos d'âne au milieu du
vaifleau , & le font aller en baillant vers
les côtés. Cette méthode eft cependant peu
fuivie, & elle paro't fujette à quelques in-
convéniens i le left plus raraafle au cen-
tre , rei-.d les mouvemens du vaifleau plus,
Vifs , & les futailLs qui doivent porter
fur le left, participmt à cette pofltion ,
fcrr.bknt moins bien afljjettics.
Les matelots qui répandent à droite Se à
gauche dar.s la cale le left que l'on y jette ,
s^'aflurent de la diftribur'on égale qu'ils en
lont , à l'aiJe d'une hgne verticale que l'on
trace liir une des apontilles , & d'un fil h
plomb attachéau haut decette même apontil-
le. On po'eune reg'c fur le left . & .avec un
grand niveau pareil 1 c ux des menuiflers eu
desnwçoH$,.on î'aflure s'il eft bien hori«
A R R
zcnul ; & quant à la polîrloii fi:r l'avant
ou fur l'srritre , on la dirige en examinant
joiivcnt le tirant d'eau : il faut pour cela
avoir artcntion que le vaifteau ne loit point
lurcliargé d'aucun poids qui puille rendre
cet examen faux «Se inutile ; Se li l'on ne peut
s'en debarralltr tout à fait , au moins uoit-
on en diminuer l'inconvénient tn le plaçant
vers le centre du vailleau.
Le ki\ volant dont on a parlé plus haut ,
fe met osdinaiiement ious la plate-forme
de la folle aux cables , & on ne le change de
place que dans le cas cité où 1 on veut mettre
le vailleau à un tirant d'eau différent. Ce
Icft volant cft en fer , ts; compote de pièces
maniables «Se affez régulières.
Lorlque le left ell: embarqué & diftri-
bué , on doit prendre le tirant d'eau du
vailleau tant de l'avant que de l'arriére , &
en garder la note afin de s'en tenir à ce
mî-me tirant d'eau , fi le vailleau s'eft bien
comporté à la mer , ou de le changer 11 l'on
juge qu'il étoit dcfavantageux. Au retour
de la campagne , on doit communiquer cette
noce avec toutes les autres remarques faites
fur le vailleau , afin que ceux qui iront cn-
fuite dellus à la mer puillènt en profiter :
c'cft au contrôle du port que l'on fait ce
dépôt. Le left arrangé , on travaille à l'ar-
rimage des futailles ; on fe règle pour la
quantité que l'on doit en prendre , fur le
r.ombre d'hommes d'équipage que l'on a,
fur les traverfées qu'on a a faire , & fur ce
que la cale peut contenij. L'ordonnance
fixe , dans les vaiflcaux de guerre , à une ba-
rique & un quart d'eau par jour la provifion
nécelkire à cent hommes ; &c tout vailleau
qui fait un voyage de long cours , prend au
moins les futailles nécelTnres pour loixante-
dix jours d'eau. Il eft effènriel dans la façon
de faire Ion arrimage , de le rendre fclide ,
6i; de bien ménager le terrain : pour remplir
ce dernier objet , on melure la cale avec
exactitude en rous fens , depuis la cloifon
de la folle aux c'bles , où on doit com-
mencer à mettre les futailles , jufqu'à la
cloifon de la foute aux poudres ; & comp.a-
rant fes proportions avec celles des futailles ,
on fe détermine au choix & à l'arrangement
?|ue l'on juge les plus avantageux. C'eftaulïî
ur cet exameji que l'on po'c une cloilon
dont l'uiage eft de leparer l'eau du vin, 6<
A R R 45 3
qui forme deux cales , dont celle de l'arriére
deftinée pour le vin, ell lans communica-
tion avec la grande cale ou cale à l'eau.
Cette cloilon s'appuie ordinairement fur
l'avant du faux-bau , qui cil le plus près en
arrière de la cloilon de l'arcloi-pompe qui
fait face à l'avant du vailleau : cependant ce
qui doit lervir de règle , c'cft de la placer
de forte qu'on ne perde point de place , &
3u'il ne relie point un vuide inutile entre le
ernier rang de futailles 6'c la cloifon.
On embarque les futailles à l'eau vuides ,
&: on les delcend dans la cale avec les palans
d'étai, & le bredindiii. La longueur des fu-
tailles le met dans le fens de la longueur
du vailleau ; & on commence à placer celles
qui doivent toucher la cloilon de la folle aux
cables. La largeur du v.-iifleau , à cet en-
droit , détermine fi le nombre des futailles
qui doivent former ce premier rang , eft pair
ou impair ; s'il eft pair , c'eft l'entre-deux
de deux pièces qui répond au milieu du
vailleau -, s'il eft impair , on pôle la première
pièce au milieu m3me du vailleau , & on
met les autres à droite & à gauche jufqu'à
toucher les deux cotés. On met des pièces
plus petites aux extrémitc's du rang , fi le
vailleau trop étroit ne permettoit pas d'en
mettre de même grolleur , ou l\ les façons
élevoient les deux dernières futailles plus que
les autres. Toutes ces futailles doivent être
enfoncées dans le left de quelques pouces de
profondeur , afin qu'elles fo'cnt mieux afi'u-
jeuies ; & on braie cette partie pour qu'elle
ne participe point A l'humidité du left : on
appelle cela les engraver. Il faut que le trou
de la bonde foit bien au defTus ; que chaque
pièce ne loit pas plus élevée de l'avant que de
l'arriére , qu'aucune d'elles ne fe dépafle ni
en hauteur ni par les bouts > & que toutes fe
touchent par le ventre fans ceir^r d'avoir
leur lor.gueur parallèle à la longueur du vaif-
leau. On les place dans cetce lituation à
l'aide de deux boats de corde , piHis Ious la
fut.a;lle en avant & en arrière , avec lefqueis
on peut la foulcver , 5c retirer ou avancer le
left qui eft deilous ; puis on s'aflure qu'elles
l'ont acquiie avec la règle & le niveau. A
mcfure que chaque pièce eft en place , on
l'appuie avec des cailloux du left, jufqu'à ce
que le premier rang étant fini , on vilite de
nouveau li toutes les pièces font bien dans la
454 A R R
iituation où elles doivent être. Alors on
met entre chaque futaille , tant pardeflous
que pardefl'us , de petits rondins de bois ou
des bûches fendues & taillées exprès , qui
remplillent exaftement le vuide occafioné
par leur rondeur ou bouge. Ce bois porte le
nom de bois à' arrimage : il eft uniquement
deftiné à cela ; on le choilit droit , & on lui
donne peu de longueur , parce qu'il en eft
plus commode & plus propre à remplir Ion
objet. Entre la dernière pièce &c le côté du
yaifièau , il faut mettre le plus de bois que
l'on peut , pour bien affermir routes les fu-
tailles , & leur oter tout moyen d'acquérir du
jeu par les roulis du vaiftèau.
Qiielques perfonnes veulent laiffer un
pouce ou deux d'intervalle entre les futailles,
de crainte qu'elles ne s'écraient dans le rou-
lis ; & ils ne les aftermillent que par les bois
qu'ils mettent entre deux : mais cette mé-
thode paroît mauvaife. On perd du ter-
rain , &c les pièces au contraire femblent
moins bien aflujetties ; car ù le bois n'eft pas
mis avec force entre elles , elles peuvent ac-
quérir du jeu , alors elles fe choqueront &
courreront bien plus de rifque que fi elles fe
touchoient.
Le premier rang fini , on en fait un fé-
cond. Quelques-uns veulent que les pièces
du fécond rang correlpondent à celles du
premier ; d'autres veulent que le centre
de chaque pièce réponde à l'entre ' deux
des pièces du premier rang : la première
méthode eft plus généralement luivie ; ce-
f)endant l'on doit f uivre celle qui procurera
e plus de place ; &: l'on doit pour cela con-
fulter à chaque rang la largeur du vaifleau
qui varie. On continue ainfi à faire des rangs
toujours avec les mêmes précautions que l'on
a employées pour le premier , jufqu'à la
cloifon qui fépare les deux cales. Quelque-
fois on eft obligé de placer les futailles d'au-
près de l'archi-pompe dans un lens contraire
à celui des autres futailles , c'eft-à-dire , de
les placer perpendiculairement à la longueur
du vaifleau : on appelle cette façon - là ,
dans quelques endroits, mettre les pièces en
fireton,
j.. La fomme de tous ces rangs s'appelle
plijn : Se \ç plan dont on vient de fuivre le
détail , ou le moins élevé qui porte diredte-
cae;it lur le left , s appelle pranittr plan. Les
A RR
futailles qui compofent le premier plan ,;
font ordinairement dans les gros vailleaux
des pièces de quatre ; dans les frégates , des
pièces de trois, & dans les corvettes, des pièces
de deux : cette règle n'eft cependant poinc
invariable.
Il y a eu des bâtimens dans lefquels , par
un défaut de conftrudtion , on ne pouvoir
point mettre de left de l'avant ou de l'arriére j
alors on met des fagots au fond du vaifleau ,
fur lefquels on arrime les futailles , parce
qu'elles ne feroient jamais auffi ftables , fi
elles portoient fur le vaigrage même. Quel-
quefois aulTi , lorlqu on craint moins de char-
ger le bâtiment lur l'avant que lur l'arriére ,
on commence V arrimage par l'arriére , parce
qu'en plaçant les futailles , on pouffe toujours
un peu de left vers le coté oppofé à celui par
lequel on commence à arrimer. Une atten-
tion plus importante eft de favoir quel-
quefois fe paflèr de fofle aux cables , & de
commencer Varrimage dès la cloilon de la
foffe aux lions ; dans ce cas , on met les ca-
bles fur un faux-pont qui porte lur les faux-
baux. Cette méthode n'eft point toutefois
exempte d'inconvénient , & il en refaite que
les cables font plus difficiles à manier, &
qu'ils font fujets à être gâtés par l'eau , que
l'on eft dans la néceflîté de prendre & de
mettre dans la cale , is: dont il eft prelque
impolTible de garantir les cables. On peut
gagner aulfi du terrain en engr.ivant les fu-
tailles jufqu'à la bonde ; il faut alors avoir
l'atteiition de la hrayer entièrement , pour
les ptéferver de l'humidité du left.
Le premier plan étant fait , on remplit
les futailles d'eau ; on n'attend même point
toujours pour cela que le plan entier loit fini.
On fe fert , pour remplir les futailles , d'une
manche quelquefois de cuir , mais plus or-
dinairement de toile Ibutenue par les quatre
coins à deux barres de c.ibeftan , miles en
travers du panneau du milieu lur le lecond,
pont. La manche delcend dans la cale par
le grand panneau ; & un matelot en intro-
duit le bout confécutivement dans chaque
futaille. On loutient la manche avec des
planches dans les endroits où elle s'appuie ,
afin de lui donner une direûion plus droite,
qui facilite à l'eau de couler , ik. l'empêcher
de ie crever fur les inégalités du bois A'arri-
mage. On a foin encore de mettre unemaiinc
ARR
à l'eDibouchure Je h m.inchc , pour qu'il
n'y tombe aucune ordure. L'eau eft appor-
tée à bord dans les b.iriques que l'on hille
dans le vaiflèau avec les palans d'étai ; on
appuie ces banques dans ks deux barres de
cabelbn , qui Ibunennent la manche. Se
on les vuide ainfi dircdemcnt dan:; la man-
che. La poiition du palan d'étai , perpendi-
culaire au grand pum'eau , appelî.; les ba-
nques que l'on hille à cette même direc-
tion ; & elles s'y rendroient avec une
vivacité dangereufe , dès qu'elles viennent
à parer le bord &; à pouvoir s'échapper au
delllis du panè-a\'ant , li l'on n'y remédioit
par le moyen d'un cordage que l'on appelle
trape , que l'onamarrede derrière aux grands
haubans ou à quelque tr.quet , & qui le rend
fur le gaillard d'avant, où un matelot le re-
tient après lai avoir lait faire un tour ou
deux fur un taquet ou jambe-de-chien. Ce
cordage retient la barique ; & elle ne peut
fe rendre à fon appel qu'à mefure que l'on
file de la trape. Cette fa(jOn d'embarquer
l'eau cft la plus ufitée , quoique la plus péni-
ble &c la plus longue ; parce qu'on ne peut
s'en procurer de phis commode dcns la plu-
part des ports : lorfqu'on le peut , on fe lert
de citernes flottantes , qui contiennent de-
puis 30 jufqu'à jo tonneaux d'eau : elles
âccoftent le vaiflèau ; & par le moyen des
pompes alpirantcs &: foul'.ntes dont elles
font m.unies , on fait palier l'eau dans les
futailles. Quelquefois le vaiflèau va s'ammar-
rer auprès d'une fontaine ; & on fait venir
l'eau à bord à l'aide d'une manche amarrée
fur le tuyau de la fontaine: ce derniermoyen
fur-tout ert extrêmement avantageux , parce
qu'il eft très-expéditif , & ne donne nulle
peine. Aulïî-tot qu'une pièce eft pleine , on
cloue pardeflus la bonde un morceau de
toile à voile pour tenir lieu de tampon. Avant
de travailler au fécond plan , on vihre (î les
pièces du premier n'ont point coulé, pour y
. remédier ou les changer.
Ce premier plan fait , on travaille à fiire
le fécond , c'eft-à-dire , à placer d'autres
futailles pardeifus celles qui portent fur le
left. Quelquefois les pièces du (econd plan
font aulîl grofles que celles du premier ,
quelquefois elles lont plus petites : cela dé-
pend de la hauteur de la cale & de la quan-
tité d'eau qu'il faut embarquer. En général
ARR 45s
plus les pièces font grofles , & moins on
perd de place. On commence le fécond plan
par l'avant ; cv on pofe les pièces ou directe-
ment lur la bonde d , celles du premier plan
ou bien dans l'entre-deux des pièces , fuivant
le terrain qu'il faut toujours ménager. On
obfcrve d'ailleurs pour ce fécond plan exac-
tement les mêmes précautions que pour le
premier ; <!^ c'cft avec le bois iWirrimag^
qu'on les appuie & qu'on leur donne la hcua-
tion qui convient. Si ce fécond plan ne fuf-
fit pas , on en fait un troifieme.
Les futailles pour le vin s'arriment dans
la cale au vin de la même manière que l'on
a arrimé celles qui contiennent l'eau. On
les engrave dans le left; ou on répand au fond
de la cale des fagots (ur lefquels elles por-
tent : on les accore avec du bois d'arri-
mage , & on leur donne la même fitnation
horizontale , &'c. Pour les remplir , on fe (ert
d'une manche de cuir , placée au deflus
du panneau de la cale aux vivres , comme
on a placé celle de l'eau au deflus du grand
panneau. On hifle à bord les bariques de
vin que l'on a pril es aux magaiuis , Se on les
vuide dans la manche , dont le bout def-
cend dans la cale , & eft introduit coniécu-
tivement dans chaque futaille. On l'appuie
fur des planches pour qu'elle ne le crevé
point fur les inégalités du bois d'arrimage ,
Se on place des gens surs à l'embouchure de
la manche , dans l'entre- pont par où elle
pafle , & dans la cale pour empêcher qu'on
ne prcnn.e du vin , ou que quelqu'un ne
perche la manche , & avertir Ci elle couloir.
L^n officier inipeéte toujours ce travail. Pour
ne point répandre de vin en changeant la
manche d'une futaille à l'autre , on met un
trévire :iu bout de la manche pour la mieux:
ferrer qu'avec la main : ce trévire eft une
corde qui entoure la manche par le moyen
de laquelle on peut la ferrer en tordant cette
corde avec force , à l'aide d'un morceau de
b-ois. On bouche les pièces aufTi-tôt qu'elles
Com pleines avec un tampon de hcgc, Sc
on cloue pardeffus une plaque de fer blanc.
Cette façon d'embarquer le vin eft lujette à
l'éventer ; auflî lorfqu'on n'eft point trop
preflé dans fon armement , on defcend les
bariques de vin dans la cale , & en les vuide
dans les futailles déjà arrimées , par le moyen
d'un grand entonnoir ; mais cette méthode
45^ A R R
eO: beaucoup plus lente. On ne peut guère
cependajit le difpenfer de s'en fervir , lorf-
que le vin cft fulpeét ou a peu de corps. Si
l'on embarque de l'eau-de-vie pour la boif-
fon de l'équipage , on ne la Hiit jamais palier
par la manche ; mais on emploie ce dernier
moyen. Il eft plus convenable encore de ne
point du tout la tranivaier, mais d'en arri-
mer les pièces pleines S: telles qu'elles vien-
nent des vivres : il faut pour cela que les
futailles foient bonnes & bien cerclées. Lorl-
qu'un premier plan de vin ne fuffit pas , on
en fait un fécond imaistoujoursdeux luffifenc.
C'eft dans la cale au vin que l'on plice
les quarts de farine , les quarts de viande ,
les banques de fromage , celles de marue ,
& enfin tous les vivres de l'cquipige , aux
légumes & au pain près , qui ont des foutes
particulières. On arrange le tout le plus con-
venablement qu'il e(ï poiïîble , pour que les
cho(es ne fe gênent point les unes les autres,
lorfqu'on veut s'en fervir & les confommer,
{jour ménager la place , & pour que tout
ibit lolidement établi. La cale au vin ne
s'étend pas toujours jufqu'à la cloifon de la
foute aux poudres : ordinairement même ,
en fait un retranchement que l'on appelle
cave du capitaine , formé par une cloifon
mile en avant de la loute aux poudres , &
qui termine la cale au vin. Son nom fèul
déligne alTez quel cft l'on ufage : elle fert
auffi au capitaine à ferrer grand nombre de
provifions qui lui font ncceflaires pour fa
table. La cave du capitaine n'eft cependant
pas toujours fituée en cet endroit ; quelque-
fois on la fait entre la cale de l'eau ts: celle au
vin des deux cotés de l'archi-pompe. Lorf-
que les quarts de farine &c de lard ne pcu-
venr pas tous tenir dans la cile au vin ,
on en place dans la cale à l'eau , & On a foin
alof s de conlommer ceux-ci les premiers.
Dans l'arrimage de la grande cale , on doit
avoir attention de rclerver une place pour
pouvoir y faire un échafaud , en cas de com-
bat , pour les malades & les bielles. C'efl:
encore dans la grande cale , au delliis du
rroideme plan ^n: en avant à toucher la cloi-
fon de la folfe aux cables que l'on met le
bois à briiler : on en place aulïi dans tous
les vuides que laillènt entr'elles les différen-
tes chofcs qui fe pl.icent au dcfl'us du troi-
ficme plan. De fc romlire lonr les bariques
A R R
deflinées à aller faire de l'eau dans la'clia-
loupe pendant le cours de la campagne ; les
barils de galère , &c. On affermit bien le
tout , & on le rend inébranlable même dans
le roulis le plus fort. Il n'eft pas difficile de
fentir l'importance attachée à la folidité de
l'arrimage; auffi y apporte-t-on lesplusgrands
foins. On allure cependant qu'il y a eu des
vaillèaux dans lefquels l'arrimage s'étôit dé-
rangé à la mer ; dans pareils cas , il faudroit
chercher la relâche la plus prociiaine , Hc
remédier cependant au plutôt , & du mieux
que l'on pourroit, à ce contre-temps. (J/.
le chevalier DE LA Coudraye.)
ARRIMER , V. acl. ( Alarme. ) c'efl:
placer &c arranger d'une manière convena-
ble la cargailbn d'un vaiflèau. Un vaiffeau
mal arrimé , eft celui dont la charge eft mal
arrangée , de façon qu'il eft trop fur l'avant
ou lur le cul , ce qui l'empêche de gouver-
ner : cela s'appelle lur les mers du levant ,
é:re mal mis en e/live, C'eft aufTî un mauvais
arrimage , lorfque les fiit.TJlles le déplacent
Se roulent hors de leur place : de forte qu'el-
les fe heurtent , fe défoncent , &: cauicntdc
grands coulages. Par l'ordonnance de 1671,
il eft défendu de défoncer les futailles vuid-js ,
&de les mettre en fagot, &c otdonné qu'elles
leront remplies d'eau ialée pour lervir à l'ar-
rimage des vaillèaux.
ARRIMEUR , f. m. Voy. Arrumeur.
ARRISER , amener , abaijfcr , mettre bas,
v, aâ:. ( Marine. ) on dit qu'un vailleau
a arrifé fes huniers , fes perroquets , pour
dire qu'il a baiffé ces lortcs de voiles»
Arriser les verges , ( Marine ) c'eft les
bailler pour les attacher fur les deux bords
du vibord. (Z)
ARRIVAGE, f. m. terme dépolie; , qui
fîgnihe l'abord des marckandifes au port. {H\
Ai^RIVER ou obéir au vent, terme de
marine. Pour arriver , on poulie la baire du
gouvernail fous le vent , îk: on manœuvre
comme fi on vouloit prendre le vent en
poupe , lorfqu'on ne veut plus tenir le vent:
ainli on fait arriver le vaifttîau pour aller à
bord d un autre qui eft fous le vent , oupoiiT^
éviter quelque banc.
Arrive \ cela fe dit par commandement
au timonier pour lui faire poullèr le gou-
vernail , afin que le vaifteau obéillê au vent,
& qu'il mette vent en poupe.
Arrivf
A R R
Arrii-t fous le vent à lui , n'arrive fd.f ;
c'cft un coinm.indemenc au timonier, pour
qu'il gouverne le vailleau plus vers lèvent,
ou qn il tienne plus le vent.
Arrive tout; terme de commandement
q\ic rofiîcicr prononce , pour obliger le ti-
monier À pou fier la barre fous bTcntjCorainc
s'il vouloir fairc veut arrière.
Akvjvzv. fur un vaîjfer.u , c'eft aller à lui
en cbi-ifTint au vent , ou en mettant vcat en
poupe.
ArvRiVF.R â bcnpor! , z'cÇi.-\-iÀïzheureu-
fcmcnt. ( Z )
ARROCHE , ( Botanique. ) en latin
atriplex ; en anglois, arack ; en îllemai-.d ,
mddc , genre de plante compolée de plu •
lîenrs étamines (ans pétales. Les ét.'.minc$
forrcnt d'un calice à cinq feuilles. Le
pift.l devient dans la fuite une /emence
plate & ronde , enveloppée par le calice
ou par une capfule. On trouve fur le même
pié A'arTcch.e une autre force ce fruit qni
n'eft précédé par aucunes fleurs ; il com-
mence par un embryon , qui devient cnfuite
un fruit IxMucoiip pl'js étendu, compoféde
deux feuilles échancrécs en forme de cœur ,
t< places ; elles ren.ferment w\z femence
arroi:die &applarie. Tournef. Injl. rei ha-b.
^'f'v.:^ Plante.
* C'-n en dilb'ngue trois efj^ccs , la blan-
che, la rouge, la puaute. La blraîche &
la rouge ne Jitierent que par la couleur : on
les cultive dans les potagers , elles font
annuelles ; mais quand une fois on les a
femées, elles fe renouvellent d'elles-mêmes
pr la clîùre de leurs graines. On les fait
cuire , (Se on les mange comme les autres
herbes potagères; maiselles font plusd'ufage
dans la médecine que dans les cuiiînes; on
en emploie les feuilles & les graines. La
blanche donne dans l'analyfe une liqueur
d'abord limpide , puis trouble , enfin jaunâ-
tre , d'une odeur &: d'une faveur un peu
faiée , lixivieufe , qui indique un fel falé
&alkali; une liqueur jaimàtre , foit {i\k'c,
foit alkaline urineuie ; une liqueur brune
imprégnée rie fel volatil urincux. & de l'iiui-
le. La madè noire reftée dans la cornue,
calcinée au feu de réverbère , a laids des
cendres dont la leiïîve a donné du fel 'ciy.t
purement alkali. Ainfi Vnrroche blmctie
contient un fel ellèntiel , falc , ammoiiiacai
Tome IIL
A. il R 457
&iiitratx, tel que celui qui itffultcroit du
mjlangedel'efprit-deniire &: du fel volatil
urineux , mûlés avec un.c grande portion
d'huile, & délayés d.'us un peu de terre 5c
dans beaucoup de phlegme,
L' arrache , loit louge, foit blaiiclie ,
nourrit peu , nuit à l'cfloniac , à moins
qu'on ne la corr!gepar<.'esarom.ites,du fel
&c du vinaigre; elles font utiles cLmis le:;
bouillons par lefquels on 'e propcfe de lâcher
le ventre; elles font rafraichiilàntes Hc humec-
tantes : on les met au nombre des émoUien-
tes. Elles conviennent fort aux hypocondriar
ques ; elles tempèrent les humeurs acres &■
bilieuîcs qui bouillonnent dans les premières
voies ; on les fait entrer dans les lavemens
émoUiens & anodins , &: cians les cataplaf-
rnes, pour arrêter les inflammations, appar-
ier les douleurs , amollir les tumeurs , relâ-
cher les parties tendues , £v.
Les graines fraîches d'arroche blanche
lâchent doucement le ventre & font vomir,
Serapion raconte que Rhasès avoir vu un
homme qui ayant pris de la graine à'armche^
fut violemment tourmenté de diarrhée lJ; de
vomiflemcnt. Qiiclques-uns les recomman-
dent dans la jaunille&: le rachicis.
Uarroche puante analylée dorme unt
hqueur limpide d'abord , puis jaun'itre ,
d'une odeur & d'une laveur falée lixivieufe,
& qui marque h préfcnce d'un Ici alkali
urineux; urxe liqueur d abord jaunâtre , en-
fuite roufsâtre, filée, foit alkaline urineufe,
ioit un peu acide; une liqueur brune empy-
reumatique, imprégiiéede lel volatil urineux;
du lel volatil urineux concret , & de l'huilç
en confiilance de graifl'e. La malTè reftée
dans la cornue , calcinée au feu de réver-
bère, a lailîé des cendres dont on a tiré par
lixiviation du lel fixe purementalk^li. Toute
la plante a une o.^eur puante , ammoniacale
& urineufe ; elle eft compnf e d'un fel
ellemiel ammoniacal , prc'que développé ,
& mêlé de beaucoup d'huile grofficrc. Elle
paile pour anti-hyPcériqux : -elle chalfe les
accès hyftériques par fon oleur ; c'eft là
fur-tout la propriété de l'iuiufion chaude de
fesfeuillcs. On peut recommmier les teuilles
fra chcs, pilces & miles en confiture avec
le fucre , au:; femmes tourmentées de ces
ifteétions. On peut, félon M. Tourncfort ,
employer au même
uC'iRC la teinture des
li i
458 A R R
feuilles dansrefprit - de - vin , 5c les lavemens
de leur décodion,
AKKOCHE,{Arinfcau. ) Foyei Pour-
pier de mer.
^ ARROÉ , ( Géographie. ) petite île du
Danemarck dans la mer Baltique , au nord
de l'île de Dulfen , entre l'ile de Fionic Si
le Sud-Jutland. Long. s.j , ao ; lat. ££ , 3.0.
* ARROJO DE SAINT - SERRAN,
petite ville d'Efpagne dans l'Eftramadure.
Long.i%, 10 ; lût. ^8, 40.
ARRONDI , adj. terme de blafon : il fc
dit des boules &: autres chofes qui font ron-
des naturellement , & qui paroiffenc dere-
chef par le moyen de certains traits en armoi-
ries , qui en font voir l'arrondilTemenr. ( V)
*Medicis, grands ducs de Florence, d'or
à cinq boules de gueules enorle , en chef un
tourteau d'azur chargé de trois fleurs de lis
d'or.
Je nomme boules les pièces de geules de
ces armoiries, parce que dans tous les anciens
monumcns de Florence & de Rome , on les
voit arrondies en boules.
ARRONDIR un cheval, {Mancge.) c'c(i
le drefler à manier en rond , foit au trot ou
au galop , foit dans un grand ou petit rond ,
lui faire porter les épaules & les hanches uni-
ment Grondement, fans qu'il le traverle &c
feiettede côté. Pour mieux arrondir un che-
val , on fe lert d'une longe que l'on tient dans
le centre, jufqu'àcequ'ilait formé l'habitude
de s'arrondir &c de ne pas faire des pointes. On
ne doit jamais changer de main en travaillant
fur les voltes , que ce ne foit en portant le che-
val en avant , & en Varrondijfant. ( V)
Arrondir , v. aél. terme de peinture. On
arrondit les objets en fondant leurs extré-
mités avec le fond , ou en diftribuant des
lumières & des ombres vives fur les parties
{aillantes qui leur donnent du relief & qui
font fuir les autres. {R)
Arrondir , parmi les horlogers , en géné-
ral c'ell mettre en rond les extrémités des
dents d'une roue ou d'un pignon ; mais il
iîgnitie plus parriculicrement leur donner la
courbure qu'elles doivent avoir. On dit
qu'une roue eft bien arrondie , lorfque les
dents ayant la courbure convenable , elles
fe renembicnt toutes parfiitement , Ik que
leurs pointes (ont prccilémcnt dans leurs
axa. Qiieltjucfois ccpeudauc on cil oblige
A R R
de s'écarter de cette dernière condition qui
n'eil point ellèntiellc , & qui n'eft que
d'agrément , parce qu'en général dans les
horloges , les roues tournant toujours dans le
même fens , les dents n'ont befoin d'être
arrondies que du feul côté où elles mènent le
pignon. On leSiîrro/:(//;des deux côtés, pour
pouvoir feulement dans-diffcrens cas faire
tourner les roues dans un fens contraire à
celui où elles vont lorfque l'horloge marche.
Koye:^ Dent, Aire, Roue, Pignon»
Engrenage , &'c.
Il y a en Angleterre des machines qui
fervent à arrondir les roues , au moyen de
quoi leurs dents font plus régulières , & cela
diminue la peine de l'horloger. Il eft étonnant
qu'on n'ait pas encore tâché de les imiter
dans ce pays -ci. Il ell; vrai que cetre macliine
peut être difficile pour la conftruétion & l'e-
xécution ; mais le fuccès de celle des Anglois
doit encourager. ( T)
Arrondir , cAe? les chapeliers , c'eft
couper avec des cifeaux l'arête du bord'
d'un chapeau , après y avoir tracé avec de
la craie un cercle , au moyen d'une ficelle
qu'on tourne autour du nœud du chapeau.
V'oye^ Chape AU.
ARRONDISSEUR , fub. m. en tertm
de tabletier-cornetier , eft une elpece de cou-
teau dont la lame fe termine quarrément,
ayant un petit bifeau au bout , G au tran-
chant qui efl; immédiatement au delîbus. Il
fert à arrondir les dents.
ARROSAGE , f. m. fabrique de !a poudre
à canon : c'eft ainli qu'on nomme dans les
moulins à poudre, l'adiion de verftr de
l'eau dans les mortiers , pour y faire le liage
du falpêtrc , du foufre & du charbon fous
les pilons. On fait un arrofige de cinq en
cinq heures : pour cet effet on arrête les
batteries ou le mouvement des pilons. Voy.
Poudre a canon.
ARROSER , V. :ia:.i Jardinage.) La terre
eft pénétrée d'une humidité bienfiilante Si
d'un feu modéré qui s'exhalent de Ion fein, Sc
que lui rendent les régions de l'air par les
rayons (olaires , les pluies &: les rolees. Ce
font les gruids moteurs de la végétation des
piantes : Dieu leur difpen'e avec mclure £c
h chuleurdes jours & la fraîcheur des nu:ts.
Cependant cette balance n'eft pas toujours
li t'gak , que Ici végétaux n'aient 1 foufirir
A R. R.
par fou dérangement : c'eft à notre indunrie
à les fecourir ; elle cft aulTi un don du grand
bienfaiteur.
Les humides vapeurs que raffcmblent les
doiïces nuits d'été ; ces globules de roiéc
dont le matin fait briller les feuilles : ces
tiedcs ondées Ci doucement verfées lur les
plantes qui fe relèvent en les recevant , &:
fèmblent enivrées de plailîrs ; ces tendres
fécours de la nature quelquefois ne concou-
rent plus enfemble , & font même aHez
fouvent interrompus à la fois : il eft nécef-
fàire d'arrofcr.
Mais il s'en faut beaucoup que les arrofe-
mcns, fur-tout s'ils ne font pas ménagés avec
intelligence , puilTént fuppléer au bien que
les pluies font aux végétaux. Lorfqu'il pleut ,
ce n'eft pas feulement un petit elpace autour
de la plante qui le trouve hum.e^fVé , c'eft
toute la furface du loi qui s'imbibe égale-
ment. Les pluies douces de l'été tombant
mollement , carellcnt le fein de la terre fans
le trop preder. L'air chargé de fraîcheur, pé-
nètre les feuilles ; le voile léger dont le ciel
fe couvre , ôte au fbleil cette activité dévo-
rante qui bientôt reprendroit à la terre les
eaux dont elle vient de s'abreuver , &c l'on
refpire une ir.oite chaleur mêlée de Li tranf-
piration odorante des végétaux qui ouvre à
la fois tous les canaux de la végétation.
Les aftofcmens feront d'autant meilleurs ,
qu'ils imiteront mieux ces arrofemens natu-
rels. Adaptez donc à vos arroloirs des pom-
mes , dont les trous très-petits faflent jaillir
une gerbe de pluie fine : ne vous contentez
pas d'humeârer le pié des plantes ; ver/ez
"cette pluie anificielle dans un pourtour con-
fidérable ; relevez quelquefois votre arro-
■foir pour laifler à la terre le temps de s'im-
biber , Se recommencez à pluficurs reprifès
à'arrcfer. Souvent il fera très-utile de ré-
pandre cette rofée fur les feuilles, fur-tout
lorfque les plantes , ayant lutté long-temps
contre la fécherelle de l'air , penchent leurs
tiges fatiguées , & laiflent pendre leurs feuilles
chargées de pouflîere.
Pour les plantes grêles & irès-délicaces ,
pour les tendres plantules qui viennent d'é-
clore du fein d'une très-petite femence , la
pomme de l'arroioir verleroit l'eau avec en-
core trop de force ; fcrvez-vous d'un gou-
pillon Quc vows fecouerez doucement par-
A R R 4î^
defTus. Tenez le pié des plantes; , entoure
d'ur.e terre légère & fans cohéfion , afin
qu'elle ne fc fende pas après les arrofemens ,
ou bien jetez de la terre ieche fur la terre hu-
meélée , & delîerrez-la quelquefois par de
petits labours ; de la litière menue , des pe-
lures de gazon retournées dont on envi-
ronne le pié des plantes , parent à l'afFailTe-
mcnt que les arrofemens occahonent , en-
tretieruient long-temps leur fraichcur , &
quelquefois même les fuppléent en arrêtant
les vapeurs qui s'exhalent du fein de la terre ,
& qui iroient fe perdre dans le vague des
airs : fur tout profitez pour fiire & réitérer
vos arrofemens des temps couverts, doux de
moites ; s'il tombe une pluie fine , c'efl: le
moment le plus précieux.
On a demandé le'quels étolent préférables
des arrofemens du (oir , du matin , ou du mi-
lieu du jour : tous ont leur avantage particu-
lier ; mais les premiei^s certainement font les
plus utiles , tant que durent les longs jours ,
& ces courtes nuits dont les vents doux (e-
couent les voiles humides ; elles confervent ,
même elles augmentent la fraîcheur des
arrofemens qu'on a fait le foir ; ceux du ma-
tin deviennent alors bien vite la proie du
foleil, ilsdefl'echent tout-à-coup la terre, elle
fe crevafTe , & un air brûlant s'infînue juf-
qu'aux racines.
Lors donc que le foleil efl près de Ce
coucher dans la pourpre , que je voie par-
tout étinceller fes rayons d'or parmi les ger-
bes argentées qui fortent des arrofoirs !
Dans les premiers mois du printemps & de
l'automne , les arrofemens du foir feroienc
dangereux à caule des trop fraîches nuits Se
des gelées blanches qui aideroient à tranfir les
plantes. Alors que vos jardiniers matineux ,
portant par-tout les arrofoirs , faflènt jailLr
la rofée (ous leurs pas précipités ; tandis que
l'aurore jette les doux regards fur la nature
embellie.
Dansce rempsaufTi l'on peut, fans rifquer,
arrofer vers le midi ; il n'eft pas à craindre
que le (bleil frappe trop vivement la terre
humcftée , ni qu'il briàle les feuilles fur lef-
quelles le font échappées des gouttes d'eau ;
c'eft ce qui arrive lorfqu'il eft armé de Ces
feux les plus puiflàns. Ces globules aqueux
raflernblant les rayons (olaires , font l'effet
des miroirs ardens: enfin il elt des plantes Sc .
liii
4^
bO
A R R
des arbres qui demandent dcrre arrofés aa
milieu du jour.
Loriquc 11 Icclîcrcfle a c'rc long-temps
continuce , que le ciel eil d'airain , que la
terre eft entr ouverte , & que les plantes fe
■flîtriflent , les arrolemcns prcfque toujours
iKiles , fur-tout peu procurer aux légumes
& aux fruits le volume & la douceur , de-
viarnent abroluraenc indilpcnir.bles i mais
c'eft alors auili qu'ils produisent les plus
mauvais effets , lî 1 cj-< arrofe (ans précaution
& fans continuité. Dès qu'on les a commen-
tés, il f.iuz les réitérer tous les jours , ou au
moins de deux jours l'un , lous peine de voir
les plantes mourU' ou languir : alors on doit
Jur-tout les faire avec melurc & m.énage-
ment , en un m.or avec tous les foins que
iiOas srvons indiqués d'abord.
Combien de jardiniers ilupides ou de
mauvaife volonté qui, dans pareilles circonf-
Xanccs , arrofent à des temps trop éloignés ,
& noient les racines t-n y jetant tcut-à-coup
une forte colonise d'eau ! ils les livrent à l'a-
ridité de l'air qui s'iiKroduit dans les fentes
de la terre battue , aux taupes , aux mu-
lots , aux taupes-grilions qu'atnre une fraî-
cheur intermittente , & qu'une, humidité
continue éloignerait ; ils font ainfi bien, plus
de mal aux plantes qu'elles ]j'en foafFriroicnt
de la feule fécherefie.
Celles que l'on tient en pots demandent
encore plus de précaution & ce foin , pour
leur préparer & leur procurer les meiÛeurs
tfft'ts des arrofemens. Il faut mettre des écailles
d'huitres ou de moules a-u fonj des pots,
tournées.-par leur côté concave far les trous
dont ils font percés , 5c paT-defuis.un lit de
moelloji bioy-égrornéiem^ent;, li k fond des
pots, au lieu d être plat, a été fn't concave ,
.& qu'on l'ait pourvu d'un pié quil'éloigne un
peu de la fiuface de la terre , on le fera
p émuni autant qu'il, câ poiTible contrç la
ibgnation des srrorérncns. Quand ils auront
été quelque temps com-inués , il. fera bon de j
'deflèrrL-r la terre par une petit labour , & de I
répandre pardefilis une cotiche de bonr.e i
terre légère mêlée de fable ; mais lorfque
les racines fibreu'es , emphflfint tous les
:pots, ne permettent plus aux anofemens de
j)énc:rcr , pprcez la terre jurqu'au fonâ ,
avant d'arrofir , .avec un fer poincviiSc mince,
€<' plongez à pkilicurs reprifes le fouJ du pot
A R R
dans un fcau plein d'eau , fouvcnc il con-
vient de teijir les pots enterrés pour pro-
curer aux racines le bien de la fraicneur
environnante , ëc de celle qui s'eleve du
lond de la terre.
La fréquence & l';bondar.ce des arrofe-
mcnsfe régleront fur le temps , les fiifons.
Se fur le plus ou le m.oins de foif naturelle
aux eipeces de plantes. Il en eH;, comme !e-s
plantes grafiès , qui ne demandent prefque
point d'eau ; plulieurs au contraire veulent
être continuellement abreuvées. Les arbres
qui fe dépouillent^- que l'on tient dans la
ierve , n'ont beioin 1 hiver -que de trcs-peii
d'humidité ; tandis que les arbres toujours
vcrds dont les feuilles continuent de tranlpi-
rer , exigent , dans cette faifon , des arrofe-
m.cns réglérrient réitérés ; & ceux à feuilles
larges , tranipirant davantage , veulent être
encore liurneélés plus iouvcnt.
Les arrofcmcns font indi'penfables pour
procurer (Se hâter le développement des ra-
cines , des plantes nouvellement tranfplari-
tées ; mais il faut , à l'égard de plulieurs ef-
peces , les faire plus rarement du moment
que la repriie eft sûre , à m.oins qu'il ne
lurvicnne une féchereffe extraordinaire.
Pour ce qui concerne les boutures , les arrg-
femens leur font nécefliires , & ils doivent
être continués long - tem.ps Se règlement ;
mais il faut le faire avec d'autant plus de
circonfpection Se de mef.ire , que ces bouti
de braiiches encore dépourvus de racines,',
fe pourriroient plus aifcmcnt , dit Cotlet ',
par une humidité fcagnante ou trop c6-
pitufè, 'fc par la prcfiion d'une terre trop
battue, yijei le «i// Eoutup.i , & l'ariide
MURÏÈR. ■
Heureux qui pourroit affcoir fon jat-
Jin fur le doux peiicl:ant d'un coteau ré-
pofé aux plus fiivorables afpcCts ; de la
cime revêtue de bois -qui ,nc le domincroit
que pbifT.luï fefvrr d'obri j tornbâroicntde
pures fontaii-iCs , éovx il pourroit conduire
les flots le lon^ de fes plates-bandes Se d '.ns
les fentiers dis pknchés des IcgumiC;. Cet
arroicmit'nt qui pén.ctre tranlverfilemcnt fa
terre , qui la foukve doucement au lieu de |
la prcder , donneroit aux utiles produtfticins '
de ce jardin , la m.jme vigueur , la mcnii;
"beauté qu'on remarque dans les p'jntes qui,
dans leur luxe vain , s'ékvent aux bords dçs
1
A R R
rivières : &: c'ck ainli <ju'Alcitîoub chcrete-
noic ii::nsrL-s jardins immorcililci, unep'.;-
pL-cuellc fraîcheur : on y rcm.'.rquoicavcc un
cgil plailir, réclac de h \'cidure ornée de
fleurs ik de fruits, & celui du ciyilû mo-
bile des eaux qui y formoieur un McjiJidic.
Ceux qui non: pis ces commodités ,
doivent ralicmbler avec foin dans unn ci-
terne les eaux de tous leurs toits , ou fiire
conllruire , s'ils trouvent lei moyeiis de les
emplir d'eau , de larges balîins au fond de
leur potager.^ ÇKielqutf-ois l.s terres fe trou-
vent a^breuvées fous très-peu de profondeur;
il luffit de multiplier des pierrées parallèles
ou brilcespar un angle à un cen.iin éloigne-
ment de ces badins, où oji les décharge
par une pierre qui les traverie. Il eft encore
b:en d'autres moyens de !e procurer des
eaux, mais ils font du relfort de l'arclii-
recture hydraulique.
Loriqu'on fciit conllruire de petits toits
au dellus des murs des poragcrs , les efpaliers
fe trouvent arrofés à leur aide : ii peu de pluie
qu'il tombe, elle s'alîèmble entre les tuiles .
dégoutte au pie des arbres, & leur procure
une fraîcheur filutaireiï.: profonde qui ordi-
(lairement le m.aintient iufqu'aux pluies
nouvelles , à moins que les intervalles de
fccherelîè ne foient très- longs.
Potir entretenir certaines plantes, pour
aider à s'enraciner les marcottes qu'on fait
au haut des arbrilfcaux , pour alÏÏirer La
teprife de certaines boutures pricieufes ; on
pend au defliis un vafè dans lequel on paflc
un tube recourbé , ou une l.nnere de drao
dont l'humidiié perpétuelle ne permet pas à
la terre de fe delK.cher.
1 outcs les eaux ne font pas propres aux
airofemens; il eneft de nuisibles : relies font
icseaux crues, les eaux insr..'cageufi;s , craf-
Icufes, vifqueufes & celles qr.i pétriiîe.nr : i!
«'en trouve aulfi d'indigentes & de fatiguées
flui ne charient point de parties ijonnif-
^ai-ites. Les cmu: ces rivières & des rdinlaux
-oàlepoillôn abonde, ciier, des fontaines où
fleuri lient le crefibn & le becca-bunga , ionr
|>ures & bienfailantes. Les eaux des phrer
Aïnaflées dans les citernes iont en.core me*!-
jeiires ; m^is il fau: les tirer le m..rin & les
:kiûer , avant de s'en fervir , tout le jour
^cxpolecs au doux ra.ypns du fokil. Les
càux gralîes qui ont lavé les chsirJns , les
A R R 4gj.
coan, !:.^ fumiers, iom inlînir.ient prij
cieules : elles portent 1 abondai;ee a\ec elles.
En générai .une eau qui diObur bien lé
iavon , qui s'évapore aiiéinent, qui cuit bien
les légumes , efl autant propre aux a rroièmens
qu'elle etl: utile & faluraire pour cous les
autres ulages. On peut corriger quelques-
unes d'enue les miuvaifês eaux en les battant
par des roues , en les failànt pafîèr par àcz l'ts
de (ables, en y jetant du fumier & des lier-
bagcs pourris.
C'eft par le moyen des arrofeinens qu'on
peut rendre avec, le plus d'efficacité <^' le
plus promptement , des fucs à la terre ex-'
ténuée où languiiîènt les plantes. Celles
qu'on tient captives dans des pots ou des
cailles , ayant bientôt cpuifé la petite portion
d'ahmens contenue da:is le peu de terre
qu'on peut leur doim.er , ne iauroient , p?i-
l'extcnlion des racines , en aller chercher
plus loin : elles ont befoin de rcftaurans. Ils
conviennent aulfi aux arbres malades' Se
défaillans , ou lurchargés de fruits ; on les •
rétablit , on les ibutient en leur donnant de
temps à autre un bouillon. Le plus fort de
tous qui s'emploie pour les orangers , fe
compoie avec du crottin de brebis, de k
l:e de vin & du fang de la boucherie. Voycr
dans le livre de l'abbé Roger Sf.aboc laconi-
pohtion de celui qu'il emploie pour les-
pêchers. Suivant Mordm.er , le iang de btc-uf
eft un excellent bouillon pourious'los arbres
fruitiers. Les terres alumineufes détrempfcs
font un effet prodigieux fur la végétation -.
& c'eft à-peu-près à quoi fe réduifent y.
l'.ombreufes expériences de M. Home fur Ic^
eiîets de<liff;rens fels.
Lorfquc les plantes Ce trouvent couvertes
d'iins foule dinfeétes de l'efpece de ceux
que la féchereliè multiplie , tels qne les
altifes; defimplesarrofemens réitérés fur les
feuilles les écartent & les dilTipent : à l'égard
jks autres infeiles , comme les cheniïîts ,
! er.u ams iaq aelle on a infuf: de la colo-
quinte , de la fuie ou femblables amers , de
dont on inonde la toufe des arbres par le
m jyen des rompes , eil un des meilleurs
moyens de fe débarraficr de cette engemce
'lévoraiite; pour les t'.upes-grillons, il faut
arroler la terre qu'ils fréquentent , les trous
qu'us liabitent , ceux où Ion a fu les attirer
avec de l'cra mêlée d'haiîe de chenevi : î'coii
4^1 ARS"
de chaux détruit les coches & les limaces.
Au refte , fi on a foin de bien effondrer
les pot:iger5& d'y enterrer des couches épail-
iesde fumier , lesarroiemens n'y feront par
aufli fouvcnt nécellaires , & ils y feront plus
protit;.blcs. ( M. le baron de TSCliOUDI. )
Arp-OSER les capades , le feutre & le cha-
peau , terme de chapellerie ; c eft jeter de Peau
avec un goubillon fur l'ouvrage à meiure
qu'il avance , & qu'il acquiert ces différens
noms. Les chapeliers arrofent leurs baffins
quand ils marchent l'étoffe à chaud ; &c le
lambeau ou la reutriere , quand ils la mar-
chent à froid. J^oje:^ Chapeau.
ARROSOIR, fub. m. c'eft un vaiffeau
à l'ufage du jardinier, ou de fer blanc ou
de cuivre rouge , en forme de cruche , tenant
environ un feau d'eau , avec un manche , une
anfe & un goulot , ou une tête ou pomme de
la même matière : aijili on voit qu'il y a des
nrrcfoirs de deux fortes ; l'un appelle arrofoir
à pomme ou tête , eft percé de plusieurs trous;
l'eau en fort comme une gerbe , & fc répand
aflèz loin : l'autre appelle arrofcir a goulot ,
ne forme qu'un feul jet , & répand plus d'eau
à la fois dans un même endroit. On s'en
fert pour arrofer les fleurs , parce qu'il ne
mouille que le pié &c épargne leurs feuilles ,
Î[ui par leur délicatefle feroient expofces à
e faner dans les chaleurs, li elles étoient
mouillées ; cependant Varrofoir à pomme eft
le plus d'ufage. {K)
ARROUX , ( Géug. ) rivière de France
en Bourgogne ; elle a fa fource près d'Ar-
nay-le-duc , pafle à Autun , «Si ayant reçu
le Mifei, le Vefure , le Tornay , la Morhe,
la Varenne & quelques autres ^uiflcaux ,
elle fe joint à la Loire au pié du château de
la Moche-Saint- Jean , au delfous de Bour-
bon-Lancy. ( C. ^. ) (*)
AR.RUMEUR, f. m. {Comm.) nom
d'une forte de bas-offîciers établis fur quel-
ques ports de mer , & iniguliérement dans
ceux de la Guienne , dont la fondtion eft
de ranger les marchandifes dans le vaillcau ,
& auxquels les marchands à qui elles appar-
tiennent paient un droit pour cet effet. ( H)
ARS , Gécgr. ) rivière d'Elpagne dans
la Galice. Elle fc jette dans l'Océan , à Céa ,
près du cap Finiftere, On croit que c'eft le
( • ) On travaille, par ordre des <t»rj de Bourgogne
gDuoacci i^u'il l'cioic (lu ccu'ps de JuIciCcUi.
ARS
Sars des anciens. Il y a en France une belle
chartreufe du nom d'Ars dans le duché de
Lorraine , au doyenné de Port. ( C.A. )
Ars , f. m. {Maréchall. & Man:ge.) On
appelle ainfi les veines ficuées au bas de cha-
que épaule du cheval, aux membres de
derrière , au plat des cuifles. Saigner un
cheval des quatre ars , c'eft le faigner des
quatre membres. Quelques uns les appellent
ers ou aire; mais ar^ eft le feul terme ufité
chez les bons auteurs. {F)
* ARSA , ( Grogr. ) nom de deux villes
d'Efpagne , dont l'une étoit dans la Bétique,
& l'autre dans la Tarragonoife. C'étoif aufli
le nom d'une contrée d'Afic , entre l'indus
Se l'hydafpe , où l on trouvoit les villes d'ifa-
gurus & de Taxila. C C. A. )
* Arsa , (Géugr.) rivière d'Iftrie qui
fépare l'Italie de l'Illyrie; elle fe jette dans
la mer Adriatique au delfous de Pola.
ARSACE, ( Géogr.) ville de la grande
Aiédie, bâtie par Arface, gouverneur de la
Médie fous Alexandre le grand. Cette ville
a (ubiîfté peu de temps , & n'a jamais été
rétablie. Il y avoit un bourg de ce nom dans
la Paleftine. ( C. A.)
Arsace , ( Hifl. de l'empire des Parthes.)
fondateur de l'empire des Parthes , defcen-
doic des anciens rois de Perfe ; & malgré la
nobleOc de ion origine, il vivoit confondu
dans la foule des courtilans des gouverneurs
des rois de Syrie. Agatlioclès à qui Antio-
chus le dieu avoir confié le gouvernement
de la Perfe, brûla d'une paflion criminelle
& brutale pour Tiridate, frerc à' Arface ; ce
fatrape effréné n'ayant pu rculTîr à le (eduire
par l'éclat de fes promefl'es, voulut employer
la violence. Les deux frères à qui l'injure
étoit commune s'armèrent contre leur in-
fâme corrupteur qu'ils poignardèrent. Arface
redoutant les vengeances d'Antiochusle dieu ,
dont Agathoclcs étoit le favori , le retira dans
la Parthie , où il (è rendit indépendant , après
en avoir challé les Macédoniens. Tous les
peuples charmés de rentrer fous l'obéillànce
de leursanciens maîtres , favorilerent la rébel-
lion , fi l'on peut ainli qualifier une révolu-
tion qui rétablit un prince dans l'héritage de
(es pères. Le roi de Syrie n'entreprit point de
k dépouiller d'un état dont le cœur des fujets
, à te rendre nsvi^iaUe depuis Autun ; l'hidoire fcinbll
A R s
à'Arfacc lui afluroir la poflèflTion. Ce fut
ainli que le forma le royaume des Parciics
que quelques-uns coiilondenc mil-à-propos
avec celui des Perles ; il comprenoic cetre
région célèbre de l'Ade , qui a Li Médie à
l'occident , la Perfe au midi , la Badriane à
l'orient , laMargianc & l'Hircanie au (epten-
trion. Hécatompile , ainli nommée à caufe
de les cent portes, en écoit la capitale : c'c^i
aujourd'hui Hilpalun, Cet empire a fubfîllé
pendant près de cinq cents ans fous vingt-
ièpt rois connus fous le nom du roi Arla-
cides , dont Philtoire ell: prelquc tombée
dans l'oubli \ il n'en refte que quelques
fragmens éparsdans les annales des peuples
qui ont eu des démêlés ou des intérêts à dif-
cucer avec eux. Artaban en lut le derraer roi.
Artaxerxes ou Artaxate , loldat de f-orcune,
lui 6 ta le tror.e & la vie l'an 113 de l'ère
vulgaire.
ArsaceII , fils & iucceflèur du fonda-
teur de l'empire des Parthes , tut un prijice
véritablement grand & magnanime. Maître
de la Parthie & de PHircanie , il joignit
aux états dont il avoit hérité de Ton père ,
plulieurs provinces voilnies. Antiochus le
grand , alarmé de la puillance , entreprit
de la détruire avant qu'elle fut aftermie ;
il marcha contre lui avec tout l'appareil de
fes forces. Arface fe flatta que les déierts
qui fervoient de barrières à les états , (e-
roient le tombeau des Syriens qui n'y trou-
veroient aucune lubliftance ; mais voyant
que ces obllacles ne les arrêtoient point
dans leur marche , il ordonna d'empoifon-
nerles fontaines ik. les puits. Les exécuteurs
de Tes ordres fâirent mis en fuite par An-
tiochus qui traverfa fans périls des contrées
qui refuioient tout au befoin de l'homme.
Il fe préfente devant Hécatompile qui lui
ouvre fes portes. Arface avoit quitté la Par-
thie pour fe /étirer dans l'Hircanie défen-
due par des- montagnes eicarpées , qui ne
pouvoient être franchies par une année.
Antiochus applanic cet obflacle en parta-
geant fon armée en différens corps qui le
réunirent à la defccnte des moiitJgnes. Ar-
face , qui s'étoit cru invincible par la nature ,
fentit alors la nécellîté d'arrêter un ennemi
<jui avoit triomphé des plus grandes diffi-
cultés ; il le met à la tête de cent mille
hommes de plé 6c de vingt mille cht-
A R S 4^}
vaux_, & fe préfcntc devant un ennemi
épuilc par une marche longue &: pénible.
On alloit donner le lignai du combat , lorf-
que Antiochus adoptant un fyftême paci-
hque , .lima mieux l'avoir pour allié que
pour ennemi ; & après leur réconciliation ,
il marchèrent enlemble contre Euthyde-
me qui avoit envahi la Badriane. Dès
qu'il n'eut rien à craindre des rois de
Syrie , il devint redoutable aux Barbares,
dont il réprima les brigandages. Les dé-
tails de fa vie ne nous iont point connus :
il mourut l'an zii avant l'ère vulgaire.
Arsace III, le troifîeme de fa famille
qui régna iur les Parthes , avoit toutes les
vertus qu'on exige de l'homme privé, & '
tous les talens qui font les grands roi-.
Heureux conquérant , il fit le bonheur des
peuples fubjugués. Sa domination s'étendit
depuis le mont Caucafe jufqu'à l'Euphrate ;
il vainquit Démétrius Nicanor , roi de Syrie ;
&: quoiqu'il eût à s'en plaindre , il adoucit
les ennuis de fa captivité , en lui faifant
rendre les mêmes honneurs qu'on rend aux-
rois. Mais ce prince dégradé fe fentit hu-
milié de recevoir , à titre de grâces , dej
honneurs dus à là naiffince , &: quoiqu'il
eût époufé Rodogune , (azux à' Arface , donc
il avoit des enfans , il prit la fuite pour fè
retirer dans fes états; mais il fut arrêté fur
le territoire de Babylone , & envoyé dans
l'Hircanie comme dans une terre d'exil ,
où on lui procura tous les plailirs , excepte
celui de commander. LTn traitement aullî
doux étoit infpiré par la politique. Arface
qui depuis long-temps ambitionnoit la con-
quête de Syrie , vouloir le fervir de Démé-
trius pour faire la guerre à Anriochus le
pieux qui , depuis la détention de fon frère,,
avoit profité de Cou malheur pour mon-
ter fur le trône. Ce projet formé par Arface
fut exécuté par Phraate , fon fucceffeur.
Ce prince heureux à combattre & à gou-
verner, fut le légillateur de fa nation qui ,
avant lui , ne connoillbit point le frein des
lo!X. il emprunta des peuples vaincus les
inftitutions qui lui parurent les plus utiles
pour adoucir les mœurs dures & fauvages
de les lujets. On voit encore paroître dans
l'hiftoire un quatrième Arface qui envoya
des ambilladeurs à Sylla pour faire allian-
ce avec les F^omams. Quoique fes fuccef-
4<Ç4, . A^ I^ S- ^
leurs eiiilent iks noms diftindits , on \cm •
db;:ne à tous indiftincternent celui d'^A-yàce.
( T-N. )
ARSACIS PALUS y (Géog.) nom
d'un lac ou marais que le tigre traverle
danj fon cours. On croit que c eft le même
que !e Ip.c d'"Arc:thnlc. ( C. A. ) _
''- ARSAMA5, villa de RuiTie au p.iys
des A
lorduaces
fur 1.1 rivière de Iviokicha-
Reca.
ARSCHIN , r. m. ( Co/nm.) mefure éten-
due dont on le fcrtàk Chine pour mclu-
rer les étoffes; elle eit de même longueur
que l'aune de Hollande , qui contient i pics
1 1 lignes de roi ce qui revient à î d'aune
de France , en forte que fept arfchins de la
Chine font quatre aunes de France. Savary ,
Diclion. du commerce , icme I ,pagej^6'. (G)
AdlSEN , f. m. (Comm, ) nom que l'on
doni-ie à Caflfa , principale échelle de la mer
Noire , au pié ou à h mefure d'étendue qui
fert à niefurer les draperies & les foieries.
Fcj<?î Echelle & Pié. Savary , Diclion. du
ccmmerce , toim î,pagz j^J. (G)
ARSENAL , f. m. {Art. milit.) magafni
royal & public ou lieu deftiné à la fabrique
& à la garde des armes néceflaires pour
attaquer ou pour (ê défendre, Voyei^ Armes
fi- Magasin à'armts. Ce mer félon quel-
ques-uns , vient ^arx, forterelle ; félon d'au-
tres , éi'ars , qu'ils expliquent par machine ,
parce que "^ arsenal t^ le lieu où les machines
d^autres qu'il vient de l'italien arfenale : mais
l'opinion la plus probable efl qu'il vient de
ï'ai-abe darfenaa , qui fignific arfenal.
h'crfcnal de Venife eft le lieu où on bâtit
& où l'on garde les galères. L'arfinal de
Paris eit la place où on fond le canon & où
on fiit les irmes à feu. Cette intcription eli
fur la porte d'entrée :
JEîP.a hccc Henri co ruîcania tela minijlrat ,
Tcla g.'g.inteos dehellatura furores.
Il y a d'autres ^;;/è/j(7z/;c ou magafuis pour
les fournitures navales & les équipages de
mer, Warreille a un ^r/r/?^:/ pour les galères;
& Toulon , Rochefort (ïc lirell: , pour les
cens de guerre, Voye^y .\\s%?.p.\! , Vergue,
j^ntEî;ne , frc. V. dans les A7<-'/nc/;vj de St.
A R S
Itemy , la manière d'arranger on pfacej
toutes les diiféventes choies qui fe trouvent
dans un arfenal. { Q)
Arsenal , ( Marine. ) tft un grand
bâtiment près d'un port , o. le roi entretient
les ofticicri de marine , fc vaifieaux £c les
choies nécedaircs pour ks armer.
C'efl: aulTi l'elpace ou l'enclos pn.rticul'er
qui krt à la conftrufcon des vaiticaux & ^
la fabrique des ainici. Il renferme une
très-grande quantité de bâtimens civils ,
dcftincs tant pour tes atceliers des diff::-rentes
(ortes d'ouvners em.ploycs dans la fabrique
des vailleaux , que pour les magaims des
armemens &: délarrr.emens. Pour s'en faire
uneid^ejafte, il faut voir \c plan d'un arfenal
de marine aux figures de marine , pi. VIL
§ ARSENIC , ( Hijl. r.at. Mércl.^ Chy^^.
Med. & Arts. ) Ce mot efl dérivé d'àûViiv, ou
«fo"') , homme on plutôt mJle , & de vixpixa,je
vaincs , je tue , faiiant allulîon à fa qualité
vénéneufe. L'arfcnic ef: une concréticn mi-
nérale , volatile au feu , pelante , rrès-caul-
tique & pénétrante , qui fe trouve (ouvent
& trop iouvent dans les mines mét.alliques ,
fous une apparence plus ou moins métal-
lique & fous des formes fort différentes.
Spcrling , dans fa dillcrtation de arfenico ,
fait voir que tout arfenic participe différem-
ment aux fbufres , aux fels & aux métaux.
Cette minéraliiation compofce eft ou opa-
que , ou tranfpa rente , d'une couleur quel-
quefois noire ou brune , quelquefois grile
ou blanchâtre , (ouvent teinte d'autres cou-
leurs. Ses formes ^c les combinaifons font
Il diverics que cette diverhté a donné lieu
à beaucoup de confufion , & la n-iiflance
à une multitude de noms, par lefquelson
a déligné ce minéral. Lemery contond la
cadmie avec Varfenic , Sc Savary l'a fuivî
en cela. Tâchons de mettre plus de net-
teté dans la defcription des arfenics natu-
rels ou folTiles , & enfuite nous conlidé-
rerons ce que la chymie nous apprend
fur cette liibftance natuiclle & fur Varfenic
fadicc.
Linné range Varfenic foflîle dans la claflè
des pierres compo'écs &: dans l'ordre des
loufres. Pullqu'ilcfc fufiblc , £c qu'il (e fond
ai'ément avec les matières grafies, & qu'il
s'en forme un régule fous une form«
métal! que;
A R s
métallique ; il eût été bien plus nnrurcl cîele
placer dans l'ordre des l'ubllianccs minéra-
les qu'il nomme mcrcurielks , ce me fèm-
ble , allez improprement. Quoi qu'il en
Toit , il donne le nom de foufre aux corps
qui fument dans le feu , & qui répan-
dent de l'odeur. Arfenicum , dit-il , fumo
odure alliaceo , colore ali'o , fapcre duLi.
Voici comment il a diftingué & décrit les
diverfes (ortes à'arfcnics naturels ou folFiles.
I. Arfeni: anguleux ou cubique : tcjfula
oclnëdra ; tejfera arfcniciilis , en fuédois
lerh-tîerniii^.
II. Affenic rouge hériflé : rubrum , accro-
fum rigidum : coholtum rubrum ; en luédois
kobolt-bloma.
III. Arfenic amorphe , obfcur par la
calcinarion : amorphum , calcinatione obfcu-
rum ; en allemand , mifpickel ; en fuédois ,
vatukies.
IV. Arfenic amorphe , bleu par la calci-
nation : amorphum , calcinatione cœruleum:
en allemand , fafcr ; en fuédois , f'Xrg-
kobolt. C'eft le cobolt proprement dit.
Il s'en faut beaucoup que toutes les mi-
nérali(afions .irfenicales qu'il importe li fort
en métallurgie de lavoir diftinguer , ne puif-
ftnt être rangées fous cette clallification im-
parfaite.
VVallerius fait une autre divifion ; 5c
après lui , Valmont de Bomare , qui, quoi-
que plus exaéte & plus complète , laiflè ce-
pendant encore quelque obfcurité.
Comme Varjenic paroit entrer dans la
compohtion de la plupart des demi-métaux ,
&' dans la miiiéralifation de plufieurs mi-
nes de métaux , il en réfulte bien des for-
mes diverfes , fous lelquelles il fe montre.
Il diffère cependant des demi-métaux par
une plus grande volatilité , par une force
pénétrante , par Tabondance des fels cauf-
dques , & parce qu'il a extérieurement
moins d'éclat & d'apparence métallique.
D'ailleurs, il n'efl: point intlam.mable comme
, eux, ni par lui-même , ni avec le nitre.
I Diofcoride femble avoir donné le nom
Q arfenic à deux fubftances ; à celle que
nous appelions orpiment , qui ell Yarfcnic
lulfureux , couleur de citron , & à Varfenic
rouge , qui approche du fandaraque. Les
Arabesont flût mentioH de deux arfenics ; l'un
linio:ineux , ielon eux , qu'ils on: appelle I
Tome Ill_
A R S 4<ry
karnik-a.^far , c'ell encore l'orpimenr ; l'au-
tre rouge , qu'ils nomment rcalgar & -^rnik-
ahmer. Les Arabes réiervent le nom de
jandaraque à une gomme que l'on emploie
pour les vernis.
Comme il y a peu de mines qui ne tien-
nent plus ou moins quelque choie dV.rfcni-
cal , pour donner une idée jufte de \nrfe~
nie naturel ou folTile , nous fuivrons la mé-
tJiode de M. Bertrand , dans fon diâion-
n,iirc des fojfiles ; nous décrirons les miné-
raux , où Varfenic le trouve communément
e!i plus grande quantité , & d'une manière
plus lêniible.
1°. Les pyrites blanches arfenicales tien-
nent une partie d'arfenic contre deux de
fer & de terre. On les nomme en allemand
weijfcr-kies , mifpickel & gift-kies. C'eft
mal-à-propos que quelques-uns l'appellent
cobalt. C'eft donc là Varfenic minéralifé
par le fer en minéral blanchâtre , brillant
par des écailles & des parties planes ôc
cubiques.
2°. Les pyrites arfenicales de cuivre ,
que les Allemands , qui ont été nos maî-
tres dans la métallurgie , nomment kugfer-
kies , contiennent aulTî beaucoup d'arfenic.
5''. Il y a encore une mine d'arfenic tef-
fulaire , qui tient aulTî du fer comme la
pyrite blanche. Sa couleur eft noirâtre ;
les cubes font odlogones & marqués. Les
Allemands l'appellent wilrfîiche-bknde , berg-
wîlrfel,
4°. La pierre d'arfenic grife , qu'il ne
faut point confondre avec la pyrite blan-
che , tient aulTî du fer , eft mêlée de pail-
lettes luifintes, &: frappée avec l'acier, donne
des étincelles. C'eft encore un arfenic mi-
néralifé avec le fer en minéral difforme ,
brillant par des grains cendrés , qui tirent fur
le bleu.
y°. La mine d'arfenic d'un rouge cui-
vreux tient peu de foufre , encore moins de
cuivre!, quelquefois du cobolt , & eft en mi-
nerai difrorme d'une couleur rougeâtre. C'eft
ce que VVoodward appelle cuprum Nicolai ,
& ce que les Allemands nomment kupfer-
nikel. C'eft Varfenic minéralilé avec le iou-
fre , le cuivre & le cobolt.
6°.L'arfenic teftacé eft obfcur , noirâ-
tre , laliflant les mains , écailleux. Les Alle-
mands le nomment fchil-kobolt ou fchirbc/t^
Kkk
4^^ A R S
kul'oh , on fchwar^^es gift-erxt. On lui a c^onné
auflî fort mnl-à-propos le nom de cadmk
foffilc , puifqu'il ne participe en rien au zinc ,
d'où nait la cadmie. Souvent on a confondu
cet arfcnic avec l'arfenic bitumineux : Junc-
kcr lui-même fcmblc être tombé dans cette
erreur.
7°. L'arfenic bitumineux eiï noir , quel-
quefois friable , plus rarement folide , tou-
jours inflammable Se volatil au feu, bril-
lant dans fon intérieur comme le plomb
obfcur , le noirciliant à Tair. Agricola le nom-
me mal- à-propos cadmie bitumineufe ; les
Allemands l'appellent poudre volante &; poudre
eux mouches; fiiegen-pulver.
S°. Le coK;lt , proprement ainfi nommé ,
qu'on emploie pour le bleu , contient quel-
quefois aulTi plus ou moins d'arfemc. Il
peut alors être mis dans la clafle des mines
arfenicales , mais non dans celle à'arfenic.
Cette mine eft plus obfcure & plus com-
p^-ùe que la pyrite blanche. Il y en a beau-
coup à Schnceberg. On tire l'arfenic de ces
minéraux par la fublimation.
9°. Les mines d'étain, qui font enve-
loppées de concrétions , tiennent d'ordi-
naire de Varfenic. On nomme ces concré-
tions wolfram ou mifpickel. On tire en Mil-
rie beaucoup à'arftnic de ces concrétions
minérales, lous la forme d'une ferine.
ïo°. La mine d'argent rouge, qui eft
d'ordinaire cryftallifée , & que les Alle-
mands nomment roth gulden-a\t , ell: aulTi
fort arfcnicale.
11°. L'orpiment nstif eft une forte de
mine à'arfenic propre : elle a été connue
des anciens. Théophrafle , Diofcoride ,
Galien , Celle & Wine en parlent. Voyei
HiU fur Théophrafte , Traité des pierres ,
p. 24S ù i^C) , 272, & î7^. C'eft un arfe-
nic minéralifé par le foufre , avec une ma-
tière fpatheufe & micacée , d'un jaune tirant
fur le verd : plus ou moins , aflèz éclatant ,
toujours volatil au feu , compofé d'écaillés.
La Hmdaraque des anciens étoit l'orpiment
lougi au feu dans un crcufet. On trouve
dans la Styrie un foufre natif femblable ,
qu'il ne fI^ut pas confondre. Le réalgar, le
iifigal, le landix iont proprement des prépa-
rations arfenicales faites avec l'orpiment, &:
qu^il ne faut pas non plus confondre avec
lorpiment naturel.
ARS
On peur diftingucr trois fortes d'orpi-
ment , le jaune mêlé de rouge , c'efi: alors
le landaraque natif, le jaune couleur d'or,
le jaune vcrdàtre mêlé de terre \ c'etl la plus
' vile elpece.
Linné range Porpiment parmi les Pyrites;
& il le définit pyrites , fuhnudus ,fquamo(^us ,
arfcnicalis. Ce n'eft pas éclaircir par des dif-
tmélions lumineufes , mais confondre par
une obfcurité embarrallànte.
Beccher , in Morofophia , dit qu'il y a
une grande veine de ce minéral dans une
montagne de la Turquie en A(îe ; Diofco-
ride en Mylîe , dans le Pont & la Cappa-
doce ; Vitruve, entre les contins d'Ephelè
& de la ALagnélîe ; tienckel , près de
Cremnitz ; Pott , dans la Luiace; Walle-
rius , à Rothendal , à Elfdal &: à Ofterdal
en Suéde. Il eft certain qu'on en trouve
fouvent dans les vein.es des mines d'or &
d'argent.
L'orpiment banni de la médecine com-
me un poiion, 1ère par la dillolution dans
la peinture , par la fufion dans la verre-
rie. On peut coniulter la Chymie de Junc-
ker , la diftertation de Pott de auripig-
mento , l'art de la verrerie , par Kunckel
& Neri , avec les notes de Hellot. On
le fert encore de ce minéral pour l'encre
de fympathie & pour divers autres ufa-
ges. Voyc-^ Wallerius, Minéralog. T. I,
page ^lo.
11°. Il y a des terres marneufes arfeni-
cales : c'eft ce qu'attefte Henckel, diuis les
Epkemed. nat. curiof. vol. Il , p. ^564. Il en
a trouvé prés de Freyberg.
15. Enfin, il s'élève du fond des mines
des vapeurs arfenicales mortelles : c'eft ce
que les mineurs allemands appellent krgf-
cliwakn. Souvent ces vapeurs qui Iont une
torte de moufettes , forment une poufflere
légère & volatile, qui eft un arfenic décom- .
poié & volatifé. On le nomme alors en 1
allemand vcijfcn mehlichten arfenic, arfenic
farineux. Qiielquefo's ces vapeurs accom-
pagnées d'une lumiidité vitriolique , fe cryl- |
tallifent & forment l'arfenic cryftallin , fem- '
blable à du ^■erre blanc. Toutes ces vapeurs
font l'ertct des feux fouterrains ou d'une
eftervelccnce qui le fait dans le lein de la
terre, par la chaleur. Les phénomènes de
la gioite du chien , non loin de Naples
AR S
ptès des bains de Saint Janvier , font peut-
être l'effet des vapeurs arienicalcs de ce
genre, ^'byc^/c voyage d'uiiFmnçois en ItaUe.
L'arf-rucfûclice le tire de quelques-unes
des fubrtances que nous \enons de dé-
crire ; i3c il le fait , félon les lieux & les
ei'peces de minéraux , de . différentes ma-
nières. On peut cunlulter fur cette fabrica-
tion , la chymic de Juncker , confpcâ. chem.
tom. I,P'7g. loG-j. Voyez aulTi Kunckel iSc'
•Henckcl , & Pote , de auripigmento ; Wal-
lerius & Bomare , Minéralogie. Confultez
enfin la SiiUuth. de Groiiovius , au mot
arfenicum ; vous y trouverez le catalogue
nombreux des auteurs qui ont écrie fur
cette matière.
On vend une efpece de régule arfenical ,
qui fe fait de trois manières. On en tire
par uue forte de iublimation du cobolt
noir : c'eft ce que les Allemands nomment
miicken-gift. Il en eft encore qui eft formé
des mines de plomb &: de celles de cui-
vre , qui lont minéralilécs a^^ec Varfenic :
c'eft une forte de fcoric qui iurnage à la
fonte de ces minéraux. Les ouvriers le
nomment Jpeifc ou kupferleg, on fchwar:^r
kupfcr. Onfiitauill parla précipitation un
régule avec Varfenic blanc cryfl:allin & le
plus noir , traité dans un vafe fermé.
W'aller. MirJralog. tom. I,pag. ifoj &• 404 ,
2flm. II, pag. Z05 & i.06. Brandt , de fenii-
mctallis.
On trouve encore dans les boutiques un
arfenic à demi-vitrifié , cryftallin , blanc ,
jaune ou rouge. Ow foit le rouge avec une
partie de loufre &: cinq d'arfenic tranfparent.
Lorfque Varjlnic eft en cryftaux , on le
nomme rubis de foufre ou ruMs arfenical,
Lorfque le foufre ne fût qu'un dixième du
mélange , Varfenic eft jaune. L'alliage du
foufre rend Varfenic plus fulîble & plus fixe:
ainfi Varfenic rouge peut le fondre ; & il
acquiert de la tranfparence.
On vend enfin une pouiïîere arlenicale,
qui s'élève & s'attache dans les cheminées
ou aux parois fupérieures des fonderies ôz
des atteliers où l'on travaille toutes les mines
arfenicalcs : c'eft ce que les fondeurs alle-
mands nomment hilttcinrauch &c gift-melh.
Cette tarine arfenicale eft tantôt blanchâtre ,
tantôt jaunâtre.
Jufqu'ici nous avons coiifidéré Varfenic
A R S 4^7
comme folTile & naturel , i?C Varfenic fabri-
qué j il nous refte à l'envifiger en chymiftc ;
c'eft dans ce feul point de vue que l'a con-
iîdéré l'auteur du Diclionnairc de chymie ;
Se nous allons maintenant fuivre fes obfer-
vations , en y ajoutant les nôtres.
h'arfcnic fadtice , qu'on nomme auffi
arfenic blanc , n'eft ordinairement que la
fleur du régule d'arfenic, ou la chaUx métal"
lique.
Cette matière a des propriétés lînguliercî,
&qui la rendent unique en Ion elpece.
E]lc eft en même temps terre métallique
& lubftance filline ; elle rellemble à toiKcs
les chaux métalliques , en ce que n'ayant
point la forme métallique , elle eft capable
de le combiner avec le phlogiftique , de
ie changer avec lui en un véritable demi-
métal.
Mais elle diffère trcs-elfentielîement de
toutes les chaux & terres métalliques.
1°. Parcequ'elle eft conftamment volatile,
au lieu que toutes les autres chaux des
métaux , ik même celles des demi-métaux
les plus volatils , font très-fixes , quand elles
ont été dépouillées de leur phlogiftique.
1°. Les chaux métalliques , bien loin
d'être dillolubles dans l'eau , lont même
prelque toutes indilTolubles par les acides les
plus forts, h'arfenic blanc , au contraire ,
eft diflôluble , non feulement dans tous
les acides , mais encore dans l'eau même j
comme le lont les matières lalines.
Selon M. Brandt, Acîa eruditorum Upfal.
de femi-metallis , en 1735, ^orfenic le dilïout
à l'aide de l'ébuUition pendant toute une
journée , dans quatorze ou quinze fois Ion
poids d'eau ; & on obtient par le refroidiC-
fement & l'évaporation de cette diftolution ,
des cryftaux jaunestranlparensiSc irréguliers.
Toutes les liqueurs , le vinaigre , l'efpric
de-vin , l'eau-de-vie , les huiles , peuvent
plus ou moins facilement dilloudre Vaifenic
ta6lice. Il faut feulement , félon le menftrue,,
plus ou moins de chaleur , de digeftion , de
temps , ou de liqueur.
5°. Les chaux métalliques , lorfqu'elles
font parfritcment calcinées , lont abfolu-
ment inodores , infipides & fans aétion fur
notre corps , même celle du régule d'anti-
moine. L arfenic , au contraire , conlerve
toujours une txès-forte odeur d'ail ; étant
4^S A R S
mis fur la langue , il excite une impreflîon
d'âcreté & de chaleur , qui produit un
crachotement involontaire.
Lorfqu'on 1& prend intérieurement , ou
même lorfqu'on l'applique extérieurement ,
il fait toujours les effets d'un poifon corrolif,
des plus terribles Se des plus violens.
4**. Aucune efpece de terre , même les
terres métalliques , ne peuvent contrafter
d'union avec les fubftances métalliques.
Uarfenic s'unit facilement avec tous les
métaux & demi-métaux , avec les mêmes
degrés d'affinité que le régule d'antimoine ,
c'eft-à-dirc , dans l'ordre fuivant : arfenic ,
fer , cuivre , étain, plomb, argent , or ,
luivant M. Cramer. Voye^^ auiu Juncker,
Confpeâ. Chem. tome I , page lojo.
Il faut oblcr^'er à ce fujet , que \' arfenic
rend fragiles & caffans tous les métaux
avec lefquels il s'unit. Il rend l'or grifàtre
dans fa frafture , l'argent d'un gris foncé ,
le cuivre blanc. L'étain devient par Ton
mélange , beaucoup plus dur & de difficile
fuhon. Le plomb devient auiïî très-dur &
très-caflant , & de difficile fufion ; il change
h fer en une malïe noirâtre : toutes ces
cbfervations font de M. Biandt , loc. cit.
5°'. Plus les chaux métalliques lont
dépouillées de phlogiftique , plus elles font
difficiles à fondre. Uarfcnic, au contraire, eft
toujours très- fuiible. Sa feule volatilité met
obfiacle à fa parfaite fulîon. Il volatilife ,
fcorifie & vitrifie tous les corps folides , à
l'exception de l'or , de l'argent , & de la
platine.
6°. Les terres & chaux métalliques
n'ont aucune aftion fur le nitre , qui ne
peut être décompoié que par le phlogif-
tique , par l'acide vitriol Jque , & par le fcl
fédatif. L'iirfenic décompole le nitre avec
la plus grande facilite , non pas en fe com-
binant avec fon acide , ôc en le dérruilant ,
comme te fait le phlogilHque , mais en le
dégageant , & en prenant fa place auprès de
l'alkali , C'3nnme le font l'acide vitriolique.
Se le fel fédatif.
Stahl Si Kunckeloiit connu l'un & l'autre
cette propriété qu'a Yarfcnk de décompoler
le nitre & d'en dégager l'acide.
Sïâhl enîcigne à préparer, par l'intermède
àc Y arfenic , un .acide nitreux très -volatil ,
cxtjtmemcm concentre , d'une odeur pcnc-
A R S
tranre Se fétide , & de couleur Ueue , quoi-
que les vapeurs foient routles. Cette couleur
bleue n'eft due , félon l'obfervation de
M. Baume , qu'à l'eau qu'on efl: obligé de
mettre dans le récipient , pour condenfer les
vapeurs de cet acide , qui eft extrêmemeiic
fort & difficile à candenfer. i
Kunckel enfeigne aufTi à faire une eaii f
forte toute femblable , mais par un procédé
be.aucoap plus fimple &c plus clair que celui
de Stahl, puilqu'il ne décompofe le nitre i
que par Varferdc feul , au lieu que Stahl
i''. fût entrer dans fbn mélange le vitriol
de mars , calciné au rouge \ x°. non pas
V arfenic pur , mais une combinaiion à' arfenic
à parties égales avec l'antimoine & le foufre :
combinaifon que les chymil\es avoienc
nommée lapis pirmiefon ou lapis de tribus.
Ces deux chymiftes s'étoient contentés
d'examiner les propriétés de l'elprit de nitre
qu'ils retiroient par l'intermède de l'jr/è/!/<: ,
& perfonne n'avoit examiné ce qui reftc
dans la cornue après la diftillation.
Cette matière , digne d'attention , a été
reprife par M. N4acquer , qui a examiné
lînguliérement la décompofitiondu nitre par
Varfenic dans les vailTèaux clos , & la nou-
velle efpece de fel qui refte fixe dans la
cornue après la diftilhtion de l'acide nitreux.
Ces recherches , dont il a donné le détail
dans deux mémoires , imprimés dans le
Recueil de l'académie de Paris , lui ont fait
découvrir que Varfenic , en fe combinant
avec la bafc'du nitre , après en. avoir châtie
l'acide , forme , avec cet alkali , une forte
de fel parfaitement neutre , auquelil a donné
le nom de f.1 neuf.e arfenic al.
0\\ ccnnoiilôit en chymie uns .autre
décompolîtion du nitre par Varfenic , & par
conféquent une autre combinaifon de Varfe~
nie a\ec h. bafe du nitre , nommée par
quelques chymiftes arfenic fixe par le nitre >
ou ni. re fixe par l'arfemc ; m.-vis cette der-
nière combinaifon diffère du fel arfenical de
M. Macquer, en ce qu'elle n'eff point uii
fel neutre , îs: qu'elle con'erve , au contraire»
routes les propriétés alkalmes.
M. Macquer a fait encore une autre com-
binaifon de Varfenic avec l'alkaU fixe en
liqueur.
L'arfenic blanc , quoique trcs-volanl , fe
fixe en partie pai l'a-diicreuce qu'il contraiic
A R s
avec dîverfes forces de terres , Sc même juf-
qu'.ui poinrde foutcnirlc feu devitrihcacioii.
Il facilite la fufion de plulicurs matières
rcfradaircs , félon les expériences de M,
Pott. De-là vient qu'on le hit entrer dans la
compolicion de plulieurs verres îk' cryftaux ,
auxquels il donne beaucoup de netteté &
de blancheur , à-peu -près comme le lel
fcdatif (Se le borax ; mais il a aulfi les mêmes
inconvéniens ; c'eft que quand il y eft
dans une proportion un peu grande , ces
cryftaux fe ternifiènt beaucoup plus prompte-
ment par l'aftion de l'air.
Les teinturiers emploient Ytirfenic blanc
dans plulieurs de leurs opérations ; mais
les effets qu'il y produit ne (ont pas encore
bien connus , & demandent un examen
particulier.
L'ûrfenic entre dans la compofition de
plulieurs couleurs foliJes des fabriquans
d'indiennes ou toiles peintes.
Unrfenic Sc fon régule , pouvant fe
combiner avec tous les métaux , on fè fert
aulFi de Ion mélange pour plulieurs com-
politionSj telles , par exemple, que le cui-
vre blanc ou tombac blanc. Voyez la Mi-
rJralogie de Wallerius & celle de M. Val-
mont de Bomare.
On fe fert avec grand fuccès , de Varfenic ,
pour fiire avec le cuivre & l'érain , des
compofés métalliques d'un allez beau blanc ,
êz d'un tillu très-denfe & très-ferré , capa-
bles , par con(équent , de prendre un beau
poli , de bien réfléchir les rayons de la
lumière , & de taire des miroirs de métal.
On peut conjedurer de tout ce qui vient
d être dit des propriétés de l'ûrfenic , que
cette matière ell une terre métallique , «.l'une
nature particulière , intimement combinc-e
avec un piinc'pe fàlin & même acide , qu'au-
cune épreuve chymique n'apujulqu'àpréfent
en léparer , oui l'accompagne dans fa com-
hinailon avec le phlogil'cique , iorfcju'elle
prend la forme métallique , 6: qui y relte
adhérent , lorfque par la combultion de ce
phlogiftique , elle redeviciit arfeni. bl'.nc.
Aullî Bcccher , fins avoir mcme connu
toutes les propriétés de Varfenic , en donne-
t-il une idée bienanalogueàcertc conjeiluie.
Il le déhnit dans (a phyfîque fouterraim :
" une lubftance compoiée de la terre du
ibu&c qiû eÛ dans k le! coniaïuii ( ce c^ui
A R S ^69
veut dire apparemment l'.icidedu Tel marin) >
& d'un métal qui y eft joint. >• Ailleurs il
l'appelle une eau forte & coagulée ; 3c comme
il voyoit par-tout la terre mercurielle , ou
au moins quelque choie de mercuricl , il
nomme le mercure un arfenic jluiJc ; il
regarde le mercure &: les métaux cornés ,
comme des elpeces à'arfenics artificiels.
Il eft des compofés à' arfenic & de loufre
qui font naturels; il en eft d'artificiels : ceux-
ci fe préparent en mêlant îs: fubhmant
enfemble ces deux fubftances dans les pro-
portions dont on a parlé ci-deirus , ou ,
encore mieux , en fiiifant fublimer enfemble
le foufre &c Varfenic des minérau::, qui
contiennent ces deux lubftances.
Agricola, Marthiole , Schrtxdev, femblent
avoir confondu les arfenics jaunes i^c rouges
artificiels avec les naturels ; & depuis eux ,
la plupart des chymiftes &: desj natur.diftes
les ont aulTî confondus , contufion kir la-
quelle Hoffmann leur fait un très-grand
reproche , fondé principalement (ur ce que
des expériences qu'il a faites exprès , l'onc
convaincu que l'orpiment S>c le réalgar natu-
rels , ne font pas des poilons comme \'ar~
fenic jaune & \' arfenic rouge artificiels.
Mais malgré les expériences de Hoffmann ,
qui n'ont été faites qu'une fois ou deux fur
les chiens , il feroit très-imprudent de faire
prendre intérieurement de l'orpiment ou du
réalgar naturel : d'autant plus que toutes les
épreuves chymiques démor.trent que ces fubf^
tances contiennenr réellement un principe
arlenicale, & que Hoffmann convient lui-
même que quand ils ont été expofésau feu,
ils devieiiiient des poifons très-violens.
Hoffmann remarque aulTi que les anciens-
médecins ne laifoient pas difficulté de don-
ner intérieurement l'orpiment & le réalgar
foiïi'es, & Icsdifculpe du reproche que des-
médecins modernes leur en ont f.àc. Mais
il faut oblerser , à ce iujet , que les anciens,
connoifloient pea nos arJerJcs blancs, jaunes
& rouges faélices , qui ne ibnt bien connus,
qu'environ depuis deux cents a;.i : & que
s'ils avoier.t connu les effets de ces poifons ,,
^■i la redcmblance qu'ils ont avec l'orpiment
Z<. le réalgar naturels , ils auroient été vrai~
fèmblablemenc beaucoup moins hardis. L*
méfiance eft auffî louible que la hardieffe;
, eff: coniamuablc fur ces foicci.dc ruarieics..
470
A R s
dans lefquelles des ditFérences prefqa'in-
fenllblcs peuvent occafioner les accidens les
plus fâcheux. C'eil: pourquoi on ne peut
approuver la fécurité fuiguliere avec la-
quelle un auffi grand médecin que l'étoit
Hoffmann , s'eftorce d'infpirer de la confiance
pour des drogues aulli fulpecles que le lont
l'orpiment &: le réalgar naturels.
On ne prétend pas dire pour ceia qu'il ne
peut point y avoir de différences eiîentielles
entre l'orpiment naturel & Varfenic jaune
fa£ticc. On convient même que Varfenic,
contenu dans l'orpiment , y eft vrailembla-
blement mieux lié par le foufre , & qu'il
y eft d'ailleurs en moindre proportion ; car
une partie de l'orpiment paroît être cora-
polée d'une pierre fpatheui'e , & d'une
erpece de mica , ce qui lui donne une forme
feuilletée & brillante.
Lorique Varfenic eft combine avec le fou-
fre, on peut féparer une parde du foufre
par la leule fublimation , parce qu'il eft plus
volatif j mais il y a toujours une portion du
foufre , qui demeure unie avec Varfenic , &
que l'on ne peut en iéparerque par le fecours
d'un intermède.
L'alkali fixe , Se le mercure font deux in-
termèdes propres à faire cette opétadon.
Lorfqu'on Ce fert de l'alkali fixe, il faut
le prendre en liqueur & en former uife pâte
avec Varfenic fulfuré qu'on veut fi!L>iimer ,
mettre rette pâte dans un vailfeau, la iubli-
mer , & poulfer à la lublimation par un
feu gradué : Varfenic fe fublime en fleurs blan-
ches. Si l'on mettoit trop d'alkali , on reti-
reroit moins d'arfenic ; parce que la portion
d'alkali , qui ne feroit pas faturée de foufre ,
le retiendroit. On trouve du foie de foufre
au fond du vaifteau après l'opération.
Lorfqu'on fc fert du mercure pour faire
cetre féparation , il faut le triturer & l'étein-
dre avec Varfenic fulfuré , & procéder à la
lublimation. h'arfenic monte d'abord ; cn-
fuite il fe lublime du cinabre. Toutes les
matières métalliques, qui ont plus d'aiHniîé
que le mercure .avec le foufre , lembleroienr
pouvoir être employées pour cette opération.
Mais deux raifons s'y oppofent :
1°. Elles ont aulfi beaucoup d'afHnitéavec
Varfenic , & le mercure n'en a pas.
2*^. h'arfenica la propriété très-remarqua-
ble d'enlever à toutes les matières métal--
A R S
liques , excepté à l'or , à l'argent & au mer»
cure, une partie de leur phlogiftique , en
iorie qu'il le fublimeroit à moitié regulifé.
Dans l'opération par le mercure , fouvenc
une partie du cinabre monte avec Varjenic ;
ce qui oblige de le lublimer une féconde
fois.
L'arfenic fe diftbut dans tous les acides ,
Se forme avec eux des combinaifons qui n'onc
point encore été examinées dans un détail
fufîiiant. L'acide vitrioiiquea la propriété de
le rendre infiniment plus fixe qu'il ne l'eft
naturellement , eft et qu'il produit auiïl fur le
mercure.
Si l'on traite enfemble par la diftillation
un mélange d'arfenic & d'acide vitriolique
concentré, on retire un acide vitriolique,
qui quelquefois , fuivanc l'obfervation de
M. Macquer , a une odeur tout-à-frit im-
pofante d'acide marin. Lorique l'on a poufte
cette dilfolution jufqu'à ce qu'il ne monte
plus d'acide , alors la cornue eft prefque
rouge , il ne fe fublime point d'arfe-
nic ; mais cette fubftance refte dans une
fonte tranquille au fond de la cornue. En
la laiOant refroidir , on trouve Varfenic en
une feule mailè; compadle , très-pelante , caC-
faute Se tranfparente comme du cryftal. Cette
efpece de verre cxpofe à l'air s'y ternit en
peu de temps , à caufe de l'humidité qu'il
en atûre , qui le dilfout , & qui le réfout
même en partie en liqueur ; ce déliquium eft
extrêmement acide.
L'arfe,iic , traité avec le phlogiftique d'une
manière convenable , (g combine avec lui ,
(S: prend toutes les propriétés d'un demi-
métal très-volatil , d'une couleur plus ou
moins fombre , blanche ou brillante : on
nomme cette fubftance régule d'arfenic.
L'arfenic qui eft dans le commerce , Ce
tire dans les travaux en grand , qu'on fait
principalement en Saxe , lur le cobok , pour
en tirer le faftre ou bleu d'azur. Ce minéral ,
contient une très-grande quantité d'arfenic,
qu'on eft obhgé de féparer par une longue
torréfa lotion : cet arfenic leroit perdu , fans
un moyen qu'on a imaginé , Se qu'on pra-
tique pour le retenir & le rallembler.
Pour cela on grille le cobok dans une
efpece de four voûté , auquel eft .ajuftéeune
longue cheminée tortueufe. h' arfenic , réduit
en vapeurs, enfile cette cheniiace îJc s'y
A RS
amafTe ; les portions A'arfcnic qui fe (ont
attacliécs à la partie de la clu'mince la plus
froide &: la plus éloignée du four , y lont
fous la forme d'une poudre blanche ou griie ,
qu'on nomme Jleurs , ou farine d'arfenic.
Celles au contraire qui s'attachent à la partie
de la cheminée la plus chaude , & la plus
voiilne du fourneau , y éprouvent une forte
de fulion qui les réduit en malles compares,
pelantes , d'un blanc mac in: rcflembl.int à
de It-mail blanc ; ceS' malles à'arfenic blanc
iontprelquetoujours entrc-coupéesde veines
ou couches jaunâtres ou grisâtres. Ces cou-
leurs font dues à un peu de ioufre ou de
phlogilHque , auxquels étoit encore unie
cette portion à'arfcnic.
Comme il eft rare , aind que l'on voit
par ce détail , que Yarfenic qu'on obtient
dans ces travaux en grand , foit entièrement
exempt de parties lulfureules ou phlogifti-
ques ; li l'on a beloin , pour les opérations
de chymie ou des arts , à'arfenic qui loit
parfaitement pur , on doit le fublimer de
nouveau , après l'avoir mêlé avec quelque
intermède , capable d'ablorber Tes parties
inflammables , principalement avec les alka-
lis ou les terres ablorbantes.
IJûrfen^ eft un poilon corrofif très-vio-
lent : il produit toujours" les plus fâcheux
fymptomcs & des effets meurtriers , pris in-
térieurement , ou même apphqué extérieu-
rement. Il ne doit jamais être em.ployé dans
l'ufage de la médecine , quoique quelques
perionnes , très-peu inftruites de cette fcien-
ce , ofent le faire prendre en petites dofes
dans des fièvres intermirtentes opiniâtres,
qu'il peut guérir effecT;ivement, mais tou-
jours aux dépens des malades , qui iont ex-
po((.'s enfuite à la p.hthilie , ou à d'autres ma-
ladies auffi fâcheules.
On a prétendu que Varfenic entroit dans
les poudres fébrifuges de Berlin. Un empy-
rique donnoit pour les fièvres une prépara-
tion de i'arf-nic en poudre , qu'il fai'oit
aufli prendre en dillclution. Il s'eft promené
dans l'Europe , & a trouvé des dupes avec
fou remède.
Les accidens qu'éprouvent les pcrfonnes
cmpoifonnées par Varfenic , font des dou-
leurs énormes , dans les entrailles , des vo-
millemens violens, des fueurs froides,des fyn-
copes 5 des convullîons qui font toujours fui-
A R S 471
vies de la mort, fi l'on n'y apporte un prompt
remède. Les meilleurs contre-poifons de l'^zr-
fcnic font : les grands lavages délayans &
adoucillàns , comme les mucilages, l'huile,
le lait , le petit - lait : les matières abfor-
bantes & alkalincs produiront aulTi de très-
bons effets , à caufe de la propriété qu'a \'ar~
fcnic de fe combiner , de de fe neutr.alifcren
quelque f içon avec ces fubllances. Le lel de
tartre & la leffive des cendres de cuilîne
peuvent être employées comme contre- poi-
lon , & lont très-efficaces.
Lorlqu'on fait l'ouverture des cadavres
des gens empoifonnés par Varfenic , ou ap-
perçoit dans l'elfomac & dans les ititeluns
grêles , des taches rouges , noirâtres, livides ,
enflammées lïc gingreneuies ; louvcnt on y
trouve encore Varfenic en fubflance , qu'on
peut reconnoitre .lilément à fon odeur d'ail ,
en le mettant fur les charbons ardens ou fur
une pelle rouge.
La table de NL Geoffroy n'indique point
les affinités de Varfenic ; celle de M. Gellert
donne le zinc, le fer, le cuivre, l'étain,
le plomb , l'argent , l'or tk. le régule d'an-
timoine.
Brandt , dans les Acles de l'académie df
^733 > 'ivoit propofé Varfenic , diffout dans
l'huile & mêle avec la poix &: la rélîne, comme
propre à faire un vernis pour enduire le bois
des v.riffeaux , & les pilotis des digues , afin
de les préferver de la vermoulure. J'ai vu
une expérience en petit , qui a eu le plus
grand fucccs. Il eft furprenant que l'on n'ait
pas fait ufage de cette ouverture , pourcher-
cher un vernis peu coûteux , qui fe feche fa-
cilement & qui s'étende exaé'tement. J'ai vu
aufli employer l'rtr^'i^'/wc avec fuccès pour em-
baumer les oifeaux ou leur peauemplumée ,
& les garantir contre toutes les vermines.
(BC.)
* ARSENOTELES , f. m. pi. ou herma.
phrodites. Ariftote donne ce nom aux ani-
maux qu'il conjedure avoir les deux fexes. •*
Voye?^ Hermaphrodite.
ARSIou Arsm , ( Géog.) peuples de
l'Arabie heureufe , dont Pline &: Ptolomée
ont foit mention, La différente rerminaifon
de leur nom eft caufe que des géographes
peu attentifs en ont fait deux peuples, quoi-
que ce ne foit que le même appelle indiffé-
' reinment Arfi ou Arfxpa- lesaureiirs. (C. A.)
47î A R S
ARSIASILFA,{ Géogr. ) foret d'IrrJie
près de Rome; elle icra à jamais célèbre par
la mort du grand Lucius-Junius-Brutus, l'un
des premiers coniuls de Rome , qui délivra
fa patrie de Tarquin le fuperbe. Ce fut dans
cette forêt que Brutus fut tué dans un com-
tat contre les Etruiques. {C. A.)
ARSI AS , ( Gcogr. ) fleuve d'Italie célèbre
parune vidtoire que Ptolémée remporta fur
fcs bords , contre fes ennemis C'eft au-
jourd'hui i'EJîno dans la Marche d'Ancone.
(C.A.)
ARSICUA , ( Géogr. ) ville de la Germa-
nie , félon Ptoloméc. Les intrepretes s'ac-
cordent à la placer en Moravie : mais ils ne
jfavent h c'eft aujourd'hui Olmutz ou Erinn.
Ce qu'il y a de plus vraifemblable , c'eft que
Hradish a bien plus de rapport avec ^r/ïcz//?,
& que la conjeclure eft bien mieux fondée
de prendre Hradish pour l'ancienne Arjî-
cua y qu'Olmutz ou Brinn. (C. ^. )
ARSIETj^, {Géogr.) nation delaSar-
matie Européenne , félon Ptolomée. On con-
jeéture qu'elle habitoit le pays appelle
aujourd'hui le Palatinat de Chelm en Po-
logne. ( C. A.)
ARSINARIUM , {Géogr.) c'étoit, chez
les anciens , le nom d'un fameux promon-
toire d'Afrique , dans le Sénégal , que nous
connoiftbns aujourd'hui lous le nom de Cap
■Verd. {C. A.)
ARSINOÉ , {Géog.) ville d'Egypte , que
l'on nommoit encore indifféremment Cléo-
fairide. Elle étoit fur les bords du canal
cxeufé par Ptolémée , entre le Nil & la mer
Rouge. Quelques-uns prétendent que c'eft
Suez , & d'autres Azirutz , à quinze milles
de Suez. Il y avoit encore plufieurs villes de
ce nom; favoir trois en Afrique , deux le
long du golfe Arabique , & une dans la
Lybie Girénaïque , entre Ptolémaïde &
Leptis , une en Syrie , une en Céléfyrie ,
quatre dans l'ile de Chypre , une en Lycie ,
une en Grèce , dans l'Etolie ; & enfin une
dans l'Afie mineure , qui étoit la même que
la célèbre ville d'Ephefe : excepté cette der-
nière , on n'a prclque point de détails vrais
ou importans lur toutes ces villes. (C.A.)
Arsinoé , {HiJL d' Egypte.) (^oom de la
fameuic Cléopatre , en eut toute l'ambition
fans en avoir les talens & la beauté. Cefar
lui fit préfenr de l'île de Chypre dont elle fut
mife en poireffion avec le plus jeune de 'fes
frères ; mais méconterite du partage , elle
engagea Photin à fe révolter contre les Ro-
mains. Cet eunuque qui avoit tous les ta-
lens pour gouverner un empire , s'aflocia
avec Achillas qui avoit tous les talens pour
commander une armée. Ces deux rebelles ,
ibllicités par Arfinoé , raflt-mblerent des ef-
clayes fugitifs de Syrie & de Cilicie, qu'ils joi-
gnirent à un corps defoldats quiavoientfervi
lous Gabinius, mais dont le (cjour en Egypte
avoit amolli le courage & les mœurs. Ces
hommes autrefois célèbres par leurs exploits
militaires, n'étoient plus connus que par des
larcins &c des meurtres. Cet fut de cet amas
impur qu' Achillas & Photin formèrent une
armée. Arfinoé fut alfez aveugle pour croire
que cette guerre changeroit le deftin de l'E-
gypte. Elle fe retira dans le champ des rebel-
les , où fa prélenceélevale courage des Egyp-
tiens , flattés d'avoir à leur tête une princelle
du lang de leurs rois. La jaloufie du com-
mandement alluma les haines des chefs , &
Achillas fut airaflmé. Arfinoé revécue du
pouvoir, mit à la tête de l'armée Ganimede,
qui , quoique eunuque , avoit l'ame d'un
héros. Ses talens ne purent balancer la for-
tune de Céfar, & malgré la lupériorité du
nombre , il fut vaincu dans une bataille qui
rendit le calme à l'Egypte. Arfinoé fans ar-
més tomba au pouvoir du vair.queur qui ,
craignant qu'elle n'excitât de nouveaux trou-
bles , la conduifit à Rome chargée de chaî-
nes , pour fervir d'ornement à Ion trionv
phe. Après avoir eftuyé cette humiliation, elle
fut reléguée dans le fond d'une province de
l'Afie, où elle vécut obfcure & fans con-
fidération , jufqu'à ce qu'Antoine enivré d'a-
mour , (oufcrivit aveuglément aux volontés
de Cléopatre : cette reine auiTi ambitieufe
qu'impudique , exigea qu'il lui iacrifiât fa
(ocur Arfinoé , qui fut égorgée à Ephefe dans
le temple de Diane , où elle avoit cru trou-
ver un afyle. ( T-n. )
Arsinoé , fille du premier des Ptolé-
mées , fut mariée à Seleucus , roi de Syrie.
Ceranus fon frère, à qui leteftamcntde fou
père avoit iubftitué (on puiné , ne put (e
réloudre à obéir à celui que la nature avoir
deftiné à être (on fujet , il fe retira à la cour
de fôn beau - frerc pour folliciter fon f'e-
cours ; mais Seleucus allégua la foi des traités
qui
A R s
qui l'oblîgeoîentàiie jamais faire la guerrcaux
eiifansdc Ptolemc-e borcr. Ceranus , indigne
àc ccrcc dt-licuefie, conçut 6c exécuta le
dcllcin de rafl.illincr. Sataur, veu\cdecc
prince , le recira avec les cnfans dans Cal-
landréc, pour les fouftraiie aux fureurs d'un
ptrfide qui ne voyoit en eux que les vengeurs
cfc Ion crime. Alors Ceranus , forcé de dil-
iimuler , fit demander la lœur en mariage ,
promettant d'allurcr à les neveux l'héritage
de leur père. Arjhioé qui n'étoit point allez
puiflante pour lui réliller , coirfentit à le re-
cevoir daiis Callandrte. Après qu'il eut prcté
ferment lur l'autel de Jupiter qu'il ieroit le
proteâ:eiir de les enfans , elle va à la ren-
contre accompagnée de fes deux fîls , dont
l'ainé avoit leize ans & l'autre trois. Cette
réception lut brillante : on offrit des lacri-
fices dans les temples, & ce jour fut mar-
qué par des fctes. Ceranus reçoit les neveux
avec un cpanouiflement de joie , qui en
annonçoit la Imcérité ; mais à peine elî - il le
maure de la ville , qu'il dide 1 arrêt de leur
mort; ^/yr/zoe furieule leur frit un bouclier
delon corps, fc c'eft lur elle que tombent les
premiers coups , & fes enfàns font maflàcrés
dans les bras ; on l'arrache pale & défigurée
de delius leurs cadavres , Se elle elt tramée
en exil dans la Samothrace , où elle n'a
d''autre plailir que la rellburce de verfer des
larmes. Tandis qu'au milieu d'une nation
barbare tout lui retraçoit la fureur d''un frère
dénaturé , Philadelphe la fit venir dans fa
cour, & l'amour violent qu'elle lui infpira
la fit palier dans fon Ut. Ce fut pour le con-
cilier l'affeétion des Egyptiens , amateurs des
fêtes, qu'elle célébra avec pompe la fcte
d'Adonis , Se toute l'Egypte accourut en
foule à cette folemnité ; quoiqu'elle ne fut
plus dans l'âge d'avoir des enfans , & qu'elle
eût perdu la fleur delà beauté , elle conferva
pendant toute fa vie un afcendant vainqueur
lur fon époux, qui ne pur lui furvivre , &
pour l'avoir toujours prélente , il lui érigea
une ftatue de topale , haute de quatre cou-
dées , qu'il fit placer dans fes appartemens.
Il lui confacra un temple dans Alexandrie ,
& la nation dont elle avoit fiitles délices ,
lui en fit bâtir un autre aulfi magnifique fur
le promontoire de Zéphirie , où elle fut ado-
rée fous le nom de Vénus Zéphiride. Plu-
fieurs villes ne crurent pouvoir mieux per-
Ttme m.
A R S 473
pétucr fa mémoire & leur reconnoinànce ,
qu'en renonçant à leur ancien nom, pour
prendre celui d'ArJùn-J ; telle fut Parère
dans la Lycie, & une autre dans le Delta.
{T-N.) ^ •
Arsinoh , fille de Lyfimaque , roi de
Macédoine , époufa le lecontl des Ptole-
mées , & cette union fut une lource d'a-
mertumes & de crimes. Sa jaloulie, excitée
par la prédiled;ion de fon mari pour une
autre , la précipita dans undélefpoir qui la
rendit capable des plus grandes atrocités;
elle corrompit par lès carelles & lesprélens,
Amintas ôc le médecin Chrilippe , qui s en-
gagèrent à taire périr par le poifon la rivale
& Ion époux infidèle. Lesconfpiratcurs furent
découverts & punis; Ptolemce relpcélanten-
core dans Arjinoc[it titre de fon époule , Se
plus encore celui de mereties enfans qu'elle
lui avoit donnés , eut la modération de ne
pas la Etire expirer dans les lupplices ; il
borna fa vengeance à la reléguer à Copte,
ville de la Thébaïde , où dévorée de re-
mords , elle laiiguit dans un éternel oubli.
(.T-N.)
Arsinoé , fœur & femme de Pcoleméc
Philopator , en eut un'fils dont la naifiancc
lembloit lui allurer lapoilèlTIondu cocurdc
Ion époux ; mais lupplantie par une courci-
lanne effrontée , elle éclata en reproches
contre le prince infidèle , qui l'humilioitpar
fes dédains. Pcolemée qui le ientoit cou->
pable n'en fut que plus lenlible à l'imporcu-
nité de fes plaintes , Si. ce fut pour ne plus
entendre une voix qui réveilloit les remords,
qu'il chargea Ion miniftre de l'en débarralTèr
par le fer ou le poilon. L'ordre barbare fut
bientôt exécuté , & Arfinoé expira viétimc ■
d'un époux qui ne pouvoir lui reprocher
qu'un excès de tendrelle dont iln'étoit pas
digne. ( T-N. )
ARSiS, f. f. terme de grammaire ou.ç\\i~
tôt de profodie ; c'eft l'élévation de la voix
quand on commence à lire un vers. Ce mot
vient du «//.ff» , tollo, j'élève. Cette éléva-
tion eft luivie de l'abaillement delà voix ,
&: c'elt ce qui s'appelle tkefis, S'ctk , dépo-
fitio , remijjio. Par exemple , en déclamant
cet hémiftiche du premier vers de l'Enéide,
de Virgile , Arma virumque cano , on lent
qu'on élevé d'abord la voix. Se qu'on l'a-
baill'c enfuite.
LU
474 A R S
par arfis & tkefis on entend communé-
ment la divifion proporcionnelle d'un pie
métrique , feite par la main ou le pié de
celui qui bat la mefure.
En mefuranr la quantité dans la décla-
mation des mots , d'abord on haufle la
main, enfuite on Fabaille. Le temps que
Pon emploie à hauirer la main eft appelle
crjts , & la partie du temps qui eft mefuré
en bailTant la main , eft appelle thejîs. Ces
mefures étoient fort connues & fort en u(a-
ge chez les anciens. Voye^ Terentianus Mau-
rus ; Diomede, lib. III. Mar. Viclorinus ,
lib. I. art. gramm. ù Mart. Capella , lib. IX,
pag.3%8.{F)
On dit en mufique qu'un chant , un con-
tre-point, une figure, ioniper thefin , quand
les notes defcendent de 1 aigu au grave ; &
per arjin, quand les notes montent du grave
à l'aigu. Fugue per arjîn & thefin, eft celle
que nous appelions aujourd'hui fugue ren-
verfée ou contre-fugue , lorfque la réponfèfe
fait en fens contraire , c'eft-à-dire en def-
cendant fi la guide a monté , ou en mon-
tant fi elle a defcendu. Voye^:^ Contre-
ruGUE, Guide. {S)
ARSITIS , ( Géogr. ) contrée d'Afie ,
dans l'Hyrcanie , auprès du mont Coronos.
iD.G.)
ARSKOG ,{Géogr.) très-grande forêt de
la Suéde feptentrionale , dans la province
de Medelpad. Il femble que les pays du
nord ont des bois , comme ceux du midi
des fables , & que ces vagues étendues four-
nillent plutôt des points à la géographie, que
des fcenes àThiftoire, Mais le cofmographe
y trouve toujours de quoi fervir à fes étu-
des. (£>. G.)
ARSLAN, ( Géogr.) place forte d'Afie,
dans la Perle , proche de Casbin , dans la
province d'Erach. {D. G.)
ARSOFF A, (G^^r.) ville d'Afie, dans
la partie de l'Arabie que l'on appelle défert
.de Syrie. Les tranfaSions philofophiques don-
nent cette ville pour celle de Refapha , en
Palmyranie, dont Prolomée fait mention.
{D.G.)
ARSONIUM , ( Géogr. ) ville de la
grande Germanie , félon Ptolomée. {D. G.)
ARSTAD , ( Géogr. ) petite île de la
«1er de Syrie , avec une ville de même nom
Elle eft vis-à-vis de Torcole ^ & s'appelle
A R S
aujourd'hui Rouvadde , ou Ruad : elle eft
entourée de rochers , Se n'a plus que deux
maifons , & deux châteaux de défenfe.
{D.G.)
ARSUF, Orsuf ou Ursuf, {Géogr.)
ville d'Afie , dans la Paleftine , fur la Mé-
diterranée : elle tombe en ruines , & l'on
ne fait (i jadis ce n'étoit point , ou l'une
des ApoUonies , ou l'une des Antipatrides.
Il y a dans ion voifinage une petite île
nommée Arfujfo. {D. G.)
ARSUS , ( Géogr. ) grande plaine de la
Turquie, en Afie, dans le gouvernement
d'Alep : on lui donne une grajide lieue
de largeur , fur trois à quatre de lon-
gueur , & elle eft voifine des monts qu'on
nommoit anciennement Pieria Se Rhoffus.
(D.G.)
ART , f. m. ( Ordre encydopéd. Entende-
ment. Mémoire. Hifloire de la nature. Hif~
toire de la nature employée. Art. ) terme
abftrait & métaphyfique. On a commencé
par faire des observations (ur la nature, le
lervice, l'emploi, les qualités des êtres Se
de leurs fymboles ; puis on a donné le nom
de fcience ou d'art ou de difcipline en géné-
ral , au centre , au point de réunion auquel
on a rapporté les obfervations qu'on avoit
faites , pour en former un fyftême ou de rè-
gles ou d'inftrumens & de règles tendant
à un même but; car voilà ce que c'cft que
difcipline tn général. Exemple. On a réfléchi
fur l'ufage & l'emploi des mots , & l'on a
inventé enluire le mot Grammaire. Gram-
maire eft le nom d'un fyftême d'inftrumens &
de règles relatifs à un objet déterminé ; Se cet
objet eft le fon articulé, les fignes de la parole,
l'exprelfion de la penfée , Se tout ce qui y a
rapport : il en eft de même des autres Icien-
ces ou arts, ^oye^ Abstraction.
Origine des fciences & des arts. C'eft l'in-
duftrie de l'homme appliquée aux produc-
tions de la nature ou par fes befoins , ou par
fon luxe , ou par fon amuiement , ou parfà
curiofité , £'c. qui a donné n.iiilancc aux
iciences Se aux arts ; Se ces points de réu-
nion de nos différentes réflexions ont reçu
les dénominations de fc'^nce & d'art, ielon
la nature de leurs objets formels, comme
difent les logiciens. Foyt'ij^ Objet. Si l'ob-
jet s'exécute, la colledkion & la dirpolition
technique des règles felon lefquellcs il s'cxé-
ART
«ute , s'appellent art. Si l'objet cft contem- '
1)lé feulement fous différentes faces , la col-
edion & la dilpolltion technique des obfer-
■vations relatives à cet objet , s'appellent
fcience ; ainli la mkaphyfiquc eft une Icience,
& la morale eft un art. Il en eft de même de
b théologie & de la pyrotechnie.
Spéculation & pratique d'un art. Il eft évi-
dent par ce qui précède , que tout art a (a
fpéculation &c fa pratique ■■, (a fpéculation ,
qui n'eft autre choie que la connoidance ino-
pérative des règles de Van , la pratique , qui
n'eft que l'ulage habituel & non réfléchi
des mêmes règles. Il eft difficile, pour ne
pas dire impolfible , de poullcr loin la prati-
que fans la fpéculation , & réciproquement
de bien polféder la fpéculation fans la prati-
que. Il y a dans tout art un grand nombre
de circonftances relatives à la matière , aux
inftrumens & à la manœuvre , que l'ulage
feul apprend. C'eft à la pratique à préfentcr
ies diflicultés & à donner les phénomènes ,
& c'cft à la fpéculation à expliquer les phé-
nomènes & à lever les difficultés : d'où il
s'enfuit qu'il n'y a guère qu'un artifte fa-
chant raifonner , qui puiilc bien parler de
(on art.
Dijlribmion des arts en libéraux & en mè-
chaniques. En examinant les productions des
arts on s'eft apperçu que les unes étoient plus
l'ouvrage de l'efpritque de la main, &:qu^au
contraire d'autres étoient plus l'ouvrage de
la main que de l'eiprit. Telle eft en partie
l'origine de la prééminence que l'on a accor-
dée à certains arts fur d'autres, & de la
diftribution qu'on a fiite des arts en arts
libéraux & en arts méchaniques. Cette dif-
tindtion , quoique bien fondée , a produit
un mauvais effet , en aviliftant des gens
très-eftimables & très-utiles, &: en fortifiant
en nous je ne fais quelle pareffe narurelle,qui
ne nous portoit déjà que trop à croire que
donner une application conftante & iuivie
à des expériences &: à des objets particuliers ,
fenfibles &: matériels, cetoit déroger à la
dignité de l'efprit humain ; & que de prati-
quer ou même d'étudier les arts méchaniques,
c'étoit s'abaiflèr à des chofes dont la recher-
che eft laborieufe , la méditation ignoble,
l'expoiîtion difficile , le commerce déshono-
rant , le nombre inépuifable , & la valeur
miiiurielle : Minui majcfîatem mentis huma-
A R T 47y
nœ , fi in experimentis & rchus particulari^
bus, &c. Bac, /20V. org-. préjugé qui tendoic
à remplir les villes d'orgueilleux raifonneurs
& de contemplateurs inutiles , & les cam-
pagnes de petits tyrans ignorans , oifîfs & dé-
daigneux. Ce n'eft pas aind qu'ont penfé
Bacon, un des premiers génies de l'Angle-
terre; Colbert , un des plus grands miniftrci
de la France; enfin les bons efprits &les
hommes figes de tous les temps. Bacon re-
gardoitl'hiftoire des arts méchaniques commz
la branche la plus importante de la vraie phi-
loiophie ; il n'avoit donc garde d'en mépri-
fer la pratique. Colbert rcgardoit l'induftric
des peuples & l'établilfement des manufac-
tures, comme la richeflc la plus sûre d'un
royaume. Au jugement de ceux qui ont au-
jourd'hui des idées faines de la valeur des
chofes , celui qui peupla la France de gra-
veurs , de peintres, de fculpteurs & d'artif-
tes en tout genre ; qui furprit aux Angloisla
machine à faire des bas , le velours aux Gé-
nois , les glaces aux Vénitiens , ne fît guère
moins pour l'état que ceux qui battirent fes
ennemis & leur enlevèrent leurs places for-
tes ; & aux yeux du philofophe il y a peut-
être plus de mérite réel à avoir fait naître
les le Brun, les le Sueur, & les.Audran;
peindre & graver les batailles d'Alexandre ,
& exécuter en tapifferie les viftoircsdenos
généraux , qu'il n'y en a à les avoir rempor-
tées. Mettez dans un des côtés de la balance
les avantages réels des fciences les plus fubli-
mes & des arts les plus honorés , & dans
l'autre côté ceux des arts méchaniques, Se
vous trouverez que l'eftime qu'on a faite dej
uns Se celle qu'on a faite des autres, n'ont
pas été diftribuées dans le jufte rapport de
ces avantages , &: qu'on a bien plus loué les
hommes occupés à faire croire que nous
étions heureux, que les hommes occupés à.
faire que nous le fuffionsen effet. Quelle bi-
zarrerie dans nos jugemens! nous exigeons
qu'on s'occupe utilement , & nous niépri-
ions les hommes utiles.
But des arts en général. L'homme n'eft
que le miniftre ou l'interprète delà nature ;
il n'entend & ne fait qu'autant qu'il a de
connoiiTance ou expérimentale ou réfléchie
des êtres qui l'environnent. Sa main nue ,
quelque robufte, infatigable & fouplc qu'elle
fbit , ne peut iufHre qu'à un petit nombre
LU z
47^ ART
<\ 'effets -, elle n'achevé de grandes chofes qu'à
l'aide des iulîrumcns& des règles: il en Taur
dire autant de l'entendement. Les inftru-
mens & les règles font comme des muicles
furajoutés aux bras , & des rcllbrts accef-
foires à ceux de Telprit. Le but de tout art
•n général , ou de toutfyftême d'mftrumens
& de règles confpirant à une même fin, eft
d'imprimer certaines formes déterminées fur
une bafe donnée par la nature ; & cette bafe
cil ou la matière, ou refprit , ou quelque fonc-
tion de l'ame , ou quelque produétion de la
nature. Dans les ans méckaniqucs , auxquels
je m'attacherai d'autant plus ici , que les
auteurs en ont moins parlé , le pouvoir de
l'homme fe réduit à rapprocher ou à éloigner
les corps naturels. L'homme peut tout ou ne
peut rien , félon que ce rapprochement ou cet
éloignement ejt ou n'ejl pas pojj'.ble. ( Voyez
nov. org. )
Projet d'un traité général des arts mécha-
niques. Souvent l'on ignore l'origine d'un
art inéchanique , ou l'on n'a que desconnoii-
fances vagues fur fes progrès : voilà les fuites
naturelles du mépris qu'on a eu dans tous
les temps &c chez toutes les nations favanres
& belliqueufes, pour ceux qui s'y font li-
vrés. Dans ces occafons il faut recourir à
des fuppotitions philofophiques , partir de
quelque hypothefe vraifembl.ible , de quel-
que événement premier & fortuit, & s'avan-
cer de-là jufqu où Vart a été pouflé. Je m'ex-
plique par un exemple que j'emprunterai
plus volontiers des arss méchaniques , qui font
moins connus , que des arts libéraux , qu'on
a préfentés fous mille formes diffé/entes. Si
l'on ignoroit l'origine & les progrès de la
verrerie ou de la papeterie, que feroit un
philofophe qui fe propoferoit d'écrire l'hil-
toiredc ces arts ? Il fuppoferoit cju'un mor-
ceau de linge eft tombé par haprd dans im
vaiUér.u plein d'eau, qu'il y a féjournéaflez
long-temps pour s'y dilloudre ; & qu'au lieu
de trouver au fond du vaifleau , quand il a
été vuidé , un morceau de linge , on n'a plus
appcrçu qu'une efpece de lédiment , dont on
auroit eu bien de la peine à reconnoitie la
nature fans quelques hlamens qui reftoient ,
& quiindiquoientquela matière première de
ce fedimentavoit été auparavant fous la for-
me de linge. Qiiant à la verrerie , il (uppole-
roit que les premières kibkaciousfolidesque
ART
les hommes fe foient conftruites , étoient de
terre cuite ou de brique : or il eft impoffi-
ble de faire cuire de la brique à grand feu ,
qu'il ne s'en vitrifie quelque partie ; c'eft fous
cette forme que le verre s'eft préfenté la pre-
mière fois. Mais quelle tiiftancc itnmenfe
de cette écaille fale & verdâtre , julqu'à la
matière tranfparente & pure des glaces! Êv.
Voilà cependant l'expérience fortuite, ou
quelqu'autre femblablc , de laquelle le phi-
lol'ophe partira pour arriver juiqu'où Vart de
la verrerie eft: maintenant parveiiu.
Avantage de cette méihode. En s'y pre-
nant ainli , les progrès d'un art feroient ex-
pofés d'iuie m.aniere plus inftruclive & plui
claire , que par fou hiftoire véritable , quand
on la fauroit. Les obftacles qu'on aaroit eus.
à furmonter pour k perfedionner iè préicn-
teroient dans un ordre entièrement naturel,
(Se l'cxçUcation fynthctique des démarches
fucceflives de Yartan faciliteroit TinteUigence
aux efprits les plus ordinaires, &mettroic
les artiftes fur la voie qu'ils auroient à (uivre
pour approcher davantage de la perfection.
Ordre qu'il faudroit fuivre dans un pareil
traité. Qu;nt à l'ordre qu'il faudroit luivre
dans un pareil traité , je crois que le plus
avantageux feroit de rappeller les arts aux
produdions de la nature. Une énumératiou
exûile de ces produ6l-ions donneroitnai (lan-
ce à bien des arts inconnus. Un grand nom-
bre d'autres naitroient d'un examen circonf-
tancié des différentes faces fous lerquelles ki
même produdion peut être coniidérée. La
premierp de ces conditions demande une
connoiflance très-érei:duc del'hiftoire de h
nature j & la féconde , uns très-grande dia-
lectique. Untraité àtsarts, telqueje le con-
çois , n'eft donc pas l'ouvrage d'un homme
ordinaire. Qti'onn'aille pas s'imaginer quece
fontici des idées vaines que je propofe, & que
je prometsaux hommes des découvertes chi-
mériques. Après avoir remarqué avec un phi-
lofophe que je ne me la(l« point de louer,
parce que je ne me luis jamais kllé de le lire,
que l'hiitoire de la nature eft incomplète fans
celle àtsarts : &: après avoir invité les natu-
raliftes à couronner leur travail fur les règnes
des végétaux , des minéraux , des animaux ,.
6v. par les expériences des arts méchaniques ^
dont la connoillànce importe beaucoup plus
à 1.1 vr.uephilefophici.j'oferai ajouter à fou
ART
■•xempte , Ergo rem quam ago , non opinionem ,
fed opus cjfe ; eamque nonfeâiS alicujus , aut
placiti , fed utili:atis ejfe & amplitudinis im-
menfx fundamenta. Ce n'eft point ici un fyf-
lème : ce ne font point les tantaiiîes d'un
hommei ce font les dccifions de l'expérience
& de Lt raifon , & les iondemens d'un édi-
fice immenle ; & quiconque penfem diffé-
remment , cherchera à rétrécir la Iphcre
àt nos connoi (lances , & à décourager les
cfprits. Nous devons au hazard un grand
nombre de connoiflances \ il nous en a pré-
fente de fort importantes que nous ne cher-
chions pas : ell-il à prélumer que nous ne
trouverons rien , quand nous ajouterons nos
efïbrts à Ton caprice , & que nous mettrons
de l'ordre & de la méthode dans nos recher-
ches? Si nous poflédons à prélent des fc-
crcts qu'on n'efpéroit point auparavant ; &
s'il nous efl: permis de tirer des conjedures
du palle j pourquoi l'avenir nz nous réfer-
veroit-il pas des richefles fur leiquelles nous
ne comptons guère aujourd'hui ; Si l'on eût
dit , il y a quelques fîecles , à ces gens qui
melurtnt la poflibilité des chofes lur la por-
tée de leur génie , & qui n'imaginent rien
au delà de ce qu'ils connoillent , qu'il eft
une pouflîcre qui brife les rochers , qui
renverfe les murailles les plus épaifles à des
diftances étonnantes , qui , renfermée au poids
de quelques livres dans les entrailles pro-
fondes de la terre , les fecoue , fe fait jour
à travers les malles énormes qui la couvrent ,
& peut ouvrir un gouftre dans lequel une
TiUe entière difparoirroit ; ils n'auroient pas
manqué de comparer ces efrers à l'aâion des
roues , des poulies , des leviers , des contre-
poids , (Se des autres machines connues , &
de prononcer qu'une pareille pouffiere eft
chimérique ; & qu'il n'y a que la foudre ou
la caule qui produit les tremblemens de terre ,
& dont le méchanilme eft inimitable , qui
K)it capable de ces prodiges elfrayans. CVft
ainfi que le grand philofophe parloit à ion
fiecle j & à tous les hecles à venir. Combien
(ajouterons-nous à fon exemple) le projet
de la machine à élever l'eau par le feu , telle
qu'on l'exécuta la première fois à Londres,
n'auroit-il pas occadoné de mauvais raiion-
nemens , fur-tout fi l'auteur de la machine
avoir eu la modeftic de fe donner pour un
homme peu verfé dans les niccLuiiques ;
ART 477
S'il n'y avoir au monde que de pareils cfti-
mateurs des inventions , il ne ("e feroit ni
grandes ni petites chofes. Que ceux donc
qui fe hâtent de prononcer fur des ouvrages
qui n'impliquent aucune contradiction , qui
ne (ont quelquefois que des additions trcs-
légeres à des machines connues , & qui ne
demandent tout au plus qu'un habile ou-
vrier -, que ceux , dis-je , qui font alfez bor-
nés pour juger que ces ouvrages iont impof-
iibles , fâchent qu'eux-mêmes ne font pas
allez inlfruics pour faire des fouhaits conve-
nables. C'cll: le chancelier Bacon qui le leur
à^ïX ,qui fumpiâ , ou ce qui eft encore moins
pardonnable , qui negleclâ ex his quje prœflo
funt conjecîurâ , ea aut impojJ'ibHia , aut minus
verifimilia ,putct ; eum ferre défère fe nonfatis
doclum , ne ad optandum quidem commode &
appofite effe.
Autre motif de recherche. Mais ce qui doit
encore nous encourager dans nos recherches,
& nous déterminer à regarder avec attention
autour de nous , ce font les fiecles qui fè
Iont écoulés fins que les hommes fe (oient ap-
perçusdes chofes importantes qu'ils avoient ,
pour ainfi dire , fous les yeux. Tel eft Van
d'imprimer , celui de graver. Que la condi-
tion del'efprit humain eft bizarre! S'agit-il
de découvrir , il fe défie de fa force , il i'em~
barrajfe dans les difficultés qu'il fe fait ; les
chofes lui paroi ffent impojjiùks à trouver : font-
elles trouvées ? Une conçoit plus comment il
a fallu les chercher fi long-temps , & il a pitié
de lui-même.
Différence finguliere entre les machines.
Après avoir prcpofe mes idées fur un traité
philofophique des arts en général , je vais
palier à quelques cblervarions utiles fur li
manière de traiter certains arts méchaivqucs
en particulier. On emploie quelquefois une
machine très -c(;npo fée pour produire un
effet allez (împle en apparence ; & d'autres
fois une machine rrès-iimple en effet fufiit
pour produire une adion fort compoice :
d;ms le prem.ier cas , l'effet à produire étant
conçu facilement , & la connoiHànce qu'on
en aura n'cmbarrailanr point l'efprit , & ne
chargea;:: poiLt la mémoire , on commen-
cera par l'annoncer, 6c l'on pallèra enluiie A
la delcription de la machine : dans le (ccond
cas au contraire , il eft plus à propos de defl
cendre de lu defcriptioa ùt la m-ichinc à la
478 ART
connoifTance de l'effet. L'effet d'une hor-
loge eft de divifer le temps en parties éga-
les , à l'aide d'une aiguille qui fe meut uni-
formément & très-lentement fur un plan
pondue. Si donc je montre une horloge à
quelqu'un à qui cette machine ctoit incon-
"nue , je l'inftruirai d'abord de ion effet , &
j'en viendrai enfuite au méchanifme. Je me
garderai bien de fuivre la même voie avec
celui qui me demandera ce que c'efl qu'une
maille de bas , ce que c'efi: que du drap ,
du droguer , du velours , du fatin. Je com-
mencerai ici par le détail des m.étiers qui fer-
vent à ces ouvrages. Le développement de
la machine , quand il eft clair , en feit fentir
l'effet tout d'un coup ; ce qui leroit peut-
être impoffible fans ce préliininaire. Pour fe
convaincre de la vérité de ces obiervations ,
qu'on tâche de définir exadcmcnt ce que
c'eft que de la gaie , fans fuppoler aucune
notion de la machine du gazier.
De la géométrie des arts. On m'accordera
fans peine qu'il y a peu d'artiftes à qui les
élémens des mathématiques ne foient nc-
ceffaires : mais un paradoxe dont la vérité
ne fe préfentera pas d'abord , c'eft que ces
élémens leur feroient nuifibles en plufieurs
occafions , fi une multitude de connoiflàn-
cès phyfiques n'en corrigeojent les préceptes
dans la pratique ; connciffanccs des lieux ,
des pofitions , des figures irrégulieres , des
matières , de leurs qualités , de l'élafticité ,
de la roidcur , des frottcmens , de la con-
liftance , de la durée , des effets de l'air ,
de l'eau , du froid , de la chaleur , de la ié-
chereffe , £v. il eft évident que lesélimens
de la géométrie de l'académie ne font que
les plu3 fimples & les moins compofés d'en-
tre ceux de la géométrie des boutiques. Il n'y
a pas un levier dans la nature , tel que celui
que Varignon fuppofe dans fes propofitions ;
il n'y a pas un levier dans la nature dont tou-
tes les conditions puifl'ent entrer en calcul.
Entre ces conditions il y en a , & en grand
nombre , de très-elTcntieilcs dans l'ufage ,
qu'on ne peut mûme foumettre à cette par-
tie du calcul qui s'étend jufqu'aux différen-
ces les plus inlénfibk'S des quantités , quand
elles font appréciables ; d'où il arrive que
celui qui n'a que la géométrie intelleéluelle ,
eft ordinairement un, homme allez mal-
adroit ; ôc qu'un artifte qui n'.i que la gco-
ART
métrle expérimentale , eft un ouvrier rrès-"
borné. Mais il eft , ce me femble , d'expé-
rience qu'un artifte fe paffe plus facilement
de la géométrie intelleébuelle , qu'un homme
quel qu'il foit , d'une certaine géométrie ex-
périmentale. Toute la matière des frottemens
eft reftée , malgré les calculs, une affaire de
mathématique expérimentale & manouvrie-
re. Cependant jufqu'où cette connoiffance
feule ne s'étend-elle pas ? Combien de mau-
vaifes machines ne nous font-elles pas pro-
pofées tous les jours par des gens qui fe font
imaginé que les leviers , les roues , les pou-
lies , les cables , agiflent dans une machine
comme fur un papier ; & qui faute d'avoir
mis la main à l'œuvre , n'ont jamais fi\ la dif-
férence des effets d'une machine même , ou
de fon profit? Une féconde obfervation que
nous ajouterons ici , puifqu'elle eft amenée
par le fujer, c'eft qu'il y a des machines qui
réuiîîffenten petit, &:quineréuiîlffent point
en grand , & réciproquement d'autres qui
réulTîflent en grand , & qui ne réulîlroient
pas en petit, il faut , j e crois , m.ettre du
nombre de ces dernières toutes celles dont
l'effet dépjnd principalement d'une pefan-
teur conlidérable des parties mêmes qui les
compofent,ou de la violence de la réacbion
d'un fluide , ou de quelque volume conli-
dérable de matière élaftiqne à laquelle ccâ
machines doivent être appliquées : exécutez-
les en petit , le poids des parties le réduit à
rien ; la réadion du fluide n'a prefque plus
de lieu ; les puiffances lur leiquelles on avoic
compté difparoiffent , & la machine man-
que fon effet. Mais s'il y a , relativement aux
dimenfions des machines , un point , s'il eft
permis de parler ainfi , un terme où elle ne
produit plus d'effet , il y en a un autre en
delà ou en deçà duquel elle ne produit pas
le plus grand effet dont Ion méchanifmcétoit
capable. Toute machine a , félon la manière
de dire des géomètres , un maximum de di-'
menlîons ; de même que dans fi conftrucr
tion , ch.'.que partie conhdcrée par rapport
au plus parfait méchanifme de cette partie,
eft d'une dimenhon déterminée par les au-
tres parties ; la m.itiere entière eft d'une di- i
meniîon déterminée , relativement à fbnj
méchanifme le plus parfiit , par la matière
dont elle eft compolée , l'ulage qu'on en
veut tirer , & une infinité d'autres caufcs.
ART
Mais que' ef: > ^cmandera-t-on , ce terme
dans les dimcnfions d'une machine au-delà
Ou en-deçà duquel elle eft ou trop grande
ou trop petite? Quelle eft la dimenlion vé-
ritable & abfolue d'une montre excellente ,
d'un moulin parfait , du vailleau conftruit
le mieux qu'il eft polTible ? C'eft à la géomé-
trie expérimentale & manouvriere de plu-
ficurs liedcs , aidée de la géométrie intel-
lectuelle la plus déliée , à donner une folu-
tion approchée de ces problèmes ; Se je fuis
convaincu qu'il eft impolTible d'obtenir quel-
que chofc de fatisfaiiant là-deftusdecesgéo-
métries fcparées , & très-difficile , de ces
géométries réunies.
De la langue des arts. J'ai trouvé la
langue des arts très-imparfaite par deux
caufes ; la difette des mots propres , &
l'abondance des fynonymes. Il y a des
outils qui ont pluficurs noms différens ;
d'autres n'ont au contraire que le nom
générique , engin , machine , fans aucune
addition qui les Ipécifie: quelquefois la moin-
dre petite différence fuffit aux artiftes pour
abandonner le nom générique & inventer
des noms particuliers ; d'autres fois , un
outil lingulier par fa forme & fon ufage , ou
n'a point de nom , ou porte le nom d'un autre
outil avec lequel il n'a rien de commun.
Il feroit à fouhaiter qu'on eût plus d'égard
à l'analogie des formes &: des uiagcs. Les
géomètres n'ont pas autant de noms qu'ils ont
de figures : mais dans la langue des arts , un
marteau , une tenaille , une auge , une pelle ,
ùc. ont prefque autant de dénominations
qu'il y a à' arts. La langue change en grande
partie d'une manufafture à une autre. Ce-
pendant je fuis convaincu que les manœu-
vres les plus fîngulieres , & les machines les
plus compofées , s'expliqueroient avec un
alfcz petit nombre de termes familiers &:
connus , fi on prenoit le parti de n'employer
des termes à' art , que quandilsofiriroicntdes
idées particulières. Ne doit-on pas être con-
vaincu de ce que j'avance , quand on confi-
dcre que les machines compofées ne font
que des combinailons de machines fîmples :
que les machines fîmples font en petit nom-
bre ; & que dans l'expofition d'une manœu-
vre quelconque , tous les mouvemens (ont
rédudiblesfans aucune erreur confîdérabie ,
au mouvement rediligne & au mouvement
ART 475>
circulaire ? Il feroit donc à fouhaiter qu'un
bon logicien à qui les arts feroicnt fami-
liers , entreprît des élémens de la grammaire
des arts. Le premier pas qu'il auroit à faire ,
ce feroit de fixer la valeur des corrélatif^ ,
grand , gros , moyen , mince , épais , j cible ,
petit, léger , pefant , &c. Pour cet effet il
faudroit chercher une mefure conllantc dan5
la nature , ou évaluer la grandeur , la grof-
feur & la force moyenne de l'homme , & y
rapporter toutes les exprefïîons indéterminées
de quantité , ou du moins former des tables
auxquelles on inviteroit les artiftes à confor-
mer leurs langues. Le fécond pas, ce feroit
de déterminer fur la différence &: fur la ref-
femblance des formes & des ufagcs d'un inf-
trument &c d'un autre inftrument , d'une
manœuvre & d'une autre manœuvre , quand
il faudroit leur lailler un même nom & leur
donner des noms différens. Je ne doute point
que celui qui entreprendra cet ouvrage , ne
trouve moins de termes nouveaux à intro-
duire , que de fynonymes à bannir ; ôc plus
de difficulté à bien définir des chof es commu-
nes , telles que grâce en peinture , nctud en
palTementerie , creux en plulieurs arts , qu'à
expliquer les machines les plus compliquées.
C'eft le défaut de définitions exaéles , & la
multitude , & non la diverfité des mouve-
mens dans les manœuvres , qui rendent les
chofes des arts difficiles à dire clairement.
Il n'y a de remède au fécond inconvénient,
que de fe familiariier avec les objets : ils en
valent bien la peine , foit qu'on les confî-
dere par les avantages qu'on en tire , ou
par l'honneur qu ils font à l'efprit humain.
Dans quel fyftême de phyfique ou de méta-
phyfîque remarque-t-on plus d'intelligence ,
de fagacité , de conféquence , que dans les
machines à filer l'or , faire des bas , & dans
les métiers de pafiementiers , de gaziers ,
de drapiers ou d'ouvriers en foie î Quelle
démonftration de mathématique eft plus
compliquée que le mcchanifme de certaines
horloges , ou que les difiérentes opérations
par lefquelles on fait pafler ou l'écorcc du
chanvre , ou la coque du ver , avant que
d'en obtenir un fil qu'on puifle employer à
l'ouvrage ? Quelle projeélion plus belle , plus
délicate & plus finguliere que celle d'un def-
fîn fur les cordes d'un lample , & des cor-
des du famplefur les fils d'une chaîne ? qu'à-
'48o ART
t-on imagmé en quelque genre que ce Co'it
qui montre plus de fubtiliré que le chiner
des velours ? Je n'aurois jamais fait il je
m'iixipoiois b tache de parcourir toutes lei
merveilles qui frapperont dans les manuf ic-
tures ceux qui n'y porteront pas des yeux
prévenus ou des yeux ftupides.
Je m^urêcerai avec le phibrophe Anglois
à trois inventions , dont les anciens n'ont
point eu connoillance , Se dont , à la honte
de Ihiftoire & de la poéfie modernes , les
noms des inventeurs iont prclque ignorés : je
veux parler de l'art d'imprimer , de la décou-
verte de la poudre à canon , & de la propriété
de l'aiguille aimantée. Quelle révolution ces
découvertes n'ont-elles pas occalionée dans
la république des lettres , dans Vart militai-
re , 6c dans la marine :- L^iiguille aimian-
tée a conduit nos vaifleaux jufqu'aux ré-
gions les plus ignorées ; les caraéteres typo-
graphiques ont établi une correfpondance
de lumière entre les favans de tous les lieux
Se de tous les temps à venir ; & la poudre
à canon a fait naître tous ces chefs-d'œu-
vre d'architedure , qui défendent nos
frontières & celles de nos ennemis : ces
trois arts ont prefque changé la face delà
terre.
Rendons enfin aux artiftes la juftice qui
leur eft due. Les arts libéraux Ce font
allez chantés eux-mêmes ; ils pourroient em-
ployer maintenant ce qu'ils ont de voix à
célébrer les arts méchariiques. C'eiT: aux arts
■ libéraux à tirer les arts méchaniques de l'a-
vilillement où le préjugé les a tenus fi long-
temps ; c'eft à la protedion des rois à les
garantir d'une indigence où ils languiflent
encore. Les artifans fe font crus méprifa-
bles 1 parce qu'on les a méprifés ; apprenons-
leur à mieux penfer d'eux-mêmes •. c'efl: le
feul moyen d'en obtenir des productions
plus parfaites. Qii'il forte du fein des acadé-
mies quelque homme qui defcende dans
les atteliers , qui y recueille les phénomè-
nes des arts , & qui nous les expofe dans
un ouvrage qui détermine les artiftes à lire ,
les philofophes à penfer utilement , Se les
grands à faire enfin un ufige utile de leur
autorité & de leurs récompenfes.
Un avis que nous oferons donner aux
favans , c'eft de pratiquer ce qu'ils nous
enfeignent eux-mêmes , qu'on ne doit pas
ART
juger des autres avec trop de précipitation^
profcrire une invention comme inutile,
m
parce qu'elle n'aura pas dans Ion origine
cous les avantages qu'on pourroit en exi-
ger. Aîoncagne , cet homme d'ailleurs û
philofophe , ne rougiroit-il pas s'il revenoit
parmi nous , d'avoir écrit que les armes à
feu font de fi peu d'ejfct , fauf V étonnement
des oreilles , a quoi chacun efi déformais ap~
privoifé , qu'il efpere qu'on en quittera l'ufage?
N'auroit-il pas montré plus de fageflè à
encourager les arquebuùers de fon temps
à fubilituer à la mèche Se au rouet quel-
que machine qui répondit à l'aélivité de
la poudre , Se plus de fagacité à prédire
que cette machine s'inventeroit un jour î
Mettez Bacon à la place de Montagne , &
vous verrez ce premier confidércr en phi-
lofophe la nature de l'agent , Se prophéti-
!er , s'il m'eft permis de le dire , les grena-
des , les mines , les canons , les bombes ,
& tout l'appareil de la pyrotechnie militaire.
Mais Montagne n'eft pas le feul philofophe
qui ait porté lur la poHibilité ou l'impof-
fibilité des machines , un jugement préci-
pité. Defcartes , ce génie extraordinaire , né
pour égarer & pour conduire , & d'autres
qui valoient bien l'auteur des cffais , n'ont-
ils pas prononcé que le miroir d'Archimede
étoit une fable ? cependant ce miroir eft ex-
pofe à la vue de tous leslavansau jardin
du roi ; & les effets qu'il y opère entre
les mains de M. de Buffon qui l'a retrouvé ,
ne nous permettent plus de douter de ceux ,
qu'il opéroit fur les murs de Syracule entre I
les mains d'Archimede. De fi grands
exemples fuflSfent pour nous rendre circonl-
pe6ts.
Nous invitons les artiftes à prendre de ,
leur côté confeil des favans , & à ne pas laif-
fer périr avec eux les découvertes qu'ils fe-
ront. Qu'ils fâchent que c'eft fe rendre cou-
pable d'un larcin envers la lociété , que de
renfermer un lecret utile ; Se qu'il n'eft pas
moins vil de préférer en ces occafions l'in-
térêt d'un feul à l'intérêt de tous , qu'en
cent autres où ils ne balanceroient pas eux-
mêmes à prononcer, S'ils fe rendent com-
municatifs , on les débarraflera de pluficurs
préjugés , Se fur-tout de celui où ils font
prefque tous , que leur art a acquis le der-
nier degré de perfe^ion. Leur peu de lu-
mières
ART
mieres les expofe (bavent à rejeter fur la
nature des choies , un dcFaut: qui n'eft qu'eii
eux-mêmes. Les obftacles leur paroilleiic in-
vincibles dès qu'ils ignorent les moyens de
les vaincre. Qu'ils fallènc des expériences ;
que dans ces expériences chacun y mette du
iien ; que l'arcifte y (bit pour la main-d'œu-
vre , l''académicien pour les lumi-Tcs <Sc k^
confcils , & ri'komme opulent pour le prix
des m.i.tieres , des peines & du temps ; &
bientôt nos arts &c nos manufadtures auront
(lir celles des étrangers toute la l'upériorité
que nous délirons.
De l'a Jupcricriîé d'une manufaclurc fur
une auirc, Âlais ce qui donnera la Uipcrio-
rité à une manufâdiure iur une autre , ce
iera lur-tout la bonté des matières qu'on
y emploiera , jointe à la célérité du travail
& à la perteûion de l'ouvrage. Quant à la
bonté des matières , c'efl une afKiire d'inf-
pedion. Pour la célérité du travail & la per-
feébion de l'ouvrage , elles dépendent en-
, tiérement de la multitude des ouvriers raf-
I lemblés. Lorlqu'uiie manufacture ell: nom-
breufe , chaque opération occupe un homme
difl\T-cnt. T<1 ouvrier ne fait (Se ne fera
de fa vie qu'une feule & unique chofe ;
tel autre , une autre chofe : d'où il arrive
que chacune s'exécute bien & prompte-
ment , & que l'ouvrage le mieux fait eft
encore celui qu'on a à meilleur marché.
D'ailleurs le goût & la façon fe perfection-
nent nccellairement entre un grand nom-
bre d'ouvriers, parce qu'il eft difficile qu'il
ne s'en rencontre quelques-uns capables de
réfléchir , de combiner , & de trouver enfin
le fcul moyen qui puide les mettre au def-
fus deieurs lemblablcs \ le moyen ou d'épar-
gner la matière , ou d'alongcr le temps , ou
de furfiLre l'induftrie , (oit par une ma-
chine nouvelle, foit par une m.anœuvre plus
commode. Si les manufactures étrangères
ne l'emportent pas fur nos manufactures
de Lyon , ce n'eft pas qu'on ignore ail-
leurs comment on travaille là ; on a par-
tout les mêmes niétiers , les mêmes foies ,
& <à-peu-près les mêmes pratiques : m.-iis ce
n'eit qu'à Lyon qu'il y a 50000 ouvriers raf-
femblés & s'occupant tous de l'emploi de la
même matière. Nous pourrions encore alon-
ger cet article : mais ce que nous venons de
-dire, joint à ce qu'on trouvera dans notre dif-
Tomi m.
ART 4S 1
cours préliminaire , futiira poiif ceux qui
lavent pcnler , & nous n'en aurions jamais
allez dit pour les autres. On y reiKontre-
ra peut-être des endroits d'une métaphy-
lique un peu forte : mais il étoit impoffîblc
que cela Rit autrement. Nous avions à par
1er de ce qui concerne Vart en générai ; nos
propoiîtions dévoient donc être générales ;
mais le how fcns dit qu'une propolition cfl
d'autant plus abftr^ite , qu'elle eft plus gé-
nérale 5 l'abftraétion conliltant à étendre une
vérité ai écartant de fon é^^onciatio^l les
termes qui la particularilent. Si nous avions
pu épargner ces épines au leéteur , nous nous
ferions épargné bien du travail à nous-mêmes.
Art, f. m. Arts liebraux , f. m.
pi. ( Belles-Lettres. ) îlien de plus bizarra
en apparence que d'avoir ennobli les arts
d'agrément , à l'exclufion des arts de pre-
mière néceflfité ; d'avoir diûingué dans un
même art , l'agréable d'avec l'utile , pour
honorer l'un de préférence à l'autre ; &c ce-
pendant rien de plus rai'onnable que ceî
diftinétions , à les regarder de près.
La lociété , après .avoir pourvu à (es be-
loins, s'eft occupée de (es plaifirs ; ôc le
plaiûr une fois (enti , eft devenu un befoia
lui-même. Les jouiffances font le prix de
la vie ; (S: on a reconnu dans les arts d'a-
grément le don de les multiplier. Alors on
a confidéré entre eux & les arts de beloin ,
ou de première utilité , le genre d'encou-
ragement que dcmandoient les uns & les
autres ; &c on leur a propofc des récom-
penfes relatives aux facultés & aux incliiu-
tians de ceux qui dévoient s'y exerce: .
Le premier objet des récompenfe-s eft
d'encourager les travaux. Or , des travaux
qui ne demandent que des facultés com-
munes , telles que la force du corps , l'a-
dredb de la main , la lagaciti des organes >
Se une induftrie facile à .acquérir par l'exer-
cice & l'habitude , n'ont befoin pour être
excités , que de l'.ippât d'un bon ililaire.
On trouvera p.ar tout des hommes robuf-
tes , laborieux , ag'les , adroits de la m.ain ,
qui feront fatisfiits de vivre à l'aife en tra-
vaillant , & qui travailleront pour vivre.
A ces arts , même aux plus utiles &c de
première nécefficé , on a donc pu ne pro-
poser qu'une vie ailée &: commode; & les
qualités naturelles qu'ils luppofcn: , ne font
t.1 m m
4S^i A R T
pas fufccptibles de plus d'amblcion. L^ame
d''un artifan , celle d'an hibourciir ne fe
repak point de chimères -, & une exiftencc
idéale l'intérederoir foiblement,,
Mais pour les arts , dont le iucccs dépend
de la penfJe , des talcns de l'efprit , des
facultés de l'âme , fur-tout de l'imagination,
il a fallu non feulement l'émulation de l'in
térêt , mais celle de la vanité ; il a fallu des
récompcnfes analogues à leur gén e , & di-
gnes de l'encourager , une ellime flaiveuie
aux uns , une efpece de gloire aux autres ;,
& à tous desdiftindtionspro^iortionnéesaux
moyens & aux facultés qu'ils demandent.
Ainfi s'ert: établie dan: l'opinion la préémi-
nence des arts Ibéraux fur les arts mécha-
niques , flms égird à l'utilité , ou plutôt en
les fuppoHînt diverltment utiles, les uns aux
befoins de la vie , les autres à Ion agrément.
Cette diftinélion a été fi précile , que ,
dans le mime art , ce qui exige un degré
peu commun d'intelligence & de génie ,
a été mis au rang des arts libéraux , tandis
qu'on a laiiîé dans la claile des arts mé-
ci an ques ce qui ne fuppofe que des moyens
phyliques , ou les facultés de l'efprit don-
nées à la multitude. Telle efl , par exem-
ple , la différence de l'architede & du ma-
çon , du ftatuaire £>: du fondeur , 6'c. Qiiel-
quefois mcme on a féparé la partie fpécu-
lative & inventive d'un art méchanique ,
pour l'élever au rairg des fciences , tandis
que la partie executive eft reftée dans la
foule des crfj ob feu rs. Ainfi l'agriculture,
la navigation , l'optique , la ftatique tiennent
par une extrémité aux connoiilances les plus
fublimes, & par l'autre à des arts qu'on n'a
point ennoblis.
Les arts libéraux fe réduifent donc à ceux-
ci , l'éloquence, la poélie, la muiique, la
peinture , la 'culpture , l'architeélrure , & la
gravure copJitiérce dans la partie du deffin.
Par un renverfement afiéz luigulier , on
voit qiie les plus honorés des arts , &: ceux
en efter qui méritent le plus de fêtre , par
tes ficult s qu'ils demandent , (?c par les ta-
lens qu'ils (uppoîcnt j que les fculs même
d'entre les arts qui exigent une intelligen-
cç , une imagination , un génie rare , &
luie délicatefle d'organes dont peu d'hom-
jncs ont été doués , font pre'que tous des
«rts de-iuxç^ des arts Isns lesquels k ib-
A R T
ciété pourroit être heureufe , & qui ne luj
ont apporté que des plailirs de fantaiiie ,
d'habitude & d'opinion , ou d'une nécef-
hté trcs-cloignée de l'état naturel de l 'homme.
Mais ce qui nous paroit un caprice , une
erreur , un délordre de la irature , paroit
néanmoins aflez raifonnable : car ce qui efl:
^raiment nécedaire à l'homme a du être
facile à tous , & ce qui n'eft polTiblc qu'au
plus petit nombre , a dû être iiiutile au
plus grand.
Parmi les arts libéraux , les uns s'adref-
fent plus direélement à l'ame , comme l'é-
loquence & Il pocfîe i les autres plus par-
ticulièrement aux fens , comme la mufî-
que & la peinture ; les uns emploient , pour
s'exprimer , des fignes fîéxifs & changeans ,
les fons articulés ; un autre emploie des lignes
naturels , & par-tout les mêmes , les accens
de la voix , le bruit des corps fonores ; les
autres emploient , non pas des fignes ,
mais l'apparence même des objets qu'ils
expriment , les furfaces £c les contours,
les couleurs , l'ombre £>: la lumière ; un
autre enfin n'exprime rien (je parle de Par-
chiteéture ) , mais Ion étude efl d'obîerver
ce qui plaît au fens de la vue , foit dans
le rapport des grandeurs , foit dans le mé-
lange des formes , iSc Ion objet de réunir
l'agrément & l'utile.
Enfin parmi ces arts , les uns ont la na-
ture pour modèle , & leur excellence con-
fifte à la choilir, &: à compoler d'après elle,
auffi bien qu'elle , & mieux qu'elle-même :
ainfî opèrent la poéfle , la peinture & la
fculpture i tel autre exprime la vérité même,
& n'imite rien ; mais' aux moyens qu'il
emploie, il donne toute la puiflan^ dont
CCS moyens font fufccptibles : ain^^'élo-
quencc déploie tous les rellorts du lenti-
ment , toutes les forces de la railon ; tel
autre imite ou par relfemblance ou par ana-
logie : ainiî la mufique a deux organes ,
l'un naturel , l'autre fadice ; celui de la voix
humaine , <?c celui des inftrumens qui peu-
vent féconder la voix , y (uppléer, porter \
Pâme , par l'entremile de l'oreille , de nou-
velles émotions.
On voit combien il feroit difficile de ré-
duire à un même principe des arts do it les
moyens , les procédés , l'objet ditfexent fî
cllèntieUement^
ART
Qitand il feroit vrai , comme un mull-
cicii célèbre l'.i prctenJu , que le principe
univerfcl de l'harmonie 6c de la mélojic
fut dans la nature , il s'enfuivroir que la
nature feroit le guide , mais non pas le
modèle de la mu(îque. Tous les Ions &
tous les accords lont dans la nature fuis
doute; mais Van eft de les réunir &; d'en
compofer un enlemble qui plai!c à l'oreille
& qui porte à l'ame d'agréables émotions :
or , qu'on nous dile à quoi ce compo(é
redcmble. Eft-ce dans le chnit des oileaux ,
dans les accens de la voix humaine que la
mulique a pris le fyftême des modulations
Se des accords ?
Cet art eil: peut-être le plus profond fe-
cret que l'homme ait dérobé à la nature.
Le peintre n^^ qu'à ouvrir les yeux ; dira-
t-on de même que le mulicien n'a qu'à
prêter l'oreille pour trouver des modèles ?
La mufque , il ell vrai , imite allez Ibu-
vent ; & la vérité embellie eft un nouveau
ciiarme pour elle ; mais qui la réduiroit à
l'imitation , à Pexpreiïion de la ncture , lui
retrancheroit les plus frappans de fes prodi-
ges , & à l'oreille les plus fenlibles & les
glus chers de (es plaihrs. La mufique ref-
lemble donc d'un côté à la poélie , laquelle
embellit la nature en l'imitant , ik de l'au-
tre , à l'architeéture , qui ne conlulre que
le plaiiîr du iens qu'elle doit atFctler.
En étud::;nt les ans , il faut le bien rem-
plir de cette idée , qu'indépendamment des
plaihrs réfléchis que nous cauient la relfem-
blance Se le preftige de l'imitation , chacun
des (cns a les plaihrs purement phyfîques ,
comme le goût & l'odorat; l'oreille fur-tout
a les hens ; & il lemble qu'elle y loit d'au-
tant plus lenlible , qu'ils lont plus rares
dans la nature. Pour mille lenlations agréa-
bles qui nous viennent par le Iens de la
vue , il ne nous en vient peut-être pas une
par le fens de l'ouie : on diroit que cet or-
gane étant fpécialement delliné à nous tranl-
mettre la parole & la penlée avec elle, la
nature , par cela feul , ait cru l'avoir allez
fivorifé. Tout dans l'univers femble fait
pour les yeux , & prefque rien pour les
oreilles. AulTî de tous les ans , celui qui
a le plus d'avantage à rivalifer avec la nature ,
c'eft ['art des accords Ik du chant.
L'architecture eft encore moins que la
ART 4Sj
mufique adèrvie à l'imitation. Quelle idée ,
(lue tic lui donner pour modèle la première
cabane dont l homme fmvage imagina de (e
fiire un abri ! Qiiand cette cobanc , cens
ébauche de l'art en co;itiendroit les élé-
mens , clic n'a pas été donnée par la nature :
elle elt , comme l'églife de S. Pierre de
P.ome , un compolc arriticiel , le coup d'efiai
de l'induftric ; & il cil: étrange de vouloir
que l'elîài foit le modèle du chcf-d'ccuvre.
Comment tirer de cette cabane l'idée des
proportions , des profils , des formes les
plus régulières î
Le prodige de Van n'a pas été d'employer
des cqlonnes tk. des chevrons : c'eft la plus
hmple (Se la plus grolTiere des inventions de
la nécelTité. Le prodige a été de détermi-
ner les rapports des hauteurs & des bafes ,
l'enlemble harmoiiieux , l'équilibre des maf-
les , la précilion & l'élégance des fiillies
Se des contours. Eft-ce la rai!o:i , l'analo-
gie , la nature enfin qui a donné la com-
polition de l'ordre corinthien , le plus ma- •
gnifique de tous , le plus agréable & le plus
infenfé ? Les colonnes rappellent des tiges
d'arbres , qui fupportoient de longues pou-
tres & des folives en travers , figurées par :
l'entablement : je le veux bien ; mais où l'in- '
venteur de l'ordre corinthien a - 1 - il vu ,
foit dms la nature , foit dans les premières
inventions de la nécelTité , un vafe entouré
d'une plante , placé au bout d'une tige d'ar-
bre & foutenant un lourd fardeau ? Cali-
maque l'a vu , ce vafe , mais il l'a vu par
terre , & ne fupportant rien. L'emploi qu'il
en a frit répugne au bon Iens 6c à la vrai-
femblance ; & cependant cette abfurdité
eft , au gré des yeux , le plus riche , le
plus bel ornement de l'architeûure. Les '
rouleaux , ou volutes , de l'ordre ionique ne
font pas moins ridiculement employés ; &
c'eft encore une beauté. L'art même, de-
puis deux mille ans , cherche en vain à ren-
chérir fur ces compolitions , rien n'en peut
approcher ; les proportions de l'architec-
ture greque relient encore inaltérables ; 5c
fans avoir de modèle dans la nature , elles
(emblent deftinées à être éternellement elles-
mêmes le modèle de ['art. Pourquoi cela î
C'eft que le plaifir des yeux eft, comms
celui de l'oreille , attaché à de certaines
imprelTions, & que ces impreftions dépen-:-
M m m i
484 A R T
dent de certains rapports que la natare a
mis entre l'objet & l^orgaiic. Mais iaifir ces
rapports ce ii'tft pas imiter , c'cft deviner
l,i nature.
Ainfi procède î'tloqucnce , clie n'imite
rien. : l'orateur n'cft pas un mime i il parle
d'après lui , il tranfoiet fa pei^fée , il exprime
fes fentiraens. Mais dans !e dclkin d'é-
mouvoir , d'éclairer, de perfuader, de faire
palier dans nos cœurs les mouvemens du
iien , il choilit avec réflejdon. ce qu'il con-
no'jt de plus capable de nous remuer à fon
gré. C'ell cr.core ici l'influence de l'elpritlur
l'eiprit , l'adlion de i'ixme lur l'ams , le rap-
port c'es objets avec l'organe du lentiment ,
qu'il faut étudier v & pour maîiriier les ef-
prits , le loin de l'orateur eft de connoitre
ce qui les touche ^' peut les mouvoir à
Ton gré.
Dans les arts même do}at l'imitation
iemble être le partage , comme k poélk ,
la peinture , la iculpture , copier n'eft rien ,
choihr eft tout. Les détails lont dans la
nature , mais l'enfemble eit dans le génie.
L'invention conGfte à com.pofcr des malfes
qui ne refiemblent à rien , & qui , làns
avoir de modèle , aient pourtant de la vé-
rité : or , quel eft dans la nature le type &
la règle de ces compofitions ? il n'y en a
pas d'autre que la connoillance de l'homme ,
l'étude de Tes affeélions, le réfultat des im-
prelTions que les objets font fur l'organe.
Cela eft évident pour le choix , le mélange
& l'harmonie des couleurs , la beauté des
contours , l'élégance des formes : l'œil ci:
eft le juge ^uprème ; & la mêi-nc étude de la
nature qui a dém.êlé les fons qui pi lifent à
l'oreille , nous a éclairés (ur le choix des
«bjets qiii plaifent aux yeux.
_Même théorie à l'égard de la pirtie in-
teilccluelle de la peinture , & à l'éga d
•de la poélîe qui eft Vûrt de peindre à l'efprit.
Il eu aulïi impoflible d'expliquer les plai-
■firs de la penfee Ik du fenriment que ceux
de L'oreille &: des yeux. Mais une e;;pé-
rtence habituelle nous fait connoitie que la
faculté de fentir & d'imagiiicr a dans
l.'liomme ur,e aclivitc inquiète t]ui veut être
exercée , & de telle façon plutôt que de
tiillc atitre.
La r.ature nous préfenre pêle-m.ôle , fi
j;.'o!c le dire , ce t^û flatte & ce q^ui bléilc
ART
ame
en la trompant , mais de l'affedcr comme
elle fe pU'.t à l'être. Ce choix eft le fecrec
de l'an , & rien dans k nature ne peut nous
le révéler , que l'étude mêmiC de l'itommc
& des imprullîons de plaitir ou de peine
qu'il reçoit des objets dont il eft fi-appé.
C'eft ce diictnieraent acquis par l'obfer-
vation , qui éclaire & conduit l'arcifte ;
mais il eft le guide du parfumeur , comme
celui du pot-te & du peintre i & que Vert
imite ou n'imite pas , s'il eft de Ion elfcnce
d être un ar: d'agrément , fcm principe eft
!e choix de ce qui peut nous plaire. La dif-
férence eft d.ins les orgines qu'on fe piopofe
de flatter , ou plutôt dans les affections que
chacun des ans peut produire.
Les or:.-! d'agrément qui ne portent à
l'ame que des lenCitions , comme celui du
parfumeur , ne ieront jamais comptés parmi
les ans l/èérciux. Ceux-ci ont Ipécialemenc
pour organes l'œil & l'oreille , les deux fens.
qui portent à l'ame des lentimens & des.
penfées , & c'eft à quoi l'opinion (emble avoir
eu égard , lorsqu'elle a marqué à chacun
d'eux fa place Se le rang qu'il devoir tenir.
Ces arts s'accordent aflez fouvent pour
embellir à frais communs le même objet ,.
& produire un plailîr compofé de leurs im-
pretlîons réunies : e'eft ainiî que l'archi-
ttécure & la fculpture^ la poétie «Se k mu-
l:que travaillent de concert ; mais il ne faut
pas croire que ce folt dans la vue de faire
plus d'illiilion , en imitant mieux lair ob-
jet. L^n ob'.ervatcur habile a déjà remar-
qué que les deux ffrts dont l'alliance étoit le-
plus fendblcment indiquée par leurs rap-
ports (la fculpture & la peinture^ le iini-
fent l'un à l'aufe en (è réuniftluit. Une belle
eftampe fait plus de plaidr qu'une ftatue co-
lorée : dans celle-ci , l'excès de reftemblance
ote à l'illuiion Ion mérite & fon agrément.
Voye-^ Belle nature. Illusion, Imi-
tation, &c. {M. Marmontbz.)
Beaux -Arts. Celui qui le premier donn*
l'épithere de l>eaux, atix ans dont nousallons.
parler , s'étoit lans doute appcrçu que leur
cftence eil d allier l'agréable à lutile , ou'
d'emlx-llir les objets que l'art raiduniqai:
avoii iûveutcs.
ART
En effet , îu lieu cic f lirs co::rîftcr , com- '
me on l'a fi fouvenc prétciiHu, IVllciiCL-des
ttaux-arts dans iijie imit.uion de 1a nature ,
qui n'ofiic à l'elprit que des idées vagues ,
^' trcs-peu sûres , il eft bien plii-: naturc^l d'en
chercher l'origine dr.nslc pcnch.'nt quinous
porte à embellir tout ce qui nous em ironne ,
• & qui fcrt à nos be(bins les pîu^ frcquens.
On a été logé , cm s'efl: fait entendre ,
avant de fonder à embellir les lopcmens pr.r
l'ordre «?■: li lymmétrie , &: av.p.t de recou-
rir à 1 harmonie pour uiidre le langage plus
agréable.
Les âmes d'une hcureufe trempe appor-
■ ks
tent en naulant un pcr.chànt décide pour
imprclîlons douces , ts: c'eft ce penchant qui
a produit les beaux-ans.
Le berger , qui le premier a cdayé de
donner une forme plus élégante à (a coupe ,
ou à la houlette , ijc d'y ébaucher quelques
petits reliefs , a été l'inventeur de Li (culji-
ture. Celui de l'archireclure , c'eft le pre-
mier fauvage qui ait eu le génie de mettre
de l'ordre dans la conftruclion de ia hutte ,
& qui ait (u obler\'cr dans l'enfemble une
proportion convenable ; &: l'on doit confi-
tiérer comme le père de l'éloquence , chez
une nation , celui qui eut la première idée
d'introduire quelque forte d'arrangement &
d'agrém.ent dans le récit qu'il avoit à faire.
C'ell: de ces foibles germes que l'entende-
ment humain , par une culture réfléchie , a
fu , peu à peu , faire éclcre les Icaux-ans :
ces germes formés par la nnture font enlîn
devenus d'excellens arbres chargés des fruits
les plus délicieux.
Il en eft des beaux-arts comme de toutes
les inventions humaines: elles font , pour la
plupart, l'ouvrage duhazard, & très-ché-
tives dans leur origine ; mais par une amé-
lioration fucceffive elles deviennent d'une
wilité très -importante. La géométrie n'é-
roit d'abord qu'un arpentage fort grofîier ;
i^f c'eft la fim.ple curioiité de quelques geiiS
dé(œu^'rés qui a fait naître l'agronomie: une
application judicieufe &: foutcnue a déve-
loppé les premiers élémensdecesdeu-x fcicn-
ces , & les a portées à ce haut degré de pcr-
feftion où nousles voyons anicurd'hui , qui
les rend d'une utilité ineftimable pour la fo-
ciété humaine. Ainfi quand les b^auxarts
n'atrolenc été dans leur berceau que de foi-
ART 48î
blcs ellais u.jiqï.'.cment imagiîiés pour réjouir
la vue , ou d'autres fcns , il fauJroit bien
nous garder de reirener dans des bornes
auffi étroites toute l'étendue de leurs avan-
tnges réels 6'; de leur \rai but. Pour appré-
cier ce que vaut l'homme , ii faut confidé-
rer , non ce qu'il cil dans ia première en-
fance , mais ce qu'il fera dans un âge mût,
La première queRion qui fe pr'fcntc ici ,
c'eft donc de rechercher quelle utilité l'hom-
me peut le promettre des hcnux-aits confl-
d.'rés dans toi'.tc l'écendae de leur cTence »
& dans l'état de pcrfcélion dont ils font
fufceptible;.
Les eiprics foibles ou frivoles répètent fans
ceiîe c][ue les kr.ux-cits ne font deftincs qu'à
nos araufemens ; que leur but ne va pas
plus loin qu'à récréer nos fens &; notre ima-
gination : cxaniiiioiiS donc fî la raifon n'y
décou\re rien de plus important , & voyons
jufqu'où la Ggc'le peur tirer parti du pen-
chant indufthcux qai porte les hommes à-
tout embellir , & de leur difpofition à être'
!enl:b!es au beau. Nous n'aurons pas befôin
de nous engager pour cela dans des recher-
ches longues & profondes ; rcbfcrvadon de
la nature nous offre une voie bien plus abré-
gée. La nature eft le premier ai rifte , & fes
merveilleux arrangcmicns nous indiquent
tout ce qui peut élever au plus haut point le
prix &c la perfedion des arts.
Dans les œuvres de la cré.rtion tout covS-
pire à procurer des imprefTions agréables à
la vue , ou aux autres fens. Chaque être
deftiné à notre ufige , a une beauté qui eft
indépendante de ion utilité : Jss objets mê-
mes qui n'ont aucun rapport immédiat avec
r.ous , femiblent n'avoir reçu une figure gra-
cieufe , Se des couleurs agréables , que parce
qu-'ils alloient être expofés à nos regards.
La nature en travaillant ainfî de tout côté
à faire affluer fur nous le^ fcnfatîons agréa-
bles , a , Ç-M'iS doute , eu pour but d'excirer
Cv de fcitificr en nous une douce fenfibilité ,
capable de tempérer la fougue des paffions &
la rudefle de l'amour-propre.
Les beautés répandues fur les produd:ions
de la nature font analogues à cette fcnhbi-
livé délicate qui , cachée au fond de nos
cœurs , y doit fnns ccfle être excitée par
l'im.prcflîon que font fur nous les couleurs ^
les fonoes &: les iccu:s qui f'aprent uos
4S<J A Pv T
£'ns. Dc-!à rcfultc un fcnriment plus ren-
dre, l'eiprit & le cœur en deviennent plus
adtifs : nous ne lornmcs plus bornés à des
ienduions grofiJeres , commitr.es à tous les
animaux ; des imprcîiions plus douces s'y
joignent , nous deveiions hon'imcs : en aug-
nientar.t le nombre des objets intcreflàns ,
nous ajoutons à notre première activité ; tou-
tes nos iorces fc réunillcnt &c fe déploient :
nous lortons de la pouiliere , & nous nous
élançons \'eis les iiiteliigences fupcrieures.
Dès-lors nous nous appcrcevons que la na-
ture n'eil: pas lîmplement occupée des befoins
de l'animil , mais qu'elle veut lui m.én?ger
des jouifianccs plus délicates , & élever, p.u
degrés , ion être à un écat plus noble.
Dans cet embelliliement univer.^e! , la na-
ture , en mère tendre , a pris un foin parti-
culier de rallemb'er les attraits les plus tou-
chons lur les objets les plus néceilàires à
l'homme : elle a même eu le lècrct de faire
également fcrvir la laideur & la beauté à no-
tre bonheur , en les attachant comme lignes
caraétériHiques au mal & au bien. Elle en-
laidit l'un pour nous en dégoûter , Se elle
embellie Paune, pour que nous l'aimions.
Qu'y a-t-il , par exemple,, déplus edènciel
que les liens de la lociété pour conduire
l'iiomme au bonheur & au principal objet
de la dellin.ition ? Or , ces liens tieinient
ai'.x agrimens mutuels que les hom.mes le
procurent. Cela eft vrai , !ur-tout , deTheu-
rcu(e iinioii par laquelle Phom me encore iioié
au m.ilieu des fociétés générales , s'aflocie
une compagne qui entre en communauté de
fes biens , redouble Tes plailîrs en les parta-
geant, adoucit les chagrins &: allège les pei-
nes. Et où la nature a-t-elle prodigué les
agréir.ens comme iur la figure humaine î Là
lo!:t tiflus les nœuds indillblubles de la lym-
f)athie , les charmiCS les plus irréiiftibles de
a beauté y fontdillribuéscommeilsdevoient
l'être pour amener la plus heureule des liai-
fons. Par cette admirable & fage profufîon ,
la nature a fu rendre exprelîîve la matière
infcnfible & muette , & lui donner l'em-
preinte des perfections de l'efprit & du
cœur , c'eft-à-dire , des charmes les plus
puiilàns.
D'un autre côté , tout ce qui eft nuiiîble
en ibi, a reçu de la nature une force repouf-
?.mte qui produit l'averfion. Les lignes ca-
, : . ART
raéléridiqucs qui révoltent ou qui produi-
lent le degoùt , & que la nature a deftinés à
déceler l'r.brutificment ftupide , refprit r.ca-
riitre , ou le mauvais cœur ; ces lignes , dis-
je , lont gravés lur le vifn.ge de rhoramepar
des traits aulli profonds que ceux, qui an-
noncent la beauté de l'ame.
Ce procédé de la nature II bien marqué
dans toutes les œuvres , ne doit nous lailièr
aucun doute lur le caraclere & li fin des
[•ea;!x-arts. L'homime , en embellilîant tout
ce qui cil: de 'on invention , doit fe proposer
le même but que le prop n-z la nature elle-
même , lorlqu'elle embellit avec tnnt de foin
les propres ouvrpgcs. C'ell donc ziw beaux-
ans à revêtir d'agrémens divers nos habita-
tions j nos jardins , nos meubles , & fur-
tout notre langage , la principale de nos in-
ventions , & noii leulemtnt , comme tant
de ]-!etlonnes le l'imiaginent à tort , pour que
nous ayons la iimple jouillance de quelc^ues
agrémens de plus , mais principalement afin
que les douces imprdlions de ce qui eil
beau , hartlion'eux iv convenable , donnent
une tournure jjIus lîoble , im caractère plus
relevé à notre elprit &c à notre cœur.
Une autre choie bien plus importante en-
core , c'eft que les biaux-ans , imitant tou-
jours la nature , répandent à pleines mains
les attraits de la beauté iur des objets immé-
diatement néceilàires à notre félicité , & p.-u:-
là nous infpirent , pour tous ces objets , un-
attachement invincible.
Cicéron louhaitoit C de Officiis , lih. I. )
de pouvoir prélenrer à fon fils une image de
la vertu , pcrfuadé qu'on ne pourroit la roir
ians en devenir éperdumentamoureux : voi-
là le lervice ineitimable que les beaux-arts
peuven: réellemer.t nous rendre : ils n'ont ,
pour cet elfet , qu'à cœnlacrer la force ma-
gique de leurs charmes aux deux biens les
plus néceilàires à l'humanité , à la vérité &
à la vertu.
A ce premier fervice , ils doivent encore
en joindre un antre , toujours d'après leur
grand modèle , c'eft de donner à tout ce
qui eft nuiiîble une figure hideufe qui excite
le ièntiment de l'averfion , la méchanceté ,
le crime ; tout ce qui peut corrompre l'hom-
me moral devrolt être revêtu d'une forme
feniible qui attirât notre attention , mais_ de
manière à nous faire enviniger ces vices ious
A K T
leurs propres traits , pour nous en donner
une horreur inciTaçab'.c : c'e(l-l\ un des
grands coups de l'aureur de la niturc. Pei-
lonne ne i.iuroic s'empcclicr de confidcrcr
une phyiionomic funoéteavccautant d'atten-
tion Se de curioliuc qu'on en a pour la beauté
même. Ainli rinflinurice dus beaux-iirts a
voulu que nous ne dctournalTlions nos regards
de dellusle mal , qu'après qu'il auroit excite
en nous toute l'nnprelTîon d'une horreur
falutairc.
Les remarques générales que nous venons
de faire contiennent le germe de tout ce qu'on
peut dire de la nature , du but , de l'emploi
des beaux-arts : leur ellence confifte à met-
tre les objets de nos perceptions en état
d'agir lur nous, à l'aide des lens & par une
énergie particulière qui a ia lource dans
l'agrcment ; leur but eft de toucher vive-
ment le cœur, leur véritable emploi doit être
d'élever l'ame. Chacun de ces trois poinci
mérite une difculFion particulière , & un
examen plus précis.
I. Qiie l'ellence des beaux-arts foit de
mettre les objets à portée d'agir fur nous à
l'aide des fens & pir une énergie qui naillè
de l'agrément , c'eil ce qui le manifeRe dans
tout ce qui mérite le nom de proJuâion de
\'art. En effet , comment un diicours devient-
il un poème ? Comment la démarche de
l'homme prend-elle le nom de Danfc ? Qiiand
eft-ce qu'une peinture m;'ritede paflèr pour
un tableau , ou qu'une luite de (bns variés ,
pcuts'appellcr une pièce de mufiquc î Qii'cft-
ce , enhn , qui d'uiie maiion fait un mor-
ceau d'architecture ? C'eft lorfque , par le
travail de l'arrille , l'ouvrage , quel qu'il foir,
acquiert un charme particulier qui , à l'aide
des lens , attire la réflexion.
L'hiftorien rapporte un événement tel
cju'il sctz paflé ; le poète s'empare du même
lujet , mais il nous le préfente de la manière
qui lui paroit la plus propre à faire fur nous
uneimpreffion vive , £c conforme à les vues :
le ImipledelTlnateur trace dans la plusgrandc
cxadirude limage d'un objet vilîble; mais
le peintre y ajoute tout ce qui peut com-
pléccr 1 illuiion, & ravir les Cens & rcfprlt :
tandis que dajis leur démarche & par leurs
geftes , les autres hommes développent
làns y per.fcr, le fentlment qui les occupe;
k daulcur donai^ à fes geftes Se à cette
ART 487
démarche de l'ordre & de la beautcî
Ainfi il n'ell pas poiïlblc qu'il nous refte
aucun doute lUrcequi conlatue l'eireiice des
beaux-arts.
II. Il clt également certain que leur pre-
mier but, leur but immédiat eft de nous
coucher vivement : ils ne veulen r pas que
nous rcconnoillîons iirnplement , ou que
nous concevions d'une manière dil]:incle
les objets qu'ils nous préfentent ; ils veulent
que i'efprit foie frappé & le caur ému. C'eft
pour cela que les beaux-arts donnent aux
objets la forme la plus propre à flatter les fens
(S: l'imagination : dans le temps m'-me qu'ils
cherchent à percer l'ame par des traits dou-
loureux , ils charment l'oreille par l'harmonie
des ions, l'œil par la beauté de figures, par
d'agréables alternatives d'ombres oc de lumiè-
res , & par l'éclat brillant des couleurs. Ils
femblent nous fourire à l'inftant même qu'ib
nous remplilîent le cœur damertume ; Se
c'ell: ainfi qu'ils nous forcent de nous livrer
à l'impreirion des objets , & qu'ils s'empa-
rent de routas les facultés fcnfirives de l'ame :
ce font des firenes , au clianr defquellcs on ne
peut réliflcr.
III. Mais cet empire qu'ils exercent fur
les crpnts, eft encore lubordoniîé à un autre
but, à un but plus relevé , & qu'on ne
làuroit atteindre que par un bon ufage do
la force magique qui conftitue leur eflencci
fans cette direction vers un but fupérieur,
les Mufes ne feroient que de dangereufe^.
fédudrices.
Qiii pourroit douter un infliant que \x
nature en donnant à l'ame la faculté de goa-
ter le cLirme des fens , n'ait eu un but plus
relevé que celui de nous flatter 5c de nous
attirer iirnplement à une jouiflance llérile
& non réfléchie, des attraits fenfuels? Per-
fonne ne dira que l'auteur de la natiire nous
ait donné le fentimeiu de la douleur dans
la vue de nous tourmenter ; ne feroit-il donc
pas également abfurde de s'imaginer que-
le lentimcnt du pliidr n'A. pour but (uprcme
qu'un chatouillement paflager ; Il n'y a que
de petits génies qui n'aient pas apperçu que
dans l'univers encier tout a une tendance
bien marquée Se bien décidée veis Tadlivité
& la perfeilion; Se il ne lauroit y avoir que
des arrifles fliperficiels qui s'imaginent avoir
rempli leur vocûtion , loriqu'aa Uea da fa
48S ART
propofcr an biu plus digne de l'^/-/ &: d'eux-
nicmes , ils fe contentent de charouiller par
d^agréablcs images les appétits fenfucls de
l'ame.
llcft évident', & nousTavons déjà obfervé ,
que ce n'eft que pour fervir d'appât & d'in-
dice à ce qui eft bon , que la nature emploie
la beauté : ce ne doit donc être également
aue pour tourner narre attention vers le
VJien , & nous le faire chérir , que les arts
déploient le charme qui leur eft propre. S'ils
n'ont pas ce but, ils n'intérenent que bien
peu le genre humain, & ne peuvent mériter
ni l'cftime du (lige , ni la proteélicn des
gouvernemens , au lieu que par les ioins &
h vigil::nce d'une politique éclairée , les
h;aiix-arts feront les principaux inftrumens
du bonheur des mortels.
Concevons les beaux-arts parvenus à toute
la perfcd-ion dont ils font lulceptibîes , &
univerfellcment accueillis chez une nation :
examinons les avantages multipliés qu'on en
retirera. Là , tout ce qu'on verra , tout ce
qu'on entendra, portera l'empreinte de la
beauté & des grâces : le féjour des citoyens ,
kurs maifons , le mobilier , les vêtemens ,
tout ce qui environnera les hommes y fera ,
grâce à l'influence du bon goût & à la cul-
ture des talens & du génie , également beau
& pnrfeir, & fur-tout cet indifpenfable &<:
merveilleux organe deftiné à communiquer
aux autres ce que Ton penfe & ce que l'on
Ç^nt : l'œil ne pourra promener fcs regards
d'aucun côté , l'oreille ne fera frappée d'aucun
fon , que les fens internes ne foient en même
temps émus par le fentiment de Pordre, de
la convenance & de la perfedion : tout y
excitera l'efprir à s'occuper d'objets propres
à le former toujours plus, & tout y fera
♦n.ître dans le cœur une douce fcnfibilité;
ciTct naturel des ftnn\:ions agréables que
cliaqne objet fnnrnh-a. Ce que la nature
fait dans les climats les plus heureux , les
i^aux-arîs le font par-tout où ils brillent de
leurs ornemens naturels. ( Voyc^ ci -devant
Arciîitlcture.) Touteslesforcesdel'ame
iê développent ts; s'épurent néccdlurcment
ne plus en plus dans un homme dont l'efprit
ik le cœurlontàchaqucinftant frappés &tou-
t:h's par des peifcdrionsderous les genres. La
(hipidité, l'inltniibilité dj2 l'homme inculte
*: grolTîcr difparoît peu à peu ; d'un araraal
A R. T
fauvagc , il fe forme un homme dont l'efprit
eft rempli d'agrémens , & dont le caradere
infpiie l'amitié.
Un fait peu connu , mais qui n'en eft pas
moins vrai , c'eft que fhomme doit fa prin-
cipale inftitution à l'influence des beaux-arts.
Si d'un côté j'admire le bons fens des anciens
philofophes cyniques, & le courage avec
lequel ils s'cFtorçoien: de faire rentrer dans
l'état primitif de b nature inculte , ceux qui
étoient nés , & qui vivoient au milieu d'un
peuple livré au luxe , & plongé dans la mol-
leflè par l'abus des beaux-arts; d'un autre
coté , je luis indigné de voir l'ingratitude de
ces philofophes célèbres , qui auroient voulu
anéantir les beaux-arts auxquels ils étoient
redevables de ce qu'ils avoient de plus
précieux. O Diogene , d'où te provenoic
cette hne plailanterie que tu exerçois avec
tant d'amertume lur les fottiles de tes con-
citoyens î Où avois - tu puifé ce fentiment
délicat qui faififloit avec tant de vivacité le
moindre ridicule , fut -il même dcguiié fous
le dehors d'une fagefle auftere? Comment
pouvois-:u , au milieu d'Athènes ou de
Connthc, concevoir le dellein de retourner
à l'état de pure nature ?Nétoit-il pas ablurde
de vouloir l'introduire dans un pays, où les
beaux -art s avoient déjà fait fentir toute leur
influence? Il auroit fallu pouvoir auparavant
eftacer dans les eaux du Letlié , toutes les
imprefbons que les beaux-arts avoient pro-
duites fur ton efprit t^' fur ton cœur. Niais
alors tu n'aurois plus olé vivre parmi les
Grecs : pour trouver une retraite où tu pufles
vivre &: penler librement lelon tes principes,
il ne te feroit rcfté d'autre pani que de
rouler ton tonneau jufqu'à la horde des
Scythes la plus méprifable & la plus recu-
lée. Et toi , meilleur Diogene , qui vis
parmi les Grecs modernes , illuftre Rouflèaul
avant de former une accuiation publique
contre les Mules , tu dc^■ois leur reftituer ce
que tu tenois d'elles. Mais alors ton plai-
doyer auroit été bien foible ! Ton cœur, d
généreux d'ailleurs, n'a pas fenti combien
tu devois de reconnoilfance à celles dont tu
follicitois la prolcription.
Les obfervations précédentes ne concer-
nent encore que l'eltet le plus univeriel des
beaux-arts en général ; effet qui condfte
dans l'aHînr.gc de ce fens moral qu'on nomme
le
ART
le goût du beau. Ce premier fcrvice que les
bcdux arts nous rendent cil (i import.mr ,
que quand il leroit le Icul , nous devriont
encore par reconnoilLnce élever des remple:
&C ériger des autels aux mules. La nation
qui pollédera le goût du beau , lera toujour
à la prendre dans (il totalité , compok't
d'hommes plus parfaits que ceux des nacionj
oij le bon goût n'aura encore eu aucune
influence.
Cependant les ans produilent des fruits
plus excellens encore , mais qui ne peuvent
naître que dans un rehoir cultivé p.ir le
bon goiit.(Fbje^GouT.)Le premier avantage
dont nous venons de parler , ne doit donc
être conlîdéré que comme un acheminement
vers d'autres avantages bien (upéricur i.
Il faut à une nation , pour être heureufe ,
(Je bonnes loix relatives à Ion étendue , &
adaptées au loi & au climat : mais ces loix ,
qui ion: l'ouvrage de l'entendement , ne
fuffilent pas , il fiut encore que chaque
citoyen ait continuelleraent ious les yeux ,
de la manière la plus propre à le frapper
vivement , certaines maximes fondamenta-
les , certaines notions direclrices qui (oient
comme la bafe du caradlere national , qui
le maintiennent & l'empêclient de s'altérer.
De plus , dans les conjonctures critiques où
tantôt l'inertie , tantôt les paRions s'oppo-
lent au devoir, il e(l nécellaire qu'on ait en
main des moyens propres à donner à ce de-
I voir de nouveaux attraits ; & voilà deux
(ervices qu'on peut 'e promettre des beaux-
arts. Ils ont mille occ:>.(ions de réveiller en
nous ces maximes fondamentales, & de les
y graver d'une manière incffiçable ; eux-
feuls après nous avoir inlenliblement prépa-
res à des fentimens déi'cats , peuvent dans
les momens de crile fiire une douce vio-
i lerxe à nos cœurs, & nous enchinierpar
! une forte de plail^r aux devoirs les plus pé-
I nibles; eux fculs podedent le fecret , quoi-
que diverlement , & chacun à fa manière ,
de préfenter avec tous les appas que l'or,
peur imaginer , les vertus , les fentimens
d'un coeur honnête , & les aétes de bicn-
faifiînce que la circonftance ex'ge. Qiielle
ame un peu fenfible pourroit leur rélifter
alors ; Et quand ils déploient toute leur
magie , pour bien rendre la laideur du
cnmc , de la méchanceté , des adliuns
Tcme IIL
ART 489
vicicufes, <?<: pour expofcr toutes les horreurs
le leur lutie , qui oleroit fe permettre d'eu
entretenir la mouidre penlce au fond de foa
"œur.
Certainement fi l'on (ait fe fervir à propos
lu maniftere âes beaux-arts , pour remplir
imagination d'un homme , de l'idée du
beau , & pour rendre fon cœur fcn/îblc au
lion , on pourra faire endiirc de cet homme,
tout ceque(:x cr'p.'cité naturelle lui pcimct
de devenir. Il futtit , pour y réulTir , que le
philoiophe , le légiiîateur , l'ami des hommes
livrent à l'artifte , l'un fes maximes , l'autre
les loix , tk. le trolfieme (es projets. Qii'un
bon prince lui confie (es plans dans la vue
de porter fes peuples à aimer les véritables
intérêts ; l'artilie favorifé des Mufes l'aura ,
comme un autre Orphée , entraîner les
hommes même contre leur gré , mais pat
une violence toujours aimable , 6c les obli-
ger à s'acquitter avec zcle de tout ce que leur
bonheur exige.
Nous devons donc confdérer les beaux-
arts comme des troupes auxiliaires , dont ne
lauroit le palier la fagellc qui veille au bien
des hommes. Elle voit ce que l'hommedoir
être ; elle trace la route qui conduit à la
perfedion, &: par conséquent à la félicité i
mais cette fagelle ne lait pas nous donner
les forces nécellaires pour vaincre les diffi-
cultés de ce chemin , louvent rude & elcarpé.
Ici viennent les beaux-arts ; ils applanillent
la route , & la parlement de fieurs dont le
parfum agréable attire le voyageur , & le
ranime à chaque pas.
Qu'on ne penfe pas que ce loient ici de ces
exagérations de rhéteur , qui pour un mo-
ment peuvent faire illui'.on , mais qui lediiTî-
pent enfuite comme un léger brouillard, dès
que la raifcn les éclaire. Ce que nous avons
dit , eft fondé (ur la nature de l'homme.
L'entendement ne produit que la connoill.
fance , & la l:m,ple connoillance ne donne
point la force d'agir. Pour que la vérité
devienne aélive , il ne fuffit pas de la con-
naître même Ious la forme du bien , il faut
de plus la Icntir ious cette forme : c'ell;
alors , & alors feulement qu'elle excite les
forces delà volonté.
C'eft ce que les Stoïciens eux - mêmes
avoient appcrçu , quoique leur principe
tût de bannir tout fcntimcnt , (Se de faire
Nnn
49© ART
de l'ame un être purement raifonnable. Leur |
phyiiologie étoir parfemée d'images & de
fidlions , dont le but ne pouvoit être que de
ic veiller le fentiment par la force de i'ima-
ginarion : aucune fefte n'a eu plus de fo;n
d'animer les oracles de la railon , par tous
les charmes de l'éloquence.
Liiomme de la nature n'eft qu'un être
grclliérement fenfuel qui n'a d'autre but
que la vie animale : l'homme des Sto'i'ciens ,
tel qu'ils l'imaginoient , (ans pouvoir jamais
le réalifcr , eut été la raifon toute pure , un
être toujours occupé à connoitre & n'agil-
lant jamais; l'homme formé par les beaux-arts
tient exacbement le milieu encre ces deux ex-
trêmes i il ell en rncme temps intelligent &
fenfuel ; rn.iis fa fcnfualité provient d'une
feniibilité épurée , qui en fait un être moral
& adif.
Ne diflTimulons cependant rien : \ts beaux-
arts peuvent ailément devenir pernicieux à
l'homme ; femblables à l'arbre du jardin
d'Eden , ils portent les fruits du bien S^ du
mal : ils perdront l'homme qui en fera un
ulage indifcret. Une ienfualité rannéeades
fuites funeftes , dès qu'elle n'cfl pas coni-
tamment dirigée par la railon : les extrava-
gances des enthouliaftes, foit qu'ils aient pour
objet la politique , l'amour ou la religion;
les écarts d'imagination où donnent les lec-
tes fanatiques , & quelquefois des nations en-
tières , qu'eft-ce autre chofe que l'eilor d'une
ienfualité rafinée , exaltée , & deftituée du
frein de la raifon ? De la même fource vient
cncote cette mollelle de Sybarite , qui fait
de l'homm.e une créature foible , dégradée
&: méprifable. Au fond , c'ell une feule &
iîiême feniibilité qui crc-e les héros & les fous,
les faints & les fcélérats.
Quand l'énergie des beaux-arts tombe
entre des mains perfides, le plus excellent
des remèdes devient un poifon mortel : car
alors le vice reçoit l'aimable empreinte de la
\ertu ; & l'homme attiré par ces dehots
trompeurs , va dans l'étourdiffement de
Tivrefle fe jeter & fc perdre dans les bras
de la. (éduétrice. Il cii donc indifpenlable de
loumetrrc l'emploi ^ Tuiage des beaux-arts
à ladirtûion de la raifon.
Vu leurextrême utilité , les arts méritent
que la faine politique les encourage cfBca-
cemcnt , les ibutienne ptiillùmraerii: , &i les
ART
répande parmi les divers ordres de citoyens ;
mais à caule du dangereux abus qu'on en
peut faire , cette même politique doit en
rellerrer l'emploi dans les bornes indiquées
parleur utilité même.
En premier lieu , à ne confidérer que les
fimples avantages du bon , & les maux
qu'entrauie nécetlairement un goût dépravé,
une légiilation vraiment fage ne devroitper-
mettre à aucun particulier de gâter le goût
de (es concitoyens , ni par conféquent de
bâtir des m^aifons , ou de tracer des jardins
allez magnifiques au dehors & .au dedans
pour attirer l'attention , ii d'ailleurs il y règne
en même temps quelque défaut fenlible de
j ugement ; li l'on y apperçoit , par exemple ,
des parties ridicules , baroques ou extrava-
gantes. . ^ ^ . ,
Il de vroit être défendu à tout artifte d'exer- 1
cer fon art , avant d'avoir donné outre les
preuves de ion habileté , des preuves tou-
tes particulières de ion jugement , iSc même
de la droiture de fes intentions.
Le légillateur doit être convaincu qu'il eft
très-important non feulement que les édifi-
ces Se les monum-ens publics , mais aufli que
tout objet vilible travaillé par les arts m;me
méchaniques , porte l'empreinte du bon
goût , de la même manière que l'on veille à
ce que non feulement l'argent monnoyé ,
mais encore la vaiflelle ait la marc^ue de fo:i
vrai titre. Un magiltrat fage ne (e contente
pas de profiter de l'influence des beaux-arts
pour rendre plus énergiques & plus avan-
tageufes aux citoyens les réjouiilànces , les
fêtes publiques, & les cérémonies (olemncUes;
il a foin même que chaque fête domeilique,
chaque ufage privé conduilcau même but &
par la même voie.
Mais ce qui mérite une attention plus dil-
tinguée de la part de ceux aux foins de qui le
bonheur des citoyens ell confié , c'eft la lan-
gue , cet inftrument le plus important. Se le
plus univerlel dans nos principales opérations^
llien ne préjudicie plus à toute une nation
qu'un langage barbare , dur , incapable de
bien rendre la déiicareife des fentimens ,
& la fineffe des penlées. La raifoia ^' le goût
fe forment & s'étendent dajis la même pro-
portion danslaquelle la langue (e perfeétioime,
puilqu'au fond le l.uigage n'ell autre choie
que U xaiibii ^' le goût transformés ea
ART
lignes renfibles. Cela étant alnfi , comment
peut-on abandonner au liazard une choie de
cette importance ? comment peut-on , ce qui
cftpire encore , l'abandonner aux caprices
de chaque particulier , Se même à ceux des
cervelles les plus extravagantes ?
Il y a des contrées où la négligence du
gouvernement lur ce chapitre eft incroyable.
Le moyen le plus efficace pour élever l'hom-
me au-dellus des animaux , (e trouve prcci-
(cmcnt être celui dont on f!iit le moins de
cas. L'homme le plus inepte peut , à G vo-
lonté , &c lelon (bs caprices , parler à toute
une nation une langue ab'.urde <!?<: barbire
dans des gazettes , desalmanachs , des feuilles
périodiques , des Uvres & des lermons ; mê-
me dans les édits & dans les ordonnances
où la majeilé des iouverains annonce G vo-
lonté à des peuples entiers dont ils font les
peies S: lescondu6Veurs;on fait louvcntrcnir
à ces princes im langage rempli d'incongrui-
tés , & dans lequel on cherchcroit vainement
le plus petit vertige de goût & de réflexion.
•S'il ert vrai que l'établiflement de la célè-
bre académie des quarante à Paris , n'ait eu
pour objet que d'étendre la renommée de
la France , en perfeftionnant la langue de
cette nation , on peut dire que le fondateur
de cette académie, n'a vu que le côté le moins
inréreiîant de cette inftitution. Il y avoit plus à
en recueillir quede la renommée; & l'on de-
voir s'y propofer , non d'obtenir un éclat pal-
fager , mais d'étendre & de fortifier la railon
& le goût parmi tous les ordres de citoyens,
Preique tous les nrts réunifient leurs efïets
dans les fpcétaclcs , qui feuls fourniirent le
plus excellent de tous les moyens que l'on
peut imaginer pour donner de l'élévation
aux fentimens , & qui néanmoins , par un
abus déplorable , contribuent fouvcnt le
plus à la corruption du goût &c des bonnes
mœurs. Ne devroit-il donc pas y avoir des
loix pénales contre ceux qui altèrent les arts ,
comnie on en a promulgué contre ceux qui
altèrent les monnoies 1 Et comment les beaux-
arts pourroienr-ils parvenir à leur véritable
-deftination , s'il eO: permis à toute tête folle
de lesprt);lituer ?
Enfuite , puifque les beaux-arts doivent ,
félon leur cflènce ?c leur nature , fervir de
moyens pour accroître <2'afliircr le bonheur
des hommes, il eft, en fèco::d lieia , nécel-
A R T 4171
faire qu'ils pénètrent jufqu'à l'humble ca-
bane du moindre des citoyens ; il faut que le
foin d'en diriger l'ulage & d'en déterminer
l'emploi entre dans le (yftême politique , &
loit un des objets ellentiels de i'adminiltra-
tion de l'état : il faut donc aufTi que l'on
conficre à cet objet une partie des tréfbrs
que l'induftrie & l'épargne d'un peuple la-
borieux fournit chaque année au louveraiii
pour fubvenir aux dépenfes publiques.
Ce que nous venons de dire ne paroîtra
(ans doute pas fort évident à plus d'un pré-
tendu politique ; & même bien des pliilo-
(ophes ne regarderont les projets que nous
propolbns , que comme autant de chimères.
Ces projets ne font en effet autre chofe ,
nous en convenons les premiers , tant qu'on
regardera comme fondé fur des principes
invariables & (acres , l'efprir de la plupart
des inrtitutions politiques qu'on iult aujour-
d'hui. Par-tout où l'on confldérera comme
l'afîaire capitale de l'état , les richel]es pécu-
niaires au-dedans , & la puillance au dehors ,
avec tout ce qui contribue à augmenter ces
deux objets , nous fommcs d'avis qu'on ban-
nifle les beaux-arts , & nous joignons notre
voix à celle du poëte romain , pour crier aux:
adminillrateurs publics :
O cives , cives ! quxren<ia pecuiiiaprimum ej!;
Virtus poji nummos.
Hijloire des b:aux-arts. Il ne fera pas inu-
tile de tracer ici une légère eiquille des di-
vers forts que les beaux-arts ont iubis , & de
leur état actuel , afin de comparer ce dernier
au tableau que nous avons fiit de ce qu'ils
pourroient être d'après leur notion idéale.
On fe tromperoit fort , fi l'on penloit que
les beaux-arts ont été découverts comme la
plupart des inventions raéchaniques. Celles-
ci doivent leur origine ou à quelque heu-
reux hazard , ou à la méditation fuivie &
foutenue de quelques hommes de génie , &
ont paflé enfCiite du lieu de leur nailTance
dans d'autres contrées. Mais les beaux-arts
font des plantes indigènes , qui fans exiger
aucune culture pénible , croiflcnt dans tous
les lieux où la raiion a acquis quelque déve-
loppement. Semblables cependant aux fruits
de la terre , ils prennent des formes diffé-
rentes félon le climat qui les voit éclore , &c
en raifoîï des foins qu'on donne à leur cul-
Nn n i
402 A K T
ïrrj. Dcins clés conrrées fraivagcs , ils crou-
lât.
piiîciir fans prix & ums éc
Nous ^oyons aujouni nui encore , que
chez tous
peupks cic l.i terre qui ont eu
rJicz d'intclligcn.cc pour lortir de leur pre-
mière barlvifie , on connoir h inuiique , la
danle , 1 éloquence , & même la pocfie. il
en a fans cloute été de même dans tous les
iîeclcs antérieurs , dès le moment que les
hommes ont commencé à réfléchir. Pour
voir les hzaux-arti dans leur berceau , £c fous
leur fjrme la plus groiïîere , il n'cft donc pas
nécedaire de remonter dansThiftoire jufqu'à
l'andquité la plus obfcurc. Us auront été d'a-
bord chez les Egyptiens & dans la Grèce an-
cienne , ce c^u'ils font encore chez les Hu-
rons. Qiiiconque a un peu obfervé le carac-
tère de l'ei'prit humain , connoit le penchaiit
général de l'homme à polir & à orner tous
les objets fenilbles t|ui iont à fa portée &: à
Ion uHige. On conçoit fans peine comimcnt
le génie^de l'homme a pu être amené par cies
coMJoncxures, ou naturelles ou accidentelles ,
à produire de premiers efiais loibles & groi-
fiers dans chaque branche des beaux-arts : ce
lA-ft pas ici le lieu de defcendre dans le détail.
Non feulement on rerroHve les principa-
les branches des beaux-arts chez des nations
qui n'ont eu aucune communication ni di-
teéte , ni indireéle entr'elles , on y retrouve
encore des rameaux particuliers qui dérivent
de ces branches capitales. Chacun fait que
les Chinois ont des comédies & des tragé-
dies ; même les anciens Péruviens connoit-
foieiît ces deux efpeces de drame , puilqu'au
rapport de Garcilail'o de la Vega . ils em-
ploient Tune à reprcfenter les adlions de
leurs încas , & l'autre à mettre fur la fcene
les événemens de la vie com.mune ( Hijioire
des Incas , Uv. II , chap. VJ . ) Les Grecs
(}uc l'orgueil national portoit à exagérer leurs
avantages , eux dont Macrobe ? dit : Grxci
omnia fua tn immenfum tclh-nt. (Saiurnal. hb.
I, cap. iJ.4. ) s'atcrlbuoient à la vérité l'in-
vention de tous les arts : mais Strabon , l'un
des plus judicieux d'entr'eux, nous a avertis
de i:ous délier de leurs relations fur les faits
d'une h'AUe anriqu'té ; il oblèr/c très-judi-
cieufement que les anciens rédac1:-urs des
relations ont été entraînés dans un grand
nombre d'erreurs par la mythologie des
Grecs. ( Géog. hb. VIU. ) Tl eft aifé de juger
A Pv T
que les Grecs qui dans le temps que d'autres
nations croient déjà floriflàntes, fe nourrif-
ioicnt encore de glands , n'ont pu être les
premiers à cultiver les l-eaux-crts.
Mais quoique nous (oyons periuadés que
le premier germe des b:aiix-crts a exiitéchcz
tous les peuplei , il y a encore fi loin des
premiers ellaisjulqu'au term^e feulement où
la culture des b.aux-arts prit une forme mé-
thodique , oii l'on comniença à les exercer
comme cies arfj qai pouv oient être enfeignés,
qu'on ell encore toujours fondé à demander
chez quel peuple de la terre ce pas difficile a
été le premier franchi.
Nous avons trop peu de relations fur l'état
àe%ans, chez les iiations les plus anciennes ,
pour pouvoir repondre à cette qucftion. Les
Chaldéens, ou félon d'autres, les Egyptiens,
palîcnr pour être les premiers qui ont exerce
avec quelque méthode les diverfes branches
des arts du delTin ; on n'a cependant rien
d'abfolument certain là-deflus. Ce qu'il y a
de sûr , c'eft que chez ces peuples , aulTi bien
que chez les Etru'.ques , les beaux-arts flo-
rillbient déjà dans des temps où ce que l'hil-
toire a de bien conflaté ne répand encore
qu'un jour très-foible fur l'état des nations.
Les arts qui tiennent au dellin, avoient déjà
pris racine dans la Chaldée au tenips d'Abra-
ham ; & fous le règne de Sefoftris , contem-
porain du légiilateur des juits , l'archirec-
:ure florilîôit au milieu de l'Egypte. ( Hif-
'oirc de l'art che-^ les anciens , par W'inckel-
man , part. I, chap. 1 .)
On ne fauroit déterminer avec prccifion
jufqu'où ces peuples avoient porté les beaux-
arts . avant i]u'ils naquifTènt chez les Grecs,
Les Egyptiens & l:s Pcrfes ont eu des édifi-
ces lC des jardins , qui du moins en étendue
& en magnificence extérieure , furpaflcm
tout €e que la Grèce a eu depuis ejr ce genre.
La nation juive produit encore d'excellens
morceaux d'éloquence Se de poéfie , qui font
antérieurs à ceux dcrs Grecs.
Il femble que la Grèce propre n'a connu
les beaux-arts que par le moyen de les colo-
nies , répandues dans l'Italie ôc dans l'Ionic,
Cette dernière province Itstenoit fnis dourc
des Chaldéens , fi:s voifins ; iSc la grande
Grèce les avoir reçus de l'Etrurie. Statuas
Thufci primum in Italie invcneruat , ciit C.tf-
iiodorc. Les ruines de Poejîam , rcftes de la
t
ART
lus antique arrhiccthire des Grecs , fem-
lent tenir du goiic des Egyptiens -, & l'on
rrouic d-ns les écries des anciens pkificurs
vdciges , qui prouvent que la poéiie a péné-
tre de l'orient , de l'occident , 6c m"-me du
le] teutrion dans la Grèce.
Mais II les arts ne furent d'abord chez les
Grecs que des plantes exotiques, il faut con-
venir qu'ils y acquirent bien v^tcuncbeanté
Se ungoùt , qu'ilsn'cnt eus nulle part iiilleurs ,
ni avant ni ^prcs cette trar.lplantation. I.i
Grèce, par un eflet de Ton heureux climat ,
te de l'admirable génie de fes h.ibitans , a
vu &c a fu con'.ervcr pendant des fîecles
entiers dans la plus çrandepcrfecbion , îk dans
l'éclat le plus brillaiit , icures les brandies
des b:aux-arts. Us y op.t même été durant
quelque temps coiif-.crés à leur véritable del-
tination , comme on peut le prouver par
mille exemples ; c'efl: donc à infce tiive que la
Grèce ell: regardée comme la patrie des arts.
Cette nation , dillinguée lî avantageufc-
ment par tous les dons derelpritîkducaur ,
ayant enfin perdu fli liberté , les beaux-arts
perdirent au iTï leur luftre. I es Romains qui
après l'éverlion des lépubliques c.reques .
dominèrent pendnit quelques lied. s lur le
monde connu , avoienc un génie trop roide
pour entretenir les arts dans leur fplendeur;
quoiqu'on eût tr.infplanté au milieu de cet
empire les arcil'tes grecs , 6c les chefs-d'œu-
vre de leur nation, les Romains ne poOc-
derent jamais au mSme degré que les Grecs
cette liberté d'efprJt qui laillè agir la raifoîi.
Le defir de dominer eut toujours le dellus
dans leur caraârere; & emportés p;ir cette
jsaflion , la culture des hcaux-ar[s\cuv paroif-
roit un hors-d'œuvre étranger au plinq
s'étoient preicrit.
Les Mules ne furent jamais appelléss à
Rome , on leur y accorda fimplement un
alyle , crm.mc à des fugitives étrangères ,
& le foin de leur culture fut abandonné au
hazard.
Il femlile né-anmoinsqu'Augufte les vou-
lut fiire entrer dans fon plan de gouverne-
ment ; mais la fermentation intérieure qu'un
refte d'amour pour la liberté enchaînée exci-
toit lur lesefprits , ne laillolt pas la tranquil-
lité néceîîàire pour rendre aux arts toute
la beauté c{u'ils avoient eue chez les Grec;.
La force d'eiprit qu'on coniervoit encore
qu us
A R T 49 î
étoit dirig'c vers tout antre objet. Le
parti dominant avoit allez à faire à mainte-
nir fou autorité par les mcyc.is les plus
prompts; il y falloit la force ouverte; &
quant à ceux qui fupportoicnt impatiem-
ment l'opprelTion , ils n'étoient occupés qu'à
(npper fourdement le pouvoir qui les acca-
bloit. Le parti neutre, ipeélatcur de cette
dangcreufe lermtntation , cherchoit au mi-
lieu de cette polition critique, à fe confer-
vcr aut;u'it de repos que la corijonélure cit
pouNoit permettre. Entre les miins de ce
parti , le génie devint ait , & fe vendit à
prix d'argent. Ceux qui s'éroient emparé
d'u
ne autorité, juiqu alors mal
affe
;rm!e ,
employeient les trawiux de ces artiftes mer-
cenaires pour rendre la tyrar.nit aimable. On-
voulut que la partie du peuple qui fouftroit !c-
joug fans rélllb.nce, perdit de vue l'idée de
la liberté , (îv' qu'elle donnât toute Ion attei;-
tion aux divenillemens publics. L'eltcc qui
devoir nccell.nrement réiulterde cette poli-
tique , tut que les b:aux-arts le ^';rent non
feulement détournés de leur véritable defti-
nation , mais encore dépra\-és dans les prin-
cipes qui font la bafe de leur pcriedion.
E'ès-lors ils le dégradèrent inienliblement ,
(?c tombèrent enlin dans un état d'avililïe-
ment , dans lequel ils ont croupi pendant'
pluiieurs fiecles, 6i dont ils n'ont po^int pir
le relever encore.
Il eft vrai qu'au milieu de cette d''cadencc
les bsaux-arts conferverent quelque luftre
apparent. La partie méchaniqne de chaque
art , fe perpétua dans les atrcliers des i.Ttiftes,
mais le goût 6c l'dprit s'afroiblirent infenll-
blemenr; les artitles lublifterenr. A la pltce
des temples conlacrés aux divinités du paga-
nifme, on conftruilit des églifes; au lieu
des ftitues des dieux 6c des héros , on drefîà
des images aux faints & aux martyrs. La
muiique pada du théâtre dans les églifes ; &c
l'éloquence fut transférée de la tribune aux
harangues , fur la chaire. Aucune branche
des beaux-arts ne périt ; mais peu à }>eu elles
le flétrirent toutes : elles devinrent en'^n {\
racornies , qu'on ne put plus y démêler les
veftiges de leur beauté.
Il en a été des ans , comme de certaines
Q)!emnités qui , dans leijjft origine , ont eit
^'e l'importance 6c une figniiicatioh bieiï
marquée , miis qui, dans La fuite des temps.
494- A Jl T ^
ont dt'gt'iv.'rL' en de lîmplesobiervances oont
on ne coiinoit plus ni le motif, ni le but.
Ce que font aujourd'hui les ordres de
clievalcrie , comparés à ce qu'ils ont crc autre^
fois , c'eft ce que les arts furent dans les
temps dont je parle , au prix de ce qu'ils
avoient été dans la belle antiquité ; il ne
leur refta que les marques extérieures, les
croix, les cordons ;& voilà pourquoi les
productions desartiiles n'eurent plus m beauté
extérieure, ni énergie inrriuieque.
Quelques auteurs parlent des ans d'une
manière à faire croire qu'ils fe font perdus
pendant des (iecles entiers. C'efl: ce qui efl:
contredit par l'hiiloire ; depuis le liecle d'Au-
gufte, jufqu'à celui du pape Léon X , cha-
que fîecle a eu fes poètes, fes fculpreurs ,
ks lapidaires , fes rauliciens & (es hiitrions.
îl paroir même que dans les ans du delTîn
il y a eu de loin en loin quelque heureux
génie qui a tenté d'y ramener de la beauté
& du goût. J'ai vu , il y a quelques années
à Erforden , un diplôme de l'cmpereurHenri
IV , fur le fceau duquel la tête de cet empe-
reur m'a psru auffi belle que (î elle avoir
été gravée du temps des premiers Célars. On
trouve de m^me divers rituels^ du fîecle de
Charlcmr,c,nc, & des fiecles fuivans , enri-
chis de pierres gravées qui ne manquent pas
abfolument de beauté. Mais comme la dépra-
vation des mœurs fut poullée à un degré
prefque incroyable dans le douzième fiecle
ne les lîecles iuivans , les beaux -ans s'en
repentirent audi ; on en tît un u&ge hon-
teux. On trouve dans les livres de dévotion
de ces temps-là , & parmi les orncmens
des temples & des chaires , des fujets de
peinrare & de Iculpture fi obfcene ,qu'on
feroir fcandalifé aujourd'hui d'en rencon-
trer de pareils, même dans les lieux defti-
«és à la débauche la plus effrénée; heureu-
lement un tel abus n'a pas dû être fort dange-
reux ; ces monftrueux ouvrages manquoient
ab'olument de grâces & d'attraits.
C'eft néanmoins du fein de cette barbarie
que l'aurore d'un meilleur goût dans quel-
ques branches des beaux-arts , commença à
percer. Mais le jour ne renaquit qu'au (ci-
zieme (iecles ce n'cft qu'alors que fa lu-
ftiiere éclaira toiML l'empire des beaux -arts.
Long-temps auparavant , déjà l'opulence de
quelques républiques d'Italie y avoir excité
ART
l'atcenticn fur quelques branches des arts.
On avoit tranfporté de la Grèce, à Pife, i
Florence , à Gènes , ji'anciens morceaux
d'architedure & de fculpture. Leur beauté
frappa , & l'on fit quelques ellàis pour l'imi-
ter. Peu de temps après , les Grecs réfugiés
de l'Orieni en Italie , y apportèrent les ou-
vrages des poètes & des orateurs de l'an-
cienne Grèce ; la connoifiânce de ces auteurs
le répandit infentiblement , & produire
eîicore des effets plus heureux. On y recon-
nut les fruits du bon goût dans leur véritable
maturité. Cela redoubla l'emprelïcment à
rechercher de deflbus les ruines les reftes de
l'antiquité dans d'autres genres encore. Le
goût des artiftes fe raffina. La célébrité &
les applaudillcmens que quelques-uns de
ceux-ci obtinrent par l'imitation des ouvra-
ges anciens, excita dans les autres une noble
émulation. Les arts fe relevèrent de la pouf-
fîere , & de l'Italie ils fe répandirent fuccef-
iivement dans tout l'occident, & jufqu'an
nord de l'Europe. On s'apperçut générale-
ment que les ouvrages des anciens artiftes
croient les modèles qu'il falloit fuivre pour
rendre aux arts leur première fplendeur.
Heureufemcnt une politiqr.e plus faine avoit
introduit quelque tr;Miquilliré dans les états.
Ils étoient mieux affermis; on eut le loiGr L
d'aimer les beaux-arts , & ils acquirent^ par t-
degrés l'éclat dont ils brillent aujourd'hui.
Mais pour nous mettre dans un point de
vue d'où nous puifTions librement décou-
vrir leur état aéluel , il fera à propos de
retourner aux réflexions générales que nous
avons déjà touchées fur la nature & l'emploi
des beaux-arts.
Nous. avons vu ce qu'ils pourroient être,
en déployant toute leur énergie. Ce font les
ieuls moyens propres àinfpireraux hommes
la paflion générale du beau Se du bon ; à
rendre la vérité aétive, & la vertu aimable;
à inciter l'homme vers le bien de toute efpecc ,
& à le détourner de tout écart pernicieux.
C'eft en un mot le rellort qui l'excite fans
cdlc à travailler à fon véritable intérêt moral ,
lorlque la raifon le lui a bien fait con-
noitre.
Je n'ofèrois aflurer que les beaux-arts aient
jamais atteint à ce degré de perfeâion chez
aucun peuple du monde; mais il eft sûr,
ce me femble , qu'il y a eu un temps où ils en
Ail T
ont approché d'aflez près. Les Grecs s'crolcrit
fiiic des heûux - arts une idée rrès-jufte. Us
les rcgardoicnt comme des moyens propres
à former les moeurs , &: à appuyer les maxi-
mes de la philolophie & de la religion.
AuiTi ne négligeoient-ils nen de ce qui pou-
voir encourager les artiftes ; honneurs , élo-
ges , rccompen'es , rien n'étoit épargné.
Dans quelques republiques de la Grèce ,
c'cîoit louvcnt le plus grand orateur qui
obccnoit la première dignité de l'état. Les
grands poé'tes étoient conlidirés par les lé-
ciilateurs ôc les magillrats , comme desper-
îonnages important , qui pouvoient donner
de la vigueur aux loix. Homère fut regardé
comme le m.eilleur guide de l'homme d'état
& du général d'armée , Se comme le plus ex-
cellent inftituteur du citoyen. Ceft dans cette
vue que Licurgue étant dans l'île de Crète ,
y raîlcmbla les chants cpars de ce poète. Ce
marie légillateur y engagea le poc-te Thaïes
à le fuivre à Sparte , pour y faciliter par fcs
vers le fucccs de la légiflacion ( Pîutarque ,
Vie de Licurgue. ) Les anciens eftimcient ,
dit un philofophe grec, que la poélîe eft en
quelque manière la première philofophie ,
qui nous montre dès l'enfmce le chemJn
d'une vie réglée , &: qui nous imprime les
mcxurs , les iéntimens Ik l'amour dei grandes
aélions , par des leçons agréables ; les mo-
dernes , ajoute-t-il, (?c ces modernes , c'é-
toient les Pithagoriens , foutiennent que le
poëte eft feul le vrai fage. ( Strabon , lii'. I. )
De-là vient que chez les Grecs la première
choie qu'on enfeignoit aux enfans , c'étoit
la poélic ; & cela , non dans la vue de les
am.uler , mais pour former leur coeur à la
vertu & aux beaux fentimens. La mufîque
prétend au même mérite, je veux dire d'inf-
pircr des mœurs & de les adoucir. Aufh
Komere donne-t-il aux chanteurs le titre
à'iijjfituieurs. On peut en général dire des
Grecs , ce qu'un romain diloit avec moins
de fondement de fes ancêtres , qu'ils ont
employé tous les^r'^au bien public : nullam
ma ores ncjlri aneni cjfc vcUierur.t quce ncn
eiLjiiid rei puMicje co/nm<;daret. Scrvius ad
JEntii. hh. VI.
Il leroit iupcrflu derapporter ici deux exem-
ples particuliers de grandes ricompen'cs
& des honneurs diftingués que les Grecs ac-
eordoiem à leurs bons iitilks. Les ccriK des
ART 495
anciens en font pleins , ic .funius en a re-
cueilli un grand nombre d'anecdotes; on
peut coniulter cntr'autn-s le chap. xiij da
Jlcond livre de {c>n traité De piBura reterum.
Les artiftes avoient de fréquentes occa/îo!is
de déployer tout leur génie , & toute l'in-
fluence des beaux-ans fur le caraclere des
hommes. On employoit leur lecours à cha-
que folemnité , à chaque établidemenr pu-
blic , dans toute atf.lre d'état un peu im-
portante. Tout tenoit aux beaux-arts ; les
délibérations publiques , les éloges foîem-
nels , inftituésà l'honneur des héros , &dcs
citoyens morts pour la défenfe de la patrie ,,
les monumens deftinés à conlerver la mé-
moire des grandes aélions , les fréquentes'
fêtes religieufes qu'on célébroit avec tant de
pompe 5 (Je les Ipeélaclcs dramatiques qui
fiifoient partie de quelques-unes de ces
fêtes , & qui coûtoient aux magiflrats des
foins & des frais extraordinaires. On s'(iccu-
poit lî férieulement dti\beaux-arts , qu'on
fit même des réglemcns pour perfeétionner
le bon goi^it , pour empêcher qu'il ne dégé-
nérât, ou , ce qui eft encore pire , qu'il ne
ne fe corrompît par un excès de ralhnemenr,
Koyc[ les articles ARCHirECTURE & Mu-
sique.
Les Etrufques furent également foigneux
d'alTurer aux bcr.ux-arts une influence utile
lur les maurs. Nous connoillons très-peu
les arrangemens politiques àc cette nation
que les Romains détruisirent. Mais les reftes
nombreux des arts étru'ques montrent aflez.
combien étroitement on avoit fu lier les cr/j
à routes les fondions de la vie privée. A la
vue de ces monumens on a lieu de conjec-
turer que le moindre citoyen ne pouvoir rien
voir ni toucher chez lui , qui, grâces aux
arts du deiïiri , ne lui rappellàt emcaccment
le fouvenir de fes dieux ce de fes héros ; rien
qui n'imprimât un nouveau degré de force
à fonj^le pour la religion , la patrie & les-
moan-s.
Tels furent les beaux-arts chez les Grecs
& les Errufqites dans l'âge d'or de la liberté ,
mais à mefure que les lentimens généreujt
du bien public s'émouficrenr , que les chefs
& les principaux de l'état iéparcrent leur in-
térêt particulier de l'intérêt commu]n;que
la cupidité & le goût du luxe amollirent le
caraderc, les b^aux- arts celTerent de ferais
4:9^
ART
3e l'étac. Ils devinrent des arts de
au bien d
luxe , «?>: bientQC on perdit de vue leur véri-
taMe dignité.
Il ne feroit pas inutile , pour l'inftrudion
de notre ficelé , de lui mettre fous les yeux
rénorme abus que la Grèce fit des beaux-
ans , lorfqu'cUe commença à dégénérer.
}A-\h il faut le borr.cr ici au tableau général
c;u'en aiait un judicieux anglois( M. Tem-
ple , Iliffoire de la Grèce , par Stanian , liv.
III , ciîap. 5. ) "Les Athéniens, dit-il,
débarrail'és de l'ennemi , qui les avoir li
bien tenus en haleine (c'étoit Epaminondas ,)
s'abandonnèrent aux plràfirs, & ne s'occupè-
rent plus que de jeux & de fêtes ; ils donnè-
rent à cet égard dans l'excès le plus étrange-,
la palfion pour le théâtre leur htoublicrtoute
affîiire d'état , & écoutfaen eux tout fcnti-
ment de gloire.Les poètes &; les aéteurs eurent
leuls 11 faveur du peuple; on leur accorda les
applaudifiemens , & la confidération qu'on
devoit à ceux qui avoient bazardé leur vie
pour la défenie de la liberté. Les tréibrs ,
deftinés à l'entretien de la flotte &: des troupes
de terre , furent dépenléesenfpecLacles. Les
danieurs & les chanteufcs vivoient dans l'a-
bondance & dans les voluptés , tandis que
les généraux d'armée manquoient dufimple
nécellaive, & qu'à peine trouvoit-on furies
vaifl'eaux , du pain , du fromage & des oi-
gnons. La dépenfe du théâtre étoit fi excef-
iîve , qu'au rapport de Plutarque , la repri-
ientation d'une tragédie de Sophocle ou
d'Euripide , coûta plus à l'état, que la guerre
dePerfe ne lui avoir coûté. On lui employa le
tréfor qui avoir été mis en rélerve comme
un dépôt facré pour les beioins extrêmes de
l'étar , quoique par une fanclion publique la
limple propofition de détourner ce trélor à
d'autres uiàges dût être punie de mort. "
Ce qui d^ms ion origine , étoit deltinc à
allumer une vigueur patriotique dansleccrur
lournr
fer vit donc .alors à
étouffer tout (eiuirnfn: du
ces citoyens
l'oifivcté , &
bien public. Les grands eurent des artilics ,
comme ils avoient des cuifiniers ; & les arts
qui auparavant préparoient les remèdes fi-
lutaires de l'ame , ne donnoicnt plus que du
finrd (Si des parfums.
Tel étoit l'état des beadx-nrts en Grèce &
en Egypte , lorfque les Romains conqui-
rent ces provinces : & voilà pourquoi les
ART
<irts conferverent ce même caradcreà Rome.
Dans le temps de leur fplcndear , le nuble
ulage qu'on en failoit donnoit de la dignité
à l'artilte. Sophocle , poëte , & acteur , fut
en même tems archonte d'Athènes; mais
dès le temps de Céfar , un chevalier romain
crut , & avec raifon , être déshonoré pour
avoir été forcé de monter fur le thjatre.
Sous Néron , l'état du poëte , du muCcicn
ou de l'acteur , n'étoit guère plus rck.é que
celui dedanleur de corde. Ainfi la dignité
des beaux-arts dilp.'.rut iiif. iiiibiement , &
dans les iiecles modernes encore ,ce n'eft
qu'au luxe & au fafte qu'ils doivent le degré
d'ellime qu'on leur accorde. Il feroit bien
mal-ailé de prouver qu'aucun des protec-
teurs , ou des protectrices modernes des
beaux-arts , ait fait la moindre cho(e en
leur faveur par une coiinoiilance intime de
leur véritable prix ; aulli les arts ne font-il;
julqu'à préfentque l'ombre de cequ ils pour-
roient être.
Il eft évident que nos inftitutions en gé-
néral leur ont retranché bien des occafions de
déployer comme autrefois leur énergie. Il
manque à nos fêtes publiques cette iolcm-
nité qui expofe les ar^ dans leur plus beau
jour. Nos fêtes religieules même n'ont ordi-
nairement rien de majcftueux; ce n'eft plus
qu'accidcntalem.ent que les b:aux-arts y con -
fervent ei-core quelque chofe de Icurdelti-
nr.tion primitive , & l'emploi qu'on en fait,
montre allez qu'on a perdu de vue leur vrai
but. Qu'un artifte réulTiile , -ce qui n'arrive
que trop rarement , à produire un ouvrage
plein d'énergie , ce iera plutôt l'effet de fon
génie heureulement guidé par fa raiton , que
ce ne fera le but de ceux qui l'auront mis en
ccuvre.
D'ailleurs, à n'en juger que par le choix
peu réfléchi des lujets fur lelquelson exerce
\ç^biaux-aris , il lemble qu'à tous égards on
ait perdu la jufte idée de leur utilité cSc de
leur importance ; pour une feule fois qu'on
introduit fur nos théâtres un héros qui ait des
droits à notre reconnoillancc , on y voit pa-
roicre cent fois ou Diane , ou Apollon , ou
/^gamemnon , on (Sdipe , ou tant d'autres
perfbnnages vrais ou f.ibuleux , qui nous
font parfaitement indiffcrcns. Qii'un peintre
prenne dans la mythologie un lujet inli-
pide j propre même à corrompre les mccurs ,
ou
ART
«u qu'il fa(Tè un choix plu< iitùi! -, on lui a
la même oblig;îtion ; il (uffit que le tableau
foir bon : & cetre Hiçon de pcnler s'étend i
toutes les autres branches des ^rr? ; n'en ex-
ceptons pas même les orncmens des églifes :
ks tableaux qui décorent les temples catho-
liques , que prclenteiit ils quelquefois , linon
une dévote mj'thologic qui peuc-éire choque
encore plus la (aine raiion que ne le iàiloicnt
Its fables du paganinriC ?
Pour le faire une jufte idée JePefpritqui
anime, ou plutôt qui énerve aujourd'hui les
«r/j , jetons les yeux fur celui de nos Ipec-
taclesqui réunit tous les haux-ar:s . Y a-c-il
rien de moins fignifîcatif, de plus infipide,
&qui réponde plus mal au but des srts , que
notre opéra ? Et cependant ce même fpec-
I taclc qui , dans l'état aéb.iel , mérite à peine
l'attention des enfans , pourroit être exaâe-
ment la plus noble &c la plus utile production
d^s icûux-ûrrs réunis.
Une preuve bien claire que l'on inccon-
noit aujourd'hui entièrement le pouvoir des
■ beaux-arts , Se qu'on n'a qu'une idée abjeéle
de leur emploi , c'eft qu'on ne les fait guère
fer\'ir qu'au luxe & à l'oftentation , ou on
les confine dans les palais des grands , dont
J'emréeeft toujours interdire au peuple; ou
lorlqu'on les étale aux fêtes & aux folemnités
publiques , ce n'eft point dans la vue d'at-
teindre plus lurement le but auquel ces
folemnités étoicnt originairement deftincts;
mais c'eft pour éblouir le peuple , étourdir
les grands , & empêcher les uns & les autres
de fentirle dégoût qui accompagne des fêtes
d'une li pitoyable invention.
Les modernes ne manqueîit cependant ni
de talens , ni de génie ; h. ces égards ils ne font
I point aulTi inférieurs aux anciens , qu'on a
quelquefoisvoulu le foutenir. Nous polîédons
aufTibien , &en plulîeursger.res ,^mieux que
les Grecs , la m;clianique des ûrts. Le goût
du beau eft chez un bon nombre de nosar-
tilles , aufli délicat qu'il l'étoit chez les
meilleurs artifles de l'aiuiquité. Bien loin
que le génie des m.od-jrnes fe loit rétréci ,
on peut dire en général , qu'il a au contraire
acquis plus d'étendue , puisque les fciences
font plus univerfellem.ent répandues , &
qu'on a fait de grands progrès dans 1 étude
des hommes & de la nature. Ainh les forces
«quilès pour rendre aux arts leur première
Tome III.
ART 497-
iplendcur , exiftcnt encore : mais aiifll lon;^-
temps qu'on ne leur accordera pas l'enco'^
ragemenrnéceflaire, qu'on négligera de les
diriger vers leur véritable but , ou qu'on ne
les fera fervir qu'au luxe & à une volupté
ralTÎnée , l'artifte , quelques élogL-s qu'on
donne à Tes talens , ne fera guère diftingué
d'un artifàn induftricux , on ne le condclé-
rera que comme un homme qui fait amulèr
le public & les grands, .S: délivrer l'opulence
delocuvrée de l'ennui qui la pourfuit.
Ce n'eft pas la faute des aruiilcs ii \zsay:s
lontav:hs; pluiîeurs d'entre eux prendroienc
voiontiers un vol plus élevé : mais que peu-
vent produire une ou deux tentatives répé-
tées de loin en loin , s'il ne s'élève quelque
part une fage légiilation qui s'applique h
relever les arts de leur aviLHcment , & à les
ram.ener à leur grande deftinarion î
Un intérêt médiocre n'excita jamais de
grands efforts ; aulfi long-temps que l'ar-
tilie , livré au préjugé commun , que les
grands n'appuient que trop , ne fe conno-tra
d'autre vocation que celle de les amufer ,
les plus beaux don du génie languiront dans
l'inaétion: qu'au contraire l'artifte foit appel- '
lé , non dans le cabinet du prince , où celui-
ci n'eft qu'un homme privé, mais "u piédiî
trône pour y recevoir des commillioiis tour
aulfi intéreftàntes que celles qu'on y donr.e
aux chefs de l'armée , de la juftice , ou de
la police: que le plan général du légillateut
embralfe les grandes vues de porter le peuple
à l'obéillànce envers les loix , & à la pratique
des vertus ibciales par le miniftere Azsb^aux-
arts , on verra bien vite toutes les forces
du génie fe déployer pour remplir ce grand
objet ; on pourra s'attendre à voir renaître
des chefs-d'œuvre , & des chefs-d'œuvre
vrailémblablement fupérieurs à ceux de l'an-
tiquité. Quel puillant aiguillon pour des
œurs généreux , pour des hommes de génie ,
que de voir les yeux de la nation entière
attachés fur leurs ouvrages , de fentir que
ces mêmes ouvrages vont contribuer au
bonheur de (es concitoyens!
Après avoir examiné l'elîence, le but (!c
l^emploi des beaux-arts , nous pouvons pré-
lentement en déduire la véritable théorie.
Elle réfulre de la folution de ce problème
moitié pfychologique & m^oitié politique :
" lligmine ayant natuieilement du goût
Ooo
498 . ART
pour les idées fendbles , comment faut-il
s'y prendre pour que ce penchant ferve à
l'élev2.cion de fei lentimens , 2c loir en cer-
tains cas un moyen irréhftibie de le porter à
(on devoir? •> La folucion de ce problème
indiquera à l'artirte la roure qu'il doit tenir ,
êc au louverain les moyens qu'il doit em-
ployer pour amener les />taux-arts ila perfec-
tion, & en retirer les plus grands avantages.
Ce n'c'l pas ici le lieu de rélbudre ce pro-
blème dans toute fon étendue , nous ne
pouvons qu'indiquer les points capitaux.
La théorie dwS perceptions icnlibles eft
fans contredit la partie la plus diificile de la
philolophie. Un philolophe Allemand, M.
Baumgarten , a entrepris le premier de la
traiter Tous le nom de Science cfUiétique ,
cpmme une nouvelle branche des connoif-
lances philofophiques ( Ft^je^ l'artkk
EsTnixiQUE ) : icience qui mcrite d'autajit
plus d'ctre cultivée 6i approfondie , que c'cft
elle qui peut enicigner à la philolophie la
route ù un empire ablolu fur l'homme.
Les beaux-arts fe divilent en autant de
branches principales , que la nature a ouvert
de voies différentes aux perceptions ienlibles
pour élever les fencimens de l'homme •■, &
chaque branche pnncipale fe fubdivile en
autant de rameaux qu'il y a de ditfércns
genres & de diverfes cipeces de forces efthé-
tiques , ou de beautés feniibl*s , qui peuvent
agir fur l'ame par chacur.e de ces diiiérentes
voies. Nous allons voir fi , d'après ces prin-
cipes , il i'eroit polfible de conliruirc l'arbre
généalogique des beaux arts.
Il n'y a exadcm.ent qu'une feule voie de
pénétrer dans l'ame •■, celle des lens externes ;
mais cette voie fe multipHe en raifbn de la
différente nature de ces fens. Le même
objet , la même perception paroît changer
de nature , acquérir plus ou moins d'aâivité
félon la conftitution de l'organe qui la tranf-
met à l'ame. Les Itns les plus grolTIers , le
tad; , le goût & l'odorat , font ceux qui agif^
fcnt le plus fortement liir l'ame , mais ce
font trois routes qui ne conviennent point
aux beaux-arts parce qu'elles ne tiennent qu à
l'animal. Si les bfaux-arts étoient aux gages
de la volupcé , leurs principales branches
(croient occupées à travailler pour ces trois
fois : )iart de préparer de mecs favourcux ,
(d« diftilcr des eaux de lenteur , iaoïx k
ART
premiers des arts ; mais la fenfualité qui doit
ervir à élever le caraderc 'e 1 "homme, eft
d'une plus noble e'pece ; elle ne fe borne
pas au matériel , elle y joint de l'ame & de
i'e!prit. Ce n'eft que dans des circonftances
particulières qu'à l'aide de l'imagination ,
les beaux-arts peuvent tirer quelque parti
des knlations qui proviennent des fens
inférieurs , lans néanmoins le faire d'une
manière aufTi grolficre que l'a fait Mahomet,
dont le fylKme n'étoit que trop appuyé fur
l'appât des plaifirs leniuels.
L'ouie eft: le premier de nos fens qui trans-
met à l'ame des perceptions dont nous pou-
vons démêler l'origine <!<>: la cauic. Le Jôn
peut exprimer la tendiellc , la bienveillance,
la haine , la colère , le délelpoir , & diverfes
autres paifions dont l'am.c eft agitée. Au
moyen des ions une ame peut donc fe fiiie
ientir à une autre ame; & il n'y a que les
perceptions de cette nature qui puilleiit faire
lurle coeur des imprelTions capables de l'éle-
ver. C'cfl ici donc que commence l'empire
des b:aux-arts. Le premier , le plus puiflant
de tous , c'cft Van de la mulique i elle pénè-
tre dans l'ame par le fens de l'ouie : tousks
arts de la parole , il eft vrai , agiflent aufù
fur l'oreille ; mais leur but principal n'eft
point de l'émouvoir ; leut objet va bien au-
delà du fiege imrpédiat des fens ; leur éner-
gie ne coniifte pas dans les fons , mais dans
la lignification des mots ; l'harmonie des
paroles eft néanmoins un des moyens accel-
îoires qu'ils emploient pour donner plus de
force au dilcours , 6t pour faire des imprel-
fions plus profondes fur l'efprit de l'auditeur.
Après le iens de l'ouie vient celui de la
vue , dont les imprefïions font moinstortes,
mais aulïi beaucoup plus diverfîfiées & d'une
étendue bien plus vafte. L'œil pinetre
incomparablement plus loin que l'oreillç
dans l'empire des efprits ;'il hiit Ure prelque
tout ce qui fe pa(le dans l'ame. Le beau, qui
fait une imprelllon fî favorable fur l'eîprit ,
l'ail le faifit pre'que lous toutes fes formes j
& de plus il découvre encore le bon & le
jîarfait. Il n'eft prefque rien qu'un a-il exercé
n'appcri,oive dans la phyhonomie, dans U
figure , dans l'attitude i^ dans la démarche
d'un homme i c'eft à ce fens que nous devons
tous les «/•« du delTin.
La vue continc dclîprèsàrcnteudcmçnl
ART
ART
499
pur, que la nature n'a point e'tablîdc rcns|ie(7z/r-tf/-«.'on a cn(uite trouvcle moyen de
■ I les combiner ôc de réunir deux ou trois de
ces efpeces , pour en former de nouvelles.
La danfe réunit lesarM qui agillcnt fur la
vue & fur louie ; le chant rallemblc Vtirt de
la mulique Se ceux de la parole , tous les
bcaux-a-rs peuvent concourir à la fois dans
les rpcdacles. AulTi les fpedtacles dramati-
ques font-ils la plus belle invention à^sarts;
ils peuvent devenir le moyen le plus propre
à infpirer des iencimens nobles &i élevés.
Chaque eipcce à'cirts fe parcage de nou-
veau en plulîeurs branches lubalrcrnes ; b
meilleure méthode de déterminer celles-ci ,
(eroit peut-être de faire 1 enumiration des
diverfes elpeces de beau, ou de forces eft hé-
tiqiies qui en iont l'objet. Le beau (impie
occupe ces branches paniculieres des ans
qui n'ont d'autre but dans leurs ouvrages
que celui de plaire. En poéfie , de jolies bjga-
celles ; en peinture , des fleurs , des payfages
lans caraéterc décidé; en mulique , ces pièces
OLi l'on ne lent que l'harmonie &i le nombre,
à'c. Le vrai &c le partait font l'objet princi-
pal d'une autre efpece de branches , tels que
ïont , dans les arts de la parole , le difcours
dogmatique , le poème didaftique , certain
genre d'apologue , &c. Un troiheme ordre
de ces branches s'exerce lut des fujecs propres
à émouvoir , & fe propofe d'exciter les paf-
i'ions. Enfin les branches les plus parfaites
réunifient à la fois tous ces objets , déploient
toutes les forces de Vart , & en conftituenc
les efpeces les plus intéreflantes.
Comme chaque efpece différente fuppofe
auflî dans l'arcilîe non feulement un génie
propre à cette e(pece-li , mais encore un
caraélere particulier , on pourroic peut-être
détei'miner avec aflez d'exaétitude les fubdl^
vilions de chaque branche des b:aux-arrs ,
d'après le degré d'ame & le tour d'efpric
qu'on peur concevoir dans l'artille. Peut-être
tenterons-nous dans quelques articles un ou
deux eflais de cette méthode.
Il entre , au refte , tant d'arbitraire & d'ac-
cidentel dansla forme extérieure queles^cawr-
arts donnent à leurs productions, qu'avec
les notions les plus préciles fur la nature &C
l'emploi des arts , on ne fauroit rien fixer ,
à l'égard de la forme de ces ouvrages. Qui
pourroit , pour ne citer qu'un feul exemple,
afTigncr toutes les difïerentes formes que
Ooo i
'moyen encre la vue tk: les perceptions inter-
nes. Nous croyons fouvcnt n'être occupés
que de nos propres idées , parce que nous
n'avons pas le fentiment de l'imprelTIonque
fait liir nous quelque objet extérieur , tandis
qu'au tond c'eft: cet objet que nous voyons.
11 n y a donc au delà de la vue aucun autre
fens pour les arts. Mais la providence avoir
ménagé au génie l'invention d'un moyen trcs-
éteiidu , pour pénétrer dans tous les recoins
de l'ame. On a inventé l'art de revêtir
d'images Icnilbles, des pen(ées& des notions
qui n'ont rien de matériel ; fous cette nouvelle
forme , elles s'inlmucnt par les (ens , &:
pallèutdans les âmes des autres. Le diicours
peut , à l'aide de l'ouie ou de la vue , porter
chaque idée dans l'ame , tans que ces tcns
l'alccrent , ou lui donnent une forme analo-
gue à leurs propres organes ; ni le fon du
motj ni la manierede l'écrire , ne renferment
point la force lignificative ; c'ell donc quel-
que choie de purement intellectuel revêtu
d'une figure arbitraire , inventée pour le faire
palier dans l'efprit d'un autre par le canal des
îens ; c'eft de ce merveilleux expédient donc
les arts de la parole fe fervent. En force exté-
rieure , ces arts Iont fore au deflous des
autres , parce qu'ils n'empruntent aucune effi-
cace de l'émotion des fens externes, qu'au-
tant qu'accidentellement ils peuvent émou-
voir l'oreille. Mais ce qui leur manque en
force , ils le regagnent en étendue ; ils
mettent en jeu toutes les forces de l'imagina-
tion , & lavenc , par ion moyen , rendre
fcnlîbles toutes les imprcfTîons des fens ,
même des Iens les plus grotliers.
Auffi l'ufîge des arts de la parole eft le
plus étendu de. tous. Ils nous inflruifentdc
tout ce qui fe pafle d.uis une ame : de quel-
que côte qu'on veuille l'attaquer , quelque
/entiment qu'on veuille lui inlpirer, les <2;vj
de la parole en fourniront toujours les mpyens ;
ils ont d'ailleurs fur les autres arts cet avan-
tage , qu'à l'aide des lignes qu'ils emploient ,
on fe rappelle chnque idée avec toute la
prcciiîon Se la facilité poflïbles. Aind , bien
que les plus foibles de tous les arts , qiunt à
la vivacité des imprelTîons , ce font les plus
importans par leur aptitude à exciter tous
les divers genres d'impretTions.
Telles font les trais efpcccs primitives des
5G0 ART
l'ode ou le drame peuvent prendre fans fe
dénaturer.; Dans des reclietchci, de cette
iiscurc , le bon fèns veut qu'on évk;; les fiib-
tiutés miaucieufes, ik qu'on fe garde bien
de donner des entra s'cs au génie de l'artifte.
Le grand principe que tout artifte doit
{liivre dans les compoiicions , c'cfl " de
faire que renlcmble iSc cii.4que partie de Ion
ui.vr.cge , produKe r'c:-.prcfiion la plus favo-
rable tur les fens &C !ur l'imagination , afin
«î'cxciier , autant qu'il ell: pollihle , toutes
les lorces de Pâme à y graver cette imprelTion
d'une manière ineffaçable. " Or , il n'elt
yoilible d'atteindre à ce but , Il l'ouvrage
«'a de la beauté & delà régularité , en un
met, s'il r.e porte l'empreinte du bon goût.
Le défaut le plus ellennel dans un ouvrage
<ie l'ùrt , quoique ce ne foit pas toujours
ïc plus imj)ortant , c'cft de manquer du.
Cute du goùr.
La maxime générale fur le choix du fujet ,
c'eil " que l'artille clioihlledes objets propres
à influer avantageuiement fur l'eîprit &:iur
le caur. » Ce lont-là les leuls fujets dignes
«le nous émouvoir ferrement , & de fiire lur
nous des imprelTions durables : tout le rei^e
peut n'en produire que de pallageres.
, Ce fcrcit néanmoins mal entendre cette
maxime , que de vouloia- interdire aux ans
Tout fujet quineieroir pas precifément moral;
elle ne défend pas à l'arcifte de fculpter une
coupe ou de peindre un vafe à boire , mais
elle lui prefcrit limplement de n'y rien tracer
qni ne loit propre à fiire une heureufe imprei-
ikon , de quelque genre qu'elle loit.
De tous les avantages de l't:rr , ceux-là ont ,
fans contredit , l'utilité la plus importante ,
3|ù gravent dans notre elprit des notions ,
es vérités , des maximes , des fendmens
propres à nous rendre plus parûits , Si à
î^rmer en nous les caraéleies dont nous ne
iaurions manquer (ans perdre de notre prix ,
foie en qualité d'iiommes , foit en qualité
de citoyens. Mais au défaut de pareils
fujets , rartiftc aura encore fatisfait à (on
devoir , fi Ton ouvrage nous nflfermit &: nous
perfectionne dans le goût du beau. Ainfi ,
le peintre auquel j'aurai commis le foin de
décorer mon appartement , méritera toute
ma reconnoilfance , s'il s'en acquitte de
njaniere que de quelque côté que je jette les
yeux , je lac fente rappelkr vivement les
ART
notions pratiques qui me font les plas nécef-
(aires ; que (i la choie n'eft pas failable , foa
travail fera néanmoins encore digne d'éloge ,
s'il me prélente dans chaque objet de quoi
nourrir & fortifier en mol le bon goût.
Il ré fui te de ce que nous venons dédire,
que les beaux-arcs ne llippolent pas fimple-
ment dans l'artifte un goût exquis, mais
qu'ils demandent de plus qu'il y joigne une
railon (aine, une connoiOance réfléchie des
maurs , & une intention (érieufe de faire
de fes talens le meilleur ufage polTïble. ( Cet
article ejî extrait de la théorie généraL des
beûux-arts de M. SULZER.)
Art des Esprits , ou Art Angéli-
que , moyen luperftitieux pour acquérir
la connoillànce de tout ce qu'on veut fa-
voir avec le (ecours de ion ange gardien ,
ou de quelque autre bon ange. On diftm-
gue deux (ortes d'art angiUque ; l'unobîcur ,
qui s'exerce par la voied'éLvation ou d'exta-
(e, l'autre clair & dilHndl:, lequel fe pranque
par le miniftcre des anges qui apparoillenc
aux hommes lous des formes corporelles,
& qui s'entretiennent avec eux. Ce fut peut-
être cet an dont (e (ervit le père du cé-
lèbre Cardan , lorsqu'il difputa contre les
trois efprits qui loutenoient la doctrine
d'Averroès , recevant les lumières d'un génie
qu'il eut avec lui pendant trente-trois ans.
Quoi qu'il en (oit, il ell certain quecetjrr
cil luperfutieux , puilqu'il n'eft autorité ni
de Dieu ni de l'églile ; & que les anges ,
par le miniftere de(quels on (uppofe qu'il
s'exerce , ne (ont autres que des elprits de
ténèbres & des anges de iatan. D'ailleurs,
les cérémonies dont on (e fcrt ne (ont que
des conjurations par lefqucltes on oblige les
démons, en \ertu de quelque pad:e , de
dire ce qu'ils favent , lïc rendre les lervices
qu'on cfpere d'eux. Voye^^ Art notoire.
Cardan, lib. XV J, de rer. varict. Thiers,
Traite*dcs fuperjli lions. ( G )
Art notoire , moyen luperftitieux par
lequel on promet l'acquifition des Iciences
par infufion & i«ns peine , en pratiquant
quelques jeûnes , &■ en faif-'-u: certaines céré-
monies inventées à ^e deftein. Ceux qui
font profeifion de cet art , aflurent que
Salomon en eft l'auteur , "c que ce fut par
ce moyen qu'il acquit en une nuit cette-
grande l'ogetlc qui l'a rendu fi célèbre d.tns.
ART
le monde. Ils ajourent qu'il a renfermé les
préceptes & la méthode dans un petit livre
■qu'ils prennent pnnr modèle. Voici la ma-
nière par laquelle ils prétendent acquérir les
fciences , ielon le témoignage du père Dcl-
rio : ils ordonnent à leurs alpirans de tré-
quenter les lacrem.ens , de jeuncr tous les
vendredis au pain Se à l'eau , &: de faire plu-
fiturs prières pendant fept fcmaines; cnliiite
ih leur preicrivcnt d'autres prières , & kur
fcnt adorer certaines images, les fept pre-
miers jours de la nouvelle lune , au lever
du lolcil , durant trois mois : ils leur font
encore choillr un jour où ils fe fentent plus
pieux qu'à l'ordinaire , & plus difpoiés à
rcce\oir les inlpirations divines; ces jours-
là ils les font mettre à genoux dans une
églife ou oratoire , ou en pleine campagne ,
& leur font dire trois fois le premier ver-
■fet de l'hymiie J''e/i! creator lp:ritus , &c.
les alîuraiit qu'ils ieront après cela remplis
de icience comme Salomon , les prophè-
tes Ce les apôtres. S. Thomas d'Aquin mon-
tre la vanité de cet art. S. Antonin, arche-
vêque de Florence , Denys le chajtreux ,
Gerion , 6c le cardinal Cajetan , prouvent
qnec'eftune curiohté criminelle par laquelle
on tente Dieu , S: un pacte tacite avec le
démon ; aulTi cet art fut-il condamné comme
fuperftitieux par la faculté de théologie de
Paris l'an. 1 3 10. Delrio , difq. magie. part. II.
Thicrs , traité des fuperjii lions.
" Art de S. Anselme, moyen de guérir
les plaies les plus dangereufes , en touchant
feulemient aux linges qui ont été appliqués
lur les bleflures. Qiielques ibldats Italiens ,
qui font encore ce métier , en attribuent
l'invention à S. Anfelme : mais Delrio allure
que c'eft une luperftition inventée par
Anfelme de Parme , fam.eux m.agicien ; &
remarque que ceux qui (ont ainh guéris,
(i toutefois ils en guérillent , retombent
cnfuite dans de plus grands maux , &c finii-
(ènt malheureufement leur vie. Delrio, difq.
marie, hb. II.
Art de S. Paul , forre d'art notoire que
quelques fuperftitieux dilent avoir été enlei-
riié par S. Paul , après qu'il eut été ravi
ju'.qu'au troilîeme ciel : on ne lait pas bien
les cérémonies que pratiquent ceux qui pré-
tciidenc acquérir les Iciences par ce moyen ,
laus aucune écudc , & par iîifpiration ; mais
ART 501
on ne peut douter que cet art ne loit illi-
cite; (?«: il cil: confiant que S. Paul n'a jamais
révélé ce qu'il ouït dans (on ravillement,
puifqu'il dir lui-même qu'il entendit des
paroles ineffables , qu'il n'eft pas permis
à un homme de raconter. Fuye-^ Art no-
toire, Thicrs , traité des fupcrjlirioiis. { G )
Art MNEMONICL.UE. On appelle ar/ m/jf-
monique , la fcience des moyens qui peuvent
fervir pour perfectionner la mémoire. Ou
admet ordinairement quatre de ces lortcs
de moyens : car on peut y employer ou des
remèdes phyliques , que l'on croit propres
à fortifier la malîe du cerveau ; ou de cer-
taines figures &i fcbématifmes , qui font
qu'une chofe fc grave mieux dans la mé-
moire ; ou des mors techniques , qui rappel-
lent facilement ce qu'on a appris ; ou cniln
un certain arrangemer.t logique des idées , en
les plaçant chacune de façon qu'elles fe lui-
vent dans un ordre naturel. Pour ce qui
regarde les remèdes phyliques , il eft indu-
bitable qu'un régime de vie bien oblervé
peut contribuer beaucoup à la confervation
de la mémoire ; de même que les excès
dans le vin , dans la nourriture , dans les
plaillrs , l'affoiblident. Klais il n'en cil: p.is
de même des autres remèdes que certains
auteurs ont recommandés , des poudres ,
du tabac , des caraplaimes qu'il faut appli-
quer aux tempes , desboiflons, des purgi-
tions, des huiles , des bains , des odeurs for-
ces , qu'on peut voir dans l'art mnémonique
de Marius d'AlTigni, auteur Anglois. Tous
ces remèdes font très-lujets à caution. On
a trouvé par l'expérience que leur ufage étoir
plus fouvent funcfte que lalutaire , commic
cela eft arrivé à Daniel fîeinlius & à d'au-
tres, qui, loin de tirer quelque avantage de
ces remèdes , trouvoient à la fin leur mé-
moire ii atfeiblie , qu'ils ne pouvoient plus
fe rappcller, ni leurs noms, ni ceux de
leurs domeftiques. D'autres ont eu recours
aux fekématijmes. On fait que nous rete-
nons une chofe plus facilemen'' quand elle
fait fur notre efprit , par le moyen des fens
extérieurs, une impielTion vive. C'tft par
cette raifon qu'on a tâché de foulager la
mémoire dans fes fondions , en repréien-
rant les idées fous de ceruines figiues qui
les expriment en quelque fàçoo. C'efl de
cette manière qu'on apprend r.u>: entms-i
50t ART
non teulement à connoître les lettres, mais
encore à le rendre familiers les principaux
événemens de 1 hiftoire fainte & profane.
Il y a même des auteurs qui par une pré-
dileétion finguliere pour les figures , ont
appliqué ces JchémariJ mes à des fciences phi-
loiophiques. C'eft ainfi qu'un certain Alle-
mand , nommé PFinckel - marin , a donné
toute la logique d'Ariftote en figures. Voici
le titre de fon livre : Logica memorativa ,
cujus bcneficio compendium logicx Peripate-
ticœ brevijjlmi temporis fpatio memcrix man-
dari potejî. Voici aulTi cornme il définit la
logique. Ariftote eft reprélenré affis , dans
une profonde méditation ; ce qui doit ligni-
fier que la logique eft un talent de l'ef-
prit, & non pas du corps : dans la main
droite il tient une clé ;^ c'eft-à-dire , que la
logique n'efl pas une fcience , mais une clé
pour les fciences : dans la main gauche il
tient un marteau : cela veut dire que la logi-
que eft une habitude. inMrumentak ; &Z enfin
devant lui elt un étau lur lequel le trouvent
un morceau d'or fin , &: un morceau d'or
faux , pour indiquer que h fin de la logique
efl: de diftinguer le vrai d'avec le faux.
Puifqu'il eft certain que notre imagina-
tion eft d'un grand fecours pour la mémoi-
re , on ne peut pas abfolument rejeter la
méthode des fchématifmes , pourvu que les
images n'aient rien d'extravagant ni de pué-
rile , &: qu'on ne les applique pas ^ à des
cliofes qui n'en font point du tout lufcep-
tibles. Mais c'eft en cela qu'on a manqué
en plufieurs façons : car les uns ont voulu
déligner par des figures toutes fortes de cho-
fes morales & métaphylîques ; ce qui eft
abfurde , parce que ces choies ont befoin
de tant d'explications , que le travail de la
mémoire en eft double. Les autres ont don-
né des images il abfurdes & il ridicules,
que loin de rendre la fcience agréable , elles
l'ont rendu dégoûtante. Les perfonnes qui
commencent à fe fervir de leur railon,
doivent s'abftenir de cette méthode , &
tâcher d'aider la mémoire par le moyen du
jugement. Il fiut dire la même chofe de
la mémoire qu'on appelle technique. Quel-
ques-uns ont propofé de s'imaginer une mai-
ion ou bien une ville , &ç. de s'y repréfeii-
ter diiférens endroits dans lefquels on pla-
ceroit les chofcs ou les idées qu'on voudroit
ART
le rappeller. D'autres , au lieu d'une maî-
fon Ou d une ville , ont choill certains ani-
maux dont les lettres iniciales font un al-
phabet latin. Ils partagent chaque mem-
bre de chacune de ces bêtes en cinq par-
ties, lur lesquelles ils affichent des idées;
ce qui leur fournit 150 places bienm.irquées ,
pour autant d'idées qu'ils s'y imaginent affi-
chées. Il y en a d'autres qui ont eli recours
à certains mots, vers, &: autres chofcs fcti-
blables : par exemple , pour retenir les mots
d'Alexandre , Romulus, Mercure , Orphée,
ils prennent les lettres initiales qui forment
le mot armo ; mot qui doit leur lervir à
le rappeller les quatre autres. Tout ce que
nous pouvons dire là-dellus , c'eft que tous
ces mots &: ces vers techniques piroillènt
plus difficiles à retenir , que les cho'ès mêmes
dont ils doivent faciliter l'étude.
Les moyens les plus surs pour perfection-
ner la mémoire , lont ceux que nous four-
nit la logique ; plus l'idée que nous avons
d'une choie eft cbire & diftinéfe , plus nous
aurons de facilité à la retenir & à la rap-
peller quand nous en aurons betom. S'il y
a plufieurs idées, on les arrange dans leur
ordre naturel , de forte que l'idée prin-
cipale loir fuivie des idées accelfoires ,
comme d'autant de conféquences ; avec
cela on peut pratiquer certains artifices qui
ne font pas lans utilité : par exemple , li l'on
ccmpofe quelque choie , pour l'ajjprendre
cnfuite par cccur , on doit avoir foin d'é-
crire diftin-.T:ement , de marquer les diffé-
rentes parties par de cert.iines fépar.rtions ,
de le fervir des lettres initiales au commen-
cement d'un fcns ; c'eft ce qu'on appelle la
mémoire locale. Pour apprendre par cœur,
on recommande enluite de fe retirer dans
unVndroit tranquille. Il y a des gens qui
choilillent la nuit; &: même fe mettent au
lit. Voye^^ \a.-àe^\\s la pratique de la mémoire
artificielle ,^2.1 le P. Buffier.
Les anciens Grecs & Romains parlent
en plufieurs endroits de Vart mnémonique,
Ciceron dit , dans le livre II , de orat. c,
/.ra-.ri7', que Simonide l'a inventé. Ce phi-
lofophe étant en ThelLilie fur invité par
un nommé Scopas ; lorlqu'il fut à table ,
deux jeunes gens le firent appeller pour lui
parler dans la cour. A peine Simonide fut-
il forti y que la chambre où les autres écoiait
ART
reft.'S tombci & les écrafa tous. I.orfqa'on
voulut les enterrer , on ne put les recon-
no trc*^anc ils dtoienr d.figurés. Alors Si-
nionidc fc nippellant la pbce où ch.'.cuii
avoic été allis , les nomma l'un après l'au-
tre ; ce qui fit connoitic , dit Cicéron, que
l'ordre ctoit b principale choie pour aider
la mémoire. (X)
* Akt Sacerdotal , ( Pliihf. hcrmh. )
c'eft le nom que donnoieiu- les Egyptiens à
ce que nous appelions ■:^\\]o\nà'\\\xiphilcfcphie
'herrréiijiie: Qtiari conliltoitdans la connoil-
fance parfaite des procédés de la luture dans
la produftion des mixtes. Cette fcience
cachée fous l'enveloppe des liiéroglyphcs &
des termes les plus myftérieux , croit une
erpece d'cnigmv dont on ne doniioit le mot
qu'à ceux qui , par une épreuve longue <S>:
'pénible , s'étôier.r rendus digr.es dcrreniitiés
à de fi grands myfteres. Le lecrct étoit
ordo:iné aux prêtres , lous peine de more :
il ne ic communiquoic que d.msle fanituaire.
On aflurc que Pyth.-.gore confentit à loutfrir
la circoncilion pour y être initié.
Art Poétiq,ue./^. Poésie & Poétique.
Art Militairie. J-^o^cij^Mijlitaire.
AKT-ET-PaRT , ( Hijî. mod. ) auteur
& complice; c'eft une exprelFion ufitce dans
l'extrémité rcp:enrr'on.ile de PAnglererre &c
en Ecoiîe. Quand quelqu'un eft accule d'un
crime , on dk : il eft an-&-part dans cette
aftion ; c eft-à-dire que non feulement il
l'a conleillée & approuvée , mais encore qu'il
a contribué perlbnnellcmeiit à fon exécu-
tion, ^'bje^ Auteur & Complice. (G)
* ARTA ( l' ) , Gi'uo. ville de la Turquie
Européenne , dans la balle Albanie , pro-
che la mer , fur la rivière d'Aldhas. Long.
2_9 ; laf. 59,2.^.
ARTÀBANj {Hifioire do Perfe.)Hyï-
canien de naillànce , tint le premier rang
parmi les favoris de Xerxès dont il fut ca-
pitaine des gardes. Ce Prince qui n'accor-
doit fa confiance qu'aux complices de fes
crimes & aux compagnons de fes dibau-
ches j lui abandonna le loin des afF.-.ires ,
^' ne fe réferva que le titre de roi , & l'hu-
miliant privilège d'en abufer. Artaban , in-
génieux à le captiver par le charme des vo-
hiptés , fit le deftin de la Perle ; Se co.nme
jl étoit le diftributeur des grâces , il luiliyt
.gil&de it faire wîsadofatcurs, Xercrs , tonibi
ART 503
dans le mépris , lui parut une viftime
qu on pouvoir immoler impunément , ëc
l'habitude du conmiandement lui inipna
l'ambition de le perpétuer. Ingr.it envers
fon maître , il confpira contre fa vie , & il
profita des ténèbres pour entrer dans fa
ch.ambre , où , fuivi des eunuques qu'il avoir
fait fes complices , il le tua pendant qu'il
dormoit: ce monftre iouillé du làng de Ion
maître , va trouver Artaxerxcs , îk lui ap-
prend que fon fi'cre Darius venoit de le
ioullicr d'un parricide , Se que lui-même
alloit être enveloppé dans le ineurtre de Ion
pcre. Artaxerxes , trop jeune encore pour
connoitre la défiance , ajouta foi à rinipof-
ture ; &c pour iauvcr fa vie , il au;:orila
Artaban à donner la mort à Ion frère. Ce
meurtrier de les rois diipola de la couronne
qu'il mit fur la tête du jeune Artaxerxcs,
en aciend.mt l'occafion favor.ible de la met-
tre iur la lienne. Il avoitiept fils qu'il pour-
vut des premières dignités de l'état. Fier
de leur appui , il prodigua les tréfors de l'é-
tat pour lé faire des partifans ; quand il crut
Ion pouvoir ailèz affermi , il laifù apper-
cevoir fes deifcins. Artaxerxcs , inftruit de
les complots , le fit ailaiTmer avant qu'il
pût les exécuter. Ses fils voulurent vcnge'r
la mort : ils levèrent une armée , & ils li-
vrèrent un combat où ils lurent cniiéremcut
détdits : ils expirèrent au milieu des plus
cruels fupplices , avec tous ceux qui a\oienc
été leurs complices. ( T-N. )
ARTABAZANE , {Hiji. de Pcrfe.) fils
aine de Darius , roi de Pcrfe , étoit appelle
par le croit de fa naiiîance au ircne de ion
père ; mais fon frère Xerxès lui hit préféré ,
parce qu'il étoit né depuis l'élévation de fon
père , &; qu'il defcendoit par Atofa la
mère , de Cyrus , fond.iteur de l'empire Per-
fin , au lieu qii' Art aÈd^ane étoit né a-, ant
que Ion père fut revêtu de la pourpre , &
qu'il n'avoit point du ccté de la mère une
origine royale. Leurs droits furent difcu-
tés au tribunal de Darius , lelon Tufage
des rois de Pcrfe , qui avant de mourir ,
déiîgnoient leurs fuccclfeurs. Dès que l'ar-
rêt qui donnoit la préférence à Xeixes eut
été prononce , Artabay^ne fe profterna de-
vant fon frerc , &: le reconnut pour fon
roi. Il donna pendant le cjurs de fi vfc
u:; e;.emple d; la .hi;!::; qu'eu dci; à Jis
J04 ART
maîtres , & le premier fujec fut le plus fou-
mis : il fut tue à la bataille de Salamine.
iT-N.)
ARTABAZE , ( HiJI. de Fcrfe. ) Perfe
d'origine , excita une rébellion dans Ton
gouvernement , moins pour fatisfaire fon
ambition , que pour n'être pas la vidlime
des fureurs de ion maître. Ôchus, roi de
l'erfe , ne femblcit armé du pouvoir que
pours'abnndonner impunément à la cruauté
cle Tes pcnchans. Ce fut fur (es généraux
Se fes domeftiques qu'il ht l'eflài de fes fu-
reurs. Enfuite il fe fouilla du fang de fon
oncle & de celui de cent de fes fils. Il
eut la férocité de, faire enterrer fa fœur vi-
vante. Tant d'atrocités le rendirent l'objet
de l'exécration publique. Artal'a':{e profita
de la difpofition des efprits pour le rendre
indépendant dans fon gouvernement. Il
attira dans fon parti Charès , général des
Athéniens , qui tailla en pièces foixante
mille hommes. Le monarque menaça les
Athéniens de fes vengeances , s'ils ne rap-
pelloient leur général. Cette menace pro-
duifit fon effet. Artaba^e abandonné^ des
Athéniens , eut recours aux Théb.iins qui
lui fournirent 50CO hommes avec le'.quels
il remporta deux viéloires. L'argent d'O-
chus fit ce que fes armes n'avoient pu exécu-
ter. Trois cents talens com.ptés aux Thébains
les engagèrent à trahir un allié qui n'ctoit
pas aflèz riche pour les payer. ArtakT^i ,
privé de leur fecours , fe réfugia chez Phi-
lippe de Macédoine , auquel il révéla le (e-
cret de fubjuguer la Perfe dont il connoif-
foit la foiblelic , ce fut fur le plan qu'il
traça, qu'Alexandre , quelque temps après ,
en fit la conquête. ( T-n.)
ARTABE , f. m.iWJl. anc.) forte de
mefure dont fe fervoient les Babyloniens ,
& dont il e(t fait mennon dans Daniel , c.
xiv, V. 1 , où il eft dit que les prêtres de Bel ,
dont ce prophète découvrit l'impofture ,
ofTroicnt tous les jours à ce dieu douze ar-
tabes de vin. L'arfabe contenoit foixante-
douze feptiers , félon S. Epiphane , t/e po/j-
derib. & menf. & Ifidore de SéviUe, Ai. XVI,
oric;. diclion de la bibl. tom. I , p. XXJ . (G)
ARTABRI , ( Géographie) peuple d'Ef-
pagnc , aux environs du promontoire Nc-
rium , aujourd'hui le cap Fùiifterc en Gali-
pe. C i>. G. )
ART
ARTAGABANE ,^ ( Géogr.) ville d'A-
llé , dans l'Arie , oi!i les ancicns^éogra-
phes en placent encore une du nom d'Ar-
catane , 8c qui n'efl: peut-être que la même.
(D.G.)
ARTACE , aujourdhui ARTAKUI ,
( Géogr. ) ville d'Aiie , dans la Natolie ,
& fituée dans une prefqu'ile de la Propon-
tide , où réhde un des principaux archevê-
ques de l'églKe greque en Turquie. Cette
prefqu'ile étoit autrefois l'île même de
Cyzique , & elle produit de très-bon vin
blanc. Une forteiellê de la Bithynie & une
ville d'Arménie ont auiïî porté le nom
à'Artace. {D.G.)
ARTJiA , ( Géogr. ) contrée de la Per-
fe , d'après laquelle tous les Perfes ne fai-
foient même pas de difficulté de fe dénom-
mer. CZ). G.)
ARTAGERA , ( Géogr. ) ville d'Afie ,
dans l'Arménie : quelques-uns veulent que
ce (oit la même qu'Artaxate , capitale du
pays. {D.G.)
ARTAJON A , ( Géog. ) petite ville d'Ef-
pagne , dans la Navarre ^ & dans la Merin-
dade d'Eftalla. Elle eft environnée d'un vi-
gnoble très-fertile. {D.G.)
^ ART AMENE , f. m. terme dejleurifle ;
c'eft un œillet brun , fur un fin blanc ga-
gné del'orfeline. Il vient petit : mais fa plante
eftrobufle, & fa marcotte vigoureufe. Trahi
des fleurs.
ARTAMIS , { Géog.) rivière d'Afie, dans
la Baftriane. {D.G.)
ART ANES , ( G<V. ) rivière d'Afie ,
dans la Bithynie. {D.G.)
ARTASI, {Géogr.) ville de la Turquie
en Aile , dans le gouvernement de Giurdif-
tan : elle eft peu conhdérable. L'hiftoire
des croifàdes fait mention d'une autre ville
de même nom , laquelle étoit fituée en Syrie ,
&: fut prife aux Turcs par les chrétiens ,
ious la conduite de Robert de Flandre.
{D.G.)
* ARTAXATE ou ARDACHAT,
( Géog. anc. ù Hifl. ) capitale ancienne de
l'Arménie , fur l'Araxe, appellée dans la fuite
Néronéc. Il n'y en a plus aujourd'hui que
quelques ruines , qui confiftcnt en une fa-
çade de bâtiment , à quaue rangs de co-
lonnes , de marbre noir , A' quelques au-
tres morceaux du même édifice. Les habi-
tons
A Ps. T
tans du p.iys appellent cet amas de maté-
riaux taclcrJat , eu le trône de Tiridat.
ARTAXFRXES Longue-main ,(/£//?.
de Pcrfe. ) Ce prince luriiommé Longue-
main, à ciufe qu'il avoit la main droite plus
longue que la gauche , fut magnifique &c
bienfailant : quoiqu'il ne fût que le troi-
(ieme fils de Xerxcs , il fut fon l'uccelîeur au
trône de Perfe. Darius , (on aine , avoir été
enveloppé dans le meurtre de fon pcre ,
allàiriné pir Artabane ; & Hydalpe, que
la niillàncc appelloit à la couronne , étoit
alors trop occupé dans la I3a6triane pour
faire valoir les droits. Artabane ne plaça
Artaxerxes fur le trône que pour en faire
bientôt (a viârime; mais il fur prévenu dans
ksdelTeins criminels , & quand il étoit prêt
de les exécuter , il fut adàlTiné lui-ro-^me.
Les lemences des troubles de la Pcnfe ne
furent pas étouffées dans Ion Hmg , il lui
reftoit (ept fils aulTi ambitieux que lui. Ar-
taxerxes ardent à venger la mort de fon
père , marcha contre les entans de ion
meurtrier , qu'il crue devoir immoler à les
mânes : il leur livra une bataille où tous fu-
rent exterminés. Dès qu'il fe vie débarrallé
d'ennemis au iFi redoutables, il taurna fes
«rmes vers fon frère , dont la nature lou-
tint mal les droits. ^4/7i2:rerxej vainqueur fe
Tit paihblc pollelleur d'un empire qu'il étoit
digne de gouverner ; les gouverneurs dont
la fidélité étoit fufpeéle , furent dépofés ;
ceux qui furent convaincus de tyrannie &
d'exadions, expirèrent dans les (upplices;
les moins coupables furent notés d'infamie ,
punition plus cruelle que la mort , pour
ceux qui confervent un • relie de pudeur.
Les abus réformés , & les tyrans fubal-
ternes punis , lui méritèrent l'amour de fes
fujets , qui ell; la récompcnfe des bons rois ,
& le fondement inébranlable de leur pouvoir.
Ce fut lous fon règne que Thémiftocle ,
fugitif d'Athènes , fut chercher un afyle
dans la Perfe , où û tête avoit été mife à
prix. Artaxerxes , religieux obfervatcur des
droits de l'hofpitalité , révoqua l'arrêt de
la prolcription , &i rendit grâce à fon dieu
Oromaze , d'avoir pour hôte un guerrier
qui, après avoir ébranlé le trône de la
Perfe , étoit capable d'en augmenter La
fplendeur. Il eut plufieurs entretiens avec
lui pour découvrir quels ctoient les rcllbrts
Tvme III,
ART 50y
de la puiflance de la Grèce, &: les vices
de la conliicution , & fatisfait de fes con-
seils , il lui aiîigna des revenus confidéra-
bles pour vivre avec magnificence. Cimon
l'Athénien cnlevoit alors à la Per(e fes plus
riches provinces : Eione , Sefte , Amphipo-
lis &: Bizance , furent fes conquêtes : tout
le pays d'Ionie , ju'qu'en Pamphilie , pallà
fous la domination des Athéniens & de
leurs alliés. La flotte A' Artaxerxes , com-
pofée de trois cents cinquante voiles , fut
battue & dilTipée à l'embouchure du fleuve
Eurimedon, dk la conquête de la Cherlo-
nele de Thrace fut les fuites de la victoire
de Cimon. Cette guerre fournit p'uiîeurs
exemples qui prouvent que la domination
des rois de Perle devoir être bien douce ,
puifqu'on y voit ce même enthoufialme de
citoyen qui n'embrafe ordinairement que
le républicain. Les infulaircs de Thaïe ,
alTiégés par les Athémens, décernèrent pei-
ne de mort contre le premier qui parleroit
de fe rendre : ils foutïrirent pendant trois
ans toutes les horreurs d'une ville alliégée ;
les femmes s'élevant au dellus des foiblel-
fes de leur fexe , ne le cédèrent point aux
hommes en férocité ; on manquoit de cor-
des pour faire agir les machines , elles cou-
pèrent leurs cheveux , & conlacrerent à cet
ufage leurs plus chères dépouilles. Quand
la famine n'offrit plus aux afTîégés que la
rellôurce de mourir, un des habitans , nom-
mé Hegetoride , paroit dans l'allemblée du
peuple , la corde au cou , & dit : chers com-
patriotes , difpofez de ma vie , je vous l'a-
bandonne , (î vous croyez que mon fang
vous puiflé être utile ; mais du moins fau-
vez le refle du peuple , en abrogeant une
loi meurtrière qui vous défend de traiter
avec les arbitres de votre dellinée. Les
Thaiiens, pleins d'admiration , abolirent la
loi qu'il venoit d'enfreiiidre; la ville ouvrit
fes portes aux Athéniens, qui relpedlerent
la vie & les biens des habitans. Bogés , gou-
verncLU d'Ione fur le Strimon , donna dans
le même temps un exemple de fidélité pour
fesm-iicrcs ; il futaffiégé par les Athéniens ,
& quoiqu'il fût dans l'impuillancc de fe
défendre , il crut que fon honneur lui prcf-
crivoitde mourir d.ms le pofce qui lui avoit
itéailigné; il tit r>.l1embler tout l'or <Jc l'ar-
gent qu'il trouva cbnsla ville, & le lit jeter
Ppp
jo^ ART
dans le fleuve Strimon , ne voulant pas qu'il
fût la récomptnfe des ennemis de fon roi.
Après ce premier facritîce , il égorgea la
femme , iès enfims & fes efclaves , &c teint
de leur fang , il le précipita dans un bû-
cher qu'il avoit fait préparer. Les républi-
ques n offrent point un exemple plus frap-
pant d'amour pour la patrie ; & quand on
voit des hommes prêts à tout fouffrir pour
vivre dans la dépendance d'un maître, on
doit propoilr leur exemple aux rois , pour
leur apprendre à mériter de fi grands facri-
irces: ces efforts d'une vertu portée jufqu'à
h férocité , font l'éloge de la bonté à.'Ar-
jaxerxes.
Les Egyptiens étoîent toujours indociles
& rebelles : nés pour être efclaves , ils ne
fdngeoient point à brifer leurs fers , ils ne
vouloientque changer de maîtres. Ils fe for-
tifièrent de l'alliance des Athéniens, & fe
crurent affez puiilans pour s'affranchir de
la domination des Perfes. Artaxerxes fit
marcher contre eux fon frère Archemenide ,
à la tête de trois cents mille hommes ; cette
îirmée fut défaite , & les débris s'en raflèm-
blerent dans Memphis , où ils furent aflié-
gés pendant trois ans; ils furent enfin déli-
vrés par une nouvelle armée qu'on envoya
à leur fecours. Il y eut alors un fécond com-
bat, où Inare , que les Egyptiens avoient
«lu pour leur roi , perdit la vie. Sa mort
rendit le calme à l'Egypte. Les vengeances
exercées contre les rebelles furent une nou-
velle femence de guerre ; Megabife s'étoit
engagé par ferment à conferver la vie des
prifonniers ; la mère à' Artaxerxes exigea
qu'on les lui livrât pour les immoler aux
mânes de fon fils Achemenide , tué dans le
combat , &: dès qu'elle les eut en fon pou-
voir , elle les fit tous crucifier. Megabife
indigné de ce qu'on l'avoir rendu parjure ,
fe retira dans fon gouvernement de Syrie ,
où levant l'éterdard de la rcbellion,il ébranla
le trône de fon maître ; les armées à'Ar-
"lapçcrxes furent défutes dans plufieurs occa-
sions , & il fillut recourir à la négociation
pour le faire rentrer dans fon devoir. Ce
Jiit dans la vingticme année du règne à' Ar-
taxerxes , que ce prince envoya Nchémie ,
fon éçhanfon , avec le titre de gouver-
neur, pour rebâtir les murs de Jérulalem
^ui n'Avoient pu encoit être rétablis , mal-
A RT
gré les e'dits de Cyrus &c de Darius , fils
d'Hyftafpe , & la proteftion déclarée de ces
deux rois pour le peuple juif.
Artaxerxes, fatigué d'une guerre onéreufe
à fon peuple , la termina par une paix qui
rendit aux villes greques d'Afie leur liber-
té , leurs loix & leur ancienne forme de
gouvernement. Ce traité , dont les condi-
tions paroiflent avoir été diftées par les
Grecs , eft un monument de la fupériorité
d'un peuple qui combat pour (on indépen-
dance, fur une nation avilie par l'efclavage.
Un événement qui fait honneur aux fcien-
ces , penfa devenir la femence d'une nou-
velle guerre. La réputation du médecin
Hippocrate avoit pénétré jufqu'aux extré-
mités de la Perfe : Suze , frappée de la pefte ,
avoit befoin d'une main lubile pour dé-
tourner ce fléau ; Artaxerxes le foUicita de
venir au fecours de (es (ujcts fouffrans, &
il crut l'éblouir par l'éclat de fes promeflès.
Les Grecs avoient une avcrlion invincible
contre les barbares; Hippocrate étoit iuf-
ccptible de cette antipathie nationale; ôc
(upérieur à tout ce qui peut tenter l'avarice
& l'ambition , il répondit au monarque
Afiatique , qu'étant fans defirs & ("ans be-
foins , il devoit fe confacrer au foulage-
meHt de fes concitoyens , préfcrablemcnt
à des étrangers , ennemis de fa patrie. Une
réponfe (i fiere irrita l'orgueil à' Artaxerxes ,
qui fomma la ville de Cos de lui livrer un
médecin infblent qui étoit né dans fon fein ;
les habitans fendbles au facrifice qu'Hippo-
crate leur avoit (ait de fa fortune , aimè-
rent mieux s'expofer au relTentiment d'un
monarque puidant , que d'avoir à ie reprocher
la honte d'avoir été moins généreux que lui.
Artaxerxes éprouva par ce refus que les rois
ont louvenc befoin d'un médecin , dontla
dcftinée plus heureufe , eft de pouvoir iè
paffer d'eux.
La guerre du Péloponefe depuis fept ans
embraloit la Grèce acharnée à fe détruire;
les deux partis également fuigués d'en fou-
tenir le po;ds , (blliciterent le fecours à' Ar-
taxerxes, qvà (eul pou voit faire penchfr la
balance : ce prince flatté d'être l'.irbitre de
la Grèce, faifoit des préparatifs formida-
bles pour donner plus de poids à (a média-
tion, lorlque la mort l'ei'.lc\a à la Perle,
ill fut fans doute un grand roi , puifqu'il fiic
ART
aîmc de ^s fujets, &c qu'il préféra la gloi're
d'être leur bienfaiteur , à !a vanité d'être
conquérant. Quoiqu'il cultivât les lettres ,
& qu'il aimât à les récompenler , il man-
qua d'hiftoricns pour nous tranfmettre (es
talens 6c Ces vertus; il ne nous eft connu
que par les Grecs, peintres infidèles, dont
la jaloule malignité déhguroit les plus beaux
traits de l'étranger. Xerxès qui lui luccéda
fut le fcul fils qu'il eut de fa femme légi-
time , mais il en eut dix-lept autres de les
concubines : les loix , en réglant l'ordre des
fucccfllons , prévenoient les abus de l'incon-
tinence. Un monarque entouré de femmes
dévouées à fes plailirs , s'abandonnoit à la
licence de fes penchans , (ans compromet-
tre fa gloire ; une poftérité nombreufe étoit
honorable , &c la ftcrilité imprimoit une
efpcce d'opprobre qu'il écoit doux de pré-
venir. L'évangile a reétifié cette façon de pen-
(er, quoiqu'il ait élevé le mariage à la
dignité de facrement , il nous apprend à
regarder le célibat chrétien comme un état
plus parfait qu'une union charnelle , qui fè
propole de perpétuer l'elpece humaine , Se
ac donner des habirans à la terre. ( T-n. )
Artaxerxes II. ( Hijf. de Perfe. ) étoit
fils d'Ochus, qui , à fon élévation au trône ,
avoir pris le nom de Darius Nothus. Etant
auprès de (on pare prêt d'expirer , Artaxer-
xts lui demanda par quel (ecrct il n'avoir
éprouvé que des profpérités pendant un
tcgne de dix-neuf ans ; j'ai , répondit le
monarque , toujour s pratiqué ce que la j uilice
& la religion exigeoicnt de moi. Le nou-
veau roi en montant fur le trône eut (a
famille & des rebelles \ punir ; fon frère Cyrus
qui avoir formé le projet de l'allafTincr , fut
découven & condamné à la mort ; mais le
monarque clément , à la follicitation de fa
mère , le renvoya dans fon gouvernement
de l'Afie-mineure. Cyrus fcndble à l'affront
d'avoir été condamné à la mort, oublia
qu'il lui avoit pardonné. Il leva une armée
de cent mille barbares , & les Lacédémo-
niens lui fournirent encore des troupes ôc
des vailleaux ; cette armée , après une mar-
che de cinq cents lieues , qu'elle exécuta en
quatre-vingt-treize jours, arrive dans les
plaines de Babylonc , où elle trouva Arta-
xerxes prêt à lui livrer bataille. Les Grecs
atuqueut avec caat d'impétuolîté , que l'aile
ART 507
qui leur eft oppolce eft défaite &: difperfée ;
dans ce prcmici luccès , ils proclament Cyrus
roi , en frappant fur leurs boucliers; ce jeune
prince appcrçoit (on frère , il fond fur lui ,
tue le capitaine de (es gardes , &: eft tué à
(on tour par Artaxerxes d'un coup de
javelJic : la rébellion fut éteinte dans Ion
lang.
La cour de Perfe offrit encore une Icene
au (Il fanglante. Artaxerxes avoit époufc
Statira , dont le frère étoit mari d'Amef-
tris , fœur du monarque; ce frère, pour
allouvir une palïion inccftueule donc il brû-
loir pour (a (œur , eOaya d'cmpoilonncr (on
époule Ameftris : il fut découvert & puni.
Safimille, qui n'avoir poitit eu de part à
fon crime , fut enveloppée dans fon châti-
ment , & Suze , au milieu de cette confu-
fion , fut le théâtre des inceftes , des adul-
tères, des meurtres & des empoil'onnemens.
Ce fut après la défaite de Cyrus , que
les Grecs firent cette belle retraite célèbre
fous le nom de la retraite des dix mille. Arta-
xerxes ne vouloir partager avec perfonne
le cruel honneur d'avoir rué fon frère ; un
Carien qui fe %'anta de lui avoir porté le pre-
mier coup , fut livré à Parifatis qui avoic
juré la perte de ceux qui avoient eu parc à
la mort de fon fils : ce foldat malheureux ,
fans être coupable, éprouva pendant huit
jours les tourmens les plus horribles, & i!
ne céda de foufîrir, qu'en ceflant de vivre.
L'eunuque qui, par l'ordre de fon maî-
tre , avoic coupé la têre & la main à Cyrus ,
fut écorché tout vif Artaxerxes opprima les
Grecs de l'Afie-mineure , pour les punir du.
fecours q«'ils avoient prêté à fon frère. La
rivalité qui divifoit fes généraux , s'oppofi
aux profpérités qu'il devoit fe promettre de
la fupériorité de fes forces contre une poi-
gnée de Lacédémoniens ; il fe fortifia de
l'alliance des Athéniens, jaloux de la gran-
deur de Sparte. Ils lui envoyèrent ConoH
pour commander fa flotte fur les côtes de
Phénicie & de Syrie. Les Spartiates , fous
les ordres de Defcylhdas , pénétrèrent dans
la Carie ; & d'un autre coté , Agclas , avec
une autre armée , parut devant Ephefe avant
qu'on eût une armée à lui oppoler : rien ne
s'oppofa à fes conquêtes , & les Perfes n'eu-
rent d'autre reffourcc, que de s'abaiflèr à
demander b paix qui leur fut refrifée. Arta*
5oS ART
xerxes étolt pcrfiiadi;- qu'il ne "pouvoir dé-
truire les Grecs qu'en les armant les uns
contre les autres ; il eut plus de confiance
dans fon or que dans Tes loldats. Tliebcs , i
Argos, Corinthe, corrompus par les lar-
gelVes, traliirent la cnufe comrnune de la
Grèce. La flotte Perfane , fortihce de celle
« de fcs alliés, mit à la voile fous les ordres
de Conon , il y eut une action fanglantc
près de Cnide, ville de l'Alie ■ mineure i la
mort du général des Lacédcmoniens mit le
déiordre iur leur flotte : cir.quante tie leurs
vailleaux furent coulés à fond, &: leurp'las
grande perte fut la défedion de leurs alliés.
La politique à'Arîûxerxes danstoute cette
guerre Fut de femer la divilîon parmi les
Grecs, & d'appuyer les uns pour atToiblir
les autres. Ce prince devenu l'arbitre de la
Grèce, fans en prendre le titre , exigea que
pour dédommagement des dépenfes de la
guerre , toutes les villes greques de l'Alie
lui feroicnt foumifes; de de toutes les îles,
il ne fe réicrva que Chypre & Clazomene ;
ce fut à ce prix qu'il conlentit à rendre la
liberté aux autres villes pour vivre chacune
fous leurs loix -, Cyros, Lemnos & Imbros ,
furent reraifes aux Athéniens, & chaque
peuple qui avoit été de Tes alliés eut part au
partage ; ce fut ainfi qu'affedant une modé-
ration apparente , il dida des loix à la
Grèce , trop aifoiblie par les divifions pour
ne pas y foufcrire. Ce fut pour mettre ce
traité en exécution qu'il tourna fes armes
contre Exagoras, roi de Chypre, à qui il
vouloir enlever fon ile; cejprince, pollef-
feur d'un petit ét.at , ofi loutenir tout le
poids de la guerre , contre un monarque
dominateur de l'Afie, & arbitre de la Grè-
ce ; il fuccomba , mais avec gloire , & les
Perfes forcés d'admirer fa magnanimité ,
le laiOcrenr poddfeurde Salamine. La Perfe
.triompliante au dehors, avoit au dedans un
vice deconlliturionquiannonçoit fon dcpé-
lifl'ement; les rebellions éteintes croient la
femence d'une nouvelle. Goas voyant dans
les fers Teribafe , dont il avoit époufé la fille ,
crair,nit d'être enveloppé dans la disgrâce;
i\ lui p.Trut plus siir d'être rebelle , que de
.^'abandonner à la discrétion de les calom-
.r.iarcurs ; toute la milice le déclara pour lui ;
l'Egypte lui fourriit des troirpcs , & les Lacé-
.démonicns , à qui il promit l'cnipiie de la
A RT
Grèce ^ fe laifi'crcnc éblouir par fcs promefles:
tout annonçoit dans la Perle une prochaine
révolution , lorfque Go.as lut alLiHiné piT
un de les ofticieis : fa mort dillipa l'orage i
mais il s'en éleva un autre aulfi cftray uu.
Les Caduliensqui habitoient entre le l'ont-
Euxin &: la m,er Calpienne , étoient , comme
tous les peuples pauvres, hers i5c belhqiieuxi
ils ne vouloicnt s'alîujetcir qu'à leurs ulages,
& frémilloiei'.t au nom d'un maître •■, 6i
comme les Perfes n'avoient aucun ritre pour
leur commander, ils ne le croyoient point
obligés d'obéir.
yîr^ûxerxcs marcha contre eux avec une
armée de trois cents mille hommes de pie ,
& deux cents mille chevaux ■■, quoiqu'il ne
trouvât point de rebelles à cornbattre , il
eut les plus grands obftacles à lurmonter.
Le pays Ikrile ne put fournir des fubliltaii-
es à une armée li nombreufe , fes lold,
ces a une armée ii nomDreuie , les loiaats
furent réduits à ne vivre que des bêtes de
fomme, în: la tête d'un âne fut vendue ju!-
qu'.i foixante dr.igmes. Artaxerxes^ humilié
d'une expédition où il falloit efluyer des
travaux (ans fruit , tourna les armes contre
l'Egypte, dont le roi Achoris lui oppoia une
vigoureufe rclîftance ; Artaxerxçs qui avoit
plus de confiance dans la valeur &. la dif-
cipline des Grecs, que dans fcs propres
fujers, voulut que leur nombre dominât dans
fon armée, Se pour mieux les intéreller à
G deftinée , il ordonna de rendre à leurs
villes tous leurs privilèges, <?c de les rétablir
dans leur ancienne indtp.^ndance : cette
politique lui concilia tous les caurs, &: loi
fournit d'intrépides défenfeurs. Yingr mille
Grecs, commandés par Iphicrate, fe réu-
nirent à cent mille Perfes fous les murs de
Ptolémaïs \ cette armée , capable de tout!
exécuter _, ne fit rien de mémorable ; la me-
lintelligence des généraux s'oppofa à toutes
les opérations ; Iphicrate fut accufé de cor-
ruption , & il accula à fon tour Pharnabafe
d'incap.rciîc , & la Pcrfc épuifa fes trclors
fans gloire & fans fruit.
Douze ans après cette malheureufe expé-
dition , la guerre contre l'Egypte le ralluma;
Tachosqui occupoit ab.sle trône de Mem-
phis, fe fortifia de l'alliance des Lacédémo-
niens , qui lui fournirent un cori>s de trou-
pes commandé par Agélilas. La Grèce tut
Icandalifée de voir un roi de Sparte à Ulblde
ART
d'uu roi baibrrc ; ce l'.éncral , .ipc de plus
de qu.icrc-vinprs .ms , lliccomb.i à I.i \ .mite
de le voir l'arbitre c'a deux rois puill.msi
mais dès qu'il p.uur à la cour de Mcmphis ,
il n'cdliya que des d':gonts , de (es coiifeils
dédaiLMT-s f ivorilcrcnr les progrès des Perles,
qui poulloicnt leurs conquêtes d.Lns le (èiir
ce ICfjypre , dans le temps que T-.c'.ios ,
contre l'avis d Agéiilns , failoic de la Phcni-
cie le th^fatre de b guerre : Ariaxerxci , ac-
cablé de chigrins doiT.eftiques , devtnolt
chaque jour plus inlenlîble à la gloire de Tes
armes. Ses tnians voyaiît la lin approelier,
le dilputoieiit ion héritage, il en avoit cent
quinze de (es concubines , (S; trois d'Arofia ,
f;r femme légitime. Il crut pouvoir prévenir
leurs dividons eii dèiignant (on (ucccdeur;
fon choix tomba (ur l'aine , nommé Da-
rius , qui dès le moment fut couronné de
la thyare , &: prit le titre ele roi. Ce jeui:e
prince briiloit d'un feu (ecret por.r une des
.concubines de (on père , & lur le rei'us qu'il
.eduya , il conçut l'horreur d'un parricide :
■il fut découvert & puni avec les plus dillin-
■gués de la Perle , qui s'étoier.t reridus fcs
■complices. Tant de lang n'étouffa point k
•feu des haines &: des révoltes ; Ariafpe &:
Ochus , nés d'up. légitime mariage , avoient
une égale am.bition de régner; Ariane , né
• d'une concubine , leur parut un com,péti-
teur dangereux. Le père avoit pour lui un
amour de préférence , qui ctoit juftifié par
fes moeurs & fes talens : Ochus & Ariafpe
fe débarrallerent de (a concurrence par le
poilon. Le père , juftement irrité, menaça
-de punir ce fratricide ; Ariafpe , pour pré-
venir (on redèntiment , aima mieux i"e don-
ner la mort , que de la recevoir de la main
d'un bourreau. Anaxerxes qui n'avoir plus
que fon unique héritier à punir , ne put Cnr-
vivre à la honte de fa famille fouillée de?
plus grandes atrocités. Il mourut Agé de
quatre-vingt-quatorze ans , dont il avoir
régné quarante-(ix. Ce fut un prince géné-
reux & politique qui re'pecta les loix , la
juftice & les dieux. ( T-n. )
Artaxerxe? Ochus , ( H.'fl. de Ferfe.)
Ce prince détedé des grands Se du peuple ,
eiit trouvé de grands obPiiaclcs pour arriver
au rrone, s'il n'eut caché per.d.irit dix mois
la mort de (on père : il employa cet inter-
valle à acheter des partilans , & dès qu'il
ART J09
fe Crut .'(Tc7. pTiin'u^.t , il dor.in en Ton nom
les ordres qui jusqu'alors avoient été revê-
tus du (ceau de fon père. Les Perfcs qui ne
voyoient en lui que le meurtrier de li fa-
mille , all'.irrerent le feu de la révolte dans
toutes les provinces. L'Ade mineure , la Sy-
rie, la Phcnicie refulcrentde le reconnoître
pour roi. Tous les gou\ crncurs des provin-
ces furent déclarés les chefs de la révolte.
Les nnpors qu'on avoir coutume de verlT
dans le tréior du roi, furent deClinés à lui
taire la guerre. La rivalité divil'a les chefs ,
& les plus (cditieux devinrent les plus (ou-
rnis. Datnme, gouverr.eur de Cappadoce ,
Iputint (cul tout le poids de la rébellion , il
le rendit maître de la P.'phLigojiic , où il (è
maintiin avec gloire jufqu'au moment qu'il
(ut ad.iAmé par un traître dont il avoir été
le bienfaiteur. Sa morrlîc rentrer dans l'obéii-
lar.ce toutes les provinces qui ne recon-
nurent plus qu'un ieul maître. Anaxerxes,
pollelîeur pailible de fes états , n'ufa de fon
pouvoir que pour fe livrer à la férocité de
fes vengeance^ La rébellion qui venoit de
s'éteindre lui en fit craindre une nouvelle
Tous ceux qui pouvoitnt la rallumer , furent
(es vidimes : il prononça un nrrèt de mort
contre tous les princes de (a fimille ; fon
oncle fut invefci avec cent de fes (îls , &
tous périrent percés de flèches. Ocha fa
focur, dont il avoit époufe la hlle , fut en-
terrée vivante. Tous les grands qui lui fai-
foient om.brage , furent immolés à Tes foup-
çons ; & aveugle dans (on ambition , il (cm-
bloit moins vouloir régner lur des hommes
que (ur des dé(erts.
Ce fléau de l'humanité eut autant d'enne-
mis qu'il lui relia de fujets. Artabaze , gou-
verneur de PA/ie mineure , donna le lignai
de la révolte. Anaxerxes fit marcher contre
lui lojxante & dix mille hommes qui furent
taillés en pièces par Charès , général des
Athéniens, parti'ims de ce gouverneur re-
+>ille. Le monarque les menaça de les faire
repentir un jour d'une alliance qui étoit im
attentat contre les traités. Char:s fut rap-
pelle. Arcabaze privé de la main qui pou-
voir le défendre , implore les 1 hébains qui
lui fournillènt cinq mille hommes , avec
leiqucls il remporta plul'eurs vid-oires : les
Thébains le laiifeient corrompre par l'or
d'Artaxerxes. Trois cents talens qui leur
jro ART
fiirent comptés , les rendirent infidèles à leurs
engagemens ; &c Artabaze dcfticuc de tout
fecours , fe réfugia chez Philippe de Macé-
doine. Sa retraite ne mit point (in aux trou-
bles de la Perfe : les Sidoniens & les Phéni-
ciens armèrent pour recouvrer leur indépen-
dance ; &c ils taillèrent en pièces les gouver-
neurs de Syrie & de Silicic , qui turent con-
traints de laiflèr cette révolte impunie. Les
Cypriots fuivirent l'exemple des Phéniciens
rebelles. Le roi de Carie fut chargé de met-
tre tout à feu & à lang dans leur île , tandis
qa' Arraxerxes , à la tête de trois cents mille
hommes de pié & de trente mille chevaux ,
marchoit contre la Phénicie. Mentor le
Rhodien , que les Phéniciens avoient mis à
la tête de leur armée , fe fentit trop foible
pour rédfter à cette multitude de combat-
tans i il laiiit cette occalîon pour élever fa
fortune aux dépens de l'a gloire : il offrit au
monarque de lui livrer Sidon , & de palier
à fon fervice avec le corps de troupes qu'il
avoir à les ordres : cette propohtion tut ac-
ceptée -, & Artaxcrxes ne crut pouvoir trop
acheter une II belle conquête &c un aulTî
grand capitaine fans effulion de fang. Les
Sidoniens trahis s'enfermèrent avec leurs
femmes & leurs cnfans dans leurs maifons ,
& ils y mirent le feu. Plus de quarante mille
habitans fe précipitèrent volontairement dans
les flammes : défeipoir qui n'a rien de fur-
prenant chez des peuples libres , que la né-
cetïité réduit à l'alternative de mourir ou de
ramper tous un maître,
La deftinée de Sidon en fît craindre aux
autres une aulTî déplorable. Toutes égale-
ment empreflces à rentrer lous l'obéillancc ,
implorerentla clémence du vainqueur. Quoi-
que la clémence ne fût point une vertu na-
turelle à Artaxerxes , il aima mieux les trai-
ter en lujets qu'en rebelles , parce que vou-
lant porter la guerre en Egypte , il lui eût
été dangereux de faire des mécontens :
il étendit la générotîté jufque lur les Cypriots
qu'il laiilà fous la domination paifible de
leur roi. Après avoir pacifié Chypre & la
Phénicie , il marcha contre l'Egypte avec
trois armées , dont une feule eût été fuffifante
pour en faire la conquête. Neétanebe , qui
en occupoit alors le trône , avoit des forces
beaucoup inférieures ; mais il mettoit fa con-
fiance dans des étrangers mercenairies , dont
ART
la guerre étolt le métier & Tunique refl
lourcc. Mentor qui commandok l'armx
ptr.ane , fit publier que fon maître , nxigni-
nqae dans tes récompenfes &: terr'ble dans
fcs châtimens , exigeoit une oL'i'lànce
prompte , &c qu'il làuroic punir fevérement
les téméraires Se les rebelles. Les étrangars
corrompus par les largelfes, trahirent Nec-
tanebe , & turent renvoyés dans leurs payg
chargés de préfens. Artûxcrxes s'en retourna
triomphant à Babylone qu'il enrichit des
dépouilles de l'Egypte ; quand il n'eut plus
d'étrangers ni de rebelles à combattre, il
s'allbupitdans les plus rebutantes débauches,
le repolant du foin de l'empire lur l'eunuque
Bagoas & lur Mentor le Rhodien. L'eunu-
que qui étoit Eg^'ptien, étoit au lÏÏ attaché
aux fuperftitions de ton pays , que ton matrc '
les trouvoit avilillàntes ; &ce fut pour ven-'
ger la religion & ton pays , autant que par
ambition , que cet eunuque fi nt un devoir
de l'empoifonncr avec touce la famille royale.
( T-N. )
AB.TAXIAS , ( HiJIoire ancienne. ) lieu-
tenant d'Antiochus le grand , profita de»
dillcntions de la mûîon des Séleucides
pour le rendre indépendant dans l'Armé-
nie , dont fes fervices lui avoient mérité
le gouvernement ; il rechercha l'alliance
des Romains qui le maintiiu^ent dans
Ion iilurpation qu'il affermit lui-m^-me
par les manières affables Se populaires }
& ta domination s'étendit fur tout le jiays
litué entre la Cappadocc , l'Ibérie , la Mé-
die & la Méfopotamie. Pofletlcur paitiblc
de cette région , il vit Ion alliance recher-
chée par Pharnace , roi de Pont , & par
Eumenc , roi de Pergame , qui fe faifoienC
une guerre fanglante , où les Syriens étoienc
entrés pour favorilcr Pharnace. Les Ro-
mains , arbitres des querelles des rois de
l'orient , leur ordonnèrent de dépofer les
armes. Les hoftilités celferent ; ëc dans le
traité de paix , dont ils didlerent les condi-
tions , le titre de roi d'Arménie fut'confiiimc
à Artaxias ; dès qu'il eut un titre pour ré-
gner , il fit de fa province «n empire flo-
rillànt. La ville d'Artaxatc dont il jeta les
fondemens , devint la capitale de ce nouvel
empire &: la rélidencc des rois. Annibal
qui avoit une haute idée de fon courage
&; de fes taleiis , fe rendit à fa coui dans
ART
l'e/poir de l'afTocier à fon rcOentiment con-
tre les Romains. Arraxias plus jaloux d'af-
fermir la puillance que de faire des coii-
qujccs nouvelles , le tr.iiu honorablement
lans fe lailler léduire par les promelles.
Quelque temps après , Antiochus Epiphane
lui redemanda les provinces qu'il avoit uiur-
pécs. La guerre ie ralluma. Anaxias per-
dit une bataille lans rien perdre de (a gloire;
il tomba au pouvoir du vainqueur , Zc mou-
rut dans la captivité : <a détention ni la
mort ne changèrent point le deftin de l'Ar-
ménie qui forma pendant 117 ans un
royaume indépendant (ous quatorze rois
defcendus à'Artaxias. ( T-N. )
* ARTEMIS , ( Myth. ) furnom fous
lequel Diane écoit adorée en plulieurs en-
droits de l'Afie mineure & de la Grèce.
ARTÉMISE ,.rdnc d' Halycarnajfc , {mft,
anc. ) fille de Lygdamis , roi d'Halycarnanè ,
de Cos , de Calidon & de pluiîeurs autres
contrées , fut une de ces femmes privilé-
giées , qu[ , tenant leurs paffions aflèrvies
à leur railon , fe font montrées dignes de
commander aux hommes. Après la mort
de fon perc &: de fon mari , elle tint les
rênes de l'état pendant la minorité de Ion
fils , dont elle augmenta les pollèlîions :
ayant appris que Xerxès méditoit une in-
vaiîon dans la Grèce , elle fiifit cette occa-
lion de montrer qu^'ellc favoit combattre ,
comme elle favoit gouverner ; & fans atten-
dre les (ollicitations du monarque afiatique ,
elle fit équiper une petite flotte , doijt les
vailleaux ne le cédoient en magnificence qu'à
ceux des Sidoniens. Cette princefle voulut
la commander elle-même •, & quoiqu'elle
n'eut aucune expérience de la navigation ,
elle fut uii témoignage que le génie e([ pro-
pre à tous les emplois. Xerxès étonné de (on
i intelligence , l'appella dans tous fes confeils ;
Se lorfqu''on agita s'il étoit avantageux d'en-
gager une adion daais le détroit de Salamine^
elle fut la feule qui en repréfenta le dan-
ger ; parce que , difoit-elle , les Grecs étoiciit
plus expérimentés dans la marine que les
Perlés , & que la perte d'une bataille ("e-
roit fu:vic de la ruine de l'armée de terre. Il
luiparoiflbit plus avantageux de tirer la guerre
en longueur , & de sapprochet du Pélo-
ponefe , perfuadée que l'armée des Grecs ,
coropofce de difFérens peuples qui avoicnt
ART yi,
leurs intérêts particuliers à ménager, fe dif-
liperoit pour aller défendre fes propres foyers.
Le fuccés juftifia la lagclTe d'un confcil qui
ne fut pas fuivi. Ce fut elle qui dans ce
combat donna à tous l'exemple de l'intrépi-
dité. Xerxès , frappé de fa rélltlance héroï-
que , s'écria que les hommes conibattoient
en femmes , &: que les femmes combattoient
en hommes. Il talloit qu'elle parût bien re-
doutable à fes ennemis , puilque les Athé-
niens eurent la bailcllè de mettre fa tête
à prix.
Xerxv?s , qui fe rcpentoit de n'avoir point
iuivi fes avis , la confulta trop tard iur le
parti qui lui reftoit ;\ prendre pour réparer
une perte qu'il auroit dû prévenir. Anémrfè
qui le vovoit déterminé à rentrer dans fes
états , & a laider Mardonius dans la Grèce ,
ne s'obftina point à combattre fa réfolution ;
mîis prévoyant le mauvais fuccès d'une guerre
conduite par un général fans talens ëc fans
expérience , elle ne voulut point en parta-
ger la honte ; Ik elle foUicita Ion retour dans
fes états. Xerxès , après l'avoir comblée d'élo-
ges & d'hoiineurs , la fit conduire avec une
forte efcorte jufqu'à Ephefe ; (?: pour témoi-
gnage de fon eftime , il lui confia pluiîeurs
de fes enfans nés de Ces concubines qui l'a-
voient fiiivi dans cette guerre. Les autres
adrions de cette princelTe !ont tombées dans
l'oubli ; mais ce que l'hiftoire nous a con-
fcrvé, iulfit pour lui afïigner une place parmi
les plus grands hommes. ( T-n. )
ArtÉmise , reine de Carie , ( H/JÎ. anc. )
femme de Maufole , roi de Carie , s'eft ren-
due imiportelle par la tendrefle conjugale ,
& lur-tout par les regrets dont elle honora
la mémoire de Ion époux. Ce prince qui
venoit de lubjuguer les îles de Rhodes ôc
de Cos , fut enlevé par une mort prématu-
rée au milieu de fes conquêtes. Son époufe
vivement touchée de fa perte , lui éleva un
fuperbe tombeau qui a lervi de modèle à
tous les fiecles fuivans dans les pompes fu-
néraires. On donne encore le nom de mau-
fclée à ces monumens que la vanité des vi-
vans érige aux reftes inlenfibles des morts.
Cette princefle ne pouvant vivre féparée de
celui qui avoir fait fa félicité , fit brûler fon
corps , en rectieillit les cendres , &^ en mêla
toujours dans (aboiiîbn , jufqu'à ce que fon
corps fut devenu la véii;atlc fépultvue de
5 1 i ART
fon époux. Les poètes iv les or.iteurs qui i
célébrèrent les vertus de Maufole , furent
récompenfés avec magniiîcence, Artémifc
înftitiia des combats & des jeux funèbres ,
où ifocrate & Théopompe déployèrent les
richcfles de l'éloquence. Qiioiqu occupée de
fa douleur , elle ne négligea point Padmi-
niftration publique, t levée au trône de Ca-
rie , elle fe monrra digne de l'occuper. Les
Rhodiens qui s'ctoicnr révoltés , furent pu-
nis. Les vengeances qu'elle exerça kr ces
infulaircs, exciterenrla compalTion des Athé-
niens. L'orateur Dcmofthene fut l'organe
dont ils fe l'ervirent pour intérefler Athènes
à leur fort. Les foins qu'elle donna aux r.tfii-
res ,, ont fait douter de la (mcérité de la dou-
leur , dont elle n'eut peut-être que le fille :
au refte , la grandeur du courage peut s'al-
lier avec la fcnllbilité. ( T-n. )
*ARTEMISIES, { Myth.) fêtes infti-
tuées en l'honneur de Diane , furnomméc
Art^mh.
ARTEMISIUM, ( Géog.) Dedixdiffé-
rcns lieux auxquels la géographie ancienne
donne ce no.-n , le plus remarquable eft l'en-
droit de l'île d'Eubée , où les Athéniens
érigèrent le monument d'une vjftoirc que
leur flotte venoit de remporter fur celle des
Medes. {D.G.)
ARTEMITA , ( Géographie) une ville
d'Arabie , une autre d'Arménie & une troi-
fieme de Méfoporamic portoient ce nom en
commun avec une petite ile de la mer d'Io-
nie. ( D. G.)
ARTEMON , f. m. ( Méchan. ) troifîeme
moufle qui eft au tas du polyfpate ou
plutôt du trifpafte. Voy^i^ Polyspaston.
( /. n. C. >
ARTEIVlUS , ( Gi'ogr.) cap du royaume
de Valence en Efpagne : on l'appelle auiTi
cap Saint-Niarùn <Sc pointe de l Empereur.
{D.G.)
ARTENA , ( Gcog.) d y avoit autre-
ÎOK en Italie deux villes de ce nom , l'une
dans le reniroire des VoKques , & l'autre
dans celui des Cerites. {D. G.)
ARTERE , f f. ipTiipi* , dérivé des mots
grecs , àiip , air , & thc sw , je conferve ; en
aiiatomie , c'cft un c.mal membraneux , élaf-
tique , qui a la figure d'un cône allongé ,
intérieiiiement lillè & poli , fans valvules ,
û ce n'efl: dans le caur , qui décroît à mc-
A R T
lure qu'il fe divile en un plus grand nom-
bre de rameaux , & qui eft deftiné à re-
cevoir le fing du cœur pour le diftr.buer
dans le poum.on i?c dans toutes les parties
du corps. Foye^ Cœur , Poumon , fi-c.
Oh donna d'abord ce nom à ce que nous
appelions la trachée -artère , afpera , &c.
Les artères dont il eft queftion , s'appel-
loient veines faillnnies ou internes , veines qui
battent, par oppolition aux veines externes
non [aillantes. Elles eurent principalement
cette dénomination , parce que fuivant la
théorie d'Eraliftrate , on penfoit que les
tuyaux qui partent du cœur, n'étoient pleins
que d'air , qui en entrant dans leurs cavi-
tés , les dilatoit , & les f.iiloit le contrader
lorfqu il en lortoit. Voilà la caufe de la
diaftole & de la fyftole , luivant les anciens.
L'arrerc par excellence , àpTufiîi àfjitjiioiS' i^< ,
eft l'aorte. Voye^ Aorte.
Toutes les artères du corps font des bran-
ches de deux gros troncs, dont l'un vient
du ventricule droit du cœur , & porte touc
le (angdu poumon , d'où on le nomme ar-
tère pulmonaire ; l'autre part du ventricule
gauche du cœ'ur, & diftnbue le fang de
toutes les parties du corps. On l'appelle aorte.
Voye-^ Pulmonaire.
Les auteurs font fort partagés fur la ftruc-
ture des ancres ; les uns ont multiplié les
membranes , d'autres en ont diminué le
nombre ; il y en a qui en admettent jufqu'à
iîx , (avoir la nerveufe , la cellulaire , la
vafculeufe y la gîanJuleufe , la mufculeufe ,
Si htendineufe. Koye^ Nerveux , Cellu-
laire , &c.
Le doéleur Haller dont nous embraflôns
la doéVrinc , n'en admet que deux , !';«-
terne , Se la charnue ; la cellulaire n'eft que
leur accelloire , & il ne regarde pas ïexté'
rieure comme conftante.
Les artères ont la hgure de cônes allon-
gés , & vont en décroidant à melure qu'el-
les fe divifent en un plus grand nombre de
rameaux ; & lorlqu'elles parcourent quel-
que elpace tans en jeter , elles paroillcnt
cylindriques. Tous ces vailleaux étant rem-
plis , dans quelque endroit qu'on les conçoirc
coupes par un plan perpendiculaire à l'axe
de leur direction , l'ouverture qu'ils pré-
fenteront (era toujours circulaire ; ces vaif-
fcaux coniques ont leur baie commune dans
les
ART
les deux ventricules du cœur , puifqu'ils font
tous produits par l'aorte & par Vartcre pul-
monaire, & leur foirniet aboutit à l'origine
des veines , ou à la partie de Vamre qui eft
ou paroît cylindrique.
La membrane externe des artères n'eft
pas une membrane propre à toutes , & qui
s'oblerve dans tous leurs trajets : par exem-
ple, quelques-unes font recouvertes par la
plèvre da:is la poitrine , par le péritoine dans
le bas-ventre; d'autres, comme les artères
du cou, ibnt environnées extérieurement
d'un tiffu cellulaire plus épais; le péricarde
enibrafTe de tous côrés l'aorte , mais il fe ter-
mine bientôt tn cbangean* de texture dans
la membrane cellulaire; la dure-merc four-
nit une gaine à la carotide au paflage de
cette artère dans le crâne. La première mem-
brane de toutes les ancres eft donc la mem-
brane cellulaire, qui eft plus lâche dans fa
kiperficie externe , colorée d'une infinité
de petites artérioles & de veines , & tra-
ver/ée de neits affez iénlibles.
■ La macération fait voir que ce qu'on ap-
pelle la membrane tendineufe de f artère, ne
difîere en aucune façon de la cellulaire ,
pu;(que les couches intérieures même de
cette tunique deviennent cellulaire?.
La partie de Vartere la plus intérieure &
la plus proche de fa cavité, paroît compo-
fëe en général de fibres circulaires. Ces fibres
dans les grands vailTeaux font compofées
de plu fleurs couches affez fenfibles par leur
couleur rougeâtre & leur folidité ; plus les
vaiffeaiix deviennent petits, & plus elles
font difficiles à découvrir. Sous cette mem-
brane on en remarque une autre cellulaire
fort difficile à démontrer , dans laquelle fe
répandent les concrétions plâtreufes lorfque
Xartere s'offifie.
La membrane la plus interne de Vartere
eft unie & polie par le courant du fang ;
elle forme une couche continue dans toute
l'étendue de fes cavités : elle revêt par-tout
les fibres charnues , qui d'elles-mêmes ne
font pas affez continues pour former un plan
uni, 5c empêche que le fang ne s'iniînue
dans les efpaces qu'elles iaiffent entr'elles ;
elle eft même par- tout fans valvule.
11 eft facile de concevoir par ce que nous
venons de dire, pourquoi certains auteurs ont
attribué cinq membranes aux ancres , pen-
Tomi m.
