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Full text of "Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers"

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ENCYCLOPEDIE, 

ou 

DICTIONNAIRE  RAISONNÉ 

DES    SCIENCES, 

DES  ARTS  ET  DES  MÉTIERS. 

TROISIEME   ÉDITION- 


TOME     TROISIEME. 


ENCYCLOPEDIE, 

OU 

DICTIONNAIRE  RAISONNÉ 

DES    SCIENCES, 

DES  ARTS   ET  DES  MÉTIERS, 

PAR  UNE  SOCIÉTÉ  DE  GENS  DE  LETTRES. 

Mis    en    ordre   &    publié    par    M.  DIDEROT  i    &    quant    à   la    Partie 
Mathématique,    par   M.  D'A  LE  MB  E  RT. 

Tantùm  feries  juncluraqiu  pollct , 
Taniàm  di  mcdio  fnmptis  accedit  honoris,'  Ko  RAT. 

TROISIEME      ÉDITION. 


=ërste- 


TOME    TROISIEME. 


A     GENEVE, 

Chez.   Jean-Léonard    Pellet  ,    Imprimeur   de  la  République. 

A     NE  U  F  C  H  A  TEL, 

Chez    la    Société    Typographique. 


M.     D  C  C,     L  X  X  ri  1  L. 


AOAï«iJ 


ENCYCLOPEDIE, 


o  u 


DICTIONNAIRE    RAISONNE 

DES    S  C  I  E  ^T  ^  ^  «-^ 


DES     ARTS     ET     DES     MÉTIERS. 


i:r^-^t3iSS33SElïiECaî5SKS23?I32Effi3rS2 


A  P  A 

VkCKKO,Ç.m.{hlfl.nat. 
i  Botaniq.  )  nom  Brame  d'un 
1  aibrifieau  toujours  verd  , 
aflez  bien  gravé  ,  mais  fans 
Il  ;  détails ,  fous  le  nom  Mala- 
bare  Isjewii-panel  par  Van- 
Rheede,  dans  fon  Honus  Malabaricus,  Vol. 
V ,  page  j  î  ,  planche  XVI.  Les  Malabares 
l'appellent  encore  Bualapaleti  &  les  Hollan- 
dois  Clyn  heyl  IVortel. 

11  croît  dans  plufieurs  endroits  du  royau- 
me de  Malabar  ,  fur-tout  à  Angiccaimal , 
fous  la  forme  d'un  buiflon  ovoïde  ,  de  cinq 
à  fix  pies  de  hauteur ,  toujours  chargé  de 
feuilles ,  de  Heurs  &  de  fruits.  Son  tronc  cfî 
garni  du  haut  en  bas  de  branches  alternes , 
cylindriques ,  afî'ez  longues ,  allez  écartées  , 
Tome  ni. 


A  P  A 

ouvertes  à  peine  fous  un  angle  de  trente  de- 
grés &  couvertes  d'une  écorce  brun-noire. 

Ses  feuilles  font  diij'.ofées  alternativement 
&  circulairement ,  aflez  écartées ,  ellipti- 
ques ,  pointues  aux  deux  bouts ,  longues  de 
trois  à  quatre  pouces  ,  une  fois  à  une  fois  & 
demie  moms  larges  ,  entières  ,  épaifîes  , 
verd-noires ,  luilantes  deiïus ,  verd-claires 
&  ternes  defious  ,  avec  une  côte  longitudi- 
nale ,  garnie  de  chaque  côté  de  huit  ;\  dix 
nervures  peu  élevées ,  alternes  ,  &  portées 
iur  un  pédicule  cylindrique  aflez  court. 

Entre  les  intervalles  que  les  feuilles  laiC- 
fent  entr'ellcs  le  long  des  branches  mêmes , 
vers  leurs  extrémités  ,  fortent  des  fleurs  fo- 
litaires,  rougeâtres  ,  longues  d'un  pouce 
environ  ,  portées  horizontalement ,  eu  peu»» 


1  A  P  A 

(limes  fur  im  pédicule  cylindrique ,  verd- 
vclii ,  à-peu-près  de  même  longueur.  Elles 
cunfiftent  en  un  calice  caduc  y  verdatre  , 
petit  ,  épais ,  d'une  feule  pièce  ,  divifé  en 
trois  parties ,  &  en  une  corolle  à  fix  pétales 
égaux  ,  longs  ,  preique  cylindriques  ,  épais , 
ouverts  en  étoile  &  caducs;  le  centre  de  la 
fleur  eft  rempli  par  une  centaine  d'étami- 
nes  courtes ,  à  anthères  blanches ,  parallé- 
lipipedes ,  felFiles  ,  tort  ferrées  &  rappro- 
chées en  boule  autour  de  huit  à  quinze 
ovaires ,  portés  chacun  fur  un  difque  en 
forme  de  colonne  cylindrique  ,  &  terminés 
par  un  flyle  qui  a  à  fon  côté  un  ftigmate 
velouté.  Ces  ovaires  en  mûriflant  devien- 
nent chacun  une  baie  ou  une  écorce  char- 
nue ,  acide ,  douçâtre  ,  fphéroïde ,  de  trois 
à  quatre  lignes  de  diamètre ,  noirâtre  ,  liflè  , 
portée  fur  un  pédicule  mince  de  memiC 
longueur  à  une  loge  qui  ne  s'ouvre  point, 
&  qui  contient  un  pépin  en  oflélet  iphéri- 
que  noirâtre,  du  diamètre  de  deux  lignes, 
dont  l'amande  eit  blanchâtre. 

Qualices.  Toutes  les  parties  de  Tapacaro, 
fur-tout  ies  feuilles  ,  ont  une  odeur  &c  une 
faveur  acre  &.  aromatique  ;  il  fleurit  en 
juillet  &  août. 

Ufages.  Le  fuc  exprime  de  Ces  feuilles  & 
donné  en  boit! on  avec  un  peu  d'opium  ou 
de  iuc  de  pavot ,  au  commencement  des 
fièvres  intermittentes ,.,  en  calme  les  paro- 
xylmes  ;  leur  décoâion  fe  boit  à  la  dofe 
d'une  dcmi-tadè ,  pour  appaifer  les  dou- 
leurs de  la  goutte  qui  iê  déclarent  aux 
articulaiions. 

Rer,iarqu£s ."V apj.cjro  doit  donc  faire  un 
genre  nouveau  ,  voifin  du  Cananga  ,  dans 
l'a  famille  des  anones  ,  &  qui  ne  diflère 
de  celui  du  Cananga  qu'en  ce  que  les 
baies,  au  lieu  d'avoir  plulieurs  loges  &: 
plufieurs  graines  ,  n'en  ont  qu'une  leule. 
(  M.  ADANSON.  ) 

*  APACHES ,  f  m.  pi.  (  Géog.  &  Hifl.  ) 
peuples  de  l'Amérique  leptentrionalc  au  nou- 
veau Mexique ,  où  ils  occupent  im  paystrès- 
^tendu  ,  fous  les  noms  à^Apachcs  dePerillo,. 
au  midi;  lïApaçhes  de  Xilla,iï^paches 
de  Nai-aio  ,  au  nord  ;  &  à'Apaçhes  Vaque- 
ros,  au  levant.  Voye^  la  Conq.  du  Mnxiq. 
APAGOGE,  (Logiq.)  kyra-ya-y),  com- 

pnfi  d  «tJ  ,  de  ,  Se  à''ixya  j  mener  ou  tirer. 


A  P  A 
_  APAGOGIE  ,  f.  f.  (  Logique.  )  forte  Je 
dérnonfJration  ,  par  laquelle  on  prouve  la 
vérité  d'une  propofition  ,  en  faifant  voir 
que  la  propofition  contraire  eil  abfurde. 
(  ^0)  q  Démonstration  ;  )  d'où  vient 

qu'on  l'appelle  aufli  reduclio  ad  impojfibile  . 
ouadabfurdum.  Fijye^ RÉDUCTION.  (OJ 
APALACHES,   ou    Apalachites., 
(Ge'og.  ù  Hift.  )  Peuples  de  l'Amérique 
leptentrionale  ,  qui  habitent  une  contrée  bor- 
née au  nord  &  au  couchant  par  les  monrs 
Aliganiens  ou  Apalataches  ,  au  fud  par  la 
Floride  &  à  l'efl  par  la  Géorgie  ;  on  les  divliè 
en  plufieurs  nations  ,  qui  ont  chacune  leur 
chef  particulier  nommé p^racoujje.  Les  plus 
conlidérables    de    ces  nations    font    celles, 
de  Bcinarin  ,  d'Amana  &  de  Matique  ,  que 
les  François  ,  les  Anglois  &  les  Efpagnols-, 
(mt  fub-divilées  en  une    infinité  d'autres  , 
ious  des  noms   dillérens  &   particuliers  à 
leur  langue.  Leur  ville  capitale  ell  Alelilot , 
au  fond  de  la  vallée  de  Bemarin  ;  c'elt  le 
iéjour  du  roi  d'Apalache  ,  qui  sft  reconnu 
pour  fouvcrain  par  tous  les  autres  chefs  ; 
les  autres  viiJes  principales  iont  Schama  & 
Mefaco  dans  les  montagnes,  Aqualaque  ,, 
Coca  &  Capaha,  le  long  de  la  rivière  du 
Miflillîpi.  Ce  pays  ell  fertile  &  allez  bien 
cultivé  :  ces  peuples  font  bien  laits ,  &  ont 
le  teint  natiueilemcnt  blanc  ,  mais   il  de- 
vient   olivâtre  par    l'ulage  fréquent  qu'ils; 
font   d'un  onguent  compoié  de  racines  &: 
de  graiflé  d'ours  ,   auquel  ils  attribuent  k; 
propriété  de  rendre    plus   iupportables   le 
froid   &   les  chaleurs.    Ils   Iont  courageux 
lans  être  bai'bares  :.  ils  fç  contentent  de 
couper  les  cheveux  aux  prUonniers  qu'ils, 
font  ,    &    aux    ennem.is   qu'ils    tuent   à  la 
guerre.  La  polygamie   elî  en   ulage    chez 
eux  :  ils  peuvent    même  époufcr  leurs  pa-. 
, rentes  ,  autres  cependant  que  leurs  iceurs. 
Leurs  mœurs  font,  limples  &  douces   :  ils 
adorent  le.  foleil  ,  qu'ils    laluent    tous  les 
jours  à  (on   lever  par  des  cris  d'ak'grefîej, 
&  en  l'honneur  duquel  ils   célèbrent  tous 
les  ans  quatre  fêtes  lolemnelles  fur  la  mon-, 
tagne  Olaymi ,  où  accourent  les   habitans. 
des  diverlês  contrées  du  royaume.  Il  n'eil; 
pas  rare  d'en  voir  parmi  eux  qui  vivent 
jufqu'A  cent  cinquante  ans;  ils  doivent  cet, 
avantage  à  leur  grande  lobriété,  &  à  l'étaïf 
paiiible  de  leur  ame.  (  C.,A-) 


A  PA 

*  APAMATUCK,  (Gf'o^'.  mol)  rivière 
de  l'Amérique  fcptcntrionale  dans  la  Vir- 
ginie ;  elle  iè  décharge  dans  celle  de  Pow- 
atbrn.  ViyeT^Mat.Diâion.  Ge'ogr. 

APAME  ,  (  Hijf.  d'Egypte.  )  veuve  de 
Magus,  iiCurpareurde  la  Cyrcnaïque  ,  dont 
le  roi  d'Egypte  lui  avoir  confié  le  gouver- 
nement, avoir  tout  le  courage  &  tous  les 
talens  nécediiires  pour  aiîermir  un  trt^nc 
ufurpé.  Après  la  mort  de  ion  mari  ,  elle 
ofifit  fa  fille  en  mariage  à  Démétrius,  oncle 
d'Antigone  ,  roi  de  Macédoine.  Ce  prince, 
ft'diiitpar  l'appât  d'une  couronne  ,  fe  rendit 
dans  laCyrénaïque,  &i  la  veuve,  touchée  des 
iîraccs  de  fa  figure  ,  garda  pour  elle  l'époux 
qu'elle  dellinoit  A  fit  fille.  La  jeune  princellc 
outragée  intércffa  en  fia  laveur  le  peuple  & 
les  grands.  Tous  embraflerent  la  caule  de 
la  jcunefle  &  de  la  beauté  :  les  conjurés  ran- 
gés fous  les  ordres  ,  entrent  de  nuit  dans 
l'appartement  de  fit  mère  qu'ils  trouvent 
couchée  avec  ion  nouvel  époux  ;  la  fille 
furieule  enfonce  le  poignard  dans  le  iein  de 
l'on  amant  infidèle  ,  &  brigue  le  cruel  hon- 
neur de  lui  porter  les  premiers  coups. 
Ap'Zme'fin  épargnée  ,  &  les  conjurés  la  ren- 
voyèrent à  ion  Ircre  Antiochus.  Elle  vieillit 
dans  fa  cour  chargée  du  mépris  public  , 
quoiqu'elle  poffédât  tous  les  talens  qui  font 
naître  l'ertime  ;  mais  il  ne  faut  qu'un  mo- 
ment de  foiblelfe  pour  ternir  l'éclat  de  mille 
vertus.  (T.  N.) 

*  AP  AMÉE  ,  fur  rOronte  ,  (  Ge'og.  anc. 
(s  mod.)  ville  de  Syrie  ,  diibnte  d'Antioclie 
environ  de  vingt  lieues.  Les  modernes  la 
nomment  Aman  ou  Hama.  Elle  n'a  de  con- 
fidcrable  que  fit  fituation. 

*  ApamÉE  ,  fur  le  Marfe ,  {Géog.  anc.  & 
mod.)  ville  de  Phyrgie  :  elle  cft  aujourd'hui 
prefque   ruinée. 

*  ApamÉE  ou  Apami  ,  (  Ge'og.  anc.  Ù 
mod.)  ville  de  la  Bithynie  l'ur  la  Proponti- 
de  ,  entre  Bourie  &  Cyzique.  Les  Turcs 
l'appellent  aujourd'hui  Myrlea. 

*  ApamÉE,  {Géog. anc.)  ville  delà  Mé- 
die  ,  vers  la  contrée  des  Parthes.  On  la 
nomme  aufll  Miana. 

*  ApamÉE  :  on  place  dans  la  Méfopo- 
tamie  deux  villes  de  ce  nom  ;  l'une  fur 
l'Euphrate  ,  l'aL  n-e  fur  le  Tigre. 

APAN, i".  m.  {Hiff.nac.  Conchyliologie.) 
çfpece  de  coquillage  du  genre  du  jambon- 


APA  3 

rieaû  ",  dans  la  famille  des  conques  ,  ou  de 
ceux  qui  ont  deux  battans  à  la  coquille. 
Il  n'ell  cité  dans  aucun  auteur;  j'en  ai 
donné  la  figure  dans  mon  Hifloire  naturelle 
du  Sénégal ,  page  zz  z  ,pl.  V.  figure  -Ç. 

Il  clt  commun  dans  la  mer  du  Sénégal  , 
où  il  eil attaché  aux  rochers,  à  trois  brades 
de  protondeur ,  autour  des  caps  Bernard  & 
Dakar,  près  de  File  Corée  &  du  Cap-verd. 

C'eil:  la  plus  grande  de  toutes  les  eijv;ce? 
de  ce  genre  qui  s'obfervent  lur  cette  ccitc. 
Sa  coquille  a  la  formcd'un  jambon,  ayant 
le  dos  preique  droit  ,  l'extrémité  fupéricure 
fort  lr.rge  &  arrondie  ,  &  le  ventre  un  peu 
concave  vers  le  fommet ,  qui  diminue  iniea- 
fiblcment  en  pointe  pour  former  une  efpc^e 
de  mitnche.  Elle  a  fept  pouces  de  long,  & 
deux  tiers  moins  de  largeur  ;  &  elle  eil  11 
applatie  que  fa  largeur  iurpalTe  plus  d'une 
lois  fon  épaifîeur.  Sa  fubilance  efl  fort  min- 
ce ,  aufll  tragile  que  du  verre  ,  &  aflè/^  iém- 
blable  à  celle  de  la  corne ,  dont  elle  em- 
prunte la  couleur  &  la  tranfparence. 

Intérieurement  elle  eft  polie  &  luifnntc  , 
mais  au  dehors  fa  furface  efl  hérifléc  vers^ 
l'extrémité  d'un  grand  nombre  de  pointes 
pliéesen  cornets  ou  en  tuyaux  cylindriques 
tort  minces  ,  de  même  nature  que  la  co- 
quille ,  longs  de  quatre  à  cinq  lignes ,  & 
relevés  en  angle  de  quarante  cinq  degrés. 
Ces  pointes  en  tuyaux  doivent  leur  origine 
aux  crenelures  du  manteau  de  l'animal  ,  & 
quoiqu'elles  paroilîcnt  fans  ordre  ,  au  pre- 
mier abord  ,  ;\  cauiè  du  petit  nombre  des 
grandes  qui  ie  montrent  à  leur  extrémité  , 
néanmoins  en  examinant  de  près  les  vefti- 
ges  des  premières  qui  ont  été  ufécs  ou 
briiées  ,  on  voit  qu'elles  étoient  difpofées 
fur  quinze  ou  vingt  rangs  parallèles  à  la 
longueur   de  la  coquille. 

Le  ligament  qui  attache  les  deux  bat- 
tans ,  s'étend  depuis  le  fommet  jufqu'aux 
trois  quarts  de  leur  longueur,  vers  l'extré- 
mité fupérieure.  On  ne  diftingue  aucune 
dent   à  la  charnière. 

L'animal  qui  remplit  cette  coquille  ,  a 
fon  manteau  bordé  d'environ  trente  crene- 
lures fort  larges  ,  au  lieu  des  filets  qu'ont 
les  autres  efpeces. 

U/ages.  Les  Nègres  font  la  pêche  de 
Vapan  ,  en  plongeant  dans  le  fond  de  la 
mer  ;  ils  le  détachent  avec  un  couteau  des 

Ai 


4  A  P  A 

rochers  où  il  eu  colle  par  un  grand  nom- 
bre de  fils,  aflez  femblables  à  ceux  auxquels 
les  anciens  donnoient  le  nom  de  byjjus  , 
mais  plus  courts.  Sa  chair  efl:  très-bonne  , 
fur-tout  lorlqu'clle  efl  cuite  &  apprêtée;  elle 
eft  fort  goûtée  des  Européens  &  des  naturels 
du  Pays.  {M.AdansoN.  ) 

APANAGE  ,  f  m.  ou  ,  comme  on  difoit 
autrefois ,  APPENN AGE , .  (  Hift.  mod.  ) 
terres  que  les  fouverains  donnent  i^  leurs 
puînés  pour  leur  partage  ,  lefquelles  font 
reverflbles  à  la  couronne  ,  lautc  d'enfans 
mîiles  dans  la  branche  à  laquelle  ces  terres 
ont  été  données.  Ducange  dit  que  dans  la 
baffe  latinité  on  difoit  apaiure  ,  apanamen- 
nim  ,  &  apanagium ,  pour  défigner  une  pen- 
lïon  ou  un  revenu  annuel  qu'on  donne 
aux  cadets  ,  au  lieu  de  la  part  qu'ils  de- 
vroient  avoir  dans  une  feigncurie  ,  qui  ne 
doit  point ,  fuivant  les  loix  &  coutumes, 
fè  partager  ,  mais  rerter  indivife  à  l'ainé. 
HofEnan  &  Monet  dérivent  ce  mot  du 
celtique  ou  allemand  ,  &  difent  qu'il fignilîe 
exclure  &  forclorre  de  quelque  droit;  ce 
qui  arrive  à  ceux  qui  ont  des  apanages  , 
puifqu'ils  font  exclus  de  la  fucceilion  pa- 
ternelle. Antoine  Loyfel  ,  cité  par  Ménage, 
croit  que  le  mot  apanager  vouloit  dire 
autrefois  donner  des  pennes  ou  plumes ,  &: 
des  moyens  ,  aux  jeunes  fcigneurs  qu'on 
chaflbit  de  la  maifon  de  leurs  pères  ,  pour 
aller  chercher  fortune  ailleurs ,  foit  par  la 
guerre ,  ioit  prr  le  mariage. 

Nicod  &  JMénage  dériver.t  ce  mot  du 
latin /'a/7Ù  ,  pain  ,  qui  fouvent  comprend 
auflî  tout  l'accelioire  de  la  lubfirtance. 

Quelques-uns  penfent  que  les  apanages, 
dans  leur  prem.îcre  inflitution  ,  ont  été  feu- 
lement des  penfions  ou  des  paiemcns  an- 
nuels d'une  certaine  fomme  d'argert. 

Les  puînés  d'Angleterre  n'ont  point  û'.t- 
panage  déix^rminé  comme  en  France ,  inais 
feulement  ce  qu'il  plaît  au  roi  de  kur 
donner.    Voye^  PrincE  ,  Ùc. 

En  France  même ,  fous  les  rois  de  la 
première  &  ceux  de  la  féconde  race ,  le 
droit  de  primogtniture  ou  d'aincfTc  ,  & 
celui  lï apanage  ,  étoient  inconnus  ;  les  do- 
maines étoicnt  à-pcu-prcs  également  par- 
tagés entre  tous  les  enhms.  Voye:^  PriMO- 

cÉNiTURE  &  Aînesse. 
Mais  cuirnne  il  cn.naillbit  de   grands 


A  P  A 

inconvéniens ,  on  jugea  dans  la  fuite  qu'il 
valoit  micLLX  donner  aux  cadets  ou  puînés 
des  comtés ,  des  duchés  ,  ou  d'autres  dé- 
partemens  ,  à  conduion  de  foi  &  hom- 
mage ,  &  de  réverjlon  à  la  couronne  à  dé- 
faut d'héritiers  mâles  ,  comme  il  efl  arrivé 
à  la  première  &  à  la  féconde  branche  des 
ducs  de  Bourgogne.  A  prélent  même  les 
princes  apanagilles  n'ont  plus  leurs  apana- 
ges en  iouveraineté  :  ils  n'en  ont  que  la 
jouilïance  utile  &  le  revenu.  Le  duché 
d'Orléans  efl  l'apanage  ordinaire  des  fé- 
conds fils  de  France  ,  à  moins  qu'il  ne  foit 
déjà  polfédé  ,  comme  il  ell  aélucUement , 
par  un  ancien  apanagifle. 

On  ne  laifle  pas  d'appeller  auffi  impro- 
prement apaihage ,  le  domaine  même  de 
l'héritier  prélbmptif  de  la  couronne  ;  tel 
qu'efl  en  France  le  Dauphiné  ;  en  Angle- 
terre la  principauté  de  Galles  ;  en  Efpagne 
celle  des  Ailuries;  en  Portugal  celle  du 
Brcfil ,  ÊV. 

On  appelle  aufll  apanage  ,  en  quelques 
coutumes  ,  la  portion  qui  eil  donnée  à  un 
des  enfans  ,  pour  lui  tenir  lieu  de  tout  ce 
qu'il  pourroit  prétendre  à  la  fucceilion. 
■  Paul  Emile  a  remarqué  que  les  apanages 
font  une  invention  que  les  rois  ont  rappor- 
tée des  vovaçes  d'outre  -  mer.  (  G-  H.) 
AP  AN  AG  ÎSTE,  f.  m.  terme  de  droit,  ell 
celui  qui  polTèdedesfiefsou  autres  domaines 
en  apanage.  ^^'0)'^:^  APANAGE,  (i/.  ) 

APANORMLA ,  {Gcogr.)  ville  de  l'ilc 
de  Santorin  ,  dans  les  plages  de  la  Méditer- 
ranée ,  que  l'on  nomme  en  cet  endroit  mer 
de  Candie.  Elle  a  un  porr  très- fpacieux, 
en  forme  de  deirii-lu.ie  ^  mais  lî  profond 
qu'il  efl  impoflible  aux  vaifleaux  de  s'y 
mettre  à  l'ancre.   (  C.  A.  ) 

*  APANTAo:/  APANTE,  {Gcog.rnod.) 
province  de  la  terre  ferme  de  l'Amérique 
méridionale  ,  entre  le  lac  de  Parimé  &  la 
rivière  des  Amazones  ,  à  l'occident  de  la 
province  de  Caropa. 

*  AP AR AQUA ,  (  Hifi.  nat.  bot.)  efpece 
de  br\'one  qui  croît  au  Brelil.  Ray  ,  HiJ}. 
Plant. 

*  APARIA  ,  {Ge'og.  mod.)  province  de 
l'Amérique  méridionale  au  Pérou  ,  près  de 
la  rivière  des  Amazones ,  &  de  l'endroit  oi'i 
elle  reçoit  le  Curavaic  au  nord  des  Paca- 
mores. 


A  P  A 

APARNI,  (G/ojrrJancien  peuple  d'Afie, 
voifin  tks  H}  rcanicns  ,  vers  les  bords  de  la 
mer  Calpienne,  On  croit  que  ce  font  les 
Dais  d'aujourd'hui  ,  mieux  connus  Ibus  le 
nom  de  Petits  Nogais.  (C.  yi.) 

A  PART  ,  {Littéral.)  ou  ,  comme  on 
dit ,  à  pane  ,  terme  latin  qui  a  la  même 
■fignification  que  feorjim  ,  &  qui  eft  aflfèélé 
à  la  poéfie  dramatique. 

A  PARTE  ,  i".  m.  (Belles-Lettres.)  c'efl 
une  des  licences  accordées  à  l'art  dramatique. 
La  vrallcmblance  en  efl  fondée  iur  cette  iiip- 
pofition  ,  ians  laquelle  il  n'y  auroit  nulle 
vraJlemblance  dans  la  repréi'cntation  théâ- 
trale, que  le  Ipeftateur  n'y  eft  préfent  qu'en 
efprit.  Cela  poié  ,  tout  ce  qu'on  a  dit  contre 
Y  à  pane  tombe  de  lui-même.  Il  elt ,  fans 
doute ,  réellement  impofllble  que  Fadeur 
qui  le  lait  entendre  des  Ipedateurs  ,  ne  foit 
pas  entendu  des  adcurs  avec  Iciquels  il  eft 
en  fcene  ;  mais  dans  l'hypothefe  tacitement 
convenue ,  les  fpeâateurs  ne  font  point  là  , 
ils  ne  {ont  point  à  telle  diftance  ,  ils  font 
phyliquement  abiens  ,  leur  prélence  n'eft 
qu'idéale  ;  car  fi  on  les  luppoloJt  là  ,  ils 
lèroient  vus  ,  on  n'agiroit  point  ,  on  ne 
parleroit  point  en  leur  prélence  ;  on  parlc- 
roit  d'eux  ,  avec  eux.  Il  y  a  donc  dans  cette 
hypothefe  ablènce  réelle  des  témoins  de 
l'adion.  Or  le  fpeûateur  préfent  en  efprit , 
eft  cenfé  entendre  la  voix  de  fadeur , 
quelque  foible  &  bas  qu'en  loit  le  ion  ,  & 
lors  même  qu'd  n'eft  pas  entendu  des  per- 
lonnages  qui  font  en   Icene, 

C'eft  cette  hypothefe  qu'on  a  perdu  de 
vue  ,  lorlqu'en  mefuranc  les  diftances  ,  on 
a  regardé  comme  une  invrailemblance  théâ- 
trale ,  qu'un  adcur  tût  entendu  de  loin  & 
ne  le  fût  pas  de  plus  près.  Voye\  UnitÉ. 
{M.  Marmontel.) 

Au  fujet  des  à  parte  ,  nous  rapporterons 
une  anecdote  connue  ;  elle  pourra  fournir 
une  réflexion  utile.  Racine  ,  Molière  & 
la  Fontaine  étoient  amis  ,  comme  on  iait; 
raflemblés  un  jour  ,  la  converlation  tomba 
Iur  les  à  parte  :  la  Fontaine  en  foutenoit 
l'ufage  abiurde  &  contraire  à  toute  vrai- 
femblance;  Racine  le  défendoit  ;  la  difpute 
devint  vive  :  un  entant  ,  un  homme  natu- 
rel s'échauffe  ailément  ;  Molière  profitant 
de  ce  moment  d'agiration  de  la  Fontaine  , 
cria  à  pluficurs  reprifes  :  la  Fontaine  eft  un 


A  P  A  y 

coquin  ,  fans  que  celui-ci  l'entendit  :  la  Forw- 
taine  ayant  fu  [\i  parte  de  Molière  ,  fe 
conteflà  vaincu. 

Cette  anecdote  prouve  fins  doute  ,  que 
les  ci  parte  iont  quelquefois  dans  la  vrai- 
iemblance ,  même  dans  la  nature  ;  mais  elle 
montre  auill  qu'on  ne  peut  en  faire  ufîige 
avec  iuccès  que  dans  ks  momens  où  l'ac- 
tion ,  pleine  de  chaleur  &  de  mouvement, 
entraîne  également  fadeur  &  le  fpedateur  ; 
rien  donc  de  plus  faux  &  de  plus  ridicule 
que  la  manière  ordinaire  de  rendre  les  à 
pane  Iur  la  fcene  ,  où  fadeur  paroi't  tou- 
jours s'adrelTcr  au  fpedateur  &  lui  parler 
confidemment  ,  tandis  qu'il  ne  dcvroif 
s'occuper  ,  ni  du  fpedateur  ,  ni  de  foi , 
mais  uniquement  de  l'objet  qui  le  frappe, 
du  lentiment  qui  l'émeut.  Il  eft  bien 
lurprenant  que  ks  filflets  des  ipedateurî 
n'aient  pas  encore  averti  les  adcurs  de  Cv; 
contre-lens  abiurde.   (L) 

APATHIE  ,  f  f.  compofé  d'i  privatif, 
&  dsTaSof ,  pajjion  ,  fjgnifie  ,  dans  un  fens 
moral  ,  infenhbilité  ou  privation  de  tout 
lentiment  paiOonné  ,  ou  trouble  d'elprit. 
rojei  Passion.^ 

Les  ftoïciens  attedoient  une  entière  apj~ 
thie  ,•  leur  iage  devoit  jouir  d'un  calirie, 
d'une  tranquillité  d'efprit  que  rien  ne  pût 
altérer,  &  n'être  accelllble  à  aucun  fenti- 
ment  foit  de  plaiiir  ou  de  peine.  V^oje-^ 
Stoïcien  ,  Plaisir,  &  Peine. 

Dans  les  premiers  fiecles  de  l'églifc  les 
chrétiens  adoptoient  le  terme  d'apathie  , 
pour  exprimer  le  mépris  de  tous  les  inté- 
rêts de  ce  monde  ,  ou  cet  état  de  morti- 
fication que  prefcrit  l'évangile  ;  d'où  vient 
que  nous  trouvons  ce  mot  fréquemment 
employé  dans  les  écrivains  les  plus  pieux. 

Clément  d'Alexandrie  ,  en  particulier ,  le 
mit  fort  en  vogue  ,  dans  la  vue  d'attirer  au 
chriftianifme  les  phiîolophes  qui  aijjiroient 
à    un  degré  de  vertu  fi  fui^liaie. 

Le  quictilme  n'eft  qu'une  apathie  maf- 
quée  des  apparences  de  la  dévotion.  Voye:^ 
QUIÉTISME,    (  X  ) 

APATI,  (  G^ogr.  )  petite  ville  de  Hon- 
grie, dans  le  comté  de  Jarmar.  Elle  eft  fur  la  ri- 
vière de  Caraina ,  au  iud  du  Tibifer  ,  à  l'eft  i!u 
petit  Varadin  ,  &  au  nord-oueft  deSamos. 
Long.  4^  ,  ^o  ;  lat.  48  ,  f.  (C.  y1) 

APATURIES ,  f.  f.  (  Htjt  anc  Mjth. } 


fcre  folemnellc  célébrée  par  les  Athéniens  en 
l'honneur  de  Bacchus.  Vojei  Fete. 

Ce  mot  vient  du  grec  ayrar»  ,  fraude  ,*  & 
l'on  dit  que  cette  tête  fut  inflitULx;  en  mé- 
moire d'une  trauduleule  vidoire  que  Mc- 
lanthus,  roi  d'Athènes  ,  avoit  remportée  (ur 
Xanthus  ,  roi  de  Béotie  ,  dans  un  combat 
llnguher  dont  ils  étoient  convenus  pour 
terminer  un  débat  qui  régnoit  entr'cux  , 
au  fujet  des  frontières  de  leurs  pays  ;  d'où 
Budée  l'appelle /f^wm  deceptionis  ,  la  fête 
de  la  tromperie. 

D'autres  écrivains  lui  donnent  une  dif- 
férente étymologie  :  ils  difent  que  les  jeu- 
nes Athéniens  n'étoient  point  admis  dans 
les  tribus  ,  le  troifieme  jour  de  Vcipaturie  , 
que  leurs  mères  n'eufTent  juré  qu'ils  en 
étoient  vraiment  les  percs  ;  julqu' alors  tous 
les  enfcins  étoient  réputés  en  quelque  façon 
llinspere  ,  inxjofn  ,  circonftance  qui  don- 
noit  le  nom  à  la   fête. 

Xénophon  ,  d'ailleurs ,  nous  dit  que  les 
parens  &  les  amis  s'affjmbloient  à  cette 
occafion  ,  fe  joignoicnt  aux  pères  des  jeu- 
nes gens  que  l'on  devoit  recevoir  dans  les 
tribus ,  &  que  la  fête  tiroit  fon  nom  de 
cette  alTcmblée  ;  que  dans  iTaroûcfa ,  l'a  , 
bien  loin  d'être  privatif ,  efl  une  conjonc- 
tion ,  &  lignifie  même  chofe  que  cij.ov  , 
enfemble.  Cette  fête  duroit  quatre  jours  :  le 
premier  ,  ceux  de  chaque  tribu  fe  divertif- 
foient  enfemble  dans  la  leur ,  &  ce  jour 
s'appelloit  i'ôfTria  :  le  Iccond  ,  qui  fe  nom- 
moit  xv{ic(çu!ri! ,  on  flicrifioit  à  Jupiter  &  à 
Ivlincrve  :  le  troifieme  ,  Kou^iûvrU  ,  ceux  des 
jeunes  gens  de  l'un  &  de  l'autre  fexe  qui 
avoient  l'âge  requis ,  étoient  admis  dans 
les  tribus  :  ils  appelloient  le  quatrième 
jour  sx/CcTi. 

Quelques  auteurs  ont  mal-.\-propos  con- 
fondu les  apaturies  avec  les  faturnales  ,  puif- 
quc  les  fêtes  appellées par  les  Grecs  >tpj./*, 
qui  répondent  aux  faturnales  des  Romains  , 
arrivoient  dans  le  mois  de  décembre  ,  & 
que  les  apaturies  fe  célébroient  en  novem- 
bre.  (G) 

_  APATUROS  ,  (Geogr.)  nom  d'un  an- 
cien bourg  de  la  prcfqu'ilc  de  Corocc>n- 
dama  ,  entre  le  Pont  -  Euxin  &  le  Palus 
Mcotide.  Vénus  y  avoit  un  temple  où  elle 
ëtoit  adorée  fous  le  nom  de  Trompeufe  , 
parce  qu'elle  avoit    ufc    d'ai-tificc    dans   la 


APE 

"guerre  des  dieux  contre  les  génns.  (  C.  A.\ 
APAVORTEN  ,  (  Géogr.  )  nom  d'une 
contrée  d'Afie  très-fertile  &  très-agréable  , 
dans  le  Mawaralnahra ,  A  l'orient  de  la  mer 
Calpienne.  C'efllà  qu' Arface ,  reitauratcur 
de  l'empire  des  Parthes  ,  fit  bâtir  Dara  ou 
Daraum.  (C.  A.) 

*  APEIBA,arbre  du  Brefil  qu'on  décric 
ainfi  :  arbor  pomifera  Brajdienfis,  frucht 
hifpido,  pomi  magnitudine )  feminibus plu- 
rimis minirn'is; apcibaBraJilienJibus.  Marg. 

Le  Iruit  n'elî  d'aucun  uiagc  ;  le  bois  fert 
;\  faire  des  bateaux  de  pêcheurs  ,  &  des 
radeaux.  Ray  ,  Hifior.  plant. 

APELLITES  ,f.  f.  pi.  du  latin  appdUtx^ 
(  TAfo/.  )  hérétiqu.s  qui  parurent  dans  le 
iecond  iiecle  ,  &  qui  tirent  ce  nom  d'Apel- 
lesleur  chef ,  dilciple  de  Marcion.  Ils  ibu- 
tenoient  que  Jelus-Chrift  n'avoit  pas  eu 
(èulement  l'apparence  d'un  corps  ,  comme 
difoit  Marcion  ,  ni  une  véritable  chair  ; 
mais  qu'en  delcendnnt  du  ciel  ,  il  s'étoic 
lait  \in  corps  célefte  &  aérien  ,  &  que  dans 
lonalcenfion  ce  corps  s'étoit  rcf  )lu  en  l'air  , 
cni'ortc  que  l'efprit  feul  de  J.  C.  étoit  re- 
tourné au  ciel.  Ils  nioient  encore  la  rélur- 
reélion  ,  &  profeiloient  la  même  dodrine 
que  les  marcionites.  Fbyf;^  ASCENSION  & 
Marcionites.  (  G) 

APÉNÉ,iHift.  a/2C.)char  attelé  de  deux 
t)U  de  quatre  mules ,  mis  en  uiage  dans  les 
jeux  olympiques  par  les  Eléens  ;  qui  s'en 
dégoûtèrent  enfuite ,  foit  parce  qu'il  ne  pro- 
duifoit  pas  un  bel  effet  ,  ioit  parce  qu'ils 
avoient  en  horreur  les  mules  &  les  mulets  , 
&  qu'ils  n'en  élevoient  point  chez  eux. 
Pauîànias  traite  cette  invention  de  moder- 
ne ,  par  rapport  aux  jeux  olympiques  ;  car 
Sophocle  dit  que  Laïus ,  dans  le  voyage 
où  il  fut  tué  ,  montoit  un  char  traîné  par 
deux    mules  ,   à  Trînw  ■rrahiXl'    {G  ) 

*  APENNIN,  adj.  pris  fublt.  {Geog. 
anc.  &  mod.  )  chaîne  de  montagnes  qui  par- 
tage l'Italie  dans  toute  fa  longueur  ,  depuis 
les  Alpes  jufqu'à  l'extrémité  la  plus  méridio- 
nale du  royaume  de  Naples.  Prefque  toutes 
les  rivières  d'Italie  y  prennent  leur  (ource. 

'^APENRADEo^APENRODE,  {Geog, 
mod.)  petite  ville  de  Danemark  ,  dans  la 
préfefturc  de  même  nom  &  le  duché  de 
SlefN^rick ,  au  fond  d'un  golfe  de  la  mer 
Baltique.  Long,  zy  3  i  i  lat.  S5>4- 


A  P  E 

AFEPSIE,  f.  f.  formé  d'i  prîvatif,    &  ' 
de  TÎTrla  ,  digérer  ,   fignifie  en  médecine  , 
crudité,  indigcftion.  Fqye;;  DIGESTION. 

Uapepjie  peut  fe  définir  un  défaut  d'ap- 
pétit ,  qui  cmpcche  que  l'aliment  pris  ne 
fourniile  un  chyle  propre  à  former  le  f;'ng 
&  nourrir  le  corps.  ï^ojq  NOURRITURE  , 

EsToiJiAC,  Chyle,  Sang,   Nutri- 
tion ,    &L.    (N) 

APERANTES  ,  (  Géogr.  )  peuple  de 
l'ancienne  Grèce  ,  auquel  certains  auteurs 
donnent  une  ville  &  d'autres  une  province 
poLir  patrie.  On  auroit  eu  vrailcmblable- 
ment  quelque  choie  de  plus  certain  à  cet 
égard  ,  11  on  n'eût  rien  perdu  des  livres  de 
l'hiflorien  Polybe,  qui  a  dit  quelque  chofe 
des  Aperantes.  (C.  A.) 

APERCHER  ,  V.  ad.  terme  d'Oifeleur; 
c'eft  remarquer  l'endroit  où  un  oifeau  le 
retire  pour  y  pafler  la  nuit  :  on  dit  j'ai 
aperché  un  merle. 

*  APERITIFS  ,adj.  pi.  m.  {Médecine.) 
On  donne  cette  épirhete  à  tous  les  médi- 
camens  ,  qui  confidérés  relativement  aux 
parties  folides  du  corps  humain ,  rendent 
le  cours  des  liqueurs  phjs  libre  dans  les 
vaiireaux  qui  les  renferment ,  en  détruifant 
les  obilacles  qui  s'y  oppofeat.  Cet  eflet 
peut  être  produit  par  tout  ce  qui  entre- 
tient la  foupleflè  &  la  flexibilité  des  fibres 
dont  les  membranes  vafculaires  font  com- 
pofées.  On  doit  mettre  dans  cette  clafle  les 
émoUiens  &  les  rclâchans  ,  lur-tout  ii  l'on 
anime  leur  aftion  par  l'addition  de  quel- 
que llibftance  laline  ,  adive  &  pénétrante , 
&  qu'on  les  emploie  dans  un  degré  de  cha- 
leur qui  ne  foit  pas  capable  de  dilFiper  leurs 
parties  les  plus  volatiles.  Ces  médicamens 
opèrent  non  feulement  fur  les  vailTeaux, 
mais  encore  fur  les  liqueurs  auxquelles  ils 
donnent ,  en  s'y  mêlant ,  un  degré  de  fluidité 
qui  les  tait  circuler.  Les  apéritijs  convien- 
nent dans  tous  les  cas  où  l'obflrudion  efl 
ou  la  caufe  ou  l'effet  de  la  maladie  ;  ainii 
Icurufage  eft  très-falutaire  dans  la  fièvre  de 
lait  qui  lurvient  aux  femmes  nouvellement 
accouchées  dans   le  période  inflammatoire 


A  P  E  7 

de  la  petite  vérole  ,  ou  dans  le  temps  de 
l'éruption  :  &  les  évacuans  peuvent  être 
compris  fous  le  nom  général  ^''apéritifs  , 
parce  qu'ils  produifcnt  l'effet  de  ces  der- 
niers ,  par  la  façon  dont  on  les  adminiflre 
&  le  lieu  où  on  les  applique.  Dans  ce 
iens  ,  les  diurétiques  ,  les  ludorifiques , 
les  diaphorétiqu.'S ,  les  cmménagogues , 
les  fuppuratils  ,  les  corrofifs  ,  les  caufti- 
ques,  &c.  appartiendront  à  la  même  clafle. 
On  y  rangera  encore  les  réfolutits  ,  qui , 
divilant  les  humeurs  épailfcs ,  &  les  forçant 
de  rentrer  dans  leurs  voies  naturelles  ,  font 
à  cet  égard  l'ofîîce   d'apéritifs.. 

On  compte  cinq  grandes  racines  ape'ri- 
tifes.  Ces  cinq  racines  iont  celles  d'ache  , 
de  fenouil  ,  de  perfil ,  de  petit  houx,  d'al-- 
perge  ;  elles  entrent  dans  le  firop  qui  en 
porte  le  nom  ;  elles  poulîent  par  les  urines 
&  par  les  règles  ;  elles  font  d'un  grand 
ulage  ;  on  en  fait  des  conlerves  ;  des  eaux 
diilillées,  &  le  firop.. 

Sirop  des  cinq  racines  Prenez  des  racines- 
d'ache,  de  fenouil,   de  perfil,   de  houx,, 
d'afperge  ,   de  chacune  quatre,  onces.  Fai- 
tes-les   cuire    dans    quatorze   livres    d'eau 
commune  ,  réduites  à  huit  livres.  Pafléz  la 
décoécion  ,   &  y  ajoutez  fucre  cinq  livres.. 
Clarifiez  &  faites  cuire  le  tout-  en  confif-- 
tance  de  firop.   On   tire  de  ces  racines  par 
la  diflillation    une    eau    avec    laquelle    oni 
pourroit  faire  le  firop.  (a)  (N.) 

*  APETOUS.oH  APETLiBES ,  (  Geog. 
Si  Hift.)  peuples  de  l'Amérique  méridio- 
nale dans  le  Bréfil,.  aux  environs  du  gou— - 
vernement  de  PuenoSeguro.. 
:     *  APEX,  (  Hift.  anc.  )  bonnet  à  Tufage- 
des  Flamines  &  des  Saliens.  Pour  qu'il  tînt 
bien  fur  leur  tête,  ils  l'att^choient   fous   le 
menton  avec  deux  cordons. . 
:     Sulpitius,  dit  Valere  MaxiiTie ,  fut  deffi— 
tué   du    fiicerdoce  ,    parce    que  ïapex  lui 
tomba  de  la  tête    pendant  qu'il    lacrifioir, . 
Selon  Servius  ,  X'apex  étoit  une  verge  cou- 
verte de  laine  qu'on  mettoit  au  iommet  du 
bonnet    des  Flamines.   C'efl  de-là  que   le 
bonnet  prit  fon  nom  ;   &  les  prêtres  même,. 


(fl)  La  décoftion  dts  racines  participe  à  la  plupart  dts  vfrtwt  de  cet  plances  donc  les  principes  font  fixei  ou  tout 
aii  moinj  peu  volatils.  L'eau  dillillée  ,  au  contraire  ,  n'entraîne  avec  elle  qu'un  peu  de  partie  aromatique  peu 
méJicamentcufe  ,  fur-tout  i  titre  d'apéritif.  On  fcro't  donc  bien  troirfé  en  fubftituant  cette  eau  à  la  décoiSisn 
ebatgée    d;  l'extt».;  dç  cei  lacioci,   fi  l'on  prc'tcodoit  y  uouvei  le»  mêmes  profiiciéj.  {  M.  La  fofle.  )^ 


8 


A  P  H 


qu'on  appella  F/j/n/'/îfj- ,  comme  qui  diroit 
Filamines  ,  parce  que  la  verge  couverte 
de  laine  étoit  attachée  au  bonnet  avec 
un  fil  :  il  n'eft  pas  belbin  d'avertir  le  ledeur 
de  la  futilité  de  ces  fortes  d'étj-mologies. 

APHACA,  {Hifl.  nar.  hot.)  genre  de 
plante  à  fleur  papilionacée.  Il  s'élève  du 
fond  du  calice  un  piilil  qui  devient  dans 
la  fuite  une  goufle  remplie  de  fcmences  arron- 
dies. Ajoutez  aux  caraûercs  de  ce  genre, 
que  fes  feuilles  naiïïent  deux  à  deux  à  chaque 
nœud  des  tiges  ,  &  que  ces  mêmes  nœuds 
produifent  chacun  une  main.  Tournefort , 
Jnfl.  rei  herb.    Foyf;;  PLANTE.  (/.) 

*  APHACE  ,  (  Géog.  anc.  )  lieu  dans  la 
Palefline  ,  entre  Bibles  &  Perfepolis ,  où 
Vénus  avoit  un  temple  ,  &  étoit  adorée 
fous  le  nom  de  Vénus  aphacite  ,  par  toutes 
fortes  de  lafcivetés  auxquelles  les  peuples 
c'abandonnoient ,  en  mémoire  des  carefl'es 
que  la  déefle  avoit  prodiguées  dans  cet 
endroit  au  bel  Adonis. 

*  APHACITE,  {Mythologie.)  Çmnom 
de  Vénus.  Voye\  ApHACE.  Ceux  qui  ve- 
noient  conRilter  Vénus  aphacite  jetoient 
leurs  offi-andes  dans  un  lac  proche  Aphace  ; 
fi  elles  étoient  agréables  à  la  déefle  ,  elles 
alloient  à  fond  ;  elles  furnageoicnt  au  con- 
traire ,  fût-ce  de  l'or  ou  de  l'argent ,  fi  elles 
étoient  rejetées  par  la  déefle.  Zozime,  qui 
fait  mention  de  cet  oracle  ,  dit  qu'il  fiit 
confulté  par  les  Palmyriens ,  lorfqu'ils  fe 
révoltèrent  contre  l'empereur  Aurelien  ,  &; 
que  leurs  préiens  allèrent  à  tond  l'année 
qui  précéda  leur  ruine ,  mais  qu'ils  furna- 
gerent  l'année  fuivante.  Zozime  auroit  bien 
fait  de  nous  apprendre  encore ,  pour  l'hon- 
neur de  l'oracle ,  de  quelle  nature  étoient 
les  préiens  daas  l'une  &  l'autre  année; 
mais  peut-être  éroient-ils  néceflTairement 
de  plumes  quand  ils  dévoient  furnager ,  & 
nécefl;ii  ement  de  plomb  quand  ils  dé- 
voient defcendre  au  tond  du  lac  ,  la  déefle 
inlpirant  à  ceux  qui  venoicnt  la  confulter  , 
de  lui  taire  des  préiens  tels  qu'il  convcnoit 
fl  la  véracité  de  tes  oracles. 

*APHyEREMA,  (Géog.  anc.  &f^cr.) 
contrée  &  ville  fituée  tur  les  frontières  de  la 
Judée  &  de  la  Samarle  ,  dans  la  partie  occi- 
dentale de  la  tribu  d'Ephraïm,  &  nom  propre 
d'une  des  trois  Toparchies  que  les  rois  de 
5yrie  ajoutèrent  il  U  Judée. 


A  P  H 

^  APHAR  ou  Al-fara  ,  (  Géog.  )  ville 
d'Afie  dans  l'Arabie  Heureufe ,  entre  Mé- 
dine  &  la  Mecque.  Elle  ei\  fituée  fur  une 
rivière  qui  porte  le  même  nom.  Cette  ville 
cft  très-ancienne  ;  il  en  efl  fait  mention 
dans  les  anciens  auteurs  Arabes.  On  ne  la 
connoît  aujourd'hui  ,  dans  le  pays  ,  eue 
fous  le  nom  à'Al-Fara. 

*  APHARA  ,  (Hifi.  anc.  ù  fac.  )  ville 
de  la  tribu  de  Benjamin. 

*  APHARSEKIENS  ou  ARPHASA- 
CHIENS  ,  (Géogr.  Ù  Hift.fa-.r.)  peuples  de 
Samarie  ,  venus  d'une  contrée  fituée  entre 
le  Tigre  &  l'Euphrate  :  on  dit  qu'ils  s'op- 
poferent  à  la  réédification  du  temple  ,  après 
la  captivité  de  Babylone. 

APHAS  ,{Géog.)  rivière  de  la  Moloffide, 
au  midi  de  l'Epire.  Les  anciens  lui  donnoient 
fa  lource  dans  le  Lacraon  ,  l'un  des  fommets 
du  Pinde  :  c'efl  vrail'emblablemcnt  la  même 
que  Pline  nomme  ApUas.  {C.  A.) 

*  APHEA ,  f  f.  (  Mythol.  )  divinité  ado- 
rée par  les  Cretois  &:  par  les  Eginetes  ;  elle 
avoit  un  temple  en  Crète.  Aphea  ,  avant 
que  d'être  déefle  ,  tiit  uneCrétoife  ,  appellée 
Britomartis ,  que  fa  paillon  pour  la  chafl"e 
attacha  à  Diane.  Pour  éviter  la  pourfuite  de 
Minos  qui  en  étoit  éperdument  amoureux  , 
eHe  fe  jeta  dans  la  mer ,  &  fut  reçue  dans 
des  filets  de  pêcheurs.  Diane  récompenia 
fa  vertu  par  les  honneurs  de  l'immortalité. 
Britomartis  apparut  enfuite  aux  Eginetes 
qui  l'honorèrent  fous  le  nom   ai  Aphea. 

_  *  APHEC,  (  Géog.  anc.  Ùfac.  )  Il  y  efl 
tait  mention  de  quatre  lieux  diiiérens  en 
Judée  fous  ce  nom  :  l'un  fut  une  ville  de 
la  tribu  d'Afer  ;  l'autre  une  tour  près  d'An- 
tipatride  ;  le  troifieme  ,  une  autre  ville  autG 
de  la  tribu  d'Aler  ,  le  quatrième  ,  une  ville 
de  la  tribu  de  Juda. 

APHELIE ,  f.  m.  C'efl ,  en  Aftwnomle , 
le  point  de  l'orbite  de  la  terre  ou  d'une 
planète  ,  où  la  dillance  de  cette  planète  au 
ibleil  elt  la  plus  grande  qu'il  cil  pollible. 
vcyei  Orbite. 

Aphélie  efl  compofé  de  ct-rl ,  longé  ,  & 
de  tiA/of ,  fol  ;  ainfi ,  lorfqu'une  planète  efl 
en.  A  }  planche  d'Aftwn.  fig.  i .  comme  la 
diftance  au  foleil  S  ,  ell  alors  la  plus  grande 
qu'il  efl  poflible ,  on  dit  qu'elle  efl  A  ton 
aphélie.    Kojf:{  PLANETE  ,   SOLEIL  ,  &C. 

Dans  le  fyfième  de  Ptolomée  ,  ou  dans 

k 


A  P  H 

la  fupporuion  que  le  folcil  le  meut  autour 
de  I.i  ren'c  ,  Tjphc'Iie  devient  Vapo^^e'e.  L'a- 
phélie  cil  le  point  diamétralement  oppolé 
au  périhélie.  Les  aphélies  des  planètes  pre- 
mières ne  lont  point  en  repos  ;  car  l'aétion 
mutuelle  qu'elles  exercent  les  imes  fur  les 
autres  ,  fait  que  ces  points  de  leurs  orbes 
loatilansun  mou\emcnt  continuel ,  lequel 
cil  plus  ou  moins  ienlible.  Ce  mouvement 
iè  fait  in  confequentia  ,  ou  félon  l'ordre 
des  lignes  ;  il  cA  ,  félon  M.  Ne W  ton  , 
en  railoa  feiquipliquée  des  dillances  de 
ces  planètes  au  loleil ,  c'cil-à-dire  ,  com- 
me les  racines  quarrées  des  cubes  de  ces 
dilbnces. 

Si  donc  V aphélie  de  mars  lait  35  m'unî- 
tes ,  ielon  l'ordre  des  lignes ,  relativement 
aux  étoiles  hxes  dans  l'elpace  de  100  ans; 
les  aphélies  de  la  terre  ,  de  venus  &  de 
mercure  ,  teront  dans  le  même  fens  &  dans 
le  mime  intervalle  de  temps  18  minutes 
3*5  lecondes ,  n  minutes  2.7  fécondes,  & 
4  minutes  29  fécondes. 

Cependant  le  mouvement  de  Vaphélie 
des  planètes  étant  peu  confidcrable,  il  n'eit 
pas  encore  partaitcment  bien  connu  6lQs 
alh'onomes.  Par  exemple  ,  lèlon  M.  New- 
ton ,  le  Uiouvement  de  Vaphélie  de  mer- 
cure efl  plus  grand  qu'on  ne  l'avoir  fiip- 
polé  jufqu'à  lui.  Ce  mouvement  ,  déduit 
de  la  dieorie  ,  crt  de  i<*  27'  20"  en  100 
ans  ,  à  railon  de  52"  &  un  deuxième  par 
année. 

Les  auteurs  font  encore  bien  moins 
d'accord  iur  le  mouvement  de  Vaphélie  de 
iaturne.  M.  Newton  a  fait  d'abord  celui 
de  mais  de  i^  58'  &  un  tiers  en  100  ans  , 
&  il  l'a  enfuite  établi  de  33'  20".  Voye\ 
Mars  ,  Saturne  ,  Vknus  ,  &c.  Inft. 

Ajîron.  de  M.  le  Moiuiier. 

Le  doâeur  Hallav-  a  donné  une  méthode 
pour  trouver  géométriquement  Vaphélie  des 
planètes.  Tranfaâ.  Philof.  72".  i  z8. 

Kepler  place  Vaphélie  de  faturnc  pcnir 
l'année  1700  ,  aux  28^  3'  44"  du  lagittaire  , 
de-la-Hire,  au  ^^<^   14'  41". 

Celui  do  Jupiter ,  au  8<^'  10'  40"  de  la 
balance:  de-la-Hire,  ^au  lo^   17'  14'. 

Celui  de  mars  ,  au  o''  51'  29"  de  la 
vierge  :  dc-la-Hire  ,  au  o'*  3>'  25". 

Celui  de  la  terre  ,  au  S'i  2';'  30"  du 
tancer,  &  celui  de  venus,  au  3''  24'  27" 
Tome   III, 


A  P  H  i, 

du  vcrfeau  :   dc-la-Hire  place  celui-ci   au 
6'1   56'  10'. 

Celui  de  mercure  ,  au  l'J'^  .44'  29"  du 
lagittaire;  &  de-la-Hire,   au  13'^  3'  40". 

Le  mouvement  annuel  de  Vaphélie  defa— 
turne  ,  eft  ,  félon  Kepler  ,  de  i'  10"  ;  celui 
de  Jupiter  ,  de  47"  ;  celui  de  mars  de  i' 
7  '  ;  celui  de  venus  ,  de  i'  18"  ,  &  celui 
de  mercure  ,   de  i'  45". 

Selon  de-la-Hire  ,  le  mouvement  annuel 
de  Vaphélie  de  Iaturne  ell  de  x'  22"  ;  celui 
de  Jupiter  de  i'  34"  :  celui  de  mars  de  i* 
7"  :  celui  de  venus  de  i'  26'  ,  &  celui  de 
mercure  de  1'  39'^  Voye^  l'article  APO- 
GÉE ,   &  l'article  APSIDE.  (O) 

Aphélie.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  importanff 
à  expliquer  au  fujet  de  Vaphélie  des  planè- 
tes ,  cfl  la  manière  d'en  déterminer  la  po- 
lition  &  le  mouvement ,  par  des  obierva- 
tions  agronomiques.  La  méthode  la  plus 
liniple  ell  celle  que  Kepler  tiroit  de  la  nature 
du  mou\'ement  elliptique  ,  (  de  fie  lia  martis, 
page  zoo.)  Le  point  de  Vaphélie  A  ,  fig. 
J  ,  efl  celui  où  la  planète  a  la  plus  petite 
vîteflè  ,  &  le  périhélie  ell  le  point  de  la  plus 
grande  viiCuc  ,  le  grand  axe  de  Telliple  ic- 
pare  deux  portions  de  l'orbite  qui  lont  éga- 
les ,  iemblables  ,  &  parcourues  en  temps 
égaux  ,  &  avec  les  mêmes  degrés  de  vîteile  ; 
m.ais  fi  l'on  tire ,  par  le  foyer  de  Pelliple  , 
une  autre  ligne  comme  DSE  qui  ne  pafîe 
point  en  ^  &  en  P  ,  elle  partagera  l'ellipfe 
en  deux  parties  DAE,  DPE  ,  qui  ne  leront 
ni  égales  ,  ni  parcourues  en  temps  égaux. 
La  partie  DAE ,  où  le  trouve  Vaphélie , 
exigera  plus  de  rcmps  que  l'autre  ,  ou  plus 
de  la  moitié  de  la  révolution  :  ainfi  l'on  peut 
choifir  deux  obfervations  d'une  planète  , 
où  les  longitudes  oblervées  ,  réduites  au 
ioleil  ,  aient  été  diamétralement  oppolées 
eatr'ellcs  ;  &  ii  les  temps  de  ces  oblerva- 
tions  font  auHi  éloignés  d'une  demi-révolu- 
tion de  la  planète ,  on  laura  par-là  même 
qu'elles  ont  été  laites  dans  les  apfidcs  ;  plus 
l'intervalle  approchera  de  la  demi-révolu- 
tion ,  plus  les  politions  données  approche- 
ront d'être  celles  des  apfides ,  ou  de  Vaphé' 
lie  &  du  périhélie.  Cette  méthode  réullîc 
très-bien  pour  trouver  l'apogée  du  ioleil. 
{Mém.  de  l'acad.  ij ^j  ,  pag.  241.) 

Pour  les  planètes  dont  les  oppofitionS 
font  rares,  il  ert  difficile  d'avoir  deux  loQ-«" 

B 


10  A  P  H 

gitiides  vues  du  folcil  diamétralement  op- 
polees  ;  on  eu  obligé  de  fuppofer  connues 
l'excentriciré  &  la  plus  grande  équation  , 
&  l'on  trouve  la  fituation  de  {'aphélie  par 
une  autre  confidération.  L'on  prend  deux 
obfervations  faites  aux  environs  du  point 
-4  ,  &  du  point  i^quieft  vers  les  moyen- 
nes diitances  ,  on  a  le  mouvement  vrai , 
ou  l'angle  ASF ;  mais  par  la  durée  con- 
nue de  la  révolution  ,  on  fait  toujours  quel 
ell  le  mouvement  moyen  pour  un  intervalle 
de  temps  donné  ;  la  différence  du  mou- 
vement vrai  au  mouvement  moyen  doit  être 
d'accord  avec  l'équation  de  l'orbite  calcu- 
lée ,  en  fuppolant  qu'on  connoifîe  bien  le 
lieu  A  de  {'aphélie  ;  mais  11  l'on  iè  trompe 
iur  le  lieu  de  Vaphtlie  ,  il  y  aura  une  erreur 
dans  l'équation  calculée  vers  le  point  A, 
où  l'équation  change  rapidement  ;  il  n'y  en 
aura  prefque  point  vers  la  moyenne  dif- 
îance  F ,  où  l'équation  ne  varie  pas  fenfi- 
blcment  ,  étant  à  Ion  maximum  \  ainii  le 
mouvement  total  calculé  de  A  en  F ,  ne 
pourra  être  conforme  au  mouvement  ob- 
lervé  ,  que  quand  on  aura  employé  dans 
le  calcul  un  lieu  de  Vaphélie  A  exaâement 
connu  ;  alors  on  changera  d'hypothele, 
jufqu'à  ce  que  l'on  ait  accordé  le  calcul 
avec  l'obfervation  ,  &  reconnu  ainli  la  vraie 
fituation  de  V aphélie. 

La  troifiemc  méthode  pour  déterminer 
Vaphélie  ,  eft  celle  que  j'ai  emplo)ée  pour 
mercure  &  pour  venus  ;  elle  coniifte  à 
obferver  la  plus  grande  digreffion  de  la 
planète  vers  fes  moyennes  diilances.  Soit 
S  le  foleil  autour  duquel  tourne  une  pla- 
nète inférieure  dans  une  elliplè  AFP ,  la 
terre  T  voit  la  planète  F  par  un  rayon 
viiuel  qui  touche  l'orbite  ,  &  qui  marque  la 
plus  grande  digreffion  STF.  Pour  peu  que 
vous  changiez  la  dircâion  AP  de  la  ligne 
des  apfides  ,  le  rayon  6'i^  changera  de  lltua- 
fion  &  fortira  du  côté  du  point  C  ,  en  forte 
que  l'angle  d'élongation  augmentera  ;  ainfi 
Pélongation  ohfervée  nous  apprend  quelle 
fituation  il  taut  donner  au  point  A  de 
l'aphélie  ,  pour  fatisfalre  à  cette  oblèrvation. 
{jWém.  de  l'Acad.   îjGG,  page  438.) 

Enfin  ,  il  y  a  une  quatrième  méthode 
pour  déterminer  Vaphélie  êiunt  planète; 
file  confiile  à  employer  trois  obfervations 
po  ly-  déteriuiiier  ùi.i  fvii  \\\pliili.e ,  r':xccn-  ' 


Planctci. 
Mercure. 

Aj-kcUe. 

Mou 

V. 

8snd33' 

lin 

40 

Vémis. 

10     8    13 

4  10 

0 

Mars. 

f     I    28 

I    n 

40 

Jiip  ter. 

6  10    22 

I  43 

20 

.Saturne. 

8  29    J-? 

2  23 

20 

La  Teri  e 

6    S    38 

I  49 

10 

A  p  ri 

triclté  &  l'époque  du  moyen  mouvement  i 
pourvu  que  ces  obfervations  foient  réparties 
vers  les  apiides  &  les  moyennes  dillances  ; 
j'en  ai  donné  le  calcul  appliqué  à  un  exem- 
ple dans  les  mémoires  de  l'académie  pour 
z  7  S ^  i  les  principes  font  d'ailleurs  les  mê- 
mes que  ceux  dont  je  viens  de  faire  ufage  : 
il  s'agit  de  convertir  les  anomalies  vraies 
en  anomalies  moyennes  ,  dans  différentes 
hypothelès  d'aphélies  &  d'excentricités  , 
juiqu'à  ce  qu'on  ait  trouvé  deux  diffé- 
rences d'anomalies  moyennes  ,  exadement 
d'accord  avec  les  intervalles  des  obferva- 
tions.  Vojei  Orbite. 

Voici  le  ré- 
fultat  des  calculs 
que  j'ai  faits  fur 
toutes  les  planè- 
tes ,  en  conffrui- 
lant  mes  tables  , 
pour  avoir  le  lieu 
de  {'aphélie  en 
1750  ,  avec  le  changement  pour  cent 
ans  :  il  devroit  n'être  que  i^  2.3'  Ç4"  , 
comme  celui  de  la  préceffion  des  équi- 
noxes ,  û  les  aphélies  étoient  auflî  fixes 
que  les  étoiles  ,  &  qu'ils  n'euflent  d'au- 
tre changement  de  longitude  que  celui  qui 
vient  de  la  rétrogradation  du  point  équi— 
noxial ,  d'où  l'on  compte  ces  longitudes  ; 
mais  il  ei}  prouvé  que  tous  les  aphélies 
ont  un  mouvement  caufé  par  l'attradion 
des  autres  planètes  ,  ainlî  que  la  lune , 
dont  l'apogée  a  un  mouvement  rapide  cau!d 
par  l'attrafliondu  loleil  :  on  peut  voir  le  cal- 
cul de  ce  mouvement  de  Vaphélie  ,  produit 
par  les  attrapions  étrangères,  dans  le  XXIÏ^. 
livre  de  mon  aflronomie  ,  &  dans  l<is 
ouvrages  de  MM.  Euler  ,  d'Alembert  , 
Clairaut  ,  ivir  l'attraftion.  (M.  de  la 
Lande.  ) 

APHERESE  ,  f  f.  {Grammaire)  figure 
de  diftion  ,  x\piif-3i<  ,  retranchement ,  d'jrîet."^ 
p^o)  ,  aufero.  L'aphereie  cil  une  figure  par 
laquelle  on  retranche  une  lettre  ou-  une-. 
Ijllabe  du  commencement  d'un  mot  „ 
comme  en  grec  ô  pTtî  ,  pour  «-"OTr ,  qui  efl 
le  mot  oi-dinairc  pour  fignifier  fête.  C'elL 
ainh  que  Virgile  a  dit  : 
Difcite  jiijlitiam  moniti  ,  &  non  temnersr 

diios.  JEné'id.  6.  v.  610^ 

où  il  a  dit  urimere  pour  co/ica.iJieri^ 


AP  H 

Cette  figure  efl  fou  vent  en  nfnge  dnns 
îcs  crymologics.  C'cll  ainfi ,_  dit  Nicot  , 
que  de  gibbofiis  nous  avons  hiit  bo£u  ,  en 
retranchant  gib ,  qui  cH  la  première  fyl- 
labe  du    mot  latin. 

Au  refîe  ,  li  le  retranchement  fe  fait  au 
milieu  du  mot  ,  c\-i\  une  fjncope  ;  s'illc 
fait  à  la  fin,  on  l'appelle  apocope.  (F) 

*  APHESIENS  ,  (  Mjthol.  )  furnom 
qu'on  donnoit  quelquefois  à  Cailor  &  à 
Pollux  ,  qui  prcîidoicnt  aux  barrières  d'où 
l'on  partoit   dans   les   courfes  publiques. 

*  APHETES,  (Geogr.  anc.  &  mod.)  ville 
de  Magnefie ,  dans  la  Thelîiilic  ,  (iir  le  golte 
de  Pagafa ,  d'où  partit  le  vaifTeau  des  Ar- 
gonautes :  c'ell  aujourd'hui  //  golfo  dl 
Volo. 

APHGASI,  {Géogr.)  famille  de  Tar- 
tares  qui  habite  fur  la  rive  occidentale  du 
Volga  ,  au  fud-ouefl  du  royaume  d'Aflra- 
can  ,  entre  la  mer  Cafpienne  &  la  rivière 
de  Cupa  ,  qui  le  jette  dans  les  Palus  Méoti- 
des  :  elle  fait  partie  des  petits  Nogais  qui 
avoifinenc  le  plus  les  Tartares  Circallès. 
{C.A.) 

*  APHIOM-KARAHISSART,  {Gœg. 
mod.  )  ville  de  la  Natolie  ,  dans  la  Turquie 
Afiatique.  Lonc;. /).8 ,  30  ;  lut.   ^8 ,  z<. 

_  *  APHONIE  ,  f.  f.  (  Médecine.  )  priva- 
tion de  la  voix.  Ce  mot  eu  compofé  de  à 
privatif  &  de  ^oiv« ,  l'oix.  JJ aphonie  efl  une 
incapacité  de  produire  des  fons  ,  qui  efl 
toujours  accompagnée  de  la  privation  de 
la  çarole  ,  accident  alTez  commun  dans  les 
fliffocations  hyflériques  ;  ou  ,  dans  un  fens 
moins  étendu ,  c'efl  une  incapacité  de  pro- 
duire des  fons  articulés ,  qui  naît  de  quelque 
défaut  dans  la  langue ,  &  dans  les  autres 
organes  de  la  parole. 

Mais  le  mouvement  d'une  partie  quel- 
conque n'efl  diminué  ou  anéanti  que  par 
la  diminution  ou  la  cefîation  du  fluide 
nerveux  dans  les  nerfs  de  cette  partie  ;  d'où 
il  s'enfuit  que  V aphonie  n'a  point  d'autre 
caufe  que  la  diminution  ou  la  cclîation  de 
ce  fluide ,  dans  les  nerfs  qui  ièrvent  aux 
mouvemens  de  la  langue. 

La  dilîeélion  des  cadavres  confirme  ce 
fentiment.  Un  mélancolique ,  dont  la  tril- 
teffe  avoit  dégénéré  en  folie ,  tut  frappé 
d'une  aphonie  qui  dura  jufqu'à  fa  mort  ; 
quand   on  le  diflequa  ,  on  lui  trouva  le 


APH  XX 

cerveau  fec  ,  &  les  nerfs  qui  vont  A  la  lan- 
gue plus  petits  qu'à  l'ordinaire. 

La  paralylie  de  la  langue  qui  précède  ou 
qui  fuit  l'apoplexie  ou  l'hémiplégie ,  e(f 
toujours  accompagnée  diaphonie.  Les  vieil- 
lards &  les  pcrfonnes  d'un  tempérament 
afFoibli  font  fujets  à  cet  accident.  S'il  paroîc 
feul ,  il  annonce  l'apoplexie  ou  l'hémiplé- 
gie. S'il  iiiccede  ;\  ces  maladies ,  &  qu'il 
foit  accompagné  de  manque  de  mémoire 
&  d'embarras  dans  les  fondions  de  l'efprît , 
il  annonce  le  retour  de  ces  maladies.  La 
langue  efl  entièrement  afFeâée  dans  l'apo- 
plexie ;  elle  ne  l'eil  qu'à  moitié  dans  l'hé- 
miplégie. 

L'aphonie  pourra  fè  terminer  heureufè- 
ment ,  11  elle  a  pour  caufe  la  flagnatioa 
de  quelques  humeurs  (éreufès  qui  compri- 
ment les  nerfs  de  la  cinquième  paire  qui 
vont  à  la  langue.  Elle  peut  être  occa- 
fionée  par  les  fuites  de  la  petite  vérole  , 
l'interception  des  fueurs  ,  des  catarrhes 
mal  traités  ,  des  boutons  ou  des  pullules 
féreufes  rentrées ,  des  efforts  violens  ,  des 
chûtes,  des  coups  ;  le  trop  de  fang  porte 
à  la  langue  &  à  la  gorge ,  la  fuppref- 
fion  des  règles ,  les  maladies  hiftériques  » 
des  vers  logés  dans  l'eftomac  ou  les  intef^ 
tins ,  l'ulage  immodéré  des  liqueurs  fpiri- 
tueufes ,  les  indigeflions  fréquentes  ,  la 
frayeur ,  le  refroidiflement  ,  l'influence 
des  laifons  pluvieufes  &  des  lieux  maréca- 
geux ,  &c. 

Quant  aux  pronoflics  de  V aphonie ,  ils 
varient  félon  la  caufe.  U aphonie  qui  a  pour 
caufe  la  préfence  des  vers  ,  efl  facile  à  gué- 
rir ;  il  en  efl:  de  même  de  celle  qui  accom- 
pagne les  afïèâions  hyflériques  :  mais  Y  apho- 
nie qui  naît  de  la  paralyfie  de  la  langue  , 
réfifle  à  tous  les  efforts  du  médecin  ,  ou  ne 
cède  que  pour  un  temps. 

Il  fuit  de  ce  que  nous  avons  dit  plus 
haut  ,  que  pour  guérir  l'aphonie ,  il  faut 
s'occuper  à  lever  les  obflacles ,  ou  difliper 
les  férofités  qui  compriment  les  nerfs  &  le 
cerveau  ,  dans  l'efpcce  d'aphonie  qui  naît 
d'une  paralyfie  fur  la  langue.  Pour  cet  effet , 
il  faut  recourir  aux  faignées  ,  aux  clyflerex 
émolliens ,  aux  diurétiques  ,  aux  Iternuta- 
toires  ,  aux  balfamiques  propres  dans  l'af- 
fedion  des  nerfs  ;  en  un  mot  ,  à  tous  le» 
remèdes  capables  de  reltituer  aux  paitic» 

B   2 


Il  A  P  H 

dfFeaées  leurs  fondions.    Pour  cet    effet , 

Poyei    PaKAI.YSIE  ,   HÉMIPLÉGIE. 

*  APHORISMES ,  en  Droite  en  Méde- 
cine y  font  de  courtes  maximes ,  dont  la 
vérité  efl  fondée  fur  l'expérience  &  lur  la 
réflexion ,  &  qui ,  en  peu  de  mots ,  com- 
prennent beaucoup  de  iens. 

*APH0SIAT1N,  {Géog.  mod.)  port 
fie  Romelie  ,  dans  la  Turquie  en  Europe  , 
fur  la  côte  de  la  mer  noire ,  proche  de 
Conilantinople ,    vers  le  nord. 

*  APHRACTES  ,  f.  m.  pi.  navires  des 
anciens  à  un  feul  rang  de  rames  :  on  les 
appelloit  aphracles ,  parce  qu'ils  n'étoient 
point  couverts ,  &  n'avoient  point  de  pont  ; 
on  les  diftinguoit  ainfi  des  cataphracles  qui 
en  avoient.  Les  aphracles  avoicnt  feule- 
ment ,  vers  la  proue  &  vers  la  poupe  ,  de 
petits  planchers ,  fur  lelquels  on  le  tenoit 
pour  combattre  ;  mais  cette  conllrudio.i 
n'étoit  pas  générale.  Il  y  avoir ,  à  ce  qu'il 
paroît ,  des  aphracfes  qui  étoient  couverts  & 
avoient  un  pont ,  avec  une  de  ces  avances 
à  leur  proue ,  qti'on  appelloit  roflra.  Tite- 
J.ive  dit  d'Odave  ,  qu'étant  parti  de  Sicile 
•avec  deux  cents  vnilfeaux  de  charge  & 
trente  vaifleaux  longs  ,  fa  navigation  ne  fut 
pas  conflamment  heureufe  ;  que  quand  il 
lut  arrivé  prefqu'à  la  vue  de  l'Afrique  , 
poufié  toujours  par  un  bon  vent ,  d'abord 
il  tut  furpris  d'une  bonace  ;  &  que  le  vent 
ayant  enfuire  changé ,  la  navigation  fut 
trou'olée ,  &  fes  navires  difperlés  d'un  & 
d'autre  côté  ;  &  qu'avec  fes  navires  armés 
d'éperons,  il  eut  bien  de  la  peine  ,  à  force 
de  rames  ,  à  le  défendre  contre  les  flots  & 

■  lii  tempête.  Il  appelle  ici  vaijfeaux  armés 
d'éperons,  les  mêmes  vaiffeaux  qu'il  avoir 
auparavant  appelles  laiJTeaux  longs.  Il  dit 
d'ailleurs  ,  qu'il  y  avoir  des  vaiflbaux  ou- 
verts ,  c'eft-à-dire  fins  ponts,  &  qui  avoient 

"des  éperons;  d'où  il  s'cnfiiit ,  que  la  ditlé- 
rcnce  des  aphracles  &  des  cataphrades  con- 
fij'loit  feulement  en  ce  que  ces  derniers 
avoient  un  pont,  &  que  les  premiers  n'en 
a\  oient  point  ;  car  ,  pour  le  roflrum  &  le 
couvert  ,  il  paroît  que  les  aphracles  les 
•avoient  quciquctois ,  ainfi  que  les  cata- 
phrades.' 

*  APHRODISÉE  ,  aujourd'hui  APISÎ- 
J)iA ,  (  Géog.  anc.  &  mod.  )  ville  de  Carie  , 


A  P  H 

maintenant   fous   l'empire    du   Turc ,    & 

prefque  ruinée. 

*  Aphrodisée  ,  ou  Cap  de  Creuz  , 
(  Géog.  anc.  &  mod.  )  cap  de  la  mer  Médi- 
terranée ,  près  de  Rofe  en  Catalogne  :  quel- 
ques-uns le  confondent  avec  le  port  de 
^'^endres  ,  ou  le  portas  V^eneris  des  anciens. 
Voyei  Cadaguer. 

APHRODISIAQUES,  [Mat.  méd.) 
c'efl  le  nom  qu'on  donne  à  de  certaines 
fubflances  ,  qui  ont  ou  qu'on  croit  avoir  la 
propriété  d'exciter  la  fecrétlon  de  la  fcmen- 
ce  ;  on  les  confond  avec  celles  que  les  an- 
ciens appelloient  fpermawpoietica ,  dont 
elles  diflerent  pourtant ,  dans  le  fait ,  en  ce 
que  celles-ci  font  préfumées  rendre  la  fe- 
mence  abondante  lans  la  provoquer. 

Les  vues  théoriques  qui  ne  déduifent  l'ap- 
pétit vénérien  ,  que  de  la  quantité  de  la  lè- 
mence  ,  font  juiles  à  quelques  égards  ;  mais 
la  plus  légère  attention  fait  prellèntir ,  que 
tant  d'autres  circonftances  phyfiques  &  mo- 
rales concourent  dans  cette  adion  ,  qu'il  eft 
impoilible  d'ailigner  leur  degré  d' adion ,  & 
les  limites  qui  les  léparent. 

Prefque  tous  les  auteurs  de  matière 
médicale  attribuent  la  vertu  aphrodijiaqne 
à  une  foule  de  fubflances  incapables  de 
produire  le  moindre  eftét  ;  &  c'tft  pref- 
que toujours  en  fe  copiant  fans  examen  » 
ou  par  des  préjugés  plus  ou  moins  ridi- 
cules ,  qu'on  fe  décide  ;  tels  font ,  par  exem- 
ple ,  les  tefliculcs  de  coq  ,  les  reins  de  fcinc 
marin ,  le  fatyrion ,  ^'c  que  l'abfurde  cré- 
dulité des  fignatures  établit  autrefois  comme 
utiles. 

Les  principaux  aphrodifiaqucs  ,  ou  crus 
tels  ,  font  phifieurs  médicamens  &  alimens 
échauiians  par  leur  aromate  ,  oyi  leur 
ia\eur  plus  ou  moins  vive  ;  telles  iont  les 
épiceries  ordinaires  ,  comme  la  vanille ,  la 
canclle  ,  le  girofle  ,  &c.  le  jonc  odorant , 
la  lemence  de  roquette ,  les  confitures  trcs- 
parfumées  ,  les  artichaux  ,  le  céleri ,  les- 
truftcs. 

On  leur  ajoute  encore  les  huîtres  & 
les  écrevilfes  ;  mais  il  ne  paroît  pas  que 
l'expérience  ait  encore  démontré  cette 
propriété  dans  ces  deux  derniers  ali- 
mens ,  à  moins  qu'on  ne  les  mange  tres- 
poivrés. 

L'iunbïe ,  le  imifc  &  la  civette  paroil- 


A  P  H 

fèntau  ikffiis  des  précédens  aphrocVifiaques , 
&  leur  emploi  ious  forme  de  liniment  ou 
d'emplâtre  appliqué  à  l'extérieur  ,  peut  pro- 
duire des  eilcts  fenfibles.  Une  féconde 
claflc  à'dphrodifiaques  ,  qui  paroiflent  les 
Ijiermatopécs  des  anciens ,  fe  tire  des  mets 
ou  alimcns  fucculens ,  ou  qui  abondent  en 
fubflance  nourricière  ,  tels  que  les  fari- 
neux ,  comme  le  riz  ,  les  fucTcries  ,  les 
piliaches  ,  le  chocolat ,  les  œufs ,  les  crè- 
mes ,  les  glaces  ,  la  gelée  de  corne  de  cerf 
fucrée  ,  les  fimples  gelées  de  viande  ,  les 
ragoûts  au  jus  &  coulis ,  les  bains  chauds  , 
le  lit ,  &c.  que  ne  pourroit-on  pas  en 
efFet  embrallér  fous  ce  même  point  de  vue , 
pour  peu  qu'on  mêlât  les  caufes  ou  les 
confidérations  morales  aux  fubflances  dont 
je  parle  ,  &  qu'on  leur  ajoutât  le  puiflant 
mobile  d'une  imagination  ardente  &  pai- 
lionnée? 

Les  cantharides  font  la  dernière  refTource 
qu'on  propolè  dans  l'extrême  frigidité  : 
elles  font  infiniment  au  deflus  de  tous  les 
autres  moyens  dont  j'ai  parlé  ,  par  leur 
aâion  fpéciale  fur  les  voies  urinaires  ;  mais  , 
quoiqu'il  foit  peut-être  utile  de  n'en  pas 
bannir  abfolument  l'uiage  dans  les  cas  ex- 
trêmes ,  on  ne  doit  jamais  oublier  que 
l'inflammation  luit  iouvent  de  près  l'irri- 
tation qu'elles  produifcnt  fur  ces  orga- 
nes fenfibles ,  &  que  d'ailleurs  ,  félon  l'ob- 
fervation  de  Baglivi ,  elles  agiflènt  iur  le 
cerveau  &:  le  lyfîême  nerveux.  Voyer,  Gen- 
SING  ,  &c.  {M.  La  Fosse  ,  docteur  en 
médecine  de  la  faculté  de  médecine  de  Mont- 
pellier}} 

*APHRODISIENNES ,  fêtes  inflituées 
en  l'honneur  de  Vénus  Aphrodite.  Voye\ 
Aphrodite.  Elles  fe  célébroientdans  l'île 
de  Chypre  &  ailleurs.  Pour  y  être  invité  , 
on  donnoit  une  pièce  d'argent  à  Vénus  , 
comme  à  une  fille  de  mauvaife  vie  ,  &  on 
en  recevoit  àw  ièl  &  une  phalle. 

*APHRODITE  ,  f  f.  {Myth)  furnom  de 
Vénus  ,  comjiofé  de  «Ztôî ,  écume  ;  parce 
que  ,  félon  les  Poètes  ,  Vénus  naquit  de  l'é- 
cume de  la  mer. 

APHRODITES  ,  {Géo^r)  nom  de  deux 
villes  d'Afrique  ,  fur  leiquelles  les  géo- 
graphes ne  font  pas  d'accord.  On  croit 
en  général  que  l'une  étoit  fituéç  dans  la 
iTsiTe  Egypte  vers  l'Arabie  ;  ôc  l'autre  dans 


A  P  H  73 

la  haute  vers  l'Ethiopie.  Il  me  fenlble ,  d'a- 
près les  recherches  que  j'ai  faites  à  cet 
égard  ,  qu'il  n'y  a  jamais  eu  qu'une  ville 
de  ce  nom ,  &  que  c'cll  VAphrodiJin/n. 
yffricLV  des  anciens  ,  aujourd'liui  Afrique  , 
ville  de  Barbarie  au  ro)aume  de  Tunis  en 
Afrique.    {C.  A) 

APHPxOGÉDA  ,  cft  du  lait  battu  tout- 
à-fau  en  écume  :  c'étoit  une  médecine  de 
l'ordonnance  de  Galien.  Je  crois  que  c'efl 
plutôt  aphrogala ,  mot  grec  compofé  de 
-<£pô- ,  écume  ,  &  y«Ka  y  lait ,  écume  de  lait , 
préparation  inconnue.  Peut-être  efl-ce  la' 
crème  ,  peut-être  eft-ce  Vox^'^ala  des  Ro- 
mains ,  qu'ils  regardoient  comme  un  re- 
mède excellent  contre  les  chaleurs  exceflî- 
ves  d'crtomac  ,  &  un  très-bon  aliment.  Ils 
}'  mêloient  de  la  neige ,  à  ce  que  dit  Ga- 
lien. Je  crois  que  nous  pourrions  donner 
ce  nom  à  nos  crèmes  ou  fromages  glacés  , 
que  les  anciens  ne  favoient  peut-être  pas 
faire  aufli  parfaitement  que  nous  les  faifons 
à  préfent.  Ils  cherchoient  avec  le  fecours 
de  la  neige  ,  à  donner  un  degré  de  fraîcheur 
plus  icnfuel  à  leurs  laitages  ou  à  leurs  boif- 
fons.  (A^) 

*APHRON  ,  (Hifl.  mit.  bot.)  efpece  de 
pavot  fauvage  dont  Pline  fait  mention  ,  lib. 

XX.  c.  .TM". 

aphtartodocetes,«î>t*<.t:j^  7/:r<./, 

Les  Aphtartodocetes  font  des  hérétiques  en- 
nemis jurés  du  concile  de  Chalcedoine. 

Ce  nom  efl  compofé  des  mots  grecs 
c"5  pT3.  ,  incorruptible,  &  de  S'ox^o ,  je  crois, 
j'imagine.  On  le  leur  donna  ,  parce  qu'ils 
imaginoient  que  le  corps  de  Jéfus-Chrifl 
étoit  incorruptible  ,  impafllble  &  immortel. 
Cette  fcfte  ert  une  branche  de  celle  des 
Eutychiens  :  elle  parut  en  535-  Voyey^  Eu- 
TYCHÎEN.   (G) 

APHTES  ,  f:  m.  pi.  {Médecine.  )  petits 
ulcères  ronds  &  fiaperficiels ,  qui  occupent 
l'intérieur  de  la  bouche.  Le  fiege  principal 
dé  cet  accident  eft  l'extrémité  des.  vaiffeaux 
e-:crétoires  des  glandes  fallvairçs ,  &  dé 
toutes  les  glandes  quJ  fournifîent  une  hu- 
meur femblable  à  la  falive;'ce  quîfait  que 
non-feulement  les  lèvres  ,  les  gencives  ,  le 
palais  ,  la  langue  ,  le  gofier  »  la  iuerre,  mais 
mêmeTejlomac  ,  les  inteflins  grêles,  & 
quetqîi'cfdîs  les  gros,  fc  trouvent  attai^ués  de 
cette  maladie.         v         ■ 


î4  APH 

La  caufe  de  ces  accidens  eft  un  lîic  vîf^ 
■.queux  &  acre  ,  qui  s'attache  aux  parois  de 
toutes  les  parties  ci-deflûs ,  &  y  occafione 
par  fon  féjour  ces  efpeces  d'ulcères. 

Ce  ilic  vifqueux  &  acre ,  tire  ordinaire- 
ment Ion  origine  des  nourritures  lalines , 
&  de  tout  ce  qui  peut  produire  dans  les  hu- 
meurs une  acrimonie  alkaline  ;  ce  qui  tait 
que  les  gens  qui  habitent  les  pays  chauds  & 
les  endroits  marécageux  ,  font  très  -  fujets 
aux  aphtes. 

On  juge  de  la  malignité  des  aphtes  par 
leur  couleur  &  leur  protondeur.  Ceux  qui 
font  fuperficiels ,  tranfparens  ,  blancs  ,  min- 
ces ,  iéparés  les  uns  des  autres  ,  mous  ,  & 
qui  fe  détachent  facilement  fans  être  rempla- 
cés par  de  nouveaux  ,  font  de  l'efpece  la 
•moins  dangereufe.  Ceux  au  contraire  qui 
font  blancs  &  opaques ,  jaunes  ,  bruns  ou 
noirs  ,  qui  fe  tiennent  enfemble  &  ont  peine 
à  fe  détacher  ,  &  auxquels  il  en  liiccede 
d'autres  ,  font  d'une  efpece  maligne. 

Les  enfans  &  les  vieillards  iont  fujets  aux 
aphtes  ,  parce  que  dans  les  uns  &  les  autres 
3es  forces  vitales  font  languiflantes ,  &  les 
humeurs  fujettes  à  devenir  vilqueufes. 

Les  aphtes  qui  attaquent  les  adultes  , 
font  ordinairement  précédés  de  fièvre  con- 
tinue ,  accompagnés  de  diarrhée  &:  de  dyf- 
fenterie  ,  de  naufées  ,  de  perte  de  l'ap- 
pétit ,  de  foiblelfe ,  de  flupeur  &  d'afîbu- 
piflemenr. 

Etmullcr  prétend  que  les  aphtes  des 
adultes  ibnt  fouvent  la  fuite  des  fièvres 
violentes. 

Les  remèdes  appropriés  pour  la  cure 
de  cette  maladie  ,  doivent  être  humec- 
tans  ,  &  capables  d'amollir  &  d'échauffer 
légèrement ,  afin  d'entretenir  les  forces  du 
malade  ,  &  lui  occafioner  une  moiteur 
continuelle. 

Les  gargarifmes  déterfifs  &  un  peu  ani- 
més d'eiprit-de-vin  camphré,  iont  d'un 
grand  (ecours  dans  ce  cas. 

Lorique  l'on  eft  venu  à  bout  de  faire  tom- 
ber les  aphtes  y  on  rend  ces  gargarifmes 
jun  peu  plus  émoUicns  &  adouciflans. 

Enfin  l'on  termine  le  traitement  par  un 
purgatif  fortifiant  ,  dans  lequel  Boerhaave 
recommande  la  rl-tubarbe  par  prétérence  à 
ïout  autre  purgatif.  (iV^ 


APH 

APHYE,  f.  L{HiJl  nat.  Zoolog)  aphya; 
apua  ,  petits  poilî'ons  de  mer  que  les  anciens 
ont  ainll  nommés  ,  parce  qu'on  croyoit 
qu'ils  n'étoient  pas  engendrés  comme  les  au- 
tres poiflons  ,  mais  qu'ils  étoient  produits 
par  une  terre  limoneulè.  Rondelet  diflingue 
plufieurs  fortes  A'aphjes. 

Uaphya  vraie  ,  «îfôi  ,  ainfi  nommée 
parce  qu'on  a  prétendu  qu'elle  naiiîbit  de 
l'écume  de  la  mer  ,  ou  parce  qu'elle  eff  blan- 
che :  on  la  nomme  nonnata.  fur  la  côte  de 
Gênes.  Ces  poilfons  n'ont  pas  la  longueur 
du  petit  doigt  ;  la  plupart  font  blancs  ,  il  y 
en  a  de  rougeâtres  ;  ils  ont  les  yeux  noirs  ; 
ils  fe  trouvent  dans  l'écume  de  la  mer  ,  (e 
rafllmblent  en  très-grande  quantité,  &  s'en- 
trelacent fi  bien  les  uns  avec  les  autres  , 
qu'il  efl  difficile  de  les  leparer. 

ISaphye  de  goujon  ,  cobites  ,  auffi  appellée 
loche  de  mer.  Koje:^  LoCHE  DE  MER. 

L'anchois  a  été  mis  aulE  au  nombre  des 
aphyes.    Voye^  AncHOIS. 

\Japhye  phalérique ,  aufïï  appellée  na^^eZ/c 
ou  mêle t te.  V^oye\  N  A  D  E  L  L  E . 

Uaphye  des  muges  ,  des  mendales  ,  des 
furmulets ,  font  de  petits  poiffons  femblables 
à  ceux  dont  ils  portent  le  nom.  On  a  cru 
qu'ils  naifibient  du  limon  de  la  terre ,  dans 
les  étangs  defléchés  ,  qui  étoient  recouverts 
de  nouveau  par  les  eaux  des  pluies.  Ronde- 
let. Voyei  Poisson.  (/) 

APHYLANTHES ,  [Hlfl.  nat.  botan) 
genre  de  plante  à  fleur  liliacée  ,  compoiée 
de  fix  pétales  qui  fortent  d'un  calice  écail- 
leux  &  fait  en  tuyau  :  il  fort  de  ce  même 
calice  un  piltil  qui  devient  dans  la  fuite  un 
fruit  en  forme  de  pomme  de  pin  ,  qui  a  trois 
angles ,  qui  s'ouvre  en  trois  parties ,  &  qui 
efl  divifé  en  trois  loges  &  rempli  de  iemen- 
ces  arrondies.  Tournetort ,  Inft.  rei  herb. 
Voyei  Plante.  (  /) 

*APHYTACOR,  {Hif}.  nat.  bot.)  arbre 
dont  Pline  fiiit  mention  ,  lib.  XXXI.  cap. 
ij.  &  qu'il  dit  produire  de  l'ambre. 

*APHYTEouAPHYTIS,  {Geog.  anc.) 
ville  de  Thrace  ,  dans  le  voifinage  de  Pal- 
lene  ,  où  Apollon  avoit  un  temple  célèbre 
par  fes  oracles ,  &  où  Jupiter- Ammon  étoix 
particulièrement  révéré. 

'^API,  f.  m.  petite  pomme  d'un  rouge 
vif  d'un  )CÔté  ,    &    blanche    de  l'autre  , 


AP  ï 

dont  îa  peau  cfi  extrêmement  fine,  la 
chair  tendre  ,  &  l'eau  douce  &  fucrée  ; 
qui  n'a  point  d'odeur ,  &  n'en  prend  point , 
foit  qu'on  la  ferre  ,  foit  qu'on  la  pochette  ; 
qui  dure  long -temps  ,  &  qui  naît  fui- 
un  arbre  qui  s'en  charge  beaucoup  ,  &  qui 
la  produit  par  bouquets  ;  on  en  garnit  le 
bord  des  plateaux.  Le  pomiTiier  d'j/i/  efl 
moins  vigoureux  que  les  autres  ;  il  lui  faut 
une  terre  grafll-  (ans  être  humide.  Il  ne 
craint  point  les  grands  vents  ;  il  donne  jul- 
qu'au  mois  d'Avril.  On  dit  qu'il  hit  trou- 
vé dans  la  forêt  d'Apie  ,  d'où  il  a  pafle 
dans  nos  jardins  fous  le    nom  à^api. 

API-API,  i".  m.  {Hifl.  iiac.  Botaniq.) 
nom  Macalfare  d'une  plante  paraiite  de 
la  fiimiUc  des  orchis  ,  qui  croit  fur  le 
manglier  &  fur  le  champacca  ,  d'où  elle 
tire  fon  nom  angrec-tiam  pacca  ,  que  lui 
donnent  les  Malays  ,  habitans  des  îles 
Amboines.  Rumphe  en  adonné  une  bonne 
figure  ,  mais  à  laquelle  il  manque  quelques 
détails  ,  fous  le  nom  Angrcecum  feptimum 
feu  flavam  ,  dans  Çon  Herbarium  Aniboi- 
nicum  ■,  vol.   VI y  pag.   103  ,  pi.  XL  V. 

C'eft  une  herbe  vivace  ,  haute-  de  cinq 
à  fix  pies  ,  à  racine  traçante  ,  garnie  de 
fibres  ,  d'où  s'élèvent  deux  à  trois  tiges 
longues  de  deux  à  trois  pies  ,  comme 
Tirticulées ,  enliées  &  fîriées  longitudinale- 
ment ,  d'un  pouce  de  diamètre  ,  garnies 
d'un  bout  à  l'autre  de  dix  à  douze  teuilles 
îilternes  difpofées  circulairement  ;  ces  feuil- 
les font  elliptiques  ,  obtufes  ,  longues  de 
cinq  à  fix  pouces ,  une  tois  moins  larges , 
marquées  de  trois  nervures  longitudinales 
peu  fenfibles  ,  dont  l'intermédiaire  forme 
un  fillon  en  canal  ,  feiîîles  lans  aucun 
pédicule ,  mais  formant  autour  de  la  tige 
une  gaîne  entière,  un  peu  plus  longue  que 
chacune  de  fes  articulations  dont  elles 
lirent  leur  origine. 

Du  fommet  de  chaque  tige  ,  ou  de  l'aif^ 
îelle  des  feuilles  lupérieures  ,  fort  un  épi 
iimple  ,  cylindrique  ,  long  de  deux  à  trois 
pies  ,.  un  peu  renflé  à  fon  origine  ,  de  la 
grofleur  d'un  tuyau  de  plume  d'oie  vers 
jon  extrémité ,  ligneux  ,  ftrié  de  plufieurs 
lignes  brunes  ,  &  garni  dans  la  moitié  iupé- 
neure  de  fept  à  huit  fleurs  ,  portées  cha- 
cune fur  un  péduncule  une  fois  plus  court 
qu'elles  j  à   l'orisiac  duquel  on  \-oit  une 


APT  ,     -Tj 

petite  écaille  triangulaire  ,  trois  foi?  plus 
courte  &  caduque.  Chaque  fleur  a  un  bon 
pouce  de  longueur  ,  &  près  de  deux  de 
largeur  lorqu'elle  ell  épanouie  :  elle  a  ,  en 
quelque  forte ,  l'apparence  d'un  bourdon 
jaune  ,  étant  compoféc  de  fix  feuilles  inéga- 
les ,  dont  trois  extérieures  un  peu  plus 
grandes  &  trois  intérieures  ;  l'une  de  celles- 
ci  ,  ou  la  llxieme  ,  forme  une  eljpcce  dç 
cafque  (trié  de  quelques  lignes  purpurines. 
L'ovaire  eil  au-dellous  de  ce  calice  ,  &c  fait 
coi'ps  avec  lui  ;  il  ne  paroît  pas  d'abord 
différent  du  péduncule  qui  le  foutient  ; 
mais  dès  que  la  fleur  eil  pafîée ,  il  groillc 
de  jour  en  jour  &  devient  une  capiulc 
ovoïde  ,  longue  de  plus  d'un  pouce  ,  deux 
fois  moins  large  ,  relevée  de  fix  cotes ,  & 
partagée  intérieurement  en  trois  loges ,  rem- 
plies d'une  fubllance  comme  fpongieufe  ,  & 
lemblable  à  une  moelle  remplie  de  graines 
plates  &  ailées  ,  c'efl-à-dire  ,  bordéc:>  d'uno- 
mcmbranc. 

Qualités.  Uapi-api  fleurit  pendant  les 
mois  pluvieux  à  Amboine  ;  fes  fleurs  du- 
rent long-temps  &  rougilfent  en  vitillil- 
fant  :  elles  n'ont  aucune  odeur.  Ses  teuil- 
les ont  une  faveur  acidulé ,  légèrement 
faline- ,  qui  agace  les  dents  :  elles  doivent 
fins  doute  leur  goût  falin  aux  vapeurs  de 
la  mer  ,  car  cette  plante  naît  particuliè- 
rement fur  les  mangliers  &  autres  arbres 
qui ,  comme  lui  ,  croiffcnt  fur  les  bords 
de  la  mer- 

Ufiiges.  On  n'en  fait  aucun  ufage. 

Remarque.   \J api-  api  paroît  être  une.' 
efpece  iVepi-pacIis  ou  d'helléborine.  (M. 
Adanson.) 

APIA,  {Géogr.  anc.)  nom  que  portoit 
le  Péloponefe  avant  qu'Argos ,  Pelafgus  & 
Pelops  lui  euifent  donné  chacun  le  leur. 
(C.  A.) 

APICE  ,  (  Géogr.  )  nom  propre  d'une 
petite  ville  d'Itahe ,  au  royaume  de  Naples  , 
dans  la  principauté  ultérieure ,  flir  la  ri- 
vière de  Calore ,  à  fept  mille  pas  à  l'efl  de 
Bénévent  :  on  croit  que  c'efl  la  même  que 
Monte  Cahv.  Long.  45  y  i  £  î  lat.  4  z  j; 
a  4.  (C.  A.) 
'"^  APIDISIA,  ï'oye:^  APHRODISÉE. 

*APINE,  {Géogr.  anc.)  ville  de  la' 
Pouille  ,  qui  fut  ruinée  par  Diomede  :  Trica 
eu:  le  même'  fort ,  &  toutes  deux  dornct-- 


ig  A  P  î 

rent  lien  nu  proverbe  ,  Apinœ  &  Tricce  j 
chofes  Je  p<-ii  de   râleur. 

*  APINEL  ,  {HijL  nat.  bot.)  racine 
qu'on  trouve  dans  quelques  îles  de  l'Ainé- 
rique  ;  les  fauvages  la  nomn-\tnt y abacani , 
&  les  François  Apinei,  du  nom  d'un  ca- 
pitaine de  cavalerie  qui  l'apporta  le  pre- 
mier en  Europe.  Si  on  en  prélente  au  bout 
<i'un  bâton  à  un  lerpent ,  &  qu'il  la  morde , 
«lie  le  tue  ;  fi  on  en  mâche ,  &  qu'on  s'en 
frotte  les  pies  &  les  mains  ,  le  ferpcnt  fui- 
ra ,  ou  pourra  être  pris  lans  péril  :  jamais 
ierpent  n'approchera  d'une  chambre  où  il 
y  a  un  morceau  d'Apinel.  Cette  même  ra- 
cine ,  fi  utile  à  la  coniervation  des  hommes , 
feroit ,  à  ce  qu'on  dit ,  très-utile  encore  à 
leur  propagation  ,  fi  la  propagation  avoic  be- 
loin  de  ces  lecours  forcés  qiie  Ton  n'emploie 
guère  lliivant  les  vues  de  la  nature.  HijL  de 
i'acdd.  royale  des  Sciences ,  ann.   iji/j.. 

*  APIOLE,  (Gfbjr.  anc.)  ville  d'Italie  , 
dont  Tarquin  I  ie  rendit  maître,  (S:  donc 
ies  ruines  lervirent  .i  jeter  Jes  premiers  ton- 
demens  du  capitole. 

*  API05,  {Hift.  mu.  bot.)  edune 
efpecc  de  tithymale  ,  qui  poulie  pluiieurs 


bafTe 


les 


petites  tiges  oaiies  ,  menues ,  ronc'.es ,  rou- 
geâtres ,  s'éicndant  louvent  iur  la  terre.  Sts 
•feuilles  font  petites  ,  courtes  ,  redèmblan- 
tes  à  celles  de  la  rue^iauvage  ,  mais  plus 
petites  :  ies  Heurs  naiflent  à  ies  fommités  ; 
elles  l'ont  petites ,  en  gtîdet  ,  découpées  en 
plufieurs  parties  ,  &  de  couleur  jaune- 
pâle.  Quand  cette  fleur  cil  paflée  ,  il  ie 
torme  en  ia  place  un  petit  Iruit  relevé 
de  trois  coins  ,  lequel  le  diviie  en  trois 
loges ,  qui  renterment  chacune  une  iemence 
oblonguè  ;ia  racine  ell  tubercule  ,  &  a  la 
figure  d'une  poire  ,  plus  menue  en-bas 
qu'en-Haut  ,  noire  en-dehors  j  blanche  en- 
dedans  ,  &  contenant  beaucoup  de  lait. 
On  a  remarqué  que  ,  quand  cette  racine 
ell  grofle  &  bien  nourrie  ,  la  plante  qu'elle 
jioufle  eil  petite  ;  &  que  ,  quand  la  racine 
eil  moins  grofle  ,  la  plante  eil  plus  grande. 
Elle  contient  beaucoup  de  ici  elTentiel  & 
ti'huile  ,  niêlées  dans  une  grande  quantité 
de  phlegme  &  de  terre. 

La  racine  de  Vapios  purge  avec  violence  , 
par  le  vomiflément  &  par  les  ielles,  Le- 
mei'>  ,  Dir}.  des  Droc: 

APIQUEFx  ,   APPIQUEPx  ,   y.  n.  & 


API 

quelquefois  aâ.  Le  cable  apiqiie ,  c^cû-k" 
dire  que  le  vaifTeau  approche  de  l'ancre  qui 
eit  mouillée  ,  &  que  le  cable  étant  halé 
dans  le  navire  ,  il  commence  à  être  per- 
pendiculaire ou  à  pic.  Voyei  HuTTER. 
Apiquer  la  vergue  de  ch'adiere.  (  Z  ) 

*  KVIS  ,{'.m.{Myth.)  divinité  célèbre 
des  Egyptiens.  C'étoit  un  bœuf  qui  avoit 
certaines  marques  extérieures.  C'étoit  dans 
cet  animal  que  l'ame  du  grand  Ofiris  s'é- 
toit  retirée  :  il  lui  avoit  donné  la  préfé- 
rence llir  les  autres  animaux  ,  parce  que 
le  bauf  cil  le  lymbole  de  l'agriculture  , 
dont  ce  prince  avoit  eu  la  perfection  tant 
à  cceur.  Le  bœut  Apis  devoit  avoir  une 
marque  blanche  &  quarrée  iiir  le  front , 
la  ligure  d'un  aigle  iur  le  dos ,  un  nœud 
ious  la  langue  en  forme  d'ei'carbot  ,  les 
poils  de  la  queue  doubles  ,  &  un  croisant 
blanc  iur  le  flanc  droit  ;  il  falloir  que  la 
gcniiie  qui  l'avoit  porte ,  l'ei^t  conçu  d'un 
coup  de  tonnerre.  Comme  il  ei^it  été  aii'ez 
difficile  que  la  nature  eijt  rallemblé  fur  un 
même  animal  tous  ces  caraderes  ,  il  efl  h 
prélumer  que  les  Prêtres  pourvoyoient  à 
ce  que  l'Egypte  ne  manquât  pas  d^Apis , 
en  imprimant  iécrettement  à  quelques  jeu- 
nes veaux  les  marques  requiiés  ;  &  s'il  leur 
arrivoit  de  différer  beaucoup  de  montrer 
aux  peuples  le  dieu  Apis  ,  c'étoit  apparem- 
ment pour  leur  oter  tout  loupçon  de  lu- 
percherie.  Mais  cette  précaution  n'étoit 
pas  fort  néceflaire  ;  les  peuples  ne  font-ils 
pas  dans  ces  occafions  tous  leurs  efforts 
pour  ne  rien  voir  ?  Quand  on  avoit  trouvé 
VApis  ,  avant  que  de  le  conduire  à  Mem- 
phis  ,  on  le  nourrilîîjit  pendant  quarante 
jours  dans  la  ville  du  Nil.  Des  femmes 
avoient  iéules  l'honneur  de  le  vifiter  &  de 
le  ieryir  :  elles  ie  préientoient  au  divin 
taureau  dans  un  déshabillé  dont  les  prê- 
tres auroient  mieux  connu  les  avantages 
que  le  dieu.  Après  la  quarantaine  ,  on  lui 
faii'oit  une  niche  dorée  dans  une  barque  • 
on  l'y  plaçoit  ,  &  il  dei'cendoit  du  Nil  jul- 
qu'à  Alemphis  :  là  ,  les  prêtres  l'alloient 
recevoir  en  pompe ,  ils  étoient  iuivis  d'un 
pcLii'le  nombreux  :  les  entans  affez  heureux 
juiur  ientir  ion  halçine  ,  en  rccevoient  le 
don  des  prédictions.  On  le  conduiioit  dans 
le  temple  d'Oiiris  ,  où  il  y  avoit  deux 
iii.i'^nifiques  étables  :  l'Unc  étoit  l'ouvrage 


API 

de  Pfnmmetîais  ;  elle  croit  roiitcniie  cîe  fln- 
tucs  cciliinales  de  douze  coluIccs  dcli.iureur, 
il  y  demcuniir  prclquc  toujours  renfermé  ; 
il  ne  lé  montroiv  guère  que  lur  un  prénu  ,  où 
les  étrangers  avoicnt  la  liberté  de  le  voir.  Si 
vn  le  promenoit  dans  la  ville  ,  il  étoir  envi- 
ronné d'officiers  qui  écartoient  la  hxile , 
&  de  jeunes  enhins  qui  cliantoieiu  les 
louanges. 

Selon  les  livres  iacrés  des  Égyptiens,  le 
â'ieu  Apis  n'avoir  qu'un  certain  temps  déter- 
miné à  vivre;  qiiand  la  fin  de  ce  temps 
approclioit,  les  prêtres  le  conduiloientfur  les 
bords  du  Nil  ,  &  le  noyoient  avec  beau- 
coup de  vénération  &  de  cérémonies.  On 
l'embaumoit  enlliite  ;  on  lui  failoit  des 
oblèques  fi  dili^endieuies  ,  que  ceux  qui 
étoicnt  commis  à  la  garde  du  bccuf  em- 
baumé ,  s'y  ruinoient  ordinairement.  Sous 
Ptolomée  Lagus  on  emprunta  cinquante^ 
-talens  pour  célébrer  les  hmérailles  du  bœut 
yipis.  Quand  le  bccut  Apis  étoit  mort  & 
embaumé ,  le  petiple  le  pleuroit ,  comme 
s'il  eût  perdu  Oliris  ,  &  le  deuil  continuoit 
jufqu'à  ce  qu'il  plût  aux  prêtres  de  mon- 
trer fon  fuccefleur  ;  alors  on  Ib  réjouii- 
foit ,  comme  11  le  prince  fût  reflufcité  ,  &: 
Ja  fcte  duroit   iept  jours. 

Cambilé ,  roi  de  Perie  ,  à  fon  retour 
d'Ethiopie ,  trouvant  le  peuple  Egyptien 
occupé  à  céiiibrer  l'appitrition  d'Apis  ,  & 
croyant  qu'on  le  réjouifioit  du  mauvais 
fuccès  de  ion  exjiédition  ,  fit  amener  le 
prétendu  dieu  ,  qu'il  frappa  d'im  coup 
d'épée  dont  il  mourut  :  les  prêtres  turent 
fufiigés  ,  &  les  loldats  eurent  ordre  de 
malfacrer  tous  ceux  qui  célébreroient  la 
fête. 

Les  Egyptiens  confultoient  Apis  comme 
un  oracle  ;  s'il  prenoit  ce  qu'on  lui  pré- 
fentoit  à  manger  ,  c'étoit  un  bon  augure  ; 
fon  refus  au  contraire  étoit  un  fâcheux 
prélage.  Pline,  cet  auteur  fi  plein  de  la- 
gefîe  &  d'efprit  ,,  obferve  quApis  ne 
voulut  pas  manger  ce  que  Germanicus 
lui  offrit  ,  &  que  ce  prince  mourut  bien- 
tôt après  ;  comme  s'il  eût  imaginé  quel- 
que rapport  réel  entre  ces  deux  événe- 
mens.  Il  en  étoit  de  même  des  deux  loges 
qu'on  lui  avolt  bâties  ;  fon  réjour  dan> 
l"'une  annonçoit  le  bonheur  à  l'Egypte  ;  & 
ion  féjour  dans  l'autre  lui  étoit  un  fignc 
Tome  JIJ, 


A   P  L  17 

de  malheur.  Ceux  qui  le  venoient  conful- 
ter  approchoicnt  la  bouche  de  Ion  oreille  , 
&  luettoicnt  les  mains  lur  les  leurs  ,  qu'ils 
tenoienr  bouchées  juiqu'à  ce  qu'ils  fuflcnt 
fortis  de  l'enceinrc  du  temple.  Arrivés  lA , 
ils  prenoient  pour  la  réponie  du  dicu  la 
première  choie  qu'ils  cntendoient. 

APLAfGNER  ,  eff ,  dans  les  manufac- 
tures de  draperies  ,  lynonj'nie  à  lainer  ou 
parer.   Voyer^  LainÉR. 

APLAÎGNEUR  ,  i".  m.  ouvrier  occu- 
pé ,  dans  les  mânufaffuies  de  draps  ou  au- 
tres étaffes  en  laine  ,  à  en  tirer  le  poil  au 
i'ortir  des  mains  du  tilîerand.  Voye\ 
Laineur. 

APLANIR.  FbjY^RÉGALFR. 

APLESTER,  ou  APLESTRER  ,  c'ef! 
déplier  &  étendre  les  voiles  ,  les  appareiller , 
les  mettre  en  état  de  recevoir  le  vent 
lorsqu'on  eff  prêt  de  partir.  {  Z) 

APLIQUE  ,  f.  f.  che\  les  Metteurs-ew 
œui're  ,  c'efl  une  plaque  d'or  ou  d'argent 
en  plein  ,  dans  laquelle  on  a  fait  plufieurs 
trous  ,  autour  de  chacun  defquels  on  foude 
une  lértiiîure  qui  fè  rabat  ilir  les  pier- 
res ,  pour  les  retenir  dans  ces  trous.  Voye\ 
Sertissure. 

A~PLOMB  ,  forte  de  terme  qui  fert  à 
déiigner  la  fituation  verticale  &:  perpendi- 
culaire à  l'horizon.  Voyei;^  HORIZON  & 
Vertical.  Un  fil  à-plomb  qu'on  laifTc 
pendre  librement ,  fe  met  toujours  dans 
une  fituation  verticale.  C'cR  de-là  qu'eft 
venue  cette  dériomination.   {  O) 

A-PI.OMB,  fe  dit  dans  l'Ecriture  d'un 
caraftere  mâle  ,  dont  les  pleins  font  bien 
remplis  ,  ayant  été  formés  par  une  plume 
qui  les  a  frappés  également  fur  la  ligne 
perpendiculaire  ,  &  leur  a  d-onné  toute  la 
plénitude  &  tout  le  produit  que  compor- 
toit  la  fituation. 

*  APLOME,  f.  f  {Lith.)  c'efl  ainfi 
qu'on  appelle  une  nappe  dont  on  couvre 
l'autel  dans   l'églife  grecque. 

*  APLUSTRE,  f.  m.  { H  if.  anc.)  nom 
que  les  anciens  donnoient  à  un  ornement 
qu'on  mettent  au  plus  haut  des  poupes. 
Euflathe  ,  interprète  d'Homcre  ,  dit  qu'il 
étoit  fait  de  planches  larges  &  bien  travail- 
lées ;  &  le  père  Montlaucon  donne  pour 
exemple  d'aplujlre  ,  cet  inflrument  de  bois 

.  que  porte  fur  fon  épaule   un   Triton   qui 


lî  A  P  O 

joue  cIli  cor,  &  qui  orne  le  milieu  de  la 
troiiieme  poupe  ,  qu'on  voit  tome  IV,  page 
a.z  z  ,  FI.  CXXXIII.  On  voit  un  autre 
aplufire ,  même  tome  ,  Pl.fuirante  ;  celui-ci 
ne  refTemble  guère  au  précédent  :  d'ail- 
leurs le  premier  aplufire ,  celui  de  la  PL 
CXXXIII ,  n'occupe  pas  la  partie  la  plus 
élevée  de  la  poupe.  Il  y  a  d'habiles  gens 
qui  ont  cru  que  V aplufire  étoit  la  flamme  du 
vaifleau  ,  ce  qui  fert  à  connoître  la  direc- 
tion du  vent.  Je  ne  fais ,  dit  le  P.  Mont- 
faucon  ,  fi  jamais  ce  mot  a  été  employé 
dans  le  dernier  fens  :  mais  je  fuis  sûr  que 
plufieurs  auteurs  anciens  l'ont  pris  dans  le 
iiremier  fens. 

APOBATERION  ,  [Littérat.)  c^ttoU- 
lipiciv ,  mot  purement  grec ,  &  qui  fignific 
vn  difcours  d'adieu. 

Les  anciens ,  par  ce  terme  ,  entendoient 
tout  poëme  ,  compliment ,  ou  difcours 
qu'un  perfonnage  prêt  à  quitter  ia_  patrie 
ou  un  pays  étranger,  adrdibit  à  fes  pa- 
rens  ,  amis ,  ou  autres  qui  lui  avoient  lait 
bon  accueil.  Tel  e(t  l'adieu  qu'Enée  fut  à 
Hélénus  &  à  Andromaque  dans  le  troifie- 
ine  livre  de  l'Enéide. 

Au  contraire  ,  le  premier  difcours  qu'on 
tenoit  en  entrant  dans  un  pays  ou  au  re- 
tour d'un  voyage,  fe  nommoit  épibatérion. 
Voyei  ÉPIBATÉRION.   (G) 

*  APOBOMiES  ,  (  Myth.  )  de  k^l ,  def- 
fous  ,  &  de  |8o//of ,  autel  ,  fêtes  chez  les 
Grecs ,  où  l'on  ne  facrifioit  point  fur  l'au- 
tel ,  mais  à  plate-terre  &  iur  le  pavé. 

APOCALYPSE,  f  f.  {Théol.)  du  grec 
cL'aMccKv^ii ,  rej-'élation  ;  c'cft  le  nom  du 
dernier  livre  canonique  de  l'Ecriture.  Voj'e:^ 

Canon  &  Bible. 

Il  contient ,  en  vingt-deux  chapitres  ,  une 
prophétie  touchant  l'état  de  l'églile ,  de- 
puis l'aicenfion  de  Jeius  -  Chrill  au  ciel 
jiilqu'au  dernier  jugement  :  &  c'ell  comme 
la  conclufion  de  toutes  les  faintes  Ecritu- 
res ,  afin  que  les  fidèles ,  reconnoiffant  la 
conformité  des  révélations  de  la  nouvelle 
îilliancc  avec  les  prédidions  de  l'ancienne , 
J(>ient  plus  confirmés  dans  l'attente  du 
dernier  avènement  de  Jefus  -  Chrift.  Ces 
révélations  firent  faites  à  l'apôtre  St.  Jean 
durant  fon  exil  dans  l'île  de  Pathmos 
rendant  la  pcrlécution  de  Domitien.  Voye\ 
RÉVJiLATION, 


A  P  O 

L'enchaînement  d'idées  fublimes  & 
prophétiques  qui  compofent  V Apocalypfe  , 
a  toujours  été  un  labyrinthe  pour  les  plus  • 
grands  génies  ,  &  un  écueil  pour  la  plu- 
part des  commentateurs.  On  fait  par 
quelles  rêveries  ont  prétendu  l'expliquer 
Drabienis  ,  Jofeph  Mede  ,  le  minière 
Jurieu ,  le  grand  Newton  lui-mtme.  Les. 
(ecrets  qu'elle  renferme  ,  &  l'explication 
frivole  que  tant  d'auteurs  ont  tenté  d'en 
donner ,  font  bien  propres  à  humilier  l'el- 
prit  humain. 

On  a  long-temps  >difputé,  dans  les  pre- 
miers fiecles  de  l'égliie  ,  iur  l'authenticité 
&  la  canonicité  de  ce  livre  :  mais  ces  deux 
points  font  aujourd'hui  pleinement  éclair- 
cis.  Quant  à  fon  authenticité  ,  quelques 
anciens  la  nioient  :  Cérinthe  ,  difoient-ils , 
avoit  donné  à  Vyîpocalypfe  le  nom  de 
Saint  Jean  ,  pour  donner  du  poids  à  les- 
rêveries  ,  &:  pour  établir  le  règne  de  Je— 
ius-Chrift  pendant  mille  ans  Iur  la  terre  y 
après  le  jugement.  Voye:^  MILLENAIRES^ 
Saint  Denis  d'Alexandrie  ,  cité  par  Eufebe  , 
l'attribue  à  un  perfonnage  nommé  Jean  , 
différent  de  l'évangélifle.  Il  efi  vrai  que 
les  anciennes  copies  grecques ,  tant  manul- 
crites  qu'imprimées ,  de  \'Apocalypfe  ,  por- 
tent en  tête  le  nom  de  Jean  le  divin. 
Mais  on  fîit  que  les  Pères  grecs  donnent 
par  excellence  ce  furnom  à  l'apôtre  S. 
Jean ,  pour  le  difiinguer  des  autres  évan- 
géliffes ,  &  parce  qu'il  avoit  traité  fpécia- 
lement  de  la  divinité  du  verbe.  A  cette 
raifon  l'on  ajoute  ,  i''.  que  dans  VApoca-- 
lypfe  ,  S.  Jean  efl  nommément  défigné  par 
cts  termes  :  A  Jean  qui  a  publié  la  parole 
de  Dieu  ,  ù  qui  a  rendu  témoignage  de  tout 
ce  qu'il  a  ru  de  Jefus-Chrifi  ;  carafteres 
qui  ne  conviennent  qu'à  l'aputre.  2.°.  Ce 
livre  efi  adreffé  aux  fcpt  églifes  d'Afie  , 
dont  S.  Jean  avoit  le  gouvernement.  3°.  Il 
efl  écrit  de  l'fle  de  Pathmos  ,  où  S.  Irenée  , 
Eufebe ,  &  tous  les  anciens  conviennent 
que  l'apôtre  S.  Jean  fut  relégué  en  95  ,  & 
d'où  il  revint  en  98  ;  époque  qui  fixe  en- 
core le  temps  où  l'ouvrage  fut  compofé. 
4".  Enfin  plufieurs  auteurs  voifins  des  temps 
apofloliqucs  ,  tels  que  faint  Jufiin  ,  S.  Ire- 
née ,  Origenc  ,  Viéorin ,  &  après  eux  une 
foule  de  pères  &  d'auteurs  eccléfiaffiques  y 
l'attribuent    à    Saint    Jean     l'Evangélifle. 


A  P  O 

r.  Authenticité  i&AuTnï:NTiQUE 
Quant  à  fa  canonicité ,  elle  n'a  pas  crc 
moins  contcilée.  S.  Jcrume  rapporte  que 
dans  l'cglifc  grecque  ,  môme  de  (on  temps , 
on  la  révoquoit  en  doute.  Euiebe  &  S. 
Epipliane  en  conviennent.  Dans  les  cata- 
logLies  des  livres  faints  ,  drefles  par  le  con- 
cile de  Laodlce^e ,  par  S.  Grégoire  de 
Nazianze ,  par  S.  C}'rille  de  Jéruialem  , 
&  par  quelques  autres  auteurs  grecs  ,  il 
n'en  eft  fait  aucune  mention.  Mais  on  l'a 
toujours  regardée  comme  canonique  dans 
l'églife  latine.  C'eft  le  fentiment  de  S.  Jul- 
tin  ,  de  S.  Irenée  ,  de  Théophile  d'Antio- 
che  ,  de  Méliton  ,  d'Apollonius ,  &  de 
Clément  Alexandrin.  Le  troifieme  con- 
cile de  Carthagc  ,  tenu  en  397,  l'inléra  dans 
le  canon  des  Ecritures  ,  &  depuis  ce  temps- 
là  ,  l'églife  d'orient  Ta  admife  comme  celle 
d'occident. 

Les  Alogiens  ,  hérétiques  du  deuxième 
fiecle  ,  rejetoient  VApocalypfe  ,  dont  ils 
tournoient  les  révélations  en  ridicule  , 
lur-tout  celles  des  fcpt  trompettes  ,  des 
quatre  anges  liés  fur  l'Euphrate  ,  6v.  S. 
Epiphane  répondant  à  leurs  inveftives  , 
obferve  que  VApocalypfe  n'étant  pas  une 
fimple  lijlloire  ,  mais  une  prophétie  ,  il 
ne  doit  pas  paroître  étrange  que  ce  livre 
loit  écrit  dans  un  flyle  figuré  ,  fembla- 
ble  ;\  celui  des  prophètes  de  l'ancien  Tef- 
tament. 

La  difficulté  la  plus  fpécieufe  qu'ils 
oppofifTent  à  l'authenticité  de  VApocalypfe , 
étoit  tondée  fur  ce  qu'on  lit  au  ch.  xj  ,  v. 
î8  :  Ecrive^  à  l'ange  de  l'églife  de  Thyatire. 
'•Or  ,  ajoutoient-ils  ,  du  temps  de  l'apôtre 
S.  Jean  ,  il  n'y  avoit  nulle  égliie  chrétienne 
à  Thyatire.  Le  même  S.  Epiphane  convient 
du  fait ,  &  répond  que  î'apon-e ,  parlant 
d'une  chofe  future  ,  c'efl-à-dire  de  l'églile 
qui  devoit  être  un  jour  établie  à  Thya- 
tire ,  en  parle  comme  d'une  choie  pré- 
fente &  accomplie  ,  fuivant  l'uiage  des 
prophètes.  Quelques  modernes  ajoutent  , 
que  du  temps  de  S.  Epiphane  ,  le  catalogue 
des  évêques ,  &  les  autres  aftes  qui  prou- 
voient  qu'il  y  avoit  eu  une  égliie  à  Thya- 
tire dès  le  temps  des  apôtres ,  ëtoient  in- 
connus à  ce  père ,  &  que  Ion  aveu  ne 
iavorile  point  les  Alogiens.  Enfin  Grotius 
jsmarque  qu'encore  qu'il  n'y  eût  aucune 


A   P    O  19 

églife  de  Païens  convertis  à  Thyatire  , 
quand  S.  Jean  écrivit  fon  Apocalypfe  ,  il 
y  en  avoit  néanmoins  une  des  Juifs ,  (em- 
hlable  à  celle  qui  s'étoit  établie  à  Theda- 
lonique  avant  que  S.  Paul  y  prêchât. 

II  y  a  eu  plufieurs  Apocalypfes  luppo- 
fées.  S.  Clément ,  dans  (es  hypotypoles  -, 
parle  d'une  Apocalypfe  de  S.  Pierre  ;  & 
Sozomene  ajoute  qu'on  la  lifoit  tous  les 
ans  vers  Pâque  dans  les  égliles  de  la  Pa- 
leftine.  Ce  dernier  parle  encore  d'une 
Apocalypfe  de  S.  Paul  ,  que  les  moines 
cHimoient  autrefois  ,  &  que  les  Cophtes 
modernes  fe  vantent  de  pofleder.  Eufebe 
fait  auffi  mention  de  VApocalypfe  d'A- 
dam ;  S.  Epiphane,  de  celle  d'Âbralwm» 
fippolee  par  les  hérétiques  Séthiens  ,  & 
des  révélations  de  Seth  &  de  Narie  femme 
de  Noé ,  par  les  Gnoffiqucs.  Nicéphorc 
parle  d'une  Apocalypfe  d'Eldras  ;  Gratian 
&  Cédrene  d'une  Apocalypfe  de  Moyfe  ; 
d'une  autre  atribuée  à  S.  Thomas  ;  d'une 
troifieme  de  S.  Etienne  ;  &  S.  Jérôme 
d'une  quatrième  ,  dont  on  faifoit  auteur 
le  prophète  Elle.  Porphyre  dans  la  vie  de 
Plotin  ,  cite  les  Apocalypfes  de  Zoroaf- 
tre ,  de  Zoflrein ,  de  Nicothée  ,  d'Al- 
logènes ,  &c.  livres  dont  on  ne  connoît 
plus  que  les  titres,  &  qui  vraifemblable- 
ment  n'étoient  que  des  recueils  de  tables. 
S'ixt. fenenf.  lib.  11.  &  f^ii.  Dupin ,  dijferu 
prxlim.  tom.  m.  &  bibliot.  des  aut.  ec- 
clefiajl    (G) 

APOCHYLINNE ,  en  Pharmacie ,  fuc 
végétal  épailll  ,  que  l'on  appelle  dans  les 
boutiques/uc  épaiffi.  Voye\Svc  ÉPAISSI. 

*  APÔCINOS ,  nom  d'une  danfe  an- 
cienne dont  il  ne  nous  eft  refté  que  le 
nom. 

APOCOPE  ,  f  £  (  Gramm.  )  figure  de 
diâion  ,  qui  i'e  tait  lorfqu'on  retranche 
quelque  lettre  ou  quelque  iyllabe  A  la  fin 
d'un  mot ,  comme  dans  ces  quatre  impé- 
ratifs die  y  duc  ,  fac  ,  fer  ,  au  lieu  de  dice  ^ 
duce,  Sicc.  ingeni  pour  ingenii  y  negoû pour 
negotii  ,  &c. 

Ce  mot  vient  de  cciroM-jn  ,  qui  efi  com- 
polé  de  la  prépofition  oc^tho  ,  qui  répond 
à  l'a  ou  ab  des  Latins ,  &  de  n<nf[a ,  je  cou- 
pe ,  je  retranche.  {F) 

*  APOCREAS  ,  f  f  (Lithurgte.)  ced 
la  femaine  qui  répond  à  celle  que  nous  ap- 

C  i 


io  A  P   O 

pelions  îd  feptuagelime.  Les  Grecs  l'appel- 
lent apocreas  ou  prh'ation  de  chair,  parce 
qu'après  le  dimanche  qui  la  luit ,  on  cefTe 
tîe  manger  de  la  chair  ,  &  l'on  ule  de  lai- 
tage julqu'au  fécond  jour  après  la  quinqua- 
géfime,  que  commence  le  grand  jeûne  de 
carjmc.  Pendant  Wipocrc'as  ,  on  ne  chante 
ni  triode  ni  alléluia.  Diâ.  de  Tréf. 

APOCRISIAIRE,  f.  m.  dans  VHiflolre 
ancienne ,  c'étoit  un  officier  établi  pour 
porter  &  faire  les  mefllages  ,  intimer  les 
ordres  ,  ou  déclarer  lesréponfes  d'un  prince 
ou  d'un  empereur. 

Ce  mot  efl  formé  du  grec  «TOJtp/V/f ,  ref- 
ponfiim  ,  réponfe  ;  d'où  vient  qu'il  s'ap- 
pelle fouvent  en  latin  refponfalis ,  porteur 
de  réponfes. 

Cet  officier  devint  enfuite  chancelier  de 
l'empereur  ,  &  garda  les  fceaux.  Nous  trou- 
vons quelquefois  dans  un  latin  barbare 
fifecreta  ,  iècreraire  ,  pour  apocrijmrius. 
Zozime  le  définit  un  fecretaire  des  affaires 
étrangères.  C'ell  ce  que  Vopifcus  ,  dans  la 
vie  d'Aurelien ,  appelle  'Notarius  fecretorum. 
iï^oj'f^  Secrétaire  ,  &c\ 

Les    patriarches    donnèrent    enfuite    ce 
3iom   aux    diacres    qu'ils   députoient   pour 
les  intérêts   de  leurs    églifes ,    &   aux    ec- 
cléfiafliques  qui  étoient  envo3'és  de  Rome 
pour  traiter  des  affaires  du  faint  fiege  :  car , 
outre  les  fous-diacres  &  les  défenfeurs  que 
les  papes  cnvoyoient   de  temps  en  temps 
dans  les  provinces ,  pour  y  exécuter  leurs 
ordres  ;   ils   avoicnt  quelqu^oisiiun  nonce 
ordinaire    rélidant    à    la   cour    impériale , 
que  les  Grecs  appclloienr  apocrifiaire ,  & 
les  Latins  refponfalis  ;  parce  que  fon  em- 
ploi n'étoit  autre  que  d'expofer  au  prince 
le;  intentions   du    pape ,  &    au    pape    les 
volontés    de  l'empereur  ,   &   les  réponles 
réciproques  de    l'un    &  de  l'autre   fur    ce 
qu'il   avoit  à   négocier  :  de   forte  que  ces 
apocrifiaires    étoient  ,    à  proprement   par- 
ler ,  ce   que    lont  les   ambalTadeurs    ordi- 
naii'os   des    fouverains   &   les    nonces    du 
pape  auprès   des    princes.   Saint   Grégoire 
te   grand   avoit   exercé  cet    emploi    avant 
que  d'ctre  pape  ,  &:    plufieurs  autres  l'ont 
aufll    exercé    avant    leur    pontificat.    Les 
apocrifiaires     n'avoient     aucune     jurifdic- 
tion    A    Conffanrinoiile  ,    (  ainfi     que    les 
nonces  n'en  ont  point  en  France ,  )  fi  ce 


A   P    O 

n'étoit  qu'ils  fulTent  auffi  délégués  Ju 
pape  ,  pour  le  jugement  de  quelques  cau- 
ics  d'importance.  Quoiqu'ils  fuflént  non- 
ces du  pape  ,  ils  cédoient  néanmoins  aux 
évêques  ;  comme  il  parut  au  concile  de 
Conflantinople  en  $36,  où  Pelage,  apo- 
crijiaire  du  pape  Agapet  ,  &  le  premier 
de  les  nonces  apofloliques  qu'on  trouve 
dans  l'hiitoire ,  îoufcrivit  après  les  évê- 
ques. Ces  apocrijiaires  étoient  toujours 
des  diacres ,  &  jamais  des  évêques ,  car 
ceux-ci  n'étoicnt  employés  qu'aux  am- 
baflàdes  extraordinaires ,  ou  aux  légations. 
Nous  avons  remarqué  que  les  patriar- 
ches en  Orient  avoient  leur  apocrifiaire^ 
Ainfi  dans  le  iynode  tenu  à  Conilantino- 
ple  l'an  439,  Diolcore ,  upocrifuire  de 
i'églife  d'Alexandrie  ,  foutint  la  primatie 
de  Ion  prélat  contre  celui  d'Antioche.  On 
trouve  aulll  des  exemples  à^ apocrijiaires 
que  les  papes  ont  envoyés  aux  patriarches 
d'Orient.  On  a  encore  donné  le  nom  d'à- 
pocrifiaires  aux  chancehers  ,  que  l'on  ap- 
pelloit  auffi  référendaires.  Ainfi  S.  Ouen 
eft  appelle  apocrijiaire  du  roi  ;  &  Aimoin 
dit  qu'il  étoit  référendaire.  Voyei  LÉGAT. 
Ducange ,  GLoff.  latinit.  Thomaffi  Difcip. 
ecclefajl. 

Bingham  ,  dans  les  Antiquités  ecclé- 
fiaftiques  ,  oblerve  que  la  fonélion  ai  apo- 
crifiaire des  papes  peut  avoir  commencé 
vers  le  temps  de  Confiantin  ,  ou  peu  après 
la  converfion  des  empereurs  ^  qui  dut 
néceffairement  établir  des  correfpondan- 
ces  cntr'eux  &  les  fouverains  pontitcs  ; 
mais  on  n'en  voit  guère  le  nom  que  vers 
le  règne  de  Juflinien  ,  qui  en  fait  mention 
dans  fa  Novelle  VI,  du  ij ,  par  laquelle 
il  paroît  que  tous  les  évêques  avoicnt  de 
femblables  officiers.  A  leur  imitation  les. 
monafleres  eurent  auffi  dans  la  fiiite  des 
apocrif  aires  ,  qui  ne  rélidoient  pourtant' 
pas  perpétuellement  dans  la  ville  impériale 
ou  à  la  cour  ,  comme  ceux  du  pape  ;  mais 
qu'on  délcguoir  dans  le  belbin  pour  les 
aff)ires  que  le  monaftere ,  ou  qtielqu'un 
des  moines  ,  pouvoit  avoir  au  dehors  ou' 
devant  l'évêque.  Dans  ces  cas  ,  Juffinien, 
dans  fa  Novelle  LXXIX  ,  veut  que  les 
afcetes  ,  &  les  vierges  coniacréx\s  à  Dieu  , 
comparoilfenr  &  répondent  par  leurs  apo- 
crifuires.   Ils   étoient  quelqu'-ifois   clercs. 


A  P  O 

comme  il  paroît  par  les  aftes  du  V  con- 
cile général ,  où  Théonas  ie  nomme  prêtre 
&  apocrijiaire  du  monaftcre  du  mont  Sinai. 
C'étoit  à-peu-près  ce  que  font  aiiiourd'hui 
les  procureurs  dans  les  monallcres ,  ou 
mcmc  les  procureurs  généraux  des  ordres 
religieux.  Suicer  ajoute,  que  les  empereurs 
de  Conflantinople  ont  aufli  donné  quelque- 
fois à  leurs  ambafladcurs  ou  envoyés  le  titre 
iVapoc  ri  l'aire  ou  apocri/iaire.  Bingham,  Orig. 
ce  clef.  lih.  III.  c.  xuj.  5.  G. 

L'héréfie  des  Monothélites  &  celle  des 
Iconoclaftes  qui  la  iuivit ,  abrogèrent  l'u- 
lage  où  la  cour  de  Rome  ctoit  d'avoir  un 
apocri/iaire  à  Conlhintinople.  (G) 

*  ÀPOCROUSTIQUES  ,  {Médecine.  ) 
(ij^idiete  que  l'on  donne  aux  remèdes  dont 
la  vertu  cft  aftringenre  &  percuflîve.  Ce 
mot  eft   formé  de  «To<fo  «  ,  je  reprime. 

APOCRYPHE,  {Théologie.)  du  grec 
«TÔxpt/jof  ,  terme  qui ,  dans  Ion  origine  & 
félon  Ion  étymologie,    lignifie  cache'. 

En  ce  fens,  on  nommoit  apocryphe  tout 
^crit  gardé  iecrettement,  &:  dérobé  à.  la  con- 
noilTance  du  public.  Ainii  les  livres  des 
Sybilles  à  Rome  ,  confiés  à  la  garde  des 
décemvLi-s  ,  les  annales  d'Egypte  &  de  Tyr , 
dont  les  prêtres  leuls  de  ces  royaumes 
étoient  dépofitaires ,  &  dont  la  leâure 
n'étoit  pas  permiie  indifféremment  à  tout 
le  monde  ,  étoient  des  livres  apocryphes. 
Parmi  les  divines  Ecritures  un  livre  pouvoir 
être  en  même  temps  ,  dans  ce  l'ens  général , 
un  livre  lacré  &  divin  ,  &  un  livre  apocry- 
phe :  /acre  &  dii'in  ,  parce  qu'on  en  con- 
roifloit  l'origine ,  qu'on  iavoit  qu'il  avoit 
été  révélé  :  apocryphe  ,  parce  qu'il  étoit  dé- 
pofé  dans  le  temple  ,  &  qu'il  n'nx  oit  point 
été  communiqué  au  peuple  ;  car ,  lorlque 
les  Juifs  publioient  leurs  livres  iacrés,  ils 
les  appelloient  canoniques  &  dit'ins  ,  &  le 
nom  ^apocryphes  reçoit  à  ceux  qu'ils  g-ar- 
doient  dans  leurs  archives.  Toute  la  diffé- 
rence confifloit  en  ce  qu'on  rendoit  les  uns 
publics ,  &  qu'on  n'en  uloit  pas  de  même 
»  l'égard  des  autres  ;  ce  qui  n'empêchoit 
pas  qu'ils  ne  puffent  cire  (acres  &  divins , 
quoiqu'ils  ne  fufTent  pas  co-nnus  i^our  tels 
du  public  ;  ainfi ,  avant  la  traduction  des 
Septante ,  les  livres  de  l'ancien  Tellament 
pouvoient  être  appelles  apocryphes ,  par 
rapport  aux  Gentils  \   &  par  rappçrt    aux 


A  P  O  VI 

Juifs  ,  là'même  qualification  convenoir  aux 
livres  qui  n'étaient  pas  iniércs  dans  le  canon 
ou  catalogue  public  des  Ecritures.  C'ell 
précilément  aiîjfi  qu'il  faut  entendre  ce  que 
dit  laint  Epiphane  ,  que  les  //r/fj  apocry- 
phes ne  font  point  dépofe's  dans  L'arche 
parmi  les  autres  écrits  infpire's. 

Dans  le  chriflianiime ,  oa  a  attaché  aw 
mot  apocryphe  une  fignification  différente  , 
&  on  l'emploie  pour  exprimer  tout  livre 
douteux  ,  dont  l'auteur  e(i  incertain  ,  &  fur 
la  foi  duquel  on  ne  peut  f^iire  fond  ;  comme, 
on  peut  voir  dans  (aint  Jérôme ,  &  dans 
quelques  autres  pères  Grecs  &  Latins  plus 
anciens  que  lui  :  ainfi  l'on  dit  un  li/yre  ,  un 
pj^Jfagc  ,  une  hifioire  apocryphe  ,  &cc.  lori- 
qu'il  y  a  de  tartes  raiibns  de  (iilpedcr  leur 
authenticité  ,  &  de  penfer  que  ces  écrits  (ont 
fuppofés.  En  matière  de  daélrine ,  on 
nomme  apocryplics  les  livres  des  hérétiques 
&  des  fchifmatiques  ,  &  même  des  livres, 
qui  ne  contiennent  aucune  erreur ,  mais- 
qui  ne  font  point  reconnus  pour  divins , 
c'efl-à-dire  ,  qui  n'ont  été  compris  ni  par 
la  fynagogue  ni  par  l'Egliié  ,  dans  le  ca- 
non ,  pour  être  lus  en  public  dans  les 
affemblées  des  Juifs  ou  des  Chrétiens. 
Voye:^  Canon  ,  BiBLE. 

Dans  le  doute  fi  un  livre  efl  canonique- 
ou  apocryphe ,  s'il  doit  taire  autorité  ou 
non  en  matière  de  religion-,  on  fent  la 
néceflité  d'un  tribunal  fupérleur  &  infail- 
hble  pour  fixer  rincertinide  des  efprits  ;  & 
ce  tribunal  e(l  l'Églife  ,  à  qui  (èule  il  appar- 
tient de  donner  à  un  livre  le  titre  de  dii'in  ^ 
en  déclarant  que  le  nom  de  fon  auteur 
peut  le  faire  recevoir  comme  canonique  , 
ou  de  le  rejeter  comme  fuppofé. 

Les  Catholiques  &  les  Proteflans  ont  eu 
des  difputes  très-vives  fur  l'autorité  de 
c^uelques  livres  que  ces  derniers  traitent 
^apocryphes  ,  comnoe  Judith,  Efdras  ,  les 
Machabées  :  les  premiers  (e  font  fondés  fur 
les  anciens  canons  ou  catalogues ,  &  fur  le 
témoignage  uniforme  des  pères  ;  les  autres 
(ur  kl-  tradition  de  quelques  églifes.  M. 
Simon ,  en  particulier ,  foutient  que  les 
Ii\  res  rejetés  par  les  Proteflms,  ont  été  cer- 
tainement lu.i  en  Grec  cKins  les  plus  ancien- 
nes églifs-s ,  &  même  par  les  apôtres  ;  ce^ 
qu'il  intere  de  plufieurs  palliiges  de  leurs 
écrits.  Il  ajoute  que  l'Eglife  les  reçut  des 


li:  A  P  O 

Grecs  Helleniiles ,  avec  les  aiures  livres  de 
l'Ecriture,  &  que  il  l'Églife  de  Paleftine 
retul'a  toujours  de  les  admettre ,  c'eft  ieu- 
lement  parce  qu'ils  n'étoient  pas  écrits  en 
hébreu  comme  les  autres  livres  qu'elle 
lifoit ,  &:  non  qu'elle  les  regardât  comme 
apocryphes ,  c'clt-à-dire  fuppofës.  A  ce 
raifonnement ,  les  Proteflans  oppofent  l'au- 
torité des  écrivains  de  tous  les  liecles ,  qui 
diflinguent  précifément  les  livres  en  quei- 
tion  ,  de  ceux  qui  étoient  compris  dans  le 
canon  des  Juifs. 

Les  livres  reconnus  pour  apocryphes  par 
l'églife  catholique  ,  qui  font  véritablement 
hors  du  canon  de  l'ancien  Teflament ,  & 
que  nous  avons  encore  aujourd'hui ,  font 
Voraifon  de  Manafsès  ,  qui  efl  à  la  fin  des 
Bibles  ordinaires  ,  les  III  Ù  IV  Uires 
d'Efdras ,  les  III  &  IV  livres  des  Ma- 
chabées.  A  la  fin  du  livre  de  Job  ,  on  trouve 
une  addition  dans  le  grec  qui  contient  une 
généalogie  de  Job  y  avec  un  difcours  de  la 
femme  de  Job  ;  on  voit  auffi  ,  dans  l'édition 
grecque ,  un  Pfeaume  qui  n'eft  pas  du  nom- 
bre des  CL ,  &  à  la  fin  du  livre  de  la  Sagelîè , 
'Un  difcours  de  Salomon^  tiré  du  viij^  chap. 
du  IIP  livre  des  Rois.  Nous  n'avons  plus 
le  livre  d'Enoch  ,  fi  célèbre  dans  l'an- 
tiquité ;  &  félon  faint  Auguffin  ,  on  en 
Jiippoia  un  autre  plein  de  fidions  ,  que  tous 
les  Pères ,  excepté  Tertullien  ,  ont  regardé 
comme  apocryphe.  Il  faut  auffi  regarder 
dans  la  claflé  des  ouvrages  apocryphes ,  le 
livre  de  l'affomption  de  Moyfe  ,  &  celui 
de  l'afî'omption  ou  apocalypié  d'Elie.  Quel- 
ques Juifs  ont  iuppofé  des  livres  fous  le 
nom  des  Patriarches  ,  comme  celui  des 
générations  éternelles  ,  qu'ils  attribuoient  t\ 
Adam.  Les  F.bionites  avoient  pareillement 
iuppofé  un  livre  intitulé  ïéchelle  de  Jacob  , 
&:  un  autre  qui  avoit  pour  titre  la  généa- 
logie des  fils  &  filles  d'Adam  ;  ouvrages 
imaginés  ou  par  les  Juifs  ,  amateurs  des 
fiflions  ,  ou  par  les  hérétiques  ,  qui ,  par 
cet  artifice  ,  (emoient  leurs  opinions  ,  & 
en  rechcrchoient  l'origine  jufque  dans  une 
antiquité  prc^pre  à  en  impofer  à  des  yeux 
peu  clairvo} ans.  Voye\  AcTES  DES 
Apotrks.    {G) 

APOCYNj  apocymtm ,  f.  m.  {Hifl.  nat. 
&  bot.  )  genre  de  plante  A  fleurs  monopétales , 
&  laites  en  forme  de  cloche  ;  ces  fleurs  ne 


A  P  O 

font  pas  tout-à-fiiit  femblables  dans  touteè; 
les  clpeces  ;  il  faut  décrire  féparément  les 
principales  différences  que  l'on  y  remixrque. 

I  .  Il  y  a  des  efpeces  à'apocyn  dont  les 
fleurs  font  des  cloches  découpées.  Il  s'élève 
du  fond  du  calice  un  piflil  qui  tient  à  la 
partie  poflérieure  de  la  fleur  comme  un 
clou ,  &  qui  devient  dans  la  fuite  un  fruit 
A  deux  gaines  ,  qui  s'ouvre  dans  fa  longueur 
de  la  bafe  à  la  pointe ,  &  qui  renferme  plu- 
fieurs  femences  garnies  d'une  aigrette  ,  & 
attachées  à  un  placenta  raboteux. 

2.  .  On  trouve  quelques  autres  efpeces 
A^apocyn  dont  les  fleurs  font  des  cloches 
renverlées  &  découpées.  II  s'élève  du  mi- 
lieu de  ces  fleurs  un  chapiteau  fort  joli ,  qui 
efl  formé  par  cinq  cornets  difpofés  en  rond. 
Ce  chapiteau  reçoit  dans  fon  creux  le  piflil 
qui  fort  du  centre  du  calice.  Lorfque  la 
fleur  efl  pafîée  ,  ce  piflil  devient  un  fruit 
à  deux  gaines ,  elles  s'ouvrent  d'un  bout  à 
l'autre  ,  &  laiffent  voir  un  placenta  feuilleté, 
fur  lequel  font  couchées  par  écailles  plu- 
fieurs  lèmences  chargées  d'une  aigrette  ; 
ajoutez  aux  caractères  de  ce  genre  ,  que 
ces  efpeces  rendent  du  lait.  Tournefort , 
Inft.  rei  herb.    Voye\  PLANTE.  (J) 

Harris  prétend  que  Vapocyn  efl  femblable 
à  l'ipécacuana ,  qu'il  purge  violemment  par 
haut  &  par  bas  ,  &  qu'il  efl  impoffible  de 
dillinguer  Vapocyn  en  poudre  du  véritable 
ipécacuana  ,  quoique  ces  deux  racines  en- 
tières différent  par  la  couleur  des  filets  qui 
les  traverlent.  (N) 

APODICTIQUE  ;  ce  mot  efl  formé  du 
grec  «'T^o^itKvof/ui ,  je  démontre  y  je  montre 
clairement-^  c'efl ,  en  Logique  y  un  argu- 
ment ou  fyllogifme  clair ,  une  preuve  con- 
vaincante ,  ou  démonflration  d'une  chofè. 
V.  Démonstration,  Argument, 
Ùc.  {X) 

*  APODIOXIS  ,  (Belles-Lettres.  )  figure 
de  rhétorique ,  par  laquelle  On  rejette  avec 
indignation  un  argument  ou  une  objeftion 
comme  ablin-de. 

*  APODIPNE ,  f.  m.  de  k-jl  i%v  hi^ovov^ 
après  le  repas  du  foir  (Lirhurg.  )  /  office  de 
l'églife  grecque ,  qui  répond  à  ce  qu'on  ap- 
pelle compiles  dans  notre  églile.  Il  y  a  le  grand 
apodipne  &  le  périt  ;  celui-ci  efl  pour  le  cou- 
rant de  l'année  ;  le  grand  n'eft  que  pour  le 
carême^ 


A  P  O 

Apodipne  ou  Apodeipne,  (Miifî- 
gite  dds  iinc..)  ch.mlons  des  Grecs  pour  l'r- 
prè.s  ioupcr.  Les  Latins  les  appelloientpo//- 
cœnia.  (F.  D.  C.) 

APODYTErllON,  {Hifloire  anc.)  pièce 
des  anciens  Thenncs  ou  de  la  Paieflrc  ,  dans 
laquelle  on  quittoit  (es  habits  ,  loit  pour  le 
bain  ,  foie  pour  les  exercices  de  la  Gym- 
naftiqiie  :  à  en  juger  par  les  Thermes  de 
Diocléticn  avant  leur  démolition,  l'apodytc- 
rioii  étoit  un  grand  iiillon  odogone  de  figure 
oblongue ,  dont  chaque  face  formoit  un 
demi-cercle  ,  &  dont  la  voûte  étoit  loutenue 
parpluCeurs  colonnes  d'une  hauteur  extraor- 
dinaire. Me  m.  de  l'Acad.  tom.  I.  (G) 

APOGÉE,  f.  m.  c'eft,  enAJhonomiey 
le  point  de  l'orbite  du  loleil  ou  d'une  pla- 
nète ,  le  plus  éloigné  de  la  terre.  Voye-;^ 
Orbite  &  Terre. 

Ce  mot  eft  compolé  de  xTrl ,  a^  &  de  >«  , 
ou  >«i'a  ,  terra  ,  terre  ;  apogée  fignifie  auffi 
grotte  ou  i-oûte  fomerraine. 

U apogée  cft  un  point  dans  les  cieux , 
placé  à  une  des  extrémités  de  la  ligne  des 
apfides.  Lorlque  le  loleil  ou  une  planète  eiî 
à  ce  point ,  elle  le  trouve  alors  à  la  plus 
grande  diftance  de  la  terre  où  elle  puifTe  être 
pendant  fa  révolution  entière.  l^oye\  AP- 
SIDE ,  Terre ,  Planète  ,  ùc 

Le  point  oppolé  à  Wipogée  s'appelle  péri- 
gée.  Voyei  PÉRIGÉE. 

Les  anciens  Agronomes  qui  plaçoienr  la 
terre  au  centre  du  monde  ,  confidéroient 
particulièrement  Vapogée  &  le  périgée. 
Quant  aux  modernes ,  qui  font  occuper 
au  foleil  le  lieu  que  les  anciens  avoient  ac- 
cordé à  la  terre  ,  il  n'efl  plus  queflion  pour 
eux  ^apogée  &  de  péngée  ,  mais  d'aphélie 
&  périhélie.  "Vapogée  du  foleil  cil  la  même 
chofe  que  l'aphélie  de  la  terre  ,  &  le  périgée 
du  loleil  eft  la  même  chofe  que  le  périhélie  de 
la  terre.  Voye^  APHÉLIE  &  PÉRIHÉLIE  ; 
Voyei  auffi  SYSTEME. 

On  peut  déterminer  la  quantité  du 
mouvement  de  Vapogée  par  deux  obl'erva- 
tions  faites  en  deux  temps  fort  éloignés 
l'un  de  l'autre  ;  on  réduira  en  minutes  la 
diflTérencc  donnée  par  les  deux  oblerva- 
îions  ,  &  on  divifera  les  minutes  par  le 
nombre  d'années  comprifes  entre  les  deux 
obferyations  :  le  quotient  de  cette  divifion 
fera  le  mouvement  annuel  de  Vapogée,  Ainfj 


A  P  O  15 

Hipparque  ayant  obfervé ,  140  aris  avant 
Jcliis-Chrlfl,  que  Wipogée  du  foleil  étoit  au 
%^  30'  desX;  &  Riccioli  ayant  obfervé  en 
l'an  de  Jefus-Chrift  1646,  qu'il  étoit  au 
f'^  26'  du  ^  ,  il  s'enfuit  que  le  mouvement 
annuel  de  Vapogée  efl  de  i'  2."  ,  puifqu'eii 
divilant  la  diltérence  3i<*  56'  15"  réduite 
en  minutes ,  par  l'intervalle  1786  des  an- 
nées écoulées  entre  les  deux  obfervations ,  il 
vient  pour  quotient  i'  2"  ,  comme  le  por- 
tent les  tables  de  M.  de-la-Hirc. 

La  feule  de  toutes  les  planètes  qui  ait  un 
apogée  &  un  périgée  véritables  ,  efl  la  lune , 
parce  que  cette  planète  tourne  véritable- 
ment autour  de  la  terre  ;  cet  apogée  ,  auffi- 
hien  que  le  périgée  ,  a  un  mouvement  très- 
iénfible  d'occident  en  orient,  félon  la  fuite 
des  lignes  ,  de  forte  que  l'axe  ou  la  ligne 
des  apfides  ne  fe  trouve  au  même  point  du 
ciel  ,  qu'après  un  intervalle  d'environ  neuf 
ans. 

De  plus ,  le  mouvement  de  Vapogée  de  la 
Urne  efl  (ujet  à  une  inégahté  confidérable  ; 
car  lorlque  cet  apogée  fe  trouve  dans  k 
ligne  des  fyzigies  ,  il  paroît  fe  mouvoir  de 
même  que  le  ibleil ,  félon  la  fuite  des  lignes  ; 
mais  dans  les  quadratures  ,  il  efl  au  con- 
traire rétrograde.  Or  les  mouvemens  de  Va~ 
pogée  ,  foit  qu'il  s'accélère  ou  qu'il  rétro- 
grade ,  ne  font  pas  toujours  égaux  ,  car  il 
doit  arriver  ,  lorfque  la  lune  eft  dans  l'un  ou 
l'autre  quartier ,  que  la  ligne  de  fon  apogée 
s'avancera  bien  plus  lentement  qu'à  l'ordi- 
naire ,  ou  qu'il  deviendra  rétrograde  ;  au 
lieu  que  fi  la  lune -efl  en  conjondion ,  le  mou- 
vement de  Vapogée  fera  le  plus  rapide  qu'on 
pourra  obferver.  Voye:^  APSIDE.  Infl.All. 
de  M.  le  Mortnier.  La  caufe  du  mouvement 
de  Vapogée  de  la  lune  efl  le  ilijet  d'une 
grande  queflion  qui  n'efl  pas  encore  décidée 
au  moment  que  j'écris  ceci.  Voye-{  AT- 
TRACTION &  Lune.  (O) 

APOGRAPHE  ,  f  m.  {Grammaire.)  cÀ 
mot  vient  de  oiirl  ,  prépofition  grecque  qui 
répond  à  la  prépofition  latine  à  ou  de  ,  qui 
marque  dérivation  ,  &  de  >pafipfj  ,  fcribo  , 
ainfi  apographe  efl  un  écrit  tiré  d'un  autre  ; 
c'eft  la  copie  d'un  original.  Apographe  eft 
oppofé  à  autographe.  (  F) 

APOINTER  ,  V.  ad.  en  terme  de  Ton- 
deur, c'efl  faire  des  points  d'aiguille  à  une 
pièce  de  drap  ,  fur  le  manteau  uu  côté  du 


i4  A  P  O 

chef  qui  enveloppe  la  pièce  ,  pour  l'empê- 
clier  de  fe  déplier. 

^APOLITIQUE,  f.  m.  (Luh.)  c'eft 
dans  l'églilc  grecque  ,  une  forte  de  retrein 
qui  termine  les  parties  confidcrables  de  l'ot- 
Hce  divin.  Ce  refrein  change  félon  les  temps. 
Le  terme  apolitique  cfl  compofé  de  ôcïïI  &c 
dcAÛ»,  je  délie  ,  je  finis  ,   &c. 

APOLLINAiKES  ,  ou  APOLLINA- 
RIS TES ,  i:  m.  pi.  (  Théol.  )  Les  ApolU- 
naires  font  d'anciens  hérétiques  ,  qui  ont 
prétendu  que  Jefus-Chrilt  n'avoit  point  pris 
un  corps  de  chair  tel  que  le  nôtre  ,  ni  une 
ame  raifonnable  telle  que  la  nôtre. 

Apollinaire  de  Laodicée  ,  chef  de  cette 
feâe  ,  donnoit  à  Jefus-ChriH  une  efpece 
de  corps  ,  dont  il  foutenoit  que  le  verbe 
avoit  été  revêtu  de  toute  éternité  ;  il  met- 
toit  auiïï  de  la  diftérence  entre  l'ame  de 
Jefus-Chrill  &  ce  que  les  Grecs  appellent 
fovi ,  efprit  ,  entendement  ;  en  coniéquence 
de  cette  dillinftion  ,  il  difoit  que  le  Chriil 
avoit  pris  ime  ame  ,  mais  liins  l'entende- 
ment ;  défaut ,  ajoutoit-il ,  fuppléé  par  la 
prefence  du  Verbe.  Il  y  en  avoit  même , 
entre  les  feftateurs  ,  qui  avançoient  pofi- 
tivement  que  le  Chrirt  n'avoit  point  pris 
d'ame  humaine. 

Selon  l'évêque  Pearfon ,  écrivain  Anglois  , 
»  la  différence  entre  l'héréfie  des  ApolUnai- 
r  res  ,    &   celle    des  Ariens  ,  eft ,  que  les 
>jApollin.xires    Ibutenoient    que    Dieu    fe 
»  revêtit  en  même  temps  de  la  nature  de 
rîa  chair  &  de  l'ame  de  l'homme',  au  lieu 
»que  les  Ariens    ne    lui    attribuoient   que 
»la  nature  de  la  chair.  Il  y  a  deux  chofes  à 
w  remarquer  dans  l'héréfie  des  Apollinaires, 
»io.     un     fentimcnt      philofophique     qui 
«confifte    à  dillinguer    trois    parties    dans 
»  l'homme,  l'ame  ,     l'entendement    &    le 
w  corps  :   2-".    un    fentiment   théologique  , 
»  par  lequel  il   paroît  qu'ils  ct)mpolbient  la 
«nature  humaine    de    Jeliis-Chrifl  ,    d'un 
»j  corps  &   d'une  ame    tels  que    nous    les 
»  avons  ,  à  l'exception  que  l'ame  humaine 
wprilè  par  Jefus-Chrifl,    étoit  iéparée  de 
w  notre    entendement.  »j    Nous    remarque- 
rons que  l'évêque  Pearfon  femble  s'écarter 
ici  de  l'opinion  commune  des  auteurs  qui 
ont  travaillé  fur  l'hilloire  ecclélîallique  ,  en 
fiippofant  c^u  Apollinaire  accordoit  à  Jefus- 
Chrifl  un  vrai  corps  tel  que  k  autre.  Voye\ 


A  P  O 

Niceph.  hifl.  eccléf.  lit:  II,  ch.  ocij,  Vincent 
de  Lerms. 

Apollinaire  prétcndoit  encore  que  les 
âmes  étoient  engendrées  par  d'autres  âmes  , 
comme  il  en  efl  des  corps.  Théodoret 
l'accule  d'avoir  confondu  les  perionnes  en 
Dieu  ,  &  d'être  tombé  dans  l'erreur  des 
Sabelliens.  S.  Balilide  lui  reproche  d'un 
autre  côté  d'abandonner  le  fens  littéral  de 
l'Ecriture ,  &  de  rendre  les  livres  laints 
entièrement  allégoriques. 

L'héréfie  X Apollinaire  confifloit,  comme 
on  voit  ,  dans  des  dillinclions  très-lubtiles  : 
c'étoit  une  quellion  compliquée  de  iVIéta- 
ph\  lique  ,  de  Grammaire  ,  &  de  Théolo- 
gie ,  à  laquelle  il  n'étoit  guère  poiîlble  que 
le  commun  des  fidèles  entendit  quelque 
chofe  ;  cependant  l'hilloire  eccléfialîique 
nous  apprend  qu'elle  fit  des  progrès  confi- 
dérables  en  Orient.  La  plupart  des  églifes 
de  cette  partie  du  monde  en  furent  infectées. 
Elle  tut  anathématilée  dans  un  concile  tenu 
à  Alexandrie  Ibus  S.  Athanafb  en  j6z ,  & 
dans  ceux  d'Antioche  en  37^,  &  de  Rome 
en  381. 

Cette  héréfie  eut  plufieurs  branches , 
dont  la  principale  fut  celle  des  Démocrites. 
Voyei{  DÉMOCRITES.  (G) 

Apollinaires  {.Teux),ludi  appolUna- 
res  ,  {Hîjh  anc.  Ù  Myth.  )  jeux  qui  lé  célé- 
broient  tous  les  ans  à  Rome  en  l'honneur 
d'Apollon  ,  le  cinquième  jour  de  Juillet  , 
dans  le  grand  cirque ,  &  ious  la  diredion 
du  préteur.  Une  tradition  fabuleule  dit 
qu'à  la  première  célébration  de  ces  jeux , 
le  peuple  étonné  d'une  invafion  foudaine 
des  ennemis ,  fut  contraint  de  courir  aux 
armes  ;  mais  qu'une  nuée  de  flèches  &  de 
dards  tombant  i'ur  les  agredèurs  ,  ils_  fu- 
rent difperfés  ,  &  que  les  Romains  reprirent 
leurs  jeux  ,  après  avoir  remporté  la  vic- 
toire. {G) 

*APOLLON,  f.  m.  {Myth.)  dieu 
des  païens  ,  finguliérement  révéré  par  les 
Grecs  &  par  les  Romains  ,  qui  le  regar- 
doJent  comme  le  chef  des  mufes  ,  l'inven- 
teur des  beaux  arts  ,  &  \ç  proteélcur  de 
ceux  qui  les  cultivent.  Cicéron  dillinguc 
quatre  Apollons  :  le  premier  ^  le  plus  an- 
cien fut  fils  de  Vulcain  :  le  lécond  naquit* 
de  Corybas ,  dans  l'île  de  Crète  :  le  troi- 
1  lieme  .&.  le  plus  cuuiiu  ,  paUc  pour  fils  de 

Jupiter 


A  P  O 

Jupiter  &•  de  Latoiic  ,  &  pouf  frcre  de 
Diane  ;  il  naquit  à  Dclos  ,  ovi  vint  de 
Scythie  à  Delphes  :  le  quatric-.-nc  naquit 
parmi  Ijs  Arcadiens ,  dont  il  fut  le  légii- 
latcur ,  &  s'api->ella  Nomios.  Sur  les  plain- 
tes des  divinités  infernales  à  qui  Efculapc  , 
fils  d'Apollon  ,  ravilïoit  leur  proie  ,  gué- 
rilllmt  les  malades  par  (es  remèdes  ,  & 
relîîdcitant  même  les  morts  ,  Jupiter  ayant 
foudroyé  d'habiles  médecins  ,  on  dit  qu'^- 
pollon  vengea  la  mort  de  fon  fils  fur  les 
Cyclopes  qui  avoient  forgé  les  toudres  , 
&  les  détruifit  k  coups  de  tieches  •  &  que 
Jupiter  courroucé  de  cette  reprélaille  ,  le 
chada  du  ciel.  Apollon  chafTé  du  ciel ,  s  un 
alla  garder  les  troupeaux  d'Admete ,  ]KifTa 
du  fervice  d'Admete  à  celui  de  Laomé- 
don  ,  s'occupa  avec  Neptune'  à  faire  de  la 
brique  &  à  bâtir  les  murs  de  Troye  , 
travail  dont  les  deux  dieux  ne  furent  point 
payés  ;  &  il  erra  quelque  temps  iiir  la 
terre ,  cherchant  à  fe  confoler  de  fa  dil- 
grace  par  des  aventures  galantes  avec  des 
mortelles  aimables  ,  dont  ce  dieu  du  bel 
elprit  n'eut  pas  toujours  lieu  d'érre  latis- 
fait.  Apollon  fut  dieu  de  la  lumière  au  ciel , 
&  dieu  de  la  poéfie  fur  la  terre.  Tandis 
qu'il  fervoit  Admete  ,  Mercure  ,  qui  n'étoit 
encore  qu'un  enfant  ,  le  iéduifit  par  le  ion 
de  fa  fiûte  ,  &  détourna  le  troupeau  que 
Admete  lui  avoit  confié  ;  Apollon  ,  au 
fortir  de  l'enchantement  où  l'avoient  jeté 
les  Tons  de  Mercure,  s'appercevant  du  vol , 
courut  à  fon  arc  pour  en  punir  Mercure  : 
'mais  ne  trouvant  plus  de  tîeches  dans  ion 
carquois  ,  il  le  mit  à  rire  de  la  fineflè  du  jeune 
trippon  qui  les  lui  avoit  encore  enlevées. 

Apollon,  f.  m.  {Luth.)  inffrument 
relfeniblant  au  théorbe  ;  il  avoit  vingt 
cordes  fimples  ,  &  étoit  d'un  meilleur  uiage 
&  plus  ailé  à  s'accorder ,  à  ce  qu'on  pré- 
tend. On  attribue  l'invention  de  V Apollon 
à  un  François  qui  vivoit  au  XVII  fie- 
cle.    Cet    inflrument    n'ell    plus    d'ufiige. 

{F.  n.  c.) 

*  APOLLONIA  ,  (  Geogr.  mod.  )  cap 
d'Afrique  fur  la  côte  de  Guinée  ,  un  peu 
à  l'occident  ;  Mary  &  Corneille  le  placent 
À  l'orient  du  cap  des  trois  Pointes  ,  & 
proche  la  rivière  de  Mauca. 

APOLLONIE  ,  on  APOLLONIEN- 
SIS  ,  (  Geogr.  anc.  )  ville  de  Sicile  près 
Tome    III, 


A  P  O  !<; 

des  Alontins.  Il  y  a  un  grand  nombre  de 


villes  du  même  nom.  On  fait  mcnrioii 
d'une  Apollonie  appclléc  Apolonnia  Myg- 
donia.  ,  ou  de  la  contrée  des  Mygdons ,» 
1 


dans     la    Macédoine    ;    c'cfl    aujourd'hui 
Ceres  y  ou  Sercs  ,  ou  Afera  ,  dans  la  Ma- 


ceuomc  moderne 


flir  la 


nviere  de 


Te- 


ratfer  :  d'une  Apollonie  fur  la  côte  occi- 
dentale de  la  Macédoine  ancienne  ,  ou  de 
notre  Albanie  ,  qu'on  appelle  Aujourd'hui 
PoLna  :  d'une  rivière  de  même  nom  ,  à 
l'embouchure  de  laquelle  elle  cft  fituée  : 
d'une  Apollonie  de  Calchidique  ,  aujour- 
d'hui CriUbs  :  de  deux  Apollonies  en 
Crète  ,  dont  l'une  étoit  nommée  Eleu- 
thera  :  d'une  Apollonie  furnommée  l;i 
grande  ,  Apollonia  magna  ,  ou  Anihiiim  , 
fituée  dans  une  pente  île  du  Pont-Euxin , 
proche  de  la  Thrace ,  qui  a  maintenant  le 
nom  SiJ/opoli ,  &  qui  elt  dans  la  Romanic 
fur  la  mer  Noire  :  d'une  Apollonie  dans  la 
Myfie  ,  en  Afie  mineure  ,  lur  le  Rhindans  ,, 
qu'on  fbupçonne  avoir  été  notre  Lupadie 
en  Anatolie  ,  fur  la  rivière  de  Lupadie  ; 
d'une  Apollonie  en  Afie  mineure  ,  entre 
Ephefe  &  Thjatire  :  d'une  Apollonie ,  qui 
a  été  auflî  nommée  Maigion  &  Theoao- 
fiana  ,  &  qu'on  place  en  Phrygie  :  d'une 
Apollonie àt  la  Galatie,  dans  l'Aiie  mineure  : 
d'une  autre  de  la  Palefbne  ,  près  Joppé  : 
d'une  Apollonie  de  Syrie  ,  près  d'A- 
pamé  ,  au  pié  du  mont  Cafius  :  de  celles 
de  la  Célé-Syrie  ou  Syrie  creufe  ,  de  l'Afl}- 
rie  ,  de  la  Cyrénaïque  ,  de  laLybie  ,  qu'on 
appelle  aujourd'hui  Bonandrxa ,  &  qui  efl 
dans  la  contrée  de  Barca  :  du  gouverne- 
ment appelle  Apollopolytes  nomus  ,  Ùc, 
car  il  y  a  beaucoup  d'autres  Apollonies  , 
outre  celles  que  nous  venons  de  nommer, 
APOLLONIEN,  adj.  m.  On  déiîg.ic 
quelquefois  l'hyperbole  &  la  parabole  or- 
dinaires ,  par  les  noms  d'hyperbole  &  de 
parabole  apolloniennes  ,  ou  d'Apollonius  , 
pour  les  diflinguer  de  quelques  autres  cour- 
bes d'un  genre  plus  élevé  ,  &  auxquelles 
on  a  auflî  donné  le  nom  d'hyperbole  &  de 
parabole.  Ainll  ax=yy  défigne  la  para- 
bole apollonienne;  aa  =  xy  défigne  l'hyper- 
bole apollonienne  :  mais  aax=yi)  défigne 
une  parabole  du  3^=.  degré  ;  a'^=xyy  dé- 
figne une  hyperbole  du  même  degré. 
Vovei  Paradole  £'  Hyperbole.  On. 

■  D 


a^  A  P  O 

appelle  la  parabole  &  l'iiyperbole  ordinai- 
res ,  parabole  &  hypeiiole  d'Apollonius , 
parce  que  nous  avons  de  cet  ancien  géo- 
mètre un  traité  de  ferions  coniques  tort 
étendu.  Ce  mathématicien  ,  qu'on  appelle 
Apollonius  Peig.vus  ,  parce  qu'il  étoit  de 
Perge  en  Pamphilie  ,  vivoit  environ  i^o  ans 
avant  Jefus-Chrift.  Il  ramafla  fur  les  {cc- 
tions  coniques  ,  tout  ce  qu'avoient  fait  avant 
lui  Ariflée ,  Eudoxe  de  Cnide ,  Menœchme, 
Euclide  ,  Conon  ,  Trafidée  ,  Nlcotele  :  ce 
fût  lui  qui  donna  aux  trois  lèdions  coni- 
ques le  nom  de  parabole  ,  d'ellipfe  &  d'hy- 
perbole ,  qui  non  iculcment  les  diilingucnt , 
mais  encore  les  carat^érii'ent.  Voye:{  leurs 
articles.  Il  avoit  fait  huit  livres  qui  par- 
vinrent entiers  jufqu'au  temps  de  Pappus 
d'Alexandrie  ,  qui  vivoit  fous  Théodofe  ; 
on  ne  put  retrouver  que  les  quatre  premiers 
livres,  jufqu'en  16^8  ,  que  le  fameux  Bo- 
relli  trouva  dans  la  bibliothèque  de  Flo- 
rence un  manufcrit  arabe  qui  contenoit , 
outre  ces  quatre  premiers ,  les  trois  fui- 
vans  :  aidé  d'un  profefleur  d'arabe  ,  qui 
ne  favoit  point  de  Géométrie  ,  il  traduifit 
tes  livres  ,  &  les  donna  au  public.  V^oye^ 
l'éloge  de  M.  Viviani ,  par  M.  de  Fon- 
«enelle  ,  Hift.  acad.  1703. 

Le  huitième  livre  d'Apollonius  n'eft 
point  de  lui  ;  il  a  été  rétabli  par  l'Edi- 
leur  fur  les  indications  de  Pappus. 

*  APOLLON lES,  {Mytholog.)  fêtes 
înfHtuées  en  l'honneur  d'Apollon  à  Egia- 
\éc  ,  où  l'on  dit  qu'il  fe  retira  avec  Diane 
fa  fœur  après  la  défaite  de  Python ,  & 
d'où  l'on  ajoute  qu'ils  furent  chafTés  par  les 
liabitans.  Mais  peu  de  temps  après  la  re- 
traite des  deux  divinités  en  Crète,  où  elles 
fe  rétugicrent ,  la  perte  s'engendra  dans  Egia- 
lée  ,  &  y  fit  de  grands  ravages.  L'oracle 
confulté  fur  les  moyens  d'écarter  ce  fléau  , 
répondit  qu'il  falloit  députer  en  Crète 
fept  jeunes  filles  &  lept  jeunes  garçons  , 
afin  d'engager  Apollon  &  Diane  à  revenir 
dans  la  ville  ;  ce  qui  fut  exécuté  :  les  deux 
divinités  revinrent ,  &  la  pefle  céda.  Ce 
fut  en  mémoire  de  cet  événement  que 
dans  les  fêtes  appellées  apollonies  ,  on  fai- 
foit  (ortir  de  la  ville  ,tous  les  ans,  le  même 
nombre  de  filles  &  de  garçons  ,  comme 
.s'ils  alloicnt  encore  chercher  Apollon  & 
Diane. 


A  P  O 

APOLLONIUS  ,  {HLft.  des  Juifs)  , 
gouverneur  de  Syrie  &  lieutenant  des  armées 
d'Antiochus  Epiphanes  ,  fit  des  maux  épou- 
vantables aux  Juifs ,  il  leva  une  puilîante 
armée  pour  les  exterminer.  Mais  Judas 
Machabée  ,  avec  une  poignée  de  monde  ,  le 
défit  ,  le  tua  de  fa  main  ,  &  lu!  prit  (on 
épée ,  dont  il  fe  fervit  dans-  la  fuite  en 
mémoire  d'ime  fi  glorieuie  action. 

Un  autre  Apollonius ,  général  des  trou- 
pes de  Démétrius  ,  &  gouverneur  de  la 
Célé-Syrie  ,  fut  défait  par  Jonathan  148 
ans  avant  Jefus-Chriff. 

APOLOGÉTIQUE ,  z<X].{Théo[)  écrit 
ou  dilcours  fait  pour  excuier  ou  juffifier 
une  perfonne  ou  une  aûion.  Voye\  APO- 
LOGIE. 

'L'Apologétique  de  Tertullien  efl  un 
ouvrage  plein  de  force  &  d'élévation ,  digne 
en  un  mot  du  caradtere  véhément  de  fon 
auteur.  Il  y  adrefle  la  parole  ,  félon  quel- 
ques-uns ,  aux  magiftrats  de  Rome ,  parce 
que  l'empereur  Sévère  ,  dont  la  perfécu- 
tion  commençoit  ,  étoit  alors  abfent  dç 
cette  ville  ;  &  félon  d'autres  ,  à  ceux  qui 
tenoient  les  premières  places  dans  l'em- 
pire ,  c'efl-à-dire  aux  gouverneurs  des 
provinces. 

Tertullien  s'y  attache  à  montrer  l'injuC- 
tice  de  la  perfécution  contre  une  religion 
qu'on  voidoit  condamner  lans  la  connoî- 
tre  &c  fiins  l'entendre  ;  à  réfuter  &  l'idolâ- 
trie &  les  reproches  odieux  que  les  idolâ- 
tres faifoient  aux  chrétiens  d'égorger  des 
enfans  dans  leurs  myfleres  ,  d'y  manger 
de  la  chair  humaine  ,  d'y  commettre  des 
incertes  ,  &<r.  Pour  répondre  au  crime 
qu'on  leur  imputoit  de  manquer  d'amour 
&  de  fidélité  pour  la  patrie  ,  ious  prétexte 
qu'ils  refufoient  de  faire  les  fermens  accou- 
tumés ,  &  de  jurer  par  les  dieux  tutélaires 
de  l'empire  ,  il  prouve  la  ioumillion  des 
chrétiens  aux  empereurs.  Il  en  expofe  aulli 
la  dodrine  autant  qu'il  étoit  nécellairepour 
la  difculper  ,  mais  fans  en  dévoiler  trop 
clairement  les  myfîeres  ,  pour  ne  pas  vio- 
ler la  religion  du  fecrct  ,  fi  exprcffément 
recommandée  dans  ces  premiers  temps.  Cet 
écrit  ,  tout  folide  qu'il  étoit  ,  n'eut  point 
d'cHet ,  &  la  perfécution  de  Sévère  nci\ 
tut  pas  moins  violente    (  G) 

APOLOGIE,  f.  f.  {Lutciat.)  apologia. 


A  P  o  ^ 

mot  originair.'ment  grec  ,  «t^xo^-/*  ,  <^:P 
cours  ou  i'crit  pour  la  défenic  ou  la  jujti- 
iicarion  d'un  accule  :  toute  apologie  lup- 
pofe  une  acculatinn  bien  ou  mal  tondée , 
&  le  but  de  Vapologie  ell  de  montrer  que 
racculation  ell  faulïb  ou  mal- à -propos 
intentée. 

Les  perlecutions  que  l'Églife  eut  à 
eflùyer  depuis  la  naillance ,  pendant  les 
trois  premiers  fiecles  ,  obligèrent  louvent 
les  chrétiens  de  préicnter  aux  empereurs , 
au  fénar  &  aux  magiftrats  païens  ,  des 
apologies  pour  la  religion  chrétienne  -,  pour 
répondre  aux  huifles  imputations  par  le(- 
quelles  on  s'efForçoit  de  les  noircir  ,  comme 
ennemis  des  dieux ,  des  puifîances  ,  & 
perturbateurs  du  repos  public. 

Les  principales  de  ces  Apologies  font 
celles  de  Quadrat  &  d'Aridide  :  les  deux 
apologies  de  S.  Jufiin  martyr  ,  celle  d'Athé- 
nagore ,  Vapologe'tique  de  TertuUien  ,  & 
le  dialogue  de  Minutius  Félix  ,  intitulé 
Oc^iii-'ius. 

Quadrat  -,  qui  étoit  évêque  d'Athènes  , 
compoià  fon  apologie  pour  les  chrétiens 
vers  l'an  de  Jelus-Chrift  12.4  ,  &  la  pré- 
fenta  dans  le  même  temps  à  l'empereur 
Adrien ,  qui  parcouroit  alors  les  provinces 
de  l'empire  ,  &  entr'autres  la  Grèce.  Eulebe 
nous  en  a  confervé  quelques  tragmens  ; 
mais  il  ne  nous  relie  rien  de  celle  qu'Aril- 
ride ,  athénien  &  philofophe  chrétien  ,  écri- 
vit peu  après  celle  de  Quadrat. 

Des  deux  apologies  qu'écrivit  S.  Juflin 
martyr ,  la  première  eft  de  l'an  de  Jelus- 
Chrifl  150,  &  porte  ce  titre.  "A  l'em- 
»  pereur  Titus -Elius- Adrien- Antonin  , 
»  pieux  ,  augufle  Ccfar  ;  &  à  ion  fils 
7J  vériiCme  philofophe  ;  &  à  Luclus  phi- 
«  lofophe  ,  fils  de  Céfar ,  félon  la  nature  , 
w  &  de  l'empereur  par  adoption  ,  amateur 
«  de  la  fcience  ;  &  au  lacré  iénat ,  &  à 
f>  tout  le  peuple  romain.  Pour  les  perfon- 
»>  nés  de  toutes  conditions  qui  lont  haïes 
*)  &  maltraitées  injuflement  ,  Jurtin  ,  fils 
j>  de  Prifcus  Bacchius ,  natil'  de  Flavia  ,  ou 
»>  de  Naples  en  Paleftine ,  l'un  de  ces  per- 
«  iécutés  ,  préfente  cette  requête.  "  Après 
un  préambule  convenable  ,  ce  faint  doc- 
teur montre  l'injuflice  qir'il  y  a  de  con- 
damner les  chrétiens  fur  le  ieul  nom  ,  & 
détruit  le   reproche  d'athéilme  qu'on  leur 


A  P  O  27 

fiiifoif ,  par  l'expofition  de  quelques  points 
de  leur  dodrinc  ,  de  leur  morale  ,  &  de 
leur  culte  extérieur.  Il  répond  eniuite  aux 
accufitions  contre  leurs  mœurs  ,  &  les 
rétorque  avec  force  contre  celles  des  païens. 
Enfin  il  la  termine  par  la  copie  d'une 
lettre  d'Adrien  ,  où  cet  empereur  défen-». 
doit  qu'on  perlécutàt  les   chrétiens. 

Ce  pcre  compoia  ia  (econdc  ajxjlogie 
feize  ans  après ,  &  elle  n'a  pour  but  que 
de  détruire  les  calomnies  infamantes  dont 
on  chargcoit  les  chrétiens.  Elle  ell  adrclfée 
au  fénat  de  Rome,  &  n'eut  pas  plus  d'effet 
que  la  première. 

On  croit  que  V apologie  d'Athénagore  efï 
auffi  de  l'an  166,  &  qu'il  l'adrelfa  aux 
deux  empereurs  Marc-Aurele  &  Lucius 
Verus.  Il  y  fuit  à-peu-près  la  même  mé- 
thode que  S.  Juflin  ,  &  repoulfe  fortement 
trois  accufitions  ,  l'athéilme  ,  le  repas  de 
chair  humaine  ,  &  les  incefles. 

Quant  i\  ^apologie  de  TertuUien  ,  nous 
en  avons  parlé  au  mot  APOLOGÉTIQUE. 

UOclavius  de  Minutius  Félix  ,  orateur 
romain  ,  qui  vivoit  dans  le  troifieme  fiecle  , 
eft  un  dialogue  fur  la  vérité  de  la  religion 
chrétienne  ,  où  ,  par  occafion  ,  l'auteur 
répond  aux  calomnies  des  juifs  &  des 
païens.  Le  caraâere  de  tous  ces  ouvrages 
efl  une  noble  &  folide  fimplicité,  jointe  k 
beaucoup  de  véhémence  ,  fiir-tout  dans 
Athénagore  &  dans  TertuUien.  {G) 

APOLOGUE,  f  m.  {Belles-Leur.) 
efl  un  petit  récit  ,  qui  couvre  une  vérité 
du  voile  de  l'allégorie,  il  efl  peu  de  gen- 
res de  poéfie  qui  offrent   autant  d'avanta- 


ges.   Le    fibuhfle    ,     attentif 


m  en 


ager 


notre  amour-propre  par  le  déguifement  de 
l'inflruclion  ,  &  notre  pareffc  par  la  briè- 
veté du  récit  ,  nous  conduit  à  la  vertu 
par  la  main  du  plaifir  :  il  cache ,  fous  des 
guirlandes  de  fieurs  ,  les  épines  de  la  mo- 
rale. Il  paroît  n'avoir  defîein  que  de  nous 
amufer ,  &  nous  lui  pardonnons  de  nous 
inflruire. 

Les  perfonnages  qu'il  met  fur  la  fcenc 
ont  quelque  choie  de  merveilleux  ,  &  1^? 
fingulier  qui  plaît  à  tous  les  hommes  , 
enchante  les  enfans  :  il  parle  à  l'imagina- 
tion ,  &  l'imagination  ell  plus  près  du 
cœur  que  l'elprit. 

De  la  vraifemblance.  Il  faut  que  leij 
D  i 


îS 


A  P  O 


images  du  fabulillc  (oient  conformes  mix 
idées  que  nous  avons  des  choies.  La  ibciété 
du  lion  avec  la  génille  &  la  chèvre  n'efl 
point  vraifemblable.  Eft-il  naturel  qu'il 
prenne  pour  compagnons  de  chaflê  les  ani- 
maux qui  font  foa  gibier?  N'en  coùte-t-il 
pas  de  fe  repréfenter  un  loup,  qui  maître 
de  la  faim  ,  fait  une  converlation  fort  lon- 
gue avec  l'agneau  avant  que  de  le  dévorer  ? 
Phèdre  nous  peint  un  chien  ,  qui  en 
nageant ,  contemple  Ton  image  dans  le  cryf- 
tal  des  eaux.  Avoit-il  oublié  qu'il  efl  impof- 
fible  de  nager  lans  troubler  l'eau  ,  &  de 
voir  Ton  image  lorique  l'eau  eft  troublée  ? 

Le  Eibuliile  ,  icrupuleux  dans  le  choix 
de  fes  adteurs ,  les  fait  agir  félon  l'inflinâ: 
qui  leur  efl  propre ,  félon  le  caractère  ou 
qu'ils  ont  ,  ou  que  l'on  eft  convenu  de 
leur  donner.  Avec  ces  précautions  ,  il  ne 
choquera  pas  ;  mais  il  faut  qu'il  mtérei'le. 

De  r intérêt.  Il  intérelTera  i".  par  le  choix 
de  la  morale  ,  fi  elle  n'ell:  ni  inlipide  ,  ni 
Jùrannée.  Une  ctiriolité  naturelle  nous 
porte  vers  le  nouveau  ;  c'efl  lui  qui  réveille 
notre  attention  ,  &  le  plaifir  de  notre  efprit 
dépend  de  l'exercice  modéré  de  cette 
faculté  de  notre  ame.    - 

Il  intérefîèra  ,  2.°.  par  le  choix  de  l'allé- 
gorie. Il  faut  que ,  femblable  à  une  gaze 
tranfparente  ,  elle  laifle  entrevoir  l'objet  ; 
<ie  forte  qu'en  même  temps  notre  elprit  ait 
la  fatisfadion  de  s'exercer  ,  &  notre  vanité 
le  plaifir  de  s'applaudir  de  la  découverte. 
L'écrivain  doit  reilembler  à  cette  bergère 
de  Virgile  ,  qui  fe  cache  derrière  des  lau- 
Jes  ,  mais  qui  defire  d'être  apperçue. 

Il  intérelTera  ,  ^°.  s'il  met  la  fable  en 
aftion  ,  s'il  fait  oublier  l'écrivain ,  pour  ne 
lailTer  paroître  que  les  adeurs.  Cette  illu- 
fjon  agréable  ,  qui  cft  le  premier  charme 
du  récit ,  doit  être  le  premier  but  du  nar- 
rateur. 

Il  nous  intérelTera  ,  4°.  par  un  ton  de 
naïveté ,  que  la  Fontaine  appelle  Wirt  de 
plaire,  &  de  n'j  petifer  pas.  Vmgénuhé 
nous  féduit  ,  &  l'auteur  nous  perliiade  , 
q.uand  il  nous  paroît  lui-même  perfuadé. 

Il  nous  intérellera  ,  5°.  par  une  certaine 
philolophie  égayée  ,  qui  nous  cachera  la 
iécherelfc  du  précepte.  Cet  enjouement  ell 
4m  piège  auquel  nous  nous  laiflbns  pren- 
lîiiT,  &  le  poète  réforme  d'autant  plus  eifi- 


A  P  O 

cacement  nos  mœurs  ,  que  nous  croyons 
qu'il  ne  veut  que  nous  faire  rire. 

Des  perfonnages.  L'apologue  admet  dif- 
férens  perfonnages.  Les  êtres  raifonnables , 
comme  dans  la  fable  de  la  vieille  &  des 
deux  lavantes  ,  n'ofïrent  pas  alfez  de  mer- 
■  veilleux.  Les  êtres  matériels  ,  comme  dans 
la  table  du  pot  de  terre  &  du  pot  de  fer ,  en 
préfentent  trop  ;  on  n'eff  point  furpris  d'en- 
tendre parler  les  hommes  ,  &  l'on  le  figure 
difficilement  le  langage  de  deux  limes.  Les 
êtres  abitraits  &  moraux  ,  comme  dans  la 
fable  où  la  Mothe  perfonnifie  dame  Mé- 
moire ,  dom  Jugement ,  &  demoifelle  Ima- 
gination ,  demandent  de  celle  -  ci  un  trop 
grand  efForr.  Notre  efprit  peine  pour  le 
repréfenter  ces  perionnages  fînguliers.  - 

Les  animaux  paroilfent  convenir  davan- 
tage à  la  fable  ,  parce  qu'ils  ont  un  carac- 
tère invariable.  Le  mot  de  renard  réveille 
en  nous  l'idée  de  la  fîneffe  ;  &  fi  j'entends 
nommer  une  brebis  ,  je  me  repréiente  la 
douceur.  Une  autre  raifon  plaide  en  faveur 
des  animaux.  En  les  faifant  parler  ,  on  fe 
prête  à  la  fenfibilité  de  notre  amour-pro- 
pre ,  qui  ne  pardonne  les  cenlures  que 
lorfqu'elles  font  indirectes  ;  &  l'on  ménage 
notre  imagination  ,  à  qui  il  en  coûte  peu 
d'entendre  dialoguer  ,  &  de  voir  agir  des 
êtres  qui  paroilî'ent  avoir  tant  de  relî'em- 
blance  avec  nous ,  &  en  qui  nous  croyons- 
retrouver  nos  idées  &  nos  afïèdions.  Je 
fuis  bien  éloigné  de  dire  avec  l'abbé  des 
Fontaines  ,  qu'il  faut  être  plus  bête  que  les 
bêtes ,  pour  les  croire  des  machines  :  mais 
j'ofè  avancer  que  nous  n'avons  point  de 
peine  à  fuppoler  dans  les  animaux  les 
réflexions  qu'ils  font  incapables  de  faire. 

Ce  que  nous  difons  en  leur  faveur  peut 
convenir  en  partie  aux  êtres  célelles'.  Ils 
ont ,  comme  eux  ,  un  caradere  déterminé , 
&  les  poètes  nous  ont  tamiharilés  avec 
l'idée  qu'ils  penlènt  &  jjarlent  à-pcu-près 
comme  nous  :  mais  il  faut  convenir  que 
tous  ceux  qui  connoiflént  la  rapacité  du 
loup  &  la  fidéhté  du  chien  ,  ne  lavent 
pas  que  Minerve  eft  la  déelTe  de  la  fa- 
gelîè  ,  &  Momus  le  dieu  de  renjc'uemenr  : 
.ctte  feule  réflexion  julliiîe  la  préférence 
que  nous  croyons  devoir  donner  aux  ani- 
maux ,  pour'  Jouer  le  rôle  de  la  petui. 
conm'die  que  l'on  appelle  apologue. 


A  P  O 

L'allégorie  efl  le  corps  (le_  la  fable ,  & 
la  morale  en  cit  l'ame.    Il  huit  l'éiioncer 
lorCque  vous    vous    défiez    de  la  pénétra- 
tion du  ledeur.  On  reproclioit  A  la  lionne 
de  ne  mettre    qu'un  petit  au  monde.  Un 
f'eul  ,  dit-elle  ,    mais  c'efî  un  Hon.  Elope 
pouvoit  dans  ce  cas  omettre  l'allabulation  ; 
ians  ce  l'ecours ,  on  devoit  conclure  qu'il 
faut  prifer    les  choies  par  elles-mêmes  & 
non  par  leur  nombre.  Lorfqu'on  ne  peut 
fè  méprendre  aux  traits  d'un  homme ,  eit- 
il  nécclîiiire  de   graver    fon    nom  iur  l'el- 
tampe    qui    le  repréfente  ?    Si   vous   êtes 
obligé  d'exprimer  la  vérité  que  déguife  la 
fiétion  ,    où    la    placerez  -  vous  ?    Les  uns 
prétendent  qu'elle  doit    fervir  d'exorde  au 
récit ,    d'autres  loutiennent  qu'elle  doit  le 
terminer.  L'un  annonce  ,    dilent  les  pre- 
miers ,    une    vérité    avant  que  de  l'étaj-er 
par  des  faits  :  pourquoi  ne  nous  condui- 
rons-nous pas  dans  la  table  comme  dans- 
la  converiation  ?  En  réiervant  ,  dilent  les 
autres  ,  la  morale  pour  la  fin  ,  on  procure 
à  l'elprit  le  plaiiir  que  lui  cauie  la  iufpen- 
iipn  ,  &  à  notre  vanité  celui  d'avoir  pré- 
venu le  Poète.    Le    fens  moral  eu  le  dé- 
nouement du  Poënae  ;  il  doit  donc  le  ter- 
miner. Pour  nous  ,  nous  penions  que  dans 
un  recueil  de  tables  ,  la  variété  en  tait  le 
premier  mérite  ;   &  qu'en  mettant  la  fen- 
tence  toujours  au  commencement  ou  tou- 
jours à  la  fin  du  récit  ,     il  en  réfulteroit 
une  uniformité  qui  avoifine  ou  amené  l'en- 
nui. Pour   éviter  cette  monotonie  ,    nous 
conleillons  d'introduire  de  temps  en  temps 
des  prologues  ou  des  épilogues  :  quand  leur 
ton  approche  par  des  nuances  prefque  mfea- 
fibles  de  celui  de  la  narration  ,  ils  îbnt  pour 
le  ledeur  une  fource  d'amuiement  comme 
d'inlîruéllon. 

De  Id  longueur  de  la  Fable.  Le  rhéteur 
Théon  a  prétendu  que  la  narration  de  la 
fable  doit  être  ,  autant  qu'il  efl  poflîble  , 
ferrée  &  ians  ornement.  M.  LefTing ,  ap- 
pm-é  iur  cette  autorité  &  Iur  l'exemple 
d  tlope  ,  ne  connoît  point  de  milieu  entre 
l'inutile  &  le  néceflairc.  Faifant  une  loi  de 
la  plus  grande  précifion  poflîble  ,  il  exclut 
tou-;  les  épiiodes._  On  peut  lui  répondre  que 
le  goijt  ne  s'alîujettit  point  à  des  règles 
ngoLireules.  On  n'alonge  point  un  récit 
jnutileinent  ,   lorfque  les  ornemons  qu'on  ! 


A  P  O  25> 

lui  prête  tournent  au  profit  des  vérités 
qu'on  développe  ,  ou  des  vertus  que  l'on 
veut  inipirer.  Une  route  agréable  n'efl  ja- 
mais longue  ;  les  tableaux  ,  les  deicriptions  , 
les  images  iônt  les  lèuls  titres  qui  font  pla- 
cer la  table  au  rang  des  poéfies  :  fi  le  récit 
elt  dénué  de  ces  avantages  ,  il  icra  plus 
coiu-t  :  mais  fera-t-il  un  poëme  ?  Celîbns 
donc  ou  de  regarder  les  tabulitles  comme 
des  poètes  ,  ou  de  foutenir  que  la  plus 
grande  brièveté  poflîble  efl  de  l'eflcnce  de 
l'apologue  ;  mais  que  les  détails  ,  que  les 
épiibdes  ne  détruiient  jamais  l'unité.  Le 
fabuliile  n'en  eil  pas  plus  dii^îcnlé  que  les 
autres  écrivains. 

Du  Style.  Cette  brièveté  que  nous  ne 
croyons  pas  nécelîàire  dans  l'enfemble  de 
l'apologiie  ,  convient  beaucoup  à  ion  tlyle. 
Le  tabulifle  toujours  concis  &  ferré  ,  s'in- 
terdit le  hifle  des  périodes  &  le  luxe  des 
phraies  lyramétriquement  cadencées  ;  il 
retranche  les  verbes ,  iupprime  les  liailons  , 
&  augmente  ,  par  le  fecours  des  eUipiês  ,  la 
rapidité  du  récit. 

La  ieconde  propriété  de  fon  tlyle  eil  la 
fimplicité  :  proportionné  aux  objets  qu'il 
peint  &  aux  adeurs  qu'il  fait  parler ,  il  efî 
éloigné  de  toute  oilentation  de  délicatelfe  , 
de  tout  étalage  d'elprit  ,  &  fiir-tout  de  es. 
perfliJRage  amphigourique  ,  que  nos  mo- 
dernes beaux-eijjrits  appellent  de  la  gran- 
deur &  du  fublime.  Ses  idées  ,  exprimées 
avec  ailance  &  ians  eiFort ,  paroillént  ne 
lui  avoir  rien  coûté  ,  &  l'on  eil  tenté  de 
croire  que  les  expreillons  dont  il  fe  iért, 
ie  font  prélentées  les  premières.  Si  quel- 
quefois il  emploie  des  périphrafes  auda- 
cieui'es  ou  des  tours  brillans ,  une  correc-» 
tion  leur  fert  de  paflé-port. 

Quel  art  pour  allier  l'élégance  à  la  fim-. 
plicité!  Cependant  cette  élégance  efl  de- 
venue nécelfaire  ,  ibit  que  notre  eflinia 
pour  la  Fontaine  nous  falTe  une  loi  de 
l'imiter  ,  foi^t  que  non-e  langue  ,  un  peu 
ditTufe  par  ia  nature  ,  exige  par  compen- 
fition  que  les  grâces  des  ornemens  rem-^ 
placent  celles  de  la  concifion. 

Mais  en  quoi  confifl;  cette  élégance  , 
qui  embellit  la  fimplicité  fins  la  faire  dif- 
paroître  ?  Dans  la  variété  des  expreflions  , 
pourvu  qu'on  ne  tombe  pas  dans  le  puéril  ou 
le  néologiCne ,  dans  le  choix  des  épithetes» 


30  A  P  O 

pourvu  qu'on  ne  les  emploie  pas  avec 
prodigalité;  dans  les  allufions  aux  uiiiges  & 
à  l'hilbire  ,  pourvu  qu'elles  ne  loient  pas 
forcées  ;  dans  les  métaphores  &  les  allégo- 
ries ,  pourvu  que ,  trouvées  fans  effort  , 
elles  en  demandent  peu  du  ledeur  :  mais 
rien  fur-tout  n'embellit  davantage  la  fable  , 
que  les  images  vives  qui  tranfportent  les  ob- 
jets fous  nos  yeux  ,  &:  les  expreffions  imita- 
tives  qui  peignent  à  l'oreille  en  même  temps 
qu'il  l'efprit.  Telles  font  les  (ources  des  or- 
nemens  qui  conviennent  à  la  table. 

Quelle  cû  l'efpece  de  vers  qu'elle  doit 
préférer  ?  Les  Latins ,  perfuadés  que  le  mètre 
devoit  être  peu  marqué  ,  fe  iervoient  de 
l'ïambe  libre  ,  qui  a  tant  de  rapport  avec  la 
profe  ,  qu'on  peut  aiiément  s'y  méprendre. 
Le  vers  alexandrin  ,  coupé  par  deux  hémil^ 
riches ,  offi-iroit  une  fymmétrie  trop  remar- 
quable ,  &  fa  longueur  pourroit  ralentir 
la  vivacité ,  qui  eft  l'ame  du  récit.  Le  vers 
de  dix  lyllabes  paroi  t  plus  propre  à  la  nar- 
ration ,  les  enjambemens  qu'il  fé  permet 
laifient  à  peine  foupçonner  l'art.  Il  eft  bon 
de  mélanger  différentes  meiures  ,  pourvu 
qu'on  exile  ces  vers  nains  de  deux  ou  trois 
jyllabes  ,  qui ,  dès  qu'on  ne  les  emploie 
point  à  defîéin  de  produire  une  image ,  fa- 
tiguent l'oreille  en  précipitant  le  retour  des 
mêmes  ions. 

HiJJoire  de  la  Fable.  L'Ecritin-e  nous 
offi-e  des  exemples  de  tables.  Joatham  y  a 
recours  pour  rappeller  à  Sichem  l'injuilice 
de  ton  choix  ,  &  Natham  pour  reprocher 
il  David  rénormité  de  Ion  crime.  Le  Sauveur 
des  hommes  emploie  des  paraboles  pour  les 
inûruire  de  leurs  devoirs ,  &  les  t;iire  rougir 
xle  leurs  excès. 

Les  orateurs  s'en  fontfervis  avec  avantage. 
Ce  que  Démoflhene  n'avoit  pu  obtenir  par 
la  véhémence  des  figures  &  la  force  du 
raifonnement ,  11  l'obtient  par  un  apolo- 
gue. Mnénius  Agrippa  appaife  une  {édi- 
tion ,  en  récitant  la  table  des  membres  & 
de  l'eftomac. 

Cependant  El'ope  patfe  commlmément 
pour  l'inventeur  des  fables-  Le  caradere  des 
îîennes  et!  la  fimplicité  &  la  précillon. 
Celles  de  Pilpay  ,  IJramine  Indien ,  dépour- 
vues de  naturel ,  pèchent  louvent  contre  la 
vraifemblance.  Phèdre  ,  plus  orné  &  moins 
concis    qu'Elope  ,    a    beaucoup    plus   de 


A  P  O 

naïveté  que  Pilpay.  Sa  latinité  a  été  com- 
parée à  celle  de  Térence  ,  &  Térence  eii 
admire  iur  -  tout  pour  l'élégante  fimplicité 
de  Itin  ffyle.  On  ne  lit  plus  Aviénus ,  &  on 
lit  peu  Phaërne.  La  pollérité  n'a  point  foul- 
crit  au  jugement  de  Pie  V  ,  qui  mettoit  ce 
dernier  tabulille  au  defiiis  de  l'atfranchi 
d' Augufte.  Phèdre  ne  devoit  être  furpalié  que 
par  la  Fontaine.  Celui-ci  compolôit  par 
inlfincl ,  &  l'on  a  dit  que  c'étoit  un  tablier  qui 
tailoit  des  tables,  comme  un  poiiJer produit 
des  poires.  Qui  lut  jamais  mieux  varier  tes 
tons  ?  Peintre  animé  dans  la  fable  du  rofeau 
&  du  chêne  ;  philolophe  protond  dans  celle 
du  pa}  fan  du  Danube  ;  plein  d'enjoue- 
ment dans  celle  du  corbeau  &  du  renard  , 
de  naïveté  dans  celle  de  la  cigale  &  de  la 
fourmi  ,  il  efl  inimitable  ,  pour  l'art  du 
dialogue  ,  dans  celle  du  loup  &  de  l'agneau. 
Le  même  iujet ,  traité  par  la  Fontaine  , 
Phèdre  &  Efope  ,  fera  fortir  les  nuances 
qui  les  dillinguent ,  &  l'on  conclura  que  le 
poëte  françois ,  moins  concis  qu'Elope  , 
plus  élégant  que  Phèdre  ,  elt  plus  enjoué 
qu'eux. 

Ses  luccès  n'ont  point  découragé  M.  la 
Mothe.  Il  dédia  au  roi  cent  tables ,  dont 
prefque  tous  les  fujets  lui  appartiennent  j  la 
plupart  de  ceux  qu'a  traité  la  Fontaine ,  iont 
tires  des  fabulifles  qui  ra>'oient  précédé. 
S'il  cède  k  la  Mothe  par  l'invention ,  il  lui 
cède  également  par  le  choix  de  la  moralité  : 
mais  combien  lui  eit-il  fupérieur  par  les  dé- 
tails ,  par  les  grâces  du  11)  le  ,  &  fur-tout 
par  l'enjoueinent  !  Celui-ci  et!  naturel ,  celui- 
là  veut  le  paroître  ;  les  naïvetés  de  l'un  lui 
échappent ,  celles  de  l'autre  font  réfléchies. 
La  Mothe  ,  a  -  t  -  on  dit ,  vouloir  rire 
comme  la  Fontaine  ,  mais  il  n'avoit  pas 
la  bouche  faite  comme  lui.  Ajoutez  que  Ion 
flyle  dur ,  &  ,  pour  ainfi  parler  ,  rocail- 
leux ,  n'a  point  cette  ailance ,  ce  coulant , 
cette  négligence  heureuie  ,  qui  rnettent  la 
Fontaine  au  deffus  de  ceux  qu'il  a  pris  pour 
modèles ,  &  auxquels  il  en  a  iervi. 

Benlerade  a  renfermé  péniblement ,  dans 
des  quatrains  ,  plufieurs  des  tables  de  ce 
grand  homme.  On  lent  qu'il  n'a  pu  avoir 
que  le  mérite  de  la  difficulté  vaincue.  Richer 
a  celui  de  la  précifion ,  de  la  pureté  du 
langage  &  de  la  fimplicité  dans  les  plans  : 
mais     qu'il    eft    éloigné   de    la    délicateflc 


A  P  O 

«njou^e  de  la  Fontaine!  Il  en  approche 
cependant  davantage  que  le  Noble ,  qui  eil 
fouvent  bouffon  lorlqu'i]  veut  être  plailant. 
D'Ardenne  n'a  ni  la  précifion  de  Richer  , 
ni  la  délicatelîe  de  la  Fontaine  ,  ni  nicme 
la  grofle  gaieté  de  le  Noble  ,  ni  le  ton  ingé- 
nieux de  la  Mothe  :  mais  femblable  ;\  ces 
peintres  fubalternes  ,  qui  nous  ont_  donné 
d'excellens  traités  fur  leur  art ,  il  a  tait  pré- 
céder Ion  recueil  d'un  dilcours  qu'on  ne 
iîiuroit  trop  lire. 

Les  fiibles  de  M.  l'abbé  le  Monier  font 
pleines  de  naïveté  :  mais  ce  qui  lui  donne 
des  droits  incontellables  à  l'immortalité  , 
c'eil  un  fonds  d'honnêteté  &  de  vertu  qui 
fait  chérir  l'auteur ,  tandis  que  la  vivacité 
du  récit  fait  applaudir  à  l'ouvrage. 

Les  autres  nations  qui  ont  couru  cette 
carrière  ,  ne  peuvent  nous  dilputer  la  ]3alme. 
Gay ,  poète  anglois ,  fins  invention  ,  & 
prefque  fans  naïveté  ,  ell  iurchargé  de  ré- 
flevions  qui  détruilent  fouvent  l'unité. 

Hagedorn  ,  fabuliffe  Allemand  ,  eil  trop 
férieux.  Geller  a  un  air  ftcile  &  un  ton 
d'ingénuité  ,  mais  il  a  peu  d'eniouement. 
LichtWert  eft  l'inventeur  de  la  plupart  de 
{es  fables  :  le  journal  étranger  lui  reproche 
trop  peu  d'exaditude  &  trop  de  longueur. 
Ce  dernier  reproche  ne  pourra  convenir  à 
M.  Lelîing  :  mais  la  brièveté  eff  chez  lui 
aux  dépens  des  grâces ,  &  fes  déclamations 
contre  la  Fontaine  ,  prouvent  qu'il  eu  plus 
aifé  de  fatyriler  un  grand  homme  que  de 
l'imiter. 

Cet  article  efi  tire'  de  la  Poétique  élémen- 
taire de  M.  l'abbé  la.  Serre.  * 

APOLTRONIR  ,  v.  ad.  terme  de  Fau- 
connerie ,  fe  dit  d'un  oileau  auquel  on  a 
coupé  les  ongles  des  pouces  ou  doigts 
de  derrière ,  qui  font  comme  les  clés  de 
main ,  &  Ces  armes  ,  de  forte  qu'il  n'eft  plus 
propre  pour  le  gibier. 

APOMÉCOMETRIE  ,  f  f  (Géom.) 
eft  l'art  ou  la  manière  de  mefurer  la  diftance 
des  objets  éloignés.  Voye\  DISTANCE. 
Ce  mot  vient  des  mots  grecs  «t»  ,  juîi^of , 
longueur  f  &  ij-iî^hv  ,  mefurer.  (O) 


A  P  O  il 

*  APOMYUS  ,  (urnom  que  les  Éléens 
donnèrent  à  Jupiter  ,  pour  avoir  chaflé  les 
mouches  qui  incommodoient  Hercule  pen- 
dant un  ficrifice;à  peine  Jupiter  tut -il 
invoqué  ,  que  les  mouches  s'envolorcnt  au 
delà  de  l'Alphéc.  Ce  hit  en  mémoire  de 
ce  prodige  ,  que  les  Éléens  firent  tous  les 
ans  un  iacrifice  à  Jupiter  apomyus  ,  pour 
être  débarraffés  de  ces  infedes. 

*  APON  ,  fontaine  de  Padoue  ,  dont 
Claudien  nous  afl'ure  que  les  eaux  rendoient 
la  parole  aux  muets  ,  &  gucnffoient  bien 
d'autres  maladies. 

APONEVROLOGIE  ,  f  f  c'eft  la  partie 
de  l'Anatomie  dans  laquelle  on  donne  la 
deicription  des  aponévrofes.  Voye\  APO- 
NEVROSE. 

Ce  mot  eft  compofé  du  grec  «^o ,  de 
l'sDjîoi' ,  nerf  &  de  hoyof ,  traité  3  c'ell-à- 
dire  traité  des  nerfs  ,  parce  que  les  anciens 
fe  fervoient  du  même  mot  nerf,  pour  ex- 
primer les  tendons  ,  les  ligamens  ,  &  les 
nerfs  ;  on  y  ajoutoit  des  carafteres  par- 
ticuliers, l^ovei  An  ATOMiE  &  Nerf.  (L) 

APONEVROSE ,  f  f  «..o.çrpa?/.- ,  des 
mots  grecs  àfTo ,  &  rsDpov ,  nerf;  d'eu  parmi 
les  anatomijîes  ,  l'extenfion  ou  l'expanfion 
d'un  tendon  ;\  la  manière  d'une  membrane  , 
royei  TendoN  Ù  MEMBRANE  ,  parce 
que  les  anciens  attachoient  au  mot  nerf , 
l'idée  des  nerfs  ,  des  tendons ,  &  des  liga- 
mens ,  en  y  ajoutant  des  carafteres  particu- 
liers, yoyei  Nerf  &  Ligament.  (Z) 

APONEVROTIQUE ,  adj.  e/z  anato- 
mie  y  fe  dit  des  membranes  qui  ont  quel- 
que reffcmblance  avec  Yaponéyrofe.  Voye\ 
Aponévrose. 

C'eft  dans  ce  fens  que  l'on  dit  membrane 
aponéirotique.  (L) 

APOPHLECMATILAMES ,  Ou  félon 
quelques  auteurs  ,Ap0PHI.BGMATISMES  ; 
des  mots  grecs  à-ari ,  &  iph'.y/xa  ,  phlegme  , 
terme  de  pharmacie  ,  médecine  propre  à 
purger  le  phlegme  ,  ou  les  humeurs  féreufes 
de  la  tÙK  &  du  cerveau.  Voye^  Phlegme. 
APOPHLEGMATISMES  &  Apo- 
phlegmatisans,   {Médec.  &  matière 


*  On  .1  fubrtitué  cet  article  à  celui  de  M.  l'abbé  Mallet  ,  qui  dirpenfe  l'apologue  de  la 
convenance  des  mœurs  ,  &  f.iit  une  règle  de  cette  faute  ,  échappée  très-rarement  à  Phèdre 
&  à  la  Fontaine.  Dans  piefque  toutes  leurs  fables,  ils  OiJt  eu  l'atientioa  d'obferv&r  I.îS 
mceuts  técUij  ou  idéales  des  ariinuux. 


3.Z  A  P  O 

méd.  )  mots  par  le'qucls  les  anciens  cxpri- 
moient  les  évacuations  de  iérolités  ou  pituite , 
&  les  opéroient.  Cette  claflè  d'évacuations 
&  de  remèdes  a  été  reflreinte  par  les  mo- 
dernes aux  évacuations  de  la  tcte  &;  du  cer- 
veau. Les  fternutatoires  ou  errhins ,  les  malti- 
catoires  ou  iialagogues ,  font  les  principaux 
apophiegmatilans  ;  &  leur  emploi ,  regardé 
comme  rrès-iecondaire  ,  elt  rarement  pra- 
tiqué dans  la  médecine  uiueile.  Il  efî 
pourtant  aflliré  que  la  plupart  de  ces  mé- 
dicamens ,  agiflant  comme  topiques ,  & 
dans  la  partie  ou  trop  près  de  la  partie 
affeûée  ,  nous  offrent  un  fecours  direct , 
bien  préférable  à  tant  de  remèdes  géné- 
raux ,  dont  l'aftion  précaire  n'a  d'autre 
fondement  que  l'ulage  ou  l'opinion  ,  dans 
les  vertiges ,  les  menaces  de  paralylie  ou 
d'apoplexie  féreufe  des  vieillards  ,  dans  les 
hydrocéphales  qui"  peuvent  admettre  un 
traitement,  dans  le  bégaiement  dépendant 
de  ces  caules  ,  dans  les  enchitrénemens 
conlidérables  ,  avec  fluxion  ("ans  crainte 
d'inflammation  ;  on  pourroit  retirer  de 
très-grands  avantages  de  tous  ces  remèdes. 
{M.  LA  Fosse.) 

APOPHORETA  ,  {Hift.  anc.)  inf- 
trumens  ronds  &  plats ,  qui  ont  un  manche 
avec  la  forme  d'alliettes.  On  mettoit  defTus 
des  fruits  ou  des  viandes  ;  &  ils  étnient 
appelles  apophoieta  ,  àferendo  poma.  Cette 
conjecture  elf  du  Père  Monthiucon  ,  qui  ne 
la  donne  que  pour  ce  qu'elle  vaut  ;  car  il 
ajoute  tout  de  fuite,  que  plutôt  que  de 
former  des  conjeflures ,  il  vaut  mieux  atten- 
dre que  quelque  monument  nous  inflrullè  du 
nom  &  de  l'ulage  des  inflrumens  qu'il  a 
repréféntés ,  pa^.  i4-^  }  tom.  II ,  &  aux- 
quels il  a  attribué  celui  à'apophoreta. 

*  APOPHORETES  ,  {Hift.  anc.)  pré- 
lens  qui  fe  failoient  à  Rome  ,  tous  les  ans  , 
pendant  les  Saturnales.  Ce  mot  vient  de 
a^oîôpiiTrt  reporta- ,  parce  que  ces  préfens 
étoient  remportés  des  feflins  par  les  conviés. 
VoYe:{  ÉTRENNES. 

APOPHTHEGME  ,  cû  une  fentence 
courte  ,  énergique  &c  infiruôive  ,  pronon- 
cée par  quelque  homme  de_  poids  &  de 
conlldération ,  ou  faite  à  fon  imitation. 
Tels  Ibnt  les  apophtegmes  de  Plutarque , 
ou  ceux  des  anciens  raiîemblés  par  Lyf- 
cojîhenes. 


A  P  O 

Ce  mot  eft  dérivé  du  grec  ?9s>T9.t<et;  J 
parler  y  l'apophtegme  ùtam  une  parole  re- 
marquable. Cependant  paiTni  les  apophteg- 
mes qu'on  a  recueiUis  des  anciens  ,  tous  , 
pour  avoir  la  brièveté  des  ièntences ,  n'en 
ont  pas  toujours  le  poids.  {A) 

APOPHYGES  ,  f.  f.  en  architecture  , 
partie  d'une  colonne,  où  elle  commence  ;i 
iornr  de  la  baie  comme  d'tme  iijurce ,  & 
à  tirer  vers  le  haut.  Kbjf;j  Coi  ONNE  &• 
Base. 

Ce  mot  dans  fon  origine  grecque ,  fignifie 
ejjor  ;  d'où  vient  que  les  François  l'appellent 
ejchape ,  congé ,  Sic.  &  quelques  Archi- 
teftes  ,  foiirce  de  la  colonne,  h'apophyge 
n'étoit  originairement  que  l'anneau  ou  la 
ferraille  attachée  ci -devant  aux  extrémi- 
tés des  piliers  de  bois  ,  pour  les  empê- 
cher de  le  fendre  ,  ce  que  dans  la  luite  on 
voulut  imiter  en  ouvrages  de  pierre.  Voyei^ 
Congé.  {P) 

APOPHYSE,  l  f.  {Anatomie)  vient 
de  ifflà  ,  de,  &  ?fs) ,  croître.  C'elt  cette 
partie  de  l'os ,  qui  n'en  a  jamais  été  léparée 
par  un  cartilage  mitoyen.  C'elf  en  cela  que 
confifle  fa  ditïérence  d'avec  l'épiphyfè ,  os 
féparé  dans  le  fœtus  d'avec  le  corps  de  l'os 
par  lui  cartilage ,  &  qui  ne  le  réunit  à  l'os 
que  lorfque  ce  cartilage  a  été  effacé.  On 
confond  très-louvent  ces  deux  objets ,  &  on 
appelle  apophyfe  ce  qui  eff  une  véritable 
épiphyfe. 

Les  apophyfes  font  ou  originales  ou  ad- 
ventices. La  mîîchoire  intérieure  en  a  quatre 
originales.  Il  y  en  a  à  l'os  ilchion,  au  talon 
&  ailleurs. 

Les  apophyfes  adventices  fe  forment  par 
l'atrradion  des  mulcles.  C'clf  le  malloïdien 
qui ,  en  tirant  à  foi  la  furface  inférieure  du 
crïîne ,  fépare  la  lame  externe  de  l'interne  ,  &C 
donne  naiflfance  à  Vapophyfe  malfoïdienne. 
Tous  les  os  longs  lont  remplis  de  tubercules 
que  Acs  mulcles  ont  formés  de  la  ir.èir.e  ma- 
nière ,  &  qui  ne  fe  trouvent  pas  dans  le  foetus- 
[H.  D.  G.)  VoyeT^  CORACOIDE,  Sty- 
LOiDE,  Mastoïdes,  &  Muscles. 

APOPLECTIQUE  ,  adj.  relatif  à  l'apo- 
plexie :  ainfi  ntnis  cillons  accès  apoplecH" 
que  y  eau  apoplecJitjue  ,  iymptome  apoplecli- 
que  ,  un  malade  apopleclique  ,  foibleflè  & 
paralyfie  apoplcclupie ,  dilpolition  apopUcIi' 
que  f  amulette   &.  épitheme  apopleclique  , 

baums 


haume  apoplectique.  Fbyq  Amulette  S* 
Baume.  (  N) 

APOPLEXIE ,  f.  f.  (Médecine)  maladie 
dans  laquelle  il  le  fait  lubitement  une  ful- 
penlion  de  tous  les  mouvcmens  qui  dépen- 
dent  de  la  volonté  &  de  Tadion  des  iens 
intérieurs  &  extérieurs ,  lans  que  celle  des 
poumons  ni  la  circulation  du  làng  ioient 
interrompues  ,  la  rei'piration  &  le  batte- 
ment des  artères  étant  comme  dans  l'état 
naturel ,  &  iouvent  même  plus  forts  ;  d'où 
l'on  peut  conclure  que  les  ncrts  qui  pren- 
nent leur  origine  dans  le  cerveau  lont  les 
feuls  afîedés  ,  fans  que  les  fondions  de  ceux 
qui  partent  du  cervelet  foient  altérés  dans  le 
commencement  ;  ce  qui  donne  à  cette  ma- 
ladie la  redémblance  d'un  profond  lom- 
meil ,  qui  cû  cependant  accompagné  d'un 
bruit  provenant  de  la  poitrine  ,  auquel  les 
Médecins  ont  donné  le  nom  de  Jlerceur. 

Les  lignes  avant-coureurs  de  cette  mala- 
die (ont  ,  ielon  Duret ,  des  douleurs  de  tête 
vagues ,  un  vertige  ténébreux  ,  une  lenteur 
dans  la  parole  ,  &  le  froid  des  extrémités. 

Ces  lignes  ne  le  maniteflent  pas  toujours  ; 
car  le  malade  eft  ordinairement  frappé  avec 
tant  d'impétuofité  ,  qu'il  n'a  pas  occafion 
de  prévoir  ,  ni  le  temps  de  prévenir  ,  une 
attaque  d'apoplexie. 

On  doit  regarder  comme  caufes  de  cette 
maladie  ,  tout  ce  qui  peut  arrêter  ou  dimi- 
nuer le  cours  des  eiprits  animaux  dans  les 
organes  des  fens  &  des  mouvemens  dépen- 
dans  de  la  volonté  ,  tels  qu'un  épaiflîfTe- 
ment  du  Hing  &  de  la  lymphe ,  aflcz  confi- 
dérable  pour  qu'ils  ne  puifTent  circuler  dans 
les  vailîèaux  du  cerveau  ;  un  épanchement 
de  quelque  matière  qui ,  comprimant  les 
vailfeaux  artériels ,  nerveux  &  lymphati- 
ques ,  arrête  la  circulation  du  fluide  qu'ils 
contiennent  ;  enfin  tout  ce  qui  peut  s'op- 
pofer  au  retour  du  iang  des  vaiiTeaux  du 
cerveau  vers  le  cœur. 

Ces  caufes  ne  concourent  pas  toutes  en- 
femble  à  V apoplexie  ,  ce  qui  a  donné  lieu  à 
la  diihndion  que  l'on  a  faite  de  cette  ma- 
ladie en  fe'reaje  &  en  Janguine  j  Boerhaave 
ajoute  la  poljpeufe. 

On  tire  le  pronoflic  de  ^apoplexie  de  la 

refpiration  du  malade  :  lorf'qu'elle  eff  labo- 

rieufe  ,  la  maladie  efl  mortelle  ;  quand  elle 

eft  aifée  ,    ou  que  les  remèdes  la  rendent 

Tome  m. 


APO  35 

telle ,  il  rcHe  encore  quelque  efpe'rancc  de 
fauvcr  le  malade. 

La  cure  de  Vapoplexie  cfl  difFérente  ,  fé- 
lon les  caul'es  qui  la  produilent. 

Les  anciens  Médecins  d'accord  avec  les 
modernes  fur  la  néceflité  de  la  faignée  dans 
cette  maladie  ,  kirlqu'ellc  clt  produite  par 
une  caulè  chaude  ,  ordonnent  de  la  réitérer 
fouvent  dans  ce  cas  ,  avec  la  précaution  de 
mettre  c]uelques  intervalles  cntr'ellcs  ,  félon 
Hippocrate  &  Celle  ;  lorlqu'clles  ne  font 
pas  avantagcufcs  ,  elles  deviennent  très- 
nuifibles  aux  malades. 

Hollicr  qÛ.  d'avis  de  taire  tourmenter  beau- 
coup le  malade  attaqué  A' apoplexie  (éreufe  , 
de  le  faire  fecouer  ,  &  de  lui  faire  frotter  tou- 
tes les  parties  du  corps  ;  il  prétend  que  l'on 
empêche  par  ce  moyen  le  (ang  de  f"e  con- 
geller  ,  fur-tout  11  l'on  a  le  foin  de  frotter  le 
cou  du  malade  à  l'endroit  où  font  les  veines 
jugulaires  ,  &  les  artères  carotides;  ce  qu'il 
regarde  comme  ablblument  nécclTaire  pour 
palier  avec  fuccès  à  la  faignée. 

Duret  n'admet  la  méthode  de  fecouer  le 
malade  ,  que  lorfque  Vapoplexie  cfl  venue 
peu-;\-peu  ,  &  que  l'on  eff  sûr  qu'il  n'y  a 
qu'une  légère  obffrudion ,  prétendant  que 
dans  une  apoplexie  fubite  ,  les  fecouflès 
augmentent  l'oppreflîon  &  accélèrent  la 
mort  du  malade. 

Le  reffe  du  traitement  confifle  A  procu- 
rer par  tous  les  moyens  pofîibles  des  éva- 
cuations ;  ainfi  les  émétiques  font  les  remè- 
des appropriés  dans  ce  cas  ,  tant  pour  éva- 
cuer les  matières  amaffées  dans  le  ventri- 
cule ,  que  pour  donner  au  genre  nerveux 
une  iecoufle  capable  de  rendre  aux  efprits 
animaux  la  facilité  de  parcourir  les  filets 
nerveux  qui  leur  font  dcflinés. 

On  joindra  à  l'ufîige  des  émétiques  celui 
des  clyfleres  acres  &  purgatifs  ,  afin  de  rap- 
peller  le  fentiment  dans  les  inteflins  ,  par 
l'irritation  qu'ils  occafionent. 

Malgré  tous  ces  fecours ,  Vapoplexie  qui 
ne  s'cfl  pas  terminée  au  fepticme  jour  par 
la  mort  du  malade,  dégénère  fouvent  en 
hémiplégie  ,  c'eft-.\-dlre  en  paralyfîe  de 
quelqu'un  des  membres  ,  ou  en  paraplégie  , 
qui  eft  une  paralylie  de  tous ,  maladie  or- 
dinairement incurable.  Voye\  HÉMIPLÉ- 
GIE &  Paraplégie.  (  L  ) 

wL'on  vient  de  conlliller  les  émétiques 

% 


3+  A  P  O 

jj  M.  Le  Preux  -  Andri  va  prouver  qu  ils 
7>  font  iouvent  funertes  : 
»  Non  noftrum  efi  tanças  cornponere  lites.i) 
L'uff.ge des éinétlques  paroît  condKré  dans 
le  traitement  ordinaire  de  toutes  les  efpeces 
d'jpop/fx/V;  cependant  ii  l'on  confidere  l'effet 
que  produit  un  émétique  dans  le  moment 
de  Ton  aftion ,  fi  l'on  fonge  au  reflux  de  fang 
qu'il  occauone  vers  les  parties  fupérieures , 
reHux  li  bien  annoncé  par  la  rougeur  de  la 
phyilonomie  ,  la  proéminence  des  yeux  qui 
fèmblent  Ibrtir  de  l'orbite ,  par  une  douleur 
vive  qui  lemble  fendre  le  crâne  ,  par  les 
tintemens  d'oreille  très-confidérables  ,  n'au- 
ra-t-on  pas  lieu  de  craindre  d'augmenter 
l'embarras  qui  exiile  dé)a  dans  le  cer- 
veau ,  fi  l'on  vient  à  poudcr  vers  cette 
partie  une  nouvelle  quantité  de  fang?  On 
dira  peut  -  être  qu'en  accélérant  la  cir- 
culation ,  en  déterminant  avec  force  une 
nouvelle  quantité  de  fang  ,  on  va  détruire 
les  obflacles  qui  donnoient  des  entraves 
à  la  circulation  :  inais  connoît  -  on  afîez 
bien  le  degré  de  torce  qu'on  imprime  ? 
peut-on  évaluer  le  degré  de  réfiitance  que 
préfenteroient  les  vaifleaux  ,  fi  la  dillenfion 
de  ces  vaiffèaux  eu  déjà  portée  à  un  de- 
gré exceilif  ?  n'a-t-on  pas  à  craindre  que , 
par  le  premier  effort  qui  furviendra  ,  les 
tuniques  des  vaifleaux  ,  déjà  incapables  de 
prêter  ,  ne  rompent  tout  d'un  coup  ?  On 
fentira  ,  &  de  refle  ,  la  jufleffè  de  ces  ré- 
flexions }  quand  on  viendra  à  examiner  ce 
qui  fe  paflé  dans  l'efpece  d'apoplexie  qu'on 
nomme  fanguine. 

Car ,  dans  cette  efpece  ,  le  malade  paroît 
fuffoqué  par  la  quantité  de  iang  qui  fe 
porte  vers  la  tête  ;  &  certes  le  moyen 
d'empêcher  que  le  fang  ne  foit  dardé  avec 
trop  de  violence  &  en  trop  grande  quan-: 
tité  vers  le  cerveau  ,  n'efl  pas  de  lui  don- 
ner un  nouveau  degré  d'adivité  ,  ce  que 
l'adion  de  l'émétique  produit.  D'après  ces 
conlidérations  ,  il  femble  qu'on  devroit 
être  plus  réfervé  qu'on  ne  Feif  iur  l'ufage 
des  émétiques  ;  &  fi  la  plupart  du  temps 
les  émétiques  ne  produlfent  pas  les  eflets 
fâcheux  qui  doivent  rélulter  nécefTairement 
de  leur  a£fion  ,  c'efl  que  les  forces  de  la 
machine  le  trouvent  engourdies ,  l'émé- 
tique n'exerce  pas  fon  aélion  dans  toute 
fon  étendue  ;    il  ne  produit  aloFs  qu'une 


A  P  O 

impreffion  légère  ,  qui  équivaut  à  celle 
qu'un  purgatif  ordinaire  aiiroit  pu  pro- 
duire. Si  nous  paroiflons  bldmer  luiu^e 
des  émétiques  dans  l'efpece  à^apoplexie 
qu'on  nomme  fanguine,  nous  croyons  qu'ils 
pourroicnt  être  placés  avec  plus  d'avantage 
dans  l'elpece  d'apoplexie  qu'on  nomme  fe- 
reufe  y  l'inertie  dans  laquelle  efl  plongée 
toute  la  machine ,  le  ralentiff^ment  de  la 
circulation  ,  qui  paroît  fi  bien  marqué  par 
la  pâleur  de  la  ph)  fionomie  ,  la  folbleflé  & 
la  lenteur  du  pouls  ,  annoncent  que  la  ma- 
chine a  beioin  d'un  nouvel  aiguillon  qui  dé- 
veloppe le  principe  de  vie  prêt  à  s'éteindre. 
D'ailleurs  ,  comme  il  y  a  toujours  dans 
l'apoplexie  iéreufe  ,  appareil  dans  les  pre- 
mières voies ,  c'efl-à-dire ,  amas  de  faburre  , 
un  émétique  qui  va  nettoyant  les  pre- 
mières voies  ,  ne  peut  que  convenir.  Un 
remède  dont  on  peut  tirer  grand  profit 
dans  les  diilcrentes  efpeces  d'apoplexie  ,  efl 
l'application  des  veilicacoires.  Ce  remède 
convient  principalement  dans  l'apoplexie 
féreulè ,  parce  qu'étant  de  nature  flimulante , 
il  met  en  jeu  tout  le  fyflême  nerveux ,  & 
donne  plus  de  reffort  aux  vaifleaux  qui  ne 
ionr  que  trop  affoiblis  ;  d'un  autre  coie  ,  la 
luppuration  qui  s'excite  par  l'effet  des  velli- 
catoires  elf  une  efpece  de  décharge  qui  va 
au  bien  de  la  machine.  (  M.  Le  Pre  UX~ 
An  DR  y.) 

APOPOMPÉE  ,  f  f.  (  Hifl.  anc.  )  notn 
que  l'on  donne  à  la  viftime  que  les  juifs 
chargeoient  de  malédictions  ,  &:  qu'ils  chal- 
foient  dans  le  défert  à  la  fête  de  l'expiation. 
Voye'^  Expiation. 

Ce  mot  vient  du  grec  aTro-nf^^Ttr'-iv ,  qui 
lignifie  renvoyer.  Macer ,  in  Hierolexic.  (G) 

APORON  ou  APORISME  ,  flgmfie 
chez  quelques  anciens  Géomètres  un  pro- 
blême difficile  à  refoudre ,  mais  dont  iln'cll 
pas  certain  que  la  réfolution  ioit  impoifible. 
Voyei  Problême. 

Ce  mot  vient  du  grec  à^ocof ,  qui  fignifîe 
quelque  cliofe  de  très-difficile, &i  même  d'im~ 
praticable  ;  il  efl  formé  d'-<  ,  privatif,  &  de 
-rof  or ,  pajjage.  Tel  efl  le  problême  de  la  qua- 
drature du  cercle.  V.  QUADRATURE,  Ê'c. 

Enfin  l'on  propofoit  une  queffion  à  qiiel- 
que  philoiophe  Grec  ,  fur-tout  de  la  kâs 
des  Académiciens  :  s'il  n'en  pouvoit  don- 
ner la  Iblution ,  fa  réponfe   etuit  àTo^sw  , 


A  P  O 

je  ne  la  conçois  pas  ,  je  ne  fuis  pas  capa^ 
ble  de  l'éclâircir.  (O) 

APORRHAXIS  ,  A'cc^'^f'mm  , 
abrumpo  ,frango  ;  ibrtc  de  )eu  en  ufage  chez 
Icsanciens ,  &  qui  confdfoit  à  jeter  oblique- 
ment une  balle  contre  terre  ,  de  manière 
que  cette  balle  rebondiflant  alhlt  rencontrer 
d'autres  joueurs  qui  l'attcndoicnt ,  &  qui 
la  repouflant  encore  obliquement  contre 
terre,  lui  dcnnoient  occaiîon  de  rebondir 
une  féconde  fois  vers  l'autre  côté  ,  d'où 
elle  étoit  renvoyée  de  même ,  &  ainfi  de 
fuite,  julqu'à  ce  que  quelqu'un  des  joueurs 
manquât  fon  coup  ;  &  l'on  avoit  foin  de 
compter  les  divers  bonds  de  la  balle.  C'étoit 
une  efpece  de  paume  qu'on  jouoit  à  la 
main.  {G) 

APORRHOEA  ,  du  mot  grec  iToffitv , 
couler ,  le  dit  quelquefois ,  en  Phyfiqiie ,  des 
émanations  ou  exhalaifons  fulfureufes  qui 
s'élèvent  de  la  terre  &  des  corps  (outer- 
rains.    f^oj'e:^   VaPEUR  ,  EXHALAISON  , 

Mephitis.  (o) 

*  APOS ,  f.  m.  c'eft ,  félon  Jonflon  ,  une 
hirondelle  de  mer ,  très-garnie  de  plumes , 
qui  a  la  tête  large  ,  &  le  bec  court  ;  qui  fe 
nourrit  de  mouches  ,  &  dont  le  cou  ei\ 
court  ,  les  ailes  longues  ,  &  la  queue  four- 
chue. On  le  nomme  apos  ,  parce  qu'il  a 
les  jambes  lî  courtes  qu'on  croiroit  qu'il  n'a 
point  de  pies  :  fi  l'on  ajoutoit  à  cette  def- 
cription  qu'il  a  le  gofier  large  ,  qu'il  ne  peut 
fe  relever  quand  il  efl  à  terre ,  &  qu'il  eu 
noir  de  plumage ,  on  prendroit  facilement 
Vapos  pour  le  martinet. 

APOSCEPARNISMOS  ,  terme  de 
Chirurgie  ,  ell  une  efpece  de  trafiure  du 
crâne  faite  par  un  inftrument  tranchant ,  qui 
emporte  la  pièce  comme  fi  une  hache  l'avoit 
coupée. 

Ce  mot  vient  du  grec  j-fcêTifrov ,  une  coi- 
gne'e  ,  une  hache.  VoycT^  Bibl.  anat.  med. 
tom.  I ,  p.  555)  &  ^8  2. 

J'ai  oui  lire  ,  à  l'académie  royale  de  Chi- 
rurgie ,  une  oblervation  envoyée  par  un 
chirurgien  de  régiment ,  qui  alfuroit  avoir 
guéri  par  la  limple  réunion  une  plaie  à  la 
tête  (-aite  par  un  coup  de  labre ,  qui  en 
dédolant  avoit  enlevé  une  pièce  du  crâne , 
de  façon  que  la  dure -mère  étoit  décou- 
verte de  l'étendue  d'une  lentille.  Cette  pièce 
d'os  étoit  retenue  par  les  tcgumens.  Le  chi- 


A  P  O  35 

rurgicn  ,  après  avoir  lavé  la  plaie  avec  du 
vin  tiedc  ,  appliqua  les  parties  dans  leur 
fituation  naturelle  ,  &  les  y  maintint  par 
un  appareil  &  un  bandage  convenable.  Il 
prévint  les  acciilens  par  les  iaignécs  &  le 
régime  ,  &  la  conduite  qu'il  tint  eut  tout  le 
luccès  poihble. 

Cette  pratique  ne  (èroit  point  à  imiter  Ci 
la  dure-mere  étoit  contulé  :  il  faudroit  dans 
ce  cas  achever  d'ôter  la  pièce  ,  &  pcnler  ce 
trépan  accidentel ,  comme  celui  qu'on  fait 
dans  un  lieu  de  néceflité  ou  d'éledion ,  pour 
les  accidens  qui  requièrent  cette  opération  , 
afin  de  faire  fuppurer  la  contufion  de  cette 
membrane.  Voye^  T Kt? hïi .  (V) 

APOSIOPËSE ,  f  f.  {Belles Letr.)  figure 
de  rhétorique  ,  autrement  appellée  réticence 
ou  fupprejjion  :  elle  fe  tait  lorfque  ,  venant 
tout  d'un  coup  à  changer  de  pailion  ,  ou  à  la 
quitter  entièrement ,  on  rompt  brufque- 
ment  le  fil  du  difcours  qu'on  dcvroit  pour- 
fuivre  ,  pour  en  entamer  un  différent.  Elle 
a  lieu  dans  les  mouvemens  de  colère  ,  d'in- 
dignation ,  dans  les  menaces ,  comme  dans 
celle-ci ,  que  Neptune  tait  aux  vents  dé- 
chaînés contre  les  vaiiTeaux  d'Enée  : 

Quos  ego  ....fed  motos  praflat  componere 
fluclus. 

Ce  mot  vient  du  grec  tLvâjtn-ràoi,  je  me 
tais.   Voyei  RÉTICENCE.  (  G  ) 

APOSTASIE,  ce  wos-asri*  ,  réi'ohe  , 
abandon  du  parti  qu'on  fuivoit  pour  en  pren- 
dre un  autre. 

Ce  mot  ell  formé  du  grec  kttI  ,  ab  ,  con- 
tra ,  &  de  ijyiui  ,  être  debout ,  fe  tenir  ferme  y 
c'ell-à-dlre  réfiffer  au  parti  qu'on  avoit  fuivi , 
embraffer  une  opinion  contraire  ;\  celle 
qu'on  avoit  tenue  ;  d'où  les  Latins  ont  formé 
apoflatare,  mépriier  ou  violer  quelque  chofè 
que  ce  folt.  C'efl  en  ce  tens  qu'on  lit  dans 
les  loix  d'Edouard  le  confefleur  :  Qui  leges 
apofiatabit  terrje  fui.v  ,  reusjit  apud  regem  f 
que  quiconque  viole  les  loix  du  royaume 
foit  tenu  criminel  de  lei'c-majefié. 

Apoflajie  ié  dit  plus  particulièrement  de 
l'abandon  qu'une  perlonne  fait  de  la  vraie 
religion  pour  en  embrafler  une  fauflè  :  telle 
tut  Taclion  de  l'empereur  Julien ,  quand  il 
quitta  le  chrifliajiifme  pour  profeflcr  l'ido- 
lâtrie. 

E  2 


3(5  A  P  O  ^ 

Parmi  les  Catholiques ,  apoflafie  s'entend 
encore  de  la  délertlon  d'un  ordre  religieux  , 
dans  lequel  on  avoit  fait  profellion  ,  &  qu'on 
quitte  lans  une  difpenle  légitime.  Voye^ 
Ordre  &  Dispense. 

Les  anciens  diftinguoient  trois  fortes 
à'apojhfiei  la  première,  àfupererogaùone  , 
qui  fe  commet  par  un  prêtre  ou  un  reli- 
gieux qui  quitte  fon  état  de  fa  propre  autori- 
ré  ,pour  retourner  à  celui  des  laïques  ;  &  elle 
eft  nommée  de  furérogation  ,  parce  qu'elle 
ajoute  un  nouveau  degré  de  crime  à  l'une 
ou  l'autre  des  deux  efpeces  dont  nous  allons 
parler ,  &  Ihns  l'une  ou  l'autre  defquelles 
elle  n'arrive  jamais  :  la  féconde  ,  à  manda- 
lis  Dei  i  c'crt  celle  que  commet  quiconque 
viole  la  loi  de  Dieu  ,  quoiqu'il  perliiîe  en  la 
croyance  :  la  troifieme,  àfide;  c'eft  la  dé- 
fedion  totale  de  celui  qui  abandonne  la  foi. 
Voyei  Renégat.     _  . 

Cette  dernière  ell  fujette  à  la  vindifle  des 
loix  civiles.  En  France  ,  un  Catholique  qui 
abandonne  fi  religion  pour  embraffer  la  re- 
ligion prétendue  rétormée ,  peut  être  puni 
par  l'amende  honorable  ,  le  banniflement 
perpétuel  hors  du  royaume ,  &  la  confiica- 
lion  de  fcs  biens ,  en  vertu  de  plulieurs  édits 
&  déclarations  publiés  ious  le  règne  de 
Louis-lc-Grand.  (  G-H) 

APOSTAT,  apvftata ,  homme  qui  aban- 
donne ou  renie  la  vraie  foi ,  la  vraie  reli- 
g'on.   {G) 

APOSTEME  ,  f.  m.  terme  de  Chirurgie  , 
tumeur  contre  nature  ,  faite  de  matière 
liumorale. 

Nous  remarquerons ,  dans  les  apoflemes, 
lei'.rs  différences  ,  leurs  caules ,  leurs  iignes , 
leurs  temps  &  leurs  terminaifons. 

Les  dincrences  des  apojlemes  lont  efîen- 
tlellcs  ou  accidentelles  :  celles-là  viennent 
de  l'eipece  de  Huide  qui  produit  la  tu- 
meur ;  celles-ci  viennent  du  délordre  ou 
dérangement  que  ces  mêmes  humeurs  peu- 
.^■cnt  produire. 

Les  apoflemes  étant  formés  par  les  liqueurs 
renfermées  dans  le  corps  humain  ,  il  y  a 
siu.-nt  de  différentes  elpeces  d'apojhmes 
qu'il  y  a  de  ces  différentes  liqueurs  :  ces 
liqrcurs  font  le  chyle,  le  fang ,  &  celles 
qui  émanent  du  iang. 

1°.  Le  chyle  forme  des  apofiemes ,  foit 
fTX  s'en^orgcaat  dans  les  ^jlaiadcs  du  mJlcn- 


A  P  O 

tere  ,  dans  les  vaifleaux  laélées ,  ou  dans  le 
canal  thorachique  ;  foit  en  s'échappant  dans 
le  ventre  ou  dans  la  poitrine. 

2°.  Le  fang  produit  des  apoftemes  ,  par  fa 
partie  rouge  ou  par  fa  partie  lilanche.  Il  y  a 
pluficurs  elpeces  d'apojiemes  formés  par  la 
partie  rouge  du  fang  :  les  uns  le  forment 
par  infiltration ,  comme  le  rhumbus  ,  l'échy- 
mofe  ,  les  taches  fcorbutiques.  Voye-{  IN- 
FILTRATION. D'autres,  par  épanchement 
proprement  dit ,  comme  l'empyerae  de  fang. 
yoyei  Empyeme.  Quelquefois  le  fang  elt 
épanché,  &  en  outre  infiltré  dans  le  tiffu 
gralfleux  ;  tel  efl  le  cas  de  l'anevryf'me  faux. 
Voyei  AneVRYSME.  Toutes  ces  différen- 
tes efpeces  d'apoftemes  fanguins  font  produi- 
tes par  extravafation  :  il  y  en  a  de  plus  qui 
font  caufes  par  le  fang  contenu  dans  {es  vaiC- 
féaux  ,  foit  par  leur  dilatation  contre  nature  , 
comme  les  anevryfmes  vrais ,  les  varices  y 
les  hémorrhoïdes  ;  d'autres  font  produits  , 
en  conféquence  de  la  conftricfion  des  vail- 
feaux  ,  ce  qui  produit  l'inflammation  ,  la- 
quelle eft  phlogofe,  créfipele ,  ou  phlegmon» 
V^oye\  ces  mots  à  leur  ordre. 

La  partie  blanche  du  fang  caufe  des 
apoflemes  ,  en  s'arrêtant  dans  fès  valffeaux, 
ou  en  s'extravafant.  On  range  fous  la  pre- 
mière clailè  les  skirres  ,  les  glandes  gonflées 
&  dures ,  les  rhumatifmes  ,  la  goutte  ; 
l'œdème  &  Thydropifie  font  de  la  féconde: 
celui-là  fe  tait  par  infiltration ,  celui-ci  par 
épanchement. 

3°.  Les  liqueurs  émanées  du  fang  peu- 
vent être  des  caufes  ti\ipv/îemes  :  le  fuc 
nourricier,  lorfqu'il  ef^  \lcié  ou  en  trop 
grande  abondance ,  produit  ,  en  s'arrêtant 
ou  en  s'épanchant  dans  quelques  parties  , 
les  calus  difformes  ,  les  cxcroillances  de 
chair  appellées  farcomes  ,  les  poireaux ,  les 
verrues  ,  les  condylonus ,  les  farcoceles. 
Vpye'^  tous  CCS  mots. 

La  graiffc  ,  dépofée  en  trop  grande  quan- 
tité dans  quelques  parties  ,  forme  la  loupe 
graiflcufe.  Voye^  LlPOME. 

La  femencc  retenue  ,  par  quelque  caufe 
que  ce  foit,  dans  les  canaux  qu  elie  par- 
court ,  forme  des  tumeurs  qu'on  appcLe 
fpermatocele  ,  fi  la  liqueur  cfl  arrêtée  dans 
l'épidydime  ;  &  tumeur  fe'minale  ,  lî  la 
liqueur  s'amafle  en  trop  grande  quantité  daus 
les  véliculcs  iéaùu.ilcs. 


A  P  O 

Ln  fyncn  le  ,  lorlqu'elle  n'crt  point  repom- 
pcc  pur  les  parcs  relorbans  dus  ligamciis 
articulaires  ,  produit  Tank)  lolc  ,  le  gonfle- 
ment des  jointures  ,  &  l'iiydropilie  des 
articles. 

La  bile  caufc  une  tumeur  en  s'arrétant 
dans  les  pores  biliaires  ,  ou  dans  les  vélicu- 
Ics  du  fiel ,  ou  dans  le  canal  cholidoque  ;  ce 
qui  peut  être  occafioné  par  une  pierre  bi- 
liaire ,  ou  par  l'épaiffifiement  de  la  bile. 

L'humeur  des  amygdales ,  retenue  dans 
ces  glandes  ,  caule  leur  gonflement.  La  ia- 
live  ,  retenue  dans  les  glandes  ,  produit  les 
tumeurs  nommées  parotides  ,•  &;  retenue 
dans  les  canaux  excréteurs  des  glandes 
maxillaires  ou  lublinguales  ,  elle  produit  la 
grenouillettc. 

Le  mucus  du  nez  produit  le  polype  ,  par 
l'engorgement  des  glandes  de  la  membrane 
pituitaire. 

Les  larmes  ,  par  leur  mauvaife  qualité  , 
ou  par  leur  lejour  dans  le  (ac  lacrymal ,  ou 
dans  le  conduit  nalal  ,  produiknt  les  tu- 
meurs du  lac  lacrymal ,  ou  l'oblîrudion  du 
canal  nalal. 

La  Challic  ,  retenue  dans  les  canaux  ex- 
créteurs ,  forme  de  petites  tumeurs  qui  lur- 
viennent  aux  paupières  ,  &  qu'on  appelle 
orgelets. 

L'humeur  febacée  ,  retenue  dans  (es  pe- 
tits canaux  excréteurs  ,  forme  lis  tanes  ou 
taches  de  rouilcur. 

L'urine  ,  retenue  dans  les  reins  ,  dans  les 
uretères  ,  dans  la  veflîe  ou  dans  l'urètre  , 
produit  des  tumeurs  urinaires.  Voye\  RÉ- 
TENTION  d'urine. 

L'humeur  des  profiates  caufe  la  rétention 
d'urine  ,  lorfqu'elle  s'arrête  dans  ces  glan- 
des ,  &  qu'elle  les  gonfle  au  point  d'oblitérer 
le  canal  de  l'urctre. 

Le  lait  peut  obrtruer  les  glandes  des 
mimelles  ,  ou  rentrer  dans  la  made  du 
iang  ,  fe  dépoîer  enfuite  fur  quelque  partie  , 
&  former  ce  qu'on  appelle  communément 
lait  répandu. 

Le  Iang  menfiruel ,  retenu  dans  le  vagin 
des  filles  imperforées ,  caule  un  apofteme. 
Voyei  Imperforation. 

Les  tumeurs  ,  formées  par  lair  contenu 
dans  nos  humeurs  ,  pjuvent  êtie  regardées 
comme  des  apojfemes.  V^.  EMPHYSEME  & 
ÏYMPAislTE,  Quelques-uns  regardem  les 


A  P  O  37 

tumeurs  renteufes  ,  fur-tout  lorfquc  cet  air 
vient  du  dehors  ,  comme  formées  par  un 
corps  étranger.  Kojf:;  TUMEUR. 

Les  différences  accidentelles  des  apsftemes 
le  tirent  de  leur  volume  ,  des  accidens  qui 
les  accompagnent ,  des  parties  qu'ils  atta- 
quent ,  de  la  manière  dont  ils  fe  forment , 
&  des  caules  qui  les  produifent. 

Par  rapport  aux  parties  où  les  apoflemes  fe 
rencontrent  ,  ils  reçoivent  difFérens  noms  : 
à  la  conjondive  ,  l'inflammation  s'appelle 
ophtalmie  :  à  la  gorge  ,  efquinaiicie  ;  aux 
aines  ,  Bubons  ;  à  l'extrémité  des  doigts  , 
panaris. 

Les  apoflemes  fe  forment  par  fluxions  , 
c'efî-à-dire  ,  promptement  ;  les  autres  par 
congcffion  ,  c'eft-à-dirc  lentement  :  ceux 
qui  font  formés  par  fluxion  ,  font  ordinai- 
rement des  apoflemes  chauds  ,  comme  l'éré- 
lipcle  &  le  phlegmon  :  on  appelle  apoflemes 
froids ,  ceux  qui  fe  forment  par  congeflion  ; 
par  exemple  ,  l'œdème  &  le  skirrhe. 

Quant  à  leur  caufe  ,  les  uns  font  bénins  , 
les  autres  malins  ;  les  uns  critiques  ,  les 
autres  lymptomatiques  :  les  uns  viennent 
des  caufes  externes  ,  comme  coups  ,  fortes 
ligatures  ,  contaâ  ,  piquure  d'infeftes  , 
mprlure  d'animaux  venimeux  ,  &  mauvais 
ulage  des  lîx  choies  non-naturelles  ,  lefquel- 
les  font  l'air  ,  les  alimcns  ,  le  travail  ,  les 
veilles  &  les  paflîons ,  le  fom.meil  &  le  repos , 
les  humeurs  retenues  ou  évacuées  ;  toutes 
ces  caufes  produifent  embarras  ,  engorge- 
ment &  obflruftion  ,  &  conféquemmentdcs 
apoflemes  ou  tumeurs  humorales. 

Les  caules  internes  viennent  du  vice  des 
folides ,  &  de  celui  des  fluides.  Le  vice  àes 
folides  confifle  dans  leur  trop  grande  ten- 
fion  ,  ou  dans  leiir  contrai5i:ion  ,  dans  la 
perte  ou  dans  l'alFoiblilTèment  de  leur  rel- 
lort  ,  &  dans  leur  divifion. 

Le  vuide  des  fluides  confifle  dans  l'excès 
ou  dans  le  défiuit  de  leur  quantité  ,  &  dans 
leur  mauvaife  qualité.  Voyei  ^^  mémoire  de 
M.  Queinay  ,  fur  le  l'ice  des  humeurs  ,  dans 
le  piemier  volume  de  ceux  de  l'académie 
royale  de  Chirurgie. 

Les  fignes  dc^^  apoflemes  font  particu- 
liers à  cliaque  cfpece  ;  on  peut  les  voir  à 
l'art'cle  de  chaque  tumeur. 

On  remarque  aux  apoflemes  ,  comme  à 
toutes  les  nialadies ,  quatre  temps  ;  le  corn-; 


38  A  P   O 

rnencernent ,  le  progrès ,  l'état  &  la  fin. 
Le  commencement  eft  le  premier  point 
de  l'obftruâion  qui  arrive  à  une  partie  ;  on 
le  reconnoît  à  une  tumeur  contre  nature  ,  & 
à  quelques  légers  fymptomes. 

Le  progrès  eft  l'augmentation  des  cette 
même  oblîrudion  ;  on  le  reconnoît  aux 
progrès  des  {ymptomes. 

L'état  eft  celui  où  l'obftruâion  eft  à  Ton 
plus  haut  point  ;  on  le  reconnoît  à  la  vio- 
lence des  fymptomes. 

La  fin  des  apoftemes  fe  nomme  leur  ter- 
ni inaif  on. 

La  terminaifon  des  apoftemes  fe  fait  par 
réfolution  ,  par  fuppuration  ,  par  délitef- 
cence  ,  par  induration  ,  &  par  pourriture  ou 
mortification.  Toutes  ces  terminaifons  peu- 
vent être  avantageufes  ou  défavantageufès  , 
relativement  à  la  nature  &  aux  circonilan- 
ces  de  la  maladie.  VoyeT^  les  mots  qui  expri- 
ment les  cinq  terminaifons  des  apoftemes , 
chacun  à  fon  article. 

Quelques  auteurs  prennent  le  mot  apof- 
teme  ,  comme  fignifiant  la  même  choie 
qu'aif^j-.  V^oye\  AbCÉS.  (  Y) 

APOSTILLE  ,  f.  f .  (  Droit^  ,  Çomm. 
L'utér.  )  annotation  ou  renvoi  qu'on  lait  à  la 
marge  d'un  écrit,  pour  y  ajcu-cr  quelque 
chofe  qui  manque  dans  le  texte ,  ou  pour 
réclaircir  &  l'interpréter. 

ApostII.T.E  ,  en  matière  d^ arbitrage  , 
fignifi.c  un  écrit  fuccinâ  que  les  arbitres  met- 
tent à  la  marge  d'un  mémoire  ou  d'un 
compte  ,  à  côté  des  articles  qui  font  en  dif- 
pute.  Les  apoftilles  doivent  être  écrites  de  la 
main  des  arbitres  ,  &  on  doit  les  regarder 
comme  autant  de  fentences  arbitrales  ,  pui!- 
qu'elles  jugent  les  conteftations  qui  font 
entre  les  parties. 

Celles  qui  font  fiiltes  en  marge  d'un  aâc 
pafTé  pardevant  notaire  ,  doivent  être  para- 
phées par  le  notaire  &  par  les  parties. 

APOSTILLE  ,  ad'],  quand  on  dit  qu'un 
mémoire  ,  qu'un  compte  cil  apoftille  par  des 
arbitres ,  c'eft-à-dire  ,  qu'il  a  été  réglé  & 
jugé  par  eux.  VoyeiAvoSTÏLLE. 

APOSTILLER  ,  mettre  des  apoftilles 
en  marge  d'un  mémoire  ,  d'un  ade  ,  d'un 
compte  ,  d'un  contrat.  Voye7  APOSTILLE. 
(G) 

APOSTIS  ,  f.  m.  (Manne)  on  appelle 
ainli  deux  longues  pièces  de  bois  de  huit 


A  P  O 

pouces  en  quarré  ,  &  tant  foit  peu  abaiP- 
l'ées ,  dont  l'une  eft  le  long  de  la  bande 
droite  d'une  galère  ,  &  l'autre  le  long  de 
la  bande  gauche  ,  depuis  l'épaule  juiqu'à  la 
conille  ,  &  qui  portent  chacune  toutes  les 
rames  de  la  chiourme  par  le  moyen  d'une 
grolFe  corde,  f^oye^  GALERE  ,  ÉpAULE  , 
Conille  ,  Chiourme.  (  Z) 

APOSTOLICITE  ,  f  f.  fe  peut  prendre 
en  différens  lens  ;  ou  pour  la  conformité 
de  la  doctrine  avec  celle  de  l'églife  apofto- 
lique  ;  ou  pour  celle  des  mœurs  avec  cel- 
les des  aporres  ;  ou  pour  l'autorité  d'un  ca- 
radere  accordé  par  le  fiint  liège.  Ainfi  on 
dit  V apoftoliciu  à\\n  fentiraent  ,  de  la  vie  , 
d'une  million. 

'^APOSTOLINS,  f.  m.  pi.  (  Hifl.  eccléf.  ) 
religieux  dont  l'ordre  commença  au  qua- 
torzième fiecle  à  Milan  en  Italie.  Ils  pri- 
rent ce  nom  parce  qu'ils  tailoient  profellîon 
d'imiter  la  vie  des  apôtres  ,  ou  celle  des 
premiers  fidèles. 

APOSTOLIQUE  ,  adj.  fignifie  en  gé- 
néral ce  qui  vient  des  apôtres  ,  ou  qui  peut 
convenir  à  un  apôtre.  Mais  ce  terme  fe  dit 
plus  particulièrement  de  ce  qui  appardenc 
au  faint  fiege ,  ou  qui  en  émane.  C'eft  en 
ce  lens  qu'on  dit ,  un  nonce  apoftolique  y  un 
bref  apoftolique . 

Apoftolique  (  Chambre  )  ,  eft  un  tribunal 
où  l'on  difcute  les  affîiires  qui  regardent  le 
tréfor  ou  le  domaine  du  faint  fiege  &  du 
pape. 
Notaire  apoftolique ,  7-^.  NOTAIRE.  {H) 
Apostolique  ,  (  Théol.  )  Le  titre  d'j- 
poftolique  eft  un  des  caraâeres  dillindifs  de 
la  véritable  Eglife.  Ce  titre  qu'on  donne 
aujourd'hui  par  excellence  à  l'Eglifc  Ro- 
maine ,  ne  lui  a  pas  toujours  été  unique- 
ment aftcfté.  Dans  les  premiers  fieclcs  du 
Chriftianifme  il  étoit  commun  à  toutes  les 
égliles  qui  avoient  été  fondées  par  les  apô- 
tres ,  &  particulièrement  aux  fieges  de 
Rome  ,  de  Jérulalem  ,  d'Antioche  ,  & 
d'Alexandrie  :  comme  il  paroît  par  divers 
écrits  des  pères  &  autres  monumens  de 
FHiftoire  eccléfiaftique.  Les  égliies  même 
qui  ne  pouvoient  pas  le  dire  apoftoliques  y 
eu  égard  ;\  leur  fondation  faite  par  d'au- 
tres que  par  les  apôtres  ,  ne  laifloient  pas 
de  prendre  ce  nom  ,  Ibit  à  caufe  de  la 
conformité  de  leur  doftrine  avec  celle  des 


A  P  O 

dgliTc;  apofloliques  pnr  leur  fondation  \  foit 
encore  parce  que  tous  les  évcqucs  le  re- 
gariloient  comme  fuccelTcurs  des  apôtres  , 
ou  qu'ils  agiUbicnt  dans  leurs  diocelès  avec 
l'autorité  des  apôtres.  Voye^  EvÊQUE. 

Il  paroît  encore  par  les  formules  de  Mar- 
culphe  ,  drelfées  vers  l'an  660  ,  qu'on  don- 
noit  aux  évêques  le  nom  A' apolîolique.  La 
première  trace  qu'on  trouve  de  cet  ufage  , 
ert  une  lettre  de  Clovis  aux  prélnts  ailem- 
blés  en  concile  à  Orléans  ;  elle  commence 
par  ces  mots  :  Le  roi  C loris  aux  S  S.  évê- 
ques &  très-dignes  diijïege  apoftolique.  Le  roi 
Contran  nomme  les  évéques  allémblés  au 
concile  de  Mâcon  ,  des  pontifes  apofloli- 
ques  y  apojlolici  pvntijices. 

Dans  les  iiecles  iuivans  ,  les  trois  patriar- 
chats  d'orient  étant  tombés  entre  les  mains 
des  Sarrafins  ,  le  titre  à' apoftolique  fut  re- 
fervé  au  feul  licge  de  Rome  ,  comme  celui 
du  pape  au  iouverain  pontife  qui  en  ell 
évêque.  Voye\  PapE.  S.  Grégoire  le  grand 
qui  vivoit  dans  le  vj  fiecle  ,  dit  ,  lii'.  V. 
épit.  37.  que  quoiqu'il  y  ait  eu  plufieurs 
apôtres  ,  néanmoins  le  iicge  du  prince  des 
apôtres  a  ieul  la  luprême  autorité ,  &  par 
coniéquent  le  nom  A' apoftolique  ,  par  un 
titre  particulier.  L'abbé  Rupert  remarque  , 
lib.  1.  de  Divin,  oftic.  cap.  xxvij.  que  les 
iuccefiêurs  des  autres  apôtres  ont  été  appel- 
lés  patriarches  ;  mais  que  le  fuccefl'eur  de 
St.  Pierre  a  été  nommé  par  excellence  apof- 
tolique ,  à  caule  de  la  dignité  du  prince 
des  apôtres.  Enfin  le  concile  de  Rheims 
tenu  en  104.9  '  déclara  que  le  fouverain 
pontile  de  Rome  étoit  le  Ieul  primat  apofto- 
lique de  l'Eglile  univerfelle.  De-là  ces  ex- 
preilions  aujourd'hui  fi  ulitées  ,  fiege  apofto- 
lique ,  nonce  apoftolique  ,  notant  apoftoli- 
que ,  bret  apoftolique ,  chambre  apoftolique  , 
vicaire  apolhlique  ,  &c.  Voyei  NoNCE  , 
Bref  ,  &c.  (G) 

APOSTOLIQUES,  f.  m.  plur.  (  Théolo- 
gie. )  nom  qu'Hofpinien  ,  &  Baie  ou  Balcé  , 
évéque  d'Olierie,  donnent  à  d'anciens  moines 
autrefois  répandus  dans  les  îles  Britanniques. 

Ces  deux  auteurs  prétendent  que  Pela- 
ge ,  fi  fameux  par  ion  héréfie  ,  &  qui  étoit 
Anglois  de  naillànce  ,  ayant  été  témoin  dans 
fes  voyages  en  Orient  ,  de  la  vie  monafti- 
que  ,  rintroduifit  dans  fa  patrie  ,  &  qu'il 
fut  abbé  du  monallere  de  Bangor  ,  ayant 


A  P  O  39 

fous  fa  conduite  julqu'à  deux  mille  mo'nes. 
Mais  M.  Cave  ,  dans  Ion  hifioire  l^ittéraire , 
tom.  I ,  pag.  zs  2  ,  quoiqu'il  avoue  que 
Pelage  ait  éré  moine  ,  traite  tout  le  refle  de 
rêveries  &  de  tables  ,  avancées  fiir  l'autorité 
de  quelques  modernes  ,  tels  que  Jean  de 
Tinmouth  ,  Nicolas  Chanteloup  ,  &c.  écri- 
vains tort  peu  refpe^ables. 

Bede  ,  dans  fon  hiffoirc  d'Angleterre  , 
liv.  II ,  c.  ij  1  fitit  mention  de  ce  monaflere 
de  Bancor  ou  de  Bangor  ,  dans  lequel  on 
comptoit  plus  de  2000  moines  ;  mais  il  ne 
dit  rien  du  nom  A' apoftolique  ,  qui  paroû 
être  entièrement  de  l'invention  de  Baie  & 
d'Hotpinien. 

Bingham  ,  de  qui  nous  empruntons  cet 
article  ,  remarqiie  qu'il  y  avoit  en  L'iande 
un  monaflere  de  Benchor  ,  fondé  vers  l'an 
^io  jrir  CongcU  ,  dont  faint  Gai  &  (aint 
Colomban  furent  difciples.  Mais  ,  ou  lui  ou 
ton  tradudeur  fe  {ont  trompés  ,  en  préten- 
dant que  lair/  Colomban  avoit  fondé  le 
monallere  de  Lizieux  en  Normandie  :  In 
Normanid  Lexovienfe  monafterium.  Il  fal- 
loit  dire  :  Luxovienfe  monafterium  ,  le  mo- 
naflere de  Luxeu  ou  de  Luxeuil  ,  &  tout  le 
monde  iait  que  cette  abbaye  eft  fituée  en 
Franche-Comté.  Bingham  ,  orig.  ecclefiaft. 
lib.VIl.c.  ij,  §   13. 

ApoSTOLlt^UES  ,iThéologie.)  nom  que 
deux  fedcs  différentes  ont  pris  ,  fous  pré- 
texte qu'elles  imitoient  les  mœurs  &  la 
pratique  des  apôtres. 

Les  premiers  apoftoliques  ,  autrement 
nommés  apotactites  &;  apotacliques  ,  s'élevè- 
rent d'entre  les  Encratitcs  &  les  Cathares  , 
dans  le  troifieme  fiecle  ;  ils  profefï'oient  l'abi- 
tinence  du  mariage ,  du  vin ,  de  la  chair ,  Ùc. 
Voye\  Apotactites  ,  Encrati- 
TES  ,  <&(.-. 

L'autre  branche  des  apoftoliques  fut  du 
xij  fiecle  :  ils  condamnoient  auffi  le  mariage  , 
mais  ils  pcrmettoient  le  concubinage  ;  ne 
vouloient  point  admettre  l'ufage  du  bap- 
tême ,  <k  imitoient  en  plufieurs  chofes  les 
Manichéens.  Saint  Bernard  écrivit  conTe  la 
fede  Aesapoftoliques  ,  &  parle  contre  eux  au 
fermon  66  fur  les  cantiques.  Il  paroît,  pir 
Sanderus  &  Baronius  ,  qu'ils  nioient  le  pur- 
gatoire ,  l'invocation  Acs  Saints  ,  la  prière 
pour  les  morts ,  &  fè  difbient  être  le  feul 
&  vrai  corps   de  l'églife  :  erreurs  qui  ont 


40  A  P  O 

beaucoup  de  fnpport  à  celles  des  Albigeois 
qui  parurent  vers  le  même  temps.  Voye\ 
Albigeois.  (G) 

APOSTROPHE,  f.  f.  (  Bel.  Lett.  )  figure 
de  rhétorique ,  dans  laquelle  l'orateur  inter- 
rompt le  dilcours  qu'il  tenoit  à  l'auditoire  , 
pour  s'adrefler  diredement  &  nommément 
■X  quelque  pcrfonne  ,  foit  aux  dieux  ,  loit 
aux  hommes  ,  aux  vivans  ou  aux  morts ,  ou 
iî  quelqu'êtrc  ,  même  aux  chofes  inanimées  , 
ou  à  des  êtres  métaphyiiques  ,  &  qu'Oii  ell 
en  uli^ge  de  perlonnifier. 

De  ce  dernier  genre  efl  ce  trait  de  M. 
BolTuet  ,  dans  Ion  orailon  funèbre  de  la  du- 
cheiîb  d'Orléans  :  "  Hélas ,  nous  ne  pouvons 
>»  arrêter  un  moment  les  yeux  lur  la  gloire 
de  la  princcflc  ,  ians  que  la  inort  s'y  mêle 
auHi-tôt  pour  tout  ofFufquer  de  Ion  om- 
bre! O  mort ,  éloigne-toi  de  notre  pen- 
iée  ,  &  laillè-nous  tromper  ,  pour  un 


la  violence  de 


douL 


ouieur 


moment ,  la  violence  de  notre 
par  le  louvcnir  de  notre  joie.  »> 
Cicéron  ,  dans  l'oraifon  pour  Milon  , 
s'adreiîe  aux  citoyens  illuilres  qui  avoient 
répandu  leur  iling  pour  la  patrie  ,  &  les  in- 
tcrelTe  à  la  détenii:  d'un  homme  qui  en  avoit 
tué  l'ennemi  dans  la  perfonne  de  Clodius. 
Dans  la  même  pièce  il  apoftrophe  les  tom- 
beaux ,  les  autels ,  les  bois  (acres  du  mont 
Albin.  Vos  Albdiii  tumuU  atque  laci  ,  &c. 
Enée  ,  dans  un  récit  ,  remarque  que  fi 
l'on  avoit  été  attcntit  à  un  certain  événe- 
ment ,  Troye  n'auroit  pas  été  prife  : 

Priamique    arx 
.^neid.  IL 


Trojaque  nunc  ftares  j 
altu  maneres. 

'L'apojlrophe  fait  fentir  toute  la  tendrefle 
d'un  bon  citoyen  pour  la  patrie. 

Celle  que  Démoilhene  adrefle  aux  Grecs 
tués  à  la  bataille  de  Marathon  ,  efl  célèbre  ; 
le  cardinal  du  Perron  a  dit  qu'elle  fit  autant 
d'honneur  à  cet  orateur  ,  que  s'il  eût  refl'uf- 
cité  ces  guerriers.  On  regarde  auffi  comme 
un  des  plus   beaux  endroits  de  Cicéron  , 
celle  qu'il  adrefle  à  Tubéroa  dans  l'orailon 
pour  Ligarius  :  Quid  eiiim  y  Tubero  ,  mus 
illedifiriâusuiacie  P harfalicâ gladius  age- 
bdt  ?  &c.  Cette  apoftrophe  eil  remarquable , 
&  par  la  vivacité  du  dilcours  &  par  l'émo- 
tion qu'elle  produit  dans  l'ame   de  Céfar. 
Au  rcftc  il  en  cil  de  ïapojlrophc  comme 
(les  autres  figures.  Pour  plaire  elle  doit  n'être 


AP  O 

pas  prodiguée  à  tout  propos.  L'auditeur 
fouffriroit  impatiemment  qu'on  le  perdît 
inceflamment  de  vue  ,  pour  ne  s'adrefièr 
qu'à  des  êtres  qu'il  llippoie  toujours  moins 
intérefles  que  lui  au  dilcours  de  l'orateur. 

Le  mot  apoftropLe  ell  grec  ,  jsTori^cçi' , 
averfio  ,  formé  d'^ï-o  ,  ah  y  &:  de  î-ffja  , 
reno  ,  je  tourne  ;  quia  orator  ab  audttore 
convertit fermonem  ad aliamperfonam.  (G) 

Apostrophe  ,  f.  m.  ell  aullî  un  terme  de^ 
Grammaire  y  &  vient  d'jtTsr-sjo; ,  iubflanti!: 
mafculin  ;  d'où  les  Latins  ont  Eiit  apofiro- 
/)Ai/.rpourle  même  ufage.  R .  àTorf sijw ,  aver- 
to  ,  je  détourne  ,  j'ôte.  L'ulage  de  Vapo/lro- 
phe  en  grec,  en  latin  ,  en  italien  &  en  Iran- 
çois ,  e(l  de  marquer  le  retranchement  d'une 
voyelle  à  la  fin  d'un  mot ,  pour  la  facilité  de 
la  prononciation.  Le  figne  de  ce  retranche- 
ment eil  une  petite  virgule  que  l'on  met  au 
haut  de  la  conibnne  ,  &  à  la  place  de  la 
voyelle  qui  feroit  après  cette  confonne  ,  s'il 
n'y  avoit  point  à'apojhvphe  ;  ainfi  on  écrit 
en  latin  men'  pour  mené  ?  tanton'  pour 
tanto-ne  ? 

....   Tanton' me  crimine dignitm  ? 
Virg.  ^Encid.  v.  668. 
....   Tanton^  plaçait  concurrere  motu  ? 
Virg.  ^neid.  XIL  v.  503. 

fiden'  pour  vides-ne  ?  ain'  pour  af-ne  ? 
dix-tin'  pour  dixifti-ne''.  &  en  franc  ois , 
grand'mejfe  ,    grand'mere  ,    pas    grand'- 


chofe  y  grand' peur  ,  &c. 

Ce  retranchement  efl  plus  ordinaire  quand 
le  mot  fuivant  commence  par  une  voyelle. 

En  françois  Xe  muet  ou  féminin  efl  la 
feule  voyelle  qui  s'élide  toujours  devant  une 
autre  voyelle  ,  au  moins  dans  la  prononcia- 
tion ;  car  ,  dans  l'écriture  ,  on  ne  marque 
l'élifion  par  Vapojlrophe  que  dans  les  mono- 
f}  llabes  je  ,  me ,  te  ,  fe  ,  le  ,  ce,  que ,  de , 
ne  y  &  dans  jufque  &  quoique  ,  quoi  qu'il 
arrive.  Ailleurs  on  écrit  Ve  muet  quoiqu'on 
ne  le  prononce  pas  :  ainfi  on  écrit  ,  une 
armée  en  bataille  y  &  l'on  prononce  un 
armé  en  bataille. 

L'a  ne  doit  être  fiipprimé  que  dans  l'ar- 
ticle &  dans  le  pronom  la  ,  iame,  l'églife, 
je  l'entends  y  pour;>  la  entends.  On  dit  la 
onzième ,  ce  qui  efl  peut-être  venu  de  ce 

que 


A  P  O 

que  ce  nom  de  nombre  s'écrit  fouvcnt^  en 
chiffre  ,  le  XI  roi ,  la  XI  lettre.  Lcscntans 
difent  m' amie  ,  &  le  peuple  dit  auiii  /«'a- 
mour. 

L'z  ne  fe  perd  que  dans  la  conjonftion 
Ji  ,  devant  le  pronom  mafculin  ,  tant  au 
fïngulier  qu'au  pluriel  ;  s'il  rient ,  s'ils  tien- 
nent ,  mais  on  dit ,.//  elles  tiennent. 

Vu  ne  s'élide  point ,  /'/  m'a  paru  étonne. 
J^avoue  que  je  fuis  toujours  iiirpris  quand 
je  trouve  ,  dans  de  nouveaux  livres  ,  lùen- 
ara-t'il ,  dira-t'il  :  ce  n'eft  pas  là  le  cas  de 
Vapoflrophe  ,  il  n'y  a  point  là  de  lettre  éli- 
dée  ;  lé  f  ,  en  ces  occafions  ,  n'eft  qu'une 
lettre  euphonique  ,  pour  empêcher  le  bâil- 
lement ou  rencontre  de  deux  voyelles  ;  c'efl 
le  cas  du  tiret  ou  divifion  :  on  doit  écrire,  vien- 
dra-t-il ,  dira-t-il.Les  protes  ne  lilent-ils  donc 
point  les  grammaires  qu'ils  impriment  ? 

Tous  nos  diâionnaires  françois  font  ce 
mot  du  genre  féminin  ;  il  devroit  pourtant 
être  mafculin  ,  quand  il  fignifie  ce  figne  qui 
marque  la  fuppreflion  d'une  voyelle  finale. 
Après  tout  on  n'a  pas  occafion  ,  dans  la 
pratique  ,  de  donner  un  genre  à  ce  mot  en 
trançois  ;  mais  c'efl  une  faute  à  ces  didlion- 
naires  quand  ils  font  venir  ce  mot  d'inrar- 
Tfoiii  ;  qui  efl  le  nom  d'une  figure  de  rhé- 
torique. Les  di(5i:ionnaires  latins  font  plus 
exaèls  ;  Martinius dit ,  apofrrophe.Y{.kTompr. 
ifîi  ^figura  rhetoricœ  i  &  il  ajoute  immédiate- 
ment ,  apojlwphus  :  R.  ai-o<nç'o<^&  Jignum 
rejeâ(X  vocalis.  Ifidore ,  au  lit'.  I.  de/es  origi- 
nes ,  chapitre  xi'iij  ,  où  il  parle  des  figures  ou 
Cgnes  dont  on  fe  l'ert  en  écrivant  ,  dit  :  apof- 
trophos  y  pars  circuli  dextra  ,  &  adfummam 
litceram  oppojita  ,fit  ita  '  ,  qud  nota  deejje 
ejienditur  in  fermone  ultimas  l'ocales.  (j^) 

*  APOSTROPHIE  ,  de  ^^o/Tpi9î;r ,  dé- 
tourner, {^Myth.  )  nom  que  Cadmus  donna 
à  Vénus  Uranie  ,  que  les  Grecs  révéroient  , 
pour  en  obtenir  la  pureté  de  corps  & 
d'elprit.  Elle  eut  un  temple  à  Rome  y  ious 
le  nom  de  Verticorda  :  les  femmes  débau- 
chées &  les  jeunes  filles  lui  iacrifioient  ;  les 
unes  pour  le  convertir  ,  &  les  autres  pour 
perfifîer. 

APOTACTITES  ou  APOTACTI- 
QUES  ,  f  m.  pi.  (  Théolog.  )  en  grec  ,  a^-- 
emiii .,  ,compoléd'j< .  2&  j-Ji'tu, je  renonce. 
C'efl  le  nom  d'une  iède  d'anciens  hérétiques , 
qui  atfeâant  de  fuivre  les  conlèils  évangéli- 
Tome  m. 


A  P  O  4r 

qucs  fur  la  pauvreté,  les  exemples  des  apôtres 
&  des  premiers  chrétiens ,  rcnonçoient  à 
tous  leurs  biens  meubles  &  immeubles» 
P^oyei  Apostoliques. 

Il  ne  paroît  pas  qu'ils  aient  donné  dans 
aucune  erreur  ,  pendant  que  lublifla  leur 
premier  état  ;  quelques  écrivains  eccléfiaP 
tiques  nous  affurent  qu'ils  curent  des  mar- 
tyrs &  des  vierges  dans  le  quatrième  fiecle  , 
durant  la  perlécution  de  Dioclctien  ;  mais 
qu'eniiiite  ils  tombèrent  dans  l'héréfic  des 
encratites  ,  &  qu'ils  enleignerent  que  le 
renoncement  à  toutes  les  richeflès  ,  étoit 
non  ieulement  de  confeil  &  d'avis  ,  mais 
de  précepte  &  de  néceflité.  De-là  vient  que 
la  fixieme  loi  du  code  Théodofien  joint  les 
apotacliques  aux  eunomiens  &  aux  ariens. 
VoyeT^  Eunomiens  &  Ariens. 

Selon  S.Epiphane,  \cs  apotaSiques  fe  fer- 
voient  fouvent  de  certains  aâes  apocryphes 
de  S.  Thomas  &  de  S.  André  ,  dans  lefquels 
il  efî  probable  qu'ils  avoient  puifé  leurs 
opinions.    Voye\  APOGRYPHE.  (  G  ) 

APOTHEME  ,  f  m.  dans  la  Géométrie 
élémentaire  ,  efi  la  perpendiculaire  menée 
du  centre  d'un  polygone  régulier  fur  un  de 
fes  côtés. 

Ce  mot  vient  du  grec  oml ,  a3  ,  de  ,  Se 
^jKjt/i  ,  fio  ,  pono  y  je  pofe  ;  apparemment 
comme  qui  diroit ,  ligne  tirée  depuis  le  cen- 
tre jufque  fur  le  côté.  (  O  ) 

APOTHEOSE,  f  f.  (  Hifi.  anc.  )  ou 
confécration  ;  du  grec  a-TOTsii' ,  divinifer\  elle 
eff  plus  ancienne  chez  les  Romains  qu'Au- 
gufte  ,  à  qui  l'on  attribue  communément 
l'origine.  M.  l'Abbé  Mongault  a  démontre 
que  du  temps  de  la  république  ,  on  avoir 
inftitué  en  Grèce  &  dans  l'Àfie  Mineure  ^ 
des  fêtes  &  des  jeux  en  l'honneur  des  pro- 
confuls  Romains  ;  qu'on  avoit  même  établi 
des  facrificatcurs  &  des  facrifices ,  érigé  des 
autels  &  bâti  des  temples  ,  oi^  on  les  hono- 
roit  comme  des  divinités.  Ainfi  les  habitans 
de  Catane  ,  en  Sicile  ,  avoient  confacré  leur 
gymnafe  à  Marcellus  ,  &  ceux  de  Chalcidc 
alfocierent  Titus  Flaminius  avec  Hercule  & 
Apollon  ,  dans  la  dédicace  des  deux  princi- 
paux édifices  de  la  ville.  Cet  uiage  ,  qui 
avoit  commencé  par  la  reconnoiffance  ,  dé- 
généra bientôt  en  flatterie  ,  &  les  Romains 
l'adoptèrent  pour  leur  empereur.  On  éleva 
des  temples  à  Augufte  de  fon  vivant ,  nout 


42  A  P  O 

dans  Rome  ni  dans  l'Italie  ,  mais  dans  les 
provinces.  Les  honneurs  de  l'apothe'ofe  lui 
furent  déférés  après  fa  mort,  &  cela  paflà 
en  coutume  pour  fes  fucceflêurs.  Voici  les 
principales  cérémonies  qu'on  y  obfcrvoit. 

Si-tôt  que  l'empereur  étoit  mort  ,   toute 
la  ville  prenoit  le  deuil.  On  enfeveliffoit  le 
corps  du  prince  à   la  manière  ordinaire  , 
cependant  avec  beaucoup  de  pompe  j  Ion 
mettoit ,  dans  le  veftibule  du  palais  ,  fur  un 
lit  d'ivoire  couvert  d'étoffes  d'or ,  unefigure 
ce  cire  qui  rcpréfentoit  parfaitcmentle  dc- 
flint ,  avec  un  air  pale  ,  comme  s'il  étoit 
encore  malade.  Le  fénat  ,  en  robe  de  deuil , 
refloit  rangé  au  coté  gauche  du  lit  pendant 
une  grande  partie  du  jour ,  &  au  côté  droit , 
ctoient  les  femmes  &  les  filles  de  qualité  , 
avec  de  grandes  robes  blanches ,  fins  colliers 
r.i  bracelets.   On  gardoit  le  même   ordre 
fept  jours  de  fuite  ;  pendant  lefquels  les  mé- 
decins   s'approchoient  du  lit  de  temps  en 
Temps  ,  &  trouvoien»-  toujours  que  le  ma- 
lade baifToit  ,   jufqu'à  ce  qu'enfin  ils  pro- 
nonçoienî  qu'il  étoit  mort.  Alors  les  cheva- 
liers Romains  les  plus  dilHngués ,  avec  les 
plus  jeunes  fcnateurs  ,  le  portoient  fur  leurs 
épaules ,  par  la  rue  qu'on  ncmmoit  facrée  , 
îufqu'à  l'ancien   marché  ,    où  fe  trouvoit 
une  eflrade  de  bois  peint.  Sur  cette  eftrade 
étoit  confirait  un  périple  enrichi  d'ivoire 
&  d'or  ,  fous  lequel  on  avoit  préparé  un  lit 
d'étoffes  fort  riches ,  où  l'on  plaçoit  la  figure 
de  cire.  Le  nouvel  empereur  ,  les  magiifi-ats 
s'afieyoient  dans  la  place  ,  &:  les  dames  lous 
des   portiques  ,  tandis  que  deux  choeurs  de 
mufique  chantoient  les  louanges  du  mort  ; 
&  après  que  l'on  fucceffeur  en  avoit  pro- 
noncé l'éloge ,  on  tranfportoit  le  corps  hors 
delà  ville  ,  dans  le   champ  de  Mars  ,  où  fe 
trouvoit   un    bûcher   tout   drefié.     C'ctoit 
une  charpente  quarrée  en  forme  de  pavil- 
lon ,  de  quatre  ou  cinq  étages  ,  quialloient 
toujours  en  diminuant  comme  une  pyra- 
mide. Le  dedans  étoit  rempU  de  matières 
combufiibles  ;   &  le  dehors  revêtu  de  draps 
d'or  ,   de  compartimens  d'ivoire  ,   &    de 
riches  peintures.  Chaque  étage  tormoit  un 
portique  ioutenu  par  des  colonnes  ;  &  liir 
le  faîte  de  l'édifice  on  plaçoit ,  affcz  ordinai- 
rement ,  une  reprélentation  du  char  doré 
dont  fe  fervoit  l'empereur  défunt.  Ceux  qui 
çortoient  le  lit  de  parade  le  reincttoiew 


A  P  O 

entre  les  mains  des  pontifes  ,  &  ceuv-ci  le 
plaçoient  fur  le  fécond  étage  du  bûcher. 
On  laiioit  eniuite  des  couriès  de  chevaux 
&  de  chars.  Le  nouvel  empereur  ,  une 
torche  à  la  main ,  alloit  mettre  le  feu  au 
bûcher  ,  &  ks  principaux  magilL-ats  l'y  met- 
tant aiiili  de  tous  côtés  ,  la  tlummc  péné- 
troit  promptement  jufqu'au  iommet  ,  &, 
en  chalToit  un  aigle  ou  un  paon  ,  qui  s'en- 
volant  dans  les  airs  ,  alloit ,  félon  le  peuple , 
porter  au  ciel  l'ame  du  feu  empereur  ou  de 
la  feue  impératrice  ,  qui  dès-lors  avoient 
leur  culte  &  leurs  autels  comme  les  autres 
dieux. 

On  accorda  auffi  Vapothéofe  aux  favoris 
des  princes ,  à  leurs  maîtreffes ,  &•:.  mais  en 
général  on  ne  dctéroit  cet  honneur  en  Grèce  , 
que  fur  la  répcnle  d'un  oracle  ,  &  à  Rome  , 
que  par  un  décret  du  Sénat. 

Les  anciens  Grecs  déifièrent  ainfi  les  prin- 
ces ,  les  héros  ,  les  inventeurs  des  Arts  ;  & 
nous  liions  dans  Eufebc  ,  Tertullien  ,  &  S. 
Chj-yfoilome  ,  que  fur  le  bruit  des  miracles 
de  Jefus-Chrifl  ,  Tibère  propofaau  fénat  de 
Rome  de  le  mettre  au  nombre  des  dieux  ; 
mais  que  cette  propohtion  rut  rejctée  ,  parce 
qu'il  étoit  contraire  aux  loix  d'introduire 
dans  Rome  le  culte  des  dieux  étrangers: 
c'ell  ainfi  qu'ils  nomimoient  les  divniites 
de  tous  les  peuples  ,  à  l'exception  de  celles 
des  Grecs  ,  qu'ils  ne  traitoient  point  de 
barbares. 

Le  grand  nombre  de  perfonnes  auxquel- 
les on  accordoit  les  honneurs  de  Yapothe'ofe 
avilit  cette  cérémonie  ,  &  même  d'ailez 
bonne  heure.  Dans  Juvenal ,  Atlas  fatigué 
de  tant  de  nouveaux  dieax  ,  dont  on  groi- 
fiflbit  le  nombre  des  anciens  ,  gémit  ik  dé- 
clare qu'il  ell  prêt  d'être  écrafé  lous  le  poids 
des  cieux  :  &  l'empereur  Velpafien  ,  naturel- 
lement railleur  quoiqu'à  l'extrémité  ,  dit  en 
plaifantant  à  ceux  qui  l'environnoient  ,_;e 
fens  que  je  commence  à  devenir  dieu ,  failant 
allufion  à  Yapothe'ofe  qu'on  alloit  bientôt  lui 
décerner.  (  G  ) 

APOTHEOSE  d'Homère,  (  Lice.  Antt- 
quice's.  )  On  fait  que  ce  monument  cfi  l'ou- 
vrage d'Archelalis  de  Priene ,  fameux  Iculp- 
teur  de  l'antiquité  ;  &  le  P.  Kircher  pré- 
tend,  avec  allez  de  fondement,  que  c'efl 
l'empereur-  Claude  >  grand  amateur  des 
lettres  grecques ,  &  fur-tout  des  ouvrages 


A  P  O 

d'Homevc  ,  qui  le  fit  conih-uire  à  l'honneur 
de  ce  f  o-'-.e.  Quoi  qu'il  en  foit,  on  le  rrouva 
en  i66b  dans  un  Wm  ivimmé  Frattochia  , 
appartenant  aux  prinCCi  Colonne,  où  l'em- 
pereur Ciauùi  avoit  autrefois  une  mailon 
de  plaiiancc  ;  &  il  y  a  peu  de  curieux  qui 
ne  fâchent  qu'il  fait  aujourd'hui  l'un  des 
principaux  ornemens  du  palais  de  ces  prin- 
ces à  Rome. 

Ce  célèbre  monument  fut  aufîï-tôt  expli- 
qué par  le  père  Kirchcr ,  dans  Ion  Latium  y 
mais  comme  il  lailla  beaucoup  de  chofes  fans 
explication  ,  on  avoit  cru  que  M?vl.  Sévé- 
roli ,  Falconiéri ,  &  Spanhclm,  trois  célèbres 
antiquaires  ,  acheveroient  d'en  déchifrer 
toutes  les  parties.  M.  Cuper  s'efl  chargé  de 
ce  loin  ;  &  il  s'en  eft  fort  bien  acquitté  dans 
un  ouvrage  fait  exprès  ,  intitulé  apothcoJis<J 
confccratio Homeri y  oïl  il  rend  compte  auffi 
des  lentimcns  particuliers  de  MM.  Span- 
heim  &  Nicolas  Henfius  fur  les  endroits  les 
plus  embarrailans  de  ce  marbre.  M.  Grono- 
vius  en  a  donné  une  explication  particulière, 
dans  le  tome  II  de  l'on  Thefaurus  antt- 
quitatum  Gnvcarurn  ;  &  M.  Weffein  a  fait 
la  même  choie ,  dans  fa  DiJJertatio  de  jato 
fcriptorum  Hormri.  Nous  renvoyons  le 
ledeur  à  ces  difFérens  ouvrages  ,  dont  l'ana- 
lyleparoîtroit  déplacée  dans  celui-ci.  ^oyf:^ 
Monument. 

APOTHEQUE,  f.  f.  {Belles-Lettres.) 
Les  anciens  donnoient  ce  nom  à  l'endroit 
de  leur  mailon  où  ils  confervoicnt  les  vi- 
vres ,  les  parfums,  &  toutes  autres  provi- 
fions.   (i) 

APOTHESE ,  f.  f.  (  Médecine.  )  nom 
qu'Hippocrate  donne  à  l'adion  de  placer 
dans  une  fituation  convenable  un  mem- 
bre rompu  auquel  les  bandages  font  appli- 
qués. (  ■]■  ) 

APOTHETE,  [Mufiq.  des  anc.)  nom 
d'un  air  de  flûte  des  anciens.  Kojf;^  FlutE. 

*  APOTHICAIRE ,  f  m.  celui  qui  pré- 
pare &:  vend  les  remèdes  ordonnés  par  le 
médecin.  Les  Apothicaires  de  Paris  ne  font 
avec  les  marchands  épiciers ,  qu'un  fetd  & 
même  corps  de  communauté ,  le  fécond  des 
ilx  corps  des  marchands. 

On  conçoit  ailémcnt  qu'une  bonne  police 
a  dû  veiller  à  ce  que  cette  branche  de  la  mé- 
decine ,  qui  confifîe  à  compoler  les  remèdes , 
ne  fut  confiée  qu'à  des  gens  de  la  capacité 


A  P  O  ^       4j 

&  de  la  probité  defquels  on  s'affuràt  par  des 
examens,  des  expériences  ,  des  chefs-d'œu- 
vre ,  des  vifites  ,  &  les  autres  moyens  que 
la  prudence  humaine  peiu  luggérer. 

Les  llatuts  de  ceux  qui  exercent  cette  pro- 
fcflion  à  Paris  ,  contien:ient  neuf  dilpofi- 
tions.  La  première  ,  que  l'alpirant  apothi~ 
caire ,  avant  que  de  pouvoir  être  obligé 
chez  aucun  maure  de  cet  art ,  en  qualité 
d'apprentif  ,  fera  amené  &  préfenté  par  le 
maître  au  bureau  ,  pardevant  les  gardes , 
pour  connoître  s'il  a  étudié  en  Grammaire  , 
&  s'il  eft  capable  d'apprendre  la  Pharmacie, 
Qu'après  qu'il  aura  achevé  fes  quatre  ans 
d 'apprenti ITage  ,  &  fervi  les  maîtres  pendant 
fix  ans  ,  il  en  rapportera  le  brevet  &  les  cer- 
tificats ;  qu'il  fera  préfenté  au  bureau  par 
un  condudeur  ,  &:  demandera  un  jour  pour 
ilibir  l'examen  ;  qu'à  cet  examen  aflîfleront 
tous  les  maîtres ,  deux  dofteurs  en  méde- 
cine de  la  Faculté  de  Paris  ,  ledeurs  en 
pharmacie;  qu'en  préfence  de  la  compagnie, 
l'alpirant  lèra  interrogé  durant  l'efnace  de 
trois  heures  par  les  gardes ,  &  par  neuf  au- 
tres maîtres  que  les  gardes  auront  choifis  & 
nommés. 

La  féconde ,  qu'après  ce  premier  examen , 
fi  l'alpirant  e(t  trouvé  capable  à  la  pluralité 
des  voix ,  il  lui  fera  donné  jour  par  les 
gardes  pour  fubir  le  lecond  examen ,  appelle 
Vac}e  des  herbes  ,  qui  fera  encore  fait  en 
prélence  des  maîtres  &  des  doileurs  qui 
auront  afliité  au  précédent. 

La  troiliemc ,  que  ,  fi  après  ces  c-xamens  , 
l'alpirant  eil  trouvé  capable  ,  les  gardes  lui 
donneront  un  chef-d'œuvre  de  cinq  compo- 
fitions  ;  que  l'alpirant ,  après  avoir  dilpofé 
ce  chef-d'œuvre  ,  fera  la  démonrtration  de 
toutes  les  drogues  oui  doivent  entrer  dans 
ces  compofitions  ;  que  s'il  y  en  a  de  défec- 
tueufes  ou  de  mal  choifies  ,  elles  feront 
changées  ,  &:  qu'il  en  fera  enfuite  les  pré- 
parations &  les  mélanges  en  la  prélence  des 
inaîtres ,  pour  connoître  par  eux ,  fi  toutes 
choies  y  feront  bien  obiervées. 

La  quatrième  ,  que  les  veuves  des  maî- 
tres pourront  tenir  boutique  pendant  leur 
viduité,  à  la  charge  toutefois  qu'elles  feront 
tenues  ,  pour  la  conduite  de  leur  boutique , 
confection ,  vente  &  débit  de  leurs  mar- 
chandifes  ,  de  prendre  un  bon  ferviteur 
expert  &:  connoifi'ant  ■  qui  fera  examiné  & 

F  2 


44  A  P  O 

approuvé  par  les  gardes  ;  &  que  les  veuves  | 
&  leurs  îerviteurs  feront  tenus  de  faire 
ferment  pardevant  le  magiftrat  de  poli- 
ce ,  de  bien  &  fidellement  s'employer  à  la 
confection ,  vente  &  débit  de  leurs  mar- 
chandifes. 

La  cinquième ,  qu'attendu  que ,  de  l'art 
&  des  marchandifes  des  épiciers  incorporés 
avec  les  apothicaires ,  dépendent  les  con- 
fedions  ,  compoiitions ,  vente  &c  débit  des 
baumes  ,  emplâtres  ,  onguens  ,  parfums  , 
iirops ,  huiles  ,  confcrves  ,  miels  ,  fucres  , 
cires  ,  &  autres  drogues  &  épiceries  ;  ce 
qui  fuppofe  la  connoiiîance  des  fimples  , 
des  métaux  ,  des  minéraux  ,  &  autres  for- 
tes de  remèdes  qui  entrent  dans  je  corps 
humain  ,  ou  s'y  appliquent  &  fervent  à 
l'entretien  &  confervation  des  citoyens  ; 
connollfanee  qui  requiert  une  longue  expé- 
rience ;  attendu  que  l'on  ne  peut  être  trop 
circonfped  dans  cette  profclUon  ,  parcu  que 
fouvent  la  première  faute  qui  s'y  comrn^'t 
n'eft  pas  réparable  :  il  eft  ordonné  qu'il  ne 
fera  reçu  aucun  maître  par  lettres  ,  quelque 
favorables  ou  privilégiées  qu'elles  foient  , 
fans  avoir  fait  apprentifîage  ,  &  lubi  les 
examens  précédens  ;  &  que  toutes  mar- 
chandifes  d'épicerie  &  droguerie ,  entrant 
dans  le  corps  humain ,  qui  feront  amenées 
à  Paris  ,  feront  defcendues  au  bureau  de  la 
communauté ,  pour  être  vues  &  vifuées  par 
les  gardes  de  l'apothicairerie  &  épicerie , 
avant  que  d'être  tranfportées  ailleurs,  quand 
même  elles  appartiendroient  ;\  d  autres  mar- 
chands ou  bourgeois  qui  les  auroient  fait 
venir  pour  eux. 

La  fixieme  ,  que  ,  comme  il  efl  très- 
néceflaire  que  ceux  qui  traitent  de  la  vie 
des  hommes  ,  &  qui  participent  à  cet  objet 
important  ,  foient  expérimentés  ,  &  qu'il 
feroit  périlleux  que  d'autres  s'en  mêlaflent  ; 
il  efî  détendu  à  toutes  fortes  de  perionnes , 
de  quelque  qualité  &  état  qu'elles  foient  , 
d'cirtreprendre  ,  compoier  ,  vendre  &  dii- 
tribucr  aucunes  médecines  ,  drogues  ,  épi- 
ceries ,  ni  aucune  autre  chofe  entrant  dans 
le  corps  humain  ,  fimple  ou  compofce  ,  ou 
defîinée  à  quelque  compofition  que  ce  foit, 
de  l'art  d'apothicairerie  &  de  pharmacie  l 
ou  marchandile  d'épicerie  ,  s'il  n'a  été  reçu 
maître  ,  &:  s'il  n'a  fait  le  ferment  pardevant 
le  magillrat  de  police  ,  ii  peine  tic   con- 


A  P  O 

fifcatîon  ,    &   de   cinquante  livres  parjfis 

d'amende. 

La  icptieme  ,  que  les  apothicaires  &  épi- 
ciers ne  pourront  employer  en  la  confeâion 
de  leurs  médecines ,  drogues  ,  confitures  , 
conférves  ,  huiles ,  firops  ,  aucunes  drogues 
fophifliquées ,  éventées  ou  corrompues  ,  à 
peine  de  confilcation  ,  de  cinquante  livres 
d'amende  ,  d'être  les  drogues  &  marchan- 
difes  ainfi  défedueufes ,  brûlées  devant  le 
Logis  de  celui  qui  s'en  trouvera  faifi ,  &  de 
punition  exemplaire ,  fi  le  cas  y  échet. 

La  huitième  ,  que  les  gardes  feront  ait 
nombre  de  fix ,  choiiis  ,  gens  de  probité 
&  d'expérience  ;  qu'il  en  fera  élu  deux  ^ 
chacun  an  ,  pour  être  trois  ans  en  exercice  ; 
&  qu'après  leur  éledfion  ,  ils  feront  fermene 
pardevant  le  magiilrat  de  police,  de  biea 
&  fidellement  exercer  leur  charge  ,  & 
de  procéder  exactement  &  en  leur  con- 
fcience  ,  aux  villtes ,  tant  générales  qu£ 
particulières. 

La  neuvième ,  que  les  gardes  feront  tenus 
de  procéder  aux  vifites  générales  ,  trois 
fois  du  moins  par  chacun  an  ,  chez  tous 
les  marchands  apothicaires  &  épiciers  , 
pour  examiner  s'il  ne  s'y  pafle  rien  contre 
les  llaturs  ,  ordonnances  &  réglemens.  Il 
efl  encore  défendu  aux  apothicaires  d'ad- 
miniflrer  aux  malades  aucuns  médica- 
mens  ,  lano  l'ordonnance  d'un  médecin  de 


la  F.iculté  ,  ou.  de  quelqu'un  qui  en  foit 
approu-  é. 

APOTHICAIRERIE  ,  f.  f.  du  grec  , 
a-aaiiftKv  ,  boi'Jqite  OU  magafin  ;  c'eîl  par 
rapport  à  l'architeilure  ,  une  lalle  dap.s  une- 
maifon  de  communauté  ,,  dans  un  hôpi- 
tal ,  ou  dans  un  palais  ,  où  l'on  tient  ea 
ordre  &  avec  décoration  les  médicr.mciis. 
Celle  de  Loreite  en  Lalie ,  ornée  de  vafes 
du  delfein  de  Iviphaél  ,  ell  une  des  plus 
belles:  celle  de  Urefie  elbaullitrès-fameufe; 
on  dit  qu'il  y  a  14.000  boîtes  d'argent  toutes 
pleines  de  drogues  &  de  remèdes  fort  re- 
nommés. {P) 

APOTijME  ,  f^  m.  mot  employé  par 
quelques  auteurs  ,  pour  déiigner  la  ditié- 
rence  de  deux  quantités  incommcniiirables. 
Tel  eft  l'excès  de  la  racine  quarrée  de  1  lur  i. 
Voye-{  Incommensuhable. 

Ce  mot  cil  tlériN  é  du  verbe  grec  -v  •"  jui'a»  > 
abfciadoj  je  retranche  ;  un  apocome  ^  e.» 


A  P  O 

géométrie  ,  ert  l'excès  d'une  ligne  donne'e 
fur  une  autre  ligne  qui  lui  ell  incomineiilli- 
rable.  Tel  efl  l'excès  de  la  diagonale  d'un 
quarré  fur  le  côté.  (  O  ) 

ApotOME,  en  mujîque  ,  eu  auflî  ce  qui 
refîe  d'un  ton  majeur  après  qu'on  en  a  uté 
un  limma  ,  qui  eil  un  intervalle  moindre 
d'un  comma  que  le  femi-ton  majeur  ;  par 
conféquent  Vapotome  ei\  d'un  comma  plus 
grand  que  le  lemi-ton  moyen. 

Les  Grecs  qui  iiivoient  bi^-n  que  le  ton 
majeur  ne  pouvoit  par  des  divifums  harmo- 
niques être  partagé  en  deux  parties  égales , 
le  divifoient  inégalement  de  plufieurs  ma- 
nières. (  f^cnv^  Intervalle.)  De  l'une 
de  ces  divilions  inventées  par  Pythagore  , 
ou  plutôt  par  Philolaiis  ion  difciple  ,  rélul- 
toit  le  diele  ou  limma  d'un  côté  ,  &  de 
l'autre  Wipotome  ,  dont  la  railbn  eft  de  2048 
à  1187.  Fbje:(  Limma. 

La  génération  de  Wipotome  fe  trouve  à  la 
feptieme  quinte,  lu dtefe ,  en  commençant 
par  ut  ;  car  alors  la  quantité  dont  cet  ut 
diefe  furpafle  ^ut  naturel ,  ell  précifément 
le  rapport  que  nous  venons  d'établir.  (iS) 

Les  anciens  appcUoient  apoiome  majeur 
un  petit  intervalle  formé  de  deux  fons  ,  en 
railbn  de  n^  à  12.8;  c'eft  ce  que  M.  Ra- 
meau appelle  quart  de  ton  enharmonique  ^ 
dans  ia  De'monfir.  duprinc.  de  l'harmonie  , 
Paris  17^0. 

Ils  appelloient  apotome  /7z//7fur  l'intervalle 
de  deux  (bas ,  en  railbn  de  2025  à  204.8 , 
intervalle  er.core  moins  feniible  à  l'oreiLle 
que  le  précédent.  (  O  ) 

APOTRE ,  f.  m.  (  Théologie.  )  apoflo- 
lus  y  du  grec  ,  àr'Toç-oAô"  ,  compofé  d'j^^o, 
&  de  Akku  ,  j'eni'oie  :  ce  mot  eftem.ployé 
par  Hérodote  &  d'autres  auteurs  profanes  , 
pour  exprimer  diverles  fortes  de  délégués  : 
mais  dans  le  nouveau  Teflament ,  il  eil  le 
nom  donné  par  excellence  aux  douze  diici- 
plcs  de  Jefus-Chriil ,  choilis  par  lui-même 
pour  prêcher  ion  évangile  ,  &  le  répandre 
dans  toutes  les  parties  du  m,onde. 

Quelques  faux  prédicateurs  conteflerent 
à  S.  Paid  fa  qualité  i' xpotre  ,  parce  qu'à 
les  entendre  ,  on  ne  pouvoit  fe  dire  en- 
voyé de  Jeius-CIirill  fans  l'avoir  vu  ,  & 
fans  avoir  été  fémoin  de  fes  actions.  Pour 
répondre  à  ces  lophifl^s  qui  a\  oient  fé  ^uit 
lés  éghiés  de  Galaiie  ,  il  commence  par  ces 


A  P  a  4j 

mofs  l'épître  aux  Calares  :  Paul  apôtre  non 
des  hommes  ni  pai  les  hommes  ,  mais  par 
Jefus-Chrifl  Ù  Dieu  le  Père  ;  L-ur  fai(i>.nc 
ainfi  connoître  qu'il  avoir  fa  million  im- 
médiatement de  Dieu.  Son  élcifbion  eiî  clai- 
rement exprimée  dans  ces  parole';  que  Dieu 
dit  à  Ananie  en  parlant  de  Said  converti. 
AiT.  chap.  jx f  vef.  i6.  Vas  eleclionis  efl 
mihi  ifle  ,  ut  porte t  nomen  meum  coram  geii- 
tibus  6"  regibus  ;  ce  qui  fait  qu'il  eft  appelle 
par  excellence  ['apôtre  des  Gentils  ,  à  I:i 
converlion  defquels  il  étoit  fpécialement  del- 
tiné  :  mais  il  eft  à  remarquer  que ,  malgré  ce- 
témoignage  &:  la  vocation  expreiTe  du  Snint- 
Eljirit ,  fegregate  mihi  Saulum  & Barnabarn 
in  opus  ad  quod  ajfumpji  eos  ;  il  ajouta 
encore  la  million  ordinaire  &  légitime  qui 
vient  de  l'Egliiè ,  par  la  prière  &  l'impolî- 
tion  des  mains  des  prophètes  &  des  doûeurs 
qui  compoibient  celle  d'Antioche.  Acf.- 
chap.  xiij  ,  verf.  2.  &  5. 

On  reprélente  ordinairement  les  douze: 
apôtres  avec  leurs  iymboles  ou  leurs  attri- 
buts l'péciiiques  ;  &  c'eft  pour  chacun  d'eux^ 
à  l'exception  de  S.  Jean  &  de  S.  Jacques  le 
majeur  ,  la  marque  de  leur  dignité  ,  ou 
rinftrument  de  leur  martyre.  Ainfi  S.  Pierre 
a  les  clés  pour  marque  de  fa  primauté  ;  S.- 
Paul un  glaive  ;  S.  André  une  croix  ea 
lautoir  ;  S.  Jacques  le  mineur  une  perche, 
de  foulon  ;  S.  Jean  une  coupe  d'où  s'envole 
un  ierpent  ailé  ;  S.  Barthelemi  un  couteau  ;, 
S.  Philippe  un  long  bâton  ,  dont  le  bouc 
d'en  haut  le  termine  en  croix;  S.  Thomas 
une  lance  ;  S.  Matthieu  une  hache  d'armes  ;. 
S.  Jacques  le  majeur  un  bourdon  de  pèle- 
rin &  une  gourde  ;  S.  Simon  une  fcie  ,  & 
S.  Jude  une  maiîue. 

On  fait  par  les  ades  des  apôtres ,  par  leurs 
épîtres  ,  par  les  inonumens  de  l'hiftoire 
eccléfiaftique  ,  &  enfin  par  des  traditions 
fondées ,  en  quel  lieu  les  apôtres  ont  prêché 
l'évangile..  Quelques  auteurs  ont  douté  s'ils 
n'avoient  pas  pénétré  en  Amérique;  mais 
le  témoignage  confiant  de  ceux  qui  oni  écrit 
l'hiftoire  de  la  découverte  du  nouveau  mon- 
de ,  prouve  qu'il  n'y  avuit  dans  ces  v.:iles 
contrées  nulle  trace  du  chriftianifiTie.  Voje:^ 

Actes  des  Ai-ôtres. 

On  donne  communément  le  -lO'ri  à\zpn~ 
tre  -A  celui  qui  le  premi.r  n  pc;rté  la  foi 
dans  Uii  pays  ;  t'elt  aiali  que  S.  Dejy>  , 


4^  A  P  O 

premier  évêque  de  Paris  ,  qu'on  n  long- 
temps confondu  avec  S.  Denis  l'arcopagi-  • 
te  ,  eil  appelle  Vapôcre  de  la  France  ;  le  ': 
moine  S.  AugulHn  ,  Yapocre  de  l'Angleterre  ; 
S-  Boniface  ,  ['apôtre  de  FAllemagne  ;  S. 
François  Xavier  ,  l'apôtre  des  Indes  :  on 
donne  aufll  le  mcme  nom  aux  Millionnai- 
res Jcluites  ,  Dominicains ,  &c.  répandus 
en  Amérique  &:  dans  les  Indes  Orientales. 
Voyei  Missionnaire. 

Il  y  a  eu  des  temps  où  l'on  appelloit 
fpécialement  apôtre  ,  le  pape  ,  à  cauie  de 
l'a  lliréminence  en  qualité  de  luccelîeur  du 
prince  des  apôtres.  V  oyez  S  idoine  ApoUin. 
liv.    VI ,  epift.  4.    Voyei  aujfi  PaPE   & 

Apostolique. 

Apôtre  ,  étoit  encore  un  nom  pour  dé- 
fîgner  des  minières  ordinaires  de  l'Eglife , 
qui  voyageoient  pour  fes  intérêts.  C'elt  ainii 
que  S.  Paul  dit  dans  ibn  épître  aux  Ro- 
mains ,  ch.  xij  ,  verf.  j.  Sixlue\  Androni- 
ciis  &  Junia  ,  mes  parens  &  compagnons 
de  ma  captivité  y  qui  font  di flingues  parmi 
les  apôtres.  C'étoit  aulli  le  titre  qu'on  don- 
noit  à  ceux  qui  étoient  envoyés  par  quel- 
ques églifes  ,  pour  en  apporter  les  colleâes 
&  les  aumônes  des  fidèles  ,  deltinées  à  lub- 
vcnir  aux  befoins  des  pauvres  &  du  clergé 
de  quelques  autres  églifes.  C'eft  pourquoi 
S.  Paul  écrivant  aux  Philippiens  leur  dit 
qu'Epaphrodite  leur  apôtre  avoit  tourni  à 
fes  befoins ,  chap.  xj  ,  verf.  z£.  Les  chré- 
tiens avoient  emprunté  cet  ulage  des  fyna- 
{".ogucs ,  qui  donnoient  le  même  nom  à  ceux 
qu'elles  chargeoient  d'un  pareil  foin  ,  & 
celui  aapoflolat  à  l'office  charitable  qu'ils 
exerçolent. 

II  y  avoit  chez  les  anciens  juifs  une 
autre  efpece  A'apôtrcsy  c'étoient  des  officiers 
qui  avoient  en  département  une  certaine 
étendue  de  pays  ,  dans  lequel  on  les  en- 
voyoit  en  qualité  d'infpefteurs  ou  de  com- 
miffaires ,  afin  d'y  veiller  à  l'oblèrvation 
des  loix  ,  &  percevoir  les  deniers  levés  pour 
la  réparation  du  temple  ou  autres  édifices 
publics ,  &  pour  payer  le  tribut  aux  Ro- 
mains. Le  code  théodofien  ,  lil\  XlV  de 
Judivis,  nomme  apôtres  ceux  qui  adexigen- 
dum  auriini  atque  argentum  a  patriarchâ 
certo  tempore  dirignntur.  Les  juifs  appellent 
ces  prépolés  fchetihhin  ,  envoyés  ou  ména- 
gers. Julien  l'apullat  qui  vouloit  faVorilcr 


A  P  O 

les  juifs  pour  s'en  fcrvir  à  la  de/îrudion  du 
chriflianiline,  leur  remit  rjp(?/?c;/j;,  «TrôrsAw, 
c'eit-à-dire ,  comme  il  s'explique  lui-même, 
le  tribut  qu'ils  avoient  coutume  de  lui 
envoyer. 

Ces  apôtres  étoient  fubordonnés  aux  offi- 
ciers des  lynagogues ,  qu'on  nommoit  pa- 
triarches  ,  de  qui  ils  recevoient  leurs  com- 
miiîions.  Quelques  auteurs  obfervent  que 
S.  Paul  avant  la  converiion  ,  avoit  exercé 
cet  emploi ,  &  qu'il  y  tait  allufion  dans 
l'endroit  de  l'épître  aux  Galates  ,  que  nous 
avons  cité  au  commencement  de  cet  arti- 
cle ,  comme  s'il  eût  dit  :  Paul  qui  n'cfl  plus 
un  apôtre  de  la  fynagogue  ,  ni  fon  envo3'é 
pour  le  maintien  de  la  loi  de  Moyle  ,  mais 
à  prélent  un  apôcre  envoyé  de  Jcius-Chriil. 
S.  Jérôme  admet  cette  allufion  à  la  fonc- 
tion ai  apôtre  de  la  fynagogue  ,  lans  infi- 
nuer  en  aucune  manière  que  S.  Paul  en 
eût  jamais  été  chargé. 

Apôtre  ,  dans  la  Liturgie  greque  , 
cc-ToiaKQr  ,  ell  un  terme  particulièrement 
ufité  pour  défigner  un  livre  qui  contient 
principalement  les  épîtres  de  S.  Paul,  ielon 
l'ordre  où  les  Grecs  les  lifent  dans  leurs 
églifes  pendant  le  cours  de  l'année  ;  car 
comme  ils  ont  un  livre  nommé  kvayyihiav  , 
qui  contient  les  évangiles ,  ils  ont  auffi  un 
nîT-oroAC^  ,  &  il  y  a  apparence  qu'il  ne  con- 
tcnoit  d'abord  que  les  épîtres  de  S.  Paul  ; 
mais  depuis  un  très-long  temps  il  renferme 
aufii  les  Uiftes  des  apôtres  ^  les  épîtres  cano- 
niques ,  &  l'apocalypfe  ;  c'efi  pourquoi  on 
l'appelle  auili  -tp:^ç*776,-ua©-  ,  à  cauie  des 
ades  qu'il  contient ,  &  que  les  Grecs  nom- 
ment Tifila:.  Le  nom  d'apoflolus  a  été  en 
ulage  dans  l'eglife  latine  dans  le  même 
fens  ,  comme  nous  l'apprennent  S.  Grégoire 
le  grand  ,  Hincmar ,  &  Ifidore  de  Sésille  : 
c'eit  ce  qu'on  nomme  aujourd'hui  épiftolier. 
Voyei  Epistolier.  (G) 

Apôtres  ,  terme  de  Droit  :  on  appclloit 
ainfi  autrefois  des  lettres  dimifloires  ,  par 
leiquellcs  les  premiers  juges  ,  de  la  len- 
tence  dcfquels  avoit  été  interjeté  appel  , 
renvoyoient  la  connoillance  de  l'artaire  au 
juge  lupérieur  &  s'en  deflaifillbient ,  faute 
de  quoi  l'appel  ne  pouvoit  pas  être  pour- 
fuivj. 

Ces  fortes  de  lettres  étoient  aufli  cp  ufagc 
dans  les  cours  eccléliafliques. 


3: 


A  P  O 

Mais  ces  apôtres-là  ont  été  abrogés  tant  en 
cour  laïque  ,  qu'en  cour  eccLlialtiquc. 

On  appelloit  encore a/^cfre.r  les  lettres  di- 
miflbires  qu'ui:  évcque  donnoit  à  un  laïque 
ou  à  un  clerc  ,  pour  être  ordonné  dans  un 
autre  diocefe.   J-'cyc:;  DlMISSOIKE.  {H) 

Apôtres  {Onguent  des).  Pharmacie. 
L'onguent  des  apôtres  ,  en  Pharniacie  ,  ell 
une  dpcce  d'onguent  qui  dctcrge  ou  net- 
toie :  il  ell  compofé  de  douze  drogues  ; 
c'efi  la  raifon  pourquoi  il  efl  nommé  {'on- 
guent des  apôtres.    }^oye:{  ONGUENT. 

Avicenne  en  fut  l'inventeur.  On  l'ap- 
pelle autrement ,  ungaentum  Veneris.  Les 
jTincipaux  ingrédicns  iont  la  cire  ,  la  téré- 
benthine ,  la  rciinc  ,  la  gomme  ammonia- 
que ,  l'oliban  ,  le  bdellium  ,  la  m\rrhe  ,  le 
galbanum  ,  l'opopanaK,  les  racines  d'arillo- 
loche  ,  le  verd-de-gris ,  la  litharge  ,  l'huile 
d'olive.    Voyei  DÉTERGENT,    6v.^ 

Cet  onguent  efl  un  exxellent  digeftit ,  dé- 
terfil ,  &  un  grand  vulnéraire.  {^^) 

*APOTROPEENS  ,  (  Myth.  )  dieux 
u'on  invoquoit ,  quand  on  étoit  menacé 
c  quelque  malheur  ;  on  leur  immoloit  une 
jeune  brebis.  Le  mot  apotrope'ens  vient  de 
a-TTcn^ÎTruv ,  détourner.  Les  Grecs  appelloient 
encore  ces  dieux  aM^maK^i  ,  qui  chajjent 
le  mal  ;  &  ils  étoient  révérés  des  Latins 
fous  le  nom  à'arerrunci  y  qui  vient  d'aier- 
Tuncare  ,  écarter. 

'^APOYOMATLI ,  fub.  m.  {Hifi.nat. 
lot.  )  herbe  qu'on  trouve  dans  la  Floride  : 
elle  a  la  feuille  du  poireau  ,  feulement  un 
peu  plus  longue  &  plus  déliée  ,  le  tuyau 
comme  le  jonc  ,  &  la  racine  aromatique. 
Les  elpagnols  en  font  une  poudre  ,  qu'ils 
prennent  dans  du  vin  pour  la  gravelle;  elle 
poufle  par  les  urines  ,  appaife  les  douleurs 
de  poitrine  ,  &  foulage  dans  les  afFedions 
hiflériques. 

APOZEME,  f  î.  {Pharmacie.)  forte 
décoâion  des  racines  ,  des  feuilles  ,  &  des 
tiges  d'une  plante  ou  de  plufieurs  plantes 
enlemble.  Ce  mot  efî  formé  du  grec  ^'^^ 
&  (.0) ,  feneo.  Les  anciens  confondoient  la 
décodion  avec  Vapo^eme  :  cependant  l'in- 
fufion  fimple  peut  feule  taire  un  apoT^eme 
qui  n'efl  autre  chofe  qu'un  médicament 
liquide  chargé  des  vertus  &  principes  d'un 
ou  de  plufieurs  remèdes  fnnples  ;  &  comme 
}' extrait  ou  l'adion  de  les  tirer  d'un  mixte 


A  P  O  47 

ne  demande  dans  certains  cas  que  la  funple 
macération  de  pluiieurs  corps  qui  (ont  vt)la- 
tils  ,  &  dans  d'autres  cas  1  cbullition ,  il  ell 
clair  que  la  décodion  n'ell  pas  eflcnticUe  à 
Vapo\erne.  On  diviié  ïapo^eme  en  altérant 
&c  en  P^'gaiif.  Le  premier  efl  celui  qui  n'efl 
compole  que  de  fimples  ,  ou  remèdes  al- 
térans.  Le  fécond  efl  celui  auquel  on  ajoute 
des  purgatifs. 

L'altérant  efl  une  infufion  qui  change  les 
humeurs.  Le  purgatif  les  évacue. 

L'apo^eme  le  compofe  de  fimples  cuirs 
ou  inùilés  enfèmble.  L'on  met  d'abord  le 
bois ,  les  racines  ,  enlliite  les  écorces ,  &: 
après  les  herbes  ou  feuilles ,  puis  les  fruits  , 
&  en  dernier  lieu  les  femences  &  les  fleurs. 
L'intufion  de  ces  fimples  le  f;iit  dans  l'eau 
de  fontaine  ou  de  rivière  ;  on  ne  règle  pas 
la  quantité  de  l'eau  ,  mais  on  la  lallfe  à  la 
prudence  de  1' .apothicaire. 

Les  apo:[emes  s'ordoniient  ordinairement 
pour  trois  ou  quatre  doies  ,  &  à  chacune  on 
ajoute  deux  gros  de  lucre  ou  de  iirop  ,  fclon 
que  la  maladie  l'exige. 

Chaque  dofe  doit  être  de  quatre  ou  fix 
onces.  On  la  diminue  de  moitié  pour  les 
enfans. 

L'ufage  des  apo^emes  efl  de  préparer  les 
humeurs  à  la  purgation  ,  de  les  délayer  , 
détremper  &  divifer  pour  les  rendre  plus 
fluides  ,  &  emporter  les  obflruclions  que 
leur  épaifliffement  auroit  engendrées  dans 
les  petits  vaiffeaux. 

Les  apo\emes  doivent  donc  varier  félon 
les  indications  que  le  Médecin  a  à  remplir  : 
ainfi  il  en  efl  de  tempérans  &  rafraîchif- 
fans  ,  de  caïmans  &  adouciffans,  d'incraf^ 
fans  &  empatans  ,  d'apéritifs  ,  de  diuréti- 
ques ,  d'emmenagogues ,  d'anriplcurétiques. 
C'ell  ainfi  que  les  anciens  ordonnoient  des 
apo\emes  rafraîchifîans  pour  la  bile  échauf- 
fée ,  acre  ,  fubtile  &  brûlée  ,  qui  cauioit  un 
délbrdre  dans  les  maladies  aiguës  &  dans  les 
fièvres   putrides. 

Apo\eme  tempérant.  Prenez  racines  de 
chicorée  ,  d'ofeille  &  de  buglofe  ,  de  cha- 
cune une  once;  feuilles  de  chicorée,  de  lai- 
tue ,  de  pourpier  ,  de  buglofe  ,  de  chacune 
une  poignée  ;  raifins  mondés  ,  une  once  ; 
orge  mondé  ,  une  pincée  ;  fleurs  de  vio- 
lette &  de  nimphéa  ,  de  chacune  une  pin- 
cée ;  vous  ferez  d'abord  bouillir  les  racines 


48  A  P  O^ 

nés  dans  trois  chopines  d'eau  réduites  à  ! 
pinte  ,  &  fur  la  fin  vous  ferez  inlufer  les 
feuilles  avec  les  femences  &:  les  fleurs.  Cet  ; 
apo\eme  eft  des  plus  compoles  ;  il  eil  ce- 
pendant fort  tempérant.  Four  le  rendre 
plus  agréable  ,  on  ajoutera  fur  chaque  dofe 
du  firop  de  nymphéa  &  de  grenade  ,  de 
chacun  deux  gros  ;  du  fcl  de  prunelle  , 
un  gros. 

Apo\eme  délayant  &  humectant.  Prenez 
î-acines  de  chiendent ,  de  câprier ,  de  Irai- 
fier  &  de  petit-houx  ,  de  chacune  une  once  ; 
feuilles  &.  racines  de  chicorée  ,  feuilles  d'en- 
dive ,  de  capillaire  ,  de  pimprenelle  &  d'ai- 
gremoine ,  un  poignée  de  chacune  ;  fleurs 
de  chicorée ,  de  bourrache  ,  de  buglofe  & 
de  violette  ,  une  pincée  de  chacune  :  laites 
du  tout  un  apo\eme  félon  l'art ,  comme  il 
eil  marqué  ci-delîus  ,  en  ajoutant  iur  cha- 
que dofe  deux  gros  de  firop  de  guimauve  , 
de  limon  ou  de  capillaire  ,  avec  llx  gout- 
tes d'eiprit-de-foufre.  Cet  apo\eme  eft  dé- 
layant &  tempérant  ;  il  convient  dans  l'é- 
paiffiffement  &  l'ardeur  du  fang  &  des 
humeurs. 

Apo\eme  atténuant  &  dâerjif.  Prenez  ra- 
cines d'ache  ,  de  perfil  &  de  tenouil ,  fix 
gros  de  chacune  ,  de  racine  d'aunée  &  de 
patience  ,  de  chacune  demi-once  ;  feuilles  de 
chamépithys  ,  d'aigremoine ,  de  chamé- 
drys  &  de  capillaire ,  de  chacune  deux 
gros  ;  fleurs  de  ftœchas  &  de  fouci ,  une 
pincée  de  chacune  :  faites  bouillir  le  tout 
ièlon  l'art  dans  de  l'eau  de  fontaine  pour 
quatre  dofes  ,  &  partez  la  liqueur  ;  ajoutez 
à  chaque  dofe  du  firop  des  cinq  racines  , 
deux  gros, 

Apo\eme  apéritifs  hépatique  &  enime- 
nagogue.  Prenez  des  cinq  racines  apéritives, 
de  chacune  une  once  ;  écorce  moyenne  de 
Ij'cne  &  de  tamaris  ,  de  chacune  demi- 
once  ;  feuilles  de  chicorée  ,  de  icolopendre  , 
de  capillaire  ,  de  cerfeuil ,  une  detni-poi- 
gnée  de  chacune  :  faites  du  tout  un  apo\eme 
iblon  r.irt  ;  ajoutez  à  chaque  dofe  ,  de  fel 
de  duobus  ,  un  fcrupule  ;  de  firop  d'ar- 
moife  ,  une  once. 

Apo:[eme  contre  la  pleuréfie  ,  la  périp^ 
neumonie  &  la  toux.  Prenez  feuilles  de  bour- 
rache ,  de  buglofe  &  de  capillaire  ,  de  cha- 
cune une  poignée  ;  de  chicorée  lauvage  , 
une  demli-poisnée  :  lavez  ces  herbes  &  cou- 


A  P  O 

pcz-'"s  un  peu  ;  enfuite  faires-en  un  apo- 
\cni:  réduit  à  une  pinte  :  paflez  la  liqueur  , 
&.  ajoutez  firop  de  guimauve  ,  une  once  : 
celui-ci  eft  plus  fimple  &  plus  agréable. 
Nous  en  avons  donné  de  compofés  pour 
nous  accommoder  au  goût  des  Médecins  & 
de  leurs  malades. 

Apo\eme  anti-fcorbutique.  Prenez  racines 
de  raifort  &  d'aunée  ,  de  chacune  une  once  ; 
de  pyrethre  concaflee,  un  demi-gros  :  pre-* 
nez  enfuite  feuilles  de  cochléaria  ,  de  be- 
cabunga ,  de  trèfle  d'eau  ,  &  de  creflbn  de 
fontaine ,  de  chacune  une  demi-poignée  : 
pilez  le  tout  enlemble  dans  un  mortier  de 
marbre  ,  &  jetez  defllis  une  pinte  d'eau 
bouillante  ,  laifle  infufer  pendant  une  heure. 
On  aura  loin  de  bien  couvrir  le  vaiiîeau  , 
&  de  ne  le  découvrir  qu'après  que  la  li- 
queur fera  refroidie.  Palîèz  le  tout  ,  & 
ajoutez  à  la  colature  ,  du  firop  d'abfynthc 
ou  antifcorbutique  ,  une  once.  Cet  apo— 
-eme  efl  bon  dans  le  fcorbut.  Voye\  SCOR- 
BUT. 

A  poterne  pectoral  &  adoucijjant.  Prenez 
orge  mondé  ,  une  demi-once  ;  feuilles  de 
bourrache ,  de  tufilage  &  de  pulmonaire , 
de  chacune  une  demi-poignée  :  faites  bouil- 
lir le  tout  félon  l'art  dans  trois  chopines  y 
à  réduâion  d'une  pinte  :  ajoutez  enfuite 
racines  de  guimauve  ,  deux  gros  ;  fleurs  de 
tuliilage  ,  de  mauve  ,  de  chacune  une  pin- 
cée. Laillez  infuler  le  tout  :  pallèz  enfuite 
fans  expreflion  ;  édulcorez  la  colature  avec 
firop  de  violette  ou  de  capillaire  ,  une  once. 
La  dofe  ell  d'un  bon  verre  de  deux  heures 
en  deux  heures. 

ApoT^me  laxatif.  Prenez  racines  de  chi- 
corée i'auvage  &  de  patience  fiuivage  ,  de 
polypode  de  chêne  ,  ratifiées  &  coupées  , 
de  chacune  une  demi-once  ;  feuilles  d'ai- 
gremoine ,  de  chicorée  fauvage  ,  de  cha- 
cune une  demi-poignée  :  faites  bouillir  le 
tout  dans  trois  chopines  d'eau  que  vous 
réduirez  à  une  pinte  ;  retirez  la  cruche  du 
feu,  &  fiiites-y  infufer  pendant  quatre 
heures  fené  mondé  ,  une  once  ;  crème  de 
tartre  ,  demi -once;  iemence  d'anis  ,  un 
gros  ,  pallcz  la  liqueur  par  un  linge  avec 
légère  exprellîon  ,  &  ajoutez  à  la  colature 
du  firop  de  fleurs  de  pécher  ,  une  once  & 
demie  ;  partagez  le  tout  en  fix  verres  à 
prendre  tiedes  en  deux  jours  ,    trois  dans 

chaque 


A  P  P 

chaque  matinée  ,  un  bouillon  entre  cliaque 
priie.  Cet  apo^eme  s'ordonnera  pour  pur- 
ger légèrement  &  à  la  longue  ,  ceux  qu'on 
ne  veut  point  taire  évacuer  copieulenicnt , 
ni  fatiguer  par  un  purgatif  dilgracicux  & 
dégoûtant. 

Apoieme  apéritif  &  purgatif  comre  l'hy- 
dropifie.  Prenez  racines  de  patience  iau- 
vage  ,  de  chardon-roland  ,  d'alperge  ,  de 
chacune  demi-once  ;  d'aunée  ,  deux  gros  : 
coupez  le  tout  par  morceaux  après  l'avoir 
ratilfé  ,  &  faites-le  bouillir  dans  trois  cho- 
pines  d'eau  que  vous  réduirez  A  une  pinte  ; 
ajoutez  (ur  la  fin  feuilles  d'aigrenioine  ,  de 
crcifon  ,  de  chacune  une  poignée  ;  paflêz 
la  liqueur  par  un  linge  avec  expreihon  ; 
difTolvez-y  arcanum  duplicatum  ,  deux 
gros  ;  lirop  de  Nerprun  ,  une  once  &  de- 
mie. La  dofe  eft  d'un  verre  ticde  de  quatre 
en  quatre  heures  ,  en  fufpendant  les  der- 
niers ,  fi  l'évacuation  efl  fuffilantc  :  on  l'or- 
donne iur-tout  dans  l'ccdeme  &  la  leuco- 
phlegmatie. 

Apo\e  me  fébrifuge  &  laxatif.Vrcnez  feuil- 
les de  bourrache  ,  buglofe  ,  chicorée  fau- 
vage  ,  de  chacune  une  poignée  ;  quinquina 
pulvériié  ,  une  once  ;  follicules  de  iené ,  trois 
gros  ;  fel  de  Glauber  ,  deux  gros  :  faites 
bouillir  les  plantes  dans  trois  chopines  d'eau 
commune  ,  que  vous  réduirez  à  une  pinte  : 
paflêz  la  liqueur  avec  exprelîîon  ,  &  ajoutez- 
y  firop  de  Heurs  de  pécher  ,  une  once  & 
demie.  Cet  apo:[cme  convient  dans  les  fiè- 
vres intermittentes  ;  on  le  donne  de  quatre 
en  quatre  heures  hors  les  accès  ,  lorfque 
les  urines  lont  rouges  ,  &  qu'elles  dépofent 
un  fédiraent  briqueté  ,  lorlque  l'éréthiline 
&  la  chaleur  font  fort  abattus. 

Nota.  1°.  que  les  apo\emes  ci-dcfTus 
énoncés  peuvent  être  changés  en  juleps  , 
en  potions  ,  ou  autres  formules  plus  faci- 
les à  exécuter.   Voye^  JuLEP  ,  PoTlON. 

2.°.  Tous  les  apo\cmes  peuvent  être  ren- 
dus purgatifs  en  y  difibivant  un  fel. 

3".  L'uiàge  de  ces  apo^emes  demande  une 
grande  attention  pour  le  régime  ;  la  diète 
doit  être  réglée  (clon  l'état  &  la  force  du 
malade  ,  rcipeftivement  à  la  qualité  de 
Vapo:{eme.  (N) 

APPAISER  un  cheval,  (  Manège.  )  c'efl 
adoucir  fon  humeur  lorfqu'il  a  des  mouve- 
mens  déréglés   &  trop  vifs  par  colère  ;  on 
Tome  III. 


A  P  P  45> 

I'appai{è  ou  en  le  carcfîcint  ,  ou  en  lui  don- 
nant un  peu  d'herbe  ;\  manger  ,  ou  au 
moyen  d'un  litflcment  doux  que  le  cavalier 
t^iit.  (  V) 

APPARAT  ,  f.  m.  efl  ufité  en  Littérature, 
pour  défigner  un  titre  de  plufieurs  livres 
dilpolés  en  forme  de  catalogue  ,  de  biblio- 
thèque ,  de  didionnairc  ,  Ùc.  pour  la  com- 
modité des  études.    V.  DICTIONNAIRE. 

\J apparat  fur  Cicéron  ,  efl  une  efpece  de 
concordance  ou  de  recueil  de  phrafès  cicc- 
roniennes. 

U apparat  Çàcvi  de  PofTevin  cfl  une  table 
alphabétique  des  noms  des  écrivains  ecclé- 
fialfiques  ,  avec  les  titres  de  leurs  ouvrages. 
Les  glofes ,  les  commentaires  ,  &c.  ont  été 
auffi  fort  fouvent  appelles  apparats.  Voye'{ 
Glose  ,  6'c.  'L'apparat  poétique  du  P.  Va- 
niere  eff  un  recueil  des  plus  beaux  morceaux 
des  poètes  Latins  fur  toutes  fortes  de 
fujets.  {G) 

Apparat  ,  s'employoit  autrefois  comme 
f}'nonyme  à  commentaire  ,  &  on  s'en  efl 
fcrvi  iinguliérement  pour  défigner  la  glofii 
d'Accurlè  fur  le  digeite  &:  le  code.  V^oye\ 
Digeste  &  Code.  (  H) 

Apparat  ou  Ornement  (  Lettres 

<i')  ,  (e  dit ,  en  écriture  ,  de  celles  qui  le  met- 
tent au  commencement  des  pages  ;  elles  font 
ordinairement  plus  groflés  que  les  majuf- 
cules  ,  &  fe  font  plus  délicatement  avec  la 
plume  à  traits.  On  peut  les  faire  plus  sûre- 
ment avec  la  plume  ordinaire. 

*  APP  ARATORIUM  y\\cu  des  pré- 
paratifs. {Hift.  anc.  )  M.  Fabreti  croit  que 
ce  lieu  des  préparatifs  étoit  celui  où  l'on 
tenoit  difpofé  le  feflin  des  funérailles  ,  &.  où 
l'on  gardoit  l'eau  kifirale. 

APPARAUX  ou  AP AR  AUX  ,  f.  m.  pi. 
(  Marine.  )  Ce  mot  fignifie  les  l'oiles  ,  les 
manœuvres  ,  les  vergues  ,  les  poulies  ,  les 
ancres  ,  les  cables  ,  le  gouvernail  ,  &  /'ar- 
tillerie  du  vaijfcau  ;  de  forte  qu'il  défigne 
plus  de  choies  que  le  mot  d'agrcils  ,  & 
moins  que  celui  d'équipement ,  qui  fignifie  , 
outre  cela  ,  les  gens  Je  l'équipage  Ù  les  vic- 
tuailles. (  Z  ) 

APPAREIL  ,  f.  m.  fignifie  proprement 
une  préparation  formelle  à  quelque  acle 
public  &  folemnel.  Voye^  PRÉPARATION. 

Nous  dilons  l'j/'/ia/r// d'une  fcte  ou  d'un 
couronnement  ;  qu'un   prince  a   fait    foa 


50 


A  P  P 

entrée  avec  beaucoup  A' appareil  &  ae  mngni- 

ficence.  (G)  •        •       m 

Appari^.II.  ,  en  terme  de  Chirurgie  ,eit  la 

prépiM-ation  &  la  difpofition  de  tout  ce  qui 

ell  nécelîaire  pour  taire  une  opération  ,  un 

anlement  ,  Ôc.   L'appareil  ell  différent  , 


iuivant  le  befoin  ;  les  inftrumens  ,  les  ma- 
chines ,  les  bandes  ,  lacs  ,  comprefTes  ,  plu' 
mafleaux  ,  bourJonnets  ,  charpie  ,  tentes  , 
font  des   pièces  à' appareil  ,  de  même  que 
les  médicamens  dont  on  doit  taire  ulagc. 
yoye:^  lafignification  de  ces  mots. 

C'eit  une  règle  générale  en  chirurgie  , 
qu'il  faut  avoir  préparé  {'appareil  avant  que 
de  commencer  l'opération.  Cette  règle 
foufFre  une  exception  dans  les  luxations  ; 
car  il  faut  avant  toutes  chofes  replacer  les 
os  dans  leur  fituation  naturelle  :  on  fait  en- 
fuite  V  appareil. 

Le  mot  à'appareil  eu  autlî  d'ufiige  en 
chirurgie  ,  pour  défigner  les  opérations  de 
la  taille  :  on  dit  le  haut  appareil  ,  le  grand 
€>  le  petit  appareil ,  l'appareil  latéral.  Voy. 
LiTHOTOMIE.  (1^) 

Appareil  ,  en  Architeclure  :  on  dit 
qu'un  bâtiment  eft  d'un  bel  appareil .,  quand 
il  efl  conduit  avec  foin  ,  que  les  affiles  font 
de  hauteur  égale  ,  &  que  les  joints  font 
proprement  faits  &  de  peu  d'écartement  ; 
tel  eft  celui  de  l'Obfervatoire ,  &  la  fon- 
■  taine  de  Grenelle  ,  fauxbourg  faint-Gcr- 
main ,  qui  peuvent  palier  pour  des  chets- 
<l'œuvre  dans  ce  genre. 

On  dit  aufli  qu'une  pierre  ou  affife  eft 
de  bas  appareil  ,  quand  elle  ne  porte  que 
douze  ou  quinze  pouces  de  hauteur  ;  & 
de  haut  appareil ,  quand  elle  en  porte  vingt- 
quatre  ou  rrente.  (P) 

Appareil  ,  appareil  de  pompe  ^  c'eflle 
pirton  de  la  pompe. 

Appareil  de  mâts  &  de  iviles  ,  voye\ 

Mat  &  Voile. 

Appareil  ,  en  cuifine  ,  c'eft  un  com- 
pofé  de  plufieurs  ingrédiens  qui  entrent 
dans  un  mets  :  la  panne  ,  les  épices  ,  la 
chair  ,  les  fines  herbes  ,  font  l'appaieil  d'une 
andouille. 

APPAREILLÉE  ,  adj.  f.  (  Marine.  ) 
l'oile  appareillée  ;  c'ell  une  vcùle  mile  dehors 
ou  au  vent  ,  c'efl-à-dire  déplo}  ée  pour 
prendre  le  vent  :  ce  qui  ell  le  contraire  de 
ivile  ferk'e  ou  cargue'e. 


A  P   P 

APPAREILLER  ,  v.  a.  {Marine.  )  ce 
verbe  exprime  la  réunion  de  plulicurs  ma- 
nœuvres d'un  vailîeau  dont  le  but  elt  de 
quitter  l'endroit  où  il  étoit  mouillé  ,  &  de 
mettre  à  la  voile. 

Avant  de  détailler  la  fa^on  d'appareiller  y 
je  fuppolerai  que  le  vaifieau  ell  délaftour- 
ché  &  qu'il  vire  au  cabellan  pour  lever  ta 
dernière  ancre  ,  parce  que  c'efl  de  ce  mo- 
ment-là feulement  que  le  verbe  appareiller 
a  fon  application  :  je  fuppolerai  aufli  que 
le  vaiflèau  ell  éviré  debout  au  vent  ,  poli- 
tion  dans  laquelle  il  fe  trouve  le  plus  fou- 
vent  ,  &  que  l'on  veut  abattre  fur  tribord  , 
le  temps  d'ailleurs  étant  beau  &  maniablc- 
Les  voiles  doivent  être  terrées  tandis  que 
l'on  vire  ,  parce  que  le  vent  ,  en  les  frap- 
pant ,  tendroit  à  éloigner  le  vaifieau  de  fon 
ancre  ,  &  augmenteroit  conféquemment  k 
force  qu'il  ett  nécelîliire  de  faire  au  cabel- 
tan.  On   doit  cependant  excepter   de  cette 
règle  générale  ,  le  cas  où  un  courant  vicn- 
droit  à  prendre  le  vaiileau  ,  &  à  le  faire  cou- 
rir fur  fon  ancre  ;  car  alors  on  doit  contre- 
balancer cette  torce  en  bralfant  le  perroquet 
de  fougue  fur  le  mât  ,  dans  la  crainte  que 
le  vailTeau  n'engageât  fon  cable  autour  ds 
fon  ancre.  Il  elt  bon  qu'au  moins  les  deux 
huniers  ne  foient  tenus  que  par  des  fils  de 
caret ,  parce  qu'il  eti  alors  très-facile  de  les 
déferler  promptement    quand    le    moment 
vient  de  s'en  lervir.  Lorlque  le  vaiileau  ett 
prefque  à  pic  ,  on  déterle  &   on  borde  les 
huniers  &  le  perroquet  de  tougue.  Si  l'équi- 
page n'étoit  pas  allez  confidérable  pour  virer 
en  même  temps  ,  il  faudroit  mettre  le  lin- 
guet  au  cabellan  ,  &  taire  monter  tout  le 
monde  pour  donner  la  main  à  la  manœuvre. 
Je  regarde  comme  nuitible  de  hillcr  le  grand 
hunier  ;  mais   il  taut    toujours    hiller   tout 
haut  ,  ou  en  partie  ,  le  petit  hunier  &  le  per- 
roquet de  tougue  ,  &   tenir  les   tocs  tout 
prêts  à  l'être.  L'ulage  du  petit  hunier  &  du 
perroquet  de  fougue  ell  de  détcnniner  l'a- 
battée  du  vaiileau  dès  l'inllant   où  l'ancre 
lui  permettra  d'obéir  ,  6i  les  tocs  doivent 


accélérer  l'abat; ée  que  ces  voiles  auront  dé- 
terminée. Pour  que  ces  voiles  tallcnt  abat- 
tre ,  il  faut  ,  dans  la  liippofition  que  nous 
avons  faite  de  vouloir  abattre  fur  tribord , 
brallèr  bas-bord  les  vcrgiies  de  l'a\ant  ,  & 
tnbord  Cviles  de  l'an-icrc.  Le  g,r.uid  huiiicr , 


A  P  P 

prefque  fituë  au  centre  du  Vailfcau  ï  K 
abrcyé  par  le  petit  Ininier  ,  efl  (ans  force, 
&  ne  peut  qu'ôter  le  vent  au  perroquet^  de- 
fougue  ,  plus  propre  que  lui  à  produire  1  ef- 
fet que  nous  en  attendons ,  à  caul'c  de  ion 
éloignemcnt  du  centre  de  gravité  du  vaif- 
feau.  CcH  ce  qui  m'a  fait  dire  qu'il  étoit 
nuifible  dclehifler. 

Il  elf  facile  de  fentir  pourquoi  les  voiles 
orientées ,  comme  on  vient  de  dire  ,  font 
abattre  le  vaifleau.  L'obliquité  ,  en  effet , 
qu'elles  ont  alors  avec  la  direûion  du  vent  , 
décompofe  l'effort  du  vent  fur  elles  en  deux 
forces ,  dont  l'une  devient  paralk-le  à  la 
voile  ,  &  efl  confequemment  nulle  par 
rapport  au  vaifTeau  ;  &  dont  la  féconde  , 
perpendiculaire  ;\  la  première ,  &c  la  feule  qui 
agilfe  ,  le  f;iit  culer  dans  une  direflion  qui 
lui  efl  parallèle.  Mais  cette  force  ne  paiîe 
point  par  le  centre  de  gravité  du  vaifleau  ; 
elle  communique  donc  confequemment 
un  mouvement  de  rotation  autour  de  ce 
centre  ,  mouvement  qui  forme  l'abattée. 
C'efl-là  un  principe  de  méclianique  connu 
de  tous  ceux  qui  ont  quelque  teinture  de 
cette  fcience. 

Les  voiles  de  devant,  braffcesà  bas-bord, 
jettent  l'avant  fur  tribord  ;  &  celle  de  l'ar- 
riére ,  braffées  à  tribord  ,  jettent  ,  par  la 
même  caufe  ,  l'arriére  fur  bas-bord  ;  ainfi 
toutes  concourent  A  préparer  le  vaifleau  au 
mouvement  que  l'on  defire  ,  &  à  le  lui 
faire  exécuter  lorfque  Ion  ancre  ne  le  retien- 
dra plus  ,  &  lui  permettra  d'obéir  aux  forces 
qui  agiflcnt  flir  lui.  Le  vaifl'eau  alors  culera, 
on  l'a  vu  plus  haut  ;  le  gouvernail ,  confe- 
quemment ,  ne  fera  plusoififj  on  ne  doit 
donc  pas  négliger  de  s'en  fervjr ,  &z  de 
mettre  la  barre  à  tribord ,  afin  qiic  le  gou- 
vernail ,  placé  à  bas-bord  du  vaifleau  ,  dé- 
compofe par  fon  obliquité  l'aâion  du 
fluide  ,  &  contribue  de  fon  côté  à  produire 
l'efîct  qu'on  fe  propofe. 

Tout  étant  ainfi  difpofé  pour  l'abattée 
du  vaifleau  ,  on  doit  virer  de  force  au  ca- 
beffan  pour  faire  déraper  l'ancre.  Il  faut 
laifler  abattre  le  vaifleau  jufqu'à  ce  que  le 
vent  puiflè  porter  dans  les  voiles  ;  &  alors, 
fi  l'on  n'efl  point  forcé  de  faire  ferviriurle 
champ  ,  il  finit  arrêter  l'aba-rtée,  &  mettre 
en  panne  jufqu'à  ce  que  l'ancre  foit  haute. 
On  peut  pour   cela  biffer  alors  le  grand  hu- 


A  P  P  .       5f 

nîer;n  on  ne  le  faifoit  pas,  il  faudroit  du 
moins  balancer  l'effort  du  perroquet  do 
fougue  avec  celui  du  petit  hunier.  Cette 
pofition  conduit  naturellement  à  faire  voir 
qu'il  ef{  défavantageux  d'abattre  fur  le  côte 
où  efl  placée  l'ancre  que  l'on  levé  ;  car  un 
vaifleau  ainfi  en  panne  a  de  la  dérive  ,  & 
cette  dérive  preflé  le  cable  contre  le  bâti- 
ment ,  &  augmente  confidérablement  la 
force  qu'il  faut  faire  au  cabeflan.  Quelque- 
fois même  l'ancre  s'engage  fous  le  navire  , 
&  il  a  fallu  virer  de  bord  pour  la  pcnivoir 
dégager.  Dans  le  cas  où  on  feroit  contraint 
de  forcer  de  voile  fur  le  champ  ,  on  vire 
l'ancre  comme  on  peut  ,  mais  bien  fouvenr 
efl  obligé  de  couper  le  cable  ,  ou  de  le 
filer  par  le  bout. 

Si  l'on  vouloit  abattre  fur  bas-bord  ,  on 
fent  bien  que  la  manoeuvre  feroit  la  même; 
il  faudroit  feulement  brafl"er  tribord  devant , 
bas-bord  derrière,  &  mettre  la  barre  du 
gouvernail  A  bas-bord.  Il  y  a  des  cas  cepen- 
dant où  le  gouvernail  ne  doit  pas  être  placé 
comme  on  vient  de  le  prefcrire ,  ce  font 
ceux  où  un  courant  ,  venant  de  l'avant 
du  vaifleau  ,  frapperoit  le  gouvernail  avec 
une  vîtefTe  quelconque  :  car  alors  ce  cou- 
rant peut  être  regardé  comme  une  vitefîc 
réelle  qu'auroit  le  navire  ,  &  on  doit  ma- 
nœuvrer le  gouvernail ,  comme  fi  le  vaif^ 
feau  alloit  de  l'avant. 

Si  le  courant  prenoit  le  vaifl'eau  de  côté, 
à  bas-bord  ,  par  exemple,  &  que  fon  voulût 
abattre  fur  tribord  ,  il  faudroit  mettre  la 
barre  à  bas-bord  ,  parce  que  le  gouvernail, 
effacé  &  prefque  parallèle  au  courant,  n'of- 
friroit  alors  que  peu  de  prife  au  fluide  , 
&  ne  s'oppoferoit ,  par  conféquent  ,  que 
foiblement  à  l'abattée.  Si  ,  dans  la  fuite,  le 
recul  du  vaiflxau  furpafloit  en  vîtefTe  le 
courant ,  il  efl  évident  qu'il  faudroit  chan- 
ger la  barre. 

Si  ce  même  courant  ne  fuivoit  point  la 
direftion  du  vent ,  &  tenoit  un  vaifl^êau 
qui  veut  appareiller,  évité  ,  non  plus  debout 
au  vent ,  mais  de  forte  que  fes  voiles  pour- 
roient  porter  ;  on  a  foin  alors  ,  avant  de 
déraper,  de  h'tfCcv  les  huniers  &  le  perro- 
quet de  fougue  ferrés  par  des  fils  de  caret, 
&  de  brafler  toutes  les  vergues  du  même 
bord  &  fous  le  vent ,  afin  que ,  lorfqu'on 
viendra  à  border  ces  voiles  ,  elles   puiifent 

C  z 


5î  A  P  P 

porter  &  fervir  à  gouverne!'  le  vaifTcau  dès 
que  l'ancre  quittera  le  fond.  Cette  façon  de 
tenir  les  huniers  hauts,avant  de  les  border,  eft 
fort  bonne  ;  &  on  la  pratique  fouvenr,  parce 
que  la  manœuvre  en  eft  plus  vive. 

Si  le  vent ,  trop  confidérable  ,  ne  permet- 
toit  de  fc  fervir  des  huniers  qu'avec  des  ris , 
il  faudroit  les  prendre  avant  d'orienter  les 
voiles  :  fi  même  la  force  du  vent  empêchoit 
tout-à-fait  de  les  pou  voir  porter,  on  ne  fe 
lerviroit ,  pour  abattre  ,  que  des  tonds  du 
petit  hunier  que  l'on  ferreroit  tout  de  fuite 
après ,  ou  même  fimplement  des  fonds  de 
miiaine. 

Lorfque  l'on  appareille  d'une  rade  fort 
petite  ,    ou  généralement    lorlqu'on    veut 
appareiller  en  faiiant  uneabattée  prompte, 
&  dans  laquelle  on  ne  perde  point  de    ter- 
rain ,  on  appareille  en    faiiant   emboflure. 
Pour  cela  ,  du  côté  oppofé  à  celui  fur  le- 
quel on  veut  abattre  ,  on  pafTe  une  aulîlere 
ou   un  grelin    par  un  des  labords   de   la 
féconde  batterie  le  plus  en  arrière  ,  &    on 
l'amarre  fur  le  cable  en  avant  du  vaifïêau  & 
en  dehors  ;  on  roidit  cette  auffiere  ,   &   on 
l'amarre  folidemcnt  au  pied  du  grand  mât  , 
ou  on  la  garnit  au  cabellan  afin  de   pouvoir 
virer  defîùs.  Lorlqu'on  veut  appareiller,  on 
coupe  le  cable  ou  on  le  file  par  le  bout.  Le 
vaiiTèau  n'étant  plus  retenu  ,  obéit  en  entier 
un  infiant  à  la   torce  qui  le  tenoit  éviré  , 
jufqu'à  ce  que  l'auflîcre  ,  venant  à  le  roidir, 
retient  l'arriére ,  &  ne  permet    qu'à  l'avant 
de  céder.  Le    mouvement  de  rotation  que 
fait  alors  le  vaifieau  efl  très -vif,   &   on 
doit  l'apprécier  pour  régler  la  grandeur   de 
î'abattée  &   l'amortir  à  propos.  Il  ell  ,    en 
effet ,  également  déiavantageux   de   lailîér 
trop  abattre  le  vaifTeau  ou  de  ne  point  le 
laifler  allez  abattre  ;  parce  que  ce  vailTeau  , 
qui  n'a  d'autre  mouvement  que  celui  de  ro- 
tation, ne  pourroit  point  obéir  à  fon   gou- 
vernail ,  &  reprendre  promptement  la  route 
qu'on  veut  lui  faire  tenir.  On  ell  toujours 
maître  d'afTjrer  I'abattée  du  bord  oppofé  à 
celui  de  l'aullîcre  ,  &  il  n'y  auroit  pour  cela 
qu'à  filer  du  cable  en  douceur  ,  &  attendre, 
pour  le  larguer  tout-à-fait  ,  que  l'aulliere 
eut  commencé  à  faire  force  ,  (on  pourroit , 
par  ce  moyen  ,  mettre  un  vaiffcau  en  tra- 
vcrs  ,  ou  dans  telle  autre  pofirion  que  l'on 
ddireroit  par    rapport  au  vent  ;  )  na.us  fi 


A  P  P 

l'on  fe  fervoît  de  voiles  pour  la  faciliter  ,  A 
faudroit  avoir  du  monde  lur  les  bras ,  des 
vergues  pour  les  bralTcr  dès  qu'elle  feroit 
décidée  ,  &  difpofer  les  voiles  à  recevoir 
le  vent  dedans  le  plutôt  qu'il  efl  poffible. 
Lorfque  le  vaifleau  a  fait  I'abattée  que  l'on 
veut  de  lui ,  on  coupe  l'aulliere  pour  laquelle 
feule  il  étoit  tenu. 

Une  ancre  &  un  c>ible  que  l'on  lailTe  , 
&  une  aufliere  que  l'on  coupe  ,  doivent 
facilement  perfuader  que  l'on  n'emploie 
cette  façon  (^appareiller  que  lorlqu'on  y 
ell  forcé.  On  éviteroit  ces  inconvéniens , 
s'il  étoit  poffible  de  lever  fon  ancre ,  &  de 
la  remplacer  par  un  autre  point  d'appui , 
tel  qu'un  corps  mort  ou  un  bâtiment 
mouillé  ,  qui  largueroit  de  fon  bord  les 
amarres  ,  ou  auquel  on  largueroit  celles 
qu'il  auroit  prêtées.  {M.  le  Chevalier  DE 
LA  COUDRAYE.)  Voye^  BoSSER  , 
DÉSERTER  ,  Lap,.GUER  ,  HALER  ,  Ê'C. 

Appareiller  le  corps  ,  les  arcades,  les 
femples,  &cc..dans  les  Manufactures  de foieî 
c'eii  égalifer  toutes  les  parties  dont  font 
compofés  les  corps  ,  les  arcades  ,  les  fem- 
ples ,  ^c.  de  manière  qu'elles  loient  toutes 
de  niveau ,  &  que  l'une  ne  foit  pas  plus 
haute  que  l'autre.  Voye^  à  l'article  VE- 
LOURS CISELÉ  ,  la  néceffité  de  cette  at- 
tention. 

Appareiller,  terme  de  Chapelier ^ 
c'ell  former  le  mélange  des  poils  ou  des  lai- 
nes qui  doivent  entrer  dans  la  compofition 
d'im  chapeau  ,  félon  la  qualité  qu'on  veut 
lui  donner. 

Appareiller  ,  en  terme  de  Layetier  ; 
c'ell  joindre  cnfemble  une  ou  plufieurs 
planches  d'égale  grandeur. 

Appareiller  ,  v.  aél.  {Manège^  fc  dit 
de  deux ,  de  quatre  ou  de  fix  chevaux  de 
mêiue  poil ,  qu'on  veut  mettre  à  un  car- 
rollé  On  dit  auHî  apparier.  Appareiller ,  en 
terme  de  haras ,  lignifie  faire  faillir  à_  un 
étalon  la  jument  la  plus  propre  pour  taire 
avec  lui  un  beau   &  bon  poulain.  {V) 

APPAREILLEUR,  I".  m.{Architec7.) 
efl  le  principal  ouvrier  chargé  de  l'appareil 
des  pierres  pour  la  conllrudion  d'un  bâti- 
ment; c'ell  lui  qui  trace  les  épures  par 
paneaux  ou  par  équarriflement  ,  qui  pré- 
ilde  à  la  pofe ,  au  racordement  ,  Sv.^  Il 
feroit  névefli'ire   q,ue  ces  fortes  d'ouvriers 


A  P  P 

fufîent  cîcflîner  l'architc(5liire  ;  cette  fciencc 
leur  appicndroit  l'art  de  profiter  ,  &  de 
former  des  courbes- élégantes  ,  gracicufcs , 
&  lans  jarrets  :  il  fcroit  auili  très-impor- 
tant qu'ils  tuiïent  mathématiciens ,  afin  de 
pouvoir  iè  rendre  compte  de  la  pouflée 
des  voûtes  ,  du  poids  ,  de  la  charge ,  & 
du  fruit  qu'il  convient  de  donner  au  mur  , 
félon  h»  divcrfité  des  occaiions  qu'ils  ont 
d'être  employés  dans  les  bâtimens  ;  mais  la 
plupart  de  ceux  qui  f'e  donnent  pour  tels  , 
n'ont  que  le  métier  de  leur  art ,  malgré  les 
cours  publics  qui  leur  font  ofîœrts  ;\  Paris 
pour  s'infîruire.  (P) 

*  APPARENCE,  eocténeur,  dehors, 
(Gram.)  IJ extérieur  fait  partie  de  la  chofe  ; 
le  dehors  l'environne  ;\  quelque  diflance  : 
Yapparence  efl  l'effet  que  produit  là  préfen- 
ce.  Les  murs  iont  ï extérieur  d'une  maifon  , 
les  avenues  en  iont  les  dehors  :  ïapparence 
réllilte  du  tout. 

Dans  le  fens  figuré ,  extérieur  fe  dit  de 
l'air  &  de  la  phylionomie  ;  le  dehors  ,  des 
manières  &  delà  dépenfe  ;  {'apparence  ,  des 
aftions  &  de  la  conduite,  l^'extérieur  pré- 
venant n'efl  pas  toujours  accompagné  du 
mérite ,  dit  M.  l'abbé  Girard  ,  Syn.  Franc. 
Les  dehors  brillans  ne  font  pas  des  preuves 
certaines  de  l'opulence.  Les  paniques  de 
dé^'otIon  ne  décident  rien  fur  la  vertu. 

Apparence  ,  f.  m.  1.' apparence cÇ[  pro- 
prement la  furface  extérieure  d'une  chofe  , 
ou  en  général  ce  qui  affede  d'abord  les  fèns , 
l'efprit  &  l'imagination. 

Les  académiciens  prétendent  que  les  qua- 
lités fenfibles  des  corps  ne  font  que  des 
apparences.  Quelques  philofophes  moder- 
nes ont  embraffé  ce  féntiment.  V.  ACADÉ- 
MICIEN &  QUALITÉ.  Voye-;{auffiCov.VS. 
Nos  erreurs  viennent  prefque  routes  de 
ce  que  nous  nous  hâtons  de  juger  des  cho- 
ies  ,  &  de  ce  que  cette  précipitation  ne  nous 
permet  pas  de  difcerner  le  vrai  de  ce  qui 
n'en  a  que  ['apparence.  Voje^  VOLON- 
TÉ ,  Liberté,  Erreur,  Vraisem- 
blance. 

yipparjnce  en  perfpecfii'e  :  c'efl  la  rcpré- 
fentation  ou  projeftion  d'une  figure  ,  d'un 
corps  ,  ou  d'un  autre  objet  ,  fur  le  plan 
du  tableau.    Voye^  PROJECTION. 

Uapparcncs  d'une  ligne  droite  projetée  , 
droite  ;  car  la  corn- 


A  P  P  j,. 

mune  fèélion  de  deux  plans  efî  toujours  une 
ligne  droite  :  donc  la  commune  (célion  du 
plan  du  tableau ,  &  du  plan  qui  paffe  par 
l'ail  &  par  la  ligne  droite  qu'on  veut  repré- 
lenter,_eft  une  ligne  droite:  or  cette  com- 
mune (edion  efî  ['apparence  de  la  ligne  qu'on 
veut  projeter.  Fbjr^  PERSPECTIVE. L'a/7- 
parence  d'im  corps  opaque  ou  luminCLix 
étant  donnée  ,  on  peut  trouver  Yapparence 
de  fon  ombre.  Fbvf^OMBRE. 

Apparence  2' une  étoile  ,  d'une  pla- 
nète ,  &c.  y.  Apparition.  On  entend 

quelquefois  par  apparences  ,  en  ;vftronomie  , 
ce  qu'on  appelle  autrement  phénomènes  ou 
phafes.    Voye\  PHENOMENE  &  PhASE. 

On  fc  fert  en  optique  du  terme  d'appU' 
rence  directe ,  pour  marquer  la  vue  d'ua 
objet  par  des  rayons  direifs  ,  c'efl-à-dire  , 
par  des  rayons  qui  viennent  de  l'objet,  fans- 
avoir  été  ni  réfléchis  ni  rompus.  Voyei^  DI- 
RECT &  Rayon.  Voye^  aujjl  O^tkive. 
&■  Vision.  (  O) 

Apparence,  belle  apparence  ,  {Ma-' 
nege.  )  ie  dit  ordinairement  d'im  cheval  qui ,. 
quoiqu'il  paroiffe  très-beau  ,  n'a  cependant 
pas  beaucoup  de  vigueur ,  &  quelquefois 
même  point  du  tout  :  on  dit ,  l'oilà  un  che^ 
rai  de  belle  apparence.  (  V^) 


efl  toujours  une  ligne 


APPARENT  ,  apparens  ,-  adjed.  m.. 
Cette  épithcte  convient  à  tour  ce  qui  citvi- 
fiulc  ,  à  tout  ce  qui  eft  ienîible  à  l'œil ,  ou 
intelligible  à  l'efprit.  Voye-{  APPARENCE. 

Hauteur  apparente.  P^oye:^  HAUTEUR. 

Conjonction  apparence.  Il  y  a  conjonclion 
apparente  de  deux  planètes,  lorfque  la  ligne 
droite  qu'on  iuppofe  tirée  par  les  centres 
des  deux  planètes  ,  ne  paflc  point  par  le 
centre  de  la  terre ,  mais  par  l'œil  du  fpec- 
tareur.  La  conjonclion  apparente  eH^iïïm- 
guée  de  la  conjonction  praie  ,  où  le  centre  de 
la  terre  efl  dans  une  même  ligne  droite  avec 
les  centres  de  deux  planètes  Voye-{  CON- 
JONCTION. 

Horizon  apparent  ou  fenfible  ;  c'e/1  le 
grand  cercle  qui  termme  notre  vue ,  ou  celui 
qui  efl  formé  par  la  rencontre  apparente  du 
ciel  &  de  la  terre. 

Cet  horizon  fépare  la  partie  vifible  ou  fu- 
périeure  du  ciel  ,  d'avec  la  partie  infé- 
rieure qui  nous  cfl  invifible ,  à  caufe  de  la 
rondeur  de  la  terre.  LViorqon  apparent  dif- 
fère de  ['horizon  ratioael  qui  lui  dl  parai- 


54  APP 

lele  ,  mais  qui  pnfTe  par  le  centre  de  la  terre, 
ï^o/f^  Horizon.  On  peut  concevoir  un 
cône  dont  le  iommet  feroit  dans  notre  œil , 
&  dont  la  bafe  Icroit  le  plan  circulaire  qui 
termine  notre  vue  :  ce  plan  cÛVhuriioii  ap- 
parent. Koje^  Abaissement. 

IShor'n^on  apparent  détermine  le  lever  & 
le  coucher  apparent  du  foleil ,  de  la  lune , 
des  étoiles, <Sv.  K.Lever,Couciier,&c. 

Grandeur  apparente.  'L^  grandeur  appa- 
rente d'un  objet  ell  celle  ibus  laquelle  il 
paroît  à   nos  yeux.    Voye^  GRANDEUR.. 

L'angle  optique  eft  la  mefure  de  (a  gran- 
deur apparente  ;  du  moins  c'ell  ce  que  les 
auteurs  d'optique  ont  fou  tenu  long-temps. 
Cependant  d'autres  opticiens  prétendent  avec 
beaucoup  de  fondement  ,  que  la  grandeur 
apparente  d'un  objet  ne  dépend  pas  feu- 
lement de  l'angle  fous  lequel  il  cil  vu  ;  & 
pour  le  prouver,  ils  difent  qu'un  géant  de 
fix  pies,  vu  à  fix  pies  de  diflance  ,  &  un 
nain  d'un  pié ,  vu  A  un  pié  de  dillance , 
font  vus  l'un  &  l'autre  fous  le  même  angle , 
&  que  cependant  le  géant  paroît  beaucoup 
plus  grand  :  d'où  ils  concluent  que  tout 
le  relie  étant  d'ailleurs  égal ,  la  grandeur 
apparente  d'un  objet  dépend  beaucoup  de  (a 
diitance  apparente ,  c'elWi-dire  ,  de  l'éloi- 
gnement  auquel  il  nous  paroît  être.  Voyci 
Angle. 

Ainfi ,  quand  on  dit  que  l'angle  optique 
cfl  la  mefure  de  la  grandeur  apparente ,  on 
doit  refireindrc  cette  propofition  aux  cas 
où  la  dillance  apparente  cû  luppofée  la 
même  :  ou  bien  on  doit  entendre  par  le  mot 
de  grandeur  apparence  de  l'objet ,  non  pas 
la  grandeur  fous  laquelk  il  paroît  véritable- 
ment ,  mais  la  grandeur  de  l'image  qu'il 
forme  au  fond  de  l'œil.  Cette  image  efl ,  en 
effet,  proportionnelle  à  l'angle  lous  lequel 
on  voit  l'objet  ;  &  en  ce  fens  on  peut  dire  , 
que  la  grandeur  apparente  d'un  objet  eil 
d'autant  de  degrés  que  l'angle  optique  lous 
lequel  on  voit  cet  objet  en  contient.  J^oye:^ 
Vision. 

On  dit  aufll  que  les  grandeurs  apparentes 
des  objets  éloignés  ,  iont  réciiiroqucment 
comme  les  dillances.  Voyc^  Vision  & 
Visible. 

Cependant  on  peut  démontrer  en  rigueur 
qu'un  même  objet  A  C  (  PI.  d'opr.  fig. 
0'^.)  étant  vu  ^  des  dillances  diflérentes, 


APP 

par  exemple  ,  en  D  &.  en  B  ,  Ces  grandeurs 
apparentes  ,  c'efl-à-dire  ,  les  angles  A  D  C 
&c  A  B  C ,  font  en  moindre  railon  que  la 
réciproque  des  diflanccs  D  G  &  B  G  :  A 
n'y  a  que  les  cas  où  l.s  angles  optiques  A 
DC  &  ABC  leroient  tortpetiis,  comme 
d'un  ou  de  deux  degrés ,  dans  lequel  ces 
angles  ou  les  grandeurs  apparentes  feroicnt 
à-peu-près  en  railon  réciproque  des  dif- 
tances. 

La  grandeur  apparente.,  ou  le  diameti'C 
apparent  du  foleil  ,  de  la  lune,  ou  d'une 
planète  ,  efl  la  quantité  de  l'angle  lous  le- 
quel un  obi'ervateur  placé  fur  la  furface  de 
la  terre  ,   apperçoit  ce  diamètre. 

Les  diamètres  apparens  des  corps  célefles 
ne  iont  pas  toujours  les  mêmes.  Le  diamètre 
apparent  du  ioleil  n'eft  jamais  plus  petit  que 
quand  le  foleil  eiKidns  le  cancer,  &  jamais 
plus  grand  que  quand  il  ell  dans  le  capri- 
corne. Fbj'f;j  Soleil. 

Le  diamètre  apparent  de  la  lune  augmente 
&  diminue  alternativement,  parce  que  la  dit 
tance  de  cette  planète  à  la  terre  varie  conti- 
nuellement, î-'bj'f:^  Lune. 

Le  plus  grand  diamètre  apparent  du  foleil 
efl ,  ielon  Caffmi ,  de  3'  10";  le  plus  petit  de 
31'  38".  Selon  de-la-Hire,  le  plus  grand 
efl  de  32'  43"  ,  &:  le  plus  petit  de  31' 
28". 

Le  plus  grand  diamètre  apparent  de  la 
lune  elt  ,  l'elon  Kepler  ,  de  32'  44",  &  le 
plus  petit  de  30'  60'.  Selon  de-la-Hire,  le 
plus  grand  eif  de  33'  30",  &  le  plus  petit 
de  29'   30".   Voyei  SOLEIL  &  LUNE. 

Le  diamètre  apparent  de  l'anneau  de  ft- 
turne  efl,  félon  Huyghens  ,  de  i'  8",  lori- 
qu'il  eit  le  plus  petit.  Voye^  SATURNE. 

Quant  aux  diamètres  apparens  de>  autres 
planètes  ,  ivye-^  Varticle  DiAMETRE. 

Si  les  diflanccs  de  deux  objets  fort  éloi- 
gnés ,  par  exemple,  de  deux  planètes,  Iont 
égales  ,  leurs  diamètres  réels  leront  propor- 
tionnels aux  diamètres  apparens  ;  &  fi  les 
diamètres  apparens  iont  égaux  ,  les  diamètres 
réels  leront  entr'eux  comme  les  diflanccs  k 
Vou'A  du  fpedateur  :  d'où  il  s'enUiit  ,  que 
quand  il  y  a  inégalité  entre  les  diflances  & 
entre  les  diamètres  apparens ,  les  diamètres 
réels  (ont  en  railon  compolée  de  la  direâe 
des  diflances ,  6<:  de  la  dircûe  des  diamètres 
apparens. 


A  P  P 

Au  refle  ,  quand  les  objets  font  fort  éloi- 
gnés de  l'ail,  leurs  grandeurs  apparentes , 
c'ert-à-dire  ,  les  grandeurs  dont  on  les  voit, 
font  proportionnelles  aux  angles  iôiis  lel- 
quels  ils  ibnt  vus  ;  ainlî  quoique  le  loleil  & 
la  lune  foient  fort  diiîerens  l'un  de  l'au- 
tre pour  la  grandeur  réelle  ,  cependant  leur 
grandeur  apparente  cil  à-peu-près  la  même  , 
parce  qu'on  les  voit  à-pcu-près  fous  le 
même  angle.  La  raifon  de  cela  ell  que , 
quand  deux  corps  Ibnt  fort  éloignés  ,  quel- 
que différence  qu'il  y  ait  entre  leur  dirtance 
réelle  ,  cette  ditlérence  n'ell  point  apper- 
çue  parnosyeux,  &  nous  les  jugeons  l'un 
&  l'autre  à  la  même  diicance  apparente  ; 
d'où  il  s'enfuit  que  la  grandeur  dont  on  les 
voit ,  eit  alors  proportionnelle  à  l'angle  opti- 
que ou  viliiel.  Par  coniequent  fi  deux  ob- 
jets font  fort  éloignés  ,  &  que  leurs  gran- 
deurs réelles  foient  comme  leurs  diftances 
réelles  ,  ces  objets  paroîrront  de  la  même 
grandeur ,  parce  qu'ils  feront  vus  fous  des 
angles  égaux. 

Il  y  a  une  difFérence  très-fenfible  entre 
les  grandeurs  apparentes  ou  diamètres  appa- 
rens  du  foleil  &  de  la  lune  à  l'Iiorizon  ,  & 
leurs  diamètres  apparens  au  méridien.  Ce 
phénomène  a  beaucoup  exercé  les  philolo- 
phes.  Le  P.  Mallebrancheed  celui  qui  paroît 
l'avoir  expliqué  delà  manière  la  plus  vrai- 
femblable  ,  &  nous  donnerons  plus  bas  fon 
explication  ,  cependant  l'opinion  de  cet  au- 
teur n'ell  pas  encore  reçue  par  tous  les ph}- 
ficiens.    Voye\  LUNE. 