ART 5T5
dant que d'autres n'en ont reconnu que trois.
Toutes \Q%arteres battent. En effet, quoi-
qu'on fente avec le doigt le mouveinent de
lyftole & de diaftole dans les grandes ar-
tères , & qu'il n'en foit pas de même dans
les plus petites , on fent néanmoins de fortes
pulfations dans les plus petites , lorfiqiie le
mouvement du fang eft un peu augmenté ,"
conune cela arrive dans l'inflammation. Les
artères ont affez de force : mais le tilTu
épais & dur de la membrane cellulaire ex-
terne, rcfufant de fe prêter à la force qui
les diftend , elles fe rompent facilement &
prefque plus facilement que les membranes
de la veine ; c'eft-là une Ans caufes de l'ané-
vryfme. D'ailleurs les membranes des groffes
artères font , proportion gardée, plus foibles
que celles des petites, & par cetie railbn le
fang produit un plus grand effet fur les
grandes que fur les petites ; c'eft- là pour-
quoi les anévryfmes font plus ordinaires aux
environs du cœur.
La nature a mis par- tout les artères à cou-
vert , parce que leur bleffure ne pouvoit être
fans danger dans les plus petites , & fans la
perte de la vie dans les plus grandes. Les plus
petites artérioles fe diftribuent en grand
nombre à la peau, & les plus grands troncs
font recouverts par la peau & par les muf-
cles , & rampent fur les os. Il part de chaque
tronc artériel des rameaux qui fe divil'ent ÔC
f^^ fubdivifent en d'autres plus petits, dont
on a peine à découvrir la fin; les orifices
des deux rameaux produits par un tronc
pris enfemble , font toujours plus grands
que celui du tronc , dans la raifon de i à
I , à-peu-prcs , ou un peu moins. Tous les
troncs s'élargiffent au deffus de leur divi-
fion. Les angles fous lefquels les rameaux
fortent de leurs troncs , font prefque tou-
jours aigus, demi- droits ou approchant;
angle fous lequel il eft démontré dans les
méchaniques, que les fluides doivent être
pouffes plus loin. Nous avons cependant
des exemples dans Icfquelsles rameai'x par-
tent de leurs troncs lous des angles droits
ou approch.mt , comme on le remarque dans
les artères lombaires & dans les intercof-
tales. Nous avons auffi des rameaux rétro-
grades dans les ar/^rifi coronaires du cœur,
& dans les artères fpinales produites par les
vertébrales. .
Qqq
yï4 ART
Les arttrcs communiquent toutes fré-
quemment les unes avec les autres , de forte
qu'il n'y a aucune partie du corps dans la-
quelle les troncs artériels voifins ne commu-
niquent par des rameaux intermédiaires. Les
extrémités des artères font cylindriques ou
très-approchantes de cette figure, & fe ter-
minent de différentes façons , foit en fe con-
tinuant jufque dans la plus petite veine , (oit
dans les vifceres où elles forment des pin-
ceaux , des arbrlffeaux , des zig-zags , des
franges , & différentes figures , fuivant la
différente fonction de ces parties; foit dans
des conduits excréteurs femblables aux vei-
nes ; foit dans des vaiffeaux d'un genre plus
petit , qui l'ont quelquefois continus aux
ancres^ & qui font de véritables troncs par
rapport aux rameaux qu'ils produifent (telles
font les artères lymphatiques) ; foit dans un
canal exhalant : c'eft ainfi qu'elles finiflent
très-fréquemment par tout le corps.
Les veines refTemblent aux artères en plu-
fieurs points : mais elles différent en bien
deschofes. VoyeiY EitiE.
La nature élaftique des artères fait voir
qu'elles fe contractent effeftivement, &que
cette contraction fert à faire avancer le la.:^.
Foy. Sang 6- Circulation. K^. dans nos
planch. d'anatomle , la diftribution des ar-
tères; & à Vart. Anatomie , l'explication
des figures relatives à cette diftribution. (L)
§ La feftion des artères eft conftainment
circulaire. Si les anatomiftes ont cru qu'il
y en avoit d'applaties , c'eft l'effet de la mort
qui leur en a impoié. L'artère aorte d'un
cadavre paroît applatie dans la poitrine &
dans le bas-ventre; elle eft vuide : le poids
des vifceres l'a comprimée dans un cadavre
étendu fur fon dos. Mais qu'on injefte cette
flr/er« applatie, elle deviendra cylindrique,
& fa fedion fera un cercle. C'eft la figure
naturelle à un canal flexible , lorfque fes
parois réfiftent également de tous côtés:
s'il y en avoit une partie plus ferme que
le refle , elle s'étendroit moins, &; le canal
pourroit être applati , triangulaire même,
comme le font quelques finus veineux ; mais
nous ne connoiifons pas cVartere dont l'in-
jedion ne rende la feftion circulaire.
Varlere eft un compoféde cylindres ajuf-
lés l'un à l'autre : le terme de chaque cy-
lindre tft à la naiffftuce d'une branche un
ART
peu considérable ; le fécond cylindre eft toi>-
jours plus petit que le premier ; mais une
artère qui ne donne pas de branches, refte
cylindrique : telle eft ^artère ombilicale, la
carotide commune. Les branches capillaires
& celles des réfeaux l'ont cylindriques.
Les petites artérioles des grandes artères
naiïïent des petits troncs les plus à portée :
la coronaire ne pourvoit qu'au commence-
ment de l'aorte.
On trouve fur la furface des artères un
grand nombre de nerfs en bien des en-
droits; il y en a des exemples proche du
cœur , fur l'aorte & X artère pulmonaire , fur
la carotide commune, fur toutes les bran-
ches de ï artère carotide externe , fur la mé-
fentérique , fur la cœliaque , fur la méfo-
colique. Plus cependant on eft attentif à
fuivre ces nerfs , plus on le convainc qu'ils
ne fe terminent pas à \' artère , & qu'ils
pafi^ent à d'autres parties. Dans les expé-
riences , les artères ne paroifl^ent pas douées
de fentiment : leurs nerfs font apparemment
très-petits & proportionnés aux fibres muf-
culaires , qui font très-fines & très-minces.
Galien a regardé les artères & les veines
comme infenfibles. Comme les grandes ar-
tères de l'homme & les médiocres ont des
fibres mufculaires, elles ont fans doute une
force contraftive proportionnée ; mais
comme cette force a donné occafion à bien
des difcuflîons depuis vingt ans, il ne fera
pas inutile de mettre dans leur véritable
jour , la force mufculaire , la force élaftique
& l'irritabilité des artères.
Il y a dans cette claftTe de vaiffeaux une
force contradive naturelle , qui agit far«
doute dans l'animal vivant , mais qui n'eft
pas attachée à la vie, & qui demeure dans
fa force plufieurs jours après la mort par-
faite : cette force vient du tiffu élaftique des
artereSy qui réfifte vivement à leur dilata-
tion , 6c qui tend fans ceffe à en raccourcir
tous les diamètres , en le rapprochant de
l'axe. Nous rapportons à cette force le
petit diamètre, auquel fe réduit toute ar-
tère qui ne reçoit plus de fang, 6c l'exprel-
lion de la cire , dont on aura remph uni
artère , qu'on aura percée d'un petit trou :
{'artère force la cire de fortir de ce trou
dans la forme d'un ver, plufieurs jours OC
, des fêuwiiics enùeres après la mort du
A RT
fujet , pourvu qu'elle n'ait pas été rrop dépê-
chée. La rétrailion d'une ararc coupée qui
en opère le raccourciiïement, eft de la mcme
nature ; elle ne fauroit être l'effet d'un pou-
voir tnu((:ulaire , les artères n'ayant bien
certainement aucunes fibres longitudinales.
L'aftion des acides chymiques fait agir cette
force : elle force '^artère de fe contrafter ;
elle fait ramper &: fauter une (irttre liée par
les deux bouts, pendant qu'elle en dévore
les membranes : car ce phénomène eft le
même plus de vingt-quatre heures après la
mort de l'animai.
L'irritabilité eft d'une autre nature ; elle
fuppofe des fibres mulculaires ; elle furvit
à la vie, mais de peu d'heures dans un ani-
mal à fang chaud ; elle agit ordinairement
par des olcillations ou par des alternatives
de contra(ftion & de relâchement.
Dans les grandes artères les fibres muf-
culaires font trcs-vifibles; il ne feroit point
furprenant qu'on y découvrît de l'irritabilité.
Il eft cependant très-rare qu'on y enapper-
çoive. Dans prefque toutes les expériences
on n'en apperçoit pas de vertige; onégra-
X^ntV artère d'un animal vivant ; on la cou-
pe , on en enlevé des morceaux entiers ,
ians qu'elle fe contrafte. Il eft vrai qu'elle
fe contraifte nécelTairement , puifqu'après
avoir été dilatée par le fang que le cœur
fait entrer dans X artère , elle reprend fon
petit diamètre: cette contraftion n'eftpas
toujours également vifible ; on ne la man-
quera cependant jamais dans le bulbe de
l'aorte d'un poulet renfermé dans l'œuf,
pendant les premiers jours de l'incubation.
Mais on pourroit difputer ce mouvement à
l'irritabilité, & l'attribuer à la force élaftique.
II y a cependant eu quelques expériences
dans lefquelles les obfervateurs ontvul'ar-
wre fe contracter, quand on l'a irritée avec
lefcalpel, pincée avec unetenette, ou frap-
pée d'une étmcelle éleftrique. Quoique l'ar-
Ure ne donne le plus fouvent aucune mar-
que d'irritabilité , il fuffit , pour établir cette
force , qu'on l'ait apperçue quelquefois. La
cellulofité épaiffe & extrêmement ferrée, qui
enveloppe les fibres mufculaires,diminue ap-
paremment l'effet des irritations extérieures.
Il y aura donc une irritabilité dans les
grandes artères , mais foible & peu fenii-
ble, proportionnée au nombre des fJjres
ART pç
qui coftipoTent fa tunique musculaire ; elle
eft infiniment moins apparente que ri;rita-
bilité des inteftins.
Nous avons nommé à deflTein les gran-
des artères ; car il eft plus que douteux que
les petites aient de l'irritabilité. On a re-
marqué que les artères, dont le di.unetre
eft au deflbus d'une demi-ligne, n'ont point
de pulfation dans l'animal vivant.
Il eft très-douteux que ces vaiffeaux fans
pouls aient des fibres mufculaires. Dans les
animaux à fang froid , on voit avec préci-
fion les feornes de la pulfation ; elle ne s'é-
tend guère au delà des grandes branches
de Vartere méfentérique : dans les branches
un peu plus petites , qui cependant font ac-
cefiibles à plufieurs globules de front , il n'y
a certainement ni irritabilité ni fibre mu(-
cuiaire. Le microfcope n'y découvre qu'un
tiftu cellulaire, uniforme & très-ferré; &
une incifion faite avec une bonne lancette ,
ne fe dilate point : l'expérience eft fûre ,
& a fouvent été vérifiée.
Il eft donc prefque avéré que les grandes
artères ont un certain degré d'irritabilité; il
eft auflî sûr que les petites ar/er^j ne changent
pas de diamètre dans l'état ordinaire de la
vie, & qu'elles ne font pas irritables. Il nous
paroît même qu'il ne faut pas fe hâter d'ap-
pliquer aux artères ce que nous apprenons
des expériences faites fur des parties vérita-
blement irritables. Le cœur ou l'inteftin eft
irrité par l'air, par le fang , par un corps acre
ou aigre : il fe contracte par toutes cesrai-
fons; ilchafte la liqueur qui le remplit , Sc
parvient à abolir fa cavité : rien de tout cela
ne réuftit dans une artère.
Il nous paroît donc que l'on précipiteroit
fon jugement, fi l'on vouloit chercher dans
Vartere rendue plus irritable, la caufe de
quelques phénomènes des maladies. Dans le
cœur cette irritabilité exceftive peut avoir de
grandes fuites : mais l'irritabilité des artères
eft trop obfcure pour qu'on en craigne un
excès coupable.
La force dont nous allons parler,eft d'une
autre efpece: c'eft celle avec laquelle l'iZ/'/erc
réfifte à celle que l'on emploie pour la rom-
pre ; elle eft purement méchaniq'ie, & dé-
pend de l'épaifleur & de la denliié du tiffu
cellulaire, dont X artère eftcompolée , & de
l'attraftion de Tes élêraens.
Qqq i
5i6 ART
Cette forée a des loix tout-à-fa'if différentes
dans les différens animaux. Dans le poulet ,
les artères font robuftes au fortir du cœur;
elles y font blanches, parce que le fangne
paroît pas à travers deleurs épailFes tuniques:
cette blancheur ne s'étend guère au delà de
l'inferiion du fécond canal artériel;au deffous
de cetteinfertion , l'aorte devient plus ample
&. feniblable à une veine. C'eft cette idée
qui règne généralement fur V artère àz.mXe'i
auteurs; ils fe perfuadent que l'aorte a plus
de folidité & de denfité , & que cette foli-
dité diminue avec le diamètre de \ artère.
Des expériences exaftes ont découvert
l'erreur decetteopinion.Unphyiicieninduf-
trieux a pouffé une atmofphere après l'autre ;
il a remarqué le nombre d'atmofpheres qu'il
faut pour crever chaque artère ; le calcul a
fait le reffe. Il s'eft trouvé qu'en général les
artères , à proportion de leur épaiffeur , ré-
fiftent moins que les veines : que l'aorte ré-
firte le moins à fa fortie du cœur : qu'elle
gagne en ténacité en s'éloignant de fon ori-
gine , & qu'en général les petites branches
font plus fortes que les troncs. Il y a cepen-
dant des exceptions , les artères de l'utérus
font remarquablement plus foibles que les
autres , &f celles des reins & des autres or-
ganes fécrétoires font plus robuiles.
La proportion de la fubftance folide de
'^artère au vuide que parcourt le fang , efl:
entièrement différentergénéralement parlant
cette proportion diminue en s'éloignant du
cœur; les branches de l'aorte ont plus de
dureté dans leurs tuniques , mais moins cl'é-
paiffeur. Il paroît que ces deux progrefiîons
oppofées fe compenfenr, & que la branche
de ^artère réliffe mieux , mais qu'aufîi elle
eft dilatée avec plus de force que le tronc.
Cette proportion eft d'ailleurs fujeîte à des
changemens. Dans un animal languiffant &
mal nourri, les membranes ont plus d'é-
paiikur, & la lumière du vaifTeau que par-
court le fang, eff plus étroite. Dans un ani-
mal robufte & mieux nourri, dans le n>e me
animal dont on a ranimé là circulation lan-
guiffante , les membranes deviennent moins
épaiffes, & la lumière du valffeau s'élargit.
Les membranes ayant moins de largeur dans
cet état , leurs élémens font plus rapproches,
leur ténacité devient plus grande , & les
artères réfifltnt mieux au courant accéléré du
ART
fang. C'e{l le cas des fièvres aiguës, ^c^tflt
apparemment cet endurciffement des parois
que le médecin apperçoit dans les maladies,
inflammatoires. Ç H. D. G.)
* ARTÉRIAQUES , ad), pi. On donne,
en médecine , ce nom aux remèdes qu'on
emploie contre l'atonie , ou les maladies
qui proviennent de la trop grande aridité •
delà trachée-artere & du larynx. On peut
mettre de ce nombre, i°. les huiles tirées
par exprelTion , ou les émulfions préparées
avec les amandes douces; les femences de
pavot blanc, les quatre femences froides,
&c. ou les loochs & les firops faits de ces
fubffances : i". les vapeurs qui s'élèvent des
décoftions de plantes émoliientes ou fari-
neufes , qu'on dirige vers la partie afftclée :
3^. les opiates.
ARTÉRIEL , ad], en anatomie,ce qui a
rapport ou ce qui appartient aux artères.
f^ojei Artère. On penfe que le fang ar-
tériel ad plus chaud, plus verm.eil, plus fpi-
ritueux que le fang veineux. J^oye^ Sang.
Artérifl ( Co^DUIT) , Anat. Dans
le fœtus humain l'artère pulmonaire donne
deux branches d'un médiocre diamètre au
poumon, le tronc s'infère dans l'aorte def-
cendante au deffous de fon arcade.
Dans les oifeauxune artère unique paroît
fortir du cœur. Elle paroît avoir trois bran-
ches , parce que celles du poumon ne font-
pas vilibles encore. Le tronc c'eff f aorte ;
les deux branches ce font deux conduits ar--
tériels ; le fupérieur femblable à celui de
l'homme ; l'inférieur , que l'homme n'a pas 'y
l'un & l'autre s'infèrent dans l'aorte.
Dans les quadrupèdes à fang froid, cette
ftrufture paroît fe conferver. Dans l'animal,
adulte deux branches fortent du cœur, 6t
fe réuniffent dans une léule artère abdo-
minale.
Le canal artériel eff effentiellement dans,
le fœtus de l'homme la féconde racine de
l'artère aorte. Cette artère groliit après la-
voir reçu.
Le co/2i////r ^r/mtf/eff très-grand; il eft
plus grand que l'aorte naiffaute dans le fœtus
humain.
Les deux ventricules du cœur concourent
à cet âge à pouffer le fang dans l'aorte, tk
lui donnent une impullion qui ne peut plus
être la même dans l'adulte, dans lequel le
ART
ventricule gauche donne feul du mouvement
au fang de l'aorte.
C'eii cette grandeur du conduit artérhl ^
qiii rend l'aorte plus petite à fa fortie du i
cœur , que ne i'eft Tartere pulmonaire. Ce
conduit enlevé plus de la moitié du fang que
l'aone reçoit dans l'adulte à travers le pou-
mon : & le trou ovale, qui augmente le
volume du lang de l'aorte , eft beaucoup
plus petit que le conduit artériel , & ne peut
réparer la diminution que le Cang des cavités
gauches du cœur (buffre par ce canal.
La membrane interne du conduit artériel
■ eft lâche & pulpeufe dans le fœtus de l'hom-
me. Le lang a moins de peine à s'attacher
à cette membrane , qu'aux parois plus liffes
des artères ordinaires.
Lé canal artériel ié ferme bientôt après
^ la nailTcince de l'enfant , parce que la refpi-
ration dilate les poumons : que les branches
. pulmonaiies fe dilatent en conféquence: que
le conduit artériel a moins de facilité à vui-
der fon fang dans l'aorte inférieure dont les
prmcipales branches , connues fous le nom
à'arteres ombilicales y font fermées : que le
fang abandonne la route du canal artériel
devenue plus difficile , pour iiiivre celle des
branches pulmonaires devenue plus aifée ,
& que , par une fuite de ces caufes , le fang
raknii s'arrête dans le conduit artériel , s'y
fige & s'y colle a la membrane iriteme. Il
eft très-rare que ce conduit refte ouvert
dans l'adulte : cela eft très-commun dans le
trou ovale. {H. D. G.)
ARTÉRIEUX , EUSE, ad), qui ticnt^de
la nature de l'artère ; freine artérieufe , c'eft
un nom que l'on donne à l'artère pulmo-
naire, ou à un vaiffeau par lequel le fang
eft porté du ventricule droit du cœur aux
poumons. J^oye^ PuLjMONAIRE.
- ARTÉRIÔ-PITUITEUX , ad), en ana-
tomie. Ruyfch a fait connoître dans les na-
rines , des vaifleaux (îngu'iers , qu'il nomme
avUrio-piiuiteux, qui rampent fui vaut la
longueur des narines, &i.tbnt de longues
aréoles réticuliires. [L)
ARTERIOTOMIE jifTiifr.To.ar'tf , d"«f
T.tf.'*, & de TijAvci tji coupe y en terme de
chirurgie y l'opération d'ouvrir une artère,
ou de tirer du fang en ouvrant une artère
avec la lancette , ce c(ue l'un praticiue e i
ART 517
RE, PhlÉBOTOMIE , 6'f. Voye-^ aujfi
Anévrysme.
Vartérioto/nie eft une opération qui ne
fe pratique qu'au front , aux tempes & der-
rière les oreilles , à caufe du crâne qui fert
de point d'appui aux artères ; par-tout ailleurs
l'ouverture de l'artère eft ordinairement mor-
telle : on a un très-grand nombre d'exem-
ples de perfonnes qui font mortes de la
faignée, parce qu'une artère a été prife pour
une veine.
Fernel f2 , iS.J Severinus {I^ffic. med.
part. /I.}TuIpius {phj. 1 , 4S.) & Cather-
wood, ont fait tous leurs efforts pour in-
troduire Vartériotomie dans les cas d'apo-
plexie , comme étant préférable à la laignée
qui ié fait par les veines; mais ils n'ont pas
été fort fuivis. Voyei APOPLEXIE.
Pour ouvrir l'artère temporale , qui eft
celle qu'on préfère pour Vartériotomie , on
n'applique point de ligature; on t<âle avec le
doigt index une de fes branches,, qu'on fixe
avec le pouce de la main gauche ; on l'ou-
vre de la même fa(^on que la veine dans la
phlébotomie : quelques-uns préfèrent l'ufage
du biftouri. Le fang qui vient de l'artère
eft vermeil , & fort par fecouffes qui répon-
dent à l'aftlon des tuniques des artères;
lorfqu'on a tiré la quantité de fang fuffi-
l'ante, on rapproche les lèvres de la plaie ,
& on la couvre de trois ou quatre comprel-
lés graduées , dont là première aura un pouce
en quarré , & les autres plus grandes à pro-
portion , afin que la compreflîon foit ferme.
On contiendra ces ccmpreflés avec le
bandage appelle /oAî/Vi.'. Voici comme il (e
fait. Ù faut prendre une bande de quatre
aunes de long & trois doigts de large ; on
la roule à deux globes, dont on tient un de
chaque main. On applique le milieu de la
bande fur les comprelTes pour aller autour
de la tête fur l'autre tempe , y engager les
deux chefs en changeant les globes de main;
on les ramené fur les comprefles , eu on les
croife en changeant.de main; de forte que
ii c'eft du coté droit , on faîTe pafiér le globe
poftérieur deftbus l'antérieur, c'tft-à-dire ,
celui qui a paflé fur le tront , & qui dans
l'exemple propofé eft tenu de la main droite.
Dès qu'on les a changés de main, on en
dirige un !ur le fommet de la tdte , & l'autre
quelques cas extraordinaires, f^oyc^ Ax<TB.- ] pardeflbus le menton ^ on continue pour,
5i8 ART
aller les croifer à la tempe oppofée au mal,
pour de là revenir , en changeant de main
autour de la tête , former un deuxième
nœud d'emballeur au deflus des comprefTes ;
on continue en faifant des circulaires affez
ferrés autour de la tête pour employer ce
qui refte de la bande. Voyt\fig. 3 , chlr.
pi. XXVII. Un bandage circulaire bien
fait , produit le même effet fans tant d'em-
barras. (Y)
* C'eft de la bleffure des artères que pro-
cèdent les hémorrhagies dangereufes. Nous
parlerons kVarcicle HÉMORRHAGIE, des
différens moyens inventés par l'art pour
l'arrêter. On ne peut difconvenir que la
ligature ne foit le plus fur de tous ; mais il
y a des cas où elle a de grands inconvé-
niens, comme dans celui de l'anévryfme au
bras, où le chirurgien n'étant jamais certain
de ne pas lier le tronc de l'artère , le malade
eft en rifque de perdre le bras par l'effet de
la ligature, s'il n'y a pas d'autre reffource
pour la circulation du fang , que celle de
î'artereliée. C'eft donc un grand remède que
celui qui étant appliqué fur la plaie de l'ar-
tère découverte par une incifion , arrête le
fang & difpenfe de la ligature. Le roi l'a
acheté ('en mai ly^ij du fieur Broffart,
Chirurgien de la Châtre en Berry, après
plufieurs expériences fur des amputations
faites à l'hôtel royal des Invalides & à l'hô-
pital de la Charité , mais notamment après
un anévryfme guéri par ce moyen , & opéré
par l'illuftre M. Morand , de l'académie
royale des fciences. Ce célèbre Chirurgien ,
dont l'amour pour le bien public égale les
talens & le favoir fi généralement reconnus,
a bien voulu nous communiquer le remède
xlont il s'agit.
Il confifte dans la fubftance fongueufe de
la plante nommée agaricus pedis equini
fade. Inft. rei herb. 561. Fungus in caudi-
cibus nafcens unguis equini figura, C. B.
Pin. 371. Fungi igniarii. Trag. 943 , parce
qu'on en fait l'amadou.
On coupe l'écorce ligneufe de cet agaric -,
on fépare la partie fongueufe du refïe de la
plante ; elle efl déjà ibuple comme une peau
de chamois , on l'amollit encore en la bat-
tant avec un marteau. Un morceau de cette
efpece d'amadou appliqué fur la plaie de
l'artère , & plus large que ladite plaie, fou-
ART
tenu d'un fécond morceau un peu plus large,'
& de l'appareil convenable, arrête le lang.
* ARTHRITIQUES (Affections.)
On donne, en médecine , ce nom à toutes
les maladies qui attaquent les jointures, &
qui tiennent de la nature de la goutte, & à
tous les médicamens qu'on emploie pour les
guérir. Voye^ GoUTTE.
ARTHRODIE, 1". f. mot formé du grec
a l^iot, articulation , & de //^ (Ji-'<t,je reçoi ;
c'eft, en anatomie , une espèce d'articula-
tion dans laquelle la tête plate d'un os eft
reçue dans une concavité peu profonde d'un
autre 03. Voye:[ Os & ARTICULATION.
Telle eft l'articulation des os du méta-
carpe avec les premières phalanges des
doigts, des apophyfes obliques des vertèbres
entre elles , &c. (L)
ARTI, f. m. (Hifi. nat. Bot.) nom
brame d'une plante du Malabar qui peut
faire un genre différent du lizeron, convoL-
vulus , & du quamoclit où elle a été juf-
qu'ici confondue : Van-Rheede en a fait gra-
ver une figure affez bonne, mais incomplète,
dans fon Hortus Malabaricus , yol. II, p.
121 , planche LIX. M. Linné l'appelle i/'O-
inœa , pes tigridis , foliis palmatis , fiori-
busaggregacis,àins fon Syftema Natum^
imprimé en 1767 , page iSç) , /z". ij.
Cette plante eft annuelle , rampant fur
terre , & grimpant fur les arbriffeaux à la
hauteur de cinq à fix pies: fa racine eft cy-
lindrique , courte , d'une hgne & demie au
plus de diamètre, verd-clair , aqueufe, di-
vifée en trois ou quatre branches libreufes;
elle jette une tige fimple , cylindrique , de
même groffeur , charnue , mais dure , flexi-
ble, d'un verd-clair, toute hériffée de poils
longs , jaunes, écartés : fes feuilles font alter-
nes , dil()oiées circulairement à des diftances
de trois à quatre pouces les unes des au-
tres , orbiculaires , de trois pouces environ
de diamètre, d'un verd-clair, divifées juf-
qu'aux deux tiers de leur profondeur, en
cinq à iépt lobes , elliptiques , pointues aux
deux bouts, relevées en deffous d'un pareil
nombre de côtes qui forment autant de
rayons, & fendwes pareillement , jufqu'au
tiers de leur longueur , d'une échancrure , au
fond de laquelle elles font portées lur un pé-
dicule cylindrique un peu plus long qu'elles,
&c htrifté de poils comme les tiges.
ART
De l'aifTelle de tha<iue pédicule s'cleve un '
péciunciile de msine longueur , &c hériffé de
même, maii, un peu plus mince , portant à
fon extrémité une fleur prelque deux tois
plus grande , blanche, luilante , d'une feule
pièce en entonnoir, dont le pavillon entier
cft ouvert lous un angle de quarante-cinq
degrés , & aulfi long que le tube qui eft un
cylindre égal dans toute (a longueur -, ce
pavillon eil onde , comme crépu iur fes
bords , ftrié en long de dix à quinze nervu-
res & femé de quelques poils. Le calice qui
enveloppe cette fleur efl une fois plus court
qu'elle, compolé de cinq feuilles vertes à
baie blanche , triangulaires , pointues , affez
inégales, ondées, trois à quatre fois plus
longues que larges, hériflfées de poils : cinq
étamines menues , droites , blanches , à an-
thères blanches , font attachées au bas du
tube de la corolle, dont elles égalent feule-
ment la moitié de la longueur , n'atteignant
que le bas du pavillon qui forme l'enionnoir.
Au centre de la fleur eft un difque jaune ,
fort applati , Iur lequel porte un ovaire co-
nique , qui tait corps avec lui & qui eft ter-
miné par un ftyle & un ftigmate blanc fphé-
roide , à la hauteur des étamines. L'ovaire ,
en mûriflànt, devient une capfule fphéroide
de quatre lignes de diamètre , à quatre loges,
s'ouvrant en quatre battans , 6c contenant
chacune une graine triangulaire à trois taces,
dont deux plates & une convexe , d'abord
verte , enfuite brune , légèrement velue.
Qualités. L'arii n'a qu'une faveur & une
odeur fauvage: en quelque endroit qu'on le
bleffe , il rend une liqueur laiteufe abon-
dante.
l/fages. Ses feuilles pilées avec le poivre
s'appliquent fur lesmorfures des chiens enra-
gés , dont elles attirent & imbibent tout le
venin: pilées avec le baume, 6c appliquées
de même fur les tumeurs , elles les font dil-
paroître.
Remarques. L'arti eft une plante fort
différente de celle qu'Hermann Si Dillen
ont figurée & décrite fous le nomde pes-ci-
gridis; celle-ci a les lobes des feuilles tendues
jufqu'au pédicule , les Heurs raffemblées en
corymbe , le tube de la corolle beaucoup
plus large , la graine jaune , & nombre d'au-
tres différences. M. Linné a donc eu tort
ART çrgi
ARTICHAUT, f. m. cinara , ( Hiji.
nac. boian.) genre de plante qui porte des
fleurs à fleurons découpés , portés chacun
filr un embryon , 6c renfermés dans un
calice écailleux 6c ordinairement épineux.
L'embryon devient dans la fuite une feinence
garnie d'aigrettes. Ajoure? aux caraderes
de ce genre le port de ^artichaut ., qui fe
fait diiiinguer fi aifément des chardons.
Tourn. In^. rciherb. Voye\ PLANTE. (\)
On diftingue trois fortes ^artichauts ,
les rouges., les blancs , 6c les yiolets.
Les rouges font les plus petits , 6c ne font
bons qu'à manger li la poivrade ; les blancs
ibnt les plus ordinaires; 6c les violets qui
viennent les derniers , l'ont les meilleurs ,
les plus gros , ôc ceux que l'on fait fécher
pour l'hiver.
On en fait des œilletons qu'on détache
du pié, 6f qu'on replante tous les trois ans à
neuf ou dix pouces de diftance. Ils deman-
dent à être fou vent fumés , arrolés , 6c cou-
verts pendant la gelée: on les butte feule-
ment dans les terres légères. Pour les faire
avancer, plufieurs Jardiniers y répandent
des cendres de bois brûlé. (K)
* Dans l'analyfe chymique de culs d'ar-
tichauts tendres ÔC frais , dépouillés des
écailles 6c des femences, diftillésà la cornue,
il eft forti une liqueur hmpide , d'une odeur
6c d'une faveur d'herbe , infipide 6c obfcu-
rement acide , une liqueur d'abord limpide ,
manifeftement acide, fort acide fur la fin ,
auftere, roufflitre , empyreumatique ; une
liqueur empyreumatique roufl^e , d'abord
fort acide , enfuite un peu falée , 6c impré-
gnée de beaucoup de fel alkali urineux -, une
huile épaiflle comme du firop.
La mafl^e noire calcinée pendant dix heu-
res, a laiflTé des cendres dont on a tiré par
lixiviation un fel fixe purement alkali. Cette
fubftance charnue a une faveur dou<^3tre ,
auftere, 6c noircit la diftblution du vitriol:
elle contient donc un fel effentieltartareux,
uni avec beaucoup de terre aftringente 6c
d'huile douçâtre.
On mange les artichauts à la poivrade,
on les frit, on les fricaflé ôc on les confit.
Pour les mettre à la poivrade , prenez-les
tendres ; coupez-les par quartiers ; ôttz-en
le foin 6c les petites feuilles; pelez le deflus;
de les confondre. ( iW, Adansqn,)^ jjçtez-les dans l'eau fraîche, 6c les y laiftez,
510 ART
de peur qu'Us ne fe noirciffent & ne devien-
nent amers, jufqu'à ce que vous les vouliez
fervir : alors mettez-les dans un plat ou fur
une affiette , arrofés d'eau, & f'ervez en
même temps du poivre & du fel mêlés.
Pour les trire , prenez-en les culs ', cou-
pez-les par quartiers : otez le foin; rognez
la pointe des feuilles ; faupoudrez les enliiiie
de la tarine détrempée avec du l^eurre , des
iaunes d'œufs, du fel, &c. & jetez-les dans
la friture chaude.
On met encore les artichauts à la fauce
blanche &à plufieurs autres. Foy. la-dcffus
les traités de cuifine.
Pour les confire , pelez les culs ; n'y
laiffez ni feuilles, ni foin; jetez-les dans
l'eau fraîche ; faites-les pafferdans une autre
eau ; faites-leur jeter un bouillon : .prenez
un pot, mettez-y de l'eau bien falée qui,
fumage de trois doigts; ajoutez-y une par-
tie d'eau & une autre de vinaigre , lépaif-
feur de deux doigts de bonne huile ou de
beurre qui ne foit pas trop chaud; & laiffez
les artichauts dans cet état.
\J artichaut à la poivrade efl ami de l'ef-
tomac,Si fait trouver le vin bon. On en con-
ferve les culs pour l'hiver , en les faifanc fé-
cher au foleil ou à la fumée , & en les tenant
dans un lieu fec ; mais de quelque manière
qu'on les prépare , ils nourriflent peu & tour-
niffent un fuc groiîier & venteux : les côtes
des feuilles, & les tiges tendres & blanches
fe digèrent facilement. Les racines excitent
fortement les urines ; on les peut employer
dans les décollions & les bouillons diuréti-
ques. Quelques-uns prefcrivent la décoftion
en lavement pour provoquer les urines.
On a prétendu que les têtes à'articliuut';
étoient aphrolîdiaques; cette propriété n'efl
rien moins que prouvée , quoi qu'en dife le
préjugé, & tout au moins s'il eft permis de les
regarder comme tels , ce n'efi: que par la
vertu excitante très-générale qui leur eft com-
mune avec une infinité d'autres alimens.
Il efl: encore plus plaifant qu'on ait pré-
tendu queTufage fréquent des artichauts à
titre d'aliment, étoit une moyen affuré pour
faire des enfans mâles. Nous ignorons fans
doute une foule de propriétés dans les fubl-
tances qui nous environnent , & l'on doit
s'abllenir de dogmatifer avec au'îi peu de
çonnoiffance ; mais il eft \n\ excès de pré-
ART
tention introduite par l'abfurde crédulité qui
rend le fcepticifme néceffaire.
Langius vante l'uiage de la racine d^arti-
chuntd^ns lagonorrhée. (A/. La fosse.)
ARTICLE, f. m. fGramm.J en latin
aniculus , diminutif de artus ^ membre,
parce que dans le lens propre on entend par
article les jointures des os du corps des
animaux , unies de différentes manières 6c
félon les divers mouvemens qui leiu^ font
propres : de-là par métaphore & par exten-
fi0!i on a donné divers f'ens à ce mot.
Les grammairiens ont appelle articles cer-^
tains petits mots qui ne (ignifient rien de
phyfique, qui font identifiés avec ceux de-
vant lefquels on les place & les font prendre
dans une acception particulière : par exem-
ple , le roi aime le peuple ; le premier le ne
préfente qu'une même idée avec roi ; mais
il m'indique un roi particulier que les circonf-
tances du pays où je fuis ou du pays dont on
parle, me font entendre : l'autre le qui pré-
cède peuple, fait auffi le même effet à l'é-
gard de peuple ; 8c de plus le peuple étant
placé après aime , cette pofuion fait coii-
no'itre que le peuple eft le terme ou l'objet
du fentiment que l'on attribue au roi.
Les articles ne fignifient point des chofes
ni des qualités feulement; ils indiquent à
l'elprit le mot qu'ils précèdent, & le tont
confidérer comme un objet tel , que fans
['article cet objet feroit regardé fous un
autre point de vue ; ce qui s'entendra mieux
dans la fuite , fur-tout par les exemples.
Les mots que les grammairiens appellent
articles, n'ont pas toujours dans les autres
langues des équivalens qui y aient le même
nî'age. Les Grecs mettent fbuvent leurs <îr//-
cles devant les noms propres, tels que PA/-
lippe , Alexandre, Cefar, &c. nous ne met-
tons point V article devant ces mots-là. Enfin
il y a des langues qui ont des articles , &C
d'autres qui n'en ont point.
En hébreu, en chaldéen & en fyriaque,
les noms font indéclinables _, c'eft-à-dire ,
qu'ils ne varient point leur délinence ou der-
nières iyllabes, fi ce n'eft conune en fran-
çois du fingiilierau pluriel: mais les vues de
l'ctprit ou relations que les Grecs & les La-
tins font connoitre par le^ terminaifons des
noms , font indiquées en hébreu par des pré-
pofitifs qu'on appelle pA<.y/x£.« , &C qui l()nt
lies
ART
Jiés aux noms à la manière des prépofnion*;
inleparables, enforte qu'ils forment le même
mot.
Comme ces prépofitifs ne Te mettent point
au nominatif, & que l'ufage qu'on en fait
n'eft pas trop uniforme, les Hébraifans les
regardent plutôt comme des prépofitions
que comme des articles. Nomina hibraica
propriè Loqutnio funt indeclinabilia. Quo
crgo in caj'u accipicnda fine & effcrenda, non
urminationc dignofcitur^fed prœcipui conf-
trucilone & prcEpofîcionihus quihufdam ^ Jeu
litteris prœpojltionum vices gcrcnùhus , qux
ipfis àfrontt adjiciuntur. Mafclef. Gramrn.
hebr. c. ij ., n. y.
A l'égard des Grecs , quoique leurs noms
fe déclinent, c'eft-à-dire , qu'ils changent de
terminailon lelon les divers rapports ou vues
de lel'prit qu'on a à marquer, ils ont encore
un article o , n, t6 , t« , TMf , tï , &c. dont
ils font un grand ufage : ce mot eft en grec
une partie ipéciale à'oraifon. Les Grecs î'ap-
pellerentar'fTfoi/, du verbe ic^, apto, adapto,
dilpofer, apprêter, parce qu'en effet l'a«/f/i
difpole l'elpritàconfidérer le mot qui le (iiit
fous un point de vue particulier ; ce que nous
développerons plus en détail dans la fuite.
Pour ce qui elt des Latins, Qirtntilien dit
expreflement qu'ils n'ont point ^''articles , &
qu'ils n'en ont pas befoin , nofler fertno ani-
£ulos non defiderat. ("Quint, lib. /, c. iv.J
Ces adjectifs is, hic , ille , ifïe , qui font fou-
vent des pronoms de la troifiemeperfonne,
font aufli des adjeftifs démonftratifs &f mé-
taphyfiques , c'ell-à-dire, qui ne marquent
point dans les objets des qualités réelles indé-
pendantes de notre manière de penfer. Ces
adjeâifs répondent plutôt à notre ce qu'à
notre le. Les Latins s'en fervent pour plus
.d'énergie & d'emphafe ; Catonem illumfa-
.pientem , (Cic.) ce fage Caton ; ille alter^
(Ter.) cet autre; ilL-ifeges, ( Virg. Géogr.
I ,v. 4y.J cette nioilTon -^illa rcrum domina
fortuna., ( C'ic. pro Marc. n. 2.) la fortune
elle-même , cette maitreffe des événemens.
.. Uxorem ille tuus pulclier aniator habet.
..Propert. lib. //, eUg. xvj ., v. 4. Ce bel
amant que vous avez, a une femme.
Ces adjeftits latins qui ne fervent qu'à dé-
, terminer l'objet avec plus de force, (ont fi
différens de V article grec & de V article fran-
.çois, que Voffius prétend {de Anal. lib. I,
Tome III.
ART ^11
c. I ,/j. 47^,) que les maîtres qui , en faifant
apprendre les déclinaifons latines , font dire
luvc mufa, induifent leurs dilciplesen erreur ;
& que pour rendre littéralement la valeur de
ces deux mots latins félon le génie de la lan-
gue greque, il taudroit traduire hcec mufa y
«'tm 1) iJ.rjTa,, c'efl-à-dire cette la mufe.
Les Latins failbien: un ufage fi fréquent de
leur adjeftif démonftratif :'//« , illa^ illudy
qu'il y a lieu de croire que c'eft de ces mots
que viennent notre le & notre la ; ille ego ,
muUerilla: Va homini illi per quem tradetur.
{Luc , c. xxij . V. 2 2 . ) bonum erat eiji natus
nonfuijj^it homo /7/f.Matth. c. xxi'j\lv. 24.)
Hic illa parva Petilia Philocletiz. ( Virg.
ALn.lib. III , V. 401) C'eft-là que la petite
ville de Petilie fut bâtie par Philoftete. y^a-
fonia: pars illa proculquam pandit Apollo»
Vu. V. 479 . Hxc illa Ckaribdis. Ib. v. 668.
Pétrone faifant parler un guerrier qui fe plai-
gnoit de ce que fon bras étoit devenu paraly-
tique , lui fait dire : funerata espars illa cor-
poris mei quâquondam Achilles eram ; il eft
mort ce bras par lequel j'étois autrefois un
Achille. Illi Deum pater , Ovide. Quifquis
fuit ille Diorum. Ov. Metam. lib. I, v. j 2,
Il y a un grand nombre d'exemples de cet
ufage que les latins taifoient de leur ille y
illu.,illud , fur-tout dans les comiques, dans
Phèdre & dans les auteurs de la baffe latinité.
C'eft de la dernière fyllabe de ce mot ilUy
quand il n'eft pas employé comme pronom,
& qu'il n'eil qu'un fimple adjeftif indicatif,
que vient notre article le : à l'égard de notre
lu, il vient du féminin illa. La première
lyllabe du mafculin ille a donné lieu à notre
pronom //, dont nous faifons ufage avec les
verbes, ille affirmât , (Phred. lib. III, fab.
iij, V. 4 , ) il affure. lUcficit, fld. Ub. III,
fab. V. vers S ,} il a fait ou il fit. Ingénia vi-
res ille datj ille rapit , ( Ov. Her. ep. xv ,
V. 206'. ) A l'égard de elle, il vient de illa ,
illaveretur,{y'v:g. eclog. ii/,v.4,) ellecraint.
Dans pvefque toutes les langues vulgaires,
les peuples, foit à l'exemple des Grecs, foii:
plutôt par une pareille difpofition d'efprit,
j fe font fait de ces prépofitifs qu'on appelle
: articles. Nous nous arrêterons principale-
' ment à [''article françois.
Tout prépofitif n'eft pas appelle ^mtVtr. Ce,
cet, cette, certain, quelque, tout, chaque, nuly
' aucun , mon , m.i , mes , &c. ne font que de?
Rrr
5Î2. ART
adieflifs tnétaphyriques ; ils précèdent tou-
jours leurs (ubftantifs ; & piiif'qu'its ne fervent
qu'à leur donner une quallficailon méta-
phyfique, je ne fais pourquoi on les met dans
h claffe (les pronoms. Quoi qu'il en (oit, on
ne donne pas le nom cY article à ces adjeftifs;
ce font fpécialement ces trois mots , le, /a,
les , que nos grammairiens nomment ani-
mes , peut-être p.-vrce que ces mots font d'un
ufage plus fi équent. Avant que d'en parler
plus en détail, obfervons que
i". Nous nous fervons de /e devant les
nomsmafculins au fingulier, le roi , le jour.
i". Nous employons la devant les noms
féminins au fingulier , la reine , la nuit.
3°. La lettre s qui , félon l'analogie de la
langue , marque le pluriel quand elle eft
ajoutée au fingulier, a formé les du fingu-
lier le; les fert également pour les deux
genres, les rois, les reines , les jours , les
nuits. 4°. Le, la, les, font les trois articles
fimples : mais ils entient auffi en compofi-
tion avec la prépofition à , & avec la pré-
pofition de , &1. alors ils forment les quatre
articles compofés , an , aux , du , diS.
Au eft compofé de la prépofition à , &c
«le l'article le , en forte que au eft autant que
ù le. 'î^os pères dii'oieni al , al temps Innocent
III , c'eft-à-dire, au temps d'Innocent III.
'L'apoJIoile manda ai prodome, &rc. le pape
envoya au prud'homme : Ville- H.irdouin ,
iib. I, p. I , mainte lerme ifu plorh de pitié,
al départir , ib. id. p. /6". Vigenere traduit
maintes larmes furent plorées à leur parte-
ment, & au prendre congé. C'eftle (on obf-
cur de Ve muet de \ article fimple le , & le
changement afTez commun en notre langue
de / en u ,. comme mal , maux , cheval ,
chevaux ; altus, haut, alnus , aulne farbrej,
alna , aune finefurej , altcr, autre , qui ont
fait dire au au lieu de à te, ou de al. Ce
n'efi que quandies noms maleuliiis commen-
cent par une confonne ou une voyelle aipi-
rée , que l'on fe iert de au au lieu de à le;
car fi le nom mafculin commence pai> une
voyelle , alors on ne fait point de contrac-
tion , la prépofition à & l 'article U demeu-
rent chacun dans leur entier : ainfi quoiqu'on
dife le cxur , au cœur, on dit i'efprit , à fcf-
ART
qnand le fuBftant if commence pnr une voycf-
le , r« muet de U s'élide avec cette voyelle,
ainfi la railon qui a donné lieu à la contrac-
tion au , ne fubfifte plus; & d'ailleurs , il fe
ferc.it un bâillement défagréable fi Von
difoit au efprit , au argent, au enfant, &c.
Si le nom eft féminin , n'y ayant point d'e
muet dans l'article la, on ne peut plus en
f/ire au ; ainfi l'on conferve alors la prépo-
fition &: l'article, la raifon , à la raifon ,
la vertu ,à la vertu. i°. Aux fert au pluriel
pour.les deux genres; e'eft une contradioa
pour à les , aux hommes y aux femmes , aux
rois , aux reims , pour à les hommes , à les
femmes , &c. 3°. Du eft encore une con-
traction pour de le ; c'eft le fon obfcur de L
deux e muets de fuite , de le., qui a amené la »
contraftion du : autrefois on difoit del ; la
jins dil confeilji fu tels, &c. l'arrêté du
conleil fa^ , 6c. Vdle-Hardouin , iib. VII,
p. loy. Gervaife del Ckajiel, id. ib. Ger-
vais du Caflel. Vigenere. On dit donc du
bien & du mal , pour de le bien , de le mal ^
& ainfi de tous les noms mafculins qui
cominencent par une conionne ; car fi le-
nom commence par une voyelle , ou qu'il
foit un genre féminin , alors on f<:vientàla
fimplicité de la prépofition, & à celle de
^article qui convient au genre du notn ; ainfi
on dit , de l\j'prit,de la vertu , de la peine;
par-là on évite le bâillement : c'eft la même
raifon que l'on a marquée fur au. 4°. Enfin
des fert pour les deux genres au ph:riel , &i
fe dit pour de les , des rois , des reims.
Nos enfans qui commencent à parler,
s'énoncent d'abord fans conrraclion ; ils di-
fent de le pain , de le vin. T^l tft encore
l'ufage dans prefque toutes nos provinces
limitrophes , fur-tout parmi le peuple : c'eft
peut-être ce qui a donné lieu aux premières
obfervations que nos grammairiens ont fai-
tes de ces ccntraftions.
Les Italiens ont un plus grand nombre de
prépofitions qui fe contraêlent avec leurs
articles.
Mais les Anglois qui ont comme nou3
des prépofitions & des articles , ne font pas
ces coiitraélions; ainfi ils difent oj the Ao.
le, où nous difcns du; the king , le roi;
oftlie king y de le roi, 6i en f.ançois du
roi ; ofthe queen , de la reine; to the king y
à le iQi; au roii to the <iueuiy à. la rtMne»
ART
Cette remarque n'eft pas de (împle curio-
iité ; il eft important pour rendre raifon de
la conftruftion , de l'éparerla prépiifition de
XarticU, quand ils font Tun & l'autre en
compofifion : par exemple, ii je veux ren-
dre raifon de cette tac^on de parler , Jupain
fuffii, je commence par dire de U pain ;
alors la prépolîtion de , qui eft ici une pré-
pofition extraftive, & qui comme toutes
les autres prépofitions doit être entre deux
■permes , cette prépolîtion, dis-je, me fait
connoître qu'il y a ici une ellipTe.
Piiedre , dan:; L fable de la vipère & de la
lime, pour dire que cette vipère cherchoir de
quoi manger, dit : kctc quiiin tentant fi quu
res effet cii>i, l. IV^fah. l'i; , v. 4 , où vous
voyez que ali^jua res cihi tait connoître par
analogie que du pain , ceûaliqua. rcspanisj
paulii/um panii , quelque choie , une partie,
une portion du pain : c'eft ainfî que les An-
glois, pour dire, donnez-moi du pain, di-
ient giye me fomt bread , donnez-moi quel-
fjue pain; & pour dire /'a/ vu des hommes,
ils dlfent / haue j'een fome men ; mot x mot,
j'ai vu quelques hommes ; à des médecins,
to fonie phyficians , à quelques médecins.
L'uCage de fous-entendre ainlî quelque
nom générique devant de, du, des, qui
commencent une phral'e, n'étoit pas inconnu
aux Latin'-- : Lentulus écrit à Cicéron de s'in-
tereffer à fa gloire; de faire valoir dans le
féuat & ailleurs tout ce qui pourroir lui taire
honîieur : de nofîra dignitate velim ttH iit
Jtmper cum fit. Cicéron , ép. liv. XII, ép.
ziv. Il eft évident que de nofira dignitate nt
peut être le nominatif de curx fit ; cepen-
ilant ce \'erbe fit étant à \m mode fini , doit
avoir un nominatif : ainfî Lentulus avoir
dans l'efprit ratio ou ferma de nofira digni-
.•W«, l'intérêt de ma gloire; & quand même
on ne trouveroit pas en ces occafions de
mot convenable à fuppléer , l'efprit n'en
feroit pas moins occupé d'une idée que les
. mots énoncés dans la phrafe réveillent , mais
qu'ils n'expriment point : telle eft l'analo-
gie , tel eft l'ordre de l'analyfe de renon-
ciation. Ainiî , nos grammairiens manquent
d'exaftitude, quand ils dilent que la prépo-
fition dont nous parlons fert a marquer le
nominatif, lorfqu^on ne veut que dèfigner
i^ne partie de la chofe, Gra.mm. de Régnier,
page 170; Reftaut, pag. 75 6c 418. Ils ne
prennent pas garde que les p'cpounons ne-
fauroient entrer dans le difcours, fans mar-
quer un rapport ou relation entre deux ter-
mes, entre un mot & un mot: par exem-
ple, U prépolîtion pour marque un motif,
une fin, une raifon : niais enluite il faut
énoncer l'objst qui eft le terme de ce mo-
tif, & c'efl ce qu'on appelle le complé-
ment de iaprépofition. Par exemple, tV/ra-
vaille pour La patrie , la patrie eft le com-
pléivent de pour, c'eft le mot qui détermine
pour; ces deux mots pour la patrie font un
fèns particulier qui a rapport à travaille , &c
ce dernier au fujet de la prépofttion, le roi
travaille pour la patrie. Il en eft de même
des prépofitions de & à. Le livre de Pierre
eft beau; Pierre eft le complément de if^, &
ces deux mots de Pierre (é rapportent à
livre, qu'ils déterminent, c'eft-à-dire , qu'ils
donnent à ce mot le fens particulier qu'il a
dans l'efprit , & qui dans renonciation le
rend fujet de l'attribut qui le fuit ; c'eft; de
ce livre que je dis qu'/V eft hiau.
A eft aufli une prépofition qui , entre
autres ufàges , marque un rapport d'attri-
bution : donner fon cœur à Dieu , parler à
quelqiiun , dire fa penfée à fon ami.
Cependant, communément nos grammai-
riens ne regardent ces deux mots que comme
des particules qui fervent , di("ent-ils , à
décliner nos noms ; l'une eft , dit-on , la
marque du génitif; & l'autre, celle du
datif. Mais n'eft-il pas plus fimple & plus
analogue au procédé des langues , dont les
noms ne changent point leur dernière fyl-
iabe , de n'y admettre ni cas , ni déclinai-
fon, & d'obferver feuletnent connnent ces
langues énoncent le'; mêmes vues de l'efprit,
que les Latins font coimoître par la diffé-
rence des terminnifons .'' tout cela fe fait,
ou par la place du mot , ou par le fecours
des prépofitions.
Les Latins n'ont que fix cas, cependant
il y a bien plus de rapports à marquer ; ce
plus , ils l'énoncent par le fecours de leurs
prépofitions. Hé bien , quand la place du
mot ne peut pas oeus fervir à faire connoî-
tre le rapport que nous avons à marquer,
nous faifbns alors ce que les Latins faifoient
au défaut d'une définence ou termlnaifon
particulière ; comme nous n'avons point de
terminaifon deftinée à marquer le génitif,
Rrr i
■514 ART
nous avons recours à une prépofitîon ; il en
efl: de même du rapport d'attribution , nous
le marquons par la prépofitîon à , ou par
la prépofnion/'owr, 6c même par quelques
autres, & les Latins marquoient ce rapport
par une terminaifon particviliere qui failoit
dire que le mot étoit alors au datif.
Nos grammairiens ne nous donnent que
fix cas , ians doute parce que les Latins n'en
ont que fix. Notre accuiatif, dif-on , eft
toujours femblable au nominatif: hé, y
a-t-11 autre chofe qui les diflingue , finon-
ia place ? L'un fe met devant , & l'autre
après le verbe ; dans l'un & dans l'autre
occafion le nom n'eft qu'une fimple déno-
mination. Le génitif, félon nos gratinnai-
res , eft toujours femblable à l'ablatif; le
datif a le privilège d'être feiil avec le pré-
tendu article à : mais de & à ont toujours
un complément comme les autres prépofi-
tlons , & ont également des rapports parti-
culiers à marquer \ par conféquent , fi de
& à font des cas , fur , par , pour , fous ,
dans , avec , & les autres prépofiiions, de-
vroient en faire auffi; il n'y a que le nom-
bre déterminé des fix cas latliis qui s'y op-
pofe : ce que je veux dire eft encore plus
fenfible en italien.
Les grammaires italiennes ne comptent
que fix cas auffi , par la feule ralfon que
les Latins n'en ont que fix. Il ne fera pas
inutile de décliner ici au moins le finguller
de nos Italiens , tels qu'ils font déclinés daiis
!a grammaire de Buommatei , celle qui avec
raifon a le plus de réputation.
I. Il re , c'eft à-dire le roi ; 1. dd re ,
'^. al re , 4. il re, 15 . o re , 6. dal re. i . Lo
abhate , l'abbé , 2. dello ahbate , 3 . ail» ab-
iate. 4, lo ahbate , 5. o abhate y 6. dallo
ahbate. i. La donna , la datne , 1. délia
donna , 3. alla donna , 4. la donna, <). o
donna , 6. dalla donna. On volt alfément ,
& les grammairiens en conviennent , qui
del , dello & dalla, font compofés de l'ar-
ticle, & dedi, qui en compofitionfe change
en de ; que al , allô & alla, font auffi com-
pofés de ["article & de a, &c qu'enfin dal ,
dallo , & dalla , font formés de l'article &
de da, qui figniiie/'<jr , che , de.
Buonunatei appelle ces trois mots di, a,
da , des fegnaccajt, c'eft-à-dire, des /ignés
des cas. Mais ce ne. font gas ces feules pré-
ART
pofitîons qui s'unifient avec \^ article : en voîci
encore d'autres qui ont le même privilège.
Con, co, avec ; col tempo, avec le temps;
colla liberta , avec la liberté.
In , en , dans , qui en compofition fe
change en ne , nello fpecchio , dans le m\-
ïQ\r;nel giardino, dans le jardin ; nelle flra-
de-, dans les rues.
Per, pour, par rapport à , perd I'a ; ^'<;/
giardino , pour le jardin,
Sopra, fur , fe change en fu , fuU prato y
fur le \>':é , fulla tavola, iur la table. Infra
ou intra le change en ira jon dit tra'l pour
tra , il entre là.
La conjonftion & s'unit aufili avec l'ar-
ticle, la terra e'/ cielo , la terre & le ciel.
Faut-il pour cela fôicr du nombre des con-
jondions ? Puiiqu'on ne dit pas que toutes
ces prépofitions qui entrent en compofition
avec \ article , forment autant de nouveaux
cas qu'elles marquent de rapports différensy
pourquoi dit-on que di , a , da , ont ce pri-
vilège ? C'eft qu'il fufFifoit d'égaler dans la
langue vulgaire le nombre des fix cas de la.
grammaire latine , à quoi on étoit accoutumé,
dès l'enfance. Cette correlpondance étanî
une fols trouvée , le furabondant n'a pas
mérité d'attention particulière.
Buommatei a fenti cette difficulté , f*
bonne foi eft remarquable; je ne faurots-
condamner, dit -il, ceux qui veulent que
in , per , con , foient aufii bien fignes de cas,
que le font di, a , da : mais il ne me plaît
pas à prélént de les mettre au nombre des
fignes de cas ; 11 me paroît plus utile de,
les laifi!er au traité des prépofitions : io non
danno in loro ragioni, che. cerib non Ji poj-
Jon dannare ; ma non mi pia.ce per ora met-
tere gli ultimi ml numéro de JegnaJ caj: ; pa-
rendo à me piu utile lafciar gli al trattato.
dclle propojliioni. Buommatei , délia ling.
Tofcana.Del Segn. c. tr. 42. Cependant une:
railbn égale doit faire tirer une coniéquence
pareille : par ratio, paria jura dc/idcrat : cOy
ne , pi , &c. n'en font pas moins prépofi-
tions , quoiqu'elles entrent en compofitioa
avec X article , alnfi di,a,da , n'en doivent
pas moins être prépofitions pour être unies-
à V article. Les unes & les autres de ces pré-
pofitions n'entrent dans le difcours que
pour marquer le rapport particulier qu'elles.
, doivent indiquer chacune félon la deiUna--
ART
tion que l'iifage leur a donnée, f.iiif aux
Latins à marquer un certain noir.hre de ces
rapports par des terniinaifbns particulières.
■ Encore un mot, pour taire voir que notre
de & notre a ne font c[ue des prépolirions ,
c'eft qu'elles viennent, l'une de l-i prépo-
fuion latine Ji , & l'autre de ad ou de a.
Les Latins ont tait de leur prépofuion de
le même ufage que nous faifons de notre de ;
©r fi en latin de eil: toujours prépofition , le
de François doit l'ctre auiri toujours.
1°. Le premier ulage de cette préporuion
eft de marquer l'extraftion , c'eft-à-dire,
d'où une chofe eft tirée , d'où elle vient ,
d'où elle a pris fon nom; ainfî nous dil'ons
un temple de marbre , un pont de pierre , un
homme du peuple , les femmes de noire fucle.
1°. Et par extenfion cette prépofuion fert
à marquer la propriété : le livre de Pierre ,
c'eft-à-dire, le livre tiré d'entre les chofcs
qui appartiennent à Pierre.
C'eft félon ces acceptions que les Lstins
ent dit , templum de marmore ponam yY ug.
Géorg. liv. III, vtrs i^ , je ferai bâtir un
temple de marbre : fuit in teclis demarmort
ttmplum, Virg. vEn. IV , v. 46^; il y
avoit dans fon palais un temple de marbre :
tota de marmore , Virg. Ed. VII j y- Ji ,
toute de marbre :.
^ fol i do de marmore templa
Inflituam ,fefiofque dics de nomine Phœbi.
Virg. ALn. VI, v. yo. Je ferai bâtir des
temples de marbre , & j 'établirai des fêtes du
nom de Phœbus , en l'honneur de Phœbus.
Les Latins, au lieu de l'adjeftif, fe font
fouvent lervis delà prépo(itioni/e fuivie du
nom, ainfi de marmore eft équivalent à mar-
moreum. C'ell ainfi qu'Ovide , /. met. v.
/27, au lieu de dire atas ferrea , a dit : de
duro efl ultimaferro, le dernier âge eiî l'âge
de fer. Remarquez qu'il venoit de dire,
aurea prima fata efl (Cias ;.en{inte,fubiit ar-
giiiiea proies.
Tertia pofi illas fucceffit Ahcenea proies :
& enfin il dit dans le même fens , de duro
eft uUima ferro.
Il eft évident que dans la phrafe d'Ovide,
tuas de ferro , de ferro n'eft point au génitif;
pourquoi donc dans la phrafe françoife ,
liage de fer, de fer i^\o\i-\i au génitif? Dans i
ART py
cet exemple la prépofion de n'étant point
accompagnée, ^article ne fert avec /Jr qu'à
donner à âge une qualification adjcftive :
A^t; partis expers effet de no fris bonis ,
Ter. Heaut. JV , 1 , j; 9 , afin qu'il ne fût pas
privé d'une partie de nos biens : non hoc de
niliilo «/?, Ter. Hcc. V, 1 , 1 , ce n'eft pas
là une affaire de rien.
Reliquum de ratiuncula , Ter. Phorm. I,
/ , 2 , un refie de compte.
Portent^ dégénère hoc. Liicret. liy. V, v.
,5(?, les monftres de cette efpece.
Catera de génère hoc adfingere , imaginer
des fantômes de cette forte , id. ibid. v.
1 6'J ; & Horace , /, fit. 1 , v. 1^ , s'cft
exprimé de la même manière , catera ds
^génère hoc adeofunt inulta.
De plèbe Deo , Ovid. un dieu ducommun.
Nec de plèbe deo ,fed qui vaga fulmina
mitro. Ovid. Met. I, v. SffJ. Je ne l'uis pas
un dieu du commun , dit Jupiter à lo , je fuis
le dieu puiifant qui lance la foudre. Homo dâ
fchola , Cic. de orat. ij , y , un hojnme de
l'école. Declamator de ludo , Cic. orat. c.
XV , déclamateur du lieu d'exercice. Rabula.
de foro, un criailleur, un braillard du palais,
Cic. ibid. Primus de plèbe , Tit. Liv. lib:
VII , c. xvij , le premier du peuple. Nous
avons des élégies d'Ovide, qui font intitu-
lées de Ponto , c'eft-à-dire , envoyées da
Pont. Mulieres de noflro feculo quœ [ponts-
peccant , les femmes de notre fiecle.Aufon,
dans l'épure qui efl. à la tête de l'Idylle VII i
Cette couronne, que les foldats de Pilate
mirent fur la tête de Jefus-Chrill, S. Marc
{ch. XV, V. ly j l'appelle//' /«£û7« coronam y &
S. Matth. (cil. XI', V. 2CiJ auflî bien que S.
Jean (ch.xix, v.a , ) la nomment coronam-
defpinis , une couronne d'épine.
Unus de circumfiantibus , Mare, ch. xiv,
V. 47, un de ceux qui étoient là, l'un des
aififtans. Nous difons que. les Romains ont-
été ainfi appelles de Romulus ; & n'efl-ce pas
dans le même fens que Virgile a dit : Ro-
mulus excipiet gentent , Romaiiofque fuo de
nomine dicet. 1 , JLr.éA , v. 281 : & au vers
471 du mêîne livre , il tcit que Didon acheta-
un terrain qui fiit appelle byvfa., du nom
d'un certain {ûx.,facii de nomine byrfam ;^
encore au vers 18 du III^. liv. Enée (m:
/Ençadafque meo nomen de nonune Ji('£o,
'y 16 ART
Ducis de nomîne , ibid. verf. i6ô, &c. de
nihilo irafci ; fe fâcher d'une bagatelle, de
rien, pour n^n'^quercus de cœlo cacias ,Y\rg.
des chênes frappés de la foudre; de more ,
Virg. félon l'ufage; de mcdio pocare die ,
Horace , dès midi ; de tenero ungui , Ho-
race , dès l'enfance; de induftrid , Teren.
de deffein prémédité ;_^//"i de fummoloco ,
Plaute , un enfant de bonne mail"on;J«/7zi?o,
de tno , Plaute, de mon bien, à mes dé-
pens; j'ai acheté une maifon de CrafTuî ,
domuin emi de CraJJb ; Cic. fam. liv. V , ép.
vj; & pro Flacco , c. xx , fundum mercatus
ejl de pupillo ; il efl: de la troupe, de grege
ilLo eft; Ter. Adelp. Ill , iij , 38^ ; je le tiens
de lui , de Davo audlvi ; diminuer de Tami-
tié , aliquid de no{ira conjunclione immïnu-
tum , V^ liv. epift. v.
3. De fe prend aufii en latin & en fran-
çois pour pendant j de die, de nocle ; de
jour , de nuit.
4. De pouv louckttnt, au regard de ; fî res
de amore mto fecundœ. eff'ent ; fi les affaires
de mon amour alloient bien. Ter.
Legati de pace , Céfar , de BeUo Gall. z ,
3 , des envoyés touchant la paix , pour
parier de paix; de argento fomnium ,Ter.
Adelp. II, j, <)0 , à l'égard de l'argent,
néant ; de capiivis commutandis, pour l'é-
change des prifonniers.
5. De, à caufe de, pour, 720s amas de
fidicinâ ifihac , Ter. Eun. III, iij , 4, vous
m'aimez à caufe de cette muficienne ; Icetus
eji de arnica, 'ûe(^ gai à cauledefamaîtreffe;
rapio defratre doleniis , Horace , I , ep. xiv ,
7, inconfolable de la mort de fon frère ;
accufare , arguere de , acculer , reprendre de.
6. Enfin cette prépofition fert à former
des façons de parler adverbiales ; de intégra ,
de nouveau. Cic. Virg. de indufiria , Teren.
de propos délibéré , à defiîein.
Si nous paflïons aux auteurs de la baffe
latinité , nous trouverions encore un plus
irand nombre d'exemples : de cœlis Deus ,
)ieu des c\Q\\\\pannus de lanà, un drap ,
une étoffe de laine.
Ain fi l'ufage que les Latins ont fait de cette
prépofition a donné lieu à celui que nous
en faifons. Les autorités que je viens de
rapporter doivent fuffire , ce me femble ,
pourdétruire le préjugé répandu dans toutes
nos grammaires , que notre de, eA la marque \
ART
du génitif : mais , encore un coup , puifqu'en
latin tempLum de marmort, pannus de lanâ ,
de n'eft qu'une prépofiticn avec fon com-
plément à l'ablatif, pourquoi ce même de
pafîant dans la langae françoife avec un pa-
reil complément , fe trouveroit-il transformé
en particule ? & pourquoi ce complément,
qui tfià l'ablatif en latin , fe trouveroit-il au
génitif enfrançois.^
Il n'y efl ni au génitif ni à l'ablatif; nous
n'avons point de cas proprement dit enfian-
çois ; nous ne faifons que nommer: & à
l'égard des rapports ou vues différentes fous
lelquel. nous confidéror.s les mots , nous
marquons ces vues , ou par la place du mot ,
ou par le lécoursde quelque prépofition.
La prépofition de efi employée le plus fou*
vent à la qualification &; à la détermination;
c'efl;-à-dire, qu'elle fert à mettre en rapport
le mot qui qualifie, avec celui qui eft qua-
lifié : un palais de roi , un courage de héros.
Lorfqu'il n'y a que la fimple prépofiiioti
de , fans X article ,\k prépofition & fon com-
plément font pris adjeftivement; un palais
de roi , efi équivalent kun palais royal ; une
valeur de héros, équivaut à une valeur hé-
roïque ; c'eft un fens fpécifique, ou At forte :
mais quand il y a un fens individuel ou per-
fonnel, foit univerfel, foitfingulier, c'eft-à-
dire , quand on veut parler de tous les rois
perfonnellement , comme fi Ton difoit l'/n-
térctdes rois, ou de quelque roi particulier,
la gloire du roi , la valeur du héros que
/aime, alors on ajoute V article à la prépofi-
tion; car des rois, c'efl de les rois ; & du
héros , c'eft de le héros.
A l'égard de notre à , 11 vient le plus fou-
vent delà prépofinon latine a^^, dont les Ita-
liens fe fervent encore aujourd'hui devant
une voyelle : ad uomo d'intellecio , à ua
homme d'efprlt; ad uno ad une, un à un;
(S. Luc , ch. ix , V. ij.) pour dire que J. C.
dit à fes difciples , &c. fe fert de la prépofi-
tion ^r^, ait ad illos. hes Latins difoient éga-
lement loqui alicui , & loqui ad aliquem^
parler à quelqu'un; ajferre aliquid alicui,
ou ad aliquem, apporter quelque chofe à
quelqu'un , &c. Si de ces deux manières de
s'exprimer nous avons choifl celle qui s'é-
nonce par la prépofition , c'cft que nous
n'avons point de datif.
1*. Les Latins difoient Auïïi ferdnere ad;
ART
7IOU5 rfifons de mcme avec la prépofitlon
appartenir à.
i". Notre prépodtion à vient auflî quel-
quefois de la prépofition latin» à ou ab ; tiu-
■firrt aliquid alicuï ou ab aliquo , ôter quel-
que choie à quelqu'un : on dit auflî eripcre
nliquid aiicui ou ab aliquo ; peure t/eniam
à Dio y demander pardon à Dieu.
Tout ce que dit M. l'Abbé Régnier pour
faire voir que nous avons des datifs , me
paroii bien mal afTorti avec tant d'ob(erva-
tions judicieufes qui font répandues dans l'a
grammaire. Selon ce celeiDre académicien
XP'ige 2j 4?. J quand on dit voilà un chien qui
l^efidonnéà moiy à moi eft au datif: mais fi
l'on dit «/z ciiien qui s'efi adonné ù moi, cet t;
fiioi ne fera plus alors un datif; c'eft, dit-il,
la prépoliiion latine ad. J'avoue que je ne
fauroisreconnoître la prépofition latine dans
adonné à , fans la voir auilî dans donne à.,
6c que dans l'une & dans l'autre de ces phra-
fes Ijs deux cime p iroifTent de même efpece,
& avoir la même origine. En un mot,puif-
que ad aliquem ou ab aliquo ne font point
des datifs en latin', je ne vois pas pourquoi
àquîlquun pourroit être un datif en françois.
Je regarde donc de èc à comme de iim-
ples prépolîtions, auffi bien que par , pour,
avec , &c. les unes & les «utres fervent à
faire connoltre en françois les rapports par-
ticuliers que l'ufage les a chargés de marquer,
faut à la langue latine à exprimer autrement
ces mêmes rapports.
• A l'égard de le, la, les, je n'en fais pas
vneclafle particulière des mots fous le nom
^'article; je les place avec les adjeftifs pré-
pofitifs , qui ne le mettent jamais que devant
leurs fubftantifs , & qui ont chacun un fer-
vice qui leur eft propre. On pourroit lesap-
iptWe: prénoms.
■ Comme la fociété civile ne fauroit em-
ployer trop de moyens pour faire naître dans
le cœur des hommes des fentimens , qui
d'une part !e^ portent à éviter le mal qui eH
contraire à cetie lociété, & de Tautre les
.engagent à pratiquer le bien, qui fert à la
maintenir &à la rendre floiilTante; de même
l'art de la parole ne fauroit nous donner trop
de fecours pour nous faire éviter l'obfcurité
& ramp'n'bologie, ni in venter un allez grand
nombre de mot?, pour énoncernon feulement
les daverfes idéts que nous avons dans l'ei-
ART yx7
prit , mais encore pour exprimer les diffé-
rentes faces fous leltiuellesnous confidérons
les objets de ces idées.
Telle eft la deftination des prénoms ou
adjectifs métaphyfiques, qui marquent, non
des qualités phyliques des objets , mais feu-
lement des points de vue de i'efprit , ou des
laces différentes fous iefquelles I'efprit confi-
dere le même mot : tels font tout, chaque,
nul , aucun , quelque , certain, dans le fens
de quidam ,un,ce , cet , cette , ces , le , la
les , auxquels on peut joindre encore les ad-
jeftifs poffelFifs tirés des pronoms pcrfon-
nels ; tels font mon , ma, mes , & les noms
de nombre cardinal , un , deux , trois , &c.
Ainf) je mets le , la , les , au rang de ces
prénoms ouadjeftifs métaphyfiques. Pour-
quoi les ôter de la claffe de ces autres adjec-
tifs?
Ils font adjeiElifs puifqu'ils modifient leuf
fubftantif, & qu'ils le font prendre dans
une acception particulière, individuelle,
& perfonnelle. Ce font des adjeftifs méta-
phyfiques, puifqu'ils marquent, non des qua-
lités phyfiqiies, mais ime fimple vue particu-
lière de I'efprit.
Preique tous nos grammairiens(Regnier,
p. 141 , Reftaut,;7.6'4j nous difentque /e,
la , les , fervent à faire connoître le genre des
noms , comme fi c'étoit là une propriété qui
fût particulière à ces petits mots. Quand on
a un adjefllf à joindre à un nom , on donne
à cet ad}e(fl;if,ou la terminaifcn mafculine,
ou la féminine. Selon ce que l'ufage nous
en a appris. Il nous difons le folcil pWnot
que la foleil , coimns les Allemands, c'eft
que^nous lavons qu'en françois foleil eft du
genre mafculin , c'eft-à-dire qu'il eft dans la
claflTe des noms des chofes inanimées aux-»
quels l'ufage a confacré la terininaifon des
adj'-ftifs déjà deftinée aux noms des mâles,
qu.ind il s'agit des animaux. Ainfi lorfque
nous parlons du foleil, nous difons le foleil
pbiiôt que la, pir la même raifon que nous
dirions beau foleil, brillant foleil, plutôt
que belle ou brillant'..
Au refte, quelques grammairiens mettent
le ,la. Us , au rang des pronoms ; n)ais fi le
pronom eft un mot qifi fe mette à la place
du nom dont il rappelle l'idée , le , l^, l^f »
ne feront pronoms que lorfqu'ils feront cette
fondlon : alors ces mots vont tous fe^uii Sc
528 ART
ne (e trouvent point avec le nom qu'ils re- |
préfentent. La vertu eft aimable, almc^^la.
Le premier/^ eft ac!ieftifiTiétaphyfique;ou
comme on dit article , il précède fon fubf-
tantifv^r/tt; il perfonnifie la ?'«««; il la fait
regarder comme un individu métaphyfique :
mais le fécond la qui eft après aime^ , rap-
pelle ïs vertu, & c'eft pour cela qu'il eftpro-
Tiom, & qu'il va tout i'eul; alors /^i vient
de illam , elle.
. C'ell la différence du fervice ou emploi
.des mots, & non la différence matérielle du
l'on , qui les fait placer en différentes clailes :
c'eft ainfi que l'infinitif des verbes eft fou-
vent nom, le boire , le manger.
Mais fans quitter nos mots, ce même fon
la n'eft-il pas auffi quelquefois un adverbe
qui répond aux adverbes latins , ibi , hâc ,
ijlàc , illâc , il demeure là , il va là , &c. ?
N'eft-il pas encore un nom fubftantit quand il
lignifie une note de mufique? Enfin n'efl-il pas
auffi une particule explétive qui fert à l'éner-
gie ? Ci j eune homme-là, cette femme-là , 6cc.
A l'égard de un , une , dans le fens de
quelque ou certain , en latin quidam , c'eft
encore un adjeftifprépofitif qui défigne un
individu particulier, tité d'une efpece , mais
fans déterminer fmguliérement quel efl cet
individu , fi c'eft Pierre ou Paul. Ce mot
nous vient auffi du latin , quis efi hic homo ,
unus-ne amator ? CPlaut. Truc. I , ij . 32.J
quel eft cet homme , eft-ce là un amoureux ?
]iiceliunusfervusviolentiJJïmus,{Ç\dxit.ihid.
II , I , jç.) c'eftun efclave emporté, T^c^^
unus paterfamilias , (C\z. de orat. 1 , 2C),J
comme un père de famille. Quivariare cupit
remprodigialitcr unam ,(^Hor. art.poet. v.
2_9 j celui qui croit embellir un fujet, unam
rem , en y faifant entrer du merveilleux.
Forte unamadfpicio adolefcentulam , (Ter.
And. acl. I ,fc. I, v. 9 /.Jj'apperçois par ha-
fard une jeune filJe. Donatqui a commenté
Térence dans le temps que la langue latine
étoit encore une langue vivante, dit fur ce
paffage que Térence a parlé félon l'ufage ,
& que s'iladitw«-7/w, une, au lieu de quam-
dam, certaine, c'eft que telle étoit , dit-il,
& que telle eft encore la manière de parler.
Ex confuetudine diciî unam,ut dicimus,unus
eft adolefcens : unam ergo zi î/'/siT/r/wâ dixit,
vel unampro quamdam. Ainfi ce mot n'eft
en françois que ce qu'il étoit en latin.
ART
La grammaire générale de P. R. /?; i j ;
dit que un e(\ article indéfini. Ce mot ne me
paroît pas plus article indéfini que tout ar-
ticle univetfel, ou ce , cette , ces, articles-
définis. L'auteur ajoute , qu on croit d'ordi-
naire que un n'a point de pluriel ; qu'il e(l
vrai qu'il n'en a point qui fait formé de lui-
même : on dit pourtant les uns , quelques-
uns ; & les Latins ont dit au pluriel, uni ,
uriic , &c. Ex unis geminas miki conficiet
nuptias. f Ter. And. acl. IF, fc. 1 , v.Si.J
^4derit una in unis ccdibus, f Ter. Eun. acl.
II, fc. iij , V. y 6 ; & félon M^^. Dacier, acl.
II ,fc.iv.v.y4. ) Mais revenons à la gram-
inaire générale. Je dis, pourfuit l'auteur, que
un a un pluriel pris d'un autre mot, qui eft.
<:\e?.,avant les fubftantifs, des an\miux,& de,
quand l'adjeclif précède , de beaux lits. De un
pluriel! cela eft nouveau.
Nous avons déjà obfervé que des eft pour
de les , Se que de eft une prépofition , qui
par conféquent fuppofe un mot exprimé ou
lous-entendu , avec lequel elle puifle mettre
fon complément en rapport : qu'ainfi il y a
ellipfe dans ces façons de parler ; & l'ana-
logie s'oppofe à ce que des ou de foient le
nominatif pluriel d'un ou d'une.
L'auteur de cette grammaire générale me
paroît bien au deffous de fa réputation qi'and
il parle de ce mot des à la page 5 5 : il dit
que cette particule eft quelquefois nomi-
natif; quelquefois accufatif, ou génitif, ou
datif, ou enfin ablatif de l'article un. 11 ne
lui manque donc que de marquer le vocatif
pour être la particule de tous les cas. N'eft-
ce pas là indiquer bien nettement l'ufage
que l'on doit faire de cette prépofition }
Ce qu'il y a de plus furprenant encore,"
c'eft que cet auteur foutient , page 5 5 , que
comme on dit au datifjîngulier à un , & au
datifpluriel-A des, on devroit dire au génitif
pluriel de des ; puifque des eft, dit-il , le
pluriel d'un : que fi on ne l'a pas fait , c'eft,
pourfuit-il ,par une raifon qui fait la plupart
des irrégularités des langues , qui eft la caco-
phonie ; ainfi, dit-il, félon la parole d'un
ancien , impetratum eft à ratione ut peccare
fuavitatis caufd liceret ; 5c cette remarque a
été adoptée par M. Reftaut, /'jg-. 75 & yj.
AuT:ei\Q,C\cérond\\.,{0 rator.n. X LFII)
que impetratum eft à confuetudine , & non »i
ratione , ut peccare fuavitatis caufd liceret :
maïs
ART
mais foit qu'on life à confuetuJim ', avec
Cicéron, ou à ratione , (eloii la grammaire
générale , il ne f-aut pas croire que les pieux
Iblitairesde P. R. aient voulu étendre cette
permiillon au delà de la grammaire.
Mais revenons à notre lujet. Si l'on veut
bien faire attention que (ies eft pour de Us ;
que quand on dit à des hommes , c'eft tr de
Us hommes; qmde ne fauroit alors détermi-
ner t?, qu'ainli il y a elIipCe à des hommes ^
c'eft-à-dire , à quelques-uns de les hommes ,
<juïhufdam ex homlnihus : qu'au contraire ,
quand on dit le Sauveur des hommes,[a. conf-
truciioneft toute (impie ; on ditau fingulier,
le Sauveur du l'homme, & au pluriel /t; Sau-
veur de les hommes; il n'y a de différence
que de le k les , &c non à la préporition. Il
ieroit inutile & ridicule de la répéter, il en
eft de des comme de aux , l'un eft de les ,
& l'autre à les : or comme lorfque le léns
Ji'eft pas partitif, on dit aux hommes fans
ellip'e, on dit aufH des hommes dans le
même fens général ^l'ignorance des hommes,
■la vanité des hommes,
Ainfi regardons 1°. h, la, /«, comme
de fimples adjeftifs indicatifs & métaphyfi-
ques, aufîî-bien que ce, cet, cette, un,
quelque, certain, &c.
1°. Confidérons de comme une prépofi-
tion, qui , ainfi qv\epar , pour , en , avec ,
fans , &c. fert à tourner l'efprit vers deux
objets, &à (aireappercevoir le rapport que
l'on veut indiquer entre l'un & l'autre.
î"^. Enfin décompofons au, aux , du ,
des, faifant attention à la deflination & à
ia nature de chacun des mots décompofés,
& tout fe trouvera applani.
Mais avant que de pafTer à un plus grand
détail touchant l'emploi & l'ufage de ces
adjeftifs , je crois qu'il ne fera pas inutile de
nous arrêter un moment aux réflexions fui-
vantes : elles paroîtront d'abord étrangères
à notre fujet, mais j'ofe me flatter qu'on re-
connoîtra dans la fuite qu'elles étoient né-
ceffaires.
Il n'y a en ce monde que des êtres réels ,
que nous ne connoifl"ons que par les impref-
fions qu'ils font fur les organes de nos !'ens ,
ou par des réflexions qui fuppofent toujours
des impreflïons fenfibles.
Ceux de ces êtres qui font féparés des au-
I très, font chacun un enfembie , un tout
Tome III,
ART J19
particulier par la liaifon , la continuité , le
rapport , & la dépendance de leurs parties.
Quand une fois les impreflions que ces di-
vers objets ont faites fur nos iens , ont été
portées jufqu'au cerveau , & qu'elles y ont
laifl!é des traces, nous pouvons alors nous
rappellerl'jmageou l'idée de ces objets par-
ticuliers , même de ceux qui font éloignés
de nous ; & nous pouvons par le moyen de
leurs noms, s'ils en ont un, faire connoî-
tre aux autres hommes , que c'eil à tel objet
que nous penfons plutôt qu'à tel autre.
Il paroît donc que chaque être fmgulier
devroit avoir fon nom propre, comme dans
chaque famille chaque perfonne a le fien :
mais cela n'a pas été poflible à caufe de la
nuiltitude innombrable de ces êtres particu-
liers , de leurs propriétés & de leurs rapports.
D'ailleurs , comment apprendre & retenir
tant de noms?
Qu'a-t-on donc fait pour y fuppléer ? Je
l'ai appris en me rappellant ce qui s'eflpalTé
à ce liijet par rapport à moi.
Dans les premières années de ma vie ,
avant que les organes démon cerveau euf-
fent acquis un certain degré de con(i{}ance ,
& que j'eufle fait une certaine provifion de
connoiffances particulières , les noms que
j'entendois donner aux objets qui fe préfen-
toient à moi, je les prenois comme j'ai pris
dans la fuite les noms piopres.
Cet animal à -quatre pattes qui venoit ba-
dineravec moi, je l'entendoisappeller chien.
Je croyois par fentiment & fans autre exa-
men, car alors je n'en étois pas capable,
que chien étoit le nom qui fervoit à le diftin-
guerdes autres objets que j'entendois nom-
mer autrement.
Bientôt un animal fait comme ce chien
vint dans la maifon, & je l'entendis aufli
appeller chien ; c eft, me dit-on , le chien de
notre voifin. Après cela j'en vis encore bien
d'autres pareils, auxquels on donnoit auffi
le même nom, àcaufe qu'ils étoient faits à-
peu-près de la même manière ; & j'obfer-
vai qu'outre le nom de chien qu'on leur
donnoit à tous , on les appelloit encore cha-
cun d'un nom particulier; celui de notre
maifon s'appelloit médor ; celui de notre
voifm, marquis ; un autre , diamant , &c.
Ce que j avois remarqué à l'égard à<t%
chiensjjel'obfervai aufli peu à peu à l'égard
S 5 s
no ART
^ d'un grand nombre d'autres être^. Je vis un
moineau, enfuite d'autres moineaux; un
cheval, puis d'autres chevaux; une table,
puis d'autres tables ; un livre, enfuite des
livres, &c.
Les idées que ces différens noms exci-
toientdans mon cerveau, étant une fois dé-
terminées , je vis bien que je pouvois don-
ner à médor & à marquis le nom de chien,
mais que je ne pouvois pas leur donner le
nom de cheval , ni celui de moineau , ni ce-
lui de lûbie , ou quelqu'autre : en effet le
nom de chien réveilloit dans mon ef'prit
l'image de chien , qui efl différente de celle
de cheval , de celle de moineau , &c,
Médor avoit donc déjà deux noms, celui
de médor ç^m le diflinguoit de tous les au-
tres chiens , & celui de cliien qui le mettoit
dans une ckiffe particulière , différente de
celle de cheval, de moineau, de table, &c.
Mais un jour on dit devant moi que mé-
dor étoit un joli animal ; que le cheval d'un
de nos amis étoit un bel animal; que mon
moineau étoit un petit anima! bien privé &
bien aimable : & ce mot ^animal je ne l'ai
jamais oui dire d'une table , ni d'un arbre ,
ni d'une pierre, ni enfin de tout es qui ne
marche pas, ne fent pas, & qui n'a point
les qualités communes & particulières à tout
ce qu'on appelle animai.
Méclor eut donc alors trois noms, wt/JoA,
chien , animal.
On m'apprit dans la fuite la différence
qu'il y a entre ces trois fortes de noms ; ce
qu'il efî important d'obferver & de bien
comprendre, par rapport au fujet principal
dont nous avons à parler.
i*^. Le nom propre , c'eiîlenom quin'efl
dit que d'un être particulier, du moins dans
la fphere où cet erre fe trouve ; ainfi Louis,
Marie , font des noms propres , qui , dans
les lieux où l'on en connoît la deltination ,
ne défignent que telle ou telle perfonne, &
non une forte ou efpece de perfonnes.
Les objets particuliers auxquels on donne
ces fortes de noms font appelles des indivi-
dus , c'eft-à-dire que chacun d'eux ne fau-
roit être divifé en un autre lui-même fans
ceffer d'être ce qu'il eft ; ce diamant, fi
vous le divifez, ne fera plus ce diamant ;
l'idée qui le repréfente ne vous offre que lui
jBc n'en renferme pas d'autres qui lui l'oient j
ART
fubo-donnés, de la même manière que mi-
dore{{.iuhoTàor)né3cliien,S<chienk animal,
x". Les noms d'efpece, ce font des noms
qui conviennent à tous les individus qui ont
entr'eux certaines qualités communes; ainfî
chien eft un nom d'efpece , parce qu'il con-
vient à tous les chiens particuliers , dont
chacun eft un individu , femblable en cer-
tains points effentielsà tous les autres indi-
vidus, qui, à caufe de cette reffemblance ,
font dits être de même efpece &c ont entr'eux
un nom commun , chien.
3°. Il y a une troifieme forte de noms
qu'il a plu aux maîtres de l'art d'appeiler
noms de genre , c'eft-à-dire noms plus géné-
raux , plus étendus encore c[ue les fimples
noms d'efpece; ce font ceux qui font com-
muns à chaque individu de toutes les efpe-
ces fubordonnées à ce genre ; par exemple,
animal kSïz du chien , du cheval , du Uon^
du cerf, & de tous les individus particuliers
qui vivent, qui peuvent fe traniporter par
eux-mêmes d'un lieu en im autre, qui ont
des organes , dont la liaifon & les rapports
forment unenfemble. Ainfi Tondit ce chien
eft un animal bien attaché à Con maître, ce
lion eft un animal féroce , &c. Animal eft
donc un nom de genre, puilqu'il eft com-
mun à chaque individu de toutes les diflé-
rentes efpeces d'animaux.
Mais ne pourrois-je pas dire que l'animai
eft un être , une fubftance , c'eft-à-dire une
chofe qui exifte ? Oui fans doute, tout ani-
mal eft un être. Et que deviendra alors le
nom à' animal^ fera-t-il encore un nom de
genre ? Il fera toujours un nom de genre
par rapport aux différentes efpeces d'ar.i-
maux , puifque chaque individu de chacune
de ces efpeces n'en fera pas moins appelle
animal. Mais en même temps animal fera
un nom d'efpece f'ubordonné à être, qui eft
le genre fuprême ; car dans l'ordre métaphy-
fique, (& il nes'agit iciquedecetordre-làj
être fe dit de tout ce qui exifte & de tout ce
que l'on peut confidérer comme exiftant ,
& n'eft l'ubordonné à aucune clafte fupé-
rieure. Ainfi on dira fort bien qu'il y a dif-
férentes efpeces ài'étres corporels : première-
ment les animaux , & voilà animal âe\en\x
nom d'efpece : en l'econd lieu il y a les corps
infenfibles & inanimés , 6c voilà une autre
elpece à'àre.
ART
Remarquez que lesefpeces fubordonnées
à leur genre, font (lilVin|îuée<; les unes des
autres par quelque propriété edentieile ; ainfi
l'efpece humaine eft dillinguée de l'el'pece
des brutes parla raifon & par la conforma-
tion ; les plumes & les ailes diftinguent les
oifeaux des autres animaux , &c.
Chaque efpece 3 donc un caraftere propre
qui la diftingue d'une antre efpece , comme
chaque individu a (on fuppôt particulier in-
comtminicable à tout autre.
Ce caradlere diftinclif , ce motif, cette
raifon qui nous a donné lieu de nous former
ces divers noms d'efpece, eftce qu'on ap-
pelle la dijfircnce.
On peut remonter de l'individu jufqu'au
genre luprême , médor , chien , animal, être;
c'eft la méthode par laquelle la nature nous
inftruit;car elle ne nous montre d'abord
que des êtres particuliers.
Mâislorfque par l'ufagede la vie on a acquis
une fuffifante provifion d'idées particuliè-
res, & que ces idées nous ont donné lieu
d'en former d'abftraites & de générales ,
alors comme l'on s'entend foi-même , on
peut fe faire un ordre félon lequel on def-
cend du plus général au moins général ,
fuivant les différences que l'on obferve dans
les divers individus compris dans les idées
générales. Ainfi en commençant par l'idée
générale de l'être ou de la fubftance, j'ob-
ferve que je puis dire de chaque être parti-
culier qu'il exifte : enfuite les différentes ma-
nières d'exiger de ces êtres, leurs différen-
tes propriétés, me donnent lieu de placer
au deffous de l'être autant de clalTes ou ef-
peces différentes quej'obfervede propriétés
communes feulement entre certains objets ,
& qui ne fe trouvent point dans les autres :
par exemple, entre les êtres j'en vois qui
vivent, qui ont des fenlations, &c. j'en fais
une claflTe particulière que je place d'un côté
fous être 6c que j'appelle animaux ; & de
l'autre côté je place les êtres inanimés ; en
forte que ce mot être ou fubjiance eft comme
le chef d'un arbre génétdogique Aont. ani-
maux & êtres inanimés font comme les (.\e(-
cendans placés au deffous, les uns à droite
& les autres à gauche.
Enfuite fous animaux je fais autant de
daffes particuheres , que j'ai obiervé de dif-
férences entre les animaux ; les uns mat-
ART 531
chent, les autres volent, d'autres rampent
les uns vivent fur la terre & mourroient dans
l'eau; les autres au contiaire vivent dans
l'eau & mourroient f ir la terre.
J'en fais autant à l'égard des êtres inani-
més ; je fais une claffe des végétaux , une
autre des minéraux ; chacune de ces clafles
en a d'autres (bus elle , on les appelle les
efpsces inférieures , dont enfin les dernières
ne comprennent plus que leurs individus,
& n'ont point d'autres efpeces fous elles.
Mais remarquez bien que tous ces noms ,
genre , ejpece , différence , ne font que des
termes métaphyiiques , tels que les noms
abflraits humanité , bonté, & une infinité
d'autres qui ne marquent que des confidé-
rations' particulières de notre efprit , fans
qu'il y ait hors de nous d'objet réel qui foit
ou efpece , ou genre , ou humanité , &c.
L'ufageoùnousfommes tous les jours de
donner des noms aux objets des idées qui
nous repréfentent des êtres réels, nous a
portés à en donner auflî par imitation aux
objets métaphyfiques des idées abftraites
dont nous avons connoiffance : ainfi nous
en parlons comme nous faifons des objets
réels ; en forte que l'ordre métaphyfique a
auffi fes noms d'efpeces & fes noms d'indi-
vidus : cette vérité , cette vertu , ce vice ,
voilà des mots pris par imitation dans un
fens individuel.
L'imagination , Vidée, le vice , la vertu^
la vie , la mort, la maladie, la famé , la fiè-
vre, la peur, le courage, lajorce , l'être ,
le néant , la privation , Sfc. ce font-là encore
des noms d'mdividus métaphyfiques, c'eft-
à-dire qu'il n'y a point hors de notre efprit
un objet réel qui foit le vite , la mort , la
maladie , lafunté, la peur , &c. cependant
nous en parlons par imitation & par ana-
logie , comme nous parlons des individus
phyfiques.
C'eft le befoin défaire connoître aux au-
tres les objets finguliers de nos idées , Se
certaines vues ou manières particulières de
confidérer ces objets, foit réels, fo't abf-
traits ou métaphyfiques ; c'eft ce befoin ,
dis-je, qui, au défaut des noms propres
pour chaque idée particulière , nous a donne
lieu d inventer, d'un côté les noms d'efpece
& de l'antre les adjcftifs prépofitifs , qui en
font des applications individuelles. Les ob»
Sss z
53X ART
jets partki'.liers dont nous voulons pai 1er,
&: qui n'ont pas de noms propres , fe trou-
vent confondus avec tous les autres indivi-
dus de leur eCpece. Le nom de cette e(-
pece leur convient également à tous : chacun
de ces êtres innombrables qui nagent dans la
vafte mer , eft également appelle poijj'on :
amfi le nom iXefpece tout ieul , & par lui-
même y n'a qu'une valeur indéfinie , c'eft-
à-dire une valeur applicable qui n'eft adop-
tée à aucun objet particulier; comme quand
en dit vrai, bon ^ beau, fans joindre ces
adjeftifs à quelque être réel ou à quel-
que être métaphyfique. Ce font les pré-
noms , qui , de concert avec les au-
tres mots de la phrafe , tirent l'objet par-
ticulier dont on parle , de l'uidétermlnation !
du nom d'efpece,& en font ainli une forte j
de nom propre. Par exemple , fi l'aftre qui |
nous éclaire n'avoitpas fon nom propreyo-
/fz7,& que nous eufllons à en parler, nous
prendrions d'abord le nom d'eTpece aflrc ;
eui'uite nous nous fervLrions du prépofitit
qvii conviendroit pour faire connoître que
nous r^e voûtons parler que dun individu de
l'efpece A^ajtre ; ainfi nous dirions cet aflre^
ou raftre, après quoi nous aurions recours
aux mots qui nous paroîtroient les plus pro-
pres à déternùiier finguliérement cet indi-
vidu (.Wijire; nous dirions donc c^^ aftre qui
nous éciairc ; faflrepire du jour ; Came de la
nature , &c. Autre exemple : Inre eft un
nom d'efpece dont la valeur n'eft point ap-
pliquée : mais fi je dis , morz livre , ce livre,,
le livre que je viens d'acheter, liber ille, on
conçoit d'abord par les prénoms ou prépofi-
t'iU, mon, ce , le , ^ enfuite parles adjoints
or, mots ajoutés , que je parie d'un tel livre ,
tl'un tel individu de l'eipece de livre. Ob-
fervez que lorfque nous avons à appli-
quer quelque qualification â des individus
d'une efpece; ou nous voulons faire cette
application, i'^. à tous les iiwlividus de cette
elpece ; 2°. ou feulement à quelques-uns c},ue
nous ne voulons , ou que nous ne pouvons
pas déterminer ; ■}". ou enfin à un feul que
nous voulons faire connoître finguliérement.
Ce font ces trois fortes de vues de l'eiprr
que les logiciens appellent ïéienJue de la
propofition^
Tout diicours eftcoinpofé de diver' fen^
jarbcubers énoncés par des afiemblagcs de
ART
mots qui forment des propofit'cT;^ , Sc ^e$
propoh'ions font des périodes : or toute
propofition a, i". ou une étendue univer-
lelle; c'eft le premier cas dont nous avons
parlé : x". ou une étendue particulière; c'eft
le fécond cas : 3". ou enfin une étendue
fiuguîiere; c'eft le dernier cas. 1°, Si celui
qui parle donne un (ens univerlel au fu)et de
l'a propofition , c'eft- à-dire s'il applique
quelque qualificatif à tous les individus
d'une e'pece , alors l'étendue de la propofi-
tion eft univeriélle , ou , ce qui eft la même
chofe, la propcCiion eft univerfelle. 1°. Si
l'individu dont on parie , n'eft pas déter-
miné expreftément , alors on du que la pro-
pofition eft particulière ; elle r'a qu'une
étendue particulière , c'tft-à-dire que ce
qu'on dit, n'eft dit que d'un fujet qui n'tft.
pas défignéexpreflément: 3". enfin lespro-
pijfitions font fingulieres lorique le fii)et,
c'eft-à-dire la perlomie ou la chofe dont on
parle, dont on juge, eft un individu fingu-
Ijer déterminé ; alors l'attribut de la propofi-
tion , c'eft- à-dire ce qu'on juge du fujet n'a
qu'une étendue finguliere , ou, ce qui eft
la même ehofe , ne doit s'entendre que de
ce i\.\]K:i: Louis XV a triomphé de/es enne-
mis ; le Joint efi levé.
Dans chacun de ces trois cas, notre
langue nous fournit un prénom deftiné à
chacune de ces vues particulières de notre
efprit : voyons donc l'etFet propre ou le
fervice particulier de ces préncMus.
1°. Tout homme eji animal; chaque homme.
ejî animal: voilà chaque individu de l'eipece.
humaine qualifié par animal , qui a'ors fe
prtuct adjectivement : car tout homme ejl
animal, c"eft-à-dire tout homme vegcte , ejî
vivitnt ,Je meut , a desjcnfations , en un mot
tout homme a les qualités qui diftinguent
{'animal à^Vdut injcnjihle; ainfi /ow; étant
le prépofitif d'uu nom appellatif, donne à
ce nom luie e.xtenfion univetlélle , c'eft-à-
dire que ce que l'on dit alors du nom , par
exemple à* homme, eft cenfé dit de chaque
individu de l'efpece, ainii la propolition ell
univerfcllc. Nous.comptons parmi les indi-
vidus d'une elpece tous les objets qui noua
paroiffent conformes à l'idée exeirplaireque
•nous avons acquiie de l'efpece par l'utage de-
là vie : cette idée eximplaire n'eft qu'une
alfcdion niténeure que nutre cerveau. »
ART
TCÇ'.ie par l'impreffion qu'un objet extérieur
a tai;e en nous la première fois qu'il a été
apperçu , & dont il eft refté des traces dans
le cerveau. Lorfque dans la fuite de la vie ,
nous venons à appercevoir d'autres objets ,
fi nous fentons que l'un de ces nouveaux
o'ijers nous affeifïe de la mcmc manière dont
nous nous lefTouvenons qu'un autre nous a
affe(5tés , nousdifons que cet objet nouveau
eft de même efpcce que tel ancien : s'il nous
aftei^edifFéremmentnouslerapportonsàl'ef-
pece à laquelle il nous paroîr convenir, c'eft-
a-dire, que notre imagination le place dans la
claife de fes femblables; ce n'eft donc que
le fouvenir d'un fentiment pareil qui nous
fait rapporter tel objet à telle efpece : le nom
d'inie efpece eft le nom du point de réunion
auquel nous rapportons les divers objets par-
ticuliers qui ont excité en nous une affec-
tion ou fenfation pareille. L'animal que je
viens de voir à la foire a rappelle en moi
les impreflîons qu'un /zo« y fit l'année pafféc;
ainfi je dis que cet animal eji un lion ; (1 c é-
toit pour la première fois que je vifi'e un
lion , mon cerveau s'ennchiroit d'une nou-
velle idée exemplaire : en un mot , quand je
dis tout homme e(l mortel , c'eil autant que fi
]e difois Alexandre étoit mortel ; Céjar croit
mortel, Philippe e(î mortel, & ainfi de
chique indivitki pafié , prélent & à venir, &
mtme poffibie de l'ei'pçce humaine ; & voilà
le véritable fondement du fyilogifme : mais
ne nous écartons point de notre lujet.
Remarquez ces trois façons de parler ,
tout homme efl ignorant , tons les hommes
font ignora lis, tout homme n''c(z quefoihUfje ;
tout homme , c'eft-à-dire , chaque individu
de l'eipece humaine, quelque individu que
ce puilie être de l'efpece himiaine ; alors r^w/
efl un pur adjeftif. Tous Us hommes font
ignorans , c'eft encore le même fens; ces
deux propufitionsne lont différentes que par
k forme : dans la première , tout \'eut dire
th.iqui , tlle prciente la totalité diftributive-
jnent , c'eft-à-dire, qu'elle prend en quelque
forte les individus l'un aprè; l'autre, au iieu
que tous Us hommes les pré 'entent collecti-
vement tous enfemble , alors tous eft un
prépofitif defiii^é à mirqucr l'univerlalité
di Us hommes ; tous a ici une forte de figni-
iication adverbiale avec la foime adjeflive ,
c'eit arnfi que le participe tient du verbe &
ART ni
du nom ; tous, c'ert-à-dire , umperfe lie meut
f^ins exception , ce qui eft fi vrai , qu'on
peut féparer tous de fon fubftanttf , &c le
joindre au verbe. Quinjult , parUnt des
oifeaux, dit :
£n amour ils font tous
Moins bêtes que nous.
Et voilà pourquoi, en ces phrafes , Usr.e
quitte point fon fuftantif, & ne fe met pas
avant tous : tout l'homme , c'cfl-à-diit.' ,
l'homme en entier , l'homme entièrement ,
l'homme confidéré comme un individu,
fpécitique. Nul , aucun , donnent aufïl une
extenfion univerlélle à leur (iibllantif, mais
dans un fens négatif: nul homme, aucun
homme n^eft immortel, je nie l'immortalité
de chaque individu de l'efpece himiaine j
la propofition eft univerfelle , mais néga-
tive ; au lieu qu'avec tous , fans négation , la
propofition eft univerfelle aflfîiinative. Dnns
les propofitions dont nous parlons, nul &
aucun étant adjeftifs du (iijet , doiveiit c;re
accompagnés d'une négation : nul homme
n'eft exemt de la néceffitê de mourir. Aucun
philofophe de l'antiquité n'a eu autant de
connoiffance de phyfiq;ie qu'on en a au-
jourd'hui.
11". Tout , chaque , nul, aucun , f;)i't dore
la marque de la générali'é ou tiniverfdité
des propofitions; mais knivent ces mots ne
font pas exprimés, comme quand on dit :
les François font poiis . ies Italiens font
politiques ; alors ces p'<i|)ofition<- ne iont
que moralement univenules , de more , ut
funi mores, c'eft- à- dire , félon ce qu'on voit
communément parmi les hommes; ces pro-
poluions ibntaulhappelléesi/7û'cj/Z('//'i;j , parce
que d'un côté, on ne peut pas aiuiicr quelles
comprennent gtnéialcment , &t (ans excep-
tion, tous les individus dont on parle; &
i}\\v\ autre coté , on ne peut pas due non
plus qu'elles excluent tel ou tel individu ;
ainfi con me les Individus C(>mpris & les in-
dividus exclus ne font pas preciiémeni déter-
minés, & que ces propofitions ne doivent
être entendi.e-; que du plus grand nombre,
on à\\. qu'elles font indéfinies.
\W^ . Quelque , un , marquent auflî uti
individu de l'eipece dent C'ii parle : mais ces
prénoms ne défignent pa^ finguliéremenr
Cv.'t \n^i\\àu 'i quelque hom-^te eJi riche ^ ua
534 ART
favant m'efl venu voir : je parle d'un indi-
vidu de l'eipece humaine; mais je ne déter-
mine pas fi cet individu el[l Pierre ou Paul;
c'eft ainfi qu'on à\l une certaine perfonne ,
unparticu/ierj&caloTspanicuiiereûoppoCé
à général & à Jingulier : il marque à la vé-
rité un individu , mais un individu qui n'eft
pas déterminé finguliérement ; ces propofi-
tion"! Ibnt appellées particulières.
Aucun fans négation , a aulîi un fens par-
ticulier dans les vieux livres , & fignifie quel-
qu'un , quifpiam , non nullus , non nemo. Ce
mot eft encore en ufage en ce fens parmi
le peuple & dans le ftyle du palais : aucuns
foutiennent ., &c. quidam affirmant ., &c.
ainfi aucune fois dans le vieux ftyle, veux
à\ïQ quelquefois , de temps en temps ^plerum-
que , interdum , non nunquam. On fert aufli
aux propofitions particulières : on m^a dit,
c'eft-à-dire, quelqu'un nia dit , un homme
'm'a dit ; car on vient de homme ; & c'eft
par cette raifon que pour éviter le bâillement
ou rencontre de deux voyelles , on dit fou-
vent l'on, comme on dit l'homme , fi Von.
Dans plufieurs autres langues, le mot qui
fignifie homme, fe prend aufii en un fens
indéfini comme notre on. De , des qui iont
des prépofitions extraftives , fervent auffi à
faire des propofitions particulières ; desphi-
lofophis , ou d'anciens philofophes ont cru
qu'il y avoit des antipodes , c'eft-à-dire ,
quelques-uns des anciens philofophes , owun
certain nombre d'anciens philofophes , ou
en vieux ftyle , aucuns philofophes.
IV. Ce marque un individu déterminé ,
qu'il préfente à l'imagination , ce livre , cet
homms , cette femme , cet enfant , &c.
V°. Le, la , les, indiquent que l'on parle
1°. ou d'un tel individu réel que l'on tire de
fon efpece , comme quand on dit le roi, la
reim , lefoleil , la lune ; 2°. ou d'un individu
métaphyfique & par imitation ou analogie;
la vérité, le menfonge ; l'efprit ,<:'Q^-^-A\re ,
le génie; le cœur , c'eft-à-dire, la fenfibilité;
C entendement , la volonté , la vit , la mort ,
la nature , le mouvement , le repos , l'are en
général , la fuhftance , le néant , &c.
C'eft aiiifi que l'on parle de l'efpece tirée
du genre auquel elle eft fubordonnée, lorf-
qu'on la con(idere par abftratflinn , £>: pour
ainfi dire en elle-même fous la forme d'un
tout individuel &métap!iyfique; parexem-
ART
pie , quand on dit que parmi les animaux \
l'homme feul eft raifonnable , l'homme eft
là un individu fpécifique.
C'eft encore ainfi , que fans parler d'aucun
objet réel en particulier, on dit par abftrac-
tion, l'or eft le plus précieux des métaux ; Itftr
fe fond &fe forge ; le marbre fert d'ornew.ent
aux édifices ; le verre n'eft point malléable ;
la pierre eft utile ; l'animal eft mortel ;
l'homme eft ignorant ; le cercle eft rond ;
le quarré eft une figure qui a quatre angles
droits & quatre côtés égaux, &c. Tous ces
mots, l'or, le fer , le marbre, Sic. font pris
dans un fens individuel , mais métaphyfique
& fpécifique , c'eft-à-dire que fous un nom
fingulier ils comprennent tous les individus
d'une efpece ; enforte que ces mots ne font
proprement que les noms de l'idée exem-
plaire du point de réunion ou concept que
nous avons dans l'efprit , de chacune de
ces efpeces d'êtres. Ce font de ces individus
métaphyfiques qui font l'objet des mathé-
matiques ; le point , la ligne , le cercle , le
triangle, &c.
C'eft par une pareille opération de l'ef-
prit que l'on perfonnifie fi fouvent la nature
& l'art.
Ces noms d'individus fpécifiques font fort
en ufage dans l'apologue, le loup & l'agneau,
rhomme & le cheval , &c. on ne fait parler
ni aucun loup ni aucun agneau particulier;
c'eft un individu fpécifique & métaphyfique
qui parle avec un autre individu.
Quelques fabuliftes ont même perfonnifie
des êtres abftraits ; nous avons une table
connue où l'auteur fait parler le jugement
avec Vimagination. Il y a autant de fidion
à introduire de pareils interlocuteurs, que
dans le refle de la fable. Ajoutons ici quel-
ques obfervations à l'occanon de ces noms
Ipécifiques.
I °. Quand un nom d'efpece eft pris adjec-
tivement, il n'a pas befoin d'article; tout
homme eft: animal ; homme eft pris iubftan-
tivement; c'eft un individu fpécifique qui a
fon prépofitif tout ; mais animal eft pris
adjedivement , comme nous l'avons déjà
obfervé. Ainfi il n'a pas plus de prépofitit
que tout autre adjedif n'en auroit; Si l'on
dit ici animal, comme l'on diroit mortel^
ignorant, &c.
C'tft ainfi que l'éciiture dit que toute
ART
thairefl foin, omnis caro fœnum, ICale, ck.
si, V. 6". c'eft-à-dire , peu durable, périf-
fable , corruptible , & c'eft aiiifi que nous
difons d'un liommc fans efprit , qu'il e(l bête.
1*. Le nom iVcfpccc n'arlinct pas V article
lorfqu'il efl: pris Jelon fa valeur indéfinie fans
aucune exrenfionni reftriilion , ou applica-
tion individuelle, c'eft-à-dire , qu'alors le
nom eft confidéré indéfiniment comme forte,
comme efpea , & non comme un individu
rpécifique ; c'eft ce qui arrive lur-rout lorlque
le nom d'efpece , précédé d'une prépofition ,
forme un lens adverbial avec cette prépo-
fition, comme quand on ^\t par jalonjie y
avic prudence , en prèfence , &c.
Les 0! féaux vivent f Lins contrainte ,
S^ aiment fans feinte.
C'eft dans ce même fens indéfini que l'on
dit avoir peur , avoir honte , faire pitié , &c.
Ainfi on dira fans article : cheval efl un nom
d'efpece , homme efl un nom d'efpece ; &
l'on ne dira pas le cheval efl un nom d'efpece ,
rhomme efl un nom dcfpece , parce que le
prénom le marqueroit que l'on voudroit par-
ler d'un individu , ou d'un nom confidéré
individuellement.
3°. C'eft par la même raifon que le nom
d'elpece n'a point de prépofitif, lorfiqu'avec
le iecours de la prépofition de il ne fait que
l'office de fïmple qualificatif d'efpece, c'eft-
à-dire , lorfqu'il ne fert qu'à défigner qu'un
tel individu eft de telle efpece : une montre
d'or ; une épie d'argent • une table de marbre ;
un homme de robe ; un marchand de vin ;un
joueur de violon , de lutli , de harpe , &c. une
action de clémence , une femme de vertu , &c.
4°. Mais quand on perfonnifie l'efpece ,
qu'on en parle comme d'un individu fpéci-
fique j ou qu'il ne s'agit que d'un individu
particulier tiré deli généralité de cette même
efpece , alors le nom d'«;y/'C£c étant confidéré
individuellement, eft précédé d'un prénom :
la peur trouble la raifon : la peur que f ai
de mal faire fia crainte de vous importuner ;
Penvie de bien faire ; l'animal efl plus par-
fait que Vêtre infenfible : jouer du violon ,
du luth , de la harpe ; on regarde alors le
violon, le luth, la harpe , &c. comme tel
inftrumentparticulier , & on n'a point d'in-
dividu à qualifier adjectivement.
Ainfi on dira dans le fens qualificatif ad-
ART 535
jeftif, un rayon d'efpérance , un rayon de
gloire, un fcntiment d'amour; au lieu que
fi on perfonnifie la gloire , Famour^ &c. on
dira avec un prépoliiif:
Un héros que la gloire élevé
N'efl qu'à demi récompcnfé ;
£t c eft peu , fi l\imour n'achevé
Ci qui la gloire a commencé, Quinauît.
Et de même on dira, y'ai acheté une ta-
batière d'or , & f ai fait une tabatière d'un
or ou de l'or qui m' eft venu d'Efpagne. Dans
le premier exemple, d'or eft qualificatif in-
définitif, ou plutôt c'eft un qualificatif pris
adjeftivement ; au lieu que dans le lécond ,
de l'or ou d'un or , il s'agit d'un tel or : c'eft
un qualificatif individuel , c'eft un individu
de l'efpece de l'or.
On dit d'un prince ou d'un miniftre qw'il
a l' efprit de gouvernement: de gouvernement
eft un qualificatit pris adjeftivement ; on
veut dire que ce miniftre gouverneroit bien ,
dans quelque pays que ce puille être où il
feroit employé ; au lieu que fi l'on diibit de
ce miniftre qu'il a l' efprit du gouvernement ,
du gouvernement feroit un qualificatif indi-
viduel de l'efprit de ce miniftre ; on le regar-
deroit comme propre finguliéreinent à la
conduite des affaires du pays particulier où
on le met en œuvre.
Il faut donc bien dlftinguer le qualificatif
fpécifique adjeftil , du qualificatif indivi-
duel ; une tabatière d'or, voilà un qualifica-
tif adjeftif; une tabatière de l'or que, &c.
ou d'un or que , c'eft un qualificatif indivi-
duel , c'eft un individu de l'elpece de l'or.
Mon efprit eft occupé de deux lubftantifs ;
I. de la tabatière ; i. de l'or particulier dont
elle a été faite.
Obfervez qu'il y a auffi des individus
colleftifs , ou plutôt des noms coUeftifs
dont on parle comme fi c'étoient autant d'in-
dividus particuliers : c'eft ainfi que l'on dit U
peuple , L'armée, la nation , leparlement,è>C<:.
On confidéré ces mots là comme noms
d'un tout, d'un enfemble; l'efprit les re-
garde par imitation comme autant de noms
d'individus réels qui ont plufieurs parties;
& c'eft par cette raifon que lorfque quel-
qu'un de ces mots eft le fujct d'une propofi-
tion , les logiciens difent que la propofition
eft finguliere.
^]6 ART
On voit donc que le annonce toujours un
objet confidéré individuellement par celui
qui parle, toit au fingulier, la mai/on de
mon voiJîn\Çon au pluriel, les maifons tTune
telle ville font bâties de brique.
Ce ajoute à l'idée de le , en ce qu'il montre
pour ainfi dire l'objet à l'imagination , &
îuppoie que cet objet eft déjà connu, ou
qu'on en a parlé auparavant. C'eft ainfi que
Cicéron a dit : quid efienim hoc ipfumdiù ?
C Orac.pro Marcello. J qu'eft-ce en efFetque
ce long temps?
Dans le ftyle didactique , ceux qui écri-
vent en latin , lorfqu'ils veulent faire remar-
quer un mot , entant qu'il eft un tel mot , Ce
fervent , les uns de {^article grec tj , les autres
de ly : t6 adhuc eft adverbium compojitum
(Perifonius , infancl. Min. p. 6y6. ) ; ce
mozadliuc eft un adverbe compoie.
Et l'auteur d'une logique , après avoir dit
que l'homme feul eft raifonnable, homo
tantùm racionalis , ajoute que ly tantiini re-
liqua entia excluait : ce mot tantiim exclut
tous les autres êtres. (Pkilof. ration, aucl.
P. Franc. Caroèfom?) Venet. i66<(.
Ce fut Pierre Lonil^ard dans le onzième
fiecle , & S. Thomas dans le douzième ,
qui introduifirent l'ufage de ce ly : leurs
difciples les ont imités. Ce ly n'eft autre
chofe que l'article françois // , qui étoit en
iifage dans ces temps -là : .Ainjî fut U cha-
tiaus de Galathas pris : li baron & lidux de
Venife : li Vénitiens par mer , & li Fran-
çois par terre. Viile-Hardouin, lib. III, p.
Jj . On fait que Pierre Lombard & S. Tho-
mas ont fait leurs études & fe font acquis une
grande réputation dans l'univerfité de Paris.
Ville-Hardouin & fes contemporains écri-
vo'iem li , & quelquefois 1/ , d'où on a fait
/y , foit pour remplir la lettre , foit pour
donnera ce mot un air fcientifique, &c l'é-
lever au deftiis du langage vulgaire de ces
temps-là.
Les Italiens ont confervé cet article au
pluriel , & en ont fait un adverbe qui figni-
lie là ; en forte que /)' tantiim , c'eft comme
fi l'on difoit ce mot-là tantiim.
Notre ce Se notre le ont le même office
indicatif que to 6i que ly , mais ce avec plus
d'énergie que le.
%°. Mon, ma, mes ; ton, ta, t'es; fou,
fa ,fes , 6cc. ne font que de fimples adjec- .
ART
tifs tirés des pronoms pefonnels ; ils mar-
quent que leur fubftantif a un rapport de
propriété avec la première, la féconde ou
la troifieme perfonne : mais de plus, comme
ils font eux-mêmes adjeftifs prépoiitifs , &
qu'ils indiquent leurs fubftantifs , ils n'ont
pas befoin d'être accompagnés de ['article
le ; que fi on dit le mien , le tien , c'eft que
ces mots font alors des pronoms fubftantifs.
On dit proverbialement que le mien Si le
tien font pères de la difcorde.
6*. Les noms de nombre cardinal a«,>.
deux , &c. font auflî l'office de prénoms ou
adjeftifs prépofitifs : dix foldats , cent écus.
Mais fi l'adjeftif numérique & fon fubf-
tantif font enfemble un tout, une forte d'in-
dividu collectif, & que l'on veuille marquer
que l'on confidere ce tout fous quelque vue
de l'eiprit autre encore que celle de nom-
bre, alors le nom de nombre eft précédé
de l'article ou prénom qui indique ce nou-
veau rapport. Le jour de la multiplication
des pains les apôtres dirent à J. C. Nous
n'avons que cinq pains &■ deux poiffons :
( Luc. ch. ix , V. '3. ) voilà cinq pains &•
deux poijfons dans un fens numérique abfo-
lu ; mais enfijite l'évangéliftê- ajoute que J.
C. prenant les cinq pains & Us deux poif-
fons , les bénit , &c. Voilà les cinq pains Çf
les deux poiffons dans un fens relatif à ce
qui précède, ce font les cinq pains & les
deux poiflbns dont on avoit parlé d'abord.
Cet exemple doit bien faire fentir que /?,
la , les; ce, cette , ces , ne font que des ad-
jeftifs qui marquent le mouvement de l'ef-
prit , qui fe tourne vers l'objet particulier de
Ton idée.
Les prépofitifs défignent donc des indi-
vidus déterminés dans l'efprit de celui qui
parle ; mais lorfque cette première détermi-
nation n'eft pas aifée à appercevoir par
celui qui lit ou qui écoute, ce font les cir-
conftances ou les mots qui fuivent, qui ajou-
tent ce que l'article ne fauroit taire enten-
dre : par exemple, fi je disyV riens de Ver-
failles, j'y ai l'U le roi, les circonftances
font connoître que je parle de notre augufte
monarque ; mais fi je voulois faire entendre
que j'y ai vu le roi de Pologne, je ferois
obligé d'ajouter de Pologne à le roi; ÔC
de même fi en lifant l'hiftoire de quelque
monarchie ancienne ou étrangère , je voyois
qu'en
ART
qu'en un tel temps U roi fit telle ckofe , je
comprendrois bien que ce feroit le roi du
royaume dont il s'agiroit.
Des noms propres. Les noms propres n'c-'
tant pas des noms d'efpece , nos pères n'cMit
pas cru avoir befoin de recourir à ^article-
pour en faire des noms d'individus, puifque
j?ar eux-mcmes ils ne (ont que cela.
Il en eft de mcme des êtres inanimés
auxquels on adreflela parole : on les voit ces
^tres, puifqu'on leur parle; ils (ontprélens,
au moins à l'imagination : on n'a donc pas
befoin d".zr//V/epour les tirer de la généralité
de leur elpece, & en faire des individus.
CouU:^ , ntijjeau , cculi\ ,fuyt7^-nous,
Hilas, pitits moutons, quci'ons êtes heureux!
Fille des plaijirs , trifte goutte! Des h.
Cependant quand on veut appeller un
homme ou une femme du peuple qui paffe,
on dit communément Vhornme , la femme :
écoute:^, la belle fiJ.le , la belle eRJ.mt , &c. Je
Crois qu'alors il y a ellipfe : écoute\ , vous
^ui ères la belle fille , &c. l'ous tjui cres
Vhomme à qui je veux parler, &:c. C'eft ainfi
qu'en latin un adje<f^if qui paroit devoir fe
rapporter à un vocatif, eft pourtant quelque-
fois au nominatif. Nous diibns fort bien en
laiin, dit Samflius , deffende me , arnice mi, &
dépende me, amicusmeus,Qn fou^-entendant
lu qui l'ï amicus meus ( Sanrt. Min. l. II , c.
»y. ) Térence , ( Pkorm. acl. //, /c. / . ) dit j
é vir fonis , atque amicus ! , c'efl-à-dire , ô
(juàm tu es vir fonis , atque amicus ! ce que
Donat trouN'C plus énergique qiiefi Térence
avoir dit tï'-.'/Vd. M. Dacier traduit ,o le brave
homme & le bon ami! on fous-entend^we tu
es. Mais revenons aux vrais noms propres.
LesGrecs mettent (buvent ["article dcs'^nt
les noms propres fur-tout dans les cas obli-
ques , & quand le nom ne commence pas
la phraié; ce qu'on peut remarquer dans
rénumération des ancêtres de J. C. au i.c.
de S. Matth. Cet ufage des Grecs fait bien
voir que l'ar//c/e leur lervoit à marquer l'ac-
tion de Telprit qui fe tourne vers un objet.
N'importe que cet objet foit un nom propre
ou un nom appellarif; pour nous, nous ne
mettons pas {'article fur - tout devant les
noms propres perfonnels : Pierre , Marie,
Alexandre , Céfar , Sec. Voici quciques re-
marques à ce lujet.
Tome III.
ART 537
I. Si par figure on donne à un nompri'pre
une fignificanon de nom d'efpece , & qu'on
applique enfuite cette fignification , alors
on aura befoin de ['article. Par exemple ,
fi vous donnez au nom ai Alexandre la
lignification de conquérant ou de héros, vous
direz que Charles XII a été VAlexandre de
notre Jiecle: c'efl: ainfi qu'on dit les Cicêrons^
les Démofllitnes , c'eft-à-dire , les grands
orateurs, tels que Cicéron Se Démoflhene;
les Firgiles , c'eft-à-dire , les grands poètes.
M. l'abbé Gedoyn obferve { dijfertation
des anciens & des modernes , p. gj^, ) que a
fut environ vers le fcptieme ficelé de Rome
que les Romains virent fieurir leurs premiers
poètes , Nevius , Accius , Pacuve & Luci-
lius , qui peuvent , dit-il , être comparés , les
uns à nos Defportes, à nos Ronfards & à
nos Regniers ; les autres à nos Triflans & et
nos Rotrous ; où vous voyez qae tous ces
noms propres prennent en ces occafions une
s à la fin , parce qu'ils deviennent alors
comme autant de noms appellaîifs.
Au refte, ces De [portes , ces Triftans 6c
ces Rotrous, qui ont précédé nos Corneilles ,
nos Racines, &c. font bien voir que les arts
& les fciences ont , comme les plantes & les
animaux, un premier âge, un temps d'ac-
croiiïemenf, un temps de confiftance , qui
n'eft fuivi que trop iouvent de la vieillefîe
& de la décrépitude avant-coureurs de la
mort. Voyez l'état où font aujourd'hui les
arts chez les Egyptiens & chez les Grecs,
Les pyramides d'Egypte & tant d'autres
monumens admirables que l'on trouve dans
les pays les plus baibares,font une preuve
bien fenfihîe de ces révolutions & de ces
viciiriiudes.
Dieu eft le nom du fouverain être ; mais
fi par rapport à fes attributs on en fait une
forte de nom d'efpece , on dira U Dieu de
mi féricorde , è<.c. le Dieu des chrétiens , &c.
II. 11 y a un très-grand nombre de noms
propres qifi dans leur origine n'étoient que
des noms appellatifs. Par exemple , Ferté, qui
vient par fyncopedeyêrfrz(.ve',fignifioit autre-
fois citadelle; ainfi quand on vouloir parler
d'une citadelle particulière , on difoir la ferlé
d'un tel eixlroit, & c'efl de là que nous
viennent /f<z Fené-Imbaut, la Ferté-Milon ,-
Sic.
Mefni eft aufiî un vieux mot qui fignifioit
Ttt
538 ART
ma'ifon de campat^ne , viUag2 , du latin mi-
nile & mari/iUà^r,s la baffe latinité. C'eft de
ïà cjèie nous viennent les noms de tant de
petits bourgs appelles /^ Mefnil. Il en eft de
Jïiéme de U Mans , le Perche , &c. U Cate-
lit^ c'eft-à-dire , h petit château, le Que/-
noi , c'étoit un liei; planté de chênes; te
Clié, prononce par Ké , à la manière de Pi-
cardie & des pays circonvoifins.
Il y a aiiffi plufieurs qualificatifs qiri {ont
devenus noms propres d'Iionimcs, tek que
le blanc , U noir , U brun , le l eau , le bel^ le
blond, ?iic. & ces noms conlervent leurs pré-
noms quand on parlede la femme; madame
U .Ulimc,c'c{\.-ààne^fem/ne.de M. leBLmc.
m. Quand on parle de certaines femmes ,
on fe iert du prénom la, parce qu'il y a un
nom d'efpece fous-entendu; la Le Main ,
c'eft-à-dire , l'aclrice la Maire.
IV. C'efl: peut-être par la même raifon
qu'on dit le Tajfe , rAriofie , le Dante ; en
ibus-ei'itendant le poëte ; & qu'on dit le
Titien , le Carrachc, ce qui nous vient dïs
Italiens.
Qu'il me foit permis d'obferver ici que
les noms propres de famille ne doivent être
précédés de la prépofilion de , que lorfqu'ils
l'ont tirés de notns de terre. Nous avons en
France de grandes maifons qui ne font
connues que par le Hom de la principale
terre que le chef de la m.aifon poffédoit
avant que les noms propres de famille fuffent
en ufage. Alors le nom elî précédé de la
prépofuion de, parce qu'on fous-enter.d
Jtre ,Jeigneiir, duc, marquis , &c. OM /leur
d'un tel fief. Telle ert la maifon de Fiance,
dont la branche , d'ainé en aine n'a d'autre
r.om quâ France.
Nous avons auffi des maifons très-illuftres
& très-anciennes dont le nom n'eft point
précédé de la prépofition de , parce que ce
nom n'a pas été tiré du nom de terre; c'eft
un nom de famille ou maifon.
11 y a de la petiteffe à certains gentils-
hon^'-mis d'ajouter le de à leurs noms de
fen]ille;rien ne décelé tant l'homme nou-
veau & peu inftruit.
Quelquefois les noms propres fontaccom-
pagi.é', d'adjeé^ifs, iur quoi il y a quelques
jiijbfcrvHtions à taire.
1. Si l'adjeftifeft un nom de nombie or-
dinalj tt\ ({\iO premier , fécond, <kc. (k q^u'il
ART
fuive immédiatement fon fubflaniif , comme
ne faifant cnfcmble qu'un même tout, alors.,
on ne fait aucun ufage de l'article : ainli oa
dit Françoispremier, Charles fécond , Henri
quatre , pour quatrième.
. II. Quand on fe fert de l'adjeiff if pour mar-
quer une fimple qualnédu (ubftantif qu'il pré-
cède , alors [^article eft mis avant l'adjectif,
le f niant Scaliger, le galant Ovide , &c.
m. De mêmefi l'adjeélif n'eft ajouté que-
pour diftinguer le fubfiantif des autres qui
porleiu le même nom , alors l'adjecfif fuit le
fubffanîif , & cet adjeftif eft précédé de
V article : Henri le grand, Louis le jufle, &c»
où vous voyez que le tire Henri & Louis
du nombre des autres Henris & des autres
Louis , & en fait des individus particuliers,-
diftinçués par une qualité fpéciale.
IV. On dit aufll avec le comparatif &
avec le fuperlatlf relatif , Homère le meilleur
poète de P antiquité , V^aron le plus favant
des Romains.
I! paroit parles obfervations ci-deffus, que
lorfqti'à la fimple idée du nom propre oa
joint quelqu'autre idée, ou que le nom.dani.
la première origine a été tiré d'un nom d'ef-
pece, ou d'un qualificatif qui a été adap'é à
un objet particulier par le changement de
quelques lettres, alors on a recours au pré-
politif par une fuite de la première origine :.
c'eft ainfi que nous difons le paradis, mot
qui à l?-!ettre fignifieun jardin planté d'arbres-
qui portent toute fotte d'excsllens fruits, &
par e.xicnfion im lieu de délices.
Uenfer, c'eft un lieu bas, A^inferus ; vin
infera, la rue d'enfer, rue inférieure par,
rapport à une autre qui efl au dcfliis. Uuni-
vers , univerfus orbis ; Vétrd t^niverfcl ,Paf^
/imblage de toits les êtres.
Le monde , du latin mundus , adjeftif,.
qui fignifie,/'."0/irc. élégant, ajuflé , paré^
& qui eft pris ici iubftaniivement : & encore;
lorlqu'on dit mundus muliehris ,. la toilette.
des dames '■■ù font tous les petits meubles
dentelles le fervent pour fe rendre plus pro-
pres, plus ajuflées & plus Icduifantes : le
mot grec i ôr/:<af, qui figuifie orctre, ornement^
beauté, répond au mundus des Latins.
Selon Platon, le monde fut fait d'aptes,
l'idée la plus pa-faite qi e Dieu en conçut.,
Les païens frappés de l'éclat df a ':iL.s & d^
l'ordre qui leur paroifloit régivcr dai-s l'uBi^
ART
nWers, ln"i donnèrent un nom tiré de cette
lieauté &decetordre. LesGrecs, dit Pline,
l'ont appelle d''un nom quifi^nifa ornement ,
& nous d'un nom qsi veut dire , élégance par-
faite. ( Qu:;n K^TiJLtv Grccci , nomine orna-
mcnti appcllavcruni , mm 6- nos à pcrfcâa
abfolurdque flc^amldmundum. Pline 11,4.)
Et Cicéron dit , quM n'y a rien de plus beau
que le rrionde , ni rien qui foit au deiTus de
l'architect-e qui en eft l'auteur. {Ncqiu mundo
quidquam pulchrlus , mque ejus adificatorc
frœjiuntius. Cic. de univ. cap. ij. ) Cum
■continuijjit Dcus bonis omnibus expUri
mundum . , . .fie rJtus eftopus il/ud ejjiclum
effi pulclicrri/nuni. f ib. ii/.J Hjnc i-^itur
hahuit rationem ef'^ccor mundi molitnrque
Deus, ut unum opns totum atque perfcclum
ler omnibus totis atque perfeclis ahfolveretur.
Çib.f.) Formamautcm & maxim.è/tbi cogna-
xam & dicoram dédit. ( ib. vj. ) Animum icri-
turcum il'e procreator mundi Deus , ixj'uà
menti & divinitate genuijj'et, &c. Cib. l'H/.J
Ut hune hdc varietate dijtinctum bine Graci
K'^(rf4»Y,non lucentcm mjindum nominaremus.
(ib. x.J
Ainiî quand les païens de la Zone tem-
pérée (eptentrionale , regardolent i'univer-
iatité des êtres du beau côté, ils lui don-
noient un nom qui répond à cette idée bril-
lante , & l'appelloient /e monde , c'eft-à-dire ,
rétre bien ordonné , bien a/uflé, (brtant des
mains de l'on créareur, comme une belle
dame fort de fa toilette. Et nous , quoi-
qu'mftruits des maux que le péché originel a
introduit dans le monde ; comme nous avons
trouvé ce nom tout établi, nous l'avons
conlérvé , quoiqu'il ne réveille pas aujour- i
d'Iiui parmi nous la même idée de perfec-
tion , d'ordre &: d'élégance.
Le foleil, de/ô/«i, félon Cicéron, parce
que c'eft le léul aftre qui nous paroiffe aulli
grand; &: que lorlqu'il eft levé, tolis les
autres difparoilTent à nos yeux.
La lune, à lucendo , c'cll- à-dire, la pla-
nète qui nous éclaire , fur-tout en certains
temps pendant la nuit. Sol vel quia folus ex
omnibus Jideribus e(l tantus , vel quia cum
eft exortus, obfjuratis omnibus folus app.tret;
luna à lucendo nominata, eadem eft enim lu-
cina. ( Cic. de nat. deor. Lib. Il , c. xxvij. )
La mer , c'e(l-à-dire , l'eau amere, pro-
pri^ autem mare appeliaiur^ eo quod aquiu
ART 539
ejus (imarccfint. ( Ifidor. /. XIn.,c. xiv. )
La terre, c'eftà-dire, l'élément fec , du
Grec Te('f" ifîcher^ & au futur fécond , T£p5.
Aullî voyons-nous qu'elle ertappellée arida.
dans la Genefe, ck.) ^ j'. 9 ; & en S. Matth.
ch. xxiij , V. li , circuitis mare eft aridam.
Cette étymologie me paroît plus naturelle
que celle que Varron en donne : terra diâa-
eoqiiod teritur. Varr. de ling. lat. iv. 4.
Elément eft donc le nom générique de
quatre efpeces , qui font le feu , Pair., dau ,
la terre : la terre (éprend aulli pour le globe
terreftre.
Des noms de pays. Les noms de pays, de
royaumes, de provinces, de montagnes,
de rivières , entrent fouvent dans ledifcour';
fans article comme noms qualificatifs, U
royaume de France , d'Efpagne , &c. En
d'autres occafionsils prennent [''article, foit
qu'on fous-entende alors terre , qui eft expri-
iné dans Angleterre , ou région , pays , mon-
tagnes, fleuve , rivière, vaiffeau, &c. I!î
prennent (ur-tout !'« r/ic/i; quand ils font per-
ibnnifiés ; ['intérêt de la France, la politefjï
de la France , &c.
Quoi qu'il en foit , j'ai cru qu'on feroit
lîien aife de trouver dans les exemples iui-
vans , quel eft aujourd'hui l'ufage à l'égard
de ces mots, fauf au leclieur à s'en tenir
fimplement à cet ufage , ou à chercher à
taire l'application des principes que nous
n\'f>ns érnblis , s'il trouve qu'il y ait lieu.
'Koms propres employés 'Noms propres emplois
feulement »vec une pré- avec /'article.
fo/îtion fans /'article.
Royaume de Valence. La France.
Ile de Candie. VF.fpagne.
Royaume (/ff Friince,Scc. L'Angleterre.
Il vient de Pologne , &c. La Chine.
i\ eft allé en i'erfe , en Le Japon.
Suéde , &c.
11 eft revenu d'Efpagne, 11 vient de la Chine , «'«
de Pcrfe , d'AffUjue , ]apon , de VAméri-
d'Afe , Sec. que , du Pérou.
Il demeure en Italie , en W Acmtaxe an F erott , ait
France , & a Malte , à Japon , k la Chine , aux
Koucn , a Avignon. Indes , ,'; l'Ile Saim-
Dominttte.
Les Languetlociens&lfs La pol-.tclle «'«/<? Fr.%nce:
Piovençiux dilcnc en L'miérct de l'Ffpag.te,
Avignon , pour éviter On ntitibue k l'Allona-
le bâillement; c'eft une gne l'invention de l'im»
faute. primene.
Les modes , les vins de Le Mexique.
T 1 1 2.
^Ao ART
France , les vins ie Le "Pérou:
BoHrgo^nt , ite Cham- Les Indes
ff.^ne , de Bourdeaux , Le Maine , lu Marche ,
de Tocujc. le Perche , te Milanès ,
le Mantoiian , le Par-
mefan, vin du Rhin,
11 vient «f? Flandre. Il vient de la Flandre
A mon dépare d'Aile- Franfoife.
magne. La gloire de l'Allema-
L'empire d'Allemagne. gne.
Chevaux d'Angleterre ,
de Barbarie, 6cc.
Ontlit par oppofition le mont-ParnaJJi ,
hmont VaUrien., &c. & on ^wlamontagm
de Tarare : on dit h ficiwe Don , & la ri-
vière de Stinej ainfi de quelques autres, fur
quoi , nous renvoyo'ns à l'ufage.
Remarques fur ces phrafes , i". il a de
r argent., il a bien de C argent., &c, 2°. // a
keaucQup d^ argent., il n'a point d'argent., &c.
î. L'or, l'argent, l'efprit , &c. peuvent
Être confidérés , ainfi que nous l'avons obler-
vé , comme des individus Tpécifiques ; alors
chacun de ces individus eft regardé comme
un tout dont on peut tirer une portion : ainfi
il a de l'argent , c'efl /'/ a une portion de ce
îout qu'on appelle argent , ej'prit , &c. La
prépofition de eft alors extradive d'un indi-
"vidu , comme la prépofition latine ex ou de.
Il a bien de l'argent , de l'efprit ., &c. c'eft
la même an-alogie que // a de l'argent ., &c.
C'eft ainfi que Plaute a dit credo ego iUic
inejje auri & argenti largiter. ( Rud. ace.
iy,fc.iv y V. /44. ) en ibus-entendantp^f«-
•f*« , rem , auri , je crois qu'il y a là de l'or &
tie l'argent en abondance. Bien eft autant ad-
verbe que largiter ., la valeur de l'adverbe
tombe (ur le vcih^ineffi L:rgiter,ily a bien.
Les adverbes modifient le verbe & n'ont ja-
mais de complément, ou comme on dit <^f
régime : ainfi nous dilbns il a bien, comme
nous dirions il a véritablement ; nos pères
ililoient /7<z merveilleufcment de l'efprit.
IL A l'égard de // a beaucoup d'argent ,
J'efprit., &c. il n^a point d'argent, d'efprit ,
&c. il faut obferver que ces mots beaucoup ,
fiiii , pas , point , rien , forte , efpece ^ tant ,
moim , plus , ijue , lorfqu'il vient de quan-
lù'n , coirime dans ces vers :
Que de méprii vous ai-'e:^ l'un pour l'autre ,
Et que vous ave^ de raifon !
ces mots, dis- je, ne font point des adver-
bes, ils font de véritables noms, du moins
ART
I dans leur origine , & c'eft pour cela qu'ils
I lont modifiés par un fimple qualificatif in-
défini , qui n'étant peint pris individuelle-
ment, n'a pas befoin d'article, il ne lui faut
î que la fimple prépofition pour le mettre en
rapport avec beaucoup , peu, rien, pas y
\ point , forte , &c. Beaucoup vient, félon
Nicot , de bella , id eft , bona & magna co-
pia , une belle abond-ince , comme on dit une
belle récolte, &c. Ainfi à' argent , d'efprit ,
font les qualificatifs de coup en tant qu'il
vient de copia , il a abondance A'argent,
d'efprit. Sic.
M. Ménage dit que ce mot eft fotmé de
l'adjeftif ^<;.zM, & du fubftantif cow;^; ainfi
quelque étymologie qu'on lui donne, on
voir que ce n'eft que par abus qu'il eft con-
fidéré comme un adverbe : on dit : // efi
meilleur de beaucoup ,c'eft-à-dire , félon ua
beaucoup , où vous voyez que la prépofition
décelé le fubftantif.
Peu Ç\s,r)\fit petite quantité; on dit , le peu ,
un peu , de peu , à peu , quelque peu : tous
les analogiftes fouiiennent qu'en larin avec
parum on fous-entend ad ou per , & qu'oa
dit parum-per , comme on dit tc-cum , en
mettant la prépofition après le nom ; airifi
nousdifonsun/'fwJet/w , comm.e les Latins
difoient parum vini, en forte que comme
vini qualifie/'û/'K/n fubftantif, notre de vin
qualifie peu par le moyen de la prépofition de.
Rien vient de rem accufatif de res : les
langues qui fe font formées du latin, ont
fouvtnt pris des cas obliques pour en faire
des dénominations dircftes; ce qui eft fort
ordinaire en Italien. Nos pères difoient yi.T
toutes riens , Mehun-, & dans Nicot , elle le
hait fur tout rien , c'eft-à dire , fur toutes
chofes. Aujourd'hui rien veut dire aucune
iliofe ; on lous-entend la négation, & on
l'exprime même ordinairement ; ne dites
rien , ne faites rien : on dit le rien vaut mieu.x
que le mauvais ; ainfi rien de bon ni de beau ,
c'eft aucune cliojé de bon , &c» aliquid boni.
De bon ou de beau font donc des qualifi-
catiis de rien, &; alors de bonou de beau étant
pris dans unjens qiialificatij <\ù forte ou A' ef-
pece , ils n'ont point Marticle; au lieu que ii
l'on prenoit bon ou beau individuellerrent, ils
(croient précédés d'un prénom , le beau vous
touci'i , j'aime le vrai, Sic. Nos pères pour
exprunerle feus négatif, le fervirent d'abord
ART
en latir delà fimple nés,^û\e ne, fjc/u'e^ nos
ni vinifnies por los mal faire ; Vi!le-Har-
doiiin, -p. 48. Vigencre traduit , fucliiei que
nous ne fommes pas venus pour vous mal
faire. Dansld ùilte nos pères, pour donner
plus de force & plus d'énergie à la négation,
y ajoutèrent quelqu'un des mots qui ne niar-
cii;ent que de petits objets , tels que^rd/« ,
goutte , mie , hr'in , pas., point : quia res ejl
minuta ,fermoni vernaculo additur ad ma-
jortm ne^aiionem; Nicot , au mot goutte. Il
y a toujours quelque mot lous-entendu en
ces occafions :Je n'en ai grain ne goutte ;
Nicot , au mot goutte ; je n'en ai pour la
valeur & lagrojjeur d'un grain. Ainfi quoi-
que CCS mots fervent à la négation , ils n'en
l'ont pas moins de vrais iubftantifs. Je ne
veux pas ou point, c'eft-à-due, je ne veux
cela même de la longueur d'un pas ni de la
grolTeur d'un point. Je n'irai point, non il>o;
c'ell comme h l'on di).bit,ye ne ferai un pas
pour y aller., je ne ni! avancerai d'un point ;
quafi dicas , dit Nicot , ne punclum quidcm
progrediar, ut eam illi), C'cft ainfi que mie ,
dans le fens de miette de pain , s'employoit
autrefois avec la particule négative : // ne
faura mie ; il n'eji mie un homme de bien, ne
probitatii quidem mica in eo ejl , Nicot ; &
celte façon de parler eÛ encore en ufage
en Flandre.
Le (ubftantif Zt/'/i , qui fe dit au propre
des merius jets des herbes , l'en fb\ivent par
figure à faire une négaiicn comme pas &
point , & li l'ulage de ce mot étoit aufîi fré-
quent parmi les honnêtes gens qu'il l'eft
parmi le peuple, il feroit regardé auilî bien
(\nepas & point comme une particule néga-
tive : a-t-il de Cejprit ? il n'en a brin , &c.
On doit regarder ne pas,nepoint., comme
le«//2//des LatinswV/7î//eflco!npofé de deux
mots, 1°. de la négation ne., & Athilum qui
fignilîe la petite marque noire que l'on voit
au bout d'une fève \ les Latins difoient /20c
nos ntquepertinetiùlum, Lucret,/iv. Ill,v.
^43 i & dans Cicéron, Tufciil. 1, 72". 3, un
ancien p«ëte parlant des vains efforts que
fait Syfiphe dans les enfers pour élever une
grolTe pierre fur le haut d 'une montagne, dit:
Sjfiphus verfat
Saxumfidans nitendo, nequeprojicit hilum.
Il y a une prépofition fous-entendue de-
vant hilutn^ m quidem , katx, hilum ; cela
ART 541
ne nous intcrejfe en rien, pas même de la va-
leur de la petite marque noire d'une fève.
Syjïphe , après bien des efforts , ne fe
trouve pas avancé de la grojj'eurde la petite
marque noire d'une fève.
Les Latins diloient auiïî : ne faire pas
plus de cas de quelqu'un ou de quelque
choie , qu'on en fait de ces petits flocons de
laine ou de foie que le vent emporte, _/Îocy/
facere, c'ed-À-ànc ,fucere rem flacci; nous
(lifons un têtu. Il en efl de même de notre
pas. Se de notre point; je ne veux pas ou
point , c'eft-à-dire , je ne veux cela même
de la longueur d'un pas ou de la grolTeur
d'un point.
Or, comme dans la fuite le hilum des
Latins s'unit (1 tort avec la négation ne , que
ces deux mots n'en firent plus qu'un feul
nihilum ; niliil , nil , & que "//n7 (e prend
fouvent pour lef:mpIe/îo/2, ni/iil circuiiione
ufus es, (Ter. And. I , ij ; v. 3 i.J vous ne
vous êtes pas iervi de circonlocution. De
même notre /'as ôi notre point ne font plus
regardés dans l'ufage que cortime des parti-
cules négatives qui accompagnent la négation
ne , mais qui ne laiifcnt pas de conserver
toujcuis des marques de leur origine.
Or comme en latin nikilefï fouvent fuivi
d'un qualificatif, niLil faljl dixi , mi fenex ;
Terent. And. a&. IV, fc. iv ou v, félon M.
Dacier, v. ^c) , je n'ai rien dit de faux ; nihil
incorr.modi , niliil graticc, nihil lucri , nihil
j'ancli , &c. de même \cpas & \ç point étant
pris pour une très-petite quantité, pour un
rien , font fuivis en françois d'un qualifica-
tif, iZ/z'a/'aii./s/'fl/n, d'argent, d'efprit, &c.
ces noins pam , argent, efprit , étant alors
des qualificatifs indéfinis , ils ne doivent
point avoir de prépofitif.
La grammaire générale dit ,/'^^. 8ï , que
dans le fens afîirmatif on dit avec l'article ,
il a de l'argent . du cœur , de la charité , de
l'ambition ; au lieu qu'on dit négativement
fans article, il n'a point d'argent , de cœur.,
de cliarité, d'ambition; parce que, dit- on , le
propre de la négation ejl de tout âter, {ibid.)
Je conviens que félon le fens, la négation
ôte le tout de la chofe : mais je ne vois pas
pourquoi dans Texpreffion elle nous ôteroit
['article fans nous ôter la prépo'ition, d'ail-
leurs ne dit-on pas dans le fens affîrmatif fans
article^ il a encore unpgu d'argent, &c comnie
54t A R T _
dans le fens négatif avec Yanicle , Un a pas
le fou ^ il n'a plus un fou de l'argent qu'il
avait ? les langues ne font point desfciences ,
on ne coupe point des mots i nfépa râbles , dit
fort bien «n de nos plus habiles critiques
CM. l'abbé d'Olivet;) ainiî je crois que la
véritable raifon de la différence de ces façons
de parler doit fe tirer du fens individuel &
défini , qui feu! admet l'article , & du fens
fpécifique indéfini & qualificatif, qui n'eft
jamais précédé de l'article.
Les éclaircifTemens que l'on vient de don-
ner pourront fervir à réfoudre les principa-
les difficultés que l'on pourroit avoir au fu-
jet des articles : cependant on croit devoir
encore ajouter ici des exemples qui ne feront
point inutiles dans les cas pareils.
Noms conflruits fans prénom ni prépofl-
tion à la fuite d'un verbe , dont ils font le
complément. Souvent un nom eft mis fans
prénom ni prépofitioa après un verbe qu'il
détermine ; ce qui arrive en deux occnfions:
1°. parce que le nom eft pris alors dans un
fens indéfini , comme quand on dit, il aime
à faire plaifir , à rendre fervice ; car il ne
s'agit pas alors d'un tel plaifir ni d'umel fer-
vice particulier : en ce cas on diroit taites-
moi ce ou le plaifir , rendez-moi ce fervice ,
ou le fervice ., on un fervice ^ qui, &c. i".
Cela le ffit auffi foiiventpour abréger, par
ellipfe, ou dans des tac^nas de parler fami-
lières & proverbiales ; ou enfin parce que
les deux mots ne font qu'une forte de mot
compofé , ce qui fera facile à démcler dans
les exemples luivans,
kvowfaim J'oif, deffein , honte , coutume ,
pitié ^ compaffion, froid y chaud, mal,
befoin , part au gâteau , envie.
Chercher _/ôr/K7ze , malheur.
Cowùr fortune , rifque.
Demander raiyo/z, vengeance
L'amour en courroux.
Demander vengeance,
grâce , pardon, juftice.
Dire vrai , faux, matines , vêpres, ^C.
Donner prife àfes ennemis , part d'une nou-
velle, jour , parole , avis, caution , quit-
tance , leçon , atteinte à un aéle , à un
privilège, valeur, cours, courage, ren-
dei-vous aux tuileries , &c. congé , fc-
cours , beau , Jeu , prife , audience.
F.chappcr , il l'a échappe b^lle , c'eil-à-dire
ART
peu s'en efl fallu qu il ne lui fait arrive
quelque malheur.
Entendre rai fon,raillerie,malice,vépres,S>Cc.
Faire vie qui dure, bonne chère, envie, il
vaut mieux faire envie que pitié, corps
neuf par le rétablifjemtnt de la fanté , ré-
flexion , honte , honneur , peur , plaifir ,
choix , bonne mine & mauvuisjeu , cas de
quelqu'un , alliance, ma'-ché , argent de
tout , provifion , fcinblant , route , ban-
queroute, front, face, difficulté, je ne fais
pas difficulté. Gedoyn.
G-.'.'^ntr pays , gros.
Mettre ordre, fin.
Parler vrai, raifon, bon fens , latin, fraTt-
cois , &c.
Porter envie, témoignage , coup , bonheur,
malheur, cow.pajj'ion.
Prendre garde, patience , féance., médecine^
congé , part à ce qui arrive à quelqu'un ,
corféil , terre , langue , jour , leçon.
^evAxe fervice , amour pour amour , viftte ^
bord , terme de marine, arriver, ^o/-g'«.
Savoir lire , vivre , chanter.
Tenir parole, prifon faute de paiement, hon^
ferme , adjeftifs pris adverbialement.
Noms conjlruits avec une prépojii ion fins
(jmc/e. Les noms d'efpeces qui font pris felcn
leur fimple fignification fpécifique , fe conf-
trtfifent avec une prépofition lans articles.
Change:^ ces pierres en pains; l'éducation
que le père d'Horace donna à fan fils efl digne
d'être prife pour modèle; à Rome, à Atiunes,
à bras ouverts ; il eft arrivé à bon port, à mi~
nuit; il eft à jeun ; à Dimanche , à vêpres; &
tout ce que l'Efpagne a nourri de vaillans ;
vivre fans pain, une livre de pain; il n'a pas
de pain; un peu de pain ; beaucoup depairiy
une grande quantité de pain.
J'ai un coquin de frère , c'eft-à-dire qui
eft de l'efpece de frère, comme on dit,
quelle efpece d'homme étes-vons? Térence a
dit : quidhominis? Eun. III, iv, viij & ix;
& encore, ^3. V,fc.j,v. ly. Quid monf-
tri ? Ter. Eun. IV, fc. iij , x 6- xiv.
Remarquez que dans ces exemples le qui ne
fe rapporte point au nom fpécifique, mais au
nom individuel qui précède: c eft un bon hom-
me de père qui ; le qui fe rapporte au bon
homme.
Se conduire par fentiment ; parler avec
efprit , avec grâce , avec facilité ; agir par
ART
iiplt , par colère , par amour, par foibleffe.
En fait de phyfiquc , on donne fouvcnc
des mots pour des chofes ; phyjiqut eft pris
dans un iens rpécifÎTiie qualilicatit à^fuit.
A l'é2;ar(! de on donne des mots , c'cft le
fens individuel pîrtitlt, il y aelîiple; le ré-
gime ou complément inimédiac du verbe
donner eft ici fous-entendu ; ce que l'on
entendra mieux par les exemples f'uivans.
Monts conflruits avec ParticU du prénom
fans pripofition. Ce que fatme le mieux ceft
h />j//i(individu {r)éc\'î\':\nQ)apportei h pain;
voilà le pain , qui eft le complément inurié-
^int ou régime naturel du verbe : ce qui tait
voir que quand on dit apporte-^ ou donnei^-
moi du pain , alors il y a ellipfe ; donneT^-mA
une portion , quelque chofe du pain , c'i/Z le
fens individuel partirit.
Tous les pains du /72..7rc/iJ,oucolleiSlive-
ment, tout le pain du marché ne fuffiroit
pas pour , &.
Donnez-moi un pain , ew.portons quelques
pains pour le l'oyage.
Noms conflruits arec la prépojîtion &
Panicle. nonncT^-moi du pain , c'eft-à-dire
de le pain : encore un coup, il y a ellipfe
dans les phrafes pareilles , car la chofe don-
née fe joint au verbe donner fans le fecours
d'une prépofition;aiiifi, donnc:^-moi du pain,
c'cft donnei-moi quelque chofe de le pain,
de ce tout fpéciiique individuel qu'on appelle
pain; le nombre des pains que vous ave^
apportés n'eji pas fuffifant.
Voilà bien des pains , de les pains ^ indi-
viduellement, c'ed-àdire confidérés comme
feifant chacun un être à part.
Remarques fur Pufacie de Carticle , quand
tadjeclif précède le ful^Çtantif, ou quand il
tft apris le fubfijnr'/' Si un nom lubftnntif
eft employé dans le difcours avec un adjec-
tif, il arrive ou qs'e l'adjcctif précède le iubf-
tantif , ou qu'il le fuit.
L'adjci^if n'eft fépa'-é de fon fubftantif
que lorfqui- L- ùibfraaîif eft le fu'iet de la-pré-
pofiiion, &; q.'e l'adjeftif eneft afnrmédans
i'atiribut. Diiu eft :out-pu:Jfant; Dieu eft le
fujet: tout-puijj'ant y qui eft dans l'attribut,
en eft féparé par le verbe £/? , qui , félon
notre mainere d'expliquer la propofiticn ,
fait partie de l'attribut ,car ce n'eft pas feu-
lement tout-p;;iJfani que le juge de Dieu ,
}*en juge i;U*il eft, qu'il exiûe leL
ART 545
Lorfqu'une phrafe commence par un ad-
jeftif feul, par c::tm\)\e,f avant en l'art de ré-
gner, ce prince fe fit aimer de fes fujets &
craindre de fes voijins : il eft évident qu'alors
o\\(Q\x%-ii\\\.<iX\à.ce prince qui étoit favant,&c,
ainfi/i/i'anr en V art de régner, eft une propo-
fiticn incidente , implicite , je veux dire dont
tous les mots ne font pas exprimés ; en rédui-
fant ces propofitions à laconftruftion fimple,
on voit qu'il n'y a rien contre les règles; &c
que fi d.msla conftruftion ufuelleon préfère
la façon de parler elliptique , c'cft que l'ex-
preliion en eft plus ferrée & plus vive.
Quand le fubttantif ÔC l'adie.flif font en-
feiuble le fujet de la propofition , ils for-
ment un l'VM inféparable; alors les prépo-
fitifs fe mettent avant celui des deux qui
commence la phrale : ainfi on dit ,
1°. Dans les propofitions univerfelles ,
tout homme , chaque homme , tous les hom-
mes , nul homme , aucun homme.
x°. Dans les propofitions indéfinies, les
Turcs ^ les Perfc.ns , les hommes favans,
les javans philufoplies.
3". Dans les propofitions particulières,
quelques hommes , certaines perfonnes fou~
tiennent , &c. un favant m'a dit , &q. orz
ni a dit , desfarans nîont dit, en fous-en-
tendant quelques-uns, aucuns, ou des favans
pliilofophes , en fous-entendant un certain
nombre, ou quelqu'autre mot.
4®. Dans les propofitions fingulieres, le
foleil eft levé , la lune eft dans fon plein y
cet homme , cette femme , ce livre.
Ce que nous venons de dire des noms
qui font fujets d'une propofition , fe doit
auliî entendre de ceux qui font le complé-
ment immédist de quelque verbe ou de
quelque prépofnion: déteftons tous les vices,
pratiquons toutes les vertus , Ôic. dans U
ciel , fur la terre , &c.
J'ai dit /e complément immédiat ; j'entends
par-là tout fiibftantif qui fait unfens avecun,
verbe ou une prépofition , fans qu'il y ait
aucun mot fous -entendu entre l'un & l'au-
tre ; car quand on dit, l'ousaim.e?^ des ingrats^
des ingrats n'eft pas le complément immé-
diat de i7//«i;;j;laconftruftion entière eft, voks
aime\ certaines perfonnes qui font du nombre
des ingrats», ou quelques-uns des ingrats, de
' les ingrats , quojdam ex , ou de ingratis:a.infi
1 des ingrats énonce une partition : c'eft UQ
544 ART
fens partitif, nous en avons fouvent parl^.
Mais dans l'un ou dans l'autre de ces
deux occafions , c'eft-à-dire, i". quand l'ad-
jeftif Se le fubftantif font le fujet de lapro-
pofition; i^. ou qu'ils font le compléinen;
d'un verbe ou de quelque prépofuion : ei;
quelles occafions faut- il n'employerque cette
fimple prépofuion , & en quelles occafion'
faut-il y joindre l'article 6c dire du ou cL
le & des, c'eft-à-dire de les ?
La grammaire générale dit (^pag. "54.^
qù avant les fubfidntifs on dit des , des ani-
maux , & quon dit de quand l''adjeclif'p re-
cède , de beaux lits : mais cette règle n'ef
pas générale, car dans le fens qualifies til
indéfini on fe fert de ia fimple prépofitio:
de^mdmt devant le fubftantif,rur-tout quanti
le nom qualifié eft précédé du prépofitif un ,
& on fe fert de des ou de les^ quand le moi
qui qualifie eft pris dans un fens individuel ,
les lumières des philofophes anciens , ou de.'
anciens ■philofophes.
Voici une lifte d'exemples dont le leftcir
judicieux pourra faire ufage , & juger de
principe": one "ous qvon« établis.
'Kemi avec /'article corn- Noms a'vec la feule pré-
pofe , c'eft-a-dire avec pofition.
lu fréfofition éf ''ar-
ticle.
Les ouvrages de Ciccron Les ouvrages de Cicé-
loiit pleins des idées les ron font pleins d'idées
plus faines. faines.
( De les idées )
Voilà idées dans k fens Idées faines eft dans le
individuel.
ART
Faites-vous des frinci-
fes , ( c'eft le fens indi-
viduel. )
Défaites-vous des fré-
jugés de l'enfance.
Cet atbre porte des
fruits excellens.
Ces raifons font àactn-
jeiiures bien foibles.
Faire des mots nouveaux,
Choilir des fruits excel-
lens.
Chercher des détours.
fens fpécifique inJéfî
ni , général de forte.
Nos connoiflances doi-
vent être ùiéesde prin-
cipes évidens,
( Sens fpécifique ) où
vous voyez que le fubf-
tantif précède.
N*avez-vous point de pn'-
/«»efur cette quelhon?
Cet arbre porte d'excel-
lens fruits , ( fens de
forte. )
Les efpeces différentes 11 y a différentes efpeces
des animaux qui font d'animaux fur la terre.
l'ur la terre. ( lens in-
dividuel univerfel. )
ïntrez dans le détail des
règles d'une laine dia-
IctU^ue.
Différentes fortes de
poijj'ons , Sic,
11 encre dans un gratid
détail de règles frivoles
("voiLlle fubilautif qui
précède , c'efl le fens
Se fervir des termes éta-
èlis parVulige.
Evitez l'air de l'ajfeéfa-
tion , ( fens individuel
métaphyfique. )
Charger fa mémoire des
phrafes de Cicéron.
Difcoursfoutenu par <iej
exprejfions fortes.
Plein des fentimens les
plus beaux.
Il a recueilli ;/fî précep-
tes pour la langue &
pour la morale.
Servez-vous des fgnes
dont nous fonimes
convenus.
Le choii des études.
Les connoilTantes ont
toujours été l'objet de
l'cjlime , des louanges
ce de l'admiration des
hommes.
Les richejjes de l'efprit
ne peuvent être acqui-
fes que par l'étude.
Les iiens de la fortune
font fragiles.
L'enchaînement des
preuves fait qu'elles
piaifent & qu'elles
perluadent.
C'eft par la méditation
fur ce qu'on lit qu'on
acquiert des connoijfan-
ces nouvelles.
Les avantages de la mé-
moire.
La mémoire des faits eft
la plus brillante.
La mémoire eft letréfor
de l'efprit, le fruit de
l'attention & de la tti-
ficxion.
K
fpécifitjue indéfînî ; oii
ne parie d'aucunes rè-
gles particulières, c'eft
le fens de forte. )
Ces raifons font </</»/-
hlcs conjeélures.
Fane de nouveaux mon.
Choifir d' excellens fruits.
Chercher de longs dé-
tours pour exprimer les
chofes les plus aifèes.
Ces exemples peuvent
fervir de modèles.
Evitez tout ce qui a un
air d'affecîation.
Charger fa mémoire dt
phrafes.
Difcours foutenu par
de vives exprejpons.
Plein de fentimens.
Plein de grand s fentimens.
Kecusû de préceptes pour
la langue Se pour la
morale.
Nous fommes obligés
d'ufer de fgnes exté-
rieurs pour nous faite
entendre.
Il afiit un choix de li-
vres qui (ont , iyc.
C'eft un fujet d'ejlime ,
de louanges ^ d'admi-
ration.
Il y a au Pérou une abon-
dance prodigieufe d*
richcffes inutiles.
{Des biens de fortune' ,
ia Bruyère, <-«r<£?cr«,
page 176.)
11 y a dans ce livre un ad-
mirable enchaînement
deprcuves folides ( fens
de forte )
C'eft par la médicacioa
qu'on acquiert de nou-
velles connoijlances.
Il y a différentes fortes
de mémoire.
Il n'a qu'une mémoire
de faits , & ne retient
aucun raifonnemenr.
Préfence d'efprit ; la mé-
moire i^'^Z/rj/ & de rai-
foneftplus utile qucles
autres forces de mém.
Le
ART
le but r/« Bons maîtres
ioit CCI e de cultiver l'cf-
prit lie leurs .lilcples.
On ne doit propolei^ici
di^icultés que poui faite
tiionif'licr la vérité.
Le goiît des harmnes ed
fujec i des vicillitudes.
II n'.l p.is befoin lie lit
Itçon que vous voulez
lui donner.
Il a un air de maître
qui choque.
II a f.iit un recueil de
dijjiciilic-s dont il ciicr-
clie la folutioii.
Une focictc li'hommes
choids , ( d'iioiiimcs
clioi fis qualifie la fociété
adjeftiveinent. )
Céfar n'eut pas befoin
d'exemple. Il n'a pas be-
foin de leçons.
Remarque. L.orfque le fiibftaiitif précède ,
comme il liynifîe par lui-même , ou un être
réel , ou un être métaphyiiquc coniidcré par
imitation , à la manière des êtres réels , il
préfèiite d'abord à l'eiprit une idée d'indivi-
dualité d'être féparé exi!laiit par "lui-même ^
au lieu que loricjue l'adjeftif précède , il
offre à l'eiprit une idée dcqualiiication, une
idée de ibrte, un feas adje6i:if. Ainu Yciriidf
doit précéder le lubibiiitif, au lieu qu'il ililTit
que la prépofuion précède l'adjeftif, à moins
que rudj.:v.Hf ne fèrve lui-même avec le iubf-
taniif à douiier l'idée individuelle , comme
quand on dit : les fayaiis hommes de f anti-
quité : le fentirr.ent des grands philofophes de
i' antiquité y des plus favans philofophes : on
fait la defcription des beaux lits quon en-
voie en Portugal.
Réflexions iùr cette régie de M. Vaugelas ,
quon ne doit point mettre de relatif après un
nom fans article. L'auteur de la grammaire
générale a examiné cette règle. ( // partie ,
<kap. X, ) Cet auteur paroît la reiîreindre à
l'ufage préfentde notre langue ;, cependant
de la manière que je la conçois , je la crois
de toutes les langues & de tous les temps.
Eu toute langue & en toute coultruction ,
il y a une jurtelFe à obfervcr dans l'einploi
que l'on fait des lignes dcllinés par l'ufage
pour marquer non ieulemeiit les objets de
nos idées , mais encore les ditférentes vues
fous lelquelles l'eiprit confidere ces objets.
Uarticle, les prépoiitions , lesconjonÛions,
les verbes avec leurs différentes inflexions ,
eufin tous les mots qui ne noarquent ponit
des chofes, n'ont d'autre delHnation que
de faire conuoître ces différentes \'ues de
l'écrit.
D'ailleurs , c'eft une règle des plus com-
munes du raifonnement , que , lorfqu'au
Tome 111.
ART Hf
commencement du difcours on a donné à
un niot une certaine lignification , on ne
doit pas lui en donner une autre dans la
fuite du même difcours. Il en ell de môme
par rapport au Icns grammatical ; je veux
dire que dans la même période , nu mot
q'.;i cît au Singulier dans le premier mem-
bre de cette période, ne doit pas avoir dans
l'autre inembre un corrélatif ou adjeitiFqui
le fuppo/è au pluriel : en voici un excm}>le
tiré de la princeile de Cleves, tom. II, pag.
119. M. de Nemours ne laijjoit échapper
aucune occafon de voir madame de Cleves ,
fans laiffer paraître néanmoins quil les
cherchât. Ce les du /ccond inembre étant
ail pluriel , ne de voit pas être defliné àrap-
peller occafon , qui cft au fingulicr dans le
premier membre de la période. Par la même
rai (on , fi daiis le premier membre de la
plirale , vous m'avez d'abord préfenté le m®t
dans un fèns /{)écifique , c'eft-à-dire comme
nous l'avons dit , dans un iéns qualificatif
adjetâif , vous ne dc/cz pas , dans le
membre qui fuit , donner à ce mot ini
relatif, parce que le relatif rappelle toujours
l'idée d'une per/bnr.e ou d'usic choie , d'un
individu réel ou métaphyfique , & jamaii
celle d'un liniple qualificatif qui n'a aucune
cxilLcnce, Sf qui n'eft que mode \ c'eft
uniquement à un fubftantif conruléré ftibf-
tantivement , & non comme mode, que le
qui peut iè rapporter : l'antéccdetit de qui
doit être pris dans le '.nême fens aufîi-bieu
dans toute i'étciidiîe de la période , que dans
toute la fuite du fyllogifme.
Ainfi, quand ou dit, il a été reçu avec
poliieflè , ces deux mots, avec politejfc , font
une cxprelTion adverbiale , modificati\'e ,
adjeûivc , qui ne prélènte aucun être réel
lii métaphylique. Ces mots, avccpolitejfe y
ne m.arquent point inie telle politefîè in-
dividuelle ; fi \oi\s voulez marquer une telle
politefle , vous avez befoin d'un prépofitif
qui donne hpolitejfe un {eus individuel réel ,
fait univerfel, fait particulier, foitfingidier,
alors le qui fera (on office.
Encore un coup, arccpolitejf: eft une ex-
prcilion adverbiale , c'eft l'adverbe po///nMr
décompoi'e.
Or ces lôrtes d'adverbes font abfolus ,
c'eu-à-dire qu'ils n'ont ni fuite ni complé-
ment \ ëi quand on veut les rencke relatifs ,
Vvv
54<^
ART
il taut ajouter quelque mot qui marque la
corrélation ; // a été reçu Ji poliment que , &c.
il a été reçu avec tant de poUteJfe , que , Sic.
ou bien avec une politejfe qui , &c.
En latiii munie ces termes corrélatifs font
foiiveiit inarqués , is qui, ea qux, id quod , &c.
Non enim is es , Catilina , dit Cicéron. uc
OU qui' ou quem , feloii ce qui fiiit ; voilà
deux corrélatifs , is , ut , ou is , quem , & clia-
cun de ces relatifs eit conflruit dar,s fa pro-
portion particulière : il a d'abord un i'cns
individuel particulier dans la première pro-
pofition , en'iiite ce fens efî: déterminé Cm-
giiliérement dans la féconde : mais dans agere
cum aliquo , inimice , ou indulgenter , ou
atrociter, ou violenter^ chacun de ces ad-
verbes préfente un ièils ablblu fpécifique
qu'on ne peut plus rendre fans relatif fin-
gulier , à moins qu'on ne répète & qu'on
n'ajoute les mots deilinés à marquer cette
relation & cette fingularité : on dira alors
ita atrocitir ^ut , &c. ou en décompofant l'ad-
verbe , cum cà atrocitate ut ou quœ , &c.
Coinme la lans^ue latine efi: prefque toute
elliptique , il arrive fcuvent que ces corré-
latifs ne font pas exprimés en latin: mais
le fens & les adjoints les font aifément fup-
pléer. Oii dit fort bien en latin , funt qui
putent ^ Cic. le corrélatif de qui c{k philofo-
phi ou quidam funt ; mitte cui dem Hueras ,
(]ic. eavoyez-m.oi quelqu'un à qui je puiiîe
donner mes lettres ; où vous voyez que le
torrelatil eWmiite fervum , onpuerum , ou ali-
qiiem. Il n'en eri: pas de inâme dans la lan-
gue françoife ; ainfi je crois que le fens de
la re?!e de Vaug;elas eft , quelorlqu'cnun
premier membre de période un mot eft pris
dans un fens abiolu , adjeélivement ou ad-
verbialement , ce qui eft extraordinairement
marqué en françois par la fuppreffion de
Varticle & par les circonftauces , on ne doit
pas ciiins le membre liiivant ajouter un re-
latif , ni même quelque autre mot qui fjp-
poferoit que la première expr£iTion auroit
été prife dans un fens fini & individuel ,
foit univerfél , foit particulier ou fingulier ;
ce lèroit tomber d:::is le fophiiine que les
loiîiciei:s appellent pajjer de fefpcce à l'in-
dividu , pajj'cr du général au particulier,
Ainn je iie puis pas dire Ylwmme ejl ani-
mal qui raijonnc ., parce. que rtw/Vn.j/ , dan-
ie premier membre ctaut ïims aracU , elt
ART
un nom d'eipece pris adjectivement Bc clans
un fèns qualificatif ; or qui raifonne ne peut
fe dire que d'un individu réel qui eft ou
déterminé ou indéterminé, c'eft-à-dire pris
dans le fens particulier dont nous avons par-
lé ■■, ainfi je dois dire Y homme ejl le fcul ani-
mal , ou un animal qui raifonne.
Par la même railbn , on dira fort bien ,
il na point de livre quil riait lu ; cette pro-
pofition eft équivalente à celle-ci : il n'a pas
un feul livre qu'il n'ait lu ; chaque livre qu'il
a , il l'a lu. Il ny a point d'injufîice quil ne
commette ; c'eft-à-dire chaque forte d'injuf-
tice particulière , il la commet. Ef-il ville
dans le royaume qui fait plus otéij/ante ? c'eft-
à-dire eft-il dans le royaume quelqu'aatre
ville , une ville qui foit plus obéilfante que ,
&c. Il ny a homme qui fachc cela ; aucun.
homme ne fait cela,
Ainfi , c'eft le fens individuel qui auto
rife le relatif , & c'eft le fens qualificatif
adjeftif ou adverbial qui fait fupprimer l'ar-
ride ; la négation n'y fait rien , quoi qu'en-
difè l'auteur de la grammaire générale. Si.
l'on dit de quelqu'un qu'il agit en roi , en
pcre , en ami , & qu'on prenne roi , père ,.
ami , dans le feus Spécifique , & felon toute ■
la valeur que ces mots peuvent avoir , on,
ne doit point ajouter de qui ; mais fi les-
circonilances fout connoître qu'en difant
roi, père , ami , on a dans l'efprit l'idée par-
ticulière de tel roi , de tel pcre, de te] ami,.
& que l'exprefTion ne foit pas confacrée par
i'ufage au feul fens fpécifique ou adverbial y,
alors on peut ajouter le qui ; il fc conduit't/L
pcre tendre qui ; car c'eft autant que il l'on.
difoit corr.me un père tendre ; c'cift le (èiispar-
ticulier qui peut recevoir enliiiîe une déter-
mination finguliere.
// efl accablé de maux; c'eft-à-dire de maux:
particuliers ou de dettes particulières , qui f.
&c. Une forte de fruits qui , &:c. ui^e font
tire ce mot fruits de la généralité du nom
fruit ; une Jorte eft un individu fpécifique,.
ou un individu colledtif.
Ainfi , je crois que la vivacité , le feu y
l'cnthou.'iafme , que le ft3!e poétique de-
mande , ont pu autorilcr Racine à dire •
( Hfther , aft. II , fc. viij. ). /tulle paix pour •
f impie ; il la cheiche , elle fuit : mais cette,
exprcffion ne fcroit pas régulière en profe,.
parce .que la prci.niarepropQlitiow étant unir-.
ART
vcrfelle négative , & où nulle emporte toute |
paix pour rimpie , les pronoms , la & elle
des propolitions qui fiiiveiit ne doivent pas
rappellcr dans un fcns affinratif & indivi-
duel un mot qui a d'abord été pris dans un
fcns nésjatif uuivcrfel. Peut-être pourroit-on
dire nulle paix qui foit durable neji donnée
aux liommes : inais on feroit encore mieux de
dire une paix durable iiejl point donnée aux
hommes.
Telle eft la jurtcrtc d'efprit , & la préci-
fion que nous deiiiandons dans ceux qui
veulent écrire en notre langue , & niéine
dar.s ceux qui la parlent. Ainli on a dit ab-
folunicnt dans un ibns indcliuij/f donner en
fpeclacle , avoir peur , avoir pitié , un efprit
lie parti , un efprit d'erreur. On ne doit donc
point ajouter euliiite à ces fubllantifs , pris
dans un fens général , des adjccbts qui les
fuppoferoient dans un lens fini , & en fe-
roient des individus métaphyfiques. On ne
doit donc point dire fe donner en fpeclacle
funtfe f ni un efprit d erreur fatale , de fécti-
rité téméraire , ni avoir peur terrible : on dit
pourtant avoir grand'peur , parce qu'alors
cet adjectif oTû/.'i/, qui précède fon fubllan-
t;f , & qui perd même ici la terminaifon
féminine , ne fait qu'un même mot avec
peur , comme dans grand'mej/ê , graiid'mcrc.
Par le même principe , je crois qu'un de
nos auteurs n'a pas parle exactement quand
il a dit: ( le P. Sanadon , vie d'Horace, pag.
47. ) Oâavien déclare en plein fénat , quil
veut lui remettre le gouvernement de la ré-
publique j en plein fénat eil: une circonftance
de lieu , c'eit une forte d'expreHion adver-
biale , où ftnat ne le préfênte pas fous l'i-
dée d'un être perlbnuifié ■■, c'efi cependant
cette idée que luppolë lui remettre \ il falloit
dire , Oclavien déclare au fénat ajfemblé qu il
veut lui remettre , Sfc. ou prendre quelqu'au-
tre tour.
Si les langues qui ont des articles , ont un
avantage fer celles qui nen ont point.
La perfeâion des lanrTues coniifie prin-
cipalement en deux points, i". A avoir une
. allez graiide abondance de mots pour fiif-
fire à énoncer les dilférens objets dss idées
que nous avons dans l'efprit : par exem-
ple , en latin rcgnum iigniuc royaume , c'eft
le pays dans lequel un fouveraiii exerce fon
autorué : mais les Latins n'ont point de
ART j47
nom particulier pour exprimer la durée de
l'autorité du fouverain , alors ils ont recours
à la périphrafe ^ ainli pour dire fous le rè-
gne (.VAugufle , ils difent impcranie C^rfare
Augujlo , dans le temps qu' Augulte régnoit ,
au lieu qu'en françois nous avons royaume ,
& de plus règne. La langue françcife n'a
pas toujours de pareils avantages liir la la-
tine, z". Une langue cft plus parfaite lorf
qu'elle a plus de moyens pour exprimer les
divers points de vue fous lelquels notre ef-
prit peut confîdérer le même objet : le roi
aime le peuple , & /f peuple aime le roi : dans
chacune de ces phraîés , le roi & le peuple
Ibut coniidérés fous un rapport ditlérent.
Dans la première , c'ell le roi qui aime :
dans la féconde , c'ell le roi qui eft aimé ;
la place ou pofition dans laquelle on met
roi & peuple , fait connoîtrc l'un & l'autre
de ces points de vue.
Les prépolitifs & les prépofitions fen'ent-
aulli à de pareils ulages en françois.
Selon ces principes , il paroit qu'une lan-
gue qui a une forte de mots de plus qu'une
autre , doit avoir un moyen de plus pour
exprimer quelque vue fine de relprit:,qu'ainn
les langues qui ont des articles ou prépoii-
tifs , doivent s'énoncer avec plus de jufteli'e
& de précifion que celles qui n'en ont point.
L'article le tire un nom de la généralité du
nom d'e/pece , & en fait un nom d'indi-
vidu , le roi ■■, ou d'individus , les rois ; le
nom fans article ou prépofuif , eft un nom
d'efjjece ; c'elt un adjeétif. Les Latins qui
n'avoient point d'articles , avoicnt fouvent
recours aux adjeftifs démonftratifs. Die ut
lapides iHi panes fiant ( Matt. iv , 3 . ) dites que
ces pierres deviennent pains. Quand ces adjec»
tifs manquent , les adjoints ne fuffifent pas
toujours pour mettre la phralè dans toute
la clarté qu'elle doit avoir. Si flius Dci es
(Matt. iv, 6, ) on peut traduire yi vous êtes
fis de Dieu , & \'oilà fils nom d'efpece j au
lieu qu'en traduifànt fi vous êtes le fils de
Dieu , le fils eft un individu.
In'ous mettons la diliierence entre ces qua-
tre exprcrtions , i. fils de roi, 2. fi.ls d'un
roj , 3. fils du roi , 4. le fils du roi. En fils
de roi y roi eft un nom d'efpece , qui avec
la prépofition , n'eft qu'un qualilicatif ^ 2.
fils a un roi , d'un roi eft pris dans le /èns
particulier dont nous avons parlé •, c'eft U
V v v z
548 ART
fils de quelque roi ; '^•Jils du roi , fils eft un
nom d'eipcce ou appellatiF , & roi ell un
nom d'individu , fils de le roi ; 4. le fils du
roi , le fils marque un individu : fi lias régis
ne fait pas fcutir ces différences.
Etes-vous roi ? êtes-vous h roi ? dans la
première piirafe , roi eft un ncm appellatif ;
dans la féconde , roi eft pris individuelle-
ment : rexes tu ? ne diftins^uc pas ces divcr-
fes acceptions : ncnw fatisgrotiam régi refièn.
Ter. Phorm. II , ij , 24 , où régi peut ugnifier
au roi ou à un roi.
Un palais de prince , eft un beau palais
qu'un prince habite , ou qu'un prince pour-
roit habiter déceminent , mais le palais du
prince ( de lepriHce) eft le palais déterminé
qu'un tel prince habite. Ces différentes \ucs
ne font pas diftiuguées en latin d'une ma-
nière auiTi funple. Si , en fe mettant à table ,
on demande le pain , c'cft une totalité qu'on
demande ; le latin dira du ou ajfér panenu
Si , étant à table , on demande du pain ,
c'elt une portion de le pain ; cependant le
latin dira égnhiVient panem.
Il eft dit au fécond chapitre de S. Mat-
thieu , que les maj^es s'étant mis en chemin
au fcrtir du palais d'Hérode , videnns fiel-
tam ■) gaviji Junt ; & intrantes domum , inve-
nerunt puerum: VoWh étoile , maifon., enfant^
Cuis aucun adjeûif déterminatit: je conviens
que ce qui précède fait einendre que cette
étoile en: celle qui avoit guidé les l'nages de-
puis l'orient ^que cette maifon eiî la maifon
que l'étoile leur indiquoit;, & que cet enfant
eft celui qu'ils venoicnt adorer ; mais le latin
n'a rien qui préfente ces mots avec leur dc-
term.ination particulière ^ il faut que l'efprit
iiipplée à tout : ces mots ne feroient pas
énoncés autrement, quaiul ils feroientnoms
d'elpeces. N'eft-ce pas un avantage de la
langue françoifè , de ne pouvoir employer
ces trois mots qu'avec un prépoficif qui faife
connoïlre qu'ils font pris dans un fcns indi-
viduel déterminé par les circonfian.ces ? Ils
virent f étoile , ils entrèrent dans la maifon ,.
fr trouvèrent tcnfant.
Je pourrois rap.porterplufieurs exemples ,
qui feroicnt voir que lorfqu'on veut s'expri-
mer en latin d'une manière qui diftingue
k fêns individuel du fens adjeilif ou indé-
fini, ou bien le fens partitif du Icns total,
on eft obligé d'avoir recours à quelque ad-
ART
jeftif démonfiratif , ou à quelqu'autre ïd-
joint. On ne doit donc pas nous reprocher
que nos articles rendent nos expreflions
moins fortes & moins ferrées que celles de
la langue latine ^ le défaut de force & de pré»
cifion eft le défaut de l'écrivain , & non ce-
lui de la langue.
Je conviens que quand Yarticle ne fert
point à rendre l'exprellion plus claire & plus
précife , on devroit être autorifé à le fup-
primer : j'airaerois mieux dire , comme nos
percs , pauvreté' nefi pas vice , que de dire ^
la pauvreté nefi pas un vice : il y a plus de
vivacité & d'énergie dans la phrafe ancienne:
mais cette vivacité & cc-ttc_énergie ne font
louables , que lerfque la fuppre/lion de \ar-
ticlc ne fait rien perdre de la précificn de l'i-
dée , & ne donne aucun lieu à l'indétcnui-
nation du feus.
L'habiliule de parler avec précifion , de
dilèingaer le feus individuel du fens fpéci-
fique adjeftif & indéfTni , nous fait quelque-
fois mettre Yarticle où nous pou\'ions le fùp-
priiner : mais nous aimons mieux quenotre
ftyle foit alors moiîis ferré , que de nous
expofèr à être obfcurs \ car en général il eil
certain que f article mis ou fup primé devant
un nom , ( Gram. de Régnier, pag. 151. )
fiait quelquefois une fi grande diférence de fenSy
qiîon ne peut douter que les langues qui ad-
mettent /article, n aient un grand avantage fur
la langue latine^ pour exprimer nettement 6*
clairement certains rapports ou vues de l'ef-
prit, que ts.n\c\c fi'eul peut défgner ^ fans
quoi le lefîeur eft- expofé à fe méprendre.
Je me contenterai de ce fcul exemple.
Ovide faifaut la deicription des eiichante-
mens qu'il imagine que Médée fit pour ra-
jeunir Èfôn, dit que Médcc, Met. liv.FII,
y. 184.
Teclts , nuda pedem , egreditur.
Et quelques vers plus bas ( v. 189. ) il
ajoute :
Crinem irroravit aquis.
Les traduftcurs iiiftruits que les poètes
emploient fouvent un lingulier peur un plu-
riel , figure dont ils avoicnt un exe:'iplc dc-
\'ant les yeux en crinem irroravit, elle arrofa
fès cheveux ^ ces traduéfcurs , dis-je , ont
cru que nuJa pedem . pedem étoit au/îi ini
fingulier poiu- un plu-iiol j & tous , hors fvL
ART
l'abbc Banier, ont traduit nuda pedtm , par
ayant les pies nus : ils dévoient mettre ,
comme l'abbé Banier , ûyanr un pié nu ;
carc'ctoit une pratique fupcrftitieufe de ces
maîriciennes , dans leurs vains 8c ridicules
preitiîes , d'avoir \\x\ pié chauffé & l'autre
nu. i^uda pedtm peut donc fignifier ayant
un pié nu , ou ayant les pies nus \ & alors
la langue , faute i[ articles , manque de pré-
cifion , & donne lieu aux méprifês. Il eft
vrai que par le fccours des adjedtifs détcr-
minatifs , le latin peut fuppléer au défaut
des articles ; & c'efl ce que Virgile a fait
en une occalion pareille à celle dont parle
Ovide : mais alors le latin perd le prétendu
avantage d'être plus ferré Se plus concis
que le françois.
Lorfque Didon eut recours aux encliantc-
inens , elle avoit un pié nu , dit \' irgile ,
Unum exuta pedem vinclis .... (U^. JEneid.
V. 518.; & ce pié étoit le gauche , félon
les commentateurs.
Je conviens qu'Ovide s'eft énoncé d'iuie
manière plus ferrée , nuda pedeni : mais il a
domié lieu à une méprife. Virgile a parlé ,
comme il auroit fait s'il avoit écrit en fran-
çois i unum exuta pedem , ayant un pié
nu ^ il a évité l'équivoque par le fecours de
l'adjectif indicatif unum ; & ainiî il s'eft ex-
primé avec plus de jufteffe qu'Ovide.
En un mot , la netteté & la précifion font
les premières qualités que le difcours doit
avoir : on ne parle que peur exciter dans
l'efDrit des autres une penfée préûifément
telle qu'on la conçoit :, or les langues qui ont
des articles , ont un inftruir.cnt de plus pour
arriver à cette fin •■, & j'ofè aliiircr qu'il y
a dans les livres latins bien des paflages obs-
curs , qui ne font tels que par le défaut lYûr-
ticles ; défaut qui a fbuvcr.t induit les au-
teurs à négliger les autres adjectifs démoul-
tratifs , à caufe de l'habitude où étcient ces
auteurs d'énoncer les mots fans articles , &
dé^lailfer au Icftpur à fuppléer.
Je finis par une réflexion judicicufè du P.
Enffier. ( Gramm. n. 340, ; Nous avons tire
nos éclairciii'emcns d'une métaphyfique , peut-
itre un peu fubiiU , mais tres-réelle
C'efl ainfi que les fcienccs fe prêtent mutuelle-
ment leurs fccours : Ji la métaphyfique contri-
bue a démêler neacmer.t des points cjjintiels a
la grat.uruiire j celle-ci bien apprije , ne coii-
A R T 549
tributroit peut-être pas moins a éclair cir les
difcours les plus métapkyfques. Voyc:^ AD-
JECTIF , Adverbe, iSv. (F)
Article , f. m. en terme de commerce j
fignifie une petite partie ou diviilon d'un
compte , d'un mémoire , d'une fadure ,
d'un inventaire, d'un livre journal , &c.
Un bon teneur de livres doit être exait à
porter fur la grand livre au compte de cha-
cun , foit en débit , foit en crédit , tous les
articles qui font écrits fur le livre journal ,
& ainfi du refte.
Article fe dit auffi des claufes , condi-
tions & conventions portées dans les focié-
tés , dans les marchés , dans les traites , &
àcs chofes jugées par des arbitres.
Article k prend aufil pour les différens
chefs portés par les ordonnances , les régle-
mens, les ftatuts des communautés, 6- c. par-
ticulièrement quand on les cite. Ainfi l'oa
dit : cela ejl conforme à tel article de l'ordon-
nance de 1673 ;, à tel article du règlement des
Teinturiers , &c. Savary , Dicl. du Comm,
tom. I , pag. 738. (G)
Article , en Peinture eft ini très-petit
contour qu'on nomme auffi temps. On dit ;
ces articles ne font pas afe^prononccs. Outre
ces contours, ilyaunrt;7/'c/fouun temps, 6t.
Article fignifie auffi , en Peinture comme
en Anatomie , les jointures ou articulations
des os du corps , comme les jointures des
doigts, &c. (R)
Articles , en termes de Palais , font les
circonftances & jiarticularités fiir lesquelles
une partie fe propofè d'en faire interroger
une autre en juitice : dans ce fèns , on re
dit guère articles qu'a'.ec faits \ comme in-
terroger quelqu'un Çv.x faits & articles ; don-
ner copie des faits & articles , 8(.c.
On appelle les articles tout fiinplement ,
les claufés & convcritions qu'on efc convenu
de ftipuler dans un coiitrat de mariage par
les deux futurs conjoints , ou leurs parens
ou tuteurs ftipuh.ns peur eux. (H)
AR'l'ICULAJi\£ , adj. tn Anatomie, k
dit des parties relatives aux articulations.
f^cyei Articulation.
L'apoj.'hyfj articulaire cft une éminence
qui ic-rt de bafe à Fapophyfe zygomatique de
l'os des tempes. Voye\^ I'emporal.
La cavité crticuiaire cii u!;e cavité fituée
enire les apophyfcs ftyloide & articulaire de
5 5°
ART
l'os des tempes , qui reçoit le condyk de la
mâchoire inférieure. Foyei Machou'^e.
Facettes articulaires, font des parties des
os qui fervent à leur articulation avec d'au-
tres. Voyei Facettes & Os.
^QXÎ articulaire. Fojd{ AxiLLAIRE. (L)
Articulaire , terme de médecine ; c'eR
une épithete qu'on donne à une maladie qui
arrlige plus immédiatement les articulations
ou les jointures.
La maladie articulaire , morbus articula-
ris , eil ce que les Grecs appellent «pTSJTis ,
& nous goutte. Voye^ GoUTTE. (A^)
ARTICULATION , f. £ [Belles-Lettres.)
Depuis la leçon du Bourgeois gentilhomme ,
il n'y a guère moyen de parler férienfement
de la manière de prononcer les lettres ■■, mais ,
raillerie celî'ante , il ne feroit peut-être pas
inutile d'analyfer le méchanifme de la pa-
role 5 on trouveroit dans cette analyfe la
raifon phyfique de la rudclTe ou de la dou-
ceur , de la lenteur ou de la rapidité natu-
relle des articulations , & en deux mots , les
élémens de la profodie & de la mélodie
d'une langue.
Parmi les voyelles , on trouveroit que les
fons graves ont naturellement de la lenteur ,
par la rai(b:i que l'organe en formant ces fons ,
éprouve une modification plus pénible ; que
les fons grcles veulent être brefs ■■, que les fons
moyens font également fufceptibles ou de
lenteur par leur volume , ou de viteffe par
la faciiiié que nous avons à les former. P^oy.
Prosodie.
L'étude de l'articulation , ou des mouve-
mens combinés des organes de la parole ,
pour donner aux fons de la voix les modifi-
cations qu'on appelle <ro/;yô/.';i6'j, feroit encore
plus curieulè : on diitingueroit d'abord parmi
les confonnes celles oii un fouftle muet ,
une efpece de fiftlement confus précède Var-
iiculation , comme Vf & fon doux le v ;
comme l'/'double 2i fon doux le ç ; comme
le ^ & 1'/ mouillés -^ & celle où ï articulation
ii'eft précédée d'aucun fouffle , comm.e le p
& fon doux le b , comme le r & fon doux
le d , comme le i Vm & 1'// , 1'/ S-C Yr ou
funpie ou redoublée : de-là , un caraftcre
diftinâ: qui aflîgne à chacune d'elles une
place dans l'harmonie imitative , détail que
iious méprKcrons peut-être, mais que les
.Grçcs ne méprifoi^ut pas»
A P.T
On trouveroit dans la nature la raifon dir
choix que les anciens avaient fait de l'm &
de Yn pour être les fignes du fon naza! ,
& on s'appcrcevroit , avec furprife , que
pour fiiire paifcr & retentir dans le nez le
fon d'une voyelle , on eil obligé de l'inter-
cepter , ou avec la langue en la difpofant
de la même façon que pour l'articulation
de i'/2 , ou avec les lèvres en les prelTant
comme pour l'articulation de l'/n ; & de-là ,
cette conféquence que les nazales des La-
tins & des Italiens , on l'articulation de Yn
fè fait fèntir , peuvent être brèves , par la
raifon que Yarticulation éteint le retentilfe-
ment , comme dans examen , hymen ; mais
que les nazales françoifcs , où la langue ne
fait qu'intercepter le fon , fans le détacher
nettement , doivent toutes le prolonger. Les
Latins eux-mêmes ne faifoient brèves que
les nazales dont l'articulation coupoit le re-
tentiflcment : c'étoient les finales en en des
mots qu'ils avoientpris des Grecs ^ mais tou-
tes les nazales de leur langue étoient lon-
gues , par la raifon qu'elles n'étoient , connue
les nôtres , que des voyelles inarticulées ,
fi bien que dans les vers , on les élidoit
coinme les voyelles finales , afin d'éviter
Yhiatus.
On verroit pourquoi on a confondu la
foible articulation du y avec le fon de 1'/' ,
& que la légère application de la langue
contre les dents , étant la même poiu" don-
ner le fon de 1'/ & l'articulation du y , il
n'ell pas poillble d'exécuter ceile-ci fans qiie
le fon analogue fe fâilc entendre , comme
dans payer , moyen , &c.
On \erroit pourquoi l'articulation eft plus
forte eu plus foible ; plus rude ou plus douce
en elle-même , fui\ant le caraftere de la
confonne qui frappe la voyelle ■■, pourquoi les
articulations , relativement Finie à l'autre ^
ibnt aufli plus ou moins liantes , plus ou
moins dociles à fe fuccéder; pourquoi les unes
fe fui\'ent conlamment & avec aifance , les
autres fe iroiifent & lé brifent dans leur choc i
& l'étude de tous ces effets contribueroit à
éclairer le choix de rorelllc.
On verroit pourquoi 1'/ cft facile après
!'/- , Si Yr pénible aigres 1'/ ; pourquoi deux
labiales ne peuvent s'allier cnfcmblc , no»
plus que deux dentales dont l'une cil la loi-
ble de l'autre 3 pourquoi le palfage d'une
ART
lab'nlc à une dentale eft fav.Hc Ju foi'olc au
foiblc , comme dans ab-diquer \ du fort au
fort , dans ap-titude ; du foible au fort ,
connue dans obicnir ; & très-pcuible du
fort au foible comme dans cap-de-Bonnc-
Efpérance , que l'on eft oblige de pronon-
cer cab-dc-Bonnc-Efpévor.ce.
On trouveroit de même la raison de la
difficulté que nous éprouvons à prononcer
r.r après 1'/", & réciproquemer.t , comme
Quintilicn Fa remarque : virtus xacts , aix
Jludioi um , &c.
Ce ne fèroit donc pas une étude aufiî
puérile qu'on l'imagine ^ & plus d'un poète
eu auroicnî eu befoin, pour fuppléer au don
d'une oreille fenilble , qui feule , peut-être ,
a manqué à quelques-uns de ceux qu'on re-
nomme , & qu'on ne lit pas. F". Harmonie
DE Style. ( M. Marmontel. )
Articulation, {Peinture , Dcffîn) la
nature a lié avec un art l\ merveilleux les
membres du corps humain par diverfes join-
tures . que c'e.T: une des parties les plus dif-
fîci'es du dciïin de les prononcer correc-
tement , l'aniculaiion exaèt'e n'exis:e point
k £i-énic , il eil vrai ; mais elle demande
bifaucoup d'éti:dc , de foin & d'exercice.
Sans ime connoiiîlr.ice parfaite de la par-
tie anatomique qu'on nomme l'oftéologie ,
le deiîinatcur ne fauroit articuler les join-
tures poiir apprendre à les bien prononcer :
il s'exsrcera long-temps à deiliner de /im-
pies (fiiieîettes : après quoi , il étudiera avee
application les modèles vivans de diflerens
âges & de direrfès conilitutions. En effet ,
la for.ne extérieure des articulations vanc
besucoup f.iivant l'âge & l'embonpoint du
fujet , ce qui donne le plus de vie à une
figure , c'eil la vérité avec laquelle chaque
articulation répond à l'attitude & à la conf-
titution de la peribnne ; fi au contraire le
peintre a pcc'.ié à cet égard , tout efi: man-
qué. La jircmiere impreiîioa à la vue d'un
tableau , doit être le féntiment d'ujie fori: e
véritaWemeat natiu-elle , fans laquelle l'i-
dée du beau ne peut exifter : or , on ne
fe:it jamais mieux le défaut de la figure ,
que lorfque [articulation n'eft pas exacte ;
k peintre ne fauroit trop y donner de foin.
{Cet article efl tiré de la théorie des beaux-
arts dejd. SvLZER. )
ArticulaTIO.n , f. f. en Anaipmie ,
ART,. 551
c'en une jointure ou une connexion de deux
os. Voye^ Os.
Il y a dirtérentcs formes & différentes ei^'
peces ^articulations qui correfpondent aux
différentes fortes de mouvemens & d'aftions.
^articulation qui a un mouNcment notable
& manifefte cft :ippcllce dmrthrofe. Voye^
DiARTHROSE. Celle-ci ft fubdivife en énar-
ihrofe , arthrodie Sc ginglytne, l^oyciE-KK^c
THROSE , Arthrodie <S' Ginglvme.
^'articulation qui ne permet point de
mou\'ement, eft appel!ée/y'""''''''o/^- f^oye^
SvNARTHROSE. Elle fc fubdivife en future ,
harmonie èi goniphofe. Voye[ SuTURE j
Harmonie, &c. (L)
ARTICULÉ , adjcclif & participe du
verbe articuler.
Articulé , en terme d'anatomie , fignifîe
la jointure des os des animaux ; articulation ,
en général , lignifie la jonclicn de deux
corps, qui étant liés l'un à l'autre, pcu\ent
être plies fans k détacher. Ainfi les fons de
la voix humaine font des foiîs différens,
variés , mais liés entre eux de telle forte qu'ils
forment des mots. On dit d'un homme qu'il
articule bien , c'eft-à-dire , qu'il marque
difliuûement les fyllabes & les mots. Les
animaux n'articulent pas comme nous le fon
de leur voix. Il y a quelques oifeaiix aux-
quels on apprend à articuler certains mots ■;
tels font le perroquet , la pie , le moineau ,
& quelques autres. Fojei ARTICLE. (F)
ART ICULHR , v. act. en Jiyle de Pa-
lais , figaifie avancer formellement , n^iettre
en fait.' (H)
Articuler , v. aft. On dit en peinture
& en fculpture, que les parties d'une figure,
d'ini animal , &c. font bien articulées lors-
qu'elles font bien prononcées , c'eft-à-dire
que tout y eft certain, & non exprimé d'une
manière équivoque. Il faut articuler ces par-
ties ;, cette figure articule bien. {R)
ARTIER, (Géog.) rivière de France
dans l'Auvergne : on la fait fer\ ir à plu-
iîcurs bons moulins à papier , fans pouvoir
cependant l'employer à la navigation , à
cauk de fon peu de profondeur : elle tombe
dans l'Allier. (C.A.)
ARTIFICE , f. m. Ce mot fe dit des feux
qui fe font avec art , foit pour le divertiiîe-
ment , ibit pour la guerre. Voyc^ FYtU>-
XECKxNIE..
jjt ART
Artificier. L'artificier eft celui dont la
profeflion eft d'employer la poudre à canon ,
en la renfermant dans differens cartouches
de carton . pour en former des pièces d'ar-
ïifice , deftiuées aux réjouiirances publi-
ques , ou au divertiiremcnt des particuliers.
La forme de ces artifices varie autant que
leurs noms. L'artificier ne (è berne point à
donner au feuquircfulte de fes préparations
une feule nuance : il lui en procure plufieurs
autres très-agréables à la vue , en ajoutant
dans la compofition de fes artifices certaines
Jiiatieres métalliques.
Le carton propre à l'artifice fe nomme
cane de moulage. Il cil fait de plufieurs feuil-
les de bon papier gris , pour le milieu , &
de papier blanc , pour l'extérieur , qui font
collées enlèmble avec de la colle de farine :
il faut qu'il foit allez mince pour que Ton
puiffe le rouler commodément pour en for-
mer le cartouche. Il lufiit de s'en procurer
de trois épaiffeurs ^ favoir , de trois feuilles
pour les petites fufëes , jufques & compris
celles de dix-huit lignes de diamètre •■, de
cinq feuilles pour celles d'au delîiis , & de
huit feuilles pour les pots à aigrettes.
La colle pour le carton , pour le mou-
lage fe fait a\ec de la fleur de farine de fro-
ment ; on la détrempe bien dans de l'eau ,
& l'ayant mile fiir k feu , on la laifle bouil-
lir juiqu'à ce qu'elle ait perdu fon odeur de
farine ; & on y ajoute de l'alun en poudre ■■,
cnfuite on paffe ce mélange par un tamis de
crin , en ayant foin de le manier pour divi-
fcr les gruineaux , & ôter tout ce qui pour-
roit être un obftacle à la perfeiHon du col-
lage. On fe fert pour cette opération de
grandes brofles de poil de porc.
Qi'.and on a collé deux cents cartons , on
les met en prefle entre deux planches bien
ïinies ^ ou , au défaut de prefTe , on fe con-
tente de charger les planches avec quelque
chofe de pefant. Les cartons ayant été fix
heures en prefle font fufpendus à des cordes
avec des crochets de fil de laiton jufqu'à ce
qu'ils foient abfolument fecs ; alors on les
remet encore en prellè pour ôter la courbure
qu'ils peuvent avoir prife en féchant.
On fe fert êictoupille pour amorcer les fu-
fées , & pour conduire le feu d'une pièce à
une autre.
La matière de l'ctoupille n'eft autre chofe I
Art
qu€ du iôton filé , mis en plus ou moins de
doubles , fuivant la groffeur qu'on defire
donner à l'étoupille. On fait tremper ce co-
ton pendant quelques heures dans de l'eau-
dc-vie ,& encore mieux dans l'efprlt-de-viu ;
& quand il en eft fuffilàinment imbibé , oa
répand defliis du pouflîer de poudre à ca-
non , & on manie le coton dans le p!at où
il a trempé pour qu'il fe pénètre & fe couvre
de cette pâte de poudre. Loriqu'il en eft
fuffilàmment couvert , on le retire du plat
en le paflaut légèrement dans les doigts ,
pour étendre la pâte de iiianiere qu'il en foit
cou^■ert par-tout également , & on le met
enfùite fëcher à l'ombre for des cordes.
Uétoupille étant feche , on la coupe par
morceaux de deux pies & demi de lon-
gueur ; on en forme des bottes ou paquets ,
& on les conferve dans un endroit bien fec.
Les amorces proprement dites fe font au-
trement que les étoupilles. On prend de la
poudre en grain que l'on humedte d'un peu
d'eau, & on la broie fiir une table avec une
molette de bois, juiqu'à ce qu'elle ait pris la
confiftance d'une pâte bien fine. On s'en
fert pour coller & retenir l'étoupille dans la
gorge des fufëes.
L'état de l'artificier exige bien des commo-
dités qui ne fe rencontrent pas indifférem-
ment dans toutes les maifons. Première-
ment , il a befoin d'une petite chambre fur
terre pour charger fes fufées volantes : cette
opération ne fe fait pas fans bruit, puisqu'on
y eir.ploic le maillet , dont les coups réité-
rés pendant long-temps deinandeiit un lieu
qui en amortiffe le retentiifemeat. L'artifi-
cier doit encore s'attacher à avoir une cham-
bre qui ne foit point humide pour y faire
certains ouvrages , comme , par exemple ,
pour mêler les matières , faire les cartou-
ches , & les petits artifices.
Le falpêtre , le foufre , le charbon Si le
fer, font les matières lesplus ordinaires dont
on fafié ufàge dans l'artifice. Leurs diffé-
rentes combinaifons varient leurs effets & la
couleur des feux : ces couleurs confiftent en
une dégradation de nuances du rouge eu
blanc. Le foufre , loriqu'il prédomine, doîi-
ne un bleu clair, & le fer produit des étin-
celles dont l'éclat a fait iiommQï feu bril-
lant la compofition dans laquelle entre cette
matière. La dofe de churbo» 6c de foufre
ART
■qui doit donner le plus de force au falpétre
n'eft pas la nicme pour l'artifice que pour la
poudre à canon ; il en faut moins pour la
poudre , attendu que la trituration qui di-
vife le charbon &: le foufre en plus petites
parties qu'ils ne peuvent l'ctre dans les com-
pofitions d'artitice , multiplie en quelque
ibrte ces matières en multipliant leurs furtà-
ces : voye^' Poudrier.
Les matières dont nous avons parlé, doi-
vent être pulvérifées & tamifées de manière
à pouvoir fe mêler intimement entre elles.
La limaille de fer n'eft fufceptible d'aucune
préparation ; on en trouve communément
de toute faite chez les ouvriers qui travail-
knt le fer.
Pour former les cartouches propres à ren-
fermer l'artifice, on roule le carton fur une
baguette qu'on nomme baguette à rouler:
on lui donne de diamètre les deux tiers de
l'intérieur du moule qui doit iérvir à charger
le cartouche. Le moule fert à foutenir le
cartouche lorfqu'on le charge & à régler la
hauteur du maffif.
Le carton doit être entièrement collé ,
a l'exception du premier tour qui enveloppe
la baguette : on trempe dans l'eau le der-
nier tour du carton avant de le coller, pour
lui ôter le reffort qu'il a naturellement , &
qui feroit dérouler le cartouche après qu'il
eft formé.
Les cartouches pour les lances & pour les
conduites de feu , doivent être faits de pa-
pier; ceux As'iferpenteaux & autres petites
fiifées de cinq à fix lignes de diamètre exté-
rieur, font faits des cartes à jouer: on ter-
mine ces efpeces de cartouche par deux tours
de papier gris, dont le dernier eft collé.
Il ne faut pas attendre que les cartouches
foient entièrement fecs pour les étrangler;
cet état de fécherelTe rendroit l'opération
plus pénible & plus fujette à des imperfec-
tions.
Avant d'étrangler les cartouches, on com-
mence par rogner iur la baguette, avec des
cifeaux , le bout qui doit être étranglé , pour
que les bords de cette partie , qui doit avoir
la forme d'une calotte , foit à l'uni. Après
cette opération , on prend une corde ou une
ficelle d'une grolTeur proportionnée à celle
de la fufée , ik on attache cette ficelle par
un bout à un piton viffé dans un poteau , ou
Tomi III,
ART 555
fcelle dans le mur , & par l'autre bout , l'ar-
tihcier l'attache à fa ceinture ou à un bâton
qu'il place derrière & en travers de fes cuif-
îés , de manière qu'il foutieime le corps lorf-
que l'artifte fait effort pour étrangler le car-
touche. Dans cette fituation , & la corde,
étant tendue , on pofe le cartouche deffus ;
puis on prend la partie de la corde qui eft
entre foi & le cartouche , & l'on en fait
deux tours fur le cartouche , dans la partie
que l'on veut étrangler , à un demi-diame-
tre extérieur de fon extrémité ; on enfonce
une baguette dans cette partie , la tenant de
la main droite & le cartouche de la gauche ,
& l'on ferre la corde en jetant le corps en
arrière , & tournant chaque fois le cartou-
che pour en bien arrondir l'étranglement ,
jufqu a ce qu'il ne refte qu'un trou à pouvoir
pafferavec peine une petite broche de fer;
alors , il eft fuffifamment étranglé. Il faut
avoir loin de frotter la corde avec du favon^
pour empêcher que le cartouche , qui eft
encore humide lorfqu'on l'étrangle, ne s'y
attache & ne fe déchire. Il ne faut pas tarder
à lier les cartouches quand ils font étranglés ,
fans quoi l'étranglement feroit fiijet à fe relâ-
cher. On les lie en paffant trois boucles de
ficelle dans la gorge & ferrant à chaque bou-
cle ; ce qui s'appelle le nœud de r artificier.
Lorfque le cartouche eft préparé , pai*
exemple, pour une/à/è'e , on le met debout
dans un moule ; on verfe la poudre de
compofition dans ce cartouche ; l'on fe
(ert d'une baguette pour l'entaffer , & on
frappe deffus à coups égaux pour bien com-
primer cette poudre; on met enfuite, par-,
deffus, un tampon de papier chiffonné que
l'on frappe bien, & fur lequel on rabat une
partie du carton , enfuite on perce ce carton
de deux ou trois trous, afin que le feu puiffe
prendre aifément à la compofition lorfqu'on
veut faire partir la fufée.
Après cette opération , on retire la fufée
de deffus la partie du moule , qu'on appelle
broche ; on délie la corde qui rempliffoit
l'étranglement , & on rogne la partie du car-
touche qui excède le carton rendoublé : la
broche fert à ménager un vuide dans l'in-
térieur de la fulée. Ce vuide, qu'on nomme,
\'arne de la fufée , la fait monter en préfen-
tant au feu une plus grande furface de ma-
tière inflammable , qui , fe réduifant en va-
Xxx
Îî4 ' .ART
peur dans ce vuide, fait, dit l'abbë Nollet,
Foffice d'un refîbrt qui agit, d'une part con-
tre le corps de la fuiee , & de l'autre con-
tre la colonne d'air fur laquelle repofe la
fufée , & qui ne cède pas auffi vite qu'elle
cft frappée.
Les fufées font rarement fimples , elles
font prelique toujours garnies d'un pot ter-
miné par un chapiteau en forme de cône ,
dans lequel font renfermées diffé.entes peti-
tes pièces d'artifice , comme étoiles ,ferpen-
teaux, &c. qui , lorfque la fufée s'efl: élevée
auffi haut qu'elle peut aller, en terminent
JJefFet d'une manière très-agréable.
Pour garnir la fufée , on commence par
verfer dans le pot une pincée de poufiier ,
&: en frappant un peu contre, on le fait entrer
dans les trous qu'on a ménagés pour la com-
munication du feu. On vtrfe enfuite dans
k pot im peu de la mcme compoiîticn ciont
on a chaigé la fuiée ; c'eft ce qui s'appelle
la chaj/l; & on arrange, pardeflus cette
chafle , les ferpenteaux ou les étoiles que
la fulée doit jeter en obfervanf de n'en pas
mettre plus pefant que le corps de la fuiée.
Une fufée dont la garniture feroit trop pe-
lante , ne s'éleveroit que médiocrement , &
retomberoit à terre en faifant le demi-cer-
cle. On place quelques petits tampons de
papier chiffonné dans les inieifticei de>. fer-
penteaux ou des paquetsd'étoiles , pour em-
pêcher qu'ils ne ballottent. Après quoi , on
ferme le pot avec un rond de papier qu'on
a eu foin de taillader par les bords pour em-
pêcher qu'ils ne faffent des plis, & que l'on
colle dellus.
On obferve , avant de mettre les paquets
d'étoiles dans le pot, de les paffer dans di:
pouffier , pour les difpofer à prendre feu plus
îubitement.
Le pot étant garni , on place pardeffus
UH chapiteau qui eft fait d'une fimple épail-
feur de carton, & qu'on y aflujettit av.c
de la colle. Le chapiteau étant placé bien
droit fur le pot, on colle fur la fciffure une
bande de papier brouillard , tant pour cacher
cette IcilTure que pour empêcher que le cha-
piteau ne fe décolle en féchant. On aniorct
enfuite la fulée , en prenant un morceau
d'étoupille double & de grofléur proportion-
née, que l'on fait entrer dans le trou forirn.
par la broche , à la hauteur d'un diamètre
ART
extérieur de la fufée , & on la colle dans îâ
gorge avec de l'amorce. On finit par coller
un rond de papier fur la gorge ; c'eft ce que
les artificiers nomment bonneter.
La plupart des artificiers ne mettent point
de pots aux petites fufées de caifTes ; ils fe
contentent de rouler & coller , au haut de
ces fufées , un quarré de papier gris qui dé-
borde la fufée de la hauteur de la garniture
qu'ils veulent y placer. Après qu'ils y ont
mis la chnfiTe & la garniture , ils lient le
papier pardeflus la garniture pour la ren-
fermer.
La baguette que l'on attache aux fnfêts
volantes , fert à les maintenir droites , en
contrebalancjant leur pefanieur , courte la-
quelle le feu agit par l'un des bouts qui doit
toujours être tourné vers le bas , 8c qu'elle
force à garder la fituation verticale. Le bois
le plus léger eft le plus propre pour les ba-
guettes. Dans les provinces où les rofeaux.
font communs , on s'en fert de préféi eiice à-
tous les autres bois. Plus les baguettes font
longues, plus les fufées montent droit: on
leur donne au moins huit fois la longueur du
moule de la fufée , ou plutôt une longueur
telle qu'en plaçant fous la baguette un cou-
teau à un pouce ou deux de diftance de la
fiifée , les tout puiiTe le trouver en équilibre.
On a imaginé en Angleterre, poisr let
accidens caulés par la chute des groffes ba-
guettes , d'en préparer de manière que , lors-
que la fufée s'eft élevée , &£ a fait fon effets
elle met le feu à de petits faucifTons de pou-
dres qui entourent la baguette & la divifent
en l'air en une multitude de parties , ce qui
fait de plus un joli eflFet. On place les fufées
volantes fur une efpece de chevalet, quand:
on veut y mettre le feu pour les taire élever.
Le clieViilet eft i.n poteau dont la partie
fnpérieure a la figure d'un râteau ; on le
plaiite en terre, ou bien il efl foutenu fur
terre par un pié en forme de croix : on place-
les fulées entre les dents du râteau pour les-
foutenir verticalement.
Les pièces d'artifice , appellées marrons f.
fonc faites de poudie grainée, rentermée
dans un cartouche de carton de tornic cu-
bique, & recouvert d'un ou de deux rangs
Je ficelle collée de colle- forte : on perce un.
trou dans l'angle de ce cartouche. Ces mar-
, rc4ij éclatent avec beaucoup de bruit. Les-
A RT
fnarronsluifansne différent Aei autres qu'en
ce qu'ils font recouverts de pâte d'étoiles.
Nous dirons plus bas ce que c'eft que cette
pâte.
Les faiiciffbns ne différent des marrons
que par la forme , l'effet en efl le même :
leurs cartouches font ronds : on les emploie
pour terminer avec bruit certains artifices ,
tels que les lances , les jets , & autres.
Les étoiles , élevées par les fufées volan-
tes, font un effet admirable : on les fait
d'une pâte compofée de falpêtre, de foufre
& de poufTier. On forme avec cette pâte
des efpeces de paftilles rondes & plates, de
la forme d'une dame à jouer. On les perce
par le milieu pour y mettre l'étoupiile qui les
enflamme. Si elles étoient trop groffes, elles
ne feroient pas un auflî bel effet , parce
qu'elles retomberoient trop bas. L'effet des
fauciffbns volans efl de monter en fpirale ,
& de terminer leur vol par un coup. Ce
mouvement fpiral leur eft donné par ïétou-
pille. Cette étoupilie contournée brûle plus
vite que la compoiîtion du fauciffon , &
donne entrée à la matière enflammée, qui
fuit les révolutions de la fpirale , & en im-
prime les mouvemens à la fuiée.
Le ballon , ou bombe d'artifice , eft une
imitation de la vraie bombe , fe jette de
même avec im mortier , Ibit de métal, foit
de bois ou de carton.
Les bombes d'artifice fe font en bois ou
«n cation. Celles qui font en bois font com-
pofées de deux hémil'pheres qui fe ferment
en s'emboîtant l'un dans l'autre : on garnit
ces bombes d'un mélange de différentes
efpeces d'artifices , comme l'erpenteaux ,
faucifl^ons, étoiles & autres, parmi lefquels
on répand de la compofition pour faire cre-
ver le cartouche. On adapte à la bombe une
fiifée d'une longueur convenable , &c rem-
plie d'une compofition qui brûle affez lente-
ment pour donner à cette bombe d'artifice
le temps de s'élever.
Les mortiers & les pots de carton que l'on
deftineà jeterdes bombes, doivent toujours
être recouverts , dans toute la longueur de
leur cylindre , d'un rang de bonne corde
collée de colle- forte, fans quoi ils auroient
peine à réfifter à l'effort de la poudre.
Lorfqu'on veut faire partir un grand nom-
ire de fufées volantes tout à la fois , on les
place dans une came longue, traverfec par
une planche percée de trous à égale diftcUi-
ce, & proportionnés à la groffeur des ba-
guettes , comme la caifle doit l'être à leur lon-
gueur ; cette planche percée fe nomme la
grille. On la couvre de feuilles de papier; les
baguettes des fufées y font leur trou en les
plaçant dedans; ce papier fert à retenir da
pouffier , ou quelque compofition vive que
l'on répand deffus pour communiquer le feu
à toutes les fufées en même temps. Les fufées
deftinées à cet ufage fe nomment fufées Je
caijfe.
Les artificiers font auflî àz"^ fufées de table ,
ainfi nommées, parce qu'il faut une table
ou quelque autre plan fort uni pour les tirer.
L'effet de cette fufée eft de tourner en forme
de foleil fur la fable où on la pofe , jufqu'à ce
que le feu , qui a commencé par les trous la-
téraux dont elle eft percée , fe foit communi-
qué par l'intérieur de la fufée à quatre autres
trous pratiqués deffous , qui l'élevent en
l'air , tandis que le feu qui fort par les trous
latéraux, continue à lui donner le mouve-
ment de rotation : c'eft un foleil qui s'élève
en l'air dans une fituation horizontale.
Les fufées courent fur la corde par le
même méchanlfme que nousles avons vu s'é-
lever enl'air. he-ifufées à double vol , qui re-
viennent fur elles-mêmes , fe font en atta-
chant enlemble deux fufées , dont Tune ne
s'enflamme qu'après l'autre , & en direflion
contraire. On nomme; et ow gerbe toute fufée
chargée en maffif, & qui doit agir fans quit-
ter la place où elle eft fixée ; telles font les fu-
fées desfoleils fixes , des foleils tournans , &C
celles qui fervent à imiter en feu les jets
d'eau , les nappes d'eau , les caf(;ades , &c.
Le foleil fixe eft un affemblage de jets
chargés en feu brillant , difpofés en forme
de rayons autour d'un moyeu & garnis d'une
étoupilie de communication de l'un à I autre ,
pour qu'ils prennent tous feu à la fois. On
nomme gloire les foleils à plufleurs rangs de
jets. Il n'y a de différence entre les foleils
tournans & les girandoles que dans la pofi-
tion qu'on leur donne pour les tirer, qui,
en les mettant dans un autre point de vue ,
paroir en changer l'effet. On les nomme
loleils lorfqu'ils font placés verticalement,
Se girandoles quand leur plan eft parallèle a
l'horizon. Un ibleil tournant eft une roue que
X X X z
550 ^ ART
le feu d'une ou de plufieurs fufées qui y font
attachées fait tourner, agiiîant comme dani
les fufées volantes parl'aiffion du reffort de
la matière enflammée contre l'air qui lui
réfifte. On forme des deffins en feu , en
plaçant derrière des découpures de carton ,
des foleils tournans renfermés entre des
planches pour contenir leur feu , & pour
qu'ils ne Ibient vus qu'à travers les décou-
pures ; cet artifice employé en décoration
fait un très-grand effet. Un foleil tournant
étant placé au milieu d'un panneau de me-
nuifene figuré en étoile, & bordé de plan-
ches ou de cartons pour foutenir fon feu, il
en prendra la forme & repréfentera une
étoile , & de même toute autre figure dans
laquelle il feroit renfermé.
C'eft le P. d'incarville qtii nous a fait I
•connoître l'art qu'ont les Chinois de repré-
fenter en feu des figures d'animaux & des
tievifes.- On fait avec du foufre en poudre
impalpable & de la colle de farine mêlés en-
lemble , une efpece de pâte dont on couvre
des figures d'ofier , de^ cartons ou. de bois ,
après les avoir enduites de terre grafle pour
les empêcher de brûler. La couche de pâte
de foufre étant pofée , on la faupoudre de
pouflier pendant qu'elle eft encore affez
humide pour qu'il s'y attache. Lorfqu 'elle eft
bien feche, on colle des étoupilles fur les
principales parties, pour que le feu fe porte
;par-tout en même temps, & on couvre la
figure en entier de papier collé. Les Chinois
peignent ces figures de la couleur des ani-
maux qu'elles repréfentent. Leur durée en
feu eft proportionnée à l'épaiffeur de la cou-
che de pâte qui les couvre; comme cette
.pâte ne coule point en brûlant , les figures
con fervent leur forme jufqu'à ce que la paie
foit entièrement confumée.
Les artificiers font des feux pour brûler
fur l'eau & dans l'eau : l'oppofition de deux
ciémens auftî contraires que le feu & l'eau ,
fait regarder la chofe comme merveilleufe,
quoique dans le fond ces artifices d'eau
n'aitnt rien de plus extraordinaire que les
autres. Toutes les matières qu'on emploie
pour les artifices deftinés à brûler dans l'air à
l'ec , peuvent (ervir pour les artifices d'eau ,
par le moyen des enduits dont on couvre les
rartouclies de ces derniers pour les rendre
impénétrables à l'eau. On emploie pour cet
ART
effet des vernis compofés avec des huiles &-
des matières réfineuies, & quelquefois du
goudron pur pour enduire la partie exté-
rieure des cartouches.
Les grenouillères font pour les artifices
d'eau ce que les férpenteaux font pour l'arti-
fice d'air : on les nomme aufTi d:iuphins q\x
canards ; leur effet eft delerpenterfurl'eau ,
de s'élancer à plufieurs repriles en l'air, &
de finir par éclater avec bruit. Un fourreau
fert à foutenir la fiifée fur l'eau; ce fourreau
a une coudure qui lui imprime un mouve-
ment inégal & tortueux; le poufTier dont
on a mis une demi-charge , après trois charges
de conipofuion, la fait élancer en l'air lorf-
que le feu parvient à cette matière.
ht^ plongeons font Aqs fufées qui éclairent
d'une lumière très- blanche & vive, en plon-
geant de temps en temps dans l'eau pour
reparoître avec le même éclat; on en charge
aufli de feux faillans qui repréléntent des
jets d'eau & des arbres fleuris, & qui plon-r
gent de même. Ces effets font produits par
des charges alternatives de poudre grainée
&;<lecompofition. Ces fufées ne s'éteignent
pas lorfqu'elles font plongées dans l'eau ; au
contraire elles y cheminent , parce que la
matière enflammée fait réfiftance à l'eau *
& s'oppofe à (on introduéfiondaiis la fu'.éab
La caufe qui la fait mouvoir dans l'eau eft
la même que celle qui fait monter en l'air
les fufées volantes.
Après avoir donné une idée de la façoîi
de préparer les pièces d'artifices le- plus efîen-
tielles , il nous refte à dire un mot de la ma-
nière de dreffer la carcafte de charpente,
fur laquelle on les place ordinairement.
Avant que de former le deftm d'un fea
d'artifice, on en fixe la dépcnle, & on fe
règle fur la iomme qu'on veut y employer >
tant pour la grandeur du théâtre ik de fes
décorations, que pour la quantité d'anifices
nécelîaires pour le garnir convenablement.
Les revêtemeiis de la carcafTe de char-
pente fe font ordinairement de toile peinte
à la détrempe, & les bords font tei minés
par des chaffis de planches contournées en
arcades , en féitons , en confbles ou en tro-
phées , f'uivant que le deflin l'exige.
On fait ces ouvrages à part ; 6i loriqt'e
toutes les pièces font bien faites & inimé^
roiées , on les apporte fur lu place où l'oo
ART
veut tirer le feu d'artifice , & on les afTem-
ble en très-peu de temps.
Un artificier doit avoir attention, avant
que d'arranger les pièces d'artifices iur un
théâtre, de prévenir les incendies qui ren-
dent confus le jeu des artifices , & diminuent
l'ordre &. la beauté du fpeftacle. Pour pré-
venir ces accidens, on doit couvrir toutes
les parties fituéesde niveau , comme plates-
formes & galeries , d'une couche de terre
grafl'e recouverte d'un peu de fable répandu
pour pouvoir marcher delTus fans gliflcr.
Outre ces précautions , on doit avoir des
gens actifs,vétusdepeau, munis de baquets
pleins d'e3u , & toujours prêts à éteindre le
feu , en cas qu'il vint à s'attacher à quelques
parties du théâtre. Pour mettre ces hommes
en sûreté , i! eft à propos de leur ménager
une retraire à couvert, pour qu'ils puifîent
s'y retirer dans le moment du jeu de certains
artifices dont les feux fortent en grand nom-
bre. Il faut de plus que ces retraites com-
muniquent aux efcaiiers par où l'on monte
fur le théâtre d'artifice.
Un artificier, dans l'exécution , ne dpit
rien négliger pour que les pièces d'artifice
dont il a fait provifion offrent aux yeux des
feux fucceflifs & une belle fymriiétrie.
Si le feu d'une illumination précède celui
de l'artifice, on commence dès avant la fin
du jour par allumer ce qui doit former l'il-
lummation , & lorfque la nuit eft aiTtz noire
pour que les feux paroiflént dans toute leur
beauté, on annonce le fpeftacle par une
falve de boites ou de canons , après quoi
on commence par des fulées volantes, qu'on
tire à quelque diftance du théâtre d'artifice,
ou ti!Ccefiivement,oupar douzaines.
Après ces préludes, un couramin, defli-
né à allumer toutes les lances à feu qui bor-
dent le théâtre, part de la fenêtre où eft la
perfonne la plus diftinguée qui y met le feu
quand il eft temps , & va tout d'un coup
commencer à éclairer le tpeftacle.
L'art de l'artificier eft libre, Ôc n'a point
été érigé en maitnfe. Les perf'onnes qui de-
fireroient des détail-, étendus fur cet art ,
peuvent coniùlterle Manuel de f a; tljicitr ^
dont nous avons tiré une bonne paitie de
cet article.
Il y a encore des artificiers qui font particu-
f.-erement attachés auéorps de ra.rtillerie j ce
ART 557
font ceux qui compofent tous les feux d'arti-
fice qu'on peut jeter dans les places c[u'on at-
taque , ou au bas de celles qu'on défend. Ca-
Jlmir Simicrowits ^ Polonois , a écrit un ex-
cellent traité Iur tout ce qui concerne les feux
d'artifice , tant pour la guerre , que pour la
paix. Joachim Bnchtelius a donné aulli un
fort bon ouvrage fur ce lujct. (A')
ARTIFICIERS, on appelle un certain
nombre de foldats dans chacune des com-
pagnies de bombardiers du corps-royal d'ar-
til'eric. Us font principalement occupés à la
compofition des artifices de guerre. CM.
DE FOMMEREUL.)
ARTIFICIEL. On appelle en géométrie
lignes artificielles , des lignes tracées fur un
compas de proportion ou une échelle quel-
conque ,le!quelles reprélentent les logarith-
mes des iinus & des tangentes , & peuvent
fervir avec la ligne des nombres , à rélbudre
affez exaftementtous les problêmes de tri-
gonométrie , de navigation , &c. Les nom-
bres ar/i/zc/e/j (ont les fécantes , les lînus
& les tangentes. ^. SÉCANTE, SiNUS &
Tangente. Voyc^ aujfi Logarithme.
(£-)
ARTIGIS , ( Gcog. ) ville d'Efpagne ,
au pays des Turdules; on croit que c'eft
aujourd'.hui Alhama entre Grenade & la
mer , en tirant vers Malaga. ( C. A. )
ARTIK-AB AD, ( GJo-. ) ville ou bourg
de IaTurquie,en Afîe,dans le gouvernement
de Siwas, au milieu d'une plaine entre la ville
même de Siwas & celle de Tocat ou Tohac.
Sesenvirons font très-fertiles en grains, &
on y trouve de très-beaux fruits. ( C. Â. J
ARTILLERIE, f.f. Ce nom colleaifpré-
fente l'idée de toutes les armes de jet dont
le lert le corps royal (.Vartillerie ; il indiquoit
également toutes celles qui étoient en ufage
chez les anciens , telles que les baliiles, les
catapultes , &c. C'eft improprement qu'on
l'applique à l'srt des feux d'artifice qui eft
bien défigné par celui de pyrotechnie. Ce
mot a encore d'autres acceptions : on di.t
ï artillerie eft un art favant & terrible, comme
on dit la peinture eft un art auiTi favant
qu'agréable. Vartilltrie eft dans ce fens,
conlidérée comme une fcience qui a fa théo-
rie particulière. Les articles relatifs à \ar-
tillcrie inférés dans ce dictionnaire , feront
prendre de cet art une idée plus jufte que
55S ART
la définition que nous pourrions en donner
ici. Il nous fuffira de dire que la géométrie,
la méchanique,labaliftique , l'hydraulique,
la phyfique , la chymie, le deffin , l'art de
lever des plans, des cartes , de fortifier des
places, celui de conftiuire des ports, de
creufer & de conduire des mines, entrent
dans les études d'un artilleur ; que la tadi-
que lui doit être bien connue, & qu'à tou-
tes ces connoiffances théoriques, il a befoin
d'unir une grande pratique de ("on art &
les leçons fi inftru(flives de quelques fieges
& de plufieurs campagnes.
UartllUrie , quant aux machines qu'elle
emploie , fe divife aujourd'hui en deux e(-
peces , \^ artillerie de fiege compofée de ca-
nons de Z4 & de i6 , d'obufiers , de pierriers
& de mortiers , & de canons de petit ca-
libre dont on fe fert utilement dans la dé-
fenfe des places, &c. & V artillerie de cam-
pagne comporée de canons de 1 1 , de 8 & de
4, &d'obufiers. Les Autrichiens &c les Pruf-
iiens en ont même d'une troifieme efpece,
au moins quant à Ton ulage; c'eft une artil-
ierie légère deftinée à fuivre leur cavalerie
& portée fur des affûts qui fervent en même
temps de caiffon pour les munitions & de
voiture aux canonniers deftinés à l'exécuter.
yoyei les mots AfFUT , ARTILLERIE JDE
Bataille, Canon, Canon de cam-
pagne. Corps Royal de l'Artil-
lerie , ÉQUIPAGE de SIEGE, Équipage
DE PONT , Pont , &c. &c.
Beaucoup d'auteurs ont écrit fiir Vartllle-
rie. Buchnerius, Braunius,Tartaglia, Col-
lado , Sardi , Diego Ufano , Moretti , Ca-
simir Simienowitz , Mieth , d'Avelour ,
ManefTon, Mallet, le chev. de S. Julien ,
nous ont laifle des ouvrages ; mais cet art
étoitdansfon enfance, & ce ne font pas des
guides à confulter. Belidor & S. Rémi font
venus depuis & ont apporté de nouvelles
Jumieres. Le Blond n'a fait qu'abréger ce
flernier, & fa compilation intitulée , «im/-
lerie rai formée , n'a pas même le foible mérite
d'être un bon extrait des mémoires de S.
Rémi , ouvrage devenu d'ailleurs prefqu'en-
tiéremeni inutile , depuis les changemens
opérés dans ['artillerie par M. deGribeau-
val. Mais ce fiecle a produit des ouvrages
pluseftmiables : on diftmguera toujours ceux
qu'on doit à M, le Marquis de V^iere fur
ART
les mines , à M. de Mrrogues fur la pou*
dre , à M. du Puget fur ce qui concerne
les fieges, à M. du Coudray fur différentes
parties de l'artillerie. Cette ((:ience a fait
un nom en Angleterre à Robins & à Miller,
& en Piémont à Dulacq, Anroni &C Tignola.
Au refte le corps de l'artillerie de France
poflTede un fonds de manulcnts, plus pré-
cieux peut-être que la plupart des ouvra-
ges qu'on a publiés , & il les doit à un grand
nombre d'olîicierj i.iftruits qui le compo-
fent. ( M. DE POMMEREUL. )
Artillerie de campagne ou aehatailU^
Ç Art milit.) On ne doit pas s'attendre à
trouver ici un ouvrage complet fur l'ar-
tillerie : balancer les avantages qu'elle peut
procurer avec les inconvéïiiensqui réfultent
nécefTairement de fa ma/Te & des dépenfes
qu'elle entraîne : en combiner les mouve-
mens avec ceux des troupes dans les batailles
rangées, dans les affaires de porte, dans les
pafTages de rivières , dans les montagnes ,
dans les retranchemens , dans les retraites ,
dans les marches : établir des principes pour
ces différentes circonftancei , les appuyer
par des exemples , en déduire des confé-
quences générales, des maximes applicables
à tous les cas particuliers , détailler ces dif-
férens cas , les comparer , faiiir leurs rap-
ports , faite voir leur différence : montrer
par des faits , que ces principes exaftement
iiiivis , procurèrent de grands fuccès , &
qu'on éprouva fouvent des revers , pour les
avoir négligés : préfenter une théorie lunii-
neuf'e fur les projections des corps par le
moyen de la poudre, analyiér les matières
qui la compoiénr , entrer dans les détails de
fa fabrication , chercher s'il ne feroit pas
poffibledecorrigerlabizarreriedefes effets :
confidérer les métaux qui entrent dans la
compofiiion des bouches à feu, leur forme
la plus avantageufé & la plus capable de pro-
duire le plus grand effet : appuyer le tout
par des expériences faites de bonne foi , dans
la léule vue de découvrir la vérité , fans opi-
nion , fans partialité , fans intérêt particu-
lier : approfondir le grand art d'employer
l'artillerie dans les fieges , (bit pour l'attaque
& la défenfé des places : un tel plan feroit
celui d'un très-grand ouvrage, qui manque
à l'artillerie y Û qui feroit très-iniérefl'ant,
s'il étoit bien rempli , mais qui exigeroit de»
ART
connoliïances infiniment plus étendues que
les nôtres, peut-être incme le concours de
plufieurs perfonnes pour le conduire à fa
perfeftion.
Il a paru en 1771 un ouvrage tri^s-efti-
mable , intitulé : EJJ^ai fur rufage Je far-
tilUr'u dans la guerre de campagne & celle
de Jîege , où partie des olVjets que nous ve-
nons d'indiquer eft parfaitement traitée :
nous avons puifé dans ce bon 'ivre quantité
de choies qu'on lira dans cet article : les bor-
nes que nous nous fointues preicrites, ne
nous ont pas permis d'enibrafFer toures les
parties de la icience de V.iriillerie , le^quelle■^
font iniinenlesdans leurs détails ; nous nous
bornons à quelques réflexions généra'es ("ur
Fufage de Vartiilerie en cainp'gne, &; Air
Ils chîngemens qu'on a projetés dans le? di-
nieulions des pièces de canon , communé-
nient appellée:. de campagne ou de bataille.
Nous avons fait mention des pièces de ca-
non , dont la forme avoit été fixée par une
ordonnance du roi en 1731 : celles qu'il a
été qtieftion de leur lui)ftituer depuis, ne
font pas généralement ccinnues , quoique
cette elpece ^artillerie ne (oit pas nouvelle ,
qu'elle ait été propofée à différentes reprilés ,
&. que plufieurs puiirances de l'Europe l'aient
adoptée depuis long - temps. C'eft: de ce
nouveau Ivitéme quii s'agit ici, par oppo-
lîtion avec l'ancien. Nous ne tenterons pas
de réunir les militaires divilés d'opinions
fut les fyftémes £ artillerie , comme fur
toutes les autres parties de l'art de la guerre;
ce n'eft pas dans le moment de la fermen-
tation & de l'enrhoulialme , qu'on peut le
ptomettre du hiccès d'une pareille entte-
pnfe; nousexpoferons nos idées fimplement
& de bonne foi, fans prétention 6c fans par-
tialité, perfuadés que nous fommes qu'il
feroit avantageux que toutes les connoil-
fences utiles & les erreurs mêmes, fuiTeiit
confignées dans ce dépôt public, afin que ,
dans l'occafion, on pût y trouver les unes
pour en profiter, 5c les autres pour les éviter.
Nous pio eftons d'avance, que notre in-
tention 11 efl pas de critiquer ou de blâmer :
car nous i ouïmes convaincus que ceux qui
p:éferentl"^'"/i7/t;A/£ des puiilances étrangères
à la nôtre, croient y ttouver des avantages
réels, fans quoi ils renonceroient bien vue
à leur opinion. Nous ne fommes d'ailleurs
ART 559
que réda(?lcurs , &c nous ne préfcTitons dans
cet article , que ce qui aété dit pour & contre
les deux fyftcmes : nous aurons loin de citer
en conféquence les fources où nous aurons
puifé.
Confidérer Vartillerie comme l'arme uni-
que eiïcntielle qui doit feule gagner les ba-
tailles , ou la regarder comme inutile dans-
les combats, font deux excès également blâ-
mables Se qu'il faut éviter : lacoinp,;rer avec
les armes de jet des anciens & donner la
préférence à celles-ci , comme l'ont tait !e
chevalier Follard & quelques-uns de fes fec-
ta^eurs , cft une opinion qui paroîfra infou-
teiiable à tous ceux qui voudront examiner
& juger fans partial'té. Quelle différence y.
en effet, de ces machines compliquées aux--
quelles il falloit des chars pour les voiturer,
& qu'on ne mettoit en batterie qu'avec
peine ; des machines dont les montans & les-
bras donnoient tant de prife aux batteries
oppolées , qu'on ne pouvoir mettre en aftion'
qu'à force de leviers , de cordages , de mou-
Iles, de treuils, auxquelles on oppofoit des
tours de charpente qui réiiftoient à leurs
efforts pendant des temps infinis : quelle
différence, dis-je , de ces machines à nos
bouches à feu qui fe chargent ailément &
qui le mettent en batterie fur l'affût même
qui fert à leur tranfport ! Quelle différence
dans la longueur & la juftefTe des portées ,
dans la force des mobiles projetés 6c dans la
rapidité des effets!- Voyez ces boulevards
détruits 6c réduits fî promptement dans un
monceau de décombres, des fronts entiers
de fortification que le ricochet force à aban-
donner, des retranchemens ouverts & ren-
verfës, des files entières de cavalerie & d'in-
fanterie emportées , le feu, l'effroi, l'épou-
vante, la mort portée à des diffances in-
croyables , par ia force inexplicable du fluide
élaftique de la poudre, mis en action par
rintlammation lubite : comparez ce refîort
avec celui des mavlimes anciennes, &c jugez.
( EJjai général de Taclique^page /j3.J
Sans enirer ici dans une plus longue dif-
cuirioii qui nous parûitinnt déplacée, nous
regarderons la qucffion comme décidée en
faveur de rtîm/2i.7-<> , . ik nous obferverons
d'abord, que les militaires en général, font
un p^u p;evenus peut fefpece de ;eivice au-
,quel iis fe iont devùués : la cavalerie ne lait
56o ART
pas grand cas de l'infanterie, celle-ci regarde
à Ion tour les troupes à cheval avec allez
d'indifférence ; & l'un & l'autre croient qu'on
pourroit^ fort bien fe paffer <ïarti//erie dans
la guerre de campagne. Pour nous qui n'a-
vons aucun intérêt à faire valoir une arme
aux^ dépens d'une autre , qui n'avons ni
paflîon , ni efprit de parti , nous croyons
qu'il feroit auffi injufte dédire queWirti/lerie
n'a aucune influence dans les batailles , que
d'établir qu'elle doit feule les gagner. Le fort
des combats dépend de la tête du général ,
d'une armée inftruite, difciplinée & aguer-
rie , dont il a mérité la confiance , d'une
marche, d'une pofition, d'un ordre de ba-
taille , & enfin du mélange bien combiné
des différentes efpeces d'armes. C'eft par
cette combinaifon bien entendue que Fran-
çois premier triompha à xMarignan, & c'eft
pour l'avoir négligée & arrêté l'effet de fa
batterie dans le parc, que la vidoire lui
échappa des mains à Pavie. (EffaifurTu-
J'age Je /'artillerie ,p. i , 1 1 & 12.J V artil-
lerie contribua beaucoup au fuccès de Henri
IVà Ivry , à Courtras , & fur-tout à Arques ,
où ce monarque, engagé dans un combat
extrêmement inégal, dut fon triomphe inef-
péré à quatre pièces de canon , dont un
brouillard épais avoir rendu l'effet inutile au
commencement de l'aftion. Turenne qui
poffédoit fi éminemment toutes les parties
de la guerre , n'ignoroit pas le parti qu'on
pouvoit tirer de Variillerie, & ayant appris
la veille de la bataille des Dunes que le canon
des Efpagnols ne devoit arriver que dans
deux ou trois jours , il fe décida à fortir de
fes lignes, à prévenir l'ennemi, & à l'atta-
quer le lendemain matin. {A defcriptlonoj
the maritime parts of France , &c. London ,
1761 .) Le chevalier de FoUard , qui ne faifoit
pas grand cas àsVartillerie, &c fbn témoi-
gnage eft d'autant moins fufpecl , raconte
qu'au combat de Cafîano, Vartillerie débar-
raffée des équipages qui l'avoient long- temps
mafquée , ayant faifî des emplacemens favo-
rables , emportoit des files entières, & que
des pièces , placées en oblique , firent encore
un plus grand meurtre, en forte que les
ennemis ne purent tenir contre un feu fi
prodigieux & fi continu. (Follard, tomelll,
p. jji 6- .3j(j". ) Notre hiftoire militaire
nous fourniroit beaucoup d'autres faits qui
ART
concourroient à prouver qu'tme artillerie
bien dirigée , peut avoir une grande influence
dans les affaires de campagne : mais pour ne
pas entrer dans des détails fuperflus, il nous
fuffira dénommer Dettingen & fes heureux
commencemens, Fontenoy &tla redoutable
colonne Angloilé , prefque maîtrefi!e du
champ de bataille, arrêtéeparquelques pièces
de canon: Raucoux, Lawfelt, dans la par-
tie où le canon fut employé, Aftembeck,
Bergen , &c.
Il eft vrai que Vartillerie ne feroit qu'un
furcroît d'embarras, qu'une mafl!e qui appe-
fantiroit & retarderoit les mouvemens des
armées , fi elle étoit trop nombreufe , mal
conduite & mal dirigée; mais il faut pour
qu'elle fafl^e tout l'effet dont elle eft capable ,
que le général qui la commande, & les
officiers chargés de fon exécution fous fes
ordres , aient des connoifTances beaucoup
plus étendues que ne foupçonnent peut-
être ceux qui n'ont pas examiné d'affez près
cette importante partie de l'art militaire. Si
l'on croyoit que tout confifte à faire arriver
Vartillerie à temps & à tirer devant foi , on
feroit dans l'erreur. Il faut que le général qui
la commande ait l'efprit vif & fécond en
reflTources, pour trouver promptement des
remèdes aux accidens imprévus , beaucoup
de fang froid pour les ordonner & les appli-
quer , fans infpirer d'inquiétude à ceux qui
l'environnent , quel que foit le fuccès d'une
affaire : une connoiffance générale du théâtre
de la guerre, & très-exafte du champ de
bataille , le coup - d'oeil vif & fur pour ïaifir
fur le front & les ailes de la bataille, les
pofitions les plus favorables aux emplace-
mens du canon ; ces emplacemens peuvent
changer dans le cours d'une affaue fuivant
les circonftancesheureufes ou nialheureufes,
lefquelles exigent par conféquent de nou-
velles combinaifons & de nouveaux mou-
vemens : ces mouvemens font d'autant plus
difficiles à exécuter, qu'il faut , autant qu'il
eft polîible , qu'ils ne nuii'ent point à ceux
des troupes , mais qu'ils les favorifent & le»
protègent, au contraire , par un feu fuivi
& bien dirigé. Il faut donc que les coniman-
dans de Vartillerie connoiffent les évolutions
&c les manceu\res des troupes, qu'ils foient
aif^ifs & prompts pour fe porter par-tout où
leur préfence eft nécelTaire, & où les chan-
gemens.
ART
pemens qui arrivent dans les flifpodtionsde
l'eiinenii, obligent rie changer celles des
batteries. Les affaires clans les montagnes,
<ian<i les plaines découvertes, dans les pays
coupés & couverts, les attaques & dércenCes
de retrancheinens & de portes , les palUttes
de rivières, roffenfive ou ladét'enfive, {ont
autantde circonftances particulières qui exi-
gent des préparatifs, des manœuvres, des
mouvemens, des emplacemens, des fyf-
tt'mes ditférens. Pour les iîeges , nouveaux
talens (bit dans l'attrique & la défenfe des
places; nouveaux détails pour les approvi-
(îonnemensJans l'un ou l'autre cas; ("cience
des mines , art des ponts , des conftrudions
d'affûts, de baquets, de voitures de toute
efpece; les petites manœuvres , c'eft-à-dire
l'art d'employer avec avantage & prompti-
tude les leviers, les treuils, les poulies, &c.
Les grandes manœuvres, c'eft-à-dire l'art
de fupplécrà toutes ces machines, lorfqu'on
en eiî dépourvu : tout cela eft du rt^ffort d'un
bon officier d'am/Z^r/'e ; iklesconnoiffances
qu'il doit réunir , &c que nous ne faifons
qu'indiquer rapidement, font, comme on
voit, îrcs-étendues; mais ces derniers objets
Tout étrangers à cet article , où il n'efl: quef-
tion c|ue de Varri/hru de campagne ou de
bataille , &i de l'efpece de pièce qu'on y
emploie.
L'objet de ^artillerie de bataille eft non
feuîei:)ent d'cmpécher ou de retarder la
formation des troupes ennemies, ou de les
ro;np''e, lorfqu'elies font formées; de por-
ter le delbrdre dans les bataillons Si les ef-
caclrons, -en fiihlTant les emplaceinens les
j>lus avantageux pour les battre de front,
d'écharpe & de revers, de détruire les bat-
teries ennemies, 6'c. maisauifi d'ouvrir les
retranchemtns, les abattis, les murs même
de certains portes qui coiiteroient bien du
fang pD-ir les infulter & les prendre de vive
force, fans le fecours du canon. Mais quel-
que convaincus que nous foyons de l'utilité
de VartiUcrie, nous fomme<: bien éloignés
de penfer qu'il faille la multiplier excertive-
menr dans les armées , ainli que l'ont fait
prefque toutes les puirtances de l'Europe.
« Les Pv.omains aguerris hi difcipiinés, pour
» tout dire en un mot, les Romains de la
» république , n'avoient point d'armes de
>» jet à la faite de leurs légions : peu à peu
Tome III.
ART 55f
» on en eut quelques-unes pour battre 'es
» retranchemens , pour occuper les points
» principaux dans les ordres de bataille ;
» cette petite quantité relative & fuHUantc
» à l'obiet propofé, pouvoit être regardée
» comme un progrès de l'arc militaire : oit
» en accrut fuccertivement le nombre : 'a
» tactique déchut, les courages dégénere-
» rent ; alors l'uifanterie ne put plus réiifter
♦ à la cavalerie , il fallut de grortes machi-
» nés de jet pour l'appuyer : on en traîna
» jufqu'à trente par légion , on en couvrit
» le front des armées ; les combats s'enga-
» geoient par-là, fouvent ils finirtbient avant:
» qu'on en fut venu aux mains: ces tempe
» flirent ceux de la honte & de la ruine de
» l'empire.
>♦ Suivons l'hirtoire de nos fiecles, nous
» y verrons pareillement les nations placer
» leur confiance dans la quantité de leur
» artillerie , en raifou de la diminution du
» courage & de l'ignorance des vrais prin-
» cipes de la guerre. Les Suirtbs qui humi-
» lièrent la maifon de Bourgogne , ces Suif-
»► fes dont François I &f Charles V fe dif-
» putoient l'alliance, dédaignoient le canon,
» ils fe leroient crus déshonorés de s'en
» fervir; c'étoit une étrange prévention ,
» effet de leur ignorance , qui caufa leur
»» défaite à Marignan: encore cet excès va-
» loit-il mieux que celui où Ton a donné
» depuis ; il fuppoloit du courage, & celui
» dans lequel nous fommes tombés ne fait
« honneur ni à notre courage , ni à nos
» lumières.
» Où commença l'ufage des trains énor-
» mes à^areillerie } Ce fut chez les Tutcs ,
» chez les Rurtes. Les Czars Jean & Bazile
» menoient avec eux 300 pièces de canon
» dans leurs guerres contre les Tartares.
» Ces retranchemens de Narva,que Charles
» XII emporta avec 8000 Suédois, étoient
» garnis de 150 bouches à feu. Pierre
» le Grand di.ciplina fa nation, & dimi-
» Bua cette quantité cVariillerie; après lui,
» elle reparut dans les armées RufTes : on
» les vit, la guerre dernière, traîner à leur
» fui'e jufqu'à 600 pièces de canon, & cer-
» tainement l'armée Ruffe n'étoit pas, de
» toutescellesquife battoient alors en Eu-
» rope, la plus lavante & la plus marœu-
» vriere ; fes mouvemens fe reiTentoient de
Yyy
»
»
»
»
»
561 ART
» Ça. pe(\inteiir : elle reçut des batailles fans
» en'iavoir donner; elle en gagna Tans en
» pouvoir profiter , toujours oi:!igée d'aban-
donner fes fucccs pour fe rapprocher de
fes magafins. Les Autrichiens eurent, à
l'inftar des Rufles , une artillerie nom-
breufe & toriuidrible ; ils firent la guerre
relativement à cette quantité; ils tâchè-
rent de réduire tous leurs combats à des
affaires de porte : on ne vit de leur côté
ni les grands mouvemens , ni les marches
forcées, ni !a fupériorité desmanœuvre'-.
» Le ïd\ de Pruffe , dira-t-on , ii'avoit-il
pas auliî une anilUru immenfe ? Sans
doute: msis outre qu'il en eutnionis que
les Autnchiens , elle é;oit emplacée ou
en réfcrve dans les villes de guerre , plu-
„ tôt que dans fes années; c'étoit de-là qu'il
» la tiroit pour réparer les défaftres, c'etou
» de-là qu'il en faifoit arriver des renforts
» fur fes pofuions défenfives. Sa tactique
» en diminua l'embarras: il fut la perdre
» & la remolacer. En tva'inoit-il beaucoup,
» lorfqu'il voloit de Saxe en Siléfie , de la
» Siléde fur l'Oder > \\ en trouvoitdans
» les places qu'il prenoit fur ces diftérens
y, points , ou bien il favoit combattre avec
le peu qu'il avoit amené. A Rosback il
n'eut jamais plus de douze pièces en bat-
terie , & il n'en avoit que quarante à
fon parc. A LiiTa , ce ne fut pas <on
artilUrit qui battit les Autrichiens. Règle
„ générale, lorfqu'on tournera fon ennemi,
„ lorfqu'on l'attaquera par des manœuvres,
» lorfqu'on engagera fa partie forte contre
» fa partie foible , ce n'elî pas avec dp i'^;--
tilUrii qu'on décidera le fuccès; puifqu en-
tamer alors un combat d'artillerie , ce
feroit donner le temps à fon ennemi de
,, fe reconnoître, & perdre conféquemment
» tout le fruit des manœuvres qu'on auroit
» faites. (V) _
Jetons maintenant un premier coup cl œil
fur le nouveau fyftcme cVartillerie , c'eft-à-
dire fur cette multitude de^ petites pièces
qu'on fe propofe de traîner à la fuite de nos
armées , & fuivons le calcul de l'auteur de
YEiïlii général Je Tacfique. Chaquebataillon
fera accompagné de deux pièces de canon
du calibre de 4 ; il y en aura autant au parc
ART
■ de XanlUerie en pièces de 1 1 Si de S; dore
vme armée de 100 bataillons traînera à fa
fuite 40Û pièces de canon; ces 400 pièces
de canon exigeront iooo voitures pour le
tranfport des munitions , outils, rechanges
ik autres attirails néceïïaires : voilà 24CQ
attelages, faifant au moins 9600 chevaux i
voilà ^coo &c tant de charretiers, condiic-
»
»
teurs , gardes iVanillerie , capitaines de
charroi ,&c. Il faudra pour le ftrvice de ces
400 pièces, à raifon de 12 canonnievs ou
lervans l'un portant l'autre , environ 4800
foldats, non compris les officiers. Que le
roi ait plufieurs années fur pié, comme les
circonftances ne peuvtnt que trop fouvent
l'exiger, qu'il faille attacher de ïûriiUcrie^
ces armées dans la nicme proportion ; quels
énormes embarras ! qjLielles dépenfes! & quels
, effets peut-on s'en promettre? Toute la fcien-
ce de la guerre fe réduira-t-el!e à brûler de
la poudre & à faire du bruit ? Que fera
une armée appeiantie par cette prodigieufe
quantité de voitures, harcelée, tournée par
une armée moins nombreufe & plus légerç
qui l'attaquera par des manœuvres ? La moi-
tié ou les deux tiers de cette énorme quantité
de bouches à feu fera dans l'inaCtion en
féconde ligne, ou en réierve : les petites
pièces de régimens , dont les portées lont
courtes ëc incertaines , éparpillées deux a
deux fur le front de l'armée , ne pouvant
que difficilement fe joindre pour réparet
par le nombre de leurs coups réunis l'incer-
titude de chaque coup particulier, ne teront
que peu ou point d'efiét : les pièces de parc
de S & de 1 1 , allégées & raccourcies , ne
pourront porter à des dillances raifonnables
fans être tirées fous des angles d'élévation
qui rendront leur direftion peu fûre ; leuri
boulets tombant fous des angles trop ou-
verts, ne frapperont qu'un point & s'enfon-
ceront dans la terre, ôcl'on perdra par-la
leur principal effet qui eft d'emporter plu-
fieurs hommes à la fois & de ricocher a de
arandes diftances. L'armée attaquante fe
gardera bien d'ailleurs d'engager un combat:
d'artillerie qui donneroit le tnnps a fon
ennemi de faire une bonne diffofition; ce,
feroit perdre le fruit de fa marche rapide 5C
de fa manœuvre. Que deviendra donc cette
(.) Effai général de Taal,u=, p.,. :+. ^ fur. Lc.r.u. Véjccc écnvoir, il y avoir 55 b-A" & :o onagre. p«
ART
armée furchargée de canons 5^ d'attirails, f
&; trop enivrée de la insxime moderne ,
qu'il faut miiltir>lier l'artil/erie dans les ar-
mées, puirqu'elle doit à l'ave :iir décider feule
de la viftoire ? Nous dirons avec l'auteur de
rEffhi furl'ufage di l\irei//erie , que quel-
que favorable que folt cette maxime au
corps où nous avons l'honneur de fervir,
elle eft trop contraire aux folides principes
de la guerre, Se en particulier au génie qui
a fait tant de fois triompher notre nation,
pour que nous l'admettions jamais. C'en
éft fait de l'art militaire, fi on le réduit à
la feule méthode d 'employer bien fon feu :
tôt ou tard les nations qui l'adopteront, fe-
ront domrées par celles qui fauront s'en
tenir à la bonne combinaifon de l'infante-
rie , de la cavalerie & de {^artillerie , & à
l'ufage bien raifonné des armes à feu & des
armes blanches. Puiffions-nous nous en
tenir aux vrais principes de la taftique ,à
l'ordonnance & aux armes les plus confor-
mes au génie de la nation , à la quantité &
à.V'i\\)SZQ<Xarnllcrie la plus favorable aux
armées peu nombreufes , mais bien exercées
& bien inftruites aux manœuvres ÇaJ ! Re-
venons à notre objet.
« Dès le temps de Guicciardin , les artil-
» leurs françois étoient regardés comme les
» meilleurs de l'Europe Çh). L'art fe per-
» feflionnadansle XVî= fiecle,&rhiftoire
» prouve encore que les artilleurs françois
» confervent leur fupériorité , quoiqu'ils
» aient moins écrit que les Allemands , les
» Efpagnols & les Italiens. Heureux temps
» où la bravoure & les belles actions étoient
» la meilleure pierre de touche du mérite
» militaire!
» Notre nation fut la première à rejeter
»> peu-à-peu ce fatras de pièces , dont cha-
» cuiie avoit un nom barbare.
» Le règne immortel de Louis XIV, la
» fuite étonnante de fes fuccès, fournirent
» de nouvelles lumières aux prédéceïTeurs
» de nos chefs de VarùlUrii. llscommen-
» Cerent à former des plans réguliers pour
» les équipages , foit de (îege, Ibit de cani-
» pagne. Toujours guidés par une fagepra-
ART 563
w tique Si par une théorie ufuclle , fi on
» peut s'exprimer ainfi , ils rejetèrent les
» bouches à feu & les attirails d'un poids
» cxcelîif; ils bannirent aufTi les pièces d'un
» trop petit calibre , les pièces trop légères
» & trop courtes : car il eft à remarquer
» que , de tout temps , il s'cft trouvé des
>» hommes déterminés à donner dans l'un
» & l'autre extrême ; enfin ils fimplifierent,
►> autant que lescirconftances purent le per-
» mettre,ce qui étoit trop compofé : de forte
» que , vers la fin du fiec!epaf!é& dans les
» premières années de celui-ci , VartilUrie
» du royaume étoit déjà fur un très-bon pié,
» quoique de tout temps des novateurs étran-
» gers au corps, aient tenté d'y taire rece-
» voir les fruits de leur oifive imagination;
» Cefutfouslesaufpicesdu prince éclairé
» qui gouverna la France pendant la mi-
» norité de Louis XV, que V artillerie prit
» enfin cette confiftance , dont toutes les
» puiffances voihnesont été jaloufes. Nous
» pouvons fixer à cette époque l'union bien
» entendue de ces trois qualités , folidité,
» fimplicité, uniformité, dans tous nos atti-
» rails, pièces de canon , mortiers , affûts^
» ^•oitures , &c,
» De ce moment,nous n'eûmes plus pour
» le fervice de terre en France , que des
» pièces de canoude cinq calibres : l'avoir,
» de 24, de 16, de 12, de 8 & de 4 livres
» de balles. »
Les pièces de 14 font trop pefantes 6c d'un
fervice trop difficile pour être tranfportées
ailément : leur oijjeteft de ruiner lesdéfen-
fes des places, & d'y ouvrir des brèches;
celles de 16 ftroient utiles dans bien des oc-
cafîons où il eft queftion d'attaquer des po(-
tes & des retranchemens ; mais elles font
encore embarrafTantes par leur maiïe, &c
leur effet n'a pas afiez de llipériorité fur celui
des pièces de 12, pour qu'on ne doive pas
préférer les dernières plus mobiles & d'un
fervice plus prompt :1e poids des munitions
qu'on doit d'ailleurs principalement confi-
dérer par le nombre de chevaux & de voi-
tures néceffaires à leur tranfport , a pref-
qu'entiérement banni les pièces de lO de
(a) In omrn ^rxUo , non tim muUinih &■ vinus ÎRicHa , çuj'm an '&■ exmitkn JoUnt prajljre vidotkm.
f^) Lettre en rcponr; aux cbrcrvations fi.r un ouvrage attribué i f-u M. de Viïiete, pag. 3+ Veycx. "'(T*
'Hiftcire de Guicciardin , /.y. 1 , Venife, 1/1-4». ijSi. < ^;
T v v 2
5^4 A R T
la guerre êe campagne , en forte que juf-
qu'à la paix àe lyôz , on n'y en^a mené
qu'une tiès-petite quantité de ce cahbte ,
ti l'on s'en eft tenu aux pièces de ix, 8
& 4 , dont les dimenfions ont été fixées
par une ordonnance du Roi, en 1731. Ces
dimenfions les rendent atîez fortes pour
f>)urnir au moins à quinze cents coups ,
fans dépérifTement fenfible & nuifible au
fervice, & aiTt? mobiles pour que les pie-
ces de 8, de 4 & de la, puiffent être em-
ployées avec une raifonnabie célérité, fui-
vies de voitures de munitions dans toutes
les aftious de guerre, relativement aux ef-
fets qu'elles doivent produire.
Pour qu'une pièce de canon ait la plus
longue portée & la plus grande juflefle de
direftlon pofTible, il faut fans doute qu'il
y ait un rapport entre la longueur d'ame ,
Ion calibre , fa maffe & fa charge de pou-
dre ; trop courte, trop longue, trop toible
en métal , chargée d'une trop grande ou
d'une trop petite quantité de poudre , elle
ne fera pas l'effet qu'on s'en étoit promis;
il y a donc des limites entre ces excès , &
c'eft d'après une fuite d'expériences guidées
par la théorie la plus éclairée , que M. de
Valiere, dont le nom fera toujours cher à
la France, & refpeclable pour tout officier
à^arcillerie , a terminé les dimenfions des
pièces de canon deftinées au fervice de terre,
& les charges de poudre qui convenoient
le mieux à chacune d'elles ; en effet ,
leur portée &: leur juftei'ie ne paroiffoient
pas devoir laiffer àdefirer de parvenir à une
connoiffance plus exaèle des véritables pro-
portions qui pour toient convenir à chacune
d'elles ; dans la fuppolîtion néanmoins qu'on
pût parvenir à les connoîire avec plus de
précifion : d'ailleurs lafupérioii:é qu'eut tou-
jours {^artillerie de la France fur celle de fes
ennemis , la diligence & la précilion avec
lefquelles elle a toujours été portée où elle
devoit l'être , la célérité de fbn exécu.ion
& fes effets, fembloient lui afiuier le droit
j;npre!criptib!e de conferver à jamais la forme
&. les ptoponions qu'elle avoit reçues ,
fit qui furent invariablement déterminées
par une ordonnance du roi en 1732..
« 11 ne faut pas croire que ùts réglemens
de cette importance a ent été rédiges an
(«} Lciite tali^'onfc auï cl)!ctvjUui-.-. %^-:
ART
ha/ard, fur des idées vagues de perfeâion
& fur des polfibilités incertaines. Feu M. de
Valiere, qui y prcfidoit, joignoit à la force
naturelK- de fongénie,une expérience acquife
par un grand nombre de (ieges , de batail-
les, de marches dans des pays difficiles , &
de retraites toujours fi embarraffantes pour
ceux qui font chargés de \ artillerie. Il au-
roit pu certainement s'en tenir à fes lumiè-
res; mais il eut la prudence & la modcf-
tie de confulter les plus éclairés & les plus
expérimentés d'entre les officiers fupérieurs
du corps , fes collègues, dc^s capitaines d'ou-
vriers, même des ouvriers entendus, hom-
mes précieux qui connoilient d'autant mieux
le bon & lemauvais des objets dont il s'agit,
qu'ils en ont la pratique manuelle.
D'après une recherche icrupuleufe & des
épreuves réitérées , les avis fe réunirent , &
l'on choifit , fur tout ce qui exiftoit , les pie-
ces & autres attirails qui avoient été du meil-
leur ufage. A la foliilité des machines , com-
binée avec leur mobilité raifonnabie , eft
unie dans ce fyflême cette fimplicité fi né-
ceilaire pour leur confirudion & leur ré-
paration. Car on fait que tout charron,
tout charpentier, tout forgeur, en un mot
tout ouvrier pafîablement inftruit dans fa
profefiion, peut être mis très-promptement
au fait de nos conflruflions & les exécu-
ter en tout pays avec les oiUils ordinaires,
ou les réparer promptement au beloin. (a)»
Nous ne prétendons pas inférer de-là que
notre artillerie cCa atteint le plus haut degré
de pcrfeftion théorique ; comment fe flat-
ter d'y parvenir jamais avec les variétés
inléparables des matières qui entrent dans
la compoiition des bouches à feu , des mo-
bi es qu'elles projettent & de la poudre ï
Mille accidens qui fe combinent de mille
façons différentes , couvrent la fcience de
['artillerie d'un nu:i-',e qu il eft difficile d'é-
carter. La ccm.binafon des matières dont
on fabrique les bouches à feu, a été, pour
ainfi dire, arbitraire jufqu'ici. Chaque ton-
deur a ("es uf.iges, & ils ne fe refi^emblent
p is ; on n'eft pas d'accord fur la quantité
précife de rof'ette , de l.ii'pn &c d'étain,
dont il feroit le plus avantageux de compo-
fer les pièces à'artilUrie , ni fur le degré
de cortion qu'il ccnviendroit de lui donner
ART
Cd). Les changemens qui arrivent clans la
diiection de l'aine des pièces, par laclialeur
qu'elles contraftent fie la chaleur quelles
elTuienten tirant, changemens d'autant plus
prompts & d'autant lilusconfidérables, pour
le dire en pallant , que la pièce efl: moins
épaifle ; les dilVéreiues denfités des fers dont
on coule les mobilvs; les différentes pofrions
de leur centre de gravité; le mouvement de
roation qu'ils acquièrent, (buvent de la ma-
nitic la moins favorable à l'cfTet du coup; les
bi:'.arreries de la poudre dans (es effets, bizar-
reries Inléparables de fa fabrication , qui ne
permet pas de croire qu'il y ait deux grains
dans un baril, où les trois matières qui les
compofent foient mêlées dans la proportion
COîivenue; les différentes températures de
l'air; l'alîîette des plates-formes; la fïtuation
des pièces fur leurs affûts; la pofinon de leurs
tourillons; leur encadrement dans les flaf-
ques ; la manière de charger & de refouler ,
&c. font autant d'obftacles à l'exafliîude &
à la perfeftion cherchée; en forte que M
de Valiere en conclut que de mille coups de
canons tirés avec la même pièce, à la même
charge , au même degré , il n'y aura peut-
être pas deux amplitudes exaftemenrégales.
« Ces irrégularités , dit cet habile militaire,
peuvent venir de la part de la poudre , de la
part de l'air, de la part de la viteffe de l'in-
flammation , de la part du boulet , de la part
de la pièce , de fon affût , de fa plare-forme,
de la part de quelques-unes de ces caufes
Séparément en plufieurs manières , ou de
toures conjointement, ("hj »
C'eft ainfi que s'exprimoit ce favant mi-
litaire fur la théorie d'un art qu'il avoit
trouvéelui-mênie. Perfonnen'auroir été plus
en état que lui de raffurer (ur ces incertitu-
des , s'il avoit rendu compte de la multi-
tude d'actions où il fut employer VariilUrie
avec le plus grand fuccès ; la modeftie qui
accompagne toujours les vrais talens , ne
lui permit pas d'entrer dans de pareils détails,
j)uil(:jue le (impie récit des faits auroit été
fon éloge. S'il a gardé le filence fur la par-
tie purement méchanique de Vartii.Urie ,
ART 5(^5
citons quelques faits qui puiiîent , au moins ,
donner une idée des effets , encourager
les jeunes gens qui fe deftinent à ce genre
de fervice , & pcrfuader à ceux qui n'ont
aucune connoiffance de cette partie de l'art
militaire , qu'il n'ed pas impoiFible de par-
venir aux eifets qu'on fc propofe. Un canon-
nier & un bombardier exercés , comme ils
le font prefque tous , fans favoir ce que
c'efl que fluide élaftique , dilatation , mi-
lieu , réliflance, après quelques coups d'é-
preuve , coimoitront leur poudre ûi leur
pièce, & frapperont leurhut avec prel'qu'au-
tant de jufte/Te qu'un chaiTeur peut s'en
promettre de (on fufil. Nous avons vu un
canonnier pointer i'a pièce à un canon
d'une place affiégée , duquel il avoit été fort
fatigué pendant la conftruftion de fa batte-
rie, & le frapper à la bouche avec tant de
juftefTe, que le boulet y feroit entré s'il n'a-
voit pas été d'un trop grand calibre ;un bom-
bardier diriger fon mortier fur une pièce de
canon qui faifoit beaucoup de défordre , fés
trois premières bombes tombèrent furie pa-
rapet & l'embrafure, & la quatrième fur la
pièce. Les mines nous fourniroient encore
bien des exemples capables de raffurer ceux
qui croiroient , au pié de la lettre , qu'il n'y
a qu'incertitude à attendre de la part de la
poudre & de l'exécution des bouches à feu;
mais nous craindrions d'être trop longs. La
théorie nous fait connoitre les inconvéniens
poffibles , & la pratique qu'elle éclaire,
nous apprend à nous en garantir , à les
prévenir ou à les diminuer ; & avec des
précautions nous parvenons à un degré de
précifion fufiîfant pour opérer , à très-peu
(le chofe près, tous les effets que les diffé-
rentes crrconftances exigent à la guerre : car
il efl d'ailleurs rarement néceffaire de fi-ap-
per un feul point ; au contraire, & fur-tout
dans la guerre de campagne, ce font des
malles de troupes, des débouchés qui pré-
fentent une certaine étendue, en forte qu'a-
vec des pièces bien proportionnées , bien
placées & bien manœuvrées, on auroit peine
à citer un exeii-;p!c où notre anille-'c n'ait
{a ) Si quelqu'un p"uvoit Sxer les l'ncertitutfts fur an rbiec auffi important , ce ftrolt fûrement ht. Ei'rcnçcr
tomrr.iffaire dus f..imrs i: V iniUmi a Douai. Nous fajfiiloris avec pla:ûr ct.t;e cctalicn de rendre à fes laK-n»
& a •'ba iiitù-gdté toi'tc la juOice qui leur eft due; mais on fait bien que ce ru: ''cnc pas lou;ouu l'.s £'na
de c^:tf rrcrape qui f-^nt conljUc^, étoiitcs S< en^ployés..
(^j Méaioires fut l';s ciur^jcs k I.i yortéej, (r;, p-g? ij Imjfimitit royaU , ij-f».
^66 ART
pas rempli Ton objet & où elle n'ait pas
eu une (iipériorité marquée lur celle de nos
ennemis.
La révolution qui s'eft faite à la paix rie
1762 , a bouleverfë notre artillerie encore
plus que les autres parties du militaire. On ne
poiivoit pas reprocher à nos pièces de canon
cle ne pas porter jufte & loin : des expérien-
ces de guerre, les feules peut-être qui puif-
fentinfpirer une jufte confiance, avoient éta-
bli & fbutenu leur réputat'ron; maison leur
a reproché d'être trop pefantes & trop diffi-
ciles à manœuvrer. Les puiiîances avec lef-
quelles nous fommes le plus communément
dans le cas d'avoir la guerre, ayant une nom-
breufe artilUrie & extrêmement légère , on
crut devoir taire comme eWas, fous peine
d''ctre battus , comme l'ont imprimé les par-
tifans de YartilUrii nouvelle. « Quoique les
petites pièces attachées aux régimens Hano-
vnens, Heffois, Anglois, Pruifiens, euffent
fiit peu d'effet contre nous à la bataille d'Af-
tembek que nous avons gagnée, à celle de
Oevclt , qui fut indécife , à celle de Minden
que nous n'aurions peut-être pas perdue, il
nos batteries de centre n'avoient pas été
éteintes, contre toute raifon, à Rosback,
qui ne fut qu'une déroute , à Bergen , jour-
née fi glorieufe à M. le Maréchal de Broglie;
à l'action du 25 août 1762, qui couvrit de
gloire le prince de condé , & à plufieurs au-
tres affaires heureufes ou malheureufes.(^tfj»
Comme lespuiflances étrangères avoient de
petites pièces à la ibite dcs régimens, on
voulut en avoir comme elles. En conféquence
cle ce nouveau lyfléme , on i"e détermina à
multiplier notre am/Z^r/e & à l'alléger con-
lidérablement ; on fe flatta qu'en diminuant
nos pièces de campagne de longueur &: d'é-
paifleur, on perdroit très-peu fur la longueur
& fur la régularité de leurs portées, & qu'ai n'i
allégées, elles pourroient, trainées par des
hommes , fuivre le mouvement des trou-
pes, & fe combiner facilement avec toutes
les difpolîtions. On réduifit conléquemment
à ce nouveau plan, les pièces de 12, de 8
& de 4, cà la longueur dame de 17 fois le
diamètre de leur boulet, depuis le fond de
l'ame jufqu'à la bouche, ou 18 diamètres
depuis la platc-bande de culaife jufqu'à la
ART
bouche , pour leur longueur extérieure , au
lieu de 24 diamètres de fon borlet qu'avoit
l'ame de la pièce de 12, de 25 qu'av_>it
l'ame de la pièce de 8 , & de 26 diamè-
tres de fon boulet qu'avcit l'air.e de la
pièce de 4. ÇV. Canon dt hatailU.) \\
tut queftion de s'aflurer par des épreuves ,
que les pièces de campagne , dans ces nou-
velles dimenfions , rempliroient les objets
auxquels elles font deftinées , & réiiniroient
tous les avantages de celles auxquelles elks
fuccédoient. On apporta fans doute à ces
épreuves toutes les précautions &la bonne
toi qui accompagnent toujours le dcfir fm-
cere de s'éclairer fur des objets très-im-
portans : mais lorfque les réfultats en furent
publics , les opinions qu'ils auroient dû
réunir , fe partagèrent ; & la queftion refta
tellement indécife, que fauteur de \Effai
général de Taciicjue , imprima 8 ans après
(chap. de rartillerie.J « Puifle feulement
le gouvernem.ent exciter le gériie fur cette
branche importante du militaire, comme
fur toutes les autres , & en même temps
contenir les inquiétides de novateur , ne
pas rejeter fans exan:en & ne pas adopter
l'ans épreuve ! Puiffent ks épreuves qu'il or-
donnera, n'être pas ce que j 'ai oui dire qu'el-
les éioient trop ibuvent , des affemblées ^
dont le réfultat eft connu avant qu'elles
fe tiennent , foit parce que l'autorité des
officiers qui y préfident entraîne &c couvre
toutes les opinions , foit parce que chacun
y apporte t'a prévention, plutôt que rim-*
partialité qui veut voir avant que de juger! >♦
On fit de nouvelles épreuves dont les ré-
fultats , différens de ceux des premiers , fu-s
rent plus à l'avantage des pièces anciennes:
les deux partis s'en prévalurent & chacun
conferva fon opinion. Pourfuivons & con-
tinuons le dérail de ce qui s'eft fait & dit
pour & contre l'un & l'autre fyfiême, en
prévenant de nouveau , que nous ne fom-
mes que rédaêteurs; peut-être que ce choc
d'opinions jetera quelques lumières fur l'objet
important que nous traitons dans cet article.'
Les partifans de Vanaenne artillerie, cpn-
viennenr qu'il feroit fans doute bien avan-
tageux d'avoir des pièces de canon aflcz
légères & aflez mobiles pour être traînées â
(j) Réponfe de l'autciir de l'Effai
fur rufige de l'flrrii/crie à celui du Vwit ittitulé : AmlUtit ncitvdlt.
ART
bra5 d'hommes, l'ans le fccours «les clic-
vaux qui s'ofTraient ik des chatreîiers cjui ,
foiiveiir eiîrayés eiix-niomes , (ont liors d'c-
tat de les conduire, pour l'uivrc Se accom-
pagner les troupes chns toutes leurs évolu-
tions Se iaurs m uiœuvres , & pour erre aiutî
portées i\icce(]iveinant &; avec rapidi'.é dans
les di.ierentcs pofitions où leur effet devien-
clroit plus utile, depuis le conmicncement
d'une affaire julqu'à la (in. L'avantage (e-
roit complet li iurnilirie , allégée à cette in-
tention , pouvoir conserver toutes les qua-
lités c('ii ("ont propres aux pièces bien pro-
portionnées : mais comment oi'er s'y atten-
dre , puil'que l'expérience a montré com-
bien les el'pérances qu'on avoir conçues à
cet égard , étoient peu (ondées ?
On aefTTayé, ajoutent les partiHins de l'an-
cien ("yiK'me , de (aire marcher ou plutôt
courir avec nos bataillons, des pièces nou-
velles de Il & de o ; mais quoiqu'allégées
autant qu'il efl poilible , SsC même au delà ,
quelque belles & unies que fuiTent les plai-
nes où l'on a (ait ces expériences , quelque
beau temps qu'on ait choidpour les tenter,
les canonaiers attelés à ces pièces , étoient
hors d'haleine en arrivant fur leur terrain
& auroient été incapables d'exécuter leurs
pièces. Que leroit-il donc arrivé d;ins des
terrains inégaux , ou dans des terres labou-
rées & détrempées par les pluies ? On s'elt
réduit à ne faire traîner à bras d'homines ,
furies ailes des bataillons , que de petites pie-
ces de4: mais quelque légères qu'elles ioienr,
pourront-elles lùivre dans route forte de ter-
rain, les mouvemens de rin("anterie (ans les
retarder & faire perdre , par ce retard , tout
l'avantage qui pourroic réfulter de leur cé-
lérité ? Pourront-elles , s'il efl: po(îible de
les tirer ainfi en courant , produire quel-
qu'effet utile , avec des coups nécefl'aire-
ment aufli incertains ? Et quel avantage pour-
roit-on fe promettre de ces pièces , dans la
néceflitéde tirer toujours devant elles , (ans
pouvoir prendre une polîtion favorable &
ajuflerà l'objet? Quel inconvénient ne ré-
fultera-t-il pas de leur recul? qu'arrivera-t-il
fi quelqu'obltacle arrête ou retarde leur mar-
che, (bit en avant, (bit en retraite? Le corps
auquel elles appartiennent s'arrêtera-t-il pour
les attendre? Quelle inlîuence ce retard d'un
corps de troupes ne peut-il pas avoir lùr le
A R T ^ ^ 5^7
fort d'une affaire engaijée ? S'il ne s'arrête
pas , elles gêneront la marche de ceux «(ui
fuivent, n'arriveront pas à temps & ne fcr-
vnont à rien. Mais en (uppoiaut qu'aucun
desaccidens que nous venons de rapporter,
n'aura lieu.; les voitures de munitions né-
celfairesà ces pièces, pourront-elles les (ui-
vre par-tout? « Il n'y a, ( liti:ins-nous dar.s
la Unie en rcponfe aux obfirvaùons , P'iga
66'.Jqu\ (e rappcller ce qui eft arrive à
Metz, dans les derniers fimulacresde bataille.
Ne fut-on pas oblige deprendrede grands dé-
tours poi:r des pièces de régiment? Une an-
née auparavant n"a-t-on pas eu le déplailir
de voir tomber une de ces petites pièces dani
un foilé d'où elle ne fut retirée qu'avec
peine? Comparons ces manœuvres de paix
avec celles qu'il faudroit faire pour Cuivre
tous les mouvemens des régimens dans une
bataille réelle, S-C l'on Te défera delafaudé
idée que, par-tout où les cljevaus peuvent
palier , on y fera pafler une petite pièce du
nouveau fyffême : mais (juand ces petites
pièces de régiment paiTeroient, fera-t-on (li-
vre les voituiesiie munitions, pour le moins
aulli pefantes qu'autrefois? Or, que font les
pièces légères (ans munitions? elles embar-
radent. Il y a plus de fanraronade encore
à promettre qu'où les chevaux ne pourront
avoir accès, les canonnieis enlèveront les
pièces avec une facilité (îngu'iere. Si le ter-
rain eft rempli de broU'ailles , fangeux, la-
bouré nouvellement & humide , les plus
vigoureux canonniers (ulKron t à peine à traî-
ner cuielques pas les pièces de régiment, &
l'erontméme tbuvent dans rimpoiribilité de
le taire. Ceci n'eft pas dit au hazard ; & i'i
la prome(re des novateurs eil au moins in:-
prudente à l'égard des petites pièces de 4 ,
comment la nommera-t-on , relativement
aux pièces de 12 & de 8 ? »
« Il me refîe à dire un mot (lifons-nous
dans V EJ] ai glncral de tactique) dufyflêmc
que nous avons adopté depuis la paix , de
ne manœuvrer nos pièces une fois entrées
en action ou prêtes à y entrer , qu'à bras
d'hommes. Ce fy(îéme,qui eftune fuite de
l'allégement de notre artillerie^ a certaine-
ment de grands avantages. Il ne tant pas
pourtant s'imaginer que cette manière de
manœuvrer !'(/r/i//t;r/epuifre s'employer par-
tout. 1°. Toutes les épreuves qui le ibm
568 A R T ART
ùires A cet égard dans nos écoles , fe font ^ veau Tyrti^ine n'ont donc réellement â s'ap«
polices tur des luri-acespUneSjfolides &; fur ' '' '' ' ' ' "
lerquelles le canon mené à bras , rouloit fans
effort. Or , la guerre offrira fouvent des ter-
pains difficiles, efcarpés, détrempés par les
pluies, où la manœuvre deviendra trop lente
6c trop pénible pour des canonniers , qui ,
après avoir mis les pièces en batterie , ont
enfuite befoin de force & d'adreffe pour les
exécuter.
1°. J'admets la manœuvre à bras pour
tous les mouvemens de proche en proche.
Il y en a une infinité d'autres où il s'agira de
fe mouvoir rapidement , ou de parcourii des
diflances confidérables , comme pour porter
'•-=• ^'arûlUrii en renfort, d'une colonne ou
(le
d'un point à un autre, pour l'aifir à toutes
j.imbes un plateau avantageux, pour retirer
Van'dliru d'un point où el;e eiî en prife , &c.
Là i! faut néceffairement fé fervir de che-
vaux. N'embralfons donc point de méthode
esclufive fur cet objet.
On voit par les pailages que nous venons
de cirer , qu'il faut un peu rabattre des av^in-
tages qu'on s'étoit promis rie la légèreté des
pièces du nouveau (yftéme. On ne doit pas
railonner ici de pièce à pièce en particulier,
mais relarivemenr à la maiié totale de i'ar-
tiUerie d'une grande armée , à lés marches ,
à fon ul'age, à fon exécution raifbnnable,
à fon véritable effet.
Premièrement nous avons vu, par l'exem-
ple de cinq ou iîx campagnes, parle témoi-
gnage encore fubhftant de plufieurs officiers
ixaniLhrii très-refpeftables, & par l'auto-
1 Ité du maréchal de Saxe , que ces avantages ,
tant exagérés aujourd'hui , n'ont pu fouienir
le règne de la pièce à la fuédoife , contre l'u-
fage de la pièce de 4 ordinaire. Voilà, ce me
femble , un préjugé bien défavorable aux
pièces courtes deS &. de 12.
En fécond lieu les nouvelles pièces de 8
pefent plus que nos pièces de 4 ordinaires ,
6i celles (ic II courtes prefqu'auiant querios
anciennes pièces de 0'. Cependant le piojet
eft de mettre au parc pi efqu'aurant de pièces
nouvelles de 8 , qu'il y avoit de pièces de
4 ordinaires à l'équipage de 1748, ck plus
de pièce.'- coûtes de 1,1 , qu'il ify avoit de
pièces longvies de 8. Les partHims du iiou-
(a) Supplément à l'Effai fur rtifiiiTe de Viiiùl.n: , pigis 19 b jo ; & le pt»cci voi'oal ils i^'cmyis fiitts 4
ti'honunes ,
plaudir que fur un très-petit nombre de pie-
ces de II anciennes. Si le parc ett un peu
allégé par rapport à quelques pièces de ii ,
combien n'eit-il pas lurchargé par les mu-
nitions qui, en général, font plus em-
barraffantcs à conduire , à placer , à confer-
ver que les pièces mêmes } Le nombre des
pièces nouvelles étant fuppofc triple de celui
des pièces anciennes dans les équipages de
crmpagne, le calibre refîat*t le même, il
faudra un approviiionnement triple en bou-
lets , poudres , pièces de rechange , &c. On
accordera aux petites pièces plus de célérité
d'exécution , autant que l'échauffement des
pièces, la néceffi té d'éviter les accidens qui
accompagnent cette rapidité, celle de diri-
ger fes coups, & enfin autant que la poffi-
bilitè d'avoir des munitions iùffilantes, peu-
vent le permettre : mais fi l'on fe contient
prudemment dans ces juftes bornes , les pie-
ces longues peuvent encore tirer trop vite.
Suppofons que la pièce courte tire trois
coups contre deux de la pièce longue, & qu'il
y ait trois fois plus de pièces courtes qu'on
n'en emploie de longues : le poids des muni-
tions des pièces courtes , fera à celui des mu-
nitions des pièces longues , comme 9 eft à
2. De là l'augmentation indifpenfable de che-
vaux & de voitures, 6c par conléquent un
furcroît d'embarras.
Pour détruire enfin le reproche de trop
de pefantcur qui ne peut raifonnablemeut
tomber que fur les pièces de 1 2 , & relever,
en pafîant, l'épithete de païa/iei^ue, qui a
été donnée à notre ancienne artillerie par
les partilàns de la nouvelle, nous en appel-
lerons au témoignage de tous les militaues
qui ont fait la guerre, & qui ont été à por-
tée d'en voir les effets. Ils n'auront pas ou-
blié, pour ne citer qu'un fait, qu'à la
bataille de Raucoux , non f'eulementles pie-
ces de 12, mais même celles de 16 , pré-
cédèrent les troupes à l'attaque 6i à ia pour-
fuite des ennemis. Ça)
Ayant donc étéreconnu que les nouvelles
pièces de 12 & dei>, Se même celles de 4,
dans i)iendes uccafjons,étoient encore trop
pelantes pour accompagner les troupes dans
leurs marches rapides, crnnt rrainées-^î bras
ART
d'h.immcs ; une longue evp^rience ayant
d ailloi-r? prouvé que nos pièces de campa-
gne, d<iiis les diincnfions fixées pai rordon-
nancede rjli, avoient toujours été portées
à temps dan> J>;s emplacemens qu'elles dé-
voient occuper, &f que par conicquent,
elles ne méritoienf ,oas le reproclie qu'on
leur a fait, rclativemca à leur poids; exa-
minons maintenant lefqufc.'lcs des anciennes
pièces & des nouvelles , méritent la prété-
rence , relativement à leur portée & à la juf-
telfe de leur direftion. Prenons le journal
des épreuves faites à Douai avec une pièce
de 4 longue , &c une pièce du nouveau fyflè-
me •, il auroit été à fouhaiter que ces épreuves
comparatives eufient éié faites en même
temps avec les pièces de 1 1 &f de 8.
« Le but des épreuves exécutées à Douai,
( lifons-nous dans ce proces-xcrhal , p. 2j
&Juiv.) pour la comparaiibn des pièces
de 4 lontjues , & des pièces de 4 courtes du
nonveau mode'e , étant d'apprécier le mé-
rite des deux elpeces de pièces pour la guerre;
on nifiitera particulièrement fur les portées
horizontales, ou celles qui en approchent le
plus , parce que les coups tirés fous des angles
trop élevés n'agiffent que par leur cliûte
& par plongée, à la manière des bombes
dont ils n'ont pas les éclats; parconféquent
les coups tirés de cette manière ne peuvent
frapper une ligne de trois hommes de pro-
fondeur, que par le plus grand hazard; de
plus , dans la confidération des portées, on
fera entrer les ricochets; i'*. parce que les
boulets ne partent point fous l'angle donné
à la pièce , à caufe des battemens, les por-
tées de volée font une indication peu exafte
de la force communiquée aux boulets , &
que les ricochets font un complément à cette
indication , puifqu'ils fe font en vertu de la
force qui n'a pas été employée avant la pre-
mière chiite; i". parce que fous l'horizon-
tale & aux environs, qui doivent être les
direftions d'ulage à la guerre, les ricochets
s'élevant peu , feront autant de mal à l'en-
nemi que les coups de volée , & lui eau feront
plus de frayeur &c de défordre. Or il ré-
fulte du procès-verbal des épreuves , que de-
puis l'horizontale, jufqu'à fix degrés incluli-
vement, il y a eu 315 coups fur 4^ en faveur
de la pièce longue, &c 10 feulement pour
la pièce courte : fur quoi il faut remarquer
Tome IJJ.
ART 569
que ces dix coups favorables à la courte,
ont tous été fous l'horizontale &c fous trois
degrés, dircdions fous le'.quelles, fuivant le
procès-verbal, les ricochets de la pièce lon-
gue ont été confidérablement plus loin que
ceux de la pièce courte; de forte qu'ayant
égard aux ricochets , comme on a lait voir
qu'on le devoit,il n'y aura peut-être pas un
feul coup pour la pièce courte, fauflesac-
cidens & erreurs inévitables qui doivent
avoirété quelquefois en fa faveur. Comment
ne pas conclure que la diflérence dans les
portées totales, c'eft-à-dire, y compris les
ricochets, eft affez grande pour qu'un artil-
leur inftruit ne puifle pas la regarder comme
de peu de conféquence ? puifqu'avec la
pièce longue, on pourra afTurer les coups,
dans le temps qu'avec la courte , on ne
pourra tirer qu'à coups perdus , & qu'on
pourra prendre des direftions obliques ôc
croifer fes feux, dans le temps qu'avec la
pièce courte , on ne pourra employer que
le feu direct. »
L'expérience a donc confirmé ce qu'avoit
indiqué la théorie , qu'une pièce courte ,
toutes condidons égales d'ailleurs , a une
moindre portée qu'une pièce plus longue de
même calibre. ( f^oyei Canon de bataille. )
Les partifans des pièces courtes convinrent
en elTet, après les expériences de 1764, que
les portées de ces dernières font moindres
que celles des pièces longues, d'environ '^o
à 60 toifes; or dans combieiî d'occafions
cette diminution de portée n'eft-elie pas une
perte réelle } s'il s'agit de favorifer un pafiage
de rivière que nous voulons exécuter, ou
de nous oppofer à ce que l'ennemi conf-
truife fes ponts & la paiTe; quel avantage ne
doit-on pas fe promettre des pièces qui au-
ront la plus longue portée dans ces fortes
d'occafions, où les finuofités d'une rivière ,
fa grande largeur , fes bords fangeux &
bourbeux , ne permettent pas toujours d«
choifir l'emplaceinent le plus à portée de
l'objet qu'on veut battre } L'expédient qu'ont
propoié les novateurs, de porter les pièces
courtes plus en avant, pour regagner cette
diminution de portée, n'eft donc pas ad-
miffible dans ce cas, & lorfque des marais ,
des rivières, des ravins & autres obflacles
en empêchent abl'olument. De quelle con-
féquence n'eft -il pas d'ailleurs d'atteindre
Zzz
^70 ART
l'ennemi à une diftance où Tes boulets fte
peuvent pas venir julqu'à vous? vous em-
pêcherez (es manœuvres & (es dirpofitions,
vous démonterez fes pièces, avant qu'elles
aient été mifes en batterie à la portée qui
leur convient. S'il eft queftion de s'oppofer
à un débarquement, ne compfera-t-on pa^
p®iir quelque choie la poiïibilité de tirer fur
des bateaux, &■: de les atteindre à une plus
grande diftance ? 5-: quel défordre n'y jet-
îerez-vous pas en brifant les rames, en em-
portant les rameurs , 8sC en coulant les ba-
teaux à fond? Nous pourrions citer d'autres
circonftances, où la longueur de la portée
€Û d'une très-grande conféquence ; mais
tout militaire qui a quelque expérience fe
les rep'éfen'era aifément , & concevra i'mi-
portaiîce d'avoir des pièces qui , dans des
proportions plusexaftes que celles des enne-
mis , aient fur elles une Tupérioriié marquée.
Obier vons encore que la pièce qui poite le
plus loin , imprime au boulet une plus grande
vîtefle, & par conléquent luie plus grande
force , d'où il réfulte un grand avantage ,
loriqu'll eil queftion de rompre & d'ou-
vrir des retraiicliemens, des abattis , despa-
liflades , les murs de quelques portes , &
autres obftac'es dont Tennemi, qui connoî-
îroit la nature de vos armes, ne manque-
roit pas de fe couvrir pour vous réduire à
l'impoffibilité de l'attaquer autrement que
par u.ne inlulte de vive force, où l'on per-
droit l^eaucoup de monde avant de réuliir.
Si le principal mérite du canon efl: de pré-
parer le chemin à la vifloire, il paroit efTen-
îiel d'employer des pièces qui puiffent im-
primer au boulet une vîtefle afl^^ez grande
pour atteindre de très -loin, & une force
iliffifante pour détruire les diitérens obftacles
que l'enneiTii peut oppofer dans la guerre
«le campagne. Remarquons de plus que pour
rapprocher les portées des pièces nouvelles
de ce'le- des pièces anciennes . on a aug-
menté le diainetre des boulets , afin qu'ayant
moins de vent , ils laiflent moins de vuide
entre leurfurface &: les parois intérieures des
pièces; d'où il réfulte la dillicuhé , pour ne
rien due de plus, de tirer à jjoulets rouges
au beloin ; car chacun fait que le kr, comme
les autres met uix , augmeiVe de volume
étant chauffé, & les boulets, dans cet état
de renflement ne peuvent plus entrer dans
ART
leurs pièces. Ajoutons encore que ces pièce?
feroient trop courtes pour être exécutées
dans des embrafures , reflburce qu'on ne
pourroit pas fe procurer dans les occafions
où il feroit avantageux de s'en fervir. Le
recul des pièces courtes a encore des in-
convéniens qui peuvent tirer à conféquence ,
car il a été vérifié pli.fieurs fois que le recul
de la pièce ancienne de ii fur un terrain
ordinaire, étanr de 3 à 4 pies , celui de la
pièce de 1 1 courte , étoit de 143 16.
« C'eft en vain , dit le procès-verbal des
épreuves faites à Douai , qu'on vord oit
pallier les reculs exceflifs de !a pièce de 4
cour e, on en a fenti les inconvéniens; on
a prévu l'embarras de regagner ccminuiil-»-
lement un terrain perdu, & ceux qui err
doivent ré ulter, à caufe de l'affociationdes
pièces courtes avec l'infanterie : on a prévu
enfin que la pièce longue, dont le recul efl
plus que moitié moind:e, pourroit tirer
ians rilque tur des rideaux & autres terrains',
étroits , où la pièce courte le culbuteroir
elle-même par ion rccul. »
Terminons l'article des portées par une-
dernière obfervation que nous avons céja
indiquée; mais qui paroît trop importante
pour n'y pas revenir avec plus de détail. La
pièce courte ayant une moindre portée que
la pièce la plus longue , le boulet qu'elle pro-
jettera ayant reçu une moindre force d'im-
pulfion, décrira une courbe moins allongée,
& frappera l'objet qu'elle atteindra , ious-
un angle plus ouvert, en tendant à s'appro-
cher plus promptement de la terre , après
l'avoir frappé. Il eft aifé de fe repréfenter le-
peu d'effet du boulet, dans ce cas, fi l'on.
réfléchit à ce qui arriveroit s'il toniboit ver"
ticalement; il eu évident qu'il ne frappe-
roit qu'un point; or plus fa ligne de chiite
ajiprochera de la verticale, moins il em-
portera d'hommes à la fois dans une bataille, .
moins il fera de défordre dans les pièces &c
les aftïits d'une batterie ennemie, & moins-
il fera fufceptible de taire des ricochets , ma-
nière de tirer le canon, fi deft;u(fiive. Voici
comment s'explique, fiir cette queflion in-
lérefîante , l'auteiir de YEJjjiJur l'u/f-ge àt
l'artillerie (hns la réponle à l'auteur du lu. e
intitulé : artillerie nouvelle.
« Moins la hauteur du jet eft conildéra-
ble, ou ce qui cft la même choie, plus la..
ART
f^eourbe que décrit le bouler ert rapplatîe ,
flu d^iTin d'un terrain (enfiblcment horizon-
tal, plus les hommes qui fe trouvent fur ce
ter ai n entre le point précis du but en blanc
&.la batterie, ibnt expo es à recevoir le
coup ; de forte que û cette haïueur n'étoit
que di q.iatre pie , par exemple , un homme
pi .ce llir qu-lqae point de la ligne que ce
fur , entre les deux interjeèlions de la ligne
de mire S: de la trajeftoire, leioit frappé du
boulet. ( f^oyci Canon ae hutailU. )
Au co. Traire, plus la hauteur du jet fera
grande fur le même tenani , plus i! y aura
de p')(î:ions enfre le bat en b'.anc 5i la
bit en e. ou l'ennemi ne feroit pomt frappé,
le cano inier vifant toujours à lui , le long de
fa pièce.
Si donc de deux pièces de même calibre ,
l'une a le diameire de fa cu!ai]e beaucoup
plui grand , relativement à {\\ long:'eur &
au diameire de fon bourlet , que l'autre ,
la première aura fon but en blanc plus
éloigné que la féconde ; mais aufîî h haureur
du jet i'era plus grande, & par coniéquent
fes coup5 feront plus incertains quand l'en-
nemi s'approchera de la batterie, dans la
fuppofitionque le canonnier vifera toujours
à lui , ou ce q li revient au même, ne baiffera
pas fa pièce , taute très-ordinaire.
Préfentement li les deux pièces ont leurs
dimenfions proportionn^-Ues , mais que la
plus longue porte fon boulet foixante toifes
plus loin que l'autre , elle aura un but en
blanc plus éoigaé que la plus courte , &
pour que la pl-is courte frappe au mé.Tie
but en bhnc , il faudra lui donner plus
d'élévation. »
Les partifans de l'ancienne artillerie de
M. de Valiere , concaient de - Là qi.ie les
pièces de i 2. £i de bi, du nouveau fylteme ,
quoique rnoins pefanres que les anciennes
des injmes calibres, l'étant encore trop pour
fuivre les.mouvemens des troupes & être
traînées à bras dans louces fortes de terrains,
elle; doivent occuper , comme les anciennes.
le centre & les ailes de la bataille & les
différentes polirions , où , réunie > en nomb e
iulfiiant, elles croiferont leurs feux & pren-
dron l'ennemi en ri me iSc même de revers
s'il eft poffible : mais que ces picces coui'te.s
ne pouvant opérer avdn'a';e\ileme.;t ce-
fftfwis, par l'é.évation qu'on eft ob.igé de
ART 571
j leur donner, elles ne fuppléeront pas les
j anciennes pièces df)n' le bouler pouvoit em-
I porter dix à douze honuncs .à la fois , en
; parcourant une ligne plus approchante de
j l'horizontale , & caufer par-!à un bien plus
\ grand déford'-e & une bien plus grande
. perte dans les corps ennemis en Its fiaipant
■ fous un an-;le plus aigu, ce qu'il n'eil pas
\ pollib'e de fe promerfe avec les pièces
raccourcies du nouveau iy freine.
S'appuyan: enfui e fur le réfihat des
j cpreuvesde comparaifon ,fiitesà Strasbourg;
, en 1764, par lelqiielles il ell proavéc(ue les
, pièces de 4 anciennes , portoient plus loin
I que les pièces de 8 nouvelles , & prerqu'aufîi
j loin qi'e les pièces de 1 2 nouvelles ; que de
I plus , la pièce de 4 longue portoit mieux
I fa cartouche que la pièce à la fliédoife , q4ii
' eft une pièce de 4 courre Ç f^oye^ Canon
di bataille.); qu'étant d'ailleurs avéré par
un long ufige , que la pièce de 4 longue
peut être tranlf)ortée par -tout où quatre
hommes peuvent palfer de front ; on de-
vroit,par toutes ces raifons, préférer même
la pièce de 4 longue , aux pièces de 1 1 & de
8 raccourcies, fuivant le nouveau fyftéme.
S'il eft prouvé par la théorie, confirmé
par l'expérience & avoué par les partifans
même du nouveau fyfléme, que les pièces
courtes ont une moindre portée que leî
pièces anciennes, dans les mêmes calibres,
il n'eft pas moins certain que la diredion des
premières eft moins jufle & moins fûre :
défaut qui réfùlte de leur conflruftion. Le
renflement du bourlet efl trop rapproché de
la plate-bande de culaffe; & la ligne de
mire, ou rayon villiel, qui rafe les parties
(aillantes du métal , fe trouvant d'autant
phn courte que la pièce l'eft elle-m^ne d,.-
van-age, la diredion en eft d'autant moins
exaéle. Loriqu'on veut prendre fur le ter-
rain un alignement un peu étendu , on ne
peut difc<'nvenir qu'il fera d'autant moins
exift que l'inflrument qu'on emploiera fera
plus court. La longueur de la pièce repré-
fente l'inflrument ; plus elle fera longue,
plus la direiftion fera fiûre. Si on préfère ,
avec raifbn , une longue alidade îk un gra-
phometre d'un g- and rayon, pour opérer
avec juftefTe , la plus longue pie;e de canon
doit avoir , à plus forte rail'on , la préférence
fur la plus courte pour la jufleflé de» duec-
Zzz i
57t A ^^ "I",.
tions , piûfciue ces bouches à teii n'ont point , j
comme les infîrumens en quedion , des pi-
niiles dont la forme & la dirpofition con-
courent à l'exnditude de l'opération. Cet
inconvénient eft cc/mmun à toutes les pièces
courres , quelque bien proportionnées
qu'elles Ibient d'ailleurs ; mais il fera encore
plus grand fi le diamètre de la culatîe excède
de beaucoup celui du bourlet , parce qu'a-
lors la ligue de mire feroit extrêmement
plongeante , rencontreroit la ligne de cire
très-près de la bouche, & formeroit avec
elle un angle très-ouvert. La ligne de tire
s'éléveroit d'autant plus au defliis de la ligne
de mire , à une certaine diftance , après
leur interjeftion, que la différence des dia-
mètres de la culalTe & du bourlet feroit plus
grande. Auflî le défaut naturel de ces fortes
de pièces eft de porter le boulet rrop haut.
Nous trouvons dans VEJfai fur fufage de
/'artillerie , page;^ 4 , « qu'en 1744, le comte
de Belle-Isle attaqua un corps d'Autrichiens
dans la forêt de Brompt : ils firent contre
les François un feu aflez vif de quelques
pièces de 3 courtes & groffes à la culaffe ,
Jans tuer un feul homme : tous les coups
alloient frapper le haut des arbres : c'eft un
fait dont piufieurs olEclers peuvent encore
rciidre témoignage. Les canonniers Alle-
mands font auflî braves Si aufli bons que
ceux des autres nations de l'Europe , pour-
quoi donc tiroient-ils fi mal.'' C'eft qu'avec
des pièces confl:ruites comme celles qu'ils
avoient à manœuvrer, il faut, à une cer-
taine difiance , pointer beaucoup plus bas
que l'objet, & que fout foldat dirige natu-
rellement fon coup d'œil le long du métal
de fa pièce , vers le point qu'il veut frap-
per. Nos pièces à la fuédoife étant pointées
à un but diftantde iSotoifes , le boulet paffe
de quelques pies au delfus. »
C'eft un principe avoué généralement ,
( EJfal fur rufhge de /"artillerie,/', j-'' 6-
fuiv. ) qu'il efi difficile d'aflurer le coup de
boulet à 400 toifes de diftance , mi^me avec
nos pièces longues , fur un petit objet ou une
troupe qui marche. A plus forte raifon y
trouvera-t-on de la difficulté avec des pièces
plus courtes , par la feule raifon de leur
peu de longueur, qui mettra dans la nécef-
fité de les tirer fous tel angle d'élévation
que le coup en deviendra plus incertain &
ART
de moindre effet , malgré la précaution qu'on
a prife de ne pas rendre excelfi\e la diffé-
rence du diamètre de la culaffe & de celui
du bourlet. Il fuit de cette obiervation que
leur direction fera plus jufte que celle des
pièces à la (uédoile , qui font plus ma! pro-
portionnées , mais qu'elle le fera moms que
celle de nos anciennes pièces , dans les
mêmes calibres : d'où il réfulte qu'elles font
inférieures à celles-ci dans la vîtelle & la force
qu'elles impriment au boulet & rlans la
jurtefle du tir, deux inconvéniensqui pa"oit-
fent aux partilans de l'ancienne artillerie^
d'une grande conféquence dans toutes les
occafions de guerre où on peut employer
le canon , pour frapper à des débouchés
diflans de 400 toifes ck plus , ou des troupes
qui fe tormeroient à cette même diftance.
Il ne faut pas conclure , de cette difficulté
d'afTurer le coup de boulet à 400 toifes ,
qu'il ne faille jamais tirer de canon à cette
diftance & même au delà , avec des pièces
bien proportionnées qui peuvent atteindre
les objets , fans être fenfiblement élevées à
l'horizon : c'eft , comme nous l'avons déjà
obfervé , fur une maflTe de troupes qu'on
dirige l'es feux ; & ceux de piufieurs pièces
réunies peuvent alors caufer un grand dé-
tordre, & de plein faïet & à ricochet, ù
leurs dimenfions les rendent propres à ces
effets , & fi la batterie n'eft pas trop élevée
au deflus du niveau de la campagne : car on
fait l'avantage que M. de Valiere tira des
pièces de la & de 8 , qu'il avoir placées
fur la colline entre Aftembek & le bois,
avec lefquelles il rompit le corps des Hcl-
fois & des Hariovriens qui fe difpofoient
à fondre lur nos troupes au fortir de ce
village.
Cet exemple ne contredit point une ma-
xime prouvée par la raifon & par l'expé-
rience, qu'il ne faut pas placer le canon de
préférence fur des hauteurs trop élevées ,
parce qu'a'ors les coups font plongeans 8c
in.certains. C'eft au coup d'œil & à l'expé-
rience à juger de ces (brtes de pofitions ,
qui font toujours favorables lorfque le com-
mandement de la batterie n'eft que de
1 5 à 10 pies fur une étendue d'environ 300
toifes.
Nous établirons une autre maxime avec
i i'duteur de KEffuifur Cufage de f artillerie.
A RT
qui n'eft pas moins iiniiortaiite; « c'eft que
les batteries , pour avoir un effet décifitclaiis
une affaire, doivent être fortes &: ie proté-
ger réciproqucmenr. Cela n'exclut pas, con-
tinue !e )nc;ne auteur, l'avantase des bat-
teries plus tbibles & plus éloignées les unes
des autres, c'eft le meilleur qu'on propoCe
fans rejeter le bon » : les circonftances dé-
terminent d'ailleurs entre le plus & le moins ;
mais, autant qu'il eft pofllble, il faut s'en
tenir à la maxime qu'on ne peut nier , &;
dont la vérité eft reconnue par les militai-
res même qui font le moins d'accord fur
les autres points. Voici ce que dit l'auteur
de VEJJai t^ênéral de Taclicjiie , à l'occafion
d'un général habile qui oferoit s'écarter de
l'opinion reçue & n'auroit que 150 pièces
de canon, avec une armée de 100 batail-
lons , égale à celle de fon ennemi , mais
qui auroit 400 pièces de canon. Tous les
avantages, dii-il, feront du côté du premier.
I! n'aura point ce que nous appelions dos
pièces de régiment, parce qu'il calculera
que ces pièces n'ont pas des portées afftz
longues & affez décifives •, que difperj'ées &
formant de petites batteries, eWes ne remplif-
fent point de grands objets Ses bat-
teries mieux difpofées , mieux emplacées ,
mieux exécutées , des pièces d'un calibre
plus décifif , des prolongemens plus habi-
lement pris,lui donneront encore l'avantage.
L't;ftimable auteur qui a écrit contre VE/-
fai général de Tactique , qui réunit à de pro-
fondes connoifTances unelongue expérience
de guerre , dit , dans un ouvrage fur les opi-
nions qui partagent les militaires : «< Que
pourra-t-on oppofer à mes démonftratioiis.^
Le nombre de canons très-augmenté dans
les armées depuis le commencement du fic-
elé? Mais l'augmentation ne porte que iur
de petites pièce ^ fort peu dangereufesy/e//i;j
'font féparées \ & (i elles font réunies par
brigades fur la ligne , c'efl une raifon de
plus pour ne pas s'y expofer long-ttmps.--
Les batteries d''une certaine force , cnmpofées
de pièces du parc & du calibre de 8 au
moins, bien placées , fontéffeftivement re-
doutables & méritent coniidération. Les
partifans de la nouvelle artillerie ne font
pas fi blâmables lorfqu'ilsdifenr que le canon
doit à prélent décider les batailles ; au-
xreloiâ ils penfoient feulement que par des
ART î7î
pofitionsbien choifies ?>c par imfervieebien
:!irigé, ils influolent fur le kiccès. Des pré-
tentions Il fingulicres naiffent naturellement
de l'efpece de tadique dont on fe fert.
Nous finirons ce qui regarde les petites
pièces éparpillées le long de la ligne, par
ce que nous difons dans le fiioplément à
l'cjjai fur l^ufagc de r artillerie. « Qur.nt à
^artillerie fixement attachée aux bataillons,
elle ne peut être trop le gère , de quelque
côté qu'on l'envifage : plus on épargn(ârafur
ce point, plus on méritera d'éloges , car elle
coûtera toujours trop en conAruff ion 6< mu-
nitions pour l'avantage que l'état en tirera
dans les batailles. »
U n'en fera pas de même des fortes bat-
teries dont nous venons de parler , lefquel-
les occupant despofitions favorables , pour-
ront croifer avantageufement leurs feux fur
des corps de troupes à la difiance de «500
toifes & plus loin encore, fur-tout fi len pie-
ces de Il & de 8, dont elles feront co:n-
pofées , ont l'avantage de porter loin, fous
le moindre angle d'élévation : mais il faut
alors tirer lentement & fe donner le temps
de pointer & de juger de l'effet de fes coups.
Ce font les circonfl:ances qui décident le
commandant éclairé d'une batterie, & qui
lui font juger de l'avantage ou de Tinutilité
de tirer à de grandes diftances : c'eft la quan-
tité de munitions qu'il a ; c'eft le befoin qu'il
prévoit en avoir dans la fuite de l'aftion ;
c'eft l'effet de fon feu, c'eft enfin fon expé-
rience oc fes lumières qui le déterminent.
Que n'a-t-il pas à fouffrir dans ces occa-
fions, dertmpreffement, fouventindifcret,
des troupes qui l'environnent , lefquelles
vouciroient toujours voir ^artillerie en ac-
tion & entendre du bruit , même lorfqu'il
eft évident qu'il feroit fans effet : fituation
pénible , mais dont il eft bien dédommagé ,
lorfque dans la fuite de l'affaire, fes mr.ni-
tion$,fagementéconomifées,fonte!r.ployée$
avec autant de faccès que d'éclat.
Dans quelque circoimance que ce foit ,
on doit , au lieu de tirer par falve , ne tirer
qu'un coup après l'autre , en forte que le
teu foit continu; c'eft la manière la ])1hs
liire d'inquiéter l'ennemi , de lui faire tout
le mal poftible & de ne lui pas donner un
moment de relâche. Sans s'écarter de cette
maxime, dont la vérité ne fera pas coutef-;
574 A R T ^
tée,il faut tirer vivement à 20Ô toifeî âe
dillaiice , parce que le coup commence à
devenir certain, & à loo toifes très-préci-
pitamment parce que le feu devient alors
aulh meurtrier qu'il peut l'être , & une troupe
qui y ("eroit expoliie, fans pouvoir l'évi-
ter , le foutiendroit difficilement fans le
rompre.
Ap'ès avoir parlé de la légèreté de Yar-
tUUiie du nou\eau fyftcme , dont fes par-
tifans ont prétendu tirer de fi grands avan-
.tages; après avoir montré ce que les pie-
xes raccourcies perdoient iur la longueur
& la reditude des portées , nous devons en-
trer dans quelque détail fur le canon tiré à
carroiche. Cette queftion tient au fyftême
aftusl de taftique qui paroît univerfellement
adopté par toutes les piiilTances de l'Europe,
6c doit néceffairement entrer dans cet ar-
ticle , dont VartilUrie de campagne eft:
l'objet : nous le terminerons par quelques
réflexions rurfcconomie qu'on a cru devoir
réfulter du nouveau fyflèrùe & fur la dégra-
dation des chemins que la nouvelle artille-
rie devoir plus ménager que l'ancienne, par
rapport à (a légèreté.
M. Jo'y de Mdiiéroy , auteur auffi efli-
mable que militaire zélé, nous d:r dans
l'avant-propos de l'ouvrage fur les opinions
qui partagent les militaires , que « depuis
lefiecîe de Charles V & de François I, où
l'on vit renaître en Europe la fcience delà
guerre, l'infanterie conftituée fur les prin-
cipes des anciens', s'y étoit foutenue (ans
.contradiftion jufqu'après la paix de Nime-
gue, en 167S. Lesfufilsquicommençoient
alors à fuccéder aux m.ou'quets, étant plus
maniables & plus faciles à tirer, firent pren-
dre infenfiblemenr du dégoût pour les pi-
ques, 1 invention de la baïonnette coniri-
buoit encore à l'augmenter , de forte que
les piques fnrent.entiérement abandonnées
.en 1703 ; ce fat M. de Vauban qui déter-
mina Louis XIV à les (uppnmer, époque
qui doit être remarquable dans l'hif^oire de
notre taftique. Peu d'années après toute
l'infanterie fut armée de fufils avecla baïon-
nette à donillj , & la plupa t imagineien'
que l'arme de jet devoit être délbrmais pré
pondérante: cette idée ayant p-is faveur.,
on ne penfa plus qu'à fe laiiger dans ur
ordre qui parût propre à faire ul'age de toia
ART
Ton feu; on oublia totalement celui qui con-
venoicle mieux pour la charge S; qui avoit
été précédemment comme la forme natu-
relle de l'infanterie.
Il auroit femblé que l'ordre mince &t
cette ex'rême confiance qu'on met aujour-
d'hui dans le feu, ne pouvoier.t !e concilier
avec i'impérueufe vivaci'é de la natioa
françoifé, fi bien connue de foutes les
au'res : quoi qu'il en foit de cette difciffion
qui n'cfl cependant pas étrangère à notre fu-
jet, il fuirit de dire que toutes les puiffarces
de l'Europe ayant adopté la formation des
bataillons fur trois de hauteur , on a cru
qu'on ne pourroit réfifler au feu de leur
infanterie & de leur noir.breufe artillerie,
qu'en leur oppofan: des ttoupes rangées dans
le même ordre , une artillerie auffi nom-
breufe que la leur , & , par ce moyen ,
un feu aulTi bien nourri que le leur. De-là
notre ordonnance actuelle ; de-là nos exer-
cices ,nos feux de pelotons , de divifions,
de deux rangs : de-là VartilUrie légère &C
multipliée : de-là les coups decaron à car-
touche préférés aux boulets , même à de
trop grandes diftances.