Diftance  apparente  ou  dijlance  apperçue  , 
eft  la  dillance  à  laquelle  paroît  un  objet. 
Cette  diflance  efl  fouvent  fort  diHérente  de 
la  diflance  réelle  ;  &  lorlque  l'objet  efl  tort 
éloigné ,  elle  eil  prelque  toujours  plus  pe- 
tite. Il  n'y  aperfonne  qui  n'en  ait  tait  l'ex- 
périence ,  &  qui  n'ait  remarqué  que  dans 
une  valle  campagne  ,  des  mailons  ou  autres 
objets  qu'on  croyoif  aïïéz  près  de  foi ,  en 
font  fouvent  fort  éloignés.  De  même  le 
foleil  &  la  lune  ,  quoiqu'à  une  diilance  im- 
menfe  de  la  terre  ,  nous  en  paroilfent  cepen- 
dant afiez  proches  ,  ii  nous  nous  conten- 
tons d'en  juger  à  la  vue  limple.  La  railon 
de  cela  efl ,  que  nous  jugeons  de  la  dii- 
tance  d'un  objet  ,  principalement  par  le 
nombre  d'objets  que  nous  voyons  interpoles 
eatre  nous  ik  cet  objet  ;  or  quai;d  ces  ob- 


A  P  P  jy 

jets  intermédiaires  (ont  invifiblcs,  ou  qu'ils 
lont  trop  petits  pour  être  apperçus  ,  nous 
jugeons  alors  l'objet  beaucoup  plus  proche 
qu'il  n'ell  en  ellet.  C'ell  par  cette  raifon  > 
félon  le  père  Mallebranche  ,  que  le  foleil  X 
midi  nous  paroît  beaucoup  plus  près  qu'il 
n'efl  réellement ,  parce  qu'il  n'y  a  que  très- 
peu  d'objets  remarquables  &  ienfibles  en- 
tre cet  allre  &  nos  yeux  ;  au  contraire  ,  C2 
même  loleil  à  l'horizon  nous  paroît  beau- 
coup plus  éloigné  qu'au  méridien  ,  parcs 
que  nous  voyons  alors  entre  lui  &  nous  un 
bien  plus  grand  nombre  d'objets  terrel- 
très ,  &  une  plus  grande  partie  de  la  voûte 
célelle.  C'ell  encore  par  cette  raifon  que 
la  lune  ,  vue  derrière  quelque  grand  objet 
comme  une  muraille  ,  nous  paroît  immé- 
diatement contiguë  A  cet  objet.  Un  autre 
raiion  pour  laquelle  nous  jugeons  louvenc 
la  dillance  d'un  objet  beaucoup  plus  petite 
qu'elle  n'ell  réellement ,  c'ell  que  pour  juger 
deladillance  réelle  d'un  objet ,  il  huit  que  le? 
diflérentes  parties  de  cette  dillance  foient 
apperçues  ;  &:  comme  notre  œil  ne  peut 
voir  à  la  lois  qu'un  allez  petit  nombre  d'ob- 
jets ,  il  ell  nécelïiûre  pour  qu'il  puidé  dif^ 
cerner  ces  dirlérentes  parties  ,  qu'elles  ne 
foient  pas  trop  multipliées.  Or ,  lorfque  la 
diflance  ell  conlidérable  ,  ces  parties  fonc 
en  trop  grand  nombre  pour  être  dillin- 
guées  toutes  à  la  lois  ,  joint  à  ce  que  les 
parties  éloignées  agillent  trop  foiblemenc 
fur  nos  yeux  pour  pouvoir  être  apperçues. 
La  dillance  apparente  d'un  objet  eil  donc 
renfermée  dans  des  limites  allez  étroites  , 
&  c'efl  pour  cela  que  deux  objets  fort  éloi- 
gnés font  jugés  fouvent  à  la  même  dif- 
tance apparente  ,  ou  du  moins  que  l'on  n'ap- 
perçoit  point  l'inégal  té  de  leurs  diltancci 
réelles  ,  quoique  cette  inégalité  loit  quel- 
quefois immenfe  ,  comme  dans  le  foleil  & 
dans  la  lune ,  dont  l'un  ell  éloigné  de  nous 
de  I  looo  diamètres  de  la  terre  ,  l'autre  de 
60  feulement. 

Mouvement  apparent ,  temps  apparent , 
&c.  Voyei  Mouvement,  TexMps  ,  6v. 

Lieu  apparent.  Le  lieu  apparent  d'un 
ob'et ,  en  opt  que  ,  efl  celui  011  on  le  voin 
Comme  la  dilfance  apparente  il'un  objet  elî 
louvont  fort  différente  de  fa  diflance  réelle  , 
le  lieu  apparent  i-fc  fouvent  fort  diiférenc 
1  du  lieu  P'rai,  Le  Usu  appaicnc  le  die  prin- 


5^  A  P  P 

cipalemcnt  du  lieu  où  l'on  voit  un  ob)et ,  en  j 
l'obiervantà  travers  un  ou  pluficurs  verres  , 
ou  par  le  moyen  d'un  ou  pluficurs  miroirs. 
Fbvr:îDiopTRiQUE  ,  Miroir  ,  £v. 

Nous  dilbns  que  le  lieu  apparent  d\  diffé- 
rent du  lieu  vrai  ;  car  lorfque  la  rélradion 
que  fouffrent  à-travers  un  verre  les  prin- 
cipaux optiques  que  chaque  point  d'un  ob- 
jet fort  proche  envoie  à  nos  yeux  ,  a  rendu 
les  rayons  moins  divergens  :  ou  lorfque  par 
un  effet  contraire  ,  les  rayons  qui  viennent 
d'un  objet  fort  éloigné  Ibnt  rendus  par  la 
réfraftion  auffi  divergens  que  s'ils  venoient 
d'un  objet  plus  proche  ;  alors  il  eft  nécel- 
laire  que  Fobjet  paroifîè  à  l'œil  avoir  changé 
de  lieu  ;  or  le  lieu  qve  l'objet  paroît  occu- 
per ,  après  ce  changement  produit  par  la 
divergence  ou  la  convergence  des  rayons  , 
eh  ce  qu'on  appelle /o;z  lieu  apparent.  Il 
en  efl  de  même  dans  des  miroirs.  Voye\ 
Vision. 

Les  opticiens  font  fort  partagés   fur  le 
lieu  apparent  d'un  objet  vu  par  un  miroir  , 
ou  par  un  verre.  La   plupart  avoient  cru 
jufqu'à    ces    derniers    temps    que    l'objet 
paroiffoit  dans  le  point  où  le  rayon  réfléchi 
ou  rompu  ,  pafifant  par  le  centre  de  l'œil  , 
rencontroit    la    perpendiculaire    menée    de 
l'objet  fur  la  furfacc  du  miroir  ou  du  verre. 
C'eR  le  principe  que  le  père  Taquet  a  em- 
ployé dans  la  catoptrique  ,  pour   expliquer 
les  phénomènes  des    miroirs    convexes  & 
concaves  ;  c'eflaufli  celui  dont  M.  de  Mai- 
ran  s'efl  fervi  pour  trouver  la  courbe  appa- 
rente du  fond  d'un  badin  plein  d'eau  ,  dans 
im  Mémoire  imprimé  parmi  ceux  de  l'aca- 
démie de   1740.  Mais  le  père  Taquet  con- 
vient lui-même  à  la   fin    de  fi  Catoptri- 
que ,  que  le  principe  dont  il  s'eft  fervi  n'efl 
pas  général  ,  qu'iî  eft  contredit  par  l'ex- 
périence. A  l'égard  de  M.  de  Mairan  ,  il 
paroît  donner  ce  principe  comme  un  prin- 
cipe  de  géométrie  plutôt    que  d'optique  ; 
&  il  convient  que  Newton  ,   Barrow  ,   & 
les  plus  célèbres  auteurs  ne  l'ont  pas  entiè- 
rement  admis.  Ceux-ci  pour  déterminer  le 
lieu  apparent  de  l'objet  ,  imaginent  d'abord 
que  l'objet  envoie  (ur  la  furlace  du  verre 
ou  du  miroir  ,   deux  rayons  fort  proches 
l'un  de  l'autre,  lefqucls,  après  avoir  fouf- 
fert  une  ou    plufieurs  rélraftions  ou  réfle- 
iJons  ,  entrent  dans  l'œil.  Ces  rayons  rora- 


APP 

pus  ou  réfléchis ,  étant  prolongés  ,  concoU* 
rent  en  un  point ,  &  ils  entrent  par  confé- 
quent  dans  l'œil  comme  s'ils  venoient  de 
ce  point  ;  d'où  il  s'enfuit  ,  félon  Newton 
&  Barrow  ,  que  le  lieu  apparent  de  l'objet , 
ell  un  point  de  concours   de  rayons  rom- 
pus ou  réfléchis  qui  entrent  dans  l'œil  ,  & 
ce  point  eil  ailé  à  déterminer  par  la  géo- 
métrie. Voyez  Voptique  de  Newton  ,  &  les 
leçons   optiques    de    Barrow.    Ce   dernier 
auteur  rapporte  même  une  expérience  qui 
paroît  fans  réplique  ,  &  par  laquelle  il  ell 
démontré  que  l'image  apparente  d'un  fil  à- 
plomb   enfoncé    dans   l'eau  ,    eu  courbe  ; 
d'où    il  rélulte  que  le   lieu  apparent  d'un 
objet  vu  par  réfradion  n'efl  point  dans  l'en- 
droit où  le  raj'on  rompu  coupe  la  perpen- 
diculaire  menée   de   l'objet  fur  la  furtace 
rompante.  Mais   il   faut   avouer  auffi  que 
Barrow  ,  à  la  fin  de  (es  leçons  optiques  ,  fait 
mention  d'une  expérience  qui  paroît  con- 
traire ;\  fon  principe  fur  le  lieu  apparent  de 
l'image  :  il  ajoute  que  cette  expérience  efl 
auffi  contraire  à  l'opinion  du  père  Taquet 
qu'à  la  fienne  :  maigre  cela  ,  Barrow  n'en  efl 
pas  moins  attaché  à  fon  principe  fur  le  lieu 
apparent  de  l'objet  ,  qui  lui  paroît  évident 
&c  très-limple  ;  &  il  croit  que  ,  dans  le  cas 
particulier  où   ce  principe  femble    ne    pas 
avoir  lieu  ,  on  n'en  doit  attribuer  la  caufe 
qu'au  peu  de  lumières  que  nous  avons  fur 
lavifion  direfte.  A  l'égard  de  M.  Newton, 
quoiqu'il  fuive  le  principe  de  Barrow  fur 
le  lieu  apparent  de  l'image  ,  il  paroît  regar- 
der la  folution  de  ce  problême  comme  une 
des  plus  difficiles  de  l'optique  :  Puncfi  illius  , 
dit-il ,  accurata  determinatio  problema  fo- 
lutu  difficillimum  prccbebit  ,  niji  hypotheji 
alicui  falcem  verijimili  ,  fi  non  accuratè 
i-'er^v  ,  nitatur  ajfertio.  Lee.  op.  fchol.  Prop. 
VIII. pag.  80.  VojeiMlKOlK  Ù  DiOP- 
TRIQUE. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  voici  des  principes  dont 
tous  les  opticiens  conviennent. 

Si  un  objet  efl  placé  à  une  diflance  d'un 
verre  convexe  ,  moindre  que  celle  de  fon 
foyer  ,  on  pourra  déterminer  fon  lieu  appa~ 
rent  :  s'il  efl  placé  au  foyer  ,  Ion  lieu  ap~ 
parent  ne  pourra  être  déterminé  ;  on  le  verra 
feulement  dans  ce  dernier  cas  extrêmement 
éloigné  ,  ou  plutôt  on  le  verra  très-confu- 
fément. 

Le 


Le  lieu  apparent  ne  pourra  point  encore 
fe  déterminer ,  fi  l'objet  eft  placé  au  delà 
du  foyer  Sun  verre  convexe  :  cependant  fi 
l'objet  eft  plus  éloigné  du  verre  convexe 
que  le  foyer  ,  &  que  l'œil  l'oit  placé  au 
delà  de  la  baie  diltinde  ,  ion  lieu  apparent 
fera  dans  la  bafc  diftinde.  On  appelle  hafe 
dijUncle  un  plan  qui  paiîé  par  le  point 
de  concours  des  rayons  rompus.  Voye\ 
Lentille. 

De  même  ,  fi  un  objet  eft  placé  à  une  dif- 
tance  d'un  miroir  concave  moindre  que 
celle  de  l'on  foyer  ,  on  peut  déterminer 
fon  lieu  apparent  :  s'il  cil  placé  au  foyer  , 
il  paroîtra  infiniment  éloigné  ,  ou  plutôt 
îl  paroîtra  confulément  ,  fon  lieu  apparent 
ne  pouvant  être  déterminé. 

Si  l'objet  eft  plus  éloigné  du  miroir  que 
le  foyer  ,  &  que  l'œil  foit  placé  au^  delà  de 
la  baie  diilinfte ,  le  lieu  apparent  iéra  dans 
la  baie  diftinde.  Vqyei  MiROIR  ,  CON- 
CAVE &CATOPTRIQUE. 

On  peut  toujours  déterminer  le  lieu  ap- 
parent de  l'objet  dans  un  miroir  concave. 

Le  lieu  apparent  d'une  étoile  ,  &c.  eft  un 
point  de  la  iurface  de  la  fphere  ,  déterminé 
par  une  ligne  tirée  de  l'œil  au  centre  de  l'é- 
toile ,  &c.  Voyei  Lieu. 

Le  lieu  vrai  ou  réel  le  détermine  par  une 
ligne  tirée  du  centre  de  la  terre  ,  au  centre 
de  la  planète  ,  ou  à  l'étoile  ,  &c.  (O) 

APPARITEUR  ,  f  m.  {Hifl.^  anc.  & 
mod.  )  C'eft  le  nom  du  bedeau  d'une  uni- 
verfité  ,  dont  la  fondion  eft  de  porter  la 
maffe  devant  les  dodeurs  des  facultés.  Voy. 
Bedeau,  Université,  Masse. 

On  appelle  aufll  appariteurs  ,  ceux  qui 
ont  l'emploi  de  citer  quelqu'un  devant  un 
tribunal  eccléfiaftique.  Voyei^^  SOMMER  , 
Citation. 

Les  appariteurs  ,  chez  les  Romains  , 
étoient  la  même  chofe  que  les  i'ergens  ou 
les  exempts  parmi  nous  ;  ou  plutôt ,  c'étoit 
\\n  nom  générique  ,  exprimant  tous  les  mi- 
niftres  qui  exécutoient  les  ordres  des  juges 
ou  des  magiflrats  ;  &  de-là  leur  eft  venu  le 
nom  (S appariteurs  ,  formé  i'apparere  être 
préfenr. 

Sous  le  nom  d'' appariteurs ,  étoient  com- 
pris, /cr/èi-J? ,  accenjï,  interprètes  y  proeco- 
nés ,  l'iatores  ,  Uclores  ,Jîatores  ,  &  même 
tarnijkes,  les  exécuteurs.  Voyei  SCRIBE  , 
Tome  III, 


A  P  P  57 

Licteur.  &c.  On  les  choiriiToit  ordinaire- 
rement  parmi  les  affranchis  de  Magiffrats  : 
leur  état  étoic  méprilé  &c  odieux  ,  telle- 
ment que  le  iénat  impoibit  comme  une  mar- 
que d'infamie  à  une  ville  qui  s'étoit  révoltée  , 
le  foin  de  lui  fournir  des  appariteurs.  Il  y 
avoit  auflî  une  l'orte  A'appanteurs  des  co- 
hortes ,  appeWés  cohonales  &  conditionales  y 
comme  étant  attachés  à  une  cohorte ,  & 
condamnés  à  cette  condition.  Les  appari- 
teurs des  prétoires ,  apparitores  pretoriani  , 
étoient  ceux  qui  fervoient  les  préteurs  & 
les  gouverneurs  des  provinces  ;  ordinaire- 
ment le  jour  de  la  naiilance  de  leurs  maîtres 
on  les  changeoit  ,  &  on  les  élevoit  à  de 
meilleures  places.  Les  pontifes  avoient  auflî 
leurs  appariteurs  ,  comme  ilparoît  par  une 
ancienne  inl'cription  en  marbre  ,  qui  eft 
dans  la  voie  Appia. 

Apparitori 
popttificum 
Parmulario, 

*  APPARITION  ,  l'ifion ,  (  Gram.  )  la 
vifion  le  pâlie  au  dedans ,  &  n'eif  qu'un 
effet  de  l'imagination  :  V apparition  fuppofe 
un  objet  au  dehors.  S.  Joi'eph ,  dit  M.  l'abbé 
Girard  ,  fut  averti  par  une  vihon  de  pafler 
en  Egypte  :  ce  fut  une  apparition  qui  inftnii- 
fit  la  Magdeleine  de  la  rélurredion  de  Jelus- 
Chrifl.  Les  cerveaux  échauffés  &  vuides  de 
nourriture  font  fujets  àdes  vifions.  Les  cf^ 
prits  timides  &  crédules  prennent  tout  ce 
qui  fe  préfente  pour  des  apparitions.  Synon. 
Franc. 

Apparition  ,  fe  dit ,  en  aflronomie  , 
d'un  aflre  ou  d'une  planète  qui  devient 
vifible  ,  de  caché  qu'il  étoit  auparavant. 

Apparition  efl  oppoié  dans  ce  icns  à  occul- 
tation. Voyei  Occultation. 

Le  lever  du  Soleil  eff  plutôt  une  apparition 
qu'un  vrai  lever.  Voy.  SOLEIL  &  LEVER. 

Cercle  à' apparition  perpétuelle.  Voye^ 
CERCLE.  (  O  ) 

APPAROIR,  enftyle de  Palais,  eflfy- 
nonyme  à  paroître  :  faire  apparoir,  c'efl 
montrer  ,  prouver ,  conffater.  {H) 

*  APPARONNÈ  ,  adj.  {Comm.)  on  dit 
à  Bordeaux  qu'une  banque  ,  ou  qu'un  vail^ 
fèau  aété<-'a;)paro/z;z/,  quand  il  a  été  jaugé 
parles  officiers  commis  à  cet  effet. 

APPARTEMENT,  1".  m.  (  archite^.  ) 

H 


-,5  APP 

Ce  mot  vient  du  latin  partimentum  ,  fait  du 
verbe  pardri  ,  divifer  ;  aiiffi  entend-on 
par  appartement  la  partie  eflentielle  d'une 
maifon  royale ,  publique  ou  particulière  , 
ct^mpolee  ,  lorfque  Vappunement  eu  com- 
plet ,  d'une  ou  plufieurs  antichambres  ,  de 
falles  d'aflemblée  ,  chambre  à  coucher  , 
cabinet ,  arrière-cabinet ,  toilette  ,  garde- 
robe  ,  Ùc.  En  général  on  dillingue  deux 
fortes  d'appartemens  ;  l'un  que  l'on  appelle 
de  parade ,  l'autre  de  commodité;  ce  dernier 
eft  à  l'ufage  perfonnci  des  _  maîtres  ,  &  efl 
ordinairement  expofé  au  midi  ou  au  nord  , 
félon  qu'il  doit  ctre  habité  l'été  ou  l'hiver  : 
Jes  pièces  qui  le  compofent  doivent  être  d'urc 
médiocre  grandeur  ,  &  d'une  moyenne 
hauteur  :  c'efl  pourquoi  Is  plus  iouvent  , 
Jorfque  l'efpace  du  terrain  elî  refîcrré  ,  l'on 
pratique  des  entrefols  au  defllis  pour  les 
garde-robes  ,  fur-tout  lorfque  ces  appane- 
mens  de  commodité  font  contigus  à  de 
grands  appartemens  ^  dont  le  diamètre  des 
pièces  exige  d'élever  les  planchers  depuis 
i8  jufqu'à  lo  ou  22.  pies  ;  ces  petits  appar- 
temens doivent  avoir  des  communications 
avec  les  grands  ,  afin  que  les  maîtres  puil- 
fcnt  pafler  de  ceux-ci  dans  les  autres  pour 
recevoir  leurs  vifites  ,  fans  rifquer  l'hiver  de 
prendre  l'air  froid  de  dehors  ,  ou  des  veili- 
bules  ,  antichambres ,  &  autres  lieux  habi- 
tés par  la  livrée  ;  &  pour  éviter  la  prélence 
des  domeftiques  ou  perfonnes  étrangères 
auxquels  ces  fortes  de  pièces  font  dcftinées. 
Il  efl  fur-tout  important  d'éloigner  ces  ap- 
partemens des  baflês-cours  ,  &  de  la  vue  des 
domelliqucs  fubalternes  ,  &  autant  qu'il  fe 
peut  même  de  la  cour  principale  ,  à  caufe 
du  bruit  des  voitures  qui  vont  &  viennent 
.dans  un£  maifon  de  quelque  importance.  Le 
nombre  des  pièces  de  ces  appartemens  de 
commodité  n'exige  pas  l'appareil  d'un  grand 
appartement  ;  le  commode  &  le  ialubre  font 
les  chofes  effentielles  ;  il  fuffit  qu'ils  foient 
eompofés  d'une  antichambre  ,  d'une  deuxiè- 
me antichambre  ou  cabinet ,  d'une  cham- 
bre à  coucher  ,  d'un  arrière-cabinet ,  d'une 
garde-robe  ,  d'un  cabinet  d'alfance  ,  Ùc. 
jnais  il  faut  eflentiellement  que  ces  garde- 
robes  &  antichambres  foient  dégagées  ,  de 
manière  que  les  domeftiques  puiflcnt  faire 
leur  devoir  fans  troubler  la  tranquillité  du 
jnaîtrc. 


APP 

II  faut  favoir  que,  lorfque  cf  appartement 
font  deflinés  à  l'ufage  des  dames  ,  ils  exigent 
quelques  pièces  de  plus  ,  à  caufe  du  nom- 
bre de  domeftiques  qui  communément 
lont  attachés  à  leur  iervice  ;  qu'il  taut  aug- 
menter le  nombre  des  garde-robes  ,  &  y 
pratiquer  quelques  cabinets  particuliers  de 
toilette  ,  &c. 

A  l'égard  des  appartemens  de  parade  ,  il 
faut  qu'ils  foient  ipacieux  &  expofés  au 
levant ,  autant  qu'il  eft  poffible  ,  auftî-bien 
que  placés  du  côté  des  jardins  ,  quand  il 
peut  y  en  avoir  :  il  faut  fur-tout  que  les. 
enfilades  régnent  d'une  extrémité  du  bâti- 
ment à  l'autre ,  de  manière  que  l'appartement 
de  la  droite  &  celui  de  la  gauche  s'alignent 
par  l'axe  de  leurs  portes  &  croilées  ,  &  s'u- 
nifîent  avec  lymmétrie  avec  la  pièce  d\x 
milieu ,  pour  ne  compofer  qu'un  tout  lans 
interruption ,  qui  annonce  d'un  feul  coup— 
d'ccil  la  grandeur  intérieure  de  tout  l'édrfi- 
ce.  Sous  le  nom  dH appartement  de  parade  , 
on  en  diftingue  ordinairement  de  deux  ef- 
peces  ;  l'un  qui  porte  ce  nom  ,  l'autre  celui. 
de  focicté.  Les  pièces  marquées  l^dans  le 
plan  de  la  onzième  Planche  y.  peuvent  être 
confidérées  comme  appartement  de  fociété y 
c'eft-à-dire  ,  deftiné  à  recevoir  les  perfonnes 
de  dehors  ,  qui  l'après-midi  viennent  faire 
compagnie  au  maître  &  à  la  maîtrefie  du 
logis  ;  &  celles  marquées  Z  com.pofent  ce- 
lui de  parade  ,  où  le  maître  pendant  la  ma-- 
tinée  reçoit  les  perfonnes  qui  ont  affaire  à 
lui ,  félon  (a  dignité  :  mais  en  cas  de  fête 
-ou  d'alîemblée  extraordinaire ,  ces  deux 
appartemens  fe  réuniiVent  avec  le  grand  fai- 
ion  du  milieu  ,  pour  recevoir  avec  plus  d'c^ 
clat  &  de  magnificence  un  plus  grand 
nombre  d'étrangers  invités  p;tr  cérémonie 
ou  autrement.  Ces  grands  appartemens 
doivent  auilî  être  munis  de  garde-robes  & 
de  dégagemens  nccellalres  à  l'ulage  de.s 
maîtres ,  des  étrangers  &  des  domeftiques. 
Voye\  la  dcftination  de  chacune  de  ces 
pièces  ,  &  la  manière  dont  il  les  faut  dé- 
corer ,  dans  les  définitions  des  mots  Salle 
A   MANGER.,   ChAMBRE  A  COUCHER  , 

Cabinet  ,  ùc.  (F) 

APPARTEMENS  d'un  vaijfeau.  II  eft  dé- 
fendu aux  gardiens  de  prendre  leur  loge- 
ment dans  les  chambres  &  principaux  ap- 
partemens des  vaiffcaux  j  ra.i:s  iculcraent 


A  P  P 

^  la  fainfc-birlic  ou  enrrc  les  ponts.  (/?) 
APPARTENANCES ,  r.  f.  {Manège)  k 
dit  de  toutes  les  choies  néceflaires  pour 
compoler  cnticrcment  les  harnois  d'un  che- 
val de  lèllc  ,  de  carrofle  ,  de  charette ,  &c. 
quand  on  ne  les  déraille  pas._  Par  exemple  , 
on  dit  une  ielle  avec  touies  les  appanr/uzn- 
ces  ,  qui  (ont  les  langles  ,  la  croupière  ,  Ùc. 
Voyei  Selle.  (  V) 

Appartenance  ,  enDwic,  eu  fyno- 
nyme  à  dépendance  ,  annexe  y  &:c.  V^oje^ 
l'an  &  l'autre. 

Ce  mot  ell  formé  du  latin  aJ  ^  à  ,  & 
peninere ,  appartenir. 

Les  appartenances  peuvent  être  corporel- 
les ,  comme  les  hameaux  qui  appartiennent 
à  un  chef-lieu  :  ou  incorporelles  telles 
que  les  fervices  des  vaflaux  ou  cenfitaires. 

(^) 

*  APPAS  ,  f  m.  pi.  attraits  y  charmes  , 

(  Gram.  )  outre  l'idée  générale  qui  rend  ces 
mots  fynonymes ,  il  leur  efl  encore  commun 
de  n'avoir  point  de  fmgulier  dans  le  fens  où 
on  les  prend  ici  ;  c'ell-â-dire  lorfqu'ils  font 
emplo3és  pour  marquer  le  pouvoir  qu'ont 
lijr  le  cœur  la  beauté  ,  l'agrément  ou  les 
grâces  :  quant  à  leurs  ditiérences  ,  les  attraits 
ont  quelque  choie  de  plus  naturel  ;  les  appas 
tiennent  plus  de  l'art ,  &  il  y  a  quelque  chofe 
de  plus  fort  &  de  plus  extraordinaire  dans 
les  charmes.  Les  attraits  fe  font  luivre  ,  les 
appas  engagent  ,  &  les  charmes  entraînent. 
On  ne  tient  guère  contre  les  attraits  d'une 
jolie  femme  ;  on  a  bien  de  la  peine  à  fe  dé- 
fendre des  appas  d'ime  coquette  ;  il  efl  prei- 
qu'impolllble  de  réiifler  aux  charmes  de  la 
beauté.  On  doit  les  attraits  &  les  charmes  à 
ia  nature  :  on  prend  des  appas  à  fa  toilette. 
Les  défauts  qu'on  remarque  diminuent  l'ef- 
fet des  attraits  ;  les  appas  s'évanouiffent 
c^uand  l'artifice  le  montre  :  on  fe  fait  aux 
charmes  avec  l'habitude  &  le  temps. 
.  Ces  mots  ne  s'appliquent  pas  ieulement 
aux  avantages  extérieurs  des  femmes  ;  ils  le 
difent  encore  en  général  de  tout  ce  qui 
afFeâe  agréablement.  On  dit  que  la  vertu  a 
des  attraits  qui  le  font  lentir  aux  vicieux 
même  ;  que  la  richeiïe  a  des  appas  qui  font 
quelquefois  fuccomber  la  vertu  ,  &  que  le 
plaifir  a  de  charmes  qui  triomphent  fouvcnt 
de  la  philofophie. 

Avec  des  épithetes  ,  on  met  de  grands 


A  P  P  yp 

attraits  ,  de  puilTiins  appas ,  &  d'invincibles 
charmes.  V^qye:[  les  Synon.  Franc. 

A  P  P  A  T  ,  fublL  mafc.  fing.  c'efl  le 
nom  générique  fous  lequel  on  comprend 
tous  les  mo}ens  dont  on  fe  ièrt  ,  (bit  à  la 
jîcche  foit  à  la  cliaflè  ,  pour  lurprendre  les 
animaux. 

APPATER  ,  V.  aft.  terme  d'Oifeleur  , 
mettre  du  grain  ou  quolqu'autre  amorce  dans 
un  lieu  ,  pour  y  attirer  les  oifeaux  ou  les 
poillons  qu'on  veut  prendre.  On  doit  appâter 
les  perdrix  pour  les  prendre  au  fier. 

§  A PP AUMÉE, ad j . f.  {terme de  Blafon.) 
fe  dit  d'une  main  étendue  ,  les  bouts  des 
doigts  en  haut  :  elle  eil  ain'i  nommée  de  ce 
qu'elle  montre  la  paume. 

La  main  droite  eil  le  fymbole  de  la  fidé- 
lité ,  parce  que  c'ell  avec  cette  main  levée 
que  l'on  prête  le  ferment  en  julKce. 

Goulard  d'Livillier  ,  en  Orléanois  ,  d'a'^ur 
à  une  main  appaume'e  d'argent. 

Baudry  de  Piencourt ,  diocefes  d'Evreux 
&  de  Lifieux  ,  de  fable  à  trois  mains  droites 
appaumc'es  d'argent.  {  G.  D.  L.  T.  ) 

APPEAU  ,  vieux  terme  de  Palais  ,  qui 
s'eft  dit  autrefois  pour  appel  :  on  dit  même 
encore  dans  quelques  jurifdidions  ,  le  greffe 
des  appeaux.  { H) 

Appeau  ,  f.  m.  filHet  d'oifeleur  avec  le- 
quel il  attrappe  les  oifeaux  en  contretai- 
iant  le  ion  de  leur  voix  ;  l'appeau  des  per- 
drix rouges  cû  diflérent  de  celui  des  per- 
drix grilès  ;  il  y  en  a  auflî  pour  appeller  les 
cerfs ,  les  renards  ,  &c.  ce  ibnt  des  an- 
ches femblables  à  celles  de  l'orgue  ,  qui 
ont  dilîérens  c"^:ts  ,  félon  les  petites  boîtes 
qui  les  renferment.  On  donne  aufii  le  nom 
d'appeau  aux  oifeaux  qu'on  élevé  dans  une 
cage  ,  pour  appeller  les  autres  oifeaux  qui 
partent ,  &  que  l'on  nomme  plus  commu- 
nément appcllans. 

API- EL  ,  f  m.  {Hifl.  nat.  Botaniq.) 
plante  du  Malabar ,  figurée  aflèz  bien  ,  mais- 
lanspref qu'aucuns  détails  ,parVan-Rheede  , 
dans  fbn  Hortus  Malaharicus  ,  l'ol.  I.  pag. 
c)9  ,  plane.  Lin.  Les  Malabares  la  norn- 
ment  encore  nalla  appella  ;  &:  les  Brames , 
caro-nen'oloe.  Jean  Commclin  ,  dans  lès 
notes  fur  cet  ouvrage ,  pag.  z  oo  ,  la  déligne 
fous  le  nom  de  arbor  Malabarica  haccifera  y 
flore  pan'o  umbellato  odore. 

C'elî  un  aibre   de  moyenne  grandeur  , 

H  J 


■^o 


A  P  P 


qui  croît  dans  les  terrains  fablonneux  ,  à  ia 
hauteur  de  vingt  à  vingt-cinq  pies.  Son 
tronc  a  cinq  ou  fix  pies  de  hauteur  ,  & 
quinze  à  dix-huit  pouces  de  diamètre  ;  il 
porte  fes  branches  droites  ,  peu  écartées_  , 
ce  qui  kii  donne  une  forme  conique  aflez 
agréable  ;  Ton  bois  eft  blanc  ,  à  cœur  roux- 
brun  ;  les  jeunes  branches  font  vertes  ,  ten- 
dres ,  quadrangulaires  ,  &  marquées  d'un 
fillon  (ur  chaque  face  ;  fa  racine  eft  épaifîè  , 
couverte  de  fibres  &  jaunâtre. 

Ses  feuil^.^s  lônt  oppofées  deux  à  deux  , 
en  croix  ,  elliptiques  ,  quelquefois  obtufes  , 
mais  pour  l'ordinaire  légèrement  pointues  , 
longues  de  deux  à  trois  pouces  ,  prelqu'une 
fois  moins  larges  ,  épaiiles  ,  folides  ,  mais 
molles  ,  lilTcs  dclTus  ,  verd-brunes  &  lui- 
fantes  ,  verd-claires  deflous ,  &  portées  fur 
lin  pédicule  cylindrique  fort  court.  Leur 
furface  inférieure  efl  relevée  d'une  nervure 
longitudinale  ,  accompagnée  fur  chacun  de 
fes  côtés  ,  de  trois  à  quatre  côtes  d'un  verd 
clair  ,  relevées  auffi  fur  leur  furface  fupé- 
rieure  ,  qui  fe  rencontrent  avant  que  d'ar- 
river aux  bords  de  la  feuille  ;  de  forte  qu'el- 
les forment  ,  par  leur  réunion  ,  une  eipece 
de  bordure  ail'ez  remarquable.  L'efpace 
compris  entre  ces  côtes  ,  efî  coupé  par  nom- 
bre de  veines  fubriles  ,  qui  fe  croifent  en  un 
rcleau  à  mailles  fort  petites  &  ferrées. 

Les  fleurs  forment  ,  au  bout  de  chaque 
branche  ,  un  corymbe  A-  peu-près  hémif- 
phérique  ,  de  deux  pouces  de  diamètre  fur 
un  pouce  de  hauteur  ,  porté  fur  un  pédicule 
de  même  longueur ,  compoié  de  cinquante 
A  cent  fleurs  ,  fupportées  cîiacune  fur  un 
péduncule  égal  à  leur  longueur.  Elles  font 
fort  petites  ,  blanches  ou  d'un  verd  blan- 
ch;are  ,  d'une  ligne  au  plus  dé  diamètre 
quand  elles  font  épanouies  ,  compolées  de 
quatre  feuilles  ,  dont  une  un  peu  plus 
grande  ,  un  peu  plus  blanche  ,  qui  enve- 
loppe toutes  les  autres  ;  de  quatre  pétales 
blancs  ,  &  de  quatre  étamines  menues  de 
mcme  longuetir  ,  à  anthères  fphériques  & 
blanchâtres.  Du  centre  des  étamines  fort  un 
ilyle  menu  ,  vcrd-clair  ,  fourchu  en  deux 
ihgmates  courts.  Au  deffous  du  calice  efl 
l'ovaire  ,  d'abord  peu  fenfible ,  comme  un 
5^1obule  de  demi -ligne  de  diamètre  ,  qui 
•devient  par  la  fuite  une  baie  fphérique  de 
h  grolTeur  d'un  pois ,  c'elt-à-dire  ,  de  trois 


A  P  P 

lignes  de  diamètre ,  d'un  vcrd-clair  d'abord  ,' 
enfuite  brune  &  noirâtre  dans  fa  maturité  , 
couronnée  du  calice  qui  efl  peu  fenfible  ,  & 
à  une  loge  qui  contient  un  olTelet  fphérique 
de  deux  lignes  de  diamètre. 

Qualités.  L'appel  fleurit  &  fruflifie  une 
fois  chaque  année.  Sa  racine  a  l'odeur  du 
fafran  ,  &  fes  fleurs  répandent  une  odeur 
forte  ,  qui  n'eff  pas  défigréable  ;  fes  autres 
parties  rendent  pareillement  ime  odeur  pi- 
quante &  comme  parfumée. 

Ufages.  On  tire ,  par  la  diflillation  de 
l'écorce  de  fa  racine  ,  une  huile  claire  , 
jaune-dorée  ,  hmpide  ,  d'une  odeur  péné- 
trante &  très-agréable  ,.  d'une  faveur  un 
peu  acre  &  légèrement  amere.  Cette  huile 
le  boit  dans  les  fièvres  froides ,  &  l'on  en- 
frotte  le  ventre  dans  les  coliques  venteufes. 
La  décoûion  de  fes  feuilles  ,  mêlée  avec  le 
poivre  en  poudre  ,  a  à-peu-près  la  même- 
vertu  ,  foit  qu'on  l'emploie  en  bain  ,  (dit 
qu'on  la  boive  dans  les  fièvres  froides  ,  ou 
dans  les  douleurs  caufées  par  les  vents 
arrêtés  dans  diverfes  parties  du  corps.  Son- 
écorce  ,  pilée  très-menue  ,  &  réiuite  en 
pâte  avec  le  miel ,  s'applique  en  cataplafme 
pour  arrêter  la  lienterie.  La  décoftion  de  fa 
racine  fe  boit  pour  difliperla  goutte  ,  pourvu 
qu'on  applique  en  même  temps  ,  fur  la 
partie  affèftée  de  la  douleur  ,  un  cataplaf- 
me fait  de  la  même  racine  ,  pilée  &  cuite 
dans  l'eau  laîée.  La  décoétion  de  toute  la 
plante  diflipe  toutes  les  douleurs  de  la  tête 
&  du  corps  ,  pourvu  qu'on  en  baigne  les 
parties  afîèâées.  Le  fuc  extrait  de  fa  décoc-- 
tion  ,  afîaifonné  de  fucre  ,  fe  donne  dans 
toutes  les  maladies  occafionées  par  le 
froid  ,  ou  qui  exigent  de  la  chaleur. 

Remarques.  L'appel  ayant  un  calice  & 
une  corolle ,  avec  des  étamines  pofées  fur 
le  Fruit  ,  fe  range  donc  naturellement  dans 
la  famille  des  onagres ,  à  la  première  {çc~' 
tion  ,  qui  comprend  les  plantes  à  une  feule 
graine  ,  où  nous  l'avonts  placé.  {M, 
Adanson.  ) 

APPEL  ,  en  terme  de  Droit ,  efî  un  afte 
judiciaire  par  lequel  une  caufe  jugée  par  un 
tribunal  inférieur  efl  portée  à  un  iupé- 
rieur  ;  ou  le  recours  à  un  juge  fupérieur 
pour  réparer  les  griefs  qui  réfultcnt  d'une 
feiitence  qu'un  juge  inférieur  a  prononcée- 
Fu/q  JUG£  &COUR.. 


APP 

Les  appels  fe  portent  du  tribunal  qui  a 
rendu  le  jugement  dont  ell  appel  ,  à  celui 
d'où  il  rcHortit  nûmcnt  &:  llins  moyen  : 
par  exemple  ,  d'un  bailliage  à  un  prcli- 
dial  ,  d'un  prélidial  au  parlement ,  lequel 
juge  louverainemcnt  &  fans  appel  :  mais  il 
n'cltpas  permis  d'appeller  ,  omijfo  medio  , 
c'ell-à-dirL-  d'un  premier  juge  ;\  un  juge 
luperieur  d'un  tiers  tribun;d  intermédiaire. 
Il  taut  parcourir  en  montant  tous  les  de- 
grés de  junidiétions  fupérieurs  les  mis  aux 
autres. 

Il  hiur  excepter  de  cette  règle  générale 
les  appels  "n  matière  criminelle  ,  lelqucls  fè 
portent  redànn  parlement,  omijfo  medio. 
Il  hiuc  dire  la  même  chofe ,  même  en  ma- 
tière civile,  des  appels  de  déni  de  renvoi 
&  d'incompétence.  voy€\  DÉNI. 

Ou  a  quelquet'ois  appelle  d'un  tribunal 
eccléfiaflique  à  un  léculier  ou  à  une  cour 
laïque.  Le  premier  exem.ple  que  l'on  en  a  , 
eft  celui  de  Paul  de  Samofate ,  lequel  étant- 
condamné  &  dépofé  par  le  fécond  concile 
d'Antiociie,  reiuCade  livrer  la  maifon  épil- 
copale  à  Domnus  ,  qui  avoir  été  élu  Ion 
fùccefieur  ,  &  appella  à  l'empereur. 

La  même  choie  fe  pratique  journelle- 
ment dans  le  cas  où  il  y  a  lieu  à  l'appel 
comme  d'abus.    yoje:[  au  mot  Abvs. 

L'appela  h  force  de  lufpendre,  toutes 
les  fois  qu'il  a  pour  objet  de  prévenir  un 
mal  qu'on  ne  pourroit  réparer  s'il  étoit  une 
fois  fait. 

Mais  quand  Vappel  na  pour  objet  qu'un 
jugement  préparatoire  ,  de  règlement  eu 
d'infîrudion ,  il  ne  lulpend  pas  l'exécution 
du  jugement ,  lequel  elï  exécutoire  proviloi- 
rcment  &  nonobilant  l'appel. 

U  appe  l  pént  par  le  laps  de  trois  ans, 
c'ell-à-dire  lorfqu'on  a  été  trois  ans  depuis 
lé  jour  qu'il  avoit  été  interjeté  &  lignifié, 
fans  le  pourluivre  ;  l'appellant  n'edpas  même 
reçu  à  interjeter  un  iecond  appel  de  la 
même  fèntence  ,  laquelle  acquiert  par  la 
péremption  force  de  chofe  jugée ,  &  vaut 
arrêt.   Voye^  PÉREMPTION. 

L'appellant  qui  luccombe  en  fon  appel , 
cil  condamné  ,    outre  les  dépens  ,    en  l'a- 
mende de  6  livres  dans  les  préfidiaux  ;  &:  de 
12  dans  les  cours  lupérieures. 
Appel  comme  d'abus.   Voye^  AbUS. 
ASiZl.  Jimple  par  oppofiticn  à  l'appel 


APP 


€i 


comme  d'abus  ,  eft  celui  qui  ell  porté  d'une 
cour  eccléfiaflique  inférieure  A  une  fùpé- 
rieure ,  au  lieu  que  l'appel  comme  d'abus 
cft  porté  d'une  cour  eccléfiaflique  dans  ua 
parlem.ent. 

Les  appels  dans  les  tribunaux  eccléliafti- 
ques  font  portés  comme  dans  lus  cours  laï- 
ques ,  du  moins  en  France,  par  gradation 
&  lans  omillion  de  moyen ,  d'un  tribunal 
à  celui  qui  lui  cfl  immédiatement  fupé— 
rieur  ,  comme  du  tribunal  épifcopal  à  celui 
de  l'archevêque  ,  de  celui  de  l'archevêque  à 
celui  du  patriarche  ou  du  prim.at ,  &  de 
celui-ci  au  pape.  Mais  en  France  ,  lorfque 
l'appel efl  porté  à  Rome ,  le  pape  eil  obligé, 
en  vertu  du  concordat,  tic.  dscaufis y  de 
nommer  des  commiflaires  en  France  pour- 
juger  de  l'appel.  De  même ,  fi  l'appel  d'un 
olHci.il  françois  ell  dévolu  à  un  archevêché- 
Il  tué  hors  de  France  ,  les  parties  convien- 
dront de  juges  rélidans  dans  le  royaume  ; 
linon  il  leur  en  fera  nommé  d'office  par  le- 
parlement  ,  ainfi  qu'il  a  été  réglé  par  le- 
concordat ,  ibid. 

Le  fiege  vacant ,  le  chapitre  connoît  des 
appels  dévolus- à  l'évêque.. 

On  peut  appeller  du  chapitre  où  a  affilié- 
l'évêque  comme  chanoine,  à  l'évêque  même: 
fecàs  s'il  y  a  allilL*  comme   préfident  &  en 
la  qualité  de  prélat.  Oa  ne  lauroit  appeller 
de  l'official  à  l'évêque.. 

Lorfqu'ime  fois  il  y  a  eu  trois  fentences 
conformes  dans  la-  même  caufe  ,  il  n'y  a 
plus  lieu  à  l'appel,  &  la  dtcifion  paffe  en' 
force  de  choie  jugée. 

L'appel  e(l  ordinairement  dévolutif  &  fuf- 
penlif  :  mais  il  n'efl  que  dévolutif  lorlqu'il 
s'agit  d'une  fentence  de  correâion  ,  con- 
forme aux  ftatuts  fynodaux  &  aux  canons 
des  conciles  ,  laquelle  s'exécute  provifoire- 
ment  nonobilant  l'appel ,  ne  detur  occafio 
licentiiis  delinquendi.  Voye\  DÉVOLUTIF' 

&  Suspensif.  {H) 

On  diflingue  en  général  deux  fortes  d'iZ/j— 
pels  ,  l'appel /impie  &  l'appel  qualifie  ;  fa- 
voir  appel  comme  de  juge  incompétent,a/jpf  / 
comme  de  déni  de  renvoi  ,  appel  comme 
de  déni  de  juflice  ,  &:  appel  comme  d'abus. 
Il  n'y  a  en  France  que  l'appel  lim.ple  qui  foir 
entièrement  delà  jurildidion  eccléfiaflique; 
&  on  prétend  qu'elle  ne  peut  prononcer  que 
par  bien  ou  niai  jugé.  Les  appels  qu3liiié& 


^î  A  P  P 

fc  relèvent  contre  teux  qui  jugent ,  &  au 
nom  du  roi  comme  protedeur  des  canons 
&  de  la  judice.  Uappel  comme  d'abus  ell 
une  plainte  contre  le  juge  eccléfiaflique  , 
lorfqu'on  prétend  qu'il  a  excédé  ("on  pou- 
voir &  entrepris  ,  en  quelque  manière  que 
•ce  foit  ,  contre  la  jurildiâion  iécuiiere  ,  ou 
en  général  contre  les  libertés  de  l'églife  gal- 
licane. Cette  procédure  eft  particulière  à  la 
France. 

On  appelle  quelquefois  des  jugemens  des 
papes  au  futur  concile  ,  &  nous  avons  dans 
notre  hilloire  difFérens  exemples  de  ces 
appels.  Le  dernier  exemple  qu'on  en  ait ,  ell 
Yappel  interjeté  au  futur  concile  de  la  bulle 
TJnigemtiis  ,  par  les  évêques  de  Mirepoix  , 
de  Senez  ,  de  Montpellier  ,  &  de  Boulogne  , 
jiuquel  accédèrent  le  cardinal  de  Noaillcs  , 
&  l'univerfué  de  Paris,  qui  l'a  rétrafté  en 
1739  ,  fous  le  redorât  de  M.  l'abbé  de  Ven- 
ladour ,  aujourd'hui  cardinal  de  Soubilé  & 
.^vcquc  de  Strasbourg.  (  G  ) 

Appel  ,  1".  f.  {E [crime. )  eft  une  attaque 
qui  fc  lait  d'un  limple  battement  du  pié  droit 
dans  la  même  place-   Voye^  ATTAQUE. 

Appel  ,  en  terme  de  chajfe  ,  eft  une  ma- 
nière de  Ibnner  du  cor  pour  animer  les 
chiens. 

APPELLANT  ,  en  termes  de  Palais, 
une  des  parties  coUitigantes,  qui  iè  prétendant 
léfée  par  un  jugement ,  en  interjette  appel 
devant  des  juges  fupérieurs.  {H) 

AppellanT  ;  nom  qu'on  a  donné  au 
commencement  de  ce  fiecle  aux  évêques  & 
autres  eccléliaftiques  ,  Ùc.  qui  avoient  in- 
terjeté appel  au  futur  concile  de  la  bulle 
Unigenhus  ,  donnée  par  le  pape  Clément 
XI ,  &  portant  condamnation  du  livre  du 
père  Quefnel  ,  intitulé  Réflexions  morales 
fur  le  nouveau  tejlament.  (  G  ) 

AppeLLANT,_  f.  m.  {Chajfe.)  eft  un 
<iifeau  dont  on  fe  fcrt  quand  on  va  à  la  chailc 
«des  oilèaux  ,  pour  en  appeller  d'autres  6c  les 
faire  venir  dans  les  filets. 

APPELLATIF,  adj.  (  Grammaire.)  du 
l-AXmappellatii'Us,  <\u\\\tni  A'appellare,  ap- 
peller ,  nommer.  Le  nom  appellatij  eft  op- 
pofé  au  nom  propre.  Il  n'y  a  en  ce  monde 
que  des  êtres  particuliers  ,  lefoleil,  la  lune  , 
cette  pierre,  ce  diamant,  ce  chei'al,  ce  chien. 
On  a  obfervé  que  ces  êtres  particuliers  fe 
^reflimbloicnt  cnrr'cux  par  rapport   à  cer- 


A  P  P 

taines  qualités  ;  on  leur  a  donné  un  nom 
commun  à  caufe  de  ces  qualités  commu- 
nes entr'eux.  Ces  êtres  qvii  végètent ,  c'eft- 
à-dire  qui  prennent  nourriture  &  accroifle- 
ment  par  leurs  racines  ,  qui  ont  un  tronc  , 
qui  pouflent  des  branches  &  des  feuilles  , 
&  qui  portent  des  fruits  ;  chacun  de  ces 
êtres ,  dis-je  ,  eft  appelle  d'un  nom  com- 
mun arbre  ,  ainfi  arbre  eft  un  nom  appel- 
latif. 

Mais  un  tel  arbre  ,  cet  arbre  qui  eft  de- 
vant mes  fenêtres ,  eft  un  individu  d'arbre  , 
c'eft-à-dire  un  arbre  particulier. 

Ainfi  le  nom  à^ arbre  eft  un  nom  appella- 
tif ,  parce  qu'il  convient  à  chaque  individu 
particulier  d'arbre  ;  je  puis  dire  de  chacun 
qu'il  eft  arbre. 

Par  conféquent  le  nom  appellatif  ett  une 
forte  de  nom  adjeâif  ,  puilqu'il  lértà  quali- 
fier un  être  particulier. 

Obfervez  qu'il  y  a  deux  fortes  de  noms 
appellatifs  :  les  uns  qui  conviennent  à  tous 
les  individus  ou  êtres  particuliers  de  difFé- 
rentes  elpeces  ;  par  exemple ,  arbre  con- 
vient A  tous  les  noyers  ,  à  tous  les  orangers , 
à  tous  les  oliviers  ,  S^c.  alors  on  dit  que 
ces  fortes  de  noms  appellatifs  font  des  noms 
de  genre. 

La  féconde  forte  de  noms  appellatifs  ne 
convient  qu'aux  individus  d'i'.ne  elpece  :  tels 
font  noyer  ,  olivier  ,  oranger. 

Ainfi  animal  cil  un  nom  de  genre ,  parce 
qu'il  convient  à  tous  les  individus  de  difté- 
rentes  efpeces  ;  car  je  puis  dire  ,  et  chien  eft 
un  animal  bien  careflant  ,  cet  éléphant  eft 
un  gros  animal ,  Ùc.  chien  ,  éléphant ,  lion  , 
cheval ,  &c.  font  des  noms  d'efpeces. 

Les  noms  de  genre  peuvent  devenir  noms 
d'efpeces ,  fi  on  les  renferme  fous  des  noms 
plus  étendus  ,  par  exemple ,  fi  je  dis  que 
ï arbre  eft  un  être  ou  une  fuhftance  ,  que 
\\mimjleï\.  une  fubftance  :  de  même  le  nom 
d'efpece  peut  devenir  nom  de  genre  ,  s'il 
peut  être  dit  de  diverfes  fortes  d'individus 
fubordonnés  à  ce  nom  ;  par  exemple  ,  chien 
fera  un  nom  d'efpece  par  rapport  à  an:- 
mal  ,•  mais  chien  deviendra  un  nom  de 
genre  par  rapport  aux  diftérentes  efpeces 
de  chiens  ;  car  il  y  a  des  chiens  qu'on  ap- 
pelle dogues  ,  d'autres  limiers  ,  d'autres  épd' 
gneuls  ,  d'autres  braques  ,  d'autres  mâtins  , 
1  d'autres  barbets  ,  6ic.  ce  l'ont  lA  autant  d'd- 


A  P  P 

peces  difféfentes  de  cbiens.  Ainfi  chien , 
qui  comprend  toutes  ces  clpeces,eft  alors 
un  nom  de  genre  ,  par  rapport  à  ces  efpe- 
ces  particulières  ,  quoiqu'il  puifle  ctre  en 
même  temps  nom  d  efpece  ,  s'il  eft  conii- 
dcré  relativement  à  un  nom  plus  étendu  , 
tel  qii'animal  ou  fubjîiince  ,•  ce  qui  fiiit  voir 
que  ces  mots  genre  ,  efpece  ,  font  des  ter- 
»hes  métaphyfiques  qui  ne  fe  tirent  que  de 
la  manière  dont  on  les  confidcrc-  {F) 

APPELLATION  ,  f.  i.  terme  de  Palais, 
qui  au  fond  c{\  tout-à-fait  lynonyme  à 
appel  ;  cependant  il  y  a  des  phrales  aux- 
e;uenes  le  premier  ef{  fpécialement  confii- 
cré  :  par  exemple  ,  au  parlement ,  pour  évi- 
ter de  prononcer  exprcflément  fur  le  bien 
ou  le  mal  jugé  d'une  i'entence  qu'on  infir- 
me ,  on  dit ,  la  cour  a  mis  Vappellacion 
au  néant  ;  on  ne  dit  jamais  a  mis  l'appel  au 
néant.  On  dit  appellation  verbale  d'un  appel 
interjeté  fur  une  fentence  rendue  à  l'au- 
dience ;  on  ne  dit  pas  appel  verbal.  D'ail- 
ïeurs  le  mot  appellation  a  encore  ceci  de  par- 
ticulier ,  qu'il  fc  peut  dire  au  plurier,  &  non 
pas  appel.   {H) 

APPELLE  ,  r.  f.  (  Marine.  )  c'cfl  une 
forte  de  manœuvre,  voyeT^  MaN(EUVRE. 
Une  manœuvre  qui  appelle  de  loin  ou  de 
près  ,  efî  celle  qui  efl  attachée  loin  ou  près 
du  lieu  où  elle  doit  fervir.  {Z), 

*  APPELLER,  nommer.  [Grammaire.) 
On  nomme  pour  diflinguer  dans  le  dif- 
eours  ;  on  appelle  pour  faire  venir.  Le 
SeigrKur  appella  tous  les  animaux  &.  les 
nomma  devant  Adam.  Il  ne  faut  pas  tou- 
jours nommer  les  chofes  par  leurs  noms,  ni 
appeller  toutes  fortes  de  gens  à  fon  iecours. 
Synon.   François. 

Appeller  un  cheval  de  la  langue,  {Ma- 
nège.) c'efl  frapper  la  langue  contre  le  pa- 
lais ,  ce  qui  fait  un  fon  qui  imite  le  tac.  On 
accoutume  les  chevaux  à  cet  avertilTcment 
en  l'accompagnant  d'abord  de  quelqu'autre 
aide  {voye^Kl'DY.z)  ,  afin  que  parla  fuite  il 
réveille  fon  attention  pour  fon  exercice  , .  en 
entendant  ce   Ion  tout  feul.(  V) 

APPENDICE,  f  f  {Littérature.)  du 
latin  appendix  ;  chapitre  accefloire  ou  dé- 
pendant d'un  traité.  Voye\  ACCESSOIP.E. 
On  emploie  ce  terme  principalement  en 
matière  de  littérature  ,  pour  exprimer  une 
addition  placée  à  la  fin  d'un  ouvrage  ou 


A   P  P  6y 

d'un  écrit ,  &  néccfTaire  pour  réclairciffe- 
ment  de  ce  qui  n'a  pas  été  fufhfimment 
expliqué  ,  ou  pour  en  tirer  des  conclullons  ; 
en  ce  fens  ce  mot  revient  à  ce  qu'on  a^- 
pc\k  fupple ment.    Voye\  SUPPLÉMENT. 

Le  père  Jouvencl ,  A  la  fuite  de  fes  no- 
tes &  commentaires  fur  quelques  poètes 
latins  ,  a  donné  un  petit  traité  de  Mytho- 
logie ,  intitulé  :  Appendix  de  diis  &  heroi~ 
bus.  {G) 

Appendice,  f  f.  en  terme  d'Anatomiey 
c'efl  une  partie  détachée  en  quelque  forte 
d'une  autre  partie,  à  laquelle  cependant  elle- 
efl  adhérente  ou  continue. 

Il }'  a  des  appendices  membraneufes  de 
difîérentes  figures  dans  la  plupart  des  par- 
ties intérieures  du  corps. 

Sur  rappf«J/'c^  vcrmiculaire  de  l'inteflin 
caecum,  Voyei  CjïCUM. 

Appendicexyii\ïOïà&,  rqyf;^ XypHOïDE. 

APPENS  (Gu«-),  f  m.  pi.  eflunaffiffi- 
nat  concerté  &  prémédité.  Appens  ne  fe  dit 
plus  que  dans  cette  feule exprcffion.  {H) 

APPENTIS,  f  m.  terme  d'Arclùteaure, 
du  latin  ap/je/Zis'ij: ,  dépendance ,  qui  n'a 
qu'un  égoût  ,  i'oye\  AngaRD. 

*  APPENZEL  ,  {Géog.  mod.)  petite  ville 
ou  gros  bourg  de  Suiffe  ,    dans  le  cantoa- 
d'Appen^el,  le  treizième  &  dernier  des  can- 
tons. Longitude  xj  ,  6  ;    lat.  47  ,  jz... 

APPERT  (  IL  ),  terme  uftte  au  Palais,, 
dans  le  Commerce  Ù  dans  lejiyle  de  Chan- 
cellerie, pour  fignifier  ilefl  manifefle,  avéré  ' 
ou  confiant  ;  c'efl  un  imperfonnel  qui  rend 
le  mot  latin  apparet  ,  il  apparoît.  {If) 

Les  négocians  fe  fervent  fouvent  de  ce  ' 
terme  dans  la  tenue  de  leurs  livres.  Par 
exemple  :  M.  Roger  ,  fecretaire  du  Roi  , 
doit  donner  premier  Juin  ,  pour  marchan- 
difes  ,  fuivant  fa  promefî'e  payable  dans 
trois  mois ,  appert  au  journal  de  vente  , 
fol.  2.  1.  40  :   10.   (G). 

APPESANTIR  ,  v.  ad.  rendre  plus  pe- 
lant ,  moins  propre  pour  le  mouvement , 
pour  l'affion  ;  l'âge  ,  la  vieillefie  ,  l'oifivetéj 
ijv.  appefantijjent  le  corps.  {  L) 
^  APPESANTISSEMENT  ,  f  m.  l'état 
d'une  peribnne  appefîmtie  ,  foir  de  corps  , 
foit  d'eiprit ,  par  l'âge  ,  par  la  maladie  ,  par 
le  fommeil ,  Êv.  Jl  eji  dans  un  grand  app(~ 
fantijjement,  (L) 


€+  A  P  P 

APPÉTER  ,  V.  aa.  defirer  par  inflinift,  ' 
par  inclination  naturelle  ,  indépendamment 
delà  raiibn.  L'eftomac  appete  les  viandes; 
la  femelle  appete  le  mâle.  Pourquoi  appete- 
t-on  des  alimens  folides  &  des  liqueurs  ra- 
fraichiffantes ,  lor [qu'on  eftfort  échauffé,  Ù 
excédé  de  faim    Ù  de  fatigue  ? 

APPÉTIT  ,  f.  m.  {Morale.)  ce  mot , 
pris  dans  le  (ens  le  plus  générJ  ,  défigne 
la  pente  de  l'ame  vers  un  objet  qu'elle  le 
repréfente  comme  un  bien;  car  cette  re- 
préfentation  du  bien  eft  la  raifon  fuffiiante 
qui  détermine  notre  appétit ,  &  l'expérience 
le  prouve  continuellement.  Quel  que  foit 
l'objet  que  nous  appelons  ,  eût-il  tous  les 
défauts  imaginables  ,  dès-là  que  notre  ame 
fe  porte  vers  lui ,  il  faut  qu'elle  s'y  repré- 
fente quelque  forte  de  bien,  lans  quoi  elle 
ne  fortiroit  pas  de  l'état  d'indifférence. 

Les  fcholailiques  ont  diltingué  un  dou- 
ble a;;pâ/r,  concupifcible  &  irafcible  ;  le 
premier ,  c'eft  ï appétit  proprement  dit  ,  la 
détermination  vers  un  objet  entant  qu'elle 
procède  des  fens  ;  Vappétit  irafcible  ,  c'eft 
î'averfion  ou  l'éloignement. 

A  cette  diflindion  des  écoles ,  nous  en 
fubflituerons  une  autre ,  plus  utile,  entre  Vap- 
pétit fenjuif&c  Vappétit  raifonnable.  1.' ap- 
pétit (tn^mi  cft  la  partie  intérieure  de  la  fii- 
culté  appétitive  de  l'ame  ;  cet  appétit  naît 
de  l'idée  confufe  que  l'ame  acquiert  par  la 
voie  des  fens.  Je  bois  du  vin  que  m  on  goût 
trouve  bon  ;  &  le  retour  de  cette  idée  que 
mon  goût  m'a  donnée  ,  me  fait  naîtte  l'en- 
vie d'en  boire  de  nouveau.  C'efl  à  ce  genre 
A' appétit  que  fe  bornent  la  plupart  des  hom- 
mes ,  parce  qu'il  y  en  a  peu  qui  s'élèvent 
au  deffus  de  la  région  des  idées  confufes . 
De  cette  fource  féconde  naiiTent  toutes  les 
pallions. 

h' appétit  raifonnable  eft  la  partie  fupé- 
rieure  delà  faculté  appétitive  de  l'ame  ,  & 
tUc  conftitue  la  volonté  proprement  dite. 
Cet  appétitdX  l'inclination  de  l'ame  vers  un 
objet ,  à  caufe  du  bien  qu'elle  reconnoît 
diftinàement  y  être.  Je  feuillette  un  livre  , 
&  j'y  apperçois  pluiieurs  chofes  excellen- 
tes ,  &  dont  je  puis  me  démontrer  à  moi- 
même  l'utilité  ;  là-de(îus  je  forme  le  def- 
fein  d'acheter  ce  livre  ;  cet  afte  cfl  un  aâe 
de  volonté  ,  c'cft-à-dire  ,  à' appétit  raifon- 
nable. Le  motif  ou  la  raifon  fuffifante  de 


ÀPP 

cet  appétit  eft  donc  la  repréfentatîon  dif- 
tindle  du  bien  attaché  i\  un  objet.  Le  livre 
en  qu.lHon  enrichira  mon  ame  de  telles 
connoiflances ,  il  la  délivrera  de  telles  er- 
reurs ;  rénumération  diflinûe  de  ces  idées 
efl  ce  qui  me  détermine  à  vouloir  l'ache- 
ter ;  ainii  la  loi  générale  de  Vappétit  ,  tant 
fenfnif  querûiionnable  ,  eft  la  même.  Quid~ 
quidnobis  reprixfentamus  tanquam  bonum^ 
quoadnos  ,  id  appetimus.  Lifez  la  Pfychol. 
de  M.  Wolf ,  part.  II.  fec7. 1.  ch.  ij.  (X) 

*  APPIAUES,  f.f.  cinq  divinités  ainfi 
nommées ,  parce  que  leurs  temples  étoient 
à  Rome  aux  environs  des  fontaines  d'Ap- 
pius  ,  dans  la  grande  place  de  Céfar  ; 
c'étoient  Vénus  ,  Pallas  ,  Vefta  ,  la  Con- 
corde  &  la  Paix. 

*  APPIENNE  (la  voie)  ,  grand  che- 
min de  Rome  ,  pavé  ,  qu'Appius  Claudius, 
cenfeur  du  peuple  romain,  fit  conftruire 
l'an  4-44  de  Rome  ;  il  commençoit  au  for- 
tir  de  la  porte  Capenne  ,  aujourd'hui  porte 
de  faint  Sebaftien  ,  payant  flir  la  monta- 
gne qu'on  appelle  fanai  Angeli ,  traver- 
loit  In  plaine  Valdrane  ,  agri  Valdrani  ,  les 
Palus  Pontins  ,  &  finifloit  à  Capoue.  Il 
avoit  vingt-cinq  pies  de  largeur  avec  des 
rebords  en  pierres  qui  (ervoient  à  contenir 
celles  dont  le  chemin  étoit  fait ,  de  douze 
en  douze  pies.  On  y  avoit  ménagé  ,  d'ef- 
pace  en  efpace  ,  des  efpeces  de  bornes  pour 
aider  les  cavaliers  à  monter  à  cheval ,  ou 
pour  fervir  comme  de  fieges  fur  lefquels 
ceux  qui  étoient  à  pié  puiTent  ie  repofer. 
Caius  Gracchus  y  fit  placer  de  petites  co- 
lonnes qui  marquoient  les  milles. 

*  APPIUS  (marché  d'),  Hifi.  anc. 
Il  ne  faut  pas  entendre  feulement  par  le 
marché  d'Appius  une  place  de  Rome,  mais 
plutôt  un  petit  bourg  diftant  de  cette  ville 
d'environ  trois  milles.  Nos  géographes  pré- 
tendent que  le  petit  bourg  de  Saint  Donate 
eft  \e forum  Appii  des  anciens. 

APPLANIR,  V.  ad.  c'eft,  dans  un  grand 
nombre  d'arts  ,  élever  les  inégalités  d'une 
furface  ;  ainfi  on  applanit  un  terrain  ,  en 
agriculture ,  en  unifiant  &  mettant  de  ni- 
veau toute  la  furface. 

APPLATI ,  adj.  m.  fphéroïde  applati  , 
eft  celui  dont  l'axe  eft  plus  petit  que  le  dia- 
mètre de  l'équateur.    Voye^   ALLONGÉ  , 

Sphéroïde,  &  Terre. (O) 

APPLATIR, 


A  PP 

APPLATIR,  V.  ;ia.  c'crtnltcTCf  In  for- 
me cfiin  corps  ,  (clon  quelqu'une  de  (es  di- 
menfions ,  de  mnnicre  que  la  diineniion  du 
corps ,  lllon  laquelle  le  lèra  faite  l'altération 
de  la  forme,  en  fuit  rendue  moindre.  Exem- 
ple :  lî  l'on  apphuit  un  globe  par  un  de  les 
pôles  ,  la  ligne  qui  paflera  par  ce  pôle ,  & 
qui  fe  terminera  à  l'autre  pôle  ,  fera  plus 
courte  après  l'applatiiîement  qu'elle  ne  l'é- 
toir  auparavant. 

Ce  qui  rend  le  mot  applatir  difficile  à  dé- 
finir exaélement ,  c'eft  qu'il  faut  que  la  défi- 
nition convienne  à  tous  les  corps  ,  de  quel- 
que nature  &  de  quelque  figure  qu'ils  ioient, 
avant  &  après  l'applatifTèment ,  réguliers  ou 
irréguliers  ,  terminés  par  des  furfaces  planes 
ou  par  des  liirfaces  convexes ,  capables  de 
condcnlation  ou  non. 

Pour  cet  effet,  concevez  une  puiflance 
appliquée  au  corps  qu'on  applatit  ;  imagi- 
nez une  ligne  tirée  à  travers  ce  corps  dans 
la  diredion  de  cette  puiflance  ;  li  de  cette 
ligne  indéfinie  qui  marque  la  diredtion  de 
la  puilTance ,  la  partie  interceptée  dans  la 
folidité  du  corps ,  fe  trouve  moindre  après 
l'aftion  de  la  puiiîlince  qu'elle  ne  l'étoit  au- 
paravant ,  le  corps  eft  applati  dans  cette 
direélion. 

Il  e(l  évident  que  cette  notion  de  l'ap- 
plariflcment  convient  à  chaque  point  de  la 
iurface  d'un  corps  applati  pris  iéparémcnt , 
&  qu'elle  eft  par  coniéquent  générale  ,  quoi- 
qu'elle (emble  d'abord  loutiiir  une  excep- 
tion. 

Applatir.  Voye-(?V.'ES%V.K,  en  terme 
de  cornetier. 

APPLATISSOIRES  ,  f.  f.  pi.  c'ctt  dans 
les  ujines  où  l'on  travaille  le  fer ,  le  nom 
que  l'on  donne  à  des  parties  de  moulins 
qui  fervent  à  applatir  &  étendre  les  barres 
de  fer  ,  pour  être  fondues  de  la  même 
chaude  dans  les  grandes  fonderies  ,  ou  d'une 
autre  chaude  dans  les  petites  fonderies. 
Voyei  les  articles  FoRGES ,  Fondre  , 
Fonderies  petites  &  grandes.  Ces  parties 
qu'on  appelle  applatijjoires  ,  ne  lont  autre 
chofe  que  des  cylindres  de  ter  qu'on  tient 
approchés  ou  éloignés  à  dilcrétion  ,  &  entic 
lelquels  la  barre  de  fer  ,  entraînée  par  le 
mouvement  que  font  ces  cylindres  lur  eux- 
mêmes  &  dans  le  même  feus  ,  elf  allongée 
&  étendue. 

Tonfe  III. 


A  P  P  <?y 

APPLAUDISSEMENT ,  f.  m.  (  Hiji, 
anc.  )  Les  applaiidijjemens  chez  les  Ro- 
mains accompagnoient  les  accb.mations ,  & 
il  y  en  avoit  de  trois  lortes  :  la  première 
qu'on  appelloit  iombi,  parce  qu'ils  imitoient 
le  bourdonnement  des  abeilles  :  la  iccondô 
étoit  appellée  irnbrices ,  parce  qu'elle  ren« 
doit  un  Ion  icmblable  au  bruit  que  tait  la 
]iluie  en  tombant  iur  Acs  tuiles  ;  &  la  troi- 
fieme  le  nommoit  tefi.v ,  parce  qu'elle  imi- 
toif  le  fon  des  coquilles  ou  caftagnettes  : 
tous  ces  applaiidijjcmens  ,  comme  les  accla- 
mations ,  le  donnoient  en  cadence  ;  maii 
cette  harmonie  étoit  quelquefois  troublée 
par  les  gens  de  la  campagne  qui  venoienc 
aux  fpeéfacles  ,  &:  qui  étoienr  mal  inflruits. 
Il  y  avoit  encore  d'autres  manières  d'applau» 
dir;  comme  de  fe  lever  ,  déporter  les  deux 
mains  à  la  bouche ,  &  de  les  avancer  vers 
ceux  à  qui  on  vouloit  faire  honneur;  ce  qu'on 
appcHolt  adorare  ,  ou  bafla  jacîare  ,•  de  lever 
les  deux  mains  jointes  en  croilànt  les  pou- 
ces ;  &  enfin  de  faire  voltiger  un  pan  de  fa 
toge.  Mais  comme  cela  étoit  cmbarraflant , 
l'empereur  Aurélien  s'avisa  de  faire  diflri- 
bucr  au  peuple  des  bandes  d'étoffe  ,  pour 
iervir  à  cet  ulage.  Mérn.  de  l'Acad.  des 
Belles-Lettres.   (G) 

*  APPLEBY,  (  Geog.  mod)  ville  d'An- 
gleterre, cap.  du  Werfimorland  ,  furl'Eden. 
Long,   t/j-f   ^o  i  lac.  54,  40. 

*  APPLEJ:>ORE,  ÇGéog.mod.)  petite 
ville  du  comté  de  Kent ,  en  Angleterre ,  fur 
la  rivière  de  Photen  ,  à  deux  lieues  au  nord 
du  château  deRey. 

APPLICATION  ,  f.  f.  aaion  par  la- 
quelle on  applique  une  choie  fur  une  autre  : 
application  d'un  remède  fur  une  partie  ma- 
lade. 

Il  fe  dit  auffi  de  l'adaptation  des  particule:? 
nourricières  en  place  de  celles  qui  fe  font 
perdues.   Voye^  NUTRITION.  (L) 

Application:  c'efi l'aâion d'appliquer 
une  choie  à  une  autre  ,  en  les  approchant , 
ou  en  les  mettant  l'une  auprès  de  l'autre. 

On  définit  le  mouvement ,  Vapplicatiori 
'Iiccefllve  d'un  corps  aux  difSrentes  parties 
del'efpace.   Fojeij  MOUVEMENT. 

On  entend  quelquefois  en  géométrie  par 

ipplication  ,  ce  que  nous  appelions  en  arith- 

nétique  dii'ifton.  Ce  mot  eÛ  plus  d'uîage 

,  en  latlu  qu'eu  françois  :  appUcare  G  ad  j  j 


ce  A  P  P 

efl  la  même  chofe  quedn'ifer  S  par  3.  Voy. 
Division. 

Application  ,  fe  dit  encore  de  l'aâion  de 
pofcr  ou  d'appliquer  l'une  fur  l'autre  deux 
figures  planes  égales  ou  inégales. 

C'eft  par  l'application  ou  fuperpofition 
qu'on  démontre  plufieLUs  propofitions  fon- 
damentales de  la  géométrie  élémentaire  ; 
par  exemple  ,  que  deux  triangles  qui  ont 
une  même  bafe  &  les  mêmes  angles  à  la 
bafe  ,  font  égaux  en  tout  ;  que  le  diarnetre 
d'un  cercle  le  divife  en  deux  parties  parfaite- 
ment égales  ;  qu'un  quarré  eit  partagé  par  fa 
diagonale  en  deux  triangles  égaux  &  fem- 
blables,&c.  Fbjf:{ SUPERPOSITION. 

Application  d'une  fcience  à  une  autre, 
en  général ,  fe  dit  de  l'ufage  qu'on  tait  des 
principes  &  des  vérités  qui  appartiennent 
à  l'une  pour  perfeâionner  &  augmenter 
l'autre. 

En  général ,  il  n'efi  point  de  fcience  ou 
d'art  qui  ne  tienne  en  partie  à  quelqu'autre. 
Le  difcours  préliminaire  qui  e{\  à  la  tête  de 
cet  ouvrage  ,  &  les  grands  articles  de 
ce  diâionnaire ,  en  fourniflent  par-tout  la 
preuve. 

Application  de  l'Algèbre  ou  deVana- 
lyfe  à  la  géométrie.  L'algèbre  étant ,  comme 
nous  l'avons  dit  A  fon  article ,  le  calcul  des 
grandeurs  en  général ,  l'analyfe  l'ufige  de  l'al.- 
gebre  pour  découvrir  les  quantités  incon- 
nues ;  il  étoit  naturel  qu'après  avoir  décou- 
vert l'algèbre  &  l'analyiè  ,  on  fongeât  à 
appliquer  ces  deux  fciences  à  la  géométrie  , 
puifque  les  lignes  ,  les  furfaces  &  les  folides 
dont  la  géométrie  s'occupe ,  font  des  gran- 
deurs mefurables  &  comparables  entr'elles, 
&  dont  on  peut  par  conléquent  aflîgner  les 
rapports.  VoyCT^  ARITHMÉTIQUE  UNI- 
VERSELLE. Cependant  jufqu'à  M.  Def- 
■cartes  ,  perfonne  n'y  avoit  penfé ,  quoique 
l'algèbre  eût  déjà  fait  d'aflez  grands  progrès , 
fur-tout  entre  les  mains  de  Vietc.  Voye\ 
Algèbre.  C'eft  dans  la  géométrie  de  M. 
]Defcartes  que  l'on  trouve  pour  la  première 
iois  ['application  de  l'algèbre  ;\  la  géométrie , 
ainfi  que  des  méthodes  excellentes  pour  per- 
feclionner  l'algèbre  même  :  ce  grand  génie  a 
rendu  par-là  un  fervice  immortel  aux  mathé- 
matiques ,  &  donné  la  clé  des  plus  grandes 
découvertes  qu'en  pût  efpérer  de  taire  dans 
c«tte  fcience. 


A  P  P 

Il  a  le  premier  appris  à  exprimer  par  de? 
équations  la  nature  des  courbes ,  à  réfoudre 
par  le  fecours  de  ces  mêmes  courbes  ,  les 
problêmes  de  géométrie  ;  enfin ,  à  démon- 
trer  louvent  les   théorèmes    de  géométrie 
par  le  fecours  du  calcul  algébrique ,  lorf- 
qu'il  feroit  trop  pénible   de   les  démontrer 
autrement  ,   en  fe   fervant    des    méthodes- 
ordinaires.   On  verra  aux  articles  CONS- 
TRUCTION ,  ÉQUATION  ,  Courbe  ,  en 
quoi  confifie  cette  application  de  l'algèbre  à 
la  géométrie.  Nous  ignorons  fi  les  anciens 
avoient  quelque  fecours  femblable  dans  leurs, 
recherches  :  s'ils  n'en  ont  pas  eu  ,  on  ne 
peut  que  les  admirer  d'avoir  été  fi  loin  fans 
ce  fecours.  Nous  avons  le  traité  d'Archi- 
mede  fur  les  Ipirales ,  &  (es  propres  dé- 
monflrations  :  il  ell  difficile  de  favoir  fi  ces 
démon flrations  expoient  précifément  la  mé- 
thode par  laquelle  il  eft  parvenu  à  découvrir 
les  propriétés  des  fpirales  ;  ou  fi  après  avoic 
trouvé  ces  propriétés  par  quelque  méthode 
particulière   ,    il    a    eu   defiein   de   cacher 
cette  méthode  par  des  démonftrations  em-- 
barraffées.   Mais  s'il  n'a  point  ,    en  effet  j 
fuivi   d'autre    m.éthode    que    celle    qui    eft. 
contenue  dans  ces  démonllrations  mêmes, 
il  eu  étonnant  qu'il  ne  fe  foit  pas  égaré  ;  Sc 
on  ne  peut  donner  une  plus  grande  preuve 
de   la  profondeur  &   de  l'étendue  de  foo; 
génie  ;  car  Bouillaud  avoue  qu'il   n'a  pas 
entendu  les  démonfirations  d'Archimede , 
&  Viete  les  a  injufiement  accufées  de  para- 
logifiTie. 

Quoi  qu'il:  en  foit ,  ces  mêmes  démonf~ 
trations ,  qui  ont  coûté  tant  de  peine  à  Bouil^ 
laud  &  ;\  Viete  ,  &  peut-être  tant  à  Archi- 
mede  ,  peuvent  aujourd'hui  être  extrême- 
ment facilitées  par  l'application  de  l'al- 
gèbre à  la  géométrie.  On  peut  en  dire  au- 
tant de  tous  les  ouvrages  géométriques 
des  anciens  ,  que  prefque  perlonne  ne  lit , 
par  la  facilité  que  donne  l'algèbre  de  ré- 
duire leurs  démonfirations  à  quelques  lignes 
de  calcul.  ^ 

Cependant  M.  Newton ,  qui  connoiflbit 
mieux  qu'un  autre  tous  les  avantages  d=3 
l'analyle  dans  la  géométrie ,  fe  plaint  eu 
plufieurs  endroits  de  lés  ouvrages  ,  de  ce 
que  la  Ledure  des  anciens  géomètres  ell 
abandonnée. 

En  effet ,  on  regarjî  communénjent  h 


APP 

m^tliode  dont   les  anciens    fe  font  fervis 
dans  leurs  livres   de  géométrie  ,    comme 
plus  rigoureulc  que  celle  de  l'analylej  & 
c'efl  principalement  i'ur  cela  que  font  fon- 
dées les  plaintes  de  M.  Newton  ,  qui  crai- 
gnoit  q^ue    par  l'ufage    trop    fréquent    de 
l'anah  le  ,    la  géométrie    ne    perdît  cette 
rigueur  qui  caradérife  fes  démonllrations. 
On  ne  peut  nier  que  ce  grand  homme  ne 
fût  fondé  au  moins   en  partie  ,  à  recom- 
mander jufqu'à  un  certain  point   la   ledure 
des   anciens  géomètres.  Leurs  démonftra- 
tions  étant  plus  difficiles  ,  exercent  davan- 
tage l'efprit ,  l'accoutument  à  une  applica- 
tion plus  grande ,  lui  donnent  plus  d'éten- 
due ,  &  le  forment  à  la  patience  &  à  l'opi- 
niâtreté ,  fi  nécelTaires  pour  les  découver- 
tes. Mais  il  ne  faut  rien  outrer  ;  &  fi  l'on 
s'en  tenoit  «la  feule  méthode  des  anciens  , 
il  n'y  a  pas  d'apparence  que  ,  même  avec  le 
plus  grand  génie  ,  on  pût  faire  dans  la  géo- 
métrie  de  grandes    découvertes  ,    ou    du 
moins   en  auiïï  grand    nombre  qu'avec  le 
lècours  de  l'analyfe.  A  l'égard  de  l'avantage 
qu'on  veut  donner  aux  démonfirations  tiii- 
tes  à  la  manière  des  anciens  ,  d'être  plus 
rigoureufes  que  les   démonfirations  analy- 
tiques ;  je  doute  que  cette  prétention  loit 
tien  fondée.  J'ouvre  les  Principes  de  Nev?- 
ton  :  je  vois  que  tout  y  efl  démontré  à  la 
manière  des  Anciens  ;  mais  en  même  temps 
je  vois  clairement  que  Newton  a  trouvé  lès 
théorèmes  par  une  autre  méthode  que  celle 
par  laquelle  il  les  démontre  ,   &  que  (es 
démonfirations  ne  font  proprement  que  des 
calculs  analytiques  qu'il  a  traduits  ,  &  dé- 
guifés   en  fubllituant  le  nom  des  lignes  à 
leur  valeur  algébrique.  Si  on  prétend  que 
les  démonfirations  de  Newton  font  rigou- 
reufes ,  ce  qui  eft  vrai  ;  pourquoi  les  tra- 
duâions  de  ces  démonfirations  en  langage 
algébrique ,  ne  feroient-eltes  pas  rigoureu- 
fes auili  ?  Que  j'appelle  une  ligne  A  B  , 
ou  que  je  la  défigne  par  l'expreffion  algé- 
'brique  a  ,  quelle  différence  en  peut-il  réful- 
ter  pour  la  certitude  de  la  démonflration  ? 
A   la  vérité  la    dernière    dénomination  a 
cela  de  particulier  ,  que  quand  j'aurai    dé- 
figne toutes   les   lignes  par  des  carafteres 
algébriques  ,  je  pourrai  faire  fur  ces  carac- 
tères   beaucoup  d'opérations  ,  lans  fonger 
aux  lignes  ni  à  la  figure  ;  mais  cela  même 


APP  ^7 

efï  un  avantage  ;  l'efprit  cfl  foulage  ,  il  n'a 
pas  trop  de  toutes  fes  forces  pour  réfou- 
dre certains  problêmes  ,  &:  l'anal)  le  les 
épargne  autant  qu'il  t(l  poflible.  Il  fufîît 
de  lavoir  que  les  principes  du  calcul  font 
certains;  la  main  calcule  en  toute  sûreté  « 
&  arrive  prelque  machinalement  àunréiuU 
tat  qui  donne  le  théorème  ou  le  problè- 
me que  l'on  cherchoit ,  &  auquel  fans  cela 
l'on  ne  feroit  point  parvenu  ,  ou  l'on  n'y 
feroit  arrivé  qu'avec  beaucoup  de  peine. 
Il  ne  tiendra  qu'à  l'analyfle  de  donner  à  fa 
démonflraiion  ou  à  fa  folution  la  rigueur 
prétendue  qu'on  croit  lui  manquer  ;  il  lui 
fuffira  pour  cela  de  traduire  la  démonflra- 
fion  dans  le  langage  des  anciens  ,  comme 
Newton  a  fait  les  fiennes.  Qu'on  fe  contente 
donc  de  dire  que  l'uiage  trop  fréquent  8c 
trop  facile  de  l'analyfe  peut  rendre  l'efprit 
parefTcux ,  &  on  aura  raifon  ,  pourvu  que 
l'on  convienne  en  même  temps  de  la  nécef^ 
fité  abfolue  de  l'analyfe  pour  un  grand 
nombre  de  recherches  ;  mais  je  doute  fort 
que  cet  ufage  rende  les  démonfirations  ma- 
thématiques moins  rigoureufes.  On  peut 
regarder  la  méthode  des  anciens  comme 
une  route  difficile  ,  tortueufe  ,  embarraffée , 
dans  laquelle  le  géomètre  guide  fes  leâeurs  : 
l'analyfle  placé  à  un  point  de  vue  plus 
élevé  ,  voit  pour  ainfi  dire  ,  cette  route  d'ua 
coup-d'œil  ;  il  ne  tient  qu'à  lui  d'en  par- 
couru- tous  les  fentiers  ,  d'y  conduire  les 
autres ,  &  de  les  y  arrêter  aufli  long-temps 
qu'il  veut. 

Au  refle  ,  il  y  a  des  cas  où  l'ufage  de  l'ana- 
lyfe ,  loin  d'abréger  les  démonfirations  , 
les  rendroit  au  contraire  plus  embarraflées. 
De  ce  nombre  font  entr'autres  plufieurs 
problêmes  ou  théorèmes  ,  où  il  s'agit  de 
comparer  des  angles  entr'eux.  Ces  angles  ne 
font  exprimables  analytiquement  que  par 
leurs  finus  ;  &  l'expreffion  des  finus  des 
angles  efl  fouvent  compliquée  ,  ce  qui  rend 
les  conflrudions  &  les  démonfirations  diffi- 
ciles en  fè  fèrvant  de  l'analyfe.  Au  refle, 
c'efl  aux  grands  géomètres  à  favoir  quand 
ils  doivent  faire  ulage  de  la  méthode  des 
anciens  ,  ou  lui  préférer  l'analyfe.  Il  feroit 
difficile  de  donner  fur  cela  des  règles  exac- 
tes &  générales. 

Application  de  la  géométrie  à  l'algè- 
bre. Quoiqu'il  fyit  beaucoup  plus  ordinaire  & 

I  2, 


^8 


A  P  P 


plus  commode  d'appliquer  l'algèbre  à  la 
géométrie ,  que  la  géométrie  à  l'algèbre  , 
^Cependant  cette  dernière  application  a  lieu 
en  certains  cas.  Comme  on  repréicnte  les 
lignes  géométriques  par  des  lettres,  on  peut 
quelquefois  reprélenter  par  des  lignes  les 
grandeurs  numériques  que  des  lettres  ex- 
priment^ &  il  peut  même  dans  quelques 
occafions  en  réiulter  plus  de  facilité  pour 
Ja  démonfiraîion  de  certains  théorênies  ,  ou 
la  réiolution  de  certains  problèmes.  Pour 
en  donner  un  exemple  limple  ,  je  luppol'e 
que  je  veuille  prcncre  le  quarré  de  a  7  /■>  ; 
je  puis  par  le  calcul  algébrique  démontrer 
c^ue  ce  quarré  contient  le  quarré  de  â  ,  plus 
celui  de  b ,  plus  deux  fois  le  produit  de  a 
par  b.  Mais  je  puis  aulil  démontrer  cette 
l')ropofltion  en  me  fervanr  de  la  géomé- 
trie. Pour  cela  je  n'ai  qu'à  faire  un  quarré  , 
dont  je  partagerai  la  baie  &  la  hauteur 
chacune  en  deux  parties  ,  dont  j'appellerai 
l'une  a  ,  &.  l'autre  3  ;  enfuire  tirant  par  les 
points  de  di\  ifion  les  lignes  parallèles  aux 
curés  du  caijé  ,  je  diviierai  ce  quarré  en 
quatre  furiaces  ,  dont  on  verra  au  premier 
coup-d'œil  que  l'une  fera  le  quarré  de  a, 
une  autre  celui  de  h  ,  &  les  deux  autres 
feront  chacune  un  retlangle  formé  de  a  & 
de  3  ;  d'où  il  s'cnluit  que  le  quarré  du  bi- 
nôme a-\-  b  contient  le  quaf-ré  de  chacime 
des  deux  parties,  plus  deux  fois  le  produit 
de  la  première  par  la  féconde.  Cet  exem- 
ple ,  très-lîmple  &  à  la  portée  de  tout  le 
monde  ,  peut  fervir  à  faire  voir  comment 
on  applique  la  géométrie  A  l'algèbre ,  c'efl- 
à-dire  comment  on  peut  le  fervir  quel(]ue- 
fois  de  la  géométrie  pour  démontrer  les 
théorèmes  d'algèbre. 

Au  refle  ,  l'application  de  la  géométrie 
à  l'algèbre  n'efl  pas  li  néceflaircdans  l'exem- 
ple que  nous  venons  de  rapporter  ,  que 
dans  plufieurs  autres  ,  trop  compliqués 
pour  que  nous  en  fafhons  ici  une  énumé- 
ration  fort  étendue.  Nous  nous  contente- 
rons de  dire  que  la  confidération ,  par  exem- 
ple ,  des  courbes  de  genre  parabolique ,  & 
du  cours  de  ces  courbes  par  rapport  à  leur 
axe ,  ert  fouvent  utile  pour  démontrer  aifé- 
mcnt  plufieurs  théorèmes  fur  les  équations 
&  fur  leurs  racines.  f'o>'f^  cntr'autrcs  l'u- 
(iige  que  M.  l'abbé  de  Gua  a  fait  de  ces 
(bitcs  de  courbes ,  mân.  acad.  fj^i  ^  pour 


A  P  P 

démontrer  la  fameuf'e  règle  de  Dcfcartes  fur 
le  noaibre  des  équations.  voyf\  PARABO- 
LIQUE ,  Construction  ,  àc 

On  peut  inéme  quelquefois  appliquer  la 
géométrie  à  l'arithmétique  ,  c'eit-.i-dirc  fe 
i'ervir  de  la  géométrie  pour  démontrer  plus 
aifément  fans  analyie  &  d'une  manière  géné- 
rale ,  certains  théorèmes  d'arithmétique  ; 
par  excinple  ,  que  la  luite  des  nombres 
impairs  1,3,  5  ,  7  ,  9  ,  dv.  ajoutes  fuc- 
celtivement,  donne  la  luite  des  quarrés  i, 
4,  9,    16,   25,  &C-. 

Pour  cela  ,  faites  un  triangle  rcâangle 
ABE\fig.  6^.  Médian)  dont  un  curé  loit 
horizoiital  &:  l'autre  vertical  (  je  les  défîgne 
par  horiT^ontal  S>i.  j't'ma?/,  pour  fixer  l'imagi- 
nation )  :  diviiéz  le  côté  vertical  A  B  en 
tant  de  parties  égales  que  vous  voudrez  ,  & 
par  les  points  de  diviiion  1,2,3,4,  &c. 
menez  les  parallèles  i/',  ^g  ,  îjc.  k  B  E  , 
vous  aurez  d'abord  le  petit  triangle  A  i  fy 
enfuite  le  trapèze  "i/g^  y  &c.  qui  vaudra 
trois  fois  ce  ïriangle  ;  puis  un  troiiieme  tra- 
pèze 2.  gh'j.qm  vaudra  cinq  fois  le  triangle  : 
de  forte  que  lés  éijjaces  terminés  par  ces 
parallèles  ly",  ^  g^  d''-'-  feront  reprefentés 
par  les  nombres  fuivans,  1,3,  S  »  7  >  t'c. 
en  commençant  par  le  triangle-^  ify  & 
délignant  ce  triangle  p.'r  i ,  5- 

Or  les  fommes  de  ces  elpaces  feront  les 
triangles  A  \  f,  A  z  g  ,  A  }  h  ,  &c.  qui 
font  comme  lei;  quarrés  des  côtés  A  i  , 
^2,^3,  c'eft-à-dire  comme  1,4-,  9  , 
&c.  donc  la  fomme  des  nombres  impairs 
donne  la  fomme  des  nombres  quarrés.  On 
peut  fans  doute  démontrer  cette  propofi- 
tion  algébriquemepr;  mais  la,démonflranon 
précédente  ^peut  fàtisfaire  ceux  qui  ignorent 
l'algèbre.    ï-'oye^  ACCÉLÉRATION. 

Application  ûV  la  géométrie  &  Je  l'al- 
gèbre à  la  me'chanique .  Elle  efî  fondée  fur  les 
mêmes  principes  que  Vapplication  de  l'algè- 
bre à  la  géométrie.  Elle  confifle  principale- 
ment a  reprélenter  par  des  équations  les 
courbes  que  décrivent  les  corps  dans  leur 
mouvement ,  à  déterminer  l'équation  entre 
les  cfpaccs  que  les  corps  décrivent  (  lorf- 
qu'ils  font  animés  par  des  forces  quelcon- 
ques )  ,  &  le  temps  qu'ils  emploient  à  par- 
courir ces  efpaccs  ,  Ùc.  On  ne  peut  à  la 
vérité  comparer  enicmbic  deux  choies  d'une 
nature  différente  ,   telles  que  l'efpacc  &  fe 


A  P  P 

remps  ;  mais  on  peut  comparer  k  rapport 
dos  parties  du  temps  avec  celui  des  parties 
de  IVTpace  pnrco'jru.  Le  temps  par  la  na- 
ture coule  imiformémcnt  ,  &c  la  mécliani- 
que  fuppofe  cette  imiiormitë.  J3u  rcfle  , 
làns  connoître  le  teiiips  en  kii-mcme  ,  & 
lans  en  avoir  de  mclurc  précile  ,  nous  ne 
pouvons  reprélenrer  plus  clairement  le  rap- 
port de  fes  parties  ,  que  par  celui  des  par- 
ties d'une  ligne  droite  indéfinie.  Or  l'ana- 
logie qu'il  y  a  entre  le  rapport  des  par- 
ties d'une  telle  ligne  ,  &  ctlui  des  parties 
de  rcfpace  parcouru  par  un  corps  qui  le 
meut  d  une  manière  quelconque,  peut  tou- 
jours être  exprimé  par  une  équation.  On 
peut  donc  imaginer  une  courbe  dont  les 
abfciires  repréientent  les  portions  du  temps 
écoulé  depuis  le  commencement  du  mou- 
vement ;  les  ordonnées  correfpondantes 
défignant  les  elpaces  parcourus  durant  ces 
portions  de  temps.  L'équation  de  cetee 
courbe  exprimera ,  non  le  rapport  des  temps 
aux  eipaces  ,  mais ,  ii  dn  peut  parler  ainfi , 
le  rapport  du  rapport  que  les  parties  de 
temps  ont  à  leur  imité  ,  à  celui  que  les  par- 
ties de  l'efpace  parcouru  ont  à  la  leur  ;  car 
l'équation  d'une  courbe  peut  c-tre  conlldé- 
rée  ,  ou  comme  exprimant  le  rapport  des 
ordonnées  aux  ablcifles  ,  ou  comme  l'équa- 
tion entre  le  rapport  que  les  ordonnées  ont 
:'i  leur  unité,  &  celui  que  les  abfciHes  cor- 
refpondantes ont  à  la  leur. 

Il  eu  donc  évident  que  par  VappUcation 
feule  de  la  géométrie  &  du  calcul ,  on  peut , 
fans  le  fecours  d'aucim  autre  principe ,  trou- 
ver les  propriétés  générales  du  mouvement , 
varié  iuivant  une  loi  quelconque.  On  peut 
voir  à  l'amc/f  Accélération  ,  un  exem- 
ple de  VappUcation  de  la  géométrie  à  la 
méchanique  ;  les  temps  de  la  delcente  d'un 
corps  pelant  y  font  repréfentés  par  l'ablcilTe 
d'un  triangle  ,  les  vîtefîes  par  les  ordonnées 
(j'o)'f{  Abscisse  &  Ordonnée)  &les 
elpaces  parcourus  par  l'aire  des  parties  du 
triangle.  Voye:[  TRAJECTOIRE  ,  MOU- 
VEMENT ,  Temps  ,  &c. 

Application  de  la  méchanique  à  la 
ge'ome'trie.  Elle  confille  principalement  dans 
l'ulage  qu'on  fait  quelquefois  du  centre  de 
gravité  des  figures  ,  pour  déterminer  les 
iblides  qu'elles  forment.  Voye^  CENTRE 
DE  GRAVITÉ. 


A    P   P  6t, 

Application  de  la  géométrie  ù  de 

l'a/hononiie  à  la  gc'ogiùphie.  Elle  confiile 
en  trois  choies.  i°.  A  déterminer  par  les 
opérations  gcomctriques  &  altronomiques  la 
figure  du  globe  que  nous  habitons.  Voye^ 
Figure  de  la  Terre,  Degré  ,  &c. 
2°.  A  trouver  par  l'oblervarion  des  longitu- 
des &  des  latitudes  la  polition  des  lieux. 
Fbyf- Longitude  &  Latitude.  3°.  A 
déterminer  par  des  opérations  géométriques 
la  poiition  des  lieux  peu  éloignés  l'un  de 
l'aiiire.    Voye^  CaRTE. 

L'iillronomie  &  la  géométrie  lont  auffi 
d'un  grand  ulage  dans  la  navigation.   V^vye:^ 

Navigation  ,  &<:. 

Application  de  la  géométrie  &  de 
ranalyfe  à  la  phyjique.  C'til  à  Newton 
qu'on  la  doit,  comme  on  doit  à  M.  ]3t(- 
cartes  ^application  de  l'algèbre  à  la  géo- 
métrie. Elle  eil  fondée  lur  les  mêmes  princi- 
pes que  VappUcation  de  l'alg-bre  à  la  géo- 
métrie. La  plupart  des  propriétés  des  corps 
ont  entr'elles  des  rapports  plus  ou  moins 
marqués  que  nous  pouvons  comparer  ,  &: 
c'ell  à  quoi  nous  parvenons  par  la  géo- 
métrie ,  &  par  TanalyCe  ou  algèbre.  C'efl 
iur  cet;e  application  que  lont  tondées  tou- 
tes les  iciences  phyfico-mathématique.'.  Une 
feule  oblervation  ou  expérience  donne  ibu- 
vent  toute  Une  fcience.  Suppolez  ,  comme 
on  le  lait  par  l'expérience  ,  que  les  rayons 
de  lumière  fe  réfléchirent  en  tailant  l'angle 
d'incidence  égal  à  l'angle  de  réflexion , 
vous  faurez  toute  la  catoptrique.  Voye:^ 
CatoptriqUE.  Cette  expérience  une 
lois  admiiè  ,  la  catoptrique  devient  une 
Icience  purement  géométrique ,  puilqu'elle 
fe  réduit  à  comparer  des  angles  &  des 
lignes  données  de  pofition.  Il  en  efl  de 
même  d'une  infinité  d'autres.  En  général-, 
c'eft  par  le  iccours  de  la  géométrie  &  de 
l'analyfe  que  l'on  parvient  à  déterminer  la 
quantité  d'un  effet  qui  dépend  d'un  autre 
elîlr  mieux  connu.  Donc  cette  fcience 
nous  eft  prcique  toujours  néceffaire  dans 
la  comparaifon  &  l'examen  des  faits  que 
l'expérience  nous  découvre.  Il  faut  avpuer 
cependant  que  les  différens  fujets  de  physi- 
que ne  font  pas  également  iulccntibles  de 
Vappltcacion  de  la  géométrie.  Plufieurs  ex- 
périences ,  telles  que  celles  de  l'aimant  , 
de  l'éledricité  ,   &  une   infinité   d'autres  ^ 


f  0  A  P  P 

ne  donnent  aucune  prife  au   Calcul  ;  en 

ce  cas  il  faut  s'abftenir  de  l'y  appliquer. 
Les  géomètres  tombent  quelquefois  dans 
ce  défaut  ,  en  fubiHtuant  des  hypothelés 
aux  expériences  ,  &  calculant  en  conlé- 
quence  ;  mais  ces  calculs  ne  doivent  avoir 
de  force  qu'autant  que  les  hypothefes 
fur  lefquelles  ils  Ibnt  appuyés ,  font  contor- 
mes  à  la  nature  ;  &  il  faut  pour  cela  que 
les  obfervations  les  confirment  ,  ce  qui 
par  malheur  n'arrive  pas  toujours.  D'ail- 
leurs quand  les  hypothefes  feroient  vraies  , 
elles  ne  font  pas  toujours  fuffilantes.  S'il 
y  a  dans  un  efFet  un  grand  nombre  de 
circonflances  dues  à  plufieurs  caufes  qui 
agiflênt  à  la  fois  ,  &  qu'on  fe  contente  de 
conlidérer  quelques-unes  de  ces  caufes , 
parce  qu'étant  plus  fimples ,  leur  effet  peut 
être  calculé  plus  aifément  ,  on  pourra  bien 
par  cette  méthode  avoir  l'effet  partiel  de  ces 
caufes  ;  mais  cet  efîèt  fera  fort  différent  de 
l'effet  total ,  qui  réfulte  de  la  réunion  de 
toutes  les  cauies. 

Application  de  la  mâhode  géométri- 
que à  la  métaphyfique.  On  a  quelquefois 
abufé  de  la  géométrie  dans  la  phyfique ,  en 
appliquant  le  calcul  des  propriétés  des  corps 
;'i  des  hypothefes  arbitraires.  Dans  les  fcien- 
ces  qui  ne  peuvent  par  leur  nature  être  fbu- 
mifes  à  aucun  calcul  ,  on  a  abufé  de  la 
méthode  des  géomètres  ,  parce  qu'on  ne 
pouvoit  abuler  que  de  la  méthode.  Plufieurs 
ouvrages  métaphyfiques  ,  qui  ne  contien- 
nent fouvent  rien  moins  que  des  vérités 
certaines  ,  ont  été  exécutés  à  la  manière 
des  géomètres  ;  &  l'on  y  voit  à  toutes  les 
pages  les  grands  mots  é^ axiome  y  de  théo- 
rème y   de  corollaire  y    &c. 

Les  auteurs  de  ces  ouvrages  fe  font  appa- 
remment imaginé  que  de  tels  mots  fai- 
foient  par  quelque  vertu  fecrete  l'efîence 
d'une  démonflration  ,  &  qu'en  écrivant  à  la 
fin  d'une  propofition  ,  ce  qu'il  fallait  dé- 
montrer y  ils  rendroient  démontré  ce  qui 
ne  l'étoit  pas.  Mais  ce  n'eft  point  à  cette 
méthode  que  la  géométrie  doit  fîi  certi- 
tude ,  c'efi  à  l'évidence  &  à  la  fimplicité 
de  fon  objet  ;  &  comme  un  livre  de  géo- 
métrie pourroit  être  très-bon  en  s'écartant 
de  la  forme  ordinaire ,  un  livre  de  méta- 
phyfique ou  de  morale  peut  fouvent  être 
mauvais  en  fuivant  la  méthode  des  géo- 


A  P  P 

mètres.  Il  faut  même  fe  défier  de  ces  fol^ 

tes  d'ouvrages;  car  la  plurii  des  préten- 
dues démonflrations  n'y  ic  fondées  que 
fur  l'abus  des  mots.  Ceux  qui  ont  réfléchi 
fur  cette  matière  ,  favent  combien  l'abus 
des  mots  efl  facile  &  ordinaire ,  fur-tout 
dans  les  matières  métaphyfiques.  C'efl  en 
quoi  on  peut  dire  que  les  fcholaftiques  ont 
excelle  ,  &  on  ne  fauroit  trop  regretter 
qu'ils  n'aient  pas  l^iit  de  leur  fagacité  un 
meilleur  ufage. 

Application  de  la  métaphyfique  à  la 
géométrie.  On  abufe  quelquefois  de  la  mé- 
taphyfique en  géométrie ,  comme  on  abufè 
de  la  méthode  des  géomètres  en  méta- 
phyfique. Ce  n'efl  pas  que  la  géométrie 
n'ait ,  comme  toutes  les  autres  iciences  , 
une  métaphyfique  qui  lui  foit  propre  ;  cette 
métaphyfique  cft  même  certaine  &  incon- 
teffable ,  puilque  les  propofitions  géomé- 
triques qui  en  réfultent ,  font  d'une  évi- 
dence à  laquelle  on  ne  lauroit  le  refufer. 
Mais  comme  la  certitude  des  mathémati- 
ques vient  de  la  fimplicité  de  fon  objet ,  la 
métaphyfique  n'en  fauroit  être  trop  fimple 
&  trop  lumineufe  :  elle  doit  toujours  fe 
réduire  à  des  notions  claires  ,  précifes  & 
fans  aucune  obfcurité.  En  effet ,  comment 
les  conféquences  pourroient-elles  être  cer- 
taines &  évidentes  ,  fi  les  principes  ne 
l'étoient  pas  ?  Cependant  quelques  auteurs 
ont  cru  pouvoir  introduire  dans  la  géomé- 
trie une  métaphyfique  fouvent  afl'ez  obf- 
cure  ,  &  qui  pis  efl ,  démontrer  par  cette 
métaphyfique  des  vérités  dont  on  étoit  déjà 
certain  par  d'autres  principes.  C'étoit  le 
moyen  de  rendre  ces  vérités  douteules ,  fi 
elles  avoient  pu  le  devenir.  La  géométrie 
nouvelle  a  principalement  donné  occafion 
à  cette  mauvaile  méthode.  On  a  cru  que  les 
infiniment  petits  qu'elle  confidere  ,  étoient 
des  quantités  réelles  ;  on  a  voulu  admettre 
des  infinis  plus  grands  les  uns  que  les  au- 
tres ;  on  a  reconnu  des  infiniment  petits  de 
différens  ordres ,  en  regardant  tout  cela 
comme  des  réalités  ;  au  lieu  de  chercher  ;i 
réduire  ces  fuppofitions  &  ces  calculs  à  des 
notions  fimples.  Voy.  DIFFÉRENTIEL  , 
Infini  &  Infiniment  petit. 

Un  autre  abus  de  la  métaphyfique  en 
géométrie  ,  confifle  à  vouloir  fe  borner 
dans  certains  cas  à  la  métaphyfique  pour 


A  P  P 

des  dcmon/lrations  géométriques.  En  fup- 
polant  même  que  les  principes  métaphjfi- 

3ues  dont  on  part  (oient  certains  &  évi- 
ens  ,  il  n'y  a  guère  de  propoiltions  géo- 
métriques qu'on  puifll"  démonti-cr  rigou- 
reufement  avec  ce  feul  iecours  ;  prelquc 
toutes  demandent  ,  pour  ainii  dire  ,  la  toile 
&  le  calcul.  Cette  manière  de  démontrer 
cft  bien  matérielle  ,  fi  l'on  veut  :  mais  enfin 
c'cft  prelquc  toujours  la  iéule  qui  ioit  sûre  , 
c'eft  la  plume  à  la  main  ,  &  non  pas  avec 
des  railbnneraens  métaphyfiques  ,  qu'on 
peut  taire  des  combinaifons  &  des  calculs 
cxaifts. 

Au  refle  ,  cette  dernière  métaphyfique 
dont  nous  parlons  ,  efl  bonne  julqu'à  un 
certain  point  ,  pourvu  qu'on  ne  s'y  borne 
pas  :  ell»  lait  entrevoir  les  principes  des  dé- 
couvertes ;  elle  nous  tournit  des  vues  ;  elle 
nous  met  dans  le  chciTÙn  :  mais  nous  ne 
fommes  bien  sûrs  d'y  être  ,  fi  l'on  peut  s'ex- 
primer de  la  forte  ,  qu'après  nous  être  aidés 
du  bâton  du  calcul  ,  pour  connoître  les. 
objets  que  nous  n'entrevoyons  auparavant 
que  Lontufément. 

Il  lêmble  que  les  grands  géomètres  de- 
vroient  être  toujours  excellens  métaphy- 
ficlens  ,  au  moins  fur  les  objets  de  leur 
fclence  :  cela  n'eil  pourtant  pas  toujours. 
Quelques  géomètres  relTemblent  à  des  per- 
fonnes  qui  auroient  le  fens  de  la  vue  con- 
traire à  celui  du  toucher  :  mais  cela  ne 
prouve  que  mieux  combien  le  calcul  eft 
nécelTaire  pour  les  vérités,  géométriques.  Au 
rcfte  ,  je  crois  qu'on  peut  du  moins  afTurer 
qu'un  géomètre  qui  eu  mauvais  métapliyil- 
cien  fur  les  objets  dont  il  s'occupe  ,  fera  à 
coup  sûr  métaphyficien  détertable  fur  le 
relie.  Alnfi  la  géométrie  qui  mefure  les 
corps ,  peut  fervir  en  certains  cas  à  mefurer 
les  efprits  même. 

Application  d'une  chofe  à  une  autre  , 
en  général ,  fe  dit  ^  en  matière  de  fclence 
ou  d'art ,  pour  défigner  l'ufage  dont  eÛ  la 
première  ,  pour  connoître  ou  pertedionner 
Idl'econde.  Aïnfii'application  de  la.cycloïde 
aux  pendules,  fignifie  l'ulàge  qu'on  a  fait  de 
la  cycloïde  pour  perfeâionner  les  pendules. 
Voye^  Pendule  ,  Cycloïde  ,  &c.  & 
ainfi  d'une  infinité  d'autres  exemples.  (  O  ) 

Application  ,  fe  dit  particulièrement , 
fAj  Théologie ,  de  l'aftion  par  laquelle  notre 


AP  P  7ï 

Sauveur  nous  transfère  ce  qu'il  a  mérité  par 
fa  vie  &  par  fa  mort.  Voye^  IMPUTATION. 

C'clt  par  cette  application  des  mérites  de 
Jefiis-Clirift  que  nous  devons  être  juftifiés  , 
&  que  nous  pouvons  prétendre  ;\  la  grâce 
&  à  la  gloire  éternelle.  Les  (acremens  font ,. 
les  voies  ou  les  inllrumens  ordinaires  par 
lelquels  fe  fait  cette  application  ,  pourvu 
qu'on  les  reçoive  avec  les  difpofitions 
qu'exige  le  faint  concile  de  Trente  dans  Ix 
ijfejjion.  (G) 

APPLIQUEE  ,  f  f.  en  Géométrie,  c'efl 
en  généi-al  ime  ligne  droite  terminée  par 
une  courbe  dont  elle  coupe  le  diamètre  , 
ou  en  général  c'efl  une  ligne  droite  qui  fe 
termine  par  une  de  les  extrémités  à  une 
courbe  :  &  par  qui  l'autre  extrémité  le  ter- 
mine encore  à  la  courbe  même  ,  ou  à  une 
ligne  droite  tracée  fur  le  plan  de  cette  courbe. 
Ainfi  (fis.  zG.  Sec7.  con.  )  EM,  MM,. 
font  des  appliquées  à  la  courbe  M  A  M. 
Voye^  Courbe  ,  Diamètre  ,  ùc 

Le  terme  applique'e  efl  fynonyme  à  or- 
donnée. Voyei  Ordonnée.  (  O). 

APPLIQUER  ,  {^gnlfïe,  en  Mathémati- 
que ,  tranfporter  une  ligne  donnée  ,  foit  dans 
un  cercle  ,  foit  dans  une  autre  figure  cur- 
viligne ou  reûiligne ,  cnforte  que  les  deux, 
extrémités  de  cette  ligne  foient  dans  le  pé- 
rimètre de  la  figure. 

Appliquer  fignifie  auflî  dififer  ,  fur-touc 
dans  les  auteurs  lanns.  Ils  ont  accoutumé 
de  dire  duc  A  B  in  C  D  ,  mene\  A  B  fur 
CD,  pour  multiplie^  A  B  par  C  D  ;  ou 
faites  un  parallélogramme  reftanglc  de  ces 
deux  lignes ,  &  applica  A  B  ad  C  D  ,  appli~ 
que\AB  à   C  D  f  pour  dii'tfe\  AB  par 

A  B 

C  D  y   ce  qu'on  exprime  ainu  ,    ^'    Oa 

entend  encorepar appliquer ,  tracer  l'une  fur 
l'autre  des  figures  différentes  ,  mais  dont 
les  aires  font  égales.  (E) 

APPIÉTRIR  ,  v.  paflf.  terme  de  Com- 
merce. On  dit  qu'une  marchandife  sappie'- 
trit ,  lorfque  fa  bonté  ,  la  qualité  &  fa  valeur 
diminuent  ,  foit  à  caufe  qu'elle  fe  corrompt 
ou  fe  gâte  ,  foit  parce,  que  le  débit  ou  là. 
mode  en  efl  pafTée  ,  &  qu'il  s'en  fait  de 
mauvais  relies.  Savary  ,  dicl.  du  comm.  tom. 
I.  pag.  68  z . 

Ce  terme  paroît  un  compofé  du  mot 
piètre ,  qui  fignifis  mauyais  j  i  ilj  mcprifabli. 


m  A  P  P 

V  oiîà  do  piètre  marcbanc'ife  ,  pour  dire  une 
maufdife  maichiMidiie.  {O) 

APPUI. \  T  ou  APUINT  ,  terme  de  Ban- 
que ;  c'ell  une  lommc  qui  fait  la  lolde  d'un 
compte  ou  le  montant  de  qiielques  arti- 
cles que  l'on  rire  jufte.  On  dit  ,  j'ai  un 
appoint  de  telle  fomme  à  tirer  lur  un  tel 
lieu. 

Voye\  fur  ce  mot  Samuel  Ricard  dans 
fon  traité  général  du  commerce  ,  imprimé 
à  Amfkrdam  en  1700 , pag.  ^03  ;  &  le  diâ. 
du  commerce  de  Savary  ,  tom.  I.  pag.  68 1 . 

Appoint  fignifie  auiii  la  même  chofe  que 
pa.fj'e  dans  les  paiemens  qui  le  font  comp- 
tant en  eipeces ,  c'eft-.'i-dire  ce  qui  le  paie 
en  argent  fi  le  paiement  ie  tait  en  or  ;  ou 
en  petite  monnoie  ,  s'il  fe  fait  en  argent  , 
pour  pariaire  la  (omme  qu'on  paie  &  la 
rendre  complète.  Savary  ,  dicl.  du  comm. 
tom.I.p.68z.{G) 

APPOINTE  ,  adj.  m.  (  Art.  mil.  (  un  fan- 
tallln  appointé  ,  eiî  celui  qui  reçoit  une 
paie  plus  forte  que  les  autres  foldats  ,  en 
confidération  de  fon  courage  ,  ou  du  temps 
qu'il  a  ftrvi.  f^oyei  Anspessade.  (  Q) 

Appointé  ou  Morte  PAIE  ,  (Manne.) 
c'ell  un  homme  qui  étant  A  bord  ne  fait 
rien  s'il  rcut ,  quoique  fa  dépenle  &  les 
mois  de  gages  ioient  employés  fur  l'état 
d'armement  ;  en  quoi  il  diffère  du  volon- 
taire qui  ne  reçoit  aucune  paie.  (Z) 

Appointé  ,  en  terme  de  Blafon  ,  fe  dit 
des  choies  qui  fe  touchent  par  leurs  pointes  : 
ainli  deux  chevrons  peuvent  être  appointes  ; 
trois  épées  miles  en  pairie  ,  peuvent  êti-e 
appointées  en  cccur  ;  trois  flèches  de  même , 
Ùc. 

Armes  en  Nivcrnois ,  de  gueules  à  deux 
épées  d'argent ,  appointées  en  pile  vers  la 
pomte  de  l'écu  ,  les  gardes  en  bande  ix  en 
barre  ,  à  une  rôle  d'or  en  clîef  entre  les 
gardes  ,  &  une  engrélure  de  même  autour 
de  l'écu.  (F) 

Appointé  &  joint.  roye:[  ci-dejfous 
Appointement. 

APPOI  .TEjvïENT  ,  f.  m.en  termes  de 
Palais  ,  cil  un  règlement  ou  jugement  pré- 
paratoire qui  fixe  &  détermine  les  points  de 
la  contellation  ,  les  qualités  âes  parties ,  & 
la  manière  dont  le  procès  fera  inflruit  , 
lorlqu'il  n'efl  pas  de  nature  à  être  jugé  à 
.l'audience  ,  foit  parce  que  fa  décifion  dépend 


^A  P  P 

de  quelque  qucaion  qui  mérite  un  examen 
ierieux  ,  foit  parce  qu'il  contient  des  déiails 
trop  longs  ,  ou  parce  que  les  parties  de 
concert  demandent  qu'il  ioit  appointé  , 
c'eil-à-aire  inftruit  par  écritures  &  jugé 
fur  rapport.  P\  ECRITURES  ù  RAPPORT. 

Les  appointemens  des  initances  appoin- 
tées de  droit ,  ne  font  point  prononcés  à 
l'audience  ,  on  les  levé  au  grefi'e  :  telles 
lont  les  inflances  fur  des  comptes  ,  fur  des 
taxes  de  dépens  où  il  y  a  plus  de  trois  croix  ; 
les  appels  des  jugemens  intervenus  dans  des 
procès  déjà  appointés  en  première  inffance  , 
les  caules  miles  fur  le  rôle  pour  êtreplaidées , 
qui  n'ont  pu  être  appellées  dans  l'année  , 
Ùc.  J^oyei  RÔLE  ,  DÉPENS. 

Il  y  a  plufieurs  fortes  d'' appointemens  ; 
Yappointement  en  droit  ,  qui  efl  eelui  qui 
fe  prononce  en  première  infiance  :  ïap— 
pomtement  à  mettre  ,  lequel  a  lieu  es  ma- 
tières Ibmmaires  ,  &  ne  s'inflruit  pas  au- 
trement qu'en  remettant  les  pièces  du  pro- 
cès ;\  un  rapporteur  que  le  même  jugement 
a  du  nommer:  V  appointement  d^  écrire  &  pro- 
duire ,  &  donner  caufes  d'appel ,  com.me 
quand  on  appointe  une  caufe  fur  le  rôle 
de  la  grand'chambre  :  Yappointement  en  faits 
contraires  ,  qui  ert  un  délai  pour  vérifier 
des  faits  fur  leiqucls  les  parties  ne  font  pas 
d'accord  :  Yappointement  à  ouir  droit  y  qui  a 
lieu  en  matière  criminelle  ,  lorlqu'après  le 
recollement  &  la  confrontation  ,  le  procès 
ne  ie  trouve  pas  lulfiiamment  inftruit  :  Yap- 
pointement en  droit  &  joint ,  efl  celui  par 
lequel  on  a  joint  une  demande  incidente 
avec  la  demande  principale  ,  pour  être 
jugées  l'une  &  l'autre  par  un  lèul  &  même 
jugement. 

Appointement  de  conclufion  efî  un  arrcf 
de  règlement  lur  l'appel  d'une  lenrence  ren- 
due en  procès  par  écrit.  V.  CONCLUSION. 
iH) 

Appointemens  ,  penfion  ou  falalre  ac- 
cordé par  les  grands  aux  perlcinnes  de  mérite 
ou  aux  gens  ;\  talens ,  à  delî'cin  de  les  atta- 
cher ou  de  les  retenir  à  leur  fervice.  yoy. 
Honoraire. 

On  ie  fert  communément  en  France  du 
mot  A^ appointemens  ;  par  exemple  ,  on  dit 
le  roi  donne  de  grands  appointemens  aux 
officiers  attachés  à  Ion  icrvice. 

Les  appointemens  {ont  dilférens  des  gages, 

en 


A  P  P 

en  ce  que  les  gages  font  fixes  &  pay^s  par 
les  tréforiers  ordinaires ,  au  lieu  que  les 
appointemens  lont  des  gratifications  annuel- 
les accordées  par  brevet ,  pour  un  temps 
indéterminé ,  &  aflignées  (ur  des  fonds 
particuliers.    (G) 

*  APPERCEPTION,  f.  f.  [Pfychologie.) 
aâe  par  lequel  l'ame  fe  confidere  comme 
le  fujet  qui  a  telle  ou  telle  perception  ,  & 
par  cette  réflexion  fe  dirtingue  des  objets 
de  fes  perceptions. 

*  APPERCEVOIR,  V.  a.  {Pfychologie.) 
avoir  la  perception  d'une  cholê  ,  c'efl-à- 
dire  ,  le  la  repréfenter  en  loi  ou  hors  de  foi 
k  l'occafion  de  quelque  modification  que 
l'ame  éprouve.  S^ appercevoir y  c'eft  avoir 
la   confcience  de  fes  perceptions. 

*  APPLICATION ,  f  f.  {Pfychologie.) 
afte  de  l'ame  ,  par  lequel  elle  fixe  (on 
attention  lur  un  fujet ,  en  fait  pendant  long- 
temps l'objet  de  les  peniées ,  à  defîèin  de 
le  connoître  aulli  parfaitement  qu'il  eft 
poffible.  (+) 

APPOINTER,  terme  de  Corroyeur,  d'eu 
donner  la  dernière  foule  aux  cuirs  pour  les 
préparer  à  recevoir  le  fuif ,  il  ell  temps  d^ap- 
pointer  ce  cuir  de  vache. 

APPOINTEUR ,  f.  m.  fe  dit  dans  un 
(tns  odieux  de  juges  peu  aflidus  aux  au- 
diences, &  qui  û'y  viennent  guère  que 
quand  il  ell  bcfoin  de  leur  voix  pour  faire 
appointer  le  procès  d'une  partie  qu'ils  veu- 
lent lavorifer. 

Ce  terme  fe  dit  aufîî  de  toutes  perfon- 
nes  qui  s'ingèrent  à  concilier  des  dilferends 
&  accommoder  des    procès.   (  H)  ■. 

APPONDURE,  f.  f.  terme  de  rit-lere , 
mot  dont  on  fe  fert  dans  la  compolition 
d'un  train  ;  c'efl  une  portion  de  perche 
employée  pour  fortifier  le  chantier  lorfqu'il 
eiï  trop  menu. 

APPORT  du  fac  ou  des  pièces  ;  c'efl  la 
remife  faite  au  gretfè  d'une  cour  lupérieure  , 
en  conféquence  de  fon  ordonnance,  des 
titres  &  pièces  d'un  procès  inilruit  par  des 
juges  inférieurs  dont  la  jurifdiclion  refîbrtit 
à  cette  cour  ;  &  Fade  qu'en  délivre  le 
greffier  s'appelle   a^e  d'apport. 

On  appelle  de  même  celui  que  donne 
un  notaire  à  un  particulier  qui  vient  dépo- 
fer  une  pièce  ,  ou  un  écrit  jbus  fcing-privé 
Tome  III. 


A  P  P  7i 

dai^s  fon  étude  ,  à  l'effet  de  lui  donner  une 
date  certaine. 

Apport  fè  dit  aufll,  dans  la  coutume  de 
Rheiras,  de  tout  ce  qu'une  femme  a  apporté 
en  mariage,  &  de  ce  qui  lui  eft  échu  depuis  , 
même  des  dons  de  noces  que  fon  mari  lui 
a  faits. 

Apports j  dans  quelques  autres  coutumes, 
fè  prend  auffi  pour  rentes  &  redevances, 
mais  confidérées  du  côté  de  celui  qui  les 
doit.  {H) 

APPORT  AGE,  f  m.  terme  de  rivière, 
qui  défigne  &  la  peine  &  le  falaire  de  celui 
qui  apporte  quelque  fardeau. 

APPOSITION ,  f.  f.  terme  de  Gram. 
figure  de  conflrudion  qu'on  appelle  en  Latin 
epexegejis  ,  du  grec  ii-i^iiynTU  ,  compofë 
d'i-ri ,  prépofition  qui  a  divers  ufages ,  & 
\\ent  d^î  ya,  fequor  ,  &  d'i^ny)i7ii,enarratio. 

On  dit  communément  que  Vappojition 
confifle  à  mettre  deux  ou  plufieurs  fubl^ 
tantifs  de  fuite  au  même  cas  ,  fans  les 
joindre  par  aucun  terme  copulatif ,  c'efl- 
à-dire ,  ni  par  une  conjondion  ni  par 
une  prépofition  :  mais  félon  cette  défini- 
tion ,  quand  on  dit  la  foi  ,  Vefpe'rance , 
la  charité  font  trois  vertus  théologales  J 
St.  Pierre  ,  St.  Matthieu  ,  St.  Jean  ,  &c. 
étoient  apôtres  ;  ces  façons  de  parler  qui 
ne  font  que  des  dénombremens ,  feroient 
donc  des  appojitions.  J'aime  donc  mieux 
dire  que  Vappojition  confifle  à  mettre  en- 
femble  fans  conjonâion  deux  noms  dont 
l'un  eu  un  nom  propre  ,  &  l'autre  un 
nom  appellatif ,  enfbrte  que  ce  dernier  efî 
prisadjedivement ,  &  en  qualificatif  de  l'au' 
tre ,  comme  on  le  voit  par  les  exemples  : 
ardebat  Alexim ,  delicias  domini  ;  urbs 
Rama  ,  c'efl-à-dire  ,  Roma  qua  efî  urbs  : 
Flandre,  théâtre  fanglant ,  &:c.  c'efl— .\- 
dire ,  qui  efl  le  théâtre  fanglant ,  &c.  ainfi 
le  rapport  d'identité  eft  la  raifbn  de  Vap- 
pojition. {F) 

Apposition,  f  f.  c'efl  l'adion de  join- 
dre ou  d'appliquer  une  chofe  à  une  autre. 
Appojition  fe  dit  en  phyjique ,  en  parlant 
des  corps  qui  prennent  leur  accroiffement 
par  leur  jondion  avec  les  corps  environ- 
nans.  Selon  plufieurs  phyficiens ,  la  plu- 
part des  corps  du  règne  toflile  ou  miné- 
ral fe  forment  par  juxta-pofition ,  ou  par 
ïappcjition  des  parties  qui  viennent  fe  join- 

K 


74  A  P  P 

tire  ou  s'attacher  les  unes  aux  autres.  Vqy. 
JUXTA-POSITION.    (O) 

APPRÉCIABLE,  ad].  {  Mitfique.)  Les 
Tons  appréciables  font  ceux  dont  on  peut 
trouver  ou  (cntir  l'unifTon ,  &  calculer  les 
intervalles.  M..  Euler  donne  un  eipace  de 
huit  oftaves  depuis  le  Ton  le  plus  aigu  jul- 
qu'au  fon  le  plus  grave ,  appréciable  à  notre 
oreille  ;  mais  ces  Ions  extrêmes  n'étant  guère 
a-zréables,  on  ne  paflè  pas  communément, 
dans  la  pratique ,  les  bornes  de  cinq  odaves  , 
relies  que  les  donne  le  clavier  à  ravalement. 
Il  y  a  auffi  un  degré  de  force  ,  au  delà  du- 
quel le  fon  ne  peut  plus  s'apprécier.  On  ne 
iauroit  apprécier  le  l'on  d'une  groile  cloche 
dans  le  clocher  même  ,  il  fout  en  diminuer 
la  force  en  s'éloignant  pour  le  diflinguer. 
-De  même  les  fons  d'une  voix  qui  crie  , 
ceflent  d'être  appréciables  ;  c'eft  pourquoi 
ceux  qui  chantent  fort  font  fujets  à  chanter 
taux.  A  l'égard  du  bruit ,_  il  ne  s'apprécie 
jamais  ;  &  c'elt  ce  qui  fait  la  différence 
d'avec  le  fon.  K  BruiT  &  SoN.  {S) 

APPRÉCIATEUR,  terme  Je  commerce, 
celui  qui  met  le  prix  légitime  aux  chofes  , 
aux  marchandifes.  On  a  ordonné  que  telles 
marchandifes  feroient  eflimées  &  miies  à 
prix  par  des  appréciateurs  &  des  experts. 
Appréciateurs  ;  l'on  nomme  ainlî  à 
Bordeaux  ceux  des  commis  du  bureau  du 
convoi  &  de  la  comptablie ,  qui  font  les 
appréciations  &  efiimations  des  marchandi- 
fes qui  y  entrent  ou  qui  en  fortent ,  pour 
régler  le  pié  fur  lequel  les  droits  d'entrée  & 
de  iortie  en  doivent  être  payés.  On  peut 
voir  le  détail  de  leurs  fondions  dans  le 
Diclionn.  du  Comm.  tom.  I.  p.  68^. 

APPRÉCIATION  ,  f.  f.  eAimation  faite 
par  experts  de  quelque  chofe ,  lorlqu'ils  en 
déclarent  le  véritable  prix.  On  ne  le  dit 
ordinairement  que  des  grains ,  denrées-ou 
chofes  mobiliaires.  On  condamne  les  débi- 
teurs à  payer  les  chofes  dues  en  efpeces , 
finon  ta  jufle  valeur ,  félon  Yappréciarion 
qui  en  fera  faite  par  experts. 

APPRECIER ,  V.  aft.  eftimer  &  mettre 
un  prix  à  une  chofe  qu'on  ne  peut  payer 
ou  repréfenter  en  elpece.   (G) 

APPRÉHENSION,  {Ordre  encyclope^ 
d'que.  Entendement.  Rai/on.  Philufvphie 
ou  fcience.  Science  de  V homme.  Art  de  pen- 
fa\  Appre'hcnjion.)  elî  une  opération  de  l'cl- 


AP  P 

prit  qui  lui  fait  appercevoir  une  chofê  ;  elle 
eft  la  même  chofe  que  la  perception.  L'ame, 
félon  le  P.  Mallebranche,  peut  appercevoir 
les  chofes  en  trois  manières  ;  par  l'enten- 
dement  pur  ,     par  l'imagination  ,  par    les 
fens.  Elle  apperçoit  par  l'entendement  pur  » 
les  chofes  fpirituelles ,  les  univerfelles ,  les 
notions  communes  ,  l'idée  de  la  perfedion  y 
&  généralement  toutes  fes  penfées ,   lorf- 
qu'elle  les  connoît  par  la  réflexion  qu'elle 
fait  fur  elle-même.  Elle    apperçoit   même 
par  l'entendement  pur ,  les   chofes  maté- 
rielles ,  l'étendue  avec  fes  propriétés  ;   car 
il   n'y  a  que  l'entendement  pur  qui  puific 
appercevoir   un   cercle  &   un  quarré   par- 
fait ,    une  figure  de   mille  côtés, &  chofes 
femblables  ;  ces  fortes  de  perceptions  s'ap- 
pellent ^urfj  imelleclions  ou  pures  percep- 
tions y  parce  qu'il  n'ell  point  néccfTaire  que 
l'elprit  forme  des  images  corporelles  dans, 
le  cerveau  ,  pour  fe   repréfenter  toutes  ces 
choies.  Par  l'imagination  l'ame  n' apperçoit 
que  les  êtres  matériels  ,  lorlqu'étant  abiêns 
elle  fe    les   rend  preféns  en  s'en  formant ,. 
pour  ainfi  dire ,  des  images  dans  le  cerveau  : 
c'efl  de  cette  manière  qu'on  imagine   toutes 
fortes  de  figures.  Ces  fortes  de  perceptions 
fe  peuvent   appeller  imaginations  y    parce 
que  l'ame  fe   repréfénte  ces  objets  en  s'en 
formant  des  images  dans   le  cerveau  ;  & 
parce  qu'on   ne  peut  pas  fç  former  des  ima- 
ges des  chofes  fpirituelles  ,  il  s'enfuit    que 
l'ame  ne  peut  pas  les  imaginer.  Enfin  l'ame 
n'apperçoit  par  les  fens  que  les  objets  fen» 
fibles  &  grofiiers,  lorlqu'étant  préfens  ils  font 
impreflion  fur  les  organes  extérieurs  de  fon 
corps ,  &  que  cette  impreflion  fe  commu- 
nique au  cerveau  :  ces  fortes  de  perceptions 
s  A^ç^WcM  fenfations  ou  fentimens. 

Quand  le  P.  Mallebranche  prononce  que 
les  chofes  corporelles  nous  font  repréfen- 
tées  par  notre  imagination  ,  &  les  fjjiri- 
tuclles  par  notre  pure  intelligence ,  s'en- 
tend-il bien  lui-même  ?  De  côté  &  d'autre 
n'efl-ce  pas  également  une  penfée  de  notre 
efprit,  &  agit-il  moins  en  pcnfant  à  une 
montagne  ,  qui  cfl  corporelle  ,  qu'en  pen- 
fant  ù  une  intelhgence  ,  qui  eft  li-)irituelle  •: 
l'opération  de  l'elprit ,  dira-t-on  ,  qui  agic 
en  vertu  des  traces  de  notre  cerveau  par, 
les  objets  corporels ,  cfl  l'imagination  ,  ^ 
Topéraiiun  de.  Tef^rit  indépendante  de  ces. 


A  P  P 

traces  ,  efi  la  pure  intelligence.  Quand  les 
cartéficns  nous  parlent  de  ces  traces  du 
cerveau  ,  diient  -  ils  une  choie  férieul'e  ? 
Avec  quelle  efpece  de  microlcope  ont  -  ils 
apperçu  ces  traces  qui  forment  l'imagina- 
tion ?  &  quand  ils  les  auroient  apperçues  , 
peuvent-ils  jamais  favoir  que  l'efprit  n'en  a 
pas  beloin  pour  toutes  fes  opérations , 
même  les   plus  ipiriiuelles. 

Pour  parler  plus  julte  ,  difons  que  la 
faculté  de  penlèr  e(ï  toujours  la  même  , 
toujours  également  (pirituelle ,  fur  quel- 
que objet  qu'elle  s'occupe.  On  ne  prouve 
nullement  là  l'piritualité  ,  plutôt  par  un 
objet  que  par  un  autre;  ni  plutôt  par  ce 
qu'on  appelle  pure  incelleclion  ,  que  par  ce 
qui  s'appelle  imagination.  Les  anges  ne  pen- 
lent-ils  pas  à  des  objets  corporels  &  à  des 
objets  Ijiirituels  ?  nous  aviions-nous  pour 
cela  de  dillinguer  en  eux  l'imagination 
d'avec  la  pure  intelligence  ?  ont-ils  beioin 
àes  traces  du  cerveau  d'un  côté  plutôt  que 
de  l'autre  ?  Il  en  ell  ainh  de  nous  ;  dès 
que  notre  elprit  pcnfe ,  il  penle  abfolu- 
ment  par  une  fpiritualité  aufli  véritable 
que  les  purs  cfprits ,  loit  qu'il  s'appelle 
imagination  ou  pure  intelligence. 

Mais  quand  un  corps  fe  prélente  à  notre 
efprit ,  ne  dit-on  pas  qu'il  s'y  forme  un 
fantôme  ?  Le  mot  fantôme  ,  admis  par 
d'anciens  philoiophes  ,  ne  lignifie  rien  dans 
le  fujet  préfent ,  ou  fignifie  feulement  l'objet 
intérieur  de  notre  elprit  ,  entant  qu'il 
penfe  à  un  corps.  Or  cet  objet  intérieur 
ell  également  Ipirituel  ,  foit  en  penlant 
aux  corps  ,  foit  en  penlant  aux  efprits  ; 
bien  que  dans  l'un  &  l'autre  cas  il  ait  bc- 
foin  du  fecours  des  lens.  Je  conclus  que 
la  ditference  eflentielle  qu'ont  voulu  éta- 
blir quelques-uns  entre  l'imagination  &  la 
pure  intelligence  ,  n'eft  qu'une  pure  imagi- 
nation. {  X) 

Appréhension,  f  f.  e/i  fer/77f  <^eZ)roif, 
fignifie  la  prife  de  corps  d'un  criminel  ou 
d'un  débiteur.  (  H) 

*  APPRENDRE  ,  étudier,  s'inftruire, 
(Gramm.)  Étudier,  c'efl  travailler  à  devenir 
favant.  apprendre  ,  c'ell  réuffir.  Oi  étudie  ■ 
pour    apprendre ,    &  l'on  apprend  à  torce  i 
ai  étudier.  On  ne  peut  étudier  qu'une  choie  ' 
à  la   fois  ,   mais    on  peut ,  dit  M.  l'abbé 
Girard  ,  en  apprendre  plufieurs  ;  ce  qui  mé- 1 


A  P  P  75 

taphyfiquement  pris  n'eft  pas  vrai  :  plus 
on  apprend ,  plus  on  fait  ;  plus  on  étudie  , 
plus  on  le  fatigue.  C'ell  avoir  bien  étudié 
que  d'avoir  J/jpm  à  douter.  Il  y  a  des  choies 
qu'on  apprend  fans  les  étudier ,  &  d'autres 
qu'on  étudie  fans  les  apprendre.  Les  plus 
favans  ne  font  pas  ceux  qui  ont  le  plus 
étudié,  mais  ceux  qui  ont  le  plus  appris. 
Synon.  Frany. 

On  apprend  d'un  maître  ;  on  sinflruit 
par  loi-même.  On  apprend  quelquefois  ce 
qu'on  ne  voudroit  pas  favoir  ;  mais  on  veut 
toujours  f;ivoirles  choies  dont  on  sinfiruit. 
On  apprend  les  nouvelles  publiques  ;  on 
s'injhuit  de  ce  qui  le  pafTe  dans  le  cabinet. 
On  apprend  en  écoutant  ;  on  sinfiruit  eu 
interrogeant. 

APPRENTIE  eu  APPRENTI ,  f  m. 
{Commerce!)  jeune  garçon  qu'on  met  & 
qu'on  oblige  chez  un  marchand  ou  chez  un 
maître  artifan  dans  quelque  art  ou  métier  , 
pour  un  certain  temps ,  pour  apprendre  le 
commerce ,  la  marchandile  &  ce  qui  ea 
dépend  ,  tel  ou  tel  art ,  tel  ou  tel  mé- 
tier ,  afin  de  le  mettre  en  état  de  devenir 
un  jour  marchand  lui-même  ,  ou  maître 
dans  tel  ou  tel  art. 

Les  apprentijs  marchands  font  tenus  d'ac- 
complir le  temps  porté  par  les  flatuts  ;  néan» 
moins  les  enfans  des  marchands  font  réputés 
avoir  tait  leur  apprentiflage  ,  lorfqu'ils  ont 
demeuré  aftuellement  en  la  mailon  de  leur 
père  ou  de  leur  mère  ,  faiiant  prntcOion 
de  la  même  marchandile  ,  julqu'A  dix-fept 
ans  accomplis  ,  lelon  la  difpofition  de  l'or- 
donnance de  1673. 

Par  les  flatuts  des  fix  corps  de  marchands 
de  Paris ,  le  temps  du  fervice  des  apprentifs 
chez  les  maîtres ,  efl  différemment  réglé.'' 
Chez  les  drapiers- chaufièriers  ,  il  doit  être 
de  trois  ans  ;  chez  les  épiciers-ciriers  ,  dro- 
guifles  &  confifeurs ,  de  trois  ans  ;  &  chez 
les  apothicaires  ,  qui  ne  font  qu'un  corps 
avec  eux  ,  de  quatre  ans  ;  chez  les  merciers- 
jouailliers  ,  de  trois  ans  ;  chez  les  pelletiers- 
haubanniers-fourreurs  ,  de  quatre  ans  ;  chez 
les  bonnetiers-aumuciers- mitonniers  ,  de 
cinq  ans  ;  &  chez  les  orfevres-jouailliers , 
de  huit  ans. 

Les  apprentifs  doivent  être  obligés  pardc- 
vant  notaires  ,  &  un  marchand  n'en  peut 
prendre  qu'un  à  la  fois. 


7<J  A  P  P 

Outre  les  apprenti/s  de  ces  fix  corps  ,  il  y 
a  encore  des  apprenti/s  dans  toutes  les  com- 
munautés d'ars  &  métiers  de  la  ville  & 
fauxbourgs  de  Paris  ;  ils  doivent  tous ,  auffi- 
bien  que  les  premiers ,  être  obligés  parde- 
vant  notaires  ,  &  lent  tenus  après  leur 
apprentiflage  de  fervir  encore  chez  les  maî- 
tres pendant  quelque  temps  en  qualité  de 
compagnons.  Les  années  de^  leur  apprentif- 
■fâge ,  auili-bien  que  de  ce  iecond  lêrvice  , 
font  différentes  ,  fuivant  les  différens  ftatuts 
des  cominunautés. 

Le  nombre  des  apprenti/s  que  les  maîtres 
peuvent  avoir  à  la  fois ,  n'cft  pas  non  plus 
uniforme. 

Aucim  apprenti/  ne  peut  être  reçu  à  la 
tnaîtrife ,  s'il  n'a  demandé  &  fait  fon  chef- 
d'œuvre. 

La  veuve  d'un  maître  peut  bien  conti- 
nuer ]! apprenti/  commencé  par  Ion  mari , 
mais  non  pas  en  taire  un  nouveau.  La  veuve 
qui  épouié  un  apprentij  ,  l'affranchit  dans 
plufieurs  communautés. 

Les  apprenti/s  des  villes  où  il  y  a  juran- 
des ,  peuvent  être  reçus  à  la  maîtrife  de 
Paris  ,  en  faifant  chef-d'œuvre  après  avoir 
été  quelque  temps  compagnons  chez  les 
maîtres  ,  plus  ou  moins  ,  luivant  les  com- 
munautés. (G) 

APPRENTISSAGE ,  f.  m.  {Comm.)  fe 
dit  du  temps  que  les  apprentits  doivent  être 
chez  les  marchands  ou  maîtres  des  arts  & 
métiers.  Les  brevets  ^apprenti/] âge  doivent 
être  enrégiHrés  dans  les  regillres  des  corps 
&  communautés ,  &  leur  temps  ne  com- 
mence à  courir  que  du  jour  de  leur  enre- 
giflrement.  Aucun  ne  peut  être  reçu  mar- 
chand qu'il  ne  rapporte  fon  brevet  &  ics 
certificats  â'apprentijjage.  Arc.  5.  dutit.  z 
de  l'ordonn.  de  iGj^.  (G) 

APPRENTISSE ,  f.  f.  {Commerce)  fille 
ou  femme  qui  s'engage  chez  une  maîtreffe 
pour  un  certain  temps  par  un  brevet  parde- 
vant  notaire ,  afin  d'apprendre  ion  art  & 
Jbn  commerce  ,  de  la  même  manière  à-peu- 
près  que  les  garçons  apprcntifs.  Voye\ 
Apprentif.  (G) 

APPRET  des  étoffes  de  foie.  Toutes  les 
étoiles  légères  de  ioic  lônt  apprêtées,  princi- 
palement le  fatin  ,  &  prennent  par  cette  fa- 
çon qu'on  leur  donne,  du  lullre  &  de  la 
jconfiilance. 


A  P  P 

Pour  apprêter  un  fatin ,  on  fait  diflbudre 
de  la  gomme  arabique  dans  une  certaine 
quantité  d'eau  ;  après  quoi  on  pafle  l'étoiîè 
enroulée  fur  une  enfuple ,  au  deflus  d'un 
grand  brafier  ;  &  à  mefure  qu'elle  paflè  ,  on 
l'enroule  fur  une  autre  enluple  éloignée  de 
la  première  de  12.  pies  environ.  L'étoffe  eft 
placée  lur  ces  enluples,  de  manière  qui 
Y  endroit  efl  tourné  du  côté  du  brafier  :  c'ell 
entre  ces  deux  enfuples  que  le  brafier  elt 
pofé  ;  &  à  mefure  que  l'ouvrier  roule  d'un 
côté  la  pièce  d'étofte  bien  tendue  ,  un  autre 
ouvrier  pafle  fur  la  partie  de  Veni'ers  de 
l'étoffé ,  qui  efl  entre  les  deux  enliaples  , 
l'eau  gommée  avec  des  éponges  humedées 
pour  cette  opération.  La  chaleur  du  brafier 
doit  être  fî  violente  ,  que  l'eau  gommée  ne 
puifle  tranlpirer  au  travers  de  l'étoffe  ,  qui 
en  feroit  tachée ,  de  façon  qu'il  faut  que 
cette  eau  feche  à  mefure  que  la  pièce  en  eft 
humeâée.  Voilà  la  façon  d'apprêter  les 
petits  fatins. 

Les  Hollandois  apprêtent  les  petîîsvelours 
de  la  même  façon  ,  avec  cette  différence  , 
que  l'étoffe  cil  accrochée  par  la  hfiere  fur 
deux  traveri'es  de  bois  de  diilance  en  dillance 
d'un  pouce ,  pour  lui  conierver  fa  largeur 
au  moyen  de  vis  &  écroues  qui  l'empêchent 
de  i"e  rétrécir.  On  ne  décroche  l'étoffe  ap- 
prêtée que  quand  la  gomme  eff  iéche  ,  ce 
qui  rend  ra/>;3r£r  plus  long  à  faire  que  pour 
une  étoffe  mince.  On  iîiit  une  pareille  mé- 
thode pour  les  étoffes  fortes  qui  n'ont  pas  la 
qualité  qu'elles  exigeroient  ;  ce  qui  efl  une 
efpece  de  fraude.  On  appelle  donneurs  d'eau 
ces  apprêteurs. 

Apprêt,  f.  m.  en  draperie.  On  comprend 
fous  ce  mot  toutes  les  opérations  qui  iuivent 
la  foule,  telles  que  le  garnifîage  ou  le  tirage 
au  chardon  ,  la  tonte ,  la  preflè  ,  û'c.  Vo}  cz 
l'article   DRAPERIE. 

Apprêt  ,  terme  de  chapelier  \  ce  font  les 
gommes  &  les  colles  fondues  dans  de  l'eau, 
dont  les  chapeliers  ie  fervent  pour  gom- 
mer les  chapeaux  &  leur  donner  du  corps  , 
afin  que  les  bords  le  foutiennent  d'eux- 
mêmes  ,  &  que  k'iu-s  formes  coniervcnt 
toujours  leur  figure.  Vapprct  efl  une  des 
dernières  façons  que  les  ouvriers  donnent 
aux  chapeaux  ,  &  une  des  plus  difficiles  ; 
car  pour  que  Vappràùïthoa,  il  ne    doit 


A  P  P 

point  du  tout  paroître  en  dehors.  yoye\ 
Chapeau  &  Chapelier. 

Apprêt,  chi\  Us  pelletiers.  Les  peaux 
qu'on  deftine  à  taire  des  fournitures  ,  &  qui 
ibnt  garnies  de  leur  poil  ,  doivent ,  avant 
que  d'être  employées  par  le  pelletier  ,  rece- 
voir quelques  façons  pour  les  adoucir.  Cette 
préparation  coniKle  A  les  paflèr  en  huile  , 
fi  ce  font  des  peaux  dont  le  poil  tienne 
beaucoup  ;  mais  fi  le  poil  s'enlève  aifément , 
on  les  prépare  à  l'alun  ,  comme  nous  Talions 
expliquer. 

Les  principales  peaux  dont  on  fe  fert  pour 
les  fourrures  ,  font  les  martres  de  toute  cf- 
pece  ,  les  hermines ,  le  caftor ,  le  loutre  ,  le 
tigre  ,  le  petit-gris  ,  la  fouine,  Tours  ,  le 
loup  de  plufieurs  fortes ,  le  putois  ,  le  chien , 
le  chat ,  le  renard  ,  le  lièvre  ,  le  lapin  ,  Ta- 
gneau  ,  &  autres  femblables. 

Manière  de  pajfer  en  huile  les  peaux  dejl- 
ne'es  à  faire  des  fourrures. 

Sitôt  que  les  peaux  font  arrivées  chez 
l'ouvrier  ,  on  les  coud  enfemble  ,  de  ma- 
nière que  le  poil  ne  puifl'e  pas  fe  gâter  ;  en- 
fuite  on  les  enduit  d'huile  de  navette ,  qui 
cil  la  feule  qui  foit  propre  à  cet  uiage  ; 
après  quoi  on  les  foule  au  pie ,  pour  y  fiiire 
pénétrer  Thuile  &  les  rendre  plus  mania- 
bles. Si  elles  ne  font  pas  iulhlamment  adou- 
cies ,  on  réitère  la  même  opération  ,  &  on 
y  remet  de  nouvelle  huile  ,  jufqu'^  ce  qu'el- 
les foient  arrivées  au  point  de  pouvoir  être 
maniées  comme  une  étoffe.  Cela  fait ,  on  les 
net  lur  un  chevalet  pour  y  être  échainées  ; 
&  lorfqu'elles  font  bien  nettoyées  du  côté 
de  la  chair  ,  &  qu'il  n'y  refle  plus  rien  ,  on 
les  découd  ,  &  on  les  dégraiffe  de  la  ma- 
nière fuivante.  On  étale  les  peaux  lur  terre , 
le  côté  de  la  chair  en  deflous  ,  &:  on  les 
poudre  du  côté  du  poil  avec  du  plâtre  bien 
fin  &  paflé  au  tamis  ;  enfuite  on  bst  les 
peaux  avec  des  baguettes  ,  pour  en  faire 
tomber  le  plâtre.  Il  faut  recommencer  cette 
opération  jufqu'à  ce  qu'elles  ioicnt  totale- 
ment dégraillées  ,  &  en  état  d'être  em- 
ployées. 

Mais  comme  il  fe  trouve  fouvcnt  des 
peaux  dont  le  puil  ne  tient  pas  beaucoup , 
ces  peaux  perdroient  leur  poil  fi  on  les  pal- 
foit  en  huile  ;  ainh  au  lieu  d'huile  on  les 
apprête  de  la  manière  fuivante. 


APP  77 

On  prend  de  l'alun  ,  du  fel  marin  ,  &  de 
la  farine  de  feigle  ;  on  délaie  le  tout  en- 
femble dans  Teau ,  &  on  en  forme  une  pâte 
liquide  comme  de  la  bouillie  ;  enfuite  on 
enduit  les  peaux  du  côté  de  la  chair  ;  cette 
opération  rcflerre  la  peau  &  empêche  le 
poil  de  tomber.  Cette  façon  fe  réitère  juf- 
qu';\  ce  que  les  peaux  foient  tout-à-fait  de- 
venues fimples  &  maniables  ;  après  quoi 
on  les  porte  chez  le  pelletier  pour  y  être 
employées  en  fourrures. 

Apprêt  ,  (Peinture  d')  c'ef}  ainfi  qu'on 
appelle  la  peinture  qui  fe  fait  fur  le  verre 
avec  des  couleurs  particulières.  On  fe  fert 
du  verre  blanc.  Les  couleurs  appliquées  fur 
ce  verre,  fe  fondent  &  s'incorporent.  Cette 
peinture  étoit  tort  en  ulage  autrefois  ,  prin- 
cipalement pour  les  grands  vitraux  d'églife , 
où  Ton  employoit ,  .  dit  M.  de  la  Hire 
(  Mémoire  de  l' académie  y  tom.  IX.  )  pour 
des  couleurs  vives  &  fortes ,  de  verres  co- 
lorés dans  le  fourneau  ,  fur  Icfquels  on  met- 
toit  les  ombres  pour  leur  donner  le  relief; 
ce  qui  ne  s'entend  guère.  Mais  l'oyeT^  à  l'ar- 
ticle Peinture  le  détail  delà  manière  de 
peindre  âi  apprêt  ou  fur  le  verre. 

APPRETER  ,  v.  a.  chei  les  fondeurs 
de  caractère  d' imprimerie  y  c'cfl  donner  aux 
carafteres  la  dernière  façon  ,  qui  confifte 
à  polir  ,  avec  un  couteau  fait  exprès  ,  les 
deux  côtés  des  lettres  qui  forment  un  corps  ; 
pour  fixer  &  arrêter  ce  corps  ,  fuivam  les 
modèles  qu'on  aura  donnés  à  fuivre  ,  ou 
fuivant  la  proportion  qui  lui  e(î  propre ,  ce 
qui  fe  fait  à  deux  ,  trois  ,  ou  quatre  cents 
lettres  à  la  fois  ,  qui  font  arrangées  les  unes 
à  côté  des  autres  ,  fur  un  morceau  de  bois 
long  qu'on  appelle  compofteur.  Etant  ainfi 
arrangées  ,  on  les  ratiÔè  avec  le  couteau  , 
plus  ou  moins ,  jufqu'à  ce  qu'elles  foient 
polies  &  arrivées  au  degrés  précis  d'épaifTeur 
qu'elles  doivent  avoir.  V.  COMPOSTEUR, 
Fonderie,  &  Caractères. 

Apprêter  ïétain.  Toutes  les  gouttes 
étant  reverchées  ( /-'ojf:^  Revercher  ,  ) 
on  les  apprête ,  ainfi  que  les  endroits  des  jets 
qu'on  a  épilés.  J-^oye?^  EpiLER.  Apprêter ^ 
c'eft  écouaner  ,  ou  râper ,  ou  limer  la  pièce , 
pour  la  rendre  unie  &  facile  à  tuurner.  On 
dit  e'couaner  ,  parce  qu'on  fe  fert  d'une 
écouane  ou  écoine,  ou  d'une  râpe,  outil 
de  fer ,  dont  les  dents  font  plus  groflès 


7?  A  P  P 

que  celles  des  limes.  V ouï  apprêter  sSc- 
ment  ,  il  faut  avoir  devant  foi  une  telle  de 
bois  à  quatre  pies ,  de  trois  pies  de  long 
fur  environ  un  pié  de  large,  de  la  hauteur 
du  genou  ,  au  milieu  de  laquelle  il  y  ait 
une  planche  en  travers  d'environ  ib  pou- 
ces de  long&  de  lo  ou  li  de  large;  on 
arrête  cette  felle  ,  que  l'on  appelle  établi  ou 
apprétoir,  avec  une  perche  ou  morceau  de 
bois  pofé  l'ur  le  miheu  ,  &  portant  roide 
contre  le  plancher  ,  pour  tenir  l'apprctoir 
en  arrêt.  En  tenant  fi  pièce  du  genou  gau- 
che ,  fi  c'cll  de  la  poterie  ,  &  appuyant 
contre  l'apprêtoir  ,  on  a  les  deux  mains 
libres ,  &  avec  l'écodane  on  râpe  les  gout- 
tes ,  en  faifant  aller  cet  outil  à  deux  mains. 
Si  c'efl  de  la  vaifT'elle  ,  on  tient  plufieurs 
pièces  enfemble  l'une  lur  l'autre  ,  fur  fes 
genoux  ,  en  les  appuyant  à  l'apprêtoir  , 
foitpour  râper  les  jets.-,  foit  pour  râper  les 
gouttes.  L'écouane  ou  la  râpe  doit  être 
courbe  lorfqu'il  faut  aller  dans  les  endroits 
plats  ,  comme  les  tonds  ;  puis  on  râpe  les 
bavures  d'autour  du  bord  avec  une  râpe 
plus  petite  que  l'écouane,  ou  un  grattoir  fous 
bras  ;  &  fi  les  gouttes  font  un  peu  groiles 
par  de  dans ,  on  les  unit  avec  le  grattoir  ou 
un  ciieau. 

On  dit  encore  apprêter  pour  tourner ,  de 
ce  qui  le  tourne  avant  de  touder  ,  comme 
les  bouches  des  pots-à-vin  ,  les  bas  des  pots- 
à-l'eau  ,  &c. 

On  peut  encore  dire  apprêter  pour  tour- 
ner de  ce  qui  le  rapporte  à  la  main  avant  de 
tourner  la  pièce  ,  comme  les  oreilles  d'é- 
cuelle  ,  les  cocardes  ou  becs  d'aiguiere  , 
Ùc.    Voyei  RÉPARER. 

Apprêter  ,  (  en  terme  de  rergetier) , 
c'eil  mettre  enfemble  les  plumes  &  les  foies 
de  même  grofleur,  de  même  grandeur ,  & 
de  même  qualité. 

Apprêter  au  fourneau,  {en  terme  de 
P'ergetier.  )  c'etl  paflèr  le  bois  d'une  ra- 
quette au  feu  pour  le  rendre  plus  pliant ,  &. 
lui  faire  prendre  la  forme  qu'il  doit  avoir , 
&  qu'il  ne  pourroit  acquérir  fans  cette 
précaution. 

AFFRETEUR,  i^m.  c'efl  le  nom  qu'on 
donne  aux  peintres  fur  verre,  ^"oj'^ij  AP- 
PRET &  FeintURE  SUR  VERRE. 

APPROBAMUS  y  terme  de  droit  ca.- 
noni^ue  :  ce  mot  cû.  purement  latin  ;  mais 


AP  P 

les  canonifles  l'ont  introduit  en  François  ; 
pour  lignifier  le  t'ifa  que  donne  l'ordinaire 
à  un  mandat  ou  refcrit  in  forma  dignum. 
L'ordinaire  à  qui  la  commitlion  efl  adrelTée 
pour  le  vifa. ,  ne  doit  pas  prendre  connoil- 
lànce  de  la  validité  du  titre  ;  ni  différer , 
à  raifon  de  ce  ,  de  donner  ton  approbamus. 
{H) 

AFFROBATEUR  ,  en  librairie.  yoye\ 
CENSEUR. 

APPROBATION  ,  f  f.  en  librairie  y 
efl  un  acte  par  lequel  un  cenfeur  nommé 
pour  l'examen  d'un  livre  ,  déclare  l'avoir  lu 
&  n'avoir  rien  trouvé  qui  puifle  ou  doive 
en  empêcher  l'impreflion.  C'eft  fur  cet  afte 
tlgné  du  cenfeur,  qu'ell  accordée  la  per- 
miliîon  d'imprimer  ;  &  il  doit  être  placé 
à  la  tête  ou  à  la  fin  du  livre  pour  lequel  il  eft 
donné. 

Il  ell  vraifemblable  que  lors  de  la  naif- 
(ance  des  lettres  ,  les  livres  n'étoient  pas 
iujets  ,  comme  ils  le  font  à  préfent  ,  à  la 
formalité  d'une  approbation  ;  &  ce  qui  nous 
autorife  à  le  croire  ,  c'eft  que  le  bienheu- 
reux Autpert,  écrivain  du  VIII  fiecle  , 
pour  fe  mettre  à  couvert  des  critiques  jaloux 
qui  le  perfécutoient ,  pria  le  pape  Enenne 
III  ,  d'accorder  ;\  fon  commentaire  fur  l'a- 
pocalypfe  une  approbation  authentique  :  ce 
que  ,  dit  -  il  ,  aucun  interprète  n,'a  fait 
avant  lui  ,  &  qui  ne  doit  préjudicier  en  rien 
à  la  liberté  où  l'on  eft  de  faire  ufage  de  fon 
talent  pour  écrire. 

Mais  l'art  admirable  de  l'imprimerie  ayant 
confidérablement  multiplié  les  livres  ,  il  a 
été  de  la  fagelîe  des  difFérens  gouvernemens 
d'arrêter ,  par  la  formalité  des  approbations, 
la  licence  dangereufe  des  écrivains  ,  &  le 
cours  des  livres  contraires  à  la  religion  ,  aux 
bonnes  mœurs  ,  à  la  tranquillité  publique  , 
&C.  A  cet  efFet  il  a  été  établi  des  cenfeurs 
chargés  du  foin  d'examiner  les  livres.  Voye\ 
Censeur. 

APPROCHE  ,  f.  f.  {en  géométrie.  )  La. 
courbe  aux  approches  égales  ,  accefjus  a'qua- 
bilis ,  demandée  aux  géomètres  par  M. 
Leibnitz  ,  eft  fameufe  par  la  difficulté  qu'ils 
eurent  a  en  trouver  l'équation.  Voici  la 
queftion. 

Trouver  une  courbe  le  long  de  laquelle 
un  corps  defcendant  par  l'aftion  feule  de  la 
pelanteur  ,  approche  également  de  rhorii:on 


A  P  P 

en  des  temps  égnux  ,  c'efl-à-dire  trouver  la 
courbe  AMP  (fig.4.0  anal.  )  ,  qui  loit 
telle  que  fi  un  corps  pelant  le  meut  le  long 
êx.  la  concavité  A  M  P  Ac  cette  courbe  ,  & 
qu'on  tire  ;\  volonté  les  lignes  horizontales 
QM  y  RN,  S  O,  TP,&c.  également 
disantes  l'une  de  l'autre  ,  il  parcoure  en 
temps  égaux  les  arcs  MN  j  NO  y  OP  ,  &c. 
terminés  par  ces  lignes. 

MM.  Bernouilli  ,  Varignon  &  d'autres  , 
ont  trouvé  que  c'écoit  la  féconde  parabole 
cubique  ,  placée  de  manière  que  ion  lom- 
metJi  fût  ia  partie  lupérieure.  On  doit  de 
plus  remarquer  que  le  corps  qui  doit  la  dé- 
crire ,  pour  s'approcher  également  de  l'hori- 
zon en  temps  égaux  ,  ne  peut  la  décrire 
dès  le  commencement  de  fa  chute.  Il  faut 
qu'il  tombe  d'abord  en  ligne  droite  d'une 
certaine  hauteur  VA  ,  que  la  nature  de 
cette  parabole  détermine  ;  &  ce  n'ell  qu'avec 
Li  vîteiFe  acquife  par  cette  chute  qu'il  peut 
commencer  à  s'approcher  également  de  l'ho- 
rizon en  temps  égaux. 

M.  Varignon  a  générahfé  la  queftion  à 
fon  ordinaire ,  en  cherchant  la  courbe  qu'un 
corps  doit  décrire ,  dans  le  puide ,  pour  s'ap- 
procher également  du  point  donné  en  temps 
égaux  ,  la  loi  de  la  petàateur  étant  luppolée 
quelconque. 

M.  de  Maupertuis  a  auffi  réfolu  le  même 
problême  ,  pour  le  cas  où  le  corps  fe  mou- 
vroit  dans  un  milieu  réfiflant  comme  le 
quarré  de  la  vîtefTe  ;  ce  qui  rend  la  quef- 
tion  beaucoup  plus  difficile  que  dans  le  cas 
où  l'on  fuppole  que  le  corps  fe  meuve  dans 
le  vuide.  Voyei  Hifl.de  l'acad.  royale  des 
fcienc.  an.,  i  6gg.  pag.  Sz.  &c  an.  z  JJO , 
pag.  izg.  Mc'm.  pag.  333.  VoYe:{  auj/î 
Descente  ,  Accélération.  (  O) 

Approche  ygrejfhen  approche.  VoyeT^ 

Greffe. 

Approche  ,  terme  de  fondeur  de  carac- 
tères d'imprimerie  ,  par  lequel  on  entend  la 
diftance  que  doivent  avoir  les  lettres  d  im- 
primerie ,  à  côté  les  unes  des  autres  :  un  j, 
un  Â  j  &c.  qui  dans  un  mot  feroient  trop 
diiîans  des  autres  lettres ,  feroient  trop  gros 
&  mal  approches. 

On  appelle  un  c.araftere  approché .,  quand 

toutes  les  lettres  font  fort  prelîees  les  unes 

contre  les  autres  ;  les  imprimeurs  font  quel- 

■qiiefjis  taire  des  caraiSleres  de. cette,  façon  , 


pour  qu  11  tienne  plus  de  mots  dans  une 
ligne  &  dans  une  page  ,  qu'il  n'en  auroit 
tenu  (ans  cela.  Les  lettres  ainfi  approchées 
ménagent  le  papier,  mais  ne  font  jamais  des 
impredions  élégantes.  Voye\  Imprimerie. 

Approche  ,  f.  f.  terme  d'imprimerie: 
on  entend  par  approche  ,  ou  l'union  de  deux 
mots  qui  font  joints  ,  qu'ils  doivent  être 
efpacés  ;  ou  la  défunion  d'un  mot  dont  les 
lyllabes  font  efpacées ,  quand  elles  doivent 
être  jointes.  Ces  deux  défauts  viennent  de 
la  négligence  ou  de  l'inadvertance  du  com- 
pofiteur. 

Approches  ,  f.  f.  terme  de  fortification  y 
qui  fignifie  les  diiférens  travaux  que  font  les 
aillégeans  pour  s'avancer  &  ab(;rder  une 
iorterefTe  ou  une  place  aflîégée.  Voye^  les 
PI.  de  l'art,  milit.  /-'oj.aulli  TRAVAUX  & 

Fortification.  Les  principaux  travaux 

des  approches  font  les  tranchées  ,  les  mines  ,. 
la  fiipe  ,  les  logemens  ,  les  batteries  ,  les 
galeries  ,  les  épauleraens  ,  &c.  voyei  ces 
articles. 

Les  approches  ou  lignes  d'approches  fefont 
ordinairement  par  tranchées  ou  chemins 
creufés  dans  la  terre,  voye^  Tranchées. 

Les  appro.hes  doivent  être  liées  enfemble 
par  des  parallèles  ou  communications, 
i^oyei  Communication. 

Les  aflîégés  font  ordinairement  des  con-- 
tre-approches ,  pour  interrompre  &  détruire 
les a/)/7roc/jfj  des  ennemis.  roye^CotiTK'E- 
APPROCHES.  (O) 

APPROCHER  ,  {manne)  s'approcher 
du  vent.  f^oy.  AlLER  AU  PLUS  PRÈS,  (Z) 

Approcher  ,  (  en  monnoyage.  )  c'efl 
ôter  du  flanc  fon  poids  fort  en  le  limant  , 
pour  le  rendre  du  poids  prefcrit  par  les 
ordonnances.  Voye:{  REBAISSER. 

Approcher  carreaux  ,  terme  d'ancien, 
monnoyage  ,•  c'étoit  achever  d'arrondir  les 
carreaux  ,  &  approcher  du  poids  que  le 
flanc  devoit  avoir. 

Approcher  à  la  pointe  ,  à  la  double- 
pointe,  aiicifeau  :  ce  fontenfculpture dJ verfe:.- 
riianieres  de  travailler  le  marbre ,  lori'qu'on 
tait  quelques  figures,  /'oj-f^  PoiNTE. 

Approcher  le  gras  des  jambes  ,  les 
talons  ouïes  éperons  ,  (manège)  c'efl  averti? 
un  cheval  qui  ralentit  fon  mouvement ,  ou 
qui  n'obéit  pas ,  en  ferrant  les  jambes  plus 
ou  moins  tort  vers  le.  flanc.  (  f^) 


8o  A  P  P 

Approcher  ,  conferve  fa  fignification 
dans  la  chaire  aux  oiiêaux  marécageux. 

Voici  une  machine  plus  facile  &  de  moin- 
dre dépenfe  que  les  peaux  de  vaches  prépa- 
rées pour  tirer  aux  canards. 

C'efl  un  habit  de  toile  couleur  de  vache 
ou  de  cheval ,  depuis  la  tête  jufqu'aux  pies , 
avec  un  bonnet  qui  doit  être  fait  comme  la 
tête  d'une  vache  ou  d'un  cheval ,  ayant  des 
cornes  ou  des  oreilles  ,  des  yeux  ,  &  deux 
pièces  de  la  même  toile  pour  attacher  autour 
du  cou  &  tenir  le  bonnet.  Il  faut  laiflèr  pen- 
dre deux  morceaux  de  la  même  toile  au  bout 
des  manches ,  pour  imiter  les  deux  jambes  de 
devant  du  cheval  ou  de  la  vache.  Il  faut 
marcher  en  fe  courbant  ,  &  préfentant 
toujours  le  bout  du  fufil  :  vous  approcherez 
.ainfi  peu-à-peu  pour  tirer  les  oifeaux  à  bas  ; 
&  s'ils  fe  lèvent ,  rien  ne  vous  empêchera 
de  les  tirer  en  volant.  La  meilleure  heure 
pour  cette  chafle  eu  le  matin. 

APPROPRIANCE  ,  terme  de  droit  cou- 
tumier  ,  ufité  dans  quelques  coutumes  , 
pour  fignifier  prife  de  pojjejfion.  Dans  la 
coutume  de  Bretagne  ,  ce  terme  efl  fyno- 
nyme  à  décret.  voye\  DECRET.  (  H) 

APPROPRIATION  ,  f.  f.  (  Gramm. 
^^S^l-)  On  nomme  ainfi  le  changement 
que  l'on  tait  (iibir  au  fens  d'un  mot ,  lorfque 
de  ion  emploi  naturel  à  défigner  une  chofe 
d'un  certain  genre  ,  on  le  fait  fervir  à  en 
déligner  une  autre  d'un  genre  différent. 
C'elî  ainfi  que  prefque  tous  nos  termes  , 
employés  d'abord  à  défigner  des  êtres  phyfi- 
ques ,  font  devenus  par  appropriation  des 
termes  métaphyfiques  ;  ceux  qui  ne  mar- 
quoient  que  les  ades  du  corps  ,  ont  été  em- 
ployés pour  exprimer  ceux  de  l'ame  :  ce  qui 
iè  diioit  des  hommes ,  a  pu  fe  dire  de  Dieu. 
Ainfi  un  mot  propre  à  une  idée  ,  eft  devenu 
par  l'appropriation  ,  propre  à  une  idée  de 
nature  toute  différente.  Pour  que  cette  ap- 
propriation des  termes  n'induife  pas  en 
erreur  ,  il  faut  avoir  grand  foin  ,  par  des 
définitions  ou  des  explications  ,  de  détermi- 
ner dans  quel  Icns  on  rend  un  tel  mot  propre 
à  défigner  une  autre  chofc.  (  G.  M.  )  ' 

Appropriation  ,  (Chjmie.)  terme 
mis  en  uiiige  paj-  le  célèbre  chymilte  Jean- 
Frédéric  Hcnckcl  ,  d.ins  un  ouvrage  qu'il  a 
donné  en  Latin  ,  fous  le  lirre  de  Mediorum 
chimiçonirn  non  ultimum  conjunffionis  prir 


A  P  P 

mum  appropriatio  ,  &  dont  la  traduâion  ea 
françois  a  été  imprimée  avec  la  Pyritologie 
&  le  Flora  faturnifans  du  même  auteur. 

Dans  cet  ouvrage  l'auteur  s'efl  efforcé  de 
rafîembler  tous  les  faits  chymiques  qui  ten- 
dent à  prouver  ,  félon  lui  ,  que  la,  combi- 
naifon  des  corps  ,  ou  la  mixtion  exécutée 
par  des  opérations  chymiques  ,  a  fouvenc 
befoin  d'être  préparée  par  des  changcmens 
préliminaires  ,    que    l'artifie   procure   aux 
fubfiances   qu'il   veut  combiner  ,  ou  ,  ce 
qui    efl   la  même  choie  ,    aux    matériaux 
ou  principes   de   la  combinaifon    qu'il    fe 
propofè  de  produire.  Cette  préparation  ou 
prédifpofition  ,  en  prenant  ce  mot  dans  un 
fens  aéfif ,  efl  précilément  ce  qu'il  appelle 
appropriation  ;  &  le  terme  n'exprime  pas 
mai  en  effet  le  changement  introduit  dans 
ces  corps ,  &  la  fin  ou  le  but  que  le  chy- 
mifie  fe  propole   en   le   leur  faifant  fiibir. 
Henckel  ,  félon  fa  manière  ordinaire  ,  qui 
ert    auffi ,    il   faut  en  convenir  ,   celle  de 
beaucoup  de  chymifîes  d'ailleurs  illufires  , 
entafle  les  obfervations  les  moins   exades 
&  les  plus  mal  conçues  ,  tirées  des  phéno- 
mènes de  l'économie  végétale  &  animale  , 
&  les  allégations  les  plus  gratuites  emprun- 
tées  des   prétendues    merveilles    alchymi- 
qiics  ;  il  enraffe  ,   dis-je  ,  cette  fautfe  ri- 
cheffe  avec  plufieurs  notions  très-pofitives  , 
&  qui  auroient  futfi  afîurément  pour  éta- 
blir fa  doârine  fur  l'appropriation.  De  ce 
dernier  ordre   efl  ia  théorie  de  l'union  de 
l'efprit  de  îèl  en  argent ,  qui  a  été  prédif- 
pofé  ou  approprié  à  cette  mixtion  par  foti 
union   préalable  à  l'acide  nitreux  ;  théorie 
dont  Henckel  le  dit  l'inventeur.  Cet  exemple 
&  un  petit  nombre  d'autres  ,  luffiront  pour 
faire  convenablement  entendre  ce  que  c'c.'t 
que  V appropriation  des  chymifies  modernes  J 
&  il   nous  paroùroit  au    moins  mutile  de 
clafîèr  ,  comme  Henckel  l'a  fait  fort  arbi- 
trairement &  fort  confulément ,  les  difïererïs 
genres  à' appropriation. 

Les  autres  exemples  que  nous  croyons 
convenables  de  citer  ,  font  les  fuivans  : 
l'acide  nitreux  concentré  ,  qui  dans  cet  état 
n'attaque  que  très-difficilement  &  très- 
imparfaitement  l'argent  ,  cil  approprié  A 
cette  combinaifon  par  l'aildition  d'une 
quantité  convenable  d'eau  qui  l'afioibht  ou 
le  di^laie. 

L'argent 


A  P  P 

L'argent  &c  le  mercure  fonr  appropriés 
à  être  dillous  d.ms  les  acides  végétaux  par 
une  dillolution  préalable  dans  l'acide  ni- 
trcux ,  &:  une  précipitation  opérée  par  di- 
verfes  matières  fàlines,  d'aprcs  les  procédés 
que  M.  Marggraf  a  donnés  dans  l'Hifioire  de 
l'académie  royale  des  Sciences  Ù  Belles-Lettres 
de  Berlin  ,  année  1 1/^6. 

L'eau  échaurtl-e  jufqu'à  l'éhuUition  efl: 
appropriée  à  s'unir  avec  la  crème  de  tartre. 

Dans  la  préparation  du  vernis  de  fuccin, 
que  les  chymilles  emploient  à  la  compofi- 
tion  d'un  excellent  lut,  1  huile  de  lin,  &  le 
liiccin  dont  le  vernis  elt  compofé ,  lont  dif- 
polcs  ou  appropriés  à  la  combniailon  ,  en 
faifant  bouillir  Thuile  &:  en  failant  fondre 
k  ûiccin  ;  circonllances  fans  lelquelles  cette 
combinailon  ne  le  fcroit  point.  (Cer  article 
ejlde  M.  Venel.) 

ApraopRiATioN  ,  f,  f.  terme  de  Jurifpru- 
dence  canonique  ,  eft  l'application  d'un  béné- 
fice ecclélialîique ,  qui  de  fa  propre  nature 
eft  de  droit  divin ,  &  non  point  un  patri- 
moine pcrfonnel,  à  l'ulage  propre  &c  perpé- 
tuel de  quelque  prélat  ou  communauté  reli- 
gieule  ,  afin  qu'elle  en  jouiilc  pour  toujours. 
Fbyc^  Approprié. 

Il  y  a  appropriation  quand  le  titre  &  les 
revenus  d'une  cure  lont  donnés  à  un  évc- 
ché  ,  à  une  mailon  religieule  ,  à  un  collège, 
&c.  ôc  à  leurs  fuccelleurs  ,  &  que  quelqu'un 
des  membres  de  ce  corps  lait  l'office  divin , 
en  qualité  de  vicaire,  f'oye-^  Cure  6'  Vi- 
cariat. 

Pour  faire  une  appropriation  ,  après  en 
avoir  obtenu  la  permilTion  du  roi  en  chan- 
cellerie ,  il  eft  néceftaire  d'avoir  le  confen- 
tement  de  l'évêque  du  diocefe ,  du  patron , 
&  du  bénéficier,  h  l'évêque  ou  le  bénéfice 
eft  rempli;  s'il  ne  l'eft  pas,  l'évêque  du  dio- 
cefe &:  le  patron  peuvent  le  faire  avec  la  per- 
milTion du  roi. 

Pour  dilloudre  une  appropriation ,  il  fuffit 
de  prélcnter  un  clerc  à  Pévêque  ,  &  qu'il 
l'inftitue  &  le  mette  en  pollelïion  ;  car  cela 
une*  fois  fait  ,  le  bénéfice  revient  à  fa  pre- 
mière nature.  Cet  aéle  s'appelle  une  déjhp- 
proprintion. 

L'appropriation  eft  la  même  chofe  que  ce 
qu'on  appelle  autrement  en  droit  cano- 
nique union.   Voye^^  Union.   (  H) 

Approprié,  adj.  en  terme  de  droit  cano- 
Tome  m. 


A  P  P 


8r 


nique  ^  fe  dit  d'une  églile  ou  d'un  bénéfice 
dont  le  revenu  eft  annexé  A  quelque  dignité 
eccléliaftique  ou  communauté  religicufe , 
qui  nomme  un  vicaire  pour  dcflérvir  la 
cure.  En  Angleterre  ,  le  mot  approprié  oft 
(ynonyme  à /V^yi'oty''.  ^'"oje^  Inféodé.  On  y 
compte  3845  t^x^a  appropriées.  V.  Appro- 
priation. (  //) 

_  APPROVISIONNEMENT  des  places , 
I.  m.  c'eft  dans  l'art  militaire  ,  tout  ce  qui 
concerne  la  lourniture  des  chofes  nécellàires 
à  la  fubfiftancc  des  troupes  renfermées  dans 
une  place. 

Cet  objet  demande  la  plus  grande  atten- 
tion. M.  le  maréchal  de  Vaubaii  a  donné 
cies  tables  à  ce  fujet  ,  qu'on  trouve  daiv; 
pludeurs  livres  ,  &  notamment  d*ns  la 
défende  des  places  par  M.  le  Blond  ;  mais 
elles  ont  le  défaut  de  n'être  point  raifon- 
nées.  Elles  font  proportionnées  au  nombre 
des  baftions  de  chaque  place  ,  depuis  quatre 
baftions  julqu'à  dix-huit.  Il  faudroit  des 
règles  plus  générales  &c  plus  particulières  à 
ce  fujet  ,  qui  pullent  îervir  de  principes 
dans  cette  matière.  Il  y  a  un  grand  état  de 
M.  de  S.  Ferrier  dreflé  en  1751  pour  Vap- 
provijîonnement  des  places  de  Flandre.  On  le 
dit  fait  avec  bien  de  l'intelligence  ;  &  c'eft 
une  pièce  manulcrite  à  laquelle  il  feroit  à 
propos  de  dop.ner  plus  de  publicité.  (  Q  ) 

APPROU  V  ER  un  livre ,  c'eft  déclarer  par 
écrit  qu'après  l'avoir  lu  avec  attention,  on 
n'y  a  rien  trouvé  qui  puille  ou  doive  en  em- 
pêcher'i'imprcllion.  ^'oje^ Approbation  , 
Censeur. 

Ar?ROXlUATl01Si,approxi;natio,  f.  f. 
(en  mathématique.  )  eft  une  opération  par  la- 
quelle on  approche  toujours  de  plus  en  plus 
de  la  valeur  d'une  quantité  cherchée  ,  fajis 
cependant  en  trouver  jamais  la  valeur  exaéle. 
Foje^  Racine. 

Wallis ,  Raphfon  ,  Halley ,  &  d'autres , 
nous  ont  donné  différentes  méthodes  d'ap-' 
proximation  ;  toutes  ces  méthodes  conliftenc 
à  trouver  des  fériés  convergentes  ,  à  l'aide 
defquelles  on  approche  iî  près  qu'on  veut 
de  la  valeur  exaéVe  d'une  quantité  cher- 
chée ;  &  cela  plus  ou  moins  rapidement  , 
(don  la  nature  de  la  lérie.  V.  Convergent 

&    SÉRIE. 

Si  un  nombre  n'eft  point  un  quarré  par- 
fait, il  ne  faut  pas  s'attendre  d'en  pouvoir 

L 


8i 


A  P  P 


tirer  la  ricine  exaéte  en  nombres  rat;one!s ,  ' 
entiers ,  ou  rompus  ;  dans  ces  cas  ,  il  Fiur 
avoir  recours  aux  méthodes  A' approxima- 
tion ,  &  le  contenter  d'une  v:ileur  qui  ne 
diffère  que  d'une  très-petite  quantité  de  la 
valeur  exafte  de  la  racine  cherchée.  Il  en 
eft  de  même  de  la  racine  cubique  d'un  nom 
bre  qui  n'cd  pas  un  cube  parfait  ,  &  ainll 
des  autres  puilîànces  ,  comme  on  peut  voir 
dans  les  Tranfacl.  phi'of.  n°.  xiy. 

La  méthode  la  p'.us  ilmple  &  la  phis  facile 
d'approcher  de  la  racine  d'un  nombre  ,  eft 
celle-ci  :  je  fuppoic  ,  par  exemple  ,  qu'on 
veuille  tirer  la  racine  quarrée  de  2  ;  au  lieu 
de  i  ,  j'écris  la.  fraârion  7777^  >  <lui  lui  eft 
égale  ,  ayant  foin  que  le  dénominateur 
loodO  foie  un  nombre  quarré  ,  c'eft-à-dire , 
fenferme  uir nombre  pair  de  zéros;  enfuire 
jt  tire  la  racine  quarrée  du  numérateur 
iooGo  ;  cette  racine  ,  que  je  peux  avoir  à 
fine  un'cé  près,  étant  divifée  par  loo ,  qui 
eft  la  racine  du  dénominateur  ,  j'aurai ,  à 
^^  près  ,  la  racine  de  \^l  ,  c'eft-à-dire  , 
de  1. 

Si  on  vouloir  avoir  la  racine  plus  appro- 
chée, il  faudnDÏt  écrire '°7~  ,  &  onau- 
roit  la  racine  à  rTTZ  F^'^s  ,  &c.  de  même 
pour  avoir  la  racine  cubique  de  2  ,  il  faudroit 

^.2000000  ^  . 

écrire  ,~'j7;;zi  >  icooooo  étant  un  nombre 
cubique  ,  &  on  auroit  la  racine    à   — ^ 

X  ■'  1000 

près  ,   ôc  ainfi  à  l'infini. 

Soit  a  a-\-  i  un  nombre  quelconque  qui 
ne  loit  pas  un  qunrré  parfait  ,  8;  a'  -+■  b 
un  nombre  quelconque  qui  ne  foit  pas  un 
■  cube  parfait.  Soit  a  alo.  plus  grand  quarré 
■  parfait  ,  contenu  dans  le  prenaier  de  ces 
nombres.  SoitûMe  plus  grand  cube  parfait 
contenu  dans  le  fécond  de  c.s  nombres  ,  on 

aura  \'{,a,  -}-.')=..+*— |^* ,  ^c.  &  v'(^'-H) 

■=.a-\ ,  &;c.  Voyer  Binôme.  A  l'aide 

de  ces  équations- ,  on  aura  facilement  des  ex- 
pre (lions  fr)rt  approchées  des  racines  qaar- 
récs  &  cubiques  que  l'on  cherclicra. 

S^it  proptjfi'  d'avoir  la  racine  d'u  ue  équation 
perJppïïOXir^ATian,  1°.  d'une  équation 
dxi!  fécond  degré;  Soit  l'équation-  donnée 
du  'tcond  dcgr--,  dont  il  f'i'î  avoir  la  racine 
par  apprf,xim^tier\  ,  :i:'- — î  .v-^-3i=û-,  on 
iKpfoîcquii  fojwlicke  déj»  qwc  la  Mcinc  eft 


A  P  P 

à-pcu-prcs  8  ;  ce  que  l'on  peut  trouver  aifé- 
rpcnt  par  différentes  méthodes ,  dont  plu- 
heurs  (ont  expoices  dans  le  /-T  Lvre  der 
l'analyfe  démuiurè&  du  P.  Reyneau;. 

Soir  8  -f-j  la-  racinede  l'équacion  propo- 
Ice  ,  enforre  que  y  foit.  une  fiadhioir  égale  à 
la  quantité ,  dont  8  eft  plus  grand  ou  plus 
petit  que  la  racine  cherchée  ,  on  aura  donc 

—  5;c=  — 40— ;j 

—  7+-iij-f-y=o. 

Or,  comme  une  fradion  devient  d'autant 
plus  petite  ,  que  la  puifl'ance  à  laquelle  elle- 
fe  trouve  élevée  eft  grande ,  &  que  nous  ne 
nous  propofons  que  d'avoir  une  valeur 
approchée  de  la  racine  de  l'équation  ,  nous 
négligerons  le  terme  j^  ;  &  la  dernière- 
équation  '"  -'•^■''-—  - 


le  réduira  à 

—  7 


•I I 


j=o 


3»=  r,^^^~  a-peu-pres=^o.  6. 
D0nc.r  =  8-1- 0.6=8.  6. 
Seit  encore  a-  =  S.  6  -Hy ,  on  aura 


_ji=— ji. 


7JJ&       4)0  rjt  

. .  ,  — 'TT—  î'  +  T7  y— 53-  —^^ 
Réduifmt  les  fr-idtions  au  même  déno- 
minateur ,  on  aura  l'equation  fuivante  : 
73-.  y6  —  4500 — 3 100 +(1710 — jooj_)=o. 
—  o.  04+1220^  =0. 


12.  20J^^=C^.04. 


y  =  004.:  12.  io^^o.  0031. 
Donc  ^  =  8.  6000 -f-o.  003-2=3.  6052. 
Soit  encore  .v  =^8.  603  2  -\-y  ,  on  aura 
*"=^740i  5050-14 -4- 17.  206400007 -H- j' 

5  X= 43  .  o  1  600000 5 OOOOOOGO 

— 3  I  = —  3 1. 00000000 

■'—O'.  000094976 —  I  2.  206400003=3. 

3  =0. 000094970  :  12,  206400003  =j-. 

000077808. 
Donc  x= S .  603  toooooo  -\-  o.  0000s- 
76808.  =  &,  603277808, 


A  P  P 

<>oit  imiiiten.inr  ccrrc  équation  du  troi- 
fieme  degré  ,  dont  il  l'uit  chercher  la  racine 
parapproximitioiT,  x'-i-i.  x''-  i^  x-70=o, 
&  don: on  fuppofeque  l'on  fâche  à-pcu-près 
la  racine ,  par  exemple  f . 

Soit  donc  la  racine  de  cette  équation 
f  -f-y.  Comme  on  peut  négliger  les  termes 
où  y  fe  trouve  au  fécond  &  au  troifieme 
degré  ,  il  n'ett  p  is  nccolfure  de  les  exprimer 
dans  la  transformation.  On  aura  donc  ieule- 
ment. 

-+- 1  r  =)OH-  loy 

—  70=  — 70- 


A  P  P 


83 


—  1 0-4-71  y- 


Donc  j:=;  +  o.  1  =  ).  I. 
Soit  derechef  a:  =  y.  i  +  j,  on  aura 
x  —  iii.  6)1-4-75.  050J 
+  zr=  f  1.  Oio  4-  io.  400  y 

—  13  x  =  —  117.  300 — 15. 000 y 

—  70  =  —  70.000. 

—  1.  5i9  +  75.450J  =  o 
vy.  45oy  =1.  629. 

y  =  i.  6i9  :  7).  450  =  0.  054S. 

Donc  «  =  j.  I  4-  o.  054S  =  S-  1340  ,  & 
ain(i  de  fuite  à  Tinfini.  Il  eft  évident  que  plus 
on  réitérera  l'opération  ,  plus  la  valeur  de 
X  approchera  de  la  valeur  exaéle  de  la  racine 
de  l'équation  propofée. 

Cette  méthode ,  pour  approcher  des  raci- 
nes des  équations  numériques  ,  ell  due  à 
M.  Newton.  Dans  les  mém.  de  l' Acad.de 
1744  ,  on  trouve  un  mémoire  de  M.  le 
marquis  de  Courtivron,  où  il  periedionne 
&  kmplifie  cette  méthode.  Dans  Us  mânes 
m''moires ,  M.  Nicole  donne  auffi  une  mé- 
thode pour  approcher  des  racines  des  équa- 
tions du  troiilemc  degré  dans  le  cas  irréduc- 
tible ;  <5c  M.  Clairaut  ,  dans  fes  élémens 
d'algeh-e  ,  en  feigne  auffi  une  manière  d'ap- 
procher de  la  "racine  d'une  équation  du 
troiiîeme  degré  dans  ce  même  cas.  V.  Cas 
Irréductible  du  troifieme  degré.  [O) 

A  cet  article  de  M.  d'Alembert ,  nous 


joindrons  l'article  liiivant  de  M.  le  marquis 
de  Condorcet ,  qui  a  mérité  ,  par  les  grands 
talens ,  que  l'académie  des  fciciioes  lui  con- 
fiât fa  plume. 

Approximation.  {Mathématiques  )  Mé- 
thode d'avoir  la  valeur  approchée  de  toutes  les 
racines  d'une  équation  numhak  déterminée. 
Cette  méthode  elt  de  M.  de  la  Grange  ,  qui 
l'a  donnée  dans  les  volum.s  XXIII 6' XXiy 
des  mémoires  de  Berlin. 

Le  premier  point  que  propofe  M.  de  la 
Grange ,  eft  de  trouver  toutes    les   racines 
réelles  ,  pofitivcs  &  inégales  d'une  équation; 
mais  ,  pour  cela  ,  il  faut   commencer    par 
connoitre  le  nombre  de  fes  racines.  Soit 
donc  la  propolée  x-a.  x-b.  x-c.  .  .  .  =  o  , 
il  eft  aife  de  voir  que  ,  Il  je  mets  à  la  place 
de  X  un  nombre   poiîtif  quelconque  ,  les 
x-a,  x-bj    x-c  ,    Cl'c.     relieront    toujours 
pofîtifs ,  Çi  a,  b  ,c,    font    des    nombres 
négatife  ;  que  s'ils  font  imaginaires  ,  le  pro- 
duit de  chaque  paire  d'imagjnaires  fera  aulTî 
toujours  politif ,  &.il  en  fera  de  même  de 
chaque  paire  de  racines  égales,    quel^  que 
foie  leur  figne  :  donc  fion  divife  une  équa- 
tion propofée  en  deux  faclieurs  y  A  &i  B , 
dont  l'un  A  renferme  les  racines  imaginaires 
négatives ,  ou  enfin  les  paires    des    racines 
égales,  Hc  5  ,  les  racines  réelles  pofitives 
(Se  inégales ,  la  valeur  du  fedeur  A  ne  chan- 
gera point  de  ligne ,  quelque  nombre  politif 
qu'on  mette  à  la  place  de  x  &  reftera  tou- 
jours   politive.   Je    confidere  feulement  le 
fideur  B^   que  je  fuppofe  égal    à    x-a  . 
x~b^  ?.  x-J  ....  les  a  ,  b'  ,  c  ,  étant    des 
nombres  pofitifs,  &  c'   <  b  <  c  <' ,  &c. 
dans  ce  cas  fi  je  mets  pour  x  un  nombre  plus 
petit  que  a  ,  tous  les  fadeurs  feront  négatifs; 
&  fi  je  mets  pour'  x  un  nombre  >  a   8>c 
<  y ,  ils  feront  encore  tous  négatifs,  hors 
le  fadeur  x-J ,   qui  fera  pofitif ;    donc   le 
produit  B  changera  de  ligne ,  il  en  chan- 
gera encore  lorfquc  l'on  mettra  pour  x  un 
nombre  >  b<c,  &c  encore   lorfque  l'on 
mettra  pour  x  un  nombre  >  e  <o,  &  ainii 
de  fuite ,  enforte  que  h  on  met  fuccellive- 
ment  pour  x   les  nombres  o  ,    A  ,    2    y  , 
5   V  ,  &c.  où  la  différence  v  loit  plus  petite 
que  la  plus  petite    différence  entre  deux 
racines  confécutives ,  il  y  aura    autant  c^» 
racines  réelles   pofitives  inégales  ,    que    la 


84  A  P  P 

valeur  de  la  quantité  égalée  à  zéro  changera 
de  ligne;  il  faut  donc  connoitre  maintenant, 
1°.  un  nombre  tel  qu'en  menant  pour  ;c  un 
nomAire  quelconque  plus  grand,  B  ne 
■  change  point  de  ligne ,  afin  de  ne  pas  être 
obligé  d'étendre  à  l'infini  la  lubflitution  des 
0,^,2'^,?'^,  f-v".  pour  X  ;  i°.  un  nom- 
bre A ,  tel  qu'il  ioit  ,  plus  petit  que  la  plus 
petite  différence  entre  deux  racines  confé- 
cutives ,  ou  en  général ,  entre  deux  racines 
pour  le  premier  point  ;  comme  cette  valeur 
de  X  doit  rendre  B  policiF,  le  ligne  du 
premier  terme  l'étant  auffi,  il  eft  clair  que 
prenant  un  nombre  égal  au  coéflicienc  le 
plus  grand  des  termes  négatifs ,  augmenté 
.  de  l'unité  ,  B  ne  deviendra  pas  négatit  , 
mettant  pour  x  le  nombre  ou  un  nombre 
plus  grand;  car  prenant  le  cas  le  plusdéfa- 

n        n—i         n—i 

vorable  ,  celui  où  l'onauroit:i-  =  .i.vH-3.r... 
i}  ,a,l',...q  étant  pofidfs,  on  trouvera  que 

;  H- I  =/''.; +  1  -{-pp.  +  i...>  ap-\-i-\- 

.  bp-\-  I . . .  puifque  à,  b.  .  .  .  q  ,  par  l'hy- 
pothe'é,  ne  peuvent  êsre  plus  grands  que/'. 
Pour  le  fécond  point ,  on  prendra  d'abord 
l'équation  entre  les  diflérences  des  racines 
de  la  propofre,&  pour  cela  on  remarquera 
que  loir  u  cette  difttrence,  &i  mettant  au 
lieu  de  X  ,  :c  -H  z/  dans  la  propofce ,  on  aura 
une  équation  qui  devra  avoir  lieu  en  même 
temps  que  la  propoléc  ,&:  diminuant  x,  il 
reliera  une  équation  en  F,  qui  lera  l'équa- 
tion cherchée.  Cette  équation  ne  contiendra 
que  des  puillànces  paires  de  u ,  parce  que 
ioientiî  &  b ,  deux  racines  de  la  propolée, 
il  eft  clair  que  l'équation,  pour  les  diffé- 
rences ,  aura  également  pour  racines  c—  -b 

&  b — a ,  8c  que ,  par  canféquenr ,  u  —a—b^ 
fera  un  des  divifeurs.  De  plus,  elle  lera 
tant  de  fois  di\ilible  par  w'  ,  qu'il  y  aura  de 
racines  égales  enrr'elles.  Puis  donc  que  nous 
cherchons  un  nombre  plus  petit  que  cette 
diff:*rence  entre  des  racines  inégales,  mettant 
au  lieu  de  u    la  quantité  - ,  on  aura  une 

équation  en  ^,  &  connoillanc  une  valeur 
■  plus  grande  que  la  plus  gr.  nJe  racine  poli- 
tive  de  cette  équation,  l'unité  divKée  par  la 
racine  quarrée  de  cette  valeur  ,  fera  plus 
petite  que  la  plus  petite  différence  entre  les 
racines  ;  on  trouvera  cette  valeur  par  lamcrae 


A  P  P 

méthode  que  la  limite  des  racines  pofîtives 
de  la  piopolce  ,  trouvée  ci  -  deffus.  Cela 
polé ,  Il  on  lubftitue  à  la  place  de  x  ,  les 
nombres  o,  ^ ,  t  ^ ,  ^ '^ ,  .  .  ^ ,  étant  i  jut- 

qu'au  nombre  ;>  +  i  ,  qui  furpaflè  la  plus 
grande  racine  politive  ,  on  aura  autant  de 
racines  politivcs  qu'il  y  aura  de  changemens 
de  lignes  ;  mettant  enfuite  ,  au  lieu  de  x, 
une  quantité  —  x  :  &faifaiit  les  mêmes  opé- 
rations ,  il  y  aura  autant  de  racines  négatives 
inégales ,  que  de  changemeias  de  lignes. 
Qii-int  aux  racines  égales  ,  fort  X=  o  h 

propofée ,  Yx_  ^^^  o  aura  lieu  en  même  temps , 
s'il  y  a  des  racines  égales.  Mais  de  plus  foie 
~=^x-\-a.x-^b.  x-\-c  &c.  X^=fx-\-a. 

■hb....dx-\-N.='^^.x-\-  b.  .r-f-c... 

■"—"fx  -\-  y .  X  -\-  c   d  X  +  N.  Soit 

'maintenant  X  auffi  divilîble  par  a: -h  (2 ,  il 

f  lUt  qu'en   mettant  —  a  pour  x  dans  cettt; 

intégrale  ,  elle  devienne  zéro ,  donc  N=-  o  , 

donc  A'  cfl:  divifible  par  a:  +  a  ,  donc  toute 
racine  commune  entre  Xùcj'^  —  o ,  aonne 

une  égalité  de  racines  entre  celles  de  X  =  o  y 
prenant  donc  le  commun  divileur  de  X  & 
j^  ,  il  efi:  clair  qu'il  contient  &  ne  contient 

que  les  racines  égales  de  X,  élevées  à  des 
puillànces  moindres  d'une  unitc_  que  dans 
X ,  donc  traitant  le  commun  divileur  cornme 
la  propoiee  ,  on  trouvera  que  la  propoiée  a 
autant  de  racines  réelles  politives  ou  néga- 
tives ,  égales  au  nombre  pair  ,  que  le  com- 
mun divileur  a  de  racines  inégales.  Enkiite 
li  j'appelle  à' le  commun  divifeiir  ,  &  que 

j'aie  celui  de  X'  &  de  —  ,  j'aurai  autant  de 

racines  égales  ,  trois  à  trois  ,  en  nombre 
impair  au  dellus  de  trois ,  que  !e  divi'eur 
commun  a  de  racines  inég.'.'es  ,  iSc  ainli  de 
fuite.  Soit ,  par  exemple ,  ot  ,  le  degré  de 
l'équation  ,^n<  m  ,  le  nombre  des  racines 
in.-gales  ,  p ,  celui  des  racii.es  inégales  du 
premier  commun  divifcur  ,  r  ,  celui  des 
mêmes  racines  pour  le  fécond  commun 
divileur  ,  &  s  pour  le  troilieme  ,  &: qu'il  n'y 
en  ait  point  au  delà,  la  propoiée  aura /2  — 
r-\-  ip  —  is-i-  i  r  -i-  ^t . .,  racines  réelles > 


A  P  I^ 

A — r  ,  ir.c'gùles ,  ;)—.>■ ,  égales  deux  à  Jeux  , 
égales  trois  à  trois  ,  Ik  s  ,  égales  quatre  à 
quatre ,  &  les  r  ,  racines  égales  trois  à  trois, 
auront  été  déterminées  p.-.rmi  les  n  racines , 
que  la  médiode  ci-delllis  trouve  p.ir  l'équa- 
tion A'=c,  de  mcnic  que  les  s  parmi  celles 
du  commun  divileur  de  X  ik.  d  X,  égalé  à 
zéro.  Le  nombre  des  racines  imaginaires  eft 
égal  au  nombre  total  des  racines  ,  moins 
celui  des  réelles  ,  donc  on  aura  le  nombre 
de  ces  racines  ;  iS>:  quant  à  la  dillinc\ion  de 
celles  qui  font  égales,  on  les  trouvera  comme 
ci-dellus ,  en  connoitlant  le  nombre  de  raci- 
nes imaginaires  des  divileurs  communs. 

Maintenant  l\  on  veut  avoir  une  valeur 
approchée  d'une  des  racines  réelles  ,  poli- 
tives  &:  inégales  de  la  propolée  ,  on  prendra 


fér 


l '^ ,  5  '^ ,  ôcc.  ou  A  e 


0 


une  lerie  ,  o  , 

à  la  fois  plus  petit  que  l'unité  ,  &  plus  petit 
que  la  plus  petite  dift  rence  entre  deux  r.'.ci- 
nes  ;  on  mettra  luccclTivement  dans  la  pro- 
pofée  pour  x  ,  les  diftérens  termes  de  cetce 
férié  ,  &  l'on  ob'ervera  le  point  oi!i  en  met- 
tant l'une  après  l'autre  deux  valeurs  confé- 
cutives  ,  le  rélultat  changera  de  ligne  ;  alors 
la  plus  petite  de  ces  valeurs  ne  différera  de 
la  plus  petite  des  racines  politives ,  que  d'une 
quantité  moindre  que  a^  appellant  p  cette 

valeur  ,   je  ferai  x  =/,  H ,  &  j 'aurai  une 

équation  en  ^  que  je  traiterai  comme  la 
prcpofée  ;  appellant  ^  fa  première   valeur  , 


]  aurai  x  =p  • 


-7  +  1 


&  une  équation  en  u  ; 


appellant  r  la  première  valeur  de  n  ,  tou- 
jours trouvée  par  la  même  méthode  ,  ]a\x- 

rat  .V  =;?  H — ^  ,        valeur    qui    approche 

pt-i 
continuellement  de  la  vraie ,  puifque  ,  par 
l  hypothefe  j  y,   r  ,   &c.  font  des  quantités 
pluj  grandes  que  l'unité. 

Si  A  eft  plus  petit  que  i ,  faifuit  "^  =  -y  , 
a  &c  b  font  des  entiers  ,  on  n'aura  qu'à 
mettre ,  au  lieu  de  x  ,  une  autre  quandté 
■^5  &   on  aura  ,  pour  l'équation  en   ^ 

■*=-2  j  &  pir  conféquent ,  '^  fera  un  entier 
U  pourra  être  fuppofé  i  ,  &  on  aura  i ,  !cb 
quantités j7,  Q  ,  r,  &c.  égales  à  des  nom- 


A  P  P  S'y 

bres  entiers  ,  ce  qui  limplifîc  la  fi/xtioii 
continue  ;  z° .  on  aura  une  valeur  exacit; 
de  la  racine  toutes  les  fois  qu'elle  y  en  x 
une  rationcUe  (  voyez  la  fin  de  l'article  ,  ) 
pourvu  que  tous  les  coefHciens  de  l'équa- 
tion en  Q  loient  entiers  ,  ce  qu'il  elT:  tou- 
jours poiTible  de  faire. 

On  pourra  trouver  ,  par  cette  méthode , 
fucceluvcment    une    valeur   approchée    de 
toutes  les  racines  politi^'es  de  lapi-opoféei 
pour  trouver  celles  de  ces  nicines  qui  ])Our-- 
roicnt  en  avoir  d'autres  égales  ,   appcllanc 
X=o  5   la   propolée  ,  prcn^int  le  commun 
divirtur  AeXS<.dX,c&  commun  divifeur 
contiendra  les  racines  de  la  propcfée  ,  qui 
en  ont    d'autres   qui  leur  font  égales  ,  «Se 
elles  feront  toutes  inégales   enrr'elles   dans 
ce  divifeur.  Subftituant  donc  dans  ce  divi- 
feur  la  même  férié  o  ,  '^  ,  2'^  ,    &:c.   ou 
o  ,  I  ,  1  ,   5  ,  4....  que  dans  la  propofée  , 
on  trouvera  ,  s'il  y  a  une  des  racines  trouvées 
par  approximation  ,  où  font  celles  qui   font 
auffi  racines  approchées   du   divifeur  ,    & 
toutes  celles  qui  font  dans  le  c?s  indiquent 
que  ,  dans  la  propofée  ,  elles   font  égales 
au  moins  deux  à   deux  ;   on  trouvera    de 
même  celles  qui  font  égales  trois"  à  trois, 
en  cherchant  le  commun   divifeur  de  X, 

iZi .  i±^  .  &c  ainfi  de  fuite. 

Après  avoir  ainfi  trouvé  toutes  les  raci- 
nes pofitives  ,  fai.Cmt  a= — x  ,  on  aura 
une  équation  en  x  ,  dont  on  cherchera 
les  racines  pofitives  ,  &  les  prenant  avec  le 
fîgne  —  ,  on  aura  les  racines  négatives 
cherchées. 

Quant  aux  imaginaires  qui  font  de  la 
plus  grande  importance  pour  la  folution 
approchée  des  équations  diftcrentielles  , 
(  voye^  ci  -  dejfous  ,  &  l'article  Equation 
SÉCULAIRE  )  on  fera  x  =  a -i-  l>  V  —  i  , 
&  prenant  la  partie  réelle  &  la  partie  imagi- 
naire de  ce  que  devient  la  propofce  après 
cette  fubflitution  ,  les  égalant  chacune  à 
zéro  ,  éliminant  a  ,  on  parviendra  d'abord  à 


avoir  a  ■■ 


:  ^ ,  A  &c  3  étant 


des  fonttions 


rationelles  &  entières  de  3  ,  de  plus  en 
aura  une  équation  en  /i.  Cela  pofé  ,  il  eft 
clair  que  chaque  valeur  réelle  de  b  donnera, 
une  valeur  réelle  de  a  ,  à  moins  que  A  ,  B  , 
ne  fciïnt  nuls  eji  même  temps  que  la  pro- 


^  A  P  P 

pofée.   Si   donc    cel.i    n'a  point    lieu  ,  on  r 
prendra   dans  Téquacion   en   b  les  valeurs 
approchées   des   racines   réelles  polîrives  à 
chacune    defquelles    répondra    une    racine 
négative  de  la  même  valeur  ,  on  aura  a  en 

mettant  dans  -g-  au  lieu  de  b  cette  valeur 

approchée  ,  &  par  conféquent  on  connoi- 
tra  une  valeur  approchée  des  deux  racines 
imaginaires ,  a  -\-  b  y  —  i  ,a  —  bv  —  i. 
Mais  il  l'équation  en  b  a  lieu  en  même 
temps  que  ^=o&J?  =  o,  on  prendra 
le  commun  divifeur  de  ces  trois  équations  , 
enfuite  on  divil'era  par  ce  commun  divi- 
feur l'équation  en  b  ,  Se  chaque  racine 
réelle  de  l'équation  ainlî  divilée  donnera 
une  valeur  de  b  ;  enfuite  prenant  le  divi- 
feur commun  &  une  équation  du  fécond 
dcré  trouvée  en  éliminant  a  &  de  la  for- 
me Mil'-  ■+•  Na-\-  P=o  ,  on  obfervera  (î 
le  commun  divileur  {M,  N3c  P  ,  peuvent 
être  en  même  temps  égaux  à  zéro.  Si  cela 
lie  peut  arriver  ,  on  prendra  les  racines  de 
ce  commun  divifeur  à  chacune  delquelles 
répondent  les  deux  racines  de  l'équation 
en  ^  ,  fi  M ,  N,  P  ,  peuvent  devenir  nuls 
en  même  temps  que  le  commun  divifeur  , 
on  prendra  de  nouveau  le  commun  divi- 
feur de  ces  quatre  fondions ,  &  une  équa- 
tion du  troilieme  degré  trouvée  en^  élimi- 
nant a  ,  Se  qui  fera  de  la  forme  M'  a\  -|- 
Js'  (ù  -^  P  a -\-  Q  =  o  ,  &  on  opérera 
comme  ci-delïïis ,  &  ainlî  de  fuite. 

Toutes  les  fois  que  ,  dans  la  recherche 
des  racines  approchées  ,  on  aura  fubftitué 
dans  chaque  approximation  la  férié  0,1, 
2 ,  3 ....  à  la  place  de  la  racine  ,  on  fera  fur  de 
trouver  la  valeur  exade  lorsqu'elle  fera  ra- 
tionelle  :  en  effet ,  cette  valeur  exafte  cfl:  né- 
certairemententre/7, première  valeur  trouvée, 

^-  ;;  4-  I  ,  entre  p  -H  ^  &  p  +  — ,  >  ^  étant 
,   entre  P  +  "7+,  •^'Z'  +  1"+  i  » 


un  entier , 


&  ainfi  de  fuite.  Or ,  foit  -^  la  quantité  plus 
•petite  que  i  à  aioutcr  à  p  pour  avoir  la 
vraie  valeur  ,  q  fera  égal^  au  quotient  de  n 
p,ir  m,  plus  un  relie,  ^^  n  <'  m  ;  àc 
même ,  r  fera  égal  au  quotient  de  m  par 
n',  un  refte^;  '«'  ^t^nt  plus  petit  que 
n' ,  donc  ,  en  fuivant  toujours  ,  on  par- 


A    P   P 

viendra  à  un  refte  nul ,  ou  égal  à  — ,  &: ,  par 

conféquent  ,  à  la  valeur  cxaclc,  f^oye'^ 
Fractions  continues. 

La  méthode  dont  je  viens  de  rendre 
compte ,  eft  générale  pour  toutes  les  équa- 
tions numérales  ,  Z<.  elle  donne  pour  tous 
les  cas  ,  d'une  manière  certaine,  une  valeur 
aulTi  approchée  qu'on  veut  de  chacune  des 
racines.  Elle  a  de  plus  l'avantage  eflentiel , 
qu'il  eft  inutile  de  connoitre  d'ailleurs  la 
valeur  approchée  des  racines ,  comme  cela 
étoit  nécellaire  dans  la  méthode  de  Newton. 

Méthode  d'avoir  les  valeurs  approchées  des 
racines  d'une  équation  algébrique  déterminée. 

Il  faudroit  ,  pour  que  cette  méthode 
fût  générale  ,  pouvoir  trouver  autant  d'ex- 
prclTions  de  l'inconnue  en  fériés  convergen- 
tes que  la  propofée  a  de  racines  réelles. 

Commençons  par  chercher  un  moyen 
général  de  réduire  la  valeur  de  x  en  ferie  : 
pour  cela  je  remarque  que  ,  quelle  que  loic 
une  fondion  de  x  qui  foit  égale  à  y  ,  je  puis 
fuppofer  que  j 'aie  l'équation  3  —  v — j  x=o  , 
ou  .r=y-i-9a:  ;  doRC  fi  je  cherche  à  avoir, 
eny-H?,  la  valeur  d'une  fondion  de  a: , 
j'aurai ,  par  le  théorème  de  M.  d'Alembcrt , 
démontré  à  {'article  Série  des  fupplémens. 


&: ,  par  conféquent , 


'  1  iy^ 


?   X' 


faifant  donc  àc(^x  =  'iy-\-B,  dans  la 
féconde  formule  ,  &  ordonnant  par  rapport 
aux  puiiTànccs  de  ?  y  ,  il  eft  aifé  de  voir  que 
B  doit  être  une  "férié  ,  dont  le  premier 
terme  iera  du  fécond  degré  ,  égalant  à  zéro 
le  terme  qui  ,  après  la  fubftitution  ,  eft  de 
ce  degré  ;  &i  prenant  b  valeur  qu'il  donne 
pour  B  ,  j'aurai  celle  du  premier  terme  de 

la  vraie  valeur  de  B  ;   elle  eft  —  ?  y  ;  je 

ferai  enfuite  B  =  ~  ç  y  -+-  C  ,  où  C  eft 

une  férié  ,  dont  le  premier  terme  eft  du 
troifieme  degré  ,  &  continuant  ainh  ,  je 
trouverai. 


&:c. 


A  P  P 


A  P  P 


87 


par  la  même-  méthode , 
1  2 

^-  3 


&C. 


■»•  3 


3.  4  </>■ 


-f 


^  <f 


2.   3.4- 


?■  <<>' 


,&c. 


fuhftiruant  ces  valeurs  dans  l'expreffion  de 
4  .T  ,  l'ordop.nanr  par  rapport  aux  puil'.'nces 
de-i  Jt^  î  3'  )  &-  rcduiiant  chaque  rang  de 
termes,  j'aurai  finalement 


4x=43- 


z  d  y 


1.  3  iy'^ 


H-&C. 


....  férié  ,  dont  la  loi  efl:  très- facile  à  faifir. 
Il  eft  aifé  de  voir  que  {\<p  x  concenoit  en- 
core y  ,  on  aura  également  la  valeur  de 
4  en  ;i:  j  ,  quand  même  4  ^  contiendroit 
aulîi  y ,  en  obfervant  alors  ,  dans  la  manière 


de  prendre  les  différences ,  que  — —  ou 


dy 

\ 


font  alors  égaux  à  ce  que  devient  -^  y  -j^ 

Si ,  après ,  la  différenciation ,  on  met  y  pour 
ar ,  ou ,  ce  qui  revient  au  même ,  différencier 
en  regardajit  comme  contantes  les  y  qui 
fe  trouvent  dans  -^  x  ëcz  x;  on  voit  de-là 
comment,  fi  l'on  a  ip,x,y=o  ,  on  aura 
(  par  une  lérie  )  x  en  j  ,  &  de  même  en 
une  foniftion  quelconque  de.  x  ôc  y.  Si  Ton 
veut  appliquer  cette  manière  d'avoir  en  y 
la  valeur  de  ;r  ,  lorlqu'on  a  pai  équaciou 
en  X  3c  en  y  la  Ibluxion  des  équations  dé- 
terminées ,  on  obfervera  :  1°  que  fi  on  l'ap- 
plique immédiatement  ,  on  n'aura  que 
des  exprelTions  réelles  &c  rationelles  pour 
la  valeur  de  x  :  2"'.  que  pouvant  prendre 
pour  y  telle  quantité  qu'on  voudra  ,  on 
;iura  une  infinité  de  valeurs  de  .r  ;  j°.  que 
parmi  toutes  ces  valeurs  ,  il  n'y  en  aura  de 
léelltm.ent  diflt rentes  qu'autant  que  la  pro- 
pok'e  peut  avoir  de  racines  :  4°.  qu'il  y  en 
aura  un  nombre  de  convergentes  différen- 
tes entr 'elfes,  égal  au  nombre  des  racines 
réelles:  5.°.  que  fi  on  prend  un  nombre /n 

moindre  que  n  degré  de  l'équation  ,  qu'on 
m 

fafic ût  -i-x  =  o  ,  Si   qu'on  fubftitue  au 

lieu  de  -v  fa   valeur  en  -k- ,    on  aura  une 

nouvelle  équation  ,    d'oii  tirant  les  valeurs 

-1-  cii  icrie  ,  cai  auia  autans  de  valeurs  ima- 


ginaires de  chaque  férié  que  l'équation  x 
-f-    I  a.  de  racines  imaginaires  ,  &  la  pro- 
pofée  aura  autant  de  racines  imaginaires  ,   fi 
une  de  les  léries  cil  convergente. 

Ces  principes  poiés  ,  on  voit  qu'il  s'agit 
d'abord  de  fivoir  dillinguer  entre  une  in- 
finité de  fériés  celles  qu'on  peut  prendre 
pat  des  racines    différentes  /    ioit  donc  k 

n 

propofée  a-\-  bxA-  ex'' -4-px=o  j 

U  cÎl  aifé  de  voir  que  li  on  fait  0  =  0 ,  il 
y  a  une  racine  qui  s'évanouira  ,  deux  qui 
s'évanouiront ,  h  on  fait  à  la  fois  ^  & />  =0 , 
trois ,  i\  on  fait  a  ,  h  ,  c  ,  =o  ,  &  ainfi  de 
luire.   Par  coniéqucnt   11   on    fait  d'jborj 

n 

/^  =  c,  on  aura  (3 -f- ex" l-px=o, 

l'équation  a^ura  deux  racines  égales  à  zéro  , 
en  tailantc  =  o  ,  &:  par  confequent  deu:c 
racines  infiniment  petites  &  égales  aux  deux 
racines  de  a  -f-  c  x^  =0  lorfque  a  eft  infini- 
ment petit.  Il  eft  aifé  en  effet  de  voir  que 
a  étant  infiniment  petit ,  Se  b  manquant , 
la  propolée  a  deux  racines  infiniment  peti- 
tes ;  quedans  le  cas  de  deux  racines  infi- 
niment pedtes  c  fe  réduit  à  être  le  produit 
de  toutes  les  autres  racines  ,  puilque  les 
autres  termes  qui  entrent  dans  c  ,  difpa- 
roillent  devant  celui-là  ;  &  qu'ainfi^:,  qui 
eft  le  produit  de  toutes  les  racir.cs  ,  étant 
divifé  par  c  ,  devient  le  produit  des  deux 
racines  infiniment  petites  ,  qui  font  par 
conîéquent  égales  aux  racines  de  l'équation 
a  -4-c  X  ^  =0  ;  de  même  i\,  l'on  fait  b  Se  c 
égaux  à  zéro  ,  &  a  infiniment  petit ,  trois 
des  racines  de  l'équation  deviendront  égaies 
à  celles  de  l'équation  a  -\~  c  x'  =0  ,  Se 
ainli  de  fuite. 

Si  donc  on  a  différentes  fériés  qui  rcpré- 
fentcnt  la  valeur  de  x  ,  on  pourra  diftinguer 
par-là  celles  qui  font  réellement  différen- 
tes,  c ,  a  ,  (f,  qui  appartiennent  à  des  ra- 
cines différentes. 

La  méthode  propofée  ci-deffiis  donne 
une  valeur  de  x  en  quantité  comuic  toutes 
les  fois  que  x  eft  donné  par  une  équation 
déterminée ,  ioit  qu'il  y  ait  ,  foit  qu'il  n'y 
."it  pas  de  tranfctndantes.  Mais  on  n'eft 
pas  fùi  d'avoir  cette  valeur  par  MVit  fér'e 
qui  ioit  toujours  convergente.  C'eft  par 
cette  rp.ifcn  que  je  vais  indiquer  ici  une 
mcfiiode  élémentaire  Se  très-fimple  >   par 


8S  A  P  P 

laquelle  on  parvicrlra  toujours  à  routes  les 
valeurs  approchées  de  x. 

1°.  Si  la  foncCtion  X==  o  a  plufieurs  va- 
leurs ,  on  les  prendra  fuccefllvement  ;  ainli 
X  fera  confidéré  dans  la  fuite  comme  une 
fondion  qui  n'a  qu'une  valeur  répondante 
à  chaque  valeur  àex. 

2.°.  On  cherchera  d'abord  les  valeurs  de  x 
pofitives  qui  rendent  A'  =  o  ,  &  on  com- 
mencera par  déterminer  pour  x  une  quan- 
tité telle  qu'en  l'augmentant  X  ne  piiillc 
plus  changer  de  ligne  ,  ni  devenir  zéro  , 
ce  qui  fera  toujours  polTible  toutes  les  fois 
que  X=o  n'aura  pas  une  infinité  de  raci- 
nes. Ce  dernier  cas  ie  rappellcroit  aux  au- 
tres eh  mettant  au  lieu  de  x ,  x=  Cm.  x 
par  exemple,  en  effet  alors  au  lieu  àex, 
on  auroit  u  angle  dont  le  fînus  eft  x' ,  &: 
au  lieu  d'un  feul  X  à  examiner  ,,  on  en 
mcttroit  une  infinité  rejondans  à  l'angle 
dont  le  finus  eft  x  +  ot  i  i  ,  /"  étant  un  en- 
tier quelconque. 

;°.  Connoillant  les  limites  de  *,on  prendra 
a  ~] -  qu'on  fubftitucra  dans  la  propofée , 

£c  on  aura  X'=o,  alors  y  repréfentera 
les  ditférences  qu'il  y  a  entre  x  Se  la  valeur 
de  l'équation  X  =  o. 

4°.  Subftituant  dans  X=  o  les  valeurs 
fuccelTives  en  nombre  entier  de  .t  depuis 
.-,.  =  o  jufqu'à  fit  limite  ,  &  cherchant  pour 
chacune  les  limites  de  ;r  ,  j'aunnj=;<  yî , 
A  étant  cette  limite  ,  donc  il  n'y  a  point  de 
racines  de  X  =  o  entre  cette  valeur  de  x  Se 

A' 

5°.  Prenant  enfuitc  toutes  les  valeurs  x-{- 

";j  entre  o  &  la  limite  de  :r,  on  fera  la  même 
opération  ,  £c  ,  par  ce  moyen,  on  parviendra 
à  approcher  des  valeurs  de  a:. 

6".  Pour  trouver  les  valeurs  négatives,  on 
fera  dans  la  propofée  a;  =  —  x  &  on  cher- 
chera les  valeurs  pofitives  de  x. 

7°.  Pour  trouver  s'il  y  a  des  racines  égales , 

on  égalera  à  zéro  la  quantité  5—.  5  enfuite  on 
cherchera  les  racines  pofitives  ou  négatives  , 
&  on  verra  fi  les  racines  nedltlcrent  de  celles 
de  X==  o  que  d'une  petite  quantité  ;  6ç  li  ou 
répète  les  approximations  ,  cette  diftorence 
fliminue  continuellement. 

La  méthode  de  M.  de  la  Grange  four- 


AP  P 

nit  un  moyen  d'avoir  en  férié  la  valeur 
d'une  quantité  quelconque  y  enx,  lorlque 
y  eft  donné  par  une  équation  en  x  8c  y  : 
h  cette  équation  eft  diftérenrielle  ,  on  par- 
viendra également  à  avoir  une  telle  (érie  : 
foit  en  effet  une  équation  différentielle  en 
y  &C  X  ,  on  fera  aniorte  qu'elle  ru  coirtienne 
plus  que  dx  ;  cela  pofé  ,  fi  l'équation  mile 
fous  une  forme  rationelle  &  entière  ,  ayant 
tous  fes  rangs  ,  &  la  plus  haute  dift-iencc 
fe  trouvant   dans  le  premier ,  elle  n'a  point 

de  terme  conftant ,  on  fera  y  =  Ae       -{• 

ex  t'   X  2  -f  .V  /-fr  fx 

Be     +Ce...     -\-  A' c      +  B' e       e  + 

Ce  &c.  &  1°.  on  aura  ^,  B  ,  C ,  Sec. 
arbitraires,  &  fi  /z  eft  l'ordre  de  l'équation, 
f  fera  donné  par  une  équation  du  degré  n  , 
f  par  la  même  équation  ,  &c.  en  forte  que 
f  ,j'  f"  ,    font   les  différentes   racines    de 

cette  équation  :  2°.  la  fubftitution  de  A'e 

H-  B'  dans  le  premier  rang  ,  donnera 

des  termes  égaux  ,  chacun   à  chacun  ,    à 

t  X  ex 

ceux  que  Ae  -\- B  e  Sec.  produit  dans 
le  fécond  ;  donc  A'  B'  Sec.  leront  donnés 
en  A,  B ,  Se  ainfi  de  fuite  :  5°.  Si  l'équa- 
tion en  /a  deux  racines  égales  ,   foit  /  cette 

r     .K  !  X 

racine  ,  fl  faudra  faire  Axe    ~\-  B  e    Sec  , 
n  K-i  ni 

en  effet ,  fi  P ^  j^  +  Q  '^    y  +Rd^ 
y  &c.  eft  le  premier  rang  de  la  propofée , 

on  aura  B  (P/4-  <?/  +  Rf  Sec.)  ■+■  o 

Se  A  (  P/+  Q+n  Pf-i-R-\-n-QfSec.)=:t 

donc  on  aura  à  la  fois  , 

n  n-i  n-i 

Pf+Qf  +  Rf  .  &c.  =0, 

&/jP/'-|-i-i  Qf  +n-iRf  ,&ec—o. 

Ce  qui  a  lieu  toutes  les  fois  que  l'équation 

en  fa.  deux  racines  égales.  On  prouvera  de 

même  que  fi  cette  équation  en  a  trois  ,  il 
.^      tx 

fuidra  faire  y  =  Ax' ■+■  Bx-h  C  ,  e     + 

t  X 

De  Sec.  Se  ainfi  de  fuite,  pour  quatre, 
cinq  ,    Sec.    racines  égales  :     au   lieu    de 

ifx         f^^f'x        ifix 
A  c    -\-  h'  e     +  C  e     5cc.  On  voit  que , 

dans 


A  P  P 


CM 


nies 


r'.n 


dans  le  cn^  cic  deux  racines 

iCnx'  fx  '  if'x 

ui'x  +5'.ve    H- C /-{-/'. ïjDc 

4-  &c.  qu'il  faut  prendre* ,  &  ainlî  de  luire. 

Si  1a  propofée  avolc  eu  un  terme  con(- 

tant,  <jC  (|uelle  eut  contenu  y  au  premier 

rang  ,  on  auroit  fait 

tx  tix  'fx      r  +  "- 

y  =  A-A'  D  e  -]-  C  e  £<c ,  -h  ^4  ^-  +  iV.- , 
Se  a  y  avoit  été  dans  les  rangs  li'p?rieurs  , 
ou  aiiroit  trouve  les  B  ,C ,  !kc.  toujours  ar 
bitrairib-,  t?-:  s  par  une  équation  d'un  degré 
dépendant  du  rang  de  la  valeur  hypoihcti- 
que  ,  où  l'on  (c  lera  arrêté  :  li  y  mim\\ic 
dans  les  rangs  fupcrieurs  de  la  propofLe  , 
alors /efh  encore  ici  donnée  par  une  équa- 
tion du  degré /7. 

Si  la  propofée  ne  contient  pas  y  au  pre- 
mier rang ,  &:  qu'elle  ait  un  rermi,'  conllant , 
il  faudra  preuv^re 

fx  f'„  fx 

j  =  ^.v  -\-Tie  -I-  i'e  &c ,  A'x  -\-  B'x  &c. 

Cette  m.'tliode  d'avoir  en  féric  la  valeur 
de  y,  loviqu'on  a  une  équation  dirîéren- 
lielle  en  y  &  en  .r,  s'applique  au  cas,  où 
ayant   m    équa:ions    en    m  -{-   i  vari.'.Wes 

[,  u ,  y .r  ,  on  clierche  à  exprimer 

:^,  u  ^y , par  une  toni5tion  en  .r. 

da  peut  m.?me  l'ércndre  aux  équations 
aux  diftértiices  finies,  où  A  x  eft  luppofé 
confiant,  la  folution  fera  la  même  abrolu- 
ment ,  à  cela  près  que  les  arbirraires  A , 
B  ,  C ,  S.<c.   feront ,  dans  ce  cas ,  égales  à 

a  X      fi  <1  .v 

des  fomilior.s  de  <.'  ;  c  =  o ,  ,Jc  ces  fonc  ■ 

lions  étant  telles  qu'elles  ne  changent  pas 
de  valeur ,  lorfque  x  devient  ;r  -}-  A  x. 

Cette  même  méthode  s'appliquera  en- 
core aux  équations  aux  différences  partiel- 
les ;  loit  Cil  effet  une  de  les  équations  qui 
ne  contienne  que  \^,  &  les  différences  lans 
.contenir  de  a: ,  de  y  ,  ni  de  terme  confiant , 

tx4-sy         t'x+s'y 
fi  je  fais  ^=yie  Be  &ic  , -\- 

^fx  +  ^sy  ïfx-^g  +  s'y 

A' e  -{-B'e  -f&c,  j'au- 

rai,  les  A,  B,  arbitraires,  une  équation 
enfScg,  en  forte  que  /  lera  tout  ce  qn'-jn 
voudra  ,  ik.  g  donné  en/,  &  que  le  terme 

A  e  &c ,  fera  la  fomme  de  tous  ces  ter- 

mes ,  dont  le  nombre  eff  infini. 

S'il  y  a  un  terme  confcant ,  &  que  ^  foit 
dajis  le  premier  rang  ,  on  fera  ^  =  -(^  -h 
Tome  III. 


A  P  P  8^ 

t  X  '^■gy 
B  e  Sec,  Se  alors ,   félon  le  rang oîi 

l'on  s'arrêtera  ,  l'équation  en /&§•  fera  d'un 
ordre  plus  élevé. 

Le  moyen  pour  déterminer  les  arbitrai- 
res, fera  le  même  que  dans  les  équations 
luiéaires.  (  ^cye^  Linéaire.) 

La  méthode  expofée  jufqu'ici  fert  à  don- 
ncy  en  .r ,  lorfqu'on  fait  quc^  tll:  três-pecit, 
is:  qu'on  n'en  peut  négliger  une  certaine 
puilljnce.  Voici  une  autre  méthode  qui 
peut  Icrvir  à  avoir  y  en  x  lorfque  x  c(ï  très- 
petit  ,  lorfque  l'équation  efl  du  premier 
ordre. 

Eile  eft  fondée  fur  cette  remarque  que 
Cl  A  d x-i-  B  i!y  eft  une  équation  qui  a  tous 
les  termes,  A  Se  S  étant  rationels,  &  que 
■4' 

— ,  ces  fondions  étant  de  degré  m  ,  ren- 
dent différentielle  exaéle  une  équati»n  pe* 
différente  de  ^</ A' H-  B  dy  =  o ,  on  pourra, 

en  prenant  -       „-<  pour  ractcurs  de  A  d  x 

-hBd'y,  faire  Z  Se  Z' d'un  degré  tel ,  que 
négligeant  les  fécondes  dimenlions  des  coëf- 
liciens  de  Z  &  Z' ,  Se  de*  petits  coêftîciens 
de  A  d  X  -f-  A  dy ,  dans  la  condition  d'inté- 
grabilité ,  le  nombre  des  coëfKciens  indé- 
terminés furpalîe  celui  des  équations  de 
comp.irai'on  ,  donc  on  aura  en  féric  l'inté- 
grale de  yl  d  X  -\-  B  dy ,  toutes  les  fois  que 
l'on  aura  celle  d'une  équation  peu  diffé- 
rente :  donc  on  l'aura  toutes  les  fois  que  l'on 
pourra  regarder  x  comme  une  quantité  très- 
petite. 

On  peut  étendre  cette  méthode  aux  ordres 
plus  élevés. 

A  près  avoir  donné  le  moyen  d'avoir  y 
en  X  par  une  lérie  lorfque  y  efl:  do:nié  par 
une  équation  différentielle ,  fuppofons  que 
y  foit  très-petit ,  qu'on  puiffe  en  négliger 
une  certaine  puiflance.  Se  voyons  ce  qui 
doit  arriver. 

f» 

1°.  Si  la  valeur  de  y  efl  de  la  forme  A  e 

fx  fx  2fx        f+fx  ' 

-i-  Be  ~\-  Ce  .  .  .  .   ■+•  A'c  -{-  £'  e 

Sec.  Se  que  tou;  les/foient  réels  &  négatifs, 
ou  bien  imagiiiires  fans  partie  réelle, 
ou  bien  imaginaires  avec  une  panie  réelle  , 
mais  négative,  il  arrivera  que,  dans  le  cas 

M 


SO  A  P  P 

des  racines  purement  imaginaires ,  la  va- 
leur de  X  lèra  donncfe  en  linus  &  co-finus  de 
multiples  de  .T ,  &  pourra  être  toujours 
très -petite,  &  la  férié  convergente  lorf- 
ijue  celle  des  A ,  A' ,  6:c.  le  fera  dans  des 
/'négatifs ,  ou  partie  négatifs  &  partie  ima- 
ginaires,  la  même  chofe  aura  lieu ,  fi  l'on 
ne  conlidere  que  les  valeurs  de  x  depuis  o 
jufqu'à  co  ,  &  qu'on  fuppofe  j:  allez  grand 

fx 

pour  que  e  <  i,  &  fimême  ,  dans  le  cas, 
tous   les  iimxs  tk  co-iinus   font  multipliés 

fx   ^ 

par  e ,  il  y  aura  un  point  où  la  férié  fera 
convergente ,  indépendamment  de  la  con- 
vergente des  coèfficiens. 

2°.  Si  la  valeur  de  y  confèrvant  la  même 
forme, /a  des  valeurs  réelles  pofîtives ,  ou 
des  valeurs  imaginaires  donc  la  partie  réelle 
foit  politive ,  alors  la  valeur  de  y  ne  peut 
plus  être  approchée  pour  toute  l'étendue  des 
valeurs  de  x. 

j".  Si  la  valeur  de  j  contient  des  x,  la 
snême  chofe  aura  lieu. 

4°.  C'ell  à  caufe  de  l'égalité  de  plufieurs 
racines  dans  l'équation  qui  donne  /,  que 
y  contient  x  dans  fa  valeur ,  de  fouvent  la 
t]uantité  réelle  pofitive  ou  négative  de  la 
valeur  imaginaire  de  /eft  très-petite  ;  il  fuf- 
fit  donc  alors  d'un  léger  changement  dans 
ces  coé'fficiens  de  la  propofée  pour  faire  que 
y  change  de  forme  :  or  ce  changement  de- 
vient permis  toutes  les  fois ,  ou  que  les  cocf- 
ficiens  de  la  propofée  font  donnés  par  l'ob- 
iervation  ,  ou  qu'on  peut  les  produire  ,  en 
y  augmentant  V  d'une  petite  quantité  conf- 
iante qui  ne  rempcche  pas  de  refter  très- 
petit  ,  do!K  toutes  les  fois  que  cela  arrivera , 
il  lera  impolTible  de  juger  fi  la  férié  eft  ou 
n'eft  pas  convergente  pour  toute  l'étendue 
clés  valeurs  de  x. 

5°.  Si  la  valeur  dey  eft  telle  qu'elle  puiiTe 
fe  réduire  à  un  nombre  fini  de  fériés  de 
la    forme  numéro  i"  multipliées   par  des 

/  X 

•p uiftances  de  x  &  de  e  ,  /  étant  pofitif , 
alors  j  fera  donné  par  des  fériés  convergen- 
tes pour  toutes  les  valeurs  de  x  quel  que 
foit  ;<:;  &  fi  on  peut  s'aflurer  de  la  conver- 
gence indéfinie  des  cocfficiens  des  fériés , 
alors  la  valeur  de  y  contiendra  une  vérita- 
ble équation  cculaire. 

ô".  Si  h  valeur  de  y  nVft  pas  approchée 


AP  P 

pour  toute  l'étendue  des  x  ,  il  faut  faire  plu- 
hcms approximations  fucceflâves  ;  &  fi  Pon  ne 
peut  pour  chacune  déterminer  les  arbitraires 
par  de  nouvelles  conditions ,  on  emploiera  k 
méthode  indiquée  à  Van.  Comète,  l  O) 

^^  APPUI  ,  SOUTIEN  ,  SUPPORT. 
L'appui  fortifie  ,  lefoutie/i  porte  ,  le  fupport 
aide;  V appui  eft  à  coté,  le  foutien  dcflbus, 
l'aide  à  l'un  des  bouts  :  une  muraille  eft  ap- 
payée,  une  voûte  ei\  fou  tenue  ,  un  toît  dlfup- 
porté  :  ce  qui  eft  violemment  pou  fié  a  befoin 
d'appui;  ce  qui  eft  trop  chargé  a  befoin  de 
foutien  ;  ce  qui  eft  très-long  a  befoin  de  fupport. 

Au  figuré ,  l'appui  a  plus  de  rapport  à  la, 
force  &:  à  l'autorité  i  le  foutien  ,  au  crédit 
&  à  l'iiabileté;  &  le  fupport ,  à  Paffedion 

a  1  amicie. 

Il  faut  appuyer  nos  amis  dans  leurs  pré- 
tentions ,  les  Joutenir  dans  Padverfité ,  &  les 
fupporter  dans  leurs  momens  d'humeur. 

Appui  ou  Point  d'Appui  d'un  levier,  eft 
le  point  fixe  autour  duquel  le  poids  &c  la 
puillànce  font  en  équiUbre  dans  un  levier  ; 
ainfi  ,  dans  une  balance  ordinaire  ,  le  point 
du  milieu  par  lequel  on  fufpend  la  ba- 
lance ,  eft  le  point  d'appui.  Le  point  d'appui 
d'un  levier ,  lorfque  la  puillànce  &:  les  poids 
ont  des  diredions  parallèles  ,  eft  toujours 
chargé  d'une  quantité  égale  à  la  fomme 
de  la  puiftànce  &  du  poids.  Ainfi  ,  dans 
une  balance  ordinaire  à  bras  égaux  ,  la  charge 
du  point  d'appui  eft  égale  à  la  fomme  des 
poids  qui  font  dans  les  plats  de  la  balance  , 
c'eft-à-dire ,  au  double  d'un  de  ces  poids. 
On  voit  auffi  par  cette  raifon  ,  que  l'appui 
eft  moins  chargé  dans  la  balance  appellée 
rornaine  ou  pefon ,  que  dans  la  balance  ordi- 
naire ;  car  pour  peier  ,  par  exemple  ,  un 
poids  de  lîx  livres  avec  la  balance  ordin  lire , 
il  fiiut  de  l'autre  côté  un  poids  de  lîx  livres, 
&  la  charge  de  l'appui  eft  de  douze  Hvres  ; 
au  lieu  qu'en  fe  fervant  du  pefon ,  on  peut 
pefer  le  poids  de  fix  hvres  avec  un  poids  d'une 
livre,  &  la  charge  de  l'a.pui  n'eft  alors  que 
fept  livres.  Fbje^PtsoN,  Romaine,  t>c. 

Appui  ,  f.  m.  terme  de  Tourneur  ;  c'eft 
ainfi  qu'ils  appellent  une  longue  picce  de 
bois  qui  porte  des  deux  bouts  fur  ks  bras 
des  deux  poupées,  Ik  que  l'ouvrier  a  devant 
lui  pour  foutenir  Ik  affermir  fon  outil, 
Oji  lui  donne  iiulFi  le  nom  de  barre  ou  de 


APP 

'fupport  du  tour.  Foje^  Support  &  Tour. 
Appui  ,  en  archiceclurc  ,  du  \M.m podium , 
félon  Vitruve  ;  c'eft  une  baUiftrade  entre 
deux  colonnes  ou  entre  les  deux  tableaux  ou 
pics  droits  d'une  croilée  dont  la  hauteur 
intérieure  doit  être  proportionnée  à  la  gran- 
deur humaine  ,  pour  s'y  appuyer  ,  c'eft-à- 
dire  ,  de  deux  pies  &  un  quart  au  moins ,  6c 
de  trois  pies  &  un  quart  au  plus.  Voye[ 
Balustrade. 

On  appelle  auffi  appui ,  un  petit  mur  qui 
fépare  deux  cours  ou  un  jardin  ,  (ur  lequel 
on  peut  s'appuyer  :  on  appelle  appui  continu  , 
la  retraite  qui  tient  lieu  de  piédeftal  à  un 
ordre  d'architedture  ,  &C  qui  dans  l'inter- 
valle des  entre-colonnemens  ou  entre-pilaf- 
tres ,  fert  d'appui  aux  croifées  d'une  façade 
de  bâtimens. 

On  dii  appui  allégé ,]orfq\.\c\'appui d'une 
croilée  eft  diminué  de  l'épaifleur  de  l'ébra- 
fement  ,  autant  pour  regarder  par  dehors 
plus  facilement ,  que  pour  loulager  le  lin- 
tot  de  celle  de  deflbus. 

On  appelle  appui  évidé ,  non-(eulement  les 
bakiftrades  ,  maisauffi  ceux  ornés  d'enrre- 
Lics  percés  à  jour  ,  tels  qu'il  s'en  voit  un 
modèle  au  peryftile  du  Louvre  ,  du  côté  de 
l'Auxerrois. 

On  appelle  appui  rampant,  celui  qui  fuit 
Li  rampe  d'un  efcalier  ,  foit  qu'il  foit  de 
pierre,  deboisou  defer.  Foye^ Rampe.  (P) 
Appui  ,  c'eft  ,  en  Charpenierie  ,  le  nom 
qu'on  donne  aux  pièces  de  bois  que  l'on 
met  le  long  des  galeries  des  efcaliers  Se  aux 
croilées.  L'ufage  des  appuis  eft  d'empêcher 
les  paftàns  de  tomber. 

Appui  ,  en  terme  de  manège  ,  eft  le  fen- 
timent  réciproque  entre  la  main  du  cavalier 
&  la  bouche  du  cheval ,  par  le  moyen  de 
la  bride  ,  ou  bien  c'eft  le  fentiment  de 
l'adlion  de  la  bride  dans  la  main  du  cava- 
lier. Foye^  Main,  Frein,  Mors  ,  Bri- 
de ,  &c. 

Un  appui  fin  le  dit  d'un  cheval  qui  a 
la  bouche  délicate  à  la  bride  ;  de  manière 
qu'intimidé  par  la  feniibilité  &  la  délica- 
tefle  de  fa  bouche  ,  il  n'ofe  trop  appuyer 
fur  (on  mors  ,  ni  battre  à  la  main  pour 
réfifter. 

On  dit  qu'un  cheval  a  un  appui  fourd , 
oitus  ,  quand  il  a  une  bonne  bouche  ,  mais 
la  langue  fi  épaillè  que  le  mors  ne  peut 


APP  91 

agir  ni  porter  fur  les  barres ,  quoique  cet 
effet  provienne  quelquefois  de  l'épaillèur 
des  lèvres. 

Un  cheval  n'a  point  d'appui  ,  qunnd  il 
craint  l'embouchure,  qu'il  appréhende  trop 
la  main  ,  &  qu'il  ne  peut  porter  la  bride  ; 
Se  il  en  a  trop  ,  quand  il  s'abandonne  fur 
le  mors.  La  rêne  de  dedans  de  caveçou 
attachée  courte  au  pommeau  ,  eft  un  ex- 
cellent moyen  pour  donner  un  appui  au 
cheval ,  le  rendre  ferme  à  la  main  Se  l'af- 
furer  :  cela  eft  encore  utile  pour  lui  allôu- 
plir  les  épaules  ;  ce  qui  donne  de  l'appui 
où  il  en  manque  ,  &c  en  ote  où  il  y  en  a. 
trop. 

Si  l'on  veut  donner  de  l'appui  à  u« 
cheval ,  &  le  mettre  dans  fà  main ,  il  fiuc 
le  galopper  ,  &  le  faire  fouvenc  reculer. 
Le  galop  étendu  eft  aulTi  très  -  propre  à 
donner  de  l'appui  à  un  cheval  ,  parce  qu'ei» 
galoppanc  il  donne  lieu  au  cavalier  de  le  renie 
dans  fa  main. 

Appui  à  pleine  main  ,  c*eft-à-dirc  ,  appui, 
ferme  ,  fans  toutefois  pefer  à  la  main  ,  & 
fans  battre  à  la  main.  Les  chevaux  pourl'ar-» 
mée  doivent  avoir  l'appui  à  pleine  main. 

Appui  au-delà  de  la  pleine  main  ou  ptui 
qu*à  pleine  main  y  c'eft-à-dire  qui  ne  force 
pas  la  main  ,  mais  qui  pefe  pourtant  ui» 
peu  à  la  main  :  cet  appui  eft  bon  pour  ceux: 
qui  faute  de  cuifles  ,  fe  tiennent  à  la. 
bride.  (  V) 

Appui-maim  ,  fub.  m.  baguette  que  les 
peintres  tiennent  par  le  bout  avec  le  petic 
bout  de  la  main  gauche  ,  &:  fur  laquelle 
ils  dépofent  celle  dont  ils  travaillent.  Il  >  i 
ordinairement  une  petite  boule  de  bois  oit 
de  linge  revêtue  de  peau  au  bout  ,  quî 
pofe  fur  le  tableau  pour  ne  le  pas  écor- 
cher.  {R) 

APPULSE  ,  f.  en  terme  d'ajlronomie,  (edie 
du  mouvement  d'une  planète  qui  approche 
de  fa  conjondtion  avec  le  foleil  ou  une 
étoile.  I^oje^  Conjonction.  Ainfi  on  dit  , 
l'apulfe    de  la  lune   à  étoile  fixe   ,   lorfquc 


la  lune  approche  de  cette  étoile  ,  &  eft  prête 
de  nous  la  cacher.  Fbje^  Occultation,  &" 
Lune.  (O) 

Ai'PUREMENT  d'un  compte  ,  terme  de 
finance  &  de  droit  ,  eft  la  tranfiiftion  ou 
le  jugement  qui  en  détermine  les  débats  c^' 
le  paiement  du  reliquat    ,  au  moyen  <ic 

Mi 


5)t 


A  P  P 


quoi  le  comptable  demeure  quitte  &  dé- 
chargé. VuyclCOMVTABtt. 

Appu REMENT  à'un  ccmpte ,  eft  Tapproba- 
tion  des  articles  qui  y  font  portés ,  conte- 
jiant  décharge  pour  le  comptable. 

Les  Anglois  appellent  cette  décharge  un 
^uietus  ejî ,  parce  qu'elle  fe  termine  chez  eux 
par  la  formule  latine  ,  abinde  rtcejjit  quietus. 


VoycT^  Compte.  (H) 

APPUYER  Ver  moulu  ,  terme  de  Doreur 
fur  rnéial ,  c'eft  ,  après  que  l'or  en  chaux  a 
été  amalgamé  au  feu  avec  le  vif-argent  ,  le 
laver  dans  pluficurs  eaux  pour  en  ôter  la 
crafie   Si  les  icories. 

APPUYÉ  (Tril  ) ,  Mufiij.  Quelques  mu- 
ix:tns  appellent  tril  appuyé  ,  celui  qu'on  ne 
commence  pas  brulquement  ,  mais  qu'on 
prépare  en  quelque  forte  de  la  note  fupé- 
rieure.  Dans  quelques  cas  on  peut  aulT!  pré- 
parer le  tril  appuyé  de  la  note  inférieure. 
{F.D.C.)  ^ 

APPUYÉ  ,  adj.  m.  on  dit  ,  en  terme  de 
fécniétrie ,  que  les  angles  dont  le  lommet 
cft  dans  la  circonlérence  de  quelque  feg- 
mcnt  de  cercle,  s'appuient  ou  font  poi'éslur 
l'arc  de  l'autre  fegmenr  de  dcllous.  Ainli 
(f-g.  jS.  Grcmet.)  l'angle  ^^C  ,dont  lefom- 
met  tft  dans  la  ciiconférence  du  legment 
ylJ^C  ,  eft  dit  appuyé  (ur  l'autre  legment 
^WC.  Voyei  Segment.  { E  ) 

APPUYER  des  deux  ,  (  Manège  )  c'eft 
frapper  &  enfoncer  les  deux  éperons  dans 
le  flanc  du  chevr.l.  Appuyer  ouvertement  les 
deux  ,  c'eft  donner  le  coup  des  deux  épe- 
rons de  route  fa  force.  Appuyer  le  pinçon , 
c'eft  faire  fcntir  la  pointe  du  poinron  iur 
Li  croupe  du  cheval  de  m.anege  pour  le  foire 
fr.uter.  Fcyci  Poinçon.  {V  ) 

Appuyer  la  chier.s  ,  en  Vénerie  ,  c'eil^ 
fuivre  toutes  leurs  opérations ,  &  lesdiriger, 
les  sn'mcr  de  la  trom-pe  &:  de  la  voix. 

APPUYOIR  ,  f.  m.  pour  j relier  lesfeuil- 
les  de  fer  blanc  que  le  teiblancier  veut  fou- 
dcr  enfèmble  ,  ilfe  fcrc  d'un  morceau  de 
bois  plat  de  forme  triangulaire  ,  qu'on  ap- 
pelle aj-puyoir. 

APPY  A  ,  f.  m.  (  Tiijî.  nat Sctaniq.)  fiante 
de  la  famille  des  tirhymalcs ,  &  commune 
dans  les  îles  d'Amboiue.  Rumphe  en  dil- 
linguc  de  trois  efpeces ,  dent  il  n'y  en  a  que 
deux  qui  foicnt  de  ce  genre  :  c'ell  à  tes 
deux  que  nous  hous  axittcrons. 


A  P  I> 

Première  efpece.  Appya. 

L'Appya,  ainfi  nommé  par  les  habitans 
de  Leytimore ,  eft  deligné  fous  le  nom  d'ka- 
Lcus  terrejiris  vulgaris  ruera  ,  par  Rum- 
phe ,  qui  en  donne  une  bonne  figure  , 
mais  avec  peu  de  détails  des  fleurs  ,  dans 
Ion  Herbarium  Amboiiiicum  ,  volume  III , 
page  iQj  ,  planche  CXXVII.  Les  Malays 
l'appellent  aleky  mer  a  ,  c'eft-à-dire  ,  haleki 
rouge  ,  &  les  habitans  d'Amboine ,  haleky 
lau  mûri ,  qui  veut  dire  la  même  choie  à- 
peu-près. 

'Cet  arbrifleau  s'élève  à  la  hauteur  de 
vingt  à  vingt  -  cinq  pies  lous  la  forme  d'un 
coudrier  ,  ayant  un. tronc  droit ,  haut  de  huit 
à  douze  pies ,  d'un  pié  de  dia.metre  &  au- 
delà  ,  couvert  d'une  écorce  cendrée-brune, 
charnue,  iouple  ,  qui  s'enlève  aifément  par 
lanières.  Ses  branches  (ont  alternes  ,  très- 
diftantes  les  unes  des  autres ,  couvertes  ho- 
rizontalement,  velues  ,  cylindriques,  vertes 
dans  leur  jeunelle. 

Ses  feuilles  font  alternes  ,  comparables 
en  quelque  lorte  à  celles  du  coudrier ,  m.ais 
plus  pointues  par  les  deux  bouts ,  longues 
de  cinq  à   fix  pouces  ,   preique  une    fois 


moins  larges ,  minces  , 


molles  ,  marquées 
de  huit  à  dix  dents  fur  chaque  coté  ,  verd- 
foncées  deilus ,  glauques  dellous  ,  velues , 
avec  une  nervure  longitudinale  à  huit  ou 
dix  paires  de  côtes  alternes ,  &  portées  fur 
un  pédicule  cylindrique,  pareillement  velu  , 
&  quatre  ou  cinq  fois  plus  court.  Dans  les 
jeunes  pies  ces  feuilles  lont  plus  brunes  ou 
verd  plus  foncé  deflus ,  plus  velues  ,  plus 
uiguleulcs  ,  ou,  comme  marquées  de  deux 
^.ngles  qui  manquent  dans  les  vieux  pies.  A- 
l'ongine  de  leur  pédicule  (e  voient  deux 
ftipules  triangulaires  alongées. 

Les  lexts  des  fleurs  k;nt  léparées  de  ma- 
nière que  les  fcm.tlles  forcent  (olidairement, 
ou  de  deux  à  deux ,  des  aillelles  des  feuilles 
iur  ks  branches  inférieures  ,  portées  fur 
un  pédicule  ,  d'abord  égal  à  celui  de  l.V 
leuille  ,  enfuire  s'alcngeant  de  quatre  iï  cinq 
pouces ,  &  de  manière  à  atteindre  fon  mi- 
lieu.   Chaque  fleur  f;me!le  conlifte  en  un 


deux  à  trois  gran.des 


calice  en  enveloppe  de 

feuilles  elliptiques  ,  pointues ,  dentelées  , 
ncrveufes  comme  des  feuilles  ,  coati-nanc 
un  ovaire  fphérique  qui  devieuc  une  cap- 


A  P  P 

fuie  ridé:  ,  pointillée  Se  chagrinée  ,  <3e  la 
grolleur  d'un  j»r.ùn  de  poivre  ,  de  deux  à 
tToib  loges,  contenant  chacune  une  graine 
Iphérique  de  b.  grolleur  d'un  grain  de  co- 
riandre. 

Les  fleurs  mâles  (brtent  de  l'aillelle  des 
feuilles  fupcrieares  ,  fous  la  forme  d'un  pan- 
nicule  à  quatre  ou  cinq  branches  en  épi 
qui  égalent  la  longueur  de  ces  feuilles.  Cha- 
que pannicule  en  porte  environ  deux  cents 
tort  petites  ,  vertes  ,  allez  (emblablcs  à 
celles  de  la  vigne  ,  c'ell-à-dire  ,  compolées 
d'un  calice  de  quatre  à  cinq  feuilles ,  lans 
corolle  ,  &  de  quatre  à  cinq  étamines  cour- 
tes ,  à  anthères  jaunes  &  réunies  par  leurs 
filets. 

Culture,  h'appyn  croît  par-tout  dans  les 
îles  d'Amboine,  tant  iur  le  rivage  que  dans 
le  continent  ,  non  pas  dans  les  vallons  & 
les  lieux  humides ,  mais  au  bord  des  gran- 
des forêts ,  dans  les  lieux  fecs  les  plus  expoi'és 
aux  vents  ,  où  il  :ie  croît  que  des  arbrilleaux 
ou  des  arbres  de  la  petite  taille  ,  <*c  plus  le 
terrain  où  il  croit  ell:  fec ,  plus  Tes  feuilles 
font  petites.  Il  ie  multiplie  de  femences  ;  il 
fleurit  <?>:  fructifie  dans  les  mois  pluvieux  de 
juin  (ïc  juillet. 

Qualités.  Toutes  Tes  parties  n'gnt  ni  laveur 
ni  odeur ,  non  plus  que  la  mauve.  Ses  aman- 
des font  blanches  &  fort  douces. 

Ufages.  Son  bois  eft  blanc ,  compofé  de 
fibres  grollîeres ,  léger  ,  (ec  ,  peu  durable, 
excepté  dans  les  habitations  bien  enfumées. 
Il  eft  fi  fec  ,  qu'on  ne  peut  Remployer  à 
faire  des  haies  ,  parce  qu'il  ne  repouflè  pas 
comme  les  autres  arbrilleaux. 

Deuxicme  efpcce.  Mulira. 

La  féconde  efpece  A'app^'a  eft  nommée 
hulira  &  halery  par  les  habitans  de  Loehoë  , 
is.  haleky  daunhcfr.ar ,  c'eft-à-dire  ,  haleky  , 
arbre  à  larges  feuilles  ,  par  les  MaLiys. 
Rumphe  le  défigne  lous  le  nom  de  hakcus 
rurofa  ,  Hinsen  donner  aucune  figure  ,  dans 
fon  Hcrbarium  Amboinicum,  volume  III,  page 

C'eft  un  arbre  de  trente  à  trenre-cinq  pies 
de  hauteur ,  à  rronc  haut  de  quinze  à  vingt 
pies ,  fur  deux  pies  de  diamètre  ,  couronné 
par  une  tête  ronde. 

Ses  feuilles  font  prefquè  rondes ,  d'an 


A  P  R  5)3 

pié  &  plus  de  longueur  &  de  largeur ,  à  trois 
angles  dans  les  jeunes  pics  ,  taillées  en  cccur 
dans  les  vieilles  branches ,  très  -  rudes  & 
ridées  délias  &  délions ,  &  hérifi'ées  de  poils 
piquans  faciles  à  tomber  ,  &  qui  excitent 
des  démangeailons  à  la  peau. 

Ses  fleurs  rellemblen.r  à  celles  de  Vûppyn  ; 
mais  fes  caplulcs  lont  plus  grandes  ,  vif- 
queules  ,  à  deux  loges  &  deux  poils  eu 
crochet  ou  en  hameçon ,  par  lei  quels  elles 
s'attachent  comme  les  têtes  ou  enveloppes 
des  fleurs  de  la  bardane. 

Qualités.  Ses  capiules  vifTiucufes  répan- 
dent une  odeur  agréable  du  champaca. 

Ufeges.  Son  bois  elt  blai-ic  ,  à  grodès 
fibres  ,  &  léger  comme  celui  de  Wippya , 
mais  plus  durable  :  aulTi  le  préfère -t-on 
pour  frire  le  comble  &  les  couvertures  des 
maiions. 

Remarques,  'L'appya  vient  donc  alTcz  près 
du  ricin ,  dans  la  famille  des  tithymalcs  ,  à 
la  féconde  fedion  qui  raflemble  les  genres 
dont  les  étamines  font  réunies  par  leurs  hlcts. 
(  M.  Adanson.  ) 

'>■  APRACKBANIA  ou  ABRUCKBA- 
NIA  ,  (  Géog.  )  ville  de  Traniylvanie  Iur  la 
rivière  d'Ompas,  au  delfus  d'Albc- Julie. 

•*■  APRE,  adj.  (  GrûOT/n.)  acide,  rude, 
défagréable  au  goût  ;  il  fe  dit  auffi  au  figu- 
re ,  &  lignifie  ûv/«fe ,  ardent ,  pajfwnné pour 
quelque  chofe. 

APRE,  terme  de  Grammaire  greque.  Il  y 
a  en  grec  deux  fignes  qu'on  appelle  efprits  ; 
l'un  appelle  efprit  doux,  ôc  le  marque  fur 
la  lettre  comme  une  petite  virgule  ,  i>à  , 
moi ,  je. 

L'autre  eft  celui  qu'on  appelle  efprit  âpre , 
ou  rude  ;  il  le  marque  comme  un  petit  c  fur 
la  lettre  à'/>t«  ,  enfcmble.  Son  ufage  eft  d'in- 
diquer qu-'il  fiiut  prononcer  la  lettre  avec 
une  forte  alpiration. 

f  prend  toujours  l'efprit  rude  ,  v^a^  aqua-; 
les  autres  voyelles  &  les  diphtongues  ont  le 
plus  fouvent  l'el  prit  doux. 

Il  y  a  des  mots  qui  ont  un  efprit  &  un 
accent ,  comme  le  rehtif  %( ,  n,o ,  qui ,  quae, 
quod. 

Il  y  a  quatre  confonnes  qui  pj-ennent 
un  efprit  rude  ,  t  ,  «  ,  t  ,  p  :  mais  on  ne 
marque  plus  l'efprit  ruce  fur  les  trois  pre- 
mières ,  parce  qu'on  a  inventé  des  carac- 
tères exprès ,  pour  marquei  que  ces  Ict^ï^ 


^4  A  P  R 

font  afpir  jes  ;  aiiifi  au  lieu  d'écrire  t  ,  k'  ,  t', 
on  écrit  :  if,  x^  ^  >  "^^i^  °'^  ^'^'^''^  >  ''^  com- 
mencement des  mots  :  Pnrof /kw  ,  rhétorique  ; 
PHTof/xof  ,  rhétoricien  ;  fâ/jm ,  force.  Quand 
]e  p  eft  redoublé ,  on  met  un  efprit  doux  fur 
le  premier ,  &  un  âpre  fur  le  lecond  ;  ^ôp  f  w , 
lo,igè ,  loin. 

APREMONT  ,  (  Géogr.)  petite  ville  de 
la  Lorraine  ,  avec  un  château  &  baronnie  , 
entre  la  Mofelle  &  la  Meule ,  près  du  bail- 
liage de  Saint-Michel.  C'étoit  l'un  des  plus 
anciens  fiefs  de  l'évêché  de  Metz  ,  lorfque 
dans  le  XVI'  fiecle  ,  il  en  fut  démembré 
pour  faire  partie  des  domaines  de  la  maifon 
de  Lorraine.  Son  nom  vient  du  haut  rocher 
efcarpé  fur  lequel  on  a  bâti  le  château. 
(C.  A.) 

Apremont  ,  {Géogr.)  château  fortifié 
de  Savoie  ,  à  l'oueft  nord-oueft  ,  &  affez 
près  de  Montmélian.  Il  a  donné  Ton  nom 
à  une  famille  illuftre  de  cette  province. 
(C.A.) 

*  APREMONT»  (  Géogr.  mod.)  petite 
ville  de  France  dans  le  Poitou ,  généralité 
de  Poitiers.  Long.  i£  ,  §2.;  lat.  46 ,  45. 

APRÈS ,  prépofition  qui  marque  pofté- 
riorité  de  temps ,  ou  de  lieu  ou  d'ordre. 

Apris  les  fureurs  de  la  guerre. 
Goûtons  les  douceurs  de  la  paix. 

Après  fe  dit  auffi  adverbialement  :  par- 
tez ,  nous  irons  après ,  c'eft-à-dire ,  enfuite. 

Après  eft  aulTi  une  prépofition  infépara- 
ble  ,  qui  entre  dans  la  compollrion  de  cer- 
tains mots  ,  tels  que  après-demain,  aprè<:- 
dîné  ,l'après-dince ,  après-midi,  après-foupé , 
l  après- foupé. 

C'eft  fous  cette  vue  de  prépofition  infé- 
parable ,  qui  forme  un  fens  avec  un  autre 
mot ,  que  l'on  doit  regarder  ce  mot  dans  ces 
façons  de  parler  ;  ce  portrait  eft  fiit  d'après 
nature  ;  comme  on  dit  en  peinture  &  cnfcu/p- 
ture  ,  delTîner  d'après  l'antique  ;  modeler 
d'après  l'antique  ;  ce  portrait  eft  fait  d'après 
nature  ;  ce  tableau  eft  fût  d'après  Raphaël , 
frc.  c'eft-à-dire  ,  que  Raphaël  avoit  fait 
l'original  auparavant.  {F) 

APRETÉ,  (.i.  {Gramm.)  qualité  de  ce 
qui  eft  âpre.  On  le  dit  des  fruits ,  quand, 
fuute  de  maturité  ,  ils  font  rudes ,  acres  , 
dcfagréablçs  au  goût  ;  l'âpreté  diminue  dans 


A  P  R 

(es  fruits ,  à  mefure  que  les  arbres  vieiliiC» 

(ènt.  (-}-) 

Apreté  ,  f.  f.  Te  dit  de  l'inégalité  &  de  la 
rudcdè  de  la  furfacc  d'un  corps ,  p'r  1  -quelle 
quelques-unes  de  fes  partie^  s'-lcvent  telle- 
ment au  deflus  du  leltc,  qu'elles  empêchent 
de  pailèr  la  main  deflus  avec  aifance  &  li- 
berté. Fbjfif^  Particule. 

h'dpretéou  la  rudelle  eft  oppofée  à  la  dou- 
ceur ,  à  l'égalité  ,  à  ce  qui  eft  uni  ou  poli  , 
&c.  le  frottement  des  lurfices  conr-guës 
vient  de  leur  âprcté.  V.  Surface  &  Frot- 
tement. 

L'âpreté  plus  ou  moins  grande  des  fur- 
faces  des  corps ,  eft  une  cho!e  purement  rela- 
tive. Les  corps  qui  nous  paroillen:  avoir  la 
furface  la  plus  unie  ,  étant  vus  au  microf- 
cope ,  ne  lont  plus  qu'un  tillu  de  rugolités 
&  d'inégalités. 

Suivant  ce  que  M.  Boyle  rapporte  de 
Vermau  fen  ,  aveugle  très -fameux  par  la 
délicatelfe  &  la  finrlfe  de  Ion  toucher  , 
avec  lequel  il  diftmpuoit  les  couleurs  ,  il 
paroîtroit  que  chaque  couleur  a  fon  degré 
ou  fon  efpece  particulière  à'âpreté.  Le  noir 
paroit  être  la  plus  rude  ,  de  même  qu'il 
eft  la  plus  obfcure  des  couleurs  ;  mais  les 
autres  ne  font  p;is  plus  douces  à  proportion 
qu'elles  font  plus  éclatantes  ;  c'eft-à-dire  , 
que  la  plus  rude  n'eft  pas  toujours  celle 
qui  réfléchit  le  moins  de  lumière  :  car  le 
jaune  eft  plus  rude  que  le  bleu  ;  &  le  verd  , 
qui  eft  la  couleur  moyenne  ,  eft  plus  rude 
que  l'une  &:  l'autre.  Foye^ Couleur  ,  Lu- 
mière. (O) 

APRIÉS  ,  (  Hijl.  d'Egypte.)  fils  de Pfam- 
nis  ,  fut  fon  héritier  au  trône  d'Egypte. 
L'aurore  de  fon  règne  fut  brillante  ;  &  tous 
fes  combats  furent  fuivis  de  la  vidtoire.  Ses 
flottes  qui  couvroient  les  mers ,  lui  afler- 
virent  l'Egypte  &  Sidon  ,  dont  il  fit  paflèr 
les  richefles  &  le  commerce  dans  fes  états. 
Les  conquêtes  qui  fouvent  épuifent  les  peu- 
ples conquérans  ,  ouvrirent  dans  l'Egypte 
les  fources  de  l'abondance.  Apriès  ne  fe  livra 
à  fes  inclinations  beliiqueufcs  que  pour  ren- 
dre fon  pays  plus  florilfant.  Les  Juifs  fati- 
gués du  joug  tyrannique  de  Nabuchodo- 
nofor ,  cherchèrent  un  afylc  dans  l'Egypte 
où  leur  induftrie  commerçante  accumula 
l'or  des  nations.  L'ivrelfe  de  fes  fuccès  le 
rendit  impie, &  fe  croyant  plus  qu'un  homme j 


A  P  H 

il  ofa  défier  les  dieux  &:  braver  leur  pulf- 
lance.  Son  audace  facrilege  fut  punie  par 
la  révolte  des  égyptiens ,  qui  jamais  ne 
lailferent  impunies  les  ofFcnfes  faites  au 
culte  public.  Ce  monarque ,  vainqueur  des 
nations  ,  fe  vit  abhorre  de  fcs  lujtts.  Il 
pallà  de  l'infoknce  de  la  vidoire  dans  l'a- 
battement d'un  efclave  qui  attend  en  trem- 
blant fon  arrêt  de  la  bouche  d'un  maitre 
irrité.  Ses  fujets  lui  paroillbient  d'autant 
plus  redoutables  ,  qu'il  les  avoir  inftruirs 
lui  -  même  dans  l'art  de  combattre  6c  de 
vaincre.  Il  eut  dans  cette  extrémité  recours 
à  la  négociation ,  &  choillt  pour  médiateur 
Amalîs ,  qui  avoir ,  par  fes  talens  &:  Ha  pro- 
bité ,  mérité  la  conhance  de  Ton  maître  &: 
l'afleétion  des  peuples.  Cet  agent  également 
propre  à  la  guerre  tk:  à  la  négociation ,  avoit 
montré  jufqu'alors  u::e  ame  infenlible  aux 
promefl'es  de  l'ambition.  A  peine  eut  -  il 
cxpofé  aux  rebelles  le  (ujct  de  fa  million  , 
qu'un  de  leurs  chefs  lui  mit  un  calque  fur 
la  tête  &  le  proclama  roi.  Aprih  ne  re- 
garda ce  feu  dévorant  que  comme  une  étin- 
celle prompte  à  s'éteindre.  Il  avoit  dans  fa 
cour  un  de  ces  hommes  privilégiés ,  qui  la- 
tisfaits  de  leur  devoir  ,  n'attendent  leur  ré- 
compenfe  que  du  témoignage  intérieur  de 
leur  confcience.  C'étoit  Paterbemis  ,  que 
(on  intégrité  &  fon  délintéreilement  avoient 
rendu  l'idole  de  la  nation.  Ce  fage ,  dont 
la  fidélité  écoit  incorruptible  ,  fut  chargé 
d'amener  Amalîs  vivant  ,  &  de  le  livrer 
aux  vengeances  d'un  maître  ofFenfé.  Sa  né- 
gociation eut  un  mauvais  fuccès ,  il  n'elfuya 
que  les  railleries  de  ceux  qu'il  crut  devoir 
étonner  par  ces  menaces.  Aprih  mécon- 
tent ,  le  loupçonna  d'être  le  complice  de 
l'uiurpateur  de  fon  pouvoir  ,  &  pour  l'en 
punir ,  il  lui  fit  trancher  la  tête.  La  nation 
indignée  d'avoir  vu  tomber  un  citoyen  fi 
refpeil:able  ,  fous  la  hache  du  bourreau  , 
fe  louleva  pour  venger  la  mémoire.  Tous 
les  yeux  fe  fixèrent  lur  Amafis  ,  qui  dès 
ce  moment  fut  regardé  comme  le  vengeur 
de  la  nation.  Apnis  abandonné  de  les  fa- 
voris ,  fe  jeta  entre  les  bras  de  l'étranger. 
Trente  mille  Cariens  &  Ioniens  mercenaires 
trafiquèrent  de  leur  fang  avec  lui.  On  en 
vint  aux  mains  dans  les  plaines  de  Mem- 
phis.  Les  étrangers  combattirent  avec  un 
courage  qui  teuoit  du  délefpoir  ;  rruus  en- 


A  P  S  «?5 

fin ,  accablés  par  la  fupériorité  du  nombre  , 
&  fatigués  de  donner  la  mort ,  ils  furent 
dans  l'impuillance  de  détendre  leur  vie , 
tous  expirèrent  en  combattant.  Aprih  fait 
prilonnier  ,  ne  leur  furvécut  que  pour  être 
tramé  au  fupplice  par  fes  propres  fujets. 
(  T—N.) 

*  APRIO  ,  (  Géofr.  anc.  &  mod.  )  ville  de 
la  Romanie  ,  que  les  anciens  nommoient 
Apros  Se  Apri.  Elle  porte  aulTi  le  nom  de 
Theodofiapolis  ,  parce  que  Thédofe  le 
grand  en  aimoit  le  fejour. 

APRISE  ,  vieux  terme  de  palais  ,  fyno- 
nyme  à  ejlimation  ,  pnfée.  Il  eft  fiit  d'a~ 
prijîa  ,  qu'on  trouve  en  ce  fens  dans  d'an- 
ciens arrêts  ,  &:  qui  vient  du  verbe  appre~ 
tiare  ,  priler.  {H) 

APRON  ,  afper  ,  (  Hi/I.  nat.  Zoloog.) 
poillon  de  rivière  affez  rellemblant  au  gou- 
jon ;  cependant  fa  tête  eft  plus  large  ;  elle 
eft  terminée  en  pointe  :  là  bouche  eft  de 
moyenne  grandeur  ;  les  mâchoires  ,  au  Heu 
d'être  garnies  de  dents  font  raboteufes  ;  il 
a  des  trous  devant  les  yeux.  Ce  poillbn  eft 
de  couleur  roufle ,  &  marqué  de  larges  ta- 
ches noires  qui  traverfent  le  ventre  &c  le  dos 
obliquement  :  il  a  deux  nageoires  auprès 
des  ouïes  &  fous  le  ventre  ,  deux  autres  lur 
le  dos  ,  allez  éloignées  l'une  de  l'autre. 
On  le  trouve  dans  le  Rhône  ,  fur -tout 
entre  Lyon  &  Vienne  :  on  a  cru  qu'il  vi- 
voit  d'or ,  parce  qu'il  avale  avec  le  gravier 
les  paillettes  d'or  qui  s'y  rencontrent,  fà 
chair  eft  plus  dure  que  celle  du  goujon. 
Rondelet.  Vcye'^  Poisson.  (/) 

^APROSIDE,  ou  l'île  inccceffîbk. 
Phne  la  place  dans  l'Océan  atlantique  : 
quelques  géographes  modernes  prétendent 
que  c'eft  l'iie  que  nous  appelions  Perto- 
Santo  ;  d'autres  ,  que  c'eft  Ombris  ou  Samt- 
Blandan  ;  ou  par  corruption  ,  la  ijla  de 
San-Boror.don  ;  ou  Vencubierta  ,  la  couverte  , 
ou  la  non  trovada  ,  la  difticile  à  trou- 
ver. C'eft  uire  des  Canaries  du  côté  d'oc- 
cident. 

APSIDE  ,  f.  f.  fe  dit  en  afironomie ,  de 
d-ux  points  de  l'orbite  des  planètes  ,  où 
ces  corps  fe  trouvent;  loit  à  la  plus  grande, 
loir  à  la  plus  pecire  diftance  pofliblc  ou  de 
la  terre  ou  du  foîeil  ^'bje^.  Orbite  ,  Pla- 
NETF ,  Distance,  &  Ligne. 

A  la  plus  grande  diftance  Vaijide  s'ap- 


9 


APS 


pelle  la  grande  abfide  ,  fumma  apfis  ;  a  la 
plas  petite  difiaiice  ,  Vabfide  s'appelle  la 
petit?  chftdc  ,  infima  on  ima  abfis. 

Les  deux  abfides  enfemble  s'appellent  auges. 
Voyei^  Auges, 

La  grande  a'fide  fe  nomme  plus  commu- 
iiément  Vaphllie  ou  Vapogée ,  &  ^  la  petite 
ahfJc,  le  périphélie  ou  le  périgée.  Voyei 
Apogée  ù  Périgée. 

La  droite  qui  pafTe  par  le  centre  de 
l'orbite  de  la  planète,  &  qui  joint  ces 
deux  points  ,  s'appelle  la  ligne  d.s  abfidss 
de  la  pbnetc.  Dans  Paftronomie  nouvelle 
la  ligne  des  abfides  eft  le  grand  axe  d'un 
orbite  elliptique ,  telle  t'a  la  ligne  A  P , 
planche  d'afIro/wmi3  ,  fig.  l  ,  tirée  de  l'a- 
phélie ^,  ou  périphélie  P.  Fbjc^ORBixE  , 

Planète.  ,  r     t    .• 

On  eftime  l'excentricité  fur  la  ligne  des 
abfides  ;  car  c'eft  la  diftance  du  centre  C  de 
l'orbite  de  h  planète  au  foyer  S  de  l'orbite. 
Voyr-{  Foyer  &  Ellipse.  Cette  excentricité 
eft  différente  dans  chacun  des  orbites  des 
phnetes.  Fbj'f:^^  Excentricité, 

Quelques  philofophes  mcchaniciens  con- 
lileren.t  le  mouvement  d'une  planète  d'une 
ahfidi  à  l'autre-,  par  exemple  ,  le  mouve- 
ment de  la  lune  du  périgée  à  l'apogée  , 
&  de  l'apogée  au  périgée  ,  comme  des 
ofcilktions  d'un  pendule;  &  ils  appliquent 
à  ce  mouvement  les  loix  de  rofcillation 
d'un  pendule  :  d'où  ils  infèrent  que  l'équi- 
libre venant  un  jour  à  fe  rétablir ,  ces  ofcil- 
lations  des  corps  céleftes  céderont.  Voyci 
Hcrreb.  Clar.afircn.  c.  xx.  Fbje:^^  Oscilla- 
tion ù  Pendule. 

D'autres  croient  appercevoir  dans  ce 
mouvement  quelqre  chofe  qui  n'eft  point 
m.échanicjue  ,  &  ils  demandent  :  pourquoi 
l'équilibre  s'eft-il  rompu  &  'les  olcillations 
de  ces  corps  ont-elles  commencé  ?  pour- 
quoi l'équilibre  ne  renaît-il  pas  ?  quelle  eft 
la  caufe  qui  continue  de  le  rompre  :  ^oye^ 
Mém.  de  Trcv.  avril  îj^o  ,  page  J0<)  Ù 
fuivantes.  Ils  regardent  toutes  ces  queftions 
comme  infolubles;  ce  qui  prouve  que  la 
philofophie  neuwtonienne  leur  eft  inccn- 
jiuc.  Vuye7  Neuwt.  princip.  rn^tkcm.  lib.  I. 
fecl.  Q.  Hcrrnan.  Phoron.  l:b.  I.  c.  jv.  Voyei^ 
encore  Gravitation,  Planète,  Orbi- 
T  E  ,  Distance  ,  Période  ,  Lune  ,  6'c. 
P.tfiiii  les  auteurs  qui  ont   comparé  les 


APS 

ofciUations  "k  celle  d'un  pendule,    un  des 
plus  célèbres  eft  M.  Jean  Bernouilli,  pro- 
i'clkur  de  mathématiques  à  Baie ,  dans  une 
pièce  ■.iititLilée  ,  iiouvclle.'  penféet  fur  le  fyl- 
tcme  de  Dejcaries  ,  avec  la  minière  d'en,  dé- 
duire l  s  orbites  £'  les  aphélies  des  planètes  ; 
pièce  qui  remporta    en   1750  le  prix  pro- 
pofé  par  l'académie  royale  des  fciences  de 
i'aris.  Il  tîche  d'y  expliquer    comment  il 
peut  arriver  que  ,  dr.ns  le  {yftême  des  tour- 
billons ,   une  plar.ete  nt  ioit  pas  toujours  à 
la  même  dift.u-ice  du   fôleil ,   mai;-,  qu'elle 
s'en  approche  &  s'en    éloigne  alternative- 
ment.   Mais  en   phyfique  il  ne   fufnt    pns 
de  donner  une  explication  plauhble   d'un 
phénomène  particulier  ,  il  faut  encore  que 
l'hypotheie  d'où  l'on  part  pour  expliquer  ce 
phénomène  ,  puide  s'accorder  avec  tous  les 
autres  qui  l'accompagnent,  ou  qui  en  dé- 
pendent.   Or    (I   on   exam.ine  l'explication 
donnée  par  M.  Bernouilli  ,    nous  croyon» 
qu'il  feroit  difficile  de  faire  voir  comment , 
dans  cette  explication ,  la  planète  pourroit 
décrire   une    elliple   autour  du    foleil,  de 
manière  que  cet  aftre  en  occupât  le  foyer, 
i^  que  les  aires  décrites  autour  de  cet  aftre 
fuftent  proportionnelles   aux    temps  ,   ainli 
que   les   obfervations   l'apprennent,    Foje^ 
fur  cefujst  un  mém.  de  M.  Bouguer  ,  mém. 
acad.    17^1  ,  fur  le  moiivcnent  curviligne  des 
ccrps  dans  des  milieux  qui  fe  meuvent. 

Si  la  ligne  de  la  plus  grande  diftancc 
d'une  planète ,  &  celle  de  la  plus  petite 
diftancc  ,  ne  l'ont  pas  iituées  précifément 
en  ligne  droite  ,  mais  qu'elles  fallent  un 
angle  plus  grand  ou  plus  petit  que  180 
degrés,  la  différence  de  cet  angle  à  iSo 
degrés  ,  eft  appcllée  le  m.ouvem.ent  de  la 
ligne  des  abfidts  ,  ou  le  mouvement  des 
abfides  ;  &  fi  l'angle  eft  plus  petit  que  180 
degrés ,  on  dit  que  le  mouvement  des 
abfides  eft  contre  l'ordre  des  fignes  :  au  con- 
traire fi  l'aiigle  eft  plus  grand ,  on  dit  que 
le  mouvemen:  des  abfides  eft  fuivant  l'or- 
dre des  fignes. 

A  l'égard  de  la  méthode  pour  déterminer 
la  poiition  des  abfiJes  mcraes,  en  s'eft  lervi 
pour  y  parvenir  de  diffcrcns  moyens.  Les 
anciens  qui  croyoient  que  les  planète'? 
décrivoient  des  cercles  parfaits  dont  le  foleil 
n'occupoit  pas  le  centre ,  ont  employé 
pour  déterminer  les  abfiJcs ,  une  méthode 

expliquée 


A  PS 

expliquée  par  Keill  dans  Ces  Inft'nutions 
aftroiwmiques.  Depuis  ,  comme  on  s'eO 
appcrçu  que  les  planètes  ck^crivoient  des 
elliples  dont  \z  folcil  occupoit  le  toyer  ,  on 
a  été  obligé  de  chercher  d'autres  moyens 
pour  déterminer  le  lieu  des  a/î/zt/^j- dans  les 
ortites.  M.  Hallcy  a  donné  pour  cela  une 
méthode  qui  ne  (iippole  de  connu  que  le 
temps  de  la  révolution  de  la  planète.  Sethus 
Wardus  en  a  auiii  donné  une  ,qui  iuppole 
qu'on  ait  trois  oblervations  différentes 
d'une  planète  en  trois  endroits  quelcon- 
qiics  de  Ion  orbite;  mais  la  méthode  qu'il 
donne  pour  cela  ,eft  fondée  fur  une  hypo- 
thele  qui  n'eft  pas  exaâemcnt  vraie  , 
&  le  célèbre  M.  Euler  en  a  donné  une 
beaucoup  plus  exaâe  dans  le  tome  Vil  des 
mém.  de  l'acad.  de  Pe'tersbourg.  On  peut 
voir  ces  diiîcrentes  méthodes  ,  excepté  la 
dernière  ,  dans  l'aflronomie  de  Keill ,  ou 
plutôt  dans  les  Inft'uudons  agronomiques 
de  M.  le  Monnier. 

M.  Newton  a  donné  dans  fon  livre  des 
Principes ,  une  très-belle  méthode  pour 
déterminer  le  mouvement  des  apjides  ,  en 
fuppolant  que  l'orbite  décrite  par  la  pla- 
nète Ibit  peu  différente  d'un  cercle  ,  com- 
me le  font  prefque  toutes  les  orbites  pla- 
nétaires. Ce  grand  philofophe  fait  voir  que 
fi  le  foleil  étoir  immobile ,  &  que  toutes 
les  planètes  pefafTent  vers  lui  en  raifon  in- 
verfe  du  quarré  de  leurs  diflances  ,  le  mou- 
vement des  apfides  feroit  nul ,  c'ell-à-dire 
que  la  ligne  de  la  plus  grande  diflance  &  la 
ligne  de  la  plus  petite  diilance ,  feroient 
éloignées  de  i8o  degrés  l'une  de  l'autre  , 
&  ne  formeroient  qu'une  leule  ligne  droite. 
Ce  qui  fait  donc  que  les  deux  points  des 
apfïdes  ne  font  pas  toujours  exadement  en 
ligne  droite  avec  le  foleil ,  c'efl  que  par  la 
tendance  mutuelle  des  planètes  les  unes 
vers  les  autres ,  leur  gravitation  vers  le 
foleil  n'ert  pas  prccifément  en  raifon  in- 
verfe  du  quarré  de  la  diftance.  M.  Newton 
donne  une  méthode  très  -  élégante  pour 
déterminer  le  mouvement  des  Apjîdes  ,  en 
fuppolant  qu'on  connoifle  la  force  qui  ell 
ajoutée  à  la  gravitation  de  la  planète  vers 
le  foleil ,  &  que  cette  force  ajoutée  ait 
toujours  fa  diredion  vers  le  Ibleil- 

Cependant  ,  quelque  belle  que  foit  cette 
méthode ,  il  faut  avouer  qu'elle  a    befoiii 
Tome  m. 


APS  97 

d'être  perfeflionnée  ;  parce  que  dans  toutes 
les  planètes ,  tant  premières  que  fecondai- 
rcs  ,  la  force  ajoutée  à  la  gravitation  vers 
le  foyer  de  l'orbite  ,  n'a  prefque  jamais  fa 
diredion  vers  ce  foyer  :  auHi  M.  Newton 
ne  s'en  ell-il  point  fervi ,  du  moins  d'une 
manière  bien  nette  ,  pour  déterminer  le 
mouvement  des  apJides  de  l'orbirc  lunaire; 
la  théorie  exade  de  ce  mouvement  efî 
très-ditîicile.  K  APOGÉE   &LLrNE.(0) 

*  APSILES  ,  1".  m.  {Géog.  anc.)  peu- 
ples qui  habitoient  les  environs  du  Pont- 
Euxin  ,  &  le  pays  de  Lazcs. 

APSIS  ou  ABSIS  ,  mot  ufité  dans  les 
auteurs  eccléfiafliques  pour  lîgnifîer  la 
partie  intérieure  des  anciennes  églifes  où  le 
clergé  étoit  affis ,  &  où  l'autel  étoit  placé. 
Fqyq  Eglise. 

On  croit  que  cette  partie  de  l'églife  s'ap- 
pelloit  ainfi ,  parce  qu'elle  étoit  bâtie  en 
arcade  ou  en  voûte  ,  appellée  par  les  Grecs 
â-iî( ,  &  par  les  Latins  ahfis.  M.  Fleury 
tire  ce  nom  de  l'arcade  qui  en  fiiiloit  l'ou- 
verture. Ifidore  dit ,  avec  beaucoup  moins 
de  viaifemblance  ,  qu'on  avoit  ainfi  nomme 
cette  partie  de  l'églife  ,  parce  qu'elle  étoit  la 
plus  éclairée  ,  du  mot  grec  ^xnnv ,  éclairer. 

Dans  ce  fens  le  mot  abjis  fe  prend  auffi 
pour  concha  ,  caméra  ,  presbyterium  ,  par 
oppofition  à  nef ,  ou  à  la  partie  de  l'églife 
où  fe  tenoit  le  peuple  ;  ce  qui  revient  à  ce 
que  nous  appelions  chœur  &  fancluaire, 
Voyei^-ET,  Chœur, i&c. 

Uapjis  étoit  bâti  en  figure  hémifphéri- 
que  ,  &  confifloit  en  deux  parties  ,  l'autel 
&  le  presbytère ,  ou  fanduaire.  Dans  cette 
dernière  partie  étoient  contenues  les  fîalles 
ou  places  du  clergé  ,  &  entr'autres  le  trône 
de  l'évêque ,  qui  étoit  placé  au  milieu  ou 
dans  la  partie  la  plus  éloignée  de  l'autel. 
Peut-être ,  dit  M.  Fleury  ,  les  chrétiens 
avoient-ils  voulu  d'abord  imiter  la  féance 
du  fanhedrin  des  juifs  ,  où  les  juges  étoient 
affis  en  demi-cercle ,  le  préfident  au  mi- 
lieu :  l'évêque  tenoit  la  même  place  dans  le 
presbytère.  L'autel  étoit  à  l'autre  extrémité 
vers  la  nef ,  dont  il  étoit  féparé  par  une 
grille  ou  baluilrade  à  jour.  Il  étoir  élevé 
iur  une  ellrade ,  &  fur  l'autel  étoit  le  ci- 
boire ou  la  coupe  ,  fous  une  efpece  de  pa- 
villon ou  de  dais.  Voye\  Cordemoy  ,  Ale'm. 
de  Tre,  JuilUt  i^^o  ,pag.    iz6É  b  fuiv. 

N 


C;.8  A     P    T 

Fleury  ,  Mœurs  des    chref.   tit.  xxxu. 

On  faifoit  plufieurs  cérémonies  à  l'entrée 
ou  fous  l'arcade  de  Vapjis  ,  comme  d'im- 
f  ofer  les  mains ,  de  revêtir  de  lacs  &  de  cili- 
ées les  pénitens  publics.  Il  eft  auffi  fouvent 
fait  mention  dans  les  anciens  monumens  , 
des  corps  des  laints  qui  étoient  dans  Yapjis. 
C'étoient  les  corps  des  laints  évcques  ,  ou 
d'autres  faints ,  qu'on  y  tranfportou  avec 
grande  folemnité.  Synod.  31.  Canh.  can. 
32..  Spelman. 

Le  trâne  de  l'éveque  s'appelloit  ancien- 
nement cipjïs ,  d'où  quelques-uns  ont  cru 
qu'il  avoit  donné  ce  nom  à  la  partie  de 
Ja  bafilique  dans  laquelle  il  étoit  Ctué  ; 
mais ,  félon  d'autres ,  il  l'avoit  emprunté 
«ie  ce  même  lieu.  On  l'appelloit  encore  apjis 
gradata ,  parce  qu'il  étoit  élevé  de  quel- 
ques degrés  au  defTus  des    fieges  des   prê- 


tres ;  eniuite  on  le  nomma 


exhedi 


ra . 


puis 


trône  &  tribune.   Voye:{  TRIBUNE 

■^pfis  étoit  auffi  le  nom  d'un  reliquaire 
ou  d'une  chaffé  ,  où  l'on  renfermoit  ancien- 
nement les  reliques  des  Saints  ,  &  qu'on 
nommoit  ainli  ,  parce  que  les  reliquaires 
étoient  faits  en  arcades  ou  en  voûte;  peut- 
être  auffi  à  caufe  de  Vapjis  où  ils  étoient  pla- 
cés ,  d'où  les  Latins  ont  formé  capfa ,  pour 
exprimer  la  même  chofe.  Ces  reliquaires 
ctoient  de  bois  ,  quelqueiois  d'or  ,  d'ar- 
gent ,  ou  d'autre  matière  précieufe ,  avec 
des  reliets  ,  &  d'autres  ornemens  ;  on  les 
plaçoit  fur  l'autel ,  qui ,  comme  nous  l'a- 
vons dit ,  faifoit  partie  de  Vapfis ,  qu'on  a 
aulii  Kûmmé  quelquefois  le  chevet  deVé- 
glife  )  &  dont  le  fond  ,  pour  l'ordinaire  , 
étoit  tourné  à  l'orient.  Voye\  Du-Cîtnge, 
Defcript.  S.  SophiiZ.  Spelman.  Fleury , 
ioc.  cit.  (  G  ) 

*  APT ,  {Ge'og.  anc.  &  mod.)  autrefois 
Apta  Julia  ,  ville  de  France  en  Provence, 
fur  la  rivière  de  Calaran.  Long,  aj  j  &  , 
îat.  4;^  y  ^o. 

*  APTERE  ,  de  a-nîprx  ,  fans  aile  , 
(  myth.  )  épithete  que  les  Athéniens  don- 
noient  à  la  vidoire  qu'ils  avoient  repréfèn- 
tée  fans  aile ,  afin  qu'elle  refiât  toujours 
parmi  eux. 

*  Aptère,  (Gf'o^.a,7c.  &moJ.)  ville  de 
l'île  de  Crète  :  c'efl  aujourd'hui  yjtteria 
ou  Paleocaftro.  On  dit  c\W Aptère  fut  ainfi 
nommée  de  «TfT.pii  ,/ans  aile  \  parce  que 


APT 

ce  fu:-là  que  les  fîrenes  tombèrent  ,  Icrf^ 
qu'elles  perdirent  leurs  ailes  ,  après  qu'elltis 
eurent  été  vaincues  parlesmufes,  qu'elles 
avoient  défiées  à  chanter. 
^  AP-THANES  ,  c'efl  un  ancien  mot 
écoffbis  qui  dcfigne  la  plus  haute  no- 
bleife  d'Ecodé.  Voye^  Thane  ou  AN- 
CIEN NOBLE.  (  G) 

APTITUDE  ,  en  terme  de  jurifpru- 
dence  ,  eft  fynonyme  à  capacité  S:C  habileté. 
Voyei  Fan  &  l'autre.    {H) 

APTOTE,  ce  mot  efl  grec,  &  fignifie  iir- 
de'chnable.  Suntquivd.jm,quœ  declinationem 
non  admntunt  ,  &  in  quibufdam  cdjibustan- 
tum  ini'eniuntur,  &  dicunturaptota.  Sofipa- 
ter  3  lii'.  I.  pag.  23.  comme  fas  ,  nef  as  , 
&c.  ci'7nd\'A  ,  c'efl-à-dire  fans  cas ,  formé 
de  ^tSo-k  ,  cas,  &   d'à  privatif.   (P) 

*  APUA  ,  ville  de  Ligurie.  Voye\  PoN- 
TREMOLE. 

*  APUIES  ,  f.  m.  pl.^  {Geog  &  Hifl.) 
peuple  de  l'Amérique  méridionale  ,  dans  le 
Brcfil.  Ils  habitent  à  la  fource  du  Ganabara 
ou  du  Rio-Janeiro ,  &  près  du  gouver- 
nement de  ce  dernier  nom. 

*  APURIMA  ou  APORIMAC,  rivière 
de  l'Amérique  dans  le  Pérou  ,  la  plus  rapide 
de  ce  royaume,  à  11  lieues  de  la  rivière 
d'Abancac. 

*  APURWACA  ouPIRAGUE,  {Geog. 
mod.  )  rivière  de  l'Amérique  méridionale  , 
dans  la  Guiane  ;  c'efl  une  des  plus  confidé- 
rables  du  pays. 

§  APUS  ou  APOUS  ,  {Aftron.)  c'efl- 
à-dire  pedibus  carens  ;  quelquefois  auffi  par 
corruption  apis  ;  c'efl  le  nom  d'une  conl- 
tellation  méridionale,  appellée  en  françois 
Yoifcau  de  paradis,  avis  indicu  nianucodiata 
ou  paradifea  ,  c'efl  le  nom  que  lui  donne 
M.  Linné.  Cette  conflellation  dans  les 
cartes  de  Bayer  ,  a  douze  étoiles  :  il  y  en 
a  un  plus  grand  nombre  dans  le  catalogue 
de  M.  de  la  Caille.  Voyez  Cœlum  aufirale 
ftelliferum  ,  &  les  Mémoires  de  Vacadémie 
royale  des  Sciences  de  Paris  i  j £Z  y  pag. 
'569.  La  principale  éfoile  de  cette  conflel- 
lation efl  de  la  cinquième  grandeur  ;  elle 
avoit  le  31  mai  i7$i  ,  14*^  19  H"  d'afcen- 
fîon  droite  en  temps,  &  41'' 3' de  décli- 
naifon  aufirale  :  ainfî  elle  pafîê  au  méridien 
à  7'  feulement  au  defTus  de  l'horizon  de 
l'oblervatoire    de  Paris  ;  ce    qui  ne   fulEt 


A  P  Y 

pas  pour  qu'on  puifTe  y  obfcrver  cette  étoile. 
(  M  DE  LA  Lande  ) 

APYCNI ,  adj.  pi.  (  Mufiq.  des  anc.  ) 
Les  anciens  nopelldient  ainfi  dans  les  genres 
épais ,  trois  des  huit  Ions  Ihibles  de  leur 
lyilême  ou  diagramme  ,  Icfquels  ne  tou- 
clioient  d'aucun  coté  les  intervalles  ièrrés  ; 
l'avoir  la  prollanhanomene,  lanete  fynné- 
menon  ,  &  la  nete  hyperboléon.  Ils  ap- 
pelloient  aufli  dpycnos  ,  ou  non-épais  ,  le 
genre  diatonique  ,  parce  que  dans  les  tétra- 
cordes  de  ce  genre  ,  la  fommc  de  deux 
premiers  intervalles  étoit  plus  grande  que 
le  troifieme.  roj^^  ÉPAIS,  GENRE,  SON, 
TÉTRACORDE.   (S) 

APYRE  (  Chym.)  Ce  nom^eft  employé 
pour  défigner  la  propriété  qu'ont  certains 
corps  de  relilW  à  la  plus  grande  aâion  du  feu, 
fîins  en  recevoir  d'altération  fenlible.  On  doit 
diflingucrles  corps  apyres  d'avec  ceux  qu'on 
nomme  réfraclaires  ;  car  il  fuffit ,  pour  qu'on 
puiflè  qualifier  une  fubftance  de  réfraftaire  , 
qu'elle  rcfifte  à  la  violence  du  feu  fans  (è  fon- 
dre ,  quoiqu'elle  éprouve  d'ailleurs  des  alté- 
rations confidérables  :  au  lieu  que  le  corps 
véritablement  apyre  ne  doit  éprouver  ,  de  la 
part  du  feu ,  ni  fufion ,  ni  aucun  autre 
changement.  Il  luit  de-là  que  toute  fubf- 
rance  apyre  efl  réfraôaire  ,  mais  que  toute 
fubftance  réfraôairc  n'efl  point  apyre.  Les 
pierres  calcaires  bien  pures  ,  par  exemple  , 
font  réfraâaires  ,  parce  qu'elles  ne  fe  fon- 
dent jamais  feules  :  mais  elles  ne  font  point 
apyres  ,  parce  que  l'adion  du  feu  les  fait 
confîdérablement  diminuer  de  poids  ,  dé- 
truit l'adhérence  de  leurs  parties  intégran- 
tes ,  &  change  toutes  leurs  propriétés  eiren- 
ticUes  ,  en  leur  donnant  les  caraderes  de 
la  chaux  vive  :  au  contraire  ,  le  diamant 
bien  net  &  bien  pur  eft  une  fubftance  dpyre  , 
parce  que  l'aâion  du  feu  le  plus  fort  eft 
incapable  ,  non  feulement  de  le  fondre , 
mais  même  de  lui  caufer  aucune  altération 
lenlible  ,  en  forte  qu'un  diamant  qui  a  été 
expolé  pendant  très-long  temps  au  feu  le 
plus  fort,  fe  trouve  après  cela  tel  qu'il 
étoit  auparavant. 

Peut-être,    au  reftc ,    n'y    a-t-il    aucun 

corps  dans  la    nature  qui  foit   efîéntiellc- 

ment  &  rigoureulement  apyre  :  &  cela  efi 

vraifemblable  ;  mais    il    iuffit    qu'il    s'en 

--fxouve  qui  le  foient  relativement  au  degré 


A  Q^U  99 

du  feu  que  l'art  peut  produire ,  pour 
qu'on  (oit  en  droit  de  leur  donner  cette 
qualification.   (  "f  ) 

APYREPXIE,  f.  f.d'«  privatif,  &  de 
Tupij/a  ,  fièvre  ,  ablence  de  fièvre  ;  c'cft  , 
en  médecine  ,  cet  intervalle  de  temps  qui  fe 
Trouve  entre  deux  accès  de  fièvre  intermit- 
tente ,  ou  c'cfl  la-  ceffation  entière  de  la 
fièvre.  Koye^  FlEV  RE.  (A^ 

AQ.U 

*  AQUA  ,  province  d'Afrique ,  fur  la 
côte  d'or  de  Guinée. 

*  AQUA-DOLCE  ou  GLECINIRO  , 

(Ge'og.  anc.  &  mod.)  rivière  de  Thrace ,  qui 
ié  jette  dans  la  Propontide  ,   vers  Selivrée. 

AQUA-NEGRA  ,  petite  place  d'Italie 
dans  le  mantouan  ,  fur  la  Chiefe  ,  un  peu 
au  delà  de  la  jonûion  de  cette  rivière  avec 
l'Oglin,27,  55  ,  45.  lo- 

AQUA-PENDENTE  ,  voye^  AcQUA- 

PENDENTE. 

*  AQUA-SPARTA  ,  petite  ville  d'Ita. 
lie ,  dans  la  province  d'Umbrie  ,  fur  un 
mont ,  entre  Àmelia  &  Spolette. 

*Aq  Uy€-CALID^, {Ge'og.  a;zc.)vilie 
ainfi  nommée  de  fes  bains  chauds.  C'ell  la 
même  qu'on  appelle  aujourd'hui  Baih  , 
dans  le  comté  de  Sommerfet  en  Angleterre  : 
Antonin  l'appelle  aufll  Aquœ  folis. 

AQUARLENS ,  (r/i^W.)"efpece  d'héré- 
tiques qui  parurent  dans  le  III^.  fieclc  ;  ils 
fubfiituoient  l'eau  au  vin  dans  le  facrement 
de  l'euchariftie.  Voye\  EUCHARISTIE. 

On  dit  que  la  pcriecution  qu'on  exer- 
çoit  alors  avec  fureur  contre  le  chnllianif- 
me  ,  donna  lieu  à  cette  héréfie.  Les  chré- 
tiens ,  obligés  de  célébrer  pendant  la  nuit 
la  fcene  eucharlflique  ,  jugèrent  à  propos 
de  n'y  employer  que  de  l'eau  ,  dans  la  crainte 
que  l'odeur  du  vin  ne  les  décelât  aux  païens. 
i'3ans  la  luite  ,  ils  pouflerent  les  choies  plus 
loin  ;  ils  bannirent  le  vin  de  ce  iacrement  , 
lors  même  qu'ils  pouvoient  en  faire  uiage 
en  fureté.  S.  Epiphane  dit  que  ces  héréti- 
ques étoient  feétateurs  de  Tatien ,  &  qu'on 
leur  donna  le  nom  d'Aquariens ,  parce  qu'ils 
s'ab  flenoient  abfolument  de  vin  ,  julque-là 
:r,ême  qu'ils  n'en  uloient  pas  dans  le  fa» 
crementdel'eucharinie.  ï^(_yf7^  AbsTEME, 
AbSTI>'ENCE.  (  G) 

N  2. 


loo  A  Q  U 

AQUARJUS  ,  eft  le  nom  latin  du 
Verfeau.  Voyei  Vef.sEAU.  (  O) 

*  AQUATACCIO  ,  ou  AQUA  D'A- 
C  lO,  on  RIOD'APPIO  ,  {Géog.  anc.  & 
jnod.  )  petite  rivière  dans  la  campagne  de 
Rome  en  Italie  ,  qui  fe  jette  dans  le  Tibre  à 
un  mille  de  Rome.  On  ne  connoît  cette 
rivière ,  que  parce  qu'autrefois  on  y  lavoit 
les  chofes  facrifiées  à  Cybele. 

AQUATIQUE  ,  adj.  fe  dit  des  animaux 
&  des  végétaux  qui  fe  plaifent  dans  l'eau  , 
tels  que  l'aulne  ,  l'ofier  ,  les  faules ,  le  peu- 
plier ,  le  marfaut  &  autres.  (  iC  ) 

AQUATULCO,f'q)'^,'AGUATULCO. 
AQUE  ou  ACQUS  ,U.{  marine.  )  c'cf] 
une  efpece  de  bâtiment  qui  amené  des  vins 
du  Rhin  en  Hollande  :  il  eft  plat  par  le 
fond,  large  par  le  bas,  haut  de  bords,  & 
le  retrcciflant  par  le  haut  ;  fcin  étrave  eit 
lar^e  de  même  que  fon  étambord.   (  ^  ) 

AQUEDUC  ,  f.  m.  bâtiment  de  pierre  , 
fait  dans  un  terrain  inégal ,  pour  conferver 
le  niveau  de  l'eau  ,  &  la  conduire  d'un  lieu 
dans  un  autre.  Ce  mot  efl  formé  d'agud, 
eau  ,  &  de  duclus  ,  conduit. 

On  en  diflingue  de  deux  fortes ,  d'ap- 
parens  &  de  louterrains.  Les  apparens  font 
conflruits  à  travers  les  vallées  &  les  fon- 
drières ,  &  compofés  de  tremeaux  &  d'ar- 
cades ;  tels  font  ceux  d'Arcueil  ,  de  Marly 
&  de  Bucq  près  Verfailles.  Lesfoucerrains 
font  perfeés  à  travers  les  montagnes ,  con- 
duits au  deffous  de  la  fuperficie  de  la  terre  , 
bâtis  de  pierres  de  taille  &  de  moilons  ,  & 
couverts  en  defiùs  de  voûtes  &  de  pierres 
plates ,  qu'on  appelle  dalles  :  ces  dalles 
nettent  l'eau  à  l'abri  du  foleil  ;  tels  font 
ceux  de  Roqucncourt  ,  de  Belleville  ,  & 
du   Pré  S.   Ger\Tiis. 

On  diilrjbue  encore  les  aqueducs  en 
doubles  ou  triples,  c'eft-à-dire  portés  fur 
deux  ou  trois  rangs  d'arcades:  tel  efl celui 
du  Pont-du-Gard  en  Languedoc  ,  &  celui 
qui  fournit  de  l'eau  à  Conflantinople;^aux- 
quels  on  peut  ajouter  Vaqueduc  que  Pro- 
cope  dit  avoir  été  conftruit  par  Cofroës  , 
Roi  de  Perle  ,  pour  la  ville  de  Petra  ,  en 
Mirgrclie  ;  il  avoit  trois  conduits  fur  une 
même  i'gnc ,  le*  uns  élevés  au  defllis  des 
autres. 
Souvent  les  aqueducs  (onx  pavés;  quel- 


A  Q^U 

cjuefois  l'eau  roule  fur  un  lit  de  ciment 
tait  avec  art ,  ou  fur  un  lit  naturel  de  glaife  : 
ordinairement  elle  pafle  dans  des  cuvettes 
de  j  lomb  ,  ou  des  auges  de  pierre  de  taille  , 
auxquelles  on  donne  une  pente  impercep- 
tible pour  faciliter  ion  mouvement;  aux 
côtés  de  ces  cuvettes  font  ménagés  deux 
petits  channers  où  l'on  peut  marcher  au 
befoin.  Les  aqueducs  ,  les  pierriers  ,  les 
tranchées  ,  £v.  amènent  les  eaux  dans  un 
réfcrvoir  ;  mais  ne  les  élèvent  point.  Pour 
devenir  jaillifTantes ,  il  faut  qu'elles  loient 
rclTèrrées  dans  des  tuyaux,  {k) 

*  Les  aqueducs  de  toutes  eipeces  éroient 
jadis  une  des  merveilles  de  Rome  :  la  grande 
quantité  qu'il  y  en  avoit  ;  les  frais  immen- 
fes  employés  à  faire  venir  des  eaux  d'en- 
droits éloignés  de  trente,  quarante ,  foixan- 
te  ,  &  même  cent  milles  lùr  des  arcades  , 
ou   continuées  ou  (uppléées   par  d'autres 
travaux  ,  comm.e  des  montagnes  coupées  , 
&  des  roches  percées  :  tout  cela  doit  fur- 
prendre  :  on  n'entreprend  rien  de  fembla- 
ble  aujourd'hui  ;  on  n'oferoi:  même  penlèr 
i\  acheter  fi  chèrement  la  commodité  publi- 
que. On  voit  encore  en  divers  endroits  de 
la  campagne  de  Rome  de  grands  relies  de 
ces  aqueducs  ,  des  arcs  continués  dans  un 
long  eipace  ,  au  deiïus  defquels  étoient  les 
canaux  qui  portoient  l'eau    à  la  ville  :  ces 
arcs    font    quelquefois  bas   ,    quelquefois 
d'une  grande  hauteur  ,   félon  les  inégalités 
du  terrain.  Il  y  en  a  à  deux  arcades  Tune 
fur  l'autre  ;  &  cela  de  crainte  que  la  trop 
grande     hauteur    d'une   feule    arcade    ne 
rendît  la    fhudure    moins    folide  :  ils  font 
communément  de  briques  {î  bien  cimen- 
tées ,    qu'on  a  peine  à  en  détacher  des 
morceaux.    Quand   l'élévation   du    terrain 
étoit  énorme  ,  on  recouroit  aux  aqueducs 
foutcrrains  ;  ces  aqueducs  portoient  les  eaux 
à  ceux  qu'on  avoit  élevés  l'ur  terre ,  dans 
les  fonds  &:  les  pentev  des  montagnes.  Si 
l'eau  ne   pouvoit  avoir  de  la  pente  qu'en 
paiTiint  au  travers  d'une  roche  ,  on  la  per- 
çoit A  la  hauteur  de  l'aqueduc  fupérieur  : 
on    en    voit    un    iemblable    au  delfus    de 
Tivoli ,   &  au  lieu  nommé    Vicvraro.  Le 
canal  qui  formoit  la  iuite  de  {'aqueduc  ,  g\\ 
ccupé  dans  la  roche  vive  i'cipace  de  plus 
d'un  mille  ,  fur  environ  cinq  pies  de  haut 
&  quatre  de  iagc. 


A  QU 

Une  cliore  digne  de  remarque  ,  c'eft 
que  ces  aqueducs  qu'on  pouvoir  conduire 
en  droite  ligne  à  la  ville  ,  n'y  parve- 
noicnt  que  par  des  finucfités  fréquentes. 
Les  uns  ont  dit  qu'on  avoit  iuivi  ces 
obliquités  ,  pour  éviter  les  frais  d'arca- 
des d\uic  hauteur  extraordinaire  :  d'au- 
tres qu'on  s'étoit  propolc  de  rompre  la 
trop  grande  impétuofité  de  l'eau  qui  , 
coul.uit  en  ligne  droite  par  un  efpace  im- 
menlc  ,  auroit  (ouiours  augmenté  de  vî- 
teflè  ,  endommagé  les  canaux  ,  &  donné 
une  boillbn  peu  nette  &  mal-fiiine.  Mais 
on  demande  pourquoi ,  y  ayant  une  fi 
grande  pente  de  la  cafcade  de  Tivoli  à 
Rome  ,  on  ert  allé  prendre  l'eau  de  la 
même  rivière  à  vingt  milles  &;  davantage 
plus  haut;  que  dis-jc  vingt  milles,  à  plu^ 
de  trente,  en  y  comptant  les  détours  d'un 
pays  plein  de  montagnes.  On  répond  que 
la  raifon  d'avoir  des  eaux  meilleures  &  plus 
pures  luffiloit  aux  Romains  pour  croire 
leurs  travaux  nécefiaires  &;  leurs  dépenies 
jufliiîées;  &;  il  l'on  conhdere  d'ailleurs 
que  l'eau  du  Teveron  eft  chargée  de  par- 
ties minérales  ,  &  n'efl  pas  faine  ,  on  fera 
content  de  cette  réponfe. 

Si  l'on  jette  les  }cux  fur  la  planche  12-8 
àuIV^  volume  des  Antiquités  an?.  Mont- 
faucon  ,  on  verra  avec  quels  foins  ces  im- 
menfcs  ouvrages  étoicnt  conflruits.  On  y 
laidoit  d'efp.ice  en  efpace  des  loupiraux  ; 
afin  que  fi  l'eau  venoit  à  être  arrêtée  par 
quelque  accident ,  elle  pût  fe  dégorger  juf- 
qu'à  ce  qu'on  eût  dégage  fon  palfage.  Il 
y  avoit  encore  dans  le  canal  même  de 
V aqueduc ,  des  puits  où  Feau  fe  tenoit ,  fe 
repoloit  &  déchargeoit  ion  liinon  ,  &  des 
pifcines  où  elle  s'étendoit  &  ib  pui-ifîoit. 

Uaqucduc  de  ÏAqua-Marcia  a  l'arc  de 
feize  pies  d'ouverture  :  le  tout  efi  compofé 
de  trois  différentes  fortes  de  pierres  ;  l'une 
rougeatre ,  l'autre  brune  ,  &  l'autre  de 
couleur  de  terre.  On  voit  en  haut  deux 
canaux  ,  dont  le  plus  élevé  étoit  de  l'eau 
nouvelle  du  Téveron  ,  &  celui  de  deflttus 
étoit  de  l'eau  appellée  Claudienne  ;  l'édiiîce 
entier  a  foixante  &:  dix  pies  romains  de 
hauteur. 

A  coté  de  cet  aqueduc  ,  on  a  dans  le  P. 
Montfaucon  la  coupe  d'un  autre  à  trois 
canaux  ;  le  fupérieur  efi  d'eau  Juliu ,  celui 


A    Q,  U  ror 

du  milieu  d'eau  Tepula  ,  &  l'inférieur 
d'eau  Marcia. 

L'arc  de  V aqueduc  d'eau  Claudienne  cfl 
de  très-belle  pierre  de  taille  ;  celui  de  l'a- 
queduc  d'eau  Ne'ronniere  efl  de  brique  ;  ils 
ont  l'un  &  l'autre  foixante  -  douze  pies 
romains  de  hauteur. 

Le  canal  de  Vajufduc  qu'on  appelloif 
Aqud-Appia  mérite  bien  que  nous  en  laf- 
fions  mention  par  une  fingularité  qu'on  y 
remarque  ;  c'eil  de  n'être  pas  uni  comme 
les  autres  ,  d'aller  comme  pnr  degrés  ,  en 
iorre  qu'il  eil  beaucoup  plus  étroit  en-bas 
qu'en-haut. 

Le  coniul  Frontin  ,qui  avoit  la  dircflion 
des  aqueducs  fous  l'empereur  Nerva  ,  parle 
Ac  ncwî  aqueducs  c[m  avoicnt  15594- tuyaux 
d'un  pouce  de  diamètre.  Vigerus  obicrve 
que  dans  l'efpace  de  24  heures  ,  Rome 
recevoir  500000  muids  d'eau. 

Nous  pourrions  encore  faire  mention  de 
Vaqucduc  deDrufus  &  de  celui  de  Rimini: 
mais  nous  nous  contenterons"  d'obierver  ici 
qu'Auguile  fit  réparer  tous  les  Oiqueducs  ; 
&  nous  pafîèrons  enfuite  à  d'autres  mo- 
numens  dans  le  même  genre,  &  plusimpor- 
rans  encore  ,  de  la  magnificence  romaine. 

Un  de  ces  monumens  eil  Vaquedac  de 
Metz ,  dont  il  reile  encore  aujourd'hui  un 
grand  nombre  d'arcades  ;  ces  arcades  tra- 
verfoicnt  la  Mofelle  ,  rivière  grande  & 
large  en  cet  endroit.  Les  iources  abondan- 
tes de  Gorze  fourniffoient  l'eau  à  la  Nau- 
machie  ;  ces  eaux  s'allernbloient  dans  un 
réi'ervoir  ;  de  là  elles  étoient  conduites  par 
des  canaux  fo\i terrains  faits  de  pierre  de 
taille ,  &  fi  ipacieux  qu'un  homme  y 
pouvoir  marcher  droit  :  elles  paiî'oient  la 
Moielle  fur  ces  hautes  &  fuperbes  arcades 
qu'on  voit  encore  à  deux  lieues  de  Metz , 
fi  bien  maçonnées  &  fi  bien  cimentées  , 
qu'excepté  la  partie  du  milieu  ,  que  les 
glaces  ont  emportée  ,  elles  ont  réfirté  & 
réfiftent  aux  injures  les  plus  violentes  des 
faifons.  De  ces  arcades,  à^ autres  aqueducs 
conduifoient  les  e-aux  aux  bains  &:  au  Heu 
de  la  Naumachie. 

Si  l'on  en  croit  Colmenarès  ,  V aqueduc 
de  Ségovie  peut  être  comparé  aux  plus 
beaux  ouvrages  de  l'antiquité.  Il  en  refle 
cent  .cinquante-neuf  arcades ,  toutes  de 
grandes  pierres   iaas  ciment.   Ces  arcades 


"loi  A  Q^U 

avec  le  rcfte  de  l'cdifice  ont  cent  deux  pics 
de  haut;  il  y  a  deux  rangs  d'arcades  l'un 
lijr  l'autre  ;  Vaque Juc  traverfe  la  ville  & 
pafle  pardertus  la  plus  grande  partie  des 
mailbns  qui  (ont  dans  le  fond. 

Après  ces  énormes  édifices  ,  on  peut 
parler  de  Vaqueduc  que  Louis  XIV  a 
fait  bâtir  proche  Maintenon  ,  pour  porter 
les  eaux  de  la  rivière  de  Bucq  à  Vtrfailles  ; 
c'elî  peut-être  le  plus  grand  aqueduc  qui 
Ibit  à  prélent  dans  l'univers  ;  il  eit  de  7000 
brades  de  long  fur  1560  de  haut,  &  a  242 
arcades. 

Les  cloaques  de  Rome  ,  ou  (hs  aqueducs 
fouterrains  ,  étoient  auflî  comptés  parmi 
fes  merveilles  ;  ils  s'étendoient  fous  toute 
la  ville,  &  fe  fubdivifoient  en  plufieurs 
branches  qui  fe  déchargeoient  dans  la 
rivière  :  c'étoient  de  grandes  &  hautes  voû- 
tes bâties  folidement  ,  fous  leiquelles  on 
alloit  en  bateau  ;  ce  qui  failoit  dire  à  Pline 
que  la  ville  étoit  fufpendue  en  l'air  ,  & 
qu'on  navigeoit  fous  les  maifons  ;  c'ell  ce 
qu'il  appelle  le  plus  grand  ouvrage^  qu'on 
au  jamais  entrepris.  Il  y  avoit  lous  ces 
voûtes  des  endroits  où  des  charrettes  char- 
gées de  foin  pouvoient  pafîér  ;  ces  voûtes 
foutenoient  le  pavé  des  rues.  Il  y  avoit 
d'efpace  en  efpace  des  trous  où  les  immon- 
dices de  la  ville  étoient  précipitées  dans  les 
cloaques.  La  quantité  incroyable  d'eau  que 
les  aqueducs  apportoient  à  Rome  y  étoit 
auffi  déchargée.  On  y  avoit  encore  dé- 
tourné des  ruifl'eaux  ,  d'où  il  arrivoif  que 
la  ville  étoit  toujours  nette  ,  &  que  les  or- 
dures ne  féjournoient  point  dans  les  cloa- 
ques ,  &  étoient  promptement  rejetées 
dans  la  rivière. 

Ces  édifices  font  capables  de  frapper  de 
l'admiration  la  plus  forte  :  mais  ce  feroit 
avoir  la  vue  bien  courte  que  de  ne  pas  la 
porter  au  delà  ,  &  de  n'être  pas  tenté  de 
remonter  aux  caufes  de  la  grandeur  &  de  la 
décadence  du  peuple  qui  les  a  confh-uits. 
Cela  n'efl  point  de  notre  objet.  Mais  le 
leéfeur  peut  confulter  là-de(Tus  les  Conjrde- 
rations  de  M.  le  prélident  de  Montelquieu  , 
&  celles  de  M.  l'abbé  de  Mably  ,  il  verra 
dans  ces  ouvrages  ,  que  les  édifices  ont  tou- 
jours été  &  feront  toujours  comme  les  hom- 
mes ,  excepté  peut-être  à  Sparte ,  où  l'on 
frouvoit  de  grands  hommes  dans  des  mai- 


A  QU 

fons  petites  &  chétives  :  mais  cet  exemple 
efl  trop  fingulier  pour  tirer  à  conféquence. 

Aqueduc  ,  f.  m.  Ie3  Anatomifles  s'en 
fervent  pour  défigner  certains  conduits 
qu'ils  ont  trouvé  avoir  du  rapport  avec  les 
aqueducs. 

Vaqueduc  de  Fallope  efl  un  trou  fituc 
entre  les  apophyfes  flyloïde  &  maitoïde  , 
on  a  aufll  nommé  ce  xron  ftyla-majhïdien. 
Vnyei  StYLOïDE    &  MaSTOïDE. 

'L'aqueduc  de  Sylvius  efl  un  petit  canal 
du  cerveau  dont  l'anus  efl  l'orifice  poflc- 
rieur  ;  &  la  fente  qui  va  à  l'infundibulum  , 
efl  l'intérieur.  V.  CERVEAU  ,  AnuS  ,  & 
iNFUNDlIiULUM. 

AQUERECY,  aquerecy  ,  haut,  il  * 
paj/e'  ici  ,  terme  dont  on  fe  fert  à  la  chaflè 
du  lièvre  ,  lorfqu'il  efl  à  quelque  belle  pafTée. 

AQUEUX  ,aquof us  ,  adj.  qui  participe 
ou  qui  efl  de  la  nature  de  l'eau  ,  ou  bien 
ce  en  quoi  l'eau  abonde  ou  domine.  P'oye\ 
Eau. 

Ainfi  l'on  dit  que  le  lait  confifle  en  par- 
ties aqueufes  ou  léreufes  ,  &  en  parties 
buryreufes.   T-^oye\  LaiT. 

C'efl  par  la  diflillation  que  les  Chymifles 
féparent  la  partie  aqueufe  ou  le  phlegme 
de  tous  les  corps.   Voye:{  PhleGME. 

Conduits  ou  canaux  AQUEUX.  f-'oye\ 
l'article  LYMPHATIQUE. 

Humeur  AQUEUSE  ;  c'efl  la  première 
ou  l'antérieure  des  trois  humeurs  de  l'ceil. 
royei  Humeur  &  (Eil. 

Elle  occupe  la  chambre  antérieure  &  la 
poflérieure  ;  elle  laifTe  par  l'évaporation  iin 
iel  lixiviel ,  &  au  goût  elle  eil  un  peu  la- 
lée  ;  elle  s'évapore  promptement ,  &  tou- 
jours après  la  mort.  Il  efl  très  -  confiant 
qu'elle  fe  régénère,  &  qu'il  y  a  par  conlé- 
quent  quelque  fource  d'où  elle  coule  fans 
celfe.  Èfl-ce  dans  les  vaifleaux  lècréteurs 
qu'Hovius  croit  avoir  vus  à  l'extrémité  de 
l'uvée ,  ainfi  que  la  Charriere  ?  Albinus  a 
vu  fes  injedions  transfuder  par  les  extré- 
mités des  vailfeaux  de  l'iris  ;  mais  on  n'eil 
pas  décidé  à  le  croire  ,  &  l'analogie  des 
liqueurs  exhalantes  qui  viennent  toutes  des 
artères  ,  periuade   autre  chofe. 

L'humeur  aqueufe  efl  repompée  par  des 
veines  abforbantes  ;  autrement  ,  comme 
elle  abonde  fans  celle  par  les  artères  ,  elle 
s'accumulcroit ,   &    l'ccil  deviendroit   hy- 


A  Q.U 

dropîqiie  ,  d'ailleurs ,  on  Cm  pnr  evpérience 
que  le  iang  épanché  dans  l'humeur  aqiteufe 
a  été  rei)ompé  ;  elle  circule  donc.  Mais  , 
encore  une  fois ,  quels  en  (ont  les  conduits  ? 
Nuck  croit  avoir  découvert  ces  conduits. 
R'j^ich  en  parle  dans  deux  endroits.  San- 
torini ,  dans  un  aveugle  ,  a  quelquefois  vu 
des  canaux  pleins  d'une  liqueur  rougtâtre. 
Hovius  a  cru  découvrir  de  nouvelles  (our- 
ces  ;  mais  il  les  regarde  comme  artérielles  , 
&  il  a  nié  quelles  hiflcnt  des  conduits  par- 
ticuliers. Mais  comment  d'une  artère  vifi- 
ble  ,  dans  un  canal  également  fenfible  à 
l'tcil ,  une  autre  liqueur  que  le  fang  pour- 
roit-elle  padèr  ?  Il  n'y  a  aucun  exemple 
de  ce  fiiit  dans  le  corps  humain  ,  qui  em- 
pêche le  fang  même  d'entrer  dans  un  vaif- 
leau  d'un  auHl  grand  diamètre.  En  voilà 
afîcz  pour  détruire  ces  fources  particuliè- 
res de  l'humeur  aqueufe.  Haller ,  Comment. 
Boerh.   (Z) 

Aqueu  X.  Les  remèdes  aqueux  font  tous 
ceux  où  l'eau  domine  ;  tels  font  les  plan- 
tes fraîches  &  nouvelles  &  entr'elles  ,  tou- 
tes celles  qui  (e  réfolvent  aifément  en  eau  , 
f()it  par  la  diiiillation ,  ioit  par  la  coâion  , 
foit  par  la  macération.  Les  laitues ,  les  lai- 
trons ,  les  patiences ,  les  oleilles ,  les  poirées , 
les  chicorées  &  autres  ,  font  fur-tout  dans 
cette  clalîe  :  le  pourpier  ,  le  cotylédon  ,  le 
fèdum  ,  en  (ont  aufîi. 

Entre  les  légumes  ;  font  les  poids  verds , 
les  haricots  nouveaux  ,  les  alperges  ,  toutes 
les  herbes  potagères. 

Entre  les  fruits  font  les  railîns  ,  les  poi- 
res ,  les  pommes  douces  ;  les  cerilés  dou- 
ces ,  les  prunes ,  les  abricots  ,  les  pêches  , 
&  autres. 

Les  alimens  aqueux  tirés  du  règne  végé- 
tal &  animal ,  conviennent  à  ceux  qui  ont 
les  humeurs  acres  ,  les  fibres  trop  roides , 
&  les  fluides  ou  le  fang  adufle  ;  ainfi  dans 
l'été  on  doit  ordonner  aux  malades  beau- 
coup d'aqueux  &  de  délayans  ,  pour  cal- 
mer les  douleurs  que  produifent  l'ébuUition 
&  l'efFervefcence  des  humeurs.    {  N) 

*AQ\Jl  &  AQUITA  ,  ville  &  province 
du  Japon  ,  dans  la  contrée  nommée  Ni- 
phon.  La  province  A'Aquita  efl  aux  envi- 
rons de  ChançLique ,  vers  le  détroit  de 
Sangaar. 

*AQUIGIRES ,  f.  m.  pi.  iWfi.  &  Geog.) 


AQU  loî 

l")ciîplc3  de  l'Amérique  méridionale  ,  dars 
le  liréld  ,  vers  la  prétcflure  du  Saint-Elprit. 
AQUILA,  (  Geog.  mod.  )  ville  d'Italie  au 
royaume  de  Naples  ,  dans  l'Abnizze  ulté- 
rieure ,  fur  le  Pelcara.  Long.  "^  z  ,  lO  ,  lac. 

^'^*ÂQuiLEGES,  f  m.  pi.  (////?.  anc.) 
c'efl  le  nom  que  les  Romains  donnèrent 
fous  Aiigude  à  ceux  qui  étoient  chargés 
du  foin  d'entretenir  les  tuyaux  &;  les  con- 
duits des  eaux. 

^  *  AQUILEE  ,  {Geog.  anc.  ù  mod.)  ville 
d'Italie  dans  le  Frioul ,  jadis  conlldérable. 
Long,   ji  ,   ^3,  la:.  4/;,  $$. 

AQUILIENNE  (Loi)  ,  lex  Aquilia , 
{Juii  [prudence  criminelle.)  c'étoit  une  loi 
pénale  qui  avoir  deux  objets.  Le  premier 
d'affurer  la  punition  &  la  réparation  du 
dommage  que  l'on  avoit  caufé  à  un  parti- 
culier ,  foit  en  bleflant,  (oit  en  ruant,  foit 
en  lui  enlevant  (es  efclaves  ou  fbn  bétail  ; 
le  fécond  d'afllirer  de  même  la  réparation 
&  la  punition  du  tort  que  pouvoit  avoir 
occalioné  à  un  citoyen  le  fait  de  l'efclave 
ou  du  bétail  appnrtcnanr  à  un  autre.  Elle 
fut  dénommée  Aqutlienne  )  paUkC  qu'elle 
obtint  la  fandion  du  peuple  Romain  fur 
la  propofition  qu'en  fit  L.  Aquilius  ,  Tun 
de  (es  tribuns ,  qui  remplifloit  cette  charge 
en  l'année  572  de  la  fondation  de  RoiTie. 
V.  Pighius,  tome  II  de  les  Annales  Romai- 
nes; Terrafibn ,  Hijioire  de  la  Jurifprudence 
Romaine  y    &c. 

Sur  le  premier  chef,  la  loi  ne  pronon- 
çoit  que  des  dédommagemens.  A  l'égard 
du  fécond  ,  elle  vouloir ,  qu'outre  le  dé- 
dommagement ,  on  livrât  à  l'ofFenfc  l'ef- 
clave ou  l'animal  qui  avoit  caufé  le 
dommage. 

Parmi  nous  &  chez  tous  les  peuples  de 
l'Europe ,  cette  loi  Aquilienne  ne  produit 
plus  qu'une  adion  civile  en  dommages  & 
intérêts. 

Qu'on  nous  permette  de  confidércr  ici 
rapidement ,  quelle  eft  la  manière  dont  la 
juilice  a  cru  devoir  procéder  dans  les  diflé- 
rens  temps ,  contre  les  animaux  qui  avoient 
caufé  quelque  dommage.  C'efl  une  chofe 
digne  d'être  obfervée  par  le  philofophe , 
&  de  tenir  fa  place  dans  l'hidoire  de  l'ef^ 
prit  humain. 

Le  chapitre  XXI  du  Le'i-'i tique ,  veut  que 


104  AQ_U 

tout  animal  qui  aura  tué  un  homme  foit  la- 
pidé &  mis  ;i  mort. 

En  Crere,  Minos  avoit  ordonne  que  ,  fi 
un  pourceau  faifolt  quelque  Aégat  dans  un 
champ  de  blé  ,  on  lui  arrachât  toutes  les 
dents. 

Solon  ,  le  fngc  Solon  ,  lur  la  plainte  d'un 
particulier  qui  avoit  été  mordu  par  un  chien , 
fit  charger  l'animal  de  chaînes ,  &  le  fit  li- 
vrer en  cet  état  àrolFenfé. 

Démocrite  ,  quoique  philofophe ,  vou- 
loit  qu'on  punît  de  mort  tout  animal  qui 
aurolt  fait  un  tort  quelconque. 

Les  loix  de  Dracon  alloient  plus  loin  que 
les  premières  loix.  Non  feulement  elles 
dévouoient  A  la  peine  &  au  trépas  ,  les 
animaux  dont  la  griffe  ou  la  dent  avoient  tué 
ou  blefîe  un  particulier,  elles  envoyoient 
encore  au  fupplice  les  êtres' même  inani- 
més &  infenfibles  qui  avoient  occafioné  de 
femblables  accidens.  Meurfius ,  dans  fon 
excellent  abrège  Jes  loix  Athéniennes  ,  Uv. 
I,  chap.  ij  y  cite  plufieurs  exemples  de 
condamnations  prononcées  contre  des  ar- 
bres ,  àts  pierres ,  des  ftatues ,  dont  la  chute 
avoit  écraié  ou  blefle  des  citoyens.  L'exécu- 
tion le  faifoit  avec  appareil.  Paulanias  parle 
d'une  ftatue  qui  fut  précipitée  juridiquement 
dans  la  mer  ,  pour  être  tombée  de  fon 
piédeflal  fur  un  particulier  ,  qui  en  avoit  été 
bleflë. 

Nos  pères  adoptèrent ,  à  leur  tour ,  cette 
jurifprudence  du  prytanée.  Il  feroit  facile 
d'en  rapporter  beaucoup  de  preuves  & 
beaucoup  d'exemples.  Nous  nous  borne- 
rons à  en  citer  deux.  Guipape  ,  jurifcon- 
fulte  inllruit ,  conleiller ,  &  enfiilte  préfi- 
dent  au  confcil  fouverain  de  Dauphiné  , 
lequel  a  écrit  vers  l'année  1440  ,  fe  fait 
à  lui-même  cette  demande ,  quxfl.  238.  Si 
un  animal  commet  un  délit ,  comme  font 
quelquefois  les  pourceaux  qui  mangent  des 
enfans  ,  faut-il  le  punir  de  mort?  Il  n'héfire 
pas  à  répondre  affirmativement ,  &  à  dire 
qu'on  le  jugeroit  de  la  iorte  en  Dauphiné  , 
fi  le  cas  s'y  prél'entoit.  Il  confirme  fon  opi- 
nion par  un  lait  dont  il  avoit  été  témoin  ;  il 
allîire  que  traverlant  la  Bourgogne ,  pour 
le  rendre  à  Chalons-fur-Marnc ,  où  étoit  alors 
le  roi  ,  il  vit  un  pourceau  fuipendu  aux 
fourches  patibulaires ,  pour  avoir  tué  un 
enlant. 


AQU 

Dans  les  archives  du  Collège  de  Befan- 
çon  ,  exille  un  tirre  qui  prouve  que  la  juriP- 
prudence  des  Comtois  ctoit  la  même  que 
celle  des  Dauphinois  &  des  Bourguignons. 
C'cll  une  fentence  que  rendit  fur  un  con- 
lijt  de  juril'didion  ,  GitilUume  le  bâtard 
de  Poiciers ,  cheualier ,  bailli  du  comté 
de  Bourgogne.  Il  ordonne  qu'un  pourceau 
atteint  &  convaincu  d'avoir  tué  &  meurtri 
un  enfant  ,  fera  conduit  juiqu'en  un  tel 
endroit  par  les  officiers  de  l'abbefTe  de 
Eeaume  ,  &:  que  là ,  il  fera  remis  au  prévôt 
de  Montbafon  ,  pour  exécuter  ledit  porc  aux 
fourches  dudit  lieu  ,  &c. 

Ces  loix  étoient  fondées  fur  la  néceffité 
de  veiller  à  la  conlervaiion  des  hommes. 
On  vouloit  engager  les  maîtres  à  veiller  lur 
les  bêres  qui  pouvoient  nuire  ,  &  on  les  ren- 
doit  refponiables  du  dégât.  Leur  négligence 
étoit  punie  par  la  perte  d'un  animal  utile. 
C'étoit  le  maître  qui  étoit  puni  plutôt  que 
l'animal  ;  mais  comme  les  inftiturions  les 
plus  fenfées  s'altèrent  aifément ,  on  s'imagina 
peu-à-peu  que  la  punition  tomboit  fur  l'ani- 
mal plutôt  que  fur  le  maître  :  on  transforma 
leur  mort  en  un  l'upplice  proprement  dit  ;  & 
ce  fut  le  comble  du  ridicule  ,  lorfqu'on 
voulut  traiter  l'animal  malfaiteur  comme 
l'homme  coupable.  {AA.) 

'*  AQUILIES  ou  AQUIlICINIAy 
(àcrifices  que  les  Romains  faifoient  à  Jupiter 
dans  le  temps  de  b  féchereffe ,  pour  en  obte- 
nir de  la  pluie. 

Les  prêtres  qui  les  offroient  s'appelloient 
aquiliciens ,  parce  qu'ils  attiroient  l'eau , 
aquam  eliciebant.  Il  faut  voir  comment 
Tcrtulien  charge  de  ridicule  toutes  ces  fu- 
perflitions ,  dans  fon  Apologétique. 

AQUILON  ,  f.  m.  eft  pris  par  Vitruve 
pour  le  vent  du  nord-ell ,  ou  pour  ce  vent 
qui  fouffle  à  4'>  degrés  du  nord ,  entre  le 
nord  &  l'efK  F'.VeNT,  NoRD  &  PoiNT. 

Les  Poètes  donnent  le  nom  (ïaçuilon  X 
tous  les  vents  orageux  que  les  nautonniers 
redoutent.  (  O) 

*  AQUILONDA  ,  (  Géog.  mod.  )  grand 
lac  d'Alrique  en  Ethiopie  ,  aux  pies  des 
montagnes  du  Soleil  ,  fur  les  confins  du 
Congo  &  d'Angola. 

AQUILONIE  ,  (  Géo^.)  ancienne  ville 
d'Italie  ,  fur  le  fleuve  Auiide ,  dans  le  terri- 
toire des  Hirpins  ,  aux  confins  de  l'Apulie. 

Oi» 


On  croît  que  c'eft  aujourd'hui  Calongiia , 
petite  ville  cpifcopale  tle  la  province  ulté- 
rieure ,   au  royaume  <ic  Naples.  {C.  A.) 

AQUIMINARIUM  ou  AMULA  , 
{HijL.anc.  )  vaifleau  rempli  d'eau  luflrale  ; 
il  ,étoit  placé  à  l'entrée  des  temples  ,  &  le 
peuple  s'arrofoit  de  cette  eau  bénite. 

*  AQUINO ,  (  Geog.  anc.  &  mod.  )  ville 
d'Italie  au  roj-aume  de  Naples ,  dans  la  terre 
de  Labour.  Long.  31  ,  13  ;  Ut.  41 ,  31. 

,* AQUITAINE,  f.  i.{Géog.  &  Hifl. 
anc.  Ù  mod.  )  une  des  trois  parties  de  l'an- 
cienne Gaule.  Céfar  dit  qu'elle  étoit  léparée 
au  nord  de  la  Gaule  celtique,  par  la  Ga- 
ronne. Il  y  a  fur  fes  autres  bornes  des  con- 
tefbtions  entre  les  favans  ;  on  en  peut  voir 
le  détail  dans  le  Dictionnaire  de  Morcri. 

Selon  le  parti  qu'on  prendra  ,  V Aquitaine 
fera  plus  ou  moins  reflèrrée.  Lorlquc  Celar 
divifa  les  Gaules  en  quatre  grands  gou- 
vernemens  ,  il  fit  entrer  dans  VAquuaine 
les  Bourdelois  ,  les  Angoumois  ,  les  Au- 
vergnats ,  ceux  du  Vêlai  ,  du  Gévaudan  , 
du  Rouergue ,  du  Quercy  ,  les  Agénois , 
les  Berru}ers ,  les  Limofins  ,  les  Périgor- 
dins  ,  les  Poitevins  ,  les  Saintongeois  ,  les 
Elviens  ou  ceux  du  Vivarais ,  à  la  place  del- 
quels  un  empereur  ,  qu'on  ioupçonne  être 
Galba  ,  mit  ceuxd'Albi.  Sous  Julien ,  V Aqui- 
taine étoit  partagée  en  deux  provinces  ;  ces 
deux  provinces  s'appellerent  fous  Valenti- 
nJen  -,  première  ^féconde  Aquitaine  ,  dont 
Bordeaux  fut  la  métropole.  Dans  la  fuite 
on  voit  Bourges  métropole  de  la  première 
Aquitaine ,  compofée  de  fept  autres  cités  ; 
favoir  ,  celles  d'Auvergne  ,  de  Rhodes  , 
d'Albi ,  de  Cahors ,  de  Limoges ,  de  la  cité 
de  Gévaudan  &  de  celle  de  Vêlai  ;  &  Bor- 
deaux métropole  de  la  leconde  Aquitaine  , 
&  fous  elle  Agen,  Angoulême  ,  Saintes, 
Poitiers  &  Périgueux.  Cette  contrée  fut  ap- 
i;>ç\\éç  Aquitaine ,  de  l'abondance  de  les  eaux; 
on  l'appelloit  anciennement  Armorique  ,  de 
armor  ,  qui  en  langue  gauloife  fignifioit 
pays  maritime.  Il  faut  ajouter  à  la  première 
&  féconde  Aquitaine ,  la  Novempopulanie , 
compoiée  des  douze  cités  iuivantes  ;  Eaule 
métropole  ,  Acqs  ,  Leitoure  ,  Cominges  , 
Conferans  ;  la  cité  des  Boiates  ou  de  Bufch  , 
celle  de  Béarn  ,  Aire  ,  Bazas ,  Tarbes  ,  Olé- 
ron&  Aufch;  &  ces  trois  provinces  formè- 
rent l'Aquitaine ,  qiii ,  après  avoir  éprouvé 
Tome  III. 


ARA  105- 

plufieufs  révolutions ,  fut  érigée  en  royau- 
me en  778  par  Charlemagne  ,  &  fuppri- 
mé  par  Charles-le-Chauve  ,  qui  y  mit  des 
ducs. 

L'Aquitaine  ,  qu'on  peut  appcUer  moc/fr- 
ne ,  d\  renfermée  entre  la  Loire,  l'Océan 
&  les  P>renécs.  Il  y  en  a  qui  ne  compren- 
nent fous  ce  nom  que  la  Guienne  &  la 
Gafcognc.  D'autres  divifent  l'Aquitaine  en 
trois  parties  ;  la  première  comprend  le  Berry 
&  le  Bourbonnois  ,  la  haute  &  balle  Auver- 
gne ,  le  Vêlai  &  le  Gévaudan  ,  le  Rouer- 
gue &  l'Albigeois ,  le  Querci ,  le  haut  & 
bas  Limofm ,  la  haute  &  bafle  Marche  ; 
la  féconde ,  le  Bourdelois ,  le  Médoc ,  la 
Saintonge  ,  l'Aunis  ,  l'Angoumois  ,  le  Pé- 
rigord ,  l'Agénois  &  le  Condomois  ;  la  troi- 
fieme  ,  l'Armagnac  &  le  Bigorre,  Comin- 
ges ,  Conicrans ,  le  Béarn  ,  la  baffe  Na- 
varre ,  les  Balques  ,  les  Landes ,  le  Baza- 
dois ,   &  la  petite  Gafcogne. 

*AQUITECTEURS,  f  m.  pi.  (  Hifi. 
anc.  )  nom  que  les  Romains  donnèrent  à 
ceux  qui  étoient  chargés  de  l'entretien  des 
aqueducs  &  de  tous  les  bâtimens  deflinés 
ou  à  dillribuer  les  eaux  dans  la  ville  ,  ou  à 
en  expulfer  les  immondices. 

AR 

*  AR  ,  (  Gebgr.  anc.  &  facr.  )  ville  des 
Moabites.  Voye-{  Aroer. 

ARA  ,  elt  le  nom  latin  de  la  conflella- 
tion  appellée  autel.  Vove?^  AuTEL.  (O) 

*ARA  ou  HAR A ,  {Ge'og.  anc&fainte.) 
ville  d'Affyrie  où  les  tribus  qui  éttncnt  au 
delà  du  Jourdain  ,  lavoir  de  Ruben  ,  de 
Gad ,  &  la  moitié  de  celle  de  Manailès  , 
furent  menées  en  captivité  par  les  rois  Phul 
&  Theglathphalafar.  S.  Jérôme  croit  que 
cette  ville  cfl  la  même  que  Rages  ^  dont  il 
ell  parlé  dans  Tobie  ,  ch.  f. 

*  Ara  (  Cap.  d') ,  Géog.  anc.  &  mod. 
autrefois  Neptunium  promontoriiim  ,  efl  le 
cap  le  plus  méridional  de  l'Arabie  heureule  ; 
il  forme  avec  la  cote  d'Ajan  en  Afrique  ,  le 
détroit  de  Babelmandel. 

AR  AB  ,  (  Gc'ogr.  )  petite  ville  d'Afie  dans 
l'Arabie  déferte ,  au  pays  de  Naliid  ou 
Nedfched.  C'efl  une  des  plus  anciennes 
de  cette  contrée,  &  peut-être  de  l'Afic. 
(C.^.) 


jo^  ARA 

*  ARAB  ,  (  Geog.  anc.  Ù  fduite.  )  ville 
de  la  tribu  de  Juda. 

*  AR  ABA  ,  (  Geog.  anc.  &  mod.  )  ville  de 
Perfe  ,  dans  le  Sigillan  ,  entre  la  ville  de  ce 
nom  &  le  Candahar.  Un  penle  coramuné- 
ment  que  c'elt  l'ancienne  ville  d'Arialpe , 
capitale  de  la  Drangiane ,  à  moins  que  ce 
ne  l'oit  Gobinam  ,  ville  de  la  même  pro- 
vince ,  au  midi  de  celle  de  Sigillan. 

ARABAN  ,  (  Geog.)  petite  ville  d'Afie  , 
fur  le  fleuve  Khabur ,  dans  le  Diarbekir , 
ïiu  gouvernement  Turc  d'Urhi  ou  Raca. 
C'eil  une  de  ces  villes  où  les  peuples  vaga- 
bonds de  ces  contrées ,  tels  que  les  Kiur- 
des,  les  Turcomans  &  les  Arabes  féjour- 
nent  tour-à-tour  ,  &  qu'ils  abandonnent 
tous  les  ans  pour  aller  arrêter  les  carava- 
nes ,  ou  vendre  leurs  fervices  au  premier 
bâcha  qui  veut  les  prendre  à  la  lolde. 
(  C.  A?} 

AR  \BAT  ,  (  Ge'ogr.  )  petite  ville  mari- 
time d'Europe  ,  dans  la  Tartarie-Crimee  , 
fur  la  partie  orientale ,  au  lud  de  Bacha- 
Serai.  Elle  fut  emportée  d'alVaut  en  1771  , 
par  les  Rulfes ,  lous  la  conduite  du  prince 
TfchibalotF.  La  plupart  des  troupes  qui  la 
défendoient  turent  paflées  au  fil  de  l'épee , 
&  le  reite  tut  prilonnier  de  guerre.  Cette 
ville  ,  ainfi  que  toute  la  Crimée  ,  cû  fou- 
mife  maintenant  à  l'impératrice  de  Ruille. 
long.  î4;Zjt.45.(C.y4.  ) 

ARABE  ,  ad).  On  appelle  arabe  &  ara- 
bique tout  ce  qui  a  rapport  à  l'Arabie  ou 
aux  Arabes  ;  arabique  langue  ou  langue 
arabe ,  c'ell  un  dialede  de  l'hébreu. 

Le  P.  Ange  de  S.  Jofeph  exalte  beaucoup 
la  richeflè  &  l'abondance  de  Carabe.  Il 
afllire  qu'il  y  a  dans  cette  langue  plus  de 
mille  mots  qui  fignifienr  une  èpée  y  cinq 
cents  qui  lignifient  un  lion  ,  deux  cents  pour 
dire  un  ferpent ,  &c  huit  qui  ligniÊent  du 
miel. 

Caraclires  arabes  ou  figures  arabiques , 
ce  lont  les  clntïres  dont  on  le  (ert  ordinai- 
rement dans  les  calculs  d'arithmétique. 
Voyei  Figure  ,  Nombre.  Les  carac- 
tères arabes  lont  ditférens  de  ceux  des 
Romains.   Voye^  CARACTERE. 

On  croit  communément  que  les  Sarra- 
fins  nous  ont  donné  les  caraderes  arabes , 
qu'ils  avoicnt  appris  eux-mêmes  des  Indiens- 
iJc^-.Iigcr  étoir  li  pcriuadé  de  leur  nouveauté, 


ARA 

qu'U  aflûra  qu'un  médaillon  d'afg«tt»  C\tt 
lequel  il  fut  confulré  ,  étoit  rpoderne  >  parce- 
que  les  caraderes  134  &  235,  étoienx  gravé» 
defllis. 

On  croit  que  Planude  ,  qui  vivoît  lùr 
la  lîn  du  treizième  liecle  ,  a  été  le  premier 
d'entre  les  chrétiens  qui  ait  fait  uiage  de 
ces  chiffres.  Le  P.  Mabillon  afTure  dans  fora 
traité  de  Re  diplomadcâ ,  que  L'on  ne  s'e« 
efl  pas  fervi  avant  le  quatorzième  fiecle- 
Le  dodeur  Wallis  foutient  qu'ils  étoient 
en  ufige  long-temps  auparavant ,  du  moins- 
en  Angleterre  ,  &  fixe  cette  époque  au  temps 
d'Hermannus-Contradus,quivivoit  environ 
l'an  1050.  Ces  chiffres  ,  félon  lui,  étoient 
d'uiiige ,  finon  dans  les  comptes  ordinaires  ^ 
du  moins  dans  les  mathématiques  ,  &  lur- 
tout  pour  les  tables  aftronoraiques.  Voye\ 
ïvallis  y  algeb.  ch.  if. 

Pour  prouver  l'antiquité  des  chiffres 
arabes  ,  le  même  auteur  le  fonde  fur  une 
infcription  en  bas  relief  qui  étoit  fur  un 
nianteau  de  cheminée  de  la  maiion  pres- 
b>  lerale  de  Hélindon ,  dans  la  province  de- 
Northampton ,  où  on  lifoit  ces  caraÛeres  ,, 
n°.  133  ,  avec  la  date  de  l'année  ii33' 
Tranfacl.  Philofop.  n°.   174. 

M.  Tuffkin  fournit  une  preuve  plus  (Cire 
de  l'antiquité  de  Tufage  de  ces  chifîres. 
C'eft  la  croifée  d'une  maifon  faite  à  la 
romaine ,  &  fituée  dans  la  place  du  marcha 
de  Colchefler  ,  lur  laquelle ,  entre  deux  lions 
cii'elés  ,  eff  un  écuffon  contenant  cette  mar- 
que 1350.  Trojifacf.  pkiù'fopii.  n°.  1^'). 

M.  Huet  penie  que  ces  caraderes  n'ont 
point  été  empriMirés  dc^Ari.U>es  ,  m.tis  des 
Grecs  ;  &  qu-  les  chittres  arabes  ne  (ont 
autre  choie  que  le>  lettres  greques  que 
l'on  fait  que  ces  peuples  employoient  pouf: 
nombrer  &  chitlrer.  voye^  NOMBRE. 

Oii  dit  qi.e  Ton  nourrit  les  chevaux  ara" 
bes  avec  du  liic  de  chameau  ,  &  on  rap- 
porte des  choies  étonnantes  Je  ces  ani- 
maux. Le  duc  de  Neuc;'(lle  afliire  que  le 
prix  ordinaire  d'un  cheval  arabe  ,  elf  de 
icoo  ,  1000  ,  &  jufqu'à  30CO  livres  ;  & 
que  les  Arabes  (ont  aulll  (oigncux  de  con- 
(erver  la  généalot,ie  de  leurs  chevaux  ,  que 
le-;  princes  (ont  curieux  de  celle  ae  leurs 
familles  :  les  écujers  ont  foin  d'écrire  le  nom 
des  pcrcs  &  mcres  de  ces  animaux  ,  &  oa 
eu  trouve  dont  ki  nobleflè  en  te  genre  ve- 


ARA 

fnnnte  Fort  haut.  On  aflurc  qu'il  y  a  eu 
tels  chevaux  pour  lei'qucls  on  a  trappe  des 
iTiédailles. 

Le  bien  que  les  arabes  donnent  i\  leurs 
«nfans ,  quand  ils  font  arrivés  à  l'âge  d'hom- 
me, confdle  en  deux  habits ,  deux  cimeter- 
res ,  &  un  cheval  qui  les  accompagne  tou- 
jours. Les  chevaux  arabes  que  l'on  a  amenés 
en  Angleterre  ,  n'ont  jamais  rien  montré 
qui  tût  extraordinaire.  Voye^  ChEVAL. 

Année  des  ARABES,  voyei  An. 

ARABES  (  Hifl.  des  ).  Les  Arabes  ,  eni- 
vrés de  la  noblelîê  de  leur  antiquité  &  de 
leur  defcendance  des  patriarches  ,  réfervent 
toute  leur  eftimc  pour  eux-mêmes  ,  &  tout 
leur  mépris  pour  le  relie  des  nations.  Il  eft 
bien  difficile  de  déchirer  le  voile  qui  cou- 
vre leur  origine  ,  tous  les  monumcns  hil- 
loriques  font  mutilés  ou  détruits ,  &  l'on 
ne  peut  s'appuyer  que  fur  des  traditions 
qui  ont  conlervé  quelques  vérités  &  beau- 
coup de  menfonges.  On  afTure  que  l'Arabie, 
dans  les  temps  les  plus  voifms  du  déluge , 
fut  peuplée  par  trois  familles  dirtcrentes  ; 
la  poflérité  de  Cham  s'établit  fur  les  bords 
<le  l'Euphrate  &  du  golfe  Arabique.  L'in- 
térieur de  la  partie  méridionale  hit  occupé 
par  les  fils  de  Jochtan  ,  dont  l'ainé  donna 
Ion  nom  à  toute  la  prefqu'île  :  les  deicen- 
(dans  furent  regardés  comme  Arabes  natu- 
rels ;  au  lieu  que  la  poftérité  de  Cham  , 
&  les  Ifmaélites  qui  formèrent  des  établii- 
iemens  dans  l'Arabie  Pétrée  quelques- 
temps  après  ,  furent  toujours  défignés  par 
le  nom  dcMofi-Arahes  ou  de  Mac-Arabes , 
ce  qui  marquait  leur  origine  étrangère. 

La  pollérité  d'Ifmacl  devenue  la  plus 
nombreule  ,  &  par  conféquent  la  plus 
puiflànte  ,  réunit  les  forces  pour  envahir 
tout  le  domaine  de  l'Arabie,  &  les  deux 
autres  peuples  lurent  exterminés  par  elle  : 
ce  maflacre  tut  accompagné  de  beaucoup 
de  prodiges  tans  preuves.  Quoiqu'on  ne 
puifîè  (e  difllmuler  les  atrocités  énormes 
de  ces  fiecles  ,  dont  on  n'exalte  ordinaire- 
ment l'innocence  que  pour  mieux  taire  la 
cenlure  du  nôtre  ,  efl-il  à  préfumer  qu'il  y 
ait  eu  une  génération  allez  féroce  ,  pour  le 
réloudre  à  exterminer  deux  peuples  dont 
elle  vouloir  envahir  les  pofTeflions  ?  C'étoit 
dans  un  temps  où  la  terre  manquoit  de 
cultivateurs  &;  ù'habitans  ;  où  l'on  pouvoit 


ARA  107 

étendre  Ces  domaines  autant  que  fcs  dcdrs  , 
où  le  fupcrflu  gcrmoit  à  côté  du  néceifairc; 
il  etl  donc  plus  naturel  de  crt»iie  que  les 
trois  nations  te  confondirent ,  &  qu'affu- 
jetties  par  la  nature  du  fol  &  du  climat  X 
un  même  genre  de  vie  &  aux  mêmes  ufa- 
ges ,  elles  formèrent  entr'elles  des  alliances 
qui  ,  par  la  lucccfllon  des  temps  ,  firent 
difparoître  les  ditlindions  qui  défignoienc 
la  différence  de  leur  origine.  Mais  cette 
façon  de  concevoir  efl  trop  fimple  ,  &  les 
Arabes ,  flattés  de  defccndre  tous  d'Abra- 
ham ,  aiment  mieux  calomnier  leurs  ancê- 
tres ,  &  les  repréfenter  comme  des  conqué- 
rans  barbares ,  que  d'avouer  que  le  fang 
ifmaëlite  a  été  altéré  par  le  mélange  impur 
du  fmg  étranger;  &  en  efîet  toutes  les 
tribus  lé  glorifient  d'avoir  également  Abra- 
ham pour  auteur. 

Ce  peuple,  comme  tous  ceux  de  l'orient , 
étoit  partagé  'en  difîerentes  tribus  ,  dont 
chacune  avoir  fon  chef ,  les  ufages  &  les 
rits  facrés  qui  lui  étoient  particuliers  :  quoi- 
que chaque  famille  formât  une  efpece  d'em- 
pire domelHque  abfolument  indépendant , 
quoiqu'éloignées  les  unes  des  autres,  fans 
relations  d'intérêts  &  d'amitié;  elles  avoient 
confervé  certains  traits  qui  failoient  recon- 
noître  que  c'étoient  autant  de  rameaux  lortis 
de  la  même  tige  ;  toutes  avoient  le  même 
amour  de  l'indépendance  ;  &  libres  dans 
leurs  déferts ,  elles  plaignoient  les  nations 
afîèrvies  à  des  maîtres  :  cet  amour  de  la 
liberté  qui  ei\  la  pafllon  des  âmes  nobles 
&  généreufes  ,  étoit  un  fanatifme  national 
qui ,  leur  faifant  mépriier  le  refle  des  hom- 
mes, les  empêchoit  de  participer  au  détor- 
dre &  aux  crimes  dont  le  poilon  a  infedé  la 
fource  des  mœurs  publiques. 

Les  Arabes,  grands  &  bien  faits,  entretien- 
nent leur  vigueur  par  des  exercices  pénibles , 
par  une  vie  aftive  qui  les  endurcit  au  tra- 
vail &  aux  fatigues.  La  frugalité  qui  leur 
ett  infpirée  par  la  tlérilité  du  climat ,  femble 
en  eux  une  vertu  naturelle  :  l'eau  cû  un 
breuvage  qu'ils  préfèrent  k  toutes  les  li- 
queurs aromatifées  qui  énervent  les  forces, 
éc  qui  fufpendent  l'exercice  de  la  railon  ; 
uniquement  occupés  des  moyens  de  lub- 
fiffer  &  du  plaifir  de  fe  reproduire  ,  ils 
n'éprouvent  jamais  les  inquiétudes  de  l'am- 
bition ,  ni  les  tourmens  de  l'ennui  ;  ils  ne 

04 


loS  ARA 

coiinoifTent  point  cet   cfîiiim  de  maladies 
qui  affligent  les  peuples  abrutis  par  l'intem- 
pémncc  ;  ils  n'ont  d'autre  lit  que  la  moufle  & 
le  gazon ,  ni  d'autre  oreiller  qu'une  pierre, 
&  jamais  leur  ibmmeil  n'eft  troublé  par  le 
tumulte  des  pallions  rebelles.  Ce  genre  de 
vie  les  conduit  fans  infirmité  à  une  longue 
vieillefle  ;  &  quand  il  taur  payer  le  dernier 
tribut   impofé  à  l'humanité  ,    ils    femblent 
plutôt   cefler  d'être  que  de  mourir  ;  ils  ont 
des  vertus   &    des   vices  qui    tiennent  de 
l'influence  de  leur  climat  :  telle  ell  cette 
gravité  mélancolique  qui  les  rend  infenfi- 
Hes  à  tout  ce  qui  aifede  le  plus  délicieu- 
fement  les  autres  hommes.  Cette  indifférence 
dédaigneufe  elt  une  fuite  néceflaire  de   la 
foiitude  où  ils  font  confinés  ;  &  vivant  pour 
eux-mêmes ,  ils  font  bientôt  fans  fenfibilité 
pour  les  autres.  On  les  taxe  de  s'abandon- 
ner avec  trop  de  facilité  aux  fecouflès  d'une 
tumeur  chagrine  ,    qui  eft  entretenue  par 
leur    tempérament    fec    &  bilieux,  &  qui 
les  dépouille  de  toutes  les  qualités  qui  for- 
ment l'homme  focial  ;  de-là  naît  encore  cet 
orgueil  inililtant  qui  le  contemple  loi-même , 
&  qui  craint  d'abaifler  fes  yeux  fur  les  au- 
tres. Ces  vices ,  fans  être  inhérens  au  ca- 
radere ,  (è  contraâent  néceflairement  dans 
la   vie  folitaire  où   l'on   peut   conièrver  la 
folidité  de  l'amitié ,   fans  en  avoir  les  de- 
hors affeâueux.  En  général,  ce  n'efl  point 
dans  le  filence  des  déferts  qu'il  faut  cher- 
cher ces  hommes  compatiflans ,  pleins  d'in- 
dulgence pour  les  toibleflès  de  leurs  iem- 
blables  ,   &  réfervant  toute   leur   iévérité 
pour  eux-mêmes  :  c'efl  plutôt  dans  la  re- 
traite ,  que  l'amour  propre  ,  pour  confoler  le 
îP-ifintrope ,  va  lui  exagérer  fon  mérite  & 
les  impertcifcions  des  autres.  Il  eft  un  re- 
proche plus  grave  qu'on  fait  aux  Araires , 
&  dont  il  efl  difficile  de  les  juflificr ,  c'efl 
un  fonds  de  cruauté  qui  leur  fait  répandre 
fans  fruit  &  fans  remords  le  fang  humain. 
Leurs  propres  hilloriens  nous  ont  tranlmis 
des  atrocités  ,  qui  dépofent  que  ce  peuple 
féroce  fe  propoloif  moins  de  conquérir  le 
monde ,  que  de  le  détruire  ;  mais  comme 
ils  ont  des  vertus  qui  femblent  incompati- 
bles avec  leurs  vices ,  développons  les  rel- 
forts  qui  produilent  des  effets  fi  oppofés. 
Pour  juger  une  nation  ,  il  faut  partir  d'après 
Je  principe  c^ui  la  fait   agir.   Un  feul  prc- 


A  II  A         *' 

jugé  d'éducation  fufnt  pour  la  rendre  vcr- 
tueule  ou    féroce.  Les  Arabes  defcendus 
d'Ifmacl  regardoient  le  domaine  de  la  terri; 
comme  leur  héritage  ;  leur  patriarche  chafle 
de  la  maiion  paternelle ,  eut  pour  partage 
les  plaines  &  les  délerts  ;   les  delcendans 
qui  le  repréientent ,  s'arrogent  le  même  pri- 
vilège :  ainfi  l'enlèvement    d'une  caravane 
n'efl  point  un  larcin  qui  puill'e  exciter  leurs 
remords  :  ils  le  regardent  comme  la  récom- 
penfe  de  leur  coiu-age ,  &  comme  la  relli- 
tution    d'un    bien    ufurpé   fur   eux  :  leurs 
erreurs  fur  le  droit   de  la  guerre   les  ont 
précipités  dans   un    déluge  de   crimes.  La 
plupart  des  pays  qu'ils  ont  fubjugués  ,  ont 
été  privés  de  la  moitié  de   leurs  habicans. 
L'exemple  des  Amalécites  exterminés  parle 
peuple  Hébreu  ,  leur  avoit  peut-être  donné 
de  fauiTes  idées    fur  les  égards  qu'on  doit 
aux  vaincus.    Effrajés  du   deflin  de  leurs 
voifins ,  ils  fe  perfuaderent  que  tout  ennetpj 
étoit  exterminateur;  ils  fe  crurent  donc  au- 
torifés  par  la  loi  naturelle  ,'à  malTacrer  des 
hommes  qui  les   auroient  exterminés   s'ils, 
avoient  remporté  la  viftoire  fur.  eux.  Ces 
excès  ,   que  l'expérience  auroit  dû  leur  ap- 
prendre à  réprimer  ,  furent  epcore  autorifës 
par  la   religion   Mufulmane   qui ,   au   lieu 
d'adoucir  les  mœurs  ,    leur  communiqua 
plus  de  férocité.  Les  premiers  Mululmans , 
fe    regardant    comme    les    exécuteurs    des 
vengeances  anticipées  du  ciel ,    croyoient 
avoir  droit  d'égorger  ceux  dont  Dieu  avoit 
prononcé  la    condamnation  :  ces  million- 
naires guerriers  étotent  intolérans  par  prin- 
cipe ,  &  infpiroient  à  leurs  dilciples  ram-» 
bition  d'être  ks  vengeurs  de  ce  qu'ils  ap- 
peiloient  la  caufe  de  la   religion.   J'avoue 
que ,  pour  adopter  des  préjugés  fi  barbâtes  > 
il  faut  avoir  un  penchant  décidé  à  la  cruauté  ; 
mais  on  peut  leur  ailigner  une  autre  caufe. 
L'attachement  des  Arabes  pour  leurs  ulages 
&  leurs  opinions,   le   mépris  de  la  mort 
qu'ils  contemplèrent  avec  une  froide  intré- 
pitiité  ,  leur  vie  ifolée  qui  les  éloignoit  des 
hommes ,  étoient  autant  de  cauics  qui  pou- 
voient  les  rendre  barbares.   Celui  qui  mé- 
prife  la  vie  efl  ina.cellible  à  la  pitié  ,    &  il 
n'y  a  point  d'ennemi  plus  redoutable  que 
celui  qui  lait  mourir. 

Si  les  Arabes  ont  furpaffé  ks  autres  nai- 
tions  eu  férocité ,  Us  ont  aulU  donné  des 


ARA 

exemples  de  bienfaiiance  qui  ont  eu  peu 
d'imitateurs.  Nobles  &:  fiers  dans  leurs  ièn- 
fimens  ,  ils  ont  hiit  coniirtcr  la  félicité  dans 
la  diilfibution  des  bicntaits  ,  &  le  malheur 
dans  l'humiliante  nécellité  d'en  recevoir. 
Pères  tendres  ,  cnfans  rei'pcdueux  ,  ils  écou- 
tent avec  une  délicieuie  émotion  la  voix  de 
la  nature  ,  qui  Gins  cefTe  parle  à  leur  cœur. 
On  a  tait  de  tout  temps  l'éloge  de  leur 
fidélité  à  tenir  leurs  engagemens  ;  celui  qui 
viole  la  lainteté  du  ierment  ,  cÛ  condamné 
à  vieillir  dans  l'ignominie  :  c'efl  avec  leur 
fang  qu'ils  fccllent  leur  alliance  ,  pour  leur 
imprimer  un  caradere  plus  lacré  ;  les  droits 
de  l'amitié  lont  inviolables.  Deux  amis 
contradcnt  des  obligations  réciproques 
dont  ils  ne  peuvent  fe  diipenfer  fans  être 
traités  de  profanateurs.  Les  arabes  bien- 
faifans  envers  tous  les  hommes  ,  ont  étendu 
leur  généroiité  jufque  iur  les  animaux  qui 
ont  vieilli  à  leur  lèrvice  :  ils  leur  accordent 
le  privilège  de  paître  dans  les  plus  gras 
pâturages  ,  fans  en  exiger  aucun  travail. 
Quelques  dévots  infenlcs  ,  confidérant  les 
bétes  féroces  comme  l'ouvrage  de  la  divi- 
nité ,  leur  envoient  des  lubliitances  Iur  le 
fommet  des  montagnes.  Quand  on  voit  ce 
peuple  réunir  les  vertus  &  les  vices  qui 
iemblent  les  plus  Incompatibles  ,  on  eil 
prelque  tenté  de  croire  qu'il  a  deux  natures  ; 
mais  c'eft  par  cette  oppofition  qu'il  refl'em- 
ble  au  reite  des  hommes  ,  qui  lont  un 
aflemblage  de  grandeur  &  de  foiblelle  ,  & 
dont  le  caraftere  du  matin  efl  démenti  par 
celui  du  loir.  Ce  peuple  qui ,  dans  la  cha- 
leur de  la  m-êlée  ,  ne  refpire  que  le  lang  ; 
qui  ,  dans  une  ville  prife  d'alTaut ,  égorge 
fans  pixié  des  femmes  ,  des  enfans  &  des 
vieillai-ds  ,  fe  dépouille  de  la  férocité  du 
Kon  ,  &  n'a  plus  que  la  douceur  de  l'agneau , 
lorlque  l'ivreffe  du  carnage  ell  diflipée  ;  on 
le  voit  dans  le  délert  &  les  routes  enlever 
les  dépouilles  du  voyageur  ;  &  ,  un  infiant 
après ,  il  exerce  la  plus  généreufe  hofpitalité 
envers  l'étranger  qui  fe  réfugie  dans  fa  tente 
&  qui  le  confie  à  fa  foi.  Dans  chaque  can- 
ton habité  on  allume  des  feux  pendant 
h.  nuit ,  qu'on  nomme  les  feux  de  l'hol- 
pitalité  ,  pour  appeller  les  voyageurs  qui 
s'égarent  dans  leur  route  ,  ou  qui  ont 
beloin  de  fe  délalfer  de  leurs  fatigues  ;  &  , 
açïci  les  avoir  bien  régalés ,  on  les  rccon- 


A  R  A  109 

duit  nu  fon  des  infîrumens  ,  &  on  les 
comble  de  prélens  ;  mais  ce  qui  décelé  en 
eux  un  fonds  d'humanité, efl  leur  indulgence 
pour  les  foibleffes ,  &  la  modération  dont 
ils  ufent  envers  les  hommes  convaincus  de 
crimes  :  ils  rougiroient  de  faire  uiiige  de 
ces  tortures  barbares  ,  adoptées  pour  dé- 
couvrir la  vérité  ,  &  qui  fouvent  arrachent 
de  la  bouche  de  l'innocent  ,  l'aveu  d'un 
crime  qu'il  n'a  pas  commis  ;  ils  ne  drefîent 
point  ces  échaflauds  ,  ils  n'allument  point 
ces  bûchers  où  la  loi  ,  fous  prétexte  de 
prévenir  la  tentation ,  ne  proportionne  pas 
toujours  la  peine  au  délit  :  ils  fe  font  un 
Icrupule  d'inHiger  la  même  peine  au  foible 
qui  n'a  fait  qu'une  chiàte  ,  &  au  fcélérat 
qui  a  vieilli  dans  l'habitude  du  crime.  La 
loi  du  talion  règle  leurs  jugemens  ,  &  le 
mépris  public  efl  le  iupplice  que  redoute  le 
peuple  à  qui  il  refîc  des  mœurs. 

Les  Scenetis  ,  dont  les  defcendans  font 
connus  adjourd'hui  iousle  nom  de  Bédouins^ 
habitent  les  délerts  &  mènent  la  vie  no- 
made comme  leurs  ancêtres.  La  flérilité  de 
leur  fol  a  perpétué  chez  eux  le  goût  du 
brigandage  ;  ils  font  des  incuriions  fur  les 
frontières  de  la  Syrie  ,  de  l'Egypte  ,  &  fè 
répandent  quelquefois  jufque  fur  les  cotes 
d'Afrique.  Ils  n'ont  point  de  demeures  fixes. 
Ils  s'arrêtent  dans  les  lieux  où  ils  trouvent 
des  eaux  6c  des  pâturages  ;  ils  fe  nourrifTent 
de  chair  de  cheval  ,  de  chameau  ,  ou  de 
fruit  :  dès  qu'ils  ont  épuilé  les  produ<ffions 
d'un  canton  ,  ils  recommencent  leur  courfe 
vagabonde  ,  jufqu'à  ce  qu'ils  aient  trouvé 
un  territoire  où  ils  puifTent  jouir  d'une 
nouvelle  abondance;  Ils  marchent  ;\  la 
gua-re  fous  les  ordres  d'un  émir  ou  d'un 
chérif  f  dont  l'autorité  eft  à-peu-près  la 
même  que  celle  des  gouverneurs  établis 
dans  les  provinces  par  les  fucceffcurs  de 
Mahomet.  Ce  chef  ,  toujours  tiré  de  la 
famille  la  plus  noble  ,  n'efl  obéi  qu'autant 
qu'il  efl  fécondé  par  la  fortune  dans  fes- 
expéditions  militaires.  Dans  le  calme  de  ht 
paix,  ils  ne  font  plus  que  des  magiflrats  qui- 
prétident  auxaflemblées  pubhques  ,  &  quoi- 
qu'on leur  jure  une  obéiilance  fans  réplique , 
ils  font  obligés  de  rendre  compte  de  leur 
conduite  au  peuple  ,  qui  fouvent  les  dégrade 
pour  les  punir  de  l'abus  de  leur  pouvoir. 
Ce  peuple  y  proin]?:  à  s'abriccr  pcm^  fya. 


110  ARA 

indépemiance  ,  &  qui  aurreroîs  auroît 
blanchi  d'écume  le  mors  qui  l'eût  répri- 
mé ,  n'eft  plus  embraie  de  l'ancien  fana- 
tifme  républicain.  Les  émirs  ,  devenus  plus 
puiflans  ,  l'ont  façonné  à  l'obéiflance  ,  & 
la  couilitution  nouvelle  de  l'Arabie  a  favo- 
rifé  les  defieins  de  ces  chefs  ambitieux. 
Les  caravanes  mieux  efcortées  ont  impofé 
aux  tribus  la  néceffité  de  réunir  leurs  for- 
ces pour  agir  avec  plus  de  fuccès  ;  &  à 
mefure  que  les  fociétés  iont  devenues  plus 
nombreules  ,  chacune  a  été  obligée  de 
faire  le  facrifice  d'une  portion  de  fon  indé- 

{)endance  au  maintien  de  l'ordre  focial  ;  & 
'horreur  qu'infpiroit  le  tumulte  des  villes  , 
a  été  remplacée  par  l'amour  des  commodi- 
tés qu'elles  procurent.  Des  befoins  multi- 
pliés ont  allumé  de  nouvelles  paflîons  ,  qui 
ne  peuvent  être  fatisfaites  qu'en  le  faifant 
acheter  par  des  chefs  ,  leuls  affez  riches 
pour  les  paj'er  ;  ils  n'ont  confervé  qae  le 
goût  du  brigandage  ,  &  l'horreur  &  le  mé- 
pris de  l'agriculture.  Les  Arabes  ,  habitans 
des  villes  &  des  bourgades  ,  ont  à-peu-près 
la  même  forme  de  gouvernement  que  les 
Bédouins.  Ils  ont  ,  comme  eux  ,  des  chefs 
.qui ,  magidrats  &  guerriers  ,  préftdent  à  la 
police  intérieure  ;  quoique  leurs  mœurs 
aient  efluyé  le  plus  d'altération  ,  ils  ont 
confervé  certains  traits  de  famille  qui  rap- 
pellent leur  origine.  Les  villes  modernes  , 
beaucoup  plus  confidérables  que  les  an- 
ciennes ,  qui  n'étoient  qu'un  aflemblagc  in- 
forme de  tentes  &  de  chariots  ,  font  habi- 
tées par  des  commerçans  &  des  cultivateurs. 
Plufieurs  ports  font  ouverts  aux  nations  ; 
c'efl  fur-tout  ;\  Moka  ,  fitué  fur  la  mer 
rouge ,  que  les  Européens  vont  chercher  le 
café  qu'ils  changent  contre  leur  or  &  leurs 
vices.  Les  Arabes ,  féduits  par  leur  exemple 
contagieux  ,  ont  lenti  naître  en  eux  la  cupi- 
dité. Ils  ont  abandonné  leurs  défcrts  lauva- 
^es  ,  &  fe  font  répandus  dans  les  échelles  du 
îevant  ,  où  l'or  qu'ils  accumulent  par  leur 
commerce  ,  ne  fert  qu'à  leur  apprendre  à 
rougir  de  leur  antique  fimplicité  ;  &  ,  deve- 
rius  plus  riches  &  moins  heureux  ,  ils  atFoi- 
bliffept  chaque  jour  le  fentiment  généreux 
de  cette  liberté  précieufe ,  dont  toutes  les  ri- 
chefîès  du  monde  ne  peuvent  dédommager. 
Le  pays  des  arts  &  des  fciences  eil  lou- 
vtnt  infellé  de  charlatans  qui  obfcurciflent 


ARA 

leur  fplendeur.  On  voyoit  en  Arabie  de 
prétendus  favans  qui  fe  vantoient  d'enten- 
dre le  langage  des  oifeaux.  Ils  préféroien» 
leur  converfation  à  celle  de  leurs  fembla- 
bles.  Ils  prenoient  un  grand  plaifir  à  dé- 
couvrir leurs  fecrets  &  leurs  petites  intri- 
gues. Une  fcience  auill  extraordinaire  ne 
pouvoit  être  que  bien  accueillie  chez  un 
peuple  amateur  du  merveilleux.  D'autres  , 
profanant  le  titre  de  prophète  ,  fe  retiroient 
dans  les  antres  &  les  délerts  ,  où  ,  après 
des  jeûnes  aufleres  &  des  macérations  dou- 
loureufes  pour  plaire  à  la  divinité  ,  ils 
étoient  gratifiés  de  vifîons  qu'ils  venoient 
annoncer  à  la  multitude  ,  qui  n'avoit  garde 
de  reconnoître  un  fripon  dans  un  homme 
pâle  &  décharné  ,  &  louvent  couvert  de 
plaies  &  d'ulcères  ,  qu'on  regardoit  comme 
autant  de  caraâeres  de  lainteté.  Ce  fut 
encore  dans  cette  partie  de  l'Arabie  ,  qui 
confine  à  l'Egypte  ,  qu'on  vit  éclore  cet 
eflaim  d'aventuriers  ,  qui  errant  fans  patrie 
fur  le  globe  ,  fous  le  nom  de  diieurs  de 
bonne  aventure  ,  font  payer  leurs  menion- 
ges  au  peuple  imbécille  ;  c'étoit  avec  des 
flèches  ,  des  baguettes  divinatoires  ,  des 
phyltres ,  des  amulettes ,  que  ces  impofteurs , 
en  prononçant  des  paroles  myfléneules  , 
faifoient  leurs  opérations  magiques. 

La  médecine  languit  dans  une  longue 
enfance  en  Arabie  :  ceux  qui  l'exerçoienc 
n'avoient  que  leurs  expériences  &  le  fe- 
cours  des  traditions.  Les  mêmes  fymptomes 
leur  paroiflbient  demander  les  mêmes 
remèdes  ,  ils  ignoroient  le  méchanifme  du 
corps  ,  &  ne  faifoient  aucune  diilindion 
des  tempéramens.  Mais  les  aromates  &  les 
plantes  ialubres  dont  le  pays  abonde  ,  la 
iobriété  &  la  vie  aftive  des  habitans  ,  ilip- 
pléoient  à  l'ignorance  des  médecins  ,  dont 
la  plupart  emplo}'oient  des  paroles  magi- 
ques pour  guérir  leurs  malades.  Il  efl  vrai 
qu'à  la  rcnailîîince  de  la  médecine  ,  ce  fu- 
rent les  Arabes  qui  furent  les  premies  maî- 
tres dans  l'art  de  guérir.  Ils  eurent  des 
dilciplcs  chez  toutes  les  nations.  Les  rois 
&  les  grands  ,  affligés  de  maladies  ,  leur 
donnèrent  leur  conhance  ,  qui  tut  juftifîée 
par  quelques  fuccès. 

Les  Arabes  ,  fiers  de  la  noblefle  de  leur 
origine  ,  ont  toujours  fait  une  étude  lérieufè 
de  leur  généalogie ,  &  comme  leurs  ancêtres 


ARA 

iv«  {àvoient  ni  lire  ni  écrire  ,  ils  n'dht  pu 
leur  tranlmettre  des  titres  qui  conilatenr 
leur  delccndance  ,  &  par  lu  mcme  raifon 
il  efl  impollible  cie  les  convaincre  d'erreur. 
Il  ell  vrai  que  depuis  environ  trente  -  fix 
liecles  les  filiations  lont  dépolecs  dans  les 
archives  publiques.  Cet  ulage  ,  religieule- 
ment  oblervé  ,  hit  introduit  par  Adnan  , 
qui  fut  un  des  ancêtres  de  Mahomet.  Au 
refte  ,  un  peuple  auUi  peu  nombreux  ,  qui 
n'a  point  contratlé  d'alliance  étrangère  , 
qui  n'a  jamais  efliiyc  de  révolutions  ;  qui , 
dans  ion  loilir  folitaire  ,  eft  toujours  occupé 
des  intérêts  de  fa  vanité  ,  a  pu  tacilemcnt 
conlèrver  le  iouvenir  de  les  ancêtres  &  la 
fuite  de  les  générations. 