Ce même fyflême de taiflique ayant pré-
valu, il eft certain que les partifans de la
petite artillerie avoient un b^au champ pour
défendre leur opinion. Vous voulez du feu ,
ont-ils dit , vous y mettez toute votre con-
fiance , vous abandonnez les armes de
longueur qui niettoient votre iniarite^ ie dans
le cas de le défendre contre la cavalerie &
même de l'attaquer ; vous voulez qie les
François fi impétueux & ii déterminés à en
venir promptement aux mains , à fondre
brulquem.enr fur l'ennemi , à l'artaqucr de
vive force même dans des po.'ks,(lans des
retranchemens , craignent de le joindre à
découvert & reftent en panne CNpofes au
feu de la moulqueterie îk de Vartillern , ,
feu d'autant plus redoutab'e que lesnations
que vous prenez pour modèle , en tont Itur
principale affaire Ôi qu'il convient à leur
cataftere : vousé eignezlabouillanteardeur
des Fi ançois , vous enchaînez leur courage,
vous voulez gêtier les i'avantesdifpofitions,
la valeur du général h.djile qui fera a leur
lête. Il faut donc nt.us corii^-mcr à \os
.■ues & à vos nouveaux principes , &: c<>pier
its puifiancescttangeies dans la patrie qui
ART
nous regarde , comme vous le copiez dans
toutes les autre' ; i! luut multiplier XarcUUrie
& devenir iupcieur à l'ennemi , dans le
genre même qui parut toujours nous con-
venir le moins ; nous aurons comme lui
deux petites pièces de quatre attachées à
clnqiie bataillon ( celles de 5 conviendroient
même mieux parleur extrême légéreré pour
fuivre les mouvemens des tro'jp^fs ). La
portée de nos petites pièce; fera ailez longue
& la force du boulet plus que f'ufRian.e
pour emporter trois hommes de file , puil-
que les bataillons ennemis font formés fur
trois de huiteur: cette formation préfen-
tant un grand front fur peu de profoi'.deur ,
nous tirerons bien plus à mitrai'le qu'à bou-
let, à 200, même à 300 toiles. Chaque
coup vomira 41 balles de fer battu qui
fortiront d'une boîie à culot de fer , lequel
donnera la mort à celui qu'il frappera, &
chaque coup de canon équivaudra , en
eutre, à quarante & un coups de fuiilrnous
mettrons par-là plus de monde hors de
combat, quoique nos pièces tirent encou-
rant & toujours vis-à-vis d'elle^. Dirigées
par les mêmes motifs, nos pièces de parc
de II & de 8 feront emplacëes, fi on ne
peut pas les traîner à bras à la fuite des trou-
pes , & n'ayant à tirer que fur des corps
minces , il fera très-avantageux de les tirer
à cartouches , inême à de très-grandes dif-
tances. Si nous tuons peu de monde, nous
ferons des bleffures multipliées à un point
qui fe conçoit à peine, & nous mettrons
plus d'ennemis liors de combat, ce qui eft
notre véritable objet & le plus raifonnable
qu on puifTe fe propoler. Nous dirigerons
la vivacité naturelle au François du côté
du feu, & nous ferons fupcrieurs à nos
ennemis, mêm; à cet égard, par la vîtefTe
de notre exécution, & parla formidable
multitude de nos pièces de canon : elles
pefent beaucoup moins que les anciennes :
elles coûteront donc moins & elles gâteront
moins le; chemins. Ne critiquez pas notre
petite anilurie , puifqu'elle tient à votre
raftique, qu'elle eft néceiïaire à votre or-
donnance, qu'elle eft une fuite de vos prin-
cipes , puifqu'enfin vous ne pouvez la blâ-
mer fans tomber en contradiifiion avec
vous même.
.Voilà en fubftance ce que nous avons
ART 575
entendu dire en faveur de la nouvelle artil-
lerie; & nous convenons avec notre impar-
tialité ordinai'e , qu'il n'efl pas aifé d'y
répondre, à inoins d'attaquer le fy/îênie
aftuel de taftique en totalité, domVaitille-
rie n'efi: qu'une branche. On a vu une partie
des réponfes qui ont été faites. FinitTonscfi
qui nous refte à rapporter fur cette impor- ,
tante matière, & renvoyons , pour le'refte, '(
à VEJfai général di tactique , & aux ouvrages
qifi Font réfuté.
11 paroît par les épreuves faites à Straf-
bourg, & les grandes diftances auxquelles on
y tiroit les coups à mitraille , qu'on eu dans
le deflTein d'employer des boîtes de fer blanc
terminées par un culot de fer, & rcinplie^
de quarante-une billes de fer battu , de pré-
férence aux boulets, contre les règles de
l'ancienne pratiquée/''. Qk'SO'S dcbataille_);
mais en fuppofantque dans tous les terrains
& à tous les niveaux , on auroit à la guerre
des réfuhats pareils à ceux qu'on nous a
donnés des épreuves , ce qifi ne peut fe fup-
pofer, on ne peut pas dire que cette qualté
de bien porter la mitraille, foit particulière-
aux pièces courtes , car celles qui feroient
plus longues auroient encore la fupériorité à
cet égard, ainli que l'expérience l'a prouvé:'
c'ert d'ailleurs une maxime reconnue de
tous les anciens officiers à^ artillerie^ que les •
boulets font généralement plus de mal of
caufent plus de défordre que les coups à
mitraille : fi les ennemis fonr formés fur trois
de hauteur, on cherchera des pofitions
avantageufes pour les battre d'écharpe & en
âanc : les longues pièces auroat la fupério-
rité fur les courtes dans ces poutions', on ne
peut en douter, & dans l'impofTibilité de
faire courir les unes & les autres à la fuite
des troupes, on les y pi icera ; quant aux
petites pièces de régiment qui tireront en
courant, fur des hauteurs ou dans des fonds
( car les champs de bataille ne font pas des
furfaces planes comiricles champs d'épreu-
ve } , leur effet fera nul ou prefque nul.
Il efl encore reconnu que les grappes de
raifin 6i les boîtes de fer blanc remp'ies de
petits mobiles, ne font pas d'un auffi bon
ufiige que les balles de munirion renfermées
dans des lacs d'une toile légère, & que,
quelle que foit l'efpece cie mitraille que
l'on emploie, on ne doit felervirdes pièces ■
57 ' ART
de canon, pour cet ufage, que lorfqu'on
eft fort près de l'ennemi. Les coups à mi-
traille , ajoute-t-on , n'ont qu'une portée mé-
diocre , font arrêtés ou dérournés de leurs
routes par de légers obftacles : une partie des
petits mobiles palTe au deiTus de la troupe
contre laquelle ils étoient dirigés , une parue
tombe en avant fans l'.itteindre , & la pe:i:e
qi'.antiré qui pourroit frapper, à une trop
grande diftance , ne fait que des blelFures lé-
gères qui n'infpirent point d'effroi. L'effet
i'era moindre encore fi les mobiles font de ter
battu & léger , par la réfiftance qu'ils éprou-
veront de la part de l'air, & par la direc-
tion qu'ils prendront au fortir de la boîte
qui les renferme, laquelle ayant un mou-
vement de rotation en fortant de la pi*:e ,
ne s'ouvrira que très- rarement de la manière
la plus favorable à PefFet du coup. Les
grappes de raifin , dont les mobiles font
ficelés &t ferrés dans une toile forte &
goudronnée , ne fe féparent qu'avec peine ,
en fortant de la pièce & prennent un mou-
vement de rotation qui les éloigne de leur
diretlion : ces grappes de raifin , comme
les boîtes de fer b'anc , ne peuvent fervir
qu'aux pièces dont elles ont le calibre, au lieu
que les balles roulantes conviennent à toutes,
s'écartent moins de leur direction , parce
qu'elles ont plus de maffe fous un moindre
volume, &; qu'elles n'ont point d'obftacle à
vaincre en fortant de la pièce : étant d'ail-
leurs en plus grande quantité ( iz livres
dans une pièce de 12, &c. ) , elles bleffent
plus de monde à portée moyenne, occa-
fionent par - là plus de défordre dans une
troupe. Si font conféquemment plus utiles
& d'un tout autre effet, lorfqu'elles font
tirées de près , c'eft-à-dire , à 60 ou 80
toifes , diftance que la bonne pratique a
déterminée pour les employer, au delà de
laquelle on doit toujours préférer les boulets.
Écoutons l'auteur de ÏEJfaifur Cufage de
r arùlUrii^Çp .8 .)(\\x\ nous rapporte quelques
faits qui doivent convaincre que les coups
de canon à cartouche , à balles roulantes ,
font auffi meurtrières de près qu'ils font peu
dangereux de loin : des témoins oculaires
de quelques-uns de ces faits , exiftent en-
core & en garantilfent la vérité.
» A la journée de Malplaquet, M. de
Maléfieu commandoit pluficurs batteries
A RT
aucentre des mauvais retrancherrens élevés
à la hâte pendant la nuit précédente : un
nombrede bataillons tous François , réfugiés
en Hollande , las d 'être expofés à tes boulets,
fe précipitèrent, pour l'attaquer , avec l'ar-
deur de la nation , excitée par la haine &c
par l'efprit de parti ; ils fouffrirent encore
quelques volées dans leur courfe ; mais prêts
à monter fi.ir les retranchemens , ils efluye-
rent de toutes les pièces une grêle de balles,
qui les mirent dans un défordre dont ils ne
purent revenir.
A Giiaftale , une batterie de 8 ou 10
pièces de 4 , placée à notre gauche , &c
i'outcnue par le régiment de Champagne,
avoir employé Tes boulets avec fuccès; mais
elle commençoit à en manquer & le trouvoit
forcée de diminuer fes feux. Les ennemis
s'en apperçurent bien vîte, & rélolurent de
s'emparer de cette batterie qu^ les avoit
arrêtés jufque-là , & de pouffer les troupes
qui la défendoient ; ils s'avancèrent donc
en bon ordre & d'un pas précipité , pref-
qu'aflufés de la réufTue. A leur approche ,
un des officiers de cette batterie courut à la
caiffe des balles que Ton met ordinairement
avec les boulets : les pièces lurent prompte-
ment chargées d'une quantité fuflfifante de
ces balles qui furent tirées de fort près fur les
Allemands; & l'effet en fut fi meurtrier ,
qu'ils furent plies à l'inftant , &; prirent la
fliite.
On cite , lifons-nous , dans le même
ouvtage , à l'occafion des cartouches tirées
detroploin, la perte que tirent les bataillons
françois dans les vergers de Bergen. Uii
pareil fait cft-il bien propre à les mettre fi
fort en crédit .'' Les ennemis , dit-on, après
avoir perdu la bataille , placèrent vingt
pièces deleurgroireamZ/irw , fur la hauteur
qui domine ces jardins, à la diftance de ■l'\0
toiles environ , & ç.-AX\onx\zxtM fi vivement
nos noupespendanc quatre lieures,que nous
eûmes fept ou huit cents hommes de tués ou
bleftcs. Il eft ailé de calculer la dépenle &C
l'efletde cette célèbre canonnade à cartou-
ches : tirez de chaque pièce un coup par
minute, ce n'eft pas faire un fiu bien vif.
A ne (lippofer que cela , les ennemis tirèrent
4800 coups pendant les quatre heures , &
voilà fix coups pour tuer ou blefter un
i homme ». ( En ne fuppofant la cartouche
que
ART
ART
577
<Jue de 41 telles , ce qui cfl vraifcmWable- 1 trouvé à nombre d'adions l'anglantcs , coir
"ce tiLii hit employé dans iervc au tond de Ion cœur des lentimcn
groife artillerie y c'cll 2.16
rient au il.-iious die
des pièces de
balles pour ruer ou bleiier un homme. )
"Mais réduilons le nombre des coups ù
\a moitié , les ad.nirateurs outrés des coups
à initraiile , n'airont pas encore iujet de
trioiviphc-r ; le même nombre de coups à
boulets bie;i tirés auroit produit un eflet
double & peut-être triple. »
Nous ajouterons un tait dont nous avons
<!té témoins, c'trt qu'avant été expoiés avec
une troupe d'environ ti\ bataillons , formée
iur quatre de hauteur , au feu de deux pièces
courtes , qui tiroient avec des cartouches de
ter blanc , de ioo coups au moins qui
turent tirés à 150 ou zoo toiles, il n'y eut
pas un homme tué ni blefle.
Voil.'i deux expériences de guerre , qui , de
l'aveu des partis les plus divilés d'opinions,
lontles plus déciiives ; cependant l'auteur que
n'">MS venons de citer , les répéta à la Fcre en
^760 , pour latislaire la curiollté de pluhcurs
témoins. Les réfùltats de ces épreuves vinrent
complètement i\ l'appui des exemples cités ,
& confirmèrent que les balles renfermées
d-ansdes lacs de toile , avoient l'avantage fur
celles qui étoient renfermées dans des boîtes
de fer blanc. Les partilans des anciennes mé-
thodes en conclurent que , quelle que foit la
<"^rtouche qu'on préfère , on ne doit em-
pfoycrcettc manière d'exécuter le canon qu'à
ICO toiles pour la grande diftance , & entre
60 ou 80 pour la diflance moyenne , & de
très-près pour les effets décilifs ; que dans
tous les autres cas , les boulets doivent être
préférés aux cartouches , d'autant plus que
l'cfTct des boulets eft encore augmenté par la
terreur & l'eiTroi qu'ils infpirent: car ils attei-
gnent à de très-grandes diflances; ils épou-
vantent par leur iiflement , ils hrifent tout ce
qu'ils rencontrent dans leur courfe rapide ;
ils emportent phifieurs hommes à la lois ; &
leurs membres déchirés & fanglans , les éclats
des obffacles qu'ils ont fracalîés , font de nou-
velles armes qui portent au loin l'ép'îuvante &
la mort , & qui , par le fpeftacle atï^x-ux qu'el-
les offrent , intimident , fur-tout les nouveaux
loldats qui n'en ont pas encore vu de pareils.
Il efl fans doute cruel pour un mil taire
d humanité , d'être obligé , par état , de faire
Ion étude des moyens les plus eflicaces
d'opérer la deflruftion de Ç*^ lemblables ,
de rechercher les armes dont les eiiets font
les plus terribles &: les plus meurtriers , &
de dilcutcr de lang froid la manière la plus
cruelle & la plus barbare de les employer.
M-ais l'état de guerre étant devenu fi com-
mun aux hommes , la voie la plus lùrc
d'abréger celles qui fe font fi louvent fur
des motifs trop légers , feroit peut-être de
In faire d'abord très-vivement , & qu'une
puilTànce dont la réputation d'équité feroit
aulll bien établie que méritée , le rendît aulll
redoutable par les forces que par la manière
de les employer ; afin qu'en accablant les
ennemis tout à la fois , elle leur fît bien
connoître le danger auquel on s'expofe,
en troublant injuftement la paix des nations i"
les guerres feroient moins longues & par
conléquent moins deflruûives ; caria faim ,
les fatigues & la milere font périr plus de
foldats que le ter & le feu. (j)
Puilfe , au furplus , le flambeau de la
religion & de la philofophie éclairer les
hommes fiir leur véritable intérêt, leur vrai
bonheur ! Puiflênt les fouverains de la terre
goûter dans leurs règnes longs & paifibles ,
l'ineflimable bonheur d'être les bienfaiteurs ,
les pères de leurs fujets ! Puilfe notre patrie
jouir d'une paix éternelle & d'un bonheur
confiant ! Alors nous ne regretterons ni les
maux que nous avons fbuffèrts , ni le
que nous avons verlé pour elle.
& bâtons-nous de terminer cet article.
Les partilans du nouveau fyftême d'jm/-
lerie ont beaucoup fait valoir l'économie qui
rélultoit de ces nouveaux établiiferiiens , &
ont prétendu de plus que Ici équipages d'j/"-
tillerie , formés Iur le nouveau plan , dégra-
deroicnt moins les chemins que ceux d'au-
trefois. On leur a répondu qu'il étoit bien
vrai que chaque pièce pelant moins en par-
ticulier que la pièce ancienne du calibre
, chaque pièce nouvelle coû-
mais qu'en les multipliant ,
air.fi qu'on fe propolê de le faire , la maffe
totale feroit plus chère pour le métal & la
façon. Pour s'en convaincre , a-t-on dit , U
lang
Pourfuivon*
corrclpoiittant
teroit moins ;
qui , après avoir fervi long-temps & s'être
'(itjStpihs e>]!mpeyinri.% qulttn \u^n.'ic07if:imitexercUHm ; ij' firrofi.'LiOr f.xmcs ejl. Vegece.
Tome m. A a ail
37
S
ART
n'y a qu'à comparer le nombre des pièces
c\u\ étoicnt attachées aux armées de Flandre
pendant la guerre de 1740 à 1748 , avec
felui qu'on projette d'employer ;\ l'avenir,
oui eft prefqiie triple : après cette comparai-
{xm , l'économie prétendue difparoîrra rela-
tivement au métal & à la façon ; fi l'on con-
fidere cnfuite l'approvliionnement d'un pa-
reil nom.bre de pièces , à 2.C0 coups cha-
cune , tant er boulets qiii'en cartouches ; fi
l'on fait attention que ces cartouches coûtent
fept fois plus que le boulet du mém.e calibre ,
& qu'elles ont pkîs de volume; fi l'on re-
marque que la quantité de poudre fera fcn-
fiblemcnt i^ugmcntcc , on verra combien les
roiturcs du parc feront multipliées : nou-
velle augmentation de dépenfe pour leur
conllruclion , & nouvelle augmentation en
attelages & en charretiers. Loin donc de
voir de l'économie dans les nouveaux projets,
les partifans des anciens ufages n'y voient
tju'un furcroît de dépenfe confidérable. ^
Ils répondent , en îecond lieu , que fi les
chemins Ibnt un peu ménagés par la dimi-
nution de malTe , de quelques pièces de 12. ,
celles de ce calibre de dim^îniions nouvelles
les gâteront autant que les anciennes pièces
de 8 ; que celles de 8 nouvelles les gareront
plus qne les anciennes pièces de 4; que ce
petit avantage des pièces de 11 allégées n'efl
pas à comparer avec les dégratlations occa-
fionées par le nombre de voitures du parc
& par celui des pièces , qui efl pins que dou-
blé; enfin ils concluent que le nouveau iyf-
tême d'iirtilL rie eft plus difpcndieux que l'an-
cien , plus embarraflant dans les marches,
& que les chemins en i«rontplus prompte-
ipent gâtés & dégradés.
Nous obfcrverons ici avec l'auteur de
VEJfai fur Viifage de l'artillerie y que nous
ne taifons pas entrer en ligne de compte les
voitures de munition , néceilàires atix pièces
de régiment , ni ces pièces elles-mêmes ; Hins
quoi le nombre des voitures feroit jilus -^ue
doublé : nous n'avons entendu parler que
nu feul parc. Si l'on dit que ^artillerie ne
fuivra plus le même chemin, comme autre-
fois ( Siippl. à riljfai fur l\ifage de l'artille-
rie , pag. 32..) " je répondrai que rien n'ei\:-
pêcboit autrefois de prendre les mêmes pré-
cautions pour hiciliier les marches , & qu'on
l'a f.dt dans les dernières campagnes ,, fur quoi
ART
j'obfervera! encore qu'a force de promettre
au miniflere , aux généraux & aux troupes
de paiïer légèrement par-tout avec M artille-
rie , nous pourrons , en plus d'un lieu , nous
trouver fort embarraffés , fi ce n'eil pour les
pièces de régiment , au moins pour les mu-
nitions & pour les autres pièces. Malheur
alors aux officiers chargés de la marche , &
peut-être au corps entier ! "
N'oublions pas , avant déterminer , une
maxime de laquelle il feroit très-dangereux
de s'écarter , c'efl que , lorfqu'on porte de
V artillerie en avant de la ligne, elle doit être
foutenue par des compagnies de grenadiers
d: même par des bataillons , fuivant la con-
jonûure , & que les batteries & les troupes
qui les protègent & qui en font protégées ,
ne doivent jamais s'abandonner.
Si l'on vouloir tout dire , on feroit ur»
très-gros livre , ai ifi que nous l'avons ob-
fervé au commencement de cet article que
nous terminerons ici , en concluant de tout
ce qu'on y a lu.
i". Que trop compter fur V artillerie , ou
la regarder comme inutile dans les combats ,
font deux excès qui décèlent la partialité.
2°. Que ï artillerie eft préférable , à tous
égards , aux machines de jet des anciens.
3". Que l'artillerie de la France eut aflcz
conftamment la fupériorité fur celle des pui(-
iances étrangères.
4". Qu'il lemble qu'on doit préférer une
artillerie peu nombreufe , mais bien diri-
gée , à une m.ultitude de pièces de canon ,
qui rendroit les marches des armées pelantes
&■ diftîciles , & qui pourroit mêm.e., dans
bien des cas , empêcher des mouvemens
dccilîfs par la difficulté des fubfiftance-:. SL
on répond qu'alors on en fupprimeroit une
partie, c'eft convenir de fon inutilité dans
bien des occalions.
5°. Que le plus fort calibre qu'on doive
mener en campagre , eft celui de 12 ; & que
il on fait entrer des pièces de 16 dans un
équipage de campagne , ce doit être en pe-
tite quantité.
6°. Que nos pièces de canon, dans chaque
calibre , coulées dans les dimcnfionsde l'or-
donnance de 173^1 ont une portée plus lon-
gue & des direflions plus {ù\cs que cies
pièces plus courtes ; qu'elles ont moins
de recul , qu'elles foru plus durables, leur
ART 579
chc que la piccc ;\ !a lùédoife , il fcroic dé-
lavanrageux de la reformer.
15". Que le nouveau lyHênic Sartilleric
eft plus diipcndicux que l'ancien.
16". Que la nouvelle arf;V/(?/7> garerrt plus
les chemins que l'ancienne , rendra les mar-
ches plus pel.'.ntes , & pourrotr même empê-
cher le iuccès d'une albirc qui dépendroit
de la célérité d'une marche (*).
Nous laiifons au ledeur à juger de la fo-
lidlté des motifs & des raifons des partiians"
de la nouvelle artillerie , & de la iorcedcs
objeclions qu'on leur a laites. On voit, d'un
côté , rattachement cjui nous lie à d'anciens
ulages , attachement d'autant plus cher ,
qu'il ell plus anciennement contradé , &
qui n'eil pas facile à détruire ; de l'autre
part, le charme des nouveautés, toujours Çi
puilîant & fi capable de produire des illu-
iions , de l'enthouliame même. Que feront
les militaires impartiaux encre ces deux
écueils ? Ils attendront que le miniflerc dé-
cide la
queftion :
le per
fuade
ront qu elle
ART
eflfèt plus meurtrier , & leur feu plus rafîint.
7°. (^i'il elt dillicile d'alfurcr le coup de
boulet a 400 toiles iiir un petit objet ou lur
un petit corps en mouvement , & que le coup
ne devient certain qu'à 200 toifcs.
8". Que c'efl une erreur de croire qu'il y a
de l'avantage à pk-cer le canon lur des lieux
fort élevés au dcflus du niveau de la campa-
gne ; que les batteries doivent être fortes , &
fc p.rotéger réciproquement , & être (bute-
rues par des troupes dont elles ne doivent
pas fè iéparcr.
9°. Que tant qu'on eft éloigné de l'enne-
mi de ICO toifes , on doit préférer le boulet
A la cartouche , de quelque cfpece qu'elle
foi t.
iC*. Que de toutes les cartouches , celles
qui font compofées de balles de munition ,
relies qu'on les délivre aux troupes , enve-
loppées dans des lacs de toile légère , font
celles qui font le plus d'effet , mais qu'on ne
doit les employer que lorfqu'on efl tort près
de l'ennemi.
11°. Qu'en général , il cfl de la dernière
conféquence de ne tirer , foit à boulet , foit
il mitraille , qu'à bonne portée; fans quoi,
l'on confommeroi: inutilement des muni-
tions qu'on feroit dans le cas de regretter ,
Jorfque le moment d'en faire un ufage déci-
fif arriveroit. Qu'il ne faut point tirer à bou-
let par l'alve, mais un coup après l'autre, en
lorte cjuc le feu ioit continu.
12°. Que Vdnillerie de régiment , qui
accompagne les troupes , ou qu'on fuppole
qui peut les ticcompsgner dans tous leurs
mouvemens , ne fauroit procurerde grands
avanttiges.
13. Que les pièces de 12 & de 8 ne pou-
vant jamais être aflcz légères pour (uivre les
Troupes , il paroîtroit plus avantageux de les
laiiï'cr dans leurs anciennes proportions , &
de leur faire occuper , comme autrefois , des
pofitions bien iaiiies , où elles puilfent battre
en flanc , de revers , s'il elt pollible , ou au
moins d'écharpe.
14°. Que la pièce ancienne de 4, por-
tant plus loin & plus juile que la pièce nou-
velle de 8 , & prefqu'aulFi loin que celle de
12 nouvelle , que pelant moins que la pièce
nouvelle de 8 , & portant mieux la cartou-
(* ) Ces maximes loni tuées pour U plupart de l'Effji lui l'ufage àe V artillerie , & d'un Mcinckç
<ic feu M. de Mouy, lieutenant génciil des aiinccs.
A a a a 2-
cil d'une alîèz grande importance pour mé-
riter fon attention ; ils fe conformeront aux
ordres qui leur feront donnés; & li la nou-
velle artillerie prévaut pourla guerre de cam-
pagne, ils n'auront plus d'opinions, & cher-
cheront à employci les nouvelles pièces avec
le même zèle , & s'ils peuvent , avec le
même fuccès qu'ils eurent , en fervant avec
les anciennes. Le leul chagrin qui lem- rrf-
tera , fera d'avoir vu régner trop long-temps
une guerre intelline dans le corps de Wirtil-
lerie , & qu'une diverfité d'opinion en ait
troublé la paix "& l'union qui firent autre-
fois fi force , & qui la rendirent , on ofc le
dire , redoutable aux puifiances étrangères.
Ils attendront, avec impatience, que les
chefs de ce corps , qu'ils reipeftent encore
plus par la fupériorite des talens qu'ils leur
reconnoidcnt , que par l'éminence de leur
grade , rétablilient la concorde & la paix
qui régnèrent autrefois entre tous les offi-
ciers particuliers , perluadés que cette douce
opinion peut "iéule faire renaître & inaintenir
l'ancien efprit du corps , en même temps
qu'elle fera le bonheur de chacun des offi-
ciers qui le compolent. Tels iont no'; fcnti-
mens , tels font nos vaux finceres , rels font
sîo ART
inos dcfirs les plus ardcns , err attendant que
les lumières & l'antorité de nos maîtres daiis
l'art de la guerre , détruifent toutes les four-
bes de divifion. ( ^ A. janvier 2 773-),
Il ne nous rede plus qiù\ donner une idée
«les manœuvres de la nouvelle artillerie.
Sertice d'une pièce de bataille du calibre
de z z par h'.iit hommes du corps royal ,
Ùfej}ide Vinfanterie.
Positions des cancnniers Ùferi'aris , a
droite de la picct.
ART
remet à fa première pofition en avanr & hors
de l'alignement de la roue.
Second canonnier fermant désigne par un
quarre [^
5. Il efl chargé du iac aux_lances_ à
porte
«.Il
Premier ainonnier déf,gnépar un triangle ^\^
N°. Z . En marchant en avant il tient des
deux mains le levier de lunette a de la droite
de la pièce (.;%. l , plane. III , nom' elle ar-
tillerie., fuppl. des planches.) Il tient le même
levier feulement de la main droite , en mar-
chant en retraite {fig. S.. ) ; pendant l'i-iclion ,
c'efi- à-dire , Jorlque la pièce tire , il eil placé
«ntrclesdeux leviers de lunette-(a, l> y fis
^ ) : il a attention que le fécond canonnicr
& tous les fervans toient à leurs polies ; il
fait alors le feul commandement ckarge:^ :
pendant qu'on charge la pièce, il la dirige
avec les leviers de lunette , qu'on appelle
«uffi de pointage , avant qu'on mette le feu ,
il fe retire à droite ou à gauche , lelon le
côté d'où vient le vent , pour obicrver ion
coup , fans être incommodé par la fumée.
premier canonnier ferrant deftgné par un
quarre Q, j
iV**. z. Il porte une bricole longue ( c ,
fg. 4) , pendante à fa gauche '■ il cA chargé
de l'écouvillon qu'il tient à la main gauche
en marchant , & qu'il appuie à fon épaule :
il accroche fon trait ( d , fig. 4 ) au crochet
■!^ de la têre de l'ailut en marchant {fig. z ) ,
& il attache au crochet ;{ du bout de l'effieu
en marchant en retraite (/^. a. ) La pièce
étant en adion , il efl placé en avant hors
de l'alignement des rotu^s ; il tient horizon-
talement l'écouvillon des deux mains ; au
commandement charge:^ , il fe porte à !a
bouche de la pièce par ihi grand pas du pié
gauche ; & pofint le pie droit à la même
hauteur , les talons éloignés de 18 poiu;es ,
il fe trouve placé parallèlement à la pièce
qu'il écouvillonne.: il aide enfuite à enton-
ner la cartuucU d^i U cajion , puis U i'c
iVo. ^ ^
feu qu'il porte à gauche , & du boute-
ou porte-lance qvi'il porte de la main droite :
en marchant en avant , il fe porte au levier
e, qui eil en travers de l'artut , taifint tacc
à l'ennemi : il aide à foulevcr & à poiiiler
l'aftut ; il agit en fens contraire , en mar-
cliant en retraite ; pendant l'aclion il à\
placé à la hauteur de la culaHc ; il accro-
che & décroche le fcau , & il met le teii
lorfque le fécond llrvant de la gauche lui en
a donné le fignal.
Serrant d'infanterie défignévarun hiange ^
A'*. 4. Il porte une bricole raccourcie
( g} fis- 5 ) à fa gauche : en marchant en
avant il accroche fon trait au crocnet ( ^ ,
fig. z ) delà tête de l'allût , à U droite du
premier llrvant ; en marchiint en retniite ,
il l'accroche au crochet i du bout de l'cUieLt
{fig. ;i ) , à la droite du même fervant. 1 en-
dant l'action il fe retire auprès de 1 avant-
train , où il aide à remplir les facs des pour-
voyeurs : il remplaceroit , au beloin , un des
hommes qui pourroient en manquer.
Servant d'infanterie défigiiépar un loiange ^
N°. 5. Il porte une longue bricole ( c ,
fig. 4 ) à fa gauche : en marchant en avant ,
il accroche fon trait au crochet \ du bout
de l'eilicu {fig. z ) : en marchant en re-
traite , il l'accroche au crochet & de la crolie
{fi.g. z ) : pendant fadion , il le tient au
cailfon des munitions.
Seri-ant^ infanterie dcfigné par unloiange<^
iVo. 6'.Lorfqu'on féparel'afFût de l'avant-
train , il aide au cinquième fervant de gauche
à enlever le coffret de defiîis l'atlût & à le
placer fur l'avanr-train ; en marchant en
avant, il fe porte au levier e en travers de
l'alITit {fig. i ) à la gauche du lecond ier-
vant canonnier , qu'il aide A foulcver & ;\
poulTcr la pie»:e : pendant l'adion il eil au
caiifon des munitions. yv
Serrant d'infanterie défignépar un hiange >^
JV°. 7. 11 porte uii^c bii^yis raccourcie
ART
{g,fig. 5. ) • ^n marchant en avant il ac-
croche fon trait au crochet ;; du bout de
refllini ( fis;. ?. ) : en marchant en retraite ,
il Faccrochc au crochet & de la crolle (fig.
2..) : il eu au cailTon des munitions pen-
dant l'aélion.
Troijleme canonnier ferrant , désigne par
un quarre I2[
N°. S. Ce fervant , toujours du corps
royal de V artillerie , icrn attaché à la garde de
l'avanr-train &r du coffiet : il fc portera , au
befoin , au fccoursde la pièce , & aidera les
deux canonniers placés aux leviers de lunette
H , ^. Il cfl chargé d'emmener & de ramener
l'avant-train.
Pofuion des canonniers , & feri'ans , à
gauche de la pièce. Second canonnier
désigne par un triangle A\^
N".g.En marchant en avanr , il tient des
deux mains le levier de lunette h de la gauche
de la pièce (Jîg. z . ) : il tient le même levier
feulement de la main gauche , en marchant
en retraite {fig. z.) : pendant l'adion, c'eft-
à-dire , lorlque la pièce tire , il ei\ placé à
hauteur de la culafie {fig. 5.) : au comman-
dement charge\ , il bouche la lumière de la
main gauche, & de la main droite il donne
l'élévation à la pièce par le moyen de la vis de
pointage. Voye\ Canon DE BATAILLE.
Canonnier fervant défignépar un quarre iXl
A'°. i o. Il porte une longue bi^cole {c ,
fig. 4. ) pendante à fa droite : en marchant
en avant , il accroche fon trait ( d , fig. 4. )
au crochet de la tête de l'affur ( ^ , fig. i .) ,
& il l'accroche au crochet du bout de l'ef-
fieu {\ , fig. i. ) , lorfqu'on marche en re-
traite. La pièce étant en adion , il cil placé
hors de l'alignement de la roue gauche, en
avant. Au commandement charge^ , il fe
j^orte à la bouche de la pièce pour y aider
le premier fervant de la droite à écouvil-
lonner : il reçoit la cartouche du troifieme
fervant , il la place dans le canon & l'y en-
fonce avec le premier fervant de la droite.
Après quoi il reprend fa pofition en avant à
cy:cdeld roue.
ART 581
Deuxième canonnier fervant de la gauche ,
dejîgne par un quarre
N°. i z.ll porte le fie A étoupiUes à fa
ceinture , & le dégorgeoir de la main droite :
ep marchanren avant, il fe p(;rte au levier
/" de la croflè de l'aflijt {fig. :.), il aide .1
le foutcnir & à le pouifer , en avant & en
retraite {fig. z. ) : pendant l'avion il fe porte
à la culaffe de la pièce , à gauche du fécond
canonnier qui vient de la pointer, il la dé-
gorge de la main droite, place l'étoupille de
la main gauche , & fait ligne au fécond fer-
vant de droite de nettrc le feu, lorfqu'il dl
retiré .1 l'on poHe {fig. j. )
Troijieme canonnier ferranf de gauche défu
gne'par un quarre Hî
A''". / z. Il porte une bricole raccourcie
{g) fig- 5- ) ' pendante ii fa droiic. En mar-
chant en avant , il accroche fon trait au
crochet \ de la tête de l'atfût ( fig. z.) : en
marchant en retraite , il l'accroche au cro-
chet^ de l'extrémité de Teffiieu. {fig. z. ) Il
efî pourvoyeur de la pièce , chargé d'un fie
de cuir où cil la cartouche , qu'il donne au
premier lervant. Le fac étant vuidc , il va le
remplir au cotiret ou au caiffon.
Senant d'infanterie de gauche défi gné par
un losange ^^
N°. i j. Il porte une bricole {c ,fig. 4. )
pendante à fi droite ; en marchant en avant,
il accroche fon trait au crochet :{ de l'extré-
mité de l'effieu {fig. z.) , en marchant c»
retrajre , il l'accroche au crochet & de la
crofle {fig. z.):\l ei\ avec le troifieme ca-
nonnier fervant , pourvoyeur de la pièce ,
& porte , comme lui , un fac de cuir : il
donne la cartouche au premier fervant , psn-
dant que l'on camarade va remplir fon fac.
Servant d'infanterie de gauche dejigné par
un lo^^ange ^5>
N". 14. Il aide au cinquième fervant de
la droite à féparer l'affût de fon avant-train :
en marchant en avant , il cft au levier/' lie
laffTlt , à ja droite du fécond canonnier fer-
^ vant , qu'il aide A fjutcajr & A poulfcr FaiiCit.
58r ART
En marcliant en retraite , il poiifle la pièce
d'une main à h volée ; & de l'autre aux aiiks :
pendant l'aûlon il ell au coiirct ou au oailibn.
Serrant d'infanterie dcftgné par un
losange ^
N°. i 5. Il porte une bricole ^raccourcie
{fig. 5. ) , pendante à ia droite : ion poflc
ell au caiflbn. Pour marcher en avant , il
accroche fon fJ'ait au crochet \ de l'extré-
mité de l'eHîeu {fig. z . ) > & ^n marchant
en retraite , il l'accroche au crochet £>' de
la crofTe {fig. s..).
A°. i 6. Les bricoles ( e ^ fig. ^& £.)
feront d'un bon cuir de roufli : elles doivent
avoir , )■ compris l'anneau de fer h y deux
pies fix pouces de longueur, & le trait tait
d'un bon chanvre ayant iix lignes de dia-
mètre , aura fept pies iix pouces de lon-
gueur , y compris la maille d , en forte que
la bricole & le trait pris enlemble auront dix
pies de long. On raccourcit le trait , en
pafîant le crochet de fer k dans l'anneau h.
N°. z 7. Les facs à porter les cartouches ,
les étoupilles & les lances à teu , doivent
être de cuir liue, l'ulage ayant appris que
ceux de cuir garnis de poils étoient fujetsà
s'enHammer.
On peut fe figurer avec quelle rapidité ces
petites pièces font iervies ; tous les canon-
niers & fcrvans qui y font attachés, lont en
mouvement à la tois ; on les charge à car-
touche , c'eft-à-dire qu'on y met la poudre
& le boulet en un feul temps ; au lieu d'une
traînée de poudre fur la lumière, on y in-
troduit une étoupille qui efl uft rolêau rem-
pli d'une compofition très-vive , lequel entre
dans la gargoufîe , percée à cet effet avec le
dégorgeoir : au lieu d'une mèche allumée
pour mettre le feu , on fe fcrt d'une lance à
feu , qui crache de fort loin fur l'extrémité
fupérieure de l'étoupille , laquelle porte une
cravate ou plufieurs brins d'une mèche dé-
liée , bien imprégnée de la compofition dont
le roicairde l'étoupille efl rempli, en lorte
que la pièce ell chargée & le coup efl parti
en un clin d'œil. On peut donc tirer très-
vîte avec ces petites pièces : mais il vaut
peut-être mieux ralentir un peu la vivacité
du feu , & le donner le temps de pointer &
de bien ajuller. ^
ART
Manœuvres- avec les cherailx pour les
pièces des frais calibres.
N°. i S. Pour faire de longs trajets en
retraite , ou pour couvrir une colonne qui
auroit à craindre l'ennemi fur Ion lîanc , ou
enfin pour franchir des fofiés , rideaux , &c.
avec les pièces des trois calibres , on fcpare
l'avant-train de l'affût , dont la crollè pofe
alors à terri ; on attache un bout d'une demi-
prolongc aux armons de l'avant-train,
laquelle palîè fur l'avant-train , embraiiè ,
d'un tour , la cheville ouvrière , repafîe iLr
le couvercle du colFret de munitions , & elt
attachée de l'autre bout à l'anneau d'embre-
lage : on laiflb environ quatre toiles de lon-
gueur au cordage entre l'afiCit & l'avant-train
auquel les chevaux iont attelés ; lorfqu'ils
marchent , la pièce tirée par le cordage luit
ailément , au moyen de la coupe de la partie
inférieure de la croilè qui efl faite en traîneau ;
les canonniers & lervans portant leurs armé-
niens, accompagnent la pièce dans leurs
poftes rclpedifs , à droite & à gauche.
Lorfqu'on veut tirer, le maître canonnier
crie halte , & dirige la pièce , en failant le
commandement t7:ar^f:^. Le coup partT, s'il
ne veut pas en tirer un fécond , il fait le
commandement marche.
S'il faut delcendre ou monter un rideau ,
pafler un fofîé , on allonge , s'il le faut , le
cordage , les chevaux pallent avec l'avant-
train , & les canonniers & fervans joignent
leurs efforts à ceux des chevaux , & la pièce
paiTè. Il faut qu'ils aient une grande atten-
tion à ne pas s'engager dans leurs bricoles ,
& à loutSnir la pièce dans les pas difficiles ,
où elle pourroit verler. Ceci efl une ma-
nœuvre pénible & dangereuie : mais il y a
des cas où on l'a exécutée , ou féquiva-
lent , avec des pièces de 2.4 ou de 10. On
peut donc, à plus forte railon , en venir à
bout avec iles pièces très-légères. Les apolo-
gifles de la nouvelle artillerie concluent de
l'expofé que nous venons de faire , que leurs
pièces de canon peuvent marcher ainii , aulfi
vite que l'infanterie la plus lefte : nous en
douterons jufqu'A ce que l'expérience de quel-
ques campagnes nous en ait convaincus-
Les pièces des calibres de 8 & de 4 fè
manœuvrent comme la pièce de 12 , à l'ex-
ception qu'on n'emploie que treize homraes
ART
pour la pièce de 8 , & que celle de 4 peut
ctrc exécutée avec huit hommes feulement.
( ^^. )
Les changcmcns i'urvenus dans l'art de la
guerre nous engagent à joindre de nouvelles
obfcrvations à celles qu'on vient de lire.
Nous devons compte au public des progrès
de ce grand art, & des révolutions qu'il a
éprouvées ; & il d\ de notre devoir de juf-
tifierla proicription que le gouvernement a
lancée contre les panégyrifles de l'ancienne
artillerie.
Les partifans de l'ancienne artillerie ayant
joui de la liberté d'expoler dans rEnc3clo-
pédie leurs fentimens fur les ch.mgcmcns
f.vts dans Y artillerie françoilé depuis la poix
de 1762 ; changemens approuvés parlegou-
vcrncment, changcmcns contre lelqucls on
s'eH permis ce que la critique a de plus libre ,
changemens enfin qui , après avoir mérité &
obtenu le iiiffi-age des généraux aflemblés
pour juger de leurs avantages & de leurs iu-
convéniens , ont été fuccefuvemcnt con-
flicrés par deux ordonnances du roi rendues
en 1774- & 1771^ : il convient, fans doute ,
que le même ouvrage qui doit porter à la
pollérité le blâme qu'on a jeté lur les inno-
vations, en contienne aufll le correélif , &
apprenne quelles font les raifons qui ont
déterminé le roi & unconicil de maréchaux
de France , à ne pas avoir égard aux récla-
mations de quelques anciens artilleurs. C'eit
uniquement pour jullitier les décilions de
ces généraux & du roi , & non pour le trivolc
plaifir de trouver des torts à ces anciens ar-
tilleurs , que j'ai cru devoir dilcuter les arti-
cles qu'ils ont eu foin de fournir à l"Ency-
clopédie ; juflification au relie , dont une
déciiîon aufli refpeftable n'a prefque jamais
befoin , mais qu'une certaine clalTe de lec-
teurs & la célébrité de l'ouvrage où lontcon-
(*) Nous ne l'imiterons pas; ,'t puifqu'il a eue tous les écrits en faveur Je fon-ryftènic, nou>
jugeons qu'il eft de notre devoir d'iutliqoer à notre iefteur ceux qu'on a publiés en f.iveur du non-
veiu. Les fjv.ins & les militaires qui vouciron: ne p.is enihraiïer faos clioix une opinion fut l'artillirie ,
peuvent confulter les ouvraf;es fuivans , qu'on lioi: à M. du Coudriy , Chef de Brigade au Corps royal,
& que j'ai continue'leirent eus fous les yeux en conipofant cet article & ceux qui v font rel.;iifs ,
comme les meilleures îburces où' je puilTe puilcr : Olfcrvatioiu fur le Traké de Ix défenfe diS t.!xrcf
far Icscitntremiite'.. Lt nom elle JirtiUcrie. — L't'iat ailuel de la quercile fur rA^iilltrie. — Lettres
d'un Cf.cier d'artillerie li un Ojjlci^r gcnir.d. — DiJ}nfflo7i nouielle fur l'nncien & le ncK-y^eau f\fltme
à'ariillcTie.
L'auteur de cet article fc propofc de publier incefTamment Vj^rtiHerie nouvells , oiiva'e qui riTu-
mera dans un ordie plus clair lout ce que renferment ceux des partiljns de l'anciin.i^f & de U
^louvelie artillerie , Se po::eia d; aom elles liiuiicics fut les objets ipi les ont^'.-rtajé^.
lignées ces critiques, rendent cette foise.xcu-
fible , & peut-être même néccfHiire.
Une réfutation de toutes les erreurs con-
tenues dans ce long article feroit trop f;ifn-
dieule. Nous nous contenterons d'attaquer
les conclufions par lefquelles fon auteur l'a
terminé. Comme elles (ont très-exaflemenc
le réiumc de tout ce qu'il a cru avoir prou-
vé ; en démontrer la {olblellt', ce fera dé-
truire en lublKince prefque tout ce qu'il a
dit. Remarquons d'abord qu'en promettant
la plus févcrc impartialité dans la difcufîîon
qu'il bit du nouveau & de l'ancien fyflêmc
de V artillerie , il paroît avoir aflez mal rem-
pli fa promcfie : puilqu'en citant fans cefic
les ouvrages publiés en faveur de cet ancien
fyftême , il n'a pas fiit mention une feule
fois de ceux où l'on déf endoit le nouveau (*}.
Il faut croire qu'il les avoir peu lus ; car il
répète jufqu'à fatiété mille objections qu'il
y eût trouvé anéanties , & s'imagine qu'il
n'auroitpas voulu combattre avec ces viei les
armes cent fois hrifées & incapables de fer-
vir à la défenle de fon opinion. C'cil déjà
contre elle un préjugé bien défavorable que
l'exclufion qui lui tut donnée par un minidre
plein de génie , & la proicription qu'elle
a cfluyée de la part de tous les généraux
qui ont commandé nos armées & qui le
(ont aflemblés pour en porter leur jugement.
Si elle a reparu, triomphante un moment ,
elle n'a dû ce iuccès éphémère qu'A un pro-
tcdeur qui , remplacé fucceffivement par plii-
fieurs hommes très-éclairés , les a vus détruire
(on ouvrage : ils ont aifémcnt fenti que l'art
ce la guerre & la conftitution de; armées
a}ant changé , il étoit nécefîairc que !'i7m/p
lerie qui en dépend comme acccfloire efîcn-
ticl , s'accommcdiît à ces changemens , &
y conformât (on fcrvice & (à coniî::t+;;i,-)n.
Suivons donc l'ordre des numéro d?
5^84 ART
notre auteur , il aidera nos leâeurs à compa- '
rer fes objeflions à mes réponfes.
i". n Trop comprer lur Y artillerie , ou la
» regarder comme nulle dans les combats ,
5) iont deux excès qui décèlent la partiali-
}■> té. » Voilà de ces vérités triviales qu'on
ne dcvroit jamais écrire. Il efî plus qu'inu-
tile de répéter tout ce que le monde lait ; qui
compteroit trop fur Vanillerie , feroit un
enthoufiafte ; qui la regarderoit comme
nulle , feroit un fou. N'ell-ce pas perdre
Ion temps que l'employer à combattre de tels
adverlaires?
2". >5 Uartillevie cfl préférable aux ma-
» chines de jet des anciens : » encore une
vérité dont trois fiecles d'expérience ont
convaincu tout le monde. Le chevalier Fo-
lard a le premier montré des lentimens
contraires ; laiflez dire ces fedateurs , ac-
coutumés à encenfer jufqu'aux erreurs de
leur auteur favori. Quelle nation a laiiTé les
canons pour reprendre les catapultes? Quel
peuple lauvage n'a pas jeté {^ts arcs pour s'ar-
mer de fufils ? L'opinion de Folard n'a pu
■ faire que des profélytes incapables de pro-
duire j en nous ramenant aux balifles, une
fi étrange révolution dans l'art militaire.
3°. » JJartillerie de la France eut alTèz
» conftamment la fupériowté lur celle des
» puilfances étrangères ; " c'eft pour lui
conierver ce précieux avantage qu'on a dû
P'jrledionner la nôtre , quand les étrangers ,
moins idolâtres de leurs uftges , avoient
changé en mieux la leur. Pour prétendre à
la viétoire , il faut au moins être en état de
fe battre à armes égales. L'auteur ne penle
probablement pas que l'artillerie fût arrivée
en 1732. à ce point de perfedion , que dans
tous les arts il eu irapoilible de pafll-r : ju(-
qu'ici nous n'en connoillons aucun dont
l'intelligence ne puifle reculer les bornes ,
quelques progrès qu'il ait déjà faits; & l'ar-
tillerie eîl un art pcrlcftible de (a nature
comme tous les autres.
4°. >5 II icmble qu'on doit préférer une
jj artillerie peu nombreule, mais bien diri-
j5 gée , à une multitude de pièces de canon
?> qui rendroit les marches des armées pe-
» tantes & difficiles , & qui , dans bien des
» cas , pourroit empêcher des mouvemens
j' décififs par la difficulté des liiblilhuices. »
Oui , ians contredit , quatre cmions bien
ART
fervis font plus d'effet que trente mal diri-«
gcs. Ce ne peut pas être cette étonnante \é-
i-jté que l'auteur ait voulu nous apprendre ;
il étoit trop facile de ienrir qu'on peut aulli
bien diriger cerit canons que vingt , & qu'a-
lors le grand elFet fera fûrement produit par
le (lus grand nombre. Quant à la multi-
tud't; des pièces de canon qui rendront les
armées pefantes , je conviens que celles de
l'ancienne artillerie raflcmhlées en grand
nombre auroicnt infailliblement produit cet
eiîèt , mais celles de la nouvelle artillerie
marchent tout autrement vite, à moins que
l'auteur ne foit d'avis qu'un poids moindre
d'un tiers, & même de la moitié, placé
fiir un affût plus mobile, doive aller plus
lentement qu'un poids double fur un aflut
moins mobile lorlque la même force efl ap-
pliquée à les faire mouvoir tous les deux.
Comme ce fèntiment paroît être le fien , je
crois que l'expofer c'efl lui avoir fliit une
réponfe fuffil'ante. La multitude des pièces
de canon ne peut être attribuée au nouveau
fyftême à' artillerie ; c'efl une pétition de
principe que l'auteur fait fans celle ; & pour
nous épargner la fatigue de répondre à toutes
les objeflions qui nailTent de ce railbnnc-
ment, nous dirons ici que cette multiplica-
tion du canon eft l'efFet néceflaire des révo-
lutions furvenues dans la tadique , révolu-
tions que l'auteur n'a pu appercevoir ou qu'il
a feint d'ignorer. C'eft donc le nouveau iyilê-
me de guerre & non le nouveau lyflême d'ur-
iillerie qui a multiplié le canon. Au i-efîe , de
quoi fe plaint-il? & quelle efl: cette étonnante
multiplication ? 50000 hommes avoient dans
la dernière guerre 100 pièces de canon de 4 ;
quel nombre leur en donne-t-on aujourd'hui ?
lio. Cette multiplication qui l'épouvante au
point de lui faire préfagcr^ nos malheurs &
prophétifer nos défaites futures, lé réduit
donc à s d'augmentation.
î". « Le plus fort calibre qu'on doive
)> mener en campagne eft celui de li ; & fl
» on fait entrer des pièces de 16 , dans un
» équipage de campagne , ce doit être eri
» petite quantité. » Les ordonnances du roi
& le jugement de Mrs. les maréchaux de
Rohan Soubife, de Richelieu, de Bro-
glie & de Contadcs ont décidé cette quel-
tion ; les pièces de 4, 8 &. 12., formeront
feules délormais ïavttUeue de campagne ;
Ils
ART
ils en ont banni celles de i6, p.irce que leur
poidi Siladifticulié de leur tranfport aiiioif
nuir à ia célérité des opérations de la guerre;
parce que ce canon ne pouvant jamais être
déporté à bras, auroit embraffé la ligne par
fes attelages ; parce que deuv canons de i6
entraînent autant d'attirails que trois de iz,
qui en temps égal fourniront deux fois plus
de fcii ; parce que ces défavantages du i6
ne pouvoient être rachetés par la différence
de ton calibre; cette ditTéreuce ne pouvant
être comptée pour quelque chofe en bataille
où le tir n'a pour objet que des hommes &:
des chevaux ; parce qu'enfin le canon de 1 1
eft Tuffifant pour détruire les abattis , palif-
fades, retranchemens, tkc. L'auteur a quel-
que peine à fe détacher de ce canon de i6
en campagne; ces généraux qui ont tou"
commandé nos armées, ont cru. pouvoir le
Isifler dans des dépôts à por'ée du théâtre
de la guerre, d'où on le tireroit au befoin.
La diilinftion d'une artillcrii de fiege &
d'une campagne étant toute nouvelle , on a
contrarié cette innovation qui bleffoit les
idées reçues ; on a délapprouvé ce progrès de
Tart. Etoit - ce parce qu'il nous venoit de
l'étranger? il ne faut pas porterie patrio-
tilme au pD-nt de ne trouver bons que fes
ufages. Les Romains ne fournirent tant de
nations qu'en fuivant la m.axim.e direilie-
inent contraire. N'y a-t-il pas d'ailleurs un
peu d'inconféquence à ne vouloir en campa-
fine que nu canon de I7. , & à en admettre
en même temps de lô?
6". « Que no^ pièces de canon dans cha-
» que calibre, coulées dans les dimenfions
» de l'ordonnance de 17] i. ont une por-
» tée plus longue & des directions plus sures
w que des pièces plus courtes; qu'elles ont
>' moins de recul ; qu'elles font plus dura-
» blés , leur effet plus meurtrier & leur feu
» plus rafant. » Voil.àtant d'afTertions accu-
mulées , que nous ferons obligés de les fépa-
rer & de les prendre ifolées, afin de mettre
plus d'ordre dans l'analyfe à laquelle nous
allons iesfoumettre. Prévenons d'abord qu'il
n'efl ici queftion que des pièces de 12, b' &
4, dont on a changé les dimenfions; celles
de 16 & 14 étant reftées ce qu'elles étoient
en 1731. à la fupprellion près de leur pe-
tite chambre qui n'a j nnais produit les effets
qu'on en attendoit. Difons encore qu'aucun
Tomi III,
^ A R T 58 j
principe navoit déterminé, en 1731, les
proportions de toutes ces pièces. Leurs lon-
gueurs ne pouvoient être fixées que relati-
vement à la charge qu'elles recevoienr; cette
charge étant le tiers du poids de leur boulet ,
en confidérant ia pièce de 24 comme bien
proportionnée, il s'er.fuivroit que l'aine du
canon de 16 devroit avoir cent pouces de
long;celledu 12, 91 pouces; celle du 8,
84 pouces ; celle du 4,6^ pouces : tandis
qu'ïn 1732 , on fixa la longueur de l'ame
du canon de 16, à 109 pouces 3 lignes;
celle du 12, à 103 pouces 3 lignes; celle
du 8 , à 93 pouces 10 lignes ; & celle du 4,
à 77 pouces 4 lignes. Ces quatre pièces
étalât évidemm.ent trop longues iiiivant les
principes mêmie admis en 1731 , en les rac-
courc'.fTant, ce qu'on n"a fait qu'aux trois
dernières , c'étoit remplir les vues qu'on
avoir eues en 1731 , & que la force de l'iia-
bitude avoit rpparem.ment empêché de fui-
vre en ce temps ; c'étoit fe conformer aux
principes reçus en 1732 , ou bien il faut
avouer qu'alors il n'y avoit point de prin-
cipes.
«Que les canons de 1732 ont des portées
>» plus longues que des canons plus courts;»
c'étoit une opinion prefque généralement
adoptée dans l'ancienne artillerie , que les
portées étoient proportionnelles aux Ion-
gueurs des pièces, ou du moins que fuivant
ces longueurs elles augmentolent dans u;ie
certaine raifon inconnue ; cette opinion prife
d'une manière abfolueferoit une erreur : car,
ii s'enfuivroit que plus une pièce fei'oit lon-
gue, plus fes portées feroient grandes ; ce qui
eft contraire à l'expérience , les longueurs
qu'on devoir ailîgner aux pièces fuivant leur
calibre, & leur charge n'étant point déter-
minées d'après des loix mathématiques aux-
quelles on n'eût rien à répondre ; une ordon-
nance ayant arbitrairement réglé de leur don-
ner une grande longueur, on s'accoutuma
aifement à croire que cette longueur leur
étoit effentiellement néceflaire , & que plus
courtes de quelques pouces, elles donne-
roicntde moindres portées; en conféquence
la préférence tut aiïurée aux pièces longues ,
quoique Robius eût éprouvé, & eût dit ,
qu'en tirant des pièces de longueurs diffé-
rentes , mais de même calibre , avec une
même charge Se fous le même angle , les
Bbbb
586 ART
portées de la plus courte feroient les plus
étendues. La longueur des pièces avoir donc
des bornes au delà defquelles elle devenoit
inutile , comme leur raccourciffement en a
au(n : ces bornes mal connues laiffoient la
liberté d'embraffer à cet égard une opinion
particulière. Mais a-ton, ou n'a-t-on pas
trop raccourci le canon de bataille } Telle
étoit la queftion que l'auteur devoir exami-
ner, au lieu de vanter indéfiniment les pie-
ces longues : c'eftainfi que l'ancienne artil-
lerie penfa , jufqu'aux expériences de Béli-
dor, & long -temps après ces expériences ,
que les portées étoient proportionnelles aux
charges, & plus étendues en raifon des plus
fortes charges : cette opinion étoit bien moins
Traifemblable que la précédente, & une phy-
fique plus éclairée a démontré depuis qu'un
boulet auquel une forte charge imprime une
trop grand vîtelTe initiale , perd une partie
de la portée qu'une moindre auroit pu lui
donner, parce que la réfiftance de l'air n'efl
pas en raifon des vitefTes , mais en raifon du
qiiarré des vîtcfTes. Je fuis loin de prêter
gratuitement cette erreur à l'ancienne artil-
lerii ; elle eft conlignée dans un ouvrage ,
qu'elle s'eft plu à refTufciter depuis quelques
années , en imprimant un ancien mémoire
fur les bouches à feu adopté par M. de Va-
liere, père , & dont le véritable auteur étoit
M. Duhamel , officier A^ artillerie; on y lit :
« les plus grandes portées répondent aux
» plus grandes charges, mais on ne fait pas
-^> dans que! rapport : les portées augmentent
» à mefure que les charges augmentent. «
Quoi qu'il en foit de ces opinions, pour ne
pas effuyer d'injufles difficultés iur le choix
de nos preuves, nous réfuterons l'aiTertion
qu'annonce cet article , en nous appuyant
fur les épreuves demandées & exécutées à
Douay , en 1771 , par les partifans de l'an-
cienne artillerie.
Les pièces de 4 de l'ancienne & de la
nouvelle artilUrie pointées à l'horizontale,
& chargées à une livre & demie de poudre,
charge ordinaire de la pièce de 4 nouvelle ,
donnèrent des porrées entre lelcpielles il y
eut environ t de différence à l'avantage de
la pièce de 4 ancienne.
A 3 degrés, l'une des plus fortes éléva-
tions fous lefquelles on pulife tirer à laguerrc,
ks deux mômes pièces roujours chargées à
ART
une livre & demie de poudre, donnèrent des
portées entre lefquelles il y eut ', de diffé-
rence à l'avantage de la pièce nouvelle.
Si partant de ces portées on calcule les vî-
teiïts initiales des deux boulets lancés parles-
pièces, on trouvera que celle du boulet de la-
pièce courte cft de 1 5 1 1 pies par féconde, &
celle du boulet de la pièce longue de 1492.
En fe fervant des portées données par ces
pièces fous l'angle de dix degrés pour trou-
ver la vîteffe initiale de leurs boulets, l'a-
vantnge efî encore pour la pièce courte donc
le boulet eut de vitefle initiale 1535 pies par
fécondes , tandis que celle du boulet de la
pièce longue n'en eut que 1468.
Sous l'angle de 6 6i de i 5 degrés, l'avan-
tage des longues portées & de la plus grande
vîteffe initiale eft refté à la pièce longue.
Que conclure de cet expoié fidèle ? Que ces
deux pièces fe difputent réciproquement
l'avantage des portées, qu'à 1 horizontall^
la longue gagne 5 fur la courte, & qu'elle
perd ce foible avantage fous les degrés le
plus en ufage à la guerre.
Le procès-veibal de ces épreuves étant
public & imprimé, il n'efl point de leéleur
qui ne puifle vérifier les conclufions que j'en
tire, que'que contradiftoires qu'elles foienî
avec l'afTertion de l'auteur de cet articlci
On voudra bien remarquer encore qu'à ces
épreuves l'ame de la pièce longue étoit éle-
vée au defîus du fol d'environ , plus de
celle de la courte ; que cette élévation devoit
augmenter l'amplitiide de l'a portée ; que
cependant fous les degrés où le tir du canon
efi praticable & deftruvftif, malgré cet avan-
tage, elle en eut une moindre. Ce tab'eau
comparatif des portées des pièces de 4 lon-
gues & courtes fuffit pour décider la quel-
tion à l'égard des pièces de 8 & de 1 2 , les
feules avec celles de 4 que la nouvelle artil-
lerie ait raccourcies..
« Que les canons de 1731 ont des direc-
» tions plus fûtes que des pièces plus cour-
» tes : » non ils n'ont pas cet avantage. La
différence de longueur qui exifle entre ces
canons de 1732 » îk la ph s courte des pie-
ces nouvelles , ne peut empêcher que la
direction du pointeincnt de ces dernières ne
foit auffifûre que dam les autres. Qu'eft-Ci;
en effet que pointer, finon aligner A'iViX
points pris lui U culafTs 6c la volée d'un
ART
canon Cm un troiiieme pkb ou moins cloi-
gné, qu'on nomme le but : qu'importe que
ces deux points pris fur les extrémités du
canon foient plus ou moins rapprochés l un
de l'autre, pourvu qu'il leur refteplusd'écar-
tement entre eux qu'on n'en donne aux
inftrumens ordinaires de pointage ; les ali-
gnerai-je moins bien fur le troifieme point ?
Les plus longues alidades dont les géomètres
puiiïent fe lèrvir pour déterminer un poin-
fement beaucoup plus étendu, & toujours
plus délicat que ctlui d'un coup de canon
fur une ligne ennemie , n'ont pas le quart
de la longueur de nos plus petites pièces ,
dont on peut d'ailleurs regarder le guidon &
l'entaille faite au milieu du cintre de lahauflTe,
comme des efpeces de pinnules de grofTeur
proportionnelle à la diflance ([ui les fépare.
Les deux pièces de 4, ancienne & nouvelle,
font conftruites de manière que l'angle de
leur ligne de mire avec leur ligne de tir (ont
fenfibrenient égaux, n'ayant par leur conf-
trutf^ion aucun avantage l'une fur l'autre.
Quant à la jufteiïe de leur direftion , leur
pointement dépend donc entièrement de
Tart du pointeur. On le favoit bien quand
on adapta aux nouvelles pièces de bataille
un guidon & une hauffe , deux inftrumens
qui lui fervent de guide , corrigent fa mal-
adrelîe, évitent un pointement long & tâ-
tonneux , & rendent le ("ervice plus prompt
& plus fur. Jamais Vanillerie n'a pu fe flat-
ter de tirer avec plus de jufteffe qu'aujour-
d'hui. L'invention de cette hauffe & de la
vis de pointage, font une fauve-garde nou-
velle contre l'inutile confommation des mu-
nitions : on manquoit d'un inftrument qui
avertit de ne plus tirer lorfqu'on étoit hors
de portée. La hauiTe l'indique d'une manière
affez précife : il falloit auparavant s'en rap-
porter àuneeftimationde diftancetrop fou-
vent infidèle. On objefte qu'elle ne peut être
utile lorfque les roues de l'atTùt ne repofent
pas fur un plan horizontal , & que la ligne
de mire qui pafferoit alors par le milieu du
cintre de la haulTe & par le guidon , ne fe-
roit pas dans le plan de l'axe de la pièce;
mais cette objeftion étant commune à toute
cfpece de canon , fuppofee dans cette posi-
tion inclinée , ne juftifie rien contre une
efpece particulière : ajoutez, que fi la pièce
nouvelle dans cette pofHion donne à droite ,
ART 587
on partira au tr.oins d'un point fixe pour fc
corriger.
« Les canons de 1751 ont moins de re-
» cul : » nous l'accordons; mais ils ne doi-
vent cet avantage qu'à leur plus grande m.afle
qu'on a voulu alléger, &c .\ la coupe appla-
tie de la croffe de leur afrût , dont le frorte-
tnent fur une plus grande furface diminue
l'étendue du recul , qui pour les pièces de
bataille deftinées à tirer en rafe campagne,
n'eft point un objet unportant , puifque (t
l'on a voit la fantailie de les tirer toujours de
U même place , les canonniers peuvent d'un
coup de main les y replacer dès qu'elles ont
tiré. Ce recul, encore une fois, ne peut ja-
mais être aiïezconiidérable pour les éloigner
de leur but, de manière à faire naître le be-
foin de s'en rapprocher ; car il eft très indif-
férent de tirer à 300, 301 , 301, 304,'
3 10 toifes ; le coup à l'une ou l'autre de ces
diftancesn'eneft pas moins affuré , puifqu'on
pointe à chaque coup. Si l'on craignoit ,
étant forcé de tirer fon canon près de la crête
d'un ravin, qu'il ne s'y précipitât par l'effet
de fon recul, on peut dans ces portions fer-
rées , fort rares , le diminuer autant qu'on
voudra , quelques coups de pioche fous la
crofTe & fous les roues font un remède in-
faillible contre cet inconvénient , & les affûts
font affez folides pour n'en pas faire craindre
le danger. Si le canon eft placé fur le terre-
plain d'une petite redoute, fur le rempart
d'une petite place , l'officier d'ar/ii/êriê don-
nera plus de relief à fes plates-formes ou aw
terrain qui en tiendra lieu. Dans toutes les
chofes d'ufage il faut connoître des bornes
& une balance d'inconvéniens néceffaire-
ment déterminée par la commodité : une
pièce très-pefante , ayant peu de recul , évite
deux ou trois fois dans une campagne les
embarras qui naiffent du recul dans une
pofition étroite, mais elle jette cent fois dans
l'inconvénient fans remède de ne pouvoir
pas arriver , ou d'arriver trop tard , ou de
faire battre les troupes chargées de l'el'cor-
ter. Quand on eft obligé de choifir entte
deux chofes qui offrent différens inccnvé-
niens , la fageife veut qu'on fe fouvienne du
précepte, minima de mails. On a reproché
auffi aux nouvelles pièces de campagne de
I ne pouvoir être mifes en batterie. Ce re-
' proche ne peut regarder que celles de ii^
Bbbb X
58S ART
carcelle5de8&ccle4anciennesn'avoientpas
aiiffi la longueur néceffaire pour ctre miles
en embralure , ce reproche d'ailleurs eft fin-
gulier, puifque généralement dans les redou-
tes & les retranchemens de campagne, on ne
met le canon qu'à barbette; fi cependant on
le vouloit faire entrer en embrarure , rien de
plus aifé que d'y faire entrer le nouveau;
l'obftaclequi s'y oppofe eft le rouage , on le
meta bas dans les cas infiniment rares, &on
arrange la pièce de façon que , portant fur
fon eifieu, elle recule fur des longerons ou
lambourdes qu'on difpofe pour lafoutenir.
» Les canons de 1731 font plus durables.»
On n'a point comparé une ancienne à une
nouvelle pièce en les pouffant à bout toutes
les deux pour déterminer leur durée. La ma-
nière dontpériffentordinairement les canons
peut fervir à éclaircir ce doute , que l'expé-
rience n'a point dévoilé. Le dépériffement
des pièces provient d'ordinaire des batte-
mens du boulet dans leur ame : les enfonce-
mens qu'ils produifent font dûs à lad.fference
de dureté qui exifie entre le fer & le cuivre ,
a la molleffe de ce dernier métal, molleffe à
laquelle uu peu plus ou un peu moins de
matière ne remédie pas. Les pièces courtes
étant fuppofées un peu moins tortes que les
longues, il ne parolt pas que la très-petite
ditïerence qui feroit à cet égard entre elles ,
dût les faire périr beaucoup plus prompte-
ment. Une pièce a toujours été regaidée
comme excellente dans VartilUrie quand ejle
alloit a 1000 coups , & les plus petites pie-
ces nouvelles ont réhfté à plus de 900; les
boulets dont on fe fert aujourd'hui n'ayant
qu'une ligne de vent, fatigueront d'ailleurs
bien moins ces pièces que ne le falfoient
autrefois ceux à deux lignes de vent , qui
avoient toujours étéen ufage dansl'ancienne
artillerie : les pièces courtes ont en cela un
avantage que n'avoient pas les longues, &
dureront vrailémblablement plus que celles-
là ne dufoient , puifqu'on a diminué fenli-
blement h caufe principale de leurdeftruc-
tion. Mais fùt-elle en effet plus accélérée , le
gain qu'on a fait par la diminution de leur
quantité de métal, compenféra toujours
abondamment les dépenfes que néceffiteroit
leur refonte un peu plus fréquente.
« L'effet du canon de 173 1 eft plus meur-
^ trier, » Ici j'avouerai bonnement que je ne
Pou
piecede
ART
conçois p-15 ce qne l'auteur d» cet a-tlcb a
voulu dire. Un boulet de 4, lancé par une
pièce longue ^ n'eft-il pàs le même que ctlui
de 4 d'une pièce courte t tous deux ne frap-
pent-ils pas par un diamètre égal , les corps
contre lefqiieis ils font projetés? ils ont la
mJme mafle, le mcme volume, comment
pourro:ent-ils îalre un eiFei d.fférent? feroit-
ce à raifon de ;a diiférence de leur vîteffe?
ce que novjs avons dit en pariant de leurs
portées refpeftives n". 6 , doit prouver qu'on
auroitgrand tort d'attendre del'undes elTcia
plus meurtriers que de l'autre.
« Le feu des canons de 1731 efl plus ra-
» fant. » Comment le feroit-il? deux pièces
de 4, l'une longue, l'autre courte, étant
pointées de but en blanc, c'elt-à-dire, leur
ligne de mire éiant horizontale , l'angle que
fait leuraxe aveccetre ligr.e de mireeftpour
la pièce de 4 longue de . . o 57' 40*.
r 4 courte ai . . O "jS 17
ria) 8 longue de. .1 3 ,8
C o cOL.r:e de . . o ^ô 41
I z longue de . . I 7 2
^iz courte de . . o ^j^ 30
donc le feu de but en blanc des pièces de
4 courtes ou longues, faii'ant avecThorizon
un angle d'une infiniment perite différence,
n'eil pas fenfiblement plus rafant l'un que
l'autre. Donc dans les pièces de 8 & de li
l'avantage du reu le plus raiimt eft de beau-
cou;; en faveur des pièces courtes , ain.fi que
le montre la mefure des angles ci-defius :
cette conféquence eft jjien claire, bien évi-
dente , & cependant contrac'icloire à l'aft'cr-
tion que je com'oats. Enfin quel que foit l'an-
gle que les axes de deux pièces du m^me
calibre de l'ancienne ou delà nouvelle ariii-
Urie feront avec l'horizon, leurs boulets ne
s'élcvcront au dellus de cet horizon qu2
d'une quantité infiniment peu diltérente ;
leurs tr.ijedoires feront à très-peu de chofe
près égales , & leurs feux auffi raf'ans l'un
que l'autre ; & rigoureuiiment parlant , la
différence qu'il pourroit y avoir entre eux à
cet égard feroit, comme on le voit , en la-
veur des pièces nouvelles.
7*^. » 11 eft difficile d'affurer le coup de
» boulet à 400 toiles llir un petit fujet, ou
» fur un petit corps en mouvement ; le coup
» ne devient certain qu'à zoo toiles ; »fans
doute il n'eft pas aifé de tirer jufte à un
ART
petit but tlnigné rie 400 toiles-, ceb dépend
i'iir-tout de la juilciTe du coup d'œil du ca-
noniiier & do l'on habileté à eftimer farr;
erreur de p:irei!hs diftstices. Mais on lui
en a facilité les moyens dans la nouvelle
artillirie. Dans l'ancienne au delà du but
en blanc, il tiroit au h.izard ou en tâtonnant;
aujourd'hui la haulTe vient au fecoiirs de
Ion intelligence & afTureles coups. S'iU ne
font bien certains qu'à 200 toifes , comment
l'auteur de cet aiticie & les panilans de
l'ancienne anii/cr/i, ont-ils pu s'obftiner à
vouloir des pièces longues dont la portée
moyenne tut de 900 ou 1000 toifes, diftance
cxceiiive , où avec de,, pièces de 4, à moins
de vouloir pertlreinurileinent de^ munitions,
ils conviennent qu'il leroit fou d'efpérer tirer
avec quelque infirile? Quel raifonnement
elldonc ce'ul-ci? tirer beaucoup à 100 toi-
les , rarement à 400, mais quelque lourdes
& embarrafTantes (qu'elles foient , fervez-
vous toujours pour cela des pièces qui
portent leur boulet à 1000 toifes. On con-
çoit qu'une pièce qui peut porter avec juf-
tefîe (on boulet fur des hommes diftans d'elle
de 1500 toifes , doit , pour les tuer, lui im-
primer une vîtefle capable de lui en faire
parcourir 7 à 8oo, parce qu'une torce qui
i'uffit pour faire mouvoir un boulet l'elpace
de 2 à 300 toifes, &mèiiie beaucoup moins
au delà d'un but fixé à 500, e,1 certainement
toute celle dont on a befoin pour abattre des
files d'hommes entières; mais on ne con-
çoit pas pourquoi ce boulet ayant rempli
ion objet à 500 toifes , l'une des diftances
les plus éloignées de celles où on peut comp-
ter fur fon elfet, devroit encore conferver
au delà de 7 à 800 toifes une force qui lui
devient tout à fait inutile. L'avantage des
longues portées pour le canon de bataille
eft donc touf-à-fait chimérique, dès que
ces portées s'étendent au-delà des limites
où elles peuvent fe concilier avec la juftelle
du tir. Pourquoi vouloir donc en bataille
des pièces longues qui n'ont pas mcme,
fous les angles en ufage à la guerre , le très-
inutile avantage de ces longues portées ?
8°. Je crois qu'aucun officier (^artillerie
n'a jamais rien avancé de contraire à ce
que notre auteur dit fous ce N". & l'on
pouvoit fe difpenfer de prouver une choie
reconnue vraie par tout le inonde. Renjar-
A R T 5^9
quons feulement que les -fortes barienes
n'ont d'eff-'t bien décilif que contre des
troupes qui le préfentent en colonne ou qui
prêtent le flanc ; pofition qu'elles favent
chan^^er très-vire lorfqu'eile leur devient
funeile , & que les feux d'échxrpc ont des
bornes beaucoup plus refferrées que celles
que femble leur afiigner notre auteur.
9'\ « Tant qu'on eft éloigné de l'ennemi
»> de 100 toifes, on doit préférer le boulet
» à la cartouche , de quelque elpece iju elle
» foit. » C'ell beaucoup trop rclTerier la
bonne portée des cartouches. Les épreuves
faites en 1764 à Strasbourg, prouvent que
le canon de 1 1 porte les nouvelles cartou-
ches à 400 foifjs , celui de 8 à 3 150 , & celui
de 4a 300. Comme la variété & l'efpece du
terrain influe l'ur l'etlet des cartouches dont
les balles peuvent ou ne peuvent pas rico-
cher, félon qu'il eft plus ou moins ferme ,
je penfe que l'on peut duninuer quelque
chofe de l'étendue des poitées des épreu-
ves ; mais c'efl trop les réduire que de les
fixer au tiers de celle qui en a le moins , & à
une plus grande diftance leurs coups doivent
être plus meuririers que ceux d'un bouler.
lO*'. «De toutes les cartouches, celles
>► qui font compofées de balles de munitions,
» telles qu'on les délivre aux troupes , enve-
» loppées dans des facs de toile légère , font
)» celles qui font le plus d'effet. » Les ancien-
nes cartouches , connues fous le nom de
grappes de raifin , n'avoient félon les patti-
fans de l'ancienne artillerie , qu'une portée
de 80 à 100 toifes fil eft bien vrai cependant
qu'elle éioit d'environ 200; J les balles dont
elles étoient formées étant de fer coulé fe
brifoient foit contre les parois de la pièce ,
foit par leur choc mutuel, foit contre les
pierres qu'elles rencontroient. Celles à balles
de plomb dont l'auteur vante l'ui'age & les
propriétés, ont le délavantage de (e peloion-
ner, de former des gâteaux , ne ricochent
point, ont une portée encore moindre que les
précédentes, & coûtent \ plus que les fuivan-
tes. Les nouvelles cartouches font de ter
battu , ne fe pelotonnent ni ne le brilent,
ricochent ; & d'après les épreuves de Siras-
bourg , ont une portée quadrupède de celle
des cartouches de balles de plomb, & à por-
tée égale, un effet quintuple. En adoptant
des cartouches, quipourroit balancer àdoii«
590 ' ART
ner la préférence à ces dernières., qui réu-
niffent feisles tous les genres de mérite qui
manquent aux autres ? Ce font auiTî celles
dont on le fert dans la nouvelle artillerk.
II". « En général, il eft de la dernière
« conféquence de ne tirer foità boulet, foit
» à mitraille, qu'à bonne portée, fans quoi
» l'on confoinmeroit inutilement des muni-
» tions qu'on ieroit dans !e cas de regretter
» lorlque !e moment d'en taire un u(age dé-
>> cifit ieroit arrivé : il ne faut point tirer à
»> boulet par falve, mais un coup après l'au-
» tra , en forte que le feu foit continu. »
Rien aiTurémeiit n'cft plus juHe & plus vrai
que cette maxime; mais quand on n'écrit
pas pour le feul p'.aifir d'écrire; quand on
veut inftruire fur fon art , convient-il d'en
annoncer d'auflî communes ? tout ceci ne
fe réduit-U pas à ces mots : lorfque vous
êtes hors de portée , ne tirez pas.^
1 1°. « L'arcillerii de régiment qui accom-
» pagne les troupes, ou qu'on fuppofe qui
>y peut les accompagner dans cous leurs
» mouvemens, ne iauroit procurer de grands
M avantages. » Coiument l'auteur l'entend-
il } croit-il que la nouvelle artillerie de cam-
pagne ne fuivra pas les troupes? Si l'ancienne
s'efl: toujours portée , comme il ne cefTe de
l'affurer , par-tout où l'on en a eu befoin,
qu'il nous permette au moins de croire que
la nouvelle plus légère & plus mobile , s'y
portera beaucoup plus vite, & qu'elle fuivra
les troupes dont le poids de l'ancienne , quoi
qu'il en di'é , la tenoit toujours éloignée ,
ou retardoit les mouvemens. Croit-il que
cette arùihrii fera moins bien fervie, que
fes boulets iront moins loin , ne tueront
perfonne } mais les officiers & les foldats
aftuels valent ceux du temps palTé , les
portées de cette artillerie font auffi éten-
dues qu'il le faut , & fes boulets font tou-
jours ceux de 4, 8 & II, ils ont même
plus de maffe qu'autrefois , puifqu'ils ont
moins de vent.
13°. « Les pièces de 11 & de 8 ne pou-
» vaut jamais être aflTez légères pour fuivre
» les troupes , il paroitroit plus avantageux
« de les laitier dans leurs anciennes propor-
» tions , & de leur faire occuper comme
» autrefois des pofitions bien faifies, où
» elles puifTent battre en flanc, de revers s'il
*} cft poilible , ou au moins d'écharpe. w
ART
Les pièces de8 & la ne font point defti-
nées à fuivre les régimens , ce font celles de
4 ; mais elles font aflez légères pour marcher
aux réferves & fe porter beaucoup plus vite
que les anciennes de même calibre, par-tout
où il en fera befoin , parce qu'elles font
moins pefantes & ont des affûts mieux pro-
portionnés & plus roulans. C'eût été ne rien
faire que d'alléger feulement le canon de 4 ;
celui de référve reliant dans les anciennes
dimenfions & confervant fon poids , eût
toujours enchaîné les mouvemens de l'ar-
mée nécefEilremenc dépendans de ceux de
{^artillerie de parc. L'auteur paroit oublier
que le canon de 8 & i a eft deftiné à rem-
plir l'objet auquel il a toujours fervi. On
tâchera , j'ofe le lui promettre , de lui faire ,
comme autrefois, occuper des pofitions biea
faifies où il puilTe battre en flanc l'ennemi
que la néceffité forcera de fe placer, ou qui
ofera fe tenir fans bouger fous le feu d'une
batterie emplacée de cette manière ; mais
pour le battre de revers au moins d'échar-
pe, nous avons déjà dit que le tir oblique
avoir une étendue très-bornée quand on
vouloir le tenir dans les limites qui peuvent
fe concilier avec la juftefTe qu'exige toute
efpece de tir.
14°. « La pièce ancienne de 4 portant
» plus loin & plus jufte que la pièce nouvelle
» i\t%, & prefqu'aufli loin que la pièce de
» Il nouvelle, pefant moins que la pièce
» nouvelle de 8 , & portant mieux la car-
» touche que la pièce à la fuédoife, il feroit
» défavantageux de la réformer. » Que ré-
pondre à une pareille conclufion, totalement
dénuée de preuves } la négative pure 6c fim-
ple feroit une réponfe fuffifante , mais nous
cherchons à convaincre. L'auteur femble
appuyer fa conclufion fur le réfultat des
épreuves de Strasbourg ; & jamais à ces
épreuves , dont le journal efl dans les mains
de tousles artilleurs, on n'a comparé la pièce
de 4 longue à celle de 8 courte. Admettons
un moment comme vraie cette conclufion
tirée d'un fait entièrement faux ; ne crai-
gnons point de partir d'une fuppofition tout-
à-fait imaginaire à caufe de la différence
énorme qui règne entre les charges & les
boulets de ces deux pièces , qu'en rélultera-
t-il ? les coups de la pièce de 8 , même ceux
à boulet qui frapperont par un plus grand
ART
diamètre , ne feront - Ils pas toujours plus
d'effet fur une ligne ennemie que ceux de la
pièce de 4? ne détruiront-ils pas desobfta-
c!es que ceux-ci ne pourroient brii'er? que
jcra-ce fi on les tire l'une & l'autre à car-
touclijs ? n'e(l-il pas conftant , par ce nicme
jovirnal d épreuves , fur lequel l'auteur s'ell
mal-à-propos appuyé, que la portée de la
cartouche de 8 ti\ de 50 toifes plus forte
que celle de 4 , & que celle-ci ne porte que
6j petites balles quand l'autre eft compolee
de I li? peut- on /e promettre des effets lém-
blables de caufes fi eflentiellement différen-
te"; ? n'eft-ce pas un avantage immenfe que
celui de pouvoir tenir l'on ennemi fous un
feu auffi deftfuifleur que celui du canon à
cartouches , pendant qu'il parcourt ^o toiles
de plus qu'il n'en auroit à parcourir (ous
celui du canon de 4 , & de pouvoir lui lancer
durant tout ce temps près du double de
balles à chaque coup qu'on lui tire ?
i'^°.<< Le nouveau fyfteme à'arùllerie eft
» plus difpendieux que l'ancien. >► Tou-
jours des affertions fans preuves à la place
de la vérité qu'il étoit fi ai!é de dire.
Un tab'.eau comparaiif des prix que coûte
une pièce de même calibre, montée fur
fon affût , de l'ancien & du nouveau fyf-
teme , eût décidé la queftion. Mais ce n'eft
pas ainfi que l'auteur l'envifage ; il veut dire ,
je crois , que ïarnlUrie , telle qu'elle eft de
nos jours, coûte plus en totalité qi'.e celle
qu'on avoit en 1740;, on le lui accorde fans
peine. Si depuis ce temps on a doublé le
nombre des canons, il n'y a rien de mer-
veilleux à ce que le prix de tous les effets
de X artillerie loit aujourd'hui double de ce
qu'il étoit alors. Ce ne feroitqu être au pair,
& nous prétendons mieux : ramenons la
queftion à fes véritables termes. Une pièce
de 4 & fon affût , ou fi vous l'aimez mieux ,
celle de 8, coû;ent-ils plus aujourd'hui,
qu'une pièce an.:ienne ik fon affï'it ne coû-
toient en 1740.' Nous ofons affirmer que
non , bien fûrs qu'on ne pourra nous prouver
le contraire en produilant des états de dé-
penfes authentiques de l'un &c de l'autre
temps. Cependant le prix des fers & des bois
afort augmenté depuis 1740, &lesconfiruc-
tions de l'artillerie ont été tellement perfec-
tionnées , qu'on leur a reproché jufqu'à la
beauté de leur exécution j ces caufes auroisnt
ART ' îçr
dû naturellement &: lans qu'on pût l'attribuer
avec juftice au nouveau (yflcme, hauiïer le
prix de chaque attirail & le porter fort au
delà de ce qu'il étoit en 1740. C'eft pour-
tant ce qui n'eft pas arrivé, parce que dans
ces derniers temps, lintclligeHce & l'éco-
nomie fe font réunies pour abréger la maiiv
d'œuvre & épargner les matières premières.
Voyez à ce fujet nos réponfes à Wtrticlc
Affût. Quant à l'augmentation delà quan-
tité d'uriilleric , elle n'eft point , on l'a fait
voir, une fuite du nouveau fyfteme cVur-
tilleric, mais une conféquence néceffaire du
nouveau fyfteme de guerre; ainfi les repro-
ches des parîifans de l'ancienne artil'eiie.
portent à cet égard eiitiérement à faux. Pour
achever de mettre au néant cette importante
accufation , l'invoquerai le témoii^nage de-
l'auteur de VEffai général Je tactique , les
partifans de l'ancienne artillerie fe ibnt trop!-
fouven: étayés de (on luffrage pour avoit
droit de .le rejeter. «On prétend ,Jit-il,
» avec cette énergie qui lui eft propre, que-
» ces grands changemens ont coûté de&-
» fommes éjiormes ; je fais , moi, de fcienca
» certaine, .qu'elles n'ont pas été telles; j'eii:
» ai vu les détails. Et , l'euftent-elles été ,.
» f\ le nouveau fyfteme eft meilleur, s'il
n- rendl'iZ/'^/V/'fr/dfrançoile fupérieureàcelle
» de l'ennemi , fi par-là il influe fiir le gain
» d'une bataille , la dépenfe eft plus que
» compenfée. En politique il n'y a que les
» erreurs qui coûtent , les dépenfes utiles
» font économie. » L'afiTertion que je com-
bats , énoncée d'une manière vague , pour^
roit aufli s'appliquer aux dépenfes que Xar~
tilUrie du nouveau fyfteme néceftuera pen-
dant la guerre ; dans ce cas , mes preuves
contre le fentiment de l'auteur , pour être
différentes, n'en feroient pas- moins fortes
contre fon opinion ; toujours la quantité
<ï artillerie k part, je lui prouverai que l'at*
telage des trois. calibres de campagne a été
diminué, que le graiffage , fi cher autre-
fois, eft devenu prefque nul; que les répa-
rations au parc i'eront infiniment moin-
dres , & qu'enîin un nombre de pièces an-
ciennes, fuivie-S ds leurs attirails , coûtoient
autrefois beaucoup plus à entretenir à la
guerre , qu'un pareil nombre n'y coûtera
déformais.
16'', « La nouvelle. ûrtiV/im gâtera plus
59î ART
» ies chemins que l'ancienne , rendra les
» marches plus peCantcs, & pourroit même
>y empêcher le liiccès d'une affaire qui dé-
» pendroit de la célérité d'une marche. »
Telle eft enfin la dernière conclufion de
l'auteur, & c'tiû aflarément la plus étrange
de toutes celles dont je viens de taire l'exa-
men. Comment la nouvelle ariilUrie gàte-
ra-t-e!le plus les chemins que l'ancienne.^
eîî-ce parce qu'elle eft plus légère.' La ré-
ponfe à une fi finsuliere prétention doit le
borner à ime fimple expofition des faits.
L'équipat^edelcamp-igne de l'ancienne artil-
lerie étoit compofé de canon de 1 6 du poids
avec Ton affût de 66co livres , de canon de
Il du poids de 4980, de canon de 8 du
poids de 3600 , Se de canon de 4 du poids
'de 2400. Le poids de toutes ces pièces ne
portoit ablblument que fur deux roues,
faute d'avoirinventérencaflrement de route,
au mo3^en duquel la nouvelle artilierie a
réparti le poids de fes canons fur 4 roues ;
1.1 pièce de 16 eft bannie de Ion équipage de
campagne; & l'on conviendra fans peine
qu'un poids de 6600 hvres, répard prefque
entièrement fur deux points , doit feul char-
ger davantage & détruire plus vite les che-
mins c[ue cent autres voitures du poids de
3S00, telles que l'ont les nouvelles pièces de
12, le plus fort des calibres de campagne,
& dont le poids porte fur quatre roues. Cha-
cune de celles du 1 6 preffe les chemins par un
poids d'environ 3300 livres, chacune de
celles du il nouveau , ne les preffe que
par un poids de 956 livres. Qu'on juge main-
tenant combien fera différente la dégrada-
tion qu'elles opéreront. Le canon de 8 nou-
veau avec fon affût pefe 1900 , celui de 4
n'excède pas 1800. Ce n'eft pas la peine
d'étendre jufqu'à ces pièces le cjlcul decom-
paraifon que nous venons de faire pour cel-
les de 12; on doit fentir l'étonnante diffé-
rence qu'offriroient les réfuira ts. J'ajourerni
que VariiUerii m?'-chant en file & enfeni-
ble , la nécefiité d'attendre le canon de 16
auroit rendu nulle pour l'ancienne anilU-
rie la mobilité des calibres inférieurs ; quand,
ce qui n'eft pas , leur mobilité eût pu le
comparer à celle des nouveaux. La diffé-
rence de mobilité de ces deux efpeces d't/r-
tilUrie eft telle, que la pièce de 4 ancienne
qui ne pefe que 240C3 , n'a jamais pu fe ma-
A R T
.; ncruvrer à bras, quand celle de 12 nou-
i velle qifi pefe 3800 y eft manœuvrable.
Cette différence de mobilité entre deux
machines, quoique l'avantage foit en faveur
de la plus pelante , ne furprendra point les
perlonnes inftruites, celles qui lavent com-
bien les trotîemens plus ou moins grands,
nui lent ou ajoutent à la mobilité. Or ce font
ces frottemens qu'on a fur-toutdiminuépour
la nouvelle amV/me , en fubftitiiant les
effieux de fer à ceux de bois , en faifant
rouler leurs fuiées bien tournées dans des
boîtes de bronze encaftrées dans les moyeux,
& en relevant les roues des avant-trains
pour augmenter la force du tirage des che-
vaux, & éviter le frottement perpétuel du
moyeu contre la terre , qu'une roue plus
bafle éprouve à !a rencontre des moindres
ornières. Peut-on craindre, aprè: cet expo-
fé , que la nouvel'e artillerie ne puiffe arri-
ver où l'on aura befoin de fon fecours au(!î
promptement que l'auroit fait l'ancienne,
& que fon défaut de célérité ne nuife aux
opérations de la guerre }
Nous prions le lefteur inftruit & impar-
tial de juger les objeftions des partifans de
l'ancienne artillerie, & les réponfes que je
viens d'y faire. L'encyc'opédie deftinée à
porter à nos neveux la connoiiïance des arts
que des révolutions auroient pu faire ou-
blier , devoir ne pas leur laifler ignorer la
perfection où étoit arrivé de nos jours
celui de Vanilleric , & leur rendre compte
des motifs qui avoient déterminé à y faire
les changemens contre lefquels des perfon-
nes trop attachées à leurs anciens ufages
avoient réclamé. ( Cet article eft de M. DE
pommereul.j
Artu.lerif. (Corps royal v.e l'),
U artillerie a compo'é , dans tous les temps ,
un corps très-conlidérab'e en France, même
avant l'invention de la poudre : celui qui
la commandoit avoit aullî le commande-
ment fur tout les gens de pié , & Tau-
roriré fur tous les travaux militaires, tant
pour les lièges que pour les marches 6c
campement.
Henri IV érigea le commandement de
WzrtilUrie en charge de la couronne, fous
le titre de grand- maître d\irtilleric , en
faveur de Maximilicn de Béthunc, duc de
Sully.
En
ART ART 595
En t<590,((j) Louis XlVWoulaiitquerfjr- 1 la fcrvir cf;ms le befjin, créa un régiment
f///rr/V eût ime troupe pour fa garilc, ik pour . de fix bataillons , fous la cl6iiyniiiiatiou de
(a) Il eft échappé à. l'auteur de cet article quelques fautes que nous allons in^iq^Iel■. Ce n'cft point
en ifii^o, ni'isc'ii iiîyi , que fut créé le rcj;iment des Fuliliers du roi. L.i réunion du régiment
Royal-EoiViOiidicrs à l'ariillerie ne (é fit point en 1693 > mais en 1710, puilqu'en I6y/ ce réj;nnt.-at,
qui exilloii fcpiic, fut augm.-nté d'un fécond b.itaillon. L'or(ionnancc du 1 5 août 175^ , n'i.'lt point
ou I5,lifez du ij août. C'eft vouloir faire illulion à fon le£leur que de lui duc que cette ordon-
nance de 171SÎ , n'ayant j.imais été imprimée quoiqu'on la fuivîi depuis fept ans , parut enfin & re-
çut la publicité de l'imprellion le i\ août 1771.
L'ordonnance do ij août '771 , qui fembla n'avoir pour objet que la deftruftion de tout ce qui'
avoit été établi par celle de 171S5 , ne fera jamais confondue dans i' ytrtillerie avec cette dernière ,
dont les difpofuions furent rétablies en 1774 , & ont reçu depuis une nouvelle fanûion en 177^ ,
pat les ordonnances luccellives rendues à ces époques.
Les motifs qui déterminèrent la .lifperfion du corps des Mineurs , paroilTent bien foibies, comparés
à ceux qui militent en faveur de leur réunion. Renvoyez les Mineurs à la fuite de chaque légimert
à'artitUrie , vous détiuifcz l'unité de leur initruiflion théorique , & fur- tout leur inftrudion pratique
en grand. Une compagnie feule ne peut exécuter de grands ouvrages dans le couis d'un été ; vo' ";
- vous jetez dans l'inconvénient d'un furcroit de dépenfe confidérable pour monter , même en petit
dans (ept endroits ditlJrens , une inîTru^ion chère & difficile à établir dans un feul ; vous éteignez
l'efpiit d'émulation qui ié(ulte de la réunion de tous les Mineurs en un même lieu , efprit fi né-
ceflaire au progrès de tous les arcs , que c'eft au befoin de le faire naître ou de l'entretenir qu'on
doit tous les étabiilTemens qui , fous des noms divers, ont pour objet de réunir & d'animer les efforts
de ceux qui fe confacient .i les cultiver.
Les perfonnes qui penfoien; que la diminution du nombre des foldats du Corps royal , faite en
J771 , étoit une économie mal entendue , avoient bien raifon , & leur avis a été celui de tous les
minilftes qui ont (uccédéà l'auteur de l'ordonnance de 1771. Quand un de ceux qui depuis ont occupé
(a place .'.pprit cette réfounc , il médit: voilà le Corps àe ['artillerie perdu. Il raifonnoii irès-
jiifte , car en fuppofant cette réforme aufli néceflaire & aulTi économique qu'elle l'étoit peu , elle étoit
toujours m.il faite, piifque dans cette fuppofition , il valoit niieux licencier fur le chaïup les onze
dernier^ foldats de chaque compagnie que de s'expofer à perdre , comme cela eft arrivé , d'excellens
cano:'.niers qai avoient fiitla guerre, & qu'après une fi longue paix il falloir conferver avec le plus
grand foin , mais qu'on s'eil vu forcé de laifler partir pendant trois ans de fuite , .à mefurc que leurs
engagemcnscxpiroient . - :rce que les régimens étant .ilors chargés de lurnuméraites , ne pouvoient
li'er du pouvoi' derengticr. Le prétexte de cette réforme de I799 hommes étoit plaufible en
apparence ; ■>: rcndoii .à l'.nfantcnc le canon de 4, on pouvoir donc diminuer un Corps royal auquel
en cnlevoit une - ■". princip.-.lcs branches de Çon fervice ; mais où étoit l'économie dans cette ré-
forme? Calculons ; la foice eltimative de l'armée françoife cfl de 100 bataillons , en leur donnant à
chacun 1 pièces de canon q ji exigent pour leur fervice chacune huit hommes , il falloit tirer de lln-
tanterie 3 ico hommes pom les attacher à ce canon , on ne pouvoir fe dilpenfer de leur joindre au
inoins 100 fergens & 100 officiers; on auroic donc payé 3100 canonniers dans l'infanterie , pour
n'en pas payer 17 J9 dans le Corps royal. Voilà ceites une finguliere économie : avoit-on confulté
la fagelTe & laraifon en rendant le canon de 4 à l'infanterie ? Je veux , contre toute vrailemblance ,
que fes foldats inftiuits de fa manœuvre foient même en entrant en campagne aulfi bons canonniers
que ceux du Coips royal, &: que fes officiers fâchent tout d'un coup anlfi bien le métier d'artilleur
que ceux de i'/irr/Her/V, par qui les auroit-on fait remplacer après une bataille qui auroic pu ea
détruire beaucoup ; par des novices tirés de la ligne , on ne pouvoir fe recruter que là , foit en ofri-
ciers , foit en foldats. Peut-on croire que le fervice foit auffi-bien fait par fes recrues (ans expé-i
former pour l'art qu'ils devront pratiquer à la guerre , vous vous jetez dans des dépenfes elfrayan-
tes -, voilà autant d'écoles que de réginuns & une confommation de munitions au moins dix fois plus
forte que celle que fait l'aritllerie ; ne les exercez pas , vous aurez à coup fur de mauvais canonniers.
Les raifons qui doivent faire laiiler le canon de 4 au Corps royal me paroifTent d'un tout autre
poids que celles qui le lui faifoient ôter. C'eft au Icé^eur fins prévention à juger entre elle*.
On s'abftient de difcuter les principes fur lefquels on s'appuie pour fupprimer l'école & la compl-
gnie des élevés du Corps royal, i-' fuffit de dire que cet article de l'Encyclopédie n'apprend point (juelu
Tonu III. C c c c
5^4
A R t
régiment des fupUcrs du roi , avec imc com-
pagnie de grenaàicrs , à chaque bataillon:
ce corps fut ainfi nommé , parce qu'il fut
le premier armé de fufils avec la bayonnctte ,
à la place des moufqucts dont on faifoit
alors ufa^e : ce qui fait époque dans l'hif-
toirc de la milice fraiiçoiie.
Daiis le premier bataillon , il y ayoit deux
compagnies d'ouvriers de cent dix hom-
' mes , trois compagnies de canonniers , &
huit de fuiiliers de 55 hommes.
Dans le fécond & troifieme bataillons ,
une compagnie d'ouvriers , trois de canon-
niers & dix de fufiiiers. Dans les trois der-
niers bataillons , trois compagnies de ca-
nonniers 8r douze de fufilicrs.
Après la réforme qui fut faite à la fin de
l'année 1668 , de tous les canonniers qui
étoient appointés dans les places , on leva
fîx compagnies de canonniers pour exécuter
& fervir le canon , qu'on exerça en confé-
quence ^ on en leva dans la fuite encore lix
autres. Quoique ces douze compagnies fideut
, partie du régiment des fufiiiers , elles ne
faifoient point corps avec les bataillons ,
& étoient regardées comme des compagnies
détachées.
Le régiment Royal-Bombardiers fut crée
en 1684 , & compofé de quinze compagnies
fie bombardiers , dont la première de 105
hommes , la féconde de 70 , & les treize
■autres de 50. Il fut réuni au corps de Y ar-
tillerie en 169^.
Par ordonnance du 15 avril i^g:^ ^ le
régiment i\cs fufiiiers fut appelle le réginient
Royal Artillerie , uniquement attaché au
fervice de ^artillerie , & dilpenfé de tout
autre fervice , hors celui de la garde des
places.
ART
Par ordonnance du 25 novembre iCç-^ ,
les douze compagnies détachées de canon-
niers furent incorporées dans le régiment
Royal Artillerie , & les fix compagnies de
grenadiers furent ce averties en compagnies
de canonniers.
Par ordonnance du 5 février 17Z0, le
régim.ent Royal-Bombardiers , toutes les
compagnies de canonniers , d'ouvriers , &
de mineurs, furent incorporées dans le régi-
ment Royal Artillerie , lequel fut compofé
de cinq bataillons , & chaque bataillon de
huit compagnies de 100 honunes chacune ■■,
chaque compagnie compofée d'un capitaine
en premier, un capitaine en fécond, un
lieutenant en premier , un lieutenant en fé-
cond , z cadets , 4 fergens , 4 caporai.-x ,
4 anfpcfïïîdes , 2 tainbours & H4 loldats ,
divifcs en trois efcouades , dont la première
de 24 canonniers ou bombardiers , com-
mandée par 2 fergens , 2 caporaux & 2
anfpeiTades : la féconde de 12 mmeurs ou
fiioeurs , &: 12 apprentis avec un fergent ^
r caporal & i anlpelilule ; fcc la troitieme.
de '"12 ouvriers en fer oc en bois , 12 iip-
prentis , avec un iêrgeut , un caporal & un.
anfpeffade.
Par ordonnance du premier juillet 1729 ,. .
les cinq bataillons du régiment Royal Ar-
tillerie furent compofés chacun de lunt com-
pagnies , dont une de fapeurs , cinq de
canonniers & deux de bombardiers de 70
hommes chacune , dont 4 fergens , 4 capo-
raux , 4 anlisellades , 2 cadets ,18 iapenrs ,
canonnïers ou boir.bardiers , 36 rpprentis
& 2 tambours : chaque compagnie com-i
mandée par un capitaine en premier , un
capitaine en fécond , deux lieuteiians £c
deux fous-lieutenans.
■ r„.„, U> ,,.,b n,.,ifs J. ce,.= ,ifo, ..e , <,,,î ,«■(..«« pc.r ,.;». (o..dé, ,«ç c,„ ou'on vl,»,
ucfoi c-rs &.oçlieutcnansent.oi(icmei ces Jeinieis (cuu nrcs du corps des 'V^? ' rî^ur^ Le
^ansc-s' emplois . ne peuvent concourir avec les autres cffiç.ers pour les grades ucr.ers Le
' iorps royal clHornré de lept régimens . d.vi(« chacur, en crnq bngades ^^^ ^-"[ S-^J ' *!"' '^J^^^
pofcnt enlemble z bataillons chacun de .0 compagnies de 7^ Kommes ; ce ^.^'P»=°"";" ^^ ^^ ^\
' Tompagnies d'ouvr.ers , de 7 > h°"^'^^« ^>>-^^''"^ > ^ '^r^'r*"'"^^'"'! ? Me, ôld d?^ >^^^^
hommes-'^AurC, le nonbrc tou.1 des ofhc.ers du Corps royal eft de ^' V^e, ^r ment de ce . n bU
V compris les a, muners û. tambours majors. Le roi entrenent >"^î'r"'^-""'"/" .,,'J J^^^^j i
^■bommes beaucoup de fiard.sdV,-,;//.r,> dans les places & des conduaeur: à .m. hue dclhn<i5
■fuivre le p.^tc en temps.de sueric. ( M. ue ToM-NURtUL. )
ART
'Oii fcnara des bataillons les cinq coinpa- j
giiics d'ouvriers & les cinq comi)a.?;nics ùc
mineurs : chaque compagnie d'ouvriers fut
coinpolce de 40 hommes , & commandée
par un capitaine & un lieutenant : chaque
compagnie de mineurs fut compoTée de 50
lioinmes, y compris deux cadets , & cou:-
nianilée par lui capitaine , deux lieutenans
& deux Ibus-lieutenans.
Par ordonnance du 30 feptembre 174;^,
les compagnies des cinq bataillons du ré,'i-
mcnt Rojiii AnilUrie , furent augmentées
de ^o hommes & portées à 100.
En 1747, chacvui des bataillons fut aug-
menté de deux coiiipagnics &c porté à dix
de 100 hommes chacune.
Indépendamment des officiers attaciiés
au régiment Royal Anilkne , aux compa-
gnies détachées d'ouvriers & de mineurs ,
il exiftoit un corps d'officiers fous la dénomi-
nation d'officiers d'anillak ; ce corps étoit
compofc de lieutenans généraux du grand-
maitre , de commiflàires provinciaux ,
commiiîaires ordinaires , commiffaires ex-
traordinaùcs , &i officiers pointeurs.
Par ordonnance du ,8 décembre 1755 ,
la charge du grand-maître de VartilUrie
ayant été fupprimée , les cinq bataillons du
régiment Royal Anillcie , les cinq com-
pagnies d'ouvriers , les cinq com.pagaies de
mineurs , les officiers du corps de \! artillerie,
& les iugénieurT , ne firent plus qu'un feul
corps , fous la dénomination du Corps royal
de ï artillerie & du génie.
Par ordonnance du premier décembre
1756 , ce corps fut augmentéd'un bataillon,
d'une compagnie d'ouvriers & d'une com-
pagnie de mineurs.
Par ordonnance du 5 mai 1758 , MM.
. les ingénieurs furent rétirés du corps royal
pour former un corps féparé , fous la déno-
mination de Corps du génie.
Par ordonnance du 5 novembre 1758 ,
les fix bataillons àa corps royal de [artillerie ,
furent convertis en dix brigades, compofces
chacune de huit compagnies de 100 hom.-
mes : {iivoir , une compagnie d'ouvriers ,
. cinq de canonnicrs , & deux de bombar-
diers. Les com.pagnies de fapeurs & de
mineurs , furent détachées du corps royal .
& données au corps du génie, par ordon-
nance du I D mai 1 7 59.
ART J9T
^ir ordonnance du 2.7 février 1760 , les
com;5agiiics de fapeurs rentrèrent dasis le
corp'^ royal , pour être chacune la première
coup i.gnie de chaque brigade ; ik lescon>
pagnies d'ouvriers , réduites à 60 hoiiimes
chacune , furent détachées à la fui'.e de cha-
que brigade.
Par ordonnance du cinq novembre 171^1 ,
• le corps roy.d fut augmenté de trois briga-
des pour le fervice de la marine.
Par ordonnance du zi décembre 1761 ,
les iix brigades , pour le fervice de terre ,
furent augmentées de deux compagnies de
cauouuiers : les compagnies de mineurs
furent retirées du corps du génie & réunies
au corps royal pour firvir , in;c à la fuite dj
chaque brigade.
A la fin de l'année ijOi , le corps royal
fut augmenté d'une brigade de huit compa-
gnies de îoo hommes , formée à la Ro-
chelle, le premier janvier 1763 , Scdcftinée
au fervice des colonies , cniuite affectée an
fervice de terre conjointement avec les fix
anciennes.
Par ordonnance du 5 mars 1764 , qui a(
fupprimé une des trois brigades attachées au.
fervice de la marine , le corps royal de \ar-
tilUrie fut compofé de fept brigades pour le-
fervice de terre , de (ix compagnies d'ou-
vriers , de fix compagnies de mineurs & de
deux brigades pour le fervice de la marine.
Les dix premières brigades étoieut comi;o-
fées chacune d'une con-pagnie de fapeurs ,
& de neuf compagnies de canonniers-bom-
bardiers : chaque compagnie étoit de lOQ
hommes , dont un fourrier , 6 fergens , 6
caporaux , 6 appointés , 6 artificiers , li-
premiers canonniers - bombardiers , 18
lêconds , 41 troinemes & 3 tambours ^ com-
mandée par \M\ capitaine en premier, 2 capi-
taines en fécond , deux lieutenans en pre-
mier , & deux lieutenans en fécond. La
compofition de la compagnie de Tapeurs
étoit la même, à l'exception qu'elle fcrmoit
deux clalfes de x8 premiers fapeurs & 6«
féconds.
La Icptieme brigade n'étoit que de huit
compagnies de canonniers - bombardiers y
compoTées comnie celles de fix autres
brigades.
Chacune des deux brigades., pour le fer-
,'vice delà marine , eftcompolée d'une cem-
C c c c i
5r
ART
pagnic de boiobaidiers , & de fl'pt com-
pagnies de canoniiiers de 8i hommes
chacune.
Chaque compagnie d'ouvriers a été atta-
.«hce à une des fix premières brigades ,
fans cependant en faire partie ^ & les fix
-compagnies de mineurs furent détachées dn
corps royal au mois de mai 1764, pour
*tre réunies à Verdun où elles forment un
jorps.
Par ordonnance du 15 aoîit 1765 , les
fept brigades du corps rayai de ïanillerie ,
•affeâiées au iervice de terre , ont été con-
verties en pareil nombre de régimens Ibus la
dénomination de régimens du corps royal de
f artillerie , de la Fere , de Metz , de Straf-
ï)Ourg , de Befançon , d'Auxonne , de Gre-
ooble 8f de Toul. Chaque régiment a été
compofé de vingt compagnies , dont qua-
torze de canonniers , quatre de bombar-
diers & deux de fapeurs , divifc en cinq
brigades de quatre compagnies chacune.
JLes quatre premières brigades forment
<leux bataillons de deux brigades chacun j la
première brigade fut compofée , dans chaque
bataillon , d'une compagnie de Tapeurs , &
.de trois compagnies de canonniers, la fécon-
de brigade fut compolce de quatre compa-
-giiies de canonniers : les quatre compagnies
de bombardiers formèrent la cinquième
brigade , indépendante de deux bataillons.
Chaque compagnie de canonniers , bom-
bardiers & fapeurs , étoit commandée par
un capitaine en premier , un capitaine en
iecond , z lieutenans en premier , & z
iieutenans en fécond , dont un, tiré du corps
de fcrgens , faifoit fonction de garçon-ma-
jor de la compagnie. Elle étoit de 46
iiommes;, fiivoir, celles de canonniers & de
fapeurs , I fourrier , 4 ièrgens , 4 caporaux ,
4 appointés , huit canonniers ou fapeurs de
la première clalFe , 16 de la féconde , 8
sppreniis &c i tambour. Celles de bombar-
diers étoient également de 46 hommes ■■,
favoir i fourrier , 4 fcrgens , 4 caporaux, 4
appointes, 4 artificiers, c;iratre bombardiers
de la première clallc , 16 de la féconde,
% Tipprcntis & un tambour.
L'état major de chaque régiment étoit
formé d'un colonel, i lieutenant-colonel,
I major , 5 chefs de brigade ayant même
rang &i. mêmes appoiutcincus que k major,
ART
I aide-major, z fous-aides-majors, iqua*»
tier-maître , i tréforier , i aumônier , i
chirurgien & i tambour- major.
Les compagnies d'ouvriers , portées au
nombre de neuf, étoient de 61 hommes
chacune '-, favoir , i fourrier , 4 fergcns , 5
caporaux , 5 appointés , 18 ouvriers de la
première chiflé , 16 de la féconde , 11
apprentis & i tambour. Elles étoient com-
mandées par I capitaine en premier , i capi-
taine en fécond , i lieutenant en premier &
z lieutenans en fécond tirés du corps des
fergens , dont l'un faifoit les fondions de
garçon major de la compagnie.
Les fi>: compagnies de mineurs étoient
chacune de 70 hommes \ favoir , i fourrier ,
4 fergens, 8 caporaux, 8 appointés, 16
mineurs, 3Z apprentis & i tambour,
commandées par i capitaine en premier ,
I capitaine en fécond , z lieutenans en pre-
mier & z lieutenans en fécond , dont nii
tiré du corps des fergens , laifant les fonc-
tions de garçon major de la compagnie.
Par ordonnance du 15 décembre 1758,
il a été établi quatre compagnies de canon-
niers invalides , de 100 hommes chacune ,
lefquelles font encore p;u-tic du corps royal
de Yarcillerie,
L'uniforme du corps royal , déterminé
par l'ordonnance du 15 août 1765, étoit
habit , vefte Siculottc de drap bleu de roi 5
doublure de l'habit, colLt 8c paremcns rou-
ges^ doublure blanche à la veilej poches en
travers à f habit & à la vcfte , garnies de qua-
tre boutons^ quatre fiir le parement ; l'habit
garni d'une bande pour les boutonnières Sc
croifé derrière : boutons d'un côté jufqu'à la
taille , ainfi qu'à la veltc; ces boutons jaunes
ck plats , numérotes 47 , & chapeau bordé
de fil blanc. Les diftinctionsdes fourriers &
fergens fur les manches en or , & celles des
caporaux, appointés & premiers canouniers
en laine auroie , l'épaulctte des fcrgens &c
foldats en drap bleu , doublée de rouge.
L'uniforme des ou\Tiers ^ mineurs de
même, à l'exception que les onvriersavoicnt
des revers rouges à l'habit garni de neuf pe-
tits boutons , nunTérotés47.
L'ordonnance du i 5 août 1765 n'a jamai.f
été imprimée ; & quoique revêtue de l'ap-
probation & de la fignaturedu roi & de
telle du miniflrc ç[ui avoit uloii Is déparie-
ART
kieiit de la guerre , la publicité clefimpref-
Soii ne lui avoit pas encore donné lafanCHon
coiifaLrce par l'ufage. bile parut le 13 août
I77i iiiipriinée, mais avec des changemens
& tics modifications c&nfidcrables. Nous al-
lons rapporter les principaux articles de cette
ordonnance , qui établit la compolition du
corps ro}'al de WirtUlait , & nous ferons re-
marquer leschanijemens eirentiels qui furent
faits à celle de 1765.
Lcslcptrégimens con{èr\'erentleur déno-
mination de La Fête , Met^ , Strasbourg ,
Befançon , Auxonne , Grenoble & Toul. On
iiibftitua à la vellc Se culotte bleues , la vcflc
ik culotte rouges , fans changer le bouton
de l'uniforme, numéroté 47 , pour indiquer
le rang que tient le corps dans Tinfantcrie.
Chaque régiment fut compofé de deux
kataillons de dix compagnies , dont fcpt de
canonniers , deux de bombardiers , & ujie
de /apcurs : chaque bataillon di\ ifé en deux
brigades de cinq compagnies j la première de
la compagnie de fiipeurs , trois de canon-
niers & une do bombardiers ■■, la féconde de
quatre coirpagnics de canonniers & une de
bombardiers. Ces brigades commandées par
les quatre plus anciens capitaines.
l,es compagnies de mi^icurs furent retirées
de Verdun & portées au noîT,bre defept^ on
en attacha une à chacun des régin;cns pour
ièr\'ir à fa faite. L'objet de cette dilpofition
étoit . en réunifiant en quelque lôrte les otiti-
ciers des régimens & ceux des iniueurs , de
les mettre à portée de participer aux mêmes
inftruÛionSjpuifque , roulant enfcmble, les
oiîicicrs des miiieurs peuvent fe trouver dans
quelques occafions , chi^rgés des dtiails &
des opérations de Y artillerie, & ceux des ré-
gimens peuvent le trouver dans des circonf-
tajîces où ils regretteroient de ne s'être pas
appliqués à la partie àts mines.
Les compagnies douvricrs contimierent
d'être attachées aux régimens , feulement
pour l'avancement des oiîîcicrs , mais rcf-
tercnt dans les ariénaux de conflruction ,
le/quels étant établis dans les places cù les
régimens du corps royal font en garniibn ,
les oiîkiers d'ouvriers pouvoient participer
aux inllruftions générales , &ceux des régi-
mens aux détails particuliers des conflnic-
tions.
Chccuuc des compagnies de canomiiers J
. ART î5,7
& de tapeurs , réduite de 46 Jiommes a 35,
fiit compoféc d'un fourrier , 3 /crgens , 3
caporaux, 3 appointés, 6 canoiuiiers ou fâ-
peurs de la première clalfe , 1 2 de la fècon"
de , 6 apprentis ik i tambour.
Chacune des compagnies de bombardiers ,
réduite de 46 hommes à .3 5 , fut compoféc
de I fourrier , 3 fcrgens , 3 caporaux , 3 ap-
pointés , 3 artificiers , 3 bombardiers de la
première claffe , 1 2 de la féconde , 6 appren-
tis, & i tambour.
Ces compagnies doivent être comman-
dées en tout temps , par i capitaine en pre-
mier , 1 capitaine en fécond , i lieutenant
en premier & i lieutenant en fécond. Par-là
les capitaines en fécond qui , par l'ordon-
nance de 1765 , n'étoient qu'au nombre de
1 1 par régiment , & qui tous étoient déta-
chés dans les places , furent portés au nom-
bre de 20 & rentrèrent fous leurs drapeaux.
Les neuf premiers licutenans furentpourvus
de commi/îions de capitaines pour en com-
pléter le nombre. Les oiîicicrs exiftans au
delà du nombre qui fe trouvoit placé dans
chaque régiment, réitèrent à leurs drapeaux
où ils dévoient continuer de fcrvir & de s'inf-
truire , en jouifîant de leurs appointemcns
jufqu'à ce qu'il y eût des places vacantes dans
les compagnies.
Les cinq chefs de brigades établis dans
chaque régiment, par l'ordonnance de 1765,
furent fupprimés par celle de 1772, ainfique
les vingt oflîciers de fortune tirés du corps
des fergens , dont il n'en fut confervé que
2 porte-drapeaux & un quartier-maître.
Chacune des compagnies de miiieurs fut
réduite de 70 hommes à 50 , & compofée
d'un fourrier , 3 fergens , 6 caporaux , 6
appointés, ri mineurs , 22 apprentis & i
tambour : elles étoient commannées par i
capitaine en premier, i capitaine en fécond,
2 lieutenans en premier , i lieutenant en
fécond.
Chacune àzs compagnies d'ouvriers , ré-
duite de 60 hommes à 40 , fut compofce de
I fourrier, de 3 fergens , 3 caperaux, 3 ap-
pointés , 29 ouvriers, dont 12 de la première
claffc , 10 de la féconde , & 7 apprentis ,
avec un tambour. Elles étoient commandées
par I capitaine en premier , i capitaine en
fécond , i lieutenant en premier, 8c 1 lie|i«
tenant eu feçoud.
5^j.8 '-îmcri A H T
LL-'état-major de chacun des réglmens du
O'rps' royal de rartilleriê fut coinpofé d'un
colonel , d'un licutenatit-coioncl , i major ,
z aides-majors , z fou -aide s-major, r quar-
tier-maître, z porte-drapeaux , r trélbrier ,
i-aumônier, i ehirur;jien, i tambour-major
& 6 fifres ou clariiiets.
Suivant les diipoiitions de cette ordonnan-
ce , chaque, compào;uie de iiipcurs , canon-
niers & bomb:ird ers fut diminuée de ii
hommes :, chaque compagnie de mineurs de
zo , & chaque compagnie d'ouvriers de z i ;,
ce qui fit une diminution fijr la totalité du
corps royal de 1799 hommes.
Pkdîcurs perfonnes penfoient que cette
diminution étoit inic économie maleiitcndue:,
mais on leur objeâa que le corps royal , in-
dépendamment des mineurs & des ouvriers ,
étant encore de 4900 hommes , ilfuffiroiten
paix & même en guerre , en allociant ,
comme autrefois /î les circonftances l'exi-
geoient , des régimens d'infanterie ou de
milice à Y artillerie , parce qu'il luffit d'un
homme ou deux irillrujts à chaque pièce
pour diriger les autres
ART ,
jiiombre des furniiméraires , ou les jeunes
gensauroient vainement langui à Br.paume ,
en attendant qu'il vaquât des places dans
les régimeire : furdesefpérances éloignées 8c
frivoles , ils auroicnt vieilli au lieu de cher-
clier les moyens de k placer dans d'autres
corps. Tels furent les niotifs qui détermi-
nèrent lans doute la f.;:>prefiîon de l'école
des élevés.
Sa Majéllé avoitcréé, par fon ordonnance
du 6 avril 1757 , des comniiffaires des guer-
res & du corps royal , pour tenir lieu des
commis contrôleurs qui étoicnt alors atta-
chés à tous les grands departemens de fbix
artillerie ; & jugeant que les onzecommif-
faircs établis par ceitc ordonnance , futn-
Ibic'.it pour !_' travail doiu ils Ibnt chargés ,
elle lesréduifoit par l'on ordonnance de 1771»
au même nombre dcr oaiQ,
Coinpofuioii du corps royal de t artillerie ,
fuivant l ordonnance du 23 août IJJZ.
Sept régimens de zo compagnies chacun ;
chaque compagnie de 35 hommes : par
régiment 700 hommes ^ & pour les fcpt
Indépendamment du nombre d'officiers j 49^^°
attachés aux fept régimens du corps royal ,
aux corapagnies de mineurs & d'ouvriers ,
S. M. en entretenoit d'autres dans les places ,
Jes écoles , forges, fonderies & mahufaélu-
res d'armes: cesoliîciers continuoientde faire
partie du corps r03'al , & S. M. fe réfervoit
de les faire entrer dans les régimens & d'en
faire paiîcr d'autres dclilits régimens à leur
place^, lorfque les circonftances l'exigeroient
pour le bien de fon fervice & l'avancement
des ollîciers.
Les officiers exiftans au delà du complet ,
'joints aux furnuméraires fortis de l'école de
.Bapaume', étant en nombre fuffifant pour
-fcmplir pendant long-temps les places va-
cantes dans les régimens, Sa Majefté jugea
-A proj)os de fupprimer l'école des éleves.éta-
'-'blie à Eapanme. Les promotions d'officier^
-'-tpi'onnvoil faites depuis quelques années,
'étoiehtcofifidérables^ cnforte que les placer
( Vacantes ayant été rcm.plics dans les régi-
«-mens j il y avoit à-lbur fuite un grand nom-
'^'brc' de furnuméraires avec leurs a;ipointe-
'Tliens d'élevés , & p;ir confcquent le même
nombre d'élevcs à Bapaume ,-ï;ms iippoin-
tçineas : chaque année auroit augmenté le
Sept compagnies de mineurs de 50 licm-
mes chacune , en tout 5 50.
Neuf compagnies d'ouvriers, de 40 hom-
mes chacune .'en tout 560.
Le corps des officiers coinpofé comme il fuit',
favoir:
Un direilcur général.
Sept chefs de départemens généraux ,
tels qu'ils étoient précédemment au nombre
de neuf, fous la dénomination d'inlpefteurs
généraux.
Sept commandans d'écoles.
Sept colonacls de régimens.
\'ingt- trois colonncls-diredteurs.
Sept licu'.enans-colonels de régimens.
Vingt-trois lieutenans-colonels fous-direc-
tcurs.
Quatre infpe fleurs aux maïuifaclures d'ar-
mes.
Sept majors.
Quatorze aides-majors.
Trente-cinq capitaines en premier atta-
chés aux réfidcnces des places.
Vingt capitaines en premier par régiment;
140 pour les (ept.
Sept capitaines en pieinler de mineiu-s«
A ÇL T
Neuf capitaines en premier d'op-ri^rs.
' ' Vîiijjt capitaines en feconci phr i-igimÉnt ^
■I40 pour les fcpt. '
Sept capitaines en fécond de inineiirs.
Neuf cp.pitaincs en {ècond d'ouvriers.
Vingt licutenans en prcmicrparrcgimcnt j
140 pour les fcpt.
Quatorze licutenans en premier de mineurs.
Neuf lieutenans en premier d"ou\riers.
N'ifigt licutenans en fécond par rcgiinent j
140 pour les fcpt.
Sept licutenans en fécond de mineurs.
Neuf Jicuteiians en fécond d'ouvriers.
Quatorze porte-drapeaux.
Sept quarticrs-ma'trcs.
Le tout failànt, indcpendammciit du di-
refteur général , le nombre de 800 officiers.
Nous craindrions d'être trop longs il nous
roulions rapporter tous les motifs qui ont
déterminé la conftitution établie par l'ordon-
nance de 1771 : on les trouvera tous pré(cn-
tés dans le plus grand détail , dans une
broch'.ire qui a pour titre : Lettre d'un c"i-
cicr du corps royal d artillerie au lieuter.ant-
coloiiel du tégiment £)***', Jur les change-
fiicis introduifs dàns'fariillèrie frar.çoife\
depuis 1765 jufquen 17^6 ,' '& fur les arran-
fèmensprispdr'le'mihljlere relativetncnt à ce
Javice. 1:74.
Par ordonnance du 3 o£}obre 1774, le
corps royal de Wirtillerie éft compofé de
neuf infpedi-curs- généraux . dont le premier
a le titre de dirt:tenr général , fans néan-
moins avoir d'autre autorité ni d'autres fonc--
tioris que lés huit aùt'res : de 7 écoles à^ar-
til.'erie , de 7 régimens qui' ont confervé les
noms qu'ils avoient précédemment , d'un
corps de mineurs formant 7 coiupagnies ,
établi â Verdun pour fou iaflruCtion , de
p compagnies d'ou\'ricrs , de 21 directions,
bc de 15 commilfaires des guerres.
Chaque régiment eft compolé de deux
bataillous de caiionniers & de fapeurs , &
de quatre compagnies de bombardiers , for-
mant enlcmbic cinq brigades conunaiidecs
par ;.n chef de brigade ayant rang de major.
Chaque compagnie de cauonniers & de
bombardiers eit commandée par un capitaine
Ci; premier , un lieutenant en premier &
dci-x licutenans en fécond , dont l'un cft
tiré du corps des (èrgens & fait les fonfticns
d'adjudant. Chaque compagnie de fapeurs
ART
^V^
efl: cpmir.andce par le chef de la bfigadf.
^ans laqlielle elle fe trouve , il en eft le
capitaine titulaire ;, on y a attaché de plus
un capitaine en fecond pour la commander
dans tous les cas du fcrvice.
Les autres capitaines en (ccond font fiip-
priincs , à l'exception de 11 par régiment,
auquel ils ne font attachés que pour leur
avancement , & qui font employés dans les
diflérentes places du royaume.
Chaque compagnie eîl de 35 hommes,
elles feront portées à 70 en temps de guerre.
Cette ordonnance accorde le grade de
lieutenant-colonel aux fcptplus anciens chefs
de brigade ou majors du corps royal , & Ja
commilîion de majors aux deux premiers
capitaines de chaque régiinent , lorfqu'jls
auront'rempli l'emploi de ]iremier ou fecond
capitaine pendant iix ans y en temps de paix ,
?< celle dé lieu.toii;int-colonel , lorfqu'ils
l'auront occupé pendant dix ans. Les huit
premiers licutenans de chaque régimeijt,
■que lordonnance de 1772 avolt élevés au
grade de capitaine en fecond , redeviennent
lieutenans en 'premier avec la coràmifuon
de capitaine: :.■;■'.'' • . '■•;.■
Le corps des mineurs- cfl comiinandé fupé-
rieurement par un des rnfpcfleurs généraux ,
il y a en outre un commandant particulier,
choifi parmi les capitaines , un. chef de bri-
gade charge de diriger les études des ofîiciers,
un aide-inajor, lequel eflchargctle la ])olice,
de la difcipliiie & du fërvice de l'infanterie.
Chaque compagnie de rfiijieurs efl cohi-
m.artdée en tout temps parmi capitaine-cn
j'rem.ier , un capitaine en fecond , un lieu-
tenant en premier iic deux lieutenans en fé-
cond ; l'un defquels , tire du corps des fèr-
gens j fait les fonctions d'adjudant. Ces com-
}>agiiies font de 46 hommes, S. M. propo-
iâîit de les augnicntcr de 24 ajjprentis •&;
ce lï de plus en temps de guerre.
Chaque compagnie d'ouvriers efl com-
mandée en tout temps par un capitaine en
l^remier , un caj)iîaine en fecond , un lieu-
tenant en premier cSf deux- lieutenans "en
fe,ond , dont lîm efi adjudant, hdle efl de
40 îiommes , fera portée à 61 , & en tcm]5S
de guerre à 70. -Ces compagnies font difcri-
l)uéos pendant ia paix dans les artènaux de
conflradlion.
L'ctat-majorde chaque régimeiU cfl com-
'6oo ART
pofé de I colonel , i lieiitenant-coloneî ,
5 chefs de brigade, r major , i aide-major,
2. fous-aides-majors , i quartier- maître , i
tréforier , i tambour- major , 6 muficiens ,
I aumônier & i chirurgien-major.
Uniforme. Habit , épaulette , vefte de
drap bleu , paremens , collet & doublure
rouges , culottes de tricot bleu : boutons
jaunes & plats , numérotés 47. Les mineurs
ont lepaulette fur l'habit & la \efte d'un
galon de laine aurore. Les ouvriers ont deS
revers en drap rouge, & une patelette rouge ,
à la vefte. Les gardes-magafin & artificiers
ont les paremens & le collet de velours bleu
célefte , & les conducteurs de charroi les
ont en drap de la même couleur.
Chaque régiment du corps royal a deux
drapeaux , dont un blanc colonel & un
d'ordonnance aurore & verd , taffetas chan-
geant & aurore oC rcu?e de même par oppo-
sition -^ les drapeaux blancs , les croix blan-
ches de ceux d'ordonnance , & leurs iiampes
peintes en bleu , font femcs de Heurs-dc-lis
d'or. Cette marque de diftinèlion fut accor-
dée à ce corps du temps qu'il était le régi-
' ment des fuliliers du roi , pour s'être lîgnalé
à un aiïàut où il monta au fiege de Cambray.
Indépendanuncnt du nombre d'ofiiciers
attachés aux fept régimens du corps royal ,
aux compagnies de 'uineurs & d'ouvriers ,
fa majeftc entretiendra en outre ,; pour le
fèrvice de Winillerie dans les place; , 105
officiers : favoir , 9 infpcfteurs-géacraux ,
7 commandans eu chefs des écoles , 22 co-
lonels direfteurs, 27 lieutenans-colonels ,
dont 23 fous-diredleiirs ftf 4 infpedeurs cifjs
manufactures d'armes ^ 63 capitaines c: i'academie des fcieuces a depuis comptés
ART
fubfiftcr long-temps. Ce ne fut qu'en 1710;
que les écoles A' artillerie furent fondées d'uiiB
manière ftable. M. le marquis de Valiere
en fit établir dans toutes les villes défignées
pour recevoir en garnifon les troupes de
['arcillene. Aujourd'iiui Strasbourg , Metz,
Verdun , Befançon , Douai , la Fere &
Auxonne ont des écoles ^artillerie : Celle
•ie Grenoble \;ient d'être fupprimée , vrai-
(tjmblablcment pour être transférée dans un
lieu plus commode & plus convenuble. Les
oôtes rie Bretagne , de Normandie , du pays
d'Aunis , lèmbîei'.t exiger qu'une école foit
rapprochée d'elles. Peut-être mèw.t ne fau-
ch-oit-il avoir qu'une feule éculc à'àrtillerie
dans le centre du royaume , ainfi que l'a
propofé M. d'Efpinally , chef de brigade
du corps royal j l'ijiftruÛioa théorique y lè-
roit meilleure , rin(lru£tici!i pratique s'y fe-
roit en grand. Une campaene dans une
telle école appreuclroit plus aux jeunes offi-
ciers que dix ne peuvent la fiire dans les
écoles aftuelles, où tout fc faifonten petit ,
ne donne de la guene qu'une ima^re très-
imparfaite. Au refce , il fuut voir le déve-
loppement de ce grand & beau projet d'une
école générale , dans le dictionnaire d'crr?'/-
Icrie , que doit publier M. d'Efpinalfy. Tel-
les que font les écoles à! artillerie , elles font
deveiuics une eljjcce d'académie , où les
jeimes çcn% que leur naillance appelle aux
phis !i;nircs dignités militaires , font venus
te viennent tous les.jours prendre leurs pre-
mières leçons. Elles doivent s'honorer d'a-
voir vu ibrtir de leur fein M. le comte de
iVlaillcbois & M. le comte de Trclfan , que
premier , 77 capitaines en fécond , dont on;o
font attachés à chaque régiment pour leur
avancem.ent.
Telles font les principales difpofitions do
rordonnance du 3 odobre 1774, calquée
fur celle de 1765 , à quelques changemens
près.
Ecole d'artillerie. Louis XIV qui créa la
plupart des établiifemens utiles f[u'on voit
en France , fcntit la néceflitc d'une école
^artillerie , où les oflicicrs pulfcnt employer
les loifirs de la paix à s'i'ùîruire dans l'art
de la guerre. Il en éta!)lit une à Douai en
1(579, mais les guerres coutunielles qu'il en-
treprit ne permircut pas à cette école de
parmi fes membres , & qui à de grands
talcns militaires ont fu allier les connoif-
f-iuces les plus étendues dans des genres tj-ès-
\ôriés , tk faire inlcrire leur nom iiarirù
CQivs. des généraux , des fàvans , des beaux
efpriis , ôc ce qui vaut mieux encore , parmi
ceux des hommes rares que la gloire n'a
point gâtés Si que les fuccès Se les talens
a'oat fait que rendre plus aimables. Sans
doute les jeunes fèigneurs qui fuivent maiu-
tciuuît ces écoles , prenant ces généraux
pour modèles , ne leur feront pas un jour
îuoins d'honneur qu'eux.
Chaque école eft commandée par lui offi-
cier général ^artillerie , chargé de diriger
l'iu ftrudioa
ART
yinfl:ru<?l'ion théorique & pratique des offi-
ciers, & des troupes qu'il a (bus Tes ordres.
Le roi entretient d.^p.s chacune un proltC-
feur, un ai(Ie-profc(Téur de ni.ith'iniatic[Uv'S,
un proll-fTeur de dclhn. Non loin des villes
où font les écoles , eft un vafie champ
d'exercice , ou parc d'arùî/eriequon nomme
aflez improprement polygone , on y élevé
des fronts de tortification , on y conflruit
des batteries, on y ouvre des tranchées,
on y conduit des (appcs ; toutes les opéra-
tions qu'exigent les iieges y font pratiquées.
Le commandant d'école nomme pamii
les officiers du régiment i^anilUru un di-
refteur, un ibus-direfteur & deux aides de
parc. Le direifleur commande dans le parc ,
a ioin de ion approvifionnement ; les offi-
ciers qui lui îbnTadjoints , lont chargés par
hii des détails; le parc a en outre un garde
^iirtilkrii , & un conduéteur de charroi.
L'école de pratique i'e fait le plus matin
qu'il eft pofîible, trois jours de chaque (e-
maine, & la moitié du régiment doit s'y
trouver chaque lois. L'école de théorie {é
tient les trois autres jours de la lemaine, le
matin; tous les lieutenans lé trouvent durant
trois heures à la falle de mathématiques , &
le loir pendant le ni^me temps à celle de
i^.<i^\\\ : ils y font prélides par un capitaine
& commandés par un chef de brigade : les
mathématiques élémenraires, le calcul in-
tégral & différencicl, -rapplicarion de l'al-
gebie à la géométrie, la méchanique, l'hy-
draulique, la fortification, font l'objet des
Jeçons qu'on donne à ces falles , qui font
fuivies d'expériences dephyhque & dechy-
m;e. Aux f/iles de dcfTiu, les lieutenans del-
fmcnt les pians & prouls de la fortification ,
les machines de KanilUrh ; dans les beaux
jours d'été ils vont fur le terrain lever les
flans, drefTer des cartes, faire des nivelle-
mens. Les capitaines s'affemblent une fois
la femaine, en prélénce du commandant
d'école &C des chefs du régiment pour traiter
en forme de conférences toutes les matières
qui iont du refîbrt d.e 'xartilkrie. Les ler-
gens ont aufîî des falles de tiiéorie.
Le commandant d'école examine de
temps en temps les lieutenans pour juger de
leur degré d'inftrudfion , & l'uiipefteur gé-
néral lors de fa revue , leur fait fubir tous
les ans un nouvel examen.
Torni III.
ART ^^01
Louis XV créa en ly^ô une école Si une
compagnie d'élevés deftniées à fervir de no-
viciat , pour entier au corps royal. Le nom-
bre clés élevés fixé d'abord à ';o fut enfuite
porté à 60. La compagnie étoit commandée
par un colonel, un lieu:enant colonel, un
capitaine , un lieutenant du corps royal. L'é-
cole avoit des profeffeurs de mathématiques,
de phyfîque, de defTin. Un mcnibre de l'a-
catiémie des fciences vcnoit deux fois par
an à la Fera , où elle fut d'aljord établie,
& enfuite à Bapaume, où elle fut transfé-
rée en 1766 , examluir les élevés , &c fur le
compte qu'il rer.doit de leur (avoir au mi-
nière , ils éîoicriL nommés officiers ou ren-
voyés à leurs familles. Ce même académi-
cien examinoi* les ai'pirans qui fe rendoienr
à la Fere & à Bapaume de toutes les écoles
à'anlUerii , & fur (on rapport ils étoient
admis dans la compagnie de£ élevés, ou re-
fuiés. Cette éole & cette compagnie furent
fupprimées en 1771 , il eft vrailémbiableque
lorique le corps royal aura befbiii d'offi-
ciers, on prendra de nouveaux moyens de
s'alûirer de la capacité Si des lalens de ceux
qui (é deflineront au fervice de funilUrlt,
(M. DE POMMEREUL.)
ARTIMON , f. m. {Marine. ) On donne
le nom d'animon au bas mât le plus en ar-
rière du vailleau, à la %'ergue que ce mât
(upporte, &: à lî voile attachée fur cette.ver-
<Tue. Lorl'qu'on veut parler de la \oi'e,o:i
(e contente de dire Yaicimon ; mais loti-
qu'on veut défigner le mât ou la vergue,
on dit le m?.t d'animon ou la vergue d'ar-
timon. On diflinguear.lîi par le mot artimon
les manœuvres qui ont des noms génériques
& communs pour tous les mâts , & qui
fervent au mat à la vergue ou à la voile
d'artimon : ainfi on dit les haubans d'arti-
mon , la driflé d'animon^ les cargues d\irti'
mon , &c.
Le màt, ainfi que la vergue, font faits
pour l'ufage de la voile : mais il faut placer
le mât avant de phcer la vergue; &t on
place la vergue avant de placer la voile ;
c'efl: auflî l'ordre que je vais Cuivre en par-
lant d'artimon.
Mât d'artimon. Le màt d'artimon eÇ[ le
plus petit des trois bas mâts du vailleau. Il
a ordinairement en longueur une fois trois
1 quarts le maître bau, & la douzième partie
Dddd
6oi ART
de cette lotigueur forme !e ton du mât. Son
plus fort diamètre efl: de la t'ente-fixieme
partie de fa longueur ; & fon plus petit dia-
mètre eft de la cinquante-quatrième partie
de cette longueur, ou ce qui revient au
même, 11 a les deux tiers du plus grand.
Ainfi un vaiffeau qui auroit quarante- huit
pies de bau , auroit un mât A' artimon de
quatre-vingt-quatre pies de longueur; le ton
de ce mât feroit de fept pies ; fon gros dia-
mètre de deux pies quatre pouces ; & fon
petit d'un pie fix pouces huit lignes. Ces rè-
gles ne font pas invariables. Le mât à'arti-
mon a, ainfi que les autres bas mâts, des
jauteraux pour i'outenir fes barres fur lef-
quelles porte la hune. Son pié ne defcend
point dans la calle , mais il porte dans fa
carlingue mife fur le premier pont. V. Jau-
TERAUx , Barres , Hune, Carlingue.
Voici l'ordre que l'on obferve dans le ca-
pelage du mât à^ artimon. On commence par
les pandeurs dts palans de mât : on capele
enfui te les deux premiers haubans de tri-
bord de devant formés par un même corda-
ge; puis les deux de devant de bâbord,. &
ainf. de fuite : fi le nombre eft impair , on fait
un œillet au dernier, & on le capele tout
fcul; enfuite on capele i'étai. Au capelage
même on garnit les haubans & l'ëtai de
cuir, pour qu'ils ne fe mangent pas entr'eux
&. fur les barres. On met enfuite une poulie
à trois rouets pour la driHe de la vergue
iHartimon qui n'efl: qu'aiguilletée au ton du
mât , aiin de pouvoir facilement changer
l'aiguillette , fi elle venoit à fe couper. Ce
capelage fait, on met la hime (ur i'es barres,
6c on place enfuite le chuquet. Sur la face
inférieure du chuquet, il y a un piton de
chaque côté , où font aiguillettéesdeux pou-
lies pour les balanciers de la vergue fechcv
Un peu au deflbus du chuquet , on fait
faire un tour-mort & une demi-clef à un
pandeur aux deux bouts duquel font eftro-
pés deux caps-de-mouton pour les mouf-
laches de la vergue feche ; le pandeur doit
être affez long pour que les caps- de-moutou
débordent la hune , & on le fourre avec
du bitord pour 1 empêcher de fe couper. Au
delTous de la vergue feche eft un autre pan-
deur, faifi autour du mât par un toui-mort
& deux denficltfs , & aux bouts duquel
font eftropévs deux poulies qui fervent aux
ART
bras du grand hunier; le pandeur doit être
affez long , pour que les poulies dépaffent
la vergue feche, & on la fourre avec du
bitord.
Tel eft le capelage du mât ^artimon que
les gabiers ^artimon doivent vifiter tous les
jours à la mer pour réparer ce qui pourroit
s'ufer , & ce qui menaceroit de manquer.
Lorfqu'on veut affujettir le mât , on ride
les haubans & I'étai ; enfuite on fait les en-
fléchures; on met les quenouillettes & les
gambes de hune; on fait le trelingage, &on
place la barre de trelingage & le râtelier.
Vergue d'artimon, l.^ vergue Ai artimon eft
fufpendue à fon mât différemment de toutes
les autres. Sa longueur eft dans le fens de
la longueur du vaifleau ; & elle a un de fes
bouts forr élevé, tandis que l'autre n'eft
élevé que de huit à dix pies au deflus du gail-
lard.
Le bout élevé eft celui qui eft le plus en
arrière du vaifleau : il a moins de diamètre
que celui qui eft en avant du mât , mais le
plus fort diamètre de la vergue eft à fon
racage. La vergue n'eft point fufpendue par
fon milieu ; elle a un tiers de ia longueur
en avant du mât , & les deux tiers en arrière :
elle eft ordinairement placée à tribord du
mât. Pour la fufpendre, on met une poulie
double fur la vergue , derrière l'eftrop de
laquelle on cloue un taquet , afin que l'cbli-
quité de la vergue ne le laifie point glificr;
la drifl"e fait dormant en cet endroit fur
la vergue par un tour d'anguille & pafie al-
ternativement dans la poulie à trois rouets
aiguillettée au ton du mât , & dans celle à
deux rouets qui eft fur la vergue , puis def-
cend enfuite par bâbord dans une poulie de
retour aiguilieitée à un piton qui eft en de-
hors du vaifleau au deflijs & un peu en
arrière des porte-haubans : il faut que l'ef-
trop de cet te poulie de retour foitaflezlong ,
pour que la drifle ne frotte point furie pla-
bord , lorfqu'on laiflé ou que l'on amené la
vergue. La vergue eft laifie contre le mât
par un raca^c. La partie de l'arriére de la
vergue , qui tft des deux tiers de la longueur
totale , tend par fon poids à baiflér , mais on
la (butient par une manoeuvre qui le nomme
martinet ^ trappée au bout de la vergue, &C
par le moyen de la(|uelle on peut l'élever
ilavantage ou la laifter bailler. A l'autre
ART
extrémité de h vergue , on capele l'eftrop
d'une cotre piur le plan de droile, & deux
poulies fimples pour l'hourfe inanocuvre qui
tieut lieu de bras ; le palan de drolTe fert à
ferrer le racage. ( y. Martinet.) Outre la
drllTe , on met une (biipente à la vergue
êiariimon pour la tenir en place , afin de
foulager la drifl'e & d'en tenir lieu fi elleétoit
coupée. Pour cela on aiguillette une cofTe de
fer ("ur la vergue auprùsde la poulie de driffe;
la foupente tait df>rmant fur le ton du mât ,
& elle vient pafTer dans la colTe d'où elle
remonte , par le trou du chat, embraiïer le
ton du mât pardeffus les barres , puis elle
redefcend dans la coflTe; & après quatre ou
cinq tours, on la faifit autour du mât. On
ménage un bout après l'amarrage pour bri-
der toutes les branches de la foupente , &
les faifir les unes avec les autres.
La vergue ii artimon n'ell pas toujours faite
comme on vient de le dire : on en coupe
quelquefois la partie qui efi: en avant du
mât, & on appuie le bout fur !e mât même.
Pour cela ce bout fe termine en croiffant
dans lequel le màt eft emboîté. On garnit ce
croiffant de cuir, & on met affez fou vent
une plaque de cuivre fur le mât. On appelle
alors cette vergue un artimon à corne , ou
fîmplement une corne ; on l'appelle aulTi
un gui : on ne s'en fert point dans les gros
vaiffeaux.
f^oile d^artimon. La voile (^artimon for-
moit autrefois un triangle reftangle dont
l'hypothénufe tenoit à la vergue; mais au-
jourd'hui on ne fe fert prefque plus de ces
fortes û^unimon ; &c on coupe à tous la par-
tie qui eft en avant du mât. Les vaiffeaux
françois font ceux qui ont confervé plus
long-temps l'ufage des artimons triangulai-
res ; aulfi les appelle-t-on artimons à Lafran-
çoife ; on nomme ceux de la féconde elpece
a'-timons à tangloifc. La voile eft bien faifie
à la vergue à l'extrémité élevée ou de l'ar-
riére , & elle eft enverguée , ainfi que toutes
les voiles, avec des rabans. La partie de
^artimon qui delcend le long du màt , eft
percée par des œillets dans lefqUwls, à com-
mencer par l'œillet fupérieur, on palle un
cordage qui fuccelîivementeaibrafle le mît ,
& traverfe un œillet, & qui eft arrêté par
en-bas.
U artimon ainfi préparé n'abefom , lorf-
ART 603
qu'on veut s'en fervir , que d'être affujetti au
point qui formeroit l'angle droit du trian-
gle : la manœuvre qui eft pincée pour cet
ufage, fe nomme Vécoute d^artimon. Il y a
une poulie fimple aiguillettée ou crochée
dans une cofte qui fe trouve à ce point de la
voile : on en place une autre double, lon-
gue , crochée au montant du mât de pavil-
lon ; c'eft dans ces deux poulies que paffe
l'écoute (Vartimon. Elle fait dormant au cul
de la poulie fimple du point de la voile , paffe
alternativement dans les deux poulies, 6c
s'amarre fur la dunette à un taquet placé
contre le bord.
Pour carguer V artimon , on fe fert de deux
fortes de cargues; le* unes fimples , & les
autres doubles ou à fourche. Chaque cargue
fmple eft frappée fur la ralingue , & va
pafler dans une poulie ou dans une moque
aiguillettée à la vergue, d'où elle defcend à
tribord ou à bâbord pour s'amarrer fur les
liffes ou fur un taquet cloué fur le mât. Les
cargues doubles différent des premières , en
ce que la même cargue a fes deux bouts
frappés fur la relingue , l'un à tribord Se
l'autre à bâbord, & par -là embraffe la
voile , & la ferre mieux contre la vergue
lorfqu'on la cargue. Chaque cargue double
eft donc un cordage un peu plus long feule-
ment qu'il n'eft néceffaire pour embraffer la
voile des deux bords , en lui permettant de
s'étendre & de fe border. Ce cordage paffe
dans une poulie avant d'être arrêté par les
deux bnuts fur la ralingue, & cette poulie
tieht à une autre corde fur laquelle on pefe ,
lorfqu'on veut carguer V artimon. ( M. le che-
valier DE LA Cou DRAYE.)
* A RTI MF AS A, nom fous lequel Hé-
rodote dit que les Scythes adoroient la yé~
nus celé (h.
ARTISAN , f. m. nom par lequel on dé-
figne les ouvriers qui profeffent ceux d'entre
les arts méchaniques qui fuppofent le moins
d'intelligence. On dit d'un bon cordonnier
que c'tft un bon artifan ; & d'un habile hor-
loger, que c'eft un grand artifte.
ARTiSON, Artuson , Aîitoison ,
owArte , nom que l'on donne à différentes
fortc-s d'inléftes qui rongent les étoffes & les
pelleteries. Comme la (ignification de ces
noms n'eft pas bien détermir.ée, on l'a éten-
due aux infeftes qui percent le papier 8c
Dddd i
6o4 ART
à ceux qui pénètrent clans le boîs , comme
le coffon & le poux de h')is. Mais je crois
que les noms dont il s'agit doivent fe rap-
porter principalement aux teignes qui fe
trouvent dans les étoffes (voyei Teigne),
& peut-ctre auflî aux vers des icarabées
diflequeurs qui font dans lespe'.kteries &les
peaux d'oifeaux defiféchées, & en général
dans toutes les chairs gardées & corrompues,
/•^ojq VfR , Scarabée. (/)
ARTISTE , f m. nom que l'on donne aux
ouvriers qui excellent dans ceux d'entre les
atrsméchaniquesquifuppofent l'intelligence;
& même à ceux qui , dans certaines fciences
moitié pratiques, moitié fpéculatives, en
entendent très-bien la partie pratique : ainfi
on ciit d'un chymifîe qui tait exécuter adroi-
tement les procédés que d'aurres ont in-
ventés , que c'ell: un bon arcifle ; avec cette
différence que le mot anijte efl toujours
un éloge dans le premier cas , & que
dans le fécond c'eft pre ("qu'un reproche de
ne poiféder que la partie fubalterne de fa
profeffion.
* ARTOCREAS , ( Hlfl. anc.) mets
des Romains , dont Perle le fatyrique a fait
mention. On ne fait pas exnftement ce que
c'étoit; les uns prétendent que c'étoit une
forte de pâté affez femilable aux nôtres;
d'autres au contraire difent que ce n'étoitque
de la chair hachée avec du pain ou de la
pâte , ce qui reviendroit mieux à ce que nous
appelions des andouilhitcs.
* ARTOIS , ( Géog. ) province de France
dansles Pays-bas j.avec titre de comté, bor-
née par la Flandre au feptentrion, &; en partie
à l'orient; & par le Hainaut, le Canïl:)refi.s
& la Picardie , au fud 6c à l'occident : Arras
en efi la c.-^piialc.
*ARTOMAGANfl« AROMAGA ,une
lie des Larrons d-ins la mer Pacifique : c'eft
celle qui occupe le milieu.
*ARrONNE, ville de France dans la
taffe Auver,(;ne , (br la rivière de Morces.
ARTOtYRlTES, {Jhiol. Ilifl. culéj':)
fede d'héisîiqiie- qui foimoicnt uiie braiiciie
de> anciens JMoinanifiesqiii paiurerit car.slc
fécond flecle , &c iufeflerent toute laGahuic.
Voye^ MoNTANJSTtS.
Ils corrompoient le fens des écritures,
commu;;iquoii.nt la prêni'é aux femmes,
auxquelles ils peimettoiem de parler t-c de
ART
faire les propbeteffes dans leurs afTemWées.
D.ms le facrement de l'euchariflie ils fe fer-
voient de pain & de fromage , ou peut-être
de pain dans lequel on avoit fait cuire du
fromage; alléguant pour raifon que les pre-
miers hommes offraient à Dieu non feule-
ment les fruits de la tetre , mais encore les
prémices du produit de leurs troupeaux rc'eft
pourquoi S. Augurtin dit qu'on leur donna
le nom (ï Artoty rites ^ formé du grecapicî,
pain , & Toi'j , fromage. (G)
ARTRE , oiieau mieux connu fous le
nom de iiiartin- pêcheur. Voyc^^ Martin-
PÊCHEUR. C O
* A RU (Terre d'), Gêog. ville &:
royaume dans l'île de Sumatra, La viKe eft
fur le détroit de Malaca.
Aru , île d'Alie entre les iMoluques &
Il nouvelle Guinée, à 25 lieues de la terre
des Papous ou noirs.
* ARVA ou AROUVA , viile de Hon-
grie , capir^de du comté du même r-om dans
la haute Hongrie, aux fi'onîieres de Polo-
gne , fur la nvicre
de V
'■^g-
ARVALES ( FRERES ) , Hifl. anc. c'é-
toient des prêtres dans l'ancienne P>.ome qui
aflifloient ou qui fervoient aux ficriflces des
ambarvales que Ion offroit tous les ans à
Gérés & à liacchus pour la prolpériré des
fruits de la terre ,.c'eit-à-dire, du blé & da
la vigne. Voyi^ A MB ARVALES, &c.
Ce mot efl origii.airtment latin , & il eft
formé cYari'um, cliamp, à caule que dai'.s
leurs cérémonies ils alioient en proceffion
autour des cham.ps ; ou , félon Aulugelle , à
cauié qu'ils ofîroient des facrifices pour la
feriilité des champs. D'autres difent que c'c«
toit parce qu'ils é:o':ent nommés arbitre»
de tous les diflevens qui avaient 1 appert
aux. limites des champs Jk aux bornes ôiis
terrains.
Ils furent infîitués parRomuUisau nombre
de douze ; ils étoient tous des perfonnes d»
la première difiinvflion , Je londatcur Iv'it
môme ayant été de ce corps; ils compo-
ibient un collège p.ppeilé coUcgium fratrKra
iirva/inm.
La
marque de leur ciigni'e eicit une giiif-
landc compoi'ée d'épis de bié , attachée avec
un ruban blanc, que Pline dit avoir été la
première couroniit qui tut en uiageàRome.
F(yj:'^;j, Couronne.
A R V
Selon Fulgentlus , Acca Lauremia, nour-
rice de Romuliis , futla première fondatrice
de cet ordre de prêtres. Il paroît qu'elle eut
douze fils , qui avoient coutume de marcher
devant elle en procelTion au facrifice , l'un
defqueis étant mort , Romulus , en faveur
de fa nourrice , promit d'en prendre la pi ice;
& c'eft dc-là , dit-il , qjc vient ce faci ifice ,
le nombre de douze & le nom Az frères.
Pline, liv. XVII, c. 2,(emble faire entendre
la même chofe , quand il dit que Roniu'.us
inftitua les prêtres des champs , furvant
l'exemple d'Acca Laurentia fa nourrice.
ARVAN, f. m. C^ift-nat. Conchylio-
logie.) efpece de coquillage de la familie
des univalves fans opercule, & du genre
des vis. Lifter l'a fait graver dans fon Hif-
toire des coquillage a à \:i planche DCCC-
XXX yil, figure 6'4, fous le nom de l'ucci-
numderTtatiim , cl.iyiculdlongijjlmd , ftriis
denj'e radiatnm ; Rumplie fous le t;om de
firomhus decimus chalyhccus, dans fon Mu-
fœuin ., page 100, article i o , plù/idie A A X,
figure J; & Petiver fous celui à'unicorriu In-
diciirn minus, orbibus (Iriatis , d-ms fon
Ga{opliylaciurn , vol. II, catalog. 26.2 ,
planche LXXV , figure 6.
\Jarvan eft le coquillage le plus commun
de la côte fablonneufe du Cap-Verd; il y
refte communément enfoncé d'un demi-
pouce ou d'un pouce dans le fable.
Sa coquille repréfente exa6fement la
forme d'une vis. On peut la confidére
comme un cône re:iverfé , arrondi & renfle
à fa bjfe » 5z qui s'allonge en diminuant gra-
duellement de grotreiirjufqu'au fommet où
il fe termine en une pointe très-hni;. La
longueur des plus grandes ne paffepas treir.e
lignes; elle eil quadruple de leur largeur
qui n'a que trois lignes un quart.
Elle eft com.pofée de douze à treize fpi-
res fans renflement , & fi plates , qu'elles ne
paroilîent diftingaécs que par un petit fil-
Ion OU! les fépare ies uiies des autres. Ces
fpiresibnt toutes coupits pnr un grand nom-
bre, de fdîons fort légers qui fuivent la lon-
gueur de la coquille : ce font autant de
termes ou de marques de fon accroifl'tnwnt.
Son ouverture efi une ellipic irréguliere,
pointue par le bas , & arrondie par le hau'
où elle fe termmeen un canal peu prc.fon-
déjuent échancré dans la coquille. La Ion-
A R V éoj
gueur de cette ouverture furpafle de moi-
tié (a largeur. Elle ell deux fois & demie
plus courte que le (bmniet de la coquille,
& un peu oblique à fa longueur.
La lèvre droite de cette ouverture eft fim-
ple , courbée en portion de cercle , tran-
chante , fans bordures , mais avec une petite
échancnuc à la partie intérieure. La lèvre
gauche eft aufli courbée en portion de cer-
cle, en creufant dans unfensoppoféà celui
de la lèvre droite; mais fon bord eft épais,
arrondi : onde ou crciifé dans deux tndroits,
& marqué en haut d'un pli fort léger.
Le tond de la couleur de cette coquille
eft un blanc fale qui devient agate dans la
moitié fupérieurc de chaeune de fes fpires,
La feule variété qu'on obferve dans cette
coquille, coiififte dans la proportion de fes
partieSjdontia largeur comparée à leur lon-
gueur , eft beaucoup plus grande dans les
jeunes que dans les vieilles.
L'animal qui contient cette coquille, a
la forme de celui de la pourpre. Il eft d'un
blanc pâle en deffous, blanc d'eau en def-
fus , & marqué de petits points blanchâtres.
Il a une tête hémilphérique , deux cornes
coniques fort écartées iur fes côtés , à l'ori-
gine defque'les font placés deux y eux comme
deux points noirs fur leur côté extérieur.
Sous la tête en devant on voit une petits
fente longitudinale qui eft l'ouverture de la
bouche. Derrière la tête , au côté gauche
Ju cou , le manteau qui tapiffe les parois
intérieures de l'ouverture de la coquille, fe
,;lille pour former un tuyau charnu cylin-
vlrique qui fort par l'échancrure ou le canal-
de la coquille : ce tuyau iért à l'animal ■
de trachée ou de conduit pour la refpira-
ticn, de même que pour la lortie des
excrémens, les ouïes ét^tni au nombre de
quatre à l'origme de ce cannl , & l'anus ayant
ion ouverture à leur côté. Lï pié de Yar-
van forme une ellipfe pi eiique u.-ie fois plus
courte que la coquiile , deux fois plus lon-
gue que large, creufce (x\'-iï fillon tranfver-
fai à fa face antérieure , & prolongée fut
ies côtés en deux oreillettes triangulaires.
Remarques, Puifque la coquille de ïar-
1.7/2 a la toi me d'une vis , & que fon ani-
nal left^emb'e à ceux du genre de la vis,
les noms de huccinum ^firoinhus , unicornu^
nirtoy que lui ont donné Lifter , Rumphe,
6o6 A R V
Petiver & Langius, lui convenoient moins
que celui de vis, tenbra, que nous avons
cru devoir lui app!iquer.(OW. Ad AN SON .)
* ARVE, fGeog.JrivieredeFofTigny en
Savoie; elle fort de la nwntagne maudite,
& fe perd un peu au defliis de Genève , au
lieu appelle la cjueue d'Arve.
* ARVERT & ARDVERE, île de
France en Saintonge, au midi de l'embou-
chure de laSeudre, &à l'orient de Marenhe.
* ARFISIUM, promontoire de l'île
de Chio,
* ARUM, j.'OiJ«;jPlÉ-DE-VEAU.
*ARUN, petife rivière du Comté de Suf-
fex en Angleterre ; elle baigne la ville d'Arun-
del,&fe jette enfui te dans la mer de Bretagne.
§ ARUNDEL,f G^^'o^r. _} ville d'Angle-
terre dans le Suffex furl'Arun, long. 17. ^.
lat. 50, <;o. Cette ville envoie deux dépu-
tés au Parlement d'Angleterre , 6c fait
un graad commerce de bois de charpente.
Elle eft principalement remarquable par
fon château , & par les marbres qui por-
tent fon nom. En vertu d'un privilège ,
unique en fon efpece dans toute l'An-
gleterre, le château à'Amndel donne le
titre de comte & la pairie, fans création de
Ja part du roi , à celui qui le polTede : &
c'eft aujourd'hui le partage de l'un des mem-
bres de la grande famille d'Howard. Quant
aux marbres d'Arundel , on en connoît la
nature & la célébrité , & l'on fait que dé-
couverts & acquis par l'illuftre Peyrefc dans
l'île de Paros , au commencement du der-
nier fiecle, ils échappèrent des mains de ce
f'avant François, & tombèrent entre celles
du comte à'ArunJcl, qui les commit à l'é-
tude &c aux foins du fameux Selden. Ce-
lui-ci fe montrant bientôt digne d'une telle
commiffion, fit & publia fur ces marbres
les recherches les plus utiles , & l'on convint
de toutes parrs qu'ils formoient le plus beau
monument de chronologie que l'on eût pu
defirer llir les antiquités delà Grèce. Quel-
ques fragment s'en font perdus pendant les
troubles du règne de Charles I, &: ce qui
en refte fe voit aujourd'hui parmi les mor-
ceaux précieux de la bibliothèque d'Ox-
ford. fC. A.)
ARUPA,f. m. Cff'ft- nat. Botaniq. )
arbre commun fur les montagnes d'Amboinc
6{ de la petite lie de Ceram , l'une dus
A RV
Moluques , & très-bien grave, quoique fans
détails , dans VHerbarium Amboinicum de
Rumphe,vo/. ///,/?. GG^pLan. XXXVIII.
Son tronc eft cylindrique, très-droit,haut
de 45 à 50 pies, fur cinq à fix pouces de
diamètre , & couronné d'une petite cime
fphérique très-denfe , formée de branches
menues affez longues, couvertes dans leur
moitié fupérieure de feuilles alternes rap-
prochées , difpoféescirculairement , ellipti-
ques, pointues aux deux bouts , longues de
cinq à dix pouces, deux à trois fois moins
longues, entières, termes, relevées fur les
deux faces d'une nervure longitudinale de
dix à douze côtes fines de chaque côté ,
comme oppofées , & portées horizontale-
ment ou pendantes fur un pédicule cylin-
drique, menu, quatre à cinq fois plus court
qu'elles.
Les fleurs ont le fexe féparé fur des in-
dividus différens. Les femelles fortent Ibli-
tairement de l'aiiïelle des feuilles ; elles font
petites, emportées fur un pédicule qui égale
la longueur de celui des feuilles. Elles con-
fiftent en un calice d'une feule pièce, évafé
en hémifphere , & partagé jufqu'au tiers de
fa longueur en cinq dents ou crenelures ol>-
tufes , & qui accompagne l'ovaire jufqu'à
fa maturité. Cet ovaire devient une baie en
écorce , deux ou trois fois plus longue que
lui , ovoïde, de la grandeur d'une moyenne
olive, pointue à fon extrémité, qui eft ter-
minée par un ftyle ; il eft d'un jaune obf-
cur , a une loge qui ne s'ouvre point , &f
qui eft remplie par un ofielet ovoïde , con-
tenant une amande.
QjLa.inis. En quelque endroit qu'on fafle
une incifion à Wirupa, il rend un fuc lai-
teux qui fe feche auffi-tôt en une efpece de
chaux. Il croît extrêmement vîte. Ses fruits
mûriffent en oftobre. Son bois eft blanc,
léger , fouple , pliant , afTez ferme , ftrié en
long, & comme farci de petites tentes qu'on
découvre lorfqu'onl'examineavecatiention.
Ufages. Son bois, à caule de fa fermeté,
eft employé par les Malays, pour fiire des
mâts à leurs petits navires , par prélérence
au bitangor, calaba , parce qu'il eft plus
léger. Oii l'écorce feulement fans diminuer
de fon bois quelqu'épais qu'il foit , parce
que plus on approche du cœur , plus il eft
tendre. On l'emploie encore dans les cou-
A R V
verfiires des bâtiincns. Les jeunes plants qui
n'ont encore atteint que cinq à fix pies de
hauteur, font deftinés à taire des pieux &
des piquets ; pour cet effet on les écorce ,
6c on les laiffe lécher pendant quelques jours
au Ibleil.
Remarques. Uarupa eft, comme l'on voit,
un genre de plante peu différent du man-
cenilier & du beftram , auprès defquels il
faut le placer dans la première feftion de
la famille des tithymales.
Riimphe nous apprend qu'il exifte aux
îles Moluques une féconde elpece d'^rw/i^z ,
qui ne diffère prel'que du premier que par la
couleur de fon bois qui eft rouffâtre, noueux,
beaucoup plus pefaat, & qui pour cette rai-
fon eftprétérée pour faire des poutres & des
folives dans les combles des bâtimens, (AI.
Adanson. )
* ARUSPICES , f. m.ÇMyth.) c'étoient
chez les Romains des miniftresde la religion,
chargés Ipécialement d'examiner les entrail-
les des viftimes pour en tirer des préfages.
Les Erruriens étoient de tous les peuples d'I-
talie,ceux qui poffédoient le mieux la fcience
des arufpjcis. C etoit de leur pays que les Ro-
mains taifoient venir ceux dont ils fe lér-
voient ; ils envoyoient même tous les ans en
Etrurie un certain nombre de jeunes gens
pour être inftruits dans les connoi/îancesdes
arufpices. De peur que cette fcience ne vînt
à s'avilir par la quantité des perfonnes qui
l'exerçoient, on choififtbit ces jeunes gens
parmi les meilleures flimilles de Rome. Les
arufpices examinoient principalement le
foie, le cœur, la rate, les reins & la langue
de la viclime ; ils obfervoient (ôigneufement
s'il n'y paroiffoit point quelques flétrifTlires ,
& fi chacune de ces parties étoit en bon
état. On affure que le jour que Célar fut
alTaffiné , on ne trouva point de cœur dans
deux viéfimes qu'on avoit immolées. Voye:^
Augures.
ARUSPICINE,^ (.{. c'eft l'art de con-
noître l'avenir par l'infpeftion desentrailles
des bètes. A^oye:^ Aruspices.
*AR\yAo« ARVA,ro>'^{ARAVA.
* ARNVANGEN, petite ville de Suiffe
dans le canton de Berne , fur l'Aar , entre
Araw &c Soleure.
^ARY-ARYTÉNOIDIEN, adj. nom
d'un mufcle qui quelquefois eft fitué tranf-
A R Y 607
verfalement entre les deux cartilages aiyté-
noïdes , auxquels il s'attache. On yobiérve
des fibres qui fe croiient en X , ce qui a
donné lieu à la diftincfion qu'on en a faite
en grand & en petit arytènoldien , ou en
aryténoidien cro\(é &en tranfverfal. (L)
* ARYES , f. m. pi. peuple de l'Amérique
méridionale au Brelil , aux environs de la
Capitanie, ou du gouvernement de Por/o
Seguro.
AR YTENO-ÉPIGLOTTIQ UE,adj. tn
anatomie , nom d'une paire de mufcles de
l'épiglotte qui viennent de la tête des carti-
lages aryténoïdes , & s'infèrent antérieure-
ment aux bords de l'épiglotte.
aryténoïdes ( Cartilages J ,
Anatom. Les anciens ne comptoient qu'un
cartilage aryténoide.
Jacques Berenger a découvert qu'il y en
avoit deux , & Santorini ayant obfervé que
la pointe eft formée par un cartilage féparé,
articulé avec la partie inférieure , en a fait
quatre.
Le véritable cartilage aryténoide eft arti-
culé inférleurement au cartilage annullaire
par une facette ovale qui laliTe beaucoup de
liberté à Y aryténoide : il y a même une
glande mufqueufe pour y fournir la glaire
accoutumée.
Deux petites apophyfe? partent delà bafe
du cartilage que nous décrivons: l'une pofe
fur le cartilage annulaire, & l'autre fe porte
en avant, & fert à foutenirle bord inférieur
des ventricules du larynx.
Le refte du cartilage aryténoide s''éle\'e &
forme une efpece de pyramide à trois faces:
la poftérieure à laquelle s'attachent les muf-
cles aryténoïdiens : l'antérieure convexe ,
(illonnée & chargée d'une glande qui porte
lemême nom que le cartilage : & l'intérieure,
toute unie , qui regarde ïaryténoide de
l'autre côté.
La pointe du cartilage foutient , par fa
convexité , un petit cartilage féparé , pref-
queovale,pointu antérieurement & recourbé
contrelepharynx.il eft effeftivement féparé
& extrêmement mobile. (H. D. G.)
ARYTÉNOIDIEN , adj. nom de troij
mufcles du larynx , dont deux font appelles
aryténoïdiens croifés., & le trolfieme <z/j^/-
noidien tranfverfal, Voyei^ Ary-ARYTÉ-
NOÏDIEN. (X>
6o8 AS
ARYTHME , urmi de médecine. Quel-
ques-uns font ufage de ce mot pour marquer
une détaillance du pouls telle qu'il n'eft plus
fenfible ; mais ce mot fignifie plus propre-
ment une irrégularité ou un défaut de règle
& de mouvement convenable dans le pouls.
î^oj'ê:( Pouls. Ce mot ell formé d'àprivatit,
& dectôxàf ^modidus } module ou mefure.
ov
AKZ'E.L^^à].( Manège & Maréchall.) fe
tlit d'un cheval qui a une balzane ou marque
blanche au pié de derrière hors du montoir.
Les chevaux arj^els partent chez les perlbnnes
fuperftitieu(és pour être infortunés dans les
combats. F'. Balzane, Montoir, frc.f^
*ARZENZAo/^CHERVESTA,CG£'o.J
îiviere de la Turquie en Europe, qui coule
dans l'Albanie , & fe décharge dans le golie
de Venilé eiUre Durrazzo & Pirgo.
* ARZILE, f G Jo^Ç.J ville d'Afrique dans
le royaume de Fez. Long, iz , lo ; lat.
■^"^ a'rZINGHAN ou arzenghan,
ville d'Afiedans la Natolie , fur l'Euphrate.
A S
AS, f. m. che-^ les antiquaires., fignifie
quelquefois un poids particulier, auquel cas
l'as romain eu la même chofe que la livre
romaine, lil>ra. Foye\ Poids, Livre, &c.
Quelques-uns dérivent ce mot du grec
tCii , qui eft ufité dans le dialefte dorique
-pour el?, uii , c'eft-à-dire une chofe totale
ou entière; quoique d'autres prétendent qu'il
«ft ainfi nommé <îi, comme quidiroit «:f ,
airain, à caufe qu'il eft fait d'airain. Budé a
écrit neuf livres de ajje & cjus partibus , de
Vas & de fes parties.
L'izi avoit différentes divifions : les prin-
cipales étoieiu l'once , uncia , qui étoit la
Jouzieme partie de l'as ; le fextant ,J'cxtaiis,
la iîxieme partie de Vtis ou deux onces ; le
jquadrant, qiiadrans , la quatrième partie de
Vas ou trois onces ; le trient , triens , la troi-
sième partie de "lîi ou quatre onces; le quin-
conce , ^nincunx , ou cinq onces ; le f'emis
ou demi-tfi,moitié de Vas, qui eft fix onces ;
içfeptunx, fept onces ; le hes , les deux tiers
de Vas ou huit onces ; le dodrans, les trois
quarts de r»/i ou neul onces ; ledextuns, ou
tiix onces; & le diunx, c'eft-à-dire onze
^nces. /-'(yqONCE, Q_UIifCi/NTC j &c.
A S
Uas étolt auflî le nom d'une monfioie ro-
maine compofée de différentes matières , &
qui fut de différent poids dans les différens
temps de la république, f^'oye^ MoNNOlEjô*
la fuite de cet article.
Sous Numa Pompilius , félon Eufebe , la
monnoie romaine étoit de bois , de cuir ou
de coquilles ; du temps de Tullus Hoftilius
elle étoit de cuivre ou d'airain , & on l'ap-
pelloit as, libra , libella., o\ipondo, à caufe
qu'elle pelbit aft uellemeat une livre ou douze
onces.
Quatre cent vingt ans après , le tréfor pu-
blic ayant été épuifc par la première guerre
Punique , Vas fut réduit à deux onces. Dans
la féconde guerre Punique, Annibal oppri-
mant les Romains , les as furent encore ré-
duits à une once la pièce. Enfin par la loi
papyrienne on ôta encore à Vas la moitié
d'une once , ce qui le réduiftt à la valeur
d'une feule demi-once ; & l'on croit géné-
ralementque l'aiconferva cette valeur du-
rant tout le temps de la république, & mcme
ju.'qu'au règne de Vefpaficn. Ce dernier fut
appelle Vas papyrien , à caufe de la loi dont
nous venons de parler, qififut pafiée l'an de
Rome 563 par Caius Papyrius Carbo , alors
tribun du peuple ; ainfi il y eut quatre as
différens du temps de la république. La
figure marquée fur Vas étoit d'abord un mou-
ton, un hœt/fou une truie. Plutarq. Foplic.
Plin. XVIII , iij. Du temps des rois cette
marque étoit «« J anus à deux faces , & d'un
côté & de l'autre ou iur le revers étoir un
roflrum ou la proue d'iui vaiffeau.
Le trient, triens, & le quadrant, qua-
drans , de eu ivre avoienr fur ie revers la figure
d'un petit vaiffeau appelle w/" ." ainfi Pline
dit , nota, œris , c'eft-à-dire ajfis, fuit ex al-
téra parte Janus geminus , ex altéra roflrum
navis ; in triente veto t-" quadrante rates.
Hift. nat.liv. XXXllI,c. iij; d'où ces pièces
furent appellées quelquefois ratiii.
On fe fert auin du mot as , pour déft-
gner une chofe entière ou un tout , d'où eft
venu le mot Anglois ace, &c fans doute
le mot François as , au jeu de cartes. Ainfi
i2j (igniHe un héritage entier, d'où cft venue
cette phrafe, hœres ex ejje ou legatarius
ex eJJe, l'héritier de tout ie bien. Ainii
\it jugerurn ou l'acre de la terre romaine ,
quand on la pre;ioit en entier , c:oit appel-
lée
A s A
lie as , & divifce paicillcmciic en douze
onces. Voyei Ju G E RV M ou Acre.
Voici l'as , Ces parties ou Tes diviltons.
Onces,
Y femis <>.
,'. quincunx . . . J .
Oncts
as ... .
. II.
deunx . .
. II.
dcxtans .
. lO.
dodrans .
• 9-
6is. . . .
. 8.
fcptvnx .
• 7-
y triens . .
»i quadrans.
i fcxtcns. .
4-
3-
i.
uncia I .
As , i. m. (Commerce. ) c'cft à Amfter-
dam une des divifions de la livre poids de
marc: 51 as font un angel , 10 angels font
un loot , & 51 loots font la livre, ^ojc:^
Livre. (G)
As , au jeu de tricirac , fe dit du leul point
qui eft marque (ur une des faces du dez
que Ion joue ; iSc au jeu des cartes , de cel-
les qui n'ont qu'une (eule figure placée dans
le milieu. Uas vaut aux cartes un , ou dix ,
ou même onze , ielon le jeu qu'on joue
ASA , ( ////?. des Juifs. ) fils & luccelleur
d'Abia , roi de Juda , commença à régner
l'an du monde 5049 , le déclara d'abord
contre le culte des idoles qui s'étoit intro-
duit à Jérulalem .Se dans le refte de les états ;
vainquit Zara , roi des Ethiopiens , qui lui
fit la guerre ; s'allia cnfuite avec Bénadad ,
roi de Syrie , alli.mce dont le prophète Ha-
nani lui fit des reproches qui déplurent tel-
lement au roi qu'il le fit mettre en priibn.
Il mourut de la goutte , après un règne de
quarante-un ans , dont la fin fut ternie par
les violences qu'il exerça contre plufieurs per-
ionnes de Juda qu'il fit mourir , lans qu'ils
euilent commis des crimes dignes d'un II
cruel traitement.
*AsA ou ARA, {Géog. anc.) ville de
la tribu d'Ephraïm.
^ ASAD-ABAD ou ASED-ABAD, ville
d'Alie en Perfe , dans l'Irac-Agcmi. Long.
€6 , ^ ; lat. ?6', ?o.
* ASAMINTHE , f. m. ( Myth. ) c'é-
toir une eipece de liège ou de chaile à l'u-
iage du prêtre du temple de Minerve Cra-
nea. Ce temple étoit bâti (ur une monta-
gne elcarpée ■■, il y avoit des portiques où
l'on voyoit des cellules pour loger ceux qui
étoient deitinés au fervice de la déell'e , &
fur-tout le prêtre qui exerçoit les fondions
Tome m.
A S A 609
lacréos : c croit un jeune garçon fans bar-
be; il feryoit cinq ans en cette qualité : ceux
qui 1 eliloicnt a voient loin de le prendre li
)eune , qu'au bout de cinq ans qu'il dévoie
abdiquer , il n'eût point encore de poil fol-
let. Pendant Ion qumquennium il ne quittoic
poiiit le fervice de la déeflè , & il éroit obligé
de le baigner dans des i^yârTiwrAei à la manière
des plus anciens temps.
h'afamimhe fè prend aulFi quelquefois
pour un gobelet.
* ASÀN, [Géog. cnc.) ville de la tribu
de Juda , qui appartient aulli à celle de
Siméon , & qui fut enfin donnée aux Lé-
vites.
* ASAPH (Saint- ) , ville d'Angleterre
au pays de Galles , un peu au deiibus du
confluent de l'Elwy <Sc de Cluvd.
*ASAPPES , f. m. pi. {H,J}. mod.) ce
font des troupes auxiliaires que les Turcs
lèvent (ur les chrétiens de leur obéiOànce ,
& qu'ils expofent au premier choc de l'en-
nemi.
^ASARAMEL , {Hijl. & Géog. anc.)
lieu de la Paleftine , où les Hébreux aOem-
blés accordèrent à Simon & à les fils le pri-
vilège de l'indépendance , en reconnoillancc
de les (crvices.
ASARHADDON , ( HiJl. d'Afyrie. )
Après l'extindion de la première race des
ro!s Babyloniens , il y eut un interrègne de
huit ans. Les troubles qui agitèrent l'état ,
firent (entir au peuple la nécelfité de fe réu-
nir ious un chef. Afarkaddon profita de ce
temps de trouble pour monter (ur le trône
d'AHyrie. On ne lait s'il y fut appelle par
les vœux de la nation, ou s'il établit (a gran-
deur par l'épéc. Il étoit déjà roi de Babylonc
d'où l'on peutconjcdurer qu'il étoit allez
puidant pour envahir un empire voilîn , qui
étoit agité de troubles domeiliques. Quand
les deux empires furent réunis Ious un même
maître, la puidanceaflyrienne devint formi-
dable. La Paleftine &: la Syrie avoient été en-
levées au dernier des rois Aflyriens , Afar-
kaddon en fit la conquête. Quelques ifraèli-
lites qui , après la profcription prononcée par
Sennacherib , étoient reftés dans leur pays ,
lurent tran'portés en Allyrie , ^c les plaines
de la Paleibne furent .changées en délerts.
Le monarque conquérant qui vouloit régner
(urdeshomracs j les peupla de colonies étraij-
Ecee
6 lo A S A
gères , qui fubltituerent au vrai culte les abo-
jnimtions de l'idolâcric. Le fléau de la fté-
rilite fut la punition de ce peuple profona-
teur 5 & ce fut pour le détourner quJifûr-
haddon leur envoya un prêtre liraëlite , chargé
de rétnbiir le culte dans (a première pureté ■■,
mais l'erreur avoir pns de trop profondes
jacines. La religion ne htt qu^un mélange
de judaïfme & de fuperltitions étrangères.
Et ce fut la fource de l'averiion des juifs con-
tre les Samaritains. Quand toutes les nations
fléchiffoient fous Ajarhaddon , l'Egypte le
crut allez puiflante pour rélifter à les armes;
mais elle fut bientôt allervie. Ceux qui ad-
mettent deux Sardanapales, l'un efféminé &
lautre belliqueux , croient appcrcevoir dans
cet Afarhaddon , le Sardanapale conquiranr.
Son règne en AHyrie fut de rrente-neuf ans,
il en avoic déjà régné treize à Babylonc.
rr-v.)
.ASARINE , f. f. {Hifi. nat. -bot.) afa-
rina , genre de plante à fleur d'une feule
pièce irréguliere , en forme de tuyau & de
mafquc , rellemblante à la fleur du mufle
de veau. Il s'élève du calice un piftil qui
ell attaché à la partie poftérieure de la fleur
comme un clou , & qui devient daiis la fuite
un fruit ou une coque arrondie , divifce en
deux loges par une cloifou mitoyemie , 6c
remplie de fcmences attachées à un placenta.
C^es loges s'ouvrent de différentes maniè-
res comme le fruit de la linaire : aijiiî on
peut caraélérifer Vafarinc , en difmt que
c'eft un genre de plante qui reÛemble au
mufle de veau par la fleur , &: à la linaire
p?r le fruit. Toarnetort , InJI. rei h.rb. Voy.
Pl,.4NTE. (/) .
* ASASON-THAMAR , ( Gkg. anc. )
autrement ENGADDI , ville de Paleftinc
de la tribu de Juda , fur le bord de la mer
îvîorte , vers l'occident.
^ ASBAMÉE , fontaine de Cappadoce
au voifinage de Tyane , dont Philaltratc tlit
dans lavied'AppoUonius, que les eaux font
froides au fortir de la fource , mais enfuite
bouillantes , &: qu'elles paroillent belles ,
tranquilles <lv agtéabl'.s aux gens de bien_ «Se
i-fclavesde leurs fermens; mais qu'elles iont
un poifon pour les mcchans & les parjures.
* ASBANIKEI ,{Gécg.) ville d'Aiie dans
îaMawaralnahcr,Trans-Oxiane ,ou Zagatai.
§ ASJ3ESTE , ( HiJIoirc nat. Mijiéraloirie.)
A S B
h'asbefie efl au nombre des pierres argi-
leufes j qu'on nomme pierres indks , ou
terre durcie. Il eft compofé de particules fi-
breules , blanchâtres , vcrdâtres , ou de hlets
dilpofés par laifceaux parallèles les uns aux
autres , ou partant d'un centre commun ,
qui leur donne la figure d'une étoile , ou
difpofés par faifccaux qui partent de diffé-
rens centres. Ces filets Iont roides , à la dif-
férence de ceux de l'amyante , qui font
doux & flexibles. Cette pierre fe calle plus
communément luivant la longueur de fes
fils qui , à ciule de leur dureté , font roi-
des ; ce qui a fiit donner à Yasbejie le nom
à'amiantus j^bris rigidis_ ; la peianteur Ipé-
cifiquc de fes filets le fait tomber au fond
de l'eau , au lieu que ceux de l'amyante font
aflèz légers pour lurnager. Cette pierre eft
apyre, & devient au feu plus dure & plus
compaéVe qu'elle n'étoit auparavant ; elle
n'eu point attaquée par les acides.
On pourroit foupçonner que cette fubi-
tance qui elf fort peu examinée par les chy-
miftes , eft une concrétion , puifqu'on a re-
marqué que la plupart des fibres de Vasbejfe
ou de l'amyante font enduites d'un peu de
terre calcaire qui s'en défunit par le lavage.
Ceci ouvre une carrière aux conjectures :
fur l'origine de Vasbefîe , voye^ Amvante.
On compte fcpt efpeces à'asbejlc:
I . Asbcjlus mjturus , Yaller, i. Iwmatu-
rus ,'iàcm. 3. Pfeudo a sbejius plumo fus offi-
cia. Linn. 4. Asbejius ftellatus , Valler. j,.
Asbejîus fafciculaws , idem. 6. Asbeflus/pi-
cas rcferens. Lin. 7. Asbe/Ius ligrmm refe-
rens , Charith.
J'ai trouvé en Bourgogne plufieurs elpe-
ces à'asbef.es , mais point d'amyante , ce qui
ferable annoncer que la compolîtion des.
matières propres à former Vaib.pe , eft dif-
férente de celles qui forment l'amyante..
( M. l'F.GUII.tET.)
* ASBESTES ou ASBYSTES. , f. m. pi.
peuples de Lybie , au dcllus de Cyrene ,
où .lupiter Ammon avoir un temple fameux,
ÀSBIORN , ( Kijloirc de. D.iricmurk , )
chef de rebelles en Danemark. C.rnuc iV ,
ayant voulu punir la révolte de ion armée
par l'impolition d'une taille & des décimes
en frveur du clergé, en occaliona une fé-
conde plus funcfte que la première , en
1085. Son dellcin éroit de loumetCiii uuc
A s B
province, 8c tout le royaume fc fouleva. Les
rebelles choifîrenr Ashicrn pour leur chef-;
il ecoit beau-pcre du feu roi HaraU ; & ce
titre lui donnoit beaucoup daiccndant iur
tous les elprits. Ce qu'il y a d'étonnant ,
c'ell que cette proclamation fe fit (ans que le
roi en fù: informé. Asbiorn profita de (on
ignorance. Il vouloit examiner les forces de
Canut , lui arracher le fecret de (es delleins ,
&: le plan de (on expédition , pour lui por-
ter des coups plus surs. Il alla le trouver
à Odenfée. " Vos lujets , lui dit-il , ont pris
" les armes'coutre vous , je me luis prMenté
" à eux, j'ai employé les menaces & les
•> prières pour les engager à venir fc jeter à
" vos pies : mais les trouvant opiniâtres dans
»> leur révolte , mon attachement à votre
-»» perîonnem'a inipiré un artifice qui a réulîi.
" J'ai (eint de partager leur mécontentement,
» & d'entrer dans leurs delleins. Ils m'ont
" confié tout le plan de leur confpiration ,
» ^ je viens vous le révéler». Alors il lui
r.ppnt tout ce que les rebelles n'avoient pas
dedein de faire ; Canut le crut, l'embralla,
^c lui demanda confeil dans cette extrémité.
Asbiorn lui periuada que (on armée n'étoit
pas en état de rélilter à la multitude des re-
belles, & qu'il devoir ie retirer jufqu'à ce
que la première fermentation des efprits
s'étant difiipée , Ton armée fût grolîie , & celle
des ennemis diminuée. Canut alloit fuivre
ce confeil, fi Benoit , Ion frère , ne s'y fut
oppoié. " Allez , dit Canut à Asbiont , re-
" tournez vers les rebelles ; dites-leur que je
" leur pardonne s'ils mettent bas les armes ;
" mais s'ils perfillent dans leur défobéif-
". lance , revenez combattre , vaincre , ou
» périr avec moi. " Asbiorn , après avoir
examiné tous les endroits par lelqucls on
pouvoit entrer dans Odenfée , retourna vers
les rebelles , qui , fuivant fes ordres , s'étoient
avances dans la Fionie , tandis qu'il étoi:
auprès du roi. Son delfein étoit de fe (aidr
de la pcrfonnc de ce prince. Il les conduidt
jufqu'aux portes d'Odenfée , allembla fes
officiers , (^ leur dit : " j'ai fondé le cœur
" de Canut ; c'elt une ame féroce égale-
" ment incapable de repentir & de clé-
" mence -, fi vous vous foumettez , vous êtes
" perdus ; ne vous fiez point à la foi des
" traités : rien n'eft facré puur lui. ÎJotre
" feu}e reflourcc eft dans notre courage.
ASC Cït
» Attaquons Odenfée , je mircl»erai à votre
» tite. Si quelqu'un de vous aime mieux
•• mourir iur un échat.uid qu'au champ
•» d'honneur , qu'il aille le jeter aux genoux
" du tyran. " L'armée poulla des cris de
joie , &: s'avança en bon ordre : déjà l'alarme
cil: répandue dans la ville ; on court aux
armes ; on excite le roi à fe défjn Jre ■■, on lui
montre l'armée cies rebelles déjà prelque aux
portes, il refuie d'en croire lesyeux. " Non,
'» dit- il , (1 ma vie étoit menacée , mon
» fidèle Asbiorn ferolt revenu m'en avertir :
" au refle , mes amis , fauvcz-vous ; s'il
" faut que quelqu'un périffe, ce (era moi. >»
Cependant l'armée entra dans la ville , Sc
Canut fut mall^icré aux pies des autels. As-
biorn tout couvert du (ang de (on roi, vou-
loit le faire proclamer roi lui-même. Ivlais
(on armée fc diffipa ; il le vit abandonne ,
horrible à fes amis même , (î toutefois les
fcélérats ont des amis. Enfin il périt miféra-
blemxnt. {M. de Sacy.)
"^ ASRISI, petit royaume d'Afrique en
Guinée , iur la côte d'Or,
* ASCALON, {Gêog. fl/zf.) une des
cinq villes des Philiftins , (ur la cote de la
Méditerranée, pri(e par la tribu de Juda,
& reprile par les Philiftins , qui y tranfpor-
terent d'Azot , l'arche dont ils s'étoient em-
parés. Elle (ubilfte encore , mais dans un
état de ruine ; elle en eft réduite à un pe-
tit nombre de familles Mores.
ASCARIDES , f. m. pi. afcaridis. (Hi/I.
nat. Zool. ) petits vers qui fe trouvent dans
l'homme Ik dans quelques animaux ; lum~
hrici minuii. Ils font ronds è'c courts ; ce qui
les fait diftinguer des ftrongles , lunbrici te-
retes , qui (ont ronds &: longi, & du ver
folitaire , qui eft très-long &: plat , & que
l'on nomme tivnia , lumbricus latus vel faf-
ciatus. Ces petits vers (e meuvent continuel-
lement : c'eft pourquoi on leur a donné le
nom iS!iifcarides : ils font blancs & pointus
par les deux bouts ; ils redemblent à des
aiguilles pour la grolleur & pour la lon-
gueur ; ils (ont ordinairement dans l'extré--
raité du redbum , près de l'anus , en très-
grand nombre , & collés les uns aux au-
tres par une matière vifqueufe. Les enfans
(ont plus iujets à en avoir que les adultes.
Il s'en trouve quelquefois dans les parties na-
turelles des femmes en certaines maladies ,
Eeee 1
6\i
ASC
comme les p?.!es couleurs. Il y en a aufH
dans les animr.ux , telles que les bêtes de
lomme.
On piv'tcnd que ces vers font produits ,
comme cous les autres vers qui ic trouvent
dans le corps humain & dans celui des
animaux , par des œufs qui y entrent avec
les alimens ou avec l'air. On croit même que
ces œufs étant entrés dans le corps d'un ani-
mal, s'il ferc de pâture à un autre animal, les
mêmes œufs palîcnt dans le corps de celui-ci
avec la chair du premier , & y éclolent. Ces
opinions ne font pas fondées fur des preuves
lufli'.antes; car on n'a jamais prouvé d'une
m^iniere inconteftable qu'il fallût toujours
ime femence prolifique , un germe ou un
ccuf , pour produire un ver ou tout autre
animal. Fojf:^ Génération , Ver. (/J
^ Pour les challer , il faut les attaquer
plutôt par bas que par haut. Un luppo-
îlcoire de coton trempé dans du fiel de bœuf,
ou de l'alocs diilous, ell un des meilleurs
rernedes. Si on !e met dans le fondement un
petit morceau de lard lié avec un bout de
ht , & qu'on l'y laille quelque temps , on
le retirera plein de vers. Les clyfteres de dé-
coélion de gentiane produiront auiîi un très-
bon effet. On peut joindre à la gentiane
l'ariftoloche , la chicorée , la tanaiie , la per-
ikaire , l'arroche , & en faire une décoction
avec de l'eau ou du vin blanc , à laquelle on
ajoutera un peu de confeétion d'hiera.
On donnera aux cnfîms le clyftere fui-
vant : feuilles de mauve & de violette , de
chaque une poignée ; de chou , une ou deux
poignées ; de grair,e de coriandre & de fe-
nouil , de chaque deux dragmes ; de fleurs
de camomille 6c de petite centaurée , de
chaque une petite poignée : faites une décoc-
tion du tout avec le lait : mettez fondre dans
la coLiturc une once de miel ou deux drag-
mes de confcilion d hiera.
Hippocrate confciUe de broyer la graine
de l'agnus callus avec un peu de Hel de bœuf,
d'ajourer un peu d'huile de cèdre , & d'en
faire un luppdiicoire avec de la l.^ine gralTe.,
ASCARUS ou AscARUM. {Aîujlque des
enciens., ) Suivant PoUux ( Oiiomas , lîb.
jy, cap. IX,) Ik Mufonius ( ik luxu Gnvc.
(ûp. VU. ) , Vûfcarus ou afcarum , étoit un
iiilliument de perculTion , quarré & d'une
«Qudcç eu. tou.t Iqus ^ Cur lequel ccûieat teit:
ASC
dues des cordes qui , quand on les faifoit ^
tourner , rendoient un Ibn l'emblablc à ce-
lui d'une crotale. Les mêmes auteurs difent
que la plupart prétendent que Vafcarus (k le
plichyraiont le même, ils: en attribuent l'in-
vention aux Troglodites , ou aux Libiens.
Pollux ajoute qu'Anacréon appelle aulLi \'af-
cariis , nyagadc , & que Cantharus en attri-
bue l'invention aux Thraces. J'avoue que
je ne comprends pas comment on peut faire
tourner des cordes tendues fur une efpece
de chaflts , ni comment elles pourroient ren-
dre un fon en tournant. VValther , auteur
d'un dictionnaire de mulîque allemand >
donne la même delcription de l'afcarus ;
mais il ajoute de plus que cet inftrumenc étoic
garni de tuyaux de plumes , & que proba-
blement on ne failoit pas tourner les cordes»
mais Tnilfrument même ; &c qu'alors les
tuyaux déplume, venant à frapper les cordes,
produifbient le f'oii. Tout cela paro.t allez
vraifemblable ; mais Wakher n'appuie fa
delcription d'aucune autre autorité que de
celle des auteurs cités ci-delîus , qui nedilent
p.is un mot des tuyaux de plumes. licite en-
core, à la vérité, le traité Ditkiatro deBullen-
ger , mais je l'ai feuilleté en vain. (F. D. C.)
ASCENDANT , adj. m. eft fur-tout en
uf^rge dans \' ajtronomie & dans VcJIrologie.
C'eÙ. de {'afcendant qu'en ailrologie l'on tire
l'horoicope,c'eft-à-dire, du degré de l'éclip-
tique qui (e levé fur 1 horizon au moment
de la naillance de quelqu'un. Voye-^ Ho-
roscope. Les aflrologues prétendent que
ce degré a une influence conlidérable fur la
vie 6c fur la fortune du nouveau-né , en-
lui donnant du penchant pour une choie
plutôt que pour une autres mais on ne croit
plus à ces chimères.
Uafcendant s'appelle encore , dans le thè-
me célefte de quelqu'un , la première mni-
fon , V angle de L'orient , ou Vangk oriental.,
ou Xiijignijicaîor virce. ^()yc:j^ Maison , Thè-
me , &c. On dit : telle planète dominoit à fon
afcendant ; Jupiter étoit à fon afcendant , &c.
On prend ce terme dans un fens moraj ,
pour marquer une certaine lupériorité qu'un
homme a quelquefois lur un autre , ix par
laquelle il le domine &: le gouverne , fans
qu'on puiffe quelquefois en apporccr de rai-
Ion. Ainlî on die un tel homme a un grand'
afcendant [ur L'ef^rit d'un. autre, pout dilt*
ASC
qu'il tourne cet clpiit à. Ion gri , £< !c dc-
tcrminc à ce qu'il veut.
AfcenJant le dit , en iij'roncmie , des étoi-
les ou des degrés des cicux , f-'c. qui s'élè-
vent lur l'horizon dans quelque parallèle à
l'équateur. Fcje:^^ Levfr £' Horizon.
Latitude afcendanie , c'eft la latitude d'une
planète , lorlqu'elie eft du coté du pôle fep-
tentrional. ?^ojf^ Latitude.
Nœud ûfcendant , c'eft le point de l'orbite
d'une planète , où cette planète fe trouve
lorlqu'clle traverie l'ccliptiqucpour s'avancer
vers le nord, ^'oye^ Orbite , Planète , &c.
On l'appelle aulîi naudfeptentrionj.'l , (Se on
le diftingue par ce caradlere -!il .V. Nœu Djfi'c.
Signes ajcendans , en afironomie , ce (ont
ceux qui s'avancent vers le pôle feptentrio-
nal , i?»: qui font compris entre le point du
ciel le plus bas , qui elî le nadir , & le point
du ciel le plus haut , qui eft le zénith. Ces
ii^ncs (ont le capricorne , le verfeau , les poif-
lons, le bélier . le taureau, les gémeaux , &c.
qui lont les hgnes que le loleil décrit en s'ap-
prochant de nous. Us ne font afcendaiis que
pour notre hémiiphcrc , & delcendans pour
l'autre. Si l'on entend par les lignes afcendans
ceux qui font les plu*, proche du pôle lepten-
trional , alors ces ngrcs Icront le bélier , le tau-
reau , les gémeaux , le cancer , le lion , & la
vierge. V. Signe, Zénith , Nadir, frc. {0}
Ascendant, adj. n. en anatcmie , fe dit
des parties qui lont luppofées prendre nail-
fance dans une partie , '& Çc terminer dans
une autre , en s'approchant du plan horizon-
tal du corps. Fbje^ Corps.
L'aorte ascendante , c'eft le tronc fupéricur
de l'artère qui fournit le lang à la tête. Voy.
Aorte ù Artère.
La veine-cave afcendante eft une grolie
veine formée par k rencontre & la réunion
des deux iliaques. Fbje^ Veine-cave.
Plufieurs des anciens anacomiftes l'ont
appellée veine-cave descendante , parce qu'ils
s'imaginoicnt que le fang defcenJoit du foie
par cette veine , pour fournir du fang aux
parties qui font au deflous du diaphr.igme:
mais les modernes ont démontre qu'elle avoir
un ulage tout-à-fait contraire , 6.: qu'elle
fèrvoit à porter le lang des parties infcricu»
rcs atïcccur , d'où lui eft venu fou nom d'af-
(endan'.e. ( L)
AscENDAMS , adj. pi. pris fub. terme de
ASC 6ii
droit , font les parens que nous comptons en
remont.intversla louche commune, comme
père Se mcre , aïeuls , bilaïculs , &c.
Les premiers font leuls héritiers naturels
de leurs enfans ou petits-enfans qui n'ont
point d'er.fans.
Ils oiit même , dans le pays de droit écrit ,
une légitime : mais ils n'en ont pas en pays
courumier. f^oye^ Légitime. Us partagent
par têtes , &: non par Touches.
Les coutumes font fort différentes par rap-
port à la fuccelTlon des afcjuJans. La plus
grc:nde partie néanmoins leur donnent les
meubles ti^: acquêts , &: les frères iSc les iL-eurs
n'y font point appelles avec les afcendans:
elles leur adjugent même les propres.
i°._Qiiand ils font de l'eftoc & hgne
dont (ont échus les héritages.
1°. Même fîtns être de 1 eftoc & ligne , mais
limplement en qualité de plusproches païens,
lorique les pareils de la ligne manquent.
3°. Dans le cas où un rS-judunt eft do-
nateur par contrat de mariage de l'héri-
tage que le donataire atranimis à des cntans
qui lont tous morts : car lî le donataire étoic
mort (ans cnfans , l'autre conjoint , quoi-
que donateur , ne jouiroit pas du retour.
Voyei Aïevi, &• Retour.
Dans quelques coutumes , comme en
particulier celle de Paris , les pères & mè-
res fuccedcnt aull'i à leurs enfans , en ufu-
fruit feulement, aux immeubles acquis pen-
dant la communauté du père & de la mère »
& avenus par le décès de l'un d'eux aux
enfans , pourvu que l'enfmt décédé n'ait
laiflé aucuns delcendans , ni frère ou fcrur
du côté dont Icfdits immeubles lui lor.t échus.
Cette fuccellion s'étend aullî dans la cou-
tume de Paris aux aïeuls & a'ïeules.
l\ n'y a aucune prérogative d'ainefle en
faveur des mâles dans la fuccelTton des af-
cendans.
En pays de droit écrit , ils excluent les:
frères ntérins & confanguins , t<c même les-
neveux qui font coiijoints des dçux cotés '
mais ils n'excluent pas les frères germains du
défunt , Iciquels fuccedent avec eur. ; &: en
ce cas la lucceffion eft diviiec en autant de-
portions qu'il y a de têtes ; chaque fî-erc-
prçnd une part , & les afcendans prennent
le furpkre & le divilent entr'eux en deux:
part* j l'iuie pour les pateiucls , &: L'ariice
(ÎI4 ASC
pour les maternels , qui ciiicun entr'cus p.ir-
tsgenc la portion qui d\ échue à leur li-
gne. Pir exemple , s'il y a trois frères , un
aïeul & une aïeule du coté pjtcrncl , clu-
que frcre aura un lixieme , l'aïeul & l'aïeule
paternels un fixieme & demi à eux deux ;
& l'aïeul marernel autant à lui feul que les
deux autres, foje^ Aïeul.
Loriqu'il y a des frères germains, les ne-
veux conjoints des deux cotés dont le père eît
décédé , viennent à la fucceffion du défunt,
avec les frères & les afcendans : mais ils n'y
viennent que par la reprélentation de leur
père , & par conféquent ils partagent par
louches & non par tètes.
Par rapport à la part que prend une mère
dans la lucceffion de fes enfans , voje^ à
l'article Mère la teneur de l'édit des mères.
Dans les pays de droit écrit , les pères &
les mères qui ont donné quelque choie en-
tre-vifs à leurs enbns , fuccedcnt aux cho-
ies par eux tionnces , lorlque les enfans do-
nataires décèdent lans enfans, non pas par
droit de fuccelTion , mars par un autre droit
qu'on appelle droit de retour. Voye^:^ Re-
tour, {h)
ASCENDANTE (Progression), Géom.
Quelques géomètres nommcntprogrejjion af-
ccndainc , celle dont les termes vont en croi!-
iànt: telle eft la progrelTIon arithmétique des
nom.bres naturels ,1,1,5, ^"'<^- (•^■-O. C. )
ASCENSION , f. f. cft proprement une
élévation ou un mouvement en-haut. Voye^
Elévation.
C'eft dans ce fens qu'on dit X'afccnfwn des
liqueurs dans les pompes , dans les tuyaux
capillaires. Foye^ Pompe , Tuyaux ca-
pillaires. ( O)
Ascension de la fève , (Jardinage.) Dans
le nouveau fyflême de l'opération de la (eve,
on ne parle plus de (a circulation ; la levé ,
fuivant M. Haie , delcend dans les foirées
fraîches & dans les temps de rolée , par les
tuyaux longitudinaux du tronc de l'arbre ,
après qu'elle a monté jufqu'au faite. Des
expériences ont en partie établi ce lyftème :
on peut les confulter dans (on livre de la
Statique des végétaux , traduit de l'anglois
par M. de Button.
Le rrop de fève tranfpire & s'évapore par
les vailleaux capillaires des teuiUes. Voye^^
Seve.(K)
ASC
' AscEKsroK , en agronomie , eft droite oa
oblique. L'afcc'iJionàro\xt du foleil ou d'une
cco:le , cft le degré de l'équateur qu: fe levé
avec le foleil ou avec l'éto.le dans la fpherc
droite, à compter depuis le commencement
d'Arles. Voyi-{^ Spherf. Ou c'cft le degré
& Il minute de l'équateur, à compter de-
puis le commencement d'Ariès , qui pallè
par le méridien avec le foleil , une étoile ou
quclqu'autrc point du ciel. Vcyc-^ Soleil ,
Etoile.
On rapporte X'afcer.fwn droite au méridien,
parce qu'il fait toujours angle droit avec l'é-
quinoxiale , au lieu qu'il n'en eft aiuli de
l'horizon que dans la fphere droite.
Uafcenfion droite efl: le contraire de la
defcenfon droite. Vuyc^ Descension. Deux
étoiles iixes qui ont la même afcenfion droite,
c'eft-à-dire , qui font à la même diftance du
premier degré d'Ariès , ou , ce qui revient
au même , qui lo;it dans le même méridien ,
!e lèvent en même temps dans la Iphere
droite , c'eft-à-dire pour les peuples qui
habitent l'équateur. Si elles ne font pas dans
le même méridien , l'intervalle de temps qui
s'écoule entre leur lever , eft la diftérence pré-
cife de leur afccnfwn droite. Dans la Iphere
oblique où l'horizon couperons les méridiens
obliquement , différens points du méridien
ne fc lèvent ni ne le couchent jamais en
même temps : ainfi deux étoiles qui lont
lous le même méridien , ne le lèvent ni ne
fe couchent jamais en même temps pour
ceux qui ont la fphere oblique , c'eft-à-dire
qui habitent entre l'équateur & le pôle ; &
plus la Iphere cft oblique , c'eft-à-dire plus
on eft près du pôle , plus l'intervalle de temps
qui eft entre leur lever 6c leur coucher elt
grand. Voyei_ Lever , Coucher , &c.
L'arc de Vafcenjlon droite d'une étoile eft
la portion de l'équateur , comprife entre le
commencement d'Ariès i5c le point de l'équa-
teur qui pafl'e au méridien.
Les aftronomes appellent aujourd'hui l'arc
de l'afcenjîon droite , afccnfion droite tout
court ; & c'eft ainlî que nous l'appellerons
dans la fuite de cet article.
Pour avoir l'afccnf.on droite du foleil ,
d'jine étoile , &c. faites la proportion lui-
vantc : comme le rayon eft au co-linus de
l'obliquité de l'éclipcique , ainfi la tangente
de la diftance de Ariès ou de Libra eft à U
ASC
tangente de X'afce.-.fion droite. Pour tronver
h. même chofc méchaniquement par le globe,
yoJC^CJLOBE.
La décerminarion de Yafcenfion droite du
folcil & de celle d'une étoile lixc eftlabafe
de toute l'.iftronomie :- aulll M. de la Caille
a-t-il intitulé Affronotniir fundûmenta , le li-
vre dans lequel il a donné toutes les oblcr-
v.uions qu'il avoir faites à ce fujet; & com-
me l'i7/Le/2^o/2 droite d'une feule étoile hxe
donne facilement celle cle toutes les autres , la
principale difficulté conlille à s'aflurer d'une
étoile pour ièrvir de terme de comparaiion.
On ne peut déterminer Vafcenficn droite
d'une étoile que par celle du foleil; car comme
c'cft le .foleil qui parcourt (i\: qui marque
l'écliptique , de même qwe le point équi-
noxial quand il traverfe l'équateur , on ne
peut reconnoîrre les diltancesà ce point équi-
noxial que par le loleil qui en fournit l'indi-
cation.
D'un autre côté •, l'on ne peut déterminer
Yafcenfion droite du loleil que par le moyen
de la déclinaifon , & celle-ci le conclut de
la hauteur méridienne ; ainii la hauteur du
foleil à midi cft le point d'où il but partir.
Suppofbns qu'on ait oblervé à Paris la hau-
teur du folcil , & qu'après l'avoir t:orrigée
par la réfraélion & la parallaxe , on air trou-
vé cette hauteur à midi de p° lo', on fait
que la hauteur de l'équateur n'eft que de
41° lo' à Paris 5 on retranchera l'une de
l'autre, & l'on aura lo** pour ladéclinailnn
du loleil , ou la quantité dont il eft éloi-
gné de l'équateur. Alors dans le triangle
formé par l'écliptique , l'équateur &: le cer-
cle de déchnailon , on connoit le petit coté
qui eft la déclinaifon du foleil , &c l'an.gle
oppofé qui efl l'obliquité de l'écliptique 13'^
28' ; il eft aifé de trouver l'autre coté qui
cft l'ii/ct.vz/îo/zû'roy/c du foleil, &l'hypothénule
qui ell: la longitude comptée fur l'écliptique.
Mais cette méthode dépend , comme on
l'a vu , de la réfraction , de la pirallaxe , de
La hauteur de l'équateur & de l'obliquité de
l'écliptique ; car chacune des erreurs que l'on
commcttroit dans un de cesélémens, infiue-
roit & en produiroit une , deux ou trois fois
plus grande fur Vafccnfien droite : pour y re-
médier , il n'y a qu'à faire h. même opéra-
tic n deux fois en lix mois , à la même hau-
teur du foleil 3 avant Hc après le foliiict ;
ASC (Î15
l'erreur qui augmcntoit Vafccnf.on droite avant
le folftice la diminue nécenàircment après
iv en prenant le milieu des deux réfultats
on a la véritable ûfcenfion droite du foleil
ayant égard au n.ouvcment connu <.^u'il a du
a\oir dans lelpace du temps qui s'tft écoul
d'une obfervation à l'autre : ce mouvem.cnt
mênic eft facile à connoitre par loblerva-
tion fiite le même jour de l'étoile dont on
veut déterminer la polition , &. qu'on aura
comparée avec le foleil. Tel eft le fbnde-
mentde li méthode que Flamfted & la Caille
OKit employée pour conftruire leurs catalo-
gues d'ctoiles 5 & qui confdfe à comparer
deux fois l'année le foleil à une étoile quand
il palle d.iiis fon parallèle (Se qu'il a par con-
f'équent la même hauteur ; c'el^ en appli-
quant cette méthode à des centaines d'ob-
fervations que M. de la Caille a trouvé Vafcen-
fioji droite de Sirius le i Janvier 17 )0 de
98° 5 1'_ i" , & celle de la Lyre 177° 7' 5" .'
ces polirions fondamentales ne différent que
de 5 à g" de celles que M. le Monniera affi-
gnées par des obfervations & des méthodes
très-diftérences : cela fufficpnu' montrer quel
degré d'incertitude il y a dans la méthode
& dans l'obfcrvacion des afa'tifions droites.
J'ai dit qu'une feule tifcenfian droite don-
noit aifémenr toutes les autres ; il ne faut
qu'obierver la différence despaflagesau mé-
ridien , DU- par les hauteurs correfpondan-
tes , ou par une lunette méridienne , & con-
vertir en degrés la diftcrence des temps, ou
aura celle des nfccnfions droites des cieuxaf-
tres obfervés; on choifit pour terme de com-
paraiion les étoiles les plus bnllarites , telles"
que Sirius & la Lyre, afin que l'on puifleles
voir de jour & en tout temps de l'année pour
comparer toutes les étoiles oblervées dans
une même nuit ^c dent on veut avoir Yafcen-
fion droite.
Uafcenfion droite du milieu du ciel eft une
choie dont les affronomes fe fervent très-
fouvent , fur-tout pour calculer les éclipfes
par le moyen du nonagéfîme, c'eft Vafcenfion
droite du point de l'équateur qui (c trouve
clans le méridien ; elle eft éj^ale à la fom-
me de Yafcenfion droite du loleil & de l'angle
■ fioraire ou du temps vrai réduit en degrés ,
ou à la fomme de la longitude m.oyennc &c
du temps moyen. ( M. de la Lande. )?
L'-tfcctifion oblique eft un arc de l'éqpa.-
C\G ASC
teur , compris entre le premier point d'Ariès
& le point de iVquateur, qui le levé en même
temps que Paftre , dans la ij.hcre oblique,
^'byf:^ Sphère.
h'afienfion oblique fe prend d'occident
en orient , & elle eft plus ou moins grande ,
félon la différente obliquité de la fphere.
La diftcrence cnrrc \ .ifcenjîon droite &
['afccnfion oblique , s'appelle différence afcen-
lionclle.
Pour trouver pnr la crigoiiométrie ou par
le ^ohzV afccnfion oblique du foleil , voye-^
AscENsioNEi. & Globe.
L'arc à'ûjccnfion oblique eft une portion
de Ihorizon corrpvi'.e entre le commer.ce-
ment d'Arièî & le point de l'équateur , qui
le levé en même temps qu'une planète ou
nnc étoile , &c. dans la fphere oblique.
L'afcenf.on- oblique varie félon la latitude
des lieux.
Réfradion à'afcenfion & defcenfion. Voy.
RÉFRACTION.
Mie le Monnier , dans la théorie des 'co-
mètes & fcs inftitutions aftronomiques , a
donné la table fuivantc de \'afcenfi,on droite
des principales étoiles. ( O )
NOMS
DES Etoiles.
Ascension
droite
en \7V--
Ascension
droite
en 17J0.
D. M. S.
D M. S.
La Polaire . . .
Acharnar. . . .
A du Bélier. . .
Aldebaran . . .
10 19 Jiî
zi fj 30
z8' 10 50
6) 16 S5
10 ^i) II
11 00 00
18 17 10
65 15 41^
a. de la Chèvre .
Rigel
a. d'Orion . . .
Canopus ....
74 ij 00
7) 5i oy
8y 18 10
94 5î io
74 5 5 47î
7j 57 52.'
8y 14 45
94 35 00
Sirius
Proc/on ....
tf de Î'Hydrc . ,
llégulus ....
98 16 40
III 16 35
13S 45 40
.48 38 51
9S 51 57ï
III 31 y;
158 49 36:
148 44 ^6
L'épi de la Vierge
.Ardurus ....
;Antares
irt de la Lyre . .
'97 H 5)"
iio 58 31I
143 14 10
Z67 03 10
194 31 JO
30S 09 40
54i 5S 55
340 49 40
19S 00 j4
11 I 04 GO
145 31 40
177 07 10
a. de l'Aigle . . .
* du Cygne . .
». de Pégaie . .
1-omalhaut . , .
194 58 41 i
308 13 51 1
343 04 30
340 j6 00
ASC
Ascknsion , fc dit proprement de l'éléva-
tion miraculeulé de J. C. quand il monta au
ciel en corps Se en ame , en préfence Oc à
la vue de fes Apôtres.
Tertullien fait une énumération fuccinte
des différentes erreurs & héréfies que l'on a
avancées fur X'Afcenfion du Sauveur , Ut ù
illi erubefcant qui adfinnant carnem in cœlis
vacuam fenfu ut vaguiam , exempta Cknjh ,
fédère ; aut qui carnem 6' animam tantumdem ,
aut tantummodo animam , cr.rncmvero nonjam.
Les Appellitespenioient queJ.C.lailîàfon
corps dans les airs (S. Auguftin dit qu'ils
prcttndoient que ce fut fur la terre j , iSc qu'il
monta lans corps au ciel : comme J. C. n'a-
voit point apporté de corps du ciel , mais
qu'il l'a\o;t reçu des élémens du monde, ils
loutcnoient qu'en retournant au ciel il lavoit
reliitué à ces clcmens.
LesSeleuciens&r les Hermeniens croyoient
que le corps de J. C. ne monta pas plus haut
que le foleil , & qu'il y refta en dépôt ; ils
le fondoicnt fur ce palfige des pl'eaumes ; il
aplacéfon tabernacle dans le fileil. S. Grégoii'C
de Naziance attribue la, même opinion aux
Manichéens.
Le jour de V Afcenfwn , eft une fête célé-
brée par 1 égliie dix jours avant la Pente-
cote , en mémoire de X'Afcenfion de Notre-
Seigneur. {G)
* Ascension ( Ile de l' , ) dans l'O-
céan , entre l'Afrique & le Brélîl , décou-
verte en 150S par Triftan d'Acugnale jour
de {'Afcsnfion. Le manque de bonne eau a
empêché qu'on ne s'y établit. On l'appelle
le bureau delà pojle. Lorique les vaillèaux
qui viennent des Indes orientales s'y rafraî-
chiflent , ils y lailient une lettre dans une
bouteille bouchée , s'ils ont quelque chofc
à laire lavoir à ceux qui viendront après
eux : ceux-ci calfent la bouteille, (5c lailient
leur réponle dans une autre bouteille. Long.
5 ; lat. mer. 8.
Il y a une autre île de même nom dans
l'Amérique méridionale, vis-à-vis les côtes
du Biélil.
ASCENSIONEL , adj. différence afcen-
fioncllc , terme d'Ajlr. La différence afcenfio-
nelle eft la diffcrence entre l'aicenfion obli-
que , Se l'adxndon droite d'un même point
delà furfacc de la fphere. /'oj. Ascension.
Ainfi le 17*' J4 qui efl l'afccnfion droite
du
ASC
é\i premier degré de V? ôtaiit I4<l 24' qiii
eft l'afceniion oblique du même degré fur
l'horizon de Paris , le rcile i^<^ 30' en eft la
différence afcenfionelle. Si on réduit en heu-
res & minutes d'heure les degrés & minutes
de la différence afcenjionelle , on connoit de
combien les jours de l'année auxquels elle
répond, différent du jour de l'équinoxe : car
ajoutant le double du temps de cette dijf'é-
reuce afcenfionelle aux 1 2 heures du jour de
l'équinoxe , on a la durée des longs jours ,
le ibleil parcourant la inoitié de l'ccliptique
qui efl du côté du pôle apparent ■■, & Il l'on
ôte ce même tem])s de 12 heures , on aura
la longueur des petits jours , qui arrivent
quand le foleil parcourt la moitié de l'éclip-
tique , qui ell du côté du pôle invifible.
Ainlî le double de 13^* 30' eft 27<1 ; lefquels
réduits en temps , à raifon de 4' d'heure
pour chaque degré , on aura une heure 8c
48' : ce qui fait connoître que le foleil étant
Je 20 avril au premier degré de Y" ? 'c jour
eft de 1 3 heures 4S' fur l'horizon de Paris ,
& ainii des autres ^ enfuite de quoi l'on coii-
noît facilement l'heure du lever & du cou-
cher du foleil. Dans les figues fcptentrio-
naux , les afcenlîous droites des degrés de
l'écliptique fout plus grandes que leurs afcen-
iîons obliques ;, mais au contraire aux figues
méridionaux , les afcenlîous droites des de-
grés de la même écliptique font plus petites
que leurs aicenfions obliques. M. Formey.
Pour avoir la différence afcenfionelle , la
latitude du lieu & la déclinaifon du foleil
étant données, faites la proportion trigono-
métrique : comme le rayon à la tangente de
la latitude , aiufi la tangente de la déclinai-
fon du foleil au finus de la différence afcen-
fionelle. Si le foleil eft dans un des ligues
feptentrionaux , & qu'on ôte la différence
afcenfionelle de l'afceniion droite , le relie fora
l'-afcenfion oblique. Si le foleil eft dans un
des figues méridionaux , il faudra ajouter la
différence afcenfionelle à l'afoeniion droite ,
& la fomme fora l'afoeniion oblique. On
pourroit, en s'y prenant aiufi , conftruire des
tables d'afoenfions obliques pour les diiîcrens
degrés de l'écliptique , fous diiîerentes élé-
vations du pôle. (. O ),
ASCEl ES , f. m. pi. ( Théologie. ) du
grec ATKnih ; mot qui lignifie à la lettre une
ferfonne oui s exerce , qui travaille , Ôi qu'on ,
Toms III.
ASC 61J
a appliqué en général à tous ceux qui em-
brali'oient un genre de vie plus auftcre , &c
par-là s'exerçoient plus à la vertu , ou tra-
vailloient plus fortement à l'acquérir que le
cominun des honmics. En ce fens , les cfîe-
niens chez les juifs , les pytliagoriciens entre
les philofophes , pouvoient être appelles a/^
ceres. Parmi les chrétiens dans les premiers
temps , on donnoit le même titre à tous ceux
qui fo diftinguoient des autres par l'auftérité
de leurs mœurs , qui s'abftenoient , par
exemple , de vin & de viande. Depuis , la,
vie monaftique ayant été mife en honneur
dans l'orient , & regardée comme plus par-
faite que la vie commune , le nom d'af-
cetcs eft demeuré aux moines , & particu-
lièrement à ceux qui fe retirant dans les dé-
forts , n'avoient d'autre occupation que de
s'exercer à la méditation , à la ledure , aux
jeûnes, & autres mortifications. On l'aaufii
donné à des religieufcs. En cor.féquence oa.
a appelle afccuria,\cs monaftcres , mais for-
tout certaines maifons dans Iclquelles il y
avoit des moniales & des acolythcs , dont
l'ofîTce étoitd'enfovelir les morts. Les Grecs
donnent généralement le nom d'afcetes à
tous les moines , foit anachorètes & foli-
taires, foit cénobites. A^oj. Anachorète ,
Cénobite.
M. de Valois dans fos notes fur Eufcbe ,
& le père Pagi , remarquent que dans les
premiers temps le nom à'afceres &c celui de
moines n'ctoient pas fynonyines. Il y a tou-
jours eu des afcctes dans l'églifo , & la vie
monaftique n'a commencé à y être en hon-
neur que dans le quatrième fiecic. Bingham
obferve pluiiéurs différences entre les moines
anciens & les afcetes ;, par exemple , que
ceux-ci vivoient dans les villes j qu'il y eu
avoit de toute condition , même des clercs ,
& qu'ils ne fuivoient point d'autres règles
particulières que les loix de l'églifo , au lieu
que les moines vivoient dans la folitude ,
étoient tous laïques , du moins dans les com-
mencemcns, bi ali'ujettis aux règles ou conC-
titutious de leurs inftitutcurs. Bingham , orig,
ecclef. lih, V II ■, cap.j ^ % <,.
ASCETIQUE , adj. qui concerne les af-
cetes. On a donné ce titre à plufieurs li\res
de j>iété qui rentérment des exercices fpiri-
tuels, tels que les af ce tiques ou traité di dé-
votion de S. Baille-, évêque de Célàrée en
ffff
€iS ASC
Cappadoce.Dans les bibliodicques on range
fous Je titre A'afct'tijues tous les écrits de
théologie inyftique : on dit aufii la vie af-
cétique, pour exprimer les exercices d'oraifon
& de mortification que doit pratiquer un
religieux. Voyei Mystique.
La vie afceiique des anciens fidèles con-
iîftoit , félon M. Fleury , à pratiquer volon-
«aircment tous les exercices de la pénitence.
Les afcetess'enfermoient d'ordinaire dans des
maifons , où ils vivoient en grande retraite ,
gardant la continence, & ajoutant à la fruga-
lité chrétienne des abftinences & des jeûnes
extraordinaires. Ils pratiquoient la xéropha-
gie ou nourriture (èche , & les jeûnes renfor-
cés de deux ou trois jours de fuite , ou plus
longs encore.Ils s'exerçoient à porter le cilice,
à marcher nu-piés , à dormir fur la terre ,
à veiller une grande partie de la nuit , lire
afliduement l'écriture-fainte , & prier le plus
continuellement qu'il étoit pofîible. Telle
«toit la vie afcétique : de grands évcques &
«le fameux dofteurs , entr'autres Origene ,
l'avoient menée. Onnommoitpar excellence
ceux qui la pratiquoient , /es élus entre les
€lus , ê»\5>t7w êKA5)<.7ÔT«po;. Clément Alexan-
drin , Eufebe , hift. lib. VI , cap. iij. Fleury,
mœurs des chrétiens, II ,part.n°. i6. Bing-
■ham , orig. ecclef. lib. VII , c. j , ^6. {G)
* ASCHAFFENBOURG , ville d'Alle-
magne dans la Franconie , aux frontières du
bas Rhin , fur la rive droite du Mein , & le
penchant d'une colline. Longit. 16 , 35 ^
dat. 50.
* ASCHARIOUKS ou ASCHARIENS ,
( Hi/l. mod. ) difciples d'Afchari , un des
plus célèbres doâeurs d'entre les muful-
mans. On lit daiis l'Alcoran : « Dieu vous
5) fera rendre compte de tout ce que vous
3) manifefterez en dehors, & de tout ce que
3) vous retiendrez en vous-même \ car Dieu
» pardoiuie à qui il hiiplaît , & il châtie
3) ceux qu'il lui plaît j car il eft le tout-piiif
D) faut , & il difpofè de tout félon fon plaifir .j)
A la publication de ce verfet , les mulùl-
jTians effrayés , s'adrelferent à Aboubekre
& Omar , pour qu'ils en allalfent demandtr
rex^)lication au S. prophète. « Si Dieu nous
3) dcinande compte des penfées mêinesdont
» nous ne fonuiies pas maîtres , lui dirent
» les députés , comment nous fau^erons-
» aous l w Mahomet efquiva la difficulté
ASC
par une de ces réponfes , dont toi?s les cliefir
de fe£le font bien pourvus , qui n'éclairent
point l'efprit , mais qui ferment la bouche.
Cependant pour calmer les confciences ,
bientôt après il publia le verfet fuivant :
» Dieu ne cliarge l'homme que de ce qu'il
» peut, & ne lui impute que ce qu'il mérite
i) par obéiffance ou par rébellion.» Quelques
mufulmans prétendirent dans la fuite que
cette dernière fèntence abrogeoit la premiè-
re. Les afchariens , au contraire , fe ièrvirent
de l'une & de l'autre pour établir leur fyftême
fur la liberté & le mérite des œuvres , fyf-
tême direftement oppofé à celui des mon-
tazales. Voye\ Montazales.
Les Afchariens regardent Dieu comme un
agent univerfèl , auteiu- & créateur de toutes
les aftions des hommes , libre toutefois d'é-
lire celles qu'il leur plaît. Ainfi les hommes
répondent à Dieu d'une chofè qui ne dépend
aucunement d'eux , quant à la produ£tion ,
mais qui en dépend entièrement quant au
choix. Il y a dans ce fyftême deux chofes
aifez bien diflinguées ; la voix de la conf-
cience , ou la voix de Dieu ^ la voix de la
concupiscence , ou la voix du démon , oa
de Dieu parlant fous un autre nom. Dieu
nous appelle également par ces deux voix ,
& nous lliivons celle qui nous plaît. Mais
les afchariens font , je penfe , fort embar-
ralfés , quand on leur fait voir que cette ac-
tion par laquelle nous fijivons l'une ou l'au-
tre voix , ou plutôt cette détermination à
l'une ou à l'autre voix , étant une aftion y.
c'eft Dieu qui la produit , félon eux j d'où
il s'enfuit qu'il n'y a rien qui nous appar-
tienne ni en bien m' en mal dans les actions»
Au refte , j'obferverai que le concours de
Dieu , fi providence , fa prelcieni.e , la pré-
dcftination , la liberté , occafionent des
difputes & des héréfics par-tout où il en eft
queilion •■, & que les chrétiens feroient bien ^
dit M. d'Herbêlot dans Çd bibliothèque orien-
tale , dans ces qucftions ditliciles , de cher-
cher paifiblement à s'inftruire , s'il cû poiîi-
ble, & de fe fupporter charitablement dans
les occafions où ils font de fèutimens diiîé-
rens. En effet , que favons-nous là-deliùs ?'
Qiiis conciliarius e jus fuit ?
* ASCHAW , (• Geog. anc. & med. ) ville
d'Allemagne dans la haute Autriche , fur lie
Danube , à l'embouchure de l'Afcha j quels--
ASC
qries-uns prctendent que i.:'efl: rancîennc Jo-
viacum (!e la Noriqiic , que d'autres placent à
Starubcr^, & d'autres à rrank.ciuiein;u-c'i.
* ASCHBARAr, ville du Turqueilan,
la plus avancée dans le pays de Gotha ou
tlfs Getes . au delà du flcu\e Sihou.
* ASCHBOURKAN , ou ASCHFOUR-
KAN , ville de la province de Choralâu.
Long. loo; laiit. ^6 , 45.
* ASCHERLEBEN , ville d'Allemagne
fur l'Eine , dans la principauté d'Anhalt.
* ASCHERN ou ASCHENTEN , ville
d'Irlande , dans la province de Moun ou de
Mounfter , & le comté de Limerick , fur la
rivière d'Afchern.
* ASCHMOUN , ville d'Egypte , près
Damiete. Il y a entre cette dernière &
Manlïïirah , un canal de mêine nom.
ASCHMOUNIN , (Géog.anc.) ville de
la Thébaïde , où il y a encore des ruines
qui font admirer la magnificence des anciens
rois d'Egypte.
* ASCHOUR , nom d'une des rivières qui
palîènt par la ville de Kafch en Turquellan ,
vers le nord.
* ASCHOURA , île de la mer des In-
des , des plus reculées & des défertes , pro-
che Mêlai , & loin de Shamel.
* ASCHTIKAN , ville de la province de
Tranfoxanc , dans la Sogde. Long. 88 3 lut.
fipi- 39 5 55- , . „
* ASCI, (Hijî. nat.) plante qui croit
en Amérique : elle s'élève à la hauteur de
cinq ou fix palmes & même davantage.
Elle cft fort branchue •^ fa fleur eft-blanche ,
petite & fans odeur •■, fon fruit a le goût du
poivre. Les Américains en alfaifonnent leurs
mets i les Européens en font aufll ufage. Il
pouife des efpeces de goulfes rouges , creu-
ies, longues comme le doigt j ces gouifes
contiennent les femences.
ASCIENS , f. m. mot compofé d'i & de
«■H/* , ombre ; il fignifie en géographie ces
hflbitans du globe terreftre , qui , en cer-
tains temps de l'année , n'ont point d'ombre.
Tels font les habitans de la zone torride ,
parce que le foleil leur eft quelquefois verti-
cal ou direftement au delfus de leur tête.
Voyei Z,ONE Torride. Tous ces habitans ,
excepté ceux qui font précifément fous les
deux tropiques , font afciens deux fois l'an-
aée , parce que le foleil palTe deux fois l'aii-
A S C 61Ç,
ncc fur leur tête. Pour trouver en quels jours
les peuples d'un parallèle fout fans ombre ,
Fbyc-j; Globe. ( O )
ASCIOR , AsoR , AsuR ou Hasur ,
( Mufiquc inji. des Héb. ) iidlrumcnt des Hé-
breux qui avoit dix cordes. D. Calmet Se
Kircher veulent tous deux que ce foit la
même chofc que la cith;u'e , & tous deux
lui donnent le même nombre de cordes. D.
Calmet ajoute pourtant que dans les com-
mentaires fur les pfcaumes attribués à S. Jé-
rôme , on ne donne que fix cordes à la ci-
thare , &c que dans l'épître à Dardanus , at-
tribuée aufîî à S. Jérôme , on lui en donne
vingt-quatre, D. Calmet donne à la cithare
ou àa/ur la figure de la liarpe commune
d'aujourd'liui , & Kircher , quoiqu'il ait dit
que le /lafur &c la cithare font le même inf-
trument, ,en donne la figure qu'il a tirée d'un
ancien mauufcrit du Vatican , dont il a en-
core tiré les figures du kiuuor , du machiil ,
du miniiicn & du nebel ou nable. F'oye^
ces mots.
Je fuis très-porté à croire que la figure de
Kircher cft la vraie , 1°. parce qu'elle eft
aflez fimple pour avoir exifté depuis très-
long-temps 3 2". parce qu'elle diffère peu
du nebel Se du kiiuior , & qu'il me fèmble
probable qu'anciennement , lorlquon ne
connoifibit encore que peu d'inftrumens de
genres vraiment difFérens , on ait donné des
noms particuliers à des inftrumeus qui ne
differoient au fond que par le nombre de
leurs cordes ou par leurs figures , & non
par le principe du fon , ou par la manière
d'en toucher.
On pouvoir pincer le hafur avec les doigts,
ou en toucher avec un pleibum à volonté.
( F. D. C. )
§ ASCITE , ( Médecine. Nofologie. >
d'aa-jtof , bouteille , c'eft une elpece d'hydro-
pifie qui atfefte l'abdomen ou le bas ven-
tre. L'élévation du ventre , & la fluftuation
qu'on y découvre , nous manifeftent alfez
cette maladie , qui commence le plus fou-
vent , ainfi que les autres efpeces d'hydropi-
fies , par l'enflure des pies , la pâleur du vi-
fage , la foif 8f la fièvre lente , la difficulté
de refpirer , & quelquefois la toux feche ,
la cardialgie & les flatuofités , la conftipa-
tion , les urines en petite quantité , tantôt
limpides , tantôt épailTes & briquetées , ou
Ffffz
éio ASC
couleur de fafran. La maio^reur des parties
ilipérieures , l'œdème des jambes, des bouf-
fes & de la verje, en font les lignes équi-
voques. Le ventre fe tend comme un bal-
lon : il devient même quelquefois fi pro-
digieux qu'il defcend ju (qu'aux genoux, &
{e crevaire , fur-tout fi les tégumens font
œdémateux. L'hydropifie du bas-ventre peut
être compliquée avec la tympanite , avec la
groffeife , ou la mole , avec la Icucophleg-
matie , &c. II arrive tous les jours qu'on
'fait paifcr des grofléfl'es de contrebande pour
la maladie dont nous parlons , mais outre la
fluftuation qui peut diilinguer ces deux états ,
on peut encore en juger par le vifage , qui
porte les imprefiions de la nialadie dans
Xûfcite , & qui ell naturel dans les femmes
grofles : on peut lèntir d'ailleurs le mouve-
ment du fœtus , & avoir recours aux figues
de la grolî'etre , comme à la configuration
du ventre plus enflé à l'Iiypogafire par l'hy-
, cL-opifie que par la grolTelFe ^ à l'état des rè-
gles , qui coulent ordinairement hors de la
grolîbJîc , &c.
Il eft encore difficile de diftingiier l'hy-
dropifie afcite , dans laquelle le liquide baigne
tous les vifceres deftinés à la chylificaîion ,
d'avec l'hydropifie enkiftée du bas-ventre ,
c'eil-à-dire renfermée dans lui lac comme
celle du péritoine , de répijjloon , de la
matrice , des ovaires , des reins , &c. C'eft
làns fondement qu'on a avancé qu'il n'y avoit
aucune lluftuation dans ces fortes d'hydro-
pifies : il eft vrai qu'elle eft quelquefois peu
lenfible , parce que la liqueur eft le plus fou-
vent épaiife , ou renfermée dans un petit
efpace y mais lorfque le kifte occupe la plus
grande partie du bas-ventre , la fluduation
y eft tout aulfi manifefte que dans la vraie
,afdtc. On ne peut conuoître l'hydropifie
enkiftcc , que lorfque le fac , peu étendu ,
permet à la vue & au toucher d'en recon-
noître les bornes. On peut ajouter à ce figue ,
.que le liqukle c[u'onen tire par la paraceu-
tefo , eft prcique toujours bourbeux , fétide ,
fangulnolent , ou purulent ^ ce qui eft beau-
couv) plus rare dans la \'raie afciie^
L'hydropifie enkiilée de l'abdomen ren-
ferme fouvent des hydatides , ou des fortes
flcvcffies remplies ordinairement d'une eau
limpide , & quelquefois d'une matière glai-
xeufe on fordide. Ou les trouve daiis les
ASC
cadavres , tantôt libres , ou dé{»as;ées les une»
des autres , & rageant dans un liquide ^
tantôt liées enlèmblc en manière de grappe
de raifin , ou collées par leur furface : leur
forme eft fphérique , ovale ou pyriforme.
Elles paroiiîent être produites par la dilata-
tion des vailléaux lympliatiquesi delà vient
qu'on en rencontre comm.unément dans les
parties où ces vallfeaux font les plus nom-
breux , comm.e au foie , aux ovaires & aux
trompes, au péritoine , & à l'épiploon;, à la
glande thyroïde , aux mamelles , au genou , &c
autres •■, fiege ordinaire des tumeurs enkif-
tces qui ne dùTerent de l'hydropifie du même
nom, que parleur volume. Il paroit encore ,
pour le dire en paffant , que les différentes
efpeces de loupe ont la même origine. On a
encore remarqué , pour revenir à notre
fujet , que , dans l'hydropifie du péritoine ,
le nombril étoit un peu creulé , à caufedefa
connexion avec cette membrane. L'enflure
du fcrotum peut pafiér aufli pour un figne de
l'hydropifie du péritoine ;, mais il faut la
diilinguer de l'infiltration œdémateufe des
tégumens , qui eft commune à toutes les
hydropifies
qui n a aucune communi-
cation avec le tilhi cellulaire du péritoine.
Il arrive communément, dans l'hydropi-
fie enkiftée , que l'enflure du ventre eft hié-
gale j que les malades confervent leur co-
loris , leur einbonpoint & leur appétit :
elle eft d'ailleurs plus long-temps à fe former
que Yafciu ; les extrémités inférieures s'en-
gorgent plus tard : les malades enfin ne pa-
rcilfent avoir d'autre incommodité , que
celle qui vient du poids & du volume du
ventre. Les hydropifies de l'un & de l'autre
caraftere reconnoilfent prefque toutes des
fquirrhcs qu'on ne lauroit toucher , lorfque
le Acntrc eft élevé ou tendu à un certain
point , mais qu'on décom're facilement ,
après qu'on l'a vuidé par l'opération. Les
eaux qu'on tire par la ponûion , ou qu'on
trouve à l'ouverture des cadavres , font lim-
pides , de la couleur de l'urine , vcrdâtres ,
huileufcs , fanguinoleutcs , fanieufos, puru-
lentes , laiteulcs , de la couleur du café & de
hs lie de vin;, gluantes , gélaiineufes , graif-
icufes , bourbeufès, fétides , 6"-i-. Nous avons
dit que ces dernières étoieniphiscommures
dans les hydrcpifiçs enkiftécs : quaut à leur
quiiûtité , 012 prétend eu avoir tiié , eu ime
ASC
Jêule fols , jiîfqu'à cinquante pintes. On en
a trouve dans les cadavres, ieloa Rivière,
quatre-vingt-dix livres ;, feloa Stnlpart, qua-
tre-via;j;t-quin2e ••, & (èlon les Mémoires de
tccadémie de chirurgie de Paris , cent vin^^t.
Les buveurs de profclîion , les cachecti-
ques , les fcorbuiiques & les goutteux; ceux
qui ont fouifert de grandes hcniorrhagies ,
Ibnt fujets aux épanchcmcns. La leuco-
phlegniatie & l'hicterc , la Hevre quarte , &
autres intermittentes;, les maladies aiguës ,
& les plus graves :, la fuppreirion des pertes
habituelles i la rentrée des maladies cuta-
nées •■, le deHéchement des ulcères & des
filiales, &c. y donnent auffi lien ^ mais c'ell
à roccaiion des fquirrhes , des tubercules &
autres défordres dont nous ferons mention ,
que les épanchemens Te forment le plus fou-
%'ent. Ils ont encore quelquefois leur lource
dans la boiflon froide & excellive , dans la
mauvaife conduite des accoucliées , &c.
Il ell prouvé par les obfervations trcs-
iioinbrcufcs que nous avons fur Vafciic , que
les filles & les femmes en guériiicnt mieux
que les hommes, & qu'elle c'a, dans les uns
& dans les autres , moins rebelle que l'hy-
dropific enkiftce. Si \afcite vient de la fnpprei-
fion des urines , fans vice intérieur, comme
cela arrive quelquefois , elle fe didipe faci-
lement. Une femme de trente-cinq ans, qui
en portoit une des plus maiiifellcs , depuis
peu de temps à la vérité , fut guérie en
moins de douze jours , par une iimple tilanc
nitrée , & quelques antres diurétiques des
plus communs : on en a.vu qui étoient dans
le même cas , s'en délivrer , fans autre iccours
que celui de la nature , communément par
un rtnx d'urine , & quelquefois par la diar-
rhée. t)n a obfervé encore que cette maladie
s'étoit terminée par l'écoulement naturel
des eaux par le nombril ;, mais ces heureux
événemens font alFcz rares , & il feroit très-
blâmable de les attendre.
Cepend;uit X'afcite , pour le plus grand
nombre , eft très-difficile à guérir , &. tou-
jours plus indomtabic que la leucophlegina-
tie ■■, fiir-tout lorfqu'ellc en ell la fuite : l'in-
vétérée eft regardée comme incurable , parce
qu'elle eft communément entretenue par
un grand délabrement du foie ou des autres
vifceres. On peut bien alors tarir les eaux ,
ibit par ies reuitidej , foit par la poudiioii j
ASC ^1^
inais les malades n'en meurent pas irci-is
dcllcchés , ou tombent dans (!es récidives
très-familieres à tous les épaiichcjrens , &
prelrjne toujours meurtrières. L.e dégoût , la
jauniiié , le ir.aralmc , lurine rouge , le fiux
hémorrhoïdal cxcefiif , le crachenient de
fàng , la fje\re érélipélatcufe , &c. font des
fymptomes ou des accidens f'icheux. La toux
lèche & fréquente fait beaucoup craindre
pour le foie , ou annonce l'hydropiiie de !a
poitrine ; les frilions irréguliers font ordi-
nairement les fignes d'une fuppuration in-
terne : le vomiiïcment & le cours de veritre
peuvent être trcs-iklutaircs dans le commen-
cenjent ;, mais ils font à craindre dans les
autres temps.
Les eaux que l'on tire par la ponflion , qui
approchent le plus de l'urine , font réputées
les meilleures : on redoute les limpides, les
fétides , les Ihnguinolentes , les purulentes ,
&c. Si l'opprefiicn liiblîlle après cette éva-
cuation , on a tout lieu de craindre un épan-
chement dans la poitrine. Lorfquc ïafate cil
jointe à la groirclîc , elle fe termine quelque-
fois par l'écoulement des eaux , qui précède
l'accouchement ^ mais le plus ibuvcnt la ma-
ladie fubfiile au point que le ventre , après
la fortie du fœtus & de l'arrierc-faix , paroît
avoir le méirie voluine. \Jafciie peut durer
long-temps , & l'on rencontre allez commu-
nément des gens qui font , depuis dix ou
douze ans , dans cet état. On a \u porter l'hy-
dropiiîe de l'ovaire cinquante ans , à une fiUe
qui en a vécu quatre-vingt-huit. Nous connoif^
Ions une remnie , qui, depuis vingt-cinq ans
ell dans le nîéme cas, dont le %ci;tre depuis
plulieurs années eft li prodigieux , qu'il ne
paroît prelque qu'une boule , lonquc la ma-
lade, d'ailleurs nlfez petite, eil dans ion lit.
Les obfer^'ationsanatomiqucs nous laillènt
peu à délirer fur la connoillancedcs différens
dé/brdres qui donnent lieu à ïafcite , ou qui
en font les fijites : elles Icntn.éme ii nonibreu-
fes , qu'un volume pareil à <.eiui-ci ne fauroit
les contenir^ mais eu ralTcniblant les faits de
la !t:ème nature , S: en en retranchant toutes
les fiiperllnités , on peut les abréger beau-
coup : en voici le rcfultat, toujours conformée
au plan que nous a"*c.ns fuivi jufqu'ici. Le
foie ell le vilccrc qui eft le plus communé-
m.ent affeéré \ on la vu tantôt d'une groJîcur
mouftrueufc, taiitôt petit âc delicché , guère
^it ASC
plus gros que le poing, blanchâtre, livide
de la couleur du fafraii , plombe , noir , Sec.
Sa furface a paru crénelée , tubéreufe , vc-
ficulaire , couverte de vaiiîëaux lymphati-
ques très-apparens ^ fa iiibfiance Iquirrheufe,
calleulè , dure comine du bois , remplie de
tubercules purulens ou plâtreux ^ rcufcrmaut
des abcès , des hydatiques , des liéatomes ,
&c. Il eft fait mention d'une tumeur pier-
reu/è de dix à douze livres , tenant à fbn
ligament fu{j)enfoire. On a trouvé la véli-
cule du fiel diilendue extraordinairement par
fèpt ou huit livres de bile , contenant une eau
limpide, lans la moindre teinture , renfer-
mant des abcès, des itéatomes, des hydatides ,
des pierres , &c. On l'a vue enfin defféchée ,
& fà cavité prefcjue oblitérée. La rate a
paru d'une groifeur étonnante , fquirrheufe ,
calleulè & d'une dureté approchante de celle
de la pierre , fa furface couverte de tuber-
cules plâtreux , ou de grains reiremblans à
la petite vérole. On a découvert l'épiploon
extraordinairement épais , du poids de huit
à dix livres , contenant une grande quan-
tité d'eau , & des hydatides , exténué , iléa-
tomateux, fiippuré ou détruit. On a dé-
couvert les mêmes défordres au péritoine ,
qui de plus a été vu déchiré.
On a vu l'eftomac prodigieulèment gon-
flé par les vents , rempli d'eau , ou d'une
liqueur fordide •■, gangrené , déchiré , &>:,
les inteftins extraordinairement enflés , fur-
tout le colon qui acquiert quelquefois la
groffeur de la cuilfe , enflammés , ulcérés ,
putrides & déchirés ; les grêles font très-
ibuvent collés enfbmble , & ne forment
qu'un peloton ■-, le pancréas ulcéré , dans un
état de pourriture , &c détruit ^ le méfèn-
tere fquirrheux , ulcéré , & d'une grandeur
étonnante , contenant des abcès , des tumeurs
anomales , des hydatides , &c. On a rencon-
tré le péritoine d'une épaiifeur furprenante,
& cartilagineux, enflammé, grenelé & gan-
grené j formant une cloifon qui divifoit la
cavité du ventre en deux parties , dont une
feule étoit inondée. La veine ombilicale a
été trouvée cave , 8f ouverte au nombril qui
fervoit d'ég»ûti& ce cas a été obfervé quel-
quefois. Les reins fe font préfentés defféchés ,
dépouillés de leur grailfe , couverts d'hyda-
tides , fquirrheux , ulcérés , renfermant des
pierres , ou prodigieufcmcnt dilatés par ,
ASC
I rurînc i, percés, ainii que les uretères & la
ve/îic. Li matrice a para énormément dila-
tée par l'eau contcuant des pierres & des
hydatides •-, ulcérée , &c. Les ovaires prodi-
gieufement étendus , fquirrlieux , abcédés
& putrides , aiiifi que les trompes : il cil
bon de remarquer que la fubiîance des ovai-
res augmente à proportion de leur éten-
due , car on en a \'u qui , après avoir été
vuidés , pefoient encore viugt-fept livres.
On a obfervé encore des kiftes ou des facs
de toutes les groflèurs : il y en a qui occupent
tout le bas-ventre, réduilcnt les vifceres à un
fi petit volume , que ceux qui n'en étoient
pas prévenus ont cru , à la première ouver-
ture , qu'ils étoient tous détruits , tant ils
étoient reiferrés & cachés par le fac , qui
contraâ:e plus ou moins d'adhérence avec
toutes les parties voifines ^ cela eft fur-tout
affcz commun à l'hydropifîe du péritoine ,
fituée entre cette membrane & l'enceinte
mufculaire. On a vu de plus l'épiploon , les
reins Se les ovaires , formant, par leur di-
latation , des killes plus ou moins conlidé-
rables ; on eu a obfer\'é qui tenoient fim-
plement au foie , à la matrice Se aux autres
vifceres qui n'avoient pas perdu leur forme.
Les uns 8c les autres contiennent différentes
fortes de liquide^ les hydatides de toutes les
groflèurs , détachées , folitaires , ou réunies
en grappe : on les rencontre quelquefois , ces
kiftes , divifés en plufîeurs cavités , qui ne
communiquent pas enfèmble , & renferment
des liqueurs différentes. Tous les vifceres ,
dans la vraie afcite , ont été trou\és adhé-
rens , couverts d'une croûte gélatineufe , &
dans un état de pourriture. On a obfèn'é des
tumeurs fongueufes Se carcinomateufes ,
s'élevant de la furface du foie , de l'eftomac ,
des inteftins , Se autres parties ; des hydati-
des tenant à tous les vifceres , ou ballotant
dans la cavité du ventre. On a découvert
quelquefois , avec aflèz d'évidence , que le
liquide tiroit fà fource d'un vaifleau lympha-
tique ouvert , d'une veine laélée percée ^ des
reins , des uretères Se de la veflîc déchirés :
nous avons déjà dit de quelle nature étoient
les différentes liqueurs , qui croupilFcut
dans les cavités que nous avons déiignées.
Nous ne devons pas laiffer ignorer qu'on
voit fouvent dans ces maladies , les plus
grands dclabreiiiens îi la poitrine , coiniue
ASC
îles épanchemciis de toutes les natufes •, les
poumons adhéreiis , tuberculeux , ulcérés ,
putrides , &c. Ou a vu enfiu le cœur d'une
grofleur démefurce , ou exténué •■, fes val-
lojles cartilagincufes , ofleufes ou pierreufcs;
là furfacc ulcérée , couverte de la même
croûte gélatineufe qu'on trouve dans le bas-
ventre •■) des taches blanchâtres , qu'on enle-
voit en forme de pellicules , dont nous avons
déjà fait mention : fon adhérence avec le
péricarde ; ce fac épais , contenant une li-
queur abondante , limpide , fanieufe , fé-
tide , &c. entièrement détruit , & le cœur
par conféquent , à nu. Nous fupprimons
les obfervations qui regardent la tête , qui
ont m\ rapport plus éloigné avec la maladie
clont nous parlons.
Le traitement , qui convient aux épan-
chemens du bas-ventre , diffère peu de celui
que nous propofons pour l'hydropifie '-, ce-
pendant l'expérience a appris à y faire quel-
ques changemens que nous devons indiquer.
Les vomitifs réitérés dans les commence-
mens , ont produit fouvcnt les meilleurs
effets: mais il n'en a pas été de même ,lorf-
que la maladie étoit avancée. On peut ufèr
dans tous les temps , des purgatifs , tels que
le jalap , la rhubarbe , l'iris , le féné , & les
fèls hydragogues. Mais on ne doit pas faire
beaucoup de fondlur ces remèdes ^ lesdraf-
tiques fur-tout , qui réuniffent fouvent dans
la leucophlegmatie , font ici à craindre j la
gomme gutte , qu'on doiuie fi familièrement ,
à l'exemple de Willis , qui en faifbit prendre
pendant fix jours , depuis douze ju/qu';''
vingt grains , pourroit en fournir la preuve ;
ce n'eft pas qu'on n'ait quelquefois réuffîpai
cette méthode '-, mais l'hiiloire de fès mauvai
effets fèroit très-ample , fi l'on avoit eu le
même intérêt à nous la conlèrver. Les apé-
ritifs , Se fiir-tout les diurétiques , méritent
plus de confiance ■■, tels font la chicorée , le
cerfeuil , la fcolopendre , la racine de frai-
fier , d'ache , de brufcus , &c. le nitre , le
fel de geiiet , de tamarifc & de Glauber; les
cloportes , le tartre vitriolé , & enfin la fcille
& Tes préparations. Mais les remèdes qui .
dans ce cas , doivent porter à plus jufte titre
le nom d'apéritifs & de diurétiques , font les
fonifians , les amers & les martiaux \ tels
font l'aunée , les baies de genièvre , la rhu-
barbe , la cauelle , le caffia-lignea , la pa-
A S C ffzj
tîcncc , !a petite centaurée & TaLfinthc , le
fiifran de inars , le tartre martial , (^'c. Les
eaux de Ploinbierc , de Bourbon Lancy &
autres inincrales , ont été quelquefois d'une
grande efficacité '-, on a encore ufé , dans
quelques circonftances , du crefibn , de la
berle , de la patience , & autres dépuraus &
anti-fcorbutiques. Nous ne devons pas laiflêr
ignorer que quelques pcrfbiuies ont été gué-
ries par l'abftinence de toute boiffbn ; il y
en a qui ont pouflé ce régime jufqu'à trois
mois , en trompant leur foif avec une rôtie
arrofée d'cau-dc-vie. Cette pratique , que
Lifter a\oit adoptée, n'eft point àméprifer.
On peut tirer enfin quelque avantage des
topiques , que l'on propofe ordinairement
contre la leucophlegmatie , auxquels il faut
ajouter l'application chaude du fel commun ,
que Boerhaave a employé fouvcnt avec
fuccès.
Tout le monde fait que l'évacuation arti-
ficielle des eaux eft un des points les plus
eftentiels du traitement : cette opération ,
qu'on nomme/^ûraa-rtre/f ,peut réuffir, lorf-
que le liquide n'a pas croupi long-temps, &
que les vifceres ne font pas gâtés j mais fans
ces conditions , elle précipite les malades qui
auroient pu vivre long-temps dans cet état.
Lorlque le ventre vuidé fe remplit , au bout
de 1 1 ou 15 jours , il y a peu à efpércr, & l'on
cft forcé de réitérer l'opération pour prolon-
ger la vie du malade^ on nous apprend qu'elle
a été faite plus de cinquante fois fiir le même
fiijet, duquel on a cru avoir tiré quatre cents
pintes d'eau. Je dirai , à ce fiijet , qu'il eft:
important décomprimer le ventre , àmefure
que l'eau s'écoule , & d'y employer après
l'évacuation , plufieurs bandes garnies de
boucles & de courroies , dont quelques-unes
doivent pafter entre les cuiflès , pour que
'es vifceres foient à-peu-prcs autant compri-
més qu'ils l'ètoient auparavant; il faut même
que les malades qui étoient oppreftés par la
; lénimde du ventre , ne fe trouvent pas trop
foulages par fon affailfement. Le défaut de
cette précaution , que pluiieurs mettent au
nombre des minuties , rend pourtant la para-
centefo infniftueufè. Il eft encore fouvent
dangereux de mettre le \ entre à foc , lorfqu'U
a été prodigieufoment rempli ; il eft pjusli'u:
de ne tirer alors que 15 uu _o pintes d'eau à
, , la fois. S'U y a des hydatiquci , il fayt (^ue
éi4. ASC
rouvertiire foitproportionnée à leur volume ;
on juge bien que la feule poaftion eft alors
iniliflilante. Il eft même néeeflaire , pour
toutes les hydropifies enkiftées , d'agrandir
l'ouverture , & de l'entretenir , non feule-
ment pour favorifer l'écouleinent des matiè-
res épailTes & bourbeufes qui s'y rencontrent,
& qui iè régénèrent en très-peu de temps ,
mais encore pour y porter des injecStions dé-
terfives & delficatives , qui dans ce cas font
indilpenfablcs ; cette ouverture , à la vérité ,
peut relier fiflulcuië j mais les malades font
encore trop heureux de vivre a\ec cette in-
commodité. On a enfin tenté , dans cette oc-
cafion , le féton Se le cautère; & cette prati-
que a été quelquefois avantageufc. (T. )
ASCITES, fm. pi. f T//t'o/.; mot dé-
rivé du grec is-xôç , oune ou fac ; c'eft le
nom d'anciens hérétiques de la fecle des
montanilles , qui parurent dans le fécond
fîecle. Voyci MoNTANiSTES. On les ap-
pelloit afcites , parce que dans leurs affem-
blées ils introduifircnt une efpece de bac-
chanales , où ils danfoient autour d'une
peau enflée en fonne d'outre , en difànt
qu'ils étoient ces vafes remplis de vin nou-
veau , dont Jefus-Chrill fait mention ,
Matth. ix ^ 17. On les appelle quelquefois
afcodrogiffis. ( G )
ASCLÉPIADE , adj. (Bclks-Lctncs.)
dans la poélîe greque &; latine , vers com-
pofé de quatre pies , favoir, d'un fjjondée ,
de deux choriambes , & d'un pyrrhiquc ,
tel que celui-ci :
Mêc7v I nâs acM'Ts \ édite rë \ gibus.
On le fcande plus ordinairement ainfi ,
Mëc7-e I nâs àta\ vis \ cdiu\ rcgibus ^
& alors on le regarde couiine compofé d'un
ipoudée . d'un daftyle , une céilire longue ,
&. deux da£tyles. Il tire fon nom d'Afclepia-
de , poëte grec, qui en fut l'inventeur. (G)
AS'CLÉPI ADES , ( Hiji. de la médecine
ancienne. ) ce nom délîgne les dciccndans
d'Eiculapc , dont la famille forma ditîc-
reiites branches , qui fe répandirent dans
différentes contrées pour y exercer la méde-
ciue •■, & qui ouvrirent des écoles célèbres à
Cos , à Rhodes &c à Cnide , d'où leurs difci-
ples tranfporterent leur nom & leur gloire
thcz prclquc tous les peuples du monde, j
ASC
Efculape dont ils defcendoient , fût le pre-
mier qui vifita les malades retenus dans leur
lit, &qui examina les fymptomes& la man-
che des maladies ; les afc/cpiades fuivircnt
cette méthode , ce qui fit donner le nom de
clyniques à leurs élevés , pour les diflinguer
des empyriques , qui n'exerçoient la méde-
cine que dans les marches & dans les places
publiques. Ces afclépiades n'étoient que de
fimples chirurgiens , dont la pratique n'étoic
appuyée fur aucun principe de raifonnemcnt,
puifque la philofophie u'étoit point encore
née. Leur routine eut de fi heureux fùccès,
qu'ils abolirent toutes les anciennes métho-
des ; avant eux , la médecine employoit le
fccours de la mufique , pour dom.ter les
maladies les plus rebelles 5 on regardoit l'har-
monie comme le remède le plus propre à
calmer l'effervefcence du fang & l'âcreté
des humeurs ; quand cette refiburce étoit
impuilfante , on avoit recours aux charmes
& aux enchantemens ; & c'étoit le remède
dans qui la multitude avoit le plus de con-
fiance : les charlatans prononçoient des paro-
les myftérieufes & des vers magiques ; ils
gravoient fur la cire , fiir la pierre & fur les
métaux des figures fymboliques , appellées
amuhtes , qu'on attachoit aux bras des ma-
lades , dont l'imagination ébranlée tempé-
roit les mouvemens déréglés du corps , &
le remettoit dans fon aiTiette naturelle. Les
afclépiades affranchirent l'art de guérir de
toutes ces puérilités fupcrftitieufes ,&. quoi-
qu'ils tournalfcnt en ridicule la médecine
méthodique , ils s'étudioient à démêler la
caufe des fymptomes & des accideiis des
maladies. Pythagorequi fe glorifioit d'être le
\-^ defcendant d'Efculape , fut le premier
qui fit fervir la philofophie à la confcrvatiou
de l'humanité ; il ne rejeta jwint le fecours
des obfervations & des expériences qui font
les guides les plus fidèles pour nous éclairer
dans nos routes. Mais il alla plus loin , en
établilfant des principes certains , dont il tira
desconféquenccslumineuies; de forte qu'on
peut le reg;uder comme le créateur de la
médecine qu'on exerce aujourd'hui, f T-a'. >
* ASCLÉPIES , {HiJL anc. &MytJi.)
fêtes qu'on célébroit , en l'honneur de Bac-
chus , dans toute la Grèce , mais lîir-toutà
Epidaiire , où fc faifoicrit les grandes aiclé»
pics. Magaîafclcpia,
ASCODRUTES
A s C
ASCODRUTES ou ASCODRUPITES ,'
£ m. pi. ( Théol. ) hérétiques du deuxième
lîecle, qui rcjetoieiit Tufa^edes facrcmeus ,
ic fondant fur ce principe , que des chofes
incorporelles ne pouvoicnt être communi-
quées par des choies corporelles , ni les myf-
tcrcs divins par des élémens ^ifibles , qui
étant , difoient-ils , Icffet de l'ignorance &
de la padion , étoient détruits par la con-
noilfauce. Ils faifoient coniifter la rédemp-
tion parfaite dans ce qu'ils appelloient /a co/2-
noijfancey c'eft-à-dire l'intelligence desmyf-
tcres interprétés à leur fantaifie , Se reje-
toient le baptême. Les AfcoJnites avoient
adopté une partie des rêveries des Valcnti-
nieiis & des Marcofiens. Voye^ Marco-
siENs (S- Valentiniens. (G)
* ASCOLI, ville d'Italie, dans l'état de
l'églile, & la Marche d'Ancone, fur une
montagne , au bas de laquelle coule le
Fronto. Lo/ig. 31 , 2:5 ■■, lat, 41 , 47.
AscoLi deSatriano, ville d'Italie,
au royaume de Naples. Long. 33, 15 j
Lir. 41,8.
ASCOLIES , f. f. pi. (Hiff. anc.) fêtes que
les payfans de l'Attiquecélébroient en l'hon-
neur de Bacchus, à qui ils fiicrifioieut un
bouc , parce que cet animal , en broutant ,
endoinmage les vignes. Après avoir écorché
cet animal , ils failbient de fi peau un ouire
ou èa//on fiir lequel ils fautoient , tenant un
pié en l'air : cérémonie que Virgile a ainfi
décrite au livre II des Géorgiques :
Non aliam ob culpam Baccho caper om-
nibus aris
CarJnar, & vetercs ineunt profccnia ludi ,,
Prœmiaque ingénies pagos & compila
circvin
Thevc'idx pofuere : aique interpacula !.vti
Moll'.bus inpratis cunclosjaliereper unes.
Ce mot vient du grec âj-xk , qui lignifie
un ouire , une peau de bouc enflée. Porter
prétend que de la peau du bouc immolé ,
les Athéniens faifoient un outre qu'ils rem-
plillbient d'huile ou de vin , &f qu'ils l'endui-
fbient encore en dehors de matières onc-
tueufès j ce qui le rendant égaleinent mo-
bile & g.'ifTant , expofoit à de fréquentes
chûtes les jeunes gens qui venoient fauter
dclliis , & divertiltoit les fpedateurs. (G)
ASCOYTi \ou AZPEYIA, {Géographie.)
Tome m.
ASD <?iç
petite vîIled'Efpagnc , en Bifcaye , dans le
Guipufcoa. Elle cfl fur la rivière d'Urola, à
l'oueft de Tolofe :, & au fud-ert , à deux
lieues de Placentia. C'eft la patrie d'Ignace
de Loyola , fondateur de la fociété jéfuitiquc ,
anéantie aujourd'hui. Long. 15 , 10 i laiit.
43 , 1 5. Quelques lexicographes ont faitmal-
<à-propos deux villes d'une leule , à caufe de
(es i\cv.y.nom$.Afcoyiia ècA^eyia. (C.A.)
ASCRA , ( Gévgr. ) village de Grèce , eu
Béotie , près l'Hélicon. Il eft remarquable
pour avoir été la patrie du poète Héfiode.
Un grand homme immortalife un hameau,
tandis que le nom de phifieurs grandes villes ,
qui n'ont renfermé que des hommes ordi-
naires, relie enfevcli Ibus leurs ruines. (C.A.)
ASCYRUM , (Hifl. nat. bot.) genre de
plante dont les fleurs font compofées de plu-
îîeurs pétales dilpofés en rolè. Il fort du ca-
lice , qui efl: autli coinpofé de plufieurs feuil-
les , un pillil qui devient dans la fuite u«
fruit pyramidal , divifé en cinq loges rem-
plies de femences , le plus fouvent alfez me-
nues & oblongues. Tournefort , Injî. rei
herb. Voyei Plante. (I)
ASDRUB AL , fils de Magon , (Hifi. des
Carthaginois.) Plufieurs généraux Carthagi-
nois ont annobli le nom Ôl Afdrubal. Le pre-
•inier qui paroît dans l'hiftoire étoit fils de
Magon , célèbre capitaine , qui le premier
introduifit la difcipline militaire des Grecs
parmi les Carthaginois. Ce fut fous fa tente
que fon Ris A fdrubai fit fon apprentiiîage de
guerre. Le fils formé par des exemples & des
leçons domeltiques , fut l'héritier cle la gloire
Se des talcns de fon père , lorfqu'après fa
mort il fut élevé au commandejnent des
armées. Quoiqu'il eût les qualités qui forment
le grand général, il ne fut pas toujours fécondé
de la fortune ; une trop grande étendue de
génie s'oppofe quelquefois au fuccès. A force
de trop voir , on juge mal des vues des géné-
raux qu'on a en tête , 8f ce fut la fource des
re\'ers qu'éproma le fa\'ant Afdrubal. Régu-
lus , qui lui étoit bien inférieur en talens ,
remporta fur lui une grande viftoire en
Afrique , & quelque temps après il fut en-
core déEiit par Cecilius Meteilus , qui lui.
enleva tous les éléphans. Ces animaux avec
qui les Romains n'étoient point encore fami-
liarifés , furent promenés, comme autaîit de
trophées, dans toutes les \illes d'Italie. Af-^
Gir cr p-
B o a
6iS A S D
drubal , quoique mallieiireux à combattre ,
n'en fut pas moins refpefté de fès conci-
toyens , parce que fécond en relTources , il
répâroit promptement fes pertes , & paroif-
foit aufli redoutable après une défaite , que
d'autres après une vi£toire. Ilparoît qu'il ne
fut pas toujours malheureux à la guerre ^
puifque Cartilage, fort économe dans la dif-
tribution des récompenfes , lui accorda les
honneurs de quatre triomphes , ce qui fup-
pofe qu'il fit au moins quatre campagnes
glorieufes. La Sardaigne fiât le brillant
théâtre de fes victoires. Il y inourut en
héros dans une bataille , dont le fucccs aiïïira
à Carthage la conquête de cette île. Il laiiîa
un fils auquel il tranfmit tous fes talens ,
qu'il déploya dans la guerre de Numidie.
Af drubal, grand homme de guerre , exerça
avec gloire tous les emplois civils. Il fut élevé
onze fois àla dignité de fuffetc. Cette fuprême
magiftrature ctoit éleéfive & annuelle
ccîumc le conuilat à Rome. Celui qui en
ctoit revêtu avoit la même autorité à Cartha-
ge , que les rois avoient à Lacédémone. Le
commandement des armées n'étoit point at-
taché à cette dignité , parce qu'il paroillbit
dangereux de mettre dans la même m.ain le
glaive de la loi & celui de la guerre. ( T-n. )
AsDRUBAL , filsdeCifcon, fut nommé
par le fénat pour commander en Sicile ,
pendant la première guerre punique. Son
incapacité favorifa les progrès des Romains ,
Se toujours mal fécondé par fes foldats, dont
il étoit inéprifé , il n'eiTuya que des revers.
Après l'avoir accablé d'outrages , ils pouife-
reut la licence & la cruauté iufqu'à le cruci-
fier. Cette milice infolente & cruelle ne fit
-que prévenir l'arrêt de mort q^.ie devoit pro-
noncer contre hii le fénat de Carthage , qui
avoit coutume de regarder les malheureux
comme autant de coupables. (2'-.v.)
AsDRUBAL, furnommé le Beau, avoit
reçu de la nature tous les dons de plaire ,
&tous les talens qui fontelliiucr. Ses grâces
louchantes lui méritèrent la bicn\eillance du
grand y\milcar , à qui il devint siécciraire.
Xjn attachement fi marqué fit f^upçonner
qi)C le héros de Carthage brûloit pour lui
d'unamour crimihel; le fénat pour arrêter ce
fcandale, 'eur défendit de Çc \oir. Amilcar
pour le fbullraire à l'arrêt llétrillant des
jîiagiflrats , donna fa fille eu marùige à fon
A S D
ami. La loi ordonnoit de ne jamais féparer
le gendre du beau-pere. Ce fut en ufant du
privilège de cette loi qu'il fut autorife à le
mener avec lui en Efpagne , où il le chrirgea
de toutes les expéditions où l'on pouvoit
acquérir le plus de gloire. Ce fut dans la
guerre de Numidie qu'il déploya tous les
talens pour la guerre. Les Numides voyant
les Carthaginois occupés en Efpagne, curent
la témérité de déclarer la guerre auxCrtrtha-
ginois. Afdrubal quitta l'Efpagne pour palier
en Afrique , dont fes victoires pacifièrent les
troubles , & firent rentrer les peuples dans
l'obéiffance. Après la mort de fou beau-pere,
l'armée d'Efpagne le proclama général , &
ce choix fut confirmé par le fénat qui crut ne
pouvoir mieux confier fa deftinée qu'à un
élevé d' Amilcar. Les premàers jours de fon
commandement Rirent marqués par la dé-
faite d'un prince efpagnol qui ofa le provo-
quer au combat. La conquête de 1 1 \illes:
qui lui ouvrirent leurs portes, furent le fruit
de cette viftoire. La inodération dont il ufa
envers elles , engagea des contrées entières à
fe foumettre plutôt que de s'expofer à la for-
tune de fes armes. Plein de reconnoLlfance
pour la mémoire d'Amilcar , il follicita le
fénat de Carthage de lui envoyer Annibal
pour le faire entrer dans la carrière de la
gloire ; & fupérieur à l'envie , il ne craignit
point d'être effacé par un jeune guerrier que
les vœux des foldats appelloient au comman-
dement. Un mariage qu'il contracta avec
une princeffe elpagnole , acheva de lui ga-
gner tous les cœurs de la nation. Après qu'il
eut étendu fes conquêtes . il crut devoir s'en
ailurer la poilellion en bâtiffant une \'i!le qui
pût lènir de rempart à ce nouvel empire. IJ
lui donna le nom de Carthagî la neuve , &
cette ville devint dans la fuite la plus riche
& la plus commerçante du monde. I..es
Romaiiis alors trop occupés contre les Gau-
lois , qui avoient fait une irruption dans l'Ita-
lie , n'ctûicnt point en état de l'arrêter d;nis
le cours de fes profpérités. Il ctoit plus inté-
rcifant pour eux de protéger leius foyers
que de porter leurs forces dans une terre
étrangère ; aiiifi ils conclurent le lameux
traité par lequel les Carthaginois s'cn^a-
gcoicntànepoint palier l'Hbre, à ne jamais
troubler Sagonte H les autres colonies gre-
ques dans la jouiilijnce de Iciu-s privilèges»
A s D
Ce traité fut religieiifcmcnt obfèrvé , &
Ajdrulml tourna /es annes contre cette partie
de rE{pao:iie qui s étend depuis rOcéan juf-
qu a rt'.bre. Les rois &: les peuples, fubjus^ucs
par kw alîlibilité , n oppofcrent aucune rc-
fiftance \ Cai'thai^c conquérante fans elHi-
fion de /àng- , vit toute rEfpaçne fe faire un
mérite de fa fouîniHion. Tandis c[uAfdrubal
jouiifoit paiiîbîcment de fès conquêtes , il
fut alfa/liné par un efclave Gaulois qui crut
devoir venger fon maître condainné à la
mort par le général Carthaginois. Ce fervi-
teur fanatique , tranquille & ferein au milieu
des tourmens , ne parut fèniîble qu'à la gloire
d'avoir vengé fon. maître. { T-n. )
AsDRUBAL Barca, fîls d'Amilcar , &
frère d'Annibal , eut toutes les inclinations
belliqueulcs qui dillinguoient ceux de fa
luaifon. Inllruit dans le métier de la guerre
par fon pcre & fon beau-frere , il fe montra
le digne élevé de fes illuftres maîtres. Ce fut
lui qui fut établi gouverneur de l'Efpagne ,
lorfqu'Annibal partit pour porter la guerre
en Italie ; on lui kill'a le conunandement
de la flotte pour protéger les côtes , & uns
puilfante armée pour contenir les peuples
dans robéiffance. Tandis qu'Aïuiibal triom-
phoit en Italie , Cneus Scipion fubjuguoit
tout le pays , depuis l'Ebre jufqu'aux Pyré-
nées. Magon qui commandoit dans cette
partie de l'Efpagne , fut taillé en pièces par
ce Romain. Les troupes vicèoricufcs fe ré-
pandirent dans la campagne , fuis obferver
iii ordre ni difcipline. Afdrubal qui étoit
veiHi au fecours de fon collègue , profita de
la difperfion &dela fécurité préfompmeufe
des Romains. Il fe mit à la tête de dix mille
hommes de pié & de mille chevaux, palfa
l'Ebre & fondit fur cette multitude éparfe ,
dont le plus grand nombre fiit paffé au fil de
î'épée. La fortune ne lui futpas auiîi favorable
la campagne fuivante. Il mit en mer 45 vaif-
feaux de ligne , dont il donna le commande-
ment à un certain Amilcar qui palfoit pour
le phis grand ho.mme de mer de fon temps.
Il y eut une aftion fanglante ou la fortune des
Romains triompha de la valeur des Cartha-
ginois. y^/2/rwi5<2/'équ!{>oit une nouvelle flotte,
■& fit voile pour la Sardaigne , d'où il fe pro-
pofoit de defcendre cîi Italie , & d'y confé-
rer avec Annibal fur le plan de cette guerre,
^lais Senilius avec uue efcadrc de foixante
ASD Ct-f
5c dix galères , l'obligea de rentrer dans fcs
ports. Les Romains affoiblis par les pertes
qu'ils ci.iiiyoicnt en Italie, ctoientdans l'im-
puillancc de fournir des iccours à l'Efpagne ,
dont Afdrubai fe iiromit l'entière conquête.
Il faifbit des prép;iratifs formidables ior%i'il
reçut de Carthage l'ordre de pafièr en Italie,
pour porter du fècours à fon fiere épuifé par
les propres vidoires. A peine fe mettoit-il ca
miu-che qu'il apprit qu'Ibera étoit vivement
preiîce par les Romains. Il fait fcs difpoli-
tions pour la délivrer. Au bniit de fon arri-
vée ie ficge eft levé , & rennemi vient cam-
per près de fon armée. Les deux partis étoient
dans une égale impatience de con^battre ,
on en vint bientôt aux mains. Afdrubal diri-
geoit en grand capitaine les mouvemens de
fbn armée , & itt-s, preniiers avantages lui pré-
fagcoient une pleine viftoirc , lorfque les
Efpagnols , ou lâches ou infidèles, lâchèrent
le pié & l'abandon.nercnt dans la plus grande
chaleur du combat. Le miotif de cette défec-
tion étoit le chagrin d'être tranfporlcs eu
Italie. Vingt milie Carthaginois relièrent fur
la place, & dix mille furent faits prifonniers»
Afdrubal trahi par les alliés de Carthage ,
n'a d'autre relfource que dans lui-même : il
équipe une flotte puiHhnte & met à la voile
pour la Sardaigne, où il étoit appelle par les
vœux de tous les habilans , fatigués de la
domination des Romains j dès qu'il fut
débarqué, il renvoya fes vailTeauxen Afrique,
pour m.arquer aux infulaires qu'il mcttoit en
eux toute fa confiance. Les Sardes fe ran-
gent en foule fous fes enfeignes, Manlius qui
commandoit dans cette île raflcinble une
armée & livre un combat , où Afdrubal qui
touchoit au moment de la victoire , eft
lâchement abandonné par ces perfides infu-
laires dont il défendoit les droits & la liberté.
Il trouve à peine le moyen de retourner en
Efpagne où toutes les provinces, pendant fon
abfence ,s'étoient déclarées pour les Romains.
Son génie fécond y crée une nouvelle armée
dans un pays où Carthage n'a plus ni alliés ni
fujets. Il y balance la fortune des Romains,
il li\Te deux combats •■, & quoique toujours
vaincu , il foutient la réputation de grand
capitaine , parce que dans fcs malheurs il
n'eut point de fautes à fè reprocher.
Annibal n'en impofànt plus dans l'Italie
\>-ai l'éclat de f;s victoires , fè vit abandonud
G § 3: S i
gi8 ASD
de tous fes alliés , la fortune panit alors fé
lafler de fervir les Carthaginois dans tous les
lieux où ils portèrent la guerre , le jeune
Scipion fe fignala en Efpagne par la prife de
Carthagene. C etoit là que les richefles des
Africains étoient accumulées : cette ville
ëtoit Farfenal où étoient dépofées leiu-s armes
& toutes leurs munitions & leurs machi-
nes de guerre. C etoit faper la puilîance
de Carthage dans fes fondemens ^ il falloit
ini Afdrubal pour en retarder la chute \ il fe
maintint avec gloire jufqu'au moment où
Edefco , prince Efpagnol , fort accrédité
parmi fa nation , embrafla le parti des
Romains. Son exemple entraîna plufieurs
autres chefs, qui aimèrent mieux combattre
fous les enfcignes d'un peuple belliqueux ,
que fous les drapeaux de républicains com-
inerçans. Afdrubal voyant que fon armée
s'afFoiblifToit chaque jour par de nou\elles
défertions, comprit qu'il lui falloit rempor-
ter des viàioircs pour rétablir la réputation
de fes armes. Les circonflances ne lui per-
mettoient point d'attendre l'arrivée de Ma-
gon & d'un autre Afdrubal , qui lui avoient
été alTociés dans le commandement. Le
mal étoit urgent, il ne prit confeil que delà
néceirité. Il fe lalTa de la lenteur de ks col-
lègues , & choiliifant une pofition où il avoit
droit de fe croire invincible , il engagea une
aâion , où les hiftoriens alfurent qu'il fut
battu. Mais il ne faut pas que fa perte fût
confidérable,puifque ce revers ne l'empêcha
point de faire fa jonûion avec fes collègues,
ce qu'il n'avoit pu exécuter avant le combat.
De plus ils firent le partage des provinces ,
ce qui fuppofe qu'ils en étoient encore les
maîtres. Afdrubal fut chargé de conduire
une ai-mée eu Italie pour y favorifer les opé-
rations de fou frère Annibal. Il traverfe les
Gaules , précédé de les éléphans , & dans
tous les lieux de fon paifage il lailfe des mo-
numens de fa généroiité. On lui permet par-
tout de faire des recrues , & les Gaulois , fé-
duits par fa magnificence , s'emprelfcnt à mar-
cher fous lès ordres. Les Liguriens le reçureiu
comme le libérateur de leur pays. Sa marche
futfi rapide que Plaifancc étoitaOïégée avant
que les Romains & Annibal même foupçon-
nalfcnt fon entrée en Italie. Il fut contraint
d'en lever le (iegc pjur hâter fiijonflion avec
ioafrcrc. Les Ictîics écrites pour ét;ibiir leyrs
ASD
relations , forent interceptées. Les confuls
inftruits de leur deifein réunirent leurs
armées , & pour le prévenir , ils s'appro-
chèrent de fon camp pour mieux oblcrver
tous fes mouvemens. Afdrubal , trop foible
pour réfifter à leurs forces réunies , prit la
réfolution de faire fa retraite , & d'éviter
une aftion avec des forces trop inégales. Il
étoit dans un pays dont il ignoroit les routes,
il fut dans la néceifité de fe confier à des
guides infidèles qui abuferent de fa confiance.
Il erra quelques jours fans pouvoir tenir une
route certaine i les Romains le joignirent fur
le fleuve Metaro , dont il ne connoilfoit ni
les profondeurs ni les iffues. Mais toujoiu-s
foutenu par fon intrépidité naturelle , il afteda
la même confiance que fi le danger n'eût
menacé que fes propres ennemis^ fes dilpo-
fitions favantes annonçoient un général con-
fommé. L'aAantage de fa pofition Se la fa-
gelfe de fon ordre de bataille , fiippléoient à
la fupériorité du nombre. Il donne le fignal
du combat & l'exemple de la plus grande
intrépidité. Déterminé à vaincre ou à mou-
rir , il voit tomber à fes pies des milliers de
foldats qui tous briguent l'honneur de mou-
rir à fes yeux. Honteux de lur\ivre à cette
milice courageufe , il fe précipite au milieu
d'une cohorte où il trou\e une mort digne
d'un fils d'Amilcar 8c d'un frère d' Annibal.
Le barbare Claudius déslionorant fa vic-
toire , lui fit couper la tête , qui fut jetée
quelques jours après dans le camp de fon
frère Annibal. Le héros Carthaginois laiiî
d'horreur & de pitié , ne lut dans l'avenir
qu'un enchaînement d'événemens finieftes ,
& il préfagea dès ce moment quel lèroit le
dcftiu de Carthage. ( T-N. )
AsDRUBAL , général des Carthaginois
diuis la dernière guerre punique , n'étoit
point de la famille Barcir.e -, luais il paroit
avoir eu , pour le nom romain , l'averfiou
dont ceux de cette maifon furent animés
contre ces tyrans des nations. Domine par
fon caraftere turbulent & farouche , il
accéléra la ruine de fa patrie, par les étions
même qu'il fit pour la relever de fa clu'ite.
Le peuple fcduit par le fafle d'un zcle
ponifé jufqu'à l'ciithoufiafme républicain ,
s'abandonna à toutes les impuKions de for»
génie inquiet Us. fonguc'.:x. Ce facfieux
citoyen , devenu chef des tuiiiultes pop.ulai-
A s D
rcs , introduifit dans 1 ctat In confiifioii de
l'anarchie ; quarante des principaux citoyens
lurent condamnés à lexil par l'abus qu'il fit
de fon pouvoir , & ce tyran domeftique fit
jurer au pci.'ple que jamais il ncparleroit de
leur rappel ■-, les grands & le fénat gémirent
dans l'oppreiîion , Ôf les plaintes furent pu-
nies comme le cri de la révolte. Ces illuftres
bannis {c réfugièrent auprès de MalTinrHh ,
roi de Numidie , qui s'intérclFa pour leur
retour. Le refus infultaut qu'il effuya , fut le
prétexte d'une guerre, où plus de cinquante
mille Carthaginois périrent dans une leule
bataille ^ ce coup violent dont Carthage
chancelante fut frappée , épuifa fès forces
languillantcs , elle accepta la paix à des
conditions humiliantes , dont la nécefiité
& fa foibleile lui déguiferent l'ignominie.
Les Carthaginois , par leur dernier traité
avec les Romains , s'étoient fbumis à ne
jamais prendre les armes , fans l'aveu préa-
l'i]:)lc du fénat , ils avoient violé leurs enga-
gcincns en portant la guerre en Numidie.
Les Romains firent valoir cttte infraiftion
pour abattre entièrement cette ancienne ri-
vale de leur puiifance. Ce fut pour calmer leur
relîbntiment , que le fénat de Carthage dé-
clara ^'i/â>ii/^j/ criminel d'état,comme auteur
d'une guerre où Mafllniifa avoit été \ érita-
blement l'agreffeur. Cette condefcendance
aux volontés d'un ennemi qu'on cherchoit à
défarmer , ne fut pas un facrifice alFez grand
pour arrêter fon ambition ;, les richeliés de
Carthage étaient feules capables d'aflouvir
l'avarice de ces avides opprelfeurs des nations:,
ils propoferent des conditions fi dures , que
les Carthaginois aimèrent mieux s'expolèr
à tout foufîrir , que de foufcrire à leur dégra-
dation. Cette république commerçante ne
forma plus qu'un peuple de ibldats ; dei
bourgeois pacinques fe re\ étirent de la ciii-
rafie & du bouclier: les temples , les palais S;
les places publiques furent des atteliers où
les femmes les plus foibles , & les vieillards
débiles , travailîoient confondus avec les
Ertifàns infatigables, à fabriquer des dards ,
des épées , des cuiraffcs & des boucliers :
tout retentifToit du bruit des marteaux &
des enclumes. Afdrubal ignominieufcment
banni de fa patrie y fiit rappelle a\ec gloire,
pour i'oppofcr à l'ennemi , auquel une politi-
que timid; i'avoit iacrifïé 3 on le mit à la Lêîc
A S D ^2p
de fix mille hoinmes pour commander au
dehors^inais bientôt reHérré par les Romains,
il s'enferma dans Ncphelé qui fut afliégéc Se
priie d'affaut : foixante mille hommes furent
enfcvelis fous fcs ruines. Afdrubal ne fut
point enveloppé dans ce carnage , il rafîèm-
bla une nou\ elle armée , & continua de
harceler les Romains. Il eût mieux aimé
commander dans la ville que hors fes mu-
railles 3 mais fon caraftere farouche le faifoit
redouter des citoyens , qui aimoient niicux
obéir à un autre Afdrubal à qui ils avoient
confié le commandement. Le premier accu fà
fon concurrent de trahifon ; celui-ci ne s'a-
baifla point à fe juftifier ;, fon filence fut re-
gardé comme l'aveu de fon crime , 8c il fut
malfacrc parla multitude mdix'gwtc:. Afdrubal
lui futfubflitué danslecommandcmentdela
ville , dont il eût pu retarder la clu'ite , s'il
eût pu tempérer l'iiripétuonté de fon coura-
ge , & maîtrifèr la violence de fon caraiftere.
Le premier fuccès des Romains ne fit qu'ai-
grir la férocité de ce général, il s'abandonna
à des excès qui , fans réparer fcs pertes , le
rendirent plus odieux \ il fit emmeiier furies
remparts tous les prifonniers qu'il cspofa à la
vue de l'armée afîiégeante 3 fa fureur ingé-
nieufe multiplia leurs fiipplices , il leur fit
couper le nez , les pies , les maiiis & les
oreilles; on leur coupa les yeux, on leur
arracha la peau de defliis le corps avec des
peignes de fer , aux yeux de leurs compa-
gnons. Le barbare Afdrubal , après avoir
joui de leur inutilation & de leurs foufFran-
ces , les fit précipiter du haut des remparts :
c'étoit ôter tout efpoir d'accommodement
& de pardon. Les Carthaginois , naturelle-
ment cruels, voyoient avec horreur les inhu-
manités de leur général ; ilsétoientpreflcsde
la famine , lorfque quelques convois entrè-
rent dans la ville \ la quantité- n'étoit pas
fafrifànte à tant de befoins , Afdrubal les fit
diftribuer à fès troupes , fans fe laiffer atten-
drirpar lesgémiireniens du citoyen expirant;
cette odieufe diflinftion fit crier le peuple &
le fénat : le féroce Afdrubal ne répondit qu'en
ordonnant le meurtre des murmurateurs.
Carthage comprit que fon plus cruel ennemi
étoit dans fès murs ; les principaux citoyens,
pleins de confiance dans la géi;érofité de
Scipion , fbrtent de la ville & vent fc pré-.
iciitcr à lia er. lu-bit de fappliar.s ; ils lui
^30 A S D
demandent d'accorder la vie à tons ceux '
qui voudroient fbrtir de Carthage , & un
moment après on voit arriver cinquante ,
mille , tant hommes que femmes , qui furent
reçus avec bonté ^ neuf cents transfuges , !
miaiftres des fureurs iXAfdmbal , ne purent !
obtenir cette faveur , qui fut également refu- {
fée à leur général impitoyable. Ces liommcs j
dckHpérés prennent la réfolution de vendre !
bien cher leur y\e ; ils fe retranchent dans |
le temple d'Efculape avec Afdrubal , fa
femme & fes enfans ^ ils auroient été invin-
cibles s'ils avoient pu fe foullraire à la famine,
mais ce fléau le fit bientôt fentir. Afdrubal ,
cet implacable enneini des Romains , ce
tyran de fes concitoyens , trembla pour fa
vie , il craignit de mourir , quand il ne put
vivre avec gloire \ & allez lâche pour rache-
ter là vie par le facrifice de fon honneur ,
il eut la balléffe de mendier fa grâce & la
clémence d'un ennemi fi cruellement offen-
fë : fon orgueil fai-ouche palfe de la fureur
dans l'abattement , il fort furtivement du
temple , tenant ure branche d'olivier dans
fes maii'.s , & va fc prollerner aux pies de
Scipion. Sa femme abandonnée avec fes
enfans au relîcntiment d'une foldatefque
défelpérée ne peut fe réfoudre à partager
fon ignominie. Les Romains du haut des
remparts expofent à lès j^eux fon mari i les
transfuges vomifîènt contre lui lesphis horri-
bles imprécations , & plutôt que d'imiter fi
lâcheté', ils prennent confeil de leur feul
défelpoir , ils mettent le feu au temple ,
aimant mieux être la proie des flammes ,
que d'expirer fbus les verges & les haches
des bourreaux. Pendant qu'on allumoit le
bûcher, la fe:nme éi Afdrubal fe pare de fes
phis riches habits , & fe mettant à la vue de
Scipion avec fes deux eiifans dans fes bras ,
elle élevé la voie Se lui crie : Romain , je
ne fais point d'imprécations contre toi , tu
ne fais qu'ufer du droit de la guerre \
mais puifle le génie de Carthagc confpirer
avec toi pour punir le parjure qui a trahi fa
patrie , les dieux , fa femme & ^a enfans.
Elle apofiropha cnfuite fon perfide époux ;
oli ! le plus lâche & plus fcélérat des hom-
mes , rairafic tes yeux de ces llammes qui vont
nous dévorer moi & mes enfans ^ notre
fort eft moins à plaindre que le tien : nous
allons terminer nos foufirunges. Pour toi ,
A S E
indigne capitaine de Carthagc , va {èrvir
d'ornement à la pompe trion;phale de ton
vainqueiu" , va fujoir à la vue de Rome vzw-
gée , la peine due à tes crimes ^ aufîî-tôtclla
égorge fes enfans , les jette dans le feu , 8c
s'y précipite avec eux. ( T-n. )
^ ASEDOTH-PHASGA , ( Géogr. ) ville
d'Afie en Paleftine,dans la tribu dcRubenj
elle étoit fituée au pié du mont Phafga ,
entre Phogor , au nord-eiî, & Calliroë ou
Lafa , au liid-ouefi:. Long. 69 , lo ^ lat. 30,45.
ASEIGY, {terme de la milice turque.)
c'eft le cuifinier des JanilTaires , qui, outre
fon office , eft obligé d'arrêter les prifonniers,-
de les garder & de les mettre aux fers , ou
de, les garroter , félon qu'il ell ordonné par
l'oda-bafog \ il porte pour marque de fon
emploi un grand couteau dans fa gaine ,
pendu au côté. ( V.)
ASEKI , ou comme l'écrivent quelques
hiftoriens , affekai , ( Hijl, mod. ) noms que
les turcs donnent aux fiiltanes fa\orites , qui
ont mis au monde un fils. Lcrfqu'une des
fiiltanes du grand-icigneureft parvenue par-
là au rang à'afeii, elle jouit de plufieurs dif
tinclions ^ comme d'avoir un appartement
fcparé de l'appartement des autres fultanes,
oriié de vergers , de jardins , de fontaines ,
d'offices , de bains , & même d'une mof-
quée : elle y eft fervie par des eunuques £c
d'autres domeftiques. Le fiiltan lui met une
couroinie fur la tête , comme une inarque
de la liberté qu'il lui accorde , d'entrer fans
être mandée dans l'appartement impérial
audi fouvent qu'il lui plaira ■■, il lui affigne
un homme de confiance pour chef de fii
maifon , & une nombreuie troupe de bal-
tagis deftinés à exécuter fes ordres : ciiilii
elle accompagne l'empereur lorlqu'il fort de
Conftantinoplc en partie de prom.enade ou
dechafre,& qu'il veut bien lui accorder ce
divertiifement. Le fultan règle à Ci volonté
la penfion des afekis : inais elle ne peut être
moindre de cinq cents bourfes par an. Oii
la i\omn\cpafckmakliko\.\pafmalk,c[u\ figni-
fie fandale , comme fi elle étoit deftinée à
fournir aux faudalcs de la fultane , à-pcu-
prcs comme nous difons , pour les épingles ,
pour les gants , &c. Les Turcs ne prennent
point de ville , qu'ils ne réfervent inie rue
pour le pafchmaklik. Les afekis peuvent être
regardées comme autant d'impératçiccs , §C
A SE
leurs dépcnfes ne font guère moindres cp.ic
celles d'une cpoufe légitime. La première
de tontes qui doinie un enfant mfilc à l'em-
pereur eft réputée telle , quokjii'elle n'en
porte point le nom , 8c qu'on ne lui donne
que celui de première ou grande favorite ,
buyuk afcki. Son crédit dépend de fon cf-
prit, de ion enjouement, fcc de fes intrigues
pour capti\er les bonnes grâces du grand-
leigneur j car depuis Bajazet I , par une loi
pul)lique , les fultans n'époufcnt JBir.ais de
femmes. Soliman II la viola pourtant en
faveur de Roxelane. Le fiiltan peut honorer
de la couronne & entretenir juiqu'à cinq
cfekis à la fois : mais cette dépeniè énorme
n'eft i^as toujours de fon goût , & d'ailleurs
les befoins de l'état exigent quelquefois qu'on
la retranche. Les afckis ont eu fouvent paît
au gouvernement & aux ré\'olutions de l'em-
pire turc. Guer, maurs & ufagesdes Turcs ,
tom.II.(G)
* ASF.M , ( Géog. faimc. ) ville frontière
de la tribu de Juda & de Siméon , dans la
Terre-promifè.
* AsEM . royaume de l'Inde , au delà du
Gange, ^'ers le lac du Chian;aï. Il y a dans
ce paj's des mines d'or , d'argent , de fer ,
de plomb , des foies , de la laque excellen-
te , &c. Il s'y fait aufii un ccivimerce confi-
dérable de i^racclets & de carcans d'é-aille
de tortue eu de coquillaçre.
* ASLMONA ou HASSEMON , ville
de la Terrc-j-romifè , fi;r les confins de la
tribu de Juda , du côté de l'Idumce.
* ASiiNA, {Géog.fatnce.) viUc de la
Terre-proniife , dans la tribu de Juda, en-
tre Sar,'.nea & Zanoe.
ASF.R ( LA TRibU d' ), Gtogr. contrée
de la Paleftine qui s'étendoit du iîjd au
nord , depuis Ftolémais ou S. Jean d'Acre ,
juftfu'à Sidon ; elle étoit confinée à l'orient
par la tribu de Nephtali , ^■?. à l'occident par
la n:er : elle étoit habitée par le peuple def-
cendu ^Afer , fils de Jacob, &de Zelpha,
fervantc d'E.lia. {C.A.)
AsrR, (Gcogr.) petite ville d'Afie , en
Arabie , fur le golfe de BaiTcra. Il y a un port
afiez bon & affez commode pour mouiller
l'ancre :, mais le pays eft fi ftérile que les
hommes & les bcftiaux n'y vivent que de
poiiTbn. On y fait com.mcrce de. che\aux.
Les Portugais y avoieyt autrefois uii coxiful j
A S H tfjT
mais aujourd'hui il n'y a aucun établi/Tcmcnt
de chrclicns. ( C. A.)
* ASER-G ADD A , ville dePaleftine , dans-
la tribu de Juda , entre Moada &. Hafîén-.on.
ASGAR , (Gi'ngr.) province d'Afrique,
au royaume de Maroc , lltuce entre le
royaume de Fez , & la province de Habat j
elle a vingt-fept lieues de longueur , fiir
vingt de largeur ^ fes principales villes font
Larafch ou Larache , & Alcaçar Quivir.
On prétend que c'eft la jilus riche province
d'A trique , en blé , en béiail , en laines,
en cuirs & beurre. ( C. A.)
ASHBORN, (Gc'ogr. ) pciite ville d'An-
gleterre , au comté de Darby. Elle eft fur
une jjetite rivière au nord-oucft de la ville
de Daiby , & au nord-cft de Stalîord. Long.
15, 50- /nt. :55, Z5. (C. A.)
ASHFORD , (Gtogr.) petite ville d'An-
gleterre , au comté de Kcp.t. Elle eft fur la
rivière Defiure , à cinq lieues au dcficus
de Cantorbcry, & à deux lieues de la mer.
Long. 18. 50 • /et. 51 , 10. (C. A ).
ASHLEY , (Gcogr. ) riiiere de l'Améri-
que feptentrionale , dans la Caroline. Elle a
Ibn embouchure dans la mer du nord, con-
jointement a^•ec la rivière de Cooper. (C. A.)
ASFIURST, (Ge'ogr.) petite ^ille d'An-
gleterre , au comté de Kent. Elle cil fur les
frontières du comté de Sulîéx , au fiid-ouefl
de Cantorbéry , dans une fituation très-agréa-
Lle, environnée de bois &de payfages chîir-
mans. Long, 18 :, lai. 51 , IS- ( C.A.)
* ASIARQUES, f. m. pi. (Hif. anc.)
c'efi ainfî qu'on appelloit dans certaines villes
d'Afie , des hommes revêtus pour cinq ans
de la fouvcraine prétrife ;, dignité qui don-
noit beaucoup d'autorité , & qui fé trouve
fjinent mentionnée dans les médailles 8c
dans les infcriptions. Les afiarques étoient
fouverains prêtres de plufieurs \illes à la
fois. Ils faifoient célébrer à leurs dépens
des jeux folemnels 8c publics. Ceux de la
ville d'Epheie empêchèrent S. Paul , qu'ils
eflimoient , de iè préfeuter au théâtre pen-
dant la fédition de l'orfcN re Démétrius.
ASIAS , (Mufq. infi. des cnc.) au rap-
port de Bullenger ( Je tkeairo , c. rvij. ) \afias
étoit la première forte de cithare faite par
Ccpiofi , difciple de Terpandre, 8c fon nom
hii venoit de ce que les LesLicns , voifmç
de l'/Vfie j s'en jferxcieiit. ( F. D. C. }
6ii A S I
ASIATIQUES. Plnlofophie JeS Ajlatl-
ques en général. Tous les habitans de l'Afie
font ou mahométans , ou païens , ou chré-
tien'i. La feue de Mahomet e(l fans contre-
dit la plus uoinbreufe : une partie des peu-
ples qui compofent cette partie du monde a
coniervé le culte des idoles ; & le peu de
chrétiens qu'on y trouve font fchifmatiques ,
& ne font que les reftes des anciennes lèthes ,
& fur-tout de celle de Neftorius. Ce qui pa-
roîtra d'abord liirpreuant , c'eft que ces der-
niers font les plus ignorans de tous les peu-
ples de l'Afie , & peut-être les plus dominés
par la fuperftition. Pour les mahométans ,
on fait qu'ils font partagés en deux léétes.
La première eft celle ^ /iboubecre , & la fo-
conde eit celle S Ali. Elles fe haiÏÏent mu-
tucllenient , quoique la différence qu'il y a
entre elles , conliilc plutôt dans des cérémo-
nies & dans des dogmes accelîbires , que
dans le fond de la dodrinc. Parmi les ma-
hométans , on en trouve qui ont confer\é
quelques dogmes des anciennes fccles phi-
lofophiques , & fur-tout de l'ancienne phi-
lofophie orientale. Le célèbre Bernier qui a
l'écu long-temps parmi ces peuples , & qui
étoit lui-même très-verfé dans la philofo-
phie , ne nous permet pas d'en douter. Il
dit que les Soufis Perfans , qu'il appelle
cabalifles , « prétendent que Dieu , ou cet
}) être fouverain qu'ils appellent achar ,
)) immobile , immuable , a non feulement pro-
3) duit , ou tiré les âmes de fa propre fubf-
)) tance , mais généi^alement encore tout ce
« qu'il y a de matériel & de corporel dans
» l'Univers; & que cette produâion ne s'eft
» pas faite iîmplement à la façon des caufes
» efficientes , mais à la façon d'une araignée ,
» qui produit une toile qu'elle tire de fon
» nombril , & qu'elle répand quand elle
» veut. La création n'eft donc autre chofe ,
)) fuivant ces dofteurs , qu'une extrmftion
» & extenfion que Dieu fait de fa propre
)) fubllance , de ces rets qu'il tire comme
» de {es entrailles ,de même que la deftruc-
)) tion n'cR autre choie qu'une iîmple re-
» prifc qu'il fait de cette divine fubltancc ,
» de ces divins rets dans lui-même; enforte
» que le dernier jour du monde qu'ils ap-
3J pellent mapeilé o\\ pralea , dans lequel ils
)) croient que tout doit être détruit , ne fera
w autre choie qu'une reprifc géucriilc de tous
A S î
y»» ces fétS, que Dieu avoit ainfi tirés de lui-
» même. Il n'y a donc rien , difent-ils , de.
)) réel & d'effedif dans tout ce que nous
)) croyons voir , entendre, flairer , goûter,
» & toucher : l'univers n'eft qu'une eipece
» de fouge & une pure illufion, en tant que
» toute cette multiplicité & diverfité de cho-
» (es qui nous frappent , ne font qu'une feule ,
» unique , & même chofe , qui eft Dieu
)) même ; comme tous les nombres divers
)j que nous connoiffons , dix , vingt , cent ,
» & ainfi des autres , ne font enfin qu'une
» même unité répétée plufieurs fois. )> Mais
li vous leur demandez quelque raifon de ce
lèntiment , ou qu'ils vous expliquent com-
ment fe fait cette fortie , & cette reprife de
fubftance , cette extenfion , cette diverfité
apparente , ou comment il fe peut faire que
Dieu n'étant pas corporel , mais fimple ,
comme ils l'avouent , & incorruptible , il
foit néanmoins divifé en tant de portions de
corps & d'ames, ils ne vous paieront jamais
que de belles comparaifons ; que Dieu eft
comme un océan immenfè , dans lequel fe
mouvroient plufieurs fioles pleines d'eau ;
que les fioles , quelque part qu'elles pulfent
aller , fc trouvcroieiit toujours dans le même
océan , dans la même eau \ & que venant
à fe rompre , l'eau qu'elles contenoieat fe
trouveroit en même temps unie à fon tout ,
à cet océan dont elles étoient des portions :
ou bien ils vous diront qu'il en eft de Dieu
comme de la lumière , qui eft la même
par-tout l'univers , & qui ne lailîe pas
de paroître de cent façons différentes , fé-
lon la diverfité des objets où elle tombe,
ou félon les diverfes couleurs & figures des
verres par où elle palfe. Ils ne vous paieront,
dis-je , que de ces fortes de comparaifons ,
qui n'ont aucun rapport a\ec Dieu , & qui
ne font bonnes que pour jeter de la poudre
aux yeux d'mi peuple ignorant ; & il ne faut
pas ci^iérer qu'ils répliquent folidement , Ci
on leur dit que ces fioles fe trouveroientvéri-
tablement dans une eau fen^.blable, mais
non j)as dans la même ; & qu'il y a bien
dans le monde une lumière fcnibiable , 6c
non pas la même ■■, 8c ainfi de tant d'autres
objedions qu'où leur fait. Ils reviennent
toujours aux mêmes comparaifons , aux
belles [Kiroles , ou , comme les Soufis , aux
belles pocfics de leur Couii-àtri-raz-
Yoilà
A S I
Voilà la doftriiic des Pendcts , g-entils
des Indes ^ & c cft cette mcme dodtriiie qui
fait encore à prcfcnt la cabale des foufis &
de la plupart des <^ens de lettres perduis ,
8f qui lé trou\e exj)liquée en vers i)erfîens ,
li relevés & fî einj)hatiqnes dans leur Goutt-
hen-rai , ou parterre des myjleres. C etoit la
doélrine de Pludd , que le célèbre Gailéndi
a fî doctement réfutée ; or pour peu qu'on
connoiiîè la doctrine deZoroaftre &: la phi-
loibpJiie orientale , on verra clairement
qu elles ont donné nailTance <à celles dont
nous venons de piirlcr.
Après les Perfcs viennent les Tartares ,
dont l'empire ell ic plus étendu dans l'Afie \
car ils occupent toute l'étendue du pays qui
eft entre le mont Caucnle & la Chine. Les
relations des \'oya<:^eurs iiir ces peuples font
fi incertaines , qu'il eft extrêmement diilî-
cile de favoir s'ds ont jamais eu quelque
teinture de philofophie ; on fait feulement
qu'ils croupillent dans la plus grolîiere fîi-
perftition, & qu'ils font ou mahométans ou
idolâtres. Mais comme on trouve parmi eux
de nombreu(cs communautés de prêtres
qu'on appelle lamas , on peut demander avec
raifon s'ils fontauffiigiioraas dans lesfcien-
ces que les peuples grolfiers qu'ils font char-
gés d'inftruire : on ne trouve pas de gjands
éclafrciircmens fîir ce fujet dans les auteurs
qui en ont p;irlé. Le culte que ces lamas
rendent aux idoles , eft fondé fiir ce qu'ils
croient qu'elles fijiit les i'.r.ages des émana-
tions divines , & que les am.es , qui font
auiîi émanées de Dieu , habitent dans elles.
Tous ces lamas ont au deÛus d'eux un grand-
prêtre appelle le grand-lama , qui fait la de-
meure ordinaire fur le fommet d'une mon-
tagne. On ne fauroit imaginer le profond
refpcét que les Tartares idolâtres ont pour
lui; ils le regardeiit comme immortel, &
les prêtres rubalternes entretiennent cette
«rreur par les fupercheries. Enfin tous les
voyageurs conviennent que les Tartares fout
de tous les peuples de l'Afie les plas gref-
fiers , les plus ignorans oc les plus liiperlH-
tieux \ la loi naturelle y ell prciqu'éteinte :
il ne faut donc pas s'étonner s'ils ont fait fi
peu de progrès dans la philofophie.
Si de la Tartarie on palfe dans les Indes ,
on n'y trouvera guère moins d'ignorance
&. de fuperitition -, julque-là que quelques
Tome 111,
A S I ^11
auteurs ont cru que les Indiens n'avoicnt
;,ucune coiuioiilànce de Dieu. Ce fentiment
ne nous paroît pas fondé. En ciTet , Abra-
ham Rogers raconte que les Bramins recon-
noillcnt un feul & liiprême Dieu , qu'ils
nomment Viflnou ; que la première & la
plus ancienne produftion de ce Dieu, étoit
unetlivinité inférieure appelléc Brama ^r^^'A.
forma d'une fleur qui flottoit fiir le grand
abyme avant la création du monde ; que
la vertu , la fidélité & la rcconnoillance de
Brama avoient été fi grandes , que Virtnou
l'avoit doué du pouvoir de créer l'univers.
Le détail de leur dodlrine eft rapporté par
diderens auteurs avec une variété fort em-
barralfante pour ceux qui cherchent à dé-
mêler la vérité ; variété qui vient en partie
de ce que les Braiiiins font fort réforvés avec
les étrangers , inais principalement de ce
que les voyageurs foiit peu verfés dans la
langue de ceux dont ils fè mêlent de rap-
porter les opinions : mais du moins il eft
confiant par les relations de tous les mo-
dernes , que les Indiens reconnoifTent une
ou plufieurs divinités.
Nous ne devons point oublier de parler
ici de Bndda ou Xekia , fi célèbre parmi
les Indiens , auxquels il enfeigna le culte
qu'on doit rendre à la Divinité, & que ces
peuples regardent comme le plus griuid phi-
îofbphe qui ait jatnais exillé. Son hilloire
fe trouve fi remplie de fables 6c de contra-
diftions , qu'il fcroit impofiible de les con-
cilier. Tout ce que l'on peut conclure de
la diverfivc des fentimens que les auteurs
ont eus à fon fujet , c'eft que Xekia panit
dans la partie jr.éridionale des Indes , &
qu'il fe montra d'abord aux peuples qui ha-
bitcient for les rivages de l'Océan ; que de -là
il envoya fes dilciples dans toutes les Indes ,
où ils répandirent là doftrine.
Les Indiens & les Chinois atteflent una-
nimement que cet impofteur avoit deux
fortes de doctrines •■, l'une faite pour le peu-
ple \ l'autre focrete , qu'il ne révéla qu'à
quelques-uns de fos difciples. Le Comte ,
la Loubere, Bernier, &; liir-tout Kempfer,
nous ont fiiffifainiiient inftruits de la pre-
mière qu'on nomme exotérique. En voici
les principaux dogmes.
I °. Il y a une différence réelle entre le
bien & le mal.
Hhhh
634-
A S I
2°. Les âmes des hommes & des aui-
in?aix font immortelles , & ne différent en-
tr'elles qu'à raifon des fujets où elles fe
trouvent.
3°. Les âmes des hoinmes féparées de
leurs corps , reçoi\'ent ou la récompenfe de
leurs bomies actions dans un féjour de déli-
ces , ou la punition de leurs crimes dans un
féjour de douleurs.
4°. Le féjour des bienheureux eft un lieu
où ils goûteront un bonheur qui ne finira
point , & ce lieu s'appelle pour cela gokurakf.
5". Les dieux diiîèrent entr'eux par leur
nature , & les âmes des hommes par leurs
mérites \ par conféquent le degré de bon-
heur dont elles jouiront dans ces champs
élyfées , répondra au degré de leurs mérites :
cependant la melùre du bonheur que cha-
cune d'entr'elles aura en partage fera fi
grande, qu'elles ne fouhaiteront point d'en
avoir une plus grande.
6°. Amida ell le gouverneur de ces lieux
îicureux , & le protedteur Azi âmes humai-
nes , fur-tout de celles qui font deftinées à
jouir d'une vie éternellement heureufe : c'eft
îe feul médiateur qui puilie faire obtenir
aux hommes la rémiiïion de leurs péchés
& la vie éternelle. {Pluficurs Indiens &
quelques Chinois rapportent cela à Xekia
iui-mcme. )
7". Amida n'accordera ce bonheur qu'à
ceux qui auront fuivi la loi de Xekia , &
qui auront mené une vie vertueufè.
8°. Or la loi de Xekia renferme cinq pré-
ceptes généraux, delà pratique defquels dé-
pend le falut éternel : le premier , qu'il ne
faut rien tuer de ce qui eft animé : z". qu'il
ne faut rien voler: 3°. qu'il faut éviter l'in-
celie : 4°. qu'il faut s'abftenir du menfonge:
5°. & fur-tout des liqueurs fortes. Ces cinq
préceptes font fortcélebres dans toute l'Afie
méridionale & orientale. Plufieurs lettrés
les ont commentés , & par conféquent obf-
curcis ^ car on les a divifés en dix confeils
pour pouvoir acquérir la perfeûion de la
vertu. Chaque confeil a été fubdivifc en
cinq go fiakkai ou initruftions particulières,
qui ont rendu la doctrine de Xekia extrê-
mement fubtilc.
9°. Tous les homm.cs , tant fécuL'ers qu'cc-
cléfiaftiques , qui fe feront rendus indignes
du bojilieur éteruel par l'iaiquité de leur
AS î
vie , fèront envoyés après leur mort (îafls
un lieu horrible appelle dfigokf^ où ils fouf-
frironî des tourmens qui ne feront pas éter-
nels , mais qui dureront un certain temps
indéterminé. Ces tourmens répondront à la
grandeur des crimes , & feront plus grands à
mefure qu'on aura trouvé plus d'occafions de
praticjuer la vertu, & qu'onles aura négligées.
10". Jemma O eft le gouverneur & le juge
de ces priions aftreufes ^ il examinera toutes
les actions des hommes , 8f les punira par
des tourmens différens.
11°. Les âmes des damnés peuvent re-
cevoir quelque Ibulagement de la vertu de
leurs parens & de leurs amis; & il n'y a rien
qui puilfe leur être plus utile que lès prières
& les facrifices pour les morts , faits par les
prêtres & acheifés au grand-pere des mifé-
ricordes , Amida.
L'interceftion d'Amida fait que l'i-
iz
nexorable juge des enfers tempère la ri-
gueur de lès arrêts , & rend les fupplices
des damnés plus fupportables , en fauvant
pourtant là juftice, & qu'il les renvoie dans
le monde le plutôt qu'il eft poffible.
13°. Lorlque les âmes auront ainiî été ■
purifiées , elles feront renvoyées dans le
monde pour animer encore des corps , non
pas des corps humabis , mais les cori)s des
animaux immondes , dont la nature répon-
dra aux vices qui avoient infe£té les damnés
pendant leur vie.
14". Les âmes pafferont fucceffivement
des corps vils dans des corps plus nobles ,
julqu'à ce qu'elles méritent d'animer encore
un corps humain , dans lequel elles puif-
lent mériter le bonheur éternel par une vie
irréprochable. Si au contraire elles commet-
tent encore des crimes , elles fubiront les
mêmes peines , la naême tranfmigration-
qu'auparavant.
Voilà la doctrine que Xekia donna auîc
Indiens, & qu'il écrivit de fi main fur des
feuilles d'arbre. Mais là doctrine cxotérique
ou intérieure eft bien différente. Les auteurs
indiens a/ïïirent que Xekia le \oyant à ion.
heure dernière , ajipella lès difciples , &
leur découvrit les dogmes qu'il a\oit tenus
fccrets pendant fa vie. Les voici tels qu'oa
les a tirés des li\Tes de fcs fucceftcurs.
i'*. Le viiide eftle prijicipc fie la fin de
toutes chofes»
A S ï
i*. Ceft de-là que tous les hoinines ont
tiré leur origine , & c elè-là qu'ils retourne-
ront après leur mort,
3°. Tout ce qui exifte vient de ce prin-
cipe , & y retourne après la mort. C'eft ce
principe qui conilituc notre ame & tous les
élémens ; par confëqueiit toutes les cliofes
qui vivent , penfcnt & iènteiit , quelque
différentes qu'elles foient par l'ufàge ou par
la figure , ne différent pas en elles-mêmes ,
& ne font point dilHnguccs de leur principe.
4". Ce principe ell univerfel , admirable ,
pur , limpide , l'ubtil , infini ; il ne peut ni
naître , iii mourir , ni être diffous.
5". Ce principe n'a ai vertu , ni entende-
ment , ni puli-Uance , ni autre attribut icm-
blable.
6°. Son eircnce eft de ne rien faire , de
ue rien pcnf'er , de ne rien délirer.
7". Celui qui fôuhaite de mener une vie
innocente & heureufc , doit faire tous fes
efforts pour Ce rendre femblable à fon prin-
ci])e , c'eft-à-dire qu'il doit domter , ou
plutôt éteindre toutes fes paffions, afin qu'il
ne /bit troublé ou inquiété par aucune chofe.
8". Celui qui aura atteint ce point de
perfeâiion , fera abforbé dans des contem-
plations liiblimes , fans aucun ufage de fon
entendement , & ii jouira de ce repos divin
qui fait le comble du bonheur.
9°. Quand on eil parvenu à la connoif-
/ànce de cette doctrine fublirne, il fautlallfer
au peuple la doftrine exotérique, ou du moins
ne s'y prêter qu'à l'extérieur.
Il eft fort vraifemblable ^ue ce fyftême
adonné naiifauceà une feète fameufc parmi
les Japonois , laquelle enfèigne qu'il n'y a
qu'un principe de toutes chofcs •■, qiie ce
principe eftclair, lumineux, incapable d'aug-
mentation ni de dimijiution , fans figure ,
fouverainement parfait, fage , mais dclHtué
de raifon ou d'intelligence , étant dans une
parfaite inadion & fouverainement tran-
quille , comme un homme dont l'attention
ell fortement fixée fur une chofe fiîns penfer
à aucune autre. Ils difent encore cjue ce prin-
cipe elî dans tous les êtres particuliers , &
leur communique fon elfence en telle maniè-
re qu'elles font la même chofe avec lui , &
qu'elles fe réfblvent en lui quand elles font
détruites.
Cette opinion eft différente du Spinofif-
A SI 6-3y
me , eft ce qu'elle fuppofe que le monde .1
été autrefois dans un état fort différent de
celui où il elt à préfent. Un feètateur de
Confucius a réfuté les abfurdités de cette
fèilie par la maxime ordinaire , que rien ne
peut venir de rien ; en quoi il paroît avoir
fuppofe qu'ils enfèignoient que rien efl le
premier principe de toutes choies , & par
confequent que le monde a eu un commen-
cement, finis matière ni caufc efficiente;
mais il efl plus vraifemblable que par le
mot de vuide ils entendoient feulement ce
qui n'a pas les propriétés fènfibles de la ma-
tière •■, & qu'ils prétendoient défigner par-là
ce que les modernes expriment par le terme
d'efpace , qui cff un être très-diftinél du
corps , & dont l'étendue indivifible, impal-
pable, pénétrable, immobile & infinie, efl
quelque chofe de réel. Il eft de la dernière
évidence qu'un pareil être ne fuiroit être le
premier principe, s'il étoit incapable d'agir^
comme le prétendoit Xekia. Spinofàn'apas
porté Tabfurdité fi loin ; l'idée ;ibfiraite qu'il
donne du premier principe , n'eft , à propre-
ment parler , que l'idée de l'efpace qu'il a
revêtu de mouvement , afin d'y joindre en-
fuite les autres propriétés de la matière.
La doctrine de Xekia n'a pas été incon-
nue aux juifs modernes ^ leurs cabaliftes
expliquent l'origiiie des chofcs par des éma-
nations d'une caufè première , & par con-
fequent préexiflante , quoique peut-être fbus
une autre forme. Ils parlent auiîi du retoiu:
des cliofes dans le premier être , par leur
refîitution dans leur premier état , comme
s'ils croyoient que leur en-fop/i ou premier
être infini contenoit toutes chofes , & qu'il
y a toujours eu la même quantité d'êtres ^
xbit dans l'état incréé , foit dans celui de
création. Quand l'être eft dans fon état iii-
créé , Dieu eft fimplement toutes chofes ;
inais quand l'être devient monde , il n'aug-
mente pas pour cela en quantité , mais Dieu
fe développe & fe répand par des émana-
tions. C'eft pour cela qu'ils parlent fbuvent
de grands &; de petits vailléaux , comme
deflinés à recevoir ces émanations de rayons
qui fbrtent de Dieu , & de canaux par lel-
quels ces rayons font trantiiiis : en un mot,
quand Dieu retire ces rayons , le monde
extérieur périt, & toutes chofes redeviennent
Dieu,
H h h h 2
6^6 A S I
L expofé que nous venons de donner de
la doétrine de Xekia , pourra nous férvir
à découvrir fa véritable oriî^ine. D'abord
il nous paroît très-probable que les Indes
ne furent point fa patrie , non feulement
parce que fa doètrine parut nouvelle dans
ce pays-là lorfqu'il l'y apporta , mais encore
parce qu'il n'y a point de nation Indienne
qui fe vante de lui avoir donné la nailfance ;
& il ne faut point nous oppofer ici l'autorité
de la Croze , qui ailiire que tous les Indiens
s'accordent à dire que Xekia naquit d'un roi
Indien ; car Kempier a très-bien remarqué,
que tous les peuples fitués à l'orient deTAiie,
donnent le nom d'Indes à toutes les terres
auflrales. Ce concert unan.ime des Indiens
ne prouve donc autre chofe , iinon que
Xekia tiroit fon origine de quelque terre
méridionale. Kempfer conjeîhire que ce
chef de fefte étoit Africain , qu'il avoit été
élevé dans la philofophie S: dans les myf-
teres des Egyptiens •■, que la guerre qui dé-
foloit l'Egypte l'ayant obligé d'en fortir , il
fe retira avec fes compagnons chez les In-
diens ; qu'il fe donna pour un autre Hermès
£c pour un nouveau légiflateur , & qu'il en-
feigna à ces peuples non feulement la doc-
trine hiéroglyphique des Egyptiens , mais
encore leur doctrine myftérieufe.
Voici les raifons fur lefquelles il appuie
fon fentiment.
1°. La religion que les Indiens reçurent
de ce légiflateur , a de très-grands rapports
avec celle des anciens Egyptiens ;, car tous ces
peuples repréfentoient leurs dieux Cous des
£gures d'animaux & d'hommes monftrucux.
2°. Les deux principaux dogmes de la
religion des Egj'ptiens , étoient la tranfmi-
gration des âmes , & le culte de Sérapis ,
qu'ils repréfentoient fous la figure d'un bœuf
ou d'une vache. Or il eft certain que ces
deux dogmes font aufll le fondement de la
religion des nations Afiatiques. Perfonne
n'ignore le refpeft aveugle que ces peuples
ont pour les animaux , même les plus nui-
fîblcs , dans la perfuafion où ils font que les
âmes humaines font logées dans leurs corps.
Tout le monde fut aullî qu'ils rendent aux
vaches des honneurs fuperllitieux , & qu'ils
en placent les figures dans leurs temples. Ce
qu'il y a de remarquable , c'eft que plus les
nations barbares approchent de l'Egypte ,
A S I
plus on leur trouve d'attachement à ces deux
dogmes.
3°. On trouve chez tous les peuples de
l'Afie orientale la plupart des divinités Egyp-
tiennes , quoique fous d'autres noms.
4". Ce qui confirme fur-tout la conjec-
ture de Kempfer , c'cft que $z6 ans avant
J. C. Cambyfe roi des Perfes , fit une irrup-
tion dans rÉgj'pte , tua Apis , qui étoit le
palladium de ce royavime, & châtia tous les
prêtres du pays. Or ii on examine l'époque
eccléfiaftique des Siamois , qu'ils font com-
mencer à la mort de Xekia , on verra qu'elle
tombe précifément au temps de l'expédi-
tion de Cambyfe :, de-là il s'enfuit qu'il eft
très-probable que Xekia fe retira chez les
Indiens , auxquels il enfeigna la doétrine de
l'Egypte.
5". Enfin l'idole de Xekia le reprefente
avec un vifage éthiopien , & les cheveux
crépus : or il eft certain qu'il n'y a que les
Africains qui foient ainfi faits. Toutes ces
raifonsbien pefees, femblentnelaillëraucuu
lieu de douter , que Xekia ne fut Africain,
& qu'il n'ait enléigné aux Indiens les dogmes
qu'il avoit lui-même puifés en Egypte.
* ASIBE, ville de Méfopotamie , appellée
par les habitans Antiochia.
Il y a encore une ville de l'Afie mineure ,
du même nom , dans la Cai^padoce , vers
l'Euphrate & les monts Mofchiques.
ASIE, l'une des quatre grandes parties
de la terre , & la féconde en ordre , quoique
la première habitée. Elle eft féparée de
l'Europe par la mer Méditerranée , l'Ar-
ciiipcl , la mer noire , les Palus Méotides ,
le Don & la Dvs-ina -, de l'Afrique par la
mer Rouge & l'ifthme de Suez. Elle eft
des autres côtés entourée de l'Océan ^ fes
parties principales font l'Arabie, la Turquie
Afiatiqiic , la Perfc , l'Inde , la Tartarie , la
Mofcovie Afiatiquc , la Chine , le Japon , le
royaume d'Ava , celui de Siam , l'île de
Ceylam , les îles de la Sonde , dont les prin-
cipales font Sumatra , Bornéo , Java , l'ilc
desCélebes ,leï Moluques , les Philippines,
les Maldives : elle peut avoir d'occident en
orient environ 1750 lieues , & du midi au
fcptentrion 1550.
Les peuples de ce vafte continent , ceux
fur-tout qui en occupent le milieu , & qui
habitent les côtes de l'Océan fcptentrional ,
i
-vif de Ij ptigt 6^7.
IVISION GENERALE
DE L' A S I E.
i
^^=s=
DANS
L F,
CONTINEN
A
t ( Ti/RQi'ir EN Aiiï
[-
DANS LA MER.<
J ri-n ac» 5" le i-Carion,
f Occidenule, } lo Pays des jHongouîi cb Mo,
^ -i les £«
> i le l'^y.
Mogoli.
les Éuis du Gcini-Kan des Hlcuichct,
dei Utbecks.
f le GouvtrnemcBl
.\ tclu. de C.fsn.
i U Sibe.ie.
Circairici & divers peiiu Peuples libres qui hibiieoi
d'Aftiacan.
Ici Pfovincei dt
Nanekiiig,
CKck.an ,
K.ar^fi , .
I Fpkien, .
HuqLsng,
Quanefi,
F Qjcicheu ,
Vurnan, .
Suchuen,
. de l'Eft i l'Oucft.
i de l'Eft i l-Oue(l.
L« É'ats du
Gnnd-Mogal ,
L« Prerqu'ifle dc\
l'Inde en drçi du '^ les Royaumes de ■
les Royaumes de / u'IiV^lV' '.!!!! ! ! ! ! ! S" ^"' '"^^ ^^'" *** '* '*'"■
, ^ Gokunde, 3
I Bifnagar, ? d.ins le milieu ,
Malabar S veii le Sud,
La Prefûu'idc de
l'indeaudelàdu <
Gange,
Pigu,
■ du Nord ail Midi.
J f Maruban, .
/ Sian. . < ^'^^ . - -
(^ l Mala.a, . .
( Seirvan, >
i de ^ Kilai. , ^ de l'OL;eft i 1
( Chorian, ^
C Erackaiicm,
vifite4 de < S.ibluliin , ,
( SimlUn, .
les Piovincei di
La Niiolie, eu 1 |
l'Anaiolie, J
-Syrie ^ 1
r Churillan
(. Miktan,
■■;■■;;■•(. de l'Ouctl à l'Eft.
^ Ama'icrT*"''"'?'"'! ! ! 1 ! ! '. I »tl Nord de rOueft i l'Eft.
i AiXy?'. ::::::'.:::: ^ au s.d de i-ouea à i-Eft.
f Sytid propremcDi duc,
r l Phcnie.c,
t Palellinc, ou Tetie-Samte, ....
■ du Nord lu Midi.
Is Piovinccî de <
i de i'EvïHRAÏÏ,
> du Nord au Midi.
I Oman,
BiliraiTTi
Juhanio
lcDi;ibeck,
V
Nord lu Midi.
laTutcomanie,^ le CuSn '.' ^'."'''.'''"■.'^''' l **' '"O"'" * ''^''■
laGeo.gie.-.-J ;;^';,g;;'_; ; ; ; ; } de rOueft à l'Eft.
( Le Japon . .
3 L'ine dî Xicoc
> Btmen , t.'t. .
C L'Idc de Niph.
Lit hits fmufy
LEI IsLEt Moi.l.'QOES
Lu(on ou Lticoni
; Tindaye , . ■
MindjraO , e<.
Xicoco , ea Toeoefi , . .
eft Manille.
Les Islesdi ia Sof
l Tetnaie , . .
\ L-llledeGilolo,
. < CileUî , . .
J L'IlledcGccim,
V Amboine, tsc. .
i> < Guan, «llGlla^ar
( B,,
^ J Sun
t J.v,
'.'.'.'.'.'. V du Noid
'.'.'.'.'.', Ç de rOue
!!!.'!; S du Sud a
du Nord-Eft au Sud-Oueft.
Nord.
Lii II LES D» L
Lis luLf Ma:
2- fous rÉquiiteur.
Siicnatia 1 i
tSc ....>..: } au Sud des deux i
L(S IsLEï Maldives, dont la ftîntipjU tjl Mâle. Lt namht dt <it ijlit ifi ieii-<anf,dtrihli , mau illn (ont teutii fitiiti.
i, V\%\.t 01 Ceylan, «i Vea trtatt /</( Rotoutu ; t< plut cenfiiiraUt iji filui dt Cami».
A S I
nous font peu connus : excepté les Mofco-
vites qui en poflbdcMt quelque portion , &
dont les caravanes en traverlcnt tous les ans
quelques endroits , pour fe rendre à la Chi-
ne : on peut dire que les Européens n'y font
pas grand négoce. S'il y a quelque choie
d'important à obferver furie commerce à\4-
Jie , cela ne concerne que les côtes méri-
dionales & orientales : le leéleur trouvera
aux diftérens articles des noins des lieux,
les détails généraux auxquels nous nous
ibmmes bornés fur cet objet.
Asie Septentrionale , ( Géogr.) Re-
cherches fur f étendue des parties feptentrio-
nales de fAfie. Commençons par établir
la véritable longueur du continent de \ Ajje.
On n'a pu commencer à s'en former une
idée, quant à fi partie méridionale & orien-
tale méine au delà du Gange , que par les
relations qu'on en a eues depuis les navi-
gations commencées dans le xvie iiecle ,
&; leur diverfité avec les chaiigeirsens ar-
bitraires qu'on a faits : il s'eft p;iiîë bien du
temps avant qu'on ait pu fixer la polition
de cette moitié de \AJie; encore eft-e!le
fiiiceptible de correâion, malgré les oblcr-
vations des PP. jéfuites à Pékin , les plus
exadfes qu'on ait. Je vais donc rapporter
le réfultat de quelques cartes , pour en tirer
des conclufions.
Je dois avertir que pour cette longueur
les géographes du fiecle pallé & ceux du
commencement de celui-ci plaçoient l'ex-
trémité orientale des côtes de la Tartarie
& de la Corée de 155 à 185 degrés ; le
Japon , de 171 à 185. M. Allard , dans
la carte de Witfen , marque le lleuve Kamt-
zata , apparemment Kamtfchat , avec un
cap à fon nord à 178 degrés.
Les PP. jéfuites aftronomes & mif-
fîonnaires au royaume de Siam , ont trou-
vé , après nombre d'obfervations , qu'en gé-
néral on avoir donné près de 508 lieues ou
plus de 25 degrés d'étendue de trop à ïAjie.
En 1724, M. Guillaume de l'Ille faifoit
avancer la côte depuis le Lena fud-eft du
135e au i6o« degré, où il plaçoit celle
d'Ochotsk. vers le fud , d'après les nouvel-
les cartes j leurs auteurs en la faifant com-
mencer au iiid, depuis laLopat-ka, mar-
quant celle-ci à 175 degrés, ont jugé à pro-
pos de placef la pointe la plus orientale à
k S l éyj
105-108 déférés, lis font allés bride en main
pour \A//e ci-devant connue ôc lès côte» ,
en ayant confcrvé à-peu-près la poiuion
environ 160 & 161 degrés, depuis Ochotsk
vers l'embouchure de l'Amur. Mais pour
le nord de ÏA//e , ils fc font donné pleine
carrière , & croyant n'être pas gènes par
des cartes ni relations , ils puuvoient y fubi-
tituer leurs idées ou ce qu'ils donnoient pour
telles , le tout arbitrairement;, c'eil ce que
nous nous pi-opofons d'examiner avec toute
l'cxaèlitudc & l'impartialité pollible , na-
doptant que ce qui ell le mieux prouvé fans
y préférer de pures conjeftures, desrelations
mal expliquées à ce qu'elles difcnt vérita-
blement , de quelque date qu'elles foient.
La nouveauté , fi elle n'a pas un caraftere
d'authenticité fupérieur, ne doit pas être pré-
férée j & je ne dois pas imiter ni fîiivre ceux
que la politique rulfienne a pu faire agir con-
tre les axioines énoncés ci-devant à YarticU
Amérique. Nous devons pourtant remar-
quer que , {iiivant le témoignage de M.
Mullcr, Kirilovv dit , dans le titre de fon
atlas , « que toute la longueur de l'empire
» RufTien eft de 130 de ces degrés dont
)) 360 font toute la circonférence de la
)) terre. » Quoi de plus clair ! L'empire Ruf
lien commence aux iles de Dago & d'Oe-
fel au 40= degré de longitude ;, on le finit
dans les cartes à 105 ou 208. Comment con-
cilier ces 170 degrés a\'ecles 205 ou 208 des
cartes nouvelles ? Celles-ci ne fe réduiront-
elles pas d'elles-mêmes de 30 degrés &plus
en longitude ? On peut voir notre carte de
YAfie rédigée , n°. Il , dans les cartes géo-
graphie] ues de ce diclionnaire.
Nous expliquerons d'ailleurs à Varticle
Passage par le nord^ ce que c'eft que cette
politique rufïicnne , fur quoi elle eft; fon-
dée , & quelles preuves nous en avons.
Si les anciens avoient une coiuioilfance
Ç\ foible des pays méridionaux de XAjic en-
dclà du Gange, on ne fera pas furpris que
celle qu'ils nous ont pu tranfmettre des pays ,
côtes & mers des Hyperboréens , ou des ex-
trémités feptentnonales , le foit infiniment
plus ;, il faut même que Pline ait eu par ha-
fard connoillance du cap Tabin & de file
Tazzata : comme nous avons appris quel-
ques nouvelles de ces grands lacs vers l'ouefl:
de ï Amérique , par les fau\agcs faits pri-
Gjg A S t
fonniers , par d'autres , & par de fimpics
oui-dire , il faut fè contenter de ces foi-
blcs conaoiiTances en attendant mieux. Il
étoit impoiïîble d'en acquérir de plus am-
ples fans le moyen des Rudiens , qui juf-
qu'aux XV lie iiecle ne nous furent guère
moins inconnus que les Tartares fauvagesde
ces pays les plus feptentrionaux. Que dis-
jc ? Sans le Ruile Anicow , qui fit des fpé-
culations pour profiter d'un commerce lucra-
tif que les Samoïedes faifoient à Mofcow ,
des pelleteries venues de plus loin , la Sibérie
proprement ainfi dite auroit relié encore
long-temps inconnue aux Rulles même :
ce fut par lui & les fiens que ceux-ci con-
quircntla Sibérie, & montrèrent les moyens
de fiibjuguer peu à peu les peuples éloignés.
Les RvulTes eux-mêmes furent connus des
Européens par les voyages de ceux-ci. Les
Anglois & les Hollandois en eurent des con-
noillances , en cherchant un paffage par le
iiord-eft -^ ce fut alors qu'ils apprirent des
■Samoïedes , que la petite mer geloit en hi-
ver , la grande mer ne geloit jamais ^ qu'ils
y alloicnt à la pêche depuis le Piafida & le
Jenifcea ^ que vis-à-vis de la pointe orientale
& feptentrionale de la nouvelle Zemble, il y
en avoir une autre qui faifoit \m grand an-
jïle faillant depuis lequel alors la côte baif-
foit vers l'eft & fud-eft jufque vers les pays
chauds. Voilà à quoi fe réduifoient les con-
iioillances géographiques que l'on avoitdans
ce temps-là de la partie méridionale de ÏA-
jie , 8c les feuls matériaux avec lefquels on
pût dreffer des cartes. On étoit embarralTé
comment tout concilier , & ce d'autant plus ,
qu'encore de nos jours les Rufles nous ca-
chent ce qui , étant à notre portée , de\Toit
être le plus connu , la côte entre le Piafida
julqu'à la pointe de fon cap à l'eft: i°. on
avoue qu'elle a été reconnue par terre le
long du Piafida , & même les côtes de la
iner à fon ouc<l jufqu'à fon embouchure,
font remplies de fimovies ou habitations d'hi-
ver , par conféquent peuplées ^ & celles qui
ibnt au delà de cette petite rivière doivent
ttre fi inconnues , qu'on a cru devoir les
marquer d'une manière indéterminée.
On difoit, le cap Tabin doit faire \\\\ finis
terrap , une extrémité de \Afie vers le nord.
II y a une mer qui baigne toutes ces côtes :
on nous ailiirc q^u'une autre féparc \Ajk
A S I
Javec l'Amérique •■, il faut donc que ces dcins
mers fe joignent , & à cet endroit forment
un angle qui fera ce Tabin , & une île à fon
oueft qu'on indiquoit comme fe trouvant à
l'embouchure d'une rivière. Cette idée, mal-
gré tant d'autres découvertes qui dévoient
la détruire, a toujours fubfifté d'une façon
ou d'autre , jufqu'à nos jours. Il y en avoit
qui , fe fondant fur le rapport des Samoïe-
des , marquoient la côte depuis le cap vers
le Taimura en déclinant peu à peu vers le
fud-eft. D'autres, voulant concilier l'un avec
l'autre , marquoient cette déclinaifon feu-
lement vers le Lena , à fon embouchure ,
ayant appris qu'il s'y trouvcit des lies : de-
là on faifoit remonter cette côte vers le nord-
eft pour confervcr ce cap Tabin. Lorfqu'on
apprit que les Mofcovites & autres peuples
regardoient le Swietoi-nolf ou Swcetoi-nolF
comme le cap le plus avancé , on donna ce
nom ou celui de Promontorium facrum au
prétendu Tabin 5 enfuite on fut que ce Swie-
toi-nofl "étoit fitué à l'eft du Lena ^ on le mar-
qua ainfi , & on n'en fut que plus perfuadé
que les îles à l'embouchure de ce fleuve
étoient celles de Tazzata ■■, par contre 011
perfifta dans l'idée d'un cap Finis tenœ ,
qu'on laiilk fubfifter fous les noms de Ta-
bin ( dont je continuerai à me lèrvir lorf-
que je voudrai en parler en ce fous ) , Swie-
toi-noJP, caput facrum, cap des T[chouhfch[y
des Tchalahki , &c. Ce qui a caufé une con-
fufion qui a augmenté de plus en plus j tâ-
chons de rétablir l'ordre.
2°. Strahlemberg indique ce cap Tabin
d'une manière frappante •, auffi les naviga-
teurs du fiecle palfé , Linfchottcn même
déjà. Se les contemporains, furent perfua-
dés que ce n'étoit autre chofc que cedit
angle faillant vers le Taimura ; en etfet ,
c'eft le cap le plus avancé de toute la côte,
fe trouvant au delà de 77 degrés & demi ,
ou à 78 , ainfi Infinis terra; vers le nord 5
mais Strahlemberg indique en même temps
l'île de Tazzata , qu'il prouve être la Nou-
velle-Zenible , \'u que les anciens Scythes
& leurs fucceifeurs ont commencé avec les
peuples fcptcntrioiuuix de l'Hiu-ope , par la
rivière Taas , d'où ils nomment le grand
golfe, auquel nous donnons le nom iKObi ,
go/Ji de Taas , 8c duquel la Nouvelle-Zem-
ble qui eft vis-à-vis , a été uonuiiéc Taa{atii ;
A S I
teîa eft fi naturel & on en peut douter
d'autant moins , que cette île a toujours
été réputée comme fituée à l'oueft du cap Ta-
bin , vers l'embouchure d'une rivière. Strali-
Jemberg en conclut que ceux des géographes
qui la marquent plus à l'eft , ont grand tort j
hue ufpiam Ta\{ata infula à Plinio ponitur.
Après la conquête de la Sibérie , il y eut
des RufTcs qtii firent la même réflexion qu'a-
voient faite les Anicowieus fur les richcircs
que l'on pouvoit tirer de ces pays orientaux
^ par les pelleteries , en allant s'en fournir en
^ droiture , foit par la challé , foit par le com-
merce ■■, il y eut plufieurs aifociations de ces
gens qu'on nommoit & nomme encore Pro-
myfchkni.
3°. Ils réfléchirent que le plus grand
profit qu'ils pouvoient faire , feroit d'aller
par mer , terre-à-terre , trafiquer avec des
peuples- inconnus , qui ignorant la valeur de
ces pelleteries , les leur céderoientà vil prix :
ils ne fe trompoient pas \ & malgré le grand
rifque qu'ils couroient , parce que leurs bâ-
timens étoient petits & miférables ; qu'ils
étoient auiîî ignorans dans l'art de lesconf-
truire qu'en celui de les gouverner ; que ne
s'éloignant pas des côtes , ils rifquoient à
tout moment , de périr dans les glaces ^ l'a-
mour du gain étoit trop fort pour qu'ils ne
iliivUrent pas leur projet •■, & la cour s'en
trouva fi bien que ces gens lui fournirent le
f moyen de rendre tributaires tous ces peuples.
Ils commencèrent leurs courfes à-peu-près
en 1636 5 de cette façon allant pas à pas ,
ils découvrirent chaque aimée prefque ,
une nouvelle rivière , un nouveau cap , le
Jana , le Chroma , l'Indigir , l'Alofeia , le
Kolyma & d'autres moins confidérables.
Cette réuffite les engagea à tenter de nou-
veaux progrès en \G^6.
4°. Ignatien pafFa plus loin , & fit le
premier un voyage à l'eft du Kolyma pen-
dant 48 heures. Il y trouva des Ifchoukt-
chi , avec lefquels Û fit quelque commerce
dans une baie à 7Z degrés ■■, ces 48 heures
font 7 degrés & demi. Staduchin ayant en-
tendu parler d'une rivière Pogitfcha ou Ko-
witfchâ , à laquelle on pouvoit par\'enir
avec un très-bon vent du Holyma en trois
ou quatre jours , quoique Ignatien ne l'eût
pas trouvée après 48 heures ■■, Staduchin cont
truilit eu 1648 , im bâtûneiit vers i ifldigir ,
A S I S^(f
& partit du Kolyma , dans l'été de 1 649 ,
pour faire cette découverte j il fit voile pen-
dant 7 fois 24 heures ; ce qui feroit à cette
latitude , comme ci-deiïiis , à raifoii de 6 \
lieues par degré , 27 degrés \ il deiuanda
aux habitans des côtes des uou\cllcs de cette
rivière ; ils ne purent lui en donner. Bien-
tôt après , on apprit que cette rivière Po-
gitfcha n'étoit autre que l'Anadyr. On ap-
prit des idolâtres de cette contrée , que pour
trouver l'Anadyr , on avoit une route bien
plus courte par terre , auiîi-tôt une fociété
de Promyfchleni demandèrent la permifîlon
de s'emparer de cette contrée \ l'ayant obte-
nue avec un ficur Motora pour leur chef, 8c
ayant fait un prifonnicr parmi les Chodyns-
ky , pour leur fervir de guide , ik y réufllrent.
5°. La paflion des découvertes , d'aug-
menter les revenus de la cour , & les ri-
cheiFes des entrepreneurs fut ii forte, que
pendant ce même temps , une autre grande
fociété de Promyfchleni fe forma en lû-j.?»
dont les principaux furent , Fedot ^Mexiew^ ,
De/chnew & Gerafim Ankudincw , qui
partirent en juin avec quatre kotfches , ef-
pece de barques : ils ne purent y réulTir cette
année parce qu'ils rencontrèrent plus de gla-
ces qu'à l'ordinaire ^ loin de fe décourager,
ils furent excités à fiiivre leur projet par tou-
tes les relations qu'ils eiu-ent \ le nombre
même des entrepreneurs auginenta , & on
équipa fept kotfches, dont chacune étoit
montée d'environ 30 hommes. On partit le
20 juin 1648.
. Les auteurs fe plaignent de ce que la rela-
tion de Defchnew , dont M. Mullcr trouva
l'original dans les archives de Jaknotsk ,
diiê ii peu , ne dife même rien de ce qui eft
arrivé à quatre de ces kotfches , rien de ce
qui arriva à lui & à fa compagnie qui étoit
fur les trois autres kotfches jufqu'au grand
cap ; rien des glaces , parce que fans doute y
dit M. Muller , il n'y en avoit point , 8c
que , comme Defchnew remarque ailleiu-s ,
la mer n'eft pas toutes les aiuiées , égale-
ment navigable.
6°. Sa relation commence par ce cap : il
dit , ce cap eft tout-à-fait diriërcnt de celui
qui fe trouve près de la rivière Tfchukolichia
à l'ouert du Kolyma , il eft litué entre le nord
& le nord-eft , & s'étend en demi-cercle vers
l'Anadyr. Du côté de I'qhpII ou de lii Kullie,
^4o A S I
les Tfchontfchky ont élevé à côté d'iin ruif-
feaii quantité clos de baleities , en forme
d'une tour ( d'autres difent de dents de che-
vaux marins. ) Vis-à-vis de ce cap ily a deux
îles , ftu- lefquelles on a vu des gens de cette
nation qu'on reconnoît par les dents des che-
vaux marins , qu'ils pailent par leurs lèvres.
Avec un très-bon vent on pont paffer depuis
ce cap jufqu'à l'Anadyr en trois fois 24 heu-
res ; le kotfche d'Ankoudinov/ fit naufrage -,
l'équipage fut fauve & diftribué Hir l;s deux
autres ^ peu après celles-ci furent féparées ,
& ne fe revirent plus. Defchnew fut jeté loin
de l'Ajiadyr vers le fud , & fit naufrage , à
ce que l'on fuppofe , vers la rivière Olotiera.
Nous dirons plus bas un mot de Fedot
Alexiew.
7°. Defchnew erra long-temps avec fa
troupe pour retrouver l'Anadyr , fans réulîir
plutôt que l'été fuivant 1649 :, il fonda
l'Oiirog Anadyrskoi. Motora & Defch-
new, après des jaloufies qui les défunirent ,
fe réunirent à la fin , conftruifirent des bâti-
mens fur l'Anadyr ;, Motora ayant péri dans
une rencontre a\'ec les Anaulcs , Defclmew
remarqua à l'embouchure de rAnad3'r un
grand banc de fable , qui depuis fou côté
ieptentrional s'avance beaucoup dans la mer ,
& qui étoit l'endroit oii s'aifenibloit une
grande quantité de chevaux & chiens ou
veaux marins ^ efpérant d'eu faire un grand
profit, il fit couper du bois, en 1653, pour
conftruire un kotfche , & s'en fcrvir pour
envoyer le tribut à Jakontsk par mer ; il s'en
défifta , parce qu'il n'avoit pas tout ce
qui étoit néceifaire pour cette conltruftion ,
& parce qu'on l'aiUira que le cap n'étoit pas
toutes les années également libre de glaces.
8". En 1654, il fit un nouveau tour vers
ledit banc de fable , pour chercher des dents
de ces amphibies. La même année arriva un
certain Seliwerftow , envoyé par Stadu-
chin ^ il devoit ramalfer de ces dents pour
le compte de l'état i ceci donna lieu à des
difputes entre lui &. Defchnew j le premier
voulut s'approprier la découverte de ce banc ,
difant qu'il y étoit venu par eau avec Sta-
duchin en 1649. Defchnew hii prouva par
contre qu'il n'étoit pas feulement venu juf-
qu'au grand cap , entouré de rochers , &
qui ne lui étoit que trop connu, puifque le
kotfche d'Ankoudiiiow y avoit péri 3 que ce
A SI
n'étoit pas le premier cap à qui on avoIt
d'>nné le nom de Swictoi-Nofs , que la véri-
table marque par laquelle on pouvoit recon-
noître ce cap , étoient les deux des habitées
par ces hommes ornés avec ces dents de
chevaux marins; que ni Staduchin , ni Se-
liwerllow ne les avoient vues , mais que lui ,
Defchnew , les avoit découvertes, & que le
banc à l'embouchure de l'Anadyr en étoit
encore fort éloigné.
9°. Defchnew fit en attendant route le
long de la côte , & apprit des Koriaques le
fort des deux Ankudinow , de même que
de Fedot Alexiew.
En 1650 , on entreprit encore plufieurs
voyages , mais par les empéchemens ci-
delfus , quoique fortant en juillet, les glaces
leur firent tant de mal entre les embouchures
orientales du Lena & le Swietoi-Nols, qu'on
en fut dégoûté pour long-temps ;, ce ne fut
que fous le règne de Pierre le Grand, qu'on
reprit de nouveau dépareilles entrepriiès. On
fait que fon vafte génie n'avoit que de vaftes
idées & de grands projets; que s'appliquant
principalement à établir un commerce étendu
par la navigation , il y travailla & com-
mença par établir la navigation de la mer
Baltique en fondant Pétersbourg ; Archangel
fur la mer Blanche exilloit déjà : il crut avoir
réuOi pour la navigation de la mer Noire par
Azow, & celle de la Calpienne par Aftra-
can , qu'il exécuta : mais des événemens
malheureux les firent tomber ; enfin il crut
qu'il ne lui fèroit pas imjjofliblede participer
au riche commerce des Indes , du Japon ,
de la Chine & de l'Amérique , par des
établillemens confidérables à l'extréinité de
l'Alîe , voifine de ces pays. La compagnie
hollandoife des Indes orientales n'ayant pas
voulu entreprendre la découverte du palfage
par le Nord , le Czar tenta de découvrir &i.
d'alfujettir les pays voiiins des objets de fon
conunerce , en commençant par le Kamts-
chatka dont on avoit quelques notions obf-
curcs.
10". En 1696 on y envoya Wolodimir
Atlaflbw, qui étoit établi commandant des
Cofaques à AnadjTskin Oftrog , étabillfe-
mcnt qu'on a\'oit confervé depuis qu'il a\oit
été fait par Defchnew conune delllis , 8c
qui naturellement dc\-oit a\'oir de vaftes
coiuioiinuices de tous les pays vcùfius. Il y
envoya
ASI
envoya i(5 Cofaques de Jakontf:k, pour
rendre les Koriaqucs, fur la rivière Opuka ,
tributaires ; Morosko leur chef s'en acquitta
bien , & prit tnêmc un Oftrogkaintfcha-
dale. Atlallbvv profirjiit de cet avantage ,
conduifit 60 Cofàques &; autant de Qukag-
tes vers la rivière Kamtfclnt &; dans les
environs : dans fa déclaration juridique , il
raconte entr'autres avant de continuer ion
récit fur fon voyage vers le Kamtfciiatka :
11°. Qu'entre le Kolyma & l'Anadyr
il fe trouve un double cap que quelques-
uns nommoient cap Tfchalatski & Ana-
dyrskoi. Il aiîlire de celui-ci , qu'on ne
le peut jamais dépafler avec des bâtimens
ordinaires , parce que du côté de l'oueft
ou du nord , il y a toujours des glaces flot-
tantes ( ftables & fermes en hiver , ) &
que l'autre côté de la mer du cap Anadyrs-
koi eft toujours libre de glace. Que lui-
même n'avoit pas été perlbnnelJement à la
hauteur de ces cajis , mais qu'il apprit des
Tfchouktski , qui habitoient vers l'embou-
chure de l'Anadyr , que vis-à-vis de ce cap ,
il y avoit une grande île habitée par des
gens qui venoient chez eux pardertiis la
glace en hiver , & leur apportoient de mau-
vaises zibelines.
Pour abréger, je ne dirai rien du refte
fie fà relation. M. Muller me paroît trop
fëvere là-delTus : il avoue qu'elle eft réelle-
ment d'Atlaifow , mais dit qu'elle ne s'ac-
corde ni avec la requête de celui-ci de 1700 ,
ni avec fa dépojîtion juridique de lyor ;
pour faire valoir fon doute , il auroit dû
communiquer ces pièces, comme tant d'au-
tres intéreirantes , dont il a enrichi fon re-
cueil;, il ne l'a pas fait^ & puifque le Czar,
i\ bon connoiiîeur des hommes , en a été fi
content, qu'il l'a fait colonel des Cofàques à
Jakontsk , ceci fait bien plus d'imprelîion
£\xr moi.
12°. On envo}^ fbuvent des partis contre
les Tfchouktski , lans pouvoir les fubjuguer.
Popow voulut obliger, en 1711 , ceux qui
demeurent de Tautre côté de la baie Sf du
cap ou noir, à payer le tribut , ce qu'ils
refuferent. Il tira pourtant d'eux des con-
noillanccs fur la fituation dos pays vcifîns :,
entr'autres, que vis-à-vis , foit du Kolyma ,
foit de rAnadyr , on \-oit \me île , que les
Tlî;houktski noir.înent la grande une , dont
2'ome III.
A S î €^\
les Fiabîtats Ce percent les jotitî & y pa/Tent
de grandes dents 5 n'ayant pas la même
langue que les Tfchouktski , qu! font en
guerre avec eux depuis un temps immémo-
rial. Popow en vit dix, qui étoient prifcii-
niers chez les Tfchouktski ; il remarqua que
CCS dents étoient des pièces de celles des
chevaux marins. II apprit qu'en été on y
paflbit e!i un jour avec des baidares , & en
hiver liir les glaces , zulVi en un jour, dans
les traîneaux.
Sur le promontoire eu terre de ce cap , on
ne voit que des loups & des renards , parce
qu'il n'y a pas de forêts ; mais fur l'autre
terre, il y a toutes fortes d'animaux qui
fourniffent de belles pelleteries. Leshabitans
ont de nombreux troupeaux de rennes. Il y
a des cèdres , fapins , pins , mélèzes &: auti-es
arbres. Popow jugea que le nombre des
Tfchouktski du cap peut fe monter à deus
mille hommes , & celui des infulaires au
triple ; que , depuis l'Oflrog-Anadyr , oa
paifoit par terre pour aller au noif, à côté dut
rocher Matkol , qui étoit au fond d'u*.
grand golfe.
13°. Jelticshin , en T71Ô , devoit en-
tr'autres fc rendre depuis le Tfchouktskoi-
Noff, aux îles & autres pays du côté oppo-
fe , mais ce voyage n'eut point de fiiite.
En 1718 des Tfchouktski fe rendirent à
rOîlrog-d'Anadirskoi , pour fe foumettrè
volontairetnent , & rapportèrent qu'ils ha-
bitoient le promontoire entre l'Anadyr & le
Kolyma •■, qu'ils étoient au nombre d'envi-
ron 3500 hommes; que ee promontoire
étoit remj)!i de rochers & de montagnes ^
inais que le plat-pays confi.ftoit en terres à
tourlîe; que vis-à-vis du cap on voyoit une
île de grandeur miédiocre , dont les habi-
tans reiîémbloient aux Tfchouktski , mai*
ic fervoient d'une autre langue ■■, que depuis
la pointe on pouvoit paffer en un demi-jour
à cette ile ; qu'au delà de celle-ci on trouvoit
un grand continent , qu'on pouvoit voir
depuis l'ilt! jvir un temps fcrein •, que fès
habitans rcl!e:r.b!ans aufli aux Tfchouktski ,
avoieiit une langue différente , beaucoup de
forêts, &c. (ce qui eft la dot'criptionexadé
de la grande ilo rapportée ci-dcllus ) ■■, qu'avec
leurs baidaics ils pou\ oient , en côtoyant
le promontoire , faire le voyage depuis Is
fond de la baie de l'Anadyr , à la dernière
I i i i
^41 A S r
pointe du promontoire , en trois femaines,
îbuventen moins de temps.
14°. Pierre le Grand voulant avoir une
connoifTance plus précifè de ces pays & paf-
làges , & ne pouvant obtenir de la com-
pagnie des Indes en Hollande de s'en char-
ger , ayant d'ailleurs ce deflein fort à cœur ,
il envoya en 1727, deux géodefifles ou géo-
mètres , au Kamtfchatka. On n'a jamais
rien pu apprendre fur ce qu'ils firent & dé-
couvrirent. On fait feulement qu'à leur re-
tour , le czar les reçut fort gracieufèinent ;
ce qui a fait préfumer qu'ils s'acquittèrent
avec fiiccès de ce dont ils étoient chargés.
15°. Enfin le czar voulant ablblument
contenter fa curiofité & faire reconnoître ces
paiTages , & principalem.cnt être aifuré li
YAJÎe étoit contiguë à l'Amérique du côté
du N. E. , vers le cap des Tfchouktski ,
puilque du côté du nord , on étoit déjà sûr
qu'elle ne l'étolt pas ;, il choifit Beering ,
Danois , marinier très-expert.
Pierre eut cette affaire fi fort à cœur , que ,
quoiqu'alité par la maladie qui mit fin à fa
vie , il en parla à Beering , & dreffa en
outre , de ià propre main , une inftruftion
détaillée pour lui , laquelle lui fut rernife
cinq jours après le décès de ce grand mo-
narque.
Il eut pour adjoints les capitaines Spang-
berg & Tchirikon.
16°. II partit le 14 juillet 172.8 , depuis la
rivière Kamtlchat , & cingla vers le nord-
eft , fuivant les côtes , qu'il perdit rarement
ttevue;, & drelfa une carte de celles-ci, anili
exafte qu'il étoit polfible , & c'efl encore à
préfènt la meilleure qu'on en ait.
Le 8 août , fe trouvant à 64° 30' de
latitude , un baidare , avec 8 hommes ,
s'approcha d.e fon vaiiîeau ; ils fè difoient
Tlchouktski ', nation depuis long-temps
connue des Ruffes, & qui réellement habite
cette contrée. Ils dirent que la côte étoit
remplie d'habitations de leur nation , &
firent entendre que la côte tournoit allez
près de-là vers l'ouefl;, ils indiquèrent encore
une île peu éloignée , que Beering trouva
le 10 août , & lui donna le nom de Saint-
Laurent.
Le 15 du même mois, il étoit parvenu à
6y° 18' dehititude^ voyant que, connue
les TlcJiouktski le lui avoient indiqué j la
A SI
côte couroit vers l'oueft & non plus au nor^j
il en tira la conféqucnce erronée , dit-on ,
qu'il avoit atteint l'extrémité du nord-eft de
ÏAjie ; que la côte tournant dès-là vers
l'oueft , une jonction de YA/i'e avec l'Amé-
rique ne pauvoit avoir lieu , & qu'il s'étoit
acquitté de facommillion. M. Muller ajoute
qu'il fe trcmpoit , puifqu'il fe trouva leule<-
ment au Serdzekamen , d'où la côte à la
vérité alloit vers l'oueft, & formoit un grand
golfe i mais elle Ce retournoit enfuite vers le
nord & nord-eft , jufqu'au grand Tfchoukts:-
koi-noff.
Au retour, le 20 août, 40 Tfchouktski
vinrent vers fon vailîèau dans quatre baida-
res & dirent que leurs compatriotes alloient
fouvent vers le Kolyma , par terre , avec des
marchandifes , mais jamais par eau.
17°. En 1727 , Scheftakow voulut aller
fiibjuguer les Tfchouktski , de même que
les Koriaques , vers le golfe de l^enfchinska,
au nord du Kamtfchatka, découvrir eufuite
les pays iîtués à l'oppofite du Tfchouktskoï-
noif ôc les conquérir. Il eut pour adjoint le
capitaine Pauluski , avec lequel il fe brouilla
& s'en fépara , le géodelille Givofden &
autres.
Scheftakow marcha vers le fûd pour
domter les Koriaques du Penfchinska j
mais en étant à deux journées , il rencontra
un très-grand nombre de Tfchouktski , qui
voulurem auiTî aller faire la guerre aux Ko;-
riaques. Scheftakovv- alla à leur rencontre &
fut tué ; trois jours a^'ant fa mort il avoit
envoyé le Cofaque Krowpifchew , pour
inviter les habitans des en\irons de ce fleuve
à fe fôimnettre aux Ruflès , & lui recome
manda encore Givofden. Il eft sûr , continue
M. Muller, que celui-ci a été en i73ofurime
côte inconnue , entre le 65 & 66"= degré pas
loin du pays des 'I fchouktski , où il trouva
des gens auxquels il ne put parler , faute
d'interprète.
L'officier Ruife y ajoute que Givofdea
ayant été envoyé pour chercher les pro\L-
fions , qui étoient reftées depuis l'expédition
de Beering , & les conduire daais le pays de
Tfchouktski , pour celle de Pauluski , il
parvint jufqu'au Serdzekamen , t< fut chalfé
par les vents fur les côtesdc l'Amérique , peu
éloignées du pays des 1 Icliouktski.
Le 3 lèptembre J730 , Pauluski arriva à
A SI
Anadyr, & fit la guerre au Tfchouktski
•l'aiincc fuivante. Il a\aiiça dirc£lement vers
la mer Glaciale , vint à 1 embouchure d'une
ri\'ierc coniidérable inconnue , avança pen-
dant quinze jours vers l'ell prefque toujours
fur les glaces , fouvent (i loin de la terre ,
qu'on lie pouvoit appercevoir les embou-
■chures des rivières '-, à la fin il remarqua
une grande armée de Tfchouktski qui s'a-
vança ôc parut prête à combattre ■■, le premier
juin il \<'i attaqua & remporta la victoire.
Après quoi il y eut encore deux combats.
Il pada donc viètorieux le T fchouktskoi-
iiofT, où il trouva de hautes montagnes ,
qu'il lui fallut gravir , & employa dix jours
pour atteindre les côtes oppolëes : ici il fît
palfer partie de Ces gens fur des baidares , &
lui avec le relie continua l'on voyage par
terre le long de la cote qui court fud-ell, &
eut chaque fbir des nouvelles de les baidares ;,
le vingt-feptieme jour il fe trouva à l'em-
bouchure d'une rivière , & dix-fept jours
après à celle d'une autre , à en\iron dix
werfls ( i lieues ) ; derrière celle-ci un cap
s'avance très-loin vers l'ell , dans la mer 5 il
confîfte au cou'rtiiencement en montagnes
qui peu à peu deviennent plus balles & finil-
Cent endn en plaine.
Selon toute apparence , continue M. Mul-
Jer, c'efi: le même cap d'où le capitaine Bee-
ring étoit retourné. Parmi ces montagnes il
y en a une , qui , à caufè de ià figure rel-
fèmblante à un cœur , eft nommée par les
habitans d' Anadirskoi Ollrog, Serdiekamen.
Ici Pauluski quitta la côte , & retourna par
le même chemin qu'il avoit pris en allant à
Anadirskoi eu il arriva le n oâobre.
iK°. M. Muller parle du zèle ardent que
M. Kirilow, alors lecretaire du fénat, ma-
nifefla pour la rtullite de ces découvertes
<n 1732.
Après avoir rapporté ce que les RufTiens ,
en particulier M. M . . . nous apprennent ,
ajoutons en peu de mots , ce que nous te-
nons d'autres auteurs plus anciens.
19°. Le P. Avril a appris d'un vaivode ,
que les habitans , vers le Kowima , alloient
fouvent fur les bords de la mer glaciale <à la
challe du beliemot ou cheval marin , pour
en avoir les dents.
20. M. Witfèn, qui s'cll rendu fi célè-
bre par les foins infinis qu'il a pris , depuis
A S I <?4j
environ 1670 à lôipz , pou' d'coivr r c^s
pays inconnus . dit , <c que !;• gr ide po ntc
(aillante , qu'il nomme cap Tah.n , s'ét ,nd
près de l'Amérique :, que 50 à 60 hommes ,
venant du Lena , un peu a\'ant kJçi , fe
font avancés dans la mer <rlaciale, bi ayant
tourné à droite , font arrivés à la pointe
contre laquelle donne toute la force des gla-
ces qui viennent du nord, &c. Il ne leur a
pas été pollible de doubler ce cap , ni d'eu
appercevoir l'extrémité depuis les monta-
gnes du nord-ell de cette p-jiine de ÏAfJ^ ,
qui n'a pas beaucoup de largeur en cet en-
droit; ils remarquèrent que la mer étoit dé-
biirraffée des glaces de l'autre côté , c'eft-
à-dire , du côté du fud , d'où l'on peut con-
clure que le terrain de cette pointe s'étend
fî fort au nord-ell , que les glaces qui def^
cendent du nord ne peuvent pas pailèr du
côté du fud. »
M. ^nzc\\Q{Confrdérations géographiques ,
pages 105 & 106 ) , d'où je tire ce pafîage ,
appuie & explique ceci , en difant : « les
premières glaces venues du nord s'arrêtent
à l'île , entre le cap Se l'Amérique , & aux
bas-fonds qui la lient aux deux continens ;
ces glaces s'étant amoncelées , forment
comme un pont ; & ce n'efl qu'après cela
que les autres qui arrivent enfuite du nord ,
ne peuvent palier au fud , &c. On trouve fur
cette pointe, comiiuie M. Witfen , des hom-
mes qui portent de petites pierres & des os
incruflés dans leurs joues , & qui paroillént
être en grande relation avec les Américains
fèptentrionaux. m
zi". Kempfer , en 1683 , n'épargnant
rien pour connoltrc l'état des pays fepten-
trionaux, plufieurs perfonneslui dirent, que
la grande Tartarie étoit jointe par un iilhme,
compofé de hautes montagnes , à un conti-
nent voifin , qu'elles fuppofoicnt de l'Amé-
rique. On lui montra les premières cartes de
l'empire de Ruuie , drelfces peu d'années
auparavant fans degrés de longitude.
On y voyoit fur les côtes orientales de
Sibérie , plufieurs caps confidérables ; un en-
tr'autres trop grand pour entrer dans la
planche , gravée fur bois , étoit coupé au bord.
C'ell cette pointe dont M. Witfen a parlé ;
mais alors on la croyoit environ 40 degrés
plus proche , dit-on , qu'elle n'efl de la Kulfie.
zi^-Isbrandides, après des hiformations
1 iii i
^44 AS X
prjf«s avec fout le foin pofiîble en KÎ95 &
1(^^94, parle de Kamtfchatka comme d'une
-^ijjc , qui de même que les environs , étoit
habitée par les Xuxi & Koeliki (Tichoutski
& Koreski ou Koriafjues) ■■, dit que le cap de
glac'^ eil une langue de terre qui s'avance
dans la mer , où elle eft coupée par plufieurs
bras d eau , qui forment des golfes & des
iles au delluj de Kamtfchatka •■, la mer a une
çntxés par où palfeiit les pêcheurs ^ on y voit
les villes d'Auadyroi & Sabatska ( dans la
carte , 8t félon d'autres Sabatfia ) habitées
pair les deux nations folclites. Les habitans
de Iakoutsk \'ont au cap Saint Sabatfia ,
Anadyr , Kajntshat , &-c. pour pêcher le
nayvai.
23", L'officier Suédois , qui fut prifon-
HÏer en Sibérie de 1709 à 1721 , combat
l'opinion de ceux qui croient VAJïe conti-
guë à l'Amérique, en allurant pofitivement ,
que les bâîimens ruifes , côtoyant la terre
ferme , paffent à préfent le Swcetoi-nofs ,
6 viennent négocier avec les Kamtfchada-
lc3 , fur la côte de la mer orientale , vers le
50*" degré de latitude ^ mais il faut pour cela
qu'ils paifent entre la terre ferme , & une
grande île , qui eft au nord-eft du cap Swœ-
toi-noff, & que cette île elè le nord-oucit
de l'Amérique. Strahlenberg ne dit rien de
plus tlans fon ouvrage , que des faits rap-
portés déjà ci-defîùs , excepté que les Juka-
gres font un peuple vers Li mer glaciale , en-
tre l'embouchure du Lena & le cap Tabin.
On a trouvé que dans la partie de la terre-
ferme de l'Amérique , dont on a eu quel-
que connoiiTancc , vis-à-vis le cap , il y a
Mn grand fleuve qui charie quantité de gros
arbres , &c.
24°. Dans l'atlas de Berlin , on marque
.iHie côte fur ce continent, vers le 70= degré,
où les Ruifes doivent avoir fait naufrage en
1743 , fans que j'aie pu découvrir un feul
veftigc d'une pareille relation.
25". Ce qu'on a appris de plus nouveau
de ces pays & paffages , coufifte en ce qui
a été annoncé de Pétersbourg , en date du
7 février 1765 , & que le traduâcur de l'ou-
vrage de M. Muller rapporte de cette ma-
nière : « que des gens envoyés par les deux
compagnies de commerce du Kamtschatka
& du Kolyma , ont rapporté que ceux-ci ont
doublé le Tfcliouk:?koi-uoir à 74 dej^rés ,
A SI
courant au fud par le détroit qui fépare fa
Sibérie d'avec FAmériqTie ;, ils ont abordé
par le 64= degré , à quelques iles , rensplies
d'habiîans , avec lelquels ils ont établi un
commerce de pelleteries ; ils en ont tiré quel-
ques peaux de renards noirs , des plus belles
qui le foient jamais vues , & ils les onr fait
préiènter à l'impératrice. Ils oiit donné le nom
àiAhyut à toutes ces iles & terres , dont
quelques-unes , à ce qu'ils croient , font partie
du continent de l'Amérique. Pendant ce
temps ceux de Kamtfchatka venoient du fud
au nord , & ont trouvé ceux du Kolyma près
des îles d'Aleyut. Ils ont donc jugé à propos
d'établir en comm.un un commerce , & de
faire un établilfcment dans l'île de Beering-
pour lèrvir d'entrepôt j que l'impératrice
avoir nommé le capitaine Bleumer & quel-
ques habiles géographes pour poull'er ces
découvertes depuis l'Anadyr. »
Pafibns aux cartes géographiques , & don-
nons un rapport fiiccindl des portions de
quelques-unes lur ces contrées au nord 6c
nord-eft , pour les combiner enliiite avec les
relations. Sanfon fils , de miême que tous les
géographes de ces temps*, avant Isbrand
Ides , Witfen, Strahlenberg, n'en ayant au-
cune connoilTance , & cherchant limplement
à placer le cap Tabin , rcpréfentoit , comme
nous l'avons dit , le cap fi avancé vis-à-vis
la nouvelle Zemble , enfiiite la côte iiid-eft j
& , après avoir reprélênté l'île Tazzata ,
continuoit la côte vers le nord-eft , pour pou-
voir fixer ce cap Tabin \ le refte de la côte
encore fiid-eft juique vers le Jelfo.
Nicolas Viicher , dans fa mappe-monde y
après le cap Tabin , fans nom , place la côte
oueft-Iijd-oucft , lâns indication de cap ou
de rivière.
Charles Allard , dans fa carte de XAfis
de M. Whfen , donne par un extrait cette
contrée fi remarquable , qui n'avoit pas
trouvé place dans la grande carte , & qu'il'
faut rapporter avec foin. Cet extrait a beau-
coup de conformité avec les nouvelles car-
tes , ôc encore phis avec la réalité.
L'embouchure de l'Anadyr à 65 degrés
de latitude & environ à 178 degrés de lon-
gitude entre le cercle polaire , & 68 degrés
de latitude , une langue de terre qui avance
près de 1 3 degrés en mer vers l'eft \ à fa nail-
iance elt wy^xf^xk «jus ce font des rochers , ô£
A s I
à l'extrémité , cap de glace dont la fin nejîpas
connue (M. de Fer, dans fa Carte de fAjie de
1705 ,) de même. Par cette même prévention
auifi durable qu'elle eft peu fondée , on place
le cap Tabiii à environ 73 à 76 de^^rés de
latitude , tourné direéteinent vers left , avec
une continuité de côte à l'on nord juiqu'au
8o« degré. On étoit pourtant fi peu aiîliré de
fon esiiïence , qu'on le plaçoit entre l'Indi-
gin au nord , éi le Konitfk ou Kolyma au fud.
Frédéric de Witt n'a rien de remarqua-
ble dans fa carte de la grande Tartarie. Le
cap le plus avancé s'y trouve à l'eft du Jc-
niiiéa, à près de 73 degrés de latitude, en-
fuite la côte au fud & fud-eft ^ Tazzata à
l'embouchure d'une rivière fans nom , inar-
qué Taliata infula hue ufpiam a Plinio po-
nitur; de 67 à 69 degrés de latitude ,117,
124 de longitude^ alors la côte court tou-
jours fud-eft, jufqu'au i(5z« degré de longi-
tiide , de-là tout-à-fait fud , (S'c.
La carte d'Isbrand Ides efr remarquable.
Depuis le Jeniffca , In côte un peu eft-nord-
cil , juiques vis-à-vis l'extrémité feptentrio-
nale de la nouvelle Zemblc , ou peu s'en
faut, à 75 à 76 degrés. De-là avec divers
caps, droit à l'eft , toujours 75 degrés , On
y voit Lena , Jana , Alazana , ( ou Alafoja )
Kolyma , Anadyr , avec Anad5n-skoi :, ;ilors
feulement le Swcetoi-noff ou cap Saint,
qui fait l'angîe , & la côte y commençant
clireftement , tournant au fud , on y voit
d'abord la rivière &la ville de Kamtfcliaîka ,
à 22 degTCS.
La carte de Strahlenberg l'eft encore plus ;
ce fut la dernière des trois àquatre qu'il avoir
tlreifées & perfcâionnées de plus en plus ,
;;près 1 6 ans de recherches affidues ^ à l'elî
de in nouvelle Zemble , un cap entre le
Pialida & le Chatanga \ l' Anabara , l'Olenck ,
le Leua avec fes îles , rOmalœiv\a , le Ja-
na , le Swœtoi-nofl", le Chroma , l'Indigin ,
l'Alafoja , n'y font pas oubliés •■, l'embou-
chure du Lena à environ 72 degrés & de-
mi , d'où la côte court toujours du plus au
moins fud-eft , de manière que celle du
Kolyma fe trouve à 63 degrés de latitude &
165 de longitude , & la naiifauce de ce nolT
ïfzalatskoi commence d'abord au fud de
cette embouchure. 11 eft repréfenté tourné
Mord-iiord-eft fort étroit , n'ayant guère plus
flc cinq lieues , dans fa plu§ grande largeur ,
A S I <?4y
par contre ayant un de-là de 80 lieues de
longueur , la moitié vers le continent rem-
plie de montagnes , marquées comme ha-
bité par les Tlchouktski ■■, dans fes environs
pluficurs îles , & à l'oiicft de la pointe , la
prétendue grande ile des Kidigam , avec un
détroit d'environ 30 lieues entre-deux. La
côte continue alors fud-fud-eft , avec plu-
fieurs caps qui font partie du grajid cap eu
promontoire fort large , dont l'extrémité eft
nommée cap Aimdirskoi. Pas loin delà naif-
fànce de ce grand cap on voit pîufieiu'S îles ,
qui , comme le cap même , eft-il dit , font
hi'.bitécs par les Tfchoukt.ski ;, vis-à-vis de
toutes ces terres, & au-delà de ces îles , en
voit la grande île de Puchochotski , de-
puis le 50 jufqu'au delà du s^^ degré de
latitude.
Au llid du cap il y a une baie , outre
celle à l'embouchure de rAnad)'r , qui eft
tout près : après cela plus au fi'.d les Otoîu-
res & leur cap , enfuite le cap Noif-Kamt-
ichatskoi à 5 z degrés ; la rivière à 49 de-
grés , le cap .des Kutiles à 41 degrés 8c
demi , le Japon à 40 degrés , les iles Kuvi-
Ics entre deux.
Les officiers Suédois, apparemment, ou
compagnons des travaux de Strahlenberg ou
ayant des papiers & relations recueillies après
la publication de ladite carte , en donnèrent
une nouvelle , à leur avis corrigée , en 1J2.6 ^
après la mort de Pierre le Grand •■, elle fut
au ni inférée dans le tome VÎII du recueil
des voyages au iiordy 8î même en y ajoutant
une cane donnée par ordre du czar : nous
en remarquerons ici feulement les principaux
changemens & les dL^érences eilentielles.
L'ile des Eidirgani & le cap Schalagins-
koi y ont drlparu;, la côte allant vers l'eft ,
déclinant un peu vers le iiid , finit par le
grand cap qui prend fon commencement à
l'eft du Kolyma, mais qiiibien loin de mon-
ter vers le nord , participe aufll à cette dé-
clinaifon Se finit à 60 degiés de latitude.
Toute fa plus grande largeur cccup'C i'eipace
jufqu'au cercle polaire , habitée , eft-il dit ,
par les Tfchuktski & les Tfchaiatski , &
finit à 185 degrés de longitude ;, l'île des
Puchochotski au fud-eft , d'autres îles entre
deux, entre le 59 & 60 degrés: Kamtfchaft-
koi à 49 degrés & demi , la rivière Karaga
fe jetaut dans une baiaau nord de Kaiiitf-
^4^ A SI
chat , l'île de Karaga , fans nom , à l'oppo-
fîte de la baie.
Hermaii Moll , dans fa carte du monde de
1719 , marque le Lena , fans nom , à fon
elè , le cap le plus , mais peu avancé , après
cela l'Aldan , rOndi^irka , le Koiyma , le
tout fur une côte tirant droit à l'eft, qui
finit par un cap peu avancé & indéterminé
fous le nom de Swœioi-Nofs ou cap Saine ;
le tout environ à 73 degrés 8c demi de lati-
tude , & ce cap , à moins de 150 degrés de
longitude au fud, & tout près du cap, il
inarque Anaduskoi.
On lait que le célèbre M., Guillaume de
rifle a omis encore , en 17Z4 , toutes ces
■côtes , rivières , caps & pays quelconques ^
traçant la côte depuis le Lena entièrement
fiid-cil , jafqu a celle de TAfie au dcfîbus de
i'Ainr.r, marquant feulement Kamtfchatka,
comme une ville & cap au 65* degré de
latitude & 155 de longitude.
Si nous voulions entreprendre de faire une
récenflon des cartes nouvelles , ce feroit un
■ouvrage aufll pénible qu'inutile ■■, on fè copie ,
on croit avoir fait merveille en étendant fi
fort l'Afie , en continuant à fuppofer ce
cap Schalaginski fans préjudice du Serdze-
kamen où on place même trois caps ditfé
rens , toujours avec quelques ditîérences :,
Jes uns dirigent le cap Tabin droit vers le
jiord , 8c c'eft le plus grand nombre , d'au-
tres au nord-ell : il y en a qui fixent l'em-
bouchure de l'Anadyr 5 degrés plus ou
moins au fud du Serdzekamen. Si je pou-
vois adopter l'exiftence du cap Tabin , ^
l'étendue fi extraordinaire de l'Afie , je pré-
férerois la carte de M. Muller à toutes les
autres ; peut-être par contre s'il l'ofoit , il ne
s'éloigneroit guère de mon fyftême.
La plus nouvelle carte que je connoilfede
ces paîihges , eil celle que M. Adclong a
jointe à ion ouvrage allemand très- intércf-
faut , intitulé : Hijhire des navigations 6'
tentatives faites par diverfes nations pour dé-
couvrir la route du nord-efî vers le Japon ,
&c. 1768 , //2-4^'. elle reprélènte l'iiémif-
phcre boréal , 8c l'auteiu- y renchérit beau-
coup fur tous les autres, par rapport aux caps,
qu'il multiplie à proportion des divers noms
jqu'il a pu trouver dans les relations.
A environ 192 degrés de longitude èc 72
jdc Jatitude , il place le cap Schalaginskoi
A SI
de la largeur de 3 degrés Scplus à Ion extré-
mité mêine , droit vers le nord entre le 65
8c le 67s deo:ré de latitude le Serdzekamen ,
fous le nom de Tfchukotskoi-Nofsendonhlc
cap, l'extrémité de 2 degrés ( ou 40 lieues )
ablblus de large , à 200 degrés plus au fud ,
à 190 degrés de longitude :, il marque Serd-
zekam.en, quoique toutes les cartes nouvelles
donnent ce nom à la partie fèptentrionale
du double cap •■, 8c lèulement alors il place
l'embouchure de l'Anadyr à 160 degrés de
longitude 8c 60 de latitude : c'eft ce qu'il y
a de plus au fud , conformément aux cartes
nouvelles , excepté que l'ile d'Amur eft re-
préfèntée à plus de trois degrés de l'embou-
chure , longue de 4 degrés 8c demi abfolus ,
ou 90 lieues, 8c fon extrémité auftrale, de
même que le cap Lopatka à 49 degrés ; il
n'y a pas une feule des îles Kuriics au fud du
Lopatka :, les premières font marquées au 2
&(--{« degré à l'oueft , 8c ainfi du refte i auffi
le deflin , la gravure , l'imprefTion 8c le pa-
pier , répondent très-bien à l'exaètitude de
la carte même.
J'avois déjà propofé quelques doutes fiir
l'exiftence de ce cap Tabin dans mes mémoi-
res &ob[ervations géographiques ^ imprimées
à Laufanne en 17155 '-, je n'ofai pourtant pas
l'omettre dans ma carte, crainte de cho-
quer la prévention li enracinée ■-, je lui ai
donc donné une place fous le nom de cap
Schataginskoi, même avec la grande île à
fon eft , quoique je fuiie convaincu qu'elle
n'exifïoit pas ^ je redonne aujourd'hui la
même carte réduite avec quelque petit chan-
gement, maisje ne puis m'empecher d'yjoin-
dre l'eifiuiHé d une autre carte coiitorme à
mes véritables idées f, je vais la détailler Se
l'appuyerfiir les relations rapportées ci-delfus.
Il y ades faits que je crois ne pouvoir être
niés. i". Que la polition de ce cap 7abiu
doit fon origine à femic qu'on avait de pla-
cer celui de Pline j nous en avons parlé ci-
defîus ; 8c ce motif ayant fubiifté julqu'à
préfent, ou du moins l'idée A\n\J!nis terrae
vers le nord-eft , on l'a coufer\ ée , 8c il tal-
loit trouver un cap.
2. Que le plus grand , celui qui s'étend
le plus en mer , le plus formidable , félon tou-
tes les relations , eft le double cap , nommé
à préfent Serdiekamen , au nord de l'Anadyr.
3°. Que ce cap 8c les contrées voiliuçs
A s I
iônt Te véritable pays des Tfchouktski &
Tfchalaski , qui s'étendent depuis les Korin-
qucs plus au lud , julqu'au nord , & habi-
tent les bords de la mer du nord i^( dj Icil ,
depuis le Kolynia , aj-uit les Inka^res à leur
oueft.
4". Que les des vers l'Amérique , petites
& grandes , avec la partie du continent op-
pofc , font toutes à l'eil de ce Sord/ekamcn,
& que l'on n'en connoit point de plus au
uord.
5". Que vers le nord - les côtes de l'Afic
renti-ent vers l'occidciit , & puifqii'on n'a
plus de veitiges de celles du côté opijolé ,
celles-ci doivent tourner vers le nord-eft.
Je dis donc que tout ceci cft prouvé par
lés relations les plus authentiques & ne peut
être fujet à aucun doute , là-defîlis nous pou-
vons mieux examiner le fens de toutes ces
relations ci-deilus rapportées , & les confé-
quenccs qu'on en doit naturellement tirer.
1°. Nous venons d'en parler.
2°. Ceci en ell une fuite.
3°. Ce fait ne fera pas nié ; j'en conclus
feulement encore , que ce que ces gens ont
découvert chaque année pas à pas , côtoyant
toujours depuis 1 6^6 , connu par conléquent
dans l'efpace de 100 ans avant qu'on cntre-
prîtles dernières découvertes ,doitprévaloir,
s'il y a de la dilférence.
4°. \'oiIà un fait frappant : ces gens cu-
rieux , pafibmiés pour les découvertes, s'in-
formant de tout , en particulier de tout ce
qui eft à l'eft du Kolyma , apprennent qu'il
y a u!ie rivière nommée Pogirfcha , & après
de nouvelles recherches, que cc^iVAnaxiyr ,
félon les nouvelles cartes fi éloigné , & pas
un mot de ce prétendu cap Schalaginshoi
ou T abin , qui , félon les idées erronées ,
devoir les empêcher de poufier vers l'Anadyr.
Un empêchement lî grand , fi voifiu, n'eft
pas connu même des habitans de ce pays ,
qui ne pouvoient en iuftruire Ignatievv en
1646^ ceci eft très-frappant, mais ce n'eft
rien en com.parailôn de l'autre fait.
Il avança \ers l'cli: , non quatre jours , cela
feroit fiijet à des explications , mais quatre
fois 24 heures, ce qui feroit 7 degrés &
demi. Il converfa avec les '1 fchouktski
dans une baie qu'il trou\a , & qui félon les
cartes , devroit être à la naiil'ance du cap ,
ég«ilement il n'apprit rieu de cecap^ Siadou-
A S I ^47
chin voulant nbf jlument trouver ce Pogiif-
cha , vo^ua fèpt fois 24 heures vers l'eft j il ^
mit des gens à terre pour s'informer- de la
rivière \ on ne pou\oit lui en rien dire, & il
n'eft pas fait mention d'un cap quelconque j
feulement parle-t-il des rochers le long de
la côte, qui empéchoient la pêche, ce qui
avec la diniinution des provilions , le con-
traigiilt au retour , malgré donc , que daiir
celles des nouvelles cartes qui étendent les-
côtes outre mefure , on voie la naiffance de
ce cap à environ 2 o degrés du Koh'ma , 8t
que Stadouchin par contre , doive avoir par-
couru 27 degrés fans en avoir une trace, ni
en apprendre quoique ce foiî ^ coir.i'ent fou-
tenir cette cxiftence ? Qu'on oblcrve encora
que ce n'étoit point un cap entouré de glaces ,
qui le Htrcbroullcr cliemin, mais le manque
de vivTes , & les rochers qui ne dévoient pas
être confidérables , puifqu'il n'en parle pas
comme d'un empêchement à la navigation ,
mais feulement à la pêche. On troma doua
funplement plus commode de chercher par '
terre l'Anadyr :, on y réuftit , & l'on conlb-uifit '
dès-lors Anadirskoi-Oftrog.
5°. Malgré toutes les recherches pofllbles j
on craignit i\ peu ce cap , ou plutôt on eut
Ç\ peu d'idée de ioi\ exiftence , que k zek
pour les découvertes augmenta d'une ma^
niere furprenante , & ce qui eft digne de re-
marque , c'elt qu'il s'agiffe de les entrepren-
dre à\i côté- de ce prétendu cap , & que le
peu de fùccès de l'an 1647 augmenta le cou-
rage au lieu de le diminuer 5 apparemment
parce que, commicil cft naturel de le croire , -
ils avoientav pris pendant la dernière annéa
des particularités qui eurent cet eftét , ce ne
fut certainem-3nt pas la connoillance d'un
cap fi formidable qui en eût opéré un tout
contraire.
C'eft donc fans raifbn que M. Muller &
d'autres fe jdaigncnt du peu que l'original
de cette relation dit de - ce qui étoit arri-.é
aux trois kotlchcs jufqu'au grand cap , parce
que f»ns doute ds n'avoicntrieaàdire, ayant
fait leur voyage tranquillement Uns empê'
chemeiit , ni par un cap , ni par les glaces ,
mais étant arrivés au grand cap, c'eft- à-dire-,
au Serd-ekamen, comme tout lindiqiie. Si
que nous allons prouver tout 'i tait; Deichnew
en rapporte tout ce qu'on potivoit exiger de
lui.
^48 AS!
6°, îî «lit quecccripctoitdifiereatdecelul
qui cft près de la rivière Tciiuk.';a à ï'oucil
du Kolyma '-, cette difcinttion me donna
quelque foapçon que je nianifeilai dans mes
Mémoires. M. Adelon en clt Ijrpris :, cepen-
dant fi , par exemple , on veut diftinsjuer
entre Boulogne en Italie & Bologne fur
mer , on le fait , parce qu'on pourroit s'y
tromper , étant deux villes confîdérables \
mais jamais on n'avertit qu'on ne doit pas
le prendre pour le château de Bologne près
de Paris ; il faut qu'il y ait quelque cliolb qui
puiiî'e caufer quelque raéprife par la rellem-
blance , non feulement des noms , mais par
d'autres endroits. Si Defchnew avertit que
ce n'eft pas le cap près du Tfchukotfchia ,
mais le grand cap , ne pourroit-on pas en
conclure , que c'eft autant , comme s'il di-
fbit , il n'y a que deux caps confidérables
par ces côtes , l'un celui du Tfchukotfchia,
l'autre le grand près de l'^Vnadyr ^ alors ce
cap Schataginskoi dilparoîtroit de fbi-mêine.
Ce Defjluiew , témoin de la plus grande
authenticité , puliqu'il a fait ce voyage de
l'aveu de tout le monde , & a demeuré plu-
fleurs années dans ce pays , y a fait des
voyages , s'cil informé de tout , & en a rendu
compte à la cour ou au gouvernement gé-
néral du Iakoutsk. Ce Defchnew donc , dis-
je , décrit le grand cap d'une manière à ne
pouvoir s'y méprendre. Les îles vis-à-vis re-
connues fi fou'/eut pour être entre leSerdzeka-
men & l'Amérique , les iiabitans avec les
joues Scies lèvres percées \ le peu de dillance
entre l'extréniité de ce cap & l'embouchure
de TAnadyr ; la forme des côtes en demi-
cercle vers cette rivière.
J'avois déjà parlé de ces deux derniers
articles dans mes Mémoires , M. Adelon en
convenant parfaitement de la contradidtion
manifefte entre la relation & les cartes , ne
veut pas voir que par cette raifon on puilfe
conclure contre celles-ci ^ qu'on en juge.
La kotfche d'Ankoudinow fit naufrage ;
l'équipage fut fauve par les deux autres -^ peu
après elles furent réparées & toutes deux je-
tées fur les côtes \-ers le fud loindel'Aiiadyr:
elle a donc fait naufrage à l'extrémité à l'eft
ou fud-ell de ce cap , lans quoi ces kotfches
reliantes n'auroier.t pas olé hafardcr de le
palier étant en effet auiîi dangereux qu'on
le dit de cchii qu'on met toujours à la
A S I
place de cclui-cî , le prétendu cap Tabirt*'
7". Pour revenir vers l'Anadyr depuis le
llid , DeH-hnew erra pendant un an ^ y étant
;irrivé , il établit l'Oftrog qui dès-lors refta
!a feule polfenion des Rulfes dans ce pays j
c'eft de là qu'on eut quelques connoillijnccs
de cette côte & où ÂtlafTon enfuite prit les
fienncs, Defchne\'r remarqua le banc de
fable à l'embouchure de l'Anadyr , le long
de ce promontoire , qui étoitpourainfi dire
le rendez-vous de tous ces amphibies qui
pouvoient enrichir ceux qui s'appliquoient
à en prendre.
Il voulut donc envoyer le tribut annuel
confidérable par mer à Jakontski , fentant
bien qu'en palfant avec précaution ce double
cap Serdzekamen , il n' avoir rien à craindre
d'un autre , mais feulement des glaces qui
font fréquentes au nord & uord-oueft de ce
cap ^ ce qui n eft pas étonnant , la pointe
en étant tournée un peu vers le nord-eft, 8c
formant, à caule que ce promontoire a une
longueur confidérable vers l'eft dans la mer,
une efpece de baie :, les glaces qui vieiuient
du nord-oueft: & nord-eft comme dans un
entonnoir , s'y arrêtent & n'en font pas fi
promptementchalfées que dans une mer plus
libre , d'autant moins qu'elles peu\-ent s'ar-
rêter entre les îles vers l'eft; c'eft fur-tout le
défaut des matériaux qui lui firent abandon-
ner fon entreprife.
8°. Il arriva cette diipute mentionnée ,
qui prouva clairement la iitnation de ce grand
cap des îles voifines & du banc de fable.
9°. Il découvrit dans fa courfe vers le fud ,
le fort d'Ankoudinow Se d'Alexiew ; à l'ar-
rivée d'Atlallbw , les habitans pouvoient lui
en donner encore des indices.
10°. Adaffow fit les expéditions dont on
a parlé.
1 1°. Il déclare encore plus pofitivcment
qu'entre le Kolyma & l'Anad}T , il fe trou-
voit un double cap nommé cap Tfchalas-Koy
Se Anadirs-Koy; peut-on voir quelque choie
de plus convaincant ? Il parle À'un Jiul mais
double cap , non de deux ou plnfieurs. 11
n'y cft point nulle part que celui-ci •■, par-
tout les noms de Tchuzchi Se Tichataski
font pris pour des fynonymes , & avec rai-
fon ; nous verrons que ceux qui parlent des
habitans de tout le nord , les nominent
Tckçuski j \^ habitans de ce promontoire Sî
des
A S I
desenvirons cîe même ■■, peut-être qliecommc
les Koriaques de Kamtchatka fe dillinjucnt
<le ceux de l'ile Karaga , quelques-uns don-
nent le nom de Tfchalacki à ceux de ce pro-
montoire.
Enfin toujours n'y a-t-il qu'un feul mais
double cap , dont la partie auftrale efl nom-
mée cap Anadyr-Koi , comn:e ayant l'em-
bouchure de cette rivière tout près de la
côte méridionale.
AtlalTow, qui n'a rien \ni par mer, alTure
qu'on ne peut le dépaiîêr par eau , à caufe
«les glaces vers le nord ou l'oucfl , qu'il n'y
en a jamais au lud i \-oi!à ce qu'on a encore
défii^uré & appliqué à ce cap Tab'm , repré-
fenté tournant au nord -, au lieu que nous
venons de voir la raifon pourquoi il y a fou-
vent des glaces au nord de Serdzekamen ^
en n'oièra nier qu'il ne s'agilfe ici par-tout
d'un cap , des îles , de peuple jjrochc d'A-
2!adyr, vers le 66 ou 67e degré , & non d'au-
tre vers le 71 à 74= degré, &que n'y ayant
qu'un cap confidérable entre cette rivière &
le Kolyma , ce cap Tabin ne doive dilpa-
roître,
11°. L'article de Popow efl; très-remar-
quable \ j'adopte à-peu-près toutes les rela-
tions , pourvu qu'elles ne s'oppofent pas au
bon fens comme celle-ci : Une grande terre
vis-à-vis du Kolyma & de l Anadyr , la
ir.éir.e terre vis-à-vis du Kolyma , félon les
nouvelles cartes ,371 degrés de latitude ,
175 degrés de longitude fur la côte feptcn-
trionale , & de l'Anadyr , 65 degrés de la-
titude, 193 degrés de longitude, fur la mer
orientale i n'eft-ce pas une contradifllon
palpable ? Ne faut-il pa s ou effacer le nom
de Kolyma , ou placer Ibn embouchure dans
la mer orientale , comme on l'a fait autre-
fois ? S'il en étoit comme les anciennes car-
tes le marquent , le Kolyma feroit plus au
fùd que le prétendu cap Schataginskoi , peu
éloigné au nord-oueft , fijr une côte incli-
née vers le fud-cft du grand cap ^ alors , en
cfïèt , la grande île ou terre feroit à-peu-
près vis-à-vis des deux •■, ces rivières lèroient
de la même micr , comme Gnielin le dit ,
■& cet article de la relation de Popow feroit
exaâ:.
On voit que c'eft par le préjugé en fa-
veur de ce cap Tabin , qu'on vouloit con-
fondre ton; ce qui eft prouvé encore, paixe
Tome in.
AS! C^9
que , malgré toutes les recherches , on n'a
point trouvé d'ilc , ni d'îles habitées vers le
Kolyma , & que la dcfcription des habitans,
de mci7ic que la dillance , les aniinaux ,
les pelleteries , les bois , dont il n'en croît
point à cette latitude de 70 à 74 degrés &:
phis loin, tout enfin indique fans équivoque
les îles à l'oppofite du Serdzekamen & de
l'Anadyr, ainfi que le nombre des habitans ,
le même que les autres ont rapporté de ceujc
de Serdzekamen , de fcs environs & des iu-
fiilaires j puis donc que le détail authenti-
que qu'on a de ceux-ci ne peut pas être dou-
teux , il faut que l'autre foit faux , & pro-
venant de ce qu'on veut toujours confondre
les deux caps &; appliquer à un cap Tabin
imaginaire ce qui appartient au Serdzeka •
men leuL
13°. Stadouchin devoit fe rendre depuis
le Tlchiketfchoihoff à ces îles , pays du côté
oppofé ^ c'cft donc depuis le Serdzckamea
auquel ils le font ; pour le cap Tabin il fau-
droit chercher des îles & pays oppofés aufiî
imaginaires que le cap , puifcp'ou n'en a ja-
mais eu la moindre notion ni idée.
Le refte de la relation des Tfchutski des
environs d'Anadir-skoy , confirme Ç\. com-
plètement ce que nous venons de dire , qu'il
n'eft jjas néceffaire d'y infifcer. Ils difoient
à Defchnew , à Atlalîbw , à Beering même
tout ce qu'ils favoient de ces contrées ■■, que
leur nation habitcit ce grand cap vers l'A-
nadyr , ces côtes , tous ces environs ^ ils dé-
crivoient le mieux qu'il leur étoit pofilble
les îles & pays voifins & leurs habitans , par-
loient du continent tant de l'oppofé que de
celui à l'oueft d'Anadyr-skoy & du Kolyma ;
ils connoilfoicnttout ceci; mais pour ce cap
au 7i , 74 degrés fi confidérable , fi formi-
dable , qui comme on le dit , eft habité par
eux , parce qu'on le confirme avec le Serdze-
kamen , aucun n'en difoit un mot à per-
fonne de ceux-ci qui les virent en diver&s
fois dans l'elpace de 85 ans ; il eft donc évi-
dent qu'ils ignoroicnt l'exillence d'un pareil
cap & qu'il n'y en a point.
On pourroit vouloir prendre avantage de
ce qu'ils difoient , qu'il leur falloit près de
trois femaines pour fe rendre à l'extrémité
du cap 5 mais fi l'on fait attention à toute»
les circonftances , on verra que ceci ne tire
point à coaléquence.
Kkkif
e
5?
A S I
C'efl avec leurs miférables baldares de
cuir , qu'il leur faut tant de temps.
Du fond de la baie de tAnadyr , qui fur
la carte de M. Muller a 5 degrés de pro-
fondeur.
Pardeifus le banc de fable, ou tout près ,
ce quit doit les arrêter fouvent , & même
doit les y jeter & les y faire demeurer
quelque temps.
Côtoyant ce long promontoire , où ils
trouvent encore deux baies , & qu'il faut du
teinps pour les palfer.
L'extrémité du Serdzekamen eft à fon nord-
eil à deux ou deux degrés & demi , ou 40
à 50 lieues de lar.^cur & pleine de rochers ;
mais de bons vaillcaux qui prennent le large
& cinglent clireÛement , peuvent bien en
trois fois Z4 heures, comme l'autre relation
l'alïiire , par un fort vent fxivorable depuis
l'extrémité du cap , arriver non au fond de
la baie , mais à l'embouchure de l'Anadyr.
11 n'y a rien là qui fe contredife.
14°. On voit ici feulement qu'il s'en faut
de beaucoup que la cour ait publié toutes
\ts découvertes.
15°. Le grand monarque choififfant lui-
même Beering, cela forme un grand pré-
jugé en faveur de celui-ci, non que j'adopte
en entier fa relation ou plutôt là carte 5 il
faut toujours aller , pour ainfi dire , la fonde
à la main , fi on veut former une bomie
critique.
16". Son voyage fut en tout de 55 jours
pour aller & revenir. Je veux croire que fa
carte ait été drelfée auffi exaftcment qu'il
l'a pu-, eft-ce alibi pour qu'elle foit exemte
d'erreurs? Il a perdu rarement de \aie les
côtes ; mais pourtant cela eft arrivé , l'offi-
cier Rulfe qui l'a accompagné dans fôii
voyage en Amérique, & qui curieux comme
il létoit , aura eu mainte converfiition
avec lui fur fon précédent voyage , alfurc
«fu'iJ a pu voir rarement les côtes , à cau/c
«les brouillards fréqucns. On ne peut donc
fè fier à là carte à cet égard , ni par confé-
quent placer rextrémitc du Serd/ckamcn à
près de 205 degrés (ou félon d'autres loS)
de longitude , tar.dis que le point de fon
«départ, l'embouchure du Kamtf.hat, l'cft
environ 177 , ^ qu'un auteur altiire que le
giliement dos côves depuis le Lopatka , vers
ia mer glaciale eft allez en ligne dircfte j
AS r
excepté les caps , c'eft-à-dire ces caps de
Kamtichat , Kronoskoi , Ilpinskoi & autres
pareils^ car de comprendre dans cette excep-
tion ces grands caps ou plutôt pays &f con-
trées qui s'éloignent de la ligne direfte d'en-
viron 30 degrés , ce lèroit une exception
très-ridicule.
Les Tfchuktfchi, au 64e degré & demi ,
l'avertirent que la côte plus haut alloit le
tourner vers l'oueftà 67 degrés 18' ou 18',
ils en ont apperçu la vérité , & ont cru avoir
alfez de preuves pour affurer que les deux
continens n'étoient pas joints , voyant cou-
rir la côte à l'oueft , fans rentrer ni vers le
nord ni vers l'eft.
M. Muller traite ceci d'erreur, parce qu'it
foutenoit l'exiilence du cap Tabin , & le
rédafteur Cpour abréger , je cite fous es
nom la fuite de Vhijloire générale des voya^
ges ) le taxe de timidité qui lui faifoit peu.
d'honneur , ii'ofànt pas aller plus vers le
nord , pour achever fès découvertes. Ce:
dernier agit direftement contre Ton axion.e.
fi inconteftable , t/uu/i témoin vaut plus que
cent non-témoins , ou qui n'ont rien vu 5 .
Beering étoit un bon marinier , reconnu Se
choifi comme tel par l'empereur \ il a vu
ce qu'il a dit , St n'a pas vu ce cap Tabin ,
ni aucun indice qui pût le lui faire Soup-
çonner 5 il n'a point entendu parler des
Tfchoutski , qu'on dit habiter ce cap j ces •
meffieurs ne l'ont pas vu non plus, mais
en foutiennent f exiftcnce par prévention ,
en y appliquajit ce qui n'elt manifeftemcnt
applicable qu'au Serdzekamen , & (ans preu-
ve '-, ceci doit être préférable à un témoi,-
gnage raiili auîhejitique que ceh.-i de Beering,
Il faut encore faire rcliexion que ce n'cli
pas en particulier , en voyageur , qui fou-
vent découvre au halard des pays, fur quai
il cil croyable , que Beering a agi ^ mais
par ordre d'un grand moniu-que , ce qui
n'empêcJie pas qu'il puilfe n'être pas cru
dans fa relation , &c fur tout ce qui conr
cerne le principal but de cet ordre & de ce
voyage. Il eft doDC naturel de diftinguer
chnis fa relation ce qu'il a vu , & le gilîcr
ment des côtes dent il n'a vu qu'inte petite
partie , & fans obfervation aftronomique^
Si dans fa carte il a également marque le
cap Tabin, c'eft ce que j'ignore \ ceci peia
être une addition du géographe : fuppofoi:*
A s I
"^ic ce foit de Bccrin,>î même , il a pu le
inarquer de crainte de révolter le préjuf^é
reçu , tout comme je l'ai fait dn:is ma carte
11°. Il, quoique j'aie drciic la troilîemc félon
ce que j e!i pcnfc réellement , même en
accordant encore au delà.
17". Cet article eli: encore remarquable :
Givofdcn a été vers la terre, dont il eil:
fait mention pluficurs fois ci-deiliis, entre
65 & 6(5 degrés , pas loin du pays des
Tlchouk-tski. C'cft encore une nouvelle
preuve que tout ceci ree^ardc le Scrd?,cka-
men , & non ce cap imai^iuaire ^ l'officier
dit fans équivoque , que c'ell depuis le pre-
mier, que Givofden liit jeté fur la côte de
l'Amcrique.
Mais la relation de Pauluski cil telle ,
qu'on ell en droit d en rejeter tout ce qu'on
veut ; rivière confidéini/e , inconnue vers la
mer glaciale ; de-là un voyage de i $ jours vers
fejr : cette rivière ell: donc encore à l'eft du
Kolyma ; eft-ce l^ogitfchu , que ics prédé-
celFeurs n'ont pu trouver après des voyages
de quatre & de fept fois vingt-quatre hei!-
res ? a-t-il été fous la protection du roi des
Aigues-Mariues , qui devroit entrer dans un
pareil conte borgne, où une petite arm^ée de
445 guerriers , voyagent pendant quinze
jours , prelquc toujours fur les glaces ? Son
grand protecteur a-t-il créé une île de glace
llottante , & fait avancer li loin vers l'eft ,
comme on devroit le croire , parce que fou-
vent elle étoit fi éloignée des côtes , que
même on ne pouvoit appercevoir les em-
bouchures des rivières? & cette île devoit
être d'une nature particulière , le génie a\'oit
le pouvoir d'empêcher que jamais la glace
lie fe brisât, comme il eft arrivé à tous les
autres qui ont fait l'expérience , que d'une
heure à l'autre on n'étoit pas sûr que cela
n'arrivât ? Non , ici les 445 hommes étoient
toujours enfemblc à leur aife '-, ou eft-ce un
pont, foit glace ferme, d'une telle étendue ,
qu'ils pouvoient y voyager pendant quinze
jours au moins a chacun comprendra qu'au-
cuns hommes peuvent avoir la force , le
génie , la dextérité de voyager fur vne île
de glace, fans rifque , lî Ioîti , la faire avan-
cer , la diriger de quel coté on le juge né-
ceffaire. Je ne dis rien des provifions , je
peufe que Pauluski fe fera pourvu de la
«hair de renard , loups Se autres délicatef-
A S I 6^T
[es ; car pour pcclier il ne le pouvoit pas
(iir une glace fi étendue , fi ferme i mais du
inoins, le génie devoit les pourvoir de quel-
ques fecours , pour fe repofcr fur des cou-
ches molles, & les garantir du grand froid.
Etoit-il encore fur les glaces ou fiir terre ,
lorfque les î'fchouktski avancèrent pour lui
livrer bataille? Si c'eft le preinier, on ne
peut qu'admirer fon courage ik fou habile-
té , d'avoir pu & voulu abandonner fon île
de glace pour aller à terre, uniquement dans
le but de fc battre.
De-là il avança encore plus loin, trouva
deux rivières , qui fe jettent à une journée
l'une de l'autre , dans la mer glaciale ; ri-
vières auflî inconnues à fès prédéceffeurs
nomm.és ci-dcfliis. Il faut que cette côte
ibit d'une étendue immenfe, puifqu'aprèsr
le 7 juin , il ne repofa que huit joiu-s , &
pourtant ne parvint à cette dernière^ & qu'il
n'y eut un fécond combat que le 30 juil-
let ( il eft vrai qu'enfuite parlant du troi-
fieme combat , il eft dit le 14 juillet ; il faut
donc que par erreur , on ait mis 30 juillet ,
au lieu de juin.J N'importe , en calculant
fon voyage jufqu'à l'arrivée de l'autre côté
du cap prétendu , il faudroit placer cette
extrémité, non à 208 lieues , mais à 250 5
vu que le degré n'y donne plus que 5 lieues
& demie : pofons 6 lieues , & que , comme
il eft dit en fe rendant vers la mer , depuis
Anadirskoi , il laiffa la fource de cette ri-
vière, marquée à plus de li degrés à l'eft
de Kolyma à fa gauche , & miu-chant di-
rectement au nord ^ malgré donc l'éloigne-
ment fiippofé & incroyable de ce cap Ta-
bin , du Kolyma ( toujours d'après la carte
de M. Mullcr ) , il n'y auroit depuis la pre-
mière rivière inconnue , jufqu'au cap, ou
la naiifance , qu'environ 10 degrés ou 60
lieues. Je voudrois qu'on pût concilier cela
avec toutes ces journées & temps qu'il y a
employés.
Après le troifieme coinbat , il pafTa ce
cap Tabin , & mit dix jours pour parvenir
à la côte oj>poféc, à caulc des grandes mon-
tagnes qu'il avoit à palier. Je n'en ferai pas
le calcul ; mais ce voyage augmente tou-
jours cette étendue fi extraordinaire i depuis
cet endroit, il fut vingt jours en chemin , hiî
& fes baidares de même , jufqu'au Serdze-
kamen , d'où , eft-il dit , il reprit le même
Kkkki
e^t A SI
ciiemin , pour retourner à Anadirskoi , qu'il
avoit pris pour aller à la mer glaciale. L'au-
teiu* de la relation montre par-tout qu'en
la compolànt , le bon fens l'avoit entière-
ment abandonné. Il alla depuis Anadirskoi
direÛement au nord , fit un voyage de
près d'un mois vers l'ell ■■, delà au fud juf-
qu'au Serdzekamen , & revint pourtant par
le même chemin qu'il étoit allé vers le nord.
En vérité , pareilles fornettcs épuifent toute
crédibilité , crédulité même ^ & on ell: en
droit de rejeter toute la relation : mais ,
enfin , dira-t-on , il a été à ce cap dont on
nie l'csillencc. Je veux fuppofer que fur un
endroit de la côte , il y ait de grandes mon-
tagnes , tout comme au Serdzekamen , &
dans prefque toute la partie de cette extré-
mité de rÀile ■■, mais il n'eft pas dit un mot
qu'il s'y trouve un cap fi fin avancé li ans la
mer : quand même donc tout ce récit ièroit
aufîi véritable qu'il eft manifeftement fabu-
leux , cela ne prou\'eroit rien en faveur du
cap \ au contraire , toutes ces relations s'ac-
corderoient plutôt avec celles des anciens ,
avec leurs cartes , 8f l'idée même de M. de
rifle , que depuis le Lena , la côte s'avance
toujours au fud-eft , & non point à l'eft.
1 8°. Je n'ai rien à remarquer ici fur M.
Kiriiow , finon que c'eft par connoillancc
de caufb que le fénat mit tant de confiance
en fon zèle & izi luinieres , lorlqu'il s'agif-
iôit de la relation de Spangberg.
19°. On voit par ce que M. Witlèn dit ,
& la remarque de M. Buache , que tout ceci
ne peut s'entendre que du Serdzekamen ,
quoiqu'il foit un de ceux qui font imbus de
ridée de ce cap Tabin , & de l'exiftence
^^ut-à-fait infoutentible dés îles & bas-fonds
;\ cette latitude , ce que M. Witlen dit des
honnncs à joues percées , le confirme en-
core plus.
zo". Ce que dit Kcm.pfer eft de même \
un ifthme n'a jamais pu être {iippofc à 73
degrés j mais il y en a un au Serdzekamen,
Tcmi-'U de montagnes , reprcfenté par tous
.tes auteurs, comme avançant fi fort en mer,
qu'on n'en connoît pas la fin , & nommé
cap de glace par M. de l'ille , qui en eut la
éonnoiflance fous ce nom , de même que i\\i
Kamtfchat , fans fe douter qu'il en cxiiiût un
a.itre plus au nord j que même on ne le con-
poitroit pas (ans les nouvelles décguvcrtes 3
A S I
auxquelles celle de Beering a mis le (ceaii 5
ce font les montagnes de Nolfé , fi fameu*
lès chez les précédens géographes. Cène
peut être que ce cap coupé fur la planche ,
que Kempfer a vu j quand même on allé-
gueroit 8c admettroit les n.iontagnes men-
tionnées dans la relation plus que fufpe£te
de Pauhiski , toutes les autres circonftances
ne peuvent convenir qu'au Serdzekamen.
zi°. Les Xuxi & Kœliki , habitant les
pays jufqu'au Kannfchatka , la langue de
terre ou cap de glace , coupée pin des iles ,
ne fauroient indiquer que le même j l'en-
trée des pêcheurs vers le nord ne peut con-
venir qu'à cehii-ci , puifque ce font les paf-
ftges entre ce cap Si les iles^ on voit qu'il
parle d' Anadirskoi ck de fes environs ;, enfin
que le Nawal fè trouve en abondance llir
ce banc de l'Anadyr ^ c'eft-là que ceux de
Jakontski fe rendent , & que le cap Saint ,
avec tous les autres endroits mentionnés ,
font voifins l'un de l'autre , non à 10 degrés^
ou 200 lieues plus an nord.
22,°, L'officier fuédois parle encore aifez
récemment des Rulfes quipaifent le Swœtoi-
Nolfpour commercer avec les Kamtfchada-
les , vers les 50 degrés de latitude. Ne fera-
ce pas encore le Serdzekamen ? Alfurant
qu'ils feront obligés de pailèr entre la terre
ferme & une grande île au nord-eft du cap
Swtoi-Noir. Où trouver cette grande île
vci-s ce cap Tabin ? Eft-ce à fon nord-elî ?
Perfoinie n'ofera aflurer qu'on en ait une
ombre d'indice de ce côté , au lieu que la
grande île, que ce foit la côte du continent
ou non , eft en grande partie au nord-eil
du Serdïekamen j c'eft à cette confufionque
la prétendue terre des Eidigani devoir Ibn
origine , parce qu'on l'a placée vis-à-vis le
Kolyma •■, ce qui a caufé bien des frais 6c
des peines pour en conftater l'exiftence y.
qui , enfiiite des informations jt'.ridiques y
s'cft trouvée f ms fondement.
Les Jukagres liiibitent précifément les
pays dont cet officier parle, depuis la fource
de l'Anadyr , jufquc vers les bords de la
mer du nord à l'oucft du Kolyma ^ fon cap
Tabin eft donc le Serdzekamen , vu que Ica
Tzutski occupeut /ij/A tout le pays depuis
l'Anadyr vers le prétendu cap.
23". Cette relation toute rcce;Ue a frappé
bien des iàvsjis qui ont été liirpris de la:
A S I
voir Cl concordante avec mon fyftéme de
la pénibilité & facilite de palFcr ce formi-
dable cap Tabin ( que j'avois encore lailîé
fublifler alors , ) contn; tout ce que les autres
géof^raphes avoient fcutenu ci - devaiit ^ ti
ce qui me paroitîe plusiingulier, c eft qu'en
fuppolant ce cap, on le regardoit comme
un oblhicle infurmontable au paffage par
le nord •■, mais que l'ayant pafië , il n'y en
avoit plus pour îè rendre au Kamîfchatka,
au lieu que tout railbniicment & les ex-
périences générales fondent un fentiment
oppofé.
Ce cap Tabin eft , dit-on , à l'extrémité
du nord-ell de TA/ie , ayant la mer du nord
à l'oueft & au nord ; l'autre mer à l'eft &
fud-eft : ce doit être un finis terrer. L'expé-
rience inconteflablc prou\'c que dans une
telle mer , l'agitation des vents , de quelque
côté qu'ils viennent, efl fî forte, que jamais
il ne s'y pourroit former àcs glaces , encore
moins y refter Ç\ peu de temps que ce foit \
tous ceux qui donnent la defcription des
côtes de la mer & de ces glaces f F'oyei ^''''
Froiu & Glaces, ) afiurentnnanimement
qu'un vent ordinaire du nord les jetant fur
le rivage , un autre de terre les fait d'a-
bord retourner en m.er ^ & qu'eft-ce qu'ini
tel \ent en comparaifon de ceux qui régnent
continuellement vers un tel cap de tous les
côtés ? Voilà donc ce cap , quelque grand
qu'on le fuppofe , finilFant en pointe , dit-on,
qui nemettroitjamaisd'obfiacleaupafîlige -,
il n'en ell pasde mêm.e du Scrdzekamen, un
promontoire grand, large , s'avançant très-
loin vers l'eft dar.s la mer , fon extrémité
fuiviedeplulîeurs îles grandes & petites vers
le continent peu éloigné : quoi de plus na-
turel que les glaces emmenées de toutes les
bandes du nord , qui s'arrêtent à cette pref-
qu'île , autrefois prife pour un illhme , vers
les îles fuivantes & entre les îles ? Voilà le
véritable cap de glaces , & qui eft très à
craindre : cependant on voit qu'on peut le
franchir a^ec de bons vailFcaux j & on ne
le craint point.
On ne m'objeéfera pas qu'étant plus au
fud, les glaces y font moins à craindre : nous
prouverons à l'article cité , que ce n'eft pas
le plus ou moins de proximité du pôle , qui
A S I 6<i^
eft la caufè du plus ou moins de glaces, mais
descirconftances qui n'y font pas précifém.cnt
re!ati\es. Je dois feulement remarquer fur
cette relation , que ceux du Kolyma ont
nomnié ces iles , vers l'Amérique , yîlcyut;
bi que félon le rapport de M. MuIIcr , d'après
les 'ITchoutski, le pcujile delà })ren!iere ile
fe noînme Achjuch-Aliat; celui de la grande
contrée à l'eil Kitfchin-Aitat ^ ce qui paroît
être le même nom que celui (ÏAJcyut ; une
autre nation d'une de ces îles Pcckcli : tout
ceci eft très-conforme l'un à l'autre.
Four ne pas être trop prolixe , nous di-
rons peu fur les cartes citées.
Nous voyons que ce que les anciens au*
teurs marquent du cap l'abin , n'eft fondé ,
comme nous l'avons dit , que fur l'envie de
donner une place à celui de Pline , d'après
les idées qu'on s'en eft formées , & non fur
des relations •■, que tous plaçoicnt dans le
voifinage du cap l'Indigir , le Kolyma ( ce-
lui-ci même quelquefois au ftid ou à l'eft , )
l'Anadyr , le Kamtfcliat , comme peu é!ci-
^nés les uns des autres ; ce qui fonifieroit
l'idée , qu'en omettant ce cap , on devroit
marquer une même côte depuis le Lena
jufcfu'au Serdzekamcn •, & que ce n'eft
pas lans raifon , que plufîeurs , & encore
Gmelin qui a eu une grande connoiifance
de ces pays & rivières , oiit regardé l'Indigir
& l'Anadyr comme nvicres de la même mer •
ce qui , lans cela , lèroit aufti ridicule &
plus , que fi on parloit ainfi du Rhône & du
Tage.
Strahlenberg , à la vérité , a laiflë fob-
fifter ce cap Tabin : mais il met fa naiftance
tout près du Kolyma j & ce cap fait une
langue de terre étroite , fort avancée dans la
mer , dont l'extréinité eft vis-à-vis l'île fup-
polce des Eidigani. Les officiers fuédois , en
ijKî , ont omis l'un & l'autre , comme ne
méritant égalem.ent aucune créance. Par
ds
contre , eux & Strahlenberg ont marqué
avec foin un grand prcinontoire eu pref-
qu'île comm.e un finis terrœ de ce côté \ c'cft
le cap Anadirskoi , le feul cap réel & conii-
dérable \ une grande île à fon eft , nommée
des Luc/iochcuski-, qui f^ra celle découverte
vers l'AiriCrique •■, & d'autres petites (*). Ce
foui grand cap finit du côté du fud , foit fon
{*) Cette fituation véritable a dté fi bien reconnue & adoprée, qu'on l'a aufl! lepiéfemée lellc
ns VH^fioire dciTartares d'AlulgafiBiiy.diiT i'kan.
^54 ASC
commencement à 60 degrés ■■, le tout depuis
le 65"^ degré ac!inir;iblcmciit conforme à la
vérité ■■, fans doute , parce qu'on l'a appris
•d'Atlaflow;, dans la relation de Strahlenberg,
article ïnkagri , il dit.... entre U Lena & le
Swatoi-nojs , ou , comme difent les RuJJes ,
N oJf-T chalaskoi fi" Anadirskoi ; voilà donc
tout expliqué , qu'au delà du Lena , il n'y a
point d'autre cap que le Serdzekamen , foiis
le même nom qu'Atlailow lui donna , comme
tout près de l'Anadyr , point d'autre conlidé-
xable entre celui-ci & le Lena.
Si dans la carte d'Isbrand Ides, la rivière
Kaintfchat eft m.arquéc à yi degrés , c'eft
-toujours par la fuppofîtion qu'il y a un cap
.au 75^ degré ^ & pourtant on n'en coiuioiiroit
point d'autre que le cap voifin de l'Anadyr
<îu'cn éloignoit à proportion ^ d'ailleurs les
latitudes mên^.e & encore plus les longitudes
font encore ii peu fûrement indiquées de nos
jours ( comme nous le remarquerons article
Latitude , ) qu'il ne faut pas être furpris fi
les anciens y faiibient des fautes fi grolfieres ;
ce n'cli: point fur quoi je me fonde , mais fiir
ics pcfiiions réciproques & relatives des
caps ta rivières qi:i pouvoient & dévoient
être connues , fans que la latitude le fût.
Ortelius , félon que M. Muller le remarque
lui-méirie , a placé les dix tribus d'Iiraël fiir
la rive de l'Obi , à 8z degrés \ fi donc on a
pu commettre une faute fi gro/Tîere , qui
n'empêche pas rcxifi;ence de l'Obi , Ides a
bien pu placer le Kamtfchat à yz degrés : il
.s'agit des fituations.
Le foupçon de la déclinaifon de la côte
& de la plus grande proximité de l'Indigir
& duKolymafe fortifie encore par d'autres
Téilexions.
M. Gmelindit ; ce il y a même des vefiriges
» qu'un homme dans un petit bateau qui
JJ n'étoit guère plus grand qu'un canot de
j) pêcheur , a doublé le cap Schalagiiiskoi ,
» & a fait le vo)'age depuis le Kolyma juf-
» qu'en Ivamifcbatka. )> On demandera lî
je fuis alTez crédule pour le croire ? Non : fi
j'accordois ce qu'il entend par ce cap , il
faudroit félon ces dillances arbitraires , don-
nées fur les cartes , faire 5 à <5oo lieues \
jnais fi , félon mon fj^lême , on fait rentrer
le cap Tabin dans fbn néant , on diriiinuc l'é-
jcndue des côtes , rapproche les ri-v icres , fur-
J:out le Kolinia , fait douJ^lcr le Serdzcka •
A sr
men , comme le feul & véritable cap Scha^
laginskoi , alors cela ne fera pas impofîîble
dans une des années , où , comnie M. Muller
l'avoue, il n'y a pas de glaces dans ces envi-
rons ; & alors je dois rendre juilice à M.
Gmelin qui, p;ir devoir , a fait fon poffible
pour infinuer l'impolfibilité du voyage , l'exif^
tence du cap Tabin , èc la diilance infinie
qu'on a trou\é à propos d'établir \ quoiqu'en
divers endroits de fà relation , il lui foit
échappé des vérités contraires , dont la cour
ne lui aura pas fu gré 5 enfin toutes les cartes
& les relations pefees avec impartialité &à
la balance du bon feus , feront voir qu'il
faut reiferrer le continent de l'Afie , que l'on
a fait trop long & trop large jufqu'ici. C'eft
fur cette idée que j'ai dreflé la carte n*^. III ;
c'efl aux découvertes ultérieures , faites avec
foin , & aux relations véridiques & non alté-
rées par des motifs de politique, à couftater
mes ccnjedures.(£';
Asie , ( Géogr. ) ville de Lydie auprès du
mont Tmolus. Suidas dit qu'on y inventa la
guitare à trois cordes. On prétend que cette
villeefl une des premières de l'^/î-V, & qu'elle
a bien pu donner fon nom à cette partie du
moiide. ( C. A.)
A.SILLE, afillus , infcfte que quelques
auteurs ont confondu avec le taon ;, cepen-
dant on a obfèrvé de^ différences marquées
entre l'un & l'autre , quoiqu'ils fe relîem-
blent à quelques égards. \Jafille tourmente
beaucoup les bœufs, & les pique viveinent^
on dit que fbn bourdonncnient les fait fuir
dans les forêts , & que s'ils ne peuvent pas
féviter , ils fe inettcnt dans l'eau jufqu'au
ventre, & qu'ils fè jettent de l'eau pardclfus
le corps avec la queue , pour faire fuir les
afilks. C'efl pour cette raif'jn qu'on a ap-
pelle ces infeiites mu fco' boarLvvel bucularict,
Moutfet leur donne le nom grec ««po»' : ir,ais
il convient que ce même nom appartient
audi à d'autres infeÛes. M. Linna:us diltin-
guc Yaftlle , fa-JJrus ; & le taon , en trois
genres dépendans d'unç même claffe ; &
il rapporte treize efpeces au genre de ïajtlle,
Fauna Succica , page 308. Voye[ In-
SECl'E. (/ )
ASIMA, (Hifi. des Relig. Idolat. ) dont
il eft parlé dans nos annales facrécs , liit l'i-
dole des peuples d'Emath , qui le rcpréfcn-
toiciit fous lu figure d'un bouc , fymbole de
A SI
îa lafciveté , ce qui fait conjccflurer qiic cette
divinité prclîdoit au plaifirde l'amour ■-, d'an-
tres prctcndent qu'il étoit le inêmc que le
dieu Pan des Efî)-pîiens : on ne fait aucun
détail fur fon culte. {T-n.)
ASINAIRES , adj. pris fnhft. [Hrff. ^nc.)
fctes que les Syracufains cclébroicut en mé-
moire de l'avanta.^c qu'ils remportèrent fur
Nicias & Démoiihcnes , généraux des Athé-
niens , auprès du fleuve Afir.arius , aujour-
tl'liui Fûlconara , rivière de Sicile. (G)
* ASINARA , petite ile d'Italie , près
de la côte occidentale de la Sardaigne. Long.
2(5 ^ /i7/. 41.
ASÎNÉ , ( Gcogr. ) ville du Péloponcfe ,
dan- la Mcilénie:, elle lè nomme aujourd'hui
Anchota ; fa lituation eft près du golfe de
Modon ou Coron. Etienne le géographe
place une ville de ce nom dans l'île de
Chypre , & une autre encore dans la Cili-
cic, {C. A.)
ASINE , ( l'ûe ) f) nonyme dont on fc fert
au palais pour éviter le mot âne, qui a quel-
que chofe de trivial. {H. )
* ASIOX-GABER, viUe d'Idumée , fur
le bord de la ir.er Rouge.
* ASIOUTH ou SOIOUTH, viUede la
haute Egypte.
' ASISIA, ville d'Illyrie , dans un lieu
qu'on appelle aujoiu-d'hui Bâiblr ou Ber-
game , & où l'on trouve encore des ruines.
ASJOGAM , f. m. ( Hijl. net. Botamq.)
plante du Malabar , allez bien repréléntée ,
mais fans détails , par Van-Rheede dans fon
Honus Malabaricus , volume V , page 1 17 ,
planche LIX. Les Brames l'appellent asjo-
gam coinme les "vlaiabares & caffibori ; les
Portugais fula do diabolo , & les Hollan-
dois , tovcrblocmen. C'eft Xarbor Indien Icn-
gis , mucronatis , tniegris f'oliis , fruclu albi-
tante , nucis palmce iiidel diclx œmulo ;
afshogamaram Malabarorum ÀQ. Plukeuet ,
dans foi! Mamiffa pag. zi.
C'eil un arbriffeauds moyenne grandeur ,
haut de quinze pies environ , à cime coni-
que pointue , formée d'un petit uoinbre de
branches , diipo/eea circulairemeiit & alter-
nativement, écartées fous ihi angle de trente
à quarante, degrés , & portées iiir un tronc
cylindrique de fix à .neuf pouces de diamè-
tre , à bois blanc , recouvert d'une écorce
hniu-uojr. Sa racine ell longue . profoiidc-
ASJ <rj5
ment enfoncée fous terre , couverte de fibres
uombreulcs , blanchâtre à écorce noirâtre.
Ses feuilles ibnt oppofécs deux à deux ,
non pas en croix , mais fur un même plan ,
elliptiques, allez femblables à celles del'a-
dhatoda, pointues aux deux bouts, lonffues
de fix à fcpt pouces , deux à trois fois moinS
larges, entières, épaifl'cs, relevées en dcllbus
d'une nervure longitudinale à dix ou douze-
côtes alternes de chaque côté, & portées fur
un pédicule demi-cylindrique aifez court.
Les fleurs fortcnt des branches de l'avant-
dcrnierc poulie , dont les feuilles font tom-
bées ^ elles font longues d'ini pouce , un
peu moins larges , ralfemblées au nombre
de dix à douze , en un cor}'mbe alterno ,
l^relque fellile , lî)hérique , portées chacune
liir un pédicule extrêmement court , & com-
pofées d'un calice à quatre dents ou divi lions
cylindriques portées fur l'ovaire , de quatre
pétales jaunes orbiculaires ouverts horizon-
talement , deux fois plus longs que le calice ,
&{ de huit étaniines une fois plus longues qua
les pétales , rouges , luifantes, couronnées
d'anthères , noirâtres , au centre defquellcs
s'élevc un ftylc prcfque aufli long , conique ,-.
vcrd - blanchâtre , épais , courbé en ai'^r
de bas en haut , 8c tenniné par un ftig-
mate fîmple. Au delîbus de cette fleur , l'o-
vaire paroît fbiis la forme d'un pédicule co-
nique renverfé , long d'environ un pouce ,
deux à trois fois moins large , qui devient
eu imn-llfant une baie ovoïde blanchâtre à
une loge , contenant un olfelet de même'
forme , comparable à celui du dattier.
Cuhure. L.'asjogam vit long-temps ; il elt
toujours verd , & lleurit tous les ans une fois
en décembre & janvier : fes fleurs durent
long-temps. Il croît par-tout le Malabar j on
le voit Kir-touî abondamment autour des-
templcsdes païens , qui ontfoin de le c!!lti\er
pour orner de fes feuilles & de fes fleurs , ces"
temples dans leurs jours de cérémonies.
Qualiiér. Il n"a pas d'odeur ni de faveur
fenlible , fî ce u'cit dans fes feuilles, qui ne
font pas trop agréables au goût.
VJages. Les Malabares pilent fes feuilles-
& en expriment un fuc qui , - avalé avec la .
poudre des femences du cumin , appaife les-
colique.s èc la palHon illiaque. La poudre de
fes feuilles fe prend auiïi mêlée avec le fan--
tal citriji.Sck fuçrc , pour purifier le fiiiig.>
6^6 A S K
Remarques. Quoique Van-Rheecîc ait dit
que Vasjogam a une fleur monopétale , com-
pofée d'un long tube partagé en quatre divi-
sions rondes & égales, on voit par l'expreflion
lîiênic de fa figure , & par plufieurs autres
caraûeres qui ne vont pas avec ces fortes de
fleurs , qu'il s'eft trompé , qu'il a fait cette
ciefcription après coup , & que cet arbre
vient naturellement dans la première fèftion
de la famille des onagres, enfin qu'il n'crt
peut-être qu'une efpece de valikaha. I^oyci
nos FamUles des plantes , volume II , p^^ge
î»4. ( M. Adanson. )
ASKEATON, CG<-'oir.) petite ville d'Ir-
îaiidc , au comté de Limcrick. Elle efl fur
la rivière de Shannon , à treize milles oueli
de la ville de Limerick, & à dix milles au
fhddeTrally. (C.^.)
ASKEM-kALESI , ville ruinée d'Afie ,
avec un port , non loin de Milet. On pré-
tend que c'étoit l'ancienne Halycarnalfe ^
or; y trouve encore aujourd'hui des marbres
& des monumens anciens , & Jacques Spon
a conje£turé que ce font les ruines de Jali ou
JaHî ; on y voit le rcfte d'un théâtre de marbre.
* ASKER-MORKEM , ville de la con-
trée d'Abouaz dans la Chaldée , qu'on nomme
au(fi ïlragiie Arabique. Cette ville s'appelle
aufli Sermenra'i , fur la rive orientale du
Tigre. Long. 72 , 20 ^ lat. fept. 34. On dit
qu'elle s'appclloit autrefois Semirah.
ASKITH, (Géogr. ) défcrt d'Afrique, en
Egypte dans la vallée de Hofail ; c'eil dans
ce même lieu où la fainte famille , fuyant
en Egypte , féjoiwna quelque temps , parce
qu'il s'y rencontra , dit-on , comme par
miracle , une fontaine où l'on menoit boire
les ânes. (C.A.)
* ASKRIG , petite ville d'Angleterre ,
dans la province d'Yorck.
ASLANI , ( Commerce ) monnoie d'ar-
gent de Hollande , & que l'on fabrique auiîi
il Inlpruck ; c'ell le daller même : cette ef-
pece a , tant pour effigie que pour éculfon ,
in\ lion ^ 8{ cet animal en Turc s'appellant
ajlaiii ^ c'cll en conféquence que les Turcs
ont noinmé le daller aflani. Les Arabes qui
prirent le lion de l'emprenite pour un chien
C& ils n'eurent pas abfolumcnt tort, car
jamais il n'y a eu d'empreinte plus équivo-
que) appcUercat la même pièce abukcsb. V.
AbUKESB «s* DALLi^H,
ASM
ASLAPAT, {Géogr.) bour? Confidéra-
bîe de Perfe , en Aiie. Il efc fur l'Arjtxe ,
afièz près de Mafchivan ; les femmes y
font d'une rare beauté , aufli le grand fophy
y en\'oie-t-il faire des recraes pour fou harem.
ASMERE , (Géogr.) petite ville de l'in-
douftan , dans la province de Bando , fous
l'empire du Mogol. Elle eil au fud-oueft
d'Agra , fur la ri\iere du Padder. On y voit
le tombeau de Hoghe Mondée , célèbre
mufulman , fanclifîé chez les Indiens de fa
feélc. II ne tant pas confondre Afmen avec
Azmer ou Bando. ( C. A.)
* ASMIRÉES , montagnes d'Afie , dans
le pays des Seres , qu'habitent les Afini-
récns , peuples répandus aulli dans le can-
ton de Cataja, qui efl: fort étendu , & qui
fait partie de la Tartarie prife en général.
ASMODAIoi/ ASMODÉE, (Théologie.)
eft le nom que les juifs donnent au prince
des démons , comme on peut voir dans la
paraphrafe chaldaïque fur l'Eccléliailc , cap.
j. Rabbi Elias dans fon diéfionnaire inti-
tulé Thisbi , dit quAfm.odai'ell le même que
Sam.aël , qui tire fon nom du verbe hébreu
famad , c'eil-à-dire détruire ; 8c ainfi Afmo-
dai fignifie un démon dejhuclcur. Voye[ Sa-
MAEL. (G)
ASMUND, (Hifloirt de Suéde.) xo\ de
Suéde. Après la mort de Suibdager fbn
perc , qui fut vaincu par Hadding , roi de
Danemark , & périt les armes à la main , il
fiiccéda à la triple couronne qui relloit dans
fa famille. Mais il crut qu'il ne s'en rendroit
digne , qu'en immolant Hadding aux mânes
de fon père. Il lui déclara la guerre. Il ne
tilt point arrêté par un préjugé général qui
faifoit du roi de Danemarck un fbrcier dont
les charmes étoient irréfiftibles. Il crut que
Ç\ l'enfer combattoit pour Hadding , le ciel
combattroit pour la bonne caufc. Les deux
armées furent bientôt en prélênce '-, Eric fai-
fbit fcs premières armes fous les yeux ^Af-
mund Ion père. Le premier coup d'Hadding
renverfii le jeune prince expirant aux pies
à'Afmund. Celui-ci furieux , ayant à la fois
fbn pcre & fon fils à venger , fc précipite
fur Hadding. La colère & la douleur éga-
rèrent fon bras ^ Hadding lui plongea fa
lance dans le fein. La reine Gulnida, délèl-
pérée de la mort de fon époux , donna à tout
le nord un lïjcdacle plus tragique & plus rare
cncora
ASM
cttcore. Elle fe tua de fa propre main. ( M.
DE Sacy.)
AsMUND II, (Hijloire de Suéde. ) roi de
Suéde , tut un prince pacifique (fui ue prit
les armes que pour vcii^^icr la mort de fou
pcrcIngard,airalTiiiépardesrcbeIIes.Ilreviut
trionipham de cette ex])cdition , & quitta la
lalice pour prendre eu main le timon de l'é-
tat. Il fut jnlle iV ^^éiiéreux , arable , u'cut
d'autre minillre que lui-même, & donna au
Nord l'exemple de toutes les vertus, dans un
IjclIc où Ton n'en connoilToit d'autre que
la Lravoure. C'eft lui qui lît brûler une partie
de; imnicnles forêts qui couvroientla Suéde ,
& fervûient de retraite aux brigands & aux
bêtes féroces ; les cendres de ces arbres ferti-
liicrent la terre ■■, les cul.ivateurs encouragés
par le goiivcrnement, ne le plaignirent plus
ni de l'ingratitude de la nature , ni des exac-
tions de l'état. Al'mund fît applanir les che-
mins , & favorilà la circulation du coir-
merce. Des boiu-gades & des villes s'élevè-
rent dans des lieux qui juique-là n' avoient
été habités que par des ours f, fbn peuple
jouifîbit du fniit de fes foins ; il goûtoit lui-
même le plaiiir de faire des heureux , lorfque
Sivard /on frère ofà lui dilputer la couronne.
Ajmund marcha contre lui ;, les deux armées
fe rencontrèrent dans la Néricie. Afmund
périt dans le combat , l'an 564. On l'avoit
înrnommé Brant , c'eft-à-dire deftruâeur
des forêts. (M. de Sacy. )
AsMUND III, ( Hifl. de Sufde. ) roi de
Suéde. Il s'empara du trône de Biorn , &
fût détrôné comme lui. Il perfëcuta les pro-
félytes de l'év'angile qui commençoit à faire
des progrès dans le Nord. Chalfé de fcs
états , il équipa une flotte , écuma les mers ,
£t aux Vandales une guerre crueile , lailfa
fur les côtes d'Angleterre des monumeiis de
fa barbarie , & périt dans un combat vers
l'an 848. ( M. DE Sacy. )
AsMUND IV , furnommé Kolbrenncr ,
( Hift. de Suéde. ) roi de Suéde. Le furnom
de Kolbienner lignifie brûleur. Afmund
publia une loi pénale par laquelle celui qui
avoit fait tort à un autre étoit condamné à
voir brûler fa propre maifon. La peine étoit
ccpendatit proportionnée au crime. Si le
dommage étoit léger , on ne brûloit qa'iuie
partie de la inaifon du coupable. Ajmund
rendit aux anciennes lois leur première
Tome 111%
ASO Cs-j
viglioni' , cil créa de nouvelles , favorifa les
progrès de l'évangile , & fut le père de ics
iùjets qui tinrent peu compte de lès bien-
faits dans un fieclc où les habitans du Nord
pardonnoient aux tj'rans même leur barba-
rie , lorfqu'ils étoient bons guerriers. Il fè
laiflh entraîner dans une guerre de la Norvège
contre le Daneniarck ; elle lui ftit fatale :
il péritdans une bataille, l'an ioi$.{M.d3
Sacy. }
AsmundV, furnommé Slemme, ( Hifl.de
Suéde. ) frère du précédent. Il lui fuccéda ,
& périt comme lui les armes à la main :
mais il ne vécut pas de même. La juflice
languitfous fbn regne,les loix furent oubliées,
les mœurs perdirent cette pureté qu Afmund
/A'' leur avoit rendue , & les brigands repa-
rurent. Le roi termina par la ceflion de la
Scanie , les longs dilîerens qui s'étoient éle-
vés entre le Danein;irck. & la Suéde au lujet
de cette province. Ses fujets lui firent un
crime d'avoir refferréles limites de fes états j
leur ambition étoit plus vafte que celle de
leur prince. Le furnom de Slemme qu'ils
lui donnèrent , faifoit ime allufion injurieufè
à la foiljlefle avec laquelle il avoit abandonné
un des plus beaux fleurons de fi couroiuie.
La hcnte fit fur fon cœur ce que l'amoiir de
la gloire n'a\^oit pu faire. Ilréfolut d'effacer
ce furnom odieux , révoqua fa cciîion ,
déchira la guerre au roi de Danemarck , fut
aiîîégé dans un château ; & mourut fur la
brèche, l'an 1041. {M. de Sacy.)
* ASNA , ( Geog. une. & mod. ) ville de
l'Egj^te , fur la rive occidentale du Nil.
Long. 49 , 10; lat. 38 , 15.
* ASOLA , ville d'Italie, dans la Lom-
bardic , au Breffen , dans l'état de la répu-
blique de Venife. Long, i/ , 48 j lat. 45 ,
15.
* ASOLO,viIled'Italie ,dans leTrévifan,
à la iburce de la ri\'icre de Moufbn. Long..
29, 30; lat. 45, 49.
ASONE , ( Ge'ogr, ) rivière d'Italie, dans
la marclie d'Anconc. Elle a fa fource fur
les frontières de fOmbrie , dans l'Apennin ,
Se fon embouchure , dans la mer Adriati-
que. {C. A.)
* ASOPA, voyf jAnaplyste.
* ASOPE, fleuve d'Europe dans la Béo-
tie. Il y a un autre fleuve de ce nom dans .
l'Afie mineure j un troifiemc dans la Morée.
LUI
6jS ASP
L'Afope , fleuve de Macédoine , arrofbit
Héraclée.
* ASOPH ou AZACH , ( Ge'og. anc. &
mod. ) ville de la petite Tartaric à l'embou-
chure du Don qui la traverle , y forme un
port , & le jette dans la mer des Zabaques ,
qu'on appelloit ■a\x\.xqïo\%\q's, Palus Méotides.
Les anciens l'appelloient Tandis de l'ancien
nom de la rivière , & la mettoient dans la
Sannatie européeinie. Les Italiens l'appel-
lent encore la Tana : on y a joint depuis une
nouvelle ville appellée Saint-Pierre.
C'elî à'Ajoph que vient une partie du ca-
viar qui fe débite à Conftantinople , & cet
objet eft conlidérable. Il en vient aulTi des
efturgeons & des mouronnes. Les Turcs &
les Grecs y font un grand trafic en efclaves
Ruffiotes,Min_:n'éliens,Mofcovites, & autres.
* ASOR , ( Géog. ) Il y a eu plufieurs
villes de ce nom \ une qui fut capitale du
royaume de Jabin , que Jofué réduilit en
cendre j elle appartint à la tribu de Neph-
tali ; une autre cjui appartint à la tribu de
Juda : une troifieme delà tribu de Benjamin.
ASOKA TH , ou les traditions des prophè-
tes., ( Hi/î. mod.) c'eft chez les mahométans
le livre le plus authentique & le plus reipeôé
qu'ils aient après l'alcoran. Il renferme les
interprétations des premiers califes , & des
docteurs les plus célèbres , touchant les points
fondamentaux de leur reli;;ion. (-(- )
ASPABOTA , ( GJogr. ) nom d'une ville
des Scythes , fituée , félon Ptolomée , en
deçà de l'Imaiis. (C. A.)
* ASPALATH , afpalatus , ( Hijl. nat.
bot. ) cette plante , que quelques-uns appel-
lent eryj/fceptum , eiî: un j{ros buillon li'^neux
& épineux , qui croît le lon^ du Danube , à
Nifaro & à Rhodes. Les parfumeurs s'en
fervent pour épaiflir leurs parfums. Le bois
eft pefant , roujeâtre on pourpre fous l'écor-
ce , rend une odeur agréable , & ell amer
au goût. 11 y en a une efpece blanche , li-
gneulë & fans odeur : il eft échauffant ik
aftrinî^ent : on en ordonne la décoéfion en
gargarilme pour les aphtes , pour les ulcè-
res , &c. M. Herman & d'autres penfcnt que
Xafpalaih n'cft autre chofè que le bord du
cytife : il nous vient de la Morée '-, il eft ré-
ijrieux & fleurit à-peu-i)rcs comme la rolé.
On en fait cas à la Cliiiie. On en tire une
Juiilc ellcuticlle , d'une odcujr li Icuiblubic
ASP
à celle de rofe , qu'on peut donner l'une
pour l'autre •■, on ne les reconnoitra qu'au
plus ou moins de force dans l'odeur : l'huile
ellèntielle de rofe eft la plus forte. Les an-
ciens Vd^^cWoicnt Rhodium iignum : mais oit
ne fait s'ils ont voulu dire qu'il venoit de
Rhodes , ou qu'il avoit l'odeur de la rofe.
ASPALATHIA , ( Géogr. ) nom d'une
ancienne \'ille des Taphiens , dans une île,
fur la côte de l'Acarnanie. Elle étoit de
médiocre grandeur , mais dans une fituation
des plus riantes, au confluent de trois petites
rivières : Ptolomée en a auili fait mention.
(.C.A.)
* ASPE , ^'allée du Béarn , entre le haut
des Pyrénées & la ville d'Oléron. La rivière
d'Oléron palfe dans cet endroit , & s'appelle
le gave dAfpe.
ASPECT , f. m. afpcâus en agronomie ,
fe dit de la fituation des étoiles ou des pla-
nètes , les unes par rapport aux autres j ou
bien c'eft une certaine configuration ou re-
lation mutuelle entre les planètes , qui vient
de leurs fituations dans le zodiaque, en vertu
defquelles les aftrologues croient que leurs
puillances ou leurs forces croillènt ou dimi-
nuent , félon que leurs qualités a(fti\es ou
pafîives fe conviennent ou lé contrarient. Foj.
Planète , &c.
Quoique ces configurations puiifent être
variées & combinées de nulle manières ,
néanmoins on n'en confidere qu'un petit
nombre ■-, c'eft pourquoi on définit plus exac-
tement Vafpecl la rencontre ou l'angle des
rayons lumineux qui viennent des deux pla-
nètes à la <-erre. A' oyt'ç Rayon & Angle.
La dottrine des ajpecls a été introduite
par les aftrologues , comme le fondement
de leurs prédiétions. Ainli Kepler définit
Vajpccl , un angle formé par des rayons ,
qui partant de cleux planètes , viennent à fe
rencontrer lia- la tcire . & qui ont la pro-
priété de produire quelque influence natu-
relle. Quoique toutes ces opinions Ibicnt des
chimères , nous allons les rapporter ici en
peu de mots.
Les anciens comptoient cinq afpecls :
lavoir , la conjonvition marquée par le ca-
radtere n', l'oppolition par^P , Yajpecl trine
par j\ , Yafpci't quadrat par r , & ïajpeâ
lèxtile par *. La conjcaction Jk l'oppoiitioa
Ibut les deux ajpecls extrêmes , le prenuex
A S ï>
^tant {s moindre de tous , & !e iccond le
j)Iiis j^rand ou le dernier, r. CONJONCTION
& Opposition.
Vafpeâ tri»one ou trine eft la troifieme
j>artie d'un cercle , ou l'angle mcluré par
l'arc A B. Tab.afiron.fg. 3.
L'nfJH-cI tétragone ou quadrat eft la qua-
trième partie d'un cercle , ou l'anj^le ineliirc
par le quart de cercle A D: Va/pecl CckùIc,
qui eft la fixicnie partie d'un cercle ou d'uii
Jinglc , cH mefurc par le icxtantv^ G. T'oyei
Trigone , Tétragone, Quadrat , &
Sextu.e.
Par rapport aux influences qu'on fuppofe
■aux aCrecls , on les divifè en bénins , ma-
lins , & indrjfcttns.
l^^afyecl quadrat & l'oppcfition font ré-
putés matins ou maifaifans ; le trine ik le
icxtile bénins ou propices ; &C la conjonction
un afpecl indifférent.
Aux cinq afpecls des anciens , les moder-
nes en ont ajouté beaucoup d'autres ,
comme le déeile qui contient la dixième par-
tie d'un cercle \ le tridéciU , qui en contient
trois dixièmes ; ^ le biquintilc^ qui en con-
tient quatre dixièmes ou deux cinquièmes.
Kepler en ajoute d'autres , qu'il dit avoir
reconnu efficaces par des obfervations mé-
téorologiques , tels que le dcmi-fcxtikj qui
contient la douzième partie d'un cercle , &
le quincunce , qui en contient cinq douziè-
mes. Enfin nous fomnies redevables aux
médecins aftrologues £\m afpecl oâiU, con-
tenant un huitième de cercle, & d'un afpecl
zrioclile , qui en contient les trois huitiè-
mes. Quelques médecins y ont encore mis
\afpe3 quintik , contenant un cinquième du
cercle, & Yafpecl biquintile, qui, comme on
a déjà dit , en contient les deux cinquièmes.
L'angle intercepté entre deux planètes
clans Y afpecl de la conjonétion eft=o '-, dans
Xafpecl femi-fextile , il contient 30° ^ dans
le décile 3 6° ^ dans l'oftile 45° f, dans le Tex-
tile 60" j dans lequintilc Ji" ■■, dans le quar-
rileço^i dans le tridécile 108°^ dans le trine
iio"j dans le trioÛilei35''; danslebiquin-
tile 144";, dans le quincuuce 150°^ dans
l'oppoiition 180".
9 Ces angles ou intervalles le coirptent par
les degrés de longitude des planètes , telle-
ment que les afpecls font cenfés les mêmes ,
ioit qu'une planète fe trouve, dans 1 cclip-
A S P ^59
tique , ou qu'elle foit hors de ce cercle.
On diviie ordinairement les afpecls en
partiles & platiques. Les afpecls partiles ont
lieu quand lesplanctes font diitantes les unes
des autres d'autant de degrés j)récifément
qu'en contient quelqu'une des divifions pré-
cédentes. 11 n'y a que ceux-là qui foicnt pro-
prement àcs afpecls. Les (2//7fi:7.vplatiqucs ar-
rivent quand les planètes ne ibnt pas les unes
par rapport aux autres précifément dans
quelqu'une des divifions dont nous venons ■
de parler. Voyci Influence. (O)
Aspect, i. m. On dit ce bâtiment pré fente
un bel afpcà , c'eft-à-dire qu'il paroit d'une
belle ordonnance à ceux qui le regardent ,
& qu'il jette dans wno. admiration telle que
celle qu'on éprou\oroit à la vue du périllyle
& des façades intérieures du louvre , fi le
pié du périltyle étoit dégagé de tous les bâti-
mens fubalternes qui l'euvironuent ; & ii
ceux qu'on vient d'ériger dans la grande
cour de ce palais , n'oftufquoient & ne maf-
quoient point \afpecl de la décoration inté-
rieure des façades , dont l'ordonnance fait
autant d'honneur au dernier (îecle , que les
bâtimcîis dont nous parlons déshonorent
celui où nous vivons.
On dit aullî que tel ou tel palais, maiforr
ou château , eft fitué dans un bel afpecl , lorl-
que du pié du bâtiment ou découvre une
vue riante & fertile , telle que celles du
château-neuf de S. Germain en Laye, de
Meudon, deMarly, &c. (P)
AsPECToif SoLAGE , c'eft la mêmechofe
quexpcjiiion : il y en a quatre différentes ;
celle du couchant , du levant , du nord , &
du midi. L'expofition du levant voit le foleil
depuis le matin jufqu'à midi , celle du cou-
chant a le foleil depuis midi jufqu'au fbir.
L'expofition du midi eft la plus riche de
toutes , elle commence à neuf heures du ma-
tin jufqu'à quatre heures du foir ; & celle
du nord ou du fcptentrion cfi: la plus mau-
vaifè , fur-tout dans les terres froides & hu-
mides , n'ayant de foleil qu'environ deux
heures le matin & autant le fbir j mais aufîi
elle n'efl pas fi fujette à la gelée.
Quand on veut jouir de deux expofitions
en même temps, on conflruit des UiUrs obli-
ques 011 le foleil gliflé , & y demeure fuffi-
fâmment pour que les arbres fe trouvent ex-
pofés au midi éc au lc\ant.
LUI 2
éCo ASP
Rien ne contribue tant à la bonne fanté
iqu'iiue bonne expoiition , & les végétaux ,
par la vigueur de leur poulFc , nous montrent
alFez combien elle leur eft néceiraire. Ceux
de tous les végétaux qui ont le plus befoin
d'une bonne expofition , font les orangers ,
les myrtes & autres arbres à fleurs ^ s'ils
étoient trop expofés aux vents , fur-tout à
ceux du nord, ils feroient bientôt ruinés.
Les arbres fruitiers demandent aufîî diffé-
rentes expoiîtions j les pêchers veulent le
midi & le levant ; les poiriers le levant ot
le couchant , les pommiers & les abricotiers
peuvent venir à toutes fortes d'expofitions Se
en plein vent \ les pruniers viennent fort
bien au nord & au couchant ; les figuiers
réufiîlfent mieux au levant & au midi que
par- tout ailleurs. {K)
Aspect, Air, {Beaux-arts.) c'eft le
caraftere de la figure extérieure d'un objet:,
on dit qu'un édifice eft d'un bd afpccl ,
d'un afpeâ défagréabh ; on dit d'une per-
fonne qu'elle a tair noble , ou [air bas.
h'afpecl réfulte de l'enfemble de la forme
extérieure , & il diffère du caraftere , qui
naît des parties de détail. Le vifage d'un
homme aiuionce quelquefois un caraftere
différent de celui que la figure entière de
cet homme femble exprimer.
Nous ne parlerons ici que de la figure hu-
maine, en tant que fon afpeâ eft un des ob-
jets de l'art ; c'eft l'étude la plus importante
du peintre , du ftatuaire & de l'afteur : elle e(l
indifpenfable à l'orateur & au poète épique.
h'afpecl, confidéré en foi-même , fait déjà
un objet intéreffant pour les beaux-arts ^ c'eft
une choie bien digne d'être remarquée , que
l'on puiffe découvrir dans des formes maté-
rielles, les propriétés d'un être qui penlè &
qui fent. Auiîi tout artifte qui faura exprimer
correctement dans l'air d'un perfonnage le
caradlere de l'ame , ou fimplement un de
lès états palFagers , eft sûr d'obtenir nos fuf-
• frages. Il n'y a pas jufqu'aux payfans de
Teniers & d'Oftade , & aux badauds de
Hogarth dans les eftampes d'Hudibras, qui
n'excitent une efpcce d'admù-ation : & un
fpeÛaclc , dans lequel chaque perfonnage
indiqueroit avec précilioii par fon air exté-
rieur , le caraftere qu'il repréfentc , ou le
foiitiment qui doit l'auimcr , rcuiîiioit à
plaire par cet endroit fcid.
A S P
Mais l'effet de l'afpecl eft d'une toute
autre importance encore dans lesouvrages
d'un but plus relevé , qui n'eft pas borné au
fimple amufement. C'eft par Yafpeâ exté-
rieur que nous nous fentons prévenus d'une
manière irréiiftible , pour ou contre certai-
nes perfonnes , certaines actions & certains
fentimens. Le fimple afpecl de Therfite nous
infpire du mépris pour lui , avant même
qu'il parle ou qu'il agiffe.
Ainfi l'artifte qui poffédera bien cette par-
tie de fon art . fera le m.aitre de nos fenti-
mens. C'eft dans cette partie que confilte
le plus grand effet de l'art : pour juger de
fon importance , il n'y a qu'à voir dans
quel enthoufiafir.e YaJpecI d'un torle a pu
jeter \X'inckelman.
Mais il n'eft donné qu'aux plus grands
artiftes de réuflir dans cette partie. Il n'y a
point ici de règles à prefcrire , elles feroient
parfaitement inutiles:, tout ce qu'on pourroit
dire à l'artifte fe réduiroit à lui recomman-
der l'étude de la nature j mais à quoi lui
feniroit cette étude , s'il n'a l'ame la plus
feniible , qui fc tranfporte fans la moindre
peine dans toutes les fituations, & qui fâche
donner à fon corps toutes les formes poiïi-
bles ? On voit quelquefois des gens qui avec
des talens très-médiocres , ont celui de
prendre avec la plus grande facilité , l'air
& le maintien des perfonnes qu'ils veulent
imiter : ce font des aéteurs nés.
Il n'eft pas douteux , néanmoins , qu'un
travail afîidu ne fortifiât conlidérablement
des difpofitions médiocres à ce talent. Va
artifte n'y échouera jamais abfolument ,
s'il porte par-tout un œil obfervateur , s'il
cherche à voir diverfes nations, s'il confi-
dcre les perfonnes de toutes les clalfes , Se
fi l'nnprelllon que l'ceil en reçoit , fe grave
fortement dans l'imagination : cette faculté
de l'ame demande, comme toutes les autres,
à être conftamment exercée ■■, l'artifte qui
defire de réuffir dans VafpecI , doit s'appli-
quer fouvent à ih mettre foi- même dans
toutes les fituations d'elprit imaginables.
Le poète épique doit exceller dans l'art
d'exprimer Yafpeâ , & c'eft peut-être le plus
difficile de fon art. Des defcrrptions trop
détaillées feroient hifupportables ; il faut
qu'il liichc exprimer par un petit nombre
de traits , luie iiifimtc de choies.
ASP
L'art de varier à fou gré l'extérieur , cft
de la plus grande confidération pour l'ora-
teur. L'éloquence muette a plus de force
que le dtfcours iiicme. L'orateur , de même
que l'aftcur , doit être un Prothée , un
Ulylfe, qui fâche fè revêtir de toutes les
formes. Dès qu'au milieu de fou difcours,
il change de ton ou de matière , il doit
prendre aufîî l'extérieur qui y ell le mieux
approprié. ( Cet article ejî tiré de la théorie
générale des beaux arts de M. SvLZr.R. )
* ASPENDUS ou ASPENDUM ,
(Géog. anc.) ville ruinée dans la première
Pamphilie & dans l'exarchat d'Afie ■■, elle
étoit fi tuée fur l'Eurymedon.
* ASPER , ( Hijl. nat. ) petit poiflbn de
rivière qu'on trouve ordinairement dans Je
Rhône. Il eft nomme afper , de la rudelfe
de fes mâchoires & de fes écailles. Il a la
tête allez large &c pointue , & la gueule mé-
diocre : il n'a point de dents , mais fes mâ-
choires font âpres au toucher : il cft rougeâ-
tre & parfemé de taches noires. On le man-
ge , Se fa chair palîé pour apéritive. Il paife
pour avoir la vertu d'attirer le poilfon. On
donne à ceux qui demandent de fon huile ,
celle d'orfraA'e ou de buis , ou quclqu'autre
huile fétide.
* ASPEREN , ville ou bourg des Pro-
vinces-unies dans la Hollande , aux confins-
de la Gueldre , fur la rivière de Linge , entre
Gorcum & Culembourg.
§ ASPERGE , ( Jard. Bot. ) en latin afpa-
ragus , eu anglois fpara^rajf, en allemand
fpargcL
Coraâere générique.
Uafperge doiuie luie fleur unie , campani-
forme & fans calice , fou pétale eft évaic &
recourbé eu demi-volute par fon bord. Il
fe trouve des fleurs mâles & des fleurs her-
maphrodites , tantôt fur diifcrens pies , tan-
tôt fur le même individu. Les fleurs herma-
phrodites contiemient un embryon qui de-
vient une baie ronde à trois loges , dont
chacune renferme une ou deux lemences.
Les fleurs mâles ont fix étamines , fans em-
brj'on ni fiyle , & ne donnent point de baies.
Efpeces.
I. Afper ge à tige droite , herbacée , à
feuilles pUiiorines 6c à llipulcs égaux.
ASP
é€t
Afparagus caule herbaceo , ereclo , foliis
cetaccis , jiipulis parihus. Flor. Suce. z/i.
Garden afparagus.
i. Afpcrge à tige herbacée fans épines , à
feuilles cylnidriques , longues , ralîemblées
en bouquets.
Afparagus caule incrmi herbaceo , foliis
tereiilms , longioribus , fafciculatis. Mill.
Maritime afparagus ukh a thicker Uaf.
3. Afpergek feuilles figurées en anguille,
piquantes & à tige ligneufe fans épines.
Afparagus foliis aciformibus , pungenti-
bus , caule fruiuofo inermi. Sauv. Monf. 45.
Afparagus wiih shcrp pointed leaves.
4. Afperge à épines folitaires , à brandies
tortiieufes , & à petites feuilles ralîemblées
en bouquet.
Afparagus aculeis folitariis , ramisflexuo-
fs , foliis brevioribus , fafciculatis. MiU.
Prickly afparagus with lioarid fpincs.
5. Afperge à épines folitaires, à rameaux
recourbés & repliés en dehors , à feuilles
ralîemblées eu bouquet.
Afparagus aculeis folitariis , ramis reflexis
retrofraclifque ^ foliis fafciculatis. Linn. Sp.
pi. 313.
Narrow leaved African afparagus wittk
fltnder tifigs and ma/iy leaves groumgfrom
a point , like thofe of the larch ti ce , and
fpread inform of a flar. ^
6. Afperge fans feuUIcs, à épines inégales
& di\ergentes , ralîemblées en bouquet.
Afparagus aphyllus fpinis fafciculatis ,
inœqualibus, divergentibus. Hort.CliJf. 122.
Another prickly afparagus with three or
four fpines rifing from the famé point.
7. Afperge à tige lâus épines , à rameaux
penchaus , à feuilles pilifonnes.
Afparagus caule inermi , ramis déclinât is ,
foliis cetaccis. Prod. Leyd. iç.
Afparagus with a fmoot ftalk , dcclining
branches and brijlly leaves.
8. Afperge à éj)ines folitaires , à tige
droite , à feuilles ralfemblées en bouquets
& à branches filiformes.
Afparagus aculeis folitariis , caule ereâo ,
foliis fafciculatis , ramis filifortmbas. Linn.
Sp.pl. 313.
Afparagus with fngle fpines , an upright
flalk^ leaves growing in cluftcrs , and very
fender branches.
c). Afperge à épines latérales & termùi^-
66i ASP
les , à branches rsaiairées & à feuilles en
bouquet.
Afparagus fplnis laceraHhus terminalibiif-
que , ramis aggregatis , fvliis fafciculath.
Linn. Sp.pl. 314.
Afparagus with fpines growlng on tke
fides and ends ofthe branches v.'hick are in
bunches , and leaves coming ont in clujlers.
10. Afperge à feuilles folitaires , étroites
& lancéolées , à tige tortaeuf; & à épines
recourbées.
Afparagus foliis folitariis , lineari lanceo-
latis caule Jlexuofo , aculeis recurvis. l'ior.
Zeil. 124.
The great prickly afparagus of Ccylon
with bushy fialks.
L efpece «". i eft Vafperge commune qui
fe cultive dans nos jardins pour le fervicc de
la table , ce n'eft \raifemblableir.eiit qu'à la
culture qu elle eft redevable de ce degré de
perfeÛion où nous la voyons aujourd'hui ^
car dans les marais où elle croît naturelle-
inent , fcs bourgeons ne font que de la grof-
ièur d'un tuyau de paille : fi cela eft , il a
dû en conter bien du temps & des foins :
car un de mes amis qui s'étoit procuré quel-
([ucs graines de l'efpecc agrefte, les ayant
cultivées avec la dernière attention dans un
terrain excellent ne put obtenir que des
bofltgeons de moitié moins gros que ceux de
Yafperse de jardin qui avoit crû dans le
même lieu ; mais il remarqua que l'elpece
clianipêtrepouiroitconftamment huit ou dix
jours plutôt , & que fes bourgeons étoient
plus doux.
Cette afperge fe multiplie de graines :
pour ra\oir bonne , il faut s'adreli'er à des
connoiiTeurs à qui l'on puifté s'en rapporter
flir le choix des meilleurs bourgeons & des
femences les plus faines : mais quand on a de
bonnes couches lYafpevge, le meilleur parti eft
d'en réfcrver foi-même pour de la graine : en
conféquence il conviendra de marquer de
bonne Iieurc au printemps une quantité fuffi-
iînite des plus beaux pics, pour les lailfer mon-
ter^ parce que ceux qui montent après la iai-
fon de couper les afperges , font en général lî
tardifs , que la graine en nnlrit rarement , à
moins que l'été ne foit chaud ik l'automne
très-favorable. Dans le choix des pics deftinés
à porter la graine, il faut particulièrement
R^•oir égard à leur taille ôc à leur rondeur ,
ASP
rejeter ceux qui paroifl'ent devoir s'applatir ,'
ou qui s'ouvrent de bonne heure par le haut ,
& choifir toujours les plus ronds & ceux
dont les bourgeons font le plus ferrés. Or
comme une grande partie de ces pics ne
produifènt que des fleurs mâles , par coti-
Icquent ftcriles , il fera bon d'en réferver
plus qu'il ne feroit nécefl'aire li l'on pouvoit
s'afiijrer que tous fruftificroieiit ; mais c'eft
ce qui n'arri\'e jamais : il eft à propos de'
ficher un petit bâton au pié de chaque plant
d'afperge que l'on réferve , mais de manière
que l'on n'endommage point la couronne
deJa racine. Ces bâtons feniront non feule-
ment à les faire reconnoître , quand elles
feront toutes montées , mais au<li à y atta-
cher les bourgeons quand elles feront parve-
nues à une certaine hauteur , & qu'elles
auront pouffé des branches latérales : ce
qui empêchera qu'elles ne foient calfées par
le vent , accident qui , faute de cette pré-
caution , poarroit arriver avant la pouffe
des autres bourgeons , après quoi il n'y a plus
rien à craindre , parce que pour lors elles
feront abritées par les autres tiges. Vers la
fin de feptembre les baies feront dans leur
parfaite maturité ■■, c'eft alors qu'il faut
couper les tiges, & mettre les baies dans un
bafîin où on les laiffera fuer trois femaines
ou un mois ; par ce moyen la peau exté-
rieure pourrira ^ enfîiite on remplira le baf-
fin d'eau , & avec les mains on callcra tou-
tes les coffes en les preft'ant. Toutes ces
peaux furnageront , mais les fèmences cou-
leront à fond , de forte qu'en \'erfant l'eau
tout doucement , les coffes fè trouveront
entraînées par cette opération, & après avoir
changé vos fèmences d'eau deux ou trois
fois & les avoir bien braffées , vous les ren-
drez parfaitement nettes ^ éparpillez-les en-
fuite fur une natte ou un morceau de draj> ,
expofez-les au foleil ou à l'air par un temps
fec , jufqu'à ce qu'elles foient parfaitement
feches 5 mettez-les dans un lac que vous
placerez jufqu'au coinmencement de fé\Tier
dans un lieu qui ne fbit jwiut humide ; alors
\ ous préparerez une bonne couche d'excel-
lente terre que \ous rendrez le plus unie
que \ous pourrez , & fur laquelle vous
fcmcrez \os graines , mais non pas trop
épais , fi)us peine de voir vos afperges s'étio-
ler j cnitiite vous foulerez votre couche
ASP
avec les pics pour enfoncer les fcincnccs ,
& vous y paflbrez clouccmciit le râteau.
L été fuivaii't , écartez avec foin les mau-
vai/ès herbes , vos afperges en deviendront
plus robuftes , & \ers les derniers joiu-s d'oc-
tobre que les tiges font entièrement deiîc-
chées , vous étendrez un peu de tumier
pourri fur la furface de la couche , de le-
paiUlnir d'environ un ponce , par-là vous
garantirez vos jeunes bourgeons du froid.
Le printemps d'après, vous pourrez tranf-
planter \os afpergcs avec fuccès Cpour moi
je préférerai toujours celles de l'année , ayant
\ti par expérience qu'elles reprennent mieux
que de plus vieilles & qu'elles donnent de
plus belles bottes ) : vous préparerez donc
votre terre en y faifinit de bonnes tran-
chées , à l'extrémité defquelles vous enter-
rerez une bonne quantité de finnier con-
sommé , de manière qu'il foit recouvert au
moins de lîx pouces de terre : applaniifcz
enfuite foigneufement votre terrain, & ôtci-
en toutes les grolfcs pierres : cette opéra-
tion doit le faire peu de temps avant le
moment de planter les afperges j au reilc ce
qui doit vous diriger , c'ell la nature du fol
& la fàiibn \ car ï\ votre fol eft fec , & la
faifon précoce , vous pouvez planter vers la
fin de mars ; m.ais dans une terre fort hu-
mide, il vaut mieux différer à la mi-avril ,
qui eft à-peu-près le temps que les afperges
commc^ncent à pouffer. Bien des gens con-
ièillent de les planter à la faint Michel , mais
mon expérience m'a convaincu du mauvais
fuccès de cette méthode : j'ai fiiivi ce con-
fbil pendant deux années de ftiite , & étant
venu au printemps à examiner mes a 'pergcs,
je trouvai que la plupart avoient les racines
chancies , & je vis que fur cinq s'il en réuf-
fîflbit une , ell? étoit ii foible , qu'elle ne va-
lait p<:s la peine d'être confervée.
La faifon de planter étant venue , vous
enlèverez vos racines a\ec une petite four-
che étroite , & après en avoir fecoué la ter-
re , vous les feparerez les unes des autres ,
oblcrvar.t de met ire leurs têtes de niveau
pour les planter plus ailëment : voici com-
me il faut s'y prendre.
Votre terrain une fois nivelle , vous com-
mencerez par un des côtés , vous tirerez
propreir.eut uiie ligne dans toute la lon-
gueur de la pièce , daiis cette diredioxi vous
ASP (^6^
' :rcuCcrC7. une trancîîéa d'e::v;ron fix pouces
de profondeur , de tnanicrc cependant à
ne pas retourner le fumier que vous y a\ ez
placé. Plantez-y vos racines , que vous au-
rez fciu .d'étendre a\cc les doigts, & de
dreiîer contre le dos de la traii*;héc, afin
que les bourgeons liiivent cette direction ;
il faudra aulfi faire cnforte qu'elles fc trou-
^■cnt au moins deux pouces au dcfibus de
la fiirface de la terre , & à un pié de di(-
tance les unes des autres : cela fait , vous
comblerez la tranchée avec ini râteau &
vous applanirez bien. Cette opération main-
tiendra les racines dans leur polîtion droi-
te : \ous tirerez enfuite luie féconde ligne à
un pic de la première : vous y pratiqijerez
inie tranchée de la manière ci-delfus , où
vous planterez connue il vient d'être dit :
vous gardcYez le même intervalle d'un rang
à l'autre, obfervant feulement entre tous les
quatre rangs de lailler une diftance de deux
pies & deir.i pour une allée , afin de pou-
voir cominodément couper les afperges.
Dès que les couches font plantées & bien
applaties , rien n'empêche d'y femer quel-
ques oignons qui ne feront p?int de mal
aux afperges : il faut fouler les fèmenccs
aux pies & râteler bien unin'cnt.
Quelques-uns plantent les feniences à'af-
perges dans l'endroit où les racines doivent
refter -^ cette m.éthode eft fort bonne , 11 on
y apporte toute l'attention néceliairc : on s'y
prend ainfi : les tranchées faites & bien fu-
mées, on les comble & on applanit le ter-
rain ^ on tire enfiiitc une ligue dans !a lon-
gueur de la couche , de la mêire manière
qui a été indiquée pourla tranljalantation du
jeune plant : on y fait avec la houe , à ini
pié de diftance les uns des autres , des trous
dans chacun defquels cm met deux femen-
ces , au cas que l'une des deux périiîc : ces
trous ne doivent pas a\cir plus d'un demi-
pouce de profondeur : puis on couvre les
Icmences en jetant de la terre pardeiliis.
Cela fait , on tire une autre ligne à un pié
de diftance de la première pour une ie-
conde rangée , & après en avoir fait qua-
tre ainli diftantes d'un pié , on laiife lui in-
tervalle pour une ailée , fi ou veut iailfer
les afpergts fiir place j mais fi on fè ijropo-
fè de les tranlphaiter dans des couches chau-
des j on peut mettre lIx rangées eu chaque
(J^4 ASP
couche , éloignées de neuf pouces feulement
les unes des autres : ce femis doit fè faire
dès la mi-février, parce que les graines rcf-
tent long-temps en terre avant de germer j
mais fi on a envie d'y (ëiner des oignons ,
on peut attendre quinze jours ou trois fe-
maines plus tard , pourvu qu'on ne remue
pas la terre au point de troubler les fe-
inences à'ajperges eu râtelant la graine d'oi-
gnons.
Comme les racines à'ûfperges pou/Tcnt
toujours quantité de longues fibres qui pénè-
trent avant dans la terre , de même quand
on feite les graines dans l'endroit où elles
doivent refter , ces racines ne courront pas
le riique d'être cafiëes ou endommagées ,
comme celles qui doivent être tranfplan-
tées : c'eft pourquoi elles s'enracineront da-
vantage , feront plus de progrès , les fibres
s'étendront latéralement^ ce qui inaintien-
dra la couronne de la racine dans la per-
pendiculaire , au lieu que quand on les
tranlplante , les racines fe couchent contre
la paroi de la tranchée.
Dès que vos afperges font levées , & que
les feuilles féminales des oignons commen-
cent à paroître ( ce qui doit arriver un
mois ou fix lèmaines après qu'ils auront été
lèmés ) , il faut avec une petite houe en-
lever toutes les mauvaifes herbes & éclair-
cir les oignons : mais cette opération de-
mande la pkis grande attention , il faut un
temps kc , afin que les mauvaifes herbes
périlîént aufii-tôt qu'elles font coupées , &
on prendra garde de blelîer les jeunes pouf-
fes d'û/pergCf bide couper les oignons qui
en font voiiins. Cette manœuvre doit fê
répétertrois fois : fi elle eft bien faite & que
la faifon ne foit point trop humide , il ne
doit plus reparoitre de mauvaiiès herbes ]u£-
f/ii'au moment où l'on arrache les oignons ,
ce qui le fait ordinairement au mois d'août 5
ce moment fe rcconnoît quand leurs tiges
commencent à tomber & à flétrir. Auflî-
tôtque les oignons ibnt enlevés, il faut bien
nettoyer le terrain des mauvaifes herbes , il
n'en reviendra point jufqu'au moinent que
vous rendrez de la terre à vos couches , ce
qui doit fe faire en oéliobre , temps où les
tiges commencent à féclier •, car fi" vous les
coupez , tandis qu'elles font encore vertes ,
les racines poulferont de nouveaux bour-
A SP
geotis , & vos afperges en fêroient conCidé-
rablement affoiblies : ces jeunes tiges doi-
vent être coupées au couteau à deux ou
trois pouces de terre : cette précaution de- ■
vient nécelîhirc pour vous faire dilHnguer
les couches des allées : cela fait , enlevez
avec la houe les mauvaifes herbes , enter- .
rez-les à un des bouts des allées, & rejetez-
en la terre pardelïïis les couches , de ma-
nière que celles-ci dépalfent de cinq ou fix
pouces le niveau des allées. Vous pourrez
enfuite planter un rang de choux dans le
milieu de vos allées;, mais gardez-vous de
rien planter ou femer fur les couches , vous
affaibliriez trop vos racines. Je me garde-
rai bien de confeiller , à l'exemple de plu-
fieurs , de planter des fèves dans les allées ,
elles feroient un tort infini aux deux rangées
d'ajperges qui , de part 8f d'autre , les avoi-
fineroient. Il ne refte plus rien à faire juf-
qu'au printemps qu'il faut houer les couches
pour détruire les mauvaifes herbes qui au-
ront recrû & que l'on doit râteler le plus
légèrement pofliblei il conviendra aufîîd'en
nettoyer les couches avec foin pendant tout
l'été fuivant, & de creufer derechef les allées
à l'automne , fuivant la méthode ci-deiFus.
An printemps de la féconde année , vous
pourrez conm.ncer à couper quelques-unes
de vos afperges , quoiqu'il lèroit beaucoup
mieux de n'y toucher que la troitieme an-
née. Pour cet effet vous prendrez une four-
che plate dont les fourclions foient rappro-
chés , qui efl; faite exprès, & qu'oui appelle
ordinairement /ow;c//f à afperge; à l'aide de
cette fourche vous enlèverez vos afperges
des couches , obfcrvant néaiunoins de ne
pas plonger trop avant, de crainte de froif-
ïèr la tête delà racine f cette opération doit
fè faire avant la faifon de la pouffe au prin-
temps ) ; vous applanlrez enfuite légèrement
vos couches au moment où les bourgeons
font près de percer la terre : par ce moyen
vous détruirez toutes les mauvaifes herbes
qui reparoîtront beaucoup moins fréquem-
ment que fi vous aviez applani immédiate-
ment après que vous avez enlevé vos afper-
ges. Quand elles auront atteint à la hau-
teur de quatre ou cinq pouces , vous pour-
rez les couper, mais non pas indiilinfte-
ment ; ne prenez que les gros bourgeons y
laiifant aux petits le temps de fortifier leurs
raciues j
ASP
racines ; car plus vous les couperez , plus à
la vérité vous multiplierez les boutons ,
mais audi vous cm affoiblirez les racines ,
vos r.fperges dégénéreront & en périront
plutôt. Lorlqu'on coupe un bourgeon, il faut
découvrir le pié de ïafperge avec \m cou-
teau dont la lame doit être longue , très-
étroite , & dentée comme celle d'une (cie ,
pour voir s'il ne pouffe pas près de celui-ci
quelqu'autre jeune bourgeon , qui, au mo-
ment que l'on coupe le preiiiier , pourroit
êtrecairé ou froiflé : enfuitcon le fcierafous
terre à environ troi spouces. Tout ce petit
détail pourra paroître embarraffant aux pcr-
fonnes qui manquent de pratique ; ceux qui
font dans l'ufage de couper les afperges , par-
viendront en peu de temps à l'exécuter en
grande partie : l'exécution en devient toute-
fois iudi(j>e!ifable pourtous ceux qui coupent
les afyerges.
La manière d'arranger vos couches è^af-
perges fera tous les ans la même que l'on
a indiquée pour la féconde année \ elle con-
fifte à enlever les mauvaifes herbes , à creu-
fèr les allées en octobre, & à piquer les
afperges fijr la fin de mars avec î'efîiece
de fourche dont nous avons parlé , £v. ^
feulement on aura foin , les années fuivan-
tes , de répandre fur les couches un peu du
fliinier confommé , pris fur une couche de
melons ou de concombres , d'en enterrer
aufîi quelque peu dans les allées , au mo-
ment où on les creufera. La terre ainfi en-
tretenue maintiendra les racines en vigueur j
& en fuivant cette méthode , une couche
^afperges peut durer dix à douze ans , &
produire de bons bourgeons , fur-tout fi l'on
obferve de ne pas les couper trop longs à
chaque fàiibn ^ car fi on les coupe de façon
à empêcher les afperges de pouffer d'un peu
bonne heure en juin , les racines s'atîbibli-
ront confidérablement , & \cs bourgeons
en feront plus petits. Ceux donc qui vou-
dront avoir des afperges à l'arriére fàifbn
feront bien d'avoir des couches à part ^ ce
qui vaut mieux que de gâter toute la plan-
tation j en coupant les afperges trop lon-
gues.
Je ne puis m'empécher de relever ici une
erreur où tombent bien des gens depuis
long-temps : c'ell de ne point mettre d'en-
grais dans les couches j ils fè perfuadeut
Tome m.
ASP ^(jj
qu'il communique à Xafperge un goût fort
de pourri ^ en cela , ils fb trompe,.». : car
les meilleures afperges font celles qui croif-
fentdans la terre la plus gralic ; & ce n'eft
que dans la terre maigre qu'elles contradent
ce goût de pourri , dont on fè ])laint. La
bonté de Vafperge dài^znà de la vircflè de fa
crue , qui cft toujours en proportion de la
bonté du terrain & de la chaleur des fai-
fons : pour preuve de cela , je plantai deux
couches d'afperges dans un terrain où j'avois
mis un pié d'épaiffeur de fiimier 5 & tous
les ans , j'y en faifois mettre du nouveau
extrémeinent épais , les afperges qui y ont
crû,>ctoient infiniment plus douces qu'au-
cune autre , quoiqu'elles bouillifFent dans la
même eau que celles provenues d'un terraia
maigre.
Il faut au moins cinq ou fix verges de
terrain , employées à planter des afperges,
pour fournir à la confbmmation d'une pe-
tite famille ; moins que cela ne lèroit pas
fiiffifant : car fi on ne peut en couper une
centaine à la fois , ce n'eft pas la peine d'en
cultiver ; autrement on eft obligé , pour en
faire un plat , de garder les premières cou-
pées deux ou trois jours ; mais , pour une
grande famille, il faut au moins douze verges
de terrain , qui bien cultivées , donneront
deux ou trois ce.nts afperges par jour dans le
fort de la faifon.
Mais , comme il y a bien des gens qui
aiment à voir des afperges de bonne heu-
re , ce qui fait un trafic confidérable pour
les jardiniers , je donnerai les inflrudîions
néceflaires pour s'en procurer pendant tout
l'hiver.
Il faut d'abord fe pourvoir de bonnes ra-
cines que l'on aura élevées foi-même , ou
que l'on achètera àcs jardiniers qui en font
commerce ^ on obfervera que ces racines
foient tranfplantées depuis deux ou trois
ans j & après avoir déterminé le temps où
l'on veut avoir des afperges bonnes à cou-
per , on préparera fix ou fept fernaines au-
paravant du fumier frais de cheval que l'on
amoncelera , & qu'on lailîera dix ou douze
jours en tas pour qu'il fermente : on y mê-
lera des cendres de charbon de terre j &
après avoir bien retourné ce mélange , pour
eu confondre \qs parties , on pourra cn-
M m m m
C66 ASP
fuite l'employer : après cela, oncreiiféraunc
tranchée dans le terrain où l'on fe propofb
de faire une couche j vous donnerez à vos
cadres la largeur & la longueur propor-
tionnées à la quantité à'ûfpcrges que \'Ous
voulez planter ; trois ou quatre cai/Tes à
vitrage à la fois (ùffiront , iî c'eft pour la
confommation d'une famille peu nombreu-
fe ; cela fait , épandez le fumier dans la
branchée le plus cgaleirieiit que faire fè pour-
ra ;, & fi c'ell en décembre que vous faites
cette opération , il faudra que vous mettiez
au moins trois pies de fumier , ou peut-être
davantage , que vous recouvrirez de fix
jiouces de terre , aj'ant foin de caller les
mottes & d'applanir la furface de la cou-
clie. Vous commencerez par un des bouts I
à planter vos racines , que vous placerez
contre ini petit ados de la hauteur d'envi-
ron cinq pouces : vous les placerez en ran-
gées le plus près l'une de l'autre qu'il vous
fera poiîible, & vous aurez attention que
leurs bourgeons foient droits ; vous mettrez
un peu de terreau fin entre les rangées , &
prendrez garde que la couronne des racines
ne foit pas plus inclinée d'un côté que de
l'autre. Quand vous aurez garni toute vo-
tre couche de racines , il faudra que vous
mettiez un peu de terre forte auprès fur
les dehors de la couche , qui font nus ,
pour les préfërver de la fécherelfe : il eil
néceli'aire auilî de ficJier deux ou trois bâ-
tons longs d'envh'on deux pies entre vos
racines , dans le milieu de la couche , à
quelque diftance l'un de l'autre ^ p;ir le
moyen de ces bâtons , vous connoîtrez le
degré de clialeur où ell votre couche ; poiu-
cela, huit jours après que votre couclie a
été faite , vous les retirerez de terre ■■, & ii leur
extrémité enterrée n'eft point chaude , vous
pourrez épandre fur les côtés ou fur le haut
de la coiiche un peu de paille , ou de litiè-
re , ce qui la réchauffera confiùénihlement ;,
& fi vous voyez qu'elle ait trop de clia-
leur , & que vos racines foient en danger
d'en être brûlées , il convientha de la laiflèr
entièrement découverte, & de faire avec un
gros bâton , fur les côtés de la couche , des
trous en deux ou trois endroits pour faciliter
ii cette P.randcclialeur le moyen de fe diilîper:
cet e:;pcdient ramènera bientôt la couche à
une chaleur tempérée.
ASP
Quinze jours après que votre planche féraf
faite , vous couvrirez les couronnes des ra-
cines d'environ deux pouces de terre fine ;8c
lorfque les bourgeons commenceront à fe
montrer , vous les couvrirez d'environ trois
pouces de la même terre, ce qui fera en tout
inie épailfeur de cinq pouces fiirles couronnes
des racines : & cela fufiîra.
Vous ferez enfuite une bande de paille
ou de longue litière épailîè de quatre pou-
ces ou en\iron , dont vous en\ironnerez le
pourtour de la planche , de manière que le
haut de la bande foit de niveau avec la fur-
face de la planche. Vous l'affujcttirez avec
des bâtons droits d'environ deux pies de
long , pointus par une des extrémités , que
vous ficherez horizontalement dans la cou-
che. Vous placerez vos chadis fiir cette
bande ^ & fur ceux-ci , vous mettrez vos
vitrages: mais , fi au bout de trois lèmaines.
que votre planche fera faite , vcras vous ap—
percevez qu'elle refroidilfe , vous revêtirez
lès côtés d'une bonne couche de fumier
chaud récent , qui rappellera la chaleur. Une
autre attention qu'il faut avoir , c'eft de
couvrir les vitrages de nattes ou de paille
toutes les nuits Scpendantle mauvais temps;
mais pendant le jour , cette précaution n'eft
pas nécelfaire , fiir-tout quand le foîeil donne: '
fès rayons mêinc pénétreront les vitrages ,
èi. donneront une belle couleur aux af-
perges.
Une phanchc faite de la manière dont je
viens de dire, commencera , au bout d'en-
viron cinq femaines , fi elle va bien , à don-
ner des bourgeons bons à couper , & con-
tinuera d'en donner diu^ant trois foinaines j
ci fi les afperges étoicnt pourvues de bottes
bien en racine , elles produiront , dans cet
efpace de temps , trois cents bourgeons p;ir
caille; fi vous êtes curieux d'en avoir jufqii'à
la iaifon où la nature les produit , il faut
renou\cner votre planche toutes les trois
ièniaines jufqu'au com:nencement de mars ,
à compter de la faifoji où vous avez fait la
])remiere ; car fi votre dcrnicre planche
ie fait dans la dcrnicre huitaine de mars ,
elle vous mènera julqu'à la faifoii des ûf-
pages , & les planches faite; les dernières
donneront des afptrgcs bonnes à couper
quinze jours plutôt que celles qu'on fait
vers Noèl ; Jcs bourgeons feront plus gios
ASP
^ plus colores , en ce qu'ils feront pour
Jors plus ccliaulVës par les rayons du l'olcil.
Si vous vous propofez de fuivre cette mé-
thode , de faire ^eiiir des afperges précoces ,
il faut que tous les ans vous en réfer\'icz
pour planter la quantité que vous croirez
iiécelfaire , à moins que vous n'aimiez mieux
tirer vos racines de quclqu'autre jardin. La
melurc du terrain "où les bottes ont crû , in-
<!ique ordinairement ce qu'il en faut pour
planter une cailfe :, car lî la planche eli
bonne , & qu'il n'ait manqué que peu de
racines , une verge vous en fournira fuffi-
fammcnt pour une calife : mais ce calcul a
été fait refpeâ.ivcmcnt à un terrain jilanté
de racines que l'on deilinc à être enlevées
la troiileine année , pour en avoir de pré-
coces , dont chaque planche contient fix
rangées à dix pouces feulement de diftance
entr'elles, &dans lefquelles les plantes font
éloignées de huit ou neuf pouces^ mais lorf-
«[ue les rangées font plus efpacées & en
moindre quantité par conféquent /lir la cou-
che , alors il faut une mefure plus confidé-
rable de terrain pour une caille : la plupart
des jardiniers enlèvent leurs boîtes deux
ans après qu'elles ont été plantées ■■, mais lî
le fol n'eft pas fort bon , il fera mieux de
ne s'en fènir qu'au bout de trois ans : car ,
fi les racines font foibles , les bourgeons fe-
ront petits , & ne vaudront pas la peine
d'être plantés pour avoir des etfpergcs pré-
coces. La meilleure terre pour en obtenir
qui foient pourvues de greffes bottes & pro-
pres à être plantées dans des couches, elî
une terre moite & riche : quant à celles qui
ne doivent pas être tranljplantées , elles fe
contentent d'un fol mitoyen , qui ne foit ni
trop fec ni trop humide -, mais une terre ar-
gilcufe , mêlée de fable , quand on a foin
d'y mettre de l'engrais , eft préférable à
toute autre.
La féconde efpece vient naturellement ,
à ce qu'on dit , dans le pays de Galles &
aux environs de Briftol ;, mais je doute fort
que cela foit vrai : cnr ceux qui en ont parlé ,
difent qu'elles ne différent en riende ïafpeige
de jardin ^ que la culture a feulement chan-
gé : mais j'en ai dernièrement reçu de cel-
les-ci qui avoient été amairécsprès de Mont-
pellier, & je me fuis pleinem.ent convaincu
çue cette elpcce eft toute dLffcreiite de celle
ASP 66-j
qtii croît dans le piys de Galles : car les feuil-
les de l'eljjece agrelte iraritime font poin-
tues , épaiffes & fort éloignées les unes des
autres fur les branches : les tiges n'en fo!it_
point non plus (î rametilês. Cette efpece ie
multipliede graine , coiiune Yafperge des
jardins •■, mais elle demande une expolîtioii
plus chaude , & fès racines veulent être bien
couvertes, pendant l'hiver, pour empêcher la
gelée de pénétrer julqu'à elles, ce qui caii-
fcroit leur perte.
L'efpece «". 3 s'élcve à fix ou huit pies :
lès tiges font blanches , ligneufes & tortues ■■,
elles n'ont point d'épines : (es feuilles naif^
lent en houpes , comme celles du mélèze ^
elles font fort courtes & terminées par des
pointes aiguës , de manière qu'on a de la
peine à les manier. Cette eijjece eft indigène
du midi de la France , de l'Efijagne &. du
Portugal ;, elle fe reproduit par fes fcmen-
ces comme l'efpece précédente ; mais elle
eft trop délicate pour vivre en. Angleterre en
pleine terre : fos racin.es veulent être plan-
tées en pot &; abritées durant l'hiver.
La quatrième efpece s'éle\e en bnifîbn à
la hauteur de trois ou quatre piés^ fon écorce
eft très-blanche : elle eft armée d'épines fa-
litaires.qui naiiî'ent fous chaque houpe ds
feuilles. Ses tiges fublîftent quelques an-
nées , & pouffent pluiieurs branches garnies
de feuilles courtes & étroites, qui coufcrvent
leur verdure tout l'hiver,' fi on a foin de les
défendre des fortes gelées. On ht multiplie
de femence comme la précédente. On peut
faire venir fa graine des bords de la Médi-
terranée qu'elle habite ■■, il faudroit la lever
en pot pour pouvoir la mettre à l'abri de
l'hiver.
L'efpece 11°. 5 eft originaire du cap de
Bonne-Efpérance : celle-ci a des tiges irré-
gulieres <k très -tortues , qui parviennent à
iuiit ou dix pies de haut ; c'eft un builTon
qui pouffe quantité de branches latérales ,
grêles & foibles. Ses feuilles étroites naif^
fent par bouquets , connue celles du mé-
lèze , & armées pardeft'ous d'une épine
folitaire & aiguë i fès tiges réfiftent quelques
années , Se fes feuilles font toujours vertes :
on la reproduit ordinairement en divifant
fes racines , parce que cette efi^ece ne donne
point de femence dans fon pays natal : le
jiiois d'avril eft le temps propre à cette opé",
M m m m î.
668 ASP
ration. Il faut planter les racines dans des
pots:, & les mettre à la ferre en automne ,
car elles ne fauroier.t fubfifter à l'air libre
en hiver.
L'efpece w". 6 nous vient d'Efpagiie , de
Portugal & de Sicile j elle habite générale-
ment les lieux pierreux i elle pouffe quantité
de fcions foiblcs & irréguliers fans feuilles ,
mais armés de petites épines rigides , qui
iiailicnt au nombre de quatre ou cinq du
même point , & qui divergent dans tous les
fans. Ses fleurs font petites & d'une couleur
herbacée ; elle a les baies plus grolfes que
celles de l'elpece commune ^ elles font noi-
res , quand elles font mûres : cette eipece
eft délicate j il faut la traiter comme ïe{-
pece n°. 3.
La feptieme efpece vient d'elle-même au
cap de Bonne-Efpérance ; elle donne du pié
quantité de tiges grêles , qui donnent naif-
iànce à des branches foibles, qui s'inclinent
vers le bas : ces branches font toutes cou-
vertes de feuilles filiformes , femblables à
celles de Yafperge des jardins , qui reftent
vertes toute l'aimée : elle fe multiplie , & fe
traite de même que la cinquième eipece.
L'elpece/2". 8 croît aufli au cap de Bonne-
Efpérance •■, elle poufle quantité de fcions
foibles , qui naiffcnt par bouquets & armés
d'éphies aiguës fur leurs côtés & à leurs
extrémités : fcs feuilles croiifent auflî par
bouquets , & reftent vertes toute l'année :
même traitement & même voie de multi-
plication que pour l'efpece /;°. 5.
La dixième efpece pouffe du pié quantité
de branches foibles & grimpantes, qui s'élè-
vent à cinq ou fix pies de haut ^ elles font
garnies de feuilles étroites, lancéolées, qui
nailîènt chacune féparément : les fcions font
armés d'un fi grand nombre de petites épines
courbes , qu'il n'cll pas aifé de miuiier les
branches ^ elle le multiplie en partageant la
racine : mais les plantes qui en proviennent,
veulent être placées dans une étuve tempé-
rée •■) fans quoi , elles ne réufliroient point
ici ; on la trouve dans l'île de Ceylan.
Ces plantes fe trouvent dans les jar-
dins dos curieux^ elles contribuent à les
varier •■, elles ne font point difficiles à con-
duire , lorfqu'on a un endroit pour les ferrer
J'hiver : on devroit les mettre au rang des
autres plautes cxoti<jucs. Koyei Plames
ASP
ApERITIVES. (M. h baron VE TsCHOVDi. )
ASPERGILLUS , genre de plante qui
ne diffère du boiryiis & du byjfhs , que par
l'arrangement de les femences j car nous les
avons toujours vues arrondies ou ovales.
Elles font attachées à de longs filamens qui
font droits & noueux , & qui tieiuient dans
de certaines plantes à un placenta rond ou
arrondi ^ fur d'autres efpeces ils fout attachés
au fommet de la tige ou aux rameaux , fans
aucun placenta , & ils reffemblcnt aux épis
de l'elpece de gramen , qu'on nomme \'id-
gairement pic-de-pouU. Ces filamens tom-
bent d'eux-mêmes quand ils font mvss , &
alors les fèm.ences fe féparent les luies des
autres. Novaplantamm ginera^ par M. Mi-
cheli. Voye\ Plante. (/)
*,ASPERIEJO, ( Géog. anc. & mod. )
ville ruinée d'Eipagne au royaume de Va-
lence. Il y a au même royaume un bourg
appelle Afpe , bâti des ruines de Tancienne
Afpe. La rivière de Lerda coule entre Afpe
& Afperiejo.
ASPÉPvITÊ ,£.î.en terme de phyfique , eft-
la mêmechofe qu'^/rfr/. F^oy. Apreté.(O)
* ASPEROSA , ville de la Turquie en
Europe , dajis la Romanie , fur la côte de
rArchij>el. Long. 42. , 50; lat. 40 , 58.
ASPERSION,!", f. {Théolog. ) du la-
tin afpergere , formé de ad & defpargo , je
répands.
C'eft l'aftion d'afperger , d'arrofcr , ou
de jeter çà & là avec un goupillon ou une
branche de quelque arbriffeau , de l'eau ou
quelcfu'autre fluide. Voye^ GoUPILl.ON.
Ce terme eft principalement confacré aux
cérémonies de la religion , pour exprimer
l'adion du prêtre lorfque dans l'églife il ré-
pand de l'eau bénite fur les affiftans ou fur
les fepuhures des fidèles. La plupart des bé-
nédiftions ie terminent par une ou plufieurs
afperjions. Dans les paroilfes ïajperjion. de
l'eau bénite précède tous les dimanches la
grand'meffe.
Quelques-uns ont fbutenu qu'on devoit
donner le baptêm.e par afpcrjion ■-, d'autres
prétendoient que ce devoit être par immcr-
Jion , & cette dernière coutume a été alii:^
long-temps en ufage dans l'églife. On ne
voit pas que la première y ait été pratiquée,
yoyci Baptême , Immersion li- AsPEîtî
SOIR. (G)
'ASP
* ASPERSOIR, f. m. ( Hijlohe anc. &
mod. ) inltriiinent compofé d'un manche
garni de crins de chc\ al clicz les anciens ,
ik de foie de porc parmi nous , dont ils fe
fervoient poi;r s'arrofcr d'eau luftrale , &
dont nous nous fervons pour nous arrofcr
d'eau bénite. Les païens avoient leurs al-
perfions , auxquelles ils attribuoient la vertu
d'expier & de purifier. Les prêtres & les fa-
crificateurs fe préparoient aux facrificcs ;,
l'ablution étoit une des préparations rcqui-
fes , c'cfl: pourquoi il y avoit à l'entrée des
temples , & quelquefois dans les lieux fou-
terrains , des réferv'oirs d'eau où ils fe la-
voient. Cette ablution étoit pour les dieux du
ciel i car pour ceux des enfers ils fe contea-
toient de î'afperfion. Foye^ Sacrifices.
ASPER.UGO, vapau , genre de plante
à fleur monopétale faite en forme d'enton-
noir , & découpée. Le calice eft en forme
de godet ^ il s'applatit de lui-même quand
la fleur eft tombée ; il en fort un pillil qui
eft attaché à la partie poilérieure de la fleur ,
comme un clou , & qui eft entouré de
quatre embryons. Ces embryons deviennent
dans la fuite des femences oblongues pour
l'ordinaire :, elles mûriircnt dans le calice ,
qui devient beaucoup plus grand qu'il n'é-
toit lorfqu'il foutenoit la fleur, & qui eft
alors fi fort applati , que fes parois le tou-
chent & font adhérentes. Tournefort , l/ijï.
rei herh. Voyei PLANTE. (I)
ASPHADELODIENS , f. m. pi. (Hift. &
Ge'ogr. anc. ) tribu de Lybiens Nomades ,
dont on croit que les Bédouins font dcfcen-
dus , quoiqu'ils en différent par la couleur
de leur peau , puifque les premiers font auffi
noirs que les Ethyopiens ^ quelques-uns les
confondent avec lesGetules & les Numides,
dont on voit qu'ils avoient quelques ufages ■■,
mais leur genre de vie étoit plutôt conforme
à celui des Tartares & des Arabes Scenites
qui , comme eux, vivent encore aujourd'hui
fous des tentes. Ces peuples indigens n'a-
voient pour meuble qu'une cruche, une coupe
& un couteau ■■, la terre leur fervoit de lit ,
& leurs troupeaux leur fourniiîbient du lait
dont ils faifoient plus de cas que de la chair.
Ils fe nourrilfoient encore de fruits ou du
produit de leur pêche. Ils étoient grolTîers
& fauvages •■, & comme ils étoient fans luxe
-pi. i^aas befoins, ils ii'eureat auciuie teiiiturc
ASP 669
des arts & des fciences. Le fol n'avoit point
chez eux de poifcilcur privilégié , & la terre
leur fembloit un commun héritage aban-
donné à les habitans. Leur férocité & fha-
bitude de s'approprier p;:r la force tout ce
qui leur appartenoit , les rendoit belliqueux ,
& leurpau\reté les rendoit laborieux , c'étoit
fi:r-tout leur cavalerie qui les rendoit le plus
redoutables. Leurs chevaux, quoique petits ,
fuppcrtoient les fatigues des plus longues
marches, c'étoit avec une baguette qu'ils
dirigeoient leurs mouvemens : ils ne le fer-
virent du frein & de la bride que du temps
d'Annibal , qui les employa avec fuccè?
dans fon armée. Leurs mœurs, leurs ulà-
ges , leurs loix 8c leur religion étoient à-peu-
près les mêmes que chez les Numides & Ge-
tules. ^oyf^ Numides. (T-n.)
* ASPHALION , ( Myih. ) nom fous
lequel les Rhodiens bâtirent un temple à
Neptune dans une ile qui parut fur la mer ,
& dont ils fe mirent en polléfiîon. 11 figni-
fie , ferme , Jlab/e , 8c répond au Jtabilitor
des Romains \ & Neptune fut révéré dans
plufieurs endroits de la Grèce fous le nom
^Afphalion. Comme on lui attribuoit le
pouvoir d'ébranler la terre , on lui accor-
doit aulfi celui de l'affermir.
ASPHALITE , terme £ anatomk , qui fe
dit de la cinquième vertèbre des lombes.
Voye-^ Vertèbre.
On l'appelle ainfi à caufe qu'on la con-
çoit comme le fupport de toute l'épine. Ce
mot eft formé de la particule privative à 6c
s-jàw.i' , -je fupplante. ( L )
* ASPHALTE , afphalius , tum. On a
donné ce nom au bitume de Judée , parce
qu'on le tire du lac Afphaltidc ; & en géné-
ral tout bitume folide porte le nom A'af-
phahe : par exemple , le bitume que l'on a
trouvé en Suilfe au commencement de ce
fiecle , ô'c.
Uafphalie des Grecs eft le bitume des
Latins.
Le binime de Judée eft folide & pefant ,
mais facile à rompre. Sa couleur eft brune ,
8c même noire ; il eft luifant , 8c d'une cou-
leur réiineufe très-forte , lùr-tout lorsqu'on
l'a échauffe : il s'enflamme aifément , 8c il
te liquéfie au feu. On trouve ce bitume en
plufieurs endroits ; mais le plus eftimé eft
celui qui vient de I^ mer Âlorte , autre-
^70 ASP
meut appellée lac nfpkahique , dans la Judée.
Ceft dans ce lieu qu'ctoient autrefois So-
dome & Gomorrhe , fie les autres villes fur
lelquelles Dieu fit tomber une pluie de fbu-
fre & de feu pour punir leurs habitans. Il
n'ell pas dit dans lecriture-fainte que cet
endroit ait été alors couvert d'un lac bitumi-
neux \ on lit Ibulement aux 27 «S» 28 vetfets
du xix chap. de la Genefe , que le lende-
main de cet incendie Abraham regardant
Sodome & Gomorrhe , & tout le pays d'a-
lentour, vit des cendres enflammées qui
s'élevûient de la terre comme la fumée d'une
fournailé. On voit au xiv chap. de la Gen.
que les rois de Sodome , de Gomorrhe & des
trois villes voihnes , fortirent de chez eux
pour aller à la rencontre du roi Chodorla-
iiomor & des trois autres rois fes alliés ,
pour les combattre , & qu'ils fe rencontrè-
rent tous dans la vallée des Bois , ou ilyavoic
beaucoup de puits de bitume. Voyez az/^ Tac.
Hifl. liv. V y chap. vj.
Il efc à croire qu'il fort une grande quan-
tité de bitume du fond du lacAfphaltique ,
il s'élève au dcffus & y furnage. Il eft d'a-
bord liquide, & fi vifqueux qu'à peine peut-
on l'en tirer \ mais il s'épaifiit peu-à-peu , &
il devient auffi dur que la poix feche. On
dit <{ue l'odeur puante & pénétrante que
rend ce bitume eft fort contraire aux Iiabi-
tans du pays , & qu'elle abrège leurs jours ■■,
que tous les oifeaux qui pallént pardefliis
ce lac y tombent morts , & qu'il n'y a au-
cun poilfon clans ces eaux. Les V^abes ra-
jnalfcnt ce bitume, lorfqu'il eft encore li-
quide , pour goudronner leurs vaiiîeaux.
Ils lui ont donné le nom de karabé de So-
dome ; fouventle mot/'ara^t-fignific la même
chofe que bitume dans leur langue. On a aufii
donne au bitume du lac Afphaltique le nom
de gomme de funérailles , & de momie ; parce
que chez les Égyptiens, le peuple eiupioyoit
ce binime, & le pilfalphalte , pour embau-
nier les corps morts. Diofcoride dit que le
vrai bitume de Judée doit être d'une cou-
leur de pourpre brillante, & qu'on doit re-
jeter celui qui eft noir & mêlé de matières
étrangères : cependant tout ce que nous en
avons aujourd'hui eft noir: mais lion le caile
en petits morceaux , & ii on regarde à tra-
vers les parcelles, on apperçoit une petite
teints jl'mi jaui;e couleur de iufraii : t'eit
ASP
peut-être là ce que Diofcoride a vou'u dîrtf.
Souvent on nous donne du piffalphalte durci
au feu dans les chaudières de cuivre ou de
fer, pour le vrai bitume de Judée. On pour-
roit aulFi confondre ce bitume avec la poix
noire de Stockolm , parce qu'elle eft d'un
noir fort luifant : mais elle n'eft pas fi dure
que le bitume de Judée , & elle a , ainfi que
le pilfafphalte , une odeur puante qui les fait
aifëmcnt reconnoître.
Les fumigations avec ce bitume fout re-
commandées dans les attaques d'hyftérie y
on e!i fait aulTi des emplâtres , qu'on appli-
que fur le pubis, en y mêlant quelque corps
moins folide. L'ufage extérieur de ce bitume
eft principalement chirurgical : il eft réfo-
lutif , déterfif ; on s'en fert dans les ulcères
vermineux ou fordides , dans les extravafa-
tions de lang coagulé & les tumeurs qui
en rcfidtent. f^oyei Bitume , Sec. ( M.
Lafosse, )
Après avoir fait connoître le bitume de
Judée , il ne nous refte plus qu'à parler de
cette forte de bitume en général , & des
afphaltes de nos contrées : c'eft ce qu'on trou-
vera expofé fort au long dans un mémoire
fait en 1750, fur les mines A'afphalte en gé-
néral , & notamment fur celle dite de la Sa-
hlonniere , fife dans le ban de Lamperfloch ,
bailliage de Warth , en baile Alface , entre
Haguenau & Wilfenbourg , pour rendre
compte à M. de BuiFon, intendant du jardin
du roi , de cette nouvelle découverte , & de
la qualité des marchandiies qui fe fabriquent
à ladite mine , pour fervir à thifioire natu-
relle , générale & particulière , &iç.
La première niine àHafpliaUe qui ait été
connue en Europe fous ce nom-là , eft celle
de NeufchâtsI, en Suille , dans le val Tra-
vers : c'eft à M. de la Sablonniere , ancien
tréforier des Ligues Suilfes , que l'on a obli-
gation de cette décomerte. Monfeigneur le
duc d'Orléans , rége.'it du royaume , après
l'analyfe faite des bitumes fortant de cette
mine , fit délivrer audit fieur de la Sablon-
niere , un arrêt du confeil d'état du roi , par
lequel il luiétoit permis de faire entrer dans
le royaume toutes les m;u-chandifes prove-
nantes de cette mine , fans payer aucuns
droits ^ cet arrêt eit tout au long dans le dic-
tior.naire du commerce , au mot afphalte.
Les biîumes ^ni lôrteut de cette mine ibu^
ASP
de inémenatlirc que ceux qui fe trouvent^
celle de la Sablouniere ;, avec cette différence
que ceux de la mine de Neufcliâtel ont filtre
dans des rochers de pierres propres à faire de
lac haux, & que ceux d'Alfacc coulent dans
un banc de fable fort profond en terre, où
il fe trou\e entre deux lits de terre glaifc :
le lit fupérieur de ces inines eft recouvert
d'un chapeau ou banc de pierre noire , d'un
à deux pies d'épaiifeur , qui fe fcpare par
feuilles de Tépaiflbur de l'ardoife. La pre-
mière glaife qui touche à ce banc de pierre
eft aufli par feuilles : mais elle durcit promp-
tenient à l'air, & reiîemble ailez à la fer-
pentine- La mine de Neufchûtel, enSuilîc,
n'a point été approfondie j on s'ell contenté
de caifer le rocher apparent & hors de terre.
Ce roclier fe fond an feu ; & en y jois^nant
une dixième partie de poix , on forme un
ciment ou maftic qui dure éternellement
dans l'eau , & qui y eft impénétr;ible : mais
il ne faut pas qu'il foit expofé à fec à l'ardeur
du foleil 5 parce qu'il mollit au chaud & dur-
cit au froid. Ces deux inouvemens alternes
le détachent à la fin de la pierre , & la fou-
dure du joint ne tient plus l'eau. C'efî de ce
ciment que le principal bafTin du jardin du
roi a été réparé en 17.^1^ , ( depuis ce temps
jufqu'auiourd'hui , il ne s'cft point dégradé. )
C'eft aufTi la b^fe de la compofltion avec
laquelle font réunis les marbres & les bron-
zes d'un beau vafe que M. de la Sablouniere
a eu l'honneur de préfènter au roi en 1740 j
c'efl pareillement de ce ciment ou maftic
que l'on a réparé les ba/Tins de Verfaiîles ,
Latone , l'arc de triomphe Se les autres ,
même le beau vafe de marbre blanc qui eft
dans le parterre du nord à Verfaiîles , fur
lequel eft en relief le facrifîce d'Iphigénie.
En féparant ces huiles ou bitumes de la
pierre à chaux , elles fe trouvent pareilles
à celles que l'on fabrique actuellement en
Alface : m.ais la féparatiou en eft beaucoup
plus difficile , parce que les petites parties de
la pierre à chaux font fi fines, qu'on ne peut
tirer l'huile pure que par j'alembic \ au lieu
que celles d' Alface , qui ont filtré dans un
banc de fable , quittent facilement le fable
dont les parties font lourdes \ ce fable déta-
ché par l'eau bouillante , fe précipite au fond
de la chaudière oui il refte blanc , & l'huile
qu'il coutenoit furnage & fc lepare faiis
ASP (^i\
peine de l'eau , avec le féparatoire. Pour dire
tout ce que l'on fait de la mine A'afp/ialt( de
Ncufchâtcl , c'eft de celle-là que M. de la
Sablouniere a faitlepifl'afphalte avec lequel
il acarcné , en 1740 , le Mars & la Re-
nommée . vaiffeaux de la compagnie des In-
des, qui font partis de l'Orient , le premier
pour Pondiclicry , & le fécond pour Ben-
gale. Il eft vrai que ce? deux vaiflcaux ont
perdu une partie de leur carenne dans le
\oyage , mais ils font revenus à l'Orient
bien moins piqués des vers que les autres
vaiffeaux qui avoicnt eu la carenne ordi-
naire. Il n'eft pas nécefTaire d'en dire da-
\antage fur la mine de Neufchâtel ^ reve-
nons à celle d'Alface.
Elle a été découverte par fa fontaine mi-
nérale , nonnnée en allemand backclbroun ,
ou fontaine de poix. Il y a pluiieurs auteurs
anciens qui ont écrit fur les qualités & pro-
priétés des eaux de cette fontaine , dont le
fameux doâeur Jacques Théodore de Sa-
verne , médecin de la \'\\\c de W'orms ,
fait un éloge infini •■, fon li\'re eft en alle-
mand , imprimé à Francfort en 15!^ 8 5 il
traite des bains & eaux minérales , & dit des
cho(bs admirables de la fontaine nommée
backclbroun. Il eli vrai que les eaux de cette
fontaine ont de grandes propriétés , & que
tous les jours elles font des guérifons furpre-
nantes , les gens du pays la bu\ant avec con-
fiance quand ils font malades. Si cette fon-
taine s'étoit trouvée à portée de la ^'ille de
Londres , quand les eaux de goudron y ont
eu luie fi grande vogue , lès eaux feules aii-
roient fait un revenu conlidérable. Il eft
conftant que c'eft une eau de goudron na-
turel , qui ne porte a\ ec elle que àc% parties
balfkmiques , elle fènt peu le goudron ^ elle
eft claire comme l'eau déroche, & n'a pref-
que pas defédiment: cependant elle ré-
chauffe l'eftomac , tient le \entre libre , &
donne de l'appetit en en buvait trois ou
quatre verres le mat^i à jeun ; il y a des
gens qui n'en boivent jamais d'autre , &
fe portent à merveille. Les bains de cette
eau font très- bons pour la galle & les ma-
ladies de la peau.
C'eft donc cette fontaine qui a indiqué là
mine ^afphahe où M. de la Sablonnicre tra-
vaille adtuellem.ent \ elle charrie dans fes ca-
naux fouterrains , un bitume noir , 6c uue
G-ji. ASP
huile roiig'e , qu'elle poufle de temps en temps
fur la fuperficie des eaux de fon balTln j on
les voit monter à tous momens & former
un bouillon •■, ces huiles & bitumes s'éten-
dent fur l'eau , & on en peut ramalTer tous
les jours dix à douze livres , plus cependant
en été qu'en hiver. Quand il y en a peu ,
& que le foleil donne fur la fontaine , ces
huiles ont toutes les couleurs de l'arc-en-ciel
ou du prifine ^ elles fè nuancent & ont des
veines & des contours dans le goût de celles
de l'albâtre 5 ce qui fait croire que h elles fe
répandoient fur des tufs durs & propres à fe
pétrifier , elles les veineroient comme des
marbres. Le bafîin de cette fontaine a douze
pies de diamètre d'un fèns fur quinze de
l'autre j c'ell une elpece de puifard qui ell
revêtu entièrement de bois de charpente ;
il a quarante-cinq pies de profondeur : la
tradition du pays dit qu'il a été creufé dans
l'efpérance d'y trouver une mine de cuivre
& d'ar;jent ^ on en trouve effeâiveinent des
indices par les marcailîtes qui font au fond
de cette fontaine : M. de la Sablonniere l'a
fait vuidcr \ l'ouvrage en bois étoit fi ancien
& fi pourri , qu'une partie a croulé avant
que la fontaine ait été remplie de nouveau ;
elle coule cependant à l'ordinaire , & jette
fbn bitume comme auparavant.
A cent foixante toifès de cette fontaine ,
au nord , M. de la Sablonniere a fait creu-
fcr un pui{àrd de quarante-cinq pies de pro-
fondeur qu'il a fait revêtir en bois de chêne ;
il s'y eft rencontré plufieiu"s veines êiafphahe
ou bitume , mais peu riches ^ celle qui s'efl:
trouvée à quarante-cinq pies eft fort grafle j
elle eft en plature , mais cependant ondée
dans fa partie fupérieure , c'eil-à-dire qu'elle
a quelquefois fix pics d'épaiifeur , & quel-
quefois elle fe réduit à moins d'un pié , puis
elle augmente de nouveau ;, fa bafe eft tou-
jours fur une ligne droite horizontale de l'eft
à l'oucft , & qui plonge du midi au nord ■■, à
fa partie fupérieure eft inie elpece de roc
plat d'un pié d'épaiifeur , qui eft par feuilles
comme l'iirdoife \ il tient pardeifus à une
terre glaifequi relJémble allez à laibrpentine.
A fa partie inférieure fe trouve un fable
rougcâtre qui ne contient qu'une huile moins
noire que celle de la mine, plus pure & plus
fluide , qui a cependant toutes les mêmes
qualités ; ce fable rouge fert à faire l'huile
ASP
de Pétrole , de même que le rocher qui fe
trouve hors de terre , & qui a la même
couleur.
Pour donner une idée de cette mine , il eft
nécefl'aire de dire qu'elle eft d'une étendue
immenfe, puifqu'eÛe le découvre à près de
(xs. lieues à la ronde : depuis l'année 1740 y
que M. de la Sablomiiere y fait tra\'ail-
1er , on n'en a pas vuidé la huitième partie
d'un arpent à un feiil lit , qui eft aftuelle-
ment foixante pies environ plus bas que la
fuperficie de la terre , & l'on n'a pas touché
aux trois lits ou bancs qui font fupérieurs à
celui oti l'on travaille aè^iellement \ ce lit
eft de plus de foixante pies plus élevé que
celui que l'on a découvert au fond de la fon-
taine dite backdbroun , & il s'en trou\-e deux
lits entre l'un & l'autre : mais il y a grande
apparence qu'à plus de cent pies au deflbus
de ce dernier lit , il y a encore plufieurs bancs
infiniment plus riches & plus gras ;, on en
juge par ce qu'on a découvert avec la fonde,
& par l'huile que cette fontaine charrie au
fond de fa fource f, les marcailîtes y font les
mêmes ^ elles font chargées de foufre , de bi-
tume, & de petites paillettes de cuivre. On
y trouve aufti quelques morceaux de char-
bon de terre , qui font foupçonner qu'on eu
découvrira de grandes veines à mefure que
l'on s'enfoncera.
Si on continue ce travail , comme on
le projette , & qu'on parvienne au rocher
qui eft beaucoup plus bas , on elpere d'y
trouver une mine de cuivre & argent fort
riche ■■, car les marcafutes font les mêmes
que celles de Sainte-Marie-aux-Mines.
On obfor\e dans ces mines, que le bitume
fo renouvelle & continue de couler dans les
anciennes galeries que l'on a \niidées de mine
& remplies de fable & autres décombres j
ce bitume pouffe en montant & non en def-
cendant , ce qui fait juger que c'eft une \a-
peur de foufre que la chaleur centrale poulfe
en en-haut ; il pénètre plus facilement dans le
fible que dans la glaife , & coule a\cc l'eau
par-tout où elle peut paflcr , ce qui fait que
plus la mine eft riche , & plus on eft incom-
modé par les fources. Pour remédier à cet
inconvénient , qui eft coûteux , M. de la
Sablonniere vient de prendre le parti de fui-
\Te une route oppofée dans fon travail ^ fes
galeries ont été conduites jufqu'à préfent du
midi
ASP
Ttni'i au nord, il fait faire des parallèles du
nord au midi :, il ;nir;i prir ce n;oyen beau-
coup mojus de frais ; iâ miuc plongeant au
nord, en fiiivant la ligue méridionale, les
eaux couleront naturelleincut d;ms les pui-
làrds.
Toutes les galeries que l'on a faites juf-
qu a préfcnt , ont quatre pies de large , iix
pies d'élévation , & un canal fous les [lics
d'environ tjois pies de profondeur pour l'é-
coulcincnt des eaux : ces galeries font toutes
revêtues de jeune bois de chêne de huit à
dix pouces de diamètre , 8c plancheyces fur
le canal pour que les ouvriers y conduifènt
facilement les brouettes. On y travaille jour
& nuit. Le baromètre y eft par-tout au même
degré que dans les caves de l'obièrvatoire.
L'air y a manqué quelquefois ■■, on y a fijp-
pléé par le moyen d'un graud foufflet & d'un
tuyau de fer blanc de deux cents pies , avec
lequel on conduifoit de Pair extérieur , juf-
qu'au fond des galeries. Depuis trois mois
on ache\ e un puifard au nord , qui fait cir-
■ader l'air dans toutes les galeries.
Pour tirer de cette mine une forte d'oing
noir dont on le fêrt pour grailler tous les
•rouages , il n'y a d'autre manœuvre que de
faire bouillir le fable de la mine pendant une
heure dans l'eau ■■, cette graille monte , & le
fable relie blanc au fond de la chaudière.
On met cette graiffe fans eau dans une grande
chaudière de cuivre, pour s'y affiner & éva-
porer l'eau qui peut y être reliée dans la pre-
jfiiere opération.
On tire du rocher & de fa terre rouge une
huile noire , liquide & coulante , qui eft de
J'huile de pétrole : cette opération fe fait par
le moyen d'un feu de dix à douze heures.
La mine ou le rocher fe mettent dans un
grand foiu-neau de fer bien lutté , & coule
par defcenfum ; on peut faire de ces huiles
en grande quantité. C'eft cette huile prépa-
rée que M. de la Sablonniere prétend em-
ployer pour les conlèrves des vailTeaux.
L'huile rouge & l'huile blanche font tirées
perafciiifum , & font très-utiles en médecine ,
& fur-tout en chirurgie , pour guérir les ul-
cères & toutes les maladies de la peau. Voyei
Bitume & Pissasphalte.
* ASPHALTIDE , lac de Judée , ahifi
nommé du bitume qui en fortoit à gros
iouillons. Les villes de Sodome , de Qo-
Tome III.
ASP 6-ji
morrhe, Adaina , Seboim & Scgor , étoicnt
fituces dans ces environs. Le lac Afpkal::ùe
poitcauiîîlc nom ih Mcr-Morie ^ tant à
caufe de l'immobilité de ks eaux , que pai'ce
que les poilfons n'y peuvent vivre , & qu'oa
n'apperçoit fur fes bords aucun oifeau aqua-
tique. Les l'.abitans du pays l'appellent Sor-
banet ; d'autres le nomment la. mer de Lor ,
& croient que c'eft le lieu où ce patriarche
fut déli\Té des flammes de Sodome. On dit
que rien ne tomboit au fond de fes eaux.
Cette propriété paiiè pour faljuleufe , quoi-
qu'elle foit ailurée par le témoignage deplu-
ficurs voyageurs , par celui de Jofcph , &
dit-on , par l'expérience de Vefpaficn qui
y fit jeter des honunes qui ne favoient point
nager , qui avoient les mains liées , & qui
furent toujours repoulles à la furface. Il re-
çoit les torrens d'Arnon, de Debbon & de
Zored , & les eaux du Jourdain. Il eft long
de cent mille pas , & large de vingt ou vingt-
cinq mille. F. Mer-Morte , Asphalte,
ASPHODELE , afphoddus , {Wft. nau
bot, ) genre de plante à fleur en lis, compo-
iee d'une feule pièce , découpée en fix par-
ties. Il fort du milieu de la fleur un piftil ,
qui devient dans la fuite un fruit prefque
rond , charnu & triangulaire. Ce fruit s'ou-
vre par la pointe •■, il eft divifé intérieurement
en trois loges remplies de lèmences triangu-
laires. Tournefort, Injh rei herb. Voye^
Plante, (l)
A fpkoddus major flore albo ramofus , /. B.
Sa racine eft nourriffante ; on en fait du pain
dans les temps de famine : elle eft déterfive ,
incifive , apéritive, diurétique, emménago-
gue : elle réfifte aux venins , déterge les vieux
ulcères , & réfout les tumeurs. {"N .)
* ASPHUXIE , f. f. r Méd. ( diminution
du pouls , telle que les forces paroiifent ré-
folues , la chaleur naturelle preique éteinte ,
le cœur fi peu mu qu'un homme eft comme
mort. La mort ne diffère de Yafpkuzie quant
aux fymptoines , que par la durée. L'idée
d'une chofe horrible , la grofteife , les paf-
lions violentes , le fpafme , luie évacuation
forte, l'avortement & autres caulès fèmbla-
bles , peuvent produire Yafpkuzic.
ASPIC , f. m. afpis , {Hiji. nat. Zoolog.)
fcrpent très-connu des anciens , & dont ds
ont beaucoup parlé : mais il eft dillicile à
préfent de recomioître l'efpece de lèrpeiit à
N 11 n n
^74 "^ S P
laquelle ils donnoient ce nom. On prétend
«ju'il ap]')artenoit à plufieurs efpeces , & que
les E!»)'ptiens en diftinguoient jufqu'à iciic j
au/Ti dit-on que les afiics éroient fort coin-
miuis iin- les bords du Nil. On rapporte qu'il
y en avoit au(Ti beaucoup en Afrique. On a
cru qu'il y avoit des afpics de terre & des
afpics deau. On a dit que ces ferpens étoient
de plufieurs couleurs \ les uns noirs , les au-
tres cendres , jaunâtres , verdâtres , fi-c.
Ceux qui n'ont reconnu qu'une efpece d'û/-
/7/V, ont réuni toutes ces couleurs furie même
individu. Les afpics étoient plus ou moins
grands ; les uns n'avoient qu'un pié , d'au-
tres avoient une brafle^ & fi on en croit plu-
fieurs auteurs , il s'en trouvoit qui avoient
jufqu'à cinq coudées. Les defcriptions de
cet animal qui font dans les anciens auteurs ,
^ilTercnt beaucoup les unes des autres. Selon
ces defcriptions , ^afpic eft un petit ferpent
plus allongé que la vipère ;, fes dents font
longues & fortent de fa bouche comme les
dents d'un fanglier. Pline dit qu'il a des
dents creufcs qui diftillent du venin comme
la queue d'un fcorpion. Agricola rapporte
que Y a [pic a une odeur très-mau\aife , &
qu'il a la même longueur & la même grof-
fèur qu'une anguille médiocre. Elien pré-
tend que ce ferpent marche lentement ^ que
(es écailles font rouges ^ qu'il a fur le front
deux caroncules qui reffeinblent à deux cal-
lofités ; que fou cou ell gonflé , & qu'il ré-
pand fou venin par la bouche. D'autres aifu-
rcnt que fes écailles font fort brillantes ,
for-tout lorfqu'il eft expofé an foleil •■, que
fes yeux étincellent comme du feu ; qu'il a
quatre dents revêtues de membranes qui ren-
ferment du venin \ que les dents percent ces
membranes lorfque l'animal mord ^ & qu'a-
lors le venin en découle , &c. Si ce fait eft
vrai , c'eft une conformation de ïafpic qui
lui eft commune avec la vipère Se d'autres
lèrpens venimeux. Voye[ ViPERE.
On a indiqué pluiieurs étymologies du
mot afpic. Nous les rapporterons ici , parce
qu'elles font fondées liir des faits qui ont
rapport à l'hiftoire de ces ferpens. Les uns
diiènt qu'ils ont été i;in{i appelles parcequ'ih
répandent du venin en mordant , afpis ab
alpéPgendo. D'autres prétendent que c'eft
parce que leur peau eft rude , afpis ab afpc-
fiia:i iuus ; ou ^)r.rce cjue la grmulc lumière
ASP
les fait mourir , û//>/j at afpiciendo ; ou par.t
que dès que Yafpic entend du bruit il le
contourne & forme pluiieurs fpirales , du
mdieu defquelles il cîevefatête, & que dans
cette fituation il reiîémble à un bouclier ,
a/pis ab afpide ctypeo ; enfin piurce que le fif-
flement de ce ferpent eft fort aigu, ou parce
qu'il ne fiffle jamais. On a trouvé le moyen
de dériver le u'.ot grec ù^-ïïk , de l'uu &
l'autre de ces faits , quoique contraires. II
nous feroit intérel'ant de {avoir lequel eft le
vrai , plutôt pour l'hiiioire de ce ferpent que
pour l'étymologie de fou nom : mais ce que
l'on fait de ce reptile paroît fort incertain, &
en partie fabuleux. Aidrovande , Serpentum
hifl. Ub. I. Ray,^^ Serpente anim. quoadfynop.
On a donné le nom àHafpic à un ferpent
de ce pays-ci , allez cominun aux environs
de Paris. Il paroît plus effilé & lui peu plus
court que la vipère. Il a la tête moins appla-
tie ^ il n'a point de dents mobiles comme
la vipère. Voye\ ViPERE. Son cou eft affei
mince. Ce ferpent eft marqué de taches
noirâtres for un fond de couleur roulTâtre ,
& dans certain temps les taches difparoif-
fent. Notre afpic mord & déchire la peau
par fa morfure : mais on a éprouvé qu'elle,
n'eft point venimeufè , au moins on n'a ref-
fènti aucun iymptome de venin après s'être
fait mordre par un de ces ferpens , au point
de rendre du fang par la plaie. Cette expé-
rience a été faite & répétée plufieurs fois
for d'autres ferpens de ce pays \ tels que la
couleuvre ordinaire , la couleuvre à collier ,
& l'orvet , qui n'ont donné aucune marque
de venin. Il feroit à fouhaiter que ces expé-
riences full'ent bien connues de tout le mondej
on ne craindroit plus ces ferpens , & leur
morfure ne donneroit pas plus d'inquié-
tude qu'elle ne caufo du mal. Voye\ Ser-
pent. (/;
Cependant , félon plufieurs auteurs , le
meilleur remède contre cette piquure eft
l'amputation de la partie aftcctée ;, foion on
fcarifie les chairs qui font aux environs de la
piquure julqu'A l'os , afin que le venin ne fo
conuîiunique point aux parties voiiincs, Se
l'on doit appliquer des cautères for les au-
tres \ car le \cniu de Xafpic , diknt-ils , auiîl-
bien que le fajig du taureau , fige les hu-
meurs dans les artères. P. 7t giiîctte, liv. V ,_
\h, xvitj. On peut , fclou d'autics , guérir-
ASP
Ça pîqiiUî'3 de Vafpic, au (Ti -bien «fJe celle ilc
In vipère , en oignant la partie atFcétcc avec
de l'iiuile d'olive chaude : mais le meilleur
remède eft de n'avoir point de peur. ( N )
Aspic, ( An. miHt. ) On a donné autre-
fois ce nom à une pièce de canon de douze
livres de balle , qui pefoit 41 50 livres, ( Q )
Aspic , ( Bor. Mac. méd. ) lavendula fpi-
■ca , petite lavande. Les fleurs font la feule
]')artie de cette plante ulitce en inédccine.
Leur odeur très-pénétrante eft agréable , &
Jeur faveur forte, acre & amere dépend prin-
cipalement de la quantité d'huile elTentielle
éÂérée qu'elles contiennent. L'analyfe chy-
inique démontre les mêmes principes entre
cette plante & la lavande ordinaire : les ver-
tus en font à-peu-prcs les mêmes. Voye[
Lavande , ^c.
On trouve dans les boutiques une huile
é'afpic qui eft céphalique , utérine, carmi-
iiative , anthelminthlque j on l'emploie ex-
térieurement contre les poux , on alTure
même qu'elle garantit les livres & les étof-
fes des infedes ou des teignes. {M. La-
fosse, )
ASPIDO , ( Géogr. ) rivière d'Italie , dans
la Marche d'Anconc. Elle a fa fource près
de Polverigo & fe jette dans le Mufone où
Moufbne , un peu au deifus de fon embou-
chure dans la mer Adriatique. {C. A.)
ASPIRANT , adj. m. en Hydraulique :
on appelle un tuyau afpirant, celui dont on
fe fert dans une pompe pour élever l'eau à
une certaine hauteur. II doit être d'un plomb
moulé bien épais & réforgé , de crainte des
fbufflures qui empêcheroient l'eau de mon-
ter. (X)
Aspirant , adj. pris fubft. eft celui qui
afpij-e à quelque choie , qui veut y parvenir:
il Ce dit particulièrement des apprentifs qui
veulent devenir maîtres , foit dans les iix
corps des marchands de Paris , foit dans les
communautés des arts & métiers.
Afpirant à la mahrifc dans les fix corps
des marchands de Paris , eft celui qui ayant
l'âge requis , fait fon temps d'apprentiffage ,
& fervi chez les maîtres , afpirc à fe fiire
recevoir maître lui-même.
Perfonne ne peut afpirer à être reçu mar-
chand , qu'il n'ait vingt ans accomplis , &
ne rapporte le brevet & les certificats de fon
apprcutilFage , & du fervice qu'il a fait dc-
A S P (fyj
puis cliez les maîtres. Si le contenu aux cer-
tificats ne fo trouvoit pas véritable , ïafpi-
rant fcroit déchu de la maîtriîc ; le maître
d'apprcntiftage qui auroit donné fon certi-
ficat , condamné en 500 liv. d'amende , 8c
les autres certificateurs chacun en 300 liv.
\J afpirant à lamaitrife doit être interrogé
fur les livres & regiftres à parties doubles 8c
à parties fimples \ fur les lettres & billets de
change ^ fur les règles de l'arithinétiquc^ for
les parties de l'aune \ fur la livre 8c poids de
marc , fur les mefures & les poids , 8c fur les
qualités des marchandifès autant qu'il doit
convenir pour le commerce dont il entend
fe mêler.
Il eft défendu aux particuliers Se aux com-
munautés de prendre ni recevoir des ay^/Vû/zf
aucuns préfens pour leur réception, ni autres
droits que ceux qui font portés par les fta-
tuts , fous quelque prétexte que ce puiiîê
être , à peine d'ainende , qui ne peut être
moindre de 100 liv. Il eft aufli défendu à
\afpirant de faire aucun feftin , à peine de
nullité de fa réception.
Outre ces réglémens généraux, portés par
les articles 3 , 4 8c 5 du tit. I de l'ordoii.
de 1673 , chacun des fix corps de marchands
en a de particuliers, foit pour le temps d'ap-
prentilfage , foit pour celui du fervice chez
les maîtres , foit pour le chef-d'œuvre : les
voici.
Dans le corjis des orapIers-chaulTctlers ^
qui eft le premier des fix corps , les afpirant
à la maitrife ne font point tenus de faire
chef-d'œuvre \ il fuffit qu'ils aient fervi les
marchands drapiers trois ans en qualité d'ap-
prentifs , 8c deux ans depuis la fin de leur
apprenti (Fage.
Quoique les apothicaires , épiciers, dro-
guiiles, confifèurs 8c cirlers , ne faflcnt qu'un
8c même corps , qui eft le deuxième des fix
corps des marchands ; néanmoins les afpirans
font tenus de différentes chofos , (èlou l'état
qu'ils veulent embrafler dans le coq)s.
Ceux qui afpircnt à la pharmacie ou apo-
thicairerie , doivent avoir fait quatre ans
d'ap;)rcnti(Fagc 8c fix années de fervice chez
les maîtres : outi-c cela ils doivent être exa-
minés 8c faire chef-d'œuvre.
Dans le corps des mai-chan<ls incrciers-
grolTierc-joailIiers ; qui eft le troificine des
\ù'. Cor_ps, \e% afpirans ne font îiiFujattisàiiU?
J>( n a a i
ê^6 ASP
cun chef-d'œuvre '., il fuffit pour être admis
à la maîtrife , qu'ils aient été au fervice des
marchands merciers trois ans en qualité d'ap-
prentifs , & trois autres après leur appren-
tillage en qualité de garçons.
Dans le corps des marchands pelletiers-
haubanniers-fourreurs , qui eft le quatrième
des fix corps , les afpirans à la maitrilè doi-
vent jiiftifier de leur apprentiirage & du ièr-
vice chez les maîtres ^ favoir , quatre ans
d'apprentiffage & quatre ans de fervice , &
ils font obligés à chef-d'œuvre.
Ceux qui afpirent à être reçus dans le
corps des marchands bonnetiers-almulciers-
mitoiuiiers , qui eft le cinquieine des {\s.
corps , font aulTi tenus de faire chef-d'œuvre ,
& doivent avoir fait leur apprentiifage de
cinq ans , & le fervice des maîtres pendant
cinq autres aruiées.
Enfin ceux qui afpirent à fe faire recevoir
dans le fixieme & dernier corps des mar-
chands , qui eft celui de rorfé\Terie , doivent
juftifier de huit ans d'apprentilfage & de deux
ans de fervice chez les maîtres : outre cela
ils font encore obligés de faire chef-d'œuvre,
& de donner caution de la fomme de looo
livres.
Les afpirans à la mahrife dans les com-
munautés des arts & métiers , ont aufli leiu-s
réglemens, leurs temps d'apprentiffage , ce-
lui du fervice chez les maîtres , & leur chef-
d'œuvre: mais prefque tous différent fuivant
la diverfité des profelfions & des ouvrages
qu'on y fait. Ou trouvera dans ce diûion-
naire les détails les plus iniportans à cet
égard fous les noms des différens arts & mé-
tiers. ( G )
ASPIRATION , f. f. ( Gramm. ) Ce mot
fignifie proprement l'aftiou de celui qui tire
l'air extérieur en dedans ; & X expiration^
eft l'aûion par laquelle on repouflé ce même
air en dehors. En grainmaire , par afpira-
tion , on entend up.e certaine prononciation
forte que l'on donne à une lettre , & qui fc
fait par afpiration & refpiration. Les (jrecs
la m;u-quoicnt par leur efprit rude , les La-
tins par // , en quoi nous les avons fùivis.
Mais notre h cil très- fou vent muette , &
ne marque pas toujours \ afpiration : elle eft
muette dans homme , honnête , héro'ine , «kc.
elle eft z^^'xxiccw haut ^hauteur ^ héros ^ &c.
Voyc7^ï\.{F)
A S P
Aspiration , f. f. eft h même chofc ^
en hydraulique , c\\\afcenjian. L'enij dans les
pompes ne peut guère être nfpiréc qu'à 25
ou 26 pics de haut, quoique l'on puiiie la
pouffer , fuivant les règles , jufqu'à 32 pies,
pourvu que l'air extérieur comprime la fur-
face de l'eau du puits ou de la rivière dans
laquelle treinpc le tuyau d;; Y afpiration , alors
la colonne d'eau fait équilibre avec la colonne
d'air. Si on n'afpire l'eau qu'à 20 ou 26 pies
de haut , c'eft afin que le pifton ait pins der
vivacité & plus de force pour tirer l'eau.
Voyei Air , Pompe. (K)
Aspiration , {Mujiq.) z^ément prin-
cipalement en ufàge pour le claveftin. Il
eft de deux fortes , & on le marquoit autre-
fois de deux manières , fuivant l'efjiece dont
il devoit être. Lorfqu'on trouvoit la mar-
que y\ , on faifoit entendre la note immé-
diatement au deffus de celle qui étoit notée ^
&: quand on trouvoit cette autre marque V ,,
c'étoit la note immédiatement au deffous.
qu'il falloit faire entendre. Aujourd'hui on
ne fe fert plus de ces marques : on note Yaf-
piration tout au long , ou on la laillé à la
volonté de l'exécuteur, ^oye^ la marque &
l'effet de Yajpiration , fig. 8 , pi. IJ^ de
Mufique.
On pratique encore V afpiration par degrés
disjoints. Voye:^\zjig. 9 , pi. If^ de Muji-
que.[F.D.C.)
ASPIRAUX , f: m. pL fe dit dans la plu-
part àcs laboratoires où l'on emploie des four-
neaux , d'im trou pratiqué de\ant un four-
neau , & recoux ert d'une grille. Ce trou fert
à defcendre ou à pénétrer dans le fourneau
pour.efi tirer la cendre , & à pomper l'air
pour animer le feu Scchaffcr les fiunécsdans
la cheminée : c'eft pour ceh: qu'il u'eft cou-
vert que d'une grille , quoique cela foit
moins commode aux ouvriers qui travaillent
autour des chaudières, y'oyei Fourneau.
Ordinairement dans les laboratoires où l'on,
rafine le fucrc , deux afpiraux fuflifcnt pour
un fourneau de trois chaudières.
ASPIREE , adj. f. terme de Grammaire ;
lettre afpirée. La méthode greque de P.R.
dit auffi afpirante.
Ml , Mairra , Taî» ifont testenueSj.
Et pour moyennes font reçues j
Ces trois BiiTi» jTii).)* , i\.\rt.i-
Afpiréintes a>î', xi , lànn^
ASP
Autrefois ce fipie h ctoit la marque de
ra/}>ii'ation , comme il l'cil: encore en !;uin,
& ciaiis pliilleurs mots de notre langue. On
partagea ce ligne en deux parties qu'on ar-
rondit j l'une ferviî pour l'efurit doux , &
l'autre pour l'clprit rude ou âpre. Notre A a/^
/i/'/vt- n'eft qu'un efprit àprc, qui marque que
la \ûyelle qui la fuit, ou la confonne qui la
procède , doit être accompagnée d'une aspi-
ration. Rhetorica , &C.
En chaque nation les organes de la parole
fiivent m\ moiivemciit particulier dans la pro-
nonciation des mots:,ie veux dire,que le même
mot e(l prononcé en chaque pays par une com-
baiai Ion particulière des organes de la parole:
les uns prononcent du goiier , les autres du
haut du palais , d'autres du bout des levTes, &c.
De plus , il faut obler\er que quand nous
voulons prononcer un mot d'une autre lan-
gue que la nôtre , nous forçons les organes
de la parole , pour tâcher d'imiter la pro-
nonciation originale de ce mot ; & cet citbrt
ne lert Ibuvent qu'à nous écarter de la v éri-
table prononciation.
De là il cft arrivé que les étrangers vou-
lant faire ientir la force de Fefprit grec , le
n-,échanifme de leurs organes leur a fait pro-
noncer cetelprit , ou avec trop de force, ou
avec trop peu : ainfi au lieu s; , àefex , pro-
noncé avec l'efprit âpre & l'accent grave , les
Latins ont fait px; de î-t-to. , ils ont fmtfep-
tem ; d'êb/oi/.of , feptimus. Ainh d'îr/'a , eft
venu vejta ; d'sçiatTsf, vefiales ; d'iV-a-ffor ,
ils ont fait vefpsrus ; d'ù^âp fuper ; d'îA:
yi?/ ; ainfi de plufieurs autres , où l'on fènt
qiie le méchanifine de la parole a amené au
lieu de l'efl^rit un/, ou un v , ou un/: c'eft
ainfi que de hv^f on a fait vfnum , doimant
à r>' con/bnne un peu dn ion de ïu voyelle ,
qu'ils prononçcient ou. [F)
ASPIRER , v. aâ:. Les doreurs difent
que l'or couleur afpire l'or ■-, ils entendent
qu'il le retient.
ASPIS , ( Géogr. ) ancienne ville de Macé-
doine, qui, felcn Etienne le géographe, fut
bâiie par Philippe, père de Perlée. Il non
relie aucun veîlige aujourd'hui. {C.A.)
ASPITRA , ( Géogr. ) ancienne ville
d'Afie , fiir uni rivière du même nom , au
pays de Sines. On dit qu'elle contenoit d'afiez
bc::uxcdifices.& que les rues éîoient~arnics
d'allées d'i^rbres de toute tipece. {C.A.)
ASP ■ 6-jj
* ASPLE ou mieux ASPE , f. in. on donne
ce nom^(z«,v /es mam/fiiclures en foie de Pié-
mont, indifféremment au dévidoir fur le-
quel on tire les foies des cocons , & à celui
qui dans les moulins fe charge de la foie or-
gancinée: le premier s'appelle afpe de fila-
ture , 8c le fécond afpe de tors. Mais dnns nos
manufactures on a confervé à celui-là le nom
d'afpe ou à'nfple , comme difent les ouvriers ,
& l'on a nommé guindre celui-ci. Le règle-
ment de Piémont ordonne Vûfpe de tors de
9 onces de tour pour les organcins , & de
9 î pour les trames ; & Yafpe de filature de
48 onces au plus , & de 40 au moins. Ces
afpes font l'un & l'autre des parallépipedes ,
dont la bafe eft un quarré , 8c dont les an-
gles font formés par quatre lames dont une
ou deux font mobiles , pour avoir la facilité
d'enlever les ccheveaux. Si on donne à la
bafe de Vafpe de tors 14 de nos pouces de
di igonale , on lui en trou\cra 40 de tour ;
il iaudra que 40 de nos pouces équivalent à
neuf onces de Piémont , & que ïafpe de fila-
ture en ait 213 4 de tour , ou environ 75 de
diagonale ^ dimenfion beaucoup plus grande
que celle qu'il a réellement. Trompés par
cette contradidion du règlement , nous n'a-
vions donné qu'environ quinze de nos pou-
ces de circonférence à Yafpe de tors , tan-
dis que fa bafè en a vraiment quatorze de
diagonale , ainfi que M. de X'aucanfon a eu
la bonté de nous en avertir ^ nous faifinit
remarquer en même temps qu'il y avoit faute
dans le règlement , 8c qu'au lieu de neuf
onces de tour qu'on y aHignoit à ïafpe de
tors , c'étoit 29 qu'il devoit y avoir.
h'afpe de tors dans les moulins achevant
tous fcs tours en temps égaux , moins il aura
de diamètre, moins fera grande la quantité
de fil ou de foie dévidée dans un de les tours
de defiiis les bobines far là circonlcrence ,
& plus par confequent elle fera torfe : au
contraire, plus fou diamètre fera grand, plus
fera grande la quantité de foie qui pafiera
dans un de fcs tours de delfus les bobines
liir fa circonférence , moins elle fera tor/è.
Mais il y a deux inconvéniens qui rendent
le tors variable : le premier , c'eft qu'à me-
line que l'echeveau k forme for Y afpe , l'é-
paiffenr de cet écheveau s'ajoutant au dia-
mètre de ïafpe , il y a plus de foie portée de
d;irus les bobiucs fm: la. circonférence dans
6j5 ASP
un inftaiit , que dans un autre inftant égal •
d'où il s'enfuit que la foie oft moins torfe à
la fin qu'au commencement, & dans tout
le temps de la formation de l'ccheveau : le
fécond , c'efl que les bobines mues fur elles-
mêmes par le frottement n'ayant aucun mou-
vement régulier , tordent irrégulièrement.
Pour remédier au premier inconvénient ,
les Piémontois font des écheveaux très-lé-
gers : en effet, ce qu'ils appellent u/i mattcau
di foie , pefc environ huit onces , & le m.at-
teau contient huit écheveaux : quant au fé-
cond , peut-être ne l'avoient-ils pas même
Ibupçonné.
Le célèbre M. Vaucanfon , fait pour ima-
giner & perfedionner les machines les plus
délicates , outre la précaution de faire des
écheveaux légers , a trouvé le moyen d'en
répandre encore les fils fur une zone de \afpe
plus large , & il a anéanti l'irrégularité du
mouvement des bobines , en armant de
pignons les fufèaux , & en fubflituant au
frottement d'une courroie l'engrenage de ces
pignons dans les pas d'une chaîne. Quand
les afpcs ont achevé 1400 révolutions , &
que chaque cchcveau fè trouve avoir 2400
tours , une détente alors , fans qu'on touche
au moulin , recule fubitcment les tringles où
font attachés les guides \ tous les fils de foie
changent de place flir \afpe , & forment u!i
nouvel écheveau à côté du premier, & ainfi
de fîiite. Après chaque 1400 révolutions , &
Jorfque tous les afpcs font couverts d'éche-
veaux , incontinent après le dernier tour du
dernier écheveau , le moulin s'arrête de lui-
même , 8c avertit l'ouvrier par une fbnnette
de lever les afpes qui font pleins , & d'en
remettre de niidcs. Mais M. Vaucanfon
n'a point appliqué cette fonnette à chaque
bobine de fbn moulin , pour avertir quand
- elles font vuides , comme on l'a dit dans ce
jiiêmc article de notre premier volume.
Telles font en partie les découvertes de
M. Vaucanfon : elles font trop bien à lui , pour
que qui que ce foit ofe y donner atteinte.
ASPLi'.DON , ( Géogr. ) ancienne ville
de Grèce dans la Béotie. Strabon la met à
vingt fladcs d'Orchomene au delà du fleuve
Mêlas. {C.A.)
♦ ASPOREUS , montagne d'Afie ,
proche de Pergame. Il y avoit un tempîc
iâti à l'honueur de la merc des dieux , ap-
ASP
pellé du nom de la montagne Afporcr.umi
Ci la décile en fut aulfi nommée Afporaïa.
* ASPKA , ( Géogr. cnc. & mod. ) ville
d'Italie dans l'état de l'Eglife , fur la rivière
d'Aja , entre Trivoli & Terni. Elle étoit
autrefois du territoire des Sabins , & s'appel-
luit Cafpcria Si Cafperula.
ASPRE , f f. C Comm. ) petite monnoie
de Turquie qui valoit autrefois huit deniers
de notre monnoie. Lorfqu'elle étoit de bon
argent , félon la taxe , il en falloit 80 pour
un écu : mais dans les provinces éloignées les
bâchas en font fabriquer une fî grande quan-
tité de faufTes & de bas aloi , qu'à préfent
on en donne julqu'à 120 pour une rixdale ,
ou un écu. h'ajj're vaut aujourd'hui environ
fix deniers , ou deux liards monnoie ds
France. Guer. mœurs &■ ufages des Turcs y
tom. IL {G)
* ASPRES , petite ville de France au
haut Dauphiné , dans le Gapençois , à fept
lieues de Sifteron.
* ASPRESLE , f. f. (Hljf.nat, bot.) plante
aquatique , d'un verd foncé , à feuille lon-
gue & mince , & à tiges rondes , divifées
par nœuds , & fî rudes , qu'on s'en fert pour
polir le bois , & même le fer. Pour cet elfet ,
on emmanche des fils de fer de trois ou qua-
tre pouces de long dans un morceau de bois ;
on caife VaJpreJIe au deffus des nœuds , Se
l'on infère un des fils de fer dans la cavité
de la tige ;, & ainfî des autres fîls de fer. Ces
fils de fer fbutiennent l'écorce dont ils font
revêtus, & l'appliquent fortement contre les
pièces d'ouvrages à polir, fans qu'elle febrife.
* ASPROPITI ou CHALEOS , petite
ville de la Turquie en Europe. Elle efî dans
la Livadic , partie de la Grèce , fur le golfe
de Lepante.
* ASPROPOTAMO, rivière delà
Grèce dans la partie méridionale , & au Def
potat. Elle a fa fburce au mont Mezzovo ,
coule vers le midi , & fe jette dans la mer
Ionienne vis-à-vis les îles Courfolaires.
* ASSA , f f. ( Mat. méd. ) II y a fous le
nom A'ûjfa deux efpeces de fiic concret.
L'jj^i dulcis , & c'cfl le benjoin, ^""oyfç
Blnjoin'. \SaJfa fatida , ainil appcllée à
caufè de fa grande puanteur. Celle-ci cii une
cfpece de gomme coinpaéte, molle connue
la cire , compofée de grumeaux brillans ,
en partie blam^^tres au jaunâtres , en partie^
A s s
ïoii/nîtres , c'.c couleur de chair ou de vio-
lette ; eu gros morceaux, d'une odeur puan-
te , ?< qui tient de celle de l'ail, mais qui
cft plus forte, auiere, acre & inordicantc
au goût. Ou en a dans les boutiques de
l'impure , qui cil brune & fàle i & de la
pure , qui elt rougeâtrc , tranfparente , &
parfenîée de belles larmes blanches. 11 faut
la prendre récente , pénétrante, fétide, pas
trop grafîè , & chargée de grumeaux bril-
laiis & r.cts. La vieille , grafie , noire , opa-
Cjpac , & mêlée de fable , d'écorce , & d'au-
tres matières étrangères , eft à lailler. Les
anciens ont connu ce fuc '■, ils en faifoient
ufuge dans leurs cuilînes. Ils avoient le Cyré-
ndique , & le Perfan ou Mede. Le premier
étoitde la Cyrénaïque, & le meilleur j l'au-
tre venoit de Médie , ou de Perfè.
Le Cyréna'ique répandoiî une odeur forte
de myrrhe , d'ail Si de poireau , & on l'appel-
loit par cette rni^on fcordolafarum. Il n'y en
avoit déjà plus au temps de Pline. On ne
trouva fous Néron , dans toute la province
Cyrénaïque, qu'une feule plante de laferpi-
tium , qu'on envoya à ce prince.
On a long-temps difputé pour favcir fi
\a[fa fcctida étoit ou non le Jilphium , le
laj/ir, & le flic Cyréna'ique des anciens. Mais
puilqu'on eft d'accord que la Perfe eft le lieu
natal du /afer & de ^ajja fanda ; que l'ufage
que les modernes en font aujourd'hui eft le
même que celui que les anciens faifoient
du /iifer •■, qu'on eftime également l'un &
l'autre •■, que Vq/Ja fœtida fe prépare exafte-
nient comme on préparoit jadis le fuc du
jilphium CjTénaïque, & qu'ils avoient à-pen-
près la même puanteur •■, il faut convenir de
plus que \q filphium , le infer,&: Yaffhfœtida
des boutiques ne font pas des fucs dilîcreus.
\.c jilphium des Grecs & le laferpitium des
Latins avoit, félon Théophrafte & Diofco-
lide , la racine grolTè , la tige femblable à
celle de la férule, la feuille commue l'ache,
ot la graine large & feuillée. Ceux qui ont
écrit dans la fuite fur cette plaiite n'eut rien
éclairci ■■, fi l'on n'excepte Keinpfcr.
Kempfer s'aftiira dans fon voyage de
Perfè que la plante s'appelle dans ce pays
hin^ifeh , & la larme hiir.g. Cet auteur dit
que la racine de la plante dure plufieurs
années j qu'elle eft grande , pefantc , nue ,
uoii.c en dehors , lilfe , quand Qilz cil d.ais u::c
A S S C-j^
terre limonncufe \ rabotcufe & comme ridée ,
quand elle eft dans le fable : finijile le plus
fouvent connue celle du panais , oïdinaire-
mcut partagée en deux , ou en ini plus grand
nombre de branches , un j)eii au deifous de
fon collet qui fort de terre , & eft garni de
fibrilles droites icmblal^mà des crins , roi-
des , 8c d'un roux brun , ci une écorcc char-
nue , pleine de fuc, lilic & liumide en dedans ,
& fe féparant facilement de la racine quand
on la tire de terre ; folidc , blanche , & plei-
ne d'un liic puant comme le poireau \, poui-
iant des feuilles de fon fommet fur la fin de
l'automne , au nombre de fix , fépt , plus
ou moins , qui fe fcchent vers le milieu du
printemps \ ibnt branchues , plates , longues
d'une coudée \ de la même fubftance &;
couleur , Se auffi lifl'es que celles de la livê-
che j de la même odeur que le fuc , mais
plus foible ; ameres au goût ; acres , aroma-
tiques Se puantes ; compofées d'une queue
Se d'une côte , d'une queue longue d'un
empan Se plus , inenue comme le doigt ,
cannelée , garnie de nervures , \'crte , creu-
fée en gouttière , près de la bafc , du refte
cylindrique -^ d'uhe côte portaiu cinq lobes
inégalement oppofc: , rarement fcpt , longs
d'une palme Se davantage , obliques , les
inférieurs plus longs que les iiipérieurs, divi-
fés chacun de chaque côté en lobules dont
le nombre n'eft pas conftant , inégaux , ob-
lougs , ovalaires . plus longs Se plus étroits
dans quelques plantes , féparcs jufqu'à la
côte , fort écartés , Se par cette raiihn pa-
roilîimt en petit nombre , folitaires , Se
comme autant de feuilles ; dans d'autres
plantes , larges , plus courts , moins divifés ,.
Se plus raftemblés ^ à finuofités ou décou-
pures ovalaires ^ s'élevant obliquement ^
partant en delîbus des bords de la côte par
un principe court ; verdi de nier , liftes ,.
fans fiic , roides , caftans , un peu conca\cs
en dedbus , gia-nis d'une feule nervure qui
naît de la côte, s'étend dans toute leur lon-
gueur, S: a rarement des nervures latérales j
de grandeur variable : ils ont trois pouces
de long , fur un pouce phis ou moins de
largeur.
Avant que la racine meure , ce qui arrive-
fou\'ent quand elle eft vieille , il en fort un:
taiiccau de feuilles d'une tige , iimple ,,
cyli::cL';auc , C2n:.'.ice, liiie . veriCy
6^o- A S S
de la longueur d'une bralle & demie & plus ,
de la gr-jireur de fept à huit pouces par le
bas , diminuant iulenfiblcment , & fe ter-
minant en un petit nombre de rameaux qui
fortent des fleurs en parafol , comme les
plantes férulacées. Cette ti.^e eft revêtue des
bafes des feuilles Jflkcées alternativement à
des intervalles d'une palme. Ces bafes foin
larges , membraneufes & renflées , & elles
embralîènt fa tige inégalement & comme
en fautoir^ lorfqu'elles font tombées, elles
lailTent des vertiges que l'on prendrait pour
des nœuds. Cette tige ert remplie de inoëlle
qui n'eft pas entrecoupée par des nœuds ;
elle efl très-abondante, blanche, fongueu-
lè , entre-mêlée d'un petit nombre de fibres
courtes , vagues , & étendues dans toute
leur longueur.
Les parafols font portés fur des pédicules
grêles , longs d'un pié , d'un empan , & même
plus courts , fe partageant en dix , quinze ,
vingt brins , écartés circulairement , dont
chacun foutient à fon extrémité un petit pa-
ralbl formé par cinq ou fix filets de deux
pouces de longueur , chargés de femences
nues & droites:, ces femences font applatics ,
feuillues , d'un roux brun , ovalaires , fem-
blables à celles du panais de jardin ; mais
plus grandes , plus nourries , comme garnies
de poils ou nides , marquées de trois canne-
lures , dont l'une eft entre les deux autres ,
& fuit toute la longueur de la femence , les
deux autres s'étendent en fe courbant vers
les bords i elles ont une odeur légère de poi-
reau ; la faveur amere & défagréable -^ la
• fubftance intérieure , qui eft vraiment la
femence , eft noire , applatie . pointue ,
ovalaire. Kempfern'apas vu les fleurs: mais
on lui a dit qu'elles font petites, pâles, &
blanchâtres ;&. il leur foupçonnc cinq pétales.
On ne trouve cette plante qiie dans les
environs de Heraat , & les provinces de
Corafan & de Caar, fur le fommet des
montagnes , depuis le fleuve de Caar jufqu'à
la ville de Congo , le long du golfe perfique ,
loin du rivage de deux ou trois parafanges.
D'ailleurs , elle ne donne pas du fuc par-
tout ^ elle aime les terres arides , fiiblonncu-
fes & pierreufes. Toute Vaffa faiida vient
des incifions que Ton fait à fa racine. Si la
racine a moins de quatre ans , elle en donne
peu i plus «lie eft \ieUJc , plus sile al^ouck
A S S
en lait ; elle eft compoiëe de deux parties ,
l'une ferme & fibreufe, l'autre fpcngicufe ôc
molle. Celle-ci fe dillipe à mcfure que la
plante fcche , l'autre fe change en une moelle
qui eft comme de l'étoupe. L'écorce ridée
perd un peu de fa grandeur: le fuc qui coule
de fes vélicules eft blanc, liquide, gras
comme de la crème de lait , non gluant ,
quand il eft récent ^ expofé à l'air , il devient
brun & vifqueux.
Voici commuent on fait la récolte de Vajfa ,
félon Kempfer. i°. On fe rend en troupe fur
les montagnes à la mi-avril, temps auquel
les feuilles des plantes deviennent pâles ,
perdent de leur vigueur , & font prêtes à.
fécher ; on s'écarte les uns des autres , tk l'on
s'empare d'un terrain. Une fociété de quatre
ou cinq hommes peut fe charger d'environ
deux mille pies de cette plante : cela fait , on
creufe la terre qui environne la racine , la
découvrant un peu avec un hoyau. 2°. On
arrache de la racine les queues des feuilles ,
& on nettoie le collet des fibres qui relTem-
blent à une coiffure hériiTée ^ après cette
opération , la racine paroît comme un crâne
ridé. 3". On la recouvre de terre , avec la
main ou le hoyau ; on fait des feuilles &
d'autres herbes arrachées de petits fagots
qu'on fixe fur la racine en les chargeant d'une
pierre. Cette précaution garantit la racine
de l'ardeur du foleil , parce qu'elle pourrit
en un jour , quand elle en eft frappée. Voilà
le premier travail , il s'a:hc\e ordinairement
en trois jours.
Trente ou quarante jours après, on revient
chacun dans fon canton , avec une ferpe ou
un bon couteau , une fpatule de fer & un
petit vafe , ou une coupe à la ceinture , Se
deux corbeilles. On partage fon canton en
deux quartiers , & l'on travaille aux racines
d'un quartier de deux jours l'un , alternati-
vement \ parce qu'après avoir tiré le fuc
d'une racine , il lui faut un jour , foit pour
en fournir de nouveau , foit au fiic fourni
pour s'épailfir. On connnence i)ar découvrir
les racines ^ on en coupe tranfverfalement le
fommet ; la liqueur fiiinte & couvre le dif-
que de cette fedf ion , fans fe répandre ■■, on
la recueille deux jours après , puis on remet
la racine à couvert des ardeurs du foleil ,
obfcrvant que le f;igot ne pofc pas fur le
difquc j c'cft pourquoi ils eu font un dôme
eu
A s s
en ccnrtant les parties. Tandis que le fuc fe
dilp'jiè à la récolte far le clifque, on coupe
dans un autre quartier , & l'on aclicve l'opé-
ration comme ci-dcirus. Le troificmc jour ,
on revient aux premières racines coupées &
couvertes en dôme par les fagots : on enlevé
avec la fpatule le fuc formé ; on le met dans
la coupe attachée à la ceinture , 8c de cette
coupe dans une des corbeilles ou fijr des
feuilles expofées au foleil :, puis on écarte la
terre des envirous de la racine , un peu plus
profondément que la première fois , 8c on
enlevé une lèconde tranciie horizontale à la
racine j cette tranche fe coupe la plus mince
qu'on peut ■-, elle eft à peine de l'épaiireur
d'une paille d'avoiire ; car il ne s'agit que de
déboucher les pores & faciliter l'iltue au fuc.
Le fuc en durcilfant fur les feuilles prend
de la couleur. On recouvre la racine , & le
quatrième jour, on re\ient au quartier qu'on
avoit quitté , & de celui-là au premier ,
coupant les racines trois fois , & recueillant
deux fois du fuc. Après la féconde récolte ,
on laifle les racines couvertes huit ou dix
jours fans y toucher. Dans les deux premières
récoltes , chaque fociété de quatre à cinq
homm.es reinporte à la maifon environ 50
liv. de fuc. Ce premier fuc n'eft pas le bon.
Ceft aini'î que finit le fécond travail.
Le trolfieme commence au bout de huit à
d.'x jours , on fait une noui'elle récolte. On
commence par les racines du premier quar-
tier , car il faut fc fouvenir que chaque canton
a été divifc en deux quartiers. On les décou-
vre : on écarte la terre : on recueille le fuc :
■on coupe la furface ^ 8j on recouvre. On
pafTe le lendemain aux racines du fécond
quartier , & alnii alternativement trois fois
de fuite •■, puis on les couvre de nouveau, on
les laiffe , & le troilieme travail eft fini.
Trois jours après, on reprend les racines,
& on les coupe trois fois alternativenient ,
paflant du premier quartier au fécond , puis
ou ne les coupe plus : on les laifîe cxpofcesà
l'air & au foleil , ce qui les fait bientôt mou-
rir. Si les racines font grandes , on ne les
quitte pas fi-tôt ; on continue de les couper ,
jufqu'à ce qu'elles foient épuifées.
L,'aJ/a faiida donne dans l'analy/è chymi-
queun phlegme laiteux , acide , & de l'odeur
de l'ail ; un phleg:me roulfâtre , foit acide ,
foit urineux ; de l'huile fétide , jamiâtre ,
Tome m.
A S S ^?r
fluide , limpide , 8c une huile roufiè Se
d'une confillance épaiffe. La malle noire
reftée dans la cwnue , calcinée au creulèf
pendant trente heures , a laillc des cendres
grifes dont on a retiré du fel fixe falé. j\in(î
^ajfa fatida eft compofée de beaucoup dt
fbufre fétide , foit fijbtil , foit groftier ;
d'une allez grande portion de ici acide ,
d'une petite quantité de fel volatil urineux ,
8c d'un peu de terre ^ d'où il rcfulte un tout
lalin fiiltureux , dont une grande portion
fe difTout dans de l'efprit-de-vin , 8c la plusi
grande partie dans de l'eau chaude.
Les anciens ont fort vanté Xajfa fivtida ;
nous ne l'employons que dans les coliques
ventcufes , foit extérieurement , foit inté-
rieurement. Nous lui attribuons quelque
vertu pour expulfer l'iu-riere-faix 8c les règles ,
exciter la tranlpiration 8c les fueurs , pouffer
les humeurs malignes à la circonférence ;
dans les fièvres , la petite vérole 8c la rou-
geole , 8c pour remédier aux maladies des
nerfs 8c à la paralyfie : nous la recomman-
dons dans l'ailhmeSc pour la réfolution des
tumeurs : nous en préparons une teinture
anti-hyftérique ; elle entre dans la poudre
hyftériqiic de Charas , les trochifqucs de
myrrhe , le baume utérin , 8c l'emplâtre
pour la matrice.
* ASSAF , idole des Arabes cora'ifchitcs.
Chaque autre tribu avoit fou idole , inais
on ne nous apprend rien de plus là-delTus.
Il y a dans la contrée de Nahaniam qui
fait partie de la Chaldée , une petite ville
appellée affaj'.
ASSAI , ( Muftquc. ) adverbe augmentatif
italien qu'on trouve alTez fbuvent joint au
mot qui indique le mouveiuent d'un air \ ainll
prefto r.jfai , largo ajfai lignifient /orr vite ,
fort lent.
ASSAILLANT , f. m. eft une perfonne
qui attaque ou qui donne brufquement fur
une autre. V. Assaut , A'i taque , &c.
Ceft aufli quelquefois dans un liège l'alîié-
geant , auquel on donne le nom à'affhillant.
(Q)
ASSAISONNEMENT , f m. en terme de
cuifine , elà un mélange de plufieurs ingrc-
diens , qui rendent un mets exquis. L'art du
cuiliuier n'eft prelque que celui A'ajfaifonner
les mets ^ il eft comnum à toutes les nations
policées ; les Hébreux le nommoieutmcr/^tfj
O 000
۔i A S S
mi m , les Grecs ctfjl>iJX7a. wSvufjniila. , les La-
tins condimenta. he mot ajjûifonnementv'ient
félon toute apparence de ajjhtio : la plupart
des ajfaifonntmins font nuilibles à la fanté ,
& méritent ce qu'en a dit un favant méde-
cin: conditmnta •, gulcc irritamenta; cefl Cart
de procurer des indigejfions. Il fîiut pourtant
convenir qu'il n'y a guère que les fauvages
qui puifl'ent fe trouver bien des produâions
de la nature , prifes fans ajfaifoiinement , &
telles que la nature même les offre. Mais
il y a un milieu entre cette groffiéreté & les
raHnemcns de nos cuillnes.Hyppocrate con-
feilloit les ajpiifonnemens lîmples. Il vouloit
qu'on cherchât à rendre les mets fains en les
difpofant à la digeftion par la manière de
les préparer. Nous fommes bien loin de-là,
& l'on peut bien affurer que rien n'eft plus
rare , fur-tout iijr nos tables les mieux fer-
vies , qu'un aliment falubre. La dicte &
l'exercice étoient les principaux ajpiifonne-
mens des anciens. Ils difoient que l'exercice
du mathi étoit un ajfaifonnement admirable
pour le dîner , & que la fobriété dans ce
repas étoit de toutes les préparations la meil-
leure pour fouper avec appétit. Pendant
long-temps le fel, le miel & la crème Rirent
les feuls ingrédiens dont on alTaifonnât les
mets ^ mais les Afiatiques ne s'en tinrent
pas à cela. Eientôt ils employèrent dans la
préparation de leurs alimens toutes les pro-
ductions de leur climat. Cette branche de la
luxure le fût étendue dans la Grèce , fi les plus
fages de cette nation ne s'y étoient oppolës.
Les Romains de\cnus riches & puiflans
fecouerent le joug de leurs ancieimes loix -^
& je ne fais fi nous avons encore atteint le
point de corruption où ils avoient pouffe les
chofes. Apicius réduifit en art la manière
de rendre les mets délicieux. Cet art le ré-
pandit dans les Gaules : nos premiers rois en
connurent les confcquenccs , les arrêtèrent^
& ce ne fut que fous le règne de Henri II ,
que les habiles cuiliuiers commencèrent à
devenir des homnies importaiis. C'eil une
des obligations que nous avons à cette foule
d'Italiens voluptueux qui fui\-irent à la cour
Catherine de Mcdicis. Les choies depuis ce
temps n'(:i\t fait qu'empirer;, & l'on ponrroit
prcfqu'aifurer qu'il lùbfiffe dans la ibciété
deux fortes (i'hommcs, dont les uns, qui font
oos chyinillcs domcltiqucs , tiuvailicut fuij^
A S S
ceflè à nous empoifonner -, & les autres, quî
font nos médecins , à nous guérir ■■, avec cette
différence , que les premiers fout bien plus
fûrs de leur fait que les féconds.
ASS ANC ALÉ , ville d'Arménie , fur l' Aras
& fur le chemin d'Erzeron. Long. S9 '■> l<^t.
*'aSSANCHIF , ville d'Afie dans le
Diarbek , fur le Tigre. Long. 58 , lOj lat.
36,40,
* ASSAPANIC , {HiJÎ. nai.) efpece d'écu-
reuil de la Virginie , qui n'a point d'ailes y
& qui peut cependant voler , à ce qu'on
dit, l'efpace d'undemi-inille , en élargilliint
fes jambes , & diflendant fa peau. Cet ani-
mal mériteroit bien une meilleure defcrip-
tion , ne fût-ce qu'en confidération du mé-
chanifme fingulier qu'il emploie pour voler,
♦ ASSARON ou GOMOR , étoit chez
les Hébreux une mefure de contenance. C'é-
toit la dixième partie de l'épha , comme le
dénote le nom mêmiC êHaJfaron , qui lignifie
dixième. UaJJaron contenoit à très-peu de
chofe près , trois pintes mefure de Piu-is. (G)
ASSASSIN , f m. {Juufp. ) homme qui
en tue un autre avec avantage , foit par
l'inégalité des armes , foit par la fituatioii
du lieu , ou en trahifon. V. MEURTRIER,.
Duel , &c.
Quelques-uns difent que le mot njfajprt
\'iciit du Levant , où il prit fon origine d'un
certain prince de la famille des Arfacides ,
appelles vulgairement ajjajfins , habitant
entre Antioche & Daitias , dans un château
où il élevoit un grand nombre de jeunes gens
à obéir aveuglément à tous fes ordres ; il Ici
employoit à ailiiffîner les princes fes ennemis.
Le juif Benjamin , dans fon Itinérain , place
ces ajjliffins vers le mont L iban , <^ les appelle
en hébreu imité de l'arabe , cl-ajjajin i ce
qui lait voir que ce nom ne vient pas d'Ar-
ficide , mais de l'arabe alî.i , injidiator ., une
perfbnne qui fé met en embulcade. Les
LiJlalJins dont nous venons do parler , poffé-
doient huit ou tlouzc villes autour de 1 yr :
ils fé choifiiibient eux-mêmes un roi , qu'ils
appelkJejit le vieujs de la montagne, tn i z 1 5
ils airaffinerent Louis de Bavière. Ils étoient
mahométans , inais ils payoient quelques
tributs aux chevaliers du teirplc. Les pro-
teok-urs des a l/h/Jins furent condamnés par le
s;ouciJLc d<i Lyon , fous Ijuiiocciit i Y en i i 3 r.
A s s
îls furent vaincus par les 'l'nrtnres, quî leur
tueront le vieux de la niontaf^nc en 1157 ^
après quoi la fadion des ajfajjins s'ctei»nit.
11 y ax'oit un certain droit des s:ens ,
une opinion établie dans toutes les républi-
ques de Grèce & d'Italie , qui faifoit regar-
der comme un homme vermeux \aj]affin de
celui qui avoit ufurpé la fouveraine puif-
fitnce. A Rome , fur-tout depuis l'expullion
des rois , la loi étoit prccife & folemnelle ,
& les exemples reçus;, la république armoit
le bras de chaque citoyen , le faifoit magif-
trat pour ce moment. Confidératioris fur les
Cûi/fcs de la grandeur romaine j chap. xj ,
page 221. {H)
ASSASSINAT , f. m. ( Jurifprudence
criminelle. ) On peut le définir, un attentat
prémédité fur la vie d'un homme , bien
vlitrérent en cela du meurtre involontaire ,
<lu meurtre commis dans le cas d'une défenfc
iégitim.e , du meurtre enfin ordonné par la
loi ; car qui dit attentat , dit entrcprife con-
tre l'autorité du fouverain. Qu'il foit enfuitc
confommé ou commencé fimplement ^(ju'on
en foit coupable , ou qu'on n'en foit que
complice , la définition embraife tout j &
iiiivant nos loix , la punition eft la même
dans tous ces cas : c'ed la mort.
\-!aJfaffinat eft un de ces crimes qui font
vaquer de plein droit le bénéfice de l'ecclé-
fialUque qui s'en rend coupable. Il eft aufîi
lui de ceux pour Icfrjuels le prince s'eft ôté
fi fagcment le pou\oir d'accorder des lettres
de rémiflion ; art. z &• 4 du tir. 16 de for-
don, crimin.
Nos loix le punifTent du flipplice de la
roue , à moins que le coupable ne foit une
femme ; prefquc par-tout la peine attachée
à ce crime , eft la perte de la vie.
Nous examinerons ailleurs quels peuvent
être les fondemens , les effets & l'utilité du
fupplice de la roue.
On demande à ce moment fi dans le fyf
tême de la fuppreflîon des peines capitales ,
il ne leroit pas à propos de les laiifer au
moins fubfifter pour YaJfaJJlnat ?
Ceux qui font de ce fentiment fe fondent
fur l'accord prelque unanime des peuples :
ils oblèrvent que chez les Juifs , les Egyp-
tiens, les Grecs & les Romains , raifalTin
étoit puni de mort;, ils s'autorilènt de ce que
ÎE même ufagefiibfifte parmi les nations
A S S (Î83
modernes policée--. Us ajoutent qu'efie(5tivc-
mcnt, il paroît jufte de priver de la \'ie celui
qui l'a ôtée à fon fcmblabic -, qu'en attentant
aux jours des autres , l'alfallln renonce k
tout droit fur les fiens; que d'ailleurs Xaffaf-
fînat étant l'un des plus grands crimes qui
troublent l'ordre de la focicté , il elt con-
venable de le punir par la plus févere des
peines connues.
Les réponfcs ne font peut-être pas moins
faciles que fatisfaifantes.
Et d'abord, il ne faut pas croire que cet
accord des peuples foit auîli unanime qu.'oii
le fuppofe : & quand il le fcroit , il ne feroit
pas tout-à-fait capable de perfuader l'ami de
l'humanité , qui veut trouver en tout , non
des exemples, mais ces grandes maximes de
la raifon & de la juftice fans quoi le reftc
n'eft rien.
Lorfqu'Homere nous repréfonte fijr le bou-
clier d'Achille, deux citoyens qui compofent
au fiijct d'un a£ajjinat , n'eft-ce pas nous
apprendre que l'alfainn n'étoit pas toujours
puni de mort chez les Grecs ? Les loix athé-
niennes de Meurfius eu offrent d'autres
preuves. II établit fur des autorités fans
nombre que l'on k contentoit de bannir les
aftaffins, du milieu de la fociété ; on leur
refufoit l'entrée des temples , des bains pu-
blics , des alfemblées , des maifbns particu-
lières ; il étoit défendu de communiquer
avec eux , de leur donner de l'eau & du
feu ; on confifquoit même tous leurs biens j
mais on relpcéîoit leur vie. La fociété leur
refufoit tout ce qui étoit en fon pouvoir; elle
eût craint d'entreprendre fur les droits de
l'Etre fuprême en tranchant les jours qu'il
leur avoit donnés.
On ne punillbit {'affajfmat chez les Ger-
mains , qu'en dépouillant l'alfaffn d'une
partie de fon bien en faveur des parens du
défunt : luitur enim homicidium., dit Tacite ,
certo armentorum ac pecorum numéro , reci-
pitque fatisjdclionem univerfa domus.
VHifioire générale des voyages nous parle
de plufieurs peuples, qui ne puniifent Vaffaf-
Jinat , qu'en abandonnant le meurtrier à la
fiîmille du défunt , 6c le lui livrant i)ours'en
fervir comme d'un efclave & d'une bête de
fomme.
D'autres ne le condamnent, comme les
Germains , qu'à des amendes pécuniaires.
O o o o 2.
6^4 ^ S S
Nos aïeux n'en ufoient pas autrement :
rien n'eft fi connu que les compofitions or-
données par les loix des Saliens , des Bour-
guignons , des Ripuaires , où la vie d'un
franc eft taxée à ioo fous , celle d'un Ro-
main à loo , ainfi des autres.
Peut-être ces coinpofitions qui nous pa-
roilFent ridicules parce qu'elles différent de
nos ufaçes,n'étoient-ellcs pas défavouées par
îa juftice & par la raifon? Qui ne fait en
effet que ralialîîné ne fe levé pas du tom-
beau , lorfque l'affaffui y dcfcend ? Pourquoi
donc l'y précipiter ? A quel propos enlever
un fécond fujet à la fociété? Eft-ce pour la
confoler du premier que le meurtr.e lui a
ravi ? Ce foiit deux hommes qu'elle perd au
lieu d'un. Peu importe que ce foit le glaive
de la loi , ou le poignard de l'affailin , qui
les lui ôte. L'effet eft le même pour elle. Elle
eft privée de deux liommes, &la famille du
défunt n'en retire aucun avanta<je. Car après
tout , quelles loix , en livrant un affaffiu à
Ja mort , pourront ramener à une époufè &
à des enfans , le père & l'époux que le crime
a égorgé •■, la mort du meurtrier n'aura jamais
cet effet. Ils n'en pleureront pas moins l'objet
de leur affeâion ; ils n'en regretteront pas
moins les fècours qu'ils rccevoient de lui.
Nos peines capitales ne leur rendront rien
en retour. Les compoiîtions au moins fa-
voient les dédommager en partie. Depuis
que l'or & l'argent font devenus le iignc d'é-
change de tous les biens , il eft certain que
cet or & cet arguent peuvent rendre à des
enfans & à une époufe les fccours qu'ils rc-
cevoient du travail d'un père & d'un époux.
Voilà ce que l'or eft très-capable de repré-
lénter :, voilà ce que le fang de l'affaiîîn i:e
représentera jamais.
A Dicuneplaifc pourtant que nous pré-
tendions inviter la génération adtuelle à ra-
nimer la jurifprudence des compofitions , &
à publier une taxe pour lu jambe , le bras ,
l'ceil , la vie d'un citoyen. Il y avcit à cela
des incoiivéniens terribles ; d'ailleurs nos
dommages & intérêts remplacent à quelques
égards ce que les compofitions avoicnt d'a-
vantageux. Tout ce que nous voidons mon-
trer ici eft que cette jurifprudence des coiiipo-
fitions, toute imparfaite qu'elle pouvoit être,
approchoit peut-être encore plus du véritable
but des cliâtituens , que uos peine* capitales.
A S S
Rien ne détermine néceflàireincnt à laiffef
fubfiftcr celle-ci, pas même pour tafajfinat.
Dire que le metirtricr , en aflàffinant fou
feinbiable , renonce à tous les droits qu'il
peut a\ oir fur fa propre vie , c'eft ne rieu
dire du tout.
Premièrement, il eft faux qu'il renonce ,
foit explicitement, foit iinpiicitement. Cela
eft fi vrai , que pour établir cette renon-
ciation prétendue , il eft néceffaire que
vous fafliez un raifonnement qui porte tout
fur des fuppofitions. Or , il n'eft pas befoiii
de rien fuppofer dans les choies qui ont la
vérité pour bafe.
Secondement, perfonne n'a droit fur fa
propre vie , couféqueinment l'alfanin ne
peut renoncer à ce droit :, mil ne fauroit
céder, ni tranfinettre ce qu'il n'a pas j s'il
le cédoit , il ne céderoit rien.
Troificmement quand il pourroit y renon-
cer, refteroit à favoir fi l'intérêt de la fo-
ciété demande qu'elle profite de cette renon-
ciation , & qu'elle ôte à l'aiiaffui une vie
qu'il femble lui abandonner. 11 eft des jurif-
confiiltes bien refpedtables , qui ne le peu-
feut pas.
Ajoutons pour terminer cet article , qu'en
dérobant i'alfailîu à la peine de mort, nous
ne prétendons pas le fouftxaire au fiipplice.
Qu'on ne s'y trempe pas , la mort n'en eft
pas lui : & c'eft précifémeut pour le livrer à
la peine , à la douleur, à l'infamie, à un-
tra\ail dur & utile à la fociété, qite nous
voudrions l'arracher à la mort. Un pendu ,
un roué ne font bons à rien. Il feroit pour-
tant à defircr que L"s fouffrances & les tour-
mens de ceux qui ont nui à la Ibciélé, Itilîènt
bons à quelque chofe. C'eft la feule manière
de dédommager cette fociété , dont ils ont
troublé l'ordre , & trahi les intérêts. Or ,
voilà ce qu'on ne peut faire qu'eu les laiilant
vi\TC. Leur fupplice de\ cnu utile , ne fera
même que plus grand •■, l'imprcfllon journa-
lière qu'il fera fin les âmes , n'en acqiicna
que plus de force 5 & les effets qui en ré-
fulteront n'en feront que plus furs & plus
durables.
Mais quels doivent être ces châtimens ?
C'eft ce qui mérite d'être développé à l'ar'-
ticlc Peines capitales ; dilcuffion bien im-
portante , puifqu'clle devient tout à la fois la
caufc de rhunianitc 6c de la lociété. ( A4 i.
A S S
ASSATTON , du mot latin ajfart^ rôtir,
fe dit en pharmacie & en cuifinc ,Ac la prépa-
ration des mcdicaincns ou alinicus dans leur
propre fuc par une chaleur extérieure , fans
addition d'aucune lunniditc étrau'^ere.
Le mot ajiarion , par rapport aux opéra-
lions de cuiiiiie , fc rend plus fréquemment
par rôdr ; & en pharmacie par uj/ion &
toiréfaclion. V. ACCOMMODER , 'rOKRli-
FACTIOxN , &c. {K )
ASSAUT , f. m. dans fart de la guerre ,
c'eil l'attaque d'un camp , d'une place torte ,
d'un poite , dans le dclleiu de l'emporter ou
d'en devenir le maître. Voye[ ATTAQUE ,
Forteresse, êv.
Un a[faut e(k. proprement une attaque
générale & furieufe , dans laquelle les ailail-
lans ne fe couvrent d'aucun ouvra.'^e. Ou dit
donner , ordonner , foutenir , repouffcr un
affiiuc , emporter iajfaut , &C.
Le feu des batteries celle pendant Wijfaut ;
& lorfque les deux partis font dans la mêlée,
eu ne fait point irliio^e du canon de part ni
d'autre j on s'cxpoferoit par-là à détruire lés
propres troupes.
Un gouverneur eft obligé de foutenirtrois
ojfauts avant que de rendre une place. Il e(l
tlifficile d'empêcher le pillage des villes que
l'on emporte à'ajfaut. Les enfans perdus
montent les premiers à ïajaut. V. E.nfans
J^ERDUS.
Il y a peu de places àpréfent qui fbuticn-
nent un ajfaut ; M. de Feuquieres n'en
compte que trois de fon temps. Le premier
a été celui de Ne iiiaufel en 1683 , foutenu
par un bâcha Turc : cette ville fut en:portée ,
aiiilî que la plupart des autres doiventl'être ,
parce que la colonne d'infanterie qui atta-
quoit, marchait à la brèche fur plus de rangs
que celle de l'infanterie qui détendoit la
place. La féconde place emportée Sajfaut
eft Bude , & le Bâcha qui y commandoit
fut tué dans l'attaque ;, il y avoit encore quel-
fjues ouvrages flanqnans , dont les feux
ii'avoicnt pas été entièrement détruits par
l'artillerie des a(Tîégeans. Le troilîemea^w
a été au château de Namur , défendu par
M. de Boufflers , qui ne fut pas emporté ,
par la raifon que la colonne d'nifanterie qi:i
attaqua la brèche partoit de trop loin & à
découvert. Ajoutez qu'il eft pre(qu'imiX)(Tî-
tli d'ejnpor ter uiic place ^ajj'aut , quand la
A S S 6S^
brèche peut être défendue par le feu des ou-
vrages qui ne font pas encore détruits. En
elfct , pour être forcée , elle ne devroit être
défendue par d'autres feux que ceux qu'elle
peut oppolcr de front , ou par la brèche
même. Feuq. Mcm.
Cette grande opiniâtreté de la défenfi:
des places , jufqu'à la dernière extrémité , ne
fe trouve plus que chez les Turcs , auxquels
un article eilcnticl de leur religion défend
de rendre par capitulation aux chrétiens une
place où ils ont une mofquée , quoique dans
ces derniers temps ils aient en quelques oc ■
calions manqué à ce point de leur loi. f^oy. le
même endroit cité, tn 1747 les François ont
pris à'a/Jîiut la célèbre place de Berg-op-
loom. (Ç;
AssAU I , f. m. (■ Efcrime. ) eft un exercice
qi;i s'exécute avec des fleurets , & qui repré-
feute \m xérltable combat.
Il V a deux façons de faire ajfaut , qu'on
appelle /Vz//2 ^ & ces jeuns ont des noms dif-
férens , lliivant la polition des épées de ceux
qi.i s'eicriment. ?"oy. Jeun.
Avant de commencer un ajfaut , on fait
le faltit , Voy. Sa LUT ; & auffi-tôt que les
elcrimeurs ont mis le chapeau iiir la tête ,
le iignaldu combat eft donné, & ils peuvent
s'attaquer récii)roquement.
L'adrellè <ïun efcrimeur confifte à f;;\oir
prendre le défaut des mouvemens de fou
eiuicmi. Voy. Défaut. Ces mouvemens fe
terminent toujours à parer & à pouffer. Il
n'y a abfolument que cinq façons de les ter-
ininer tous ■■, car toutes les cftocadcs qui fe
peuvent porter font néceflairement, ou daus
les armes , ou hors les armes , fiir les armes ,
/bus les ai mes , ou en flanconnade •■, d'où il
fuit qu'il ne peut y avoir que cinq façons de
parer , qui font la quarte , ia tierce , la quarte-
bajje , la féconde 6' la flanconnade.
On n'eft pas toujours prêt à prendre le
défaut au premier mouvement que fait
l'ennemi , parce qu'on ne fait pas ce qu'il
va faire : mais ce premier mouvement vous
avertit de la nature du fecond , qui fera,
nécelfairement le contraire du fecond.
Exemple. Lorsqu'un eferiineur a le\é le
bras pour frapper l'épée de fon ennemi ou
pour tout autre delfein , le mouvement qui
fuit eft de le bailler , non feulement parce
que ce moiiveir.cijt de JjaiUcr eft naturel _,
6^6 A S S
mais parce qu'il eft à préfluiier qu'il fc pref-
icra de venir au fècours de la partie du corps
qui fe trouve alors découverte. De cet exem-
ple , on peut tirer cette maxime générale ,
que toutes les fois qu'un efcrimeur fait un
mouvement , il lui en fera fur le champ
fuccéder un contraire ■■, d'où il fuit que le
premier mouvement vous avertit pour pren-
dre le défaut du fécond. V. Défaut.
* ASSAZOÉ ,{.{.( WJÎoire nat. botan. )
plante de l'Abyrtlnie , qui paflè pour un
préfervatif admirable contre les ferpens : fon
ombre feule les engourdit: ils tombent morts
s'ils en font touchés. On conjeclure que les
Pfylles, ancienne nation qui ne craignoit
point la morfure des ferpens , avoient la con-
noilfance de cette herbe. Une obfervation
qnc nous ferons fur Yajfa^oé & fur beaucoup
d'autres fubilances naturelles , auxquelles
on attribue des propriétés merveilleufes ,
c'eft que plus ces propriétés font merveil-
leufes & en grand nombre , plus les delcrip-
tions qu'on fait des fubilances font mauvai-
fes ; ce qui doit donner de grands foup-
çons contre l'exiftence réelle des fubilances ,
on celle des propriétés qu'on leur attribue.
ASSECHER , V. neut. ( Marine. ) terre
qui affiche. On dit qu'une terre ou une roche
affiche , lorfqu'on peut la voir après que la
mer s'eft retirée. On fe lert du terme décou-
vrir, pour fignifier la inême cliolè. On dit
une roche qui découvre de bajfc mer. ( Z )
ASSÉCUTION , f. f. terme de Jurifpru-
dence canonique , fynonyme à obtention ;
c'eft en ce fens qu'on dit qu'un premier béné-
fice vaque par Yaffecution du lècond. f^oyei
Incompatibilité. (H)
* ASSEDIM , ville de la Palelline dans
la tribii de Nephtali.
ASSÉEUR , f. m. terme ufité à la cour
des Aides , pour lignifier un habitant d'un
bourg ou d'un village , commis par fa com-
munauté pour alfeoir les tailles & autres
impofitions fur chacun des habitans , c'ell-à-
dire pour régler & déterminer ce que chacun
d'eux en fupportcra , & en faire enfuite le
recouvrement. ( H )
* ASSEFS , f. m. pi. (- mp. mod. ) font en
Perle des gouverneurs que le prince a mis
dans quelques provinces à la place des chams ,
dont le grand nombre d'oilicicrs épuifoit
los peuples.
AS S
l ASSELMAK , f /////. Vm. ) théologien
modéré , naquit à Soeil en Weftplialie. Il a
mis au jour un traité De jirendis h.vreticis ,
non aujerendis , qui tieat un peu du jeu de
mots ; mais l'ouvrage part d'un efprit rai-
fonnable.
ASSEMouAZEMoaLE GRAND ArDRA y
( Géogr. ) ville d'Afrique en Guinée , an
royaume d'Ardra , & autrefois la réfidence
du roi d'Ardra. Elle eft fur l'Euplirate qui
lui fert de folle. Les rues font fort larges , &
toutes les maifons font bâties de terre grafte,
& éloignées les uiies des autres par de grands
jardins qui les environnent , ce qui la fait
paroitre fort grande. Le peuple y eft aiTez
nombreux j les femmes y vont vêtues d'habits
fort riches. Dans la conquête du royaume
d'Ardra , par le roi de Dahomé , en 1724,
cette ville fouftnt beaucoup. Elle eft à 16
lieues de la mer & au nord-oueft du petit
Ardra. Quant au gouvernement & à la reli-
gion , voyei Ardra. {C.A.)
ASSEMBLAGE , dansfarchiteclure , s'en-
tei.d de l'art de réunir les parties avec le tout,
tant par rapport à la décoration intérieure
qu'extérieure : on dit aulll par rapport à la
main d'œuvre , ajfembler à angle droit , ex
faujfe coupe , à clé , à queue d'aroiidc , &c.
^oyfçMENUISERIE,CHARPENTERIE,&c.
Assemblage, c'eft , enmenuiferic , ckar-
pentcrie , marquctterie , Scc. la réunion de
plufieurs pièces auxquelles on a donné àss
formes , telles que j ointes , attachées , rappro-
chées , &c. elles puiflcnt former un tout ,
dont les piirties ne fe feparent point d'elles-
mêmes. Il y en a un grand nombre de dilîe-
rens: mais comme ils ont chacun leurs noms,
nous en ferons différens articles.
Assemblage par tenons & mortaifes y
( Menuif. ) c'eft celui qui fe fait p;ir une en-
taille appellée mortaife, qui a d'ouverture lu
largeur du tiers de la pièce de bois , pour
recevoir l'about ou tenon d'une autre pièce
taillée de jufte grolleur pour la mortailè qu'il
doit remplir , & dans laquelle il eft enfuit©
retenu par une ou deux chevilles.
Assemblage à clé: c'eft celui qui , pour
joindre enlemble deux plates - formes de
comble ou deux moifcs de file de pieux , fe
fait par une mortailè , dans chaque picce ,
pour recevoir un tenon à deux bouts ap-
pelle clé.
AS s
Assemblage par entailles: c'eft celui
qui (è fait pour joindre bout à bout, ou à re-
tour dccfucrre , deux pièces de bois par deux
entailles de leur denii-cpailicur, qui font
eufuites retenues avec des chevilles ou des
liens de fer. Il fe fait auiTi des entailles à
q-ucue d'aronde , ou en triangle , à bois de
fil , pour le même.
Assemblage jPfjr (mhrevement : c'eft une
efjicce d'entaille eu manière de hoche, qui
reçoit le bout dcmaigri d'une pièce de bois
fans tenon , ni mortaife. Cet afflniblagc fc
fait auiTi par tleux tenons frottans, pofcs en
décharge dans leur mortaife.
Assemblage en crémillkre : c'eft celui
qui fe fait par entailles en manière de dents
de la demi-épaifliur du bois , qui s'encaftrcnt
les unes dans les autres pour joindre bout à
bout deux pièces de bois , parce qu'une feule
ne porte pas allez de longueur : cet ajffin-
blage le pratique pour les grands entraits &
tirans.
Assemblage en triangle : c'eft celui qui
pour entrer deux fortes pièces de bois à
plomb , le fait par deux tenons triangu-
laires , à bois de lîl de pareille longueur ,
qui s'encaftrcnt dans deux autres fembla-
bles , en forte que les joints n'en paroillent
qu'aux arêtes.
Assemblage quarré: c'eft en Menuiferic
cehii qui le fait quarrément par entailles , de
la demi-épaiffeur du bois , ou à tenons & à
mortailè.
Assemblage à bouement : c'eft celui qui
ne diffère de Yajfemblage quarré , qu'en ce
qi:c ta moulure qu'il porte à Ion parement
ell coupée en anglet.
Assemblage en onglet , ou phitôt en
angkt : c'eft celui qui le fait en diagonale
fiir la largeur du bois , & qu'on retient par
tenon & mortailè.
Assemblage en faujfe-coupe : c'eft celui
qui étant en angles & hors d'équerre, forme
un angle obtus ou aigu.
Assemblage à queue d'aronde : c'eft celui
qui le fait en triangle , à bois de lil par
entaille , pour joindre deux ais bout à bout.
Assemblage à queue percée : c'eft celui
qui fe fait par tenons à queue d'aronde , qui
entrent dans des inortaiîès, pour allèmble.
quarrc!nent Se eu retour d'équerre.
Assemblage à queue perdue : çq& celui
A s s 6Sy
qui n'cft différent de la queue percée , qu'eu
ce que fes tenons font caches par recouvre-
ment de demi-épaillcur , à bois de fil & à
anglet. (+)
Assemblage , f. m. nom que l'on donne,
en librairie , à un nombre plus ou moins
grand de formes imprimées , que l'on range
liir une table longue , luivant l'ordre des
lettres de l'alphabet , de gauche à droite.
VJaJJemblage eft ordinairement de huit ou
dix formes. Foye^ FoRME. Ces forines font
une quantité déterminée , comme 500 , 1000 ,
iS'c. d'une même feuille imprimée, au bas
de laquelle eft une des lettres de l'alphabet
appcllée//^/?ûrz//r. Voye^ SIGNATURE.
Vajj'emblage fe fait en levant une feuille
iïir chacune de ces formes aiufi rangées, au
moyen de quoi la feuille marquée A le trouve
fur la feuille marquée B , ces deux-ci fur la
feuille marquée C , & ainli de fuite. On re-
cominence la même opération jufqu'à ceque
toutes les feuilles foieut levées. À mefure qu'il
y a une poignée à-peu-près de feuilles ainli
levées , on la dreife , on la bat par les bords ,
afin de faire rentrer les feuilles qui lortent de
leur rang; enlliite on met ces diverfes poi-
gnées les unes fur les autres. Cet amas de
feuilles ailemblécs porte le nom de pile. V^oye^
Pile. Pour réunir fous un même point de
vue tout le travail des livres en feuilles, nous
donnerons dans cet article les diftérentes
opérations fuivant leur ordre.
Quand Yaffembtage eft fait de la manière
dont nous l'avons décrit, on prend uncp;irtie
de la pile , & à l'aide d'une aiguille , ou de
la pointe d'un canif ^ on levé par le coin où
eft la iignaturc , chaque feuille l'une après
l'autre , pour voir s'il n'y en a pas de double ,
ou s'il n'en manque pas , ce à quoi l'on re-
incdlc fur le champ , Ibit en étant la feuille
qui le trouve double , foit en reftituant celle
qui manque \ cela s'appelle collationner.
royei Collationner.
Si YaJ/emblage a été de huit formes , on
\oit qu'il doit y avoir huit feuilles différentes
de luite ■■, que s'il a été de neuf ou de dix for-
mes, il doit y avoir de fuite neuf eu dix
tcuilles différentes. En collationnant , on fé-
])are chacune de ces huitaines ou de ces
dixaincs i & quand il y en a une certaine
quaiititéde féparécs de la forte, on les prend
les unes après les autres &c on les plie ; alors
6S8 A S S
elles portent le nom àc parties. Voye^ PAR-
TIES. On remet ces parties ainfi pliées les
unes fur les autres , &: on en forme encore
une pile.
Quand toutes les feuilles que contient un
volume ont été allémblées, coilationnées ,
pliées , & qu'enfin elles ont pris le nom de
parties , on allemble ces parties comme on
a ailemblé les feuilles , de gauche à droite ,
en commençant par les premières ^ & cela
s'appelle mettre les parties en corps : alors le
volume eft entier. Si le livre aplufieurs vo-
lumes , on alFemble ces volumes ainfi for-
més , en mettant le premier fur k fécond ,
le fécond fur le troifieme , iS-c. & l'exemplaire
ell complet j il ne lui manque plus que d'être
vendu.
ASSEMBLÉE , f. f. ( Hift. & Jurifprud. )
joiidiouqui fe fait de perfonncs en un même
lieu & pour le même dellbin. Ce mot ell
formé du latin adfimulare^ qui eft compofé
de ad iiLJitnul , enfemble. Les aJfembUes du
clergé font appellées fynodes , conciles , &
en Angleterre convocations , quoique Xajjem-
blée de l'églife d'Ecoli'e , qui fe fait tous les
ans , retienne le nom &ajfemblée générale.
Foj. Convocation, Synode, Concile,
Ê'c. Les ajfemblées des juges , &c. font ap-
pellées co^^/m , &c. VoyeiCo\}K. On appel-
loit comitia , comices , les ajfemblées du peu-
ple romain. Voyei ComitiA , CoMiCE ,
&c. Vajfemblée d'un prédicateur eft fon audi-
toii-e ^ les académies ont leurs afflmblées ou
leurs jours &ajfemblée. Voye\ ACADÉMIE ,
6-c. Les ajjemblées des presbytériens, en An-
gleterre , s'appellent ailéz Ibuvent , par ma-
nière de reproche , des conventiculcs. Voyci
CONVENTICULE.
Sous les gouvernemens gothiques , le pou-
voir iiiprême de faire des loix rélidoit dans
une ajjhnbléc des états du royaum.e , que l'on
tenoii tous les ans pour la même fin que fe
tient le parlement d'Angleterre. Il liibfifte
cttcore aujoiu-d'hui quelques foiblcs reftes de
cet ufage dans les ajjemblées annuelles des
états de Languedoc , de Bretagne , & d'un
petit nombre d'autres provinces de France :
mais ce ne font plus que les ombres des
anciennes ajcmblées. Ce n'eft qu'en Angle-
terre , en Suéde , & en Pologne , que ces
ajjemblées ont coulcrvc leurs anciens pou\ oirs
& privilèges.
A S S
Ajjemblées du champ de Mars. Voye^
Champ de Mars , 6v.
Assemblée , eft un motufité particuliè-
rement dans le monde, pour exprimer une
réunion ou compagnie de plufieurs perfonnes
de l'un & de l'autre fexe , pour jouir du
plai^r de la converfation , des nouvelles, du
jeu,^^.
Quartier ou place d'ajfemblée dans un
camp, &c.Voy. QUARTIER D'ASSEMr.LÉE.
On fe fert auliî du mot ajjemblée dans Yart
militaire , pour déiîgner l'attion de battre
une feconde fois la caifTe ou le tambour ,
avant que l'on fe mette en marche. Foye^^
Tambour.
Quand les foldats entendent cet appel , ils
abattent leurs tentes , ils les roulent , &
vont fe mettre fous les armes. Le troilieme
appel du tambour eft appelle la marche^ de
même que le premier s'appelle la générale.
i^'ojfçGÉNÉRALE. (H)
On dit aulfi une ajfemblée de créanciers ,
une ajjemblée de négocions. Les ajfemblées
générales des lix corps des marchands de^a
ville de Paris fe tiennent dans le bureau du
corps de la draperie , qui en eft le premia .
(G)
Assemblées, adj. f. pi. en anatomie ,
épithete de glandes qui font voifines les unes
desautres. A^. Attroupées 6» Clan de. fZ)
Assemblée , en terme de chajfe , c'eft le
lieu ou le rendez-vous où tous les chalfeurs
le trou\'eut.
ASSEMBLER , dans plufieurs arts , c'eft
mettre toutes les pièces à leur place , après
qu'elles font taillées.
Assembler un c/icval,{ Manège. )ceit
lui tenir la main en ferrant les cuilfes , de
façon qu'il fe raccourcilfe pour ainfi dire , eu
rapprochant le train de derrière de celui de
devant j ce qui relevé les épaules & la tête.
Assembler , en librairie, ceit reunu- en-
femble ou plufieurs feuilles , ou plufieurs
parties , ou phificiirs volumes d'un même
livre, ainfi qu'il a été dit & détaillé plus au
long au /no/ Assemblage.
■* ASSEN , petite ville de Hollande, dans
la feigneurie d'Owcr-'V ftcl.
* ASSENSE , ville maritime de Daiie-
marck , dans l'ilc de Fie uie. Long. 19 ■■, lau
^^''^' ASSEOIR
A S S
ASSEOIR une cuve, c'cft , c,':ei 1rs tein-
turiers , la préparer , y mettre les ciro^iics
& les iîif^rcdiens nccciraircs , pour qu'on
puillc y lailîêr les ctofics , laitics , foies , &c.
en bain. Le chef-d'annrc des ari)irans en
maitrifc , eil cYaffèoir une cuve d'inde effleu-
rée, & de la bien ufer & tirer, jufqu'à ce
que le chef-d'œuvre foit accompli. J^^oyci
t article 91 des teinturiers , & f article Tf.I N-
TURE. Le règlement de 1699 défend de ré-
chauffer plus de deux fois une cuve anilb de
guefde , d'indigo , 8c de paftel , pour les
draps qu'on veut teindre en noir.
Asseoir, v. a£t. en arckiteclure & ma-
çonnerie ; c'eft poferde niveau &; à demeure
fcs premières pierres des fondations , le car-
reau, le pavé, &c. (P)
Asseoir un cheval fur les hanches , ( Ma-
nège. ) c'efl le drellbr à exécuter fes airs de
manège , ou à galoper avec la croupe plus
balle que les épaules. AJJioir le fer ^ c'eft le
faire porter. F'oye^ Porter. {V)
* ASSER , f. m. ( Hifl. anc. ) efpece de
bélier des anciens , que Végéce décrit de la
maniera fuivante. Uaffer eft une poutre
longue , de moyenne groffeur , pendue au
mât , de même que la vergue , & ferrée par
les deux bouts. Lorfque les vaiffeaux enne-
mis venoient à l'abordage , foit à droite ,
foit à gauche , on fc fervoit de cette poutre :
pouflee avec violence , elle renverfoit &
écrafoit les foldats & les matelots , 8c fai-
foit aufîî des trous au navire.
* ASSER A , ville de Turquie, en Europe ,
dans la Macédoine , fur la rivière de Vera ,
proche Salonichi.
* ASSES , f. m. pi. peuples de la Guinée,
en Afrique , fur la côte d'Or , fort avant dans
fes terres , au couchant de Rio de Volta.
ASSESSEUR, f. m. {Hifl.mod. & Ju-
rifprud. ) eft un adjoint , dont un maire de
ville ou autre magiftrat en chef d'une ville
ou cité , fe fait afTîfter dans le jugement des
procès , pour lui fervir de conleil. Il y en a
en titre d'office dans plufieurs jurifdiftions.
Voyei Maire. Il faut que Xaffejfeur foit
Jiomme gradué.
Quand il n'y a qu'un juge dans une ville,
où il n'y a point de maire, on l'appelle aufli
en quelques endroits affeffeur.
On appelle aufli ajfeffeurs les confeillers
de la chambre impériale,
Tomt Uh
A S S <r89
Il y a dcirr efpcces Saffeffeurs d^ns cette
chambre Impériale , Xordinaire 8t Yextraor- '
^//rti2/'/r. Les (7/f^f//rr ordinaires (but à prcfcnt
au nombre de quarante-un , dont cinq font
élus par l'empereur, fn'oir, trois comtes ou
barons , & deux jurifcoufiiltes , ou deux
avocats en droit civil : les élcfteiirs en nom-
ment dix , les fix cercles dix-huit , 6'r. Ils
agiftentcn qualité de conièillcrsde la cham-
bre , 8f ils ont les appointcmcns qui y font
attachés. V. Impérial ù Chamhrf.. (//)
AS-SETE-IRMANS , îles d'Afrique,
dans l'Océan éthiopique , dccoi^crtes par
les Portugais , au nombre de fcnt , 8c ap-
pellées par les François les Scpt-Freres.
ASSETTE , voyci EssETTE.
ASSEZ ,SUFFIS AMMENT , ( Gramm. )
ces deux mots font tous deux relatifs à la quan-
tité : mais ajfe:^ a plus de rapport à la quan-
tité qu'on veut avoir , 8c fuffifamment en a
plus à celle qu'on veut employer. L'avare
n'en a jamais affei^ ; le prodigue jamais /î/^ •
famment. On dit , ce(l ajfe[ , quand on n'en
veut pas davantage ; &CcelafuJfit, quand oii
a celle qu'il faut. A l'égard des dofcs , quand
il y a a^èi , ce qu'on ajouteroit feroit de
trop , Si pourroit nuire ■■, 8c quand il y a
fuffifamment , ce qui s'ajoutcroit de plus ,
mettroit l'abondance 8c non l'excès. On dit
d'un petit bénéfice , qu'il rend fuffifamment:
mais on ue dit pas qu'on ait ajei de fon re-
venu. y4j/èi paroît plus général que fuffifam-
ment, VoyeiSynon. franc.
ASSIDARIUS pour ESSEDARIUS ,
fub. m. (Hijl.anc.) gladiateur qui combat-
toit aftis fur un char ejfedum , char ou cha-
riot , dit M. Ducange , ejl quafi affedum ab
affidendo. Le changement de quelques lettres ,
alfez ordinaire dans les inlcriptions , a formé
le inot affidarius de ejfedarius. On voit dans
Suétone qu'un gladiateur nommé Pofius ^
combattoit ainfi fur un char , 8c excita la
jaloufie de l'empereur Galigula , qui fortit
du fpeftacle , en le plaignant que le peuple
donnoit plus d'applaudiflèmens à ce Pofius ,
qu'à lui-même, Tofio ejfedario. Cette ma-
nière de combattre à Rome for des chars
dans les fpeftacles , s'étoit introduite à l'imi-
tation des Gaulois , ?iL des habitans de la
grande Bretagne , dont une partie de la ca-
valerie étoit montée fur des chars. Barbari ,
dit Céfar dans i^i commentaires , pracmi^b
Pppp
6^
A SS
tquitatu ex cjfedario , quo plerumque génère
in praeliis uti confueverunt ^ &C. (G)
ASSIDÉENS , f. m. pliir. ( T/^fo/. ^kOtt
des Juifs , aiiifi nommés du mot hébreu
hafidim , juftes. Les AJJidéens croyoient les
œuvres de furérogation néceiraires au fàlut ■■,
ils furent les prédécefîèurs des Pharifiens , de
qui fortirent les Elfénieus , qui enfeignoient
conjointement que leurs traditions étoieut
plus parfaites que la loi de Moyfe.
Serrarius , & Drufius favant théologien
proteftant , ont écrit l'un contre l'autre tou-
chant les Ajjîdcens , à l'occalion d'un paf-
fsge de Jofeph , fils de Gorion. Le premier
a ibutenu que par le nom à'AJpde'cns , Jofèph
entend les EJféniens , & le fécond a prétendu
qu'il entend les Pharifiens. Ilferoit facile de
concilier ces deux ièntimcns , en obièrvant
avec quelques critiques , que le nom à'Afii-
dîens a été un nom générique donné à toutes
les feâes des Juifs , qui afpiroient à une per-
fcftion plus haute que celle qui étoit prefcrite
par la loi : tels que les Ciuéens , les Recha-
bites , les Eiféniens , les Pharifiens , ùc.
A-pcu-près comme nous comprenons au-
jcurd'liui ibus le nom de religieux & de cé-
nobites . tous les ordres & les inftituts reli-
gieux. On croit cependant que les Pharifiens
ëtoient très-différens des Afifidéens. Voye[
Pharisiens, Cinéens,Rechabites. (G)
* ASSIENNE ( PIERRE ), ou ASSO
(pierre d' ) ajjius lapis , {Uiji, nat.) Ileft
fait mention de cette pierre dans Diofcoride ,
dans Pline , & dans Galien. Celui-ci dit
qu'elle a été ainfi nommée àiAjfos , ville de
la Troade , dans l'Afie mineure : qu'elle elt
<Vuue ftibftance fpongieufe, légère & friable:
c[u'elle eft couverte d'iiue poudre farineuse ,
^'on appelle J?fwr de pierre daJJ'o ; que les
inolécules de cette fleur font très-pénétrantes ;
<ja'elles confument les chairs :que la pierre a la
iTiême vertu , mais dans un moindre degré ;
que la fleur ou farine ell encore digeftive &
nréfervative comme le fel^ qu'elle en a même
le goût , & qu'elle pourroit bien être formée
cjes vapeurs qui s'élèvent de la mer , & qui
dépofées dans les rochers , s'y condenfcnt &
clclFechcnt. Voye\ Gai. de fympt. med. fac.
li!). ix, Diofcoricle ajoute qu'elle eÛ de la
couleur de la pierre ponce ^ qu'elle cil par-
fèmée de veines jaunes j que fii farine cil jau-
iV^trc ou blauche 3 que jnCIcç de l<i léûaa de
A S S
térébenthine ou de goudron , elle réiôut les
tubercules, Voye^lib. V, cap. cxlij, les autres
propriétés que cet auteur lui attribue. Pline
répète à-peu-près les mêmes chofesj on l'ap-
pelle , fclon lui ,farcophage , de aaf^ , chair y
& de layo , je mange j parce qu'elle con-
fum.e , dit-il , les fubftances animales en qua-
rante jours , excepté les dents.
ASSIENTE ou ASSIENTO , ( Comm. )
ce terme ell eipagnol , & lignifie une ferme.
En France , ce mot s'eft introduit depuis
le commencement de la guerre pour la fuc-
ceffion d'Efpagne en 1 7 1 o. On l'entend d'une
compagnie de commerce établie pour la
fourniture des Nègres dans les états du roi
d'Efpagne en Amérique , particulièrement à
Buenos-ayres.
Ce fut l'ancienne compagnie françoife de
Guinée , qui après avoir fait fon traité pour
cette fourniture avec les minilbes Efpagnols j
prit le nom de compagnie de Caffiente , à caufe
du droit qu'elle s'engagea de payer aux fermes
d'Efpagne , pour chaque Nègre , pièce d'inde ,
qu'elle paiîeroit dans l'Amérique espagnole.
Ce traité de la compagnie françoife , qui
confiftoit en trente-quatre articles , fut figné
le premier feptembre 1702 , pour durer pen-
dant dix années , & finir à pareil jour de
l'année 17 12; accordant néanmoins aux
aiïïentiftes deux autres années pour l'exé-
cution entière de la fourniture , fi elle n'é-
toitpas finie à l'expiration du traité.
Les deux principaux de ces trente-quatre
articles regardoicnt , l'un la quantité des
Nègres que la compagnie devoit fournir aux
Efpagnols ; l'autre le droit qu'elle devoit
payer au roi d'Efpagne pendant le temps
de la ferme ou ajjienco.
A l'égard des Nègres , il fut fixé à tren-
te-huit mille tant que laguerre quiavoit com-
mencé l'année d'auparav;uU , dureroit ;, 8c
à quarante huit mille , en cas de paix. Pour
ce qui eil du droit du roi d'Efpagne , il
fut réglé à trente-trois piaflres un tiers pour
chaque Nègre , pièce d'Inde , dont la com-
jiagnic paie par avance la plus grande partie.
A la paix d'Utrecht un des articles du
traité entre la France & l'Angleterre ayant
été la ceflion de ïaJJ.-enie , ou ferme des Nè-
gres en fa\eur de cette dernière , les Ef-
pagnols traitèrent avec les Aiiglois poiu: la
fourniture des Nègres.
A s s
Ce traité , femblable en pluficurs articles
A celui de la compagnie fraiiçoifc , irais de
beaucoup plus a\'antagcux par plulieuis au-
tres aux allientilles anglois , dcvoit com-
mencer au premier mai 1713 , pour durer
trente ans , c'ell-à-dirc ju%i a pareil jour
de l'anncc 1743.
La compagnie du fud établie eu Angle-
terre depuis le commencement de cette même
guerre , mais qui ne fublilloit qu'à peine ,
fut celle qui le charfjca de ïajficnro des Nè-
gres pour l'Amérique efpagnole. La fourni-
ture qu'elle devoit faire étoit de quatre mille
iiuit cents Nègres par an , pour lefqucls elle
tlevoit payer par tête le droit £ir le pié réglé
par les François, n'étant néanmoins obligée
qu'à la moitié du droit pendant les vingt-cinq
premières années , pour tons les Nègres
<}u'ellepourroit fournir au delà du nombre de
quatre mille huit ceiîts ftipulé par le traité.
Le quarante-deuxième article de ce traité ,
qui eft aufli le dernier , & peut-être le plus
conlîdérable de tous , n'étoit point dans le
traité fait avec les François. Cet article ac-
corde aux aflicntiftes anglois la permiilîon
d'envoyer dans les ports de l'Amérique efpa-
gnole , chaque année des trente que doit
durer le traité , un vaiii'eau de cinq cents
tonneaux , chargé des mêmes marchandi-
fes que les Efpagnols ont coutume d'y por-
ter , avec liberté de les vendre Sf débiter
concurremment avec eux aux foires de Porto-
Belo & de la Vera-Cruz.
On peut dire que la fourniture même des
Nègres , qui fait le fonds du traité , non
plus que quantité d'autres articles qui accor-
dent quantité de privilèges à la nouvelle
compagnie angloife , ne lui apportent peut-
être point tous enfemble autant de profit
que cette feule faculté d'envoyer un vailfeau ,
doimée aux Anglois , contre l'ancienne po-
litique des Efjjagnols, & leur jaloulie ordi-
naire à l'égard de leur commerce en Amé-
rique.
L'on a depuis ajouté cinq nouveaux arti-
cles à ce traité de VaJJlenre angloife , pour
expliquer quelques-uns des anciens. Le pre-
mier porte que l'exécution du traité ne fe-
roit cenfée commencer qu'en 1714:1e fé-
cond , qu'il feroit permis aux Anglois d'en-
voyer leur vailfeau marchand chaque an-
née , bien que la flotte ou les galions efpa-
A S S C.nl
gnols ne vinfTent point à l'Amérique : le
troideme , que les dix premières années ce
vailfeau pourroit être du port de fix cents
cinquante tonneaux:, enfin les deux derniers,
que les marchandifes qui refleroient de la
traite des Nègres, fêroicnt renvoyées en Eu-
rope, après que les Nègres auroiciit été débar-
qués à Buenos-ayres ; & que fi leur deftina-
tion étoit pour Porto-Belo , Vera-Cruz ,
Carthagene & autres ports de l'Ainérique ef-
l^agnole , les marchandifes fcroicnt portées
dans les îles Antilles angloifès , fans qu'il
fût permis d'en envoyer à la mer du fiid.
La manière d'évaluer Se de payer le droit
A'aJTientt pour chaque Nègre , pièce d'iode ,
lorfqu'il arrive fur les terres du roi d'Efpa-
gne en Amérique , eft la même avec les
afîîentiftes anglois qui fe pratiquoit avec les
adieiitiftes françois;, c'eft-à-dire, que lorfque
ces Nègres font débarqués , les ofîîciers ef^
pagnols , de concert avec les commis de
\ajjiente , en font quatre claffes.
Premièrement ils mettent enfem.ble tous
les Nègres de l'un & de l'autre {<:iy.!i qui font
en bonne fanté , 8c qui ont depuis quinze
ans jufqu'à trente : enfuite ils feparent les
vieillards , les vieilles femmes & les mala-
des , dont ils font un fécond lot ^ après fui-
vent les enfans des deux fexes , de dix ans
& au deffus jufqu'à quinze ^ & enfin ceux
depuis cinq jufqu'à dix.
Ce partage étant fait , on vient à l'éva-
luation \ c'ell-à-dire qu'on compte les Nè-
gres de la première claffe qui font fains ,
chacun fiir le pié d'une pièce d'inde \ les
vieux & les malades , qui font la féconde
claflê , chacun fur le pié de trois quîirts de
pièce d'inde ^ les grands enfans de la troi-
fieme claffe , trois pour deux pièces ^ & les
petits de la quatrième , deux pour une pièce;
& fur cette réduétion on paie le droit du
roi : ainfi d'une cargaifon de cinq cents
foixante-cinq têtes de Nègres , dont il y en
a deux cents cinquante de fains , foixante
malades ou vieux , cent cinquante enfans
de dix ans & au deffus , & cent cinquante
depuis cinq jufqu'à dix , le roi ne reçoit fbn
droit que de quatre cents quarante. {G)
* La guerre commencée entre l'Efpagrïe
& l'Angleterre en 1739 , avoit rompu le
traité de Yajfienu : les quatre ans qui ref^
toieut ont été rendus par la paix de 1748.
F p P p z
êcft A s s
ASSIENTISTE , celui qui a part , qui a
des aftions dans la compagnie d'aiïieute.
Foytl AssiENTE. (G)
ASSIETTE , terme de coHecle , eft la fonc-
tion de l'afleeur. Voyei AssÉEUR.
As s I E T T E , c eft , frt fait de bo is , l'étendue
des bois défignée pour être vendue. \JaJfiette
fe fait en prélence des officiers des eaux &
forêts par l'arpenteur : elle s'exécute par le
mefuragc , & le mefurage s'affure par des
tranchées , des laies , & la marque des
marteaux du roi , du grand-maître & de
l'arpenteur , aux pies corniers , & aux ar-
bres des lifieres & parois. V. Martelage.
On dit que le roi donne une terre en
ajfiette , lorlqu'il afligne des rentes ilir cette
terre.
Assiette (Lettres d' ), font des lettres
qui s'obtiennent en chancellerie pour faire
la répartition d'une condamnation de dé-
pens fur toute une communauté d'habitans.
Par ces lettres il eft enjoint aux tréforiers
de France d'impofer la fomme portée par
la condamnation , fur tous ceux de la com-
Hiunauté qui font cotifés à la taille , fans
que cette impolition puift'e nuire ni préjudi-
cier aux tailles & autres droits royaux.
Ces lettres s'expédient au petit fceau jut
qu'à la fomine de cent cinquante livres , &
même jufqu'à celle de trois cents livres ,
quand la condamnation eft portée par un
arrêt •■, mais quand la fomme excède celle de
cent cinquante livres , ou qu'il y a condam-
nation par arrêt, portée au delà de trois cents
livres , il faut obtenir des lettres de la grande
chancellerie. ( H )
Assiette du vaijfcau , ou vaijfcau en af-
fiette. ( Mar. ) Voye^ EsTIVE. Un vaiiTeau
en alVette eft celui qui eft dans la fituation
convenable pour mieux filer. Mettre un vaif-
feau dans fou aJfictte. { Z )
Assiette , ( Manège. ) 'Vaffiette d-u ca-
valier eft la façon dont U eli pofé fur la
felle. Il y a donc une boimc & une mau-
vaife ojfiene. On dit qu'un cavalier ne perd
Ïioint ïajfiette , pour dire qu'il eft ferme fur
es étriers. UaJIiette eft li importante , que
c'eft la feule chofe qui faffe bien aller un
«heval. {V)
Assiette , nom que d Minent h-s horlo-
gers à une petite pièce tle Liiton qui eft adap-
A S S
pièce qu'on rive la roue. Voye^ PiGNÔN^
Roue, Rivure , River, &rc.{T)
Assiette , en. termes de doreur , eft une
compofition qu'on couche fur le bois pour
le dorer. Elle fe fait de bol d'Arménie , de
fanguine , de mine de plomb broyés enfem-
ble avec d'autres drogues , fur lesquelles on
verfe de la colle de parchemin qu'on pafle
au travers d'un linge , en le remuant bien
avec les drogues , jufqu^à ce qu'elles foient
bien détrempées.
Assiette , terme de paveurs ; c'eft le nom
par lequel ces ouvriers défignent la furface
qui doit être placée dans le fable, h'ajfiette
eft toujours oppofée à la furface fur laquelle
on marche.
* Assiette , terme de teinture ; c'eft
l'état d'une cuve préparée d'ingrédiens , &
difpofée à recevoir en bain les étofFei , fils f
foie , laine , &c. Voyei Asseoir.
ASSIGNAT , f. m. terme de jurifprudence
ufité finguliérement ea pays de droit écrit ,
eft l'alîeftation fpéciale d'un héritage à une
rente qu'on hypothèque & affied defllis.
Quelquefois même le créancier , pour don-
ner plus de fureté à YaJJJgnat , ftipule qu'il
percevra lui-même les arrérages de la rente
par les mains du fermier de l'héritage fur
lequel elle eftaffignée- l^oy. AFFECTATION
(S'Hypothèque.
Vaffignat eft un limitatif ou démonftra-
tlf ; dans le preinier cas il ne donne qu'une
aftion réelle : dans l'autre il la donne perfon-
nelle. V. Démonstratif & Limitatif.
ASSIGNATION , f. f. terme de pratique,
qui fignifie un exploit par lequel une partie
eft appellée eu juftice à certain jour , heure
& lieu , pour répondje aux fins de l'exploit,
Foy^î Ajournement, qui eft à-peu-près
la même chofè.
Tout ajournement porte ajfignation , fed
non vice verfâ ; car ïal/ignation en confé-
quencc d'iuie faific , pour venir aifirmer fur
iccllc , & Y ajfignation à venir dépofer en qua-
lité de témoin , n'emportent pas ajourne-
ment. Vajfignation n'cft ccnféc ajournemeia:
que qiiand celui qu'on affigne eft obligé à
fatisfairc aux fins de l'exploit par une con-
vention exprclle ou tacite ; en tout autre cas
ï ajfignation n'eft point ajournement, cen'e<i
qu'une fommation ou connnandemcut tak
ïée fiir la tige d'un pignon j c'eil fur cette « par autorité de juftice. ( H >
A s s
Assignation , dans le commerce , c eft
une ordonnance , mandement ou refcrip-
tion, pour faire payer une dette furuncertain
fonds, dans un certain temps , par certaines
perfonnes.
Lorfque des ^ens de qualité , ou autres ,
donnent des afftgnations à prendre fur leurs
fermiers ou autres , à des marchands , il
eft à propos que ces marchands les falFent
accepter par ceux fur qui elles font données,
pour éviter les contcftations. Quand une fois
on a accepté une affignation , on fe rend le
débiteur de celui à qui elle a été donnée.
Comme ces fortes ai ajfi g nations peuvent
être négociées par ceux à qui elles appar-
tiennent , il eft bon de remarquer qu'il ne
faut point s'en charger fans faire mettre deffus
l'aval de celui qui l'a négociée , parce qu'on
le rend par-là garant du paiement , & que
d'ailleurs on a trois débiteurs pour un \ fa-
voir , celui qui a donné ïajjlgnation en pre-
micF lieu , celui qui l'a acceptée, & celui qui
y a mis fbn aval.
On ne peut revenir fur ce dernier , non
plus que fur celui qui a donné ïajfi g nation ,
fans rapporter des diligences en bonne forme,
qui juftificnt l'imponîbilité qu'on a eue de
s'en faire payer par celui fur lequel elle a été
donnée.
ASSIGNER , fignifie donner une ordon-
nance , un mandement ou une refcription
à quelqu'un , pour charger quelqu'autre du
paiement d'une fbmme. (G)
ASSIMILATION , f. f. compofé des mots
latins ad &y/m/7«, femblable, fe dit de l'ac-
tion par laquelle des chofes font rendues
femblables , ou ce qui fait qu'une chcfe
devient femblable à une autre. Foye[ Si-
militude.
Assimilation , en phyfique , fe dit pro-
prement d'un mouvement par lequel des
corps transforment d'autres ccrpsqui ont une
difpolîtion convenable , en une nature fem-
blable ou homogène à leur propre nature. V.
Mouvement , Corps , 6'c.
Quelques philofophes lui donnent le nom
de mouvement de multiplication , dans l'opi-
nion où ils font que les corps y font multi-
pliés , non pas en nombre , mais en malle •■, ce
qui s'exprime plus proprement par le mouve-
ment d'augmentation OU d'accroijjemeiit. Voy.
AcCROISSEiMENX.
A S S ^91
Nous avons des exemples de cette aj//mila-
tion dans la flamme qui convertit l'huile <k
les particules des corps qui fervent à nourrir
le feu , en matière ardente & liiinineufe. La.
même chofe fe fait aufîî remarquer dans l'air ,
la fumée & les elprits de toute eipecc. Voy.
Flamme , Feu , &c.
On voit la même chofe dans les végétaux,
où la terre imbibée de fucs aqueux , étant
préparée & digérée dans les vailfeaux de la
plante , devient d'une nature végétale , & en
fait accroître les bois , les feuilles , le fruit,
&C. Foj. Végétal , Végétation , Sève,
Bois, Fruit , &c.
Ainfi dans les corps animaux nous voyons
que les alimens deviennent femblables oufc
transforment en fubftance animale par la
digeftion , la chylification , & les autres opé-
rations nécefl'airesà la nutrition. Koyf^ Ali-
ment , Digestion , Chylification ^
Nutrition , Animal, &c. [L)
ASSIMINIER , ( Botanique. ) en latin
anona , en anglois cufiard-apple , en allemand
rahmapjf'ell.
Caraclere générique^
Le calice de VaJJîminier elt formé de trois
petites feuilles cordiformes , creufées en cuil-
leron , & terminées en pointe.
Le difque de la fleur eft compofé , dans
quelques efpeces , de trois pétales , & dans
d'autres de i\\ , tous cordiformes aufîi &
di{pofés en rofc. Dans les fleurs de fix péta-
les , les trois intérieurs font plus petits que
les trois extérieurs : Miller dit qu'ils font
grands &r petits alternativement.
Il fe trouve un grand nombre d'étamines
attachées par de très-courts filamens autour
de l'embiyon ^ leurs fbmmets font quadran-
gulaires.
Le piftil eft compofé de pluficurs em-
bryons arrondis & d'autant de ftyles termi-
nés par des ftigmates obtus.
L'embryon devient un gros fruit charnu ,
tantôt orale , tantôt arrondi : fon écorce eft
ccailleufe , il rellbmble à un concombre ^ 11
n'a qu'une cellule qui contient des lemences
dures , longues , applaties & raiTcmblées les
unes près des autres.
Efpeces.
I. AJfiminier à feuilles lancéolées & àfruit
eu trois icgmens.
6$4- A S S
Ah ùna folUs laneeolatis , fi ucîibus trifidis.
L'um. fp.pL 537.
T/ie iiottk Amarieananona , en Amérique,
pu paie.
z. Afpminier à feuilles lancéolées , à fruits
ovales & à aréoles rédculaires.
Anona foliis lanceolaris , fruclibus ovatis ,
redcutato-anolatis. \J\\\a. fp. pi. 537.
Cafard apple. Pomme d'aride.
3. Ajpmimer à feuilles ovales lancéolées,
unies , luifautes Jîc planes , à fruit en forme
de chaulle-tnippe.
Alloua joins ovatis lanceolatis , glabris ,
nitidis , pla/iis , pomis muricatis. Hort. Clift.
22,2,.
Sour fop. Soupe aigre.
4. Ajjiminierk feuilles oblongues, à fruit
couvert d'écaillés obtuiês.
Aiiona foliis oblongis , fruclibus obtuse
fubfquammatis. hiim. /p. pi. 537.
Swet fop. Soupe douce.
5. AJfiminicr à feuilles oblongues , obtu-
jfes , unies , à fruit rond , à écorce unie.
Anona foliis oblongis , obtufis , glabris ,
fruclu rotundo , cortice glabro. Mill.
Water-apple. Poinme d'eau.
6. AfJmiuierk {cuilies très-larges & unies,
à fruit oblong , écailleux , à femences très-
•luifantes.
Anona foliis latifimis , glabris , fluclu
oblongo fquammato , feminibus nitidijfimis.
Anona with verybroad andfmooth leaves ,
tvith an oblong & fcaly fruit and very glifte-
ring feeds. Les Espagnols l'appellent cheri-
molias.
7. Affiminier à feuilles ovales lancéolées
■ velues , à fruit bleuâtre & uni.
Anona foliis ovato-lanceolatis pubefcenti-
bus , fruclu glabro fubcœruUo, Mill.
Sweet-apple. Pomme douce.
8. Ajfiminier h feuilles lancéolées , unies,
reîuifantes , fillonnées le long des nervures.
Anona foliis lanceolatis , glabris , nitidis ,
fecundhm nervos fulcatis. Hort. ClitL zii.
Purple-apple. Pomme pourprée.
L'el'pece «". i , fe trouve en abondance
dans les ilesBaliamaoù rarement elle s'élève
à plus de lix coudées fiir plulicurs branches
qui partent de fbn pié ^ Ion fruit eit figuré
comme une poire renvcrféc , il n'y a guère
que les nègres qui le mangent. 11 iért de
nourriture aux linges & à d'autres animaux.
AS S
En Angleterre on peut élever cet Affimi'
nier en [ileine terre , fi on le plante à une
expofition chaude & dans un lieu bien abrité,
M. Dtîhamel parle d'un anona envoyé du
Canada en France , qui vient au haut du
Mifiiiripi , vers les Iroquois , & qui fubfifte
depuis long-temps à l'air libre , au château
de la Galifibnniere près de Nantes. Quel-
que apparence qu'il y ait que cet AJfiminicr
foit notre n°. i , qui eft le //". 8 de Miller,
on ne peut toutefois pas l'aifurer , à caufede
la dilîëtr.blance des phrafes fous lefquelles
l'un 8i l'antre de ces auteurs le font connoitre.
M. Duhamel a tranlcrit celle de Catesby ,
anona fruclu lutefcente , levi , fcrotum arie-
tis referens , ôc avertit que c'eft le Gua-
nabanus du père Plum.ier : ici les caradteres
font pris de la couleur & de la forme du
fruit. Dans la phrafe de Linnasus , citée par
Miller , il eft bien dit que le fruit eft divifé
en trois parties, mais il n'eft pas queftion de
ce à quoi il peut reftembler , du refte il y
eft fait mention de la forme de fa feuille.
Nous trouvons dans un catalogue Hollan-
dois un anona fruclu bifido , mais qui de-
mande la ferre chaude dans ce pays-là ■■, quoi
qu'il en foit , fiiivons Miller. Cet auteur dit
que Yajpminier , n°. i , doit être éle\'é eii
pots & abrité pendant les hivers , jufqu'à ce
qu'il ait pris de la confiftance ; alors on le
plantera en motte en pleine terre , dans l'en-
droit où l'on voudra le voir croître.
Les femences de cet ajjiminier (ont d'une
forme différente de celles des autres eipeces,
ainfi que fès feuilles qui tombent en automne,
tandis que la verdure des autres eft perpé-
tuelle. Le fruit ne relîèmble pas non plus à
celui des efpeces du même genre ■-, chaque
pédicule en jjorte deux ou trois.
L'efpece «°. 2, , donne un fruit dont la
pulpe a la confiftiince de la moelle d'une
dariole.
Le fruit de l'efpece n". 4 renferme une
pulpe fort douce.
Le «". 6 fe cultive en abondance dans le
Pérou pour fon fruit.
Les efpeces n°. 7 & 8 , font indigènes de
l'île de Cuba & de quelques-unes des îles
qui appartiennent à la f rance ■■, ces infulaires
en eftiment beaucoup le fruit : ils le tiennent
pour fain & rafraîchilfant , & le doimeut
aux malades.
A s s
Aucun de ces ajjlminiers ne peut fîihfificr
en pleine terre. Nous nous bornerons ;'t dire
qu'ils s'élèvent tous de feincnccs dans des
cailFes qu'on doit plou'^er dans des couches
très-chaudes , & qu'ils demandent d'être
continuellement dans des lits de tan en ferre
chaude, ayatit loin de leur donner tlans les
plus beaux jours autant d'air qu'il fera pollî-
ble. ( M. le Baron de Tschoudi. )
* ASSIMSHIKE ou SKIKASSÎN , pro-
vince de l'EcolFe feptcntrionale , ou plus
proprement partie de la province de Rofs ,
le loup- de la mer , où font les Hébrides.
* ASSINIBOULT (lac d';, lac du
Canada dans l'Amérique feptentrionalc : on
dit qu'il fe décharge dans la baie d'Hudfon.