Les  arts  méchaniques  ne  durent  pas  beau- 
coup le  perte^lionaer  chez  un  peuple  qui 
ëprouvoit  peu  de  beloins.  Comme  leurs  pro- 
ductions ont  moins  d'éclat  que  d'utilité  , 
c'eiî  plutôt  dans  les  villes  qu'au  milieu  des 
déierts  qu'on  les  voit  éclore  ,  parce  que  le 
belbin  elt  créateur  de  l'induilrie.  Les 
Ardbes  ,  uniquement  occupés  à  taire  la 
guerre  aux  hommes  &  aux  animaux ,  n'ex- 
cellèrent qu'à  fabriquer  des  cimeterres  ,  des 
arcs  &  des  dards.  Leurs  toiles  de  coton  ne 
furent  jamais  tort  ellimées. 

Les  fciences  graves  &  lérieufes  qui  s'ap- 
puyent  du  fecours  des  calculs ,  qui  deman- 
dent une  méditation  profonde  pour  lier  le 
principe  avec  les  confcquences  ,  ne  peuvent 
prendre  de  grands  accroiflemens  chez  une 
nation  dominée  par  une  imagination  tou- 
jours embrafée ,  &  qui  ne  s'éteint  que  quand 
on  veut  régler  lli  marche  avec  le  compas 
géométrique.  Ces  fciences  ,  bannies  des  cli- 
mats voifins  du  tropique  ,  ont  été  rem- 
pkcées  par  les  arts  d'agrément ,  qui  n'aiment 
que  ces  défordres  &.  ces  écarts  qui  étonnent 
l'efprit  &  maîtrifent  les  cœurs.  C'ell-là  qu'on 
découv  rc  le  berceau  de  la  poéde  &  de  l'élo- 
quence ,  qui  étant  à  peine  écloles  ,  y  font 
par^  enues  à  une  prompte  maturité.  Les 
Arabes  ,  en  fortani  des  mains  de  la  nature  , 
font  tous  poètes  &:  orateurs.  L^ne  langue 
harmonieufe  &  téco.nde  ,  qui  admet  des 
figures  -ludncieufes  ,  favorife.  leurs  penchans 
fortu'ié.-'.  Les  maximes  qui  afTurent  &  cm- 
bellifîent  là  fociété  ne  s'y  montrent  que 
parées  des  grâces  de  la  poéfie  ,  &  la  mo- 
rale fe  dépouillant  ainli  de  les  rides  &  de 


ARA  m 

Ton  auflérité  ,  s'inlinue  plus  aifément  dans 
lescccurs.  L'émulation  multiplie  les  produc- 
tions du  génie  :  les  pièces  (ont  récitées  dans 
les  aflcinblées  publiques  ,  &c  l'on  décerne 
des  honneurs  &  des  récomponles  A  l'au- 
teur qui  a  le  mieux  réulb.  Les  femmes  , 
revêtues  de  leur  robe  nuptiale  ,  chantent  la 
gloire  du  vainqueur  ,  dont  les  louanges  lont 
encore  célébrées  parles  rivaux  ,  &  les  pièces 
couronnées  font  dépotées  dans  les  archives 
de  la  nation.  Les  orateurs  étoient  honorés 
des  mêmes  dillindions.  Leur  éloquence 
étoit  une  profe  harmonieufe  &  cadencée  , 
laite  pour  leurs  oreilles  ,  &  accommodée  au 
génie  de  leur  langue  &  à  la  trempe  de  leur 
caraâere  ;  mais  elle  ne  peut  fervir  de 
modela  aux  étrangers.  Toutes  ces  pièces 
enfantées  par  l'imagination  n'ont  aucune 
chaîne  dans  les  raiionnemens  ,  ce  lont  des 
lentences  fans  liaifon  qui  le  fuccedent  &  te 
choquent  avec  bruit  ,  des  tranfitions  lubites 
&  inattendues  ,  des  éclairs  qui  éblouiffent 
plutôt  qu'ils  n'éclairent  ;  entin  ,  l'imagi- 
nation bondiflante  &  vagabonde  fe  promené 
d'objets  en  objets  ,  &  n'en  laifTe  entrevoir 
que  la  fuperficie. 

Ce  fut  encore  dans  l'Arabie  que  l'apolo- 
gue prit  naiiTance  :  cette  manière  d'inltruire 
a  ,  dans  tous  les  temps  ,  été  en  ufage  chez 
les  peuples  de  l'orient  ,  qui  aiment  à  enve- 
lopper d'un  voile  myflérieux  les  choies  les- 
plus  communes  pour  en  relever  la  dignité.- 
Les  Arabes  fur-tout  ont  fait  briller  leur  fub-- 
tilité  à  deviner  des  énigmes.    Ils  fc  glori-- 
fient    d'avoir   produit   Lockan  ,    dont   les 
traits  font  trop  refl'emblans  à  ceux  d'Eiope  ,. 
pour  ne  pas  reconnf)îfre  l'identité.  Ce  célè- 
bre fabulifle  a  fervi  de  modèle  à  tous  ceux 
qui  l'ont  fuivi.   Ainfi  ce  peuple  ,  aidé  de 
fon  génie  ,  a  puilé  ,  dans  ton  propre  tonds  ,  ■ 
les  richelîes  que  les  autres  ont  empruntées- 
réciproquement  de  leurs  voifins. 

L'éducation  de  la  jeuneiTe  n'cfl  point 
confiée  à  des  inftitutcurs  mercenaires  ,  qui 
ie  chargent  ians  pudeur  d'enl'cigner  ce  qu'ils 
ignorent ,  &  ce  que  leurs  élevés  doivent  ou- 
blier dans  un  rige  plus  avancé  ,  pour  n'être 
point  confondus  dans  la  clafTe  abjefte  des 
h'îmmes  vul^';:-.res.  Chaque  père  de  tamille 
chez  les  Arabes  en  règle  la  police  ;  ^c  ,  à  (on' 
défaut ,  c'efl  à  celui  qui  a  le  privilège  de  l'âge  ' 
&  le  plus  defagçirc  ,  qu'ell  confié  l'cinploi 


î,ii  ARA 

glorieux  de  former  les  mœurs  des  enrans. 
Ce  n'ert  point  par  des  maximes  furannées 
&  parafites  qu'il  les  inftruit  ;  au  lieu  de 
tous  ces  apophtegmes  rebutans  ,  il  n'oppole 
que  Tes  exemples ,  pour  reâifier  leurs  pen- 
chans  ;  &  comme  il  ert  intérefle  à  perpé- 
tuer la  gloire  de  la  famille  v  '1  ^'^  montre 
toujours  pur  &  réfervé  ,  pour  ne  point 
étouffer  en  eux  le  germe  héréditaire  des 
vertus.  Les  Arabes  ,  fubjugués  par  l'exem- 
ple ,  font  pendant  toute  leur  vie  ce  que  fai- 
loient  leurs  pères. 

La  langue  Arabe  ,  qui  efl  la  langue  fa- 
vante  des  Mufulmans  ,   eft  une  de  celles 
qui    difputent    l'honneur    de   la   maternité. 
Ses  titres  ,  fans  être  décififs  ,  étabUlfent  fa 
haute  antiquité.  Le  pays  où  elle  elf  en  ulage 
çut  des  habitans   dans  les  fiecles   les  plus 
reculés  ,  de    nouvelles    colonies    n'y   font 
point  venu  chercher   des  établiifemens  ;  il 
ne  fubit  jamais  de  domination  étrangère  , 
&  s'il  eût  à  lutter  contre  des  invaiions  ,  ce 
furent  des  torrens  paiTàgers  qui  fe  difCpe- 
rent.  Ainfi  le  langage  n'eut  point  à  efTuyer 
ces  altérations  qu'occafione  le  mélange  de 
difîérens  peuples.  Sa  fécondité  &   fon  har- 
monie n'ont  pu  être  que   l'ouvrage    tardit 
du  temps.  Riche  juiqu'à  la  profufion ,  elle 
offre  fouvent  le  choix  de  cinq  cents  mots 
pour  exprimer  une  feule   &   même  chofe. 
Ses  tropes  hardis  ,  fes  métaphores  fécondes , 
qui  préfentent  leurs  objets  avec  leurs  ima- 
ges ,  multiplient  encore   fon   abondance  : 
or  ,  comme  elle  fè  montroit  avec  la  même 
parure  &  la  même  magnificence  dans  les 
Jfiecles  oi\  le  refie  des  nations  étoit  plongé 
dans  la  plus  épaifîê   barbarie  ,  on  ne  peut 
lui   contefter   une   origine    afîèz    ancienne 
pour  légitimer  Ces  prétentions  au  titre  d'ai- 
nefîe.  Cette  langue  eff  compofée  de  diffé- 
i^ens  dialedcs  dont  le  plus  eflimé  eft  celui 
des  Koreishitcs  ,  parce  que  c'étolt  celui  que 
parloit  le  prophète   légiflateur.   Les  autres 
font  tombés    dans    une  elpece  de  mépris. 
Les  premiers  caraderes  ne  font  plus  d'u- 
fage  ;  Morabès  ,  du  temps   de  Mahomet , 
leur   en    lubfhtua   de  nouveaux    qui    font 
appelles   encore  aujourd'hui   les  enfans  de 
Morabès.  Ce  fut  avec  ces  caraderes  que  le 
Koran  fut  écrit  pour  la  première  fois.  Quoi- 
que moins  imparfaits  que  les  anciens  ,  ils 
croient   encore  informes    &  groIUcrs  ;  ou 


A  k  A 

leuf  eh  fubfîitua  de  plus  nets  &  de  plus 
réguliers  ,  qui  furent  perfeûionnés  dans  la 
iuite  par  le  fecretaire  du  dernier  calife 
Abbaîllde  ;  &  ce  font  ceux  qui  font  en 
ulagc  aujourd'hui. 

Les    Arabes  avoient    des    ufages    qu'ils 
tenoient  de  leurs  pères  ,  &  qui  leur  étoient 
communs  avec  la  plupart   des  peuples  de 
l'Orient  ,  qui  n'avoient  aucune  relation  avec- 
eux  ;  ce   qui  femble    démontrer    que    ces 
ufages  s'étoient    établis    par    le    beloin  du 
climat.  La  circoncilion  douloureufe  qu'ils 
tenoient    d'Ihnacl  ,    a  été    retenue   par  la 
perlualion  qu'elle  arrêtoit    les    ravages   de 
certaines  maladies  ,  dont  la  fourcepeut  être 
heureufement  tarie.  La  diflindion  des  vian- 
des permîtes  &  prohibées  ,  étoit  une  leçon 
donnée  par  l'expérience  ,  qui  avoir  appris 
que  les  alimens  qui  influent  fur  le  phyfl- 
que  ,  avoient  également  une  influence  (è- 
crette  fur  le  moral  :  ainll  ,  une  fage  police 
étoit  autorifée  à  interdire  la  chair  de  porc 
&  des  autres  animaux  immondes  ,  qui  pou- 
voit  également  altérer  la  fanté  &  les  mœurs. 
Les  ablutions  n'ont  rien  de  bizarre  que  les 
cérémonies  prefcrites  pour  en  alTurcr  l'effi- 
cacité. Les  Arabes  ne  connoifîoient  point 
l'ulàge  du  linge  &  de  la   toile  ;  la  poul- 
fiere  du  défert  enlevée  par  le  vent  s'atta- 
che à  leur  corps  ,  &  les  rend  files  &  dé- 
goûtans.  La   chaleur  du  climat  ,  les  tem- 
péramens  fecs  &  brûlés  ,  les  maladies  de 
la  peau  ,  dont  la  lèpre  étoit  la  plus  hideuie  , 
trouvoient  dans  les  lotions  un  remède  facile 
&   peu   difpendieux  ,   &    par    conléquent 
convenable  à   un   peuple    indigent   :   cette 
inflitution  politique  &  religieuie  n'a  rien  de 
pénible  ,  &  fi  la  religion  ne  l'eût  pas  prei- 
crite  ,  les   Arabes  feroient   par  plail'ir  ce 
qu'ils  font  par  devoir. 

La  polygamie  ,  autorifée  par  l'exemple 
des  patriarches ,  s'cft  perpétuée  dans  l'Ara- 
bie ,  quoique  ce  ne  (oit  point  un  privilège 
dans  un  pays  où  le  divorce  efl  permis  , 
ians  alléguer  d'autres  motifs  que  les  dé- 
goûts. Plufieurs  cantons  dérogeoient  ;\  l'u- 
fage  le  plus  univerfcl  ;  les  Troglodites  poflé- 
doient  leurs  femmes  en  commun  ,  &  chez 
les  Sarralins  le  mariage  n'étoit  qu'une  union 
pafTagcre  ,  formée  par  un  beloin  récipro- 
que. Les  Arabes  attachoient  un  grand  hon- 
neur   à    la   fécondité  ;  6c  cumine    ils  le 

croyoienf 


ARA 

croyoicnt  formés  d'une  argile  plus  pure  que 
le  refte  des  hommes ,  ils  ctoient  pcrfuadés 
que  leur  efpecc  ne  pouvoir  être  trop  mul- 
tipliée :  errans  &  iblitaircs  dans  leurs  dé- 
fbrts ,  ils  croyoient  que  la  trifte  uniformité 
de  vi\Te  avec  le  même  objet ,  les  plon- 
geroit  dans  un  alFoupiflement  perpétuel ,  au 
lieu  qu'une  famille  plus  nombreufc  diver- 
/Ifie  leurs  occupations  &c  leurs  plaifirs  :tout, 
jufqu'aux  jalouiies  domeftiques ,  les  réveille 
&  les  fait  fortir  de  la  langueur.  Les  femmes 
réduites  à  l'indigence  par  un  partage  inégal, 
fiipportcnt  ians  murmure  le  joug  qui  leur 
clt  impofë  ;  leur  vie  laborieufc  ,  les  détails 
domelHqucs  dont  elles  font  furchargées  , 
écartent  les  tentations  qui  font  prefque  tou- 
jours viftorieufes  dans  les  aflauts  qu'elles 
livrent  à  la  pareffe  &  à  l'inutiJité.  La  difci- 
pline  à  laquelle  on  les  aifujettit  depuis  l'in- 
troduciion  du  mahométifme  ,  eft  bien  plus 
auftere  que  celle  des  jiremiers  ten:ps  ;  elles 
accompagnoicnt  autrefois  leurs  maris  à  la 
guerre  ,  elles  prélidoient  aux  têtes  ,  &  ja- 
mais cette  liberté  ne  dégéneroit  en  licence;, 
la  chaftcté  étoit  une  vertu  nationale  ,  &  la 
crainte  de  perdre  un  cœur  dont  cJles  n'a- 
voient  que  le  partage  ,  les  précautionnoit 
coiitre  une  chute  dont  le  fctindale  lesauroit 
réduites  à  une  Tndigence  abfolue. 

Les  ^4rabes  naturel!e;nent  guerriers  n'at- 
tendirent que  les  circonilances  pour  être 
conquérans  •■,  long-temps  pacifiques  &  obf- 
curs  ,  ils  ne  prirent  les  armes  que  par  l'avi- 
dité du  butin,  &  jamais  pour  étendre  leurs 
limites  :  ils  méprifoient  trop  les  hommes 
pour  dcfirer  de  les  avoir  pour  fujets.  Ils 
marchoient  fans  ordre  &  fans  difcipline  ; 
niais  accoutumés  à  combattre  les  bêtes  fé- 
roces ,  ils  portoient  le  courage  jufqu'à  la 
férocité.  Quelques  hordes  plus  fàuvages  que 
les  autres ,  vendoient  leur  fang  &  leurs  fer- 
vices  à  des  rois  riches  pour  les  payer ,  & 
c'étoit  moins  par  un  ièntiment  de  gloire, 
que  par  l'efpoir  du  butin,  qu'ils  renonçoient 
à  la  douceur  de  leurs  folitudes.  Les  Ro- 
mains &  les  Perfès  avoient  dans  leurs  ar- 
mées un  corps  de  Sarrafiiis  ,  qui  fouvent 
fixa  le  fort  des  combats  j  quoique  ,  (àtisfaits 
de  leur  indépendance  ,  ils  fe  filTent  un  fcru- 
pule  d'attenter  à  la  liberté  de  leurs  voifins , 
ils  donnèrent  à  l'Egypte  des  rois  qui  font 
connus  fous  le  nom  de  paflcur  j  leur  plus 
Tome  II  h 


ARA  113 

^nde  gloire  fut  de  n'avoir  jamais  fubi  de 
domination  étrangère.  Sefoftris  ,  dont  les 
exploits  pouvoient  bien  n'être  que  fabuleux^ 
ne  fe  rendit  maître  que  de  quelques  villes 
maritimes  qu'il  fut  obligé  d'abandonner.  Ler 
Perles ,  proteéfeurs  de  quelques  tribus ,  ne 
leur  donnèrent  jamais  la  loi ,  &c  on  ne 
trouve  point  l'Arabie  dans  aucun  dénom- 
brement de  leurs  jirovinces.  Les  Sj>artiates 
accoutumés  à  vaincre  y  firent  une  invafion  ^ 
&  fe  repentirent  de  leur  témérité.  Les  pré- 
j)aratifs  que  fit  Alexandre  à  fou  retour  des 
Indes  ,  prou\cnt  qu'il  regardoit  cette  con- 
quête conune  digne  de  tout  fon  courage  : 
la  mort  l'iirrcta  au  milieu  de  ce  projet ,  8c 
l'on  ne  peut  décider  quel  en  auroit  été  le 
fucccs.  Les  fucceffeurs  de  ce  héros  qui  en 
tentèrent  l'exécution  ,  n'éprouvèrent  que 
des  défaites.  La  réponfe  des  Arabes  à  Dé- 
métrius  fait  connoître  leur  mâle  fermeté  & 
leur  iiidilîerence  pour  la  gloire  des  armes. 
«  Roi  Démétrius ,  lui  dirent-ils  ,  quelles 
font  tes  prétentions  ?  qu'exiges-tu  de  nous  ? 
quel  motif  t'engage  à  troubler  le  filence  de 
nos  défèrts  ,  oir  la  nature  m.arâtre  n'ofire 
à  fes  enfans  que  des  moyens  pénibles  de 
fubfifter.  Nos  plaines  arides  &  fablonneulès 
n'ont  d'attraits  pour  nous  que  par  la  liberté 
dont  nous  y  jouilTons  ,  &  que  tu  veux  nous 
ravir.  C'eft  cet  amour  de  l'indépendance 
naturelle  qui  nous  rend  fupportables  des 
maux  inconnus  aux  autres  habitans  de  la 
terre.  Ces  rochers  font  trop  durs  pour  être 
brifés  par  ton  foeptre.  Tu  voudrois  nous 
foumettre  à  ton  joug  ,  commence  par  ftib- 
juguer  nos  fentimens  j  change  notre  manière 
de  vivre  ,  &  fonge  auparavant  aux  inoycns 
de  fubfiiler  dans  un  pays  qui  n'a  que  dit 
fable  ,  des  rochers  &  des  métaux  ;  crois- 
nous  ,  laifl'e  vivre  en  paix  des  peuples  dont 
tu  n'as  aucun  fujet  de  te  plaindre  ,  &  qui 
ne  veulent  avoir  rien  à  démêler  avec  toi  : 
voici  des  préfens  que  nous  t'apportons  , 
puifîènt-ils  t'engager  à  ne  voir  dans  les 
Nabathéens  que  tes  amis.  » 

Les  Romains  pénétrèrent  dans  l'Arabie  , 
&  n'en  flirent  jamais  les  conquérans.  Quel- 
ques tribus  vaincues  par  Lucullus  rendirent 
hommage  à  la  majcfté  du  peuple  romain. 
Aretas  ,  prince  d'une  contrée  ,  fut  forcé 
de  recevoir  garnifon  dans  Petra  •^  Craiîlis 
ambitieux  d'en  faire  la  conquête  y  entra 

P 


JI4  -^  ^  ^  ,  . 

avecuuenomfcrciifë  année  qui  périt  dans  les 
déferts  de  foif  &  de  mifere  :  Elius-Galliis 
répéta  la  honte  de  ce  délàftre.  C'eft  le  gé- 
néral romain  qui  a  pénétré  le  plus  avant 
dans  ces  immeiifes  déferts  ^  il  eut  d'abord 
les  plus  brillans  lliccès ,  mais  les  chaleurs 
meurtrières  lui  enlevèrent  fes  meilleurs  fol- 
daîs  ,  &  il  fut  contraint  de  fe  retirer  en 
Egypte  avec  les  débris  de  fon  arnice  ,  dont 
ks  flatteurs  d'Augufte  cclcbrcrent  les  vic- 
toires ftérilcs.  Caïus ,  fon  petit-fils ,  recon- 
Hoilîànt  rimpoflibilité  de  fubjuguer  un  peu- 
ple qui  n  cftimoiî  la  vie  qu'autant  qu'il  poa- 
voit  \ivre  libre ,  jwrta  le  fer  &  la  flamme 
dans  leurs  villes ,  d'où  ils  faifoient  des  in- 
curfions  fur  les  terres  de  l'empire ,  &  il  crut 
en  avoir  fait  affcz  pour  fa  gloire  ,  que  de 
leur  avoip  ôté  le  moyen  de  nuire  :  depuis  ce 
tcnr«-s,  jufqn'au  règne  de  'i'rajan,  en  ne 
voit  aucun  démêlé  entre  ces  deux  peuples. 
Cet  empereur  fit  le  fiege  de  la  capit:;^j  des 
Magaréniens  qu'il  eut  la  honte  de  lever  ; 
fès  firccclfeurs  payèrent  un  fubfide  aux 
Sarrafins  qui  fervoient  dans  leurs  armées  j 
mais  Julien  qui  les  regardoit  comme  fes 
liijets  ,  &  non  comme  lès  alliés  ,  trouva 
que  ce  traité  avililibit  la  majefté  de  l'em- 
pire ,  &  il  refufa  de  payer  un  tribut  qu'on 
qiialifioit  du  nom  de  fubfide  :,  les  barbares  fe 
plaignirent  de  cette  infraâ:ion  ,  mais  ce 
I>rince  qui  iiivoit  combattre  comme  il  fa- 
\'oit  gou^'erner  ,  leur  répondit  avec  fierté  : 
Je  ii'ufe  que  du  fer  ,  &  je  ne  connois  pas 
l'or.  Ces  peuples  belliqueux  miarcherent 
fpielquc  temps  après  au  fecours  de  Conf- 
îanrinople  ,  dont  ils  furent  les  libérateurs. 
C;c  fut  fous  le  règne  de  Théodoiè  qu'ils 
cOinmencerent  à  faire  la  guerre  en  leur 
nom  ,  &  après  avoir  fouteini  i'cmpircchaiî- 
ceiaiit ,  ils  en  furent  la  terreur.  Les  Arabes , 
iu((]ii'alors  partagés  en  tribus  ,  fe  réunif- 
ient &  deviennent  conquérans.  Il  fatloit 
qne  le  gernie  de  cette  valeur  barbare  fût 
1  enfermé  dans  leur  cœur  ,  &  que  leur  vie 
tkirc  les  eût  préparés  à  devenir  intrépides 
foklats.  Leurs  déferts  étoient  une  barrière 
qui  les  mcttoit  à  l'abri  des  incurfions  étran- 
gères \  on  ne  pouvcit  y  pénétTcr  fiins  s'cx- 
pofer  à  périr  par  la  diiétte  des  eaux;,  &  les 
j'uits  qui  pouvoieiit  en  fournir  ,  nétoient 
connus  que  des  Jiabitans  qui  n'en  lévéloient 
jttiimis  le  fccret  j  leurs  villes  ^'ctgicrit  c^ue 


ARA 

des  magafîns  où  ils  renfermoient  le  fruit  cfe 
leurs  brigandages  ^  elles  n'étoicnt  formées 
que  d'un  alfemblagc  de  cabanes  qu'ils  aban- 
donnoient  aux  approches  de  leurs  ennemis  y 
leurs  citadelles  étoient  l'ouvrage  de  la  na- 
ture :  c'étoient  des  rochers  efcarpés  d'où  ils 
déficient  les  armées  les  plus  nombreufes  , 
qui  ,  comme  eux  ,  n'avoient  à  redouter 
que  la  famine  &  la  difette  d'eau.  Comme 
ils  ignoroicnt  l'art  de  fortifications  ,  ils 
étoient  peu  \'erfés  dans  l'attaque  des  pla- 
ces ;  ainfi  leurs  guerres  olïenfives  n'étoient 
que  des  incurfions  pafTageres  ^  les  citadelles 
que  leurs  eiuremis  élevoient  far  les  fron- 
tières ,  réprimoicnt  leurs  brigandages.  Ils 
avoient  coutume  de  remercier  le  ciel  de  ce 
qu'il  leur  avoir  donné  des  épées  au  lieu  de 
remparts  ;,  leur  éducation  étoit  toute  guer- 
rière ,  ils  exerçoient  leur  enfance  à  fe  fervir 
de  l'arc  &  de  l'épée  ,  &  à  domter  leurs 
chevaux  ^  une  excellente  épée  étoit  un 
monum.cnt  domeftique  qu'un  pcre  lailToit 
à  fes  enfiuis  pour  les  faire  fouvenir  du  cou- 
rage de  leurs  ancêtres.  Prodigues  de  leur 
fang,  ils  ne  dévoient  pas  être  avares  de  celui 
des  autres.  Ils  ne  combattoient  qu'cà  la  clarté 
du  jour ,  parce  que  le  courage  s'enflamme 
quand  il  a  des  témoins  de  fej  efforts ,  &  ils 
croyoieiit  que  les  ténèbres  favorifbicnt  la  lâ- 
clieté  '.,  il  n'eft  donc  pas  étonnant  qu'un  peu- 
ple né  a\'ec  des  penchans  fi  nobles ,  ait  en- 
fanté tant  de  prodiges  de  valeur  ,  quand  il 
a  fuccombé  à  l'ambition  des  conquêtes.  Foj^. 
Religion  (  des  Arabes,  ) 

Arabes.  Etat  de  la  philofophie  che[  les 
anciens  Arabes,  Après  les  Chaldéens ,  les 
Perfes  &:  les  Indiens  rient  la  nation  des 
Arabes  ,  que  les  anciens  hifiroriens  nous  re- 
préfcntciit  comme  fort  attachée  à  la  philo- 
fophie ,  &  comme  s'étant  diftinguée  dans 
tous  les  temps  par  la  fubtilité  de  fon  efprit^ 
inais  tout  ce  qu'ils  nous  en  difent  paroît 
fort  incertain.  Je  ne  nie  pas  que  depuis 
rifinamifiiie  ,  l'érudition  &  l'étude  de  la 
philofophie  n'aient  été  extrêmement  ea 
honneur  chez  ces  peuples  ;  mais  cel.i  n'a 
lieu  5c  n'enire  que  dans  l'hilloire  de  la 
phiiofophie  du  moyen  âge  :  aullî  nous  pro- 
pofous-nous  d'en  traiter  au  long ,  quand 
nous  y  ferons  p3r\enus.  Maintenant  nous; 
n'avons  à  parler  que  de  la  philofophie  dça 
ancieus  h»ibiîaus  de  l'Arabie  liciiraifc» 


ARA 

TI  y  a  cîcs  favans  qui  veulent  qiic  ces  peu- 
ples ie  foient  lisrés  aux  fî>éculaîions  ohilo- 
iôpliiques  ;  &  pour  prouver  leur  opinion 
ils  imaginent  des  fyftcmcs  qu'ils  leur  attri- 
buent ,  &c  font  venir  à  leur  fccours  la  re- 
ligion des  zabiens  ,  qu'ils  prétendent  être  le 
fruit  de  la  philofophie.  Tout  ce  qu'ils  difcnt 
n'a  pour  appui  que  des  rai{ônne;nens  &  des 
conjeflures  :  mais  que  prouvc-t-on  par  des 
raifonnemens  &  des  conjefturcs  ,  quand  il 
faut  des  tcmoigr.agcs  ?  Ceux  qui  font  dans 
cette  perfuafion  ,  que  la  philofophie  a  été 
culti\  ée  par  les  anciens  Arabes ,  font  obli- 
gés de  convenir  eux-mêmes ,  que  les  Grecs 
iiavoieift  aucune  connoiirance  de  ce  fait. 
Que  dis-je  ?  ils  les  regardoient  comme  des 
peuples  barbares  &  ignorans ,  &  qui  n'a- 
voient  aucune  teinture  des  lettres.  Les 
écrivains  Arabes  ,  fi  l'on  en  croit  Abul- 
farage  ,  difcnt  eux-mêmes  qu'avant  l'iima- 
niifme  ,  ils  étoient  plongés  dans  la  plus 
î'rofonde  ignorance.  Mais  ces  raifons  ne 
font  pas  affcz  fortes  pour  leur  faire  changer 
de  fontiment  fur  cette  philofophie  qu'ils 
attribuent  aux  anciens  Arabes.  Le  mépris 
des  Grecs  pour  cette  nation  ,  difent-ils  , 
«e  prouve  que  leur  orgueil  &  non  la  bar- 
barie des  Arabes.  Mais  enfin  quels  mé- 
moires pcu\ent-iis  nous  produire  ,  &  quels 
ruitcurs  pem'cnt-ils  nous  citer  en  faveur  de 
l'érudition  Se  de  la  philofophie  des  pre- 
miers Arabes  ?  Ils  conviennent  avec  Abul- 
farage  qîi'ils  n'en  ont  point.  C'eft  donc  bien 
graniiteinent  qu'ils  cii  font  des  gens  lettrés 
&  adonnés  à-  la  philofophie.  Celui  qui  s'eft 
le  plus  fignalé  dans  cette  difpute ,  ôcquia 
eu  plus  à  cœur  la  gloire  des  anciens  Ara- 
bes y  ccCi  Joicph  Pierre  Ludew-ig.  D'abord 
il  commence  par  nous  oppofor  Pythagore  , 
qui  ,  au  rapport  de  Porphyre ,  dans  le 
voyage  littéraire  qu'il  avoit  entrepris  ,  fit 
l'honneur  aux  Arabes  de  paflêr  chez  eux , 
de  s'y  arrêter  quelque  temps  ,  &  d'ap- 
prendre de  leurs  philofophes  la  divination 
par  le  vol  &  par  le  chant  des  oifcaux  ,  ef- 
pece  de  divination  où  les  Arabes  excel- 
ioient,  Moyfè  lui-même  ,  cet  homme  inf- 
tniit  dans  toute  la  fagefl'e  des  Egyptiens  , 
quand  il  fut  obligé  de  quitter  ce  royaume , 
ne  choifit-il  pas  pour  le  lieu  de  fon  exil 
l'Arabie  ,  préférablement  aux  autres  pays  ? 
i)r  qui  pourra  s'imagiEcr  que  ce  légifîateur 


ARA  tif 

'  des  hébreux  fe  fût  retiré  cîiez  le»;  Arabes  ,  fi 
ce  peuple  avoit  été  grolîicr  ,  ftupidc  ,  igno- 
rant ?  Leur  origine  d'ailleurs  ne  laille  aucun 
doute  fiir  la  culture  de  iciir  efprit.  Ils  fe 
glorifient  de  defcendrc  d'Abrnliam ,  !\  qui 
l'on  ne  peut  rcfufor  la  gloire  d'avoir  été  un 
grand  philofoiihe.  Par  quelle  étrange  fa- 
talité auroient-ils  laiffé  éteindre  dans  l?t 
fuite  des  tem[)s  ces  premières  étincelles  de 
l'efprit  philofophique  ,  qu'ils  avoient  hérité 
d'Abraham  leur  pcrc  commun  ?  Mais  ce 
qui  paroît  plus  fort  que  tout  cela  ,  c'ell  que 
les  livres  fiiints ,  pour  relever  la  fageiïc  de 
Salomon ,  mettent  en  oppofition  avec  elle 
la  fageife  des  Orientaux  :  or  ces  Orientaux 
n'étoicnt  autres  que  les  Araées.  C'eft  de 
cette  même  Arabie  que  la  reine  de  Saba 
vint  pour  admL-er  la  làgeflê  de  ce  philofo- 
phe  couronné  j  c'eft  l'opinion  conftaiîte  de 
tous  les  fiivans.  On  pourroit  prouver  auflî 
par  d'excellentes  raifons  ,  que  les  mages 
venus  d'Orient  pour  adorer  le  Mcflie  , 
étoient  Arabes.  Enfin  ,  Abulfarage  eft 
obligé  de  convenir  qu'avant  Ifmamiir.e 
nîéine  ,  à  qui  l'on  doit  dans  ce  pays  la 
renaiiTance  des  lettres ,  ils  entcndoient  par- 
faitement leur  langue ,  qu''ils  en  connoif- 
foient  la  valeur  &  toutes  les  j>ropriétés  y 
qu'ils  étoient  bons  poètes .  oxceilcns  ora- 
teurs ,  habiles  aftronomes.  N'en  cft-cc  pas 
a'fez  pour  mériter  le  no:r.  de  plnlofopîies  ? 
Non  ,  vous  dira  quelqu'un.  Il  fe  peut  que  les 
Arabes  aient  poli  leur  langue,  qu'ils  aient 
été  habiles  à  deviner  &  à  interpréter  les 
fonges,  qu'ils  aiefit  réufll  daiis  la  compofï- 
tion  &  dans  la  folution  des  énigmes ,  qu'ils 
aient  même  eu  f{iiclque  connoift'ance  du 
cours  des  aftrcs ,  fans  que  pour  cela  on  puifîcr 
les  regarder  comme  des  philofophes  ^  car 
tous  ces  Arts ,  fi  cependant  ils  en  méri- 
tent le  nom  ,  tendent  plus  à  nourrir  &  à 
fomenter  la  fuperftition  ,  qu'à  faire  con- 
noître  la  vérité  ,  &;  qu'à  purger  l'ame  Aqs 
paftions  qui  font  fcs  tyrans.  Pour  ce  qui  re- 
garde Pythagore ,  rien  n'eli  moins  certain 
que  fon  voyage  dans  l'Orient  ■■,  ?c  quand 
m.ême  nous  en  conviendrions  ,  qu'eu  réfol- 
teroit  ,  finon  que  cet  impofteur  apprit  àcs 
Arabes  toutes  ces  niaifèi  ies  ,  ouvrage  de 
la  fuperftition  ,  iSc  dont  il  étoit  fort  amou- 
reux ?  II  eft  inutile  de  citer  ici  Mayfe. 
Si  ce  faiut  hoir.me  nafla  dans  i'.^j-abie ,  êc 

Pi 


1 16  ARA 

s'il    s'y  établit   en   époufant  une  des  filles 
tle  Jétro ,  ce  n  eioit  pas  alîuréinent  dans  Je 
idcJîèin  de  méditer  chez  les  Arabes  ,   & .  de 
nourrir  leur  folle  curiefité  de  fyltcines  phi- 
loibphiques.  La  providence    n  avoit  permis 
cette  retraite   de  Moyle  chez  les  Arabes   , 
que  pour  y  porter  la  connoifrance  du  vrai 
Dieu  &  de  fa  religion.   La  philofophie  d'A 
Lraham ,    dent  ils  fe  glorifient  de  defcen- 
dre  ,    ne  prouve    pas    mieux    qu'ils   aieni 
cultivé     cette    fcience.    Abraham    pourroit 
avoir   été  un  grand  philofophe   &  avoir  été 
leur  père ,  fans  que  cela  tirât  à  conféquence 
pour  leur  philofophie.  S'ils  ont  laillé  perdre 
le  fil  des   \  crités  les  plus  précieufes ,  qu'ils 
avoient  apprifes  d'Abraham  ;    fi   leur  reli- 
gion a  dégénéré  en  une  groflîere  idolâtrie  ; 
pourquoi    leurs    connoiilances     philofophi- 
ques  ,    fuppofé    qu'Abraham    leur    en  eîit 
communiqué  quelques-unes ,   ne  fe  fèroient- 
cUes  pas    aufli  perdues  dans   la    fuite    des 
îcmps  ?  Au  relie  ,  il  n'eft  pas  trop  sûr  que 
ces  peuples    defcendent   d'Abraham.    C'eft 
une  liiiloire   qui  paroît  avoir  pris  naiflance 
avec    le  inahcmétifme.    Les   Arabes    ainfi 
que    les    mahométans  ,    pour  donner    plws 
d'autorité  à  leurs  erreurs  ,  en   font  remon- 
ter l'origine  jufqu'au  père  des  croyans.  Une 
chofè   encore  qui  renverfe  la  fuppolition  de 
Liidewig  ,  c'elt  que  la  philofophie  d' Abra- 
ham   n'elt    qu'une    pure    imagination  des 
juifs ,    qui  veulent  à   toute    force    trouver 
chez  eirx   l'origine    &  les   commencemens 
des  arts  &  des  fciences.  Ce  que  l'on  nous 
oppofè    de    cette  reine    dh   midi ,   qui  vint 
Irouver  Salomon    fur  la  grande   réputation 
de    fa  fagelfe ,    &  des  mages  qui  partirent 
de  l'orient  pour  fe  rendre  à  Jérufalem ,  ne 
tiendra   pas    davantage.  Nous  voulons   que 
cette  reine   (oit  née  en  Arabie  :   mais  elî-ii 
Lien  décidé  qu'elle    fût  de  la  fefte  des  za- 
biens  ?   On  ne  peut  nier  fans  doute  ,  qu'elle 
s'ait    été  parini    les    femmes  d'orient  une 
des  plus  inllniites ,    des   plus   ingcnieufes  , 
qu'elle  n'ait  louvent  exercé  l'efprit  des  rois 
de    l'orient   par   les   énigmes    qu'elle    leur 
envoyoit  ^     c'eft -là    l'idée   que    nous    ei; 
tlonue  l'hiftorien  facré.    Mais  quel  rapport 
cela  a-t-il  avec  la  philofophie  des  Arabes  ? 
Nous    accordons     aiifîi    \oloutiers    qu:    les 
jnages   venus   d'orient   étoicnt  des  Arabes , 
yi'ils  Lvoient  quelque  coiuioiflaucc  du  cours 


ARA 

des  aftres  ;  nous  ne  reflifons  point  abfolu- 
ment  cette  fcience  aux  Arabes  ;  nous  vou- 
lons même  qu'ils  aient  alTez  bien  parlé  leur 
langue  ,  qu'ils  aient  réuiîl  dans  les  choies 
d'imagination ,  comme  l'éloquence  &  la  poe- 
iie  :  mais  on  n'en  conclura  jamais ,  qu'ils 
aient  été  pour  cela  des  philofophes  ,  & 
qu'ils  aient  fort  cultivé  cette  partie  de  la 
littérature. 

La  féconde  raifon  ,  qu'on  fait  valoir  en 
faveur  de  la  philofophie    des   anciens  Ara- 
bes ,  c'eft  l'hiftoire  du  zabianifrne,  quipaffe 
pour  avoir  pris  iiaiffance  chez  eux^   &  qui 
iuppofe    nécelfaireirient    des    connoifTances 
phiiofophiques.  Mais  quand   même  ^out  ce 
que   l'on  en  raconte   feroit  vrai   ,    on   n'en 
pourroit  rien  conclure  por.r  la  philofophie 
des  Arabes  ;  puifque   le  zabianifrne ,    étant 
de  lui-même  une  idolâtrie  honteufe  &  une 
fuperftition  ridicule  ,    eft  plutôt  l'extinftion 
de   toute    raifon    qu'une   vraie   philofophie. 
D'ailleurs  ,     il  n'eft  pas  bien  décidé  dans 
quel  temps  cette  fefte  a  pris  iiaiffance  ;  car 
les   hommes  les  plus  habiles  ,   qui  ont  tra- 
vaillé  pour   éclaircir  ce   point   d'hiftoire  , 
comme    Hottinger  ,    Pocock  ,    Hyde  ,    6c 
fur-tout    le    dode   Spencer ,     avouent   que 
ni  les  Grecs ,  ni  les  Latins  ne  font  aucune 
mention  de  cette  fedte.  Il  ne  faut  pas  con- 
fondre  cette  fefte  des  zabiens  Arabes   avec 
ces    autres    zabiens    dont    il  eft  parlé  dans 
les  annales   de   l'ancienne    égliie  orientale , 
lefquels  étoient  moitié  juifs  &  moitié   chré- 
tiens ,    qui  fe  vantoient  d'être    les  difciples 
de  Jean  -  Baptifte  ,    &    qui  fe- trouvent  en- 
core   aujourd'hui   en    grand    nombre    dans 
la  ville  de  BafTore  ,  près  des  bords  du  Ti- 
<^re  ,  &   dans  le  voiiinage   de   la    mer    de 
Perfe.     Le   fameux  Moyfe    Maimonidcs  a 
tiré  des  auteurs   Arabes  tout   ce  qu'il  a  dit 
de  cette  ki.ïe  ■■,   &  c'eft  en  examinant  d'un 
œil  curieux  &  attentif  toutes  leurs  cérémo- 
nies extravagantes  &    fuperftitieufes  ,  qu'il 
iuftifie   très-ingénieufement    la  plupart  des 
loix  de   Moyfe  ,  qui  blcircroient  au  premier 
coup  d'ail  notre  délicatelfe  ,   fi   la  fageffe 
de   ces  loix  n'étoit    marquée    par   leur  op- 
pofition   avec    les  loix  des  zabiens  ,    }K>ur 
lefquelles    Dieu    vouloit   infpircr    aux   juifs 
une  grande  avcrfion.    On  ne  pou\oit  met- 
tre entre  les  juifs  &   les  zabiens  qui  étoicnt 
lciu"s    voifiiis  une  plus   forte  biuricre.  On 


ARA 

peut  lire  fiir  cela  l'ouvrage  de  Spencer  fur 
î'éconamie  nioiaiquc.  On  ii'ell  pas  moins 
partagé  fur  le  nom  de  cette  fcdte  que  fur 
ion  âge.  Pocock  prétend  que  les  '/.abicns 
ont  été  ainfi  nommés  <le  ^fDp  ,  qui,  en  hé- 
breu ,  fignifie  les  afhcs  ou  Xarméc  cétejh , 
piu^ce  que  la  religion  des  Zabicns  coniiltoit 
principalement  dans  l'adoration  des  aftres. 
Mais  Scaliger  penfe  que  c'eft  originairement 
le  nom  des  Chaldéens ,  ainfi  appelles  parce 
qu'ils  étoient  orientaux.  Il  a  été  fuivi  en 
cela  par  plulîeiirs  favans ,  &  entr'autres  par 
Spencer.  Cette  Signification  du  nom  de 
Zabicns  eft  d'autant  plus  plaufible ,  que  les 
Zabiens  rajjportent  leur  origine  aux  Chal- 
déens j  &  qu'ils  font  auteur  de  kur  fbfte 
Sabius  fils  de  Seth.  Pour  nous ,  nous  ne 
cro3'ons  pas  de\oir  prendre  parti  far  ime 
choie  qui  déjà  par  elle-même  eft  ailëz 
peu  intereilante.  Si  par  les  7.abiens  on  en- 
tend tous  ceux  qui  parmi  les  peuples  de 
l'orient  adoroient  los  aftres  ,  fentiment  qui 
paroît  être  celui  de  quelques  Ai  abcs  &  de 
quelques  auteurs  chrétiens  ,  ce  nom  ne  ïè- 
roit  plus  alors  le  nom  d'une  fefte  particu- 
lière ,  mais  celui  de  l'Idolâtrie  univerièlle. 
Mais  il  paroît  qu'on  a  toujours  reg;u-dé  ce 
uom  comme  étant  propre  à  une  kiïc  par- 
ticulière. Nous  ne  voyons  point  qu'on  le 
donnât  à  tous  les  peuples ,  qui  à  l'adora- 
ticn  à&i  aftres  joignoient  le  culte  du  feu, 
Si  pourtant ,  au  milieu  des  ténèbres  où  eft 
enveloppée  toute  l'hiftoire  des  '/.abicns ,  on 
peut  à  force  de  conje£tures  en  tirer  quel- 
ques rayons  de  lumière  ,  il  nous  paroit  pro- 
bable que  la  fefte  des  Zabiens  n'eil:  qu'un 
mélange  du  Judaïfme  &  du  PaganiCne  \ 
qu'elle  a  été  chez  les  Arabes  une  religion 
particulière  &  diftinguée  de  toutes  les  au- 
tres ^  que  pour  s'élever  au  delfus  de  toutes 
celles  qui  florlifoient  de  fou  temps  ,  elle 
avoit  non  feulement  affedlé  de  fe  dire 
très-ancienne  ,  mais  même  qu'elle  rappor- 
toit  fon  origine  jufqu'à  Sabius  ,  fils  de 
Seth  :  en  quoi  elle  croyoit  l'emporter  pour 
l'antiquité  fur  les  Juifs  mêmes  ,  qui  ne 
peuvent  remonter  au  delà  d'Abraham.  On 
lie  fe  perfuadera  jamais  que  le  nom  de 
Zabiens  leur  ait  été  donné ,  parce  qu'ils 
étoient  orientaux  ,  puisqu'on  n'a  jamais 
appelle  de  ce  nom  les  Mages  &  les  Maho- 
métans  y   qui  habitent  \qs    provinces  de 


ARA  J17 

l'Afiê  fituces  à  forient.  Quoi  qu'il  en  fbit 
de  l'origine  des  Zabiens ,  il  eft  certain  qu'elle 
n'eft  pas  aufli  ancienne  que  le  prétendent 
les  Arabes.  Ils  font  même  fiir  cela  partagés 
de  fèntimens  j  car  fi  les  mis  veulent  la 
faire  remonter  jufqu'à  Seth  ,  d'autres  fe 
contentent  de  la  fixer  à  Noé  ,  &  ii;cmc 
à  Abraham.  Eutychius  ,  auteur  Arabe  , 
s'appuyant  fiir  les  traditions  de  ion  pays , 
trouve  l'auteur  de  cette  fefte  dans  Zoroaf- 
tre  ,  lequel  étoit  né  en  Pcrfe  ,  fi  vous 
n'aimez  mieux  en  Chaldée.  Cependant 
Eutychius  obfenc  qu'il  y  en  avoit  quel- 
ques-uns de  fon  temps  qui  en  faifoicnt 
honneur  à  Juvan  \  il  a  voulu  fans  doute 
dire  Javan  ;  que  les  Grecs  avoient  embraftë 
avidement  ce  fentirnent ,  parce  qu'il  flat- 
toit  leur  orgueil ,  Javan  ayant  été  un  de 
leurs  rois  ^  &  que  pour  donner  cours  à 
cette  opinion  ,  ils  avoient  compofé  plufieurs 
livres  fur  la  fcience  des  aftres  &  fur  le 
inouvement  des  corps  céleftes.  I!  y  en  a 
même  qui  croient  que  celui  qui  fonda  la 
feinte  des  Zabiens  étoit  un  de  ceux  qui 
travaillèrent  à  la  conftruûion  de  la  tour  de 
Babel.  Mais  iiir  quoi  tout  cela  eft-il  appuyé  ? 
Si  la  fe£le  des  Zabiens  étoit  aulfi  ancienne 
qu'elle  s'en  vante  ,  pourquoi  les  anciens  au- 
teurs Grecs  n'en  ont-ils  point  parlé  ?  Pour- 
quoi ne  lifons  -  nous  rien  dans  l'écriture 
qui  nous  en  donne  la  moindre  idée  ?  Pour 
répondre  à  cette  difficulté  ,  Spencer  croit 
qu'il  fuffit  que  le  zabianifine  ,  pris  maté- 
riellement ,  c'cft-à-dirc  pour  une  religion 
dans  laquelle  on  rend  un  culte  au  foleil  6c 
aux  afties ,  ait  tiré  fon  origine  des  anciens 
Chaldéens  &  des  Babyloniens  ,  &  qu'il  ait 
précédé  de  plulieurs  années  le  temps  où  a 
vécu  Abraham.  C'eft  ce  qu'il  prouve  par 
les  témoignages  des  Arabes,  ({m  s'accordent 
tous  à  dire  que  la  religion  des  Zabicns  eft 
très-ancienne  ,  &  par  la  refremblance  de 
doftrinc  qui  fe  trouve  entre  les  Zabiens  & 
les  Chaldéens.  Mais  il  n'eft  pas  queftion  de 
ihvoir  fi  le  culte  des  étoiles  &  des  planètes 
eft  très-ancien.  C'eft  ce  qu'on  ne  peut  con- 
tefter  ;  &  c'eft  ce  que  nous  montrerons 
nous -mêmes  à  VarticU  des  Chaldéens. 
Toute  la  difficulté  confifte  doue  à  favoir 
fi  les  Zabiens  ont  tellement  reçu  ce  culte 
des  Chaldéens  &  des  Babyloniens ,  qu'on 
puilfe  aiFurer  à  juftc  titre  que  c'eft  chez 


iiS  ARA 

ces  peuples  que  le  zabianifme  a  pris  naif^ 
fancc.  Si  l'on  fait  attention  que  le  zabia- 
nifme ne  fc  bornoit  pas  fculcmeiit  à  adorer 
le  foleil,  les  étoiles  &  les  planètes,  mais 
qu'il  s'etoit  fait  lui-même  un  plan  de  céré- 
monies qui  lui  étoient  particulières  ,  &  qui 
le  diftinguoient  de  toute  autre  forme  de  re- 
ligion ,  on  m'avouera  qiùm  tel  Sentiment 
ne  peut  fe  foutenir.  Spencer  lui-niême  , 
tout  fubtil  qu'il  ell ,  a  été  forcé  de  conve- 
nir que  le  zabianifme  confidéré  formelle- 
ment ,  c'eft-à-dire  autant  qu'il  fait  une 
religion  à  part  &  diftinguée  par  la  forme 
de  fon   culte  ,   eft  beaucoup   plus  récent 

gic  les  anciens  Chaldéeiis  &  les  anciens 
abyloniens.  C'eft  pourtant  cela  même 
qu'il  auroit  dû  prouver  dans  fes  principes  ; 
car  il  le  zabianifme  pris  formellement  n'a 
pas  cette  grande  antiquité  qui  pourroit  le 
faire  remonter  an  delà  d'Abraham ,  com- 
ment prouvera-t-il  que  plufieurs  loix  de 
Moyfe  n'ont  été  divinement  établies ,  que 
pour  faire  un  contrafte  parfait  avec  les 
cérémonies  fiiperftitieufes  du  zabianifme  ? 
Tout  nous  porte  à  croire  que  le  zabianifme 
ell;  aflez  récent  ,  qu'il  n'eft  pas  même  an- 
térieur au  mahométifme.  En  effet ,  nous 
re  voyons  dans  auani  auteur ,  foit  Grec , 
foit  Latm ,  la  moindre  trace  de  cette  fèfte  ■■, 
elle  ne  commence  à  lever  la  tête  que  de- 
puis la  nailfance  du  mahométifme  ,  &-c. 
Nous  croyons  cependant  qu'elle  eft  un  peu 
phîs  ancienne  ,  puifque  l'alcoran  parle  des 
Zabiens  comme  étant  déjà  connus  fous 
ce  nom. 

Il  n'y  a  point  de  feflie  fans  livres  ^  elle 
en  a  bcfoin  pour  appuj'er  les  dogmes  qui 
lui  font  particuliers.  Auni  voyons-nous  que 
les  Zabiens  en  avoicnt  ,  que  quelques-uns 
attribuoieiu  à  Hermès  &  à  Ariliote  ,  & 
d'autres  à  Seth  &  à  Abraham.  Ces  li- 
vres ,  au  rapport  de  Maimonidès  ,  conte- 
lioient  fur  les  anciens  patriarches  ,  Adam  , 
Seth  ,  Noé  ,  Abraham ,  des  hilloires  ridi- 
i;ulcs ,  &  pour  tout  dire  ,  comparables  aux 
fables  de  l'alcoran.  On  y  traitoit  au  long 
des  démons ,  des  idoles ,  des  étoiles  &  des 
planètes  ;  de  la  manière  de  cultiver  la  vigne 
&  d'enfcmencer  les  champs  :  en  un  mot 
on  n'y  omettoit  rien  de  tout  ce  qui  cou- 
ccrnoit  le  culte  qu'on  rcndoit  au  foleil  , 
au  feu ,  aux  étoiles  ,  8c  aux  planètes.  Si 


ARA 

l'on  efl  curieux  d'apprendre  toutes  c^ 
belles  cliofcs ,  on  peut  confulter  Maimo- 
nidcs.  Ce  fcroit  abufbr  de  la  patience  du 
leftcur  ,  que  de  lui  préfenter  ici  les  fables 
dont  fourmillent  ces  livres.  Je  ne  veux  que 
cette  feule  railbn  pour  les  décrier  comme 
des  li'.Tes  apocryphes  &  indignes  de  toute 
créance.  Je  crois  que  ces  livres  ont  été 
compofcs  vers  la  naiifance  de  Mahomet .  6c 
encore  par  des  auteurs  qui  n'étoicnt  point 
guéris  ni  de  l'idolâtrie ,  ni  des  folies  du 
platonifme  moderne.  Il  nous  foffira ,  pour 
faire  connoître  le  génie  des  Zabiens  ,  de 
rapporter  ici  quelques-uns  de  leurs  dog- 
mes. Ils  croyoicnt  que  les  étoiles  étoient 
autant  de  dieux ,  &  que  le  foleil  tenoit 
parmi  elles  le  premier  rang.  Ils  les  hcno- 
roient  d'un  double  culte  )  favoir  ,  d'un  culte 
qui  étoit  de  tous  les  jours  ,  &  d'un  autre 
qui  ne  fe  renouvelloit  que  tous  les  mois. 
Ils  adoroient  les  démons  fous  la  forme  de 
boucs  •■,  ils  fe  nourriirjicnt  du  fang  des 
viftimes ,  qu'ils  avoient  cependant  en  abo- 
mination ;  ils  croyoient  par-là  s'unir  plus 
iatimcment  avec  les  démons.  Ils  rendoieiit 
leurs  hommages  an  foleil  levant  ,  &  ils 
obfèrvoicnt  fcnipuleufèment  toutes  les  cé- 
rémonies ,  dont  nous  voyons  le  ccntraflc 
frappaîit  dans  la  plupart  des  loix  de  Moyfe  j 
car  Dieu  ,  félon  plutieurs  fa\-ans  ,  n'.l 
affedé  de  donner  aux  Juifs  des  loix  qui 
fe  trouvoient  en  ôppofition  avec  celles  des 
Zabiens  ,  que  pour  détourner  les  premiers 
de  la  fuperftition  extravagante  des  autres. 
Si  nous  lifons  Pocock  ,  Hyde  ,  Prideaux, 
&  les  auteurs  Arabes  ,  nous  trouverons  que 
tout  leur  iy^èmc  de  religion  fe  réduit  à 
C2S  différens  articles  que  nous  allons  dé- 
tailler. 1°.  Il  y  avoir  deux  feétes  de  Za- 
biens ;  le  fondement  de  la  croyance  de 
l'une  &  de  l'autre  étoit ,  que  les  hommes 
ont  befoin  de  médiateurs  qui  foient  placés 
entr'eux  &  la  divinité  ^  que  ces  média- 
teurs font  des  fubftances  pures  ,  fpirituelles 
&  imifibles  ^  que  ces  fubftances ,  par  cela 
même  qu'elles  ne  peuvent  être  %aies  ,  ne 
peuvent  fe  connnuniquer  aux  honnnes  ,  fi 
l'on  ne  fuppofè  entr'clics  &  les  hommes 
d'autres  médiateurs  qui  foient  vifibles  ^  que 
ces  médiateurs  vifibles  étoient  pour  les  un^ 
des  chapelles ,  &  pour  fes  autres  des  fîmu- 
lacres  :  que  les  chapelles  étoient  pour  ccus 


ARA 

■qui  adoroicnt  les  fept  phmctcs ,  îefqiielles 
étoient  animées  par  autant  d'intclli^îeuccs , 
qiii  gomernoient  tous  leurs  inouveinciis , 
à-peu-près  comme  notre   corps  eil  aiiiinc 
par  une  ame  qui  en  conduit  &  gouverne 
tous  les  rcUbrts  ^  que  ces  aftres  étoient  des 
dieux ,  &   qu'ils  préfidoient   au  deftin  des 
hommes ,  mais  qu'ils  étoient  fournis  eux- 
mêmes  à  l'Etre  fupréme  ;  qu'il   falloit  ob- 
fener  le  lever  &  le  coucher  des  planètes  , 
leurs  difFérentes  conjonctions ,  ce  qui  for- 
inoit    autant   de  pofitions  plus  ou    moins 
régulières  ;   qu'il  falloit  afTigner  à  ces  ph- 
netes  leurs  jours ,  leurs  nuits ,  leurs  heures 
pour  divifer  le  temps  de  leur  révohition  , 
leurs   formes ,  leurs   perfonnes  ,  &  les   ré- 
gions où    elles   roulent  ■-,  que    moyennant 
toutes  ces  obfervations  ,  on  pouvoit  faire 
des  talifmans ,  des  enchantemens ,  des  évo- 
cations   qui    réulTiflbient  toujours  ;     qu'à 
l'égard  de  ceux  qui  le  portoient  pour  ado- 
rateurs   des   fimnlacres   ,    ces    hmulacres 
leur  étoient  nécclfaires ,  d'autant  plus  qu'ils 
a\'oient    befoin    d'un     médiatcia-   toujours 
vifible  ,    ce    qu'ils    ne  pouvoient    trouver 
dans  les  aftres ,  dont  le  lever  &  le  coucher 
qiii  fe  fucccdent  régulièrement ,   les  déro- 
bent aux  regards  des  mortels  ;  qu'il  falloit 
donc    leur     fiibftituer     des     fimnlacres   : 
moyennant  lesquels  ils  juifTent  s'élever  juf- 
qu'atn<   corps    des    planètes ,  des   planètes 
aux  intelligences  qui  les  animent ,  &  de 
ces  iriielligenccs  jufqu'au    Dieu   fiiprême  ; 
que   ces  fimulacrcs   dévoient  être  faits  du 
métal  qui  eft  confacré  à  chaque  planète  : 
&  avoir  chacun  la  figure  de  l'aflire  qu'ils 
rcpréfeirtent  ;   mais     qu'il    falloit   fiir-tout 
obferver  avec  attention  les  jours  ,  les  heu- 
res ,  les  degrés ,  les  minutes  ,  &  les  autres 
circouftances  propres  à  attirer  de  bénignes 
influences  ,  &  fe  iènûr  des    évocations  , 
des  enchantemens ,    &  des   talifmans    qui 
étoient   agréables  à  la   planète-  ;  que   ces 
fimulacres  tendent  la  place  de  ces  dieux 
céleîles  ■■,  &  qu'ils  étoient  entr'eux  ^  nous 
autant  de  médiateurs.  Leurs  pratiques  n'é- 
loient  pas  moins  ridicules  que  leur  croyan- 
ce. Abulfeda  rapporte  qti'ils  avoient  coutu- 
roc  de  prier  la  face  touriîée  vers  le  pôle 
aréique  ,  trois  fois  par  jour  ;  avant  le  lever 
du    folcil  ,    à    midi  ,    &     au    fbir ,    qu'ils 
avçiciit  trois  jcimcs,  Vu!i  de  trente  jours , 


ARA  iT(f 

l'autre  de  neuf ,  &  l'autre  de  fept  ;  qu'ils 
s'abftcnoicnt  de  manger  des  fèves  &  de 
l'ai!  :,  qu'ils  faifoicnt  brûler  entièrement  les 
viftimes ,  &  qu'ils  ne  s'en  réfcrvoicnt  rien 
pour  manger. 

Voilà  tout  ce  que  les  Arahex  nous  ont 
appris  du  fyftémc  de  religion  des  zabiens. 
Plufieurs  traces  de  l'Aftrologie  chaldaïque  , 
telle  que  nous  la  donnerons  à  Vanic/e  Ciui.- 
DÉENS  ,  s'y  laiifcnt  appcrccvoir.  C'cfi:  elle 
Cins  doute  qui  aura  été  hi  première  pierre 
de  l'édifice  de  religion  que  les  zabiens  ont 
bâti.  On  y  voit  encore  quelques  autres  traits 
de  relfcmblance  ,  connue  cette  ame  du 
inonde  qui  fe  diftribue  dans  toutes  (es  difté- 
rentes  parties ,  &  qui  anime  les  corps  cé- 
Icftcs ,  iiir-tout  les  planètes ,  dont  l'influence 
fur  les  choies  d'ici-bas  ell  fi  marquée  fie 
fi  inconteftable  dans  tous  les  vieux  lyftémes 
des  religions  orientales.  Mais  ce  qui  y  do- 
mine fur-tout ,  c'eft  la  doôrine  d'un  iné- 
diateur  -^  doârine    qu'ils  auront  dérobée  , 


foit  aux  juifs,  fbit 


aux  chrétiens  ;,  la  doc- 


triiie  des  génies  médiateurs  ,  Liquciie  a  eu 
un  fi  grand  cours  dans  tout  l'Orient ,  d'où 
elle  a  paffé  chez  les  cabalifies  &  les  philo- 
fophes    d'Alexandrie  ,    pour    revivre   chez 
quelques  chrétiens  hérétiques ,  qui  en  pri- 
rent occafion  d'imaginer  divers  ordres  d'sso- 
nes.    Il  eft  aift  de  voir  par-là  que   le  za- 
bianifine  n'eft   qu'un  compofé  inonfirueux 
&  un  mélange  embarrafl'ant  de  toiit  ce  que 
l'idolâtrie  ,  la  fiiperftlîion  &  l'héréfieoîitpu 
imaginer  dans  tous  les  temps  de  plus  ridi- 
cule &   de  })lus  extravagant.  Voilà  pour- 
j  quoi  ,    comme     k    remarque    fort  -  bien 
Spencer  ,  il  n'y  a  rien  de  fijivi  ni  de  lié  dans 
les  différentes  parties    qui  compoient    le 
zabianifme.  On  y  retrouve  quelque  chofe  de 
tontes  les' religions,  ir.a'gré  ladiverfité  qui 
les  fépare  ks  unes  des  autres.  Cette  feule 
remarque  fuffit  pour  faire  voir  que  le  za- 
bianifine  n'eft  jxjs  auiîi  ancien  qn'on  le  croit 
ordinairement  ;  &  combien  s'abufciu  ceux 
qui  en  doniicat  le  nom.  à  cette  idolâtiie  r.ni- 
Aerfèllement    répandue   des  premiers    fie- 
clés  ,  laquelle  adoi-oit  le  fclei!  &  les  allres. 
Le  cuke  religieux  que  les  zabiens  rendoient 
aux  aftres ,  les  jeta  ,  par  cet  enchaînement 
fatal  que  les  erreurs  ont  entr'elles  ,  dans 
l'aftrologie  ,  fcience  vaine  &  ridicule  ,  mais 
qui  flanc  ks   deux   palfioBS  favorites  4e 


iio  ARA 

l'homme  \  fa  crédulité  ,  en  lu!  permettant 
qu'il  percera  dans  l'avenir  \  &  fon  orgueil , 
en  lui  inlînuant  que  fà  deftinée  eft  écrite 
dans  le  ciel.  Ceux  qui  d'entr'eux  s'y  font  le 
plus  diftingués ,  font  Thebet  Ibn  Korra  , 
Albategnius ,  &c. 

ARABESQUE  ou  MORESQUE  ,  f.  m. 
ouvrage  de  peinture  ou  de  Icujpture ,  qu'on 
nomme  ainfî  des  Arabes  &  des  Mores  , 
qui  employoient  ces  fortes  d'ornemens  au 
défaut  de  reprélèntations  humaines  &  d'a- 
nimaux que  leur  religion  défendoit  d'em- 
ployer. On  fait  encore  ufage  de  ces  orne- 
jnens ,  que  l'on  exécute  en  peinture  feule- 
ment &  non  en  icuipture  ■■,  tels  qu'on  en 
voit  au  château  de  Meudon  :  à  celui  de 
Sceaux ,  de  Chantilly ,  à  la  ménagerie  ,  à 
Trianon ,  &c.  peint  par  Audran  avec  beau- 
coup d'art ,  de  feu  ,  &  d'invention.  Berin  , 
Gillot  &  Vateau  ont  aufîl  excellé  dans  ce 
genre  d'ornemens ,  dont  on  s'eft  fervi  pour 
fabriquer  aux  gobelins  Se  à  la  fàvonnerie 
quelques  tapiiferies  des  appartemens  du 
roi ,  des  portières ,  des  paravens ,  &  autres 
meubles  de  cette  efpece ,  auxquels  ces  for- 
tes d'ornemens  font  propres ,  &  non  ail- 
leurs :  aufll  nos  meilleurs  architeâes  n'en 
font-ils  u/kge  que  là ,  ou  tout  au  plus  dans 
de  petits  appartemeiis ,  comme  chambre  & 
fîille  de  bains ,  cabinets  de  toillette  ,  garde- 
robes,  &c.  Se  méprifent-its  le  mauvais  goût 
de  ces  fculpteurs  ,  qui  prodiguent  ces  orne- 
niens  chimériques  &  imaginaires  dans  les 
appartemens  qui  demandent  de  la  gra- 
vité ,  au  lieu  de  leur  préférer  ce  que  la  na- 
ture nous  offre  de  plus  beau  dans  fès  pro- 
ductions. {P) 

*  ARABI ,  l(  golfe  de  Gli'Aralù,  (  g^og. 
anc.  ù  mod.  )  autrefois  Gyfis  ou  Zygis , 
petit  golfe  de  la  mer  de  Barbarie  ,  entre  les 
côtes  de  Barca  &  de  l'Egypte, 

*  Arabi  ,  la  torre  de  Gli-Arabi^  tour 
S?  village  d'Egypte ,  fîtués  dans  le  petit  golfe 
qu'on  nomme  le  golfe  des  Arabes.  Voye^ 
(article  précédent. 

§  ARABIE,  {  Géogr.  )  Cette  région  qui 
forme  la  plus  grande  prcfqu'île  du  monde  , 
a  une  étendue  prefque  de  cinq  cents  lieues 
du  midi  au  fcptentrion  ,  &  environ  de 
quatre  cents  lieues  d'orient  en  occident. 
Les  géographes  en  ont  étendu  ou  rclfbrré 
tes  linutes,  fçlon  le  temps  où  ils  écrivoieut  j 


ARA 

quelquefois  Ils  ont  compris  fous  ce  nom  kî 
contrées  voifines  qui  pouvoient  être  alion  ;.^s 
à  quelques  tribus  ,  &  quelquefois  ils  en  c:.t 
détaché  quelques  cantons  fournis  à  une 
domination  étrangère. 

Cette  prefqu'île  eft  bornée  à  l'orient  par 
le  golfe    Perfique ,  &c  la  baie  d'Ormus  , 
au    couchant  par   la  mer  rouge,  l'ifthme 
de  Sues ,  la  Terre   Sainte  &  une  partie  de 
la  Syrie  5  au  midi  par  le  détroit  de  Babel- 
Mandel  &  l'océan  Indien  ;  au  feptentrion 
par   l'Irak  ,  le  Kureftan ,   &  la    Turquie 
d'Afie.  On  lui  donne  le  nom  de  péninfùle , 
parce  qu'elle  lé  rétrécit  entre  l'Euphrate  Se 
la    Méditerranée.     Les     révolutions    des 
temps  n'ont    point    changé  fbn  nom  pri- 
mitif ^  &  dès  les  liecles  voiiîns  du  déluge  , 
elle   fut  connue  fbus  le  nom  à'Arab ,  que 
les  uns  dérivent  d'Iarab ,  fils  aine  de  Joc- 
tan ,    &  d'autres  d'Araba ,   canton   habité 
par   Ifïnael  :  un  pays  aultî   vafte   ne    put 
recevoir  la  même  dénomination  de  tous  fes 
voifîns  ;  ainiî  les  Syriens  l'appellerent  Ari- 
bifian ,    &   nos   livres   facrés  le  défignent 
fous  le   nom   du  pays  de    Cush.  Moy/e  a 
fondé    fà  divifion  fiir   les  trois    différens 
peuples  qui  y  formèrent  les   premiers  éta- 
bliiîêmens  ;  &  fa  géographie  exafte  &  pré- 
cilè  n'a  point  à  redouter   la  févérité  de  la 
critique.  Ptolomée   eft    le  premier   qui  a 
diftingué  cette  région  en  Arabie  heureufè, 
Arabie  pétrée  ,   Se    en  Arabie  déferte  \   Se 
comme  fbn   ouvrage  nous   eft  plus  fami- 
lier que  ceux  des  Orientaux ,  nous  l'avons 
choifi  pour  guide.  Les  géographes  Arabes, 
mieux  inftruits  de  la  fituation  de  leur  pays , 
le  partagent  en  cinq  provinces  qui  s'éten- 
dent  depuis  Allah  ou  Galflnn  fur  la  iner 
rouge    jufqu'à   la    mer    des  Indes.    Cette 
divifion  eft  d'autant  plus  nanirelle  ,  qu'elle 
eft  fondée  fiir  les  différens  genres  de  vie  de 
fes   habitans ,  dont    les    uns  errans    dans 
leurs  défèrts  ,  ne   s'arrêtent  que  dans  les 
lieux  où  ils  trouvent  des  eaux  pour  leiu's 
befbins ,  Se  des  pâturages  pour  leurs  trou- 
peaux.   Ils   n'ont  d'autres    toits  qtie   leurs 
tentes  \  Se  toute  leur  richefiè  coniifte  dans 
leur  bétail  Se  leurs  armes.  D'autres  fe  réu- 
niffcnt  dans  les  villes ,  qui  ne  font  que  d'igno- 
bles bourgades  formées  d'un  aifemblage  de 
tentes  ou  de  ir.aifbns  de  cannes  Se  de   ro- 
fcaux.   Ces  fimulaacs   de  villes  font  fort 

diftaijs 


ARA 

rfiftantes  les  unes  des  autres  ,  parce  que  la 
terre  rebelle  à  la  culture  ne  pounoit  fournir 
allez  de  prodnâion,«pourla  iubliltancc  d'une 
multitude  raflembice. 

La  province  de  lehania  s'étend  fiir  tout 
le  nord  de  cette  pcninfule  julqu  a  Eleaf  ; 
on   n'y  trouve   ni   villes  ni  hameaux  ,    & 
c'eft   ce   qui  lui  a  fait  donner  le  nom  du 
grand  Dffen  ;   mais  comme  le   fol    eft   le 
plus  bas  de  toute  \' Arabie  ,  on  y  rencontre 
une  quantité  de  Iburces ,  richefle  prccicufc 
pour  un  pa)-s  aride  &  delleché.  En  fortant 
de  cette  province  ,  ou  entre  daiis  le  Ka- 
jed  ,  pays  élevé  qui  n'offre  que  des  rochers 
&  des  déferts  ,   ci'où  la  diiètte  des  eaux 
profcrit  les  hommes  &  les  animaux,   ex- 
cepté dans  certains  cantons  plus  favori'cs . 
où  l'ombre  des  montagnes  garantit  des  ar- 
deurs du  foleil.  En  s'avaaçant  au  ftid-cll 
vers   l'orient  ,  on  trouve  l'Hejias  ,  pays 
dilgracié  de  la  natui-e  ,  où  la  terre  delîé- 
chce    ne    fournit  ni  eaux  ,  ni    fruits  ,    ni 
moiffons  ^  mais  la  crédulité  fiipcrilitieurey 
fait  germer  l'abondance  ,   &  cette   pro- 
vince ,  condamnée  par  la  nature  à  la  Ité- 
rilité ,  eft  devenue  la  plus  riciie  &  la  plus 
fortunée  de  VAraiic  ;  elle  fut  comme  des 
les  premiers  temps  ibus  le  nom  de  la  Ma- 
dianite  ,  où  VArabk  pétrée.  C'eft  aux  villes 
de  la  Mecque  &  de  Mcdine  qu'elle  doit 
fbn  opulence  Si  fa  célébrité.  L'une  s'honore 
d'avoir   donné  nailFance  à  Maho-net  ,    & 
l'autre  fe  glorifie  de  lui  avoir  fervi  d'atyle, 
lorfqu'au  commencement  de  fa  prédication, 
il  fut  obligé  de  fe  fouftraire  au  glaive  de  Tes 
perlécuteurs.  Bien  des  titres    annobliirent 
cette  province  :  ce  fut-là  ,  à  ce  qu'on  dit  , 
qu'Abraham   jeta  les    fondem.ens  du   plus 
ancien  temple  du  monde  ^  ce  fut-là  qu'If- 
maël  ,    forcé  de  quitter  la  maifon  pater- 
jielle ,  fut  chercher  une  nouvelle  patrie  ;  ce 
fut-là   que  Moyfè  fugitif  d'Eg}'pte  ,  fe  dé- 
roba aux  vengeances  de  ceux  qui  vouloient 
le  punir  d'avoir  tué  un  Eg)^ptien  ,   il   s'y 
maria  avec  la  fille  de  Jethro  ,    prophète 
fort   révéré  ,  qui  donna  ,  difent  les  Ara- 
bes ,  d'utiles  inftru£Hons   à  ce  condufteur 
du  peuple   Hébreu.  C'eft  encore-là  qu'on 
voit  les  montagnes  d'Orcb  &  Sinaï  ,   où 
l'Eternel  donna  des  loix  à  Ion  peuple  ,  au 
bruit  des  tonnerres  &  à  la  lueur  des  éclairs. 

C'eft  par  ces  titres  de  nob'eftê  qu'une  pro- 
Tome  ni. 


ARA  xi.i 

vince  qui  n'offre  que  des  fables  &  d;s 
rochers  d'où  fbrtent  des  eaux  ameres  ^ 
établit  fil  prééminence  8c  trouve  des  ref- 
fourccs  toujours  renaillhntes  ,  dans  une 
tradition  qui  lui  eft  glorieulc  &  avanta- 
geufe.  L'Orudc  ,  qui  oft  la  quatrième 
partie  de  cette  divifion  ,  s'étend  depuis  le 
NVijed  jufqu'à  la  terre  d'Oman.  Les  habi- 
tans  agrcftcs  &  fauvagcs  font  encore  plon- 
gés dans  la  barbarie  des  pi-emiers  temps  5 
ils  jouifTent  en  communauté  de  toutes  les 
produûions  de  la  nature  ,  qui  n'eft  pas  ex- 
trêmement libérale  pour  eux  :  l'ignorance 
où  ils  font  des  comn:odités  de  la  vie  &  des 
rafinemens  du  luxe ,  leur  fait  regarder  leur 
pays  ingrat  coir/me  la  contrée  la  plus  dc- 
licieufc  de  la  terre.  Quoiqu'on  pêche  les 
perles  liir  leurs  côtes ,  quoique  leur  fol  fc^it 
parfcmé  de  poudre  d'or  ,  ils  font  fans  atta- 
chement pour  ces  richelles  d'opinion  ,  qu'ils 
abandonnent  à  la  cupidité  des  ctrangcry 
beaucoup  plus  à  plaindre  qu'eux. 

La  province  d'Vemen,  plus  connue  fous 
le  nom  (X Arabie  hzurcufe  ,   eft  la  plus  fé- 
conde &  la  phis  étendue  \  ce  pays  li  vanté 
par  la  verdure  de  fes  arbres  ,  par  la  pureté 
de  l'air  qu'on  y  rcfpire  ,  par  l'excellence  de 
fes  fruits  ,  par  l'abondance   variée  de  fês 
lirodudions  ,   n'oFfre   plus  aujourd'hui    le 
fpcftacle  de  fon  antique  opulence  ^  on  a 
peine   à    comprendre  comment  on   a   pu 
ilonncr  le  nom  ô^'ieureufe  à  une  contrée  où  ' 
la  plus  grande  partie  du  fol  rcfte  fans  cul- 
ture ,  &  qui ,  delîechée  p;u-  des  chaleurs 
brûlantes  ,  ne  trouve  d'habitans  que  dans 
les  lieux  où  les  montagnes  prêtent  le  fe- 
cours  de  leur  ombre  :  il  eft  donc  à  préfumer 
que  les  chofcs  de  luxe  qu'elle  produit .  8c 
dont  les  peuples  policés  fe  foi.t  un  belbin, 
ont  doiuié  lieu  de  croire  que  par-tout  où 
l'on  trouvoit  des  fuperfluités  ,  on  jouiffoit 
d'un  néceifaire  abondant  :  de  même  que  le 
vulgaire  s'imagine  que  les  lieux  les  plus 
fortunés  font  ceux  qui  produifent  l'or  ,  les 
perles    8c   les  diamans.    Cette  province  , 
beaucoup  moins  féconde  que  l'Egj'pte  8c  la 
Syrie  qui   lui  font  contigucs  ,   ne   paroît 
avoir  ufurpé  le  nom  à^heureufe  ,  que  par 
comparaifon  avec  les  contrées  ftériles  8c 
indigentes  qui  l'environnent. 

V Arabie  a  trop  d'étendue  pour  que  les 
productions  de  chaque  province  foient  les 


121-  'ARA 

mêmes  ^  on  n'y  trouve  plus  ces  parfums  , 
cet  or  ,  CCS  perles  ,  ces  épiceries  dont  la 
fource  eft  épuiiee  ,  ou  dont  rexiitence 
pourroit  bien  n'être  qu'imaginaire  :  ces  ri- 
cheires  paroiffent  avoir  été  autant  de  pro- 
duirions des  Indes  &  des  côtes  d'Afrique, 
où  les  Egyptiens  alloient  les  cherclier  pour 
les  répandre  chez  les  peuples  d'occident;  & 
comme  il  étoit  de  l'intérêt  de  cacher  la 
fource  de  leur  abondance  ,  ils  aimoient 
mieux  faire  croire  qu'ils  comanerçoient  en 
Arabie  ,  où  l'on  ne  pouvoir  pénétrer  ,  fans 
expofer  fa  vie  diuis  les  làbles  &  lapoufTiere 
des  déferts.  Homère  ,  da'is  l'énumération 
qu'il  fait  des  peuples  commerçans ,  ne  fait 
aucune  mention  des  Arabes  •■,  ce  font  les 
Européens  qui  les  ont  tirés  de  l'oubli  ;  ils 
ont  tra\'eifé  les  mers  croyant  y  trouver  la 
fource  de  toutes  les  richefles  ,  S4  ils  n'en 
ont  rapporté  que  le  café  ,  qui  eft  devenu  un 
befoin  pour  les  peuples  policés ,  Se  qui  eil 
un  bien  réel  pour  le  pays  qui  le  produit. 

La  principale  richclle  de  VArabit  con- 
fiée dans  fes  troupeaux ,  &  fur-tout  dans 
les  efpeces  qui  n'exigent  pour  fe  nourrir  que 
des  herbes  fucculentes.  La  vache  y  donne 
peu  de  lait  ,  &  la  chair  du  bœuf  qui  , 
comme  elle ,  fe  plaît  dans  de  gras  pâtu- 
rages ,  eft  infipide  &  fans  fuc.  Le  veau 
gras  éîoit  un  mets  rare  &  recherché ,  qu'on 
réfcrvcit  pour  les  feftins  de  l'holpitalité. 
Le  mouton ,  le  chameau  décorent  les  ta- 
bles les  plus  délicates.  Le  cochon  ycftrare, 
parce  qu'il  auroiî  peine  à  fe  multiplier  dans 
un  pays  qui  fournit  à  peine  des  fubiîftan- 
ces  à  lès  habitaris  ,  où  l'on  trouve  peu  de 
pâturaj^es  &  de  bois  ,  de  racines  8c  de 
retres  labourables  :  prefque  tous  les  légilla- 
teurs  de  l'orieiit  ont  défendu  de  s'en  nourrir 
parce  que  ,  outre  que  la  chair  en  eft  fafti- 
dieufè  &  dégoûtante  ,  elle  eft  encore  nui- 
fible  à  la  faute  :  ces  animaux  fujets  à  la 
ladrerie  ,  qui  eft  contagieufe  ,  pourroicnt 
la  communiquer  aux  troupeaux  dont  la 
chair  fcrt  de  nourriture  aux  homines.  Il 
fiilloit  que  Vylrabie  ,  malgré  la  ftérilité  de 
fon  fol  ,  fût  ii.Tchargée  de  troupeaux  , 
puirqu'clle  en  faifoit  un  grand  objet  de  com- 
merce avec  (es  voilins  \  mais  on  f  lit  que  , 
dans  tous  les  climats  brûlans ,  il  fc  fait  une 
plus  grande  confommation  de  fruits  que  de 
viandes.  Le  bétail  u'étoit  pus  ion.  unique 


A  RA 

Ticheïïê  ;  on  a  beaucoup  vanté  l'excellence 
de  ies  dattes  ,  la  iuavité  de  fes  parfums ,  le 
goût  délicieux:  de  fes  fruits ,  la  beauté  de 
fon  ébene  &  de  Ibn  ivoire.  Toute  l'anti- 
quité dépofe  que  lesTyriensy  puifoientces 
monceaux  d'or  qu'ils  étaloient  comme  ligne 
de  leur  puiflancc  :  c'étoit  ,  dit  -  on  ,  dans 
les  provinces  méridionales ,  que  germoit 
ce  précieiL>v  métal  dont  les  habitans  fai- 
foient  des  tables  ,  des  fieges  &  des  lits  ;  ils 
ouvroient  les  entrailles  de  la  terre  ,  d'où  ils 
en  tiroient  des  morceaux  de  la  groffeur 
d'une  noix.  Hérodote  fait  mention  d'une 
rivière  qui  rouloit  tant  d'or  ,  que  fes  eaux 
portoient  tout  l'éclat  de  ce  métal  :  ces  ri- 
chefles étoient  inutiles  à  ces  pofiéiléurs ,  ip.i 
préféroient  une  indigence  parelfeufe  ,  à  des 
biens  qu'il  failoit  acquérir  par  un  travail 
pénible.  Un  nombreux  troupeau  leur  pa- 
roilFoit  une  richelTe  plus  réelle  que  des 
perles  &  des  diamans  ,  que  la  nature  a 
enfouis  dans  le  fein  do  la  terre  ,  comme  fi 
elle  eût  préui  qu'ils  feroieiit  les  aliir.cns  de 
nos  maux  &  de  nos  crimes. 

\J Arabie  eft  infeftée  de  toutes  les  bêtes 
féroces  qui  préfèrent  aux  terres  humides , 
les  {àbles  brûlans  &  les  montagnes  arides  : 
elles  établi/font  leur  demeure  dans  les  ca- 
vernes d(ts  montagnes  ,  dans  les  fentes  des 
rochers  ,  ou  dans  des  tanières  qu'elles  le 
crculènt  elles  -  mêmes.  Ces  rois  folitaires 
exercent  lui  empire  abfolu  dans  les  déferts  , 
dont  l'homme  fier  de  fes  titres,  n'eft  que 
le  monarque  dégradé.  Mais  il  les  lions  , 
les  tigres  ,  les  hyènes ,  les  panthères  &  les 
léopards  ,  exercent  avec  impunité  leurs 
ra\ages  dans  les  déferts ,  on  trou^'e  dans 
les  montagnes  d'autres  animaux  qui ,  quoi- 
qu'auftl  féroces  ,  produifent  de  grands 
avantages  pour  le  commerce  ;  tels  font  les 
chats  muf  jués  ,  la  civette ,  la  belette  odo-  , 
rante  ,  la  genette  ,  le  chevreuil  de  mufc,oC 
plalieurs  autres  que  l'éducation  dépouille 
de  leurs  inclinations  féroces ,  &  que  l'ha- 
bitude accoutume  à  la  difcipline  don'.eûi- 
quc.  Ces  animaux  portent  auprès  des  par- 
ties de  la  génération ,  irn  fac  dans  lequel 
fe  filtre  une  humeur  odorante  ,  dont  on 
fait  des  pommades  &  des  parfums  fort 
recherchés.  Les  anciens  ,  qui  en  connoif- 
foient  la  vertu  ftimulante  ,  en  ccmpolbicnt 
des  philtres.  Les  peuples  de  l'orient  iifeut 


A  Fv   A  riî 

pns  refpii'cr  un  air  de  fci!  ,  &  pour  iê 
dcrc/hcr  aux  aideurs  d'un  foyer  que  les 
ve;iîs    femblent    proiiicner   daus    les    airs. 

(T-N.) 

Arabie,    (Comm.)  L'intérieur  de  1'^^- 
rabic  étoit  jufqii'ici  peur  iiciis  un  pays  en- 
tièrement  inconnu.    Les   voyageurs  ^   daus 
Icr.rs  relations  ,   (a  font  bornés  à  la  defcrip- 
tion  dos  côtes  de  cette  vaftc  contrée  qlii , 
fans  doute  ,  avoient  été  le  terme   de   leurs 
courics.    M.  Midiaëlis ,    célèbre  profclîèur 
de  Gottingue ,   propofa  au  feu  roi  de  Da-. 
nemarck.  d"en\'oyer  cinq  favans  reconnoîtk'B 
le  terroir    &  les   produdions  de  V Arabie  i 
de  ces  cinq  Danois  il  en  mourut  quatre  fiir 
la  route.   M.  Nicbuhr  ,  qui  étoit  chargé  dé 
la  partie  géographiqrc ,  a  tâché  de  remplif 
tout  feul  le  but  de  foji  voyage  ^  il  en  a  pu- 
blié la  relation  en  1772  :  nous  en  extrairont 
ce   qu'il  y  a  de  relatif  à  notre    cbjct ,   en 
l'abrégeant. 

De  toutes  les  cartes  de  ÏArabie  qui  ont 
paru  jufqu'ici  ,  ce  favant  donne  la  préfé- 
rence à  celle  de  M.  d'Anville  ,  publiée  eii 
17 51  ,  fous  \c  titre  :  ficniiere  partie  de  la- 
carte  cfA/ie  ,  la  Turquie  ,  l'Arabie  ,  Pliide 
&  la  Tartarie. 

Il  a  auffi  recueilli  un  grand  nombre 
d'iiifcriptions  &  de  médailles  en  carafteres 
cufiques  ,  &  dont  il  rapporte  les  explica- 
tions données  par  M.  Reiske  ,  piofeîleura 
Leipfick.  Parmi  ces  antiques  on  diftingua 
un  moyen  bronze  qui  oiîre  l'image  de  la 
croix  ,  aycc  le  nom  d'un  calife  &  une 
légende  Turque  :  on  ceifera  d'être  étorij.é 
d'un  auffi  bizarre  mélange  ,  lorfqu'on  fau:  a 
que  cette  médaille  fiit  frappée  dans  u.i 
pays  qui  étoit  eri  menie  temps  gouveinî 
par  les  empereurs  Grecs  &  par  les  califes 
de  Bagdad. 

U Arabie  cft  divifée  en  huit  provinces  en- 
tièrement indépendantes  les  unes  des  autres, 
&  qui  font  Ardcl  ,  lemen  ,  Hadramar.t  , 
Oman  ,  les  contrées  fituc-es  le  long  du  golfe 
Perfique,  Hadsjar,  Mcdficd  ,  Hcdfias ,  oC 
le  pays  des  Bédouins. 

La  province  dlemen  qui  a  48  milles 
d'Allemagne  de  longueur  ,  far  vingt  de  lar- 
geur ,  eft  partagée  en  quatorze  diftrids.  Les 
principaux  font  les  feigneuries  d'Aden  &L 
de    Kaukebon  ,    le    pays    du    lemen  pro- 


ARA 

encore  t^c  cet  nrtifîcc  pour  llipplécr  à  la 
Cage  ccoiiomie  de  la  nature, 'trop  avare  au 
gré  de  leurs  dcfirs  immodérés.  Les  Hol- 
haidois  excellent ,  dit-on ,  dans  la  compo- 
sition de  ces  ponmiadcs ,  bi  on  les  croit 
beaucoup  phis  aâ:i\es  &  vivifiantes  que 
celles  de  ï Arabie  &  des  Indes  ,  qu'on  altère 
par  le  mélange  des  drogues  odorantes. 

Quoique    le  fol  de  ï Arabie  ne    Ibit  en 
général  que  Cible  &  poullicre ,  il  eic  certains 
C^'ntons  privilégiés    où   des  iburces    abon- 
d.iiites  arrofent  des   terrains  imprégnés  de 
fel ,  qui  n'ont  bcfoin  que  d'être  amollis  par 
l'humidité  pour  produire    de   riches    moif- 
fons.  'l'ont  i'art  du  cultivateur   fc  borne  à 
bien  préparer  la  terre ,  pour  recevoir  les 
feis  qui  ont  befoin  du  fècours    des  eaux , 
pour   donner  au  fol  un  aliment  convenable 
à  la  fcmencc   qui  lui   a  été    confiée.    Les 
déferts  cou\'erts  de  fable  n'ont  pas  la  même 
rcllburce  :    les    eaux  concentrées   dans  les 
entrailles  de  la  terre  ,    ne  peuvent  s'élever 
dans  l'air  ,    ni  lui   donner  ces  vapeurs  vi- 
vifiantes qui ,  en  retombant  fur  la  fi'.perfi- 
cie  du   fol  ,   s'infinuent    dans   fon  fein  pour 
en  favorifèr    la  fécondité.   y\ini'î   ,  ^tandis 
que  certains  cantons  font  rafraîchis  par  des 
pluies  abondantes ,  d'autres  languilfent  dans 
l'aridité.  Cette  inégalité   n'a  d'autre  caufe 
«[ue  la  pofîtion  des  eaux  :  coulent-elles  fur 
la  furface    de   la  terre  ;,   l'aâiion   du   foleil 
attire    des    vapeurs   humides    d'où  ic   for- 
nicnt    des    orages  :    font-elles    renfermées 
dans    l'intérieur  de  la  terre  '-,    le   foleil  cfi: 
âmpulifant  à  les  en  détacher  pour  tempérer 
l'ardeur  de  fes  rayons ,  &  le  fol  brûlé  par 
lès    ravages   ,    n'eft    pliis    que   cendre   & 
pouffiere.  Le    même  phénomène  fe  fait  re- 
marquer dans  tous   les   pays  voiiins  du  tro- 
pique \  les   Grecs  établis  fur   les  côtes  de 
Cirene  en  Afrique  ,  avoient  peine  à  com- 
prendre comment  la  Lybie,  qui  étoit  con- 
tiguë    à   la    Pentapole    qu'ils    habitoient    , 
cp-rouvoit  une   fécherelfe  continuelle ,   tan- 
dis   qu'ils    étoient    fans  celle    inondés    de 
pluies  qui  leur  faifoient    dire  que  leur  ciel 
étoit  percé.  Quoique  YArabie   fcit  fbuvent 
agitée   de  tempêtes    violentes ,  l'air  y   eft 
par-tout  égalemeiit  brûlant  ;   &  c'eil  quand 
les   vents  fouillent    avec    le    plus    de  vio- 
lesice  que   la  chaleur  eft  excellive.  L'on  eft 
obligé  de   fe  coucher    par  terre    pour   ne.|  premeut-  dit,  Chaiilan,  kaifigtau De 

Q  i 


ii4  ARA 

tous   les  étals  à' Arabie  ,  l'Iemen  eft  le  phis 
uniforme  &  le  mieux  policé  •,  gouverné  d'à 
bord  par  des  fbiiveraius  particuliers ,  il  reçut 
ralcoran  la  Septième  année  de  l'hégire. 

Cette  belle  province  excita  plufieurs  fois 
l'anîbiîicn  de  l'Egypte  ,  &  fut  foumife  aux 
iùltans  ottomans.  Elle  devint  la  proie  de 
Saladin  ,  de  Guri ,  de  Soliman  ;  mais  l'a- 
mour de  la  liberté  triompha  toujours  des 
armes  ottomanes  flir  les  montagnes  de 
cette  province.  En  1630  ,  KhaiTem  ,  l'un 
fies  fcheichs  indépendans ,  força  les  bâchas 
Turcs  à  quitter  le  pays  :  Ifmaël ,  fon  fils , 
affermit  cette  heureufè  révolution ,  &  prit 
la  qualité  d'iman  :  on  l'honora  comme  un 
iàint  pendant  fa  vie  &  après  là  mort  :  fon 
renoncement  aux  plaifirs  du  fiecle  ,  fa 
frugalité  ,  fa  inodération  ,  furent  les  titres 
de  ion  apothéolè.  Il  n'eut  d'autres  reve- 
rus  que  le  produit  de  la  vente  des  bonncis 
qu'il  n'avoit  pas  dédaigné  de  faire  lui- 
ir.ême. 

De  toutes  les  villes  commerçantes  de 
Y  Arabie  ,  la  plus  riche  ,  la  plus  flcrilfante , 
cil  celle  de  IVloka  ,  fituée  dans  un  terroir 
llérile ,  à  ijd  19'  de  latitude.  On  voit  pref- 
que  toujours  ibn  port  rempli  de  vaiiTeaux 
qui  arrivent  d'Egypte  &  des  Indes.  Moka 
ïut  fondée  par  un  fage  de  la  feâe  de  Sunni , 
qui  s'étoit  confiné  dans  un  hermitage  des 
environs.  Almanzor  ,  fécond  calife  Abaf- 
ilde  ,  bâtit  près  de  la  cellule  d'un  autre  phl- 
îofophe ,  la  ville  de  Bagdad  ,  qu'on  peut 
appeller  lùBabylone  de  ï Arabie. 

Beit-el-fakih  (  c'eft-à-dire  ,  la  maifon 
tles  favans  )  ,  fituée  au  14^  31'  de  latitude, 
eft  maintenant  l'entrepôt  du  commerce  du 
café  :  c'eft  au  port  de  cette  ville  qu'abor- 
dent continuellement  des  vaiiTeaux  de  tous 
les  pays  ,  pour  acheter  cette  denrée  ,  de- 
venue ii  précicufc  &  fi  néceiTaire  en  Afie 
&  en  Europe.  La  croupe  des  montagnes 
voifines  prclènte  de  tous  côtés  des  cafiers. 

Sana  ,  capitale  de  l'Iemen  ,  cft  le  lieu 
de  la  rcfidencc  de  l'Iman.  Sa  fituation , 
peu  favorable  pour  le  commerce  ,  n'y  attire 
point  cette  foule  d'étrangers  qu'on  remar- 
que dans  les  villes  dont  nous  venons  de 
parler  ;,  mais  l'air  y  ell  infiiiiment  plus  pur  , 
phis  fain  ,  {k  le  foleil  beaucoup  moins  ar- 
dent. Elle  connnande  une  vafîe  phiiiic  où 
la  r.aturc  a  pris  pluilir  d'étaler  fcs  plus  pré- 


A  R  A 

cieux  tréfors.  Tel  eft  le  féjour  où  quelque» 
pontifes  mufiilmans  s'endorment  dans  les 
bras  de  la  molleire  &  de  la  volupté. 

Taâs ,  éloigné  de  l'équateur  de  1^  i/^' , 
eft  rempli  de  mofquées  magnifiques  ,  qui 
atteftent  fon  ancienne  fplendeur. 

Aden  ,  l'une  des  plus  anciennes  &  des 
plus  célèbres  villes  de  \ Arabie  ,  fituée  à 
iz<^  40'  de  latitude  ,  a  fecoué  depuis  1740 
le  joug  de  la  domination  de  l'iman.  Le  def- 
potifme  des  pontifes,  le  fouvenir de  l'expul- 
fion  des  ottomans  ,  encouragèrent  les  habi- 
tans  à  tenter  cette  révolution.  Ils  réclamèrent 
leurs  anciens  droits  ,  &  nommèrent  un 
fcheich  qui  ne  devoit  exercer  fur  eux  qu'une 
puilfance  paternelle. 

Dans  la  vafte  contrée  de  Hafchid  &  de 
Bekil ,  on  trouve  plufieurs  chefs  qui  font 
autant  de  fouvcrains  fous  le  titre  de  Nakib. 
L'iman  iè  fait  gloire  de  les  avoir  pour  alliés*, 
&  c'eft  parmi  les  Arabes  de  ce  pays ,  qu'on 
regarde  comme  les  plus  belliqueux  ,  qu'il 
forme  fes  meilleures  troupes.  Le  métier  de 
partifan  eft  fort  à  la  mode  dans  le  Nedsje- 
tan  ;  un  fcheich  de  ce  diilriâ:  ,  appelle 
Mekkrami ,  tra\'erfa  Y  Arabie  avec  un  camp 
volant,  depuis  la  mer  rouge  jufqu'au  golfe 
Perfique. 

Les  habitans  de  Sahan  ne  connoifl"ent 
d'autres  loix  religieufes  ou  civiles  ,  que 
celles  de  l'inftinft.  Ils  fe  contentent  d'une 
feule  femme  ,  &  ne  marient  leurs  filles  qu'à 
quinze  ans  ,  tandis  que  dans  le  diltrict  de 
l'iman  ,  elles  font  communément  mères  à 
l'âge  de  neuf  ou  dix  ans. 

Les  mœurs  ,  les  ufages  ,  tout  chez  ce 
peuple ,  annonce  une  iimplicité  &  une  in- 
nocence qui  valent  bien ,  fans  doute ,  les 
vices    aimables  des  villes  polies. 

Dans  la  province  d'Oman  ,  les  débau- 
ches du  pontife  Seif-Bcn  ,  fultan ,  ont  opéré 
depuis  peu  une  révolution  remarqu.ible. 
Achmct-Bcn-Said  qui  l'a  chaflc ,  par  la  dou- 
ceur de  fon  règne  ,  fit  oublier  aux  habitans 
les  maux  qu'ils  avoient  foufferts  fous  de  per- 
fides ufurpateurs. 

Mafcat ,  fitué  au  23<l  37'  de  latitude  , 
a  un  port  audi  siir  que  commode.  Cette 
ville  ,  la  plus  riche  &  la  plus  comiîierçante 
de  Y  Arabie ,  qui  s'étend  le  long  du  golfe 
Perfique  ,  eft  défendue  par  deux  ci>âteaux. 
Les  Portugais  i'enip;ixcrcat  de  cette  plaça. 


ARA 

en  1 508  ,  &  la  perdirent  1 50  années  après , 
parce  que  le  gouverneur  avoit  enlevé  la 
£lle  d'un  Banian. 

Parmi  les  différentes  cclonics  Arabes , 
établies  fur  la  plage  maritime  du  goUc 
Perfique ,  la  plus  confidcrable  cft  la  ville 
d'Abulchahr  ,  éloignée  de  Téquateur  de 
z8<*  59'.  Celle  de  Ganibron ,  fondée  par 
Schab-Abhas ,  a  perdu  depuis  les  troubles 
qui  fuivirent  la  mort  violente  de  Schach- 
Nadir  ,  cette  opulence  ,  cette  fplendeur 
qu'elle  dcvoit  à  l'étendue  de  fou  com- 
merce. 

L'île  de  Baharein ,  qui  renferme  cin- 
quante petits  villag-es ,  appartient  mainte- 
nant ,  ainli  que  la  pêche  des  perles  qui  fe 
fait  dans  les  parages ,  au  fcheich  d'Abuf^ 
chahr ,  Arabe  de  nation  :  elle  lui  produit 
environ  67  mille  écus. 

A  cinq  lieues  de  cette  lie  ,  on  trou^-e 
la  ville  de  Katif  qu'enrichit  la  pêche  des 
perles ,    entreprifb  aux  frais  des  habitans. 

Les  Arabes  de  la  pro\  ince  de  Hedlîas , 
ne  dépendent  eu  rien  des  Ottomans.  Il  eu 
vrai  qi:e  le  Grand  Seigneur  a  un  Bâcha 
à  Olîadda  ,  ville  maritime  de  cette  con- 
trée ■■,  mais  fa  jurifdifticn  ne  s'étend  pas 
au  delà  des  murs  de  la  cité. 

Le  Sultan  envoie  chaque  année  à  la 
Mecque  &  à  Médine  quatre  ou  cinq  vaif 
féaux  chargés  de  denrées  ,  qui  font  diftri- 
biiés  aux  habitans  de  ces  villes.  Il  fait  paiîer 
anfli  annuellement  an  liege  de  la  foi  Mu- 
fulmane  ,  des  fommes  immenfes  que  par- 
tagent entr'eux  les  defcendans  de  Malio- 
met.  Rien  de  plus  lîmple  que  l'architeâure 
de  la  Câba  ou  inaifon  de  Dieu  :  à  deux 
tiers  de  fa  hauteur  ,  pend  ime  large  bande 
de  foie  noire ,  qui  prélènte  les  principaux 
paffages  de  l'alcoran,  brodés  en  or.  Les 
revenus  de  la  plupart  des  bains  ,  bazars  & 
caravanlèras  qui  font  en  Turquie  ,  appar- 
tiennent à  cette  célèbre  mofquée. 

Dans  toute  la  prefqii'île  de  Y  Arabie  ,  on 
ne  connoît  que  deux  faifons  ,  la  feche  ^ 
la  pli;\ieuic  :  celle-ci  commence  ])our  la 
province  d'Icinen  ,  vers  le  milieu  de  Juin  , 
&  finit  en  Septembre  :  à  Malcat ,  elle  dure 
depuis  le  21  Novembre  au  18  Février  ;,  & 
dans  l'Oman ,  depuis  le  19  Février  jufqu'au 
20  Avril.  La  chaleur  n  eft  pas  moins  fujette 
à  des  variations  que  le  froid  j  à  Sara  le  tlier- 


A  R  A      ■  125 

mometre  n'a  jamais  été  au  delà  de  85  de- 
grés,  depuis  le  18  au  29  Ac  Juillet ,  tandis 
que  dans  le  Théama  ,  qui  cfl  plus  bas  que 
l'Ionien  ,  on  l'a  vu  au  98  i\<:gié  ,  depuis 
le  6  au  21  Août.  Les  Arabes  donnent  le 
nom  de  famum  à  leur  canicule ,  ainli  qu'à 
un  vent  mortel  qui  fou f fie  i)endant  les 
grandes  chaleurs  ilans  le  défert ,  entre  Baf- 
fora  ,  Bagdad  ,  Alep  &  la  Mecque.  Pour 
fe  garantir  du  danger  qui  les  menace  ,  les 
habitans  fe  jettent  à  terre.  Les  peuples  de 
l'île  de  Charedfi  &  de  Marcdin  ,  n'ont  rien 
à  redouter  du  ihnium  :  ils  couchent  en 
;)leiii  air  depuis  le  15  Mai  julqu'en  Odobrc, 
fans  en  être  aucunement  incommodés.  Foyei 
Sa  MU  M. 

Les  Arabes  ne  rcconnoiffcnt  pour  noblci 
que  les  defcendans  de  Mahomet  &  des 
Scheichs,  (fcigneurs  indépendans.)  Prefque 
tous  les  Schérifs  ou  Emirs  ,  font  reinomer 
leur  origine  au  faint  prophète.  Les  Arabes 
obfervent  à  la  rigueur  la  tolérance  rc!i- 
gieufe ,  &  font  prêts  à  recevoir  dans  leur 
communion  tous  ceux  qui  le  défirent.  Le 
goi;vernement  de  Moka  paie  ,  à  chaque 
nouveau  converti ,  un  écu  &  un  quart  par 
mois ,  jufqu'à  ce  qu'il  ait  appris  un  mé- 
tier. Quant  à  la  fuperftition  ,  elle  règne 
parmi  les  Arabes  comme  chez  la  plupart 
des  autres  nations. 

On  trouve ,  fur  les  montagnes  de  Hedfias , 
des  tribus  entières  de  Juifs  ,  qui  ne  rccon- 
noilfent  d'autre  dominalion  que  celle  de 
leurs  Scheichs  j  les  chrétiens  y  font  en  petit 
nombre  ;  &  de  tant  de  temples  fuperbes  qui 
avoient  été  élevés  au  vrai  Dieu  dans  cette 
vafie  contrée  ,  il  ne  leur  relie  plus  qu'une 
églife  à  Balfora. 

L'éducation  des  Arabes  eft  très-févere  : 
à  peine  font-ils  fortis  du  harem  ,  d'où  on 
les  retire  à  l'âge  de  quatre  à  cinq  ans  ,  que 
les  percs  les  tiennent  continuellement  auprès 
d'eux  ,  fans  leur  permettre  les  amuretiiens 
les  plus  innocens.  Le  beau  fexe  ne  paroît 
jamais  dans  les  compagnies  :  en  peut  juger 
par-là  du  pLifir  qu'on  y  goûte.  On  n'eft 
guère  moins  délicat  en  Arabie  fur  le  point 
j'hoiuiear ,    que  dans  les  autres  pays. 

Les  loix  pénales  ont  beaucoup  de  rapport 
avec  les  loix  judiciaires.  A  Sane  on  décerne 
la  peine  de  mort  contre  l'hoinicide  ;  mais  , 
dans  quelques  autres  diftrids  de  l'Iemcn  , 


»i(f  AilA- 

Ics  pp.reiîs  de  l'aiTafTiiic  ont  Je  choix  de  faire 

quelque  pcco.rmodciiient  avec  le  meurîrier, 
ou  de  le  battre  en  duel. 

Les  liabitans  de  VAral-k  àé^zxXc  préfè- 
rent l'état  de  vierg-e  à  la  plus  riche  dot.  Le 
moindre  foupçon  lur  la  conduite  d'une  fille  , 
eft  une  railhn  fufnfaute  de  la  renvo}-er, 
Chofe  iiii'juliere  !  fi  un  père  fiirpreiul  la 
fillei  en  fla  jrant  délit  avec  un  fédudteur  , 
il  a  le  droit  de  lui  ôtcr  la  vie  ■^  il  n'efc  point 
obligé  d'examiner  li  le  criine  a  été  volon- 
taire ou  no!i.  Les  geiîs  aifés  le  contentent 
ordinairement  d'uiic  femme  ,  parce  qr.c  les 
polygames  y  font  Hjjets  à  quelques  loix  peu 
coînmcdcs. 

C'eft  à  tort  que  la  plupart  des  voyageurs 
ont  avancé  ,  qu'en  Arabie  les  pères  vendent 
leiirs  filles  au  plus  olirant  :  il  en  ell:  peu  qui 
ne  foient  dotées.  La  femme  peut  diipofer 
de  fa  dot  comme  d'un  bien  qui  lui  appar- 
tient exclurivement  ,  &  le  mari  s'engage 
devant  le  Cadi ,  à  payer  à  ion  épouiè  ,  en 
cas  de  divorce  ,  une  certaine  foinme  Ipé- 
cifiée  dans  le  contrat  de  mariage  :  ils  ont , 
l'un  &  l'auti-e  ,  le  même  droit  de  demiuidcr 
la  icparation  de  biens  8î  de  corps. 

La  vertu  d'hofpitaliîé  caraétérile  parti- 
culièrement la  nation  Arabe  :  les  feigneurs 
des  villages  vinrent  plufieurs  fois  eux-mê- 
mes inviter  M.   N à   leur  table  ,    & 

comme  le  voyageur  n'acceptoit  point  leurs 
oiTres  ,  ils  lui  iaifoient  palier  les  mets  les 
plus  délicieux.  Les  écoles  font  fiîuées  fiir 
les  grandes  places  des  villes  ;  c'clt-là  qu'on 
voit  chaque  étudiant  aiïis  devant  fon  pupi- 
tre ,  fans  être  difirait  p;ir  le  bruit  des 
paiîans.  La  province  de  l'Iemcn  a  deux 
académies ,  l'une  à  Zcbid  ,  l'autre  à  Damar. 
La  première  eil:  réfervce  aux  Siumites  ,  la 
fecondc  aux  Zeïditcs.  Quand  il  s'agit  de 
décider  des  points  de  controverfe ,  on  a 
recours  à  l'académie  du  grand  Caire. 

Les  Arabes,  en  général,  &  particuliè- 
rement ceux  du  défert ,  ont  un  talent  fupé- 
rieiu-  pour  la  verfification.  L'auteur  raconte 
<}u'un  Schcich  ,  ayant  vu  un  oifcau  s'envo- 
ler du  toït  d'une  maifon  qui  étoit  vis-à- 
lis  de  la  prifon  où  on  l'avoit  confiné  , 
compofa  fur  le  champ  un  poème ,  dans 
lequel  il  faifoit  voir  combien  il  y  auroit 
de  mérite  à  lui  rendre  la  liberté.  La  mufe 
du  prifoiinier  fiécliit  l'Iman  ,   qui  le  re- 


ARA 

mît  en  pofTefTîon  de  fes  droits  priniîflf?. 
Les  fcieuccs  exacres  font  encore  au  t-er- 
ceau  en  Arabie  :  les  cônuoifliuiccs  afrrono- 
miqiîes  de  ces  peuples  le  bornent  à  la  no- 
tice hiftorique  des  allrcs.  Dans  ce  pays  , 
chaque  particulier  eft  fi-n  propre  médecin. 
De  tous  les  animaux  le  cheval  y  eft  lo 
plus  eftimé,  far-tout  de  l'elbcce  de  ceux 
que  l'on  appelle  koch'ani  ,  dont  la  noblelFe 
cil  juridiquement  prouvée  ,  6c  que  leî 
Bédouins  élevem  entre  Baffi-ra  ,  Merdin  & 
la  frontière  de  la  Syrie  :  ils  ne  for.t  i-emar- 
quab'es,  ni  par  leur  grandeur  ,  ni  par- leur 
beauté  ^  une  agilité  extraordinaire  ,  une 
douceur  extrême  ,  un  attachem.ent  fingulier 
pour  leiu-s  maîtres  ,  voilà  ce  qui  en  fait 
le  prix.  Voye[  Journal  Encycl.  j'eptembie 

I77^  (C) 

ARABIHISSAR,  (Géogr.)  petite  ville 
de  la  Turquie  dans  l'Anatolie.  Elle  eft 
fituée  fur  le  bord  méridional  de  la  rivière 
Schina  :  on  croit  que  c'eil  l'ancieiuie  Alinda. 
Les  mai/bns  qui  y  relient  font  chéti\'es  ,  Se 
les  liabitans  pauvres  &  miférables.  (  C.  A.) 

♦ARABIQUE  (gomme),  mat.  méd. 
eft  un  fuc  en  grumeaux ,  de  la  groflcur  d'une 
aveline  ou  d'une  noix ,  &  même  plus  gros  , 
en  petites  boides  ;  quelquefois  longs ,  cy- 
lindriques ou  vermiculaires  ■-,  d'autres  fois 
tortillés ,  8c  comme  des  chenilles  repliées 
fur  elles-mêmes  ;,  tranfiiarcns ,  d'un  jaune 
pale  ou  tout-à-fait  jaiuie  ,  ou  brillans  ^ 
ridés  à  la  llirface  '-,  fragiles ,  luifans  en- 
dedans  comme  du  verre  ,  s'amoUilIant  dans 
la  bouche  ,  s'attachant  aux  dents  ;  fans 
goût ,  &  donnant  à  l'eau  dans  laquelle  on 
les  dillbut  une  vifcofité  gluante. 

La  gomme  arabique  vient  d'Egy^ite  , 
d'Arabie,  &  des  côtes  d'Afrique.  Celle 
qui  eft  blanche  ou  d'un  jaune  pâle  ,  tranf- 
parente ,  brillante  ,  feche  &  fans  ordure  , 
eft  la  plus  eftiméc.  On  en  apporte  auili  en 
grands  morceaux  roullàtres  &  lalés  ,  qu'on 
vend  aux  artifans  qui  en  emploient. 

Il  eft  conftant ,  dit  M.  GeolFroi ,  que  la 
gomme  thébaïque  ou  égyptiaque  des  Grecs 
&  Varabiijue  de  Sèrapion  ,  eft  un  liic  gom- 
meuxqui  découle  de  l'acacia  :  mais  on  doute 
ii  celle  de  nos  boutiques  eft  la  même  que 
celle  des  Grecs.  M.  Geoftroy  prouve  que 
ce  doute  eft  nîal  fondé.  Voye^  la  Matiert 
J  mcd.  L'acacia  qui  doiuie  la  gomme  arabiqut 


ARA 

eft ,  félon  lui ,  un  grand  arbre  fort  brnn- 
chu ,  dont  les  racines  fe  diilribiicnt  ik  s'é- 
tendent en  rameaux  ,  6f  dont  le  tronc  a 
fouvent  un  pié  d  cpaiffcur  ,  qui  é<ralc,  ou 
même  ftirpaifeen  hauteur  les  autres  acacia  ;, 
qui  eft  ferme  &c  armé  de  fortes  épines  ^ 
qui  a  la  feuille  menue,  conjuguée  &  ran- 
gée par  paires  fur  une  cote  de  deux  pou- 
ces de  long ,  d'un  vcrd  obfcur  ,  loii.fac 
de  trois  lignes  &  large  à  peine  d'une  ligne , 
&  dont  les  fleurs  viennent  aux  aiirdks  des 
côtes  qui  portent  les  feuilles ,  ramallécs  en 
un  bouton  fjihérique  porté  fur  un  pédi- 
cule d'un  pouce  de  long ,  &  font  de  cou- 
leur d'or  &  fans  odeur ,  d'une  feule  pièce  , 
çn  tuyau  renflé  à  Ion  extrémité  fupéricure  , 
&  divile  en  cinq  legmens  :,  garnies  d'un 
grand  nombre  d'étamines  ,  Se  d'un  piftil 
qui  dégénère  en  une  goulîé  femblable  en 
quelque  chofe  à  celle  du  lupin ,  longue  de 
cinq  pouces  ou  environ  ,  bnme  ou  rouf- 
fâtre  ,  applatie  ,  cpaifî'e  d'une  ligne  dans 
Ion  milieu  ,  plus  mince  fur  les  bords  , 
large  inégalement ,  fi  fort  étranglée  par  in- 
tervalles ,  qu'elle  repréfente  quatre  ,  cinq, 
fix,  huit,  dix,  Se  même  un  plus  grand 
nombre  de  papilles  applatics ,  unies  enlèni- 
ble  par  un  hl  d'un  demi-pouce  dans  leur 
plus  grande  largeur ,  d'une  li:;-nc  à  peine  à 
l'endroit  étranglé  ^  plcip.es  chacune  d'uiie 
fèmcnce  ovalaire  ,  applatie  ,  dure  ,  mais 
moins  que  celle  du  caroubier  ,  de  la  cou- 
leur de  la  châtaigne  ^  inarquée  tout  au- 
tour d'une  ligne  telle  qu'on  la  voit  aux  grai- 
nes de  tamarins ,  Se  cn^'cloppée  d'une  ef- 
pece  de  mucilage  gommeux,  allriiigcnt, 
acide  ,  &  rouffâtre.  Cet  acacia  ,  fi  l'on  en 
croit  Augiiftin  Lippi  ,  eft  conunun  en 
Egypte  ,  auprès  du  grand  Caire. 

On  pile  les  gonfles  quand  elles  font  en- 
core vertes  ,  &  l'on  en  exprime  un  fiic  que 
l'on  fait  épaiiïir  &  que  l'on  appelle  fuc 
d'acacia  ;  mais  il  découle  des  fentes  de 
l'écorcc ,  du  tronc  &  des  rameaux  une  hu- 
meur vifqueuiè  qui  le  durcit  avec  le  temps , 
&  qu'on  appelle  gomme  vermiculaire. 

La  gomme  arabique  domie  dans  l'analylè 
du  flegme  limpide,  làns  goût  Se  iàns  odeur, 
un  acide  rouflàtre ,  une  liqueur  alkaline  ,  Se 
de  l'huile. 

La  mafle  noire  reftée  dans  la  cornue, 
calcinée  au  feu  de  réverbère  pendant  trente 


ARA  117 

heures,  lai/Te  des  cendres  grlfcs,  dont  ou 
retire  parlixiviation  du  fel  fixe  alkali. 

La  gomme  arabique  n'a  ni  goût  ni  odeur. 
Elle  {e  difiout  dans  l'eau  ,  mais  non  dans 
l'eiprit-de-vin  ou  l'huile ,  elle  fô  met  eu 
charbon  dans  le  féu  :  elle  ne  s'y  enflamme 
pas  ^  d'où  il  s'enfuit  qu'elle  eft  compoice 
d'un  fcl  falé  ,  uni  avec  une  huile  groiïiere 
Se  une  jjortion  aflcz  confidérablc  de  terre  ; 
elle  entre  dans  un  grand  nombre  de  médi- 
camcns  ;,  on  la  donne  même  comme  ingré- 
dient principal. 

Elle  peut ,  par  fes  parties  mucilagineufes , 
adoucir  la  lymphe  acre  ,  épaiflir  celle  qui 
eft  terme  ■■,  Se  appaifer  les  mouvemcns  trop 
violens  des  humeurs.  On  s'en  fert  dans  lu 
toux  ,  l'enrouement ,  les  catarres  fiilés ,  le 
crachement  de  fang  ,  la  ftrangiirie ,  Se  les 
ardeurs  d'urine.  f^oye[  Mat,  méd.  de  M. 
Geofroy. 

Cette  f.ibftance  ,  de  nature  végétale  , 
abiblument  Icmblable  à  celle  qui  s'échappe 
par  les  fentes  ou  crevaiïës  de  la  plupart  de 
nos  arbres  fruitiers ,  eft  le  corps  muqueux  , 
fade  ou  gommeux  des  ciiymiftes,  appelle 
vulgairement  mucilage.  Il  y  a  néanmoins 
quelque  différence  entre  ce  corps  ou  cette 
gomme  ,  Se  le  mucilage  proprement  dit  j 
on  obfcrve  même  quelques  variétés  enti^c 
cette  gomme,  prifedans  différcns  végétaux. 
La  gomme  arabique  eft  alimenteulè,  à  con- 
fidérer  fês  principes  ^  Se  l'cbièrvaticn  vient 
à  l'appui  de  cette  conjecture ,  déduite  de 
l'aualyfe  chymique.  M.  Adanfon  rapporte 
que  ks  nègres  qui  portent  cette  gonnnc 
dans  nos  comptoirs  du  Sénégal  ,  n'ont  pas 
d'autre  nourriture  durant  la  traverfée  des 
déierts  par  où  ils  paflenî.  (  Article  de  M. 
LA  Fosse.) 

Arabiques,  adj.  pris  fubft.  ( tke'ol.  ) 
feâ:e  d'hérétiques  cfui  s'élevèrent  en  Arabie 
^•ers  l'an  de  J.  C.  207.  Ils  enfeignoient  que 
l'aine  nainoit  Se  mouroit  avec  le  corps , 
mais  aufli  qu'elle  reiliilcitcroit  en  même 
temps  que  le  corps.  Eulèbe  (  /.  VI.  c. 
xxxviij  )  rapporte  qu'on  tint  en  Arabie 
même,  dans  le  III  fiecle  un  concile  auquel 
aflifta  Origene ,  qui  convainquit  fi  claire- 
ment ces  hérétiques  de  leurs  erreurs ,  qu'ils 
les  abjurèrent  Se  fe  réunirent  à  l'églife. 
Vovci   THNELOFSYCHITLS.   (G) 

ÀRABISSEj  {Géo^r.)  ville  d'.'^'mcnie, 


ii8  ARA 

jadis  munie  crune  fortercfrc.  Il  y  a  eu  un 
évêque  ,  &  liiiiit  Jcaa  Chryibilome  s'y  re- 
fiifjia  dans  le  tcm.ps  que  les  Ifaiires  défo- 
loient  le  pays  d';ilentoiir.  [C.  A) 

AllABlSTAN  ,  (  Géogr.  )  nom  que  les 
Turcs  8i  les  Pcrfans  donnent  à  l'Arabie 
moderne. 

*  AR  ABOUTEN ,  f.  m.  (  Ai/h  nat.  bot.  ) 
îTrand  arbre  du  Brcfil  qui  donne  le  bois  de 
Brciîl  li  connu  par  lii  bonne  odeur,  8:  dont 
il  (croit  à  fouhaiter  qu'on  eût  une  ir.cilleure 
defcription.  Cette  obfervation  eil  même 
commune  pour  tous  les  arbres  étrangers 
dont  o!i  nous  apporte  des  bois  ^  il  n'y  en  a 
prerqu' aucun  qui  foit  bien  connu. 

*  ARACA  ,  (  Géog.  anc.  &  mod.  )  ville 
de  Chaldcc  dans  la  terre  de  Scnnaar  ,  une 
tics  plus  anciennes  du  inonde,  piùfqu'elle 
fut  (  dit-on  )  bâtie  par  Nemrod.  On  croit 
que  c'cft  l'ancienne  Edeffe  &  i'Orpha  d'au- 
jourd'hui. 

AUACA-MIRI  ,  (  Hift.  nat.  bot.  )  ar- 
briffeau  commun  au  Bréiil.  Son  fruit  mûrit 
en  Mars  &  en  Septembre  :,  il  tient  de  la 
faveur  du  mufc  &  de  l'arboifier.  Il  fe 
garde  confit.  Il  efi:  aftringent  &  rafraîchif- 
fant. 

On  fait  des  feuilles  &  des  boutons  de 
Yaraca-miri,\m  bain  falutairc  pour  toutes 
les  affeftions  du  corps ,  où  l'on  peut  em- 
ployer l'aftringence.  Sa  racine  eft  bonne 
pour  la  dylTenterie  :,  elle  eft  fur-tout  diuré- 
tique.  Ray,  Hift.  Plant. 

*  ARACAN  ,  (  Géog.  mod.  )  royauine 
maritime  des  Indes ,  proche  l'emboiicliure 
<Ui  Gange  ,  bornée  au  midi  par  le  golte  de 
Bengale ,  à  l'orient  &  au  feptcntrion  par 
]ç  royaume  d'Ava ,  à  l'occident  par  le 
royaume  de  Bengale.  La  ville  à'Aracan  , 
<!tuée  fur  la  rivière  du  même  nom  ,  elt  la 
capitale  de  tout  le  royaume.  Long.  110-30. 
lût.  20-30. 

Le  cominerce  à'Aracan  n'eft  pas  fort 
confidérable.  Pour  celui  de  Pégu  il  vaut 
mieux:  on  y  porte  des  toiles,  des  iriou- 
choirs ,  du  poivre  ,  de  la  canelle ,  de  la 
mufcade ,  des  bois  odoriféraiis ,  ik  on  en 
tire  du  gingembre,  de  l'or  ,  de  l'argent, 
des  pierreries  &  des  perles.  La  manière 
dont  on  y  commerçoit  dans  les  commcn- 
cemens  étoit  allc^  iinguliere.  Les  marchés 
ie  faifoicut  fans  mot  dire  :  l'acheteur  8c  le 


ARA 

vendeur  fe  donnoient  la  main  couverte  d'un 
mouchoir ,  &  ils  convenoient  de  prix  par 
les  mouvem.ens  des  doigts.  Voilà  un  excellent 
moyen  pour  prévenir  les  enchères. 

ARACA-PUDA,  f.  m .  {Htft.  nat.  bo- 
taniq.  )  plantiî  très-approchante  du  roffolis , 
allez  bien  deflinée  fous  ce  nom  par  Van- 
Rheede  ,  dans  fou  Honus  Malabaricus , 
vol,  X ,  pag.  39.  pi.  XX.  Les  brames  l'ap- 
pellent mefi.  Jean  Commelin  lui  donne  le 
nom  à'avine  myriophylli  folio  yjlore  carneo  ; 
&  M.  Linné  ,  celui  de  rojfolis  Indica,  caule 
ramofo  folio fo  ,  foliis  linearibus  ,  dans  fon 
fyftema  natiirœ  ,  imprimé  en  1767  ,  pag. 
Z2  5,  n°.  6. 

C'eft  une  herbe  vivace  ,  qui  fe  propage 
par  fes  racines  traçantes  dans  les  fables  du 
Malabar ,  où  elle  s'élève  à  la  hauteur  de 
trois  pouces.  Sa  racine  eft  courte ,  menue , 
articulée  &  fibreufe.  Ses  tiges ,  au  nombre 
de  cinq  à  fix  à  chaque  pié  ,  font  cylin- 
driques ,  menues ,  prefque  fimplcs  ,  ou 
divifées  en  deux  rameaux  vers  leur  extré- 
mité ,  vertes,  charnues  ,  tendres ,  couvertes 
de  poils  blanchâtres.  Chaque  tige  eft  gar- 
nie ,  du  bas  en  jiaut ,  de  fix  à  huit  feuilles 
alternes ,  fort  écartées ,  difpofées  circulai- 
rcment ,  femblables  à  un  filet  cylindrique  , 
verdâtre  ,  roulé  en  partie  en  fpirale  en 
deilus  ,  comme  les  feuilles  des  fougères 
avant  leur  développement ,  &  couvert  un 
peu  au  delà  du  milieu  de  fa  longueur ,  de 
quantité  de  poils  allez  long*  ,  ferrés ,  cylin- 
driques ,  terminés  par  un  petit  globule 
jaunâtre. 

Le  bout  de  chaque  branche  eft  terminé 
par  un  épi  de  deux  à  quatre  fleurs  rouge- 
bleuâtres  ,  de  deux  bonnes  lignes  de  dia- 
mètre ,  portées  fur  un  pédicule  prefqu'une 
fois  plus  long.  Ciiaque  Heur  conlifte  en  un 
calice  d'une  feule  pièce  ,  à  cinq  divifions 
profondes  perfiftantes  en  une  corolle  à 
cinq  pétales  égaux  &  ronds ,  &  en  cinq 
étamines  à  anthères  jaunes ,  entre  lefquelles 
on  voit  cinq  autres  filets  fans  anthères.  Du 
centre  de  la  fleur  s'élève  un  ovaire  fphéri- 
que,contigu  aux  étamines  ,  couronné  piu" 
deux  ftyles  {impies.  Cet  ovaire  ,  eu  nuirif- 
fant  ,  devient  une  capfule  fphcroïde  à  une 
loge,  s'ouvrant  en  deux  valves  ou  battans , 
qui  portent  chacun  fur  un  placenta  ,  élevé 
comme  une  ligne  longitudinale  à  leur  mi- 
lieu , 


ARA ARA  ïi> 

lieu,  nombre  de  graines  fphcroïdcs  très-Tuli  pccîimcule  ,  un  à  trois  fois  plus  long; 
'    '■  '     1-  •  quelles. 

Remarqua:.  Ces  Cara<£tcrcs  font ,  à  moiJf 
avis  ,  bien  fiiffifiuis,  pour  ne  pas  confondre 
!e  kandula'lla  avec  Varaca-puda  ,  comme  s 
fait  M.  Linné  d'après  M.  Burmann.  (  M, 
Adanso:^.  ) 

Al^ACARI ,  f.  m.  f  HiJI.  nat.  Ornith.  % 
c{î)ecc  de  toucan  ,  ainli  nommé  au  Bréfîl  ^ 
au  rapport  de  Margoravc  ,  qui ,  dans  foit 
hifioive  naturelle  du  Bréjil ,  pag.  317,  en  a 
donné  une  figure  pallablc  ,  laquelle  a  été 
copiée  par  Jonftlion  &  Kuylch  ,  pag.  148  y 
pi.  LX  de  fon  hifhire  naturdU  des  oi féaux  , 
&  par  Willugliby  ,  pi.  XXll  de  fon  orni- 
thologie. Belon  avoir  publié  ,  dès  l'année 
1750  ,  une  alFez  bonne  figure  de  fon  bec  , 
'bus  le  nom  ^oifiau  des  Terres-Neuves  , 
dans  fon  hifioire  naturelle  des  oifeaux  ,  pag. 
184,  &  fous  celui  A'oifeau  aquatique  apporté 
des  Terres-Neuves.  Portraits  d' oi  féaux  ^  pag. 
40.  M.  BrilFon  l'appelle  toucan  verd.,tucan/i 
fupernè  ohfcurè-viridis  ,  infenic  fulphurea  , 
capite.,  gutture  ù  collo  tiigris  ;  dorfo  infimo  , 
uropigio  ,  reclricibus  caudœ  fuperioribus  ,  & 
tœniâ  tranfverfâ  in  ventre  coccineis  ,  reclrici- 
bus  fupernè  obfcurè  ,  infernè  dilute  viridi' 
bus....  tucana  Brafdicnjis  viridis  ;  &  il  en 
donne  une  bonne  figure  dans  fon  ornitholo- 
gie, vol.  ly  ,pag.  416,  /i°.  ç).  pl.XXXIII  f 

fig-  ^- 

Cet  oifeau  eft  un  peu  plus  gros  qu'uif 
fort  merle  \  il  a  fèize  pouces  &  demi  de 
longueur  ,  du  bout  du  bec  jufqu'à  celui  de 
la  queue  ,  treize  pouces  &  demi  jufqu'aii 
bout  des  ongles ,  &  deux  pouces  deux  tiers? 
d'épailfeur  aux  épaules.  Son  bec  a  quatre 
pouces  deux  lignes  &  demie  de  longueur  , 
depuis  fon  extrémité  jufqu'aux  coins  de  la 
bouche ,  &  fcize  lignes  d'épailfeur ,  c'eft-à- 
dire  ,  de  profondeur  à  fon  origiîie.  Sa 
queue  a  fix  pouces  &  un  quart  ,  fon  pied 
fèize  lignes  &  demie  ,  fon  doigt  antérieur 
le  plus  long  ,  dix-fept  lignes  &  dci:iic.  Ses 
ailes  ,  lorfqu'elles  font  étendues  ,  ont  dix- 
fcpt  pouces  de  vol ,  &  pliées  ,  elles  n'attei- 
gnent guère  au  delà  du  croupion  ou  de 
l'origine  de  la  queue. 

ISAracari  a  la  tête  petite  ,  comprimée  ; 

le  col  médiocrement  long  ,  les  ailes  &  les 

pieds  courts,  la  queue  longue  ,  arrondie  au 

1  bout  ,   compofce  de  dix  plumes  roides  j 

R 


petites ,  d'un  fixiemc  do  ligne  de  diamètre, 
d'abord  blanches  ,  cnfuite  verdâtrcs ,  enfin 
noirâtres. 

Qualités.  Toute  cette  plante  eft  fans  goût. 

Ufages.  Son  ici  palfe  pour  le  fpécifiquc 
des  obftruftions  du  foie  ,  de  la  rate  &  du 
inéfentcre. 

Remarques,  h'eiraca-puda  a,  comme  Ton 
voit,  beaucoup  de  rapport  avec  IcrolFolis  , 
mais  il  ca  ditlère  allez  par  les  cinq  filets 
d'étamincs  qu'il  y  a  de  plus ,  Ik  par  le  nom- 
bre des  ilyles  &  dos  battans  de  fon  fruit  , 
jiour  en  faire  un  genre  ditFcrent  dans  la 
famille  des  pourpiers.  Confultez  ,  à  cet 
égard  ,  nos  familles  des  plantes  ;  vol.  II  , 
pag.  245. 

Quoique  M.  Linné  ait  confondu  cette 
plante  avec  celle  de  Ceyian  ,  que  les  habi- 
tans  de  cette  île  appellent  kandultrjfn ,  nous 
la  croyons  trop  différente  pour  ne  la  pas 
tliftinguer  comme  une  cfpece  particulière  , 
que  nous  allons  décrire. 

Deuxième  efpece.  KanduL/ESSA. 

Le  kandulaefla ,  ainfi  nommé  à  l'ilc  de 
Ceyian  ,  du  mot  kandula  ,  qui  ,  dans  le 
langage  du  pays  ,  veut  dire  une  larme  , 
parce  que  fes  feuilles  font  toujours  cou- 
vertes de  gouttelettes  d'eau  qui  rellemblent 
à  des  larines ,  a  été  figuré  allez  bien  ,  quoi- 
que fsns  détails ,  par  M.  Burmann  ,  dans 
fon  thefaurus  Zeylanicus  ,  pag.  209  ,  /'/. 
XCiy,fg.  I.  où  illedéfigne  fous  le  nom 
•de  rojfolis  ramofus  caule  foliofo.  Hartog 
l'appelloit  ,  faxifraga  Zeylanica  mufcofa  , 
minutiffimo  folio  ,  flore  albo. 

Il  difière  principalement  de  Xaraca-puda., 
en  ce  que  fes  tiges  ont  communément  cinq  à 
fix  pouces  de  hauteur  ,  &  qu'elles  fe  rami- 
fient en  deux  ,  non  pas  à  leur  extrémité  fu- 
périeure  ,  mais  dans  le  bas ,  un  peu  au  def- 
fiis  des  racines.  Ses  feuilles  font  plus  me- 
nues ,  plus  courtes ,  couvertes  de  poils  à 
peine  jufqu'au  milieu  de  leur  longueur. 

Ses  fleurs  font  blanches ,  à  pétales  moins 
ronds ,  elliptiques ,  une  fois  plus  longs  que 
larges  ;  elles  fortent  rarement  du  bout  des 
branches  ,  mais  pour  l'ox-dinaire  Iblitairc- 
incnt ,  ou  difpofces  en  épi  ,  de  deux  à  trois , 
de  raillclle  des  feuilles,  portées  chacune  fur 
Tome  III, 


.J-50  ARA 

rondes ,  dont  les  intermédiaires  font  les  plus 
longues.  Le  bec  eft  extrêmement  grand  , 
de  la  groITcur  delà  tête  ,  de  forme  conique , 
très-allongé,  comprimé  par  les  côtés,  arqué 
ou  courbé  légèrement  en  bas  vers  fou  extré- 
jniîé  ,  creux  intérieurement  ,  plus  léger 
qu'une  éponge  ,  dentelé  fur  prclque  toute 
la  longueur  des  deux  demi-becs  ,  dont  le 
iiipérieur  ell  une  fois  plus  profond  que  l'in- 
férieur, &  plus  allongé.  Sa  langue  eft  longue 
de  trois  pouces  ,  très-mince  ,  très-Iégere  , 
noire  ,  ornée  de  deux  côtés  de  barbes  , 
comme  une  plume.  Ses  doigts  font  au 
nombre  de  quatre  ,  diftindts  ou  féparés  , 
jufqua  leur  origine  ,  fans  aucune  mem- 
brane ,  &  difpofés  de  manière  que  deux 
font  tournés  en  devant  &  deux  en  arrière  , 
.comme  dans  le  perroquet.  Ses  yeux  font 
grands  à  prunelle  noire  ,  entourée  d'un  iris 
jaune.  Les  niirines  font  nues ,  rondes ,  pla- 
cées à  l'origine  du  demi-bec  fupérieiu-. 

Le  verd  ,  le  jaune  ,  le  rouge  &  le  noir  , 
.lont  les  quatre  couleurs  dominantes  qui 
parent  cet  oifeau.  Sa  tête  ,  fa  gorge  &  fon 
cou  font  noirs  :,  fon  dos  ,  fes  ailes ,  fa  queue, 
iès  cuiiîés  <k  {es  pieds  ,  d'un  verd  -  obfcur 
&  noirâtre  ,  à-peu-près  comme  dans  nom- 
bre de  poiflbns  j  fon  ventre  jaune ,  tacheté 
<le  verd  vers  le  croupion  ,  &c  traverfé  à 
/on  milieu  par  une  bande  couleur  de  fing , 
large  d'un  bon  travers  de  doigt.  Le  crou- 
pion en  delfus  eft  auffi  couleur  de  fang  , 
Einfi  qu'une  tache  qui  entoure  les  yeux  , 
mais  qui  eft  plus  obfcure  ,  &  qui  tire  uapei: 
fur  le  marron.  Le  dellbus  de  la  queue  & 
des  ailes ,  eft  d'un  verd-clair  ou  ceiicîré-verd. 
Ses  ongles  font  noirs  comme  fon  b2c  ,  qui 
n'a  de  blanc  que  les  côtés  du  demi  -  bec 
fupérieur  ,  ix  une  ligne  anguleufc  qui  indi- 
que fa  féparation  d'avec  la  tête. 

Moeurs.  Cet  oifeau  eft  commun  au  Bréiil 
&  à  Cayenne.  Son  cri  ordinaire  eft  aigu  , 
fans  être  très-bruyant  ;  il  femble  prononcer  le 
jiiot  aracari  ,  par  lequel  les  habifans  ont 
coutume  de  le  défigner.  (  M.  Auanson.  ) 

*  ARACENA ,  (Geog-.)  bourg  d'Efpagne 
dans  l'Aiidaloufie  ,  à  la  fourcc  de  la  rivière 
de  1  into. 

AR/VC-GELARAN ,  (G.'og.  )  petit  pays 
du  Chuiiftan  ,  province  du  loyaume  de 
Perle.  Baudrand, 

ARACHiDNA  j  f.  m,  {WJi,  nat.  hou  )  \ 


ARA 

genre  de  plante  à  fleur  papillonacée.  Le 
piftil  devient  dans  la  fuite  un  fruit  mem- 
braneux oblong ,  qui  mûrit  dans  la  terre  , 
&  que  l'on  nomme  par  cette  raifon  pijlacàe 
de  terre.  Ce  fruit  eft  compofé  d'une  feule 
capf  .'le  qui  renferme  une  ou  deux  feinences 
teiubes  &  oblongues.  Plumier,  Novaplan- 
tarum  gênera,  Voye-{  Plante.  (  /  ) 

ARACHNÉ  ,  f  Mjih.  )  fille  d'Idmon  , 
de  la  ville  de  Colophon  ,  difputa  à  Minene 
la  gloire  de  travailler  mieux  qu'elle  en  toile 
&  en  tapiiferie.  Le  défi  fut  accepté  y  &  la 
déclfc  voyant  que  l'ouvrage  de  fa  rivale  étoit 
d'une  beauté  achevée  ,  lui  jeta  fa  na\'ette  à 
la  tête  ,  ce  qui  chagrina  Arachné  au  point 
qu'elle  fe  pendit  de  défelpoir  \  &  les  Dieux, 
par  pitié  ,  la  changèrent  en  araignée.  La 
travail  de  l'araignée  a  probablement  donné 
lieu  à  cette  fable.  (  -J-  ) 

ARACHNOÏDE  ,  f.  f.  en  terme  d'Ana.- 
tomic  ,  c'eft  une  membrane  fine  ,  mince  , 
iraniparente  ,  qui  règne  entre  la  dure-mere 
&c  la  pie-mere  ,  &que  l'on  croit  envelopper 
toute  la  lubftance  du  cerveau  ,  la  moelle 
allongée ,  la  moelle  de  l'épine.  Voye{  Mé- 
xiNCE  ù  Cerveau. 

Ce  mot  eft  dérivé  du  grec  \;à:vn  ,  une 
araignée  ,  une  toile  d'araignée ,  &  de  ê;/of ,. 
ferme  :  eu  égard  à  la  fineife  de  la  p;irtie 
que  l'on  croit  reftémblcr  à  une  toile  d'arai- 
gnée. Elle  fut  décrite  pour  la  première  fois 
par  Varole. 

Plulieurs  Anatomiftes  nient  l'exiftence 
de  cette  troiiîemc  méninge  ou  membrane  , 
cC  prétendent  que  l'on  doit  plutôt  la  re- 
garder comme  la  lame  externe  de  la  pie- 
mere  ,  dont  la  lame  interne  s'inlînue  entre 
la  circonvolution  du  cerveau.  Voyei^  Pie- 
mere. 

Arachnoïde  fê  prend  pareillement  pour 
une  tunique  fine  &  déliée  qui  en\'eloppe 
Ihumeur   cryllalline.    Voy.    CrystallIN. 

Cette  tunique  eft  appellée  par  d'autres 
cryj'alloïde  ou  capfule  du  cryflallin.  Plu- 
iieurs  ont  même  douté  de  Ion  exiftence  ;  ce 
qui  eft  d'autiuit  plus  extraordinaire  que  Ga- 
lien  en  parle  ,  h.  la  compare  à  une  pellicule 
d'oignon.  Véfile  la  compi^re  à  de  la  corne 
fine  &  tranfp;nente.  Il  eft  ai'é  de  la  trouver 
dans  les  quadrupèdes  ,  particulièrement 
dans  le  mouton  ,  le  bœul  ,  le  cheval  j  ôc 
quoif^u'il  icù  lui  peu  plus  (Urîi.ilc  de  lii 


A  R  A     ^ 

flccouvrir  dans  l'hoiiime  ,  néatimoîns  uiic' 
perfoiine  qui  l'a  vue  une  feule  fois  ,  pourra 
la  trouver  allez  vite. 

Ce  qu'il  y  a  de  furprcnatit  ,  c'eft  que 
Brijî'^s  n'en  dit  pas  un  mot  ;  &  qu'un  auiîi 
liabilc  Anatoiîiiitc  que  Ruyfch  en  a  douté 
fort  long-temps  :  ce  ne  fut  qu'au  moyeu 
d'injeitions  qu'il  la  découvrit ,  quoiqu  clic 
(bit  très-aifce  à  difcerner  dans  un  mouton  , 
comme  je  l'ai  déjà  dit. 

'\Jaiachnoidi  eft  adhérente  par  fa  partie 
poftcricureà  la  tunique  \itrée.  Dans  l'homme 
elle  eil  deux  fois  aulli  épaiife  qu'une  toile 
d'araignée  ,  au  moins  par  fa  partie  anté- 
rieure. Dans  un  bœuf  elle  eft  encore  aulîi 
épaitle  que  dans  l'homme  ■■,  &  dans  un  che- 
val elle  ell  plus  épaiife  que  dans  un  bœuf. 

Cette  tunique  a  trois  ufages  :  i".  de  re- 
tenir le  cryftallin  dans  le  chaton  de  l'hu- 
meur vitrée ,  &  d'empêcher  qu'il  ne  change 
de  (îtuation  •■,  2°.  de  fëparer  le  cryftallin 
de  l'humeur  aqueufe  ,  &  d'empêcher  qu'il 
n'en  foit  continuellement  humefté  ;  3°.  les 
vailfcaux  lymphatiques  fourniifent  une  li- 
queur qu'ils  dépofent  dans  fa  cavité  ,  par 
le  moyen  de  laquelle  le  cryltallin  eft  con- 
tinuellement rafraîchi  ,  &  tenu  en  bon 
état  j  de  forte  que  quand  cette  liqueur  man- 
que ,  le  criftallin  fc  fechc  bientôt ,  devient 
dur  &  opaque  ,  &  peut  même  être  réduit 
en  poudre.  Voyci^  Petit  ,  Mém.  de  tAcad. 
Roy.  des  Scienc.  an,  ij^o.p,  6ii.  &  fuiv. 
Voyei  CiLiAiRE  &  Tunique.  {L) 

ÂRACHOSIE  ou  Arachotis, 
(Géogr.  )  contrée  d'Alie  dont  parlent  les 
anciens  géographes.  Sa  capitale  étoit  Alexan- 
dreïopolis  :  on  la  plaçoit  entre  l'Inde  &  la 
Perfe.  On  croit  que  c'eft  aujourd'hui  le 
pays  connu  fous  le  nom  inoderne  de  Haican  , 
aux  frontières  du  Candahar.   (C.A.) 

ARACK  ,  f.  m.  (Comm,)  Efpece  d'eau- 
de-vie  que  font  les  Tartares  -  Tungutes  , 
fujets  du  Czar  ou  grand  duc  de  Mofco\ie. 

Cette  eau-de-vie  fe  fait  avec  du  lait  de 
cavale  qu'on  lailfe  aigrir  ,  &  qu'enfuite  on 
diftille  à  deux  ou  trois  reprifes  entre  deux 
pots  de  terre  bien  bouchés ,  d'où  la  liqueur 
Ibrt  par  un  petit  tuyau  de  bois.  Cette  cau- 
de-vie  eft  très-forte  &  enivre  plus  que  celle 
de  vni.  (G) 

*  ARACLEA,  f  Géog.  )  V.  Héraclée. 

♦  ARACOUA  ou  ARCHOVA  ,  bourg 


ARA  131 

de  Grèce  dans  la  Livadie  ,  proche  le  golfe 
de  Lépante.  On  croit  que  c'eft  l'ancienne 
Anibrilfc. 

*  ARACUIES  ou  ARACUITES ,  f.  m. 
pi.  (Géog.)  peuples  de  l'Amérique  méri- 
dionale dans  le  Brélîl ,  d-ans  le  voilinage  de 
la  préfeêture  des  Pcrnambuco. 

*  ARACYNAPPIL  ,  (H//L  nat.  bot.  ) 
malo  auraiitio  parvis  fruclibus  fimilis  ,  eft  la 
feule  plante  dont  Ray  ait  fait  mention  , 
fans  lui  alligner  ni  propriété  ni  ufa<^e. 

*  ARAD  ,  { Géog.  anc.  &  faune)  ville 
des  Amorrhéeus  au  midi ,  de  la  tribu  de 
Juda  ,  vers  le  défert  de  Cadès. 

*  Arad  ,  (Géog.)  ville  de  la  haute  Hon- 
grie fur  la  rive  droite  de  la  Mai'ifch. 

*  ARADUS,  (Géog.  anc.  &  mod.)  île 
&  ville  de  la  Phénicie  fur  la  côte  de  la  mer 
de  Syrie  ,  proche  de  Tortofe  ,  qin  fe  nom- 
moit  Antaradus.  Les  anciens  ont  cru  que 
ce  fut  près  <\' Antaradus  qu'Andromède  fut 
exj?ofce  au  monftre  marin. 

AR^PHILENORUM ,  (Géog.  Hijl.) 
lieu  d'Afrique  ,  non  loin  de  la  mer  Médi- 
terranée ,  au  bout  de  la  Cyrénaïque  ,  8c 
aux  confins  de  la  province  Tripolitaine. 
Les  François  le  nomment  le  Fort  -  de- 
Sahle.  Sallufte  en  donne  l'origine  dans  la 
digreflîon  fur  la  guerre  de  Carthage  con- 
tre Cyrrhenc.  C'eft  un  des  monumens  les 
plus  frappans  de  l'enthoufiafme  auquel 
ait  pu  porter  jadis  l'amour  de  la  patrie. 
Deux  Frères  Carthaginois  ,  nommés  Phi- 
lenes ,  qui  avoient  été  choiiis  pour  fixer 
les  bornes  du  territoire  de  Carthage  ,  aimè- 
rent mieux  iè  lailfer  enterrer  vifs  en  cet 
endroit  par  les  Cyrrhénéens ,  que  de  recu- 
ler en  arrière.  En  mémoire  d'un  tel  facri- 
fice  ,  leurs  compatriotes  firent  élever  deux 
autels  fur  leur  tombeau  ,  &  on  y  bâtit 
enfuite  un  petit  bourg  ,  qui  a  toujours 
confervé  le  nom  diArœ  Philenorum.  (C.  A.) 

ARAFAT  ,  r  Géog.  &  Hiji.  tnod.  )  mon- 
tagne peu  éloignée  de  la  Mecque  ,  remar- 
quable par  la  cérémonie  qu'y  pratiquent 
les  pèlerins  Turcs.  Après  avoir  fait  fept 
fois  le  tour  du  temple  de  la  Mecque  ,  & 
avoir  été  arrofés  de  l'eau  du  puits  nommé 
Zemiem  ,  ils  s'ea  vont  fur  le  foir  au  mont 
Arafat ,  où  ils  paJiènt  la  nuit  &  le  jour 
fiiivant  en  dévotion  &  en  prière.  Le  leit- 
demaiu  ils  égorgent  quantité  de  moutoiffi 

R  i 


nt 


A  R  A 


ARA 


dans  la  vallée  de  Mina ,  au  pié  de  cctft  T  yeux  bien  marq'jés  ,  qui  font  tous  fân* 
montagne  j  &  après  en  avoir  envoyé  quel- 1  paupière  ,  &  couverts  d'une  croûte  dure  ^ 
que  partie  par  préfent  à  leurs  amis  ,   ils    polie    &    tranfparente.    f^oyci   IxsECTE. 


dirtribucnt  le  rcile  aux  pauvres  -^  ce  qu'ils 
T^ppeWcnt  fair-e  lecorban^  c'cft-à-dirc  fobla- 
tion  :  ce  qu'ils  exécutent  en  mémoire  du 
fâcrifice  qu'Abraham  voulut  faire  de  fon 
fils  Ifaac  fur  cette  même  montagne ,  félon 
eux.  Au  haut  de  cette  montagne  il  n'y  a 
qu'une  molquéc  &  inie  chaire  pour  le  pré- 
dicateur ,  mais  point  d'autel.  On  n'y  brûle 
aucun  des  moutons  égorgés  t,  c'ell  pour- 
quoi ce  corban  n'cft  point  \\\\  facrifice  pro- 
prement dit ,  ïi.  encore  moins  un  holo- 
caufte  ,  comme  l'ont  avancé  quelques  hifto- 
riens.  Ricaut ,  de  femp.  Ottom.   (G) 

*  ARAGON  ,  (Géog.)  royaume  &  pro- 
vince confidérable  d'Elpagne ,  bornée  au 
feptenîrion  par  les  Pyrénées  qui  la  fépa- 
rent  de  la  France  ^  à  l'occident  par  la 
Navarre  &  les  deux  Caftilles  -^  au  midi  par 
le  rcyainne  de  Valence  •■,  &  à  l'orient  par 
une  partie  du  royaume  de  Valence  &  par 
la  Catalogne.  Saragollé  en  eft  la  capitale , 
&  l'Ebrc  la  rivière  la  phis  confidérable.  Ce 
royaume  prend  fon  nom  de  V Aragon  ,  pe- 
tite livicre  qui  y  coule. 

*  Aracon-Subordant  ,  petite  rivière 
cl'Ef|)agiie  dans  le  royaume  d'Aragon  ,  qui 
a  fa  fource  dans  les  Pyrénées  ,  paife  à 
Jacafa  ,  Senguefla  ,  &c.  fe  joint  à  l'Agra  , 
2>c  fc  jette  dans  l'Ebre. 

ARAIGNE  ou  ARAIGNÉE  ,  f  f.  poif- 
fon  de  mer,  mieux  appelle  du  nom  de  vive. 
Voyei  Vive.  (I) 

ARAIGNÉE  ,  f.  f.  (Hifl.  nau  Zoolog.) 
g^ire  d'inlèûc  dont  il  y  a  plulîeurs  efpe- 
ces  fort  différentes  les  unes  des  autres  : 
en  reconnoît  aifément  dans  le  corps  d'une 
araignée  la  tête  ,  la  poitrine  ,  le  \'entre  & 
les  pattes  '-,  la  tête  &  la  poitrine  compo- 
sent la  partie  antérieure  du  corps  ^  les  pat- 
tes font  attachées  à  la  poitrine  ;,  8f  le  ven- 
tre ,  qui  efl:  la  partie  poftérieure ,  y  tien 
par  un  étranglement  ou  par  un  anneau  for 
petit  :  la  tête  &  la  poitrine  font  couver- 
tes d'une  croûte  dure  &  écaillcufe  dans  la 
plupart  des  araignées  ,  &  le  ventre  eft  tou- 


Dans   les   difiérentes    cljîeces   ^araignées  y 
ces  yeux  vaiicnt  pour  la  grollcur  ,  le  nom- 
bre &  la  iituation  ■■,  elles  ont  fur  le  front 
une  eijiece  de  ferre  ou  de  tenaille ,  com- 
pofée    de  deux  branches  un  peu  plates  , 
couvertes   d'une  croûte  dure  ,    garnies  de 
pointes  fur  les  bords  intérieurs  ^  les  bran- 
ches font  mobiles  fur  le  front  ,  mais  elles 
ne    peu\'ent  pas   s'approcher  au  point  de 
faire    toucher  les    deux   extrémités    l'une 
contre  l'autre  ;  le  petit  intervalie  qui  refce 
peut  être  fermé  par  deux  ongles  crochus 
&  fort  durs ,  qui  font  articulés  aux  extré- 
mités des  branches  de  la  ferre  :  c'eft  au 
moyen  de  cette  ferre  que  les  araignées  fai- 
llirent leur  proie  ,  qui  fe  trouve  alors  fort 
près   de  la  bouche  qui   eft  derrière  cenc 
ferre.   Elles  ont  toutes  huit  jambes ,  arti- 
culées comme  celles  des  écreviifes.  /'o.yc^ 
EcREVisSES.  Il  y  a  au  bout  de  chaque 
jambe  deux   ongles  crochus ,  mobiles  ,  & 
garnis  de  dents  comme  une  fcie  :  il  y  a 
un    troifieme    ongle    crochu  ,    plus    petit 
que  les  deux  premiers ,  &  pofé  à  leur  ori- 
gine i  celui-ci  n'eft  pas  garni  de   dents. 
On  trouve   entre  les  deux   grands  ongles 
un  paquet  que  l'on  peut  comparer  à  une 
éponge  ,    qui    contient   une   liqueur  vif- 
queufe   ;    cette    forte    de    glu   retient   les 
araignées  contre  les  corps  polis  fur  lefquels 
les  crochets  des  pattes  n'ont  point  de  prilé  •. 
cette  liqueur  tarit  avec  l'âge.  On  a  obfervc 
que  les  vieilles  araignées  ne  peuvent  pas 
monter  contre  les  corps   polis.   Outre  les 
huit  jambes  dont  on  vient  de  parler ,    il  y 
a  de  plus  auprès  de   la   tête   Acuy.  autres 
jambes,  ou  plutôt  deux  bras  :  car  elles  ne 
s'en  fcr\'ent  pas  pour  marcher ,  mais  feu- 
Icmcîit  pour  manier  la  proie  qu  elles  tien- 
nent dans  leurs  ferres. 

On  voit  autour  de  l'anus  de  toutes  les 
araignées  quatre  j^ctits  mam.clons  mufcu- 
Icux  ,  pointus  à  leur  extrémité  ,  &  mobiles 
.lans  tous  les  feus  :  il  fort  de  l'endroit  qui 
eft  entre   ces   mamelons  ,    comme  d'une 


tes  font  dures  comme  la  partie  antérieure 
du  corps  •■,  le  corps  eft  couvert  de  poils. 
Toutes  les  eli^cces  d'«rrt/g^/!<'f  ont  pluiieurs  i  &  qui  la  rciferr 


jours  enveloppé  d'une  peau  fouple  ^  les  pat-    efpece  de  iilicre  ,  une  liqueur  gluante  dont 

'  le  fil  de  leur  toile  &  de  leurs 
icre  a  un  fphinder  qui  l'ouvre 
liTerre  plus  ou  luoiîiE  \  aiafi  le 


eft  forme  le 
nids  ;  la  fili 


ARA 

lîl  peut  être  plus  j^ros  ou  plus  fin.  Lorfque 
ïaraignéc  cil  Lfpcnduc  à  ion  fil ,  elle  peut 
lallonfîcr ,  &  clefccnclrc  par  Ion  propre 
poids  en  ouvrant  la  fîiicrc  ,  &  en  la  fermant 
elle  s'arrête  à  l'inirant. 

Les  ûniigiu'ts  mâles  font  plus  ])c:ites  que 
les  araignées  femelles  •■,  il  faut  qucI([uciois 
cinq  on  lîx  mâles  des  araignées  de  jardin  , 
pour  faire  le  poids  d'une  iéule  femelle  de 
la  même  eipece.  Toutes  les  efpeccs  A\irai- 
gnées  font  o\iparcs  :  mais  elles  ne  font  pas 
toutes  une  égale  quantité  d'œufs  '-,  elle  les 
pondent  fur  une  portion  de  leur  toile  : 
cnfuite  elle  tiennent  les  œufs  en  un  pelo- 
ton ,  &  elles  les  portent  dans  leurs  nids 
pour  les  corner.  Si  on  les  force  alors  de 
fbrtir  du  nid  ,  elles  les  emportent  avec  elles 
entre  leurs  icrres.  Dès  que  les  petits  font 
cclos  ,  ils  commencent  à  filer  ,  &  \ils  grof- 
iilfent  prcfqu'à  vue  d'œil.  Si  ces  petites 
craignecs  peuvent  attraper  un  mouciieron  , 
elles  le  manp^ent  :  mais  quelquefois  elles 
pafTent  un  jour  eu  deux  ,  &  m.ême  plus  , 
îàns  qu'on  les  voie  prendre  de  nourriture  : 
cependant  elles  groiîiirent  toujours  égale- 
ment ,  &  leur  accroiifement  eil  fi  prompt , 
qu'il  va  chaque  joiu^  à  plus  du  double  de 
leur  grandeur. 

M.  Horabcrg  a  diftingué  fix  principales 
efpeccs  d'araignées  ,  ou  plutôt  fix  genres  j 
car  i!  prétend  que  toutes  les  autres  efj^)eces 
qu'il  connoiilbit  pouvoient  s'y  rapporter. 
Ces  fîx  geiu^cs  font  ïaraignée  domeflique  , 
Varaignée  des  jardins  ,  Varaignée  noire  des 
caves  ou  des  vieux  murs ,  ïaraignée  vaga- 
bonde ,  Varaignée  des  champs  ,  qu'on  appelle 
communément  le  faucheur  ,  parce  qu'elle  a 
les  jambes  fort  longues ,  &  Varaignée  enra- 
gée ,  que  l'on  conuolt  fous  le  nom  de  taren- 
tule.  Voyci  Tarentule.  Le  caraftere 
tliilinftif  que  donne  M.  Homberg,  n'eil 
pas  facile  à  reconnoitre ,  puifqu'il  s'agit  de 
la  différente  poiîtion  de  leurs  yeux ,  qs.i 
font  fort  petits  :  à  ce  caractère  il  en  ajoute 
d'autres  qui  Ibut  plus  fénfibles ,  &  par  con- 
féqnent  pli:s  commodes  :  mais  ils  ne  font 
pas  fi  confiants. 

Les  araignées  domefliqiies  ont  huit  pe- 
tits yeux ,  à-peu-prcs  de  la  m.ême  graii- 
deur ,  placés  en  ovale  fur  le  front  :  leurs 
bras  Ibnt  plus  courts  que  les  jambes ,  mais 
au  refte  ils  leur  refTenibleut  parfaitement  j 


ARA  ni 

elles  ne  les  po/cnt  jamais  à  terre.  Ces  arai- 
gnées font  les  feules  tle  toutes  les  autres 
araignées  qui  quittent  leur  peau ,  même 
celle  des  jambes ,  chaque  aimée  ,  comme 
les  écreviflcs.  Il  leur  vient  une  maladie  dans 
les  pays  chauds  ,  qui  les  couvre  d'infeifles 
&  de  poux.  Vj  araignée  donicfcique  vit  allez 
long-temps.  M.  Homberg  en  a  vu  une  qui 
a  \êcu  quatre  ans .-  fbn  corps  ne  grofiif- 
foit  pas ,  mais  fès  jambes  s'allongeoient. 
Cette  efpcce  ^araignée  fait  de  grandes  & 
hu-ges  toiles  dans  les  coins  de*  chambres 
S{  contre  les  ir.urs  :  lorfqu'clle  veut  com- 
mencer \mQ  toile  ,  elle  écarte  fcs  mame- 
lons ,  &  elle  applique  à  l'endi'oit  où  elle 
fe  trouve  une  très-petite  goutte  de  liqueur 
gluante  qui  fort  de  fa  filière  :  cette  lif{ucur 
fe  colle  ■■,  voilà  le  fil  attaché  :  en  s'éloignant 
elle  l'allonge  ,  parce  que  fa  filière  eft  ou- 
verte ,  &  fournit  fans  interruption  au  pro- 
longement de  ce  fil.  Lorfque  ïaraignée  efl 
arrivée  à  l'endroit  où  elle  veut  que  fa  toile 
aboutiffe,  elle  y  colle  fon  fil,  &  enfîiitc 
elle  s'éloigne  de  l'efpace  d'environ  une  de- 
mi-ligne du  fil  qui  efl  tendu  ,  Se  elle  ap- 
plique à  cette  diilancc  le  fécond  fil  qu'elle 
prolonge  pareillement  au  premier  ,  en  re- 
venant ,  pour  ainfi  dire  ,  liir  fes  pas  ■■,  & 
lorfqu'elle  eft  arrivée  au  premier  point,  elle 
l'attache  ,  &  elle  continue  ainfi  de  fuite  fiir 
toute  la  largeur  qu'elle  vent  doimer  à  fa 
toile.  Tous  ces  fils  parallèles  font  ,  pour 
ainfi  dire ,  la  chaîne  de  la  toile  :  reile  à 
faire  la  trame.  Pour  cela  ,  ïaraignée  tire 
des  fils  qui  traverfent  les  premiers ,  oi  elle 
les  attache  par  un  bout  à  quelque  chofè 
à'é'rangcr ,  &  par  l'autre  au  premier  fil 
qui  a  été  tendu  ^  de  forte  qu'il  y  a  trois 
côtés  de  la  toile  qui  font  attachés  :  le  qua- 
trième efl  libre  :  il  eft  terminé  par  le  pre- 
mier fil  qui  a  été  tiré  ^  Sc  ce  fil ,  qui  eîl 
ie  premier  du  premàer  rang,  c'efl-à-dirc 
de  la  chaîne  ,  fert  d'attache  à  tous  ceux 
qui  traverfent  en  croix  les  fils  du  premier 
rang ,  6c  qui  forment  la  trame.  'J'ous  ces 
(ils  étant  nouvellement  filés ,  font  encore 
glutineux  ,  &  fe  collent  les  uns  aux  autres 
dans  tous  les  endroits  où  il  fe  croiient , 
;e  qui  rend  la  toile  afi'ez  ferme.  D'ailleius  , 
à  melure  que  ïaraignée  paffe  ua  fil  flu-  un 
autre  ,  elle  les  ferre  tous  deiLX  avec  iès 
manieloiis ,  pour  ki  coller  ciiiêiablc  ;  djg 


J34  ARA 

p!u3  ,  elle   triple  &  quadruple   les  fils  qui  " 
borc'cnt  la  toiie  ,  pour  la  rendre  plus  forte 
tiaiis  cet  Ciidroit ,  qui  eft  le  plus  expofé  à  le 
.déchirer. 

Une  araignée  ne  peut  faire  que  deux  ou 
trois  toiles  daus  fa  vie  ,  fuppofé  inême  que 
la  première  n'ait  pas  été  trop  .'-grande  ;  après 
cela  elle  ne  peut  plus  fournir  de  matière 
glutineufe.  Alors ,  iî  elle  manque  de  toile 
pour  arrêter  fa  proie ,  elle  meurt  de  faim  : 
dans  ce  cas  il  faut  quelle  s'empare  par 
force  de  la  toile  d'une  autre  araignée ,  ou 
qu'elle  en  trouve  une  qui  foit  vacante  ^  ce 
qui  arrive  ,  car  les  jeunes  araignées  aban- 
tlonnent  leurs  premières  toiles  pour  en  faire 
de  nouvelles. 

Les  araignées  de  la  féconde  efiîece  font 
celles  des  jardins  :,  elles  ont  quatre  grands 
3'cuK  placés  en  quarré  au  milieu  du  front , 
Hc  deux  plus  petits  fur  chaque  côté  de  la 
tête.  La  plupart  de  ces  araignées  font  de 
couleur  feuille-morte  ;  il  y  en  a  de  ta- 
chetées de  blanc  &  de  gris  j  d'autres  qui 
Ibnî  toutes  blanches  j  d'autres  enfin  de 
tliiîérentes  teintes  de  verd  :  celles-ci  font 
plus  petites  que  les  blanches  ;  les  grifcs 
ibnt  les  plus  groifes  de  toutes  :  en  général  , 
les  femelles  de  cette  eljpece  ont  le  ventre 
plus  gros  que  celles  des  autres  elî)eces  ,  & 
]es  mâles  font  fort  menus.  Ces  araignées 
font  à  l'éprem'e  de  l'elprit-de-vin  ,  de 
l'eau-forte  ,  &  de  l'huile  de  vitriol  ;,  mais 
l'huile  de  térébenthine  les  tue  dans  un  inf- 
tant  :  on  peut  s'en  fervir  pour  détruire  leur 
nichée ,  où  il  s'en  trouve  quelquefois  une 
centaine. 

Il  eft  plus  difficile  aux  araignées  des  jar- 
dins de  faire  leur  toile  , .  qu'aux  araignées 
domeftiques  :  celles-ci  vont  aifément  dans 
tous  les  endroits  où  elles  veulent  l'attacher  ^ 
les  autres  travaillant ,  pour  ainfi  dire  ,  en 
l'air  ,  trouvent  plus  difficilement  des  points 
d'appui ,  &  elles  font  obligées  de  prendre 
bien  des  précautions ,  &  d'employer  beau- 
coup d'inchîfcie  pour  y  arriver.  Elles  choi- 
fîifent  un  temps  calme  ,  &  elles  fc  pofent 
(lans  un  lieu  avancé  :  là  elles  fo  tiennent 
fur  fix  pattes  feulement ,  &  avec  les  deux 
pattes  de  derrière,  elle  tirent  peu-à-peu  de 
leur  filière  un  fil  de  la  longueur  de  deux 
pu  trois  aunes  ,  ou  plus ,  qu'elles  laiilént 
conduire  au  kafard.  Dès  que  ce  fil  touche 


ARA 

à  fjiielquc  cliofe  ,  il  s'y  colle  ^  Varaignée  le 
tire  de  temps  en  teinps  ,  pour  favoir  s'il 
ell  attaché  quelque  part  ■■,  &  lorftfu'elle  font 
qu'il  réfifte  ,  elle  applique  fur  l'endroit  où 
elle  ell ,  l'extrémité  du  fil  qui  tient  à  fon 
corps  j  enfoite  elle  va  le  long  de  ce  pre- 
mier fil  jufqu'à  l'autre  bout  qui  s'eft 
attaché  par'  hafard ,  &  elle  le  double  dans 
toute  fa  longueur  par  un  fecond  fil^  elle 
le  triple  &  même  elle  le  quachiiple ,  s'il 
eli  fort  long ,  afin  de  le  rendre  plus  fort  j 
cnfuite  elle  s'arrête  à-peu-près  au  milieu 
de  ce  premier  fil ,  &  de-là  elle  tire  de  fon 
corps ,  comme  la  première  fois ,  un  nou- 
\eau  fil  qu'elle  lailfe  fiotter  au  hafiird  ^  il 
s'attache  par  le  bout  quelque  part ,  comme 
le  premier  ;,  ïaraignée  colle  l'autre  bout  au 
milieu  du  premier  fil  ;  elle  triple  ou  qua- 
druple ce  focond  fil ,  après  quoi  elle  revient 
iè  placer  à  l'endroit  où  il  eiî  attaché  au 
premier  :  c'eft  à-peii-près  un  centre ,  au- 
quel aboutiflent  déjà  trois  rayons  :  elle 
contiinie  de  jeter  d'autres  fils ,  jufqu'à  ce 
qu'il  y  en  ait  un  allez  grand  nombre  pour 
que  leurs  extrémités  ne  fo  troment  pas 
fort  loin  les  unes  des  autres  \  alors  elle  tend 
des  fils  de  travers  qui  forment  la  circon- 
férence ,  &  auxquels  elle  attache  encore 
de  nouveaux  rayons  qu'elle  tire  du  centre  : 
enfin  tous  les  rayons  étant  tendus ,  elle 
revient  au  cemre  ,  &  y  attache  un  nouveau 
fil  qu'elle  conduit  en  Ipirale  fur  tous  les 
rayons ,  depuis  le  centre  jufqu'à  la  circon- 
férence. L'ouvrage  étant  fini ,  elle  fe  niche 
au  ccinre  de  la  toile  ,  dans  une  petite  cel- 
Itile  où  elle  tient  fa  tête  en  bas  &  le  ventre 
en  haut ,  peut-être  parce  que  cette  partie  , 
qui  ell  fortgToire,incommoderoitra7ï2/'o-/;ir 
dans  mie  autre  fituation  :  peut-être  auilî 
cache-t-elle  fes  yeux ,  qui  font  fans  pau- 
pière ,  pour  éviter  la  trop  grande  lumière 
qui  potirroit  les  bleilèr.  Pendant  la  nuit , 
^  lorfqu'il  arrive  des  pluies  &  de  grands 
vents ,  elle  fe  retire  dans  luie  petite  loge 
qu'elle  a  eu  foin  de  faire  au  delfus  de  fa 
toile  fous  un  petit  abri.  On  pourroit  croire 
que  ce  petit  aiyle  eft  ordinairement  l'endroit 
le  plus  haut ,  parce  que  la  plupart  des 
araignées  montent  plus  aifément  qu'elles  ne 
defcendent. 

Les  araignées  attendent  patiemment  que 
des   mouches  viennent  s'cnibarrallér  dau3 


ARA  ,.   A  ^  A  ^35 

leurs  toiles  ;   dès  qu'il  en  arrive  ,  elles  f;ii- 1  (ie  couleurs  àlirércines  ;,  il  y  en  a  c!e  blan- 
fiiient  la  proie  ,  ik  l'einporteut  dans  leur    ches ,  de  noires,  de  roug-cs  ,  de  grifes,  & 


nid  pour  la  manger.  Lorfque  les  mouches 
font  allez  groifcs  pour  rcfiilcr  à  ïaraigm'e , 
elle  les  cn\eloppe  d'une  s^rande  quantité 
de  fils  qu'elle  tire  de  fa  filière ,  pour  lier 
les  ailes  &  les  pattes  de  la  mouclie»  Quel- 
quefois il  s'en  trouve  de  fi  fortes ,  qu'au 
lieu  de  s'en  fiiiiir  ,  X'araignce  la  délivre  clle- 
incmc  eu  détachant  les  fils  qui  l'arrêtent  , 
ou  en  déchirant  fa  toile.  Dès  que  la  mou- 
che ell  dehors  ,  Yaraignee  raccommode 
promjîtement  l'endroit  qui  elè  déchiré,  ou 
bien  elle  fait  une  nouvelle  toile. 

La  troilicme  eljîece  d'umignee  comprend 
celles  des  caves  ,  &  celles  qui  font  leurs 
nids  dans  les  vieux  murs  :  elles  ne  paroif- 
fënt  a\oir  que  fix  yeux  à-peu-près  de  la 
ir.ême  grandeur,  deux  au  milieu  du  front, 
&  deux  de  chaque  côté  de  la  tête  ,  elles 
font  noires  &  fort  velues  :  leurs  jambes 
font  courtes.  Ces  araignées  font  plus  fortes 
&  vivent  plus  long-temps  que  la  plupart 
des  autres  ^  elles  font  les  feules  qui  mor- 
dent lorfqu'on  les  attaque  ■■,  aufii  ne  pren- 
nent-elles pas  tant  de  précautions  que  les 
autres  pour  s'aiiiirer  de  leur  proie  j  au  lieu 
de  toile ,  elles  tendent  feulement  des  fils 
de  fcpt  à  huit  pcuces  de  lou^jneur  ,  de- 
puis leur  nid  julqu'au  mur  le  plus  pro- 
chain. Dès  qu'un  infeâie  heurte  contre  u;i 
de  ces  fils  en  marchant  fur  le  irmr ,  Y  arai- 
gnée eft  a\ertie  par  l'ébranlement  du  fil, 
8c  fort  au'H-tôt  de  fo;i  trou  pour  s'empa- 
rer de  l'infecte  ,  elles  emportent  les  guê- 
pes mêmes  ,  que  les  autres  araignées  évi- 
tent à  caufc  de  leur  aiguillon  ^  celles-ci  ne 
les  craignent  pas  ,  peut-être,  parce  que  la 
partie  antérieure  de  leur  cor[>s  &  leiirs  jam- 
bes fant  couvertes  dune  écaille  extrême- 
ment dure,  &  que  leur  ventre  eft  revêtu 
uun  cuir  fort  épais  •,  d'ailleurs  leurs  ferres 
fo.'it  aflez  fortes  pour  briier  le  corcelet  des 
guêpes. 

Les  araignées  de  la  quatrième  efpecc  , 
qui  font  les  vagabondes ,  ont  huit  yeux 
deux  grands  au  milieu  du  froùt ,  u  i  plu. 
\>'^nt  fur  la  même  lig!;c  que  les  grands  de 
clK.q  .e  côté  ,  deux  auties  pareils  fur  le  der- 
rière de  la  tête  ,  &  eafiu  deux  tres-petic? 
entre  le  front  Se  le  derrière  de  la  tête.  Ce 
firaigr.éfs  foat  de  diiféïcutes  grandeurs  Sc^ 


de  tachetées  :  leurs  bras  ne  font  pas  termi- 
nés par  des  crochets  ,  comme  ceux  des 
autres  araignées  ,  n:ais  par  un  bouquet  de 
plume  qui  eft  quelquefois  aulfi  gros  que 
leur  tête  ^  elles  s'en  fervent  pour  envelop- 
per les  mouches  qu'elles  faifilTcnt ,  n'ayant 
point  de  toile  ni  de  fils  pour  les  lier.  Ces 
araignées  vont  chercher  leur  proie  au  loin  , 
of  la  furprennent  avec  beaucoup  de  rulc 
&  de  fineife. 

Les  araignées  de  campagne  ,  appcllées 
Iqs  faucheurs  ,  qui  font  celles  de  la  cin- 
quième efjiece  ,  ont  huit  yeux ,  difpofés 
^icn  difîijremment  de  ceux  des  autres  ef- 
peces  ^  il  y  en  a  deux  noirs  au  milieu  du 
front ,  fi  petits ,  &  placés  fi  près  l'un  de 
l'autre  ,  qu'on  pourroit  les  confondre.  Sur 
chaque  côté  du  front  il  fe  trou\e  trois 
autres  3'eux  plus  gros ,  &  arrangés  en  forme 
de  trèfle  fur  une  boffe  ^  leur  cornée  efl 
fort  convexe  &  tranfparente  ,  &  le  fond 
de  l'œil  eft  noir.  La  tête  &  la  poitrine  de 
1.CS  araignées  font  applaties ,  &  ont  quelque 
tranfjjarence  :,  l'écaillé  qid  les  recou'vre  efè 
fort  fine  ,  lilfe  &  tranfjiarente  ;,  il  y  a  utie 
'ïrande  tache  fur  la  tête  •,  les  jambes  font 
fort  menues  ,  velues  ,  &  beaucoup  pli!s 
grandes  à  proportion  que  celles  des  autres 
araignées  :  les  bras  font  extrêmement  courts 
ix  fort  charnus  ^  ils  font  fort  dilférens  des 
jambes.  Voye-^les mémoires  de  M.  Homberg, 
dans  les  mémoires  de  t académie  royale  d;s 
Sciences  ,  année  1707. 

Il  y  a  en  Amérique  une  très-groffe  ef^ 
pece  ^araignées  ,  qui  occupent  un  efpace 
d'environ  fept  pouces  de  diamètre  ,  lorf- 
que les  pattes  fout  fort  étendues.  Ces  arai- 
gnées forit  couvertes  d'un  poil  roux  ,  & 
quelquefois  noir ,  aiTez  long  :,  les  jambes 
fjiu  terminées  par  une  petite  pince  de 
':-bftance  de  corne  noire  fort  dure.  Cet 
'uléêèc  a  fi:r  le  devant  de  la  tête  deux 
wPochets  de  la.  même  fiibllance  que  lés 
puices ,  fort  pointus  ,  &  d'iui  noir  luifant. 
On  croit  que  ces  crochets  gnérifFent  du 
i.al  de  dents,  fi  on  s'en  fert  ccm.me  de 
cuicdents  \  on  croit  aufîi ,  mais  peut-être 
"Acc  phis  de  fondement ,  que  cette  arai- 
gnée eft  autant  venimeufè  que  la  vipère  : 
on  dit  qu'elle  darde  ion  venin  fort  loin  3 


,5^  ARA 

que  fi  on  la  tcndie  ,  on  relF^nt 
mangeaifon  comn-ie  celle  qui  cil  caufie  par 
des  ortiis  j  c<.  que  fi  on  comprime  cet 
infc£te ,  on  éprouve  la  piquurc  d'un  petit 
niguillon  très  -  venimeux.  Les°  œufs  font 
dans  une  coque  fort  grofle  ,  formée  par 
nue  pellicule  affez  femblable  au  canepin , 
il  y  a  au  dedans  de  la  foie  qui  enveloppe 
les  œufs.  Ces  araignées  portent  cette  coque 
attachée  fous  le  ventre  :  on  dit  que  leurs 
toiles  font  fi  fortes  quelles  arrêtent  les 
petits  oifeaux.  Il  y  a  des  efpeces  de  coli- 
bris ,  qui  font  beaucoup  plus  petits  que 
ces  araignées  ,  &  qui  n'ont  pas  allez  de 
force  ou  de  courage  pour  les  empêcher  de 
jnanger  leurs  œufs  ,  dont  elles  font  fort 
avides,  f^oyei  Colibri. 

On  a  donné  à  certaines  araignées  le  nom 
de  phalange  ,  phalangium.  Il  y  a  différentes 
opinions  fur  la  v  raie  fignificaticn  dece 
nom  i  les  uns  ont  cru  qu'il  u'appartenoit 
qu'aux  araignées  qui  n'ont  que  trois  pha- 
langes ,  c'ell-à-dire,  trois  articulations  dans 
les  pattes  ,  comme  nous  n'en  avons  que 
trois  dans  les  doigts  ■■,  d'autres  ont  prétendu 
c{ue  le  nom  de  phalange  ne  convenoit  qu'aux 
araignées  venimeufes  ,  aranei  noxii  ,  telles 
que  la  tarentule  ,  la  grofTe  araignée  d'A- 
mérique ,  &c.  Voyei  Phalange. 

En  général  les  araignées  vivent  d'm- 
feftes  ,  &  elles  font  fi  voraces  qu'elles  fe 
mangent  les  unes  les  autres. 

On  détruit  les  araignées  autant  qu'on 
peut ,  parce  qu'elles  rendent  les  inaifons 
mal  propres  en  y  faifant  des  toiles.  Outre 
ce  inotif ,  la  plupart  des  gens  ont  une 
a'.erfion  naturelle  de  cet  inlcfte  ,  &  lui 
trouvent  un  afpeâ;  hideux  :  enfin  on  l'évite 
8c  on  le  craint  ,  parce  qu'on  le  croit  veni- 
meux. On  a  foupçonné  que  fa  morfure  ou 
fa  piquure  étoient  venimeufes  ;  &  on  a 
prétendu  que  fi  quelqu'un  avaloit  une  arai- 
gnée ,  il  éprouvoit  des  fymptomes  qui  dé- 
iiotoient  le  venin  de  cet  infecte.  Je  ne  fais 
fi  la  chaleur  du  climat  peut  rendre  les  arai- 
gnées vçnimeufes  ,  ou  fi  cette  mauvaifc  pro- 
priété cft  particulière  à  quelques  elpeces , 
comme  à  la  tarentule.  Ce  qui  me  pmoît 
certain  ,  c'eft  qu'on  ne  relient  aucun  mai 
réel  pour    avoir  avalé   des  araignées    de  ce 

J)ays-ci  :    combien  de  gens  en  avalent  fans 
p  ilivpir  j    6c  niêiiie  de  ces    araignées   de 


ARA 

une  dé-  f  cave  ,  noires  8c  velues  ,  pour  le/quelles  n-i 
a  tant  d'horreur  ?  Je  crois  que  le  (cul  rif^ 
que  qu'ils  courent  ,  ell  de  prendre  du  dé- 
goût &  de  l'inquiétude  ,  s'ils  s'en  appcrce- 


voient  j  mais  qu'ils  n'en  rellcntiroient  pas 
plus  do  mauvais  effet  ,  que  n'en  relTentent 
tous  les  oifeaux  qui  mangent  ces  infeftes 
avec  beaucoup  d'avidité.  On  n'a  pas  encore 
fait  voir  bien  clairement  en  quelle  partie  de 
Varaignée  réfide  fou  prétendu  venin.  Les 
uns  ont  cru  que  c'étoit  dans  les  ferres  •,  on 
a  pris  ces  ferres  pour  des  dents  :  d'autres 
les  ont  comparées  à  l'aiguillon  de  la  queue 
du  fcorpion  ^  mais  la  plupart  ont  cru  que 
Xaraignée  répandoit  du  venin  par  ces  orga- 
nes. Enfin  on  a  obfervé  que  Xaraignée  a 
une  petite  trompe  blanche  qui  fort  de  fa 
bouche  ,  8c  on  croit  que  c'eft  par  le  moyen 
de  cette  trompe  qu'elle  répand  du  venin. 
On  rapporte  quantité  de  faits  qui  ,  s'ils 
étoient  bien  avérés  ,  ne  lailîeroient  aucun 
doute  fur  le  venin  des  araignées  ,  8c  fiu" 
fes  funeftes  effets  -,  mais  je  ne  crois  pas 
qu'il  foit  bien  prouvé  que  celles  de  ce  pays 
aient  un  venin  qui  puiffe  être  mortel  :  il 
eft  feulement  très-probable  qu'elles  répan- 
dent ,  comme  bien  d'autres  animaux  ,  luie 
liqueur  ailez  acre  8c  affez  corrofive  pour 
caufer  des  inflammations  à  la  peau  ,  8c 
peut-être  pour  irriter  l'eftoniac.  Je  crois 
qu'il  y  a  du  rifque  à  voir  de  près  une  arai- 
gnée qui  crevé  au  feu  d'une  chandeUe  ,  8c 
dont  il  peut  jaillir  jufque  dans  les  yeux  une 
liqueur  mal-faine  ou  au  moins  très-malr 
propre  ,  qui  eft  capable  de  caufer  une  in- 
flammation. Ces  effets  ,  quelque  légersr 
qu'ils  foient  ,  peuvent  devenir  plus  dange- 
reux ,  fi  on  travaille  à  les  aggraver  en  feli- 
vrant  à  fou  imagination. 

M.  Bon  ,  premier  préfident  de  la  chambre 
des  comptes  de  Montpellier ,  &  affocié  ho- 
noraire de  la  fociété  royale  des  fciences  de 
la  même  ville  ,  a  cherché  le  moyen  de  ren- 
dre utiles  les  araignées,  qu'on  n'avoit  regar- 
dées que  comme  très-nuifibles.  Il  en  a  tiré 
une  foie  ,  8c  il  eft  parvemi  à  faire  ,  avec 
cette  foie  d'araignées  ,  dirîcrens  ouvrages , 
comme  des  bas  8c  des  mitaines  ,  auffi  forts 
Se  prefqu'auffi  beaux  que  les  ouvrages  faits 
avec  la  foie  ordinaire.  ?^ojf{  Soie  d'A- 
raignée,  Insecte.  (I) 

*  Il  paroit  par  ce  qui  iliit ,  que  le  méde- 

ciû 


Ara 

<;m  traite  le  poifon  &  la  piqiiure  de  Varalgnee 
Tin  peu  plus  (ériciileinent  que  le  naturiilillc. 
Voici  ce  qu'il  dit  de  les  cHers  &  de  i'a  cure. 

Les  fynipromes  que  caulè  la  piquure  de 
Yariiigiiee  ,  font  un  engourdiflement  dans  la 
partie  alïcdée  ,  un  ientiment  de  troid  par 
tout  le  corps  ,  qui  efl  bientôt  fuivi  de  l'en- 
flure du  bas-ventre ,  de  la  pâleur  du  vifage , 
du  l.irmoycment ,  d'une  envie  continuelle 
d'uviner,  de  convuliîons  ,  de  iueurs  troides. 

On  parvient  A  la  cure  par  les  alexiphar- 
maques  ordinaires.  On  doit  laver  la  partie  , 
aiilll-tôt  après  la  piquure  ,  avec  de  l'eau 
ialce ,  ou  avec  une  éponge  trempée  dans  le 
vinaigre  chaud  ,  ou  dans  une  décodion  de 
mauve  ,  d'origan  &  de  tliym. 

Celle  veut  qu'on  applique  un  caraplafme 
de  rhue,  d'ail ,  piles ,  &  d'huile,  lur  une 
piquure  d'arjignee  ou  de  fcorpion. 

Lorfque  l'on  a  avalé  une  araignée  ,  s'il 
Jurvient  des  convulfions  &  contradit)ns  de 
l'eflomac  ,  elles  (ont  plutôt  occafionées 
par  les  petits  poils  de  Varaigne'e  ,  qui  s'at- 
tachent à  la  membrane  interne ,  que  par  le 
poiibn  de  cet  iniede. 

■  On  prétend  que  la  toile  de  ïaraignét  efl 
fpécifique  Contre  les  fièvres  intermittentes  : 
on  l'applique  aux  poignets  ,  ou  bien  on  la 
fufpend  au  cou  dans  une  coquille  de  noix 
ou  de  noilette.  L'expérience  dément  fou- 
vent  cette  prétendue  vertu. 

On  fe  fert  de  la  toile  d'amignee  pour  arrê- 
ter le fang  dans  les  coupures  légères.  (N) 

Les  fentimens  ont  varié  fur  la  généra- 
tion des  araignées.  Quelques  naturalillcs 
ont  cru  qu'elles  étoient  androgynes  ou  her- 
maphrodites ;  mais  la  diverfité  des  Icxes  eft 
bien  marquée  :  la  femelle  ,  comme  parmi 
tous  les  infedes  ,  efl  bien  plus  grande  que 
le  mâle,  &  la  difproportion  ell  telle  dans 
quelques  efpeccs  ,  que  M.  Homberg  a  trou- 
vé qu'il  faUoit  cinq  à  fix  araignées  mâles 
des  jardins ,  pour  égaler  le  poids  d'une 
temclle.  Il  y  a  encore  quelques  autres  ca- 
raderes  qui  les  dillinguent.  Lifler  ,  qui 
avoit  obfervé  au  bout  des  antennes  des 
mâles ,  les  boutons  qui  manquent  aux  fe- 
melles ,  avoit  foupçonné  que  ce  pouvoit 
être  les  organes  de  la  génération  ,  ce  foup- 
çon  paroît  confirmé  par  les  obfervations 
intéreffantes  qu'a  faites  M.  Lyonnet  fur 
l'accouplement  des  araignées  de  jardin  ,  & 
Tome  m. 