§ ASSINIE ou AssiNi , {Geog.) petit
royaume d'Afrique , en Guinée , fur la côte
d'Or. Sa capitale eft un ^ros village, appelle
anHI A[[ini. Ce village eft fitué à l'embou-
chure d'une rivière de même nom , qui
coule alFez long-temps au nord-cueft , entre
les montagnes , & qui le jette dans la mer
vers le fud. Le pays eft fort bas aux envi-
rons. On y fait le commerce de la poudre
d'or. (C. 4.)
ASSINIPOELS, f. m. pi. ( Géog.) y,qu-
ple de l'Amérique fcptentrionale , que les
auteurs appellent Ajfinibouls , Affiiuboih ,
Ajjînipoeh & AJfuiipouals , noms qui ne va-
rient que dans la terminaifon & fignifient
hommes de roche. Ils font pofés & flegmati-
ques : ils fe marquent le corps de grands
traits de diverfes couleurs , & fe fervent de
calumets.
Le P. Charlevoix , après avoir parlé du
naturel des Ajjlnipoels , dit que leur pays eft
autour d'un lac qu'on coiuioit peu. Un fran-
çois que ce jéfuite a vu à Montréal , dit y
avoir été , 'nais en palfant : il ajoute qu'on
le dit de fix cents lieues de tour , & qu'on n'y
peut aller que par des chemins impratica-
bles; mais les bords en font charmans ; l'air
y eft tcnijéré ; il comprend un fi grand
nombre d'îles , qu'on le nomme le lac des
îles : on en fait fortir cinq grandes rivières.
Aux environs de ce lac il y a des hommes
femblables aux Européens ; for ôcl'argeiit y
font communs , & ils y font employés aux
i(l;fp-es les plus ordinaires. Le P. Charlevoix
établit de cette manière l'exiftencc du lac
ù'^iAjpnipoelsy aujourd'liuiMicliuiipij tlçut
A S S (fpy
quelques - uns commencent à douter ( M.
Danville , dans fa Mappemonde de ijôi. )
par la raifon que les l'rançois qui en ont
parlé , ne l'ont fait que par oui-dire, & non
d'après leur propre expérience , n'ayant pas
poulie leurs découvertes julque-là ; comirie
il dans de pareils cas on ne pouvoit pas s'en
rapporter aux récits des fauvages, lorfqu'ils
n'ont aucun intérêt d'enimpolcr. M. Jérémie,
un des hommes les plus emprclîés à faire des
découvertes , avoit dtjaparlé de celac à-pcn-
près fur le même pié que le P. Charlevoix \
& quoique celui-ci dilè que les lacs dcsAjJi-
nipoels &i des Chriftinaux font plus qu'incer-
tains, que cependant il les a marqués , parce
qu'il les a trouvés fur une carte manuscrite du
fieurFranquelin, qui dit-il, devoit connoître
ces parties plus que perfonne ,fans doute ne
me paroît pas raifonnable : il fe réfout de
lui-même. Que veut-il davantage que l'ac-
cord unanime des récits des fauvages, de la
relation d'unfrançois qui a paifé fur les lieux ,
& de la carte d'un voyageur ijiftiuit ?
Ce grand lac ne pourroit-il pas être cette
mer dont parlent les fauvages de la baie de
Hudfon , & qu'ils difent être éloignée de
vingt-cinq journées ? il eft vrai que cette dif-
tance ne fe trouve pas iùr ces cartes : mais ne
pourroit-on pas dire que cette Htuation eft iî
incertaine , que même plufieurs géographes
doutent del'exiftence du lac , & qu'il ne faut
pas s'en rapporter aux cartes , qui ne fauroient
jamais convenir avec l'itinéraire , à caufe des
chemins impraticables qui ne permettent pas
de faire autant de lieues par jour que dans les
prairies ? La conjeéture eft alfez probable.
On voit encore par-là qu'il y a des hommes
barbus & policés peu éloignés du Canada &
de la baie de Hudfon ; & que fi , depuis ce
lac julqu'à l'extrémité occidentale de l'Amé-
que , il y a une diftance de huit cents à mille
lieues , mon fyftême fur ces nations fo trouve
iuftifamment confirmé.
On fupj)ofe que le lac desAffînipoelsn'eQ:
autre que l'Oninipigon ou bien l'Anifquao-
nigainou ; ç'eft pourc[uoi on a fupprimé le
premier. II me feinble pourtant qu'on ne de-
vront pas procéder li légèrement dans de pa-
reils cas. On verra par la fuite quel tort on
a fait à la géographie , en coi'.vcrtillant des
doutes en certitudes , en fupprirnant des pays
.eutiers , ôc en changerait leurs politious. Je
^9^ A S S
prie le lefteur de réfléchir fur les raifbns mii
peuveiit fonder l'oaflencc de ce lac. L.es
preuves uilv;intcs ioiit , à mon avis , tout-à-
fait coiivjuiicautcs.
1*^. On ne fiiuroit contefter la folidité de
cet axiome , que des relations données par
des pciTonnes éclairées &; de coniîdération
qui ont pris foin de s'iafonner exadlement
de toutes les circonltances, ne doivent pas
être rcjetées , fur-tout après avoir été adop-
tées de tout le inonde. C'eft le cas de M.
Jcrémie , qui , gouverneurdu fort Bourbo'i ,
enfuite Nclfon , pendant vingt ans , s'ell in-
formé exaéèement de tout, comme iii rela-
tion le prouve. Il donne donc une defcrip-
tion des lacs qui fe trouvent vers la même
latitude, leur étendue & leur diftance en-
tr'eLix & du fort Bourbon. Le premier dont
il parle eiè le lac des Forts , de cent lieues de
circonférence , & à cent cinquante lieues du
tortBourlion. A trois cents lieues delà & au
nord-oueil il place le Michinipi de fix cents
lieues de tour. Il dit que la rivière de Bour-
bon entre dans le lac des Forts depuis le lac
Anifquaonijamon , ou la jonftion des deux
mers , ditlaiit du lac des Forts d'environ deux
cents lieues. Il ajoute que c'eil le pays des
Chriftinaux , & qu'à l'oueft habitent les Af-
finipoe's qui occupent tout ce pays. Il dit que
cent lieues plus loin il y a un autre lac
nommé Onin.ipigcnckin ou l'a petite mer. On
voit donc qu'd les diinngiie tous , & qu'il
aflî^^nc à chacun fa place bien éloignée l'une
de l'autre.
2°. Dans toutes les anciennes cartes qui
ont précédé cette relation, on a placé les lacs
des AJjinipQcls & des Chrillinaux , quoique
Ibuvent d'une manière indéterminée : les uns
les ont inis à la même latitude à peu de dif-
tance ■■, d'autres ont placé le premier au nord-
oueft de l'autre^ ce qui eft conforme à la rela-
tion de M. Jérémie. On ne connoilfoir point
alors les noms de Michinipi ôc âiAnifquao-
nigamon : on leur donnoit les noms des peu-
ples qui habitent leurs environs : ce qui eft
encore conforme à la relation de M. Jéré-
mie. Les Chriftinaux demeurent près de ce-
lui-ci , &cles Aj/inipoe/s vers Koueftjufque
vers le Michinipi.
3°. Cette relation a été donnée par les
làuvagcs qui , habitant des pays à la même
latitude , pouvoient & dcvoicnt coiuioître
A S S
exaftement toutes ces confées , & depuis
que les François ont abandonné la baie de
Huùfon aux y'mglois , ils n'ont pu continuer
leurs recherches ^ ce qui ne fauroit fuffire
pour rejeter & abandonner des relations
aufPi authentiques. Par contre , les lacs Te-
camamionen , Minutie , le lac aux Biches ,
celui des Prairies , &c. ont été reconnus de-
puis la Canada. Doit-on être ftirpris, fi ou
n'y a pu avoir connoilfaiice du Michinipi ,
qui eft éloigné du Fort-Dauphin fur l'Oni-
nipigon , feLu M. Buache , de plus de deux
cents lieues , puifque les François n'ont pas
pénétré plus loin.
On recommence aujourd'hui à le placer
fiir les cartes. Son exiftence ne paroît plus
douteufe ^ on veut même le faire fervir au
paifage par le nord, f'cyei PASSAGE PAR
LE NORD. {£)
ASSINOYS ou CONIS , f. m. pi. fau-
vages qui habitent entre le Mexique & la
Louifiane , vers le 32* degré de latitude
feptentrionaîc.
ASSIS , adj. lê dit , en manège , du che-
val & du cavalier. Celui-ci elt bien ou mal
aj/is dans la felle ■■, & le cheval eft bien ajjis
fur les hanches , lorfque dans fes airs au
manège , & même au galop ordinaire , là
croupe eft plus bafle que les épaules.
Assis , en terme Je blafon , fe dit de tous
les animaux domeftiques qui font far leur
cul , comme les chiens , les chats , écureuils
& autres.
Brachet à Orléans , de gueules au chien
braqué , û/'/.r d'argent. {V)
ASSISE , terme de droit , formé du latin
affideo , s'alfeoir auprès ; c'eft une féance de
juges alfemblés pour entendre & juger des
caufes. Voyci Juge ou Justice , &c.
AJJife fe prenoit anciennement pour une
féance extraordinaire que des juges fupé-
rieurs tenoient dans des fieges inférieurs
& dépendans de leur jurifdiétion , pour
voir fi les officiers fubaltcrnes s'acquittoient
de leur devoir , pour recevoir les plaintes
qu'on faifoit contre eux , & pour prendre
connoilfance des appels que l'on faifoit de
ces jurildidUons fiibalternes. ^'oyc-j; Appel. ,
&c. En ce fens ajfife ne fe dit qu'au pluriel:
il fe tient encore dans quelques jurifdidions
par les juges fupéricurs des IciUices qui font
un relie de cet anciea iifage.
AJPft
A s s
'ytjjife étoît aufîi iiiic cour OU a(tc*îiblcc àc
ïèi,:J:ncurs qui tcnoiciu un rang coiifldérable
dans l'état : elle fe tcnoit pour Torclinairc
dans le palais du prince , pour juger en der-
nier relîbrt des affaires de conféqucnce. L'au-
torité de ces ajjîfes a été traiiiportée à nos
parlemens. l-'^oyci Cour , Parlement.
Les écrivains appellent ordinairement ces
ajjîfes , placita , mal /a publica , ou ciiri.r géné-
rales ; cependant il y a quelque diiTcreucc
entre ajfife & placita. Lei vicomtes qui n'é-
toicnt originairement que lieutcnans des
comtes , & qui rendoient juitice en leur
place, tenoicnt deux elpcccs de cour^ l'une
ordinaire qui fê tcnoit tous les jours , &
qu'on appeiloit /)/<7(r/>i//72 5 l'aulrc cxtraordi-
n aire appcllée ajl'tje ou placicum générale , à
laquelle le comte aliifioit en perlbiuie pour
l'expédition des affaires les plus importantes.
Voyei Comte , Vicomte.
De-là le mot <ïa[fife s'étendit à tous les
grands jours de judicature , où il devoir y
avoir des jugemens & des caufes foleinnel-
les & extraordinaires.
La conftitution des ajjlfes d'Angleterre
efi: afîèz différente de celles dont on vient
de parler. On peut les définir une cour ,
un endroit , un temps où des juges & des
jurés examinent , décident , expédient des
ordres.
Il y a en Angleterre deux efpeces A'ajfifes ,
des générales & des particulières. Les aj/ifes
générales font celles que les juges tiennent
deux fois par an dans les différentes tour-
nées de leur département.
Mylord Bacon a expliqué ou développé
la nature de ces ajfifes. Il oblcrve que tou-
tes les comtés du royaume font divilées en
lîx départemens ou circuits :, deux jurifcon-
lijltes nommés par le roi , dont ils ont une
commiiTion , font obligés d'aller deux fois
l'année par toute l'étendue de chacun de
ces départemens : on appelle ces jurifoon-
fiiltes juges ifajjife ; ils ont différentes com-
miiîîons , fuivant lefqvielles ils tiennent leurs
fëances.
1°. Une conimillion d'entendre & de
juger, qui leur ei\ adreffée , & à plulieurs
autres dont on fait le plus de cas dans leurs
départemens refpectlfs. Cette commi/Tîon
leur donne le pou\'oir de traiter ou de con-
Boître de trahifous , de meurtres,, de félonies,
Tome III.
A S S Sc)j
& d'autres crimes ou irralverfations. ^oyc^
Trahison , Félonie , &c.
Leur féconde commi/Tîon confifte dans
le pouvoir de viiider les prifons , en exécu-
tant les coupables ^ élargllfaiit les innocens :
par cette comiTiiOion ils j^euvent diipofor
de tout prifounier pour quelque offcnfe que
ce foit. •
La troificme commifllon leur eft adref-
lée , pour i^reudre ou recevoir des titres c'e
pofléfliqn , appellécs auffi aj//fes j & pour
faire là-deffus droit & juftice.
Ils ont droit d'obliger les juges de paix
qui font fur les lieux , à afiifler aux ajpfes ,
à peine d'amende.
Cet établillênient de juges ambnlansdans
les départemens , commença au temps de
Henri II, quoiqu'un peu différent de ce qu'il
eft à préicnt.
h'aj/îfe particulière eft une commiffon
fpéciale , accordée à certaines perfonnes ,
pour connoitre de quelques caufës , une ou
deux ^ comme des cas où il s'agit de l'ufiir-
pation des biens , ou de quelqu'autre chofe
iémblable : cela étoit pratiqué fréquemment
par les anciens Anglois. Bradton , liv. III ,
c. xij.
Assise , f. f. c'eft , en arckiieclure , un rang
de pierre de même hauteur , foit de ni-
veau , foit rampant , foit continu , foit inter-
rompu par les ouvertures des portes & des
croifées.
AJfife de pierre dure , eft celle qui k met
fiir les fondations d'un mur de maçoinierie,
où il n'en faut qu'une , deux ou trois , julqu'à
hauteur de retraite.
AJfife de parpain , eft celle dont les pier-
res traverfont l'épaiJfeur d'un nnir , comme
les ajftfes qu'on met fur les murs d'échifre ,
les cloifcns, &c. {P)
Assise , c'eft , che\ les marchands bonne-
tiers Ù les fabricans de bas au métier ., la foie
qu'on étend fur les aiguilles, &qui forme
dans le travail les mailles du bas. L'art. 2,
du règlement du mois de février 1671 ,
permit aux maîtres bonnetiers de faire des
bas à quatre brins de trame pour \ajjife :
mais les abus qui s'en enfiiivircnt, donnèrent
lieu à la réformation de cet article 5 & l'ar-
ticle 4 de l'arrêt du confeil du 30 mars 17CO ,
ordonna que les foies préparées pour les ou-
vrages de bonneterie , ne pourront avoir
Qqqq
^5)8 ASS
moins de huit brins. Voye^ t article SoiE 6"
• MOULÏKAGF, DE SOIE.
Assise , ville d'Italie, clans l'état de l'é-
glifc , au ducIiQ de Spclete : on y remarque
régliiê de iaint François , qui eft à trois
étages. Long, ^o, 12 ; lut. .".3 , 4.
ASSISTAÎMT , adj. pris fubfl. ( Hifl. mod. )
pcrfonne nommée pour aiderun officier prin-
cipal dans l'exercice de fes foniiions. Ainli
en Angleterre , un évêque ou prêtre a fept
ou huit ajpfians.
Afflflant , fe dit principalement d'une ef-
pece de coaTcillers qui font immédiatement
an delfous des généraux ou fiipérieurs des
jnonafteres , & qui prennent ioin des affai-
res de la communauté. Dans la congréga-
tion de faint Lazare , cîiaque maifon parti-
culière a un fupéricur & un ajjijlant. Le
général des jéfuites a zmqajfiftans, qui doi-
vent être des gens d'une expérience confom.-
mée , choifis dans toutes les provinces de
Tordre; ils prennent leur nom des royaumes
eu pays qui font de leur reiFort •■, favoir ,
l'Italie , l'Èfpagne , l'Allemagne , la France ,
& le Portugal. V. Général , Jésuites.
Plufieurs compagnies de négocians en
Angleterre ont aulTi leurs ajjrjlans.
On appelle encore ajjîftans ceux qui font
condamnés à affitier à l'exécution d'un cri-
minel. Voyei Absolution. (G )
Assista N s , adj. pris fubll. s'eft dit au
palais des deux anciens avocats qui étoient
obligés de fo trouver à l'audience , pour aflif-
îer Iciu" confrère, demandeur en requête
civile , au nom de fa partie. Cet ufage a
été abrogé par l'ordonnance de 1 667 , qui
veut feulement qu'aux lettres de requête ci-
vile foit attachée la confultation des deux
anciens avocats & de celui qui aura fait le
rapport •■, qu'elle contienne fommairement
les ouvertures de requête civile, & que les
noms des avocats & les ouvertures foienf
inférés dans les lettres. ( A )
ASSISTER, aider , fecourir. {Gramm.)
On ftcaurt dans le danger;, on aide ànns la
peine j on aJ/J/le dans le befoin. Le fecours
eft de la générofité ■■, laide , de l'iuunanité ■-,
Vajfiflance ■) de laconimifération. On fecoun
dans un combat ; on aiJt à porter un far-
deau ; on affijie les pauvres. Synon. franc.
ASSO , petite ville de la Mingrélle , que
juel^ues-uiis preimeut pour i'aiKieuiic viUe
A SS
de Colchidc , qu'on appelloit Surium , Sa-
rum , 6' Archeapolis.
ASSOCIATION, f. f. eftl'aftion d'at
focier ou de former une fociété ou compagnie.
V. Associé, Société, Compagnie, (^c.
Association , eft proprement un con-
trat ou traité , par lequel deux ou plufieurj
perfonnes s'uniSfent enlèmble , foit pour s'af-
fifter mutuellement , foit pour fuivre mieux
une affaire , foit enfin pour vivre plus com-
modément. La plus ftable de toutes les ajfo-
ciations eft celle qui ie fait par le mariage.
Association d'idées , c'eft quand deux
ou plufieurs idées fe fuivent & s'accompa-
gnent conftamment & immédiatement dans
i'efprit , de manière que l'une faffe naître
infailliblement l'autre , foit qu'il y ait entr 'el-
les une relation naturelle ou non. Voyt[
Idée , Difformité.
Quand il y a entre les idées une connexion
& une relation naturelle , c'eft la marque
d'un efprit excellent que de favoir les re-
cueillir , les comparer & les ranger dans
l'ordre qui leur convient pour s'éclairer dans
fes recherches : mais quand il n'y a point
de liaifon entr'elles , ni de motif pour les
joindre, & qu'on ne les unit que par acci-
dent ou par habitude ; cette ajfociation non
naturelle eft un grand défaut , & elle eft ,
généralement parlant , une fource d'erreurs
& de mauvais raifonnemens. V. Erreur.
Ainfi l'idée des revenans & des efprits n'a
pas réellement plus de rapport à l'idée des
ténèbres que celle de la lumière : cependant
il eft ii ordinaire de joindre les idées de
revenans & de ténèbres dans I'efprit des en-
fans , qu'il leur eft quelquefois impoffible de
féparer ces idées tout le refte de leur vie ,
& que la nuit & l'obfcurité leur inl'pirent
prefque toujours des idées effrayantes. De
même , on accoutume les enfans à joindre
à l'idée de Dieu une idée de forme &: de
figure , & par-là on doinie nailfiuice à tou-
tes les abfiirdités qu'ils n^élent à l'idée de la
divinité.
Ces fauftès cc-mbinaifons d'idées font ^
caufe , félon M. Locke , de roppofition
irréconciliidjle qui eli entre les diliérentes
ferles de philolophie & de religion \ car on
ne peut raifoniwblement llipiwlér, que tant
de gens qui foutienncnt des opinions diffc-
reutes j & quelîiiLcl'ois couuailitbircs ks
ASS
unes aux autres , s'en iinpofèiit h eux-inâ-
incs volontairement ?< de gaieté de creur ,
8c fc rcfufcnt à la vérité : mais l 'éducation ,
la coutume , & refprit de parti , ont telle-
jnent joint cnfcmblc dans leur efprit des
idées difjiarares , que ces idées leur paroif-
fcnt étroitement unies ■■, & que n'étant pas
maîtres de les féparcr , ils n'en font pour
ainfi dire qu'une feule idée. Cette prévcii-
tion eft caufê qu'ils attachent du fens à un
jargon, qu'ils prennent des abfurdités pour
des démonllrations ^ enfin elle efl la fburce
des plus grandes & prefque de toutes les
erreurs dont le monde çll infedté. {X )
Association , terme de droit Anglais ,
cft une patente que le roi envoie , foit de
ibn propre mouvement , foit à la requête
d'un complaignant , aux juçes d'une aflife ,
pour leur affocier d'autres peribnnes dans le
jugement d'un procès. Voy. Assise.
A la patente ^ajfociation , le roi joint lui
écrit qu'il adrefle aux juges de l'affife par
lequel il leur ordonne d'admettre ceux qu'il
leur indique.
Association , en droit commun , eft
l'agrégation de plufieurs perfbnnes en une
même fbciété , fbus la condition exprcife
d'en partager les charges & les avantages.
Chacun des membres de la fociété s'appelle
ajfocié. Voy. AsSOCIÉ & SociÉTÉ. (H )
Association ou PORTUGA , île de
TAmcrique feptentrionale , à quatorze mil-
les de la Marguerite vers l'occident.
ASSOCIÉ , adjoint \ qui fait membre ou
partie de quelque chofe. Koyrj Adjoint ,
Association.
Ce mot eft compofé des mots latins ad
& focius , membre , coînpagnon : ainfi on
dit les ajfociés du dodeur Bray , pour la con-
rerfion des Nègres , 6"^.
Associé , en terme de commerce , eft ce-
lui qui fait une partie des fonds avec les au-
tres commerçans , & qui partage avec eux
le gain , ou fouffre la perte au prorata de
ce qu'd a mis dans la fociété. (G)
ASSOLER, (Agriculture.) lignifie par-
tager les terres labourables d'une métairie
pour les fe:ner divcrfemcnt , ou les lailFer
repolcr , quand on en veut faire une rai-
fonnablc exploitation : en laplupartdes lieux
eu piu-tage les terres en U'ois fols j l'un fe
ASS €^^
lèmc en froment, l'autre en menus grains,
& le troifiome reftc en jachère. ( H )
ASSOMPTION , f. f. ( Tktol. ) du latin
affumptio , dérivé A'ajfiimcre , prenilre , en-
lever. Ce mot fignifioit autrefois en général
le jour de la mort d'un iii\nl,i]uia ejus anima,
in ccelum ajfumiiur. Voyci y'VNNIVERSAIRE,
Ajfomption , fè dit aujourd'hui piu-ticulié-
rement dans l'églile Romaine , d'une fête
folemnelle qu'on y célèbre tous les ans le ij
d'août , pour honorer la mort , la rélùrrec-
tion , & l'entrée triomphante de la fainte
Vierge dans le ciel. Elle eft encore particu-
lièrement remarquable en France depuis
l'année 1638 , que le roi Louis XIII choi-
fit ce jour pour mettre là perlbnne & fort
royaume fous la proteftion de la Ste. Vierge }
vœu qui a été renouvelle en 1738 par
Louis XV.
Cette fête (è célèbre avec beaucoup de
folemnité dans les églilês d'Orient, aulTi-bic!»
que dans celles d'Occident : cependant Yaf-
Jbmption corporelle de la Vierge n'eft point
un article de foi, puifque l'églife ne l'a pas
décidé , & que plufieurs anciens & moder-
nes en ont douté. Il eft fur que les pères de«
quatre preiniers fiecles n'ont rien écrit de
précis fiir cette inatiere. Ulùard, qui vivoit
dans le neuvième fiecle , dit dans fon mar-
tyrologe , que le corps de la lainte Vierge
ne fe trouvant point lîir la terre , l'églife ,
qui eft fage en fes jiigemens, a mieux aimé
ignorer avec piété ce que la divine Provi-
dence en a fait , que d'avancer rien d'apo-
cry])he ou de mal fondé fur ce fujèt : plus
elegit fobrictas Ecclejiac cum picare nefcire f
quam aliquid frivolum £> apocryphum inde
tenendo docere ; paroles qui fe trouvent en-
core dans le martyrologe d'Adon , & dans
[ilufieurs autres qui n'appellent point cette
fête ïajfomption de la fainte Vierge , mais
feulement fon fommeil , dormitio , c'eft-à-
dire la fête de fa mort ; nom que lui ont auflî
donné les Grecs , qui l'ont défignée tantôt
par fj.iiaçainf , trépas ou pajjage , & tantôt
par x^'it^Mo^t y fommeil ou repos.
Néaninoins, la créance conunune de l'é-
glife eft que la fainte Vierge eft rcfTufcitée,
& qu'elle eft dans le ciel en corps & en
ame. La plupart des pères Grecs & Latins
qui ont écrit depuis le iVe iîecle font de ce
fèutimcat , Se k cardinal Barouius dit qu'ott
9qqq i
•^oo A s s ,
ne pourroit fans témérité
traire. C'eft au.Ti le fentimeiit de la faculté
de tliéologie de Paris , qui en condamnant
le livre de Marie d'Agreda en 1697 , dcclaia
entr'autres chofes , qu'elle croyoit que la
lainte Vierge avoit été enlevée dans le ciel
en corps & en ame. Ce qu'on peut recueil-
lir de plus certain de la tradition depuis le
IX^ fiecle , c'ert que parmi les ornemens des
églifes de Rome fous le pape Pafchal , qui
mourut en 814 , il cd fait mention de deux ,
oîi étoit repréfcntée Yaffomption de la fainte
Vierge en Ion corps \ ce qui montre qu'on
la croyoit dès-lors à Rome. Il eft parlé de
cette fête dans les capitulaircs de Cliarle-
magne & dans les décrets du concile de
Mayence tenu en 813. Le pape Léon IV
qui inoiinit en 855 , inftitua l'oÛave de
Yaffomption sle la famte Vierge , qui ne fe
célébroit point encore à Rome. En Grèce
cette fête a commencé beaucoup plutôt ,
fous l'empire de Jurtinien , félon quelques-
inis •■, & félon d'autres , fous celui de Mau-
rice , contemporain du pape S. Grégoire le
grand. André de Crète fur la fin du Vll^ fie-
cle , témoigne pourtant qu'elle n'étoit éta-
blie qu'en peu d'endroits : mais au xil* elle
le fut dans tout l'empire , par une loi de
l'empereur Manuel Comnene. Elle l'étoit
alors également en Occident , com.me il
paroit par l'épitre 174 de S. Bernard aux
chanoines de Lyon ^ & par la créance com-
mune des églifes qui fùivoient l'opinion de
ïajfomption corporelle, comme unfeutiment
pieux , quoiqu'il n'eût pas été décidé par
î'églifè univerfèlle. Manyrol. ancien. Tille-
mont,^//?, eccléfiajl. Fleury , hij}, eccU'f. tom.
VIII , Baillet, vies des Saints. (G)
Assomption ( Isle de l' ; , ou Anti-
COSTi , ( Geog.) île de l'Amérique fèpten-
trionale , dans le golfe de St. Laurent. Elle
eft pleine d.e forets , & le fol y efl aride &
ftérile. Elle appartient aujourd'hui aux An-
glois à qui les François l'ont cédée avec le
Canada à la dernière pmK. Long. 316 j iat.
49 , 30. (C.^.)
Assomption , ville de l'Amérique méri-
dionale , dans le Paraguai propre , fur la
liiierc de Paraguai. Lo/ig. 313, 40 j /ar.
lin ri i. 25 , 30.
ASSON , ( Géogr. anc. ) Voyei ASSOS.
ASSON AH ou AssON A , f. m. {Hijl. moJ.)
A S S '
fTurci: le con- 1 c'eft le livre des Turcs qui contient leurs
traditions. Ce mot cit arabe ^ il fignifie
pannilesmahométaus, ce que fignifie mifim
parmi les juifs. Sonna veut dire une féconde
loi , & fl.t eft l'article de ce mot. L'alcoran
eft l'écriture des mahom.étans , & \afonna
ou l'ajfona contient leurs traditions. Nos au-
teurs appellent ordinairement ce livre-là
Zufe ou Sonne. Ricault , de f empire, ouorn.
Voyei Sonna. (G)
ASSONANCE , i. f. terme ufité en rhé-
tori,]ue & dans la poétique , pour fignifier la
propriété qu'ont certains mots de fe terminer
par le même fou , fans néanmoins faire C2
que nous appelions proprement rime, Voy..
Rime.
\JaJfonance.f qui eft ordinairement un dé-
faut dans la langue angloife , & que les bons,
écrivams françois ont foin d'éviter en profe^
formoit une efpece d'agrément & d'élégance
dans la langue latine , comme dans ces.
membres de phrafe , militem comparavit ,,
exerciium ordinavit , aciem luftravit.
Les Latins appelloient ces fortes de chûtes:
fimilitcr dejinentia ,. & leurs rhéteurs en ont
fait une figure de mots. Les Grecs ont auffî.
connu &; employé les affbnances fous le titra
à^QixoiojÎKivTo.. V. HOMOIOTÉLEUTON. ( G )
Assonance , fubft. fém. ( Muftque. )
mot hors d'ufage qui fignifie confoiinance..
( F. D. C. )
ASSORTIMENT , f. m. termes de pein-
tre , qui défigne proportion & convenance
entre les parties. Un bel ajfoniment. Ces
choies font bien ajforties.
On dit encore a-ffortiment de couleur y
pour peindre , & l'on ne s'en fert même
guère que dans ce cas. \J a£ortiment eft corn-
pofé de toutes les couleurs qu'on emploie en
peinture. {K\
ASSORTIR, f/! terme de plumaffter y c'eft:
choifir les plumes de même grandeur , &.
les aifembler avec des couleius convenable?^
Assortir, en terme de Haras y c'eft don-
ner à un étalon la jument qui lui con-
vient le mieux , tant par rapport à la figure:
que par rapport aux qualités. On amortit la
jument à l'étalon bien ou mal. ( V )
ASSORUS , ( Géogr. anc. & mod.) ville
de Sicile , entre Enna & Arg)rium. Ce n'eft
aujourd'hui qu'un petit bourg appelle Ajaroj
il eft baigné par le Chryfas.
A s s
. Il y avoit encore en Macédoine , proche la
rivière d'F.chédore , une ville de même nom.
ASSOS , (Ge'ogr. anc.) ville maritime de
Lycic , iiiT un promontoire fort clc\c. Autre
ville de même nom dans TEolidc. 11 y en
avoit une troilieme en Myiîe. C'eft de la pre-
mière donton a dit , Aj/bn eas , ut citius , ad
cxitii icnninos cas.
* ASSOUPISSEMENT , T. m. ( Méd. )
état de l'animal , dans lequel les avions \o-
lontaires de Ton corps ik de fon ame pa-
roilTent éteintes , & ne font que fu/jjendues.
Il faut en diftinguer particulièrement de deux
efpcccs : l'un qui ell naturel & qui ne pro-
vient d'aucune indifpolition , & qu'on peut
rej.'irder comme le commencement du Ibm-
nieil ; il eft occafioné par la fatigue , le
grand chaud , la pefantcur de l'atmofphere ,
& autres caufes (èmblablcs: l'autre qui naît
de quelque dérangement ou vice de la ma-
chine , & qu'il faut attribuer à toutes les
caufès qui empêchent les efprits de fluer &
refluer librement , & en aifez grande quan-
tité , de la moelle du cerveau par les nerfs
aux organes des iëns f, & àss mufcles qui
obéiflent à la volonté de ces organes , à l'o-
rigine de ces nerfs dans la moelle du cer-
veau. Ces caufes font en grand nombre ; mais
on peut les rapporter i ". à la pléthore. Le fang
des pléthoriques fe raréfie en été. Il étend les
vaiilcaux déjà fort tendus par eux-mêmes ^
tout le corps réfifte à cet effort , excepté le
cerveau & le cervelet , oi'i toute l'action eft
employée à le comprimer ^ d'oùil s'enfuit a/^
yb^/i /^/72frtf& apoplexie^ i^.àl'obftruftion;
3°. à l'efflu'îon des humeurs :, 4°. à la compref-
Con ; 5". à l'inflammation : 6°. à la fuiipura-
tion; 7°. à la gangrené ; 8°. à Finaiftion des
■ vailTeaux j 9°. à leur aftailfement produit par
l'uianition^ 10°. àl'ufagede l'opium & des
narcotiques. L'opium produit fon effet lorf-
qu'ilell encore dans l'eitomac; unchicnàqui
on en avoit fait avaler , fut diiféqué, & on
le lui trouva dans l'eltomac : il n'a donc pas
befbinpour agir d'avoir paffé par les veines
laftées ; II", à l'ufage des aromates. Les
droguiftes difent qu'ils tombent dans \aJJou-
pijfcment y quand ils ouvrent les caillés qu'on
leur envoie des Indes , pleines d'aromates ;
li". aux matières (piritucules , fermentées,
& trop appliquées aux narines : celui qui
fiidrcra long-temps du viii violent , s'cui\Tera
A S S 7ot-
& sajfovpira ; i3". aux mêmes matières in-
térieurement prifes;, 14°. à des alimens durs,
gras , prisLVJC excès , & qui s'arrêtent long-
temps dans l'eftomac. On trouvera aux dif-
féreus articles de maladies où Xajfoupijiment
a lieu , les remèdes qui conviennent.
On lit dans les mémoires de l'académie des
fciences , l'hifloire d'un ajfoupijfcmcnt ex-
traordinaire. Un hommcde45 ans, d'un tem-
jiérament fcc & robnfte , à la nouvelle de la
mort inopniéc d'un homme avec lequel il
s'ctoit querellé, feprofternale vifage contre
terre, & perdit le fcntiraentpeu à peu. Le i6
avril 17 15 on le porta à h; Charité , où il de-
meura refjîace de quatre mois entiers. Les
deux premiers mois il ne donna aucune mar-
que de mouveinent ni de lentiment volon-
taire. Ses yeux furent fermés nuit & jour : il
remuoit feulement les paupières. Il avoit la
refpiration libre & aifée ;, le pouls petit &
lent , mais égal. Ses bras refioient dans la
fituation où on les inettoit. Il n'en étoit pas
de même du relie du corps , il falloir le fou-
tenir pour faire avaler à cet homme quel-
ques cuillerées de vin pur ; ce fut pendant
ces quatre mois fa feule nourriture : auflî
devint-il maigre , Ibc & décharné. On fit
tous les remèdes imaginables pour diiTiper
cette léthargie ■■, faignées , émétique , pur-
gatifs , vélicatoires , fangfues , &c. & l'on
n'en obtint d'autre effet que celui de le ré-
\eiller pour ini jour au bout duquel il re-
tomba dans fon état. Pendant les deux pre-
miers mois il donna quelques lignes de vie.
Quand on avoit difléré à le purger , il fe
plaignoit, & ferroit les mains de fa femme.
Dès ce temps il commença à ne plus fe gâter;
il avoit l'attention machinale de s'avancerau
bord du lit où l'on avoit placé une toile
cirée. Il bûvoit, mangeoit , prenoit des
bouillons , du potage , de la viande , & fur-
tout du vin , qu'il ne cefî'a pas d'aimer pen-
dant fa maladie , comme il faif'oit en famé.
Jamais il ne découvrit lès befohis par aucun
figne. Aux heures de fes repas on lui paflbit
le doigt fur les lèvres i, il ouvroit la bouche
fans ouvrir les yeux , avaloit ce qu'on lui
préfèutoit, fe remcttoit & attcndoit patiem-
ment un nouveau figne. On le rafcit régu-
lièrement, pendant celte opération il reftoit
innnobile connue un mort. Le levoiî - ou
après dmer , on le trouvoit d^us fa cl;aiie
70Z A S S
les yeux fermés , comme on IV avolt mis.
Huit jours avant la fcrtiede la Charité , ou
s'avifa de le jeter brufqucinent dans un hiiin
d'eau froide ^ ce remède le furprit en eftst ,
il ouvrit les yeux, regarda fixement, ne
parla point. Dans cet état fa femme le fit
tranfporter chez elle, où il eft préfentement,
dit l'auteur du mémoire. On ne lui fait point
de remède ; il parle d'allbz bon fens , & il
revient de jour en jour. Ce fait eft extraor-
dinaire : le fuivant ne l'eft pas moins.
M. Homberg lut en 1707 à l'académie
l'extrait d'une lettre hollandoifè imprimée à
Genève , qui contenoit l'hiftoire d'un a/fou-
pijfement caufé par le chagrin , & précédé
d'une affèélion mélancolique de trois mois.
Le donneur hollandois l'emporte lur celui
de Paris ; il dormit lix mois de fuite fans
domier aucune marque de fentimcnt ni de
mouvement volontaire. Au bout de 1;:< mois
il le réveilla , s'entretint avec tont le monde
pendant vingt-quatre heures, &fê rendormit:
peut-être dort-il encore. J^oy. Sommeil.
ASSOUPLIR un cheval, (en Manège. )
c eft lui faire plier le cou , les épaules , les
côtés 8i autres parties du corps à force de le
manier , de le faire trotter & galoper. Chc-
v<il ajfoupli , ou rendu fouple. La rêr.e de
dedans du caveçon attachée courte au pom-
meau ,eft très-utile pomtiffhup/ir les épaules
au cheval. Il faut aider de la rêne du dehors
pour alfbuplir les épaules. On dit , ce pli
ajfouplit extraordinairement le couace cheval.
Affouplir & rendre léger eft le fondement du
manège. Quand un cheval a le cou & les
épaules roides , 8c n'a point de mouvement
à la jambe , il faut elfaycr de Vaffouplirzvsc
un caveçon à la Ncwkallhle , le trotter Sfle
galoper de telle forte qu'on le mette fouvent
ùu trot au galop. ( V )
ASSUÉRUS , ( WJl. des Juifs. ) roi de
Pcrfe , qui époufa une Juive nommée
Elther , parente de Mardochée , après avoir
répudié Vafthi ; il eft toujours nommé Ar-
taxerxès dans le grec du livre d'Efther ,
quoique l'iiébrcu & la vulgate lui donnent
le nom iXAjfuérus. Mais quel eft cet Ajjuérus\
eft-cc Darius , fils d'Hyllalpe ■■, eft-ce Arta-
xcrxès Longue-main? eft-cc Cambyfc ? Les
fentimens des favans font panagés fiir ce
point , & l'on peut conliiiter là-deffiis les
diâeroH« i;oinmcutateurs de l'écr iturc-iàÏHtet
A S S
ASSUJETTIR un mit oa çuelqu autre
pièce de bois , c'eft l'arrêter de façon qu'ellu
n'ait plus aucun mouvem.ent. (Z)
Assujettir la croupe d'un cheval , & lui
élargir le devant. Avec la rêne de dedans 8c
la jambe de dehors on affujenit la croupe ■,
&c mettre la jambe intérieure de derrière à
l'extérieure de derrière , étrecit le cheval Se
l'élargit pardcvant. Afflijettir le derrière du
c\\c\'d\.
ASSUR , ( Hijl. anc. ) fîls de Sem , quitta
le pays de Sennaar, forcé, par l'ufurpateur
Nembrod , d'aller plus haut vers les fources
du Tigre , où il s'arrêta , bâtit la fameufe
ville de Ninive , & jeta audi les premiers
; fondemens de l'empire d'Ailyrie auquel il
donna fou nom. Les auteurs font partagés
pour favoir quel étoit Affur, Les uns le
regardent conuiie le fondateur de l'empire
d'Ailyrie ; d'autres prétendent que ce nom
déiignc une vaile contrée , qui , dans la
fuite , envahit la domination des peuples
voifins, Les didérentes interprétations font
également fondées fur ce texte de l'écriture,
où il eil: dit , de terra ilhi egrejfus eft Affur &
edificavit Ninivem ; chacun donne à ce paf-
fageune interprétation arbitraire, que î'am-
biguité de la conftruécion favorife. Les uns
rapportent ces paroles à Nembrod , qui
fortant de la Chaldée fe répandit dans la
contrée nommée AJfur ou AJfyrie. D'autres
prétendent quAj/Mr, fils de Sem , ne jX)u-
vant plier fa fierté fous l'obéiflance d'un maî-
tre , fe retira de Babylone , & fut chercher
une nouvelle patrie ; un peuple de mécontens
s'afîbcia à fes defiinées , <k le nombre dut
être grand , fi l'on confidere que des hom-
mes nés dans l'indépendance , font prêts àr
tout facrifier , plutôt qu'à fe courber fous
le joug : il n'y a que l'éducation qui puiife
familiiirifer avec la honte de la lêrvitude-
Affur , devenu chef de fes émigrans , re-
monta vers les fources du Tigre , où il donna
fon nom à la contrée, qui depuis fiit connue
fous le nom à'AJfyrit , il y jeta les fonde-
mens d'une ville qui , quelque temps après ,
devint la capitale d'un Horilfant empire :
cette opinion eft la plus probable & la plus
fuivie.
Jl ne patoît pas qu Affur , chef de ce peu-
ple fugitif, ait jamais été revêtu du pouvoir
r«prwn<?, aù»â i'o» a turc d'appcaevoir «t
A s s
lui la fource delà royauté. Ceux qiii avoicnt
fiiivi fa deftiîicc , n';ivoient cjuitté les lieux
cle leur naiiîknce , que pour fe fouftrairc à
la domination d'un m;iitrc. lisavciotrefufé
de fc courber fous le jousf de Ncnibrod ,
il e(l abfurdc de penicr qu'ils fc fulfent ilé-
f'ouillésde la nobleii'c de leurs inclinations ,
en changeant tic climat ; on fait que dans
CCS temps voi'ins de lenfance du monde ,
la liberté étoit le plus précieux dos trélbrs.
De plus , il ne nous reltc aucun monument
liiltorique qui attelle qu^iffur ait eu des
lliccefîèurs ^ & ce n'elt qu'en l'an 543 qu'on
Aoit un guerrier élever f;i tyrannie dans
Kinive. Il eft donc probable que le gouver-
nement d'autonomie ou de pleine liberté
fut le privilège de cette fôciété naiii'aiite 5
chaque famille ou chaque tribu iè gouver-
noit p:u- fes moeurs & iësufages;, il fuliiibit
qu'il y eût des juges pour décider les diiîé-
Tens qui pouvoient naître entre les dLTérens
cantons : il n'y avoit point encore des rois à
Ninive du temps de Loth & d'Abraham ,
& il paroît que les chanips n'a\'oient point
de poirefTeurs privilégiés. ( T-n. )
ASSURANCE coUatéraU , dans la jurif-
prudence angloife , cft un a£le accelfoire &
relatif à un autre , dajis lequel on liipuie
exprelîemient une claufc qui étcitceniéc con-
tenue au premier , pour en affurer d'autant
plus l'exécution. C'eft une elpcce de £ipplé-
inenî d'acie.
Assurance , en droit commun , cil la
sûreté que donne un emprunteur à celui qui
lui a prêté une fom.me d'argent , pour lui
répondre du recouvrement d'icelle , comme
gage , hypothèque ou caution.
Assurance , oupolke cïajfurance , terme
de commerce de mer ; c'cil un contrat de con-
vention par lequel un particulier , que l'on
iippelle affïtreur, fè charge des rilques d'une
négociation maritime , en s'obligeant aux
pertes & dommages qui peuvent aniver fur
mer à un vailfeau ou aux niarchandifes de
ibu chargement pendant ibn voyage , fbit
par tempêtes , naufrages , échouement ,
abordage , changement de route , de voyage
ou de vailfeau ^ jet en mer , feu , priie ,
pillage , arrêt de prince , déclaration de
guerre, repréfàilles, & généralement toutes
fortes de fortiuies de mer , moyennant une
c«ruiiie fomme de fcpt , huit , dix pour
A S S 703
cent, plus ou moii^s , félon le ri/quc qu'il y
a à courir -, lafjuellc fomnic doit être payée
comptant à l'afîiireur par les affurcs , en
(igiiaîiî la police d'iiU'urance.
Cette fbmmc s'appelle ordinairement
prime ou ccût d\i(furance, Voyc\ Prime.
Les polices d^a£urance font ordinairement
drefîées par le commis du grefle de la cham-
bre des ajfiuances , dans les lieux où il yen
a d'établies ; & dans ceux où il n'y en a
point, on peut les faire pardcvant notaires
on fous iignature privée. Dans les échelles
du levant les;7o//cv.r d'affurancc peinent être
palTées en la chancellerie du confulat , en
préfcnce de deux témoins.
Ces polices doivent contenir le nom & le
domicile de celui qui fè fait aflîirer, fa qua-
lité , fbit de propriétaire , fbit de commif-^
lionnaire, & les etlèts fur Icf quels Xajfuranct
doit être faite ^ de plus les noms du navire
& du maître, ceiix du lieu où lesmarchan-
difcs auront été ou de\ront erre chargées ,
du havre ou port d'où le vaiilèau devra par-
tir ou fera parti , des ports où il devra char-
ger & décharger , fie de tous ceux où il
devra entrer.
Enfin il faut y remarquer le temps ai'.qnel
les rifqucs coinmcnceront & finiront , les
femmes que l'on entend aifiirer , la prime
ou coût ^ajfurancc , la fbumiflion des piu'ties
aux arbitres , en cas de conteflation , &
généralement toutes les autres claulès dont
elles feront convenues , fl.ivant les us &
coutumiCS de la mer. Ordonnance de la ma-
rine , du mois d\iov: iCèi.
Il y a des ajfurances qu'on appelle y^crf /m
ou anonymes , qui fe font par correfpondance
chez les étrangers , même en temjis de
guerre. On met dans les polices de ces fortes
^ajfurances , qu'elles {owX pour compte a ami ,
tel qu'il puiffe être , fans nommer perfonne.
Il y a encore une autre efpecc à'cffurance
qui efl celle pour les marchandifes qui fe
voiturent & fe tranfportent par terre. Cette
forte à'ajjhrance fe fait entre l'affurcur & l'af^
furé par convention verbale & quelquefois ,
mais trcs-raremen» , fous figuaturc privée.
L'origine des ajfurances vient des juifs 3 ils
en furent les inventeurs lorfqu'ils furent chaf-
lës de France en l'aimée 1 1 8z , fous le règne
de Philippe-Augufle. Ils s'en fcrvirent alors
pour faciliter le tnuifixirî de leurs eiîets. lis
7©4 A S S
en reiiouvcllerent l'iifage en 132.1 , fous Ph!-
iippe-le-Long , qu'ils furent encore chalfés
du royaume, f^oyei le détail clans lequel
entre fur ce mot M. Savary , Diclionnaire
du Commerce , com. / , />. 753 , «S'C.
Uajjurance ne s étend pas jufqu'au profit
des marchandifcs ^ ralfureur n'en garantit
que la valeur intrinfeque , &c n'eftpas garant
des dommages qui arriveroient par la fiiute
du maître ou des matelots , ni des pertes
occafionées par le vice propre de la chofe.
Vajfurance n'a point de temps limité, elle
comprend tout celui de la courfe. Une afu-
rance par mois feroit un pade ufuraire.
J^oyqUsURE. (GH)
Assurance, f. f. ( Marine. ) coupcfaffh-
rnnce ; c'eft un coup de canon que l'on tire
iorfqu'on a arboré fon pavillon , pour alîlirer
le vaiffeau ou le port devant lequel on fc
préfente , que l'on eft véritablement de la
liation dont on porte le pavillon. Un vailfcau
peut arborer fucceflivemeiit les pavillons de
nations différentes , pour ne fe pas faire con-
noître ^ mais il ne peut pas les alfurer : un
vaiffeau ne doit jamais tirer fous un autre
pavillon que le fien. ( Z )
Assurance fedit , en Fauconnerie, cWm
oifeau qui eft hors de filière , c'cft-à-dire
qui n'cft'p'"^ attaché par le pic. Il y a deux
fortes à'ajfurances , favoir à la chambre èi.au
jardin. On affure l'oifeau au jardin , afin de
le porter aux champs.
Assura N'CE , fermeté. On dit, en terme
de chajfe , aller d'ajfurance. Le cerf va à'af-
furance , il ne court point ;; il va le pié ferré
& fans crainte.
ASSURE , f. f. terme de fabrique de tapif-
ferie de haute liffc ; c'eft le fil d'or , d'argent,
de foie ou de laine dont on couvre la chaîne
de la tapifferie ■■, ce qu'on appelle treme ou
rrame dans les manutaûures d'étoffes & de
toiles, f^oyei HaUTE LISSE.
ASSURÉ , sûr , certain , {Gramm. ) Cer-
tain a rapport à la Ipéculation^ les premiers
principes fout certains : sûr, à la pratique ■-,
les règles de notre morale font sûres : ajfuré,
aux événemens-, dans un bon gouvernement
les fortunes font ajjhrées. On eft certain d'un
point de fcience , sûr d'une maxime de mo-
rale , ajfuré d'un fait. L'efpiit jnftc ne pofe
que des principes certains. L'honnête homme
ne fe condtut qu€ par des règles sûres.
A S S
L'homme prudent ne regarde pas la faveur
des grands comme un bien affuré. Il faut
douter de tout ce qui n'eft pas certain. ; fe
méfier de tout ce qui n'eft pas sûr ; rejeter
tout fait qui n'eft pas bien aJfuré.Synom.franç.
Assuré, adj. terme de commerce de mer :
il fignifie le propriétaire d'un vaiftéau ou
des marchandifcs qui font chargées deli'us ,
du rifque deiquelles les alfareurs fe font char-
gés envers lui , moyennant le prix de la
prime d'alfurance convenue entre eux. On
dit en ce fens , un tel vaijfeau cjl ajjuré , pour
faire entendre que celui qui en eft le pro-
priétaire fa fait alfurer ; ou un tel marchand
eji ajfuré , pour dire qu'il a fait alfurer ï.<i%
marchandifès.
\J affuré court toujours rifque du dixième
des marchandifcs qu'il a chargées , à moins
que dans la police il n'y ait déclaration ex-
preffe qu'il entend faire alfurer le total.
Mais malgré cette dernière procaution , il
ne laifte pas que de courir le rilque du
dixième lorfqu'il eft lui-même dans le vaif-
feau , ou qu'il en eft le propriétaire. Ordon.
de la marine , du mois d'août 1681. (G)
Assuré des pies , {Manège) les mulets
font fi affurés des pies , que c'eft la meilleure
monture qu'on puilié avair dans les chemins
pierreux & raboteux. ( J-'')
ASSURER , affirmer , confrmer , [Gram.)
On affine par le ton dont on dit les chofes j
on les ajfirme par le ferment ; on les con-
firw.e par des preuves. Ajfurer tout , donne
l'air dogmatique \ tout affirmer , infpire de
la méfiance^ tout c-oA';/zVOTf/-, rend ennuyeux.
Le peuple qui ne fait pas douter , affure
toujours ; les menteurs peiifcnt fè faire plus
aifement croire en affirmant ; les gens qui
aiment à parler , embraifent toutes les occa-
fîons de confirmer. Un honnête liommc qui
affure , mérite d'être cru :, il perdroit fou ca- .
raélere, s il ^^Vv/io/r à l'aventure; il n'avance
rien d'extraordinaire , fans le confrmer par
de i)Oimes raifons.
Assurer , en méch. fignifie rendre /îtot^.
Assurer, terme de comm,erce de mer ; il
ib dit du trafic qui fe fait entre marchands
& iiégocians , dont les uns moyennant une
certaine fbmme d'argent , qu'on nomme
prime d'ajfurance , répondent en leur nom
des vaiiléaux , marchandii'es Se effets que
les autres expofeiit fur la mer. On peut faire
afjurer
A s s
tLjfunr la liberté des pcrfonnes , mais non
pas leur vie. Il cft ncaninoiiis permis à ceux
qui rachètent des captifs , de faire ajji:rer
fur les perfbniies qu'ils tirent de l'cfclavage
le prix du rachat , que les alllireurs (but te-
nus de payer, li le racheté faifant Ton retour
eft pris , ou s'il périt par autre voie que par
fa mort naturelle. Les propriétaires des na-
vires , ni les maîtres , ne peuvent faire ajjhrer
le fret à faire de leurs bâtimens , ni les mar-
chands le profit efpérc de leurs marchandi-
fes , non plus que les gens de mer leur loyer.
Ordon.de la mai ine ^ du moisd'août 1681. (G)
ASSVRER fort pavillon, {Marine.) c'eft
tirer un coup de canon en arborant le pavil-
lon de fanation. Foyrj Assurance , Coup
d'Assurance. (Z)
A'iSMKEKla bouche d'un cheval, {Manège.)
c'eft accoutumer celui que la bride incom-
mode à en fouffrir l'eîïct , fans aucun mou-
vement d'impatience. Ajfuncr les épaules d' un
cheval , c'elï l'empêcher de les porter de
côté. ( V)
Assurer un oifeau de proie , c'eft l'appri-
voifèr & empêcher qu'il ne s'elFraie.
Assurer une couleur , ( Teintur. ) c'eft la
rendre plus tenace & plus durable. On
c^rÉ" l'indigo par le paftel. Pour cet effet,
on n'en met pas au delà de fix livras fur cha-
que groife balle de paftel r'-mais ce n'cft pas
feulement en rendant les couleurs plus fines,
& en prenant des précautions dans le mé-
lange des ingrédiens colorans , qu'on affure
les couleurs ^ il faut encore les employer
avec intelligence. Par exemple , la couleur
cft moins aJjuréeATins les étoffes teintes après
la fabrication , que dans les étoffés fabri-
quées avec des matières déjà teintes. Il n'eft
pas néceffaire de rendre raifon de cette diffé-
rence ; elle eft claire.
Assurer le grain , terme de corroyeur ;
c'eft donner au cuir la dernière préparation
qui forine entiéreinent ce grain qu'on re-
marque du côté de la fleur dans tous les
cuirs corroyés , foit qu'ils foient en couleur
ou non. Quand le grain eft ajfuré , il ne
refte plus d'autre façon à donner au cuir
que le dernier luftre. Voy. Corroyer.
ASSURETTt, , f. t. terme de commerce
de mer , ufité dans le Lc\'a!it \ il figuifie la
même chofe c^^xajfurcnce. Voye\ ci-dejju.
Assurance. ( G )
Tome m.
A S S 705
ASSUREUR , Ç. m. terme de commerce de
mer ; il fignifie celui qui alliire un vaifîcau
ou les marchandifes de (on chargement ,
& qui s'oblige moyennant la prime qui lui
eft payée comptant par l'ailiiré , en fignant
la police d'ailîjrance , de réparer les per-
tes & dommages qui peuvent arriver au
bâtiment & aux marchandifes , fuivant qu'il
eft porté par la police. On dit en ce fcns,
un tel marchand eft Vaffureur d'un tel vaif-
fèau & de telles marchandifes. Les ajfu-
reurs ne font point tenus de porter les per-
tes & dommages arrivés aux marchandifes
par la faute des maîtres & mariniers , fl
par la police ils ne font pas chargés de la
baraterie de patron \ ni les déchets , dimi-
nutions & pertes qui arrivent par le vice
propre de la chofe : non plus que les pilo-
tages, rouage , lamanage , droits de congé ,
vifites , rapports , ancrage , & tous autres
impofés fur les navires & marchandifes.
Ordonn. de la marine , de 168 1. ( G )
ASSYN , ( Géogr. ) cap d'Ecollc au fud-
oueft d'une baie du même nom ", il y a des
pâturages qui nourriffent quantité de che-
vaux & d'autre bétail ; on y trouve aullî
du marbre & des bêtes fauves : il y a encore
dans le même royauine un lac & une rivière
de même nom , & le bourg d'Alfymberg à
l'embouchure de cette rivière. {C. A.)
ASSYRIE, {Géogr. anc. ) contrée d'Afie
appellée aujourd'hui Arfcrum ou le Kurdif-
tan , dans le Diarbeck , au nord de Bagdad»
Elle fut célèbre dans l'antiquité par fes rois
& par leur puiffance , fes principales villes
étoient Ninive , fa capitale , aujourd'hui
Mofu Se Ctefiphon, autrefois le fiege royal
des Parthes, Ninus fut le premier fondateur
de l'empire d'Alfyrie : on donne à cet empire
une durée de treize cents ans , jufqu'à la
mort de Sardanapale , qui en fut le dernier
fouverain. {C. A.)
Assyrie , {Bijî.anc. ) L'empire à'AjJy-
rie a effuyé tant de révolutions, qu'il eft dif-
ficile d'en fixer les limites : fon étendue a
varié félon fes profpérités ou fes revers. L'o-
pinion la mieux fondée fuppofe qu'il ren-
fcrmoit tout le pays fitué entre le Tigre &
rindus : on lui donne pour fondateur Affur ,
que quelques-uns confondent avec Nem-
brod. ISAjJyrie, dans fon origine, eut dc«
rois ou des chefs héréditaires . qui , comme
R r'rr
7o!5 A S S
dans tontes ks fociétés iiaiiTantes , n'eurent
qu'un pouvoir limité ; l'habitude cle com-
mander leur fit rechercher les moyens d'éta-
blir la tyrannie fiir les débris de la liberté
publique, & le fceptre mis dans leurs mains
pour les faire fouvcnir qu'ils éioient les con-
Ciudleurs des peuples , fut une verge dont ils
frappèrent les hommes, déchus de leur indé-
pendance naturelle. UAjJyrie fut le berceau
du dclpotifine , parce que ce fut le premier
empire où l'on déifia les rois ; on vit ces des-
potes infolens exiger & recevoir l'encens &
les iàcrifices que la liiperftition oiîroit à la
divinité ^ mais ces idoles révérées ctoient
fbuvent avilies & traînées daiis la boue ,
parce que tout ce qui déroge à la nature ,
n'a qu'une exillciice paifagere.
Leur légiflation n'eft point parvenue juf-
qu'à nous , ce qui fîippoie qu'ils n'avoient
que des ufages ou des loix fort informes.
Nous ne forames pas mieux inllruits de leurs
rites facrés ^ on lait feulement qu'ils étoient
idolâtres & fort lliperllitieux , & que leurs
principales divinités étoient repréfentées fous
la forme d'une mule , d'un cheval , d'un
paon , d'un faifan Se d'une caille :, ils rendoient
un culte particulier aux poillbns , eji mé-
moire de la déeife Derceto , qui fut ainfi mé-
tamorphofëe : Sémiramis étoit adorée fous
la figure d'un pigeon. On peut juger de leurs
penchans pour l'ii^othéoiè , quand on les
voit déifier tous leurs rois , fans même en
exclure le voluptueux Saidanapale : les Alî)--
riens , en les plaçant dans le ciel , ne firent
que fuivre l'exemple de leurs voilins.
Ce pays , autrefois lî riche & iî fécond ,
n'offre plus que des plaines incultes & Itcri-
les , où qaclcpjcs liabitans épars traînent une
vie obfcure & indi'^nte ; foit que le fol fc
ibit épuife par fa propre fécondité , foit que
ia. fituation entre plufieurs rivaux , qui en
ont fait le théâtre des guerres , ait préparé
cette étonnante révolution , on ne voit plus
que quelques vilos bourgades , dans les lieux
où l'on admiroit autrefois Ninive , Ctcfi-
phon , & tant d'autres villes riches & peu-
plées , dont riiirtoiie a confacré les nomî&
la magnificence. Ce pays étoit arrofé par
plufieurs grands llcuves , dont les plus con-
îîdérables étoient le Tigre , ainii nommé à
caufe du grand nombre de tigres qui infec-
loictit fc5 bords j le Lycus 6l le Caprus,
A S S
connus aujoiird'luii fous le nom des deus
Zabes. On y trouvoit lui lac qu'on croit être
rvVverne ; fcs eaux étoient fi meurtrières ,
que l'oifcau ou l'animal qui en buvoit ,
& qui relpiroit les \apcurs qu'elles exha-
Icient , tomboit mort iiir le champ.
L'hilloire des rois à'AJTyrii n'eft qu'un
tilTu de fables révoltantes , ralfemblées par
Ctçfias , qui a été copié par tous les écrivain?
poftérieurs. Tout y paroît en contradidlioii
avec ce qui eft configné dans nos annales
iâcrées, qui feroient des guides furs pour
l'hiftoirc orientale , fi elles ne s'étoient pa$
prelque bornées aux faits relatifs au peuple
de Dieu i ainfi l'on eft obligé de fuivre Cte-
fias , qui a plutôt écrit ce qui étoit cru que
ce qui étoit arrivé.
Ninus , qu'on fijppofe avoir été le premier
roi A'AjJyrk , pourroit n'être qu'un héros
fabuleux , créé par l'imagination des Grecs ,
qui trouvoient dans le nom d'une ville ,
celui de ion fondateur ; ainfi de Ninive
ils purent tirer celui de Ninus. Les traits ,
dont ils embelliiîcnt fou hiftoire , montrent
qu'ils ont réalifé un fantôme \ ils difent que
Ninus fut le premier qui attenta à l'indé-
pendance des peuples , qui , jufqu'alors y.
n'avoient point eu de guerres à foutenir \
ils ajoutent qu'il craignit d'être arrêté dans
ilzs expéditions par les Arabes qui étoient les
plus belliqueux de la terre ; tout eft contra-
didion dans ce récit. S'il eft vrai que ce fut
la première guerre que les hommes eurent ù
foutenir, comment les Arabes pouvoient-ils
avoir la réputation d'un peuple belliqueux ?
c'eft encore à ce prince qu'on attribue la fon-
dation de Ninive & de Babylonc \ mais
conuncnt , dans des temps fi voifins de la
nailliuice du monde , pouvoit-on ralfcmbler
un million d'habitans dans une mîme en-
ceinte ? C'eft fuppofor que les campagnes
étoient peu[ilées de nombreux culti\'ateurs y
pour fournir aux befoins de cette prodigieufc
multitude ■■, c'eft fuppofer que les arts qui ont
bcfoin du (ecours de l'expérience Scilu temps,
piu-vinrcnt lùbitement à leur dernier degré-
de pcrfe£iion. Les fuperbes monumens qui
embellirent ces deux villes , les mfinemens
d'un luxe délicat & recherclié , introduits
dans la cour du monarque & des grandï ^
font autjuit de témoignages <.\qs erreurs ou
des iinpoftures des premiers ccrivaim^
A s s
On dit que ce prince dévoré de Tambi-
tion des conquêtes, ic mit à la tète de 700000
hommes de pié, & de zooooo chevaux : il
avoit encore dix mille chariots armés. Ce
fut avec cette multitude qu'il fit nue irrup-
tion dans le royaume de Babylone , rempli
de villes riches & [>cuplccs , dont il fit la
conquête , enfuite il fubjugua l'Arménie, la
Baftriane , la Mcdic , & tout le pays fitué
entre le Nil & le Tanaïs : ce qu'il y a de
plus iiirprcnaiit , c'eft que les rois , Tes enne-
inis , lui oppofoient des millions de combat-
tans. L'imagination la plus féconde ne peut
concevoir que dans rc temps où la terre
iiianquoit d'habitans , en ait pu ralTcmbler
désarmées fi nombreuses, les hommes indo-
ciles & féroces auroient-ils renoncé à leurs
loyers , à leurs feinmes , à leurs enfans ,
pour aller chercher à l'extrémité du globe,
des richclTes qu'ils trouvoicnt fous leurs
mains ? Les fociétés alors étoient [x:u nom-
breuses^ l'autorité des rois étoittrop bornée
pour raflembler fbus le même drapeau ,
tant d'hommes difperfés & fatisfaits des pro-
ductions de leur fol. Comment faire fiibfifter
des armées fi nombreufes ? Les routes n'é-
toicnt point frayées •■, les montag-nes & les
bois oppofoient des barrières par-toiitrenaif-
finîtes; les champs étoient incultes &f (icrilcsj
la navigation , encore dans fon enfance ,
n'offroit point le moyen de tranfportcr les
produélions d'une terre féconde dans les
pays arides ; ainfi toutes ces armées & ces
expéditions font autant de fables , qui ,
comme l'iiTaie , croificnt dans les champs
de l'hiftoire.
Après fa mort , Sémiramis fut pLacée fur
le trône : cette princefiè , que la fiipcriorité
de fes talens fait cojnpter parmi les plus
-grands hoinmes , fut amené captive d'Afca-
lon, où elle étoit née, à la cour de Ninive : le
roi Ninus , frappé de l'éclat de fa beauté , la
fît entrer dans fon lit •■, il en eut un fils dont il
lui confia en mourant la tutelle : cette prin-
celfe ennoblit fon fexe , en fe montrant digne
de commander à des hommes. Occupée
du bonheur de fes fujets , elle ouvrit aux
provinces une communication réciproque ,
en bâtifi"ant fur le Tigre & l'Euphrate ,
plufieurs villes dont la magnificence immor-
îalifcrent fa mémoire. Après a^'oir jilfuré le
ixjulicur de fes fujets , elle liicccmba à la
A S S 707
tentation d'être comptée parmi les conquc-
raiis : fes expéditions militaires paroilicitt
fabulcules , du moins en a droitde révoquer
en doute le nombre d'iiommes qu'elle em-
ploya contre les Mcdes &f les Indiens. On
alîiire , fiuis pudeur , que fon armée étoit
compofce de trois millions d'hommes de
pié , d'un million de cavaliers , de 1 00000
chariots armés de faux, de 300000 homme*
pour les conduire, & pour clifTércns ufages.
L'ambition de régner la rendit injufte envers
fon fils Ninias , à qui elle rcfufa de remettre
le fceptre , dont elle n'étoit que la dcpofi-
taire. Ce fils dénaturé arma la main d'un
euiuique pour lui ôtcr la vie '-, on répandit
qu'elle avoir été tranfportée au ciel fous la
forme d'une colombe : cette fable trouva
bcai-coup d'incrédules ; ainfi Ninias pouriè
juflificr, publia qu'elle avoit voulu l'engager
à connnettreun inccfte avec elle ; le fcandale
de fa vie accrédita ce bruit ■■, on l'avoit vue
dans les plaines de Médie , s'abandonner à
la brutalité de l'oiîicicr & du /bldat.
Les ditlcrentcs couleurs , dont l'hifioire
peint cette reine célèbre , prouvent qu'il y
en a eu plufieurs dont on a confondu les
traits ; de-là vient ce mélange de grandeur
& de foiblcfTe , de mœurs & de débauches,
dont l'alliance eft impoifible ; quoi qu'il en
foit , Sémiramis après fa mort reçut les hon-
neurs de l'apothéofe : elle fut adorée dans la
Palcfcine , où elle avoit pris naiffance , &
dans XAffyrie , qu'elle avoit rendue heureufe
par (es bienfaits. Elle étoit rcprc'cntéc fcus
la forme d'une colombe , fymbole de la
lubricité ; les peuples d'Allalon regardoient
comme des fâcrilegcs ceux qui tuoient un
pigeon , ou qui mangeoient de fa chair.
Ses ftatues étoient fans ornement , elle étoit
repréléntée dans fa nudité & fes cheveux
épars : ce défordre pouvoit bien être une
ima.^e de fa vie licencieufè.
Ninias , fils d'une mère qui réuni/Toit !ef
talons ck le courage des grands hommes ,
ne porta fur le trône que les foibleffes qui font
même la cenfure des femmes. Les rois, juf-
qu'alors gardés par l'amour de leurs fujets ^
a\oient reffemblé à des pères au milieu de
leur famille. Ninias introduifit l'ufage de fe
faire garder par des hommes armés , qui
femblent annoncer aux rois que tous les ci-
toyens font leurs ennemis. Ce prijicc trop
Rrrr 2
^oS A S S
efieminé pour avoir de l'ambition , fë ren-
ferma dans l'ombre de fon palais, où aflbupi
dans les molles voluptés , il ne vivoit qu'avec
iès femmes & fès concubines , dont il avoit
les foiblefTes ; & ce fut en fe rendant invifi-
ble à {es peuples , qu'il crut fe dérober au
mépris public.
Trente générations s'écoulèrent , fans qu'il
parût un roi digne de l'être : leurs noms ,
comme leurs aâions , font tombés dans
l'oubli. Ce vuide qui fe trouve dans l'iiilloire
tVAffyrie , a fait préfumer à de judicieux
critiques , que cet empire n'eut plus de rois
après Ninias : leurs conjeûiires ont toutes
ies couleurs de la vraifemblance ;on ne voit
parmi ces rois aucun légiflatenr , aucun ambi-
tieux. Connnent , pendant douze cents ans ,
cet état auroit-il pu fubfifter fans troubles
domeftiques , fans guerres étrangères ?
Comment tant de rois tributaires auroicnt-
ib été fi long-temps dociles au joug impofé
par Belus & Sémiramis ? S'il a éprouvé les
fecoufles & les agitations qui ébranlent les
ïiutres empires , pourquoi les écrivains de
l'antiquité auroient-ils gardé un filence una-
nime fur ces révolutions ? Plus il avoit d'é-
ïendne , plus il dcvoit intérelfer la curiofité,
plus fes relTorts compliqués étoient fiijets à
iè déranger. C'eft fuppofer que tous les rois
<le la terre étoient aufli dégradés que les
monarques Alfyriens \ fuppofition plus diffi-
cile , que de concevoir que , depuis Ninias ,
jufqu'à Sardanapale , ce trône ne fut poim
occupé. L'oppofition qui fe trouve dans les
«leux liftes de leurs anciens rois , favorifë
cette conjecture ^ l'une contient trente-fix
rois , & l'autre quarante & un. On n'eft
pas plus d'accord fur la durée de cet empire;
les uns lui donnent 1300 ans , & les autrts
réd.iifent ce nombre à 510; mais comme
ions n'ont pour guide que Cteiîas , ils n'ont
fait que répéter fès erreurs.
Après une éclipfè de plus de mille ans ,
BU voit reparoitre fur le trône ^Ajfjrie ,
lin Sardanaple , dont les vices & les mœurs
cffcmniécs ont immortalifè la mémoire. On
donne encore aiijourd luii fon nom à ces
}'rétendus condudtcurs des peuples qui Ibm-
jneillcnt abrutis lbu5 la pourj)re , Jy qui ne
ièré\cil!ent que pour fucer la lueur &lefàng
des peuples épuilcs , pour fournir des ali-
^riens à leurj £ilcs débauc'ics. Ce tyr^ui invi- I
A S S
lible , environné d'eunuques & de concubi-
nes , n'étoit occupé qu'à la recherche dc?s
voluptés , & de celles même qui révoltent
la nature , & que la pudeur défend de non>-
mer. Fatigué du poids du fceptre , il prenoit
la quenouille , & fe fardoit pour dilputer
aux femmes le prix des grâces & de la
beauté. Tel eft le portrait que des auteurs
outrés nous en ont laiffé pour nous peindre
un prince volupnieux , qui fàcrifioit à iss
plaifirs les foins de fon empire. Ce monarque
avili fit un peuple de mécontens. Arbace ,
Mede de nation , honteux d'obéir à un maî-
tre efféminé , forria une conjuration avec
Belefis , gouverneur de Babylone, prêtre &
guerrier, qui avoit la réputation de pénétrer
dans les fècrets de l'avenir : les peuples fe
rangèrent en foule fous leur drapeau. Les
conjurés furent fbuvent défaits : mais foute^
nus de la faveur de la nation , ils fe relevèrent
toujours de leur chiite. Sardanapale, réveillé
par le bruit du danger , fit voir que le goi'it
àcs voluptés n'éteint pas toujours le courage;
il donna des preuves d'un génie véritable-
ment fait pour la guerre ; & après avoir
remporté trois viftoires , il eilijya un revers
qui l'obligea de fè renfermer dans Ninive. Il
y fut afflégé par l'armée rebelle , dont les
efforts eulfent été impuilfans , fi le débor-
dement du Tigre n'eût renverfé la muraille.
Le monarque , voulant prévenir la honte
d'implorer la clémence du vainqueur , fit
préparer un bûclier qui le réduifit en cen-
dres, avec les eunuques , fès concubines & {zs
tréfbrs. Il s'éleva tjois grands royaumes fiir
les débris de ce vafte empire. Arbace , chef
de la conjuration , eut celui de Médie ;
Belelis , quoii-juc ftibordonné à Arbace ,
avoit dirigé tous les rcllorts qui préparent
la révolution : le trône de Babylone fut fa ré-
compenfe. Le royaume de Ninive fut indé-
pendant des deux autres , Jk le premier qiti
en fut roi , fe fit appellcr Ninus le jeune :
cette révolution arriva landli monde 3Z57.
(T-iV.)
* AS TA, f Géog. anc. & mod. ) ville du
royaume d'Aftri'.can , entre \ ilàpour & Dar
btil. Rivière des Aii;uries , formc-e de celle
de Ove Si de Dova ; elle fc décharge dai'.s
la mer de Bifcaye à \'illa-\'iciofa. Quel-
ques géographes j)rétendent que c'eft la.
Sura des anciens ; d'autres difcnt que la Sur»
A s T
eft la Tuerta du royaume de Léon. Ruines
de rancicnne ville des Turdelhiiis , dans
l'Andalouiie , fur la rivière de Guadalcttc :
ces ruines font conlidcrables.
§ ASTABALE , ( Mujique. ) V. Ata-
BAL.E. {F. D. G.)
§ ASTABAT, (-G/oï^rJ ville d'Alic dans
l'Arménie ou Turcomanie , fur les frontières
de Perfe , à une lieue de l'Araxc : elle cil
petite , mais très-belle ; il y a quatre caravan-
feras ; chaque maifon a fa fontaine & fon
petit jardin. Son territoire produit d'excellent
vin \ & la campagne d'alentour eft arrofée
de mille ruiifeaux qui en rendent le fol extrê-
mement fertile : c'eft le Icul pays où croiffe
la racine de ronas qui eft groife comme la
réglilfe , & qui fert à donner cette belle
couleur de rouge à toutes les toiles qui vien-
nent de l'Iudoihui. Les caravanes d'Ormus
<jui font le commerce de ronas , vont fans
celfe d'Ormus à Aflabat^ dans toutes les fai-
fons. Long. 64 ; lat. 39. ( C. A. )
* ASTACES , fleuve ancien du royaume
de Pont, dans l'Afic mineure. Pline dit que
les vaches quipaittbient furfesbords avoient
le lait noir , & que ce lait n'en étoit pas
moins bon.
* ASTACHAR , ville de Perfe , que les
anciens appelloient Afiacara , près du Ben-
dimir & des ruines de Pcrfëpolis.
* § ASTAFFORD , ( Géogr. ) viUe du
Condomois fur la rivière tle Gers.
* ASTAGOA , ville du Moiioémugi , en
Afrique , fur les confins de Zanguebar Si les
rivières des bons Signes.
* ASTAM AR , ACTAM AR , ou AB AU-
NAS , grand lac , dans la Turcomanie. Il
reçoit plufieurs rivières, & ne lé décharge
piU" aucune. On l'appelle auffi lac de l^ajlan ,
& lac de Van , lieux fitués fur fes bords.
ASTAPA, (Géogr.) ville d'Efpagae
dont parle Tite-Live : elle étoit (ituce près
de la iburce du Xcnil. Les habitaus alfiégés
tk réduits aux abois, aimèrent n.iiux s'e 1-
tr'égorgcr & brûler leur ville que de fubir
la loi du vainqueur. ( C. A.)
* ASTARAC ou ESTARAC , petit pays
de France en Gafcogne , entre l'Armagnac,
Is Bigorre, & la Gafcogne.
ASTAROTH , (Hiji. anc^ & Théolog. )
idole des Philillins que les Jaifs abattirent
par ie commaudcTieiit de Samuel. C'étoit
A S T -;C9
audi le nom dun faux dieu (\q% Sido-
niens , que Salomon adora pendant fon
idolâtrie. Ce mot lignifie troupeau de brebis
6c richflfcs. Quelques-uns dilént nue comme
on adoroit Jupiter-Ammon , ou le Ibleil ,
fous la figure d'un bélier , on adoroit aufTî
Junon-Ammoniennc , ou la lune , fous
la figure d'une brebis , 8f qu'il y a appa-
rence miAjlaroih étoit l'idole de la lune ,
parce que les auteurs hébreux le reprélcntent
tous I;i forme d'une brebis , & que Ion nom
lignifie un troupeau de brebis. D'autres croient
que c'ctoit un roi d'Afîyrie à qui l'on ren-
dit des honneurs divins après lii mort , ôc
qui fut ainfi noitmié à caulé de fes richeffes.
Mais cette idée n'a aucun fondement j il y
a beaucoup plus d'apparence (^nAjinroth ell
la lune , que les peuples d'Orient adoroient
fous ditférens noms. Elle étoit connue chez
les Hébreux fous le nom de la reine du ciel j
chez les Egyptiens, fous le nom d'///i; chez
les Arabes , fous celui à'Alitta ; les Afîyriens
la nommoient Mylirra ■■, les Perfes Mctra ,
& les Grecs Diane. Baal Se Aflaroth font
prefque toujours joints dans l'écriture, com-
me étant les divinités des Sidoniens. Thom.
Godwin , de ritibus Hebrwor. ^lien , Tertul.
in Apologetic. Cic. de natur. deor. lib. Ill y
Strab. Hefyc. ( G )
AST-AROTH , appellée auffi Bafan ou
Baejlra, ( Géogr. ) ville de la Paleitine au
delà du Jourd;dn , dans la demi-tribu de
Manafié : elle étoit capitale du petit pays de
Bafan renfermé dans la Traconite Judaïque.
royfçB/iSAN. (C. A.)
ÀSTARO rHrrES,f. m. p!.( Hifl.anc.)
fcfte de Juifs qui adoroient Aitaroth & le
vrai Dieu , joignant ces deux cultes en-
femble. Ou dit qu'il y eut de ces idolâtres
depuis Moyfe jufqu'à la captivité de Ba-
bylone.
ASTARTÉ , C Hip. anc. ) Ajlarté dontlc
nom figniiie un troupeau de chèvres ou de mou-
tons ^ fut la principale di.'initédes Sidoniens
qui la repréfentoient fous la forme d'une
poule qui couvre fès poullins de fes ailes.
Par une bizarre aliémblage , on la rcpréicn-
toit avec les cornes f jr la tétc , parce que
c'étoit l'attribut delapuiffaucefuprcme:eLle
n'eut pas le même nom chez les diftérens
peuples où fbii culte étoit établi. Cicérou ,
daus réauméraÙQn quiifaiidcs diiicrentes
7T0 A s T
Véiuis , dit qiie la quatrième ctoit adorée
en Pliéiiicie , fous le nom â A parte , ou elle
étoit repréfbntceavcc nn carquois & des flè-
ches. Comme clic fut adorée Tous dilîërens
noms. on la peif^nit avec différens attributs^
elle ctoit appellée Dieu par les Hébreux ido-
lâtres , qui u avoient point de terminailbn
féminine dans leur langue. Les peuples du
inent-Liban la repréiéntoient pleiuant la
mort d'Adonis fon époux chéri : fa tête étoit
voilée & des larmes couloient de fès yeux;
ce fut pourquoi on la plaça dans le ciel où
elle formoit la conftellation de la poule ,
connue fous le nom de pléiades. Les Aiî}'-
riens l'habilloicnt tantôt en homme , &
tantôt en femme ;, leurs prêtres confacrcs à
fon culte n'entioient dans fon temple qu'avec
lin habit de femme. Les Perfes profcrivircnt
Ion culte , mais on lui érigea un temple à
Hicropolis où les Egyptiens , les Indiens , les
Arméniens & les Babyloniens portèrent leurs
offrandes : fès adorateurs ne pouvoient péné-
trer dans cette demeure facrée fans avoir
fait un échange d'habits ; la femme prenoit
celui de l'iiomme , & l'homme celui de la
femme. On prétend que la Vénus Uranie
des Grecs , la Vénus des Affyriens , la grande
Déeffe des Syriens , la Déccrto d'Afcalon ,
étoit ryî//?flr// des Phéniciens : d'autres l'ado-
rèrent fous le nom de la Lune , de Lucifer ,
de Junon , de Minerve & d'/o.
Afiarté avoit fes prêtres qu'on appelloit
Icsprophetes du bocage , parce que c'étoit dans
le lilence des forêts qu'on célébroit fes myf-
tcres. Onexigcoit des femmes qui vouloient
y participer , l'obligation de couper leurs
cheveux ; & comine elles étoient fort atta-
chées à cette parure naturelle , elles s'affran-
chifloient de cette loi rigoureufe , en fe prof-
tituant un jour entier aux étrangers qui vou-
loient en jouir pour de l'argent , &le produit
de cette proftitution étoit offert à la déelfe ;
le facrificc de leur honneur leur étoit moins
pénible que celui de leurs cheveux : le tein-
ple qu'on lui avoit érigé fur le mont-Liban
offroit le fpcftacle de la plus révoltante
iucontinence. Les hommes fans frein &
fans pudeur étoufibicnt la nature ; & fè
iivroient aux déibrdres les plus déteftables.
Ces abominations rcligieuies pafferent de
l'Aile dans l'Afrique où l'on éleva à cette
décfiè un ;cmplcoù les filles uUûicnt dévote-
AST
ment fc proftituer. Comme cette dcc/lc
n'avoit point par-tout des temples , lés
prêtres attentifs à la commodité publique ,
portoientfurles épaules de petits tabernacles
autour defquels on offroit des facrifices iin-
purs. Chaque pays fe difputa la gloire d'avoir
donné naillknce à cette déelfe. Son temple
le plus fréquenté fut bâti à Tyr par Hiram ,
& c'eil peut-être ce qui lui a tait donner une
origine phénicienne : fon culte s'étendit à
mcfure que les empires d'Ailyrie&deBaby-
lone prirent des accroiffemens. Nos annales
facrées la nomment XAftaroth , & tantôt )c
dieu de f abomination des Sydoniens ; les Tal-
mudiflcs, dont le vulgaire fem.ble adopter
les erreurs , lui donnent un des premiers
rangs dans la hiérarchie infernale ;on attache
à ce mot l'idée d'un diable important à qui
l'on fait jouer un grand rôle pour troubler
la police du monde : quoique l'hiltoire ne
nous ait point confervé le détail de fes acftions ,
il efl aifé de juger par les fables qui font par-
venues jufqu'à nous , que la félicité dont fes
fujets jouirent pendant fon règne lui procura
les honneurs divins. La religion païenne en-
feignoit alors que l'ame des bienfaiteurs des
hommes alloit après leur mort rélider dans
les aftres ;, ainfi l'on le perfnada que celle
d'A/Iartéqui avoit découvert on protégé des
arts utiles , avoit fixé fa demeure dans Idiune ,
dont elle de^'int le fymbole. ( T-.v. )
ASTATHIENS , f. m. pi. ( T/:éo/. ) hé-
rétiques du neuvième ficelé , Se fëéf ateurs;
d'un certain Sergius qui avoit renouvelle les
erreurs des Manichéens. Ce mot eft dérivé
du grec , 8c formé d'à privatif ,yj/;j , Se
d'iç-Hu/ , f/?o, je me tiens ferme ; comme qui
diroit variable , inconfiant ; foit parce qu'ils
ne s'en tenoient pas à la loi de l'églilê , foit
parce qu'ils \arioient dans leur propre créan-
ce. Ces hérétiques s'étoient fortifies ùv.is
l'empereur Nicéphore , qui les favorifoit :
inais fon fucceiléur Michel Curopalate les
réprima par des édits extrêmement fé\'ercs.
On conjcfture qu'ils croient les mêmes que
ceux que Théophanc Se Ccdrene appellent
Ant/iiganiens , parce que Nicéphore & Cu-
ropalate tinrent chacun à l'égard de ceux-ci
la conduite dont nous venons de parler. Le
P. Goar dans fes notes fur Théophane à l'an
803 , prétend que ces troupes de vagabonds,
connus en France iôus le 110111 de BolUmlciui
A s T
ou fX Egyptiens , étoicnt des reilcs cîcs Âpa-
t/iiens. Son opinion ne s'accorde pas avec
le portrait que Conft;intin Porphj'TOgenete
& Cedrene nous ont fait de cette fcdtc ,
qui née en Phiyi^ie , y domina , & s éten-
dit peu dans le rciic de l'empire^ & qui joi-
gnant l'ufîige du baptême à la pratique de
toutes les cérémonies de la loi de Moyfe ,
ctoiî un mélange abfiu-de dujudaiijne ôcdu
chrillianifme. (G)
* ASTECAN ou ASCHIKAN, ville
tl'Afie dans la contrée de Mawralnaher , &
la province de Al-Sogde.
ASTER ATTICUS ou OCULU S
CHRISTI, (Jardinage.) plante vivacc de
la grande efpece , à plufieurs tiges rougeâ-
tres , garnies de feuilles oblongues d'un vcrci
clair, La fleur ell radiée, agréable à la vue,
de couleur bleue ou violette , quelquefois
blanche & jaune dans le milieu : les fom-
mcts font oblongs , garnis chacun d'une ai-
grette. Il y en a deux dilîérentcs par rap-
port aux feuilles ;, elles croiHent dans des
lieux incultes , & fè multiplient de racines
éclatées. On les voit en fleur dans l'au-
tomne ; on les place dans les parterres, dans
les boulingrins , & entre les arbres ifblés &
le long des murs de tcrrallés & des allées
rampantes. ( K )
* ASTER ABAT ou ASTRABAT, ville
d'Aile dans la Perfe , au pays, fur la rivière ,
& proclie le golfe du même nom , vers la
mer Cafpiennc. Lon^. 72, 5 i Ait. 36, 50.
ASTÉRIE , f. f. ( MineraL ) ajfertas ou
ajîrion , Plin. On ne fait pas bien quelle
eft la pierre à laquelle Pline donne ce nom.
M. Lehmann décrit , dans les mémoires de
[académie de Berlin pour 1754, une pierre
cryflailifce fingulicre , qu'il croit être ïaf-
tirie de cet auteur : il p;iroit cependant plus
vraifemblable que c'eft u!ie efpece d'o-
pale , & peut-être celle qu'on appelle ail
de chat. {D)
Astérie , f. f. {Minéral.) afteriœ ou
pierres étoilécs ^ ce font de petites pierres
plates , taillées en étoile & marquées ordi-
nairement de quelques traits fur leurs A'^xxyi
fiiiiaces : on les trouve ou féparccs , ou
réunies en forme de colonnes prifnatiques,
auquel cas on les nommz a ftériescolumnai tes.
Leur fubllance eft un (path alkalin , dont
les lames fout un angle aigu avec les côtés
AST 711
de la colonne : les unes font rayonnces , d'au-
tres ne font qu'anguleufcs : elles dificrent des
trochitcs, parce que celles-ci font circulai-
res. On regarde les unes & les autres
comme des pétrifications de quelques par-
ties de l'étoile arbicufe , appcllée tête de
Médufe. M. Guettard a décomert un zoo-
phyte , qui paroît être l'origine de ces pé-
trifications , ainfi que des cncrinites. [D)
ASTERIO, (Ajlron.) royei ClUENS
DE CHASSE.
AST ÉRION , ( Géogr. ) il y avoit deux
villes de ce nom dans la Grèce, l'une en Péo-
nie, iclon Tite-Live , & l'autre en Thefia-
lie , félon Hefychius, (C.A.)
* AsTÉRioN , fleuve du pays d'Argos ,
d:uis les eaux duquel croi/foit une plante
dont o!i faiibit des couronnes à Junon l'Ar-
gienne. Le fleuve Ajiérion fut père de
trois filles nommées Eubée , Projymne &
Acrée , qui fcrvireut , à ce qu'on dit , de
nourrices à Junon.
AS 1 ÉRIPHOLE , en latin afteripholis ,
eft un genre de plante qui produit de peti-
tes têtes écailleuiés où font des fleurs , dont
les fleurons font au milieu du difque , Se le»
demi-fleurons rangés fur la couroinie : cette
})lante porte des femences en aigrettes qui
font léparées les unes des autres fur le fond
du calice par des écailles. Pomederœ DiJ-
fert. 10. Voyei HerbE , PLANTE , BOTA-
NIQUE, (i)
AS r tRIQUE , f m. terme de grammaire
& d'imprimerie ; c'eft un figue qui eft ordi-
nairement en forme d'étoile , que l'on met
au deifus ou auprès d'un mot , pour indi-
quer au Iccîeur qu'on le renvoie à un figne
pareil , après lequel il trcu\ cra quelque re-
marque ou explication. Une fuite de petites
étoiles indiquent qu'il y a quelques mots
qui manquent. Ce mot étoit en u(àge dans
le même fens chez les anciens ; c'eft un
diminutif de açi^^ , étoile. liidore en fait
mention au premier li\Te de fes origines :
flella enim x':i, ., grœco fermone dicitur^ a qucf
nflerijcus, ftcllula , eff derivatus ; & qi:c]qi;es
lignes plus bas il ajoute qu'Ariftarquc fe fcr-
voit (ïa/lériçue allongé par une petite ligne
* ~ pour marquer les vers d'Homère que
les copiftes avoient déplacés : aflerifcus ci:nt
obelo ; hâc propriè ylriftarckus utebntur in iis
verjibus quinonfuo iocopoj/ticra/it.liid. ibid^
711 A S T
Quelquefois on fe fert de Xaftèrique pour
faire remarquer un mot ou uneuenlëe : mais
il eft plus ordinaire que pour cet uiàge on
emploie cette marque 2V B , qui fignific
nota bene , remarquez bien. ( F )
* V^ajiérique eit un corps de lettre qui
entre dans raifortiment général d'une fonte.
Son œil a la figure qu'on a dit ci-deiFus.
V^STÉRISME , aftérifmus , f. m. fignifie
en ajlronomie la même chofe que conjklla-
tion. /^.Constellation. Ce motvientdu
grec kçw^fiella , étoile. Voy. Etoile. (0)
ASTÉRISQUE , afîérifcus , genre de
plante à fleur radiée , dont le difque eft com-
pofc de plufieurs fleurons , & dont la cou-
ronne elt formée par des demi-fleurons qui
font pofés fur des embryons , & qui font
foutenus par un calice étoile qui s'élève au
delfus de la fleur. Les embryons deviennent
dans la fuite des femences plates & bordées
pour l'ordinaire. Tournefort , Inft. rei herb.
Voye[ Plante. (/)
astéroïdes , genre de plante à fleur
radiée, c'eft-à-dire dont le difque eft com-
pofé de pli'ilîeurs fleurons , & la couronne
de demi-fleurons qui tiennent à des em-
bryons , & qui font placés fur un calice
écailleux. Les embryons deviennent dans
la iîiite des femences ordinairement oblon-
gucs. Tournefort, Corol. injl, rei hcrb. Voy.
Plante. (/)
ASTÉROPE , ( Afron. ) l'une des filles
d'Atlas, & la première des fept étoiles prin-
cipales, quicompofent les pléiades. Ovide ,
Fajf. ir, 170. {M. DE LA Lande.)
ASTÉROPÉE , ( H/y?, poétique. ) fils de
Pélogonias , étant venu avec les Péoniens
au fecours des Troyens , ofi aller au devant
d' Achille , qui étoit encore tout furieux de
la mort de Patrocle , & porta fur le champ
la peine de fa témérité. ( )
ASTÉROPTERE, (5o/.) M. Vaillant
comprenoit fous ce nom générique , des
plantes que M. Linné range parmi les afier.
Le caradtere par lequel M. Vaillant les dif
tinguoit, c'cft que les femences des aftcrop-
teres ontimo. aigrette en plume. (/?• )
* ASTE PLAN , province du nouveau
royaume de Mexique , dans l'Amérique fcp-
tcntrionale , proche de la province de Ciua-
loa , vers cette mer rouge que les Efpagnols
ont uommép mar Fermejo.
A S T
* ASTEZAN o« COMTÉ D'AST,pays
d'Italie au Piémont , qui le borne au cou-
chant ^ il eft du refte enclavé dans le Mont-
fer rat.
ASTHME , f m. ( Méd. ) difficulté de
refpirer, maladie de poitrine , accompa-
gnée d'une elpece de îifflement. On lui a
aufli donné les noms de dyfpnée & d'or-
thopnée , mots tirés du grec, & que l'on doit
rendre en françois par ceux de refpiratiort
difficile , ou refpiration debout ; fituation fa-
vorable au malade , lorfqu il eft dans ua
accès à'ûflAme.
Les caufès générales de Vajlhme , font tou-
tes les maladies qui ont affedté ou affe£lent
quelques parties contenues dans la poitrine,
&ontoccafioné quelque délabrement dans
les organes de la refpiration : tels font l'é^
réfipele du poumon , ou rinflamination de
cette paitie ou de quelqu'autre , dont la
fonftion eft néceifaire à la refpiration , fur-
tout lorfque cette inflainmation a dégénéré
en fuppuration , & qu'il fe rencontre quel-
que adhérence à la plèvre ou au dia-
phragme. On peut encore, mettre au nom-
bre de ces caufes le vice de conformation
de la poitrine , tant dans les parties inté-
rieures que dans les extérieures.
1°. Les caufes prochaines on particulières
de Xafihme., font: la trop grande abondance
de fàng provenant des caufes de la pléthore
univerfelle , comme la fuppreftion des pertes
de fang ordinaires, le changement fubit
d'un air chaud en un froid , lufagê immo-
déré d'alimens fucculens ^ 8f alors cette ef-
pecc A'afihme s'appelle fec , & félon VCillis
convul/if. 2°. La furabondance d'humeurs
féreufes, qui refluant du côté des poumons,
abreuvent le ti(fu de leurs fibres , & le ren-
dent trop lâche & peu propre à recevoir 8c
challcr l'air qui y eft apporté , & par le moyen
duquel s'exécute la refpiration : c'eft parti-
culièrement à cette efpece à^afthme que font
fujets les vieillards \ on l'appelle ajlhmt hu-
mide ou humoral.
Il fuffit pour expliquer le retour périodi-
que de cette maladie , de faire attention à ce
que je viens de dire iiir fa caufc i dès qu'il
fe rencontrera quelque révolution qui la
déterminera , elle occafionera un accès
^ajlhmt; les changemens de temps, de
faïfou , le moindre «xcès dans l'ulage des.
choies
A s T
cliofcs non natiu-ellcs , font autant de cau(ês
déterminantes d'un accès d\iftAme.
Cette maladie cft ordinairement de lon-
gue durée , & andi dangereufe qu'elle elt
liîcheufc j en effet , un malade fu jet à Vu// Ame ,
croit à chaque accès dont il eft attaqué, que
ce fera le dernier de fa vie :, rien n'étant pliis
néceiliiire pour la confen'ation que la refpi-
ration , la crainte qu'il a de ne pouvoir plus
retirer eft certainement bien légitime.
La fiiite ordinaire de Va// Ame, iur tout de
celui que nous avons nommé humide , eft
l'hydropifie de poitrine ^ il eft donc queftion
de faire tous fes efforts pour prévenir cette
funefte fin dans ceux qui en font menacés :
pour cet effet, on ufera dcrcmedcs qui pour-
ront diminuer la trop grande quantité de fé-
rofités, &en même temps donner du reffort
aux fibres des poumons , & les mettre en
état de réfifter à cette aftluence de liqueurs
nuifibles. La faignée cft un remède très-
indiqué dans XallAme fec ou convulfif , qui
eft ordinairement accompagné d'ardeur &
de fièvre ■■, les délayans , la dicte , & tout ce
qui peut diminuer la quantité & l'effervef-
cence du fang , font auffi d'un très-grand
iècours. ( N)
ASTHME , adj. terme de fauconnerie , fe
dit d'un oifeau qui a le poumon enflé & qui
refpire difficilement:, on dit : ce tiercelet eft
ajihmé , il faut s'en défaire.
§ ASTI, (Géogr.) belle & ancienne ville
d'Italie , dans le Montferrat fur le Tanaro ,
à cinq lieues nord-eft d'Albe , & à huit fud-
oueft de Cafal : on la nommoit ancienne-
ment Afla Pompeia. C'eft la capitale du
comté ^Afi : il y a un évêché & une cita-
delle j les François l'ont prife deux fois.
Long. 25 , 50 ; iat. 44, 50. (C. A.)
ASTI AN AX , ( Hift. anc. ) fils unique du
généreux Heftor & d'Andromaque : ce
jeune prince ne furvécut pas au défaftre de
Troye fa patrie : il fut d'abord deftiné à être
efclave avec fa mère ; mais Calchas , pon-
tife fanguinaire , prédit aux Grecs que s'ils
refufoient de le facrifier , ils dévoient s'at-
tendre à retrouver en lui plufieurs Heftors ■-,
les Grecs refuferent d'abord de fe rendre à
cet oracle ;, mais une tempête les ayant fur-
pris , comme ils alloient s'embarquer , Cal-
chas prétendit que le calme dépendoit de ce
lacrifice barbare. Ulyffe arracha le jeune
Tome 111.
A ST 71)
Apiafiax d'entre les bras de fa mère , & le fît
jeter du haut en bas des murailles. C T-n.)
ASTIC , f. m. cft un os de jambe de mu-
let ou de cheval , qui fert à liiiér les femel-
les ■■, on inet de la graillé dans le trou du mi-
lieu pour grailler les alênes.
L'a/fic de bois eft à-pcu-près fembhible à
celui d'os.
* AS TINGES , f. m. plur. ( ////?. anc. )
peuples inconnus qui vinrent dans la Dace
ottrir du fecours aux Romains , à condition
qu'on leur accG-;deroit des terres :, ils furent
alors refufés : mais Marc-Aurele accepta
leurs offres l'an 170 de J. C. ik ils fe batti-
rent contre les ennemis de l'empire.
* AS TOMES , f. m. pi. peuples fabuleux
qni n'avoient point de bouche ; Pline les
place dans l'Inde -, d'autres les tranfportent
bien avant dans l'Afrique : ce nom vient de
l'a privatif, & de ç'oyg., houcAc. On prétend
que cette fable a été occafionée par Taver-
fion que certains Africains qui habitent fur
les bords du Sénéga , branche du Niger, oirt
de montrer leur vifage.
* ASTORGA, ville d'Efpagnc , au
royaume de Léon , fur la rivière de Tuerta,
Long. li ■■, lac. 41, 10.
* ASTRACAN , ville de h Mofcovia
Afiatique , dans la Tartarie , capitale du
royauine de même nom. Coinme il n'y pleut
point , on n'y feme aucun grain ^ le Volga
s'y déborde : depuis Aflracan jufqu'à Terxi ,
il y a de longues bruyères le long de la met
Cafpienne , qui donnent du fel en grande
quantité \ elle eft fituce dans une île que
forme le Volga. Long. 6j •■, lat. 4.<5, 12..
ASTRAGALE , xrfàyaj^of , en artcuomièf
eft un os du tarfe , qui a une éminence con-
vexe , articulée par ginglyme avec le tibia.
\Jafiragale eft le plus fupérieur de tous les
os du tarfe. foyfj Tarse.
Quelques-uns appliquent le nom &ajtri~
gale aiix vertèbres du cou. Homère , dans
fon Odyffée , emploie ce terme dans ce fens.
J^oyei Vertèbre. On peut diftinguer dans
Xaftragah cinq faces , qui font prefqua toutes
articulaires & revêtues d'un cartilage.
La face fupérieiu-e eft convexe , & un peu
concave dans fa lc»'jueur , & eft articulée
avec le tibia ; l'inférieure eft concave, commç
divifée en deux facettes articulaires., fëpa-
rées par une gouttière , & s'articule avec le
S s ss
714 A S T
calcancuin ; fantérieure eil arrondie & arti-
culée avec le icaphoïde ou naviculaire. Des
deux latérales qui font les moins confidéra-
bles , la latérale externe qui eft la plus
grande , eft articulée a\'ec la malléole ex-
terne , & la latérale interne avec la malléole
interne. Foye^ MALLÉOLE , &c.
Astragale , f. m. eil un membre d'ar-
chiuclure , compoie de deux moulures, l'une
' ronde , foite d'un demi-cercle , l'autre d'un
filet. Prefque tous les auteurs, les architec-
tes & les ou\Ticrs , doinicnt ce nom à la
iiioulure demi-ronde \ bc piu'-tout ailleurs ils
fe fervent du inot baguette. Mais le nom
i^ajlragak doit s'entendre de ces deux mou-
lures j)ri{cs cnfèmble & non iéparément :
icus les fûts (ùpérieurs à'^i coloiuies ibnt ter-
jiiinés par une ûjlragale qui leur appartient ,
& non au chapiteau , à l'exception de l'or-
tîre tolcan & dorique j quelquefois à l'ordre
ionique , la bac^iiette appartient au chapi-
teau , dans la crainte que cette mou.lure ap-
partenant à la coloinie , ne rendît ion cha-
piteau trop bas & trop écra(é. Il faut remar-
quer que cette dernière obfèrvation n'a lieu
que dans le cas où les fûts d'une colonne lônt
Vi'une inatiere , & les chapiteaux de l'autre ;
iavoir , les premiers de marbre , les derniers
fie bronze, ou bien les fûts de marbre noir,
ci l&s chapiteaux de marbre blanc. Car îorP
«jiîc ces deux parties de l'ordre font de pierre ,
■alors l'identité de la matière empêche cette
remarque : maij îl n'en eft pas moins vrai
qu'il faut obfêrver par rapport à laconftrac-
lion qi.e ïajirjgale , ou au moins le filet de
ce menîbre d'architcfturc , appartient au fût
<le îa colonne ou piiaftre ; en voici la raifbn.
I.Hjfage vent que l'on unilîc le fût des co-
lonnes à r<3/<Vij«'i2/<' par un congé. Or ce congé
ii'eft autre cliofè qu'un quart de cercle con-
cave , qui ne peut term.iner feul le fût fupé-
ricur ou inférieur d'une colonne ^ il faut
qu'il foit accompagfjé d'un niembre quarré ,
qui par Tes angles droits aifure la folidité ,
le tranfport , ik la pôle du chapiteau & de
la colonne : ce qui ne fe pourroit , de quel-
que matière que l'on voulût faire choix, fans
que ce congé Rit fujet ;\ fc calier ou s'cngre-
ucr. (P)
Ce petit membre d'archiicfture fc voit
auiïî fur les pièces d'artiilcric ^ il leur fert
d'ornement comme il feroit à u:!2 ccloiuic.
: . A s T
Il y en a ordinairement trois fur une pièce ,'
fîivoir Vûfragale de lumière , celui de ceinture ,
& celui de rotce. Voye^ Canon. ( Q )
As'i RAGALE , f. m. afiragalus, {Hijl. nat.
bot. ) genre de plante à rieurs papilionacées;
il fort du calice lin piftil enveloj;pé d'une
gaîne , ce piftil devient dans la fuite une
goulfe divifée en à^u^ loges remplies de fe-
menées qui ont la figure d'un rein : ajoutez
aux caractères de ce genre , que les feuilles
naiiîent pa.' paires le long d'une côte termi-
née par une lêule feuille. Tournefort, Iriji,
rei herb. Voye^^ Plaxte.
-ASTRAGALOIDE , genre de plante à
fleurs papilionacées j il s'élève du calice un
piftil qui devient dans la fuite une filique «-
peu-près de la figure d'un bateau , & rem-
pli de femences fèmblables à de petits reins,
Tournefort, J/.y/.rw/jtTiJ. Voy. Planie.(7)
ASTRAGALOMANCIE, f. f. divina-
tion ou eljjece de fort , qui fè pratiquoit avec
des oiTcIers ou des eipeces de d.i.i marqués
des lettres de r;dphabet qu'on jetoit au ha-
fard ^ & des lettres qui réfultoient du coup ,
on formoit la réponfe à ce qu'on cherchoit.
C'eft ainfi qu'on confùltoit Hercule dans un
temple qu'il avoit en Achaïe , & que lé ren-
doient les oracles de Gerion à la fontaine
d'Apone , proche de Padoue. Hift. de tacad.
des infaipt. tom. I , pag. ii2. Ce mot ell
form.é d'açfaycLhai , qU'elet , ou petit os qui
eft fréquent dans les animaux, & de ^uaiTs/a,
divination. Quand on y employoit de véri-
tables dés,xiC3, on la nommoit t/.\iC'>ua.\-
Tita. , cubomantie. Dclrio remarque qu'Au-
gufte & Tibcre étoicnt fort adonnés à cette
ef[5ece de divination , & il cite en preuve
Suétone \ mais cet hiftorien ne dit rien autre
chofè , finon que ces princes aimoient fort
le jeu des dés , & cela par pur divertilfe-
ment •■, ce qui n'a nul rapport à la divina-
tion. (G)
ASTRAL , ce mot vient du latin aftrum ,
qui lui-même vient du mot grec *o;c , étoile.
Il eft peu en ufage : mais on s'en fèrt quel-
quefois pour fignifier ce qui a rapport aux
étoiles , ou qui dépend des étoiles & des
ailres. Foye\ Étoile.
Année cijirak o\x jidêrèah , c'eft le temps
que la terre emploie à faire fa révolution au-
tour du Soleil ■■, c"cfi-à-diie , à rc\cnir d'un
point de fôn orbite au incnie poiut. Elle cil
A s T
opnofée h l'année tropique , qui eft le temps
qui s'écouic entre deux équinoxcs de prin-
temps ou d'automne; ^ cette annéeeftpliis
courte que l'année (idcrcale, qu'on appelle
autrement (3/2/? t't- anomalijUque ou pi-riodLjue.
Voy. SiDt.RÉAL (S' Anxke. fO)
ASTRANTIA , faiiidc de montagnes,
( Hijf. nat. bot. ) genre de plante à fleurs en
rofe,difpo(ees enforme de parafol ; la pointe
des péta'cs eit ordinairement repliée : ces
pétales font pofés fur un calice qui devient
un fruit coinpofé de deux lêmenccs , dont
chacune eft eu'.eloppée dans une coiffe can-
nelée & frilce. Les fleurs font ralfemblées
en un bouquet fcutcnu ])ar une couronne de
feuilles. Il y a auili des fleurs Itcriles qui font
liir leur calice. Tournefort. Injî. reiherb.l''.
Plante. {/)
ASTRE , aflrum , f. m. eft un mot général
qui s'applique aux étoiles , tant fixes qu'er-
rantes ; c'elè-à-dire aux étoiles proprement
dites , aux planètes , & aux comètes. Voy.
Étoile, Plane fE , fv.
Afive , fe dit pourtant le plus ordinaire-
ment des corps céleftes lumineux par cux-
inêmes, comine les étoiles fixes & le foleil.
V<iyei Soleil. (O;
* Astres , ( Mythol. ) Les païens ont
adoré les i?/?;«; ils les croyoient irrnnorteIs&
animés , parce qu'ils les voyoient fe mou-
voir d'un mouvement continuel , & briller
fins aucune altération. Les influences que
le foleil a évidemment fur toutes les produc-
tions de notre globe , les conduiiirent à en
attribuer de pareilles à la lune , & , en géné-
ralifant cette idée , à tous les autres corps
céleftes. Il eft lîngulier que la fuperftition fe
foit rencontrée ici avec l'aftrologic phyiique.
Astres , influence ou influx desajfres , f. m.
(Méd.pAyfique générale , partie thérnpeut. )
Ce mot,pris dansle fens le plus étendu, fignifie
une aâion quelconque des aftjes fur la terre
& fur toutes les procluftions ; la coiinoiftance
des effets qui font cenfcs réfulter de cette
adtion , ne nous regarde qu'autant qu'elle
peut être de quelque utilité en m.édecine,par
le rapport de ces effets avec les plantes , les
ajiimaux , & fur-tout l'homme, objet noble
& précieux de cette fcience. Nous neconfîdé-
rons que fous ce point de vue cette partie
de l'aftronomie , qui eft appellée plus parti-
culièrement aflrologic \ voy. ce /rjo/.Nousnc
AST -15
pouvons nous empêcher d'être Tin peu longs ,
& d'entrer clans bien des détails fur une ma-
tière célèbre chez les anciens , regardée pât-
eux comme très-importante , & fort difcrc-
ditéc chez la plupart des médecins modernes.
L'influence des aflrcs étoit un dogme fa-
meux dans l'antiquité la plus reculée , dont
on étoit pcrfuadé même avant qu'on pensât
à en connoître ou à en déterminer le cours.
L'application de l'aftrologie à la médecine
eft aulli très-ancienne \ elle eut lieu dans ces
temps d'ignorance , où cette fciencc encore
dans fon berceau , exercée par des dieux ,
n'étoit qu'un mélange indigefte & bizarre
d'un aveugle empyriftme & d'une obfourc
fuperftition. On voit dans quelques livres
qui nous relient d'Hermès ou de Mercure ,
que toute fa médecine étoit principalement
fandée fur l'aftrologie & fur la magie. Quel-
ques phénomènes trop évidens , & trop
conftamment attachés à la marche du foleil y
pour qu'on pût en méconnoître la loiircc,
firent d'abord appercevoir une influence gé-
nérale de cet aftre fur notre globe , & £:s
phénomènes principaux & les plus apparens
font la lumière , la chaleur & la fécherefle.
On vit en même temps combien les hommes,
les animaux & fur-tout les végétaux, étoient
affeûés par ces qualités, effets im.n:édiats du
fblcil , par les variations qui y arrivoient ,
par leur diminution , ou par une privation
fenfible ; fivoir l'obfcurité , & fùr-tout Is
froid & l'humidité. Cette influence affuré-
ment inconteftable ne fixa pas beaucoup
l'attention , peut-être le peu de fenfatioa
qu'elle fit , pouvoiî être attribué à fon trop
d'évidence ; on ne tarda pas à la générali-
fer , on l'étendit d'abord à la lune , aux pla-
nètes , & enfin h toutes les étoiles fixes. On
tourna bientôt en certitude les premiers foup-
çons que l'analogie , Se peut-être quelques
faits obfervés , firent naître fur l'inllux lu-
naire. On fut beaucoup plus frappé de cette
influence obfcure , mal conftatée , peu fré-
quente,que de celle du foleil qui tomboittons ,
les jours fous les feus , & dont on relfentoit
à tout moincnt les effets ■-, fans doute parce
qu'elle fournilfoit à l'efprit humain jalou-K
des découvertes , plus flatté de celles qui
font difficiles , d'ailleuis avide de difpute ,.
des matières abondantes de recherche & de
difcuftion. On chercha dans cette actioui
S s s s z
71^ A S T
obfcure de îa lune la caufc de tous les effets ,
donton ignoroit la véritable fource. L'igno-
rance en augmenta extraordinairement le
nombre ■, & les elprits animes par quelque
correfpondance réellement oblêrvée entre
quelques phénomènes de l'économie ani-
male 6c les périodes de la lune , fe livrèrent
à cet enthoulîaline lemillant , a£lif , qu'en-
traîne ordinairement le nouveau merveil-
leux , & que les fuccès animent , portèrent
cette doftrine à l'excès 8c la rendirent in-
foutenable. La même cholè arriva à l'égard
des autres affres ; on leur attribua non feu-
lement la vertu de produire les maladies ,
ou d'entretenir la fanté lîiivant leurs différetis
afyefts , leur paflage , leur lîtuation , &c.
mais on crut en iriême temps qu'ils avoieat
le pouvoir de régler les ai£iions morales , de
changer les mœurs , le caractère , le génie,
la fortune des hommes. On les fit préfider
aux plus grands événemens , & on prétendit
trou\'er dans leurs mouvemens la connoif-
iànce la plus exaile de l'avenir. Cette doc-
trine ainfi outrée , remplie d'abfurdités , dé-
figurée par les fables , le menfonge , la fii-
perftition , fut pendant long-temps méprifée
& négligée par les favans , & tomba en con-
féquence entre les mains des ignorans & des
impofteurs , nation extrêmement étendue
dans tous les temps , qui d'abord trompés
eux-mêmes , trompèrent enfuite les autres.
Les uns aveugles de bonne foi, croyoientce
qu'ils enfeignoient ^ d'autres alfez éclairés
pour fentir le ridicule & le faux de leur doc-
trine , ne lailFoient pas de la publier & de la
vanter. Bien des gens font encore de mêine
aujourd'hui , foit pour foutenir une réputa-
tion établie , fbit dans l'e/pérance d'augmen-
ter leur fortune aux dépens du peuple , &
iôuvent des grands aifez fbts pour les écou-
ter, les croire , les admirer & les payer. Une
admiration ftérile , illucrative , n'eft pour
i'ordinaire le partage que du vrai lavant.
L'influence Àcsajhes étoit particulièrement
en vigueur chez les Chaldéens , les Egyp-
tiens & les Juifs. Elle cntroit dans la philo-
ibphie cabaliftique de ces derniers peuples,
t{ui penfoient'que chaque planète inlluoit
principalement fur une partie déterminée du
corps humain , & lui communiquoit l'in-
ilucnce qu'elle rece\ oit d'un ange , qui étoit
Jui - uicnie fournis à l'influence parùculicrc
A S T
à' une fp tendeur Qnfephirot , nom qu'ils dou-
noieiit aux émanations , perfections ou attri-
buts de la divinité ; de façon , fuivant cette
dodriiie,que Dieu iufluoitfur les fplendeurs,
les fplendeurs iiir les anges , les anges fur les
planètes , les planètes fur l'homme, yoyei
Cabale. Les cabaliftes croyoient que tout
ce qui eft de la nature , étoit écrit au ciel eu
caractères hébreux :, quelques-uns même af-
furoient l'y avoir lu. Moyfe , félon Pic de
Mirandolc , avoit exprimé tous les effets des
ajlres par le terme de lumière , parce qu'il la
regardoit comme le véhicule de toutes leurs
influences. Ce fameux légiflateur eut beau-
coup d'égard aux ajires dans la compofitioii
de fa loi ^ & régla des cérémoHies & des
pratiques de religion , fur l'influence particu-
lière qu'il prêtoit aux uns & aux autres. Il
ordonna que le jour du repos on préviendroit
& l'on détourneroit par la prière & la dévo-
tion les mauvaifes influences de Saturne , qui
préfidoit au jour ■■, mit la défenfe du meutre
fous Mars , &c. Voyei Cabale ; & ileft fin-
gulier qu'on remarque ferieufèment , que
Mars eft plus propre à les produire- quà ert
arrêter le cours.
Hyppocrate , le premier & le plus exa£l
obfervateur, fitentrer cette partie del'aftro-
nomie dont il eft ici queftion , dans la méde-
cine dont il fut le reftaurateur, ou pour mieux
dire le créateur ^ & il la regardoit comme
fi intéreffante , qu'il refufoit le nom Ae méde-
cin à ceux qui ne la polfédoient pas. « Per-
)) fonne , dit-il dans la préface de fon liwe ,
» defignific. vit. & mort, ne doit confier fh
» fànté & fa vie à celui qui ne fait pas l'al-
)) tronomie , parce qu'il ne peut jamais par-
» venir fans cette connoiifance à la perfec-
» tion nécelfaire dans cet art. Ceux au con-
)) traire , dit-il ailleurs , ( A de a'èr. aquis
» iS" loc. ) qui ont exaâement oblèrvé les
>) changemens de temps , le lever & le cou-
» cher des aftres , 8f qui auront bien re-
» marqué la manière dont toutes ces chofes
» feront arrivées , pourront prédire quelle
» fera l'année , les maladies qui régneront ,
)) & l'ordre qu'elles liiivront. » C'eit d'après
ces obfcrvations qu'Hyppocrate recomman-
de , & qu'il a fans doute faites lui-même ,
qu'il a compofc les aphorifmes où font très-
cxaftemcnt claffées les maladies propres ù
chaque failbn , relativement aux temps , aux-
A s T
pluies , aux vetits qui ont ré^né dans cette
même faifon 8c dans les précédentes, ^oyei
Aphorismes , ///'. m. Mais ceuxpanni les
cjires ^ dont l'influence lui paraît plus mar-
quée &plus importante à oblèrver, font les
pléiades^ tarâure & le chien ; il veut qu'on
faflc une plus grande attention au lever &
au coucher de ces étoiles , ou conflellations ,
parce que ces jours font remarquables , &
comme critiques dans les maladies , par la
mort , ou la guérifon des malades , ou par
quelque métaftafe coniîdérable , /Of. dea'éic,
cquâ. Et lorlqu'il commence la defcription
de quelque épidémie , il a foin de marquer
exprelTément la conftitutionde l'année , l'état
clesfaifons, & la pofition de ces étoiles. Il
avertit auiïi d'avoir égard aux grands chan-
gemens de temps qui lé font aux fblllices &
aux équinoxes , pour ne pas donner alors des
remèdes aftifs, qui produiroient de mauvais
effets. Il confeille aulll de s'abflenir en même
temps des opérations qui fe font par le fer
ou le feu \ il veut qu'on les diffère à un
temps plus tranquille.
Galien , cominentateur & feftateur zélé
de la doftrine d'Hippocrate, a particulière-
ment goûté fes idées fur l'influence des aftres
iûr le corps humain. Il les a confirmées ,
étendues dans un traité fait ex profejfo liir
cette matière , & dans le cours de fes autres
ouvrages. Il donne beaucoup plus à la lune
que ne faifoit Hippocrate ; & c'eft principa-
lement avec fa période qu'il fait accorder fes
jours critiques. Leur prétendu rapport avec
une efficacité intriafcque des jours & des
nombres fuppofés par Hippocrate , étant
uié , affoibli par le temps , & renverfé par
les argumens viftorieux d' Âfclépiade , Ga-
lien n'eut d'autre reifource que dans l'in-
fluence de la lune pour expliquer la marche
des crifès ^ & pour faire mieux apperceroir
la correipondance des jours critiques fu-
meux, le 7 , le 14 & le 21 , avec les phafcs
de la lune , il imagina un mois médicinal ,
analogue au mois lunaire ;, il donna par ce
moyen à fon fyftême des crifes , combiné
avec l'influx lunaire , un air de vrailcm-
blance capable d'en impofer , & plus que
fuffifant pour le faire adopter par des méde-
cins qui ne favoient penfèr que d'après lui ,
&. qui regardoient fon nom à la tête d'un
ouvrage , d'une opinion , comme uji titre
A S T 7.7
authentique de ^'critc, & comiTre la preuve
la plus incoi;teflaf''c, Voyc-{^ f article ClirsE.
Il admettoit auiTl l'influence des autres aftrety
des planètes , des étoiles , qu'il prouvoit
ainfi , partant du principe que l'aftion dit
foleil fur la terre ne ponvoit être révoquée
en doute. « Si l'alpea: réciproque des affres
» ne produit aucun e.Tet , S( que le foleil,
» la fource de la vie & de la lumière, règle
» lui feul les quatre faifons de l'aïuiéc , elles
» foront tous les ans exaélement les mêmes ,
» & n'offriront aucune variété dans leur îem-
» pérature , puilque le foleil n'a pas chaque
» année un cours différent. Puis donc qu'on
» obferve tant de variations , il faut recou-
» rir à quelque autre catife danshiquelle on
» n'obfervepascettcuniformité.» Comment,
in fecund. lib. prorrhenc. On ne fauroit nier'
que ce raifonnement de Galien ne foit très-
plaufible , très-fatisfailânt & très-favorable à
l'influence des iî/7/r5; il indique d'ailleurs par-
là une caufo phyfique d'un fait dont on n'a'
encore aujourd'hui que des caufes morales.
Ce dogme particulier n'avoit befoin que de'
l'autorité de Galien , pour devenir une des
loix fondamentales de la médecine cl)mique j-
il fut adopté par le commun des médecins ,
qui n'avoient d'autre règle que les décifions
de Galien. Quelques médecins s'éloignanf
du chemin battu , ofcrcnt ccnfijrer cette'
dcftrine quelquefois fauflè , fouvent outrée'
par les parti fans ^ mais ils furent bientôt ac-
cablés par le nombre. Les médecins routi-
niers ont toujcurs fouffert le plus impatiem-
ment , que les autres s'écartaffcnt de leur'
façon de faire & de penfer. L'artrologie de-
, venant phis à la mode, la théorie de la mé-
decine s'en rcffentit. Comme il eft arrivé
toutes les fois que la phyfique a changé de
face , la médecine n'a jainais été la dernière
à en admettre les erreurs dominantes \ les m,c-
iccins furent plus attachés que jamais àl'in-
flue;ice des ajlres. Quelques-uns fentant l'im-
pofîibilité de faire accorder tous les cas avcd
les périodes de la lune , eurent recours aux
■X:\txchajirea , aux étoiles fixes , ans planètes.
Bientôt ces mêmes ajlres ftirent regardéitf
co:nmc hs principales caufes de maladie , &
l'en e:\},liqua par leur aéîion le fameux tots/oi»
d'Hippccr'dte , mot qui a fubi une quantité
d'intcrpiétations toutes oppofêes , & qui
ii'eft par conféqucat pas encore défini. On
7i8 AST
ne manquolt jamais de confulter les aflres
avant d'aJlcr voir un malade \ l'on donnoit
des remèdes , où l'on s'en abftenoit entière-
ment , fuivant qu'on jugcoit les ajhex favo-
rables ou contraires. On fuivit les dilHiic-
lions frivoles établies par les aftroloçues des
jours heureux & malheureux , & la méde-
cine devint alors ce qu'elle avoit été dans les
premiers fiecles , appelles tanins d'ignorance ;
î'aftrologic fut regardée coinme l'ai/ gauche
de la médecine , tandis que tanatomie pajfoit
pour être le droit. On alloit plus loin ^ on
comparoit un médecin deftitué de cette con-
noilfance à un aveu2;le qui marchant fans
bâton , bronche à chaque inliaut , & porte
en tremblant de côte & d'autre des pas inal-
aiïurés •-, un rien le détourne , & il efi dans la
crainte de s'égarer : ce n'eft que par hafard
6c à tâtons qu'il fuit le bon chemin.
Les alchymiiles , fi oppofés par la nature
de leurs prétentions aux idées reçues , c'cft-
à-dire nu Galénifme , n'oubliereat rien pour
le détruire ; mais ils refpefterent l'influence
des cftres . ils renchérirent mêine fur ce que
les anciens avoient dit, & lui firent jouer un
plus grand rôle en médecine. Ils coniidé-
rercnt d'abord l'homme comme une ma-
chine analogue à celle du monde entier , &
l'appeilerent microcofme , ^upokot/xo; , mot
^rec qui lîgaifie petit monde. Ils donnèrent
aux vifccrcs principaux les noms des planètes
dont ils tiroient , fuivant eux, leurs intluences
Ijjéciales , & avec lefquels ils croyoient entre-
voir quelque rapport ^ ainfi le cœur confi-
dérc comme le principe de la vie du micro-
cofme., fut comparé au foleil , en prit le nom
& en reçut les influences. Le cerveau fut ap-
pelle lune t & cet aftre fut cenfë prélîder à
fes aiSions. En un mot , on penfa que Jupi-
tcs influoit fiir les poumons , Mars fur le
foie , Saturne fur la rate , Vénus fur les reins ,
& Mercure fur les parties de la génération.
Les alchymiiles ayant fuppofé les mêmes
influences des planètes ou des aftres aux-
quels ils donnoient le nom , fur les fêpt mé-
taux , de façon que chaque planète avoit
une aélion particulière fur un métal déter-
miné qui prit en conféquence fou nom : ils
appcllcrent l'or ,/ô/f/V; l'argent , lune; le
vif-argent. Mercure; le cuivre, J^énus ; le
fer , Mars , & le plomb , Saturne. L'ana-
logie qui fe trouva entre les noms & les in-
AST
fluences d'une partie du corps & du métal
correfpondant , fit attribuer à ce métal la
vertu ipécifique de guérir les maladies de
cette partie •■, ainfi l'or fut regardé comme le
fpécifique des maladies du cœur, & les tein-
tures folaires paflbicnt pour être éminem-
ment cordiales ^ l'argent fut affefté au cer-
veau ^ le fer au foie, & ainh des autres. Ils
avoient coniirvé les diftin étions des humeurs
reçues chez les anciens en piniite , bile & mé-
laîicolie : ces humeurs recevoient auffi les in-
fluences des mêmes planètes qui influoient
(iir les vifceres dans lefquels fe faifoit leur
l'ocrétion , & leur dérangeir.ent étoit rétabli
par le même métal qui étoit confacré à ces
parties ; de façon que toute leur médecine
confiftoit à connoitre la partie malade & la
nature de l'humeur peccante , le remède
approprié étoit prêt. Il feroitbien à fouhaiter
que toutes ces idées fuifent aulîî réelles
qu'elles font ou qu'elles paroifient chiméri-
ques , &; qu'on pût réduire la médec ine à cette
(implicite , & la porter à ce point de certinide
qui réfulteroit de la précieufe découverte
d'un fpécifique alFuré pour chaque maladie;
mais malheureufement l'accomplilfement de
ce ibuhait eft encore très-éloigné , & il eft
même à craindre qu'il n'ait jamais lieu , 6c
que nous foyons toujours réduits à la con-
jefture & au tâtonneineut dans lafcience la
plus intérelFante & la plus précieufe , en ua
mot où il s'agit de la fanté & de la vie des
hommes; fcience qui exigeroit par-là le plus
de certitude & de pénétration. Quelques ri-
dicules qu'aient paru les prétentions des
alchymiftes fiir l'influence particulière des
aflres & fur l'efKcacité des métaux , on a eu
de la peine à nier l'aélion de la lune (iir le
cerveau des fous , on n'a pas cclfé de les
appeller lunatiques ( a-??,))r;tf'o,(>!i;;'ct'f ) ^ on a
conlervé les noms planétaires des métaux , les
teintures fblaires de Minlicht ont été long-
temps à la mode, & encore aujourd'hui l'or
entre dans les fameulès gouttes du général
la Motte f, les martiaux font toujours îk mé-
ritent d'être regardés comme très -efficaces
dans les maladies du foie ; & l'on emploie
dans les maladies chronicjues du poumon
l'anti-heftique de Poterius , qui n'a d'autre
mérite ( fi c'en eft un ) que de contenir de
l'étain.
Ces mêmes plai:etes qui, par leur influence
A ST
llilutaire , entretiennent la vie &; la fiintc
de chaque vifccrc particulier , occafioncnt
par leur afj)e(it finiitre des déranijcinens dans
lac^ion de ces iricnies viiccrcs , Se tle\'icnnent
par-là , fuivant les alchymifles, canles de
maladie ■-, on lenr a principalement attribué
celles dont les canfês font trcs-ohlcnrcs, in-
connues , la peltc , la petite vérole , les ma-
ladies épidéniiqnes 8: les fièvres intermit-
tentes , dont la théorie a été fi fort difcutce
& fi peu éclaircie. Les médecins qui ont
bien fenti la difficulté d'expliquer les retours
variés & conftans dea accès Fébri's, ont en
recours aux ajtrcs , qui étoient pour les mé-
decins de ce temps ce cni'efl pour pluneurs
d'aujourd'hui la nature , [idole 6» fafyle de
f ignorance. Ils leur ont donné l'emploi de
dillribuerles accès fuivant l'iiumeur qui les
produifoit ; ainfi la lune par fon influence fur la
pituite étoit cenfce produire les fïevres quoti-
diennes ■; Saturne à qui la mélancolie étoit
fîjbordomiée, donnoit naiffance aux fièvres
quartes ;, le colérique Mars dominant fin-
la bile , avoit le diftritft des fièvres tierces -^
enfin on commit aux foins de Jupiter le finig
& les fièvres continues qui étoient fiippofees
en dépendre. Zji.-:/.'i;j lujit. de medic.pnncip.
D'autres médecins ont attribué tous ces eiîets
à la lune ; & ils ont cru que fes dillérentes
pofitions, fès phafès , fès afpects, avoient la
vertu de changer le type des fièvres & d'ex-
citer tantôt les tierces, tantôt les quartes,
&c. conciliât, de différent, j'eh. 88. Pourcom-
pléter les excès auxquels on s'efi: porté lîir l'in-
îluence des ajires , on pourroit y ajouter toutes
les fabies de l'aftrologie judiciaire , voyei^ce
mot, les prédirions, les horofcopes , &c.
qui ont pris naiffance à la même fourcc ;
les noms que les poètes avoient donnés aux
planètes , en divinifaut , pour ainfi dire ,
les \ertus on les vices de quelques perlonnes,
avoient donné lieu à ces délires des aflro-
logucs, & faifbieiitpenfér que Saturne étoii
mélancolique , Jupiter gai , Mars belli-
queux. On renouvella les anciennes fictions
fur les qualités de ces prétendus dieux , qu'on
appliqua aux planètes qui les repréfeutoient j
Vénus fiit libertine , Se Mercure voleur. En
conféquence , lorsqu'on lé propofa de tirer
Thorofcope de quelqu'un , on chercha quel
afire avoitpallépar le méridien dans l'inllant
de fa nailTauce ) & fiu" ce poùit déterminé ,
A S T 7r«)
on conclut les qualités, l'éîat , les mœurs ,
la fortune future de cette perfbnnc i de façon
que ii Mars avoit préfidé à fà nailiinice, on
jironcfiiqua du courage , & on afl'ura que
l'enfant prendroit le parti des armes. Celui
qui nailfoit Ions Vénus , devoit être porté
pour les femmes, enclin au libertinage, 6t.
Tous ces caracferes décides ne vcnoieut que
de l'influence d'un féul aftrc , & les carac-
tères compofcs étoient l'effet de l'iiiflucice
con^pliquée de pluficurs ajires ; par exem-
ple , Saturne & Mercure paifoieiit enfcm-
ble par le méridien , c'étoit un figne que
renfa?ît fêroit irielancolique & voleur , t>c
ainfi des autres. On prétendit auHi lire dans
les conilellations les préfages de longue vie.
Du reile , on tâcha de s'accommoder an
goiit , au defir , aux penclians des parens.
Enfin ce qu'il y a de plus fingidier , c'efl
qu'on réuflîifoit afez fbuvent , & qu'on
croît en grand crédit ^ tant il efl facile de
duper , de plaire , de fe faire adirarer par
des prédi(ftions , fùr-fout quand on a l'efprit
de ne pas les faire pofitives , & de les enve-
lopper de quelque obfcurité. L'enthoufiafine
étoit fi outré pour ces aftrologues , que les
rois de France , il r.'y a pas encore deux fic-
elés , en entretenu icnt piufîeurs dans leur
cour , les combloient d'honneur & de prér
fens , & décidoient fur leurs oracles la paix,
la guerre & tous les grands événemens. Plu-
lieurs favans & des inédecins de réputation
étoient entichés de ces idées , entr'autres le
fameux Cardan , qui pouffa fort loin cette
prétendue fcience , & duquel il nous refle
une grande quantité d'horolcopes : on aliure
que fbn entéten^ent étoit au point que pour
iatistaire à fon horofcope quiavoitfixé le jour
de fa mort , il fe fit mourir par une cruelle
abfiinence , à laquelle il fe condamna lui-
'.riêine.
Lorique l'aflrologie ou la doftrine fur
l'influence des a/Ires eut été ainfi avilie , que
toiis ces abus s'y fijrent gliffés, & les fables
les plus grolfieres & les plus grandes abfur-
dités eurent pris la place des véritables ob-
fèrvations , les bons efprits abandonnèrent
ce dogme , & le renouvelleinent des fcien-
ces le lit entiéren.ent difparoître. Les opi-
nions nouvelles étant de-.eiiues l'idole à la
mode , le féul titre d'ancienneté fijtiîfbit aux
fyfiên;es pour les faire profcrire 3 les mé-
7îO A S T
idecius c!e'/hîrent aufii inconfidérés contra-
di&urs des aiicùins qu'ils cii avoient été
pendant pluiieurs ficelés admirateurs a\'£u-
gk'Siriafluence dssaf/res fut i-ep,ardée comme
une production frivole & chimérique de
quelque cerveau adèôé par la lune j & enfin
l'on baunit avec une fcrupuleufe lëvérité des
écoles tout ce qui avoiî rapport à cette doc-
trine , fans chcrclier à approfondir ce qu'il
pouvoit y avoir de vrai & d'utile. Enfin ,
après que le pendule , emi:)lênie de rcfjjrit
luimaiu , eut vibré datts les extrémités oppo-
ices , il iè rapprocha du milieu -^ après qu'on
£b fut porté à ces excès de part & d'autre ,
l'attrait de la nouveauté diflipé & fcs pref-
tiges évanouis , on rappella quelques anciens
dogmes , on prit un chemin plus jufte &
plus affuré fans fuivre indiftinfteinent tous
Jes anciens dogmes ; on tâcha de les vé-
rifier : quelques obfervations bien confta-
tées firent appercevoir au doâeur Mead
wne certaine correiïpondance entre quelques
phcaomenes de l'économie animale &c les
périodes de la lune. Il fuivit cette matière ,
fît des recherclics ultérieures , & fe convain-
quit de la réalité d'un fait qu'on n'ofoit plus
foupçcinicr. il communiqua Ces idées dans
une petite , mais excellente dilTertation , dont
le titre cli de l'empire du foleil & de la lune fur
le corps humain. Deux illuftres médecins an-
glois , Goad & Kook, s'appliquèrent enfuite
à examiner le pouvoir & la force des pla-
nètes à produire les vents , les pluies & les
autres variations dans l'atmofphere , en con-
fcqueucedeleuispofitions Scdeleurs afpeéts,
foit avec la lune , foit principalement entre
elles. Frédéric HofFman allure avoir vérifié
leurs obfervations , & les avoir trouvées
conformes à l'expérience : diffère, de afiror.
influx, in corpore humano. Urbain Hierne ,
célèbre chymifte de nos jours , a de nouveau
introduit l'influence àesafhes dans la chymie ;
il prétend que les trois fameux principes , le
fel , le foufre , & le mercure dont tout corps
vifible & compréhenfîble eft compofé , réful-
tent des mélanges des émanations des afires &
de quelques élémens fubl maires : « La lu-
» miere , dit-il , être immatériel émané du
» foleil , parvenue fur la furface des pla-
w nctes , îè combine avec les vapeurs qui
» s'en élèvent , avec l'eau Çupra-célefte qui
» entre dans leur compofition , fe maUria-
A S T
■ù îife par-là , &: jucnd un cara£lere parti-
» culier cncore_ indéterminé fuivant les pia-
» netes qui la réfléchiflént ». C'eft de cette
combinaifon variée que viennent les dillé •
rentes influences propres à chaque planète -, if
regarde , avec Moylc , la limiiere comme
leur véhicule \ mais avant de parvenir à la
terre, cette lumière déjà matérialifée par
l'union des atomes élevés des autres planètes,
reçoit de nouvelles coml>inailbns dans la
lune, qu'il appelle , d'après les anciens ra-
bins , Yentonnoir de la nature , d'où elle eft
enfin renvoyée fur la terre , particulièrement
chargée de l'efficacité de cette planète fecon-
daire qui fè manifefle fur la mer , les faifons,
les humeurs , les maladies , & les autres
chofes qui obéifTent à la lune. C'eft cette
même lumière qui , félon ce favant chy-
mifte , s'uniifant à la matière éthérée , à l'air
plus crallè , à l'eau qui y efl contenue , en-
fuite à l'acide univcrfel , forme le fèl qu'il
appelle afral ^naturel .^vierge. Des diftérentes
(blutions , décompofitions & recompofitions
de ce fèl réfulte \e foufre de t univers , tame
du monde ^ fils du foleil , &<:. enfin l'union
amicale de ces deux flibftances primitives
donne naiffance à une créature d'une nature
particulière , qu'il appelle /nera/rf catholique.
Voyei Mercure , Sel fi» Soufre ^ vojfj
auffi l'ouvrage de Hierne , acl. chimie. Hol-
mienf. tom.I., cap. v/', avec les notes de Gotf-
chaik Valerius. M. de Sauvages , fameux
profefTeur en l'univerfité de médecine de
Montpellier, fit foutenir dans fes écoles
une thefe fur l'influence des ajires , où il tâche,
guidé par l'obfervation , à l'exemple de
Mead, de prendre un jufte milieu entre les
éloges excefîifs de médecins aftrologues &
le mépris outré des nouveaux théoriciens.
Telle eft à-peu-près l'hiftoire des vérités y
des conje£tures , des erreurs & des folies qui
ont pris naiffance de l'influence des aftres ;
hilloire toujours curieufe&intérefTantepour
le philofophe , qui y voit retrncé le tableau
confiant & varié des variations de l'efprit
humain. Le médecin y découvTC fous d'au-
tres couleurs les mêmes fcenes qui fe font
pafl~ée$ à l'égard de plufieurs autres dogmes
théoriques , & quelquefois , qui pis eft ,
pratiques de médecine. Quoique ces opinions
aient fait moins de bniit , quoique Icurabfur-
dité ait moins paru à découvert , les erreurs
qui
A s T
qui en font provenues n'en ont été ni moins
Confidérabics , ni moins tiuieftes ■■, & tel qui
lit des prétentions ridicules des adroloijucs ,
tie leur;) prédirions rronipeufcs, mais le plus
ibiiveiU indiiTcrentes à la fanté, ne fait pas
attention qu'il a des idées dominantes qu'il
poiiife à l'excès, & qui, quoique plus con-
formes à la façon préfentc de peniér & de
s'exprimer , Ibnt fouvent plus éloignées du
vrai , & prefque toujours plus danï^creufes,
F. Ferme N TA riox, Acrimonie, Épais-
sissEMENT , Saignée, Purgatifs, &c.
Kous allons tâcher , en fuivant les traces
des auteurs que nous avons cités en dernier
lieu , d'examiner ce qu'il y a de pofiîif dans
l'infliience des û/lns , de pénétrer dans ce
puits profond où ré'îde la vérité cachée &
obfcurcie par les fables , la fiiperftition ,
&c. de féparer le vrai du faux , le certain
de l'incertain , de retenir & de faire appcr-
cevoir ce qu'il peut y avoir d'utile & d'avan-
tageux dans cette fcience. D'abord il n'efl:
pas douteux que les tifurs ne produifcnt quel-
que eltét fur la terre , fur l'air , fur les ani-
maux. Quand ces eiFets ne fcroicnt pas auflî
évideus pour la plupart qu'ils le font, quand
l'aétion réciproque des afires ne ieroit pas
connue : la croyance preique continuelle de
tc)us les peuples , de tous les fitvans , de tous
les médecins , me paroît , en faveur de cette
(joflriae, l'argument le plus incontelhiblc.
11 eil en effet inoralcment impolîible qu'un
d.Dgine conftammenî &u:iiverfei!emcnt Ibn-
tenu pendant pluiîeurs fiecles par des phyli-
ciens de différentes feÛes , con:ibattu enfuite
i>i abandonné , & enfin rétabli de nouveau ,
r.c ioit pas foncièrement vrai ^ le faux , iiir-
tout en matière de fcience , n'a que des
partifanspafiàgcrsjie vrai feui peut arracher
un confcnieinent unanime j ou fi les préju-
ges bu quelque attrait de nouvcauié le font
diiparoître , ii quelque menlbnge mêlé l'al-
îcre , le cache à nos yeux, ce n'eft que pour
u:i temps, iJ n.e tarde pas à percer les nuages
qi.'i i'obfcurciJloicnt. Mais la Ituniere du
Ibieil , des afires , frappe tous les jours les
yeux i la chaleur , le troid , la féchereHe ,
riiumidité , les vents , la pluie, les météo-
res , ne ceiîcnt de nous aïlëéter ^ accoutu-
jnés à ces impreOions , nous en fommes peu
frappés , & nous négligeons d'en pénétrer
îcs cauies. Ces cifets font inconîeilablement
oiis à l'opération du ibieil vraiicmblublc-
Tomc lll^
A S T 7M
ment jointcà celle des planètes plus voifincs.
La gravitation mutuelle des planètes cft un
jihénomenc dont il n'eli plus permis de
douter, quoiqu'on en igiwa>rc la caufe •■, l'ef-
fet qui réililte de cette gravitation fur la terre
c^ (iir (cs productions , clè un nouveau moyen
d'influence. Ces effets , beaucoup plus fen-
fibles de la part de la lune dont la proximité
& la vîtcllc , relativement à la terre , com-
pcnlcnt au delà le défaut de maffe , fout
très-manifefles fur la mer par le fiux&reflux
qu'elle éprouve \ comment eft - ce que
1 honuTie , la machine la plus fènfible , la
plus imprertionnable, ne feroit-il pasaffefté
par une foice qui fait mie imprellion très-
marquée fur les corps les plus bruts , lej
moins doués de fèntiment , fur l'air , l'eau
& la terre ? Les obfervations font ici d'a-
cord avec le raifonneineiit. P;irmi le grand
riombre que les faiîes de la médecine nous
offrent , nous choifirons les plus conlratées
& les plus récentes ^ celles-ci ne pourront
point être foupçonnées d'être diûées par la
pré^■eni:io^ & les préjugés.
Nous dlitinguons auparavant avec M. de
Sauvages , trois efpeces d'/nj/uences ; favoir ,
Xinjluencc morale , phyjiquc 6" méchanique ;
nous appelions influence morale , cette vertu
myiiéricufc , fondement de l'aftrologie ju-
diciaire ( voycicc mot ) , attribuée auxpla-
nctes & aux étoiles fixes , de décider & de
régler k fort , la fortune , les. mœurs , le
caraéliere , &c. des hommes , en conléquence
d'un afiiect particulier , du pafli'.ge au méç
ridicn dans un temps marqué , &c. c'eft fur
cette influence que portent les prédiftlcns ,
les horolcopcs , les divinations, qui ont rap-
port aux chofes fortuites , aux évéuemens
volontaires ou regardés comme tels , &c.
Nous n'ignorons pas que ces oracles , fom-
blables à ceux que rendoieiit anciennement
les Sybiiles , font le plus fou\ent fiifcepti-
bîes d'une double interprétation , très-obP
curs , i>: quelquefois auiî; faux j mais nous
(avons eu même temps que quelqi;cfois ils
ont rciiconiré très-jurte , ciî entrant men'ie
dans des détails irès-circon{la:iciés. Nous
tenons d un prélat refpeéiable l'hiibire d'une
fem:!-ie , à qui un tireur dliorolcope détailla
a\ éc la dernière cxaétitudc les moindres j>ar-
ticùiarités de fii vie pafféc <àc future : &
tout ce qu'il lui dit, foit fur le paflé , foitfur
l'avciiir , fc trouva c;itiéreirient conforme »
T 1 1 1
7Z1 A S T
la vérité : le prélat qui m'a raconté ce fait ,
en a été lui-même témoin oculaire , & toute
une grande ville a vu avec furprifc toutes
les prédirions s'accomplir pondtuellement.
Il y a bien d'antres femblables faits aulli-
bien conliatés que le philofophe Spéculatif
traite d'erreurs populaires f, il les méprife ,
ne les approfondit point , & les déclare im-
po/Tibles, parce qu'il n'en voit point les rai-
fons. Pour nous , noys nous contenterons
d'expofer les faits fans hazarder un juge-
ment qui ne pourroit qu'être inconfidéré ,
n'étant point appuyés lur des raifons fufii-
{ames qui en dém.ontrent rimpoiribiRté ,
fâchant d'ailleurs qu'il eu bien (wouvé que
des fous , dans de viclcns accès de manie ,
ont pu lire dans l'avenir , & que les événe-
mens ont enfuite confirmé ce qu'ils avoient
annoncé dans cet état. f^oy. Manie. Nous
ne nous arrêterons pas davantage à cette
influence, parce que nous n'en appercevons
aucune utilité pour la médecine , point au-
quel nous rapportons tous nos tra'ï'aux.
L'influence que nous avons nommée //zy-
/ri^ue , eft cet;e aftion des afeies , dont les
eHets font manifelîés fur l'air avant d'affec-
ter le corps , & qui même ne l'aflbitent le
p!i!s fbuvcnt qu'en conféquence des varia-
tions qui font excitées dans l'atmoiphere.
On pourroit appeller cette influence, méte'o-
Tologique médiaa ; la caufe & le méchanifme
en font inconnus i les phénomènes qui en
réfultent , peuvent feuls la rendre fcnfible.
Nous donnons le nom à'inj/uence mécha-
nii^iie à celle qu'on croit dépendre & fuivre
les loix de cette tendance mutuelle qu'ont
tous les aftres les uns à l'égard des autres ,
connue fous le nom de grav/iatio/i , expli
«[uée par divers phyficiens , tantôt par les
tourbillons , & tantôt par l'attra£tion. Nous
- allons entrer dans quekpie détail fur ces
deux efpeces d'influences , dont la réalité &
tes avantages paroiiient allez confiâtes.
InjUitnce phyj-que du foleil. I. Le folcil eft
de tous les afires celui dont ï'àiWowpkyJique
fur les hommes cfl la plus apparente : pcr-
fonne n'ignore que la lumière iSc la chaleur
en font les effets primitifs ; mais ces mêmes
eflets , fcf fijr-tout la chaleur , deviennent
encore la fburce d'un grand nombre d'au-
tres piiénoinenes ; ou pour parler avec plus
«l'exuétitude , cette même caufe ( qu'on croit
être le mouvement ) qui donne Ùeu à k lu-
A S T
miere & à la chaleur , produit aufTi d'autres
cfiets ;, car ni la lumière ni la chaleur ne
font dans les corps appelles lumineux &
chauds \ ce font des feufations particuliére-
m.eut modifiées dans les yeux & dans l'or-
gane du toucher : le foleil confidcré comme
influant phyfiquement fur la terre , peut être
regardé comme un feu immenfê , fùccelTi-
vement placé dans des diftances & des pofi-
tions différentes , foit par rapport à toute la
terre , foit relativement à quelques contrées.
Les effets en font par-là plus variés & par
conféquent plus fènfibles j une tranquille 8c
confiante uniformité frappe rarement , &
n'excite pas à chercher la caufe ^ le foleil e.i
tant que lumineux , ne ceffe jamais d'agir
iiir la terre en général •■, mais il y a toujours
quelques parties qui ne font point éclairées ■,
la partie antipode de celle qui reçoit direc-
tement les rayons du foleil , efl dans l'obf-
curité , tandis que celle- ci jouit du fpedla-
cle brillant & utile de la lumière :, le mou-
vement de la terre flir fon axe préfente pen-
dant les vingt-quatre heures fucceinvemeut
toutes les parties de la terre au ftilcil , &
occafîone par-là dans elles une alternative
de lumière & d'obfcurité, fur laquelle porte
la diflindlion frappante du jour & de la nuit.
Pour appercevoir les eflets de la lumière fur
rhcm'nc & far les animaux , qu'un phyîî-
cicn p:;rte des yeux attentifs fur tout ce qui
fuit les loix de la fîmple nature dans ces
chaumières rulliques oii l'art n'efl point
encore venu la maîtrifer & la plier à fcs ca-
])rices :, il \'erra lorfque le jour a fait place
à la nuit , tous les travaux interrompus , le
ramage des oifeaux fafpendu , les vents ap-
paifés , tout en mi mot annoncer & prépa-
rer un fommcil tr;uiquille & refl;:urant, en-
core attiré par un travail pénible , bien dif-
férent & bien au delfus de cette ombre de
fommcil qui vient languiffimment fur les.
pas de la mclleife & de l'indolence , que \n
lumière du jour auquel on l'a diîlcré , in-
terrompt & trouble , &qui ne peut être pro-
fond que lorfque l'obfcurité la plus parfaite
peut en quelque façon reflèmbler à la nuit.
Mais lorfque l'aurore luiiiiànte ramené la
lumière, & amionce le retour prochain du
foleil, voyez, tous les oifeaux témoigner par
leurs chants l'imprcfTion qu'ils enrcflcuteiit^
le coq bat des ailes & levé dis cris pcrçans
jufcju'auxcieux, le foiiuncille ditlipo , le|our
A s T
parott , & le rcg^nc du travail commence.
f-^oyei Jour , Nuit & Lumière.
Le médecin apperçoit dans les perfônnes
que quelques maladies rendent plus (ènii-
blcs , des prcu\es évidentes de laètion de la
Jumiere •, les maniaques , par exemple , les
frénétiques , les typhomaniaques, ceux qui
ibnt dans quelque accès d'iiydrophobie , tx.
ceux enfin qui ont mal aux yeux , font pour
l'ordinaire bleffcs par 'la lutnierc ; les ténè-
bres leur font infiniment plus favorables:, la
lumière rend les délires plus fougueux, l'obf-
curitc les appailb^ c'efl pourquoi il cft très-
important d'y placer ceux qui font attaqués
fie ces maladies, précaution que recomman-
«loicnt {pécialement les médiodiques. Bail-
Jou raconte que tnadame de \'arades étant
malade , tomba dans une fyncope violente
dans l'infîant de l'immerfion du foleil dans
une éclipfe , & qii'elle en retint naturelle-
ment lors de l'émerïïon , que le foleil recou-
vra fa lumière. Il n elè perfonne qui n'ait
éprouvé en écrivant , en compofànt , com-
bien la lumière ^f les ténèbres influent di-
vcrfement fur les idées & fur la manière de
les énoncer. Nous voyons enfin dans bien
des maladies, la mort furvenir, ou quelque
changement confidérable fe faire au lever
& au coucher du foleil. Rainazzini dit avoir
obforvé des fièvres épidémiques qui rcdou-
bloient vivement fiir le foir vers le coucher
du foleil, de façon que les malades étoient
extrêmement abattus , prefqiie mourans; ils
pafToient dans cet état toute la nuit ; mais
ils en fbrtoient promptement dès que le fo-
kil paroiifoit fur l'horizon , & ils pou-
voient fe lever & fê promener. Conftit. épi-
dem.ann. lôpi.F". LuMlERE, SoLEIL,é-c.
Les effets du foleil , comme principedela
chaleur , font beaucoup plus grands , plus
étendus , & mieux conftatés ;, c'eft avec rai-
fon qu'on l'appelle la fource de la vie , de
toutes les produâions de la terre •■, c'eil fur-
tout par elle que les plantes vivent , végè-
tent ; les animaux même ne peuvent s'en
paffer ^ une privation trop prompte & trop
fènfible produit beaucoup d'incommodités.
Voye[ Froid. Lorfqu'elle efl auiîî pouffée à
l'excès contraire , elle entraîne de grands
inconvéniens. f^oy^i Chaleur , Feu. Les
efïèts de la chaleur fur les corps ne font ja-
mais plus marqués & plus mauvais que lorf-
tju'on s'expofe en repos aux rayons directs
AST 7M
du foleil , 8i flir-tout ayant la tôte décou-
verte ;, d'abord la peau devient éréfipélatcu-
fc , enfuite noire , un mal de tête afti-eux
lurvient, ou tombe d::ns le délire, ou dans
un afloupifîement mortel ■■, c'efl ce qu'on ap-
pelle coup di fc.'cil. Voyez ce mot à t article
SoL.EiL. La chaleur que nous éprouvons du
foleil varie beaucoup , fuivant qu'elle cil
dircdle ou réfléchie, faivaut les difiances ,
l'obliquité des rayons, la quantité & la di-
rcilion des points qui réfléchiffent ■■, de-Ià
naillcnt les différences de chaleur , à l'om-
bre ou au foleil , dans les plaines , dans les
vallées , ou fur les hautes montagnes -^ de-là
aufli les diffinftions des faifons : dans la po-
fition où nous fommes , les plus grandes cha-
leurs fè font reffcntir dans le temps où le
foleil efl le plus éloigné , mais où l'obliquité
de fes rayons eff moins grande. Koye^ Sai-
sons , Eté, Automne, Hiver & Prin-
temps. Tout le monde fait par expérience
l'influence des faifons fur l'homme; les mala-
dies qui en dépendent font exaftement claf-
fées par Hippocrate •■, & les médecins obfèr-
vateurs qui l'ont fuivi , ont bien remarqué
qu'il y avoit des maladies particulières à cha-
que faifon, & que les maladies qui pafToient
dune faifon à une autre, changeoient de gé-
nie , de lypc , de cara6lere, & dcmandoieiit
fouicnt une méthode curative différente.
Voyeifur-toin FlEVRE INTERMITTENTE.
La chaleur infiue non feulement fiir nous
par une aftion immédiate, c'efl-à-dire lorf^
qu'elle efl trop forte en augmentant la tranf^
piration , la fiieur , en occafionant des foi-
blelîès , lafîitudes , langueurs , en efFém.i-
nant, r?.:nollifrant les vailfeaux, animant
le mouveinent inteflin du fling, rendant les
fommeils inquiets & la refjiiration lente ,
hâtée , laboriciife ; mais encore par les effets
qui la fin'vent lorfqu'elle efl appliq-aée à la
terre , à l'eau , aux végétaux , &c. On n'a ,
pour s'en convaincre , qu'à voir ce qui fè
paffe lorfque les rigueurs de l'hiver font dif-
fipécs , qu'un printemps gracieux lui fucce-
de , & enfin lorfque les ardeurs de l'été fê
font reffcntir ^ d'abord on voit toutes les
plantes fortir de la terre, renaître, fleurir,
embaumer l'air de leurs parfuins , le rendre
& plus fain & plus délicieux \ les vapeurs
élevées pendant le jour retombent le foir en
ferein , &; le matin en rofée, & humedlent
de nouveau ia terre ; mais lorf juc le brû-
T ttt i
714 A S T
hntjir/us paroît , les vapeurs éîevées avec
plus de force Se en plus grande abondan-
ce , deviennent la matière des orages , des
pluies , des tonnerres , des éclairs, &c. la
terre cependant devient aride , les marais
fe dellcchent , les exhalaifons les plus rnau-
vaifes s'en élèvent & fe répandent dans
l'air ^ les animaux morts fe pourrillént
prompteraent , & infeéfent l'atmoiphere de
iniafnies contagieux^ les rivières & les fon-
taines abaiffées fourniiTent une eau moins
fklutaire j les vins tournent dans les caves ^
les alimens font moins bons, digérés avec
plus de peiiie , &'c. de-là viennent toutes
ces elpeces de fièvres ardentes , inflamma-
toires , pétéchiales , pourprées , malignes ,
&c. les dyH'enteries , diarrhées bilieufes , la
perte enfin , & les maJadies épidéniiques :,
ces accidens feroieut encore bien plus
grands , fi les fruits que produit alors la
terre n'en prenoicnt une grande pivtie ;
nous avons {iiccelîivement les cerifês , les
fraifes , les prunes , les poires , les melons ,
les concombres , les pêciies , les figues , les
raifins , les aféroles , &c. lorfque ces fruits
manquent , ou qu'ils font viciés , ou enfin
lorfqu'on en fait des excès , les maladies
font plus mauvaifes & plus fréquentes.
Sans m'arrêtcr à beaucoup d'autres exein-
ples , je me contenterai de faire obfcrver
combien on pourroit tirer de lumières d'une
obfervation cxafte des eflets de la chaleur ;
on pourroit fe préfenter d'avance le tableau
des maladies qui régneront , du caraétere
générique qu'elles affefteront ; la connoif-
Cuice qii'ou auroit de ces maladies feroit
bien phis exacte , & la pratique plus fiire.
On ne peut qu'applaudir au zèle des méde-
cins qui s'ap[)liquent aux obfervations mé-
téorologiques, tels quclesir.édecinsd'F.dim-
bourg & l'anteur du journal de médecine
à Paris. On pourroit Iculement exiger un
peu plus de détails , ëf qu'à mefnre qu'on
raconte , on fît les applications néccfiaires
qui iè préfentent , & fur-tout qu'on com-
parât les réfiiltats avec ceux d'iiijipocraîe.
Influence phyjiquc de la lunt\On a abfolu-
mcnt rejeté toute intiticncc de la lune ,excepté
celle qui dépend de fa gra\itation, que nous
avons apj')c!lée/nf'"://(7/2/:/«/f;&lorf"juc le- fem-
mes ouîobjecté qu'elles s'apperccvoicnt qtie
ksrayons de la lune brunilibient lei'r teint ,
en a iait des expériences pour eherciicr l'cx-
A S T
pIîcat'ion<3'un fait qui paroifToit aflez conflaté
par la relation des femmes dans im point le
plus intéreffantpour leur vanité i on expofa un
miroir ardent auxrayonsdcla lune, qu'on ra-
maifa de façon à leur donner un éclat prodi-
gieux, on mit au foyer un thermomètre extrê-
inement mobile , la liqueur n'en reçut aucune
impreflion , ne monta pas lënfiblement ^
on en conclut avec raifon que les ravonsde la
lune n'étoientpas capables de produire de la
chaleur ■■, t< fur cela on décida qu'ils ne pou-
voient pas brunir , & qu'ainfi i'obfcrvatioii
des femmes étoit une de ces erreurs populai-
res que le philofophe doit nier lorfqu'il ne
fîit pas les expliquer ^ il eût été plus liige de
bien conftater le fait , d'en chercher une au-
tre caufè, ou de le croire fans l'approfondir ^
fans en pénétrer la caufe , comme l'on faiî
dans bien d'autres cas. Voici quelques autres
obfervations qui démontrent cette aftioii
phyfique de la lune , due vraiiémblablement
à fa lumière : la lumière ne feroit-elle qu'une
émanation ? iéroit-elle , comme l'a penfé
Hierne , combinée , lorfqu'elle fort de la
lune , avec quekp^ies \apeurs , avec quelques
corps étrangers? quoi qu'il en foit, voici le
fait. Mathiolus Faber rapporte qu'un jeune
mélancolique quelques jours avant l'éclipfe
de lune , devint plus trille, plus fbmbre
qu'à l'ordinaire , & qu'au moment de l'éclipfe
il devint flirieux , coiu^ant de côté & d'autre
dans fa maifon , dans les rues & les carre-
fours , l'épéc à la main , tuant & renverfant
tout ce qu'il trouvoit fur fcs pas , hommes y
animaux, portes , fenêtres , &c. Mijf. nat,
curiofor. in nppcndic. dcc. II ■, ann. l^ipag^
49. Baillou raconte qu'en 1691 , vers le Ibll^
ticc d'hi\er,ily a\oiî beaucoup de fluxions ,
da morts flibites , d'cfpcces d'apoplexies , Se
de fucurs angloifès. Au mois de décembre
peiidjmt la nuit , il fe fit des changemens
inouïs, incroyables-, les corps les plus fiiins
éîcient laiiguillaus ^ les malades fembloient
tounîientés par des démons, prêts à ren-
dre l'ame ^ il n'y avoit d'autre caufe appa-
rente qu'une éciij)fc; <' &c comnie nous ne
» l'appcrcevions pas, ajoute Baillou, nous ne
» pouvions ailbz nous étonner de tout ce que
» nous voyions, nous en ignorions abfolu-
» ment la caufe ^ mais ces délires foudains,
» les convulfions inattendues , les tliange-
» niens les plus confidérablcs & les plus
» prompts qu'on obfcr\a cette nuit diuis les
AS T
» maladies , nous firent ben connoître qii«
)) tous CCS troubles étoieiit excites par les
Il :i(ïectionsdulbleil,ikla lune Scduciel. »
Ramazzini a aulfi obfcrvé le danger que
couroient les malades pendant les éclipics:
îl remarque qu'une fic\re pétéchiale , épr.lc-
mique, dont il donne ladcfcripîion , é:oit
beaucoup plus fîcheufê après la pleine lui'.e
& dans les derniers quartiers , & qu'elle
s'aj^paifoit vers la nouvelle lune ; mais que
pendant une ccliplédc lune tous ces malades
mouroieut. Conjiit. annor. i6ç)i & 1693.
On voit là quelques raifons qui juftificnt la
crainte exceiîîve que certains psuplcsavoient
des éclipfes , comme d'un ii,J:ne de malheurs ,
opinion qui auiïi a été appliquée aux comè-
tes , peut-être fans fondement. On obfcrvc
en Amérique , 1°. que le poiiTon expoféà la
lueur de la lune , perd fju goût, & devient
molIalTe j les Efpagnols l'appellent allunado.
1°. Que les mulets qu'on lailfe coucher à la
lune dans les prés , lorqu'ils font blefTés ,
perdent l'ufage de leurs membres & la blef-
fure s'irrite , ce qui n'arrive pas dans d'autj-es
teiTïps. 3°. Que les hommes qui dorment à
la lune font brifës & rompus à leur réveil ^
les plus vigoureux n'y réfiftcnt pas : ces faits
m'ont été attelles par un témoin oculaire qui
m'a rapporté qu'un de fcs amis ajoutaiu peu
de foi à ce que lui racontoicnt les habitans
du pays , s'oiTrit de palier la nuit à la fenê-
tre , bien expofé aux rayons de la lune ; il
le fit en effet, &: paya bien cher fon incré-
dulité & fa fanfaronnade ; il relia fept à huit
jours fans pouvoir remuer ni pies ni mains.
Il eft fait mention dans les mélanges des cu-
rieux de la nature ( dcc. i , ann. i , obf. 19. )
d'un vertige excité par les rayons de la lune.
Il feroit à fouhaiter que des obfcr\ateurs
éclairés & attentifs , s'appliqualTent à vérifier
& à confirmer ces obfervations ■-, peut-être
dans le temps des éclipfes pourroit-on \>vé-
venir les grands accidens qu'elles occailo-
iient. Dans ces pays les promenad':is à la luno
font moins nuilibles qu'en Amérique , les
amarisfèuls le plaignent de cette incommode
clarté \ li l'on s'y enrhume quelquefois , ou
fi l'on y prend des douleurs , on ne manque
pas dé les attribuer au ferein , eil-ce avec
raifon ? tomberoit-il plus abondammment
pendant que la lune luit ?
l:\jlucnce phyjique des autres aflres. Il ne
yiciit abfoluîiienî point de cJialeur des j^lanc-
AST
7M
tes ni des étoiles fixes , la lumière qui s'en
échappe ell très-foible , très-peu propre k
faire quelque imprefiion fenfible ; nous n'en
voyons auffi aucun effet : la produélion des
vents , de la pluie , &c. que Goad & Kook
leur attribueiit , fi elle eil réelle , vient fans
doute de leur gravitation, &par conféquent
ell une influence méchanique dont il fera
queftion plus bas. L'influence phyfiquc des
comètes mérite plus d'attention , quoiqu'elle
foit aflin-ément dépourvue de toute utilité ;
ces eljjvces àe planètes peuvent s'approcher
d'affez près de la terre pour lin faire éprouver
& à fcs habitans l'aftivité de leur influence.
Voyez les conjetlurcs ingénieurs de M. de
Maupcrtuis. Voyei l'article CoMETE.
Influence rrJchamjue du fohil, II. Cette in-
fluence eft fondée fur l'aélion coudante qui-
porte les pkuietes les unes vers les autres , Se
toutes vers le foleil , qui eft à fon tour attiré
par chacune \ l'influence mé^intiiquo du {bîeil
fur la terre n'ell pas un problème , c'eft ua
fait très-décidé ; c'eil en obéiffant ^t cette in-
fluence que la terre rélîliant à chaque point à
fa force de projection , eft comme obligée de!
formerune courbe autour du foleil \ fès eflets^
quoique très-réels fur l'homme , font tropi
conllans & trop néceffaires pour être beau-i
coupfenfibles^ le mouvement de rotation de
la terre ne fait de même fur eux aucune im-
preffion , cette influence croiffant en raifon
invcrfé des qnarrés des dillaiices eft dans cer-
tain.s temps beauccjp plus forte que dans
d'autres.Les différences les plusremarquables
s'obfêrven: aux foiftices & aux équinoxes ;
dans ces temps précifément on a appcrçu
quelques phénomènes , quelques variations
dans les maladies , qu'on a jugé inexplicables,
& tout de fuite faulfes , &. qui pourroient
vraifembiablement être rapportées à cette
caufè. Le temps des équinoxes eft fort con-
traire auxphthiiiqucs, auxheiliques, àceux
qui font dans des ficvres lentes \ & les mala-
dies chroniques qui tombent d.ins ce temps
éprouvent des changcmens fubits qui les îer^
minent ordinairement par la mort ou par la
fanté ; & ileftrare que les troubles q'.ii s'exci-
tent alors , ne fijicntpas funeftes aux malades.
Frider. Iloffman, di^Jert. citât. Sanilorius a
obfervé que dans le temps du Iblfticc d'hi\'er,
notre tranfpiration étoit moindre d'une livre
que dans tout autre temps. Medicin. fiatic.
Hyppocraté, coniine nous l'avons déjà remaj' ■
71^ A S T
que plus haut , veut que pendant les dix jciirs
du folftice d'été, on s'abfticnne de tout grand
remède, qu'on ne coupe ni ne brûle , &c. &c
aillire que ce défaut de précaution n'eft pas
fans inconvénient.
Influence méchnnique de la lune. L'action
méchanique de la lune fur la terre , eft incon-
teftablcment prouvée par le flux & reflux de
la mer:, & c'eft fur-tout de la correrpondance
exafte du flux & reflux avec les périodes lu-
naires , qu'on ert parti pour établir que la lune
eft la cautè princii^aJe de ce phénomène :, ainli
des obièrvations qui détnontreroient la même
réciprocité entre les phénomènes de l'écono-
inie animale & les phases & mouvemens de
la lune, feroient une preuve évidente del'//!-
jiuence méchanique de la lune fur le corps.
Je palfe fous fdencc les preuves phylîques
qu'on pourroit tirer du reflux de l'air , des
chaiigemens qui y arrivent alors , & de l'ac-
tion de l'air Itir le corps humain ( Voyei
Air , ; les raifons d'analoj^ie qui feroient
d'ailleurs fuffifantes:, carqui eft-ce qui niera
que notre machine foit attirable ou compref-
lible ? Toute le clafTe des végétaux pourroit
encore fournir des traits d'analo<îicconvain-
cans ; le laboureur & le botaiiifte ont éga-
lement obfervé que la lune avoit un empire
irès-éîendu lur la fécondité des plantes^ c'eft
auiîî une règle invaiûable chez les payfans ,
foutenue par une tradition conftante , & par-
là même refpeftable , d'avoir égard pour
femer les grains aux phafes de la lune j ils ont
remarqué que les arbres plantés en pleine
lune portoicnt alTez promptcment des fruits,
mais petits & graveleux^ & qu'au contraire,
ceux quiétoient m<is en terre pendant la pleine
lune, portoieut des fruits beaucoup plus tar-
difs , mais auffi bien lupcrieurs en beauté &
en dclicatefiè ^ la tranlplantatton même des
arbres ne fe fait jamais avec plus de fuccès
que pendant les premiers quartiers de la lune :
on s'eft aufTiapperçu que les plantes femées
dans le déclin de la lune poulîbientdes raci-
nes très-longues Se très-multipliées , & celles
qu'on fèmoit en pleine lune, étoieatchargées
de très-belles fleurs : ces précautions ne font
point indiiTérentcs à l'égiird de plufieurs
plantes , le fleurifte pourroit fur-tcut en tirer
bieji des avantages j il n'eft pcrlonne qui ne
fâche que la coupe des bois demande les
mêmes attentions j que ceux qui font coupés
dans la j^eine lune pourrillèiit bientôt , &
A S T
font moins propres à fènir aux bâti'rr:ens que
ceux qui ont été coupés dans la vieille lune.
Joignons à toutes ces preuves les obierva-
tionspropresquiétablirontlamêmeinfluence
iîir le corps humain , & qui iont d'autant
plus convaincantes qu'elles ont été faites la
plupart par des médecins qui ajoutoientpeu
de foi à l'influence des ajires , ou qui la iié-
gligeoient entièrement.
1°. Le retour périodique des règles dans
les femmes, eft fî exactement d'accord avec
le mois lunaire, qu'il n'y a eu prefqne qu'une
voix fur ce point dans tous les fîecles , chez
tous les médecins & chez les femmes même;
les maladies qui dépendent de quelque vice
dans cette excrétion ( clallè fort étendue à la-
quelle on peut rapporter la plupart des mala-
dies des femmes , ) fuivent fouvent avec une
extrême régularité les mêmes périodes.Char-
les Pifonraconte qu'une fille futpendant tout
le printemps tourmentée de fymptômes d'hif^
téricité qui commençoient aux approche»
de la pleine lune , & ne cefToient que vers la
fin du dernier quartier. On a obfervé que
les hémorrhoïdes avoient aufîî ces périodes
communs avec ré\'acuation menftruelle.
2°. Maurice Hoffinan dit avoir va une
jaune fille âgée de 14 ans , née d'une mère
épileptique , <à qui le ventre enfloit tous le?
mois à mefure que la lune croiftbit, & dimi-
nuoit en même temps que la lune alloit en
décroiifant. (MifcelLnat. curiof.ann.6 ,obf.
i6x. ) On aftlire que les huitres font beau-
coupplus groftés & les coquillages plus rem-
plis pendant la nouvelle & la pleine lune ,
que pendant les derniers quartiers au déclin.
GeJle , témoin oculaire de ce fait , prétend
l'avoir vu s'opérer de même dans bien d'au-
tres animaux , qui engraiilbient & maigri/^
foient fuccedivement /èlon que la lune étoit
nouvelle ou vieille. Hyppocratc penfè que
les femmes conçoiient principalemientdans
la pleine lune. r. Hoftiuan , dijjertation citée.
1°. Les maladies nerveufès font très- fbu-
vent conformes aux périodes lunaires. Il y :i
une foule d'obfervations qui juftificnt le nom
de lunatiques , qu'on a domié aux épilepti-
ques & aux maniaques •■, Galien , C^lius
Aurelianus , Pitcarn , ont principalement
obfervé cette uniformité. Nlead rapporte
rhiftoire d'un jeune enfant attaqué de con-
vulfions , qiii étant revenues à la pleine lune
fuivircnt II exadcinent les périodes de la
A s T
lune , qu'elles répondoiciit tous les jours au
flux & reflux de la mer', de façon que lorfi^fue
les eaux venoicnt couvrir le rivage , l'enfaut
perdoit l'ulagc de la voix & de tous (es feus,
iklorlque les eaux s en rctournoient, l'enfant
revenoit entièrement à lui ; il refla pendant
quatorze jours "dans cet état jufqu'à la nou-
velle lune. ( De imperio fol.& lui!. page i6ç.)
Pitcarn a obfervc ini c/iorea fanai î-^iei aufîi
régulièrement périodique. Charles Pilon
parle d'une paralyiie , que la nou\elIc lune
rnmenoit tous les mois. Tulpius a vu un
treir.blement , dont les accès étoient corref-
poiidans au flux & reflux de la mer , à la
lune, & quelquefois au fbleil. Un médecin
de Paris m'a communiqué depuis quelques
jours un mémoire à conllilter pour lui épi-
leptique , dont les accès reviennent pendant
la vieille lune.
4". On trouve dans la éphéinéridcs des
curieux de la nature , :., : quanti'^ d'excin-
ples de maux de tête , de vertiges , de blef^
fî'.rcs à la tête, d'aJîôftions cpidèmiques , de
fièvres malignes , de diabètes , de maladies
exanthématiqiies , ô-c. qui démontrent l'in-
fluence méchanique delà lur.c fur les corps.
Syrmpf. ad littcr. lunœ. Voyc^ Sauvages de
injlux. fyder. Il y eft au.Ti lait mention de
deux fomnambules , dont l'un tombait dans
fes accès dans le temps de la pleine lime , &
les paroxj'fines ds l'autre étoicut correfpon-
dans aux phalès de la lune.
5°. n arrive aufll quelquefois que les re-
doublemens dans les inaladies aiguës fuii'ent
les alternati\'es du flux & reflux ; & cela
s'obferve principalement dans les '. illes mari-
times. Charles I-'iPjn dit que les malades fè
trouvoient très- liai lor(q;ie le flux de la
mer fe rencontroit dans la pleine lune^ c'ell
un fa it connu , dit- il , que pîufieurs ibnt morts
pendant le te':nps du reflux : mais pour l'ordi-
naire, les douleurs, fiiivant le rapport Acs, ^:v\2.-
Iade3,& les f)'mpt-:)me3redoub!o!ent pendant
iîs heures que di^re le flux, & le refiuxam.e-
noit une interminîon plus ou moins parfaite.
Dans la fic/re péîécliiale , épidémique , qui
régnoit à Turinge en 1698 &; i^yp, on ap-
pcrçuî beaucoup d'altération dans les mala-
dies correfpondantes aux lunaifons pendant
l'hiver Se l'automne \ & au printemps , jircf-
que tous les fébric'tans mouroient très-
promptement pendant les derniers quartiers
de Ja lune, ta^jdis. que ceux qui étoieut
A S T
7^7
malades pendant la nouvelle lune Scies pre-
miers quartiers , fe rétablillbient très-bien
& en peu de temps.
6°. De toutes les maladies celles qui m'ont
paru répondre a\'ec plus de régularité ans
périodes lunaires, fjnt les maladies cutanées.
J'ai été lùr-tout frappé d'une teigne, dont j'ai
détaillé l'hiltoirc dans le journal de médeci-
ne , année 1760 , mois d'avril. Elle couvroit
tout le vifa^e & la poitrine , occalionoit des
démangeailbns infoutcnables , quelquefois
des douleurs très-vives pcndantla vicillelune,
&f préfentoit un fpeftacle aflreux. Tous ces
îymptomes fe foutenoient juf(|u'à la nouvelle
lune , alors ils difparoiiroient peu à peu ; le
vif !ge s'éc'aircifibit infenfiblcmcnt, &c fc dé-
pouilloit de toutes croûtes , qui fe dcilë-
choient jufqu'à la vieill; lune . où tout rc-
commençoit de nouveau. J'ai été témoin
pendant plus de trois mois de cette alter-
native marquée. J'ai vu la méire choie ar-
river fréquemment dans la gale^ & plu/leurs
perfonnes ont obfcrvé que la gale augnien-
roit \ers la pleine lune ^ que lors même
iju'elle étoit guérie , il en reparoiiibit \'ers
ce temps-là quelques pun;ules , qui fe di/îî-
pr.ient enfliite périodiquement. Je n'ai point
eu occafion de répeter les n-.énies oblcrva-
tions fur les autres maladies ^ je ne doute
pas qu'on n'apperçût auHi les niêmes cor-
rei'pondaiices. C'efl un vaile chairp ouvert
aux obfêrva'eurs zélés pourrcn-.bcUÎfrement
& la pcrfediion de la médecine *, on pour-
roit conflater les obfervations déjà faites ,
y en ajouter d'autres , les poufTcr plus loin.
Il refîe encore à déterminer les variétés qui
naifîént des différentes phafes , des con-
jonéfions, des afpcdsde la lui:e avec le fc-
Icil & les autres aftrcs ; peut-être les différen-
tes maladies ont un rapport plus immédiat
avec certaines phafes , certaines poiitions de
la lune qu'avec d'autres. Bennct prétend
avoir cb'ervé que les maladies qu'il croit
provenir d'une rnaticre faline, tel'es que font
les doulei.rs, les démangeaifôns , les m,a-
ladies ex; nthématiques , &c. augmentoient
beaucfiup pendant les j'remiers q.;urtiers de
la lune , £i fur-tout les deux ou trois nuits
qui prccédoient la nouvelle lune. Ce même
auteur a/fure que pciulant la vieille lune ,
la !yn';he cc les hun-eurs s'acourrai'eiit dans
le corps, parce qu'aJors il \ oit , dit- il , une
augmeutatiou fcniiblc dat's toutes les œala*
7zS AST
(lies iërcufcs , hiimorâles j clans la cactioxie,
l'Jiydropifie , les fluxions , les catarres ,
alïhmes , paralyiies , &c. Quelque incom-
flctes que foient les oblérvations que nous
a\ons im cette matière , on peut en déduire
ces canons tjiérapeutiques ^ que dans les ma-
Lidies fouinifes aux inHuenccs _ de la lune ,
lorfque la polltion ou les phafes de la lune
fous lefquelles fe font les redoublemens ,
font prochaines , il faut appliquer quelque
remède aâif qui puilfc prévenir ou calmer
l'intenfité des fyniptoines :, il faut s'abicenir
de tout remède pendant le temps du re-
doublement, C'eft dans le temps de finter-
mifiion qu'il convieiU de placer les remè-
des appropriés ;, j'ai fuivi avec beaucoup de
fiiccès cette méthode , dans le traitement
de la teigne dont j'ai parlé plus haut. On af-
fure que^ les mcdicamens donnés dans^ les
écrouelks fur le déclin de la lune , réuiîilîcnt
beaucoup mieux qu'en tout autre temps j
que dans les afiedions de la tête , des n.erïs ,
dans l'épilepfie , les malades fe trouvent beau-
coup icuhv^és de l'ufage des nervins , cépha-
liques, anti-épileptiques, pendant les chan-
gemens de lune. Un illuilre médecin de
cette ville a eu égard aux périodes de la lune ,
dans l'adnîiniilration des remèdes pour un
épiieptiquc , dont j'ai parié ci-deilus. Frédé-
ric HofFman recommande aux calculeux de
prendre trois ou quatre bulbes ou gouli-s ci'ad
îi chaque quartier de la lun.e. Je ne dots ponit
oublier d'avertir , qu'en rapportant ces oblér-
vations , en recommandant d'avoir égard
aux aflres dans l'adminiitration des remè-
des , je n'ai point prétendu donner des rè-
gles invariables t>c rigourculcMnent démon-
trées , & dont on ne peut s'écarter fans des
iiiconvéniens très-graves. J'ai eu principale-
ment en vue d'exciter les médecins à conf-
tater ces obfervations ;, & j'ai toujours pcnle
que dans les cr.s prelfans , & où l'expeda-
tion pourroit étie nuifible , il talloit peu
faire attention (i la pofitiou des aJJres etoit
filutaireou nuilible , fiiivant cette maxime
obfervée cliez les anciens , que nj'iu indi-
nant , non ncccjfnaiu ; il faudra appliquer
ja même ciiofe à l'influerice des autres pla-
nètes dont nous allons parler.
Injluence méchcinique des aunes affres. Ni
le raitbnncmcnt, ni l'expérience permettent
vV attribuer aux étoiles lixes quelque action
inéçl?aiiiquc liir le corps limiwui i l'uu fiv
AST
l'antre s'accordent au contraire à établir l'ia-
iluencc méchanique des planètes, Mercure,
Vénus , Mars , Jupiter & Saturne. Ces corps
céleftes, quoique placés à des diftances con-
fidérables de la terre , peuvent néanmoins
exercer fur elle une gravitation réciproque ,
& la mafîe des planètes les plus éloignées
compcniè fuffifamment leur diftance. L'at-
traétioneltenraifondircdle des malles, & en
raifon inverie des quarrés des diftances. Ainfi
Jupiter & Sanirne, quoique placés dans un
prodigieux éloignement , ne doivent pas
être cenfés dépourvus d'aâion fur la terre ,
parce qu'ils contiennent en même tem^is une
phis grande quantité de matitre. Lorlqu'une
partie de la terre efc foumife à l'action di-
recte de deux planètes , il y a lieu de pré-
fiimcr que cette adtion réunie produira des
etîets plus fenfiblcs , fans examiner fi par la
conjonétion les deux planètes n'acquièrent
pas plus de force ^ il eft aufii très-vrallem-
blable que ces eiîéts doivent varier fuivant
la lituation , la polltion, le mouvement 8c
la diltance de ces planètes. Je ne feroismême
pas bien éloigné de croire qu'il y a quel-
que réalité dans les vertus que les anciens
attribuoient aux diftérens afpcèts Aesajftes ;
il ell ii fbuvcnt arrivé aux modernes d'a-
dopter, engagés par la force de la vérité ,
des dogmes anciens qu'on avoit ridiculifes
peu de temps auparavant, qu'on ne fauroit
être allez circonfpeél à porter ini jugement
décilif contre quelque opir.ion avant de l'a-
voir bien approfondie , & d'en avoir bien
fenti rimpolfibilité. On a toujours regarde
les alpeêts de Saturne & de Jupiter, de Sa-
turne & de Mars comme trcs-n:auvais , &
annonçiuit & occadonant des malailics
dangereufes , & la pelle mcme , fuivant la
remarque de Zciaus \ cette idée ne peut être
partie que de quoique obfervation. La fa-
meulé pelle qui parut en 1117 , & qui par
le grand nombre de morts , dépeupla pour
ainli due le monde , ftit précédée , Se fé-
lon les ailrologues , produite par la cou-
jonction de Jupiter & de Saturne. Boccacc
iSc Guy de Chauliac ont écrit que celle qui
avoit régné en 154S, dcvoit Ion origir.e à
raljied de Saturne, Jupiter & Mars. Mar-
iilius ficinus, philoiophc célèbre, rapporte
qu'en 1477 il y eut des écliplcs de loleil
6i de lune \ que Saturne & Mars furent
eu coiijoudtioii , & qu'il y eut une pefte
terrible.
A s T
terrible. Gafpard Bartholin prédit en coole-
quciice de l'afpciit de Mars & de Saturne ,
d'un hiver chaud , & d'une automne brû-
lante , la perte qui ravagea quelques années
après toute l'Europe. Paul de Sorbait, pre-
mier médecin de l'empereur , prédit fur le
même fondement la perte à Vienne , & l'évé-
nement répondit à fes prédictions. Sennert
a aulîi obfervé en 1624 Se 1 63 7 ^ une dyf-
ibntcrie épidémique à la fuite de la con-
jonûion de ces planètes. Voye^ Hojfman ,
diffirtation citée. Les afpedts de Jupiter &
de Vénus ibnt cenies bénins , ceux de Mer-
cure indiffcrens. Les conjonctions de Vénus
& de Jupiter , du Soleil & de Mercure ,
de Jupiter & de Mercure , font regardées
comme ialutaires aux phthyfiques, à ceux qui
font dans les fièvres lentes. Sous ces alpefts
combinés on peut attendre des crifès bien
complètes dans les fièvres ardentes , inflam-
matoires , 6v. Aucune obfervation moderne
n'ert venue à l'appui de ces anciennes \ mais
aucune auflî ne les a détruites. On pour-
roit cependant regarder comme une confir-
mation du fyftême des anciens , les obfèr-
vations faites par les célèbres Goad &
Kook fur les variations de Fatmofplicre ,
relativement aux afpedts & aux pofitions des
planètes. Frédéric Hoffman les a répétées
avec fbin , & il alTure qu'une expérience
fréquente lui en a atterté la vérité , ù cré-
era nos experientia hâc in re confirmavit :
voici ce qu'il en dit lui-même.
Toutes les fois que Saturne regarde , ad-
//)/V/>, une planète dans quelque pofitionque
ce foit , il comprime l'air , excite des vents
froids qu'il fait venir du feptentrion. L'af-
fociation de Saturne & de Vénus donne
lieu d'attendre des pluies froides •■, le vent
fouffle alors du feptentrion & de l'occident.
Jupiter eft ordinairement venteux avec quel-
que planète qu'il concoure , fur-tout en au-
tomne & au printemps j de façon qu'il eft
rare qu'il y ait des tempêtes & des ora-
ges , làns que Jupiter fi^it en afpeft avec
quelqu'autre planète. Parmi les planètes plu-
vieufes , Vénus tient le premier rang , iur-
tout fi elle ert en conjonéHon avec Mercure ,
Saturne & Jupiter. Le foie il & Mars annon-
cent & opèrent les jours fereins & chauds ,
fur-tout dans l'été lorfqu'ils fe trouvent en
cojijoniition j les elfets font les mêmes , quoi-
Tome II J.
A S T 729
que plus foibles , s'ils agilTent de concert
avec Mercure & Jupiter. Mercure eft d'une
nature très-inconftante , & produit beau-
coup de variations dans l'air j le même jour
eft fous fon afpedt fcrein , pluvieux , ven-
teux , orageux , &c. Avec Jupiter il donna
naiftiuice aux vents j avec Vénus , à la pluie.
L'action de ces planètes varie beaucoup ,
fuivant la diftance Si la fituation du foleil.
La lune même rapporte des changemens ,
en accélère ou en retarde les effets fuivant
fon influence particidiere. La fituation du
lieu , la nature du climat, peuvent auffi faire
naître bien des variétés j 8c cette même ac-
tion appliquée au corps , ne fauroit être
uniforme dans tous les tempéramens , tous
les âges , tous les fexes, & tous les individus.
f^oyei Kook , Méiéorolog. S. Ajlronom,
Goad , traclatus mtteorol. & la diifertatioi»
d'Hoftinan , qui fe trouve dans le FV* vol.
tome V , pag. 70.
Ces obfervations qu'il eft bien difficile de
contefter , paroilFent mettre hors de doute
l'influence de ces planètes fur l'air , & en
conféquence fur le corps humain. Perfonne
n'ignore les effets de ce fluide , dans lequel
nous vivons , que nous avalons avec les ali-
mens , que nous refpirons continuellement ,
& qui s'infinuc par tous les pores abforbans
qui font ouverts fur notre peau \ il eft cer-
tain que la plupart des maladies épidémiques
méritent de lui être attribuées. J'ai prouvé
dans un mémoire lu à la fociété royale des
fcicnces en 1749 , que l'air étoit la princi-
pale caufb des fièvres intermittentes. Il y a
certaines perfonnes qui ont des figues alîu-
rés , qui leur marquent cxaûem.ent les va-
riations de l'atmolphere , des douleurs de
tête , des rhumatifmes , des fuites de blelfure*
ou de luxation , qui le réveillent dans les
changemens de temps , & les inftniiléntplus
fùrement que les meilleurs baromètres. Voy.
Air , Atmosphère. J'ai vu il y a peu de
jours un malade attaqué d'une fièvre putride ,
portant à la poitrine j il refta pendant fèpt :"i
huit heures que dura un orage violent , dans
un état affreux; il avoit peine à refpirer , fe
Icutoit foible & abattu , avoit des inquiétu-
des. Après un coup de tonnerre , qui fit u«
fracas épouvantable , l'orage ceifa ; en mêine
teinps il fe trouva dcbarralie d'une efpece de
poids qui raffailFoit j la lèvre fupcricure fe
\' V V T
730 A S T
couvrit de boutons , il fut extrêmement fou-
lage , & entra en convalefcence.
On peut déduire de toutes ces obferva-
tioiis examinées de bonne foi , & appro-
fondies iuns partialité , combien cette par-
lie de lallronomie qui traite de l'influence
des ajires , peut être avantageufè aux méde-
cins , & combien par coniequent elle mcri-
leroit d'être plus cultivée 8f mieux étudiée.
Tout ce qui eft de l'intérêt public , & d'un
intérêt aufli prefTant & aulli prochain que
celui qui réfiilte de la médecine , doit être
un motif fiiffilant pour nous engager à des
recherches ultérieures ; mais ne fèra-t-il pas
à craindre que l'efprit humain enflammé de
nouveau par quelque réuflite , ne donne
aufli-tôt dans l'excès , ne porte cette fcience
à un extrême toujours vicieux j & il ell sûr
que le mal qui en proviendroit fèroit infini-
jnent au delliis des avantages qu'on pour-
roit tirer de cette connoiflance retenue dans
un jufte milieu. Mais dans cet état même ,
les matières aux recherches , aux obferva-
lions , ne font-elles pas trop vaftes pour dé-
tourner un médecin de l'application des cho-
fes plus férieufes & plus intéreifantes ? Si
l'intérêt public l'emportoit davantage fur le
particulier , il faudroit que des médecins
s'appliquaiTent uniquement aux obfervations
météorologiques , qui pour être bien faites
demanderoient beaucoup de temps & de
connoiffances , voye[ ce mot ; aux découver-
tes anatomiques , phyfiques , chymiques ,
&c. en un mot aux fciences accefl'oires de la
médecine, & le praticien puiferoit dans les
arfenaux des matériaux tout digérés , pour
être le fondement & l'appui d'une pratique
beaucoup plus folide & brillante. Car il eft
impolTible que le même médecin puifle ilii-
vre tous ces diiFérens objets ; ils devroient
être renvoyés à tant de gens qui ne font
point nés médecins , que la curiofité porte à
cette étude , mais que l'intérêt fait prati-
ciens. On naît médecin comme on naît
poète ; la nature fait l'un & l'autre. Article
de M. Mbnvrst.
Astre , £ m. ajler, ( HiJi,iiat,bot. ) genre
de plante à fleur radiée , dont le difque eft
compofé de fleurons , &c dont la couronne eft
formée par des demi-fleurons qui font pofes
fur des embryons , & fbutenus par un calice
écailleux j les embrj'ons deviennent dans la
A ST
fuite des femences garnies d'aigrettes, &
attachées au fond du calice. Tournefort ,
Inf. ni /lerb. Koye^ Plante. (1)
Astre du monde,, Astre v/o/«, Astre
triomphant^ (termes de Fieurifte. ) ce font
trois efpeces d'œiliet.
* ASTRÉE , (Myt/,. ) fille d'Aftréus &
de Thémis , & mère de l'équité naturelle ,
de cette équité avec laquelle nous naifTons ,
& dont la notion n'eft point due à la crainte
des loix hum.aines. Elle habita fur la terre
tant que dura l'âge d'or : mais quand les
hommes cefTerent entièrement d'entendre fk
voix , & fe furent fouillés de crimes , elle
s'envola au ciel , où elle fe plaça, difent les
poètes , dans le ligne de la Vierge. Il paroit
que ce ne fut pas fans regret qu'elle quitta
la terre , & qu'elle y fèroit encore , fi la mé-
chanceté ne l'eût pourfuivie par-tout. Exilée
des villes , elle fe retira dans les campagnes
& parmi les laboureurs , & elle n'abandonna
cet afyle que quand le vice s'en fut encore
emparé. On la peint, dit Aulugelle , fous la
figure d'une vierge qui a le regard formida-
ble. Elle a l'air trifte : mais fa trifteffe n'été
rien à fa dignité : elle tient une balance d'une
main, &une épée de l'autre. Ilparoît qu'on
la confond fouvent avec 1 hémis , à qui l'on
a donné les mêmes attributs.
ASTROMETRE, /^oj.Heliometre.
§ ASTRINGENT , {Mat. méd.) ce nom
générique eft appliqué à tous les remèdes
qui peuvent , en reiîèrrant les couloirs ou
les orifices , arrêter ou diminuer les diffé-
rentes évacuations dans le corps humain.
L'aâion des aftringens n'eft pas bornée aux
premières voies •■, & la trop grande liqui-
dité des felles , n'eft pas la feule indication
qui en exige l'emploi : on s'en fèrt contre
les hémorrhagies , les écoulemens féreux de
toutes les parties & de tous les organes j on
les prefcrit dans les relâchemens des par-
ties , dont la force tonique eft Jimplement
diminuée , lors même que les écoulemens
ou les évacuations n'excèdent point l'état na-
turel par la quantité. Ainfî le relâchement
du fphin£ler , de la vefîîe, de l'anus, des glan-
des lalivaires , iS't.eft efîicacement combattu
par les aftringens , lorfque l'urine , les ma-
tières fécales & la falive ne font pas aflëz
long-temps retenues dans les organes qui
Icux fervent de dépôt. Ce n'eft pas en cor-
AST
rîg:eant la trop grande fluidité des matières,
que les aftringtns s'oppofeiit aux évacuations
trop abondantes \ ils ne produifent cet effet
que d'une manière très-fecondaire j ils ex-
citent ou réveillent 1 aftion des organes , ils
perpétuent cette aélion & l'ordre renaît dans
\q% fondions. Un médicament qui n'agiroit
fur des fèlles trop liquides , qu'en abfôrbant
l'humidité fuperfluc , ne prouveroit pas la
bonne difpofition des organes de la digef-
tion \ il ferviroit à tromper le médecin qui
voudroit juger de l'état des organes , par
celui des felles j il remcdieroit à la liquidité
des excrémens , fans améliorer les organes
digeftifs & les fucs nourriciers qu'ils peuvent
extraire.
Les aftringens , proprement dits , ne fe
donnent qu'à petite dolê \ & la quantité des
fucs digeftifs étant très-confidérable, ce n'eft
certainement pas la peine d'avoir égard au
peu de liquide qu'ils peuvent abforber par
leur partie terreulc. Il n'eft pas même clair
que cette partie terreuiè foit afTez à nu , ou
dégagée de tout autre principe, pour exercer
fa propriété absorbante.
Il n'eft point de médicament dont l'aôion
foit aufli fènfible ou évidente que celle des
ajlringens , foit qu'on la dérive de leurs qua-
lités fapides , foit qu'on l'évalue par leurs
effets immédiats & évidens fur le corps des
animaux; ils ont un goût âpre, auftere, acer-
be ; ils rident , ils froncent les fibres & la
plupart des fslides par leur application ^ ils
reirerrentouretréciirentlesGuvertures,même
confîdérables , telles que la vulve , la bou-
che , l'air^js : ils produifent les mêmes effets
furies cadavres des animaux, & toutes ces
qualités feaiîbles font exaéficment propor-
tionnelles à leur \'ertu médicamenteufc.
Il refaite de ces notions , que l'aftion des
aftringens s'exerce principalement fur les
fblides; ils en augmentent la force tonique ,
ou , fi l'on veut , ils déterminent une adf ion
plus vive , plus conftante : cette aftion eft
appropriée &corrcfpoiid àl'organifation ani-
male , elle fe lie auxeftets généraux des fonc-
tions de la machine , elle dépend toujours
du principe vital ou moteur , qui fait tout
en nous. Le médicament n'eft le plus fouvent
que l'occafion ou le moyen , & la force
vitale eft toujours le premier agent. Les ref
ièrrcmens les plus violcus ue font pas tou-
AST 7,r
jours l'efTet des remèdes ^ la crainte ou la
terreur iijbite fufpendent tout à coup des
hémorrhagies énonnes , les convullions & leï
mouvcmens fjiafmodiques étranglent quel-
quefois des cavités & des orifices.
Il faut biendiiiinguer des aftringens pro-
prement dits , une clalfc de médicamens ,
regardés par les auteurs comme aftringens ,
& qui n'ont pourtant aucune de leurs pro-
priétés ^ tels font ceux qu'on appelle obfti-
pans ou infarcians , obfirucntia , emphraclica^
qu'on emploie fous le point de vue de bou-
cher ou de remplir des vaiffeaux.
Les afiringens ou ftiptiques fonteinployésu.
1°. dans les grandes hémorrhagies internes,
qui menacent d'une mort prochaine , ôc
lorfque les fecours ordinaires font infufïî-
fàns ^ 2°. dans les dévoiemens énormes ou
colliquatifs , qui réfiftent aux évacuans &
aux adoucilfans , tels que ceux qui préci-
pitent la fin des phthyfiques ; 3". dans l'in-
continence d'urine & les fùeurs immodé-
rées , mais avec peu d'efpoir de réufîite j
4°. dans les queues de chaudepjife eu go-
norrhées , bien guéries , où il ne refte que
le relâchement des parties j dans l'écoule-
ment de la femence , par relâchement , 8c
les fleurs blanches qui dépendent de la même
caufê '-, 'f. dans le relâchement ou la chute
de quelque partie intérieure , ou de quelque
organe , tels que l'utérus , tes ligamcns , le
vagin , certaines hernies , les bouffiffurcs fans
obftrudions , qui fuivent les grandes hémor-
rhagies.
On divife les afiringens en forts & en
foibles \ en internes Sf en exmrnes.
La lifte des afiringens foibles eft très-con-
fidérable ; les plus ufités font les racines de
biftorte , de tcrmentiile , de fceau de Salo-
mon , la rhubarbe torréfiée ; le quinquina ,
les feuilles de renouée , de plantain , le fuc
d'orties , les rofcs rou'jes , le fantal rouge ,
les coings, les grate-culs, la gomme- laque,
le fang-dragon , le cachou , le fuc d'Iiypo-
cyfte , ùc.
Les eaux diftillées qu'on retire de la plu-
part de ces plantes , ne participent point du
tout à leur vertu aftringeute, quoi qu'en di-
fent les livres & quelques médecins ^ telle
eft l'eau de plantain , qu'on prefcrit néan-
moins communément à ce titre. Il feroit pof^
fîble que ces eaux euilent d'ailleurs quelques
Y V vv i
731 A S T
propriétés très-foibics ou très-obfeures, fëloii
Jes plantes qui les fournifTent ^ mais tout îiu
moins le principe ajtringcnc ne palIc jamais
cî^ns la liir.ple diftillatio.n.
Oi) peut ajouter à cette lilte , lafalicaire ,
dont les bons effets ont été reconnus par
M. ûc Haëii , clans les dyfiè nterics : tous
les fruits vercls en générai , comme les ncflc'>,
les poires , les abricots , les primes . les noix
de gale , de cyprès , les glands ou Icr.r cali-
ce , la pierre licmatite , la fanguine , la terre
cimolée ou des couteliers , le labdanum ,
le prunelier , &c.
Parmi les forts, font l'écorce de grenade ,
le tan , l'alun , le fel de Saturne , l'eau de
rabel & les acides dulcifiés , l'eau-mere de
vitriol , les eaux minérales vitrioliques de
Calfabigi , de Cranfac \ l'agaric , le liège
brûlé , les martiaux en général.
On peut même obiei"ver fur ces derniers ,
gue , quoiqu'on les regarde vulgairement
comme apéritifs ou défobftruans , ils on.t
néanmoins mie vertu tonique , très-avérée ,
qui les rend propres à arrêter des écoule-
inens ou des évacuations trop confidérables ,
lorfqii'elles dépendent du relâchement. Ainfi,
Freind prefcrivoit avec fuccès les martiaux,
dans le flux immodéré des règles qui prove-
noit de cette caufe. ( Article de M. la Fosse,
docteur en médecine ^ de la faculté de Moiu-
fellier. )
ASTROC , f terme de Marine. ) c'eft une
g^roffe corde que l'on attache à une cheville
de bois qu'on appelle efcome. ( •+• )
ASTROCHYNOLOGIE,^/?/ oi:j/:o/o^w,
jnot compole du grec àç-f oi' , ajlre , Kimv ,
cfiien, ^hôyoç, difcours , traité. C'eft le
nom d'un traité fur les jours caniculaires ,
dont il eft fait mention dans les aftres de
Leipfick , ann. 1702, mois de déc. pag. 514.
F'oyf^ Caniculaire.
ÀSTROITE , L f. ajiroues. ( Hijl. nat.)
On a confondu fous ce nom deux chofes de
nature très-difïërente ; favoir , une préten-
due plante marine que !V1. de Tournefort a
rapportée au genre des madrépores , voyei
Madrépore j & une pétrification. Une fera
c/ueftion ici que de la première ■■, & on fera
Bieition de l'autre au motjlellite. V. Stel-
LITE. XJaJiro'ite dont il s'agit eft un corps
pierreux, plus ou moins gros , organifé ré-
giilicrementj de couleujr blaiithc , quibru-
A S T
nitpar différens accidens. VaJîroïtekXYcmve.
dans la mer i il y a fur fa partie fupérieure
des figures expriir.ées, partie ei: creux , par-
tie en relief, qui fontplusou moins grandes.
On a prétendu que ces ligures repréfenteut
de petits afties ;, d'où vient le nom d'û/?/o>/f.
On a cru y voir des figures dëtoiles ;, c'eft
pourquoi ou a aulfi donné le nom de pierre
ctoilce à ïaflro'ite , loriqu'cn croyoit que c'é-
toit une pierre •■, alors on la mettoit au nom-
bre des pierres figurées ; enfuite on l'a tirée
de la claife des pierres pour la mettre au rang
des plantes marines pierreufes ■■, & enfin ïaf~
tro'ite a palîé dans le règne animal , a\ec
d'autres prétendues plantes marines , lorfque
M. Peyllonnel a eu découvert des infèûes
au lieu de fleurs dans ces corps marins ,
comme il fera expliqué au mot plante ma-
rine. V. Plante marine. Il y a plufieurs
elpeces à'ajiro'ite , qui différent par la gran-
deur des figures dont elles font parfemées :
les plus petites ont environ une ligne de dia-
mètre , & les plus grandes ont quatre à cinq
lignes. Ces figures font rondes , & termi-
nées par un bord circulaire plus ou moins
faillant. II y a dans l'aire de chacun de ces
cercles , des feuillets perpendiculaires qui
s'étendent en forme de rayons depuis le cen-
tre jufqu'à la circonférence. Ces feuillets font
leparés les uns des autres par un e/pace
vuide , & ils traverfent \afirone du dcfius
au dellbus ; ce qui forme autant de cylindres
qu'il y a de cercles fur la furface fupérieure.
Ces cylindres ont un axe qui eft compofé
dans les plus gros , de plufieurs tuyaux con-
centriques. Il y a une forte Saflroite qui eil
figurée bien différemment. Sa furface fupé-
rieure eft creufée par des filions ondoyans ,
qui forment des contours irréguliers que l'oa
a comparés aux anfraétuofitês du ceneau i
c'eft à caufc de cette reilèmblance que l'on a
donné à l'efpece <S!aftroite dont il s'agit , le
nom de cerveau de mer. Cette tf/?roiVt'eftcom-
pofée de feuillets perpendiculaires , pôles à
une petite diftance l'im de l'autre, qui s'éten-
dent depuis la crête jufcfu'au fond du (illon , 8f
qui pénètrent jufqu'à la furface inférieure de
Xaftro'ite , comme dans les autres efpeces.
On trouve alfez comnnniémentdcsâA/oi-
tes foffiles & des afiro'iies pétrifiées. M. le
comte de Trelfan vient d'envoyer au cabinet
d'hilloire natuieile pliiiieurs efpeces de ces
A s T
affroites pétrifiées , avec tnie grande quantité
d'autres belles pétrifications qu'il a trou\ces
daiisleToulois, le Barrois,& d'autres pro-
vinces voiliiies qui foiit Ibiis (oiicomma:ic!c-
nieiit. Tous ceux qu i , coinme M. de Trcllaii ,
fauront recueillir des pétrifications a\cc le
choix d'un homme de goût & les lumières
d'un naturalilie, trouveront prclque par-tout
des corps marins , tels que ïafrro'iic , foHiles
ou pétrifiés : il eft plus rare de les trouver \k-
trifiés eu marbre &c en pierre fine , fur-tout
en Tubliance d'agate. Les aftroiies qui font
pétrifiées en agate , reçoivent nu très-beau
poli , & les figures qu'on y voit font un allez
joli effet : on les emploie pour faire des boîtes
& autres bijoux. Il y en a beaucoup en An-
gleterre , c'eft pourquoi nos lapidaires les
ont nommées cailloux £ Angleterre , mais
improprement. Voye-{ Caillou d'Angle-
terre. Il fe trouve aulfi à Touque en Nor-
mandie, de ces aftrdices pétrifiées en agate.
Voye[ Pétrification , Fossile.
AS TROLABE , f. m. ( Afuon. ) figni-
fioit anciennement uu fyitcme ou allèmblage
de différens cercles de la fphere , dilpofes
eiUre eux dans l'ordre & dans la fituation
convenable. Voye^^ Cercle £• Sphère.
Il y a apparence que les anciens aflrulahcs
avoient beaucoup de rapport à nos ipheres
armillaires d'aujourd'hui. /'. Armillaire.
Le premier & le plus célèbre de ce genre ,
étoit celui d'Hipparque , que cet aftronome
avoit fait à Alexandrie , & placé dans un
lieu sûr & commode , pour s'en fervir dans
différentes observations aftronomiques.
Ptolomée en fit le mc:ne ufage ç, mais
comme cet inftrument avoit différens incon-
véniens , il prit le parti d'en changer la fi-
gure, quoiqu'elle fût parfaitement conforme
à la théorie de la Iphcre \ & il réduifit ïaf-
trolabe à une fiirface plane , à laquelle il donna
le nom de /'/fl/!//^4f/-(?.^oyf ^Planisphère.
Cette réduction n'eft polTîble qu'en fiip-
pofant qu'un œil , qui n'ell pris que pour un
point , voit tous les cercles de la fphere , 8c
les rapporte à un plan \ alors il lé fait une
repréîëntation ou projeftion de la Iphere ,
applatie & pour ainli dire écrafée fur ce
plan, qu'on appelle jP/û/î de projcâion.
Un tableau n'eft qu'un plan de projeétion
placé entre l'œil & l'objet , de manière qu'il
contient toutes les traces que lailleroiem im-
AST 733
primées fur la fuperficic tons les rayons tires
de l'objet à l'œil j mais en fait deplanifphc-
res ou ù'allrolal'cs , le plan de projeétion eft
placé au delà de l'objet , qui cil toujours la
Iphere. Il en cil de môme des cadrajis , qui
font aufli tles projections de la fphere, faites
par rapport au fbleil. Il e/l naturel & pref-
qu'indilpenfable de prendre pour plan de
projedion de Xajlrolabc quelqu'un des cer-
cles de la fj)hcre , ou au moiiis un plan qui
lui foit parallèle \ après quoi refle à fixer la
pofition de l'œil par rapport à ce plan. Entre
le nombre infini de phmifphcres que pou-
voient donner les différens plans de projec-
tion &lesdirîércntespo{itionsde l'œil, Pto-
lomée s'arrêta à celui dont le plan de pro-
jeftion feroit parallèle à l'équatcur , & oii
l'œil feroit placé à l'un des pôles de l'équa-
tcur ou du monde. Celte projeciicn de la
fjjhere efl poff ble , & on l'appelle Xajholabe
polaire ou de Ptolomée. Tous les méridiens
qui palfent par le point où eft l'œil , & font
perpendiculaires au plan de projcdfion , dé-
vieraient des lignes droites, ce qui eil com-
mode pour la defcription des plaiiifpheres j
mais il faut remarquer que leurs degrés qui
font égaux dans la figure circulaire , devien-
nent fort inégaux quand le cercle s'cft
changé en ligne droite : ce que l'on peut voir
facilement en tirant de l'extrémité d'un dia-
mètre par tous les arcs égp.ux d'un demi-
cercle , des lignes droites qui aillent fe ter-
miner à une autre droite qui touchera ce
demi-cercle à l'autre extrémité du même
diamètre i car le demi-cercle fè change par
la projeélion en cette tangente , & elle fera
divifée de manière que lès parties feront plus
grandes à mefure qu'elles s'éloigneront da-
vantage du point touchant. Ainfi dans \afiro-
hbe dePtolomée les degrés des méridiens font
fort grands vers les bords de l'infiniment ,
& fort petits vers le centre , ce qui caufe
deux inconvéniens j l'un qu'on ne peut faire
aucune opération exafte fur les degrés pro-
ches du centre , parce qu'ils font trop petits
pour être aifement divifés en minutes , &
moins encore en fécondes ;, l'autre que les
figures céleftes, telles que les conftellations,
deviennent difformes &prefqueméconnoif-
fables , en tant qu'elles fe rapportent aux
méridiens , & que leur defcription dépend
de ces cercles. Quant aux autres cercles de
7!4 A S T
la fphere , grands ou petits , parallèles ou
inclines à l'équateur , ils demeurent cercles
dans ^ajlrohbe de Ptoloinée. Comme l'hori-
2oa & tous les cercles qui en dépendent , c'eft-
à-dire les parallèles & les cercles verticaux ,
font diiïerens pour chaque lieu , on décrit à
part fur une planche qu'on place au dedans
de l'inftrument , l'horizon & tous les autres
cercles qui y ont rapport, tels qu'ils doivent
être pour le lieu ou pour le parallèle où l'on
veut iè fervir de Xaflrolabe de Ptolomée \ &
par cette raiion il ne pafl'e que pour être par-
ticulier , c'eft-à-dire d'un ufage borné à des
lieux d'une certaine latitude ;, & fi l'on veut
s'en fervir en d'autres lieux , il faut changer
la planche & y décrire un autre horizon.
M. Formey. Voyc^ Planisphère.
C'eft delà que les modernes ont donné le
noin à'aftrolabe à un planifphere ou à la
projeélion ftéréographique des cercles de la
4''here fur le plan d'un de fes grands cercles.
Voyei Projection Stéréographique.
Les plans ordinaires de projciSlion font
1°. celui de l'équinoxial ou équateur , l'œil
étant fuppofé à l'un des pôles du monde :
2°. celui du méridien , l'œil étant fuppofé
au point d'interfcdtion de l'équateur & de
l'horizon : 3°. enfin celui de l'horizon. Stoi-
fler , Gemma-Frilius & Clavius ont traité
fort au long de Yaftrolabe,
Voici la conftruâiion de \aftrolabe de
Gemma-Friiîus ou Frifon. Le plan de pro-
je(5iion eft le colure ou méridien des folftices ,
& l'œil elt placé à l'endroit où fe coupent
l'équateur & le zodiaque , & qui efi: le pôle
de ce méridien ^ ainfi dans cet affrolabe l'é-
quateur , qui devient une ligne droite , eft
divifé fort inégalement, & aies parties beau-
coup plus ferrées vers le centre de l'inftru-
ment que vers les bords , par la même rai-
son que dans Vajholabe de Ptolomée ce font
les méridiens qui font défigurés de cette forte ;
en un mot , c'eft Xajirolabe de Ptolomée ren-
verfé. Seulement pour ce qui regarde l'hori-
zon il fuffit de faire une certaine opération,
au lieu de mettre une planche iéparée ;, &
cela a fait donner à cet affrolabe le nom <Xu-
ntverfel. Jean de Royas a imaginé aulfi un
aRrolabe dont le plan de projeftion eft un
méridien , & il place l'œil fur l'axe de ce
méridien à une diftance infinie. L'avantage
qu'il tire de cette pofitiou de l'œil , eft que
AST
toutes les lignes quien partent font parallèle»
enfi'c elles , & perpendiculaires au plan de
projcftion j par conféquent non feulement
l'é' juateur eft une ligne droite , comme dans
Xajtvolabe de Gemma-Frifon , mais tous les
parallèles à l'équateur en font auftl , puif-
qu'en vertu de la diftance infinie de l'œil ,
ils font tous dans le même cas que fi leur
plan paftbit par l'œil : par la même raifon
l'horizon & fes parallèles font des lignes
droites \ mais au lieu que dans les deux af-
trolabes les degrés des cercles devenus lignes
droites font fort petits vers le centre & fort
grands vers les bords , ici ils ibnt fort petits
vers les bords & fort grands vers le centre j
ce qui fe voit facilement en tirant fiirla tan-
gente d'un quart de cercle des parallèles au
diamètre par toutes fes divifions égales. Les
figures ne font donc pas moins altérées que
dans les deux autres ; de plus la plupart des
cercles dégénèrent ici en ellipfes qui font
difficiles à décrire. Cet affrolabe eft appelle
univerfd^ comme celui de Gemma-Frifon,
& poiu- la même raifon.
Nous venons de décrire les trois foules
efpeces àajïrolabes qui enflent encore paru
avant M. de la Hire. Leurs défauts com-
muns étoient d'altérer tellement les figures
des conftellations, qu'elles n'étoient pas fa-
ciles à comparer avec le ciel , & d'avoir en
quelques endroits des degrés fi ferrés, qu'ils
ne laiifoient pas d'elpace aux opérations.
Comme ces deux défauts ont le même prin-
cipe , M. de la Hire y remédia en même
temps , en trouvant une pofition de l'œil
d'où les divifions des cercles projetés fùft'ent
très-fenfiblement égales dans toute l'étendue
de l'inftrument. Les deux premiers aftrola-
bes plaçoicnt l'œil au pôle du cercle ou du
plan de projeftion , le troifiemc à diftance
infinie , & ilsrendoientles divifions inégales
dans un ordre contraire. M. de la Hire a
découvert un point moyen , d'où elles font
fuffifammcnt égales. Il prend pour fon point
de projeftlon celui d'un méridien , & par
conféquent fait un aflrolabe univerftl ; & il
place l'œil fur l'axe de ce méridien prolongé
de la valeur de fou finusde45 degrés; c'eft-
à-dire que fi le diamètre ou axe du méridien
eft fiippofé de ioo parties , il le faut prolon-
ger de 70 à-peu-près. De ce point où l'œil
eft placé, luie ligne tirée au milieu du quart
A ST
de cercle , pafle prccifcmcnt, par le milieu
du rayon qui lui répond ; cela efl démontré
géométriquement : ?i puifquc (!.; cette ma-
nière les deux moitiés égales du quart de
cerclé répondent fi juftc aux deux moitiés
égales du rayon , il n'cft pas pcdible que les
autres parties égales du quart de cercle ré-
pondent à des parties fort inégales du rayon.
L'expérience & la pratique ont confirmé
cette penfce , & M. de la Hire a fait exécu-
ter par cette méthode des planifpheres ou
des ajfrolabes très-commodes & très-exadts.
Mais comme il n étoit pas abfolument dé-
montré que le point de vijf d'où les divifions
de la moitié du quart de cercle & de la moi-
tié du rayon font égales , fut celui d'où les
autres diviiions font les plus égales qu'il fe
puilTe , M. Parent chercha en général quel
étoit ce point, & s'il n'y en a pas quelqu'un
d'où les divifions des autres parties foient
moins inégales , quoique celles des moitiés
ne foient pas égales. En fe fervant donc du
fecours de la géométrie des infiniment petits ,
M. Parent détermina le point d'où un dia-
mètre étant divifé , les inégalités ou diffé-
rences de toutes ces parties prifes enfemble
font la moindre quantité qu'il fe puillé •■,
mais il feroit encore à defirer que la démcnf-
tration s'étendit à prouver que cette fonune
d'inégalité , la moindre de toutes , eft difui-
buée entre toutes les parties dont elle réfultc ,
le plus également qu'il fe puiffe : car ce n'cft
préciiëment que cette condition qui rend les
parties le plus égales entre elles qu'elles puif-
fent l'être ; & il feroit pofiible que des gran-
deurs dont la fomme des différences feroit
moindre , feroient plus inégales , parce que
cette fomme totale feroit répandue plus iné-
galement. M. Parent trouva auffi le point où
doit être placé l'œil pour voir les zones
égales d'un hémifphere le plus égales qu'il fe
puifle ,par exemple les zones d'un hémifphere
de la terre partagé de lo en lo degrés. Ce
point eft à l'extrémité d'un diamètre de zoo
parties , qui eft l'axe des zones prolongé de
\lo\V. thift de tacad.des Scienc. ijoi , p.
122 , & 1702 tpcg, 92. M. Formey. ( O)
Astrolabe oi.' Astrolabe de mer,
fignifie plus particulièrement un inftrument
dont on fè frrt en mer pour prendre la hau-
teur du pôle ou celle du foleil , d'une étoile ,
Oc Voyei H/.'UTEUR.
AST 73î
Ce mot eft formé des inots grecs iVfoi' ,
hoile , & \rt/, Ca\N , cupio , je prends. Les
Arabes donnent à cet inftrument le nom
{^aparlab , qui eft formé par corrujjtion du
grec j ceiiendant quelques auteurs préten-
dent que le mot ajlrolabe eft arabe d'ori-
gine : mais les favans conviennent aft"Gz gé-
néralement que les Arabes ont emprunté
des Grecs le noir & l'ufage de cet inftru-
ment. Nafflreddin Thoufi a fait un traité en
langue pcrfane , qui eft intitulé Bait Babhfil
afiarlab , dans lequel il explique la firudure
& l'ufîige de Xaftrolabe.
Uojirolabe ordinaire fe voit à la /g-. 2. //.
Navig. Il confifte en un large arnicau de cui-
\re d'environ 1 5 pouces de diamètre , dont
lelymbe entier, ou au moins une partie Con-
venable , eft divifé en degrés & en minutes.
Sur ce lymbe eft un index mobile qui peut
tourner autour du centre , & qui porte deux
pinnules. Au zénith de l'inftrument eft un
anneau par lequel on tient Yajirolabe quand
on veut faire quelque obfervation. Pour faire
ufàge de cet inftrument, on le tourne vers le
foleil , de manière que les rayons pafTent par
les deux pinnules f & G j & alors le tran-
chant de l'index marque fur le lymbe divifé
la hauteur qu'on cherche.
Quoique Yajirolabe ne foit prefque plus
d'ufage aujourd'hui , cependant cet inftru-
ment eft au moins auffi bon qu'aucun de
ceux dont on fe fèrt pour prendre hauteur
en mer, fur-tout entre les tropiques , où le
foleil à midi eft plus près du zénith. On
emploie Xaflrolabe à beaucoup d'autres
ufages , fur lefquels Clavius , Henrion , ^c.
ont fait des volumes. (T )
ASTROLOGIE , f. f. AJlrologio. Ce mot
eft compofé de «ç-fw , ùoile , & de ^05,0; ,
difcours ; ainfi ïajirologie feroit , en fùivant
le fens littéral de ce terme , la connoiffance
du ciel & des aftres, & c'eft aufîî ce qu'il
fignifioit dans fon origine. C'eft la connoif^
fance du ciel & des aflres , qui faifoit Yaf-
trologie ancienne ; mais la lignification de ce
terme a cliangé , & nous appelions mainte-
nant afnonomie ce que les anciens nom-
moient aftrologie. Voye^ ASTRONOMIE.
h'aftro/ogie eft l'art de prédire les événe-
mens futurs par les afpeéls , les pofitions &c
les influences des corps célcftes. Foye^
Aspect , Influence , &c.
73^ AST
On divife Yajfiologie en àcux brandies ',
Yaflroiogte naturelle , & ïaftrologie judiciaire.
■ L'aftrologie naturelle elt l'art de prédire les
effets naturels , tels que les changeinens de
temps , les vents , les tempêtes , les orages ,
les tonnerres , les inondations , les treinble-
mens de terre , ùc. Voyei^ Naturel \
voyei aulfl T E M PS , Ve N T , P LU I E , O U RA-
GAN , Tonnerre, Tremblement de
TERRE , &C.
C'eil à cette branche que s'en eft tenu
Goad , auteur anglois , dans l'oiivrage en
deux volumes , qu'il a intitulé ïajîrologic. Il
prétend que la contemplation des aftrespeut
conduire à la connoilUance des inondations,
& d'une infinité d'autres phénomènes. En
eonféqnence de cette idée il tâche d'expli-
quer ladiverfité des faifons par les différentes
iîtuations Se les mouvemens des planètes ,
par leurs rétrogradations , par le nombre des
étoiles qui compofent une conftellation , &c.
Uajirologie naturelle eft elle-ir.ême , à pro-
prement parler , une branche de la phyfiquc
ou philolbphie naturelle; & l'art de prédire
les effets naturels , n'eft qu'une fuite h pof-
teriori, des obfcrvations & des phénomènes.
Si l'on c'a curieux de favoir quels font les
Trais fondemens de Vafirologie naturelle , &
quel cas l'on peut faire de fes prédi£l:ions ,
on n'a qu'à parcourir les articles AiR ,
Atmosphère, Temps, Baromètre,
Eclipse, Comète, Planète, Hygro-
mètre , Ecoulement , Emission , &c.
M. Boyle a eu raifon quand il a fait l'apo-
logie de cette aflrologie dans fon hifloire de
l'air. La génération & la corruption étant ,
félon lui , les termes extrêmes du mouve-
ment j Si la raréfaction & la condenfaîion ,
les termes moyens, il démontre, conféquem-
ment à ce principe, que les émanations des
corps céleftcs contribuant immédiateinent
à la production des deux derniers effets,
elles ne peuvent manquer de contribuer à
la production des deux premiers , & d'af-
fcCtertous les corps phyfiques. Voyc{ GÉNÉ-
RATION , Corruption , Raréfaction ,
Condensation , &c.
11 eft conftant que rhumidité, la cha-
leur , le froid, &c. ( qualités que la nature
emploie à la production des deux effets con-
fidérables, la condenliition & lararéfaCtion )
dépendent prefqu'enlicrcnient de la révolu-
AST
tlon des mouvemens , de la fituatîon , &e.
des corps céleftes. Il n'eft pas moins certain
que chaque planète doit avoir une lumière
qui lui eit propre \ lumière diftinCte de celle
de tout autre corps ; lumière qui n'eft pas
feulement une qualité vifible en elle , mais
en vertu de laquelle elle eft douée d'un pou-
voir fpécifique. Le foleil , comme nous le
favons , éclaire non feuleinent toutes les
planètes , miais il les échaufté encore par fa
chaleur primordiale , les met en mouve-
ment , & leur communique des propriétés
qui leur font particulières à chacune. Mais
ce n'eft pas tout : fes rayons prennent fur ce
corps une efpece ï^e teinture , ils s'y modi-
fient ; & ainfi modifiés , ils font réfléchis
fur les autres parties du monde , & fur-tout
fur les parties circonvoifincs du monde pla-
nétaire. Ainfi félon l'afpeCt plus ou moins
grand que les planètes ont avec cet aftre ,
félon le degré dont elles en font éclairées, le
plus ou moins d'obliquité fous laquelle elles
reçoivent fes ra3"ons , le plus ou moins de
dirtance à laquelle elles en font placées, les
fituations diiTérentes qu'elles ont à fon égard \
fes rayons en reffentent plus ou moins la
vertu \ ils en partagent plus ou moins les
elléts ; ils en prennent , fi on peut parler
ainfi , une teinture plus ou moins forte : 8c
cette vertu , ces effets , cette teinture , font
enfuite plus ou moins énergiques fiir les êtres
fubluncires. f^ojf { Mead , de imperio folis
& lunœ , S(c.
ISaftrologie judiciaire à laquelle on donne
proprement le nom d'af/rologie , eft l'art pré-
tendu d'annoncer les événemens moraux
avant qu'ils arrivent. J'entends par événemens
moraux , ceux qui dépendent de la volonté
& des actions libres de l'homme \ comme
[\ les aftres avoient quelque autorité fur lui ,
Se qu'il en fût dirigé. Voye\ VoLONTÉ ,
Action , C>f.
Ceux qui profeffent cet art prétendent que
» le ciel eft un grand li\Te où Dieu a écrit
» de fa main l'hiftoire du monde , & où
» tout homme peut lire fa deftinée. Notre
)) art, difent-ils, a eu le même berceau que
» Yafironotnie. Les anciens Aff}Tiens qui
)) iouiifoient d'un ciel dont la beauté & la
» fcrénité favorifoient les obfenations aitro-
» nomiques , s'occupèrent des mouvemens
)j Se des révolutions péfiodiques des corps
» céleftes :
A s T
♦> céîcftes : ils remarqiicrcnt une analo-
» gie conftaiite eiitro ces corps & les corps
» terrcfircs ;, & ils en conclurent que les
») aftres étoient rcclleinciit ces parques & ce
>i deiHn dont il étoit tant parlé , qu'ils prc-
» fidoient ;\ notre nailliincc , fk qu'ils ilif-
)' pofoient de notre état futur. » Foye? Ho-
roscope , Naissance, Maison, Par-
que , Destinée, &c. Voilà comment les
allrologuesdcfendoicnt jadis leur art. Quant
à prcfènt , l'occupation principale de ceux
il qui nous donnons ce titre , eft de faire des
almanachs & des calendriers. /'ojf^CALEN-
X)R(ER & AlMANACII.
ISaJitvlogie judiciaire pafTe pour a-.oir jiris
naifihncc dans la Chaldée, d'où elle pénétra
en Eg-y-pte , en Grèce , & en Italie. Il y a des
auteurs qui la font ég^'ptienne d'origine , &
qui en attribuent l'invention à Cliam : quant
à noui , c'ell des Arabes que nous la tenons.
Le peuple romain en fut tellement infatué,
que les aftrologiies ou mathématiciens, car
c'eft ainfi qu'on les appelloit , fè foutinrent
dans Rome malgré les édits des empe-
reurs qui les en banniiToient. Koyei Géne-
THLIAQUES.
Quant aux autres contrées , les Brames ou
Bramines qui avoient introduit cet art pré-
tendu dans l'Inde , & qui l'y pratiquoient ,
s'étant donnés pour les difpenfateurs des
biens & des maux à venir , exercèrent fîir
les peuples luie autorité prodigieufc. On les
coiijfultoit comme des oracles , & on n'en ob-
tenoit des réponfes qu'à grands frais : ce
n'étoit qu'à très-haut prix qu'ils vendoient
leurs menfonges. Voyei Brachmane.
Les anciens ont donné le nom Sajîrologie
apotelefmatique owfphere bavbarique , à cette
icience pleine de fiiperftition , qui concerne
les effets & les influences des aftres. Les
anciens Juifs, malgré leur religion , font
tombés dans cette fuperftition , dont les
chrétiens eux-mêmes n'ont pas été exempts.
Les Grecs modernes l'ont portée jufqu'à
l'excès , & à peine fe trouve-t-il un de leurs
auteurs , qui , en toute cccalîon , ne parle
de prédictions par les aftres , d'horofcopes ,
de talifmans; en forte qu'à peine , fi on veut
les en croire , il y avoit une feule colonne ,
fetue ou édifice dans Conftantinople & dans
route la Grèce , qui ne fût élevée fuivant les
règles de ïajlrologie apotelefmatique ; car
Tomt III,
A S T 737
c'eft de ce mot ÙTiniKie-ixu , qu'a été forme
celui de talifman.
Nous a^ons été infcflés de la même fu-
perftition dans ces derniers fiecles. Leshifto-
rlens françois obfervcnt que Yajlmlogie judi-
ciaire étoit tellement en vogue Ibus la reine
Catherine de Médicis, qu'on n'ofoit rien
entreprendre d'importatit (ans avoir aupara-
vant confiilté les aftres : & fous le règne de
Henri 111 & de Henri IV , il n'eft queftiori
dans les entretiens de la cour de France ,
que des prédirions des aftrologues.
Barclay a fiiit dans un fécond livre de fort
Argenis , une fatyre ingénieufe du préjugé
fingulicr qu'on avoit pris dans cette cour. Un
aftrologue qui s'étoit chargé de prédire au
roi Henri l'événement d'une guerre dont iF
étoit menacé par la faéf ion des Guifes, donna
occafion à la fatyre de Barclay.
« Vous dites, devin prétendu , dit Bar-
» clay , que c'eft de l'influence âcs aftres
)' qui ont préfidé à notre naiffance, que dé-
» pendent les diiîérentes circonftances heu-
» reufcs ou malhcureufcs de n.otre vie & de
» notre mort ^ vous avouez d'un autre côté
» que les cieux ont m\ cours (i rapide , qu'un
» fèul inftant fuflit pour changer la difpofi-
» tion des aflres : comment concilier ces
» deux chofes ? & puifque ce mouvement fî
» prompt qu'on ne peut le concevoir , en-
» traîne avec lui tous les corps céleftes ; les
» promelfes ou les menaces qui y font atta-
» chées , ne doi\ent-elles pas aufli changer
» félon leurs diftércntes fltuations ? pour
» lors comment fixer les deftinées? Vous ne
)) pouvez fiivoir ( connoilîinice pourtant ,
» félon vous , néceffaire ) fous quel aftre
» une perfbnnc fera née -^ vous croyez peut-
» être que le premier foin des fages-femmes
» eft de confultcr à la nailfance d'un enfant
» toutes les horloges , de marquer exaâe-
w ment les minutes , & de confèrver à celui
» qui vient de naître fès étoiles comme ion.
» patrimoine j mais fouvent le péril des
» mères ne lailfe pas lieu à cette attention.
» Quand on le pourroit , combien y en
)) a-t-il qui négligent de le faire , étant au-
» deffus de pareilles fuperftitions ? En fup-
)) pofant même qu'on ait étudié ce moment,
» l'enfant ne peut pas paroîtrc dans l'iiiftant }
» certaines circonftances peuvent laiffer un
» long intervalle : d'ailleurs les cadrans fout-
* U u u u
'73§ A S T
3) ils toujours juftes & exa£ls ? ]e5 îior-
5) loges , quelque bonnes qu'elles foient ,
» ne fe démentent-elles pas fouvent par un
I' temps ou trop fec ou trop humide ? qui
3> peut donc afliirer que l'inftant auquel des
» pcrfonnes attentives auront placé la naif-
)) lance d'un enfant , foit le véritable mo-
3) ment qui réponde à fon étoile ?
5) Je fuppofe encore avec vous qu'on ait
» trouvé ce point jufte , l'étoile qui a pré-
î) fidé , fa fituation , fa force ; pourquoi
M confidérer entre les étoiles celles qui do-
i) minoient pendant que le fruit s'animoit
ï) dans le ventre de la mère , plutôt que cel-
)) les qui paroiflbient pendant que le corps
w encore tendre & l'ame ignorante d'elle-
» mêmeapprenoit dans fa prifon à fupporter
» patiemment la vie ?
» Mais laiifant toutes ces difficultés , je
« vous accorde que l'état du ciel étoit bien
» connu au moment de la naiflance : pour-
» quoi faire émaner des aftres un pouvoir
» abfolu , je ne dis pas (culement fiir les
a corps , mais auiTi fur les volontés ? il faut
» donc que ce foit d'eux que j'attende mon
j) bonheur ^ que ma vie & ma mort en dé-
5) pendent. Ceux qui s'engagent dans le parti
» des armes , & qui périffent dans une
» même bataille , font-iîs nés fous- la même
1) conftellation ? & peut-on dire qu'un vaif
}) feau qui doit échouer ne recevra que ceux
» que leurs mauvaifes étoiles auront con-
f) damnés en naiflant à faire naufrage ' ?
i) L'expérience nous fait voir tous les jours
w que des perfonnes nées dans des temps
)) bien différens , fe livrent au combat , ou
3) montent un vaiffeau où ils périlfent ,
j) n'ayant de conunun que l'inftant de la
» mort. Tous ceux qui viennent au monde
« fous la même difpofition du ciel , ont-ils
» pour cela une même deftinée pour la vie
y> & pour la mort ? Vous voyez ici le roi ;
» croyez-vous que ceux qui font nés fous la
» même étoile , polfedent des royainnes , ou
» pour le moins des richeiîès , qui prouvent
ï) l'heureufe & favorable influence des aftres
» dans leur naiifance ? croyez-vous même
)) qu'ils aient vécu jufqu'à préfent? Voilà M.
« de Villeroi j ceux qui font nés fous la
)) même planète , ont- ils la iàgelle en par-
■» tage ? font-ils comme lui honorés de la fa-
s veut du prince ? Ht ceui: qui font aés d;ujs
A ST
» le même inftant que vous , fout-Hs tons
» aftrologues , pour ne rien dire de pis l
» Que fi quelqu'un périt par la main d'un
» voleur , fon fort , dites-vous , exigeoit qu'il
» fut tué par la main de ce miférablc. Quoi
)) donc, ces mêines aftres qui avoientdeftiné
» le voyageur dans le moment de fa luiiflance^
» à être un jour expolë au fer d'un afraifiu ,
» ont audi donné à î'affaffin , peut-être long-
» temps avant la naillance du voyageur , l'in-
» tention & la force pour vouloir & pouvoir
» exécuter fon mauvais deilèin ? car les af
)) très , à ce que vous prétendez , concourent
» également à la cruauté de celui qui tue ,
» & au malheur de celui qui eft tué. Quel-
» qu'un eft accablé fous les ruines d'un bâti-
» mejiti eft-cedonc parce qu'il eft condamné
» par fa deftinée à être enfeveli dans fapro-
» pre maifon , que les murs en font tombés?
» On doit raifonner de même à l'occalior:
» des dignités où l'on n'eft élevé que par
)) fuffrages^uLa planète ou les aftres qui ont
» prélîdé à la naiffance d'une perfonne , &
» qui dans vos principes lui ont deftiné des
» g:.;ndeurs , ont-ils pu aufïï étendre leur
» pouvoir jufque fiir d autres hommes qui
)) n'étoient pas encore nés , de qui dépen-
» doient toutefois tous les effets de ces heu-
)) rcufes influences ?
î) Ce qu'il pourroit y avoir de vrai , en
» fuppofant la réalité des influences des corps
» céleftcs j c'eft que comme le foleil produit
» des eiîets diflérens fiu" les chofes difté-
» rentes de la terre , quoique ce foit toujours
» les. mêmes rayons & la même lumière ,
» qu'il échauffe & entretient quelques fc-
» menées , qu'il en fait mourir d'autres j
» qu'il defl'eche de petites herbes, tandis
» que d'autres qui ont plus de fuc réfiftent
» davajitage •■, de uiêmeaulliplufieurs enfans
» qui naiftènt en même temps reffemblent à
» un champ préparé de ditTcrentes manières ,
n félon la différence du naturel, du teippé-
» rament & des habitudes de ceux à qui ils
» doivent le jour. Cette puillance des aftres
« qui eft une pour tous ces enfajis , ne doit
» point dans tous produire les mêmes elfets-
» Si le natiu-cl de l'enfant a quelque rapport
» avec cette puillance , elle y dominera : s'iJ
» ei\ oppofé , je doute iréme qu'elle le cor-
» rige. De façon que pour juger fiiiuement
» quel doit êtic le taradkre d'un eufaut, il
A s T
rt ne faut pas s'arrêter feulement à confidcrer
» les aflres , il faut encore remonter aux pa-
» rens , faire attention à la condition de la
j) mère pendant qu'elle étoit enceinte , & à
» beaucoup d'autres chofes qui font incoii-
» nues.
M Enfin , je vous demande , Chaldéen ,
» fi cette influence que vous regardez comme
» la caufe du bonheur ou du malJieur , dc-
» meurera toujours au ciel jufqu'au temps
» marqué, pour defcendre eniuite fur terre .
» & y faire agir des inftrumens propres à ce
») que les aftres avoient arrêté •■, ou fi rea-
» fermée dans l'enfant , entretenue & croif-
» fant avec lui , elle doit en certaines occa-
») fions k faire jour pour accomplir les dé-
w crets irrévocables des aftres ? Si vous pré-
M tendez qu'elle demCLirc au ciel , il y a
>j dans vos principes une contradiction ma-
» nifefte ; car puifque le bonheur ou le
» malheur de celui qui vient au monde ,
» dépend de la manière dont les allres étoient
» joints dans le moment de fa naiffance , le
» cours de ces mêmes aftres femble avoir
» détruit cette première forme , & en avoir
» donné une autre peut-être entièrement
•» oppofee. Dans quelle partie du ciel ie ièra
» confervée cette première puiflance , qui
») ne doit paroître & jouer , pour ainfi dire ,
» fon rôle que plufieurs années après, comme
» lorique l'enfant aura quarante ans ? De
» croire d'un autre côté que ledeftin,quine
» doit avoir fon effet , que quand cet enfant
» (èra par\'enu à un âge plus avancé , lui foit
» attaché dès fon enfance , c eft une imper-
» tinente rêverie. Quoi donc , ce fera lui ,
» qui , dans un naufrage où il doit périr ,
» fera caufe que Icsvcnts s'élèveront, ou que
)) le pilote s'oubliant lui-même , ira échouer
)) contre des bancs ? Le laboureur , dans la
» campagne,aura été l'auteur de la guerre qui
» l'appauvrit , ou d'un temps favorable qui
)) doit lui donner une molifon abondante ?
» Il eft vrai que quelques-uns parmi vous
» publient hautement des oracles , que l'é-
» vénement a juftifiés j mais ces cvénemens
» juftifiés par l'expérience , font en fi petit
») nombre , relativement à la multitude des
» faux oracles que vous a\'ez prononcés vous
» & vos femblables , qu'ils démontrent eux-
» mêmes le peu de cas qu'on en doit faire.
» Vous faites paiTcr un million de meafonges
A S T 7jj-
» malheureux , à la faveur de fcpt ou huit
» autres qui vous ont réufTi. En fui>pofaiit
» que vous agiflcz au hazard , vous avez
" conjecturé tant de fois , que s'il y avoit
» à s'étonner de quelque choie , ce feroit
» peut-être de ce que vous n'avez pas ren-
» contré plus fouvent. En un mot , vous
S) qui prévoyez tout ce qui doit arriver à la
» Sicile , conuuent n'avez-vous pas prévu
» ce qui vous arrive à vous-même aujour-
» d'hui ? Ignoriez-vous que je devois vous
» îraverfcr dans votre dclibin ? Ne dcviez-
1) vous pas , pour faire valoir votre art ,
•; prévenir le roi que telle per/bnne , qui
» ièroit préfente , chercheroit à vous trou-
» bler? Puifqu'enfin votre {cience vous dé-
;^ couvre Ci le roi doit triompher de fèsenne-
» mis , dites-nous auparavant s'il ajoutera
» foi à vos oracles. »
Quoique Vaftrologk judiciaire , ait étéfb-
lidement combattue , tant par Barclay que
par d'autres auteurs célèbres , qui en ont
démontré la vanité 5 on ne peut pas dire
qu'ils aient entièrement déraciné cette ri-
dicule prévention ; elle règne encore , ^ par-
ticulièrement en Italie. On a vu fur la fin
du fiecle dernier un Italien envoyer au pape
Innocent XI une prédiftion en manière d'ho-
ro/cope fiir Vienne , alors aHiégée par les
Turcs , & qui fut très-bien reçue. De nos
jours le comte de Boulainvilliers , homme
d'ailleurs de beaucoup d'elprit, étoit infatué
de Vafrrologie judiciaire , fur laquelle il a
écrit très-ferieulcment. (G)
Tacite , au Vh. liv. de fcs annales ^ ch. xxj y
rapporte que Tibère dans le temps qu'il
étoit exilé à Rhodes , fous le règne d'Au-
gufte , fe plaifoit à conililter les devins liir
le haut d'un rocher fort élevé au bord de
la mer ; & que fi les réponfês du devin don-
noient lieu à ce prince de le foupçouîier d'i-
gnorance ou de fourberie , il le faifoit à l'inf.
tant précipiter dans la mer par un elcîave.
Un jour ayant confulté dans ce même lieu
un certain ThrafyUus fort habile dans cet
art , & ce devin lui ayant promis l'empire
& toutes fortes de profpérités : puifque tu
es fi Iiabile , lui dit Tibère , pourrois-tu mt
dire combien il te reftedetemps à vivre ? Thra-
fyUus , qui fe douta apparemment du motif
de cette queftion , examina ou fit fêmblant
d'examiner , fans s'émouvoir , l'afped Se
♦ U u u ij i
-j^o A s T
& la pofition des aftres an moment de fa
naiirance : bientôt après il lallFa voir au
prince une furprife qui iie tarda pas à être
fiiivie de frayeur ^ & il s'écria , (ju autant qu il
en pouvait juger ^ il était à cette heure même
menacé d'un grand péril. Tibère , channé de
cette réponfe , l'embrafTa , le raffura , le re-
garda dans la fuite comme un oracle , & le
mit au nombre de fes amis.
On trouve dans ce même hiftorien , l'un
des plus grands génies qui furent jamais ,
deux paflages qui font voir que quand un
préjugé eft général , les meilleurs efprits ne
peuvent s'empêcher de lui (acrifier , mais
ne le font pourtant qu'avec plus ou moins
de reftriitlon , & , pour ainfi dire , avec une
lorte de répugnance. Le premier de ces paf-
fages fe lit dans le liv. VI , chap. xxij , où
après avoir fait des réflexions iiir les difîé-
rens fentimens des philofophes au fujet de
Yaftrologie , il ajoute ces paroles : Civterum
plerifque manaliumnon eximitur , quin primo
i;ujufque ortu ventura defiinciitur : fed quœ-
damfecus quam diclafint cadere.fallaciis igna-
ra dicentium; ita corrumpi fidem artis , cujus
prœclara documenta, &antiqua cetas & noftra
tulerit. Ce qu'on peut traduire ainfi : « Il
3J ne paroît pas douteux que tout ce qui
j) doit nous arriver ne foit marqué dès le
3j premier moment de notre naiffance ; mais
» l'ignorance des devins les induit quelque-
3) fois en erreur dans les prédirions qu'ils
3) nous font ^ & par-là elle décrédite en
» quelque m.aniere un art , dont la réalité
3> eft clairement prouvée par l'expérience de
y) notre fiecle , & par celle des fieclcs précé-
M dens. »
L'autre paflage fe trouve dans le JVe liv.
des Annal, ck. Iviij. (' Tibère étant forti de
>j Rome , dit Tacite , les allrologuespréten-
» dirent qu'il n'y reviendroit jamais. Cette
î) prcdid ion occaiiona la perte de pluiieurs
» citoyens , qui en conclurent que ce prince
j) n'avoit plus que peu de temps à vivre,
» & qui furent allez imprudens pour le
V publier. Car ils ne pouvoient k douter
)) qu'eneffet Tibère vivToit encore onie ans
w fans rentrer dans Rome , 8i dans une ef-
» pece d'exil volontaire. Mais au bout de
» te temps , ajoute l'iiiftorien , on appcrçut
5) les limites étroites , qui dans la iciencc
» des devins fcparoicut Turt de la cliiuiers ,
A S T
1) & combien de nuages y oblcurcifFoient
» la \érité : car la prédiftion qu'ils firent
» que Tibère ne reviendroit point à Rome ,
» n'étoit pas faite au hazard & fans fonde-
» ment , puifque l'événement la vérifia :
» mais toiit le refte leur fut caché ■■, & ils
» ne purent prévoir que ce prince parvien-
« droit à une extrême vieilleife fans rentrer
» dans la ville , quoiqu'il dût fbuvent s'ea
)> approcher de fort près. » Moxpatuit brève
conjiniumarris &falji; veraquequàm obfcuris
regcrentur. Nam in urbem non venturum , kaud
Jbrte diclum :cœtcrorum nefciiegere., cumpro-
pinquo rure aut liitore , &" fœpè mirnia urbis
adjidens , txtrematn feneclam complevcrit. II
jiie fèmble voir dans ce paifage un grand
génie qui lutte contre le préjugé de fon temps,
& qui pourtant ne fauroit totalement s'ea
défaire. ( O )
ASTROLOGIQUE , adj. fe dit de tout ce
qui a rapport à l'aibologie. Voye^ Astro-
logie.
ASTROLOGUE , adj. pris, fubft. fe dit
d'une perfomie adonnée à l'allrologie , ou
à la devination par le moyen des allres. Les
afcrologues étoient autrefois fort communs j
les plus grands hommes môme paroillent
avoir cru à l'aftrologie , tels que M. de Thon
& pluiieurs autres. Aujourd'hui le nom d'j/-
trologues eft devenu fi ridicule , qu'à peine le
plus l)as peuple ajoute-t-il quelque foi aux
prédidtions de nos almanachs. ^^oj. ASTRO-
LOGIE. (O)
ASTRONOME , adj. pris fubft. fc dit
d'iuie perfonne verfée dans l'aftronomie. Le
peuple confond quelquefois aflrologue avec
jflronome : mais le premier s'occupe d'une
fciencc chimérique, & le fécond d'une fcience
très-belle & très-utile. Dans le temps que
l'aftrologie judiciaire étoit à la mode , il n'y
avoit prefque point A'aftronome qui ne fût
aftrologue. Aujourd'hui il n'y a plus que des
ajîronomes , & point d'alirologues , ou plutôt
lesaftrobgues Ibnt très-méprifés. F. les plus
plus célèbres ajlronomis à [article ASTRO-
NOMIE.
ASTRONOMIE , apronomia , fub. f.
compoiédca<7iV , étoile , 8c de lo.uof , règle,
loi. Vafironomie eft la connoilfance du ciel
& des pliénomeues ccleftcs. ( ^'^oy^^ClEL. y
V^ailronomie eft , à proprement parler , une
partie des mutJiéniatiques tiùxtcs , q[ui nous
A s T
apprend à connoîtrc les corps cclcfles, leurs
grandeurs , mou^cniciis , diftanccs, pério-
des, éclipfeSjé'c.^oyt'îMATHÉMATlQUES.
Il y en a qui prennent le terme aftrono-
mie dans un feus beaucoup plus étendu : ils
entendent par-là la couiioiiraace de Tutii-
vers & des loix primitives de la nature. Se-
lon cette acception , Xaftronomie lèroit plu-
tôt une branche de laphyfique, que des ma-
thématiques. ^oyf{ PHYSIQUE, Système,
Nature.
Les auteurs varient fur rinvention de \af-
tronomic: on l'attribue à différentes pcrfon-
nes \ ditVérentes nations s'en font honneur ,
& on la place dans différens fiecles. A s'en
rapporter aux anciens hillorieus , il parcît
que des rois inventèrent & cultivèrent les
premiers cette fcience : Belus roi d'Affyrie ,
Atlas roi de Mauritanie , & Uranus , qui
ré^noit fur les peuples qui habitoient les
bords de l'océan Atlantique , palFent pour
avoir donné aux hommes les premières no-
tiojis de VafironomU,
Si on croit Diodore de Sicile , Uranus ,
pcre d'Atlas , forma l'année fur le cours du
foleil & fur celui de la lune. Atlas inventa
la fphere; ce qui doiuia lieu à la fable qu'il
portoit le ciel fur fès épaules. Le même au-
teur ajoute qu'il enfei.iîua cette fcience à
Hercule , qui la porta en Grèce : ce ne fau-
roit être Hercule fils d'Alcmene , puifque
Atlas , félon le tcmoi«;nage de Suidas , vivoit
onze iiges avant la guerre de 1 roie ; ce qui
remonte jusqu'au temps de Noé & de fes
fils. En defcendant plus bas, on trouve des
traces plus marquées de l'étude que l'on fai-
foit de Yafrronomie dans les temps fabuleux.
Newton a remarqué que les noms des conf-
tellations font tous tirés des chofès que les
poètes difent s'être palFces dans le temps de
la guerre de Troie, & lors de l'expédition
des Argonautes : auffi les fables parlent-
elles de perfomies favautes dans Vafirono-
mie ; elles fout mention de Chiron , d'An-
cce , de Nauficaë , &c. qui tous paroiffent
avoir contribué au progrès de cette fcience.
Ce dont on ne i)eut douter, c'eft que plu-
ifîeurs nations ne fe foient appliquées à l'é-
tude du ciel long-temps avant les Grecs :
Platon convient même que ce fut un bar-
bare qui obferva le premier les mou\emens
fcélelles 3 occupation à laquelle il fut dcter-
A S T 741
miné par la beauté du ciel pendant l'cié ,
foit en Egypte , foit eu Syrie , où l'on voit
toujours les étoiles , les nuées & les pluies ne
les dérobant jamais à la vue. Ce philofopiie
prétend que (i les Grecs le font appliqués
fort tard à ïajhonomie , c'eit au défaut feul
d'une atmofphere , telle que celle des Egyp-
tiens & des Syriens , qu'il faut s'en prendre.
Auffi quelque audace qu'aient eu les
Grecs pour s'attribuer les premiers commcu-
cemens des fciences & Acs beaux-arts , elle
n'a cependant jamais été allez grande pour
qu'ils le foient donné l'honneur d'avoir jeté
les fondemcns de Xajlionomie. Il eft vrai
qu'on apprend par un partage de Diodore
de Sicile , qiie les Khodiens prétendoient
avoir porté cette fcience en Egypte : mais ce
récit eft mêlé de tant de fal)les , qu'il le
détruit de lui-n:ême j & tout ce qu'on en
peut tirer de vraifemblable , c'eft que comn.e
les Rhodiens étoient de grands naviga-
teurs , ils pouvoient avoir furpaffé les autres
Grecs par rapport aux obfervations aftrono-
miques qui regardent la marine ; tout le
rcfte doit être regardé connue fabuleux.
Quelques auteurs , il eft vrai , ont donné
les premières observations céleftes à Orphée
( comme Diogcne Laerce fur l'autorité d'Eu-
demus, dans fou kifioire ajhohgi.jue , qui
a été fuivie par Théon & par Lucien ) , à
Palamede , à Atrée , & à quelques autres ,
ce qu'Achillcs l'atius prétend prouver par
des pailiiges d'Efchyle & de Sophocle , dans
fou conuiientaire fur les phénomènes d'Ara-
tus : mais il eft certain que le plus grand
nombre des auteurs Grecs & Latins eft d'un
avis contraire , prefque tous les attribuant
aux Chaldéens ou Babyloniens.
Vajfronomie & l'aftrologie prirent donc
nailfance dans la Chaldée , au jugement du
grand nombre des auteurs : aufli le nom de
Clialdéen eft-il fouvent fynonyme à celui
à'ûjironome dans les anciens écrivains. II
y en a qui ftir l'autorité de Joiepli aiment
mieuK attribuer l'invention de ces fcien.ccs
aux a!;ciens Hébreux , & même aux premiers
hommes.
Quelques juifs & quelques chrétiens s'ac-
eordent avec les mufulmans pour en faire
honneur à Enoch : quant aux autres Orien-
taux , ils regardeiit Cain comn-.e le premier
aftronomc : mais toutes ces opinions paroiC
74t A S T
fent deftltuées de vraifeinblance à ceux qui
font verfcs dans la langue de ces premiers
peuples de la terre ; ils ne rencontrent dans
l'Hébreu pas un terme A'aJIronomie ; le Chai
déen au contraire en eit pleiii. Cependant
il faut convenir qu'on trouve dans Job &
dans les livres de Salomon quelque trace lé-
gère de ces fciences.
Quelques-uns ont donné une parfaite con-
noillance de Vaftronomie à Adam ; & l'on
a fait , comme nous venons de le dire, le
même honneur aux defcendans de Seth ,
mais tout cela gratuitement. Il ne faut pas
cependant douter que l'on n'eût quelque
connoiflance de l'û/îro/.'o/n/^ avant le déluge :
nous apprenons par le journal de ce terrible
événement , que l'année étoit de 360 jours ,
& qu'elle étoit formée de douze mois •■,
arrangem.ent qui fuppofè quelque notion
du cours des aftres. f^oyei Ante- dilu-
vienne.
M. l'abbé Renaudot paroît incliner pour
l'opinion qui attribue l'invention de Yafiro-
nomie aux anciens patriarches ^ & il fe fonde
pour cela fur plufieurs raifons.
1°. Sur ce que les Grecs & les Latins ont
compris les Juifs fous le nom de Chaldéens ;
z°. fur ce que la diiiinftion des mois & des
années , qui ne fe pouvoit conuoître fans
l'obfervation du cours de la lune & celui
du folcil , eft plus ancienne que le déluge ,
coinme on le voit par différens palTages de
la Genefe ■■, 3°. fur ce qu'Abraham étoit forti
de Chaldée , de Ur Chaldœorum , & que des
témoignages de Bcrofe &d'Eupolemus, ci-
tés par Eufèbe , liv. IX , de la préparation
évangélique , prouvent qu'il étoit hi:a.na."iy.-
■wiifiQ- , /avant dans les chofcs céleftes , &
qu'il avoit inventé Yaftronomie ë>i l'aftrolo-
gie judiciaire •■, Kat tAv Açpahoyiav , itanh X^^-
•faUx^iv iufïtv ■■, 4°. fur ce qu'on trouve dans
la fainte écriture plufieurs noms de planètes
& de conftellaîions.
D'un autre côté, M. Bafnage prétend que
tout ce qu'on débite fur ce fujct a fort l'air
d'un conte. Philon nous apprend que l'on
inftruifit Moyfe dans la fcicnce des aftres ^
il ne faut pas douter que ce légillateur n'en
eût quelque connoilfance : mais l'on ne làu-
roit croire que l'on eût fait venir des Grecs
pour l'inftruire, comme le ditcct auteur Jnif.
Du temps de Moyfe il n'y avoit poiju de
A ST
philofophes dans la Grèce ; & c'eft de l'E'
g^-pte ou de la Phénicie que les Grecs ont
tiré leurs premières connoilFances philofo-
phiques. A l'égard de Job , ceux qui le qua-
lifient aftronome , fe fondent fur quelque*
palîages où l'on croit qu'il nomme les en-
droits les plus remarquables du ciel, & des
principales conficllations. Mais outre que
les interprètes ne font point d'accord fur le
fens des termes employés dans ces textes ^
la conr.oiiïlmce des noms de certaines conf-
tellatious ne leroit point une preuve que Job
fût aftronome.
Quoi qu'il en foit , il ne paroît pas qu'oa
puiflb douter que Vaftronomie n'ait corn-'
mencé dans la Chaldée ^ au moins c'eft le
jugement qu'on doit en porter d'après toutes
les preuves hiftoriques qui nous reftent ; 8c
M. l'abbé Renaudot en rapporte un fort grand
nombre dans fou mémoire fur l'origine de
la Iphere , imprimé dans le premier volume
du recueil de [académie royale des fciences fi*
des belles-lettres.
Nous trouvons dans l'écriture fainte di-
vers paffages qui marquent l'attachement des
Chaldéens à l'étude des aftres. Nous appre-
nons de Pline que l'iuventeur de cette fcience
chez les Chaldéens fut Jupiter Belus, lequel
mt mis enfuite au rang des dieux : mais on
eft fort embarrafle à déterminer qui eft ce
Belus , & quand il a vécu. Parmi les plus
anciens aftronomes Chaldéens , on compte
Zorcaftre : mais les mêmes difficultés ont
lieu fur le temps de fon. exiftenee, aufli bien
qtie fur celle de Belefis 8c de Berofe.
Ne feroit-ce point s'expofer à partager
avec Rudbeck le ridicule de fon opinion ,
que de la rapporter? Il prétend que les Sué-
dois ont été les premiers inventeurs de ïaf-
tronomie ; & il fe fonde fur ce que la grande
diverlité dans la longueur des jours en Suéde ,
a dû conduire naturellement fes habitans
à conclure que la terre étoit ronde , 8c
qu'ils étoient voifnis de l'une de fes extré-
mités j deuxpropofitions dont la vérité étoit,
dit-il , moins fenfible pour les Chaldéens ,
& pour ceux qui habitoient les régions
moyennes du globe. Delà , continue notre
auteur , les Suédois engagés dans l'exameu
& dans la recherche des caufes de la grande
différence des faifons n'auront pas man-
qué de découvrir que le progrès du foleil
A s T
dans les cieux eft renfermé dans un cer-
tain cfpace , &c. mais tous ces raifbnne-
n'cns ne font point ajîpiiyés fur le témoi-
irnage de l'hiftoire , ni foutenus d'aucun fait
connu.
Si l'on en croit Porphyre , la connoilfance
de Yaftionomie eft fort ;;ncienne dans l'O-
rient. 'Si l'on en croit cet auteur , après la
prifc de Babyloncpar Alexandre , on apporta
de cette ville des obfervationscclcftes depuis
1903 ans, & dont les premières étoicnt par
conféquentde l'an 1 1 5 du déluge ,c'eft-à-dire,
qu'elles avoient été commencées 1 5 ans après
l'ércftion de la tour de Babel. Pline nous
apprend qu'Epigene allijroit que les Baby-
loniens avoient des obfervations de 7Z0 ans
gravées fur des briques. Acliilles Tatius at-
tribue l'invention de Yajlronomie aux Egyp-
tiens^ 8c il ajoute que lesconnoillances qu'ils
avoient de l'état du ciel , fe tranfmettoient
à leur poftérité fur des colonnes fur lesquel-
les elles étoient gravées.
Les païens eux-mêmes fe font moqués,
comme a fait entr'autres Cicéron , de ces
prétendues obfervations céleftes que les Ba-
byloniens difoient avoir été faites parmi
€uxdepuis47ooooans,ainfi que de celles des
Eg}-ptie!is : on peut en dire autant de la tra-
dition confufè & embrouillée de la plupart
des Orientaux , que les premiers Européens
qui entrèrent dans la Chine y trouvèrent
établie , & de celle des Perfans touchant leur
roi Cayumarath , qui régna 1000 ans,^&
qui fut fùivi de quelques autres rois dont
Te règne duroit des fiecles. Ces opinions ,
toutes ridicules qu'elles font ,. ont été con-
fervées par un allez grand nombre d'au-
teurs , qui les avoieiit prifes de quelques li-
vres grecs , où cette prodigieuse antiquité
des Alîyriens & des Babyloniens étoit éta-
blie comme la bafe de l'hiftoire.
Diodore dit que lors de la prife de Ba-
bylone par Alexandre , ils avoient des ob-
fervations depuis 43000 ans. Quelques-uns
prennent ces années pour des mois , & les
réduifentà 3476 ans folaires, ce qui remon-
îeroit encore jufque bien près de la création
du monde , puifque la ruine de l'empire des
Periès tombe à l'an du monde 3610. Mais
laiifant les fables , tenons-nous-en à ce que
dit Simplicius : il rapporte d'après Porphyre ,
^uçCallilHiene^dilciple & parent d'Ariftote,
A S T 745
trouva à Babylone , lorfqu'Alcxnndre s'en
rendit maître, des obfervations depuis 1903
ans ; les premières avoient donc été faites
l'an du monde 1717 , peu après le déluge.
Les auteurs qui n'ont pas confondu la fa-
ble avec l'hiftoire, ont donc réduit les ob-
fervations des Babyloniens à 1900 années;
nombre moins confidérable de beaucoup ^
& qui cependant peut paroître excclîif. Ce
qu'il y a pourtant Ac Singulier, c'eft qu'en
comptant ces 1900 ans depuis Alexandre ^
on remonte jufqu'au temps de la difperftoa
des nations & de la tour de Babylone , au
delà duquel on ne trouve que des fables..
Peut-être la prétendue hilloire des observa-
tions de 1900 ans Sîgnifie-t-elle feulement
que les Babyloniens s'étoient appliqués à
Vjfironomie depuis le commencement de.
leur empire. On croit avec fondement que
la tour de Babel éle\'éc dans la plaine da
Sennacr , fut conftruite dans le même liei».
où Babylone fut enSîiite bâtie. Cette pîainei
étoit fort étendue , & la vue n'y étoit bornée,
par aucune montagne ;, ce qui a pu donner,
promptement naiifance aux obfcr\'ationsL
aftronomiques.
Les Chaldéens n'étoient pas verfés dans-
la géométrie , & ils maiiquoientdes inftiu-
mens néceiîaires pour faire des observations:
juilcs : leur grande étude étoit l'aSlrolcgie.
jutliciaire ; Science dont on reconnoît bien,
aujourd'hui le ridicule. Leur obfervatoire
étoit le fameux temple de Jupiter Belus, à.
Babylone.
Les longues navigations des Phéniciens,
n'ont pu Se faire Siuis quelque connoiSTance.
des aftres : auSU voyons-nous que Pline j.
Strabon , & quelques autres , rendent té-
moignage à leur habileté dans cette fcien-
ce : mais nous ne Savons rien de certain,
fur les découvertes qu'ils peuvent avoir fai-
tes. Plusieurs hiftoriens rendent aux Egyp-
tiens le témoignage d'avoir cultivé \afiro-
nomie avant les Chaldéens. Diodore de Si-
cile avance que les colonies égyptiennes por.
terent la connoiSTance des aftres dans les en-
virons de l'Euphrate. Lucjeii prétend que.
comme, les autres peuples ont tiré leurs con-
noilfances des Egyptiens , ceux-ci les tien-
nent des Ethiopiens , dont ils font une colo-
nie. Les moins favorables aux Egyptiens,,
les joignent pour l'iiiventiou de ïaJtroiwmU
744 A S T
aux Chaldéens. Il n'eft pas aifé de découvrir
qui fut rinvcnter.r de Vafironcmie chez les
Egyptiens. Diodorc en fait lionneur à Mer-
cure -^ Socrate , à Thaul ^ Diogene Lacrce
l'attribue à Ninus , fils de Vulcaiii ^ & Ifo-
crate à Buiiris, Les connoilTanccs aflronomi-
qucs des Egyptiens les avoicnt couduits à
pouvoir déterminer le cours du foleil Si de
la lune , & à former l'année : ils obfervoient
le mouvement des planètes ^ & ce fut à l'aide
de certaines hypothefes , & par le fccours
de l'arithmétique & de la géom.étrie , qu'ils
entreprirent de déterminer quel en étoit le
cours. Ils inventèrent aulTi diverfës périodes
des mouvemens des cici;x ^ enfin ils s'adon-
îierent à l'ailrologie. Tout cela eft appuyé
fur le témoignage d'Hérodote & de Dio-
dore , (S'iT. Nous apprenons de Strabon , que
les prêtres égyptiens , qui étoient les aftro-
iiomes du pays , avoicnt renoncé de fbn
temps à cette étude , & qu'elle n'étoit plus
cultivée parmi eux. Les Egyptiens, qui pré-
tendu ient être le plus ancien peuple de l'u-
nivers , regardoieut leur pays comme le ber-
ceau des fciences , & par couféquent de Wif-
tronnmic.
L'opinion commune eft que ïaftronomie
paîTa de l'Egypte dans la Grèce : mais la cou-
uoiiTance qu'on en eut , fut d'abord extrê-
mement grolïïere , & on peut en juger par
ce que l'on en trouve dans Homère & dans
Héliode j elle ië bornoit à connoitre certains
aftres qui fervoient de guides , foit pour le
travail de la terre , foit pour les voyages
fur mer ^ c'eft ce que Platon a fort bien re-
marqué '■) ils ne faifoient aucunes oblcrvations
cxaftes , 8î ils ignoroieat l'arithmétique &
la géométrie nécelTaires pour les diriger.
Laerce dit que Thaïes fit le premier le
voyage d'Egypte dans le deffein d'étudier
cette fcience , & qu'Eudoxe & Pythagore
l'imitèrent en cela. Thaïes vivoit vers la qua-
tre-vingt-dixième olympiade ^ il a le pre-
mier obfervé les aftres , lesécliplés de foleil,
les folftices , & les avoit prédits ■■, c'eft ce
qu'alîiirent Diogene Laerce , d'après fhif-
toiie afcrologique d'Eudemus •-, Pline , liv. II ,
cAap. xi) , 6f Elufebe dans fa chronique. Il
naquit environ 640 ans avaiit Jefus-Chrift.
On peut voir dans Stanley C hifi.philofopk. )
un détail circonftancié de (es connoilian-
ccs philofophiqucs. Aiiaxiniandre fou dil-
A ST
ciplc cultiva les connoifTances qu'il avoît re-
çues de ion inaître i il plaça la terre au cen-
tre de l'univers -, il jugea que la lune em-
pruntoir fa lumière du foleil , & que ce der-
nier étoit plus grand que la terre , & une
malfe d'un feu pur. Il traça un cadran fo-
laire, & conftruifit une fphere. Anaximene
de Milet, né 5 50 ans avant Jefus-Chrill, re-
gardoitles étoiles fixes comme autant de fo-
leils , autour defquels des planètes faifoient
leurs révolutions , fans que nous puiffions
découvrir ces ])Ianctes , à caulê de leur grand
éloignement. Trente ans après naquit Ana-
xagoras de Clazomcne. Il enfeignoit que le
foleil étoit une malle de fer enflammée plus
grande que le Péloponcfej que la lune étoit
un corps opaque éclairé par le foleil , Se
qu'elle étoit habitée comme la terre. Il eut
pour difciples le fameux Périclès & Arche-
laiis , qui fut le dernier de la feilc Ionique.
Pythagore ayant paffé fept ans dans le fémi-
naire , & dans une étroite fréquentation des
prêtres égyptiens, fut profondément initié
dans lesmyfteres de leur religion, & éclairé
fur le vrai fyllême du inonde ^ il répandit
les connoifTances qu'il avoit acquifes , dans
la Grèce & dans l'Italie. Il avança que la
terre & les planètes tournoient autour du
foleil immobile au centre du monde ; que
le mouvement diurne du foleil & des étoi-
les fixes n'étoit qu'apparent , & que le mou-
vement de la terre autour de fou axe étoit
la vraie caufè de cette apparence. Plutar-
que donne à Pythagore l'honneur d'avoir
obfervé le premier l'obliquité de l'écliptique ^
de Placitis philofoph. liv. II , ch. xij. On lui
attribue aulTiles premières obfervationspour
régler l'année ,3365 jours , plus la 59= partie
de 2i jours. Ce qu'il y a\oit déplus fingu-
lier dans fon fV'flémc à'aftronomie , c'eft l'i-
magination qu'il eut que les planètes for-
moient dans leurs mouvemens un concert
harmonieux ■-, mais que la nature des fous
qui n'étoient pas proportionnés à notre oreil-
le , cmpêchoit que nous ne pufllons l'en-
tendre. Empcdocle , diiciple de Pythagore ,
ne débita que des rêveries. Il imaginoit ,
par exemple, que chaque hémifphere a fou
foleil ; que les altres étoient de cryftal , &c
qu'ils ne paroiflbient lumineux que par la
reflexion des rayons de lumière venant du
feu qui environne la terre. Philolaiis de
Crotone
A s T
('rotone floriflbit vers l'an 450 avant J. C.
Il crut aiiiïi que le folcil ctoit de cryfta! , &
il ajouta que la terre fè inouvoit autour de
cet aftre. Eudoxe de Cuide qui vivoit 370
ans avant Jcfus-Chriil , fut, au jugement de
Cicéron & de Sextus Empiricus , un des plus
habiles aftronomes de l'antiquité. Il voya-
gea en Afie , en Afrique , en Sicile , & en
Italie , pour faire des obfervations allrono-
miques. Nous apprenons de Pline , qu'il
trouva que la révolution annuelle du fblcil
étoit de 365 jours fix heures j il détermina
aufll le temps de la révolution des planètes ,
& fit d'autres découvertes importantes,
^lien fait mention d'QEnopide de Chio , le-
quel étoit auiïl de l'école de Pythagore.
Stobée lui attribue l'invention de l'obliquité
de l'écliptique •■, il exhortoit ks difciples à
étudier Yajlronomie ^ non par fimple curio-
fité , mais pour faciliter aux hommes les
voyages , la navigation , &c.
Meton , vers la quatre- vingt -fcptieme
olyinpiade , publia le cycle de 19 ans , ap-
pelle Ennéadécatcride . Dans le cent vingt-
fjptieme olympiade , Aratus compofa les
pnénomenes par ordre d'Antigonus Gonathas ,
fils de Démétrius Poliorcetes , & lùlvant les
obfervations aftronomiques d'Eudoxe , dif-
ciple d'Archytas de Tarente & de Platon ,
qui avoit été quelque temps en Egypte pour
s'iniîruire à fond de ïaflronomie.
Cependant Vitruve expofe l'établilTement
de Vafîronomie en Grèce d'une manière un
peu différente. II prétend que Berofe Baby-
lonien l'apporta dans cette contrée immé-
diatement de Babylone , & qu'il ouvrit une
école ^aftronomie dans l'île de Cos. Pline
ajoute , liv. VU , cfiap. xxxvij , qu'en con-
fidération de fes prédiâions furprenaiitcs ,
les Athéniens lui élevèrent une ftatuc dans le
Gymnafium , avec une langue dorée. Si ce Be-
rofe eft le même que l'auteur de l'hiftoire chal-
déenne , il doit avoir exifté avant Alexandre.
Après la mort de Pythagore , l'étude de
\aftronomii fut négligée j la plupart des ob-
fervations céleftes qu'on avoit apportées de
Babylone fe perdirent , & Ptolomée qui en
fit la recherche , n'en put recouvrer de Ton
■temps qu'une très-petite partie. Cependant
■quelques difciples de Pythagore continuè-
rent de cultiver ïajhonomie : entre ces dïi-
<ùples on peut coinpter Ariiiarque de Samos.
Tome 111.
A S T 74J
Ce dernier eut une haute réputation vers
la cent quaramicine olympiade , & il fiiivit
l'hypothefc de Pythagore B<. de Philolaiis ,
touchant l'inunobilité du folcil. Il rcfte quel-
ques fragmens de lui , fiir les grandeurs &
les diftances du folcil & de la lune.
Archimede vivoit dans le même temps ,
& il ne fc rendit pas moins célèbre par lès
obfer\ations , touchant les folfticcs & lc$
mouvemens des planètes , que par l'ouvrage
merveilleux qu'il fit , dans lequel ces mou-
vemens étoient rcprélentés.
Démocrite & les Eléatiqucs ne firent pas
de grands progrès. Métrodore croyoit la
pluralité des mondes , & s'imaginoit que
la voie laâée avoit été autrefois la route du
foleil : Xcnophanes difoit que le foleil étoit
une nuée enflammée , & qu'il y en ?.voit
plufieurs , pour éclairer les différentes par-
ties de notre terre.
Leucippe enfin prétcadoitque la violence
du mouvement des étoiles fixes les failbit en-
flammer , qu'elles allumoient le foleil , &
que la lune participoiî peu-à-peu à cette in-
flammation.
Chryfippe, chef de la fe£le des Stoïciens
qui fe forma 400 ans avant Jefus-Chrift ,
croyoit que les étoiles , tant fixes qu'erran-
tes , étoient animées par quelque divinité.
Platon recommande l'étude de ïa/lrono-^
mie en divers endroits de fes ouvrages : mais
il ne paroît pas qu'il ait fait aucunes décou-
vertes dans cette fcience : il croyoit que le
monde entier étoit un animal intelligent.
Ariftote compofa un livre fur Xaftroiw-
mie , qui n'eft pas parvenu jufquà nous. U
croyoit , coinme Platon , que l'univers &
chacune de les parties étoient animées par
des intelligences. Il a obfcrvé Mars éciipfé
par la lune , & une comctc. Les écoles de
Platon & d' Ariftote ont produit divers aftro-
nomes diftingués. Tel étoit entr'autres He-
licon de Cyzique , qui poulîii l'érude de ïaf-
tionomie , jufqu'à prédire une éclipfe de
foleil à Dcnys de Siraculc.
Numa , fécond roi de Rome , qui vi-
voit 736 ans avant Jefî-is-Chriil , réforma
l'année de fon prcdéceflèur fur le cours du fb-
lcil & de la lune en m.ême temps. Tous les
deux ans il plaçoit un mois de vingt-deux
jours, après celui de février, afin de regagner
les onze jours que la révolution aiuiuclle du
X i s s
74^ A S T
ibieil avolt de plus que douze révolutions
lunaires.
Les làvans font fort partagés fur le temps
auquel Pytheas de Marfeille a vécu : fans en-
trer dans cette difpute , remarquons feulc-
ir.em que c'cft lui qui le premier prit la
iiauteur du foleil à midi dans le temps du
fblftice , & qui par ce moyen trouva l'obli-
quité de l'ccliptiquc ; ce qui eft une des plus
importantes obfervaticns de ïajlronomie.
Enfin les Ptclémées , ces rois d'Egypte &
ces protecteurs des Iciences , fondèrent dans
Alexandrie une école à'oflro-nomie.
Les premiers agronomes de cette école
furent Tim.ochares&Ariftylus , quifaifoient
leurs obfervations de concert. Ptoîomée nous
en a confervé une partie.
Vers l'an 270 avant Jelus-Chrift , florif-
foit Aratus dont nous avons déjà parlé , le-
quel compofa fon poëmc fur Vafironomie.
Les anciens en ont fait tant de cas , qu'il a
eu un grand nombre de commentateurs. Il
^'écarte de l'opinion , qui étoit gcnérale-
iTicnt reçue alors , que le lever 8i le cou-
cher des aflres étoieut la caufedu change-
ment de l'air.
Dans le même temps qu'Ariftarque , vi-
"voit le fameux Euclyde. Outre fes ouvrages
<le géométrie , on a encore de lui un livre
des principes de Ycjironomie ^ où il traite de
■la /phere & du premier mobile. Sous le
règne de Ptolémce Philadelphe parut Fha-
nethon , dont il nous refte un ouvrage que
Jacques Cronovius fit imprimer à Lcyde en
1698. Eratofthene fiit appelle d'Athènes à
Alexandrie par Ptolémée Evergcte; II s'ap-
pliqua beaucoup à \ aftronorràe , relative-
ment à la gco;rraphie. Il fixa la diflance de
la terre au loleil ï.<. à la lune ; détermina la
longitude d'Alexandrie & de Syene , qu'il
"jugeoitétre fous le mém.e méridien ; & ayant
calculé la diftance d'une de ces deux villes
à l'autre , il ofa mefcrer la circonférence de la
terre,qu'ilfîxaentre2 5oooo&25icoollades.
Cononqui vivoit fous les Ptolémées Phi-
ladelphe & Evergete^ fît pluficurs obferva-
tions fur les éclipfes de foleil & de lune, &
■il découvrit une conlîcllation qu'il noinm.a
à/icvelurc de Bérénice ; Callimaque en fît un
poëme , duquel nous avons la tradudior.
par Catule. Mais à la lête de tous ces aftro-
î}omes 011 doit placer Ilipparque , qui eu-
A S T
treprit , pour me fcr\ ir des exprefîîons de
Pline , un ouvrage fî grand , qu'il eût été glo-
rieux pour un dieu de l'avoir achcvé,rf m etiaiTt-
deo improbam : c'étoit de nombrer les étoiles ^
& de lailfcr , pour ainfidire , le ciel à lapof-
térité comm.e un héritage. Il calcula les éclip-
fes de lune & de foleil pour fix cents ans , 6c
ce fut for fos obfervations que Ptoîomée éta-
blit fon fameux traité intit'iilé uA-yàMTcvr-j.-
(i, Hipparque conunença à paroître dans la
cent cinquante -quatrième olympiade \, il
comiuenta les phénomienes d'Aratus , & il a
montré en quoi cet auteur s'étoit trompé.
Les plus illuftres aftronomes qui font ve-
nus eufuite , ont été Géminus de Rhode,.
dans l'olympiade 178 j Théodore Tripoli-
tain ■■, Sofigcnes , dont Céfar fe forvit pour
la réformation du calendrier ^ Andromaque
de Crète : Agrippa Bithynien dont parle
Ptoîomée , lib. Fil , chap. iij. Ménélaiis
fous Trajan ; Thcon de Smyrne ■-, & enfîu
Claude Ptoîomée qui vivoit fous Marc- Au-
rele , & dont les ouvrages ont été jufqu'aus
derniers- fîecles le fondement de toute Yaf-
troncmii . non feuleiuent parmi les Grecs ,,
mais encore parmi les Latins , les Syriens , .
les Arabes & les Perfans. Il naquit à Pclufa
en Egypte , & fît la plus grande partie de
fos obfervations à Alexandrie. Profitant do
celles dlHipparque & des autres anciens af-
tronoîues, il forma un fyflême cVûfIronc-<
ir.ic' r{ui a été foivi pendant plufieurs lîecles.
Sextus Empir(icus , originaire de Cheronéo
& ne\eu du fameux Plutarque , qui vivoit .
dans le même fîecle , & qui dans les ouvra^
ges qui nous refteiit de lui, fe moque de
toutes les fciences, n'a cependant ofé s'atta-
quer à ïajlronomie. Bien plus , le cas qu'il
en fait le porte à réfuter folidcnient lesChal-
déens , qui abufont de Xajironomie , laren-
doient méprifable. Nous trouvons encore
au deuxième fîecle Hypficles d'Alexandrie ,
auteur d'un livre (ïajfronoinie qui nousrcflci
On ne trouve pas que dans un allez long
eijjace de tcn'ips il y ait eu parmi les anciens
omains de grands ailrononios. Les dé-
fauts de l'année de Numa , & le peu d'or-
dre qu'il y eut dans le caleiuirier jufcju'à la
réformation de Jules Célîir, doivent êt;e
regardés plutôt comme un eflét de fincapa-
cité des pontifes, que comme une mar--
que de leur Hegligcnce, L'iui sj^o de Kome>,
A s T
^ulpiciiis Gallus , clans la guerre contre les
Perles , voyant les IblJats troubles par une
çclipfc de hitie , les raliura en leur en expli-
quant les caulcs. Jules Céliir cultiva Vaf-
tronomie j Macrobc ck Pline alfurcnt même
qu'il compofa quelque cliofe fur cette fcien-
te. Elle fut au(ji du goût de Ciccron , puil-
qu'il fit la verlion du poënie d'Aratus fur
ïajhor.oriie. Tercntius Varron , cet homme
uni\eriél , fut aulîi aCtronome. Il y eu eut
même qui firent leur unique étude de cette
Tcieuce. Tel fut P. Nio-idius , qui donna
dans l'aftrologie judiciaire , & qui , à ce
qu'on prétend , prédit l'empire à Àugufte le
jour même de fa naillance. Manilius qui
/loriiroit fous cet empereur , fit un poëme
iùr cette fcience. Nous avons aulfi l'ouvrage
de Caius Julius Hyginus, affranchi d'Au-
f^ufte. Cependant le nombre des agrono-
mes fut fort petit chez les Romains , dans
des tciîips où les arts & les fcieuces paroif-
fbient faire les délices de ce peuple. La \é-
ritable caufe de cette négligence à cu!ti\cr
l'ûfhonomkf elt le mépris qu'ils en failoient.
Les Chaldéens , qui renfeignoient à Rome,
donnoient dans l'altrologie : en falloit-il da-
vantage pour dégoûter des gejis de bon fëns ?
aulfi les magillrats chalferent-ils divcries fois
ces fourbes.
Séueque avoit du goût pour l'aftrologie ,
connue il paroît par quelques endroits de
fes ouvrages. Pline le naturalise , dans fon
importaiit ouvrage, paroît n'avoirpas ignoré
ïajironomie ■-, il a même beaucoup contri-
bué aux progrès de cette fcience , eu ce
qu'il nous a confervé un grand nombre de
fragmens des anciens aftronomcs. Sous le
règne de Domitien , Agrippa fit diverfes
obfèrvations aftrcnomiques en Bithyuie.
L'on trouve dans les écrits de Plutarque di-
vers palfages qui luarquent qu'il n'étoit pas
ignorant dans cette fcience. Méiiélaiis étoit
aftronome de profefiîon ^ il fit fes oblèrva-
tions à Rome j Ptolomée en failbit gnuid
cas. Il compofa trois livres de figures fphé-
riques , que le P. Merfénne a publiés. Enfin
il faut encore placer dans ce fiecle 1 hcon
de Smyrne , déjà nomiué '-, il écrivit fîir les
diverfes parties des mathématiques , du nom-
bre defquelles efl Xaftronomie. Les aftrolo-
gues , nommés d'abord chaL'ctns , & cn-
iuite mathématiciens , étoient fort en vogue
A S T 747
daas ce fiecle à Romc^ les empereurs Jklcs
grands en faifoient beaucoup de cas.
Cenforiu , qui vivoit fous L-s Gordiens ,
vers l'an 238 de J. C. a renfermé dans fou
petit traité de dienaiali^ un grand nom-
bre d'obfervations qui ne fè trouvent point
ailleurs.
Anatolius, qui fut évêque de Laodicéc ,
compofa un traité de la Pâquc , où il fait
\oir Ion halîileté dans ce genre. Septinie
Séxe.'e fav(;ri(â au commencement du troi-
(icmc fiecle le» luathématicieus ou aftrolo-
gues -^ mais fiir la {\\\ de ce fiecle DiocIéticH
& Maximieu leur déléudircnt la pratique
de leur art.
Macrobe , Marcianus Capella & quel-
ques autres , n'oi;t parlé qu'en pafiant de
Xafironomie.
Nous avons de Firmicus huit livres fur
Wifironomie ; mais comme il donnoit beau-
coup dans les rêveries des Chsidéens , fon
ouvrage n'efi pas fort inflructif. Théon le
jeune , d'Alexandrie , fit di\'crlés obfèrva-
tions , & compofa un comiucntaire fur un
ouvrage de Ptolomée , dont les favans font
cas encore aujourd'hui. Hypatia fe difîin-
gua dans la même fcience, mais il ne nous
refie rien d'elle. Paul d'Alexandrie s'appli-
qua à la fcience des horofcopes , & nous
avons fon introdudtion à cette fcience pré-
teiidue.
Pappus elî connu par divers fragmens qui
font regretter la perte de fes écrits. On place
auili dans le quatrième fiecle Théodore Mau-
lius , conful romain , qui , au rapport de
Claudien , fit un ouvrage , qui s'efî perdu ,
fur la nature des chofes & des aflres ^ Se
Achillcs Tatius , dont nous avons un com-
mentaire fur les phénomènes d'Aratus.
Synéfius, é\êque de Ptolémaïde, fut dif^
ciple de la célèbre Hj-patia. Il nous reftc
de lui un difcours à Pœouius , où il fait la
defcription de fbn aflrolabe^ c'étoit une ef-
pece de globe célefte. Ru fris Eelîus Avienus
fit une paraphrafe en vers hexamètres des
phénomènes d'Aratus , qui efl parvenue jiif-
qu'à nous. Le commentaire de Macrobe
fur le fonge de Scipion', fait voir qu'il' n'é-
toit pas ignorant dans ïn[}ronomie. Capella,
qui fut proconful , écrivit fur cette fcience
rou\'rage que nous connoifîbns fous le nom
I de Satyriœn. Proclus L5-cius , cet ennemi
X X XX 2
748 . . A S T
du cliriftianiCne , étoit favant dans \'afiro-
uomie , comme plufîeurs ouvrages qui nous
relient de lui en font foi.
Parmi les aftronomes du fixieme fiecle il
faut placer Boëce , car fes écrits prouvent
qu'il sY'toit appliqué à cette icicncc. Thius
fit des obfèn'ations à Athènes au commen-
cement du même lîecle :, elles ont été im-
primées pour la première fois à Paris en 1645,
fur un manufcrit de la bibliothèque du roi.
Les progrès de Denys le Petit à cet égard
font connus. Laurentius de Philadelphie
compofa quelques ouvrages diaftronomie qui
ne fubfiftent plus. Ce que Cafliodore a écrit
eft trop peu de chofe pour lui donner rang
parmi les aftronomes. Il en faut dire autant
de Simplicius 5 fon commentaire ilir le li-
vre d'Ariilote , de Calo , montrent pourtant
une teinture de cette fcicnce.
Dans les fiecles vu & V 1 1 1 , nous trou-
vons llldore de Séville, à qui ïaftronomie ne
doit aucune découverte. Léontius , habile
dans la méchanique , conftruiiît une fphere
en faveiir d'iui de fes amis, & com.pofa un
petit traité pour lui en faciliter l'ufage. L'on
trouve dans les ouvrages du vénérable Bede
diverfès chofes relatives à ïaftronomie. Al-
cuin fon difciple cultiva auffi cette fcience ,
& porta Charlemagne , dont il avoit été
précepteur , à favorilér les (itvans.
Les auteurs qui ont écrit depuis Conftan-
tin jufqu'au temps de Charlemagne , & de-
puis , réduifoient toute leur étude à ce qui
«voit rapport au calendrier & au comput
eccléfiaftique. Charlemagne , fuivant le té-
moignage d'Eginhard & de la plupart des
hiJloriens , étoit favant dans ïaftronomie ; il
donna aux mois & aux vents les noms alle-
mands qui leur reftent encore , avec peu de
changement. L'ambalfade que lui envoya
Aaron Refchild eft fameufe dans l'hiftoire ,
;i caufè des pré/èns rares dont elle étoit ac-
compagnée, parmi le{qucls on marqi;e une
horloge , ou , félon d'autres , un planiiphere.
L'auteur anonyme de la chronique des
rois francs , Pépin , Charlemagne & Louis ,
cultiva ïûftronomie. Il a inféré pluiieurs de
les obfsrvations dans fa chronique. Une
preuve de fon habileté Si de fes progrès ,
c'eft qu'il prédit une éclipfc de Jupiter par
la lune , & qu'il l'obicrva. Sur la fin du
ilixicuœ lletie ou trouve le nioiue Gerbert ,
A S T
qui fut évêque & cnfuite pape fous le nort\
de Syiveftre II, Il étoit favant dans ïaftro-
nomie &c dans la méchanique , ce qui lui
attira le foupçon de magie. Il fit une hor-
loge d'iuie conftrudlion merveilleufe , & un
globe célefte. Il faut placer dans le onzième
(jecle Jeun Campanus de Novarre ; Michel
Pfellus, fénateur de Conftantinople ^ Her-
mannus Contraélus , moine de Reichenau ,
& Guillaume , abbé de S. Jacques de
Wurtzbourg. Ils ont tous écrit fur ïaftro-
nomie. Dans le douzième fiecle Sigebert de
Gemblours s'attacha à marquer les temps
félon le cours du foleil & de la lune. Athé-
lard , moine anglois , fit un traité de l'allro-
labe ; & Robert , évéque de Lincoln , un
autre de la fphere. Jean de Sé\'ille traduifit
ÏAlfragan de l'arabe en latin.
Une des principales caufes du peu de pro-
grès que ïaftronomie a fait pendant plufieurs
fiecles , fut l'ordre que donna Omar III , ca-
life des Sarrafins , de brûler tous les livres
qui k trouvoient en Orient vers le milieu du
feptieme fiecle. Le nombre de ceux qui fe
trouvoient à Alexandrie étoit immeniè ; ce-
pendant comme il fallut employer plus de
fix mois pour exécuter l'ordre du calife , qui
achevoit pour lors la conquête de la Perfe ,
les ordres qu'il avoit envoyés ne furent pas
fi rigoureufement exécutés en Egypte , qu'il
n'échappât quelques manulcrits. Enfin la
perfécution que les différentes fèftes qui s'é-
toient élevées parmi les mahométans,avoient
fait naître tant en Afrique qu'en Afie , ayant
ceifé preiqu'entiérement , les mêmes Arabes
ou Sarraiins recueillirent bientôt après un
grand nombre d'écrits que les premiers ca-
lifes Abbaiîides firent traduire d'après les
veriions fyriaques , & enftiite du grec en
leur langue , laquelle eft devenue depuis ce
temps la langue favante de tout l'Orient.
On fait qu'en général les Arabes ont fort
cultivé les fciences •■, c'eft piu" leur moyen
qu'elles ont palfé aux Européens. Lorfqu'ils
fè rendirent maîtres de l'Efpagne, ils avoient
ttaduit en leur langue les meilleurs ouvrages
des Grecs. C'eft; fur ces traduètions que les
Occidentaux fe formèrent d'abord quelque
idée des fciences des Grecs. Ils s'en tinrent
à ces traduftions jufqu'à ce qu'ils euifent les
originaux. iJaftronomie n'étoit pas la fcience
Ift moius cultiACC parmi ces peuples. Ils
A s T
ont écrit un ^raiid nombre de livres fur ce
fujet; la feule bibliothèque d'Oxford encon-
tieiit plus de 400 , dont la plupart font in-
connus aux f ivans modernes. L'on n'en fera
pas iiirpris, fi l'on fait attention que les cali-
fes eux-mêmes s'appliquoient à \û/fronomie,
& récompenfoient en princes magnifiques
ceux qui fe diftinguoicnt dans cette fcience.
Le plus illuftrc parmi les princes niahomé-
tans qui ont contribué à perfectionner l'j.^rro-
nomie , non-feulement par la traduction des
livres grecs, mais encore par des obfcrvations
aftronomiques faites avec autant d'exafti-
tude que de dcpeHfe , a été le calife Alma-
moun , fepticme de la fam.ille des AbbaHi-
dcs , qui commença fou empire en 813.
Il étoit fils de cet Aaron Rcfchild dont nous
avons parlé à l'occalion de Charlemagne.
On dreffa fur les obicrvations qu'il fit faire ,
les tables allronomiques qui portent fon
nom. Il en fit faire d'autres pour la mefure
de la terre , dans les plaines de Sinjar ou
Sennaar , par trois frères très-habiles afiro-
nomes , appelles hs enfar.s de Muffa. Le
détail de ces obfcrvations efc rapporte par
ditférens auteurs cités par Golius dans fes
fa'/antes notes fur Xalfragan. Il ramalfa de
tous côtés les meilleurs ouvrages des Grecs ,
qu'il fit traduire enarabe;, il les étudioit avec
foiii , il les communiquoit aux favans de fbn
empire : il eut fur-tout un grand foin de faire
traduire les ouvrages de Ptolomée. Sous fbn
règne fleurirent pluiieurs favans aftronomes ■■,
& ceux qui font curieux de connoître leurs
ouvrages & ce que Yafîronomie leur doit ,
trouveront de quoi fe fatisfaire dans Abulfa-
rage , d'Herbelot, Hottingcr, &c. qui font
c;;trcs fur ce fiijet dans un allez grand détail.
Quelques favans fe font appliqués à tra-
duire quelques-uns de leurs oiivrages , ce qui
a répandu beaucoup de jour CmYa/Ironom/e.
Il feroitàfouhaiîerque l'on prît le même foin
de ceux qui n'ont pas encore été traduits.
Depuis ce temps les Arabes ont cultivé Yûf-
tronumie avec grand foin. Alfragan , Abu-
niadar , Albategni , Geber , &c. ont été con-
nus par nos auteurs , qui les ont traduits &
commentés fur des traduéiions hébraïques
faites par des juifs ^ car jufqu'aux derniers
llccics prefque aucune traduction n'avoir été
faite fur l'arabe. I! y en a encore un grand
nombre d'autres qui ne le cedentpoiuî à ceux
A S T 749
<^je nous contioifTon^. De plus , à l'cKemple
d'Alinamomi , di\'ers prir.ces ont fait renou-
veller les ohfervations aflronomiques pouT
fixer le temps , ainfi que fît Mclikfchab , le
plus puiflantdesfultans Seljukides, lorfqu'il
établit l'époque gélaléenne , ainfi appelléc à
caufc que Geialeddin étoit fbn. furnom. Les
califes Ahnanzor & Almamoun étant fouve-
rains de la Pcrfè , inlpirerent aux Perfans du
goût pour cette li;icnce. Depuis eux il y a eu
dans cette nation de temps en temps des af-
tronomes célèbres. Quelques-inis des m.onar-
ques perfans ont pris des foins très-louabics
pour la reformation du calendrier. Aujour-
d'hui même ces princes font de grandes dé-
penfos pour le progrès de cette fcience , mais
avec fort peu de fuccès : la raifon eft qu'au
lieu de s'appliquer à l'fl/z'rowoOT/V, ils n'étudient
les ailres que pour prédire l'avenir. On trouve
dans les voyages de Chardin , un long paf-
(àge tout-à-fait curieux , qui donne une
jufte idée de l'état de cette fcience chez les
Perfans modernes.
LesTarraresdelccndansde Ginghifchan &
de Tam.crlan , eurent la même paiïion pour
Xaftronomic. Naiîireddin , natif de Tus dans
le Corafàn , auteur d'un commentaire far
Euclyde , qui a été imprimé à Ron-ic , a dreffé
des tables aili'onomiqucs fort cflimées : il
vivoit en ix6\. Le prince Olugbeg qui étoit
de la même maifon , fit bâtir à Saraar-
cande un collège Si un obfervatoirc , pour
lequel il fit faire de très-grands inflrumens;
il fé joignit à fes aflronoines pour faire des
observations. Les Turcs difent qu'il fit faire
\\n quart de cercle , dont le rayon avoit plus
de 180 pies : ce qui efi: plus fur , c'eil qu'à
l'aide de lès afîronomes i! Ht des tables pour
le méridien de Samarcande , drcsTaun cata-
logue des étoiles fixes vilibles dans cette ville,
Sccompofa div'crs ouvrages, dont quelques-
uns font traduits en latin , & les autres font
encore dans la langue dans laquelle ils ont été
compolés. Il y a tout lieu de croire que les
obfcrvations aftronomiques trouvées dans le
iiecle dernier entre les mains des Chinois, y
avoient paffé de Tartarie ; car il y a des
pre.r.es certaines que Ginghifchan entra
dans la Chine , & que fes defcendans fu -
reiit maîtres d'une grande partie de ce vaftc
cfiipire , où ils portèrent vraifemblablement
les obfervatioiis ëc les tables qui avoient été
T50 A S T
faites par les aftioncmes'dc Cciofan. Au
refie , Ya(l:oiiomi£ a été cultivée prerque de
temps iniinéinoririi à la Chine. Les million-
naires jéfuites fe font fort appliqués à déchif-
frer les anciennes obfèrvations. L'on en peut
voir riiiftoire dans les obfervations du P.
Souciet. En\iron 400 ans avant J, C. les
fciciiccs furent négligées chez les Chinois.
Cette négligence alla en croillant juiqu";!
l'empereur ITin-Chi-Hoang. Celui-ci iîtbrû-
Jer 246 ans avant J. C. tous les livres qui
traitoient des fciences à l'exception de ceux
de médecine, d'allrologie , & d'agriculture :
c'eil: par-là que périrent toutes les obièrva-
tious antérieurc-s à ce temps : 400 ans après,
Licou-Pang rétablit les fciences dans fon
empire , & érigea un nou\cau tribunal de
mathématiques. L'on fit quelques inftrumcns
pour obfcrver les aftres , & l'on régla le
C3'endrier.Depuiscctemps-làr^///'o/.'0/7!/fn'a
point été négligée clicz ce peuple. I! lènible
que les obfervations faites depuis tant de
lîccles , fous les aufpices & par les ordres de
pulifaus monarques , auroient dû fort enri-
chir Vafironomie.
Cependant les miflîonnaires qui pénétrè-
rent dans cet empire fur la fin du xvj^ ficelé,
trouv^erent que l'état où étoit cette fcience
parmi les Chinois , ne répondoit point à la
longue durée de leurs obfervations. Ceux
d'entre les miflicnnaires jéfuites qui entcn-
doient les mathématiques , s'infinuerent par
ce moyen dans l'ciprit du monarque. Les
plus habiles devini-ent préfidens du tribunal
de mathématiques , & travaillèrent à mettre
Ycftro.iomic fur un meilleur pié qu'elle n'avoit
été auparavaiit. Ils firent des inftrumens
plus exacts que ceux dont on s'étoit fcrvi
jufqu'alors , rendirent les obfervations plus
jufies , & profitèrent des connoiifances des
Occidentaux. V. les relations du P. Verbiefr ,
& des autres miiTionnaires , ou bien la def-
cription de la Chine ^ par le P. Du'ialde.
A l'égard des Juifs, quoiqu'ils aient com-
pofé un allez grand nombre d'ouvrages fur
la fphcre, dont quelques-uns ont été impri-
jnés par Munflcr en hébreu & en latin . il y
a peu de chofes néanmoins où ils puiifcnt
être confidérés comme originaux. Cepen-
dant comme la plupart d'cntr'cux favoicnt
l'arabe, &; que ceux qui ne le favoicnt pas
Wouvoicnt des tradudioiis hébraïque? de
A S T
tous les anciens aftronomes Grecs , ils poit-
voient aiféinent avec ce fecours faire valoir
leur capacité parmi les chrétiens. Depuis la
nailfancede J. C. quelques-uns de leurs doc-
teurs ont étudié ïafaononiii , pour régler
feulement le calendrier , &: pour s'en fervir
à l'adrolûgie , à laquelle ils font fort adonnés.
Celui qui paroit avoir fait le plus de progiès
dans cette fcience , c'cft R. Abraham Za-
chut. Il vivoit fur la fin du xv- fiecle , ôc fut
proreflèur en tf/2ro/2o/72/>àCarthage en Afri-
que , & enfuite à Salamanque ^ on a de lui
divers ouvrages fur cette fcieiice.
Les Sarrafms avoient pris , en conquérant
rEg}'pte , une teinture à'afcronomie , qu'ils
portèrent avec eux d'Afi'iquc en Efpagne ^
& ce ïut là le circuit par lequel cette fcience
rentra dans l'Europe après un long exil.
Voici les plus fameux aftronomes qui fê
foicnt diftingués en Europe depuis le xij^
iiecle. Clément de Langthon , prêtre ëc
clianoine Anglois , écrivit vers la fin du xij^
fiecle fin- Vafrronomie. Le xii]* fiecle oUre
d'abord Jordanus Vemoracius , & eufiiite
l'empereur Frédéric II , qui fit traduire de
l'arabe en latin les meilleurs ouvrages de
philofophie , de médecine & aaftronomic.
Il avoit beaucoup de goût pour cette der-
nière fcience , julque-là qu'il difoit un jour
à l'abbé de Saint-Gai , qu'il n'avoit rien de
plus cher au monde que fon fils Conrad ,
& une fphere qui marquoit le mouvement
des planètes. Jean de Sacro-Bofco vivoit
dans le mêm.c temps ■■, il étoit Anglois de
nailTance , & profellbur en philofophie à
Paris , où il compcfa ibn li'.re de la fphere,
qui fut fi cftimé , que les profeiîéurs en
aftronomie l'cxpliquoient dans leurs leçons.
Albertle grand , cvêquedc Ratisbonne, s'ac-
quit auiîi une grande réputation : il com-
pofa un traité d\:fnonomie , & fè dillingua
dans la méchanique par rin\ention de plu-
fieurs machines furprenantes pour ce temps-
là. Depuis ce fiecle Yafcro/iomie a fait des
progrès coniîdérables : elle a été cultivée
par les premiers génies & protégée par les
plus grands princes. Alphonfè , roi de Caf-
tille, l'enrichit même des tables qui portent
toujours fbn nom. Ces tables furent drelîees
en 1270 ; & ce furent des Juifs qui y eurent
la plus grande part. ^''. Taull:. Roger Ba-
con , moine Anglois , vivait dans le même
AS T
temps. Guido Bonatus, Italici! , de Frioul ,
cil 1184. Eii 1310 , Pctrus Apoiiciilîs , qui
lut iliWï de quelques antres moins conliiié-
rablcs en comparaifon de Pierre d'Ailly ,
cardinal Se évcqne de Cambray , & du car-
dinal Nicolas de Cu(a , allemand , en 1440 ;
Dominique Maria , Bolonois, précepteur de
Copernic i George Purbachius, ain{i appelle
dubouri^deBurbach fur les frontières d'An-
trichc & de Bavière, qui enfei^^na (niblique-
incnt la philofopiiie <à Vienne , cil un de
ceux qui ont le plus contribué au rétablilié-
nient de ïafironomic. Il fit connoillaucc avec
le cardinal Beiîarion pendant /hléf^ation vers
l'empereur. Par le con/eil de Belfarion ,
Purbacîuus alla en Italie pour apprc.idre la
langue greque , & anllî-tôt il s'appliqua à
la lecture de Valmagcffi: de Ptoloinée, qu'on
n'avoit lu depuis pluiicurs liecles que dans
ces traduiftions im]5aifaites , dont il a été
parlé ci-delîiis , f ;itcs fur les hébraïques ,
qui avoient été faites fur les arabes , & celles-
ci lin- les fyriaques. Il uvoit ccmme;icé un
abrégé de ïalinagejh fur l'original grec :
mais il ne put aller qu'au iixieme livre, étant
mort en 1461 , âgé ieuicmeiit de 39 ans.
Son principal difciplc fut George ALdler ,
appelle coirimuiiérr.ent P.cgiomontanus , par-
ce qu'il ctoit natif de Konisherg en Pnific.
Il fut le premier qui compofa des éphéméri-
des por.r plijfieurs années , & divers a.;îres
ouiTagcs très-eftiinés, entre autres les Théo-
riques des planètes. Après la mort de Purba-
chius il palfa en Italie avec le cardinal Belfa-
rijn; après avoir vifité les principales aca-
tlémies d'Italie , il revint à "v'ienne , d'où le
loi de Hongrie l'appella à Bude : mais la
guerre allumée dans ce pays inquiétant Ké-
giomontanus , il fe retira à Nuremberaf en
147 1 , & s'y lia d'amitié a\'ec un ri jlie bour-
geois nonnné Btrnard Walther , qui avoit
beaucoup de goût pour Xaflronomie. Cet
homme fît la dépenfe d'iuie imprimerie ck
de plufieurs infirumcns afi;ronomiques ,
avec leiqucls ils firent divcnes obfervjtions:
Sixte IV appe'la Régiomciitanus à Rome
pour la réforjne du calendrier : il partit au
mois de juillet 1475 , après avoir été créé
évcque de Ratisbonrie : il ne fit pas long
féjour à Rome , y étant m.ort au bout d'un
an. Régiomontanus avoit donné du goût
gour ïnjlronomii à plufieurs |ierfouiiS3 ,
A ST 7îï
tant à \'ienne qu'à Nuremberg : ce qui fit
que cette fcicnce fut cultivée avec foin lians
ces deux villes après fh mort. Di\crs aftro-
nomes y parurent avec éclat da:îs le xvijc
lîecle.
Jean Bi;mchini , Ferrarcis, travailla pref^
qu'en même ten.ps avec réputation à des
tables des incuv'emenscc'cftcs. Les Floren-
tins cultivèrent aiifii en ce temps-là Vajfro-
r.omie , mais ils ne firent aucun ouvrage
comparable à ces premiers; & Marflle Fi-
cin , Jovianus PoïUanus, joannes Abiufus y
& plufieurs autres s'adonnèrent un peu trop
à l'afirologie.
Le juif Abraham Zahcut, aftrologue du
roi de Portugal D. Emmanuel , & dont
nous avons déjà parlé , compoiii un caic:;-
dricr perpétuel , qui fut imprime eu 1 500 ^
& qui lui acquit une grande réputation :.
mais il n'y mit rien de lui-même que l'or-
dre Si La dirpofition , le refîc étant tiré des
ancicîuies tables que plufieurs autres juifs
avoient faites quelque temi)s auparavant ,
& qiù fe trouvent encore dans les biblio-
thèques.
Enfin Nicolas Copernic panit. Il naquit
à 1 horn au commencement de I an 1472..
Son inclination pour les mathématiques fè
manifefta des l'eiifance. Il fit a abord quel-
ques progrès àCracovie : & à ^l ans il entre-
prit le voyage d'Italie. Il alla d'abord à
Bologne , où il fît diverfes obfcrvaiions avec
Dominicus Maria. Dc-là il pafla à l^oîr.e ,
oùfii réputation égala bientôtccUc deRégio-
moutaïuis. De retour dans la patrie , Luc
W'azclrodiuî , fon oncle maternel , évéque
de Warinie , lui donna un canonicat dans-
fa cathédrale. Ce fut alors qu'il fo propofà
de réformer le fyfcèiiic reçu fur le mouve-
ment des planètes. Il examina avec foin-
les opinioiis des anciens , prit ce qu'il y avoit
de bon dans chaque fylléme , & en forma
un nouveau , qui porte encore aujourd'hui
fon nom. Il fut eiUerré à ^Xarmie en mai
154?. Son f)'llc'ne établit l'ir.in'.obilité du
folcil & le mouvement de la terre autour de-
cet aibe , à quoi il ajouta le inouvament de
la terre fur Ion axe, qui étoit l'hypothefè
d'Héraclide de Pont & i\i .cphantus pytha-
goricien.
Il ne faut pas oublier Jérôme Cardan , n&.
à Pa\'ic , c: 1 5o3. Il s'appliqua à la méda-
ir
A s T
cine & aux mathématiques. Comme il étoît
fort ciititc de railro!o,;4-ic , il voulut remettre
cette prétendue fcience en honneur , en
faifant \oir la liaifon qu'elle avoit avec la
véritable afironomn: I! compofa divers ou-
vrages liir cette idée, & mourut à Milan en
1575. Guillaume IV , Landgrave deHelFe ,
mérite auill de tenir fa place parmi les aftro-
Mom.cs célèbres du mêine ficelé. Il fit de
grandes dépenfès à Caflèl , pour faciliter les
obfervations. Il avoit à les .q:ag'es Jufte
Byrgius, Suiilc très-habile dans la méchani-
que, qui lui fit quantité d'inftrumens aftro-
iioniiques ; & Chriftophe Rothman, favant
artronome , de la principauté d'Anhalt ,
aidoit le laud;:jrave dans les cbfervations.
Vers le mêr.ie temps , Tycho-Brahé con-
tribua auilî beaucoup à perfeélionnerlç/rro-
nomie , non leulenicnt par fês écrits , mais
par 1 invention de phifieurs inftrumens qu'il
mit dans foîi château d'Uranibourg , auquel
il donna ce nom à caufe de l'obfcrvatoire
qu'il y fit conftruire. Il publia d'après fes
propres cbfervations , un catalogue de 770
étoiles fixes. Tycho-BraJié étoit d'iuie famille
illuftredu Danemarck. Une éclipfc de foleil
qu'il vit à Copenhague en 1560 , lorlqu'il
n'étoit encore âgé que de 14 ans , lui donna
un te! goût pour Ynfironomie , que dès ce
ir:0ment il tourna ies études de ce côté-là.
Ses parens vouloientle faire étudier en droit:
mais il s'appliquoit à fa fcience favorite , &
conlàcroit à l'achat des livres qui y étoient
relatifs l'argent delliné à fès plaifirs. Il fit
ainfidegrandsprogrès à l'aide de fon propre
génie 5 & dès qu'il ne fut plus gêné , il vifita
les principales univerfités d'Allemagne , &
les lieux où il favoit qu'il y avoit de favans
agronomes. Après ce voyage il revint en
Danemarck en 1 57 1 , où il fe procura toutes
les commodités qu'un particulier peut avoir
pour faire de bonnes cbfervations. Quatre
ans après il fit un nouveau voyage en Alle-
magne &c en Italie. Il vit les inftrumens dont
fè fcrvoit le Landgrave deHeffe, & il en
admira la jufteflè & l'utilité. Il pcnfoit à fe
fixer à Bâle : mais le roi Frédéric II l'arrêta
en lui donnant l'île de Ween , où il lui bâtit
un obfervatoire & lui fournit tous les fccours
néceifaires à fes vues. Il y refta julqu'cn
î 597 , que le roi étant mort , la cour ne
voulut ylus fiib\euir à cette dépen/è. L'cm-
AST
porettr Rodolp'ie l'appclla à Prague l'année
fuivante , & il y m.ourut en 1601 , Agé de
55 ans. On fait qu'il inventa un nouveau
(yliéme d'afiroiwmie , qui eft une eljjece de
conciliation de ceux de Ptolomée & de
Copernic. Il n'a pas été adopté par les aftro-
nomes : mais il lëra toujours une preuve des
profondes connoilfances de fon auteur. Le
travail de Tycho conduifit, pour ainfi dire ,
Kepler à la découverte de la vraie théorie de
l'univers, Scdes véritables lois que les corps
célclles fiiivent dans leurs m.cuvemens. 11
naquit en 1571. Après avoir fait de grands
progrès dans Wiftronomk , il le rendit en i rtco
auprès de Tycho-Brahé , qui l'attira en lui
faifant des avantages. Il eut la douleur de
perdre ce maître dès l'année fuivante : mais
l'empereur Rodolphe le retint à fon fèrvice y
t< il fut continué lur le même pié par
Matthias & Ferdinand. Sa vie ne lailfa pas
d'être alfez traverfée , il mourut er. 1636. Il
avoit une habileté peu comn:une dans Yafiro-
nomie & dans ropv.ique. Dcfcartes le recon-
noît pour fon maître dans cette dernière
fcience , & l'on jjrétend qu'il a été aufil le
précurfour de Defcartes dans l'hypothefe des
toiu"billons. On fait que fes deux loix ou
analogies fur les révolutions des planètes ont
guidé Nev/ton dans fon fyftême. f^oye^
Planète, Période, Gravitation.
Galilée introduifit le premier l'ufagedes
télefcopes dans Xafironomie. A l'aide de cet
inftrumcnt , les fatellites de Jupiter furent
découverts par lui-même, de même que les
montagnes dans la lune, les taches du foleil ,
& là révolution autour de fon axe. f. Té-
lescope , Satellite, Lune, Taches,
&c. Les opinions de Galilée lui attirèrent les
cenfiires de l'inquifition de Rome : mais ces
cenfiires n'ont pas empêché qu'on ne l'ait re-
gardé comnne un des plus grands génies qui
aient paru depuis longtems. Ce grand homme
étoit fils naturel d'un praticien de Florence ,
il naquit dans cette ville en 1564. Ayant
oui parler de l'invention du télelcope en
Hollande {voyei TÉLESCOPE) fans favoir
encore comment l'on s'y prenoit , il s'appli-
qua à en faire un lui-même ; il y réuflit &
s'en ibrvit le premier & très-avantageufe-
ment pour cbîèrver les aftres. A l'aide de
ce fccours , il découvrit dans les cieux , des
cho/ès qui avoient été inconnues à tous les
anciens
A s T
iancîciis aftronomes. Il prétendoit troUVer les
longitudes par robfcrvation des cclipfès des
fatellites de Jupiter : mais il mourut en i'54i
avant que de parvenir à Cou but. On peut
voir une cxpoiîtion de fcs vues & de fcs
découvertes , que M. l'abbé Pluche met
dans la bouche de Galilée même , tome IV
de fon fpcclacle de la nature.
Hevelius parut enfuite ^ il donna d'après
lès propres obfèrvations un catalogue des
étoiles fixes beaucoup plus complet que celui
de Tyciio. GalTendi , Horrox , Bouillaud ,
W'ard , coKtribuereut aulîî de leur côté à
l'avancement de ïajîionotiiie. V. Saturne ,
Anneau , Ecliptique , Micromètre.
L'Italie podcdoit alors J. B. Riccioli &
Fr. Ma. Grimaldi , tous deux de la compa-
gnie de Jefus , 8c alTociés dans leurs obfèr-
vations. Le premier , à l'imitation de Pto-
lomée , compo& ini nouvel almagefte , dans
lequel il ralFembla toutes les découvertes
altronomiques , tant anciennes que moder-
nes. Les Hollandois qui ont tant d'intérêt à
cultiver cette fcicncc à caufe de la navio;a-
tion, eurent aufTi dans ce XVII^ ficclc d'ha-
biles allronomcs. Le plus illuflre ell: Huy-
ghcns, c'eft à lui qu'on doit la découverte
de l'anneau de Saturne , d'un de fes fittelli-
tcs , oc l'hivention des horloges à pendule.
Il fit un livre fur la pluralité des mondes ,
accompagné de conjeclurcs fur leurs liabi-
tans. li mourut en 1695 , âgé de 76 ans.
Nev^-ton , d'immortelle mémoire , dé-
montra le premier , par des principes phy-
fiques , la loi félon laquelle le font tous les
mouvemens céleftes j il détermina les orbi-
tes des planètes , & les caules de leurs plus
grands ainfi que de leurs plus petits éloigne-
mens du foleil. Il apprit le premier aux fa-
vans d'où naît cette proportion conilante &
régulière obfervée , tant par les planètes du
premier ordre , que par les fccondaires , dans
leur révolution autour de leurs corps cen-
traux , & dans leurs diftauces comparées
avec leurs révolutions périodiques. Il donna
une nouvelle théorie de la lune , qui répond
à fes inégalités , & qui en rend raifon par
îes loix de la gravité ik par des principes de
méchanique. Voyc^ An RACTION, LuNE ,
Flux & Reflux , 6v.
Nous avons l'obligation à M. Halley de
Yajlioiiomie des comètes, ci uousiui devons
Totnc m.
A S T 7f I
auHî un catalogue des étoiles de rhcmifphcre
méridional. Uajlronomie s'eft fort ciu-ichie
par fes travaux, y. CoMETE , Table, &c.
M. Flainlleed a obfervé pendant quarante
ans les mouvemens des étoiles , & il nous a
donné des oblcrvations très-importantes fur
le foleil , la lune & les planètes , outre uii
catalogue de 3000 étoiles fixes , nombre
double de celui du catalogue d'Hevclius. Il
paroît qu'il ne maiiquoit plus à la perfeftioit
de Yaflronomie , qu'une théorie générale 8c
complète des phénomènes céleftes expliques
par les vrais mouvemens des corps Ôc par
les caules phyfiques , tant de ces mouve-
mens que des phénomènes j Grcgori a rem-
pli cet objet. Voy. CENTRIPETE, CENTRI-
FUGE , &c.
Charles II, roi d'Angleterre, ayant forme
en 1660 la fociété royale des icicnces de
Londres, fit conftruire fix ans après un ob-
fervatoire à Greenwich. Flamftecd , quî
commença à y faire des obfèrvations en
i6j6 , eiimorten 1719. Il a eu pour fuc-
cellëur l'illurtre Edmond Halley , mort en
1742 , & remplacé par M. Bradley , célè-
bre par fa découverte fur l'abcrriition àc%
étoiles fixes.
L'académie royale des fciences de Paris,
protégée par Louis XIV & par Louis XV j
a produit auill d'cKcellcns aflrononies , qui
ont fort enrichi cette fcieace par leurs obfèr-
vations & p;u- leurs écrits. M. Callîni , que
Louis XIV fit venir de Bologne , s'eil di(-
tingué par plufieurs décou\ertes aftronomi-
ques. M. Picard mcfura la terre plus exac-
tement que l'on ne l'avoit fait ju [qu'alors j
& M. de la Hire publia en 1701 dos tables
aftronomiques. Depuis ce temps les mem-
bres de cette compagnie n'ont point cciîé de
cultiver Xajîvonomie en même temps que les
autres fciences qui font fon objet. Aidés des
inllrumeiis dont l'oblèrvatoire de Paris ell
abondamment fourni , ils ont fait prencL-c
une nouvelle face à ïaflronomie. Ils ont fait
des tables exadtes des fatellites de Jupiter ;
ils ont déterminé la parallaxe de Ivlars , d'oi!i
l'on peut tirer celle du foleil \ ils ont corrigé
la doélrinc des réfradKons des allres j enfin
ils ont lait & font tous les jours \:i\\ grand
nombre d'oblèrvations fur les planètes , les
étoiles fixes , les comètes , é-r. L'Italie n'efh
pas demeurée en arrière ; vl pour le prouver
Yyyy
754 A S T
il luffit de nommer MM. Giiilleliniiii, Bi;in-
chini , Marlîgli , Manfredi , Ghiileri , Ca-
jielli , ùc. Le nord a aufh eu de favaus af-
tronomes. M. Picaj^d ayant amené Olaiis
Rocnier , de Copenhague à Paris , il ne
tarda pas à fe faire conjicître avantageiife-
ment aux académiciens. Il conftruifit di\'er-
{^5 machines qui imitoient exadement le
mouvement des planètes. Son mérite le fit
rappellcr dans fa patrie , où il continua à
fournir glorieufemeut la même carrière. Le
7oi de Suéde , Charles XI , obfcrva lui-même
îe foleil à Torneo , dans la Bothnie , fous
jle cercle polaire arÛique. L'onfait avec quels
Ibins & quelles dépcnfcs on cultive depuis
quelque temps Yaftronamh à Pétersbourg ,
& le grand nombre de favaus que la libéra-
lité dufouverain y a attirés. Enfin les voyages
laits au nord & au fud pour déterminer la
figure de la terre avec la plus grande préci-
fion , immortalifercnt à jamais le règne de
Louis XV , par les ordres & les bienfaits
de qui ils ont été entrepris & terminés avec
£iccès.
Outre les obièr^'atoircs dont nous avons
cléja parlé , phifieurs princes &. plufieurs
villes en ont fait bâtir de très-beaux , &. fort
bien pourvus de tous les inftrumens uécef-
faires. La ville de Nuremberg fit bâtir un
cbfèrvatoire eu 1678 , qui a fervi fiicce/îive-
ment à MM. Eimart , MuUer , & Doppel-
mayer. Les curateurs de l'académie de Leyde
en firent un eu 1690 ^ l'on y remarque la
Iphere armillaire de Copernic.
Frédéric I , roi de Pruffe , ayant fondé
su commencement de ce fiecle une fociété
royale à Berlin , fit conilruire en même
temps un cbfèrvatoire •-, M. Kirch s'y eft
diftingué jufqu'à fa mort, arrivée en 1740.
Le comte de Marfigli engagea en ijiz le
fënat de Bologne à fonder une académie
& à bâtir un obfervatoire. Voy. Institut.
L'année fuivante l'académie d' Altorf fit aulîî
la dépenfe d'un pareil édifice. Le landgrave
tleHeffe fuivit cet exemple en 17 14 ; le roi
de Portugal en 1722,, & la ville d'Utrecht
en 17Z6 \ enfin en 1739 & l'année fuivante
le P. d'EvoraenafaitconftruireunàRome j
le roi de Suéde un à Upfd ;, l'on en a fait
\\\\ troifiemc dans l'acadéiuie de Giellè.
Nous trouverons quelques dames nui ont
marché links traces de la célèbre Hypatia j
A S T
telle a été Marie Cunitz , fille d'un incdecm
de Sùcfie , laquelle fit imprimer en 1650 des
tables aftronomiques iuivant les hypcihefes
de Kepler. Maria Clara , fille du fin;!ut
Eimart & femme de Muller, tous deux ha-
biles aftrouomes , fut d'un grand lècours à
fon père 8c à ion mari , tant dans les obfer-
vations que dans les calculs. Jeanne du Mce
fit imprimer à Paris , en 1600 , àç.i entre-
tiens fur l'opinion de Copernic touchant la
mobilité de la terre , où elle fc propolè d'en
démontrer la vérité. Mademoifeîie Winkel-
inan , époufc de M. Godefroi Kirch , par-
tageant le goi'it de Xajlronomie avec fon mari ,
fe mit à l'étudier , & y fit d'alfez grands
progrès pour aider M. Kirch dans fes tra-
vaux. Elle donna au public en 171 2 un ou-
vrage ^alhonomic.
Il paroit par les lettres de millionnaires
Danois , que les Brachmaues qui habitent
la côte de Malabar ont quelque coinioif-
fance de \ajironomie : il y en a qui fiaent
prédire les éclipfes. Leur calendrier appro-
che du calendrier Julien : mais ces connoif-
fances font obfcurcies par quantité d'erreurs
grolîieres , 8i en particulier pi\x un attache-
ment fuperftitieux à l'aftrologie judiciaire r
ils abulènt étrangement le peuple par ces
artifices. Il en faut dire autant des habitans
de l'île de Madagafcor , où les prêtres fout
tous aftrologues. Les Siamois donnent auiîi
dans ces fiiperf!:itions. M. de Lalobbere , à
fon retour de Siam en France , apporta leurs
tables aftronomiques fur les mou\emens du
foleil & de la lune. M. Cailini trouva la
méthode fuivant laquelle ils les avoieiu dref^
fées , allez ingénieufè , 8c après quelques
changemcns , aifez utile. Il conjectura que
ces peuples les avoient reçues des Chinois.
Les peuples de l'Amérique ne fout pas
deftitués de toutes connoiiîances aftronomi-
ques. Ceux du Pérou régloient leur année
iiir le cours du foleil •■, ils avoient bâti des
obfervatoires , 8c ils connoiilbient plufieurs
conftellations.
Quoique cet article lôit un peu long , on
a cru qu'il feroit plaifir aux lecteurs j il eft
tiré des deux extraits qu'un h;ibile journa-
lifte a donnés de l'hiftoire de Vajlrorwmic ,.
publiée en latin par M. Vl'eid'er , IFictemb.
//i-4°. 1740. Ces extraits fè trouvent dans
^ la iwuvilu bibliQih, mois de niiirs bi. d'aviU
A s T
Ï741 -, & ils nous ont été communiques par
M. Formey , hiftorio.r^raplic & fecrctaire i\c
racadéniic royale des Iciences & belles-let-
tres de Pr'.;!ie , à qui par conféquent nous
a\ ons obli?atio:i de prefquc tout cet article.
Ceux qui voudront une hiftoire plus dé-
taillée de l'orijine & des progrès de Yafno-
nomU, peuvent confulterdirtcrcusouvraî^es ,
entre autres ceux d'Ifmaèl Bouillaud, &de
Flamfteed; Jean Gérard V'ofllus, dans fon
\'oluinc de (juatuor ariibus poputaribus ; Hor-
rius , dans fon hiftoirc philojophique , impri-
mée à Leyde en 1655 in~^". Jonfius , de
fcriptoribus hiftorLv philo fophicœ , imprimé
à Francfort , ia-i^. 1659. On peut encore
confulter les vies de Régiomontanus , de
Copernic , & de Tycho , publiées par Gal-
fendi. Feu M. Caliini a compoië aulli un
traité de t origine ù du progris de tafirono-
mie ^ qu'il a fait imprimer à la tête du re-
cueil des voyages de l'académie , qui parut
en 1695.
M. l'abbé Renaudot nous a lailTé fur l'o-
rigine de la fphere un mémoire que nous a\'onf;
déjà cité , & dont nous avons fait beaucoup
d'ufage dans cet article : on peut encore
confulter, fi l'on veut , les préfaces des nou-
velles éditions faites en Angleterre, de Ma-
nilius & d'Hé/iode. Parmi les anciens écri-
vains , Diogene Laerce & Plutarque fout
ceux qu'il eft le plus à propos de lire fur ce
même fijjet.
On diflribue quelquefois ï'afironomie, re-
lativement à fes diftércns états , en aftrono-
mic nouvelle , & aftronomie ancienne.
Uaftronomie ancienne^ c'eft l'état de cette
icience fous Ptolomée & fes fuccefTeurs ;
c'eft ïaftronomie avec tout l'appareil des or-
bes folides, des épicycles, des excentriques ,
des déférens , des trépidations , Ê'c. f^oye[
Ciel , Éi'icycle, &c.
Claud. Ptolomée a cxpofé l'ancienne af-
tronomie datjs un ouvrage que nous a^'ons
de lui ,& qu'il a intitulé ,uê%iv?,r î-wTa^c-.Cet
ouvrage , dont nous avons déjà parlé , a
été traduit en arabe en 817 -, & l'rapezun-
ïius l'a donné en latin.
Purbachius & fon difciple Régiomonta-
nus publièrent en 1550 un abrégé dn/< •>«-
tP7mra.^if , à l'ufagc des commençans. Cet
iibrégé contient toute la dodtrinc des mou-
vemens céleftes, les grandeur: des corps, les
A S T 75J
' éclip fes, fi-c. L'arabe Albategnicon^ilaaufîi
liii autre ouvrage fur la connoillance des
cl lilesi cet ouvrage parut en latin en 1575.
Vajironomie nouvelle y c'eft l'état de cette
i riencc depuis Copernic , qui anéantit tous
ces orl)es , épicycles & fidliccs , & réduifit
la coiiftitution des cieux h des principes plus
fimples, plus naturels , & plus certains, l^oyei
CoPERNicivojt'^,:yj^SYSTEME, Soleil,
Terre , Planète , Orbite , &c. f^oyei
de plus Sphère , Globe , '&c.
Uafcronomie nouvelle eft contenue , i°.
dans les îix livres des ré\-olutions céleftcs
publiés par Copernic l'an de J. C. 156(5.
C'eft dans cet ouvrage que corrigeant le fyf-
tcme de Pythagorc & de Phiîolaiis fur le
mouvement de la terre , il pofe les fonde-
mens d'un fyftéme plus exa<ft.
2". Dans les commentaires de Kepler fur
les mouvemensde Mars , publiés en i6cçf :
c'eft (buis cet ouvrage qu'il liibftitue aux or-
bites circulaires qu'on avoit admis jufqu'a-
lors , des orbites elliptiques qui donnèrent
lieu à une théorie nouvelle , qu'il étendit à
toutes les planètes dans fon abrégé de Frï/'z/o-
nomie de Copernic , qu'il publia en 163 5.
3°. Dans Vafironomie philola'ique de
Bouillaud , qui parut en 1(545 '■> il s'y pro-
pofe de corriger la théorie de Kepler , 6c
de rendre le calcul plus exa(^ & phis géomé-
trique. Setii Ward fit remarquer dans fon
examen des foiîdemens AqX aftronomie phi-
loLûque , quelques erreurs commifcs par
l'auteur , qu'il fe donna la peine de corrio-er
lui-même dans m\ ouvrage qu'il publia en
11557 , fous le titre A'expojitionplus claire des
fondemens de [aftronomie philola'ique.
4". Dans Vafironomie géométrique de
Ward , publiée en 16^6 , où cet auteur pro-
pofe une méthode de calculer les mouvc-
mcns des planètes avec aftcz d'exaditude
fans s'aftlijçttir toutefois aux vraies loix de
leurs mouvemeus , établies par Kepler. Le
comte de l^agan donna la même chofe l'an-
née fuivantc. Il paroit que Kepler même avoit
entrevu cette n:éthodc , mais qu'il l'avoit
abandonnée , parce qu'il ne la trouvoit pas
aifez conforme à la nature.
5". Dans Xaftronomie Brita/in/quc publiée
en 1657 , Se dans Y aftronomie Caroline de
Strct , publiée en \66i\ ces deux ouvra"-c«
font fondés fur l'hvpothcfe de Ward.
Yyyy*
75^
6°.
AS T
Dans Vafironomie Britannîqui de
Wii -s , publiée en 1669 , l'auteur donne
d'après les principes de Bouillaud , des exem-
ples fort bien choifis de toutes les opérations
de rùyîro«o/72/^ pratique, & ces exemples font
mis à la portée des commer.çans,
Riccioli nous a donné dans ion almagefie
7îo:/vf(2«, publié en 1 651, les différentes hy-
potliefes de tous les aftronomes , tant anciens
que modernes ;, & nous avons dans les élé-
mens de Vafironomie phyfique & géomé-
trique de Gregori, publics en 1702, tout le
fyftême moderne Vafironomie , fondé fur
\q% découvertes de Copernic , de Kepler ,
& de Newton.
Taquet a écrit un ouvrage intitulé , la
moelle de [ aftronomie ancienne. Whifton a
donné fes préleclions aftroncmi'jues , publiées
en 1707. Au relie les ouvrages les plus pro-
portionnés à la capacité des commençans ,
ibnt les infiruBions afcronomiques de Merca-
tor , publiées en i6c6: elles contiennent
toute la doi^trinedu ciel, tant ancienne que
moderne ; & Y introduction à la vraie aftro-
nomie de Keill , publiée en 1718, où il n'eft
queftiou que de Vaftronomie moderne. Ces
deux ouvrages ibnt également bien faits l'un
& l'autre , & également propres au but de
leurs auteurs. Le dernier de ces traités a été
tionné en françois par M. le Monnier en
1746 , avec pluiîeurs augmentations très-
confidérables , relatives aux nouvelles dé-
couvertes qui ont été faites dans Yafitronomie ;
il a enrichi cet ouvrage de nouvelles tables
du foleil & de la lune , & des fatellites ,
qui feront d'une grande utilité pour les aftro-
nomes. Enfin il a mis à la tête un elfai en
forme de préface , fiir l'hiftoire de Vaftrono-
mie moderne , où il traite du mouvement de
la terre, de lapréceiïion des é({uinoxes,de
l'obliquité de l'ccliptique ,. & du moyen
mouvement de Saturne M..Caflîni, aujour-
d'hui penfionnaire vétéran de l'académie
royale des fciences , a auflî publié des //«•'-
mens dSaflronomie en deux volumes in-^.
qui répondent à l'étendue de fes coiuioiiran-
tes , & à la réputation qu'il a parmi les
iàvans.
Le ciel pouvant être coiifidéré de deux
manières , ou tel qu'il paroît à la vue funple ,
«u tel qu'il eft conçu par l'efprit, l'iT/îro/jorn/V
ycut k. divifer e« deux parties j h\Jjphéri<iui
AST
& la théorie ; Vafironomie Iphérique eft celle
qui confidere le ciel tel qu'il fe montre à
nos yeux ^ on y traite des obfervations com-
munes Saflronomie , des cercles delà fpherc ,
des mouvcmens des planètes , des lieux des
fixes , des parallaxes , ér.
Uafironomie théorique eft cette partie de
Vafironomie qui confidere la véritable ftruc-
ture & dilpolition des cieux & des corps
céleftes , âc qui rend raifon de leurs diflé-
rens phénomènes.
On peut diftinguer Vafironomie théorique
en deux parties : l'une eft pour ainfi dire
purement afironomique , & rend raifon des
différentes apparences ou phénomènes qu'on
obfèrve dans le mcuvement des corps cé-
leftes \ c'eft elle qui enfeigne à calculer les
éclipfes , à expliquer les ftatioas , direc-
tions, rétrogradations des planètes , les mou-
vemens apparens des planètes tant pre-
mières que fecondaires , la théorie des co-
mètes , ùc.
L'autre fe propofe un objet plus élevé &
plus étendu ; elle rend la raifon phyfique
des mouvemens des corps céleftes , déter-
mine les caufes qui les font mouvoir dans
leurs orbites , & l'action qu'elles exercent
mutuellement les unes fiir les autres. Dcf^
cartes eft le premier qui a^t tenté d'expli-
quer ces différentes choies avec quelque
vraifèmblance. Newton qui eft venu de-
puis , a fait voir que le fyftème de Defcar-
tes ne pouvoit s'accorder avec la plupart des
phénomènes , & y en a fubftitué un autre ^
dont on peut voir l'idée au mot Philoso-
phie NEWTONIENNE. On peut appellcF
cette féconde partie de Vafironomie théori-
que affronomie phyfique , pour la diftinguer
de l'autre partie qui eft purement géométri-
que. David Gregori u publié un ouvrage eu
deux volumes //z-4°. qui a pour titre : Elé-
mens d'aflronomie phyfique & géométrique ,
afironomits phyficcv 6" geometricce eltmenta..
Voye[ les différentes parties de Vafironomie
théorique, fous /^j/now Système, Soleil ^
Etoiles , Planète , Terae , Lune ,.
Satellite , Comète , ê'c.
On peut encore divifer Vafironomie en
terrcftre & en nautique : la première a pour
objet le ciel, en tant qu'il eft confidere dans
un obfèrvatoire fixe & immobile fur la terre
ferme :- là fecoude a pour objet le ciel vi»
A s T
d'un obfervatoire mobile ^ par exemple , clans
un vaiiieau qui Te meut en pleine mer. M.
de Maupertuis , aujourd'hui prélideiit per-
pétuel de l'académie des fcicncesdc Berlin,
a publié à Paris en 1743 un excellent ou-
\Tage , qui a pour titre , aftronomie nauti-
que , ou élémens cfafironoinie , tant pour un
obfervatoire fixe , que pour un obfervatoire
mobile.
L,'ûpronomie tire beaucoup de iecours de
].i géométrie , pour mefurer les diftances &
les mou^emens tant \Tais qu'apparens des
corps célelles ; de l'algèbre pour réfoudre ces
inêmes problêmes , lorfqu'ils font troj) com-
pliqués:, de la méchanique & de l'algèbre,
pour détcnniner les caufes des momcmens
des corps céleftes ^ enfin des arts méchani-
ques , pour la conflruftion des inflrumcns
avec lefquels on obferve. l''. Trigonomé-
trie , Gravitation , Secteur , Quart
DE CERCLE, ê'c. & plufieurs autres articles,
qui feront la preuve de ce que ron avai e
ici. (-0)
La méthode la plus naturelle pour traiter
AzY aftronomie & pour l'étudier, confifte à
fùivre l'ordre des phénoinenes qu'on obferve
& des conféquences que l'on peut tirer. Le
premier de tous les phénomènes célefles ,
le plus fimple de tous , le plus frappant &c
le plus facile à obferver , eil le mouvement
diurne , c'eft-à-dire , celui que paroît avoir
tout k ciel ■■) il s'achève dans l'efpacc d'envi-
ron Z4 heures. Nous voyons chaque jour le
iôleil fe lever & fe coucher. Si nous faifons
atrenrion aux aftres qui ne paroillent que la
nviit , nous les verrons de même pour la plu-
part fe lever & /è coucher tous les jours ,
c'eft-à-dire , paroître fur l'horizon du côte
de l'orient & fe cacher fous l'horizon du côté
de l'occident.
En confidérant d'une manière plus atten-
tive & plus fiiiv'ie ce mouvement général
des aftres , pendant l'efpace d'une iniit ci;
de plufiei.rs , on remarque bientôt que clia-
que étoile décrit un cercle dans l'efpace
d'environ 24 heures. Les étoiles qui font
plus au nord décrivent de plus petits cer-
cles que les autres \ & l'on voit tous ces cer-
cles décrits par dificrcntcs étoiles, diminuer
de plus en plus , aller enfin iè perdre & fè
confondre en un point élevé de la rondciir
du ciel j que nous apucUous IspCic du tr.or.di.
A S T
757
Celui que nous voyons eft le pôle boréal ,
fcptentrional ou ardiquc. Ainfi pour fe for-
mer une idée de Yafironotnie , il faut d'abord
apprendre à connoitre le pôle du monde ,
c'cft-à-dire , l'endroit du ciel étoile \ers le-
quel il fe trouve placé. On remarque dans
le ciel une étoile qui en eft fort proche , 8c
qu'on nomme pour cette raifon l'cVo/'/t'/'o-
laire. On rcconnoit cette étoile ])ar le moyen
delà conftcllation de la grande ourfe appcl-
lée communément le chariot de David , dont
les deux dernières étoiles indiquent une di-
rection qui tend à l'étoile polaire , & cette
feule conftcllation peut nous faire connoître
toutes les autres.
Lorfqu'on a reconnu le pôle du monde
autour duquel fe fait le mouvement diurne ,
il eft naturel de concevoir le pôle qui lui eft
oppofé , c'eft-à-dire , le pôle auftral ou au-
tarcique , & l'équateiu- qui eft un cercle
placé à égales diftances des tleux pôles. On
rapporte à l'équateur les fituaticns des diffé-
rentes étoiles par afcenfions droites & par
déclin.aifons, & l'on a un nouveau moyen de
diftiiiguer&de reconnoitrecn tout temps les
différentes conftellatioiis.
Parmi les aftres dont on pvoit ob(cr\'é Je
mouvemicnt diurne , on a; perçut bientôt qu'il
y en avoit cinq qui changeoient de place au
bout d'un certain teir.ps ^ 0!i les appella
planètes, & c'eft l'obfervation de leurs moii-
vemens , comme de ceux du foleil & de la
lune , qui a fait le premier objet de curiofité
& de diiîiculté dans Yafironomie. Le plus
fimple & le plus fcnfible de tous ces mou-
vemens propres , celui qui dut frapper le
plus tous les )'eiix , fut le mouvement de la
lune qui s'achève en un mois.
Après le mou^cmeiit pro];re de la lune, le
p/lus rcniarquîsble eft le niou\-enient annuel
du foleil : il l'on remarque le foir du côté de
l'occidcntquelque étoile fixe après le coucher
du foleil, & qu'on la confidere attentivement
pluficurs jours de fuite à la même heure ,
on la verra de jour en jour plus près du
foleil , cnfortc qu'elle difi^aroîtra & fera
effacée par les rayons du foleil dent elle étoit
affcz loin quelques jours auparavant. Il fera
al.'ë en même temps de reconnoîrre que c'eft
le foleil qui s'cft approché de l'étoile , &que
ce n'eft pas l'étoile qui s'eft npprochée du
fykil. Eu cflct , on verra c^uc tous les jours
7îS A S T
les étoiles fc lèvent & fe couchent aux mêmes
points de riiorizon vis-à-vis des méniesobjets
tcrreftres \ qu'elles font toujours aux inêrnes
difbuces les unes des autres , tandis que le
foleil change continuellement les points de
fon lever oc de fon coucher , & de iàdiftance
aux étoiles -^ on verra d'ailleurs chaque étoile
fe lever tous les jours environ 4 minutes
plutôt que le jour précédent relativjment au
foleil ;, on ne doutera pas que le foieil feul
n'ait chaussé de place par rapport à l'étoile ,
& ne fe foit rapproché d'elle. Cette obfcr-
vation peut fe faire en tout temps , mais il
faut prendre garde à ne pas confondre imc
étoilJ fixe avec une planète , nous appren-
drons ci-après à les diltinguer. Le premier
phénomène que prcfente le mouvement
propre du foleil, eildonc celui-ci. Le foleil
fe rapproche de jour en jour des étoiles qui
font plus orientales que lui , c'eft-à-dire ,
qu'il s'avance chaque jour vers l'orient^ ainfi
le mouvement propre du foleil fe fait d'oc-
cident en orient : tous les jours il eit d'envi-
ron un degré , & au bout de 365 jours on
reverroit fétoîle vers le couchant à la même
heure & au même endroit où elle paroilTbit
Tannée précédente à pareil jour , c'ell-à-dire,
que le Voîcil eft venu fe_ placer au même
point par rapport à l'étoile •■, il aura donc
fait une révolution : c'eft ce que nous appel-
ions le mouvement annuel. En l'obfervant
pendant plufieurs années , on a reconnu que
la durée de chacun de ces retours du loleil ,
par rapport à une étoile , étoit de 365 jours
6 9' 1 1" , c'elt ce que l'on appelle ïannce
fydérale.
' Après avoir confidéré attentivement toutes
les 'étoiles , on reconnut bientôt qu'il y en
avoit cinq qui chungeoient de pofition par
rapport aux autres , & ce font les planètes.
On'en remarqua une dont le changement
étoit trcs-lcnt , & qui pour faire le tour du
ciel & répondre fucceflivement aux différen-
tes étoiles fixes , employoit 29 ans 177 jours ^
c'eft Saturne. Une autre qui faifoit la même
révolution dans l'cfpace d'environ 1 1 ans,
c'crt Jupiter -, une troificmo ({U! parcouroit
toute la circonférence du ciel en un an 322,
jours , c'eft Mars :, la quatrième qui paroil-
ibit la plus brillante de toutes & que nous
ai)pellons Vénus , accompagne le foleil ,
fjii'cllc précède quelquefois le matin , ou
AST
qu'elle fuit après fon coucher j elle revient
à-peu-près à la même pofition dans l'efpace
de 584 jours. Cette circonftancc peut la faire
reconnoîtreaudétautdc fa révolution , qu'on
ne peut fuivre, par rapport aux étoiles fixes,
comme celle des trois précédentes : enfin la
cinquième planète & la plus difficile avoir,
parce qu'elle accompagne le foleil de très-
près, eft Mercure que nous voyons revenir
à la même pofition par rapport au foleil ,
dans l'efpace de 116 jours.
Après avoir ainfi reconnu les planètes , on
vit qi;e la trace de leur mouvement s'écartoit
peu de celle du foleil , & l'on voulut rap-
porter tout à celle-ci qu'on appella Véclipri-
que , & dont l'obliquité , par rapport à l'é-
quateur , eft de 2 3«l 28'. Ou rapporte cà l'é-
cliptiquelespofitions des aftres par le moyen
A(^% longitudes & des latitudes •■, celles-ci
s'obfervent par le moyen des afcenfions droi-
tes & des déclinaifons qui fiippofent la dé-
terminaifon des équinoxes & l'obfervatioii
de la hauteur du pôle.
La néceiTité de rapporter les aftres à l'é-
quateur , à l'écliptique , à l'horizon & au
méridien , a fait imaginer la trigonométrie
fphériquc , par le moyen de laquelle on
affigne les mouvemens des aftres dans tous
les/èns , lorsqu'on en a déterminé feulement
les circonftanccs dans deux direélions diffé-
rentes.
Les révolutions des planètes étant inéga-
les , on a cherché à reconnoître leurs équa-
tions ou inégalités, leurs excentricités , leurs
aphélies. Les plans des orbites étant tous
differens les uns des autres , il a été né-
ceffaire de déterminer leurs inclinaifons &
leurs nœuds. Les ioix de Kepler ont faitcon-
noître les rapports des révolutions , avec les
diftances & la règle des principales inégalités
des planètes , des fatellites & des comètes j
elles ont conduit à la découverte de l'attrac-
tion ; & celle-ci a fait trouver les petites
inégalités qui avoient échappé à l'obferva-
tion.
Les dilVanccs abfolues des planètes , par
rapport à nous, étoient une àQ% plus grandes
ditlicultés de Yafironomie : on eii par\eini à
les découvrir par le moyen des parallaxes, Se
celles-ci ont fiiit coiuioître plus cxaétemcnt
les circonftances des cclipfes de fok'û qui
étoient les plus diflkilcs à calculer jindépei:-
A s T
dainiiicnt des révolutions (ies planètes , on
obfcrvc aiiffi leurs rotations & la figure de
Jours taches ou de leurs bandes qui condui-
fent à la déte; niinatiou de leurs équateurs ou
de leurs axes de rotation.
Les obicrvations qui ont fèrvi à toutes ces
découvertes , Te font par le moyen d'un
grand nombre -d'inrrrumens , tels font les
lunettes, quarts de cercles , micromètres ,
héliometres, lunettes méridiennes, lunettes
parallaétiques , fextans, ièdeurs , horloges à
pendules , &c. Les obfervations fè font prin-
cijialemciit par le moyen des hauteurs , des
diilauces entre dilférens ailres , de leurs
partages au méridien , de leurs conjonc-
tions , de leurs oppofitions. Les oblërva-
tions e^vigent des corrections à raifon de
la réfraction qui change les hauteurs , les
levers &c les C4Duchers des aflres , de mcnie
que la parallaxe.
Enfin , les ufages & les applications de
cette fcience ie trouvent dans la prédidion
des éclipfès , chir.s robfcrvation des longi-
tudes en mer , dans la géographie, la chro-
nologie , le calendrier , la gncmonique j c cft
en confaltant tous les articles que nous \e-
nons d'indiquer, qu'on par\icndra à trou\'er,
malgré les incon\ éniens de l'ordre alphabé-
tique , un cours complet d'aftronomie.
Nous ne pouvons mieux terminer cet ar-
ticle que par un catalogue des meilleurs li-
vres à'aftronomic.
On en trouvera un recueil immenfe dans
l'ouvrag» qui a pour titre : Joannis Ftiderici
WeidUri bil'liographiaafironomica ^umpoi is ,
guo libri vel compofiti vel editi funt ordine
fervato. JVittembcrgcv , 1755 , iz6 p. in-^°.
Cette bibliographie eft comme la fuite d'un
excellent ouvrage du même auteur , intitulé :
Jcannis Friderici WcidUri kiftoria aftrono-
miiP , Jîi'e de ortu & progrej/u a/hvnomùr ,
TVittembergx ., ïj^i , 614 pages i/i-^°. dans
laquelle on trouvera de très-grands détails
fur tous les altronomes connus par quelque
ouvrage que ce puiifectre. Nous ne mettrons
dans notre catalogue que les livres modernes
que tout le monde peut avoir à Paris. Les
ouvrages de Ptolomée , de Tycho , de
Kepler, d'Hevelius , de Riccioli, &c. de-
vroient être à la tête du catalogue;, mais ils
font fi rares , qu'il feroit inutile de les indi-
quer à ceux ^li veulent ndiicllcir.e:u fe ibr-
AST 733,
mer inie bibliothèque; d'ailleurs nous au-
rons occafion de les citer prefque tous.
Je commencerai par avertir ici que la
colleftion des Mémoires de tacadémie des
Sciences de Paris renferme le plus riche iréfcr
que nous ayons en fait (Xajîionomie : toutes
les parties de cette vafle fcience y font trai-
tées dans le plus grand détail & de la manière
la plus complète. Il y en a actuellement
foixante & dix volumes //;-4". depuis 1699
inclufivement , jufqu'au \olume de lyôS ,
publié en 1770. 11 y a aulli onze volumes
de mémoires faits avant 1699 , fcpt volumes
des pièces qui ont remporté les prix propofcs
par l'académie , &cinq des mémoires préfen-
tés par des favans étrangers. Les Tranfaclions
philofvphiqucs de la ibciété royale de Lon-
dres , depuis 1665 julqu'à prêtent, renfer-
ment auili une riche colkftion de mémoires
dajironomie. \Jhifioirc de /'ccadémiedcBer-
lin, depuis 1747, contient encore beaucoup
d'excellentes chofcs fur l'ajii onomie phyfique j
les mémoires de Gottingcn , de Pétersbourg,
de Bologne , de Turin , & ceux de Nurem-
berg , méritent aulFi d'être cités avec éloge.
Il y a quelques ouvrages élémentaires
A'ajlronomie en Angleterre , qui font très-
bons , tels que ceux de Gregori , Whillon ,
Keill , Long , Fergu/fon , Leadbetter ,
Dunthcrn , Hodgfon , Coftard , &c, j nous
n'en dirons rien , parce que nous écrivons
fur-tout pour les lecteurs françois , & parce
qu'ils ne contiennent guère autre chotë que
ce qui eft contenu dans ceux qui font impri-
més à Paris. Nous ne citerons les livres étran-
gers que lorfqu'ils feroin abfolument néccil-
faires à ini aftronome , tels que les ou\Tages
de Flamfteed & \'opii,/-uc de Smith , dont il
y a deux éditions françoi/cs , imprimées à
Avignon & à Brelt cii 1767, avec les tables
des logarithmes de Gardiner.
Traités généraux d'ajironomie,
Elémens d'ajironomie , par M. Ca/îînî ,
avec les tables ajironomiques du même au-
teur. Paris, 1740, 2 vol. iti-a^. de l'impri-
inerie royale : ce livre contient fur-tout la
détermination des orbites planétaires.
Injlitutions a(lronomiques , par M. le
Monnier , in-a^. 1746, chez Defiint, nie
du Foin. C'ell une traduCtioii du Ii\'re de
7(To A S T
Keill , augmentée conridérablcment ; on y
trouve les tables de la îcue de Flamftced.
Leçons élémentaiies d'afironomie géomé-
trique & phyfique , par M. de la Caille ,
1761 , M- 8"^ chez Gueriii , rue S. Jacques.
C'eft un excellent abrégé de toute \aftro-
nomie.
Tables aflronomiqms de M. Halley;;ow7-/«
planètes Se les comètes , augmentées de plu-
sieurs tables nouvelles pour les fatellites , les
étoiles fixes, de la Lande, 1759, //2-8°. chez
Bailly , quai des Auguftins , à Paris.
Expofitions du calcul ajîroiiomique , de la
Lande , 1761 , in-%°, de l'imprimerie
royale , & fe trouve chez Durand le jeune ,
rue faint- Jacques.
Agronomie , divifée en viî:gt-qnatre li-
Tres : de la Lande , z vol. 111-4°. ^7^4 h ^^
féconde édition qui eft fous preffe depuis
1770 , aura 3 volumes in-^-f. à Paris , chez
Delàint, rue du Foin. Cet ouvrage renferme
un abrégé de tout ce qu'on a fait jnfqu'ici
dans la théorie & la pratique dsYaftronomie ,
la connoilTiuice des mouvemens du foleil ,
de la lune , des planètes , des comètes , des
fatellites &: des étoiles fixes ^ la dcfcription
de tous les inftrumens ;, la manière de les
vérifier & de s'en fcrvir :, Fluftoire des aftro-
nomes célèbres :, celle de leurs ouvrages _&
celle de leurs découvertes , fuivant l'ordre
naturel qui les a dû produire ; le calcul inté-
gral , appliqué aux attrapions céleftes ■■, la
manière deconnoître les conftcllations^ un
recueil d'obfervations choilies •■, des tables
nouvelles pour le foleil , la lune , les planètes
& les fatellites ; enfin tout ce qui ell nécel-
faire pour bien connoître Yaftronomie & l'in-
dication confiante de toutes les fonrces où
l'on peut trouver de plus amples détails fur
chaque branche de cette fcience. On n'a
rien oublié pour rendre ce livre le plus com-
plet qu'il pullfe être , dans l'état aduel de
Yaftronomie.
Hiftoricv caleftis , Flamfteed , 171? 5 3
vol. in-folio. Ce grand ouvrage comprend
une colledHcn prodigicufc d'obfervations
uftronomiques avec le grand catalogue d'é-
toiles du même auteur , qua nous citerons
plus d'une fois.
Tables oflogarithms.\^oiv\on, 1741 ,/'/!-4°.
par Gardiner. Le P. Pezcnas vient de les
faire réimprimer à Avignon en 1769 , avec
A ST
nnc augmentation de quatre premiers degrés
CM Iccondes : ces tables font les plus étendues
& les plus commodes qu'on puillc trouver
a£luellemcnt , celles d'Ulacq étant devenues
très-rares.
On trouve à Paris , chez Defaint , de
petites tablcsabrégécs extrêmement commo-
des peur de moindres opérations; mais dans
les grands calculs aftronomiques , il eft indif
penfable d'avoir des logarithmes de finus de
10 m. 10 fécondes , & ceux des nombres
jufqu'à un million , tels qu'on les trouve
dans les tables d'Ulacq , Trigonotnciria arti-
jicialis , &c. Gowrt'j? , 1 6 3 3 , ou dans les tables
que nous venons de citer.
A Compkat Syftem of opticks by Robert
Smith, 1738, Cam^bridge, 1 vol. in-a^^.
Cet excellent ouvTage contient toutes les
théories de l'optique , une ample defcription
des inftrumens d'aftronomie & d'optique. Il
en a paru deux traduirions françoifcs en
1 767 , avec des augmentations , l'une du
P. Pczenas , l'autre de M. le Roy.
Traités particuliers d aftronomie.
La Figure de la terre \>Zï'^\. Bouguer,
1769 , //z-4°. 394 pages , chez Jombcrt ,
rue Dauphine. Ce livre renferme les meil-
leures recherches pour la pratique Se la théo-
rie des obibrvations délicates.
Mefure des trois premiers degrés du méri-
dien,paT M. de laCondamine, 1751 , rn'4°.
de l'imprimerie royale , & fe trouve chez la
veuve Durand. Item , Journal du voyage y
&c. avec plufieurs fupplémens. Cet ouvrage
eft très-méthodique , très-clair , très-bicii
écrit , également curieux pour la partie hii-
torique , & pour la partie aftronomique.
La Méridienne de Paris vérifiée , &C. par
M. Caffini de Thuri , 1744, in-4°. chez
Guerin. On y trouve une multitude d'ob-
fervations faites par M. de la Caille pour la
figure de la terre.
De Litteraria expeditione , &C. P. P. ^o£-
cowich 8c Maire , /n-4". Rome , traduit en
françois & imprimé à Paris en 1770 : ce li-
vre eft de même nature que celui de M.
Bouguer.
Hiftoire cèle fie ou recueil dl'obfervations fai-
tes dans le dernier fiecle , par MM. Picard , la
Hire, (S-c-. avecnndifcours préliminaire, par
M. le Momiier 1741 , /■/z-4''. chez Brialfoiu
Oefervations
A s T
Obfervations aflronomiques ac M. le Mon-
nit-r , in-folio , 175 1 , lyy^ , 17J9 , de l'im-
primerie royale. Il y a déjà trois livres d'im-
primés , d'environ 60 pages chacun : le qua-
trième ctoit lous prelleen 1771.
La figure de la terre , déterminée par les
oblcrvations faites au cercle polaire , &c. par
M. de Maupercuis , 1758 , in-8°.
Degré du méridien entre Paris £,' Amiens ,
déterminé par la melure d^- M. Picard, &
par les oblcrvations de MM. de Maupcrtuis ,
Clairaut , Camus , le Monnier , 1 740, //2-S°,
chez Guerin.
Dimetifio graduum meridiani Viennenfis &
Hungaric! ,à Jof. Liefgani^. Viiidobonje, 1770.
Connoijfance des temps ou connoiJTance des
mouvemens cékjles , depuis 1760 juiqu'en
1 774. De la Lande , chez Panckoucke ,
rue des Poitevins. On trouve dans ce livre
grand nombre d'obfervations & de tables
nouvelles pour l'ufage des aftronomes.
Ephémérides de M. de la Caille , depuis
I74y jufqu'en 1774 > ^ ^'^1. iii-8°. chezHé-
rillan , rue S. Jacques. Tous ces volumes ,
fur-tout le dernier , font enrichis de mémoi-
res inrérejjans fur l'ûjlronomie ; le fèptieme
volume a paru en 1774.
Il y a de fcmblables éphémérides publiées
à Bologne , par M. Zanotti.
Ephemeridcs ^4/7ro/7o/n/Cir, par Hell, depuis
17^7 juiqu'en 1771. Vienne in-8° Tous
Ces volumes renferment aurti beaucoup de
tables tk d'obfervations intérelfantes.
/?,-a/(/z^ c/e/ , par M. Pingre, 17H' ^JP»
in-S°. chez la veuve Durand. Cet almanach
aftronomique ctoit le plus détaillé & le plus
exaft qu'on eut calculé.
On a commencé à publier à Londres en
1767 , un ouvrage encore plus conlidéra-
ble , intitulé : The Nautical Almanac , dont
il a déjà paru cinq volumes : ils contiennent
un détail prodigieux fur les diftances & les
mouvemens de la lune , relativement à la
manière de trouver les longitudes en mer.
The British mariner' s guide , Ma^kelync ,
in-^°. Lond. 176 3, dont il a déjà paru 8 vol.
Livres d'ajironomie phyfique , fondés fur les
calculs de l'attraction.
Théorie de la figure de la terre par M.
Clairaut, 1745, in.-8°. chez Duiaiid , rue
5. Jacques.
Temç IIL
A S T
l6i
Recherches fur la préccjfion des équinoxes ,
par M. d'Alembcrt, 1749, '" 4°. chez Da-
vid, rue dcsMathurins.
Theoria mollis lunje , à L, Euler, 17J},
in-^°. à Pctersbourg.
Théorie du mouvement des comètes , par
M. Clairaut, iy6o,in-8°. chez Panckoucke j
rue des Poitevins.
Recherches fur dijférens points impnrtans
du fyJJéme^du monde, par M. d'Alembert ,
i7)-4<Sv; luiv. 3 vol.in-^°. chez David.
Opufcules mathématiques , j vol. in-dP
1768 , chez Brialfon.
Pièce fur la théorie de l.i lune , par M. Clai-
raut , avec de nouvelles tables de la lime ,
ieconde cdit 1764 , chez Defaint Se Saillant. .
Pièce fur l s inégaUtés de Saturne , qui a
remporté le prix de l'académie en 1748 ,
par M. Euler , chez Guerin. Cette pièce ed:
la première où l'on ait traité le problême des
trois corps par une méthode analytique &
nouvelle. M. Simpfon a donné , en 1740,
1745 & 1757 , trois volumes de ditFcrens
mémoires ou opul'cules en anglois , parmi
lefquels on en trouve plufieurs (mVaJIrono-
mie phyfique , faits de main de maître ; l'au-
teur ell mort en 1760. Connoijfance des mou-
vemens cékjlss pour \i6-/. On trouvera l'in-
dication de tous les livres nouveaux d'<j/-
tronotnie à7i.ns le recueil pour les aflronomes y
par M. Jean BernoulH , à Berlin , 1771 &:
1772 ; &nous les citons prelque tous d?ns
les divers articles de ce diâ:ionnaire ; les
citations doivent être une des principales ri-
cheifes de cet ouvrage.
Cartes célefles.
Flamflcedii Atlas caleflis 1719 , in-fclio
maximo. C'eft: une très-belle colleftion de 27
planches , qui repréfentent en grand toutes
les conftellations &: les étoiles du ciel.
Carte du ipdiaque , où l'on voit en grand
toutes les conllellations du zodiaque , gravée
lous les yeux de M. le Monnier , pard'Heul-
land , en 17 j 5 , & qui fe trouve chez
M. BellLn , géographe de la marine. Il y a
aufn un zodiaque femblable , gravé à Lon-
dres , par Senex en deux feuilles , d'après
les obfervations de Flamileed & de Hailey.
Stcllarum fixarum hemifpluvrium aufrale »
item , hemifphcerium boréale ; par Sciiex
grave à Londres en deux feuilles.
Zzzz
l6% A S T
M. Robert de Vaugondi a publié auflî un '
nouveau planifphere en deux feuilles , de la
gva;idcur de celui de Senex , où le trouvent
les nouvelles conftellations obfervées par
M. de la Caille.
Figure du pajfage de Vénus fur le diftjue
du foie il , qui s'oblcrva le 3 juin 1769 ; ïur
laquelle on voit les momcns de l'enrrie &
de la fortie de Vénus pour tous les lieux de
la terre , avec l'effet des parallaxes & le choi:t
des pays où ce paflàge a dû être obfervé ,
pour en déduire la diftance du foleil & de
toutes les planètes de la terre. De la Lande ,
chez Lattre , graveur , rue S. Jacques.
M. Julien , à l'hôtel de Soubife, a public ,
en 1763 , un catalogue complet des caries
géographiques , de tous les auteurs tant étran-
gers que françois , que l'on peut avoir chez
lui : on y trouve beaucoup de cartes rela-
tives à VûJIronomie, dont nous allons mettre
?ci le catalogue.
Syjiéme folaire , par M. Whiflon , demi-
feuille.
Sénélcgraphie ou figure de la lune , d'He-
velius , 16^6.
Autre SéUnographie anonyme.
Figure de réchpfe de ioleil de 1715, par
. Whifton.
Etat du ciel au temps de rcclipfe de 1 7 1 J ,
par M. Hnlley.
Figure de réclipfc de lune de 1718 par
M. Halley.
Eclipfe de foleil de 1748 , par M. Mayer ,
en deux feuilles , avec une explication de AL
de rifle : par M. Homan , 1747.
La même éclipfe , par M. Lowitz , en
deux feuilles ;, 1747
Avertiflcment de M. de l'Ifle , au fujet
<îe cette éclipfe ; brochure in-^°. allez rare ,
'748.
Figure de l'éclipfe de lune du 8 août
'J748, par M. Lowitz.
Eclipfe de Ioleil du S janvier 1750 , par
M. de 1 Iflc , 1749.
La même écliple pour Nuremberg , par
M. Homan, 173c.
Ecliple de lune du jç) juin 1750, par
yi. de l'Iflc.
Eclipfe de lune du 15 décembre 17JO ,
par AL de l'Ille.
Ecîîpfedc lune du 9 juin 175 i , par M. de
A S T
Eclipfe du 2 décembre 1751 j par M. de
rifle.
Figure du paflage de Vénus de i7(;i , par
M. de rifle, 1760 ; cette figure eft fembla-
ble à celle que j'ai donnée pour le paflàge
de Vénus de 1769.
Carte de L'éclipfe du foleil du premier avril
1764, par madame le Pautc.
Atlas cékjh , par M. Jean Gabriel Dop-
pelmayer , gravé à Nuremberg , en trente
teuilles. On y trouve des planilpheres , fix
cartes célefles , lemblableî à celles du P. Par-
dies, qui comprennent tout le ciel ; des figu-
res des orbites des planètes , des comètes ,
les fl:ations , les rétrogradations , les iacelli-
tes, iS'c. cet atlas eft exécuté groiTiércment ;
on n'y trouve point les lettres greques; & il
efi: moins commode que les autres cartes don:
nous avons parlé. ( M. de la Lande. )
ASTRONOMIQUE, adj. ajh-oncmicus ;
on entend par ce mot tout ce qui a rapport à
l'aflronomie. Vuye^ Astronomie.
Calendrii.r ajïronomiqiie. V. Calendrier,
Heures ajlronomiqucs. Voyc[ Heure.
Olfervatioiis aflronomiques. Voye:^ Obser-
vations CÉLESTES.
Ptolomée nous a confervé , dans fon al-
magefte , les obfervations aflronomiques des
anciens , entre lefquelles celles d'Hippar-
que tiennent le premier rang. V. Alî.iageste.
La plupart des ouvrages ou traités d'alfro-
nomie, qui ont été publiés lous les règnes de
François I & de les iuccefléurs , n étoienc
que des extraits de Valmagefte de Ptolomée ,
traduit de l'arabe , ou iur les manulcrits
grecs ; ceux-ci furent recueiUis , (Se les parta-
ges reftitucs dans la belle édition de Bile
de 1538. Cet ouvrage renferme non-ieu-
lement les hypotheles, les méthodes prati-
ques , & les théories des anciens , mais en-
core pluheurs oblervations aflronomiques
faites en Orient & à Alexandrie , depuis la
17^ année de Nabonaflard', qui eft le temps
de la plus ancienne éclipie qu un iaciie avo.r
été oblervée à Babylone , julquc vers l'an-
née 887 , qui répond, lelon nos chrono-
logifles, à l'année 140 de l'ère chrétienne.
Cet ouvrage avoir été publié fous l'empire
d'Antonin , & il ne relloit guère que ce li-
vre d'aflronomie qui eut échappé à la fureur
des barbares; les autres li\res qui s'étoient
liins doute bien moins uiuh!i)liés , avoicùC
A s T
été détruits pendant les rav.iges prcfquc con-
rinuels qui felircnt durant cinq cents ans dans
toutes les provinces romaines.
L'empire romain ayant lini , comme l'on
fait en Occident l'an 476 de l'ère chrétien-
ne , & les nations gothiques qui en avoient
conquis les provinces , s'y étant pour lors éta-
blies , une longue hirbane fuccéda tout d'un
coup aux iîecles éclairés de Rome ■, is: cette
grande ville , de même que celles de la
Gaule , des Elpagnes & de l'Afrique , ayant
été plufieurs fois priles &c faccagees , les ma-
nufcrits furent détruits & dilfipcs , &; l'uni-
vers refta long-temps dans la plus profonde
ignorance , I/i/f. ajîr. de M. le Monnier.
En 8S0 le farraiin Albatcgni le mit àob-
ferver. En 1457, Regiomontanus le livra
à la même occupation à Nuremberg; J. VVer-
nérus & Ber. W'altherus les élevés , conti-
nuèrent depuis 147; jufqu'en 1504; leurs
oblcrvations réunies parurent en 1544. Co-
pernic leur fuccéda; & à Copernic le land-
grave de Hellè , fécondé de Rothman &
de Byrgius. Tycho vint enfuite , & fit à
Uranibourg des obfcrvations depuis 1581
jufqu'en i6ci : toutes celles qu'on avoit juf-
qu'alors, avec la defcription des inftrumens
de Tycho , font contenues dans Yhijioire du
ciel , publiée en 1671 , par les ordres de
l'empereur Ferdinand. Peu de temps après ,
Hevelius commença une fuite à'ohfervations ,
avec des inftrumens mieux imaginés & mieux
faits que ceux qu'on avoit eus juiqu 'alors :
on peut voir la defcription de ces inftru-
mens dans l'ouvrage qu'il a donné lous le
titre de Machina cœkftis. Onobjeéte à Heve-
lius d'avoir obfcrvé à la vue hmple , & de
n''avoir point lu ou voulu profiter des avan-
tages du télefcopc. Le docteur Hook donna
à ce fujet , en 16^4, des obfervations (ur
les inftrumens d'Hevelius ; & il paroit en
faire très-peu de cas , prétendant qu'on
n'en peut attendre que peu d'cxaétituJe. A
la Ibllicitation de la lociété royale , M. Hal-
Icy fit en 1679 le voyage de Dantzick ;
examina les inftrumens d'Hevelius, les ap-
prouva , & convint que les obfervations aux-
quelles ils .ivoient fervi , pouvoient être
cxaâes.
Jer. Horrox & Guill. Crabtrée , deux
aftronomesanglois , fe iont faitconnoirre par
leurs oblervations qu 'ils ont poulfées depuis
A S T 7/?j
165 f jufqu'en 1645. l-'lamfteed, CalTini,
Halley , de la Uirc, Roemcr & Kirch leur
luccéderent.
M. le Monnier fils , de 1 académie royale
des fcie^i^es , & des fociétés royales de Lon-
dres & de Berlin , a publié en 1741 un ex-
cellent recueil des meilleures obfervations
aftronomique^ , faites par l'.Kad. royale des
Iciences de Paris , depuis Ion établillèment.
On n'en a encore qu'un volume qui doit être
luivi de plufieurs autres : l'ouvrage a pour
titre , Hi/loire cMeJîe ; il eft dédié au roi , &c
orné d'une préface très-lavante.
Lieu agronomique d'une étoile ou d'une
pLmctc ; c'efl: fa longitude ou le point de
l'écliptique auquel elle fépond , en comp-
tant depuis la iediion du bélier /■« co/2/tY//f/z-
t!_a ; c'elt-à-dire en fuivant l'ordre naturel des
lignes, ^oye:^ Lieu , Longitude.
AsTRONOMiQ_UES , nom que quelques
auteurs ont donné aux fraélions fèxagéfl-
malcs , à caufe de l'ulage qu'ils en ont fait
dans \cs cûculs afronomiques. Foye^ Sexa-
gésimal.
Tables agronomiques. Voye-^ Tables,
Théologie agronomique , c'eft le titre d'un
ouvrage de M. Derham, chanoine de VVind-
for , & de la lociété royale de Londres ,
dans lequel l'auteur fe propofe de démon-
trer l'exiftence de Dieu par les phénomènes
admirables des corps célefles. Fojei_ Théo-
logie. ( O)
ASTRUM , ( Chym. ) terme dont les
philofophes chymiques fe fervent pourfigni-
fier une plus grande vertu , puilfince , pro-
priété , acquife par la préparation qu'on a
donnée à une chofe. Comme afirum du fou~
fre ou aflrum fulphuris flgmfie le foufrc
réduit en huile , dont les vertus furpaftent de
beaucoup celles du loufre en nature ; aflrum
falis ou du fcl , c'eft le fel réduit en eau
ou en huile : ajlrum mercurii ou du mercure,
c'eft du mercure lublimé. O^i donne ce nom
aux alkools , aux quinteflènces des cho-
fes. ( H- )
* ASTRUNO , montagne d'Italie , au
royaume de Naples , près de Puzzol. Il y a
dans cette montagne des bains appelles b'.gni
1i aflruno , que quelques géographes pren-
nent pour la fontaine minérale que les anciens
nommoient Oraxus ; ces bains font fournis
par les eaux d'un petit lac.
Zzzz 2.
7^4 A S T
ASTURA , ( Géug. I rivière àt la cam-
. pagne de Rome, quia Ion embouchure dans
la mer de Tofcane , à dix lieues au-dedus
de Rome. Il y avoir autrefois un bourg près
de cerce embouchure; ce fut là^Cicéron
s'embart]ua pour Cayette après qu'il eut été
profcrit.Ce fut près de-Li qu'il fut mis à mort
parordrc du triumvirat. Ce Fut encore près
de ce même endroit que Conrard & Frédé-
ric furent battus & pris par Charles , roi de
Naples. {C.A.)
ASTURIE, province d'Efpagne, qui a
enviro)! 48 lieues de long 3 !ur iS de large,
bornée à l'orient par k Bifcaye , au midi
par la vieille Caftille lîc le royaume de Léon ,
à loccident par la Galice , au nord par l'O-
céan ; elle (e divife en deux parties, VAjJu-
rie d'Orviedo , & V Ajîurie de Sentiliam :
c'eft l'apanage des fils aines d'Efpagne.
ASTY AGE , ( Hijh anc. ) fils de Cyaxare ,
fut le dernier roi des Medes. On dit que
pendant la grolIelTe de la fille Mandant ,
qu'il avoic mariée à Cambife , il vit en longe
une vigne qui fortoit de fon icin , &: qui
s'étendoit dans toute l'Afie ; ce qui l'effraya
û fort, dit Hérodote , qu'il rclolut de taire
mourir l'enfant qu'elle metcroit au monde :
-car il avoir appris des mages que cet enhnt
ruineroir plulseurs empires. Mandane éranr
accouchée de Cyrus , le garanrit des embû-
ches de fon grand-pere. (H-)
ASTYMEDE , {Hifi.pc'ét. ) féconde fem-
me d'Qzdipe , perfécuta les enfins du pre-
mier lir de fon mari ; & pour les rendre
odieux à leur père , elle les accufa d'avoir
voulu attenter à fon honneur ; ce qui irrita
tellement le malheureux (Rdipe , qu il rem-
pht de fang toute la maifon , dit Diodore.
ASTYNOMES , f. m. pi. (//;/?. nnc. )
nom que les Athéniens donno eut à dix hom-
mes prépofés poi:r avoir l'evil ur leschan-
teuies & fur les joueurs de flùre : quelques-
uns ajou.ent qu'ils avoient au iTi l'intendance
des grands clicmlns. Ce nom cil: grec ,
& dérive de açv , viUe. , Sc de i5y-o> , loi , ou
ïif.'iir , divijcr. (G)
ASTYOCHE^ , ( Hijf. puct. ) fille de
Philnnte , ayant été faite cnptivepar Hercule
dans la ville d'Ephyne en Elidc , fut aimée
de ce héros &: eu eu: ma tils nommé Tlipo-
km^. (4-)
A S Y
j ASTYOCHUS, (Myth) filsd'Eole, régna
après fon perc , fur les îles Liparies , qu'il
appella Ec/enne* du nom de Ion pcre.
ASTYONE , ( Hiji. pcéi. ) c'elc le nom
de la belle Chryfeis , fille deChryies , grand-
prêtre d'Apollon. (•+•)
*ASTYPAL^US, furnom d'Apollon,
à qui cette épithete eft venue d'Aftipalie ,
une des Cyclades , où il avoit un temple.
ASTYRA , ( Géogr. anc. ) ville d'Eolic
dont parle Scylax. Il y avoit encore une
autre ville de ce nom en Phénicie , dans le
voilmsge de l'île de Rhodes ; Etienne le
géographe en a fait mention. ( C. A.)
*ASTYRENA , ( Myih.) Diane flit
ainfi lurnommée d'un lieu nom.mé Afira
dans la Mélie , où cerre déeOe avoir un bois
facré.
* ASUAN , ( Géog. anc. & mod. ) ville
d'Egypre , dans la partie méridionale , fur
la rive droite du Nil. Les Turcs l'appellent
Sûhid , & les Arabes Ufuan ; quelques géo-
graphes croient que c'tft l'ancienne Méta-
compfo , Tacompfon , ou Tachimpfo ; d'autres
la prennent pour Syene même.
^ ASSUNGEN , périr lac de Suéde ,
dans la Vcftrogorhie , vers les provinces de
Smallande &: de Hallande.
AS Y LE , f. m. ( H,Jf. anc. £' mod. ) lanc-
tuaire , ou lieu de refuge, qui met à l'abri
un criminel qui s'y retire, &: empêche qu'il
ne puilie être arrêté par aucun oftîcicr de
juftice. Vcyei^ Refuge, Privilège.
Ce mot vient du grec ôcjvKcf , qui eft com-
pofé de « privatif, &decuAa«, je prends
ou je heurte ; parce qu'on ne pouvoit autre-
fois , fins lacrilege , arrêter une pcrlonne
réfugiée dans un afyk. Voye^ Sacrilège,
Le premier ar\lc'ii\t établi à Athènes par
les deicendans cl'Hercule , pour le mettre
à couvert de la fureur de leurs ennemis. Voy.
HÉRACLIDES.
Les temples , les autels , les ftatues , &c
les tombeaux des héros, étoient autrefois la
retraite ord'naire de ceux qui étoient acca-
blés par la rigueur des loix , ou opprimés
par la violence des tyrans : mais de tousces
aj^ les , les temples étoient les plus lurs &
les plus mvio'ablcs. On fuppofoit que les
dieux le chargeoient eux-mêmes de la pu-
nirion d'un criminel qui venoit (e mettre
i I ainli Ibus leur dépendance inunédiatc j &
A s Y
on regardoit comme une pnnde impictc
d'otcr la vengeance aux immortels. Voyc:^^
Autel , Temple, Tombfau , Statue , ùc.
Les IlraélitCb avoient des villes de refuge ,
que Dieu lui-même leur avoit indiquées ; elles
ctoient l'afyle de ceux qui avoient commis
quelques crimes, pourvu que ce ne fut point
de propos délibéré.
A l'égard des païens , ils accordoient le
refuge &: l'impunité , même aux criminels les
plus coupables & les plus dignes de châti-
inent , les uns p,ir fupcrftition , lesaurres pour
peupler leurs villes ; &: ce iut en effet par ce
moyen que Thebcs , Athènes & Rome le rem-
plirent d'abord d'habitans. Nous liions aufTî
que les villes de Vienne & Lyon étoient autre-
fois un afyk chez les anciens Gaulois j & il y a
encore quelques villes d'Allemagne , qui ont
conlervc leur droit à'afylc.
C'cft pour cette railon que fur les médail-
les de différentes villes , principalement de
Syrie , on trouve l'inicription ASTAOl , à la-
quelle on ajoute IFPAi , par exemple, TTPOT
ItPAS KAI ASTA02 , 2IA0N02 iEPA2 KAI
A2TAOT.
La qualité d'afyls étoît donnée à ces vil-
les , félon Spanheim , à caule de leurs tem-
ples , & des dieux qui y étoient révérés.
La même qualité étoit aufTî quelquefois
donnée aux dieux mêmes. Ainfi la Diane d'E-
phcfe étoit appellée hiijhot. On peut ajouter
que le camp formé par RemusiSc Romulus ,
qui fut appelle afyk , & qui devint enfuite
une ville , étoit un temple élevé au dieu Afy-
IxUS, ©.à>- ccrihcthf.
Les empereurs Honorius & Théodofe
ayant accordé de femblabies privilèges aux
églifes , les évêques& les moines eurent foin
de marquer une certaine étendue de terrain ,
qui fîxoit les bornes de la jt-iriidiition lé-
culiere ; & ils furent fi bien conlerver leurs
privilèges , qu'en peu de temps les comcns
furent des efpeces de forterefles où les cri-
minels les plus avérés fe metroient à \'\hn du
chJtimenr , & bravoicnt les m.rgillrats. V.
Sanctuairî.
Ces privilèges furent enfuite étendus, non
feulement aux églifes &aux cimetières , mais
aufTi aux maifonsdes évêques : un criminel
qui s'y étoit retiré ne pouvoit en fortir que
lous promefle de la vie, & de l'entière rc-
rruiïioft de ibn ciime. La raifon pour laquelle
A S Y -]6<i
on étendit ce privilège aux maifonsdes évê-
ques , fut qu'il n'étoit pas poflîble qu'un cri-
minel pafTàt fi vie dans une églife , où il ne
pouvoir faire décemment plufîeurs des fonc-
tions animales.
Mais enfin ces afyhs ou lanftuaires furent
dépouillés de plulieurs de leurs immunités,
parce qu'ils ne fervoient qu'à augmenter le bri-r
gandage , &: à enhardir le crime.
En Angleterre, dans la charte ou patente
des privilèges ou immunités , qui ont été
confirmées à leglife de S. Pierre d'^'orck ,
l'an f . H. VII ; on entend par afyk , cathedra
quietudinn & pacis. Quod Ji alii^t/s vefano
fpirhu agitatus diaholico aufu quanquam ca-
pe re prLTfiimpferit in cathedra lapidcâ jiixta
altare , quod AngUci vacant frecdflool , id
efl , cathedra quietudinis vel pacis ; hu'jus tarrt
Jlagitiofi facrikgii ernsndatio fub nuUo judicio
erat , fub nullo pccunice niimcro claude'.'atur ,
fed apud Anglos Botales , hoc cfi , fine emcnda
vocahatur. Monajl.t. :j , p. l^^.
Il y avoit plufîeurs de ces afyks ou (ànc-
tuaircs en Angleterre ; mais le plus fimeux
étoit à Beverly , avec cette infcriprion : Hcec
fedes lapidea freedflool dicitur , id efl , pacis
cathedra , ad qujim reus fugiendo pcrveniens ,
omnimodam habet fecuritatem. Cambden.
Les afyks refïcmblent beaucoup aux fran-
cliifes accordées en Italie aux églifes ( Voye:^
Franchise;) mais ils ont tous été abo-
lis, f G)
* En France , l'églife de S. Martin de Fours
a été long-temps un afyk inviokible.
Ch.ijlemagne avoit donné aux afyks une
première atteinte en 779 , par la défenfe
qu'il fit , qu'on portât à manger aux crimi-
nels qui fe retireroient dans les églifes. Nos
rois ont achevé ce que Charlemagne avoit
commencé.
ASYMÉTRIE , f. f. compofé de « priva-
tif , de <rvv , avec de y.ÎT^cv , mefure , c'eît-
à-dire fans mefure. On entend par ce moc
un défr.uï de proportion ou de corrcfpon-
dance entre les parties d'une chofe. f^oyc^
SvmmÉtrie.
Ce mot dé/îgnef/2 mathématique , ce qu'on
entend plus ordinairement par incommenfu-
rabilité. Il y a incommenf urabilité entre deux:
quantités , lorfqu'elles n'ont aucune com-
mune mefure ; tels font le côté du quarré >?c
fi. diagonale; en nombres les racinei îburdt: ,
16^ AS Y
comme ^ x , ùc. font aulTî incommenrura-
bles aux nombres rationels. V. Incommen-
surable , Sourd ,Quarré , ùc. (£)
ASYMPTOTE, f. f. afympiotus , terme
de géométrie. Quelques auteurs définiffent \'a-
fymptote une ligne indéfiniment: prolongée ,
qui va en s'approchant de plus en plus d'une
autre ligne qu'elle ne rencontrera jamais. Voy.
Ligne.
Mais cette définition générale de Vafymp-
tote n'eft pas exade , car elle peut être ap-
pliquée à des lignes qui ne font pas des afymp-
totcs. Soit (fig. zo , n°. X. fecl. coti. ) l'hy-
perbole iC 6" I, ; Ton axe CM; Ton axe con-
jugué A B. On fait que fi du centre C, on
mené les droites indéfinies CD ,CE , pa-
rallèles aux lignes BS , AS , tirées du fom-
met S de l'hyperbole , aux extrémités de fon
axe conjugué : ces lignes CD , CE, feront
les afymptotes de l'hyperbole iC^X.
Soient tirées les paralleles/^g- , hi, &c. à
Vafymptote C D ; A eft évident que ces paral-
lèles indéfiniment prolongées , vont en s'ap-
prochant continuellement de l'hyperbole
qu'elles ne rencontreront jamais. La définition
précédente de Vafymptote convient donc à ces
lignes ; elle n'eft donc pas exafte.
Qu'cft-ce donc qu'une afymptote en géné-
ral ? C'efl une ligne, qui étant indéfiniment
prolongée, s'approche continuellement d'une
autre ligne auili indéfiniment prolongée, de
manière que fa diftance à cette ligne ne de-
vient jamais zéro abfolu , mais peut tou-
jours être trouvée plus petite qu'aucune gran-
deur donnée.
Soit tirée 1 a ligne N opq perpendiculaire-
ment à Vafymptote CD , & à fes parallèles
fg, hi , hc. il eft évident que Vafymptote
C D peut .approcher de l'hyperbole plus près
que d'aucune grandeur donnée ; car la pro-
priété de Vafymptote C D confifte en ce que
le produit de Cp par p q eft toujours conf-
iant ; d'où il s'etifuit que C p augmentant
à l'infini , p q diminue auftî à l'infini : mais
la diftance des parallèles/^ , A / , à cette
courbe fera toujours au moins de np, de
op , £'c. & par conféquent ne fera pas plus
petite qu'aucune grandeur donnée. Foye:^
Hyperbole.
Le mot afymptote eft compofé de i pri-
vatif, fi"' , avec , & de t/ttIw , je tcmbe ,
c'eft-à-dire qui n'cft pas co-incidcnt , ou qui
A S Y
ne rencontre point. Quelques auteurs latins
ont nommé les afymptotes , linece ititaBx.
Certains géomètres diftinguent plufleurs
efpeces à! afymptotes ; il y en a félon ces au-
teurs , de droites , de courbes , &:c. Ils diftri-
buent les courbes en concaves , convexes , Sec.
Ik ils propofent un inftrument pour les tracer
toutes : le mot A' afymptote tout court ne dé-
figne qu'une afymptote droite.
h'afymptote fe définit encore plus exac-
tement une ligne droite , qui étant indéfini-
ment prolongée , s'approche continuellement
d'une courbe ou d'urte portion de courbe aufïi
prolongée indéfiniment , de manière que fa
diftance à cette courbe ou portion de courbe
ne devient jamais zéro ablolu , maispeuttou-
jours êtretrouvéc plus petite qu'aucune gran-
deur donnée.
Je dis , i". d'une courbe ou d'une por-
tion de courbe , afin que la définition con-
vienne , tant aux courbes ferpentantes qu'aux
autres.
Car la ligne /^ h (figure ao , n. ^.) ne
peut être confîdérée comme Vafymptote de
la courbe ferpcntante m nopr s , que quand
cette courbe a pris un cours réglé relative-
ment à elle , c'ef1:-à-dire un cours par lequel
elle a été toujours en s'en apprechant.
Je dis , 1°. que la diftance de Vafymptote
à la courbe peut toujours être trouvée moin-
dre qu'aucune grandeur donnée ; car fans
cette condition , la définition conviendroic
à Vafymptote & à fes parallèles. Or une dé-
finition ne doit convenir qu'à la chofe dé-
finie.
On dit quelquefois que deux courbes font
afymptotes l'une à l'autre , lorfqu'indéfini-
ment prolongées elles vont en s'approchanc
continuellement , fins pouvoir jamais fe ren-
contrer. Ainil deux paraboles de même pa-
ramètre , qui ont pour axe une même li-
gne droite , font afymptotes l'une à l'autre.
Entre les courbes du fécond degré , c'cft-
à-dire entre les feftions coniques , il n'y a
que l'hyperbole qui ait des afymptotes.
Toutes les courbes du troilieme ordre ont
toujours quelques branches infinies , mais
ces branches infinies n'ont pas toujours des
afymptotes ; témoins les paraboles cubiques,
& celles que M. Newton a nommées pa-
raboles divergentes du troifieme ordre. Qitant
aux courbes du quatrième, il y en a une in-
' AS Y
finité , qui non feulement n'ont pas quatre
cjymptotes , mais qui n'en ont point du tout ,
& qui n'ont pas même de branches infinies
comme l'elliple dt M. Cailini. V. Courbl ,
Branche , Ellipse , £v.
La conchoïde , la cilloïdc , & la loga-
rithmique , qu'on ne met point au nombre
des courbes géométriques , ont chacune une
afymptotc. Voye:^ Cou R bh.
L'afymptote de la conciioïde eft très-pro-
pre pour donner des notions claires de la na-
ture des afyinptotes en général. Soit {pi.
del'analyfe ,f.g. i .) MM A M une portion
de conchoïde, C'ic pôle de cette courbe, &
B R une ligne droite au-delà de laquelle les
p.;rties QM, EA, QM , &c. des droites
tirées du pôle C, font toutes égales cntr'cUes.
Cela polé , la droite B R lera Ycfymptote de
la courbe. Car la pt-tpendiculaire M I étant
plus courte que MO , & M R plus courte
que M Q , &c. ii s'enfuit que la droite B D
va en s'approchant continuellement de la
courbe MM A M ; de forte que la diftance
M R va toujours en diminuant , & peut être
aufTi petite qu'on voudra , fans cependant
être jamais abiolument nulle. V. Divisibili-
té , Infini , (!v'c. Voye^^ aujfi Conchoïde.
On trace de la manu-ie fuivante les afymp-
totes de l'hyperbole. Soit {planches d:s ftcl.
coniq. fig. xo. ) une droite D E tirée par le
fommet A de l'hyperbole , paralicle aux
ordonnées Mm , & égale à l'axe conjugué
d a ; en forte que la partie A E foit égale à
la moitié de cet axe , & l'autre partie D A
égale à l'autre moitié. Les deux lignes tirées
du centre C de l'hyperbole par les points D
êc E , lavoir C F ik C G , feront ks afymp-
totes de cette courbe.
Il réfulte de tout ce que nous avons dit
julqu'ici, qu'une courbe peut avoir dans cer-
tains cas pour ûfymptotc une droite , & dans
d'autres cas une courbe. Toutes les courbes
qui ont des branches infinies , ont toujours
l'une ou l'autre de ces afymptotes , & quel-
quefois toutes les deux; Vafynptote eft droite,
quand la branche infinie eft hyperbolique ;
Vafymptote eil: courbe , lorlque la branche
infinie eft parabolique , & alors Vafympro.'c
courbe eft une p.uabole d'un degré plus ou
moins élevé. Ainli la théorie des afyrn,uo:cs
des courbes dépend de celle de leurs bran-
ches jnhnies. F'oyci Branche.
Une wi^"drbe géométrique ne peut avoir
» puis d ai]'mprot,'s dïoizt-i, qa'A n'y a d'unités
dans l'expofmt de fbn ordre. Voy. Stirling ,
E'.um. Un. ^ , ord. prop. vj , cor. J , &:\'In-
troduaion de l'analyfe des lignas courtes , par
M. Cramer , page ■^.!f4 , arr. i^j. Ce dernier
ouvrage contient une excellente théorie des
afymptotes des courbes géométriques & de
leurs branches , chap. yiij.
Si l'hyperbole G MR ,fig. zz,'eftunedes
courbes dont la nature exiJrimée par l'équa-
tion aux afymptotes foit renfermée dansl'c-
quation générale x'" y" =rt'" + "; tirez la
droite P M. , par-tout où vous voudrez ,
parallelc'd'j/jm/ii'o/i- C S; achevez leparallé-
lograme P C O M. Ce paiallclograme fera
à l'efpace hyperbolique P/tf G B termine
par la ligne P M , par l'hyperbole indéfi-
niment continuée vers G , is: par la partie
PB de l'û/j'/7z;vo/e indéfiniment prolongée
du même coté , comme m — « efl à n.
Ainfi lorfquc m fera plus grand que n , l'ef-
pace hyperbolique lera quarrablc. Si m=n ,
comme dans 1 hyperbole ordinaire , le pa-
rallélograme PCOM fera à l'efpace hyper-
bolique comme zéro efl à i , c'eft-à-dire
que cet eipace fera infini relativement au
parallelograme, & par conféquent non quar-
rable. Lnfin (i m eft moindre que n , le pa-
r.;llélograme lera à l'efpace hyperbolique
comme un nombre négatif à un nombre po-
fitif, l'efpace PMGB fera infini, & l'ef-
pace TWPCEfera quarrablc. Voyei la fin du
cinquième livre des feclions coniques de M.
le marquis de l'Mojiital. Voye^^ aujjiunmé~
moire de M. A''arignon imprimé en 1705 ,
parmi ceux de l'académie royale des laen-
ces , «Sl qui a pour titre Réjhxions fur hs
efpaces plus qu'infinis de M Wallis. Ce der-
nier géomètre prérendoit que l'efpace M P
G B , étant au parallelograme comme un
nombre politil à un nombre négatif, l'ef-
pace M P G B était plus qu'infini. M Va-
rignon cenfure cette exprelTion , qui n'tft
pas (ans doute trop exacle. Ce qu'on pcuf
.•llurer avec certitude , c'efl: que l'elpace
P MGB eft un clpace plus grand qu'aucun
eipace .mi ; <^: p.ir conléquent qu'il eft infini.
Pour le prouver, & pour reniïreladémonf^
tration plus iimple , failons a=i ,&: nous
m
aurons l'équation a." )" = i ouy^=a- T.
f Voyc[ Exposant ). Doik y dx , élément
1 de l'aiic PMGB = x~"V dx , 'dgiit
76S
A S Y
l'intégrale ( Voy. Intégral) eft ■
ri
pourcomplétercette intégrale il faut qu elle
K. ^1 r — o- A nu 11 s eniuit
foie == o lorfque x =
que l'intégrale complète eft — ^
d'où il s'enfuit
m ,
H I
m ,
m ,
4- l_^î Donc , 1°. Si m < /2 , on a
I _ Z égal à une quantité pofitivc. Ainfi
l'intégrale fe réduit à ^--|- qui repré-
fente l'efpace ECPM; d ou 1 on voit que
cet efpace eft fini tant que x eft hni , ^
que quand x devient inhni, l'elpace devient
iîifini auffi. Donc l'efpace total renkrme par
la courbe & fes deux afymptotes , elt intim;
&commel'efpace ECPMcfk hm, ils enfuit
que l'efpace reftant PMGB eft inhni.
Il n'y a que l'hyperbole ordinaire ou les
cfpaces PMGB , KCPMMcnt tous deux
infinis dans toutes les autres hyperboles 1 un
des efpaceseft infini , & l'autre hni ; 1 elpace
infini • eft PGMB dans le cas de /tz < n, &
dans ie cas de m> n c'eft PMCE Mzj il
faut obferverde plus que d msle cas de m <Zn,
l'efpace infini PMGBdt plus grand en quel-
que manière que celui de l'hyperbole ordi-
naire , quoique l'un &: l'autre elpaces (oient
tous deux infinis : c'eft- U Gms doute ce qui a
donné lieu au terme /)/«i qu'mfims de M. Wal-
lis Pour éclaircir cette queftion , luppolons
CJF=i &cPM=i, & imaginons parle
point M une hyperbole équilatere entre les
deux afymptotes CB,CE que je fuppole
faire icrun angle droit ; enfuitc par le mcme
point M décrivons une hyperbole, dont le-
quation foit x"' y" = i , m étant < n , il
tft vifible que dans l'hyperbole ordinaire
m
y = x~ ' , & que dans celle cl y = a: » '
d'où l'on voit que x étant plus grand que i ,
c'eft-à -dire que C P , l'ordonnée correfpon-
dantc de l'hyperbole ordinaire , fera plus pe-
tite que celle de l'autre hyperbole. En cftct ,
fi a: eft plus grand que i , &: que -^ foit -< i,
A S Y
il s'enfuit q«e A- " fera > x , ptilfque
m étant < /2 , on a x" > x'", lorfque x eft
plus grand que i , D'où il s'eniuit que x >
- & - ou^' — ' < ^- ou X — 7- Donc l'ef-
pace PMGB de l'hyperbole reprelentce
par x^y" == I , renfermera l'elpace de l'hy-
perbole ordinaire repréfentée par l'équatioii
a:j= I , & ayant la même ordonnée P ^^
Ainfi , quoique ce dernier efpace ioitinfim ,
on peut due que l'autre qui eft infini a plus
forte raifon , eft en quelque manière un
infini plus grand. Voye^ à l'article Infini ,
la notion claire & nette que l'on doit le
former de ces prétendus infinis plus grands
que d'autres. .
Soit TS , fig. 53 ' "'^e logarithmique ,
P R fon afympiote , P T la lous-tangente ,
& P iWune de fes ordonnées. L'eipace in-
déterminé RPMS fera égal k PM^P
T; &le folide engendré parla révolution
de'la courbe autour de fon afymptote VF,
fera égal à la moitié du cylindre , qui auroïc
pour hauteur une ligne égale à la lous-tan-
gente , & pour demi-diametre de la baie
une ligne égale à l'ordonnée QF". Voy eiLo-
GARITHMICIUE. ,.
ASYMPTOTiaUE , afymptoticus , ad),
m efpace afymptotique , eft l'elpace rentermc
entre une hyperbole & Ion afyniptote , ou
en général entre une courbe &fonalymp-
tote ; cet efpace eft quelquefois hni , quel-
quefois infini. Voye^ Asymptote. (O) _
ASYNDETON , mot compote à a pri-
vatifs de «rt/vM»' , colUgo , j'unis ; c'eft une
figure de grammaire , qui conliftc a lup-
primer lesliaifons ou particules qui dcvroienC
ctre entre les mots d'une phrale , & donne
au difcours plus d'énergie. Voye^ Conjonc-
tion ou Liaison. ,
On la trouve dans cette phrafe attribuée
àCcfar, vent, viJi , vici ; où la particule
copulative & eft omife : & dans cette au-
tre de Cicéron contre Catilina , al<itt_, ex-
ceint, evafit, erupit; & dans ce vers de Virgile,
Ferte citiflatntnas , date tcla , fcandtte tnuros
Varyndetoti eft oppofée à la figure appel-
Xécpolifynthcton , qui conlifte à mukiphcr la
particule copuhùvc Kuj^l Polisvnthe-
TON. ( G ) «Y
ATA
A T
A T , f. in. (Jiift. nat. Botaniq. ) arbre de
l'Afrique & de l'Ail.: , allez bien rcpré-
iciité & dans, prefquc tous Tes détails ibws
le nom Malabare ata-maram , c'eft-à-dire ,
aibre d\it , par Van-Khecde , dans fon
Hortus Malabaricus , vol. III , pag. 1 1 ,
f/.XXIX. Les Malabarcs l'appellent encore
ir.anil-jaka , à cauie de la relTemblance de
fôn fruit avec celui du jaka , au moins en
apparence ■■, les Brames atna , manil-pano-
Jou , & jona jaka ; les Portugais atas &
ûioeira ; les habitatisde Ternate ar/s ; ceux
du Mexique tfyyipalis ; les Eipagnols a/iûte
xle pannucho. Recchus eu donne une figure
iifièz mauvaife fous le nom de ate panni-
cenfis 5 dans Ion Hifloirc des plantes du Mexi-
que , pafj'. 348. Celle de Plukenet ii'cft .çuere
meilleure, Ibus le nom à'anona indien fruclu
conv'ido viridi ^ fquamis vcluti aculcato , ata-
maram korti Alalabarici araticit ponhe Marc-
graavii & Pifonis , forte ctiam yata finen-
jlbus Boymii flora finenfis , noflratibus co-
lonis , the Prikley apple vulgo nuncupatur.
Almageflum botanicum , pag. 32, phytogra-
phiiT^pl. CXXXl^ , fig. 2. Jean Commelin
en a repréfentc fort bien les feuilles & les
graines , fous le nom â^anona , dans Çon
Hortus Amflelodamenfis , vol. I. pi. LXIX.
h'at s'élève à la hauteur de 20 pics ,
fous une forme conique alongée & affez
ferrée , parce que fes branches , quoiqu'en
petit nombre , en font peu écartées , à peine
fous un angle de 30 a 40 degrés. Son tronc
eft haut de 5 à 6 pies , fur un pié au plus
de diamètre, alfcz droit, à bois très-dur,
verdâtre au cœur , très-blanc dans fon au-
bier , couvert d'une écorce verte au dehors ,
piquetée de petits points cendrés , épaiife ,
îbngueufe & rouge au dedans.
Sa racine eft médiocrement grande , alTcz
ramifiée , & s'étend plus verticalement Ibus
terre qu'horizontalement. Son écorce eft
rougeâtre.
Ses feuilles font alternes , affez ferrées ,
rangées , non pas circulaircment , mais ftir
un même plan , de manière que le feuil-
lage eft applati. Elles font elliptiques, poin-
tues aux deux bouts , longues de quatre
à iix pouces , une à deux fois moins lar-
Tome III.
ATA 7^5)
gcs , entières , allez cpailîcs , vertes Se L.i-
fantes delfus , plus pfdcs & ternes dcllous ,
a\'ec une nervure garnie de chaque côté
de lept à huit côtes alternes , portées fur un
pédicule cylindrique aifcz court, Surélevées
ibus lui angle de 45 degrés.
Les fleurs fortejit folitairement de l'aif-
iellc des feuilles qui font tombées , de forte
qu'elles parniilént iculement le long des
branches antiennes ou de la fcvc précé-
dente. Elles ont d'abord la forme d'un bou-
ton cylindrique , long d'un pouce , deux
fois inoins large , porté fur un pédicule
prcfiiu'auiTi long ■■, lorfqu'cllcs font épa-
nouies , elles ont un pouce &c demi de dia-
mètre. Chaque fleur coniîfte en un calice
verd, caduc, très-épais , d'une feule pièce
à trois diviiions profondes , triangulaires ,
& en une corolle à fix pétales inégaux ,
verds au dehors , blancs au dedans , dif-
pofcs fur deux rangs , de manière que les
trois extérieurs font étroits , & une fois
phis longs que les trois intérieurs qui font
arrondis. Le centre de la ileur eft occupé
par 400 ou 500 étamines courtes , feiTiles
à anthères blanches , quadrangulaires , raf-
fcmblées en fphere autour de 150 à 200
o\aircs diftiniSts , qui , en tnûriifant, devien-
nent autant de baies ovo'idcs , pointues aux
deux bouts , longues d'un pouce , une fois
moins larges , diipofécs en quinconce au-
tour d'un diique devenu un axe conique
alongé , & réunies par leur moitié infé-
rieure en un fruit fphéroïde , tantôt un
peu applati ou déprimé , tantôt iin peu
alongé en une cipece de cône obtus , de
trois à quatre pouces de diamètre , verd
extérieurement , comme écaillcux par les
pointes fàillantcs de chaque baie qui cfl
charnue , molle , blanchâtre , à une loge ,
Se qui contient ini feul pépin ovoïde ap-
plati , comme anguleux , long de fix à Icpt
lignes, de moitié moins large, veiJ-noir
ou brun-noir , liifc , tr>s-luifant , tron-
qué à fon extrémité inférieure , par la-
quelle il eft attaché verticalement au fond
de la baie.
Cuir. L'ae eft naturel au Sénégal , auprès
du Cap-Verd , aux îles Philippines & à
Manille , d'où il a été cnfuite tranfporté au
Malab;u- , & enfin au Mexique & au Brcfil,
Il fe multiplie de boutures 'éi de icw^cnçc^ ,
A a a a a
770 ATA
Se 01! le cultive clans les jardins. Il aime
les iabies gras , ari^ileux ou limoneux ,
char.dà & liiuiULles , & mêlés cle fumier c!c
ciîeval. Il commence à porter du fruit dès
la féconde ou troilieine asmée , ?<; conti-
n'jc aiuil pcndar.t 50 ans uc au delà , lorf-
cju'on le cultive avec foin : il en porte deux
fois l'an , favcir eu avril & mai , & en
août & leptembre , de manière que les fleurs
d'avril !ie mûrilfent qu'en fcptembre , &
celles de leptembre donnent leur fruit en
février. Il fleurit donc pendant la faifon
des pluies , qui dureut depuis avril ju(-
qu'en odtobre , que l'on appelle /liier au
Malabar , pendant que le temps fec s'ap-
peilc l'été.
Qualités. Toute cette plante a un goût
un peu auflcre mêlé d'amertume , & une
odeiir légèrement aromatique. Ses fruits ont
une odeur iuave, (Scunelincurtrcs-aiîréable.
Ufag£5, L.es fruits de Vat iê cueillent uu
peu avant leur maturité , pour les lalilcr
mûrir &: adoucir , à-peu-près comnie l'on
«iicille les nèfles;, alors, ils fe m.angent avec
«Iciices -^ ils font fort rafraîclHllaus , & lâ-
chent le ventre lorfqu'on boit de l'eau par-
delîlis. On les fait cuire aulTi avant leur
.maturité , a\-cc un peu de gingembre , dans
}'eau commune que l'on boit dans les ver-
liçes. Ses feuilles pilées & réduites en cata-
j)lafme a^'ec un peu de fel , s'appli({uent
iivec fuccès fur les tumeurs malignes pom-
les amener à llippuration.
Remaiijuei. M. Linné a confondu , fous
le nom iïanana murkata , f'oliis ovalHan-
ccolatis glabri^ nitidis ^ planis ^ pomis muri-
€at'is , dans fou Syftîma Nûtur.t? , imprimé
en 1767 , pa[;. 375 , non fcidcment Yat du
Malabar , mais encore le corrolbl commun
tie l'Amérique , l'anona verd épineux , fi-
j;-iré par Sloane , dans fon Hiftoirs naturelle
de la Jamaïque pi. CCXXF , & celui à
feuilles très-étroites gravé par Phikenet à
\:\pl. CXXXIF, //°. 2 , de fi Phyto gra-
phie , toutes plantes qui en différent beau-
coup, comme on le verra à la delcription de
chacune d'el'es. ( M. Adanso\. )
* ATABALE , f. m. ( Hijf. mod. &
mufiq. ) efpece de tambour , dont il cil fait
mention dans les voyageurs , qu'on dit kxrc
en ufjge p;u-mi les Maures , mais dont on
a& nous douue aucune dcicriptioii.
ATA
* ATABF.K , f. m. f Uifî. mod. ) nom
de dignité qui lignifie en turc père du prince ,
& qu'ont porté plufieurs feigneurs , infti-
tutcurs des princes de la maifon des Seigiu-
cides •■, les Perfans les appellent atabekian.
La faveur ou la fûiblelfe de leurs maîtres
les rendit fi puiffans , qu'ils établirent en Afie
c[uatre branches , qu'on nomme dynafties :
il y eut des atabeks de l'Iraque qui -firent
la première dynallie '-, ils commencèrent en
1127 de J. C. & finirent eu 631 de l'hé-
gire , après avoir régné fur la Chaldée , la
Méfopotamie , toute la Syrie , iufqu'eii
Egypte : les atabeks de la ?vlédie , ou de
i'Adherbigian , qui firerit la féconde dynal-
tie ; ils commencercpit en 555 de l'hégire ,
& finirent eu 622 : les atabeks de Perfe ou
Salgarieus , ils ont duré depuis 543 juf-
qu'en (16 3 de l'h.égire : les atabeks Lan flans ,
ainfi aj^pellés de la province de Lar, dont ils
le rendirent maîtres , finirent en Modhaf-
feredin Afrafiab , quelque temps après l'a»
de l'hégire 740.
* ATABULE , f m. vent fâcheux qui
règne dans la Pouille , & qui incom-
mode, dit-on, les arbres & les vignes;, il
faudroit encore favoir de quel point du ciel
il fouffle.
ATABYRION , ( Gt'ogr. ) nom que les
Grecs ont donné au mont Tliabor , aujeur-
d'hui Dfchebeltur , dans la plaine d'E.fdre-
lon en Paleftine. Une montagne de l'île de
Rhodes , une autre de la Sicile , une ville
de Perfe & une de Phénicie , ont aullî porté
le même nom. ( C. A.)
* ATABYRIUS , f Mytk. ) furnora
que Jupiter avoit chez les Rhodiens , dont
il étoit la phis ancienne divinité : Rhodes
s'appelloit anciennement Atabyria.
* ATACAMA , f Géogr. mod. ) port
de mer , dans l'Amérique méridionale ,
au Pérou , proche le trojMque du Capri-
corne ^ il y a un délèrt & des montagnes
du même nom. Les montagnes féparent le
Pérou du Chili •■, il y fait fi froid , que quel-
quefois on y meurt gelé. Le port e'i
à 309^1. 10'. d( long. & lo\ 30'. de lat^
mérid.
* A TAD, ( Cécgr. faintc. } contrée au
delà ilu Jourdain , appellée la plaine d'E-
gypte , où les ifraélites célébrcrcut les obfe»
celles de Jacob,
ATA
ATALA , ( Gi'ogr. ) petite ville d'Italie
en Sicile , dans la vallée de Déinona. Elle
cft (iir le détroit de Mcflinc , dans une 11-
tiiation fort agréable, entre Meili:ieck'I'aor-
mina. Long. ^() , 50 ; iat. 37 , ^o.(Cyi.)
ATALANTE , (MytA. ) fille de Cénée ,
roi de l'île de Scyros , avoir pris tant de
goût pour l'exercice de la challè , qu'elle
s'y adonnoit toute entière , courant à tra-
vers les bois & les campagnes : elle devint
fi Ici^ere à la courfc , qu'il étoit impofliblc
aux hommes les plus vigoureux de l'attciu-
clrc. Un jour elle fut vivement pourfui\'ie
par deux centaures ; mais elle eut alfez d'a-
drefl'e & de force pour les tuer à coups de
flèches , même en courant toujours. Elle
fe trouva à la fameufe chalIe du fanglier
de Calydon , & aux jeux & combats inlti-
tués en l'honneur de Pclias , où elle lutta
centre Pelée , & remporta le prix. Elle
avoit réfolu de confer\cr fa \irginité ■■, mais
là grande beauté la faifoit rechercher de
toutes parts. Pour fe délivrer de l'impor-
tuuité de tant d'amans , elle leur propolii
de difputer avec elle , à condition qu'ils
léroicat fuis armes , qu'elle courroit avec
ini javelot , & que ceux qu'elle pourroit
iitteincbe, elle les perceroit de cette arme 5
mais que le premier qui arrivcroit au but
;nant elle , feroit fon époux. Plufieurs ac-
ceptèrent la condition ^ mais comme elle
couroit plus vite qu'eux , déjà plufieurs de
fes pourfuivaiis avoient perdu la vie , lorf-
qu'Hyppomene fè fèrvit d'un ftratagême
qui le rendit vainqueur. Vénus lui avoit
fait prcfent de trois pommes d'or , cueillies
dans le jardin des Hefpérides : le fignal
donné , Hyppomeiie courant le premier ,
liilla adroitement tomber ces trois pom-
mes, à quelque diliance l'une de l'autre :
Atalante s'étant amufée à les ramalTer , fut
A'aiiicue, & devint le prix de la vidoire.
Tvlais quelque temps après , ayant profané
avec fon mari im temple de Cybcle , elle
fut changée en lionne , & lui en lion : ce-
pendant on fait époufèr dans la fuite Ata-
lante à Mélcagre. ( + )
* ATALAVA , petite ville de Portugal
dans l'Eftramadure , proche le Tage. Long.
10, S;lat. 39, 25.
ÀTANAIRE , terme de Fauconnerie , fe
difoit d'un oifcâu qiii avoit encore le
ATA ,771
pcnnage d'anrnn , ou de l'année palfée.
ATARAXIl-: , f. f. (Morale.) terme
qui étoit fort en ufage parmi les Scepti-
ques 8c les Stoïciens , pour fignifier le
calme & la tranquillité de l'efprit , & cette
fermeté de jugement qui le garantit de tou-
tes les agitations & les mouvemcns qui vien-
nent de l'opinion qu'on a de i()i-m6ir.c , &
de la fcience qu'on croit polTédcr. Voye^
Stoïciens.
Ce mot cft purement grec ; il cft coin-
polé de X privatifs de ta^àr^o) , je trou-
ble , f émeus ^ je Jais peur. C'cft d;sis Yata-
razie que confiltoit , fuivaut ces philofo-
phcs , le fouverain bien , & le plus grand
bonh.-jr de la vie. Voyci Souverain
BIEN. (X)
ATARKA , ( Géogr. ) ville de la Myfie ,
fur l'Hellefpont. On la nommoit auffî Atar-
neaou Atarneus. C'eft aujourd'hui Aifmahy
petite ville de Natolie , près de laquelle on
trou\e le grand village de Camara , &
des morceaux d'antiquité en très - grand
nombre.
* ATAROTH , ( Gfogr. fainte. ) il y eut
une \'ille de ce nom en Paleftine , dans la
tribu de Gad, au delà du Jourdain ^ une
autre fur les confins de la tribu d'Ephraïm ,
du côté du Jourdain.
* ATAVILLES , f. m. pi. ( G*-o^r. )
peuples du Pérou , dans l'Anîérique mé-
ridionale , à la fource du Xanxa , à quelque
diftance de la mer Pacifique & de Lima.
ATAXIE , f. f. terme de médecine , cotr-
pofé de x privatif & de ja^tt , ordre , c'eft-
à-dire , défaut d'ordre , irrégularité , trou-
ble , confufion.
Il fignifie dans un fens particulier , un
dérangement & une irrégularité dans les cri-
fcs & les paroxyfines des fièvres. Hippoc.
liv. 1. 6" 3. ép. On dit que la fièvre ejt
dans fataxie , ou irréguliere , lorfqu'elle
ne garde aucun ordre , aucune égalité ,
aucune règle dans fon caradere & dans
le retour de fes accès. Ainfi ce mot figni-
fie le reiiverfement d'ordre qui ai-rive dans
les accidens ordinaires des maladies , fir-
tout lorfque la malignité s'y mêle \ il fè
dit P-ulTî du pouls , lorfqu'il ne garde au-
cun ordre dans le temps ou le ton de fes
battemens.^ ( 'N )
ATCHÉ , monaoie d'argent biiloK , la
A aa aa z
772 ATE
plus petite £: celle de moindre valeur en-
tre toutes les cfpcces qui ont cours dans
les états du graud-iëigneur , où il n'y a
aucune monnoie de cuivre , excepté dans
la province de Babylone. Elle a pour
empreinte des caractères arabes : Yacché
vaut quatre deniers 8c un neuvième de
'* ATÉ , f. f. ( Myik. ) dcefib malfai-
fante , dont on n'arrétoit , ou dont on ne
prévenoit la colère , que par le fecours des
Lites , filles de Jupiter : Até vient de ^tm ,
mal, iniiifUce , èi /nés \ici\t as Kn al , priè-
res. Jiipitcr la prit un jour par les cheveux ,
& la précipita du ciel en terre : ne pou-
vant plus brouiVicries dieux, er.tre krqueis
Jupiter avoit fait ferment qu'elle ne repa-
roîtroit plus , elle fe mêla malheureufe-
ment des affaires des hommes ;, elle par-
courut la terre avec une vîtefl'e incroya-
ble , & les prières boiteufes la fuivirent de
loin , tâchant de réparer les maux qu'elle
laiifoit après elle. Cette fable allégorique
cil d'Homerc , & elle eft bien digne de ce
grand poëte ■■, ce feroit s'cxpofcr à la gâter
<jue de l'expliquer.
ATEL , (Géogr. ) c'eft l'un des noms que
les Tartares doinient au Volga ■^ les autres
font Edel & Jodel •■, & ces noms fignifient
îe grand Jlcuve , la grande rivicre ou le grand
courant. ( C. A. )
* ATEL A, {Géogr. anc. & mod.) an-
cienne ville de la Campanie , en Italie :, c'eft
aujourd'hui Sant-Arpino , dans la terre de
Labour , entre Naples &c Capoue. Il y avoit
autrefois lui amphithéâtre , où l'on jouoit
des comédies faryriques & bouffonnes ,
qu'on appelloit aullanes. Il ne relie rien de
l'amphithéâtre , ni des atellanes. Voyei
Atellanes.
ATELLANES , adj. pris fub. {Littéral.)
pièces de tiiéatre en ulage chez les Ro-
mains, & qui reffembloient fort aux pièces
iktyriques des Grecs , non-feulement pour
le choix des fujets , mais encore par les
caraétcres des afteurs , des danfes & de
la mullque.
On les appelloit ainfi à'Ateh , ville du
pays des Oiques , ancien peuple du La-
linm , où elles avoient pris uiiiffance, &c
d'où elles paifercnt bientôt à Rome \ c'cli
•A T,E
cércii Of,s ludi , & dans Tacite Ofeum
ludicrum.
Ces pièces étoient ordinairement comi-
ques , mais non pas abfolument ni exclufi-
veinent à tout fujet noble ou férieux qu'on
pût y faire entrer : quelquefois des pafto-
ralcs héroïques , telles que celle dont parle
Suétone dans la vie de Domitien \ elle rou-
loit fur les amours de Paris & d'QEnonc :
quelquefois c'étoit un mélange bizarre de
tragique & de comique :, elles étoient jouées
par des pantomimes qu'on appelloit atel-
lans , aiellani , ou exodiaires , exodiarii ;
parce que , dit un ancien fcholiafte de Ju-
vciial , cet a£leur n'entroit qu'à la fin des
jeux , afin que toutes les larmes & la trif-
teflè que caufoient les pallions dans les tra-
gédies , fniîént effacées par les ris & la joie
qu'infpiroient les atellanes. On pourroit donc,
dit Voffius , les appeller des comédies faty-
riques ; car elles étoient pleines de plaifan-
teries & de bons mots, comme les comédies
greques : mais elles n'étoicnt pas , comm.e
celles-ci, repréfentées par des acieurs ha-
billés en fatyres. Le même auteur dilbn-
gue les atellanes des mimes , en ce que les
mimes étoient des farces obfcenes , & que
les atellanes refpirolent une certaine dé-
cence \ de manière que ceux qui les repré-
fcntoient n'étoient pas traités avec le mémer
mépris que les autres afteurs. Voye[ Ac-
teur. On ne pouvoir pas même les obliger
de fe démalquer quand ils rempliffoient mal
leurs rôles. Cependant ces atellanes ne fe-
continrent pas toujours dans les bornes de la
poiaq^uoi ou
bicnféance qui y avoit d'abord régné j elle»
devinrent ft licencieulcs & fi impudentes ,
que le fénat fut obligé de les iupprimer..
Voir. Inftit.poet. lib. IL (G)
♦ ATELLARI ou ATELL AR A, (G.o<r.
anc. & mod. ) rivière de Sicile , qui coule
dans la vallée appcllée di-Noto , palfe à
Noto, & fe jette dans la mer près des mi-
nes de l'ancienne Elore. On prétend que
ÏAtdlara eft ÏElorc d'autrefois.
ATÉNTVDOLILET , f. m. ( H i p. mod.}
premier mmilire de l'empire des Perles. Il
jouit de la plus syrande autorité. H ell grand
chancelier àc l'état , préfident du confeil ,,
fur-intendant des finances , bf. chargé de la
dillributioa des dons U penllons , de toa-
ks tfouve wmiiiécs Uaws Ci- \ te? les artliires «transcrcs. Les édits ôc oi-
ATE
donnances fe publient fous fon nom en
cette forme moilefte :
Mo/ qui fuis le foutien de la puiffance , la
créature de cette cour , la plus puisante de
toutes les cours , &c.
Uatéma-douLt tire par mois lunaire , pour
fès appoiiueincns , mille tomans , qui font
environ cinq cents quarante mille livres de
France : il vend d'ailleurs les gouvcrnemens
& tous les emplois iinportans de la milice
& des finances , & il ne faut p;.s oublier
dans le calcul de ics re\enus , le produit
des étrennes qu'il reçoit annuellement (},cs
divers officiers de l'empire, f-f-)
A TEMPO GÎUSTO , ( Muji-jue. ) ces
mots Italiens lignifient exaclement ^ en temps
jujle. On les trouve fouvent à la tête d'une
pièce de mufique , &c'eft une marque qu'il
faut exécuter d'un mouvement modéré , aifez
approchant de l'andaiite, en marquant bien
les notes. Onne dcvroit jamiais , ce me fem-
ble , fe fervir d'expreffions trop vagues en
mufique où il y a déjà tant d'indéterminé.
Ce quieft temps juftc pour l'un , ne l'ellpas
pour l'autre. ( F. D. C. )
* ATEiNA ( Géogr. ) petite ville d'Italie
au royaume de Naples , proche de Negro.
I-ong. 33, S ; /c/. 40 , 28.
* ATERGATIS , déeiTe des Syriens -,
on croit que c'eft la mcre de Sémiramis \ elle
ctoit repréfentée avec le vifàge & la tête
d'une femme,& le refte du corps d'un polifon.
Atergatis , dit Voffius , fignifie fans poijfoii ;
& il conjefture que ceux qui honoroient cette
déellè s'abftenoient de poiiTon.
ATERMOYEMENT , terme de palais,
qui fignifie un contrat entre des créanciers
fcc un débiteur qui a fait faillite , ou qui eft
dans le cas de ne pouvoir s'empêcher de la
faire , portant terme ou délai pour le paie-
ment des femmes qu'il leur doit , & quel-
quefois même remife abfolue d'une partie
d'icellei.
Le débitein- qui a une fois obtenu un
atermoyement de fes créanciers , n'eft plus
reçu par la liiite à faire ceffion,
Uatennoyement peut être volontaire ou
forcé : dans le premier cas il s'opère par
un fimple contrat entre les créanciers & le
débiteur ■-, dans le lecond , il faut que le dé-
biteur obtienne en petite chancellerie des
lettres d'attrmoyemçiit , ôc qu'il les falie eu-
ATH 773
tériner en juftice, après y avoir appelle tous
fes créanciers; mais il ne peut pas forcerfes
créanciers hypothécaires à accéder à Yater-
moyemcnt. ()n a fait A'atermoyemeiit , ater^
moyer , atermoyé. {H)
* ATH , (Géogr. ) ville des Pays-Bas
dans le comte d'Hainaut , fur la Denre. Long.
21, 3o;/rt/. 50, 35-
* ÀTHACH , ( Géogr. fainte. ) ville de
Paleftine dans la tribu de Juda. Voye^ I.
Reg. XXX. 40.
ATHALIE ,(H//?.<f.-5 7i///î.) fille d'Achab,
roidcSamarie, & de Jézabel , époufa Joram,
roi de Juda. Après la mort de ce prince ,
elle réfolut de faire tuer tous les enfans que
fon filsOchofias avoitlaifîés, afin de pouvoir
monter fans obftacle fur le trône de Juda ;
car Jéhu avoit mis à mort Ochofias lui-
même , avec quarante-deux princes de foa
fang. Elle exécuta en partie fon projet fau-
guinaire : il n'y eut que le jeune Joas, que
fa tante Jofabet trouva le moyen de fouftraire
à ce maïïacre. Cet enfant fut élevé fecrettc-
m.cnt dans le temple. Au bout de fcpt ans ,
le grand-prêtre Joïada voulut le remettre fur
le trône de fes pères qu'occupoit la cruelle
Athalie. Il réuiTit , & Achalie accourue au
bniit du couronnement inefpéré de Joas , fut
mife à mort par les troupes , l'an du monde
312(5.
* ATHAMANIE , {Géogr. anc. ) pays de
l'Epire , entre l'Acarnanie , l'Etolie , & la
ThclTalie.
ATH AMAS , ( Hijl. anc & mythol. ) Les
m.alheurs de ce prince ont ouvert un vafte
cîiamp à l'imagination des poètes. Son hif-
toire eft cachée fous l'emblème de fablesquï
ont beaucoup exercé les laborieux mytholo-
giftcs. Ce roi d'Orcomenc avoit eu , de fou
pretnier mariage avec Neiphilc , deux en-
fans , Phrj'xus & Stellé ■■, il fcnna une fé-
conde union avec Ino, fille de Cadmus , dont
naquirent Cléarque Sf Mélicefte. Ino , ma-
râtre impitoyable , conçut une averfion in-
vincible pour les enfans du premier lit, dont
le droit d'aineflë éloignoit les fiens du trône.
Le royauine ayant été frappé du fléau de la
ftérilité , elle fit fervir la religion àfahaine ;
l'oracle fut confulté fiir les moyens de faire
renaître l'abondance •■, le prêtre , corrompu
par les largefTesd'Ino, répondit que les dieux
irrités ne poiivoicnt s'appaxfcr que dans le
774 A T H
fang de Phry^nis. Ce jeune prhicc , pour fe
dérober à la mort , fit équiper fccrctcment
un vaiiî'eau , & le iàuva , avec tous les
tréfors de fon père , dans la Colchide.
Atkamas & Ino exagérèrent le larcin fait par
ï'hryxus ^ & l'idée qu'on fe forma des ri-
cheifes enlevées , dornia naiffance à la fable
de la toifon d'or & à l'expédition des Ar-
fronautes. Plus l'on s'éloigna des teinps ,
plus l'image de ces tréfors devint précieufe.
Athamas découvrit dans la fuite la perfidie
d'Ino. Délèfpéré d'avoir perdu fon fils &
fes tréfors , il oublia que Léarqueétoitfon
£ls , & comme il étoit l'objet des tendre/Tes
de fa mère , il le fit aiîalTiiier , & punit
nw innocent du crime d'une femme qui
étoit feule coupable. Ino auroit eu la
même deftinée , fi elle ne l'eût préve-
inie en fe précipitant du haut d'un ro-
cher dans la mer , où l'on publia qu'elle
ftit changée en monftre marin. Ce défef
poir & Athamas fervit encore à exagérer
l'idée qu'on fe formoit de la toifon d'or.
( T-~N. )
* ATHAMAS , ( Géogr. anc. ) rivière
d'Etolie dont les eaux , dit 0\ide , allu-
moient une torche , fi on l'y trempoit au
dernier quartier de la lune. La montagne
d'où cette rivière couloit , avoit le même
nom. *
ATHANAGILDE, roi des Vifigoths,
( Kiftoire d'Efpagne. ) Vainement l'hifioire a
célébré les vertus de ce prince ; cuvain
elle l'a mis au rang des plus illuilres fou-
verains ; fês vertus éminentes , fcs rares
qualités , fon éqiiité , fa bienfaifance , n'ont
pu fiùrc oublier l'irréparable faute qu'il com-
juit en imjîlorant le lëcours de Juftinien ,
J'^ en oflrant aux légions Romaines des éta-
bliiîémens fur les côtes maritimes d'Efpa-
gne. L'attachement des Vifigoths pour lui ,
leur confiance , leur eflime , & fiir-tout la
tyrannie d'Agila fon prédécelfeur , l'euf-
fent élevé fur le trône ) mais trop impa-
tient de régner , il eut la criminelle im-
prudence de recourir à l'avide Juftinien ,
ik d'acheter , au prix d'une partie des états
qu'il vouloit gouverner , la proteélion de
l'empereur , & le fccours prelque inu-
tile des troupes mercenaires qui fiiivi-
A T H
rcnt en Efpagne le général Liberius.
L'imprudent Ac/ianagi/Je ne tarda point
à fe repentir de hi ceffion qu'il avoit faite
à fês avares alliés : car , peu contens des
places qu'il leur avoit promifes , les infiitia-
blcs Romains s'emparèrent forcément des
\'illcs les plus confiJérables du royaume des
Vifigoths •■, enforte que , quoique vainqueur
& féul polfeircur du trône , le fiiccefl'cur
d'Agila vit l'Efpagne prefqu'eiitiere , prête
à tomber au pouvoir de fes alliés. Menacé
par les Vandales , qui paroiffoieut difpofés
à faire une irruption dans lès états ; prelfé
par l'Italie , qui , foumife à Conftantino-
plc , ne pouvoit fe difpenfer de foutenir
les prétentions de l'empereur d'orient ^ ja-
mais Athanagilde n'eût pu défend-re fon
royaume contre les ufiirpations des Ro-
mains , ni le mettre à l'abri des irruptions
des Vandales, fi , par bonheur pour lui,
l'imbécille foiblcfTe de Juftinien , la démence
de fon fuccclFeur , & fur-tout la rébellion
de Narfès n'eulTent garanti l'Efpagne du
joug de l'Orient , "«: des armes de l'Italie.
Cependau-t les prétentions des foldats , éta-
blis par Liberius dans les états àAthana-
gildc , devinrent fi infupportables , & leurs
déprédations fi exceffives , que la guerre
éclata entre les deux nations ; les Romains
eurent quelques fiiccès , les Vifigoths rem-
portèrent auiîi quelques avaîitages \ mais ils
ne purent empêcher les foldats & les fuccef-
feurs des foldats de Liberius, de fe mainte-
nir en Efpagne pendant près d'un fiecle ,
jufqu'à la fin de 614 , qu'ils en furent
chaires par Suintila. Athanagilde toutefois
avoit réufli dans fes vues ;, il étoit monté
fur le trône, en 554, & il avoit choifi
pour capitale de fes états Tolède , villa
forte , placée au centre du royaume. A
l'imprudence près qu'il avait eue d'appeller
les Romains , fes liijets ne lui reprochè-
rent ni vices , ni défauts ; il fut le père de
fes peuples , & fonda fon autorité fur leur
rvfTeèHon ^ il fit régner la juftice & le boa
ordre , autant qu'il fut en lui : ami de la
paix , il fit tous fes efforts pour pcrfuader
aux Romains de fe contenter des terres qu'il
leur avoit cédées \ mais ces ufiap-iteurs
avides n'écoutant ni fes confcils , ni \q%
( a ) L'auteur di-s Lettres fur l'Encyclopéille pri'tfnd qu'Atli.imas n'cft point une rivière , mais le pcifplc Adumanne ,
ce ^ui eft conttedit pat les anciens g'éogr.iplici & notre opinion.
A T H
exhortations , il eut recours à la voie des
armes ^ il les combattit avec valeur , & le
cou\Tit de gloii-e. Sa renommée , ôc la ré
putatioii de la rare beauté des deux filles
qu'il avoit eues de fon cpouic Gofliinde ,
setoieut répandues chez les voiiins ; &
Si;îebert , roi d'Auilralic , pénétré d'eiiimc
pour les \crtus <ÏAihaitagilde , &; peut-être
d'amoiir pour la coicbre Bruniciiildc ou
Bruuchaut , lui envoya demander cette
jeune princelie en mariasse , par Gogon ,
ion premier miniftre , à la tête d'une am-
bailade Iblemnelle. Le roi des \'ilî;^oths
accrcillit favorablement la demaiide de Si-
gebcrt; & Bruneliaut , emportant avec elle
une très-riche dot en argent , partit avec
Go;?on , & fe rendit auprès de Sigebert,
qu'elle n'eut pas plutôt époufé , qu'elle ab-
jura rarianifme pour le cathoîiciime. Quel-
ques hiftoriens airurcnt que fon père étoit
catholique auili , mais en iècret , & qu'il
diffimula fa religion , de crainte de dé-
plaire cà fes fujets : mais ce qui rend un jîcu
furpeéle l'affertion de ces hilloricns, c'cfr
Ja vaine tentative qu'ils font pour juftiiicr
Brunchaut , qu'ils peignent comme l'une
des princcffcs les plus accomplies de fon
iiccle, des perfidies & des crimes que lui
ont imputé d'autres hiftcriens vraifembla-
blement mieux inftruits. Quoi qu'il en foit ,
Chilpéric , roi de Soiifons , & frerc de Si-
gebcrt , enchanté des grandes qualités de
Brunehaut , demanda l'année fuivaiue en
mariage , quoiqu'il eût déjà deux fem-
mes , Andouere & l'horrible Frcdegondc ,
Gaîlùinde , fœur de Brunehaut , au roi
des Viiigoths. Informé de l'inconduite &
des moeurs dépravées de Chilpéric , Aihana-
gilde ne confentit qu'avec beaucoup de peine
à ce mariage, qui fut célébré cependant, &
qui fut fi fatal à l'infortunée Galfuinde ou
Gahonte , que fon barbare époux fit étran-
gler par les conièils violens de Frcdegonde.
Athanagilde n'cxiftoit déjà plus lors de ce
meurtre affreux ; il étoit mort en 567 ,
après un règne glorieux & paifible de i ^
ans. ( Z. C. )
ATH ANATES , adi. pris fub. {Uifl. ar.c.)
Dom d'un corps de foldats chez les anciens
Perfes. Ce miOt eft originairement grec , 2<
fignifie immortel ; il e'i ccmpofé d'x pri', a'. if
Se de ixixi cf , mon.
ATH 77^
Les athcnates compofoicnt un corps do
cavalerie de dix mille hommes \ ^ ce corps
étoit toujours complet, parce qu'un foldat
qui mouroit étoit aulli-tôt remplacé parmi
autre : c'étoit pour cette raifon que les Grecs
les appelloicat athanaus , & les Latiiis im-
morialcs.
On conjefture que ce corps commença
par les diX mille foldats que Cyrus fit
\ enir de Perfc pour fii garde : ils ctoient
diliingués de tous les autres par leur armure
ùiperbe , & plus encore par leur cou-
rage. (G)
ATHAX'OPv , f. m. tcrma de chymie ,
grand fourneau immobile fait de terre ou
de brique , fur lequel s'élcve une tour dans
laquelle ou met Je charbon , qui defcend
dans le foyer du fourneau , à mefure qu'il
s'en confume , félon que la tour peut con-
tenir plus ou moins de charbon. Le feu s'y
conferve plus ou moins long-temps allu-
mé , fans qu'on foit obligé d'y m.ettre de
temps en temps du charbon , commje on
fait dans les autres foiirneaux. Uathanor
communique la chaleur par des ouvertures
qui font aux côtés du foyer , où l'on peut
placer pluliears vaiiîeaux , pour faire plu-
iieurs opérations en même temps. Voyei
foLRNEAux, Chaleur, &c.
Ce mot eft emprunte des Arabes , qui
donnent le nom de taniuron. à m\ four ,
à l'imitation des Hébriux qui l'appellent
tannour ; d'autres le déri\ciU du grec
asuvàrof, immortel, par rapport à la longue
durée du feu que l'on y a mis.
La chaleur de YatAanor s'augmente 011
fe diminue à n-.cfiirs que l'on ouvre ou
que l'on ferme le regiilre. î^oyei Re-
gistre.
L'atAanor s'appelle aufîi piger Henricus ,
parce qu'on s'en fort ordinairement dar-.s
les opérations les plus lentes , & qu'étant
une fois rempli de cluirbon , il ne celfc de
brider , fans qu'on foit obligé de renou-
vcllcr le feu i c'eft pourquoi les Grecs rap-
pellent àv.iiJi'i, , c'cft-à-dire , ijui ne demande
aucun fuin.
On le nomme aufTi h fourneau philo fo-
phique , le fourneau des arcanes ; ucerus ch't-
ir.icus , ou fpargyricus ; & farnus turritus^
loiiriieau à tour.
Ou voit j Cl.ym. PL IF. fig.^jl, un four-
77^ A T H
neau athanor , ou de Henri le pareffeur : a
le cendrier -^ b ,\q foyer ^ c , c , les ouver-
tures pour la communication de la chaleur
au bain de fable ou au bain marie ■, d , d ,
vtiide de la tour dans lequel on met le
charbon -^ e , e , fblides , ou murs de la
tour j /', dôme ou coux'ercle du fourneau j
g y à, deux trous par où s'échappe la fu-
mée. Le fourneau athanor eft compofé ,
comme nous l'avons dit , d'un bain de fable ^
I le cendrier \ i le foyer ■■, 3 le bain de fable ;
4 un matras dans le Hible •■, 5 une écuelle
qui eft auiîi dans le fable ■■, 6 trou au régiftre ■■,
7 l'entrée de la chaleur dans le bain de
iable ^ 8 , 8 , la platine fur laquelle eft le
fiible. Le fourneau athanor a encore un
bain marie : i le cendrier ^ 2. le foyer ;,
3 , 3 , le chaudron où l'eau du bain marie eft
contenue \ 4 un rond de paille fur lequel la
cucurbite eft pofée j 5 la cucurbite coëffée
de fon chapiteau ^ 6 , <5 , les régiftres j 7
efcabeile qui porte le récipient j 8 le réci-
pient. (M)
* AÏHDORA , (Gcogr.) ville d'Ir-
lande à neuf milles de Limerick , dans la
Mommonie.
ATHEAS, (Hifl.anc.) L'hiftoire parle
de deux rois de ce nom. Le premier oc-
cupa le trône de Pont ^ c'eft la feule parti-
cularité que nous lâchions de fa vie. L'au-
tre , qui fut roi des Scythes , fuccéda à
Syclis , fon père , vers l'an 300 avant Jefus-
Chrift. Le temps a dévoré la plus grande
partie de fcs aftions ; mais il en refte en-
core aflez pour faire voir que ce fut un
des grands princes qui aient régné dans la
Scythie. Il joignoit à la fierté & à la valeur
naturelle de f i nation , la fagelle & la po-
litique des Grecs. Atheas eut de fréquens
démêlés avec les Tribales & les Iftriens ,
fur qui il remporta plufieurs viftoires, fans
pouvoir leur ôter l'envie de lui faire la
guerre. L'opiniâtreté de ce peuple ayant
lalFé là conftance, Atheas envoya demander
des iècours à Philippe , lui promettant
pour récompenfe de le faire rcconnoître
pour fon fucccffcur au trône de Scythie. Le
roi de Macédoine ctoit pour lors occupé
contre les Bizantins , auxquels il faifôit une
guerre pénible & ruiiieufe. Il avoit bcfoin
de toutes lès troupes pour lui-même ^ mais
le prix (\à Atheas mettoit à fcs ferviccs ,
A TH
lui fit multiplier toutes les relFources : le
lècours partit ; mais étant arrivé ttop tard ,
il fut renvoyé. Philippe en reifcntit une
vive douleur \ réduit à difïïmuler , il envoya
demander au prince des Scythes les frais
qu'il lui a\oit occaiionés. Ce fut à cette
occafion c^\ Atheas fit cette ficre réponfe ,
dont s'eft embelli un de nos plus grands
poètes. « Les Scythes , répondit-il aux
amballadeurs Macédoniens , n'ont ni argent
ni or ^ du fer , du courage , voilà leur unique
richelfe. » On reconnoit aifément cette
réponfe dans ces vers prononcés par un de
ces rois barbares :
La nature marâtre en ces affreux climats ,
Au lieu d'or ne produit que du fer , des
foldats.
Quelle que fbit la pompe de ces deux
vers, on peut dire qu'ils affbibliflent la
penfée du roi Scythe. Atheas met le fer
& le courage au delfus de l'or , & eft bien
loin de donner à fon pays des épithetes
délàgréables , telles que mariure & af-
freux. Quoi qu'il en foit , Philippe con-
çut le deilein de fe \'enger de cette ré-
ponfe ; mais comme il n'étoit pas le plus
fort , il voulut ufer d'artifice. Il envoya
de nouveaux ambaillideurs lui demander
l'entrée dans fes états , fous prétexte de
vouloir ériger, à l'embouchure du Danube,
une ftatue en l'honneur d'Hercule. Athées
lui répondit , avec ce laconifme ordinaire
aux Scythes : c( Qu'il vienne , dit-il , mais
feul 8c fans armée. )) Il ne fut pas pofTible
à Philippe de retenir plus long-temps fon
reifentiment , il déclara la guerre aux Scy-
thes. Atheas n'ayant employé que de la
valeur contre \v.\ prince artificieux , périt
dans un combat , vers l'an 340 a\ant notre
ère. Il étoit âgé de 90 ans. C'étoit un
prince tempérant & fobre , aimant la
guerre & déteftant le repos. On dit que
pendant la guerre de Macédoine , fes offi-
ciers lui ayant préfcntc un inulicien fa-
meux , qui avoit été fait prifonnicr , il
lui ordonna de chanter :, mais que ne pou-
vant fupporter f 1 voix efféminée , il le fit
taire aulli-tôt. « Que j'aime bien mieux
entendre , difoit-il , les henniHemens de
mon cheval , que la nndique de cet hom-
mc-Ià. » Ce trait iùflit pour caraûérifcr
Atheas
AT H
Athées. II eut Carc.iiïis pour fiiccclTcur.
Julliii, /. IX , Cs ij. Front. /. //, c. jv. Orof.
& alii. ( T-N. )
ATHÉES , f. m. pi. ( Màa;'/!. ) on ap-
pelle athées , ceux qui nient l'exiftcncc ^\xxv
Dieu anieur du monde. On peut les divifer
en trois cluffes : les uns nient qu'il y ait
ww Dieu : les autres artettent de palier
pour incrédules ou fceptiques fur cet arti-
cle ; les autres enfin , peu ditlérens des pre-
miers , nient les principaux attributs de la
nature divine , & fuppofent que Dieu cft
un être lans intelligence , qui a^it pure-
ment par néceflité ; c'efl-à-dire un être qui ,
à parler proprement , n'a;^it point du tout ,
mais qui elî toujours pallif. L'erreur des
athées vient nécciiairenient de quelqu'une de
ces trois fources.
Elle vient i". de l'ignorance & de la ftu-
pidité. II y a plufieurs perfonncs qui n'ont
jamais rien exaininé avec atter.tion , qui
n'ont jamais fait un bon ufage de leurs
lumières naturelles , pas même pour ac-
quérir la counoilliuice des vérités les plus
claires & les plus faciles à trouver : elles
palfent leur vie dans une oifiveté d'efprit
qui les abaiffe & les avilit à la condition
des bêtes. Quelques perionnes croient qu'il
y ait eu des peuples aitez grolTîers & aflcz iau-
^'ages , pour n'avoir aucune teinture de re-
ligion. Strabo'i rapporte qu'il y avoit des
nations en Efpaguc & en Afrique qui vi-
voieut fans dieux , & chez lefqucls on ne
découvroit aucune trace de religion. Si cela
étoit , il eu faudroit conclure qu'ils avoient
toujours été athées ; car il ne paroit nulle-
ment poilîble qu'un peuple entier palfc de
la religion à l'athéifiue. La religion eii une
chofe qui , éiant une fois établie dans un
pays , doit y durer éternellement : on s'y
attatlie par des motifs d'intérêt , par l'el-
pérance d'une félicité temporelle , ou d'une
félicité éternelle. Ou attend des dieux la
fertilité de la terre , le bon {iiccès des en-
treprifes : on craint qu'ils n'envoient la
flérilité , la pelle , les tempêtes , & plu-
fieurs autres calamités ^ & par confjquent
on obferve les cultes publics de religion ,
autant par crainte que par efpérance. L'on
eft fort foigneux de commen;er par cet
endroit-là l'éducation des enfans ^ on leur
recommande la religioii comme une chofe
ToTTie lll.
. ATH 777
de la dernière importance , & comme la
fourcc du bonheur ik du malheur , felou
qu'on fera diligent ou négligent à rendre
aux dieux les hotuieurs qui leur appar-
tiennent : de tels fentimcns , qu'on fuce
avec le lait , ne s'effacent point de l'efprit
d'une nation ■■, ils peuvent fe modifier en
plufieurs manières, je veux dire , que l'on
peut changer de cérémonies ou de dogmes ,
Ibit par vénération pour un nouveau doc-
teur , foit par les menaces d'un conquérant:
mais ils ne fauroient dilparoître tout-à-fait ;
d'ailleurs , les perfonnes qui veulent con-
traindre les peuples en matière de religion,
ne le font jamais pour les porter à l'athéifiue :
tout fè réduit à fubftituer aux formulaires
de culte &. de créance qui leur déplailênt ,
d'autres formulaires. L'obfervation que nous
venons de faire a paru fi vraie à quelques
auteurs , qu'ils n'ont pas héfité de regarder
l'idée d'un Dieu comitie une idée innée 8c
naturelle à l'homme : & dc-là ils con-
cluent qu'il n'y a jamais eu de nation ,
quelque féroce & quelque fauvage qu'on
la fuppofè , qui n'ait reconnu un Dieu.
Ainfi, félon eux, Strabonne mérite aucune
créance ^ & les relations de quelques voya-
geurs modernes , qui rapportent qu'il y a
dan.« le nou\cau monde des nations qui
n'ont aucune teinture de religion , doivent
être tenues pour fufpcftes, 6c même pour
fauffes. En effet , les voyageurs touchent
en paifant une côte , ils y trouvent des
peuples inconnus : s'ils leur voient faire
quelques cérémonies , ils leur donnent une
interprétation arbitraire \ & fi au contraire
ils ne voient aucune cérémojùe , ils con-
cluent qu'ils n'ont point de religion. Mais
couunent peut-on fàvoir les fentimens de
gens dont on ne voit pas la pratique , &
dont on n'entend point la langue ? Si l'on
en croit les voyageurs , les peuples de la
Floride ne reconnoiHoient point de Dieu ,
& vivoient finis religion ■■, cependant \.n\
auteur Anglois qui a vécu dix ans parmi
eux , afiiire qu'il n'y a que la religion révé-
lée qui ait eliàcé la beauté <le leurs princi-
pes ;, que les Socrate & les Platon rougi-
roient de fè voir furpaiïer par des peu-
ples d'ailleurs fi ignorans. Il eft vrai qu'ils
n'ont ni idoles , ni teiriples , ni aucun culte
extérieur; mais ils font vivement perfuadés
Bbbbb
77? A T H
d'une vie à venir , d'un bonheur futur pour
récompenfèr la vertu , & des fbufîrances
éternelles pour punir le crime. Que iàvons-
nous , ajoute-t-il , fi les Hottentots & tels
autres peuples qu'on nous repréfente comme
athées , font tels qu'ils nous paroill'cnt ?
5 il n'eft pas certain que ces derniers re-
connoifTent un Dieu, du moins eil-il fur
par leur conduite qu'ils rcconnoiilènt une
équité , & qu'ils en font pénétrés. La Bef
cription du Cap de Bonne-Efpérance par M.
Kolbe , prouve bien que les Hottentots les
plus barbares n'agiifent pas fuis raifon , &
qu'ils favçnt le droit des gens & de la na-
ture. Ainfi , pour juger s'il y a eu des nations
iâuvages , fms aucune teinture de divinité
6 de religion , attendons à en être mieux
informés que par les relations de quelques
voyageurs.
La féconde fourcc d'athéifine , c'eft la
débauche & la corruption des mœurs. On
trouve des gens qui , à force de vices &
de déréglemens , ont prefque éteint leurs
lumières naturelles & corrompu leur raifon :
au lieu de s'appliquer à la recherche de la
vérité d'une manière impartiale , & de s'in-
former avec foin des règles ou des devoirs
que la nature prefcrit , ils s'accoutum.ent à
enfanter des objeâioHS contre la religion ,
à leur prêter plus de force qu'elles n'en
ont , & à les foutenir opiniâtrement. Ils ne
font pas perfuadés qu'il n'y a point de Dieu ,
mais ils vivent comme s'ils l'étoient , &
tâchent d'effacer de leur efprit toutes les
notions qui tendent à leur prouver une di-
vinité. L'exiftencc d'un Dieu les incommode
dans la jouiifance de leurs plaifirs crimi-
nels ^ c'eft pourquoi ils voudroient croire
qu'il n'y a point de Dieu , & ils s'eifor-
cent d'y parvenir. En effet , il peut arriver
quelquefois qu'ils réuflsffent à s'étourdir &
à endormir leur confcience '-, mais elle fo
réveille de temps en temps , & ils ne peu-
vent arracher entièrement le trait qui. les
déchire.
Il y a divers degrés d'atRéifme pratique ,
Se il faut être extrêmement circonfpe for
ce {iijet.. Tout homme qui commet Aes
«rimes contraires à l'idée d'un Dieu , &
qui perfévcre même quelque temps , ne
fauroit être déclaré aufiî-tot athée de pra-
tiq^uc. David , par exemple , en joignant le
A T H
meurtre à l'adultère , fembla oublier Dieu ,
mais on ne fauroit pour cela le ranger au
nombre des achées de pratique j ce caradere
ne convient qu'à ceux qui vivent dans l'ha-
lîitude du crime , & dont toute la con-
duite ne paroît tendi'e qu'à nier l'exiftence
de Dieu.
L'atheifme du cœur a conduit le plus
fouvent à celui de l'efprit. A force de de-
firer qu'une chofe foit vraie , on vient
enfin à fc perfoader qu'elle eft telle ;, l'ef-
prit devient la dupe du cœur , les vérités
les plus évidentes ont toujours un côté obf-
cur Se ténébreux par où l'on peut les atta-
quer. Il fufîlt qu'une vérité nous incommode
& qu'elle contrarie nos paiîions ; l'efprit
agiiîânt alors de concert avec le cœur ,
découvrira bientôt des endroits foibles aux-
quels il s'attache : on s'accoutume infonfi-
blement à regarder comme faux ce qui avant
la dépravation du cœur, brilloit à l'efprit
de la plus vive lumière : il ne faut pas moins
que la violence des pafiions pour étouffer
une notion auffi. éA'idcnte que celle de la
divinité. Le monde , la cour Se les armées
fourmillent de ces fortes diathéts. Quand ils
auroient renvcrfé Dieu de deffus fon trône,
ils ne fè donneroient pas plus de licence 6c
de hardieffe. l,es uns , ne chercliant qu'à
k diftinguer par les excès de leurs débau-
ches , y mettent le comble en fe moquant
Ide la religion j ils veulent faire parler d'eux,
& leur vanité ne foroit pas fàtisfaite s'ils ne
jouiffoient hautement & fans bornes de la
réputation d'impies : cette réputation dan-
gereufo efl le but de leurs fouhaits , & ils
feroienî mécontens de leurs expreifions , fî
elles n'étoient extraordinairement odieufes»
Les railleries , les profanations & les blaf-
pheines de cette forte d'impies , ne font
point une marque qu'en ettët ils cToient
qu'il n'y a point de divinité -^ ils ne par-
lent de la forte que pour faire dire qu'ils
enchérifîénî fur les débauchés ordinaires ;■
leur athéifme n'eft rien moins que raifonné,
il n'eft pas même la caufo de leurs débau-
ches, il en eft plutôt le fruit & l'efîèr, &
pour ainfi dire le plus haut degré. Les au-
tres , tels que les grands , qui font le
plus fbupçonncs d'athéifme , trop paref-
Çcu-ii. pour décider en leur efprit que Dieu
iieft pas , fè repofènt mollement d;ms le.
A T H
felii des délices, a Leur indolence , dit la
» Bruyère , va jufrju'à les rendre froids 6c
î> indiftérens fur cet article fi capital, comme
» fur la nature de leur ame & fur les con-
>i féquences d'une vraie religion '-, ils ne
•» nient ces chofes ni ne les accordent , ils
5) n'y peiifent point. » Cette efpcce d'a-
thcifnie ell la plus commune , 8Î elle cft
aulfi connue parmi les turcs que parmi
les chrétiens, M. Ricaut , fecrctaire de M.
le comie de Winchelfcy , ambalfadeurd'Aii-
gleterre à Conltantinople , rapporte que les
ctâe'es ont formé une feéle nombreufe en
Turquie , qui cft compofée pour la plupart
de caJis & de perfonnes favantes dans les
livres arabes , & des chrétiens rcnés^ats ,
qui , pour éviter les remords qu'ils fentent
de leur apoftafie , s'efforcent de le perfuader
qu'il n'y a rien à craindre ni à efpérer après
la mort. Il ajoute , que cette doélrinc con-
tagieufe s'eft infinuée jufque dans le fcrrail ,
i'ic qu'elle a infeftc l'appartement des fem-
mes & des eunuques ■-, qu'elle s'eft auiTî in-
troduite chez les Bâchas ■■, & qu'après les
avoir einpoifonnés , elle a répandu (on venin
ftjr toute la cour •■, que le fultan Amurat fa-
vorifoit fort cette opinion dans fa cour &
dans fon armée,
11 y a enfin des atAees de {péculation &
de raifonncment , qui , Ce fondant fur des
principes de philofophie , fbutiennent que
les argumens contre l'exiftence & les attri-
buts de Dieu , leur paroilFeut plus forts &
plus concluans que ceux qu'on emploie
pour établir ces grandes vérités. Ces for-
tes ât athées s'appellent des athées théoriques.
Parmi les anciens on compte Protagoras ,
Démocrite , Diagoras , Théodore , Nica-
nor , Hippon , Evhemere , Epicure & fes
fe£tateurs , Lucrèce , Pline le jeune , &c.
& parmi les modernes , Averroès, Calde-
rinus , Politien , Pom.ponace , Pierre Bem-
bus , Cardan , Cœfalpin , Taurellus , Cré-
jnonin , Bérigord , Viviani , Thomas Hobbe ,
Benoît Spinofa , &c. Je ne penfe pas qu'on
doive leur aifocicr ces hommes qui n'ont
ni principes ni fyftime , qui n'ont point exa-
miné la queftion , & qui ne favent qu'iin-
parfaitement le peu de difficulté qu'ils dé-
bitent. Ils fe font une fottc gloire de paifer
pour efprits forts ■■, ils en affectent le llyle
pour fe diftinjuer de la foule , tout prêts à
A T H 779
prendre le parti de la religion , fi tout le
monde fc dcclaroit impie & libertin : la fin-
gularitc leur plaît.
Ici fe prélcnte naturellement la célèbre
queftion , (avoir fi les lettrés de la Chine font
véritablement athées. Les lèntimens flir cela
font fort partages. Le P, le Comte , jéfuite y
a avancé que le peuple de la Chine a con-
fervé près de 2000 ans la connoiiFance du
véritable Dieu ^ qu'ils n'ont été accufés pu-
bliquement d'athéifme par les autres peu-
ples , que parce qu'ils n'avoient ni temples
ni facrifices \ qu'ils étoicnt les moins cré-
dules & les moins fuperftitieux de tous les
habitans de l'Afîe, Le P, le Gobicn , auffi
jéfuite , avoue que la Chine n'eft de\enue
idolâtre que cinq ou lix ans avant la nait-
fànce de J, C, D'autres [irétendent que l'a-
théifme a régné dans la Chine jufqu'à Con-
fucius , & que ce grand philolbphe même
en fut inferté. Quoi qu'il en foit de ces
temps fi reculés , fiir lefquels nous n'olons
rien décider , le zelc de l'apoftolat d'un côté ,
& de l'autre , l'avidité infatiablc des négo-
cians Européens , nous ont procuré la con-
noiiFance de la religion de ce peuple fubtil,
Savant & ingénieux. Il y a trois principales
Cedies dans l'empire de la Chine. La pre-
mière fondée par Li-laok.ium , adore un
Dieu fbuverain , mais corporel , & ayant
fous fà dépendance beaucoup de divinités
fiibalternes , fur lesquelles il exerce un em-
pire abfohi. La féconde, infcètée de prati-
ques folles & abfurdes , m.et toute fa con-
fiance en une idole nommée Fo ou Foë,
Ce Fo ou Foë mourut à l'âge de 79 ans j
& pour mettre le comble à fon impiété ,
après avoir établi l'idolâtrie durant fa vie y
il tâcha d'infpirer l'athéiline à iâ jnort. Pour
lors , il déclara à fes difciplcs qu'il n'avoit
parlé dans tous ks difcours que par énigme,
& que l'on s'abufoit fi l'on cherchoit hors
du i.éant le premier principe des chofès.
C'eft de ce néant , dit-il , que tout eft forti ,
& c'eft dans le néant que tout doit retoin-
ijer : voilà l'abyme où aboutiflent nos efpé-
rances. Cela donna naifîânce parmi les Bon-
zes à une fcfte particulière dUathées , fon-
dée fiir ces dernières paroles de leur miaitre.
Les autres , qui eurent de la peine à fè dé-
faire de leurs préjugés , s'en tinrent aux pre-
luieres erreurs. D'autres enfin tâchèrent de
Bbbbb i
780 A T H
les accorcîer enfcinble , en faifant un corps
«le dodtine où ils enfeigrlerent une double
loi , qu'ils nommèrent la loi extérieure & la
loi intérieure. La troifieme enfin , plus
répandue que les deux autres , & même
la feule autorifée par les loix de 1 état , tient
lieu de politique , de religion , & fùr-tout
de philofbphie. Cette dernière ièdie , que
profeiFent tous les nobles & tous les fa-
vans , ne reconnoît d'autre divinité que la
matière , ou plutôt la nature \ & fous ce
nom , fburce de beaucoup d'erreurs & d'é-
quivoques , elle entend je ne fais quelle
ame invifible du monde , je ne fais quelle
force ou vertu f irnaturelle qui produit ,
qui arrange , qui conferve les parties de
l'univers. C'eit , difènt-ils, un principetrès-
pur , très-parfait , qui n'a ni commence-
ment ni fin ;, c'ell la fource de toutes chofes ,
l'elfence de chaque être , & ce qui en fait
la véritable différence. Ils le lervent de ces
magnifiques expreffions , pour ne pas aban-
donner en apparence l'ancienne doctrine ;
mais au fond ils s'en font une nouvelle.
Quand on l'examine de près , ce n'eft plus
ce fouverain maître du ciel , jufte , tout-
puilfant, le premier des efprits , & l'arbi-
tre de toutes les créatures : on ne voit chez
eux qu'un athéifme rafiné , & un éloigne-
ment de tout culte religieux. Ce qui le
prouve , c'eil que cette nature , à laquelle
ils donnent des attributs fi magnifiques ,
qu'il fëmble qu'ils l'affranchillent des im-
perfeftions de la matière , en la feparant
cle tout ce qui ell fenfible & corporel , eft
iiéaninoins aveugle dans fes actions les plus
réglées , qui n'ont d'autre fin que celle que
nous leur donnons , 8c qui par conféquent
ne font utiles qu'autant que nous favons
en faire un bon ufage. Quand ou leur ob-
jecte que le bel ordre qui règne dans l'u-
nivers n'a pu être l'effet du hazard , que
tout ce qui exiffe doit avoir été créé par
une première cau/ê , qui efl Dieu : donc ,
répliquent - ils d'abord , Dieu eft l'auteur
du mal moral i^ du mal phyfique. On a
beau leur dire que Dieu , étant infiniment
bon , ne peut être l'auteur du mal : donc ,
ajoutent-ils. Dieu n'eft pas l'auteur de tout
ce qui exiite. Et puis , continuent- ils d'un
air triomphant , doit-on croire qu'un être
ylciu de bonté oit créé le inonde , & que
A T H
pouvant le remplir de toutes fortes de pef-
fedtions , il ait précifément fait le contraire?
Quoiqu'ils regardent toutes chofes comme
l'eifet de la necelîité , ils enfeignent cepen-
dant que le monde a eu un commence-
ment , & qu'il aura une fin. Pour ce qui
eft de l'homme , ils conviennent tous qu'il
a été formé par le coikovu-s de la matière
terreftre & de la matière fubtile , à-peu-
près comme les plantes nailfent dans les
îles nouvcliement formées , où le labou-
reur n'a point femé , & où la terre feule
eft devenue féconde par fa nature. Au refte
notre ame , di;ènt-ils , qui en eft la portion
ia plus épurée , finit avec le corps , quand
fcs parties font dérangées , & renaît aufft
avec lui , quand le hazard remet ces mêmes
parties dans leur premier état.
Ceux qui voudroient abfolument purger
d'athéifme les Chinois , difent qu'il ne faut
pas faire un trop grand fond fur le témoi-
gnage des miffionnaires \ & que la feule diffi-
culté d'apprendre leur langue & de lire leiu-s
livres , eft une raifon de fufpendre fon
jugement. D'ailleurs , en accufant les jéfiii-
tes , fans doute h. tort , de foufîrir les fu-
perftitions des Chinois , on a , laus y
penfer , détruit l'accufation de leur athéif-
me , puifque l'on ne rend pas un culte »
un être qu'on ne regarde pas comme Dieu.
On dit qu'ils ne reconnoilfent que le ciel
matériel pour l'Etre fuprême : mais ils
pourroient reconnoître le ciel matériel ( lî
tant eft qu'ils aient dans leur langue un
mot qui réponde à celui de matériel , )
& croire néaiuuoins qu'il y a quelque in-
telligence qui riiabite , puifqu'ils lui de-
mandent de la pluie & du beau tcinps ,
la fertilité de la terre , ùc. Il fe peut
faire aifement qu'ils confondent l'intelli-
gence avec la matière , & qu'ils n'aient
que des idées confufcs de ces deux êtres ,
fins nier qu'il y ait une intelligence qui
prefide dans le ciel. Epicure & fos diici-
plcs ont cru que tout étoit corporel , puif-
qu'ils ont dit qu'il n'y avoit rien qui ne
fût compofé d'atomes \ & néanmoins ils ne
nioicnt pas que les âmes des hommes ne
fiilfcnt des êtres intclligens. On fait auffî
qu'avant Defcartcs on ne diftinguoit pas
trop bien dans les écoles l'elprit & le
corps 5 & l'on ne peut pas dire néanmoins
A T H
que, dans les écoles , on :iiât que l'.une hu-
maine fût une nature intelli':entc. Qui fiiit
fi les Chinois n'ont pas quelque opinion
femblable du ciel? ainiî leur athéifine n oft
rien moins que déciilé.
Vous demanderez peut-être comment
plufieurs philofophes anciens & modernes
ont pu tomber dans rathéifme : le voici.
Pour commencer par les philofophes païens,
ce qui les jeta dans cette erreur énorme , ce
furent apparemment les faulfes idées de la
di\inité qui réj^ioient alors ;, idées qu'ils
furent détruire , fans flivoir édifier fur leur
mine celle du vrai Dieu, Et quant aux
modernes , ils ont été trompés par des
fophifmes captieux , qu'ils avoient l'cfprit
d'imaginer , fans avoir alfez de fugacité ou
de jurteilè pour en découvrir le foible. Il
lie fàuroit alfurément y avoir ^athée con-
vaincu de fou fyitême , car il faudroit
qu'il eût pour cela une démonftration de
la non-exiltence de Dieu , ce qui eft im-
pofTible ; mais la conviâion & la pcrfuafion
font deux chofes différentes. Il n'y a que
la dernière qui convienne à Xathée. Il fe
perfuadece qui n'eft point : mais rien n'em-
pêche qu'il ne le croie aulîî fermement en
vertu de fes fophifmes , que le théifme
croit l'cxiftence de Dieu en vertu des dé-
monllrations qu'il en a. Il ne faut , pour
cela, que convertir en objeÛions les preuves
de l'exiftence de Dieu , & les objeÛions en
preuves. II n'eft pas indiftérent de com-
mencer par un bout plutôt que par l'autre ,
la difculîîon de ce qu'on regarde comme
lin problême : car fi vous commencez par
l'affirmative , vous la rendrez plus facile-
ment viftorieufe \ au lieu que fi vous com-
mencez par la négative , vous rendrez tou-
jours douteux le fucccs de l'affirmât i\e. Les
mêmes raifonnemens font plus ou moins
d'impreiTion félon qu'ils font propofés , ou
comme des preuves , ou comme des ob-
jeftions. Si donc un philofophe débutoit
d'abord par la thefe , il ny a point de
Dieu , & qu'il rangeât en forme de preuves
ce que les orthodoxes ne font venir fur
les rangs que comme de fimples difficultés ,
il b'expoferoit à l'égarement:, il fe trouveroit
fatislait de fes preuves , & n'en voudroit
point démordre , quoiqu'il ne sût comment
fe dcbarrafTer des objections 5 car , diroit-il,
A TH 781
Ç\ j'aftîrmois le contraire , Je ine verrois
obligé de me fauver dans l'afyle de l'incom-
préhcnfibilité. Il choifit donc malhcurcufè-
ment les incompréhcnfibilités , qui ne dé-
voient \cnir qu'après.
Jetez, les yeux fur les principales con-
troverlcs des catholiques ik àa protcftans,
vous verrez que ce qui paile dans l'efprit
des uns pour une preuve démonftrati'.c tle
faulfcté , ne palié dans l'efprit des autres
que pour un Ibphifme , ou tout au plus
pour une objeftion fpécicufe , qui fait voir
qu'il y a quelques nuages même autour des
vérités ré\ élées. Les uns & les autres por-
tent le même jugement des objections des
fociuieus : mais ceux-ci les ayant toujours
confidérées comme leurs jjreuves , les pren-
nent pour des railbns convaincantes : d'oîi
ils concluent que les objections de leurs
adverfaires peuvent bien être difficiles h
réfoudre , mais qu'elles ne font pas fblides.
En général , dès qu'on ne regarde une cliole
que comme l'endroit ditlïcile d'une thefe
qu'on a adoptée , on en fait très-peu de
cas : on étoulfe tous les doutes qui poiir-
roient s'élever, & l'on ne fe permet pas
d'y faire attention ;, ou , fi on les examine y
c'eft en ne les confidérant que comme de
fimples difficultés ;, & c'eft par-là qu'on leur
ôte la force de faire impreffion fur l'efprit.
Il n'eft donc point furprenant qu'il y ait
eu & qu'il y ait encore des athées de théo-
rie, c'eft-à-dire , des athées qui, par la voie
du raifonnement , foient parvenus à fe per-
fuader qu'il n'y a point de Dieu. Ce qui
le prouve encore , c'eft qu'il s'eft trouvé
des athées que le cœur n'avoit pas féduits ,
& qui n'avoient aucun intérêt à s'aftran-
chir d'un joug qui les incommodoit. Qu'un
profelléur d'athéifine , par exemple , étale
faftueulcment toutes les preuves par lef
quelles il prétend appuyer fbn fyftême im-
pie , elles faifiront ceux qui auront l'im-
prudence de l'écouter , & les diipoferont à
ne point fe rebuter des objcftions qui fui-
vent. Les premières impreffions feront com-
me une digue qu'ils oppoferont aux objec-
tions ^ & , pour peu qu'ils aient de pen-
chant au libertinage , ne craignez pas qu'ils
fe lailTent entraîner à la force de ces ob-
jeftions.
Quoique l'expérience nous force à croire
7Si A T H
que plufieurs pliiloibphes anciens & mo-
tlernes ont vécu 8c font morts dans h pro-
feffion d'athéifme -, il ne fiiut pourtant pas
s'inia;^!ner qu'ils foicuî en fi grand nombre
que le fuppofent certaines periu;uies , ou
trop zélées pour la religioii , ou ir.al-ip.l'en-
tionnée? contre elle. Le père Merfeune vou-
loit qu'il n'y eût pas moins que 50 tnille
aiàées dans Paris i il eft vifible que cela eft
outré à l'excès. On attache fouvent cette
note injurieufe à des peribnnes qui ne la
méritent point. On n'ignore pas qii'il y a
certains elprits qui fc piquent de raiibnne-
ment , & qui ont beaucoup de force dans
la dispute. Ils abufentde leur talent, & fe
plailént à s'en fervir pour embarralfer un
hoînme qui leur paroit convaincu de l'exif-
tence de Dieu. Ils lui font des objeftions
fur la religion ; ils attaquent fes réponfes ,
ôc ne voulant pas refter en arrière , ils crient
& s'échauffent , c eft leur coutuine. Leur
adverfnre fort mal fatisfait , & les prend
pour des athi-'es , quelques-uns des aiïîftans
prennent le même fcandale , & portent le
même jugement ^ ce font fouvent des ju-
gemens téméraires. Ceux qui aiment la
difpute & qui fe fentent très-forts , fou-
ticnnent en mille rencontres le contraire de
ce qu'ils croient bien fermement. Il fuflira
quelquefois , pour rendre quelqu'un ful-
peft d'athéifine , qu'il ait difputé avec cha-
leur fur l'infuffifance d'une preuve de l'exif-
tence de Dieu ^ il court rifque , quelque
orthodoxe qu'il foit , de fe voir bientôt
décrié comme un athée ■■, car , dira-t-on ,
il ne s'échaufferoit point s'il ne l'étoit pas ;
quel intérêt fons cela pourroit-il prendre
ilans cette difpute ? La belle demande 1 n'y
eft-il pas intérelTé pour l'honneur de fon
difcernement ? Voudroit-on qu'il laillat
croire qu'il prend une mauvaife preuve
pour un argument démouftratif ?
Le parallèle de l'athéifme & du paga-
nifmc fe préfente ici fort naturellement. On
fe partage beaucoup fur ce problème , fi
l'irréligion eft pire que la fuperftition : on
convient que ce Ibnt les deux extrémités
vicieufês au milieu defquelks la vérité eft
fituée : mais il y a des perfonnes qui pen-
fent avec Plutarquc , que la fuperftition
eft un plus grand mal que l'athéifme : il
y en a d'autf es qui n'ofeut décider , &
A T H
pîufieurs enfin qui déclarent que l'athéifme
eft pire que la fuperftition. Jufte Lipfe prend
ce dernier parti : mais en même temps il
;;voue que la fuperftition eft plus ordinaire
que l'irréligion ■■, qu'elle s'inîînue fous le
ma{que de piété ■■, & que , n'étant qu'une
image de la religion , ellefcduitde telle forte
l'cfprit de l'homme , qu'elle le rend fou jouet.
Perfonne n'ignore combien ce fujet à oc-
cupé Bayle , & commeiit il s'eft tourné de
tous côtés , & a employé toutes les fubti-
lités du raifonnement, pour foutenir ce qu'il
avoit une fois avancé. Il s'eft appliqué à
pénétrer jufque dans les replis les plus ca-
chés de la nature hutnaine : aulTi remar-
quable par la force oc la clarté du raifon-
nement , que par l'enjouement , la vivacité
& la délicateftc de l'efprit , il ne s'eft égaré
que par l'envie déméfurée des paradoxes.
Quoique fainiliarifé avec la plus fnnephilo-
fophie , fon efprit toujours adtif & extrê-
mement vigoureux n'a pu fe renferm.er dans
la carrière ordinaire ^ il en a franchi les
bornes. II s'eft plu à jeter des doutes fiir
les chofes qui font les plus généralement
reçues , & à trouver des raifons de proba-
bilité pour celles qui font les plus géuéra-
Icm.ent rejetées. Les paradoxes , entre les
mains d'un auteur de ce caraftere , pro-
duilent toujours quelque chofe d'utile 8c
de curieux ■■, Si l'on en a la preuve dans la
queftion préfente : car l'on trouve dans les
pcnfées diverfes de M. Bayle , un grand
nombre d'excellentes obfcrvations fiu- la na-
ture 8c le génie de l'ancien polythéifme.
Comme il ne s'eft propofé d'autre méthode
que d'écrire félon que les chofes fè préfèn-
tcroient à fa penlee , fcs argumens fe trou-
vent confufémcnt épars dans fon ouvrage.
Il eft néceft'aire de les analyfèr & de les
rapprocher. On les expofèra dans un ordre
où ils viendront à l'appui les uns des au-
tres^ 8f loin de les afToiblir, on tâchera de
leur prêter toute la force dont ils peuvent
être fiifceptiblcs.
Dans fés penfées diverfes , M. Bayle pofk
fa thefc de cette manière générale , çue
fae/u'ifme licji pas un plus grand mal que
t idolâtrie. C'eit l'argument d'un de fcs ar-
ticles. Dans l'article même il dit que t ido-
lâtrie eff pour le moins aufji abominable que
(athéifme. C'efl ainfi qu'il s'explique d'à-
A T H
bord : mais les coiitrnrliifUons qu'il cffuya
• lui firent propofcr fa thcfe a\cc les rcltric-
tioiis fuivantcs. » L'idolâtrie des anciens
» païens n'cft pas un mal plus aflieux que
)) l'ii^norance de Dieu dans laquelle on
3) toniberoit , ou par ftupidité , on par dé-
i) faut d'attention , fans une malice prc-
» méditée , fondée fur le dclfein de ne
>j fèntir nuls remords , en s'adoimant à
» toutes fortes de crimes. » Enfin, dans fa
cor.tinuation des penlces di\errcs , il chan-
gea encore la quellion. 11 fuppofa deux
anciens philofophcs, qui, s'étant mis en tétc
ti'examiner l'ancienne religion de leur pays,
euliirnt obfervc dans cet examen les loix
les plus rigoureulcs de la reclicrche de la
vérité. « Ni l'un ni l'autre de ces deux cxa-
5) minateurs ne fe propcfent de fe procurer
» un fyftéme favorable à leurs intérêts j
» ils mettent à part leurs pafTions , les
j) commodités de la %'ie , toute la mo-
3) raie ; en un mot ils ne cherchent qu'à
» éclairer leurs efprits. L'un deux aya'it
)> comparé autant qu'il a pu fuis aucun
» préjugé les preuves & les objections ,
» les réponfes & les répliques, conclut que
» la nature divine n'cll autre choie que
}) la vertu qui meut tous les corps par
» des loix néceifaires &: immuables :, qu'elle
)) n'a pas plus d'égard à l'homme qu'aux
» autres parties de l'univers ^ qu'elle n'cn-
5) tend point nos prières ; que nous ne
r> pou\oiis lui faire ni plaifir ni chagrin ;, »
c'e(t-à-dire , en un mot , que le premier
philofophe deviendroit at/u'e. Le fécond
philofophe , après le m.ême examen , tombe
dans les erreurs les plus groflîeres du paga-
nifme. M. Bayle foutient que le péché du
premier ne feroit pas plus énorme que le
péché du dernier , & que même ce der-
nier auroit l'e/prit plus faux que le pre-
mier. On voit par ces échantillons , com-
bic'.i M. Bayle s'elt plu à embarralfer cette
queftion : divers favans l'ont rétùtée , & ilir-
tout M. Bernard , dans différens endroirs
de fes nouvelles de la république des let-
tres, & M. Warbuton , dans fes dilfcrta-
tions fur l'unioii de la religion , de la mo-
rale & de la politique. C'elt une cliolc
tcut-à-fait indifférente à la vraie religion ,
de favoir lequel de l'atliéifine ou de l'ido-
lâtrie efl un plus grand mal. Les iutérêf
. ATH 78 î
du clirifiianifiiic font tellement féparés de
ceux de l'idolatric païeinic , qu'il n'a rie.'i
à perdre ni à gagner , foit qu'elle pafié pour
moins mauvailb ou j^our i)lus mauvaifc
que l'irréligion. Mais , quand on examine
le parallèle de l'athéiline par rapport à ïn
(bciété, ce n'cft plus un prolilême indiffé-
rent. Il paroît que le but cie M. Baylc
étoit de prouver que l'athciinie ne tend
pas à la dellrudtion de la /bciété ; & c'eft-
là le point qu'il imi>orîc de bien dévelop-
per : mais , a\ant de toucher à cette ])artie
de fon fylléme , examinons la première ^ &c
pour le faire avec ordre , n'oublions pas l;i
dillindion qu'on fait des ar/it'cs de théorie
& des at/iû-s de pratique. Cetie diftinéiicii
une fois établie , on peut dire que l'aîliéifine-
pratique renferme un degré de malice ,
qui ne fe trou\e pas dans le pol) îhéifine :
on en peut donner plufieurs railbns.
La première efl: qu'un païen qui ôtoit
à Dieu la fainteté & la juftice , lui laiffoit
non feulement l'exiftence, mais aulî] la con-
noilîance ; au lieu qu'un a//iee jiratique lui
ôte tout. Les païens pouvoient être regar-
dés comme des calomniateurs qui flétrif-
foient la gloire de Dieu 5 les ût/ie'es prati-
ques l'outragent & l'alfalliîient à la fois.
Ils reffcmbieut à ces peuples qui maudif-
foient le lolcil , dont la chaleur les incom-
modoit , & qui reuflcnt détruit , fi cela
eût été poilible. Ils étouffent , autant qu'il
cft en eux , la pcrfuafion de l'exiftcnce de
Dieu 5 & ils ne le portent à cet excès de
malice , qu'a<în de iè deli\rer des remords
de leur conJcience.
La féconde eft que la malice eft le ca-
ra£tere de l'athéifme pratique , mais que
l'idolâtrie païenne étoit un péché d'igno-
rance ; d'où l'on conclut que Dieu cft
plus olîènfé par les at/iées pratiques que
par les païens , & que leurs crimes de
lelè-majefté divine font plus injurieux au
\rai Dieu que ceux des païens. En effet ,
ils attaquent malicieufement la notion de
Dieu , qu'ifs trou\ent dans leur cœur & dans
leur efprit ; ils s'efforcent de l'étcufier ;
ils agiffcnt en cela contre leur conlcience ,
& feulement par le motif de fe délivrer
d'un joug qui les empêche île s'abandon-
ner à toutes fortes de crimes. Ils font donc
diredtemcnt la guerre à Dieu j & , aiiifi ,
784 A T H
l'injure qu'ils foat au foiivcrain Etre eft
plus offenfànte que celle qu'il recevroit
des adorateurs des idoles. Du moins , ceux-
ci étoient bien intentionnés pour la divinité
en général , ils la cherchoient dans le def-
fein de la fervir & de l'adorer ; & croyant
l'avoir trouvée dans des objets qui n'é-
toient pas Dieu , ils l'honoroieut félon
leurs faux préjugés , autant qu'il leur étoit
poffible. Il faut déplorer leur ignorance ;
mais en même temps il faut reconnoître
que la plupart n'ont point fu qu'ils er-
roient. Il eil vrai que leur conCcience étoit
erronée : mais du moins ils s'y confor-
moient , parce qu'ils la croyoient bonne.
Pour l'athéifme Spéculatif, il eft moins
injurieux à Dieu , & par conféquent un
moindre mal que Ib polythéifme. Je pour-
rois alléguer grand nombre de partages d'au-
teurs, tant anciens que modernes , qui re-
connoifîént tous unanimement qu'il y a plus
d'extravagance , plus de brutalité , plus de
fureur , plus d'aveuglement dans l'opinion
d'un homme qui admet tous les dieux des
Grecs &C des lloinains , que dans l'opi-
nion de celui qui n'en admet point du tout.
)> Quoi , dit Plutarque , ( Traité de la Su-
)) perjl. ) celui qui ne croit point qu'il y
» ait des dieux , eft impie •■, & celui qui
)) croit qu'ils font tels que les fuperftitieux
» le les figurent , ne le fera pas ? Pour
» moi , j'aimerois mieux que tous les hom-
« mes du monde diifent que Plutarque n'a
)) jamais été , que s'ils difoient , Plutarque
» eft un homme inconftant, léger, colère,
» qui fcvange des moindres oHenfes. » M.
Bofttict ayant donné le précis de la théo-
logie que Wiclef a débitée dans fou tria-
logue , ajoute ceci : «< Voilà un extrait fî-
)) dele de les blafphemes : ils fe réduifent
■» en deux chefs ;, à faire un dieu dominé
» par la néceflîté ^ & ce qui en eft une
» fliite , un dieu auteur & approbateur
» de tous les crimes , c'eft-à-dire un ilieu
)) que les athées auroient raifon de nier :
)) de forte que la religion d'uii (i grand ré-
« formateur eft pire que l'athéifme. » Un
des beaux endroits de M. de la Bruyère
eft celui-ci : « Si ma religion étoit fauflc ,
» je l'rivoue , voilà le piège le mieux drclié
1) qu'il foit pofTible d'imaginer : il étoit
» ii;é\'itable de ne pas doiuicr tout au
AT H
» travers , 8c de n'y être pas pris. Quelle
» majefté ! quel éclat des myftcres ! quelle
» fuite & quel enchaînement de toute la
)) dodirine ! quelle raifon émineute ! quelle
» candeur ! quelle innocence de mœurs !
» quelle force invincible & accablante de
» témoignages , rendus fiiccefiîvement &
» pendant trois liccles entiers , par des mil-
» lions de perlbnnes les plus fages , les
» plus modérées qui fulfent alors fur la
» terre ? Dieu même pouvoit-il jamais
» mieux rencontrer pour me féduire ? par
H où échapper , où aller , où me jeter ,
» je ne dis pas pour trouver rien de meih-
» leur, mais quelque choie qui en appro-
» che ? S'il faut périr , c'eft par- là que je
)) veux périr ; // meffplus doux de nier Dieu ,
» que de l'accorder avec une tromperie
» lî fpécieulè & fi entière. « f^oyei la con-
tinuation des penfées di\'er{ès de M. Bayle.
La comparaifon de Richeome nous fera
mieux fentir que tous les raifonnemens du
monde , que c'eft un fentiment moins ou-
trageant pour la divinité , de ne la point
croire du tout , que de la croire ce qu'elle
n'eft pas , & ce qu'elle ne doit pas être.
Voilà deux portiers à l'entrée d'une mai-
fon : on leur demande , peut-on p.arler à
votre maître ? Il n'y eft pas , répond l'un :
il y eft , répond l'autre , mais fort oc-
cupé à faire de la faufle monnoie , de faux
contrats , des poignards , & des poifons,
pour perdre ceux qui ont exécuté fès dcf-
lèins : ïat/iée reifemble au premier de ces
portiers , le païen à l'autre. II eft donc
vifiblc que le païen oftcnlè plus griève-
ment la divinité que ne fait ïatAée. On
ne peut comprendre que des gens , qui au-
roient été attentifs à cette comparaifon ,
enflent balancé à dire que la fuperftitiou
païenne valoir inoins que l'irréligion.
S'il eft vrai , 1°. que l'on ofTenlè beau-
coup plus celui que l'on nomme fripon ,
fcélerat , infâme , que celui auquel on ne
fonge pas , ou de qui l'on ne dit ni bien ,
ni mal : z*^. qu'il n'y a point d'honnête
femme , qui n'aimât mieux qu'on la fît
pailér pour morte que pour proftituée :
3^. Qu'il n'y a point de mari jaloux qui
n'aime mieux que fa femme faffc vœu de
continence, ou en général qu'elle ne veuille
plus entendre parler de commerce a\ec
un
A T H
un homme , que fi elle Ce proflituoit à
tout venant : 4^*. qu'un roi chadc de Ion
trône s'efHmc plus oireufé , lorfqiic fos
fiijcts rebelles font e;ifiiite très-fidèles à un
autre roi , que s'ils n'en inettoient auciui
à fà place : 5°. qu'un roi qui a une forte
guerre fur les bras , ell plus irrite contre
ceux qui embralîent avec chaleur le parti
<ie f;s ennemis , que courre ceux qui fc
tiennent neutres. Si , dis-je , ces cinq pro-
portions font vraies , il faut de toute né-
ce/rité , que roiîenfe que les païens fai-
(bient à Dieu , foit plus atroce que celle
q'ue lui font les izsàtes Ipéculatifs , s'il y
en a : ils ne longent point à DiK;u ^ ils
n'en dilent ni bien ni mal ; & s'ils nient
fon exiftence , c'eft qu'ils la regardent ,
non pas comme une choiè réelle , mais
comme une fiftion de l'entendement hu-
iriain. C'eft un grand crime , je l'avoue ;
mais s'ils attribuoicnt à Dieu tous les
crimes les plus infâmes , comme les païens
les attribuoient à leur Jupiter & à leur
Vénus ^ fi , après l'avoir cliafie de fon
trône , ils lui fubflituoient une infinité
de faux dieux , leur offèuie ne fèroit-ellc
pas beaucoup plus grande ? Ou toutes
les idées que nous avons des di\crs de-
grés de péchés ibnt fauifes , ou ce Icnti-
irient eft véritable. La perfection qui eft
-1^ plus chère à Dieu , cil la faintetc ■■, par
confcquent le crime qui l'offenfc le plus,
eft de le faire méchant : i;e point croire
fon exiilcnce , ne lui point rendre de culte ,
c'efi: le dégrader j mais rendre le culte
qui lui eft dû à une Lifiniié d'autres êtres ,
c'eft tout-à-la- fois le dégrader & le décla-
rer pour le démon dans la guerre qu'il
fait à Dieu. L'Ecriture nous apprend que
c'eft au diable que le terminait l'honr.cur
rendu aux idoles , d/i gentium dœmonia.
Si au jugement des jx-rfonnes les plus rai-
fonnables & les plus juftcs , un aiîcnrat
à l'honneur eft une injure plus atroce
■qu'un attentat à la vie ■-, fi tout ce qu'il
y a d'hoiuiétes gens conviennent qu'un
meurtrier fait moins de tort qu'un calom-
niateur qui flétrit la réputation, ou qu'un
j»ge corrompu qui déclare infâme u;i in-
nacent ^ en un mot , fi tous les hommes
qui ont du fentimcnt , regardent comme
ime adion très-criminelle de préférer la
ToimlII.
A T H 7S5
vie à l'honneur , l'infamie à la mort : que
de\ons-nous pcafcr de Dieu , qui vcric
lui-même dans les amcs ces fentimc:r no-
bles & généreux ? Ne dcvons-uous pas
croire que la faintcté , la probité , la juf •
tice , font (es atuibuts les plus clfeatiels y
& dont il eft le plus jaloux : donc la ca-
lomnie des païens , qui , le chargeant de
toutes fortes de crimes , détruit les per-
fedlions les plus précicufes , lui eft une
oFiènfè plus injurieulc que l'impiété des
athées , qui lui ôte la connoillance & la
dircèl:ion des événemcns.
C'ell un grand défaut d'efprit nie n'a-
voir pas rcconiui dans les ouvrages de la
nature un Dieu fouverainement parfait ;
mais c'eft un plus grand défaut d'elprit
encore , de croire qu'une nature fujette
aux paHîons les plus injuftes & les plus
laies , fait un Dieu , St mérite nos adora-
tions : le premier défaut eft celui des û/^f'M,
& le fécond celui des païens.
C'eft une injure fans doute bien grande
d'effacer de nos cœurs l'image de la di-
vinité qui s'y trouve naturellement em-
preinte : mais cette injure devient beau-
coup plus atroce , lorfqu'cn défigure cette
image , & qu'on l'expcfe au mépris de
tout Icmojidc. Les ûMtV^ ont effacé l'image'
de Dieu , & les païens l'ont rendue mé-
connciffable ■, jugez de quel côté l'ofîcnfc
a été plus grande.
Le grand crime des athées parmi les
païens , eft de n'avoir pas mis le véritable
Dieu fur le trône, après en avoir fi juf-
tement & fi railbnnablement précipité tous
les faux dieux : mais ce criu-e, quelque
criant qu'il puifiè être , eft-il une injure
aniTi fànglantc pour le vrai Dieu que celle
qu'il a reçue des idolâtres , qui , après
l'avoir détrôné , ont mis fur (bn trône
les plus infâmes divinités qu'il fiït poUlble
d'imaginer ? Si la reine Elifabeth chailée
de lès états , a\ oit appris que lès fujets
révoltés lui eulicnt fait fiiccéder la plus
infâme proftituée qu'ils euirent pu déter-
rer dans Londres , elle eut été plus in-
dignée de leur conduite , que s'ils euiîèut
pris une autre forme de gouvernement ,
ou que pour le moins ils enflent donné
la couronne à une illuftre priucellè. Non
feulement la perfonne de la reine Elifa-
C c c c e
'JÎ6 ATH
ieth ei'it cté tout de nouveau infiiltée par
le choix qu'on aiiroit fait d'une infâme
courti'ane, mais aufîi le caraftere royal
eût été déshonoré , profané : voilà l'ima^^e
«le la conduite des païens à l'éjjard de
Dieu. Ils fc font révoltés contre lui ; & ,
après l'avoir chailé du ciel , ils ont fubfti-
tiié à fa place une infinité de dieux char-
gés de crimes , & leur ont donné pour
chef un Jupiter , fils d'un ufurpateur , &
Jifurj>ateur lui-même. N'étoit-ce pas flé-
îiir & déshonorer le caraftere divin, ex-
pofer au dernier mépris la nature & la
jnaiefté divine ?
A toutes ces raifons , M. Bayle en ajoute
inie autre , qui efl: , que rien n'éloigne
<]avantag;e les hommes de fe convertir à la
vraie religion , que l'idolâtrie : en effet ,
parlez à un cartéiien ou à un péripatéti-
cien , d'une propofition qui ne s'accorde
pas avec les principes dout il cil préoccupé,
vous trouverez qu'il fcngc bien moins à
pénétrer ce que vous lui dites , qu'à ima-
giner àcî railons pour le combattre : par-
lez-en à un homme qui ne foit d'aucune
fedc , vous le trouvez docile , & prêt à
fe rendre finis chicaner. La raifon en eft,
qu'il eft bien plus mal - aifé d'introduire
quelque habitude dans une ame qui a
déjà contrafté l'habiuide contraire , que
dans une ame qui eft encore toute nue.
Qui ne fait , par exemple , qu'il eft plus
difficile de rendre libéral un homme qui
■a été avare toute fa vie , qu'un enfant
qui n'eft encore ni avare ni libéral ? De
inéme , il eft beaucoup plus aifé de plier
d'un certain feus un corps qui n'a jamais
été plié , qu'un autre qui a été plié d'un
fens contraire. Il eft donc très-raifonua-
fcle de penfer que les apôtres euffcnt con-
verti plus de gens à J. C. s'ils l'cufknt
prêché à des peuples fims religion , qu'ils
n'en ont converti , annonçant l'Kvangile
à des nations engagées par un zeie aveu-
jçle & entête aux cultes fiiperftitieux du
paganifme. On m'avouera que , fi Julien
l'apoftat eût été at/ue , du caradere dont
il étoit d'ailleurs , il eût lahrê en jiaix les
chrétiens ; au lieu qu'il leur faifoit des
injures continuelles , infatué qu'il étoii
«les fiiperftitions du paganiline , ik telle-
ment infatué , qu'un hUtcncn de fa reli-
ATH
g-ion n a pu s'empêcher d'en faire une cf-
pcce de raillerie j difaut , que s'il fût re-
tourné victorieux de fbn expédition con-
tre les Perfes , il eût dépeuplé la terre cls
bceufs à force de facrifices. Tant il eft
vrai , qu'un homme entêté d'ur.e fauflè
religion , réfifte plus aux lumières de la
véritable , qu'un homme qui ne tient à
rien de femblable. Toutes ces raifons ,
dira-t-on à M. Bayle , ne font tout au
plus concluantes que pour un athée néga-
tif , c'eft'à-dire pour un homme qui n'a
jam.ais penfe à Dieu , qui n'a pris aucun
parti fur cela. L'ame de cet homme eft
comme lai tableau nu , tout prêt à re-
cevoir telles couleurs qu'on voudra hii ap-
pliquer : mais peut-on dire la niême chofè
d'un athée pofitif , c'eft-à-d're d'un homme
qui , après sxoix examuié les preuves fur
leiquelles on établit l'exiftence de Dieu ,
finit par conclure qu'il n'y en a aucune
qui foit folide , & capable de faire im-
preinon fiir un efprit vraiment philofo-
pliique ? Un tel homme eft affuréri-eut
plus éloigné de la vraie religion , qu'un
homme qui admet ime divinité , quoi-
qu'il n'en ait pas les idées les plus lai-
nes. Celui-ci fe confcr\e le tronc fur le-
quel on pourra enter la foi \éritable •.
mais celui-là a mis la hache à la racine de
l'arbre , & s'eft ôté toute efpérancc de fe
relever. Mais en accordant que le païen
peut être guéri plus facilement que Yathée ,
je n'ai garde de conchire qu'il foit moins
coupable que ce dernier. Ne fiiit-on pas
que les malacîies les plus honteufes , les
plus fales , les phis infâmes , font celles
dent la guérifon eft la plus facile ?
Nous voici enfin parvenus à la focondc
partie du parallèle de l'athéifine & du po-
lythéifine. M. Bayle va plus loin j il tâche,
encore de prouver que l'athciime ne tend
pas à la defiruilion de la fociété. Pour
uous , quoique nous fo)-ons pcrfuadés que
les crimes de leie-majellc divine font pkis
éuorin s t'ans le fyftêmede la fiiperftiticn ,.
que dans celui de rirréli:jion, nous croyons
cependant que ce dernier eft plus perni-
cieux au genre humain que le premier..
Voici fijr quoi nous nous tondons.
On a généralement penfé qu'une des;
preuves que l'atiiéilinc eu pcruiciieux àt
A T H
ïa focicté , confiftoit en ce qu'il exclut îa
coiinoiifiuice du bien & du mal moral ,
cette coiiuoiliàncc étant poilérieure à celle
(le Dieu. C'eil: pourquoi le premier argu-
ment tiotit M. Bayle fait ufage pour
jullifier l'atliéirme , c'eft que les athées
peuvent coiifcrver les idées par Icfrjuelles
on décou\'rc la dirtiirence du bien & du
mal moral \ parce qu'ils comprennent ,
aufii-bicn que les déiites ou théilics , les
premiers principes de la morale & de la
métiipliyliquc \ & que les épicuriens qui
nioicnt la [irovidence , & les llratojiicicns
qui nioicnt l'exiftence de Dieu , ont eu ces
idées.
Pour connoitre ce qu'il peut y avoir de
vrai ou de faux dans ces argumens , il
faut remonter jufqu'aux premiers principes
de la morale j matière en cUe-mcme claire
& facile à comjirendre \ mais que les
diljjutes & les li:btilités ont jetée dans
une extrcme coufufion. Tout l'édifice de
la morale-pratique ell fondé liir ces trois
principes réunis \ favoir , le fèiitimcnt mo-
ral , la différence Ijiécifique des aiftions
humaines , 8c la volonté de Dieu, j'ap-
jielle fentiment moral cette approbation du
bien , cette horreur pour le mal , doiiî
l'inftinft ou la nature nous prévient anté-
rieurement à toutes réflexions fiir leur ca-
raétere & fur leurs conféquences. C'efl-là
la première ouverture , le premier principe
qui nous conduit à la connoiliance par-
faite de la morale , & il eft commun
aux athées aufli-bien qu'aux théiftes. L'inf-
XinSt ayant conduit l'hoinme jufque-là , la
faculté de raifonner qui lui ell naturelle ,
le fait réfléchir fur les fondemcns de cette
approbation & de cette horreur. Il décou-
vre que ni l'une ni l'autre ne font arbi-
traires , mais qu'elles font fondées fur la
différence qu'il y a eiîentiellement dans
les actions des hommes. Tout cela n'im-
pofant point encore une obligation allez
forte pour pratiquer le bien & pour évi-
ter le mal , il faut nécellairement ajouter
la volonté fupérieure d'un légillateur , qui
non feulement nous ordoiuie ce que nous
fontons & reconnoiffons pour bon , mais
qui propofo en même temps des récom-
penfos pour ceux qui s'y conforment , &
des châtimeas pour ceux qui lui défobéif-
A T H 787
i fent. C'cft le dernier princr])e des précep-
tes de morale ■■, c'eft ce qui leur donne
le vrai caraélere de devoir .• c'cft donc
/îir ces trois j)rincipcs que porté tout l'c-
dilice de la morale. Chacun d'eux eft
foutenu par m\ motif propre & particu-
lier. Lorlqu'on fc conforme au fentiment
moral , on éprouve une fenfation agréa-
ble : lorfqu'on agit conformément i^ la difi-
férence e/fentielle des choies , on concouit
à l'ordre & à l'harmonie de l'univers \ ïx.
lorlqu'on fe foumet à la volonté de Dieu ,
on s'ailiire des récompenfcs , & l'on évite dcî
peines.
De tout cela , il réfulte évidetnmer.t
ces deux conféquences : 1°. qu'un athéA
ne fauroit avoir une connoilTance exacfcè
& complète de la moralité des aiStions hu-
maines proprement nonnnéc : 1°. que là
/èntiment moral & la connoilTance dci
di.fîcrences eiîcntielles qui (pécificnt lc9
actions humaines, deux principes dont oii
connoit qu'un athée eft capable , ne con-
cluent néanmoins rien en faveur de l'ar-
gument de ?v1. Bayle ; parce que ces deux
chofes , même unies , ne fuftifeut pa-i
pour porter \athce à la pratirjue de la
\crtu , comme il eft nécelfaire pour le bien
de la fociété , ce qui eft le jjoint dont i(
s'agit.
Voyons d'abord comment M. Bayle a
prétendu prouver la moralité des aàicns
humaines, fuivant les principes d'un ftrato-
nicien. Il le fait raifonner de la manière
ftiivante : « La beauté , la fymmétric , la
» régularité , l'ordre que l'on voit dani
» l'univers , font l'ouvrage d'une nature
" qui n'a point de coiinoifTance ; & cn-
» core que cette nature n'ait point fuivi
M des idées , elle a néanmoins produit
» une infinité d'efpeAs , dont chacune a
» fes attributs ejiontiels. Ce n'eft point en
» conféquence de nos opinions que le feu
» & l'eau dilferent d'elpecc , S: qu'il y a
)j une pareille différence entre l'amour ?<
» la haine , & entre l'allirmation & \x
» négation. Cette différence fpécifiqi.e
» eft fondée dans la nature même des
» chofos : mais comment la connoilfoiis-
» nous ? N'eft - ce pas en comparant \c3
» propriétés elfentielles de l'un de ces êtres
» avee \è% propriétés ellèntielles de l'au-
C c c c c z
7S8 A T H
» tre ? Or . nous connoiflbns par la inême
■» voie , qu'il y a une différence ijjécifi-
)) que entre le menfonge & la vérité ,
M entre l'ingratitude & la gratitude , &c.
» Nous devons donc être affurcs que le
5) vice & la vertu différent fpécifiquemcnt
« par leur nature , &: indépendamment
» de nos opinions. » M. Bayle en conclut,
que les ftratoniciens ont pu connoître que
le vice & la vertu étoient deux efpeces
<le qualité , qui étoient naturellement fé-
jiarées l'une de l'autre. On le lui accorde,
j) Voyons , continue - 1 - il , comment
w ils ont pu fâvoir qu'elles étoient outre
» cela réparées morakuient. Ils attri-
5) buoient à la même nécefTité de la na-
» ture , l'établiffeîîient des rapports que
3) l'on voit entre les chofes , & celui des
» règles par lefquelles nous diftinguons
3) ces rapports. Il y a des règles de rai-
o) fonnement , indépe'idantes de la volonté
» de l'homme j ce n'eft point à caufe
:;) qu'il a plu aux hommes d'établir les
i) règles du fyjlogifme , qu'elles font ']u(-
)) tes & véritables ;, elles le font en elles-
j) mêmes , & toute entreprife de l'efprit
» humain contre leur effence & leurs at-
}) tributs feroit vaine & ridicule. )> On
accorde tout cela à M. Bayle. Il ajoute :
3) S'il y a des règles certaines & inunua-
j) blés pour les opérations de l'cntende-
o") ment , il y en a aufli pour les aftes de
j) la volonté. » Voilà ce qu'on lui nie ,
& ce qu'il tâche de prouver de cette ma-
nière. " Les règles de ces aftcs-là ne font
)) pas toutes arbitraires \ il y en a qui éma-
5J nent de la néceffué de la nature , &
j) qui impofent une obligation indifpenfa-
» bic La plus générale de ces regles-
)) ci, c'eft qu'il faut que l'homme \euille
j) ce qui eft conforme à la droite raifon.
>) Il n'y a pas de vérité plus évidente que
3) de dire qu'il eft digne de la créature
» raifonnablc de fe conformer à la raifon ,
)) & qu'il cil indigne de la créature rai-
» fonnable de ne fe pas conformer à la
3) raifon. »
Le paffagc de M. Bayle fournit une dif-
tiiiflion à laquelle on doit faire beaucoup
d'attention , pour fe former des idées nettes
de morale. Cet auteur a diilingué avec foin
h. tUfférencc par laquelle les qualités des
A T H
chofos ou des aftions font naturellement
réparées les unes des autres, & celle pa/
laquelle ces qualités fout moralement fépa-
rées ; d'où il naît deux fortes de différen-
ces, l'une naturelle , l'autre morale. De la
différence naturelle & Ipécinque des cho-
fes , il fuit qu'il eft raifonnable de s'y con-
former ou de s'en abftenir ; & de la diffé-
rence morale , il foit qu'on eft obligé de
s'y conformer ou de s'en abftenir. De ces
deux différences , l'une eft fpéculati^'e ■■, elle
fait voir le rapport ou défaut de rapport
qui fe trouve entre les chofes j l'autre eft
pratique. Outre le rapport des chofes , elle
établit une obligation dans l'agent^ enforte
que différence morale & obligation de s'y
conformer , font deux idées infcparables r
car , c'eft-là uniquement ce que peuvent
lignifier les termes de dijf'érence naturelle &i
de différence morale; autrement ils ne llgni-
ficroient que la même chofe , ou ne figni-
fieroient rien du tout.
Or , li l'on proine que de ces deux diffé-
rences , l'une n'eft pas néceflairement une
fuite de l'autre , l'argument de M. Bayle
tombe de lui-même : ccft ce qu'il eft aifè
de faire voir. L'idée d'obli):;:ation llippoft;
néceJfaireinent un ène qui oblige , 5< qui
doit être différent de celui qui eft obligé.
Suppofer que celui qui oblige & celui qui
eft obligé , font une feule & même per-
fonne , c'eft fiippofer qu'un homme peut
faire un contrat avec lui-même ; ce qui eft
la chofe du monde la plus abfurde en ma-
tière d'obligation : car , c'eft une maxime
incontcftable , que celui qui acquiert ua
droit fur quelque chofe par l'obligation
dans laquelle un autre entre avec lui . peut
céder ce droit. Si donc , celui qui oblige
& celui qui eft obligé font la même per-
fonne , toute obligation devient nulle par
cela même ;, ou , pour parler plus exaêie-
ment , il n'y a jamais eu d'obligation. C'eft-
là néanmoins l'ablindité oti tombe \athh
ftratonicicu , Icrfqu'il parle de difiérence
morale , ou autrement d'obligations ;, car
quel être peut lui impofer des obligations ?
Mais , c'eft-là prcciferaent l'abfurdité dont
nous venons de parler ^ car la raifon n'eft
qu'un attribut de la perfoiuie obligée ;, &[
ne l;ii:roit piu- confcquent être le principe
de l'obligation : fon ofiice cil d'examiner
A T H
& cîe juger des oblitjations qui lui (ont îm-
pofëcs par quclqu'autre piincipc. Dira-t-ou
que par la raifou , on n'cuteud pas la rai-
fou de cliaque homme eu particulier , mais
la raifon en çcucral ? Mais cette raifou s^c-
iiérale u'eft qu'une notion arbitraire , qui
n'a point d'cxiilcnce réelle ■■, & conuucnt
ce qui n'cxifte pas peut-il obliger ce qui
exifte ? c'eft ce qu'on ne com.prend pas.
Tel ert le caraftere de toute obligation
en général, elle fuppofc une loi qui com-
mande & qui défende ^ mais une loi ne
peut être impofée que par un être intelli-
gent & fupérieur , qui ait le pouvoir d'exi-
ger qu'on s'y conforme. Un être aveugle &C
fans intelligence n'ell , ni ne làuroit être
légillateur :, & ce qui j^rocede nécelfaire-
inent d'un pareil être , ne iliuroit être con-
' fidérc fous l'idée de loi proprement nom-
mée. Ileftvrai que, dans le langage onii-
naire , on parle de loi de raifon Hc de loi
de nécciUté % inais ce ne font que des ex-
. preiTïons figurées. Par la première , on en-
tend la règle que le légillateur de la na-
ture nous a donnée pour juger de fa vo-
lonté ■■, & la féconde fignific Ibulement que
la nécefiité a en quelque manière une des
propriétés de la loi , celle de forcer ou de
contraindre. Mais on ne conçoit pas que
quelque chofe puill; obliger un être dépen-
dant & doué de volonté , il ce n'ell une
loi prilè dans le fens philofophique. Ce qui
a trompé M. Bayle , c'cft qu'ayant apperçu
que la difiérence elfeutielle des choies eil
un objet propre pour rentendemcut , il en
a conclu avec précipitation , que cette dii-
fcrence devoir également être le motif de
la détermination de la volonté ■■, mais il y
a cette difparité , que l'entendement cft
néceilité dans fes perceptions , & que la
volonté n'efî; point néceiritée dans fes dé-
terminations. Les différences eflcutielles des
chofes n'étant donc pas l'objet de la volonté,
il faut que la loi d'nn fupérieur intervieiuie
pour former l'obligation du choix ou la ino-
ral ité des aftions.
Hobbes, quoiqu'accufé d'athéifme, fem-
ble avoir pénétré plus avant dans cette ma-
tière que le liratonicien de Bayle. Il paroît
qu'il a fenti qite l'idée de morale renfermoit
nécelîairement celle d'obligation , l'idée
d'obligation celle de loi , 5c iidée de loi
A T H j^9
cel'e de Icgiflateur ■■, c'ell pourquoi , après
avoir en quelque forte banni le légillateur
de l'univers , il a jugé à propos , afin que
la moralité des adlions ne reliât pas fans
fondement, de faire intervenir fon grand
monltre qu'il apiiclle /e h'viathan , & d'en
faire le créateur & le foutien tlu bien &
du mal moral. C'cft donc envain qu'on prc-
tendroit qu'il y auroit un bien moral à
agir conformément à la relation des choies,
parce que par-là on contribucroit au bon-
heur de ceux de fon cfpece. Cette raifon
ne peut établir qu'un bien ou un mal na-
turel , & non pas lui bien ou un inal moral.
Dans ce fyiléme, la vertu Icroit au même
niveau que les produciions de la terre ftc
qi;e la bénignité des failbns , le vice ieroit
au même rang que la pelle & les tempêtes ,
puifquc ces diflérentcs choies ont le carac-
tère commun de contribuer au bonheur ou
au malheur des hommes. I.a moralité ne
fauroit réfulter liiiiplement de la nature
d'une a£tion ni de celle de fon effet ^ car
qu'une chofe foit raifoiniablc ou ne le folt
pas , il s'enfuit feulement qu'il cil conve-
nable ou abftirde ile la faire ou de ne la
poiiit faire ; St fi le bien ou le mal qui
réfulte d'une aftion , rendoit cette adioii
morale , les brutes , dont les adions prc-
duilént ces deux effets, auroieat le carac-
tère d'agens moraux.
Ce qui vient d'être expofé , fait voir
que \ athée ne fiîftroit parvenir ;\ la connoif-
(ànce de la monJité des actions proprement
nommées. Mais quand oti accorderoit à uii
aihée le léntiment moral Si la conuoillancc
de la différence ellcntielic qu'il y a dans
les qualités des actions humaines , cepen-
dant ce fcutiment êi cette connoilfance
ne feroient rien en faveur de l'argument
de M, Bayle , parce que ces à<iu\ cliofcs
unies ne fuîîîlcnt point pour jïortcr la mul-
titude à pratiquer la vertu , ainfi qu'il eft
nécelfaire pour le maintien de la Ibciété.
Pour difputcr cette queîlion à fond , il
faut examiner jufqu'à quel point le feuti-
Tiicnt moral ieul peut influer fur la con-
duite des hommes pour les porter à la
vertu : en fécond lieu , quelle nouvelle
force il acquiert , lorfqu'il agit conjoin-
tement avec la coiuioiilance de la diffé-
rence elTeutielle djs chofes j diilindioii
790 A T H
d'autant plus nécelTaire à obferver , qu'en-
core que nous ayons reconnu qu'un athée
peut parvenir à cette connoifl'ance , il eft
néanmoins un genre ^athéca qui en font
entièrement incapables , & fur Icfquels il
n'y a par conféquent que le fentimont mo-
ral feul qui puillb agir : ce Ibnt lés athées
épicuriens , qui prétendent que tout en ce
monde n'eft que l'effet du hazard.
En pofant que le fentiment moral efi:
dans l'homme un inftinâ: , le nom de la
chofe ne doit pas nous tromper , & nous
faire imaginer que les impreflions de l'inf-
tinél: moral , font aulTi fortes que celles de
rinftinâ animal dans les brutes : le cas eil
différent. Dans la brute , l'inlHnâ: étant le
feul principe d'aétion , a une force in\in-
cible:, mais dans l'homme ce n'eft, à pro-
prem.ent parler, qu'un preffcntiinent offi-
cieux , dont l'utilité eft de concilier la rai-
fon avec les paillons , qui , toutes à leur
tour , déterminent la volonté. Il doit donc
être d'autant plus fcible , qu'il partage avec
plufieurs autres principes le pouvoir de nous
l'aire agir : la chofe même ne pouvoir être
autrement , fans détruire la liberté du choix.
Le fentiment moral eft fi délicat , & tel-
lement entrelacé dans la conftitution de la
nature humaine \ il eft d'ailleurs fi aifément
& fi fréquemment effacé , que quelques
perfonnes n'en pouvant point découvrir les
traces dans quelques-unes des aftions les
plus communes , en ont nié l'exiftence. Il
demeure prefque fans force & fans vertu ,
à moins que toutes les paffions ne fojent
bien tempérées , & en quelque manière en
équilibre. Delà , on doit conclure que ce
principe feul eft trop foible pour avoir une
grande influence fur la pratique.
Lorfque le fentiment moral eft joint à
la connoiilance de la différence cifentielle
des choies , il eft certain qu'il acquiert beau-
coup de force ^ car d'un côté cette connoif-
fance fcrt à diftinguer le fentiment moral
d'avec les paffions déréglées & vicicufes ;
& d'un autre côté le fentiment moral empê-
che , qu'en raifonnant fiir la différence cflen-
tielle des chofes, l'entendement ne s'égare
& ne fiibftittie des chimères à des ré;i4ités.
Mais la queftion eft de fn'oir fi ces àcwy.
principes , indépendamment tic la volomé
& du commandement d'un lirpéricur , Jk
AT H
par conféquent de l'attente des récompenfes
& des peines , auront affez d'influence fur
le plus grand nombre des hommes , pour
les déterminer à la pratique de la vertu.
Tous ceux qui ont étudié avec quelque at-
tention , & qui ont tant foit peu appro-
fondi la nature de l'homir.e , ont tous trouvé
qu'il ne fuffit pas de reconnoître que la
vertu eft le fbuverain bien , pour être porté
à la pratiquer : il faut qu'on s'en falfe \x\\<î.
application perfonnelle , & qu'on la confi-
dere comme un bien faifant partie de notre
propre bonheur. Le plaifirde fatisfaire une
pailicn qui nous tyrannife avec force &
avec vivacité , Se qui a l'amour propre da:is
^.c% intérêts , eft communéinent ce que nous
regardons comme le plus capable de con-
tribuer à notre fatisfaètion & à notre bon-
heur. Les pallions étant très-fouvent op-
pofées à la vertu & incompatibles avec elle ,
il faut pour contre balancer leur effet , met-
tre un nouveau poids dans la balance de la
vertu ■■) & ce poids ne peut être que les
récompenfes ou les peines que la religion
propoiè.
L'intérêt perfonnel , qui eft le principal
reflbrt de toutes les actions des hommes ,
en excitant en eux des motifs de crainte Se
d'efpérance , a produit tous les défordres
qui ont obligé d'avoir recours à la iociété.
Le même intérêt perfonnel a fuggéré les
mêmes motifs pour remédier à ces défor-
dres 5 autant que la nature de la fcciété
pouvoit le permettre. Une paffion aufiî uni-
vcrfelle que celle de l'intérêt perfonnel , ne
pouvant être combattu<^ que par l'oppofi-
tion de quelqu'autre paffion aufli forte &
aiiffi aftive , le feul expédient dont on ait
pu fe fervir , a été de la tourner contre
elle-même , en l'employant pour une fin
contraire. La fociété , incapable de remé-
dier par fa propre force aux défordres qu'elle
devoit corriger , a été obligée d'appeller la
religion à ion fecours , & n'a pu déployer
ià. force qu'en confcquence des mêmes prin-
cipes de crainte & d'efpérance. Mais ,
comme des trois principes qui fervent de bafè
à la morale , ce dernier , qui efi fondé fiir
la volonté de Dieu , & qui manque à un
athée , eft le ièul qui préfente ces puilfans
motifs ; il s'enfuit évidemment que la reli-
gion , à qui isxxlo, on en eft redevable y
A T H
eft abfoliiincnt néccHaire pour le mair.tieii
de I:i fociété ; ou , ce qui re\'ient au iiîémc,
que le fentiment mcnil & la conncirùincc
de 11 différence cjTeiiticlle des chofcs , réunis
enfeinble , ne fiuiroient avoir alFcz d'in-
fluence fur la plupart des hommes , pour
les déterminer à la pratique de la vertu.
M. Baylc a trc3-!)ien compris que 1 ef-
pérance '6c la crainte font les plus pu'ilians
se/lbrts de la conduite des hoinmes. Quoi-
qn'aprcs a\oir diftini^ué la différence nntu-
relle des chofcs & leur différence morale ,
il les avoir enfiitc confondues pour en
tirer un motif qui pût obliger les hom-
mes à la pratique de la vertu ■■, il a appa-
rcmiment fenti Tineincacité de ce motif, puif
qu'il en a appelle un autre ^foii fècours ,
en fuppofmt que le defir c^la gloire &
la crainte de l'infimie fuffiroient pour ré-
gler Ja conduite des athéet; 8c c'eft-là le
iècond argument dont il fe fèrt pour défen-
dre fon paradoxe. « Un homn.ie , dit-il ,
» deltitué de foi , peut être fort feulîble
3J à l'honneur du monde , fort avide de
» louange & d'encens. S'il fè trou\e dans
1) un pays où l'i^îjratitude Se la four-
» berie expofent les hommes au n:épris ,
» & où la généro'ité 8c la vertu font ad-
» mirées , ne doutez point qu'il ne faffe
» profeilion d'être homir.e d'honneur , &
î) qu'il ne foit capable de reftituer m\ dé-
w pôt, quand méine on ne pourroit l'y
» contraindre par les voies de la juftice.
3) La crainte de paffcr dans le monde pour
» un traître & un coquin , l'einporiera fur
» l'amour de l'argent ; ôc , comme il y a
» des perfounes qui s'expofènt à mille pei-
)) nés & à mille périls pour fe venger d'une
» offenfe qui leur a été faite devant très-
» peu de témoins , & qu'ils pardonucroient
y> de bon cœur, s'ils ne craignoientd'encou-
« rir quelque infamie dans leur voilinage :
w je crois de même que , malgré les oppo-
>i fitions de fon ;ivarice , un hoir.me qiii
» n'a point de religion ell capable de rci-
» tituerua dépôt qu'on ne pourroit le con-
» vaincre de retenir injuflement , lorfqu'i!
)' voit que fa bonne foi lui attirera les éloges
» de toate \.n\Q ville , & qu'on pourroit un
» jour lui faire des reproches de iow infi-
)) délité , ou le foupçonner à tout le moins
» d'une chofc qui i'empécheroit de paifer
A T H 7^,
» po.ir honnête homme dans l'cfprit des
» autres : car c'efl à l'eflime intérieure
» des autres que nous afpirons fiir-tout,
» Les gcftes & \q% paroles qui marquent
» cette eftime,ne nous plaifcnt qu'autant
» que nous nous imaginons que ce font
» dc-i figues de ce qui fc pnfîc dans l'efprit.
" Une m.-îchine qui viendroit nous fîiire
» la révérence , & qui formeroit i\q% pa-
» rôles flatteufcs , ne fcroit guère propre
» à nous donner bonne opinion de nouî-
» mêmes, parée que nous faurions que ce
)) ne feroient pas des figues de la bonne
» opinion qu'un autre "^ auroit de notre
1) mérite j, c'eft pourquoi celui dont je parle
» ijourroit facrificr fon avarice à fa vanité ,
» s'il croyoit feulement qu'on le foupçon-
» ueroit d'avoir violé les loix facrées du
» dépôt : & s'il fc croyoit à l'abri de tout
» foupçon , encore pourroit-il bien fe re-
» foudre à lâcher prife, parla crainte de
» tomber dans l'inconvénient qui eft arrivé
» à quelques-uns , de publier eux-mêmei
» leurs crimes pendant qu'ils dormoienî ,
» ou pendant les tran.fports d'une fièvre
» chaude. Lucrèce fe fert de ce motif pour
» porter à la vertu des hommes fuis
» religion. »
On conviendra avec M. Bayle , que le
defir de l'honneur & la crainte de l'infamie
font deux puiliaiis motifs pour engager
les hommes à iè conformer aux maximes
adoptées par ceux avec qui ils converfcnt,
■?<; que les maximes reçues parmi les na-
tions civilifécs ( non toutes les maximes ,
mais la plupart, ) s'accordent avec les règles
iiivariables du julle , nonoblîant tout ce que
Sextus Empiricus & Montagne ont pu dire
de contraire , appuyés de quelques exemples
dont ils ont voulu tirer une coiiféquence
trop générale. La vertu contribuant évi-
demment au bien du genre humain, 8c
!e vice y mettant obflacle , il n'eft point
fiirprenant qu'on ait cherché à encourager ,
p;u- l'cftime de la réptitation , ce que chacun
on particulier trouvoit tendre à fon avan-
tage ^ & que l'on ait tâché de décourager ,
par le mépris & l'infamie , ce qui pouvoit
produire un effet oppofé. Mais comme il
eft certain qu'oii peut acquérir la réputatioii
d'honnête homme , prelqn'aulli furemcnt
£c beaucoup plus aifément 8c plus pro np-
79t A T H
tcment . par une hypocrifie bien concertée
& bien ibutcnue , que par une pratique
fiiicerc de la vertu j un athée qui n'efl re-
tenu par aucun principe de confcicncc ,
choifira fans doute la prerniere voie , qui
ne rcmpcchera pas de fatis faire en fecret
toutes fes paillons. Content de paroitre
vertueux , il agira en fcélérat lorsqu'il ne
craindra pas d'être découvert , & ne con-
fultera que les inclinations vicieufcs , fon
avarice , fa cupidité , la padion criminelle
dont il fe trouvera le plus violemment
dominé. II eft évident que ce fera là en
général le plan de toute perfonne qui n'aura
d'autre motif pour fe conduire en Jionnête
homme: , que le delir d'une réputation
populaire. En ciîet , dès là que j'ai baïuii
de mon cceur tout fenîimcnt de religion ,
je n'ai point de motif qui m'engage à fa-
crifîer à la vertu mes penchans favoris, mes
paiîions les plus impéricufes , toute ma for-
tune , ma réputation même. Une vertu
détachée de la religion n'ell guère propre
à me dédommager des plaifirs véritables
& des avantages réels auxquels je renonce
pour elle. \-.cs athées diront-ils qu'ils aiment
la vertu pour elle-même , parce qu'elle a
unz beauté cfiéntielle , qui la rend digne
de l'amour de tous ceux qui ont afTez de
lumières pour la reconnoîtrc ? Il eft aiTez
étonnant , pour le dire en palTant , que les
peribnnes qui outrent le plus la piété ou
l'irréligion , s'accordent néanmoins dans
leurs prétentions touchant l'amour pur de
la vertu : mais que veut dire dans la bou-
che d'un athée , que la vertu a une beauté
effentielle ? n'eft-ce pas là une expreilion
vnide de fens ? Comment prouveront - ils
que la vertu eft belle, & que lijppofé qu'elle
ait une beauté elfentielle , il faut l'aimer ,
lors même qu'elle nous eft inutile , & qu'elle
n'influe pas fur notre félicité ? Si la vertu
eft belle elfentiellement , elle ne l'eft que
parce qu'elle entretient l'ordre & le bon-
heur dans la fociété humaine ;, la vertu ne
doit paroître belle , par conféquent , qu'à
ceux qui , par un principe de religion , lé
croient indilpenfablcmciit obligés d'aimer
les autres hommes , & non pas à des gens
qui ne fauroient raifonnablement admettre
aucune loi naturelle , linon l'amour le plus
grollier. Le fcul égard auquel la vertu
A T H
peut avoir une beauté cflentielle pour un
incrédule , c'cft lorfqu'clle eft pollédéc ÔC
exercée par les autres hommes, & que par-
là elle fcrt pour ainlî diie d'afyle aux vi-
ces du libertin : ainfi , pour s'exprimer in-
telligibleinent , les incrédules devroicnt fju-
tînir qu'à tout prendre , la vertu eft pour
cliaque individu humain , plus utile que le
vice , & plus pi'opre à nous conduire vers
le néant d'une manière commode Se agréa-
ble. Mais c'eft ce qu'ils ne prouveront ja-
mais. De la manière dont les hommes font
faits , il leur en coûte beaucoup plus pour
fuivre fcrupuleufement la vertu , que pour
ie laiffer aller au cours impétueux de leurs
penchans. La vertu dans ce monde eft
obligée de ^tter fans celle contre mille
obftacles , qui à chaque pas l'arrêtent ; elle
eft traverfée par un tempérament indocile,
& par des paillons fougueulês ^ mille objets
féduâeurs détournent fon attention '-, tan-
tôt ^ittorieufe &: tantôt vaincue , elle ne
trouve & dans fés défaites & dans fès vic-
toires , que des fources de nouvelles guer-
res , dont elle ne prévoit pas la fin. Une
telle lîtuation n'eft pas feulcinent trifte i<.
mortifiante ■■, il mt femble même qu'elle
doit être inlîipportable , à moins qu'elle
ne foit foutenue par des motifs de la der-
nière force •■, en un mot , par des motifs
auftl puilfans que ceux qu'on tire de la
religion.
Par confëquent , quand même un «//if f ne
douteroit pas qu'une vertu , qui jouit tran-
quillement du fruit de fès combats , ne
foit plus aimable & p!us utile que le vice,
il feroit prefqu'impoiîible qu'il pût jamais y
parvenir. Plaçons un tel homme dans l'âge
où d'ordinaire le cœur prend fon parti , te
commence à former fon caraftcre •■, don-
nons-lui , comme à un autre homme , un
tempérament , des paftîons , un certain
degré de lumière. 11 délibère avec hii-
même s'il s'abandonnera au vice , ou s'il
s'attachera à la vertu. Dans cette fittiation ,
il me femble qu'il doit raifonncr à-peu-près
de cette manière. « Je n'ai qu'une idée con-
» fuie, que la vertu tranquillement pollé-
» dée pourroit bien être préférable aux
M agréniens dû vice : mais je fens que le
» vice eft aimable , utile , fécond en ienfa-
» tious délicieulês ; je vois pourtant que
V dans
A T H AT H .79?
» dans pliifieurs occafions il cxpofe à de ver dans ce raifonnemeiit d'un jeune cfprit
w fâcheux iiiconvenicns : mais la vertu me
» paroît fujette en mille rencontres à des
» inconvéniens du moins aufli terribles,
» D'un autre côté , je comprens parfaite-
» ment bien que la r^ute de la vertu cft
» elcarpée , & qu'on n'y avance qu'en Ce
»> gênant , qu'en fe contraignant ; il me
» faudra des années entières , avant que de
» voir le chemin s'applanir (bus mes pas ,
» & avant que je puiiïe jouir des effets
» d'un fi rude travail. Ma première jeu-
» neffe , cet âge où l'on goûte toutes Ibr-
» tes de plaifiTS avec plus de vivacité &
» de raviirement , ne fera employée qu'à
» des efforts auflî rudes que continuels.
» Quel eft donc le grand motif qui doit
» me porter à tant de peine & à de fi
» cruels embarras ? feront-ce les délices
» qui ibrtent du fond de la vertu? mais
» je n'ai de ces délices qu'une très-foible
» idée. D'ailleurs , je n'ai qu'une efpece
» d'exiftence d'emprunt. Si je pouvois me
» promettre de jouir pendant un grand
» nombre de fiecles de la félicité attachée
» à la vertu , j'aurois raifon de ramaffer
» toutes les forces de mon ame , pour
» m'affurer un bonheur fi digne de mes
» recherches : mais je ne fuis fur de mon
» être que durant un feul inftant ; il fe
» peut que le premier pas que je ferai dans
» le chemin de la vertu , me précipitera
» dans le tombeau. Quoi qu'il en foit , le
» néant m'attend dans un petit nombre
» d'années ; la mort me faifira , peut-être ,
» lorfque je commencerai à goûter les char-
» mes de la vertu. Cependant , toute ma
» vie fe fera écoulée dans le travail Se dans
» le défagrément : ne fera-t-il pas ridicule
» que , pour une félicité peut-être chimé-
» rique , &: qui , fi elle eft réelle, n'exiftera
» peut-être jamais pour moi , je renonçaflfe
» à des plaifirs préfens , vers lefquels mes
» paffions m'entraînent , & qui font de
M fi facile accès , que je dois employer
» toutes les forces de ma raifon pour
» m'en éloigner ? Non : le moment où
it j'exifte eft le feul dont la poffeffion me
» foit aflurée ; il eft raifonnable que je
» faififle tous les agrémens que je puis y
« raflembier. »
Il me femble qu'U ferok difficile de trou-
Tome III.
fort, un défaut de prudence, ou un mui-
que de juftefte d'efprit. Le vice , conduit
avec un peu de prudence , l'emporte infi-
niment fur une vertu exafte qui n'eft point
foutenue de la confolante idée d'un être
fuprême. Un athée , fage économe du vice,
peut jouir de tous les avantages qu'il eft
polfible de puifer dans la vertu confidé-
rée en elle-même ; & en moine temps il
peut éviter tous les inconvéniens attachés
au vice imprudent 6c à la rigide vertu.
Epicurien circonfpeft , il ne refufera rien
à fes defirs. Aime-t-il la bonne chère ? il
contentera cette paflîon autant que fa for-
tune &c fa fanté le lui permettront , &c
fe fera une étude de fe confervcr toujours
en état de goûter les mêmes plaifirs avec
le même ménagement. La gaieté que le
vin répand dans l'ame a-t-el'e de grands
charmes pour lui ; il eflaiera les forces de
fon tempérament , &: obfervera jufqu'à
quel degré il peut foutenir les délicieufes
vapeurs d'un commencement d'ivrefle. En
un mot , il fe formera un fyftême de tem-
pérance voluptueufe , qui puiffe étendre
fur tous les jours de fa vie, des plaifirs non
interrompus. Son penchant favori le por-
te-t-il aux délices de l'amour? il emploiera
toutes fortes de voies pour furprendre la
fimplicité , & pour féduire l'innocence.
Quelle raifon aura-t-il fur-tout de refpec-
rer le facré lien du mariage ? Se fera-t-il
un fcrupule de dérober à un mari le cœur
de fon époufe , dont un contrat autorifé par
les loix l'a mis feul en ponbAîon ? Nulle-
ment : fon intérêt veut qu'il fe règle plutôt
fur les loix de Ces defirs , &: que profitant
des agrémens du mariage , il en laifli; le
fardeau au malheureux époux.
Il eft aifé de voir par ce que je viens de
dire, qu'une conduite prudente, mais fa-
cile , fuffit pour fe procurer fans rifque
mille plaifirs , en manquant à propos de
candeur, de juftice , d'équité, de généro-
fité , d'humanité , de reconnoiflance , &
de tout ce qu'on refpede fous l'idée de
vertu. Qu'avec tout cet enchaînement de
commodités ôc de plaifirs , dont le vice
artificieufement conduit eft une fource inta-
riffable , on mette en parallèle tous les avan-
tages qu'on peut fe promettre d'une vertu
Ddddd
794 ATH
qui fe trouve bornée aux efpéiances de la
vie prcfente j il cfl évident que le vice aura
iiir elle de grands avantage; , & qu'il in-
fluera beaucoup plus qu'elle fijr le bon-
heur de chaque homme en particulier. En
eitet, quoique la prudente jouiffance des
plaifirs des lens puiffe s'allier julqu'à un
certain degré avec la vertu même , com-
bien de fources de ces plaifirs n'ell-elle pas
obligée de fermer ? Combien d occalîons
de les goûter ne fe contraint-elle pas de
négliger &c d^écarter de fon chemin ? Si
eîle fe trouve dans la profpérité & dan*,
l'abondance , j'avoue qu'elle y eft afl'cz à
fon aife. Il eft certain pourtant que dans
les mêmes circonftances, le vice, habilement
jDis en œuvre, a encore des libertés infini-
ment plus grandes : mais l'appui des biens
de la fortune manque-t-il à la vertu ? rien
n'efl p'u; deftitué de reffources que cette
trifte iageffe. Il eft vrai que fi la maffe gé-
nérale des hommes étoit beaucoup plus
éclairée & dévouée à la fageffe , une con-
duite régulière & vertueufe feroitun moyen
(le parvenir à une vie douce & commode :
mais il n'en eft pas ainfi des hommes ; le
vice & l'ignorance l'emportent , dans la
fociété humaine, fur les lumières & fur la
lageffe, C'eft-là ce qui ferme le chemin de
la fortune aux gens de bien , & qui l'élar-
git pour une efpece de fages vicieux. Un
athée fe fent un amour bizarre pour la
venu , il s'aime pourtant : la baileffe , la pau-
vreté , le mépris , lui paroiffent des inaux
véritables ; le crédit , l'autorité, les richef-
k% , s'offrent à fes defirs comme des biens
«lignes de fes recherches. Suppofons qu'en
achetant pour une fomme modique la pro-
teftion d'un grand feigneur , un homme
puiffe obtenir malgré les loix une charge
propre à lui donner un rang dans le monde ,
à le faire vivre dans l'opulence , à établir
& à foutenir fa famille. Mais peut-il fe
ïéfoudre à employer un fi coupable moyen
de s'affurer un deftin brillant & commode .''
Non : il eft forcé de négliger un avantage
fi confidérable , qui fera faiiî avec avidité
par un homme qui détache la religion de
la vertu ; ou par un autre qui agiffant par
principes , fecoue en mcme temps le joug
^ la religion.
Je ne donnerai point ici un détail étendu
ATH
de femblables fîtuaîions, dans lefquelles la
vertu eft obligée de rejeter des biens très-
réels , que le vice adroitement ménagé s'ap-
proprieroit fans peine & fans danger: mais
qu'il me foit peimis de demander à un
athée vertueux , par quel motif il fe réfoud
à des facrifices fi triftes. Qu'eft-ce que la
narure de fa vertu peut lui fournir , qui
flifnlé pour le dédommager de tant de
pertes confidérables ? Eft -ce la certitude
qu'il fait Ion devoir ? mais je crois avoir
démontré , qi(e fon devoir ne confifte qu'à
bien ménager fes véritables intérêts pendant
une vie de peu de durée. Il fert donc une
maîtreffe bien pauvre & bien ingrate, qui
ne paie fes ("ervices les plus pénibles, d'au-
cun véritable avantage, & qui, pour prix
du dévouement le plus parfait , lui arrache
les plus flatteufes occafions d'étendre fur
toute fa vie les plus doux plaifirs & les plus
vifs agrémens.
Si Vathée vertueux ne trouve pas dans la
nature de la vertu l'équivalent de tout ce
qu'il facrifîe à ce qu'il confidere comme
fon devoir , du moins il le trouvera , direz-
vous , dans l'ombre de la vertu, dans la
réputation qui lui eft fi légitimement due.
Quoiqu'à plufieurs égards la réputation foit
un bien réel , & que l'amour qu'on a pour
elle, foit raifbnnable, j'avouerai cependant
que c'eft un bien foible avantage, quand
c'eft l'unique récompenfe qu'on attend
d'une ftérile vertu. Otezles plaifirs que la
vanité tire de la réputation , tout lavan-
tage qu'un athée peut en efpérer, n'aboutit
qu'à l'amitié , qu'aux careft'es , & qu'aux
lervices de ceux qui ont formé de fon
mérite des idées avantageufes. Mais qu'il
ne s'y trompe point : ces douceurs de la
vie ne trouvent pas une fource abondante
dans la réputation qu'on s'attire par la pra-
tique d'une exafte vertu. Dans le monde ,
fait comme il eft , la réputation la plus
brillante, la plus étendue & la plus utile,
s'accorde moins à la vraie ("agefle , qu'aux
richeiles & aux dignités , qu'aux grands
talens , qu'à la fupériorité d'efprit , qu'à
la profonde érudition. Que dis - je ! un
homme de bien fe procure-t-il une eftime
aulfi vafte fk aufTi avantageufe , qu'uit
homme, poli , complaifant , badin , qu'un
fia railleur, qu'un aimable étourdi, qu'uck
A T H
agréable débauché? Quelle utile réputation,
par exemple, la plus parfaite vertu s'atti-
re-t-elle , lorfqu'elle a pour compagne la
pauvreté &t la baireffe ? quand , par une
efpece de miracle , elle perce les ténèbres
épailTes qui l'accablent , ia lumière frappe-
t-elie les yeux- de la multitude ? Echaut-
fe-t-elle les cœurs des hommes , & les
attire-t-elle vers un mérite fi digne d'ad-
iniration ? Nullement. Ce pauvre eft un
homme de bien ; on fe contente de lui
rendre cette juftice en très-peu de mots, &:
on le laiffe jouir tranquillement des avan-
tages foibies & peu enviés qu'il peut tirer
de ton toible & ftérile mérite. Il eft vrai
que ceux qui ont quelque vertu , préfer-
veront un tel homme de l'afFreufe indi-
gence ; ils le foutiendront par de modiques
bienfaits : mais lui donneront-ils de mar-
ques éclatantes de leur eftime } fe lieront-ils
avec lui par les vœux d'une amitié que la
vertu peut rendre féconde en plaifirs purs
& iolides.^ Ce font là des phénomènes qui
ne frappent guère nos yeux. Virius lau-
datur & alget. On accorde à la vertu quel-
que louange vague ; & prefque toujours on
la hifie croupir dans la mifere. Si , dans
les triftes circonftances où elle fe trouve ,
elle cherche du fecours dans fon propre
fein , il faut que par des nœuds indidolubies
elle fe lie à la religion , qui feule peut lui
ouvrir une fource inépuifable de fatisfac-
tions vives & pures.
Je vais plus loin. Je veux bien fuppofer
les hommes affez fages pour accorder l'ef-
time la plus utile à ce qui s'olFre à leur
efprit fous l'idée de la vertu. Mais cette
idée eft-elle jufte & claire chez la plupart
des hommes? Le contraire n'eft que trop
certain. Le grand nombre , dont les fuffra-
ges décident d'une réputation , ne voit
les objets qu'à travers fes partions & fes
préjugés. Mille fois le vice ufurpe chez lui
les droits de la vertu ; mille fois la vertu
la plus pure , s'offrant à lui fous le faux jour
de la prévention , prend une forme défa-
gréable & trifie. '
La véritable vertu eft refferrée dans des
bornes extrêmement étroites. Rien de plus
déterminé Se de plus fixé qu'elle par les
règles que la ralfon lui prefcrir. A droite
,Ô< gauche de fa route ainfi, limitée , fe
A T H 79î
découvre le vice. Par-là elle eft forcée de
négliger mille moyens de briller & de
plaire , & de s'expofer à paroître fou-
vent odieufe & méprifable. Elle met au
nombre de fes devoirs la douceur , la po-
litefle, la complaifance ; mais ces moyens
allures de gagner les cœurs des hom-
mes , font fubordonnés à la juftice ; ils
deviennent vicieux dès qu'ils s'échappent
de l'empire de cette vertu fouver.iins ,
qui feule eft en droit de mettre à nos
acftions & à nos léntimens le fceau de
l'honncie.
Il n'en eft pas ainfi d'une fauffe vertu :
faite exprès pour la parade &c pour fervir
le vice ingénieux , qui trouve fon intérêt
à le cacher fous ce voile impofteur , elle
peut s'arroger une liberté infiniment plus
étendue , aucune règle inaltérable ne la
gcne. Elle eft la maîtreiïe de varier fes
maximes &: fa conduite félon fes intérêts,
& de tendre toujours fans la moindre con-
trainte vers les récompenfes que la gloire
lui montre. Il ne s'agit pas pour elle de
mériter la réputation , mais de la gagner
de quelque manière que ce foit. Rien ne
l'empêche de fe prêter aux foiblefTes de
l'el'prit humain. Tout lui cft bon , pourvu
qu'elle aille à fes fins. Eft - il néceffaire
pour y parvenir , de refpefter les erreurs
populaires , de plier fa raifon aux opinions
favorites de la mode, de changer avec elle
de parti , de fe prêter aux circonftances
& aux préventions publiques ? ces efforts
ne lui coûtent rien , elle veut être admi-
rée ; & pourvu qu'elle réuffiiTe , tous les
moyens lui font égaux.
Mais combien ces vérités deviennent-
elles plus fenfibles , lorfqu'on fait atten-
tion que les richeflfes & les dignités pro-
curent plus univerfellement l'eftime popu-
laire , que la vertu même ! Il n'y a point
d'infamie qu'elles n'effacent & qu'elles ne
couvrent. Leur éclat tentera toujours for-
tement un homme que l'pn fuppofe fans
autre principe que celui de la vanité , en
lui préfentant l'appât flatteur de pouvoir
s'enrichir ailément par fes injuftices fecret^
res ; appât fi attrayant , qu'en lui don-
nant les moyeTis de gagner l'eftune exté"
rieure du public , il lui procure en même
temps la facilite de fatisfiire fes autre*
Dd'ddd 2 ■ "
79<5 A T H
pafTions , Sc légitime pour ainfi dire les
manœuvres fccrettes , dont la découverte
încertaine ne peut jamais produire qu*un
effet paflfager , promptement oublié , &
toujours réparé par l'éclat des richefTes.
Car , qui ne (ait que le commun des hom-
mes , ( & c'eft ce dont il eft uniquement
queftion dans cette controverfej le laiffe
tyrannifer par l'opinion ou l'eftime popu-
laire ? & qui ignore que l'eftime populaire
eft infcparablemenr attachée aux richeffes
& au pouvoir? Il eft vrai qu'une clafte peu
nonibreufe de perfonnes, que leurs vertus
& leurs lumières tirent de la foule, ofe-
ront lui marquer tout le mépris dont il
eft digne ; mais il fuit noblement Ces prin-
cipes ; l'idée qu'elles auront de fon carac-
tère ne troublera ni Ton repos ni fes plai-
firs : ce iont de petits génies , indignes
de (on attention. D'ailleurs , le mépris de
ce petit nombre de ("âges & de ver-
tueux peut -il balancer les refpefts & les
foumillions dont il fera environné , les
marques extérieures d'eftime véritable que
la multitude lui prodiguera ? 11 arrivera
même qu'un ufage un peu généreux de
fes tréfors mal acquis , les lui fera adjuger
par le vulgaire , & fur-tout par ceux avec
qui il partagera le revenu de fes four-
beries.
Après bien des détours , M. Bayle eft
comme forcé de convenir que Yaihéifme
tend par fa nature à la deflruftion de la
fociété ; mais à chaque pas qu'il cède , il
fe fait un nouveau retranchement. 11 pré-
tend donc , qu'encore que les principes de
Vathéifme puifTent tendre au bouleverle-
ment de la fociété , ils ne la ruineroient
cependant pas , parce que les hommes n'a-
gilfent pas conféquemment à leurs princi-
pes , & ne règlent pas leur vie fur leurs
opinions. Il avoue que la chofe eft étrange :
mais il foutient qu'elle n'en eft pas moins
■vraie , Se il en appelle pour le fait aux
«bfervations du genre humain. « Si cela
?> n'étoit pas, dit-il, comment feroit-il
» poflible que ces chrétiens , qui connoif-
» lent fi clairement par une révélation
» foutenue de tant de miracles , qu'il faut
>y renoncer au vice pour être éternelle-
» ment heureux , & pour n'erre pas éter-
y riellemen: malheureux j qui ont tant d'ex-
_ A T H
>t cellens prédicateurs , tant de direfteurs
» de confclence, tant de livres de dévo-
» tion ; comment (eroit-il poftîble parmi
» tout cela que les chrétiens vécuflenr ,
» comme ils tout , dans les plus énormes
» déréglemens du vice.'' » Dans un autre
endroit, en parlant de ce contrafte, voici
ce qu'il dit; « Cicéron la remarqué àl'é-
>> gard de plufieurs épicuriens qui étoient
» bons amis , honnêtes gens., & d'une
» conduite accommodée , non pas aux de-
» firs de la volupté , mais aux régies de
» la raifon. » Ils vivent mieux , dit - il ,
quiU ne parlent ; au lieu que les autres
parlint mieux quils ne vivent. On a fait
une femblable remarque fur la conduite des
ftoïciens : leurs principes étoient , que
toutes chofes arrivent par une fatalité ^\
inévitable, que Dieu lui-même ne peut ni
n'a jamais pu l'éviter. « Naturellement cela
» devoit les conduire à ne s'exciter à
» rien, à n'ufer jamais ni d'exhoi rations ,
» ni de menaces , ni de ceniures , ni de
>» promeftes ; cependant , il n'y a jamais
» eu de philofophes qui fe foient (ervis
» de tout cela plus qu'eux , & toute leur
» conduite faifoit voir qu'ils fe croyoient
» entièrement les maîtres de leur deftinée. »
De ces dlfférens exemples , M. Bayle
conclut que la religion n'eft point aufli
utile pour réprimer le vice qu'on le pré-
tend , & que Vathéifme ne caulé point le
mal que l'on s'imagine , par l'encourage-
ment qu'il donne à la pratique du vice y.
puifque de part & d'autre on agit d'une
manière contraire aux principes que l'on
fait profeftion de croire. // J'eroit infini ,.
ajoute-t-il , de parcourir toutes les bizar-
reries de Chomme ; cefi un monfire plus,
nionflrueux que les centaures 6* la chimère
de la fable.
A entendre M. Bayle , l'on feroit tenté
de fuppofer avec lui quelque obfcurité
myftérieufe dans une conduite fi extraor-
dinaire , & de croire qu'il y auroit dans,
l'homme quelque principe bizarre qui le
difpoferoit , ("ans favoir comment , à agir
contre ("es opinions , quelles qu'elles fuf»
fent. C'eft ce qu'il doit néceflairement
(uppofer , ou ce qu'il dit ne prouve riea
de ce qu'il veut prouver. Mais fi ce prin-
, : cipe , quel q^u'il foit , loin de porter l'iiom'j
A T H
ïne à agir conftainment d'une manière
contraire à fa croyance , le poiiife quL'lque-
fois avec violence à agir conformén^ient
à fes opinions ; ce principe ne t'avorile
en rien l'argument de M. Bayle. Si, même
après y avoir penfé , l'on trouve que ce
principe fi myftérieux £< iî bizarre n'cft
autre chofe que les paflinns irrégulieres
& les defirs dépravés de l'homme , alors ,
bien loin de tavorifer l'arj^ument de M.
Bayle, il eft direftement oppol'é à ce qu'il
foutent: or, c'eft-là le cas, & heureufe-
ment M. Bayle ne iauroit s'empêcher d'en
faire l'aveu; car quoiqu'il afFeftc commu-
nément de donner à la perverfité de la
conduite des hommes en ce point , un
air d'incompréhcnfibilité , pour cacher le
fophifme de ion argument ; cependant ,
lorfqu'il n'eft plus fur fes gardes , il avoue
& déclare naturellement les raiibns d'une
conduite fi extraordinaire. « L'idée géné-
M raie , dit -il , veut qu'un homme qui
» croit un Dieu, un paradis, & un enfer,
» fade tout ce qu'il connoit être agréable
» à Dieu , &: ne faffe rien de ce qu'il fait
» lui être défagréable. Mais la vie de cet
» homme nous montre qu'il fait tout le
» contraire. Voulez -vous favoir la caufe
» de cette incongruité ? la voici. C'eft
» que l'homme ne fe détermine pas à une
» certaine atftion plutôt qu'à une autre ,
» par les connoiilances générales qu'il a
» de ce qu'il doit faire , mais par le ju-
>» gement particulier qu'il porte de chaque
» chofe , lorfqu'il eft fur le point d'agir.
>♦ Or , ce jugement particulier peut bien
» être conforme aux idées générales que
» l'on a de ce qu'on doit faire , mais le
» plus fouvent il ne l'eft pas. 11 s'accom-
>♦ mode prefque toujours à la palfion do-
» minante du cœur , à la pente du tem-
» pérament , à la force des habitudes con-
» traftées , &: au goût ou à la fenlibi-
» lité qu'on a pour de certains objets. »
Si c'eft là le cas, comme ce l'eft en effet,
on doit néceffairement tirer de ce prin-
cipe une conléquence directement con-
traire à celle qu'en tire M. Bayle ; que fi
les hommes n'agiffen: pas conformément
à leurs opinions , &. que l'irrégularité des
paillons Se des defirs foit la caufe de cette
perveifité , il s'enfuivra à la vérité qu'un
A T H 797
thtlfît relieicux agira foiivenr contre fes
principes , mais qu'un atlici a;^ira confor-
mément aux (itns , parce qu'un arlicc ôc
un t/ié.'fie fatisfont leurs pafTions vicieulcs ,
le premier en fuivant fes principes , & le
fécond en agiflimt d'une manière qui y eft
oppoiée. Ce n'eft donc (jiie par accident
que les hommes agiflent contre leurs piin-
cipes , feulement lorfque leurs principes
fe trouvent en oppofition avec leius pa(-
fcms. On voit par- là toute la foiblefTe
de l'argument de M. Bayle, lorfqu'il eft
dépouillé de la pompe de féloquence 6^
de l'obfcurité qu'y jettent l'abondance de
fes difcours , le faux éclat de l'es raifon-
nemens captieux , & la malignité de fes
réflexions.
Il eft encore d'autres cas que ceux des
principes combattus par les pallions , où
l'homme agit contre fes opinions ; & c'cft
lorfque fes opinions choquent les fenti-
mens communs du genre humain , comme
le t'atalifme des ftoïciens , & la prédefti-
nation de quelques feéles chréiiennes :
mais l'on ne peut tirer de ces exemples
aucun argument pour foutenir & juftilier
la doftrine de M. Bayle. Ce fiibtil con-
troverfifte en tait néanmoins ufage , en infi-
nuant qu'un athée qui nie l'exiftence de
Dieu , agira auftî peu conformément à
fon principe , que le fatalifte qui nie la
liberté, & qui agit toujours comme s'il
la croyoit. Le cas eft différent. Que l'on
applique aux fataliftes la raifonque M. Bayle
afligne lui-même pour la contrariété qu'on
obferve entre les opinions & les adions
des hommes , on reconnoîtra qu'un fata-
lifte qui croit en Dieu , ne fauroit (e fer-
vir de fes principes pour autorifer fes paf-
fions ; car , quoiqu'en niant la liberté il en
doive naturellement réfu'ter que les adions
n'ont aucun mérite , néanmoins le fata-
lifte , reconnoiffant un Dieu qui récom-
penfe & qui punit les hommes, comme
s'il y avoit du mérite dans les actions ,
agit auftî comme s'il y en avoit réelle-
ment. Otez au fatalifte la croyance d'uix
Dieu , rien alors ne renipêchcra d'agir
conformément à fon opinion ; eniorte
que, bien loin de conclure de fon exem-
ple que la conduite dlin ij//it'e démentira
, fes opinions , il eft au contraire évident
793 A T H
que Vathf.fin'. joint au fatslifnie , réalliera
dans b p'-atique les Ipécularlons que l'idée
{"cille du fatalilme n'a jamais pu taire palier
jufque dans la conduite de ceux qui en ont
l'outenu le dogme.
Si l'argument de M. Bayle eft vrai en
quelque point , ce n'eft qu'autant que Ton
atkci s'écarteroit des notions fupérieures
& légères que cet auteur lui donne fur
la nature de la vertu & des devoirs mo-
raux. En ce point, l'on convient que Va-
thct eft encore plus porté que le théifte à
agir contre les opinions. Le théille ne
s'écarte de la vertu, qui, fuivant les prin-
cipes , eft le plus grand de tous les biens ,
que parce que fes partions l'empêchent ,
dans le moment de l'aftion, de confidérer
ce bien comme partie nécelTaire de ion
])onheur. Le conflit perpétuel qu'il y a en-
tre (a raifon & fes pallions, produit celui
qui le trouve entre fa conduite & l'es prin-
cipes. Ce conPiit n'a point lieu chez Vaikét;
fes principes le conduifent à conclure que
les plaiiirs iénfuels font le plus grand de
tous les biens ; & ies paffions , de concert
avec des principes qu'elles chériiTent , ne
peuvent manquer de lui faire regarder ce
bien comme partie néceffaire de ion bon-
heur : motif dont la vérité ou l'illufion
détermine nos actions. Si quelque choie
eit capable de s'oppofer à ce délbrdre,
& de nous faire regarder la vertu comme
pntie néceffaire de notre bonheur , fera-ce
l'idée innée de fa beauté ? fera-ce la con-
templation encore plus abftraite de la dif-
férence elTentielle avec le vice ? réflexions
qui font les feules dont un athée puiffe
faire ufage : ou ne lera-ce pas plutôt l'opi-
nion que la pratique de la vertu , telle
que la religion l'enfeigne , eil accompa-
gnée d'une récompenie infinie , & que
celle du vice eit accompagnée d'un châ-
timent également infini? on peut obferver
ici que M. Bayle tombe en contradiftion
avec lui-même: là , il voudroit faire accroire
que le fentiment moral & la différence
edentielle des chofes iufTifent pour rendre
les hommes vertueux ; & ici , il prétend
que ces deux motifs réunis , &: foutenus
de celui d'une providence qui récompenfe
& qui punit , ne l'ont prelque d'aucune
efficacité.
A T H
Mais , dira M. Bayle , l'on ne doit pa<
s'imaginer qu'un athh , précirément parce
qu'il cft athée , & qu il nie la providence,
tourr.era en ridicule ce que les autres
appellent vertu & honnêteté ; qu'il fera
de faux fermens pour la moindre chofe ;
qu'il ("e plongera dans toutes fortes de
défordres ; que s'il le trouve dans un porte
qui le mette au deffus des loix humaines,
aufîi - bien qu'il s'eil déjà mis au deiTus
des remords de fa confcience , il n'y a
point de crime qu'on ne doive attendre
de lui ; qu'étant inacccfïible à toutes les
confuléiations qui retiennent un thé'rte ,
il deviendra nécciTairement le plus grand
& le plus incorrigible i'célérat de l'uni-
vers. Si cela étoit vrai , il ne le feroit que
quand on regarde les chofes dans leur
idée , & qu'on fait des abftraftions méta-
phyfiqucs. Mais un tel raifonneinent ne
fe trouve jamais conforme à l'expérience.
Uathée n'agit pas autrement que le thélile,
malgré la diverfité de l'es principes. Ou-
bliant donc dans l'ufage de la vie & dans
le train de leur conduite , les conléquen-
ces de leur hypothefe , ils vont tous deux
aux objets de leur inclination; ils fuivent
leur goût , &. ie conforment aux idées
qui peuvent flatter ramour - propre : ils
étudient , s'ils aiment la fciencc „ ils pré-
fèrent la fincérité à la fourberie , s'ils
fentent plus de plaifir après avoir fait un
afte de bonne -foi qu'après avoir dit un
menfonge ; ils pratiquent la vertu , s'ils
font feniîbles à la réputa'ion d'honnête
homme : mais (i leur tempérament les
poufle tous deux vers la débauche , &c
s'ils aiment mieux la volupté que l'appro-
bation du public , ils s'abandonneront tous
deux à leur penchant , le théirte comme
Vathée. Si vous en doutez , jetez les yeux
furies nations qui ont différentes religions,
& fur celles qui n'en ont pas , vous trou-
verez par-tout les moines pallions : l'am-
bition , l'avarice , l'envie , le deiîr de fe
venger, l'impudicité & tous les crimes
qui peuvent fatisfiire les paifions , (ont
de tous les pays & de tous les ficelés.
Le juif & le mahométan , le turc 5c le
maure , le chrétien & l'infiideie , l'indien
& le tartare , l'habitant de terre - ferme
!k l'habitant des iles , le noble Se le ro-
ATH
hirier , toutes ces fortes de gens qui ,
fur la vertu , ne conviennent , pour ninfi
dire , que dans la notion générale du
mot, font fi leinbiables à l'éiiiard de leurs
partions , que l'on diroit qu'ils fe copient
les uns les autres. D'où vient tout cela,
finon que le principe pratique des ac-
tions de l'homnie n'eft autre chofe que
le tempérament , rindination naturelle
pour le plailîr, le goût que l'on contracte
pour certains objets , le defir de plaire
à quelqu'un , une h^ibitude qu'on s'eft
formée dans le commerce de l'es amis ,
ou queiqu'autre dirpofuion qui réllilte du
fond de la nature , en quelque pays que
l'on nai/Te , & de quelles connoiirances
que l'on nous remplifle l'efprit? Les maxi-
mes que l'on a dans l'elprit laifTent les
fentimens du cœur dans une parfaite indé-
pendance : la feule caulè qui donne la
forme à la différente conduire des hom-
mes , font les différens degrés d'un tem-
pérament heureux ou malheureux , qui
naît avec nous , & qui eft l'effet phyli-
que de la conftitution de nos corps. Con-
formément à cette vérité d'expérience ,
il peut fe faire qu'un athée vienne au
inonde avec une inclination natiu-elle pour
la juftice &C pour l'équité , tandis qu'un
théifte entrera dans la fociété humaine
accompagné de la dureté , de la malice
& de la fourberie. D'ailleurs , prefque
tous les hommes nailfent avec plus ou
moins de refpeit pour les vertus qui
lient la fociété : n'importe d'où puifle ve-
nir cette utile difpofition du cœur hu-
main ; elle lui eft elTentielle : un certain
degré d'amour pour les autres hommes
nous eft naturel , tout comme l'amour
fouverain que nous avons chacim pour
nous-mêmes : de -là vient que quand
inême im athée , pour fe conformer k fes
principes , tenteroit de pouffer la fcélé-
rateffe jufqu'aux derniers excès , il trou-
veroit dans le fond de fa nature qvul-
ques femences de vertu , & les cris d'une
confcience qui l'effraieroir , qui l'arrcte-
roit , & qui teroit échouer fes pernicieux
delleins.
Pour répondre à cette objeiftion , qui
reçoit un air éblouiffant de la manière dont
M> ijaylç l'a propofée en divers endroits
ATH 79c>
de fes ouvrages , j'avouerai d'abord , que
le tempérament de l'homme eft pour lui
une féconde fource de motifs, & qu'il a
une intiuence très-étendue fur toute fa
conduite. Mais ce tempérament forme-t-il
ieul notre caractère ? détermine- t-il tous
les :\i\QS de notre volonté ? fommes-nous
abfolumcnt inflexibles à tous les motifs qui
nous viennent de dehors; nos opinions,
vraies ou fauffes , font-elles incapables de
rien gagner fur nos penchnns naturels }
Rien au monde neft plus évidemment
faux ; & , pour le fouttnir , il faut n'avoir
jamais démêlé les refî'orts de fa propre
conduite. Nous (entons tous les jours que
la réflexion , fur un intérêt confidérable ,
nous fait agir dircflemeiit contre les mo-
tifs qui fbrtent du fond de notre nafu.'-e.
Une fage éducation ne fait pas toujours
tout l'effet qu'on pourroit s'en promettre :
mais il eft rare qu'elle f()it ablolument
intruflueulé. Suppolbns dans deux hommes
le même degré d'un certain tempérament
& de génie : il eft fur que le même carac-
tère éclatera dans toute leur conduite? L'un
n'aura eu d'autre guide que fon naturel ;.
fon efprit afloupi dans l'inadlion , n'aura
jamais oppofé la moindre réflexion à la
violence de fes penchans : toutes les habi-
tudes vicieufes dérivées de fon tempéra-
ment , auront le loifir de fe former ; elles
auront affermi fia raifon pour jamais. L'au-
tre , au contraire , aura appris , dès l'âge
le plus tendre , à cultiver fon bon fens
naturel; on lui aura rendu familiers des
principes de vertu &C d'honneur ; on aura
fortifié dans fon ame la fenfibilité pour le
prochain , de Laquelle les femences y ont
été placées par la nature ; on l'aura formé à
l'habitude de réfléchir far lui-même, & de
réfîfter à fes penchans impérieux : ces deux
perfbnnes feront -elles nécelTalrement les
mêmes .' Cette idée peut-elle entrer dans
l'efprit d'un homme judicieux ? Il eft vrai
qu'un trop grand nombre d'hommes ne dé-
mentent que trop fouvent dans leur con-
duite le fent'ment légitime de leurs princi-
pes , pour s'affervir à la tyrannie de leurs
paftîons : mais ces mêmes hommes n'ont
pas dans toutes les occallons , une con-
duite également inconféquente; leur tem-
pérament n'eft pas toujours excité avec U
Soo A T H
même violence. Si un tel degré de paflîon
détourne leur attention de la lumière de
leurs principes, cette paffion , moins ani-
mée , moins fougueuie , peut céder à la
force de la réflexion , quand elle ofFr3 un
intérêt plus grand que celui qui nous eft
promis par nos penchans. Notre tempéra-
ment a fa force, & nos principes ont la
leur; félon que ces forces font plus ou moins
grandes de cÔ!é & d'autre, notre conduite
varie. Un homme qui n'a point de princi-
pes oppofés à fes penchans , ou qui n'en
a que de très-foibles , tel que ^aihéc , fuivra
toujours indubitablement ce que lui dide
fon naturel; & un homme dont le tempé-
rament eft combattu par les lumières fauffes
ou véritables de fon efprit , doit être fou-
vent en état de prendre le parti de Çqs
idées contre les intérêts de fes penchans.
Les récompenfes & les peines d'une autre
vie font un contrepoids falutaire , fans
lequel bien des gens auroient été entraînés
dans l'habitude du vice, par un tempéra-
ment qui fe feroit fortifié tous les jours.
Souvent la religion fait plier fous elle le
naturel le plus impérieux , & conduit peu
à peu fon heureux profélyte à l'habitude de
la vertu.
Les légiOateurs étoient Çv perfuadés de
l'influence de la religion fur les bonnes
mœurs , qu'ils ont tous mis à la tête des
loix qu'ils ont faites , le dogme de la pro-
vidence & d'un état futur. M. Bayle , le
coryphée des incrédules , en convient en
termes exprès. « Toutes les religions du
» monde, dit-il , tant la vraie que les fauf-
» k% , roulent fur ce grand pivot , qu'il y
» a un juge invifible qui punit & qui récom-
» penfe après cette vie les aftions de l'hom-
» me , tant intérieures qu'extérieures : c'eft
» de - là qu'on fuppolb que découle la
■» principale utilité de la religion. » M.
Bayle croit que l'utilité de ce dogme eft
fi grande , que dans l'hypothefe ou la reli-
gion eût été une invention politique , c'eût
été , félon lui, le principal motif qui l'au-
roit inventée.
Les poètes grecs les plus anciens , Mufée,
Orphée , Homère , Héfiode , &c. qui ont
donné des fyftêmes de théologie oc de reli-
gion conformes aux idées & aux opinions
populaires de leurs temps , ont tout établi
AT H
le dogme des peines & des récompenfes
futures comme un article fondamental. Tous
leurs fucceffeurs ont fuivi le même plan ;
tous ont rendu témoignage à ce dogme
important : on en peut voir la preuve dans
les ouvrages d'Efchile,de Sophocle , d'Eu-
ripide & d'Ariftophane , dont la profeflîon
étoit de peindre les mœurs de toutes les na-
tions policées , greques ou barbares ; 6c
cette preuve fe trouve perpétuée dans les
écrits de tous les hiftoriens & de tous les
philofophes.
Plutarque, remarquable par l'étendue de
fes connoiflTances , a fur cet objet un paf-
fage digne d'être rapporté. « Jetez les yeux,
dit-il , dans fon traité contre l'épicurien
Colotès , « fur toute la face de la terre;
» vous y pourrez trouver des villes fans
» fortification, fans lettres, fans magiftrats
» réguliers, fans habitations diftinftes, fans
» profeilîons fixes , fans propriété , fans
ufages des monnoies , & dans l'igno-
rance univerfelle des beaux arts : mais
vous ne trouverez nulle part une ville
fans connoiftance d'un dieu ou d'une
religion , fans ufage des vœux , des
fermens , des oracles , fans facrifices pour
» fe procurer des biens, ou fans rits dé-
» précatoires pour détourner les maux. >»
Dans fa confolation à Apollonius , il dé-
clare que l'opinion que les hommes ver-
tueux ieront récompenfes après leur mort ,'
eft fi ancienne, qu'il n'a jamais pu en dé-
couvrir ni l'auteur, ni l'origine. Cicéron Se
Seneque avoient déclaré la même chofe
avant lui. Sextus Empiricus voulant dé-
truire la démonftration de l'exiftence de
Dieu, fondée furie confentement univerfel
de tous les hommes , obferve que ce genre
d'argument prouveroit trop , parce qu'il
prouveroit également la vérité de l'enfer
fabuleux des poètes.
Quelque diveriité qu'il y eût clans les opi-
nions des philofophes , quels que fuftent
les principes de politique que fuivît un hif^
torien , quelque fyftême qu'un philofophe
eût adopté ; la néceftité de ce dogme gé-
néral, je veux dire, des peines 5c des ré-
compenfes d'une autre vie , étoit un prin-
cipe fixe Se conftant , qu'on ne s'avifoit
point de révoquer en doute. Le partifan du
pouvoir arbitraire regardoit cette opinioa
comme
A T H
comme le lion le plus fort d'une obciflaiice
iivciiîîle •■, le défenlciir de la liberté civile
l'e/ivinigcoit comme imc foiirce féconde de
vertus (X un eiicourajemiCnt à l'amoi.'r de
la patrie ^ & quoique fou utilité eût dû
être une preuve invincible de la divinité
de Ton ori;^ine, le philofophe athée eu con-
cluoit au contraire qu'elle étoit une inveu
tion de la politique ; comme fi le vrai &
l'utile n'avoieut pas néceirairement un point
de réunion , & que le vrai ne produisit
pan l'utile , comme l'utile produit le vrai.
Quand je dis \uriU , j'entcncis l'utilité «^énc-
rale, & j'exclus l'utilité particulière , toutes
les fois qu'elle fe trouve en oppofition avec
l'utilité générale. C'elt pour n'a\oir pas fait
cette diftinûion julie & néceJfaire, que les
iages de ranti((uité païenne , philofoplies ,
ou légillateurs , fout tombés dans l'erreur
de mettre en cppolltion l'utile & le \rai :
& il en réfulte que le philofophe , négli-
geant l'utile pour ne chercher que le vrai ,
;i ibuvent manqué le vrai \ & que le légilla-
teur , au contraire , négligeant le vrai pour
n'aller qu'à l'utile, a fouvent manqué l'utile.
Mais , pour revenir à l'utilité du dogme
des peines & des récompenfcs d'une autre
vie , & pour faire voir combien l'autiquité
a été unanime fur ce point , je vais tranf-
crire quelques paiTages qui confirment ce
que j'avance. Le premier eft de Timée le
Locrien , un des plus anciens difciples de
Pythagore , homme d'état , & qui, {iii\ant
l'opinion de Platon , étoit confommé dans
les connoifl'ances de la philofophie. Timée ,
après avoir fait voir de quel ufage eft la
fcience de la morale pour conduire au bon-
heur un cforit naturellement bien difpofé , en
lin faiiluit counoitre quelle eft la mcfure
du juile & de l'injufte , ajoute que la (b-
ciété fut inventée pour retenir dans l'ordre
des efprits moins raiibnnables , par la crainte
des loix & de la religion. c( C'eft à l'égard
» de ceux-ci , dit-il, qu'il faut faire ufage
)) de la crainte des châtimens , foit ceux
» qu'infligent les loix civiles , ou ceux que
» fulminent les terreurs de la religion chi
» haut du ciel & du fond des enfers ; châ-
)) timens fans fin , réfervcs aux ombres
» des malheureux ■■, tourmens dont la tra-
» dition a perpétué l'idée , afin de puri-
j) fier l'elprit de tout vice. »
Toriu IIL
A TH Soi
Polybc nous fournira le fécond pafiiige.
Ce fage hiftoricn , extrêmement verlé dans
la connoiilance du genre humain , & dans
celle de la nature des fbciétés civiles ■■, qui
fut chargé de l'augufte emploi de compoiér
des loix pour la Grèce , après qu'elle eut
été réduite fous la puifl'ance des Romains ,
s'exprime ainfi en parlant de Rome." I..'ex-
» cellence fi:périeure de cette république
» éclate particulièrement dans les idées qui
» y régnent fur la providence des dieux.
» La fiiperliitiou , qui , en d'autres endroits,
» ne procUiit que des abus & des défor-
» dres , y fôutient au contraire & y anime
» toutes les branches du gouvernement ,
)) & rien ne peut fiirmontcr la force. avec
)) laquelle elle agit fur les particuliers &c
» fur le public. Il me feinble que ce puiC-
» faut motif a été expreltément imaginé
» pour le bien des états. S'il falloit , à la
)) vérité , formicr le plan d'une fociété ci-
» vile qui fût entièrement compofée d'hom-
» mes Higes , ce genre d'inlHtution ne feroit
» peut-être pas nécclTaire : mais puilcju'eii
» tous lieux la multitude e!l volage , capri-
» ciculè , fiijctte à des paflîons irrègu-
» lieres , &c à des reffentimens violens &
» dèraifonnables , il n'y a pas d'autre moyen
)) de la retenir dans l'ordre , que la ter-
» reur des châtimens futurs , & l'appa-
» reil pompeux qui accompagne cette
» forte de fiction. C'eft pourquoi les an-
)) ciens me paroilfent avoir agi avec beau-
» coup de jugement & de pénétration , dans
» le choix des idées qu'ils ont infpirées au
» peuple concernant les dieux &c un état
» futur ^ & le (iecle prèfènt montre beau-
» coup d'indifcrètion & un grand manque
» de feus , lorfqu'il tâche d'effacer ces idées,
» qu'il encourage le peuple à les mépriibr ,
» èc qu'il lui 6te le frein de la crainte.
» Qu'en rèfiilte-t-il? Eu Grèce , par exem-
» p!e , jjour ne parler que d'une feule na-
» tion , rien n'clt capable d'engager ceux
)j qui ont le maniement des 'deniers pu-
» blics, à être fidèles à leurs cngagemens.
•» Parmi les Romains , au contraire , la feule
» religion rend la foi du fermc/Ut lui ga-
)) rant fur de l'honneur & de la probité
» de ceux à qui l'on confie les fommcs
» les plus confidérables, foit dans l'admi-
» niftration publique des affaires , foit dans
E c e e c
goz A T H
» les ambii/ïtides étrangères :, &i tnnclii qu'il
» eft rare en d'autres pays de trouver un
» homme intègre & défintérefië , qui puiile
» s'abftenir de piller le public , chez les
» Romains rien n'eft plus rare que de
w trouver quelqu'un coupable de ce crime. ■»
Ce palFage mérite l'attention la plus fé-
rieuie. Polybe étoit grec ■-, & comme homme
de bien , il aimcit tendrement fa patrie ,
dont l'ancienne gloire & la vertu étoicnt
alors iùr leur déclin , dans le temps que
la proipérité de la république romaine étoit
à fon comble. Pénétré du trifte état de
fbn pays , & obfèrvant les cfTets de l'in-
fluence de la religion fur l'efprit des Ro-
mains , il profite de cette occafion pour
donner une leçoii à fes compatriotes , &
les inftruire de ce qu'il regardoit comme la
caufe principale de la ruine dont ils étoient
menacés. Un certain libertinage d'eiprit
avoitinfeilé les premiers hommes de l'état ,
& leur faifoit penfer & débiter , que les
craintes qu'inipire la religion ne font que
«les vilions & des fùperftitioni ■■, ils croyoient
fans doute faire paroître pai'-là plus de pé-
jîctration que leurs ancêtres , & fè tirer
du niveau du commun du peuple. Polybe
?es avertit tju'ils ne doivent pas chercher
la caufe de la décadence de la Grèce dans
.îa mutabilité inévitable des choies humai-
nes , mais qu'ils doivent l'attribuer à la
corruption des mœurs, introduite par le
libertinage de l'efjjrit. Ce fut cette corrup-
tion qui affoiblit & qui énerva la Grèce ,
& qui l'avoit , pour ainfi dire , conquife j
enforte que les Romains n'eurent qu'à en
jjrendre pofienion.
Mais fi Polybe eût vécu dans le ficelé
.{iiivant, il auroit pu. adreifer la même leçon
aux Romains. L'efprit de libertinage , fu-
nefte avant-coureur de la chute des états ,
fit parmi eux de grands progrès en peu de
temps. La religiony dégénéra au point, que
Céfar ofa décferer en pleiu fénat , avec une
licence do!it toute l'antiquité ne fournit
point d'exemple , que l'opinion des peines
& des récompenfes d'une autre vie étoit
une notion fans foiidement. C'étoit-là un
terrible pronoftic de la ruiiie procliaine de
la république.
Le/prit d'irréligion fait tous les jours
jde nouveaux progrès j il a'.uucc à uas de
A TH
géant , & Ragne infenfiblement tous les
efprits & toutes les conditions. Les philo-
fbphcs modernes , les efprits forts me per-
mettront-ils de leur demander quel cft le
fruit qu'ils préterident retirer de leur con-
duite ? Un d'eux , le célèbre comte de
Shafsbury , aulTi fameux par fon irréligion
que par fa réputation de citoyen zélé, &c
dont l'idée étoit de fubftituer , dans le
gouvernement du monde , la bienveillance
à la créance d'un état futur , s'exprime
ainfi dans fon flyle extraordinaire. « La
)> confcience même, j'entends , dit-il , celle
» qui eft l'effet d'une difcipline religieufe ,
» ne fera , fans la bien\eillance , qu'une
» miférable figure : elle pourra peut-être
» faire des prodiges parmi le Milgaire. Le
» diable & l'enfer peuvent faire e^t fîir
» des efprits de cet ordre , lorfque la
» prifon & la potence ne peuvent rien :
M mais le caraftere de ceux qui font polis
» & bienveillans , eft fort différent ^ ils
» font fi éloignés de cette fimplicité pué-
w rilc , qu'au lieu de régler leur conduite
» dans la fociété par l'idée des peines &î
» des réconipenfes ftiturcs, ils font voir
» évidemment , par tout le cours de leur
)j vie , qu'ils ne regardent ces notion?
» pieufes que comme des contes propres
» à amufcr les enfans & le x^ulgaire. )) Je
ne demanderai point où étoit la religion
de ce citoyen zélé lorfqu'il parloit de la
forte , mais où étoient fa prudence & fa
politique ^ car il eft vrai , comme il le
dit , que le diable & l'enfer ont tant d'effet ,
lors même que la prifon & la potence font
inefficaces , pourquoi donc cet homme ,
qui aimoit fa patrie , vouloit-il ôter un
frein fi néceffaire pour retenir la multitude ^
& en reftreindre les excès ? fi ce n'étoit jias
fon deffein , pourquoi, donc tourner la
religion en ridicule ? Si fbn intention étoiî
de rendre les Anglois polis & bienveillans ,
il pouvoit aufll bien fe propofer de les faira
tous lords.
Strabon dit qu'il eft impofllble de gou-
verner le commun du peuple par les prin-
cipes de la philofbi^liie ; qu'on ne peut faire
d'imprellion fiu" lui que par le moyen de la
fiiperftition , dont les fidtions. & les pro-
diges font la bafc & le foutien ; que c'cfc
pour cela que Iss Icgillatcurs ont fuit ufa^J
A TH
cle ce qu'elifèignc la fable fur le tonnerre
de Jupiter , l'égide cle Miner\c , le trident
de Neptune , le thyrfe de Bacchus , les
fcrpens & l»s torches des Furies , & de tout
le refte des fixions de ranciennc théologie,
connne d'un cpouvantail propre à frapper
de terreur les imaginations puériles de la
multitude.
Pline le naturaliflc rcconnoît qu'il eft nc-
cclFaire pour le foutien de la Ibciété , que
les homines croient que les dieux inter-
viennent dans les affaires du genre hu-
main 5 & que les châtimens dont ils pu-
Jiillcnt les coupables , quoique lents , à
csufe de la diverlité des foins qu'exige
le gouvernement d'un i\ vafte univers ,
foHt néanmoins certains , & qu'on ne peut
s'y fouâraire.
Pour ne point trop multiplier les cita-
tions , je finirai par rapporter le préam-
bule des loix du philofophe Romain :
comme il fait profefflon d'imiter Platon ,
qu'il en adopte les fcntimens & fbu\'ent
les cxpreflions , nous connoîtrons par-là ce
que pcnfbit ce philofophe fur l'influence
de la religion par rapport à la focicté.
» Les peuples , avant tout , doivent être fer-
w meinent perfuadés de la puiffance & du
)) gouvernement des dieux , qu'ils font
» les fouverains maîtres de l'univers , que
» tout eft dirige par leur pouvoir , leur
)) volonté & leur providence , & que le
» genre humain leur a des obligations in-
» finies. Ils doi\'cnt être perfuadés que les
» dieux connoiiTcnt l'intérieur de chacun ,
)) ce qu'il fait, ce qu'il peu fe, avec quels
» fentimens , avec quelle piété il remplit
» les actes de religion , & qu'ils diftinguent
» l'homme de bien d'avec le méchant. Si
» l'efprit eft bien imbu de ces idées , il
» ne s'écartera jamais du vrai ni de l'utile.
)) L'on ne fauroit nier le bien qui réfulte
)) de ces opinions , 11 l'on fait réflexion à
» la ftabilité que les fermens inettent dans
)) les affaires de la vie , & aux effets falu-
)) taires qui réfultcnt de la nature facrée
» des traités &; des alliances. Combien de
» perfonnes ont été détournées du crime
» par la crainte des châtimens divins ! &
3) combien pure & faine doit être la vertu
5) qui règne dans une fociété , où les dieux
}> immortels interviennent eux - mêmes
ATH «03
» (ÎBmmc juges & témoins ! >> Voilà le
préambule de la loi ; car c'cft ainfi que
Platon l'appelle. Enfuitc vieinient les loix
dont la première eft conçue en ces termes :
» Que ceux qui s'approchent des dieux
» foient purs tSc chaftes^ qu'ils foieiit rcm-
» plis de piété & exemps de l'oftentation
» des richeffbs. Quiconque fait autrement ,
» Dieu lui-même s'en fera vengeance.
» Qu'un fiûut culte foit rendu aux dieux ,
» à ceux qui ont été regardes comme ha-
» bilans du ciel , & aux héros que leur
» mérite y a placés , comme Hercule ,
» Efculape , Caftor, Pollux, & Romultis.
» Que des temples foient édifiés en l'hon-
» neur des qualités qui ont élevé des
» mortels à ce degré de gloire , en l'hon-
» neur de la raifon , de la vertu , de la
)) piété & de la bonne foi. » A tous ces
differens traits on reconnoît le génie de
l'antiquité , & particulièrement celui des
légiilateurs , dont le foin étoit d'infjjircr
au peuple les fentimens de religion pour le
bien de l'état même. L'établilfement des
myfteres en eft un autre exemple remar-
quable. Ce fujet important & curieux
eft amplement développé dans les difter-
tations fur l'union de la religion , de
la morale , & de la politique , tirées
par M. Silhouette d'un ouvrage de War-
burton.
Eufiii M. Bayle abandonne le raifonnc-
ment , qui eft fon fort : fa dernière rcf-
fource eft d'avoir recours à l'expérience ) 8c
c'eft par-là qu'il prétend foutenir fi thefc ,
en faifant voir qu'il y a eu des aiAees qui
ont vécu moralement bien , & que même
il y a eu des peuples entiers qui fc font
maintenus fans croire l'cxiftcnce de Dieu.
Suivant lui , la vie de plufieurs ût/ie'es de
l'antiquité prouve pleinement que leur
principe n'entrame pas iiécefTairement la
corruption des moeurs^ il en allègue pour
exemple Diagoras, Théodore, Evhemcrc ,
Nicanor & Hijipon , philofophes dont
la vertu a paru f\ admirable à S. Clément
d'AIexan;lrie , qu'il a voulu en décorer la
religion & en faire autant de théi/ies ,
quoique l'antiquité les reconiioiilc pour des
athées décides. 11 defccnd enfijite à Epi-
cure & à les fcftateurs , dont la conduite ,
de l'aveu de lci:rs ennemis , étoit irrépro-
E e c e e 2
So4 A T H
chable. Il cite Atticus , Caffius , 8i Pline le
naturaîifte. Enfin , il finit cet illuftre catalo-
j»ue par l'éloge de la ^•ertu de Yanini & de
Spinofa. Ce n eit pas tout j il cite des na-
tions entières ôiathécs , que des voyageurs
modernes ont découvertes dans le conti-
nent & dans les îles d'Afrique & de l'A ■
mérique, &qui, pour les mœurs, l'empor-
tent îiir la plupart des idolâtres qui les en-
vironnent. Il eft vrai que ces athées font des
fauvages , fans loix , fans magillrats , fans
police civile : mais de ces circonflances il
eu tire des raifons d'autant plus fortes en
faveur de fon fentiment ^ car s'ils vivent
paifiblement hors de la fociété civile, à
plus forte raifon le feroicnt-ils dans une
fociété , où des loix générales empêche-
roient les particuliers de commettre des
injuftices.
L'exemple des philofophes qui , quoique
athées , ont vécu moralemerù bien , ne
prouve rien par rapport à l'influence que
îathéifme peut avoir fur les cœurs des hom-
mes en général ^ & c'eft-là néanmoins le
point dont il eft queftion. En examinant
les motifs différens qui engageoient ces phi-
lofophes à être vertueux, l'on verra que
ces motifs , qui étoient particuliers à leur
caraftere , à leurs circonftances , à leur
delTein , ne peuvent agir fur la totalité d'un
peuple qui léroit infefté de leurs principes.
Les uns étoient portés à la vertu par le
fentiment moral & la différence eirentielle
des chofes capables de ffeire un certain
effet fur un petit nombre d'hommes ftu-
tliffiux , contemplatifs , & qui joignent à un
heureux naturel , xm eiprit délicat & fub-
îil : mais ces motifs font trop foibles pour
déterminer le com.mun des hommes. Les
«litres agiiîbicnt par pa/Tion pour la gloire
& la réputation : mais , quoique tous les
hommes reifentent cette padion dans un
même degré de force , ils ne l'ont pas tous
dans un même degré de délicateffe : la phi-
part s'embarralTent peu de la puifer dans
des fburces pures : plus fenfibles aux mar-
ques extérieures de refpeft & de déférence
qui l'accompagnent , qu'au plaiiir intérieur
de la mériter , ils marcheront par la voie
la plus aifée & qui gênera le moins les au-
tres pafTions, & cette voie n eft point celle
«k la vertu. Le nombre de ceux fur ^li
A T H
ces motifs font capaWes d'agir eft donc
très-petit, comme Pomponace lui-mêm.e,
qui étoit athée , en fait l'aveu. » Il y a ,
)) dit-il , quelques perfonnes d'un natu-
» rel fi heureux, que la iëule dignité de
)j la vertu futlit pour les engager à la pra-
» tiqi;er , & la feule diiîbrmité du vice
» pour le leur faire éviter. Que ces
« difpofitions fout hcursufes , mais qu'elles
)) font rares ! Il y a d'autres perfonnes dont
)) l'efprit eft moins héroïque , qui ne font
» point infenfibles à la dignité de la vertu
» ni à la baffe jTe du vice ; mais que ce
« motif feul , fans le fecours des louanges
» & des honneurs , du mépris & de l'in-
■» famie , ne pourroit point entretenir dans
» la pratique de la vertu & dans l'éloigne-
» ment du vice. Ceux-ci forment une fe-
)) conde claffe ; d'autres ne font retenus
)) dans l'ordre que par l'efpérance de quel-
» que bien réel , ou par la crainte de quel-
w que punition corporelle. Le légiflateur y
» pour les engager à la pratique de la
» vertu , leur a préfenté l'appât des ri-
)j cb-cffes , des dignités , ou de quelqu'au-
H trc chofe femblable ; & d'un autre côté-
» il leur a montré des punitions , foit en
» leur perfonne , en leur bien , ou en leur
» honneur , pour les détourner du vice.
)) Quelques autres, d'un caraftere plus fc-
•>■> roce , plus vicieux , plus intraitable , ne
)) peuvent être retenus par aucun de ces
» motifs. A l'égard de ces derniers , le lé-
» giflateur a invente le dogme d'une autre
» vie, où la vertu doit recevoir des récoiîv
» peiffes éternelles , & où le vice doit Ç\.>
» bir des châtimens qui n'auront poiiit de
» fin ^ deux motifs dont le dernier a jjcau-
» coup plus de force fur l'efprit des hom-
» mes , que le premier. Plus inftruit par
» l'expérience de la nature des maux qi.e
» de celle des biens, on eft plutôt déterminé
)) par la crainte que par l'efpérance. Le
» légilîateur prudent fie attentif au bien
» public , ayant obfcn'é d'une part le peu-
» chant de l'homme vers le mal, & de
» l'autre côté , combien l'idée d'une autre
)) vie peut être utile à toiis les hommic? ,
» de quelque condition qu'ils foicnt , ^ a
» établi le dogme de l'immortalité de l'a-
» me , moins occupé du VTii que c'e l'i.-
)j tile j & de ce qui pouvoiî conduire les
A T H
» hommes à la pratique de la vertu : & l'on
•>i ne doit pas le blâmer de cette politique j
w car, de inêir.e qu'un inédecin trompe un
» malade afin de lui rendre la fauté , de
» même l'homme d'état inventa des apolo-
» gués ou des Hdions utiles pour lérvir
» à la correction des inœurs. Si tous les
» hommes à la vérité étoient de la première
)) clalTe , quoiqu'ils crulFcnt leur ame
■» mortelle , ils rempliroieiit tous leurs
» devoirs : mais comme il n'y en a pref-
)) que pas de ce caraftere , il a été nc-
)) cefiaire d'avoir recours à quelqu'autre
» expédient. »
Les autres motifs étoient bornés à leur
feue •■, c'étoit l'envie d'en foutenir l'honneur
& le crédit , & de tâcher de l'annoblirpar ce
fauyJuftre. Ileil étonnant julqu'à quel point
ils étoient préoccupés & polfédcs de ce de-
fir. L'hiftoire de la converfàtion de Pompée
& de Poilidonius le floïque , qui eft rap-
portée dans les Tufculanes de Cicéron ,
en eft un exemple bien remarquable :
o dou'dtr , difoit ce philofophe malade
& fouffrant ! tes efforts font vains ; tu peux
ttre incommode , jamais je navouerai que
tu (ois un mal. Si la crainte de fe rendre
ridicule en défavouant fes principes , peut
engager des hommes à fe faire une iî grande
violence , la crainte de fe rendre générale-
ment odieux n'a pas été un motif moins
puiiTant pour les engager à la pratique de
la vertu. Cardan lui-même reconnoît que
l'athéifme tend malhcureufement à rendre
ceux qui en font les partifans , l'objet de
l'exécration publique. De plus , le i>n\\ de
leur propre confervation les y engageoit ;,
le magiftrat avoit beaucoup d'indulgence
pour les fpéciilations philofophiques : mais
l'athéifme étant en général regardé coinme
tendant à renverfer la fociété, fouvent il
déployoit toute fa vigueur contre ceux qui
vouJoient l'établir \ enforte qu'ils n'avoient
d'autre moyen de défarmer là vengeance ,
que de perfuader par une vie exemplaire ,
que ce principe n'avoit point en lui-même
une influence fi funelîe. Mais ces mo-
tifs étant particuliers aux fedes des phi-
lofophes , qu'ont-ils de commun avec le
relie des hommes.
A l'égard des nations de fauvages athées^
qui vivent dans l'état de la nattire fans
A T H 805
fociété civile , avec plus de vertu que
les idolâtres qui les cnviroinient j fans vou-
loir révoquer ce fait en doute , il fuffira
d'obferver la nature d'une telle fociété ,
pour démalquer le fophifinc de cet argu-
ment.
Il eft certain que dans l'état de la fociété ,
lesihommcs font conftamment portés à en-
fre ndre les loix. Pour y remédier , la fo-
ciété eft conftamment occupée à foutenir
& à augmenter la force & la ligueur de
{c% ordonnances. Si l'on cherche la caufe
de cette perverfité , on trouvera qu'il n'y
en a point d'autre que le nombre & la
violence des delirs qui nailfcnt de nos bc-
foins réels & imaginaires. Nos befoins
réels font nécelîairement & invariable-
ment les mêmes , extrêmement aifés à fa-
tisfaire. Nos befoins imaginaires font infi-
nis , iàns mclLire , fans règle , augmen-
tant exa£lcment dans la même proportion
qu'augmentent les dificrens arts. Or ces
diffcreus arts doivent leur origine à la ïo-
ciété civile : plus la police y eft parfaite ,
plus ces arts font cultivés & perfedion-
nés , plus on a de nouveaux befoins &
d'ardens defirs •-, & la violence de ces de-
firs , qui ont pour objet de fatisfaire des be-
foins imaginaires , eft beaucoup plus forte
que celle des defirs fondés fur les befoins
réels , non feulement parce que les premiers
font en plus grand nombre, ce quilournit
aux paffions un exercice continuel \ non
feulement parce qu'ils font plus dérailbn-
nables , ce qui en rend la fatisfaCtion phis
difficile , & que n'étant point naturels , ils
font lans mciure : mais priucipalcnicnt parte
qu'une coutume vicieufe a attaché à la
fatisfaétion de ces befoins , une efpece
d'honneur & de réputation , qui n'eft point
attachée à la fatisfaction des befoins réels.
C'eft en couféqucnce de ces principes , que
nous di'.bns que toutes les précautions
dont la prévoyance humaine eft capable ,
ne font point fufiifantes par elles-mêmes
pour maintenir l'état de la fociété , îsc
qu'il a été nécefiaire d'avoir recours a
quelque autre moyen. Mais dans l'état de
nature , oîi l'on iguore les arts ordinaires ,
les befoins réels des hommes font en petit
nombre , & il eft aifé de les fitisfaire : la
nourriture & l'habillemeut font tout ce qui
SoS A T H
eft nécefîairc au foutieii de !a vie ; & la pro-
vidence a pourvu aboiiciammciit à ces bc-
ibins ; cnforte qu'il ne doit y avoir guère
de difpute , puifqu'il le trouve prefque tou-
joLirs uue abondance plus que liiîïifante pour
làtisfaire tout le monde.
On peut voir clairement par-là comment
il eft polTible que cette canaille d'ai/zees ,
s'il el\ permis de fc fervir de cette expref-
fîon , vive paifiblemcnt dans l'état de na-
ture i & pourquoi la force des loix humaines
ne pourroit pas retenir dans l'ordre &c le
devoir une îbciété civile à'atkées. Le fo-
phifine de M. Bayle fe découvre de lui-
même. Il n'a pas fouteuu & n'auroit pas
voulu foutenir que ces athées , qui vivent
paiiîblemcnî dans leur étatprélènt, fans le
frein des loix humaines, vivroient de même
fans le fecours des loix , après qu'ils au-
roient appris les diftcrens arts qui font
en ufage parmi les nations civilifées ; il ne
nieroit pas fans doute que , dans la fociété
civile , qui ed cultivée par les arts , le frein
des loix efî: abfoluinent ncceffaire. Or voici
les quefiions qu'il eft naturel de lui faire.
Si un peuple peut vivre painblcmcnt hors
de la ibciété civile , fans le frein des loix ,
■ mais ne fauroit , fans ce frein , vivre
paifibicment dans l'état de Ibciété , quelle
raifoii avcz-vous de prétendre que , quoi-
qu'il puiiîe vivre paifiblem.ent hors de la
fociété fans le frein de la religion , ce frein
ne devienne pas néccifaire dans l'état de fo-
ciété ? La réponfe ù cette queftion entraîne
néceiraircment l'examen de la force du frein
qu'il faut impofer à l'homme qui vit en fo-
ciété : or nous avons prouvé , qu'outre le
frein des loix huitaines , il falloit encore
celui de la religion.
On peut obferver qu'il règne un arti-
fice uniforme dans tous les fophifines dont
M. Bayle fait ufagc pour foutenir fon pa-
radoxe. Sa thefe étoit de prouver que
Yatht'ifme n'cft pas pernicieux à la fociété j
&; pour le prouver, il cite des exemples.
Mais quels exemples ? de fojihifies , ou
de fauvages , d'un petit nombre d'hom-
mes fjîéculatifs fort au dcllbus de ceux
qui , dans un état , forment le corps des
citoyens , ou d'une troupe de barbares &
A T H
de fiuvages infiniment au de/îbus d'eux ,'
i-iont les befoins bornés ne réveillent point
les pallions ; des exemples , en un mot ,
dont on ne peut rien conclure , par rap-
port au commun des hommes , & à ceux
d'entre eux qui vivent en fociété. Voyt^^
les diffcrtations de l'union de la religion ,
de la morale & de la politique de M.
^X'arburton , d'où font extraits la plupart des
raifonnemens qu'on fait contre ce paradoxe
de M. Bayle. tifei l'article du Poly-
théisme , où l'on examine quelques diffi-
cultés de cet auteur. ( X )
^ ATHÉISME , f. m. {Métaphyfiq. *)
c'eft l'opinion de ceux qui nient i'exiiience
d'un Dieu auteur du monde. Ainfi la fim-
ple ignorance de Dieu ne fcroit pas \a-
zhéifme. Pour être chargé du titre odieux
à'athéifme , il faut avoir la notion de Dieu ,
& Ja rejeter. L'état de doute n'eft pas
non plus ïathéifmî formel : mais il s'en
approche ou s'en éloigne , à proportioa
du nombre des doutes , ou de la maiùere
de les en\'ifager. On n'eft donc fondé à
traiter d'c/i^tv.f , que ceux qui déclarent ou-
vertement qu'ils ont pris parti fur le dogme
de l'exiftencc de Dieu , Se qu'ils fou-
tiennent la négative. Cette remarque eft
très-importante , parce que quantité de
grands hommes , tant anciens que moder-
nes , ont fort légèrement été taxés d'<z-
théifme , foit pour avoir attaqué les faux
dieux , foit pour avoir rejeté certains argn-
mens foibles , qui ne concluent point pour
l'exiftence du vrai Dieu. D'ailleurs il y a
peu de %c\\% qui penfent toujours confé-
quemment , fur-tout quand il s'agit d'un
fujet audi abftrait & aulîi coinpofé que l'cft
l'idée de la caufe de toutes chofcs , ou le
gouvernement du monde. On ne peut re-
garder comme véritable athéi que celui
qui rejette l'idée d'une intelligence qui gou-
verne avec un certain deifein. Quelque idée
qu'il fc faife de cette intclligcn.ee , la fup-
pofât-il matérielle , limitée à certains
égards , ùc. tout cela n'cft point encore
Xathéifme. YJathéiftne ne fc borne pa^ à dé-
figurer l'idée de Dieu , mais il la détruit
entièrement.
J'ai ajoute ces mots , auteur du monde ,
(ij) L'atlicirac cft un dclîr , & n'cft pis un tut. Mj£illon>
A T H
parce mnl ne liiriît pas d'adcptcr claiîs
ion fyiicme le mot de Dieu , pour n'ctrc
pas athée. Les Epicuriens parloicut des
dieux , ils en rcconnoillbient un grand
nombre ; & cependant ils étoient vrai-
ment athées , parce qu'ils ne donnoicnt à
ces dieux aucune part à l'origine & à la
cnnfcrvation du monde , & qu'ils les rclc-
guoient dans une molleHb de \ le oiiivc &
indolente. Il en eft de même du ipinofifmc,
dans lequel l'ufage du mot de Di€u n'empê-
che point que ce fyiicme n'en exclue la'
notion.
]Jatkéifinc eft fort ancien \ félon les ap-
parences , il y a eu des athées avant Dé-
niocrite & Leucippe , puifque Platon ( de
Legib. pag. 888 , cdit. Serr. ) dit en parlant
aux athées de fon temps. « Ce n'efc pas
» vous {èul , mon fils , ni vos amis ( Ué-
» mocrite , Leucippe & Protagore ) qui
» avez eu les premiers ces fentimens tou-
» chant les dieux : mais il y a toujours
y> eu plus ou moins de gens attaqués de
» cette maladie, w Arillote , dans fa méta-
phyfique , alTure que pluiîeurs de ceux
qui ont les premiers philofophé , n'ont re-
connu que la matière pour la première
caufe de l'univers , fans aucune caufe effi-
ciente & intelligente. La raifon qu'ils en
avoicnt, comme ce philofophé le remarque
( //l>. 1 5 c. iij , ) c'cit qu'ils alFtiroient qu'il
n'y a aucune fubftance que la matière , &
que tout le refte n'en eft que des accidens ,
qui font engendrés fec corruptibles ■■, au lieu
que la matière , qui eft toujours la même ,
n'eft ui engendrée , ni fujette à être détruite ,
mais éternelle. Les matérialiftes étoient de
véritables athées , ncHi pas tant parce qu'ils
n'établiilbient que des corps , que parce
qu'ils nereconnoiiîbient aucune intelligence
qui les mût Se les gouvernât. Car d'autres
pliilofophes , comme Heraclite , Zenon ,
6'c. en croyant que tout eft matériel , n'ont
pas laillé d'admettre une intelligeuce natu-
rellement attachée à la matière , & qui ani-
nioit tout l'univers , ce qui leur faifoit dire
que c'eft un animitl : ceux-ci ne peuvent
êtje regardés comme athées.
L'on trouve diveriès efpeces ôiatfu'ifm:
chez les anciens. Les principales font Wter-
nhé du monde , fatomifme ou le concours
fonun , Yhylopathianijme , & Y hylo^o'ifme ,
A T H îaj
qu'il faut chercher fous leurs titres parti-
culiers dans ce lîiiStionnairc. Il faut remar-
quer que l'éternité tlu monde n'cft une
espèce iXtuht'iJir.e , que dans le !éns auquel
Ariftote ik fcs leflatcurs l'eiabliftbient ; car,
ce n'cft pas être athée , que de croire le
monde co-éterncl à Dieu , & de le regarder
comme un efict iuféparablc de iîi caufè.
Pour l'ctcniité de la matière , je n'ai garde
de la ranger parmi les fyftêmcs des athées.
Ils l'ont tous foutenue à la \crité , mais dos
phiiolbphes théiftcs l'ont pareillement ad-
mifc , ik l'époque du dogme de la création
n'cft pas bien aftiirée. Voye\ Création.
Parmi les modernes , il n'y a éCatfiéifme fyf-
tématiquc que cchii de Spinofa , dont nous
faiibns aulli un article féparé. Nous nous
bornons ici aux remarques générales fiii-
vanlcs.
1°. C'eft à l'athée à prouver que la no-
tion de Dieu eft contradiéloire , & qu'il
eft impolfible qu'un tel être o.ifte. Quand
même nous ne pourrions pas démontrer la
pollibilité de l'être fouveraineiiient parfait ,
nous ferions en droit de denuinder à l'alliée
les preuves du contraire j car, étant perfua-
dés avec raifbn que cette idée ne renferme
point de contradidtion , c'eft à lui à nous
montrer le contraire ; c'eft le devoir de
celui qui nie d'alléguer iès raifous. Ainfi ,
tout le poids du tra\jil retombe ftir l'athée j
& cehii qui admet un Dieu , 5)eut tran-
quillement y acquiefcer , lallfaiit à fbn anta-
gonifte le Ibin (.Yen démciitrer la coiîtra-
didtion. Or , ajoutons-nous , c'eft ce dont
il ne viendra jamais à bout, t ii etfet , l'af-
femblage de toutes les perfections dans un
fèulétre, ne renferme point de coiitradiêtio!!,
il elè donc polîible :, & de-là qu'il eft, poiTible ,
ce être doit néceiîalrement exifter , l'exlf-
tence étant ccitiprife parmi ces réalités : mais
il faut renvoyer à Yanicle DiiiU , le détail
des preu\es de fbn exiiience.
2. Bien loin d'éviter les diflîcidtés , en
rejetant la notion de Dieu , l'athée s'en-
gage dans- des ]i}'pothefes mille fois plus
difficiles à rccc\oir. Voici en peu de mots
ce que l'atiîée eft obligé d'admettre. Suivaut
fon hypothcfe , le monde exifte par lui-
même , il eft indépendant de tout autre être,
& il n'y a rien dans ce monde vifible qui
ait fa ruifoii hors da monde. Les pairies^
8o8 A T H
de ce tout Se le tout lui-mcmc renferment
laraiibn de leur exiftence clans leur eiîencef,
ce font des êtres abfolumeut nécelîaires ,
&: il impliqucroit contradiftion qu'ils n'exif-
taiîèat pas. Le monde n'a point eu de com-
mencement , il n'aura point de fin ; il eft
éternel , & fuiïifant à lui-même pour fa
confervation. Les miiracles font impoffibles,
& l'ordre de la nature inaltérable. L.es loixdu
mouvement , les évcncmens naturels , l'en-
chaînement des chofes , font autant d'cifets
d'une néceflité abfolue •■, l'ame n'a point de
liberté. L'univers eft fans bornes |, une fata-
lité ablolue tient lieu de providence. ( Foy.
Wolf , Tkéolog. nat. tom. II,fccl. i,càap. ij.)
C'eft-là , & non dans le iyftême dcsthéiftes ,
qu'il faut chercher les contradidions •■, tout
en fourmille. Peut-on dire que le monde ,
confidéré en lui-même , ait des caraderes
d'éternité qui ne fe puiifent pas trouver
dans un être intelligent ? Peut-ou ibutenir
qu'il eil plus facile de comprendre que la
inaticre fe meut d'elle-même , & qu'elle a
formé par hazard & fans deifein le monde
tel qu'il eit , que de concevoir qu'une in-
tellij^euce a imprimé le mouvement à la
matière , & en a tout fait dans certaines
vues ? Pourroit-on dire que l'on com.prend
comment tout ce qui exifte a été formé
par un mouvement purement méchanique
& néccffairc de la matière , fans projet ôf
fans deffein d'aucune inteliis^ence qui l'ait
conduite i &; qu'on ne comprend pas com-
ment une intelliijcnce l'auroit pu faire ? II
n'y a alîlirément perfonne qui , s'il veut au
moins parler avec fincérité , n'avoue que le
fécond eft infiniment plus facile à compren-
dre que le preinier. Il s'enfuit de-là , que les
athées ont des hypothefes beaucoup plus
ditnciles à concevoir que celles qu'ils rejet-
tent \, & qu'ils s'élois^nent des fentimens
communs , plutôt pour fe diftinguer , que
parce que lesdillicultés leur font de la peine ;
autrement ils n'embrafferoient pas des fyf-
têmcs tout~à-fait incompréhenfibles , fous
prétexte qu'ils n'entendent pas les opinions
généralement reçues.
^". L'athée ne fauroit éviter les abfur-
ditès du progrès de l'infini. Il y a un pro-
grès qu'on appelle reâ/ligne , Se un progrès
qu'on appelle circulaire. Suivant le premier ,
eu remontant de l'eftct à la caufc , & de
AT H
cette cauis à une autre , comîîie de l'œuf
à la poule, & de la poule à l'œuf, on ne
trouve jamais le bout ■■, & cette chaîne d'êtres
viilblement contingens , forme un tout né-
ceiîaire , éternel , infini. L'impofTibilité d'une
telle fuppofition eft fi manifcfte , que les
philofophes païens l'avoient abandonnée ,
pour k retrancher dans le progrès circu-
laire. Celui-ci confifte dans certaines révo-
lutions périodiques extrêmement longues ,
au bout defquelles les mêmes cliofes fe retrou-
vent à la même place •■, & l'état de funi-
vers eft précifém.ent tel qu'il étoitaumême
moment de la période précédente. J'ai déjà
écrit une infinité de fois ce que j'écris à
préfènt , & je l'écrirai encore une infinité
de fois dans la fuite des révolutions éter-
nelles de l'univers. Mais la m.ême abfur-
dité qui produit le progrès reftiligne , re-
vient ici contre le progrès circulaire. Comme
dans le premier cas on cherche inutilenient,
tantôt dans l'œuf , tantôt dans la poule ,
lans jamais s'arrêter , la raifon fùffifante
de cette chaîne d'êtres :, de même dans
celui-ci une révolution eft liée à l'autre :
mais on ne voit point comment une révo-
lution produit l'autre , Jk quel eft le prin-
cipe de cette ficceflion infinie. Que l'on
mette des millions d'années pour les révo-
lutioiis univerfelles , ou des jours , des heu-
res , des minutes , pour l'exiftence de petits
inlèéles éphémères , dont l'un produit l'au-
tre fans fin ; c'eft la même cholè j ce font
toujours des effets enchaînés les uns aux
autres , fans qu'on puilTe ailigner une caufe ,
un principe , une raifon fulïifaute qui les
explique.
4°. On peut auftl attaquer Xathéifme par
fes conféquences , qui , en fappant la reli-
gion , rcnverfcnt du mêmiC coup les fon-
demens de la morale & de la politique. En
ellét , ïachéifme avilit & dégrade la nature
humaine , en niant qu'il y ait en elle les
moindres principes de morale , de politi-
que , d'équité & d'humanité : toute la cha-
rité des hommes , fuivant cet abfurde fyf-
tême , toute leur bienveillance ne viemient
que de leur crainte , de leur foiblefie , 6c
du befoin qu'ils ont les uns des autres. L'u-
tilité & le dcfir de par\cnir , rcn\ ie des
plaifirs , des honneurs , des richcilés , font
les uniques règles de ce qui eft bon. La
juftice
A T H
jiifUcc 5t le g'Ouvcrnemciit civi! ne feint des
choll's ni bonnes , ni deiîrables par elles-
mêmes •, car elles ne fer\ent qu'à tenir dans
ks fers la liberté de l'honiine : mais on les
H établies comme un moindre mal , & pour
©bvier à l'état de guerre dans lequel nous
nailîbns. Aiiiii les hommes nr font jullcs
que malgré eux •, car ils voudroient bien
♦ju'il fiit portible de n'obéir à aucune loi.
Enfin, ("car ceci n'eft ici qu'un échantillon
des principes moraux & politiques de ïa-
tÂéij'me , ) les fouverains ont une autorité
proportionuée à leurs forces ; iî elles font
illimitées, ils ont un droit illimité de com-
mander; enlÎTrte que la volonté de celui qi'.i
commande tienne lieu de jullice aux fujets ,
& les oblige d'obéir , de quelque nature
que foient les ordres.
Je conviens que les idées de l'honnête
& du déshonnctc lubfilient avec Witficifme.
Ces idées étant dans le fond & dans l"ef-
iènce de la nature humaine , l'athée ne
fiiuroit les rejeter. Il ne peut méconnoi-
tre la différence morale des allions ; parce
que , quand même il n'y auroit point de
divinité , les aftions qui tendent à dété-
riorer notre corps & notre ame fêroient
toujours également contraires aux obliga-
tions naturelles. La vertu purement phi-
lofophique , qu'on ne fauroit lui refurcr ,
en tant qu'il peut fe conformer aux obli-
gations naturelles , dont il trouve l'ein-
preinte dans fa nature , cette vertu , dis-
je , a très-peu de force , & ne fauroit
guère tenir contre les motifs de la crain-
te , de l'intérêt & des partions. Pour ré-
fîfter , fur-tout lorfqu'il en coûte d'être
vertueux , il faut être reinpli de l'idée
d'un Dieu qui voit tout , & qui conduit
tout. ÏSathéifme ne fournit rien , & fe
trouve fans rellburce ; dès que la vertu eft
malheureufe , il eft réduit à l'exclamation
de Brutus : Vertu , ftcrile vertu , de quoi
m as-tu fervi ? Au contraire , celui qui
croit fortement qu'il y a un Dieu , que ce
Dieu eft bon , que tout ce qu'il a fait &
qu'il permet , aboutira enfin au bien de fès
créatures ç, un tel homme peut conferver fa
vertu 8f fbn intégrité , même dans la con-
dition la plus dure. Il eft vrai qu'il faut pour
cet effet admettre l'idée des récompeiifes
èc des peines à venir.
Tome m.
A T H 8oi>
II réfultc delà que \'athc:fme publique-
ment profeffé eft punilîable (lîivant le
droit naturel. On ne peut que dé/;ipprou-
vcr hautement quantité de procédures bar-
bares & d'exécutions inhumaines, que le
limple Ibupçon ou le prétexte à'athéifmc
ont occalionées. Mais , d'un autre côté ,
l'homme le plus tolérant ne difconvicn-
dra pas , que le magiftrat n'ait droit de
réprimer ceux qui ofeut profelfer Vathéip
me , & de les faire i)crir même , s'il ne
peut autrement en délivrer la fociété. Per-
fonne ne révoque en doute , que le ma-
girtrat ne foit pleinement autorifé à punir
ce qui eft mauvais & vicieux , & à ré-
compenfer ce qui eft bon & vicieux. S'il
peut punir ceux qui font du tort à une
feule perfonne , il a fans doute autant de-
droit de punir ceux qui en font à toute
une fociété , en niant qu'il y ait un Dieu y
ou qu'il fe mêle de la conduite du genre
humain , pour récompcnfer ceux qui tra-
vaillent au bien commun , & pour châ-
tier ceux qui l'attaquent. On peut regar-
der un homme de cette forte comme l'en-
nemi de tous les autres , puifqu'il renverfc
tous les fondemens fur lefqucls leur confer-
vation & leur félicité font principale-
ment établies. Un tel homme pourroit
être puni par chacun dans le droit de na-
ture. Par conféquent le magiftrat doit
a\oir droit de punir non feulement ceux
qui nient l'exiftence d'une divinité , mais
encore ceux qui rendent cette exiftence
inutile , en niant fa providence , ou eu
prêchant contre fon culte , ou qui font
coupables de blafphcmes formels , de pro-
fanations , de parjures , ou de jurcmens
prononcés légèrement. La religion eft lî
néceffaire pour le foutien de la fociété
humaine , qu'il eli impaffiblc , connue les
païens l'ont reconnu aiiffi bien que les
chrétiens , que la fociété fubfifte fi l'ou
n'admet une puiffance invifible qui^ gou-
verne les affaires du genre humain. Voyez-
en la preuve à l'article des athées. La crainte
& le refpcdl que l'on a pour cet être ,
produit plus d'effet dans les hommes ,
pour leur faire obferver les devoirs dans
lefquels leur félicité confifte fur la terre ,
que tous les fupplices dont les magiftrats
puiiTent les menacer. Les athées mciiie
Fffff
8io ATH
n'ofent le nier ^ &; c'eft pourquoi ils flip-
pofent que la religion eft une invention
des politiques , pour tenir plus facilement
la fociété en règle. Mais quand cela feroit ,
les politiques ont le droit de maintenir
leurs établifFcmens , & de traiter en enne-
mis ceux qui voudroient les détruire. Il
n'y a point de politiques moins fenfés que
ceux qui prêtent l'oreille aux infinuations
de Xathéifmt , & qui ont l'imprudence de
faire profeiïion ouverte d'irréligion. Les
athées , en flattant les fouverains , & en
les prévenant contre toute religion , leur
font autant de tort qu'à la religion même,
puifqu'ils leur ôtent tout droit , excepté
la force , 84 qu'ils dégagent leurs fujets
de toute obligation & du ferment de fidé-
lité qu'ils leur ont fait. Un droit qui n'efl:
établi d'une part que fur la force , & de
l'autre que fur la crainte , tôt ou tard fe
détruit & fê renverfe. Si les fouverains
pouvoient détruire toute confcience & toute
religion dans les efprits de tous les hom-
mes, dans la penfée d'agir enfuite avec
une entière liberté , ils fe verroient bien-
tôt enfevelis eux-mêines fous les ruines de
la religion. La confcience Se la religion
engagent tous les fujets : 1°. à exécuter
les ordres légitimes de leurs fouverains ,
ou de la puilFance légiflative à laquelle ils
ibnt fournis , lors même qu'ils font oppofés
à leurs intérêts particuliers : z°. à ne pas
réfifter à cette même puiiîance par la for-
ce , comme S. Paul l'ordonne. Kom. ch. xij.
verf. II. La religion eft encore plus le
Ibutien des rois , que le glaive qui leur a
été remis. Cet article eft tiré des papiers de
M. Formey , fecretaire de [académie royale
dePruJfe.(X)
On ne peut parler de l'athéifme fans dé-
velopper les opinions de celui qui l'a réduit
le premier en lyftême.
Spinosa en a fait un corps de doc-
trine lié & tiifu félon la méthode des géo-
mètres j mais , d'ailleurs , fon fentiment n'eft
pas nouveau. Il y a long-temps que l'on
a cru que tout l'univers n'eft qu'une fiibf-
tance , & que Dieu & le monde ne font
«pi'un fèul être. Il n'efl pas fur que Straton ,
philofbphe péripaticien , ait eu la même
opinion , parce qu'on ne fait pas s'il en-
feignoit que l'univers ou la nature fût un
ATH
être fîmple Se une fubrtance unique. Ce
qu'il y a de certain , c'eft qu'il ne recon-
uoilibit d'autre dieu que la nanire. Comme
il fe moquoit des atomes & du vuide d"E-
picure , on pourroit s'imaginer qu'il n'ad-
mettoit point de diftinûion entre les par-
ties de l'univers ^ mais cette conféquence
n'eft point néceffaire. On peut feulement
conclure que fbn opinion s'approche infini-
ment plus du fpinofifme qne le f}-ftême des
atomes. On a même lieu de croire qu'il
n'enfeignoit pas , com-me faifbient les ato-
miftes , que le monde fût un ouvrage
nouveau , Si produit par le hafard ; mais
qu'il enfeignoit , comme font les fpinofif^
tes , que la nature l'a produit néceffaire-
ment & de toute éternité.
Le dogme de l'ame du monde , qui a
été fi commun parmi les anciens , & qui
faifoit la partie principale du fyftême des
ftoïciens , eft , dans le fond , celui de Spi-
nofa ; cela paroîtroit plus clairement , fî
des auteurs géomètres l'avoient expliqué.
Mais comme les écrits où il en eft fait men-
tion , tiennent plus de la méthode des rhé-
toriciens , que de la méthode dogmatique j
& qu'au contraire Spinofa s'eft attaché à la
précilion , fans le fervir du langage figtiré , qui
nous dérobe fi fbu\'ent les idées juftes d'un
corps de doûrine ; delà vient que nous
trouvons plufieurs différences capitales entre
fbn fyftême & celui de l'ame du monde»
Ceux qui voudroient fbutenir que le fpi-'
nofifme eft mieux lié , devroient auifî fbu-
tenir qu'il ne contient pas tant d'orthodoxie •■,
car les iloïciens n'ôtoient pas à Dieu la pro-
vidence : ils réuniffoient en lui la ccimoif-
fànce de toutes les chofes j au lieu que Spi-
nofa ne lui attribue que des connoillances
féparées & très-bornées. Lifez ces paroles
de Scncque : m Eumdem quem nos, Jovem in-
» telligunt, cu/lodem , recloremque univerji ^
n animum ac fpiritum , mundani kujus operis
)) dominum & artificem , cui nomcn omne
» convertit. Vis ilLum fatum vocare ? Non
» errabis : kiceft ex quo fufpenfa funt o.nnia ,
)) eau fa caufarum. Vis illum providentiam
» dicere ? Reâe dicis. Eft tnim eu jus confiio
» huic mundo providetur. Vis illum naiuram
» vocare ? Non ptccabis. Eft enim ex quo
)) nota fur.t omnia , cujus fpiritu vivimus.
» Vis illum vocare mundum ? Non falUris,
A T H
• '/î/' 'fl ti^'iTi totiim quod rides ^ totus fuis
» panibus induur ^ tr f< fuflinens vi Juâ.
» QuceJ}, natur. lib. XI , dip. xlv. Et ;iillciirs
)) il parle ainfi : « Quid cji auiem , cur non
» ezijfimes in co divini aliquid cxijUrc , qui
») Dei par eft ? Totum hoc quo continemur ?
j) £• unum eji & De us , & focii ejus fumus
)) 6" memhra. » Epij}. 92. Lifez aufîi le tlii-
cours de Catoii , dans le ly, Irv. de la
Pharfale , Se fur-tout coniidcrez-y ces trois
vers.
EJl-ne Deifcdes niji terra £• pontus 5> aer ,
El cœlum fi» vin us ? Superos quid quœrimus
ultra ?
Jupiter eft quodcumqut vides , quocumque
moveris.
Pour revenir à Spinofa , tout le monde
convient qu'il avoir des mœurs, qu'il fut fo-
bre , modéré , pacifique , dcfintéreJfé , même
généreux j ion cœur n'étoit taché d'aucun
de ces vices qui déshonorent. Cela eft étrange^
mais au fond il ne faut pas plus s'en éton-
ner, que de voir des gens qui vivent très-
mal , quoiqu'ils aient une pleine perfuaiîon
de l'évangile j ce que l'attrait du plaifir
re fit point dans Spinofa , la bonté &
l'équité naturelles le firent. De fon obf-
cure retraite fortit d'abord l'ouvrage qu'il
intitula , cruiif thcologico-politique , parce
qu'il y enviîàgc la religion en elle-même ,
& piir rapport à fon exercice , eu égard
au gouveriienient civil. Comme la cer-
titude de la révélation eft le fondement
de la foi , les premiers efforts de Spinofa
Ibnt contre les prophètes. Il tente tout pour
a.foibiir i'idcc que nous avons d'eux , &
que nous puifons dans les prophéties. Il
borne à la fcience des mœurs tout le mé-
rite des prophètes. Il ne veut pas qu'ils
aient bien connu la nature &les perfections
de l'être fouverain. Si nous l'en croyons ,
ils n'en fàvoient pas plus , & peut-être qu'ils
n'en favoient pas tant que nous.
Moyfc , parexem.ple, imaginoit un Dieu
jaloux , complaifant Se vindicatif ^ ce qui
s'accorde avec l'idée que nous devons avoir
de la divinité. A l'égard des miracles , dont
k récit eft fi fréquent dans les écritures , il
a trouvé qu'ils n'étoient pas véritables. Les
prodiges , félon lui , font impofîibles \ ils
dérangeroieut l'ordre de la nature , 6c ce
ATH îit
dérangement eft contradi(ftoire. Enfin ,
pour nous aftianchir tout-d'un-coup 8c nous
mettre à l'aife , il détruit par un chapitre
ièul toute l'autorité des anciennes écritures.
Elles ne font pas des auteurs dont elles
portent les noms , ainfi le jKutateuque ne
icra plus de Moylê , mais une compilatioa
de vieux mémoires mal digérés par Efdras.
Les autres livres facrés n'auront pas une
origine plus refpcftable.
Spinofa avoit étonne Sc fcandali/c l'Eu-
rope par une théologie qui n'avoit de fon-
dement que l'autorité de ia parole. 11 ne
s'égara pas à demi. Son premier ouvrage
n'étoit que l'eflai de fes ioicts. Il alla bien
plus loin dans un fécond. Cet autre écrit
eft fà morale , où , donnant carrière à fèi
méditations philofophiques , il plongea fon
ledteur dans le fein de l'athéifme. C'eft prin-
cipalement à ce monftre de hardieffe , qu'il
doit le grand nom qu'il s'eft fait parmi Ict
incrédules de nos jours. Il n'eft pas vrai
que fes leftateurs fbient en grand nombre.
Irès-peu de perfonnes font foupçonnées
d'adhérer à ia doftrine , & parmi ceux
que l'on en foupçoiuie , il y en a peu qui
l'aient étudié , & , entre ceux-ci , peu
qui l'aient comprife , & qui foient capa-
bles d'en tracer le vrai plan , & de déve-
lopper le fil de les principes. Les plus fin-
ceres avouent que Spinofa eft incompré-
henlible , que fa philofophie fur-tout eft:
pour eux une énigme i^erpétuclle , & qu'en-
fin , s'ils le rangent de fon parti, c'eft qu'il
nie avec intrépidité ce qu'eux - mêmes
avoient un penchant fecret à ne pas croire.
Pour peu qu'on s'enfonce dans les noires
ténèbres où il s'eft enveloppé , on y dé-
couvre une fuite d'abymes , où ce témé-
raire raifonnenr s'eft précipité prefque dès
le premier pas , des propofit.ons évidem-
ment fauifes , & les autres contcfti-'blcs ,
des principes arbitraires fubilitucs aux prin-
cipes naturels & aux vérités lènfiblcs , un
abus des termes la plupart pris à contre-
fens , un amas d'équivoques troirpeufes ,
une nuée de contradiftions palpables.
De tous ceux qui ont réfuté le fpiiiofifine ,
il n'y a perfonne qui fait développé auiîî
nettem-ent , ni combattu avec autant d'avan-
tage que l'a fait M. Bayle. C'eft pour-
quoi je me fais un devoir de tranfcrire ici
^ Y mil
8iî A T H
un précis des raifonnemens par lefquels il
a ruiné de fond-en-comble ce fyftêinc
monllrueux. Mais avant d'en faire fentir le
ridicule , il eft bon de les expofér. Spinofa
foutient , i°. qu'une fubllance ne peut pro-
duire une autre fubftance \ i'*. que rien ne
peut être créé de rien , parce que ce fèroit
une contradiétion manifefte que Dieu tra-
vaillât fur le néant , qu'il tirât l'être du
non-être , la lumière des ténèbres , la vie
de la mort ; 3''. qu'il n'y a qu'une feule
fubftance , parce qu'on ne peut appeller
fubftance que ce qui eft éternel , indépen-
dant de toute caufe fupérieure , que ce
qui exifte par foi-même & néceflairement.
Or , toutes ces qualités ne conviennent
qu'à Dieu , donc il n'y a d'autre fubftance
dans l'univers que Dieu feul.
Spinofa ajoute que cette fubftance uni-
que , qui n'eft ni divifée , ni divifible , eft
douée d'une infinité d'attributs , & entr 'au-
tres de l'étendue & de la penfée. Que tous
les corps qui fe trouvent dans l'univers font
des modifications de cette fubftance en tant
qu'étendue , & que les âmes des hommes
font des modifications de cette fubftance
en tant que penfée. Le tout cependant refte
immobile , & ne perd rien de fon eifence
pour quelques changemens légers , rapides ,
momentanés. C'eft ainii qu'un homme ne
ceffe point d'être ce qu'il eft en effet , foit
qu'il veille , foit qu'il dorme , foit qu'il fe
3-epofè nonclialamment , . Ibit qu'il agillef
avec vigueur. Ecoutons ce que Bayle op-
pofe à cette doftrine.
1°. Il eft impoflîble que l'univers fcit une
fubftance unique •■, car tout ce qui eft étendu
a néceffairement des parties , &. tout ce qui
a des parties eft compofé : & comme les
parties de l'étendue ne fubfiftent point l'une
<laus l'autre, il faut néceffairement, ou que
retendue en général ne foit pas une fubf-
tance , ou que chaque partie de l'étendue
foit une (ijbftance particulière & diftinfte
<le toutes les autres. Or , fèk n Spinofa ,
l'étendue en général eft l'attribut d'iuiefubl-
îance : d'rn autre côté , il avoue avec les
autres philofoplies , que l'attribut d'une
fubftance ne diffère point réellement de
cette fubftance ;, d'où il faut conclure que
chaque partie de l'étendue eft ujie fubftance
particuiicre : ce ejui ruine les foudcuieiis
AT H
de tout le {yftême de cet auteur. Pour
cxcufcr cette abfurdité , Spinofa ne fàuroit
dire que l'étendue en général eft diftinctc
de la (iibftance de Dieu ^ car s'il le difoit,
il enfeigneroit que cette fubftance eft en
elle-même non étendue ;, elle n'eût donc
jamais pu acquérir les trois dimcnfions ,
qu'en les créant , puifqu'il eft vifible que
l'étendue ne peut fortir ou émaner d'ua
ftijet non étendu , que par voie de créa-
tion : or Spinofa ne croyoit p^int que de
rien on pût faire rien. Il eft encore vifible
qu'une fubftance ncn étendue de fa nature ,
ne peut jamais devenir le lùjet des trois di-
m^enfions : car , comment feroit-il poffible
de les placer fur ce point mathématique ?
elles fubfiftercient donc fans un fujet, elles
feroient donc une fubftance \ de forte que
li cet auteur admettoit une diftinflion réelle
entre la fubftance de Dieu , & l'étendue en
général, il fcroit obligé de dire que Dieu
feroit compofé de deux fubftances diftinc-
tes l'une de l'autre , favoir , de fon être
non étendu , & de l'étendue : le voilà donc
obligé de reconnoître que l'étendue 8c Dieu
ne font que la même chofe ; & comme
d'ailleurs , dans fes principes , il n'y a qu'une
fubftance dans l'univers , il faut qu'il en-
feigne que l'étendue eft un être fîniple ,
& auffi exempt de compofition que les
points mathématiques ; mais n'eft-ce pas
fe moquer du monde que foutenir cela ?
eft- il plus évident que le nombre millénaire
eft compcfé de mille unités, qu'il n'eft évi-
dent qu'un corps de cent pouces , eft com-
pofé de cent parties réellement diftinftes
l'une de l'autre , qui ont chaciuie l'étendue
d'un pouce ?
Pour îè débarraffer d'une difficulté iï
preffante , Spinofa répcnJ. que l'étendue
n'eft pas compofée de parties , mais de mo-
difications. Mais a-t-it pu bien fe promet-
tre quelque avr-itage de ce changement de
mot ? qu'il évite tant qu'il \'cuàra le nom
de partie , qu'il fubftitue tant qu'il vou-
dra celui de modalitg ou modification , que
fait cela à l'affaire ? les idées que l'on atta-
che au mot ponie , s'effaceront-elles ? ne
les appliquera-ton pus au mot modif cation ?
les lignes & les curaderes de diflérence
font-ils moins réels , ou moins évidcns ,
quand ou diviiè la mauere eu modiiîca-
A TH
tlons , que quand on la divifc en parties •■,
vifions que tout cela : l'idée de la matière
demeure toujours celle d'un être compofë ,
celle d'un amas de plulieurs fubllances. Voici
de quoi bien prouver cela.
Les modalités font des êtres qui ne peu-
vent exifter fans la fubftauce qu'elles modi-
fient , il faut donc que la fubibnce fc trouve
par-tout où il y a des modalités , il faut
même qu'elle fc multiplie à proportion que
les modifications incompatibles entr'elles
fe multiplient. 11 eft évident , nul fpinolille
ne peut le nier, que la figure quarréc & la
figure circulaire font incompatibles dans
le même morceau de cire ■■, il faut donc
nécelTaireirient que la fubftance modifiée
par la figure quarrée ne foit pas la même
fiibftance que celle qui eft modifiée par la
figure ronde : autremeiit la figure quarrée
& la figure ronde fe trouveroient en même
temps dans uu fèul & même uijet : or , cela
eft impoiTible.
2°. S'il eft abfurde de faire Dieu étendu ,
parce que c'eft lui ôter fa iimplicitc , &c le
compofer d'un nombre infini de parties^ que
dirons-uouï quand nous fongerons que
c'cft le réduire à la condition de la naaire
la plus vile , en le faifant matériel , la ma-
tière étant le tliéatre de toutes les corrup-
tions & de tous les chan;j£mens ? Les fpi-
rofiiîes fouticnnent pourtant qu'elle ne fouf
fre nulle divifion , mais ils fouticnnent cela
par la plus fri\ole ck la plus froide ciiica-
iierie qui puilfe fe voir. Afin que la matière
fû* divifie , difent-ils , il faudroit que l'une
de Ces portions fût féparce des autres par des
efp^ces vuides : ce qui n'arrive jamais ^ mais
c'elt très-mal définir la di\ ifion. Nous Som-
mes an(Ti réellement féparés de nos amis ,
lorfqiie l'intervalle qui nous fépare , eft oc-
cupé par d'autres hommes rangés de file ,
que s'il étoit plein de terre. On rcnvcrfe
donc & les idées & le langage , qua-id on
nous fouticut que la matière réduite en
ceiidres ti eu fumée , ne foutîre point de
réparation.
3°. Nous allons voir des abfurdités en-
core plus monftrueufes , en confidérant le
dieu de Spinofa , comme le fujct de toutes
les modifications de la penfée : c'eft dcja
une grande dimculté que de concilier l'éten-
due & ia peulee dans une feule fubUaiicc j
ATH 815
& il ne lagit point ici d'un alliage comme
celui des métaux, ou connue celui de l'eau
6c du vin ;, cela ne demande que la jiifla-
pojltion : mais l'alliage de la penfée & de
l'étendue doit être une ideiuhc. Je fuis
fur que fi Spinofa avoit trouvé un tel em-
barras dans luie autre feéte , il l'auroit
|ugée indigne de fon attention \ mais il
ne s'en eft pas fait une affaire dans fa pro-
pre caufc : tant il eft vrai que ceux qui
cenfurent le plus dédaigneulèment les pen-
fées des autres , font fort indulgens eiivers
eux-mêmes. Il (e moquoit fans doute du
myfterede la Trinité, &c il admiroitqu'uuc
infinité de gens oiâlïcnt parler d'une na-
ture formée de trois hypoftafes , lui qui ,
à proprement parler , donne à la nature
divine autant de perfonnes qu'il y a de
gens fur la terre j il rcgardoit comme (lus
fous , ceux qui , admettant la îransfùbftan-
tiation , difent qu'un homme peut être
tout-à-la-fois en pkifieurs lieux , vivre à
Paris , être mort à Rome , ùc. lui qui
foutient que la fubftance étendue , unique ,
& indivifible , eft tout à la fois par-tout ,
ici froide , ailleurs chaude , ici irifte , ail-
leurs gaie , (Se.
S il y a quelque chofè de certain & d'in-
conteft.able dans les connoiftanccs humai-
nes , c'eft cette propofition-ci : on. ne peut
affirmer véritablement d'un même fujet , aux
mêmes égards , & en même temps , deux
termes qui font oppofés ^ par exempte , on ne
peut pas dire fans mentir , Pierre fe porte
bien , Pierre efi fort malade. Les fpinofiftcs
ruinent cette idée , & la juftifieut de telle
iorte , qu'on ne fait plus où ils pourroient
prendre le earaftcrc de la vérité : ciU" , fi
de telles propofitions étoicnt fauftes , il
n'y en a point qu'on pût garaiitir pour
vraies. Montrons que cet axiome eft très-
faux dans leur fyftên-e , & pofbns d'abord
poiu- maxime inconteftable que tous les
titres que l'on do;ine à ce fujet , pour
fignifier on tout ce qu'il fait , eu tout ce
qu'il foui,î"re , conviennent proprement &
phyfiquenient à la fubftance , & non pas
à fes accidens. Quand nous l'ilbns : le fer
eft dur , le fer eft pefant , il s'enfonce dans
l'eau ^ nous ne prétendons point dire , que
fa pefanteur eft pefante , 6'c. ce langage
feroit très-impertinent , nous voulons dire
8i4 ATH
que la fubflancc étendue qui le compofc ,
rcfifte , qu'elle pefe , qu'elle dcfcena fous
l'eau. Ue même , quand nous difons qu'un
homme nie , affirme , fe fâche , careife ,
loue , &c. nous faifons tomber tous ces
attributs fur la fubftance même de fou
ame , & non pas fur fes penfées , en tant
qu'elles font des accidens ou des modifi-
cations. S'il étoit donc vrai , comme le
prétend Spinofa , que les hommes fulfent
des modalités de Dieu, on parlcroit fauf-
fement quand on diroit : Pierre nie ceci ,
il veut ceci , il veut cela , il affirme une
telle chofe : car réellement , félon ce fyf
terne , c'eft Dieu qui nie , qui veut , qui
affirme , Se par conféquent toutes les dé-
nominations qui réfultent de toutes les
penfées des hommes , tombent proprement
& phyfiquement fur la fubftauce de Dieu ^
d'où il s'enfuit que Dieu hait ik aime , nie &
affirme les mêmes chofes , en même temps,
& félon toutes les conditions requifes , pour
faire que la règle que nous avons rapportée
touchant les termes oppofés , foit faulie: car
on ne fauroit nier que , félon toutes ces con-
ditions priics en toute rigueur, certains hom-
mes n'aiment & n'affirment ce que d'au-
tres hommes haïflent & nient. Pailbns plus
avant : les termes contradiâoires vouloir
& ne vouloir pas , conviennent félon tou-
tes ces conditions , en même temps à
diiïércus hommes ^ il faut donc que dans
le fyftêine de Spinofa , ils conviennent à
cette fubftance unique & indivifible qu'on
nomme Dieu. C'eft donc Dieu qui forme
en mêine temps l'afte de vouloij , & qui
ne le forme pas à l'égard d'un même ob-
jet. On vérifie donc de hii deux termes
contradiâoires , ce qui eft le renverfement
des premiers principes de la métaphyii-
que : un cercle quarré n'eft pas plus une
contradidtion , qu'une fubftance qui aime
&: hait en même temps le même objet :
voilà ce que c'eft que la faulFe dclicateife.
Notre homme ne pouvoit fouffrir les moin-
dres obfcurités , ni du péripatétifme , ni du
{'udaïfme , ni du chriftianifme , & il cm-
jraifoit de tout fon cxm une hypothefe qui
allie enfemble deux termes aulTi oppofés
que la fii^furc quarrée & la circulaire , & qui
fait qu'une infinité d'attributs difcordans &
incompatibles , & toute la variété & l'an-
A T H
tîpathle des panfées du »enre humain (ê cer-
tifient tout à la fois , d'une feule & même
fubftance très-fimple & indivifible. On dit
ortlinairement -^quot capita ^totf(nfus\ mai»
lèlon Spinofa , tous les fentimens de tous les
iiommes fontdans une feule tête. Rapporter
iimplement de telles chofes , c'eft les ré-
futer.
4°. Mais fi c'eft,phyfiquement parlant, une
abfurdité prodi;;ieufe , qu'un fujet fimple &c
unique Ibit modifié en même temps par les
peniees de tous les hommes , c'eft une abo-
mination exécrable quand on confidere ceci
du côté de la morale.
Quoi donc ! l'être infini , l'être néceflai-
re , Ibuverainement parfait , ne fera point
ferme , conftant , & immuable ? que dis-
je , immuable ! il ne fera pas un moment le
même ^ fes penfées fe fuccéderont les unes
aux autres , fans fin & fans ceffe ; la même
bigarrure de paffions & de fentimens ne
fe verra pas deux fois ; cela eft dur à di-
gérer. Voici bien pis : cette mobilité con-
tinuelle gardera beaucoup d'uniformités
en ce fcns , que toujours pour une bonne
penfée , l'être infini en aura de mille for-
tes , d'extravagantes , d'impures , d'abo-
minables ; il produira en lui-même tou-
tes les folies , toutes les rêveries , toutes
les feletés , toutes les iniquités du genre
hu.main ■-, il en fera non feulement la caufe
efficiente , mais auffi le fujet paffif ^ il fe
joindra avec elles par l'union la plus in-
time que l'on puifté concevoir : car c'eft
une union pénétrable , ou plutôt c'eft une
vraie identité , puifque le mode n'eft point
diflinft réellement de la fubftance modi-
fiée. Plufieurs grands philofophes ne pou-
vant comprendre qu'il foit compatible
avec l'être Ibuvcrainement bon , de fouf-
frir que l'homme foit fi méchant & fi mal-
heureux , ont fuppofé deux principes , l'iui
bon , l'autre mauvais : & voici un philo-
fophe qui trouve bon que Dieu foit bien
lui-même & l'agent & le patient de tous
les crimes , & de toutes les miferes de
riiommc. Que les hommes iè haiffent les
uns les autres , qu'ils s'cntr'aftaffinent au
coin d'un bois , qu'ils s'affemblent en corps
d'armée pour s'entretuer , que les vain-
queurs mangent quelquefois les vaincus :
cela fc comprend , parce qu'ils font dif-
A T H
• %în£ts les uns des autres ; maïs que les
hommes n'étant que l;i modification du
même être , n'y ayant par coiifcquent que
Dieu qui agillc , & le même Dieu en
nombre , qui Te modifie en turc , en le
modifiant en hons^rois , il y ait des guer-
res &; des batailles ; c'cft ce qui furpalFe
tous les monllrcs & tous les déréglemens
chimériques des plus folles têtes qu'on ait
jamais enfermées dans les petites mailbns,
Ainfi , dans le fyltéme de Spinofa , tous
ceux qui difcnt , /es Allemands ont tué dix
mille Turcs , parlent mal & faulîèment , à
moins qu'ils n'entendent , Dieu modifie
en Allemand , a tué Dieu modifié en dix
mille Turcs j & ainfi toutes les phrafes
par lefquelles on exprime ce que fe font
les hommes les uns contre les autres ,
n'ont point d'autre fens véritable que celui-
ci , Dieu fe hait lui-même , il fe demande
des grâces à lui-même ^ & fe les refufe ; //
fe perfécute , // fe tue , /'/ fe mange , il fe
calomnie , il s'envoie fur [échafiud. Cela fe-
roit moins inconcevable , 11 Spinofa s'étoit
repréfenté Dieu comme un aiiémblaçe de
plufieurs parties diftinftes \ mais il l'a ré-
duit à la plus parfaite fimplicité , à l'unité
de fubftance , à l'indivifibilité. Il débite
donc les plus infâmes & les plus furieulès
extravag-ances , & infiniment plus ridicules
que celles des poètes touchant les dieux
du paganifinc.
5°. Encore deux objeâions. Il y a eu
des philofophes aflez impies pour nier qu'il
y eût un Dieu , mais ils n'ont point poulie
leur extravagance jufqu'à dire , que s'il
exiftoit , il ne leroit point une nature par-
faitement heureule. Les plus grands fcep-
tiques de l'antiquité ont dit que tous les
hommes ont une idée de Dieu , félon la-
quelle il eft une nature vivante , heureufè ,
incorruptible , parfaite dans la félicité ,
& nullement fufceptible de maux. C'étoit
fans doute une extravagance qui tenoit de
la folie , que de ne pas réunir dans là na-
ture divine l'immortalité & le bonheur.
Plutarque réfute très-bien cette abfurdité
des ftoïques : mais , quelque folle que fût
cette rêverie des ftoïciens , elle n'ôtoit
point aux dieux leur bonheur pendant la
vie. Les fpinofiftes font peut-être les feuls
qui aient réduit la divinité à la mifere.
AT H
»'y
Or , quelle mifere ? Quelquefois fi gran
de , qu'il^ fe jette dans le défcfijoir , Se
qu'il s'anéantiroit s'il le pouvoit \ il y tâ-
clie , il s'ôte tout ce qu'il peut s'ôter i il
fe pend , il fe précipite ne pouvant plus
fiipi^orter la trifteflé ailieufc qui le dévore.
Ce ne font point ici A<i% déclamations ,
c'efl un langage exadl & philofophiquo j
car fi l'homme n'eft qu'une modification,
il ne fait rien ; ce feroit une phrafe im-
pertinente , boufibniie , burlefque que de
(hre , la joie cji gaie , la trifejfe eft trifte.
C'eli une femblable plirafc dans le ïyftême
de Spinofa que d'ailirmer , t homme peiife ,
t homme s'afflige , l'homme fe pend , &c.
1 outes ces propofitions doivent être dites
de la fubfiance dont 1 homme n'eft que le
mode. Coiument a-t-on pu s'imagi/ier
qu'une nature indépendante qui exifte par
elle-même , & qui poii'cde des perfcdions
infinies , foit fujctte à tous les malheurs du
genre humain i Si quelque autre nature la
contraignoit à fe donner du chagrin , à
fèntir de la douleur , on ne trouveroit pas
fi étrange qu'elle employât fon aétivité à
fe rendre malheureufe ; on diroit , il faut
bien qu'elle obéillè à une force nuijeure :
c'eft apparemment pour éviter un plus grand
mal , qu'elle fe donne la gra\cl]e , la co-
lique , la fièvre chaude , la rage. Mais elle
ell feule dans l'univers , rien ne lui com-
mande , rien ne l'exhorte , rien ne la prie.
C'eft fa propre nature , dit Spinofa , qui
la porte à fe donner elle-même en certai-
nes circonftances un grand chagrin , & une
douleur très-vive. Mais , lui rcpondrai-je ,
ne trouvez-vous pas quelque chofe de mont
truciix & d'inconcevable dans une telle
fatalité ?