ARA  Ï37 

qu'a  répétées  M.  Geofiroi.  Voici  ce  que 
ces  naturalilles  ont  obicrvé.  Depuis  le  com- 
mencement d'odobre  jujqu'au  milieu  ,  on 
voit  fur  les  toiles  à  réfeau  dans  les  jardins  » 
Acs  araignées  femelles  qui  le  tiennent  tran- 
quilles la  tête  en  bas  vers  le  milieu  de  la 
toile  :  le  mâle  va  &  vient  dans  les  environs  , 
il  s'avance  doucement  iur  la  toile  ,  il  s'ap- 
proche inienfiblemcnt  de  la  femelle  ,  qui 
relie  toujours  dans  la  même  place  ,  &  lorl- 
qu'il  en  efl  tout  près ,  il  lui  touche  légè- 
rement la  patte  avec  l'extrémité  d'une  des 
ùennes  ,  &  recule  aufli-tot  de  quelques 
pas  ,  comme  s'il  avoit  peur  :  quelquefois 
elles  fe  lailîcnt  tomber  l'une  &  l'autre  avec 
précipitation  ,  &  demeurent  quelque  temps 
iufpendues  à  leurs  fils.  Le  courage  enfuite 
leur  revient  :  elles  s'approchent  de  nouveau 
&  répètent  plufieurs  fois  le  même  manège. 
Pendant  ce  temps  les  boutons  des  anteii- 
nes  du  mâle  s'entr'ouvrent  &  paroilTcnt 
humides  :  celui-ci  devenu  plus  hardi ,  s'ap- 
proche davantage  ,  &  porte  vivement  le 
bout  d'une  de  fcs  antennes  dans  la  fente 
qui  efl  au  devant  du  ventre  de  la  femelle 
&  fe  retire  aufll-tôt  :  un  moment  après  il 
tait  la  même  choie  avec  l'autre  antenne, 
&  ainfi  plufieurs  fois  alternativement.  Ces 
mouvemens  font  11  prompts  qu'on  a  peine 
à  appercevoir  autre  chofc  qu'un  fimple 
contad  :  cependant  en  y  regardant  de  fort 
près ,  on  découvre  un  tubercule  charnu  6c 
blanchâtre  qui  fort  dans  ce  moment  du 
bouton  entr'ouvert  de  l'antenne  ,  &  qui  y 
rentre  dès  que  le  mâle  fe  retire.  V^oye:^ 
Théolog.  des  Infecl.  par  Lefler  ,  tom.  I.  pag. 
184.  GeofFroi,  Hiji.  des  Infeâ.  tom.  II. 
pag.  637. 

Voilà  des  amours  moins  fiirprcnans  par 
les  marques  de  défiance  mutuelle  bien 
aflbrtie  au  caradere  féroce  de  ces  infedes  , 
que  par  la  façon  fingulicre  dont  s'opère 
l'accouplement.  Du  relie ,  c'efl  à  des  ob- 
fervations ultérieures  à  nous  apprendre 
s'il  n'y  a  point  d'autres  accoupicmcns  ,  &: 
s'il  s'opère  de  la  même  mani'ere  dans  tou- 
tes les  efpeces  (îaraignées ,  ce  que  l'ana- 
logie doit  cependant  préfumer.  Les  anciens 
ont  dit  qu'elles  s'accouplent  à  reculons  ,  &c 
quelques  modernes  ont  prétendu  que  c'cft 
ventre  contre  ventre.  L'auteur  d'un  Mé- 
moire fur  les  araignées  aquatiques,    loup- 


Ï38  ARA 

çonne  qu'un  tuyau  recourbé  &  élaftique 
qu'il  a  oblervé  ious  le  ventre  des  mâles  de 
cette  efpece ,  pourroit  bien  être  l'organe 
mafculin  ;  auquel  cas  l'accouplement  fe 
feroit  dans  cette  forte  d'araignées  d'une 
manière  bien  différente  que  celle  que  nous 
avons  décrite. 

Quoi  qu'il  en  foit  de  l'accouplement  , 
les  femelles  dépofent  bientôt  leurs  aufs. 
Ces  œufs  font  nombreux  ,  petits ,  ronds , 
tuifans ,  couverts  d'une  peau  molle  _&  tranf- 
parente  ,  dont  la  couleur  varie  félon  les 
elpeces  :  ['araignée  pour  les  garantir  des 
injures  de  l'air  &  des  atteintes  des  autres 
inlééles  ,  les  raflémble  fous  une  enveloppe 
commune  de  foie  en  forme  de  coque  ar- 
rondie ou  ovale ,  dont  le  tillli  &  la  forme 
varient.  Uaraigne'e  domeftique  &  celle  des 
trous  des  murs  ,  renferment  leurs  œufs 
dans  des  toiles  peu  différentes  de  celles 
qu'elles  tendent,  d'autres  en  font  dont  le 
îifTu  beaucoup  plus  fort  &  plus  ferré  leur 
donne  quelque  rapport  avec  les  cocons  du 
ver  à  foie ,  &  a  fait  naître  à  M.  Bon  , 
préfident  de  la  fociété  royale  de  Montpel- 
lier ,  l'idée  de  les  faire  fervir  à  notre  ulage. 
Quelques  araignées  cachent  leurs  coques 
en  terre  ou  dans  les  troncs  d'arbres  ;  d'au- 
tres les  fufpendent  à  des  fils  avec  la  pré- 
caution de  les  cacher  derrière  un  paquet 
de  feuilles  feches  :  d'autres  les  cachent  dans 
des  feuilles  roulées  par  des  chenilles  :  une 
efpece  d'araignée  des  prairies  qui  ne  tend 
que  des  fils  confus  ,  colle  fa  coque  fur  une 
feuille  &  femble  la  couver  :  fon  attache- 
ment eif  tel ,  qu'elle  fe  lailTè  emporter  avec 
la  feuille  fur  laquelle  elle  efl ,  fans  l'aban- 
donner julcju'à  ce  que  les  petites  araignées 
foient  éclolés  :  d'autres  araignées  de  celles 
qu'on  nomme  vagabondes ,  portent  pour 
le  moins  aulïi  loin  l'attachement  pour  leur 
poflérité. 

Dès  que  les  petites  araignées  font  éclo- 
fes  ,  elles  (è  mettent  à  filer.  Ce  premier 
temps  de  leur  vie  efl  le  feul  où  elles  vivent 
en  famille  ,  bientôt  elles  le  iéparent  &  de- 
viennent ennemies.  Elles  croiiTent  coniidé- 
rablement  dans  ces  premiers  jours  ,  quoique 
fouvent  elles  ne  mangent  point ,  ne  pouvant 
encore  attraper  des  mouches.  A  mefure 
qu'elles  cr,  iflent  ,  elles  changent  de  peau  ; 
^    quelques    uiitmaljlles    out    remarqué 


ARA 

que  celles  même  qui  ont  acquis  tout 
leur  accroiflément  ,  changent  encore  de 
peau  tous  les  ans  au  piintemps,  &  laïf^ 
fent  des  dépouilles  complètes  comme  les 
écrevifl'es. 

On  n'a  rien  de  certain  fur  la  durée  de 
la  vie  de  ces  infeâes.  Plufieurs  auteurs 
prétendent  que  les  araignées  vivent  très- 
long-temps  ;  &  M.  Hombcrg  rapporte  qu'il 
en  a  vu  une  qui  vécut  quatre  ans  :  fon 
corps  ne  grofiilfoit  pas ,  mais  {es  jambes 
s'allongeoient. 

'L'araignée  maçonne  qu'a  décrite  M.  l'abbé 
de  Sauvages ,  elt  d'une  eipece  fmguliere  . 
elle  relfemble  prefqu'entiérement  à  celle 
des  caves  ;  elle  en  a  la  forme,  la  couleur  & 
le  velouté  :  fa  tête  efl  ,  de  même,  armée 
de  deux  fortes  pinces ,  qui  paroifîent  être 
les  feuls  inftrumens  dont  elle  puilTe  lé  fervir 
pour  creufer  un  terrier  comme  im  lapin  ,  & 
pour  y  fabriquer  une  porte  mobile  ,  qui 
ferme  fi  exaflement ,  qu'à  peine  peut-on 
introduire  in:e  pointe  d'épingle  entre  iés 
joints.  Elle  apporte,  ainfi  que  les  fourmis  & 
plufieurs  autres  inieftes  ,  une  grande  atten- 
tion pour  le  choix  d'un  lieu  favorable 
pour  établir  fon  habitation.  Elle  choifit 
un  endroit  où  il  oe  fe  rencontre  aucune 
herbe  ,  un  terrain  en  pente  pour  que  l'eau 
de  la  pluie  ne  puilTe  pas  s'y  arrêter ,  & 
une  terre  exemente  de  pierradles  qui  op- 
poferoit  un  obfîacle  invincible  à  la  conf^ 
trudion  de  fon  domicile  :  elle  le  creufe  à 
un  ou  deux  pies  de  profondeur  ;  elle  lui 
donne  affez  de  largeur  pour  s'y  mouvoir 
facilement ,  &  lui  conferve  par-tout  le  même 
diamètre  :  elle  le  tapiflé  enfuite  d'une  toile 
adhérente  à  la  terre  ,  foit  pour  éviter  les 
écoulemens ,  foit  pour  avoir  prife  à  grimper 
plus  facilement ,  foit  peut-être  encore  pour 
ièntir  du  fond  de  fbn  trou  ce  qui  fe  paffe 
à  l'entrée. 

Mais  où  l'induftrie  de  cette  araignée 
brille  particulièrement ,  c'efl  dans  la  ferme- 
ture qu'elle  conflruit  à  l'entrée  de  fon  ter- 
rier ,  &  auquel  elle  lért  tout  ;\  la  fois  de 
porte  &  de  couverture.  Cette  porte  ou 
trappe  eft  peut-être  unique  chez  les  in- 
feftes  ;  &  félon  M.  de  Sauvages ,  on  n'en 
trouve  point  d'exemples  ,  que  dans  le  nid 
d'un  oifeau  étranger  ,  repréfenté  dans  le 
tréfor  d'Albert  Séba.  Elle  eft  formée  de  dif- 


ARA 

férentes  couches  de  terre,  détrempées  & 
liées  entr'cUes  par  des  fils  ,  pour  empêcher 
vraifemblablement  qu'elle  ne  le  gerce  ,  & 
que  Tes  parries  ne  fe  Icparent  ;  Ton  contour 
cÛ  parFaitement  rond  ;  le  defllis  ,  qui  eu  à 
fleur  de  terre  ,  eil  plat  &  raboteux  ;  le  del- 
fous  eft  convexe  &:  uni ,  &  de  plus  il  eiî  re- 
couvert d'une  toile  dont  les  fils  lont  très- 
forts  &  le  tiflii  ferré  ;  ce  font  ces  fils  qui  , 
prolongés  d'un  côté  du_  trou  ,  y  attachent 
fortement  la  porte  ,  &  forment  une  efpece 
de  pcnture  ,  au  moyen  de  laquelle  elle  s'ou- 
vre &  lé  ferme.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  admi- 
rable dans  cette  conllrudion  ,  c'eft  que 
cette  pentureou  charnière  eft  toujours  fixée 
au  bord  le  plus  élevée  de  l'entré ,  afin  que 
la  porte  retombe  &  fe  ferme  par  fa  pro- 
pre pefanteur  ;  effet  qui  eft  encore  facilité 
par  l'inclinaifon  du  terrain  qu'elle  choifit. 
Telle  elt  encore  l'adrefTe  avec  laquelle  tout 
ceci  efî  fabriqué  ,  que  l'entrée  forme  par 
fon  évafement  une  efpece  de  feuillure  , 
contre  laquelle  la  porte  vient  battre  , 
n'ayant  que  le  jeu  néceflaire  pour  y  entrer 
&  s'y  appliquer  exaûement  ;  enfin  le  con- 
tour de  la  feuillure  &  la  partie  intérieure 
de  la  porte  font  fî  bien  formés,  qu'on  di- 
roit  qu'ils  ont  été  arrondis  au  compas. 
Tant  de  précautions  pour  fermer  l'entrée 
de  Ion  habitation  paroifTent  indiquer  que 
cette  araignée  craint  la  furprife  de  quelque 
ennemi  :  il  i'emble  auflî  qu'elle  ait  voulu 
cacher  la  demeure  ;  car  la  porte  n'a  rien 
qui  puiffe  la  faire  diftinguer  ;  elle  eft  cou- 
verte d'un  enduit  de  terre  de  couleur  fem- 
blable  à  celle  des  environs  ;  &  que  l'infeâe 
a  laifTé  raboteux  ,  à  defl'ein  fans  doute  ;  car 
il  auroit  pu  l'unir  comme  l'intérieur.  Le 
contour  de  la  porte  ne  déborde  dans  au- 
cun endroit  ,  &  les  joints  en  font  fi 
ferrés  ,  qu'ils  ne  donnent  pas  de  prife 
pour  la  faifir  &  pour  la  foulever.  A  tant 
de  ioins  &  de  travaux  pour  cacher  fou 
habitation  &  pour  en  fermer  l'entrée , 
cette  araignée  joint  encore  une  adrefîé  & 
une  force  finguliere  pour  empêcher  qu'on 
n'en  ouvre  la  porte. 

A  la  première  découverte  que  M.  l'abbé 
de  Sauvages  en  fit  ,  il  n'eut  rien  de  plus 
prefTé  que  d'enfoncer  une  épingle  fous  h 
porte  de  cette  habitation  pour  la  ioulever  , 
maisily  trouva  une  réliftance  qui  l'étouna; 


ARA  iji) 

c'étoit  Varaigne'e  qui  retenoit  cette  porte 
avec  une  force  qui  le  luprit  extrêmement 
dans  un  fi  petit  animal  :  il  ne  fit  qu'en- 
tr'ouvrir  la  porte  ilMa  vit  le  corps  ren- 
verlé ,  accrochée  par  les  jambes  d'un  côté 
aux  parois  de  l'entrée  du  trou  ,  de  l'autre 
à  la  toile  qui  rccouvroit  le  dcffous  de  la 
porte  :  dans  cette  attitude  qui  augmentoit 
la  force  ,  Varaigne'e  tiroit  la  porte  à  elle  le 
plus  qu'elle  pouvoit ,  pendant  que  le  na- 
turaliile  tiroit  auffi  de  Ion  côté ,  de  façon 
que ,  dans  cette  efpece  de  combat ,  la  porte 
s'ouvroit  &  le  refermoit  alternativement. 
L'araignée  bien  déterminée  A  ne  pas  céder, 
ne  liîcha  prile  qu'à  la  dernière  extrémité  ; 
&  lorfque  M.  de  Sauvages  eut  entière- 
ment foulevé  la  trappe  ,  alors  elle  fe  précit 
pita  au  fond   de  fon  trou. 

Il  a  fouvent  répété  cette  expérience  ,  & 
il  a  toujours  oblervé  que  Varaigne'e  accou- 
roit  fur  le  champ  pour  s'oppofer  à  ce  qu'on 
ouvrît  la  porte  de  fa  demeure.  Cette  promp- 
titude ne  montre-t-elle  pas  que ,  par  le 
mo}en  de  la  toile  qui  tapifîe  Ion  habita- 
tion ,  elle  fent  ou  connoît  du  fond  de  fà 
demeure  tout  ce  qui  fe  pafTe  vers  l'entrée  , 
comme  Varaigne'e  ordinaire  ,  qui  par  le 
moyen  de  fa  toile  ,  prolonge  ,  fi  cela  fe 
peut  dire  ,  fon  fentiment  à  une  grande 
dlflance  d'elle  ?  Quoi  qu'il  en  foit ,  elle  ne 
ceflé  de  faire  la  garde  à  cette  porte  ,  dès 
qu'elle  y  entend  ou  y  fent  la  moindre  chofe  ; 
&  ce  qui  efl  vraiment  fingulier  ,  c'eit  que 
pourvu  qu'elle  fût  fermée  ,  M.  l'abbé  Sau- 
vages pouvoit  travailler  aux  environs  & 
cerner  la  terre  pour  enlever  une  partie  du 
trou  ,  fans  que  Vaniignee  frappée  de  cet 
ébranlement  ou  du  fracas  qu'elle  entendoit, 
&  qui  la  menaçoit  d'une  ruine  prochaine, 
longeât  à  abandonner  fon  polie  ;  elle  fè 
tenoit  toujours  collée  fur  le  derrière  de  fa 
porte  ,  &  M.  Sauvages  l'enlevoit  avec  , 
làns  prendre  aucune  précaution  pour  l'em- 
pêcher de  fuir.  Maisfi  cette  araignée  mon- 
tre tant  de  force  &  d'adrefle  pour  déten- 
dre fes  foyers  ,  il  n'en  eu  plus  de  même 
quand  on  l'en  a  tirée  :  elle  ne  paroît  plus 
que  languilfante  ,  engourdie ,  &  fi  elle  fait 
quelques  pas  ,  ce  n'efl  qu'en  chancelant. 
Cette  circonilance ,  &  quelques  autres  , 
ont  fait  penfer  à  notre  obfervateur  qu'elle 
pourroit  bien  être  un  inlccle  nodurne  que 

S  i 


Ï40  ARA 

la  clarté  du  jour  blefliè  ;  au  moins  ne  l'a-t-il 
jamais  vu  fortir  tle  fon  trou  ■  d'elle-même , 
&  iorfqu'on  l'expofe  au  jour,  elle  paroît  être 
dans  un  clément  étranger. 

Cette  araignée  fe  trouve  fur  les  bords  des 
chemins  aux  environs  de  Montpellier  :  on 
la  rencontre  auffi  fur  les  berges  de  la  petite 
rivière  du  Lez  qui  pafîe  auprès  de  la  même 
ville.  On  n'a  pas  de  connoifiancc  qu'on 
l'ait  encore  découverte  ailleiu-s  ;  peut-être 
n'habitc-t-clle  que  les  pays  chauds..  La 
manière  fingulicre  dont  fe  loge  cet  infeûe, 
fi  différent  des  autres  araignées  ,  infpire 
naturellement  la  curiofité  de  favoir  com- 
ment il  vit  ,  comment  il  vient  à  bout  de 
fe  fabriquer  cette  demeure ,  Ê'c  mais  il 
faut  attendre  de  nouvelles  obfervations. 
Jufqu'ici  ,  quelques  efforts  qu'ait  tait  M. 
l'abbé  de  Sauvages  pour  conferver  ces 
araignées  vivantes  ,  il,  n'a  pu  poufler  plus 
loin  lès  découvertes  flir  leur  manière  de 
vivre.  Il  faudroit  peut-êrre  ,  pour  parve- 
nir à  les  mieux  connoître ,  enlever  tout- 
à-la-tois  leur  demeure  &  une  portion  con- 
fidérable  de  la  terre  qu'elles  habitent ,  qu'on 
placeroit  dans  un  jardin  :  alors  ,  comme 
on  les  auroit  l'ous  les  yeux  ,  on  pourroit 
plutôt  découvrir  leurs  difR'rentes  ma- 
nœuvres.   (  -}-  ) 

Araignée  ,  en-  terme  de  fortification., 
fignifîe  une  branche  ,  un  retour,  ou  une 
galerie  d'une  mine  ,  Ùc.  Voye\  RAMEAU 
DE  MlNE.(Ç) 

Araiqnée  ,.  Araignées  ,  Marti-^ 

NET  ,  Moques  de  TRÉLINGAGE,  {ma- 
rine^ ce  font  des  poulies  particulières  où 
viennent  paflcr  les  cordages  appelles  marti- 
nets ou  marticles.  Ce  nom  à^araignée  leur  a 
été  donné  à  cau(c  que  les  martinets  forment 
plufîeurs  branches  qui  viennent  le  terminer 
;\  ces  poulies ,  à-peu-près  de  la  même;  façon 
que  les  filets  d'une  toile  à^araignée  vien- 
nent aboutir  par  de  petits  rayons  à  une 
cfjsece   de  centre. 

Le  mot  (Wiraignée  fe  prend  quelquefois 
pour  le  martinet  ou  le?  marticles  ;  comme 
le  martinet  fe  prend  auffi  pour  les  araignées. 
Voyei  Martinet  ,  Moques  de  tré- 
iingage,Tréi.ingage.,  (2") 

Araignée  ,  terme  de  chaj/e  ,  forte  de 
filet  qu'on  tend  le  long  des  bois  ou  des  buif- 
Ws;  pour  prendre  les  oiieauji  de  proie  avec  le 


ARA 

duc  ,  on  s^en  fert  auffi  pour  prendre  les 
merles  &  les  grives  ,  pourvu  que  ce  filet  foit, 
bien  fait ,  &  d'une  couleur  qui  ne  foit  pas 
trop  vifible. 

ARAINE,  f  f  (Luth.)  Les  trom- 
pettes le  nommoient  anciennement  arai— 
nés.  (F.  D.  C.) 

AKAL,(G/o^.)  grand  lac  d'Afie  ,  dans, 
la  Tartarie  indépendante  ,  à  l'orient  de  la, 
mer  Calpienne;  il  efl  au  milieu  du  pays,, 
habité  indiftinclement  par  les  Turcomans  ^ 
les  Caracalpacs  ou  Calmoucs  blancs  &  les. 
peuples  de  la  Calatcha-horda.  Il  a  envi- 
ron trente  milles  d'Allemagne  du  fud  au. 
nord,  &  quinze  de  l'elt  à  l'ou-.d.  Il  reçoit 
deux  grands  fleuves  ,  l'ancien  Jaxartes ,, 
appelle  aujourd'hui  Sir-Daria  ;  &  l'ancien 
Oxus  ,  nommé  Ami-Daria.  Ses  eaux  font 
très-falées  ,  &  les  poiifons  qu'on  y  trouve- 
font  de  la  même  elpece  que  ceux  de  la  mer 
Cafpienne.,  Les  peuples  qui-  habitent  fes. 
bords  pratiquent  près  du  rivage  des  ca-- 
naux  larges ,  mais  peu  profonds  ,  dans. 
lefquels  ils  font  écouler  Çts  eaux  pour  en- 
tirer  le  fel  ;  ce  qui  réuffit  très -bien  à  laj 
faveur  des  exhalaifons  occafionées  par  le- 
foleil.  On  ignore  de  quel  côté  font  les  ifîlies. 
de  ce  lac  ;  ce  qu'il  y  a  de  certain ,  c'efl  qu'il: 
en  fort  des  rivières  qui  viennent  tomber 
dans  la  mer  Caipienne.  (C  A.  ) 

§  ARALIA.  {Botanique.)  en  françois  ^ 
augéliqiie  baccifere  ;  en  anglois  ,  berry-- 
bearingangehca  ;  en  allemand,  beertragende.' 
angelica. 

Caraclere  générique. . 

Ses  fleurs  ,  qui  naiflfcnt  en  ombelles ,  font- 
pourvues  de  cinq  pétales  &  de  cinq  éta- 
mines  ;  le  piflil  efl  formé,  d'un  embryon 
arrondi  qui  fait  partie  du  calice  ,  &  qui: 
efl  furmonté  de  quatre  flyles  obtus  ;  cet. 
embryon  devient  une  baie  fucculente  ,  où: 
font  renfermées  cinq  femences  dures  ,  de 
forme   oblongue. 

Efpeces, 

I.  Angélique  baccifere  en  arbriffeau  ,  à 
tige  &    à  pédicules   épineux. 

Frutex  I.  Angélique épineufe. 

Aralia  arbore/cens  caultbus  pedicuUfquit 
fpinofis.Hort.  Colomb.. 

Angelica  tra,^ 


ARA 

i.  Angcîlique  bacciferc ,  A  rîge  nue. 
Plante.  Aialij.  caule  nudo.  Hort.  Clijf'. 

J13. 

Berry-bearing  angelica.  with  a  nakedfldlk, 
3.  Angélique  bacciferc  ,  A  tige  unie  ,  her- 
bacée &  garnie  de  feuilles. 

Plaine.  Aralia  caule  foliofo  ,  herbaceo  , 
Lvii.  Hoir.  Upfal.yo. 

Canada  beny-bearing  angelica. 

Aralia  caule  foliofo  Ù  hifpido. 

"V Aralia  n°.  i  porte  les  Heurs  en  gros 
bouquets  ,  compofés  de  cent  ou  cent  cin- 
quante petites  ombelles ,  formées  par  la 
réunion  de  vingt  ,  de  vingt-cinq  ou  trente 
fleurs  d'un  blanc-vcrd;1tre  ,  qui  dans  nos 
climats  paroiiîènt  tantôt  en  été  ,  tantôt  en 
oftobre.  Nous  tirons  ces  particularités  du 
Traite  des  arbres  &  arbujhs  de  M.  Duha- 
mel :  nous  n'avons  pas  encore  vu  Heurir 
cet  arbuile  dans  nos  jardins. 

Sa  tige  efl  groflê  &  fort  moëlleufe  ; 
elle  eil  couverte  d'épines  courtes  ,  larges 
par  leur  baie  ,  &  dont  la  pointe  ell  cour- 
bée vers  le  bas  :  les  pédicules  des  teuilles  y 
font  très-tortement  attachés  par  une  ei- 
pece  de  cuilleron  ou  genou  qui  l'embrafle  ; 
ces  pédicules  font  ordinairement  d'un  pié 
&  demi  de  long  ,  ils  l'ont  armés  d'épines 
rares  placées  fans  ordre  ;  d'elpacc  en  elpace 
ils  ont  des  protubérances  ou  articulations  , 
d'où  partent ,  au  nombre  de  deux  ou  trois  , 
de  petits  pédicules  qui  s'élèvent  &  qui 
portent  des  folioles  ovales  pointues  & 
entières. 

Si  les  fleurs  à!' Aralia  ont  quelque  mé- 
rite ,  c'eft  plutôt  par  leur  maiïe  que  par 
leur  couleur  :  fes  feuilles  prodigieuies  font 
d'un  très-bel  effet  ,•  comme  elles  lont  en- 
core très-vertes  en  oclobre  ,  il  convient 
d'employer  cet  arbufte  dans  les  boiquets 
d'été  &  d'automne  ;  il  aime  une  terre  lé- 
gère &  fraîche  ,  &  "n  emplacement  un 
peu  ombragé. 

Ni  en  France  ,  ni  en  Angleterre  fes 
baies  ne  parviennent  à.  une  parfaite  matu- 
rité,; on  les  envoie  de  l'Amérique,  mais 
comme  elles  n'arrivent  que  vers  le  mois  de 
Mars ,  leurs  graines  qui  lont  afTez  dures  ne 
germent  que  le  printemps  (uivant  :  alors  il 
faut  airoler  avec  foin  les  caifl'es  où  on  les  a 
lémées ,  &  les  parer  de  la  plus  grande  cha- 
Içior  par  quelque  légc;;j;  couverture  ,   en 


ARA  141 

leur  donnant  par  gradation  plus  d'air  &  de 
lumière.  Les  deux  hivers  fuivans ,  on  les 
mettra  dans  des  caiflcs  à  vitrages  ;  les  étés  , 
on  les  enterrera  contre  un  mur  expolé  au 
levant  ;  le  troilieme  printemps ,  on  trans- 
plantera chaque  petit  arbrilfeau  dans  un 
pot ,  &  on  continuera  de  les  traiter  de  la 
manaerc  que  nous  venons  de  dire  ,  &:  fur- 
tout  de  les  arrofer  fouvent. 

Au  printemps  de  la  leconde  année  ,  d'a- 
près  cette  tranfplantation  ,    peu   avant  la 
poufle  ,  on  les  enlèvera  avec  leur  motte  y. 
&;  on  les  plantera  à  demeure. 

Les  jeunes  poulies  de  cet  arbuffe  étant 
fort  tendres.,  il  conviendra  de  l'empailler- 
les  deux  ou  trois  premiers  hivers  qui  fui- 
vront  cette  dernière  tranfplantation  ;  que 
par  la  iuite  ils  fe  trouvent  endommagés 
par  des  froids  rigoureux  ,  c'eff  à  quoi  l'on  ^ 
ne  peut  parer  ;  mais  les  maîtrefl'es  tiges- 
rélilleront  :  quand  même  elles  périroient  , 
les  racines  qu'on  aura  toujours  (oin  de 
couvrir  de  litière  ,  poufTcront  de  nouveaux 
jets  ,.  &  une  tojs  que  cet  aralia  efl  parvenu 
à  une  certaine  force  ,  il  produit  à  une 
certaine  diflance  de  ion  pié  ,  des  fiirgeons 
dont  on  pom-ra  fe  fervir  :  cela  me  conduit 
à  penler  qu'il  feroit  facile  de  le  multiplier 
comme  la  campanule  pyramidale  '&  le 
bonduc  ,  par  des  morceaux  de  racine  plan- 
tés dans  des  pots  fur  couche  ;  c'eft  un  eflîii. 
que  nous  nous  propofons  de  faire. 

Les  autres  elpcces  lont  des  plantes  du- 
res ;  elles  aim^ent  l'ombre  &  l'on  peut  les 
planter  fous  des  arbres  ;  elles  ie  multiplient 
aiiément  de  graines  ,  qu'on  doit  femer  en 
automne  ,  dès  qu'elles  lont  mûres.  Ces 
aralia  n'ont  nul  agrément  ,  on  ne  les 
fouffre  dans  un  jardin  qu'en  f;iveur  de  la 
variété.,  ou  pour  apprendre  à  les  connoître  ; 
mais  c'eft  une  fort  bonne  connoifHmce  à 
taire  ,  fi  ,  comme  le  dit  M.  Sarrafin  ,  la  dé- 
codion  de  leurs  racines  guérit  la  leucophleg- 
matle.  (  M.  le  Baron  de  Tschoudi.  ) 

*  ARALIASTRUM  ,  (  hift.  nat.  bot.  ) 
efpece  de  plante  hermaphrodite ,  dont  la. 
fleur  eft  régulière  ,  poiée  iur  un  ovaire  iur- 
monté  d'un  calice  découpé  en  plufieurs. 
endroits.  Ce  calice  fe.  change  en  un  fruit 
qui  contient  deux  ou  trois  lêmences  plates 
&  faites  en  cœur.  Sa  tige  le  termine  en. 
une  ombelle  ,  dont  chaque  pçjnte  ne  porte.- 


T4t  ARA 

qu'une  fleur.  On  y  remarque  plufieurs 
pédicules  ,  comme  fur  l'anémone.  De  leurs 
extrémités  partent  comme  en  rayons  plu- 
fieurs feuilles.  On  diffingue  trois  efpeces 
à'araUaftrum  dont  nous  ne  ferons  point 
mention  ,  parce  qu'on  ne  leur  attribue 
aucune  propriété. 

*  ARAMA  ,  (  Géog.  fainte.  )  ville  de 
Paleftine  de  la  tribu  de  Ncphtali. 

*  AraMA  ,  (  Géog.  fainte.  )  ville  de 
Paleftine  de  la  tribu  de  Siméon  ,  mais  fur 
les  confins  de  celle  de  Juda.  On^croit  que 
cette  ville  &  Jérimoth  font  la  même  ville. 

ARAM  ACA  ,  f  m.  (  Hifl.  nat.  Ichthyo- 
logie.  )  efpece  de  foie  ,  ainfi  nommée  par 
les  habitans  du  Brefil ,  figurée  paflable- 
ment  par  Marggrave  ,  dans  Ion  Hiftoire 
■  naturelle  du  Brefil,  liv.  IV  chapitre  1%  , 
&  enfuite  copiée  par  Jonflon  &  Ruylch  , 
pag.  l'jS  ,  planche  XXXVI ,, figure  x  ,  de 
lem-  Hiftoire  naturelle   des  poijfons. 

Ce  poilTon  ,  que  les  Portugais  appellent 
encore  lingoada  &  cubricuncha  ,  a  la  forme 
applatie  de  la  foie,  que  les  Hollandois 
appellent  tonge  ,  fon  corps  a  une  fois  & 
demie  plus  de  longueur  que  de  largeur  ,  & 
les  yeux  placés  tous  deux  fur  la  gauche  , 
c'efl-à-dire ,  fur  le  côté  quieft  griiatre  , 
pendant  que  le  côté  droit  qui  eft  blanc  en 
efi  dépourvu  ;  ces  yeux  font  de  la  grofleur 
d'un  pois  ,  à  prunelle  cryftalline  ,  envi- 
ronnée d'un  iris  en  croilfant  bleuâtre  ;  fa 
bouche  ell  petite  ians  langue,  &  garnie 
de  petites  dents  très-aiguës,  l'ouverture 
des  ouies  efl:  aflez  grande. 

Ses  nageoires  font  au  nombre  de  fcpt  , 
dont  deux  ventrales  très-petites  ,  placées 
au  deflbus  de  l'ouverture  des  ouies  ,  & 
au  devant  des  deux  pedorales  qui  fontaflez 
longues ,  &  terminées  chacune  par  un  filet 
en  forme  de  poil  ;  la  nageoire  anale  ,  c'efl- 
à-dire  de  l'anus  ,  commence  au  deflbus  de 
l'origine  des  pcfloralés  ,  pendant  que  la 
dorliile  commence  au  defllis  des  deux  ven- 
trales }  &  toutes  deux  s'étendent  jufqu'à  la 
queue  ;  celle-ci  en  ell  diftinde  ,  &  un  peu 
arrondie  à  ion  extrémité  :  tout  fon  corps 
ell  couvert  d'écaillés  fort  petites. 

Mœurs.  Uaramaca  vit  dans  les  fonds 
fablonneux  de  la  mer  du  Brefil  ;  il  fe 
mange  ,  fi  chair  ell  de  bon  goût.  (  M. 
Adanson.  ) 


ARA 
ARAMBER  ,  v.   n.    {marine.)    c'efl 
accrocher  un   bâtiment   pour   venir  à  l'a- 
bordage ,    foit  qu'on  emploie  le  grapin  , 
foit  d'une  autre  forte.  {Z) 

*  ARAMONT  ,  (  Géog.  )  petite  ville 
de  France  ,  dans  le  Languedoc  ,  diocelc 
d'Uzès  ,  fur   le  Rhône.  Long.  22..  21  ;  lat. 

43  '54- 

'*  AR  AN  ,  (  Géog.  )  vallée  des  Pyrénées , 

à   la  fource    de    la  Garonne  ,    avant    que 

d'entrer  dans  le  pays  de  Comrninges. 

*  Aran  (  iles  d')  ,  deux  îles  d'Irlande 
dans  le  golfe  de  Gallowai  ,  province  de 
Connaugth. 

ARAM  ,  (  Hifl.  facrée.  )  frère  d'Abra- 
ham ,  fur  l'ainé  des  fils  de  Tharé  :  il  mou- 
rut avant  fon  pcre  ,  &  ce  fut  le  premier 
des  hommes  qui  ne  furvécut  point  à  l'auteur 
de  fes  jours  ;  fa  mort  prématurée  ,  félon 
S.  Epiphane  ,  fut  une  punition  de  Dieu 
qui  voulut  châtier  Tharé  d'avoir  forgé  des 
dieux  nouveaux.  Les  Rabins  difent  qu'ayant 
refufé  d'adorer  le  feu  ,  fon  père  qui  tut 
fon  juge  &  fon  accufneur  ,  le  fit  préci- 
piter dans  une  fournalfe  ardente  ;•  d'autres 
aflurent  qu'ayant  voulu  éteindre  le  feu 
qu'Abraham  avoit  mis  aux  idoles  de  fon 
père  ,  il  fut  dévoré  par  les  flammes.  (  T-N.  ) 

AR ANAPANNA  ,  f  m.  (  Hijhire  nat. 
Botaniq.  )  efpece  de  fougère  du  Malabar , 
gravée  fous  ce  nom  affez  bien ,_  mais  fans 
dérails ,  par  Van-Rheede  dans  fon  Hortus 
Malabaricus  ,  volume  XII,  page  61  , 
planche  XXXI. 

D'une  tige  traçante  fous  terre  ,  fous  la 
forme  d'une  racine  garnie  de  fibres  capillai- 
res, s'élèvent  plufieurs  ieuilles  ailées  une  fois 
feulement  fur  deux  rangs  de  folioles  à  pé- 
dicule commun  cylindrique  ,  ligneux  , 
roide  ,  rouge-brun  ,  luilànt ,  marqué  d'un 
large  &  profond  fiUon  iur  fa  fiice  iiipé- 
rieure  ou  intérieure  ;  fes  folioles  font  au 
nombre  de  trente  ou  environ  ,  placées  de 
chaque  côté  alternativement  fur  un  même 
plan  ,  longues  de  cinq  à  fix' pouces  ,  dix  à 
douze  fois  moins  larges  ,  marquées  de 
chpque  côté  de  quarante  à  cinquante  cre- 
nelures  rondes  prel'que  lèfliles  ,  à  bafe 
arrondie ,  pointues  à  leur  extrémité  ,  ter- 
mes ,  &  d'un  verd  vif  &  luilànt ,  fur-tout 
en  deffous  oii  elles  font  relevées  d'une  côte 
longitudinale  fort  épaillè. 


ARA 

Chnque  foliole  ou  divifion  de  feuille  , 
porte  en  deflous  deux  r.ings  de  paquets  de 
ileurs  ,  chaque  rang  de  quarante  à  cin- 
quante paquets  ;  chaque  paquet  ci\  placé 
fous  la  fente  qui  fépare  deux  crenelures 
l'une  de  l'autre  ;  il  e(l  irrrondi ,  d'un  jaune- 
brun  d'abord  ,  enfuite  rougcatre  ,  com- 
pole  d'un  amas  de  globules  qui  paroiilent 
nus  fans  enveloppe  &  fins  anneau  ;  le 
defllis  de  la  feuille  cil  marqué  de  petites 
taches  correlpondantes  à  ces  paquets  & 
afîez  agréables  ;\  la  vue. 

Ufdges.  On  n'en  fait  aucun  ulage  dans  le 
pays. 

Remarques.  Van  -  Rheede  ne  dit  pas 
précifément  que  les  paquets  de  fleurs  de 
V aranapanna  Ibnt  nus  ,  mais  il  donne  à 
entendre  qu'ils  lont  ians  envelope  ;  ainfi 
on  ne  peut  guère  douter  que  cette  plante 
ne  foit  une  efpece  du  genre  du  polypode. 

{M.  AVANSON.) 

A  R  A  N  A  S  ,  (  Ge'ogr.  )  petite  rivière 
d'Efpagne  qui  a  fa  fource  à  Salvatierra , 
dans  les  montagnes  du  Guipulcoa  ,  &  (on 
embouchure  dans  l'Arga  :  elle  coule  de 
l'oueflàl'efl.    (  C.  A.) 

*  A  R  A  N  A  T  A  ,  f  m.  (  Hifl.  nat. 
Zoolog.  )  animal  indien  de  la  grandeur  d'un 
chien  ,  dont  le  cri  ert  horrible  ,  &  qui 
grimpe  aux  arbres  avec  légèreté.  Il  manque 
à  cette  defcription  beaucoup  de  chofes 
pour  être  bonne  ;  &  Varano-ta  eft  encore 
un  de  ces  animaux  dont  nous  pourrions 
ne  faire  aucune  mention  ,  fans  que  les  lec- 
teurs lenfés  trouvaient  notre  Didionnaire 
plus  pauvre. 

ARANCEY  ou  ARANCY  ,  (  Géog.  ) 
petite  ville  de  Luxembourg  ,  au  gouverne- 
ment de  Metz  :  elle  efl  iur  la  rivière  de 
Crune  ,  au  fud-eft  de  Montmedy  ,  &  au 
nord-efl  de  Dampville  ;  c'eft  une  des  cinq 
petites  prévôtés  dont  l'Efpagne  fit  cellion  à 
la  France  ,  par  le  traité  des  Pyrénées  de 
i6î9.  Long.Z';,,   50;  /af.  49,  32. 

*ARANDA  DE  DUERO ,  fub.  f. 
(  Géog.  )  ville  d'Efpagne  ,  dans  la  vieille 
Caftille  ,  fur  le  Duero.  Long.  24  ,  33  ; 
lat.  41  ,  40.  Il  y  a  auffi  un  Aranda  au 
royaume  d'Aragon. 

*  ARANDORE  ou  ARRANDARI  , 
fort  de  l'île  de  Ceylan  ,  à  cinq  lieues  du  pic 
d'Adara. 


ARA  143 

*ARANIES  (Iles  d'  ),  Voyei  Aran. 

ARANIMEGIES,  {Geogr.)  jolie 
petite  ville  de  la  Hongrie  dans  le  comté  de 
Zatmar  ;  elle  cil  au  milieu  d'une  plaine 
entre  la  rivière  de  Samos  &  celle  de  Tur ,  à 
trois  lieues  au  nord-eft  de  Zatmar.  Long. 
45,  20;  lat.  47,  Î2.   (  C.  A.) 

*ARANIOS,  rivière  de  Tranfylvanie  , 
qui  a  la  lource  près  de  Claufembourg  ,  & 
k  joint  à  la  Marilch  ou  Merilch. 

ARANJUEZ  ,  (  Ge'ogr.  )  petite  ville  de 
l'Amérique  feptentrionale  ,  dans  la  nouvelle 
Eipagne  ,  province  de  Coflarica  ,  audience 
de  Guatimala  ;  elle  ell  au  fud-efl  du  lac  de 
Nicaragua  ,  £c  à  cinq  ou  lix  lieues  delà  mer 
du  fud.  Long.  290  :  lat.  10.  (C.  A) 
_  ARANJUEZ  ,  (  Geog.  )  maifon  de  plai- 
fance  du  roi  d'El)iagne  iur  le  Tage  ,  dans  la 
nouvelle  Caftille.  Long.   14  ,  30  ;  Ut.  40. 

*ARANTELLES  ,  f.  f.  pi.  ce  terme  fe 
dit  ,  en  Vénerie  ,  des  filandres  qui  font  au 
pié  du  cerf,  &  qui  ont  quelque  refîémblancc 
avec  les  fils  de  la  toile  de  l'araignée. 

ARAPABACA  ,  {Hift.  nat.  bot.)  genre 
de  plante  dont  la  fleur  efl  en  forme  d'en- 
tonnoir &  découpée.  Il  fort  du  calice  un 
]')\?{\\  qui  efl  attaché  à  la  partie  inférieure 
de  la  fleur  comine  un  clou,  &  qui  devient 
dans  la  fuite  un  fruit  compofé  de  deux  cap- 
fules ,  &  rempli  de  femences  pour  l'ordi- 
naire très- petites.  Plumier,  nova  plant, 
gêner.   Voje:;  PLANTE.   (/) 

*  ARAQUIL  ou  HUERTA  -  ARA- 
QUIL  ,  (  Ge'og.  anc.  &  mod.  )  petite  ville 
de  Navarre  ,  à  fept  lieues  de  Pampelunc  , 
vers  les  confins  de  l' Alava  &  du  Guipufcoa. 
On  croit  que  c'efl  l'ancienne  Aracillum 
ou  Arocellis. 

ARARA,  f  m.  {Hift.  nat.  Ornitho- 
log.  )  nom  Brafilien  d'une  elpece  de  perro- 
quet ou  d'ara  ,  décrit  par  Marggrave ,  p.  207 
de  fon  Hijhire  naturelle  du  Brejil ,  &  par 
Jonffon  ,  page  141  de  fon  Hifloire  naturelle 
des  oi féaux  ,  fous  le  nom  de  maracana  fe~ 
cunda  Brajilienjjs.  Jean  de  Laer  lui  donne 
le  nom  à'arara  &  macao ,  dans  fon  Hili, 
noti  orbis ,  page  ^56.  M.  Brlifon  l'appelle 
ara  ver  &  rouge  du  Brefil  ;  phttacus  major 
longicaudu  <  ,  fatui  acê  piri.  :  is  y  macutâ  in 
fyncipite  fufcd  ,■  vertice  viridi«xrulefcente; 
maadâ  in  alarum  exortu  miniatd  ;  genis 
nudis  candidis  3  liiieis plumofis  nigris  firia.-' 


144  ARA 

tis  ;  reclr'iclbus  fupernè prima  medletate  vi-' 
ridibus  ,  altéra  cyanets  ,  fu'utits  fatwatè 
ruhris  ....  ara  Brajîlienjis  erjclirochlora. 
Ornithologie  ,  vol.  IV ,  page  loi,  n°.  7. 
Ccû  le pjittaciis 6  fei'erus,  niacrourus  liri- 
dis  ,  genis  nudis  ,  remigibiis  reclricibufque 
cceruleis  y  fubtùs  purpurafcentibus  ,  de  M. 
Linné  dans  Ton  Syfiema  naturœ  ,  édition 
de  ïj6j  f  page  140. 

Cet  oilêau  n'a  encore  été  figuré  nulle 
part ,  à  moins  que  ce  ne  foit  celui  qu'Ed- 
wards a  reprélènté  lous  le  nom  de  maracana. 
Voici  la  delcription  qu'en  tait  Marggrave; 
il  a  la  grandeur  du  perroquet  amazone  ,  ou 
il  elt  un  peu  plus  petit  que  l'ara  verd  du 
Brefil ,  il  a  la  queue  allongée  de  même  ,  le 
bec  noir  ,  les  joues  nues ,  à  peau  blanche 
pointillée  de  plumes  noires. 

Son  front  a  une  petite  tache  brune  à 
l'origine  du  bec  ,  &  la  tête  efl  en  deiFus 
d'un  verd-clair  &  comme  bleuâtre  ;  les 
cpaiilcs  &  ie  defTous  des  ailes  &  de  la  queue 
cil  d'un  bleu  obfcur  ;  le  refle  de  fon  corps , 
c'eft-à-dire  ,  la  tête  ,  le  cou  ,  le  dos  ,  les 
ailes  ,  la  queue ,  le  ventre ,  >les  cuifîès  , 
font  d'un  verd  foncé  ;  fes  pies  iont  bruns  , 
la  prunelle  des  yeux  ell  noire  ,  &  leur  iris 
jaunâtre  ;  fa  queue  ell  elliptique  ,  compolée 
de  douze  plumes  pointues  ,  graduées  pro- 
portionnellement ,  de  manière  que  les  deux 
extérieures  font  une  fois  plus  courtes  que 
les  deux  intermédiaires  qui  font  les  plus 
longues. 

Moeurs.  Le  cri  ordinaire  de  cet  oifèau 
cfl  oe  oe  oe  :  il  fe  trouve  en  Amérique  , 
depuis  la  Jamaïque  julqu'au  Brelil.  {M. 
Adânson.  ) 

ARARACANGA,  f.  m.  {Hifi.  mt. 
Ornitholog.  )  autre  efpece  d'ara  du  Brélil , 
figuré  affez  mal  par  Marggrave  fous  ce  nom 
dans  fon  Hiftoire  naturelle  du  Brefil ,  pag. 
206  ;  Gefner  en  avoit  donné  une  allez  mau- 
vaife  figure  fous  le  nom  de  pfittacus  erj- 
throcyaneus  f  dans  fon  Hiftoire  des  oi  féaux  y 
page  721  ;  Albin  en  a  publié  une  plus 
exaâ:e  ,  mais  très -mal  coloriée  ,  fous  le 
nom  de  perroquet  de  la  Jamaïque  ,  l'olume 
II ,  page  1 1  ,  planche  XVII  ;  les  Amé- 
ricains de  Guiane  l'appellent  conorro  ,• 
c'eft  \e pfittacus  erythrocyaneus  ,  caudâ  cu- 
neiformi  i  temporibus  nudis  y  rugofiis  ,  de 
lyL  Linné ,  dans  fon  Syftema  naturig  ,  e'di- 


AK  k 

tion  de  1767 ,  page  237  ,  n".  i.  M.  Brif* 
fon  l'appelle  ara  de  la  Jamaïque  ;  pfittacus 
major  longicaudus  ,  dilutê  coccineus  uropy~ 
gio  dilutè  cxruleo  ,•  pennis  fcapularibus 
luteis  f  viridi-terminatis  ;  genis  nudis  can' 
didis  y  rechicibus  fupernè  cyaneis  violaceo 
admixto  ,  infernè  obfcurè  rubris  ;  binis  in~ 
termediis  utrinquè  proxinid  primd  medte- 
tate  obfcurè  nihrâ  . . .  ara  Jamaicenfis.  Or- 
nithologie ,  volume  IV ,  page  188. 

Il  égale  la  grolî'eur  du  chapon  ,  fa  lon- 
gueur du  bout  du  bec  jufqu'à  celui  de  la 
queue  eil  de  trente-deux  pouces  &  demi , 
&;  de  quinze  pouces  jufqu'au  bout  des  on- 
gles ;  fon  bec  a  vingt-une  lignes  d'épail- 
fcur  ,  &  vingt-huit  lignes  de  longueur  du 
bout  de  ion  crochet  julqu'aux  coins  de  la 
bouche;  la  queue  vingt-un  pouces  ,  fon  pié 
quatorze  lignes  ,  fon  doigt  antérieur  le  plus 
long  joint  à  l'ongle  ,  vingt-fix  lignes  ;  fes 
ailes  ouvertes  ont  trois  pies  onze  pouces  de 
vol ,  &  lorlqu'elles  (ont  pliées  ,  elles  s'éten- 
d-cnt  julqu'au  tiers  de  la  queue. 

Sa  tête  efl  plate  en  defllis  &  fort  large  ; 
fà  queue  efl  elliptique  très-longue  ,  compo- 
lée de  douze  plimies  qui  vont  toutes  en  di- 
minuant de  longueur  par  degrés  depuis  les 
deux  du  milieu  julqu'aux  deux  extérieures  , 
qui  font  des  deux  tiers  plus  courtes  qu'elles  , 
la  troifieme  des  plumes  de  l'aile  cil  la  plus 
longue  de  toutes.  La  baie  du  demi-bec  fu- 
périeur  eft  entourée  d'une  peau  blanche  & 
nue  ,  dans  laquelle  lont  placées  deux  na- 
rines rondes. 

Le  croupion  en  delTus  efl  bleu  -  clair  , 
ainfi  que  les  deux  plumes  du  milieu  de 
la  queue  ,  &  le  bout  des  autres  qui  ,  à 
leur  origine,  iont  d'un  rouge  obicur  comnre 
leur  dedous  &  le  deflbus  des  ailes  ;  le 
relie  du  corps ,  lavoir  la  tête ,  le  cou  ,  le 
dos  ,  le  ventre  ,  le  croupion  en  delTous  , 
&  les  cuilîès  ou  les  jambes  ,  iont  d'un 
beau  rouge  clair  ;  mais  les  moyennes  cou- 
vertures du  deifus  des  ailes  ont  le  bout 
orangé  terminé  de  verd  ,  &  celles  qui  les 
(uivent  en  s'éloignant  de  l'épaule  ,  font  d'un 
bleu  mêlé  d'une  Kgere  teinte  de  violet  le 
long  de  la  tige  de  chaque  plume  ;  la  tige 
de  routes  les  plumes  de  l'aile  efl  noire., 
les  dix-huit  premières  de  ces  plumes  font 
d'un  bleu  mêlé  d'une  teinte  de  violet  le 
long  de  leur  tige  ,  &  ont  une  grande  par- 
tie 


A  R  A      ^ 

lie  de  leur  côte  inrcricur  noirâtre  ;  les 
autres  font  vnriccs  de  verd  ,  de  bleu  &: 
de  marron-pourpré  ;  les  jooes  &  la  gorge 
'font  couvertes  d'une  peau  bbnche  nue  de 
plumes  ;  l'iris  des  yeux  ell  blcuiitre  &  la 
prunelle  noire  ;  le  demi-bec  liipérieur  cil 
blanc  ,  excepté  le  bout  de  Ton  crochet ,  & 
fes  côtés  vers  fa  baie  qui  l'ont  noirs  ,  ainli 
que  le  demi-bec  inférieur  &  les  ongles  de 
les  doigts  :  ceux-ci  Ibnt  noirâtres  ,  ainli 
que  les  pies. 

Alœiirs.  ISararacanga  cil  commun  en 
Amérique,  depuis  la  Jamaïque  julqu'au 
Brefil  ,  il  a  la  langue  comme  le  perroquet 
&  la  fort  de  même;  il  apprend  de  même 
à  répéter  certains  mots. 

Remarque.  Il  s'efl  gliiïe  deux  erreurs 
dans  la  delcription  de  M.  Briflbn  ,  qui  dit 
que  le  bec  de  cet  oilcau  a  deux  pouces 
quatre  lignes  d'épaifléur  ,  i'ur  vingt  -  une 
lignes  de  longueur  ,  &  que  l'iris  de  lés  yeux 
elt  jaune  :  Marggrave  nous  apprend  que 
cet  irisell  bleu.  {M.  Adanson.) 

*  ARARA  DE  CLUSIUS,  {Hijl  nat. 
bot.)  c'elt  un  fruit  de  l'Amérique  ,  long  , 
couvert  d'une  écorcc  dure  &  noire ,  atta- 
ché A  une  longue  queue  ,  &  contenant  une 
noix  noire  de  la  grofleur  d'une  olive 
fauvage.  Il  ne  s'agit  plus  que  de  lavoir 
quelle  ell  la  plante  qui  porte  ce  fruit.  On 
dit  que  la  décoflion  nettoie  &  guérit  les 
ulcères  invétérés.  Il  faudroit  aulli  s'afllirer 
fi  le  Iruit  a  cette  propriété. 

*  §  ARARATH ,  l'on  a  dit  que  c'étoit 
une  montagne  d'Arménie  fur  laquelle  l'Ar- 
che de  Noé  s'arrêta  près  de  la  ville  d'Eri- 
van.  Les  Arméniens  prétendent  que  l'on  y 
garde  encore  une  partie  du  bâtiment  :  mais 
M.  Saurin  {Dtfcoiirs  IX.  fur  la  Bible)  pré- 
tend que  par  le  mot  Ararath ,  employé 
dans  divers  endroits  de  l'écriture  ,  il  taut 
entendre  l'Arménie  ;  que  c'ert  dans  ce 
fens  que  le  prennent  les  Septante  ,  la  Vul- 
gate  ,   Théodoret,  &c. 

ARARAUNA  ,  f.  m.  {Hift.  nat.  Orni- 
thologie. )  troifiemc  elpece  d'ara  ,  ainil 
nommé  au  Brefil ,  &  décrit  fous  ce  nom  par 
Marggrave  dans  fon  Hifloire  naturelle  du 
Brejil ,  page  lo6.  Aldrovande  l'a  décrit 
fous  le  nom  de  pjntacus  maximus  cyano- 
croceus  ,  &  en  adonné  une  figure  peu  e\aéte. 
Arium  ,  volume  I ^pj^es  663  &  664. ,  qui  a 
2'ome  III. 


ARA  i4y 

éré  copiée  d'abord  par  Jonflon  &  Ruyfcfi 
fous  le  nom  de  pfittacuf  maximus  ,  Af. 
page  141  ,  planche  Xî^,  &  cnfuirc  par  Wil- 
lughby  ,  avec  la  dénomination  de  p/ittacus 
maximus  cyanocroceus  Aldro/'axtli  ,  dans 
fon  Ornithologie  ,  pag.  jn,  planche  XV.. 
CdX  le  canide  de  Leri ,  &  l'ara  blevi  &  jaune 
d'Edwards  qui  en  a  donné  une  figure  cxaàle 
&  bien  coloriée ,  T'o/z.'/nc  IV ,  page  1$-} 
Albin  l'a  gravée  auiîl  &  enluminée,  le  mâle 
à  la  planche  XVII  du  volume  II ,  &  la  fe- 
melle à  la  planche  X du  volume  III.  Les- 
habitans  de  la  Guianc  l'appellent  kararaoua, 
&  M.Linné,  pjittacus  ,  ararauna^  ma- 
crourus  ,  fuprà  Cixruleus  ,  fulnus  lutcus  , 
genis  midis  ,  lineis  plumojis  ;  dans  fon  Syj- 
tema  natura^,  édition  de  z  7  G  J, page  z  jg  y 
n°.  j.  M.  Bridbn  en  a  ffit  graver  une  bonne 
ligure  fous  le  nom  d'ara  bleu  &  jaune  du  Bre- 
iil  ;  pfutacus  major  longicaudus  ,  fupernè 
cyaneus  ,  infernè  croceus  ;  fyncipite  viridi; 
tccniâ  tranfversâ  fubguttiue  nigrd  ;  genis 
midis,  candidis  ,  lineis plumo/i.s  nigrisflria- 
tis  ;  reclricihus  infernè  lineis  ,  fupernè  cya- 
neis,  lateralibus  interdis  adviolaccum  incli- 

nantihus Ara  Brajdienjis  cyano-crccea. 

Ornithologie,  vol.  IV, p.  i^-]. planche  XX. 

Su.  grandeur  cil  la  même  que  celle  de 
l'araracanga  ;  la  longueur  depuis  le  bout 
du  bec  jufqu'A  celui  de  la  queue  ell  de 
trente-un  pouces  &  demi ,  &  julqu'à  ce|ui 
des  ongles  de  feize  pouces  &  demi  ;  Ion 
bec  a  depuis  fon  crochet  jufqu'aux  coins  de 
la  bouche  deux  pouces  de  longueur ,  (à 
queue  dix-neuf  pouces  ,  fon  pié  quatorze 
lignes ,  fon  doigt  antérieur  le  plus  long_ , 
joint  avec  l'ongle ,  ving-huit  lignes  ;  fes 
ailes  ouvertes  ont  quatre  pies  de  vol ,  & 
pliées ,  elles  s'étendent  au  quart  ou  à  pein© 
au  tiers  de  la  longueur  de  la  queue. 

Ses  joues  font  couvertes  d'une  peau  blan- 
che nue  ,  marquée  fur  chacune  de  neuf . 
lignes ,  formées  par  de  petites  plumes  noi- 
res ;  toutes  ces  lignes  partent  du  coin  de 
la  bouche  ,  en  divergeant  comme  autant 
de  rayons ,  dont  fix  plus  courts  &  plus 
rapprochés  remontent  au  defl'us  des  yeux, 
pendant  que  les  trois  autres  plus  longs  def- 
cendent  au  defibus  ;  la  bafe  du  demi-bec 
fupérieur  d\  entourée  d'une  peau  nue  & 
blanchâtre  dans  laquelle  font  les  narines^; 
la  queue  cû  elliptique  ,  allongée  ,  compofée 


14^  ARA 

de  douze  plumes  larges  ,  obtufes  ,  dont  les 
deux  du  milieu  font  deux  fois  plus  longues 
que  les  latérales ,  qui  vont  en  diminuant 
de  longueur  par  degrés  jufqu'à  la  plus  exté- 
rieure de  chaque  côté. 

Tout  fon  corps  efl  généralement  bleu 
en  defllis  ,  &  jaune  -  fafran  en  deffous  : 
cependant  fon  front  efl  d'un  verd  obfcur , 
&  fa  gorge  porte  un  demi  -  collier  noir  , 
bordé  dans  là  partie  inlérieure  d'un  peu 
de  verd  obfcur  ;  les  plumes  des  ailes  &  de 
la  queue  ,  quoique  bleues  fur  leur  côté  exté- 
rieur, tirent  furie  violet  à  leur  côté  inté- 
rieur qui  efl  bordé  de  noir  ,  &  elles  font 
d'un  jaune  obfcur  en  deffous  :  la  prunelle 
des  yeux  efl  noire  &  entourée  d'un  iris 
bleu  ;  fon  bec  &  fes  ongles  font  noirs ,  fcs 
pies  &  leurs  doigts  font  cendré-noirs. 

Quelques  individus  ,  &  ce  font  vraifem- 
blablement  les  mâles ,  ont  quelques  plumes 
jaunes  de  fafran  ,  mêlées  au  milieu  des  cou- 
vertures fupérieures  des  ailes  un  peu  der- 
rière les  épaules. 

'L'araranna  fe  trouve  fur  la  côte  orientale 
de  l'Amérique  ,  depuis  la  Jamaïque  jufqu'au 
Bréfil. 

Remarque.  M.Brifîbnn'eflpas  plus  d'ac- 
cord fur  la  couleur  de  l'iris  de  cet  oifeau  , 
qu'il  dit  être  jaune  comme  dans  î'araracan- 
ga  ,  pendant  que  Marggravc  qui  l'a  obfcrvé 
vivant  au  Bréiil ,  nous  ailure  que  cet  iris  efl 
bleuâtre.  {M.  Avanson) 

AR ARENE,  (Geag.)  contrée  des  peuples 
vagabonds  de  l'Arabie  heureufe,  (elon  Stra- 
bon.  Quelques-uns  croient  que  c'eit  aujour- 
d'hui le  pays  ou  ro3-aume  de  Mahré  qui  s'é- 
tend le  long  du  golfe  d'Ormus  ,  depuis  le 
cap  Ra?-nl-gate  jufqu'au  cap  Mofîandan. 
(C.  J.) 

*  ARARI  ,  rivière  de  l'Amérique  meri- 
•dionale  dans  le  Bréfil  :  elle  fe  jette  dans  la 
mer  du  nord  ,  dans  la  préfedure  de  Ta- 
maraca. 

*  ARAS  ou  ARAXE ,  (Geog.)  rivière 
d'Afic  ,  qui  prend  fa  fource  aux  frontières 
de  la  Turquie  afiatique ,  du  côté  d'Aflan- 
calé,  traverfc  l'Arménie,  une  partie  de  la 
^Pcrfe,  &  Te  jette  dans  le  Kur. 

ARASE  ,  f  f.  terme  d'arclmeclure  ;  c'efl 
ainfi  qu'on  nomme  un  rang  de  pierres  plus 
bi.flès  ou  plus  hautes  que  celles  de_  dcflous , 
lur  ieicuelles   elles  ion:  affiles    fucceflivc- 


A  RA 

ment  ,  pour   parvenir     à    la  hauteur  n^- 

ceflaire. 

ARASEMENT,  f  m.  dans  Van  de  bâtir, 
c'eft  la  dernière  affile  d'un  mur  arrivé  à  fa 
hauteur. 

ARASER  ,  V.  n.  terme  d'architecture , 
c'efl  conduire  de  même  hauteur  &  de  ni- 
veau une  affife  de  maçonnerie  ,  foit  de 
pierre  ,  loit  de  moilon  ,  pour  arriver  à  une 
hauteur  déterminée.    ( -P) 

Araser  ,  terme  de  memtiferie  ,  qui  fl- 
gnifie  couper  à  une  certaine  épaifleur  avec 
une  fcie  faite  pour  cet  ufage ,  le  bas  des 
planches  où  l'on  veut  mettre  des  cmboifu- 
res ,  &  coniérver  du  bois  fuffifamment 
pour  faire  les   tenons. 

*  ARASSI ,  {Géog.)  ville  maritime  d'I- 
talie ,  dans  l'état  de  Gènes.  Long.  2.5^  50  ,• 
lat.  44,  j. 

ARATE  ,  f  m.  (  Comm.crcc.  )  poids 
de  Portugal,  qui  efl  auffi  en  ulageàGoa 
&  dans  le  Bréîil  ;  on  le  nomme  allez 
fouvent  cuobe ,  qui  elt  le  nom  qu'il  a  ea 
Efpngne. 

l^'arate  ou  arohe  portugaife  efl  de  beau- 
coup plus  forte  que  Varohe  efpagnole  , 
celle-ci  ne  pefant  que  vingt-cinq  livres  , 
&  celle- hà  trente-deux  ;  ce  qui  revient 
poids  de  Paris  ,  à  près  de  vingt  -  neuf 
livres  de  Lisbonne  ,  &  celle  de  Madrid 
icidcment  à  vingt-trois  &  un  quart.  V^oyc\ 
AR()j3E.   (  Ct) 

*  ARATEES  ,  (  Myth.  )  fêtes  qu'on 
célébrolt  dans  la  Grèce  ,  en  honneur  d'A- 
ratus ,  capitaine  célèbre  ,  qui  mérita  des 
monuraens  par  la  conllance  avec  laquelle 
il  combattit  pour  la  liberté  de  fa  patrie. 

*  ARATICU  ,  f  m.  (  Hifl.  nat.  bot.  ) 
Ray  fait  mention  de  trois  arbres  diiFérens 
fous  ce  nom.  Le  premier  a  le  tronc,  les 
branches  ,  &  l'écorce  de  l'oranger  ;  m.ais 
fon  fruit ,  fa  fleur  ,  &:  les  feuilles  font 
très-différentes.  Sa  feuille  grillée  fur  le 
feu  ,  trempée  dans  de  l'huile  ,  &  appli- 
quée fi;r  un  abcès ,  le  fait  mûrir,  percer, 
&  cicatrifer. 

On  n'attribue  aucune  vertu  aux  deux  au- 
tres efpeces  ,  ce  qui  feroit  prelquc  croire 
que  le  premier  a  celles  qu'on  lui  donne. 

*  ARATICUPANA  ,  f  m.  (  Hift.  nat. 
hct.  )  arbre  du  Bréfi! ,  de  la  grandeur  de 
l'oranger ,   6:    portatit  un   fruit   odorant , 


ARA 

«gré<»blc  nu  goût ,  mais  dont  il  ne  faut  pas 
manger  louvcnt  :  dtlcription  inkillilhnte  & 
mauvailc  ;  il  y  a  cent  aibies  au  Hiéiii  à  qui 
ces  carnclcres  peuvent  con\  enir. 

AR  ATU  ,  i;  m.  (  Htjh  ncit.  Infecîologie.  ) 
nom  liraiilien  d'une  elpece  de  crabe  ,  cancer^ 
qLie  Ton  appelle  auiîi  aracu-pinirn.i  au  Bré- 
fil ,  ièlon  Marggiave  qui  en  donne  la  del- 
cription  luivante. 

Cet  animal  ne  quitte  point  la  terre  pour 
iiller  dans  l'eau  ;  il  vit  iui'  le  rivage  mari- 
time. Son  corps  eft  quarré  ,  c'e(l-à-dire  , 
t  Libique  ,  de  médiocre  grandeur  ,  peint  de 
tiiverfes  couleurs  qui  iont  le  brun  ,  le  bleu  , 
le  rouge  &  le  blanc  ,  mêlées  agréablement 
&  comme  par  points.  Son  ventre  ell  jaune. 
Ses  deux  yeux  font  noirs  ,  très-écartés  , 
portés  chacun  (ur  une  longue  colonne  en 
forme  de  lunette  placée  vers  les  angles  de 
la  bouche. 

Il  a  dix  jambes ,  dont  deux  antérieures 
en  pinces  égales  de  médiocre  grandeur  , 
r^ulil's ,  mais  blanc-jaunes  à  leur  extrémité. 
Les  huit  autres  jambes  font  plates  ,  roulTes , 
variées  de  taches  purpurines  noires  &  blan- 
ches ,  fèmécs  de  quelques  poils  noirs  & 
rompofées  chacune  de  quatre  articulations. 
(  M.  An.iNSON.  ) 

AR  ATUS ,  (  Hijl  de  Sycione.  )  chef  de 
la  ligue  des  Achcens ,  étoit  lils  de  Clinias , 
qui  fut  élevé  au  trône  ou  plutôt  à  la  pre- 
mière magillrature  de  Sycione  par  le  kû- 
frage  unanime  de  la  nation.  Depuis  la  mort 
du  roi  Cléon  ,  ce  petit  royaume  étoit  dé- 
chiré de  faâions  ;  il  s'élevoit  de  petits  ty- 
rans ,  qui  bientôt  éîoient  punis  de  leur  am- 
bition. Clinias ,  ajipellé  au  gouvernement 
4>ar  une  autorité  légitime  ,  fut  enlevé  par 
une  mort  prématurée.  Abantidide  s'empara 
de  la  tyrannie ,  &  bientôt  il  tut  maliacré 
par  Nioclés  qui  lut  ulurpateur  à  ion  tour. 
stratus  s'impcfa  un  exil  volontaire  pour 
n'eue  pas  la  viélime  de  cet  ambitieux  ;  mais 
toujours  occupé  de  (a  patrie  dans  une  terre 
étrangère  ,  il  le  lia  avec  tous  les  autre^ 
exilés  pour  la  tirer  de  l'oppreflion  ;  il  n'avoit 
que  vingt  ans  ;  &  c'elt  à  cet  îige  que  les 
entreprifes  les  plus  périlleules  ne  laliït-nt 
appercevoir  que  la  gloire  attachée  à  l'exé- 
cution. Il  s'approche  en  filence  de  Sycione 
où  il  s'introduit  par  elcalade.  Tous  les  par- 
îifans  de  la  liberté  fe  rangent  fous  fes  en-  | 


ARA  147 

feignes  ;    ils  mettent   le  ieu  au  palais  de 

Nioclés  ,  qui  a  le  bonheur  de  fe  louihaire 
à  leur  vengeance.  Les  Sycioniens  recon- 
noifîans  lui  déicrcnt  le  pouvoir  lupréme  ; 
mais  il  leur  déclare  que,  fatistait  du  titre 
de  leur  libérateur ,  il  vouloit  qu'il  n'y  eue 
plus  d'autres  rois  que  les  loix. 

Son  premier  ouvrage  fut  la  réunion  des 
cœurs  juiqu'alors  di\  lies  par  la  haine  des 
ladions.  Revêtu  de  tout  le  pouvoir,  parce 
qu'il  avoit  la  confiance  publique  ,  il  en- 
gagea Sycione  dans  la  ligue  des  Achéens. 
Les  Macédoniens  s'érigeoicnt  alors  en  arbi- 
tres de  la  Grèce  ;  Si  tout  préiageoit  qu'ils 
en  leroient  bientôt  les  tyrans.  Aratus , 
nommé  chef  de  la  ligue  ,  en  dirigea  les 
mouvemens  avec  la  dextérité  d'un  génie 
exercé  dans  la  politique.  Corinthe  fut  ia 
première  conquête  ;  &  il  en  fut  rede\  able 
à  ion  or  plutôt  qu'à  lés  armes.  Cette  ville 
lui  iut  livrée  par  un  de  fes  habitans  à  qui 
il  promit  ioixante  talcns.  Ce  fuccès  fut  le 
fondement  de  (a  réputation.  EpiJaiirc  , 
Trézene  &  Mégare  abandonnèrent  les  M:i- 
cédonicns  pour  entrer  dans  ion  alliance  ; 
quoiqu'il  eût  autant  de  courage  que  de 
prudence ,  11  étoit  plus  propre  à  gouverner 
qu'à  combattre.  A  force  de  trop  prévoir  , 
il  étoit  d'une  circonipection  timide  ,  &  fe 
précipitoit  dans  les  dangers  qu'il  craignoic 
pour  les  autres.  Soa  défmtércilèment  Si  ies 
talens  éprouvés  firent  fermer  les  yeux  fur 
ce  qui  lui  manquoif  pour  être  grand  capi- 
taine. Il  fut  nommé  pour  la  féconde  fois 
chef  de  la  ligue  des  Achéens  ;  &  il  flgnala 
ion  comrrandement  par  l'extinflion  de  l;i 
tyrannie  dans  pluîicurs  villes  du  Pélnpo- 
nelè  &  deriUirie.  Son  ambition  étoit  d'hu- 
milier les  Macédoniens  ,  regardés  encore 
comme  des  barbares  par  le  reile  de  la 
Grèce  qu'ils  médltoientd'allervlr.  Ils  étoient 
déjà  les  maîtres  de  Pyrcée  ,  de  Muni- 
chie,  de  Sunium  &  de  Mégare,  il  nepou- 
voit  ic  flatter  de  leur  en  enlever  la  poffei- 
iion  par  la  force  des  armes.  Il  corrompit ,  à 
force  de  préicns ,  Diognes  qui  lui  livra  ces 
villes  dont  il  étoit  gouverneur.  Ce  fut  en- 
core le  moyen  qu'il  employa  pour  déter- 
miner Lyliade  à  abdiquer  la  tyrannie  de 
Mégnlopolis. 

Les  Macédor:iens  n'avoient  point  encore 
eu  d'ennemi  plus  redoutable.   Aratus  de- 

Ti 


jt.48  ARA 

Vint  tour-à-coup  leur  plus  zélé  partifan  ;   & 
ce  furent  les  circonflances  qui  réglèrent  la 
politique.  Cléonnene ,  roi  de  Sparte  ,  lous 
prétexte  des  hoftilités  exercées  fur  le  terri- 
toire des  Arcadiens  par  Aratus  ,  déclara  la 
guerre  aux  Achéens   :  les  avantages   qu'il 
remporta  fur  eux,  les  forcèrent  d'accepter 
la  paix  aux  conditions  qu'il  prefcrivit  lui- 
même  ;  il  exigea  d'être  reconnu  généralii- 
lime  de  la  ligue.  Aratus  accoutumé  au  com- 
mandement ,  regarda  cette  condition  com- 
me un  outrage  ;  &  ce  fut  pour  en  prévenir 
l'effet ,  qu'il  fc  dépouilla  de  ia  haine  contre 
les  Macédoniens.  11  fit  alliance  avec  eux  ; 
&  pour  gage  du  traité  ,  il  leur  remit  Co- 
rinthe.    Antigone    qui  gouvernoit  alors  la 
Macédoine  en  qualité  de  tuteur  du   jeune 
Philippe ,  joignit  les  forces  à  l'armée  des 
Achéens.  On  en  vint  aux  mains  dans  les 
plaines  de  Selafie  ;  &  la  phalange  macédo- 
nienne eut  tout  l'honneur  de  cette  journée. 
Aratus e.n9ié  dece  i'uccès ,  marcha  contre  les 
Etoliens  qui  ravageoient  la  Meflènie  ;   &  il 
efluya  une  ianglante  défaite.  Depuis  ce  re- 
vers ,  il    devint  plus    circonfpeâ    &   plus 
timide ,  il  fe  confola  de  cette  dilgrace  par 
la  gloire  dont  fon  fils   le  couvrit  au  fiege 
de  Pfopolis ,  ville  d'Arcadie  ,  dont  il  fit  la 
conquête    au   milieu    de    l'hiver,    Philippe 
ctant  monté  au  trône  de  Macédoine  ,  ayoit 
donné  toute  fa  confiance  à  un  favori  nommé 
Appelle  )   dont   les  Achéens  eurent  à  ef^ 
fùyer  les    hauteurs.  Ce  prince  inftruit   de 
lès  vexations  ,  kii  ordonna  de  ne  rien  faire 
fans  l'approbation  ôi  Aratus  ;  mais  ce  tyran 
iubalterne  ,    abul'ant  toujours  de  fon   pou- 
voir ,  força  fon  maître  de  l'arrêter  &  de 
le  faire  mourir. 

Tant  que  Philippe  fuivit  les  confei-ls 
Ci  Aratus  f  fa  vie  fut  un  enchaînement  de 
prolpérirés  ,  mais  auffi-tôt  qu'ébloui  de  Ça 
iortimc ,  il  le  gouverna  par  lui-même ,  il 
s'affoupit  dans  les  plus  laies  débauches.  Les 
Romains  dont  il  étoit  l'cnnem.i ,  eurent 
des  avantages  qui ,  au-  lieu  de  Thumilier , 
:.igrirent  Ion  caraâere  ;  &  d'humain  &: 
ju^puLiire  ,  il  devint  (ombre  &  féroce.  Il 
jj-init  (ur  les  alliés  la.  honte  de  la  défaite  ; 
d'ç  ce  furent  fur-touc  les  MeOéniens  qu'il 
traita  avec  plui  de  rigueur.  Anuus  eut  le 
courage  de  lui  r;raontrcr  l'injuilice  de  la 
<,-i)n.diiJtc  ;  &  Philippe  le  fvt  alliiliiuîr,  pour 


ARA 

fe  débarrafîer  de  l'importunité  de  fâ  cen- 
fure.  Toutes  les  villes  de  l'Achaïe  fe  dif- 
puterent  l'honneur  d'êtfe  les  dépofitaires 
de  fes  cendres.  Sycione ,  où  il  avoit  pris 
naiffance  ,  eut  le  privilège  d'obtenir  fes 
dépouilles  mortelles  ;  on  lui  fit  de  magni- 
fiques funérailles.  On  oiFrit  des  facrifices 
fur  fôn  tombeau ,  &  toutes  les  villes  lui 
érigèrent  des  autels ,  &  lui  décernèrent  les 
honneurs  div  ins.  (  T-N.  ) 

'*AR  A  V  A  ,  (  Ge'og.  )  forterefTe  delà  haute 
Hongrie  ,  dans  le  comté  &  fur  la  rivière  de 
même  nom.  Long.  37  ,  30  ;  lat.  49  ,  20. 

*ARAUCO,  (  Geog.)  fortereflé  de  l'A- 
mérique méridionale  ,  dans  le  Chili  ,  à  la 
fource  de  la  rivière  de  Tucapel.  Long.  309  ; 
Idt.  42 ,    30. 

ARAUQUES  (  LES  )  ,  Geog.  peuples, 
qui  Iwbitent  la  vallée  d' Arauco  ,  au  Chili  ^ 
clans  l'Amérique  méridionale;  ils  font  vail- 
lans ,  &  ont  fait  la  guerre  pendant  près  dé- 
cent ans  aux  Efpagnols  établis  dans  leur- 
voinnage.  Leurs  armes  font  des  arcs  ,  des, 
flèches ,  de  longues  piques ,  des  rondaches , 
&  des  cuiralTes  faites  de  peaux  de  loups 
marins  ;  ils  ont  coutume  d'élire  pour  chef 
celui  d'entr'eux  qui  porte  le  plus  lourd 
fardeau.  Alonzo  de  Eurcilla  a  célébré  dans, 
fon  poëme  de  V Araucaria  ,  la  paix  qu'ils, 
fij-ent  en  1658  avec  les  Elpagnols.  (  C.A.) 

ARAURACIDES  (  les)  ,  po^^. ancien 
peuple  d'Afrique  ,  que  Pïolomée  place  dans 
la  Pentapols  Lybienne ,  aux    environs  de- 
Bérénice  ,  il  ne  nous  apprend  rien  de  plus, 
particulier  fur  ce  peuple.  (  C.  A.) 

*  ARAW,  (  G'fb^.  )  ville  de  SuifTe  dans. 
l'Argow,  flir  l'Aar.  Long.   2^  ,    30;  lar,. 

ARAXAI,  (Geog.)  rivkre  de  l'Amé- 
rique méridionale,  au  Bréfil;  elle  coule  vers 
la  préfeéture  de  Paraïba  où  elle  fe  jette  dans, 
la  rivière  de  Mongaguaba.  (A.  C.) 

*  ARAXE,  autrefois  AraxES  ,  aujour- 
d'hui Arais  3  Araifs  y  Achlar  &  Cafaci,. 
Voye-^  Aras. 

*' Araxe  ,  fleuve  de  Perfidue  ,  qui  cou- 
loit  près  des  murs  de  l'ancienne  Perlepolis.. 

On  donneroit  le  même  nom  au  Pénée ,, 
fleuve  de  Theniilie.. 

AR AYA  ,  (  Geog.  )  cap  de  l'Amérique 
méridionale  ,  dans  la  nouvelle  An>ia|ouiie-,, 
à   y  ose.    degrés    ii'    de  J^ititude   i&çi-   il 


A  R  B 

forme  le  golfe  appelle  par  les  Efpagnols 
Goîfo  di  Cariaco.  Ceû  près  de-là  qu'on 
voit,  à  trois  cents  pas  de  la  mer,  la  plus 
fameufc  faline  que  l'on  connoifîb  :  elle 
donne  un  fol  excellent  &  très-dur.  On 
l'exploite  tous  les  mois.  (C.  A.) 

*ARBA  ou  ARBÉ,  {Gcog.  anc.  & 
niod.  )  ville  de  Palefline ,  appcUee  autrefois 
Hébron  y  Mamre  ,  Cariatli  ,  aujourd'hui 
CalU. 

ARBACE,  {Hi_fl.  d'Afyrie.)  Mede 
d'origine,  fut  un  des  principaux  c^^pitaines 
de  Sardanapalc  ,  dernier  roi  d'Afîyrie  :  ce 
monarque ,  honteufement  célèbre  par  là  iiio- 
leflè  &  Tes  débauches ,  s'étoit  rendu  invilible 
■^  fes  fujets ,  pour  vivre  dans  ion  palais ,  envi- 
ronné d'eunuques  &:  de  concubines.  Arhace 
profita  du  mécontentement  du  peuple  pour  le 
précipiter  du  trône;  &:  pour  mieux  afliirer  le 
Îlicccs  d'une  révolution  ,  il  crut  devoir  fe 
faire  un  complice  parmi  les  prêtres ,  dont  le 
minifîere  lacré  en  impole  toujours  au  vul- 
gaire :  il  jeta  les  yeux  fur  Belilis ,  prêtre  ré- 
véré ,  allrologue  lavant,  &  qui  joignoit  à  ces 
deux  titres  ,  tous  les  talens  de  l'homme  de 
guerre.  Ce  complice  artificieux  l'allura  que 
les  dieux  l'appelloient  au  trône  d'AlIyrie. 
Arbace  ,  flatte  de  cette  prédidion  ,  lui  pro- 
mit le  gouvernement  de  Babylone  :  les  ma- 
n-ieres  arfltbles  &  populaires  lui  concilièrent 
tous  les  coeurs  ;  mais  ambitieux  avec  pru- 
dence ,  il  voulut  connoître  le  caraélere  du 
monarque  avili,  dont  ilvouloit  envahir  la 
puilfance..  Les  eunuques  ,  corrompus  par  fes 
largelfes  ,  l'introduifirent  dans  l'endroit  oli 
languifl'oit  ce  fantôme  couronné  ;  dès  qu'il 
eût  étudié  fes  penchans  &  fes  mœurs ,  il 
eut  une  pleine  confiance  dans  les  promefles 
de  Belifis ,  qui  eut  l'adrefle  de  faire  entrer 
les  principaux  feigneurs  Babyloniens  dans 
la  conjuration. 

La  conftitution  militaire  de  rA{T)Tie 
étoit  de  lever  une  armée  qui ,  après  avoir 
fervi  un  an ,  étoit  remplacée  par  une  autre 
Tannée  fuivante.  Arhace  profita  de  cette 
coutume  pour  taire  entrer  dans  la  rébellion 
les  Perfes  ,  les  Medes  &  les  Babyloniens 
qui  dévoient  fervir  L'année  iuivante  :  il  en 
forma  une  armée  de  quatre  cents  milU,'  hom- 
mes tous  dévoués  à  les  volontés.  Sardana- 
pale  forti  du  Ibmmeil  de  la  débauche , 
œarclie  contre  ks  rebelisî  qu'il  a  la  gloire 


A  R  B  r4<; 

de  tailler  en  pièces.  Arbace  ne  fut  pas 
moins  redoutable  après  lii  défaite  ;  il  rnf- 
(emblc  les  débris  de  fon  armée  ,  &  vient 
défier  fon  vainqueur  au  combat.  Sardana- 
palc ,  au  lieu  a'oppofer  la  force ,  met  à 
prix  la  tête  de  ce  rebelle.  Aucun  lôldat  ne 
tut  allez  avare  pour  ie  fouiller  d'un  aflaf- 
finat  \  &  Arbace  vaincu  une  lecondc  fois , 
fe  retira  dans  des  montagnes  inacceffibles  , 
où  ,  fans  efpoir  de  vaincre ,  il  n'eut  rien  à 
redouter  des  vengeances  du  monarque 
oHenfé.  Belilis  fit  fervir  la  religion  pour  le 
relever  de  l'a  chute  ;  il  annonça  aux  rebelles 
que  les  dieux  dont  il  étoit  l'interprète  ,  lui 
avoient  révélé  qu'ils  n'avoient  qu'à  com- 
battre pour  remporter  la  vidoire  :  encou- 
ragés par  fes  promefles  ,  les  rebelles  enga- 
gent une  aûion  ;  &  ils  elTuient  une  nou- 
velle défaite.  Belifis  ne  fut  point  rebuté  par 
ce  mauvais  fuccès  ;  il  emploie  toute  la  nuit 
à  confulter  les  aflres  ;  &  ,  au  lever  de  l'au- 
rore, il  leur  annonce  l'arrivée  d'une  milice 
célefle.  Il  étoit  intormé  qu'une  armée  de 
Baclriens  marchoit  au  lècours  de  Sardana- 
pale  ;  il  députe  des  hommes  de  confiance  à 
ces  auxiliaires  pour  leur  repréfènter  la. 
honte  d'obéir  à  un  prince  elFéminé  ,  & 
leur  offi-ir  les  moyens  de  rentrer  dans  leur 
ancienne  indépendance. Les  Baclriens  éblouis 
par  cette  promefTe ,  fe  joignent  aux  rebel- 
les. Arbace  foutcnu  de  ces  nouveaux  alliés  , 
attaque  Sardanapale  qui  étoit  occupé  à 
donner  des  fêtes  aux  complices  de  fès  dé- 
bauches ;  il  en  fit  un  horrible  carnage  ;  & 
ce  monarque  fe  retira  fous  les  murs  de 
Ninive  ,  où  il  elTu}  a  une  féconde  défaite. 
Il  y  foutint  un  fi-ge  de  trois  ans  ;  &  fe 
voyant  fans  efpoir  d'être  i'ecouru  ,.  il  fe  pré- 
cipita dans  un  bûcher  avec  fes  femmes  , 
fes-  concubines  &  fes  eunuques.  Arbace  ^ 
po(l"efléur  de  'ics  états ,  forma  de  l'empire- 
d'Afiyrie  trois  grandes  m-,<narchics  ;  la. 
Médie  ,  Babylone  &  la  Perle  eurent  leurs, 
rois  particuliers.  (  T-N.  ) 

Arbace,  (Ge'ogr.)  ^ille  de  la  Celri- 
bérie  félon  Etienne  le  géographe.  On  ne 
nous  appi-end  aucunement  en  q_uel  lieu  elle- 
étoit  firuée.  (C.  A.) 

§  ARBALETE,  {Artmi!iLaire,ATmes.)} 
Uarbalete ,  appellée  en  latin  iuctis  bjlîJJa~- 
rius  ou  balifia  ma  lualis  ,  pour  \d  diftinguei;- 
des   baliftîs   &:  des-  catapultes ,  étok  'iua,- 


150  A  R  B 

machine  offcnfive ,  qui  confifîoit  en  un 
arc  attache  au  bout  d'une  cfpcce  de  bâton 
ou  chevalet  de  bois ,  que  la  corde  de  l'arc  , 
quand  il  n'étoit  point  bandé ,  coupoit  à 
angles  droits. 

Ce  bâton  ou  manche  ou  chevalet ,  qu'on 
appelloit  auffi  Varbrier  Je  l'arbalète ,  avoit 
vers  le  milieu  une  petite  ouverture  ou 
fente  de  la  longueur  de  deux  doigts ,  dans 
le  milieu  de  laquelle  étoit  une  petite  roue 
d'acier  lolide  &  mobile  ,  au  travers  du 
centre  de  laquelle  pafloit  une  vis  qui  lui 
fervoit  d'ailîleu.  Cette  roue  fortoit  en  partie 
en  dehors  au  deflfus  du  chevalet ,  &  avoit 
une  coche  ou  échancrure  où  s'arrêtoit  la 
corde  de  V arbalète  quand  elle  étoit  bandée  , 
-&  une  autre  coche  plus  petite  dans  la 
partie  oppofée  de  (a  circonférence ,  par  le 
moyen  de  laquelle  le  refibrt  de  la  détente 
tenoit  la  roue'  terme.  Cette  roue  s'appelloit 
la  noix  de  l'arbalète.  Sous  le  chevalet  en 
approchant  vers  la  poignée  ,  étoit  la  clef  de 
Ja  détente  ,  allez  lemblable  à  celle  de  la 
clef  du  ferpentin  d'un  mouiquet.  Par  le 
moyen  de  cette  ciel ,  que  l'on  prelToit  avec 
la  mnin  contre  le  manche  de  ï arbalète  ,  le 
redbrt  laiiîbit  le  mouvement  libre  à  la  roue 
qui  arrêtoit  la  corde ,  &  celle-ci ,  en  le  dé- 
bandant ,   faifoit  partir   le  dard. 

Sur  le  chevalet ,  au  delTous  de  la  petite 
joue ,  étoit  une  petite  lame  de  cuivre  qui 
le  levoit  &  fe  couçhoit ,  &  étoit  attachée 
par  fes  deux  jambes  avec  deux  vis  aux 
deux  côtés  du  chevalet.  C'étoit  le  tron- 
teau  de  mire.  Elle  étoit  percée  au  haut  de 
deux  petits  trous  l'un  iur  l'autre  ;  &:  quand 
la  lame  étoit  levée  ,  ces  deux  trous  répon- 
doient  à  un  globule  de  la  grolTeur  d'im 
petit  grain  de  chapelet ,  qui  étoit  fufbendu 
tout  au  bas  de  Varbalete  par  un  fil  de  ter 
très-menu  &  attaché  à  deux  petites  colon- 
nes de  fer  perpendiculaires ,  une  à  droite 
.&  l'autre  à  gauche.  Ce  petit  globule  répon- 
dant au  trou  de  la  lame ,  fervoit  à  régler 
la  mire  ,  foit  pour  tirer  horizontalement , 
ioit  pour  tirer  en  haut ,  loit  pour  tirer 
en  bas. 

La  corde  de  l'arc  étoit  double.  Les  deux 
.cordons  étoicnt  tenus  iéparés  l'un  de  l'au- 
ATC  à  droite  &  à  gauche  par  deux  petits 
,cyiindres  de  fer  ,  à  égale  dillance  des  deux 
«xtrénjités  de  l'arc  &  du  ceatre.  Au.v  deux 


A  R  B 

cordons  dans  le  milieu  tenoit  un  anneau  de 

corde  ,  qui  fervoit  à  l'arrêter  à  la  coche  dont 
j'ai  parlé ,  lorfque  l'arc  étoit  bandé.  Entre 
les  deux  cordons  au  centre  de  la  corde, 
&  iiTimédiatement  devant  l'anneau ,  étoit 
un  petit  quatre  de  corde  où  l'on  plaçoic 
l'extrémité  de  la  flèche  pour  être  pouflee 
par  la  corde. 

Telle  étoit  l'ancienne  arbalète  ,  &  je 
crois  qu'elles  fe  reiîémbloient  toutes  pour 
les  parties  efientielles.  C'étoit  avec  la  main 
que  l'on  bandoit  la  corde  des  petites  arba- 
lètes ,  par  le  moyen  d'un  bâton  ou  d'un  fer 
en  forme  de  levier  ,  appelle  pie  de  cheire  , 
parce  qu'il  étoit  fourchu  du  côté  qui  s'ap- 
puyoit  iur  Varbalete  &  fur  la  corde-  On 
bandoit  les  grandes  avec  le  pié,  &  quel- 
quefois avec  les  deux  ,  en  les  mettant  dans 
une  eipece  d'étrier ,  félon  ce  vers  de  Guil- 
laume le  Breton  : 

BalUftâ  dupUci  tensâpede  mijfafagitta. 

On  les  bandoit  aufli  avec  un  moulinet  & 
avec  une  poulie.  Ces  arbalètes  étoient  ou 
de  bois  ou  de  corne  ou  d'acier ,  ce  qui  k 
doit  entendre  de  l'arc  feul.  Elles  étoient  de 
différentes  grandeurs  ,  comme  d'un  pié  & 
demi ,  de  deux  pies  &  demi ,  &  de  trois 
pies ,  &  d'autres  plus  longues  ,  fournies  de 
leur  pié  de  chèvre  ,  de  leur  moulinet  &  de 
leur  poulie. 

Ce  tut  Richard  cœur-de-lion  ,  roi  d'An- 
gleterre ,  qui  rétablit  l'ufage  de  Varbalete , 
&  il  fut  tué  de  cette  arme.  Ce  n'efi  pas 
qu'avant  ce  temps-là  on  ne  fe  fut  jamais 
fcrvi  de  Varbalete  :  on  s'en  fervoit  fous 
Louis  le  gros,  aïeul  de  Philippe  Augufle; 
car  l'abbé  Sugcr ,  dans  la  vie  de  Louis  le 
gros ,  dit  que  ce  prince  attaqua  Drogon  de 
Montier  avec  une  groile  troupe  d'archers 
&  d'arbalétriers  ;  &  plus  bas  que  Raoul  de 
Vermandois  eut  l'œil  crevé  d'un  carreau 
d'arbalète. 

I!  y  avoit  un  canon  du  fécond  concile 
de  Latran  ,  tenu  en  113S,  fous  le  règne 
de  Louis  le  jeune,  père  de  Philippe  Au- 
gufle ,  qui  défendoit  cette  arme.  On  l'ob- 
férva  fous  le  règne  de  Louis  le  joime  & 
au  commencement  du  règne  de  Philippe 
Augufk;  mais  depuis  on  n'y  eut  nul  égard  , 
ni  en  France,  ni  en  Angleterre  ,  quoi- 
qu'Innocenc  III  en  eût  rcteomniaudé  l'ob- 


A  R  B 

fervation.  L'ufage  de  la  ballifte  &  de  Yar. 
haleté  avoir  cté  aboli  dans  ces  deux  ro)au- 
mes ,  pendant  qu'on  obferva  le  canon  du 
fécond  concile  deLatran  ;  &  cet  uHige  tut 
rétabli  d'abord  en  Angleterre  par  Richard  , 
&  en  Erance  par  Philippe  Augulle;  &  il 
redevint  commun  depuis  ce  temps-là. 

Varbalete  étoit  encore  en  uiage  en 
France  fous  le  règne  de  François  I  :  li  avoit 
;i  la  bataille  de  Marignan  pour  une  partie 
de  fa  garde  une  compagnie  de  deux  cents 
arbalétriers  à  cheval  qui  firent  des  mcrveil- 
Je.s  :  mais  dans  la  liiite  cet  uinge  lut  prel- 
qu'entiérement  aboli  ,  excepté  parmi  les 
Galcons.  Guillaume  du  Bellai  rapporte 
qu'à  la  Bicoque ,  en  i^ii  ,  il  n'y  avoit  dans 
l'armée  trançoiié  qu'im  feul  arbalétrier , 
mais  fi  adroit  ,  qu'un  capitaine  Elpagnol 
nommé  Jean  de  Cardonne  ,  ayant  ouvert 
la  vifiere  de  Ion  armer  pour  relpirer  ,  l'ar- 
cher tira  fa  flèche  avec  tant  de  jurtefle ,  qu'il 
lui  donna  dans  le  vifage  &  le  tua.  Ce  même 
auteur  rapporte  qu'au  fiege  de  Turin  ,  en 
1Î3(5  ,  le  feul  arbalétrier  qui  étoit  dans  la 
place  ,  tua  ou  blefla  plus  de  nos  ennemis 
en  cinq  ou  fix  efcarmouches  où  il  fe  trouva, 
que  les  meilleurs  arquebufiers  qui  hiOènt 
dans  la  ville,  ne  firent  tout  le  temps  du 
fiege.  Cela  prouve  qu'on  ne  fe  lervoit  plus 
guère  d'arbalétriers  en  France  vers  le  mi- 
lieu du  règne  de  François  I  :  mais  on  s'en 
fervoit  encore  en  Angleterre  fur  la  fin  du 
règne  de  Charles  IX ,  comme  il  paroît  par 
le  traité  fait  en  i^yi  entre  ce  prince  &  la 
reine  Elizabcth  ,  qui  s'obligea  à  fournir  au 
roi  6000  hommes  armés  partie  d'arcs  &  par- 
tie d'arqi;cbufes.  On  confond  quelquefois 
dans  l'hifioire  le  nom  à'a.rchers  &  A'arbdé- 
triers  ,  &  l'on  donna  à  celui  qui  comman- 
driit  ces  troupes  le  nom  de  grand-maître 
d'arhalccners.  On  a  abandonné  Varhalete 
depuis  l'invention  des  fufils  ou  de  nos  mouf- 
çucts  ,  quoique  cette  arrne  fût  infiniment 
plus  meurtrière  &  plus  avantageufe  que  ne 
le  font  les  fufiis  ;  fes  coups  font  plus  certains 
ÉC  plus  affurés  ,  &  *a  force  au  moins  égale.  Si 
l'on  n'ef.t  introduit  labayonnette  au  bout  du 
fufil,  qui  lait  prefque  tout  l'avantage  de  cette 
arme,  Yarèalete  l'eût  emporté- de  beau- 
coup.  (  V) 

Les  marir.s  ont  un  infîrumcnr  appelle 
arbalète  ou    arbalejirtlle ,    qui  leur   iért  à 


A  R  B  151 

prendre  hauteur.  Voy.  RaYON  ASTRO- 
NOMIQUE ,  Flèche  ,  Arualestrille, 
Ê-c.  (  T) 

Arbalète,  f  f.  {chajje)  efpece  de 
picge  dont  on  fe  krt  pour  prendre  les  loirs  : 
on  y  met  un  appât  de  noix  feches  à  demi- 
caflées  ,  de  châtaignes  ou  de  chandelles.  Il 
hiut  prendre  garde  qu'en  plaçant  cette  ma- 
chine dans  un  mur  ,  il  ne  le  trouve  point  de 
branche  d'elpalier,  d'où  le  loir  puifîe  attein- 
dre ^  l'appât  par  un  autre  endroit  que  par 
l'arbatere. 

Arbalète  ,  (  Manège.  )  ou  cheval 
en  arbalète  ;  c'ell  un  cheval  attaché  leul  à 
une  voiture  devant  les  deux  chevaux  du 
timon.  {V.) 

Arbalète  ,  f  f.  dans  les  manufjJIures 
en  foie  ,  on  dillingue  trois  fortes  d'arbalètes. 
V arbalète  du  battant  ,  qui  n'ell  autre  chofe" 
qu'une  corde  doublée  au  haut  des  deux  lan- 
ces du  battant ,  &  tordue  avec  une  cheville  , 
à  laquelle  on  donne  le  nom  de  râler.  Cette 
corde  lert  à  tenir  la  poignée  du  battant  fo- 
lide  ,  &  à  l'empêcher  de  remonter  ou  de 
badiner  fur  le  peigne.  Voyei^  Valet  & 
Battant. 

Arbalète  des  étrh'ieres  ;  c'efl.une  corde 
paffée  à  chaque  bout  des  lifîerons  de  rabat  , 
à  laquelle  on  attache  les  e'tririeres  pour  faire 
baiffer  les  liiles.  VoYe:[  LiSSES  ,  LISSE- 
RONS &  Étrivieres. 

Arbalète  de  la  garaj/îniere  ;  c'efl  une 
grofie  corde  à  laquelle  la  gavajfiniere  ell 
attachée.    Voye\  GavassinierE. 

Arbalète  ,  inflrument  à  l'ufage  des  fer- 
ruriers  ,  des  taillandiers  ,  d'autres  ouvriers 
en  métaux-,  &  même  de  ceux  qui  travaillent 
aux  glaces  dont  or.  lait  des  miroirs.  \J arba- 
lète des  taillandiers  efl  compofée  de  deux 
lames  d'acier  élafiiques  ,  courbées  en  arc  , 
allant  toutes  deux  en  diminuant ,  appliquées  , 
le  gros  bout  de  l'inférieure  contre  l'extré- 
miîé  mince  d'e  la  fupérieure  ,  &  retenues 
l'une  fur  l'autre ,  dans  cti  état ,  par  deux 
efjDeces  de  viroles  quarrées  ,  &  de  la  même 
figure  que  les  lames  ;  l'une  de  ces  lames  efî 
fcclléefi>iement  à  un  endroit  du  plancher  qui 
correlpond  perpendiculairement  un  peu  en 
deçà  des  mâchoires  de  l'étau  ;  l'autre  lame 
s'applique  fur  ime  encoche  ou  inégalité  d'une 
lime  à  deux  manches  ,  qu'elle  prtlîe  plus  ou 
moins  fortement ,  à  la  difcrétion  de  l'ouvrier, 


.  )  i  A  R  B 

contre  in  furfacc  de  l'ouvrage  A  polir.  L'ou- 
vrier prend  la  lime  à  deux  manches,  &  n'a 
prefque  que  la  peine  de  la  laire  aller  ;  car  , 
pour  la  faire  venir  ;  c'eil  V arbalète  qui  pro- 
duit ce  mouvement  par  Ton  élafticité.  L'jr- 
halete  le  foulage  encore  de  la  preliion  qu'il 
fcroir  obligé  de  taire  lui-même  avec  la  lime , 
contre  l'ouvraqe  ,  pour  le  polir. 
^  ARBALETRIERE,  {'.  ^.^{Marine) 
c'ell  le  pofie  où  combattent  les  foldats  ,  le 
long  des  apoflis  &  des  courtois ,  ordinaire- 
ment derrière  une  paiTevande.  F".  Apos- 
Tis  ,  Courtois  &  Passevande.  (Z) 

ARBALESTRIERS ,  fub.  m.  {Char- 
pente. )  Ce  lont  deux  pièces  de  bois  dans 
un  cintre  de  pont,  qui  portent  en  décharge 
fur  l'entrait. 

ARBALESTRILLE  ,  fub.  f.  ert  un  inf- 
trument  qui  fort  ;\  prendre  en  mer  les  hau- 
teurs du  Ibkil  &  des  aftres. 

Cet  inlîrument  forme  une  efpece  de 
croix  ;  il  elî  compolé  de  deux  parties  ,  la 
rieche  &:  le  marteau  ,  voyeT^  PL  Narig. 
fig.  12  ;  la  flèche  AB  c^  un  bâton  quarré  , 
uni  ,  de  même  grolleur  dans  toute  la  lon- 
gueur ,  d'un  bois  dur,  comme  d'él>ene  , 
ou  autre  ,  ayant  environ  trois  pies  de  long 
&  fix  à  iept  lignes  de  grofîèur.  Le  marteau 
C  Z)  efl  un  morceau  de  bois  bien  uni ,  ap- 
plani  d'un  coté  ,  &  percé  partaitement  au 
centre  d'un  trou  quarré  ,  de  la  grofleur  de 
Ja  flèche  :  au  moyen  de  ce  trou  ,  il  s'ajufle 
fur  la  flèche  où  il  peut  glifler  en  avant  ou 
en  arrière  ;  il  efi  beaucoup  plus  épais  vers 
le  trou  ,  afin  qu'il  foit  ferme  fur  la  flèche  , 
&  qu'il  lui  ibit  toujours  perpendicu- 
laire. On  pourroit  ,  en  cas  de  néceflîté ,  fe 
contenter  d'un  feul  marteau  :  mais  ,  comme 
on  verra  plus  bas  ,  il  elt  bon  d'en  avoir 
plufieurs  ;  ils  font  au  nombre  de  quatre. 
Voici  la  manière  d'obferver.  On  lait  entrer 
le  marteau  fur  la  flèche  ,  de  façon  que  le 
côté  uni  regarde  la  partie  A  j  où  l'on  pofc 
Tccil  ;  l'œil  étant  au  point  ^  ,  on  regarde 
cnfulte  l'aflre  par  l'extrémité  i'upérieure  du 
marteau  ;  &:  par  l'extrémité  inférieure  T)  , 
l'hoi'izon  :  fi  l'on  ne  peut  les  voir  tous  les 
deux  à  la  lois  ,  on  tait  avancer  ou  reculer 
le  marteau  julqu'à  ce  qu'on  en  vienne  à 
bout.  Ceci  une  fois  fait ,  l'obfervation  (era 
achevée  ,  &  les  deux  rayons  vifiiels  ,  qui 
vont  de  Tccil  à  raflrc  &  à  l'horizon ,  for- 


A  R  B 

meront  un  angle  égal  A  la  hauteur  de  l'aflre. 
On  obierve  ,  de  la  même  manière  ,  l'angle 
que  font  deux  aflres  entr'cux  ,  en  poin- 
tant à  l'un  par  l'extrémité  du  marteau  C  , 
&  à  l'autre  ,  par  l'extrémité  D  ;  en  con- 
léquence  de  cette  façon  d'obferver  ,  on 
divilè  la  flèche  de  la  manière  fuivante.  On 
la  place  fur  un  plan  ,  figure  13  ;  &  par 
l'extrémité^  ,  qui  ell  celle  où  on  applique 
l'œil  ,  on  élevé  une  perpendiculaire  A  P  , 
égale  à  la  moitié  du  marteau  :  du  point  P , 
comme  centre,  du  rayon  A  P  ,  on  décrit 
un  quart  de  cercle  ,  que  l'on  divife  en  demi- 
degrés  ,  &  on  tire  depuis  le  45''  julqu'au 
50^  ,  par  tous  les  points  de  divilion  des 
rayons  ,  du  centre  P  à  la  flèche^  F  ;  les 
points  où  ces  rayons  la  couperont ,  feront 
autant  de  degrés.  On  marquera  les  90^  à 
une  diflance  du  point  A  ,  égale  à  la  moiiié 
C  £  du  marteau  ;  les  autres  angles  ie  trou- 
veront lucceilîvement ,  en  marquant  fur  la 
flèche  le  nombre  de  degrés  d'im  angle 
double  du  complément  de  l'angle  E  P  A  i 
alors  le  marteau  ie  trouvant  iur  un  de  ces 
degrés  ,  indiquera  la  hauteur  de  l'aftre  ; 
car  fi  on  le  fuppofe  en  £  ,  &:  que  du  point 
A  ,  &  par  les  points  C  ^  D ,  on  tire  des 
ra}-ons  viiiiels  qu'on  fuppofe  dirigés  vers 
l'aflre  &  à  l'horizon  ,  il  efl  clair  que  l'angle 
CAD  l'era  double  de  l'angle  C  A  E  :  mais 
cet  angle  C  A  E  eu  égal  à  l'angle  P  E  A; 
puifqueles  triangles  P  A  E  ,  A  C  E  ,  font 
égaux  &  femblables  ,  les  angles  P  A  E  , 
A  E  C  étant  droits  ,  le  coté  A  E  commun  , 
&  les  côtés  A  P  C  E  égaux  ;  ainfi  l'angle 
CAD  fera  double  de  l'angle  P  E  A  :  mais 
cet  angle  P  E  A  e^  \e  complément  de 
l'angle  A  P  E  ;  par  conféquent ,  l'angle 
marqué  fur  la  fleciie  fera  toujours  égal  à 
l'angle  formé  par  les  rayons  viluels.  De 
plus  ,  on  voit  qu'il  falloit  divifer  le  demi- 
cercle  en  demi-degrés,  puiique  chaque  angle, 
formé  par  les  rayons  viluels  ,  cil  double 
du  complément  de  l'angle  E  P  A  ;  i\  dl 
clair  ,  par  cette  façon  de  diviler  la  flèche  , 
qu'en  approchant  des  <po'^  ,  les  degrés  de- 
viennent plus  petits  ;  &  qu'au  contraire  ,  en 
s'en  éloignant ,  ils  deviennent  plus  grands  ; 
conléquemment ,  qu'il  faut  donner  au  mar- 
teau une  certaine  longueur  ,  pour  que  les 
degrés  vers  E  loicnt  diilinds  :  mais  fî  le 
marteau  cil  grand,  cela  donnera  une  trt)p 

grande 


A  R  B 

grande  longueur  ù  la  flèche  ;  c'ert  pour- 
quoi ,  au  lieu  d'un  lèiil  marteau  ,  on  en  a 
quatre  ,  comme  on  a  dit  plus  haut  ,  autant 
que  de  faces  :  &  ces  marteaux  ,  étant  plus 
grands  les  uns  que  les  autres  ,  fervent  à 
obferver  les  diftcrc-ns  angles.  Par  exemple  , 
le  plus  grand  ièrt  pour  les  angles  au  defTus 
du  ^C*  ;  celui  d'eiiiiiite  ,  pour  ceux  au 
defTus  du  2.0  ;  le  troiiieme  ,  pour  ceux  au 
dellus  de  lo  ;  &  enfin  le  quatrième  ,  pour 
les  plus  petits  angles.  Il  eft  inutile  de  dire 
que  chaque  marteau  a  la  lace  particulière  , 
&  qu'elle  eft  divilee  comme  nous  venons 
do  l'expliquer.  Il  y  a  encore  une  autre  façon 
d'obferver  avec  cet  inilrumcnt  ,  qui  ci\  plus 
{Tire  &  plus  exacte  ,  parce  que  l'on  n'eft 
obligé  que  de  regarder  un  leul  objet  â  la 
fois  ;  cela  fe  tait  de  la  manière  fuivante. 
On  ajuUe  le  plat  du  grand  marteau  dans 
le  bout  de  la  flèche  A  {figure  \.\)  ,  de 
forte  que  le  tout  toit  à  l'uni  ;  enluite  on 
paflé  dans  la  flèche  ,  le  plus  petit  Ats 
marteaux  qui  a  une  petite  traverlè  M  d'i- 
voire ,  fon  côté  plat  étant  tourné  auflî  vers 
le  bout  A  ;  &  l'on  ajoute  une  vifiere  au 
bout  d'en-bas  D  du  marteau  C  ,  c'efl-à- 
dire  ,  une  petite  pièce  de  cuivre  ,  ou  autre 
métal ,  qui  ait  une  petite  fente. 

VarhalefiriUe  ainfi  préparée  ,  comme  le 
montre  la  figure  ,  on  tourne  le  dos  à  l'aflre  , 
&  on  regarde  l'horizon  fenfible  par  la  vifiere 
D ,  &  pardedous  la  travcrfe  M  du  petit 
mar;eau  :  en  regardant  ainfi  par  le  rayon 
vifuel  D  M  ,on  approchera  ou  on  reculera 
le  petit  marteau  ,  julqu'à  ce  que  l'ombre 
du  bout  C  du  grand  le  termine  lur  la  tra- 
verlè M ,  à  l'endroit  qui  répond  au  milieu 
de  la  grolîéur  de  la  flèche.  Alors  le  petit 
marteau  marquera  fur  la  flèche  les  degrés 
de  hauteur  du  loleil  ,  ce  qui  efl  ienlible  ; 
puiique  l'angle  ,  formé  par  l'ombre  qui  tombe 
fur  le  petit  marteau  ,  &  par  le  rayon  viliiel 
D  M ,  ell  égal  à  l'angle  que  l'on  auroit  ,  fi 
oblervant  pardevant  ,  l'ail  étant  en  .^  ,  le 
grand  marteau  ie  trouvoit  au  point  M. 

Tel  efl  l'inflrument  dont  on  s'efl  fervi 
long-temps  en  mer  ,  malgré  tous  les  dé- 
fauts. Car  ,  1°.  fans  les  détailler  tous  ,  il 
ell  lur  que  ,  quelque  attention  que  l'on  ap- 
porte dans  1;;  divifion  de  l'inflrument  ,  elle 
cfl  toujours  tort  imparfaite,  i".  Etant  de 
bois  ,  &  d'une  certaine  longueur  ,  il  efl 
Tome  III. 


A  R  B  MÇ 

toujours  à  craindre  qu'il  ne  travaille  &  ne 
fe  déjctte  ;  &  enfin  il  eft  tort  difficile  de 
s'en  fervir  avec  précifion  :  on  compte  même 
généralement  qu'il  ne  vaut  rien  pour  les 
angles  au  defllis  de  60^.  Ainfi  on  doit 
abfolumcnt  l'abandonner  ,  fur-tout  depuis 
rinftrument  de  M.  Hadley  ,  fi  fupérieur  à 
tous  ceux  qui  l'ont  précédé.  Voye\  INS- 
TRUMENT de  M.  Hadley. 

Varbdlefirille  a  eu  dilFérens  noms ,  comme 
radlometre  ,  rayon  aftronomique  ,  bâton  de 
Jacob  ,  &  i-erge  d'or  ;  mais  arbaleftrille  eft 
aujourd'hui  le  plus  en  ulage. 

Comme  les  obfervations  qui  fe  font  fiir 
un  vaiflèau  ,  donnent  la  hauteur  du  folcil  , 
tantôt  trop  grande  ,  tantôt  trop  petite  , 
félon  qu'elles  le  font  par -devant  ou  par 
derrière  ,  &  cela  à  caufe  de  l'élévation  de 
l'obfervateur  au  deilus  de  l'horizon  ,  on  eft 
obligé  de  retrancher  plufieurs  minutes  de 
l'angle  trouvé  par  l'obfervation  ,  ou  ,  au 
contraire ,  d'en  ajouter  à  cet  angle.  Voye^ 
là-defifusT article  QUARTIER  AnGLOIS  , 
à  la  fin.  {T) 

*  §  ARBATA  ,  (  Geog  facrée.  )  c'eft 
un  nominatif  pluriel  qui  fignifie  des  lieux 
champêtres  &  incultes.  Voye\  Calmer  , 
fiir  le  f.  23  ,  du  chap.  v.  du  prem.  liv.  des 
Machabe'es. 

ARBE  ,  (  Géog.  mod.  )  ville  de  la  répu- 
blique de  Venifc  ,  dans  l'île  de  même 
nom  ,  près  les  côtes  de  Dalmatie.  Long. 
32,,  54  ;  lat.  44,  55. 

ARBELLE  ,  (  Géog  anc.)  ville  de  Sicile , 
dont  les  habitans  étoient  fi  lots  &  fi  Cupi- 
des ,  qu'on  difoit  de  ceux  qui  en  failoient 
le  voyage  ,  quid  non  fies  Arbelas  profec- 
tus  ?  Ce  qui  peut  s'entendre  de  deux  façons  : 
que  vous  ferez  fot  ,  ou  que  vous  ferez  riche 
i\  votre  retour  !  fot ,  pour  avoir  vécu  fi  long- 
temps avec  des  fots  ;  riche  ,  parce  qu'il  eft 
facile  de  faire  tortune  avec  des  gens  aufli 
peu  fins. 

*  ArbellE  ,  (  Gebg.fainte.  )  ville  de  la 
haute  Galilée ,  dans  la  tribu  de  Nephtali , 
à  l'occident  du  lac  Semachon  ,  où  l'on  ren- 
controit  des  cavernes  affreufes ,  la  retraite 
des  voleurs  ou  des  jififs  perfécutés.  Hérode 
le  grand  en  fit  boucher  quelques-unes  ,  & 
mettre  le  feu  aux  autres  :  on  lit  dans  Jolcph , 
Antiq.  lib.  XII ,  c.  xviij  ,  que  l'accès  eu 
étoit  rendu  fi  difficile  ,  par  des  rochers  &  d^ 

V 


',54      .  A   R    B 

précipices  ,  qu'on  n'y  pouvoir  prefqiic  abor- 
der quand  on  étoit  au  pié  ,  ni  deicendre  , 
quand  on  avoir  arreinr  le  (bmmer.  Il  ajoure 
qu'Hérode  y  lir  deicendre ,  dans  des  coffres 
arrachés  à  des  chaînes  de  fer ,  des  foldars 
'^rmés  de  hallebardes  ,  qui  accrochoienr  & 
tuoienr  ceux  qui  faifoienr  réliftance. 

*  ArbeLLES,  bourg  d'Afl)rie  ,  fur  le 
fieuve  Lycus  ,  célèbre  par  la  féconde  vic- 
toire qu'Alexandre  le  grand  remporra  fur 
Darius ,  roi  de  Perfe. 

*  ARBENGIAN  ,  petire  ville  de  la  cam- 
pagne ou  de  la  vallée  ,  qu'on  appelle  Sogde 
de  Samarcand  ;  ceÛ  propremenr  le  rerri- 
îoirc  de  cerre  ville. 

ARBENNE ,  (  HiJJ.  mt.  ornithol.  )  La- 
gnpus  avis.  Aid.  Cer  oiicau  eft  de  la  gran- 
deur &  de  la  figure  du  pigeon  domeltique  , 
ou  peur -erre  un  peu  plus  grand.   Il  pc(e 
quatorze  onces  ;  il  a  environ  un  pié  rrois 
pouces  de  longueur  ,  depuis  la  poinre  du 
bec  jufqu'à  fexrrémité  de  la  queue  ou  des 
parres  ,  l'envergure  elt  d'un  pié  dix  pouces  ; 
le  bec  efr  courr  ,  noir  ,  &  femblable  à  celui 
d'une  poule  ,  mais  un  peu  plus  périr  ;  la 
prrrie  fupérieure  efl  plus  longue  ,  &:  déborde 
im   peu    la    parrie    inférieure  ;  les   narines 
fonr  couverus  par  de  perites  plumes  ;_il  y 
a  ,  au  deifus  des  yeux  ,  en  place  de  ibur- 
cils  ,  une  pcrire  caroncule  dégarnie  de  plu- 
mes ,  fiire  en  forme   de  croiiîîmr  ,  &  de 
couleur  de  vermillon.  On  diflingue  le  mâle 
de  la  femelle  par  un  rrair  noir  ,  qui  com- 
mence   à  la  parrie  fupérieure  du  bec  des 
mâles  ,  qui  pafle  au  delà  des  yeux  ,  &  qui 
finir  vers  les  oreilles  :  rour  le  reffe  du  corps 
ell  d'une  couleur  rrès-blanche  ,  à  l'excep- 
tion de  la  queue  ;  il  y  a  vingr-quarre  gran- 
des plumes  dans  chaque  aile  ,  donr  la  pre- 
mière ,  ou  l'exrérieure  ,  ell  plus  courte  que 
la  féconde  ;  la  féconde  eil  auffi  plus  courte 
que  la  troifieme  ;  les  fix  plumes  extérieures 
ont  le  ruyau  noir  :  la   queue  a  plus  d'une 
palme  de  longueur  ;  elle  cil  compolée  de  feize 
plumes  ;  les  ileux  du  milieu  Ibnr  blanches , 
de  même  que  les  barbes  exrérieures  de  la 
dernière  plume  de  chaque  c6ré  ;  roures  les 
autres  plumes  fonr  de  couleur  cendrée  noi- 
râtre ,  à   l'exceprion  de    la  pointe    qui  eft 
blanche  ;  les  plumes  qui  fonr  fur  la  queue  , 
fonr  aufli  grandes  que  la  queue  même.  Les 
pattes  font  couvertes  en  entier  ,  jufqu'uu 


A  R  B 

bout  des  doigts  ,  de  petites  plumes  molles 
pofées  fort  près  les  imes  des  autres  ;  ce  qui 
a  fait  donner  à  cer  oiieau  le  nom  de  La- 
gopus.  Les  ongles  fonr  rrès-longs  ,  &  ref- 
lèmblans  à  ceux  de  quelques  quadrupèdes  , 
rels  que  le  lièvre  ;  ces  ongles  ibnr  de  cou- 
leur de  corne  obfcure ,  ou  de  couleur  de 
plomb  ;  le  doigr  de  derrière  elf  périr ,  mais 
i()n  ongle  c(l  grand  &:  recourbé  ;  le  doigt 
exrérieur  &  le  doigr  intérieur  de  devant 
riennenr  au  doigr  du  milieu  ,  par  imc 
membrane  ;  l'ongle  du  doigr  du  milieueil 
rrès-long  &  un  peu  creux  ;  les  bords  ionr 
rranchans  ;  il  y  a  des  poils  longs  &  touffus 
fous  les  doigrs. 

On  rrouve  ces  oifeaux  fur  les  Alpes  ,  qui 
fonr  couverres  de  neige  pendanr  la  plus 
grande  parrie  de  l'année  ,  &  lur  d'aurres 
monragnes  rrès-élevées.  On  a  donné  à  cet 
oifeau  le  nom  de  perdrix  blanche  ,  ians 
doure  parce  que  la  chair  a  quelque  rapport 
à  celle  de  la  perdrix  pour  le  goût  ;  car 
['arljenne  eft  un  oiléau  différent  de  la  per- 
drix ,  quoiqu'il  lui  reflêmble  pour  la  figure 
&:  pour  la  grandeur.  Cependant  le  nom  de 
perdrix  blanche  ,  a  fair  croire  que  l'oileau 
donr  il  s'agir  ,  étoit  vraiment  une  perdrix  : 
c'eit  pour  éviter  cetre  équivoque  ,  que  je 
le  rapporte  ibus  le  nom  d'arbenne  ,  qu'on 
lui  a  donné  en  Savoie ,  comme  celui  de 
perdrix  blanche.  Il  icroir  à  fbuhaiter  que 
l'on  pur  ainfi  prévenir  les  erreurs  qui  vien- 
nenr  des  noms.  Willughby  ,  Aldovrande  , 
Ornith.  lh\  XIII  ,  pag.  245.  Ko>'f:( 
Oiseau.  ( /) 

*  ARBERG  ,  (  Ge'og.  )  ville  de  Suilît , 
dans  le  cnnron  de  Berne  ,  dans  une  clpece 
d'île  (îir  l'Aar.  Long.  24  ,  45  ;  lac.  47. 

ARBEROU  ,  (  Ge'ug.  )  nom  d'un  des 
cantons  de  la  Baflé- Navarre  ,  qui  avec 
ceux  d'Amix  ,  de  Cize  ,  de  Baigorri  & 
d'Oftabarer ,  coinpofe  rour  ce  périr  royau- 
me ,  auquel  on  ne  donne  environ  que 
dix  lieues  de  longueur  &  cinq  de  lar- 
geur. (C.  A.) 

*  ARBI ,  petit  pays  de  l'Amérique  mé- 
ridionale ,  près  des  Andes  ,  entre  le  Po- 
pa>an  fie  la  nouvelle  Grenade. 

'^  ARBIA,  petite  rivière  d'Italie  ,  qui  a 
ia  (ource  dans  le  rerriroire  de  Florence  , 
pafîè  fur  celui  de  Sienne  ,  &  fe  jette  dans 
i'Ombrone. 


A  R  B 

ARBÎENS,  (Geogr.)  narion  d'Afic  , 
dans  la  Gcdrofie  ,  entre  l'Indoibn  &  la 
Perle.  C'étoit  prccifément  celle  qui  Ivabi- 
toit  les  rives  de  l'Arbis  ,  voiiînagc  des 
Orites.  Elle  avoit  auill  une  ville  du  nom 
A'Aibis  ,  que  Ton  prend  aujourd'hui  pour 
Araba.  Leur  pays  répond  à  celui  que  l'on 
nomme  Send ,  qui  tait  partie  du  Mecran  , 
anciennement  la  Gédrolie.  Il  y  avoit  auITi 
dans  la  contr(fe  une  chaîne  de  montagnes 
nommées  ai  hiti  montes  ;  ce  iont  vraiiem- 
blablcment  les  monts  qui  léparent  les 
Indes  de  la  Perle  ,  &  qui  s'étendent 
depuis  Buckar  iufqu'à  l'embouchure  de 
l'Indus.  (C.  A.) 

ARBITRAGE,  f.  m.  en  Droit  ,^  efl  le 
jugement  d'un  tiers  ,  qui  n'eil  établi  ni  par  la 
loi ,  ni  par  le  magiftrat ,  pour  terminer  un 
différent  ;  mais  que  les  Parties  ont  choiii 
elles-mêmes.  Kojf^j ARBITRE.  [H) 

Arbitrage,  en  matière  de  change, 
veut  dire  une  combinailon  ou  aflèmblage  que 
l'on  fait  de  plufieurs  changes  ,  pour  connoî- 
tre  quelle  place  efl  plus  avantageufe  pour 
tirer  &  remettre.  De  la  Porto  ,  Science  des 
Nc'goctans.  Fojfij  ChANGE  &  PlACE. 

Samuel  Ricard  ,  dans  fon  traite  gênerai 
de  commerce  f  dit  qucles  arbitrages  ne  (ont 
autres  qu'un  preflentiment  d'un  avantage 
confidéi'able  ,  qu'un  commettant  doit  rece- 
voir d'une  remil'e  ou  d'une  traire  f;tite  pour 
un  lieu  préférablement  à  un  autre. 

M.  de  Montodcgni  définit  l'arbitrage  de 
change  }  un  troc  que  deux  banquiers  le  font 
mutuellement  de  Iciu-s  lettres  de  change  iur 
diliérentcs  \  illes  ,  au  prix  &  cours  du  change 
conditionne. 

Suivant  M.  J.  P.  Ricard ,  qui  a  donné 
ane  nouvelle  édition  du  traite'  des  arbitra- 
ges ,  l'arbitrage  cft  une  négociation  d'une 
iomme  en  échange  ,  à  laquelle  un  banquier 
ne  ie  détermine  qu'après  avoir  examiné , 
par  plufieurs  règles  ,  de  quelle  manière  elle 
lui  tournera  mieux  à  compte.  M.  Savari 
penie  que  ces  deux  dernières  définitions  font 
les  méities  pour  le  fond;  &  quant  aux  rè- 
gles ou  opérations  qu'on  luit  pour  l'arbi- 
trage ,  il  en  rapporte  un  exemple  qu'on  peut 
voir  dans  Ion  ouvrage  ,  Tom.  I,  pag. 
^93-  {G) 

ARBITRAIRE,  ad),  pris  dans  un  fens 
général  :  ce  qui  n'elt  pas  défini  ni  limité  par 


A  71  B  IJ5 

aucune  loi  ou  conititution  exprciTe  ,  mais 
qu'on  laifle  uniquement  au  iugcmcnt  &  à  la 
difcrétion  des  particuliers.  La  punition  d'un 
tel  crime  efl  arbitraire.  Ce  mot  vient  du 
latin  ,  arbitrium  ,  volonté.  Les  loix  ou  les 
mcfures  par  lefquellcs  le  Créateur  agit ,  font 
arbitraires  ,  au  moins  toutes  les  loix  phyfi- 

ques.  Fo)'e;j  Physique  ,  Pouvoir  ar- 
bitraire ,  Despotisme  ,  Monar- 
chie ,  Êv.  [H) 

ARBITRAL,  terme  de  Droit ,  fe  dit 
des  décifions  ,  fentcnccs  ou  jugemens  éma- 
nés des  arbitres.  Voy.  ARBITRE  &  COM- 
PROMIS. Les  fentences  arbitrales  doivent 
être  homologuées  en  juflice,  pour  acquérir 
l'autorité  d'un  jugement  judicia-re,  &  pour 
pouvoir  emporter  hypothèque  fur  les  biens 
du  condamné;  &  lorfqu'elies  le  font,  elles 
font  exécutoires ,  nonobllant  oppofitions  ou 
appellations  quelconques. 

S'il  y  a  quelques  difficultés  pour  l'inter- 
prétation d'une  lentence  arbitrale  ,  c'efl  aux 
arbitres  qu'il  faut  s'adreflcr  pour  l'interpré- 
tation ,  s'ils  font  encore  vivans  ;  finon  il 
fiuidra  s'en  rapporter  au  juge  ordinaire. 
(H) 

ARBITRATEUR ,  f  m.  terme  de  Droit, 
efl  une  efpece  d'arbitre.   Voy.  ARBITRE. 

En  Angleterre ,  les  parties  en  litige  choi- 
fifTent  ordinairement  deux  arbitraceurs  ;  & 
en  cas  qu'ils  ne  puilTent  pas  s'accorder ,  on 
y  en  ajoute  un  troifieme  ,  que  l'on  appelle 
arbitre,  à  la  décifion  duquel  les  deux  parties 
font  obligés  d'acquiefcer. 

Les  jurilconfultes  mettent  une  différence 
entre  arbitre  &:  arbitrareur  ;  en  ce  que , 
quoique  le  pouvoir  de  l'un  &  l'autre  foit 
fondé  fur  le  compromis  des  parties  ,  néan- 
moins leur  liberté  efl  différente  ;  car  un 
arbitre  efl  -tenu  de  procéder  Se  de  juger  fiii- 
vant  les  formes  de  la  loi  ;  au  heu  que  l'on  s'en 
remet  totalement  à  la  propre  dilcrétion  d'un 
arbitrateur  :  fans  être  obligé  à  aucune  pro- 
cédure folemnclle ,  ou  à  fuivre  le  cours  des 
jugemcns  ordinaires  ,  il  peut  accommoder 
à  fon  gré  l'affaire  qui  a  été  remiie  à  Ion  juge- 
ment ,  pourvu  que  ce  foit  juxta  arbitrium 
boni  pi  ri.  (H) 

Arbitrateur, fiibfl.prisadj.  [Myth.) 

nom  que  les  païens    donnoient  à  Jupiter  : 
il  yavoità  Rome  unportiqueàcinqcolonnes, 
confacré  à  Jupiter  ai  bitraieur. 
V  z 


j^S  ARB 

ARBITRATION  ,  f.  f.  terme  de  Pa- 
lais ,  eil:  une  elHmation  ou  évaluation  faite 
en  gros ,  &  ians  entrer  en  détail  :  ainfi  l'on 
dit  en  ce  iens  qu'on  a  arbitre  les  dépens  ou 
les  dommases  &  intérêts  ,  à  telle  lomine. 

ARBITRE,  f.  m.  en  terme  de  Droit, 
eft  un  juge  nommé  par  le  magifh-at ,  ou 
convenu  par  deux  parties ,  auquel  elles  don- 
nent pouvoir  par  un  compromis  de  juger  leur 
différent  fuivant  la  loi.  P^qye^  JuGE  & 
Compromis. 

Les  Romains  fe  foumettoient  quelquefois 
à  un  feul  arbitre  ;  mais  ordinairement  ils 
en  choifiiloient  pluileurs  qu'ils  prenoicnt 
en  nombre  impair.  Voye^  ARBITRAGE. 

Dans  les  matières  qui  regardoient  le  pu- 
blic ,' telles  que  les  crimes  ,  les  mariages, 
les  afïaires  d'état  ,  &c.  il  n'étoit  pas  permis 
d'avoir  recours  aux  arbitres.  On  ne  puu- 
voit  pas  non  plus  appeller  d'une  ientence  ou 
d'un  jugement  par  aréme  ;  l'eltèt  d'un  appel 
étoit  de  iuipendre  l'autorité  d'une  juril- 
didion  ,  &:  non  pas  d'un  pafle,  d'une  con- 
vention ou  d'un  contrat.  Voye^  APPEI.. 
Chez  les  modernes  il  y  a  ordinairement 
différentes  fortes  d'arbitres  ;  quelques-uns 
font  obligés  de  procéder  iuivant  la  rigueur 
de  la  loi ,  &  d'autres  font  autorifés  par  les 
parties  mêmes  à  s'en  relâcher ,  &  fuivrc 
l'équité  naturelle.  Ils  font  appelles  propre- 
ment arbitrateurs.  Voye\  ARBITRA- 
TEUR. 

1.CS  uns  &  les  autres  font  choifis  par  les 
parties  ;  mais  il  y  en  a  une  troifieme  forte  qui 
Ibnt  des  arbitres  nommés  par  les  juges  ,  lef- 
quels  font  toujours  tenus  de  juger  fijivant  la 
rigueur  du  droit. 

Juflinien  (  L.  ult.  c.  de  recept.  )  défend 
abfolument  de  prendre  une  femme  pour 
arbitre ,  comme  jugeant  qu'une  pareille 
fonflign  n'efl  pa^  bienféante  au  fexe  :  néan- 
moins le  pape  Alexandre  III  confirma  une 
ientence  arbitrale  donnée  par  une  reine  de 
France.  Le  cardinal  Wolfey  fut  envoyé  par 
Henri  VIII  i\  François  premier  ,  avec 
plein  pouvoir  de  négocier ,  faire  &  con- 
clure tout  ce  qu'il  jugeroit  convenable  à  fes 
intérêts  ;  6c  François  premier  lui  donna 
le  même  pouvoir  de  fon  côté  :  de  forte  qu'il 
lut  conltitué  le  '[<:\A  arbitre  de  leurs  affaires 
réciproques. 


ARB 

Les  arbitres  compromifïïonnaires  doi- 
vent juger  à  la  rigueur  aulli  bien  que  les 
juges ,  &  font  obligés  de  rendre  leur  juge- 
ment dans  le  temps  qui  leur  efl  limité  , 
fans  pouvoir  excéder  les  bornes  du  pouvoir 
qui  leur  efî  pref  crit  par  le  compromis  :  ce- 
pendant fi  les  parties  les  ont  autorifés  à  pro- 
noncer félon  la  bonne  foi  &  fuivant  l'é- 
quité naturelle  ,  fans  les  aflreindre  à  la  ri- 
gueur de  la  loi ,  alors  ils  ont  la  liberté  de 
retrancher  quelque  chofe  du  bon  droit  de 
l'une  des  parties  pour  l'accorder  à  l'autre , 
&  de  prendre  un  milieu  entre  la  bonne  toi 
&  l'extrême  rigueur  de  la  loi.  De  Launay, 
traité  des  Dejcentes. . 

Les  ades  de  fbciété  doivent  contenir  la 
claufe  de  fe  foumettre  aux  arbitres  pour  les 
conreftations  qui  peuvent  furvenir  entre 
alîociés  ;  &  fi  cette  claufe  étoit  omife  ,  un 
des  alïbciés  en  peut  nommer  ;  ce  que  les 
autres  font  tenus  pareillement  de  taire,  au- 
trement il  en  doit  être  nommé  par  le  juge 
pour  ceux  qui  en  font  retus. 

En  cas  de  décès  ou  d'une  longue  abfence 
d'un  des  arbitres  ,  les  ailociés  en  peuvent 
nommer  d'autres  ;  iinon  il  doit  y  être  pourvu 
par  le  juge  pour  les  retufans. 

Quand  les  arbitres  font  partagés  en  opi- 
nion ,  ils  peuvent  convenir  de  fur-arbitres 
fans  le  confentement  des  parties  ;  &  s'ils 
n'en  conviennent ,  il  en  eft  nommé  par  le 
juge.  Pour  parvenir  à  taire  nommer  d'otHce 
un  fur-arbitre  ,  il  faut  préfenter  requête  au 
juge,  en  lui  expofant  la  néceflîté  d'un  fur- 
arbitre  ,  attendu  le  partage  d'opinions  des 
arbitres  ;  &  l'ordonnance  du  juge  fur  ce 
point  doit  être  fignitlée  à  la  diligence  d'une 
des  parties  aux  arbitres ,  en  les  priant  de 
vouloir  procéder  au  jugement  de  leur  difié- 
rent.  Les  arbitres  peuvent  juger  fur  les 
pièces  &  mémoires  qui  leur  font  remis 
fans  aucune  tarmalité  de  juflice  ,  & 
nonobffant  l'abfence  de  quelqu'une  dus 
parties. 

Tout  ce  qui  vient  d'être  dit  a  lieu  à  l'égard 
des  veuves ,  héritiers  &  ayans  caufe  des 
aflociés  ,  &  efl  conforme  aux  articles  9  , 
10,  Il  ,  12,  13  cy  14  Jzi  titre  il'  de 
l'ordonnance  de  i6y]. 

Dans  les  contrats  ou  polices  d'aflurance , 
il  doit  y  avoir  une  claufe  par  laquelle  les 
parties  f"c  foumettcnt  aux  arbitres  en  cas 


A  R  B 

^e  conteflation.  Article  5  du  titre  rj  du 
là'.  III  de  l'ordonnance  de  Li  Marine  ,  du 
mois  d'Août  1681. 

On  peut  appcllcr  de  la  fentonce  des  ar- 
bitres ,  quand  mcmc  il  auroit  cté  convenu  , 
lors  du  compromis  ,  qu'on  n'appclleroit 
pas.  {H) 

ARBITRER  ,  v.  ad.  c'eft  liquider, 
eflimcr  une  choie  en  gros  ,  fans  entrer  dans 
le  détail  ;  ainii  l'on  dit  :  Acs  amis  communs 
ont  arbitré  À  une  telle  fomme  le  dépérifre- 
menr  de  ces  marciiandilès.  (  G  ) 

ARBITRK)  ,  (  mujiq.  )  Koj'qCADAN- 
ZA  {muhq.)   (ô) 

ARUOGKN  ou  ARBO  ,  {G/og.)  wWk 
de  Suéde  ,  dans  la  province  de  Wcllmanie  , 
fur  la  rivière  de  même  nom. 

*  ARBOIS ,  (  Ccog.  )  petite  ville  de  la 
Franche-Comte  ,  entre  Salins  &  Poligny. 
Long.  63,  30;/af.  4<5  ,   55- 

ARBOLADE  ,  i;  f.  c'ell  ,  en  terme  de 
Cuijine  ,  le  nom  d'un  flanc  fait  avec  le 
beurre  ,  la  crème  ,  les  jaunes  d'ccufs  ,  le 
jus  de  poiré  ,  le  fucre  &  le  fel.  Voye-{  le 
Cuijinier  François. 

*  ARBON  ,  (  Géog.  anc.  &  mod.  )  ville 
de  Suiife  ,  fur  le  bord  méridional  du  lac 
de  Confiance  ,  dans  le  Turgow.  Long.  27  , 
30  ;  lat.  47  ,  38. 

ARBORER  un  mat  ,  (  Marine.  )  c'eft 
mater  ou  drefler  un  mat  fur  le  vaifleau. 
Le  mât  de  fume  efl  arboré  fur  le  grand  mât. 
On  fe  fert  dans  la  manœuvre  des  galères 
du  mot  d'arborer  &:  dcfarborer ,  pour  dire 
qu'une  galère  levé  fon  mellre  &  le  brin- 
quet  pour  appareiller  ,  ou  qu'elle  démâte 
&    qu'elle   abat  fes    mâts.    Voye:^  MaT  , 

Mestre  ,  Brinquet,  Galère. 

Arborer  le  paiillon  ,  c'eil  le  hilîêr  &  le 
déployer.    Fo)'f^  HisSER.  (Z  ) 

*  ARBORIBONZES  ,  ï.  m.  pi.  {Hifi. 
mvd.  )  prêtres  du  Japon  ,  errans  ,  vaga- 
bonds ,  &  ne  vivant  que  d'aumônes.  Ils 
habitent  des  cavernes  ;  ils  le  couvrent  la 
tête  de  bonnets  faits  d'écorce  d'arbre  termi- 
nés en  pointe  ,  &  garnis  par  le  bout  d'une 
touffe  de  crin  de  cheval  ou  de  poil  de 
chèvre.  Ils  font  ceints  d'une  liiicre  d'é- 
toffe groiîîere  ,  qui  fait  deux  tours  fur  leurs 
reins  ;   ils  portent  deux  robes   ,    l'une  fur 


A  R  B  15-^ 

l'autre  ;  celle  de  dedii-ieflde  coton,  fort 
courte  ,  avec  de->  demi-manches  ;  celle  de 
dedus  efl  de  peau  de  bouc  ,  &  de  quatre 
;\  cinq  doigts  plus  longue  ;  ih  tiennent  en 
marchant  ,  d'une  mn-n  ,  un  gobelet  qui 
peni  d'une  corde  attachée  à  leur  ceinture, 
&  de  l'autre  une  branche  d'^-n  arbre  lâu- 
vage  qu'on  novnmc  foutan  ,  i:  dont  le  fruit 
efl  femblable  à  notre  nciHe  ;  ils  ont  pour 
chaull'ure  des  fandales  attacliécs  aux  pics 
avec  des  courroies  ,  &  garnie:,  de  quatre 
fers  qui  ne  font  guère  moins  br'iyans  que 
ceux  des  chevaux  ;  ils  ont  la  baibe  &  les 
cheveux  fi  mal  peignés  ,  qu'ils  font  horribles 
à  voir.  Ils  fe  mêlent  de  conjurer  les  dénions  : 
mais  ils  ne  commencent  ce  métier  qu'à 
30    ans.    Ambajfad.    part.    I.  pag.  89  & 

*  ARBORICHES  ,  f.  m.  pi.  (  Hifi.  ) 

peuples  que  quelques-uns  croient  être  les 
iiabitans  de  la  ifelande  ;  d'autres  ,  d'anciens 
habitans  du  territoire  voifin  de  celui  de 
Malfrichr  :  félon  Bécan  les  Arboriches  oc- 
cupoient  le  pays  qui  efl  entre  Anvers  &  la 
Meufe. 

*  ARBORIQUES  ,  f.  m.  {Hifi.  mod  ) 
nom  de  peuples  que  quelques  Auteurs  pré- 
tendent être  les  mêmes  que  les  Armuriquc;- 
ou  Armoricains.  Les  Arboriques  dont  le 
P.  J3aniel  fait  mention  ,  habitoient  entre 
Tournai  &  le  Vahal  ,  ctoient  chrétiens  fous 
Clovis  comme  la  plupart  des  autres  Gau- 
lois ,  &  fort  attachés  à  leur  religion.  i^vye\ 
Armoriques.  * 

*  ARBwURG  ,  (  Géog.  )  ville  de  Suilfc 
dans  le  canton  de  Berne  ,  dans  l'Argow  , 
au  bord  del'Aar.  Long;.  25  ,  25  ;  lat.  47 ,  10. 

ARBOUSES  ,  f.  f.  fruit  de  l'arboufer. 
Les  arboufes  reflèmblent  aux  frailcs  ,  l'ont 
rouges  étant  mûres  ,  d'un  goût  ppre  ,  <Sc 
difîicilcs  à  digérer.  L'arbriiîèau  qui  les  porte 
croît  dans  les  lieux  montagneux,  &  entre 
dans  plulieurs  remèdes.  Voye\  l'antcle  fui- 
vant.   (K) 

§  ARBOUSIER  ,  (  Bvtzn.  Jardinage 
d'agrément  )  en  latin  ,  ar butas;  en  Anglois  , 
fîraw  -  herry  tree  ;  en  Allemand  ,  erd- 
beerbaum.  ■ 

Jubeo  frundentia  capris  , 

Arbuta  fujpcere Geogr.    Liy.  JII. 


*  L'Aiiujt  des  Lcitrc!  f:;!-  l'Emydof  cj^e  piéccni  g^u'Aiboriches  &  Aibori^HiS  foac  les  mêmes  PeupUs ,   z:àii  ne 
font  pas  les  mêmes  qu'Atirioii^uss, 


,158  ARB 

Cara3ere  générique. 

Du  fond  d'un  petit  calice  découpé  en 
cinq  parties  s'élève  un  embryon  arrondi ,  fur- 
monté  d'un  llyle  environné  de  dix  étamines  : 
le  calice  fupporte  une  fleur  monopétale , 
femblable  à  un  grelot.  L'embryon  devient 
une  baie  ronde  ou  ovale ,  à  cinq  cellules 
qui  l'ont  remplies  de  petites  femences 
dures. 

Efpeces. 

I.  Arboufier  à  feuilles  unies  ,  dentelées, 
à  tige  droite  ,  ligneufe  ,  à  baies  polyi'per- 
mes Arbre  4. 

Arbanis  foins  glabris  ,  feratis  ,  caule 
ereclo  j.rboreo  ,  baccis  polyfpermis.   Mill. 

En  Anglois  ,  the  commonftrau-berrytree^ 

Variétés  de  cette  efpece, 

et.    Arboujier  à  fleur  double. 

/3  Arboujier  à  fleur  rougeatre. 

y  Arboujier  à  fleur  oblongue  ,  ;\  fruit 
ovale. 

z.  Arboufier  à  feuilles  unies  &  entières  , 
à  tige  droite  ,  ligneufe  ,  à  baies  polyipermes 
Arbie  3. 

ArbutusfoUis  glabris  integerrimis,  caule 
ereclo  arboreo  ;  baccis  polyfpermis.   Mill. 

Tlie  oiiental  firaw-berry  tree  called 
adrachne. 

3.  Arboufier  à  tiges  traînantes ,  à  feuil- 
les ovales  un  peu  dentelées  ,  à  fleurs  déta- 
chées. Arhou/ier  de  marais  d'Acadie. 

Arbutus  caulihiîs  procuinbentibus  ,  foliis 
oi'atis  fubferratis  ,  floribus  fparjis.  Linn. 
Sp.  pi.  13S.frutex  4. 

Swamp    arbutus  ofnorth  America. 

4.  Arboujier  à  tiges  traînantes  ,  à  teuilles 
rudes  &  dentelées. 

Arbutus  caulibus  procumbentibus  yfoliis 
rugojis  ferraùs.  FI.  Lap.  161.  frutex  3, 

Arbutus  vit  trailing,  Jialks  ,  and  rough 
fawed  leares. 

5  Arboufier  à  tiges  traînantes  &  à  feuilles 
très-enrieres. 

Arbutus  caulibus  procumbentibus  foliis 
integerrimis.  FI.  Lap.  161.  uva  urji  y  an- 
ciennement connu.  Jrutex  5. 

Bearberries. 

\,' Arboufier  n°.  I.  croît  naturellement 
en  Ei'pagne  ,  en  Italie ,  dans  l'Ile  de  Corlc  , 


ARB 

aux  lieux  pierreux  &  montagneux  :  les 
plus  pauvre,  gens  mangent  de  ion  fruit  , 
quoiqu'il  foit  lade  &  indigefle.  Daiit  ar- 
butajih'ie  ,  dit  Virgile  ;  ce  qui  prouve  que 
de  Ion  temps  on  regardoit  les  arboufes 
comme  une  reflource  pour  les  payfans  ,  & 
que  par  conféquent  la  milere  étoit 
extrême  :  elle  croît  dans  les  campagnes 
en  proportion  de  la  pompe  des  Cours 
&  des  richefles  des  grands  ,  &  ce  n'eft 
qu'alors  qu'on  trouve  des  poètes  cour- 
tiians  qui  chantent  le  bonheur  de  la  vie 
rurale. 

Sans  doute  que  les  feuilles  de  Varboufier 
fint  un  très-bon  lourrage  pour  les  chè- 
vres ,  car  Virgile  prefcrit  de  leur  en  don- 
ner :  puifque  le  même  Auteur  dit  dans  un 
autre  endroit  ,  &  quce  vos  rata  viridis 
tegit  arbutus  umbra  ;  il  paroît  que  cet  ar- 
briiléau  s'élève  à  une  certaine  hauteur.  Je 
le  trouve  dans  un  catalogue  Hollandois  au 
nombre  des  arbres  du  troifieme  ordre  , 
mais  comme  il  fleurit  très-jeuné  ,  je  penie 
qu'il  n'efl  tout  au  plus  que  du  quatrième. 
Il  s'eleve  fur  une  tige  un  peu  torfe  ,  recou- 
verte d'une  écorce  rougeatre  ,  dont  l'épi- 
derme  fe  gerfe  de  bonne  tieure  :  les  poulies 
de  l'année  font  de  la  couleur  du  corail: 
il  en  fort  des  poils  rares  &;  un  peu  rigides  ; 
elles  fupportent  des  feuilles  qui  y  font  at- 
tachées par  de  petits  pédicules  rouges  : 
les  feuilles  ont  environ  trois  pouces  de 
long ,  &  un  demi  dans  leur  plus  grande 
largeur  ,  elles  font  oblongues ,  finement 
dentées  ,  &  pointues  par  le  bout:  les 
dents  &;  la  pointe  ibnt  bordées  d'un  beau 
rouge. 

Les  fleurs  naiflent  fur  un  filet  commun 
en  forme  de  petites  grappes  ;  elles  lont 
blanches  &  paroiflcnt  en  novembre  & 
décembre.  C'efl  alors  aulFi  que  les  baies 
de  l'année  précédente  acquièrent  leur  ma- 
turité; elles  font  allez  groffes  &  d'un  beau 
rouge:  ces  fleurs  &  ces  fruits  contraflent  à 
merveille  avec  le  verd  gracieux  des  feuilles 
dont  le  delfous  efl  très -luifant.  Ainfi  cet 
arbre  ottre  une  décoration  pittoreique  & 
riante  ,  lorfque  la  campagne  efl  déjà  dé- 
valuée par  les  approches  de  l'hiver. 

Il  nous  lailfe  quelquefois  reipirer  :  on 
aime  à  profiter  d'un  rayon  de  lolcil  réflé- 
chi par  des  arbres  toujours  vcrds  ,  c'elt  le 


A  R  B 

jnéme  plaifir  que  refîent  un  vicillnrd  , 
lorlqu'une  ienfation  un  peu  vive  l'aver- 
tit de  ton  exilknce  qui  eu  près  de  lui 
t^chapper. 

'V Arboufier  mcritc  une  place  diflinguée 
dans  les  bolquets  d'hiver  ;  il  aime  une 
terre  plus  lèche  qu'humide ,  &  veut  erre 
paré  des  \ents  Froids  :  on  le  plante  avec 
lùccès  à  la  fin  de  Septembre  ,  mais  il 
faut  le  lever  en  motte  autant  qu'il  ell 
poliible. 

11  s'élève  de  fcmences  &  de  marcottes. 
Les  baies  fe  rccueilUnt  en  décembre;  on 
en  tire  la  graine  par  des  lotions  ,  on  la 
l'ait  lécher  ,  puis  on  la  conlerve  dans  du 
lable  fin  &  fcc  julqu'en  mars.  Alors  on 
la  feme  dans  de  petites  caillés  ou  dans 
des  pots  emplis  de  bonne  terre  légère , 
fuivant  la  méthode  détaillée  dans  V article 
Cyprès. 

Ces  pots  ou  cailles  doivent  être  enterrés 
dans  une  couche  chaude.  Les  petits  arbou- 
Jiers  fe  montreront  au  bout  de  iix  iêmaines 
ou  deux  mois.  La  première  &  la  féconde 
année  on  les  laiflera  dans  le  Icmis ,  mais 
on  leur  fera  palier  l'hiver  fous  des  chaflis 
de  verre  ,  en  leur  donnant  toutefois  autant 
d'air  que  le  temps  pourra  le  permettre.  La 
féconde  année,  à  la  fin  de  feptembre,  on 
les  plantera  chacun  dans  un  petit  pot ,  on 
les  mettra  l'hiver  fous  le  mêrrte  abri ,  & 
l'été  on  les  enterrera  contre  une  muraille 
expofée  au  levant.  Au  mois  de  leptembre 
de  la  féconde  année  d'après  cette  première 
iranfplantation  ,  on  les  plantera  à  demeure. 
Il  conviendra  alors  de  mettre  de  la  menue 
litière  autour  de  leurs  pies  &  de  les  em- 
pailler pendant  quelques  années  ,  depuis  le 
commencement  de  janvier  julqu'au  lo 
d'avril ,  félon  la  méthode  détaillée  à  V article 
Alaterne  ,  mais  en  donnant  de  l'air  au- 
tant qu'il  ef^  poliible ,  car  cet  arbre  en  a 
grand  beloin.  Varboujier  n'cfl  pas  fort 
délicat  ;  Miller  dit  qu'il  croît  naturelle- 
ment en  Irlande  ;  la  graine  qu'on  tireroit 
de  ce  pays  feroit  préférable  à  celle  qu'on 
fait  venir  de  nos  provinces  méridionales  : 
les  arbres  qui  en  proviendroient ,  s'accoutu- 
meroient  plus  aiiément  au  climat  de  la 
France  feptentrionale  ;  la  nature  auroit  fait 
la  moitié  des  frais  de  leur  éducation.  En 
Angleterre  les  arbouJUrs  ont  perdu  leurs 


A  R  B  159 

feuilles  &  leurs  jeunes  brandies  dans  des 
hivers  très-rigoureux  :  plufieurs  pcrionnes 
les  ont  cru  morts  &  les  ont  fait  arracher  ; 
mais  ceux  qui  ont  eu  plus  de  patience,  les 
ont  vu  repoullèr  &:  réparer  leurs  pertes  en 
fort  peu  de  temps. 

Les  variétés  de  cette  efpcce  fc  perpétuent 
par  les  marcottes  ,  ou  en  les  grcHaiit  en  ap- 
proche lur  rjr/'c>;{/ïfr  commun.  Les  marcot- 
tes le  font  en  fepcembre  ,  liiivant  la  méthode 
détaillée  dans  \'art.  AlaTERNE. 

La  variété  ii  fîeur  double  n'a  pas  beau- 
coup de  mérite  ;  c'efi  un  godet  dans  un 
godet ,  &  ce  petit  enrichiffement  s'achète 
par  la  privation  du  bel  effet  des  fruits.  Cette 
variété  n'en  donne  que  fort  peu. 

Il  n'en  efl  pas  de  même  de  la  variété  |5. 
Sa  fleur  ,  qui  elt  purpurine  à  l'extérieur  ,  & 
qui  devient  tout-à-fait  rouge  avant  de  tom- 
ber ,  fait  une  oppofition  agréable  avec  celle 
de  V arboujier  coiwmun  ,  lorlqu'on  entremêle 
ces  deux  arbuftes. 

La  troifieme  variété  n'a  que  le  mérite 
d'en  être  une.  C'elf  l'efpcce  n° .  3.  de  M. 
Duhamel,  &  c'cft  peut-être  auili  de  l'efpece 
«°.  2. ,  de  Tournefort  ,  que  M.  Duhamel 
a  tranfcrite  ,  &  qui  cil  aufii  Ion  /z".  2. 
Ainli ,  d'une  légère  variété  on  auroit  fait 
deux  eipeces ,  par  l'inexadirude  ê.cfi  phra- 
ies  ,  &.  pour  n'avoir  pas  éclairé  la  nc/men- 
clature  par  la  culture  ;  elle  auroit  appris  A 
conflater  l'elpece  par  la  confiance  de  la 
graine  à  la  reproduire  le  plus  louvent  fans 
altération  ,  &  les  variétés  par  la  dilpolition 
de  leur  femence  à  reflituer  l'elpece  origi- 
nelle ,  plutôt  qu'à  rendre  la  diliérence  acci- 
dentelle qui  les  caradérife. 

Uarboi.Jier  n°.  Z  ,  cil  de  la  plus  grande 
beauté  par  la  largeur  de  les  feuilles  &:  par 
fa  hauteur.  Il  eff  devenu  très-rare.  On  vend 
lous  fon  nom  ,  en  Angleterre  ,  une  variété 
à  feuilles  larges ,  mais  dentées.  Je  trouve 
aufG  cette  variété  fur  un  catalogue  Hollan- 
dois.  La  véritable  adrachne  croit  naturel- 
lement dans  la  Natolie  aux  environs  de 
Manachie  (  l'ancienne  Magnefie  ).  Cet  arbre 
y  efî  fi  conimun  qu'il  fournit  aux  habitans 
preL]ue  tout  leur  bois  de  chauffage.  Il  ne 
peut  y  réulfir  que  dans  un  terrain  très-lèc  , 
&  demande  bien  plus  de  protedion  contre 
le  froid  que  ïarhoujier  n°.  i. 

Les  autres  efpeces  d'*r3ou/'r^rreflêmblent 


j^o  A  R  B 

à  Yura  urfi  ào.  Tournefort ,  qui  efî  notre 
dernière  ;  ce  ibnt  de  frêles  arbrillèaux  dont 
les  tiges  ne  fe  loutiennent  pas. 

L'elpece  n°.  3  ,  ell  indigène  de  l'Amé- 
rique leptentrionale,  &  fur-tout  de  l'Acadie, 
elle  y  croît  dans  les  marais  ;  ainfi  cette 
plante  elf  fort  difficile  à  entretenir  dans  les 
jardins. 

\Jarboufier  n°.  4 ,  croît  en  SuilTe  ,  en 
Sibérie  &  en  Laponie  ,  dans  la  moufle  qui 
couvre  certaines  terres  marécageutes  :  j'ai 
lien  de  croire  ,  d'après  la  delcription  qu'on 
m'a  faite  d'un  fruit  que  mangent  les  Lapons , 
qu'ils  le  doivent  à  cet  arboujier  ;  c'ell  le 
.dernier  préfent  de  la  nature ,  près  d'expirer 
fous  les  glaces  du  nord. 

iL'uva  ur// donne  un  fruit  rouge  ,  il  croît 
fur  les  montagnes  en  Efpagne ,  &  dans 
•quelques  autres  parties  de  l'Europe  ;  il  ne 
s'élève  guère  qu'à  un  pie  de  hauteur.  (  ]\I. 
le  Baron  DE  TsCHOUVi.  ) 

ARBRE  ,  f.  m.  (  Hifl.  nat.  bot.  )  Les 
Arbres  ("ont  les  plus  élevés  ,  les  plus  gros ,  & 
par  conléquent  les  plus  apparens  de  tous  les 
végétaux.  Ce  (ont  des  plantes  ligneufes  & 
durables  ;  elles  n'ont  qu'un  l'eul  &  princi- 
pal tronc  qui  s'élève  ,  ie  divilè  &  s'étend 
par  quantité  de  branches  &  de  rameaux  , 
dont  le  volume  &;  l'apparence  varient  en 
raifon  de  Tàge  ,  du  climat ,  du  terrain  ,  de 
la  culture ,  &  principalement  de  la  nature 
de  chaque  arbre.  En  comparant  la  hauteur 
.&  la  confiftance  de  toutes  les  plantes ,  on 
va  par  des  nuances  inienfibles  depuis  Vhyf- 
fope  jiifqu'au  cèdre  du  Liban  ;  je  veux  dire  , 
depuis  la  plante  la  plus  baffe  jufqu'à  Y  ar- 
bre le  plus  élevé  ;  depuis  l'herbe  la  plus 
tendre  ,  juiqu'au  bois  le  plus  dur.  Ainfî , 
quoique  les  herbes  ioient  les  plus  petites 
dts  plantes ,  on  auroit  pu  confondre  cer- 
taines efpeces  d'herbes  avec  les  arbres  ,  11 
on  n'étoit  convenu  de  donner  les  nt)ms 
à'arbrijfeaux  &  de  fous-arbrijjeaux  (  i'oye\ 

Arbrisseau  &  Sous-Ariirisseau  ,  ) 
aux  plantes  de  grandeur  &  de  confiftance 
fnoyenne  entre  les  herbes  &  les  arbres  : 
,cei>endant  il  ell  encore  aflez  difficile  de 
diiliiiguer  les  arbres  des  arbriiléaux.  Quelle 
diflerence  y  a-t-il  entre  le  plus  petit  des 
arbres  &  le  plus  grand  des  arbriflèaux  ? 
Il  n'ell  pas  pollible  de  la  déterminer  pré- 
.CJfçment  ;  mais  on  peut  dire ,  en  général , 


A  R  B 

qu'un  arbre  doit  s'élever  à  plus  de  dix  ou 
douze  pies.  Cette  hauteur  ell  bien  éloi- 
gnée de  celle  des  chênes  ou  des  fapins  , 
dont  le  foramet  s'élève  à  plus  de  cent  pies  ; 
c'ell  pourquoi  on  peut  diviler  les  arbres 
en  grands  ,  en  moyens  &  en  petits  arbres  ; 
le  chêne ,  le  fapin  ,  le  maronnier  d'Inde  , 
&c.  font  du  premier  rang  ;  l'aulne ,  le  chêne 
verd  ,  le  primier  ,  Ùc.  peuvent  être  du 
fécond  ;  le  pêcher ,  le  laurier,  le  néflier ,  &c. 
font  du  nombre  des  petits  arbres. 

Les  Botanifles  ont  rapporté  les  différen- 
tes efpeces  d'arbres  à  differens  genres  qu'ils 
ont  caraftérilés  comme  toutes  les  autres 
plantes ,  par  le  nombre ,  la  figure  &  la 
pofition  de  certaines  parties  ,  principa- 
lement des  Heurs  &  des  Iruits  ;  &  ,  dans 
cet  arrangement ,  la  plupart  ont  conton- 
du  les  herbes  avec  les  arbres.  On  a  mis 
fous  le  même  ordre  ou  dans  la  même 
fedion  ,  la  capucine  avec  l'érable  ,  la  tili- 
pendule  avec  le  poirier ,  le  pourprier  avec 
le  tilleul,  &L.  Ces  méthodes  pourroient 
donner  une  fiiufre  idée  de  certains  arbres 
lorfqu'on  les  voit  (ous  le  même  genre , 
c'eft-à-dire ,  fous  un  nom  commun  avec 
des  plantes  qui  ne  (ont  que  des  fous-ar- 
bri fléaux  ,  par  exemple  ,  le  chêne  &  le 
faule  font  deux  grands  arbres  j  cependant, 
félon  les  méthodes  de  Botanique  ,  il  y  a 
des  chênes  &  des  faules  nains.  Lesmétho- 
diftes  qui  fe  font  fi  peu  de  (crupule  de 
changer  les  noms  des  plantes  les  plus  ull- 
tées,  &  qui  leur  en  (ubflituent  de  nouveaux 
à  leur  gré ,  devroient  bien  plutôt  donner 
à  certains  arbriflèaux  des  noms  differens 
de  ceux  que  portent  de  grands  arbres  ; 
par  ce  moyen  on  otcroit  toute  équivoque 
dans  la  lignification  du  mot  arbre ,  autre- 
ment on  ne  s'entend  pas;  car  on  a  nécef» 
fairement  l'idée  d'un  arbre ,  lorfqu'il  s'agit 
d'un  chêne  ou  d'un  faule  ;  cependant  pour 
fe  prêter  aux  conventions  des  méthodit- 
tes  ,  &  pour  fe  faire  à  leur  langage,  il  laut 
prendre  de  petits  arbriflèaux  pour  des  chê- 
nes &  pour  des  faules,  &  donner  le  nom 
à' arbre  A  des  plantes  que  l'on  ne  doit  re- 
garder que  comme  des  fous-arbrifleaux. 
Toute  méthode  arbitraire  nous  induit  né- 
ceflliirement  en  erreur  ;  celle  que  M.  de 
Tournefort  a  donnée  pour  la  dillributioa 
des  plantes ,   cil  une  des  meilleures  que 


nous  ayons  fur  cette  matière  ;  il  a  fenti 
le  ridicule  des  métliodiflcs ,  qui  mêlent 
indifféremment  les  herbes  &  les  arbres  ,  & 
il  a  tiiché  de  l'éviter  en  rangeant  [c:^  arbres 
&  les  arbrilfeaux  dans  des  claflès  particu- 
lières :  cependant  ,  comme  la  méthode  eft 
arbitraire  ,  il  a  été  obligé  ,  pour  la  fuivre  , 
de  s'éloigner  quelquefois  de  l'ordre  natu- 
rel :  par  exemple  ,  en  réunilîant  fous  le 
mc:ne  genre  l'yeble  avec  le  iureau  ,  Yal- 
r/iivj  y'/wffO"  avec  la  gui  mauve  ,  &c.  La  na- 
ture ie  refulcra  toujours  à  nos  conven- 
tions ;  elle  ne  s'y  ioumettra  jamais  ,  pas 
même  à  la  meilleure  des  méthodes  arbi- 
traires. Voye:^  MÉTHODE. 

Les  jardiniers  &  tous  ceux  qui  ont  cul- 
ti\é  des  arbres  ,  n'ont  donné  aucune  atten- 
tion aux  calices  &.  aux  pétales  ,  ni  aux 
piflils  &  aux  étamines  des  fleurs  :  mais 
ils  ont_  obiervé  foigneufement  la  nature 
des  difîérens  arbres ,  pour  favoir  la  façon 
de  les  cultiver  ;  ils  le  lont  efforcés  de  multi- 
plier ceux  qui  méritoient  de  l'être  par  la 
qualité  du  bois ,  la  bonté  des  fruits ,  la 
beauté  des  fleurs  &  du  feuillage.  Aufli  ont- 
ils  dillingué  les  arbres  ,1  en  arbres  robufies  & 
en  arbres  délicats  ;  arbres  qui  quittent  leurs 
feuilles  ;  arbres  toujours  verds  ;  arbres  cul- 
tivés ;  arbres  de  forêt  ;  arbres  fruitiers  ; 
arbres  d'avenues ,  de  bofqucts  ,  de  palifla- 
des  ;  arbres  fleuriflans  ,  Ùc. 

Tous  les  arbres  ne  peuvent  pas  vivre 
dans  le  même  climat  :  nous  voyons  que 
pour  les  arbres  étrangers  ,  le  climat  efl  en 
France  le  plus  grand  obfiacle  à  leur  multi- 
plication ;  il  y  a  peu  de  ces  arbres  qui  fe 
refuient  au  terrain ,  mais  la  plupart  ne 
peuvent  pas  réfiflcr  au  froid.  La  ferre  & 
l'étuve  font  une  foible  refîource  pour  fup- 
pléer  A  la  température  du  climat  ;  \cs  arbres 
délicats  n'y  végètent  que  languiliiimment. 

Les  arbres  qui  quittent  leurs  feuillesjfont 
bien  plus  nombreux  que  ceux  qui  font  tou- 
jours verds;  les  premiers  croiflent  plus 
promptement,  &  fe  multiplient  plus  aifé- 
ment  que  les  autres  ,  parmi  Iciqucls  ,  d'ail- 
leurs ,  il  [ne  s'en  trouve  qu'un  très-petit 
nombre  dont  le  fruit  (bit  bon  à  manger. 

On  ne  feme  pas  toujours  les  arbres  pour 
les  multiplier;  il  y  a  plufieurs  autres  fa- 
çons qui  font  préférables  dans  certains  cas. 
La  greffe  perfectionne  la  Heur  &:  le  fruit  : 
Tome  IIJ, 


A  R  B  iGi 

mais  c'efi  aux  dépens  de  la  hauteur  &  de 
l'état  naturel  de  Yarbre.  La  bouture  efl  une 
voie  facile,  qui  réuflit  plus  communémenr 
pour  les  arbiilTeaux  que  pour  les  arbres. 
Le  rejeton  eil  un  moyen  limple&  prompt; 
mais  il  n'y  a  que  de  petits  arbres  ,  &  les 
plus  communs  ,  qui  en  produiîcnt.  Enfi;i 
la  branche  couchée  ,  la  marcotte  ou  le 
provin  ,  efl  un  autre  expédient  que  Tort 
emploie  pour  la  multiplication  ;  c'efl  ce- 
lui qui  convient  le  moins  pour  les  grands 
arbres.  Ceux  qu'on  multiplie  de  cette  fa- 
çon ,  pèchent  ordinairement  par  les  raci- 
nes qui  font  trop  foibles ,  en  petite  quan- 
tité ,  &  placées  le  plus  fouvent  d'un  feul 
côté.  On  ne  parle  pas  ici  de  la  inultipli- 
cation  par  les  racines  &  par  les  feuilles  , 
qui  elt  plus  curieufe  qu'utile.  Tous  lc"î 
arbres  cependant  ne  ie  prêtent  pas  à  tou- 
tes ces  façons  de  les  multiplier  ;  il  y  en  3 
qui  ne  réuffiffent  que  par  un  feul  de  ces 
moyens ,  &  ce  n'efl  pas  toujours  celui  de 
la  graine  :  beaucoup  d'arbres  n'en  produi- 
fent  point  dans  les  climats  qui  leur  font 
étrangers. 

Les  arbres  des  forêts  ne  font  pas  les  mê- 
mes par-tout,  le  chêne  domine  plus  géné- 
ralement dans  les  climats  tempérés  &  dans- 
les  terrains  plats  ;  on  le  trouve  auHî  dans 
les  coteaux  avec  le  hêtre ,  fi  le  terrain  cft 
crétacé  ;  avec  le  châtaignier ,  s'il  ell  fa- 
blonneux  &;  humide  ;  avec  le  charme ,  par- 
tout où  la  terre  efl  ferme  &  le  terrain  pier- 
reux :  par-tout  où  il  y  a  des  fourccs  ,  le 
frêne  vient  bien.  Les  arbres  aquatiques  , 
tels  que  le  peuplier  ,  l'aulne  ,  le  faule  ,  &c. 
fe  trouvent  dans  les  terrains  maréca- 
geux ;  au  contraire  ,  les  arbres  réfineux  , 
comme  font  lespins  ,  le  fapin  ,  le  me- 
leié ,  (&<;•.  font  fur  les  plus  hautes  mon- 
tagnes ,  &c. 

On  diilingue  en  général  les  arbres  frui- 
tiers qui  portent  des  fruits  à  noyau  ,  de  ' 
ceux  dont  les  fruits  n'ont  que  des  pépins. 
On  s'efforce  continuellement  de  les  multi- 
plier les  uns  &  les  autres  ;  mais  c'eff  moins 
par  la  femence ,  qui  donne  cependant  de  ' 
nouyclles  efpeces ,  que  par  la  greffe  qui 
prrteéfionne  le  fruit.  C'ell  par  le  moyen 
de  la  taille  ,  l'opération  la  plus  difficile  du 
jardin  ,  que  l'on  donne  aux  arbres  frui- 
tiers ,  de  k  durée,  .  de  l'abondance  &  de  la 


i6i  A  R  B 

propreté.  Les  arbres  d'ornement  fervent  à 
former  des  avenues  &  des  allées  ,  auxquel- 
les on  erriploie  plus  ordinairement  l'orme  , 
le  tilleul ,  le  châtaignier  ,  le  peuplier  ,  l'é- 
picéas ,  le  platane  ,  qui  eu  le  plus  beau  & 
Je  plus  convenable  de  tous  les  arbres  pour 
cet  objet.  On  emploie  d'autres  arbres  à 
faire  des  plantations ,  à  garnir  des  boiquets  , 
à  former  des  portiques  ,  des  berceaux  ,  des 
paliifades ,  &  à  orner  des  plates  -  bandes  , 
des  amphithéâtres  ,  des  terrafles  ,  &c.  Dans 
tous  ces  cas  la  variété  du  feuillage  ,  des 
£eurs  &  des  formes  que  l'on  donne  aux 
crbres  ,  plaît  aux  yeux  &  produit  un  beau 
fpeâacle ,  ii  tout  y  eft  dilpofé  avec  goût. 
yoye\  PlaKTE.  (/) 

*  Le  jardinier  s'occupe  de  Varbre  de  cinq 
manières  principales  :  i°.  du  choix  des  ar- 
bres :  2°.  de  la  préparation  qu'il  ell  à  pro- 
pos de  leur  donner  avant  que  de  les  plan- 
ter :  3°.  de  leur  plantation  :  4-°.  de  leur 
multiplication  :  5°.  de  leur  entretien.  Nous 
sillons  parcourir  les  règles  générales  que 
l'on  doit  obferver  dans  la  plupart  de 
ces  occafions  ;  &  nous  finirons  cet  ar- 
■  ticle  par  quelques  obfervations  auffi  curieu- 
fes  qu'importantes  ,  qu'on  a  faites  fur  les 
arbres. 

1°.  Du'choix  i/fj  arèrej.  Prenez  plus  de 
poiriers  d'automne  que  d'été,  &  plus  d'hi- 
ver que  d'automne  :  appliquez  la  même 
Tegle  aux  pommiers  &  aux  autres  arbres  , 
TTiutatis  mutandis  ;  ceux  qui  donnent  leur 
fruit  tard  ,  relativement  aux  autres  de  la 
même  efpece  ,  font  préférables.  Gardez- 
vous  de  prendre  les  poiriers  qui  auront 
ëté  greffés  llir  de  vieux  amandiers  ,  de 
«quatre  à  cinq  pouces  :  rejetez  ceux  qui 
auront  plus  d'un  an  de  grefle.  Les  pre- 
miers,  pour  être  bons,  doivent  avoir  trois 
ou  quatre  pouces.  Les  arbres  greffés  fur 
colgnafiîer ,  font  les  meilleurs  pour  des  ar- 
bres nains  :  prenez  les  jeunes  arbres  avant 
trois  ans  ;  trop  jeunes  ,  ils  leroient  trop 
long-temps  à  fe  mettre  en  buiffon  ;  trop 
vieux  ,  on  n'en  obtiendroit  que  des  pro- 
duirions chétives  :  rejetez  les  arbres  moui- 
fus  ,  noueux,  gommés,  rabougris  &  chan- 
creux.  Que  ceux  que  vous  préférerez  aient 
les  racines  faines  &  belles  ;  que  la  grefie 
eh  ait  bien  recouvert  le  jet;  qu'ils  fbient 
bien  fournis  de  branches  par  le  bas  ;  qu'ils 


A  R  B 

foient  de  belle  venue.  Les  pêchers  te  les 
abricotiers  doivent  avoir  été  greiles  d'un 
an  feulement.  Il  fuffira  que  les  pommiers 
greHes  fur  paradis ,  aient  un  potice  d'é- 
paifleur.  Pour  les  arbies  de  tige,  ils  n'en 
feront  que  meilleurs  s'ils  ont  quatre  à  cinq 
pouces  d'épailleur  fur  fept  à  huit  pies  de 
haut.  Prenez  ,  li  vous  êtes  dans  le  cas  de 
les  choifir  fur  le  pié  ,  ceux  qui  auront  pouflé 
vigoureufement  dans  l'année  ,  qui  vous 
paroîtront  fains,  tant  à  la  feuille  qu'à  l'ex*- 
trémité  du  jet ,  &  qui  auront  l'écorce  unie 
&  luifante.  Les  pêchers  qui  auront  plus 
d'un  an  de  greffe  ,  &  qui  n'ont  point  été 
recépés  en  bas  ,  font  mauvais.  Il  en  eft  de 
même  de  ceux  qui  par  bas  ont  plus  de 
trois  pouces ,  ou  moins  de  deux  de  grof- 
feur ,  &  de  ceux  qui  font  greffés  fur  des 
arbres  de  quatre  à  cinq  pouces.  Que  les 
nains  ou  arbres  d'efpaliers  foient  droits , 
d'un  feul  brin  ou  d'une  feule  greffe  ;  qu'ils 
foient  fans  aucune  branche  par  bas  ,  qu'on 
y  apperçoive  feulement  de  bons  yeux.  Que 
fi  l'on  ne  choifit  pas  les  arbres  fur  pié, 
mais  arrachés  ;  outre  toutes  les  obfer\'a- 
tions  précédentes ,  il  faut  encore  veiller  à 
ce  qu'ils  n'aient  point  été  arrachés  depuis 
trop  long-temps  ;  ce  qui  fe  reconnoîtra  à 
la  lécherefîe  du  bois  &  aux  rides  de  l'é- 
corce :  s'ils  ont  l'écorce  bien  écorchée  , 
l'endroit  de  la  greffe  étranglé  de  filafîè ,  la 
greffe  trop  bafîe,  laiffez  -  les  ,  fi  fur-tout 
ce  font  des  pêchers.  Examinez  particuliè- 
rement les  racines  ;  que  le  nombre  &  la 
groffeur  en  foient  proportionnés  à  l'âge 
&  à  la  force  de  l'arbre  ;  qu'il  y  en  ait  une 
au  moins  à-peu-près  de  la  grolfeur  de  la 
tige  ;  les  racines  foibles  &  chevelues  mar- 
quent un  arbre  foible  ;  qu'elles  ne  foient 
ni  fèches  ,  ni  dures  ,  ni  pourries  ,  ni  écor- 
chées,  ni  éclatées  ,  ni  rongées  :  diilinguez 
bien  les  jeunes  racines  des  vieilles ,  &  exi- 
gez fcrupulcufement  que  les  jeunes  aient 
les  conditions  requifes  pour  être  bonnes  : 
les  jeunes  racines  font  les  plus  voifînes  de 
la  fiirtace  de  la  terre  ,  &  rougeâtres 
&  unies  aux  poiriers  ,  pruniers  fauva- 
gcons  ,  <Sv.  blanchâtres  aux  amandiers, 
jaunâtres  aux  mûriers  ,  &  rougeâtres  aux 
cerificrs. 

2.°.  De  lapre'paration  des  arbres  à  planter. 
Il  y  a  deux  choies  à  préparer ,  la    tête  & 


A  RB 

le  pic.  Pour  la  tête,  quç  V arbre  foit  (îe 
tige,  qu'il  foit  nain;  comme  on  l'a  tort 
alfoibli  en  l'arrachant ,  il  faut  i°.  lui  oter 
de  la  tête  à  proportion  des  forces  qu'il  a 
perdues.  Il  y  en  a  qui  différent  julqu'au 
mois  de  mars  à  décharger  un  arbre  de  fa 
tête  ;  d'autres  font  cette  opération  dès 
l'automne  ,  &  tout  en  plantant  ï arbre  , 
oblérvant  de  maftiquer  le  haut  des  bran- 
ches coupées  ,  afin  qu'elles  ne  ioufFrent  pas 
des  rigueurs  du  froid,  i".  Il  fiiut  lui  ôter 
de  fa  tète ,  félon  l'ufàge  auquel  on  le  def^ 
fine.  Si  l'on  veut  que  Marbre  faffe  fon  efïêt 
par  bas ,  comme  on  le  requiert  des  buifîons 
&  des  elpaliers ,  il  faut  les  couper  courts  ; 
au  contraire  ,  fî  l'on  veiit  qu'ils  gagnent  en 
hauteur.  Voye\à l'article  Taille  ,  tou- 
tes les  modifications  que  doit  comporter 
cette  opération.  Mais  on  ne  travaille  guère 
^  la  tcte  des  arbres  ,  qu'on  n'ait  opéré  lur 
les  racines  &  au  pié. 

Quant  aux  racines  ,  féparez-en  tout  le 
chevelu  le  plus  près  que  vous  pourrez  ,  A 
moins  que  vous  ne  plantiez  votre  arbre 
immédiatement  après  qu'il  a  été  arraché. 
L'adion  de  l'air  flétrit  très-promptement 
ces  filets  blancs  qu'il  importe  de  conferver 
fâins  ,  mais  qu'il  n'unporte  pas  moins 
d'enlever  &  de  détacher ,  pour  peu  qu'ils 
ioient  malades.  La  loufiradion  de  ce 
chevelu  met  les  racines  à  découvert  ,  & 
expofe  les  bonnes  &  les  mauvaifes.  Voje:^ 
fur  le  caractère  des  racines ,  ce  que  nous 
avons  dit  à  la  fin  de  Vanicle  précèdent  ; 
iéparez  les  mauvailes  ,  &  donnez  aux 
bonnes  leur  jufte  longueur.  La  plus  longue 
racine  d'un  arbre  nain  n'aura  pas  jilus  de 
huit  à  neuf  pouces  ;  celle  d'un  arbre  de  tige 
n'aura  pas  plus  d'un  pié.  Laifîez  ,  fi  vous 
voulez ,  un  peu  plus  de  longueur  à  celles 
du  mûrier  &  de  l'amandier  ;  en  général  aux 
racines  de  tout  arbre  qui  les  aura  ou  fort 
molles  ou  fort  feches.  Deux  ,  trois  ou 
quatre  pouces  de  longueur  fuffiront  aux 
racines ,  moins  importantes  que  les  racines 
maîtreflès.  C'efl  aifez  d'un  feul  étage  de 
racines  ,  fur-tout  fi  elles  font  bien  placées. 
Des  racines  font  bien  placées  ,  quand  elles 
fè  difb-ibuent  du  pié  circulairement  ,  & 
laiflent  entr'elles  a-peu-près  des  intervalles 
égaux ,  en  forte  que  les  arbres  fe  tiendroient 
droits;  ians  être  plantés ,  fur-tout  pour  ceux 


ARB  1^3 

qui  font  deflinés  au  plein  vent;  cette  con- 
dition n'elf  pas  néceliaire  pour  les  autres. 
Ce  que  nous  venons  de  dire  du  choix  &  de 
la  préparation  ,  fe  réduit  à  un  petit  nom- 
bre de  règles  li  fimples  ,  que  celui  qui 
les  aura  miles  en  pratique  quelquefois  fera 
aufli  avancé  que  le  jardinier  le  plus  expé- 
rimenté. 

3°.  De  la  manière  de  planter  les  arbres. 
Commencez  par  préparer  la  terre  :  faites-y 
des  trous  plus  ou  moins  grands ,  félon 
qu'elle  efl  plus  ou  moins  ieche.  Ils  ont 
ordinairement  fix  pies  en  quarré  dans  les 
meilleurs  fonds  ;  deux  pies  de  profondeur 
iuffilent  pour  les  poiriers.  Séparez  la  mau- 
vaile  terre  de  la  bonne ,  &  ne  laiflé^  que 
celle-ci.  Il  efl  très-avantageux  de  laiflèr 
le  trou  ouvert  pendant  plufieurs  mois. 
Labourez  le  fond  du  trou  :  remettez-jr' 
d'excellente  terre  à  la  hauteur  d'un  pié  , 
&  pardefliis  cette  terre  mie  couche  d'un 
demi-pié  de  fumier  bien  pourri  :  mêlez 
la  terre  &  le  fumier  par  deux  autres 
labours  ;  remettez  eniuite  un  fécond  lit 
de  bonne  terre  ,  un  iecond  lit  de  fu- 
mier ,  &  continuez  ainli  ,  obfervant  k 
chaque  fois  de  mêler  le  fumier  par  des 
labours. 

Si  la  terre  eft  humide  &  n'a  pas  grand 
fond  ,  on  n'y  fera  point  de  trou  ;  c'efl  afièz 
de  l'engrallfer  &  de  la  labourer.  Après  cette 
façon  on  y  placera  les  racines  à  la  hauteur 
d'un  pié  &  demi ,  &  à  la  diffance  de  qua- 
tre à  cinq  en  tous  fens  ,  avec  de  la  terre 
de  gazon  bien  hachée  :  enfoncez  votre 
arbre  plus  avant ,  fi  votre  fol  eft  fec  &  fa- 
blonneux.  Si  vous  appliquez  un  efpalier  k 
un  mur  ,  que  votre  trou  ioit  de  huit  pies 
de  large  fur  trois  de  profondeur ,  &  à 
un  demi-pié  du  mur.  Retenez  bien  encore 
les  règles  fuivantes.  Le  temps  de  planter 
efl  ,  comme  l'on  fait  ,  depuis  la  fin 
d'octobre  julqu'à  la  mi-mars.  Dans  cet 
intervalle  ,  choifilTez  un  jour  ièc  &  doux  : 
plantez  volontiers  dès  la  fcùnt  Martin  , 
dans  les  terres  feches  &  légères  ;  atten- 
dez février  ,  &  ne  plantez  que  fur  la  fin 
de  ce  mois  ,  fi  vos  terres  font  froides  & 
humides  :  laifléz  entre  vos  arbres ,  foit 
elpaliers ,  fou  buiflons ,  arbres  de  tige  , 
la  diflance  convenable  :  &  réglez  à  chaque 
einece  fbrî  canton ,  &  dans  ce   canton  la 

X  ^ 


1^4 


A  R  B 


place  à  chacun  en  particulier  :  dilpoftz  vos  ' 
trous    au  cordeau    :  faites    porter   chaque  1 
arbre  près  de  fon  trou  ;  plantez   d'abonl 
ceux  des  angles  ,  afin    qu'ils  vous  fervent 
d'aliment  ;   pafll'z    eniuite    à    ceux   d'une  : 
même  rangée  ;  qu'un   ouvrier   s'occupe   à 
couvrir   les    racines  ;\  mefure     que    vous 
planterez  ;  plantez  haiit  &:  droit  ;  n'oubliez  j 
pas  de  tourner   les    racines  vers  la  bonne  ' 
terre  ;    fi    vous    plantez    au    bord    d'une  i 
allée,  que  vos  principales  racines  regardent 
le  côté  oppolé.    Quand  vos    arbres  ièront  i 
plantés  ,  faites  mettre  deux  ou  trois  pouces 
de  fumier  fur  chaque  pié;  recouvrez  ce  lit 
d'un  peu  de  terre.  Au  déhiiu  de  tumier  , 
lervez-vous    de    méchantes   herbes    arra- 
chées.  Si  la    iaifon  cil:   feche   pendant  les 
premiers  mois  d'avril ,  de  mai  «Se  Je  juin  , 
on  donnera  tous  les  quinze  jours  une  cru- 
chée  d'sau  à  chaque   pié  ;  &  afin    que  le 
pié  profite    de    cette  eau  ,  on  pratiquera  ;\ 
l'cntour   un  llllon  qui  la    retienne.    Vous 
aurez  l'attention  de  faire  trépigner  la  terre 
de  vos  petits   arbres  \\os  efpaliers  auront 
la  tête  penchée  vers   la  muraille  :  quant  à 
la  diitance  ,  c'ofl  la    qualité   de  la   terre 
à  la  déterminer  ;  on  laille   depuis    cinq  à 
fix   pies  jufqu'à  dix ,  onze ,    douze  entre 
le?  efjjaliers  ;    depuis    huit  à  neuf  julcju'à 
douze  entre  les  buiffons ,   &  depuis  quatre 
toiles   jufqu'à   icpt  à  huit  entre  les  grands 
arbres.  Il  faut  dans  les  bonnes  terres  laifier 
plus  d'elpace  entre  les  arbres  que  dans  les 
mauvailes ,  parce  que  les  têtes  prennent  plus 
d'étendue.   Les  arbres  qui  jettent  plus  de 
bois ,  coirme  les  pêchers ,  les   poiriers  & 
les  abricotiers ,  demandent  aulli  plus  d'el- 
pace.  Si  l'on  cultive  la  terre  qui  eft  entre 
les  arbres  ,  on  éloignera  les  arbres  les  uns 
<les  autres  de  huit  .'i  dix  toiles ,   fur-tout  fi 
ce  (ont  des  poiriers   ou  des  pommiers  ;  fi 
l'on  ne  la  cultive  pas,  quatre  à  cinq  toiles 
en  tous  fais  fuffiront  à  chaque  arbre.  Laifîez 
trois  toiles  ou  environ  entre  les  fruitiers  à 
noyau ,    loit   en   tige  ,    foit    en    buiflon  , 
fur-tout  fi  ce  iont  des  cerifiers  &  des  biga- 
roticrs  plantés  lur  merifiers  ;   s'ils    ont  été 

f;refFés  fur  d'autres  cerifiers  de  racine  ,  ne 
es  elpacez  qu'à  douze  ou  quinze  pies.  Les 
poiriers  fiircoignalFiers  plantés  en  builîon  , 
ie  dilpolènt  de  douze  en  douze  pies  ,  à 
moins  que  les  terres  ne  ioicat  irts-himii- 


A  R  B 

des  ;  dans  ce  cas  on  les  éloigne  de  quinze 
en  quinze    piés.   Il    tant   donner    dix-huit 
pies  aux  poiriers  &  pommiers  entés  fur  le 
ïranc ,    &  plantés  fur  des  terres  légères  & 
iablonneu'es  ;  vous  leur  en  donnerez  vingt- 
quatre  dans  les  terres  grailes  &c  humides  : 
c'eft  aflez  de  neut  piés  pour  les  pommiers 
entés  fur   paradis ,  fi   l'on  en  tait  un  plan 
de  plufieurs  allées  ;  c'eft  trop  fi  l'on  n'en  a 
qu'une  leulc  rangée  :  il  ne  leur  taut  alors 
que  lix  piés.  Donnez   aux   pêchers  ,  abri- 
cotiers &  pruniers  en  efpalier ,  quinze  piés 
dans  les  terres  légères  ,  dix-huit  piés  dans 
les  terres  fortes  ;  aux  poiriers  en   eljialier 
huit  ou  dix  piés ,  félon  la  terre.  Ne  mettez 
jamais  en   contre- efpalier  ,  ni  bergamotes  , 
ni    bons-chrétiens ,   ni    petit    muicat.    On 
peut  mêler  des  pêchers  de  quatre  piés  de 
tige  ;  ou  environ ,  de  quinze  en  quinze  piés , 
aux  mufcats  mis  en  elpalier  ;  mais  que  les 
pêchers  que  vous  entremêlerez  ainfi  ,  foient 
plantés   fiir    d'autres    pêchers  :  on  peut   le 
fervir  en  même  cas  de  poiriers  greffés  fur 
coignaffiers  ,    pourvu   qu'ils    aient   quatre 
piés  de  tige.  Les  châtaigniers  ,  les  noyers  , 
les  pommiers  &  les  poiriers  mis  en  aveni;es , 
en  allées    &    en   routes ,  demandent    une 
difiance  de  quatre  ,    cinq   ou  fix    toiles  , 
félon  la  terre  ;  les  ormes  &  les  tilleuls  deux 
ou   trois   toiles  ;  les  chênes  &   les    hêtres 
neuf  à  dix  piés  ;  les  pins  &  les  lapins  quatre 
à  cinq  toiies.  Quant  aux  expofitions  ,  nous 
obierverons  en  général  que  la  plus  favora- 
ble dans  notre  climat  ell  le  midi ,  &  la  plus 
mauvaile   le   nord  ;    que    dans   les   terres 
chaudes ,  le  levant  n'eil  guère  moins  bon 
que  le  midi  ;  enfin ,  que  le  couchant  n'elt 
pas  mauvais  pour  les  pêches  ,  les  primes  , 
les  poires  ,  &c.  mais  qu'il  ne  vaut  rien  pour 
les  mufcats  ,  les  cha(lelats&  la  vigne. 