Les raifons très-fortes qui combattent
la dodrine que nos âmes font une por-
tion de Dieu , ont encore plus de folidité
contre Spinofa. On objecte à Pythagoras
dans un ouvrage de Cicéron , qu'il rélulte
de cette doélrine trois fauirctés évidentes :
1°. que la nature divine feroit déchirée en
pièces ; 2°. qu'elle feroit malheureufe au-
tant de fois que les hoiumes ; ^5°. que l'ef-
prit humain n'ignorereit aucune chofe ,
puifqu'il feroit Dieu.
6°. Je voudrois favoir à qui il en veut,
quand il rejette certaines dodrincs, 6c
8i(î
A T H
qu'il en propofe d'autres. Veut-il appr^rti-
dre des vérités ? Veut-il réfuter des er-
reurs ? Mais eli-il en droit de dire qu'il
y a des erreurs ? Les penfées des philofo-
phes ordinaires, celles des juifs , celles des
chrétiens ne font-elles pas des modes de
l'être infini , auflî-bieu que celles de fon
éthique ? Ne font-elles pas des réalités
aufli néceflaires à la perfection de l'uni-
vers que toutes les fpeculations ? N'éma-
nent-elles pas de la caufe nécellaire ? Com-
ment donc ofe-t-il prétendre qu'il y a là
quelque chofè à rediifier ? En fécond lieu ,
ne prétend-il pas que la nature dont elles
font les modalités , a;jit néceiîîiircment ,
qu'elle va toujours fon grand chemin ,
qu'elle ne peut ni le détourner , ni s'arrê-
ter , ni qu'étant unique dans l'univers ,
aucune caulè extérieure ne l'arrêtera jamis
ni redrelfera ? Il n'y a donc rien de plus
inutile que les leçons de ce philofoplie ?
C'eit bien à lui , qui n'eft qu'une modi-
fication de flibilance , à prefcrire à l'Etre
infini , ce . qu'il faut faire. Cet être l'en-
îendra-t-ii ? Et s'il l'entendoit , pourroit-il
en profiter ? N'agit-il pas toujours félon
toute l'étendue de fes forces , fans favoir
ni où il va , ni ce qu'il fait ? Un homme ,
comme Spuwfa , fè tiendroit en repos ,
s'il raifonnoit bien. S'il eft poflible qu'un
tel dogme s'établifle , diroit-il , la nécef-
lité de la nature l'établira fans mon ou-
vrage ; s'il n'eft pas pbiïible , tous mes
écrits n'y feront rien.
Le fyftême de Spinofa choque fi vifi-
blement la raifon , que fes plus grands
adm.irateurs reconnoilTent que , s'il avoit
enfeigné les dogmes dont on l'accufe , il
feroit digne d'exécration j mais ils préten-
dent qu'on ne l'a pas entendu. Leurs apo-
logies , loin de le difculper , font voir clai-
rement que les adverfaires de Spinofa l'ont
tellement confondu & abymé , qu'il ne
leur relie d'autre moyen de leur répliquer ,
que celui dont les janfenilles fè font fèr-
vis contre les jéfuites , qui eft de dir-j que
fon fentiment n'ell pas tel qu'on le fup-
pofè : voilà à quoi fe réduifent fes apolo-
giftes. Afin donc qu'on voie que perforuie
ne fauroit difputer à (es adverlaires l'hon-
neur du triomphe , il fulUt de confidé-
rer qu'il a ciOTeigné effedtiveuicnt ce qu'on
A T H
lui impute , & qu'il s'eft contredit froP
fièrement & n'a fu ce qu'il vouloit. On lui
tait un crime d'avoir dit que tous les
êtres particuliers font des modifications
de Dieu. Il eft manifefte que c'eft Ça
doftrine , puifque là propofition 14e eft
celle-ci , prœcer Deum. nulla dari nique
concipi potejt fuhflantia , & qu'il alfure dans
la 1 5« quidquid eft , in Deo eft , & nihtl
fine Deo neque cJJ'e neque concipi poteji. Ce
qu'il preuve par la raifoa que tout eft
mode ou lubftance , & qi;e les modes ne
peuvent exifter ni être conçus fans la fiibf'
tance. Quand donc un apologifte de Spi-
nofa parle de cette manière , s'il étoit \rai
que Spinofa eût enfeigné que tous les êtres
particuliers font des modes de la fiibftance
divine , la vidoire de k% adverfaires fe-
roit complète , & je ne voudrois pas la
leur eontefter \ je ne leur contefte que le
fait , je ne crois pas que la doârine qu'ils
ont réfutée foit dans fon livre. Quand ^
dis-je , un apologifte parle de la forte ,
que lui manque-t-il? qu'un aveu formel
de la défaite de fon héros ; car évidem-
ment le dogme en queftion eft dans la mo-
rale de Spinofa.
Il ne faut pas oublier que cet impie n'a
point méconnu les dépendances inévitables
de fon fyftême , car il s'eft moqué de l'ap-
parition des eljjrits , & il n'y a point da
plîilofopliie qui ait moins de droit de la
nier: il doit rcconnoîîre que tout penlè
dans la nature , & que l'homme n'eft point
la plus éclairée & la plus intelligente modi-
fication de l'univers : il doit donc admettre
des démons. Quand on fuppofe qu'un ef-
prit fouverainement parfait a tiré les créa-
tures du ièin du néant , fans y être déter-
miné par fa nature , mais par un choix
libre de fon bon plaifir , on peut nier qu'il
y ait des anges. Si vous demandez pour-
quoi un tel créateur n'a point produit d'au-
tres elî^rits que l'ame de l'homme , on vous
répondra , tel a été fon bon plaifir , fat
pro ratione voluntas : vous ne pourrez op-
pofer rien de railônnable à cette réponlè ,
à moins que vous ne prouviez le fait , c'eft-
à-dire, qu'il y a des anges. Mais quand
on fuppofe que le Créateur n'a point agi
librement , qu'il a cpuifé , fans choix ni
règle , toute l'étendue de fa puilFance, &
que
A T H
que d'ailleurs In penfée eft un de fos attri-
buts, on eft ridicule fi l'on foutient qu'il
n'y a pas des dcinons. On doit croire i|ue
la penl'ée du Créateur s'eft modifiée, non
feulement dans le corps des hommes, mais
auflî par -tout l'univers, & qu'outre les
animaux que nous connoiiTons , il y en a
ime inrinitc que nous ne connoifïons pas ,
& qui nous furpaireiu en lumières & en
malice, autant que nous furpaffons, à cet
égard, les cliiens &lesbœuls. Carcef'eroit
lachofedumondelamoinsraifonnahle , que
d'aller s'imaginer que l'elprit de l'homme
eft la modification la plus parfaite qu'un
Etre infini , agiffant félon toute l'étendue
de Tes forces , a pu produire. Nous ne
concevons nulle liailon naturelle entre
l'entendement & le cerveau; c'eH: pour-
quoi nous devons croire qu'une créature
fans cerveau eft auffi capable de penfér ,
qu'une créature organifée comme nous le
fonmes. Qu'eft-ce donc qui a pu porter
Spino/h à nier ce que l'on dit des efprits ?
Pourquoi a-t-il cru qu'il n'y a rien dans
le monde qui foit capable d'exciter dans
notre machine la vue d'un fpeftre, de
faire du bruit dans une chambre , & de
cauCer tous les phénomènes magiques dont
les livres font inention? Efl-ce qu'il a cru
que, pour produire ces effets, il t'audroit
avoir un corps auffi maffit que celui de
l'homme , & qu'en ce cas-là les démons
ne pourroient pas fubfifter en l'air , ni
entrer dans nos maiibns , ni fe dérober à
nos yeux ? Mais cette peniee feroic ridi-
cule : la mafTe de chair dont nous fommcs
compofés, eft moins un aide qu'un obl-
tacle à l'elprit & à la force : j'entends la
force immédiate ou la faculté d'applic|uer
les inftrumens les plus propres à la pro-
duction des grands effets. C'eft de cette
faculté que naiffent les acf ions les plus fur-
prenantes de l'homme : mille &c mille exem-
ples le font voir. Un ingénieur , petit
comme un nain, maigre, pâle, fait plus
de chofes que n'en feroient deux mille
fauvages plus forts que Milon. Une ma-
chine animée , plus petite dix mille fois
qu'une fourmi , pourroit être plus capable
de produire de grands effets qu'un élé-
phant : elle pourroit découvrir les parties
infenfibles des animaux &c des plantes ,
Tome m.
A T H Sn
aller fe placer fur le flege des praniers refTorts
de notrecerveau, & y ouvrir des valvules,
dont l'effet fcroit que nous viffions des
fantômes & entcndilTions du bruit. Si les
médecins connoifToieiu les premières fibres
& les premières combinaifons des parties
dans les végétaux, dans les minéraux, dans
les animaux , ils connoitroient aufll les
inftrumens propres à les déranger, &f ils
pourroicntappliquer ces inftrumens comme
il ieroit néceftaire pour produire de nou-
veaux arrangemens , qui convcrtiroient les
viandes en poifon, &:les poilbns en bonnes
viandes. De tels médecins feroient , fans
cornparaifon, plus habiles qu'Hippocrate ;
& s'ils étoicnf allez petits pour entrer dans
le cerveau & dans les vifceres, ils guériroient
qui ils voudroicnt, & ils cauferoient aufTi ,
quand ils voudroient , les plus étranges
maladies qui fe puiffent voir. Tout fe ré-
duit à cette queftion : eft-il pofTible qu'une
modification invifible ait plus de lumières
que l'homme & plus de méchanceté .'' Si
Splnofa prend la négative , il ignore les
conléquences de fon hypothefe , & fe
conduit témérairement & (ans principes.
S'il eiît raifonné cotiréquemment , il n'eût
pas auflî traité de chimérique la peur des
enfers. Qu'on croie tant qu'on voudra que
cet univers n'eft point l'ouvrage de Dieu ,
& qu'il n'eft point dirigé par une nature
fimple , fpirituelle & diftinde de tous les
corps, il faut pour le moins que l'on,
avoue qu'il y a cerfaines. chofes qui ont de
l'intelligence & des volontés, îk qui font
jaloult's de leur pouvoir ; qui e>:e;cent leur
autorité fur les autres , qui leur comman-
dent ceci ou cela , qui les châtient , qui
les maltraitent, qui fe vengent févérement.
La terre n'eft-elle pas pleine de ces fortes
de chofes ? Chaque homme ne le lait- il pas
par expérience ? S'imaginer que tous les
êtres de cette nature fe foient trouvés pré-
cifément (ur la terre , qui n'eft qn'un point
en cornparaifon de ce monde , c'eft aftu-
rément une penfée tout-à-fait déraifbnna-
ble. La railbn , l'efptit , l'ambition , la
haine, feroient plutôt fur U terre que
par-tout ailleurs. Pourquoi cela ? En pour-
roit-on donner une caulé bonne ou mau-
vailé ? Je ne le crois pas. Nos yeux nous
portent à ctre perfuadés que ces elpaces
8i8: A T H
immenfes , que nous appelions It ciel , où
il Ce fait des mouvemens fi rapides & fi
adifs, font aufii capables que la terre de
forir.er des hommes , & auffi dignes que
la terre d'être partagés en pkifieurs domi-
nations. Nous ne iavons pas ce qui s'y
paflTe ; mais fi nous ne confidtons que la
raifon, il nous faudra croire qu'il eft très-
probable , ou du moins poffible , qu'il s'y
trouve des êtres puiifans , qui étendent leur
empire, aiifli bien que leur lumière , fur
notre monde. Nous fommes peut-être une
portion de leur feigneurie : ils font des
loix , ils nous les révèlent par les lumières
de ila confbience , &<: fe fâchent violem-
ment contre ceux qui les tranfgreffent. il
fuffit que cela foit poffible pour jeter dans
l'inquiétude les athées, & il n'y a qu'un
bon moyen de ne rien craindre , c'efi de
croire la mortalité de l'ame. On échappe-
roit par-là à la colère de ces efprits, mais
autrement tls pourroient être plus redou-
tables que Dieu lui-même. En mourant
on pourroit tomber fous le pouvoir de
quelque maître farouche , c'cft en vain
qu'ils efpéreroient d'en être quittes pour
quelques années de tourment. Une nature
bornée peut n'avoir aucune forte de per-
feclion morale , ne fuivre que fon caprice
& fa paffion dans las peines qu'elle inHige.
Elle peut bien refTembler à nos Phalaris &
à nos Nérons , gens capables de laiflerleur
entiemi dans un cachot éternellement, s'ils
av:>ient pu pofTéder un# autorité éternelle.
Efpércra-t on que les êtres mal-faifans ne
dureront pas toujours ? Mais combien y
a-t-il d'athées qui prétendent que le foleil
n'a jamais eu de commencement, & qu'il
n'aura point de fin.
Pour appliquer tout ceci à un fpinofifie ,
fpuvenonsr-nous qu'il eft obligé , par fon
principe à rcconnoître l'immortalité de
l'ame , car il fe regarde comme la modalité
d'un êrre-efientiellement penfant ; fouve-
Hons-nous qu'il ne peut nier qu'il n'y ait
des modaliiés qui fe fâchent contre les
autres, qui les mettent à la gêne , à. la
queftion , qui font durer leurs tourmens
autant qu'elles peuvent, qui les envoient
aux galères pour toute leur vie , & qui
feroient durer ce fupplice cternellement ,
fi. la «lort n'y mettoit ordre de part &
A r H
d'autre. Tibère & Caligula , monftres a/Fa*
mes de carnage , en font des exemp'es
fameux. Souvenons-nous qu'un fpinofifie
fe rend ridicule , s'il n'avoue que tout l'uni-
vers efi rempli de modalités ambitieufes,
chagrines, jaloufes , cruelles. Souvenons-
nous enfin que l'efience des modalités hu-
maines ne confifie pas à porter de grofl"es
pièces de chair. Socrate éioit Socrate le
jour de fa conception ou peu après ; tout
ce qu'il avoit en ce temps-là peut fubfifter
en fon entier , après qu'une maladie mor-
telle a fait cefljîr la circulation du fang &
le mouvement du cœur dans la matière
dont il s'étoir agrandi : il t({ donc , après
fa mort , la même modalité qu'il étoit
pendant fa vie , à ne confidérer que l'el-
fentiel de fa perfonne ; il n'échappa donc-
point par la mort à la juftice , ou au ca-
price de fes perfécuteurs invifibles. Us
j'euvent le fiiivre par-tout où il ira, &le
maltraiter fous les formes vifibles qu'il
pourra acquêt ir.
M. Bayle, appliqué fans cetTe à faire
voir l'inexaftitude des idées des partifans
de SpinoJ'a, prétend que tou'es leurs dif-
putes fur les miracles n'eft qu'un miférable
jeu de mots, & qu'ils ignorent les confé-
quences de leur fyfiême, s'ils en nient la
polfibilité. Pour faire voir , dit-il , leur
mauvaife foi & leurs illufions fur cette
matière, il fuffit de dire, que quand ils
rejettent la poflîbilité des miracles , ils allè-
guent cette raifon , c'eft que Dieu & la
nature font le même être : de forte que fi
Dieu tailbit quelque chofe contre les loix
de la nature , il feroit quelque chofe comte
lui même, ce qui eft impoflible. Parlez
nettement & fans équivoque , dites que
les loix de la nature n'ayant pas été faites
pjr un légiflateur libre, & qui connfit ce
qu'il taiibit , mais étant l'aftion d'une caufe
aveugle & nécefiaire^, rien ne peut arriver
qui (oit contrait e à ces loix. Vousallé^suerez
alors contre les miracles votre propre thefe:
ce fera la pétition du principe , mais au
moins vous parlerez rondement. Tirons-les
de cette généralité , demandons-leur ce
qu'ils penfent des miracles rapportés dans
l'Ecriture. Us en nieront abloli.ment tout
ce qu'ils ne pourront pas attribuer à.
.quelque tour de loupkfle. Lailions-lc.uf.
ÀTH
palTerle front d'airain qu'il faut avoir pour "
s'infcrire en faux contre des faits de cette
nature , attaquons-les par leurs principes.
Ne dites-vous pas que la puifTance de la
nature eft infinie? & la feroit elle , s'il n'y
avoit rien dans l'univers qui pût redonner
la vie à un homme mort? la ("eroit-elle s'il
n'y avoit qu'un feiil moyen de tonner des
hommes, celui delà génération ordinaire ?
Ne dites pas que la connoifTance delà na-
ture eft infinie. Vous niez cet entendement
divin, où , félon nous, la connoifTance de
tous les êtres pofîibles eft réunie ; mais en
difperfant la connoifTance , vous ne niez
point fon infiiité. Vous devez donc dire
que la nature connoît toutes chofes, à-peu-
près comme nous difons que 1 homme en-
tend toutes les langues. Un feul homme ne
les entend pas tou'Cîjmais les uns entendent
celle-ci Sclesautres celle là. Pouvez-vous
nier que l'univers ne contienne rien qui
connoifTe la conftru61ion de notre corps?
Si cela étoit , vous tomberiez en contra-
didion , vous ne reconnoitriez plus que la
connoillance de Dieu fût partagée en une
infinité de manières : l'artifice de nos orga-
nes ne lui feroit point connu. Avouez donc ,
fi vous voulez raifonner conféquemment ,
qu'il y a quelque modification qui le
connoît; avouez qu'il eft très-poiTible à la
nature de refTu'citer un mort , &. que votre
maître confondoit lui-même fes idées ,
ignoroit les fuites de fon principe, lorfqu'il
difoit que , s'il eût pu fe perfuader la réfur-
redion de Lazare , il auroit briie en pièces
tout fon fyftéme , & embrafTé fans ré-
pugnance la foi ordinaire des chrétiens.
Cela fuffit pour prouver à ces gens-là qu'ils
démententleurs hypothefes , lorfqu'ils nient
la poiïibilité des miracles , je veux dire , afin
d'ôter toute équivoque , la poffibilité des
événemens racontés dans l'Ecriture.
Plufîeurs perfonnes ont prétendu que
M. Bayle n'avoir nullement compris la
doctrine de Spinofa^ ce qui doit paioître
bien étrange d'un efprit aulTi fubtil iSc aulfi
pénétrant. M. Bayle a prouvé, mais aux
dépens de ce ("yftème , qu'il l'avoit parfai-
tement compris. Il lui a porté de nouveaux
coups que n'ont pu parer les fpino/iftes.
Voici comment il raifonne. J'attribue à
Sfinofa d'avoir e n feigne , i'^. qu'il n'y a
ATH 819
qu'une fubflance dans l'univers ; 1°. que
cette fubftance cfi Dieu ; 3". que tous les
êtres particuliers, le lijleil, la lune , les
plantes , les l)i5tes , les hommes , leurs mou-
vemens , leurs imaginations , leurs dcfirs,
font des modifications de Dieu. Jedemande
préfentemenr aux fpinofule?, votie maître
a-t-il enfeigné cela , ou ne l'a-t-il pas ensei-
gné ? S'il l'a enfeigné, on ne peut point dire
que mes objeftions aient le défaut qu'on
nomme ignorado cUnchi ^xgnor^nct de l'état
de la queflion. Car elles fuppofent que
telle a été fa doiflrine , & ne l'attaquent
que fur ce pié-là. Je fuis donc hors d'ai-
fiire , & l'on fe trompe toutes les fois que
l'on débite que j'ai réfuté ce que je n'ai
pas compris. Si vous dites que Spinofa n',i
point enfeigné les trois doiSlri nés ci-de(Tus
articulées , je vous demande , pourquoi
donc s'exprimoit-il comme ceux qui au-
roient eu la plus forte pafiion de perfuader
aulefteur qu'ils enfeignoient ces trois cho-
fes ? Efl-il beau & louable de fe fervir du
fîyle commun , fans attacher aux paroles
les mêmes idées que les autres hommes ,
& fans avertir diiféns nouveavi dans lequel
on les prend? \4ais pour dilcuter un peu
ceci, cherchons où peut être la méprife.
Ce n'cft pas à l'égard du mox fuhflan ce ç[\xq
je me ferois aburé,carie n'ai point com-
battu le fentiment de Spinofa. furce point-
là , je lui ai laifTé pafTer ce qu'il lùppofe ,
que pour mériter le nom de fubflance , il
fliut être indépendant de toute caufe , ou
cxifler par foi-même éternellement nécefTai-
rement. Je ne penfe pas que j'aie pu m'a-
butér en lui imputant de dire , qu'il n'y a
que Dieu qui ait la nature de fubflance.
S'il y avoit donc de l'abus dans mes ob-
jedions , il confifteroit uniquement en ce
que j'aurois entendu par moJiiHtés , modifi-
cations , modes , ce que Spinofa n'a point
voulu lignifier par ces mots-là ; mais ,
encore un coup, fi je m'y étois abufé, ce
feroit fa faute. J'ai pris ces termes comme
on les a toujours entendus. La doflrine
générale des philofophes , eft que l'idée
d'être contient fous foi immédiatement
dcuxefpeces, lafubftance & l'accident, Sc
que la fubftance fubfifte par elle-même ,
cm pcr fi fuhfifens ^ & que l'accident liib-
fiftc dans un autre, e/Ji inalio. O: fublifkr
GggSS i
8zo A T H
par foi , dans leurs idées, c'eft ne d-'pendre
que de quelque fuietd'inhélîon; 5^ comme
cela convient, félon eux, à la matière,
aux anges , à l'ame de l'homme , ils ad-
mettent deux fortes de fubftances , l'une
incrcée , l'autre créée, & ils fubdivifcnt en
deux efpeces la fubftance créée ; l'une de-
ces deux efpeces eft la matière, l'autre eft
notre ame. Pour ce qui regarde l'accident,
il dépend fi effentiellement de fon fujet
d'inhéfion , qu'il ne fauroit fubfîftor fans
lui; c'eftfon caraftere fpécitiq'.ie. Deicarîcs
l'a toujours entendu ainfi. Or , puifque Spi-
nofa avoir été grand cartéfien , la raifon
veut que l'on croie qu'il a donné à ces ter-
mes-là le mcme fens que Delcartes. Si
cela eft , il n'entend , par moditication de
fubflance , qu'une façon d'être qui a la
même relation à la fubuance , par la figure,
le mouvement , le repos , la fituation à la
matière , fi-c. que la douleur, l'affirmation,
l'amour, &c. à l'ame de Ihomme : car
voilà ce que les carréiiens appellent modes.
Mais, enluppolantune foisquela lubftance
eft ce qui exifte de foi , indépendamment
de toute caufe efficiente , il n'a pas dij dire
que ia matière , ni [[ue les hommes fuïïent
des fubftances ; & puifque , félon la doc-
trine commune, il ne divifoit l'être qu'en
deux efpeces , favoir en fubftance & en
modification de fubftance , il a dii dire
qjc la matière &i l'ame des hommes n'é-
toient que des modifications de (iibftance ,
qu'il n'y a qu'une feule fubflance dans
l'univers, & que cette fubftance eft Dieu.
Il ne fera p!us queftion que de favoir s'il
fubdivife en deux efpeces la modification
de fubftance. En cas qu'il fe ferve de cette
fubdivifion , 6c qu'il veuille que l'une de
ces deux efpeces foit ce quelescartélîens &
les aiures philoloplies chrétiens nomment
Juhjtance crcée , tk que l'autre efpece foit
ce qu'ils nomment. 7Cc."i<./(;/2i ou mode., il n'y
aura plus qu'une diijiute de mots entre lui
& eux, & il fera très-ailé de ramener à
l'orthodoxie tout fon fyftême , & défaire
évanouir toute fa fe£le ; car on ne veut être
Ipinofifte qu'à caufe qu'on cioit qu'il a
icirverféde tond en comble le fyftême des
chrétiens, 6i l'cxiftcnce d'un D.x-u imma-
tériel & gouvernant toutes choies avec une
fouveraine liberté. D'où nous pouvons I
A TH
conclure en paflant, que les fpirofîftes &
leurs adverl'aires s'accoidetU pa:faitement
bien dans le fens du mot modification de
l'uhflance. Ils croient les uns & les autres que
Spinofa ne s'en eft fer\i que pour défigner
un être qui a la même nature que ce que
les cartéfievs appellent mode , & qu'il n'a
jamais entendu, par ce mot-là, un être
qui eût les propriétés ou la nature de ce que
nous appelions yi/'y?.ince créée.
Si l'on veut toucher la queftion au vif,
voici comme on doit raifonner avec un
fpinofiue. Le vrai & le propre caraftere.tle
la modification convient-il à la matière par
rapporr à Dieu , ou ne lui convient-il
point? Avant de m.e répondre, attendez
que je vous explique, par des exemples,
ce que c'eft que le caraflere propre de la
modification. C'eft d'être dans un lujet de
la manière que le mouvement eft dans le
corps & la penlée dans l'ame de l'iiomme.
Il nefulîit pas, pour être une mo^îificarion
de la fubftance divine, de fubnfter dans
l'immenfité de Dieu , d'en être pénétré »
entouré de toutes parts , d'exifter par ia
vertu de Dieu , de ne pouvoir exifter ni
fans lui , ni hors de lui. Il faut de plus
que la fubftance divine foit le f'ujet d'inhé-
rence d'une chofe , tout comme , ftlon
l'opinion commune , l'ame humaine eft le
(ujet d'inhérence du fentiment & de la
douleur, & le corps le fujet d'inhé'ence
du mouvement , du repos & de la figure.
Répondez préleniement ; & fi vous dites
que , félon Spinofa , la l'ubftance de Dieu
n'eft pas de cette manière , le (ujet d'inhé-
rence de cette étendue, ni du mouvement
ni des penf'ées humaines; je vous avoueiai
que vous en faites un philoiophe ortho-
doxe, qui n'a nullement mérité qu'on lui
fît les objections qu'on lui a faites, hi qui
méritoir feulement qu'on lui reprochât de
s'être fort tourmenté pour embarraf!er une
doftrine que tout le monde favo'.t, & j'Our
forger un nouveau fyftême qui n'étoit bâti
que fur l'équivoque d'un mot. Si vous
dites qu'il a prétendu que la l'ubftance di-
vine eft le fujet d'inhérence de la matière,
& de toutes les diveilités de l'étendue &
de la peniée , au même fens que , kl )[i
Delcartes , l'étendue eft le (ujet d'inhérence
du mouvement, l'ame de l'hcmiuc tlt le
AT H
.fujet d'inhérence des lenlations & des paf-
fions ; i'ai tout ce que je demande ; cVftair.ii
que j'ai entendu Spin(.<fj ; c'eft là-dclTui que
toutes mes objections lont fondées.
Le précis de tout ceci eft une queftion dt
fait touchant le vrai fens du mot modi-
■fcarion dans le (yftême de SpinoJ'a. Lt
faut-il prendre pour la même chofe qu'une
fubftance créée, ou le faut-il prendre au
fens qu'il a dans le fentiment de M. Dcf-
cartes ? Je crois que le bon parti eft le
dernier , car dans l'autre fens Spinofa aii-
roit reconnu des créatures diftinftes de la
fubftance divine, qui euflent été faites ou
de rien ou d'une matière diftin<fte de Dieu.
Or , il feroit facile de prouver par un grand
nombre de pafiages de {t% livres , qu'il n'ad-
met ni l'une ni l'autre deces deux chofes.
L'étendue, félon lui, efl un attribut de
Dieu. Il s'entuit de là que Dieu efîen-
tiellement , éternellement , néceffairement
eft une fub!îance étendue , & que l'éten-
due lui eft aufTi propre que l'exiftence ;
d'où il réfulte que les diveriités particu-
lières de l'étendue, qui font le foleil , la
terre, les arbres , les corps des bêtes, les
corps des hommes, font en Dieu, comme
les philolophes de l'école fuppofent qu'elles
font dans la inatiere première. Or , fi ces
philofophes fuppofoient que la matière pre-
mière eft une fubftance fimple & parfai-
tement unique, ils concluroient que le fo-
leil & la terre font réellement la même
fubftance. Il faut donc que Spinofa con-
clue la même chofe. S'il ne diloit pas que
le foleil eft compofé de l'étendue de Dieu ,
il faudroit qu'il avouât que l'étendue du
foleil a été faite de rien ; mais il nie la
création : il eft donc obligé de dire que
la fubftance de Dieu eft la caufe matérielle
du foleil , ce qui compofe le foleil , fub-
jiclum ex quo ; & par conféquent que le
i'oleil n'eft pas diftingué de Dieu , que c'eft
Dieu lui-même, & Dieu tout entier, puif-
que, félon lui, Dieu n'eft point un être
compofé de partie^. Suppofons pour un mo-
ment qu'une malle d'or ait la force de (t
convertir en alFiettes , en plats , en chan-
deliers, en écuelles , &c. elle ne fera pain;
diftinfte de ces afl^iettcs & de ces plats : &
•fi l'on ajoute qu'elle eft une mafte fimple
Sa. non compoféc de partie;^ il icra cor-
A T H 821
' tain qu'elle eft toute dans chaque ?iïiette &r
d.ins chaque chandelier, car fi elle n'yétoit
point toute, elle fe feroit partagée en di-
verses pièces ; elle feroit donc compofée
de parties , ce qui eft contre la fjppnfttion.
A'ors ces propolitions réciproques ou con-
veràbies feroient véritables , le cliundilier
ejï ta m^jfi d/or , la majj'c d'or eft le c/imi-
dclicr. Voilà l'image du Dieu de Spinofa,
il a h force de fe changer ou de fe modifier
en terre , en lune, en mer , en arbre , &c.
& il eft ablolument un , & fans nuHe
compofition de parties. Il eft donc vrai
qu'on peut alfurer que la terre eft Dieu,
que la kme eft Dieu , que la terre eft Dieu
totu entier, que la lune l'eft' aufïî , qiio
Dieu eft la terie, que Dieu tout entier eft
la lune.
On ne peur trouver que ces trois ma-
nières , félon lefquelles les moditications de
Spinofa foient en Dieu; mais aucune de
ces manières n'eft ce que les autres phi-
lofophes difent de la fubftance créée. Elle
eft en Dieu, difent -ils, comme dans (a
caufe efficiente , & par conféquent elle eft
diftinfte de Dieu réellement & totalement.
Mais , félon Spinofa , les créatures f()nt en
Dieu , ou comme l'etîet dans la caufe ma-
térielle, ou comme l'accident dansfon fujet
d'inhélion , ou comme la forme du chande-
lier dans l'étain dont on le compofe. Le
foleil , la lune , les arbres , en tant que ce
ibnt des chofes à trois dimenlions , l'ont
en Dieu comme dans la caufe matérielle
dont leur étendue eft compolée : il y ;i
donc identité entre Dieu Si le foleil , &c.
Les mêmes arbres , en tant qu'ils o-nt une
torme qui les diftingué des pierres , font
en Dieu , comme la torme du chandelier eft
dans l'étain. Etre chandelier n'eft qu 'une ma-
nière d'êtr« de l'étain. Le mouvement des
corps & des penfées des hommes font en
Dieu , comme les accidens des péripatéti-
ciens font dans la fubftance créée. Ce f );it
des entités inhérentes à leur fujet, qui n'en
l'ont point compofces , & qui n'en ior.t
point parties.
Un apoiogifte de Spinfa foutient , que
ce philofophe n'attribue point à Dieu l'éten-
due corporelle, mais feulement une éten-
due intelligible , & qui n'eft point 'unagi-
nable. Mais fi l'étendue des corps que nous
821 A T H
Voyons &: que nous imaginons n'eft point
l'érendue de Dieu , d'où eft- elle venue,
comment a-t-elle été faite ? Si elle a été
produite de rien , Spinofa efl: orthodoxe ,
<on fyftémË devient nul. Si elle a été pro-
duite de l'étendue intelligible de Dieu ,
c'eft encore une vraie création , car l'éten-
due intelligible n'étant qu'une idée , &
n'ayant point réellement les trois dimen-
fions , ne peut point fournir 1 "étoffe ou la
matière de l'étendue formellement exiftnnte
hors de l'entendemicnt. Outre que, fi l'on
diftingne deux eîpeces d'étendue, l'ur.e in-
telligible, qui appartientàDieu, l'autre ima-
ginable , qui appartient aux corps , il fau-
dra aulîi admettre deux fujets de ces éten-
dues, diftinfts l'un de l'autre, SsC alors l'unité
de fubfknce efl renverfée, tout l'édifice de
Spuiojd va par terre.
M. Bayle, comme on peut le voir par
tout ce que nr>us avons dit, s'eft princi-
palement attaché à la fuppofition que l'é-
tendue n'eft pas un être compofé , mais
une fubftance unique en nombre. La rai-
fon qu'il en donne , c'eit que les fpinofiftes
témoignent que ce n'eft pas là en quoi
confiftent les difficultés. Us croient qu'on
les embarrafTe beaucoup plus , lorfqu'on
leur demande comment la penfée & l'éten-
due peuvent s'unir dans une même fubf-
tance. Il y a quelque bizarrerie là-dedans.
Car , s'il efl: certain par les notions de notre
efprit que l'étendue & la penfée n'ont au-
cune affinité l'une avec l'autre , il efl en-
core plus évident que l'étendue eft com-
pofée de parties réellement diflindes l'une
de l'autre, & néanmoins ils comprennent
mieux la première difficulté que la féconde,
& ils traitent celle-ci de bagatelle en com-
paraifon de l'autre. M. Bayle les ayant fi
bien battus par l'endroit de leur fyftcme,
qu'ils penfoient n'avoir pas befoin d'être
f'ecourus, comment repoufferoient - ils les
attaques aux endroits foibles ? Ce qui doit
fiirprendre, c'eft que Spinofa refpeftant n
peu la raifon & l'évideHce, ait eu des par-
tifans & des fe^cs de fon fyftême. C'eft
fa méthode fpécieufe qui les a trompés ,
& non pas comme il arrive quelquefois ,
un éclat de principes féduifans. Ils ont cru
que celui qui employoit la géométrie , qui
procédoit par axiomes, par définitions.
A T H
I par théorèmes & par lemmes , fuîvoit trop
j bien la marche de la vérité , pour ne trouver
qje l'erreur au lie-.i d'elle. Ils ont jugé du
fond fur les apparences, décifion précipitée
qu'infpire notre parefle. Ils n'ont pas vu que
ces axiomes n'étoient que des propofitions
très-vagues , tiès-incertaines , que ces défi-
nitions éroient inexaftes, bizarres & défec-
tueufés, que leur chef alloit enfin au milieu
des paralogifmes où fa préfompiion & fes
fantaiies le conduifoient.
Le premier point d'égarement , qui eft
la fource de l'erreur , fe trouve dans la
définition que Spinofa donne de la fubf^
tance. J'eniends par la fubflance , dit - il ,
ce <]ui eft en foi & conçu par foi-même ,
ce(i-à-dire , ce dont la conception na pas
befoin de la conception d'une autre chofe dont
cUi doive être formée. Cette définition eft
captieufe , car elle peut recevoir un fens
vrai & faux ; ou Spinofa définit la fubl-
tance par rapport aux accidens , ou par
rapport à l'exiftence; or, de quelque ma-
nière qu'il la déllniffe , fa définition eft
faufile , ou du moins lui devient inutile.
Car, i". s'il défiait la fubftance par rap-
port aux accidens, on pourra conclure de
cette définition que la fubftance eft un être
qifi fuhfifte par lui indépendamment d'un
lujet d'inhéfion. Or, Spinofa ne peut taire
Ibrvir une telle définition à démontrer qu'il
n'y a dans le monde qu'une feule & uni-
que fubflance. Il eft évident que les arbres ,
les pierres, les anges , les hommes ex'iftent
indépendamment d'un fujet d'inhérence.
i". Si Spinofa définit la fubftance par rap-
port à l'exiftence, fa définition eft encore
faufte. Cette définition bien entendue ,
figiiifie que la fubftance eft une choie dont
l'idée ne dépend point d'une autre idée ,
& qui ne fuppofe rien qui l'ait formée,
mais renferme une exiftence néceflaire ,
or cette définition eft faufle, car, ou Spi-
nofa veut dire , par ce langage myftérieux ,
que l'idée même de la fubflance autrement
l'efTence & la définition de la fubftance ,
eft indépendante de toute caufé , ou bien
que la fubftance exiftante fùbfifte tellement
par elle-même ,■ qu'elle ne peut dépendre
d'aucune caufe. Le premier fens eft trop
ridicule, & d'ailleurs trop inutile à Spino»
fa^ pour croire qu'il l'ait eu dans l'efpiu:
AT H
car ce fens fe réduiroit à dire
tioii de la flib(t,4nce ne peut produire une
autre détinition de fiilîlîance , ce qui eft
ahlurde &f impertinent. Quelque peu con-
féquent que (oit Sp'inoja , je ne croirai
jamais qu'il emploie une telle détinition de
la lubftince , pour prouver qu'une fubl-
tance n'en peut produire , comme fi cela
étoit impoiTibie; fous prétexte qu'une dé
AT H 8z^
, quel:' dé'inî- } ne peut être produite par une autre fub''
tance.
La définition qu'il donne du fini & de
l'infini n'eft pas plus heurcufe. Une chofe
eft finie, félon li;i , quand e'ie peut cire
terminée par une choie de la nKme nature.
Ainii un corps efl dit/Z/î/, parce que nous
en concevons un plus grard que lui ; ainfl
la penfée eft terminée par une autre penlée.
fiai;ion de fubftance ne peut produire une ; Le corps n'eft point terminé par la penfée y
autre définition d>" fubftance. Il faut donc
que Spinofa , par (a défiaiiion entortiiiée
de la fubftance, ait voulu dire que la l'ubl-
tance exifte feulement par elle - même ,
qu'elle ne peut dépendre d'aucune caufe.
ainfi que la penfée ne l'eft point par le
corps. On peut flippoler deux fujsis dif-
férens , dont l'un ait une connoifiance in-
i finie d'un objet , £>: l'autre n'en ait qu'une
connoiffance finie. La connoiffance infinie
Or , c'ett cette définition que tous les phi- ' du premier ne donne point l'exclufion ;i
lofophes attaquent. Ils vous diront bien que ^ la connoiffance finie du fécond. De ce-
la défiifition de la fubftance eft fimp!e & in- qu'un être connoît toutes les propriétés &C
divifible, fur - tout fi on la confidere par ' tous les rapports d'une choie, ce n'cfl pas
oppoliion au néant; mais ils vous nieront! une raifon , pour qu'un autre n'eri puift"e
qu'il n'y ait qu'une fubftance. Airtre choie eft
de dire qu'il n'y a qu'une feule définition
de (libftance , & autre choie, qu'il n'y a
qu'une fubftance.
En mettant à part les idées de métaphy-
fique , &ices noms d'eff'cnce, d'exifîfna, de
J'uhjlunce , qui n'ont aucune diftmftion
réelle entr'elles , mais feulement dans les
diverlés conceptions de l'entendement ; il
friudra , pour parler plus intelligiblement &
du moins faifir quelques rapports & quel-
ques propriétés. Mais , dira Spinofa , les
degrés de connoiffance qui (e trouve dans
l'être fini , n'étant point ajoutés à cette con-
noiffance que nous fuppofons infinie , elle-
ne peut pas l'être. Pour répondre à cette
objeftion , qui n'eft qu'une pure équivoque,
je demande , fi les degrci de la connoif-
fance finie ne fe trouvent pas dans la ccn-
noiftance infinie; on ne fauroit le nier. Ce
phis humainement , dire que puifqu il y a l ne feroit pas à la vérité les mêmes degrés
deux fortes d'exiftence , l'une nécelfaire, &
l'aurre contingente, il y a de toute néceffiié
deux fortes de fubftance ; l'une qui exifte né-
ceffairement , & qui eft Dieu ; & l'auire qui
n'a aucune exiftence empruntée de ce pre-
mier erre, & de laquelle elle ne jouit que
par fa vertu , qui font les créatures. La défi-
nition de Spinofa ne vaut donc rien du tout ;
elle confond ce qui doit être nécefiài^ement
diftingué , l'effence qu'il nomm^ fubflance ,
avec l'exifteiKe. La définition qu'il apporte
pour prouver qu une fubftance n'en peut
produire une autre , eft auffi ridicule que
ce railbnnement qu'on feroit pour prouver
qu'un homme eft un cercle : par homme
j'entends une figu.e ronde; or, le cercle
eft une figure ronde , donc l'homme eft un
cercle. Car voici comme rî.i\onnit Spinofa :.
il me plait d'entendre par fubftance ce qui
n'a point de caufe ; or , ce qui eft produit p.ir
un autre a une caufe, donc une fubftance
numériques , mais ce feront les mêmes fpe-
cifiqiiement , c'eft - à - dire , qu'ils feront
femblables. Or, il n'en faut pas davantage
pour la connoiftance infinie. Quant aux
degrés infinis dont elle eft compofée , on
ajouteroit encore tous l'es degrés qui fe
trouvent épars & défunis dans toutes les
connoiffances finies , elle n'en deviendroif
pqs plus parfaite ni plus étendue. Si )'avois
précilémeiu le même fonds de connoiflurnces-
que vous avez fur quelque objet,, en de-
viendrois-je plus habile , 6c mes lumières
plus étendues, parce tju'on njoutercit vos
connoift.iuces numériques à celles que je
poftéde déjà } Vos connoilTances étant
abioluinent femblabies aux miennes, cette
fépétition de la même fcience ne me ren-
droit pas plus l'avant. Donc une conn^iif-
(ance infinie n'exii^e point les degrés finis
des autres conno:ffances ; donc ui-e chofe
n'eft pas précifément finie, parce qu'il
824 A T H
exifte d'autres êtres de la même nahire/
Ses raifonnemens lur l'infini ne font pas
plus juftes. Il appelle infini , ce dont on ne
peut rien nier, &ce qui renferme en foi for-
inellement toutP<; les réalités pofiîbles. Si on
lui paffe cette définitior!, il efl: clair qu'il lui
fera aifé de prouver qu'il n'y a dans le
monde qu'une Tubdance unique , & que
cette lubilance cft Dieu , & que tou'es les
chofes font les modes de cette fubftance.
Mais , comme il n'a pas prouvé cette défi-
nition , tout ce qu'il bâtit defliis , n'a qu'un
fondement ruineux. Pour que Dieu foit
infini, il n'eft pas nécefTaire qu'il renferme
en lui toutes les réalités poflilîles qui font
finies & bornées, m^is feulement les réalités
& perfeftions pofiîbles qui font immenfes
& infinies : ou , fi Ton veut , pour parler le
langage ordinaire de l'école , qu'il renferme
éminemment toutes les réalités &; les per-
feftions poffibles ; c'eft-à-dire , que toures
les perfeftions & réalités qui fe rencontrent
dans les individus de chaque être que
Dieu peut former, fe trouvent en lui dans
un degré éminent & fouverain : d'où il ne
s'enfuit pas que la fubflance de Dieu ren-
ferme la fuftance des individus fortis de fes
mains.
Les axiomes de Spinofa ne font pas moins
faux & captieux que fes définitions : choi-
fifTons ces deux qui font les principaux :
La connoijfanci de Pejfct dépend de la con-
noiffance de la caufe , & la renferme nècef-
fairement : Des chofes qui nom rien de
'commun entrelUs ne peuvent fervir^ à fe
faire connaître mutuellement. On fen't tout
d'un coup le captieux de ces deux axiomes ;
& , pour commencer par le premier ,_ voici
comment je raifonne. On peut confulérer
l'efl'et de ces deux manières, en tant qu'il
efl: formellement un effet, ou matérielle-
ment, c'eft-à-dire, tout fimplement , en
tant qu'il efl en lui - même. Il vrai que
l'effet conlîdéré formellement comme effet ,
ne peut être connu féparément de la
caufe , félon cet axiome des écoles , cor-
relata funt fimul cogniiione. Mais fi vous
prenez l'effet en lui-même , il peut être
connu par lui-même. L'axiome de Spinofa
•efl donc captieux , en ce qu'il ne dillingue
pas entre les différentes manières dont
en peut cnvifager l'effet. D'ailleurs, quand
A T H
Spinofa dît que la connoiffance de l'efTet
dépend de la connoiffance de la cau(e
& qu'elle la renferme , veut - il dire que
la connoiffance de l'effet entraîne nécef-
fairement wnn connoiffance parlaite de la
caulé } Mais , en ce fens , l'axiome efl
très-faux , puifque l'effet ne contient pas
toutes les perfections de la caufe , qu'il
peut avoir une nature très - difl'érente de
la fienne ; favoir , fi la cauie agit par fa
feule volonté ; car tel fera l'effet qu'il
plaira à la volonté de le produire. Mais
fî Spinofa prétend feulement que l'idée
de l'effet eft relative à fidée de la caufe,
l'axiome de Spinofa eft vrai alors , mais
inutile au but qu'il fe propofe ; car , en
partant de ce principe , il ne trouvera
jamais qu'une fubftance ne puifi^e en pro-
duire ime autre dont la nature & les aitri-
buts feront différens. Je dis plus : de ce
que l'idée de l'effet eft relative à l'idée de
la caufe , il s'enfuit dans les principes
de Spinofa, qu'une fubftance douée d'attri-
buts différens peut être la caufe d'une
autre fubftance. Car Spinofd reconnoît
que deux chofes , dont l'une eft caufe de
l'autre , fervent mutuellement à le faire
connoître : or, ft l'idée de l'effet eft rela-
tive à l'idée de la caufe, il eft évident que
<\qux fubftances de différent attribut pour-
ront fe faire connoître réciproquement ,
pourvu que fune foit la caufe de l'autre ,
non pas qu'elles aient une même nature
& les mêmes attributs, puifqu'on les fup-
pofe différens : mais par le rapport qu'il y
a de la caufe à l'effet. Pour l'autre axiome
il n'eft pas moins faux que le précédent :
car , quand Spinofa dit que les choies
qui n'ont rien de commun entr'elles , ne
peuvent fervir à fé faire connoître ré-
ciproquement ; par le mot de cornmun ,
il entend une même nature fpécifique.
Or l'axiome pris en ce fens , eft très-
faux ; puifque , foit les attributs généri-
ques, foit la relation de la caufe à l'effer,
peuvent les faire connoître les uns par les
autres.
Examinons maintenant les principales
propolliions qui forment le fyftême de
Spinofa. Il dit dans la féconde , ([ue deux
fubftances ayant des attributs diffircns, nont
rien de commun entrUlUs, Dans la démonf-
tration
ATH
tfatioii de cette proportion , Il n';illc<»i!c
tl'autre preuve que la dcHnitioii qu'il a
donnée de la fubftance , laquelle étant
faullè , on n'en peut rien légitimcincnt
conclure , par coiiféquent cette propor-
tion cft nulle. Mais afin d'en faire mieux
compretidie le faux, il n'y a qu'àconfidé-
rer l'exiilence & relFence d'une chofc
pour découvrir ce fbphifme. Car , puKquc
Spinofa convient qu'il y a deux fortes
d'exirtc:ice , l'une ncceiraire & l'autre qui
ne l'eft pas '-, il s'enfuit que deux fubftan-
ces qui auront différcns attributs , comme
retendue & la pcnfée , conviendront entre
elles dans une exillence de même ef-
pece , c'eft-à-dire , qu'elles /iront fcm-
Blablcs , en ce que l'une & l'autre n'exif-
teront pas néceflairement , mais feulement
par la vertu d'une caufe qui les aura pro-
duites. Deux edcnces ou deux f.ib (lances
parfaitement Semblables dans leurs proprié-
tés eifentielles , feront différentes , en ce
gue l'exiftence de l'une aura précédé celle
de l'autre , ou en ce que l'une n'eft pas
l'iuitre. Quand Pierre feroit femblable à
Jean en toutes chcfes , ils font différens ,
en ce que Pierre n'eil pas Jean , 8c que
Jean n'eft pas Pierre. Si Spinofa dit quel-
que chofe de cop.cevable , cela ne peut
avoir de fondement & de vraifem.ijlancc ,
que par rapport à des idées m.étaphyfi-
^ues qui ne mettent rien de réel dans la
nature. Tantôt Spinofa confond l'efpece
avec l'individu , 6c tantôt l'individu avec
l'efpece.
Mais dira-t-on , Spinofa parle de la
fubftance précifémeiit , & confidérce en
elle-même. Suivons donc Spinofa. Je rap-
porte la dénnition de la fubftance à l'exif-
tence ^ & je dis , li cette fubftance n'cxifte
pas , ce n'eft qu'une idée , une définition
■qui ne met rien dans l'être des choies ;
{{ elle exifte , alors l'efprit & le corps con-
%iennent en fubftance & en exiftence.
Mais , félon Spinofa , qui dit une fubf-
tance , dit une chofe qui exifte nécelîài-
rement. Je réponds que cela n'eft pas
vrai , Se que l'exiftence n'eft pas plus ren-
fermée dans la définition de la iiibftance
en général que dans la définition de l'hoirt
me. Enfin , on dit , & c'eft ici le dernier
jretranchement , que la fubftance eft uu
Tome IIL
ATH 8zy
être qui fiibfifte par lui-même. Voici donc
où cft l'équivoque ^ car puifquc le fyftérne
de Spi/iofa n'eft fondé imiquement que fur
cette définition , avant qu'il puilTe argumen-
ter & tirer des conlcoucnces de cette défi-
nition , il faut préalableinent convenir avec
moi du lens de la définition. Or , quand
je définis la fubftance un être qui fubfiftc
par lui-même , ce n'eft pas pour dire qu'il
exifte nécelfairement , je n'en ai pas la
pcnfée ; c'clt uniquement pour la diftin-
guer des accidens , qui ne peuvent exif-
ter que dans la liibliance & par vertu
de la fubftance. On voit donc que tout
ce fyftême de Spinofa , toute cette faf-
tueufe démonftratlon n'eft fondée que ftjr
une équivoque frivole & facile à dif-
fiper.
La troifieme propofition de Spinofa eft
que , dans les chofes qui nont rien de com-
mun entr elles, tune ne peut être la caufe
de (autre. Cette propofition , à l'expliquer
précifémcnt , eft fauffc aufli ; ou , dans le
i'eul fens véritable qu'elle peut avoir , on
ne peut rien en conclure. Elle cft faulfe
dans toutes les caufes morales & occafio-
nelles. Le fon du nom de Dieu n'a rieit
de commun avec Tidée du créateur qu'il
produit dans mon efprit. Un mallieur ar-
rivé à mon ami n'a rien de commun avec
la trifteftc que j'en reçois. Elle cft fauftc
encore cette propofition , lorfque la cauie
eft beaucoup plus excellente que l'effet
qu'elle produit. Quand je remue mon bras
par l'acte de ma volonté , le mouvement
n'a rien de commun de fa nature avec
l'afte de ma \olonté , ils font trés-diffé-
rens. Je ne fuis pas un triangle ; cepen-
dant je m'en forme une idée , & j'exa-
mine les propriétés d'un triangle. Spinofa a
cru qu'il n'y avoit point de fubftance fpi-
rituelle , tout eft corps fclon lui. Combien
de fois cependant Spinofa a-t-il été con-
traint de le repréfcnter une fubftance lj>i-
rituelle , afin de s'efforcer d'en détruire
l'exiftence ? Il y a donc des caufes qui
produilcnt des c.'!"ets avec lelqucls elles
n'ont rien de conunun , parce qu'elles ne
les produlfeut pas par une émanation de
leur elFencc , ni dans toute l'étendue de
leurs forces.
La quatrième propofition de Spinofa np
H h 1) Il i'
Jitî A T H
nous arrêtera pas beaucoup : Deux ou plu-
f.eurs chofes dijiinBes font difiinguéta entr el-
les , OH par la divtrfné des attributs des
fubjiances , ou par la diverfité de leurs ac-
eidcns quil appelle des aftéâiions. Spinofa
confond ici la diverfité avec la diftinftion.
La diverfité vient à la vérité de la diver-
fité fpécifique des attributs & des affec-
tions. Ainfi il y a diverfité d'elTence , quand
Tune eft conçue & définie autrement que
■l'autre \ ce qui fait l'efpece , comme on
parle dans l'école. Ainli un cheval n'efi:
pas un homme , un cercle n'eft pas un
triang;le ^ car on définit toutes ces chofes
diverièment , mais la diftinftion vient de
ia diftinÛion numérique des attributs. Le
triangle A , par exeinplc , n'eft pas le trian-
ple B. Titius n'eft pas Maevius , Davus n'eft
pas GEdipe. Cette propofition ainfi expli-
quée , la fuivante n'aura pas plus de difficultés.
C'eft la cinquième conçue en ces ter-
mes : // ne peut y avoir dans t univers deux
ou plufieurs fubjiances de même nature ou
de même attribut. Si Spinofa ne parle que
de l'efTence des chofes ou de leur défini-
tion , il ne dit rien j car ce qu'il dit ne
iigiufie autre chofb , finon , qu'il ne peut
y avoir dans l'univers deux eifcnccs difi'é-
rentes , qui aient une même elfence : qui
en doute ? Mais fi Spinofa entend , qu'il
ne peut y avoir une eifence qui fe trouve
en plufieurs fujets finguliers , de même
que reffcnce de triangle fe trouve dans le
iriangle A & dans le triangle B ; ou comme
ridée de l'eilénce de la fiibftance ié peut
trouver dans l'être qui penle & dans l'être
étendu , il dit une cholè mauifeftement
laulîe , & qu'il n'entreprend pas même de
prouver.
Nous voici enfin arrivés à la fixieme
propofition que Spinofa a abordée par les
iléiours & les chemins couverts que nous
avons vus. Une Jubflance , dit-il , ne peut
être produite par une autre fubftance. Ciom-
ment le démontre-t-il '{ Par la propofition
précédente , par la féconde & par la troi-
•fienie 5 mais piiifque nous les avons ré-
futées, celle-ci tombe ftc fe détruit fans au-
tre examen. On comprend aifément que
Spinofa ayant mal défini la fubftance ,
cette propofition qui en eft la couclufion ,
doit être Hccefiauemcut faulTe. Car, au
A T H
fond , la fubftance de Spinofa ne fignifiç-
autre chofe , que la définition de la fubf-
tance ou l'idée de fon eflence. Or, il eft
certain qu'une définition n'en produit pas
une autre. Mais comme tous ces degrcs
métaphyiiques de l'être ne fubfiftcnt ôc
ne font diftingués que par l'entendem.ent ,
& que dans la nature ils n'ont d'être réel
& effeûif qu'en vertu de l'exiftence , il
faut parler de la fubftance , comme exif
tante , quand on ^eut conlldcrer la réa-
lité de fes effets. Or, dans un tel rocher,
être exiftant , être fubftance , être pierre ,
c'eft la même chofe :, il faut donc en par-
ler comme d'une fubftance exifîante , quand
on le confidere comme étant adtuellement
dans lêtre des chofes , & par conféquent
comme fiibftance exiftante, pour exifcerné-
ceiraireinent& par elle-même, ou par la \ertu
d'autrui ■■, il s'enfuit qu'une fubllance peut être
produite par une autre fubftance , car qui dit
une fubflancc qui exifte par la vertu d'autrui ,
dit une fiibftance qui a été produite , & qui
a reçu fon être d'une autre fiibftance.
Après toutes ces équivoques & tous ces
fophifines , Spinofa croyant avoir conduit
fon leâicur ou il fouhaitoit , le\'e le maf^
que dans la fepticme propofition. Il ap-
partient , dit-il ^ à la fubflance Sexifer.
Comment le prouve-t-il ? Par la propofi-
tion précétlcnie qui efl fauife. Je voudrois
bien iavoir , pourquoi Spinofa n'a pas agi
plus franchement & plus fincérement ^
car fi l'ellcncc de la fubitance emjiorte ne-
ceffairement l'exiftence , comme il le dit
ici, pourquoi ne s'en eft-il pas expliqué
clairement dans la définition qu'il a don-
née de la fiibftance , au lieu de fe cacher
fous l'équivoque fâcheufe de fubfijrer par
foi-mtme , ce qui n'oft véritable que pjir
rapport aux accidens & point du tout à
l'exiftence ? Spinofa a beau faire , il ne
détruira pas les idées les plus claires & les
plus naturelles.
La fubliance ne dit autre chofe qu'un
être qui exifte , fans être un accident atta-
ché à un fujet. Or , on fait nafurellcir.ent
que tout ce qui exifte fans être accident ,
n'exifte pas néanmoins néccf lairement . donc
l'idée ii l'effénce de la même l'ubitaiice
n'emportent pas nécellairement l'exillence
avec elles.
A T H
On n'entrera pas plus avant dans l'cxa-
mcn des nropontions de Spinofa , prcc
que les fomioniciis étant détruits , il /c-
roit inutile de s'appliquer davantasfe à rcn-
vcrfèr le bltiment ; cependant, comme cette
miticrc eit dit^icilc à comprendre , nous
la rctoi.'chcror.s encore d'une autre maniè-
re ; & , quand ce ne (croit que des répé-
titions , elles ne feront pas néanmoins
inutiles.
Le principe fur lequel s'appuie Spinofa
cft de lui-mcme obfcur & iucompréhcn-
fible. Quel eil-il ce princijîe ou fonde-
ment de fon {}'ftème ? C'eft qu'il n'y a
dans le monde qu'inie feule fubftance. Cer-
tainement la propofition eli oblcure ck
d'une obfcurité linguliere & nomellc
car les hommes ont toujours été pcrfua-
dés , qu'un corps humain & un muid
d'eau ne font pas la même fubftancc 5
qu'un efprit & un autre efprit ne font pas
la même fubftance :, que Dieu & moi ,
& les autres différentes parties de l'uni-
vers ne font pas la même fobftancc. Le
principe étant nouveau , furprenant , con-
tre tons les principes reçus , & par ccn-
féquent fort obfcur , il faut donc l'éclair-
cir & le prouver. C'eft ce qu'on ne peut
faire qu'avec le fecours de preuves qui
foient plus claires que la choie incme à
prouver, la preuve n'étant qu'un plus grand
jour , pour mettre en évidence ce qu'il
s'agit de faire connoître & de perfuadcr.
Or quelle eft , félon Spinofa , la preuve
de cette propolîtion f^énérale , il ny a & il
ne peut y avoir qii une feule fuhftance ? La
voici : ceji qu'une fubftance nen fauroit
produire une autre. Alais cette preuve n'en-
fcrme-t-elle pas toute J'oblcurité & toute
la difficuhé du principe ? N'cft-elle pas
également contraire an Icntiment reçu dans
le genre humain , qui eft perfuadé qu'une
fiibftauce corporelle , telle qu'un arbre ,
produit une autre fubftance, telle qu'une
pomme , & que la pomme produite par
un arbre , dont elle eft achiellement lé-
parée , n'eft pas aftuellement la même
iùbftance que cet arbre ? La féconde pro-
portion qu'on apporte en preuve du prin-
cipe , eft donc aulfi obfcure pour le moins
qiiC le principe , elle ne l'éclaircit donc
pas , elle ne prouve doiic pas. Il cft ainfi
A T H 8*7
de chacune des autres preuves de Spinofa :
an lieu d'être un éclaircificment , c'eft une
nouvelle obfciirit<;. Par cscmple , com-
ment s'y prend-il pour prouver qu'une
fiibrtancc ne fiuroit en ])roc!iiire une au-
tre ? C'eft, dit-il, parce quelles ne peu-
vent fe concevoir tune par (autre. Quel
nouvel abyme d'obfcurité ? Car enfin , n'ai-
je pas encore plus de peine à démêler , fi
deux fubftances peuvent fe concevoir l'une
par l'autre , qu'à juger fi une fubPaiice
en peut produire une antre ? Avancer dans
chacune des preuves de l'auteur , c'eft:
faire autant de démarches d'une obicurité
à l'antre. Par exemple , /'/ ne peut y avoir
deux fubftances de même attribut , 6' qui
aient quelque ckofe de commun entr elles.
Cela eli-il plus clair, ou s'cntend-il mieux
que la première propofition qui étoit à
prom'er ;, (avoir , quil ny a dans le monde
quune feule fubftance.
Or , puifque le fens commun fe révolte
à chacune de ces propofitions , aiilii-
bien qu'à la première , dont elles font les
prétendues preii\cs , au lieu de s'arrêter
à raifonner fur chacune de ces prcu^■es ,
où fo perd le feus commun > on /croit en
droit de dire à Spinofa , votre principe
eft contre le fcns commun j d'un principe
où le lèns coinmun fo perd , il n'en peut
rien fortir où le fcns commun fe retrou-
ve. Ainfi , de s'amufer à vous fiiivre, c'eft
inanifeftemcnt s'expofèr à s'égarer avec
vous , hors de la route du fens commun.
Pour réfuter Spinofa , il ne faut , ce inu?
femble , que l'arrêter au premier pas , fan?
prendre la peine de fuivre cet auteur dans
un tas de conféquences qu'il tire (clon fa
m.éthodc prétendue géonîétrique , il ne
faut que liibftitucr au principe obfcur dont
il a fait la bafe de fon fyftéme , celui-ci ,
// y a plufieurs fubflances , principe qur
dans fon genre eft clair au (ùpréir.e tic-
gré. Et , en effet , quelle propoiition plus
claire, plus frappante, plus intime à Tin-
telligence & à la confciencc de l'homme l
Je ne veux point ici d'autre juge que le
icntiment naturel le plus droit , & que
l'imprellion la plus jufte du fcns commun
répandu dans le genre humain. Il eft
donc naturel de repondre fimpleir.ent à
la première propofition qui leur fert de
H h h h h z
8z8 A T H
principe : vous avancez une extravagance
qui révolte le fens comnuin , & que vous
n'entendez pas vous-même. Si vous vous
obftinez à foutenir que vous comprenez une
chofe incompréhenlible , vous m autorifcz
à juger que votre efprit eft au comble de
l'extravagance , & que je perdrois mon
temps à raifbnner contre vous & avec vous.
CeA ainli qu'en niant abfolument la pre-
mière propofition de fes principes , ou en
éclairciirant les termes obfcnrsdont il s'eme-
loppe, on renverfe l'édifice & le fyftémc par
tes fondemejis. En eifct , les principes des
feftateurs de Spinofa neréfultentque des té-
nèbres où ils prennent plaifir à s'égarer ,
pour y engager avec eux ceux qui veulent
bien être la dupe de leur obfcurité , ou qui
ii'cnt pas aflcz d'intelligence pour apperce-
voir qu'ils n'entendent pas eux-mêmes ce
qu'ils difènt.
Voici encore quelques raifons dont on
peut fe fervir pour renverlcr ce fyftême. Le
mouvement n'étant pas elfentiel à la ma-
tière , & la matière n'ayant pu fe le don-
ner à elle-même , il s'enfuit qu'il y a quel-
que autre fubllance que la matière , & que
cette fubftance n'eft pas un corps , car
cette même diilîculté retourneroit à l'infini.
Spiiwja ne croit pas qu'il y ait d'abfurdité
à remonter ainfi de caufe en caufe à l'infini \
c'cfl: fe précipiter dans l'abyme pour ne
pas vouloir fe rendre ', ni abandonner fon
fyftême.
J'avoue que notre eiprit ne comprend
pas l'infini , mais il comprend clairement
qu'un tel mouvement , un tel effet , un tel
tomme doit avoir fa première caufe ^ car
fi l'on ne pouvoit remonter à la première
caufe, on ne pourroit , en delcendant, ren-
contrer jamais le dernier effet , ce qui eft
manifeftement faux , puifque le mouvement
qui fe fait à l'inftant que je parle , eft de
ncccflité le dernicr.f/Gèpendant on conçoit
fans peine , que jemonter de l'effet à la
caufè , ou deicendre de la caufe à l'effet ,
font des chofes unies de la même manière
qu'une montagne avec • fa vallée ■■, de forte
que , comme on trouve le dernier effet, ou
tîoit auili rencontrer la première caufe.
Qu'on ne dilè pas qu'on peut connncncer
wws. ligne au point où je fais , & la tirer
jufqu'à l'infini j de même qu'on peut corn-
AT H
niencer un nombre êc l'augmenter Jufqu'à
l'infini ^ de telle forte qu'il y ait un premier
nombre , un premier point , làns qu'on
puiffé trou\er le dernier. Ce feroit un fo-
phifme facile à reconnoîcre , car il n'eft pas
queftion d'une ligne qu'on puiffe tirer , ni
d'un nombre qu'on puilîc augmenter , mais
il s'agit d'une ligne formée & d'un nombre
achevé. Et comme toute ligne qu'on achevé
après l'avoir commencée , toutnombre qu'on
cefle d'augmenter , eft néceffairement fini ,
ainfi de même , dans le mouvement , l'effet
qu'il produit à l'inftant étant fini , il fout
que le nombre des caufes qui concourent à
cet effet le Ibit auffl.
On peut éclairer encore es que nous di-
Ibiis par un exemple aifez feniîble. Les
philofophes croient que la matière eft divi-
lible à l'infini. Cependant quand on parle
d une divifion aduelle & réelle des p;irties
du corps , elle eft toujours néceffairement
finie. 11 en eft de même àcs caulës & des
effets de la nature. Quand elle en pourroit
produire d'autres , & encore d'autres à
l'infini , les caulës néanmoins & les effets
qui exiftent actuellen:ent à cet inftant ^
doivent être finis en nombre ■■, & il eft ridi-
cule de croire qu'il faille remonter à l'in-
fini pour trouver la première caulè du mou-
vement. De plus , quand on parle du mou-
vement de la matière , on ne s'arrête pas à
une feule partie de la matière , pour pou-
voir donner lieu à Spinofa d'échapper , en
difant que cette partie de la matière a reçu,
fon mouvement d'une autre partie , &C
celle-là d'une autre , & aiiiii de inéme juf-
qu'à l'infini ; mais on parle de toute la ma-
tière quelle qu'elle foit , finie & infinie ,
il n'importe. Ou dit que le mou\en;ent
n'étant pas de l'eflcnce de la matière ,
il faut nécelfairement qu'elle l'ait reçu
d'ailleurs. Elle ne peut l'avoir reçu du
néant ■■, car le néant ne peut agir. 11 y a
donc une autre caulé qui a imprimé le mou-
vement à la matière , qui ne peut être ni
madère ni corps. C'cft ce que nous appelions,
ejpvu.
On démontre encore par l'hiftoirc da
monde , que l'univers n'a pas été tcrn-.e par.
une longue (iicceilion de temps , ccmnie
il faudroit néceifiùrement le croire & \q.s
dire, fi une cauié toute-puillimtc ôc iiU€i>
A T H
ligcnte n'avoit pas prclîdc dans la créa-
tion , afin de 1 ache\ cr & de le mettre en
fa perfeèlion. Car s'il ctoit formé par le
(cul mouvornent de la matière , pourquoi
fè feroit-elle fi épuifée dans fes commence-
iiiens , qu'elle ne puiffe plus , & n'ait pu
depuis plufieurs (iccles foriner des aftrcs
nouveaux ? pourquoi ne produiroit - elle
pas tous les jours des animaux & des hom-
mes par d'auti-cs voies que par celle de la
génération , fi elle en a produit autrefois?
ce qui ell pourtant inconnu dans toutes les
hiftoires. II faut donc croire c£u'une caufc
intelligente & toute-puilîaate a formé , dès
le commencement , cet univers en cet état de
perfection où nous le voyons aujourd'hui.
On fait voir aulll qu'il y a du deffein dans
lacaufequi a produit l'univers, Spinofan'au-
roit pu néanmoins attribuer une vue & une
fin à fa matière informe. Il ne lui en donne
qu'en tant qu'elle ell modifiée de telle ou
telle manière , c'eil-à-dire , que parce qu'il
y a des hommes & des animaux. Or
c'efl pourtant la dernière des iibfurdités ,
de croire & de dire que l'œil n'a pas été
fait pour voir , ni l'oreille pour entendre.
Il faut, dans ce malheureux fyltéme, réfor-
mer le langage humain le plus raifonna-
ble & le mieux établi , sfin de ne pas
admettre de connoilfance & d'intelligence
dans le premier auteur du monde & des
créatures.
II n efî: pas moins ablùrde de croire qi:c ,
il les premiers hommes font fbrtis de la
terre , ils aient reçu par-tout la même figure
de corps & les mé:îies trai';s , fans que l'un
ait eu une partie plus que l'autre , ou dans
une autre iîtuation. Mais c'efi; parler con-
formément à la raifon ik à l'expérience , de
dire que le genre humain foit Lrti d'un
même moule , & qu'il a été fait d'un même
iàng. Tous ces argumens doivent convain-
cre la raifon , qu'il y a dans l'univers un au
tre agent que la matière , qui le régit &
en diîpofè comme il lui plaît. C'eil pour-
tant ce que Spinofk a entrepris de détruire.
Je finis par dire que plufieurs perfonnes ont
aifuîé que là dodfrine , confidérée n cm?
indépendamment des intérêts de la reli-
gion , a paru fort niéprifabîe aux grandi
mathématiciens. On le croira plus fatile-
meut , fi l'on fc fouvieiït de ces deux cho-
A T H 8i^
fcs : l'une , qu'il n'y a point de gens qui
doivent être plus perfuadés de la multipli-
cité des fublhmces , que ceux qui s'appli-
quent à la confidcration de l'étendue i l'au-
tre , que la plupart de ces fiivans admet-
tent du vuide. Or il n'y a rien de plusoppofé
à l'hypothefe de Spinofa , que de foutenir
que tous les corps ne fc touclient point , ik.
jamais deux fyllémes n'ont été plus opposés
que le lien ix celui des atomiltes. 11 cit d'ac-
cord a\ec Epicure en ce qui regarde la re-
jcéfion de la providence ^ mais , dans tout
le relie , leurs lyfiémes font comme l'eau ^
le feu. (À')
ATHELING , f. m. ( Hip. mod. ) étoit
chez les anciens Saxons , ancêtres des An-
glois , un titre d'honneur , qui appartenoit
en propre à l'héritier préfomptif de la cou-
ronne.
Ce mot Aient du mot Saxon crdeling ,
qui eft dérivé de add , noble. On l'écrit
aulîi quelquefois , adling, edling , eMing&C
ethcimg.
Le roi Edouard le confefi"eur étant lâns
cnfans, & voulant faire Edgar , dont il étoit
le grand oncle maternel , fon héritier , lui
donna le premier le nom û'atheling ^ les
antiquaires remarquent qu'il étoit ordinaire
aux Saxons de joindre le mot de ling ou
ing y à un nom chrétien , pour marquer le
fils ou le plus jeune , comme Edmondin.? ,
pour le fils d'Edmond ;, Edgaring , pour le
fils d'Edgar : c'efi pour cela que quelques-
uns ont cru que le mot aiAeling devoit
îigjiifier originairement , le fih d'un noble
ou d'«/7 prince, Ccj>endiint il y a apparence
que le mot cihelinç , quand il eft appliqué
à l'héritier de la couronne , fignifie plutôt
un homme doué de plufieurs belles ijuiilués y
que le fils d'un noble ■■, & ce teriiie paroît
répondre au nobiliff. Cœjar , qui étoit ea
ufiige chez les Romains. Voye^ Cesar &■
NOBILISSIME. (G )
ATHEMADOULET , f m.{HiJl.mod.)
c'cd le premier 0:1 le principal mitiiftre de
l'empire tles Pcrfes. Ce mot , lèlon Kemp-
fer , s'écrit en perfan , athemaaddaulet ;
félon Ta\ernicr , aihemcidoulet ; félon San-
Icu , eimadoulet. On le regarde comme
originairement Arabe , & compofé de iti~
mode èc dauUt , c'eft-à-dire , la confiance en
la majejlé -^ oiJ , feloji lavcrnicr , lefuppqrt-
830 A T H
des riches ) & feloa Kempfer , f appui & le
ré/upe de la cour.
L'autorité de Yatkemadoulet reflemble
beaucoup à celle du grand vifir de Turquie,
excepté qu'il n'a point le cominandement
de l'année , comme le grand vifir. Voyei
VisiR.
\J athemadoulet eft grand chancelier du
royaume , préfident du confcil , fiirinten-
dant des finances ^ 8c il eft chargé de toutes
les affaires étrangères ; c'eft un véritable
vice-roi ou gouverneur du royaume ; il in-
titule ainfi les ordonnances & édits du roi :
Bende derga ali il alia etmadaulet : c'eft-à-
diie , moi qui fuis le foutieii de la puijfance ,
la créature de cette cour , la plus puijjante de
toutes les cours , &c. (G)
ATHENA , (Mu/iq. inflr. des anc. ) forte
de flûte des Grecs , dont on dit que le Thé-
bain Nicophele fe fervit le premier dans les
hymnes à Minerve, f Poil. Onom. lib, IK ,
cap. X, ) Il y avoit aufTi une efpece de troin-
pette appellée Athtna. Voy. TROMPETTE.
Mufiq. inftr. des anciens. ( F. D. C. )
ÀTHÉNAIS , Voy, Eudoxie.
ATHÉNÉE , f. m. ( Hifi. anc. ) c'étoit un
lieu public à Rome , bâti l'an i.^S ^le J. C. ,
par 1 empereur Adrien , pour fervir d'audi-
toire aux favans , & à ceux qui , félon la
coutume , voudroient lire ou déclamer leurs
ouvrages en préfeuce d'une nombreufc af-
femblée. Il fcrvoit aulfi de collège , & l'on
y faifbit des leçons publiques. On conjeaure
qu'Adrien nomma ainfi cet édifice du nom
grec A^îrn « , Minerve , deelfe des fciences ,
ou de la ville d'Athènes , qui avoit été le
féjour & comme la mère des beaux-arts. Un
femblable atkenée , conftruit à Lyon par
l'empereur Caligula , fut célèbre par les
grands hommes qui y enfeigncrent , U par
ks prix qu'y fonda ce prince. On a étendu
ce titre ^athénée aux collèges , aux acadé-
mies , aux bibliothèques, aux cabinets des
favans. ( G )
ATHÉNÉES , adj. pris fubft. ( H//?, anc. )
fête que les Athéniens célébroient en l'hon-
neur de Minerve. Erichtonins , troifieme
roi d'Athènes , l'avoit inftituéc ^ lorfque
Théfée eut rallèmblé les douze bourgades
de l'Attique pour en former une ville , la
fcte célébrée par tous les peuples réunis ,
A T H
prit le nom è&Panathéniti, V. PanATHÉ-
NÉFS. (G)
§ ATHENES, (Géogr.) ancienne ville de
Grèce , fituée auprès du golfe d'Egines , Sa-
ronicus finus , aujourd'hui Setines , capitale
de la Livadie. £. 41 , 55 ^ /ar. 38 , 5.
Cette ville , autrefois la capitale de l'At-
tique , s'eft rendue à jamais célèbre par
les grands hommes en tout genre qu'elle a
produits , par le foin & le fuccès avec
lequel les arts & les fciences y étoient cul-
tivés , & par la ^-a^g-Kq de fes loix. Rap-
portons ici l'éloge que Ciceron en fait ,
Orat. pro Flacco , C. XXVI. « C'eft-là où
la politelfe des mœurs , le favcir , la ma-
nière de fervir la divinité , l'art de culti-
ver la terre , & d'employer fes produâioiis
aux différens befoins de la vie , la con-
noilfance du droit , la fcience des loix ,
ont pris naiflance , & d'où elles fe font
répandues fur toute la terre. C'eft pour-
quoi on a feint , qu'à caufe de fa beauté,
les dieux s'en difputereiit la poflëfllon. Sou
antiquité eft telle , qu'elle palfe pour avoir
produit d'elle-m.ême fes premiers habitans ,
en forte que la même terre eft toute à la
fois leur mère , leur nourricière & leur pa-
trie. La confidcration qu'elle s'eft attirée eft:
({ grande , que la réputation de la Grèce , fi
diminuée ?<; prefque tombée , ne fublifte
plus que par l'eftime générale qu'on a pour
cette ville. ))
Si l'on confulte l'hiftoire , on trouvera
({uAtkenes fut bâtie par Cécrops , origi-
naire de Sais , en Eg^'pte. Elle fiit premiè-
rement appellée Cécropie , du nom de fon
fondateur : Cranaiis lui donna enf.iite celui
<ï Athènes , en conlidération de Minerve ,
appellée par les Grecs \Sma , qui en étoit
deelfe tutélaire , & qui y étoit honorée
d'une manière particulière. D'autres difcnt
qu'il lui fit porter le nom d'Atliene fa fille ,
au lieu de celui de Cécropie ou de Poflîdo-
nie , qu'elle portoit auparavant. Peut-être
que la reflcmblance de ce dernier nom avec
celui de Neptune , qui s'appcUoit n.juS'ùv ,
a donné lieu à la fable du combat de Minerve
& de Neptune , dont Ovide fait le récit.
Métam. lib. VI, 2.
Quoi qu'il en foit , la ville ne fut pas
aufii coulîdérable dans fon origine qu'elle
l'a été dans la fuite •■, fuivant Thucydide ,
AT H
«lie ne s'ctendoit giicre au delà de la Cro-
pole , qui eft encore .iiijoiird'hiii la cita-
delle placée entre deux éirinences , dont
l'iiiie étoit le Mufceum Se l'autre le mont
Anche fmus , jufciu'à ce que Thcfce , à /on
retour de I lie de Crête , eût pris la réfo-
lution de réunir les douze bourgs de l'At-
tique dans une feule ville. Il fut par-là
oblige d'en étendre l'enceinte , queThcmif-
tocle agrandit encore par la conftruftion
du port du Pirée , qu'il joijînit à la ville
par des murs. Voye^ ce mot. Parmi les dif-
férentes chofes remarquables qu'il y avoir
à Athènes , on difliuguoit particulicreincnt
Vuc.idémie, qui étoit le lieu où s'aficmbloicnt
ceux qui étoient attachés à la ihttc de Platon ;
delà vient qu'on leur donna le nom cl'acj-
démiciens , tout comme on donna celui de
péripatéticiens aux fectateurs d'Anltotc , parce
qu'ils le promenoient dans le Lyc-ïC. Voye\
Académie, Académiciens, Péripaté-
ticiens , Lycée. Il y avoit , outre cela ,
le portique, appelle no/ciA:!, qui étoit une cé-
lèbre galerie ]îe!iite par Polignote , où
Zenon aifembloit fes difciples. Ce fut de
ce lieu appelle en grec Sto^t , qu'ils prirent
le nom de Stoickns. On voyoit encore les
jardins d'Epicure , où ce philofophe avoit
accoutumé de débiter ks dogmes.
On doit juger par tous ces établiflemens,
combien îts Iciences étoient en honneur à
Athènes. On n'y étoit pas moins attentif à
tout ce qui pouvoit infpirer du goût pour
les armes. On accordoit les récompenfes
les plus riatteulcs à ceux qui sétoieiit dif-
tingués dans les combats. On leur élevoit
des ftaïues. Il y avoit un cimetière féparé
pour ceux qui étoient morts au fervice de
leur patrie , qu'on appelloit le ccrarni<juc.
Voyez ce mot ; & leurs dcfcendans éîcicut
entretenus aux dépens de la république.
Ceux qui furvivoientà leurs exploits étoient
comblés de louanges , & on a remarqué
que les Grecs y étoient ordinair£:?ieut fèn-
libles. Cette inclination eiî peut-être ce qu'il
y a de plus propre à produire les grands
hommes , quoiqu'elle prùfle avoir aufîi de
ti-ès-fâchcuiès fuites. Plutarque a dit de
Thémiltocîe , que , comme après la victoire
de Salamine, il entendit un jour que parmi
la foule qui l'environnoitjCcux dont il étoit
connu le niontroieut aux autres , en dila/it ,
ATH 8ji
c'ejf-là et grand Thémiflocle ,il confcfla qu.il
k troiivoit bien payé de tous fes travaux.
Horace , grand connoifl'cur , dit des Grecs ,
que hors les louanges ils n'étoicnt avares de
rien : prœter laudem nullius avari.
Cette ville fut gouvernée premièrement
par des rois , & cnfuite par des archontes. V.
Archontes. Outre ces magiftrats , qui
avoient chacun leur départementparticulier,
il y avoit le confeil de l'aréopage : Voye^
ce mot ; ôc un confèil compofé de 500
perlônnes , où l'on rapportoit tontes les
affaires avant que de les propofcr à l'aficir.-
blée du peuple , en qui réiidoit la Ibuve-
rainc autorité. Ce plan de gouvernement
étoit dû en partie à Soloii , qui réforma
ce qu'il y avoit de défeétueux dans l'an-
cienne conftitution de l'état , & qui , aux
loix trop lànguiiiaircs de Dracon , en fubf-
titua d'autres plus modérées. Cette forme
de gouvernement , à quelques chaiigemens
près que l'on fut obligé d'y faire par la
divcrllté des temps & des coiijondures ,
s'ell conlervée à Athènes pendant une lon-
gue fuite d'années , julqu'à ce que cette
\ ille , après a\oir pailé par diiîérentes ré-
volutions , éprouva le fort des autres villes
de la Grèce , & fut foumilè au pouvoir
des Romains.
Pifilîrate fut le premier qui porta at-
teinte à l;i liberté, la première année de
la 57*. olympiade. Cet homine, que l'am-
bition rendit injufte , avoit d'ailleurs d'ex-
cellentes qualités. Dans l'ulàgc qu'il fit de
fa puiiTance , il montra du rcljseét pour les
loix établies : détrôné deux fois , il fut
remonter fur le trône ; il s'y étoit placé
par la rulè , il s'y maintint par fon huma-
nité. Il aimoit les lettres , il paflb pour
avoir fondé le premier une bibliothèque à
Athènes ; il finit fes jours en paix , &
put tranfmettrc à fes enfans la fouverai-
neté qu'il avoit ufurpée : ils ne la gardè-
rent que dix-huit ans , après Iclqucis les
Athéniens recouvrèrent leur liberté. Cette
république elîiiya auffi une crilc ^'iolente
par Ja guerre que lui fit Darius , fils d'Hyf-
tafpe roi de Perfe. La viiloirc qu'ils eu-
rent le boiilieur de remporter à Marathon ,
les tira l'.e ce danger. Cette entreprilè de
la part des Perfes , ne fut que comme ]p
prélude de celle de Xerxès, qui arma contre
Sjî A T H
les Grecs des troupes preff[iie Innombra-
bles par mer & par terre. Athcnes eut beau-
coup à fouffrir dans cette guerre. Ses lia-
bitans (è virent réduits à abandonner !a ville ,
à envoyer leurs femmes & leurs enfans à
Trezene , & à embarquer fur leurs vailfeaux
tout ce qu'il y avoit d'hommes capables
de porter les armes. L'armée de Xerxès
s'empara de la ville fans peine : mais un
petit nombre de braves citoj'ens qui s'é-
toiciit retirés dans la citadelle , s'y défen-
dirent jufqu'à la mort. Xerxès s'en étant
enfin rendu maître , la fit brûler avec la
ville. La victoire des Grecs à Salamine ,
obliiî^ea ce prince de quitter la Grèce. Les
troupes qu'il y laiifa furent défaites. Les
Athéniens & les Lacédémonicns eurent le
plus de part à ces viftoires. Si elles leur
acquirent de l'honneur , cette guerre leur
coûta beaucoup aulli.
Les Athéniens coururent enfinte \\\\ jjrand
danp^er dans la guerre qu'ils furent obligés
de foutenir contre d'autres états de la
Grèce , en particulier contre les Lacédémo-
nicns , & qu'on nomma la guerre du Pc-
loponefe. Périclès étoit à la tête des affaires ,
quand cette fuîiefte divifion s'éleva. La
pelle , dans ces triRcs circonftances , dé-
truiiltauiîî une infinité d'habitans. La guerre
que les Athéniens portèrent en Sicile par
les confeils d'Alcibiade , fut extrêmement
ruineufe pour eux. Affoiblis par les pertes
qu'ils y firent , leur ville fut afllégée &
prilè par Lyfandre , chef des Lacédémo-
iiiciis. Il, y établit trente tjTuns ; elle re-
couvra pourtant fa liberté. Conon , un de
iès citoyens , en rétablit les murailles. Les
Athéniens eurent beaucoup à foulrlrir des
troubles que Philippe & Alexandre exci-
tereat dans la Grèce. Leur ville fut encore
prife par Antipater. Caflandre , autre gé-
néral d'Alexandre le Grand , s'en rendit en-
fiiite le maître , & y établit pour gouver-
neur Démétrius de Phalere ■■, fous fon gou-
vernement ils jouirent d'une parfaite tran-
quillité. Un autre Démétrius, c'elt celui
qu'on nonune Polyorcete , s'en rendit maî-
tre enfuite , & y rétablit le gouvernement
démocratique. Peu après , elle fc rebella
contre lui , il s'en rendit maître 5c lui
pardonna. Elie tomba enfuite fous la puif-
iiuicc d'Antigoniis Gonatès. Philippe de
A T H
Macédoine vouhit la foumettre , ina!s il
i!e rciifiit pas dans fon entreprifè. Arche-
laiis , l'un des généraux de Mythridatc , la
prit : un citoyen d'At/ienes , nomi'né Arif-
tion , à qui Archelaiis avoit confié quel-
ques troupes , s'empara de toute l'autorité ,
& exerça dans cette ville une cruauté tyran-
nique. Elle fut enfuite alTiégée par Sylla ,
& prife d'affaut après un long fiege très-
cnicl.
Dès-lors la Grèce fut en quelque forte
dépendante des Roir.ains , faiis être cepen-
dant tout-à-fait privée de fa liberté, yî/zic-
«w fubfiila encore long-temps avec éclat,
non fur le pié de ville ou de république
guerrière , mais comme ville ■ favante 5c
comme le fiege des beaux arts. Les grands
y envoyoient leurs enfans pour achever leur
éducation. Ciceron y eîivoya Ion fils pour
étudier fous Cratippe. Horace & félicitoit
d'y avoir léjourné , adjecere boncr paiilo plus
anis Athenœ. On fait que S, Bafde & Gré-
goire de Nazianze y avoicnt fait leurs étu-
des ^ Ciceron lui-même voyagea dans la
Grèce , à Athènes & dans l'Afie mineure ,
pour s'y perfeftionuer dans l'art oratoire
&C dans' l'éloquence , dont il fut depuis un
modèle qu'on pourroit dire parfait parmi
les hommes.
Enfin , après la chute de l'empire , Athè-
nes devenue la proie d'un peuple ennemi
des fciences , eft tombée dans la barbarie.
Elle fut prife par les Turcs en 145 5 , re-
prilc par les V'énitiensen 1464 8c en 1687 j
mais ils furent contraints de l'abandonner ,
& elle eft reftée aux Turcs. Tous ces ac-
cidens ont fi fort diminué fon ancieiui»
fplentieur , qu'elle eft devenue , pour ainfi
dire , un fimple vilhige. On trouve cepen-
dant , foit au dedans , foit au dehors ,
plufieurs reftes de fon ancienne magnifi-
cence , qui prouvent le degré de perfec-
tion auquel l'architcûure 5c la fculpture
avoient été portées dans cette ville. Elle a
encore 6000 habitans , dont les trois quarts
font des chrétiens orientaux, qui y ont plu-
fieurs églifcs 6c chapelles, avec un métrcn
politaiii qui y fait fa réfidence. Les Turcs y
ont cinq mofquées, dont une étoit ancienne-
ment le temple de Minerve , qu'on appel-
loit Parthénion,
Parmi les anticjuitcs que l'on voit à
Athènes ,
A T H
nés , celles du ch:1teaij font les mieux con-
servées. Ce château cfl kir une colline , il
renferme un temple en marbre blanc & à
colonnes de porpln're & marbre noir ,
qu'on dit magnifique & Ipacieux. On voit
;ui hontil'pice des ligures de cavaliers ar-
més , dans le pourtour , d'autres figures
moins grandes , des bas reliefs , tsc. au
bas du château , il rede dix-lèpt colonnes
do marbre blanc, de trois cents qui formoient
anciennement le palais de Thelée. Ces co-
lonnes ont dix-huit pies de tour au moins ,
& iont haut, s à proportion. On lit fur
une porte qui ell entière , au dehors : cette
ville d'Athènes ejî ajfiire'ment la lille de
The'fce , & en dedans , cène tulle d'Athènes
efilj. l'ille d'Adrien , & non pas de Thé fée.
On voit encore \ç. fj.nj.n ou la lanterne
de Démollhene ; on dit que c'eft-là où
ce grand orateur s'enfermoit pour étudier
fon art : c'ell une petite tour de marbre
environnée de (ix colonnes canelees , &
couvertes d'un dôme au dediis duquel
il y a une lampe à trois becs en orne-
ment d'architeâure. La Irife crt chargée
d'un bas-reliet , où l'on diftingue qua-
torze grouppes de deux figures chacun :
ce font des Grecs qui combattent ou qui
facrifient. Il y a encore quelques ruines de
l'Aréopage , du Prytanée , d'un temple de
la vidoire , l'arfcnal de Lycurgiic , un
temple de Minerve dont nous avons lait
mention plus haut , la tour des vents dont
Virruve a parlé , les débris d'un temple
bari fur le mont Lnrium, le monument de
Philopappus , celui dcTralyllus , quelques
colonnes du Propylée , & quelques autres
monumcns. Ces morceaux refpirent en-
core un air de grandeur ; & du milieu de
ces décombres s'élève une voix éclatante
^^ui célèbre à la lois la gloire des héros &:
celle àts artiiles de la Gïccç..
Les deux rivières de l'ilifie & de l'Eri-
dan qui arrofent la plaine fur laquelle
Athènes ell fituée , font peu confidérables
iUijourd'hui , parce que la première a éjé
partagée en plufieurs canaux pour arroier
les plantations d'oliviers , tellement qu'elle
ilé réduit à la fin prelqu'à rien ; la dernière
le perd tout-A-fait , parce qu'on la conduit
fur les champs.
Nous ne pouvons terminer cet article
Tome m.
A T H gî3
fins parler des grands hommes que cotte
ville a produits , non pour faire l'hilloirc
de leur vie que nous donnerons dans ton
lieu , mais pour nous borner uniquement
à une indication même fort incomplette de
ceux qui ont figuré le plus avantageufe-
mcnt. PiiKhate qui s'empara du gouver-
nement X Athènes , quoiqu'on cela il le
rendit coupable d'injuilice , fut à certains
égards un grand homme , l'ambition l'a-
veugla , (on bon naturel l'empêcha d'abu-
(er de fon pouvoir. Miltiades & Thé-
miflocle furent tout-à-la fois de grands
capitaines & de grands hommes d'état.
Arillido brilla par fa droiture , par fon
amour pour fa patrie , & montra autant
de courage que tout autre pour la détenle.
Après ceux-l.'i , Cimon le difUngua d'une
manière tout-à-fait glorieufe. Periclès lut
par la perfuafion fe rendre en quelque
forte maitre de la république : il n'a laiflc
aucun écrit qui témoigne les talens ; mais
fes actions rendent très-croyable tout ce
qui fe dit de fon éloquence. Conon s'cfl
rendu célèbre par fon amour pour la pa-
trie. Démollhene pafîe pour un modèle
achevé dans Fart oratoire. Alcibiade a
réuni tous les talens , la nature lui avoit ,
pour ainfi dire , prodigué tous les dons ,
& l'on peur dire de lui qu'il n'eut point
d'égal , foir dans le vice , loit dans la vertu :
on auroit dû nommer avant lui Socrate ,
qui fe donna beaucoup de foin à lui
former l'efprit & le cœur. Platon a rendu ,
pour ainfi dire , fon nom immortel.
Thucydide , Xénopon , entre les hiflc-
ricns ; Euripide, Sophocle , Ariftophane,
Efchile , parmi les poètes , fe firent une
grande réputation. Nous en ajouterions
bien d'autres , fi nous ne deflinions pas
un article féparé dans ce Dictionnaire à tous
les grands hommos qii" Athènes a produits.
Nous allons finir par tracer le caraâerc
de ce peuple. Toute fon hilloirc montre
qu'il avoit du génie, & des talens fupé-
rians. Il y avoit parmi les Athéniens beau-
coup de lumière &: de goût, ils jugeoient
bien des ouvrages d'elprit. L'influence
que les orateurs avoient dans les affaires
de la république , montre combien ce peu-
ple étoit admirateur de l'éloquence ; ils re-
j cherchoicut la pureté du langage avec ua,
liiii
^34 A T H
foin infini ; le peuple même avolt un
extrême clélic.itciïê à cet égard ; l'aventure
de Thcophrafle , fl fouvent rapportée , en
cft une bonne preuve. V.s entcndoient les
intérêts de la république , le peuple même
y étoit beaucoup moins ignorant que
chez d'autres nations. Ceci ne doit pas
furprendre : on voit quelque choie de
pareil dans la plupart des états démo-
cratiques. Naturellement bons & humains ,
la bienfaifancc des Athéniens s'étendoit
jufqu'aux bêtes même : la fondation qu'ils
firent pour un mulet qui avoit beaucoup
travaillé à des ouvrages publics en efl une
marque. D'iin autre côté , légers , inconl-
tans , ils oublièrent plus d'une lois les
bienfaits qu'ils avoient reçus , & payèrent
d'ingratitude ceux qui les avoient le mieux
fervis. Ceci peut à un certain point s'excu-
fer par leur amoirr pour la liberté ; ils en
étoient jaloux à un tel degré , qu'un fim-
ple foupçon les faifoit agir comme h la
taute étoit avérée. L'oflraciime pratiqué
-contre les plus dignes citoyens ( rcje:^ OS-
TRACISME ) , ell un exemple de ce que
l'on vient de dire. Les Athéniens aimoient
le plaifir , mais l'amour du plaifir cédoit
toujours à l'amour de la patrie , qu'ils dé-
fendirent en plufieurs occaiions avec la
plus grande valeur. De fi grandes qualités
& de fi grands détauts ne fe rencon-
trent guère que dans des pays de liberté.
(T.D. G.)
Athènes, {Hifloire ancienne^rAtdquey
autrefois appelléc lonie , étoit bornée à l'o-
rient par la mer Egée , au midi par le
golfe Saronique , à l'occident par la Mé-
garide , & au nord par la Béotie. Athcnes ,
capitale de cette contrée , n'occupoit dans
fon origine que l'efpacc où la citadelle tut
depuis conflruite ; mais lorfqu'elle devint
l'école des nations , elle prit tant d'ac-
croiflément , que Ion circuit étoit de cent
foixante &: dix-huit lladcs. On lui donna
d'abord le nom de Cécropicnne , de Ce'crops
qui tut Ion tondarcur ; & ce ne fut que
ious le règne d'Ampliitrion , qu'elle prit
le nom à^AJienes. Quclruefois on la dif-
tinguoit fimplcment par le nom de ville ,
i.iirc de diillni!:lion qui lut donné à Tro}'c ,
à Alexandrie d'Egypte & à Rome. Quel-
ques-uns prétendent qu'fiUe eut Ogigès pour
A T H ^
fondateur. Mais les marbres d'Arundel &
Eufebe ne datent la chronologie à' Athènes ,
que de Cécropsqui en efi regardé comme
le premier roi. Il eut ieize iuccefleurs au
trône , dont les plus célèbres turent
Ericlée & Théiée. Le premier immorta-
lifa l'on règne par la découverte de l'agri-
culture , qu'il introduifit dans l'Attique ;
l'autre raflémbla , dans l'enceinte de la ville ,
les hommes épars dans différentes bour-
gades ; il divifa le peuple en trois clafTes ,
comme en Egypte , en nobles , en labou-
reurs & en artifans. Tous les autres rois
n'ont fauve de l'oubli que leur nom_ ,
excepté Codrus qui le dévoua pour le ta-
lut de la patrie. Les guerres allumées par
fes enfans , pour fe difputer le trône qu'il
laifloit vacant , dégoûtèrent le peuple du
gouvernement des rois , qui n'avoient eu
que le fantôine du pouvoir , dont le corps
de la nation s'étoit réiervé la réalité.
Après Tabolition de la royauté, on éta-
blit des archontes perpétuels , qui n'avoient
qu'une autorité limitée par la loi , dont
ils étoient les dépofitaires & les minillres.
On craignit que la perpétuité de leur
pouvoir ne leur ini'pirât l'ambition d'en
abufer. Le peuple , qui s'étoit réfervé
la puiflance légillative , fixa leur nombre
à neuf , &: réduifit leur exercice à pareil
nombre- d'années , ne voulant lailler
auclme trace de la royauté , dont la per-
pétuité de pouvoir ofiroit une image
odieufe ; & dans la fuite , les archontes
furent annuels , parce que les Athéniens
transieroient , à regret, à des magiilrats ,
une autorité qu'ils croyoient n'appartenir
qu'au cfirps de la nation.
Leur adminillration étoit trop palTItgere
pour les rendre relpeclables. _ Armés du
glaive de la loi , la pointe en tut émoudée
dans leurs débiles mains. A peine avoient-
ils appris à gouverner , qu'on leur don-
noit des fuccefl'eurs fans expérience , qui
ne pouvoient aufli taire qu'un court elîai
de leurs lalens pour le gouvernement ,
iiins avoir le temps de les développe)-.
Le peuple le plus infiruir fut le plus m.;l
g(Hiverné : l'excès du mal fit fonger aux
moyens d'y appliquer le remède. On len-
tit la néceflïté de fixer les principes du
gouvernement qui , jufqu'alors , avoient été
A T H
arbitraires , & qui font tou)Oiirs fîms vi-
gueur, quand ils n'ont pas le fceau du chef
& de k nAÙon. Athènes , emportée julqu'à
cette époque par les événemens & les
pallions , jeta les yeux iur un des archon-
tes , nommé Dracon , dont la vertu dure
& farouche ctoit plus propre à répri-
mer l'indocilité des efclaves , qu';\ façon-
ner des citoyens à l'obéiflance des loix.
Il falloir que les Athéniens fuffent bien
corrompus , puifquc leur légiflateur infli-
gea pe'ne de mort pour les fautes les plus
légère ; & pour les crimes les plus atroces ;
il condamna au même (iipplice le malheu-
reux qui n'avoit fait qu'une chute , «Se le
fcélérat vieilli dans l'habitude du crime.
Il falloit une grande férocité pour diéfer
des loix fi barbares. Peut-être aufli ne con-
fondit-il la foiblelîé avec le crime , que
parce qu'il connoilîoit l'excès de corrup-
tion de (es concitoyens , & qu'il valoit
mieux être barbare qu'indulgent , pour
prévenir la tentation des maux dont il
étoit le témoin. Les droits de l'humanité
réclamèrent contre une légiflation li meur-
trière , qui ne fit que multiplier les dé-
fordres qu'elle s'étoit propofé de répri-
mer. La loi parut un joug , & il falloir
une règle. Tout frein fut rompu ; & l'on
retomba dans le chaos de l'anarchie. Le
peuple , fatigué lui-même d'une indépen-
dance licencieufe , s'adrefTa à Solon pour
lui donner des loix. Il falloir une main
habile pour guérir tant de maux : trois
faâions avoient des vues difiérentes ; les
habitans des montagnes vouloient que la
puiflance fouveraine réfidât dans le peu-
ple , ceux de la plaine panchoient vers
l'arifîocratie. Les plus iagcs de.randoient un
gouvernement mixte, pour mettre une ba-
lance entre la. tyrannie des magiilrats &
la licence du peuple. Solon , appelle au
trône par les vœux de fa nation , prefcra le
titre de iégillatcur à celui de roi. Les fac-
tions qui divifoicnt Athènes , ne lui per-
mirent point de donner à fes loix ce degré
,de perfection qu'elles auroient pu rece-
voir dans des temps moins orageux ; comme
il lui fut impollible de faire tout le bien
dont il étoit capable , il pallia les maux
qu'il ne pouvoit extirper; & quand, au
lieu de remède , on ne donne que des
A T H 835
adoucillemcns , on augmente les maladies
politiques ; il eût bien voulu fe propoler
Licurgue pour modelé ; mais il avoit k
niaitrillr un peuple dominé par une ima-
gination ardente , qui confondoit le beau
avec le luxe , & toujours prêt à s'élancer
au delà des limites d'une liberté railonna-
ble. Le goût des voluptés avoit épuifé les
plus grandes fortunes : des pères dénatu--
rés vendoient leurs enfans pour (e déro-
ber aux pourfuites de leurs créanciers ufu-
raires. Les mères & les filles prolHtuoient
leur honneur pour arracher leurs époux &
leurs pères des priions ; d'autres s'expa-
trioient pour trouver chez l'étranger des
moyens de fubfilfer. Les campagnes ref-
toient incultes & les villes défertes. Le
peuple , ébranlé par l'exemple de Sparte ,,
où il n'y avoit ni pauvres , ni riches , ni
inécontens , demandoit , avec des cris (é-
ditieux , le partage des terres. Solon , crai-
gnant de tomber en précipitant fa mar-
che , commença par publier une remife
des dettes ; & , pour en faciliter le paie-
ment, il augmenta le prix de la monnoie.
La mine , qui n'étoit eifimée que foixante
& quinze dragmes , en valut cent. Cet
édit ne fit que des mécontens : le pauvre ,
qui n'a\ oit point infpiré afTez de confiance
pour contracter des dettes , ne trouvoit
aucun foulagement ; le riche , qui avoit
retranché fon néceflaire pour augmenter
fa fortune , eut droit de fe plaindre : il
n'y eut que les diiîipateurs qui gardèrent
le filence ; parce que , ians devenir plus
riches , ils n'eurent plus à redouter les
pourfuites de leurs créanciers.
Ce début fit connoître à Solon qu'il de-
voir conformer les principes de fon gou-
vernement au caradere de fes concitoyens :
ainfi, convaincu lui-même des vices de fa
légiflation, il dilcnt : Us loix que je donne
aux Athéniens , ne font pas les meilleures
qu'on puij/'e établir y mais ce font les meil-
leures qu'Us fuient capables Je rccei-'oir ; &
quand on les comparoir aux toiles d'arai-
gnées , où il n'y avoit que des mouches
qui piifTent fe laifTcr prendre , il répon-
doit qu'on fe foumettoit , fans murmurer ,
j des loix qu'on n'ai-'oit aucun intérêt de
lioler, Ù que lesjiennes étant établies pour
l'utilité de tous fes concitoyens , ils crou-
li iii i
§3^ A T H
ver ientplus d'avantages à les obferverqu^à
les enfreindre.
Solon n avoit point , comme Licurgue ,
l'a-antage d'une haute nalfllince ; il-n'em-
ployoit point, comme lui, l'autontc im-
polànte de la divinité , ni rimpoiKirc des
prêtres pour coniacrer les iniVitutions ; il
n'avoit que cette confiance qu'infpire la
vertu, touiours trop fimple pour être rel-
pedablc à la multitude ; ainfi , quoique lu-
périeur par les talens au légiflareur Spar-
tiate, il n'eut pas un fi glorieux fucccs,
parce qu'il fe vit fans ceflc arrêté dans la
marche : il fut obligé d'abandonner au
peuple la puiflànce légillative , le droit
d'élire les magiftrats , de contrader des
îiUia.ices, de faire la paix &: la guerre. Les
citoyens furent diflribués en dit-terentes
elalfes ; & perfiiadé que l'indigent confli-
tué en dignité, eft plus acccfiible à la
vénalité &''à la corruption , il ordonna de
ne conférer les charges qu'à ceux qui _re-
tireroient , au moins , de leurs terres cinq
cents mefures de froment, d'iuiile & de
vin ; mais , pour confoler les pauvres de
cette esxlufion de la magiilraturc , il leur
ibléc
ans avoit droit de haran-
orateurs turbulens loumettoient
à
lligeife du magiilrat à leur éloquence
donna droit de luffrage dans les airemblees
publiques. C'ttoit avilir les magiilrats que
de les foumettre aux caprices de la multi-
fude , qui pouvoit annuller iés arrêts ;
c'étoit foumettre les décifions des perlon-
nes inflniites à une aiïemblée tumultueulé
d'ignorans , & toujours fufccptibles de vè-
nalité ou de fcduclion ; c'eft ce qui fit dire
à Anacharf!squcdans-4//îf/ifJ' c'étoient les
fages qui delibéroient , & que c'etoknt les
fous qui avoient le privilège de décider.
Ce fut pour prévenir l'abus que le peu-
ple pouvoit faire de fon autorité , qu'il
établit un fénat compolé de quatre cents
citoyens choifis dans les quatre tribus qui
formoient le corps de la nation ; ils étoient
chargés d'examiner les aiiaires avant de
les expofer au jugement de l'aflemblée, qui
feule avoit le droit de décider. Cette inlH-
tution eût été exxellente , fi ces deux au-
torités bien combinées , euiltnt pu fe ba-
lancer fans fe détruire : ces aflèmblées
étoient trop multipliées pour ne pas en-
gloutir tout le pouvoir. Le lénat devoit
les convoquer quatre fois en trente-fix
jours. Toutmagiftrat & tout général d'année
A T H
avoit encore le droit d'en demander 3'ex-
traordinaires ; ainfi , c'étoit un corps tou-
jours fubfiftant , devant lequel tout citoyen
âgé de cinquante
suer.
la_
inioluue & féditieule ; plus faciles à le lalfler
corrompre qu'à arrêter la corruption , ils
turent les artiians des troubles & les
moteurs Ats diffenfions ; & , quoique la
plupart de ces démagogues tulknt le»
moins intérefTés aux deiafires & aux prof-
pérités publiques , ce n'ctoit que par leur
impulfion que les flots de la multitude étoient
agités.
Solon , pour tempérer des défordres dont
il étoit dans Timpuiflance d'extirper les ra-
cines , rétablit l'aréopage dans fa première
dignité. C'étoit dans cet auguffe tribunal que
la diviniré iémbloit diéVer fes arrêts par
l'organe des hommes qui étoient fon image :
ces intelligences pures & fubllmes préli-
doicnt aux deifinées publiques & particu-
lières. Leur incorruptibilité & la fageiïe de
leurs décifions infpirerent tant de confiance ,.
que les rois & les particuliers , les Grecs &:
les barbares loumettoient à leur tribunal les-
affaires les plus intérefïanres & les plus com-
pliquées. C'étoit dans les ténèbres qu'ils
écoutoient les plaidoyers & prononçoient
Ipiirc nrrrrc: • \n<; fair>; rrnipnr exnnies avec
eurs arrêts : les faits étoient expoiés avec
llmplicité ; les réflexions pathétiques dé-
voient en être bannies. L'éloquence lévé-
rement proicrite ne prctoit point au men-
fonge les couleurs de la vérité : ces juges
incorruptibles auroient fuffi pour mainte-
nir l'ordre dans une république vertueulé ;
mais le pouvoir étoit entre les mams d'une
multitude ignorante & corrompue. Les loix
de Dracon , qui avoient été abolies , furent,
remifes en vigueur ; on ne fit qu'adoucir
la févérité des peines infligées aux coupa-
bles , pour ne pas laillér iublilter un abus qui
confondoit les foiblefles palfageres avec les
crimes d'habitude.
Solon ne pouvant atteindre Licurgue
pour mettre une parfaite égalité entre tous
les cnfans de la patrie, rapprocha du moins
l'intervalle qui léparoit les citoyens ; il lut
permis à tout le monde d'embrafler la
défenfè de l'oirenfé ; & , quoiqu'on ne tiit
point lélc perfonnellement , on pouvoit
A T H
cîter au tribunal des loix tout auteur d'un
délit. Cette inllitution anocioit tous les
cuoJ''ens aux injures , & accoutumoit A la
fenfibiliré des maux d'autrui ; il fit une
autre loi qui avoit de grands avantages , &
qui ouvroit la porte à de grands abus :
il ordonna que tout citoyen , .dans les di(-
lènfions civiles , le déclarât pour un parti ;
ceux qui , par vnc lâche politique , relîoicnt
dans rindiilercnce , furent condamnés à
un exil perpétuel , & i\ la perte de leurs
biens. Le motif de cette infîitution eft icn-
iihle ; tous les citoyens ayant la patrie pour
mcrc commune, tous doivent contribi;er à
en entretenir la l'plendeur. Dans les divilions
domeftiques , la juilice elt toujours d'un
côté , & c'efl la trahir que de ne pas le dé-
clarer pour elle : c'eft ctre infidèle à l'état
que de relier dans l'inaction de peur de
compromettre (li lortune; & il arrive fou-
vent que ceux qui ont le plus à perdre ,
font toujours arrêtés par une circonfpec-
tion timide & hafiement intérelTée. Voilà
quels étoient les avantages de cette loi :
vc^ci quels en étoient les abus. Dans la cha-
kur des dilcordes nationales , les deux
partis s'élancent au deLà des limites ; il cÛ
avantageux qu'il y ait des citoyens calmes
& exemps de partialité pour erre les ar-
bitres des fadions à la fin de l'ivrefle. Ce
ne peut erre que les Ipeftateurs oiflfs &
indifTércns , qui peuvent inijjirer la con-
fiance ; quand on a embrafTé un parti , on
devient naturellement fulped : il peut
encore arriver que des faiftions arraées
foient également rcpréhenfibles ; alors cette
iniiitution rendoit tous les citoyens cou-
pables.
Le légiflateur ne voulant pas que le ma-
riage fût un trafic mercenair», mais une
union formée par une tendrefle récipro-
que , retrancha du contrat tout ce qui
pouvoit allumer la cupidité. Il fut ordonné
que les filles qui n'étoient pas uniques ,
n'auroient pour dot que trois robes &
quelques meubles d'une mince valeur. Ses
loix , pour m.aintenir la pudeur des mariages
& les peine.s infligées aux adultères , furent
des freins puiiritns contre la lubricité. La
légiilarion la plus vigilante échoue toujours ,
quand elle eiftreprend de combattre le pen-
chant d'une nation.
A T H S37
La loi ne confultant que l'ordre de la
nature , avoit julqu'alors profcrit la liberté
de tciler : il tut permis aux mourans de
dilpo'.er de leurs biens ; c'étoit un attentat
contre i:n peuple libre, que de le forcer à
laifler ion héritage à d'indignes parcns ,
tandis qu'on livroit à l'indigence des amis
vertueux , que la rcconnoiflance obligcoit
de récompcnfer ; mais cette liberté ne
s'étendit point iur ceux qui laifioicnt des
cntans ; quoiqu'on n'en ilût pas pré-
voir un grand abus , on crut qu'il étoit
de la décence de les priver des moyens
d'outrager la nature. Il n'établit aucune loi
contre le parriciile : ce crime lui parut ii
allreux , que c'eût éré en faire naître l'idée
que de le défendre ; il prononça des pei-
nes féveres contre ceux qui calomnioient
les morts , quoique leurs déréglemens eul-
ient mérité une jufte cenlure : on les tenoit
pour i'acrés , & la religion s'en déclaroit la
proteftnce. La licence d'en médire auroic
éternifé les haines : ceux qui diloient des
injures dans les temples , étoient traités de
profanateurs ; on punifloit auili ceux qui ,
dans les tribunaux , dans les afiemblées
publiques & dans les théâtres , donnoienf
des fcenes de violence & d'emi'ortemcnt ,
parce que le public aflcfiiblé ell toujours
refpeélable , & qu'il faut avoir un tonds
de férocité pour violer les égards qu'on
lui doit. Les récompcnfes décernées aux
vainqueurs dei jeux de la Grèce , avoienc
dégénéré en profulions. Solon détendit
d'épuiler le tréior public pour enrichir des
athlète» & des lutcurs , tandis qu'on laii-
foit languir dans l'indigence les détenfeurs
de l'état ; ces largcfles parurent mieux em-
ployées à nourrir les entans de ceux qui
étoient morts les armes à la main , ou qui
avoient lêrvi avec intégrité la patrie dans
des emplois pacifiques.
Les manutaûures , les ans & les mé-
tiers furent anoblis. L'inutilité ne tut plus
le privilège de la naiflancc. Solon chargea-
l'aréopage de s'informer des moyens dont
chacun uloit pour fubfifter. Il favoit que
l'indigence pareHeufe failoit de mauvais
cito}'ens ; c'étoit donc pour bannir l'inuti-
liré& les vices . qu'il tira tous les arts mé'-
chaniques de leur avilideinent. Un fils fut
difpcnfé de nouirir l'on père , s'il ne lui
SjS A T H
av'oit fait apprendre aucun métier : lesenfans
ncs d'une courtifanne jouirent du même
privilège , qui étoit plutôt une flétrifliire ,
puilqu'elle éternilblt l'infamie des auteurs
de leurs jours. La confidération attachée
aux arts les plus vils à nos yeux, prévint la
contagion des mendians qui déshonorent
les villes , & qui font la ccniiire de leur
police. A peine cette légillation fut-elle
établie , qu'il s'éleva trois fadions qui conf-
pirerent à la détruire. Piliilrate , riche ,
magnifique & populaire , fit fervir Tes tréfors
à corrompre les âmes vénales ; & Solon eut
la honte de voir la tyrannie s'élever fur les
ruines de fon gouvernement , qui ne dura
que vingt-quatre ans.
Pifiitrate , tyran paifible , étoit d'autant
plus dangereux , qu'il paroifloit n'ufer de
fon pouvoir que pour la félicité publique.
Ses manières inlinuantes auroient façonné
les Athéniens à l'efclavage , fi les deux au-
tres fadions ne les eulTènt fait fouvenir
qu'ils avoient été libres , &: qu'ils avoient
un maître. Pifilbatc détrôné deux fois , ren-
tra deux fois triomphant dans fa patrie ; il ne
fut repréhenfible que par les moyens qu'il
prit pour s'élever. Sa douceur & fa mo-
dération légitimèrent fes prétentions ; & ,
tant qu'il gouverna , les Athéniens furent
protégés par le bouclier de ta loi_; il divila
le peuple en dix tribus. Le fénar , qui
n'étoit compofé que de quatre cents féna-
teurs , fut augmenté de cent ; au lieu de
quarante prytanes , il en établit cinquante ,
qu'il tira du fénat : leurs fondions éfolent
de convoquer les aflémblées du peuple ,
& de rapporter les afEiires fijr lefquelles le
Jénat avoit déhbéré. Piiillratc n'eut ni le
fort ni les vices des tyrans : il mourut
tranquillement dans fon lit , & tranfmjt fa
pullfance à les deux fils, qui n'hénterept
ni de fes talens , ni de fes vertus ; l'un fut
adalilné par Hermodius & Ariibgiton, ;\
qui ylthenes reconnoiiïante rendit prefque
des honneurs divins ; l'autre, nonjmé Hyp-
pias , dégradé du trône , fut chercher un
afyle à la Cour de Darius qui , fous pré-
texte d'êt^-e le protcdcur des rois , eflaya de
donner des fers A la Grèce.
Apres l'expulfion d'Hyppias, l'expérience
de la rvrannie réveilla le Icntiment de la
Jiibçrté •. mais la crainte de l'opprefllyn fit
A T H
de tous les citoyens autant d'opprelTeurs. On
ne fut plus vertueux impunément : la modé-
ration , traitée d'hypocnjie , fur regardée
comme le voile d'une adroite ambition.
La fiipèrtorité des talens parut dangereufe,
parce qu'on pouvoit en abuler pour oppri-.
mer ; & , dans le temps qu'Athènes élevé
des monumens aux bienfaiteurs de la patrie,
dans le temps qu'elle immortalife leurs lér-
vices & fa reconnoifl'ance iur le bronze &
l'airain . elle punit par le ban de l'ollra-
cilme ou d'un exil de fix ans , des citoyens
à qui elle ne peut reprocher que le^ir mé-
rite & leurs vertus : c'étoit déifier & traî-
ner en même temps dans la boue fes dé-
fenfcurs.
Les inquiétudes caufées par l'amour de
la liberté , empêchèrent les Athéniens de
tomber dans les langueurs de l'inertie. Le
fanatiime républicain entretint les inclina-
tions belliqueufes d'un peuple qje fes pen-
chans entraînoient vers les amorces des vo-
luptés. Dans l'ivrefTe d'une liberté naiflvmte,
ils oferent défier la puifiance des Perles
qui vouloient rétablir le fils de Pififlrate jur
le trône ; malgré l'inégalité de leurs for-
ces , ils furent les agreffeurs ; & Sardis ,
capitale de Lydie , fut prife & réduiteen
cendres. Darius , indigné qu'un peuple juf^
qu'alors obicur , oiat mefurer ics forces
contre lui , réfolut de l'en punir ; & fon
armée , qui s'avança jufqu'à Marathon , fut
hontcufement défaite. Le monarque Perlan ,
plus irrité qu'abattu , ié préparoit .i Tondre
une féconde fois liir la Grèce , lorfqu'il
fut furprJs par la mort. Xerxès , ion luo-
cefTeur , impatient de venger l'affront tait
à fon père , dépeupla fes états pour former
une armée de dix-huit cent mille combat-
tans. Les Athéniens fufpendirent leurs
nnimofités domcfliqucs ; &. , laifis d'en-
thoufiafme pour la patrie , ils foutin-
rent avec les Spartiates tous le poids de
la guerre midiquc : abandonnés des autres
peuples de la Grèce , ils furent les ièuls
qui rélolurentde mourir libres. Thémllfo-
cle , général des Athéniens , ne vit qu'un
moyen de fi^.uver leur ville ; c'étoit de l'aban-
donner : ils conilruifent des vaiileaux avec
les charpentes de leurs maifons : ils envoient
les vieillards , les femmes ^ les entans A
Salaminc ; & rcftant eux mêmes fans patriç ,
A T H
ils s'avancent pour fcrvir de digue ;\ une
inondation de barbares. Cette rélolution
hardie , infpirée par la magnanimité , étoit
moins didée par le dcieipoir que par la
prudence. Si les Pcrfes eullent été vain-
queiu's , Athènes n'eût pu iurTivre à ("es
enhins ; ainii ce n'étoit pas la iacrifier
que de l'abandonner , puifque , fi les
Athéniens étoient triomphans , la ville
reparoîtroit peuplée d'habitans couverts de
gloire.
Les Perles fe répandent comme un tor-
rent dans la Grèce ; après avoir torcé le
pas des Thermopiles , Thefpie & Platée
font réduites en cendres. La citadelle à' Athè-
nes luccombe (ous les eflorts des barba-
res , & enlevelit lous Tes ruines Tes in-
trépides détenfeurs. Leurs flottes , compo-
fées de douze cents vaifleaux , dominoient
fur les mers ; & les Grecs n'avoient que
trois cent qiuitre-vingts voiles pour lui en
difputer l'empire : mais ils occupoient le
détroit de Salamine , où le petit nombre
pouvoir défier la iupériorité. Ce fiit dans
ce bras de mer que s'engagea le combat le
plus mémorable dont Fhiiloire hifle men-
tion. Les barbares , trop reflerrés , ne pou-
voient déployer toutes leurs forces contre
les Grecs qui agiflbient tous à-la-fois : leur
flotte fut diiperiée ; & Xerxès , craignant
que l'ennemi ne rompît le pont qu'il avoit
jeté fur le Bofphore , s'entuit avec précipi-
tation dans {ts éta'ts , laifTant à Mardonius
trois cent mille hommes qui turent taillés en
pièces à Platée.
Les Athéniens ufercnt de la plus grande
modération envers les Grecs qui avoient
trahi la caufe commune , & que les Spar-
tiates , moins indulgens , vouloient punir.
C'eût été remplir la Grèce de mécontens ;
c'eût été ménager des amis aux barbares : il
étoit de la politique de pardonner. Cette
victoire diflîpa la terreur que le nom Perfin
inlpiroit. On éleva le courage des vivans
par les honneurs qu'on rendit aux morts ;
on grava leurs noms & celui de leurs tri-
bus iur les monumens qu'on érigea dans
le champ de la vidoire ; & les efclaves
qui avoient pris les armes , curent part aux
difiindions : on infiitua des jeux tunebres ,
où l'on fit le panégyrique de ces victimes
de la patrie ; la dixième partie du butin
A T H S35
fiit confiicrée aux dieux tutélalres de l.i
Grèce.
Les Athéniens, féduits par leur profpé-
rité , s'abandonnèrent à une confiance prc-
fornptueule ; & , honteux de n'occuper que
le iecond rangdans la Grèce , ils s'en regar-
dèrent comme les dominateurs. Sparte , qui
avoit encore fes vertus , fut fufceptible
d'une baffe jaloufie de leur gloire ; elle eut
l'orgueil impérieux de n'avoir point d'é-
mulc , elle leur défendit de rebâtir leurs
murailles , lous prétexte que la Grèce en-
tière étoit leur plus terme rempart , d'au-
tant plus que , li les Perfes taifoient une nou-
velle invafion , ils feroient a Athènes une
place d'armes , d'où ils donneroient la loi
au refie de la Grèce. Athènes releva fes
remparts , &: Sparte , retenue par l'équité
de les loix , eut afîez de pudeur pour
n'ofer l'en punir; les deux peuples tlcvenus
ennemis iccrets , crurent devoir faciifier
leur reffentiment aux intérêts de la patrie ;
accoutumés à être appelles les deux bras ,
les deux pics & les deux yeux de la Grèce,
ils fentoient qu'elle feroit mutilée par l'ex-
tinétion de l'une ou de l'autre. Les Athé-
niens , fatigués du repos , ne furent redou-
tables qu'à eux-mêmes , tant que Thé-
mifiocle , Arifiide & Cimon eurent afTez
d'alccndant Iur leur efprir , )X)ur leur iairc
Ipntir les avantages de conlèrver l'ancien
iyitême de la Grèce. La hauteur infultante
de Paufanias rendit les Spartiates odieux
à leurs alliés , qui déférèrent le comman-
dement général aux Athéniens. Ce ne fut
point avec des flottes ni des armées qu'iN
acquirenf cet empire; la douceur d'Ariflide
& de Cimon leur méritèrent cette préé-
niinence , mais s'ils s'en étoient montrés
dignes, ils étoient incapables de le conlèr-
ver. Comment un peuple qui n'avoit point
de principes fixes de gouvernement , auroir-
il pu ployer fon caradere à celui des autres ?
Platée & Marathon avoient été le berceau
de la gloire des Athéniens , ils en fourin-
rent l'éclat tant qu'ils s'abandonnèrent à la
fagefTe d'Arifl:ide & de Cimon ; mais une
fuite de profpérités ell le préfage certain
de la décadence d'un état où le gouverne-
ment ell populaire , où les efprits , extrê-
mes dans le bien comm.e dans le mal ,
pailent de l'infclence de b viftoire , daii5
«4-0 A T H
le découragement des revers. Le gcnie d'un '
grand homme lutfît pour tormer ici mcturs
publiques : en voici deux exemples trap-
pans, j^ près la viftoire de Platée , les Athé-
niens fentaiit l'imporrance d'une marine , '
l'e rendirent puiHans iur mer. Les autres '
Grecs, à leur exemple, équipèrent des flot-
tes; ce fut alors que Thémillocle conçut
Je projet criminel de donner des loix A la
Grèce , en brûlant la flotte des alliés. Il ne
divulgua point le fecrct de les moyens ; il
demanda au peuple qu'on nommât quel-
qu'un à qui il pijt le communiquer ; le
choix tomba fur Ariftide , relpedé par fes
lumières & Ion intégrité ; ce vertueux ci-
toyen écouta avec horreur la propolition
de trahir des alliés, dont on n'avoit aucun
iujet de fe plaindre; il retourne à l'aflèm-
blée , & s'armant de modération , il dit
avec tranquillité : Athéniens , le projet
formé par T hémiflocle , dl le plus favora-
ble à votre élévation ; mais comme il cfl
injurte , il eil le plus contraire à l'intérêt
de votre gloire. Le peuple , laifi d'un noble
îTiouvement, détend à Thémiflocle de rien
exécuter ; ce tr.iit montre qu'il y avoit un
fonds de vertu dans les Athéniens , & qu'il
ne falloit qu'une main habile pour le dé-
velopper. C'efl dans une affemblée tumul-
tueulè , & non dans l'ombre d'une école ,
que toute une nation fait le facrifice de fes
intérêts , parce qu'ils font incompatibles
avec l'équité.
Cimon nous en fournit un autre exem-
ple. Après avoir couvert ia patrie de
gloire , il avoit été banni par les intrigues
de la fadion dominante, qui voùloit hilre
aux Spartiates une guerre qu'il vouloit pré-
venir , comme dellruclive du (yflême qui
ne tailoit des villes de la Grèce qu'une répu-
blique fédérative. Ce vertueux citoyen ,
perlécuté par fa patrie , ne la regarda pas
jmoins cpiîJme fa mère , &c ayant appris
que les Spartiates & les Athéniens étoicnt
pièts d'en venir aux mains , il (e croit
dilpenlé de ion b.ui , il vient avec les
îunies , &i'e range, comme fimple foldat ,
■fous les enkignes de fi tribu , pour com-
battre ceux dont il ttoit loupçonné d'èrrc
)c partifan. Ses ennemis , au lieu de l'ad-
înircr, l'obligent de quitter le camp; avant
jdc s'éloigner, il exhorte l'es compagnuaï,
A T H
fufpeâs comme lui , à faire un effort de
courage , & à "ifiirer dans leur fang Tin-
jurieux- foupçon qu'on a de leur fidélité.
Ses généreux crmpagnons , défefpérés de
ne pouvoir combattre fous fes yeux , le
conjurent de kur ialfîcr du moins (on
armure complote , pour leur faire croire
qu'il eu avec eux ; ils la placent au milieu
de leur bataillon , & pofTtiîeurs de ce gage
de l'héroïfme , ils s'élancent dans la mêlée
avec une fureur fi opiniâtre , que tous
expirent percés de coups : tel efl l'aicendant
du génie , loutenu de la vertu , fur les âmes
les plus vulgaires.
Après la mort de ces deux grands hom-
mes , intègres magiflrats & intrépides guer-
riers , Athènes pencha vers Ion déclin ;
il s'éleva un homme qui avoit tous les
talens , toutes les vertus & tous les vices ,
c'éfoit Périclès , magiflrac éclairé , orateur
afl'edueux & véhément , grand capitaine &
mauvais citoyen. Né avec tous les dons de
la nature, il ne les déploya que pour la
ruine de la patrie; &c quoique fon cœur fiât
ouvert à toutes les pallions , il les fubor-
donna toutes X l'ambition de gouverner.
Ce tut en introduifant le luxe &: les vices,
en entretenant le goût des fêtes & des vo-
luptés , qu'il façonna un peuple indocile à
l'obéiflance. L'aréopage étoit chargé d'in-
fliger des peines à ceux qui , nés fans biens ,
n'exerçoient pas un arc inéchanique ; le
légiflateur , par cette inflitution , avoit cru
que le peuple , occupé de ion travail , ie
repoieroit du loin des afïîiires fur les ma-
giftrats. Périclès prit une autre route :
flatteur de la multitude, il careiTa ion goût
pour les fêtes & les ("peclacles ; & , détruilant
l'habifude du travail , il inipira la pafîion
des arts de luxe , & le dédain des proteiiions
utiles. Il fut alors auilî glorieux de chanter
les héros que de les imiter ; & tandis que
Sparte bornoit ion ambition à être libre &
guerrière , les Athéniens , égarés dans leur
route , etoient tous poètes , orjiteurs
&
philolopl-.es. Les dépends dts reprélenta-
tions théâtrales épuiièrcnt le trelbr public ,
qui ne put plus fournir à l'entretien des
flottes & des armées ; les reprélentatlons
des tragédies de Sophocle & d'Euripide ,
engloutirent plus d'or que la guerre ibu-
tcnuc contre les Perles, pour la défenfe
coiiunune
A T H
commune de la Grèce. Les étrangers étoient
indignés de raUldiiité fcandalculè des ma-
i^iftracs aux i'pcflacles ; & , tandis que le
joldat & le ni.Hclot lullicitoient le ial.iire
de leur iiuig , on prodiguoit l'or de l'état
pour avoir des machines & des décora-
tions théâtrales : les plailirs qui ne doi-
vent être que des délailemens , devinrent
des beîoins.
Ce turent tous ces défordres qui firent
deicendre Atlienes de la première place
qu'elle occupoit , pour s'aifeoir dans le ic-
cond rang. Après avoir humilié l'orgueil
des Perles , elle eut la vanité d'imjioler
le joug à toute la Grèce ; les alliés , qu'elle
épuiloit pai"des exaûions , lurent dans l'im-
pui^lànce de la (butenir , & bientôt de-
vinrent Çqs ennemis ; la confédération ref^
pe6hible qui ne lormoit de la Grèce qu'une
république , lut rompue ; la guerre du
Péloponeie fut le germe malheureufe-
ment fécond de toutes les calamités , &
(on iflue fut aufli fatale aux vainqueurs
qu'aux vaincus.
Périclès , voulant gouverner flms rivaux ,
avoit écarté des atlaires tous ceux dont les
talens pouvoient lui faire ombrage ; il lui
falloit des agcns fubordonnés , qui ne vif-
fent que par les yeux , lîins élévation dans
l'efprit , fans droiture dans le cœur , plutôt
faits pour l'intrigue que pour la politique.
Tandis que les arts agréables uilirpoient
la confidération due aux talens utiles , il
fe formoit des hommes aimables , mais
incapables de gouverner la république.
Cléon , intriguant audacieux , s'empara
du timon des affaires ; cet homime (orti
du néant , & monté au laite de la gran-
deur lans le fecours des talens & des ver-
tus , fit naître de la confiance à tous les
intriguans , qui reconnurent qu'il ne falloit
que de l'audace pour maîtrifer un peuple
occupé de fttes , de jeux & de fpecïacles.
On crut devoir oppoier à ce citoyen
turbulent , Nicias , dont la circonipec-
tion timide ne régloit rien que lùr la cer-
titude des iuccès. A force de porter Tes
vues trop loin , il ne diffinguoit plus les
objets ; trop vertueux pour defcendre
dans les replis des cœurs corrompus ,
• trop défintéreflé pour voir dans les autres
l'avarice & La cupidité ; trop modelle pour
Tome III.
A T H S4r
appcrccvolr fes talens , il n'avoit quj h
défaut de i'e défier de fa Cflpacité , &: de
préfumcr trop de celle des autres : ce qui
Fauroir rendu digne de commander à un';
république vertueulc , devoit l'exclure du
gouvernement dans des temps orageux.
Athènes , penchant vers fa ruine , avoit
beloin d'ime inain pour la relever. Nicias ,
plus heureux A négocier qu'à combattre ,
fit une paix qui devoit rendre à la Grèce
fa Habilité ; mais Alcibiade , né pour cii
troubler le repos , fixa tous les yeux fur
lui ; comblé de tous les dons de la nature ,
il prêtoit des grâces aux vices , & des
amorces aux voluptés ; formé à l'école de
Socrate , il y avoit appris à connoîtrc
(es devoirs , &: non à les remplir ; il
étoit tellement livré aux plaifirs , que les
momens qu'il leur déroboit , pour le don-
ner aux affaires , étoient moins des occu-
pations que des délafîcmens , & des rel-
lources contre la fatiété de la jouiflânce ;
fufceptible de toutes les pallions , il f^vt ic
Il bien les varier , qu'il iembloit toujours
diiîerent de lui-même pour fe perlbnn:-
fier dan<; autrui. Vit-il au milieu des Spar-
tiates ? il les. lùrpafîe en auflérité. Eft-il
parmi les Thraces ? il fe (oumct lans efforts
à leur régime làuvage. Va-t-il dans 1 Alic
mineure ? il fe livre à la mollefle de l'Icnic ,
qu'il inftruit encore dans tes rafinemens
des voluptés : un caraflere fi mobile ne
peut avoir de mœurs , puifqu'il n'a point
de principes ; mais les vices ne révol-
toient point alors les Athéniens , qui en
étoient flétris. Leur marine , qui auroit
dû faire leur puilîance , ne fervir qu'à les
afFoibiir ; ce fut par elle qu'ils fe procu-
rèrent toutes les choies de luxe ; les pro-
ductions de la Sicile , de l'Hélelpont , or-
nèrent leurs tables & leurs palais ; l'Egypte,
la Lydie , fembloient n'être fécondes que
pour eux : les vins de l'Archipel turent les
délicieux poifons qui troublèrent leur débile
rai ion.
Un peuple , occupé de jouir , doit être
fans ambition ; mais les Athéniens , en-
traînés par l'agitation naturelle de leur ca-
radere , font voluptueux , & veulent en-
core être conquérans. Ils tournent leurs
armes contre la Sicile , & ne penfent pas
que leurs ennemis font dans la Grèce. Cette;
Kkkkk
R41' A T H
guerre ne pouvoit être foutenue avec
gloire , qu'autant que le génie d'Alcibiade
préfideroit aux opérations ; à peine eut-il
abordé en Sicile , que les préludes fijrent
des vidoires ; mais , tandis qu'il triomphoit
des Siciliens , fes ennemis étoient dans
Athènes , où ils l'attaquoient avec les
armes de la fuperftition. On l'accufe d'avoir
profané les myfteres de Cérès ; des ora-
teurs mercenaires tonnent avec bruit pour
défendre la cauie de Mercure & de la
Déefîe ; les mœurs licencieules d'Alcibiade
fiivoriient le fuccès de leur éloquence ;
on le cite au tribunal des loix pour ré-
pondre ; il fe fouftrait par la fuite à la
malignité de fes accufateurs , & l'on pro-
nonce contre lui un arrêt de mort , & la
confilcation de tous fes biens : ce fut ainfl
que , pour relever quelques ftatues , on
renverfa la colonne de l'état. Les alliés ,
qui ne s'étoient engagés dans cette guerre
que pour apprendre à vaincre fous lui ,
tombèrent dans le découragement. Alci-
biade , qui s'étoit réfugié à Sparte , étoit
devenu redoutable à fe patrie qui l'avoit
dédaigné pour défenfeur ; mais ayant fé-
ffuit la femme du roi Agis , qui lui avoit
donné l'hofpitalité , la crainte d'un jufte
reïTentiraent lui fit chercher un afyle au-
près de TifÏÏipherne , gouverneur de la
bafle Afie , où fon génie turbulent forma
àes tempêtes qui éclatèrent fur Athènes.
Pifandre & les autres chefs de l'armée ,
réduits par l'éclat de fes promefles , ren-
verferent la démocratie , & lui fubftitue-
rent le gouvernement de quatre cents no-
bles , avec un pouvoir illimité. Cette ef-
pece d'oligarchie priva le peuple d'une
prérogative dont il avoit joui avec plus
d'éclat que de tranquillité ; ces nouveaux
tyrans , devenus les bourreaux de leurs con-
citoyens , réveillèrent par leurs excès le
fcntiment de la liberté. L'armée compo-
lée de citoyens , dont on violoit les pri-
vilèges , dépouille du commandement fes
généraux , partifans de l'oligarchie : les
quatre cents lont dépofés. Alcibiade , rap-
pelle de fon exil , ne voulut rentrer dans
fa patrie qu'avec la vidoire ; toutes {qs
entreprifcs furent couronnées du fuccès : il
reparut dans Athènes comme un libéra- 1
reur , chargé de troghécs & des dépouil- |
A TH
les des nations. Cette faveur pafTagere étoit
trop éblouiffante pour ne pas allumer l'en-
vie , & dès qu'on le crut invincible , il
parut redoutable j fa gloire fut une nou-
velle fource de difgraces , fon armée tail-
lée en pièces pendant fon abfence , four-
nit un prétexte pour le deflituer du com-
mandement. Athènes , ayant coupé le feul
bras qui pouvoit la défendre , fut obligée
d'ouvrir fes portes au général des Spar-
tiates ; &: ce vainqueur infolent l'obligea
de courber fa tête altiere fous le joug de
trente t} rans , qui firent périr plus de ci-
toyens , que la guerre n'en avoit enlevé
en dix ans. Trafibule , touché des maux
de fa patrie , fe met à la tête de foixante
citoyens , réfugiés comme lui à Argos , &
les tyrans font détruits : mais en rendant
la liberté à fa patrie , il n'y trouva que
des hommes indignes d'être Hbres. Le fang
des vainqueurs de Xerxès étoit glacé dans
les veines de leurs defcendans ; au lieu de
ces Athéniens qui avoient vaincu à My-
cale , à Marathon & à Salamine , c'étoient
des hommes familiarités avec l'ignominie
& l'elclavage , c'étoient des poètes , des mu-
ficlens & des décorateurs de théâtres ,
qui dirigeoient les rênes de la république :
les fonds amaifés pour la défenfe de l'état ,.
furent appliqués aux dépenfcs des jeux &
des Ipedacles.
La gloire d'Athènes s'éclipfe avec Tra-^
fibule qui , en afïranchiflant la patrie , ne-
put lui donner des mœurs. Chabrias ,
Iphicrate & Thimothée jettent encore
des étincelles dans les champs de l'hif^
toire ; enfin Démoflhene & Phocion fu-
rent les derniers Athéniens , & les feuls
dignes de ce nom , au miheu d'une ville
peuplée d'efclaves , qui , après avoir été
afîujettis à Philippe & à Alexandre , pafîe-
rent , comme le refte de la Grèce , fous
la domination des Romains. Cette ville ,
autrefois embellie de trophées élevés à la
valeur , ne renferme plus qu'une vile po-
pulace , fiétrie par la mifere & par les
chaînes du defpotilme ; la patrie des arts
n'efl plus peuplée que de barbares qui n'é-
prouvent pas même le fentlment de la gran-
deur de leurs ancêtres.
Les Athéniens furent le feul peuple da'
paganifinc chez lequel il s'éleva des que-
A T H
relies fur le culte religieux. Leur efprit
iubfil & pointilleux rafînoit lur la recher-
che des cérémonies ; ils avoient l'imagi-
nation trop ardente pour n'être pas ful-
ceptibles de crainte & d'e(pérance , deux
fèntimens qui attachent étroitement à la
religion reçue ; auiîi avoient-ils l'extérieur
faflueux de la dévotion. Ils s'aflcmhloient
dans les places publiques , où ils hiiloient
de pathétiques harangues aux dieux pour
expliquer leurs heloins ; plus il y avoir
d'art & de travail dans leurs ppiercs , plus
ils en efpéroicnt d'efficacité ; c'etoit à haute
voix qu'Us (ollicitoient le ciel , cd\ pour-
quoi leurs voifins les appelloient les cyga-
Ics de la Grèce. Juvenal lance une mor-
dante invedive (ur leur manière de prier ,
& leur repréfente qu'il feroit beaucoup
plus iage d'abandonner aux dieux le loin
de leur dellince , que de les fatiguer par
des demandes importunes qu'ils n'ont pas
la cruauté d'accorder à des hommes aveu-
gles dans leurs vœux. Athènes aflujettie
aux Romains , fans être leur efclave , con-
ferva long-temps fon enthoufiafme répu-
blicain ; ennemie du premier des Célars
qui lembloit devoir naître dans fon fein ,
elle éleva des autels à Caflîus , vengeur
de la liberté. Ses lumières , fa politeflc ,
fon goût pour les arts & les feiences , lui
(bumirent , pour ainli dire , fes vain-
queurs , puifqu'ils devinrent les dilciples.
Ce fut à fon école qu'ils apprirent à la
relpefter , & elle n'eft aujourd'hui tom-
bée dans l'avilifîement , que depuis qu'elle
ert foumife à des maîtres barbares , qui
n'ont lu que combattre , vaincre & dé-
truire. Le plus beau de {es titres , dans
fà décadence , efl d'avoir formé Antonin
le pieux & Antonin le philofophe. Les
Goths s'emparèrent d'^f/îf/iej- fous l'empire
de Gallien, & l'an 145 î de Jefus-Chrift ,
elle fut dévaftée & prefque détruite par
les Turcs : elle n'efl plus aujourd'hui
qu'une bourgade , connue lous le nom de
Senne. ( T— N. )
ATHENREY , ou A t e r i c H , ou
AthenrY, ( Géogr.) ville d'Irlande au
comté de Galloway , dans la province de
Connaught , à fix lieues lud de Tuam & à
quatre ouefl de Golloway. Elle eft entourée
<i'une muraille de grand circuit qui renferme
AT H S43
beaucoup de chnmps . de jardins & peu de
maifons. Elle envoie deux députés au parle-
ment.Zo/z^. S ,40 ,ldt. <(} , ■zo. ( C. yi.)
* ATHÉREME, f. m. {Med.) maLulic
qui a fon fiege dans les ampoules des poils ,
ou huilcufes ou fébacécs ; ces ampoules ne
déchargeant point leurs fijcs , lorl'qu'il ar-
rive , par quelque caufe que ce foit , que
leurs orifice:; font bouchés , il en vient tou-
jours de nouveaux par le? artères , & elles
fê gonflent d'une façon énorme. Voye:^
Inftr. de Boerhcmt^c , tom. IV^ , traduites
par M. de la Métrie.
ATHEROME , «^?',«'/rf , en Chirurgie ,
eft une tumeur dont la matière eft d'une
conhftance de bouillie , fans qu'il y ait
de douleur ni changement de couleur à la
peau. Voye\ TUMEUR ENKISTÉE.
L'i2fAfVo/72f ell enfermée dans un klft ou
fac membraneux ; il ne cède point quand
on le touche avec le doigt , & il n'y rcfîe
aucune imprcffion. K. KiST & EnKISTÉ.
Vatherorne eli ainfi nommé du grec
«•S-fifa , (orte de bouillie -ou de pulpe , à quoi
reflemble la matière de cette tumeur. Il n'ell
pas fort différent du mélicéris & du lîéato-
me , & il le guérit de même par l'iiraputa-
tion. K. MÉLICLRISÔ' Stéatome. ( F)
* ATHERSATA , f m. ( Bifl. anc. )
nom d'office ou de charge chez les Chal-
déens. Il eft attribué k Néhémie dans Ei-
dras , il lignifie lieutenant de roi , ou gou-
l'ernenr de proiincc.
* ATHIES , ville de France dans le
Vermandois en Picardie , fur l'Armignon.
ATHIS , ( Gcogr. ) nom de deux petites
villes ou jolis bourgs de France , dont l'un
eft dans le Laonois , à une demi-lieue de
Laon , & l'autre en Normandie à cinq Lieues
eft-fud-eft de Vire. l^C.A.)
ATHLETES , f m. plur. ( Hifl. anc.
Gymnajlique. ) c'eft-à-dire , comhattans , du
grec «^MiTiif , qui vient d'aSASd-, combattre \
nom qu'on donnoit proprement ;\ ceux qui ,
dans les jeux publics, combattoient A la
lutte ou à coups de poing , & qui a été
enfuite commun à tous ceux qui dllpu-
toient le prix de la courfe , du faut , &
du dilque ou palet. Les Latins les diftin-
guoient par ces cinq noms particuliers ;
luclatores , lutteurs ; pug'des , combattans à
coups de poing ; curfores coureurs ; /oZ-
Kkkkki
«4*4 AT H
tdtores , fauffiirs ; & dlfcoboli , jeteurs èc
difque ou joueurs de palet , auxquels^ ré-
cinq aoms grecs -. cd?.aiTLi ,
\iifM , éijK.Q.hoi. Voye\
ponaent ces
•ïïi aT
/ , (Tcc/z-Éi-
Gymnastique. ,, , j
Les exercices des athlètes furent d abord
jnflitués pour exercer & former les jeunes
gens aux travaux & aux fatigues de la
£uerre : mais ils dégénérèrent bientôt en
fpedlacles , & ceux qui s'y adonnoient , en
hommes publics. Us menoient une vie dure :
& quoique quelques-uns d'eux aient été
fameux par leur voracité , & aient fait dire
à Fiaute comme un proverbe pugilicè &
athleticè vivere , pour marquer un homme
qui mange beaucoup ; il cÛ certain qu'en
général ils pratiquoient un régirne très-auf-
tere , bêchant la terre un mois avant le
combat pour fe rendre les rnembres fou-
pies , •& s'abftenant des boifîons forces &
du commerce des femmes : ce qu'Horace
nous apprend par ces vers :
Quijii detopta'am curfu contingere metam ,
Mul:a tulii f'citjmp^jcr , fiicavit, & alfa ,
Ahfiiimit Verte! e t' \ino. Art. poër.
Epiâete & S. Paul leur rendent le même
témoignage : qui in agone contendu , ab
omnibus fe abjhnet. Us invoquoientles dieux
avant que de combattre , & leur lacriftoient
fur fix autels. Quand ils avoient remporté
la vicloire , ils étoient honorés d'une cou-
ronne aux acclamations du peuple , chan-
. tés par ks poètes ,, & reçus dans leur patrie
comme des vainqueurs , puifqu'ils y en-
troient par une brèche f^iite aux miu-s de
]a ville : leurs nom.s étoient écrits oans les
iirchives , ks infcriptioiis , & autres mo-
numeas publics ; enfin les cérémonies de
leur triomphe fe terminoieiit par des feflins
publics & particuliers. Us étoient toute leur
vie révérés de leurs concitoj'cns , prcnoient
la' première place aux jeux publics ; & ks
Grecs , félon Horace , les regardoienf comme
fies cfpcces de dieux.
Pal/nague nobilis ,
Terrarum dominos ei'ehit ad dcos. Od. lib I.
Un autre privilège des athlètes moins
brillant , mais plus utile , c'étoit d'être nour-
rie, k rcfle de leurs jours aux dépens du
A T H
public ; privilège que leur confirmerervt
les empereurs : & l'on ajoutoit à cet
avantage l'exemption de toute charge 6î
de toute fonction civile , mais il falloit
pour l'obtenir avoir été couronné au moins
trois fois aux jeux (îtcrés ; les Romains y
ajoutèrent même dans la liiite cette con-
dition. , qu'une des couronnes eut été rem-
portée à Rome ou en Grèce. On leur érigea
des ilatues , on alla même jufqu'à leur
rendre les honneui-s divins. Tous les exer-
cices des athlètes étoient compris fous le
nom générique de TnvTa^Mv , pcmathle , &
ceux qui réuniflbifnt tous ces cinq talens ,
étoient appelles parles Grecs -^HTa^Kot , &
par les Latins quinquertiones. (G)
ATHLETIQUE , adj. { //(/?. anc. )
branche de la Gyainallique , comprenant
tout ce qui concernoit ks athlètes & leurs
exercices. Voye:^ GYMNASTIQUE. ( G)
* ATHLONE , ( Geogr. ) ville dTrlande ,
au comtédeRofcommon , iur le Shannon.
Long, q , 50 , lac. ^3- y 2.O.
ÀTHLOTHETE , f. m. ( Hlfl. anc. )
nom de celui qui préfid-oit aux combats
des athlètes. Voye\ AgONO THETE. ( G);
* ATHMATA , ( Géogr.fiinte. ) vilk
de la Paleltuie , dans la tribu de Juda , fituée
entre Aphera & Cariath-Aibc.
ATHMONON , ( Geogr. ) petite villfe
ou bourg de Grèce dans l'Attique , ^de La
tribu Cécropide.. Ses habitans étoient fingu-
hércment attachés nu culte de Venus ;_on y
voyoit ur temple dcdié à cette déefle Ibus k
nom d' Uranie ; le roi Porph} rion l'avcit
fait bâtir. {C.A.)
§ ATHOL , ( Géogr. ) province d'E-
colfe , dans la partie mitoyenne de ce royau-
me , entre ks provinces de Perth , de Stra-
thernc , de J3adenocK & de Loquabir.
G'cfl un pays ilérik , couvert de monta-
gnes , de bois , rempli de lacs dont les
piincipaux font ceux deLogan , d'Eyrachel,
de Keynach & d* Garry. Blairen eil la capi-
tale. L'ainé de l'une des branches de la fa-
mille de Murrav , prend le titre de duc
A'AdwL.iCA.)
ATHON , ( Géographie. ) ville de la Pa-
Icftine dans l'Iturée \ (wx les frontières de
l'Arabie. Alexandre Jcannée l.i conquit fur
Aretas , roi d'Arabie. ( C. A. )
§ ATHOS , ( Cc'ogr. ) grande & Éi-
A T H
Bieufe montagne d'Europe , fur les côtes
maritimes ilc la Macédoine , vers l'ancienne
Thrace ou Romanic moderne , dans une
prelqu'ile dont elle occupe toute la lon-
gueur , & des deux côtés dç laquelle ie tor-
mcnt il ^ol/o di coniejjli , Jinus ftrirnvniciis
& il golf o di monte fanto , jinusjmgniats.
On donne communément à cette prelqu'île
quarante lieues de circuit &: autant à la bafe
de VAthos. Ce mont efl: compté dans le
nombre des plus coniidérables inégalités
convexes qui (oient fur la (uriace du globe :
c'eil une chaîne de plufieurs (ommets , & ,
pour ainfi dire , de plulieurs étages, parmi
lelquels il en eit un qui , par la hauteur &
les habitations , attire iiir-tout l'attention
des curieux- : c'cll celui que l'on appelle
proprement YAchos & le Monte fanto. Sa
hauteur n'a pas encore été mefurée comme
celle du Ténérif, du Chimboraço, du Saint-
Gothard & du Canigou ; mais on la coi^çoit
par l'étendue de l'ombre qu'elle tait. Cette
étendue fut déjà obfcrvée par les anciens :
Pline & Plutarque rapportent qu'au ioUlice
d'été , vers l'heure du coucher du iolei| ,
la place du marché de Myrrhina , dans file
de Lesbos , aujourd'hui Stalimene , rece-
voit l'ombre de VAthos ; des oblêrvations
faites depuis ont confirmé le fait , & l'on
fait que de cette île à cette monta^jne il y a
17 à 18 lieues de dillance.
Les environs de VAclios contenoient au-
trefois les cinq villes de Cléonce, de Thyrles,
d'Akrothom , d'Olophixus , de Dion , &
jîombre de maiibns de campagne foi-t jolies ,
cil ie retiroient fouvent les an.ciens philo-
fophes de la Grèce , à caufe de la uilubrlté
de l'air , & de l'afpeû riant & majellueux
de fes coteaux , &: des mers qui_ les envi-
ronnoient. A ce peuple de phiîofophes ont
fiiccédé vingt-dcLix couvenrs de moines
grecs , & une multitude d'hermitages &
de grottes ftndifiées , mais puantes &: mal-
làints. Ces couvents font entoures de murs
& de foiTés , pour la plupart capables ce
réafter aux coup; de main des corlaires dont
ils font fouvent mcnax:és. On y compte
environ fix mille religieux fous la protec-
tion du bofiangi-bachi, & fous les yeux d'un
aga qui relevé du bâcha. Lc> prélens qu'ils
font à celui-ci montent à près de 5CC00
livres par im , Ix la contribution q^ii'iis psicat.
A T H 845
à h porte ottomane ert de la même fomme.
Ce (ont les aumônes qu'ils reçoivent de l'é-
glife greq;ie en général, & des hofpodars
de Valachic & de Moldavie en particulier ,
qui , conjointement avec le produit des
pâturages de la montagne , les mettent en
état de fournir à leur contriburion. Ces
moines vivent d'ailleurs dans une grande
pauvreté & (ous des règles très-audcrcs ;
quelques-uns d'entr'eux fe vouent ;\ l'étude
& à la contemplation ; mais le plus grand
nombre travaille de fes mains ou mendie.
Il y a pour eux un marché public qui f;
tient tous les fimedis , fous la préfidence de
l'aga , dans un endroit de la montagne
nommé Kareis : c'c(l-là qu'ils (ont échange
entr'eux de pain , de (ruits , de légumes ,
de couteaux , d'uflenfiles & de petites ima-
ges. TcHite viande leur e(l févérement inter-
dite , aufli-bien que toute communica-
tion avec les temmes. On prétend que
tous parviennent à uu âge fort avancé ; ce
qui n'ell pas difficile à croire d'après la dcf-
cription du pays qu'ils habitent , & de la
vie fobre qu'ils mènent. C'efl aujour-
d'hui l'une des plus grandes curiofués de la
Grèce moderne que le voyage du mont
Athos. (CA.)
ATHOTIS , (HiU. d'Egypte.) Après la
mort de Menés qui avoit étendu (a domi-
nation fur tt)ute l'Egypte , ce royaume fut
partagé entre fes quatre (ils. Celui de
Thebes fut l'héritage à'Athoth : il paroîc
que le pouvoir fuprême réfida tout en lui ,
& que fes frères ne furent que lés lieute-
nans. Il eil du moins confiant qu'il iut
le collègue de celui qui régaoit à This ,
6c qu'il n'avoit point d'ailocié dans le gou-
vernement de Thebes. Ce prince anoblit
encore le trt)ne par la fipériorité des con-
noilTîinces qu'il y fit alîeoir avec Kii. Les
Egyptiens lui attribuent l'invention de
l'écriture & de la langue ficrée ; il étendit
les limites de la géométrie , dont on aiîijre
qu'il donna les premières leçons. Sort
génie avide ne tout connoître- le tranfporta
dans le ciel, pour y contempler les mou-
vemens périodiques de ces globes lumi-
neux fiottaas daas l'immeniitc ; ii décou-
vrit la cauie des éclipfes , & détermina avec
précifion leur retour. Sa découvertes da.os
, raili-oaomie turent gravées lur dci coioiôr
^4^ A T H
nés de pierre & de marbre ; & , pour les
rendre plus refpedables , il n'employa que
des caraderes myftérieux , voulant pré-
venir la curiofité indilcrerte du peuple, qui
eût néglige la culture des arts utiles pour
fe livrer à des oblervations plus fatisfaifan-
tes & moins pénibles. Ce monarque bien-
iaifant , ne fe bornant point à une étude
oifive , voulut encore épier la nature pour
lui dérober le fccret de fes opérations &
pour aider fa fécondité : l'expérience lui
avoit appris que le loi d'Egypte n'étoit
pas touiours également fertile , & qu'une
année d'abondance étoit fouventluivie d'une
année de ftérilité ; ce Rit pour en con-
noître la caufe & en prévenir les eflets ,
qu'il fit creufer des caves protondes , où
il obfcrvoit le degré de fermentation de
la terre , c'étoit fur la quantité des
vapeurs qu'elle exhaloit qu'il prélageoit les
années d'abondance ou de flérilité. Il eit
probable qu'en defcendantdans les entrailles
de la terre , on pourroit découvrir par
quels moyens elle enrichit fa lurface. La
reconnoifiance publique lui donna une
place dans le ciel , félon l'ufage de déiher
les bienfaiteurs de la patrie. Il fut adoré
fous le nom de Thot ou de Mercure.
L'hiftoire & la fable le repréfentent comme
un génie créateur , & comme une intelli-
gence bientaifante , envoyée lur la terre
pour en régler la police & l'harmonie. Les
détails de fa vie lont tombés dans l'oubli.
(r-iv.)
ATRIBIS , ( Geogr. ) nom d'une ville
en Egypte & d'une autre en Arabie. La
première étoit dans le Delta , fur l'un des
canaux du Nil ; mais on ignore en quel
lieu la féconde étoit fituée. {C. A.)
ATRONGE, {Hifi. des juifs. ) fimple
berger , d'une force & d'une taille
extraordinaires , au rapport de l'hiflorlen
Jofeph , qui nous apprend que cet homme
fier de ces qualités , profita de l'abfence
d'Archelalis , roi ou plutôt ethnarque de
Judée , pour ufurper fon trône ; mais
qu'Archelaiis , à Ion retour , s'étant faifi
de lui , le fit promener ignominieufe-
ment par toutes les villes de fon ethnar-
chie , monté fur un ane , avec une couronne
■àt fer fur la tête d'im poids proportionné
à ià foxce , puis le fit mourir.
A T H
ATHY, {Giogr.) viUe d'Irlande au
comté de Kildare , dans la province de
Leinftcr.Elle eft fur la rivière de Water-
hird au lud de Kildare. Elle envoie deux
députés au parlement. Long, lo ^ 20; Lat,
S3, lo. {C.A.)
* ATHYR, (Hifl. anc.) c'étoit le nom
que les Egyptiens donnoient au mois que
nous appelions Noi'embre.
ATHYTES, adj. pi. pris fubft. {Hift.
anc. ) facrifices qui fe failoient ancienne -
mens lans viftimes , & qui étoient pro-
prement les lacrifices des pauvres qui n'a-
voient pas le moyen d'acheter des animaux
pour être immolés aux dieux. Ce ncm efl
grec,a6u-r»,d'>' privatif,& 'inK, j'immole. {G)
ATIBAR , 1. m. ( Commerce. ) nom
que les habitans de Gogo en Afrique ,
donnent à la poudre d'or , & dont les
Européens ont fait celui de Tibir y quia
la même fignification.
ATIENZA , ( Géogr. ) ville d'Efpagne
dans la vieille Caflille , entre Siguença &
Borgo d'Ofma. Elle elf jolie & bien fituée.
Il y a de hautes montagnes dans le voifi-
nage qu'on appelle Sierras d'Atien^a. Long.
25,- Lat. 4z , 25. (C. A.)
ATINGA , f. m. {Hifi. nac. Ichthyolo-
gie. ) poifTon du Brefil , dont Marggrave
a donné dans fon hifloire naturelle du Bre-
fil , lifre IV , chapitre j , (bus le nom
d'orbis muricatus ranœ riclu , guamaiacu
atmga , une figure paflable qui a été
copiée par Jonflon & Ruyfch, page îA^ ,
planche XXXIX , figure j , de \cur hijîoire,
naturelle générale des poijjons. Artedi l'ap-
pelloit ofiracion fubrotundus f aculeisbrei'i-
bus plants , ventre glabro , dans fon ich-
thyologia fynonym. page 86. M. Linné le
défigne fous le nom de Diodon , atinga ,
fphcericus , aculeis trique tris , dans fon fyf-
tema natures , édition de 1767 , page 42 z.
Seba en a donné la figure au volume III de
fon Thefaurus , &c. plan. XXIII , n" j.
Ce poifTon a le corps ovoïde, déprimé
de deflus en-defîbus comme un cofFrc long
de cinq ;\ cinq pouces & demi , une fois
moins large & deux fois moins profond ;
la bouche femblable à celle de la gre-
nouille ou du crapaud; les mâchoires fans
dents , compofées chacune d'un os fim-
ple, recouvert en partie par une peau mince
A T I
qui tient lieu de lèvre ; les j-eux grands ,
ronds , faillans , à prunelle cryftnlline
entourée d'un iris jaune ; le corps couvert
en-deirous d'une peau YiiVc & molle com-
me dans la grenouille , & armée en-deffus
d'épines odeufes , dures , coniques &
aiguës.
Ses nageoires font au nombre de cinq ,
toutes petites & quarrées , dont deux pec-
torales fur les côtés du ventre , une dor-
fale & une anale l'une au defTus de l'au-
tre , & toutes deux tort proches de la
queue , qui eil arrondie ou comme tronquée
à fon extrémité ; il n'y en a point de ven-
trales. Tous leurs rayons lont mous , car-
tilagineux , rami
fiés &
unis par une mem-
brane affcz ferrée. Derrière les nageoires ,
on appcrçoit de chaque côté l'ouverture
de? ouies l'ous la forme d'une fente verti-
cale , qui admettroit à peine l'introduc-
tion du petit doigt.
La couleur générale de fon corps en
delfus , eft un gris taché de brun rouffii-
tre ; en-deflbus il efl d'un blanc-jaune
comme les épines. Toutes les nageoires
font jaunes. On voit de chaque côté trois
t-aches noires , rondes , de la grandeur
d'un denier ou de l'ongle , dont une au
deiïlis , & l'autre au delfous des nageoires
pedorales , & une auprès de la queue:
il y en a aulfi douze ou quinze plus petites
fous chaque œil & (ous les côtés des mâ-
choires inférieures.
Mœurs, lu'acinga a la faculté de s*enfler
comme une outre ou comme un ballon ,
lorfqu'il eft pourfuivi par quelque enne-
mi ; alors les épines dorfales (ont hérif-
lëes & lui fervent de défenfe. Il eft com-
mun dans les eaux douces des. rivières du
Bre'il. On le mange.
Remarques. "Vatinga. fait , comine l'on
voit , un genre particulier de poifTon , dans
la famille de ceux qu'on appelle commu-
nément coffres ou lunes de mer , à caufe
de la propriété qu'ils ont de s'enfler A
volonté. Le nom de diodon , que M. Linné
lui donne , lui convient en ce qu'en
efièt il n'a que deux dents , une à chaque
mâchoire j mais quatre autres genres de
poifibns de cette famille ont le même
caraâere , ainfi ce nom n'efl plus géné-
rique & peut induire ea erreur : il doit
donc être abandonné , ou bien il ne peut
fervir qu'à défigner une petite l'eftion de
quatre genres dans cette famille.
M. Linné fait une autre confufion que
les voyageurs ne lui pardonneront pas,
c'efl de réunir avec ["atingii , comme
variétés , celui de Sénégal qu'il appclloit
autrefois, d'après Artedi, diodon , reticula-
tus, fubrouindus aculeis triquetris^ dans fon
SyflemancLturce, édition i o^.page J j4,/i*
^.. & celui des Indes figuré par Seba dan :
fon Thefaurus } volume I II, plan. XXI II^
n°. 2 ^ z , Se qu'il défignoit fous le nom,
de diodon ediinatus , fubrotundus y aculeis
bafitriquetris , dans fon Syftema natunv ,
édition to^. page JJ5 , qui font trois
efpeces fort différentes d'un même genre.
{M. Adanson.)
^ ATISIS & ATISO , {Géog:) rivières.
d'Italie , au pays des Inlubriens : leurs,
noms modernes font l'Adige & la Tofa ;
& leurs embouchures X toutes deux iont
dans le lac Majeur. C'efî vers l'une de fès
deux rivières que les Cimbres furent
défaits par Marius. (C A.)
ATI FLAN , ( Géogr. ) Inc de l'Amé-
rique , dans la nouvelle Elpagne , au gou-
vernement de Guatimala , dans le pays
des Choutalos. Il a environ dix lieues de
tour. (C. A.)
ATLANTES , f. m. pi. terme d'Archi^
teclure , efl un nom que l'on donne à des
figures ou demi-figures humaines , qu'on
emploie en guife de colonnes ou de pilaf-
tres , pour loutenir un morceau d'archi-
tefture , comme un balcon ou autre chofè
femblable. Voye-{ CoLONNE , Ùc. On les
appelle aufTi telamones (P)
ATLANTIA, (Gfb^r.) nom de cette
patrie de l'Ethiopie qu'habitoient les At-
lantes. C'étoient , fuivant Hérodote , des
peuples finguliers. On croit aujourd'hui
que ce font les mêmes que les habitans
du royaume de Bournou , en Nigritie.
ATLANTIQUE, adj. m. (Géog.) Océan
atlantique; c'eft ainfi qu'on appelloit autre-
fois & qu'on nomme quelquefois aujour-
d'hui , cette partie de l'Océan qui efl entre
l'Afrique & l'Amérique , & qu'on défigne
ordinairement par le nom de mer du nord.
Vo^er^ Océan. (O)
84Î A T L
Atlantique ou île Atlantique,
{Gdogr.) île célèbre dans l'antiquité , dont
Platon & d'autres écrivains ont parlé , &:
dont ils ont dit des chofes extr.iordiniiirc.i.
Cetic île de fan-.euic aujuurd"hi;i pr.r h
dif-utequ'ily a entre les modernes iur ion
cxiilence & llir le lieu où elle étoit firuée.
'Vile Atlantique prit Ion nom d'Atlas ,
fils aine de Neptune , qui fuccéda à Ion
père dans le gouvernement de cette île.
Platon eft de tous les anciens auteurs qui
nous reftcnt , celui qui a parlé le plus claire-
ment de cette î-le. Voici en iubflance ce
qu'on lit dans ion Tymée & dans ion
Cricias.
U Atlantique étoit une grande île dans
l'Océan occidental , fituée vis-à-vis du
détroit de Gades. De cette île on pouvoit
aifcment en gagner d'autres , qui étoient
près d'un grand continent plus vafte que
l'Europe & l'Afie. Neptune régnoit dans
{'Atlantique , qu'il diflribua à fes dix
cnfans. Le plus jeune eut en partage l'extré-
mité de cette île appellée Gades , qui en
langue du pays fignifie fertile ou abondant
en moutons. Les defcendans de Neptune y
régnèrent de père en iils durant l'eipace
de 9000 ans. Ils poUédoient aulîî différentes
autres îles ; &: ayant paiTé en Europe &
en Afrique , ils fubjuguerent toute la Lybie
& l'Egypte , & toute l'Europe juiqu'à
l'Aile mineure. Eniîn Vile Atlantique fut
engloutie fous les eaux ; &; long-temps
après , la mer étoit encore pleine de bas-
fonds & de bancs de irible à l'endroit où
cette île avoit été.
Le favant Rudbeck , profefTeur en l'uni-
verfité d'Upfal , dans un traité qu'il a
intitulé Atlanticajnr manheim , foutient
que V Atlantique de Platon étoit la Suéde
& la Norvège , & attribue à ce pays tout
ce que les anciens ont dit de leur ile At-
lantique. INLais après le partage que nous
venons de citer de Platon , on eit furpris
fans doute qu'on ait pu prendre la Suéde
pour ïile Atlantique-^ & quoique le livre
de Rudbeck foit plein d'une érudition peu
commune , on ne lauroit s'empêc' er de le
regarder comme un vifionnaire en ce point.
D'autres prétendent que l'Amérique étoit
ile Atlantique , & concluent de-l;\ que le
nouvenu monde étoit connu de» anciens.
A T L
Mais le difcours de Platon ne paroît point
s'accorder avec cette idée : il lembleroit
plutôt que l'Amérique feroit ce vafle con-
tinent qui étoit par-delà \ ile Atlantique y
6: les autres îles dont Platon lait mention.
Kircher dans fon Alundusfubtenaneus y
& htcmznàansi'on hijhire des lies, chap. i-,
avancent une opinion beaucoup plus pro-
bable que celle de Rudbeck. \S Atlantique ,
ielon ces auteurs , étoit une grande île qui
s'étendoit depuis les Canaries jufqu'aux
Açores; & ces îles en font les reiles qui n'ont
point été engloutis lous les eaux. {G)
ATLAS , {Hift. Mythol. Geogr.) roi de
Mauritanie , fut regardé comme le tils de
Neptune, parce qu'il fut le premier qui
mit une flotte en mer. L'art de la navi-
gation exige le fecours de l'aflronomie ,
ce fut ce qui le détermina à cultiver
cette fcience dont il étendit le limites. On
le regarde comme l'inventeur de Tai^rono-
inie , parce qu'il fut peut-être le premier
qui en introduifit la connoiflance en Mau-
ritanie ; c'eil de-là qu'efl venue la table
qui le peint portant le ciel iiir les épaules.
Nous apprenons de Diodore que ce
prince fut le maître d'Hercule , qui porta
dans la Grèce la connoiuince de la
fphere & de l'aflronomie ; comme les
fables ne font que des vérités défigurées
par ceux qui veulent les embellir , on peut
en conclure que l'allronomie , la géogra-
phie & la navigation , n'ont été cultivées
que par les anciens Maures & que les
ancêtres de ces peuples abrutis dans l'igno-
rance ont été les inilituteurs des nations.
Ce prince faifoit fa réfidence Iur une mon-
tagne qui porte encore aujourd'hui fon
nom. C'eit une chaîne de montagnes qui
fépare des pays incultes des pays tenilcs.
Quoique les poètes aient débité que foa
fommet fe perd dans les cieux , il n'efl
comparable en hauteur ni aux Alpes ,
ni à l'Appennin , qui ne font que des col-
lines elles-mêmes , fi on les compare aux
montagnes du nouveau monde. La hau-
teur perpendiculaire de YAtlas eft depuis
quatre cents juiqu'à fix cents verges. La
pente en eft douce , & quoiqu'il foie
hérifTé de rochers , l'on y trouve des
terrains extrêmement fertiles , où croiflcnt
quantité d'arbres fruitiers , qui fourniflcnt
des
A T L
des fubfiflances aux habitans de quelques
villages iiidi^eiis. Ce mont fameux a beau-
coup exercé les poètes qui en ont exalté
les merveilles. Les voyageurs n'y décou-
vrent aucuns vertiges de ces antiques mer-
veilles , qui en faifoient le plus délicieux
pays de la tcne. Des bêtes farouches y
cîifputent leur priîure aux mnilieurcux ha-
bitans , & le jardin des Hefpérides eft
couvert de fables arides , où l'on ne re-
cueille ni or ni fruits. (T-N.)
ATLAS , f. m. en Anaromie , eft le nom
de la première vertèbre du cou qui fou-
tient la tête. Elle eft ainiî appcUée par allu-
fion nu fameux mont Atlas en Afrique ,
qui eft fi liaut qu'il femble foutcnir le ciel ;
-& à la fable où il eft dit qu'un roi de ce
pays-là nommé yltlas , portoit le ciel fur
ics épaules,
h.' Atlas n'a point d'apophylê épineufe ,
parce que le mouvement de la tête ne k
fait pas fcr cette vertèbre , ir.ais fur la fé-
conde , comme elle eft obligée de tourner j
toutes les fois que la tête fe m.cut clrcu-
laircment ; fi elle avoit eu une apophyfe
épiueu/e , elle auroit gêné le mouvement
des mufcles dans l'extcni^on de la tête. Elle
eft d'ailleurs d'un tiiFu plus fin & plus
ferme que les autres vertèbres , & elle en
difière encore en ce que les autres reçoivent
d'un côté & fbiit reçues de l'autre , au
lieu que la première vertèbre reçoit des
deux côtés -, car les deux condyles de l'oc-
cipital font reçus dans {es cavités fupé-
rieures , ce qui forme fou articulation avec
la tête j &j en m.éme temps , deux émi-
nences de la féconde vertèbre font re-
çues dans fès deux cavités inférieures , ce
qui fait Ton articulation avec la féconde
vertèbre. ( L )
Atlas , ( Géog. ) On a danné ce nom
à des recueils de cartes géographiques de
toutes les parties connues du monde ; foit
parce qu'on voit fur une carte les parties
de la terre , comme fi on les confidéroit
du fommet du mont Atlas , que les an-
ciens qui en ont tant dit de chofes , re-
gardoient comme le plus élevé qu'il y eût
fur le globe ^ foit plutôt par la raifon que
'es cartes portent , pour ainfi dire , le
inonde , comme la fable a fuppofé qu'il
étoit porté par Atlas.
Tome m.
A T L 84J
Il y a apparence que cette fable du ciel
porté par Atlas , vient de la hauteui du
mont Atlas , qui fèmblc fe perdre dans
les nues. C'eft une chaîne de hautes nr n-
tagncs de l'Afrique qui féparent la Barbarie
du Hilédulgérid , & qui s'étendent de l'eft
à l'oueft. La rigueur du froid , qui elt très-
grande fur les autres montagnes , rend celle-
ci inhabitable en quelques endroits : il y
en a d'autres plus teinpérées, où l'on con-
duit les troupeaux. La neige couvre le haut
de cette montagne pendant toute l'année ,
ce qui n'eft pas extraordinaire. Revenons
à nos Atlas géographiques.
Outre les Atlas généraux de toutes les
parties connues de la terre, il y a des ^//n*
des parties prifes féparément. Tel eft ['Atlas
de la mer , &c.
Le grand Atlas de Blaew eft le premier
ouvrage qui ait pani fous câ titre. Depuis
ce temps nous en avons plufieurs de MM.
Sanfon , Delifle , &c. P'. Carte. (O)
* ATLF. , f. m. ( Hiji. nar. boc. ) nom
que les Egyi)tiens donnent au tamaris.
ATLISCA , ( Gx-ogr. ) vallée confidcra-
ble de l'Amérique feptentrionalc , dans
la province de Tlafcala , au Mexique.
On y recueille du froment c. abondance.
{C.A.)
^ ATMEIDAN, f Topogr. ) belle place de
ConftaiTtinople , où l'on exerce les che-
^■aux ûxi grand fcigneur &; ceux des fpa-
his , c'eft l'hippodrome des Grecs. Il y a
fur cette place un beau ferrail, bâti par
le fameux Ibrahim Bâcha. Il ne faut pas
confondre l'Atmeidan avec l'Etineidan ti.
rOkîneidan \ ce font trois places differeu-
tcs à Conftantiaople. {C. A.)
ATMOSPHERE , f. f. ( Pkyf. ) eft le
nom qu'on donne à l'air qui environne la
terre, c'eft-à-dire à ce fluide rare Scélafti-
que, dont la terre eft couverte par-tout à
une hauteur confidérablc , qui gravite vers
le centre de la terre & pefe fur fa furface ,
qui eft emporté avec la terre autour du
foleil , & qui en partage le mouveuieiU tant
annuel que diurne. Voye:^^ Terre.
On entend proprement par atmofphere ,
l'air confidéré avec les vapeurs dont il eft
rempli. Voye^ AiR. Ce mot eft formé des
mots grecs aruô? vapeur , & ç-^ti^a. , fphere;
ainfi on rie doit point écrire athmofpken
L 11 1 1
S50 ATM
par une k , mais a:mof'phere , fans A , le *
jnot grec «r/xàf , d'où il'vieiit , étaat écrit
par im 7 & non par un 9.
Par atmofplure on entend ordinairement
la inafie entière de l'air qui environne la
terre : cependant quelques écrivains ne
donnent le nom (Xatmofpkere , qu'à la par-
îie de l'air proche de la terre qui reçoit
îss vapeurs & les exhalaifbns, 8f qui rompt
icnfibiement les rayons de lumière. V'oyei
RÉFRACTION.
L'efpace qui eft au defllis de cet air gref-
fier , quoiqu'il ne foit peut-être pas entiére-
jnent vuide d'air, eft lur-pofé rempli par une
ir;atiers fubtile qu'on appelle éiher, & ilefl
iippellé pour cette raifon , région éthérée ou
tjpace éthéré. Voyei ExHER , CiEL , &c.
Un auteur moderne regarde Yatmofphere
comme un grand vailleau chymique , dans
lequel la matière de toutes les efpeces de
corps fublnnaires flotte en grande quantité.
Ce vaiileau eft , dit-il , comme un grand
fourneau , continuellement expofé à l'aition
du foleil , d'où il réfulte ime quantité in-
nombrable d'opérations , de liiblim.ations ,
de féparations , de compofitions , de di-
gellious , de fennentations , de putréfac-
tions , &c. Sur la natiire , la conftitiition ,
les propriétés , les uiàges , les diitérens
états de Yatmofphere , voyei f article AiR.
On a inventé un grand nombre d'inftru-
jr.ens pour faire connoître & pour mcfiu-cr
les diffcrcns changemcns & altérations de
X'aimofphere ■■, comme baromètres, thermo-
mètres , hygromètres , manomètres , ané-
momètres , 6 c. Voyei les anichs B,\RO-
METRE , Thermomètre, ^-c.l^atnwf-
phere s'infinue dans tous les vuides dos corps,
& devient par ce inoyen une des princi-
pales cauiès dos changemcns qui leur arri-
vetit :, comiue générations, corruptions , dif-
fol'.ltions, de. royfçGÉi\iÉRATION, &c.
Une des grandes découvertes de la phi-
lofophie moderne , eft que tous les effets
que les anciens attribuoient à l'horreur du
vuide , font uniquement dus à la prefiîon
de \ainiorphere. C'eft aufl'i cette preiTion qui
ell caillé en p;u-tie de l'aïUicrence des corps.
Voyc\ Horreur uu vuide , Pompe ,
Pression , ?,c.
Poids de fptmofphere. Les corps organifés
font particulièrement aiTeflés par la preflbu
A T M
de Yatmofphere : c'cll à elle qi:c les plantes
doivent leur végétation ; que les aniir.aux
doivent la refjjiration , la circulation , la
nutrition, &c. Foyei PlANTE , AmmAL y
Végétation , Circulation , £-f.
Elle eft auffi la caufe de pîuîieurs alté-
rations confidérables dans l'écouoîiiie ani-
male , & qui ont rappori: à la faute, à la
vie, aux maladies , &c. Voye\ AiR , <S"f.
Par conféquenc c'eil unt chofe digne d'at-
tention que de calculer la quantité préciiè
de la prefllon de Yatmofphere. Pour en \ e-
nir à bout , il faut obferver que notre corps
ell également preffé par Yatmofphere dans
tous les points de fa furface , & que le poids
qu'il contient eft égal à celui d'un cylindre-
d'air , dont la bafe feroit égale à la liirface
de notre corps , & dont la hauteur fèroit
la n:ème que celle de Yatmofphere. Or le-
poids d'un cylindre d'air de la miême hau-
teur que Yatmofphere , eft égal au poids d'un
cylindre d'eau de même bafe , Se de 32.
pies de hauteur er.viron ^ ou au poids d'un:
cylindre de mercure, de même baie &dc.-
29 pouces de hauteur; ce qui fe prouve
tant par l'expérience de Torricelii , que-
par la hauteur à laquelle l'eau s'élève dans
les pompes , dans les fîphons , &-c. Voy.c\
Tube de Torricelli \ V. aujji Po.mi'E ,.
Siphon , ^c
De là il s'enfuit- que chaque pie quarré-
de la ftirface de notre corps ell prelfé par
le poids de 3 1 pics cubes d'eau : or , on
trouve par l'expérience , qu'un pié cube
d'eau pelé environ 70 livres. Ainfi chaque
pié quarré de la furface de notre corpr
lijutient un poids de 2240;, car- 32X70
=22-40 : par conféquent la furface entière
de noire corps , porte un poids égal à au-
tant de fois 2240 livres , que celte furface/'
a de pies quarrés. Donc , fi l'on fiippolè que-
la fin face du corps de l'homme contient
1 5 pies quarrés , ce qui n'eft pas fort éloi-
gné de la vérité , on trouvera que cette,
furface foutient u poids de 35600 livres,
car 2 24!' X 1 5=33600.
La ditféi ence entre le poidr de l'air que
notre corps foutient dans diifcrens lemjs,
eft aufil lc;rt grande»
Ea eiîèt , la diiîlérence dans le poids de
l'air en diHéreiv: temps , cil mefurée par
la hauteur dmuercure daiis le bmamcirt j-'
A T M _
& comme la plus grande variation dans la
hauteur du mercure eli de trois pouces ,
il s'enfuit que la plis {grande diflercnce
entre la preHlon de Tair fur notre corps ,
fera égale au poids d'un cylindre de mer-
cure de trois pouces de hauteur , qui auroit
vine bafe éfralc à la furface de notre corps.
Or , un piL' cube de mercure étant fuppoi'c
de 1064 livres, c'cft-à-dirc de ioii44drag-
mes, on dira, comme 102 144 dragmes font
à un pic cube, en à 1718 pouces cubes, ainfi
59 17 -.2 draçmes font à un pouce cube. Un
pouce cube de mercure pcfe donc environ
59 dragmes \ & comme il y a 144 pouces
quarrés dans un pié quarrc , un cylindre
de mercure d'ini pic quarrc de bafe , & de
trois pouces de liauteur , doit contenir
432 ponces cubes de mercure , & par con-
féquent pefe 432 X 59 ou 25488 dragmes.
Répétant donc 15 fois ce même poids ,
on aura 15 X 25488 dragmes = 3S2250
= 47790 onces = 3890 j- livres , pour le
poids que la furface de notre corps fou-
tient en certains temps plus que d'au-
tres.
Il n'eft donc ])as fiirprcnant que le chan-
gement de température dans l'air , aftccte
fènfiblement nos corps , & puilfe déranger
notre fanté : mais on doit plutôt s'étonner
qu'ii ne 'ÎJ& pas fur nous plus d'effet. Car ,
quand on confidere que nous foutenons
dans certains temps près de 4000 libres de
plus que dans d'autres , & que cette \'a-
riation efc trcs-foudaine ^ il y a lieu d'être
furpris qu'un te! changement ne brife pas
entiérem.ent le tilfu des parties de notre
corps. •
Nos vailTeaux dolveiit être fi rclTcrrés
par cette augm.entation de poids , que le
iimg devroiî de:nein-er ftagnant , & la cir-
culation celîer eniiéiement , fi la nature
n'avoit pas fagement pourvu à cet incon-
vénient , en re.idant la force contractivc
du cœur d'autant plus grande , que la
réfiftance qu'il a à furmonrer de la part
des vaifièaux efl plus forte. En effet ,
dès que le poids de l'air augmente , les
lobes du poumon fe dilatent avec plus de
force '-, & par conféquent le l'ang y eft plus
parfaitement divilé : de forte qu'il devient
plus propre pour les fecretions les plus
llibtiles , par exemple , pour celle du fluide'
ATM gyr
nen'eus , dont l'aftion doit par con(ë^
cfuent contraélcr le cœur avec plus de force.
De plus , le mouvement du Cing étant
retarde vers la furface de notre corps , il
doit palier en plus grande abondance au
cerveau , fur lequel la prefllon de l'air ell
moindre qu'ailleurs , étant foutcnue par le
crâne 5 par coi\féquent la (écrétion & la gé-
nération des efjjirits fe fera dans le cer\'eaii
avec plus d'alx)nda!v;e , & coiifequeînment
le cœur en aura plus de force pour porterie
/iing dans tous nos vaiifeaux on il pourra
palier, tajidis que ceux qui font proches de
la (iirface feront bouchés. A^oy.CcEUR, Cir-
culation , &c.
Le changement le plus confidérable que
la prcdion de l'air plus ou moins grande
produifc dans le faiig , eft de le rendre plus
ou moins épais , & de foire qu'il fe reflérre
dans un plus petit efpace , ou qu'il eu
occupe m\ plus grand dans les vaiifeaux
où il enti-e. Car l'air qui cii: renfermé dans:
notre lang , conferve toujours l'équilibre
avec l'air extérieur qui paflé la fiirface de
notre corps ^ & fon efibrt pour fe dilater eft
toujours égal à l'eifort que l'air fait pour le
comprimer , de manière que i\ la prcfilon de
l'air extérieur diminue tant foit peu, l'air in-
térieur fe dilate à proportion , & fait par
conféquent occuper au fang un phis grand ef^
pace qu'auparavant. Voy. Sanc , Chaleur,
Froid,6v.
Borelii explique de la manière fuivante ,
la raifon pour laquelle nous ne fentons point
cette prefllon. De mot. iiot. à grav.fac.prop^
2.9 5 &f-
Après avoir dit que du fible bien foulé
dans un vaiffeau dur , ne peut être divi.(è
par aucun moyen , pas même par l'effort
d'un coi!» ;, 8f que de même feau conte-
nue dans une vellic qu'on comprime égale-
ment en tout fèns , ne ^seut ni s'échapper
ni être pénétrée par aucun endxoit : À\
ajoute : <.<■ De inême il y a , dans le cops
» d'un animal , un grarid noir.bre de par-
» ties difi'drentcs , dont les unes comme
» les os , font dures ^ d'autres font molles ,
« comme lès mufcles , les nerfs , les mem-
■>■> branes ; d'autres font fluides , comme
» le fimg , la lymphe , &c. Or , il n'eit
» pas poffible que les os foient rompus ou
» déplacés dans le corps , A moins que lïi
L 1 1 1 1 2
f^ï ATM
V piefîîon ne devienne plus grande fur un
V os que fur l'autre , comme nous voyons
■» qu'il arrive quelquefois aux portefaix. Si
ij la preilion lé partage de manière qu'elle
î> agifle également en bas , en haut & en
» tout fejis , & qu'enfin toutes les parties
■» de la pean en foient également affectées;,
1» il eu évidennneut impofTible qu'elle puiffe
j) oceaiîoncr aucune frarture ou luxation :
» on peut dire la même cho{è des muf-
1) des & des nerfs , qui font à la vérité
5) des parties molles , mais compofëes de
5) parties fol ides, par le moyen delquelles
j) ils le fbutiennent mutuellement , & ré-
)) fillentà lapreflion. Enfin la même chofe
î) a lieu pour le fang & les autres liqueurs :
» car comme l'eau n'eft f ifceptihle d'au-
» cune condenlàtion fènlible , de même
j> les liqi'.eiirs animale? contenues dans les
») vaificaux peuvent bien recevoir une at-
» tritio!! pnr la force qui agit liîr tel ou
)) tel endroit des vaifibaux , mais elles ne
ji peu\-eat être forcées à en fortir par une
» preHloîi générale •■, d'où il s'cnfinî , que
» puifqu'aucune des parties ne doit fouflnr
3> ni féparatîcn, ni luxation, ni contufion ,
"» ni enfin aucune forte de chimgeinent par
)è laprelTion de l'air, il efl impoffible que
)) cette prefllon puiilc produire en nous de
XI la douleur , qui e(l toujours l'eftct de
0) cfuelque folution de continuité, w Cela fe
confirme par ce que nous voyons arriver aux
vplongcurs. Foy. Plonger.
La m.êmc \érité efi; appuyée par une
Txpcrience de'Boyle. Ce phylîcien mit un
iêtard daiis un vafè à moitié plein d'eau ,
■&1 introduifit dans le vafè une quantité d'air
telle , que l'eau Ibutenoit un poids d'air
huit fois plus grand qu'auparavant ; le petit
animal , quoiqu'il eût la peau fort tendre,
ne parut rien relFentit d'un ii grand chan-
gement.
Sur les effets qui réfultent de la diminution
confidérable , ou de la fupprellion prefque
totale du poivls de YatmafpAere , voy. MA-
CHINE PNEUMATIQUE. Sur les caufes des
variations du poids & de la preffion de l!ii/-
mofphere ^ voy^f BAROMETRE.
Hauteur de l\itmo(phere. Les philolbphes
ïnodernes fe font donné beaucoup de peine
four déterminer la hauteur de tattnofphere.
i l'air n'avoit point de force élaflique , mais
ATM
qu'il fût par - tout de la même den/îté'^
depuis la furface de la terre jufqu'au tout
de Yatmofphere , comn'^e l'eau , qui eft éi^a-
leir.cnt denfe , à quelque profondeur que
ce foit , il fuftiroit pour déterminer la hau-
teur de tatniofphere , de trouver par une ex-
périence facile, le rappon de la denfitédu
mercure , par exemple , à celle de l'air que
nous refpirons ici-bas :, & la hauteur de
l'air feroit à celle du mercure dans le ba-
fometre , comm.e la dcnfité du mercure ell
à celle de l'air. En effet , une colonne d'air
d'un pouce de haut , étant à une colonne
de mercure de ir.êire hauteur , comme r
à 10800 ; il eft évident que 10800 fois une
colonne d'air d'un pouce de haut , c'cft-à-
dire une colonne d'air de 900 pies , lèroit
égale en poids à une colonne de mercure
d'un pouce : donc une colonne de 30 pou-
ces de mercure dans le baromètre feroit Ibu-
tenue par une colonne d'air de 27000 pies
de haut, fi l'air étoit dans toute tatmofphen
de la même denfité qu'ici-bas : fiir ce pié-
!a hauteur de tatmofphcre feroit d'environ
îyooo pies, ou de il de lieue; c'eft-à-
dire de deux lieues ^ , en prenant 2000 toi-
les à la lieue. Mais l'air par fon élafticité
a la vertu de le comprimer & le dilater r
on a trouvé par différentes expériences fré-
quemment répétées en France , en An-
gleterre & en Italie , que les différcns efpa-
ces qu'il occupe , lorfqu'il eft comprimé par
différens poids , font réciproquement pro-
portionnels à ces poids : c'cft-à-dire que
l'air occupe moins d'efpace en même raifoii
qu'il eft plus preffé •, d'où il s'enfiiit , que
dans la partie fupérieurc de Vatmofphere. où'
l'air eft beaucoup moins comprimé , il doit
être beaucoup plus raréfié qu'il ne l'cft proche
la furface delà terre j 5c que par conlcquent
'. la hauteur de tctmofphere doit être beaucoup
plus grande que celle que nous venons de
trou\er. Voici une idée de la méthode que
quelques auteurs eut fùivie pour la déter-
miner.
Si nous fiippofbns que la hauteur de ïat-
mofphere foit diviiec en une infinité de par-
ties égales , la denfité de l'air dans chacune
de ces parties eft comme fa malle ; & le
poids de Xatmofphere , à un endroit quel-
conque , eft aulîi comme la niaflj totale-
de l'air au d^Hus de cet endroit j d'où ii
ATM
s'enfuit que la denfité ou la mafTc dz l'air
dans chacune des parties de la hauteur ,
eiï proportioniîcUc à la maire ou au poids
de l'air fiipérieur ; & que par coufcqucnt
cette inallé ou ce poids de l'air fiipérieur
eft proportionnelle à la diiîérence entre les
malles de deux parties d'air contiguës prilcs
depuis la furfacc de ïatmojphert ; or nous
lavons par un théorcine de géométrie , que
lorlque des grandeurs font proportionnelles
à leurs différences , ces grandeurs font en
proportion géométrique continue •, donc ,
tlans lafuppofitionquc les parties de la hau-
teur de l'air forment une progrclTion arith-
métique , la denfitc , ou ce qui revient au
ii.êmc , le poids de ces parties , doit for-
mer proportion géométrique continue.
Par le moyen de cette iéric , il ell facile
de trouver la raréfaélion de l'air à une hau-
teur quelconque , ou la hauteur de l'air
correipondantc à un degré donné de raré-
fr.éaon , en oblervant , par deux ou trois
hauteurs de baromètre , la raréfaftion de
l'air à deux ou trois hauteurs différentes ^
d'où l'on conclura la hauteur de tatmof-
fhcre , en fuppofant que l'on fâche le der-
nier degré de raréfaction , au delà duquel
l'air peut aller. Voyc-^les articles BAROME-
TRE , Série, Progression , &c. royei
cujfi Gregory A/Ironom. Phyf. & Géom. liv.
V. prop. 3. ^ Halley dans les tranfaâ.
Th,l. n". 181.
Il faut avouer cependant que fî l'on s'en
rapporte à quelques obfervations faites par
M. Cafîini , on fera tenté de croire que
cette méthode de trouver la hauteur de tat-
mofphtre eft fort incertaine. Cet aftronome ,
dans les opérations qu'il fît pour prolon-
ger la méridienne de l'Obiervatoire de
Paris , mcflira avec beaucoup d'exaftitude
les hauteurs des diiîérentes montagnes
qui fè rencontrèrent dans fa route : &
ayant obfèrvé la hauteur du baromètre fur
Je fbmmet de chacune de ces montagnes ,
il trouva que cette hauteur comparée à la
hauteur des montagnes , ne fîiivoit point
du tout la proportion indiquée ci-deffus ^
mais que la rarcfadlion de l'air à des hau-
teurs confidérables au deffus de la furface
de la terre , étoit beaucoup plus grande
qu'elle ne devroit être , fuivûut la règle
précédente»
ATM 853
L'académie royale des fcienccs ayant donc
quelque lieu de révoquer en doute l'exac-
titude des expériences \ elle en fit un grand
nombre d'autres fiir des dilatations de l'air
trcs-confidérables , & beaucoup plus gran-
des que celles de l'air fiir le Ibmmiet des
montagnes j & elle trouva toujours que
ces dilatations fuivoient la raifbn inverfe
des poids dont l'air étoit chargé j rfoii
quelques phyliciens ont conclu , que l'air
qui eft fur le fbmmet des montagnes cfè
d'une nature différente de l'air que nous
refpirons ici -bas , fec fiiit apparenunent
d'autres loix dans fa dilatation & fa com-
preiîion.
La raifbn de cette différence doit être
attribuée à la quantité de vapeurs & d'exha-
laifons grofferes dont l'air eil chargé , &c
qui eft bien plus confidérable dans la par-
tie inférieure de \atmofphcre qu'au dcîiiis.
Ce? vapeurs étant moins claftiqucs , moins
capables par confcquent de raréfaction
que l'air pur , il faut néceirairement que
les raréfactions de l'air pur augmentent
en plus grande raifon que le poids ne di-
minue.
Cependant M. de Fontcaelle explique au-
trement ce phénomène , d'après quelques
expériences de M. de la H ire '-, il prétend que
la force élaftique de l'air s'augmente par
l'humidité \ & qu'ainli l'air qui eft proche
le fbmmet des montagnes , étant plus hu-
mide que l'air inférieur , eft par-là plus
élaftique , & capable d'occuper un plus
grand efpace qu'il ne devroit occuper na-
turellement , s'il étoit plus fcc.
Mais M. Jurin foutient que les expérien-
ces dont on fc fert pour appuyer cette expli-
cation, ne font point du tout concluantes.
Append, ad Varen. Géograph.
M. Daniel Bernouilli donne dans foiiHy-
drodynartiique une autre méthode pour dé-
terminer la hauteur de tatmofphere : dans
cette méthode , qui eft trop géométrique
pour pouvoir être expofee ici , & mifè i
la portée du commun des leéteurs , il fait
entrer la chaleur de l'air parmi les caufe*
de la dilatation.
La règle des compreflions en raifbn dz^-
jKjids ne peut donner la hauteur de fatmof-
phere ; car il faudroit que cette hauteur fût
infinie j Si que la deufité de l'air fût nulle à
8 54 ATM
fa l'.irfece fîipérieure. II feroit plus natureï de
fui^pofer la dehfité de i'air proportionnelle ,
non au poids ccnipriinaiit , mais à ce même
poids aiigmentc d'un poids conftaiit ^ alors
la hauteur de fctmojpkere feroit finie , &
ne feroit pas pliis dilHcile à trouver que dans
la première !'.)'podicj.è . comme il eft dcmoii-
iré dans le Tvaité des Jluidcs , imprimé chez
David, 1744.
Qaoi qu'il en foit , il eft couftant que
les raréfaôions de l'air, à diffcrentes hau-
teurs , ne fuivcnt point la proportion Acs
poids dont Fair cil cliargé ^ par confcquent
les expériences du baromètre, faites au pié
& fur le fonimet des montagnes , ne peu-
vent nous donner la hauteur de Yatmof-
yhc're ; puifque ces expériences ne font
laites que dans la partie la plus inférieure
de l'air. Uatmofpficre s'étend bien au
delà ^ & fes réfractions s'éloign.ent d'au-
tant plus de la loi précédente , qu'elle cft
plus élcignée de la terre. C'eil ce qui a
engagé M. de la Hire , après Kepler , à
fe fervir d'une méthode plus aiicienne ,
■plus fimple & plus fûre pour trouver la
hauteur de ïatmofphere : cette méthode cfi:
fondée fur robfervation des crépufcules.
Tous les aâronoînes conviennent que
quand le foleil eft à dix-jiuit degrés au
deflbiis de l'horizon , il envoie un rayon
qui touche la furface de la terre , & qui ,
ayant fa direélion de bas en haut , va
Jrapper la furface fupérieure de ïatmof-
phere ;, d'oîi il eft renvoyé jufqu'à la terre ,
qui' touche de nouveau dans une dircftion
liorizontale. Si donc il n'y avoit poi/U
ïatmofphere , il n'y auroit pas de crépuf
cule : par conféqucnt fi ïatmofphere n'étoit
pas auffi haute qu'elle eiî: , le crépufulc
comrncnccroit & finiroit quand le foleil
feroit à moins de 18 degrés au délions de
l'horizon , & au contraire : d'où Ton peut
conclure que la grandeur de l'arc dont le
foleil eft abailié au défions de l'horizon .
au commcp.ccrr.cat & à la fin du crépuf-
cule , détermine la hauteur de ïatmofphere.
Il faut cependant remarquer qu'on doit
fuuftrairc 32' de l'arc de i8<l , à caufe de
la réfraclion qui élevé alors le foleil plus
haut de 32' qu'il ne devroit être :, cV qu'il
faut encore ôter 16 minutes pour la dlftance
du limbe fjpcrieur du foleil ( qui cfi f ip-
A T M
pofé en^'oj'cr ce rayon ) au centre dé ce
même aflre , qui cfî: le point qu'on fuppofe
à i8<l moins 32' r l'arc reliant fera, par
conféquent , de i/** li' ; & c'clt de cet
arc que l'on doit fe fervir pour déterîpmcr
la hauteur de ïatmofphere.
Les deux rayons , l'un direft , l'autre
réfiéchi , qui font tous deux tangens de la
furface cle la terre , doivent néceliairement
le couper dans ïatmofphere , de maniera
qu'ils iàliênt entr'eux un angle de 17** iz' ,
& que l'arc de la terre , compris entre les
points touchans , ibit auffi de 17^^ ii' ;
donc, par la nature du cercle , une ligne
qui partiroit du centre , & qui couperoit
cet arc en deux parties égales , rencontre-
roit les deux rayons à leur point de con-
coîirs. Or il eft facile de trouver l'excès
de cette ligne fur le rayon de la terre j &
cet excès fera la hauteur de ïatmofphere.
M. de la Mire a trouvé , par cette méthode ,
la hauteur de ïatmofphere de 37223 toiles ,
ou d'environ 17 lieues de France. La même
méthode avoit été employée par Kepler ;
mais cet aftroncme l'a'.'oit rcjetéc , par cette
feule raifon qu'elle donnoit la hauteur de
ïatmofphere vingt fois plus grande qu'il ne
la croyoit.
An refte , il faut obferver que dans tout
ce calcul l'on regarde les rayons , direél 8c
réfléchi, comme des lignes droites;, au lieu
que ces rayons font en effet des lignes
courbes , formées par la réfraéfion conti-
nuelle des rayons dans leur paJlagc par les
couches différemment denfès de ïatmof-
phere. Si donc 0!i regarde ces rayons connue
deux couches fembiablcs , ou plutôt comme
luie feule & unique combe , dont une deS
extrémités eft tangente de la terre , lé
fbmmet de cette courbe , égalcn;cnt diilant
des deux extrémités , donnera la hauteur
de ïatmofphere : par confcquent , on doit
trouver cette hauteur un jieu moindre que
dans le cas 011 l'on fuppofbit que les deux
rayons étoient des lignes droites ; car le
point de concours de ces deux rnyons qui
touchent la courbe ;\ fès extrémités , doit
être plus haut que le fonunct de la courbe ,
qui tourne fa conca\ité vers la terre. M. de
la Hire diminue donc la hauteur de l'^r-
mofphere d'après ce principe , ?f ne lui
donne que 365(52 toiles , ou 16 lieues.
A T O
Hi!}. ite facaJ. roy. des Sciences , an. 1 5 ! 3 ,
pciT. 61. yoyci Us articUs RÉFRACllON
iS- Crépuscule, 6v.
Sur Xcimofyhere de la lune & iIcs planè-
tes, royq /f.î û/v/c/m Lune £• Planète.
Sur Xatrr.ofphcre des comètes & du foleil ,
voyei CoMEi E & Soleil ^ voyci aujji
Taches, Aurore Boréale £■ Lumière
zodiacale.
Aimo/phcre des corps folides ou durs, efl
une efpecc de fplicrc forir.ée par les pctils
ccrpuicu'.es qui s'échappent de ces corps.
P'oyei Sphère & Emanation.
iVl. Boylc prétend que- tous les corps ,
même les plus folides & les plus durs ,
comme les diamaus, ont leur ntmofphcie.
Voyei Diamant , Pierre précieuse.
f. au/jl AiYiAST, Magnétisme, &c.(0)
* ATOCK ou ATTOCK , capitale de
la province de mêinc nom , au Wogol en
Afie , au confluent du Nilao & de l'Inde.
Long, cjo , 40; /iu. 32 , 2C.
* ATOLLONoi/ATTOLLONfub. m.
(Gc'ogr. ) amas de petites iles qui fe tou-
chent prefqr.e. Les Maldives Ibiit diftri-
feuccs en treize atcllons.
* ATOME, {VJjl. nat.) animal m.i-
cfoicopique , le plus petit , à ce qu'on
pî-ctend , de tous ceux qu'en a découverts
avec les mei'lci'rs microicopes. On dit qu'il
paroît au micrcfcopc , tel qu'un grain de
f;'.ble fort fin parcît à la vue , & qu'en lui
roinarque plulieurs pies , le dos Lhnc , 8;:
des écailles.
Atomes, f. m. petits corpufculcs indi-
vjfiLles , qui , félon quelques anciens phi-
lofophes, étoicnt des élémeus ou parties
primitives des coi-ps naturels. Ce mot vient
ù'à privatif, & de liyta, Je coupe, l^oyei
Atomisme.
bromes fè dît aufl: de ces petits grains de
peuiTlere qu'on voitvoltijîcr dans imccham.-
bre fermée , dans laquelle entre un ra}-on
de foieil.
ATOMISME , Phyfique corpufcul'ire
très-ancienne. Sîrabon , en parlant de l'oni-
dîtipn des Phéniciens, dit ( lib. XVI. p.
521. édit. Genev. Voye[ aujfi S ex tus Emp.
edv. Math. pag. 367. idic. Gen. ) « S'il on
» faut croire PofTidonius , le dogme de;;
y atomes eft ancien , & vient d'un Sido-
.«s aieju. nommé Mofchns , oui a vécu avant
A T O 85^
' » la guerre de Troie ». Pyt'.agcre paror
avoir appris cette dodlrinc c. Orient j 8i
Ecpharitus , célèbre pythagoricien , a té-
moigné (■ cpud Stobœutn ) que les unités
dont Pyihagorc difoit que tout efl ccm-
pofé, Ji'étoient que des atotr.es;, ce qu'A-
riflotc affure audi en divers endroits. Em-
l'édocle , pythagoricien , difoit de même
que la nature de tous les corps ne venoit
que (fu mélange ù de la ftparacion des par-
ticules ; & quoiqu'il admit les quatre élé-
micni , il prétendoit que ces élémiCus étoient
eux-mêmes compofés d'atomes ou de cor-
pufcules. Ce n'efl donc pas fiins raifon que
Lucrèce loue fi fort Empédocle , puifque
fa i^hyrique eiî , à plulieurs égards , la
même que celle d'Epicure. Pour Anaxa-
gore , quoiqu'il fut aulTi atomifie , il avoit
un fentiment particulier, qui efl que chaque
chofe étoit compofsc des atomes de fou ef-
pcce j les os , d'atomes d'os ; les corps rou-
ges , d'atomes rouges , &c.
La dcdlrjiie des atomes n'a été propre-
ment réduite en fyflcme que par I .eucipp-e
& Dcmocrite •■, avant ces dcws philofopjics
elle n'avoir pafîé que pour une partie du
lyltême philofbphique qui fcrvoit à expli-
quer les phénomènes des corps. Ils allèrent
pliis loin , & firent de ce dogme le fonde-
ment d'un fyftcme entier de pliilofophie,
Ceft ce qui a fait que Diogcne Laerce &
plufieurs autres auteurs les en ont regardés
comme les inventeurs. On aflocie ordiiîai-
rement enfèmble les noms de ces deux phi-
lofcphes. L.eucippe , dit Ariflcte dans fii
» métaphyiique , & fon compagnon Dé-
» mccrite difent que les juincipes de tou-
» tes chofès font le plein & le vuide ,
» le corps & l'efpace , dont l'un efl quel-
» que choie , & l'autre n'eil rieii : & que
» les caufes de la variété des autres trois
» êtres font ces trois chofcs , la fig-ure , la
» difpofirion & la fituation. » Il n'y a point
de meilleur mo3'en pour fe faire une idée
complète de Vatomifme , que de lire le fa-
meux poëme de Lucrèce. Voici en peu de
mots le fond de ce fyfLcmc , tel que nous le
trouvons drais ce poëme Latin , & dai s
di\ers endroits de Ciceron où il en cil
parlé.
Le monde eft nouveau , & tout efl pleire
des preuves de fa aouvc.uîé y mais la mu-
«5^ ATO
tic-re dont il eft coraïKjfc eft éternelle. Il
y a toujours eu une quantité iininenfe &
réel'.eniciit infinie d'atomes ou corpufculcs
durs , crochus , qiiarrés , obbn^s , & de tou-
tes figures ^ tous iiuliviriblcs, tous en mou-
vcincnt & faifant clîbrt pour avancer ■■, tous
defcendant & traverfimt le vuide : s'ils
avoient toujours continué leur route de la
forte, il n'y auroit jamais eu d'affembla
gcs , & le monde ne feroit pas ■■, mais quel
ques-uns allant un peu de côte , cette légère
dcclinaifon en ferra & accrocha plufieurs
enfemble : delà fe font formées diverfes
inalfesi un ciel, un foleil , une terre , un
homme , une intelligence , & une forte de
liberté. Rien n'a été fait avec deffein : il
faut bien fe garder de croire que les jam-
bes de l'homme aient été faites dans^ l'in-
tention de porter le corps d'une^ place aune
autre •■, que les doigts aient été pourvus
d'articulations pour mieux faifir ce qui nous
feroit nécelfaire ) que la bouche ait été
garnie de dents pour broyer les alimens ^
ni que les yeux aient été adroitement fuf-
pendus fur des inufcles fouples & mobiles ,
pour pouvoir fe tourner avec agilité , &
pour voir de toutes parts en un inftant.
Non , ce n'eft point une intelligence qui a
difpûfé ces parties afin qu'elles pulTent nous
fcrvir i, mais nous faifons ufage de ce que
nous trouvons capable de nous rendre
fervice :
Ne putes oculorum clafa , creata
Ut videant ; fed quod tiaium tfi , id pro-
créât ujum.
Le tout s'eft fait par h*ard , le tout fe
continue , 8c les efpeces fe perpétuent les
mêmes par hazard : le tout le diiïbudra un
jour par hazard : tout le fyftêm.c fe réduit là.
(Hijl. du cki,tom. Ilypag. ZII, 212.)
Il feroit fuperflu de s'arrêter à la réfutation
de cet amas d'abfurdités ■■, ou , s'il étoit né-
aelfaire de les coinbattre , on peut conful-
tcr l'anti-Lucrcce du cardinal de Polignac.
L'ancien atomifme étoit un pur athéif-
me ■-, mais on auroit tort de faire réjaillir
cette accufation fur la philofophie corpufcu-
laire en général. L'exemple de Démocrite ,
de Lcucippe & d'Epicure , tous trois aufîî
grands athées qu'atomiftes , a fait croire à
bien des gens , que dès que l'on adinettoit
ATO
les corpulcules , on rejctoit la do£lrIne qui
établit des êtres immatériels , comme la
divinité & les âmes humaines. Néanmoins,
non feulement la pneimiatologie n'eft pas
incompatible avec la dodtriiie des atomes ,
mais même elles ont beaucoup de liaifoa
enfemble : aufll les mêmes principes de phi-
lofophie qui avoient conduit les anciens à
reconnoître les atomes , les conduilireiit
aufîî à croire qu'il y a des choies imma-
térielles ; & les mêmes maximes qui leur
perfuaderent que les formes corporelles ne
font pas des entités dlflinftesde la fubftance
des corps , leur perfuaderent aufTi que les
âmes ne font ni engendrées avec le corps ,
ni anéanties avec fa mort. Ceux qui fou-
haitent des preuves plus détaillées là-delfus,
les trouveront dans Icfyfléme intelUcluel de
Cudworth , & dans \extrait de M. le Clerc.
Bibl. choif. tom. I , art. 3. VoyeiauJJl COR-
PUSCULAIRE. Cet article eft tiré de M. For-
mey. {X)
ATONIE , f. m. f Med. ) d'i privatif,
& de Ti'iva , étendre \ foiblejfi , relâchement ,
défaut de ton ou de tenfion dans les folides
du corps humain.
Ce mot étoit fort en ufage parmi les
médecins de la fede méthodique , qui at-
tribuoient les caufes des maladies au relâ-
chement , à la tenfion , ou à un mélange de
ces deux.
\^ atonie eft caufè de maladie dans la dé-
bilité des fibres , dans les tempéramens
hum.ides , & dans ce qu'on appelle \intem-
pcrie froide ù pituitcufc : elle eft fymptoma-
tique dans les pertes abondantes , à la fuite
des grandes évacuations dans les maladies
longues , lors de la convalclcence , & enfin
après de grands travaux , comme aufîl après
de grandes douleurs.
L.'atonie , comme caufe de maladie &
comme maladie , fe traite par les aflriu-
gens , les apéritifs , les amers , les liytlra-
gogues •■, & les alimens de bon Cac pris en
petite quantité, les friôions, la promenade ,
l'exercice , y font fur-tout utiles. Lorf^
qu'elle eft de nailfance, & qu'elle fait le
tempérament , comme il arrive dans les
gens humides & fujets aux bouffilîures, il
faut la corriger , autant qu'il eft poflible ,
par un régime exaft , par les boilfons alté-
rantes , Icgéreineut fiidorifiques : les cor-
diaux
A TO
tiiaux employés une fois par feraaine , tels
que rcl,ixir de Gains , la confcÛion alkcrmès,
Êi'c. peuvent empêcher fès mauvailcs iuircs.
h^atonie f comm;: lymptome & fuirc des
éracuaricins immodérées , des lorir^ues ma-
ladies , delà fatigue, de la convalelcence ,
le traite par le repos & la diète reilaurante.
f^.CoNVAT.ESCENCE& FolBLE'lSE.C.V)
ATONIE Je la matrice. ( MeJec. ) La
iflruélurc particulière de la matrice ( J^oye:{
Matrice), & les fondions auxquelles
ce vifcere eft defliné , rendent bien im-
portant le ton des fibres qui le compo-
fent. Il huit que ces fibres pu i fient le prê-
ter à une extenfion proportionnée au dé-
veloppement & À l'cxpanfion que , dans
diiFérentes circonHances , cet organe doit
fupporter. Il faut encore que ces mêmes
fibres puiïïènt réagir , fe replier iiir elles-
mêmes , & réduire la matrice à-peu-près
au même volume qu'elle avoit auparavant.
Si la rigidité de ces fibres s'oppofe à
leur extenfion , la fîérilité en eft un ciîèt né-
ceflaire ( P^ofc^ STÉRILITÉ ) , & il en ré-
lultc plufie'.irs autres maladies , telles que
des pertes enrouge& enblanc {V. FLEURS
Blanches, Pertes), Leur tro^-» grande
duftilité les expofe à un relâchement qui
rend la circulation difficile dans ce vifcere ,
& qui fiivorriê des engorgemens vicieux.
Leur diftenfion exceflive les réduit à une
ntonu plus dangereule encore.
Cette aconi.e a lieu dans les groflefîes ,
lori'que deux ou plulieurs enfans (ont ren-
fermés dans la matrice , ou lorfque l'en-
fant dont la femme eft grofle eft d'un vo-
lume dilproportionné à la capacité de ce
vifcere , ou que les eaux , par leur abon-
dance , néceflitent un développement extra-
ordinaire. \J atonie qui en réiulte n'eft d'au-
cune conléquence tant que dure la groi^
fefïe ; elle peut cauler la mort des femmes
les mieux portantes , fi elle fubfifte après
l'accouchement.
Dès que le placenta s'eft détaché des
parois de la matrice , les vailTeaux fan-
guins qui , pendant le cours de la grof-
fèfîê , s'étoient remplis de fang ^ fe dé-
gorgent ; il flirvient une perte roLige que
le rétréciUement du calibre des vailfeaux,
opéré par le reiïlrrement de la matrice ,
diminue infenfiblemcnt , & qui , prenant
Tome III.
A T O gyy
fîiccelîîvement difîércntcs nuances , fe ter-
mine par une perte en blanc, y^oje:^ Ac-
couchement , Lochies.
C'efl par le jeu des fibres mufculaires
& membraneulès de ce vilcere , q- e s'o-
perc cette diminution du diamètre des
raiffeaux. Si la perte de leur ton les rend
inaclives , les vaillcaux refient béans , l'éva-
cuation languinc devient Ci confidérable ,
que la mort des accouchées eft inévitable
pour peu que cet état dure ; fouvent même
elle arrive dans le quart-d'heure après l'ac-
couchement , & une fuiblefte exceflive en
eff du moins une fuite néceffaire.
L'expérience la plus conftante prouve la
réalité de cet effet de l'atonie de la ma-
trice. Cette caufe a éié méconnue dans
les ficelés derniers. Mauriceau &c la Motte,
célèbres accoucheurs du div-fcptieme ficelé,
témoins de la mort de plufieurs femmes ,
i\ la fuite de deux accouchemens , par des
pertes immodérées, attiibuoient ces pertes
à des caules merveilleufes qu'il étoit im-
poflible de reconnoître ; prévenus de cette
idée , ils ne fe font pas même occupés des
moyens de parer à de fi funeftes accidens ,
loit en prévenant les pertes , ioit en les
arrêtant.
Rullch , par fa découverte des fibres
mulculaires utérines ( de nofo uceri muf~
culo. ) reconnues par Roederer ( Elem. art.
obfietncice) , nous a mis fur la voie qui
devoit nous y conduire. }io'timi\n{de igno-
rata uteri jlriiSiirâ ) , par fes remarques
fur le mouvement alternatif & héterochro-
ne du fond de la matrice & de fon col^
M. de Haller , par les expériences relatives
à l'irritabilité des fibres ( Màn. far l'irri-
tabilité'^ , nous ont tait prelîentir les fer-
cours , qu'en pareilles circonltimces , on pou-
voir retirer de l'organilation de la ma-
trice ; M. Lcvret ( Obfery. furies accouche-
mens ^ tom. IL) nous tait reconnoître ce
qui pouvoit remplir les indications que
préfente Vaionie de ce vifcere. Rien de
mieux raifonné & de plus judicieux que
les confeils donnés à ce fujet par ce favarit
Zl célèbre accoucheur. C'efl d'après lui
que j'indiquerai ici & ce qu'il faut faire lorl^
qu'on a lieu de redouter cens atonie , & les
rcffources à employer pour en diminuer
les efïèts quand on n'a pu la prévenir.
M m m m m
«58 A T O
Je ne m'aflrein'drai pas cependant à fui-
■«re cxclufivement ce que conCeille M. Le-
♦ret; & le traitement que je vais décrire
(era encore dirigé d'après les oblervations
de Smellie ( wme II. ) & d'après les lumières
que j'aii acquifes fur cet objet ; foit par
Blés converfations avec mon ami M. Enaux ,
maître en chirurgie de la ville où je pra-
tique la médecine , foit par les faits qui
le font pafles fous mes yeux.
La trop grande duûilité des fibres peut
clonner Jieu à Vatonie de la matrice , par la
facilité avec laquelle , en pareilles circonf-
tnnces , elles peuvent être diflendues.
Toutes les fois donc que le tempéra-
knent lâche des femmes , telles que les blon-
des , & que l'infiltration fércule , ou un
épuifement des forces , auront dilpolé
les fibres ;\ une grande duftilité , on fera
dans le cas de s'attendre à Vato/jie de la
matrice.
Le volume exceffif du ventre , fans au-
tre caufe apparente que la groflefîe , en-
gagera encore à la prévoir , même dans
fdcs femmes bien faines &: bien vigou-
reu fes.
Alors , pour preVenîr cette atonie , M.
ievret confèille de forcer la matrice à fc
contrader , avant que le décollement du
placenta ait néceffité une perte rouge. Il
veut, en conféquence , lorlque Taccouche-
ment fe prépare , qu'on perce les mem-
branes de bonne heure, pour favorifer l'é-
toulement des eaux , afin que la matrice ,
cédant d'être auiii diflendue qu'elle l'étoit,
fc reflcrre peu- .à-peu , tandis que la nréicnce
de l'entant s'oppofe à fon aiEiiifement , &
que le placenta n'étant point encore dé-
collé , il n'y a point de perte à craindie.
Mris fouvent , après l'écoulement d'une
|>artie des eaux , la tète s'appuie fur l'ori-
iice de la matrice , & forme obftacle à la
lorvie du relie. Leur cvacuarion n'efî poii;r
afiez confidérablc pour produire Teftet que
M. Lcvret attend'oit du dcchiremcrt des
rnCmbi^nes. C'efl une remarque de M.
Enaux, que rexpcrience fa mis dans le
cas de faire , &; qui l'cnfage A regarder
eomme eflenriel de rei^oufTer de temps en
tem]is la tetc de l'cnfanr , :\ l'aide d'un
doigt introduit à travers l'orifice de la ma-
trice.' 11 i'iiut taire cette manœuvre avaut
AT O
que la tête foit defcendue dans le petit
baffin , & dans l'intermifEon des douleurs.
On doit la continuer jufqu'à ce que la di-
minution du v(jlume du ventre & la cef-
fatjon de l'écoulement des eaux aient don-
né lieu de croire qu'elles font entièrement
évacués.
L'on n'efi: pas toujours aiïez heureux
pour avoir le temps de recourir à ce moyen :
fouvent l'accouchement efl fi précipité ,
que l'accoucheur , qui fait juiqu'à quel
point Vaionie qu'il fufpefte ell redoutable,
n'a d'autres rsllburces pour la prévenir
que de laiflèr à la nature le foin d'expul-
fer l'arriere-falx , ou du moins d'attendre
quelque temps avant d'en faire l'extrac-
tion ; ainfi le confeillent Mrs. Levret &
Smellie. L'inquiétude peu éclairée des af-
llftiins ne doit jamais empêcher un accou-
cheur de fuivre ce confeil , qui ell de l'a
plus grande importance.
Il n'efi: cependant pas toujours roflible
d'en profiter ; 11 y a des placenta d 'une
furface lilTe & polie , & qui , loin d'cère
implantés dans le parois de la matrice , ne
l'ont , pour alnfi dire , que collés à ià fur-
face, de façon qu'ils fe détachent au plus
léger effort de ce vifcere, & ibrteut pref-
cju'en même temps que l'aifant. Alors il
faut promptement appliquer fur les reins
2: fur le ventre de la malade , des linges
trempés dans un liquide très-froid , & que
l'on rafi-aîchiru fréquemment , afin que la
l'roideur , irritant les parties » & attirant les
Inarticulés ignées force les fibres à fe conr
trafter..
En même temps on fera des frijlions
fur la région de la matrice , & l'on em-
poignoiM ,, en quelque forte , ce vifcere ,
que l'on prefîera ; ces moyens fuffirour
fôuvenr pour lui faire reprcndi-e fon rel-
lôrt. Mais s'ils ne font point ccfler Vato-
nie j fi l'on ne fcnt point la matrice s'ar-
londir fous la main , fi la perte continue ,
il faut introduire dans le vagin un tam-
pon fait avec un linge fin , rempli d'étou-
pcs ou de coton , & le fouiecir d'une
main , tandis que de l'autre on conîmiie
de frotter & de manier le ventre.^ A cette
manœuvre , on réunira l'ulage d'une po-
tion OTti-lpa-Gnodique , peu échauffante ,
ôc capable as rétablir 6i J'entrctenij: les
A TO
-forces ic la malade , fans trop raréfier la
ni.iire humorale. J'ai été pliificurs fois té-
moin du luccès de cette mcthode.
Quand , par la forme globulculc que la
matrice prend fous la main > on lent que
Vdconie a ceflë , & fur- tout fi des accidens
IiiOériques llirvicnncnr , on ôte le tampon
l^our faciliter la fortie des caillots. Quelque-
fois il faut introduire la main dans la ma-
trice pour les tirer ; mais fouvent la feule
dilatation de l'orilice & du col de la ma-
trice , par l'introduclion de la main , en
détermine la fortie. Cette dilatation par
l'hétérochronérré des mouvemens du tond
& du col de ce vifcere , fufKt ordinaire-
ment pour engager le fond à fe contrac-
ter & à cxpull'cr les caillots. Mais fi après
leur expullion la perte continue , il faut
revenir au tampon , renouveller les fric-
tions fur le ventre , & continuer la même
rianocuvre , juiqu'A ce que la matrice le
foit réduite au volume où les vaiiTèaux ,
qui yerfoient le fang , le trouvent rétrécis
au point de ne plus donner ilfue qu'à une
liqueur légèrement teinie en rouge.
M. Levret , qui ne paroît pas avoir fiit
ufage du tampon , recommande d'ôter
exaâement tous les caillots. Sa raifon ef t ,
que la préfence d'un corps étranger dans
la matrice , entretient la dilatation de ce vii-
cere & s'oppofe à fon rederrcment. Mais
il lemble perdre de vue l'efïet du caillot
fur les vailleaux ouverts. L'hémorragie
utérine difiere , il eu. vrai , des autres hé-
morragies , en ce que l'organiiation de la
matrice peut, fans le Iccours du caillot ,
faire ccffer celle-ci par l'eiTet de ion refîer-
rement. Quel inconvénient}- auroit-il, ce-
pendant , à réunu' ces deux moyens ? Se-
roit-on arrêté par la crainte des accidens
hiilériqucs que la préience de ce caillot
peut occafioner ? Je puis dire avec vé-
rité que ces accidens ne font point à crain-
dre , parce qu'on les fait ceffer à volonté
en donnant iilue à ces caillots. Il elf cer-
tain qu'on doit très-peu compter fur fci-
ficacité du caillot , tant que le vagin n'é-
tant point bouché , le fang verfé par les
vaifleanx utérins , s'échappe en partie , &
ne forme qu'un caillot incapable de rem-
plir toute la cavité de ta matrice. Mais
£ue le vagin foit tamponné ; que tout le
A T R. o 8-^
fàng foit oblige d© iè figer , & bientôt
le caillot s'appliquera iiir l'orifice dc« vaif-.
Icaux béans ; bien p-lus , le moulaut fur la
concavité de la matiice , il touchera par-
tout lu furlacc , en irritera tous les points»
& mettant en jeu l'irritabilitc de toutes
les fibres de ce vifcere , en décidera It
conflriélion univerlelle & uniforme , â^
fera celfcr fans retour &: l'atonie &c la pert#
qui en efl l'effet.
Je puis affirmer que plufieurs expérien-
ces heurcufes m'auforiient à donner ce
moyen comme infaillible ; & que je n'crt
ai jamais vu de mauvais efièts.
Hofîrnan avoit imaginé le tampon dans
une occafion où une perte excefllve me-
naçoit la vie d'une maI;»Je groffe de trois
mois ; & le fuccès le plus flatteur juffifia
le riiifbnnemcnt -qui l'avoit conduit à y
avcm ixcours {fécond j'ol.fec^. i. ch. v, ob"
ferr. z.) C'efl d'après fon exemple que
dans des circoniîr.nces analogues Smellic
l'a employé. J'oie garantir (jue la méthode
du tampon imaginée par Hoflinan ,
adoptée par SmcHie , & fulvie par M.
Enaux & par plufieurs chirurgiens de cette
ville , aura toujours un effet fatisfailant
dans le cas de Vatonie de la matrice ; ce
moyen ne fera pas moins efficace dans les
pertes qui fuccedent aux faulles couches ,
(Sec. Voyci Fausses COUCHES , Ta.m.-
PON. {M. M.)
ATOUGIA , (Ge'ogr.) petite ville de
Portugal dans l'Elfrémadure , fur le bord
de la mer , vis-A-vis des Barlingues. Elle
ef{ au fond d'une petite baie , au nord-eft
de Santaren. ( C A.)
* ATRA ,( Géog. anc. ) ville de Méfo-
potamie fituée furlapointe d'une montagne ,
& fameufè par les fieges qu'elle a foutenus.
ATI^ABILAIRE , adj. fe dit de celui
qu'une bile noire Ô£ adufle rend triile &
chagrin : vifcige arralvl.iire, huîneur r.trabi^
laire. Il efi aufli liibllantif : c'efl un atia-
bilaire. Voyei^ BlLE. ( /. )
Atrabilaires , cjp fuies atrabiLiie c „
ou reins fuccenturiaux, Fc»)'f^REINSSUC-
CENTURIAUX.
ATRAMITES, ( Geogr.) c'efl un <.]çs
noms finis lesquels les anciens géographes
ont parlé des habitans de l'Hadramant ou
HaJramuth , riçlor & flori fiante conu'ée
M m m m m 2.
8-'o o A T R.
de l'Arabie heureulè vers l'Océan , entre
le Yemen , le Scadshar , & les diftriâs
d'Aden , de Tis &: de Sanaa. Du temps
de Mahomet , ces peuples étoicnt de la
tribu d'Ad ; ils font jiujourd'hui de celle
de Namud , & Moka ell leur capitale.
{D.G.)
■ ATRAX ou Atracia , ( Ge'ogr. ) ville
de Theilalie , ainfi nommée d'Airax , fils
de Penéc & de Bura , qui la fit bâtir. Elle
devoit être confidérabic , puiique les
poètes fe font quelqueiois iervis de l'épi-
thete atiacieii pour lignifier Thcjfalien. Il y
avoit aufli une rivière de ce nom qui fe je-
t'oit dans la[ mer Ionienne, après avoir
pafle par le pays des Atraciens. {C. A.)
Atrax , ( Géogr.) rivière :de Grèce
dans TEtolie , qu'elle traverie prelque entiè-
rement du nord au fud , pour aller fe
fêter dans le golfe de Lépante : l'on nom-
moit Atraces les peuples qui en habitoient
les bords. {D. G.)
ATREjf m. {Archltecî.) efl la partie
d'une cheminée où l'on fait le feu entre
les jambages , le contre-cœur & le foyer.
Elle le carrelle de grand ou petit carreau
de terre cuite , ou quelquefois de plaques
de fonte ou ter tondu , auili-bien que toute
la hauteur de la clieminée jufque vers la
tablette du chambranle. Les angles doivent
en être arrondis , pour renvoyer la cha-
leur dans l'intérieur de la pièce. Il faut faire
les âtres de dix-huit pouces au moins de
profondeur , & de deux pies & un quart au
plus ; trop profonds , la chaleur le diflipe
dans le tuyau de la cheminée ; & , à moins
de dix-huit pouces , les cheminées font fu-
jettes à fumer. F. CHEMINÉE. (P)
1 Atre , en verrerie , eil une pierre de
gièsde douze à quinze pouces d'épaifieur ,
qui couvre la lurtacc du fond du four ,
pour recevoir & conferver les matières vi-
trifiées qui tombent des pots lorfqu'ils fe
callent , ou qu'on les a trop remplis.
ATRÉE ,( Hijl poet. ) fiis de Pelops ,
fuccéda à Eurilléc, roi d'Argos , dont
il avoit époufé la fille. Le commencement
de la haine qu'il eut contre fon frère
Thiefle , vint de ce que celui-ci lui avoit
enlevé un bélier ;\ la toilon d'or; ou , fé-
lon Euripide , une brebis dorée qu'il re-
jjardoit comme le bonheur de la famille ,
A T R
c'efî-à - dire , quelques trcfors. Enfiiire
Thiefle lui débaucha fa femme yËrope ,
& en eut deux enfans. Acre'c ayant décou-
vert ce commerce , le chafïîx d'abord de
fa cour ; mais ne fe croyant pas afiez
vengé par cet éloignement , il le rappelia
fous prétexte de réconciliation ; & , ayant
mafiacré les enfans que Ion frère avoit
eus de la reine , il les lui fit fervir à table
dans des mets empoifonnés : le fbleil fe
cacha , dit la fable , pour ne pas éclairer
vin repas fi barbare. Atre'e fut tué par
Egific fils de Thiefle. (-f)
ATRî , ville d'Italie au royaume de
Naples , dans l'Abbruze ultérieure. Long.
32 , 38 ; lata. 42., jr.
* ATi^IBUNIE , {Gt'og. mod.) rivière
de Saint-Domingue ; elle coule dans la
partie occidentale de l'île , & fe jette dans
la mer.
ATRIDES , ( Hifl. poet. ) c'efl le nonr
qu'on donne à Agamemnon & à Mène-
las , comme fils d'Atrce , quoique plu-
fleurs croient , avec quelque raifon , qu'ils
n'étoient pas fils de ce prince , mais de-
Pliflhene fon frère ; & comme les adions.
de ce dernier n'avoient pas mérité une
place honorable dans l'hifloire , Homère,
pour honorer la mémoire du chef des
Grecs ôi de fon frère , avoit afitûé de les
faire paiTer pour les enfans d'Atrée, & de
les nommer p-av-zoutAtridcs. ( + )
* ATRIUM, ( Htjl anc. ) c'étoit un-
lieu particulier de's maifons , des temples
& des palais des anciens. Il n'eil pas facile de
déterminer la pohiion & lulage de ce lieu,,
non plus que d'autres. Martial femble con-
fondre le vcflibule avec l'arnu/w , lorlqu'il
dit que l'endroit où l'on voyoit de fon
temps le grand cololfc & les pegmata ou
machines de théâtre & d'amphithéâtre ,.
étoit ['atrium de la mailon dorée de Né-
ron. Il s'efl fervi pour déiigner cet en-
droir , de l'expreflîon atria régis. Or Sué-
tone place les mêmes choies dans le vcfli-
bule du palais de Néron : yeftihulum ejus
fu:t in quo colojfus, &c.Le poiiteefl moins
à croire ici que l'hiflorien : car il cû conf-
tant que le veltibule étoir devant la mai-
Ion , & l'atrium au dedans. Phifieurs ont
pris avec Martial Vatrium pour le vcflibule ;.
mais Auluscllc les réfute. Il y en a qui
A T R
ont cru que r J^'' W/7I S: ï impluvium éio\zM
tin ieul & mcme endroit, mais il paioît
qu'ils ie font rrn;npés. Uatrium étoit dii-
ting'.ié du veililnile en ce qu'il fiiioit par-
tie de la malfon , & de Vimplui'ium ou cour
de dedans , en ce qu'il étoit couvert. On
mangeoit dans l'ain'uw.On y gardoit les
ihiages de cire des ancêtre. Verrius Plaçais
enl'eignnit la grammaire aux petits eritans
dans l'atrium de Carilina. On prend com-
munément Vacrium pour la lalle d'entrée.
Les habits étoient gardés dans Vaerium.
If atrium lihertatis étoit une cour ménagée
dans un des tt-mples que les Romains éle-
vèrent à la liberté : ce hit -là , dit Tite-
Live, qu'on dépola les otages desTarentins.
Il y avoir des archives ; on y gardoit les
tables & les actes des cenleurs , & les loix
contre les veflales inceftueules : ce fut-là
qu'on tira au fort dans laquelle des quatre
tribus les affl-anchis entreroient. Le temple
de Vella avoit aulîi une cour appellée atrium.
* ATROPATENE, {Gé...g. anc. & mod.)
contrée de la Médic , la plus ieptentrionale ,
où elle étoit bornée par l'Albanie , à l'o-
rient par la mer Cafpicnne , à l'occident par
la grande Arménie , & au m.idi par la Par-
thie. C'ert aujourd'hui le Kilan.
ATROPHIE , {M.d.) c'eil la maigreur
extrême de tout le corps ; on la nomme
encore marajmus , tabès , &:c. Il eft impor-
tant de ne pas confondre , comme pludeurs
l'ont fait , l'atrophie eiïentielle , ou primitive,
avec celle qui n'eil que le lymptome d'une
autre maladie : il faut encore diltinguer la
eonfomption des jeunes gens , du maraf-
me des vieillards : maladies qui ne fe refleni-
blenr que par leurs eiiets. \J Atrophie eilen-
tielle , qui ne dépend, par conféquent ,
d'aucune maladie connue , efl beaucoup plus
rare que l'autre. Les chagrins , les loucis ,
l'amour , & autres paillons vives , y don-
nent lieu ; elle vient encore après les tra-
vaux exceflifs , les longues abiîincnces , l'a-
bus des Hqueurs fpiritueules , la débauche
des femmes, ù'c. Cette émaciarion eft fa-
milière aa>; jeunes gens, qui y donnent fou-
vent lieu par leiirs déréglemens , les An-
glois & les HoUandois y font plus fujets
que les autres nations. Le marafme des
vieillards reconnolt rarement les caufes
que nous venons d'indiquer : il dépeiid
A T R 8'(?r
du défTi'chemenf des vaifTenux ; mais il
ell quelquefois entretenu par un vice dans
les vilceres.
L'atrophie fymptomatique , qu'on voir
très-communément , eft la fuite de la plu-
part des maladies chroniques , & de quel-
ques aiguës. Les iuppurations , les ulcères ,
les f^uirres , & autres défordres internes ;
la dyfTenterie rebelle , les anciens cours de
ventre , la lalivation , les fucurs habituelles
& le diabètes , en iont les caules ordinai-
res. Les afFeclions hypocondriaciues , fcor-
butiques , fcrophuleufes , &c. la produifenr
auili : elle e(l encore l'elfèt de certains poi-
lons lents, qui agilïent infenfiblement fur
tous les organes, d'autant plus redoutables,
qu'on n'y penie pas. Uatrophie eu encore-
le produit d'une infinité de maladies chro-
niques , comme on peur le voie dans leurs
articles : nous parlerons ailleurs de celle
des enfans.
La fièvre lente accompagne l'un & l'autre
marafme un peu avancé; on. la prend fou-
vent , à l'exeniple de plufieurs écrivains ,.
pour la maladie principale : il efl certaine-
ment bien comm«-Jede réduire à une ieule:
dénomination , un très-grand nombre de
maladies très -difficiles à diilinguer ; mais
cette méthode elt-elle avantageufe aux ma-
lades? On fera encore- remarquer en pafTant,
qu'on croit mal - à - propos que le fièvre
ne peut être appellée lente , qu'après qua-
rante ou cinquante jours : les praticiens at-
tentifs ne doivent pas ignorer qu'on vo;r
aiîêz fouvent des fièvres de ce caractère, qui,
bien loin d'avoir cette ancienneté , finiffênt"
avant ce terme : les mélancoliques prin-
cipalement ne nous en laiflênr pas man-
quer d'exemple. Ce qu'on vient de dire
pourra être regardé comme une queflion.
de mot , mais elle n'eft pas frivole en.
médecine ; car , peur - on ignorer que-
plufieurs de ceux qui l'exercent , fiiivenf
auprès des malades les idées qui naiflenr
du nom qu'ils ont donné à tout hazard ;«
la maladie?'
Il efl fouvenrtres-ciifHcile de diflinguer
Yatrophie efTentielle , de la fymptomatique;.
ce n'ert que fur l'hifloire la plus exade-
& la- plus circonflanciée de ce qui a pré-
cédé , & l'exam.n le plus fcrupulcux de;
l'état grêlent du h. maladie , qu'on geuc
«^t A T R
en juger avec quelque certitude ', car ces
deux fortes d'émaci.itions , fe refîemblent
quelquefois parl'aitement , & font même
fuivies des mêmes accidens. Cependant la
confomption primitive a , dans quelques
cJrconûances , de vraies intermilllons , &
même alTez longues ; ce qui n arrive jamais
à la fymptomatique. Dans la première , la
fièvre ne fe manifefle que lorfque la ma-
îiidie a fait de certains progrès : l'appétit
ne manque point , & la refpiration dans
le commencement ell: très - libre ; mais
elle eft gênée dans la fuite au moindre
exercice ; le pouls devient fébrile , plus
fcnfiblement le foir que le matin : plu-
lieurs fe plaignent de fourmiUemens , &
même de douleurs le long de Fépine ;
d'une peianteur douloureufe à la tête , &
du tintement d'creille : quelques-uns ont
des accidens nofturnes , ou une gonorrhée
involontaire, qui les jette dans le plus grand
épuifement: le dégoût furvient ; le ventre,
qui avoit été jufqu'alors parcfieu^ , s'ouvre
quelquefois fans mefure ; & cette diaj-rhée ,
qu'on nomme colUquative , accompagnée le
plus fouvent de fucurs de ja même nature,
précipite les malades dans le plus grand
accablement , qui leur fait perdre quelque-
fois l'ufage des jambes : la peau du_ vifage
enfin fe deflcche ; elle devient livide ou
-verdâtre ; le nez s'affile ; les yeux s'enfon-
cent ; la vue fe trouble , & les tempes fe
o-eufent : c'eft de ce concours que naît ce
.qu'on appelle la face hippocratique , qui
répond à l'alfreufe émaciacion des autres
parties, _
Uheâifie des vieillards , qui eu un
vrai marafme , eft rarement accompa-
gnée de tous ces fymptomes : les pro-
grès font moins rapides ; mais ils con-
.duifent plus fûvcment i\ la mort : qucl-
.ques-uns tombent dans l'hydropifie , d'au-
txes ont une gratelle par-tout le corps ,
qui ne leur biffe aucun repos ; tous per-
dent le goût d;s alimens , &c mciircnt ,
pour la plupart , afTcz paiftbicment , quel-
quefois même ians qu'on s'y attende:
cependant leur fin ejl iouvcnt annoncée
par la gangrené , qui le communique au-
dehors , ou par d'autrcï accidens qui (ont
ics produits du dcflcchemcnt de tautes
},çs pa/ries.
A T R
Le marafine eflentiel , qui né rcconnoît i
par conlcquent , aucun délordre interne ,
fe guérit affez ordinairement lorfqu'il n'eft
pas invétéré : On a remarqué qu'il finifloit,
dans la plupart des jeunes gens , au boue
de fept ans ; mais il , arrive quelquefois ,
avant ce terme, que la poitrine s'afïêdle ,
& qu'il fe fait des épanchemens dans le»
cavitéi de la tête , delà poitrine & du bas-»
ventre , & ces accidens rendent commu-
nément la maladie incurable. Les exacer-»
bâtions de la fièvre, la diarrhée &_le»
lueurs colliquatives , les urines huileuies ,
l'accablement extrême & la face hippo-
cratique annoncent la mort : la Êevro
aiguë , qui termine le plus fouvent Va-
trophie fymptomatique , cit plus rare danâ
l'ellentieile.
Toutes les ouvertures des cadavres dont
je ti-ouve l'hiftoire , ne regardent prefque
qncY atrophie fymptomatique ; & l'on auroit
beaucoup de peine à choifir ce qui con-
vient à ce fujet, fi nos propres recherches
ne venoient au fecours. Outre les obfîruc-
tions , les fuppurations , les pourritures ,
Jes épanchemens , & au-rres défordres com-
muns à tomes les maladies , on obferve les
poumons flétris , d:frechés , remplis de tu-
bercules ou de concrétions plâtreufes ,
rongés, adhérens aux parties qui_ les envi-
ronnent. On trouve des concrétions coe-
neulés dans le cœur &: les grolles artères ;
les veines prefque remplits d'air ; le cœur
défTeché & quelquefois ulcéré ou tuber-
culeux; les vifcercs fiétris & décolorés;
des épanchemens plus ou moins confidé-
rables dans les cavités , & fur-tout des
inondations au cerveau & à la moelle de
l'épine , des engorgemens aux poumonsoii
ailleurs, des vers dans les premières voies.
On a vu , dans une exténuation des plus
empiètes , une quantité étonnante de
giàille dans le méfentere , l'épiploon , &
autres parties du bas -ventre qui en font
fufceptibics. On a vu encore l'ellomac ulcé-
ré , ou fquirrlieuK ; le pylore rederré _&
cartilagineux; la rate ex:r=ii:'.rn-:}« P^^tc
ou offcuie ; l'épiploon collé aux inteïtins ;
&: ces vi(cere.s ne formant qu'un peloton;
le mélcntere farci ti'une matière blanchâ-
tre , fc)hue , & quelquefois picrreulé , iup-
puré , pufride & détruit. Çc qu'on obicrv«
A T R
|>îus particulièrement dnns les vieillards ,
regarde les ofllfications des cartilages , des
tendons , des ligamens , tles artères , des
valvules du coeur , de la taulx , de la rente
du cervelet , 6v. fiins parler de l'altération
des vilceres qu'on ne rencontre que par'
accident: on a vu enfin , dans un kijet
dont l'eflomac & le pancréas étoient Iquir-
rheux , les membres , quo'que rciroidis ,
confervant toute leur flexibilité. On juge
bien que la plupart des déiordres dont on
vient de hiire mention , doivent être regar-
dés comme le produit de la maladie qui tait
le fujet de cet article.
Lalaignée eft ici très-rarement néceflîiire.
Les émétiques & les purgatifs doivent y
être employés , lorique l'état des pre-
mières voies le demande ; hors ce cas , on
doit les donner avec beaucoup de réferve :
cependant l'eflomac doit erre fouvent
regardé comme le foyer de cette maladie ;
& ceû dans la vue d'en rétablir les fondions
qu'on fait ufage des llomacliiques , des
îimers & des fortifinns: tels (ont les citrons ,
le quinquina , l'ablintrie , les martiaux , &
les eaux minérales qui participent de kur
nature. Les humedans , les tempérans , les
dépurans & les anti-fcorbutiques ; les adoii-
ciilàns & les rafraîchi lîans , comme les
crèmes d'orge & de riz , le fàgou , les
gelées ; les bouillons de poulet , d'écre-
viiTés , de limaçons & de tortue : le
lait , le perit-Iait , les émulfions , &c.
font les alimens & les remèdes qui con-
viennent à V atrophie , lorfque l'eilomac
permet d'en ufer. Les caïmans font fouvent
nécefîiyres : le camphre , la liqueur anodyne
minérale , la poudre tempérante, font ceux
qu'on donne avec le plus de lûreté. Les
t'pithêmes ffomachiques , les bains, les fric-
tions , font des acccffoires qui peuvent
avoir leur utilité. On retire enfin de
grands avantages de Ja diiîiparion , du
changement d'air , de l'exercice agréable ,
& fur-tout de celui du cheval ,. &c. La
plupart de ces remèdes peuvent convenir
au roaralme des vieillards , & en retarder les
progrès; mais on doit jilus infillcr fur les
analeptiques , & principalement lur le vin ,
quiefl, comme, on le dit vulgairement , le
lait des vieillards, mais qui dokctrcxoujcurs
éiOUiié d\ ec ménaî^emem.
A T R. 8<?3
"Vatrophie des enfans cfl accompagrfîic de
l'enflure ou de la dureté du ventre, dir
dégoût , ou d'une faim extraordinaire ; de
la toux feche , & quelquefois de l'op-
prefllon , de l'abattement & de la pâleur
au vilage ; de la diarrhée avec les urines
bourbtufes , & très-colorées. Le ventre
cependant s'élève de plus en plus , & devient
douloureux : la fièvre lente , qui devient
plus manifefle , fe renforce pendant I;i
digeflion , & efl accompagnée de foif ; les
extrémités fe refroidifîcnt , & annoncent la
mort. Les enfans peuvent tomber dans le
marafme , lorfque leurs nourrices manquent
de lait , ou qu'ils en tettcm d'une mauvaife-
qualité. L'abus des abforbans , & de remè-
des falins , les alimens grofliers , dont on
nourrit quelquefois les enfans , ^c. peuvent
être encore la four«e de cette maladie ,
qui recelé dans les vifceres , des déiordres
auxquels il efl fouvent impoffible des remé--
dier ; tels font ceux que l'ouverture des
cadavres nous découvre tous les jours , dont
les plus communs confiifent en des obflruc--
tions très-manifefîcs dans les veines laclées
ou des eng-irgeraens fqulrrheux dans les-
glandes du méléntere. On a vu les inteflins-
contenant une efpece de lie noirâtre, rem-
plis de vers & de flatuofirés. Le foie a paru
d'une grofïèur démefurée , & d'une forme
extraordinaire; décoloré, & avec beaucoup-
de dureté : les poumons fe font préfcntés
tachetés de différentes m.anieres , adhérens à
la plèvre , remplis de tubercules , fjppurés ,
& dans un état de pi)urriture.
Un lai< nouveau cff très-fouvent le fe-J.
remode q'fi convient aux enfans à la ma-
melle , lorfque la maladie n'a- pas jeté
encore de profondes racines.. Les iJé—
ayans & les apéritifs légers font employés
et '
avec fuccès , tant pour les enfins au Wt
•que pour les fevrés. On ufe beaucoup de
rhubarbe, & de quelques' autres Ijxatifs';
mais on doit, éviter les purgatifs flimulanj.-,
qui ne manquent guère d'irriter la malKdie.
.On peut enfuite efîayer les amers , & même
les martiaux , pour les enfins fevrés: la
xcrrt foliée de- tartre, le fel de duobus ,
■la liqueur anodyne minér.ile , &: l'huile dc"
tarrre par défaillance , iont encore des
remèdes qu'on fait entrer c': ;is ce traitement,
*0n peu: tirer enfin quelque a\'?.nta^e des-
8^4 A T R
liniraens relâchans , des fomentations cmol-
lienrcs , &: mcme des bains ; on a vu de
grands tfFecs de ces derniers , lorfque l'atro-
phie étoit caufée par les crinons , inl'eftes
qi;i 3fraquenf la peau des enfans , & dont
nous feims mcnrion ailleurs.
l'atrophie dc^'.xtré\n\té^,aridura arnntm,
dépend le plus fouvent d'un vice caché ,
tant dans les nerfs , que dans la moelle de
l'épine , que la feule ouverture des cada-
vres peut manifefter ; mais elle peut recon-
noître une cauie évidente , comme une
tumeur qui comprime les nerts , la luxa-
tion qui produit le même eifet , &c. Ce
dclléchement entraîne , dans la plupart, la
perte du fentiment , & même du mouve-
ment : il fe forme encore quelquefois iur
la partie , des phlyâenes qui la menacent
de gangrené. On guérit aifément cette ma-
ladie , (i clic reconnoît une caufe évidente ;
mais celle qui vient d'un vice des liqueurs ,
eft preicjue incurable. Après les remèdes
généraux , s'ils font jugés nécefl^iires , &
le régime humeûant ou adoucillànt , on
ufe ordinairement des tempérans , des légers
apéritifs & des diaphorétiques , mais le
plus fouvent fans le moindre luccès. On
doit plus attendre de la boifTon des eaux
minérales , tant froides que chaudes , dont
les circonibnces règlent le choix , que de
tous les autres remèdes internes. On peut
tirer quelque avantage des bains de bouil-
lon de tripes , de l'eau de guimauve , &
autres émollicns ; des fridions & ondions
faites avec l'huile de vers , de petit-chien ,
de camomille ; avec l'onguent rof\t , &c.
de la douche des eaux therma'cs , &c. Les
ventoufes feches ont réufli quelquefois ;
mais il faut que la caufe de la maladie
foit bien légère , pour céder à un pareil
remède. (T)
* ATROPOS , une des Parques x'étoit
la plus âgée , il là tonftion , celle de cou-
per le fil de la vie. Voye^ PARQUES.
A TROP US, {Mufiq. inflrum. des anc.)
cfpece d'inllrument de mulîque des anciens ,
dont on ne fait rien de plus. ( F. D. C. )
ATTACHE , f f. fe dit eu général &
de la choîe qui fert à empêcher qu'une
fiutre ne s'en fépare ou ne s'en éloigne , &
de l'endroit où l'on retient quelque choie.
P^ns le premier cas , on dit attacher une
ATT
tapljferie à un mur i & dans le fécond ,
mettre un cheval à Fattache.
Attache , lettres d'attache , font une
permiflion par écrit des oflficiers ou juges des
lieux , à l'effet d'autoriîer dans l'étendue
de leur reiîcjrt , l'exécution d'acies , lettres
ou jugfmens émanés d'ailleurs. [H).
Attache , {Manège.) Mettre un cheval
à l'attache _, c'efl l'attacher à la mangeoire
pour le nourrir avec du foin , de la paille
& de l'avoine. Prendre tant pour ['attache
d'un cheval , c'eft ie faire payer une fomme
pour mettre ieuleraent im cheval à couvert
pendant quelque temps. {V)
Attache , en Jardinage , fe dit d'un
ornement de parterre qui fe lie à un autre ,
& qui y eft pour ainfî dire attaché. Cet
ornement icrt a attache ù celui-ci; {K)
Attache fè dit , chéries bijoutiers, d'un
aflèmblagedediamans mis en œuvre, com-
pofé de deux pièces faites en agraffe ou autre-
ment ; & s^iccrochant l'une à l'autre.
Attache , en Bonneterie y le dit de
grands bas qui vont julqu'au haut des
cuifîès , & qu'on nomme a. iîi bas à bottes.
Attache , en charpenterie , le dit d'une
grolfe pièce de bois qui porte à plomb
iLir les foies, qui loutient le moulin , qui
traverfe verticalement toute fa charpente ,
qui fert d'axe à cette machine , & fur
laquelle elle tourne quand on veut lui fliire
prendre le vent. Fa)v:; MoULIN A VENT.
Attache-BOSSETTE , en terme d'e'pe-
ronnier f eft un morceau de fer de forme
conique à fes deux extrémités , qui iont crcu-
fées pour conferver la tête du clou L'attache-
boj/ètte forme à fon milieu une efpece de
collet qui entre dans un étau.
Attache. Le-i fondeurs appellent ainfî
des tuyaux menus , (oudés par im bout
contre les cires de l'ouvrage , & par l'autre
contre les égouts , & difpofés de manière
qu'ils puilfent conduire la cire dans les
égouts , qui aboufiffent à une iflue générale
à chaque partie de la figure qui peut le
permettre. Voye^ FoNDERIE.
Attache , eft un petit morceau de
peau de mouton , de douze à quinze lignes
de lo;ig , dont le fervent les fondeurs de
caraclercs d'imprimerie pour attacher la m;i-
rrice au.bois de la pièce de dediis du moule.
On met cette attache d'un bout à la ma-
trice
ATT
trice qu'on lie avec du fil , & de l'autre
on l'applique avec la fiilive lur le bois du
moule. Cette attache n'empêche pas la ma-
trice d'être un peu mobile ; mais comme
elle e(l arrêtée par le iobet & le jimblet , elle
reprend la place fi--tôt que l'ouvrier referme
fon moule.
Attache. On donne ce nom , dans les
grojf'cs forges , à deux pièces de bois qui
fervent à contenir le drôme. V. Drome ,
Forge.
Attache , en terme de vannerie , efl
une efpece de lien qu'on iait de plufieurs
brins d'oiîer , pour tenir plus iolidcmcnt le
bord & le relie de l'ouvrage enlcmble.
Attache , en pitrerie j fe dit des petits
morceaux de plomb de deux ou trois pouces
de long , d'une demi-ligne d'épailleur fur
une ligne & demie de largeur , que les vi-
triers ioudent iur les panneaux des vitres ,
pour fixer les verges de ter qui les tiennent
en place.
* ATTACHEMENT , attache , dé-
vouement, (Gram.) Tous marquent une
dilpofition habituelle de l'ame pour un objet
qui nous eft cher , & que nous craignons
de perdre. On a de l'attachement pour i'es
amis & pour les devoirs : on a de l'attache
à la vie & pour fa maîtreflè , &c l'on efl
dévoué à fon prince & pour fa patrie : d'où
l'on voit qu attache fe prend ordinairement
en mauvaife part , & qu attachement & dé-
fouement le prennent ordinairement en
bonne part. On dit de Vattachement , qu'il
efl fincere ; de {'attache , qu'elle efl forte ;
& du dévouement , qu'il efî fans réferve.
ATTACHER , lier, {Art méchanique.)
On lie pour empêcher deux objets de fe iëpa-
rer ; on attache , quand on en veut arrêter
un ; on lie les pies & les mains ; on attache
à un poteau ; on lie avec une corde ; on atta-
che avec un clou. Au figuré , un homme efl
liéf quand il n'a pas la liberté d'agir ; il efl
attaché , quand il ne peut changer. L'auto-
rité lie , l'inclination attache ; on efl lié k la
femme ; & attaché à fa maîtreife.
Attacher , v. a£t. lé dit, dans les ma-
nufactures de foie , des lémples , du corps ,
des arcades & des aigàlles: c'ell le mettre er
état de travailler. ^. VELOURS CISELÉ.
Attacher les rames de rubannerie .
c'ell l'adlon de fixer les rames à l'arcade du
Tome III.
ATT S(îj
bâton de retour. Voici comment cela s'exé-
cute. On prend deux longueurs féparées de
ficelles .1 rames , de quatre aunes environ
chacune ; lelquellcs longueurs fe plient en
deux lans les couper. A l'endroit de ce pli ,
il le forme une bouclette pareille .t celle quC
l'on hv.t pour attacher des anneaux à des
rideaux ; cnluite les quatre bouts de ces lon-
gueurs iè palfcnt dans l'arcade du b;îton
de Retour : après quoi il fe torme une double
bouclette au moyen de la première , en
paffant les longueurs à travers cette même
première ; d'où il arrive que le tout fe trouve
doublement arrêté à ladite arcade. On voit
ailément que voilà quatre rames attachées
enfemble d'une feule opération ; ce qui doit
le fiiire quarante fois lur chaque retour ,
puilque l'ordinaire efl d'y en mettre i6o ,
ainfi qu'il fera dit à farticle rame. Voye\
Rame.
Attacher le mineur à un ouvrage f
c'efl , dans V attaque des places ou la guerre
des fieges , faire entrer le mineur dans le fo-
lide de l'ouvrage , pour y faire une brèche
par le moyen de la mine. Voye\ MiNE.
U attachement du mineur fé fait au mi-
lieu des faces , ou bien au tiers , à le prendre
du coté des angles flanqués des baflions ,
demi-lunes , ou autres ouvrages équivalens.
Il vaudroit mieux que ce fût en approchant
des épaules , parce que l'effet de la raine
couperoit une partie des retranchemens ,
s'il y en avoit ; mais on s'attache , pour
l'ordinaire , à la partie la plus en état & la
plus commode. Cet attachement doit tou-^
jours être précédé de l'occupation du che-
min couvert , & de l'établiffement des par-
ties néceffaires lur le même chemin couvert ;
de la rupture des flancs qui peuvent avoir
vue fur le logement du mineur , & de la
delcente & pafîîige du tolTé , "auquel il fait
ajouter un logement capable de contenir ^o
ou 30 hommes devant le folîé , pour la garde
du mineur.
Après cela on fait entrer fous les man-
driers le mineur , qui commence auUi-tôt à
percer dans l'épauîement , & à s'enfoncer
dans le corps du mur du mieux qu'il peut.
Il faut avouer que cette méthode efl
dure , longue & très-dangereufe , & qu'elle
1 fait périr une infinité de mineurs : car ils
iont long -temps expofés , i*^. au canon
N n n n n
i66
ATT
âes flancs , dont l'ennemi dérobe toujours
quelques coups de temps en ttmps , même
quoiqu'il (bit démonté & en grand défqrdre ,
parce qu'il y remet de nouvelles pièces ,
avec leiquelles il tire quand il peut , & ne
manque guère le logement du mineur ;
2°. au moufquet des tenailles & des flancs
haut &. bas , s'il y en a qui ibient un peu
en état ; 3°. aux pierres , bombes , grena-
des & feux d'artifice que l'ennemi tache de
poufier du haut en bas des parapets ; 4°. aux
furprifes des forties dérobées qu'on ne man-
que pas de faire fort fréquemment ; &
pardeflus cela , à toutes les ruies & con-
tradiâicns des contre-mines : de forte que
la condition d'un mineur , en cet état , efl
extrêmement dangereufe , & recherchée de
peu de gens ; &: ce n'eft pas fans railon , qu'on
dit que ce métier efl le plus périlleux de la
guerre.
Quand cet attachement efl favorifé du
canon en batteries fur les chemins couverts ,
c'eft tout autre chofe ; le péril n'efl pas , à
beaucoup près , fi grand. On enfonce un trou
de 4. ou 5 pies de profondeur au pié du mur ,
eu il fe loge & fe met ;\ couvert , entort peu
de temps , du canon & du moufquet des
flancs , des bombes & grenades & feux
d'artifice , qui ne peuvent rien lui hiire. Peu
de temps après Ion attachement , il n'a
plus que les forties & les contre-mines à
craindre.
Ajoutons ;\ cela que fi , après avoir dé-
combré & vuidé Ion trou de ce qu'il aura
rrouvé d'ébranlé par le canon , il en reiîbrt
pour un peu de temps, &: qu'on recom-
meiice à y faire tirer 50 ou 6q coups de ca-
non bien enlemble , cela contribuera à l'a-
gnindir & à l'cnioncer.
Ce même canon lui rend encore un bon
office , quand il y a des galeries ou contre-
mines dans l'épaiileur du mur , parce qu'il
les peut enloncer à droite & à gauche à
quelque difl.ince du mineur , & par ce moyen
en interdire i'ufage A l'ennemi ; il iert même à
difpofer la prochaine chute du revêtement ,
& à la faciliter. Attaques des places y ^ar
M. de Vauban ( Q )
Attacher : aut , [Manège.) c'ert^ atta-
cher la longe d'un licou aux barreaux du
râtelier , pour empêcher que le cheval ne
manijc fa litière. {V)
ATT
S'attacher à P éperon ^ {^Manège.}
c'efl la même chofe que le jeter fur l'éperon.
Voyei Se jeter. ( V)
ATTACHEUSE , f f. nom que l'on
donne dans les manufaflures de foie , à des
filles , dont la fonftion efl d'attacher les cor-
dages qui fervent dans les métiers. Voje:^
Métier a velours.
* ATTALIE , {Geog. anc. & mod.) ville
maritime de l'Afie mineure dans la Pam-
phylie ; on la nomme aujourd'hui Saialie.
Il y a eu une autre ville de même nom
dans TEolie.
^* ATTANITES , ( Hift. anc. ) forte de
gâteaux que failoient les anciens , & dont il
ne nous reile que le nom.
* ATTAQUE , en médecine , fe dit d'un
accès ou d'un paroxyfme.
Ainfi , l'on dit ordinairement attaque de
goutte , attaque d'apoplexie. Cette attaque a
été violente. V. AcCÈS,PaROX YSME, «S'a.
Attaque , f f. ( An. miUt. ) effort eu
tentiuive qu'on fait contre une perfonne ou
contre un ouvrage , pour parvenir à s'en
rendre maître. Voye\ l'article SiEGE. ( Ç )
Attaque i^Tu/f^utT ou d'emblée, efl une
attaque que l'on fait fans obferver toutes les
précautions &: les formalités qui s'obiervent
ordinairement dans un fiege réglé.
Pour prendre le parti de hrufqucr le fiege
d'une place , il faut être afTuré de la foiblelîê
de la garnifon , ou que la place ne foit dé-
fendue que par les habitans , & que les dér-
tenfcs font en mauvais état.
L'objet de ces fortes A^ attaques , efl de
s'emparer d'abord des dehors de la place.,
de s'y bien établir , & de faire enfùite des
tr. nchées ou des couverts pour mettre les
troupes- à l'abri du feu des remparts , &
continuer eniuite les progrès des axtaques ^
pour s'emparer du corps de la place.
Lorfque cette attaque réuflit , elle donne
le moyen d'abréger beaucoup le fiege ; mais
pour y parvenir, ilfaut nécclTàirement lur,-
prendre la place , attaquer vlgoureulèment
l'ennemi dans fon chemin couvert , & lès
autres dehors-, & ne paslui donner le temps:
de le reconrKiître. En un mot , il faut bruf-
quer les attaques , c'efl-à-dire , s'y porter
avec la plus grande vivacité.
Il y a plufieurs circonflanccs où cette
forte d'' attaque peut fe tenter , comme lorfi-
ATT
que la faifon ne permet pas de faire un fiege
dans les formes ; qu'on eft informe que l'en-
nemi efl à porttie de venir en peu de temps
au iècours de la place , & qu'on ii'eit pas
en état de lui réliller ; enfin , lorfqu'il eft
eirencicl de s'en rendre maître tr(^s-promptc-
ment , & que la nature des fortifica-
tions & des troupes qui les détendent ,
ne permet pas de penfèr qu'elles ioient
en état de réiifler à une attaque vive &:
lou tenue.
Attaque d'emblée , j/oyq ci-dejjhs
Attaque brusquée.
Attaque de bastions ; c'efl ,ya/2j
la guerre des jiegcs , toutes les dil'pofitions
qu'on fait pour en chaifcr immédiatement
l'ennemi , & pénétrer dans la ville. Cette
attaaue efl la principale du fiege , & elle
en eîl ordinairement la dernière : on s'y pré-
pare dans le même temps qu'on travaille à
îè rendre maître de la demi-lune.
" Lorfqu'on eft maître du chemin cou-
» vert , on établit des batteries fur fts bran-
ji ches , pour battre en brèche les faces des
j> baflions du front de \! attaque , & celles
}■> de la demi-lune. Les brèches ie prati-
» quent vers le milieu des faces , pour
» pénétrer plus aiiément dans le bafHon.
» On fait une defccnte de foffé vis-à-vis
7> chaque face des baflions attaques ; ou
»> bien , & c'efi l'ulage le plus commun ,
}■> on en fait feulement vis-à-vis les faces
}) du front de Vattaque. On y procède
>j comme dans la defcente du fofîé de la
?3 demi-lune ; & l'on fe conduit aulil de la
» mcme manière pour le palTage dti folié ,
« foit qu'il foit fec ou plein d'eau ; c'eff-à-
» dire , que s'il eft fec , on conduit une
?> fappe dans le foflé , depuis l'ouverture de
« la defcente , julqu'au pié de la brèche ,
» & qu'on i'épaule fortement du coté du
j) flanc auquel elle eft oppofée. Si le folfé
il eft plein d'eau , on le paffe fur un pont de
» taicines , que l'on conftruit aufll comme
») pour le pafîage du folié de la demi-
ti lune.
» Les batteries établies fur le haut du
« glacis , pour battre en brèche les faces des
)i baflions , tirent fur la partie des faces où
>j doit être la brèche , & elles tirent toutes
w enfemble & en fappe , comme on le prati-
V que dans ïattaque de la demi-lune : &
A TT
8(Î7
»> lorfqu'elles ont fait une brèche {iidjfante
') pour qu'on puillc monter à l'aiiaut fur
» un grand front , on conlèrve une partie
'» des pièces pour battre le haut de la bre-
»> che , & on en recule quelques-unes fur
» le derrière de la p'ate-fonne , qu'on dif-
») pôle de manière qu'elles puillent battre
» l'ennemi , lorfqu'il le préfeiite vers le haut
» de la brèche. Tout cela fe fait pendant
» le travail des defcentes du fofié & de fbti
» pallàge. On ie fert aulli des mines pour
M augmenter la brèche , même quelquetoi.'s
» pour la faire ; & pour cet ellct , on y aita-
>j che le mineur.
" Pour attacher le mineur , lorfque le
»> fofîé eft fec , il fiiut qu'il y aie un locc-
>j ment d'établi proche l'ouverture de la del-
j) cente , pour foutenir en cas que 1 athégé
»> fallè quelque forîie fur le mineur. On lui
» fait une entrée dans le revêtement avec
» le canon , le plus près que l'on peut , du
» fond du foflé , afin d'avoir le deifous du
» terrain que l'ennemi occupe , & des gale-
» ries qu'il peut avoir pratiquées dans i'in-
» térieur des terres du baftion. On peut ,
j) avec le canon , fau'e un enfoncement de >
j> ou 6 pies , pour que le mineur y foit bien-
» tôt à couvert. Il s'occupe d'abord à tirer
» les décombres du trou , pour pouvoir y
» placer un ou deux de les camarades , qui
» doivent lui aider à déblayer les terres de
» la galerie.
" Lorfque le fofîe eft ï^cc , & que le ter-
M rain le permet , le mineur le pade qucl-
>; quetois par une galerie fouterraine qui
" le conduit au pié du revêlement. Lorf-
» que le folfé eft plein d'eau , on n'attend
jj pas toujours que le palTîige du folié loic
>5 entièrement achevé pour attacher le mi-
» neur à la face du baflion. On lui fait un
» enfoncement avec le canon , ainfi qu'on
>j vient de le dire , mais un peu au delTLis
» de la fuperficie de l'eau du folfé , afin
» qu'il n'en foit pas incommodé dans fa
» galerie , & on le tait pafler avec un petit
» bateau dans un enfoncement. L'ennemi
» ne néglige rien pour l'étouffer dans U
)> galerie. Lorfque le foffé eft fec , il jette
» une quantité de différentes compofitions
>j d'artifice vis-à-vis l'œil de la mine. Cet
j) artifice eft ordinairement accompagné
V d'une grcle de pierres , de bombes , de
N n n n n a
ii6S ATT
« grenades , Ùc. qui empêche qu'on n'aille
}> au fecours du mineur. M. de Vauban ,
» dans f on traité de la conduite des Jieges ,
y> pi-opofe de fe fervir de pompes pour
»j éteindre ce feu. On en a aujourd'hui de
» plus parfaites & de plus aifées à fêrvir ,
» que de ion temps , pour jeter de l'eau
jj dans l'endroit que l'on veut ; mais il ne
») paroît pas que l'on puiffc toujours avoir
?' afîez d'eau dans les iolfés fecs pour faire
>5 jouer des pompes ; & que d'ailleurs , il
« foit aifé de s'en fervir fans trop fe décou-
»> vrir à l'ennemi. Quoi qu'il en foit , lorf-
» que le canon a hiit au mineur tout l'en-
>5 foncement dont, il eit capable , il n'a
»> guère à redouter les feux qu'on peut
« jeter à l'entrée de fon ouverture , & il
n peut s'avancer dans les terres du rem-
r> part , & travailler diligemjncnt à fa ga-
>} lerie. Outre le bon office que lui rend le
» canon , pour lui donner d'abord une el-
y> pece de couvert dans les terres du rem-
» part , il peut encore , fi l'ennemi y a
» conflruit des galeries proche le revête-
n ment , les ébranler , & même les crever ;
« ce qui produit encore plus de lûreté au
il mineur pour avancer fon travail. Les mi-
j> neurs fe relaient de deux heures en deux
» heures , & ils travaillent avec la plus
jj grande diligence , pour parvenir à mettre
r> la mine dans l'état de pcrfeélion qu'elle
>5 doir avoir , c'eit-à-dire , pour la charger
» & la fermer. Pendant ce travail , ils éprou-
» vent fouvent bien des chicanes de la part
» de l'ennemi.
» Le mineur ayant percé le revêtement ,
» il tait derrière , de part & d'autre , deux
» petites galeries de n à impies , au bout
?) defquelles il pratique , de part & d'autre ,
» deux tourneaux • iavoir , l'un dans l'é-
» paiffeur du revêtement , & l'autre en-
» foncé de 1 5 pies dans les terres du rem-
»> part. On donne un foyer commun à ces
» quatre tourteaux , lelquels prennent leu
« enicmble , & font une brèche très-large
j> & très-fpacieule.
» Loriqu'il y a des contre-mines pra-
■>■> tiqutes dans les terres du rempart & le
« long de Ion revêtement , on fait enforte
» de s'en emparer , & d'en chader les mi-
»j neurs. M. Goulon propofe pour cela de
w faire fauter deux tougaces dans les envi-
A T T
'» rons , pour tacher de les crever. Aprèj
" quoi , fi l'on y eil parvenu , il veut
» qu'on y entre avec dix ou douze gre-
» nadiers , & autant de foldats , comman-
» dés par deux (ergens ; qu'une partie de
»5 ces grenadiers aient chacun 4 grenades ,
" & que les autres foient chargés de 4
» ou 5 bombes , dont il n'y en ait que 3
» de chargées , les deux autres ayant néan-
»> moins la hilée chargée comme les trois
» premières. Les deux fergens fe doivent
» jeter les premiers l'épée ou le pifiolet ù
» la main dans la contre-mine , & être
>5 fuivis des grenadiers. Si les alîiégés n'y
» paroill'ent pas pour détendre leur con-
» tre - mme , on y tait promptement un
" logement avec des facs à terre. Ce lo»
» gement ne confifle qu'en une bonne
» rraverie qui bouche entièrement la ga-
» lerie de la contre - mine du côté que
" l'ennemi peut y venir. Si l'ennemi vient
»> pour s'oppoler à ce travail , les grena-
>5 diers doivent lui jeter leurs trois bom-
n bes chargées , & le retirer promptement ,
>j de même que leurs camarades , pour
») n'être point incommodés de l'etiet de
» ces bombes. La tumée qu'elles font en
" crevant , & leur éclat , ne peuvent man-
T> quer d'obliger l'ennemi d'abandonner la
T> galerie pour quelque temps \ mais dès
'> qu'elles ont fait tout leur effet , les deux
>j fergens &: les grenadiers , avec les lol-
» dats dont ils tout accompagnés , ren-
» trenr promptement dans la galerie , &
>5 travaillent avec diligence à leur tra—
" verte pour boucher la galerie. Si l'en—
" nemi \eut encore interrompre leur ou—
»> vrage , ils lui jettent les deux bombes
» non chargées , qui l'obligent de te retirer
» bien promptement ; & comme l'etïét
» n'en eft point à craindre , ce que l'en-
» nemi ignore, on continue de travailler à
» pertedionner la traverle : on y pratique
') même des < uvertures ou créneaux pour
>5 tirer lur l'ennemi , en cas qu'il paroitîè
» dans la partie de la galerie oppolée à la
>5 travtrle.
" Loriqu'il n'y a point de galerie ou de
» contre -mine derrière le revêtement du
n rempart , ou loriqu'il y en a une , &
» qu'on ne peut y parvenir aifément , le
n mineur ne doit rien négliger poux tâcher
ATT
») de la découvrir ; (S: il doit en même ]
» temps veiller , avec beaucoup d'attention , !
» pour ne pas le laiiTer furprcndre par les j
» mineurs ennemis , qui \iennent au de-
« vant de lui pour l'ctoulkT dans la ga-
j> lerie , la bouclier , & détruire entière- j
»j ment fon travail. Il faut beaucoup d'in-
» tclligence , d'adrefle & de fubtilité dans
» les mineurs , pour fe parer des pièges
>J qu'ils i"e tendent réciproquement. Le
»> mineur , dit M. de Vauban dans ies
» mémoires , doit écouter /eurent s^il n'en-
» tend point tiaraillerfous lui. Ildoitfon-
»> der du côte qu'il entend du bruit: fouvent
» on entend d'un côté , pendant qu'on tra-
» paille de l'autre. Si le mineur ennemi
w s'approche de trop près , on le prévient
» par une fou,<;ace , qui l'étouiîe dans la ga-
» lerie. Pour cet elFet , on pratique un trou
}> dans les terres de la galerie , du côté que
» l'on entend l'ennemi , de cinq à fix
« pouces de diamètre , & de fix à lept
f> pouces de profondeur ; on y introduit
>' une gargouffe de même diamètre , qui
" contient environ dix à douze livres de
»> poudre. On bouche exadement le trou
f> ou fon ouverture vers la galerie par
*> un fort tampon , que l'on applique im-
»' médiatement à la gargoufle , & que
n l'on foutient par des éterfillons , ou à^s
*y pièces de bois pofées horizontalement en
» travers de la galerie , que l'on iène
» contre les deux côtés de la galerie , en
» faifant entrer des coins à force entre
« l'extrémité de ces pièces & les côtés de
« la galerie. On met le feu à cette tougafie
>' par une lufte , qui pafle par un trou fait
»' dans le tampon , &; qui communique
>' avec la poudre de la gargouH'e. Si la
» galerie du mineur ennemi n'eil qu'à
" quatre ou cinq pies de la tête de cette
" fougaile , elle en fera indubitablement
» enfoncée , & le mineur qui fe trouvera
« dedans , écralé ou étouffé par la tumée.
« On peut aufli chafler le mineur ennemi
f> & rompre fa galerie , en f;iiiant , comme
» nous l'avons déjà dit , fauter fuccelh-
w vement plulieurs petits fourneaux , qui
» ne peuvent manquer d'ébranler les terres ,
» de les meurtrir , c'e{l-à-dire , de les cre-
»5 valîer , & de le"s remplir d'une odeur fi
» puante , q;uc perlom^^e ne la puilie fup-
A T T
8<Î9
» porter ; ce qui met les m'neurs ennemis'
» abfolument hors d'état de travailler dans
» ces terres. On en cÛ moins incommodé
» du côté de l'aliicgcant , parce que les
» galeries étant beaucoup plus petites &
» moins entcincées que celles des afiiégés ,
» l'air y circule plus ailément , & diflipc
» plus liromptcnicnt la mauvailê odeur.
>y On peut aulii crever la galerie de
» l'ennemi, lorlque Ion n'en eft pas fort
» éloigné , avec plulieurs bombes que l'on
» introduit dans les terres du mineur
» ennemi , & que Ton arrange de manière
» qu'elles fafîent leur effet vers Ion côté.
» Les mineurs , en travaillant de part &
» d'autre pour aller à la découverte & le
» prévenir réciproquement , ont de gran-
» des iondes avec lelqucUes ils fondent
}■) l'epalileur des terres , pour juger de la
>■> dilfance à laquelle ils peuvent ie trouver
» les uns des auires. Il faut être alerte là-
» delîus ; & lorlque le bout de la fonde
» paroîr , (e tliipofer à remplir le trou
» qu'elle aura fait , auiii-tôt qu'elle fera
>y retirée , par le bout d'un piffolet , qui
» étant introduit bien directement dans.
" ce trou , & tiré par un homme alîuré ,
» dit M. de Vauban , ne peut guère
M manquer de tuer le mineur ennemi.
»j On doit faire iliivre le premier cotfp
») de piilolet de trois ou quatre autres ;
" & eniuite nettoyer le trou avec la
» fonde , pour empêcher que le mineur
» ennemi ne le bouche de ion côté. Il eif
» important de l'en empêcher, pour qU*il
" ne piiiile pas continuer ton travail darts
" cet endroit , & qu'il Ibit totalement
" obligé de l'abandonner.
» lotîtes ces chicanes , & plufieur»
« autres qu'on peut voir dans les mémoires
» de M. de Vauban , font connoître que
n l'emploi de mineur demande non feu-
>? lement de l'adrefle & de l'intelligence ,
>5 mais auili beaucoup de courage poar
» parer & remédier à tous les obftacles
» qu'il rencontre dans la conduite dès
» travaux dont il eff chargé : il s'en pafc
>} aficz ai'ément quand il eil maître du
» defibus ; mais quand il ne l'ell poirif ,
» fa condition efi des plus fàcheufes.
» Pour s'affî:rer 11 l'on travaille dafts !a
w galerie, le mineur iè Itrt otàkmttè-^
S70 ATT
» ment d'un tambour , fur lequel on met
>3 quelque cholé ; rcbranlement de la terre
3J y caufe un certain trémouflement ,
>' qui avertit du travail qu'on lait def-
»' ious : il prête auill l'oreille attentive-
*) ment fur la terre , mais le trémoufîe-
»> ment du tambour ell: plus iur. C'cll
« un dei avantages les plus confidérables
» des affiégés de pouvoir être maîtres du
» deflous de leur terrain. Ils peuvent
?j arrêter par-là les mineurs des alîiégeans
}} à chaque pas , &c leur taire payer ché-
» ■ rement le terrain qu'ils fe trouvent à
>' la fin obligés de leur abandonner. Je-
f> dis de leur abandonner , parce que les
» ailiégeans , qui ont beaucoup plus de
n monde que les ailiégés , beaucoup plus
*> de poudre , & qui font en état de pou-
» voir réparer les pertes qu'ils font , foit
» en hommes , foit en munitions , doi-
»> vent à la fin forcer les alilégés , qui
« n'ont pas les mêmes avantages , de le
f> rendre , faute de pouvoir , pour ainfi
»> dire , fe renouveller de la même ma-
ry niere.
}) Pendant que le mineur travaille à la
*> conihuc^ion de fa galerie , on agit pour
»> ruiner entièrement toutes les dcicnlès
»> de l'ennemi , & pour le mettre hors
») d'état de défendre fa brèche & de la
f} réparer. Pour cela on fait un feu con-
»> tinuel fur les brèches , qui empêche
n l'ennemi de s'y montrer , & de pou-
w voir s'avancer pour regarder les^travaux
» qui peuvent fe filre dans le foflé ou au
»3 pié des brèches. S'il y a une teniiiUe ,
»> on place des batteries dans les places d'ar-
»3 mes rentrantes du chemin couvert de
« la demi-lune , qui couvrent la courtine
» du front attaqué , qui puiffcnt plonger
»> dans la tenaille , &: empêcher que l'en-
w nemi ne s'en ferve pour incommoder
tj le palTage du foffé. On peut auflî ,_ pour
« lui impolér , établir une batterie de
»j pierriers dans le logement le plus a\ancé
yj de la gorge de la demi-lune ; cette
f> batterie étant bien fa-vie , rciid le
»j féjour de la tenaille trop dangereux &
f> trop incommode, pour que l'ennemi y
») relie tranquillement, & qu'il y donne
»> toute l'atteniion nécclîàire pour incom-
ji; ipoder le paflage du iolfé.
»
y)
>j
y>
»
yy
»
»
»
»
»
>y
J3
»
»
>3
»
»
»
>J
>J
M
»
»
ATT
" Quelquefois l'ennemi pratique des em»
braliires biailées dans la courtine , d'où
il peut auiii tirer du canon fur les
logemens du chemin couvert , ce qui
incommode & ces logemens & le com-
mencement de la delcente du toffé. Les
alîîégés , au dernier firge de Pliilips-
bourg , en avoienC pratiqué de lembla-
bles dans les deux courtines de ['atta-
que ; ce qui auroit tait perdre bien du
monde , s'il avoit lallu établir des bat-
teries fur leur contrefcarpe , & faire le
pafîiige du tolîe de la place.
» Le moyen d'empêcher l'effet de ces
batteries , elf de tâcher de les ruiner
avec les bombes , &: de fiiire enforte ,
lorfque le terrain le permet , d'enfîler
la courtine par le ricochet. On peut
auHI placer une batterie de quatre ou
cinq pièces de canon fur le haut de
fangle flanqué de la demi-lune : dans
cette pofition , elle peut tirer direélement
fur la courtine , & plonger vers la
tenaille & la poterne de communication,
par où l'ennemi communique dans le
folTé lorfqu'il efl fec. Enfin on ié fert
de tous les expédiens & de tous les
mo> cns que l'intelligence , l'expérience
& le génie peuvent donner , pour fe
rendre iiipérieur à tout le feu de l'enne-
mi , pour le faire taire , ou du moins
pour que l'ennemi ne puiflè fe montrer
à aucune de lés défeniés , fans y être
expofé au feu des batteries & des loge-
mens.
>j Nous n'avons point parlé jufqu'ici des
flancs concaves & à orillons ; on fait
que l'avantage de ces flancs eft princi-
palement de conferver un canon proche
le revers de l'orillon , qui ne pouvant
être vu du chemin couvert oppofé , ne
peut être démonté par les batteiies qui
y font placées. Si Ton pouvoit garantir
ce canon des bombes , il cfl ccrtaio
qu'il produiroit un très-grand avantage
aux affiégés; mais il n'elf pas poffible
de le préfcmer , ainfi fon avantage
deviens aujourd'hui moins confidérablç
qu'il ne l'étoit lorfque M. de Vaubao
s'en cil fervi : alors on ne failoit pas
dans les ficges une auflî grande cgn-
ibmmation de bombes qu'.i préiL'ni.
ATT
n Le flanc concave il orillon ne chan-
j> gcroit rien aujourd'hui dans les dii'po-
>j lirions de Witcaque ; on auroir Iculcincnt
r> attention de taire tomber pluiicurs bom-
« bes iur l'orillon , & iur la partie du
r flanc qui y joint immédiatement , &
» CCS bombes ruineroient indubitablement
» l'embralure cachée & protégée de l'o-
;» rillon. Un avantage , do.it il faut ctpen-
» dant convenir qu'ont encore aujour-
>5 d'hui les- flancs concaves , c'eft de ne
7i pouvoir pas être enfilés par le ricochet.
71 Les flancs droits le peuvent être des
7) batteries placées dans les places d'armes
?> rentrantes du chemin couvert , vis-à-vis
« les faces des balHons ; mais les flancs
» concaves , par leur difpolition , en !onr
« à l'abri.
>» Suppofons préfentcment que les paf-
r> lages des tollés l'oient dans l'état de
« perfeûion néceflâire pour qu'on puillê
» pafler deflus ; que le canon ou les
« mines aient donné aux brèches toute
»' la largeur qu'elles doivent avoir ,, pour
?) qu'on puifle y déboucher iur un grand
jy front ; que les rampes foient adoucies ,
>3 & qu'on puifTc y monter ficilement
y> pour parvenir au haut de la brèche. On
« peut s'y établir en luivaiit l'un des deux
» moyens dont on parlera dans l'article de
>5 la demi-lune. ,• favoir , en y tailant monter
>J quelques tàppeurs , qui , à la tavcur
>} du teu des batteries & des logemcns du
?j chemin couvert, commencent l'établil-
»> fement du logement ; ou en y montant
7> en corps de troupes , pour s'y établir
3i de vive forcé ; 6u , ce qui efl: la même
» chofe , en donnant Taflaut au baflion. .
55 Si l'ennemi n'a point pratiqué de
» retranchement dans l'intérieur du bafiion,
» il ne prendra guère le parti de foutenir
>■) un afîàut qui l'expoferoit à être emporté
?) de vive force , à être tait prifonnier de
>» guerre , & qui expoleroit auffi la ville
3> au pillage du foldat.
>5 Tout étant prêt pour lui donner' l'af-
?> faut , il battra la chamade , c'ell-à-dlre
« qu'il demandera à fe rendre à de cer-
j> taincs conditioas ; mais h les affiégeans
*> préfument qu'ils fe rendront maîtres de
« la place par un affaut , fans grande
?) perte , ils ne voudront accorder que des
ATT 871
conditions allez dures. Plus les aflîégés
font en état de fe défendre, & plus ils
obtiennent des conditions avantageufcs,
mais moins honorables pour eux. Le
devoir des officiers renfermés dans une
place , efl de la défendre autant qu'il elî
pollible , & de ne fonger à fe rendre ,
que lorfqu'il c{\ ablblument démontré
qu'il y a impoilibilité de réfillcr plus
long-temps lans expoi'er la place & lagar-
niion àla difcrétior^dc l'alilégcant. Une
détenfc vigoureufe fe fait re!j:ieaer d'un
ennemi généreux , & elle l'engage fou-
vent à accorder au gouverneur les hon-
neurs de la guerre , dûs à fa bravoure
& à fon intelligence.
» Nousj fuppolons ici que de bons rc-
tranchemens j-iratiqucs long-temps avant
le fiege , ou du moins dès fon com.^
mencement , dans le centre ou à la gorge
des baflions ,- mettent l'alliégc en état
de foutenir un allaut au corps de i'n-
place, &: qu'il fe réferve de capituler
derrierefes retranchcmens. Il faut dans
ce cas fe réfoudre d'emporter la brèche
de vive force, & d'y faire un logement
fur le haut , après en avoir chaiic l'en-
nemi.
» Lorfqu'on fe propofe de donner l'aP-'
faut aux bafiions , on fiit pendant le"
temps qu'on conflruit & qu'on charge ■
les_ mines , un amas conlidérable de ma-
tériaux dans- les logemcns les plus pro^
chains des brèches , pour qu'on puilTc
de mam en main les faire paifer promp- •
tement pour la conflruâion du loge-
ment , aufil-tot qu'on aura- chalTé l'en- •
nemi.
» Lorfqu'on eft préparé pour mettre le
feu aux mines , on commande tous les
grenadiers de l'armée pour monter à l'ail
laut ; on les fait foutenir de détache-i
mens- & de bataillons en allez grand-
nombre pour que l'ennemi né puilîè pas
réfiller à leur attaque. Ces troupes étant
en étar de donner., on fait jouer le^
mines; & , dorfque la poulîiere efl u.f
pcir tombée., les grenadiers comman-
des pour marcher & pour monter lerf
premiers , s'ébranlent pour gagner le
pié de- la brèche , 011 , étant parvenus ,
ils y. montent la bayonnet« au bout-d.f
gyi ATT
„ tufil , fuivis de toutes le troupes qui
„ doivent les foutenir. L'ennemi qui peut
» avoir confervé des fourneaux , ne man-
„ quera pas de les faire fauter. Il fera auflî
,) tomber i'ur les alTaillans tous les feux
,) d'artifice qu'il pourra imaginer , & leur
„ fera payer le plus cher qu'il pourra , le
» terrain qu'il leur abandonnera fur le haut
,j de la brèche : mais enfin il faudra qu'il
,y le leur abandonne ; la fupériorité des
>j allîégeans doit vaincre à la fin tous les
,i obikcles des aiîîégés. S'ils font al|"ez
,j heureux pour réfiller à un premier
M alîaut , ils ne le feront pas pour réiifler
» à un iècond ou à un troiileme: ninii
» il faudra qu'ils prennent le parti de ie
« retirer dans leurs retranchemens. AuiTi-
« tôt qu'ils auront été repouifés , & qu'ils
}i auront abandonné le haut de la brèche ,
« on lera bien de travailler en diligence au
« logement. Il confiitera d'abord en une
>5 elpece d'arc de cercle , dont la convexité
>} léra tournée vers_ l'ennemi , s'il y a une
» brèche aux deux faces des deux bafiions ;
n autrement on s'établira fimplement au
M haut de la brèche. On donne l'alfaut à
il toutes' les brèches enfemble ; par-là on
» partage la réfiilance de l'ennemi , & on
» la rend moins confidérable. Pendant
» toute la durée de cette aâion , les bat-
») teries & les logemens font le plus gratid
»> feu lùr toutes les défenfes de l'ennemi ,
»5 & dans tous les lieux où il eft placé ,
»5 & fur lefquels on peut tirer fims incom-
f* moder les troupes qui donnent fur les
w brèches.
» Le logement fur la brèche étant bien
» établi , on pouflèra des (appes à droite
j> & à gauche vers le centre du baftion.
» On fera monter du canon fur la brèche ,
» pour battre le retranchement intérieur ;
>} on paOcra fon fofle & on s'établira fur
» fa brèche , en pratiquant tout ce qu'on
»> vient de dii-e pour les bafiions. Si ce
« premier retranchement étoit luivi d'un
f> fécond , l'ennemi , après avoir été forcé
» de l'abandonner , le retireroit dans
>j celui-ci p(jur capituler. On l'attaqueroit
» encore comme dans le premier , &
» enfin on le torceroit de fe rendre. Il ell
» allez rare de voir des défenfes poulTées
f> auiG loin que nous avons fuppofé celle-
AT T
» ci ; mais ce long détail étoit nccenalre
» pour donner ime idée de ce qu'il y
» auroir à faire , fi l'ennemi vouloit poul-
»j fer la réfiilance jufqu'à la dftniere ex-
>j trémité.
M Dans Vattaque des retranchemens
') intérieurs , outre le canon , il taut y
>5 employer les bombes & les pierriers. Les
» bombes y caufènt de grands ravages ,
>3 parce que les afliégés font obligés de
>3 fe tenir en gros corps dans ces retran-
>j chemens , qui font toujours affez
o petits ; & par cette raiion les pierriers y
" font d'un uiage excellent par la grêle
>5 de pierres qu'ils font tomber dans ces
5> ouvrages , qui tuent &: eilropient beau-
»j coup de monde. j> Attaque des places ,
par M. le Blond.
Attaque d'une citadelle. Les attaques
des citadelles n'ont rien de différent de
celles des villes: on s'y conduit ablolument
de la même manière. Lorlqu'on eft obligé
de commencer le fiege d'une place où
il y a une citadelle , par la place même,
on eff dans le cas de faire deux fi ges au
lieu d'un : mais il arrive fouvent que cet
inconvénient efl moins grand que de s'ex-
pofer à Vattaque d'une citadelle , qui peut
tirer de la ville de quoi prolonger fii détenfè.
Il eff aifé d'en dilputer le terrain pié à
pié , & de faire encore un grand & fort
retranchement fur l'efplanade , qui arrête
l'ennemi. Si l'on avoit d'abord attaqué la
ville de Turin au lieu de la citadelle , ce
fiege n'auroit pas eu le trifie événement
que tout le monde fait : c'efl le lenti-
ment de M. de Feuquieres. Voye\ le IV.
l'el. de fes Mémoires , pag. t ^^.
Attaque DE Flanc ;c'elt, dans Van
militaire , Vattaque d'une armée ou d'une
troupe fur le flanc ou le côté. Cette attaque
efl fort dangereufc : c'efï pourquoi on a
loin de couvrir autant qu'on le peut les
flancs d'une armée ou d'une troupe par des
villages , des rivières , ou fortifications natu-
relles , qui empêchent l'ennemi de pouvoir
former ou diriger lôn attaque iiir les flancs
de la troupe qu'il veut combattre. Voye:^
Flanc & Aile.
Attaque de Front; c'efl, dans
l'art militaire , l'attaque qui fe fait lur le
devant ou la tête d'une troupe.
Attaque
ATT
Attaque des lignes de conval-
LATION , c'ell: rcfFort que l'ennemi t'air
pour y pénétrer , & en chafler ceux qui les
défendent.
Le plus difficile & le plus dangereux de
cette attaque , c'eft le comblement du foiïé.
On (è fert pour cet effet de falcines ; chaque
foldat en porte une devant lui , ce qui
fauve bien des coups de hjfil avant qu'on
arrive , fur-tout quand elles font bien fai-
tes & compofées de menu bois. Lorfqu'on
eft arrivé fur le bord du forte , les foldats
fè les donnent de main en main pendant
qu'on les parte par les armes. Il ftut avouer
que cette méthode tft fort incommode &
tort meurtrière. M. le chevalier de Folard ,
qui tait cette obfervation , propofe , pour
conierver les troupes dans cette adion , de
faire plulîeurs chaffis de fept à huit pies
de large , fur dix à douze de longueur ,
iuivant la largeur du torté. Ces chaflis doi-
vent ctre compoi'és de trois ou quatre ioli-
veaux de brin de lapin , de quatre pouces
de largeur lur cinq d'épaifl"eur, pour avoir
plus de force pour foutenir le poids des
loldats qui pafleront deflîis , avec des tra-
vers bien cmmortoifés. On cloue dertus des
planches de lapin. Pour mieux ailurer ces
ponts , on peut pratiquer aux extrémités des
grapins , qui s'enfoncent fur la bern-K ou (ùr
le falcinage des lignes.
Loriqu'on veut ie fei"vir de ces ponts , il
faut les taire monter dans le camp & les voi-
turer lur des chariots derrière les colonnes ,
â une certaine dirtance des retranchemens ,
après quoi on les fait porter par des foldars
commandés à cet effet , qui les jettent lur
le forte lorlque les troupes font arrivées ,
obfervant de les pofer & placer à côté les
uns des autres , de manière qu'ils pudfent
fe toucher. Vingt ponts conftruits de la
forte llifEfent pour le partage d'une colonne ,
& lairteront encore des efpaces luffilans pour
celui des grenadiers.
On peut encore le fervir, pour le com-
blement des lignes , d'un autre expédient
qui exige moins de préparatifs. Il faut faire
faire de grands lacs de grorte toile , de
huit pies de long , qu'on remplira des deux
côtés de paille , de feuilles d'arbres , ou de
fumier , qui eft encore meilleur à caule
du feu. On roulera fur trois rangs paral-
Tome m.
ATT 873
leles , un nombre de ces ballots , A la têic
& iur tout le front des colonnes , qu'oa
jettera dans le folfé , d'abord le premier
rang , enluite le fécond , & ainfi des autres ,
s'il en faut plulîeurs. Deux ou trois de ces
rangs de ballots lufîîront de relie pour com-
bler le forte , il on leur donne cinq pies de
diamètre. Comme il peut relier quelque vui-
dc entre les ballots , à caufe de leur ron-
deur, on jettera quelques fafcines defius , que
les loldats des premiers rangs des colonnes
doivent porter. Cette méthode de combler
un tofl^é , a cet avantage , que les foldats qui
roulent ces ballots devant eux, arrivent à
couvert julqu'au bord du fofl^é. On peut
fe fervir également de ballots de fafcines.
Folard , Comment, fur Polybe.
Attaques d'une place; ce font en gé-
néral toutes les aclions & tous les difFérens
travaux qu'on fait pour s'en emparer. Voy.
Tranchée , Sappe , Parallèle ou
Place d'armes, Logement, ùc ,
Régler les attaques d'une place ; c'efl dé-'
terminer le nombre qu'on veut en faire , &
les côtés ou les fronts par lefquels on veut
l'attaquer ; c'eil auffi fixer la forme & la
figure des tranchées, y^voir les attaques
d'une place , ceiï avoir un plan lur lequel
les tranchées , les logemens , les batteries ,
£v. lont tracés.
Maximes ou principes qu^ on doit obferver
dans r attaque des places. L II faut s'appro-
cher de la place fans en être découvert,
direélemexit ou obliquement , ou par le
flanc.
Si l'on faifoit les tranchées en allant
direélement à la place par le plus court
chemin , on y fcroit en bute aux corps des
ennemis poflcs fur les pièces de la fortifica-
tion où la tranchée aboutiroit J & fi l'on
y alloit obliquement , pour lortir de la
diredion du feu de l'endroit où l'on veut
aller, & que la tranchée fût vue dans toute
la longueur par quelqu'autre pièce de la
fortitication de la place , les foldats , placés
fur cette pièce de fortification , verroient
le flanc de ceux de la tranchée , laquelle
ie trouvant ainfî enfilée par l'ennemi , ne
garantiroit nullement du feu de la place
les loldats qui leroient dedans.
Or comme l'objet des tranchées eft de
^ les en garantir , il faut donc qu'elles foicnt
O 000 0
874 ATT
dirigées de manière qu'elles ne folent ni en
vue , ni enfilées par l'ennemi , d'aucun
endroit.
II. II faut éviter de faire plus d'ouvrage
qu'il n'en cil beloin pour s'approcher de la
place fans être vu , c'eft-à-dire , qu'il faut
s'en approcher par le chemin le plus court
qu'il ell poflible de tenir , en fe couvrant
ou détournant des coups de l'ennemi.
III. Que toutes les parties des tranchées
fe foutiennent réciproquement , & que
celles qui font les plus avancées , ne foient
éloignées de celles qui doivent les défendre ,
que de 12.0 ou 130 toifes , c'eit-à-dire , de
la portée du fulil.
IV. Que les parallèles ou places d'armes
les plus éloignées de la place , aient plus
d'étendue que celles qui en font plus pro-
ches , afin de prendre l'affiégé par le flanc ,
s'il vouloit attaquer ces derniers parallèles.
V. Que la tranchée foit ouverte ou
commencée le plus près de la place qu'il
eil poflible , fans trop s'expofer , afin d ac-
célérer & diminuer les travaux du fiege.
VI. Obferver de bien lier les attaques ,
c'eft-à-dire , d'avoir foin qu'elles aient des
communications , pour pouvoir fe donner
du fecours réciproquement.
VII. Ne jamais avancer un ouvrage en
avant , fans qu'il ioit bien foutenu ; & ,
pour cette raiion , dans l'inreryalle de la
féconde & de la troiiieme place d'armes ,
faire, de part & d'autre de la tranchée ,
des retours de 40 ou 50, roifes parallèles
aux places d'armes , & conflruits de la
même manière, qui fervent à placer des
i'oldats pour protéger les travaux que l'on
fait pour parvenir à la troiiieme place d'ar-
mes. Ces lortes de retours , dont l'ufage
cû le même que celui des places d'armes ,
le nomment aemi-places d'armes.
VIII. Oblerver de placer les batteries de
canon iur le prolongement des pièces atta-
quées , afin qu'elles en arrêtent le feu , &
que les travaux en étant protégés , avancent
plus aiiément & plus promptement.
IX. Embraflcr , par cette raiion , tou-
jours le Iront des attaques , afin d'avoir
toute l'étendue nécedaire pour placer les
batteries Iur le prolongement des faces des
pièces couvertes.
X. Eviter avec foin d'attaquer par des
ATT
lieux ferrés, comme auflî par des angles
rentrans , qui donneroient lieu à l'ennemi
de croifer fes leux fur les attaques.
On attaque ordinairement les places du
côté le plus foible : mais il n'eft pas tou-
jours aifé de le remarquer. On a beau
reconnoître une place de jour & de nuit,
on ne voit pas ce qu'elle renferme : il faut
donc tâcher d'en être infiruit par quelqu'un
à qui elle ioit parfaitement connue. Il ne
faut rien négliger pour prendre à cet égard
tous les éclaircilfemens poflibles.
Il n'y a point de place qui n'ait fon fort
& fon foihle , à moins qu'elle ne ioit régu-
lière & iiruée au milieu d'une plaine , qui
n'avantage en rien ime partie plus que
l'autre ; telle qu'eil le Neuf-Brilach. En ce
cas , il n'efl plus queilion d'en réioudre les
attaques que par rapport aux commodités ,
c'efl-à-dire , par le côté le plus à portée-
du quartier du, roi , du parc d'artillerie &
des lieux les plus propres à tirer des falcines ,.
des gabions , fiv. Comme il fe trouve fort-
peu de places fortifiées régulièrement , la-
diverfité de leur fortification , & du terraia
iur lequel elles font firuées , demande au-
tant de différentes observations particulières-
pour leur attaque.
Si la fortification d'une place a quelque
côté fur un rocher, de 25 , 30 , 40, 50
ou 60 pies de haut , que ce rocher foie
fain & bien el'carpé , nous la dirons inac-
ceiîible par ce côté ; fi ce rocher bat auprès
d'une rivière d'eau courante ou dormante,
ce i'era encore pis : fi quelque côté , en
plein terrain , ell bordé par une rivière qui
ne ioit pas guéable , & qui ne puiflè être
détournée ; que cette rivière foit bordée du
côté de la place d'une bonne fortification ,
capable d'en défendre le paliàge , on pourra
la dire inattaquable *par ce côté : fi fon
cours efl accompagné de prairies baiîès &
marécageufes en tout temps , elle le iera-
encore davantage.
Si la place ell environnée en partie d'eau
& de marais, qui ne fe puifîent dellécher,
& en partie accefiible par des terrains fecs
qui bordent ces marais ; que ces avenues
ioient bien fortifiées , & qu'il y ait des
pièces dans le marais qui ne ioient pas
abordables , & qtii puiilcnt voir de revers,
les attaques du terrain ferme qui les joint ;
ATT
ce ne doit pas être un lieu avantageux aux
attaques , ;\ caufe de ces pièces inacccllibles ,
parce qu'il faut pouvoir embrafTèr ce que
J'on attaque. Si la place efl toute environ-
née de terres bafles & de marais , comme
il s'en trouve aux Pays-Bas , & qu'elle ne
foit abordable que par des cliaufiees ; il
faut i". conlldércr il l'on ne peut point
deflecher les marais , s'il n'y a point de
temps dans l'année où ils fc deficcbent
d'eux-mêmes , & en quelle failon ; en un
mot , fi l'on ne peut pas les iaire écouler &
les mettre à fec.
2.°. Si les chauffées font droites ou tor-
tues , enfilées en tout ou en partie de la
place , & de quelle étendue eft la partie
qui ne l'eft pas , & à quelle diftance de la
place ; quelle en elî la lai-geur , & fi l'on peut
y tournoyer une tranchée en la défilant.
3°. Si l'on peut afleoir des batteries au
deiïus ou à côté , lur quelque terrain moins
bas que les autres , qui puilfent croilèr lur
les parties attaquées de la place.
4°. Voir fi les chauffées font fi fort en-
filées , qu'il n'y ait point de tranfverfales
un peu conlidérables , qui fartent Iront à
la place d'all'ez près ; & s'il n'y a point
quelque endroit qui puifle faire un couvert
confidérable contre elle , en relevant une
partie de leur épaiifeur fur l'autre , & à
quelle diftance de la place elles fe trouvent.
5". Si des chaufîées , voifines l'une de
l'autre , aboutilîènt à la place , fe joignent ,
& en quel endroit ; & fi , étant occupées
par les attaques , elles peuvent s'entre-ie-
courir par des vues de canons croiiés , ou
de revers , lur les pièces attaquées.
6°. De quelle nature eft le rempart de la
place , & de fes dehors ; fi elle a des che-
mins couverts , fi les chauffées qui les abor-
dent y font jointes , & s'il n'y a point quel-
qu'avant-foffé plein d'eau courante ou dor-
mante qui les lépare : où cela fe rencontre ,
nous concluons qu'il ne faut jamais atta-
quer par-là , pour peu qu'il y ait d'appa-
rence d'approcher de la place par ailleurs ,
parce qu'on eft prelque toujours enfilé &
continuellement écharpé du canon , ians
moyen de pouvoir s'en détendre , ni de s'en
rendre maître , ou cmbraffer les parties atta-
quées de la place
ATT S75
par où l'on peut cmbraffer les fronts de
Y attaque ; parce que ccux-L\ font toujours à
préférer aux autres.
2°. La quantité de pièces à prendre avant
de pouvoir arriver au corps de la place ; leur
qualité & celle du terrain lur lequel elles font
fituées.
3°. Si la place eft baftionnce & revêtue.
4-°. Si la fortification eft régulière , ou à-
peu-près équivalente.
î°. Si elle eft couverte par quantité de
dehors , quels & combien ; parce qu'il faut
s'attendre à autant d'affaires qu'il y aura de
pièces à prendre.
6°. Si les chemins couverts font bien
faits , contreminés & paliffadés ; fi les glacis
en font roides , & non commandés des pie-
ces fupéricures de la place.
7°. S'il y a des avant-foffés , & de quelle
nature.
8°. Si les foffés font revêtus ou profonds ,
fecs ou pleins d'eau , & de quelle pro-
fondeur ; fi elle efl dot mante ou cou~
rante , s'il y a des éckilœ , & la pente
qu'il peut y avoir de l'entrée de feau à leur
fortie.
9°. S'ils font fecs , & quelle en eft la
protondeur ; & fi les bords en font bas
& non revêtus : au refte , on doit comp-
ter que les plus mauvais de tous font
les foflés pleins d'eau quand elle eft
dormante.
Les foffés qui font fecs , profonds & re-
vêtus , font bons : mais les meilleurs font
ceux qui étant fecs , peuvent être inondés ,
quand on le veut , d'une groife eau cou-
rante eu dormante; parce qu'on peut les
défendre fecs , & eniuite les inonder , &
y exciter des torrens qui en rendent le
trajet impoflible. Tels font les foflés de Va-
lenciennes du côté du Quefnoy , qui font
['ces , mais dans leiquels on peut mettre
telle quantité d'eau dormante ou courante
qu'on voudra , fans qu'on puifle l'empê-
cher. Tels font encore les foffés de Landau ,
place moderne , dont le mérite n'eft pas en-
core bien connu.
Les places qui ont de tels foffés , avec îles
réfervoirs d'eau qu'on ne peut ôter , font
ncs-difficiles à forcer , quand ceux qui les
v^^ -^ .« j.,..^^. r défendent favent en faire ufage.
A l'igard de la plaine , il faut 1°. examiner ][ Les foffés revêtus , dès qu'ils ont 10,
0 0000 2.
87^ ATT
li, i^, 20 & 25 piés de profondeur,
font aufll fort bons ; parce que les bom-
bes ni le canon ne peuvent rien contre ces
revétemens , & que l'on n'y peut entrer
que par les defcentes , c'ell-à-dire , en défi-
lant un à un , ou deux à deux au plus ;
ce qui eft fujet à bien des inconvéniens :
car on vous chicanne par diftcrentes lorties
fur votre paflhge & vos logemens de mi-
neurs ; ce qLii caufe beaucoup de retar-
dement & de perte ; outre que , quand
il s'agit d'une attaque , on ne peut la
foutenir que toiblement , parce qu'il faut
que tout pafle par un trou ou" deux , &
toujours en défilant avec beaucoup d'in-
commodité.
Il faut encore examiner fi les fofîés font
taillés dans le roc , fi ce roc ell continu
& dur : car s'il eft dur & mal-aifé à mi-
ner , vous ferez obligé de combler ces toflés
jiifqu'au rez du chemin couvert pour fiire
votre partage ; ce qui eft un long travail
& difficile , fur-tout fi le folîé eft profond : '
car ces manœuvres demandent beaucoup
d'ordre & de temps , pendant lequel l'en-
nemi qui fongc à fe défendre , vous fait
beaucoup foutilir par Ces chicanes. Il dé-
tourne les matériaux , arrache les falcines ,
y met le feu , vous inquiette par fes forties ,
& par le feu de fon canon , de fes bombes
& de fa moufqueterie, contre lequel vous
êtes obligé de prendre de grandes précau-
tions ; parce qu'un grand feu de près eft
fort dangereux : c'eft pourquoi il faut de
néceffité l'éteindre par un plus grand, &
bien dilpofé.
Après s'être inftruit de la quar-té des
fortifications de la place que l'on doit at-
taquer, il faut examiner les accès, & voir
fi quelque rideau , chemin creux , ou iné-
galité du terrain , peut favoriler vos ap-
proches & vous épargner quelque bout
de tranchée ; s'il n'y a point de comman-
■dement qui puifle vous fervir ; fi le ter-
rain par où doivent fe conduire les attaques ^
eft doux & ailé à renverfer ; s'il eft dur &
mêlé de pierres , cailloux & roquailles , ou
de roches pelées , dans lequel on ne puifle
que peu ou point s'enfoncer.
Toutes ces différences font confidéra-
bles ; car fi c'eft un terrain aifé à manier ,
il fera facile d'y faire de bonnes tranchées
ATT
en peu de temps , & on y court bien
moins de rifque. S'il eft mêlé de pierres &
de cailloux , il fera beaucoup plus difficile ,
& les éclats de canon y feront dange-
reux.
Si c'eft un roc dur & pelé , dans lequel
on ne puifîe s'enfoncer , il faut compter
d'y apporter toutes les terres & matériaux
dont on > aura befoin ; de taire les trois
quarts de la tranchée de fafcines & de
gabions , même de ballots de,.bourre &
de laine : ce qui produit un long & mau-
vais travail , qui n'eft jamais à l'épreuve du
canon , rarement à celle du moulquet , &
dont on ne vient à bout qu'avec du temps ,
du péril & beaucoup de dépenfè ; c'eft
pourquoi il faut éviter tant que fon peut
d'attaquer par de telles avenues.
Choix d'un front de place en terrain e'gal
le plus fai'orable pour l'attaque. Il faut
examiner & compter le nombre des pièces X
prendre ; car celui qui en aura le moins
ou de plus mauvaifes , doit être conhdéré
comme le plus toible , fi la qualité des
folfés ne s'y oppofe point.
Il y a beaucoup de places fituées fur des
rivières qui n'en occupent que l'un des
côtés , ou fi elles occupent l'autre , ce n'eft
que par de petits forts , ou des dehors
peu confidérablcs , avec lefquels on com-
munique par un pont , ou par des bateaux
au défaut de pont. Tel étoit autrefois Stenay ,
& tels lont encore Sedan , Mézieres , Char-
lemont &; Namur , fur la Meule ; Metz &
Thionville , fur la Mofelle ; Huningue ,
Strasbourg & Philisbourg , fur le Rhin ;
& pluiieurs autres.
Uù cela fe rencontre , il eft plus avan-
tageux d'attaquer le long des rivières , au
defliis ou au deffous , appuyant la droite
ou la gauche fur un de leurs bords , &
pouflânt une autre tranchée vis-à-vis , le-
long de l'autre bord , tendant à fe rendre
maître de ce dehors ; ou bien l'on peut
occuper une fituation propre à placer des
batteries de revers , fur le côté oppofé aux
grandes attaques.
Comme les batteries de cette petite at-
taque peuvent auili voir le pont ferrant
de communication de place à ce dehors >
les grandes attaques de leur côté en pour-
roient faire autant , mo>ennant quo'i il fe-
ATT
roit difficile que la place pût y communi-
quer long-temps; d'où s'enluivroit que, pour
peu que ce dehors fût pretîc , l'ennemi
i'abandonneroit , ou n'y teroit pas grande
réfiilancc , principalement s'il eft petit , &
peu contenant : m;'is ce ne ieroit pas la
même choie , li c'étoit une partie de la
ville , ou quelque grand dehors , à-peu-
près de la capacité de \X'' ick , qui tait partie
de la ville de Mallrick. Tout cela mérite
bien d'trre démêlé , & qu'on y fliflé
de bonnes & lérieuies réflexions ; car il
eft certain qu'on peut en tirer de grands
avantages.
Après cela il taut encore avoir égard
aux rivières & ruificnux qui traverlent la
ville , & aux marais & prairies qui ac-
compagnent leur cours ; car quand les
terrains propres aux attaques aboutifTent
contre , ou les avoifinent de près , ibit
par la droite ou par la gauche , cela donne
moyen , en prolongeant les places d'armes
juique fur les bords , de barrer les iorties
de ce côté-là , & de mettre toute la
cavalerie , enfemble, fur le coté des attaques
qui n'ell point favorifé de cet avantage ;
avantage confidérable , parce que la cava-
lerie ie trouvant en état de pouvoir ie
porter toute eniemble à l'action, elle doit
produire un plus grand effet que quand elle
cil iéparée en deux parties.
Outre ce que l'on vient de dire , il efl
bon encore de commander journellement
un piquet de cavalerie & de dragons ,
dans les quartiers plus voiiîns des attaques j
pour les poufler de ce cuté-là , s'il arri-
voit quelque fortie extraordinaire qui bou-
leversât la tranchée.
Pour conclufion , on doit toujours cher-
cher le foible des places , & les attaquer
par-li\ par préférence aux autres endroits ,
à moins que quelque conlidérntion ex-
traordinaire n'oblige d'en uler autrement.
Quand on a bien reconnu la place , on
doit taire un petit recueil de les remar-
ques avec un plan , & le propofer au
général & à celui qui commande l'artillerie,
avec qui l'on doit agir de concert , & con-
venir après cela du nombre des attaques
qu'on peut faire : cela dépend de la
force de l'armée & de l'abondance des
munitions.
ATT 877
Je ne crois pas qu'il loit avantageux de
faire de laudes attaques , parce que l'en-
nemi s'appercevant de la tauflèté dès le
troifieme ou quatrième jour de la tran-
chée , il n'en fait plus de cas , & les mé-
prife ; ainii c'elt de la fatigue & de la
dépenlè inutile.
L'on ne doit point f^iire non plus d'jf-
taques fe'parees , à moins que la garnifbn
ne loit très-foible , ou l'armée très-forte ,
parce qu'elles vous obligent à monter aufil
fort à ime leule qu'à toutes les deux , &
que la iéparation les rend plus foibles &
plus difficiles à fervir.
Mais les attaques les roeilleurcs & les plus
faciles , font les attaques doubles qui l'ont
liées , parce qu'elles peuvent s'entrc-fe-
courir : elles font plus ailées à fervir , fè
concertent mieux & plus facilement pour
tout ce qu'elles entreprennent , & ne laif^
ient pas de faire diverlion des forces de
la garnilon.
Il n'y a donc que dans certains cas
extraordinaires & nécefîités, pour lefquels
je pourrois être d'avis de n'en faire qu'une ,
qui font , quand les fronts attaqués font fi
étroits , qu'il n'y a pas allez d'elp)ace pour
pouvoir développer deux attaques.
Il faut encore faire entrer dans la recon-
noifîlince des places , celle des couverts pour
l'établillement du petit parc , d'un petit
hôpital , &: d'un champ de bataille pour
1 afTemblée des troupes qui doivent monter
à la tranchée , & des endroits les plus
propres à placer les gardes de cavalerie.
Le petit parc fe place en quelque lieu;
couvert , à la queue des tranchées de cha-
que attaque : il doit être garni d'une cer-
taine quantité de poudre , de balles , gre-
nades , mèches , pierres à fuill , ferpes ,
haches , blindes , raartelets , outils , &c.
pour les cas furvenans & prefTans , afin-
qu'on n'ait pas la peine de les aller cher-
cher au grand parc quand on en a belbiii.
Près de lui fc range le petit hôpital ,
c'efl-à-dire les chirurgiens & aumôniers
avec des rentes , paillailes , matelas , &
des remèdes pour les premiers appareils des
blefîùres. Outre cela , chaque batailloni V
mené avec foi fes aumôniers , chirurgiens
majors , les fraters , qui ne doivent poiiir
quitter la queue de leur troupe.
878 ATT
A l'égard du champ de bataille , pour
raffcmblée des gardes de tranchée qui
doivent monter , comme il leur faut beau-
coup de terrain , on les aflemble pour
l'ordinaire hors de la portée du canon de
la place , & les gardes de la cavalerie de
même : celles-ci font placées enfuite fur
la droite & la gauche des attaques , le plus
à couvert que l'on peut du canon ; &
quand il ne s'y trouve point de couvert ,
on leur fait des épaulemens à quatre ou
cinq cents toifes de la place , pour les
gardes avancées , pendant qvje le plus
gros fe tient plus reculé , & hors la portée
du canon.
Quand il fe trouve quelque ruiflëau ou
fontaine près de la queue des tranchées ,
ou fur le chemin , ce font de grands
fecours pour les foldats de garde ; c'eilpour
quoi il faut les garder , pour empêcher
qu'on ne les gâte ; & quand il feroit
néccfïîiire d'en afllirer le chemin par un
bout de tranchée fait exprès , on ne doit
pas héfiter.
On doit aufli examiner le chemin des
troupes aux attaques , qu'il faut toujours
accommoder & régler par les endroits les
plus fecs & les plus couverts du canon.
Quand le quartier du roi fe trouve à
portée des attaques , eljcs en font plus
commodes : mais cela ne doit point faire
une fujettion confidérable.
Il eil bien plus important que le parc
d'artillerie en foit le plus près qu'il elî
poflîble.
C'efl encore uhe efpece de néceffité de
loger les ingénieurs , mineurs & fapeurs ,
le plus près des attaques que l'on peut ,
afin d'éviter les incommodités des éloi-
gnemens.
Les attaques étant donc réfolues , on
règle les gardes de la tranchée ; favoir ,
l'infanterie iur le pié d'être du moins
auflî forte que les trois quarts de la garni-
fon , & la cavalerie d'un tiers plus nom-
breule que celle de la place ; de forte que
fi la garnifon étoit de quatre mille hom-
mes d'infanterie , la garde de la tranchée
/ doit être au moins de trois mille ; & fi
la cavalerie de la place étoit de 400 che-
vaux , il faudroit que telle de la tranchée
fut de 600.