4".  De  la  multipUcdtion  Jis  arbres  &  Je 
leur  taille.   Nous  renvoyons  le  détail  de 
ces  deux  articles  ,  l'un  à  l'^rî/c/f  Taille  , 
l'autre  aux  articles  PLANTE  ,  VÉGÉTA- 
TION ,  VÉGÉTAL  ,    &  même  à  ïanicle 
j  AniaiaL,  où  l'on  trouvera  q'.!e!c]ues  ob- 
I  (ervations  relatives  à  ce  iujet.   ^.  aiij/i  les 
'articles  GREFFE,  MARCOTTE,  BOUR- 
GEON ,  Pincer  ,  Pincement  ,    6v. 

5°.  de  rennecien  des  arbres.  Otcz  aux 
1  vieux  arbres  les  vieilles  écorces  julqu'au  vif , 
;  avec  la  l'erpe  ou  une  bêche  bien  tranchante  ; 


A  R  B 

àéchArgez-les  du  trop  de  bois  vers  le  mi- 
lieu de  tévricr  ;  tournez-leur  la  tête  à  un 
nié  au  delîus  des  fourches  pour  les  rajeunir; 
fiiitcs-en  autant  A  vos  elpaliers  ,  _contre-ef- 
palicrs  ,  &    buiirons  lur  coignaiiiers  &  fur 
franc.   Quand  ils  font  vieux  ou  malades , 
ce  que  vous  rcconnoîcrez  à  la  couleur  jaune 
de  la  feuille  ,  faites-leur  un  cataplalmc  de 
forte   terre  ,    de   crotin   de  cheval   ou    de 
boufe  de  vache  ,  bien  liés  cnfemble.  Quand 
on  coupe  des  branches  ,  il  taut  toujours  les 
couper  près  du  corps  de  ['arbre.  Pour  cet 
crtèt  ajez  un  fermoir  ,  ro_)'f^  FERMOIR. 
Il  y  en  a  qui ,  iiir  les  greties  en  tentes  & 
fur  les  plaies  des  arbres  y  aiment  mieux  ap- 
pliquer un  mélange  d'un  tiers  de  cire,  d'un 
tiers  de  poix  réiine  ,  d'un  tiers  de  luit  ,    le 
tout  fondu  eniemblt.  S'il  eft  néceilaire  de 
fumer  les  arbres  greHés  fur  tranc  ,  taites-les 
déchaufîer    au    mois    de    novembre    d'un 
demi-plé  de  protondeur  lur  quatre  à  cinq 
pies  de  tour ,  félon  leur  grofleur  ;  répan- 
dez lur  cet  efpace   un  dcmi-pié  de    haut 
de  lumier  bien  gras  &   bien  pourri  :  mais 
à  la  diiîance  d'un  pic  de   la    tige  ,    &  un 
mois  après   rejetez  la    terre   fur  le   fumier 
en  mettant  le  gazon  en  dcflous.  Il    )•  en 
a  qui  ie  contentent  de  les  déchauffer  en  dé- 
cembre ou  novembre  ,  tk  de  les  rechaufier 
en  mars  ,  ne  leur  procurant  d'autre  engrais 
que  celui   de  la  laiion.   N'oubliez  pas  de 
nettoyer  la  moufle  des  arbres  quand  il  aura 
plu  :  cette   moufle  eft    une    galle    qui   les 
dévore. 

Si  le  naturalise  a  les  diftributions  d'ar- 
bres  y  le  jardinier  a  auili  les  lienncs.  Il  par- 
tage les  arbres  en  faui-uges ,  qui  ne  font 
j^oint  cultives  ;  &  en  domeftiques  qui  le 
font  ;  cette  diltribution  elt  relative  à  l'avan- 
tage que  nous  en  tirons  pour  la  nourriture. 
En  voici  une  autre  qui  eft  tirée  de  l'origine 
des  arbres.  Il  appelle  arbre  de  brin  ,  celui 
qui  vient  d'une  graine  ,  &  où  le  coeur  du 
bois  eft  entier  ;  &  arbre  de  fciage  ,  celui 
qui  n'eiî  qu'une  pièce  de  bois  refendu  ,  où 
il  n'y  a  qu'une  partie  du  cœur  où  l'on 
n'apperçoit  même  cette  partie  qu'à  un 
angle.  Il  donne  le  nom  de  crojfette  à  celui 
qui  vient  de  marcotte  ;  de  taillis  ,  à  celui 
qui  croît  (lir  foudre  ;  s'il  confidere  les 
arbres  par  rapport  à  leur  grandeur ,  il 
appelle  les  plus  élevés  j   arbres   de  haute 


A  R  B  itfy 

futaie  ;  ceux  qui  le  font  moins ,  arbres  de 
moyenne  futaie  ;  ceux  qui  font  au  defîbus 
de  ceux-ci  ,  arbres  taillis.  Joint-il  ,  dans 
fon  examen ,  l'utilité  à  la  grandeur  ,  il  aur.i 
des  arbres  Jruitiers  de  haute  tige  &  de  baJJ'e 
tige  y  ou  nains  ,  &  des  arbres  Jruitiers  en 
bui£ons  ;  des  arbrijjeaux  y  ou  frutex  ;  &  des 
arbuftes  ou  fous-arbrijjeaux  ,fuffrutex.  S'at- 
tachc-t-il  feulement  à  certaines  propriétés 
particulières,  il  dit  que  les  pêchers  le  met- 
tent en  efpalters  ,  que  les  poiriers  forment 
des  vergers  ;  que  les  pommiers  donnent  dts 
pommeraies  ;  que  les  abricotiers  iont  en 
plein-i'tnt  ;  que  les  châtaigniers  font  les 
châtaigneraie.^  ;  les  cerificrs,  les  ccrifaies;  les 
faules,  les fauj/aies  ;  lesofiers,  ks  ofcraies; 
les  ormes,  les  charmes,  les  tilleuls,  les 
maronnicrs  ,  les  hêtres,  les  allées  ,•  les  char- 
milles &  les  érables ,  les  pahjjades  ;  les 
chênes  &  tous  les  autres  arbres  ,  les  bois. 
Quelle  foule  de  dénominations  ne  vcrra- 
t-on  pas  naître  ,  ti  l'on  vient  à  confsdércr 
les  arbres  coupés  &  employés  dans  la  vie 
civile  !  Mais  Varbre  coupé  change  de  nom  , 
il  s'appelle  alors  bois.  Voye^  BoiS. 

Des  arbres  en  palijjades.  Les  efpaliers  fe 
palifîent  à  la  mi-mai.  On  les  palil'ie  encore 
en  juillet,  pour  expofer  davantage  les  fruits 
au  foleil.  Foy.  Palisser  &  Palissades. 

Des  arbres  à  haute-tige.  Il  faut  les  placer 
à  l'abri  des  vents  du  midi ,  parce  qu'au 
mois  de  feptembre ,  ces  vents  les  dépouillent 
de  leurs  truits.  Pour  faire  un  plant  de  ces 
arbres  ,  il  faut  choilîr  un  terrain  qui  ne 
foit  point  battu  des  vents,  ni  mouillé  d'eaux 
croupifHintes  ,  &  chercher  la  quantité  d'ar- 
bres nécellaires  pour  l'ctendue  du  terrain  ; 
ce  qu'on  obtiendra  par  les  premières  règles 
de  l'arpentage  &  de  la  géométrie  ;  vous 
divilerez  enfuite  votre  terrain  ;  vous  m.ar- 
querez  l'endroit  &  l'étendue  des  trous ,  & 
vous  achèverez  votre  plant ,  comme  nous 
l'avons  dit  ci-defTus  :  mais  comme  les  arbres 
partent  ordinairement  de  la  pépinière  dans 
le  plant  ,  il  y  _a  quelques  cblbrvations  à 
taire  iur  la  manière  de  déplanter  les  arbres. 

Marquez  dans  votre  pépinière  avec  une 
counle  ronde  ,  les  arbres  que  vous  voulez 
faire  déplanter  ;  marquez  les  trous  du  coré 
du  midi ,  afin  de  les  orienter  de  la  même 
taçon  ,  car  on  prétend  que  cette  précaution 
eft  utile  ;  marquez  ,  fur  du  parch:min ,  h 


i66  A  R  B 

qualité  de  Varbre  &  du  fruit;  attachez-y 
cette  étiquette ,  &  faites  arracher.  Pour 
procéder  à  cette  opération ,  levez  prudem- 
ment ,  &  fans  oftenfer  les  racines ,  la  pre- 
mière terre  ;  prenez  enlliite  une  fourche  ; 
émouvez  avec  cette  fourche  la  terre  la  plus 
profonde  ;  vuidez  cette  terre  émue  avec  la 
pelle  ferrée  ;  ménagez  toujours  les  racines. 
Cernez  autant  que  vous  le  pourrez  ;  plus 
votre  cerne  fera  ample ,  moins  vous  rilquc- 
rez.  Quand  vous  aurez  bien  découvert  les 
racines  ,  vous  les  féparerez  de  celles  qui 
appartiennent  aux  arbres  voifms,  vous  vous 
alîbciercz  enfuite  deux  autres  ouvriers, 
vous  agiterez  tous  enfemble  l'arbre ,  & 
l'arracherez.  S'il  y  a  quelques  racines  qui 
réhflent ,  vous  les  couperez  avec  un  fer- 
moir bien  tranchant.  C'ell  dans  cette  opé- 
ration que  l'on  fent  combien  il  efî  impor- 
tant d'avoir  laifle ,  entre  ces  arbres  y  une 
jufte  diflance. 

Arbre  de  haut  ou  de  plein  l'em  y  arbre  de 
tige  ou  en  plein  air.  Toutes  ces  expreflîons 
Jbnt  fynonymes  ,  &  défignent  un  arbre  qui 
s'élève  naturellement  fort  haut  &  qu'on  ne 
rabaifîe  point.  Il  y  a  des  fruits  qui  font 
meilleurs  en  plein  vent  qu'en  buiiîon  ou 
en  efpalier. 

Arbre  nain  ou  en  bitijjon  :  c'cfl  celui 
qu'on  tient  bas ,  auquel  on  ne  laiilè  que 
demi-pié  de  tige.  On  l'étage  en  dedans, 
afin  que  la  fève  fe  jetant  en  dehors ,  iés 
br.mches  s'étendent  de  côté ,  &  forment 
une  boule  ou  builTon  arrondi. 

Arbre  en  efpalier  :  c'eil  celui  dont  les 
branches  font  étendues  &  attachées  contre 
des  murailles ,  &  qu'on  a  taillé  ;\  main  ou- 
verte ou  à  plat  ;  il  y  a  aulil  des  elpaliers 
en  plein  air  ;  ils  font  cependant  taillés  à 
plat ,  &  prennent  l'air  lur  deux  faces  ; 
mais  leurs  branches  font  foutenucs  par  des 
échalas  difpofés  en  raquette. 

Arbres  fur  franc  :  ce  font  ceux  qui  ont 
été  greflés  lur  des  fauvagcons  venus  de 
pépins  ,  ou  venus  de  boutures  dans  le  voi- 
linage  d'autres  iauvageons  ;  ainii  on  dit , 
vn  poirier  greffe'  fur  franc  ,  &:c. 

Arbres  en  contrc-cfpalieruu  haies  d'appui: 
ce  font  des  arbres  plantés  fur  une  ligne 
parallèle  à  des  elpaliers. 

Obfervations  particulières  fur  les  arbres. 
1°.  La  racine  des  a'bres  y  même  de  toute 


A  R  B 

plante  en  général ,  en  eft  comme  l'eflo- 
mac  :  c'eiî-Ià  que  fe  fait  la  première  & 
principale  préparation  du  fuc.  De-là  il 
pafle ,  du  moins  pour  la  plus  grande  par- 
tie ,  dans  les  vaiffeaux  de  l'écorce  ,  &  y 
reçoit  une  nouvelle  digefhon.  Les  arbres 
creulés  &  cariés  ,  à  qui  il  ne  refle  de  bois 
dans  leurs  troncs  que  ce  qu'il  en  faut  pré- 
ciiément  pour  loutenir  l'ecoroe ,  &  qui 
cependant  vivent  &  produilei.t ,  prouvent 
aflez  combien  l'écorce  eft  plus  importante 
que  la  partie  ligneufe. 

2°.  Les  arbres  dont  les  chenilles  ont 
rongé  les  feuilles  ,  n'ont  point  de  fruit 
cette  année  ,  quoiqu'ils  aient  porté  des 
fleurs ,  ou  du  moins  n'ont  que  des  avor- 
tons :  donc  les  feuilles  contribuent  à  la 
perfedion  du  fuc  nourricier.  Hiji.  deVAcad.- 
pag.  îi,a/2.  1707. 

Les  deux  propofitions  précédentes  font 
de  M.  de  Réaumur  :  mais  la  première  pa- 
roît  contredite  par  deux  oblervations  rap- 
portées. Hifi.  deTAcad.  1709,  pag.  5 1.  En 
Languedoc  ,  dit  M.   Magnol ,  on  ente  les 
oliviers  en  écuflon,  au  mois  de  mai,  quand 
ils  commencent  d'êire  en  levé,  au  tronc 
ou  aux  groffes  branches.    Alors  on  coupe 
l'écorce  d'environ   trois  ou   quatre  doigts 
tout  autour  du  tronc  ou  des  branches ,  ui\ 
peu  au  delTiis  de  l'ente  ;  de   lorte  que  le 
bois  ou  corps  ligneux  efl  découvert,   & 
que  Varbre  ne  peut  recevoir  de  nourriture 
par  l'écorce.  Il  ne  perd  pourtant  pas  en- 
core fes  feuilles  ;  elles  iont  nourries  par  le, 
lue  qui  efl  déjà  monté.  Ce  qu'il  y  a   de  re- 
marquable ,  ce  que  l'arbre  porte  dans  cette 
année  des   fleurs  &  des  fruits    au  double 
de  ce  qu'il  avoit  coutume  d'en  porter.  En- 
fuite   les    branches    au  defius    de    l'ente  , 
étant  privées  du  lue  qui  doit  monter  p;ir 
l'écorce ,   meurent  ,    &    les     re'ietons    qui 
lortent  de  l'ente ,  font  un  nouvel  arbre  : 
il  paroît  de-là  que  le  lue  qui  monte    par 
l'écorce  n'eft  pas  celui  qui  tait  les  fleurs  & 
les  fruits;  que  c'efl  donc  celui  qui  a  paflë 
par  la  moelle  &  qui  y  a  été  préparé  ;  que 
la    quantité    du   fuc  qui    devoit  naturelle- 
ment palfer  par  la  moelle  a  été  augmenté- 
de  celui  qui  ne    ponvoit  plus  palier    par- 
l'écorce,  &   que  c'ei'-là  ce  qui  a   caufé  la 
multiplication   des  fleurs  &  des  fruits.  En 
eitièf ,  ajoute  M,   Magnol ,  la  moelle  dcs: 


A  R  B 

plantes  eft  ,  comme  celle  des  animaux  , 
un  amas  de  vclicules  ,  qui  paroillent  del- 
rinées  à  filtrer  &  à  travailler  un  (uc  plus 
finement  qu'il  ne  feroit  nccellaire  pour  la 
feule  nourriture  du  bois  ;  &  les  plantesqui 
ont  beaucoup  de  moelle  ,  comme  le  rofier  , 
le  troiilne  ,  le  lilas  ,  ont  aufll  beaucoup  de 
fleurs  &  de  graines  :  dans  les  plantes  téru- 
lacces  ,  la  moelle  monte  de  la  tige  jufqu'à  la 
femence  ;  &  les  longues  femences  du  myr- 
rhis  odorata,  n'étant  pas  encore  mûres  ,  ne 
Ibnt  vilîblement  que  de  la  moelle. 

Un  orme  des  Tuileries  qui  ,  à  l'entrée  du 
printemps  de  1708  ,  étoit  entièrement  dé- 
pouillé defon  écorce  depuis  le  pie  jufqu'aux 
branches  ,  ne  laifl'a  pas  de  pouflfer  la  fève 
dans  toutes  fes  parties ,  &  d'entretenir  fes 
feuilles  pendant  tout  l'été  fuivant ,  cepen- 
dant avec  moins  de  vigueur  que  les  autres 
ormes.  Le  premier  Jardinier  le  fit  arracher 
en  automne  ,  perfuadc  qu'il  ne  pouvoit  plus 
fubllfter  à  l'avenir.  C'eft  dommage  ,  dit  M. 
de  Fontenelle,  qu'on  ne  l'ait  pas  laiffé  vivre 
autant  qu'il  auroit  pu  ;  mais  les  intérêts  de 
la  Phyfique  &  ceux  de  la  beauté  du  jardin 
fe  font  trouvés  difil'rens.  M.  Parent  a  mon- 
tré à  l'Académie  une  atteilation  de  M. 
Dupuis  (  c'étoit  le  premier  Jardinier  )  qui 
méritoit  en  effet  d'être  bien  certifiée  ;  car 
on  a  cru  jufqu'à  préfent  l'écorce  beaucoup 
plus  néceflaire  à  la  vie  des  plantes.  L'Aca- 
démie avoir  donc  alors  changé  d'avis  , 
&  ne  penfoit  pas  fur  ce  point  en  1709 , 
comme  en  1707. 

3°.  Un  arbre  abandonné  à  lui-même, 
poufle  à  une  certaine  hauteur  un  certain 
nombre  de  branches  plus  ou  moins  grand  : 
par  exemple  X ,  3,4,  î  ,  félon  l'efpece , 
le  fol  ,  l'expofition  &  les  autres  circonf- 
tances.  Si  ce  même  arbre  eil  cultivé  par 
l'amendement  de  la  terre  ,  par  le  labour  au 
pié  de  Varbre  ,  &  par  l'arrofement  durant 
les  fechereffes,  il  pouffera  peut-être  mi  plus 
grand  nombre  de  branches  &  de  rameaux  ; 
mais  la  culture  par  le  retranchement  d'une 
partie  de  fes  branches ,  contribue  plus  qu'au- 
cune autre  induflrle  à  la  multiplication  : 
de  forte  qu'on  peut  dire  ,  que  plus  on 
retranche  de  cette  forte  de  corps  vivans 
jufqu'à  un  certain  point  ,  plus  on  les  mul- 
tiplie 

Cela  montre   déjà    combien  font  aboa- 


A  R  B  \6j 

dafttes  les  fcflburces  de  cette  forte  d'êtres 
vivans  ;  car  on  peut  dire  que  depuis  l'extré- 
mité des  branches  jufqu'au  pié  de  Varbre  , 
il  n'y  a  prelque  point  d'endroit  ,  fi  petite 
qu'on  puilfe  le  défigncr ,  où  il  n'y  ait  une 
elpece  d'embryon  de  multiplication  prêt  à 
paroître ,  dès  que  l'occafion  mettra  Varbre 
dans  la  nécelilté  de  mettre  au  jour  ce  qu'il 
tcnoit  en  réferve. 

Si  l'on  n'avoit  jamais  vu  6'arbre  ébranché 
jufqu'à  fa  racine  ,  on  croiroit  qu'un  arbre  en 
efi  eftropié  làns  relfource  &  n'eft  plus  bon 
qu'à  être  abattu  ,  pour  être  débité  en  char- 
pente ou  mis  au  feu.  Cependant  fi  un 
orme  ,  ou  un  chêne  ,  ou  un  peuplier  ,  en 
un  mot  ,  un  arbre  dont  la  tige  s'étend  afïez 
droite  du  pié  à  la  cime  ,  elt  ébranché  de 
bas  en  haut ,  il  poufléra  depuis  le  collet  des 
branches  retranchées  jufqu'à  la  cime  de  la 
fige  ,  de  toutes  parts  ,  un  nombre  infini  de 
bourgeons  ,  qui  ,  poufî'ant  des  jets  de  tous 
côtés  ,  feront  d'un  tronc  haut  de  trente  à 
quarante  pies  ,  comme  un  gros  bouquet  de 
feuilles ,  ii  touffu  ,  qu'à  peine  verra-t-on  le 
corps  de  Varbre. 

Si  l'on  n'avoit  jamais  vu  d'arbre  étété  par 
un  tourbillon  de  vent ,  ou  par  le  retranche- 
ment exprès  de  Ion  tronc  au  collet  des  bran- 
ches ,  il  n'y  a  perfonne  qui  ne  regai'dàt  du- 
rant fix  mois  ,  un  arbre  mis  en  cet  état , 
comme  un  tronc  mort  &  inhabile  à  toute 
génération  ;  cependant  cet  arbre  étêté  re- 
poulfera  du  tronc  au  deifous  de  l'endroit  oîi 
il  avoit  poufle  les  branches ,  un  grand  nom- 
bre de  jets  ,  ou  au  couronnement ,  ou  vers 
le  couronnement. 

On  en  peut  due  autant  des  arbres  coupé*' 
à  rafe  terre  ;  car  ils  repouiTent  autant  & 
plus  qu'à  toute  hauteur  ;  c'elt  ce  qui  fait  les 
arbres  nains ,  en  buiflbn  ou  en  elpalier ,  entre 
les  fruitiers  ,  &  les  taillis  entre  les  fauva- 
geons.  Voye\  mém.  de  l'acad.  an.  1700  , 
pag.  140.  Je  rappelle  ces  fiits  ,  afin  qu'on  (c 
détermine  à  réfléchir  un  peu  plus  fur  cette re- 
produélion,  &  à  en  tirer  plus  d'avantages  en- 
core qu'on  n'a  fait  jufqu'à  préfent,  foitpour 
l'ornement  des  jardins',  foit  pour  l'utilité  du 
jardinier. 

4°.  Comme  il  e(l  néceflaire  que  les  bois 
aient  une  certaine  courbure  pour  la  bonne 

I&  facile  conllrudion  des  vaifîèaux,  il  y  a 
long-temps  que  l'on  a  propofé  de  les  plier 


îé8 


A  R  B 


jeunes  dans  les  forêts  :  mais  il  ne  paroît  pas 
que  iufqu'H  préfcnton  ait  fuivi  cette  idée  : 
{croit-ce  qu'elle  ei\  d'exécution  difficile  ? 

5°.  Dans  les  environs  de  Paris  ,  M. 
Vaillant  comptoit  ,  en  1700,  jufqu'à  137 
cfpeces  de  moufles  ou  plantes  paralites  ,  qui 
lont ,  dans  le  règne  végétal ,  ce  que  les  in- 
Icdes  font  dans  le  règne  animal.  Toutes  ces 
plantes  lucent  la  fève  des  arbres  par  une 
infinité  de  petites  racines  ;  &  c'eftune  forte 
de  maladie  pédiculaire ,  dont  il  feroit  très- 
important  de  les  guérir.  Pour  cet  effet  , 
l'expédient  le  plus  iimple  qui  fe  prélente  , 
feroit  de  la  racler,  fur-tout  dans  un  temps 
de  pluie  ,  comme  nous  l'avons  prefcrit  plus 
haut  :  mais  ,  outre  que  cette  opération  l'e- 
roit  longue  dans  bien  des  cas,  elle  feroit  dans 
tous  trés-imparlaite  :  c'eft-là  ce  qui  déter- 
mina M.  de  Reflbns  à  propofer  à  l'Acadé- 
mie, en  1716 ,  un  moyen  qu'on  dit  être  plus 
court  &:  plus  sûr  :  c'efl  de  faire  ,  avec  la 
pointe  d'une  ierpette,  une  incillon  en  ligne 
droite  ,  qui  pénètre  au  bois  ,  depuis  les  pre- 
mières branches  julqu'à  tleur  de  terre  ;  cette 
longue  plaie  fe  relerme  au  bout  d'un  certain 
temps  ,  après  quoi  Fécorce  eu  toujours 
nette  ,  &  il  n'y  vient  plus  de  moufle.  Le 
temps  de  cette  opération  eft  depuis  mars 
jufqu'à  la  fin  d'avril.  En  mai  ,  l'écorce 
-vuiroit  trop  de  fcve  &  s'entr'ouvriroit  trop. 
Ce  remède  a  été  luggéré  à  M.  de  Reffons 
d'une  manière  fmguliere  ;  il  s'apperçut  que 
les  noyers ,  auxquels  c'eft  la  coutume  en 
Bourgogne  de  faire  des  incifions  ,  n'avoient 
point  de  lèpre  ,  &  il  conjedura  qu'ils  en 
ctoient  garantis  par  cette  opération.  Voye-{ 
dans  les  mémoires  de  Vacademie  ,  année 
17^^»  P'^g-  41  de  l'Hifloire  f  le  rapport 
qu'il  y  a  entre  le  remède  &  le  mal. 

6".  Pour  peu  qu'on  ait  fait  attention  à 
l'état  des  arbres  qui  tonnent  les  forêts ,  on 
aura  remarqué  que  ceux  qui  lont  plus  près 
des  bords  lont  confidérablement  plus  gros 
que  ceux  qui  font  plus  proches  du  mi- 
lieu ,  quoiqu'ils  foicnt  de  même  âge  ;  d'où 
il  s'enfuit ,  dit  M.  de  Rcaumur ,  dans  un 
mémoire  fur  l'amélioration  de  nos  forêts  , 
que  quand  on  n'a  pas  une  grande  quantité 
de  terrain  où  l'on  puifle  élever  des  arbres 
en  Kitaie  ,  il  cil  plus  avantageux  de  les 
kiflêr  élever  fur  les  lifieres  longues  &:  étroi- 
tes ,  que  de  laifTer  élever  la  même  quantité 


A  R  B 

A'arhres  fur  un  terrain  plus  large  &  moirtî 
long.  Voye^  Mémoires  de  l'Académie  ,  an. 

7°.  Le  rigoureux  hivïrde  1709,  dont  la: 
mémoire  durera  long- temps  ,  fit  mourir 
par  toute  la  France  un  nombre  prcjdigieux 
d'arbres  :  mais  on  remarqua  ,  dit  M.  de 
Fontcnelle,  Hijljire  de  l' Académie ,  1710, 
Pj^S^  59  1  que  cette  mortalité  ne  s'étendoit  pas 
lur  tous  indiiléremment  :  ceux  qu'on  auroie 
jugé  en  devoir  être  les  plus  evemts  par 
leur  force  ,  y  furent  plus  fujets.  "Les  arbres 
les  plus  durs  ,  &  qui  confervent  leurs  feuil- 
les pendant  l'hiver  ,  comme  les  lauriers  ,. 
les  cyprès  ,  les  chênes  verds  ,  £>c.  Se  entre- 
ceux  qui  lont  plus  tendres ,  comme  les  oli-, 
viers ,  les  cliataigniers  ,  les  no;,-ers  ,  &Cj, 
ceux  qui  étoient  plus  vieux  &  plus  forts  , 
moururent  prel'quc  tous.  On  chercha  dans. 
l'Académie  la  caule  de  cette  bizarrerie  appa- 
rente (cela  fuppole  qu'on  s'étoit  bien  aifuré 
de  la  réalité  ;  )  &  M.  Cailini  le  fils  en  donna 
une  fort  fimple  à  l'égard  des  vieux  arbres. 
Il  dit  avoir  remarqué  que  le  grand  froid 
avoit  détaché  leur  écorce  d'avec  le  bois  ,  de 
quelque  manière  que  cela  fût  arrivé.  En 
effet ,  il  eft  bien  naturel  que  l'écorce  foit 
plus  adhérente  au  bois  dans  les  jeunes  arbres 
que  dans  les  vieux  ,  beaucoup  plus  remplis 
de  lues  ,  &  de  lues  huileux.  M.  Chomelcn 
imagina  une  autre  raifon.  M.  Homberg 
tenta  auffi  d'expliquer  le  même  phénomène. 
Voye\  leurs  conjedures  dans  les  Mémoires 
de  V académie. 

Quoi  qu'il  en  ioit ,  il  eff  confiant  que  plu— 
fleurs  arbres  qui  lembloient  avoir  échappé 
;\  ce  cruel  hiver  ,  parce  qu'ils  repoulferent 
des  branches  &  des  feuilles  à  la  fève  du 
printemps  ,  ne  purent  profiter  de  celle  de 
l'automne  ,  &  périrent  tout-à-fait.  Quand 
on  les  coupoit ,  on  les  trouvoit  plus  noirs 
&  plus  brûlés  dans  le  cœur  ,  que  vers 
l'aubier  &:  vers  l'écorce  ;  le  cœur  ,  qui 
e(l  plus  dur  ,  avoit  été  plus  endommagé 
que  l'aubier  ;  &  il  étoit  déjà  mort  ,  que 
l'aubier  coafervoit  encore  un  petit  refle  de 
vie. 

8°.  Dans  plufieurs  arbres  fruitiers  , 
comme  les  pommiers  ,  les  poiriers  ,  les  châ- 
taigniers ,  &  généralement  dans  ceux  qui 
en  imitent  le  port ,  tels  que  font  les  noyers  , 
les  chênes  ,  les  hêtres  ,  la  baie  de  la  touffe 

aiiede 


A  R  B 

afFcTle  rou)oiiri  u'ctre  pnrallclc-  au  plan 
d'oLi  forrciU  les  tiges  ,  foit  que  ce  plan  ioit 
horizontal  ou  qu'il  ne  le  ioit  pas ,  loir  que 
les  riges  elle<;-mcmcs  foient  perpendicu- 
Inires  ou  inclinées  fur  ce  plan  ;  &  cette 
alfedation  ef{  fi  conlîante ,  que  fi  un  arbre 
fort  d'un  endroit  où  le  plan  Ioit  d'un  côte 
horizontal ,  &:  de  l'autre  incliné  r.  l'horizon  , 
la  baie  de  la  toufte  le  tient  d'un  coté  hori- 
zontale ,  &  de  l'autre  s'incline  ;\  l'horizon 
nutant  que  le  plan.  C'eft  M.  Dodart  qui 
s'elt  le  premier  apperçu  de  ce  iihénomene 
extraordinaire  ,  &  qui  en  a  recherché  la 
caulé. 

Nous  ne  rapporterons  point  ici  les  con- 
jedures  de  M.  Dodart,  parce  que  nous 
ne  délefpérons  pas  qu'on  n'en  forme  quel- 
que jour  de  plus  vrail'emhlables  &  de  plus 
heureuics  ;  &  que  ce  feroit  détourner  les 
elprits  de  cette  recherche ,  que  de  donner 
quelque  latistaftion  à  la  curiolité.  Quand  la 
lolution  d'une  difficulté  eft  éloignée ,  i-^ptre 
parelTe  nous  dilpoie  à  prendre  pour  bonne 
la  première  qui  nous  eft  préfentée  :  il  fuf- 
fît  donc  d'avoir  appris  le  phénomène  à 
ceux   qui  l'ignoroient. 

9°.  Tout  le  monde  connoît  ces  cercles 
peti  réguliers  d'aubier  &  de  bois  partait , 
qui  fe  voient  toujours  dans  le  tronc  d'un 
arbre  coupé  horizontalement ,  &  qui  mar- 
quent les  accroillemens  en  grofièur  qu'il  a 
pris  lucccflivement  ;  par-là  on  compte  fon 
âge  affez  lurement.  Le  dernier  cercle  d'au- 
bier qui  ell  immédiatement  enveloppé  par 
l'écorce ,  eftla  dernière  production  du  tronc 
en  grofieur,  eft  d'une  fubilance  plus  rare  & 
moins  compare  ,  eft  un  bois  moins  partait 
que  le  cercle  qu'il  enveloppe  lui-même  im- 
médiatement ,  &  qui  a  été  la  produélion  de 
l'année  précédente  ;  &  ainfi  de  fuite  julqu'au 
cœur  de  Varbre  :  mais  on  s'appcrçoit  qu'à 
mefure  que  les  cercles  concentriques  font 
plus-  petits ,  la  différence  des  couleurs  qui 
eft  entr'eux  dil'paroîr. 

On  croit  affez  communément  que  ce» 
cercles  font  plus  ferrés  entr'eux  du  coté  du 
nord  que  du  côté  du  midi;  &  on  en  con- 
clut qu'il  feroit  poflible  de  s'orienter  dans 
une  forêt  en  coupant  un  arbre.  En  effet , 
il  paroît  afTez  naturel  que  les  arbres  cro'ii- 
fcnt  plus  en  groflcur  du  câté  qu'ils  Ibnt 
plus  expo.'és  aux  rayons  du  iijleil  :  cepcn- 
Tome   III. 


A   R  B  i5^ 

dant  ce  fentiment  n'eft  pas  général  ;  on 
loutient  que  c'cil  du  côté  du  midi  que  les 
cercles  font  plus  Icrrés  ;  &  on  en  donne 
la  railon  phyfique  ,  bonne  ou  mauvaife  : 
quelques-uns  même  font  pour  le  levant, 
ci  d'autres  pour  le  couch.mt. 

On  a  trouvé  par  un  grand  nombre  d'ex- 
perijnccs  que  ces  faits  oppoiés  (ont  vrais. 
Varbre  a  de  grofTcs  racines  qui  fe  jettent 
les  unes  d'un  côté  ,  les  autres  de  l'autre  : 
s'il  en  avoit  cjuatre  à-peu-près  égales ,  qui 
tcndifTent  vers  les  quatre  points  cardinaux 
de  l'horizon ,  elles  tourniroient  à  tout  ie 
tronc  une  nourriture  égale ,  &  les  diffé- 
rens  cercles  auroient  chaque  année  un  même 
accroiffement ,  une  même  augmentation  de 
largeur  ou  d'cpaiffeur  ,  i'aïf  les  inégalités- 
qui  peuvent  lurvenir  d'ailleurs  ;  mais  fi 
une  des  quatre  racines  manque,  celles  du 
iiord ,  par  exemple ,  ce  côté-là  du  tronc 
lera  moins  nourri ,  &  les  cercles  par  con- 
féquent  feront  moins  larges  ou  plus  ferrés 
du  côté  du  nord  ;  mais  une  grofTe  branche 
qui  part  du  tronc  d'un  certain  côté  ,  fait 
le  même  effet  qu'une  grofTe  racine  ;  la  nour- 
riture quia  dû  fe  porter  à  cette  branche  en 
plus  grande  abondance ,  a  rendu  les  cer- 
cles plus  larges  de  ce  côté  là  ;  &  de-là  le 
refte  s'enfuit.  Mais  on  voit  que  tout  cela 
fuppofe  une  direélion  régulière  dans  le  mou- 
vement des  fucs  de  V arbre  :  or  fi  une  par- 
faite régularité  n'cfl  pas  dans  la  nature  ; 
il  Euit  y  calculer  des  à-peu-près ,  réitérer 
des  expériences  ,  &  reconnoître  une  caufè 
générale  à  travers  les  petites  altérations  qu'on 
remarque  dans  fes  effets. 

D'où  il  s'enfuit  que  plus  les  grofles  ra- 
cines font  également  dillribuées  autour  du 
pié  de  Y  arbre ,  &  les  grofî'es  branches  au- 
tour du  tronc  ,  plus  la  nourriture  fera  éga- 
lement difhibuée  dans  toute  la  fubfiancc 
de  y  arbre  ;  de  forte  qu'on  aura  un  fignc 
extérieur  d'une  de  {es  principales  qualités  , 
relati\'ement  à  l'ufage  des  bois. 

L'aubier  fe  convertit  peu-à-peu  en  bois 
parfait  qu'on  appelle  cœur  :  il  lui  arrive 
par  le  mouvement ,  foit  dircft ,  foit  latéral 
de  la  fcve ,  des  particules  qui  s'arrêtent 
dans  les  interfîices  de  la  fubfiancc  lâche , 
&  la  rendent  plus  ferme  &  plus  dure.  Avec 
le  temps  l'aubier  n'efl  plus  aubier  ;  c'efl 
une  couche  ligneufe  :  le  dernier  aubier  c({ 


i-jo  A  R  B 

à  la  circonférence  extérieure  du  tronc  ;  & 
il  nV  en  a  plus  quand  \" arbre  cefle  de  croître. 

JJn.  arbre  eft  d'autant  plus  propre  au  fcr- 
vicc,  qu'il  a  moins  d'aubier  &  plus^  de 
c  œur  :  &  MM.  Duhamel  &  de  BufFon  , 
dont  nous  tirons  ces  remarques ,  ont  trouvé , 
par  des  expériences  réitérées,  que  les  bons 
terrains  ont  toujours  fourni  les  arbres  qui 
avoient  le  moins  d'aubier  ;  &  que  plus  les 
couches  d'aubier  ont  d'étendue,  plus  le 
nombre  en  efl  petit.  En  effet ,  c'ell  l'abon- 
dance de  nourriture  qui  leur  donne  une 
plus  grande  étendue  ;  &  cette  mêrtie  abon- 
dance fait  qu'elles  ic  converriffent  plus 
promptement  en  bois,  &  ne  font  plus  au 
îiombre  des  couches  d'aubier.  ^ 

L'aubier  n'étant  pr.s  compté  pour  bois 
l'e  icrvicc  ,  deux  arbres  de  même  âge  & 
<le  même  efpecc  peuvent  être  tels  ,  par  la 
î-;ule  différence  des  terrains  ,  que  celui  qui 
aura  cru  dans  le  bon,  aura  deux  fois  plus 
fie  bois  de  fervice  que  l'autre,  parce  qu'il 
aura  deux  fois  moins  d'aubier.  II  faut 
pour  cela  que  ks  arbrei  foient  d'un  certain 

"iîge. 

On  croit  communément  qu'en  plantant 
lis  jeunes  arbres  qu'on  tire  de  la  pépinière  , 
W  faut  les  orienter  comme  ils  l'étoient  dans 
la  pépinière  ;  c'ell  une  erreur  :  vingt-cinq 
jeunes  arbres  de  même  efpece,  plantés  daris 
un  même  champ,  alternativement  orientés 
&  non  orientés  comme  dans  la  pépinière , 
ont  tous  également  réuiii. 

Le  froid  par  Ivîi-même  dimimie  le  moii- 
veitïent  Je  la  fève  ,  &  par  conféquent  il 
oeur  lire  au  point  de  l'arrêter  tout- a-fait , 
&  V arbre  périra  :  mais  le  cas  cfl  rare  ,  & 
♦rommunément  le  froid  a  befoin  d'être  aidé 
j)our  tiuire  beaucoup.  L'eau  &  toute  li- 
queur aquGufe  le  raréfie  ,  en  fe  gelant  ; 
s'il  y  en  a  qui  folt  cofiferue  d.ins  les  pores 
■jlitérieures  de  ïaibte  ,  elle  s'éfertdra  donc 
j)ar  un  certain  degré  dé  froid  ,  &  mettra 
nccedalrement  les  petites  parties  les  plus 
«lélicates  dans  une  diOonfion  forcée  &  très- 
conlldérable  ;  car  on  fait  que  la  force  de 
Vcxtcnlion  de  t'eaù  qtii    '^(i  gelc    cft  prel- 

3UC  prodigiuifé  ;  que  le  folcil  furvicnne  , 
fondra  bru'qu'.ment  tous  ces  petits  gla- 
çons ,  qui  reprendront  leur  volume  naturel  : 
mais  les  parties  de  Xarbte ,  qu'ils  avoient  dil- 
kodues  violemment  j  pourront  ne  pas  re- 


A  R  B 

prendre  de  même  leur  première  extenfion  ; 
&  fi  elle  étoit  néceffaire  pour  les  fondions 
qu'elles  doivent  exercer ,  tout  l'intérieur  de 
\' arbre  étant  altéré  ,  la  végétation  fera  trou- 
blée ou  même  détruite ,  du  moins  en  quel- 
que partie.  Il  auroit  fallu  que  Varbre  eût 
été  dégelé  doucement  &  par  degrés,  comme 
on  dégelé  les  parties  gelées  d'animaux  vi- 
vans.  Ce  fyflême  eil  très-applicable  à  l'effet 
du  grand  froid  de  1709,  dont  nous  avons 
par'é  plus  haut. 

Les  plantes  réfineufes  feront  moins  Çu- 
jettes  à  la  gelée,  ou  en  feront  moins  en- 
domm.agées  que  les  autres.  L'huile  ne  s'é- 
tend pas  par  le  froid  comme  l'eau;  au  con- 
traire ,  elle  fe  refferre. 

Un  grand  froid  agit  par  lui-même  fiir 
les  arbres  qui  contiendront  le  moins  de 
ces  petits  glaçons  intérieurs,  ou  qui  n'en 
contiendront  point  du  tout,  fi  l'onvciit  ; 
fur  les  arbres  les  plus  expofts  au  loleil  &: 
fur  les  parties  les  plus  tortes,  cominic  le 
tronc.  On  voit  par-là  quelles  font  les  ci_r- 
conflances  dont  un  froid  médiocre  a  beloîn 
pour  être  nuifihle  :  il  y  en  a  fur- tout  deux- 
fort  à  craindre  ;  l'une  ,  que  \çs  arbres  aient 
été  imbibés  d'eau  ou  d'humidlrc  quandle 
froid  eff  venu  ,  &  qu'eafuite  le  dégel  l'oit 
brufque  ;  l'autre ,  que  cela  arrive  dans  un 
temps  où  les  parties  les  plus  tendres  &  les 
plus"  précieufes  de  ï arbre ,  les  rejetoris , 
les  bourgeons ,  les  fruits  commencent  à  fc 
former. 

L'hiver  de  1709  raffembla  les  circonf^ 
tances  les  plus  fachcufes  ;  aufli  e(t-on  bien 
!'ûr  qu.'un  pareil  hiver  ne  peut  être  qu-c 
rare.  Le  froid  fut  par  lui-même  fort  vif  : 
mais  la  combinaifon  des_  gelées  &  des  dé- 
gels fut  finguliérement  fiiiieflc  ;  après  àe 
grandes  pluies,  &  immédiarenicnt  après, 
vint  une  gelée  ti-ès- forte  dès  Ion  premier 
commencement  lenfuite  un  dégel  d'un  jour 
ou  deux,,  très-uibit  S:  très-court;  &:  aulii- 
tôt  une  féconde  gelée  longue  &  forte. 

MM.  c?e  Buffon  &  Duhamel  ont  vu  beau- 
coup A\vbres  qui  lé  fentoicnt  de  l'hiver 
de  1709 ,  &  qui  en  avoient  conrradé  clcï 
maladies  mi  des  défaut^;  ians  remède.  Vn 
des  plus  remarquables  eft  ce  qu'ils  onrap- 
ptiie  le  faux-aubier  :  on  voir  lôus  j'écorce 
de  ïarlre  le  véritable  aubier ,  cnfiiite  une 
couche  de  bols  parfait ,  qui  ne  s'étend  pas 


AR  B 

cortimc  cUe  dcvroir  juiqu';iu  centre  du 
tronc,  en  dcvcnanc  toujours  plus  iwrfaitc  , 
mais  qui  cit  (i.;ivic  par  une  nouvelle  couche 
de  bois  imparli'.it  ou  de  taux  aubier  ;  nprès 
quoi  revient  le  bois  parf.iit  qui  va  juiqu'au 
centre.  On  eit  lùr  par  les  indices  de  1  aj;e 
àcVnrhre,  &  dj  leurs  différentes  couches  , 
que  le  faux  aubier  eft  de  1709.  Ce  qui 
cette  annt!e-là  étoit  le  véritable  aubier  ne 
put  fe  convertir  en  bon  bois  ,  parce  qu'il 
tut  trop  altt'ré  par  l'excès  du  troid  ;  la  vé- 
gétation ordinaire  fut  comme  airctée  là  : 
mais  elle  reprit  ion  cours  dans  les  années 
fùivantcs,  &  palia  pni-defTus  ce  mauvais 
pas  ;  de  forte  que  L.  nouvel  aubier  qui 
environna  ce  taux  aubier,  fe  convertit  e-n 
bois  de  l'on  temps  ,  &  qu'il  refla  à  Ja  cir- 
conférence du  tronc  celui  qui  devolt  tou- 
jours y  être  naturellement. 

Le  taux  aubier  eft  donc  un  bois  plys  mal 
conditionné  &  plus  imparfait  que  l'aubier; 
c'eft  ce  que  la  différence  de  pelant^tir  Se  la 
facilité  à  rompra  ont  en  effet  prouve.  Un 
arbre  qui  auroit  un  taux  aubier  ieroit  tort 
défedueux  pour  les  grands  ouvrages ,  & 
d'autant  plus  que  ce  vice  eft  plus  caché  ,  & 
tju'on  s'avile  moins  de  le  ioupçonner. 

Les  gelées  comme  celle  de  1709,  &  qui 
font  proprement  des  gelées  d'hiver,  ont 
rarement  les  conditions  néceflaires  pour 
Élire  tant  de  ravages  ,  ou  des  ravages  fi 
marqués  en  grand  :  mais  les  gelées  du 
printemps ,  moins  fortes  en  elles-mêmes , 
font  aiîez  fré<jucntes,  &  aflcz  fouvent  en 
état,  par  les  circonflances ,  d^  faire  beau- 
coup de  mal.  La  tliéorie  qui  précède  en  rend 
railon  :  mais  elle  fournit  en  même  temps, 
dans  la  pratique  de  l'agriculture  ,  des  règles 
pour  y  obvier,  dont  nous  nous  contente- 
rons d'apporter  quelques  exemples. 

Puifqu'il  eft  fi  dangereux  que  les  plantes 
foient  attaquées  par  une  gelée  du  printemps, 
lorfqu'elles  font  fort  r-emplies  d'humidité  , 
il  faut  avoir  attention,  fur-tout  p  ,ur  les 
plantes  délicates  &  précieufes  ,  telles  que 
la  vigne ,  A  ne  les  pas  mettre  dans  un  ter- 
rain naturellement  humide,  comme  un 
fonds ,  ni  à  l'abri  d'un  vent  de  nord  qui , 
auroit  diffipé  kur  humidité ,  ni  d.ins  le 
voifinage  d'autr«s  plantes  qui  leur  en  au- 
raient fourni  de  nouvelle  par  leur  iranl- 
piratioîj,  eu  âes  mrss   lahoiirées  «cu- 


A  R  B  17/ 

veljcmcnt,    qui    feroicnt    le     même    efer. 
Les  grands    arbres    mêmes ,    dès   qu'ils 
font  tendres  i.  la  gelée ,  comme  les  chênes , 
doivent  être  compris  dans  cette  reg'e  :  xiiais 
voyez,  dans  le  mémoire  même  de  MM. 
DuhajTiel  &  Buflbn  ,  année   1737,   le  dé- 
tail des  avantages  q-u'on  peut  retirer  d,c  leurs 
obleivations,  &  concluez,  avec  l'hiitorien 
de  l'académie,     i^.  que  fi  la  inécefijté  des 
expériences  pouvoit  être  douteuie  ,  rien  ne 
la  prouveroit  mieux  que  les  grands  effets 
que   de    petites   attentions   peuvent    avoir 
dans  l'agriculture  &  dans  le  jardinage.  On 
apjjcrçoit  à  chaque  njomeat  des  dif[ûrences 
tres-feniibles  ,  dans  xles  cas  où  il  ne  paroît 
pas  qu'il   dtt  s'en  trouver   aucune  ;  d'où 
naifiènt-elles?    de    quelques  .principes  .qui 
échappent  par  leur  peu  d'importance   ap- 
parente :  2".  que  fi  l'agriculture ,  qui  oc- 
cupe la  plus    grande    partie    des  ilioiiynes 
pendant    toute    leur   vie ,    &    pour  leurs 
befoins  les    plus   efîentiels ,   n'a   pourtant 
tait  que  des  progrès  fort  lents ,   c'eft  que 
ceux  qui  exercent  par  état  cet  art  impor- 
tant, n'ont  prefque  jarHais  un  certain  cfpi-it 
de  recherche  &  de  curiofité  ;  ou  que  ,  quand 
ils  l'ont ,  le  loifir  Jeur    manque  ;  ou  que  fi 
le  loilir  ne  leur  manque  pas ,    lis  ne  font 
pas  en  état  de  rien  liazarda' pour  des  épr«»- 
ves.  Ces  gens  ne  voient  donc  que  ce  qu^'ils 
font  forcés  de  voir,  &  n'apprenneat  .que 
ce  qu'ils  ne   peuvent  ,   poui-  ainfi    dir* , 
éviter  d'api^rendre.  Les  académies  moder- 
nes ont  enfin  fenti  combien  il  «toit  ntJledc 
tourner  Ces  vues   d'un   côté  fi  intéreflànt , 
■quoique  f)eut-:être  dépourvu   d'un  certaù» 
éclat  ;  mais   tout  prend  de  l'étendue  ,    de 
l'élévation  &c  de  la  .dignité  dans  certaines 
mains  ;  le  caraûere  de  l'efprit  de  l'hommç 
:paflê  néceilâiremeut  dans  la  manière  dont 
il   exécute   fa  tâche,  &  dans    la   manier* 
dont  il  l'expoié.  Il  eft  des  gens  qui  ne  faverrt 
dire  que  de  petites    chofes  ilir   de  grands 
iiujets  ;  il  en  eft  d'autres  ,    à  qui    les  plus 
ipetits  lujets  en  fuggerent  de  grandes. 

10.  Des  arbres  dépouillés  de  leur  écorce 
dans  toute  leur  tige ,  &  laiCés  fur  pié  ea 
icet  état  julqu';\  ce  qu'ils  meurent,  ce  qui 
ne  va  qu'à  trois  ou  quatre  ans  au  plus , 
fourni  lient  un  bois  plus  pefant ,  plus  ferré , 
,2c  plus  uniformément  ferré  que  ne  feroient 
d'aut.'-es  arbres  de  même  efpece,  de  raênae 

Y  1 


172  A  R.  B 

âge,    de  même    groficur,  femtlables     en 
tout ,  mais  qui  n  auroient  pas  été  dépouil- 
lés de  leur   écorce,  &  qui  n'auroient  pas 
été  traités  de  même  :  outre  cela  ,  ils  four- 
nirent plus  de  bois  bon  à  employer  ;  car  , 
des  autres  arbres  ,    il  en    faut  retrancher 
l'aubier  ,  qui  eft  trop  tendre  &  trop  diffé- 
rent du  cœur;  au  lieu  que  ,  dans  ceux-ci, 
tout  cil  coeur  ;  ou  leur  aubier,  ou  ce  qui 
en  tient  la  place  ,  eil:  auili  dur ,   ou  même 
plus  dur  que  le  cœur  des  autres.  On  trou- , 
vera ,  dans  les  remarques  précédentes ,  de 
quoi   expliquer   ce     phénomène   ;    on    n'a 
qu'à  voir  comment  l'aubier  devient    bois 
parlait  à  la    longue  ,    &   l'on  verra  com- 
ment il  doit  fe  durcir  ,  tout  en  fe  formant , 
quand  V arbre  ell'ians  écorce. 
•  La  différence  de  poids  entre  deux  mor- 
ceaux de  chêne  ,  qui   ne  différent    que  de 
ce   que    l'un   vient  d'un    arbre  écorce ,    & 
4        que  l'autre  vient  d'un    arbre  non  écorce  , 
&C   par  coniéqucnt  la  différence  defolidité  , 
efl  d'un   cinquième  ,  ce  qui  n'eft  pas  peu 
confidérable. 

Malgré  cet  avantage  de  l'écorcement 
des  arbres j  les  ordonnances  le  défendent 
févérement  dans  le  royaume  ;  &  les  deux 
académiciens  ,  ;\  qui  nous  avons  obligation 
de  ces  expériences  utiles  ,  ont  eu  befoin 
de  permiflion  pour  oler  les  faire.  Cette 
manière  de  conlolider  les  bois  n'étoit  en- 
tièrement inconnue  ni  aux  anciens  ni  aux 
modernes  :  Vitruve  avoit  dit  que  les 
arbres  entaillés  par  le  pié  en  acquéroient 
plus  de  qualité  pour  les  bâtimens  ;  & 
un  auteur  moderne  Anglois  ,  cité  par  M. 
de  Buffon  ,  avoit  rapporté  cette  pratique 
comme  ufuée  dans  une  province  d'An- 
gleterre. 

Le  tan  nécefîaire  pour  les  cuirs  fe  fait 
avec  l'écorce  de  chêne  ;  &.  on  l'enlevoit 
dans  le  temps  de  la  fève  ,  parce  qu'alors 
elle  étoit  plus  aifée  à  enlever,  &  que  l'opé- 
ration coûtoit  moins  :  mais  ces  arbres 
écorcés  ayant  été  abattus  ,  leurs  fouches 
rcpoufToient  moins ,  parce  que  les  racines 
s'étoient  trop  épuilées  de  fucs.  On  croyo-t 
d'ailleurs  que  ces  fouches  ne  repoulloient 
pluj  du  collet ,  comme  il  le  faut  pour 
faire  de  nouveau  bois  ;  ce  qui  n'eft  vrai 
que  des  vieux  aibres  ,  ainfi  que  M.  de 
BufFon  s'en  efl  alTurc. 


A  R  IB 

L^n  arbre  écorce  produit  encore  r.u 
moins  pendant  une  année  des  feuilles  , 
des  bourgeons  ,  des  fleurs  ,  &  des  fruits  ; 
par  confcquent  il  efl  monté  des  racines 
dans  tout  Ion  bois  ,  &  dans  cclui-même 
qui  étoit  le  mieux  formé  ,  une  quantité 
de  fève  fuffifante  pour  ces  nouvelles  pro- 
dudions.  La  feule  fève  propre  à  nourrir 
le  bois,  a  formé  aufîi  tout  le  refle  :  donc 
il  n'efl  pas  vrai ,  comme  quelques-uns  le 
croient ,  que  la  iéve  de  l'écorce  ,  celle  de 
l'aubier  ,  &  celle  du  bois  ,  nourrirent  & 
forment  chacune  une  certaine  partie  à  l'ex- 
cluiion  des  autres. 

Pour  comparer  la  tranipiration  des  arbres 
écorcés  &  non  écorcés  ,  M.  Duhamel  fit 
j  paffer  dans  de  gros  tuyaux   de   verre  des 
]  tiges  de  jeunes  arbres  ,  toutes  femblables  ; 
j  il   les    mnftiqua  bien   haut    &    bas  ,    &    il 
I  obferva  que,  pendant  le  cours  d'une  jour- 
I  née  d'été ,  tous  les  tuyaux  fe  rempliiloient 
!  d'iine   efpece    de  vapeur ,    de    brouillard , 
1  qui    fe    condenfoit    le    foir    en    liqueur  , 
I  &   couloir  en  bas  ;    c'étoix   là   fans  doute 
la  matière   de    la  tranipiration  ;  elle  étoit 
fenfiblement  plus   abondante  dans  les    ar- 
bres  écorcés  :  de  plus ,    on   voyoit  fortir 
des  pores  de  leur   bois  une  fève  épaiiîè  & 
comme  gommeufe. 

De  là  M.  Duhamel  conclut  que  l'écorce 
empêche  l'excès  de  la  tranfpiration  ,  &  la 
réduit  à  n'être  que  telle  qu'il  le  faut  pour 
la  végétation  de  la  plante  ;  que  puilqu'il 
s'échappe  beaucoup  plus  de  lues  des  arbres 
écorcés  ,  leurs  couches  extérieures  doivent 
le  deffécher  plus  ailément  &  plus  promp- 
temont  ;  que  ce  delléchement  doit  gagner 
les  couches  inférieures ,  &c.  Ce  raiionne- 
ment  de  M.  I^u'iamel  explique  peut-être 
le  d  irciflèment  prompt  des  couches  exté- 
rieures :  niais  il  ne  s'accorde  pas ,  ce  me 
lL"mble ,  aufC  facilement  avec  l'accroifle- 
ment  de  poids  qui  iurvient  dans  le  bois  des 
arbres  écorcés. 

Si  l'écorcement  d'un  arbre  contribue  à  le 
faire  mourir  ,  M.  Duhamel  conjedure  que 
quelque  conduit  pourroit  lui  prolonger  la 
vie  ,  fans  qu'il  prît  un  nouvel  accroilVement: 
mais  il  ne  pourroit  vivre  ians  s'accroître  , 
lu'il  ne  devînt  plus  dur  &:  pluscompaâe, 

I&    par  coniéquent  plus  propre  encore  aux 
ufages   qu'on  en  pourroit  tirer  :  la  conjec- 


A  R  B  . 

turc  de  M.  Duhamel  mî'rite  Jonc  beau- 
coup d'atreution. 

Mais  nous  ne  finirons  point  cet  article 
fans  faire  mention  de  quelques  autres  vues 
de  l'habile  académicien  que  nous  venons  de 
cirer  ,  &  qui  lont  enncrcmcnt  de  notre 
iujet. 

La  manière  de  multiplier  les  arbics  par 
bouture  &  par  marcotte  ,  eft  extrême- 
ment ancienne  &  connue  de  tous  ceux  qui 
fe  font  mclcs  d'agriculture.  Une  branche 
p'quée  en  terre  devient  un  urbre  de  la 
même  efpece  que  ïarbie  dont  elle  a  été 
l'cparée.  Cette  manière  de  multiplier  les 
arbres  efl  beaucoup  plus  prompte  que  la 
voie  de  femence  ;  &:  d'ailleurs  elle  ell 
unique  pour  les  arbres  étrangers  tranfportés 
dans  ce  paj-s-ci  ,  &  qui  n'y  produiient 
point  de  graine.  C'eft  auiii  ce  qui  a  engagé 
M.  Duhamel  à  examiner  cette  méthode 
avec  plus  de  loin. 

Faire  des  marcottes  ou  des  boutures  , 
c'efl  faire  en  forte  qu'une  branche  qui  n'a 
point  de  racines  s'en  gnrnifle  ;  avec  cette 
différence  que  li  la  branche  eft  féparée  de 
Varbre  qui  l'a  produite ,  c'eft  une  bouture  ; 
&  que  fi  elle  y  tient  pendant  le  cours 
de  l'opération ,  c'ell  une  marcotte.  Voye^ 
Bouture  &  Marcotte.  Il  étoit 
donc  nécelTaire  d'examiner  avec  attention 
comment  fe  faifoit  le  développement  des 
racines  ,  fi  l'on  vouloit  parvenir  à  le 
faciliter. 

Sans  vouloir  établir  dans  les  arbres  une 
circulation  de  fève  analogue  à  la  cirailation 
de  fang  qui  fe  fait  dans  le  corps  animal , 
M.  Duhamel  admet  une  fève  montante 
qui  fert  à  nourrir  les  branches  ,  les  feuilles 
&  les  bourgeons ,  &  une  defcendante 
qui  fe  porte  vers  les  racines.  L'exiftence  de 
ces  deux  efpeces  de  levé  efl  démontrée  par 
plufieurs  expériences  i  celle-ci  fur-tout  la 
prouve  avec  la  dernière  évidence.  Si  l'on 
interrompt  par  un  anneau  circulaire  enlevé 
à  l'écorce ,  ou  par  une  lorte  ligature  ,  le 
cours  de  la  fève  ,  il  fe  forme  aux  extrémi- 
tés de  l'écorce  coupée  deux  bourrelets  : 
mais  le  plus  haut ,  celui  qui  eft  au-bas  de 
l'écorce  fupérieure  ,  ell  beaucoup  plus  tort 


A  R  B  173 

forme  de  même  une  grofleiir  ,  &  fi  cette 
grofleur  e(l  à  portée  de  la  terre  ,  elle  ne 
manque  pas  de  pouller  des  racines  :  alors 
ii  le  fujet  e(l  plus  h )ible  que  Varbre  c^u  on 


!n 


que  1  intérieur  ,  que  celui  qui  couronne  la 
partie  la  plus  balfe  de  l'écorce.  La  même 
■chofe  arrive  A  i'iniertioa  des  greffes  \  il  s'y 


a  greffé  deiîîis ,  il  périt ,    &  la  greffe  de- 
vient une  véritable  bouture. 

L'analogie  de  ces  bourrelets  &  de  ces 
grofléurs  dont  nous  venons^  de  parler ,  a 
conduit  M.  Duhamel  A  penfer  que  ceux-ci 
pourroient  de  même  donner  des  racines  ; 
il  les  a  enveloppés  de  terre  ou  de  moufle 
humeâee  d'eau  ,  &  il  a  vu  qu'en  ciFet  ils  en 
produifoient  en  abondance. 

Voilà  donc  déjà  un  moyen  d'afîîircr 
le  fiiccès  des  boutures.  Ordinairement 
elles  ne  périffent  que  parce  qu'il  fiut  qu'elles 
vivent  de  la  fève  qu'elles  contiennent,  & 
de  ce  qu'elles  peuvent  tirer  de  l'air  par 
leurs  bourgeons ,  julqu'à  ce  qu'elles  aient 
formé  des  racines  par  le  moyen  que  nous 
venons  d'indiquer.  En  laiiant  fur  la  bran- 
die ,  encore  attachée  à  Vaibre  ,  la  plus 
grande  partie  de  ce  qui  le  palleroit  en 
lerre  ,  on  les  préfervera  de  la  pourriture 
&  du  defï'échement ,  qui  font  ce  qu'elles 
ont  le  plus  à  craindre. 

M.  J!)uhamel  ne  s'eft  pas  contenté  de 
cène  expérience  ,  il  a  voulu  connoître  la 
caufe  qui  faifoit  defcendre  la  fève  en  11 
grande  abondance.  On  pouvoir  foupçonner 
que  c'étoit  la  pefanfeur.  Pour  Ken  éclair- 
cir  ,  après  avoir  tait  des  entailles  &  des 
ligatures  à  des  branches  ,  il  les  a  pliées 
de  façon  qu'elles  euilent  la  tête  en-bas  : 
cette  fituation  n'a  point  troublé  l'opéra- 
tion de  la  nature ,  &  les  bourrelets  fe  font 
formés ,  comme  fi  la  branche  eût  été  dans 
fa  fituation  naturelle.  Mais  voici  quelque 
chofe  de  plus  furprenant.  M.  Duhamel  a 
planté  des  arbres  dans  une  fituation  abfo- 
lument  renverfée  ,  les  branches  dans  la 
terre  &  les  racines  en  l'air  :  ils  ont  repris 
dans  cette  étrange  pofition  ;  les  branches 
ont  produit  des  racines  ,  &  les  racines 
des  feuilles.  Il  efl  vrai  qu'ils  ont  d'abord 
poulîé  plus  toiblement  que  ceux  qui  étoient 
plantés  à  l'ordinaire  :  mais  enfin  ils  ont 
pouffé  ;  &  dans  quelques-uns  de  ces  fiijets, 
la  différence  au  bout  de  quelques  années 
ne  s'appercevoit  plus. 

Il  en  a   fait  arracher  plufieurs ,   &  il  a 
vu  que  les  racines  portoicnt    toutes    des 


'7-  A  RB 

grorieiM-s  qu!  Te  trouvoient  àriniertion  des 
bourgeons  ;  il  a  jugé  en  conféquence  que 
ces  grofl'eurs  analogues  aux  loupes  des 
greffes  &  aux  'bourrelets  caules  par  les  li- 
gatures ,  iroKiit  indLtîorentes  à  prockiirc 
des  bourgeons  ou  des  racines.  Pocir  s'en 
aiTurer  il  a  fait  élever  â  trois  pies  de  haut 
une  f  jtaille ,  qu'il  a  remplie  de  terre  ; 
après  en  avoir  percé  le  fond  de  plulieur^ 
trous,  il  a  pafle  par  ces  trous  des  boutu- 
res ,  dont  le  bout  entroit  dans  le  termiu 
au  dcfTous  de  la  futaille.  Les  unes  étoient 
placées  le  gros  bout  en  haut ,  &  les  autres 
au  contraire.  Toutes  ont  poufTé  des  racines 
dans  la  partie  qui  entroit  dans  le  terrain  , 
des  bourgeons  &  des  feuilles  entre  le  ter- 
rain &  la  futaille  ,  des  racines  dans  la  tu- 
taille  &  des  feuilles  au  deflîis. 

Les  germes  qui  exiflent  dans  les  arbres 
font  donc  également  propres  à  produire 
àss  bourgeons  ou  des  racines  :  le  feul  con- 
cours des  circonllances  les  détermine  h 
l'un  ou  à  l'autre  ;  il  n'en  faut  cependant 
rien  conclure  contre  les  caufcs  finales  :  ce 
n'efl  pas  un  feul  phénomène  qui  peut  ébran- 
ler un  dogme  conforme  à  la  raifon  ,  à  la 
laine  Théologie  ,  &  confirmé  par  une 
multitude  d'ctfets  enchaînés  les  uns  aux 
autres  avec  tant  de  fagefle. 

M.  Duhamel  appuie  l'expérience  précé- 
dente par  un  grand  nombre  d'autres  ,  & 
donne  le  manuel  de  l'opération  néceflaire 
pour  ékver  des  boutures  avec  autant  .de 
lùreté  &  de  facilité  qu'il  eft  poflible.  Voici 
l'extrait  de  ce  manuel. 

Le  vrai  temps  pour  couper  les  boutures 
eft  vers  le  commencement  du  mois  de 
Mars.  Miller  veut  qu'on  attende  l'automne 
pour  les  boutures  à^arbres  verds  :  &  peut- 
titre  a-t-il  railoii.  Il  faut  choifir  une  bran- 
cbe  dont  le  bois  foit  bien  tormé  ,  &  dont 
les  boutons  paroiflent  bien  conditionnés. 
Oti  fera  former  un  bourrelet ,  fi  on  £n  a 
le  teinps  &  la  commodité  :  dans  ce  cas  ,  fi 
la  branche  eft  menue  ,  on  n'entaillera  piis 
l'éccrce  ;  11  fuffira  d'une  ligature  ferme  de 
laiton  ou  de  ficdle  cirée  :  fi  elle  a  plus 
d'un  pouce  de  diamètre  ,  on  pourra  en-  ; 
lever  un  petit  anneau  d'écorce  de  la  lar- 
geur d'une  ligne ,  &  recouvrir  le  bois  de 
plufieurs  tours  de  fil  ciré  :  fi  la  branche  ne 
périt  pas  >  le  bourrelet  en  fer*  plus  gros 


A  R  B 

&  plus  difpofé  à  produire  des  racines  ; 
on  recouvrira  aufîl-tôt  l'endroit  où  fc  doit 
lormer  le  bourrelet  ,  avec  de  la  terre  &  de 
la  raoufib  qu'on  retiendra  avec  un  rclcau 
de  ficelle  :  on  ïsrn  bisa  de  garantir  cet 
endroit  du  fulejl ,  &  de  le  tenir  un  peu 
humide.  Le  mois  de  Mars  fuivaat  ,  \\  ea 
dcfiiii.iit  Taj^jartil  on  trouve  au  deffus  de 
la  ligatura  un  gros  bourrelet ,  on  aura  tout 
lieu  d'efpcrer  du  fuccès  :  fi  le  bourrelet  eft 
chargé  de  mamelons  ou  de  racines  ,  le 
luccès  eil  certain  ;  on  poUrft  en  alîurance 
couper  les  boutures  au  delfous  du  bourre- 
let &  les  mettre  en  terre  ,  comme  on  va 
dire. 

Si  on  n'a  pas  le  temps  ou  la  comrnodité 
de  lailTtr  former  des  bourrelets  ,  on  en- 
lèvera du  moins  avec  les  boutures  la 
groflèur  qui  iê  trouve  à  l'infertion  des 
branches.  Si  dans  la  portion  des  boutures 
qui  doit  être  en  terre  ,  il  y  a  quelques 
branches  à  retrancher ,  on  ne  les  abattra 
pas  au  ras  de  la  branche  :  mais  ,  pour  mé- 
nager la  grofleur  dont  on  vient  de  parler  » 
on  conlérvera  fur  les  boutures  une  petite 
éminencc  qui  ait  feulement  deux  lignes 
d'épaiilèur. 

Si ,  à  la  portion  des  boutures  qui  doit 
être  en  terre  ,  il  y  a  voit  des  boutons  ,  on 
les  aiTachei'oit ,  en  ménageant  feulement 
les  petites  éminences  qui  les  fupportent  , 
puilqu'on  a  reconnu  qu'elles  (ont  dilpofées 
à  fournir  des  racines.  Malpighs  recom- 
mande de  faire  de  petites  entailles  à  l'c- 
corce  ;  &  je  crois  que  cette  précaution 
peut  erre  avantageufe. 

Voilà  les  boutures  choifies  &  taillées  : 
il  faut  faire  en  iorte  qu'elles  ne  fe  deflê- 
chent  pas ,  qu'elles  ne  pourrilîent  pas ,  & 
qu'elles  pouilènt  promptement  des  racines. 
Voyei  ,  dans  le  Mémoire  de  M.  Duha- 
mel ,  ce  «qu'on  peut  pratiquer  pour  remplir 
ces  intentions. 

Quant  aux  marcottes  ,  quand  on  veut 
en  avoir  ixaiicoup  d'un  même  arbre ,  oh 
fait  ce  que  les  jardiniers  appellent  des  me' 
res  ,  c'ei'l-ii-dire  <ju'on  abat  im  gros  arhre 
prelqu'à  ras  de  terre  ;  le  tronc  coupé 
pouffe  au  printemps  quantité  de  bour- 
geons ;  l'automne  l'uivante  on  biMe  la  fou-^ 
che  ,  c'ell-à-dire  qu'on  la  couvre  d'un  bon 
denii-pié  d'cpaiCcur  de  cerre  ,  ayant  foi» 


A  R  B 

que  les  bourgeons  forcent  cn-dehnrs  :  deux 
ans  après  on  trouve  tous  ces  bourgeons 
garnis  de  bonnes  racines ,  &  en  état  d'être 
mis  en  pépinière  ;  &  comme  la  louche  , 
à  mcliire  '  qu'on  la  décharge  de  bour- 
geons qui  ont  pris  racine  ,  en  fournit  de 
nouveaux  ,  une  mcre  bien  ménagée  tour- 
nit  tous  les  deux  ans  du  plant  enraciné  en 
abondance,  &:  cela  pendant  des  nà  i^ 
années. 

La  tige  pouffe  d'autant  plu.^  de  bour- 
geons qu'elle  eft  plus  grolîè  ,  &  qu'on  n'au- 
roit  qu'un  très-petit  nombre  de  boutures 
d'une  tige  qui  n'auroit  que  deux  A  trois 
pouces  Je  diamètre.  En  ce  cas  ,  on  coupe 
la  tij;eà  un  pié  ou  deux  pies  de  terre  :  elle 
produit  quantité  de  bourgeons  dans  toute 
cette  longueur;  l'automne  on  fait  une  dé- 
comble tout  autour  &  une  tranchée  ,  dans 
le  milieu  de  laquelle  on  couche  cette  tige, 
&  on  étend  de  coté  &  d'iratre  tous  les 
bourgeons.  On  couvre  de  terre  la  tige  cou- 
chée &  l'inlcrtion  des  bourgeons  ;  &  on 
■  peut  être  afluré  que  la  féconde  année  , 
toutes  ces  marcottes  (èront  bien  garnies 
de  racines. 

Mais  il  y  a  des  branches  qui  feront  dix 
à  douze  ans  en  terre ,  fans  y  produire  la 
moindre  racine  ;  tel  eu  le  c.-talpa  :  alors  il 
faut  arrêter  la  fève  defcerulante  ,  &  occa- 
iioner  la  formation  d'un  bourrelet  par 
inciGon  ou  par  ligature. 

On  fera  l'incilion  ou  la  ligature  à  la  par- 
tie bafle.  Si  on  lailîe  les  bourgeons  dans  la 
Jituation  qu'ils  ont  prife  naturellement  , 
on  fera  la  ligature  le  plus  près  qu'on  pourra 
de  la  louche ,  ou  de  la  brunchs  dont  on 
fort  la  marcotte.  Si  on  eft  obligé  de  cour- 
ber la  marcotte ,  on  placera  la  lig.uure  à 
la  partie  la  plus  balle  ,  au  delTotts  d'un 
bouton,  de  l'éruption  d'une  branche,  &c. 

Enfin,  comme  les  racines  poull'ent  aux 
endroits  où  les  tumeurs  iont  environnées 
il'une  terre  convenablement  humectée  ,  on 
entretiendra  la  terre  fraîche  &  humide  ; 
ce  iera  pour  les  marcottes  qu'on  fait  en 
pleine  terre ,  en  couvrant  la  terre  de  li- 
tière ,  &  en  l'arrofant.  Quant  aux  mar- 
cottes qu'on  paiTe  dans  des  mannequins  , 
pots  ou  caiffes ,  foye^  ,  dans  le  mémoire 
de  M.  Duhamel ,  les  précautions  qu'il  faut 
prendre. 


A  R  B  175 

Il  fuit  de  tout  ce  qui  précède  ,  que  plus 
on  émdie  la  nature  ,  plus  on  eft  étonné 
de  trouver  dans  les  fujets  les  plus  vils ,  en 
apparence  ,  des  phénomènes  dignes  de  toute 
l'atteiition  &  de  toute  la  curiofité  du  phi- 
lolbphe.  Ce  n'eft  pas  allez  de  la  fuivrc 
dans  Ion  cours  ordinaire  &  réglé  ,  il  faut 
quelquefois  eifayer  de  la  dérouter  ,  pour 
connoître  toute  fa  fécondité  &  toutes  fes 
reHburces.  Le  peuple  rira  du  philoloph^ 
quand  il  le  verra  occupé  dans  lès  jardins 
à  déraciner  des  arljies  pour  leur  mettre  la 
cime  en  terre  &  les  racines  en  l'air  :  mais 
ce  peuple  s'émerveillera  quand  il  verra  les 
branches  prendre  racine  ,  &  les  racines  fe 
couvrir  de  feuilles.  Tous  les  jours  !e  fage 
joue  le  tC>Ïc  de  Démocrite  ,  &  ceux  qui 
l'environnent  celui  6cx  Abdéritains.  Cette 
aventure  eft  des  premiers  âges  de  la  phi- 
lofophie  &  d'aujourd'hui. 

Arbre  de  Judéi-  ,  ou  ArbFvE  de 
Judas  j  i-ovc:?  Gainier.  (/) 

Arbre  ,  (Riff.  nar.  bot.)  qui  porte  des 
!.-!vonnetfes  ,  arbor  fa.pinda.  ;  genre  de  plante 
obfervé  p-ar  le  P.  Plumier.  Ses  fleurs  font 
compo&s  ordinairement  de  quatre  pétales 
difpoles_  en  rolé  ;  le  piftii  Ibrt  d'un  calice 
compoié  de  quatre  feuilles  ,  &  devient  dan;; 
la  liiite  un  fruit  fphérique ,  qui  renferme 
une  petite  noix  auliî  fphérique ,  dans  la- 
quelle il  y  a  une  amande  de  même  figure. 
TouTnçïoTi.InJl.rei herb.  /^.Plante.  (/} 
*  Cet  arbre  eft  déligné  dans  les  bota- 
niftes ,  par  arbor  fjpenar'ui  arnericano-.  II 
croît .;  la  Jamaïque  &  d.uis  d'autres  con- 
trées des  Indes  occidentales.  Son  fruit  eft 
mâr  en  octobre.  Lorlqu'il  eft  fec ,  it  eft 
fphérique ,  d'une  couleur  rougearre  ,  plus 
petit  qu'une  noix  de  galle,  amer  au  goût, 
mais  fins  odeur. 

On  le  recommande  dans  les  pâles  cou- 
leurs. Le  truit  palTè  pour  un  fpécifi-iue 
contre  cette  maladie  ;  il  la  guérit  infailli- 
blement,  jur-tout  quand  on  a  fait  ulage 
des  eaux  terrugîneufes.  On  en  croit  la  tein- 
ture ,  l'extrait  &  l'eiprit  ,  plus  énergiques 
encore. 

Arbre  de  vie,  thuya,  {Hifl.  nat.  bot.) 
arbrifleau  dont  les  embryons  écailleux 
deviennent  des  iruits  oblongs.  On  trouve  ,. 
entre  les  écaille; ,  des  feinences  bordées 
d'uiifeuilkx  délié.  Ajoutez  ,  aux  c.vadcrcs 


17^ 


A  R  B 

de  ce  genre',  In  flriK^lurc  fingiiliere  de  Tes 
feuilles ,  qui  loiit  formL-es  par  de  pérîtes 
écailles polécs  les  unes  liir  les  autres.  Tour- 
nefort  ,  Infl.  rei  herb.  Voy.   PLAN.   (/J 

On  apporta  cet  arbre  de  Canada  en 
France  ,  au  roi  François  I.  Ses  feuilles  font 
réioiutives  ,  dellicat'ves  ,  carminatives  , 
fudorifiques  :  fon  bois  eft  déterfif  ,  iudo- 
rilique  ,  propre  pour  réfiller  aux  venins, 
aux  maux  des  yeux  ou  des  oreilles  ,  étant 
pris  en   poudre   ou  en  infulion. 

Il  cil  ainfi  nommé  parce  qu'il  cft  tou- 
jours verd  ,  &  qu'il  rend  une  odeur  douce 
&  agréable.  On  l'appelle  encore  cèdre 
américain  ,  ou  arbre  toujours  verd.  Il  eft 
chaud  &  apéritif;  il  provoque  les  règles, 
guérit  les  pâles  couleurs ,  diffjut  les  tu- 
meurs :  fon  huile ,  appliquée  fur  la  goutte  , 
la  foulage.  Son  aâion  ert  analogue  à  celle 
du  feu  ;  elle  irrite  &  elle  dlflour  ;  elle 
purge  les  lits  de  puces  &  de  poux.  Boerrh. 
InJl{N) 

"  Nous  croyons  que  les  lefteurs  nous 
»  iauront  gré  de  l'attention  que  nous  avons 
»  de  leur  mettre  fous  les  yeux  la  manière 
»>  dont  M.  le  baron  de  Tfchoudi  a  traité 
»   le  même   fujet.  » 

§  ARBRE  ,  {Bocaniq.  Jardin.)  Pour  dé- 
terminer la  place  que  Varbre  occupe  fur 
l'échelle  végétale  ,  il  eft  lans  doute  inutile 
d'en  parcourir  tous  les  échelons  ;  mais  du 
moins  taut-jl  s'arrêter  aux  derniers  ,  afin 
d'écarter  des  rapports  qui  nous  le  feroient 
confondre  avec  les  plantes ,  &  de  diker- 
ner  par-là  même  les  différences  qui  l'en 
diftinguent. 

I.  Comme l'arbriffeau  ne  diffère  de  Varbre 
qu'en  ce  qu'il  pouffe  de  lon.pié  plufieurs 
branches  à  -  peu  -  près  d'égaFe  torce  ,  que 
cette  différence  n'eil  pas  effentielle  ,  &  qu'il 
lui  refleiTible  parfaitement  dans  toutes  les 
parties  conflituantes  ;  comprenons-le  dans 
l'idée  générale  de  Varbre ,  &  voyons  par 
quels  traits  Varbre  eft  caraâérifé. 

Seroit-cc  par  l'appareil  de  fes  vaiflèaux  ? 
Il  eft  le  même  dans  la  plupart  des  plantes  : 
par  la  tige  lubfiflante  ?  quelques  plantes 
bilannuelles  en  (ont  aufll  pourvues  :  par 
fa  longévité  ?  des  plantes  vivaces  durent 
aufll  long-temps  que  certains  arbres  :  les 
boutons  intérieurs  qui  repercent  fous  l'é- 
curce  ,  font  communs  à  d' autres  ordres  de 


A  R  D 

'  végétaux  ;  &  fi  les  boutons  à  fleurs  affiiej 
ne  le  trouvent  dans  auctinc  plante  ,  ils   ne 
le  rencontrent  pas  non  plus  dans  tous  les 
arbres.    Les    boutons  extérieurs   à  bois  ne 
diff-rent  guère  de    ceux    qui  s'élèvent  fur 
la  couronne  des  racines  des  plantes  vivaces  ; 
ceux  -  ci  contiennent  lei  rudimens  des  tiges       \i  t 
futures,  &  ceux-là  renlerm^nt  les  nouveaux      <aH 
bourgeons  :  ces   boutons  lont  cependant  la     r^H 
feule  marque  oiftindive  de  Varbre  ,  mais- 
on tant  qu'ils  repol'ent  fur  des  tiges  &  des 
branches  fubfiilanres ,   &  qu'ils  font  cxade- 
ment  lermts  par  le  bout. 

Les  premiers  arbriffeaux  qui  s'élancent 
l'ur  une  tige  unique  ,  doivent  être  les  der- 
niers arbres ,  &  nous  les  appellerons  arbres 
du  quatrième  ordre  j  tels  lont  les  hlas  & 
l'obier  :  viennent  enl'uite ,  fuivant  leur  de- 
gré d'élévation  ,  les  arbres  du  troifieme 
ordre  ,  comme  le  (orbier  des  olfeieurs  & 
legriotier:  ceux  du  fécond  ,  coinme  le  faux, 
fycomore  &:  le  trcne  :  enfin  ceux  du  pre- 
mier ,  comme  le  noyer  ,  le  châtaigner  & 
le  chêne  ,  ouvrage  des   fiecles. 

i.  A  melure  que  le  règne  végétal  s'élève  , 
il  améliore  &  embellit  davantage  la  de- 
meure de  l'homme  ;  que  la  terre  foit  ta- 
piiîëe  de  prairies ,  c'eft  une  forêt  pour  l'in- 
iède  qui  rampe  au  fond  de  l'herbe  ;  mais 
les  yeux  de  l'homme,  naturellement  dirigés 
vers  le  ciel ,  font  bientôt  las  d'être  baiffes 
vers  ce  tapis  de  verdure  qui  les  foulage 
pourtant; ils  reçofvcnt  avec  bien  du  plaifir 
la  lumière  trop  éclatante  des  cieux  ;  lorl- 
qu'elle  defcend  tempérée  par  l'ombre  ver- 
doyante des  arbres  ,  comme  elle  eft  enfuite 
modifiée  par  la  paupière  llipérieure.  Qu2 
les  regards  s'étendent  au  loin  ,  ils  fe  fati- 
guent en  errant  fur  une  furface  trop  plane 
&  trop  uniforme.  Les  arbres  &  les  bois 
placés  çà  &  là  fur  l'efpacc ,  procurent  des 
points  de  repos  à  la  vue  :  ils  coupent  la 
plaine,  ils  coiffent  les  montagnes,  ils  def- 
finent  les  ruiifeaux  &  les  valions  ,  ils  font 
rcffortir  mille  grouppes  du  tond  du  tableau  ; 
c'eft  de  leurs  touffes  épaiffes  que  partent 
les  concerts  de  la  nature  ;  dociles  au  foutHe. 
des  vents  ,  ils  i'emblent  refpirer  la  vie  ;  leurs . 
rameaux  agités  animent  la  icene  champêtre , 
dont  ils  font  en  un  mot  prefque  tout  l'or- 
nement. 

Quelle  affrcufe  nudité  n'offrent  pas  les 

pôles 


A  R  B 

pôles  du  monde  qui  en  font  de'nucs  !    Ce 
trifte  fpeiftacle  fc  retrouve  fur  le  fommet  des 
mont.igiics.    Après    avoir  dcfccndu   long- 
temps depuis  la  cime  des  plus  hautes  Alpes 
au  travers  des  glaces  &  des  neiges  ,  le  pre- 
mier arbrifîèau  que  je  rencontre  ell  un  faulc 
qui  rampe  contre  les  pierres  ;     la    petite 
dapliné    avertit  bientôt  mon  odorat ,    elle 
attire  mes  yeux  par  l'aménité  de  les  Heurs 
incarnates  y   mais  elle  ne  croit  qu'à  un  pié 
de  haut  :  plus  bas ,  un  bolquet  de  ledum 
me  préfente  des  touffes  purpurines  qui  at- 
teignent à  ma  hauteur  ;   bientôt  je  trouve 
les  berceaux  des  coudriers  ;  ils  me  condui- 
iênt  vers  un  bois  d'aliziers  qui  me  couvrent 
d'un  dôme  plus  élevé  ;  leurs  tiges  élancées 
m'annoncent  que  je  vais  renconti-er  les  plus 
grands  arbres.   En  effet  ,   du  périilyle  des 
liipins  ,  j'entre  fous   la  nef  majeilueule  des 
hêtres  &  des  chênes  :  affis  à  leur  ombre 
fraîche  ,     combien  le   fentiment  de  mon 
cxiflence    me    devient  agréable  !    Que  ma 
poitrine  efl  dilatée  par  un  air  plus  humec- 
tant !  Que  mes  yeux  fatigués  par  l'éclat  des 
neiges  le  foulagent  en  s'égarant  lous  ce  dais 
de  verdure  !   Que  ma  vue  échappée  au  tra- 
"  vers  des  rameaux  ,  tombe  avec  plaifir  fur  le 
vallon  voifin! 

3.  J'éprouve  tout  l'agrément  des  arbres  , 
&  déjà  je  découvre  les  biens  les  plus  pré- 
cieux que  nous  leur  devons.  La  fumée  qui 
s'élève  de  ces  hameaux ,  cette  charrue  qui 
rompt  la  glebe  ,  cette  forge  qui  retentit , 
cette  gondole  qui  fillonne  les  eaux  ,  me 
donnent  la  plus  grande  idée  de  leur  utilité: 
les  arts  de  premier  befoin  ne  peuvent  fe 
pafler  de  leurs  bois  ;  il  fert  aux  arts  agréa- 
bles ;  mais  avant  d'être  livrés  à  la  hache  , 
que  de  préfens  les  arbres  nous  ont  faits  ! 
C'eff  de  leurs  rameaux  que  la  pomme  & 
l'orange  tombent  à  nos  pies  ;  les  uns  don- 
nent un  fruit  qui  fupplée  le  pain  ;  d'autres 
fournidènt  une  liqueur  vineulé  :  les  châtai- 
gnes &  les  glands  doux  contiennent  une 
farine  ,  le  fagou  vient  de  la  moelle  d'un 
palmier  ;  l'huile  découle  de  l'olivier ,  du 
noyer  &  du  hêtre  ;  la  fève  du  bouleau  efl 
une  liqueur  ratraîchiflante  ;  les  feuilles  du 
tahpot  &  du  bananier  couvrent  les  cabanes , 
l'écorce  d'un  autre  arbre  procure  une  forte 
de  dentelle  :  on  fait  des  cordages  de  celle 
du  tilleul ,  &  de  la  toile  de  quelques  au- 
Toinc  m. 


^A  R  B  ï^j 

tecs  ;  les  feuilles  du  mûrier  font  tifTucs  de 
foie  ;  le  fucre  cfl  délayé  dans  la  fève  des 
érables  ;  la  poix  ,  la  térébenthine  exfudcnt 
des  lapins  &  des  térébinthes  ;  la  graine  d'un 
mirica  efl  enveloppé  de  cire  ;  un  arbre  de  h 
Chine  fournit  du  fuif ,  les  vernis  fortent  du 
tronc  des  fumacs  ;  les  abeilles  trouvent  le 
miel  lur  la  feuille  du  faux  fycomore  ;  ht 
manne  (e  fige  lur  celle  du  frêpie  de  Calabrc; 
&c  du  melele ,  au  pié  duquel  croît  l'agaric 
inédical  ;  le  fucre  acide  du  tamarin  s'oppofe 
à  la  putriditédes  humeurs  ;  la  cafie  donne 
un  purgatif  rafraîchiUant  ;  une  écorce  dé- 
truit la  fièvre;  le  peuplier  ,  le  copaïda  four- 
niflènt  un  baume  déterlit  ;  le  gayac  opère 
les  prodiges  du  mercure  ;*  dans  un  pa)'s 
privé  de  fontaines,  l'eau  dégoûte  des  feuil- 
les d'un  arbre.  Nous  ne  finirons  pas ,  fi 
nous  voulions  détailler  tous  les  ufages  de 
ces  végétaux.  Telle  efl  la  protufion  de  la 
nature  ,  qu'elle  raflemble  fouvent  dans  unô 
feule  defes  produdions  les  avantages  de  tou- 
tes les  autres. 

4.  L'utilité  des  arbres  peut  être  encore 
envifigée  fous  un  nouvel  aipeâ  ,  des  plus  in- 
téreflans  par  leurs  eflets  fur  le  fol. 

Telle  montagne  ne  s'aflaiffe  &  ne  fe  dé- 
charné par  les  éhoulemens  fuccefltfs  ,  que 
parce  qu'on  l'a  privée  des  arbres  qui  rete— 
noient  les  terres  par  l'entrelacement  de  leurs 
racines  :  couverte  d'une  épaiffe  forêt ,  cette 
autre  montagne  gagne  annuellement  de 
nouvelles  couches  de  terre  par  la  pourri- 
nire  des  feuilles  ,  des  racines  &  des  ra- 
meaux. 

Quelques  femences  d'arbrifîeaux  faxatiles 
font  jetées  fur  un  rocher  nu  ;  qu'elles  y 
germent ,  ces  arbrifliaux  profiteront  d'une 
de  fes  crevafîês  où  leurs  racmes  vont  s'éten- 
dre ;elles  y  puiferont  les  lues  de  quelque  amas 
de  terre  recelé  dans  fbn  fein  :  dépofés  main- 
tenant fur  la  fuperfîcie  du  rocher  ,  par  le 
détritus  des  parties  de  l'arbufle  qui  tombent 
ou  fe  détruilent  ,  ces  principes  ,  naguère 
inutiles  ,  vont  couvrir  le  rocher  d'une  petite 
couche  de  terre  végétale  ;  à  mefure  que 
cette  elpece  s'y  multipliera  ,  cette  couche 
augmentera  de  volume  :  avec  le  temps  elle 
admettra  des  efpeces  d'arbriffeaux  plus 
élevés  ;  enfin  de  grands  arbres  pourront  y 
croître. 

D'après  ce  procédé  de  la  nature.,   que 


178  A  R  B  A  R  B 

l'on  feme  fùcceffivement  ,  fur  un  fol  trop  ^  que  les   principes   qu'ils  s'approprient  (îe- 


peuprofond  ,  des  taillis  d'arbrifleaux  d'elpe- 
ces  toujours  plus  élevées  ;  on  le  rendra  par 
la  fuite  capable  de  porter  des  bois ,  ou  d'ê- 
tre fiilonné  par  le  ibc. 

Le  féjour  des  forêts  a  d'abord  fécondé  la 
terre  :  qu'elles  cèdent  aux  guérets  &  aux 
prairies  une  partie  de  l'étendue  qu'elles 
av oient  envahie  ,  mais  qu'on  fe  rappelle 
leurs  premiers  bienfaits  :  il  ne  fuffit  pas  de 
les  conferver  dans  la  proportion  de  nos  be- 
foins  ;  il  convient  encore  d'en  couvrir  les 
terres  maigres ,  &  d'en  enrichir  les  fols  trop 
peu  protonds ,  dans  la  vue  de  les  rendre  un 
jour  capables  de  culture. 

Les     arbres  "pourroient  -  ils    augmenter 
l'épaiileur  du  fol ,   s'ils  n'attiroient  pas  plus 


de  principes  nutritifs  de  l'air ,  qu'ils  ne 
l^ompent  de  fucs  dans  la  terre.  Plufieurs 
oblervations  paroiflent  prouver  ce  para- 
<ioxe  ;  perfonne  n'ignore  que  l'atmofphere 
charie  quantité  de  fubftances  ;  des  bafes  ter- 
reufes  ou  alkalines  expolées  au  courant  de 
l'air  libre  ,  fè  combinent  avec  les  acides 
qui  y  nagent  &  forment  des  fels  neutres. 
Qu'on  ouvre  la  terre  ,  &  qu'on  laifîè  la 
glèbe  long-temps  expolée  aux  influences  de 
l'air ,  ce  fluide  lui  rendra  les  fucs  épuiiés 
par  la  récolte  précédente  :  feroit-ce  que  la 
terre  ,  telle  qu'elle  fe  trouve  autour  du 
globe ,  ne  tait  guère  ,  à  l'égard  de  la  végé- 
tation ,  que  filtrer  ,  préparer  &  combiner 
les  principes  contenus  dans  l'air  qui  la  pé- 
nètre ? 

Quoi  qu'il  en  foit  ,  il  n'efl  guère  poffi- 
ble  de  douter  que  certains  arbres  ne  tirent 
plus  de  nourriture  de  l'air  par  leurs  orga- 
nes d'imbibition ,  qu'ils  n'en  dérobent  A  la 
terre  par  leurs  racines  :  il  femble  que  la  na- 
ture ait  pris  foin  de  nous  dévoiler  ce  myf- 
tere  ,  en  nous  ofl&ant  un  arbufl'e  pourvu  , 
Ibus  l'aiflelle  de  ks  feuilles ,  de  racines 
fibreu(es  qui  nagent  dans  l'air.  Le  cierge 
du  Pérou  vient  d'autant  plus  haut  qu'il  eft 
reflerré  dans  un  plus  petit  pot ,  &  l'on  a  vu 
des  pins  hauts  de  vingt  pies  ,  croître  fur  des 
murailles. 

Mais  ,  {bit  qu'en  efïèt  les  arbres  firent 
immédiatement  plus  de  nourrriture  de  l'at- 
molphere  que  du  fol,  foit  qu'ils  pompent 
dans  les  lits  de  terre  les  plus  profonds ,  des 
i'ucs  qnui  y  (croient  demem-és  inutiles,  Ibit 


viennent  plus  féconds  ,  en  paffant  par  cet 
alembic  végétal  ;  foit  enfin  que  toutes  ces 
cauies  agillent  enfemble  ,  il  eil  très-vrai 
que  le  féjour  des  arbres  améliore  le  loi  & 
augmente  Ion  épailfeur  :  ils  lervent  encore 
à  le  delTécher. 

5.  Couvrez  un  marais  A'' arbres  ,  le  ter- 
rain s'élèvera  parle  détritus  végétal  qu'ils 
dépoferont  ,  leurs  racines  le  haufleronr  en 
grofliflant  ;  elles  fourniront ,  le  long  de 
leurs  parois  ,  des  couloirs  à  l'eau  ;  mais  ce 
qui  contribuera  peut-  être  le  plus  à  fa  re- 
traite ,  c'ed  Ibn  abiorption  produite  par  la 
prodigieuletranipirationdes  jeunes  rameaux 
&  des  feuilles. 

6.  Cette  tranfpiration  eft  même  un  nou- 
veaubien  ,  l'air  en  ell  trempé  \  on  le  refpire 
plus  humedant  &  plus  balfimique.  Vers 
la  fin  d'avril  ,  lorfque  la  poitrine  efl  fati- 
guée par  les  vents  defléchans  ,  comme  on 
defire  alors  la  verdure  nouvelle  !  On  lent  fi 
bien  la  fraîcheur  qu'elle  met  dans  les  pou- 
mons. Après  avoir  parcouru  les  coteaux 
brûlés  par  le  foleil  ,  qu'on  approche  d'une 
forêt  ,  l'odeur  végétale  qu'elle  répand  , 
caufe  un  plalfir  qui  avertit  du  mieux  être 
de  toute  l'économie  animale.  Dans  certai- 
nes efpeces  A' arbres  ,  comme  les  peupliers  , 
les  pins  ,  les  melefes ,  cette  odeur  elt  un 
vrai  baume  ;  qu'on  voie  ,  à  cet  égard  ,  ce 
que  nous  en  difons  à  Vartide  CYPRÈS. 
Dans  une  île  de  la  mer  Pacifique ,  Telfart 
qu'on  y  fit  des  forêts  de  cèdres ,  rendit  A 
l'air  une  qualité  fi  mal  -  faine  ,  qu'on  tut 
obligé  de  les  replanter. 

7.  Que  les  arbres  rafîêmblés  foient  autlî 
une  des  fources  des  pluies  bienfailantes  , 
c'eft  ce  dont  on  ne  peut  pas  douter.  Il  s'é- 
lève de  la  tranfpiration  des  torèts ,  &  de  la 
fraîcheur  qu'elles  entretiennent  dans  leurs 
fonds ,  une  évaporation  confidérable  :  les 
nuages  s'enrichilfcnt  de  ces  parties  aqucu- 
fes  ;  portées  fur  les  vents ,  elles  vont  fécon- 
der les  terres  qui  en  étoient  privées.  Les 
vents  font  modifiés ,  brifés  &  dirigés  par 
les  bois  :  telle  contrée  ne  jouit  d'un  climat 
11  doux  ,  en  comparaiion  de  celle  qui  l'avoi- 
fine  ,  que  par  l'abri  dont  la  couvrent  les 
forêts  lltuées  au  nord  -  eil  &  nord  -  oucft  ; 
dans  les  paya  chauds ,  au  contraire  ,  elles- 
tempèrent  les  vcms  brûians  ;  depuis  quoi» 


A  R  8 

les  a  couples  dans  la  Caroline  ,  on  a  ot- 
lèrvé  que  les  moiflbns  n'y  lont  plus  fi 
abondantes. 

Combien  tant  d'avantages  que  nous 
procurent  les  arbres  ,  ne  doivent  -  ils  pas 
nous  rendre  attentifs  aux  facultés  de  re- 
produâion  dont  l'auteur  de  la  nature  les 
a  doués  !  fuivons  -  la  dans  lès  procédés  , 
nous  ne  pouvons  jamais  nous  égarer  en 
l'imitant. 

8.  Prelque  toutes  les  femences  des 
arbres  ont  une  forme  ou  une  propriété 
capable  de  procurer  leur  diiperfion  ;  celles 
<ks  fapins  ,  des  érables  ,  des  frênes  ,  des 
tulipiers  ,  des  bouleaux  ,  font  pourvues 
d'une  aile  ;  les  noix  ,  les  glands  ,  les  châ- 
taignes ,  par  leur  rondeur  ,  roulent  au  bas 
des  coteaux  ;  les  oifeaux  lèment  les  noyaux 
&  les  pépins  ;  les  ofTelets  du  houx  ont  reçu , 
dans  l'eflomac  des  grives  ,  une  préparation 
qui  hâte  leur  germination  ,  ils  font  dépofés 
avec  leur  fiente. 

Mais  ces  graines  que  répand  la  nature  , 
ne  peuvent  pas  germer  &  croître  dans  tous 
les  lieux  où  elles  tombent. 

Pourquoi  le  lapin  hériffe-t-il  le  front  des 
montagnes  ,  &  que  le  peuplier  s'incline  fur 
le  rivage  des  eaux  ?  C'efl  que  les  femences 
de  ces  arbres  ont ,  avec  ces  fituatlons  ,  des 
rapports  qui  les  y  font  prolpérer. 

Quel  eft  le  nuage  qui  environne  la  tête 
de  ce  faule  ?  C'eff  la  foule  de  fes  graines  qui 
s'élèvent  à  l'aide  des  aigrettes  dont  elles 
font  pourvues  :  confiées  aux  vents  qui  les 
charient  à  l'aventure  dans  l'efpace  de  l'air  , 
elles  font  enfin  dépofées  en  des  lieux  bien 
difiérens.  Toutes  celles  qui  fe  trouvent 
paries  fur  les  coteaux  &  dans  les  terres 
feches  ,  font  perdues  :  celles  -  là  feules  ger- 
meront qui  ont  été  jetées  fur  la  moufle  qui 
tapifle  le  bord  d'un  ruifTeau  ;  mais  com- 
bien de  femences  inutilement  prodiguées , 
pour  une  qui  réuffit  ?  En  feroit-il  né  un 
feul  arbre  ,  ii  la  nature  l'avoit  répandue  avec 
moins  de  profufion  ? 

1°.  De  cette  obièrvation  naît  le  premier 
principe  de  la  multiplication  artificielle  des 
arbres.  Ne  les  femez  que  dans  des  terres 
&  des  fituations  analogues  à  celles  où  la 
nature  les  fait  croître  ;  ainfi  vous  procu- 
rerez à  des  millions  de  femences  les  mêmes 
avantages  qu'a  rencontré  cette  graine  pri- 


A  R  B  17^ 

vilégîée  ,  jetée  par  les  vents  dans  un  local 
favorable. 

Cette  graine  qui  tombée  fortuitement  fur 
un  fol  &  dans  une  expofition  convenable  , 
ne  peut  jamais  être  que  très -légèrement 
couverte  de  terre  ,  foit  par  l'effet  des  pluies  , 
foit  par  quelque  petit  éboulement  ;  fouvent 
elle  n'a  befoin  que  de  s'infinuer  dans  les 
touffes  de  la  moufîê ,  ou  bien  fous  quelques 
feuilles  feches  :  ainfi  elle  poufle  fes  foibles 
radicules  dans  cette  fuperficie  de  terre  meu- 
ble ,  qui  n'efl  qu'un  détritus  de  fubflances 
végétales  ;  par  conféquent  les  racines  laté- 
rales du  jeune  arbre  provenu  de  cette  graine  ^ 
s'étendront  toujours  à  peu  de  profondeur  , 
elles  profiteront  des  fucs  qui  abondent  dans 
cette  première  couche ,  de  même  que  du 
bénéfice  des  météores  qui  pénètrent  ailé- 
ment  la  terre  légère  &  poreufè  dont  elle  eft 
compofée. 

2°.  N'enfoncez  jamais  trop  ni  les  femen- 
ces â! arbres ,  ni  les  jeunes  arbres  que  vous 
confierez  à  la  terre  ,  &  recouvrez  les  femen- 
ces de  ce  terreau  léger  &  végétal  que  leur  a 
préparé  la  nature. 

Suivez  ,  dans  fa  croiflânce  ,  cet  arbre 
enfant  qui  vient  de  s'élancer  du  fein  de  la 
graine  ,  il  a  d'abord  une  tige  imique  pour- 
vue de  plufieurs  feuilles  ;  à  leur  aiflêlle  fè 
trouvent  autant  de  boutons  ,  ces  boutons 
contiennent  les  rudimens  des  jeunes  bran- 
ches qui  en  fortent  la  féconde  année  :  ces 
branches  font  difpofées  latéralement  :  le 
bouton  terminal  efl  le  feul  qui  produife 
une  branche  verticale  qui  continue  ]! arbre 
en  hauteur  ;  ainfi  ,  durant  plufieurs  années  , 
il  reffemble  parfaitement  à  un  buiflbn  ; 
cependant  fa  flèche  s'élève  toujours  ,  tandis 
que  la  fève  ,  arrêtée  par  les  branches  laté- 
rales ,  grofEt  le  tronc  fucceffivement  :  ainfi  , 
parla  proportion  qu'il  acquiert ,  il  fe  pré- 
pare à  braver  l'efïort  des  tempêtes  ;  peu 
à  peu  il  perd  fes  branches  latérales  infé- 
rieures ,  que  la  fève  abandonne  pour  fè 
porter  plus  vivement  vers  fa  partie  fupé- 
rieure  ;  ou  ,  s'il  croît  d'autres  arbres  autour 
de  lui  ,  elles  fe  fechent  par  la  privation  du 
courant  d'air  ;  alors  fe  forme  fa  tête  qu'un 
tronc  vigoureux  porte  aifément. 

3°.  Cette  obièrvation  efl  le  principe  de 
l'importante  opération  d'élaguer. 

Divers  arbres  croiflènt  près  les  uns  des 

Z  2. 


i8o 


A  R  B 


entres  dans  une  torct  ,  &  vivefit  comme 
en  l'ociété  ;  leurs  têtes  entremêlées  ne  pa- 
roiflent  former  qu'une  feule  voûte  :  parmi 
leurs  branches  entrelacées  ,  j'en  vois  quel- 
ques -  unes  qui  fe  crollent ,  qui  fe  prefTent 
&  femblent  faire  corps  enfemble  :  je  regarde 
de  plus  près  ;  celles-ci  fe  trouvent  entail- 
lées les  unes  dans  les  autres  ,  mais  elles  ne 
font  pas  jointes  ;  celles-là  ,  au  contraire  , 
font  étroitement  unies  ,  ce  n'efi  qu'un  feul 
nœud  formé  par  l'abouchement  des  vaifîeaux 
Jigneux  :  ce  mariage  intime  m'annonce  que 
les  arbres  d'où  partent  ces  branches  font 
d'une  même  famille. 

4°.  Voilà  le  principe  de  toutes  les  allian- 
ces qu'on  peut  faire  contrader  aux  diffé- 
rentes efpeces  ou  variétés  d'arbres  ,  en  un 
mot  de  leur  multiplication  par  la  greffe. 

En  arrachant  un  jeune  arbre  dans  un 
bois  ,  une  de  fes  branches  dont  on  s'efl 
débarrafle  ,  eft  tombée  dans  la  terre  nou- 
vellement remuée  ,  elle  s'y  trouve  comme 
fichée  par  un  bout  :  efl-ce  la  fraîcheur  en- 
tretenue par  l'ombre  qui  lui  a  fait  poufler 
des  racines  au  bout  de  quelques  mois  ? 

50.  Cette  bouture  fortuite  ert  le  modèle 
de  cette  voie  curieufe  &  fertile  de  repro- 
duftion. 

Qu'une  branche  inférieure  d'une  cepée 
traîne  fur  la  terre  ,  dans  un  taillis  ,  les 
feuilles  de  l'automne  vont  recouvrir  l'en- 
droit le  plus  bas  de  fa  courbure  ,  tandis 
qu'elle  fe  relevé  un  peu  par  le  bout.  L'au- 
tomne fuivante,  û  je  haufle  cette  branche , 
je  la  trouve  garnie  de  jeunes  racines  dans 
toute  la  partie  qui  étoit  cachée  ,  &:  j'obferve 
qu'elles  partent  des  nœuds  &  des  petites 
protubérances  de  l'écorce. 

00.  C'eflde  l'obfervation  de  cette  marcote 
naturelle  que  doivent  fe  former  les  méthodes 
de  marcoter  les  arbres. 

On  voit  des  arbres  poufler  de  leurs  pjés 
des  branches  droites  ,  appellées  e'cujers  y 
«n  déterrant  ces  écuyers  ,  on  les  trouve 
.pourvus  de  quelques  racines  ^  s'ils  adhèrent 
^u  tronc  d'un  côté  ,  ils  s'appellent  éclats  ,  du 
moment  qu'on  les  a  détachés.  Plus  loin  du 
.rronc  ,  il  s'élève  fouvent  nombre  de  petits 
arbres  :  un  coup  de  bêche  apprend  qu'ils 
.partent  des  nœuds  fupérieurs  des  racines 
latérales  qui  s'étendent  fous  la  première 
couche  de  terre  ;  qu'une  de  ces  racines  fe 


A  R  B 

trouve  coupée  par  une  tranchée  ,  il  partira 
de  ion  bout. quantité  de  rejets. 

7°.  Ces  faits  procurent  &  indiquent  dlf- 
férens  moyens  très-utiles  de  multiplier  les 
arbres. 

Dans  le  nombre  des  fruitiers  qui  croif^ 
fent  naturellement  dans  les  bois ,  j'en  trouve 
dont  les  fruits  méritent  d'être  trani'plantés 
dans  nos  jardins  ;  comme  ils  n'ont  pas  été 
greffés ,  ils  ne  peuvent  provenir  que  d'un 
noyau  &  d'un  pépin  ;  ce  pépin  ou  ce 
noyau  étoient  donc  organifés  différemment 
de  ceux  des  fruitiers  agreftes.  Les  plus 
communs  ne  feroient-ils  pas  nés  de  la  pro- 
jedion  fortuite  des  pouffieres  prolifiques 
d'une  certaine  efpece  dans  les  ovaires  d'une 
autre  efpece. 

8°.  Cette  conjeâure  m'engage  à  femer 
les  graines  des  fruitiers  qui  fe  trouvent 
rafîemblés  dans  nos  vergers  :  comme  ils  y 
forment  une  forte  de  fociété  ,  ils  ont  pu 
contrader  des  alliances  ,  d'où  il  doit  naître 
de  nouveaux  fruits. 

Que  je  feme  les  noyaux  ou  pépins  de  ces 
fruits  ,  dans  le  nombre  de  ceux  qui  en 
feront  provenus  ,  peut-être  s'en  trouvera- 
t-il  quelques-uns  qui  leur  reflèmbleront  plus 
ou  moins  j  mais  on  verra  revivre  dans  la 
plupart  l'ancien  modèle  ,  c'eff-à-dire  ,  les 
efpeces  agreiles  &  primitives  qui  tormenî 
leur  louche  commune. 

9°.  Loin  donc  que  la  greffe  produife 
quelque  altération  dans  le  caradere  des 
fruits  ,  elle  n'ert  faite  ,  au  contraire  ,  que 
pour  perpétuer  &  fixer  les  variétés  trouvées 
ou  obtenues  fortuitement. 

Cependant ,  qu'un  arbre  fe  trouve  greffé 
fur  un  autre  dont  le  bois  eil  fort  diffé- 
rent ,  foi^y-ent  il  arrive  que  le  bois  du  lujet 
■  change  de  couleur  peu  à  peu  ,  &  s'imbibe 
de  celle  de  l'efpece  greffée  :  d'où  il  fuit  que 
I  la  levé  des  greffes  a  été  repompée  par  le 
fujet  ;  à  plus  forte  riiifon  la  fève  des  lujets 
doit-elle  opérer  fur  les  greffes. 

10°.  Encore  ,  bien  donc  que  la  greffe  foie 

faite  pour  fixer  le  caradcre  des  fruits  ,  elle 

^  peut  néanmoins  ,   par  le  choix    du  lujet  , 

leur  faire  iubir  quelques  légers  changcmens  , 

;  &  contribuer,  piir  exemple,  à  leur  colons, 

!  leur  groflèur ,  leur  goût ,  leur  abondance. 

J'admire  la    beauté  de  cet  arbre  que  la 

nature  a  ékvé  clans  k  iwà  des  iurêts  1 1* 


A  R  B 

flèche  s'élance  à  une  hauteur  confuléniblc  , 
Tes  rameaux  régLiliers  lui  donnent  une  forme 
pyramidale  ,  c'eit  dommage  qu'il  ne  porte 
point  de  fruits  :  cet  autre  ,  au  contraire  , 
en  cil  chargé  ,  qui  n'attiroit  pas  d'abord 
mes-  regards  ,  je  l'obfcrve  :  fa  flèche  a  été 
rompue  par  un  coup  de  vent  ,  la  tige  efl 
demeurée  baflè  ,  il  en  part  des  branches 
divergentes  à-peu-prcs  d'égale  force  ,  qui 
portent  d'autres  branches  du  lecond  &  du 
troifieme  ordre  ,  où  la  fève  paroît  également 
&  fobrement  diflribuée. 

11°.  Cette  obfervation  efl  le  principe  de 
l'importante  opération  de  la  taille. 

Que  ce  vallon  efl  décoré  par  cette  malTe 
à'd'ères  fruitiers  !  l'heureux  fol  !  quelle 
abondance  de  truits  !  Je  les  goûte  ,  ils  font 
fades  ou  amers  ;  iur  un  rocher  expofé  aux 
rayons  du  midi  ,  ils  font  peints  des  plus 
vives  couleurs  ,  mais  leur  goût  efl  trop 
mufqué  ;  ils  font  petits  &  durs  :  fur  ce 
coteau  expofé  au  levant ,  où  la  terre  efl  fubl- 
tantielle  ,  quoique  mclée  de  gravois  ,  les 
fruits  font  lavés  de  couleurs  tendres  ,  ils 
font  d'une  belle  torme  ,  d'une  pâte  douce  , 
d'un  goût  exquis  ;  leur  abondance  eft  mé- 
diocre ;  ils  chargent  les  branches  lans  les 
courber. 

12°.  De  ces  comparaifons  nailTènt  les 
règles  propres  à  guider  le  cultivateur  dans 
le  mélange  des  terres ,  l'expofition  naturelle 
ou  artificielle  qui  conviennent  aux  arbres 
à  fruits. 

13°.  Des  êtres  organifés  qui  vivent,  s'ac- 
croilTent  ,  fe  perpétuent  par  l'admifllon  & 
la  modification  des  principes  qu'ils  tirent 
des  élémens  ;  des  êtres  qui  ne  fe  confer- 
vent  que  par  l'adion  &  la  réaftion  des  li- 
quides &  des  folides  ,  dont  les  humeurs 
font  même  de  diflérente  efpece  ,  &  les 
vaifleaux  de  différente  llrudure ,  les  arbres 
auflî  bien  que  les  plantes  doivent  être  fujets 
à  des  défordres  ,  &  ils  ont  fur -tout  de 
commun  avec  les  autres  plantes ,  les  ma- 
ladies qui  attaquent  la  racine. 

Mais  les  arbres  font  en  général  des  corps 
plus_  compoiés  que  la  plupart  des  plantes  , 
ils  font  pourvus  d'une  tige  pérenne  qui  fait 
leur  caradere  principal  :  cette  tige  avec  fes 
branches ,  les  boutons  &  fes  feuilles ,  eft  une 
machine  hydraulique  &  pneumatique  ,  dont 
le  jeu  doit  être  en  harmonie  avec  les  racines 


A  R  B 


i?i 


qui  font  l'office  des  pompes.  Que  cette  réac- 
tion (oit  interrompue  ou  troublée  ,  il  en 
doit  réfulter  divers  accidens  ;  auffi  vo^t-on 
que  les  maladies  des  feuilles  de  Varbre  i"e 
communiquent  fouvent  aux  bourgeons  , 
de  -  là  ,  aux  branches  ,  au  tronc  &  quelque- 
fois aux  racines  ;  que  s'il  arrive  qu'elles 
demeurent  faines ,  Varbre  a  perdu  la  tige , 
&  n'elt  par  conféquent  plus  un  arbre  ;  au 
contraire  ,  la  tige  d'une  plante  peut  périr 
phdleurs  fois  ;  fi  les  racines  fubfiltent  ,  elle 
renaîtra  bientôt  aulîi  haute  &  auifi  belle. 

D'ailleurs  ,  la  tige  de  Varbre  qui  flotte 
dans  l'air  ,  &  qui  doit  braver  les  hivers  , 
efl  continuellement  cxpoléb  aux  variations 
des  météores  ;  les  vents  lui  procurent  la 
lanté  ,  ou  lui  portent  les  germes  des  mala- 
dies ,  fuivant  qu'ils  lont  chargés  d'une  fraî- 
cheur bientaifante  ,  d'une  douce  chalem-  , 
des  principes  vivifians  ,  ou  qu'ils  charient 
des  dards  frigorifiques ,  des  exhalaifons  brû- 
lantes ,  des  mialmes  dangereux. 

Rarement  les  arbres  deviennent  malades 
durant  l'hiver  ,  lorfque  leur  tranfpiration 
efl:  prelque  nulle  ;  c'eft  dans  le  printemi'-s 
&  l'été ,  qu'elle  efl  fort  abondante ,  que  les 
arbres  font  fujets  à  plus  de  délordres.  Il 
paroît  donc  que  ces  défordres  dépendent 
en  grande  partie  des  caules  extérieures  qui 
peuvent  troubler  ou  fupprimer  la  tranfpi- 
ration ;  de-là  l'épaiffifTement  de  la  fève  , 
l'obflruifiion  des  vaifîèaux  ,  les  gonflemens 
extraordinaires  ,  les  dépots  de  gomme  & 
de  réfine  ,  &  la  pléthore  qui  frappe  fouvent 
de  mort  Varbre  le  plus  vigoureux. 

14°.  Ce  manque  de  tranipiration  ,  en 
épaiiîillîint  la  fève ,  efl  fouvent  la  première 
caule  des  maladies  pédiculaires  des  arbres. 
Un  f  uc  coagulé  tapille  la  feuille  d'un  pêcher  : 
les  fourmis  viennent  s'en  nourrir  :  elles  pi- 
quent les  feuilles  qui  le  recoquillent  ;  que 
les  pucerons  foient  attirés  par  quelque  hu- 
meur viciée  qui  translude  des  écorces  ,  c't-ll 
ce  que  nous  ne  pouvons  alTurer  ,  puiiqu'il 
s'en  faut  peu  que  chaque  arbre  n'ait  {'un 
puceron  particulier  ,  &  que  ces  infectes 
attaquent  fouvent  des  branches  très-faines  ;, 
mais  nous  oblérvons  en  paifant ,  que  les 
fourmis  qui  fe  niélent  parmi  eux  ne  font 
pas  complices  de  leurs  dépravations  ;  elles 
viennent  gober  un  globule  lucre  qui  fort 
de  temps  h  autre  de  leur  anus.  Les  premiers 


i8z  A  R  B 

font  beaucoup  de  mal  aux  arbres  :  en  per- 
çant (/e  mille  trous  la  tendre  écorce  ,  ils 
contrarient  la  circulation  de  la  fève  ,  les 
feuilles  fe  boflellent  &  fe  recourbent  ,  le 
jeune  bourgeon  fe  tourmente  &  s'incline  : 
après  la  retraite  des  infedes  ,  la  branche 
attaquée  ne  repoufle  que  fort  tard  ,  &  avec 
beaucoup  de  peine. 

Que  les  racines  d'un  arbre  fe  chanclflent 
par  la  flagnation  des  eaux  ou  par  quel- 
qu'autre  caufe  ,  les  fourmis  rouges  ,  les 
vers  blancs  ,  les  jules  ,  les  fcolopendres  vien- 
nent s'y  loger  :  rarement  attaquent-ils  un 
arbre  fain. 

Il  en  ert  de  même  des  moufles  &  des 
lichens.  Toutes  les  précautions  propres  à 
conferver  la  vigueur  de  Varbre  &  à  retar- 
der fa  vieillefTe  ,  font  auffi  les  moyens  les 
plus  furs  d'en  écarter  ces  parafites.  Leurs 
très-petites  femences  s'arrêtent  dans  les  af- 
pérités  d'une  écorce  raboteufe  ;  les  parties 
d'écorce  d'entre  les  gerçures  n'étant  plus 
alimentées  par  la  fève  ,  fe  pourriflent  peu 
à  peu  ,  &  fe  changent  en  un  terreau  léger  , 
propre  à  la  germination  de  ces  plantes  ,  qui 
s'étendent  fouvent  jufqu'au  point  de  tapifler 
tout  le  pourtour  de  V arbre. 

C'eft  donc  en  vain  qu'on  attribue  à  un 
fôl  humide  la  difpofition  des  arbres  à  fe 
couvrir  de  moufle  ;  s'il  y  contribue  ,  ce 
n'eft  qu'en  tant  qu'il  ne  convient  pas  à 
l'efpece  à^arbre  qui  s'y  trouve  ;  alors  fa 
végétation  fe  ralentit  ,  l'écorce  fe  ride  & 
devient  galeufe  :  inconvénient  qui  réfulte- 
roit  de  même  de  la  plantation  en  un  terrain 
fèc  ,  d'une  efpece  d'arbre  propre  aux  terres 
fraîches  &  trempées. 

♦  )°.  Mais  parmi  les  accidens  qui  mena- 
cent les  arbres  ;  il  en  eft  que  les  foins  les 
plus  éclairés  ne  peuvent  guère  prévenir. 
Difficilement  peut-on  parer  aux  coups  que 
leur  porte  la  gelée  ;  les  uns  y  font  plus  ou 
moins  fenfibles  ,  par  une  fuite  de  leur  ca- 
radere  fpécifique  ,  tous  en  reçoivent  plus 
ou  moins  de  dommage  ,  fuivant  qu'ils 
font  vigoureux  ou  languiflans  ,  jeunes  ou 
vieux. 

Les  jeunes  arbres  ont  réfifté  A  l'hiver 
de  1709  ,  &  les  vieux  y  ont  fuccombé. 
Le  framboifier  ,  dont  le  bois  eft  tendre  & 
fpongieux  ,  fe  trouve  également  fous  la 
ligne  &  vers  les  pôles  ;  tandis  que  l'oran- 


ARB 

ger  ,  dont  le  bois  eft  fi  dur  ,  périt  fous  fîx 
ou  fept  degrés  de  congélation. 

Frappé  de  ce  phénomène  ,  &  convaincu 
de  la  refl^mblance  qui  fe  trouve  entre  un 
jeune  arbre  ,  de  quelque  efpece  qu'il  foit  y 
&  un  arbre  naturellement  pourvu  de  fibres 
molles  ;  que  l'on  s'attache  à  découvrir  la 
railon  de  leur  propriété  commune  de  réfifter 
à  la  gelée  :  peut-être  la  trouvera-t-on  dans 
l'élafticité  de  leurs  vaifleaux  ;  la  glace  qui 
occupe  plus  de  place  que  l'eau  ,  les  difiend 
fans  les  rompre  ;  après  le  dégel  ils  repren- 
nent peu  à  peu  leur  calibre  ,  la  fève  reflue 
dans  fes  conduits. 

16°.  Si  les  pays  chauds  ,  dans  le  nombre 
de  leurs  arbres  indigènes  ,  en  offrent  plu- 
fieurs  dont  les  vaifleaux  manquent  d'élafti- 
cité  ,  doit-on  défefpérer  d'accoutumer  à 
des  climats  moins  heureux  ,  ceux  d'entre 
ces  arbres  qui  ne  font  pas  entièrement 
privés  d'une  difpofition  femblable  ?  Ne 
peut-on  pas  augmenter  cette  difpofition  , 
en  la  foumettant  ,  par  degrés  ,  à  Fadion 
de  la  gelée  ?  C'eft  ce  qui  paroît  réfulter 
de  nombre  d'expériences.  Le  fuccès  fera 
d'autant  plus  certain  ,  qu'on  aura  pris  ces 
nouveaux  colons  dans  leur  plus  bas  âge , 
&  qu'on  les  aura  conduits  ,  d'une  main  plus 
attentive  ,  au  travers  des  frimars  de  notre 
température.  Les  élever  de  graine  ,  femer 
celle  qu'ils  donneront  ;\  leur  tour  ,  eft  , 
fans  doute  ,  le  plus  fur  moyen  ;  cette  féconde 
graine  aura  déjà  fubi  quelque  changement 
dans  les  organes  ,  imprimé  par  un  climat 
différent.  De  génération  en  génération  ,  la 
colonie  s'affermira  toujours  davantage  con- 
tre l'inclémence  d'un  nouveau  ciel ,  &  pourra 
peut-être  un  jour  l'affronter. 

Souvent  même  ces  précautions  devien- 
nent en  partie  inutiles.  Dans  le  nombre 
des  arbres  qui  croifTent  fous  les  latitudes 
chaudes  ,  il  s'en  trouve  qui  font  organifés 
de  manière  à  fupporter  la  gelée.  Ceux  qui 
habitent  la  cime  des  hautes  montagnes  , 
où  le  froid  même  ,  fous  la  ligne  ,  eft  ex- 
cefEf  ,  s'accommoderont  des  coteaux  & 
des  plaines  dans  les  lieux  voifins  du  pôle. 
Il  en  eft  qui  ne  font  frilleux  que  dans  le 
temps  de  leur  poufle  ;  la  froidure  du  prin- 
temps de  ces  contrées  réprimera  les  pre- 
mières faillies  de  leur  fevc  ;  ils  végéteront 
plus  tard-,  mais  avec  fureté. 


être 


A  R  B 

L'efpece  de  plaqueminicr  ,    qu'on    croit 
le  lotus    des  anciens  ,  a   été   apporté 


d'Afrique  à  Padoue  ;  de-là  il  a  pafle  dans 
nos  provinces  méridionales ,  il  a  étc  enluite 
naturalilé  en  Angleterre ,  &  Ton  ne  doute 
pas  qu'il  ne  puiH'e  enfin  s'accoutumer  au 
climat  des  provinces  Septentrionales  de  la 
France.  Le  buplevrura  ligneux  ,  naturel  des 
montagnes  d'Ethiopie  ,  liipporte  dix^  ou 
douze  degrés  de  congélation,  le  mûritT 
blanc  indigène  de  la  Chine ,  a  été  tranl- 
planté  dans  l'Inde  :  long-temps  après  il  a 
peuplé  le  Peloponefe  ;  bientôt  l'Italie  a  : 
joui  de  fes  dons  ;  notre  bon  roi  Henri  en 
a  enrichi  nos  provinces  méridionales  ;  après 
un  llecle  ,  le  nord  du  royaume  l'a  vu  réufllr 
avec  étonnement  ;  on  vient  enfin  ae  l'éta- 
blir en  Danemark. 

Après  ces  obiervations  &  ces  expérien- 
ces ,  combien  ne  feroit-il  pas  ridicule  de 
demander  encore  ,  fi  l'on  peut  élever  en 
France  des  arbres  étrangers  ;  fijr-tout  fi 
l'on  confidere  qu'il  n'y  a  guère  de  climats  , 
de  fols  ,  d'expofitions  dans  les  zones  tem- 
pérées ,  qui  ne  puifîênt  rencontrer  leurs 
analogues  dans  les  différentes  parties  de 
ce  grand  royaume,  (  M.  le  Baron  DE 
TSCHOUDJ.  ) 

Arbres  ,  (  Droit  )  Les  arbres  de  réferve 
&  baliveaux  lur  taillis  l'ont  réputés  faire 
partie  du  fonds  des  forêts  ,  fans  que  les 
engagiftes  ,  douairiers  ou  ulufruitiers  y 
puifTent  rien  prétendre  ,  n'y  aux  amendes 
qui  en  proviendront. 

Les  propriétaires  d'héritages  tenans  & 
aboutiflans  aux  grands  chemins  ,  &  bran- 
•ches  d'iceux  font  tenus  de  les  planter 
A^arbres ,  fuivant  la  nature  du  terrain  ,  à 
la.diilance  de  trente  pies  l'un  de  l'autre  , 
&  à  une  toife  au  moins  du  bord  extérieur 
des  tofles  des  grands  chemins  ,  &  de  les 
armer  d'épines  ;  &  à  leur  détaut  ,  les  fei- 
^neurs  qui  ont  le  droit  de  voierie  iur  lel- 
dits  chemins ,  pourront  en  faire  planter  à 
leurs  trais  ,  dont  ils  auront  l'ulutruit  &:  la 
propriété.  Il  y  a  des  peines  contre  ceux 
qui  dégradent  les  arbres,  foir  dans  les  lo- 
rêts  ,  Ibit  iur  les  chemins.  Loriiqu'il  y  a 
contellation  lur  la  propriété  d'un  arbre  , 
on  l'adjuge  à  celui  dans  l'héritage  duquel 
eft  le  tronc  ;  mais  quand  le  tronc  ell  dans 
les  limites  ,    Varbre  ei\  commuii.    Quand 


A  R  B  183 

un  arbre  étend  fes  branches  fiir  le  i^âtlmcnc 
du  voifin  ,   celui-ci    peut    dtmandei    qu'il 
(oit  coupé  par  le  pié  ;  mais  fi  elles  s  «ten- 
dent ieuïement  fur  un  lieu  où  il  n'y  a  point 
de   bâtiment ,  le  voifin  peut  demander  que 
les  branches    (oient  coupées  à  quinze  piés 
de   terre.  Il   e(t  permis  ,   dans  l'uiage  ,  au 
voifm   qui  foulFre  que   les    branches    d'un 
arbre    (oient    pendantes   llir  fon  héritage  , 
de  cueillir  les   fruits  de  ces  branches.    Les 
arbres  morts  appartiennent  à  l'ulufruitler  ; 
ceux  abattus  par  le  vent ,    à  ce'ui  qui  a  là 
propriété.  Les  arbres  en  futaie  font  ré(èr- 
vés  au  propriétaire  ;  rufufruiticr  peut  feu- 
lement en    danander  pour  les  réparations. 
Un  fermier  qui  a  planté  des    arbres,   peut 
les  emporter  à  la  fin   de  l'on  bail  ;  mais  le 
propriétaire  du  fonds  ell  en  droit  de  les  re- 
tenir ,  en  payant  la  valeur  au  fermier.  (  +  ) 
§  Arbre  de  vie  ,  (  boraniq.  )  en  latin 
arbor  l'itje  ,  thuya  Theoplirafli  ;  en  allemand 
Icbensbaum  ,  l'anglois  n'a  pas  de  nom  par- 
ticulier. Thuya  vient    du  grec   ^w  ^  par- 
fumer. 

Caractère  générique. 

Le  même  individu  porte  des  fleurs  mâles 
&  des  rieurs  femelles.  Les  premières  com- 
po(ent  ,  par  leur  réunion ,  un  petit  chaton 
ovale  ;  elles  naiflent  oppolées  lùr  un  filet 
commun  ,  qu'elles  embrafTènt  par  leur  bafe, 
&  confiffent  dans  une  écaille  ovale  &  con- 
cave, pourvue  de  quatre  étamines  à  peine 
remarquables  ,  dont  les  Commets  (ont  atta- 
chés prelqu'à  la  bafe  de  l'écaillé.  Les  fleurs 
femelles  (ont  groupées  en  forme  de  cône  , 
&  (ont  oppofées  deux  à  deux  dans  chaque 
écaille  ;  chacune  a  un  petit  embryon  qui 
(upporte  un  (tyle  délié  ,  couronné  d'un  leul 
(ligmate. 

Nous  ne  faifons  pas  entrer  dans  cette 
defcription  la  (orme  du  cône  perfeâionné  , 
ni  celle  des  (émences  qu'il  renferme  ;  ces 
parties  (ont  fi  dilparates  dans  les  deux  e(^ 
pcces  de  thuya  connues  ,  qu'elles  fervironc 
plutôt  à  les  différencier  qu'à  les  réunir  fous 
un  caradere  commun. 

Efpeces. 
I  Arbre  de  vie  à   andouiflers  alternes , 
à  feuilles  puiluleufes. 

Thuya  uncis  ahemis ,  teguUs  bululojis.^ 
Hort.  Col. 


i84  ARB 

ThujCL  Canadenjis. 
Arior  l'itœ  of  Canada. 

z.  Arbre  de  vie   à  andouillers  oppofés  , 
à  feuilles  fillonnées. 

Thuya  uncis  oppofitis  ,  tegulis  fulcatïs. 

Hort.  Col. 

Arborvitce  Sinenfis.  A  rbor  vita  of  China. 
Il  n'eft  point  aifé  de  diftinguer  au  pre- 
mier coup  d'œil  ce  qu'on  doit  appeller 
feuille  dans  les  arbres  de  vie.  On  fe  réfout 
difficilement  adonner  ce  nom  à  des  efpeces 
de  petits  rameaux  verds  qui  naiflent  en 
foule  fur  les  branches  ;  cependant  lorfque 
l'on  obferve  qu'ils  tombent  vers  la  fin  de 
feptembre  de  leur  féconde  année  ,  on  s'af- 
fure  que  ce  font  de  vraies  feuilles  extrê- 
mement compofées  ;  car  on  n'a  pas  d'exem- 
ples de  branches  qui  fe  détachent  d'elles- 
mîmes  périodiquement. 

C'efl    fous   cet    afped   que    nous  allons 
confidérer  la  feuille  des  arbres  de  vie. 

Elle  confifle  premièrement  dans  un  pé- 
dicule principal  &  commun  ,  lequel eft plat, 
mais  arrondi  dans  fa  partie  inférieure.  Ileft 
garni  par  les  bords  de  petites  folioles  op- 
pofées  ,  qui  l'embraiTènt  en  fe  réuniffant  par 
leur  bafe ,  tandis  qu'elles  s'en  écartent  par 
leur  bout  ,  qui  ell  aigu  ,  de  forte  qu'il  fem- 
ble  voir  de  petites  urnes  pofées  les  unes 
lur  les  autres.  Ce  pédicule  principal  fe  fub- 
divife  en  d'autres  moins  longs  ,  qui  font 
alternes  ,  &  qui  donnent  naiflance  à  d'au- 
tres encore  moindres  ,  reflemblans  à  des 
andouillers  ,  lefquels  font  toujours  plus  pe- 
tits à  meiure  qu'ils  s'approchent  du  bout , 
&  qui  portent  quelquefois  de  très  -  petits 
pédicules  en  forme  de  crochets  ,  mais  d'un 
feul  côté.  Ces  andouillers ,  outre  les  fo- 
lioles de  côté  que  nous  avons  décrites  , 
en  ont  d'autres  fur  les  deux  faces ,  qui  ref- 
femblent  A  de  petites  écailles ,  &  font  po- 
iits  les  unes  lur  les  autres  comme  les  tui- 
les d'un  toît. 

Les  tolioles  qui  couvrent  les  faces ,  font 
aflcz  grandes  ;  elles  ont  vers  leurs  pointes 
une  petite  protubérance  ,  excepté  dans  le 
tluiya  de  la  Chine ,  où  elles  font  au  con- 
traire fillonnées  &  très-petites. 

Dans  le  Thuya  de  Canada  ,  les  protu- 
bérances dont  je  viens  de  parler  font  allez 
grofles  fur  les  deux  faces  du  pédicule  prin- 


ARB 

cipal ,  elles  font  rondes  &  bruncis  ;  ce  font 
de  vraies  puftules  qui  jettent  une  goutte 
de  réfine  lorfqu'on  les  écrafe.  Ce  n'eil  pas 
la  leule  différence  qui  fe  trouve  dans  les 
f-euilles  de  l'une  &  de  l'autre  de  ces  efpeces  ; 
dons  le  thuya  de  Canada ,  les  andouillers 
lont  alternes  &  aiïèz  éloignés  ;  dans  celui 
de  la  Chine ,  ils  font  oppofés  &  très  -  rap- 
prochés. Dans  le  premier  ,  les  pédicules 
les  plus  élevés  du  fécond  ordre  n'ont  des 
andouillers  que  du  côté  intérieur  ,  fi  ce 
n'eft  vers  le  bout.  Dans  le  fécond ,  ils  font 
oppofés  deux-à-deux  dans  toute  la  lon- 
gueur du  pédicule  qui  les  foutient. 

Il  eft  encore  dcs_  différences  plus  frap- 
pantes qui  caraftérifent  ces  detHc  efpeces. 
Le  thuya  de  Canada  étend  les  branches 
prelque  horizontalement  ;  celui  de  la  Chine 
les  raflemble  en  faifceau.  Le  premier  porte 
de  très-petits  cônes  ovoïdes  ,  pointus , 
bruns  ,  compofés  d'un  petit  nombre  d'é- 
cailles  lâches  ,  lifles  &  oblongues ,  au  fond 
defquelles  fe  trouvent  d'infiniment  petites 
femences  plates  ,  creufécs  en  cuilleron 
&  membraneufes.  Les  cônes  du  fécond 
font  gros  comme  une  petite  noix  ,  ronds , 
bleuâtres  ;  ils  font  compofés  d'écaillés  lar- 
ges ,  qui  ont  vers  leurs  bouts  des  cro- 
chets^ recourbés  en  en-bas  ;  elles  contiennent 
des  femences  dures  ^  brunes  ,  reluifantes  , 
afîcz  grolfcs  ,  ovoïdes  ,  &  terminées  en 
pointe. 

Le  verd  du  thuya  n*  .  i  ,  n'a  pas  beau- 
coup d'éclat  en  été  ;  pendant  l'hiver  il  efl 
terne  ,  &  tirant  fur  la  couleur  feuille-morte 
pâle  ,  dès  les  derniers  jours  de  l'hiver.  En 
été  ,  &  dans  le  commencement  de  l'au- 
tomne ,  la  verdure  de  Tarbre  de  vie  de 
la  Chine  efl  fi  belle  &  fi  éclatante  ,  qu'elle 
effiice  celle  àes  arbres  les  plus  fraisa  feuil- 
les vernales.  Mais  elle  fubit  de  fingulieres 
altérations  ;  dès  la  fin  d'odobre  ,  fans  qu'il 
fe  produite  aucun  changement  dans  la  ma- 
tière ni  dans  la  forme  de  l'arbre  ,  fans 
qu'd  perde  aucune  feuille  ,  il  devient  à- 
peu  -  près  de  la  couleur  qu'on  appelle 
maure-doré  ;  il  ne  lui  refte  plus  que  de 
très-petits  linéamcns  verds  qu'on  n'ap- 
pcrçoit  qu'avec  peine  fur  les  revers  des  feuil- 
les. Il  demeure  cnièveli  fcnis  cet  efpece 
de  métamorphoic  ,  jui'qu'aux  premiers 
jours  favorables  de   février  ou   de  mars  , 

qu'il 


A  R  B 

qu'il  reprend   tout-à-coup  fa  veidure  & 
ion  éclat. 

Le  thuya  n°.  i ,  croît  de  lui-même  en 
Canada  &  en  Sibérie  ;  en  France  ,  où  il  a 
été  apporté  fous  François  I,  il  s'élève  ;\  la 
hauteur  de  quarante  pies.  Le  fécond  eft 
originaire  de  la  Chine  (cptentrionalc ,  il  y 
acquiert  ,  dit-on  ,  une  élévation  confidé- 
rable  :  il  n'elt  pas  encore  depuis  allez  long- 
temps en  France,  où  fes  lemences  ont  été 
envoyées  par  nos  millionnaires,  pour  fivoir 
la  hauteur  à  laquelle  il  pourra  atteindre 
Ibus  ce  nouveau  ciel.  Miller  dit  qu'il 
en  a  vu  en  Angleterre  de  plus  de  vingt 
pies.  Nous  en  avons  un  qui  en  a  déjà 
plus  de  dix-fcpt,  &  qui  gagne  beaucoup 
annuellement. 

Uarbre  de  vie  du  Canada  peut  être  placé 
dans  le  boiquet  d'été  en  faveur  de  la  va- 
riété ;  la  cilelure  de  les  feuilles  y  contraf- 
tern  à  merveille  avec  les  feuilles  très-larges 
&  très-entières  des  peupliers  de  Caroline, 
tulipiers  &  catalpas  qui  doivent  faire  le 
fonds  de  ce  boiquet  ;  on  doit  l'employer 
dans  ceux  d'automne ,  fa  verdure  étant 
encore  alfez  belle  dans  cette  faifon  :  com- 
me elle  ell  en  général  fort  terne  en  hiver , 
nous  ne  pouvons  confeiller  de  le  placer 
parmi  les  arbres  â  feuilles  pérennes ,  à 
moins  qu'on  n'ait  l'attention  de  l'environ- 
ner par  des  maflTes  :  leur  abri  l'empêchera 
de  jaunir;  cette  altération  dans  la  couleur 
de  l'es  feuilles  n'ert  produite  que  par  le 
contad  des  vents  froids  qui  briferont  ces 
abris.  En  effet ,  retournez  en  janvier  une 
feuille  d'un  de  ces  thuyas  qui  foit  expofé 
au  courant  libre  de  l'air,  vous  la  trouverez 
très-verte  à  fon  revers  qui  en  aura  été 
garanti. 

L'arire  de  vie  de  la  Chine  ,  par  fon  vcrd 
éclatant ,  fon  port ,  la  forme  élégante  de 
fes  feuilles  &  leur  grand  nombre ,  décore 
fmguliérementlesbofquets  du  printemps  & 
de  l'été. 

Comme  les  deux  efpeces  ont  des  ports 
&  des  verds  différens ,  on  peut  en  former 
de  petites  allées  ,  en  les  plantant  alterna- 
tivement à  la  difiance  de  neuf  ou  dix  pies 
les  uns  des  autres;  il  conviendra  auflî  d'en 
faire  des  haies  :  ils  garniflent  à  merveille  : 
il  faut  les  pahflèr  les  premières  années ,  & 
^nfuite  réprimer  le  luxe  de  leurs  pouffes 
Tome  III, 


A  R  B  185 

par  ta  tonte  qu'ils  fouffrent  très-bien.   Ces 

paliflades  s'élèvent  à  une  hauteur  confidé- 
rable  ,  &  lont  d'un  effet  majellueux;  com- 
me elles  font  toujours  vertes  &  impéné- 
trables ,  elles  forment  des  abris  excellens , 
dont  l'ufage  ne  fe  borneroit  pas  même  à 
garantir  les  efpeces  d'arbre,  curieufes  & 
délicates  ,  qu'on  plantcroit  auprès  ;  elles 
ferviroient  encore  à  abriter  une  vigne ,  un 
quinconce  de  figuiers ,  des  contr'cfpaliers 
de  toute  efpece  ,  &  même  certains  légumes. 
Une  palifl'ade  de  thuya  de  la  Chine  eft  une 
riche  tapilîèrie. 

On  attribue  à  ces  arbres  les  vertus  dt 
la  labine  ,  &:  leurs  feuilles  font  fudorifi- 
ques.  Il  fort  de  l'efpece ,  /i°,  i.  (  dit  M. 
Duhamel  )  des  graines  de  réfine  jaune  & 
tranfparente  comme  la  copale  ;  en  la  brû- 
lant ,  elle  répand  une  odeur  de  galipot. 

Quoique  le  bois  du  thuya  n*".  i  ,  foit 
plus  tendre  que  celui  du  fapin  ,  cependant , 
comme  il  eft  prefque  incorruptible  ,  on 
en  fait  des  palUfades  d'une  extrême  durée. 
Le  bois  de  l'arbre  de  vie  de  la  Chine  paroît 
être  plus  dur  ;  &  comme  cet  arbre  elf  d'une 
plus  haute  flature ,  il  y  a  toute  apparence 
qu'il  fera  placé  par  la  fuite  dans  le  nombre 
des  arbres  utiles. 

Cette  confidération  doit  engager  les  cul- 
tivateurs ,  amis  de  la  fociété ,  à  propager 
ces  arbres  par  la  graine  qu'ils  portent  en 
abondance  :  c'eft  le  moyen  de  les  multi- 
plier &  de  les  répandre  extrêmement  ,  de 
les  avoir  droits  ,  vite  &  bien  venans;  en 
un  mot,  de  les  faire  atteindre  à  toute  la 
hauteur  que  leur  a  prefcrit  la  nature.  La 
méthode  d'en  faire  des  femis  ,  eft  différente 
pour  les  deux  efpeces. 

Les  cônes  du  thuya  de  Canada  Com- 
mencent ;\  s'ouvrir  dans  les  premiers  joiS'rs 
d'oûobre  :  c'eff  alors  qu'il  faut  les  recueil- 
lir; on  en  emplira  un  ou  plufieurs  petits 
facs  ,_  que  l'on  confervera  dans  un  lieu  fec- 
En  février ,  on  s'occupera  à  apprêter  les 
graines  :  on  recueillera  d'abord  celles  qui 
feront  tombées  d'elles-mêmes  au  fond  des 
facs  ;  quant  à  celles  qui  feront  reffées  fixées 
au  fond  des  écailles  des  cônes,  nous  ne 
connoiffons  d'autres  moyens  de  les  en  dé- 
gager ,  que  de  les  lever  une  à  une  :  on 
jettera  les  écailles  à  mefure  qu'on  recueil- 
lera la  graine  ,  qu'il  d\  effentiel  d'avoir  pure. 

Aa 


lU  A  R  B 

Cette  befo^ne  demande  de  l'adreflè  &  de 
Ja  patience. 

I.  Cette  opération  faite,  munifTez-vous 
de  cailles  de  lapin  ou  de  chêne  ,  profon- 
des d'un  pie ,  &  percées  par  le  bas  de  plu- 
fieurs  trous  ,  que  vous  couvrirez  d'écaillcs 
d'huîtres  ou  de  têts  de  pots  :  emplifTez-les 
d'une  bonne  terre  fraîche  &  légère  ,  mê- 
lée par  égale  partie  de  terreau  bien  con- 
fommé;  à  melure  que  vous  verferez  cette 
terre  dans  les  caifles ,  prefTez-la  doucement 
avec  la  main  pour  prévenir  Ion  affaifîe- 
ment;  quand  on  viendra  à  la  couche  fupé- 
rieure  &  dernière  ,  au  lieu  de  la  prefler 
avec  la  main  ,  égali(ez-la  avec  les  doigts 
le  plus  qu'il  vous  lera  poflible  ,  cnfuite 
ferrez-la  &  l'applanifîez  avec  une  plan- 
chette unie  ,  pourvue  d'un  manche.  Alors 
femez  la  graine  aflez  épais ,  mais  égale- 
ment. Vous  aurez  à  portée  de  vous  une 
terre  légère  ,  mêlée  d'un  tiers  de  fablon 
£n  &  d'un  tiers  de  terreaa  confommé  : 
css  fubllances  auront  été  intimement  unies 
&  le  m.êlange  bien  tamilé.  Prenez-en  avec 
îamain,  &  l'éparpillez  à  plufieurs  rcpriies 
iur  les  graines  ,  jufqu'à  ce  qu'elles  en 
foient  couvertes  de  l'épaifîeur  d'environ 
quatre  lignes,  mais  de  manière  qu'elles  ne 
Je  loient  pas  plus  dans  un  endroit  que  dar.s 
l'autre. 

Les  graines  femées  &  couvertes  ,  vous 
applanirez  la  fuperficie  de  la  terre  ,  en  prêt 
fant  doucement  avec  la  planchette.  Pour 
très-bien  faire  ,  il  conviendra  de  lemer , 
pardelTus  le  tout ,  environ  une  ligne  d'épaif- 
feur  de  terreau  confommé ,  mêlé  de  dé- 
tritus de  bois  pourri ,  tamifé.  Vous  con- 
fervercz  de  ce  dernier  mélange  dans  un 
pot  auprès  de  votre  femis.. 
*  L'emplacement  de  ces  caifTes  n'ert  pas 
une  précaution  de  moindre  importance  que 
celles  déjà  indiquées  ;  fi  elles  font  petites 
£c  en  petit  nombre ,  vous  les  plongerez 
dans  une  couche  ttmpérée  ,  ombragée  par 
des  paillafTons ,  &  les  gouvernerez  fuivant 
la  méthode  indiquée  à  ï'anùle  CyprÈS  ; 
vous  leur  ferez  pnfîer  le  premier  hiver 
fous  des  chailis  ,  &  cet  abri  iéra  d'un  grand 
fecours  aux  petits  thuyas.. 

2.  Mais  il  vous  vous  propofez  d'en, 
élever  un  très-grand  nombre ,  vos  c.ùlfes 
£eï.çuxt  trcp   grandes  pu  trc^p  uyilibreules 


A  R  B 

pour  être  aifément  portatives  ;  d'ans  ea; 
cas-là  ,  vou.-s  •  les  enterrerez  dans  une  terra 
fraîche  à  l'expofuion  du  levant  le  plus  ma- 
tinal :  fi  vous  ne  pouvez  pas  trouver  une. 
expoîition  lemblable,  vous  y  fuppléerez  par 
des  paillafîons  élevés  des  cotes-  où  vous 
voulez  intercepter  les  rayons  du  foleil , 
ou  bien  vous  formerez  au  dcffus  de  vos 
cailles  dé  petites  arcades  avec  des  branches 
de  coudrier  ,  Iur  lelqueiles  vous  pokrez 
des  rameau.x  de  bru}"ere ,  de  pin  ou  de  Ih'. 
paille  de  pois. 

3.  Les  bords  de  la  caille  doivent  fortir- 
de  terre  d'environ  deux  pouces ,  de  crainte 
que  les  taupes  ne  s'y  glilTent,  accident  fâ- 
cheux, par  lequel  nous  avons  vu  fouvent 
nos  plus  beaux  femis  anéantis  en  un  inf- 
tant  ;  pour  y  parer  plus  sûrement  encore  , 
&  pour  oter  tout  accès  aux  oiieaux  qui 
mangent  quelquefois  les  jeunes  plantules  à 
meiure  qu'elles  s'élèvent  du  lein  des  grai- 
nes ,  nous  ne  pouvons  alfez  recommander 
de  couvrir  ces  cailles  d'un  réfeau  ,  6c 
mieux  encore  d'un  chaflis  à  mailles  de  fîl 
d'arch.'.i. 

4.  Ce  lemis  une   fois  établi  de  la  ma- 
nière que  nous  venons  de  détailler,  voici, 
les    foins     &     l'entretien    qu'il    demande.. 
Tous  les  jours  ,  au  loir  ,  on  l'arrolera  ,  afin 
de  précipiter    la    germination  ,    à   moins 
qu'il  ne  tombe  de  temps  à  autre  des  pluies 
douces  ,  fines  &  paiflbles  ,  les  feules  dont 
on  ofe  profiter  :  les  pluies  abondantes  ou 
turbiilentes  ,  ainfl  que  celles  à  grolfes  gout- 
tes, doivent  être  loigneufement  parées  p.?r- 
des  auvents  qu'on  pofera  iur  les  caiifes  ; 
car  elles  dérangeroient  la  dernière  couche 
de  terre  légère,  dont  les  gnànes  lont  cou- 
vertes ,    &   les  détcrreroieut.   Pour  éviter 
cet  inconvénient ,  les  arrokmen.';  ne  le  fe- 
ront pas  même  avec  la  pomme  d'un  petir 
arroloir  ;    on    le    lervira  d'un-  goupillon 
qu'on  fecoucra  doucement   &  de  près  Iur 
le  lemis  ,  julqu'à  ce  qu'il  lolt  iufîiianin".ei<t. 
imbibé. 

').  Malgré  ces  précautions  ,  peut-être, 
verra-t-on  au  bout  de  quelque  temps  les 
graines  un  peu  découvertes  ;  on  prendra 
de  cette  terre  fine  mile  en  rélcrve  auprè's 
des  femis  ,.  6c  on  en  répandra  pardelfus 
autant  qu'il  faudra  :    louvent   cette  opér>>- 

jjoa  ihli  C'U-c  rci>é;éej  mvn".ç  loxfqiic  ks. 


A  R  B 

tl)\iyas  Ùym  {îermcs  ;  car  on  vcrra_  quel- 
quefois ces  frclcs  plantules  dcchaullées  du 
pie,  près  de  chanceler  &  de  tomber.  Si 
l'on  ne  néglige  aucun  de  ces  (oins,  on  fcpro- 
curera  d'exccilenr  plr.nr  do  cet  arbre  de  ne , 
&  dan;;  la  plus  grande  abondance. 

6.  Si  le  ternis  n'ert  pas  deitinc  à  paficr 
l'hiver  fous  des  chaiUs ,  il  i'cra  nécefian-c  de 
le  j^arantir  au  moins  le  ]iremier  hiver  des 
efFeis  du  troid  &  des  frimars.  Le  plus  grand 
danger  n'efl^pas  que  ce:;  jaunes  plantes  périf^ 
icnt  par  le  iimple  contaft  de  la  gelée  ,  mais 
elle  haufieroit  la  terre  ,  &  en  même  temps 
les  petits  arbres.  Que  le  dégel  (lirviennc  ,  la 
terre  s'aftaiflèra  ,  &  les  plantes  ne  ie  ren- 
l/)nceront  pas  ;  elles  demeureront  couchées 
Ôl  déracinées. 

Pour  parer  à  cet  inconvénient ,  nous  con- 
noiflbns  deux  bons  moyens  ;  le  premier  , 
c'eft  de  former  iiir  les  caifles  une  faîtière 
de  paille  ,  avec  une  porte  A  chaque  bout 
pourradmiflion  de  l'air,  lorlque  le  temps  le 
permettra  ;  le  fécond  qui  ert  plus  liijiple ,  c'eff 
^'entourer  le  lemis  de  branches  de  pin  ou  de 
fapin  ,  qui  fe  réuniront  en  arcades  par  leurs 
Jommitcs. 

Les  petits  thuj'as  doivent  demeurer  deux 
ans  dans  le  femis  :  le  troifieme  printemps, 
?u  commencement  d'avril ,  le  matin  ou  le 
i<)ir  d'un  jour  doux  &  nébuleux ,  on  s'oc- 
cupera à  les  tranfplanter  pour  les  mettre  en 
nourrice. 

7.  ChoififTez  un  morceau  de  terre  fraîche 
&  douce  dans  un  lieu  légèrement  ombragé  , 
cm  bien  contre  un  mur  ou  une  haie  expofés 
au  levant  ;  11  vous  n'aviez  pas  des  pofitions 
femblables  ,  vous  pourriez  y  iuppléer  par  des 
abris  ;  &  fi  la  terre  étoit  trop  compafte ,  il 
conviendroit  de  la  divifer  par  des  iables  & 
des  terreaux. 

Tracez  des  planches  d'une  longueur  in- 
déterminée y  mais  qui  n'aient  que  deux 
pies  de  large ,  afin  que  l'on  puilTe  les  foi- 
gncr  plus  commodément  ;  après  les  avoir 
laboufées  &  nettoyées  avec  foin  ,  creufez 
à  l'entour  des  rigoles  ,  dont  la  terre  fervira 
à  les  relever  de  quelques  pouces  au  defîiis 
du  niveau  du  terrain  :  aminciflèz  bien  la 
terre  pardellûs  ,  &  l'applaniflèz  exade- 
ment. 

Faites  alors  apporter  les  caillés  où  font 
vos  petits  arbres  ;  déi-.louez-les  par  un  bout , 


A  R  lî  l'gy 

afin  de  les  en  tirer  plus  aifcment  ;  après 
avoir  marqué  le  milieu  de  vos  planches  ,• 
vous  porterez  cinq  pouces  de  chaque 
côté ,  &  tendrez  deux  cordeaux  qui  fc 
trouveront  ainfi  elpacés  de  dix  pouces  : 
vous  ferez  le  long  des  cordeaux  de  petits 
trous  avec  la  truelle,  à  dix  pouces  les  uns 
des  autres  ;  c'cll  dans  ces  trous  que  vous 
planterez  vos  petits  thuyas,  qui  fe  trouve- 
ront cntr'eux  à  la  dillance  de  dix  pouces 
en  tout  fens.  "^'^oici  comment  on  doit  les 
planter  :  vous  les  tirerez  dtjucemen:  les 
uns  après  les  autres  delà  caifle,  en  com- 
mençant par  ceux  qui  leront  les  plus  pro- 
ches des  bouts  que  vous  avez  décloués  ; 
de  cette  manière  ,  il  vous  fera  lacilc  de 
les  avoir  avec  leurs  racines  bien  enrieres, 
&  quelque  peu  de  terre  après  ;  ce  qui  elî 
très -avantageux.  Vous  poiérez  vos  petit.? 
arbres  dans  les  trous  ,  de  manière  qu'ils: 
y  loient  un  peu  plus  avant  qu'ils  n'étoient 
enterrés  dans  le  iemis.  Tandis  que  vous 
les  foutiendrez  d'ime  main  dans  cette  po- 
lition  ,  vous  prendrez  de  l'autre  d'un  mé- 
lange de  terre  (emblable  à  celui  du  le- 
mis ,  &  le  jetterez  délicatement  contre  la 
racine  ,  en  même  temps  que  vous  étendrez 
les  fibres  dans  tous  les  fens  :  la  racine  cou- 
verte ,  vous  preflerez  doucement ,  &  vous 
achèverez  d'emplir  le  trou.  Vos  thuyas 
font-ils  tous  plantés,  arrolez-les  légèrement 
pour  coller  la  terre  contre  leurs  racines  ; 
&  dans  la  vue  d'y  entretenir  la  fraîcheur, 
plaquez  adroitement  un  peu  de  moufle  au- 
tour de  leurs  pies.  L'ombre  efl  abfolumentr 
néceflaire  pour  la  reprife  &  la  croiflance 
de  CCS  arbres  :  vous  pratiquerez  donc  au 
deflus  des  planches  des  arcades  formées 
de  cerceaux  ,  &  vous  couvrirez  cette  efpece 
de  berceau  de  paille  de  pois  ou  de  rameaux 
de  bruyère.  Vos  foins  fe  borneront  défor- 
mais à  quelques  légers  arrofemens  de  temps 
à  autre  ,  &  à  béquiller  adroitement  la 
terre  entre  les  petits  arbres  ;  mais  il  faudra 
leur  procurer  autant  d'air  &  de  lumière  qu'il 
iêra  poillble  j  afin  de  les  y  accoutumer  peu- 

à-pCU. 

8.  Dans  ce  deflein  ,  il  conviendra  d'ô- 
ter  les  couvertures ,  tant  que  dureront  les 
pluies  douces  &  les  jours  nébuleux,  &en 
général  tous  les  jours  depuis  lept  ou  huit 
heures  du  foir  jufqu'à  fept  ou  huit  heures 

Aa  i 


,88  A  R  B 

du  'matin.   Au  bout   de  deux  mois  ,  on 
pourra    leur    donner    graduellement  plus 
d'air.    En   fèptembre  ,    il   ne  faut  plus  du 
tout   les   couvrir.    Ils  doivent  refier   deux 
ans  dans  ce  berceau  :  le  troifieme  printemps 
on  les  tranfplantera ,  après  les  avoir  enle- 
vés en  petites   mottes  ,  mais  dans  les  mê- 
ines  circonftances  ,  &  avec  les  mêmes  pré- 
cautions qui  ont  accompagné  la  première 
plantation;  &  on  les  mettra  en  pépinière 
à  deux  pies    &   demi  en  tout  lens  les  uns 
des  autres.   On  les  arrofera  ,   &  l'on  pla- 
quera de  la  moufle  ou  de  la  litière  autour 
de  leurs  pies  ;    ils  peuvent  relier  deux  ou 
trois    ans    en  pépinière  :    au    bout  duquel 
temps  on  les  enlèvera  en  motte  ,  pour  les 
placer  où  l'on  veut  les  faire  croître.  Mais 
il   y    a   deux  autres  partis   à   prendre;  le 
premier  ,  qui  convient  à  ceux  qui  font  de 
grandes  plantations  d'arbres  verds  dans  des 
lieux  bien  clos  ,  eff   de   les  planter   à  de- 
meure au  fortir  de  nourrice  ;  ils  n'en  vien- 
dront que  mieux  &   plus  vite;  le  fécond 
eft  de  les  laifler ,  au  contraire  ,  en  pépinière 
jufqu'à   ce    qu'ils   aient   huit  ou   dix   pies 
de  haut  :  de  les  enlever  en  grofl!es  mottes , 
à  cette  époque  ,  pour  les  mettre  en  place  : 
ce  dernier  parti  eff  indifpenfable  ,  lorfqu'on 
veut    les   planter  dans  des  lieux   fans  dé- 
fenfe  :    &'  il  convient  à  ceux  qui  veulent 
former    des    bofquets  d'un    prompt  effet. 
Les  thuyas  tirés  de  pépinière  au  bout  de 
deux   ans  ,  c'eff-à-dire ,  âgés  de   fix  ans , 
font  très-propres  à  former  des  paliflades , 
en  les  plantant   en  ligne  à  dix  pouces  ou 
un   pié   les  uns  des  autres  ,    &    même  à 
une  diflance  bien  plus  confidérable ,  fî  l'on 
veut   économifcr  ;    car  ils  garniront  bien 
vite  leurs  intervalles   par  le  palifllîige  &  la 
tonte. 

A  quelques  difFérences  près  que  nous 
ferons  remarquer  ,  tout  ce  que  nous  ve- 
nons de  dire  convient  au  thuya  de  la 
Chine  :  fes  cônes  ne  font  ordinairement 
bien  mûrs  qu'A  la  fin  de  l'hiver  ;  alors  les 
graines  fortent  ailémcnt  d'entre  les  écailles  : 
on  les  recueille  &  on  les  feme  tout  de 
fuite  ;  mais  comme  elles  font  bien  plus 
groflTes  que  celles  du  thuya  ,  n°.  i  ,  il  faut 
les  couvrir  d'un  demi-pouce  au  moins  de 
terre  moins  légère  que  celle  indiquée  pour 
les   premières  :  quelquefois  elles  ne  lèvent 


A  RB 

que  le  fécond  printemps.  Jamais  elles  ne  lè- 
vent toutes  le  premier. 

Nos  deux  thuyas  fe  multiplient  auffi  de 
marcotes  &  de  boutures  :  les  marcotes  fe 
font  au  printemps ,  en  juillet  &  en  fèptem- 
bre ,  avec  les  branches  les  plus  baffes  &.  les 
plus  fouples  ,  fuivant  la  méthode  détaillée 
à  ['article  Alaterne. 

Les  boutures  de  l'efpece  n°.  i.  peuvent 
fe  faire  en  avril  &  en  iéptembre  ;  il  faut 
prendre  les  pouffes  de  l'année  ,  pourvues 
du  bois  de  l'année  précédente  :  on  les  cou- 
pera rez-tronc  pour  en  lever  la  protubé- 
rance qui  fè  trouve  à  leur  infcrtion ,  cir- 
conftance  dont  l'utilité  ell  indiquée  à  Var- 
tide  BuPLEVRUM.Vous  les  émonderez  du 
bas ,  &  les  enfoncerez  de  la  moitié  de  leur 
hauteur  dans  une  planche  de  terre  fraîche, 
bien  préparée  contre  un  mur  ou  une  haie  » 
à  l'expoiition  du  levant ,  ou  bien  entre  des 
paillaflbns  dreflés  au  midi  &  au  couchant. 
On  peut  aullî  couvrir  la  planche  de  la 
manière  indiquée  pour  les  thuyas  en  nour- 
rice ;  mais  alors  il  convient  de  ne  lailfér 
la  couverture  que  durant  les  plus  chaudes 
heures  du  jour ,  c  'eif-à-dire  ,  depuis  neuf 
heures  du  matin  juiqu'à  cinq  du  loir ,  du 
moins  ii  vos  planches  de  boutures  font 
placées  dans  un  endroit  légèrement  om- 
bragé f  comme  entre  des  charmilles  ou  des 
pépinières  :  fi  vous  n'avez  à  leur  donner 
qu  un  emplacement  expofé  par  tous  les  côtés, 
il  faudra  lailfer  la  couverture  plus  long- 
temps. 

Les  boutures  de  thuya  de  la  Chine  ne 
peuvent  fe  faire  avec  fuccès  que  vers  la 
fin  de  fèptembre.  Nous  avons  elfiyé  en 
vain  dans  tous  les  autres  temps  de  l'année, 
de  multipher  cet  arbre  par  ce  moyen  :  on 
les  plantera  dans  une  planche  m\  peu  re- 
levée dans  une  bonne  terre  fraîche  ,  à  l'ex- 
poiition du  levant  ;  &  l'on  couvrira  toute  la 
fuperficie  de  la  terre  ,  dans  leurs  intervalles  , 
d'écorce  ,  de  tan  confommé  ou  de  Iciure  de 
bois. 

9.  Ces  couvertures ,  dont  nous  avons 
déjà  parlé  plufieurs  fois ,  font  d'un  excel- 
lent ulage  ;  mais ,  par  l'humidité  qu'elles 
entretiennent  ,  elles  attirent  les  vers  que 
luivent  les  taupes  ,  dont  ils  (ont  la  proie  : 
celles-ci ,  par  les  galeries  qu'elles  fe  font. 


A  R  B 

déterrent  les  boutures  &  les  jeunes  arbres  , 
ou    elles  empêchent  leur  reprile  en  cavant 
auprès.  Pour  le  mettre  à  l'abri  de  cet  in- 
convénient ,  fans  perdre  le  fruit  de  la  pra- 
tique que  nous   venons    d'indiquer  ,    lori- 
qu'on  n'aura   que  peu  de  boutures  ou     de 
plantules  rares  ,  il  conviendra  de  les  plan- 
ter dans  de  longues  cailfes  profondes  d'un 
pie ,  qu'on  enterrera  &  qu'on  couvrira  de 
challls  à  mailles  de  fil  d'archal ,   en  forme 
de  faîtières  ,  ou  tout  au  moins  de  réfcaux. 
Si  vos  boutures  ou  vos  arbres    nourriçons 
font   en  aflez  grand   nombre  pour  devoir 
être  plantés    en    pleine    terre  ,    du    moins 
faudra  - 1  -  il   livrer  aux  taupes   une  guerre 
continuelle  ,  au  moyen  des  taupieres  qu'on 
tendra  foigneulement  lur  les  traînées  abou- 
tiflantes  à  la  petite  plantation.    Les  taupie- 
res de  bois  cylindrique ,  formées  de  deux 
parties  qui  i"e    joignent  ,    &    munies  d'un 
fermoir  à  reflbrt  ,  font  les   meilleures   que 


nous  connoiillons.  Le  troifieme  printemps  , 
les  boutures  feront  fuffifamment  enracinées 
pour  les  mettre  en  pépinière. 

Lorfqu'on  plantera  les  thuyas  à  demeure  , 
il  conviendra  de  les  arrofer ,  &  de  mettre 
de  la  raouffe ,  de  la  litière  ,  ou  des  gazons 
retournés  autour  de  leurs  pies. 

Comme  les  arbres   de    fie  ne  Ibnt  pas 
auflî  réfmeux    que   les  pins   &  fapins  ,  ils 
ne  fouffrent  pas  autant   d'un    élaguement 
inconùdéré  ;    cependant   ce  fera  bien  fait 
de  ne  leur  retrancher  h  la  fois  qu'un  petit 
nombre  de  branches  inférieures   ,   fe  con- 
tentant de  couper    par  la  moitié  quelques- 
unes  de  celles  de  l'étage  d'au  deflus  ,  lef- 
quelles   l'année   fuivante  on   coupera    rez- 
tronc  ,  en  répétant  cette  opération  julqu'à 
ce    que   l'arbre     ait    un    tronc     nu  de    la 
hauteur  que  l'on  voudra  :   fix  ou  fept  pies 
fufBfent  ordinairement   ;     car  la  beauté  de 
ces  arbres,  ainfi  que  de  tous  ceux  dont  la  ver- 
dure  eft  pérenne   ,    efl    de   préfenter  une 
belle  touffe  pyramidale.  Nous  avons  élagué 
les  thuyas  avec  luccès  vers  la  fin  de  juni  ; 
alors  il  fe  forme  encore  un  bourrelet  autour 
des  coupures  :  nous  n'avons  pas  encore  ofé 
rilquer  cette  opération  dans  d'autres  temps  ; 
nous  penions  qu'il  n'y  auroit  guère  moins  d'in- 
convénient à  la  faire  en  feptembre  ,  comme 
aux    pins  &    fapins  :    le  peu  de  réfine    qui 
fortiroit  encore ,  garantiroit  la  bleiîùre  des 


A  R  B  1S9 

injures  delà  mauvaife  faifon.  {M.le-baron 
DE    TSCHOUDJ.  ) 

Arbre    de  vie.  {The'olog.)  c'étoit 

un  arbre  planté  au  milieu  du  paradis  ,  dont 
le  fruit  auroit  eu  la  vertu  de  conferver  la 
vie  à  Adam  ,  s'il  avoir  obéi  aux  ordres  de 
Dieu  ;  mais  cet  arbre  de  vie  tut  pour  luî 
un  arbre  de  mort ,  à  caufe  de  fon  infidélité 
&  de  la  défobéifllince. 

Arbre  de  lafdence  du  bien  &  du  mal; 
c'étoit  un    arbre  que  Dieu   avoit  planté  au 
milieu  du  paradis.  Il  avoit  défendu  A  Adam 
d'y  toucher  ,  lous  peine  de  la  vie  :  quoenim 
die  comederis   ex  eo  ,    morte  morieris.  On 
difpute   fi  Wirbre  de   vie  &    Varbre    de  IiX 
fcience  du  bien  ù  du  mal  étoient  un  même 
arbre.  Les  fentimens  font  partagés  lur  cela.- 
Voici   les   raifons   qu'on  apporte  pour    & 
contre  le  fentiment  qui  tient  que  c'étoient 
deux  arbres  ditférens.    Moyfe  dit  que  Dieu 
ayant  planté  le  jardin  d'Eden  ,  y  mit  toutes 
fortes  de  bons   arbres   ,  &  en  particulier, 
l'arbre  de  l'ie  au  milieu  du  paradis  ;  comme 
aujji  V arbre  de  la  fcience  du  bien  &  du  mal. 
Et  lorfqu'il  eut  mis  l'homme  dans  le  para- 
dis ,  il  lui  dit  :  mange\  de  tous  les  fruits  dit 
jardin  ,  mais  ne  mange\  pas  du  fruit  de  la 
fcience  du  bien  6"  du  mal  ;  car  au  moment 
que  vous  en  aure:[  mange'  ^  fous  mourrer^.  Et 
lorfque  le   ferpent  tenta  Eve  ,    il  lui   dit  : 
pourquoi  Dieu  vous  a-t-il  défendu  de  manger 
de  tous  les  fruits  du  jardin?  Eve  répondit. 
Dieu  a  permis  de  manger  des  fruits  du  pa~ 
radis  y  mais  il  nous  a  défendu  d'ufer  du  fruit 
qui  efl  au  milieu  du  jardin  ,    de  peur  que 
nous  ne  mourions.    Le  ferpent    répliqua  • 
l'ous  ne    mourre^  point  ;    mais  Dieu  fait 
quauffi-tôt  que  vous  en  aurc:{  mange,  vos 
yeux  feront  ouverts  ,  &  vous  fere^comme 
des  dieux  ,  fâchant  le  bien  &  le  mal.  Et  après 
qu'Adam  &  Eve  eurent  violé  le  commande- 
ment  du   Seigneur  ,    Dieu    ks  chafTà    du 
paradis  ,  &    leur  dit  :  l'oiLi  Adam  qui  eji 
devenu  comme  l'un  de  nous  ,  fâchant  le  bien 
&  le  mal  ;  mais  à  prefent  de  peur  qu'il  ne 
prenne  encore   du  fruit  de  vie  ,  qu'il  n'en 
mange  ^  &  ne  vive  éternellement  y   il  le  mit 
hors  du  paradis.  Genef.  ij.  q  , 
1 7  ;   Genef.  iij.  z  ,  2.5  ,  &  i'. 
De  tous  ces    pafîages   ,    on 
en  faveur  du  fentiment  qui  n'admet  qu'un 
1  arbre  dont  Dieu  ait  défendu  l'ufage  à  Adam. 


ibid.  vcrf. 
peut  inférer 


JpO 


A  R  B 


1°.  Qu'il  n'cfl  pas  nccclTaire  d'en  recon- 
jioîire  deux  ;  le  même  fruit  qui  devoir  con- 
iervcr  la  vie  à  Adam  ,  pouvant  aufii  don- 
ner la  fcience.  2-°.  Le  texte  de  Mo)  le  peut 
îort  bien  s'entendre  d'un  feul  arbie  :  Dieu 
planta  l  arbre  de  la  fie  ou  l'arbre  de  lafacnce. 
Souvent  dans  i'hebreu  la  conjonction  &  ,  elt 
équivalente  à  la  disjonctivc  o;/;  &  de  la  même 
manière  ,  de  peur  quil  ne  prenne  aujji  le 
fruit  de  rie  ,  Ù  ne  vive  éternellemenc  ^  iè 
peut  expliquer  en  ce  fens  :  de  peur  que 
comme  il  en  a  pris ,  croyant  y  trouver  la 
Icience  ,  il  n'y  retourne  aufli  pour  y  trou- 
ver la  vie.  3°.  Enfin  le  démon  attribue  vé- 
ritablement au  même  arbre  le  fruit  de  la 
vie  &  le  fruit  de  la  (a  nce  :  vous  ne  mourre^ 
point  ;  mais  Dieu  fait  qu'auffi-tot  que  vous 
a<jre\  mangé  de  ce  fruit ,  vous  faure:[  le  bien 
&  le  mal.  Il  les  afîure  contre  la  peur  de  la 
mort  ,  &  leur  promet  l\  Icience  en  leur  of- 
irant  le  truit  détendu. 

Mais  l'opinion  contraire  paroir  mieux 
fondée  dans  la  lettre  du  texte.  Moyfe  dil- 
tingue  manileitement  ces  deux  arbres  ,  Par- 
Ire  delà  vie  p  &  l'arbre  delà  fcience  ;  pour- 
quoi les  vouloir  confondre  fans  néceillté  ? 
La  vie  &  la  fcience  font  deux  effets  tout 
lîifFérens  ;  pourquoi  vouloir  qu'ils  foient 
produits  par  le  même  fruit  ?  Elf-ce  trop 
que  de  défendre  Adam  l'uGige  de  deux 
arbres  ?  Le  difcours  que  Dieu  tient  à  Adam 
après  fon  péché ,  paroît  bien  exprès  pour 
dllfinguer  ici  deux  arbres  :  de  peur  qu'il  ne 
prenne  auffi  du  fruit  de  vie  ,  Ù  ne  vive  éter- 
nellement ;  comme  s'il  diioit ,  il  adéja  goûté 
du  fruit  de  la  fcience  ,  il  faut  l'éloigner  du 
fruit  de  la  vie  ,  de  peur  qu'il  n'en  prenne 
aufli.  Le  démon ,  à  la  vérité  ,  ralTure  Eve  & 
Adam  contre  la  crainte  de  la  mort  ;  mais 
il  ne  leur  offre  que  le  truit  de  la  fcience , 
en  leur  difant  ,  que  dès  qu'ils  en  auront 
goûté  ,  ils  ferx)nt  aufli  éclairés  que  des 
dieux  ,  d'où  vient  qu'après  leur  péché  il 
efl  dit  que  leurs  yeux  furent  ouverts.  Ces 
railons  nous  font  préférer  ce  dernier  fen- 
timent  au  premier.  Voye\  Saint  Auguffin  , 
lib.  VI.  de  l'ouvrage  imparfait  contre  Ju- 
lien ,  cap.  XXX  ,  pag.  13  §9  ,  &fuiv. 

On  demande  quelle  étoit  la  nature  du 
fruit  défendu.  Quelques-uns  ont  cru  que 
c*étoit  !e  froment  ,  d'autres  le  figuier  , 
d'autres  le  cerilier ,    d'autres   le  pommier: 


A  R  B 

ce  dernier  fentiment  a  prévalu  ,  quoiqiî'R 
ne  toit  guère  moins  fondé  qiio  les  autres. 
On  cite  pour  le  prouver  le  pailage  du  can- 
tique des  cantiques:  je  vous  ai  éveillé  fous 
un  pommier  ,  cefi-làque  votre  mère  a  perdu 
fon  innocence  ,•  comme  fi  Salomon  avoit 
voulu  parler  à  cet  endroit  de  la  chute  de  la 
pj-emiere  femme.  Rabb.  in  Sanhed.  fol.  jo. 
Theodof.  apud  Theodor.  quceft.  xxviij.  in 
Cent.  ind.  Peluf.  L  I.  ep.  ij.  cant.viij,§. 

Plufieurs  anciens  ont  pris  tout  le  récit 
de  Mo}'lé  dans  un  fens  figuré  ,  &  ont  cru 
qu'on  ne  pouvoit  expliquer  ce  récit  que 
comme  une  allégorie. 

S.  Auguflin  a  cru  que  la  vertu  del'ar^-? 
de  vie  &  de  V arbre  de  la  fcience  du  bien  & 
du  mal  étoit  i'urnaturelle  &  rairaculeule; 
d'autres  croient  que  cette  vertu  lui  éroir 
naturelle.  Selon  Philon  ,  ïarbre  de  vie  mar- 
quoitla  piété  ,  &  Varbredelafcienceh  pru- 
dence. Dieu  efl  l'auteur  de  ces  vertus.  Les 
Rabbins  racontent  des  choies  incroyables 
&  ridicules  de  l'arbre  de  vie.  Il  étoit  d'une 
grandeur  prodigieufe  ,  toutes  les  eaux  de  la 
terre  fortoient  de  fon  pié  ;  quand  on  auroit 
marché  cinq  cents  ans  ,  on  en  auroit  à 
peine  fait  le  tour.  Peut-être  que  tour  cela 
n'eff  qu'une  allégorie  ;  mais  la  clr^'.e  ne 
mérite  pas  qii'on  le  fatigue  à  en  chercher 
le  fens  caché.  Auguû.  de  Genef.  adLitter. 
lib.  VIII,  &  lib.  II ,  de  peccat.  Merit.  c. 
a-x/.Jofeph  ,  ^nr^/^. ///>. /.Bonavent.  Huguo 
Viftor  Ùc.  Philo,  de  Qpificio  mundi  ,  pag. 
J5.  Bcfnage  ,  Hifl.  des  Juifs ,  Uv.  VÏ, 
cap.  xij  ,  art.  i  8.  Calmet ,  diâ.  de  la  Bib. 
tom.  I ,  lett.  A ,  pag.  :i0  5.  (G) 

ArbPvE  de  Diane  ou  AkbR'E philofo- 
phiqiie  ,  (Chjm.)  végétation  métallique  ar- 
tificielle ,  dans  laquelle  on  voit  im  arbre  le 
former  ,  &  croître  peu  .\  peu  du  fond  d'une 
bouteille  pleine  d'e;ui. 

Cette  opération  fe  tait  par  le  mélange  de 
l'argent  du  mercure  &  de  l'elprit  de  nitre  , 
qui  fe  cryflallifent  cniemble  en  forme  d'un 
petit  arbre. 

Furetiere  dit  qu'on  a  vu  à  Paris  végéter 
les  métaux  ,  l'or  ,  l'argent  ,  le  fer  ,  &  le 
cuivre  ,  préparés  avec  l'eau-forte  ;  &  qu'il 
s'élève  dans  cette  eau  une  efpece  â'arbre 
qui  croît  à  vue  d'œil ,  &  iè  divife  en  plu- 
fieurs branches  dans  toute  la  hauteur  de 
l'eau  ,  tant  qu'il  y  a  de  la  matière.  On  ap- 


A  R  B 

pelle  cette  eau  ;,  eau  Je  caillou  ;  &  le  fecret 
en  a  été  donné  par  Rhodes  Caraflcs  , 
ehymifte  grec  ,  dont  parle  le  journal  des  Sa- 
ransde  1677. 

11  y  a  des  manières  difFérentes  de  faire 
cette  expirience  amuiante.  La  première  ei\ 
d'une  lonaieur  à  faire  languir  un  curieux  : 
voici  comment  la  décrit  Lemery.  Prenez 
une  once  d'argent  ;  faites  la  diflblution  dans 
une  once  d'elprit  de  nitre  ;  jetez  votre 
difîôlufion  dans  un  matras  où  vous  aurez 
mis  dix-huit  onces  d'eau  &  deux  onces  de 
vif-argent  :  il  faut  que  le  matras  loit  rem- 
pli julqu'au  cou  ;  lailîez  -  le  en  repos  fur 
un  petit  rondeau  de  paille,  en  quelque  lieu 
sûr  ,  durant  quarante  jours:  vous  verrez 
pendant  ce  temps-là  fe  former  un  arbre 
avec  des  branches ,  &  de  petites  boules  au 
bout  qui  repréfentent  des  tnms. 

La  féconde  manière  de  taire  Wzrf-re  de 
Diane  eft  plus  prompte  ,  mais  eile  cû  moins 
parfaite  ;  elle  elt  due  à  M.^  Homberg ,  & 
elle  fe  fait  en  un  quart-d'heure.  Pour  la 
faire  ,  prenez  qiratre  gros  d'argent^  fin 
en  limaille  ;  faites-en  un  amalgame  à  iroid 
avec  deux  gros  de  mercure  ;  difîblvez  cet 
amalgame  en  quatre  onces  d'eau  -  torte , 
verfez  cette  diiTolurion  d'ans  trois  dcmi- 
fetiers  d'eau  commune  ;  hattez-les  un  peu 
enfemble  pour  les  mêler  ,  &  gardez  le  tout 
dans  une  bouteille  bien  bouchée. 

Quand  vous  voudrez  vous  en  fervir  pour 
fliire  un  arbre  mèiaiUque  ,  prenez -en  une 
once  ou  environ  ,  &  mettez  dans  la  même 
bouteille  la  grolleur  d'un  petit  pois  d'amal- 
game ord'naire  d'or  ou  d'argent,  qui  ioit 
maniable  comme  du  beurre  :  enfuite  laifîez 
la  bouteille  en  repos  deux  ou  trois  minutes 
de  temps. 

Aulîi  -  tôt  après  vous  verrez  fortir  de 
petits  fîlamens  perpendiculaires  de  la  boule 
d'amalgame  ,  qui  s'augmenteront  à  vue 
d'œil  ,  en  jetant  des  branches  en  tonrie 
d'arbrilîcau. 

La  petite  boule  d'almagamefê  durcira  ,  & 
deviendra  d'un  blanc  terne  ;  mais  le  petit  ar- 
briffeau  aura  une  véritable  couleur  d'argent 
poli.  M.  Homberg  explique  parfaitement  la 
torm.ationde  cct-irbreanificiel.LeP.  Kirkcr 
avoir  à  Piome  dans  fon  cabinet  un  pareil 
arbre  nie'tallique  ,  dont  on  peut  trouver  une 
iclL:  -hiai^^ion  .'.ans  ion  Muf^vuni  cçlleg. 


A  R  B  15?/ 

Rom.  f.  4.  p.  /j.6.  Cet  article  eft  en  partie 
de  M.  Forme)'. 

ArbR'E  Je  mars ,  (Chymie.)  c'eft  une 
invention  moderne  ,  dont  on  ell  redevable  à 
M.  Lemery  le  jeune. 

Il  la  découvrit  de  la  manière  fuivante.  Sur 
une  dilfolution  de  limaille  de  fer  dans  l'ef- 
prit  de  nitre  renfermé  dans  un  verre  ,  il 
verflt  de  la  liqueur  alkaline  de  tartre.  La 
liqueur  s'échauffii  bientôt  très  -  confidérabîe- 
ment  ,  quoiqu'avecune  fort  petite  termen- 
tation  •  elle  ne  fut  pas  plutôt  en  repos , 
qu'il  s  y  éleva  une  forte  de  branches  adhé- 
rentes à  la  furf\ice  du  verre  ,  lefquelles 
continuant  à  croître  ,  le  couvrirent  enfin 
tout  entier. 

La  forme  des  branches  étoit  fi  parfaite , 
que  l'on  pouvoit  même  y  découvrir  des 
eîpeces  de  feuilles  &  de  fleurs  ;  de  mania-e 
que  cette  végétation  peut  être  appellée  F^Jr- 
bre  Je  Mars  ,  à  aulii  julle  titre  que  l'oa 
appelle  la  précédente  Varbre  Je  Diane.  Voy. 
rHijh  Je  Pa'.-aJ.  royale  Jes  Sciences  Ji 
ijo6.{M)  . 

Abbre  Je  porphyre  ,  en  Logique,  sap- 
pelle  autrement  échelle  des  prédicamens  , 
fcalaprœJicamemaus.P^.Vv.tDlCk'^'E^T. 

*  Arbre  ,  (  Afydiol.  )  Il  y  avoitche^ 
les  païens  des  aibres  eonfacrés  à  cerraines 
divinités.  Exemple  :  le  pin  à  Cybele  ,  le 
hêtre  à  Jupiter  ,  le  Chêne  A  Rhea  ;  l'olivier 
à  Minerve ,  le  lam-ier  à  Apollon  ,  le  lotus 
&  le  myrte  à  ApoUo-i  &  à  Vénus  ,  k 
cyprès  à  Jluton  ,  le  narciile  ,  l'adiantc  o;i 
capillaire  à  Profcrpine;  le  trêne  &c  le  chien- 
dent à  Mars  ,  le  pourpier  ;\  Mercure ,  h: 
pavot  à  Cérès  &  à  Lucine  ;  la  vign^e  & 
le  pampre  à  Bacchus  ;  le  peuplier  à  Her- 
cule ;  l'ail  aux  dieux  Penaies  ;  l'aune  ,^  le 
cevlre  ,  le  narcilie  k  le  genévrier  aux  Ea- 
menides  ;  le  palmier  aux  Muies  ;  le  platar^e 
aux  Génies.  V'oye:[  aux  articles  Je  ces  Jin- 
nire's  ,  les  raifons  de  la  plupart  de  ces  co:i- 
fécrations  ;  mais  obfervez  combien  elles 
dévoient  embellir  la  poéfie  des  anciens  :  un 
poète  ne  pouvoir  prefque  pas  parler  d'un 
brin  d'herbe  ,  qu'il  ne  pût  en  même  temps  en 
relever  la  dignité ,  en  lui  afïbciant  le  n^m 
d'un  dieu  ou  d'une  déeife. 

Arbre  ,  f.  m.  aibor ,  oris  j  f.  f .  (  '^'■'««^ 
Je  Blafoi2.  )  meuble  dont  on  charge  les  ar- 
moiries. 


ipi  A  R  B 

L'arbre  a  pour  émail  particulier  le  fino- 
ple  ,  il  y  en  a  cependant  de  differens 
émaux  ;  lorfqu'on  peut  diftinguer  l'efpece 
par  les  fruits  ,  on  le  nomme  de  (on  nom , 
Ibit  chêne  ,  pin  ,  olivier ,  poirier  ,  ùc. 

On  dit  d'un  arbre  ,  fûté,  lorfque  le  fût 
eft  d'un  autre  émail  ;  arraché ,  quand  on  en 
voit  les  racines  ;  e'cote'  ,  fi  les  branches 
ont  été  coupées  ;  effeuillé,  de  celui  qui  n'a 
point  de  feuilles. 

Baudean  de  Parabere  ,  en  Bigorre  ;  d'or 
à  r  arbre  de  Jhiople. 

Rouflelet  de  Châteauregnauld  ,  en  Bre- 
tagne; <^'or  au  poirier  deJinople.{G.D.L.  T.) 
Arbre  généalogique  ,arbor  œnfan- 
guinùatis  ,  flemma  ,  atis  ,  plufieurs  rangs 
d'écuflbns  poiés  fur  des  figures  de  branches 
d'arbres  )  qui  partent  du  tronc  ,  au  delîbus 
duquel  on  voit  quelquefois  des  racines. 

h'arbre  généalogique  eft  nécefTaire  ,  lorf- 
qu'il  s'agit  de  faire  des  preuves  pour  entrer 
dans  un  chapitre  noble  ,  ou  pour  être  reçu 
dans  quelque  ordre  qui  exige  des  preuves 
de  noblefTe. 