ATT
Autrefois nos auteurs croyoient que pour
bien faire le fiege d'une place , il fallok
que l'armée afliégeante tût dix fois plus
torte que la garnifon , c'efl-à-dire que fî
celle-ci étoit de looc hommes , l'armée
devoit être de loooo ; que 11 elle étoit de
2000 , l'affiégeante devoit être de 20000 ;
& fi elle étoit de 3000 , il falloit que l'ar-
mée , à peu de choie près , fût de 30000
hommes , félon leur eflimation : en quoi
ils n'avoient pas grand tort ; & fi l'on
examine bien routes les manœuvres à quoi
les troupes (ont obligées pendant un fiege ,
on n'en feroit pas iurpris : car il faut tous
les jours monter & defcendre la tranchée ,
fournir aux travailleurs de jour & de nuit ,
à la garde des lignes , à celle des camps
particuliers & des généraux , à l'efcorte
des convois & des fourrages ; faire des
fafcines ; aller au commandement , au
pain , à la guerre , &C. de forte que les
troupes font toujours en mouvement ,
quelque grofle que ce foit une armée : ce .
qui étoit bien plus fatiguant autrefois qu'à
prélent , parce que les fieges duroient le
double & le triple de ce qu'ils durent
aujourd'hui , & qu'on y fiiii'oit de bien
plus grandes pertes. On n'y regarde plus
de fi près : & on n'héfite pas d'attaquer
une place à fix ou fept contre un ; parce
que les attaques .d'aujourd'hui font bien
plus favantes qu'elles n'étoient autrefois.
Attaque des places , par M. le maréchal
de Vauban.
Comme les fortifications particulières &
les différens accès des places en font varier
le fort & le foible de plufieurs manières ,
il faudroit autant de règles qu'il y a de
places , fi l'on vouloir entrer dans le détail
de toutes les attaques des places : on fe con-
tentera donc de parler des fituations les plus
générales ; telles font les villes entourées de
marais , fur les bords des rivières , fur une
hauteur , ^c
Attaque d'une place entourée de marais.
Une place entourée de marais de tous d'étés ,
& qui n'efl acceillble que par des chauHées
pratiquées dans des marais , efl dans un
terrain très-peu favorable pour en former
le fiege.
Ce que l'on peut faire d'abord , efl de
travailler à dcfTéclier le marais , fi l'on peut
ATT
y trouver quelque écoulement ; & faire en-
lone de détourner les eaux qui y entrent:
c'til c<; que l'on peut taire alfez aiiémcnt
dans un pays plat ou uni : s'il s'y trouve
de l'impollibilité , il finit prendre le parti
d'aborder la place par les chaufîces , en les
élargiilant autant qu'il e(l poffible , & en
pratiquant des elpaces poLir l'emplacement
des batteries.
Si la fituation d'un tel terrain ne permet
pas d'y confiruire des parallèles ou places
d'armes à l'ordinaire , ces ouvrages y Ibnt
iuifli moins utiles que dans un terrain d'un
accès facile & praticable , parce que l'en-
nemi ne peut lortir de lii place en force
pour tomber iur les travailleurs.
Les chaulîées qui abordent la place peu-
vent être fort peu élevées , & feulement
au deflus du niveau des eaux du marais ,
ou bien elles peuvent avoir une élévation
de deux ou trois pies au deflus : fi elles font
de la première efpece , elles ne donneront
point la terre néceflaire à la conltruélion de
la tranchée ; & , dans ce cas , on d\ dans
la néceffité de la faire de fifcines , de i'acs à
laine , à terre , &c. Si elles font de la féconde
efpece , elles pourront tournir aflèz de terre
pour la tranchée , en oblervant de la taire
un peu plus large , afin d'avoir plus de terre
pour en former le parapet , (ans être obligé
de creuler jufqu'au niveau de l'eau.
I! y a une chofe qui mérite grande atten-
tion dans ces chaulîées ; c'ell d'obl'erver fi
elles font enfilées de la place , auquel cas il
eu très-difficile de s'établir deflus , & de
fliire aucun retour ou zig-zag , parce qu'ils
le trouveroient tous enfilés. Il eli: bien diffi-
cile de remédier à un auili grand inconvé-
nient. Ajoutons à cela , que s'il ne i'e ren-
contre , dans ces chauflees , aucun endroit
où l'on puifle placer des batteries à ricochet,
le fiege fera très-difficile à former.
" S'il talloit cependant fe faire un pafl^age
?» dans un terrain de cette efpece , on pour-
»5 roit faire un tondement de claies & de
»j fafcines dans les lieux les plus lavorables
>5 du marais , ou le long des chauffées , &
?> fe couvrir de part & d'au re par de grands
» gabions , facs à terre , &c. & même une
fy tranchée direde en le traverfint tort fou-
y vent , c'eft-à-dire , tonnant luccefïïve-
w ment des traverfes qui lailTent des paflàges
ATT 879
» vers la droite , & enfuite vers la gauche.
») Cette iorte de tranchée tut employée .m
» fiege de Bois-le-Duc en 161c; ; niais alors
»> la détenfe des places n'étoit point auUi
» lavante qu'elle l'eft aujourd'hui , oCi un
» pareil travail auroit bien de la peine i
n être foutenu ; cependant il efl des cir-
»> confiances où l'impollibilité de faire
» mieux , doit engager à ih fcrvir de toutes
}> fortes de moyens pour parvenir à les
» fins. C'efl: dans un terrain de cette na-
» ture qu'un ingénieur trouve de quoi
>} exercer toute ia tagacité & fit capacité.
» Si les chauflees ont fix ou fept toifes de
» largeur, &r quatre ou cinq pies de haut
'} au deffus des eaux du marais ; fi elles
» ne font point enfilées de la place , &
" fi l'on y remarque , de diffance en dif-
» tance , des endroits propres il établir
') des batteries à ricochet ; on pourra ,
» quoiqu'un peu plus mal-aifément que
») dans un autre terrain , parvenir à fe
') rendre maître de la place. Mais fi toutes
»> ces circonftances ne le trouvent point
j> réunies enfemble , il y aura une efpece
» d'impoiîibilité : dans ces fortes de litua-
» tions , on doit employer le blocus pour
>} fe rendre maître des places. Il peut être
>5 fort long lorfque les villes font bien mu-
}) nies : mais enfin , c'efl prefque le feul
»> moyen qu'on puifle employer utilemenc
M pour les réduire.
» Si les marais impraticables rendent ,
j> pour ainfi dire , les places qui- en font
>5 entourées , hors d'atteinte des attaques
» d'un fiege , il faut convenir auffi que de
» telles places font dans une fort nrauvaife
» fituation pour la fanté de la garnifon
" & des habitans. Mais il y a-tr-ès-peu
73 de places qui foient totalement entourées
" de marais : il y a prefque toujours quel-
» que côté qui offi-e un terrain plus favo-
» rable aux approches ; & alors , quand on
» en forme le fiege, on évite autant que
» l'on peut Vanaque du côté des marais.
» Quoique les autres fronts foient ordi-
n nairement plus forts , on ne laiflc pas
»j de prendre le j:«rti d'attjgiter la place de
» leur côté , parce que la facilité des appro-
» ches dédommage amplement de l'aug-
>j mentation des ouvrages qu'il fiiut pren-
w dre pour s'en rendre maître. Lorfque
rSo ATT
« les marais font véritablement impratica-
» blés , là place n'a pas befoin d'être auffi
» exaûement fortifit'c de leur côté que des
}> autres qui font plus acceffibles : mais il
f> arrive quelquefois que des marais crus
»> impraticables , ne le font pas véritable-
" ment ; & alors , fi l'on en étoit inltruit
» bien exadement , on profiteroit de la
»> lécurité de l'ennemi à leur égard , pour
j> attaquer la place y par leur côté , & s'en
>' rendre maître avec bien moins de temps
3) & de perte. C'eft à ceux qui font chargés
»> de ces fortes d'entrepriles , de bien taire
» reconnoître les lieux avant que de fe
}> déterminer fur le choix des attaques. Il
w y a d'ailleurs des marais qui font im-
»j praticables dans un temps , & qui ne
»> le font pas dans un autre , (ur-tout après
« une grande fécherefîe. Il peut le trou-
« ver des payians des environs de la place
}> qui en foient inftruits ; on ne doit rien
» négliger pour être exaûemcnt informé
»3 du fol & de la nature de ces marais.
f> On fent bien que le temps le plus pro-
p> pre & le plus favorable pour former des
« lièges en terrain marécageux , efl au
t> commencement de l'automne , lorfque
}) les chaleurs de l'été l'ont en partie def-
» féché ».
De l'attaque d'une place fituée le long
d'une grande rivière. " Les places qui font
« fituées le long des grandes rivières , font
fj d'une prife moins difficile que celles qui
« font entourées de marais.
» On conduit leurs attaques à l'ordinaire
» du côté qui paroît le plus favorable ,
« & on les difpofe de manière qu'on puifîe
« placer des batteries de l'autre côté de la
s> rivière , ou dans les îles qu'elle peut lor-
» mer vis-à-vis la place , qui protègent
?> l'avancement des tranchées , & qui mc-
» me , quclqviefois , peuvent battre en brc-
« che le front auquel on dirige les atta-
7> ques. C'ell ainfi que M. le maréchal de
3) Vauban en ufa au fiege du vieux Brilack
»> en 1703. Une batterie qu'il étabht dans
») une des îles que le Rhin tait vis-à-vis
» de cette ville , nommée \'lle des Cadets ,
») d'où l'on découvroit un baftion qui étoit
»> le long du Rhin , & que l'on pouvoit
« battre en brèche par le pié , accéléra
î> beaucoup la prilè de cette place , qui fc
ATT
,, rendit le quatorzième jour de l'ouver-
,, turc de la tranchée. ,,
" Au fiegc de Kell, en 1733 » on plaça
,, autn des batteries dans les îles du Rhin ,
,, qui firent brèche à l'ouvrage à corne de
„ l'attaque , & à la face du baflion de ce
,, fort placé derrière l'ouvrage à corne. Ces
,, batteries battoient à ricochet la face &
,, le chemin couvert de ce baflion , dont
,, la branche de l'ouvrage à corne du côté
,, du Rhin tiroit fa défenfe ; ce qui aida
,, beaucoup à avancer la tranchée entre
,, cette branche & le Rhin , & accéléra la
,, capitulation du fort. ,,
Au fiege de Phiiipsbourg , en 1734 , on
„ s'empara d'abord de l'ouvrage qui étoit
,, vis-à-vis de la ville , de l'autre côté du
,, Rhin , & l'on y établit des batteries à
,, ricochet , qui , enfilant les défenfes du
,, tront vers lequel on dirigeoit les attaques,
„ ne permcttoient pas à l'ennemi de taire
,, iur les tranchées tout le feu qu'il auroit
,, pu faire lans ces batteries , qui plongeoient
,, le long de ces défenfes.
,, Lortqu'il y a un pont fur la rivière
„ vis-à-vis de la ville , il eil ordinairement
,, couvert , ou par un ouvrage à corne, ou
,, par une demi-lune , &c. & comme il ed
,, important de s'emparer de cet ouvrage ,
,, on peut , pour y parvenir ailément , placer
„ des batteries vers le bord de la rivière ,
,, qui puiffent ruiner le pont ou le couper ;
„ au moyen de quoi la communication de
,, l'ouvrage dont il s'agit ne pouvant plus
,, fe faire que difficilement avec la ville ,
,, l'ennemi le trouve dans la nécelFité de
,, l'abandonner.
,, Une obfervation très-importante dans
,, le fiege des villes placées le long des
„ rivières , c'etl de lavoir à-peu-près le
,, temps où elles lont lu jettes à lé déborder,
,, & quelle eft l'étendue de l'inondation la
,, plus grande , afin de mettre non leule-
,, ment les tranchées à l'abri de tout acci-
,, dent à cet égard , mais encore de placer
,, le parc d'artillerie en lieu iûr , & où
,, l'inondation ne puifle pas s'étendre , &
,, gâter les munitions de guerre defiinécs
„ pour le fiege. „
JDe l'attaque des places Jltue'es far des
hauteurs. " Une place fituée fur une hauteur
,, dont le front le trouve foit élevé &
„ oppofc
ATT
« pofé à un terrain ferré , qui ne fournit
» aucun endroit propre à l'étabnifemcnt
n des batteries à ricochet , cl\ affez diffi-
w cile à prendre.
» Dans des iltuations pareilles , on voit
» s'il n'y a pas quelque hauteur dans les
5» environs dont on puilîe fe lervir pour
» y ttablir des batteries à ricochet. S'il
» n'eii: pas pollible d'en trouver , il faut
» battre les dctcnles par des batteries di-
» rcdes , & faire enlorte d'en chafler l'en-
»> nemi par des bombes , qu'il taut jeter con-
» tinuellement dans les ouvrages. A l'égard
» de la difpofition des tranchées & des
» parallèles , elle doit fuivre la figure du
» terrain , & l'on doit les arranger du mieux
« qu'il cil poflîhle , pour qu'elles produi-
>j lent les eHèts auxquels elles lont deili-
« nées dans les terrains unis.
n II faut obferver ici que les lieux
>•> fort élevés , qui ne peuvent être bat-
>} tus que par des batteries conlîruites
« dans des lieux bas , font pour ainfi dire
j) à l'abri du ricochet , parce que le ri-
») cochet ne peut porter le boulet que juf-
5> qu'à une certaine hauteur , comme de
« Il ou 15 toifes. Dans de plus grandes
>5 élévations , il hiut pointer le canon li
n haut que l'affût ne peut le foutenir ; &
» fi pour le fatiguer moins , on diminue la
» charge , il en arrive que le boulet n'a
y) pas affez de force pour aller jufqu'au
?} lieu où il eft delliné.
» Il faut encore obferver que , lorfque
j) l'on a des tranchées à iaire dans des
>j terrains élevés , il huit , autant qu'il eil:
» poflible , gagner d'abord le haut du ter-
» rain pour y conduire la tranchée , parce
>5 qu'autrement la tupériorité du lieu don-
» neroit non feulement beaucoup d'avan-
» tage à l'ennemi pour faire des forties
>j fur les tranchées conftruites dans le bas
>i du terrain , mais encore pour plonger
>y dans ces tranchées ; ce qui en rendroit
ft le féjour très-dangereux.
» Les places fituées iur des hauteurs font
» quelquefois entourées d'un terrain , fur
» lafuperficie duquel il n'y a prefque point
« de terre. Lei tranchées y lont extraor-
» dinairement difficiles , & il faut néccf-
» fairement les conilruire de lacs à laine ,
» de facs -^ terre 3 & autres chofes qu'on
Tome III
ATT 88r
« apporte pour llippléer à la terre que le
») terrain ne fournit point. Il fe trouve auflï
»j que la plupart de ces plujes i'ont conf-
» truites lùr le roc , & alors l'établifTe-
»> ment du mineur y elt bien long & bien
>5 difficile. On examine dans ce cas s'il n'y
» a pas de veines dans le roc par lelquclles
» il puille être percé plus facilement.
>j II faut dans ces iituations s'armer de
" patience , & vaincre par la continuité
» du travail , tout ce que le terrain oppofc
» de difficultés & d'obifacles. M. Gou-
" Ion , dans (es mémoires , propoie pour
» la détenfe du foffé pratiqué dans le
" roc , de s'enfoncer au bord le plus pro-
" fondement qu'on peut. Il tuppole un
» fofle creulé de 30 pies , & que les mi-
>f neurs étant relevés louvent , puificnt
» parvenir à s'enfoncer de 6 ou 7 pies en
" 7 ou 8 jours ; après quoi il tait faire
» un fourneau à droite & un à gauche
» de cet efpece de puits , difpofés de
» manière que l'effet s'en fafle dans le
») foiîé. Avant que d'y mettre le feu , on
" doit jeter dans le fofTe un amas de facs
» à terre , de faicines , &c. pour commen-
r> cer à le combler. Les fourneaux fautant
y) après cela , les décombres qu'ils enlèvent
>j couvrent ces faicines & lacs à terre , &
j> comblent une partie du folié , en con-
»> tinuant ainfi d'en faire fauter , on par-
»j vient à faire une delcente aifée dans le
>j fofTé.
» Pour faire brèche dans un rempart
» taillé dans le roc , le même M. Goule. n
» propoie de mettre Iur le bord du fofîe
» 7 ou 8 pièces de canon en batterie , pour
» battre enbreche depuis le haut du ro-
>j cher jufqu'au haut du revêtement qui
» peut être conffruit defTus , afin que les
j> débris de ce revêtement & de la terre
» qui efl derrière , falTc une pente affez
}> douce pour que l'on puifle monter à
>5 l'afîaut. Si l'on veut rendre la brèche
>} plus large & plus praticable , on peut
t) faire entrer le mineur dans les débris
» faits par le canon , & le faire travailler
» à la conflruéfion de plufieurs fourneaux
y> qui , en fautant , augmenteront l'ouver-
7j ture de la brèche.
De P attaque desvilles maritimes. '* Les
» villes maritimes qui ont un port , tom-
Ppppp
HHi ATT ■■
.) bcnt aflez diins le Ci^s des autres villes
jy lorfque l'on peut bloquer leur port , &
>» qu'on eft maître de la mer , & en état
p> d'empêcher que la ^/uVf iicn ioit fecou-
V rue. Si la mer elt libre , ou fi l'on peut
» furtivement & à la dérobée , iaire en-
?) trcr quelques vaiifeaux dans le port , la
>j place étant continuellement ravitaillée ,
« fera en état de fupporter un très-long
j> fiege. Ofiende affiégéc par les Efpagnols ,
fi foutint un fiege de plus de trois ans ;
»5 les iecours qu'elle recevoit continuelle-
V ment du cucé de la mer , lui procure-
» rent les moyens de taire cette longue
■>' réliflance.
71 Ainfi l'on ne doit faire le fiege de ces
» ibrtes de places , que lorlqu'on cfl en
}y état d'empêcher qu/: la mer n'apporte
?) aucun iècours à la ville.
» Ce n'ell pas aflèz pour y réuffir d'avoir
71 une nombreLïfe flotte devant le port ,
?} parce que pendant la nuit l'ennemi peut
.V trouver le moyen de taire palier , entre
»j les vaifleaux de la flotte , de petites bar-
t) ques pleines de miinitions. Le moyen
S3 le plus etîîcace d'empêcher ces fortes
7) de petits fecours , feroit de taire , fi la
j> fltuarion le permcttoit , une digue ou
?3 ejhcjde , comme le cardinal de Richelieu
;> en fît faire une pour boucher entièrement
» le port de la Rochelle. Mais outre qu'il
» V a pai de fituaiions qui permettent de
}> faire un p.ireil ouvrage , l'exécution en eit
îj fi longue & fi difiicile , qu'on ne peut
j) pas propoler ce moyen comme pouvant
?} être pratiqué dans \! attaque de toutes les
?i villes maritimes. Ce qu'on peut taire au
>y lieu de ce grand & pénible ouvrage ,
?j c'elt de veiller avec foin fur les vaii-
j) fea-.ix , pour empêcher autant qu'il eil
>i poflibie qu'il n'entre aucune barque ou
?5 v. iileau dans le port de la ville ; ce qui
« étant bien obft-rvé , toutes les attaques
t> iè font fur terre comme à l'ordinaire ,
j> le voifinage de la mer n'y fait aucun
5> changement : au contraire , on peut de
y) defïlis les vaifleaux canoncr diftérens ou-
jy vrages de la ville , & tavorifcr l'avance-
}) ment & le progrès des attaquas «.
» On bombarde quelquefois les villes
»j marinmes , fans avoir le delfcin d'en
M Élire le fiegc , qui pourroit fbutij-ir trop
ATT
» de difficultés. On en ufe ainfi pour pu-
») nir des villes dont on a lieu de fe pla:n-
» dre ; c'til ainfi que Louis XIV en u!à
7> à l'é.v-rd d'Alger, Tripoli ,_Geiies , 6v,
» Ces bombardemens ie font avec des
)} galiottes , conflruites exprès pour placer
» les mortiers , & que pour cet effet on
»> appelle galiottes à bombes. M. le cheva-
» lier Renau It s imagina tn léSo, pouf
» bon-ibardtr Alger. Jufquà lui , dit M.
>j de Fontenelle dans Ion éloge , tl n'e'toit
>y tombe' dans l'c/prit de pcrfonne ^ue des
» mortiers pujjent ii'itre pas placés a terre ,
» Ù fe paJJ'cr d'une ajfiette folide. Cepen-
yy dant M. Renau propofa les galiottes , &
») elles eurent tout le fuccès qu'il s'étoit
» propole; les bombes qu'on tira dedeffjs
>5 ces galiottes , firent de fi grands ravage»
» dans la ville , qu'elles obhgerent les Al-
» géricns de demander la paix. Attaque
>y des places , par M. le Blond.
Att AC^VES des petites villes ù châteaux.
Ces fortes à' attaques îc rencontrent aflèz
fouvent dans le cours de la guerre ; elles
ne méritent pas ordinairement toutes les
attentions du fiege royal ; ce font des pofles
dont on peut s'emparer , fou pour la fûreré
des communications , ou pour éloigner les
partis de l'ennemi.
♦' La plupart de ces petites villes & cl.â-
» teaux ne lont enfermés que de fimplcs
yy murailL-s non rerradécs ; il y a au plus
» quelques méchans fof.es , alfcz faciles à
» p-ilfer , ou bien quelques petits ouvrages
» déterre frailée & paliiïadee vis-à-vis les
>3 portes , pour les couvrir & les mettre à
yy fabri d'une première infulte.
» Quelque toibies que foiuit les murailles
>j de ces endroits , ce ilroit s'expofer à uns
yy perte évidente que d'aller en plein jour
» ie préfenter devant , & chercher à les
» franchir pour pénétrer dans la ville ou
>j dans le château.
>j Si ceux qui iont dedans font gens de
» réfolution & de courage , ils fentiront
»> bien toute la difficulté qu'il y a d'ou-
>j vrlr leurs murailles & de pafier deffus ,
» ou de rompre leurs portes pour fe pro-
» curer une entrée dans la place.
» Il faut donc pour attaquer ces petirs
yy endroits , être en état de faire brèche
« aux murailles ; & pour cet etict , il taut
ATT
M mener avec foi quelques petites |'ie-
» ces de Ciinon d'un tranfport t'acile ,
» de même que deux mortiers de 7 ou 8
*> pouces de diamètre , & s'arranger pour
» arriver A la fin du jour auprès des lieux
» qu'on veut attaquer , & y faire pendant
» la nuit une elpece d'épaulemcnt pour
w couvrir les troupes & taire fervir le ca-
» non à couvert , & les mortiers ; en faire
j> uihge dès la pointe du jour fur l'ennemi ;
» c'efl le moyen de les réduire promptc-
7> ment & iiins grande pêne.
>j iMais il l'on n'eit pas à portée d'avoir
»j du canon , le parti qui paroît le plus
» (ûr & le plus facile, iuppoiant qu'on con-
» noiiïe bien le lieu qu'on veut attaquer ,
»> c'cll de s'en emparer par efcaiade. On
w peut faire femblant d'attaquer d'un
» côté, pour y attirer l'attention des trou-
» pes , & appliquer des échelles de l'au-
» tre , pour franchir la muraille & péné-
»j trer dans la ville. Suppofant que l'ei-
»j calade ait réufll , ceux qui font entrés
>j dans la ville doivent d'abord aller aux
>j portes , pour les ouvrir & faire entrer le
» reile des troupes ; après quoi , il f.:ut al-
»j 1er charger par derrière les foldncs de la
» ville qui le détendent contre la faujfe
j> attaque ; fe rendre maitre de tout ce
»5 qui peut alTurer la prife du lieu , &
7-> forcer ainfi ceux qui le défendent .1 fc
»> rendre.
5> On peut dans ces fortes d'attaques fe
j> lervir utilement du pétard : il efl encore
» d'un ulagc excellent pour rompre les
}i portes , & donner le moyen de péné-
» trcr dans les lieux dont on veut s'em-
jj parer. Il faut , autant qu'il eft poflible ,
»> ufer de furpriie dans ces attaques , pour
r> les taire heureulemenr & avec peu de
« perte. On trouve dans les mémoires de
» M. de Fcvquieres différens exemples de
» polies fcmblables h ceux dont il s'agit
» ici , qu'il a forcés ; on peut fc fervir de
5> la méthode qu'il a obicrvée , pour en
>> ufer de même dans les cas femblablcs.
« Nous ne les rapportons pas ici , parce
)y qu'il eff bon que les jeunes ofîiciers li-
j> ient .ces mémoires , qui partent d'un
>y homme conlommé dans toutes les par-
» ties de la guerre , & qui avoit bien mis
» à profit les leçons des excellens géné-
A T T 8^3
» raiix fous lelq'ieis* il avoir f^;rvi.
» Il y a un moyen iijr de chaflcr l'ennc-
» mi des petits polies qu'il ne veut pas
» abmdonner , & où il eft difficile de le
>j forcer ; c'eft d'y mettre le feu. Ce moyen
» eft un peu violent : mais la guerre le per-
» met , & on doit l'employer lorfqu'on
»> y trouve la confervation des troupes que
» l'on a fous fcs ordres. Quelle que fbit
»» la nature dts petits lieux que l'on atta-
» que , fi l'on ne peut pas s'en emparer par
» furprife , & que l'on foit -obligé de les
» attaquer de vive force , il faut difpofer
» dits fuliliers pour tirer continuellcmer.t
» fur les lieux où Tcnnemi efl placé , &
» aux crénaux qu'il peut avoir pratiqués
» dans fes murailles ; faire rompre les por-
» tes par le pétard , ou à coups de hache ;
» & , pour la lùreté de ceux qui font cette
» dangereufe opération , faire le plus grand
y> feu par-tout où l'ennemi peut lé montrer.
» La porte étant rompue, s'il y a des bar-
« ricades derrière , il faut les forcer , en les
» attaquant brufqliement , & fans donner
» le temps ù l'ennemi de fe reconnoître ,
» & le faire prilonnier de guerre , lorf-
» qu'il s'cfl défendu jufqu'à la dernière ex-
» trémité , & qu'il ne lui ell plus pofïïble de
» prolonger la défenie. Attaque des places y
» par M. le Blond.
Attaque de la demi-lune ; c'cfl, dans
Part militaire , l'aflion par laquelle on tâche
de s'emparer de cet ouvrage.
» Pour cela , le partage du folTé étant fait
>j de part&d'autre des faces de la demi-lune,
» & la brèche ayant une étendue de i^ ou
» 16 toifcs vers le milieu des faces , on fb
>j prépare à monter à l'aflàut. Onamaficàcet
>j cfîèt un grand nombre de matériaux dans
»> tous les logemens des environs : on tra-
>5 vaille à rendre la brèche praticable , en
») adouciffant l'on talud ; on y tire eu ca-
» non pour faire tomber les parties du re-
»> vêtement qui le louticnncnt encore. On
» peut auiîi fe fervir utilement de. bombes
n tirées de but-en-blanc ; elles s'enterrent
»> aifément dans les terres de la brèche , déjà
»> labourées & ébranlées par le canon ; &
» en crevant dans ces terres , elles y font ,
>j pour ainfi dire , l'effet des petits fotir-
» neauxou fougaces: par ce moyen le fol-
» dat monte plus facilement à la brèche.
P p p p p 2.
S84 ATT
» Pour donner encore plus de facilité à j
j) monter A la brcchc Se la rendre plus pra-
j> ticable , on y hiit aller quelques mineurs ,
« ou un fergent & quelquL-s grenadiers ,
» qui avec des crocs applanillent la bre-
?> clie. Le teu des logemens & des batteries
7> empêche l'ennemi de le montrer lur les
7> défcnfes pour tirer iur les travailleurs ;
fi ou du moins fi l'ennemi uix , il ne peut
3) le taire qu'avec beaucoup de circonlpec-
j> tion , ce qui rend fon teu bien moins
?) dangereux.
7i Si l'ennemi a pratiqué des galeries le
7) long de la face de la demi-lune , & vis-à-
}} vis les brèches , les inineurs peuvent aller
>y à leur découverte pour les boucher ou
r couper, ou pour en cliaflcr l'ennemi ; s'ils
71 ne les trou^-cnt point, ils peuvent faire lau-
fj ter diiFérens petits tourneaux , qui étant
j) répétés plufieurs fois , ne manqueront pas
îj de caufer du déiordre dans les galeries de
75 l'ennemi &: dans les fourneaux. Tout étant
» prêt pour travailler au logement de la
j) demi-lune , c'e{t-à-dire pour s'établir Iur
j> la brèche , les matériaux à portée d'y être
ji tranfportés aifément & promptement ,
35 les batteries & les logemens du chemin
3i couvert en état défaire grr.nd teu; on con-
j5 vientd'un fignal avec ks commandans des
}i batteries & ceux des logemens , pour
3> les avertir de taire teu , & de le fai-
j) rc ceflcr quand il en eft beloin. CtR
3) ordinairement un drapeau qu'on élevé
rj dans le premier cas , & qu'on abaiffe
3> dans le fécond. Tout cela rangé , & la
yy brèche rendue praticable , comme noui
» l'avons dit , on tait avancer deux ou trois
j) t;ippcurs vers le commencement de la rup-
3i tuie d'une des laces , du coté de la gorge
55 de la demi-lune , & vers le haut de la
35 brèche. Il fe trouve ordinaircinent des
J5 cfpeces de petits couverts ou entonce-
35 mens dans ces endroits , où les laj-)peurs
35 commencent à travailler , à fe loger , &
35 àpréparer un logement pour quelques au-
» très lappeurs. Lorfqu'il y a de la place
75 poTTf^es recevoir , on les y tait monter ,
»s & ils étendent inrentiblemcnt le loge-
as ment fur tout le haut de la brcehe , oCi
35 ils tunt vers la pointe un logement qu'on
>5 appelle afie;^ ordinairement un nid de pie.
» Pendant qu'ils travaillent , le feu de la
ATT
>i batterie & des logemens demeure tran-
>j quille ; mais quand l'ennemi vient fur
55 ces lappeurs pour détruire leurs loge-
>5 mens , ils fe retirent avec prOmptiui le ,
» & alors le drapeau étant élevé , on tait
» feu iur l'ennemi avec la plus grande viva-
55 cité , pour lui taire abandonner le haut
» de la brèche. Lorlqu'il en elt chaiié ,
» on baifTe le drapeau , le feu ceûe , & les
» lappeurs vont réti'blir tout le déii;rdre
» qui a été fait dans leur logement , & tra-
55 vaillent à le- rendre plus folide & plus
>5 étendu. Si l'ennemi vient pour les chailer ,
j> ils ie rerirent , & l'on tait jotier les battc-
» ries &: le teu, des logemens , qui l'obli-
»j gent à quitter la brèche ; après quoi on
>5 le fait ceiler , & les lappeurs retournent
55 à leur travail.
>5 On continue la même manœuvre juf-
» qu'à ce que le logement toit en état de dé-
» fenfe , c'eil- à-dire de contenir des troupes
» en état d'en impofer à l'ennemi , & de
55 réfifter aux attaques qu'il peut taire au lo-
53 gcinent. L'ennemi , avant que de quitter
55 totalement la demi-lune , tait lauter les
5> tourneaux qu'il y a préparés. Après qu'ils
» ont fait leur eftet, on fe loge dans leur
5» excavation , ou du moins on y pratique
55 de petits couverts pour y tenir quelques
• 55 fiippcurs , &: l'on le fert de ces couverts
55 pour avancer les logtmens de l'intérieur
55 de l'oLiviage.
55 Le ki^ement de la pointe te tait en
55 efjiecc de petit arc, dont la concavité elt
55 tournée du côté de la place. De chacune
55 de les extrémités part un logement qui
'5 règne le long des taces de la demi-lune fur
55 le terre-plain de ton rempart, au pié de
55 fon parapet. Ce logement ell très-en-
55 toncé dans les terres du rempart , afin que
53 les foldats y foient plus à couvert du feu
53 de la plact ; on y tait auili , pour le garan-
55 tir de l'enfilade , des truverfes , comme
55 dans le logement du luiut du glacis. Oii
53 fait encore dans l'intérieur de la demi-lune,
>j des logemens qui en traverfent toute la
55 largeur. Ils fervent à ilécouvrirla commu-
55 nicaticin de la tenaille à la pi ice, & par con-
53 fequent à la rendre plus duîic^lc,& ù conte-
55 nir des troupes en nombre liilîllant pour
53 réfiiler à l'ennemi , s'il avoiidelTcin de re-
53 venir dans la demi-lune, 6c de la reprendre.
ATT
» Si 1:1 demi-lune n'étoit point revxt.ic ,
» & qu'elle tût fimplemcnt ti-.u!c'c & p;ilifla-
n Hée , un en feroit ïatcaqiie de la mûmc
» iTi.inicre que fi elle rétoit ; c'ell-à-dire
}■> qu'on dirpoilroit tics batteries comme on
» vient de l'cnieigner ; & pour ce qui con-
» cerne la brèche , il ne s'agiroit que de rui-
n ner la traile , les paliflades & la haie vive
>5 de la bcrme , s'il y en a une vis à-vis l'en-
}■> droit par lequel on veut entrer dans la
ji demi - lune j s'y introduire enluite , &
» iaire les logemens tout comme dans les
}% demi-lunes revêtues.
■ »J Tout ce que l'on vient de marquer pour
y> la prife de la demi-lune , ne (e tait que
n loriqu'on veut s'en emparer par la tappe ,
}■> & avec la pelle (S; la pioche ; mais on s'y
» prend quelquctois d'une manière plus vive
>» & plus prompte 5 & pour cela , dès que
» la brèche eil prcparée , & qu'on l'a mile
» en état de pouvoir la trancliir pour entrer
>5 dans la demi-lune , on y monte à l'aflaut
" biui'qucment , à-peu-près comme dans
}i les attaques de vive force du chemin
n couvert , & l'on tache de joindre l'en-
» ncmi , & de le chaflèr entièrement de
« l'ouvrage. Cette attaque ell alTez péril-
w leufe , & peut coûter bien du monde ,
» lorsqu'on a afïàire à une garnifon cou-
)i rngeufe , & qui ne cède pas aifément fon
» terrain. Mais il y a iouvent des cas où
» l'on croit devoir prendre fon parti , pour
« accélérer de quelques jours la priic de la
>> demi-lune.
» Si-tôt que l'on efl maître du haut de
« la brèche , on y tait im logement fort
f> à la hike , avec des grbions & des talci-
» nés ; & pendant qu'on le tait , & même
» pendant qu'on charge l'ennemi & qu'on
M l'oblige d'abandonner le haut de la bre-
» che , on détache quelques lo'.dais pour
« tâcher de découvrir les mines que l'en-
» ncmi doit avoir faites dans l'intérieur du
» rempart de la demi-lune , 6c en arracher
« ou couper le faucilfon. Si l'on ne peut pas
« réullîr à les trouver , il ne laut s'avancer
}) qu'avec circonfpeâion , & ne pas iè tenir
» tous enfcmbie , pour que la mine faffe
« un effet moins confidérable. Souvent l'en-
» nemi lailfe travailler au logement ians
» trop s'y oppofer , parce qu'il ne le fait
t) qu'avec une très-grande ^erte 4? JQOÀide ;
ATT SSf
>5 les travailleurs & les troupes étant pendant
» le temps de fa conthiiélion abfolument
'> en butte à tout le teu de la place , qui
» ell: bien fervi , & que la proximité rend
>j très-dangereux ; ma's lorfque le logement
» commence à prendre torme , l'ennemi
» fait lauter tes mines , & revient enfuite
» à la demi-lune , pour elîayer de la repren-
') die , à la faveur du défordre que les mines'
" ne peuvent manquer d'avoir caufé parmi
>j les troupes qui y éttnent établies. Alors il
» tant revenir liir lui avec des troupes qui'
>y doi\ent être à ]5ortée de donner du ic-
»5 cours à celles de la demi-lune , 6c s'établir^
>) dans les excavations des mines ; 6c enfin'
» rendre le logement folide » le garnir d'un
»> aflez grand nombre de ioldats , pour être
»> en état de réfitfcr à tous les nouveaux ef-
» torts de l'ennemi.
» Cet ouvrage ne peut guère être ainfi
»> dilputé , que torique la demi-lune a un
" réduit , parce que le réduit donne une
» retraite aux foldats de la place qui dé-
» tendent la demi - lune , & qu'il met k
»j portée de tomber aifément dans la demi-
'5 lune : car s'il n')- en a point , 6c que fen-
'5 nemi km chatfé de la demi-lune , il ne
» peut plus guère tenter d'y revenir , lur-
» toiit il la communication de la place
'5 avec la demi-lune , ell vue des batteries
>' è^ des logemens du chemin couvert :
" car fi le toffé efl plein d'eau , cette com-
»5 munication ne pourra fc faire qu'avec
" des bateaux , qu'on peut voir aiiément
" du chemin couvert , 6c qu'on peut ren-
'> verler avec le canon ces batteries ; 6c fi
" le foflé eft iec , 6c qu'il y ait une capo-
n nierc , la communication , quoique plus
" iijre , n'tff pourtant pas fans danger , ;î
» caule du teu qu'on y peut plonger des
'j logemens du chemin couvert , enforte
»> qu'il cfl atîèz ditficile que l'ennemi y
" puifie faire palTer alTez brulqucment un
» corps de troupes lutEiant pour entrer
»j dans la demi-lune , 6c s'en emparer ; il
') lui manque d'ailleurs de la place pour
» s'afTcmblcr , 6c tomber tout d'un coup
jj avec un gros corps fur les iogemens de
» la demi-lune.
j> Il y auroit teulemcnt un cas où il pour-
" roir le faire ; lavoir , loriqu'on a prati-
;; que dans l'angle de la gorge de la demi-
§8(î ATT
» lune un efpace A-peu-près de la graii-
9> deur des places d'armes du chemin cou-
9> vert ; cet elpace ne pei;t être vu du che-
p) min couvert ni de fes logemens , & il
?) y a ordinairement des degrés pour mon-
?> ter du fond du folîé dans la demi-lune ;
9> l'ennemi pourroit en profiter, pour efîâyer
9) d'y venir ; mais fi l'on fi; tient bien iur
w fes gardes , & qu'on ne fe laiflè point
?> fijrprendre , il fera toujours aiié de k
?> repoufler , même avec perte de la part ;
« parce qu'alors on a contre lui l'avant ige
9) de la fituation , & qu'il cil obligé d'at-
» taquer à découvert , pendant que l'on
» fe détend favorilé du logement.
») Le temps le plus favorable pour l'atta-
>» que de la demi-lune , de vive force , eft
»i la nuit ; le teu de l'ennemi en eft bien
*' moins lûr qu'il ne leroit de jour. »> Atta-
que des places par M. le Blond.
Attaque du chemin couvert ; c'efl ,
dans l'An militaire , les moyens qu'on em-
ploie pour en chafler l'ennemi , & pour s'y
établir eniuite. Cette attaque fe fait de deux
manières , ou par la fappe , ou de vive force.
On va donner une idée de chacune de ces
attaques.
Lorfque la troifieme parallèle , ou place
d'armes , elt folidement établie au pié du
glacis , & qu'on veut s'emparer du chemin
couvert par la fappe , on s'avance en zig-zag
par une fappe iijr les arêtes des angles fail-
Jans du chemin couvert attaqué ; & comme
il efl alors lort diificile de le parer de l'cn-
filadc , on s'entonce le plus profondément
qu'on peut , ou bien l'on tait de fréquentes
traverfes. On arrive aufli quelquefois à l'an-
gle iniilaut du glacis par une tranchée di-
rç&t qui fe conftruit ainfi.
Ocux fappeurs pcuflent devant eux , le
long de Tarérc du glacis , un gabion tarci
ou un manrcicr. Ils ont une lappe de chaque
côté de cette arête. Ils en font le toile beau-
coup plus profond qu'à l'ordinaire , pour
s'y couvrir plus fjjrement du feu de la
place. Cette fappe , qui chemine ainfi des
deux côtés en même temps , fe nomme
double fappe. Elle a un parapet de chaque
côté , Si. des traverles dans le milieu , de
diftance en diflance. Voye^ TRANCHÉE
DIRECTE. Lorfqu'cUe eil parvenue à la
moitié , ou aux deux tiers du glacis , on
ATT
conflruit ^ts cavaliers de tranchée pour
coiTimander & enfiler les branches du chemin
couvert. Voye^ CAVALIER DE TRAN-
CHÉE.
Ces cavaliers bien établis , il efî aifé de
poufler la tranchée direcle julqu'à l'angle
laillant du chemin couvert , & d'établir A
!a pointe de cet angle , & fur le haut du
glacis , un petit logement en arc de cercle ,
dont le feu peut obliger l'ennemi d'aban-
donner la place d'armes qui efl en cet en-
droit. On étend enfuite ce logement de
part & d'autre des branches du chemin
couvert , en s'entonçant dans la partie fi.pé-
«ei;re ou la crête du glacis , à la diifancc
de trois toiles du côté intérieur du chemin
couvert , afin que cette épaiireur lui lérvc
de parapet à l'épreuve du canon.
L'opération que l'on vient de décrire ,
pour parvenir de la troifieme parallcle à
l'angle iàillant du chemin couvert , ie fait
en même temps fur tous les angles fàillans
du front attaqué. Ainfi l'ennemi fe trouve
obligé de les abandonner à-peii-près dans
le même temps. Le logement le continue
enfuite de part & d'autre de ces angles ,
vers les places d'armes rentrantes du chemin
couvert.
On oblige l'ennemi d'abandonner ces
places d'armes par des batteries de pier-
riers qu'on conllruit vis -;\- vis, & qui
joignent les logemens des deux branches
Au chemin couvert ^ qui forment les angles
rentrans. Ces batteries étant conflruitcs ,
elles font pleuvoir une grêle de cailloux
dans les places d'armes , qui ne permettent
pas à l'ennenni de s'y foutcnir. On avance
toujours , pendant ce temps-là, le logement
des branches vers la place d'armes ; &
lorlque l'ennemi l'a ab;indonné , on con-
tinue lé logement du glacis tout autour
des faces de la place d'armes. On lait un
autre logement dans la place d'armes , qui
communique avec celui de fes faces. Il s'é-
tend i\-peu-prcs circulaircment le long des
demi-gorges des places d'armes.
Ce logement bien établi , & dans fcm
état de perfedion , empêche l'ennemi de
revenir dans le chemin couvert, pour cflayer
de le reprendre.
Tous les logemens fe font avec des ga-
bions & des falcines. On remplit les gabions
ATT
de terre ; on met des hilcincs defTus , &
l'on recouvre le tout de terre.
" Dans tout ce détail nous n'avons point
f, t.iit ula^e des min(?s , afin de limpliHer
/,, dut:int qu'il eil polIiSle Li del'cription des
,, tra.aux que l'on tait depuis la troifieme
,, parallèle , pour le rendre niairre du i.7zf-
„ /7Z^/zcoai'tr^. Nous allons luppléer aéluel-
„ lement à cette omillion , en parlant des
,, princlp.ilosdifficulrés que donneur lesmi-
,, nés, pour parvenir à chafler l'ennemi
,, du chemin couicn.
,, Sans les mines il feroit bien difficile
,, à l'ennemi de retarder les travaux dont
,, nous venons de donner le détail ; par-
,, ce que les ricochets ledélblent entiére-
,, ment , & qu'ils labourent toutes fes dé-
,, ienies , enlorte qu'il n'a aucun lieu où
,, ilpuilFes'en mettre à l'abri : mais il peut
,, s'en dédommager dans les travaux (ou-
,, terrains , où les mineurs peuvent aller ,
,, pour ainfi dire , en sûreté , tandis que
,, ceux de l'afllégeant , qui n'ont pas la
,, même connoillance du terrain , ne peu-
,, vent aller qu'à tâtons , & que c'cfl une
,, elpecc de hazard , s'ils peuvent parvenir
,, à trouver les galeries de l'ennemi , &
,, les ruiner. Si l'on efl inflruit que le gla-
,, cis de la place loit contreminé , on ne
,, doit pas douter que l'ennemi ne pro-
,, lue de les conrremines , pour pouiTcr
,, des rameaux en avant dans la campa-
,, gnc ; & alors , pour éviter autant que
,, taire fe peut, le mal qu'il peut faire
„ avec ^cs foLirneaux , on creufe des puits
,, dans la tr<:îhemc parallèle , auxquels on
,, donne , li le terrain le permet , i8 ou
„ ïo pies de profondeur , afin de gagner
,, ledefTous des galerie:; de raiîiégé ; & .,
,, du fond de ces puits , on mené des ga-
,, leries , que l'on dirige vers le chemin
,, cowfrr pour chercher celles de l'ennemi.
,, On londe les terres avec une longue ai-
,, guille de 1er , pour tâcher de trouver
,, ces galeries. Si 1 on fe trouve deffiis , on
,, y fera une ouverture , par laquelle on
„ jettera quelques bombes dedans qui en
», feront déierter l'ennemi , & qui ruine-
t, ront Ik galerie. Si au contraire on fe
), trouve defUius , on la fera lauter avec
yy un petit fourneau : mais fi l'on ne peut
ty parvenir à découvrir aucune galerie de
ATT
887
,, l'ennemi , en ce cas , il faut prendre le
,, parti de faire de petits rameaux à droite
,, & à gauche , au bout defquils on fera
,, de petits fourneaux qui ébranleront les
,, terres des environs , & qui ne pourront
,, guère manquer de ruiner les galeries &
,, les fourneaux de l'aillégé.
,, Quelque attention que l'on puifie avoir
,, en pareil cas , on ne peut prélumer
„ d'empêcher totalement l'ennemi de fè
,, fervir des fourneaux qu'il a placés ious
,, le glacis : mais à racfure qu'il les fait
,, fauter , on tait pafler des travailleurs ,
,, qui font promptement un logement dans
,, l'entonnoir de la mine , & qui s'y éta-
,, biiflent folidement. On peut dans de
,, certaines lituations de terrain, gâteries
,, mines des ailiégés , en tailant couler
, , quelque rulffeau dans Çqs galeries ; 11 ne
,, s'agit pour cela que de creufer des puits
„ dans les environs , & y faire couler le
„ ruiiîêau. On fe fervit de cet expédient
„ au fiege de Turin , en 1706 , & on
,, rendit inutiles par - là un grand nombre
), de mines des afllégés.
,, L'ennemi doit avoir dlfpofé des four-
,, neaux pour empêcher le logement du
,, haut du glacis ; ils doivent être placés
,, à quatre ou cinq toiles de la palilîade
,, du chemin coui'en , afin , qu'en (autant
,, ils ne caul'enr po-nt de dommage à cette
,, paliflade , & qu'ils fe trouvent à-peu-
,, près Ious le logement que l'afliégeant
,, fiit furie haut du glacis. Lorfqu'il y a
,, mis le ieu , on s'établit dans leurenton-
,, noir ; l'afliégeant fait aulli lauter des
,, fourneaux de ion cufé , pour enlever &
,, détruire la paliflade. Enfin, on ne négli-
,, ge rien de part & d'autre pour fe dé-
,, truire réciproquement. L'allugé fait en-
,, forte de n'abandonner aucune partie de
,, fon terrain , fans l'avoir bien diiputc ;
,, & l'afliégeant emploie de Ion côté toute
,, fjn Induitrie , pour obliger l'ennemi ù
„ le lui céder au meilleur compte , c'efl-
,, à-dire avec peu de perte , de temps , &
,, de monde.
,, On ne peut donner que des piincipes
,, généraux iur ces iorres de chicanes. EI-
,, les dépendent du terrain plus ou moins
,3 favorable; & enfuite de la capacité &
88S ATT
» de l'Intelligence de ceux qui attaquent ,
>i & de ceux qui défendent la place.
» Nous avons luppofé , avant que de
» parler des raines , en traitant du loge-
?) ment fur le haut du glacis , que le feu
>■> des cavaliers de tranchée , celui des bat-
?> tories de canon &: de bombes à ricochet,
» avoit obligé l'ennemi de quiiterle cne-
f> min coure/ 1 : mais ii , malgré tous ces
» feux , il s'oblline à demeurer danvies pla-
t> ces d'armes , & derrière les traverlës ,
i) voici comment on pourra parvenir à l'en
>5 chafTer totalement , & à taire lur le haut
»> du glacis le logement dont nous avons
7} déjà parlé.
» Soit que l'ennemi ait fait fauter un
fy fourneau vers l'angle faillant de (on che~
;,, min couvert , ou que l'affiégeant ait fait
>j fauter vers ces endroits une partie des
» paliflades ; fi-tôt que le fourneau aura
» joué , on fera pafler des travailleurs
73 dans fon entonnoir , qui s'y couvriront
,, promptement , & qui enfuite étendront
,, le logement dans le chemincourenAi part
„ & d'autre des côtés de fon angle (aillant.
,, On communiquera la tranchée double ,
„ ou la double lappe de l'arête du glacis,
,, avec ce logement , pour être plus en état
„ de le foutenir , s'il en eft befoln , & pour
,, pouvoir communiquer plus sûrement avec
,, lui. Une des grandes attentions qu'il
„ faut avoir dans ce logement , c'eft d'en
„ bien couvrir les extrémités, c'eft-à-dire
„ de s'y bien traverfer pour fe couvrir des
,, feux des autres parties du chemin cou-
„ l'en, où l'ennemi fe tient encore.
,, Lorfquece logement fera parvenu au-
„ près des premières traverfes du chemin-
3, couvert , fi l'ennemi eft encore derrière,
,, comme il ne peut y être qu'en très-
„ petit nombre, eu égard à l'efinice qu'il
,, y a , on l'en fera chaiîer par une com-
„ pagnLe de grenadiers , qui tomberont
,, brufquemcnt fur lui ; après quoi on
,, fera chercher dans la partie qu'ils au-
,, ront abandonnée , l'ouverture ou le lau-
,, ciflbn de la mine , & ii on la trouve ,
3, comme il y a apparence, on l'arrache-
ra, & on rendra par-là fa mine inutile.
,, On pourra auffi laire palier quelques
, , travailleurs dans le pallage de la travcr-
,, lé : ils y feront un logement qui fera
ATT
,, l'un des plus sûrs de ceux que l'on peut
,, faire dans cette proximité de l'ennemi.
,, On percera enluite une entrée dans le
,y chemin couvert , vis-à-vis ces traverlës ;
,, on la prolongera jufque vers le bord du
,, folfé , en fe couvrant de la traverle;
,, après quoi l'on fera partir une fappe de
,, chacune des extrémités de ce paifage ,
,, c'e/î- A-dire environ du bord de la con-
,, tr'elcarpe , lefquelles fulvront à-peu-près
,, l'arrondillêraent de cette contr'efcarpc,
,, vers le milieu de laquelle elles fe ren-
,, contreront. On enfoncera beaucoup ce
,, logement , afin qu'il ne caufe point
,, d'oblîacle à celui du haut du glacis : &
„ l'on fera enforte de lailfer devant lui
,, jufqu'au bord du fofTé , une épaifTeur
,, de terre fulfifante pour réiiikr au ca-
,, non des flancs & de la courtine. On
,, blinde ce logement pour y être à cou-
,, vert des grenades. Il efl d'une grande
,, utilité pour donner des déi^ouvertes dans
„ le folle.
,, On continuera, pendant le temiis qu'on
,, travailleraà ce logement dans l'mtérieur
„ du chemin couvert , le logement du haut
,, du glacis, jufqu'aux places d'armes rcn-
,, trantcs , d'où l'on pourra chafler l'enne-
„ mi de vive force , par une attaque de
,, quelques compagnies de grenadiers, fup-
,, pofé qu'il fe Ibit obiliné à y demeurer
,, malgré le teu des ricochets, des bom-
,, bes , & des pierriers. L'ennemi les a) anr
,, totalement abandonnées , on y tera un
,, logement en portion de cercle dans l'in-
,, térieur , ainh qu'on l'a déjà dit précé-
,, demment.
De l'attaque de vive force du chemin cou-
vert. " Il y a une autre manière de chafler
,, l'ennemi du chemin couvert plus promp-
,, te, mais aulli beaucoup plus meurtrière ,
,, plus incertaine , & infiniment moins ia-
,, vapte. Elle confifle à taire une attaque
,, fubite de tout le chemin couvert du
,, front de l'attaque , à en chafler l'ennemi
,, à force ouverte , & à s'y établir immé-
,, diatement après par un bon logement.
,, Il le trouve descirconflances quiobli-
,; gent de prendre quelquefois le p;u-ti
,, d'attaquer ainfi le chemin couvert : com~
,, me lorfque l'on ne peut pas établir des
,j batteries à ricochet pour battre (es bran-
ches
ATT
» chcs de mcme que les faces des pièces
>j de tortification du tror.t de Vattaque ,
» ou qu'on prelume que l'ennemi n'ci!
7> pas en état de rélUler à une attaque d.
» la forte ; ou enfin qu'on croit ne devoir
j> rien négliger pour ;; emparer quelque-
j> jours plutôt du chemin c^-uyert ; en cc
» cas on prend le parti de Kiire cette ai-
>j tjqiie. Voici en peu de i ■'.ots comment
>j on s'y conduit.
»> Lo'rfqu'on a pris le parti d'attaquer le
jj chemin couvert de vi\ e tui ce , en fait en-
»j forte que la troifieme pariilielc avance
» ou empiète fur le glacis : plus elle lera
M avancée & plus Yattaque fe tera avania-
>j geufement. On hilt des banquettes tout
» le long de cette parallèle en torme de
» degrés jiilqu'au haut dé ion parapet ,
» afin que le foldat puilfe paiîer ailéiuent
» pardeiiùs , pour aller à V attaque duc he-
» min comeit.
T> On tait un amas confidérahle de ma-
>3 tériaux \\\\ ic revers de cette ligne , &
w dans la ligne même , comme d'outils,
>j de gabions , de hilcincs . de iacs à ter-
„ re , Ùc. afin que rien ne manque pour
» fiiire promptement le logement , après
avoir chaiié l'ennemi du chemin cou-
vert. On commande un plus grand nom-
bre de compagnies de grenadiers qu'à
l'ordinaire , on les place le long de la
>5 troifieme parallèle , fur quatre ou fix
>y de hauteur; & les travailleurs 'ont der-
» riere eux , ilir les revers de cette paral-
» lele , munis de leurs outils , de gabions ,
» fafcines , Ùc. On a foin que tous les
>3 autres poites de la tranchée foient plus
jj garnis de troupes qu'à l'ordinaire , afin
« de fournir du fecours à la tête, s'il en
j) ell: befoin , & qu'ils faficnt feu fur les
>j défenfes de l'ennemi , qu'ils peuvent
» découvrir : les grenadiers font auflî ar-
f> mes de haches pour rompre les paliifa-
}j des du chemin couvert.
» On donne ordre aux batteries de ca-
» nons , de mortitrs , & de pierricrs , de
» fe tenir en état de féconder Wittaque de
« tout leur feu ; on convient d'un fignal
>> pour que toutes les troupes qui doivent
»> commencer V attaque, s'ébranlent en mê-
„ me temps , tombent & toutes enfemble
« fur l'ennemi.
Tome ni.
ATT SSï,
» Ce fignal confifie en une certaine quan-
tité de coups de canon , ou un certain
nombre de bombes , qLi'on doit tirer
de liiitc ; & l'on doi* ie mettre en mou-
vement au dernier coup , à la der-
nière bcmibe.
" Le ii;;iu!l ét.'.nt donné , toute* les troi:-
pes de la troifieme parallèle s'ebranient
en même temps , & pafîent brut-
quement pardeiiùs fon parapet ; elles
vont à grands pas au cliemin couvert ,
& entrent dedans , loit pf.r fes bar-
rières , foit par les ouvertures que les
grenadiers yfont, en rompant les paliiia-
des à coups de hache. Loriqu'tlles y ont
pénétré , elles chargent l'ennemi avec
beaucoup de vivacité; dès qu'elles font
parvenues à lui en taire abandonner quel-
ques-uns des angles , les ingénieurs y
conduilent promptement les travailleurs ,
& y tracent un logement fur la partie
fupéricure du glacis , vis - à - vis de la
partie du chemin couvert abandonné ,
& à trois toifès de fon côté intérieur.
Ce logement , comme on a déjà dit , fê
tait avec des gabions que les travailleurs
polent fur le glacis , à côté les uns des
autres. Les joints en font couverts pr r
des facs à terre , ou par des fagots de
fappe. On remplit auifi ces gabions de
terre , on les couvre de fafcines , & l'on
jette fur le tout la terre que l'on tire du
glacis , en creulànt & en élargiflant le
logement ; on s'en fait un parapet pour
fe mettre à couvert du feu direâ de la
place , le plus promptement qu'il eft
polfible , & l'on fe garantit de l'enfi-
lade par des travcries.
jy Pendant cette opération , toutes les
batteries de la tranchée ne cefïènt de ti-
rer aux défenfes de la place , pour y
tenir l'ennemi en inquiétude , & dimi-
nuer autant que l'on peut l'activité de
fon feu fur les travailleurs & fur le lo-
gement.
»> Lorlque les troupes , qui ont fait l'at-
taque , l'ont parvenues à chaHer l'enne-
mi de fon chemin couvert , ou de quel-
qu'une de iés places d'armes (car fou-
vent on ne peut dans une première at-
taque y établir qu'un ou deux logemens
aux angles laiilans ) , elles fe retirent
Q q q q q
890 ATT
» derrière le logement , oCi elles reflerit |
» le genou en terre , jufqu'à ce qu'il foit
» en état de les couvrir. Quelquerois Ten-
» neini que Ton -croyolt avoir chalTé du
>j chemin com-'en , revient à la charge , &
») il oblige de recommencer Vauaqiie & le
f> logement , qu'il culbute, en tombant ino-
>j pinément defTus. Cette attaque peut^ fe
« recommencer plufieurs fois , & être
>5 fort difputée , lorfque l'on a affaire à
» une forte garnifon ; en ce cas il faut
« payer de bravoure , fe roidir contre
7> les difficultés de l'ennem*.
» Lorfqu'il efl prêt d'abandonner la par-
»5 tie , il laut mettre le feu à fes mines ;
f} on s'établit auffi-tôt qu'elles ont joué ,
3) dans les entonnoirs, comme nous l'a-
f) vons déjà dit , en paHant de cette ana-
T> que par la fappe : enfin on s'oppofe à
» toutes fes chicanes , autant que l'on peut;
>j & fil'on cft repouflfé dans une premie-
« re attaque , on s'arrange pour la rccom-
» mencer le lendemain ou le llir - lende-
■>•> main , & l'on tâche de prendre encore
i-> plus de précautions que la première fois
)■) pour réullîr dans l'entreprilc.
■>■) Avant de commencer cette attaque, on
» canonne pendant plufieurs heures avec
« vivacité le chemin couvert , pour tâcher
j> d'en rompre les paliflades & labourer
}) la partie fupérieure de Ion glacis , afin
»> d'avoir plus de facilité à y pénétrer &
!•) à faire le logement. On laifle après cela
„ le temps néceiTaire aux pièces pour
w qu'elles refroidiflent , c'eft-à-dire envi-
» ron une heure , & l'on commence Wzt-
« taque comme nous l'avons dit , pendant
»j laquelle l'artillerie agit continuellement.
)} Il faut convenir que cette forte d'at-
7) taque cft extrêmement meurtrière. Les
») aliiégeans font obligés d'aller pendant
»> prefque toute la largeur du glacis à dé-
» couvert , .expolés h tout le feu de la pla-
» .ce. Ils font obligés d'attaquer des gens
.•) crc'iés derrière des paliflades , qu'il huit
» rompre à coups de hache pour parve-
» nir jufqu'.i eux. Il faut combattre long-
« Temps avec un délavantage évident ; &
»i> lord'qu'à force de valeur on a chalTé l'en-
.M nemi , on fe trouve expofé à tout le
yy feu des remparts , qui eil fcrvi alors
» avec la plus grande vivacité. On ell aul-
ATT
» fi expofé aux mines que l'ennemi fait
» l'auter pour déranger le logement , met-
» tre du défordre & de la confufion par-
>j mi les troupes ; ce qui leur donne la
» iacilité de revenir fur elles , & de les
» harceler encore de nouveau. Il s'en faut
» beaucoup que la première méthode dont
»> nous avons parlé , foit auffi incertaine
» & auffi meurtrière que celle-ci. Suivant
» M. le Maréchal de Vauban , on doit
>5 toujours la préférer lorfqu'on en eflmaî-
M tre , & ne fe fervir de cette dernière ,
» que lorfqu'on y eu obligé par qucl-
)5 ques raifons eflèntiellcs.
'5 Le temps le plus favorable peur c;:te
» attaque eu la nuit ; on efi moins vu
7) de la place , & par confequcnt fon
»j feu eft moins dangereux : cependant
n il y a des généraux qui la font faire de
» jour. Il n'y a rien de réglé là-defTus;
V ils (ont les maîtres de prendre le parti
»j qu'ils croient le meilleur , fuivant les
>j circonilances du temps & des lieux. „
Attaque des places , par M. le Blond. {Q)
Attaque , en Efcrime , eu un ou plu-
fieurs mouvemens que l'on fait pour ébran-
ler l'ennemi , afin de le frapper pendant fon
défordre.
ATTAQUER u/j chei^al, {Manège) c'cfl
le piquer vigoureufement avec les éperons.
in
ATTEHU , f. m. (Hift. nat. Botaniq.)
genre de plante de la famille des piita-
chiers , dont on connoît aux îles Molu-
ques deux efpeces que nous allons décrire.
Première efpece. AttehU.
Vattehu , ainfi nommé par les habitans
de Boeron & de Leytimore , a été très-
bien gravé, quoique ians détails , par
Rumplie dans Çon Heibanum Amboinicum,
l'ol.I, pag. i i,0 , pi. LUI, n". z, fous le
nom de papaya littoria Boeronenjis.
C'cfl un arbre de io pies de hauteur ,
.\ tronc flmple , droit & élevé , d'un pie
ou environ de diamètre , fans branches ,
couronné feulement A fon extrémité , com-
me le papayer , ou plutôt comme le_ fu-
mac , l'azcdrac ou le monbin , d'un faifccau
de quinze à vingt feuilles , au deiious def-
quellcs on voit lùr une longueur de deux
ATT
pi^s , ou environ , les cicatrices ron(ies &
contiguës des feuilles précédemment tom-
bées. Lorlqu'il cÛ jeune, fon bois cfl fi ten-
dre , fi cafTant , que le vent l'abat fouvent ,
& qu'on ne peut y monter ; il y a au cen-
tre une grande cavité qui fe remplit peu à
peu , de forte que quand il eil vieux , on
n'y voit qu'un pouce de moelle tongueulc
entourée d'un bois dur.
Ses feuilles font alternes , difpofécs cir-
culairement , & fort ferrées autour du (om-
met du tronc , ailées fur un double rang ,
ou compofées de huit à neuf paires de fo-
lioles alternes , elliptiques , pointues aux deux
bouts , longues de quatre à cinq pouces ,
deux à trois fois moins larges , dentelées
à dents aiguës , fermes , feches , lifies deflus ,
molles dell'ous , relevées d'une nervure lon-
gitudinale qui les coupe inégnlement en deux ,
& qui porte huit à dix côtes comme oppofees
de chaque côté. Le pédicule commun qui
compolè chaque feuille , ne porte les fo-
lioles que fur ia moitié fupérieure , l'autre
moitié eft nue ; il cÛ charnu , herbacé , verd ,
long d'un pié ou un pié & demi , cylindri-
que, épais de deux à trois lignes , & comme
articulé à fon origine , qui , après fa chute ,
relte fur l'arbre comme une callofité aflcz
élevée.
Du centre du faifccau des feuilles , s'élève
au fommet de l'arbre un faifceau de vingt
à trente panicules ou grappt's de Heurs ,
élevées , droites , longues de fix à neuf
pouces , ramifiées chacune en dix à douze
branches alternes , difpcfees circulairement.
Chaque grappe porte environ cent ou deux
cents fleurs , d'abord iemblables à des bou-
tons fphériques d'une ligne environ de dia-
mètre , portés fur un pédicule à-peu-près
de même longueur , & couchés horizon-
talement , qui s'ouvrent en un calice hé-
mil'phérique d'une feule pièce à quatre dents ,
& qui contient une corolle à huit pétales
oblongs , jaunes & concaves , avec un
ovaire peu apparent , couronné de cinq
flvles écartés , qui devient par la fuite une
baie ovoïde blanchâtre, i'echc comme une
ccorce , qui conferve fcs cinq flyles pendans
& correfpondans à autant de loges qui con-
tiennent chacune un pépin ovoïde , pendant
du haut du fruit en bas.
Qualitc's. Toute la plante a une faveur
ATT 891
douce afîez fade. En quelque endroit qu'on
la coupe , elle rend un ("uc laiteux comme
le papayer ou le fumac.
Ufdges. A Leytimore & Totarfon où cet
arbre croît aflez abondamment , on fait de
fon bois, pour les portes des maifons & pour
les petits navires , des planches qui font aflêz
de durée.
Deuxième efpece. R1MA.-TEHU.
La féconde efpece d'attehu fe nomme
77V;7j-/tf/zz/ par les habitans de Soyar. Ceux
de Baguala ou Bagucwal l'appellent oeri~
marej/'u ou culit goegor , parce que fon
écorce & les feuilles tombent fi facilement ,
que louvent fon tronc en eft entièrement
nu & découvert; ceux des îles Uliafl'es ay non
allô ; ceux de Leytimore ay niwer & ayn'ier ,
c'efl-A-dire , arbre femblablc au palmier
calappa , c'eft-à-dire , au cocotier ; les Ma-
lays lui donnent le nom de papaya utan
que Rumphe a rendu par celui de papayx
fyli'eflris , ious lequel il a donné une figure
fort réduite & incomplète de cette p!an;e
;\ la pag. 149 , pi. LUI, fig. i , de fon
Hcrbarium Amboinicum , pol. I.
Le rima-tehu , a ;\-peu-près le port de
Vatrehu , mais il s'élève julqu'à la hauteur
de trente à quarante pies ; fon tronc n'a
guère que fix ;\ neuf pouces de diainetre ;
les cicatrices des feuilles tombées y (ont-
moins élevées , plus triangulaires & plus
lâches , parce que les feuilles y lont moins
ferrées , & il efl pour l'ordinaire un peu
courbé par le poids des feuilles. Elles font
ailées comme à ceux de la première efpece ,
compofées de quinze à vingt paires de fo-
holes longues de fix à neuf pouces , & une
fois moins larges, c'eft- à-dire, moins étroi-
tes à proportion de leur longueur que celles
de ïattehu ; le pédicule commun qui les
porte , prefque d'un bout ;\ l'autre , a cinq^
ou fix pies de longueur , & eft comme ar-
ticulé ou renflé à l'infertion de chaque paire
de folioles.
Les grappes de fleurs couronnent, comme
ccl'cs de Vattehu , le tronc ; mais elles
ont jufqu'à deux pies de longueur. Les
fleurs font fuivies de petites baies ovoïdes
de la grandeur & forme d'un grain de riz
ou d'épine-vinette , berberis , applati en
deflfus, couronné de cinq filets , à chair
Qqqqq 2
.991 ATT
l):iir.che , ftche , partar,--e en clifq loges , '
contenant cinq pépins.
' Cet arbre croît particulièrement fur les
itiont.igncs de Le} timoré. Il a les mêmes
qualités & les muiies ufages que ïattehu.
Remarques. Rumphe n'artribue dans fa
figure aL* rima-tchu que quatre pttales ,
tandis qu'il en accorde huit à Vattehu,
tant dans la delcription que dans lafigure
qu'il donne de cette plante : ce qui nous
paroît être une erreur , d'autant plus qu'une
pareille irrégularité ne le voit dans aucune
autre plante de la famille des piilacliiers ,
où l'on ne peut refufer une place à ce genre
qui, en fuppofant fa corolle^ à quatre pé-
tales , fe rapprccheroit afléz de razeclérac.
{M. Adajvson. )
ATTEINDRE , terme de marine pour
dire joindre un vaijfeau. Atteindre un raif-
feau en chajjant fur lui. {Z)
ATTEINT , A^]. terme de Palais en
matière criminelle , le dit d'une perionne
qui a été trouvée coupable de quelque crime
ou délit. On ne le dit guère iansy ajouter
le terme de convaincu y qui y ajcTute plus
fîe force ; car un acculé atteint , ell feu-
raeat celui contre lequel il y a de torts
indices : mais il n'eft convaincu que quand
ion crime efl parfaitement conflaté : aufli
une fentcnce ou arrêt de morj- porte tou-
jours que l'accuie a été atteint & convaincu.
Voye\ Conviction. (//)
* ATTEINTE, en médecine ^ fe prend
pour une attaque légère de maladie. On
dit : il fentit dès là jeuneiTe les premières
atteintes
delà
a coutte.
Atteinte , f. f. {Manège.) c'efldans
les coui-fès de bague le coup dans lequel la
lance touclie la bague fans l'emporter. On
<îit : il a eu tro:s dedans &: deux atteintes ;
ou dans une courfe , il a touché deux loi:^
la bague, & il l'a emportée trois.
Atteinte, {Manège.) mal qui arrive
«u derrière du pié d'un cheval , quand il
s*y bleffe, ou qu'il y efl bleffé par le pié d'un
autre cheval. Atteinte encornée , cfi: cclfj
qui prnctre jufque defious la corne. At-
teinte foitrde , cil celle qui ne forme qu'une
contufion (ans bleflurt- apparente.
Un cheval fè donne une atteinte , lorf-
qu'avec la pince du fer de derrière , il fe
donne un coup f.r le talon du pié de de-
A T T
vant ; mais plus communément les attein-
tes proviennent de ce qu'un cheval qui en
luit un autre , lui donne wn coup , foit au
pié de devant , foit au pié de derrière ,
en marchant trop près de lui. ^atteinte
ou le coup qui lera donné iur le talon au-
près du c]uarticr, de l'une oil de l'autre de
ces deux façons , fera meunrifîure ; ce
qui s'appelle une atteinte fourde; ou bien
une plaie , ou un trou en emportant la
pièce ; & fi ce trou pénètre julqu'au car-
tilage du pié, & que ce cartilage fe cor-
rompe , alors le mal eft confidérable , &
s'appelle une atteinte encornée , qui devient
aufli dangereuic qu'un javard encorné. Une
atteinte encornée peut provenir auiii de ce
qu'un cheval fe fera blefie iur la couronne
avec le crampon de Tautre pié : elle de-
vient de même encornée , lorlqu'on la né-
glige dans les commencemens , quoiqu'elle
ne ioit p;Ls confidérable d'abord , & que
le cheval n'en boite guère : car fi l'on con-
tinue à le travailler , fans longer à ion at-
teinte , la piu'tie fatiguée fera plus flijctte
à fe corrompre , & à venir en matière.
Les chevaux , dans les temps de gelée ,
quand on leur met des crampons fort longs ,
& des clous à glace , ic donnent des attein-
tes plus dangercufes.
On connoît Vatteinte par la plaie : on
voit dans l'endroit où le cheval a été at-
trapé , foit au dcflous de la couronne , ou.
même dans le paturon , le iang qui fort y
& un trou , ou bien la pièce emportée.
, A l'égard de ïaueinte fourde , je veux dire ,.
celle où il ne paroit rien , on la recon-
noît en ce que le cheval boire , & qu'oa
fent la partie frappée plus chaude que k
relie du pié.
Quand la partie qui efl au défias de X at-
teinte enfle , que la corne ie rellerre , &
que le pié s'étrécit au dellous , il eil bien
à craindre que le cartilage du pié ne le
corrompe , & que Vatteinte ne devienne
encornée.
Un cheval aura fouvent eu une atteinte
qui aura pénétré julqu'au cartilage : on;
pcnirra le guérir en apparence ; le trou fe.
bouche , & la plaie , s-'il y en a , ie con-
i'olidera hicilemect ; le cheval ne boitera
plus ; & on le croira guéri : n-.ais comme:
le cartilage eÛ touche , & qu'il ell iniba-
ATT
fible , quoiqu'il ne fafle plus boircr , la
inaricre s'afîcmble dans cette partie , & en
fait peu à peu une torte attttnw encornée ,
qui ci\ quelquefois fix mois à paroître ,
lur-tout lorfque la matière qui corrompt
ce cartilage n'a point de malignité par elle-
même.
Quand on néglige une atteinte f:mple ,
elle peut devenir encornée , & par cojifé-
quent très-dangereul'e.
Dès le moment qu'on s'appcrçoit de Vat-
tcinte , c'eO-.'i-dire auiiî-tur qiTelle a été
donnée , on met du poivre delilis , ce qui
la guérir pour l'ordinaire : mais fi l'on ne
la traite pas dans le moment qu'elle vient
d'être donnée , après avoir coupé la chair
détacliée , on commencera par laver la
plaie avec du vin chaud & du lel ; on pi-
lera enfuite un jaune d'œuf dur , (S: on
l'appliquera deflùs en forme d'onguent ;
s'il y a un trou , on emploiera la rérébcn-
thme & le poivre , ou bien de la poudre
à canon délayée avec de la falive ; on en
remplit le trou de Vatteinte , &: on y met
le feu : fi le trou eil fin- la couronne , & pro-
fond , il faut paiîer deîlus le fer ardent ;
&; pour empêcher que l'air n'y entre , on
fera tondre l'emplâtre divin avec l'huile
rofat ; & après l'avoir mis fur du cotun ,
on l'appliquera fur la plaie.
Si Vatteinte efl confidérable , on com-
mencera par faigner le cheval.
Lorfque Vatteinte devient encornée , c'efl
qu'cl'c a été négligée , ou que la bleflure
fe trouvant auprès du cartilage , la chair
meurtrie le convertit en une matière qui
corrompt le cartilage ; ou bien Vatteinte
jnéme parvient jufqu'au cartilage , & le
noircit : cette circoafîance cfl très-dange-
reufe.
Il faut fuivre , pour guérir une atteinte
encornée , la même méthode que pour le
javard encorné ; car elle efl iujette au même
accident , & la cure en eft précifément la
même.
Au rcfle , il f^iut empêcher que Vatteinte
ne ie mouille , &: que le cheval ne la lè-
che ; car il ne fauroit guérir tant qu'il fe
léchera. ( V)
ATTELAGE , fe dit d'un nombre de
xhevaux deitinés à tirer ui^ voiture.
^ A T T 893
ATTELfc'R , c'eH joindre des chevaux
H i;ne viurnre pour la tirer.
ATTELIER , boutique , n:agafin , chan-
tier. L'attelicr & la /'outiqne , ibnt l'un
& l'autre des lieuv où l'on travaille cnfcm-
ble & féparément : mais Vattelier le dit
des peintres , ôx^ (culpteurs , des fondeurs ,
& de quelques autres ; le chantier , des
charpentiers , marchands de bois , conf-
trudeurs de vaiilcaux ; & la boutique y de
piefque tous les autres arts méchaniqucs.
Le cliantier cft ordinairement plus rrand
que Vattelier , &; Vattelier plus grand que
la boutique : Vattelier & la boutique iont
couverts ; ie cliantier ne l'eit pas toi-jours ,
ni prefque jamais en entier : Vattelier èc le
chantier lonr des batimens féparés ; la bou-
tique & le riapajin font des Heux particu-
liers d'un bàtinicnt ; le premier a com.mu-
nément une ouverture liir la rue. Les ou-
vrages Vc fonrdans Vattelier & dans la bou-
tique , le renferment dans le rnaga/in , &
reilentati contraire fur lecAj/ji.'Vr juiqu'à ce
qu'ils foient employés ou vendus.
Vattelier des terrafiiers eft l'endroit d'un
jardin où ces ouvriers dénofent leurs ou-
tils , & fe difpoient au travail : la berge
lur laquelle en forme les branches 6c les
coupons d'un train , s'appelle Vattelier clés
faijéitrs de trains. Voyc^ TraiN. Le ci-
rier a proprement quatre attelle rs ^ la fon-
derie , Vattelier des mèches , celui de V ap-
prêt, ^cc\u\ de Vachêrement. T^oy. Cl RE,
Danslamanufaflure des glaces, il y a deuît
(oi-tesàCatteliers; ceux de l'adouci, Scceuv
du poli : on dégrollît les glaces dans les
premiers ; on les achevé dans ks autres.
Voyei Glace.
Les atteliers de vers à foie font une ef-
pece d'édifice léger , confirait de perches ,
& léparé en cabanes par des branches ou
rameaux de divers bois , & dont le plan-
cher efl fait de claies d'ofiers Vqc% & pe-
lés : (^G.9i. là qu'on nourrit & qu'on enfre-
tient les vers à foie ; c'efl li\ qu'ils font kuis
œufs & leurs cocoiis.
Attelier , f m. {Hifl. mod. ) fe dit
encore d'un lieu où l'on enfenne les pau-
vres , les vagabonds & les fainéans, pour les
y faire travailler, moyennant la nourriture &
: rhabillemciu , £v.
l Tels font à Londres Brid-wclî , & plu.
894 ATT
fleurs autres lieux dans les faubourgs, fur-
tout dans la rvQ de Bishopfgate , où l'on
retire les piuivrcs enfans de la ville qui
n'ont aucun étabUflement ; & celui qui elt
dans la paroiiTe de lainte Marguerite à
Wefiminikr, appelle the-Grey-Coat-hof-
pital. Voye\ HÔPITAL.
Il y aà Amfierdam u n fameux a«f//>r ou
maifon de corre(5lion , appellée Rafphuyfe ,
qui , par un privilège obtenu en lyoz , a
feule le droit de fcier & de couper les bois
qui fervent pour la teinture, comnie Icbrefil,
le fantal , le campeche , le faflàlras , &c.
Chaque perfonne eft obligée de donner
350 livres de bois râpé par jour , & ceux
qui font moins robuftes , une certaine quan-
tité de coupeaux. {G)
ATTELIER du Sculpteur, [Afiron.)
nom d'une conllellation méridionale intro-
duite par M. l'abbé de la Caille , dans fon
nouveau PLanifphere des étoiles aujhdles ;
il l'appelle apparatus fculptoris. Elle ell fituée
fur le colure des follHces , au defTus de la
grue & du phénix. La plus belle étoile de
cette conftellation eft de la cinquième gran-
deur ; fon afcenfion droite au commence-
ment de 17^0, éroitdc n'', 38', 58" , &
fa déclinaifon 30<l , 43' , 3" auilrale. Voyez
C.vlum Auftrale ftelliferum ij6j. {M.
DE LA LANDE. )
ATTELLE , f. f. Il y a chez les Po-
tiers - de-terre deux inflrumens de ce nom :
l'un eft un petit morceau de bois qu'ils
mettent entre leurs doigts , & qu'ils ap-
pliquent aux bords de l'ouvrage pour l'en-
lever de deflîislarouc ; l'autre ell de fer ,
a la forme d'une plaque mince , & de trois
eu quatre pouces en quarré, eft perce d'un
trou dans le milieu pour pouvoir être tenu
ferme , eft tranchant par une de fcs^ faces ,
& fert au potier à diminuer d'épaiflcur fon
ouvrage.
Attelles ou Attelloires , terme
de Bourrelier ; ce font deux efpeces de plan-
ches chantournées , beaucoup plus larges
par en-haut que par en-bas , que les bour-
reliers attachent au devant des colliers qui
doivent fervir aux chevaux de charrettes
& de charrues. Les attelles font ordinai-
rement faites de bois de chêne , & on les
peint quelquefois.
Les bourreliers font dans l'ufage d'atta-
ATT
clier au devant de leurs boutiques , ou
d'y faire peindre des attelles y pour fervir
de montre & d'enfeigne.
Attelles , terme de Plombier; ce
font des bois creux , qui , étant réunis &
joints l'un contre l'autre , forment une poi-
gnée dont ces ouvriers fe lervent pour te-
nir leur fer à fouder : on appelle auITi ces
poignées de moufflettes. V. MoUFFLET-
TEs & Fer a souder.
Attelles font auffi au nombre des ou-
tils du fontainier. voye\ ce que c'eflau mot
Fontainier. [K)
'^ATTENDORN , ( Geo^r.) ville d'Al-
lemagne , dans le duché de Weftphahe ,
aux confins du comté de la Marck , pro-
che d'Arensbcrg , vers le midi.
ATTENDRE un cheval, [Manège. )
c'eft ne s'en point fervir , ou le ménager
jufqu'à ce que l'âge ou la force lui ibif
venue. ( ?^).
ATTENE , ( Géogr. ) contrée de l'A-
rabie Heurcule que Pline met à cinquante
mille pas du rivage , vers le golfe de Gerra.
C'eft aujourd'hui le pays d'Oman. {C. A.)
ATTENI ou ATTENY, [Géogr. ) ville
des Indes au royaume de Decan , dans la
prcfqu' île en-deçà du Gange. Elle eff dans une
belle fituation , au milieu d'une forêt de
palmiers, non loin de la mer, à vingt-deux
lieues , &; au nord de Vilapour. ( C. A. )
ATTENTAT , f m. en terme de Pa-
lais f fe dit de toute procédure qui donne at-
teinte aux droits ou privilèges d'une juril-
didion fupérieure , à l'autorité du prince ,
ou A celle des loix.
ATTENTATOIRE , eft un adjeaif
forme du terme précédent , & qui a le
même uiiige & la mêmefignification. [H)
''ATTENTE, [Architecture.) Voyei^
Pierre d'attente & Table d'at-
tente.
♦ATTENTION , exactitude, rigilance,
[ Gramm. ) tous marquent différentes ma-
nières dont l'ame s'occupe d'un objet : rien
n'échappe à Y attention ,• Vexaclitude n'omet
rien ; la vigilance fait la sûreté. Si l'ame
s'occupe d'un objet , pour le connoître
elle donne de ^attention ; pour l'exécuter
elle apporte de Yexaclitude ; pour le con-
fervcr elle emploie la vigilance. Vattention
fuppofc la préfcnce d'eiprit , VcxaSitude,
ATT
la mémoire ; k vigilance , la crainte & la
méfiance.
Le magifirat doit ctre accent!/ y l'ambaf-
fiideur exac! , le capitaine viç^iLinc. Les dil-
cours dca autres demandent de Witcention ;
le maniment des aflaires de VexacIicuJc ;
l'approche du danger de la l'igilancc. Il faut
écouter avec dcteniion ; iatiihiire à fa pro-
mefie avec exaâiciide , & veiller à ce qui
nous efî confié.
ATTENTION ,^ f. f. ( belles lectres. )
C'eft une aûion de refprit qui fixe la pen-
féc lur un ohict & l'y attache , nu contraire
de la diiîlpation qui la dérobe à el!e-même ,
de la rêverie qui la laifle errer au liazard fur
mille objets dont aucun ne l'arrête , & de
la diftraclion qui l'emporte loin de l'objet
qui doit Tùcciiper.
h'artention donne à refprit une fécondité
furprenantc , &. bien for.vcnt ine!];érée ; c'eft
peut-être le plus grand iecret de l'art , le
plus grand moyen du génie. Ce que tout
le monde apperçoit d'un coup-d'œil dans
la nature , n'a nen de piquant dans l'iiTii-
tiition, le charme de celle-ci confifle à nous
frapper de mille traits intéreflans qui nous
avoient échappé ; c'efl Vattencicn qui les
faifit , & qui , changée en habitude , diftin-
gue le coup-d'œil pénétrant de l'artiik , du
re^jard diftrait , vague & contus de la mul-
titude.
Il n'efl: pas bien décidé que le poëtc ,
dont les peintures vous ravifilnt par la nou-
veauté des détails & leur vérité finguliere ,
io.t né avec plus de talent que vous pour imi-
ter la nature ; vous l'auriez peinte comme
lui , fi vous l'aviez étudiée avec la même
aue/icicn que lui ; mais tandis que vos ycu>:
fc promènent fans réflexion , comme fans
dcflèin , fur ce qui fe palle autour de vous ,
les liens ne ceHent d'épier la nature , fie
d'oblcrver ce qui lui échappe de fingulier
& de piquant. •
Lorfque l'accenaon fe porte fur ce qui
fc paflê au dedans de nous - mêmes , elle
s'appelle réflexion ; & lorfque la réflexion
efl- protonde & long-temps fixe , elle s'.ip-
peile méditation ,• c'efl la iource des grandis
peniées. C'efl en creulant que le génie s'en-
richit des tréfors cachés dans les entrailles
de la nature , fembl.iblc au chêne que nous
peint Virgile , qui, p'u. il étend iës raci-
A T T Spy
nés , plus il élevé les r.imfaux. ( M. Mar~
M ON TEL. )
Attention , f. f. (Logiq. ) c'eft une
opération de notre amc , qui , s'attachant à
une partie d'un objet compofé , la confidcre
de manière à en acquérir une idée plus
diflinâe que des autres parties. Ainfi , dans
un fpeâaclc , nous donnons une attencion
toute particulière aux fcencs vives & intc'-
reflantes. La connoilîlmce que fait naître
en nous l'attention efl fi vive , qu'elle ab-
forbe, pour ainfi dire, foutes les autres,
oc qu'elle lemblc fcu'e occuper l'amc &
la remplir toute cnûcYC.
Il eir certain eue plus nous apporterons
de contention d'efprit à l'examen d'une
ciiofe qui cfl hors de nous , plus nous pour-
rons acquérir un grand nombre des idées
particulières qui font contenues dans l'i-
ciée complexe de ce que nous cxaininons.
La même chofe a lieu par rapport à ce
dont nous avons une perception immé-
diate , ibit qu'il s'agifîè de ce qui lé paiîè
dans notre ame , Ibit que nous compa-
rions des idées déjà acquifes. A l'égard
de ccs^ dernières , il cfl clair que fi nous
confidérons pendant long - temps & avec
.ittention deux idées corr.pofées , nous dé-
couvrirons un plus grand nombre de rela-
tions entre les idées particulières qui les
con-.poient. UaticntioncÛ , pour ainli dire,
une efpece de microfcope qui groflit les
objets , &: qui nous y f.;it apperccvnir
mille propriétés qui échappent à une vue
diilraite.
Pour atigmcnrer Vattentlon . il faut avant
tout écarter ce qui pourroit la troubler ;
enfuire il faut chercher des lecom-s pour
l'aider. ,
1°. Les fenfations font un obflacîc .1 Y at-
tention que nous voulons donner aux ob-
jets qui occupent notre imagination ; &
le mLJlieur moyen de conierver cette at-
leniion^ , c'elr d'écarccr tous les objets qui
pourroient agir fur nos fens , & de ban-
nir de notre imagination tout ce qui la
rembie trop vivement. Les fenfations obf^
curciflent, ellàcent , & font écliofcr les
acles de l'imagination , comme le prouve
l'expérience. Vous avez vu hier un tableau
dont vous vous rapp.llez ?.duc!iement l'i-
dée \ mais au même moment un autre
£c,6
y^ ATT
rabieau frappe votre vue , & chafTe par
Ion impreilion l'image qui vous occupoit
inttriturement. Un prédicateur luit de mé-
moire le fil de Ion difcours ; un objet lin-
gulier s'ofFre à les regards , fon attention
s'y livre , il s'égare , & cherche inutile-
iT.cnt la fuite de les idées. Il eli: donc ci-
Tcncie! de préierver (es- fens des imprel-
lîons extérieiires , lorsqu'on veut loiitcnir
l'on attention. De-Ià ces orateurs qui i-éci-
lentlcs yeux fermés ou dirigés vers quel-
que point fise &c immobile. Del;\ les loins
d'un homme de lettres , pour placer fon
cabinet d.^ns quelque endroit retiré & tran-
«^juille. Delà le iuccès des études de la
nuit , puifqu'il règne alors un grand caime
par-tout.
Le tumulte de l'imagination n'ert pas
moins nuiiiblc à ïattention y que celui des
fens. A rifiue d'un Ipeèbcle , il vous cil dif-
ficile de reprendre vos études ; vous êtes
daas le même cas le lendemain d'une grande
partie de divertillement , dont les idées fe
renouvellent avec vivacité ; & en giénéral ,
toutes les fois que nous loinmes fortement
occupés de plufieurs objets brillans , fonores ,
ou propres à faire quelque autre imprcliion
lur nos lens.
Les modifications de l'âme ont trois cau-
fes , les fens , l'imagination & les pallions.
Tous ceux qui veulent s'appliquer foigneu-
fement à la recherche de la vérité, doivent
avoir un grand loin d'éviter, autant que
cela fe peut, toutes les fênfitions trop for-
tes , comme le grand bruit , la lumière trop
vive , le plailir , la douleur , &c. Ils doi-
vent veiller fans celle à la pureté de leur
imagination , & empêcher qu'il ne le trace
dans leur cerveau de ces veltiges profonds
«jui inquiettent & qui dilFipent continuelle-
j'iient l'elprit. Enfin , ils doivent lijr-tout
arrêter les mouvemens des pallions , qui
font dans le corps & dans l'ame des imprel-
iîonsiipuiifantes, qu'il cR d'ordinaire comme
jmpullible que l'eli^rit penlc à d'auu-es cho-
ies qu'aux objets qui les. excitent. Néan-
moins , on peut faire ulage des pallions
& des lêns pour coiiRrver Wittention de
Tclprit.
Les paillons dont il efi: utile de fe fervir ,
dit le P. Mallebranche , pour s'exciter à la
rccher«.he de la vérité , Ibnt celles qui dou-
A T T
nent la force & le courage de furmonter
la peine que l'on trouve à le rendre atten-
tif. Il y en a de bonnes & de mauvaifes;
de bonnes , comme le defir de trouver la
vérité , d'acquérir allez de lumiert pour fe
conduire , de fe rendre utile au procî:ain ,
& de quelques autres femblables ; de mau-
vailes ou de dangereulés , comme le defir
d'acquérir de la réputation , de le faire quel-
que éfabiidcment , de s'élever au delfus de
les lèmblabies , ck. quelques autres encore
plus déréglées.
Dans le malheureux état où nous fom-
me.-; , il arrive louvent que les pallions les
moins railonnables nous portent plus vive-
ment à la recherche de la vérité , & nous
coniolcnt plus agréablement dans les peines
que nous y trouvons , que les pallions les
plus jiilîes &: les plus railonnables. La v;l-
nité , par exemple , nous agite beaucoup
plus que l'amour de la vérité. La vue coii-
lulè de quelque gloire qui nous environne
iorlque nous deoitons nos opinions , nous
loutient le courage dans les études même
les plus /térilcs & les plus ennuycuies. Mais
il par hazard nous nous trouvons éloignés
du petit troupeau qui nous applaiidifloit ,
notre ardeur le reiroidit aulfi-tôt : les études
même les plus folides n'ont plus d'attrait
pour nous ; le dégoût , l'ennui , le chagrin
nous prennent. La vanité triomphoit de notre
parefle naturelle , mais la parefle triomphe
à Ion tour de l'amour de la vérité ; car Ja
vanité refiite quelquefois à la parelfe , mais
la parelîe ell prelque toujours \ iftorieufe de
l'amour de la vérité.
Cependant la p'ilion pour la gloire , quand
elle ei\ réglée , peut Icrvir beaucoup à for-
tifier Wittention. Cette paillon , fi elle fe
trouve jointe avec un amour llncere de la
vérité & de la vertu , elt digne de louanges ,
& ne manque jamais de produire d'utiles
eH^ts. Rien ne fortifie plus l'efprit , & n'en-
courage davantage les talens à le dévelop-
per , que l'elpérance de vivre dans le lou-
venir des hommes ; mais il eft difficile que
cette paillon le contienne dans les bornes
que lui prelcrit la railon ; & quand une
fois «lie vient ;\ les paffer , au lieu d'aider
l'efprit dans la recherche de la vérité , elle
l'aveugle étrangement , & lui hiit même
croira que les chofcs Ibnt comme il louhaite
qu'elles
ATT
qu'elles foient. Il cft certain qu'il n'y atiroit
pas eu tanr de huilTes invenrions &c tant de
découvertes imaginaires , il les hommes ne
fe laiflbient point étourdir par des defirs ar-
dens de paroître inventeurs.
La pallion ne doit fcrvir qu'i réveiller Vac-
tention : mais elle produit toujours Tes propres
idées , & elle poulie vivement la volonté à
juger des choies par les idées qui la touchent ,
plutôt que par les idées pures & ablh'aitcs de
la vérité , qui ne la touchent pas.
La féconde iource d'où l'on peut tirer
quelque fecours pour rendre l'elprit atten-
tif , font les fens. Les fenlations font les
modifications propres de l'aine ; les idées
pures de l'ePprit font quelque chofe de
différent : les lenfations réveillent donc
notre attention d'une manière beaucoup plus
vive que les idées pures. Dans toutes les
queftions où l'imagination & les fens n'ont
rien à fxifir , l'efprit s'évapore dans les pro-
pres penfées. Tant d'idées abrtraites , dont
j1 faut réunir & combiner les rapports , ac-
cablent la raifon ; leur iubtilité l'éblouit ;
leur étendue la dilîlpe , leur mélange la
confond. L'ame épuiiee par les réflexions ,
retombe kir elle-mcme , & lailTe (es penlées
flotter & le luivre lans règle , ians force 6c
fans direclion : un homme protondément
concentré en lui-même n'efl pas toujours
le plus attentif. Comme nos fens font, une
fource féconde où nous puilons nos idées ,
il eft évident que les objets qui iont les
plus propres k exercer nos lens , font auiFi
les plus propres à foutenir notre attention ,•
c'ell pour cela que les géomètres expriment
par des lignes lenfiblcs les proportions qui
font entre les grandeurs qu'ils veulent con-
lîdérer. En traçant ces lignes fur le papier ,
ils tracent , pour ainfi dire , dans leur efprit
les idées qui y répondent ■ ils fe les ren-
dent plus famiHeres , parce qu'ils les ientent
en même temps qu'ils les conçoivent. La
vérité , pour entrer dans noselprits , a befoin
d'une efpece d'éclat. L'elprit ne peut , s'il
eil: permis de parler ainfi , fixer la vue vers
elle , fi elle n'cll revêtue de couleurs ienli-
bles. 11 faut tellement tempérer l'éclat dont
elle brille , qu'il ne nous arrête pas trop au
fenfible ; mais qu'il pu ilfe feulement foutenir
notre eiprit dans la contemplation des vé-
rités purement intelligibles.
Tome III.
ATT 897
Si quelqu'un doutoit encore que les (t:ns
foient propres à loiitenir & à fixer notre
attention vers un objet , j'appelleroisà mon
fecours l'expérience. En eflèt , qu'on fe re-
cueille dans le filence & dans l'obfcurité ,
le plus petit bruit ou la moindre lueur fuf-
fira pour dillrairc , l'on ell irai pé de l'un
ou de l'autre , au moment qu'on ne s'y at-
tendolt point : c'eft que les idées dont on
s'occupe fe lient naturellement avec la fitua-
tion où l'on fe trouve ; & qu'en conléqucncc
les perceptions qui iont contraires à cette
fituation ne peuvent iurvenir , qu'aufil-tôt
l'ordre des idées ne folt troublé. On peut
remarquer la même chofe dans une fuppo-
fifion toute différente : fi pendant le jour &
au milieu du bruit je réfléchis ilir un objet ,
c'en iera afléz pour me donner une dulrac-
tion : que la lumière ou le bruit ceffe tout-à-
coup , dans ce cas , comme dans le pre-
mier , les nouvelles perceptions que j'é-
prouve font tout-à-tait contraires ;\ l'état où
j'étois auparavant , l'imprellion lubite qui fe
fait en moi doit donc encore interrompre la
fuite de mes idées.
Cette féconde expérience lait voir que la
lumière & le bruit ne font pas un obfla-
cle à Y attention. Je crois même qu'il ne tau-
droit que de l'habitude pour en tirer de
grands iccours. Il n'y a proprement que les
révolutions inopinées qui puiflent nous dif-
traire. Je dis inopinées ; car quels que l'oient
les changcmcns qui le Iont autour de nous ,
s'ils n'offrent rien à quoi nous ne devions
naturellement nous attendre , ils ne font que
nous appliquer plus fortement à l'objet dont
nous voulions nous occuper. Jamais nous
ne Ibmmes plus occupés aux ipedacles ,
que lorfqu'ils fom bien remplis : notre at-
tention fe renforce par Vattention vive Sc
foutenue que nous voyons dans le grand nom-
bre des fpeftateurs. Combien de chofes dif-
férentes ne rcncontrc-t-on pas quelquefois
dans une même campagne ? Des cûreaux
abondans , des plaines arides , des rochers
qui fe perdent dans les nues , des bois oà
le bruit & le filence , la lumière & les té-
nèbres fe fiiccedent alternativement , &ç.
Cependant les poètes éprouvent tous les
jours que cette variété les infpire ; r'eil
qu'étant fiée avec les plus belles idées
don t la poéfic fe pare , elle ne peut man-
R r rr r
S'5)8 ATT
quer de les rtveilier. La vue , par exemple ,
d'un coteau abondant , retrace le chant des
oilcaux , le murmure des ruifTeaux , le bon-
heur des bergers , leur vie douce & paifi-
ble , leurs amours , leur confiance , leur
fidélité , la pureté de leurs mœurs , &c.
Beaucoup d'autres exemples pourroient
prouver que l'homme ne pente qu'autant qu'il
emprunte des fecours , foit des objets qui
lui frappent les fens , foit de ceux dont l'i-
magination lui retrace les images.
Il n'y a rien qui ne puifle nous aider à ré-
fléchir , parce qu'il n'y a point d'objets aux-
quels nous n'ayons le pouvoir de lier nos
idées , & qui par coniéquent ne loient pro-
pres à faciliter l'exercice de la mémoire
& de l'imagination : mais tout confille .i
lavoir former ces liaifons conformément
au but qu'on fe propofe , & aux circonftances
où l'on le trouve. Avec cette adreffe il ne fera
point néceflaire d'avoir , comme quelques
philofophes , la précaution de fe retirer dans
des folitudes ou de s'enfermer dans un ca-
veau , pour y méditer à la fombre lueur
d'une lampe. Ni le jour , ni les ténèbres ,
|ii le bruit , ni le fdence , rien ne peut mettre
obflacle à l'efprit d'un homme qui fait penler.
Que prétendoit Démocrite en ie crevant
les yeux pour avoir le plaiiir d'étudier lans
aucune diilraâion la phylîque ? Croyoït-il
par-là perfeftionner les connoilîances ? Tous
tes philofophes méditatifs Ibnt-ils plus iiî-
ges, qui fe flattent de pouvoir d'autant mieux
connoître l'arrangement de l'univers & de
ies parties , qu'ils prennent plus de loin de
tenir leurs yeux exaâement lermés pour
iTiéditer librement? Tous ces aveugles phi-
lofophes fe font des fyilémes pleins de chi-
mères & d'illufions , parce qu'il leur eil im-
pofllble , fans le fecours de la vue , d'a-
voir une Julie idée ni du foleil , ni de la
lumière, ni des couleurs , c'eil-à-d re des
parties de la nature qui en font la beauté
& le principal mérite. Je ne doute pas que
tous ces iombres philolophes ne ie ioient
louvent furpris ne pentant rien , tandis qu ils
^;oient a'^ymés dans les plus profondes mé-
ditations. On n'auroit jamais reproché au
fameux Defcartes d'avoir hibriqué un monde
tout diblérent de celui qui cxiile , fi , plub cu-
rieux obfervateur des phénomènes de la na-
ture , il eût ouvert les yeujf pour çontçoi-
ATT
pler avidement , au heu de fe plonger J
comme il a fait , dans de pures rêveries , &
de former , dans use fombre & lente mé-
ditation , le plan d'un univers.
Uattentio/i eif lufceptible de divers de-
grés : il y a des gens qui la conlervent
au milieu du bruit le plus fort. Citons l'exem-
ple de M. Montmort , & rapportons les
propres termes de M. de Fontenelle. " Il
» ne craignoit pas les diflradions en dérail.
'> Dans la même chambre où il travailloit
j) aux problêmes les plus intérelians , on
» jouoit du clavecin , fon fils couroit & le
'> lutinoit , & les problêm.es ne laiflbient
» pas de fe réfoudre. Le P. Mallebranche
» en a été plufieurs fois témoin avec éton-
" nement. Il y a bien de la force dans un
« efprit qui n'eft pas maîtrilé par les im-
>5 preflîons du dehors , même les plus lé-
» gères. »> Il y en a d'autres que le vol
d'une mouche interrompt. Rien n'cft plus
mobile que leur attention , un rien la difirait :
mais il y en a qui la tiennent fort long-
temps attachée à un même objet ; c'ell le
cas ordinaire des métaphyficiens confom-
més , & des grands mathématiciens. La luita
la plus longue des démonllrations les plus
compliquées ne les épuiie point. Quelques
géomètres ont poufle ce talent à un point
incroyable ; tels font entr' autres Cla\ ius &
Wallis , le premier a fait un traité de VA/-
trolabe , dont très-peu de gens ieroient
capables de foutenir la fimplc lecture.
Quelle n'a donc pas été la force de /'ar-r
tention <!ans un auteur , pour compoler ce.
qu'un lecteur intelligent a peine à luivre jul^
qu'au bout !
11 fe trouve auflî des perfonnes qui peu-r
vent embrafîer plufieurs choies A-la-fois ,
tandis que le plus grand nombre eil oblige
de le borner à un objet unique. Entre les
exemples les plus diHingués dans ce genre ,
nous pouvons ci^er celui de Jules Céii\r ,
qui , en écrivant tine lettre , pouvoir en
diéler quatre autres A les ieeretaires ; ou s'il
n'écrivoit pas lui-même , dw^oit fept lettres
;i- l'a -fois. Cette Ibrte de capacité , en fiijt
d'attention , eft principalement fondte fur la,
mémoire , qui rappelle fidèlement les djHe-
rens objets que 1 imagination (cpropole de
confidércr attentivement à -la -fois. Peu d«
gens font capables de cette compliçatioû
ATT
'à'' attention ; & à moins que d'ctre doué de
diipofitions naturelles extrêmement lieureu-
its , il ne convient pas de taire des eflais
dans ce genre ; car la maxime vulgaire ell
vraie en général :
Plurihtts intentas , minor efl ad Jîngula
fenfus.
Il en eft qui peuvent donner leur at-
tention à des objets de tout genre , & d'au-
Tres n'en font maîtres qu'en certains cas.
Inattention e(l ordinairement un efl'et du
goût , une fuite du plailir que nous pre-
nons à certaines choies. Certains génies uni-
verl'els , pour qui toutes fortes d'études
ont des charmes , & qui s'y appliquent
avec fuccès , font donc dans le cas d'ac-
corder leur attention À des objets de tout
genre. M. Leibnitz nous fournit , tai rap-
port de M. de Fontenelle , un de ces génies
univerfels. Jamais auteur n'a tant écrit ,
ni fur des fujets fi divers ; & néanmoins
ce mélange perpétuel , fi propre à taire naî-
tre la contulion , n'en mettoit aucune dans
fes idées. Au milieu de ces paiîages brul-
ques , ta préciiion ne le quittoit point , &
l'on eût dit que la quetlion qu'il dilcutoit
étoit toujours celle qu'il avoit le plus ap-
protoniiie. Le plus grand nombre des hom-
mes , & même des lavans , n'a d'aptitude
que pour un certain ordre de choies. Le
poète , le géomètre , le peintre , chacun
refTerré dans fon art & dans ta profeflîon ,
donne à tes objets favoris une attention
qu'il lui feroit impotUble de prêter à toute
autre choie.
Il y en a , enfin , qui tont également ca-
pables à'attention pour les objets ablens ,
comme pour ceux qui font préléns : d'au-
tres au contraire ne peuvent la fixer que
tur les chotes prclentes. Tous ces degrés
s'acquièrent , le contervent & fe perfec-
tionnent par l'exercice. L^n Montmor , im
CUi-'ius , un I^'allis , un Jules Ce'far, dont
nous avons donné des exemples , n'étoient
parvenus à ce degré , à cette capacité d\it-
tention qu'ils potîcdoient , que par un
exercice long & continuellement réitéré.
Tout le monde fait de quelle force étoit
^attention d'Archimede , qui ne s'apperçut
ni du lac de fa patrie , ni de l'entrée du
ibldar furieux dans fon cabinet , qu'il prit
ATT 8p^
fans doute pour quelqu'un de Ç^s donietH-
ques , puilqu'il lui recommanda de ne pas
déranger les cercles. Un autre trait de fà
vie prouve qu'il étoit tout-à-f.\it capable
de cette profondeur A' attention requife pour
taitu- dans un objet prélcnt tout ce qu'il
y a d'important à y remarquer. Je veux
parler du fait rapporté parVitruve , & de
la manière dont Archimede s'y prit pour
découvrir le mélange qu'un orlevre avoir
tait d'une certaine quantité d'argent dans
une matlê d'or que le roi Hiéron lui avoit
donnée pour en taire une couronne, f^ovrij
Alliage.
Concluons qu'ici , comme aillcur,"; , liihi-
tude fait tout ; l'amc eit flexible comme le
corps , & fes facultés font tellement liées
au corps , qu'elles fc développent &c le
perfeélionncnt auilî-bien que celles An
corps , par des exercices continuels , & des
aâes toujours réitérés. Les grands hommes
qui , le fil d'Ariane en main , ont pénétré ,
tans s'égarer , julqu'au tond des labyrinthes
les plus tortueux , ont commencé par s'et-
layer ; aujourd'hui une demi-heure d'ar-
tention , dans un mois une heure , dans un
an quatre heures , loutenues fans interrup-
tion ; & par de tels progrès , ils ont tiré
de leur attention un parti qui paroît incroya-
ble à ceux qui n'ont jamais mis leur efprit
à aucune épreuve , & qui ne recueillent que
les produâions volontaires d'un champ que
la culture fertilife fi abondamment. On peut
dire en général , que ce qui fait le plus de
tort aux hommes , c'etf l'ignorance de leurs
forces. Ils s'imaginent que jamais ils ne
viendront à bout de telle chofe ; & dans ■
cette prévention , ils ne mettent pas la main
à l'auvre , parce qu'ils négligent la méthode;
de s'y rendre propres inlenfiblemcnt & par
degrés. S'ils ne réulliilent pas du premier
coup , le dépit les prend , & ils renoncent
pour toujours à leur deflêin. Cet article ejl
tiré des papiers de AT. Formey. ( X)
ATTENUANS , adj. { Méd. ) On donne
ce nom à diftérens remèdes qui font for:
unies en médecine ; on en fait diilcrcntes
clatTes : les incififs fimples qui délaient &
détrempent les molécules des tluides :
les autres divilent Si tondent répaiiîifle-
ment des humeurs en rompant la cohéfion
trop forte de leurs parties intégrantes ;
Rr rr r i
5)00 ATT
il en efl qui agiflent fur les vifcofités des
fluides, contenues dans le ventricule & dans
les inteft/ns : d'autres font plus propres à
iigir fur le fang ; enfin , il en efl qui agil-
lent fur les folides en irritant & en augmen-
tant leurs vibrations , tandis que d'autres
n'exercent leur énergie que fur les fluides
fèuls.
Ces difFérens atténuans font appelles fon-
dans &: apéritifs , lor{que , par leur adlion ,
ils divifent les matières tenaces quiembarrai-
fenr les petits vaifleaux , & qu'ils enlèvent
les obftruâions des vlicercs glanduleux ,
tels que le foie , les reins , & la rate. Voye\
Apéritifs.
On les nomme expeclorans , lorfqu'ils
£igifl"ent liir le tiiîli des bronches , qu'ils en
détachent l'humeur qui les enduit , &
qu'après l'avoir diviiée , ils la font fortir
par les crachats ; tels font les racines d'au-
née , d'iris de Florence , le lierre terreflre ,
l'hyfope, &c. Fo>'e;;ExPECTORANS.
Les auénitans , outre les clafles que nous
en avons décrites ci-delius , iont encore
div'fés à railon de leur origine , en ceux
tires du règne végétal , d; ceux que le
règne animal & minéral nous fournilîent :
ceux du règne végétal font toutes les plantes
acres, & qui donnent un fel volatil fixe ;
tels que toutes les plantes purgatives , le
cabaret , le pié-de-veau : d'autres agifl'ent
par un fel volatil , tels que le crefîbn , le
rayfort , le cochléaria , & enfin toutes les
efpeces de plantes cruciteres : d'autres enfin
atténuent les humeurs par un lel acre
marié avec des parties lulfureuies ; telles
Iont les réfines du ialap , leturbir gommeux ;
telles font toutes les gommes réfines, comme
le fagnpenum , l'opopanax , le bdellium.
Les favoiTS peuvent erre rapportés au
règne minéral ou végétal ; ils agiflent à-peu-
près comme les gommes rélmes. V. Savon.
Le règne animal fournit des iels volatils ,
tels que le fel ammoniac , de ialpetre , &c.
Le rcgtre minéral tournit les iels acides
minéraux , le vitrii;l , le fel marin & les
{èls neutres formés de ces premiers par
leur acide décompofé & débarraflé de ia
baie, pour eniuite l'incorporer dans la baie
p.ikaline du tartre , du nitre & autres ; tels
ATT
font les fels neutres & androgyns , comme
le tartre vitriole , le fel de Glauber , &
tous les fels combinés , à l'imitation de ces
premiers ; ces fels font les fels neutres de
tous genres ,_ les fels androgyns , amers ,
purgadfs & tondans ; ils peuvent remphr
bien des indications.
Le règne minéral fournit encore les re-
mèdes atténuans combinés d'un fel acide ,
& d'un foutre métallique , qui efl la terra
inflammable , & la mercurielle de Beker ;
tels font le fer , la pierre hématite , l'anti-
moine , le mercure , le cuivre , l'étain , le
plomb , & leurs préparations différentes.
Comme la vertu des atténuans efl des
plus étendues , on leur a donné mille noms
dirtérens ; ces noms Iont tirés des effets
particuliers de ces fels fur les humeurs , &
lur les lolides ; ainfi l'on en a lait diflérentes
efpeces , tels que les amers , les ajhingens ,
les toniques , les altérans ajiringens , les
altérans laxatijs, diurétiques, apéritifs, dia-
phorétiques. [N) V. AIÉDICAMENS. (*)
ATTÉNUATION , f f. { Phyfique. )
action d'atténuer un fluide , c'efl- à-dire , de
le rendre plus liquide &C moins épais qu'il
n'étoit. Voye:{ AttÉNUANS.
Chauvin définit plus généralement Vatté-
nuation , l'adion de diviler ou de féparer
les plus petites parties d'un corps , qui au-
paravant tormoient une maflé continue par
leur union intime ; c'efl pour cette raifon
que les Alchimifles fe fervent quelquefois
de ce mot , pour exprimer la pulvérifation ,
c'efl-à-dire , l'aélion de réduire un corpa
en une poudre impalpable , foit en le
broyant , foit en le pilant , &c. Voye\
Poudre Ê' Pulvérisation. (Z.)
Atténuation ,ié Aa en Médecine, Aï:
l'effet des remèdes atténuons , c^u de certains
eflorts que la nature fait d'elle-même pour
détruire la lorce des maladies : c'efl ainfi
oue la fièvre emporte un levain qu'elle
détruit en le brifant ; & cette atténuation
du levain qui obflruoit les petits vaifleaux ,
elt duc à la divifion des humeurs, à l'irri-
tation & à la vibration des (olides augmen-
tée. Cette atténuation efl la première indi-
cation dans ks maladies qui proviennent
de la condenfation & de l'épailliflement ,
(*)M. la Fofle attîque Its prcjuiétés données aiu atitnuins ; ce ^'ù eft abfolumeat conua le i l'opinion' de»
{•kj i—i). Us i'taKticûs.
ATT
mais elle eft fort dourcufe , & mcme nui-
fible dans l'acrimonie. { N)
Atténuation , f. t'. terme de Palais,
ufité dans les matières criminelles : on
appelloit défenfes par atténuation , les
délenles de l'acculé , données par appointc-
ment à ouir droit , qui portoit que la par-
tie civile doruieroit les conclufioiis , & l'ac-
cufé Ces défenfes par atténuation. Mais
l'ordonnance criminelle de 1670, tit. xaj ,
art. z, a abrogé cette torme de procédure,
& permet ieulcinent à la partie civile de
préfenter la requête , dont copie doit are
donnée à i'accufé , qui en conféquence
donne auffi la fienne , fans que néanmoins
le jugement du procès puille être retardé ,
faute par la partie civile ou par l'acculé de
donner fa requête. Celle de l'acculé tenant
lieu de ce qu'on appelloit défenfes par atté-
nuation , s'appelle requête d^atte'nuation ,
c'e(l-.i-dire requête par laquelle I'accufé tâ-
che d'excufer ou diminuer l'on crime. Voye^
Accusé. {H)
ATTE^\]EK,broyer,puh'érifcr,{Gram.)
l'un fe dit pour les fluides condenfés ,
coagulés ; & les deux autres des iolides :
dans l'un & l'autre cas , on divile en mo-
lécules plus petites , & l'on augmente les
furfaces : broyer , marque l'adion ; pulvé-
rifer en marque l'cftcr. Il faut broyer pour
pulférifer ; il faut fondre &: difloudre pour
atténuer.
Atténuer , fe dit encore de la diminii-
tion des forces ; ce malade s atténue ^ cet
homme efl atténué.
ATTERER , v. a. brifer , rompre ; dans
V économie animale , fe dit de l'adion que
les parties groflieres des humeurs & des
alimens , agitées d'un mouvement inteilin ,
exercent les unes fur les autres. Les par-
ticules falines ù terreufes s'attercnt les unes
les autres. Il e(l prefque , en phyfiologie ,
lynonyme à bnfcr. ( /)
^ ATTERRAGE, L m. {Marine.) c'cfl
l'endroit où l'on vient reconnoître la terre
en revenant dequelque voyage. ( Z)
ATTERRER , v.nixn'. {Manne. )c\([
prendre connoiflànce d'une terre en venaxit
delà mer , ou y aborder. (Z)
ATTERRISSEMENT , f m. terme fy-
aonymcix allai' ion; c'eill'apport de terre,
lâbie ou limon , que la mer ou un fleuve
ATT 90 1
apporte fur fon rivage ou fur fa rive. Le
roi prétend que le ncuveau fol , que forme
Vatterrifl'einem , lui appartient , ioriquel'iif-
terrijfemenc cft produit par une rivière
navigable. Voye^ ÂllUVION , qui efl d'un
ufagc plus particulièrement confacré au droit
romain. {H)
* ATTESTATION , f f. c'eR l'adion
de donner un témoignage , ou une preuve de
la vérité d'une choie , principalement par
écrit. Ko>r:;[ TÉMOIGNAGE.
Les miracles doivent être bien atteflés pour
qu'on puifTe y ajouter foi. Voye-{ MIRA-
CLE , Crédibilité , 6v.
*ATTERZEE, Asterzée,
SCHWARTZZÉE, lac d'Allemagne dans la
haute Autriche & le quartier de Traun , le
long de TEger qui le tra'. crie ; il efl aulli tra-
verfé du Manzée-
ATTiA , adj. {Hi(l. aie.) loi , ainfi nom-
mée de la famille de Labicnus , qui , étant
tribun du peuple, fit palî'er cette loi pour
rendre au peuple le droit de nommer aux'
lacerdocesvacans : droit que Sylla lui avoir'
enlevé en caflant la loi Domitia qui lui affu-
roit cette prérogative. {G)
ATTI-ALU , f. m. Hii}. nat. Botan. ).
efpece de figuier du Malabar , aflcz bien
repréfentée lous ce nom par Van-Rhecde ,
dans fon Honus Malabaricus , volume I ,
pag. 4.J , pLinche XXV. Les Brames l'ap-
pellent roembadoe ; Jean Conimelin , dans
les notes furcet ouvrage ,page 44- , ledéfi-
gne ainll : ficus Malabarenjis , folio oblongo
acuminato , fruclu vulgari ixmulo. C'eille'
ficus race niof a ,foliis ovatis integerrimis y.
acutis y impreffo punclatis ; caule arboreo y
de M. Linné dans Ion Syfiema natur^v ,
édition in-zz , imprimé eâ 1768, page'
Gj z , n'^. G.
C'efl un arbre toujours verd , qui s'élève'
à la hauteur de cinquante à foixante pies ,
aj'ant une cime iphériqus compofée de
branches épaiflès , ferrées , grofles , écartées
fc'Us un angle de 4^ degrés ; & portée fur
un tronc droit , de trois pies de diamè-
tre , couvert d'une écorce épaifle , coriace ,
blanciiG par - tout ; mais dont l'intérieur'
tire un peu lur le rouge. Les feunes bran-
ches font vertes , & comme articulées ou
noueules.
Sa racine eit grofTe, garnie de fibre?-
t,oi ATT
nombreufes qui s'érendcnt très -au- loin ,
tant au deffus qu'au deflôus de la terre ,
&c dont récorce eft noire au dehors , blan-
che en dedans , & rougit peu après qu'on l'a
coupée. Loriqu'on en a léparé une bran-
che , il en iort en abondance une eau rou-
geâtre , mais limpide , d'une laveur froide ,
mais lade.
Les feuilles font alternes , difpofées cir-
culau'emcnt , fort ferrées & ouvertes fous
un angle de 45 degrés , le long des jeunes
branches elliptiques ; médiocrement poin-
tues aux deux bouts , entières , longues de
quatre à fix pouces , une fois moins lar-
ges , molles , minces , lifTes , luilantes ,
verd-bruncs defliis , plus clair deiîous , re-
levées d'une nervure longitudinale , à
cinq ou fix côtes alternes de chaque côté,
dont les deux inférieures , partant immé-
diatement du pédicule , iont comme oppo-
fées , & forment , pour ainfi dire , trois
nervures principales avec celles du milieu.
Le tilù qui paroît entre les côtes des feuil-
les elf croiié de veines qui imitent un réfeau
alTez ferré. Le pédicule qui les porte ell
cylindrique , menu , deux h trois fois plus
court qu'elles , & fillonné en deflfus. A
l'oppofé de chaque feuille efl une écaille
verte qui enveloppe d'abord , fous la forme
d'un cône oblong , le bourgeon qui termine
les branches , & qui tombe dès que la
feuille extérieure qui l'enveloppe , vient à
s'épanouir.
Les figues , c'efî-à-dire , les enveloppes
qui contiennent les Heurs , naifîént dijpo-
fees en épi , & au nombre de fix à huit ,
le long des branches de la fève précédente
dont les feuilles font tombées ; de manière
qu'elles fortcnt réellement de l'ancienne
aiffeile de ces feuilles. Elles font Iphémï-
des , un peu déprimées ou applaties cn-
defîù.s , avec une petite cavité , de la for-
me de la_ ligue ordinaire blanche marfeil-
loife , mais feulement d'un bon pouce de
diamètre , couchées horizontalement fur
un pédicule trois fois plu;; court qu'elles ,
de forte qu'çlles égalent la longueur du
pédicule des feuilles. Leur coulci:r eif
.d'abord verte, mais en mîiriflant elles devien-
nent rouges ; alors elles font pleines de
^petites fleurs jaunes , fpheroïdes , charnues ,
i^.djÇUJfà ç'iiXfl feuilles & dpu\ à trois éti-
A T T
mines , portées fur un long pédicule , &'
contenant chacune une graine fphérique ,
menue , noirâtre , couronnée d'un à deux
fligmates cylindriques.
Qualités. Toutes les parties de Vatti-aht
font lans odeur ; elles ont une faveur aflrin-
gente , & , coupées , rendent une liqueur
blanc-rougeâtre. Cet arbre porte du fruit
deux à troi^ fois l'an , comme les autres
elpecesde figuier, & ne fe multiphe guère
que par fes iémences , que les grives & les
corbeaux ont avalées & enfuite rendues avec
leurs excrémens. Il croît dans les lieux liiblon-
neux au Malabar.
Ufages. Ses figues fe mangent lorfqu'eî-
les font bien mûres ; alors elles font plei-
nes de fourmis , leur goût n'cfl pas aull;
délicat que celui de la figue commune.
Elles relTêrrcnt le ventre &. corrigent l.i
mauvaifc qualité des humeurs & de la pi-
tuite. La décoclion de fa racine fe boit
pour purifier le lang & le foie , & pour
adoucir l'acrimonie des humeurs coléri-
ques. Le fuc qui coule des mêmes raci-
nes tronquées fe reçoit dans un va(e , &
fe boit dans les maladies du foie ; il s'a-
plique aulli avec iuccès fur les gerçures
des mains. Son écorce fe prend en décoc-
tion pour appaifcr les ardeurs du foie ,
& pour guérir les crevailès & gerçures de
la bouche & d'autres parties du corps ;
pilée , elle s'applique aulli fiir les ulcères
& fiir ce mal facré , appelle en Porrugsl
cobrella. Dans les fièvres ardentes , on frotte
avec Iuccès la tète & le corps avec la décoc-
tion de fes feuilles dans l'huile.
Remarques. Le nom de ficus racemofa ,
que M. Linné donne à Yatti-aln , n'eff point
exaâ , car fes fieurs ou fes figues ne font
pas difpofées en grrppes ramifiées ni pen-
dantes , comme les grappes proprement
dites de la vigne , mais en épi fimple ,
élevé , comme celui du chataigner ou du
chêne.
M. Linné devroit encore nous appren-
dre ious quelle autorité il avance que les
feuilles de cet arbre Iont pointillées , folits
imprejjo punclatis i car Van-Rheede, qui
ell le leul auteur qui en ait donné la del-
cription , ne parle point de cette fingu-
larité ; & nous pouvons aflurcr qu'elle
n'cxiiîe point dans Ips feuilles de ce: arbrç
ATT
que nous avons dans notre litrbitr. ( M.
Adanson. )
ATTICISME , f. m. {Litterat.) fiwfTc ,
politefîê de langage. \J atticifme t'roit ainfi
nommtf d'Athènes , qui étoit la ville et la
Grèce où Ton parloit le plus purement , &
où l'on prononçoit le mieux ; julque-là
qu'une vendeuic d'herbes reconnut à la pro-
nonciation de Thcophrafle qu'il n'étoit pas
Athénien. L'urbanité , dit Quiniilien à la
fin de. Ion chapitre de l'ifu , confiile en ce
que les choies que nous dilons lc)ienP telles
qu'on n'y remarque rien de choquant ,
picn de groflier ou de bas , rien qui fente
Ja province , ni dans les termes , ni dans
la prononciation , ni dans le gefte ; de ma-
nière qu'il la faut moins chercher dans un
bon mot, que dans tout l'air du dilcours ,
s'il eft permis de parler ainiî : comme chez
les Grecs , Yatcicifme efl une certaine de'lica-
tejje qui fentoit Vefprit £>' le goût particulier
de la fille d'AtJunes , ce terme eft d'ufàge
peur exprimer les grâces d'un ftvle léger
& correa. (G)
" AT nCURGES , f. f. en Architeclure ,
colonnes quarrées. V'oyei CoLONNE.
ATTICUS (PoMPONms) , Htjl Rom.
Hijl. de la Plùlofoph. tut le plus grand
philofophe des Romains , puifqu'il fit
fèrvir les connoiflànces , non à contenter
une curiofiré flcrile & iuperbe , mais à
f^ rendre meilleur. Savant fîins orgueil ,
généreux fans tafle , il chercha moins à
briller qu'à plaire & à être utile. Son
hifloire , (ans offrir aucun de ces traies
qui frappent l'imagination , & que le pré-
Jugé annoblit , doit fervir de modèle
aux grands & aux riches , qui 3 nés avec
des paffions tranquilles , s'éloignent du tu-
multe des affaires dans les temps orageux,
pour jouir d'eux-mêmes & de leurs amis.
Accicus né chevalier romain, fut fatisiait
d'être ce qu'étoient fes pères. La nature
€n le comblant de tous les dons aimables ,
J€ta encore dans f m cœur le germe de
toutes les vertus ; (on pcre tendre & vi-
gilant , fe fit un devoir iacré de diriger
fts inclinations fortunées ; heureux qui peut
avoir un tel maître ! fes progrès furent fi
rapides , que les premières familles de
Rome briguèrent l'avantage d'affocier leurs
«iifans à iês études. L'aménité de les ma-urs
ATT 905
tempérant l'envie arrachée à la fiipériorité
de jès talens , il n'inipira que de l'émulation
■k les égaux. Une mort prématurée kii en-
leva ion perc , dans un âge où les pafllons
font le plus impérieufès , parce qu'au mo-
ment de leur naiflance , on ignore com-
bien elles font dangereufes. Maître alors
d'une grande fortune, recherché par fes
richelïès & par kii-même , il fè précau-
tionna contre les amorces du luxe & des
voluptés • & ne connut les tempêtes des
pallions , que par les fréqucns naufrages
des comi>agnons de fa jeuneile. Sulpitius
Ion proche parent fur maifacré pour avoir
voulu faire revivre les- loix agraires. Atti~
eus craignit d'êcr-e enveloppé dans la ruine
de ce zélé tribun , auquel il étoit attaché
par les liens de l'amitié & du iang ; Rome
alors n'oppofoit plus de frein à la licen-
ce , & le plus faâieux étoit le plus accré-
dité. Atticus crut devoir lui préférer un
al)le où il pût être impunément homme
de bien , & ce fut à Athènes qu'il fixa
ion féjoiir ; mais en s'éloignant de Rome ,
11 conferva toujours le même attache-
ment pour Ciceron , Canius , Marias &
Torquatus , qu'il aiinoit depuis l'en-
fance : dès qu'il eut fixé fon lejour dans
cette ville, qui étoit le fanâu^iire des arts -
& du goût , l'amour des lettres tint tou-
tes ies aiitrcs pallions alkrvies ; il apprit
toutes les beautés de la langue greque , ■
qu'il parloit avec tant de délicat^jffe , qu'on
eût dit qu'il étoit né dans Athènes. Il
compofa plufieurs pièces de poéfie , qu'il
recitoit avec àcs grâces qui donnoient un
nouveau prix à fa compolition ; , poëte & .
orateur fans prétention , il joignit à ces
deux titres une. grande connoiffance des
antiquités romaines. Il fit la généalogie des
plus illuitres maifons de la république ; &
iàuva du naufrage des temps tous les
Brutus , les Marcellus , les Fabius , les
Cornéliens & les Emiliens. - Cette riche
colleélion étoit un hommage rendu aux
héros bienfaiteurs de ià patrie ; Çts hai-
fons avec Ciceron nmJs fourniiîènr un vo-
lume de lettres, qui fiiffifent pour nous
inllruire des principaux événemens de ce
iiecle de brigandages. Jamais il ne prenr)it
ies repas fans qu'on y fit quelque leÔure
iiilbucliv* , parce qu'il étoit periuadé que
5)c4 ATT
refgrit avoir autant befoin d'alimens . que
le corps.
^iiicus fupéricur aux autres par fes con-
noiflanccs & la dclicarefie de ion génie ,
n'ambitionnoit que de les lurpafler en bicn-
faifance & en génerollté ; il lembla n'ê-
tre que le difpenlateur de fes biens , & il
fut un exemple , que la libéralité en !e ré-
pandant ne s'épuife jamais ; lès treiors
étoient ouverts à quiconque étoit dans le
befoin. Les prêts ufuraires écoicnt alors
autorifés par l'ufage , & ce vice étoit un
fonds inépuifable pour l'avare opulent. Ac-
ticus pi-êtoit fans intérêt , mais il exigeoit
qu'on fût exaft à s'acquitter , pour ne pas
lui ôter la reflburce d'obliger. Dans une
calamité dont Athènes fut affligée , il fit
diftribuer du froment à tous les citoyens
foufFrans ; l'éclat du rang &c de la naiflànce
•ne iui en impoioit pas ; dans la dillri-
bution de lès dons , le plus malheureux
devenoit l'objet de fa prédilection , quand
il étoit le plus honnête. Les Athéniens re-
connoiflans lui déférèrent le droit de bour-
geoific , honneur qu'ils ne prodiguoient
pas ; il ne put l'accepter , pour ne point
déroger à la qualité de citoyen Romain ,
qu'on croyoit incompatible avec toute au-
fre. Ils voulurent encore lui ériger des ffa-
tues , il refufa conflamment cette diflmc-
tion glorieutè ; & ce ne fut qu'en fon ab-
fence que la reconnoifTance publique lui
en éleva , ainfi qu'à fa femme Pylia , dans
les lieux regardés dans l'Attique comme
les plus faints. Vertueux fans éclat, il eût
vécu obfcur , s'il n'eût été trahi par lès
bienfaits.
Quoiqu'ami de tous les hommes , il y
en avoit de privilégiés dans fon cœur. Le
jeune Marius profcrit par Sylla , trouva
d'abondantes refTources dans fa générofité ,
& quand il fut privé de tout, il ne man-
qua de rien. Ciceron exilé par les intri-
gues de Clodius , en reçut des fommes
immenfès , qu'il n'avoit point follicitées.
Si les hommes poflédoient le fecret d'o-
jpliger , il n'y auroit que peu d'ingrats ; la
dureté dont ils humilient leurs protégés,
difpenle de lareconnoilîance. Atcicus étoit
perfliadé que la libéralité efl le fèul bien
aont on jouit fans amertume & fans fatié-
.té , & quand il donnoit , il croyoit être
ATT'
le feul heureux. Sylla , ;\ fon retour d'Afie i
pallà par Athènes , où il fut retenu par
les charmes de fa converfation favante &
polie ; il n'oublia rien pour fe l'attacher ,
& lorfqu'il fut obligé d'en partir, il vou-
lut l'emmener avec lui. Acticus ne fut
point ébloui par l'éclat de fès promeflès ,
& lui répondit : N'exigez pas que j'aille
combattre des amis qui m'»nt déterminé
à quitter l'Itahe , parce qu'ils exigeoient
que je prifîe les armes contre vous. Sylla
applaudit à fa délicateiîê , & , avant de s'en
iéparer , il l'autorifa à recevoir tous les
honneurs que les Athéniens lui avoient
déférés ; ce fut alors qu'il prit le nom
d'Atticus : devenu citoyen d'Athènes , il
confacra une partie de fon temps à l'ad-
minilfration publique , & les momens qu'il
put dérober aux affaires , furent employés
à l'étude & à fa police domeffique : éga-
lement ennemi de l'avarice & de la pro-
digalité , il conlerva toujours un efprit
d ordre , qui le mit en état de fe livrer à
fes inclinations bienfaifantes.
Quelques momens de calme dont Rome
jouit , le déterrninerent à revenir dans
fa patrie. Sa fortune déjà immenle reçut
de grands accroifièmens par l'héritage de
ion oncle , homme fâcheux & difficile ,
qui hailfoit tous les hommes , & dont
Atticus avoit le privilège d'adoucir la fé-
rocité. Il y maria fa fœur avec Quintus
Ciceron , frère de l'orateur. Cette union
ne fut point heureufe ; les deux époux
furent obligés de fe léparer, & ce divorce
ne mit aucune altération dans l'amitié
à^ Atticus & de l'orateur , parce que cette
amitié étoit formée fur la conformité des
inclinations , & non iur le droit d'affi-
nité.
Le chemin des honneurs lui étoit ou-
vert , il y étoit appelle par les vœux des
gens de bien , & les richeilès lui don-
noient la facilité d'acheter les iiiffi-ages àcs
amcs vénales ; il refufa la préture , & ne
voulut être qu'homme privé ; mais il n'en
avoit pas moins d'inHucnce dans les déli-
bérations publiques \ & dans ce temps de
troubles & de faélions , il refla conflam-
mcnt attaché au parti le plus jufle. Il prit
les fermes de la république , félon l'ulage
antique des chevaliers romains ; fa per»
çeption
ATT
'ception fut douce & humaine , il n'intenta
îiLicun procès , il ne fit décerner aucune
peine contre ceux qui aliéguoicnt l'im-
puilTImce de payer. Les gouverneurs des
provinces avoient coutume de fe taire
accompagner par des chevaliers , dont ils
failoient les inih'uinens & les complices
de leurs exadions. Acticus tut loUicité de
fe prêter ;\ cette balTefl'e , mais il n'aimoit
qu'à ufer de Tes biens , fans envier ceux
des autres. Pendant les guerres de Céiar
& de Pompée , il relia tranquille à Ro-
me , quoique ceux qui reiloient dans la
neutralité fuifcnt regardés comme des en-
nemis par les deux chefs de parti. Pom-
pée , qui exigea le plus , ne fut point of-
iênfé de ion indiilérence pour fa cauie :
& Céfar , vainqueur à Pharfale, lui témoi-
gna les mêmes égards que s'il en eût été
bien lèrvi : tel cft l'afcendant des hommes
maîtres d'eux-mêmes. Lorique l'ivreflé
des taclions efl diflipée , on télicite ceux
qui ont refuié d'y prendre part. Célar
lui envoya le fils de fa focur Pomponia
fiiit prifonnier à Pharlale , & , pendant
route fa dictature , il lui témoigna la même
confiance.
Son elprit fouple & docile fe pretoit à
tous les goûts , jeune encore il fut plaire
à Sylla dans fon déclin ; vieux il devint
également cher à Brutus , qui étoit dans
la fleur de fon ;ige. C'efl le privilège des
âmes tranquilles , qui jamais ne le livrent
aux faillies de l'humeur , ni aux impref-
fions de l'enfance. Lorique la fortune aban-
donna Brutus , & qu'il tut obligé de lonir
d'Italie , Aniciis , qui avoit été indiffé-
rent à la caufe , fe fit un devoir de l'obli-
ger , parce qu'il étoit malheureux ; il lui
fit tenir en Epire une iomme conlidéra-
blc , & après la journée de Philippe , il
ula de la même générofité envers les illuf^
très proicrits , à qui il fournit de l'ar-
gent & des vaifïêaux pour fe retirer dans
laSamothrace. Antoine heureux ne le compta
pas parmi les adorateurs de ia fortune ;
mais lorfqu'il eut été déclaré ennemi de
la république , Atùcus fe fit un devoir
d'adoucir le fort de fa famille délailTée ,
dans un temps où l'on n'avoit pas lieu de
préiumer qu'elle leroit en état de lui en
marquer fa reconnoiflàiice. Fulvie , fem-
Tome III.
ATT f)oj
me de ce triumvir , étoit alors pourfui-
vie par des créanciers impitoyables , il le
rendit la caution lans en être ioUicité , &
lui prêta même de l'argent fans intérêts ,
pour aller rejoindre fon mari ; & comme
on lui demandoit le mivtif de cette géné-
rofité envers un homme qu'il avoit négligé
dans la profpérité , il répondit : il faut
aimer les hommes & non pas leur for-
tune. Une révolution imprévue ramena
Marc-Antoine heureux & triomphant à
Rome ; ceux qui l'avoient abandonne
dans fa dil'grace éprouvèrent fes vengean-
ces. Acticus craignit que les liailons avec
Ciceron ne l'euiTent fait paroître coupa-
ble , il le tint caché , pour ne pas s'ex-
pofer à l'orage. Antoine , qui voulut s'ho-
norer d'une fi illuilre amitié , lui écrivit de
le rendre avec confiance auprès de lui ,
l'afïtirant qu'il étoit effacé de la lifte des
profcrits , ainfi que fon ami Canius. Aui-
cus , heureux de s'être iauvé du naufrage
commun , s'abandonna comme auparavant
à la bienfaifance de les penchans : protégé
d'Antoine , il n'ufa de fon crédit que
pour adoucir les maux de ceux qui avoient
liiivi le parti de Brutus. Scrvilie , mcre de
ce dernier des Romains , tombée dans la
dilgrace , vieilliffoit dans la miiere , il eut
pour elle les mêmes égards , que dans les
temps où ion fils étoit fidole des Romains.
Vipianius- Agrippa , qui avoit droit de
prétendre à tout, à caulè de la faveur dont
il jouiflbit auprès d'Augufte , ne crut pas
pouvoir contracter une alliance plus riche
& plus honorable qu'avec la fille ôiAtti-
eus , il l'accepta pour gendre , & il n'eut
d'autre motif que de lé i'ervir de fon cré-
dit , pour protéger tant d'illuftres infortu-
nés , que les triumvirs avoient proicrits.
Il naquit de ce mariage une fille qui , dans
la fuite , fut mariée à Tibere-Claudc-Néron.
Devenu plus puilîant par cette alliance qui
le faifoit entrer dans la famille d'Augulfe ,
il fut toujours fans ambition ,_ & il n'y
eut que les malheureux qui firent l'heu-
reufe expérience de fa faveur. Augufte_,
enchanté de fa converfation , déroboit
tous les jours quelques heures aux affai-
res pour s'entretenir avec lui , & lorfqu'il
étoit éloigné de Rome , il étoit exad
ù lui écrire. Des intérêts domefliques al-
S s s s s
ço6 ATT
lumerent des haines entre les deux rivaux
de la puifîance ruprtme. Atticus , tavori
d'Auguite , ne coda jamais d'être Tami
d'Antoine , avec lequel 11 entretint un
commerce de lettres julqu'au dernier mo-
ment de fa vie. Il eut la même conduite
envers Ciceron & Hortenfius qui partagè-
rent fon attachement. Les rivaux de ta-
Icns rarement font fms haine ; mais ces
deux orateurs étoient trop llipérieurs au
relie des hommes pour s'abandonner à la
bafî'efTe de l'envie : pénétrés d'une ellime
réciproque, ils regardoient la gloire com-
me un héritage commun , & ce fut ce
fentiment qui les unit conlhimment avec
Atticus.
If étoit parvenu à l'âge de 77 ans {ans
avoir éprouvé aucune de ces infirmités qui
îifHigcnt la vieillefle ; alors il fe fentit atta-
qué d'une irritation d'humeurs dans la partie
inférieure des inteftins. La vie ne fut plus
pour lui qu'un fentiment douloureux. En-
nuyé d'en fupporter le poids , il prit la
folle réfolution de s'en délivrer. Eh quoi !
difoit-il , quand je fuis inutile aux autres ,
& que je fuis à charge à moi-même , dois-je
préférer une continuité de fouff'rances à une
dijfolution infenfible ? Il appclla fes proches
& fes amis , & leur fit d'éternels adieux
avec la même férénlté que s'il n'eût entre-
pris qu'un voyage ordinaire. Cette icene
fiit touchante ; il fe priva de toute elpece
d'alimens , & mourut le cinquième jour.
Il avoir défendu qu'on lui rendît aucuns
honneurs funèbres , il fut dépoié fans pompe
dans le tombeau de Cécilius fon oncle, dont
il avoit réuni toutes les aileûions. Mais les
regrets & l'affluence des gens de bien qui
aflifterent à les funérailles , furent le plus
bel ornement de fa pompe funèbre : la piété
filiale fait l'éloge de la trempe de fon cœur.
C'ell vis-à-vis de fes proches qu'on fe
livre fans contrainte à fes penchans : on
efl en repréfentation devant le public. Atti-
t'UJ' avoit 67 ans , lorlqu'U perdit ia merc,
.4gée de 90. Il fe confola de fa mort par
le témoignage que pendant le cours d'une
fi longue vie , leur tendrefle réciproque
n'avoit éprouvé aucune altération. Il eut
Je même attachement pour fa firur Pom-
ponia , avec "laquelle il fé fit un devoir de
partager là forume : tel fur cet homme
ATT
opulent , qui n'ufa de fes richelTcs que pour
ioulager les malheureux ; ce favori des maî-
tres du monde , qui n'ambiilonna que de
les rendre des hommes de bien j ce lavant
fans orgueil , qui ne connut jamais l'envie ;
ce philofophe , qui ne fit fervir cette fcience
qu'à régler fes mœurs. (l'-N.)
§ ATTIGNY , {Geog.) petite ville de
France en Champagne , & chef-hcu d'une
petite contrée appelle»; la fML'e du bourg ;
elle ell fur la rivière d'Aline , à trois lieues
fud-cft de Rheiel , & à huit fud de Char-
ville ; ce lieu ert fort ancien & très-célebre
par les conciles qui s'y font tenus. Plufieurs
rois de France y ont fait leur féjour ; &
Chilperic , neveu de Clovis II , y mourut.
Ce fut à Attigny où l'on tint les premières
aiîemblées d'état pour la légillation du royau-
me, fous le règne des Mérovingiens. (C.A.)
§ATTIGOUVANTANSo«Attigo-
VANTAïS, (Geog.) peuples de l'Amérique
feptentrionale àl'occident du lac des Hurons..
On ne connoît.à ce peuple chafléur d'autres
habitations que des cales en forme de grands
fours, couvertes d'écorces d'arbres & nattées
en hiver , foit d'herbes longues, foit de f)eaux
d'ours.Onnelui connoîtpas non plus d'autre
police que les avis pallàgersqu'il reçoit del'af^
îémbléede fes vieillards, ni d'autre culte rell--
gieux que fes invocations à un être imaginaire
ou à un dieu nommé Ocqui , dont les attri-
buts ferablent être plutôt ceux d'undémoa
que ceux d'une divinité bienfalfante. Ils en--
terrent leurs morts avec pompe , & char-
gent leurs tombeaux d'arcs , de fîeches
&c d'ufknfiles , fe perfuadant qu'après
cette vie , il en efl une autre où Ton va
bien loin goûter la douceur de fe retrouver
avec tous les amis. Les fellins fon fort
en ufage parmi eux : leurs médecins font
à la fois leurs devins & leurs laltimban-
ques ; & dans leurs maladies , à ce qu'oa
allure , leurs remèdes les plus ordinaires
lont la mufiqiie & la danfe. On alTure aulR
qu'avant le mariage , leurs filles fe profil-
tuent fans rélèrve^ mais qu'une fois deve-
nues femmes , il n'y a rien de plus exem-
plaire que leur challetc : ce font ces mê-
mes femmes qui labourent les terres , fe-
ment le maï.? , le raoiifonnent , afiemhlcnt
le bois pour les cabanes , portent le ba-
gi^e d'un endroit à un autre, & prennent
ATT
enfin fur elles feules toutes les pc'mes du
ménage. Les hommes n'y font autre choie
que trafiquer , aller à la chafle ou à la
guerre. ( C A. )
* ATriNGANS ou PAULITIENS,
ou PAULUOANNITES. Voyei Pauli-
TIENS.
ATTIKAMEGUES , (G%.) peuple de
l'Amérique leptentrionalc , au 5° degré de
latitude, vers le lac Saint-Thomas, en re-
montant le fleuve à l'embouchin-e duquel on
a bâti la ville des Trois Rivières entre Québec
& Montréal. Ce peuple pailè poLir l'un des
plus dociles de cette contrée. ( C A. )
ATTILA , {HiJ}. des Goths.) fils deBen-
deme , arriere-fîls du grand Nembroth ,
élevé & nourri dans Engaddi , par la grâce
de Dieu , roi des Kuns , de^ Medes , des
Goths, des Daccs ; la terreur, l'etlroi de
l'univers , la verge & le fléau de Dieu. Tels
étoient les titres que prenoit cet homme
farouche , le plus redoutable & l'unique de
Ion efpece que nous oUrent les annales du
monder-Rien n'égaloit fa futBiance & fon
orgueil; il avoit coutume de du'e que les
étoiles tomboient devant lui , que la voûte
des cieux s'abaiiloit , que fon poids plioit
la terre , & qu'il étoit un marteau pour
tous les peuples. On ne fait rien de les
premières années , mais on peut croire qu'el-
les annoncèrent ce qu'il devoit être. Aidé
de Bleda fon frère & fon allbcié au trône
des Huns , il ravagea toutes les provinces
de l'empire d'orient , & força Théodofe
le jeune à lui pajer tribut. Après avoir
ainfl humilié ce prince , il lui fit chaque
jour de nouveaux outrages. " Théodoie ,
vdifoit-il infblemment , ert ifl'u d'un père
» très-noble , ainfi que moi; mais en me
>5 payant tribut , il eft déchu de fa noblcffe ,
7» & devenu mon efclave. S'il oie me faire
» la guerre, ou me dreffer à^s embûches,
«je le punirai comme un efclave rebelle &
>5 méchant. » Un jour , il lui envoja un Goth
pour ambafiadeur , avec ordre de lui parler
en ces termes : " Attila , mon maître d: le
j'vôtre, vous ordonne de tenir un palais
«prêt pour le recevoir.» Une convient pas à
Théodofe , diloit-il encore , " d'être fourbe
»ou menteur : il a promis à un de mes
»>fujets la fille de Saturellus en mariage ; s'il
» viole fa promcfTc , je lui taii la guerre:
A T T _ 5>o7
»s'il cfî dans l'impuiffance de l'accomplir,
7J& qu'un de les ilijcts oie lui défobéir,
"je vole le venger. » Outre le tribut qu'il
e.v'geolt de l'empereur , il reccvoit les ap-
poiiucmens de général. Une circonflancc
flnguliere de la vie de cet homme étcn-r
nant , c'eff qu'il ne voulut foumeure les
Romans que pour avoir droit de les dé-
fendre : il lé déclara leur proteifleur , lorf-
qu'il po.voit être leur maître. Cependant ,
après la mort de Théodofe le jeune , Mar.-
cien , fuccefTeur de ce prince , refuià de
plier fous le joug du barbare : après avoir
fait fortifier tous les pofles importans , il
déclara qu'il ne vouloit pas d'un fembla-
ble général. Attila pouvoir en tirer \en-
geance ; il fit une irruption contre les ter-
res de l'empire d'orient. Mais Marcien
lui ayant oppofé de bonnes troupes , il le
replia vers l'occident , où il fe promertoit
des vidoires plus faciles : ii avoir hiit maf^
liicrer fon frère Bleda , ne pouvant iiip-
porter d'affocié au trône. Pluiieurs écrir-
vains rapportent qu'il fubjugua une partie
de la grande Ger:nanie. On ne voit ce-
pendant pas qu'il ait été en guerre contre
les peuples de cette célèbre contrée. Au
refîe , les Germains pouvoient s'être volon-
tairement foumis à un prince qui ne le-
voit aucun impôt lur fcs fujets , & qui ,
rîioins intéreflé qu'ajiibitieuK , fe conten-
toit de foumcrrre les nations , & leur en
abandonnoit les dépouilles. Attila ne de-
mandoit aux Huns que des hommes & du
fer. Les Germains , naturellement avides de
gloire & de butin , ne pouvoient choilir
un meilleur général. Ce fut vers l'an qua-
tre cent cinquante-un qu'il entreprit cette
invafion fi fameufe lous le nom d'im-ajiori
d'Attila : il avoit une armée de cinq cent
mille hommes tous dévoués à la viiïloirc
ou à la mort ; il leur avoit infpiré un zèle
fanatique & liiocrrdtieux , fe difant armé
par le dieu Mars qui lui avoit envoyé fon
égide & fon épée. Ces troupes prodigieu-
Jes & déterminées ne l'empêchèrent pas de
recourir à la rufe : tous les moyens de
réuifîr entroient dans la politique ; aucun
n'étoit vil à fcs yeux , s'il en alTuroirle fùc-
cès. Lorfque les Romains d'occident lui
demandèrent contre qui il delVmoit ces im-
menfes préparatifs , il leur répondit que
S sss s 2,
5)c8 ATT
c'étoit pour châtier les Vifigoths {"es efcla--
ves , & fe venger d'une injure que lui avoir
faite Théodoric leur roi , ainli que des |
Francs qui avoient oié mettre le pié fur ,
les terres de l'empire dont il s'étoit dé-
claré le protecteur ; dans le même temps , |
il recommandoit à Théodoric de ne p.is
prendre l'alarme , l'afîùrant qu'il ne ve-
nok dans les Gaules que pour les partager
entre les Huns & les Viligoths. Lorfqu'il
eut trompé fur fes delfeins Valentinien III
& Théodoric , il couvrit le Danube d'une
infinité de barques : il traverfe la Panno-
nie, le Norique & la Suabe ; arrivé dans
les Gaules , il marche vers Cologne ; il en
chafle Mérouée , & livre la ville au pil-
lage & à la Hamme. Tongres , Trêves ,
Spire , Vormes , Mayence , Andcrnac ,
Arras , Befançon , Metz , Toul , Langres
& pîuheurs autres villes éprouvèrent éga-
lement la lureur de cet impitoyable con-
férant. Les Romains, étonnés de ces iuc-
cès, en conçurent la plus vive inquiétude.
Aétius fe rendit auffitôt à Arles : les Huns
étoient devant Orléans , dont ils battorent
les murs. Comme il n'avoit qu'une foible
armée , il i"e tint fur la défenfive , & en-
voya des députés aux afliégés les aflurer
d'un prompt lecours. Les Orléanois étoient
affez portés à faire une vigoureule délenle ;
le fort effrayant de leurs voilms étoit pour
eux un aiguillon puilîànt. Aétius fit aulli-
lôt follicitcr Théodoric pour l'engager à
fe joindre à lui , afin d'oppoier une digue
au torrent. Le roi des Viiigoths fe re-
fula d'abord aux follicirations du général
Romain ; il avoit réiolu d'attendre , pour
le déclarer , que les Huns eullent mis le
pié lur ies terres : il étoit retenu par
Attila qui l'ailûroit toujours de fon ami-
tié , & lui promettoit de l'aflocier à iés
conquêtes ; mais le préfet Avitus fe lervit
de ion aicendant lur l'elprit de ce prince ,
& le décida pour la caule commune. Il
l'éclaira iur les delfeins d'.^ m/a , & lui fit
voir que cet ambitieux tendoif à fe for-
mer une monarchie univerieUc ; & comme
on r.i remarqué , Théodoric pouvoit-il le
fia; ter que le roi des Huns, qui reguoit par
lemalfacre d'un frère, & dont le nom étoit
redoute jufqu'aux rives de l'Indus & du Ta-
naïs , eût rcipcdé l'alliance des Viiîgoihs?
ATT
Tandis qu' Avitus négocioit à la cour de
Théodoric , Aétius avoit envoyé des dé-
putés au delà du Rhin & dans toutes les
parties des Gaules , où les Huns n' avoient
point encore pénétré. Il négocia avec tant
de iuccès , que ion armée , luivant Proi-
per , fut en peu de temps preique auili
nombreule que celle des ennemis ; elle
étoit compoiée des Francs , de la tribu de
Mérouée , de plufieurs peuples Sarmates &
Saxons, qui avoient refuie de ie plier au
joug des Huns , d'Armoricains aujourd'hui
les Bretons , de Lifiens , de Bourguignons ,
iujets de Gondroche & de Chilperic , des
Ripuaires qui tenoient les environs de Co-
logne , des Brions autrement Bréones que
Valois place dans la Vindélicie, & de plu-
iieiirs autres»peuples de la Gaule Celtique
& de la Germanie ,- auxquels les Romains
avoient commandé autrefois comme à leurs
lujets &; qu'ils étoient charmés de compter
alors parmi leurs alliés.
Lorique cette armée , jointe à celle des
Viiigoths, approcha d'Orléans, cette ville
étoit à l'extrémité ; elle étoit comme la
clef de l'Aquitaine. Attila , periliadé qu'il
étoit de la dernière importance de s'en
affurer avant l'arrivée des nations confé-
dérées , taiibit continuer les affauts de
jour & de nuit. Les alliégés n'efpérant
plus aucun iecours , perdirent enfin cou-
rage , & envoyèrent au camp des Huns
demander grâce. Attila n'en faifcit point;
& tout ce qu'il leur accorda en faveur
d'Anian , leur évêque , chef de la dépu-
tation , fut qu'ils Icroient réduits en i'ervi-
tude , & qu'ils iroient vivre dans quelque
contrée inhabitée de fes états. L'horreur
de la mort l'ayant einporté fur la honte
de l'eiclavagc , les afliégés ouvrirent leurs
portes , & Attila envoya ies principaux
officiers faire le partage des captifs. On
chargeoit leuràvcharriots de leurs dépouil-
les; on les chaflbit vers le camp du vain-
queur , eux , leurs femmes & leurs en-
fans , lorique Aétius ic lés allies iurprircnt
les troupes que les Huns avoient au delà
de la Loire. Les romains chargèrent les
Huns avec tant de vigueur , que les trou-
pes fe jetèrent dans le ilcuve , où périt un
nombre prodigieux de' foldats. Tous ceux
I qui étoicat dans Orlé;ins pour en enlevtr
ATT
Ifes. dépouilles , furent maflacrés , à la ré-
lèrve d'un petit nombre auquel Anian lauva
la vie. Ce n'étoit qu'un léger échec pour
j4ttila ; & cependant il fit une retraite vers-
la partie des Gaules qu'il avoit conquiie,
à deflein lans doute d'y attirer les Roinains
& les Vifigoths , d(int les troupes croient
encore intérieures aux fiennes. Mais Aétius,
trop lage pour s'enorgueillir de les premiers
fijccès , fe contenta de relever les murs
d'Orléans ; ce fut dans cette ville qu'il at-
tendit les Francs qui n'a voient point encore
pu le joindre. Dès qu'ils furent arrives , il
ibntit d'Orléans , & alla avec eux & les
autres peuples ies alliés , clierchcr l'ennemi.
Attila étoit dans les plaines de Clialons en
Champagne , d'autres difènt de Sologne
dans rOiléanois , lor.'qu'il reçut les pre-
mières nouvelles de l'approche d'Aétius. Sa
fierté ne lui permettant pas de l'attendre
dans l'enceinte d'un camp , il donne le fi-
gnal du départ , & marche \ fa rencontre :
il y eut pendant une nuit un combat , dont
le l'uccès fit connoitre combien celui dont
dépendoit le dellin des Gaules , dcvoit coû-
ter de fang. Un corps de Gépides détachés
de l'armée des Huns pour battre la cam-
pagne , ayant rencontré une troupe de Francs
qui prccédoit celle d'Aétius pour le même
delîèin , ces deux partis fe chargèrent réci-
proquement ; ils le trouvèrent fi parlaite-
ment égaux en nombre & en valeur , qu'au-
cun ne pouvant vaincre , ni (è réioudre à
faire une retraite , on ne cefla de tuer de
part & d'autre , que quand il n'y eut plus
perfonne en état de frapper.
Dès que les deux armées furent en pré-
fence, .^«//a envoya un détachement pour
fe faiiir d'une hauteur que l'on regard(3it
comme un pofle de la dernière importance.
Aétius l'ayant prévenu., les Huns en tirè-
rent de finiitres prél'ages. Attila , pour
les raflurer , eut recours aux arulpices qui ,
lùr l'in pedion des viftimcs , répondirent
que le dellin ne promettoit rien de favo-
rable à la vérité, mais qu'un général de
l'armée ennemie refteroit fur le champ de
bataille. Quelques particularités dans la vie
A^Atala , comme l'épée qu'il prétendoit
avoir reçue du dieu Mars., ont fait pen-
ièr à quelques écrivains que ce prince re-
gardoit la religion en politique ; mais fa
ATT 5)09
confiance en ces oracles menteurs prouve
qu'il avoit adopté les erreurs des Huns ido-
lâtres. Il ne révoqua point en doute l'évé-
nement de cette prédiflion \ pcrluadé que
le fort menaçoit Aétius , il réfolut de livrer
la bataille. La mort de ce général balançant
dans ion elprit toutes les pertes qu'il pou-
voit taire, les plaines de Chalons furent
couvertes d'un nombre infini de foldats que
l'on regardoit comme l'élite de tous les ]')eu-
ples de l'Europe : ils n'avoient reçu les uns
des autres aucun outrage, dit Jornandès ;'
& cependant ils étoient prêts à s'entre-
détruire , par compbilance pour un leul
homme , dont l'ambition leur tenoit lieu de
la plus implacable haine. Quel malheur ,•
continue le même hiltorien , que la tolio
d'un barbare ait détruit dans une heure ,
ce que la nature n'a\oit produit qu'avec
effort pendant tant d'années! L'adion com-
mença vers les quatre heures du fbir ; &
ce fut une des plus langlantes dont l'hifloire
tafle mention. Un ruifleau qui coulojt au
miheu des deux camps , fortit de ies bords,
groffi du fang qui fe mêla avec ies eaux.
Théodoric périt dans la chaleur de l'adion ;
& fa mort tut regardée comme l'accom-
pliiîemcnt de la prédidion des devins. La
vidoire fe déclara pour les Romains. Attilx'
furieux de voir que la fortune l'abandonne ,
précipite les Huns dans les plus grands périls.
Les Ûfirogoths , les Gépides ne leur cédè-
rent point en valeur : échauffés par une
ardeur ég;de , ils s'enfonçoient à Tenvi dans
cette Icene de carnage. La nuit ne put cal-
mer la fureur des combattans ; ils fe char-
geoient encore dans les plus épaiflès ténè-
bres. Cependant Attila donne l'ordre pour
la retraite ; & ion armée le iuit dans un
filence farouche : rentré dans l'on camp , il fe
forme un rempart de fes charriots fuivant
Tufage des Huns , qui tlit commun X tou-
tes les hordes du Nord. Attila ne fortit •
point de fes retranchemens. On dit que
craignant d'y être forcé , il fit taire un bû-
cher, réfolu de s'enfevelir dans les fiam-»
mes , ne voulant jpas , dit un hiflorien ,
qu'un prince qui avoit été la terreur des
nations pendant ià vie , tût en leur puillance
après fa mort. Cependant , pour ne mani-
teîler rien de (es craintes , & pour mafquer
ù défaite , il ordonna des chants de
5>io ATT
viâoires , & fit retentir fon camp du bruit
<les trompettes & des autres inilrumens
militaires.
Aétius , PU lieu de s'applaudir de la vic-
roire , tint confeil , & délibéra fur les
moyens de s'en afïurer le truit. Ce lage
général , infenllble à une vainc gloire , ne
longea qu'aux intérêts de l'empire. 11 ne
ten'oit qu'il lui d'achever la ruine à^ Attila ;
mais il fe contenta de l'avoir affoibli : il
craignit que les Francs & les Vifigoths ,
auxquels il attribuoit le fuccès de cette
journée , ne devinflent trop puiflàns , &
ne i"e partageafl'ent les Gaules ; il le mé-
nagea comme un ennemi dont la terreur
devoit le retenir dans l'alliance des Romains.
Il engagea Thorilmond , fils de Théodoric ,
à aller fe faire couronner à Touloufe , ca-
pitale de fon état , lui dilant qu'il devoit
craindre que fes frères ne fe filTent un titre
de Çon abfence pour le fupplanter. Aétius
ufi des mêmes artifices pour engager Mé-
rouée à le retirer dans les états. Il leur
donna à l'un & à l'autre un vafe d'or ,
préfent qui fut long-temps ,-\ la mode dans
l'antiquité : il y avoit de ces vafes qui pe-
foient julqu'à cinq cents livres.
Attilz étoit toujours en proie aux plus
vives alarmes ; il ne put d'abord fe perfua-
dcr le départ des Francs & des Vifigoths.
Il en rejeta les premières nouvelles comme
une rufe de fes ennemis pour l'attirer hors
de fes retranchemens ; mais , lorfque ks
■couricrs lui en eurent donné la certitude ,
il torma des projets plus vafies que ceux
qui venoient d'échouer. On dit que cette
bataille lui coûta deux cent mille hommes ;
il efi certain que fes troupes étoient confi-
dérablement dimmuées , puifque , fâchant
Aétius dépourvu d'une partie de fes alliés ,
il n'eut point aflez de confiance pour l'at-
raquer. Tels font les détails que nous ont
confervé les anciens hifioriens de l'inva-
fion à^ Attila dans les Gaules , invafion plus
fameufe par les ravages que par les luccès.
Les villes & les campagnes par où paiTîi ce
furieux torrent , turent changées en déferts ;
& l'on peut juger de la terreur que le roi
des Huns infpira, par la conduite des habi-
tans de la ville de Troyes. On rapporte qu'ils
ie retirèrent fur des montagnes , & que Lu-
ATT
pus , leur évêque , ne put les déterminer i
rentrer dans leur ville.
Le roi des Huns ne retourna dans fes états
que pour taire de nouv ''lies levées. Les Qua-
des , les Oies , les TurcUinges & les autres
Germains d'au delà de la ViiUile , défigncs
dans l'antiquité tous le nom de Bajitunes ^
ainli que les Scythes, lui ayant fourni des
recrues , il dirigea d'abord la route vers
Confiantinople ; mais ce n'étoit qu'une ru le
pour tromper lijr fes delTeins les Romains
d'occident. Il revint prelqu'auffi-tjt fur (t^
pas , pafîà les Alpes , & mit le fiege devant
Aquilee. Cette ville, dont dépendoit le fort
de ritaHe , fit une défenle \\ vigoureul'e ,
que les Huns délelpérant du fuccès , firent
éclater leurs murmures : ils parloient de
lever le fiege , lorfque Attila apperçut plu-
ficurs cicognes qui , dirigeant leur vol vers
la campagne , portoient fur leurs ailes leurs
petits , encore trop toibles pour les luivre.
') Ces oileaux , guidés par leur infiind ,
>» leur dit-il, vous montrent quel doit être
■>■> dans peu le delhndela ville ; ils ne la quit-
11 tent que pour le louftraire à l'cmbrafe-
» ment dont elle ell menacée. » Les Huns,
non moins fuperllitieux que leur louvcrain y
acceptèrent cet augure. Ils redoublèrent leurs
afîauts avec une ardeur nouvelle , ne doutant
pas que le départ des cicognes ne tut le pré-
làge affuré de leur triomphe. Les ailiégés ,
étonnés de leurs efforts , & ne pouvant en
loutenir l'impétuofité , abandonnèrent leur
ville; & pour avoir le temps de mettre en
fureté ce qu'ils avoient de plus précieux , ils
placèrent fur les remparts des flatues qui
repréfentoient des foldats armés. Les Huns ,
à qui ce ftratagême en avoit impolé , lu-
rent privés du pillage qu'ils s'étoient pro-
mis ; leur cupidité trompée excitant leur
fureur, ils juftifierent la prédi6liond'^'//t//j,
& réduifircnt la ville en cendres ; encoura-
gés par ce fuccès , ils prennent fuccclllve-
ment Vérone , Trévigio , Crémone , Brelîla
& Bergame. Les garnilons de ces ditléren-
tes villes furent palfées au fil de l'épée. Ce
tut dans ces-délordres que naquit Venife :
cette ville qui devoit balancer un jour les
defiinées de l'Europe , & prelcrire des bor-
nes à la valeur des Turcs. On rapporte
que les Padouans , pour fe loulbaire au
fort effrayant de leurs voifins , (ê réfugie-
ATT
rentdans des marais près du golfe Adria-
tique , où ils languirent d'abord dans une
nilreuie rnilere , jufqu'à ce que leur conl-
tance les e'Ievant au dclîus de leurs revers ,
ils fe confbuifirent quelques cabanes.
Atcild continuoit toujours les ravages ;
il s'ëtoit rendu maître de Pavie & de Milan.
Ce fut dans cette dernière ville qu'il dé-
ploya toute la fierté de Ion ame. A}ant
vu des tableaux dans lefquels les empe- j
reurs étoient repréfentés (ur leur trône ,
& traitant les rois en efclaves , il les fit .
effacer aulH-fôt , & en fit faire d'autres où ,
les empereurs étoient reprélentés dans une j
attitude hu!ni!:ante, &: le conjurant de re- ■
cevoir leurs hommages qu'il icmbloic de- \
daigner. Les romains étoient corflernés de !
crainte; ils n'avoient aucun obflacle A op-
f)oier aux Hvms. Aétius étoit dans les Gau- j
es , où il s'efforçcit de foutenir ime ombre i
de la majeflé romaine ; S.i s'il étoit vrai que !
la dellinée i^éttilz eût dépendu de lui l'an-
née précédente, il dutfe repentir de n'en
avoir pas profité pour le perdre. Convaincu
del'impoiîibilité de conlerver l'Italie , décri-
vit ;\ Valentinien III , lui conieillant de
faire la paix , n'importe quelles en fuiTcnr
les conditions , ou de fe rendre dans les
Gaules où il lui préparolt une retraite. Tel
étoit le déplorable état de l'empire , lorl-
que le pape Léon lortit de Rome , & alla
au devant à^ Attila. ; parvenu à la tente, il
fe jette à fes pies , & le conjure , avec
larmes , de rendre le calme à l'occident. Le
pon;ife parvint à toucher le cœur du bar-
bare. Attila fe tourna vers les (eigneurs de
fa cour. " Je ne fais pourquoi , leur dir-
» il, les paroles de ce prctrc m'ont touché. »
On prétend qu'il afîlira avoir vu un fan-
tôme vêtu pontificalement ,. qui le mena-
çoit de le tuer , s'il perfiiloit à vouloir la
guerre. Il confentit enfin à fe retirer , mais
à condition qu'on lui remettroit Honora ,
fccur de Valentinien , qu'il réclamoit com-
me la femme , avec la part du trélor im-
périal , qui revenoit à cette princeile ; il
exigeoit en outre une penfion annuelle.
L'empereur foufcrivit à ces conditions, ne
croj-ant pouvoir racheter à trop haut prix
les maux dont l'empire étoit menacé.
Atiila ne l'urvécut point à cette expédi-
tion ; il fongeoit à faire une invaiion en
ATT 5,11
Aflc , lorfqu'il fut pris d'un faigncmeiu
de nez, dont il mourut l'an 453- On pré-
tend , contre toute vrailcmblancc, ou d
étoit dans la cent vingt- cinquième année :
il n'eil guère probable qu'à cet âge on
piiifîc fupporter les fatigues des guerres
laborieules qu'il entrcprcnoit fans cefiè.
Bonfinius qui rapporte cette particularité,
en ajoute une plus croy.ible ; ilafllire qu'il
mourut pour s'être livré à des plailîrs trop
vifs le jour de les noces. Plufieurs mo-
dernes le font plu à nous tracer le por-
trait de cet homme étonnant , & en ont
faifi fous les traits. "Ils (les Huns) étoic/it,
y> dit l'un d'eux , gouvernés par AtiiU , le
» monarque le plus redoutable qui fut
» alois dans l'univers. S'il eil vrai qu'il ait
» conquis la Germanie , comme quelques-
j> uns le prétendent , fans cependant rap-
» porter les guerres qu'il eut à foutenir
>? pour ^'en rendre maître , fcsétats s'éten-
» doient des rives du Rhin jufqu'aux bords
» les plus reculés de la mer Noire ( on ne
» lauroit fixer autrement l'étendue de
» la domination } ; elle n'avoit pour
» bornes que la terreur de fes voifins.
»> Les princes & les rois trembloient à foa
» ieul nom; & la déférence qu'a t'oient
>j pour kii l'empereur d'orient & celui
» d'occident , ne diliéroit pas de l'obéil-
» fance que des lujets doivent à leur l'ou-
>j verain. Egalement fait pour la guerre &
» pour la politique, il a voit tous les ta-
» lens du capitaine & de l'homme d'étnt,
» employant tour-à-rour & toujours avec
>5 luccès , les forces , les menaces , l'arti-
» fice & la rufe. Il ufoit indifféremment
» de tous les moyens : aucun n'étoit vil à
»' fes yeux , s'il lui prf)curo!t la viétoirc.
» Quoique craint de les lujets , il en fut
>» l'amour & l'idole , comme 11 fut la ter-
» reur & l'eiïroi de fes ennemis ; ce n'é-
»> toit pas par une vaine oHentation qu'il
» en impoloit au peuple; plein demépiis
» pour cette magnificence que les fouve-
>3 rains étalent comme le figne de leur
» grandeur, il fe montr.oit toujours en
») public dans la plus grande fimplicité. Il
» paroiiloit pauvre au milieu des dépouil-
>) les d'une partie de la terre ; il n'a\'Git
>j d'autre lymbole de la puillance que la
>} lance & fbn épée. Son trône étoit une
5)11 ATT
»j chaife de bois , quelquefois même une
7) pierre brute , placée fous un arbre , &
» lous un drapeau qui lui fervoit de
7> tente. C'ctoit à ce tribunal qu'il ci-
« toit le Perfe , le Grec & le Ro-
« main , qui tous s'humilioient devant
« lui. . . . Comme tout intérefle ,
*> continue le même auteur , dans la vie
7> de cet homme extraordinaire , je dirai
» quelque chofe de Ton extérieur : quoi-
" que d'une taille au deiTbus de la médio-
» cre , il avoit la tête d'une grofleur dé-
w melii.rée , le nez extrêmement large &
»' écrafé , le front applati , la barbe claire
» & entrecoupée par d'afïreufes cicatri-
w ces ; ies yeux petits , qu'il ne favoit
»' fixer , étoient comme ion corps , tou-
f> jours en mouvement : cette figure hi-
» dcufe Tout en lui fembloitdire au
»' monde qu'il étoit tait pour ca troubler
» la paix. >j M. de Montefquieu l'a peint
avec cette touche vigoureure& iublime , qui
n'appartient qu'à ce profond écrivain. " Ce
»' prince , dans fa maifon de bois , où
» nous le préfente Prifcus, dit-il, maître de
»' routes les nations barbares , & en quel-
»» que façon de toutes celles qui étoient
» policées , étoit un des grands monar-
»> ques dont l'hinoire ait jamais parlé. On
« voyoit à iii cour les ambaddcurs des
»> Romains d'orient & de ceux d'occident ,
?' qui venoient recevoir fes loix, ou im-
*> plorer fa clémence ; tantôt il deman-
♦> doit qu'®n lui rendît les Huns u-anstu-
»> ges , ou les efclaves Romains qui s'é-
»' toient évadés ; tantôt qu'on lui livrât
» quelque minillre de l'empereur : il avoit
»j mis fur l'empire d'orient un tribut de
»5 deux mille cent livres d'or. Il recevoit
»> les appointemens de général des armées
»j romaines. Il étoit craint de fes fujets ;
9) & il ne paroît pas qu'il en lût haï :
#> prodigieufèment fier , mais cependant
»> rufé , ardent dans là colère , mais fa-
») chant pardonner oudirtérerla punition,
»> iuivant qu'il convenoit à fes intérêts ,
»} ne failant jamais la guerre , quand la
w paix pouvoit lui donner aflez d'avanta-
s» ges , fidellement lervi des rois même qui
») étoient ious fa dépendance ; il avoit
?> gardé pour lui leul l'ancienne fimplicité
p> des lîicEurt. des Hunï. Du relie , ou ne
ATT
»> peut guère louer , fur fa bravoure, le chef
» d'une nation où les enfans entroient en
>5 fureur au récit des hauts laits d'armes
» de leurs pères , & où les pères verloient
» des larmes parce qu'ils ne pouvoient pas
»> imiter leurs enfans. » Ce ieroit une pré-
iomption téméraire de vouloir rien ajouter
aux réflexions de ce grand peintre.
La valle monai-chie dont Attila avoit
été le fondateur , fut divifés après fa mort.
Pcrfuadé que tout partage conduit un état
à fa ruine inévitable , il avoit nommé ,
pour lui fuccéder , Eliac l'ainé de fes fils ;
mais lès vues , qui attefloient fi politique ,
furent furmontées par le cri de la nature,
qui , mettant une parfaite égalité entre les
enfans d'un pcre commun , femble leur
donner les mêmes droits à ion héritage.
Ellac avoit toutes les qualités qui caraâé-
rifent un général ; & ce n'ctoit que par
celles-là que l'on devoir prétendre à régner
iur un peuple qui ne vivoit que dans le
camp , & qui ne goûtoit de plaifir que
fur le champ de bataille. Mais il avoit un
grand nombre de frères qui , tous , s'étoient
lignalés par des adions de la plus éton-
nante valeur ; ne pouvant fe reioudre à
obéir , ils fe firent des partifans , & fe réu-
nirent pour demander une égalité de par-
tage : leurs prétentions réciproques plon-
gèrent toutes les nations Icptentrionalcs
dans la plus horrible confufion. Les rois
tributaires ou fujets en profitèrent pour
recouvrer leur indépendance. Ardaric , roi
des Gépides , fit entendre à Ellac & à les
frères qu'il neprétendoit recevoir les loix
d'aucun d'eux. Sa fierté étoit indignée qu'on
le difputât fa conquête comme celle d'un
vil bétail ; les autres rois des différentes
nations , Scythes , Sarmates & Germains
firent voir le même cfprit d'indépendan-
ce ; ils réunirent leurs forces à celles d'Ar-
daric , & tous enfemble allèrent combat-
tre Ellac , qui fut alfez généreux pour re-
noncer à la fupérioritc qu'il prétendoit fur
(es frères, & pour marcher leur égal con-
tre l'ennemi commun. Les rois rebelles eu-
rent l'avantage dans une grande bataille.
Leur viftoire fut i'cellée du lang de trente
mille Huns & de celui d'Ellac , qui
fit des prodiges de valeur , & périt en
di^ue iiis à'ALula. Les Huns vaincus aban-
donnereiit
ATT
âonhéfcnt la Pannonie aux Gc'pides , & fi-
rent une retraite vers rembouchurc du Da-
nube. ( T-N. )
ATTiL(EPONS , (G^'ogr. ) c'étoit au-
trefois un bourg de la Gaule Belgique ;
c'eft prélèiKcment un village du duché de
Luxembourg , n iinmé Etulsbruck , ;\ qua-
tre lieues de la capitale & à cinq de Trê-
ves. ( C. A .)
ATTILUS , ( Hifl. de Sucde. ) roi de
.Suéde ; il n'efl célèbre que par fon avarice.
Il (lirchargca (on peuple d'impôts , non pour
entretenir le luxe de fa cour, mais pour cn-
levellr dans des caveaux la lubflance du
pauvre. Il eut le fort des avares , il vécut
dans des alarmes conrinuclles , époufa une
femme prodigue , qui , de concert avec
ion fils Rovolo , roi de Danemarck , en-
leva (es trélors & alla les diflipcr dans les
états de ce prince. {M. de Sac y.)
ATTI-MEER-ALU, f. m. {Hifi.
nie. Botaniq. ) figuier du Malabar , dont
Van-Rheede a donne une adèz bonne
figure dans fon Hortus Malabaricus , iv-
lume III y page 75, planche L VIII ,
les Brames l'appellent rauka-paray ; les
Portugais arrore da raijs ladrao , les
Hollandois worcel-fijgh.
C'efl Tarbrc le plus gros qui ait encore
été obfervé dans les Indes & dont l'ac-
croiflèmcnt eft le plus fingulier. Sa graine
l;ve foit fur le tronc de certains arbres ,
l'oit entre les lentes des rochers ou des vieil-
les mazures des bâtimcns , d'où il pend
en-bas comme un lizeron ou comme une
liane , ou toute autre plante grimpante en
général. Sa racine ou la tige jette cnfliite
des filets minces d'abord , qui fe fichent
en terre , qui groffiiïent & forment un
tronc confidérable , pendant que la racine
& la tige ancienne meurent : ce tronc jette
de tous côtés de nouveaux filets qui fe
joignent à lui pour le groiîlr encore , de
forte qu'il paro'it comme cannelé ou formé
de cotes longitudinales & inégales ; &
il prend ainfi jufqu'à douze à dix - huit
pics de diamètre fur une pareille hau-
teur. Ces filets fe prolongent jufqu'à terre ,
où ils forment des racines blanches à écorce
noirâtre , peu épaiffes , qui s'étendent fort
au loin fous terre à une petite profondeur.
Les branches qui couronnent cet arbre
Tome III,
ATT 5)13
font très-nombrcufes , fort minces , & s'é-
tendent en rayonnant de tous côiés , de
manière à lui former une cime hémifphéri-
que. Les jeunes branches font moins écar-
tées , elles s'écartent fous un angle qui a
à peine 30 à 40 degrés d'ouverture; leur
bois ainfi que celui du tronc , cil blanc ,
mou , flexible , & recouvert d'une écorce
vcrd-cendrée.
Les feuilles refïcmblent affez A celles de
l'atti-alu , mais elles font moins ferrées , un
peu moins grandes , moins larges à propor-
tion , ayant à peine cinq pouces de lon-
gueur ; elles f'ont plus rudes en dcfl'ous ,
portées fur un pédicule très-court ; leur
nervure inférieure les coupe en deux par-
ties inégales , & les côtes qu'elle jette au
nombre de* cinq à fix de chaque côté ,
lont alternes & difnolées de manière qu'il
n'y en a aucune à leur origine qui forme
les trois côtes que l'on remarque dans cel-
les de l'atti-alu.
Les figues ou enveloppes qui contien-
nent les fleurs , iortent i'olitairement de
raifTellc de chaque feuille , dont elles fur-
pafiént de beaucoup le pédicule en lon-
gueur. Elles ont la forme de la figure or-
dinaire ou celle de l'atti-alu , mais elles
lont beaucoup plus petites , aj'ant environ
fix lignes de diamètre ; le pcduncule qui
les porte eft une ;\ deux fois plus court
qu'elles , & fort mince , de fnrre qu'elles
pendent horizontalement. En mùrilT'ant elles
deviennent rouges & pleines d'une chair
blanche.
Qualités. Uatti-rncer-alu efl fins odeur ;
toutes fcs parties ont une faveur acerbe
& amere ; coupée , elles rendent un fjc
laiteux , épais , onchieux , acre , qui en
léchant devient purpurin. Cet arbre efî
toujours verd & couvert de feuilles & de
fruits toute l'année. Il croît par-tout le
Malabar ; dans le Kandenate , province da
royaume de Cochin , près du temple de
Bayca , on en voit un dont le tronc a ')0
pies géométriques de circonférence , & que
les habitans alTurent avoir déjà vécu deux
mille ans.
Ufagcs. Ses figues fe mangent comme
celles de l'atti-alu ; elles font fouveraincs
pour arrêter les flux de ventre de toute
cfpccc. Le fuc des feuilles fe boit dan*
T-rttt
c)i4 A TT ^
ks fièvres ardentes. La décoftion de fa
racine ouvre puiffamment les obftrudions
du foie , & guérit tous les ulcères de la
bouche. {M.Adanson.)
ATTIQUE, {Geosr.anc.) province de
TAchaïe, en Grèce, entre la mer Egée,
la Béotie , & le pays de Mégare. Le peuple
de YAttique étoit diviie en dix tribus ; ces
tribus occupoient une partie de la ville
d'Athènes , & quelques bourgs , villa-
ges, & vilicï. Vojei RÉPUBLIQUE
d'Athènes. On y en ajouta trois dans la
fuite ; & l'on démembra quelques portions
des anciennes , pour former les nouvelles ;
ce qui tait que certains bourgs , dans les
anciens auteurs , font attribués à diftérentes
tribus. Le confeil des Prytanes étoit com-
pofé de 50 perfonnes prifes de chaque tribu.
La tribu Erechthcide étoit ainii nommée
d'Ereûheus ; VEgcïde , d'Egée ; la Pan-
dionique , de Pandion ; la Léontide ,_ de
Léon , qui dévoua fes filles pour le ialut
de la patrie; laPtole'/naide , dePtolémée,
fils de Lagus , VAcamantide , d'Acamas ,
fils de Théfée , ÏAdrianique , d'Adrien ;
YOe'néide, d'Oénée , fils de Pandion ; la
Ce'cropide , du roi Cécrops ; ÏHyppothoon-
tide , d'Hyppothoon , fils de Neptune ;
VAlamide , ou X M and de , d'Ajax de
Télamon ; VAntiochide , d'Antiochus ,
fils d'Hercule ;ry3ffra//£i!fj,. d'Attale, roi de
Pcrgame. Ces treize tribus comprenoicnt 174-
peuples ou communautés de noms difterens.
Eirélides, Herme, Hepheflia, Thorique,
le Céramique de dehors , Céphale , Ci-
cynna , Curtiades , Porns , Profpalota ,
Sphettos , Cholargos , appartenolent à VA-
camantide.
Marathon,. Oéné d'Aiantide , Rnmne ,
Titacide , Tricorynthe , le Phalere , Pfaphi-
des, appartenoicTit à ÏAiamide ou yEantide,
jEgilie , Alopeque , Amphitropé , Ana-
phl} lie , Atené , Befa , Thores , Itea ,
Crioa , Leccum- , Leucopyra , Melenes ,
Pallené , Pentelé , Perrides,Felequcs , Sc-
machides , Phryrn , appartenoient à ÏAn-
xiochide.
Agnus, ApoUonia, Sunium , à YAtuIide.
Athmonon , jExoné , Aies , .^xonines ,
Da:dalides , Epiciquides , Mclite , Xipeté ,
Pithos , Sypaicttc , Tiinéoicis , à la Ce-
twjjide.
ATT
Aies , Araphenides , Araphen , BatéJ
Gargette , Diomoea , Erechtiha , Ericera ,
Icaria , lonides , CoUyte , Cydantides , Plo-
thras , Philîdes , Chollides , à YEgeïde.
Agraulé , Anagyre , Euonynos , The-
machos , Kedes , Céphyfie , Lampra fu-
périeure & inférieure , Pambotades , Per-
gafé , Sybrides , Phigus , à VErcchtéides.
Aphidne, Elou(a,Oa, Adrianide , Plie-
gxa , à X Adrianide.
Azcnia, Amanxanthea, Anacara , Acher-
de , Decel^a , Elius , Eleufis , Troiades ,
Thimoitades , Kciriade , Coïlé , Corydal-
los , Oeum Deceleicum , Oénoé Hyppo-
thoontide , le Pyrée , Spendale , à VHyp-
pothoontide.
jEthalides , Halime , Deirades , Ekalé ,
Eupyrides , Ketti , Croppia , Leuconium ,
Oeum Ceramicum , Pzonides , Potamos >
Scambonides , Hybabes , Phréarrhes , à la
Léontide.
Acharne , Butades , Brauron , Epicephe-
fia , Thria , Hyppotamades , Laciades , Lu-
cia , Oë , Perithoides , Ptelea , Tyrmides y
Philé , à la Léontide.
Angelé , Cydathen^um , Cytheron ,
Myrrhinus , Pacanie fupéricure & intérieu-
re , Prafies , Probalynthe , Stirie , Pheg;ça ,
à la Pandtonide.
Berenicides , Tyrgonldes , Conthylé ,
Phlya, à la Ptolémaïde.
' Argiha , Harma , Achrade , Dryme ,
Edapteon , Enna , Echelides , Euchontheus,
Zolier , Thebe , Thrion , Calé , le Céra-
mique de dedans , Cothocides , Colonos
Hippies, Colonos Agoraios , Cynolarges ,
Lariiîa , Laurium , Lensum , Limnes ,
Miletum , Munichia, Panade , Parncfhe ,
Pnyx, Patrocleia , Sciron, Sporgilos, Hy-
mette , Hyfies , Phormilii , Phirittii , Chi-
tone , Orope , ibnt des lieux dont on ignore
les tribus.
AtTIQUE. Voyei ÉPOQUE , ou ErE
ATTIQUE.
AttIQUE-, tribu attique. Fôj. Tribu.
AttiQUE , talent attique. Voyf{ TA-
LENT.
Attique , {en Architeclure. ) étage peu
élevé qui fert à couronner & exhauiîcr un
bel étage , tel que C(.lui qui le voit à Ver-i
, laJllcs ducuté des jardins :. on nuinmc cet
ATT
étage fupéricur attique , parce que /à pro-
portion imite celle des bâtimens pratiques
A Athènes, qui étoient tenus d'une hauteur
médiocre , & ("ur leiquels il ne paroilToit
çoint de toirs , auili faut-il fe garder d'en
taire paroître de trop élevés , qui iemble-
«roient accabler cet étage ; & li , dans un bâ-
timent de beaucoup de protondeur , on ne
pouvoit fe dilpenler d'introduire des com-
bles apparens , il huidroit le garder de pra-
tiquer Ibus ces combles de pareils étages,
malgré l'ulage fréquent qu'on en fait dans nos
bâtimens à la place des maniardcs ; ce qui
rend à la vérité les étages liipérieurs beau-
coup plus praticables.
Ces efpeces d'étages font fouvent déco-
rés d'un ordre d'architcéhire qui n'a rien
de commun avec la proportion des cinq
efpeces d'ordonnances , tolcane , dorique ,
ionique , corinthienne , & compofce : mais
cependant il doit y avoir quelque rapport
avec le genre d'architecture qui le reçoit ;
c'efl-à-dire , que chacun des cinq ordres a
fa proportion particulière , qui exprime le
genre ruftique , f'olide , moyen , délicat ,
•& compofé ; & que l'ordre unique , à lui
leul , doit emprunter de chacun de ces
ordres le caractère qui Jui convient, félon
qu'il eft placé fur l'un d'eux , fans pour
cela avoir plus de cinq diamètres au moins,
ou fix diamètres au plus , &: fe diflinguer
principalement par la richeffe ou la fim-
plicité , félon que l'exige la convenance du
bâtiment.
La plupart des architedes font d'avis
contraire fur la hauteur qu'on doit don-
ner ;\ cet ordre, par rapport à celui de
deflbus. Ce qu'ils ont trouvé de plus par-
fait dans les exemples antiques , n'a pu
les accorder : les uns lui donnent les deux
tiers de la hauteur de l'ordre qui les fou-
tient ; les autres ne lui donnent que la
moitié. Je fuis de ce dernier avis , & je con-
viens néanmoins que cette proportion peut
varier de quelque choie, félon que l'édi-
fice efl: plus ou moins élevé ; ce qui ne peut
fe déterminer qu'à la faveur des régies de
l'optique , fans lefquclles on ne peut que
tâtonneV , rliquer de fliire des fautes monf-
trueufes , ou réufîlr par un heureux hazard.
Jamais il ne faut employer cet ordre en
colonne , fa proportion raccourcie ne pou-
ATT <>ij
vant jamais faire un bon cfîct ; &: quand
il le trouve des colonnes dans l'ordonnance
d'un bâtiment que l'on veut couronner
d'un attique, il faut reculer ce dernier ordre
à plomb des pilafîres de deflbus , & cou-
ronner les colonnes de devant avec des
figures , comme à Verniilles , à Saint-Cloud,
à Clagny , ùc. Il faut lavoir aufll que les
croiit^es que l'on pratique dans ces étages
doivent ctre quarrées , ou tout au plus
que leur largeur doit être A la hauteur ,
comme 4 eft à 5 ; & fur-tout éviter de les
faire barlongues , forme confacrée aux
fbupiraux. Voyei;^ AbajoUR.
Les baluffrades qui couronnent cet étage >
doivent aufii fe reiïèntir de fa proportion
raccourcie, & avoir environ un cinquième
moins de hauteur que celles qui couronnent
un ordre régulier.
On pratique fouvent des aniques fans
ordre & fans croifée : ils font deftinés^
recevoir feulement des infcriptions au lieu
de baluflrades , tels qu'on voit ceux de la
porte de S. Denys , S. Martin , S. Bernard,
à la plupart des fontaines publiques ; alors
ces attiques prennent le nom de l'architec-
ture qui les reçoit , & de la diverflté des
formes qui les compofènt ; ce qui fait ap-
pcller attique continu, celui qui entoure
toutes les faces d'un bâtiment fans inter-
ruption ; attique circulaire , celui qui fert
d'cxhauflement àun dôme, A une coupole,
à une lanterne , Ùc. attique interpofé, celui
qui efl Ctué entre deux grands étages ;
attique de comble , celui qui efl conflruit
de pierre ou de bois , revêtu de plomb ,
fervant de parapet à une tcrraile , plate-
forme , ùc. attique de cheminée , le revê-
tiflement de marbre ou de menuifèric , de-
puis le dellus de la tablette , jufqu'environ
la moitié de la hauteur du manteau ; ces
derniers étoient fort ulités dans le dernier
fiecle , avaftt l'ufage des glaces : Verfàilles ,
Triannon & Clagny nous en fournifTent
des exemples , que l'on imite encore au-
jourd'hui dans les grandes pièces , où la
dépenle & la décoration des glaces feroient
fuperflues. (P)
ATTIRAGE (Poids d'), c'eflainfique
les hleurs d'or appellent les poids em-
I ployés dans leur rouet. Voye\ à l'article
l Filer l'or , dans la defcription du rouet»
T tttt Z
5>i^ ATT
i ulàge de ces poids. Voyei aujfi Vexplica-
tion du même mot au MoULIN A FIL.
Les filcurs d'or donnent auilî le nom de
cordes d'attuage, aux cordes qui foutien-
nent les poids à!attirage.
ATTISE , f. f. nom que l'on donne
dans les BraJ/eries , au bois que l'on mec
dans les fourne.'.ux ious les chaudières.
ATTISONNOIR, f. m. Les Fondeurs
appellent ainiî un outil crochu dont ils ie
iervenr pour atti!er le feu.
ATTITUDE , f. f. en terme de peinture
ù de Jculpture , cû la pofition ou l'aâion
des figures en général : néanmoins il fem-
ble convenir particulièrement à celles
qu'on a miles dans une pofition tranquille.
On dit l'attitude , & non ïaclion d'un
corps mort.
On dit : cette figure efl bien dejjînée , bien
coloriée , mais /'attitude en ejl déf agréable .
(R)
Attitude , en Ecriture , fe dit de la
pofition du corps & de la tête quand on
^crit.
Il y a deux fortes à' attitude , félon la
forte d'écriture ; on a la tête un peu pan-
chée fiir la gauche pour la bâtarde & la
coulée ; on l'a dro'ite pour la ronde.
* ATTOCK ( Royaume d' ), {Géog.)
province d'Afie dans l'empire du Mogol ,
vers la grande Tartarie & les fources de
ITude , entre les provinces de Cachemire ,
Penback , Multant , Hujacan &; Cabul.
Le Send & l'Inde en font les principales
rivières.
ATTOMBISSEUR, f m. terme de
fauconnerie , oileau qui attaque le héron
dans Ion vol : il taiit lavoir qu'on en lâche
plufieurs (lir lui , & qu'il y en a qui lui
donnent la première attaque, d'autres la
féconde. On dit : ce faucon efl bon attom-
bijjeur.
ATTOUCHEMENT ,^ f. m". ( Ge'om. )
point ^attouchement , qu'on appelle aufll
point de contact ou de contingence , efl le
point dans lequel unu ligne droite touche
•une ligne courbe , ou dans lequel deux
courbes fe touchent. V. CONTINGENCE.
On dit ordinairement en Géométrie ,
que le point d'a^^ouL/if/ne/îf vaut deux points
ri"'ntc;-feiSion , parce que la tangente peut
.•tri« rCàiirdée cornoie uuc iccïoxîe qui coupe
ATT
la courbe en deux points infiniment pro-
ches. En eflet , difent les géomètres , con-
cevons par exemple une ligne droite in-
définie , qui coupe un cercle en deux points ;
imaginons enfuite que cette ligne droite
fe meuve parallèlement à elle-même vers
le fommet du cercle ; les deux points d'in->,
terfecilon fe rapprocheront infenfiblement ,
& enfin fe contondront , ou ne feront
plus qu'un point, lorlque par ce mouve-
ment la lécante fera devenue tangente ,
c'efl-à-dire ne fera plus que toucher ou
raier ce cercle.
Cwnmc il n'y a point réellement de quan-
tités infiniment petites, & q :e par con-
féquent l'on ne iauroiî concevoir d.ux.
points infiniment proches {i-'oy. INFINI &
InfINIMENTPETIt) , il t. Il très-impor-
tant de le former une idée nerte de cettei-
façon de parler , que le point d'attouche~
ment vaut deux points d'interfecfion. infi-
niment proches. Elle fignifie feidenent que
le point À' attouchement ell la limite ou le
terme de tous les doubles points d'interfec-
tion des fécantes parallèles à la tangente ,
c'elt-i\-dire > que fi l'on mené parallèlement
à la tangente , une ligne qui coupe en deux
points la courbe , par exemple , le cercle ,.
on p<;ut toujours imaginer cette ligne à
une telle diflance de la tangente , que la
[•difiance des deux points d'interfcdion loit
aufli petite qu'on voudra : mais que cette
dilîance ne deviendra pourtant jamais ab-
folument nulle , à moins que la fécante-
ne fe confonde abfolument avec la tan-
gente. C.tte idée des limites efl: très-n^tte ,
& très-utile pour réduire la géométrie des
infinim, nt petits A àcs notions claires,.
Voyei Limite, 6v.
Au refle , il n'eft qu.ftion jufqu'ici que
du point à'' attouchement fimple ; car il y
a àts points à\ittouchemcnt qui équivalent
à trois points il'interlcûion , comme dans
\! attouchement au point d'inflexion , -d'au-»
très équivalent à quatre points d'interfec-
tion , comme dans X attouchement am poinr
de ferpcntcment infiniment petit ; & amfil
A l'infini ; roy. INFLEXION, SerPENTE-
MENT : ce qui , en réduifant la chôfe i\ des
notions claires , fignifie fimplemcnt que b
valeur de la fècante devenue touchante , a
dans ce cas trois ou quatre , t'c. raciaçs
ATT
égales dans l'équation de la courbe ; je dis,
de la fecantc det'cnue touchante , car il y a
«Ijs cas où une lécantc a plulljurs racines
cgales , l'ans être touchante, comme dans
les points doubles , & dans les points con-
jugués. Ce qui dillingue ces points des
points d'attouchement , c'eil que fi vous
donnez une autre diredii)n à la ligne qui
^toit tangente , en la failant toujo\irs pal-
ier par le point à' accouchement , alors elle
ne coupe plus la courbe qu'en un point ,
& l'équation qui reprélènte fon interfec-
tion celle d'avoir des racines égales ; au
lieu que dans les points multiples & con-
jugués , la lécante a toujours pluiîeurs ra-
cines égales , quoique poiition qu'on lui
donne , pourvu qu'elle palîe toujours par
le point multijile ou conjugué. J^oye^Rk-
ciNE , Intersection, Point mul-
tiple, Point CONJUGUÉ, &c.
ATTRACTIF , adj. m. fe dit de ce qui
a le pouvoir ou la propriété d'attirer. Fo>'.
Attraction , &c. Ainll on dit force at-
tra^ire , vis attradiva , &c.
La vertu atcraclive de l'aimant fe com-
nui nique au fer, en faifant toucher le fer
à l'aimant. Voyei^ AlMANT. ( O)
Attractifs, adj. {Médecine.^ xtmt-
des appliqués extérieurement , qui par
l.ur ailivité pénètrent les porcs , fe mêlent
avec les matières qui caulent l'obllruc-
tion , les raréfient , les diipofent à s'é-
vacuer plus facil-'ment , en tenant la par-
He ouverte par la brûlure ou par ïva-
cifion.
Les attractifs ne diffèrent point des re-
mèdes qui font mûrir & digérer. Voyei^
Mûrir, Digestion.
Les principaux imipl:s de cette nature
fcnt les différentes matières graffes , la
fiente de pigeon & celle de vache , le fon ,
k levain, le hareng, l'encens, la poix,
la réfine , l'huile , 6v.
La matière étant raréfiée par les re-
m.'des , & par conléquent devenue plus
coulante , le (ang qui circule fans ceffe
peat aifémenr l'entraîner dans (on cours ,
la mêle atnfi avec la mafTj commune , S:
caufer de grands délordrcs.
La raréfaction lui failant occ^'per un
efpace plus confidérable , il en réf lit; une
•^■xtç.'ifion dv5 parties qui la contiennent ;
ATT 5)17
& le fentimcnt en efl douloureux. Un
plus grand concours des fluidevs , & par
conléquent une augmentation de la tu-
meur , en font d'autres hlclieux effets. Ti
faut donc adminiftrer ce genre de médi-
camens avec une extrêm.e circonit)eâ:ion.
ATTRACTION, f k.attra.cfioo\xtrac-
tio compofé de ad & de traho , je tire ;
fignifie, en Me'ch.viique , l'adion d'une
force motrice , par laquelle un mobile eff
tiré ou rapproché de la puidance qui le
meut. V. Puissance & Mouvement.
Comme la réaftion eff toujours égale &:
contraire à l'action , il s'eniuit que dans
toute actTacllon le moteur c(l attiré vers le
mobile autant que le mobile vers le mo-
teur. V. Action & Réaction.
Dans l'ulage ordinaire on dit , qu'un corps.
A eff attiré vers un autre corps B , lorf-
que A eff lié ou attaché avec B j^ar le
moyen d'une corde , d'une courroie ou
d'un bâton ; c'eff de cette manière qu'un
cheval tire un chariot ou une barque : &
en général on dit qu'un corps en attire
un autre , lorlqu'il communique du mou-
vement à cet autre par le moyen de quel-
que corps placé entr'eux , & que le corps
mote.'.r précède celui qui eff mu.
De plus , lorlqu'on voit deux corps li-
bres , éloignés l'un de l'autre , s'approcher
mutuellement ians que l'on s'apperçoivc de
la caulè , on donne encore h ce phénomène
le nom d'attrairion ,• & c'eff principale-
ment dans ce dernier icns qu'il a été em-
ployé par les philofophes anciens & mo-
dernes. ISattracfion , prile dans le premier
iens , le nomme plus communément trac~
tion. Voyei TRACTION.
Attraction o\\ force attraclii'e , dans l'an-
cienne phyiique , fignifie une force natu-
relle qu'on fuppofe inhérente ;\ cerrains
corps, & en vertu de laquelle ils agiflent
fur d'à .très corps éloignés, & les tirent A
eux. Voyei FoRCE.
Le mouvement que ces prétendues forces
produifcnt, eff appelle par les Pénpatéti-
ciens moui-ement d'attraclion , & en plu-
fieurs occafions , /u?-'û.'i,- & ils rapportent
diiFérens exemples où , félon eux , ce mou-
vement fe remarque : ainfi nous refpirons
l'air , difcnt-i's , par atrraflion eu faclion ,
9i« ATT
de même nous fuçons par attraction ime ]
pipe de tabac : c'eft encore par attraction
qu'un enfant tette ; ceû par attraclion que
le flmg monte dans les ventoufes , que l'eau
s'élève dans les pompes, & lahiniée dans
les cheminées ; les vapeurs & les exhalai-
Tons ibnt attirées par le foleil , le fer par
l'aimant, les pailles & la poullierepar l'am-
bre & les autres corps éleâriques. Voye^
SUCTION.
Si ces philofophcs avoicnt fait un plus
grand nombre d'expériences , ils auroient
bientôt reconnu que ces dilïerens phéno-
mènes venoient de l'impulfion d'un fluide
invifible. Ainli l.t plupart des eftlts que
les anciens attribuoient à Vattraclion , font
aujourd'hui attribués à des caules plus na-
turelles & plus fenfibles , principalement à
la prefliondeFair. Voye^ AiR & PRESSION.
C'eli la preflion de l'air, par exemple ,
■qui produit les phénomènes de l'infpiration
des ventoufes , de la fuâion des pompes ,
des vapeurs , des exhalaifons , &c. Voye^
Respiration , Suction , Pompe ,
Ventouse , Vapeur , Fumée , Exha-
laison , &c.
Sur les phénomènes de l'attraction élec-
trique & magnétique , t'oye^ AlMANT ,
Magnétisme & Electricité.
La puiffance oppoféc à V attraclion efl ap-
pellée répuljion ; & l'on obferve que la ré-
pulfion a lieu dans quelques effets naturels.
Voyei Répulsion.
Attraction ou piiiffance attractive , fe dit
plus particulièrement dans la philofophie
Newtonienne , d'une puilTance ou principe ,
en vertu duquel toutes les parties , ioit d'un
même corps , foit de corps diftérens , tendent
les unes vers les autres ; ou pour parler plus
exaftement , V attraction efl l'effet d'une puil-
fance , par laquelle chaque particule de ma-
tière rend vers une autre particule, l^oye^
Matière & Particule. Les loix &. les
phénomènes de rtirfraf7/o/2fontun des points
principaux de la philolophie Newtonienne.
J^ojf^ Philosophie Newtonienne.
Quoique ce grand philofophe le lerve
du mot à'attiaclion , comme les philofo-
phes de l'école , cependant , félon la plupart
de fes difciples , il y attache une idée bien
différente. Nous difons/f /0/2 lu plupart de fes
difciples , car nous ne faifons que détailler
ATT
ici ce qui a été dit fur Vattracîion , nous
réfervant à expofer à la fin de cet article
notre fentiment particulier.
Uattraclion, dans la philofophie ancienne,
étoit , félon eux, une eipece de qualité
inhérente à certains corps , & qui réfultoit de
leurs formes particulières & Ipécifiqucs ; &
Fidée que les anciens philolôphes attachoient
à ce mot àe forme , étoit fort obfcure. Voy.
Qualité & Forme.
Uactraclion Newtonienne , au contraire ,
ell un principe indéfini , c'ell-à-dire , par
lequel on veut déiigner ni aucune ei-
pece ou manière d'adion particulière , ni
aucune caufephyfique d'une pareille adion,
mais llulement une tendance en général ,
un conatus accedendi ou effort pour s'appro-
cher, quelle qu'en foit la caufe phyfique
ou métaphyfique ; c'ell-à-dirc , foit que la
puiiîance qui le produit foit inhérente aux
corps mêmes , ioit qu'elle coniifle dans
l'impulfion d'un agent extérieur.
Auiîi Newton dit-il expreilément dans
ies principes , qu'il le iert indifféremment
des mots d'attraction , d'impuljion , & de
propenfion , & avertit-il le ledeur de ne pas
croire que, par le n\ox.à' attraction , il veuille
déiigner une manière d'adion ou fa cauiè
efficiente , & fuppofer qu'il y a réellement
une force attradive dans des centres qui
ne font que des points mathématiques ,
lii'. I. pag. ^. Et dans un autre endroit il
dit , qu'il confidere les forces centripètes
comme des attractions , quoique peut-être
elles ne foient phyfiquement parlant , que
de véritables impulfions , ibid. pag. l^J- Il
dit auiîi dans fon Optique , page jzz, que
ce qu'il appelle attraction , cil peut-être
l'effet de quelque impulfion qui agit iui-
vant des loix différentes de l'impulfion or-
dinaire , ou peut-être auffi l'effet de quel-
que caufe qui nous eff inconnue.
Si l'on confidere l'attraction , continuent
les Newtoniens , comme une qualité qui
réfultc des formes particulières de certains
corps, on doit la profcrire avec les iym-
pathics , antipathies , & qualités occultes.'
Voye\ Qualité occulte. Mais quand
on a une fois écarté cette idée , on rcmarqiic
dans la nature un grand nombre de phé-
nomènes, entr'autresla peianteurdes corps,
ou leur tendance vers un centre , qui (cm-
ATT
tient n'être point l'effet d'une impuîiîon ,
cni dnns lerqiiels au moins l'impuUion n'cfl:
pas fenfible : de plus , ajoutent-ils , cette
adion paroît diftérer à quelques égards de
l'impullion que nous connoiflons ; car l'im-
puliion cil: toujours proportionnelle à la
îurtace des corps , au lieu que la gravité
agit fur les parties lolides & intérieures ,
& efl toujours proportionnelle à la maflc ,
& par conléquent doit être l'effet d'une
caulé qui pénètre toute leur luMlance.
D'ailleurs , les oblervations nous ont ap-
pris qu'il y a divers cas où les corps s'ap-
pj-ochent les uns des autres, quoiqu'on ne
puilîe découvrir en aucune manière qu'il
y ait quelque caufe extérieure qui agiffe
pour les mettre en mouvement. Quiconque
attribue, ce mouvement à une impuHion
extérieure , iuppole Jonc un peu trop lé-
gèrement cette cauie. Ainll , quand on voit
que deux corps éloignes s'approclient l'un
de l'autre , on ne doit pas le preffer de
conclure que ces corps lont poufles l'un
vers l'autre, par l'aftion d'un fluide ou d'un
autre corps invilible , juiqu'à ce que l'ex-
périence l'ait démontré ; comme il ell ar-
rivé dans les phénomènes que les anciens
attribuoient à l'horreur du vuide , & qu'on
a reconnu être l'effet de la preflîon de
l'air. Encore moins doit-on attribuer ces
phénomènes à l'impuHlon , lorlqu'il paroît
impoilîble , ou au moins très-difficile , de
les expliquer par ce principe , comme il
efl prouvé à l'égard dg la pcfanteur. Mufich.
r//a/ de Phyjique.
Le principe inconnu de V attraction , c'efl-
à-dire inconnu par la caule (car les effets
fî)nt (ous les yeux de tout le monde ) eit
ce que l'on appelle aitraclion ; & fous ce
nom général , on comprend toutes les ten-
dances mutuelles dans Iciquellcs l'impullion
ne ie maniterte pas , & qui par conléquent
ne peuvent s'expliquer par le fecours d'au-
cunes loix connues de la nature.
C'eft de-là que font venues. les difïcran-
tes fortes ^attracfions ; lavo'u" la pelanteur ,
l'afcenfion des liqueurs dans les tuyaux
capillaires, la rondeur des gouttes de flui-
de, ùc. qui font l'effet d'autant de diffé-
rens principes agi (Tans par des loix diffé-
rentes ; attraclions qui n'ont rien de com-
iiiUi:,, linon qu.'cuwj ne lont peut-êt;:. poj;ît
ATT t)itf
l'effet d'une caufe phyfiquc , & qu'elles pa-
roiffent réfultcr d'une force inhérente aux
corps , par laquelle ils agiiîènt fur ces corps
éloignés , quoique notre rai (on ait beau-
coup de difficulté à admettre une pareille
force.
'V attraction peut fe divifer , eu égard
aux loix qu'elle obferve , en deux efpeces.
La première s'étend à une diflancc fenfi-
ble : telles font Wittraclion de la pelanteur
qui s'obferve dans tous les corps , & \'at-
traclion du magnétilinc , de l'éledricité ,
«S'c. qui n'a lieu que dans certains corps
particuliers. Voye^ les loix de chacune de
ces attractions, aux mots GraVIIé , Al~
MANT ,& Electricité.
ISattraction de la gravité , que les ^^a_
thématiciens appellent auffi force centri-
pète , cft un des plus grands principes èc
des plus univerféls de la nature. Nous la
voyons & nous la fentons dans les corps-
qui font proches de la furfacc. de la terre
{Voyei Pesanteur) & nous trouvons par
l'oblcrvation , que la même force , c'efl-à-
dirc cette force qui cfl toujours propor-
tionnelle à ja quantué de matière , & qui
agit en raifon inverfe du quarré de la dil-
tance, que cette force, dis-je , s'étend juf-
qu'à la lune , & jufqu'aux autres planètes,
premières & fecondaires , aufli-bien que
jufqu'au» comètes , & que c'efî par elle
que les corps célefles font r-etenus dans leurs
orbites. Or comme nous trouvons la pe-
lanteur dans tous les corps qui font le lu-
jet de nos obfervations , nous fommes en-,
droit d'en conclure par une des règles re-
çues en Philolbphie , qu'elle Ib trouve auffi.
dans tous les autres : de plus , commo
nous remarquons qu'elle efl proportio-
nelle à la quantité de matière de chaque
corps , elle " doit exifler dans chacune de'
leurs parties; & c'eft par conféquent une
Itxi de la nature , que chaque particule de
matière tende vers chaque autre particule.
Vcyei la preuve plus étendue de cette vé-
rité , & l'application de ce principe aux
mouvemens Aqs corps célefles , fous les
articles PHILOSOPHIE NEWTONIENNE
Soleil, Lune,Planete, Comète, Sa-.
TELLITE, CeNTRIPETEXenTRIFUGE.
C'efl donc de VattracJion, fuivant M.
Nç>s-tçn i que rrgyjeniicjit h plupart dts
5)10 ATT
raouvemcns , & par conféquent des clian-
gemens qui fe font dans l'univers : c'efl
par elle que les corps pefans delcendcnt,
& que les corps légers montent ; c'ell par
elle que les projeâiles lont dirigés dans
leur courfe ; que les vapeurs montent , &:
que la pluie tombe ; c'eft par elle que les
fleuves coulent , que l'air prelle , qi!c
rOcéan a un flux & rcflu::. VoyCT^ MOU-
VEMENT , Descente , Ascension ,
Projectile , Vapeur, Pluie , Fleu-
ve , Flux & Reflux , Air , Atmos-
phère, &>:• Les mouvemens qui réfultcnt
de ce principe , font Tobjet de cette partie (i
étendue des mathématiques , qu'on appelle
méchanique ou fladque , comme aulli de
Yhydroflatique , àç.\ hydraulique , &:c. qui
en font comme les branches & la iuite , &t-.
Voyei MÉCKANiQUE , Statique ,
Hydrostatique , Pneumatique ;
Voyeiaujfi MATHÉMATIQUE, PHILO-
SOPHIE , S'c.
La féconde efpcce Sattraclion cfl celle
qui ne s'étend qvi'à des dirtanccs infenfi-
bles. Telle eft Xaumclion mutuelle qu'on
remarque dans les petites parties dont les
corps îbnt compolés ; car ces parties s'at-
tirent les unes les autres au point de con-
tai , ou extrêmement près de ce point ,
avec une force très-fupérieure à celle de la
pefanteur , mais qui décroît enfuite à une
très-petite diilance , jufqu'à devenir beau-
coup moindre que la pelanteur. Un au-
teur moderne a appelle cette force attrac-
tion de cohéfion , fuppolant que s'eit elle
qui imit les particules élémentaires des
corps pour en faire àcs mafTes fenfibles ,
Voyei Cohésion , Atome , Parti-
cule , àc.
Toutes les parties des fluides s'attirent
mutuellement , comme il paroir par la
ténacité & la rondeur de leurs gouttes ,
fi l'on en excepte l'air , le feu , & la lu-
mière , qu'on n'a jamais vus fous la for-
me de gouttes. Ces mêmes fluides fc for-
ment en gouttes dans le vuide comme dans
l'air, ils attirent les corps folides , & en
Ibnt réciproquement attirés ; d'où il pa-
roît que la vertu ntrraélive fe trouve ré-
pandue par-tout. Qu'on mette l'une fur
l'autre deux glaces de miroir bien unies ,
bien nettes & bien fcclies , on trouvera alors
ATT
qu'elles tiennent enfemble avec beaucoup
de force, deiorte qu'on ne peut les féparer
Tune de l'autre qu'avec peine. La même cho-
ie arrive dans le vuide , lorfqu'on retran-
che une petite portion de deux balles de
plomb , enlbrte que leurs furfaces devien-
nent unies à l'endroit de la feôion , &
qu'on les preilè enluite l'une centre l'autre,
avec la main , en leur taifant faire en mê-
me temps la quatrième partie d'un tour ;
on remarque que ces balles tiennent en-
lemble avec une force de 40 ou 50 li-
vres. En général , tous les corps dont les
lurfaces font unies , feches & nettes , prin-
cipalement les métaux , fe collent & s'at-
tachent mutuellement l'un à l'autre quand
on les approche ; de forte qu'il faut quel-
que force pour les iéparer. Mulîch. efjai
dcPhyf.
Les corps s'attirent réciproquement ,
non feulement lorfqu'ils fe touchent , mais
aufll lorfqu'ils font à une certaine diflan-
ce les uns des autres : car , mettez entre
les deux glaces de miroir dont nous ve-
nons de parler , un fil de foie fort fin ,
alors ces deux glaces ne pourront pas fe
toucher , puifqu'clles feront éloignées l'u-
ne de l'autre de toute l'épailTeur du fil ;
cependant on ne laiffera pas de voir que
ces deux glaces s'attirent mutuellement ,
quoiqu'avec moins de force que lorfqu'il
n'y avoit rien entr'elles. Mettez entre les
glaces dcuxiils que vous aurez tordus enfem-
ble , enluite trois fils tordus de même , &
vous verrez que Yattraclion diminuera à
mefure que les glaces s'éloigneront l'une de
l'autre. Muflch. ibid.
On peut encore taire voir d'une manière
bien fenfiblc cette vertu attradive par une
expérience curieuie. Prenez un corps lolide
& opaque , qui finifle en pointe , foit de
métal , loit de pierre , ou même de verre ;
fi des rayons de lumière parallèles paflent
tout près de la pointe ou du tranchant de
ce corps , dans une chambre obicure , alors
le rayon qui fe trouvera tout près de la
pointe , fera attiré avec beaucoup de force
vers le corps ; & , après s'être détourné
de fon chemin , il en prendra un autre ,
étant brife par VattruJlion que ce corps
exerce fur lui. Le rayon un peu plus éloi-
gné de la pointe eu aulH attiré , mais
moins
ATT
moins que le prtccdent ; &: ainfl il fera
moins rompu , & s'écartera moins de fon
chemin. Le rayon fuivant , qui efl encore
plus éloigne , iera aulli moins attiré &
moins détourné de fa première route. En-
fin , ;\ une certaine diftance tort petite , il
y aura un rayon qui ne fera plus attiré du
tout , ou du moins fenfiblement , qui con-
l'ervera fans le rompre la diredion primitive.
MiifTch. ibid.
C'efl à M. Newton que nous devons
la découverte de cette dernière eipece
êi'attraclion , qui n'agit qu'à de très-petites
dillances ; comme c'eft à lui que nous
devons la connoiflance plus parfaite de
l'autre , qui agit à des diilances conlidé-
rables. En efiet , les loix du mouvement
& de la percuflîon des corps fenfibles dans
les diflérentes circonilances où nous pou-
vons les fuppolerj ne paroiflent pas lufn-
fantes pour expliquer les mcuvcmens in-
teftins des particules des corps , d'où dépen-
dent les diltérens changemens qu'ils (ubiflent
dans leurs contextures', leurs couleurs , leurs
propriétés ; ainfi notre philolophie leroit
néceflaireraent en detaut , fi elle étoit fon-
dée lur le principe leul de la gravitation ,
porté même auffi loin qu'il efî pofllble.
Fbyq Lumière , Couleur , &c.
Mais outre les loix ordinaires du mou-
vement dans ks corps fenlibles , les par-
ticules dont ces corps (ont compofés en
oblervent d'autres , qu'on n'a commencé
à j-emarquer que depuis peu de temps ,
& dont on n'a encore qu'une connoifTance
fort imparfaite. M. Newton , à la péné-
tration duquel nous en devons la pre-
mière idée , s'eft prefque contenté d'en
établir l'exiflence ; & après avoir prouvé
qu'il y a des mouvemens dans les petites
parties des corps , il ajoute que ces mou-
vemens proviennent de certaines puilfances
ou forces , qui paroiflent différentes de tou-
tes les forces que nous connoifTons.
" C'eft en vertu de ces forces , félon lui ,
»que les petites particules des corps agil-
«fent les unes iur les autres , même à
>nine certaine difîance , & produilent par-
wlà plufieurs phénomènes de la nature.
wLes corps lenlibles , comme nous l'avons
«déjà remarqué , agiflènt mutuellement
Mies uns fur les autres ; &: coinme la
Tome III.
ATT 5)n
« nature agit d'une manière toujours conP-
» tante & uniforme , il efl fort vraifem-
j)blable qu'il y a beaucoup de forces de
»la même clpece ; celles dont nous venons
»de parler s'étendent à des diflanccs alfez
"fenfibles j pour pouvoir être remarquées
»>par des yeux vulgaires : mais il peur y en
>j avoir d'autres qui agiffent à des diflan-
" ces trop petites , pour qu'on n'ait pu les
"oblcrver jufqu'ici , & Féledricité , par
"exemple, agit peut-être à de telles dif-
» tances , même fans être excitée par le
»5 frottement. >j
Cet illufire auteur confirme cette opi-
nion par un grand nombre de phénomè-
nes & d'expériences , qui prouvent claire-
ment félon lui , qu'il y a une puiflance &
une aâign atcraciive entre les particules ,
par exemple , du fel & de l'eau , entre
celles du vitriol &; de l'eau , du fer & del'eau-
forte , de l'elprit de vitriol ô; du falpêtre.
Il ajoute que cette puiflance n'efi pas d'une
égaie force dans tous les corps ; qu'elle efî
plus forte , par exemple y entre les parti-
cules du fel de tartre & celles de l'eau-
forte , qu'entre les particules du fel de tar-
tre & celles de l'argent : entre l'eau-forte
& la pierre calaminaire , qu'entre l'eau-
forte &. le fer : entre l'eau-forte & le fer ,
qu'entre l'eau-lorte & le cuivre ; encore
mc)indrc entre l'eau-forte & l'argent , ou
entre l'eau-forte & le mercure. De même
l'efprit de vitriol agit fur l'eau , mais il
agit encore davantage fur le fer ou fur le
cuivre.
Il efl facile d'expliquer par Vanraclion
mutuelle la rondeur que les gouttes d'eau
affedent ; car comme ces parties doivent
s'attirer toutes également & en tous fens ,
elles doivent tendre à former un corps ,
dont tous les points de la furface foient à
difîance égale de fou centre. Ce corps
feroit parfaitement fphérique , 11 les parties
qui le compoient étoient fans pefanteur :
mais cette force , qui les fait defcendre en
en-bas , oblige la goutte de s'allonger un
peu ; & c'eil pour cette raifon , que les
gouttes de fiuide attachées à la iurfacc
intérieure des corps , dont le grand axe eft
vertical, prennent une figure un peu ovale.
On remarque aufll cette même figure dans
les gouttes d'eau qui font placées fur la
V V v vv
9Zi ATT
{iirfp.ce fupéricure d'un plan horizontal ;
mais alors le petit axe d.e cette figure eit
vertical , & in llirface inférieure , c'elt-à-
dire , celle qui touche le plan , ell plane ;
ce qui vient tant de la pefànteur des par-
ticules de l'eau que de ï attraction des corps .
ilir lelquels elles font placées, qui altère folide , qui fera d'autant plus dur ,
l'effet de leur attraâioti mutuelle. Auflî, rmr7iO/2 aura été plusforre ; ainfi
moins la furface fur laquelle la goutte ell
placée a de force pour attirer lés parties ,
plus la goutte refle ronde : c'efl pour cette
raifon , que les gouttes d'eau qu'on voit
fur quelques feuilles de plantes , font par-
fliitement rondes ; au lieu que celles qui fe
trouvent fur du verre , (iir des métaux ;
ou fur des pierres , ne font qu'à demi-
rondes ou quelquefois encore moins. Il
en eft de même du mercure , q«i fe par-
tage ftir le papier en petites boules parfai-
tement rondes , au lieu qu'il prend une
figure applarie lorfqu'il eft mis fur du verre
ou fur quelque autre métal. Plus les gouttes
font petites , moins elles ont de pefanteur ;
& par conléquenr lorfqu'elles viendront à
s'attirer , elles formeront un globule beau-
coup plus rond que celui qui fera formé
par les grofîes gouttes , comme on pour-
roit le démontrer plus au long , & comme
l'expérience le confirme. Il eft A remarquer
que tous ces phénomènes s'oblcrvent égale-
ment dans l'air & dans le vuide. MuJJ'ch.
On peut s'aflîirer encore de la force avec
laquelle les particules d'eau s^ attirent , en
prenant un.- phiole , dont le cou foit fort
étroit & n'ait pas plus de deux lignes de
diamètre , & en renverfant Cv-'tte phiole ,
après l'avoir remplie d'eau : car on remar-
quera alors qu'il n'en fort pas un» feule
C mmc , dans une goutte d eau , les par-
ties qui s'attirent réciproquement ne rei-
tentpas en repos avant que d'avoir for-
mé une petite boule , de même auffi deux
gouttes d'eau fituées l'une proche de l'au-
tre , & 'éï'érement attirées par la furface
fur laquelle elles fe trouvent , le précipi-
teront l'une vers l'autre par leur attraction
mutuelle; & ,d:infi Y injîant même de leur
premier contaft , elles fe réuniront & for-
meront une boule , comme on l'obferveen
dïet ; la même chofc arrive à. deux gouttes
de mercure-
ATT
Lorfqu'on verfe enfemble les parties de
divers liquides , elles s'attirent tr.utuelle-
ment ; celles qui fe touchent alors , tien-
nent l'une à l'autre par la force avec laqi elle
elles agilfent ; c'ell pourquoi les liquides
pourront en ce cas fe changer en un corps
que far-
ces liqui-
des fe coaguleront. Miiffch.
Lorfqu'on a fait diifoudre des parties
de fel dans une grande quantité d'eau ,
elles font attirées par l'eau avec plus de
force qu'elles ne peuvent s'attirer mutuelle-
ment , & elles reftent féparées afîez loin
les unes des autres : mais lorfqu'on fait
évaporer une grande quantité de cette
nnême eau , foit par la chaleur du foled ,
foit par celle du feu , foit par le mojen
du vent , il s'élève fur la furface de l'eau
une pellicule fort mince , formée par les
particules de fel qui fe tiennent en haut ,
& dont l'eau s'elî évaporée. Cette pelli-
cule , qui n'eft conipofée que des parties
de fel , peut alors atdrer & féparer de
l'eau qui efi au deflbus , différentes parti-
cules falines , avec plus de force que ne
pouvoit fiire auparavant cette même eau
déjà diminuée de volume ; car par l'éva-
poradon d'une grande quantité d'eau, les
parties ialines fe rapprochent davantage ,
& s'uniffent beaucoup plus qu'auparavant ;
& l'eau fe trouvant en mioindre quantité ,
elle a aulfi moins de force pour pouvoir
agir fur les parnes Ialines qui font alors
attirées en haut vers la pellicule de lel il
laquelle elles le joignent. Cette petite p.au
devient par conféquent plus épaifle & plus
pefante que le Hquide qui efî au deffjus,
puifque la pefanteur fpécifique des parties
falines eft beaucoup plus grande que celle
de l'eau ; ainfi , dès que cette peau efl
devenue fort pefante , elle fe brife en pie-
ces ; ces morceaux tombent au fond , &
continuent d'attirer d'autres parties fali-
nes ; d'où il arrive qu'augmentant encore de
volume , ils fe forment en groffs maffes
de différentes grandeurs appellées cryjlaux.
Mua'ch.
L'air , quoiqu'il doive furnager tous les
liquides que nous connoilfons , & qui font
beaucoup plus pefans que lui , ne lailfe
l pas d'en être (uùrc , & de ic mêler avec
ATT
eux ; & M. Petit a f.iit voir par pliineurs
expériences , Je quelle manière il eft ad-
hérent aux corps fluides , & fè colle , pour
ainil dire , aux. corps (olides. Mtm. Acad.
Les cfTèrvercences qui arrivent lorlqu'on
mêle enlemble diftcrens liquides , nous don-
nent un exemple remarquable de ces fortes
d atcraclions entre les petites parties des
corps fluides; on en verra ci-dellous une
explication un peu plus détaillée.
Il n efl pas non plus fort difficile de
prouver que les liquides l'ont auircs par
les corps iolides. En eflet , qu'on vcrle
de l'eau dans un verre bien net , on re-
marquera qu'elle efl attirée iur les côtés
contre lefquels elle monte & auxquels elle
s'attache , de (orte que la iurhice de la
liqueur efl plus baflè au milieu que celle
qui touche les parois du verre , & qui
devient concave : au contraire , lorfqu'on
verlè du mercure dans un verre , la iur-
rtice devient convexe , étant plus haute au
milieu que proche les parois du verre ;
ce qui vient de ce que les parties du mer-
cure s'attirent réciproquement avec plus
de torce qu'elles ne font attirées par le
verre.
Si Ton prend un corps folide bien net,
& qui ne ibit pas gras , qu'on le plon-
ge dans un liquide , & qu'enfuite on le
levé fort doucement & qu'on l'en retire ,
la liqueur y reliera attachée , même quel-
quefois à une hauteur aflez conlidérable ;
enforte qu'il reile entre le corps & la fur-
lace du liquide , une petite colonne qui
y demeure fufpendue : cette colonne fe
détache , & retombe lorlqu'on a élevé le
corps affez haut pour que la pelanteur
de la colonne l'emporte fur la force attrac-
tive. Muirch.
La force avec laquelle le verre attire les
fluides , le manitelîe principalement dans
les expériences iur les tuyaux capillaires.
f^oye^ Tuyaux CAPILLAIRES.
Il y a une infinité d'autres expériences
qui conflatent l'exiltcnce de ce principe
à\ittracfton entre les particules des corps.
yoyei les articles SeL, MeNSTRUE, u'c.
Toutes ces adions , en vertu delquelles
les particules des corps tendent les unes
vei's les autres , ionc appellées en général
ATT
9'-}
par Newton du nom indéfini iVattrat7ion,
qui efl également applicable À toutes les
adions par lefquellcs les corps fenfibles
agilîcnr les uns liir les autres , loit par im-
pulfion , ou par quelque autre force moins
connue : & par-là cet auteur explique une
inhnité de phénomènes , qui feroicnt inex-
plicables par le feul principe de la gra-
vité : tels font la cohélion , la difTolution ,
la coagulation , la cryllallifuion , l'afcen-
fion des fluides dans les tuyaux capillaires
les lecrétions animales , la fluidité , la
fixité , la fermentation , 6v. J^qye^ les
articles COHÉSION , DISSOLUTION ,
Coagulation, Crystallisation ,
Ascension , Sécrétion , Fermen-
tation , &c.
» En admettant ce principe , ajoute cet
» illuflre auteur , on trouvera que la na-
» ture ell par-tout conforme à elle-mè-
» me , & très-fimple dans fes opérations ;
>j qu'elle produit tous les grands mouve-
" mens des corps célefles par VattracHon
» de la gravité qui agit fur les corps , &
'> prelque tous les petits mouvemens de
» leurs parties , par le moyen de quel-
» qu'autre puiflance- attraTnve répandue
>j dans ces parties. Sans ce principe , il n'y
>j auroit point de mouvement dans le mon-
" de ; & fans la continuation de l'adion
>» d'une pareille caufè , le mouvement pé-
» nroit peu-à-peu , puifqu'il devroit con-
y> tinuellement décroître & diminuer , li
» ces puilîances adives n'en reproduifent
»• fans celîê de nouveaux. » Optique ,
P-ige 373.
Il eif facile de juger après c-ela combien
font injuftes ceux des philofophes moder —
nés qui le déclarent hautement contre le*
principe de l'attraction , fans en apporter'
d'autre raifon , finon qu'ils ne conçoivent
pas comment un corps peut agir fur un
autre qui en cfl éloigné. Il cfl certain que
dans un grand nombre de phénomènes ,
les philoiophes ne reconnoiirent point d'au-*-
tre adion , que celle qui eft produite pai
l'impuliion & le contad immédiat : mais
nous voyons dans la nature plufieurs eft'ets ,
lans y remarquer d'impulllon : fouvent
même nous fommes en état de prouver
que toutes les explications qu'on peut
donner de ces cfFets , par le moyen des
V V V V V i
9i4 ATT
loix connues de l'impulfion , font chimc-
riqucs & contraires aux principes de la
méchanique la plus fimple. Rien n'eft donc
plus fage & plus contorme à la vraie phi-
îofophie , que de iuipendre notre juge-
ment l'ur la nature de la force qui pro-
duit ces effets. Par-tout où il y a un
efïèt , nous pouvons conclure qu'il y a une
caufe , foit que nous la voyions ou que
nous ne la voyions pas. Mais quand la
caufe eft inconnue , nous pouvons confi-
dérer fimplement l'effet, fans avoir égard
à la caufe; & c'efl même à quoi il (êm-
ble qu'un philofophe doit fe borner en
pareil cas : car d'un côté , ce leroit laii-
4'er un grand vuide dans fhilloire de la
nature, que de nous diipenfer d'examiner
un grand nombre de phénomènes fous pré-
texte que nous en ignorons la caule ; &
de l'autre , ce feroit nous expofer à faire
un roman , que de vouloir railbnner lur
des caufes qui nous font inconnues. Les
phénomènes de VactraSion (ont donc la
matière des recherches phyfiques ; & en
cette quaUté ils doivent taire partie d'un
fyflêmc de phyfique ; mais la caufe de
ces phénomènes n'elî du reflort du phy-
ficien , que quand elle efl fenfible, c'eft-
à-dire , quand elle paroît elle-même être
l'ciFet de quelque caule plus relevée ( car
la caufe immédiate d'un effet ne paroît
elle-même qu'un eftet , la première caufe
étant invifible. ) Ainfi nous pouvons lup-
pofer autant de cauies ^atcraBion qu'il
nous plaira, ians que cela puiiïé nuire aux
effets. L'illuflre Newton femble même être
indécis fur la nature de ces cauies : car
il paroît quelquefois regarder la gravité
comme l'effet d'une caufe immatérielle
( Optiq. page 343 , &c. ) ; & quelquefois
il paroît la regarder comme l'effet d'une
caufe matérielle. IbiJ. page 325.
Dans la philofophie Newtonienne , la
recherche de la caufe eft le dernier objet
qu'on a en vue ; jamais on ne penlé à la
trouver que quand les loix de reffet & les
phénomènes font bien établis , parce que
c'eft par les effets feuls qu'on peut remon-
ter jufqu'à h caufe : les aâions même
les plus palpables & les plus fenfibles n'ont
point une caufe entièrement connue : les
plus profonds pliilofophes ne faurcicnt
ATT
concevoir comment l'impulfion produit
le mouvement , c'efl-à-dire , comment le
mouvement d'un corps palfe dans un au-
tre par le choc : cependant la communi-
cation du mouvement par l'impulfion efl
un principe admis , non feulement en phi-
lofophie , mais encore en mathématique ;
& même une grande partie de la mécha-
nique élémentaire a pour objet les loix &
les eflets de cette communication. J-^oyei^
Percussion & Communication de
mouvement.
Concluons donc que quand les phéno-
mènes font fuffifamment établis , les au-
tres efpeces d'efïets , où Ton ne remarque
point d'impulfion , ont le même droit.de
pafîer de la phyfique dans les mathémati-
ques , fans qu'on s'embarraffe d'en appro-
fondir les caufes , qui font peut-être au
deflîis de notre portée : il efl permis de
les regarder comme caufes occultes ( car
toutes les caufes le font , à parler exacte-
ment ) , & de s'en tenir aux effets , qui
font la leule chofe immédiatement à notre
portée.
Newton a donc éloigné avec raifon de
fa philofophie cette difcuffion étrangère
& métaphyfique ; & malgré tous les re-
proches qu'on a cherché à lui faire là-
defîlis , il a la gloire d'avoir découvert
dans la méchanique , un nouveau prin-
cipe , qui , étant bien approfondi , doit
être infiniment plus étendu que ceux de
la méchanique ordinaire : c'eft de ce prin-
cipe feulement que nous pouvons atten-
dre fexplication d'un grand nombre de
changemens qui arrivent dans les corps ,
comme produdions , générations , corrup-
tions , &c. en un mot , de toutes les opé-
rations furprenantes de la chymie. l'^oYe:^
Génération, Corruption, Opé-
ration , Chymie , &c
Quelques philofophes anglois ont ap-
profondi les principes de Vactracfion. M.
Keil en particulier a tâché de déterminer
quelques-unes des loix de cette nouvelle
caufe, & d'expliquer par ce moyen plu-
fieurs phénomènes généraux de la nature ,
comme la cohéfion , la fluidité , l'élafH-
cité , la fermentation , la mollefle , la coa-
gulation. M. Friend , marchant fur fès
traces , a encore foit une application plus
ATT
étendue de ces mêmes principes ntix phé-
nomènes de la chymie. AuUi quelques
philolophcs ont-ils été tensû; de regarder
cette nouvelle méchanique comme une
fcience complcte , & de penicr qu'il n'y a
prefqu'aucun efïet phyllque dont la force
attracfiie ne hnirnille une application im-
médiate.
Cependant , en tirant cette conft'quence ,
il y auroit lieu de craindre qu'on ne le
hâtât un peu trop : un principe fi fécond
a befoin d'être examiné encore plus à
fond ; & il lemble qu'avant d'en taire l'ap-
plication générale à tous les phénomènes ,
il faudroit examiner plus exaiSement les
loix & iés limites. ISattracJion en général ,
eft un principe il complexe , qu'on peut
par fon moyen expliquer une infinité de
phénomènes différens les uns des autres :
mais julqu'i\ ce que nous en connoifîîons
mieux les propriétés , il ieroit peut-être
bon de l'appliquer à moins d'effets , &
de l'approfondir davantage. Il le peut faire
que toutes les attractions ne (e relîemblent
pas , & que quelques - unes dépendent
de certaines caules particulières , dont nous
n'avons pu nous former jufqu'à prélènt au-
cune idée , parce que nous n'avons pas afTez
d'obfervations exactes , ou parce que les
phénomènes lont fi peu fenfibles , qu'ils
échappent à nos fens. Ceux qui viendront
après nous , découvriront peut - être ces
diverfes fortes de phénomènes : c'elî pour-
quoi nous devons rencontrer un grand
nombre de phénomènes qu'il nous eft im-
poflible de bien expliquer , ou de démon-
trer , avant que ces caufes aient été décou-
vertes. Quant au mot àHattracllon , on peut
f'e fervir de ce terme jufqu'à ce que la cauie
foit mieux connue.
Pour donner un effai du principe d'ar-
traclion , & de la manière dont quelques
philofophcs l'ont appliqué , nous joindrons
ici les principales loix qui ont été données
par Newton , M. Kei! , M. Friend , &c.
ThÉOR. I. Outre la force attractive qui
retient les planètes & les comètes dans leurs
orbites , il y en a une autre par laquelle les
différentes parties dont les corps font com-
pofés , s'attirent mutuellement les uns les
autres ; & cette force décroît plus qu'en
raifon inverfe du quarré de la diilance,
ATT 5)15
Ce théorênne , comme nous l'avons déjà
remarqué , peut ie démontrer par un grand
nombre de phénomènes. Nous ne rappelle-
rons ici que les plus fimples & les plus
communs : par exemple , la figure fphéri-
que que les gouttes d'eau prennent , ne
peut provenir que d'une pareille force :
c'eft par la même raifon que deux boules
de mercure s'unifîcnt & s'incorporent en
une feule dès qu'elles viennent à ie tou-
cher , ou qu'elles font fort près l'une de
l'autre : c'cfl encore en vertu de cette force
que l'eau s'élève dans les tuyaux capillaires ,
A l'égard de la loi précifè de cette at-
traclion y on ne l'a point encore détermi-
née : tout ce que l'on lait certainement ,
c'efl qu'en s'éloignant du point de contad ,
elle décroît })!us que dans la railbn inverfe
du quarré de la difiance , & que par con-
féquent elle luit une aun^e \v\ que la gra-
vité. En efîet , fi cette force fuivoit la loi
de la raifon inverfe du q;jarré de la dif-
tance , elle ne feroit guère plus grande au
point de contaâ: , que fort proche de ce
point ; car M. Newton a démontré dans
les Principes mathématiques , que fi Y attrac-
tion d'un corps efl en raifon inverfe du
quarré de la difhnce , cette attraction efl
finie au point de cootacl , £: qu'ainfi elle
n'efi guère plus grande au point de con-
taâ , qu'à une petite diflancc de ce jîoint ;
au contraire , lorlque Yattraclion décroît
plus qu'en raifon inverfe du quarré de la
difiance , par exemple en raifon inverfe du
cube , ou d'une autre puifïance plus grande
'que le quarré ; alors , félon les démonflra-
tions de M. Newton , Y attraction qII infi-
nie au point de contaâ , & finie à une
très-petite diftance de ce point. Ainfi ïat-
traclion , au point de contaâ , efr beaucoup
plus grande , qu'elle n'efl à une très-petite
diflance de ce même point. Or il eff cer-
tain par toutes les expériences , que l'at-
traclion , qui eft très-grande au point de
contaâ , devient prefque infenfible à une
très-petite diftance de ce point. D'où il
s'enfuit que X attraction dont il s'agit , dé-
croît en raifon inverfe d'une puiflîince i>l«s
grande que le quarré de la diftance : maii
l'expérience ne nous a point encore appris ,
fi la dimimitiua dg cette tyr;e lùic la raU
<>i6 ATT
fon inverfe au cube , ou d'une autre puif-
fance plus élevée.
II. La quantité de Yattraâion dans tous
les corps très-petits , eft proportionnelle ,
toutes chofes d'ailleurs égales , à la quantité
de matière du corps attirant , parce qu'elle
ert en effet , ou du moins à très-peu près ,
la ibmme ou le réfultat des attraâions de
toutes les parties dont le corps eft com-
pofé ; ou , ce qui revient au même , ïat-
traction dans tous les corps fort petits , eft
comme leurs folidités , toutes chofes d'ail-
leurs égales.
Donc 1°. à diftances égales, les attrac-
tions de deux corps très - petits feront
comme leurs maffes , quelque différence
qu'il y ait d'ailleurs entre leur figure & leur
volume.
z°. A quelque diftance que ce foit ,
\ attraction d'un corps très - petit eft com-
me fa maflè , divifée par le quarré de la
diftance.
11 faut obferver que cette loi , prife rigou-
reufement , n'a lieu qu'à l'égard des ato-
mes , ou des plus petites parties compo-
fantes des corps , que quelques-uns appellent
particules de la dernière cornpojinon , &:
non pas à Fégard des corpuicules taits de
ces atames.
Car lorfqu'un corps eft d'une grandeur
finie , Wittraêion qu'il exerce fur un point
placé à une certaine diftance , n'eft autre
chofe.que le réfulrat des actraclions que
routes les parties du corps attirant exer-
cent fur ce point , & qui , en fe combi-
nant toutes enlemble , produifent lur ce
point une force ou une tendance unique
dans une certaine direélion. Or , comme
toutes les particules dont le corps attirant
eft compofé , font différemment fuuées par
rapport au point qu'elles attirent ; toutes
les forces que ces particules exercent , ont
chacune une valeur & une direûion diffé-
rente ; & ce n'eft que par le calcul qu'on peut
iavoir fi la force unique qui en réiulte eft ,
comme la maflé totale du corps attirant ,
diviiée par le quarré de la diftance. Auili
cette propriété n'a-t-elle lieu que dans un
très-petit nombre de corps ; par exemple dans
les ipheres , de quelque grandeur qu'elles
fuifient être. M. Newton a démontré que
attraclion qu'elles exercent lur un point
ATT
placé aune diftance quelconque , eft la même
que fi toute la matière étoit concentrée &
réunie au centre de la fphere ; d'où il s'en-
fuit que Vattraclion d'une iphere eft , en gé-
néral , comme la mafle , diviltc par le quarré
de la diftance qu'il y a du point attire' au
centre de la fphere. Lorfque le corps attirant
eft fort petit , toutes les parties font cenfées
être à la même diftance du point attire ^ &
font cenlées agir à-peu-près dans le même
(ens : c'eft pour cela que , dans les petits
corps , V attraction eft cenfée proportion-
nelle à la mafte diviiée par le quarré de la
diftance.
Au refte , c'eft toujours à la maffe , &
non à la grofleur du volume , que Yattrac-
tion eft proportionnelle ; car Vattraction
totale eft la fomme des attractions parti-
culières des atomes dont un corps eft com-
pote. Or , ces atomes peuvent être telle-
ment unis enlemble , que les corpuicules les
plus l'olides forment les particules les plus
légères ; c'eft-à-dire , que leurs furfaces n'é-
tant point propres pour le toucher intime-
ment , elles feront féparées par de fi
grands interftices , que la grofleur ne fera
point proportionnelle à la quantité de ma-
tière.
III. Si un corps eft compofé de parti-
cules dont chacune ait une force attractive
décroiflante en raifon triplée ou plus que
triplée des diftances , la lorce avec laquelle
une particule de matière lera attirée par ce
corps au point de contaél , fera infiniment
plus grande , que fi cette particule étoit pla-
cée à une diftance donnée du corps. M.
Newton a démontré cette propofition dans
fcs principes , comme nous l'avons déjà
remarqué. Vuye:{ Princ. math. fect. xiij.
lit-'. T. propojnion première.
IV. Dans la même fuppofition , fi la
torce attractii-e qui agit à une diftance
allignablc , a un rapport fini avec la gra-
vité , la force attractive , au point de con-
tad , ou infiniment près de ce point , fera
infiniinent plus grande que la force de la
;;ravité.
V. Mais fi , dans le point de ct^taifl , la
fijrce attvadive a un rapport fini à la gra\ité ,
fa force , à une diftance allignable , fera
mfiniment moindre que la force de la gra-
vité , & par conféquent Icra nuUe.
ATT
VI. La force atcru.^iie de olwque pnni-
ciile de mntiore an point de coniad , furpalle
prefqiie inHnliner.c la torcc: de la graviré ,
mai-i coi-endanc n'elt pj'; infiniment plus
grande. l--'c ce rlîéorémc & du précédent, il
s'enfuit que la force accractive qui agit à une
diftance donnée quelconque , lèfa prefque
égale à zéro.
Par conl'équcnt cette force attraclwe des
corps terrcltres ne s'étend que dans un el-
pace extrêmement petit , & s'évanouit à une
grande diltance. Ceft ce qui tait qu'elle
ne peut rien déranger dans le mouvement
des corps célellcs qui en iont tort éloignés,
& que toutes les planètes continuent (en-
liblement leur cours , comme s'il n'y avoir
point de force attraclire dans les corps ter-
reltres.
Où la force attraclU'e cède , la force ré-
piilfive commence, félon M. Newion , ou
plutôt la force attraBive le change en torce
repullive. Voyei RÉPULSION.
VII. Suppofons un corpufcule qui tou-
che un corps : la force par laquelle le cor-
pufcule eil: poufle , c'eit-à-dire la ft)rce
avec laquelle il ell adhérent au corps qu'il
touche, fera proportionnelle à la quantité
du contaét ; car les parties un peu éloignées
du point de contad ne contribuent en rien à
la cohéfion.
Il y a donc difFcrens degrés de cohéfion ,
félon la différence qui peut fe trouver dans
le contact des particules; la torce de co-
héfion ell: la plus grande qu'il ell poflible ,
lorfque la furface touchante eft plane : en
ce cas , tofites chofes d'ailleurs égales , la
force par laquelle le corpuicule eft adhé-
rent , fera comme les parties des ilirtaces
touchantes.
C'eft pour cette raifon que deux mar-
bres parfaitement polis , qui fe touchent
par leurs furfaces planes , font difficiles à
teparcr , & ne peuvent l'être que par un
poids fort fupérieur à celui de l'air qui
les prefîê.
VIII. La force de ïatcracFion croît dans
les petites particules , à mtfure que le
poids & la grollêur de ces particules di-
minue ; ou pour m'expliquer plus claire-
ment , la force de Vaumc^ion décroît moins
à proportion que la maffe, toutes choies
d'ailleurs égales.
ATT 5)17
Car comme la force attraclii'e n'agit qu'au
point de contaâ, ou fort près de ce point,
le moment de cette force doit erre comme
la quantité de contact:, c'efl-à-dirc comme
la denfîré des parties , & la grandeur de
leurs furtaces : or les furtaces des corps
croifTent ou décroidènt comme les quarrés
des diamètres , les folidités comtnc les
cubes de ces mêmes diamètres ; p?r confé-
quent les plus petites particules ayant plus
de furtace , à proportion de leur foiiditc ,
font capables d'un contait plus fort , ùc.
Les corpufcules dont le contait eft le plus
petit , & le moins étendu qu'il eft poflible ,
comme les fpheres infiniment petites , font
ceux qu'on peut f'cparer le plus ailémcnt l'un
de l'autre.
On peut tirer de ce principe la caufe de
la fluidité ; car regardant les parties des
fluides comme de petites fpheres ou glo-
bules très-polis , on voit qtie leur actraclio/i
& cohéfion mutuelle doit être très-peu con-
fidcrable , & qu'elles doivent être tort faci-
les à féparer & à glitler les unes fur les au-
tres ; ce qui conftitue la fluidité, r^oye:^
Fluidité, Eau , &c.
IX. La force par laquelle un corpufcule
eft attiré par un autre corps qui en eft pro-
che , ne reçoit aucun changement dans fa
quantité , foit que la matière du corps atti-
rant croiffe ou diminue , pourvu que le
corps attirant conferve toujours la même
denfité , & que le corpufcule demeure tou-
jours à la même diitance.
Car puifque la puifTancc attraitive n'efl
répandue que dans un tort petit efpace ,
il s'enfuit que les corpufcules qui font
éloignés d'un autre , ne contribuent en rien
pour attirer celui-ci : pa'conféquent le cor-
pufcule fera attiré vers celui qui en eft pro-
che avec la même force , foit que les autres
corpufcules y l'oient ou n'y foie.it pas ; & par
conléquent aufli , foit qu'on en ajoute d'au-
tres ou non.
Donc les particules auront différentes for-
ces attraftives , félon la diflérence de leur
ftruilure : par exemple , une particule per-
cée dans fa longueur n'attirera pas fi fort
qu'une particule qjji feroit entière : de même
I aufli la différence dans la figure en pro-
1 duka une dans la force attraâive. Ainli unç
5î8 ATT
Iphere attirera plus qu'un cône , qu'un cy-
lindre , 6'c.
X. Suppofons que la contexture d'un
corps foit telle , que les dernières particu-
les élémentaires dont il eu compolé foient
un peu éloignées de leur premier contad ,
par l'aftion de quelque force extérieure ,
comme par le poids ou l'impuHion d'un
autre corps , mais fans acquérir en vertu
de cette force un nouveau contait ; dès que
l'adion de cette force aura ceflë , ces particu-
les tendant les unes vers les autres par leur
force attraftive , retourneront auliî-tôt à
leur premier contaâ:. Or quand les parties
d'im corps , après avoir été déplacées , re-
tournent dans leur première iituation , la
figure du corps , qui avoit été changée
par le dérangement des parties , fe réta-
blit auffi dans Ton premier état : donc
les corps qui ont perdu leur figure pri-
mitive , ne peuvent la recouvrer par ïat-
traâion.
Par-là on peut expliquer la caufe de l'é-
laflicité ; car quand les particules d'un corps
ont été un peu dérangées de leur Iituation ,
par l'aâion de quelque iorce extérieure ; fi-
tôt que cette force ce(ïè d'agir , les parties
réparées doivent retourner à leur première
place; & parconféquentle corps doit repren-
dre {a figure, &c. Voy. ÉLASTICITÉ , (Sv.
XI. Mais fi la contexture d'un corps eft
telle que Tes parties, lorlqu'elles perdent leur
contad par l'aâion de quelque caufe exté-
rieure , en reçoivent un autre du même degré
de force ; ce corps ne pourra reprendre (à
première figure.
Par-là on peut expliquer en quoi confiée
la molleilè des corps.
XII. Un corps plus pelant que l'eau , peut
diminuer de groileur à un tel point , que ce
c-orps demeure fulpendu dans Teau , fins de(-
cendre comme il le devroic faire , par (a pro-
pre pefanteur.
Par- là on peut expliquer pourquoi les
particules falines , métalliques, & les autres
petits corps icrablables demeurent fufpen-
dus dans les iîuides qui les diifolvent. Voye:{
Menstrue.
XIII. Les grands corps s'approchent l'un
do l'autre avec moins de vîtelfe que les petits
corps. En efL't, la force avec laquelle deux
cprps A,B, s'attirent {fig. ja.. mech. h" 4..)
ATT
rcfide feulement dans les particules de ces
corps les plus proches ; car les parties plus
éloignées n'y contribuent en rien : par con-
féquent la force qui tend à mouvoir les corps
A &c B , n'efl pas plus grande que celle
qui tendroit à mouvoir les leules particules
c & ^. Or les vîtefîés des différens corps
mus par une même force font en raifon in-
verfe des mafîes de ces corps ; car plus la
mafîe à mouvoir efl grande , moins cette
force doit lui imprimer de vîtelfe : donc la
vîtefle avec laquelle le corps A tend à s'ap-
procher de -S , efl à la vîteffe avec laquelle
la particule c tendroit à fe mouvoir vers B ,
fi elle étoit détachée du corps A , comme
la particule c eft au corps A : donc la vî-
tefle du corps A efl beaucoup moindre que
celle qu'auroit la particule c , fi elle étoit dé-
tachée du corps A.
C'efî pour cela que la vîtefîe avec laquelle
deux petits corpulcules tendent à s'appro-
cher l'un de l'autre , efl en raifon inverie de
leurs mafîes ; c'efl auilî pour cette même
raifon que le mouvement des grands corps
eft naturellement fi lent , parce que le fluide
environnant & les autres corps adjacens le
retardent & le diminuent confidérablement ;
au lieu que les petits corps font capables
d'un mouvement beaucoup plus grand , &c
font en état par ce moyen de produire
un très- grand nombre d'effets ; tant il eft
vrai que la force ou l'énergie de Vattraclion
eft beaucoup plus confidérable dans les pe-
tits corps que dans les grands- On peut auffi
déduire du même principe la raifon de cet
axiome de ch} mie : les f eh n'agijjent que
quand ils font dijfbus.
XIV. Si un corpulcule placé dans un
fluide eft également attiré en tous lens par
les particules environnantes , il ne doit re-
cevoir aucun mouvement \ mais s'il eft at-
tiré par quelques particules plus forte-
ment que par d'autres , il doit fe mou-
voir vers le côté où ïatcraclion eft la plus
grande ; & le mouvement qu'il aura lera
proportionné à l'inégalité à\ncracIion ; c'efî-
à-dire, que plus cette inégalité lera grande ,
plus aullî le mouvement lera grand , & au
contraire,
XV. Si des corpulcules ncgent dans un
fluide , & qu'ils s'attirent les uns les autres
avec plus de fofije qu'ils n'attirent les parti-
cules
ATT
eules intermédiaires du fluide , &c qu'ils
n'en ibnt attirés , ces corpulcules doivenr
s'ouvrir un paflâge à-travers les particules
du fluide , & s'approcher les uns des au-
tres avec une force égale â l'excès de leur
force attraâive fur celle des parties du
fluide.
XVI. Si un corps eu plongé dans un
fluide dont les particules foient attirées
plus fortement par les parties du corps ,
que les parties de corps ne s'attirent mu-
tuellement , & qu'il y ait dans ce corps un
nombre confidérable de pores ou d'interfli-
ces à travers lelquels les particules du
fluide puilîent palier , le Huide traverfera
ces pores. De plus , fi la colielion des
parties du corps n'eft pas aifez hirte pour
réllfler à l'eltort que le fluide fera pour les
féparer , c^^^ corps fe diflbudra. yoye\ DIS-
SOLUTION.
Donc , pour qu'un menrtrue foit capa-
ble de difloudre un corps donné , il faut
trois conditions : i°. que les parties du corps
attirent les particules du menitrue plus tor-
tement qu'elles ne s'attirent elles-mêmes
les unes les autres : i**. que les pores du
corps foient pjrméables aux particules du
rnenflrue : 3°. que la cohélion des parties du
corps ne (bit pas aifez hirte pour réfifler à
l'eiîort fie à l'irruption des particules du mcnf-
true. Voyei MenstRUE.
XVII. Lc^ fels ont une grande force at-
tradive , même lorfquils Ibnt iéparés par
beaucoup d'interfliccs qui laiflent un libre
pallage à l'eau : par conlequent les parti-
cules de l'eau font fortement attirées par
les particules ialines ; de lortc qu'elles le
précipitent dans les pores (îes parties Iali-
nes , féparent ces parties , & dilîolvent le lél.
Voyei Sel.
XVIII. Si les corpufculcs font plus atti-
rés par les parties du fluide qu'ils ne s'at-
tirent les uns les autres , ces corpufcules
doivent s'éloigner les uns des autres , & le
répandre ça 6i là dans le fluide.
Par exemple , li l'on diilout un peu de
fel dans une grande quantité d'eau , les
particules du fel , quoique d'une pefanteur
fpécifique plus grande que celle de l'eau ,
fe répandront & fe difpoferont dans toute
la malle de l'eau , de manière que l'enu
lira auili falée au fond , qu'à la partie lu-
Tome III.
ATT 5)29
périeure. Cela ne prouvc-t-il pas que les
parties du iel ont une force centrifuge ou
répulfive , par laquelle elles tendent à s'é-
loigntr les unes des autres ; ou plutôt qu'el-
les Ibnt attirées par l'eau plus fortement
qu'elles ne s'attirent les unes les autres ? En
eflèt , comme tout corps mont/»' dans l'eau ,
lorfqu'i! cil moins attiré par la gravité tcr-
reftre que les parties de l'eau , de même
toutes les parties de fel qui flottent dans
l'eau , & qui font moins attirées par une
partie quelconque de kl que les parties de
l'eau ne le font ; toutes ces parties , dis-je ,
doivent s'éloigner de la partie de tel dont
il s'agit , & lailTcr leur place à l'eau qui ea
eÛ plus attirée. Newton , Opt. p. J&j.
XIX. Si des corpulcules qui nagent dans
un fluide tendent les uns vers les autres , &
que ces corpufcules loient élafliques , ils
doivent , après s'être rencontrés , s'éloigner
de nouveau , jufqu'à ce qu'ils rencontrent
d'autres corpufcules qui les réflcchillént ;
ce qui doit produire une grande quantité
d'impulfions , de repercuflions , & pour
ainfi dire de conflits entre ces corpufcules.
Or , en vertu de la force attractive , la vî-
telle de ces corps augmentera continuelle-
ment ; de manière que le mouvement in-
tellin des particules deviendra enfin lénfible
aux yeux. V. MOUVEMENT INTESTIN.
De plus , ces mouvemens feront difïe-
rens , & feront plus ou moins lenfibles &
plus ou moins prompts , félon que les cor-
pufcules s'attireront l'un l'autre avec plus
ou moins de force , & que leur élafticité
fera plus ou moins grande.
XX. Si les corpulcules qui s'attirent l'un
l'autre viennent à fe toucher mutuelle-
ment , ils n'auront plus de mouvement ,
parce qu'ils ne peuvent s'approcher de plus
près. S'ils font placés à une très-petite dil-
tance l'un de l'autre , ils fe mouvront : mais
\\ on les place à une diflance plus grande ,
de manière que la force avec laquelle ils
-.'attirent l'un l'autre , ne furpallc point la
force avec laquelle ils attirent les particules
intermédiaires du fluide ; alors ils n'auront
plus de mouvement.
De ce principe dépend l'explication de
rous les phénomènes de la tcrmentation &
de l'ébullition. Fojy;^ FERMENTATION &
Ebullition.
Xxx X»
^yo ATT
Ainfi l'on peut expliquer par-là pourquoi'
rhuile de vitriol fermente & s'cchauiFe
quand on verfe un peu d'eau defllis ; car
les particules falincs qui fe touchoient font
un peu dclunies par rcffi-ifîon de l'eau : or
comme ces particules s'attirent l'une l'autre
plus fortGipent qu'elles n'attirent les parti-
cules de Veau , & qu'elles ne font pas éga-
lement attirées en tout fens , elles doivent
néccffairement fe mouvoir & termenter.
Voye^ VlTPvlOL.
C'eit aufli pour cette raifon qu'il fc fait
une fi violente ébuUition , lorfqu'on ajoute
à ce mélange , de la limaille d'acier ; car
les particules de l'acier font fort elaftiques .
& font par conféquent réfléchies avec beau-
coup de force.
On voit auffi pourquoi certains menf-
trues agiflent plus fortement , & difTolvent
plus promptement le corps lorlque ces
menftrues ont été mêlés avec l'eau. Cela
s'oblèrve lorfqu'on verfe fur le plomb ou
fur quelques autres métaux , de 1 huile de
vitriol , de l'eau-forte , de l'efprit de nitre ,
recfifîés ; car ces métaux ne le difloudront
qu'après qu'on y aura verfe de l'eau.
XXI. Si les corpufcules qui s'attirent
mutuellement l'un l'autre n'ont point de
force élafîique , ils ne feront point réflé-
chis ; mais ils le joindront en petites mai-
fes , d'où naîtra la coagulation.
Si la pefanteur des particules ainfi réu-
nies furpaffe la pefanteur du fluide , la pré-
cipitation s'enlùivra. f'^. PRÉCIPITATION.
XXII. Si des corpufcules nageant dans
un fluide s'attirent mutuellement , & fi la
figure de ces corpulcules eil relie , que quel-
ques-unes de leurs parties aient plus de
force attraSfive que les autres , & que le
contad l'oit aufli plus tort dans certaines
parties que dans d'autres , ces corpulcules
s'uniront en prenant de certaines figures ;
ce qui produira la cryflallilation. Voyei^
Crystaliisation.
Des corpufcules qui font plongés dans
un fluide dont les parties ont un mouve-
ment progreflif égal & uniforme, s'attirent
mutuellement de la même manière que fi
le fluide étoit en repos : mais fi toutes les
parties du fluide ne fe meuvent point éga-
lement , \^ attraction des corpufcules ne fera
plus la même.
ATT
C'efî pour cette raifon que les feîs ne
cryflallilc'it point , a moins que l'eau où
on le-: :net ne foit froide.
XXîII. Si entre deux particules de fluide
fe trouve placé un corpulcule , dont les
deux côtés c>ppofe aient une grande force
attraffii'e , ce corpufcule forcera les parti-
cules du fluide de s'unir & de fe conglu-
tiner avec lui ; & s'il y a plufieurs corjiuf^
cules de cette iorte répandus dans le fluide,
ils fixa'ont toutes les particules du fluide ,
& en feront un corps folide , & le fluide
fera gelé ou changé en glace. Voye:^
Glace.
XXIV. Si un corps envoie hors de lut
une grande quantité de corpufcules dont
Vatcraclion foit très-forte , ces corpufcules ,
lorfqu'ils approcheront d'un corps fort lé-
ger , furmonteront par leur attraction la
pefanteur de ce corps , & l'attireront k
eux ; & comme les corpufcules font erv
plus grande abondance i\ de petites dil-
rances du corps , qu'à de plus grandes , le
corjîs léger fera continuellement tiré vers
l'endroit où l'émanation efl la plus denfe ;
jufqu'A ce qu'enfin il vienne s'attacher au
corps même d'où les émanations partent.
Voye\ ÉMANATION.
Par-là on peut expliquer plufieurs phé-
nomènes de réleélricité. V. Electricité^
Nous avons cru devoir rapporter ici
ces difiérens théorèmes fur ïaittacîion ,
pour faire voir coinment on a tâché d'ex-
phquer à l'aide de ce principe plufieurs
phénomènes de chymie : nous ne préten-
dons point cependant garantir aucune de
ces explications ; & nous avouerons même
que la plupart d'entr'elles ne paroilfent point
avoir cette précifion & cette clarté qui eft
nécefTaire dans l'expofition des caufes des
phénomènes de la nature. Il efl pourtant
permis de croire que Vattraclion peut avoir
beaucoup de part aux eflPets dont il s'agit ;
& la manière dont on croit qu'elle peut y
fatisfaire , efl encore moins vague que celle
dont on prétend les expliquer dans d'au-
tres fyftêmes. Quoi qu'il en foit , le parti
le plus iage eit fans doute de fufpendre-
encore fon jugement fur ces choies de dé-
tail , julqu'à ce que nous ayons une con-
noiflance plus parfaite des corps & de leurs
propriétés.
ATT
Voici c?onc , pour fatisfaire 5 ce que
nous avons promis au commencement de
cet article , ce qu'il nous lèmble qu'on doit
penfer fur ['anrjffion.
Tous les philolbphes conviennent qu'il y
a une force qui fait tendre les planètes
premières vers le Tolcil , & les planètes fe-
condaires vers leurs planètes principales.
Comme il ne faut point multiplier les prin-
cipes flins néceiUté , &: que Fimpulfion ell
le principe le plus connu & le moins con-
tclté du mouvement des corps , il cft clair
que la première idée d'un philolophe doit
être d'attribuer cette force à l'impuliion
d'un riuide. C'eft à cette idée que les tour-
billons de Defcartes doivent leur naiffance ;
& elle paroifibit d'autant plus heureufé ,
qu'elle expliquoit à la fois le mouvement
de tranflation de planètes par le mouve-
ment circulaire de la matière du tourbil-
lon , & leur tendance vers le loleil par la
force centrifuge de cette matière. Mais ce
n'eit pas aflez pour une hypothelè de fatis-
faire aux phénomènes en gros , jiour ainfi
dire , & d'une manière vague : les détails
en l'ont la pierre de touche , & ces détails
ont été la ruine du iyftême Cartéfien. J^oje^
Pesanteur , Tourbillons , Car-
tésianisme , 6v.
Il faut donc renoncer aux tourbillons ,
quelque agréable que le fpedacle en pa-
roifle. Il y a plus ; on cft prelque torcé de
convenir que les planètes ne fe meuvent
point en vertu de l'adion d'un fluide : car
de quelque manière qu'on iuppole que ce
fluide agifle , on fe trouve expoié de tous
côtés à des difficultés inlurmontables : le
feul moyen de s'en tirer , feroit de fup-
pofer un fluide qui fût capable de pourfèr
dans un fens , & qui ne refiftât pas dans
un autre : mais le remède , comme l'on voit ,
feroit pire que le mal. On eft donc réduit
à dire , que la force qui fait tendre les
planètes vers le foleil vient d'un principe
inconnu , & fi l'on veut d'une qualité oc-
culte ; pourvu qu'on n'attache point à ce
mot d'autre idée que celle qu'il préfente
naturellement , c'efl-à-dire d'une caufe qui
nous eft cachée. C'eft vraifemblablement
le fens qu'Ariftote y attachoit , en quoi il
a été plus lage que fes ledateurs , & que
bien des philofophes modernes.
ATT 5)31
Nous ne dirons donc point , fi l'on veut ,
que Vattrac7iun ci] une pr(>pnété primor-
diale de la matière , mais nous nous gar-
derons bien auiii d'affirmer , que l'impul-
fion ioit le principe néctiraire des mou-
vemens des planètes. Nous avouons mûme
que 11 nous étions forcés de prendre un
]jarti , nous pancherions bien plutôt pour
le premier que pour le l'ecoiuî ; puisqu'il
n'a pas encore été polliblc d'expliquer par
le principe de l'impuliion les phénomènes
célciles ; & que l'impoilibilité même de
les expliquer par ce principe , cil appuyée
lur des preuves très-iortes , pou? ne l'as
direlur des démonlh'ations. Si M. Newton
paroît indécis en quelques endroits de les
ouvrages lur la nature de la force attractii^e ;
s'il avoue même qu'elle peut venir d'une
impulfion , il y a lieu de croire que c'étoit
une elpece de tribut qu'il vouloit bien payer
au préjugé , ou , li l'on veut , à l'opinion
générale de Ion fiecle ; & l'on peut croire
qu'il avoit pour l'autre fentiment une forte
de prédileélion ; puifqu'il a foulFert que
M. Côtes fon difciple adoptât ce fentiment
fans aucune réiervc , dans Li préface qu'il
a mile à la tête de ia leconde édition des
Principes ; préface faite fous les yeux de
l'auteur , & qu'il paroît avoir approuvée.
D'ailleurs M. Ne\r ton admet entre les corps
célefîcs une attraction réciproque ; & cette
opinion femble fuppofer que ïatuaclion cft
une vertu inhérente aux corps. Quoi qu'il
en foit , la force attracllve , félon M. New-
ton , décroît en raifon inverfe des quarrés
des diftances : ce grand plùlofbphe a expli-
qué par ce leul principe une grande par-
tie des phénomènes célcftes ; & tous ceux
qu'on a tenté d'expliquer depuis par ce
même principe , l'ont été avec une facilité &
une exaâitude qui tiennent du prodige. Le
icul mouvement des aphdes de la lune a
paru durant quelque temps fe refufer à ce
fyftêmc : mais ce point n'eft pas encore
décidé au moment que nous écrivons ceci ;
&: je crois pouvoir affîirer que le (\flême
Newtonien en fortira à ion honneur. V^.
Lune. Toutes les inégalités du mouvement
de la Urne qui , comme l'on fait , font
trés-confidérables , &c en grand nombre ,
s'expliquent très-hcurcuiement dans le lyU
tême de Vattraciion. Je m'en ("uis auffi affiiré
Xxxxx i
5>3i ATT
par le calcul , & je publierai bientét mon
travail. " ,
Tous les phénomènes nous démontrent
donc qu'il y a une force qui fait tendre les
planètes les unes vers les autres. Ainli nous
ne pouvons nous difpenfer de l'admettre ;
& quand nous ferions forcés de la^ recon-
noître comme primordiale & inhérente à
la matière, j'ofe dire que la difficulté de
Co;icevoir une pareille caufe feroit un ar-
gument bien foible contre fon exiftence.
Peribnne ne doute qu'un corps qui en ren-
contre un autre , lui communique^ du
mouvement : mais avons-nous une idée de
la vertu par laquelle fe fait cette commu-
nication ? Les philofophes ont avec le vul-
gaire bien plus de reflêmblance qu'ils ne
s'imaginent. Le peuple ne s'étonne point de
voir une pierre tomber , parce qu'il l'a tou-
jours vu ; de même les Philofophes,^ parce
qu'ils ont vu dès l'enfance les effets de
l'impulfion , n'ont aucune inquiétude lur
la caufe qui les produit. Cependant fi tous
les corps qtii en rencontrent un autre s'ar-
rêtoient fans lui communiquer du mou-
vement , un pHilofophe qui verroit pour
la première fois un corps en poufler un
autre , feroit auffi furpris qu'un homme qui
verroit un corps pefint fe foutenir en l'air
fans retomber. Quand nous faurions en
quoi confifie l'impénétrabilité des corps ,
nous n'en ferions peut-être guère plus éclai-
rés fur la nature de la force impuhlve.
Nous voyons feulement , qu'en coniéquence
de cette impénétrabilité , le choc d'un
corps contre un autre doit être fuivi de
quelque changement , ou dans l'état des
deux corps , ou dans l'état de l'un des deux :
mais nous ignorons , & apparemment nous
ignorerons toujfujrs , par quelle vertu ce
changement s'exécute , & pourquoi , par
exemple , un corps qui en choque un autre
ne refte pas toujours en repos après le choc ,
fans communiquer une partie de ion mou-
vement au corps choqué. Nous croyons que
Vattraclion répugne à l'idée que nous avons
de la matière : mais approtondiifons cette
idée, nous ferons effi-ayés de voir combien
peu elle ed dillinâe , & combien nous de-
vons être réfervés dans les conléquences
que nous en tirons. L'univer"! cfl caché
pour nous derrière iine efpece de voile ù-tra-
A T T
vers lequel nous entrevoyons confur^^
ment quelques pomts. Si ce voile fe déchi-
roit tout-a-coup , peut-être ferions-nous
bien (urpris de ce qui le pafie derrière.
D'ailleurs , la prétendue incompatibilité de
Vattracfion avec la matière n'a plus lieu ,
dès qu'on admet un être intelligent & ordon-
nateur de tout , à qui il a été aulll libre de
vouloir que les corps agiffent lesuns iur les
autres à diflance que dans le contaû.
Mais autant que nous devons être portés
à croire l'exillence de la force à' attracllon
dans les corps célelles , autant , ce me fem-
ble , nous devons être réfervés à aller plus
avant. i°. Nous ne dirons point que Vac~
tracrion eft une propriété ejj'entielle de la
matière , c'efl beaucoup de la regarder
comme une propriété primordiale ; &: il y a
une grande difiérence entre une propriété
primordiale & une propriété ej/encielU.
L'impénétrabilité , la divilibilité , la mobi-
lité , font du dernier genre ; la vertu im-
pulfive ell du fécond. Dès que nous con-
cevons un corps , nous le concevons nécel-
fairement divifible , étendu , impénétrable :
mais nous ne concevons pas néceflairement
qu'il mette en mouvement un autre corps, i".
Si l'on croit que ïattraclion loit une pro-
priété inhérente à la matière , on pourroit en
conclure que la loi du quarré s'obferve daps
toutes fes parties. Peut-être néanmoins fe-
roit-il plus fage de n'admettre Vattraclion
qu'entre les parties des planètes , Jans pren-
dre notre parti fur la nature ni fur la caufe
de cette force , jufqu'à ce que de nouveaux
phénomènes nous éclairent fur ce fujct.
Mais du moins faut-il bien nous garder
d'alTurer , que quelques parties delà matière
s'attirent iiiiv.-int d'autres loix que celles du
quarré. Cette propofition ne paroît point
iiiffifamment démontrée. Les faits font l'u-
nique boulîole qui doit nous guider ici ,
& je ne crois pas que nous en ayons en-
core un affez grand nombre pour nous éle-
ver à une aflertion fi hardie : on peut en
juger par les differens théorèmes que nous
venons de rapporter , d'après M. Keil &
d'autres philoibphes. Le fyflême du monde
eft en droit de nous taire foupçonncr que
les mouvemens des corps n'ont peut-être
pas l'impulfion feule pour cauie ; que ce
ibupçon nous rende lages , & ne nous prcC
A TT
fôns pas de conclure que ]! attraction foitvin
principe univerlel , iiilqu'à ce que nous y
ibyions forcés pnr les phénomènes. Nous
aimons , il cil vrai , à géncralifer nos dé-
couvertes ; l'analogie nous plaît , parce
qu'elle flatte notre vanité & loulage notre
pareiïe: mais la nature n'ell pas obligée de
Te conformer à nos idées. Nous voyons il peu
avant dans les ouvrages, & nous les vo\'ons
par de h petites parties , que les principaux
reflorts nous en échappent. Tachons de bien
appcrcevoir ce qui ell autour de nous ; &
Il nous voulons nous élever plus haut , que
ce ioit avec beaucoup de circonlpedion :
autrement nous n'en verrions que plus mal ,
en croyant voir plus loin ; les objets éloi-
gnes {croient toujours confus, & ceux qui
étoient à nos pies nous échapperoient.
Après ces réHexions , je crois qu'on pour-
roit fe difpenfer de prendre aucun parti
fur la dilpute qui a partagé deux acadé-
miciens célèbres , fuvoir H la loi éi'atcrac-
tion doit nécellàirement être comme une
puiiîance de la dUlance , ou fi elle peut
être en général comme une fonftion de
cet-emêmediibnce, ( î^oj-er^ PUISSANCE
& Fonction; ) quellion purement méta-
phyfique , & (ur laquelle il eli: peut-être bien
hardi de prononcer , après ce que nous
veinons de dire ; auffi n'avons-nous pas cette
prétention , fur-tout dans un ouvrage de la
nature de celui-ci. Nous croyons cependant
que fi l'on regarde Yatcraclion comme une
prc)priéeé de la matière , ou une loi primi-
tive de la nature , il eft aflez naturel de ne
faire dépendre cette attracticn que de la
feule diitance ; & en ce cas la loi ne pourra
être repréfentée que par une puilîance ;
car toute autre fondion contiendroit un
paramètre ou quantité confiante qui ne
dépendroit point de la diflance , & qui
paroîtroit fe trouver-là fans aucune raifon
fuffiiante. Il efl du moins certain qu'une
loi exprimée par une telle fonèlion , leroit
moins fimple qu'une loi exprimée par une
feule puiiîance.
Nous ne voyons pas d'ailleurs quel
avantage il y auroit à exprimer Vattraclion
par une fondion. On prétend qu'on pour-
roit expliquer par-là , comment ïattrac-
tion à de grandes diflances eft en raifon
ÏQverfe du quarré, & fwit une autre loi
ATT j)3j
A de petites diflances ; mais il n'eft pas
encore bien certain que cette loi d'attrac-
tion à de petites diflances , foit aulK gé-
nérale qu'on veut le iuppofer. D'ailleurs ,
fi l'on veut faire de cette fondion une loi
générale qui devienne fort différente du
quarré à de très-petites dilfinces , & qui
puiffe lervir à rendre r.;ifon des attractions
qu'on obleive ou qu'on luppofe dans le»
corps terreflres \ il nous paroît difficile
d'opliqucr dans cette hypothefe comment
la pelanteur des corps qui font immédia-
tement contigus à la terre , cil à la pelan-
teur de la lune à-peu-près en railbn in-
verfe du quarré de la diflance. Ajoutons
qu'on devroit être fort circonfpeél à chan-
ger la loi du quarré des diflances , quand
même , ce qui n'cft pas encore arrivé ,
on trouveroit quel.iuc phénomène célcflc ,
pour l'explication duquel cette loi du quan-
ré ne fuffiroit pas. Les difTérens points du
lyfiême du monde , au moins ceux que
nous avons examinés jufqu'ici , s'accor-
dent avec la loi du quarré des diflances :
cependant , comme cet accord n'efl qu'un
à-peu-près , il eft clair qu'ils s'accorde-
roient de même avec une loi qui Ceroit
un peu différente de celle du quarré des
diflances : mais on flnt bien qu'il feroit
ridicule d'admettre une pareille loi par ce
feul motif.
Refte donc à favoir fi un feul phéno-
mène qui ne s'accorderoit point avec la
loi du quarré , feroit une raifjn fuffifante
pour nous obliger à changer cette loi
dans tous les autres ; & s'il ne feroit pas
plus lage d'attribuer ce phénomène à quel-
que caufe ou loi particulière. M. New-
ton a reconnu lui-même d'autres forces
que celles-là , puifqu'il paroît fuppofcr
que la force magnétique de la terre agit
lijr la lune, ic l'on fait combien cette force
efl difîerente de la force générale d'at-
traBion , tant par fon intenfitc , que par
les loix fuivant lefquelles elle agit.
M. de Maupertuis, un des plus célèbres
partifins du Newtonianiliiie , a dL nné
dans fon dilcours fur les figures des affres ,
une idée du fj-flêmc de Vattraclion ^
& des réflexions fur ce fyflême , auxquel-
les nous croyons devoir renvover nos lec-
teurs , comme »u rucilleur précis que nouî
534 ATT
connoiflîons de tout ce qu'on peut dire
flir cette matière. Le même auteur obler-
ve dans les Me'm. acad. i y ;54- > ^i-'C Mrs. de
Boberval , de Fermât & Falcal ont cru
long-temps avant M. Newton , que la pe-
fanteùr étoit une vertu attradive & inhé-
rente aux corps , en quoi l'on voit qu'ils
ie font expliqués d'ime manière bien plus
choquante pour les cartéfiens , que M.
Newton ne l'a tait. Nous ajouterons que
M. Hook avoit eu la même idée , & avoit
prédit qu'on expliqueroit un jour très-
hciu'eufement par ce principe les mouve-
mens des planètes. Ces réflexions , en aug-
mentant le nombre des partilans de M.
Newton , ne diminuent rien de Ça gloire ,
puilque étant le premier qui ait lait voir
î'ufiîge du principe , il en eft proprement
l'auteur «Sf le créateur. (O)
Attraction des Montagnes. Il
efl certain que fi l'on admet Vattracllon de
toutes les parties de la terre , il peut y
avoir des montagnes dont la mafle foit
aflez confidérable pour que leur attraâïon
foit fenfible. En effet , fuppofons pour un
moment que la terre loit un globe d'une
denfité uniforme , & dont le rayon ait
iijoo lieues, & imaginons lur quelque en-
droit de la furface du globe une monta-
gne de la même denlité que le globe , la-
quelle foit faite en demi-lphere & ait une
lieue de hauteur ; il eft aiié de prouver
qu'un poids placé au bas de cette mon-
tagne lera attiré dans le fens horizontal
par la montagne , avec une force qui fera
la 3000^ partie de la pefanteur , de ma-
nière qu'un pendule ou fil à plomb placé
au bas de cette montagne , doit s'écarter
d'environ une minute de la fituation ver-
ticale: le calcul n'en eft pas difficile à faire,
on peut le fuppofer.
Il peut donc arriver que quand on ob-
fèrve la hauteur d'un aftre au pié d'une
tort grofle montagne , le fil à plomb ,
dont la diredlion lert à faire connoître cette
hauteur , ne foit point vertical ; & fi l'on
faifoit un jour cette ohfervation , elle four-
niroit , cefemble , une preuve confidérable
en faveur du (yftême de Y attraclion. Mais
comment s'affurer qu'un fil A plomb n'eft
par exaftement vertical , puilque la direc-
tion même de ce fil eft le feul moyen qu'on
ATT
puifTe employer pour déterminer la fitua-
tion verticale ? Voici le moyen de réfoudre
cette difficulté.
Imaginons une étoile au nord de la mon-
tagne , & que l'oblervateur foit placé .1
fud. Si Xanraclion de la montagne agit
fenfiblement fur le fil à plomb , il lera
écarté de la fituation verticale vers le nord ,
& par coniéquent le zénith apparent recu-
lera , pour ainfi dire, d'autant vers le fud ;
ainii la diftance obfervée de l'étoile au
zénith , doit être plus grande que s'il n'y
avoit point à'' attraction.
Donc fi , après avoir obfervé au pié de
la montagne la diftance de cette étoile au
zénith , on fe tranfporte loin de la mon-
tagne fiir la même ligne à l'eft ou à
l'oueft , enforte que Vattraclion ne puifle
plus avoir d'effet , la diftance de l'étoile
obièrvée dans cette nouvelle ftation doit
être moindre que dans la première, au cas que
l'attraction de la montagne produife un
effet fenfible.
On peut auffi fe fervir du moyen fui-
vant , qui eft encore meilleur. Il elt viii-
ble que fi le fil ;\ plomb au fud de la
montagne eft écarté vers le nord , ce même
fil à plomb au nord de la montagne
fera écarté vers le fud ; ainfi le zénith ,
qui dans le premier cas étoit , pour ainfi
dire , reculé en arrière vers le fud , fera ,
dans le fécond cas , rapproché en avant
vers le nord ; donc dans le fécond cas la
diftance de l'étoile au zénith fera moindre
que s'il n'y avoit point A' attraction , au lieu
que dans le premier cas elle étoit plus gran-
de. Prenant donc la différence de ces deux
diftances , & la divifant par la moitié , on
aura la quantité dont le pendule eft écarté
de la fituation verticale par {'attraction de
la montagne.
On peut voir toute cette théorie fort
clairement expofée avec plufieurs remar-
ques qui y ont rapport , dans un excel-
lent mémoire de M. Bougucr , imprimé
en 1749 , à la fin de fon fivre de la figure
de la terre. Il donne dans ce mémoire le
détail des obfervations qu'il fit conjoin-
tement avec M. de la Condamine , au lud
& au nord d'une grofle montagne du
Pérou appellée Chimboraco ; il rélulte de
ces obfervations , que Vj-ttriclion de cette
ATT
grofTc montiigne écarte le fil à plcmib
d'environ 7 ' & (.lemie de la fituation ver-
ticale.
Au refle , M. Bougiier fait à cette oc-
cafion la remarque judicieuie , que la plus
grolîe montagne pourrolt avoir très-peu
de donfité par rapport au globo ferrelhe ,
tant par la nature de la matière qu'elle
peut contenir , que par les vuides qui
peuvent s'y rencontrer &c. qu'ainfi cent
obicrvarions où l'on ne rrouveroit point
diattraclion lenfible , ne prouvcroient rien
contre le lylléme newtonien ; au lieu qu'une
feule, qui lui leroit lavorable, comme
celle de Chinboraco, mériteroit de la part
des phil'ifophes la plus grande attention.
Vo}€'{ Montagnes. (O)
ATTR ACTIONNAIRE , adj. pris fub.
eft le nom que l'on donne aux partilans
àtVatcrdcIion. Voyei ATTRACTION. (O)
ATTR.\PE ,^ f. f. ( Marine.) c'ta une
corde qui empêche que le vaifleau ne fe
couche plus qu'il eft nécefl*aire , lorfqu'il
eft en carène. {Z )
Attrape , f. f. fe dit dans les fonde-
nés de tables en cuivre , d'une pince coudée
qui fert à retirer du fourneau les creufets
lorfqu'ils fe calîênt. Pour cet effet , les
extrémités de les branches les plus courtes
font formées en demi-cercles.
ATTRAPE-MOUCHE. V. Musci-
J>UI,A. ( k)
ATTRAPER, en terme de peinture, dé-
fîgne l'aftion de bien faifir fon objet & de
bien l'exprimer. Ce peintre , dit-on , iai-
fît bien la rcffemblance , les carafreres ;
il attrape bien la manière de tel. (R)
ATTRExMPE, adj. fe dit, en faucon-
nerie , d'un oifeau qui n'eft ni gras ni mai-
gre ; on dit cf/ji/co/i efi attrempé.
ATTREMPER , v. ac=b. en Verrerie , fe
dit des pots ; attremper un pot , c'eft le re-
cuire , ou lui donner peu à peu le degré
de chaleur nécefîliire , afin qu'il puifle paf-
fer dans l'intérieur du four lans rifquer
defecafler. Fi-^yfij VERRERIE.
ATTRIBU'i', llib. m. {Métaphyfique. )
propriété conftante de l'être , qui eft déter-
minée par les qualités eflentielles. L'eiTence
de l'être confifte dans fes qualités primi-
tives qui ne font fuppofées par aucune
autre, & qui ce fe fuppofent point réci-
ATT 535
proqucmcnt. De celles-ci , corrme de leur
iource , dérivent d'autres qualités qui ne
lauroient manquer d'avoir lieu , dès que les
premières ibnt une fois po'.ées ; & qui ne
iont pas moins infépnrables de l'ctre , que
celles qui conftitucnt ion elîènce. Car les
qualités qui peuvent exifter ou ne pas exil-
ter dans le i'ujet , ne ("ont ni eflentielles ,
ni attributs ; elles forment la clafic des mo-
des ( dont on peut confulter l'article j. Nous
avons donc un critérium propre à diftin-
guer les qualités effenticlles des attributs ,
& ceux-ci des modes : mais il faut avouer
qu'il n'y a guère que les lujets abflraits &
géométriques , dars leiqucls on pijilfc bien
taire fenrir ces diiHnâions. Le triage des
qualités phyfiques eft d'une toute autredif-
ficulté , & reflcnce des fujets le dérobe
conftamment à nos yeux.
Un attribut qui a fa raifon fjffifante dans
toutes les qualités effentielles , s'appelle attri-
but propre : celui qui ne découle que de
quelqjes-unes des qualités cflenticllcs , eft:
un attribut commun. Eclairciflons ceci par
un exemple. L'égalité des trois angles d'un
triangle recliligne à deux droits , eft un
attribut propre ; car cette égalité eft déter-
minée & par le nombre des cotés, & par
l'efpece des lignes , qui font les deux qua-
lités effentielles de ce triangle. Mais le nom-
bre des trois angles n'eft déterminé que par
celui des cotés , & devient par-l.'i un attri-
but commun qui convient à toutes fortes de
triangles, de quelque efpece que foient les
lignes qui le compofent , droites ou courbes.
Au déhiut des qualités efTcntielles , ce
font les attributs qui fervent à former les
définitions , & à ramener les individus à
leurs e'peces , & les efpeces à leurs genres.
Car la définition ( Voye^ fon article ) étant
deftinée à faire reconnoitre en tout temps
le défini , doit le défigner par des qualités
confiantes , telles que font les attributs. Les
genres & les efpeces étant aufll des notions
fixes qui doivent caraftériièr fans variation
les êtres qui leur font fubornés , ne peu-
vent (e recueillir^ que des mêmes qualités
permanentes du fujet. Cet article ef tire de
M. Formey. f X)
Attributs , en Théologie , qualités ou
perfeâions de la divinité , dont elles confti-
cueut l'eftcûce. Telles Ipnt l'iafiaitéj l'éter-
5)3^ ATT
nité, l'immenfité , la bonté, la juftice , la
providence , la route-puiflànce , la pré-
fcience , l'immutabilité , &f. La conciliation
de quelques attrièuts deD'ieu, (bit entre eux,
comme de la {implicite avec l'immenlité ,
& de fa liberté avec fon immutabilité ; foit
avec le libre arbitre de l'homme , comme
la préfcience , ell une iource inépuifable
de difficultés , & l'écueil de la railon
humaine. ( G )
Attributs , dans la Mythologie , font
des qualités de la divinité que les poëtcs
& les théologiens du paganiime perfonni-
fioient , & dont ilsfaifoient autant de dieux
ou de déefles. Ainfi, félon eux, Jupiter
éroit la puiilnnce ; Junon , le courroux ou
la vengeance ; Minerve , la fageffe ; la vo-
lonté abiolue étoit le deftin , Fatum , au-
quel la puillânce divine ou Jupiter même
étoit allujeiti. (G)
Att RII3UTS, chei les peintres & les fculp-
teurs , iont des i} mboles confacrés à leur?
figures & à leurs ftatues pour carafcérilcr
les divinités de la fable , les vertus , les
arts , &c. Ainli l'aigle & la foudre font les
attributs de Jupiter ; le trident eft celui de
Neptune ; le caducée , de Mercure ; le ban-
deau, l'arc, le carquois, caradériient l'A-
mour ; une balance & une épée défignent
la jultice ; l'olivier marque la paix ; & la
palme ou le laurier font les attributs de la
vidoire. Voyei StaTUE , SCULPTURE ,
Peinture. ( G)
ATTRIBUTIF , a^]. terme de Palais ou
de pratique , qui ne fe dit que des édits ,
ordonnances ou autres chofes femblables ,
d'où il rélulte en faveur de quelqu'un ou
de quelque choie un droit , un privilège ,
une prérogative. Ce mot ne fe dit jamais
feul ; il eil toujours fuivi de la dénomi-
nation du droit ou privilège dont l'édit
ou a£le en quellion eft attributif. Ainfi l'on
dit que le fceau du Châtclet de Paris eft
attributif de jurildidion , c'eft-à-dire , que
c'eft à cette jurifditlion qu'appartient la con-
noillance de l'qxécution des acles fcellés de
fon fceau. {H)
* ATTRITION, f. f. ce mot vient du
vtrhc atterere , frotter , ufer , & fe forme
de la prépofifion ad , à , unie au verbe
lero , j'ufe. Il figniiie le frottement réci-
proque de deux corps; au oioyen duquel
ATT
fe détachent les particules brifées de leurs
furfaces. Koje;; MOUVEMENT & FROT-
TEMENT.
C'eft par ce mouvement que l'on aiguife
& que l'on polit. P'oje^aux articles CHA-
LEUR, LUMIERE, FeU, ÉLECTRICITÉ ,
les effets de Vattrition.
M. Graya trouvé qu'une plume frottée
avec les doigts , acquit par cela iéul un tel
degré d'elettricité , qu'un doigt , auprès
duquel on la tenoit , devenoit pour elle
un aim^'nt ; qu'un cheveu qu'il avoit trois
ou quatre fois ainli trotté , voloit à (es doigts ,
n'en étant éloigné que d'un demi-pouce ;
qu'un poil & des fils de foie étoient par
ce même moyen rendus éleâriques. L'ex-
périence fait voir la même choie (lir des
rubans de différentes couleurs & de quelques
pies de long , la main les attire quand ils
iont frottés : imprégnés de l'air humide ,
ils perdent leur électricité ; mais le feu la
leur redonne.
Le même philofophe dit que les étoffes
de laine , le papier , le cuir , les coupcaux ,
le parchemin , (ont rendus élefiriques par
\'attrition.
Ily a même quelques-uns de ces corps
que Vattrition feule rend lumineux. Voye\
Phosphore.
AttritioN fe prend auffi quelquefois
pour le frottement de deux corps qui, (ans
u(er leurs (urfaces, ne fait que mettre en
mouvement les fluides qu'ils contiennent :
ainfl l'on dit que les fenîations de la faim ,
de la douleur , du plaiflr , (ont caufées par
Yattruion des organes qui (ont formés pour
ces effets. {O)
Atirition, Théologie, c'eft une ef^.
pece de contrition , ou une contrition im-
parfaite. Voy. Contrition.
Les Théologiens (cholaftiques défîniffent
Vattrition , une douleur & une déteftation
du péché , qui naît de la conddération de
la laideur du péché & de la crainte des
peines de l'enfer. Le concile de Trente , fejf.
XIV. chap. ju. déclare que cette efpece de
contrition , fi elle exclut la volonté de pé-
cher , avec elpérance d'obtenir pardon de
(es fautes padées, eft un don de Dieu , un
mouvement du Saint-Elprit , & qu'elle di(-
polé le pécheur , à recevoir la grâce dans le
facremcat de pénitence. Le lentiicent -le
plus
ATT
plus reçu fur Xattridon , eft que Vattiition
dans le facrcmcnt de pénitence ne liiffir pns
pour juftifier le pécheur , A moins qu'elle ne
renferme un amour commencé de Dieu , par
lequel le pécheur nime Dieu comme lource
de route julHce. C'efl la dotlrinc du concile
de Trente , fejf. ^ Vl , chap. ,j , & de l'af-
femblée du clergé de France en 1700.
Les Théologiens difputent cntr'eux fur la
nature de cet amour , les uns voulant que
ce foit un amour de charité proprement
dite , les autres loutenant qu'il iuffit d'avoir
un amour d'eipérance. VoyeT^ AmoUR &
Charité.
II efl bon de remarquer que le nom d'at-
trition ne ié trouve ni dans l'écriture ni dans
les pères ; qu'il doit Ion origine aux théo-
logiens fcholaftiques , qui ne l'ont introduit
que vers l'an lilo , comme le remarque
le P. Morin , Je Pœnit. lib. VIII 3 cap. ij,
n°. 14.
ATTRITIONN AIRES , f. m. {The'ol.)
nom qu'on donne aux théologiens qui fou-
tlennent que Vatnition fervile eft fuffilante
pour juftifier le pécheur dans le facrement
de pénitence.
Ce terme efl ordinairement pris en mau-
vaife part , & appliqué à ceux qui ont fou-
tenu , ou que ïattrinon conçue par la con-
fîdération de la laideur du péché , & par
la crainte des peines éternelles , lans nul
motit d'amour de Dieu , étoit iuffiiante ; ou
qu'elle n'exigeoit qu'un amour naturel de
Dieu ; ou même que la crainte des maux
temporels fufïiloit pour la rendre bonne ;
opinions condamnées ou par les papes , ou
par le clergé de France. {G)
ATTROUPÉES, adj. f. pi en ^nato-
mie ,• épithete des gl-.uides qui font voifl-
nes les unes des autres ; telles font celles de
l'eftomac , du golier , &c. on les nomme aufli
ajfemblées. Fojq Glande. ( Z)
ATTU ou Aattu , ( Géog.) petite ville
de l'Arabie Heureufe entre la Mecque &
Hali. Le Blanc l'appelle Outor. (D.G.)
* ATTUAIRES , f m. ( Hifl. mod. )
peuples qui taifoicnt partie de l'ancien peuple
François. Ils habitoient le pays deBeze dans
le Langrois. Les Sidies ou Saliens tailoient
l'autre partie-
ATTUARIORUM PAGUS,{Ge'og.
du moyen âge. ) caiitoa des Attuariens. Ce
Terne m.
ATT ^ 9^.7
pagiis y dans les clinncs , efl: aufll déngné'
lôus les noms à' Attoarioi uni , lIuLouj.r:v-
ntm y Athoanenjis. II tire fi dén()minati(>a
des Àttuaricns , colonie des Francs origi-
naires des Cattes en Germanie , établis danï
le Langrois , ious Conltance-Chlorc , ciim-
me nous l'apprend Eumene dans le pani!;;y-
rique de ce prince.
Tacite les appelle Chafuarii , Strabon.
Chattuarii y & Ptolomée Cafuores : Vel-
Icius Patcrculus, /.//, d\ le fetil qui les nom-
me Actuaiii : il les place au delà du 'Ihin ,
près des Bruderes , peuples de la Weflph.xlie
lur la Lippe. 11 y a encore une ville près de la
Lippe, appellée Hatierech ou Hutteren.
Ammien Marcellin rapporte que le Célar
Julien , dans la guerre contre les Germains,
s'empara tout d'un coup du pays des Francs,
appelles Actuanens , & qu'après en avoir
défait une partie , il fut obligé de leur don-
ner la paix.
Ceux qui s'étoient établis dans les Gaules,
donnèrent leur nom au canton cle Be>:e , i
cinq lieues de Dijon. Ce chct-licu , lelon
quelques-uns , a eu le nom d'Atortiiim. J'ai
moi-même remarque, il y a cinq ans , dans
la forêt de Volors ou Velours , appellée Fb-
lors dans la Chronique de Bcze , pag. GGz^
an. 1 1 19 , l'enceinte & les ruines d'une an-
cienne ville ^ïKtAniua ; & je prélume , avec
des gens inflruits , que ce lieu pourroit bien
avoir été d'abord habité par les Attuariens.-
M. le Préfident Bouhier , dont l'autorité cil
grande dans la littérature , croir qu'ils ont
aufll occupé le bourg d'Autrcy.
La Chronique deBcze paroîtafllgner pour
limites Ace canton démembré du Langrois ,
la Saône d'un côté , ia Tille & la Vlngeane
de l'autre : ainfi il étoif renf rmé entre les
comtés de Langres , d'Amous , d'Ouche &
de Châlon. Les annales de faint Bertin k
l'an 839 le difent pofitivement, Comitatus
Attoariorum inter comitatum Cavallonen-
fem , comitatum Amous , & comii. Lmgo-
ncnfem.
Les capitulaires de Charles le Chauve ,
donnés à Ville-Serve en Picardie en 853 ,
font inention du même canton & de ceux
qui l'avoifment , Cahillono , Hatuariis ,
Tornedrifo & Belncfo. Baluze , tome II ,
in-fol. pag. 70.
Il s'étendoit depuis Barges & Aizcray à
Y y y y y
95?î ATT
Po jilly-fûr-Vmgeane & Fontaine-Françoife,
ce qui fair environ luiit lieues du liid au nord :
& depuis Pontailler à Norgcs fix ligues de
l'efhil'oueii _ r , T
Il eut le nom de comté au ixfiecle . Les
chartes font mention d'Hildegarnus , comte
des Attoariens , en 815 ; & de Hugues , fils
de Hugues de Beaumont , comte de Dijon ,
au X fiecle , Hugo Attoariorum cornes.
Voyez Chr. S. Beiïigni Div. & Not. Gai.
Valois, p. 5».
Le duc Amalgalre fonda en 630 l'abbaye
de Beze , ainfi nommée d'une très-belle
fontaine , Befua in pago Attoariorum , &
l'enrichit de plufieurs terres , telles que
Sjioy , de Speis ; Trocheres , très CafcV ;
1 rcgcs, TregitV , dont il ne refte plus qu'une
métairie. Voye■l^ Chron. Be\e y p.4Si.
On connoît par la chronique de Beze à
l'an 634 , d'autres villages de ce canton ,
tels que Janlîgny , Genfeniacum ; Talraai ,
Talamayum , Tdamanim ; Bere , Beria ;
Oiiilly , Anxilidcum.
Différentes chartes rapportées par Perard
nous apprennent qu'en 679 ou 684, (clon
î'abbé de Foix , Notice des Diplômes, p.S^,
Fenay, Longvic , Fifîey , Chenoves, villa-
ges près de Dijon, Fedeniaciis , Longovia-
na y Fifciacum & Clienevcc , étoient in pago
Attoariorum ,* &: qu'en 735 Ruffey & Echi-
rey , Rufiacum & Efcoriacum , étoient du
même canton. Perard ., p. 8 , 9 , i6i.
Waré , par fon tellament de l'an 711 ,
lègue à l'abbaye de Sainte-Reine qui ne lub-
fide plus , Poifeul-les-Saulx .Pujfe^fmm ;
& à celle de Saint-Prix de Flavigny, Flacey,
Is-fur-Tille , Blagny , Flexum , Hiccium ,
Blandonecum ou Blandoniacum in. pago
Attoariorum. Il réferve à fes héritiers les
terres de Vedis-Vuieas y Vievigne ; Vo-
guntias , Vonges ; Lucuni , Luc ; Sago-
neum , Sagaenai , in pago Atlio. Voyez
Hi/t. de Bourg, par O. Plancher , en trois
vol. in-fol. tome I , p. z 2 , i l Z y pr.
Ce dernier lieu ei\ ancien , puifqu'on y
a découvert en 1701 une colonne milliaire
avec une infcription en beaux carafteres
romains , par laquelle on voit qu'elle a été
ëlcvée l'an 42. de J. C. fous l'empire de
■Claude , marquant xxij milles de là à Lan-
grcs , Andematuniim. M. le Gouz de Ger-
]an , ancien grand bailli du Dijonnois , que
ATT
les lettres & îa patrie viennent de perdre
(mars 1774) , a tait graver cette colonne
& l'infcriptiondans fes Antiquités de Dijon
in-4°. i Jjz. Voyea aulll Journ. de Trey.
Septembre IJO^ y p. l ilig- A-J •
Il eft fouvent parlé dans le Recueil de
Perard , p. z o , zz, z^y z § yàt Villa
Santo Colonicajire Bargas , en 775 , 778 ,
820. M. l'abbé de Foix, dans fa Notice des
diplômes y in-fol. p. zG^, dit que Bargas
eit un de ces noms barbares dont nul géo-
graphe n'a pu fixer la fituation , ni dire le
nom moderne. Si de Paris où il écrivoit,
il câit conliilté quelques bourguignons inf-
truits , ils lui auroient dit que c'eft le village
de Barges entre Dijon , Nuyts , Citeaux , â
trois lieues fud de la première ville.
Witgaire , curé de Barges , fit des dons à
l'abbaye de Saint-Benijgne en 816, Witga~
rius presbiter Bargas in pago Atoar. Gai.
Ch. tom. IV y p. 6 y t.
Don Mabillon , en rappcUant la fonda-
tion de l'abbaye de Saint-Léger , richement
dotée par Théodrade , fille de Charlemagne ,
vers l'an 800, la place in pago Athoarioritni
feu Befuenfi. Ce n'étoit plus qu'un prieuré à
la fin du dixième fiecle , lorfqu'il fut réuni à
l'abbaye de S. Germain d'Auxerrc. Annal.
Bened. tom. UyP- 347-
Un diplôme de Louis le Débonnaire ,
rapporté par l'abbé de Foix , p. 400 , en
830 , cite Pauliacum , Pouilli-fur-Vingeane
( non Pouliac , comme le dit le compila-
teur, ) & Belleaeuve , BelUneuvium in pago
Athoar.
Louis le Débonnaire donna en 836 i
Fulbert , l'un de fes valTIuix , dont le père
avoit été tué au fervice de cet empereur ,
une terre de fon domaine , fituée in
pago Athoar. aux confins du CMlon-
nois , appellée AJiriaca Villa , Aizerey
( Not. dipl. p. 455. ) Le_ grand Boifuet a
palIé plufieurs années de fon entance dans
cette terre , qui appartenoit en partie à
fon père.
Dans les aflifes tenues à Luc , Luco , en
867 , en préfence de l'évoque Ilaac & du
comte Odo , il crt: fait mention des com-
miflaircs [Mijfi) pour les cantons d'Ouche
& des Attuairiens , m Ufcarenji & Atoeriis ;
c'eft le feul endroit où ils foicntainfi nom-
més. Vojei Per. p. i47-
ATT
Ce mémo cvcqiic de Lnngrts c^onnn en
869 à l'abbaye de Flavigni , l'églue de S.
Sulpice de Fontaine-Françoile , ecdejia de
Foiudiia in pa(^o Atuv ienjl.{Voyei Canul.
de Flarigni.) Ce bourg cil connu par
la viftoire de Henri IV , qui porta le
dernier coup à la ligue , & lui ouvrit
les portes de Dijon & des autres villes
Pontailîcf , Pomiliacum , Pons/li/Tus eft
ancien , puitque les rois Carlovingicns v
avoicnt une nv.iilon de plailance. On voit
ànn'^VHiJloire de l'eglife de S:i:nt Etienne
de Dijon , in-fol. p. jz ypr. une charte de
Charles le Chauve , de l'an 876 , datée
Pontiliaco paldtio régis. La partie en-deçà
de la Saonc qui renferme la paroiile de S.
Jean , étolt du comté Attuarien : elle eft
encore du doyenné de Beze &; du diocefe
de Dijon , ayant été avant 173 1 de celui
de Langres ; l'autre partie eft de celui de Be-
lànçon. Arpinus , quaranrc-ùeuxieme cvc-
que de Langres , donna à Fabbaye de S.
Pierre de Beze 01"! il venait de transférer
le corps de S. Prudent, Pontailler, P0/2-
tiliacLim villam , en 889. Voye\ Gai. Chr.
tom. IV. p. §4^- Les privilèges de cette
ville furent "accordés par Guillaume de
Champfitteen 11^7. V. PoNTAiLLER.
VHiftoire de Peglife de S. Etienne , p.
6*5 & 25 5 , fait mention de Couternon lous
le nom de Curtanonus , au neuvième fie-
cle , & au onzième fous celui de Cors-Ar-
nulfi ou Corte-Arnulfi , comme étant dans
le pays des Athoariens. C'étolt le Tufcu-
lum du favant Philibert de la Mare , con-
feiller au parlement , qui , dans le dernier
fiecle , y avoit raffemblé plufieurs anciennes
infcriptions , des ftatues &; des figures an-
tiques : cet illuflre magiftrat avoit la col-
leàion la plus riche & la plus curieufe en
Lvres , & fur-tout en manufcrits fur la
Bourgogne , qui après fa mort ont pafTé
en partie à la bibliothèque du roi. Il eft
étonnant que le nom de ce favant ne foit
rappelle dans aucun des nouveaux Diftion-
naires j où fè trouvent tant de gens incon-
nus , (fÎBiqu'il ait donné plufieurs ouvrages
latins fort eftimés. Couternon cû encore
remarquable par la belle maifon de M.
Bernard de JBliincey , fecrctaire en chef
des états,
ATT . 939
Renaud de Chatillon donna à S. Ue-
nigne l'églilé de S. Julien-fur-2.orgc avec
des fonds , mjnfum ununi cum ecclejiâ S.
Juliani J'iiper I^orgiam in pdgo Attoar. Ce
qui eft approuvé par Gui de Granccy
& Milon de Frolois en 1038. Perard ,
p. 186.
Norges, NorgicV, eft très-ancien ; la voie
Romaine de Châlon à Langres y iialfoit ;
j'ai découvert à cent pas du village , en
leptembre 1773 > "" morceau d'une co-
lonne milliaire qui marquoit VII. C'eft
tout ce qui reftoit de l'inlcription de ce
moniunent tirédufoflé de lancienne voie,
par un payfan qui avoit brile la colonne ,
dont je vis encore le piédeftal d'une
belle pierre blanche tirée d'Afniere. Nor-
ges eft marqué in centenJ Boringoruin en
881 dans Perard /5. 1^9- Une comman-
dcrie de l'ordre de S. Antoine y fut fon-
dée pour les malades en 1100, par les
feigneurs du Val-Saint-Julien.
Le village de Norges à deux lieues nord
de Dijon , eft diftingué par une belle fon-
taine formant une rivière qiu nourrit de
bons poiflons , du brocher fur-tout , fie
par une très-jolie maiion de campagne ap-
partenante à M. Bouillet, procureur géné-
ral de la chambre des comtes , de l'aca-
démie de Dijon , un des plus relpeftables &
des plus généreux cito3ens de cette ville.
La chronique de Beze nous indique plu-
fieurs autres paroiffes dans le pays des Ar-
tuariens , tels que Tafnai , TafenateW.im ;
BufTerotte , Buxiacus ; Marej-furTille ,
fameux par fes forges , Alariacum ; Men-
toche j Mentufca in territorio Atuarin-
fium en 1 1 19 ; & Villey-fur-Tille , Villia'
cum , où l'abbé Nicaife , très-connu par
Ion l'ivre des Syrenes f découvrit un refle
de temple du paganifme , avec cette ini-
cription : Minervce Arnalia:, qui lui donna
lieu d'exercer fon érudition. (C )
* ATTUND ou OSTUND , (Geogr. )
pays delà Suéde , une des trois parties de
i'Upland , entre StockoKn , Upfal, & la mer
Baltique.
^ ATTUR , ( Geogr. } ville d'Afie , qui
n'exifte plus. Elle étoit fur le Tygre , dans
le gouvernement moderne de Molul , &
non loin de cette ville. On l'appelloit auiii
Achur &; AJfur , & Ion Jiftnd Aturu ,
y )• y y y Z
540 ATT
Atyrla ou AJfyria ; ce diUrifl: compofoit
VAjJyrie proprement dite : car , à l'exem-
ple des Chaldcens & des Syriens qui con-
vertiflbient AJJur en Atliur , il a plu aux
Grecs & aux Latins de convertir Ajjyria.
en Atyria , & en Aturia. Les Turcs (ont
maîtres de ce pays-là. Le loi en e(t natu-
rellement très-tertile , mais fort néglige.
C'eftundes beaux climats de l'Afie. [C.A.)
ATTUS A , ( Geogr. ) ancienne ville de
l'Afie mineure , fur les frontières de la
Myfie & de la Bithinie. Pline afTure que
ce fut une très-grande ville , bien bâtie
& bien peuplée. ( C. A. )
ATUN , f. m. ( hijf. nat. Botan. ) ar-
bre des îles Moluques très-bien gravé lous
le nom d^atunus par Rumphe dans fon
Herbarium Amhoiniciim , vol. I.pag. 171
chdp. ^6. pldnch. LXVI. Les habitans de
Ternate l'appellent/a/j , ceux de Boege/ù-
macka , & les Macaifares lommii.
Il s'élève à la hauteur de 1% <\ 30 pics ,
fous la forme d'un limonier ou d'un ci-
tronier , dont le tronc leroit droit , élevé
de 10 à 12 pies , (lir un pié & d mi à
deux pies de diamètre , cannelé ou mar-
qué de côtes légères , & couvert d'une
écorce épaifle , mais fi fragile qu'on ne
peut l'enlever que par tragmens , à peine
de la grandeur du doigt. Sa cime elt co-
nique , très-denle , formée de branches
fermes , droites , alrerncs , ierrées , écar-
tées fous un angle qui à peine a 45 degrés
d'ouverture.
Ses feuilles (ont alternes , fort ferrées
ou rapprochées , & difpoiées fur un même
plan lur les branches , de lorte que leur
feuillage eft applati comme dans l'anone &
}e cananga ; elles font elliptiques , poin-
tues aux deux bouts , longues de fept à
.quinze pouces , une fois & demi à deux
fois moins larges , entières , fermes , lè-
ches , légèrement velues , relevées en-dei-
fôus d'une nervure à huit ou dix côtes
alternes de chaque côté , & portées fur
un pédicule cylindrique fort court , de
manière qu'elles s'écartetit prefque hori-
2ontalcment.
Les branches Ibnt terminées par un épi
plus court d'un tiers ou environ que les
feuilles ; cet épi cft compolë de quinze à
vingt fleurs , difpofces circulaireraent fur
A T U
toute n» longueur , blanches , de la formt
& grandeur de celles de l'oranger , & por-
tées (ous un angle de 4$ degrés liir un
pédicule égal à leur longueur. Chaque fleur
clt compolée d'un calice ouvert en cloche
à cinq divifions perfiflantes ; d'une corolle
à cinq pétales elliptiques , pointus , fermes ,
une tois plus longs que larges ; une fois
plus long que le calice, ouverts en étoile ;
de 10 étamjnes égales à la corolle , rele-
vées , peu écartées prefque comme dans le
cirronier ; & d'un ovaire porté fur un dif-
que orbiculaire charnu qui l'éloigné un
peu des étamines.
Cet ovaire , en mûrilîant , devient un
fruit à écorce ovoïde , de la forme & gran-
deur d'un CEuf de canard ou même plus ,
grande , ieche , d une épaiifeur de quatre
lignes , comme écailleulè au dehors , rele-
vée de tubercules , cendré-roulle, à une
feule loge, marquée lur un côté , vers ion
extrémité , d'un nllon , par lequel elle s'ou-
vre pour l'ordinaire , quoique difficilement ,
en deux valves ou battans égaux & con-
caves , à peu-près comme la mufcade co~
maçon. Cette écorce contient une feule
amande ovoïde , de la grandeur d'un œuf
de poule , mais comprimée , veinée de
blanc , de roux & de cendré y comme
une mufcade , charnue , ferme comme le
coco ou l'arec , qui devient brune ou roufle
en léchant , & entourée d'un fillon vertical
comme fi elle devoit fe féparer en deux
parties égales en cet endroit. Lorfque l'é-
corce fe feche fans s'ouvrir , ou en ne s'en-
tr'ouvrant que par une tente arquée , on
entend, en la remuant, l'amande jouer de-
dans & faire du bruit.
Qualités. Uatun eft un arbre fort lent A
croi tre , fa cime efl d'abord fort élégante
& élancée , & fon tronc cylindrique &
uni , mnis il iè creuie inlenliblement &
devient cannelé. Son bois ell dur , de peu
de durée , & fragile ainfi que fcs branches.
Ses fruits mûriflent fi lentement que le temps
de leur maturité n'efl pas bien confiant ;
néanmoins le mois de novembre eu la
temps qui leur eil le plus ordinaire. Son
amande a une faveur auflere & très-aflrin-
gente ; comme elle efl prel'que aullî dure
qu'une pierre , dans (a maturité partaite >
les Malays lui ont donne le nom d'jfw/i ,
AT U
écrive du met huu qui, en leur langage, '
ll^iiiiie une pierre.
Culture. Il croît communément dans les
fies d'Amboine, Banda & Cclchcs ; on le
multiplie de drageons ou rejetons qui poul-
lènt au pié des vieux arbres.
L//j;r.f. L'amande de Yatim ne Ce mange
pas crue ni feule ; les Malays la râpent pour
cx'citcr l'appérit , & fcrvir d'épice qu'ils
mêlent dans l'elpece de mets qu'ils appel-
lent gourou , & qui eit compolé de iar-
dines crues ou cuites, & d'autres fêmbla-
bles petits poilTons dépecés en petits mor-
ceaux , ou piles & mclés avec le gingem-
bre , le piment , l'ail & le jus de limon.
Cette amande efl il aflringente , qu'elle
arrête fubitement toutes les dyflènteries les
plus violentes , Toit qu'on la mange ieule ,
foit qu'on la mêle dans le pain de iagou
ou dans diflerens mets. Pluîieurs Indiens
en font même un grand fecret ; mais il
ne faut l'employer qu'avec modération ,
car il y a fouvent du danger à arrêter trop
promptement les dyflènteries. Sa poudre
mêlée avec la firine du fagou réduite en
pâte , avec l'addition d'un peu d'eau , &
appliquée fur le ventre des femmes en-
ceintes, arrête le flux menllruel & autres
pertes de fang qui leur furviennent à contre-
temps.
Lorfque ces amandes ne font encore qu'à
demi-mûres & comme vifqueufes , les ha-
bitans d'Amboine en font une efpece de
glu. Pour en tirer le même avantage lorl-
qu'elles font mûres & lèches , ils les font
infufcr dans l'eau , & les broient en une
forte de bouillie épaillê dont ils recouvrent
les jointures de leurs navires après les avoir
remplies de moufle ; cette pâte s'y appli-
que étroitement , & fe feche & durcit com-
me une glu qui rougit comme du (ang.
Ils en verniflbnt aufli les piliers de leurs
mallons & les poutre-; qui font expoiées
à être rongées par les vers ou les larves d||^
capricornes & autres infeéles.
Remarques. ISatun efl , comme l'on voit,
un genre de plante qui le range naturciio-
ment dans la famille des piftachicrs à feuilles
fimples , à côté du mufcadier comacon ,
dont il femblc ne difFérer que par fon ca-
lice à cinq divilions , fa corolle à cinq
A T Y 94t
pétales & fes huit étamincs , & parce qu'il cil
beaucoup moins aromatique.
Rumphe dit qu'il y a trois autres cfpeces
d'jfu/j À Amboine , dont la première s'ap-
pelle atun mamina , qui veut divc acun gras ,
parce que ion amande cil plus graflè , plus
tendre & moins auilcre. Les deux autres
qu'il appelle iitun laut & atun-puti , font
des genres tort différens , & nous en ren-
voyons la deicription à leur place. ( M.
Adanson. )
ATYS , {Myth.) l'un des prêtres de
Cybelc , faifoit les inclinations les plus ten-
dres de la décfl^e ; mais le jeune homme
la ficrifia à la nymphe Sangaride , fille du
fleuve Sangard. La déefl!e l'en punit dans
la perfonne de i"a maîtrcfle qu'elle fit périr.
Acys, au défeipoir d'avoir perdu Sangaride,
porta i'a rage jufqu'à ie mutiler lui-même ,
il le feroit même ôté la vie fi Cybcle ne
l'eût métamorphofé en pin. Il y a des au-
teurs qui difent c^uAtys étoit un jeune
berger de Phrygie , dont Cybele déjà vieille ,
devint amoureule , mais quoiqu'elle fût
reine , il la méprila pour quelque jeune
beauté ; Cybele apprenant qu'elle avoit une
rivale , courut comme une tijricufe au lieu
011 étoient les deux amans , & ayant trouvé
Atys caché derrière un pin , elle le fit mu-
tiler aux yeux de fa rivale , qui fe tua de
défefpoir. Catule dit o^nAcys lé mutila
lui-même , par je ne fais quel tranfport de
rage ; & que Cybele le pri alors au nom-
bre de fes prêtres. Ce qu'il y ade vrai »
c'efl que les prêtres de Cybele IbufTroient
volontairement le lupplice aAiys, & dans
leurs fêtes mêloient des cris & des hurle-
mcns pour pleurer la mort a Atys. Le*
amours A' Atys & de Sangaride font le
fujet d'un opéra de Quinault. (f )
ATZEBEROSCIM, ( Mujlq. infl. dea
Hcb. ) Bartoloccius ( Biblioth. mag. Rabb.
part. II y ) prétend avec fondement qu'aqc-
berofcim n'étoit point un inlîrument par-
ticulier de mufique , mais le nom général
de tous ceux qui étoient laits de lapin ou
de buis. Kircher , pourtant , met {'atr^c-
ofcim au nombre des inflrumcns de pcr-
cuilîon , &: en donne la iîgure , en quoi il
ell auturifé par l'auteur du fcilltehaggibo-
rim, <\vAài<zni^ini\ïa.i\eherofdin: " '"—
Cet
i)4» A T Z
infiniment de fapin ( ou de buis ) avoit »
aflez la forme d'un mortier ; on le frap- »
poit avec une efpece de pilon du même ; »
bois , terminé par deux boutons ; on ' »
, tenoit le mortier de la main gauche , & »
(3 le pilf^n de la droite ; on frappoit tantôt | »
» fur le fond du mortier , tantôt fur les 1 t>
A T Z
côtés ou bords , tantôt fur l'ouverture ,
en mettant le pilon en travers , & l'on
fe fervoit tantôt d'une des extrémités ,
tantôt de l'autre. ï^'ac^berofcim avoiê
un fon clair , mais fans aucune harmo-
nie , & qui refloit toujours le même.
( F. D. C. )
FIN du Tome troifiemt.
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