Sur  le  tronc  de  ['arbre  fe  trouve  l'écuf- 
fon  de  celui  qui  fait  fes  preuves ,  que  l'on 
nomme  le  préfenté. 

Au  premier  rang  au  deflîis  ,  il  y  a  deux 
écuflbns  ;  le  père  'a  droite  ,  la  mère  à 
gauche. 

Au  deuxième  rang  ,_  quatre  éculTons  ; 
l'aïeul  paternel  &  fa  femme  ,  à  droite  ; 
l'aïeul  maternel  &  fa  femme ,  à  gauche. 

Au  troifieme  rang  ,'  huit  éculîbns  ;  les 
bifaïeuls  paternels  ,  à^droite  ,  &  maternels , 
À  gauche. 

Au  quatrième  rang  ,  feize  écuffons  ;  les 
bifaïeuls  paternels  à  droite  ,  les  maternels 
à  gauche  ,  &t-.  toujours  en  doublant  le 
nombre  des  écuflbns  ,  à  mefure  que  l'on 
monte  de  rang  en  rang. 

Arbre,  1.  m.  en  Marine  ^  c'eft  le  nom 
que  les  Levantins  donnent  à  un  mât.  Arbre 
de  meftre  ,  c'eft  le  grand  mât.  Voye^ 
Mat.  (Z) 

Arbre  fe  dit  figurément ,  en  méchani- 
que  y  pour  la  partie  principale  d'une  ma- 
chine-qui  fert  à  fbutenir  tout  le  refte.  On 
s'en  fert  pour  défigner  le  fufeau  ,  ou  l'axe 
fur  lequel  une  machine  tourne.  (  O  ) 

Dam  Part  de  bâtira  dans  la  Charpenterie, 
Varbre  eft  la  partie  la  plus  forte    des  ma- 


A  RB 

chines  qui  fervent  à  élever  des  pierres  ;  cells 
du  milieu  ,  qu'on  voit  pofée  à  plomb  ,  & 
lur  laquelle  tournent  les  autres  picces  qu'elle 
porte  ,  comme  l'arbre  d'uae  grue  ,  d'un 
gruau,  ou  engin.  VoyeiGKVh  ,  Uruau, 
Engin. 

Chei  les  Cardeurs  ,  c'eft  une  partie  du 
rouet  à  laquelle  eft  fufpendue  la  roue ,  par 
le  moyen  d'une  cheville  de  fer  q;.'i  y  entre 
dans  un  trou  affez  large  pour  qu'elle  puifTe 
tourner  ailément.    Voyei^  RoUET. 

Che'^  les  Cartonniers  ,  c'eft  une  des  prin- 
cipales pièces  du  moulin  ,  dont  ils  fe  fer- 
vent pour  broyer  &  délayer  leur  pâte.  Il 
conlilte  en  un  cylindre  tournant  fur  un 
pivot  par  en-bas  ,  &  fur  une  crapaudine 
placée  dans  le  fond  de  la  cuve  ou  pierre  , 
&  par  en-haut  dans  une  folive.  La  partie 
d'en-bas  de  ce  cylindre  ,  qui  entre  dans  la 
cuve  ou  pierre  ,  eft  armée  de  couteaux  :  à 
la  hauteur  d'environ  fix  pies  ,  eft  une  pièce 
de  bois  de  quatre  ou  cinq  pies  de  longueur  , 
qui  traverfe  par  un  bout  de  l'axe  àcY  arbre,  & 
qui  de  l'autre  a  deux  mortoifes ,  à  environ 
deux  ou  trois  pies  de  diftance  ,  dans  lef^ 
quelles  fon  affujetties  deux  barres  de  bois 
de  trois  pies  de  longueur ,  qui  defcendent 
&  forment  une  efpece  de  brancart  ;  on 
conduit  ce  brancart  à  bras  ,  ou  par  le 
moyen  d'un  cheval ,  qui ,  en  tournant  au- 
tour de  la  cuve ,  donne  le  mouvement  à 
{'arbre  ,  &  par  coniéquent  facilite  l'adion 
des  couteaux. 

Clie:^  les  Frifeurs  d'étoffes  ,  c'eft  une 
pièce  qui  eft  couchée  le  long  de  la  machine 
à  frifer,  fur  laquelle  eft  montée  la  plus  grande 
partie  de  la  machine.  L'enfuple  eft  aufli 
montée  fur  un  arbre  de  couche.  Voye\ 
Ensuple. 

Che^  les  Fileurs  d'or  ,  c'eft  un  bouton 
de  fer  qui ,  traverfant  le  flibot  &  la  grande 
roue  ,  donne  en  les  faifant  tourner  ,  le  mou- 
veiTient  A  toutes  les  autres ,  par  le  moyen 
de  la  manivelle  ,  qu'on  emmanche  A  une 
de  fes  extrémités.  Voyei}Ao\il.\li  A  FILER 
l'or. 

Che'^^les Horlogers  ,  c'eft  une  pièce  ronde 
ou  quarrée  ,  qui  a  des  pivots  ,  &  fur  la- 
quelle eft  ordinairement  adaptée  une  roue. 

hes  arbres  font,  en  général ,  d'acier  ;  quel- 
quefois la  roue  tourne  lur  Varbre  ,  comme 
le    barillet  fur  le  lien  ;  mais  le  plus  com- 

munémeat 


ARB^ 

munémcnt,  ils  ne  font  l'un  &  l'autre  qu'un 
leul  corps.  Lorfqu'il  devient  fort  petit  ,  il 
prend  le  nom  de  tige.  Voy.  EssiEU,  AXE, 
TlGE,BARILLET,FUSÉE,&f.(T') 

Chc-{  les  mêmes  ourriers  ,  c'ell  un  cllieii 
qui  d\  au  milieu  du  barillet  d'une  montre 
ou  d'une  pendule.  Cet  arbre  a  ,  iur  ia  cir- 
conférence ,  un  petit  crochet  auquel  l'œil 
du  reflbrt  s'arrêtant  ,  il  fe  trouve  comme 
attaché  à  cet  arbre  par  une  de  fes  extré- 
mités :  c'eit  autour  de  cet  eflicu  que  le 
relfort  s'enveloppe  lorlqu'on  le  bande  en 
montant  la  montre.  I^ojei  Barillet  , 
Ressort  ,  Crochet  ,  &C. 

C'ell  encore  ,  che\  les  horlogers  ,  un  outil 
qui  (ert  à  monter  des  roues  &  autres  pie- 
ces  ,  pour  pouvoir  les  tourner  entre  deux 
pointes.  Voye^  ToUR  d'Horloger. 

On  appelle  encore  arbre  ,  un  outil  qui 
a  un  crochet ,  &  qui  lert  à  mettre  les 
relUjrts  dans  les  barillets  &  à  les  en  ôter  ; 
il  fe  met  dans  une  tenaille  à  vis  par  la 
partie  qui  elt  quarrée.  (  T"  ) 

Che^  les  imprimeurs  ,  on  nomme  arbre 
de  prejfe ,  la  pièce  d'entre  la  vis  &  le  pivot  : 
ces  trois  parties  ,  diftinâes  par  leur  déno- 
mination leulement  ,  ne  font  efientielle- 
ment  qu'une  même  pièce  de  ferrurerie  travail- 
lée de  trois  formes  différentes.  La  partie  iupé- 
rieure  eft  une  vis.  Le  milieu  ou  Varbre  ,  de  fi- 
gure quarrée,  quelquefois  fphérique  ,  efl  celle 
où  pafle  la  tête  du  barreau  ;  fon  extrémité  efl 
un  pivot  qui ,  eu  égard  à  la  conlîruétion  gé- 
nérale &  aux  proportions  de  la  prelTc  ,  a 
toute  la  force  qui  efl  convenable  à  ia  delli- 
nation  ,  &  aux  pièces  dont  il  fait  la  troi- 
fieme  &  dernière  partie  ;  laquelle  ,  trois  ou 
quatre  doigts  au  dellùs  de  ion  extrémité  , 
eft  percée  &  reçoit  une  double  clavette 
qui  foutient  la  boîte  dans  laquelle  paiîe  la 
plus  grande  partie  de  V arbre  ,  dimenfion 
prifè  depuis  Tentrée  du  barreau  juiqu'à-  la 
clavette  qui  ioutient  la  boite.  VoyeT^  Vis, 
Pivot,  Barreau  ,  Boite. 

Ardre  du  rouleau,  che\  les  mêmes  ; 
j'oy^'iç  Broche  du  rouleau. 

Dans  les  Papeteries  ,  arbre  efl  un  long 
cylindre  de  bois  qui  fert  d'axe  à  la  roue 
du  moulin  ;  il  efl  armé  des  deux  côtés  de 
tourillons  de  fer  ,  qui  portent  fur  deux  pi- 
liers ou  montans  ,  fur  lefquels  il  tourne 
par  l'aâion  de  l'eau.  Cet  arbre  eft  garni 
Tome  II J. 


A  R  B  195 

d'cfpace  en  efpace  de  morceaux  de  bois 
plar ,  qui  rciTortent  d'environ  qua'rc  pou- 
ces ,  &  qui ,  en  tournant ,  rencontrent  l'ex- 
trémité des  pilons  ou  maillets  qu'ils  élè- 
vent ,  &  lallfent  eniuite  retomber.  Les 
arbres  des  moulins  A  papier  lont  plus  ou 
moins  longs  ,  ielon  la  dii"|)ol"ition  du  ter- 
rain &  la  quantité  de  maillets  qu'ils  doi- 
vent faire  jouer.  J'ai  vu  un  moulin  à  papier 
dont  Varbre  donnoit  le  mouvement  à  vingt- 
quatre  maillets  diflribués  en  fix  piles,  y^oye:^^ 
Moulin  a  papier. 

Chei  les  Potiers-d'e'tain  ,  c'efl  la  princi- 
pale des  pièces  qui  compofent  leur  tour  ; 
elle  coniiife  en  un  morceau  de  fer  ordi- 
nairement rond  ou  à  huit  pans  ,  dont  la 
longueur  &  la  grofTeur  n'ont  point  de  rè- 
gle que  celle  de  l'idée  du  forgeron.  Cepen- 
dant on  peut  fixer  l'une  à-peu-près  à  fix 
pouces  de  circonférence  ,  &  l'autre  à  en- 
viron dix-huit  pouces  de  long.  On  intror 
duit  dans  le  milieu  une  poulie  de  bois  iur 
laquelle  pafle  la  corde  que  la  roue  fait  tour- 
ner :  aux  deux  côtés  de  la  poulie ,  A  en- 
viron deux  pouces  d'éloignement ,  il  y  a 
deux  moulures  à  Varbre  qu'on  nomme  les 
oignons  ;  ils  i'ont  enfermés  chacun  dans  un 
collet  d'étain  polé  vers  le  haut  des  pou- 
pées du  tour  :  ces  oignons  doivent  être 
bien  tournés  par  l'ouvrier  qui  a  fait  l'arbre, 
&  c'eif  fur  ces  oignons  que  Varbre  fe  meuf. 
Uarbre  efl  ordinairement  creux  par  le  bout 
en  dedans  du  tour ,  pour  y  introduire  Iç 
mandrin.  Voye^  MANDRIN.  L'autre  bouc 
qu'on  appelle  celui  de  derrière ,  doit  être 
préparé  à  recevoir  quelquefois  une  mani- 
velle qu'on  appelle ginguette.  J^oye;^  TOUR- 
NER A  LA  guinguette. 

Il  y  a  des  arbres  de  tour  qui  ne  font 
point  creux  ,  &  dont  le  mandrin  &  Varbre 
iont  tous  d'une  pièce  :  mais  ils  font  anciens 
&  moins  commodes  que  les  creux.  V^oye\ 
Tour  de  Potier  d'Etain. 

Chei  les  Rubaniers ,  c'efl  une  pièce  de 
bois  de  figure  odogone  ,  longue  de  quatre 
pies  &  demi,  avec  Ces  mortoifes  percées  d'ou- 
tre en  outre  ,  pour  recevoir  les  traveries  qui 
portent  les  ailes  du  mouhn  de  l'ourdiiîoir  ; 
cet  arbre  porte  au  centre  de  ion  extrémité 
d'en-haut  une  broche  ou  bouton  de  fer  , 
long  de  8  à  9  pouces  ,  qui  lui  icrt  d'axe  ; 
l'extrémité  d'en-bas  porte  une  grande  poa- 

B  b 


35)4  A  R  3 

lie  ,  fur  laquelle  pafTe  la  corde  de  la  felle  à 
ourdir.  Fojf;^  Selle  AOURDIR.  Ily  a  en- 
core au  centre  de  l'extrémité  d'en-bas  ,  un 
pivot  de  fer  qui  entre  dans  une  petite  cra- 

Ïaudine  placée  au  centre  des  traverfes  d'en 
as.  C'eit  fur  ce  pivot  que  Varbre  tourne 
pendant  le  travail.  Voye^  OURDISSOIR. 

Che:[  les  Toumeurs  ,  c'elt  un  mandrin  hit 
de  plufieurs  pièces  de  cuivre  ,  de  fer  ,  & 
de  bois,  dont  on  fe  fert  pour  tourner  en 
l'air ,  pour  faire  des  vis  aux  ouvrages  de 
tour,  &  pour  tourner  en  ovale  &  en  d'au- 
xres  figures  irrcgulieres.   Voye\  ToUR. 

On  voitpar  ces  exemples  qui  précèdent, 
qu'il  y  a  autant  à^ arbres  diftérens  de  nom  , 
qu'il  y  a  de  machines  difiérentes  où  cette 
pièce  fe  rencontre  ;  mais  qu'elle  a  prefque 
par-tout  la  même  fonâion  :  auffi  les  dif- 
férentes fortes  à'arbres  dont  nous  avons 
fait  mention ,  fufîiront  pour  faire  connoître 
cette  fonction. 

ARBRISSEAU  Jnnex ,  f.  m.  {Hifi.  nat. 
iot.)  plante  ligneufe  ,  du  tronc  de  laquelle 
s'élèvent  plufieurs  tiges  branchues  ,  qui  for- 
ment naturellement  un  buidbn.  Il  n'eflpas 
poffible  de  déterminer  précifément  ce  qui 
didingue  un  arbrijfeau  d'un  arbre  ;  il  ell 
fur  qu'un  arbrij/eau  elf  moins  élevé  qu'un 
arbre,  mais  quelle  différence  y  aura-t-il 
entre  la  mefure  d'un  grand  arbrijjéau  &  d'un 
petit  arbre  ?  Varbrijfeau  lèra  quelquefois 
plus  grand  que  l'arbre.  Cependant  on  peut 
effimer  en  général  la  hauteur  d'un  arbrif- 
feau  ,  depuis  environ  fix  juiqu'A  dix  ou 
douze  pies  ;  tels  font  l'aubépin  ,  le  grena- 
dier,  le  filaria  ,  &c.  Voye^  ArbRE.  (  /) 

SoUS-ARBRISSEAU  ,  f  m.fijjfrutex  , 
plante  ligneuiè  qui  produit  d'un  ieul  tronc 
plufieurs  menues  branches  qui  forrnent  un 
petit  buiflbn.  Les  fous-arhrijjeaux  font  plus 
petits  que  les  arbriiTeaux  ,  comme  leur  nom 
le  défigne.  On  peut  regarder  comme /o;/j- 
arbrijjèjux ,  toutes  les  plantes  ligneuies  que 
l'on  voit  fous  fa  main  ,  lorlqu'on  ell  de- 
bout ,  comme  les  groiéliers  ,  les  bruyères  , 
^c.  Voye\  Arbrisseau.  (I) 

ARBROT  ,  f.  m.  terme  d'Oifeleur ,  c'eil 
un  petit  arbre  garni  de  gluaux,  On  du 
prendre  les  oileaux  .1  Yarbrot. 

ARBUSTE  ,  lùb.  m.  [Hift.  nat.^  Bot.  ) 
très-petite  plante  ligneuiè  ,  telle  qu'un  ious 
arbrillcau.  roje^^SoUS-ARBRlSSEAU.  (/J 


ARC 

ARC  ,  arme  ofFenfive  propre  à  combat- 
tre de  loin  ,  faite  de  bois  ,  de  corne  ou 
d'une  autre  matière  élaffique ,  &  que  l'on 
bande  fortement  par  le  moyen  d'une  corde 
attachée  aux  deux  extrémités ,  enforte  que 
la  machine  retournant  à  fon  état  naturel, 
ou  du  moins  le  redreflant  avec  violence  , 
décoche  une  tleche.  Ko)'<':j FLECHE,  Ti- 
rer  DE    l'arc. 

L'arc  eff  l'arme  la  plus  ancienne  &  la 
plus  univerielle.  Les  Grecs  ,  les  Romains  , 
mais  lur  -  tout  les  Parthes ,  s'en  fervoient 
fort  avantageulement.  Elle  eft  encore  en 
ulage  en  Afie  ,  en  Afrique ,  &  dans  le 
nouveau  monde.  Les  anciens  en  attribuoient 
l'invention  à  Apollon. 

Avant  que  l'ulage  des  armes-à-feu  fût 
introduire  en  Europe  ,  une  partie  de  l'infan- 
terie étoit  armée  d'arcj ,  &  l'on  nommoit 
archers  les  foldats  qui  s'en  fervoient.  Les 
habitans  des  villes  étoient  même  obligés 
de  s'exercer  à  tirer  de  l'arc  ,*  c'eft  l'origine 
des  compagnies  bourgeoifes,  des  compa- 
gnies de  ïarcs  ,  qui  fublïilent  encore  dans 
plufieurs  villes  de  France.  Louis  XI  abolit 
en  14B1  l'ufage  de  l'arc  &.  de  la  tleche , 
&c  leur  iubffitua  les  armes  des  Suilfes  ,  la 
halebarde  ,  la  pique    &  le  fabre. 

En  Angleterre  on  fait  un  grand  ufige  de 
l'arc  ,  il  y  a  eu  même  des  loix  &  des  ré- 
glcmens  pour  engager  les  peuples  à  fe  per- 
fedionner  dans  l'art  d'en  tirer.  Sous  le 
règne  de  Henri  VIII ,  le  parlement  fe  plai- 
gnit que  les  peuples  négligeoient  un  exer- 
cice qui  avoit  rendu  les  troupes  Angloi- 
les  redoutables  à  leurs  ennemis  ;  &  en 
effet  ,  elles  durent  en  partie  à  leurs  archers 
le  gain  des  batailles  de  Créci ,  de  Poitiers  , 
&  d'Azincour.  Par  un  règlement  d'Henri 
VIII,  chaque  tireur  d'arc' de  Londres  ell 
obligé  d'en  fiire  un  d'if  &.  deux  d'orme  , 
de  coudrier  ,  de  frêne ,  ou  d'autre  bois  : 
ordre  aux  tireurs  de  la  campagne  d'en  faire 
trois.  Par  le  huitième  règlement  d'Elizabeth, 
c/ijp.  X  ,  les  uns  &  les  autres  turent  obligés 
d'avoir  toujours  chez  eux  cinquante  arcs 
d'orme  ,  de  coudrier  ,  ou  de  frêne  ,  bien 
conditionnés.  Par  le  douzième  règlement 
d'Edouard ,  cAa^.  /)'.  ,  il  eit  ordonné  de  mul- 
tiplier les  arcs  ,  &  détendu  de  les  vendre 
trop  cher.  Les  meilleurs  ne  pouvoicnt  pas 
valoir  plus  de  1L\  fous  huit  deniers.  Cha- 


ARC 

que  commerçant  qui  trafique  à  Vcnlfc  ,  ou 
aux  autres  endroits  d'où  l'on  tire  les  Mtons 
propres  i\  fair-c'  des  arcs,  doit  en  apporter 
quatre  pour  chaque  tonne-au  de  marchan- 
dife ,  fous  peine  de  lîx  fous  huit  deniers 
d'amende,  pour  chaque  bâton  manquant; 
&  par  le  premier  règlement  de  Richard  III , 
cliap.  xj  ,  il  leur  cil:  ordonné  d'apporter  dix 
biîtons  à  faire  des  arcs ,  pour  chaque  botte 
ou  tonneau  de  malvoifie  ,  à  peine  de  treize 
fous  quatre  deniers  d'amende-  L'arc  n'efl 
plus  guère  en  ulage  dans  la  Grande-Bre- 
tagne ,  que  parmi  les  montagnards  d'EcofTe 
&  les  fiuvages  des  îles  Orcades  :  quelques 
corps  de  troupes  Turques  ou  Ruiliennes 
en  font  auffi  ulage.  (G) 

Arc,  fub.  m.  en  Géométrie,  c'eflune 
portion  de  courbe  ,  par  exemple ,  d'un  cer- 
cle, d'une  ellipfe,  ou  d'une  autre  courbe. 
yoyei  Courbe. 

y4rc  de  cercle,  efl  une  portion  de  cir- 
conférence ,  moindre  que  la  circonférence 
entière  du  cercle.  Tel  ci\A  E  B  ,  Planche 
de  Ge'om.fig.  6.  Voye^  CERCLE  &  CIR- 
CONFÉRENCE. La  droite  ^5  qui  joint  les 
extrémités  d'un  arc  s'appelle  corde-  &  la 
^perpendiculaire  D  E  ,  tirée  lur  le  milieu  de 
la  corde,  s'appelle/fcAe.  Foj'c;^  CoRDE, 
Flèche.  Tous  les  angles  font  mefurés  par 
Ats  arcs.  Pour  avoir  la  valeur  d'un  angle 
on  décrit  un  arc  de  cercle ,  dont  le  centre 
foit  au  fommet  de  l'angle.  Voye:{  AngLE. 
Tout  cercle  efl  fuppofé  en  360^.  Un  arc 
efl  plus  ou  moins  grand ,  félon  qu'il  con- 
tient un  plus  grand  ou  un  plus  petit  nom- 
bre de  ces  degrés.  Ainfi  l'on  dit  un  arc  de 
30,  de  80,  de  100^.  Voye^  DEGRÉ.- La 
mefure  des  angles  par  les  arcs  de  cercle ,  efl 
fondée  fur  ce  que  la  courbure  du  cercle 
efl  uniforme.  Les  arcs  d'une  autre  courbe 
ne  pourroient  y  fervir. 

Arcs  concentriques ,  font  ceux  qui  ont  le 
même  centre:  ainfi  dans  \a figure  80,  les 
arcs  b  H ,  e  K  ,  font  des  arcs  concentri- 
ques. Kqyq  Concentrique. 

Arcs  égaux ,  ce  font  ceux  qui  contien- 
nent le  même  nombre  de  degrés  d'un  mê- 
me cercle  ou  de  cercles  égaux  ;  d'où  il  s'en- 
fuit que  dans  le  même  cercle  ou  dans 
des  cercles  égaux ,  les  cordes  égales  fou- 
tiennent  des  arcs  égaux.  Un  rayon  C  E 
(fis-  ^  >  )  l'Ji  coupe  en  deux  parties  éga- 


A  R  C  19^ 

les  en  D  une  corde  A  B ,  coupe  audl  en 
E  ïarc  A  E  B  en  deux  parties  égales ,  & 
ell  perpendiculaire  à  la  corde ,  &  f-'iee  verfâ. 
Le  problême  de  couper  un  arc  en  deux  par- 
ties égales  fera  donc  réfolu ,  en  tirant  une 
ligne  C  E  perpendiculaire  fur  le  milieu  D 
de  la  corde. 

Arcs  femblables ,  ce  font  ceux  qui  con-^ 
tiennent  le  même  nombre  de  degrés  de 
cercles  inégaux.  Tels  font  les  arcs  A  B  Se 
D  E  3  fig.  87.  Si  deux  rayons  partent  du 
centre  de  deux  cercles  concentriques  ,  les 
arcs  compris  entre  les  deux  rayons ,  onc 
le  même  rapport  ;\  leur  circonférence  en- 
tière; &  les  deux  fefleurs  ,  le  même  rap- 
port à  la  iiirfacc  entière  de  leurs  cercles» 

La  diftance  du  centre  de  gravité  d'uit 
arc  de  cercle  au  centre  du  cercle ,  efl  une 
troifieme  propoçtionelle  à  cet  arc  ,  à  fi 
corde ,  &  au  r-ayon.  Voyei  Ce N  TRE  i/e  gra- 
rite.  Quant  aux  lînus ,  tangentes ,  fécantes  , 
&c.desarcs,  roye^  SiNUS,  TANGENTE, 
&  Arc  en  Ajîronomie.  L'arc  diurne  du 
foleil  efl  la  portion  d'un  cercle  parallèle  à 
l'équateur,  décrite  par  le  foleil  dans  fbn 
mouvement  apparent  d'orient  en  occident  , 
depuis  fon  lever  jufqu'à  fon  coucher.  Voye^ 
Diurne,  Jour  ,  6'c. 

L'arc  noûurne  efl  la  même  chofe  ,  ex- 
cepté qu'il  efl:  décrit  depuis  le  coucher  juf- 
qu'au  lever.  Voye^  NUIT  ,  LEVER  ,  &<:. 
Voyei  aujfi  NoCTURNE. 

La  latitude  &  l'élévation  du  pôle  font 
mefurées  par  un  arc  du  méridien.  La  lon- 
gitude efl  mefurée  par  un  arc  de  l'équateur. 
l^oyei  Elévation  ,  Latitude ,  Lon- 
gitude ,  6v. 

L'arc-  de  progrejfion  ou  de  direclion  ,  efE 
un  arc  de  l'écliptique  qu'une  planète^  fem- 
ble  parcourir,  en  fuivant  l'ordre  des  lignes. 
Voye\  Direction. 

L'arc  de  rétrogradation  efl  un  arc  de 
l'écliptique  qu'une  planète  femble  décrire, 
en  fe  mouvant  contre  l'ordre  des  lignes. 
Voyei[  Rétrogradation. 

Arc  déflation.  Voye\  STATION  &  StA- 
tionnaire. 

L'arc  entre  les  centres  dans  les  éclipfes  i 
efl  un  arc  tel  que  AI  {  Plane.  d'Aflr.  fig. 
55.),  qui  va  du  centre  de  la  terre  A 
perpendiculairement  à  l'orbite    lunaire    O 

B.  Voye-z  Eclipse. 

Bb  2 


15)6  ARC 

Si  la  fomme  de  Varc  encre  les  centres  A I 
&  du  demi-diametre  apparent  de  !a  lune , 
eft  égale  au  demi-diametre  de  l'ombre, 
l'écliple  fera  totale  fans  aucune  durée  ;  fi 
cette  fomme  eft  moindre,  elle  fera  totale 
avec  quelque  durée;  &  fi  elle  efl  plus 
grande  ,  &  toutefois  moindre  que  la  fomme 
des  demi-diametres  de  la  lune  &  de  l'ombre , 
elle  fera  partiale. 

L'art-  de  vifion  eft  celui  qui  mefure  ja 
dlfiance  à  laquelle  le  foleil  eft  au  defiùs 
de  l'horizon  ,  lorfqu'une  étoile  que  les 
rayons  déroboient,  commence  à  reparoî- 
tre.  rqyf:^ Lever.  (  O) 

Arc  fe  dit,  en  archucclure  ,  d'une  ftnic- 
ture  concave  qui  a  la  forme  de  Varc  d'une 
courbe  ,  &  qui  fert  comme  de  fupport 
intérieur  à  tout  ce  qui  pofe  dclTus.  M. 
Henri  Wotton  dit  qu'un  arc  n'eil  rien 
autre  cbofe  qu'une  voûte  étroite  ou  refler- 
rée  ,  &  qu'une  voûte  n'elt  qu'un  arc  dilaté. 
Voyei  VOUTE. 

On  fe  fert  A'arcs  dans  les  grandes  in- 
tercolumnations  des  vaftes  bâtim.ens ,  dans 
les  portiques ,  au  dedans  comme  au  dehors 
des  temples  ,  dans  les  falles  publiques  , 
dans  les  cours  des  palais  ,  dans  les  cloîtres, 
aux  théâtres  &  amphithéâtres.  7'oye;[  POR- 
TIQUE ,  Théâtre  ,  Lambris  ,  Ê'c.  On 
s'en  fêrt  auffi  comme  d'éperons  &  de 
contreforts  pour  foutenir  de  fortes  mu- 
railles qui  s'enfoncent  profondément  en 
terre  ,  de  même  que  pour  les  fondations 
des  ponts,  des  aqueducs,^  des  arcs  de 
triomphe ,  des  portes ,  des  fenêtres.  voye\ 
ÉPERON,  ArC-EOUTANT,   &C, 

Les  arcs  font  auffi  foutenus  par  des  pi- 
liers ou  pies  droits  ,  des  impolies ,  &c. 
ToyeT^  Pilier  ou  Pié  droit  ,  Lmpos- 
TE  ,   &c. 

Il  y  a  des  arcs  circulaires  ,  elliptiques  , 
droits. 

Les  arcs  circulaires  font  de  trois  efpe- 
ces  ;  flwoir  ,  les  arcs  demi  ~  circulaires  , 
qui  font  exaftement  un  demi-cercle,  & 
qui  ont  leur  centre  au  milieu  de  la  corde 
de  l'arc-;  les  architeftes  François  les  ap- 
pellent auffi  des  arcs  parfaits  ou  des  arcs 
en  plein  cintre. 

Les  arcs diminu's  ou  bombes  font  plus  pe- 
tits qu'un  demi-cercle ,  &  par  conléqucnt 
ces  arcs  font  plus  plats  :  quelques-uns  con- 


A  R  C 

tiennent  90  degrés,  d'autres  70,  &  d^au- 
tres  feulement  60  :  on  les  appelle  auffi  arcs 
imparfaits. 

Les  arcs  tiers  &  quart-point ,  comme  s'ex- 
priment quelques  ouvriers  d'Angleterre  , 
quoique  les  Italiens  les  appellent  di  terip^ 
&  quarto  acuto  ,  parce  qu'à  le-ur  lommet 
ils  font  toujours  un  angle  aigu ,  lont  deux 
arcs  de  cercle  qui  le  rencontrent  en  for- 
mant un  angle  par  le  haut  ,  &  qui  fe  ti- 
rent de  la  divif'on  de  la  corde  en  trois  ou 
quatre  parties  à  volonté.  Il  y  a  un  grand 
nombre  d'arcj  de  cette  efpece  dans  les  an- 
ciens bcitimens  gothiques  :  mais  M.  Henri 
Wotton  veut  qu'on  ne  s'en  ferve  jamais 
dans  la  conllruérion  des  édifices  ,  tant  à 
caufe  de  leur  foiblefie  ,  que  du  mauvais 
cfFct  qu'ils  produifent  aux  yeux. 

Les  arcs  elliptiques  confillent  en  une  de- 
mi-ellipfe;  ils  étoient-  autretois  fort^  ufités. 
au  lieu  des  manteaux  de  cheminée;  ils  ont 
communément  une  clé  de  voûte  &  des 
impolies. 

Les  arcs  droits  font  ceux  dont  les  côtés 
fupérieurs  &  inférieurs  font  droits  ,  com- 
me ils  font  courbes  dans  les  autres  ;  & 
ces  deux  côtés  l'ont  auffi  parallèles  ,  les 
extrémités  &  les  jointures  toutes  dirigées 
ou  tendantes  à  un  centre.  On  en  fait  prin- 
cipalement ulage  au  deffus  des  fenêtres , 
des  portes ,  &c. 

La  doûrine  &  l'ufage  des  arcs  font  très-, 
bien  expofés  par  M.  Henri  Wotton  ,  dans 
les  théorèmes  fuivans. 

1°.  Suppoibns  différentes  matières  foli- 
desj  telles  que  les  briques  ,  les  pierres  , 
qui  aient  une  forme  reûangulaire  :  fi  l'on 
en  difpofe  plufieurs  les  unes  à  côté  des 
autres,  dans  un  même  rang  &  de  n:ycau  , 
&  que  celles  qui  font  aux  extrémités 
Ibient  foutenues  entre  deux  fupports  ;  il 
arrivera  néccflairement  que  celles  du  mi- 
lieu s'aflTaifleront ,  même  par  leur  propre 
pcfinteur,  mais  beaucoup  plus  fi  quclq\ie 
poids  pofe  deliiis;  c'eft  pourquoi,  afin  de 
leur  donner  plus  de  folidité,  il  faut  chan- 
ger leur  figure  ou  leur  pofition. 

2°.  Si  Ton  donne  une  forme  de  coiii  aux 
pierres  ,  ou  autres  matériaux ,  qu'ils  foienr 
plus  larges  en  deffus  qu'en  delfous  _,  &, 
djfpolcs  dans  un  même  rang  de  niveau 
avec  leurs  extrémirés,    foutenues  comme 


ARC 

^ans  le  précédent  théorcme  ;  il  n'y  en  a 
aucun  qui  puiffe  s'abailler  ,  à  moins  que 
les  fupports  ne  s'écartent  ou  s'inclinent  ; 
parce  que ,  dans  cette  fituation  ,  il  n'y  a  pas 
lieu  à  une  defcente  perpendiculaire  :  mais 
ce  n'eu  qu'une  coniîruiâion  toibie ,  atten- 
du que  les  fupports  font  fujcts  à  une  trop 
grande  impulhon  ,  particulièrement  quand 
la  ligne  ell  longue  :  ainii  l'on  tait  rarement 
ufage  CCS  arcs  droits ,  excepté  au  deiîiis 
des  portes  &  des  Fenêtres  où  la  ligne  cû 
courte  :  ce([  pourquoi  ,  afin  de  rendre 
l'ouvrage  plus  fblide ,  il  finit  non  feulement 
clianger  la  figure  des  matériaux ,  mais  en- 
core leur  pofition. 

3°.  Si  les  matériaux  font  taillés  en  for- 
me de  coin  ,  difpoiés  en  arc  circulaire  ,  & 
dirigés  au  même  centre ,  en  ce  cas  aucune 
des  pièces  de  Varc  ne  pourra  s'afFaifîer , 
puifqu'elles  n'ont  aucun  moyen  de  dcfcen- 
dre  perpendiculairement  ,  &  que  les  iup- 
ports  n'ont  pas  à  ibutenir  un  auiii  grand 
effrrt  que  dans  le  cas  de  la  forme  précé- 
dente ;  car  la  convexité  fera  toujours  que 
le  poids  qui  pefe  delTus  ,  portera  plutôt 
fur  les  fupports  qu'il  ne  les  pouflera  en 
dehors  ;  ainfî  l'on  peur  tirer  de-là  ce  co- 
rollaire ,  que  le  plus  avantageux  de  tous  les 
arcs  dont  on  vient  de  parler  ,  efl  l'arc  demi- 
circulaire  ,  &  que  de  toutes  les  voûtes  l'hé- 
mifphérique  efl:  préférable. 

4°.  Comme  les  voûtes  faites  d'un  demi- 
cercle  entier  font  les  plus  fortes  &  les  plus 
folides,  de  même  celles-là  font  les  plus 
agréables  ,  qui  s'élevant  à  la  même  hau- 
teur ,  font  néanmoins  allongées  d'une  qua- 
torzième partie  du  diamètre  :  cette  aug- 
mentation de  largeur  contribuera  beaucoup 
à  leur  beauté  ,  fans  aucune  diminution 
confidérable  de  leur  force.  On  doit  néan- 
moins obferver  que ,  fuivant  la  rigueur  géo- 
métrique, les  arcs  qui  font  des  portions 
de  cercle ,  ne  font  pas  ablolument  les  plus 
forts  ;  les  arcs  qui  ont  cette  propriété  ,  ap- 
partieniient  à  une  autre  courbe  appelléc 
chainette ,  dont  la  namre  efl  telle  ,  qu'un 
nombre  de  fphercs  dont  les  centres  iont 
difpofés  fuivant  cette  courbe  ,  fe  foiîtien- 
dront  les  unes  les  autres  ,  &  formeront  un 
arc-  Voyei  CHAINETTE. 

M.  Grégory  fait  voir  même  que  les  arcs 
qui 'Dût  vii.s  autre  fc;rme  que  cette  courbe  .- 


ARC  197 

ne  fe  foutîennent  qu'en  vertu  de  la  chaî- 
nette qui  efl  dans  leur  épaifïèur  ;  de  forte 
que  s'ils  étoient  infînimgiit  minces  ,  ils  tom- 
beroient  d'eux-mêmes  ,  ou  naturellement  ; 
au  lieu  que  la  chaînette ,  quoiqu'infiniment 
mince  ,  peut  fe  fourcnir  ,  parce  qu'aucun 
de  (ts  points  ne  tend  en  bas  plus  que 
l'autre.  Tranfaâ.  phitof.  n°.  x-^i.  Voye:;^ 
une  plus  ample  théorie  des  arcs  à  l'article 
VoUTE.  (rP) 

Arc  ,  ou  ligne  courbe  de  l'éperon  {Ma- 
rine.) c'cft  en  longueur  la  diflance  qu'il  y 
a  du  bout  de  l'éperon  à  l'avant  du  vaif- 
feau  pardeffus  l'éperon  ;  cette  courbe  efl 
formée  principalement  par  les  aiguilles ,  ou 
plutôt  par  l'aiguille  inférieure  &  la  gorgere. 
On  donne  aujourd'hui  beaucoup  à' arc  à 
l'éperon.  Voye^  la  figure  de  V éperon  ,  tom.  I. 
Marine,  PL  IV.  (Z) 

Arc,  f.  m.  partie  de  la  ferrure  d'un 
carrofle;  Ce  fbnt  les  Maréchaux  grofîlers 
qui  forgent  les  arcs  aintl  nommés  parce 
qu'ils  en  ont  la  forme. 

*  Arc  ,  rivière  de  Savoie  qui  a  fa  fource 
à  la  partie  feptcntrionale  du  grand  mont 
Cenis  ,  aux  confins  du  duché  d'Aofle  ,  tra- 
verfe  le  comté  de  Maurienne  ,  &  va  fè  jeter 
dans  l'Ifere. 

ArC-DOUTANT  ,  &  mieux  ArC-BU- 
TANT,  enArchitecIure ,  efl  un  arc  ou  portion 
d'un  arc  rampant  qui  bute  contre  un  mur  ou 
contre  les  reins  d'une  voûte  ,  pour  en  em- 
pêcher l'écartcment  &  la  poufTéc ,  comme 
on  le  voit  aux  églifes  gothiques.  Ce  mot  eil 
françois ,  &  efl  formé  d'arc  &  de  buter. 

On  appelle  aufli  allez  mal-à-propos  arc- 
bu^ant ,  tout  pilier  ou  mafle  de  maçonnerie 
qui  fervent  à  contretenir  un  mur ,  ou  de 
terraiTe  ,  ou  autre.  V.  PiLTER-BATTANT  , 
Contre-fort  &EPERON.  Cemotd'arc- 
butant  ne  convient  qu'à  un  corps  qui  s'élève 
&  s'incline  en  portion  de  cercle  contre  le 
corps  qu'il  (outient.  {D) 

AE.CS-BOUTANS  ,  en  Marine  ,  ce  font 
des  pièces  de  bois  entaillées  fur  les  baux  ou 
barots  ,  &  fervant  à  foutenir  les  barotins. 
Vvyerjesfig.  de  Marine  ,  PL  IV.fig.  z .  le 
n°.  7j.  marque  les  arcs-boutans  &  leur 
fituation.  On  peut  les  voir  encore  dans  la 
Planche  V.  fig.  i.  fous  le  n°.  JJ.  Voyc\_ 
Baux  ,  Bae.ots  &  Barotins. 

Arcs-boiuans  fc  dit  encore  d'une  &ï^ccs 


198  A  R.  C 

de  petit  mât  de  iÇ  à  30  pi^s  de  long, 
ferré  par  un  bout  avec  un  fer  à  trois  poin- 
tes de  6  à  S  pouces  de  longueur  ,  donr 
l'ufage  eflde  tenir  les  écoutes  des  bonnettes 
en  état,  &  de  repoulTcr  un  autre  vaifTeau 
s'il  venoit  à  l'abordage.  ï^qye^  ECOUTES  , 
Bonnettes.  (Z) 

Arcs-BOUTANS,  ou  étais  des  jumelles  , 
ce  font ,  dans  un  grand  nombre  de  ■  ma- 
chines ,  des  pièces  de  bois  qui-aflemblent 
&  foutiennent  les  jumelles  fur  les  pies  des 
patins. 

Arc-BUTER  ,  V.  aâ.  en  Architecture  , 
c'efl  contretcnir  la  pouffée  d'une  voûte  ou 
d'une  plate-bande  avec  un  arc-butant  :  mais 
contre-biiter y  c'eft  contretenir  avec  un  pi- 
lier butant  ou  un  étai.  Voye\  CONTRE- 
buter.  (P) 

Arc-en-ciel  ,  iris ,  f.  m.  {Phyfiq.  ) 
météore  en  forme  d'arc  de  diverfes  couleurs , 
qui  paroît  lorfque  le  temps  efl  pluvieux , 
dans  une  partie  du  ciel  oppofée  au  foleil , 
&  qui  eft  formé  par  la  réfraflion  des  rayons 
de  cet  aftre ,  au  travers  des  gouttes  fphé- 
riques  d'eau  dont  l'air  eft  alors  rempli. 
Voyei  MÉTÉORE  ,  PlUIE  &  RÉFRAC- 
TION. 

On  voit  pour  l'ordinaire  un  fécond  arc- 
en-ciel  qui  entoure  le  premier  à  une  cer- 
taine diflance.  Ce  fécond  arc-en-ciel  s'ap- 
pelle arc-en-ciel-extérieur  ,  pour  le  diilin- 
guer  de  celui  qu'il  renterme  ,  &  qu'on 
nomme  arc-en-ciel  intérieur.  Uarc  inté- 
rieur a  les  plus  vives  couleurs  ,  &  s'ap- 
pelle pour  cela  Varc  principal.  Les  couleurs 
de  l'arc  extérieur  font  plus  foibles ,  &  de- 
là vient  qu'il  porte  le  nom  de  fécond  arc. 
S'il  paroît  un  troifieme  arc,  ce  qui  arrive 
fort  rarement  ,  fes  couleurs  font  encore 
moins  vives  que  les  précédentes.  Les  cou- 
leurs lont  renverlées  dans  les  deux  arcs  ; 
celles  de  l'arc  principal  font  dans  l'ordre 
fuivant ,  à  compter  du  dedans  en  dehors , 
violet ,  indigo  ,  bleu  ,  verd ,  jaune  ,  oran- 
ge ,  rouge  :  elles  font  arrangées  au  con- 
traire dans  le  fécond  arc  en  cet  ordre , 
rouge ,  orangé  ,  jaune ,  verd  ,  bleu  ,  indi- 
go ,  violet  :  ce  Ibnt  les  mêmes  couleurs 
que  l'on  voit  dans  les  rayons  du  foleil  qui 
traverfent  un  prifme  de  verre,  l^oye:^ 
Prisme.  Les  Phyliciens  tont  aulil  mention 
d'un  arc-en-ciel  lunaire  &  d'un  arc-en- 


ARC 

ciel  marin  j  dont  nous  parlerons  plus  basr,^ 

V arc-en-ciel ,  comme  l'obferve  M.  New- 
ton ,  ne  p.iroît  jamais  que  dans  les  en- 
droits où  il  pleut  &  où  le  ioleil  luit  en 
même  temps  ;  &  l'on  peut  le  former  par 
art  en  tournant  le  dos  au  foleil  &  en  tai- 
(ant  jaillir  de  l'eau  ,  qui  poulfée  en  l'air 
&  difperfée  en  gouttes ,  vienne  tomber  en 
forme  de  pluie;  car  le  foleil  donnant  fur 
ces  gouttes  ,  fait  voir  un  arc-en~ciel  à  tout 
fpedateur  qui  fe  trouve  dans  une  jufle 
polîfion  à  l'égard  de  cette  pluie  &  du  fo- 
leil ,  lur-tout  11  l'on  met  un  corps  noir 
derrière  les  gouttes  d'eau. 

Antoine  de  Dominis  montre  dans  fon 
livre ,  de  radio  lifùs  &  lucis  ,  imprimé  à 
Venife  en  161 1  ,  que  Varc-en-ciel  ell  pro- 
duit dans  des  gouttes  rondes  de  pluie , 
par  deux  réfraftions  de  la  lumière  folaire , 
&  une  réflexion  entre  deux  ;  &  il  confirme 
cette  explication  par  des  expériences  qu'il 
a  faites  avec  une  phiole  &  des  boules  de 
verre  pleines  d'eau  ,  expofées  au  foleil.  II 
faut  cependant  reconnoître  que  quelques 
anciens  avoient  avancé,  antérieurement  à 
Antoine  de  Dominis  ,  que  Varc-en-ciel  étoit 
formé  par  la  réfraâion  des  rayons  du  foleil 
dans  des  gouttes  d'eau.  Kepler  avoit  eu 
la  même  penfée  ,  comme  on  le  voit  par 
les  lettres  qu'il  écrivit  à  Berenger  en  1605  , 
&  .1  Harriot  en  1606.  Defcartes  ,  qui  a 
luivi  dans  ks  météores  l'explication  d'An- 
toine de  Dominis  ,  a  corrigé  celle  de  l'arc 
extérieur.  Mais  comme  ces  deux  favans 
hommes  n'entendoient  point  la  véritable 
origine  des  couleurs  ,  l'explication  qu'ils 
ont  donnée  de  ce  météore,  efl  défeâucufe 
à  quelques  égards  ;  car  Antoine  de  Dominis 
a  cru  que  Yarc-en-ciel  extérieur  étoit  formé 
par  les  rayons  qui  rafoient  les  extrémités 
des  gouttes  de  pluie,  &  qui  venoient  à 
l'œil  après  deux  réfra£lions  &  une  réfle- 
xion. Or  on  trouve ,  par  le  calcul  ,  que 
ces  rayons  ,  |dans  leur  l'econde  réfraftion , 
doivent  faire  un  angle  beaucoup  plus  petit 
avec  le  rayon  du  foleil  qui  pafle  par  l'oeil , 
que  l'angle  ious  lequel  on  voit  l'arc-e/z- 
ciel  intérieur  ;  &  cependant ,  l'angle  fous 
lequel  on  voit  Varc-en-ciel  extérieur ,  eff 
beaucoup  plus  grand  que  celui  fous  lequel 
on  voit  Varc-en-ciel  intérieur  :  de  plus , 
les  rayons  qui  tombent  fort   obliquement 


AR  C 

fijr  une  goutte  d'eau  ,  ne  font  point  de 
couleurs  fenlîbles  dans  leur  kconde  ré- 
fradion ,  comme  on  le  verra  ailément  par 
ce  que  nous  dirons  dans  la  luite.  A  l'cgard 
de  M.  Delcartes  ,  qui  a  le  premier  expliqué 
Yarc-en-ciel  extérieur ,  par  deux  réHexions 
&  deux  réfraftions ,  il  n'a  pas  remarqué 
que  les  rayons  extrêmes  qui  font  le  rou^c , 
ont  leur  rétradion  beaucoup  moindre  que 
félon  la  proportion  de  3  à  4?  &  l^'c  ceux 
qui  font  le  violet ,  l'ont  beaucoup  plus 
grande  :  de  plus ,  il  s'efl  contenté  de  dire 
qu'il  venoit  plus  de  lumière  à  l'ccil  fous 
les  angles  de  41  &c  de  42.<* ,  que  lous  les 
autres  angles  ,  fins  prouver  que  cette  lu- 
mière doit  être  colorée  ;  &.  ainli  il  n'a  pas 
fuffilàmment  démontré  d'où  vient  qu'il 
paroît  des  couleurs  lous  un  angle  d'envi- 
ron 41'' ,  &  qu'il  n'en  paroît  point  fous 
ceux  qui  font  au  delTous  de  40^* ,  &  au 
delfus  de  44  dans  l'arc-en-ciel  intérieur. 
Ce  célèbre  auteur  n'a  donc  pas  iuffilamment 
expliqué  ïarc-en-ciel  ,  quoiqu'il  ait  fort 
avancé  cette  explication.  Newton  l'a  ache- 
vée par  le  moyen  de  l'a  dodrine  des 
couleurs. 

Théorie  de  Varc-en-ciel.  Pour  concevoir 
l'origine  de  Varc-en-ciel ,  examinons  d'a- 
bord ce  qui  arrive  lorfqu'un  rayon  de  lu- 
mière qui  vient  d'un  corps  éloigné  ,  tel 
que  le  loleil  ,  tombe  fur  une  goutte  d'eau 
fphérique ,  comme  lont  celles  de  la  pluie. 
Soit  donc  une  goutte  d'eau  A  D  K  N , 
(  J'ab.  Opt.Jig.  ^^.  n°.  z.)  &i.  les  lignes 
EFy  BA,  &CC.  des  rayons  lumineux  qui 
partent  du  centre  du  loleil  ,  &  que  nous 
pouvons  concevoir  comme  parallèles  entre 
eux  à  caufe  de  l'eloignement  immenfe  de 
cet  aflre ..  le  rayon  B  A  étant  le  feul  qui 
tombe  perpendiculairement  lur  la  lurtacc 
de  l'eau  ,  &  tous  les  autres  étant  obliques  , 
il  efl  ailé  de  conce\  oir  que  tous  ceux-ci 
louHriront  une  rétradion  &  s'approcheront 
de  la  perpendiculaire  ;  c'eft-à-dire  que  le 
rayon  E  F ,  par  exemple,  au  lieu  de  con- 
tinuer Ion  chennn  luivant  F  G  ^  fe  rom- 
pra au  point  F ,  &  s'approchera  de  la  ligne 
H  F I  perpendiculaire  à  la  goutte  en  i^  , 
pour  prendre  le  chemin  FK.  Il  en  efl  de 
même  de  tous  les  autres  rayons  proches 
du  rayon  EF ,  lelquels  fe  détourneront  à^F 
vers  K,  où  ii  y  en  aura  vraifemblabieraent 


ARC  J59 

quelques-uns  qui  s'échapperont  dans  l'air, 
tandis  que  les  autres  le  réfléchiront  fur  la 
W^ntKN  ,  pour  taire  des  angles  d'incidence 
&  de  réflexion  égaux  enir'cux.  Voye\ 
Réflexion. 

De  plus ,  comme  le  rayon  KN  te  ceux 
qui  le  iuivent  ,  tombent  obliquement  fur 
la  furtace  de  ce  globule ,  ils  ne  peuvent 
rcpafler  dans  l'air  (ans  le  rompre  de  nou- 
veau &  s'éloigner  de  la  perpendiculaire 
MN L  ;  de  lorte  qu'ils  ne  peuvent  aller 
diredemcnt  vers  Y ,  &  font  obligés  de  fe 
détourner  vers  P.  Il  faut  encore  oblèrver 
ici  que  quelques-uns  des  rayons  ,  après 
qu'ils  font  arrivés  en  iV,  ne  paflent  point 
dans  l'air  ,  mais  fe  réfléchiffent  de  nouveau 
vers  Ç ,  où  fouffrant  une  rétradion  comme 
tous  les  autres ,  ils  ne  vont  point  en  droite 
ligne  vers  P,  mais  vers  ii,  ens'éloignantde 
la  perpendiculaire  TV  :  mais  comme  on  ne 
doit  avoir  égard  ici  qu'aux  rayons  qui  peu- 
vent affeder  l'œil  ,  que  nous  fuppofons 
placé  un  peu  au  deflbus  de  la  goutte  ,  au 
point  Z ,  par  exemple  ,  nous  laifîbns  ceux 
qui  fe  réfléchiflent  de  N  vers  Q  comme 
inutiles ,  à  caufe  qu'ils  ne  parviennent  ja- 
mais à  l'œil  du  fpedateur.  Cependant  il 
faut  obfèrver  qu'il  y  a  d'autres  rayons  , 
comme  2. ,  3  ,  qui  le  rompant  de  3  vers 
4 ,  de-là  fe  réfléchiffant  vers  5  ,  &  de  5 
vers  6  ,  puis  fe  rompant  luivant  6,  7, 
peuvent  enfin  arriver  à  l'œil  qui  ell  placé  au 
deffous  de  la  goutte. 

Ce  que  l'on  a  dit  jufqu'ici  efl  très-évi- 
dent :  mais  pour  déterminer  précilément 
les  degrés  de  réfradion  de  chaque  rayon 
de  lumière ,  il  faut  recourir  à  un  calcul ,  par 
lequel  il  paroît  que  les  rayons  qui  tombent 
fur  le  quart  de  cercle  A  D  ,  continuent 
leur  chemin  luivant  les  lignes  que  l'on  voit 
tirées  dans  la  goutte  ADKN,  où  il  y  a 
trois  choies  extrêmement  importantes  à 
oblèrver.  En  premier  lieu  ,  les  deux  réfrac- 
tions des  ra)  ons  à  leur  entrée  &  à  leur 
fortie  lont  telles ,  que  la  plupart  des  rayons 
qui  étoient  entrés  parallèles  fur  la  fin-face 
AF,  iortent  divergens  ,  c'efl-à-dire  ,  s'é- 
cartent les  uns  contre  les  autres  ,  &  n'arri- 
vent point  jufqu'à  l'œil  ;  en  fécond  lieu, 
du  taifceau  de  rayons  parallèles  qui  tom- 
bent lur  la  partie  A  D  Ac  la  goutte  ,  il  y 
en  a  une  petite  partie  qui ,  ayant  été  rora- 


îoo  ARC 

pus  par  la  goutte  ,  viennent  (ê  réunir  au 
fond  de  la  goutte  dans  le  même  point, 
&  qui  étant  réfléchis  de  ce  point ,  fortent 
de  la  goutte  parallèles  entr'eux  comme  ils 
y  étoient  entrés.  Comme  ces  rayons  lont 
proches  les  uns  des  autres  ,  ils  peuvent  agir 
avec  force  fur  l'œil  en  cas  qu'ils  puifTcnt  y 
entrer,  &c  c'ell  pour  cela  qu'on  les  a 
nommés  rayons  efficaces  ;  au  lieu  que  les 
autres  s'écartent  trop  pour  produire  un  eftct 
fenfible  ,  ou  du  moins  produire  des  cou- 
leurs auflî  vives  que  Varc-en-ciel.  En  troi- 
lieme  lieu,  le  rayon  NP  a  une  ombre 
ou  obfcuriié  fous  lui  ;  car  puifqu'il  ne  fort 
aucun  rayon  de  la  furtace  N  4  ,  c'eft  la 
même  chofe  que  fî  cette  partie  étoit  cou- 
verte d'un  corps  opaque.  On  peut  ajouter  à 
ce  que  l'on  vient  de  dire,  que  le  même 
rayon  NP  a  de  l'ombre  au  deiîîis  de  l'œil , 
puifque  les  rayons  qui  font  dans  cet  en- 
droit ,  n'ont  pas  plus  d'effet  qt!e  s'ils  n'exil- 
toient  point  du  tour. 

De-là  il  s'enfuit  que  pour  trouver  les 
rayons  efficaces  ,  il  faut  trouver  les  rayons 
qui  ont  le  même  point  de  réflexion  ,  c'efl-à- 
dire ,  qu'il  huit  trouver  quels  font  les  rayons 
parallèles  &  contigus ,  qui  ,  après  la  ré- 
fraûion  ,  fe  rencontrent  dans  le  même  point 
de  la  circonférence  de  la  goutte  ,  &  fe  réflé- 
chiflent  de-là  vers  l'œil. 

Or  fuppofons  que  N P  foit  le  rayon  effi- 
cace ,  &  que  E  F  foit  le  rayon  incident 
qui  correlpond  à  NP  ,  c'efî-A-dirj  ,  que  F 
foit  le  point  où  il  tombe  un  petit  faifceau 
de  rayons  parallèles  ,  qui  après  s'être  rom- 
pus ,  viennent  fe  réunir  en  K.  y  pour  fe  réflé- 
chir de-là  en  iV,  &  fortir  fuivant  N  P  , 
&  nous  trouverons  par  le  calcul  que  l'an- 
gle O  N  P  y  compris  entre  le  rayon  N  P  & 
la  ligne  Q  N  tirée  du  centre  du  foleil ,  efl  de 
41''  30'.  On  enfeignera  ci-après  la  méthode 
de  le  déterminer. 

Mais  comme,  outre  les  rayons  qui  vien- 
nent du  centre  du  foleil  à  la  goutte  d'eau , 
il  en  part  une  infinité  d'autres  des  diflé- 
rens  points  de  fa  (ijrlace  ,  il  nous  relie 
à  examiner  plufieurs  autres  rayons  eflicaces , 
Hir-tout  ceux  qui  partent  de  la  partie 
fupérieure  &  de  la  partie  inférieure  de  fon 
difque. 

Le  diamètre  apparent  du  foleil  étant  d'en- 
viron 31' ,  il  s'enfuit  que  fi  le  rayon  £  F 


ARC 

palfe  par  le  centre  du  foleil  ,  un  rayojt 
efficace  qui  partira  de  la  partie  fupérieure 
du  foleil ,  tombera  plus  haut  que  le  rayon 
EF  àt  16' ,  c'eft-à-dirc ,  fera  avec  ce  rayon 
E  F  un  angle  d'environ  16'.  C'efl  ce  que 
fait  le  rayon  G  H{fig.  ^6.)  qui  fouflrant  la 
même  réfraûion  que  E  F  y  le  détourne  vers 
/  &  de-là  vers  L  ,  jufqu'à  ce  que  lortant 
avec  la  même  réfraûion  que  N  P ,  \\  par- 
vienne en  M  pour  former  un  angle  de  41**. 
14'  avec  la  ligne  O  N. 

De  même  le  rayon  Ç-R  qui  part  de  la 
partie  inférieure  du  ioleil  ,  tombe  iur  le 
point  R  16'  plus  bas,  c'efl-à-dire ,  fait  un 
angle  de  16'  en  deffous  avec  le  rayon  E  F, 
&  fouHrant  une  réfraâion  ,  il  fe  détourne 
vers  S  &  de-là  vers  T ,  où  pafiant  dans 
l'air  il  parvient  jufqu'à  F';  de  forte  que  la 
ligne  jT  ?^  &  le  rayon  O  T  forment  un 
angle  de  41'^  46'. 

A  l'égard  des  rayons  qui  viennent  â  l'œil 
après  deux  réflexions  &  deux  réfraâions , 
on  doit  regarder  comme  efficaces  ceux  qui  , 
après  ces  deux  réflexions  &  ces  deux  ré- 
fraélions  ,  fortent  de  la  goutte  parallèles 
entr'eux. 

Supputant  donc  les  réflexions  des  rayons 
qui  viennent ,  comme  13  ,  {fig.  45-  'z".  i.  ) 
du  centre  du  foleil ,  &  qui ,  pénétrant  dans 
la  partie  inférieure  de  la  goutte  ,  iouffi-ent , 
ainll  que  nous  l'avons  iuppolé  ,  deux  ré- 
flexions &  deux  réfractions  ,  &  entrent 
dans  l'œil  par  des  lignes  pareilles  à  celle  qui 
eft  marquée  par  67 ,  {fig.  47-)  nous  trou- 
vons que  les  rayons  que  l'on  peut  regarder 
comme  efficaces  ,  par  exemple  67  ,  for- 
ment avec  la  ligne  86  tirée  du  centre  du 
foleil ,  un  angle  867  d'environ  5  i**  :  d'où 
il  s'enfuit  que  le  rayon  efficace  qui_  part  de 
la  partie  la  plus  élevée  du  foleil ,  fait  avec 
la  même  ligne  86  un  angle  moindre  de  16'  ; 
&  celui  qui  vient  de  la  partie  inférieure ,  un 
angle  plus  grand  de  16'. 

Imaginons  donc  que  AB  C  D  E  F  foit 
la  route  du  rajon  efficace  depuis  la  partie 
la  plus  élevée  du  foleil  juiqu'à  l'œil  Fy 
l'angle  86  F  fera  d'environ  Si<*  &  44'.  De 
même  ,  Ci  GUI  KLM  eu  la  route  d'un 
rayon  efficace  qui  part  de  la  partie  inférieure 
du  foleil  &  aboutit  à  l'œil ,  l'angle  86  M 
approche  de  ^i"^  &  16'. 

Comme  il  y  a  plufieurs  rayons  efficaces 

outre 


ARC 

outre  ceux  qui  partent  du  centre  du  folcil , 
ce  que  nous  avons  dit  de  l'ombre  ioulire 
quelque  exception  ;  car ,  des  trois  ravons  qui 
l'ont  tracés  {fig.  4^.  11".  -l.  &  46".  ),  il  n'y  a 
que  les  deux  extrêmes  qui  aient  de  l'ombre 
À  leur  côté  extérieur. 

A  l'égard  de  la  quantité  de  lumière  , 
c'ell-à-dire  du  lailccau  de  rayons  qui  (è 
réunifient  dans  un  certain  point ,  par  exem- 
ple ,  dans  le  point  de  rellexion  des  rayons 
elficaces  ,  on  peut  le  regarder  comme  un 
corps  lumineux  terminé  par  l'ombre.  Au 
refte  il  taut  remarquer  que  julqu'ici  nous 
avons  iuppolé  que  tous  les  rayons  de  lu- 
mière le  rompoient  également  ;  ce  qui  nous 
a  fait  trouver  les  angles  de  41''  30'  &  de  52<^. 
Mais  les  ditlérens  rayons  qui  parviennent 
ainll  julqu'à  l'œil ,  iont  de  diverles  cou- 
leurs ,  c'eil-à-dire  propres  h  exciter  en  nous 
l'idée  de  ditFérentes  couleurs  ;  &  par  con- 
léquent  ces  rayons  Iont  dllléremment  rom- 
pus de  l'eau  dans  l'air ,  quoiqu'ils  tombent 
de  la  même  manière  fur  une  furface  re- 
Irangible  :  car  on  lait  que  les  rayons  rou- 
ges ,  par  exemple  ,  fouflrent  moins  de 
rétraction  que  les  rayons  jaunes ,  ceux-ci 
moins  que  les  bleus  ,  les  bleus  moins 
que  les  violets ,  &  ainfi  des  autres.  Voye\ 
Couleur. 

Il  iliit  de  ce  qu'on  vient  de  dire  ,  que  les 
rayons  diiférens  ou  hétérogènes  le  léparent 
les  uns  des  autres  &  prennent  différentes 
routes  ,  &  que  ceux  qui  ("ont  homogènes  fe 
réunifient  &  aboutilîent  au  même  endroit. 
Les  angles  de  4-i<*  30'  &  de  5  z^  ^  ne  font 
que  pour  les  rayons  d'une  moyenne  rcfran- 
gibilité,  c'ed-à-dire,  qui  en  le  rompant,  s'ap- 
prochent de  la  perpendiculaire  plus  que  les 
rouges  ,  mais  moins  que  les  rayons  violets: 
&:  de-Li  vient  que  le  point  lumineux  de 
la  goutte  où  fe  fait  la  réfraction  ,  paroît 
bordé  de  différentes  couleurs ,  c'efl-à-dire 
que  le  rouge  ,  le  verd  &  le  bleu  ,  naifitnt 
de  diftérens  rayons  rouges ,  verds  &  bleus 
du  foleil ,  que  les  difFérentes  gouttes  trani- 
n.ettent  à  l'œil ,  comme  il  arrive  lorlqu'on 
regarde  des  objets  éclairés  à  travers  un  pril- 
rr.e.  Vuje^VKlsWE. 

Telles  font  les  couleurs  qu'un  feid  globule 

de  pluie  doit   repréicnter  à  l'œil  :   d'où    il 

s  enfuit  qu'un  grand  nombre  de  ces  petits 

fclobules  venant  à  ié  répandre  dans  l'air  ,  y 

Tome  III. 


ARC  loi 

fera  appercevoir  diflerentes  couleurs  ,  pour- 
vu qu'ils  ioicnt  tellement  difpofés  ,  que  \ts 
rayons  efùcaces  puiilènt  afleâer  l'œil  ;  car 
ces  rayons  ainii  dilpofts  ,  formeront  un 
arc-en-ciel. 

Pour  déterminer  maintenant  quelle  doit 
éci  c  cette  difpofuion  ,  fuppoi'bns  une  ligne 
droite  tirée  du  centre  du  foleil  à  l'ail  du 
fpeélateur,  telle  que  V  X  {fig.  ^G.)  que 
nous  appellerons  ligne  d'afpecl:  comme  elle 
part  d'un  point  extrêmement  éloigné  ,  on 
peijt  la  fuppofer  parallèle  aux  autres  lignes 
tirées  du  même  point  ;  or  on  fait  qu'une 
ligne  droite  qui  coupe  deux  parallèles  , 
forme  des  angles  alternes  égaux.  Voyez 
Alterne. 

Imaginons  donc  un  nombre  indéfini  de 
lignes  tirées  de  l'œil  du  Ipeflateur  ,  à 
l'endroit  oppolé  au  folcil  où  font  des 
gouttes  de  pluie ,  lelquelles  forment  diilé- 
rens  angles  avec  la  ligne  d'afpeâ  ,  cgauT 
aux  angles  de  réiradion  des  diffcrens  rayons 
réfrangibles  ,  par  exemple  ,  des  angles  de 
4i<i  46' ,  &  de  41^  30' ,  &  de  41''  40'  , 
ces  lignes  tombant  fur  des  gouttes  de 
pluie  éclairées  du  foleil ,  formeront  àts 
angles  de  même  grandeur  avec  les  rayons 
tirés  du  centre  du  foleil  aux  mêmes  gout- 
tes ;  de  forte  que  les  lignes  ,  ainfi  tirces 
de  l'ail  ,  repréienteront  les  rayons  qui  occa- 
fîonent  la  ienfation  de  différentes  couleurs. 

Celle  ,  par  exemple  ,  qui  forme  un  angle 
de  41*^  46'  ,  rcprélentera  les  rajons  les 
moins  rérrangibles  ou  rouges ,  des  difFé- 
rentes gouttes  ;  &  celle  de  41'*  40'  les 
rayons  violets  qui  font  les  moins  réfrangi- 
bles.  On  trouvera  les  couleurs  intermédiai- 
res &.  leurs  réfrangibilités  dans  l'efpace  inter- 
médiaire. voye\  Rouge. 

On  fait  que  l'œil  étant  placé  au  fômmet 
d'un  cône  ,  voit  les  objets  fur  fa  furface 
comme  s'ils  étoient  dans  un  cercle,  au  moins 
lorique  ces  objets  font  aiTez  éloignés  de  lui  : 
car  quand  difîerens  objets  l'ont  à  une  dil- 
tance  affez  confidérable  de  l'ail,  ils  paroif- 
fent  être  à  lamême  diflance.  Nous  en  avons 
donné  la  railon  dans  V article  ApI'AREnT  • 
d'où  il  s'eniuit  qu'un  grand  nombre  d'ob- 
jets ainfi  difpofés  ,  paroîtront  rangés  dans 
un  cercle  fur  la  furface  du  cône.  Or  l'œil  de 
notre  l'iieâateur  efl  ici  au  fommet  com- 
mun de  pluiieurs  cônes  formés  par  ks  dille- 

Cc 


201  ARC 

rentes  efpeces  de  rayons  efficaces  &  la  ligne 
d'alpeft.  Sur  la  lurtace  de  celui  dont  l'angle 
au  iommet  eil  le  plus  grand  ,  &  qui  con- 
tient tous  les  autres  ,  font  ces  gouttes  ou 
parties  de  gouttes  qui  paroiflent  rouges  ; 
les  gouttes  de  couleur  de  pourpre  font  lur 
la  fuperficie  du  cône  qui  forme  le  plus 
petit  angle  à  fon  fommet  ;  &  le  bleu  ,  le 
verd  ,  Ùc.  font  dans  les  cônes  intermé- 
diaires. Il  s'eniiiit  donc  que  les  diliérentcs 
efpeces  de  gouttes  doivent  paroître  comme  ii 
elles  étoient  difpofôes  dans  autant  de  bandes 
ou  arcs  colorés ,  comme  on  le  voit  dans 
Varc-en-ciel. 

M.  Newton  explique  cela  d'une  manière 
plus  fcientifique  ,  &  donne  aux  angles  des 
valeurs  un  peu  dilFérenres.  Suppofons ,  dit- 
il  ,  que  O  {fig.  4-8.  )  foit  l'œil  du  fpefta- 
feur  ;  &c  O  P  une  ligne  parallèle  aux  rayons 
du  foleil  ;  &  foient  P  O  E  ,  P  O  F  Ats^n- 
gles  de  46«1  17'  ,  de  41-^  i'  ,  que  l'on  fup- 
pofe  tourner  autour  de  leur  côté  commun 
O  P  :  ils  décriront  par  les  extrémités  E  ,  F , 
de  leurs  autres  côtés  O  E  &  O  F,  les  bords 
de  Wirc-en-ciel. 

Car  ÇiE  )  F  font  des  gouttes  placées  en 
quelque  endroit  que  ce  foit  des  i'urtaces 
coniques  décrites  par  O  E  ,  O  F ,  &:  qu'el- 
les (oient  éclairées  par  les  raj-ons  du  foleil 
S  E  f  S  F  ;  comme  l'angle  S  E  O  ci\  égal  à 
l'angle  POE  qui  cfî  de  40^  17' ,  ce  fera 
le  plus  grand  angle  qui  puifle  être  fait  par 
la  ligne  S  E  ;  &c  par  les  rayons  les  plus 
rétrangibles  qui  font  rompus  ^trs  l'œil 
après  une  leule  réflexion  ;  &  par  coniéquent 
toutes  les  gouttes  qui  fe  trouvent  lur  la  ligne 
O  E  y  enverront  à  l'œil ,  dans  la  plus  grande 
abondance  poflible  ,  les  rayons  les  plus 
rélrangibles  ,  &  par  ce  moyen  feront  fentir 
k  violet  le  plus  foncé  vers  la  région  où  elles 
font  placées. 

De  même  l'angle  S  FO  étant  égal  à  l'an- 
gle P  O  i^  qui  eil  de  41^^  2' ,  fera  le  plus 
grand  angle  félon  lequel  les  rayons  les  moins 
réfrangibles  puifîcnt  fortir  des  gouttes  après 
une  feule  réflexion  ;  &  par  conféquent  ces 
rayons  feront  envoyés  à  l'œil  dans  la  plus 
grande  quantité  poflible  par  les  gouttes  qui 
le  trouvent  fur  la  ligne  OF,  &  qui  produi- 
ront la  fenfation  du  rouge  le  plus  foncé  en 
cet  endroit. 

Par  la  meaie  raifon  les  rayons  qui  ont  des 


ARC 

degrés  intermédiaires  de  réfrangibîlité,  vien- 
dront dans  la  plus  grande  abondance  pof- 
fible  des  gouttes  placées  entre  E  S>c  F ^  &c 
feront  fentir  les  couleurs  intermédiaires  dans 
l'ordre  qu'exigent  leurs  degrés  de  réfrangi- 
bîlité ,  c'eft-à-dire  en  avançant  de  E  en  F  y 
ou  de  la  partie  intérieure  de  Varc  à  l'exté- 
rieure dans  cet  ordre  ,  le  violet ,  l'indigo , 
le  bleu  ,  le  verd  ,  le  jaune ,  l'orangé  &  le 
rouge  :  mais  le  violet  étant  mêlé  avec  la 
lumière  blanche  des  nuées  ,  ce  mélange 
le  fera  paroître  foiblc  ,  &  tirant  fur  le 
pourpre. 

Comme  les  lignes  O  E ,  O  i^'peuvent  être 
fituées  indificremment  dans  tout  autre  en- 
droit des  furfaces  coniques  dont  nous  avons- 
parlé  ci-deiTus ,  ce  que  1  on  a  dit  des  gouttes  , 
&  des  couleurs  placées  dans  ces  lignes  ^ 
doit  s'entendre  des  gouttes  &  des  couleurs 
difîribuées  en  tout  autre  endroit  de  ces 
furfaces  ;  par  conféquent  le  violet  fera  ré- 
pandu dans  tout  le  cercle  décrit  par  l'extré- 
mité -E  du  rayon  O  E  autour  de  O  P  ;  le 
rouge  dans  tout  le  cercle  décrit  par  F ,  & 
les  autres  couleurs  dans  les  cercles  décrits 
par  les  points  qui  font  entre  E  &c  F.  Voilà 
quelle  eft  la  manière  dont  fe  forme  Varc-, 
en-ciel  intérieur. 

Arc-en-ciel  extérieur.  Quant  au  fécond 
arc-en-cicl  qui  entoure  ordinairement  le  pre- 
mier ,  en  ailignant  les  gouttes  qui  doivent 
paroître  colorées  ,  nous  excluons  celles  qui 
partant  de  l'œil  ,  font  des  angles  un  peu 
au  deiTous  de  42.*^  i'  ,  mais  non  pas  celles 
qui  en  font  de  plus  grands. 

Car  (i  l'on  tire  de  l'œil  du  fpeftateur 
une  infinité  de  pareilles  lignes  ,  dont  quel- 
ques-unes fafîènt  des  angles  de  50'^  57' avec 
la  ligne  d'aipeft  ,  P^r  exemple  O  G  ;  d'au- 
tres des  angles  de  54''  7' ,  par  exemple  O  H, 
il  faut  de  toute  néceflité  que  les  gouttes 
fur  lefquelles  tomberont  ces  lignes  ,  falîênt 
voir  des  couleurs  ,  fur-tout  celles  qui  for- 
ment l'angle  de  50^  57'. 

Par  Qxemple ,  la  goutte  G  paroîtra  rouge , 
la  ligne  G  O  étant  la  même  qu'un  rayon 
efficace ,  qui ,  après  deux  réflexions  &  deux 
réfradions  ,  donne  le  rouge  ;  de  même 
les  gouttes  fur  lefquelles  tombent  les  lignes 
qui  font  avec  O  P  des  angles  de  54''  7' , 
par  exemple  ,  la  goutte  H  i^aroitra  couleur 
de  pourpre  ;  la  ligne  O  H  étant  la  même 


ARC 

qii'un  rayon  cfTicace  ,  qui  ,  après  deux  ré- 
ijexions  &  deux  rétradions ,  dojinc  la 
couleur   de   pourpre. 

Or  ,  s'il  y  a  un  nombre  fuffilant  de  ces 
gouttes  ,  &  que  la  lumière  du  l'oleil  ioit 
aflêz  forte  pour  n'être  point  alîoiblie  par 
deux  réflexions  &  réfradions  conl'écuti- 
ves ,  il  efl  évident  que  ces  gouttes  doi- 
vent former  un  fécond  arc  fcmblable  au 
premier.  Dans  les  rayons  les  moins  ré- 
frangibles ,  le  moindre  angle  fous  lequel 
une  goutte  peut  envoyer  des  rayons  effi- 
caces après  deux  réflexions ,  a  été  trouvé 
par  le  calcul  de  50=*  ^7  ,  &  dans  les  plus 
féf'rangibles  ,  de   54*^    7'. 

Suppolons  l'œil  placé  au  point  O,  com- 
me ci-devant ,  &  que  P  O  G  ,  P  O  H 
l'oient  des  angles  de  îo'l  57' ,  &  de  54'*  7  : 
li  ces  angles  tournent  autour  de  leur  côté 
commun  O  P,  avec  leurs  autres  côtés  O  G, 
OH,  ils  décriront  les  bords  de  l'arc-en-ciel 
C  H D  G,  qu'il  faut  imaginer  ,  non  pas  dans 
le  même  plan  que  la  ligne  O  P,  ainfi  que 
la  figure  le  prefente  ,  mais  dans  un  plan 
perpendiculaire   à  cette  ligne. 

Car  fi  G  O  l'ont  des  gouttes  placées  en 
quelque  endroit  que  ce  Ibit  des  furfaces 
coniques  décrites  par  O  G ,  OH,  &  qu'elles 
ioient  éclairées  par  les  rayons  du  f'oleil  ; 
comme  l'angle  *S"  G  O  eft  égal  ;\  l'angle 
P  O  G  de  5o<l  57' ,  ce  fera  le  plus  petit 
angle  qui  puifTe  être  fait  par  les  rayons  les 
moins  réfrangibles  après  deux  réfiexions  ; 
&  par  conléquent  toutes  les  gouttes  qui  fe 
trouvent  fur  la  ligne  O  G  ,  enverront  à  l'œil 
dans  la  plus  grande  abondance  pollible  ,  les 
rayons  les  moins  réfrangibles ,  &  feront 
fentir  par  ce  moyen  le  rouge  le  plus  foncé 
vers  la  région  où  elles  font   placées. 

De  même  l'angle  S  HO  étant  égal  à 
l'angle  PO  H ,  qui  efl  de  54^  7' ,  fera  le 
plus  petit  angle  fous  lequel  les  rayons  les 
plus  réfrangibles  puiflent  fortir  des  gouttes 
après  deux  réfiexions  ;  &  par  conléquent 
ces  rayons  feront  envoyés  ;\  l'œil  dans  la 
plus  grande  quantité  qu'il  foit  pollible  par 
les  gouttes  qui  font  placées  dans  la  ligne 
O  /f  ,  &  produiront  la  fenl'atlon  du  violet 
le  plus  foncé  dans  cet  endroit. 

Par  la  même  raifon  ,  les  rayons  qui  ont 
des  degrés  intermédiaires  de  réfrangibilité  , 
viendront  dans  la   plus  grande  abondance 


ARC  zoj 

poffible  des  gouttes  entre  G  &  H ,  &  feront 
fentir  les  couleurs  intermédiaires  dans  l'or- 
dre qu'exigent  leurs  degrés  de  réfrangibi- 
lité,  c'efl-.\-dire  ,  en  avançant  de  G  en  H, 
ou  de  la  partie  intérieure  de  l'jri.-  à  l'exté- 
rieure ,  dans  cet  ordre  ,  le  rouge  ,  l'orangé , 
le  jaune,  le  verd,  le  bleu,  l'indigo,  & 
le  violet. 

Et  comme  les  lignes  O  G,  OH,  peu- 
vent être  tituées  indifléremment  en  quel- 
que endroit  que  ce  foit  des  lurfaces  coni- 
ques ,  ce  qui  vient  d'être  dit  des  gouttes 
&  des  couleurs  qui  font  fur  ces  lignes  , 
doit  être  appliqué  aux  gouttes  &  aux  cou- 
leurs qui  font  en  tout  autre  endroit  de  ces 
furfaces. 

C'efî  ainfi  que  feront  formés  deux  arcs 
colorés  ;  l'un  intérieur ,  &  compofé  de  cou- 
leurs plus  vives  par  une  feule  réflexion  ; 
&  l'autre  extérieur ,  &  compofé  de  cou- 
leurs plus  foibles  par  deux  réfiexions. 

Les  couleurs  de  ces  deux  arcs  feront 
dans  un  ordre  oppofé  l'une  à  l'égard  de 
l'autre  ;  le  premier  ayant  le  rouge  en  dedans 
&  le  pourpre  en  dehors  ;  &  le  fécond  le 
pourpre  en  dcbors  &  le  rouge  en  dedans  , 
&  ainfi   du  refle. 

Arc-en-ciel  artificiel.  Cette  explication 
de  ïarc-en-ciel  efl  confirmée  par  une  expé- 
rience facile  :  elle  confifle  à  fufpendre  une 
boule  de  verre  pleine  d'eau  en  quelque  en- 
droit où  elle  foit  expofée  au  foleil ,  &  d'y 
jeter  les  yeux,  en  le  plaçant  de  telle  ma- 
nière que  les  rayons  qui  viennent  de  la 
boule  à  l'œil ,  puilfent  faire  avec  les  rayons 
du  foleil  un  angle  de  41  ou  de  50^*  ;  car  fi 
l'angle  eft  d'environ  42.  ou  43** ,  le  fpeûa- 
tcur  (  fuppofé  en  O)  verra  un  rouge  fort  vif 
fur  le  côté  de  la  boule  oppofé  au  foleil  , 
comme  en  i^  ;  &  fi  cet  angle  devient  plus 
petit ,  comme  il  arrivera  en  faifant  delcen- 
dre  la  boule  jufqu'en  E  ,  d'autres  couleurs 
paroîtront  fuccefïivement  fur  le  même  côté 
de  la  boule,  favoir ,  le  jaune,  le  verd  & 
le  bleu. 

Mais  fi  l'on  fait  l'angle  d'environ  ^o'^,  en 
haufîant  la  boule  jufqu'en  G ,  il  paroîtra 
du  rouge  fur  le  côté  de  la  boule  qui  efl 
vers  le  foleil ,  quoiqu'un  peu  foible  ;  &.  fi 
l'on  fiit  l'angle  encore  plus  grand ,  en 
haufîant  la  boule  jufqu'en  H,  le  rouge  fé 
changera    iucceilivemcat  en    d'autres  cou- 

Cc  z 


104  ARC 

leurs,  en  jaune,  verd  &  bleu.  On  obferve 
la  même  choie  lorlqiie  ,  fans  faire  changer 
de  place  ;\  la  boule  ,  on  haiifle  ou  l'on  baifle 
l'oeil  pour  donner  à  l'angle  une  grandeur 
convenable. 

On  produit  encore ,  comme  nous  l'avons 
dit ,  un  arc-en-ciel  artificiel ,  en  tournant 
le  dos  au  foleil ,  &  jetant  en  haut  de 
l'eau  dont  on  aura  rempli  fa  bouche  ;  car 
on  verra  dans  cette  eau  les  couleurs  de 
Varc-en-cicl  ,  pourvu  que  les  gouttes  loient 
pouflees  -iifTez  haut  pour  que  les  rayons 
tir^s  de  ces  gouttes  à  l'œil  du  fpeftateur  , 
iafîcnt  des  angles  de  plus  de  4.i<^  avec  le 
rayon  O  P. 

DimenJ-ion  de  l'arc-en-ciel.  Defcartes  a  le 
premier  déterminé  fon  diamètre  par  une 
méthode  indirede ,  avançant  que  fa  gran- 
deur dépend  du  degré  de  rctraftion  du 
fluide ,  &  que  le  iinus  d'incidence  efl  à 
celui  de  réfraâion  dans  l'eau ,  comme  250 
à   187.    Voye\  RÉFRACTION. 

M.  Hnlley  a  depuis  donné,  dans  les 
Tran  factions  philo fophique s  ,  une  méthode 
iimple  &  direde  de  déterminer  le  diamè- 
tre de  Y  arc-en-ciel  y  en  luppofânt  donné  le 
degré  de  réfradion  du  fluide  ,  ou  récipro- 
quement de  déterminer  la  réfraction  du 
fluide  par  la  connoiflance  que  l'on  a  du 
diamètre  de  Marc-en-ciel.  Voici  en  quoi 
conidfe  fa  méthode,  i".  Le  rapport  de  la 
rétradion ,  c'efl-à-dire  des  finus  d'inci- 
dence &  de  réfradion  ,  étant  connu ,  il 
cherche  les  angles  d'incidence  &  de  ré- 
fradion  d'un  rayon ,  qu'on  fuppofe  deve- 
nir efficace  après  un  nombre  déterminé  de 
réflexions  ;  c'eit-à-dire  _,  il  cherche  les-  angles 
d'incidence  &  de  réh-adion  d'un  failceau 
de  rayons  infiniment  proches  ,  qui ,  tom- 
bant parallèles  iur  la  goutte  ,  fbrtent  pa- 
rallèles après  avoir  foufièrt  au  dedans  de 
la  goutte  un  certain  nombre  de  réflexions 
déterminé.  Voici  la  règle  qu'il  donne  pour 
cela.  Soit  une  ligne  donnée  ^^C  {PL  d'Opt. 
fis-  49)  ;  on  la  diviiéra  tn  D ,  enfortequc 
jD  C  (bit  À  A  C  en  raif()n  du  finus  de  ré- 
fradion  au  finus  d'incidence  ;  enfuite  on 
la  divilera  de  nouveau  en  E ,  enfortc  que 
ui  C  foie  à  A  E  comme  le  nombre  donné 
de  réflexions  augmenté  de  l'unité  efî  A 
cette  même  unité  ;  on  décrira  après  cela 
fur  le  diuineirc  A  E  le  demi-cercic  ABE  ; 


ARC 

puis  du  centre  C  &  du  rayon  C  D  on 
tracera  un  arc  D  B ,  qui  coupe  le  demi- 
cercle  au  point  B  :  on  mènera  les  lignes 
A  B  ,  C  B  ;  A  B  C  y  ou  fon  complément 
à  deux  droits ,  fera  l'angle  d'incidence , 
&  Cy^iî  l'angle  de  rétradion  qu'on  de- 
mande. 

2°.  Le  rapport  de  la  réfradion  &  l'an- 
gle d'incidence  étant  donnés  ,  on  trouvera" 
amfi  l'angle  qu'un  rayon  de  lumière  qui 
iort  d'une  boule  après  un  nombre  donné 
de  réflexions,"  tait  avec  la  ligne  d'alpcd , 
&  par  conféquent  la  hauteur  &  la  largeur 
de  Varc-en-ciel.  L'angle  d'incidence  &  le 
rapport  de  rétradion  étant  donnés  ,  l'an- 
gle de  réfradion  l'eft  aufli.  Or  ,  fi  l'on  mul- 
tiplie ce  dernier  par  le  double  du  nombre 
des  réflexions  augmenté  de  2 ,  &  qu'on 
retranche  du  produit  le  double  de  l'angle 
d'incidence,  l'angle  refiant  lera  celui  que 
l'on  cherche. 

Suppofons  avec  M.  Newton ,  que  le 
rapport  île  la  réfradion  foit  comme  108 
;\  81  pour  les  rayons  rouges,  comme  109 
à  8 1  pour  les  bleus  ,  Ê'c.  le  problème  pré- 
cédent donnera  les  angles  fous  lelquels  on 
voit  les   couleurs. 

rLe   fpfftateur  ayant 

l.   -*'«""'•-;  yjuiet^d.  ,^'.   \kil  ,     parce    que    les 

^  /rayons  qui  viennent  à 

^  l'œil     du    fpei>£teur  > 

V  après  Line  ou  tieux  ré- 

-  j     o.    ^^exions,  font  du  mà- 

//.  Arc-cn-ciel.S>  roiiîçe  70  d.  fS'.    /me  côté  de   la  goutte 

<i  violet /4  d.  99'.  /  nue    les   rayoïu   inti- 

Vdens. 

Si  l'on  demande  l'angle  formé  par  un 
rayon  après  trois  ou  quatre  réflexions  ,  & 
par  conféquent  la  hauteur  à  laquelle  on 
devroit  appercevoir  le  troilieme  &  le  qua- 
trième arc-en-ciel ,  qui  (ont  très-rarement 
&  très-peu  {éniibles ,  à  caulè  de  la  dimi- 
nution que  fouffi-ent  les  rayons  par  tant 
de  réflexions  réitérées ,  on  aura 


m.  Arc-cn.cld.  5'rousMi  d-  37; 
C  violet  î7a.  9  • 


^^•^«^  "■"''• -^Yiolet4iid./3'. 


Le  fpeilateur  jy.nt 
le  vifase  tourné  vers 
le  (ulei!  ,  parce  que 
les  r.Tyors  qui  vien- 
nent a  l'œil  du  Ipec- 
lûteur,  «près  tro  s  oo. 
quatre  réflexions,  fer- 
rent de  la  goutte 
d'un  côté  oppofê  À 
celui  p:ir  où  ils  y  font 
entrés ,  >\  conféqiiwn- 
ment  (ort  ,  par  rap- 
port au  foleil  y  d'un 
auttecùtéde  la  goutte 
.  quelestiyooiiacidem» 


ARC 

Il  efl  aifé  fur  ce  principe  de  trouver  la 
largeur  de  Varc-en-ciel  ,•  car  le  plus  grand 
demi-diatnetre  du  premier  arc-en-ciel  , 
c'elt-à-dire  de  (a  partie  extérieure  ,  étant 
de  41''  II',  &  le  moindre,  lavoir,  de  la 
partie  intérieure  ,  de  40''  16'  ,  la  largeurde 
!a  bande  meliiréc  du  rouge  au  violet  fera 
de  i<*  55'  ;  &  le  plus  grand  diamètre  du 
fécond  arc  étant  de  '54'*  9' ,  &  le  moindre  de 
50^  5S' ,  la  largeur  de  la  handc  Icra  de  3^* 
II',  &  la  diUance  entre  les  dtux  arcs-en- 
ciel  de  8d  47'. 

On  regarde  dans  ces  mefures  le  fbleil 
comme  un  point  ;  c'eft  pourquoi  comme 
fon  diamètre  eil  d'environ  30'  ,  &  qu'on 
a  pris  jui'qu'ici  les  rayons  qui  paflcnt  par 
le  centre  du  foleil  ,  on  doit  ajouter  ces 
30'  à  la  largeur  de  chaque  bande  ou  arc 
de  rouge  ou  violet;  lavoir,  15'  en  del- 
fous  au  violet  à  l'j'f  intérieur  ,  &  15'  en 
deiTus  au  rouge  dans  le  même  arc  ;  & 
pour  l'arc-^/î-aV/ extérieur ,  15' en  deflus 
au  violet,  &  15'  en  deiTous  au  rouge;  & 
il  faudra  retrancher  30'  de  la  dillance  qui 
elt  entre  les  deux  arcs. 

La  largeur  de  Varc-en-del  intérieur  fera 
donc  de  ^^  25' ,  &  celle  du  fécond  de  ^'^  41', 
&  leur  diftance  de  'é'^  17'.  Ce  font  là  les 
dimeniïons  de  Yarc-en-ciet  ,  &  elles  font 
conformes  à  très-peu-près  à  celles  qu'on 
trouve  en  melurant  un  arc-en-ciel  avec  des 
inflrumens. 

Phénomènes  particuliers  de  V arc-en-ciel. 
Il  efî  aifé  de  déduire  de  cette  théorie 
tous  les  phénomènes  parnculiers  de  ïarc- 
en-ciel  :  1°.  par  exemple,  pourquoi  Varc- 
en-ciel  efl  toujours  de  même  largeur  ? 
c'efl  parce  que  les  degrés  de  réfrnngibi- 
Ijté  des  rayons  rouges  &  violets  qui  for- 
ment fes  couleurs  extrêmes  ,  font  toujours 
\?s  mêmes. 

2-°.  Pourquoi  on  voit  quelquefois  les  jam- 
bes de  V  arc-en-ciel  cont'guës  à  la  furface  de 
la  terre ,  &  pourquoi  d'autres  fois  cts  jambes 
ne  viennent  pas  jufqu'à  terre  ?  c'efl  parce 
qu'on  ne  voit  Varc-en-ciel  que  dans  les  en- 
droits où  il  pleut  :  or  fi  la  pluie  ell  afîèz 
étendue  pour  occuper  un  eipace  plus  grand 
que  la  portion  vilible  du  cercle  que  décrit 
le  point  E ,  on  verra  un  arc-en-ciel  qui 
ira  jufqu'à  terre ,  fmon  l'oa  ne  verra  d'urc^ 


,    A  R  C  aoî 

en-ciel  ^nc  dans  la  partie  du  cercle  occupée 
par  la  pluie. 

3°.  Pourquoi  Varc-en-ciel  change  àc  fitua- 
tion  il  meliire  que  l'œil  en  change  ;  pour- 
c]uoi ,  pour  parler  comme  le  vulgaire  ,  il 
fuit  ceux  qui  le  fuivent  ,  &  fuit  ceux  qui  le 
fuient  ?  c'efl  que  les  gouttes  colorées  font 
diipolées  fous  un  certain  angle  autour 
de  la  ligne  d'afpcd  ,  qui  varie  à  mefure 
qu'on  change  de  place.  De-lA  vient  auflï 
que  chaque  fpcdateur  voit  un  arc-en-ciet 
dillérent. 

Au  refle  ce  changement  de  Varc-en-ciel 
pour  chaque  fpedateur ,  n'efl  vrai  que  rigou- 
reulement  parlant  ;  car  les  rayons  du  fbleil 
étant  ceni'és  parallèles ,  deux  fpedateurs  voi- 
fins  l'un  de  l'autre  ont  alTez  fenfiblement  le 
même  arc-en-ciel. 

4°.  D'où  vient  que  Varc-en-ciel  forme 
une  portion  du  cercle  tantôt  plus  grande  & 
tantôt  plus  petite  ?  c'efl  que  fa  grandeur 
dépend  du  plus  ou  moins  d'étendue  de 
la  panie  de  la  fuperfïcie  conique  qui  efl  au 
delfus  de  la  furface  de  la  terre  dans  le  temps 
qu'il  paroît  ;  &  cette  partie  efl  plus  grande 
oti  plus  petite  ,  fuivant  que  la  ligne  d'afpeâ; 
eft  plus  inclinée  ou  oblique  à  la  furface  de  la 
terre,  cette  obliquité  augmentant  à  propor- 
tion que  le  foleil  efl  plus  élevé ,  ce  qui  fait 
que  Varc-en-ciel  diminue  à  proportion  que 
le  fbleil  s'élève. 

5°,  Pourquoi  Varc-en-ciel  ne  paroît  ja-- 
mais  lorfque  le  foleil  efl  élevé  d'une  cer- 
taine hauteur?  c'eft  que  la  furface  conique 
fur  laquelle  il  doit  paroître  ,  eft  cachée  fous 
terre  lorfque  le  fbleil  efl  élevé  de  plus  de 
42'*  ;  car  alors  la  ligne  O  P  ,  parallèle  aux 
ra}'ons  du  foleil  ,  tait  avec  l'horizon  en 
delîous  un  angle  de  plus  de  42.'' ,  &  par 
conléquenr  la  ligne  O  E  ,  qui  doit  faire  un 
angle  de  42**  avec  OP  x  efl  au  delTbus  de 
l'horizon  ,  de  forte  que  la  rayon  E  O  ren- 
contre la  furface  de  la  terre ,  &  ne  fuiroit 
arriver  à  l'œil.  On  voit  aufli  que  fi  le  fo- 
leil eft  plus  élevé  de  42.'* ,  mais  moins  que 
54  ,  on  verra  Varc-en-ciel  extérieur  ,  fans 
Varc-en-ciel  intérieur. 

6°.  Pourquoi  rJ^c-e/r-aV/ ne  paroît  jamais 
plus  grand  qu'un  demi-cercle  ?  le  fbleil 
n'efl  jamais  vifible  au  deffous  de  l'horizon  , 
&  le  centre  de  l'arc-^/z-c/f/ efl  toujours  dans 
la  ligne  d'afpefl  ;,or ,,  daus  le  cas  où  le  folai. 


icff  ARC 

eft  à  llioriiion ,  cette  ligne  rafe  la  terre  :  donc 
elle  ne  s'é'eve  jamais  au  deflus  de  la  furtace 
<3e  la  terre. 

Mais  û  le  fpedateur  eft  placé  fur  une 
ëininence  confidérabie  ,  &  que  le  foleil  foit 
dans  ou  fous  l'horizon  ,  alors  la  ligne  d'al- 
peâ:  dans  laquelle  ell  le  centre  de  Varc-en- 
cielf  fera  conlidérablement  élevée  au  del- 
fus  de  l'horizon  ,  &  Yarc-en-ciel  pour  lors 
fera  plus  d'un  demi-cercle  ;  &  même  ii  le 
Jieu  ell  extrêmement  élevé  ,  &  que  la 
pluie  foit  proche  du  fpeftateur  ,  il  peut 
arriver  que  Yarc-en-ciel  torme  lui  cercle 
entier. 

7°.  Comment  Yarc-cn-ciel  peut  paroître 
interrompu  &  tronqué  à  ia  partie  iupé- 
rieure?  rien  n'efl  plus  fimple  à  expliquer. 
Il  ne  faut  pour  cela  qu'un  nuage  qui  in- 
tercepte les  rayons  ,  &  les  empêche  de 
venir  de  la  partie  lupérieure  de  l'arc  à 
l'œil  du  fpeâateur  ;  car ,  dans  ce  cas  ,  n'y 
ayant  que  la  partie  inférieure  qui  foit  vue, 
Varc-en-ciel  paroîtra  tronqué  à  fa  partie 
fupérieure.  Il  peut  encore  arriver  qu'on 
ne  voie  que  les  deux  jambes  de  Viirc-en~ 
ciel  ,  parce  qu'il  ne  pleut  point  à  l'endroit 
où  devroit  paroître  la  partie  lupérieure  de 
Varc-en-ciel. 

8°.  Par  quelle  raifon  l'arc-en-ciel  peut 
paroître  quelquefois  renverlé  ?  fi.  le  loleil 
étant  élevé  de  41''  46',  les  rayons  tombent 
fur  la  furface  de  quelque  lac  fpacieux ,  dans 
le  milieu  duquel  le  lj-)eâateur  foit  placé  , 
&  qu'en  même  temps  il  pleuve  ,  les  rayons 
venant  A  fe  réfléchir  dans  les  gouttes  de 
pluie ,  produiront  le  même  effet  que  fi  le 
foleil  étoit  fous  l'horizon ,  &  que  les  rayons 
vinfTent  de  bas  en  haut;  ainfi  la  furtace 
du  cône  fur  laquelle  les  gouttes  colorées 
doivent  erre  placées  ,  fera  tout-à-fait  au 
deifus  de  la  furface  de  la  terre.  Or  ,  dans 
ce  cas ,  fi  la  partie  fujiérieure  eft  couverte 
par  des  nuages  ,  &  qu'il  n'y  ait  que  fi  partie 
inférieure  lur  laquelle  les  gouttes  de  pluie 
tombent ,  l'arc  fera  renverfé. 

9°.  Pourquoi  Varc-en-ciel  ne  paroît  pas 
toujours  exadement  rond  ,  &:  qu'il  eft 
quelquefois  incliné  ?  c'eft  que  la  rondeur 
exaâe  de  Varc-en-ciel  dépend  de  fon  éloi- 
gnement ,  qui  nous  empêclie  d'en  juger  : 
or  fl  la  pluie  qui  le  forme  ,  eft  près  de 
nous ,  on   apperceva  fes  irrégularités  ;  Ik 


ARC 

fi  le  vent  chafle  la  pluie  ,  enforte  que  (â 
partie  lupérieure  foit  plus  ienfiblement  éloi- 
gnée de  l'œil  que  l'inférieure  ,  l'a/c  paroîtra 
incliné  ;  en  ce  cas  Varc-en-ciel  pourra  pa- 
roître ovale  ,  comme  le  paroit  un  cercle 
incliné  vu  d'aflez  loin. 

10°.  Pourquoi  les  jambes  de  Varc-en- 
ciel  paroiflènt  quelquefois  inégalement  éloi- 
gnées ?  il  la  pluie  le  termine  du  côté  du 
Ijîedateur  dans  un  plan  tellement  incliné 
à  la  ligne  d'al'pecl ,  que  le  plan  de  la  pluie 
i  rme  avec  cette  ligne  un  angle  aigu  du 
côté  du  ipeclareur ,  &  un  angle  obtus  de 
l'autre  côté ,  la  lurface  du  cône  fur  le- 
quel iont  placées  les  gouttes  qui  doivent 
taire  paroître  Y  arc-en-ciel ,  fera  tellement 
dilpolée ,  que  la  partie  de  cet  arc  qui  fera 
du  côté  gauche  ,  paroîtra  plus  proche  de 
l'œil  que  celle  du  côté  droit. 

C'eft  un  phénomène  fort  rare  de  voir 
en  même  temps  trois  arcs-en-ciel  ,•  les 
rayons  colorés  du  troifieme  font  toujours 
tort  toibles ,  à  caufè  de  leurs  triples  réfle- 
xions :  auffi  ne  peut-on  jamais  voir  un 
troifieme  arc-en-ciel ,  à  moins  que  l'air 
ne  toit  entièrement  noir  par  devant  &  tort 
clair  par  derrière. 

M.  Halley  a  vu  en  i6^S  à  Chefter  trois 
arcs-en-ciel  en  même  temps ,  dont  deux 
étoient  les  mêmes  que  Varc-en-cicl  inté- 
rieur &  l'extérieur  qui  paroiflènt  ordinai- 
rement. Le  troifieme  étoit  prefqu'aufli  vif 
que  le  fécond  ,  &  fes  couleurs  étoient 
arrangées  comme  celles  du  premier  arc- 
en-ciel  ;  fes  deux  jambes  repol oient  à  terre 
au  même  endroit  où  repoloient  celles  du 
premier  arc-en-ciel ,  &  il  coupoit  en  haut 
le  fécond  arc-en-ciel f  divifant  à-peu-près 
cet  arc  en  trois  parties  égales.  D'abord 
on  ne  voyoit  pas  la  partie  de  cet  arc  qui 
étoit  ;\  gauche  ;  mais  elle  parut  enluite  fort 
éclatante  :  les  points  où  cet  arc  coupoit 
l'arc  extérieur  ,  parurent  enfuite  le  rappro- 
cher ,  &  bientôt  la  partie  lupérieure  du 
troifieme  arc-en-ciel  fe  confondit  avec  l'arc'- 
en-ciel  extérieur.  Alors  Varc-en-ciel  exté- 
rieur perdit  fa  couleur  en  cet  endroit  , 
comme  cela  arrive  lorfque  les  couleurs  fe 
confondent  &  tombent  les  unes  fur  les 
autres;  mais  aux  endroits  où  les  deux  cou- 
leurs rouges  tombèrent  l'une  fur  l'autre  en 
,  fc  coupant ,  la  couleur  rouge  parut  avec 


ARC 

plus  d'éclat  que  celle  du  premier  arc-en- 
ciel.  M.  Senguerd  a  vu  en  1685  un  plié- 
romene  femblable  ,  dont  il  fait  mention 
dans  ia  Phyjiqiie.  M.  Halley  failant  atten- 
tion à  la  manière  dont  le  foleil  luifoit ,  & 
à  la  pofition  du  terrain  qui  recevoit  fes 
rayon'i ,  croit  que  ce  troificme  circ-en-ciel 
étoit  caul'é  par  la  réHcxion  des  rayons  du 
foleil  qui  tomboient  lur  la  rivière  Dée  qui 
paffe  :\  Chcfler. 

M.  Celfius  a  obfervë  enDalécarlie  ,  pro- 
vince de  Suéde  ,  très-coupée  de  lacs  &  de 
rivières ,  un  phénomène  à-peu-près  iem- 
blable  ,  le  8  Août  1743  >  vers  les  6  à  7 
heures  du  foir  ,  le  foleil  étant  an'*  3°' 
de  hauteur  ;  &  le  premier  qui  en  ait  ob- 
fervé  de  pareils ,  a  été  M.  Etienne  ,  cha- 
noine de  Chartres  ,  le  10  Août  1665. 
Voye7  le  Journ.  des  Sar.  &  les  tranfacl. 
plul.  âe  1386  ,  &  VHift.  acad.  des 
Scienc.  an.  i  'J4-3- 

Vitellion  dit  avoir  vu  à  Padoue  quatre 
arcs-en-ciel  en  même  temps  ;  ce  qui  peut 
fort  bien  arriver  ,  quoique  Vicomercatus 
foutienne  le  contraire. 

M.  Langwirh  a  vu  en  Angleterre  un 
arc-en-ciel  lolaire  avec  ies  couleurs  ordi- 
naires ;  &  fous  ce  premier  arc-en-ciel  on 
en  voyoit  un.  autre  ,  dans  lequel  il  y  avoit 
tant  de  verd ,  qu'on  ne  pouvoit  diffinguer 
rii  le  jaune  ni  le  bleu.  Dans  un  autre  temps 
il  parut  encore  un  arc-en-ciel  avec  les  cou- 
leurs ordinaires ,  au  deillis  duquel  on  re- 
marquoit  un  arc  bleu  ,  d'un  jaune  clair 
en-haut  ,.  &  d'un  verd  foncé  en-bas.  On 
voyoit  de  tem.ps-en-temps  au  delTous  deux 
arcs  de  pourpre  rouge ,  &  deux  de  pour- 
pre verd.  Le  plus  bas  de  tous  ces  arcs 
étoit  de  couleur  de  pourpre  ,  mais  fort 
foible ,  &  il  p.^roifroit  &  difi^aroifibit  à 
diverfes  reprifes.  M.  Muflchenbroek  ex- 
plique ces  différentes  apparences  par  les 
obkrvations  de  M.  Newton  fur  la  lu- 
mie.'-c.  Voye^  l'EJJai  de  Phyf.  de  cet  au- 
teur) an,   iG i  t. 

Arc-en-ciel  lunaire.  La  lune  forme  aufli 
quelquefois  un  arc-en-ciel  par  la  rélraftion 
que  ioulïrent  fes  rayons  dans  les  gouttes 
de  pluie  qui  tombent  la  nuit  î^oj.  LUNE. 
AriAotc  dit  qu'on  ne  l'avoit  point  remar- 
qué avant  lui  ,  &  qu'on  ne  l'apperçoit 
qji'à  la  glcine  Igne,  Sa  lumière  dans  d'au- 


A  R  C  ioj 

très  temps  efi  trop  foible  pour  frapper  la 
vue  après  deux  réfrndions  &:  une  ré- 
flexion. 

Ce  philolophe  nous  apprend  qu'on  vie 
paroître  de  Ion  temps  un  arc-en-ciel  lu- 
naire ,  dont  les  couleurs  étoient  blanches. 
Gemma  Frifuis  dit  aulïî  qu'il  en  a  vu  un 
coloré  ;  ce  qui  cil  encore  confirmé  par 
JVi.  Vcrdricrs  ,  &  par  Dan  Sennert  ,  qui 
en  a  oblérvé  un  femblable  en  1599*  Snel- 
lius  dit  en  avoir  vu  deux  en  deux  ans  de 
temps.,  &  R.  Plot  en  a  remarqué  un  en 
1675.  En  171 1  il  en  parut  un  dans  lai 
province  de  Darbyshire  en  Angleterre. 

Y."" arc-en-ciel  lunaire  a  toutes  les  mêmes 
couleurs  que  le  lolaire  ,  e\'cepté  qu'elles 
iont  prefque  toujours  plus  foibles ,  tant  ;t 
caufe  de  Li  différente  intenfité  des  rayons  , 
qu'à  caufe  de  la  différente  difpofition  du 
milieu.  M.  Thoresby  ,  qui  a  donné  la  def- 
cription  d'un  arc-en-ciel  lunaire  dans  les. 
Tranf. phil.n°.  331.  dit  que  cet  arc  étoir 
admirable  par  la  beauté  &  l'éclat  de  fes 
couleurs  ;  il  dura  environ  dix  minutes  „ 
après  quoi  un.  nuage  en  déroba  la  vue. 

M.  Weidler  a  vu  en  1719  un  arc-en-ciel 
lunaire  ,  lorfque  la  lune  étoit  à  demi-pleine  ■, 
dans  un  temps  calme ,  &  où  il  pleuvoir 
un  peu  ;  mais  à  peine  put-il  reconnoître 
les  couleurs  ;  les  fupérieures  étoient  un 
peu  plus  diflinftes  que  les  inférieures  : 
Varc  dilparut  aufli-tSt  que  la  pluie  vint  à 
ceffer.  M.  Muffchenbroek  dit  en  avoir 
obfervé  un  le  premier  Odobre  '^J'^S  , 
vers  les  10  heures  du  foir  :  il  pleuvoir 
très-fort  à  l'endroit  où  il  voyoit  Varc-en- 
c-/>/,  maisil  ne  put  diilinguer  aucune  cou- 
leur ,  quoique  la  lune  eût  alors  beaucoup 
d'éclat.  Le  même  auteur  rapporte  que  le 
27  Août  1736,  à. la  même  heure,  on  vit 
à  Yiîèincin  un  arc-en-ciel  lunaire  fort 
grand,  tort  éclatant  ;  mais  cet  arc-en-cicl 
n'étoit  par-tout  que  de  couleur  j.aune. 

Arc-en-ciel-marin  .L,'arc-en-  ciel-  marin 
eft  un  phénomène  qui  paroi't  quelquefois 
lorique  la  mer  efl  extrêmement  tourmen- 
tée ,  &  que  le  vent  agitant  la  fuperficie 
des  vagues  ,  fait  que  les  rayons  du  foleil 
qui  tombent  defî'us  ,  s'y  rompent  ,  &  y 
peignent  les  mêmes  couleurs  que  dans  les 
gouttes  de  pluie  ordinaires.  M.  Bowrzcs 
obferve  dans  les  Tranfacliçiu  philofonhi*-^ 


îo8-  ARC 

ques  ,  que  les  couleurs  de  Vcirc-en-ciel- 
rnarin  font  moins  vives  ,  moins  diftinc- 
tes  ,  &  de  moindre  durée  que  celles  de 
\'arc-en-ciel  ordinaire  ,  &  qu'on  y  dillin- 
gue  à  peuie  plus  de  deux  couleurs  ;  lavoir  , 
du  jaune  du  côté  du  lolcil  ,  &  un  vcrd 
pale  du  côté  oppofé. 

Mais  ces  arcs  lont  plus  nombreux  ,  car 
on  en  voit  fouvent  2.0  ou  30  à  la  fois  ; 
ils  paroilîent  à  midi ,  &  dans  une  pofition 
contraire  à  celle  de  V arc-en-ciel ,  c'efl-à- 
dire  renverfés  ;  ce  qui  elt  une  fuite  né- 
celîaire  de  ce  que  nous  avons  dit  en  ex- 
pliquant les  phénomènes  de  l'arc  -en  -  ciel 
lolaire. 

On  peut  encore  rapporter  à  cette  clafîè 
une  elpece  d'arc-en-ciel  blanc  que  Menze- 
lius  fie  d'autres  diient  avoir  obfervé  à 
l'heure  de  midi.  M.  Mariotte  ,  dans  fon 
ejj'ai.  de  Phyjique  ,  dit  que  ces  arcs-en-ciel 
ians  couleur  fe  forment  dans  les  brouil- 
lards ,  comme  les  autres  fe  font  dans  la 
pluie  ;  &  il  afiure  en  avoir  vu  à  trois  di- 
verfes  fois ,  tant  le  matin  après  le  lever 
du  (olei 
lune. 

Le 
fait  un  grand  brouillard  au  lever  du  ib 
Icil  ;  une  heure  après  le  brouillard  fe  fé- 
para  par  intervalle.  Un  vent  qui  venoit 
du  levant  ayant  poufle  un  de  ces  brouil- 
lards fcparés  à  deux  ou  trois  cents  pas  de 
J'obiervateur  ,  &  le  foleil  dardant  fes 
rayons  deflus  ,  il  parut  un  arc-en-ciel  iem- 
blable  pour  la  figure  ,  la  grandeur  &  la 
fituation  ,  à  V arc-en-ciel  ordinaire.  Il  étoit 
tout  blanc,  hors  un  ptu  d'obfcurité  qui  le 
terminoit  à    l'exiérieur 


AK  C 

Çts  remplies  d'air  ,  ne  rompent  point  afîez 
les  rayons  de  lumière  ,  outre  qu'elles  font 
trop  petites  pour  (cparer  les  difFérens  rayons 
colorés.  De  là  vient  qu'elles  rétléchilTent 
les  rayons  aulli  compelés  qu'elles  les  ont 
reçus,  c'efl-à-dire blancs. 

Rohaulf  parle  d'un  arc-en-ciel  qui  fe  for- 


que 


la  nuit    a 


après 
la  clarté    de 


jour    qu  il   vit    le  premier ,  il    avoit 


milieu  étoit  trcs-éclatanre 


dans 


dui 


les  prairies  par  la  retr 


aa: 


ion 


:es 


olcu  clans 


Ians  les  gouttes  de   roiée. 


&  furpadoit  de 
beaucoup  celle  qui  paroifloit  fur  le  relie 
du  brouillard  :  l'arc  n'avoit  qu'environ  un 
degré  &  demi  de  largeur.  Un  autre  brouil- 
lard ayant  été  poulie  de  même  ,  l'obferva- 
tcur  vit  un  autre  arc-en-ciel  femblable  au 
premier.  Ces  brouillards  étoient  il  épais  , 
qu'il  ne  voyoit  rien    au  delà. 

Il  attribue  ce  défaut  de  couleurs  à  la 
petitefle  des  vapeurs  imperceptibles  qui 
compofent  les  brouillards  :  d'autres  croient 
plutôt  qu'il  vient  de  la  ténuité  exceilîve 
des  petites  véficules  de  la  vapeur  ,  qui  n'é- 
fant  en  effet  que  de  petites  pellicules  aqucu- 


me 

rayons 

Traité  de  Phjjiquc. 

Nous  ne  nous  arrêterons  pas  ici  à  rap- 
porter les  fentimens  ridicules  des  anciens 
philofophes  l'ur  Yarc-en-ciel.  Pline  &  Plu- 
nirque  rapportent  que  les  prctres ,  dans  leurs 
offrandes,  fe  fervoient  par  préférence  du 
bois  fur  lequel  Varc-en-ciel  avoir  repofé , 
&  qui  en  avoit  été  mouillé ,  parce  qu'ils 
s'imaginoient ,  on  ne  lait  pourquoi ,  que 
ce  boij  rendoit  une  odeur  bien  plus  agréa- 
ble que  les  autres.  Voye^  Vejjzi  Je  Phyf. 
de  Muflch.  d'où  nous  avons  tiré  une  par- 
tie de  cet  article.  Voye\  aujfi  le  traité  des 
météores  de  Defcartes,  l 'optique de  Newton, 
les  lecïiones  opticx  de  Barow  ,  &;  le  qua- 
trième volume  des  œuyres  de  M.  Bernouilli, 
imprimées  à  Lauianne  ,  1743-  On  trouve 
dans  ces  différens  ouvrages  ,  &  dans  plu- 
fieurs  autres  ,  la  théorie  de  Wirc-en-ciel. 

Finiilbns  cet  article  par  une  réflexion 
philofophique.  On  ne  fait  pas  pourquoi 
une  pierre  tombe  ,  &  on  llfit  la  caui'e  des 
couleurs  de  Yarc-en-cicl,  quoique  ce  dernier 
phénomène  foit  beaucoup  phis  lurprenant 
que  le  premier  pour  la  muhitude.  Il  fem- 
ble  que  l'étude  de  la  nature  ioit  propre  à 
nous  enorgueillir  d'une  part  ,  &  à  nous 
humilier  de  l'autre.   (O) 

Pour  faire  aifcment  concevoir  les  phé- 
nomènes de  Yarc-en-ciel ,  Mullchenbroeck 
a  imaginé  une  machine  ,  par  le  moyen  de 
laquelle  on  les  repréfente  tous  aiiémcnt  , 
&  d'une  manière  très-claire.  AAAA  {pi. 
I.  de  Phyjique  ,  fig.  i .)  c'cft  une  table  à 
quatre  pies ,  ouverte  à  Ion  milieu  ,  afin 
qu'on  puilTe  faire  monter  &  deiccndre  à 
travers  cette  table  un  corps  conique.  B  C 
eil  la  moitié  d'un  cône  ,  dont  le  fommec 
eil  en  D.  Ce  fommet  ell  appuyé  fur  un 
axe  tranfverlal  fur  lequel  tourne  le  cône 
5  C ,  &  fur  lequel  il  s'élève  au  defllis  de 
la  table ,  ou  fur  lequel  il  s'abaiflé  au  dei- 
fous  :  à  l'extrémité  du  même  fommet    eil 

adapté 


ARC 

adapte  lin  œil  de  la  grandeur  ordinaire  de 
l'oeil  d'un  homme  ,  <?:  qui  ilrt  à  repré- 
fentcr  l'ucil  du  Ipcdateiir  :  outre  cela  une 
verge  de  fer,  longue  de  trois  pies  ,  cfl 
adajîtée  au  cCme  &  à  l'axe  ,  l'extrémité  de 
cette  verge  fe  termine  par  un  manche  M: 
un  globe  doré  i'  ell  enfilé  fur  cette  verge  , 
&c  ce  globe  reprci'ente  le  iolcil  ;  la  bafe  du 
cône  B  eft  entourée  d'une  large  bande 
femi  -  circulaire  ,  fur  laquelle  on  peint  les 
fept  couleurs  de  l'iris  :  le  côté  du  cône 
forme  avec  l'axe  un  angle  de  40<1.  17'  :  la 
largeur  de  la  bande  peinte  fur  la  bafe  du 
cône  ,  ell  de  près  de  deux  degrés  ,  con- 
formément à  la  largeur  ordinaire  d'une  iris 
principale.  E ,  E  ,  lont  deux  plans  trian- 
gulaires mobiles  ,  dont  le  centre  du  mouve- 
ment cû  placé  au  deflùs  du  fommet  du 
cône  ;  ces  deux  plans  font  conflamment 
appliqués  à  chaque  côté  du  cône  :  ils 
fervent  à  cacher  l'échancrure  faite  à  la 
table  ,  &  repréfentent  en  même  temps 
l'horizon.  On  verra  dans  la  figure  z  ,  com- 
ment ils  font  conllamment  appliqués  aux 
deux  côtés  du  cône.  Cela  pofé  ,  \orf- 
que  la  tige  de  fer ,  ainfi  que  le  foleil  S  , 
eft  parallèle  à  l'horizon ,  la  moitié  du  cône 
eft  au  delTus  de  la  table  ,  &  l'œil  du  fpec- 
tateur ,  qui  eft  en  D  ,  voit  la  bande  co- 
lorée femi-circulaire  placée  à  la  bafe  du 
cône  :  mais ,  lorfque  la  main  iaifit  le  man- 
che de  la  tige  de  fer  ,  &  élevé  le  foleil  S  , 
le  cône  s'abailîe  ,  ainfi  que  le  limbe  qui 
eft  adhérent  à  la  bafe  du  cône  ,  qui ,  alors , 
devient  moindre  qu'un  demi  -  cercle.  Si 
on  élevé  encore  le  foleil  S  ,  on  abaifle  tou- 
jours dans  la  même  proportion  le  cône  , 
&  conféqueminent  ïarc  qui  repréfente  l'iris 
diminue  aulii  ;  ce  qui  a  lieu  jufqu'à  ce  que 
le  foleil  S  i'o'it  élevé  à  42.'*  i'  ;  car  alors 
tout  Varc-en-ciel  fe  trouve  au  defîijs  de 
J'horizon  ,  &  les  plans  E  E  couvrent  en- 
tièrement le  cône.  Ce  limbe  coloré  appli- 
qué à  la  baie  du  cône  ,  repréiente  la  pluie 
qui  tombe  au  devant  &  au  loin  du  Ipec- 
tateur  ,  dans  le  temps  qu'on  obierve  dans 
le  ciel  un  ample  arc-en-ciel  :  mais  ,  comme 
il  arrive  quelquefois  que  l'arc-e/z-c/V/ paroi  t 
plus  petit ,  lorfque  la  pluie  qui  tombe  n'eft 
pas  éloignée  du  fpeâateur  ,  il  y  a  fur  cette 
machine  un  autre  arc  plan  L  ,  fur  lequel  on 
peint  les  fept  couleurs  de  l'iris  ,  qui  eft 
Tome  III. 


ARC  io^ 

plr.cé  à  une  plus  proche  diftance  du  fom- 
met du  cône  ,  &;  dont  la  largeur  eft  pro- 
portionnée ,  de  façon  que  cet  cire  forme 
un  demi-cercle  fur  l'horizon  ,  lorfque  le 
kileil  eft  à  l'horizon  ,  &  qu'il  eft  tout-à- 
fait  caché  par  les  plans  ii"  ,  E  ,  brfque  le 
foleil  eft  élevé  à  42."^  i'  au  deffiis  de  l'ho- 
rizon :  on  repréiente  donc  aifément  ,  à 
l'aide  de  cette  machine  ,  comment  il  arrive 
que  Varc-en-ciel  paroilîe  quelquctois  très- 
ample  ,  &  quelquefois  très-petit. 

Il  y  a  outre  cela  fur  cette  machine  un 
autre  limbe  N ,  placé  au  defîîis  du  premier 
limbe  L  ;  ce  limbe  N  repréfente  la  féconde 
iris  ,  &  les  couleurs  de  cette  dernière  y 
font  peintes  dans  un  ordre  renverfé.  Oa 
a  donné  à  ce  dernier  limbe  une  largeur 
fufïlante  ,  pour  que  cette  iris  paroilîe  à  l'œil 
du  fpedateur  placé  en  D  ,  de  3''  8'  de 
largeur.  Ce  liiube  repréfente  un  demi- 
cercle  au  deflîis  de  la  table  ,  lorfque  le 
foled  S  eft  placé  dans  le  plan  de  cette  ta- 
ble ,  ou  fe  trouve  à  l'horizon.  Mais  ,  lorf- 
que le  foleil  iS'  eft  élevé  à  54'^  7'  au  delîlis 
de  l'horizon ,  ce  limbe  defcend  au  deftous 
de  l'horizon  ,  &  fe  dérobe  à  l'œil  du  fpec- 
tateur.  Les  bords  intérieurs  des  plans  E  , 
E  ,  ceux  qui  font  contigus  ,  &  qui  tou- 
chent les  côtés  du  cône ,  font  aufli  peints 
des  mêmes  couleurs  que  l'iris  j  ils  ont  les 
mêmes  dimenfions  que  l'iris  elle-même 
dans  l'endroit  où  ils  touchent  le  limbe  de 
la  baie  3  :  mais  leur  largeur  va  toujours 
en  diminuant  ,  &  ils  fe  terminent  en  un 
point  auprès  du  fommet  du  cône.  Ces 
bords  colorés  repréfentent  les  jambes  de 
l'iris ,  celles  qu'on  remarque  à  la  campa- 
gne ,  dans  une  iris  naturelle  ,  lorfqu'une 
nuée  qui  lance  la  pluie  pafle  fur  la  tête 
du  fpeûateur  ,  &  fait  tomber  des  gouttes 
de  pluie  qui  s'attachent  à  l'herbe.  La  figure  a 
repréfente  la  même  machine  ,  mais  vue  par 
derrière  :  on  y  voit  même  le  limbe  coloré 
qui  eif  adhérent  à  la  bafe  du  cône.  Les 
plans  triangulaires  E  ,  E  ,  font  tirés  par 
les  cordes  H  H ,  qui  palTent  fur  la  circon- 
férence de  deux  poulies  horizontales  K  , 
K  y  pour  venir  embraffer  les  gorges  de 
deux  autres  poulies  verticales  R  ,  R  :  on 
attache  aux  extrémités  de  ces  cordes  deux 
poids  t  P  f  P  y  par  le  moyen  dcfqucls  les 
deux  plans  font  conftamment   tirés  &  ap- 

Dd 


iio  ARC 

pliqués  contre  les  côtés  du  cône  ;  &  par 
ce  moyen  Téchancriire  fixité  à  la  table  efl: 
continuellement  cachée  ,  &  les  plans  E  E 
repréfen'ent  Thorizon.  On  peut  confulrer 
fur  cela  ,  &  fur  ce  qui  y  a  rapport ,  les  Tmn- 
faclions  philofophiques  d'Angleterre ,  n. 
240  ,  267  ,  371;.  Les  notes  de  Clarck  ,  fur  la 
phyfique  de  Rohault ,  part.  III ,  chap.  1 7. 
Les  ouvrages  de  Jean  Bernouilli  ,  vol.  ï , 
pag.  ^oi.  L'optique  de  Newton,  &  fes 
leçons  d'optique.  Smith  compleat  fyftem. 
of  Optiks  ,  Book.  ^  ,  c.  lO.  Martin  dans  fa 
philoi'oph.  Britann.  volum.  II.  Le  célèbre 
Nocctus  a  décrit  l'iris  dans  fes  vers  ,  d'une 
manière  fort  élégante.  (+) 

Arc  de  Cloître  ,  {Archhec}.  ù  Coupe 
des  pierres.  )  On  appelle  ainfl  une  voûte 
compolée  de  deux  ,  trois  ,  quatre  ,  ou  plu- 
lîeurs  portions  de  berceaux  qui  le  rencon- 
trent en  angle  rentrant  dans  leur  conca- 
vité ,  comme  les  portions  ABC ,  fig.  j. 
Coupe  des  pierres  ,  enforre  que  leurs  côtés 
forment  le  contour  de  la  voûte  en  poly- 
gone. Si  les  berceaux  cylindriques  (e  ren- 
controient  au  contraire  en  angle  laillant  {ur 
îa  concavité  ,  la  voûte  changeroit  de  nom  , 
elle  s'appelleroit  l'oûte  d'arête.  V.  Arete. 
(D) 

Arc-DOUBLAU  ,  c'ell  une  arcade  en 
faillie  lur  la  douille  d'une  voûte. 

Arc-droit  ,  (  Coupe  des  pierres.  )  c'eft 
la  fedion  d'une  voûte  cylindrique  perpendi- 
culairement à  (on  axe. 

Arc-rampant  ,  {Coupe  des  pierres.) 
c'efl  celui  dont  les  impolies  ne  (ont  pas  de 
niveau.  Voy.  la  fig.  Z.  Coupe  des  pierres. 

*  Arcs  de  triomphe  ,  {Hifi.  anc.  & 
mod.  )  grands  portiques  ou  édifices  élerés 
à  l'entrée  des  villes  ou  (ur  des  paflages  pu- 
blics ,  en  l'honneur  d'un  vainqueur  à  qui 
l'on  avoit  accordé  le  triomphe ,  ou  en  mé- 
moire de  quelque  événement  important.  On 
élevoit  audi  des  arcs  de  triomphe  aux  dieux. 
Une  inlcription  confervée  dans  les  regiflres 
de  rhôrel-de-ville  de  Langres  ,  montre  que 
dans  ces  monumens  on  ailocioit  même  quel- 
quefois les-  hommes  aux  dieux.  Voici  cette 
inlcription  : 


ARC 

AuG.  *  ARCUM 


Augufio. 


Q.  Sedulius  Fil.  * 
Seduli  major 
Dis  iiARis  AC 


"filius 


Statuas  idem 
M.  "^  D.  D.         munus  ou  municeps 
dedicai'it. 
Quintus  Sedulius  ,  fils  aine  d'un  autre  Se' 
dulius ,  a  dédie  aux  dieux  de  la  mer  &  d 
Augufle  ,  l'arc  de  triomphe  &  lesfiatues. 

Ces  édifices  étoient  ordinairement  dé- 
corés de  llatues  &  de  bas-reliefs  ,  relatifs 
à  la  gloire  des  dieux  &  des  héros ,  &  à  la 
nature  de  l'événement  qui  en  avoit  occa- 
fioné  la  condruftion.  Plufieurs  arcs  de 
triomphe  des  anciens  (ont  encore  fur  pié  : 
celui  d'Orange  ,  qui  tair  une  des  portes  de 
cette  ville  ,  fut  érigé  ,  à  ce  qu'on  croit  , 
à  l'occafion  de  la  vidloire  de  Caïus  Marius 
&  de  Catulus  ,  fur  les  Teutons ,  les  Cim- 
bres  &  les  Ambrons.  On  en  peut  voir 
dans  les  antiquités  du  (avant  père  Mont- 
taucon  ,  un  deffin  fort  exaft.  Cet  arc  a 
environ  onze  toiles  de  long  fur  dix  roifes 
en  (a  plus  grande  hauteur.  Il  efl  compolé 
de  trois  arcades  embellies  en  dedans  de 
comparnmens  ,  de  feuillages  ,  de  fleurons  & 
de  fruits  ,  &  filetées  avec  foin.  Sur  l'ar- 
cade du  milieu  efl  une  longue  table  d'at- 
tente ,  &  la  repréientation  d'une  bataille 
de  gens  de  pié  &  de  cheval  ,  les  uns 
armés  &  couverts  ,  les  autres  nus.  Sur 
les  petites  portes  de  côtés  des  quatre 
avenues ,  font  des  amas  de  boucliers  ,  de 
dagues ,  coutelas  ,  pieux  ,  thrombes  ,  heau- 
mes &  habits  ,  avec  quelques  fignes  mili- 
taires relevés  en  boffe.  On  y  voit  aulfi 
d'autres  tables  d'attente  ,  avec  des  trophées 
d'adions  navales  ,  des  rollres  ,  des  acrolly— 
des  ,  des  ancres  ,  des  proues  ,  des  apluiles  ,. 
des  rames  &  des  tridens.  Sur  les  trophées 
du  côté  da  levant  ,  eit  un  (oLnl  rayon- 
nant dans  un  petit  arc  femé  d'étoiles  ;  au 
haut  de  ïarc,  fur  la  petite  porte  gauche 
du  fèptentrion  ,  font  des  inflrumcns  de- 
(acrifices  ;  ;\  la  même  hauteur  ,  du  côté 
du  midi  ,  eft  une  demi -figure  de  vieille 
(einmc ,  entourée  d'un  gr.wd  voile  comme 
l'éternité.  Les  frifes  principales  font  par- 
femées  de  foldats  combattans  "à  pié.  Il 
réliilte  de  cette  dcfcription  ,  que  cet  arc 
triomphal  a  été  conllruit  ;\  l'occûion  de 
deux  vidoires  ,  l'une  fur  mer  &  l'autre 
fur  terre  ,  &  qu'il  )■  a  tout  lieu  de  douter 


ARC 

«fiie  ce   foit  celui  de  Caïiis  Marius  &  de 
Cafuliis. 

Il  y  a  ;\  Cavaiilon  les  ruines  d'un  arc  de 
triomphe  ;  à  Carpentras  les  vertiges  d'un  au- 
tre ;  A  Rome  ,  celui  de  Tite  eil  le  plus  ancien. 
&  le  moins  grand  de  ceux  qui  lublillent  dans 
cette  ville.  Celui  qu'on  appcUoitde  Portugal, 
arco  di  Porcogallo  ,  a  excite  de  grandes  cun- 
tfflations  entre  les  antiquaires  ;  les  uns 
prétendant  que  c'étoit  l'arc  de  Domitien  , 
d'autres  celui  de  Marc  -  Aurelle  :  mais 
Alexandre  VII  le  propolant  d'embellir  la 
rue  qu'on  appelle  il  corfo  ,  lit  examiner  cet 
arc  qui  la  coupoit  en  deux.  On  reconnut 
que  la  llrudure  en  étoit  irrcguliere  dans  tou- 
tes les  parties  ;  que  les  ornemens  n'a- 
voicnt  entr'eux  aucun  rapport  ,  &  que  le 
plan  &  le  terrain  kir  lequel  il  étoit  cons- 
truit ne  s'accordoient  point  avec  les  an- 
ciens ;  d'où  l'on  conclut  que  cet  édifice 
étoit  moderne  ,  qu'on  l'avoit  formé  de 
bas  -  reliefs  ,  de  marbres  antiques  ,  &  d'au- 
tres morceaux  ralîemblés  au  hazard  ;  &  il 
fut  détruit. 

Il  y  a  deux  arcs  de  Sévère  ,  le  grand  & 
le  petit  :  le  grand  eft  au  bas  du  capitole.  Le 
Serlio  a  prétendu  que  c'étoit  aulli  un  amas 
de  ruines  différentes  ,  rapportées  :  mais  la 
conjeâure  de  cet  architede  eft  bazardée. 
Cet  arc  efî  à  trois  arcades.  Dans  les  bas- 
reliefs  qui  font  au  deilùs  des  petites  arcades 
de  côté ,  on  voit  Rome  allîfe  tenant  en  fa 
main  un  globe  ,  &  relevant  un  Parthe 
fùppliant.  Viennent  des  foldats  ,  dont  les 
uns  mènent  un  captif  &  les  autres  une  cap- 
tive ,  les  mains  liées.  Sur  le  milieu  ci\  une 
femme  affile  ,  qu'on  prendroitaifément  pour 
une  province.  Suivent  des  chariots  chargés 
de  dépouilles  ,  les  uns  tirés  par  des  chevaux , 
ks  autres  par  des  boeufs.  Ce  bas-relief  fert , 
pour  ainfi  dire ,  de  bafe  pour  un  autre  , 
où  l'on  voit  Septime  Sévère  triomphant  & 
accueilli  du  peuple  ,  avec  les  acclamations 
&  les  cérémonies  ordinaires. 

Le  petit  arc  de  Sévère  ,  qui  eft  auprès  de 
S.  George  in  velabro ,  à  Rome  ,  a  quel- 
ques morceaux  d'architedure  remarqua- 
bles. On  voit  fur  un  des  petits  côtés  Sévère 
qui  lacrifie  en  verfant  fa  patere  fur  le  foyer 
d'un  trépié  :  ce  prince  eft  voilé.  On  croit 
que  la  femme  voilée  qui  eft  à  fes  côtés  , 
cil  ou  fa  femme  Julia  ,  ou  la   paix   avec 


ARC  2n 

(on  caducc^e.  Il  y  avoit  ,  derrière  ,  une  troi- 
lieme  figure  qui  a  été  enlevée  au  cifeau  : 
c'etoit  Geta  ,  Ipedateur  du  facrifice.  Après 
.que  Caracalla  Ion  frère  l'eut  tué  ,  il  fit  Ater 
fa  figure  &  fon  nom  des  monumens  publics. 
Au  deOous  de  ce  lacrificc  font  des  infti-u- 
mcns  facrés  ,  comme  le  biîton  augurai  ,  le 
préfériculc  ,  l'albogalérus  ,  &c.  Plus  bas  en- 
core eft  l'immolation  du  taureau  ;  deux 
vidimaires  le  tiennent ,  un  autre  le  frappe. 
Le  tibicen  joue  de  deux  flûtes.  Camille  tient 
un  petit  coffre.  Vient  enfuite  le  facrifica- 
teur  voilé  avec  une  patere  ;  ce  facrifica- 
teur  fans  barbe  pourroit  bien  être  Cara- 
calla. Le  grand  morceau  qui  fuit  eft  entre 
deux  pilaftres  d'ordre  compofite.  Sur  la 
corniche  ,  entre  les  chapiteaux  il  y  a  deux 
hommes  dont  l'un  verfe  de  fon  vaie  dans 
le  vafe  de  l'autre.  Deux  autres  plus  près 
des  chapiteaux  tiennent  ,  l'un  un  pre'férL~. 
cule  ,  &  l'autre  un  acerre.  Plus  bas  font  deux 
captifs  les  mains  liées  derrière  le  dos  ,  & 
conduits  par  deux  foldats.  Au  dedous 
font  des  trophées  d'armes  ;  &  plus  bas  un 
homme  qui  chaffe  des  bœufs.  C'eft  tout  ce 
qu'on  apperçoit  dans  la  planche  du  P. 
Montfaucon. 

L'arc  de  Galien  fe  reflent  un  peu  des 
malheurs  du  temps  de  cet  empereur.  L'em- 
pire étoit  en  combuftion.  Les  finances  étoient 
épuifées.  Les  particuliers  avoient  enterre 
leurs  richelfes.  Marc-AurelleVidor  fit  élever 
ce  monument  en  l'honneur  de  Galien  & 
de  Salonine  fa  femme.  L'infcription  eft  , 
cujus  ini'icla  p'irtus  folâ  pietate  fuperata  eft  ; 
ce  qui  ne  convient  guère  à  Galien  ,  qui  vit 
avec  joie  Valerien  Ion  père  tomber  entre 
les  mains  des  Parthes.  Les  chapiteaux  font 
d'ordre  corinthien  d'un  goCit  fort  médiocre. 
On  s'apperçoit-là  que  les  arts  tomboient ,  & 
fuivoient  le  fort  de  l'empire. 

L'arc  deConftantin  eft  un  des  plus  confi- 
dérables  ;  on  y  voit  les  batailles  de  Conf- 
tantin ,  &  il  eft  orné  de  monumens  tranf^ 
portés  du  forum  Trajani.  Les  têtes  &  les 
mains  qui  manquent  aux  ftatues  pofecs  fur 
le  haut  de  Varc  ,  ont  été  enlevées  furtive- 
ment. 

L'arc  de  Saint -Rémi  en  Provence  n'a 
qu'une  porte  large  ,  au  defTus  &  fur  chaque 
côté  de  laquelle  on  a  placé  une  vidoire.  Il  y 
a  à  côté  de  la  porte  ,  entre  deux  coLnnes 

Dd  ï. 


211  ARC 

cannelées  ,  deux  figures  d'hommes  maltrai- 
tées parle  temps. 

Outre  ces  arcs  de  triomphe  anciens  ,  les 
médaillons  en  offrent  un  grand  nombre  d'au- 
tres. Ceux  qui  feront  curieux  d'en  favoir 
davantage  ,  n'auront  qu'à  parcourir  le  qua- 
trième volume  A^Antiq.  expliquées. 

Mais  les  modernes  ont  aulîî  leurs  arcs 
de  triomphe  ;  car  on  ne  peut  donner  un 
autre  nom  à  la  porte  de  Peyro  à  Mont- 
pellier ,  aux  portes  de  (aint  Denys  ,  de  Saint 
Martin  ,  &  de  laint  Antoine  à  Paris.  Outre 
les  arcs  de  triomphe  en  pierre  ,  il  y  a  des 
arcs  de  triomphe  d'eau  ;  tel  eft  celui  de 
Verfiiilles ,  du  deilîn  de  M.  le  Nautre.  Ce 
morceau  d'architecture  efl  un  portique  de 
fer  ou  de  bronze  à  jour  ,  où  les  nus  des 
pilafh-es  ,  des  faces  &  des  autres  parties  ren- 
fermées entre  des  ornemens  ,  font  garnis 
par  des  nappes  d'eau.  VoyeiVlhCEZ  PU- 
33LIQUES   DE  ROME  ,  &  RoME. 

Arc  ,  (  Mufiqiie  )  On  trouve  quelque- 
fois ce  mot  dans  de  vieux  auteurs  pour 
archet.  (  F.  D.  C.  ) 

Akc  femi-diiirne  ,  (  Aftron.  )  c'efl  Varc 
parallèle  diurne  d'un  aflre  qui  efl  compris 
entre  le  méridien  &  l'horizon  ,  &  qui  règle 
le  temps  qui  s'écoule  depuis  le  lever  jul- 
qu'au  pafl^ige  par  le  méridien  ,  &  depuis 
ce  paflàge  julqu'au  coucher  ;  ainfi  le  calcul 
du  lever  ou  du  coucher  d'un  aftre  ,  fe 
réduit  à  celui  des  arcs  femi-diurnes  ,  qui 
changent  à  raifon  de  la  hauteur  du  pôle  du 
lieu  &  de  la  déchnaifon  de  l'aftre.  On  en 
trouve  une  table  fort  détaillée  dans  la  plu- 
part des  volumes  de  la  connoijfance  des 
temps  que  l'académie  pubhe  chaque  année  , 
pour  l'ulage  des  allronomes  &  des  naviga- 
teurs. (  M.  DE  LA  Lande.  ) 

Arc  d'emerjion  ,  (  Aflron.  )  eiî  la  quan- 
tité dont  il  faut  que  le  foleil/foit  abaifie 
verticalement  au  dcffous  de  l'horizon  pour 
qu'un  autre  aftre  foit  vifible  à  la  vue  lim- 
ple  ;  on  eflime  ordinaireinent  l'arc  d'e'mer- 
Jion  de  dix-huit  degrés  pour  les  plus  petites 
étoiles  ,  de  quatorze  degrés  pour  les  étoiles 
de  troifieme  grandeur  ,  de  onze  à  douze 
degrés  pour  les  étoiles  de  première  gran- 
deur ,  comme  pour  mars  &  laturne  ,  de 
dix  degrés  pour  venus  ;  mais  ce  dernier 
varie  beaucoup ,  &  il  fe  réduit  même  à  rien  , 
puifque   l'oa  voit  quelquefois  vcijus    en 


A  RC 

plein  jour  ,  le  folcil  étant  très-élevé  fur 
l'horizon.  Voyei  l'art.  CREPUSCULE  ", 
(  M.  DE  LA  Lande.  ) 

Arc  de  pojition  ,  (  terme  d'Aflrologie.  ) 
l'arc  de  l'équateur  compris  entre  le  méri- 
dien &  le  cercle  horaire  ou  cercle  de  décli- 
naiion  qui  palîe  par  le  pôle  &  par  l'ailre 
dont  on  s'occupe  ;  c'eft  la  même  choie  que 
ce  que  nous  appelions  angle  horaire.  (  M. 
DE  LA  Lande.  ) 

§  Arc  en  Barrois  ,  (  Géog.  )  petite 
ville  de  France  ,  dans  le  duché  de  Bour- 
gogne ,  au  bailliage  de  la  Montagne  ,  dio- 
cefe  de  Langres  ,  fur  l'Aujon.  Ce  lieu  a  été 
déclaré  ville ,  par  arrêt  du  Parlement  ,  en 
1716  Arc  eft  A  14  lieues  nord  de  Dijon  , 
&  6  nord-oueft  de  Langres.  C'eft  la  patrie 
de  Pierre  du  Chatel.  {  C) 

Arc  ou  l'A.R  ,  (  Ge'ogr.  )  petite  rivière 
de  France  en  Provence.  Elle  a  ia  loiirce 
du  c6té  de  Porciouls  ,  traviu^lé  la  plaine 
de  Pourieres  où  Marius  défit  les  Cimbres  , 
pafTe  aux  environs  d'Aix ,  &  eniuite  va  fe 
jeter  dans  l'étang  de  Berre  ,  près  de  la 
ville  de  ce  nom.  Quelques-uns  la  pren- 
nent pour  le  canum  fiumen  de  Ptolomée. 
{C.A.) 

Arc  du  Colon  ,  ou  la  grande  courbure 
du  colon  ,  (  Anat.  )  c'eft  le  nom  que  l'on 
donne  ;\  une  grande  courbure  que  fait 
l'inteftin  colon  en  remontant  lous  la  véii- 
cule  du  fiel  ,  fous  l'eftomac  ,  &  defcen- 
dant  enfuite  fur  la  rate  &  le  rein  gauche  , 
jufque  fur  le  dos  des  îles  ,  où  fe  termine 
fon  arc.  (-H) 

Arc  (Jeanne  d'  )  ,  Hifl.  de  France. 
Cette  célèbre  amazone  à  qui  la  France  dut 
fa  confervation  ,  &  Charles  VII  la  couronne , 
naquit  l'an  1412.  à  Domremi  ,  hameau  de 
la  paroifTe  de  Greaux  ,  proche  de  Vaucou- 
leurs.  Elle  eut  pour  père  Jacques  d'Arc  , 
&  pour  mère  Ifabelle  Rome  ,  dont  proba- 
blement le  nom  n'auroit  jamais  figuré 
dans  l'hiftoire  fans  les  exploits  de  leur 
fille.  Obligée  par  mifere  de  fortir  de 
la  maifon  paternelle  ,  Jeanne  fe  mit  fer- 
vante  d'hôtellerie  ;  née  dans  un  rang  in- 
férieur ,  elle  avoit  des  grâces  naturelles  y 
une  phyfionomie  très-heureufe  :  ces  détails 
font  intérefllms  ,  ils  donnent  plus  d'éclat 
■\  cette  vertu  qui  lui  mérita  le  iurnom  de 
pucelle  ,  fous  lequel  on  la  défigne  plus  or- 


ARC 

dinalrement  que  par  celui  de  fa  famille. 
Elle  avoit  à  peine  dix-fcpt  ans  lorfqu'elle 
conçut  ,  ou  plutôt  lorfqu'on  lui  infpira  le 
noble  defTein  de  fauver  la  France  du  joug 
des  Anglois  ;  ces  fiers  inlulaires  en  étoient 
prelqu'entiérement  les  maîtres.  Leur  do- 
mination étoit  afFcrmic  dans  la  capitale  ; 
Charles  VII  au  déCeipoir  faifoit  des  prépa- 
ratifs pour  fe  retirer  en  Daupliiné  ,  leulc 
province  que  les  ennemis  n'eiilient  pas  en- 
tamée ,  il  ne  lui  reitoit  de  plus  que  quel- 
ques places  éparles  dans  le  royaume.  Ce 
hit  dans  ces  tridcs  conjedures  que  Jeanne 
s'offrit  à  Baudricourt ,  gouvcrnetjr  de  Vau- 
coulcurs  en  Champagne.  Son  imagination 
cmhrali^e  par  le  récit  des  hauts  faits  dont 
elle  entcnt'oit  parler  chaque  jour  ,  &  pen- 
fant  avoir  une  inlpiration  divine  ,  elle  crut 
qu'elle  étoit  dcllince  à'chalîêr  les  Anglois  , 
&  conduire  Charles  à  Rheims.  Charles  ne 
portoit  dans  les  pays  où  dominoit  la  fac- 
tion Bourguignone  ,  que  le  titre  de  Vaii- 
pkin  3  encore  qu'il  tiit  vraiment  roi  : 
les  cérémonies  du  facre  n'ajoutant  rien  A 
la  dignité  ,  elles  ne  fervent  qu'à  rendre  la 
perlonne  des  rois  plus  vénérable ,  en  lui 
donnant  un  caracflere  lacré  :  la  couronne 
ne  dépend  en  France  que  de  la  loi  qui  la 
défère  aulli  -  tôt  au  plus  proche  héritier  du 
roi  décédé.  »  Capitaine  Meffire  ^^n  Jeanne 
»  à  Baudricourt  ,  Dieu  depuis  un  temps 
»j  en  ça  m'a  plufieurs  fois  fait  lavoir  & 
M  commandé  que  j'allaflé  devant  le  gentil 
f)  dauphin  qui  doit  être  &  eft  vrai  roi  de 
>j  France  ,  &  qu'il  me  baillât  des  gens 
»j  d'armes  ,  &  que  je  leverois  le  fiege  d'Or- 
»>  léans  :  >5  telle  lUt  à-peu-près  fa  harangue. 
Rejetée  par  le  gouverneur ,  qui  la  traita 
comme  une  fille  en  délire  ,  elle  aUa  faire 
le  même  compliment  à  Longpont  ;  ce  vieux 
gentilhomme  blâma  Baudricourt  de  Ion 
indifférence  ,  &:  eut  alTez  de  génie  pour 
voir  qu'elle  pouvoit  fervir  à  infpirer  un 
zele  extraordinaire  ,  feul  remède  qui  pût 
alors  opérer  une  révolution.  Jeanne  avoit 
bien  des  qualités  qui  pouvoient  la  faire 
pafTer  pour  une  fille  envoyée  par  le  ciel  : 
elle  avoit  un  efprit  juile  ,  une  conception 
vive  ,  une  taille  bien  prife  &  peu  ordinaire 
aux  perfonnes  de  Ion  fexe  ,  un  cou- 
rage à  défier  non  un  homme  ,  mais  une 
armée;  maniant   un  cheval  ,   le  pouffant 


ARC         "113 

avec  autant  d'adrcffc  Se  d'intrépidité  que 
le  cavalier  le  mieux  exercé  ;  elle  fe  lervolt 
avec  la  même  dextérité  du  fabre  &  de 
l'épée  ;  elle  s'étoit  formée  à  tous  ces  exer- 
cices dans  fon  hôtellerie  ,  dont  elle  alloit 
abreuver  les  chevaux  ,  &  où  elle  vivoit 
coniondue  avec  les  gens  de  guerre  ,  dont 
la  Champagne  étoit  pour  lors  remplie. 
Elle  étoit  parfaitement  iniiruite  de  tout  ce 
qui  s'étoit  fait  de  grand  dans  les  deux  ar- 
mées ,  elle  connoiifoit  le  nom  de  tous 
les  foldats  &  des  officiers  qui  s'étoient  dif- 
tingués  par  quelque  adion  d'éclat  :  enflam- 
mée du  delir  de  partager  leur  g'oire ,  elle 
retourna  chez  Baudricourt.  »  Au  nom  de 
»>  dieu,  lui  dit -elle,  que  tardez -vous  à 
>5  m'envoyer  ?  aujourd'hui  le  gentil  dau- 
»  phin  vient  d'avoir  un  aflez  grand  dom- 
»  mage  aux  environs  d'Orléans.  »  Baudri- 
court ,  déterminé  par  Longpont ,  confcntit 
enfin  à  l'envoyer  au  roi  qu'il  avoit  eu  l'at- 
tention de  prévenir  ;  il  lui  donna  des  ar- 
mes ,  un  cheval  ,  &  la  fît  conduire  à  Chi- 
non  où  la  cour  étoit  alors  :  elle  parut  de- 
vant le  roi  fous  l'appareil  d'un  guerrier  , 
&  le  reconnut ,  dit-on ,  au  milieu  d'une 
foule  de  ieigneurs  ,  quoiqu'il  lut  déguilé. 
Suivant  une  reflexion  judicieufe  du  père 
Daniel ,  cette  circonftance ,  dont  on  eut 
grand  foin  d'informer  l'armée  ,  n'avoit  rien 
d'étonnant  ,  parce  que  la  majeflé  d'un  roi 
imprime  toujours  un  certain  relpeéî  que 
l'on  ne  fauroit  perdre  ,  lors  même  qu'il  l'or- 
donne ;  mais  n'étoit  -  il  pas  auffi  poflîble 
que  Jeanne  fût  informée  du  déguifèment 
dont  le  roi  devoit  ufer  ce  jour-là  ,  comme 
de  l'habit  qu'il  avoit  coutume  de  porter. 
Les  aflaires  de  Charles  étoient  tellement 
défefpérées  ,  que  l'on  croyoit  qu'elles  ne 
pouvoient  le  rétablir  que  par  un  miracle  ; 
il  ne  devoit  donc  pas  être  fâché  que  l'on 
crût  que  le  ciel  pût  en  opérer  en  fii  faveur. 
Jeanne  ayant  obtenu  l'audience  du  roi ,  lui 
fit  part  de  fa  million  ,  l'affjrant  qu'elle 
venoit  de  la  part  de  Dieu  pour  le  con- 
duire à  Rheims  &  délivrer  Orléans  dont 
l'ennemi  faifoit  le  fiege.  Charles  confentir 
lans  peine  à  la  rcconnoîtrc  polir  une  inf^ 
pirée  ;  il  la  fit  auffi  -  tôt  paroître  en  pré- 
lénce  de  fa  cour  ,  armée  de  toutes  pièces  ; 
la  pefanteur  de  fbn  armure  ne  l'empêcha 
pas  de  monter  fur  Ion  cheval  fans  aide. 


114  ARC 

ce  que  pouvoient  à  peine  les  cavnliers  les  [ 
plus  robuftes.  Comme  elle  n'avoit  point 
d'ëpée  ,  elle  voulut  en  avoir  une  qui  de- 
puis plus  d'un  fiecle  étoit  dans  le  tombeau 
d'un  chevalier  ,  derrière  l'autel  de  Ste.  Ca- 
therine de  Fierbois  ;  le  roi  afkflant  une 
grande  (urprife  ,  publia  qu'elle  avoit  de- 
viné un  grand  fecret  ,  qui  n'étoit  connu 
que  de  lui  feul  ;  telle  fut  la  leconde  preuve 
miraculeufe  de  fa  million.  Il  en  falloir  une 
troifieme  ,  on  la  trouva  dans  fa  virginité  ; 
on  ne  croyoit  pas  que  ,  fans  une  laveur 
particulière  du  ciel  ,  une  fille  fi  favante 
dans  le  métier  de  la  guerre  ,  &  qui  avoir 
fait  ion  apprentiffage  dans  le  lieu  le  plus 
funefte  à  la  vertu  ,  Teût  confervée  jufqu'à 
l'âge  de  dix-iept  ans.  Jeanne  fut  indignée 
Au  loupçon  ,  elle  jura  ;  on  ne  le  contenta 
pas  de  ion  ferment  ;  on  la  met  entre  les 
mains  des  matrones  ;  ces  vénérables  ,  pré- 
ildées  par  la  reine  de  Sicile  ,  déclarèrent 
qu'elle  étoit  vierge  ,  &  lui  expédièrent  des 
lettres  de  pucellc.  La  multitude  étonr.'ée 
d'un  aufii  grand  prodige  ,  ne  douta  plus 
que  ce  ne  tût  un  ange.  Charles  l'envoya 
iiufli-tôt  vers  Orléans  avec  un  corps  de 
îroupes  ;  mais  quelque  iublime  idée  qu'on 
«eût  de  fa  capacité  ,  on  la  iubordonna  au 
maréchal  de  Rieux  &  au  bâtard  d'Or- 
léans ;  dès  qu'elle  eut  déployé  fa  bannière 
où  Dieu  étoit  repréicnté  iortant  d'un 
nuage  ,  &  tenant  un  globe ,  elle  écrivit  au 
roi  d'Angleterre  &  à  iès  généraux  ,  leur  or- 
donnant de  par  dieu  de  ibrtir  du  royaume 
de  France.  "  Et  fi  ainfi  ne  le  faites  ,  di- 
»>  foit-elle ,    attendez  les  nouvelles    de  la 

V  pucelle  qui  vous  ira  voir  brièvement  à 
»>  vos  bien  grands  dommages  ....  roi  d'An- 

V  gletei-re  ,  fi  ainfi  ne  le  faites  ,  en  quelque 
9>  lieu  que  j'attendrai  vos  gens  en  France  , 
«  je  les  ferai  aller ,  veuillent  ou  non  veuil- 
»j  lent  :  "  le  reile  de  la  lettre  étoit  à-peu- 
près  dans  ce  flyle.  Les  Anglois  au  lieu 
xl'en  faire  le  fujet  de  leur  plaifanterie ,  trai- 
tèrent la  chofe  trcs-férieuî'ement ,  &  firent 
arrêter  le  meiîîigcr.  Des  qu'elle  parut  à  la 
vue  d'Orléans ,  le  comte  de  Dunois  qui 
détendoit  la  ville ,  en  fortit  &  vint  au 
/devant  d'elle  avec  toutes  fès  troupes.  On 
prétend  que  ce  fut  ce  fameux  comte  qui , 
syant  reconnu  dans  Jeanne  de  l'cfprit  & 
à^  courage  ,  forma  le  projet  de  s'en  bien 


ARC 

fcrvir  :  rîen  n'efl  plus  probable  que  cettft 
conjedure  ,  Dunois  étoit  bien  capable  de 
diriger  les  organes  de  cette  héroïne.  Quoi 
qu'il  en  foit ,  Jeanne  juflifia  par  des  vic- 
toires les  menaces  qu'elle  avoit  faites. 
Cette  amazone  animant  le  courage  du  fol- 
dat  par  les  paroles,  &  plus  encore  par  fes 
exemples  ,  enleva  iuccelîn  ement  aux  An- 
glois Jargeau  ,  Beaujencl  &  toutes  les  pla- 
ces qu'ils  tenoient  dans  l'Orléanois.  La 
journée  de  Patai  en  Beauce  ,  où  quatre 
mille  des  ennemis  furent  couchés  iur  le 
champ  de  bataille ,  &  où  le  brave  &  géné- 
reux Talbotfut  fait  prifonnier  ,  mit  le  com- 
ble à  fa  gloire.  Les  François  voloient  à  fa 
fuite  ,  &  la  regardoient  comme  une  fille 
divine  ;  ils  s'enfonçoient  dans  les  plus  af- 
freux périls.  Les  Anglois  la  fuyoient 
comme  un  foudre  ,  ou  plutôt  comme  une 
femme  envojée  par  le  diable  &  animée 
par  les  dénions.  Jeanne  viélorieufe  court 
vers  le  roi  ,  met  à  les  pies  ies  lauriers  , 
&  lui  dit  que  c'efl  dans  Rheims  même 
qu'il  faut  en  aller  cueillir  de  nouveaux. 
La  Champagne  preique  entière  étoit  au 
pouvoir  de  l'ennemi  ;  mais  rien  n'étoit 
impoiîlble ,  il  n'y  avoit  aucun  oblîacle  ca- 
pable d'arrêter  la  pucelle  :  ion  nom  feul 
réduifoit  h  la  fuite  l'ennemi  le  plus  aguerri , 
&  changeoit  en  foldat  intrépide  le  Fran- 
çois le  plus  puiillanime.  Charles  ne  man- 
qua pas  de  profiter  de  cette  heureufc  ef- 
fervel'cence ,  il  lui  donne  l'étendard  royal 
&  marche  vers  Rheims  à  ia  iuite  :  Auxer- 
res  ,  Troyes  ,  Châlons  ,  fe  rendent  fans 
foufirir  de  liège.  Les  officiers  qui  com- 
mandoient  dans  la  ville  archiépilcopnle  , 
prévoyant  bien  qu'il  faudroit  le  réioudre  à 
la  fuite  ,  cherchèrent  àes  prétextes  pour  ex- 
culcr  leur  puiillanimité  ,  &  s'éloignèrent. 
Charles  ne  voyant  autour  de  lui  ni  enne- 
mis ,  ni  rivaux  ,  entre  triomphant  dans  la 
ville ,  toujours  précédé  de  la  pucellc.  Les 
cérémonies  de  ion  iacre  furent  ordonnées 
pour  le  lendemain.  Dès  que  le  roi  eut 
reçu  le  diadème  des  mains  du  prélat  , 
Jeanne  ne  put  retenir  ies  larmes  ;  elle  le 
jette  ;\  les  genoux  ,  les  embralic ,  expri- 
mant ainfi  la  joie  dont  fon  ame  étoit  pé- 
nétrée :  »  Enfin  ,  gentil  roi ,  lui  dit-elle  , 
»  cil  exécuté  le  plaiiir  de  Dieu  ,  qui  vou- 
})  loit  due  vinifiez  à  Rheims  recevoir  votre 


ARC 

n  digne  fiicre  ,  en  montrant  que  vous  êtes 
»)  vrai  roi.  »  Charles  ctoit  trop  reconnoil- 
fant  pour  laifTer  tant  de  bienfaits  ,  tant  de 
zèle  ians  récompcnie  :  que  la  piicelle  tut 
ange  ou  fille  ,  il  lui  étoit  également  redeva- 
ble de  Ça  couronne.  Il  fit  frapper  une  mé- 
daille ,  dont  un  coté  repréfentoit  l'effigie 
de  l'héroïne  ,  l'autre  une  main  tenant  une 
épée  ;  cette  médaille  avoit  pour  légende  ces 
mots  :  confilio  confirmata  D  i.  La  reddition 
de  Rheims  &  des  autres  villes  de  la  Cham- 
pagne ,  fraya  un  chemin  au  roi  pour  arri- 
ver dans  la  capitale.  Quoique  Jeanne  eût 
exécuté  les  deux  points  de  fa  million  , 
elle  confentit  ,  à  la  prière  des  gens  de 
guerre  ,  de  fi.iivre  l'armée  au  fiege  de  Paris. 
Les  villes  de  Crepy  ,  de  Scnlis  ,  de  Saint- 
Denis  &:  de  Lagny ,  furent  prilès  aulli-tot 
qu'attaquées.  Paris  fit  une  vigoureufe  dé- 
fenfe  ,  le  courage  de  la  pucelle  ne  put 
rien  décider  pour  cette  fois  ;  &  l'envie 
qu'avoient  excité  fbn  courage  &  les  fuccès  , 
s'en  prévalut.  Les  farcalmes  qu'elle  avoit 
chaque  jour  à  efluyer  ,  ne  lui  permettant 
pas  de  refîer  davantage  ,  elle  fupplia  le  roi 
de  confentir  A  fa  retraite  ;  mais  ce  prince  , 
connoiffanr  trop  bien  le  prix  de  fes  l'ervi- 
ccs  ,  la  fit  folliciter  par  le  comte  de  Du- 
nois  ,  qui  l'invita  à  le  iuivre  au  fecours 
de  Compiegne  ;  elle  fe  laiilà  vaincre  ,  & 
ce  fut  fon  malheur  :  hcureufe  à  combattre 
contre  les  ennemis  de  l'état  ,  elle  devoit 
fuccomber  (ôus  les  traits  des  jaloux. 
Elle  fe  fraya  un  chemin  dans  la  ville  af- 
fiégée  ,  où  fa  préi'ence  donna  une  ardeur 
nouvelle  aux  habitans  ;  fon  courage  bouil- 
lant ne  lui  permettant  pas  de  combattre  à 
l'abri  d'un  rempart ,  elle  fait  une  fortic  à 
la  tête  de  fix  cents  hommes  ,  deux  fois 
elle  chargea  les  ennemis  &  les  relança  jus- 
que dans  leurs  forts  les  plus  reculés.  Obli- 
gée de  rentrer  dans  la  ville  ,  par  des  trou- 
pes fraîches  qui  arrivoient  au  fecours  des 
Anglois  ,  elle  fit  une  retraite  :  mais  lorf- 
qu'clle  fe  préienta  aux  portes  ,  elle  les 
trouva  fermées.  Se  voyant  trahie.  ,  fon 
courage  fe  changea  en  fureur  ,.  elle  faifoit 
un  carnage  horrible  àcs  Anglois  ;  mais 
enfin,  fon  cheval,  ayant  été  tué  fous  clic, 
elle  fut  forcée  de  fe  rendre  à  Lionner  , 
bâtard  de  Vendôme  ,  qui  la  remit  à  Jean 
de  Luxembourg.  Ce  duc  ,   au  mépris   de 


A  RVC  215 

fon  rang  ,  de  fli  naiiïance  ,  &  du  rclped 
qu'un  guerrier  doit  à  la  valeur  ,  la  vendit 
dix  mille  livres  aux  Anglois  :  c'étoit  un 
commerce  aulli  flétrifTant  pour  ce  feigneur  , 
que  glorieux  pour  la  puccllc.  Elle  fut  d'a- 
bord enfermée  dans  le  château  de  Beau- 
manoir  ,  d'où  elle  tut  transférée  à  Rouen  ;  ce 
fut  là  que  le  duc  de  Betfort  fe  couvrit  d'une 
tache  ineffiiçable  ;  ne  pouvant  foutcnir  la 
préicnce  d'une  femme  qui  Favoit  fi  louvent 
réduit  à  la  fuite ,  il  la  fit  acculer  de  ma- 
gie ,  &  par  un  arrêt  ,  dont  la  honte  .doit 
retomber  fur  fon  auteur ,  il  la  fit  condam- 
ner à  être  brûlée  vive.  Comme  il  étoit 
difficile  de  donner  une  baie  à  cette  pro- 
cédure inique  ,  on  eflaya  d'abord  de  flétrir 
la  vertu  ,  &  de  la  faire  palfer  pour  une 
fille  de  débauche.  Forcé  d'abandonner  ce 
moyen  ,  la  duchciï'e  l'ayant  reconnue  pour 
vierge  dans  une  féconde  aflemblée  de 
matrones  ,  on  chercha  une  nouvelle  efpece 
de  crime  ;  alors  on  l'accufa  d'être  forciere  , 
héréfiarque  ,  devinerelîe  ,  faufle  prophe- 
telîe  ,  d'avoir  f\iit  pade  avec  les  efprits 
malins  ,  d'avoir  oublié  la  décence  de  fon 
fexe  :  tel  fut  le  fommaire  du  procès.  La 
pucelle  montra  ,  dans  toutes  fes  réponfes  , 
autant  de  bon  fens  que  de  fermeté  ;  & 
lorlque  l'évêque  de  Beauvais  ,  fon  principal 
juge  ,  lui  parla  de  l'état  des  affaires  de 
Charles  VIL  ,  elle  lui  dit  qu'elle  ne  devoit 
point  d'obéiflance  à  fon  évêque  ,  au  point 
de  trahir  les  intérêts  de  fon  roi.  La  con- 
vidion  de  ion  innocence  ne  fuflîiant  pas 
pour  délarmer  les  bourreaux ,  elle  voulut 
le  dérober  A  leur  fureur  ,  &  fe  laiffà  tomber 
du  fommet  de  la  tour  où  elle  étoit  cap- 
tive ;  mais  le  bruit  de  fa  chute  l'ayant 
trahie  ,  la  feniinclle  qui  la  gardoit ,  la  faifit 
avant  qu'elle  eût  repris  fes  fens  :  fon  évafion 
lui  fut  reprochée  comme  un  nouveau  cri- 
me ,  on  l'accufa  de  fuïcide.  Les  évêques 
de  Beauvais  ,  de  Coutance  &:  de  Lizieux , 
le  chapitre  de  Notre-Dame  ,  ieize  licen- 
ciés théologiens ,  &  onze  avocats  de  Rouen , 
fignerent  l'arrêr  de  mort  de  cette  lié- 
roïne  :  la  décifion  de  ces  doéfej.rs  fait 
connojtrc  de  quelles  erreurs  l'homme  efi 
capable  ,  lorfque  iéduit  par  la  corrup- 
tion de  fon  cœur  ,  il  ferme  ks  yeux  à  ce 
que  lui  idiûent  la  religion  &  la  railon. 
/fj/i/2f  jugée  coupable  d'enchantement  &  de 


iî6  ARC 

fortilcge ,  fut  livrée  au  bras  féculier  le  l6 
mai  143 1  ;  &   comme   ii    le   fupplice    du 
feu  eût  étf  trop  doux  ,  on  la   fit  monter 
fur  un  echafau    dans  une  cage  de  fer  ;  ce 
fut  dans  cette  polturc  humiliante  &  péni- 
ble ,  qu'on  Texpofa    aux    outrages    d'une 
mulriiude  infultante.    Jeanne   montra   une 
conllance  fupéncure   à  la  tyrannie    de  les 
juges  ;  incapable  de  crainte  ,  elle  entre  dans 
le  huai  bûcher  ,  &  regarde  avec   douceur 
la  main  qui  le  difpofe  à  y  mettre  le  feu. 
Elk    remercia    le    ciel  de    fon    fupplice  , 
comme    elle    le   remercioit  auparavant  de 
fes  vidoires  ;  Dieu    loit  béni  ,  dit-elle  ,  en 
voyant   la  Hamme  s'approcher  :  telles  fu- 
rent Ces   dernières    paroles.   Ainli   mourut 
,  Jeanne  :  elle  périt  contre  toutes  les  loix  , 
même  contre  celles  de  la  guerre  qui  rend 
ficree  la   perfonne   d'un  ennemi   défarmé. 
On  blâme  l'inlénlibilité  de  Charles  VII , 
il   eût  pu  ,  dit-on  ,    arracher   au    iùpplice 
cette   héroïne  ,  en  menaçant  les  Anglois 
d'ufer  de  repréfalUes.  Si  ces  menaces  enflent 
fuiîî  ,  eil-il  à  croire  que  ce  prince  eût  re- 
tufé  de  les  einployer  ?  Il  connoifloit  l'achar- 
nement des  Anglois  ,  capables  de  fàcrifier 
iniile  victimes  au  plaifir  féroce    de  la  faire 
périr  ,  &  fes   mœurs  étoient  trop  douces 
pour  lui  permettre  de  fuivre  ces  exemples 
barbares.  Charles  l'avoit  recompeniée  d'une 
manière    à    le   juflifier    de    tout   loupçon 
d'ingratitude  ;  outre  la  médaille  qu'il  avoit 
fait  frapper  à  l'honneur  de  cette   héroïne  , 
il  l'avoit  annoblie  elle  &  toute  la  tamille  , 
c'eft-à-dire  ,  fon  père  ,  fa  mère  ,  fes  trois 
frères  &  toute  leur  poftérité  ,  tant  en  ligne 
mafculine  que  féminine  ;  on  leur  donna  à 
tous  des  armoiries  qui  ne   pouvoient  être 
plus   nobles   &  plus  jîgnificatives  ;   c'étoit 
un  écu  d'azur  à    deux  fleurs  de  lis  d'or  , 
une   épéc    d'argent  i\   la  garde   dorée  ,  la 
pointe  en    haut   férue    en   une  couronne 
d'or  qu'elle  loutient.  Son  nom  d'Arc  fut 
changé  en    celui  de   Lys.  Le  hameau   où 
elle    avoit  pris  nailTance  ,   tut  exemtc  de 
toutes  tailles  ,   aides  &c   autres  fublîdes   à 
perpétuité.   Il  refle  encore  des  rejetons  de 
cette  illuflre  famille  en  Anjou    &  en  Bre- 
tagne :  le  dernier  mâle  ell  mort  en  1660. 
Les    prérogatives    accordées    aux   femmes 
leur   furent   ôtées  en  16 14  ,  au    regret  de 
tous  les  bons  citoyens  :  on  pourroit  les  leur 


ARC 

rendre.  Les  monumens  de  la  reconnoif- 
fance  à  Orléans ,  &  du  repentir  à  Rouen  , 
le  follicitcnt  plus  puiflamment  que  les  dif^ 
cours  étudiés  des  paneg}rilles  :  puifque 
c'étoit  une  femme  qui  avoit  acquis  les 
privilèges  de  cette  famille  ,  il  étoit  peut- 
être  plus  jufle  d'en  priver  les  mâles.  Au 
relie  ,  on  ne  rapportera  pas  ici  les  fables 
inventées  parla  luperltition  &  par  la  haine. 
Des  auteurs  pieulement  imbécilles  ont 
remarqué  qu'étant  chez  (es  parens  ,  elle 
avoit  coutume  de  fe  retirer  fous  un  chêne , 
&  en  ont  conclu  qu'elle  avoit  eu  de  longs 
entretiens  avec  laint  Michel  :  on  ne  dira 
rien  non  plus  de  cette  colombe  blan- 
che que  l'on  vit  à  fa  mort  ,  ni  de  ion 
cœur  qui  fe  conferva  entier  au  milieu  des 
flammes.  Jeanne  fut  fans  doute  une  fille 
rare  ,  mais  elle  ne  dut  peut-être  fes  fuccès 
qu'à  la  crédulité  des  deux  partis  ;  fit  chaf- 
teté  ,  fon  courage  ,  fa  fermeté  tranquille  à 
la  vue  des  tourmens  ,  tout  en  ia  conduite 
elt  admirable  ,  mais  n'a  rien  de  lurnatu- 
rel  :  elle  lut  blelfée  autant  de  fois  qu'elle 
combattit.  Quant  à  cette  épée  ,  dont  on 
feignit  que  le  fecret  lui  avoit  été  révélé , 
la  lame  en  fut  briiée  avant  même  qu'elle 
eût  vu  les  Anglois.  Des  écrivains  ont  élevé 
des  doutes  fur  fon  iùpplice  ;  ils  ont  pré- 
tendu que  l'on  choifit  une  perfonne  du 
même  fexe ,  digne  d'une  mort  auffi  cruelle , 
qui  lui  fut  fubffituée.  Ces  hiftoricns  fe 
fondent  lur  plulieurs  circonifances  iedui- 
lantcs  ;  ils  remarquent  que  l'évêquc  de 
Beauvais  ,  à  qui  l'on  avoit  confié  le  foin 
de  la  delfinée  ,  Liifla  palfer  cinq  femaines 
entre  la  dernière  fentence  &  l'exécution  ; 
choie  extraordinaire  ,  &  qui  ,  dit-on ,  fiit 
ménagée  afin  de  pouvoir  convaincre  celle 
que  l'on  vouloit  lui  llibffituer.  Ce  fenti- 
ment  eil  fortifié  par  les  termes  d'une  lettre 
de  don ,  accordée  à  Pierre  ,  l'un  des  frères 
de  Jeanne  par  le  duc  d'Orléans,  l'an  1443  » 
treize  ans  après  iim  prétendu  lupplice 
"  oui  la  iupplication  ,  c'eil  ainfi  que  s'ex- 
prime cette  lettre ,  dudit  meiliri  Pierre  , 
contenant  que  ,  pour  acquitter  la  loyauté 
envers  le  roi  mitre  lire  ,  &  M.  le  duc  d'Or- 
léans ,  il  le  partit  de  ion  pays  pour  venir 
;\  leur  fervice  en  la  compagnie  de  Jeanne 
la  pucelle  fa  iœur,  avec  laquelle,  &  ju(- 
ques   à  fon  abfcntement,  &  depuis  julQu'à 

prélent 


ARC 

prirent ,  il  a  expolé  fon  corps  &  Ces  biens 
audit  fcrvice.  »  A  ce  témoignage  poli- 
tif,  ils  ajoutent  le  filence  du  roi ,  qui  n'eût 
pas  manqué  de  venger  la  mort  ignominieule 
de  cette  héroïne  lur  les  Bourguignons  &  les 
Anglois  qui  turent  en  la  puiHance.  Les  par- 
tilans  de  cette  opinion  croient  que  Jeanne 
en  tut  quitte  pour  qiielques  années  de  cap- 
tivité ,  &;  qu'après  la  mort  du  duc  de  Bet- 
fort ,  général  des  Anglois ,  arrivée  à  Rouen 
c"  H35  ?  ^^^^  trouva  moyen  de  s'entuir, 
&  de  retourner  dans  l'a  province,  où  elle 
termina  Tes  aventures  par  fon  mariage  avec 
un  riche  leigneur  nommé  Robert  des  Ar- 
moifes.  On  trouve  dans  un  manufcrit ,  con- 
tenant une  relation  des  choies  arrivées  dans 
la  ville  de  Metz  en  1436 ,  que  le  pcre 
Vignier,  prêtre  de  l'oratoire,  a  vu  le  con- 
trat de  mariage  de  Jeanne  d'Arc  avec  Ro- 
bert des  Armoifes.  On  ne  lauroit  le  difîîmu- 
1er  la  torce  de  ces  autorités  ;  c'eft  un  frère 
qui  attefte  avoir  toujours  été  en  la  com- 
pagnie de  cette  illuftre  fille ,  avant  &  après 
la  captivité  ;  c'etl  un  prêtre  qui  dit  avoir  vu 
l'aûe  de  célébration  de  mariage.  On  répond 
•à  ces  difficultés  en  dilant  que  l'épouiè  du 
fieur  des  Armoilés  étoit  une  fourbe  qui  fè 
paroit  d'un  grand  nom ,  &  qui  avoit  eu 
aflêz  d'adreli'e  pour  taire  croire  à  Pierre  & 
à  Jean  d'Arc  quelle  étoit  vraiment  leur 
fœur  ;  mais  il  vaudroit  mieux  nier  le  fait  : 
car  enfin  il  n'y  auroit  plus  rien  de  certain 
dans  le  monde  ,  s'il  étoit  poffible  qu'une  fille 
en  impolât  ;\  un  homme ,  au  point  de  lui 
^aire  croire  quelle  'ett  fa  (ccur  ,  avec  laquelle 
il  a  toujours  vécu.  Voici  les  paroles  du 
manufcrit  de  Metz  :  "  la  pucelle  Jeanne  Ac 
»  France  s'en  alloit  à  Erlon  en  la  duché  de 
)■>  Luxembourg,  &  y  tut  grande  preffc  jul- 
»  qu'à  tant  que  le  fils  le  comte  de  Vunem- 
»  bourg  la  menoit  à  Cologne  ,  de  côté  fon 
M  père  le  comte  de  Vunembourg,  &  la 
»  menoit  le  comte  très-fort ,  &  quant  elle 
?)  en  va_ult  venir ,  il  l'y  fit  une  très-belle 
«  curafle  pour  le  y  armer  &  puis  s'en  vint 
yy  à  ladite  Erlon,  &  là  fut  fliit  le  mariage 
»  de  M.  de  Hermoifc  ,  chevalier  ,  &  de  ià 
»  Gehanne  la  pucelle,  &  puis  après  s'en 
»  vint  ledit  fieur  Hcrmoife  ,  avec  fa  femme 
»  la  pucelle,  demeurer  en  Metz,  &  fe 
»  tinrcnt-là  tant  qu'il  leur  plaifit  aller.  >? 
Plufieurs  hifloriens ,  &  enrr' autres  du  Hail- 
Tome  III, 


ARC  ti-y 

kn  ,  rapportent  les  actes  de  fon  procès.  On 
ne  contelle  pas  que  fon  procès  n'ait  été 
fait  ;  on  fe  fonde  encore  (ur  les  termes  de 
la  réhabilitation  taite  en  1456,  où  l'on  voit 
ces  paroles  :  Jean  &  Pierre  ,  frère  de  dé- 
funte Jeanne  d'Arc  ;  mais  elle  pouvoit 
être  vivante  en  1436,  &  détunte  en  1456. 
Au  refle-,  le  leifleur  peut  fe  décider  pour 
l'opinion  qu'il  jugera  la  plus  probable. 
On  admire  dans  l'hiiloire  de  Jeanne  y 
non  ion  iupplice ,  mais  fa  fagciïe  ,  ion 
courage  &  la  politique  de  Dunois ,  & 
plus  encore  le  fil  où  tient  la  dciFinéc  des 
empires.  Il  elt  probable  que ,  fans  cet  heu- 
reux événement ,  Charles  n'eût  jamais 
monté  iur  le  trône  de  i'ts  pères.  P^'oye-^ 
tous  les  hiftoriens  de   France.    {  T—N  ) 

ARCADE  ,  f.  f.  en  architecture ,  fe 
dit  de  toute  ouverture  dans  un  mur ,  for- 
mée par  le  haut ,  en  plein  cintre  ou  demi- 
cercle  parfait.  Vojei  Arc  &  VOUTE  , 
en    latin  fornix. 

Nous  obierverons  d'-abord  que  la  règle 
établie  par  Vignole ,  &  aiTez  générale- 
ment fuivie  pour  la  hauteur  &  la  largeur 
des  arcades  des  portiques  ,  leur  donne 
deux  fois  plus  de  hauteur  que  de  largeur 
pour  les  ordres  tolcari,  dorique  &  ioni- 
que ,  &  un  module  de  plus  de  hauteur 
que  le  double  de  leur  largeur  pour  ley 
ordres  corinthien  &  compollte.  Mais  les 
colonnes  qui  accompagnent  ces  arcades  ,■ 
apportent  quelque  changement  à  leur  lar- 
geur ,  parce  qu'elle  doit  être  plus  grande 
quand  ces  colf)nnes  ont  des  picdefiaux , 
que  quand  elles  n'en  ont  point.  Voici 
les  proportions  qu'on  doit  obfcrver  dans 
ces  deux    cas. 

Lorfque  les  colonnes  tofcanes  n'ont 
point  de  piédeflaux ,  les  arcades  reçoivent 
iix  modules  &  demi  de  largeur ,  &  leurs 
jambages  trois  modules.  Lorfque  ces  co- 
lonnes ont  des  piédeflaux  ,  la  largeuf 
des  arcades  augmente  d'un  quart  de  mo- 
dule ,  &  celle  de  t'es  jambages  d'un  mo- 
dule entier  ;  ainfi  les  arcades  ont  alors 
tiois  modules  trois  quarts  de  largeur  , 
&  leurs  [jambages  quatre  modules. 

Dans  l'ordre  dorique  fins  piédeflaux , 
on  donne  fept  modules  de  largeur  aux 
arcades,  &  trois  à  leurs  jambages.  Mais' 
fi  cet.  ordre  a   des  piédeflaux  ,  les  arcade  fi 

E  e 


2i8  ARC 

prennent  dix  modules  de  largeuf  ,  &  leufs 
jambages  cinq   modules. 

Si  l'ordre  ionique  eft  fans  piédefîaux  , 
les  arcades  auront  huit  modules  &  demi 
de  largeur ,  &  les  jambages  trois  modu- 
les. Si  l'on  donne  des  piédeftaux  à  cet 
ordre  ,  il  faudra  donner  aux  arcades  une 
largeur  d'onze  modules ,  làns  augmenter 
celle  des  jambages  ,  qui  n'aura  que  trois 
modules  de  largeur. 

Les  colonnes  corinthiennes  &  compofi- 
tes  fins  piédeflaux  exigent  neuf  modules 
de  largeur  peur  les  arcades  ,  &  douze 
modules  fi  elles  ont  des  piédeflaux  ;  mais 
dans  l'un  &  l'autre  cas  ,  la  largeur  des 
jambages  ne  doit  être  que  de  trois  mo- 
dules. 

Telle  ert  la  proportion  donnée  par 
Vignole  d'après  l'antique.  Scamozzi  qui 
l'a  vérifiée,  Fa  adoptée,  &  leur  autorité, 
d'accord  avec  le  bon  goût  ,  a  entraîné 
le  reite  des  archirecles  qui  s'y  conforment 
lans  difficulté  ;  ceux  qui  ont  olé  s'en 
écarter  en  ont   été  juilement    blâmés. 

Lorfque  l'on  engage  les  colonnes  dans 
les  jambages  des   arcades ,    Vignole    veut 

2ue  la  partie  engngée  foit  les  trois  quarts 
e  la  colonne ,  de  manière  qu'il  n'en  forte 
qu'un  quart.  Scamozzi  prétend  au  con- 
traire que  la  colonne  forte  àts  trois 
quarts  de  fon  diamètre ,  &  que  la  par- 
tie engagée  ne  forte  que  d'un  denii  -  mo- 
dide. 

On  fait  des  arcades  fans  colonnes  ni 
pilaftres  ,  ce  qui  n'empêche  pas  qu'on 
ne  foit  obligé  de  donner  A  leurs  jamba- 
ges les  niêmes  proportions  que  fi  ces 
arcades  étoient  accompagnées  de  colon- 
nes ;  obfervant  fur-tout  de  ne  jamais  t^'ire 
ces  jambages  plus  larges  que  la  moitié 
de  Y  arcade  ,  ni  plus  étroits  que  le  tiers , 
&  de  faire  toujours  les  baies  plus  gran- 
des aux  ordres  maillfs  qu'aux  ordres  dé- 
licats. 

Les  pies  droits  d'une  arcade  font  ter- 
minés par  un  impolie  A  ,  {Jiqure  Z  de 
la  planche  IV  d'architecture  du  jupph'ment 
des  planches),,  à  l'endroit  où.  la  ligne 
courbe  qui  terme  V arcade  ,  joint  la  ligne  à 
plomb  de  l'alettc.  L'impoilc  ell  ui:e  petite 
corniche  ,  dont  la  iaillic  ne  doit  point  excé- 
der celle  des  pilailres  ou  des  colonnes,  quand 


ARC 

il    y  en  9  aux  jambages ,  parce  que  ctj 
importes    fervent  feulement    de    couffinets 
pour    recevoir    la    retombée    des  arcades 
avec  leur  bandeau  &  archivolte  B.  Vignole 
a  établi   cette  règle  ,  &  a  donné  des  def- 
fins     d'impofles     pour     tous    les    ordres 
(  Voye\  planche  IV)  ,  corrigeant  en  cela 
les  anciens  ,  qui  donnoient  beaucoup  trop 
de  faillie  à  cette  partie    de  leurs   arcades. 
Selon  Scamozzi ,  les  importes  des  grandes 
arcades ,    dont   les    colonnes   fans   piédef- 
taux  ne   portent    que    fur  des    focles ,  ne 
doivent  avoir  de  hauteur  que  la  treizième 
partie   &    demie  de  celles  de  leurs  jamba- 
ges.  Le   même   architeâe  donne   pour   la 
largeur  des  bandeaux  de  l'arc  ou  archivol- 
te ,  la  neuvième  partie  de  celle  de  Yarcade. 
dans    l'ordre    tofcan  ,     la    dixième   partie 
dans  l'ordre  corinthien  ,  &  une  proportion 
mitoyenne  entre  ces  deux-là  pour  les  au- 
tres ordres.  La  clef  C  {fig.  2.  de  la  planche 
IV  d' architechire  )  ,    qui    ert    le    fommet 
de  Xarcade ,   a    ordinairement   un   boflage 
qui  excède  le  bandeau  de  l'arc.  La  largeur 
de    ce    boflage  efi  au  moins  de  deux  tiers 
de   module ,    &    d'un    module    au    plus. 
Quant    à    fa   hauteur ,  poi;r    être    afl'ortie 
aux   ordres  y  elle  doit   être   moindre  dans 
les    ordres    maflifs  ,    &  plus    élevée  dans 
les  ordres  légers    &  délicats.  Ces  boffages; 
qu'on  nomme  auffi  clavaux ,    peuvent  re- 
cevoir divers  ornemens  ,  un   mafquc  ,    une 
conlok  ,  un  trophée,,  un  écufTon  ,  un  car- 
tel,  un:  tête  d'animal,    ^c.   Leur   force, 
leur  relief  &  leur  richefîe  ,  doivent  fe  pro- 
portionner au   ton   de   l'architedure  où  ils 
font   employés.  Le   galbe  des   cartels    qui 
renferment   ces    omcmens ,    doit    fur-tout 
être  afllijetfi  au  profil  des  bandeaux  ,  afin- 
que  par  ce  moyen   l'architeéfure  &  les  or- 
nemens paroilîcnt  être  faits  l'un  pour  l'au- 
tre. On  fait  que  les  bandeaux  de  l'arc  ou 
•rcl'iivoltc  lent   les  deux   parties    courbées 
entre    les  iniportes  &  la  clef.. 

La  même  planche  IV  ofîre  des  modèles» 
de  moulures  &  d'autres  ornemens  pro- 
pres aux  impofles  &  aux  archivoltes  des 
aicades ,  luivant  les  dirtérens  ordres  , 
d'après  les  deffins  de  Vignole.  Nous  repré- 
iéncons  dan.s  les  deux  planches  fuivantes- 
im  portique  dorique ,  &  un  portique- 
ionique  ,   par  lefquels   on  pourra  juger  de. 


ARC 

ceuT  des  autres  ordres.  Le  dernier  a  été 
delliné  par  M.  tk  Chambray ,  d'après  des 
édifices  antiques  de  Rome  ,  &  il  en  parle 
comme  du  plus  beau  &  du  plus  m.igni- 
fique  morceau  de  ce  gcnre^  que  l'on  puillc 
voir.  Nous  l'avon";  choiil  avec  d'autant 
plus  de  raifon ,  qu'il  oflre  un  bel  enfem- 
ble  de  toutes  les  parties  d'une  ordon- 
nance. 

Arcade,  {en  Amcomie.)  arc  us  ,  ar- 
CUdtio  ,  le  dit  des  parties  qui  ont  la  forme 
d'un  arc. 

Arcade  alvéolaire,  c'efl  le  con- 
tour formé  par  toutes  les  alvéoles. 

Arcade  des  mufcles  de  l'abdomen.  Sous 
le  ligament  inguinal  pallènt  l'extrémité  du 
muicle  iliaque  &  le  tendon  du  pfoas ,  fié- 
chilfeurs  de  la  cuillè  ,  &  outre  cela ,  les 
vaideaux  cruraux,  artère,  veine  &  nerf, 
avec  la  graiflè  &  les  membranes  qui  les 
accompagnent.  L'efpace  qui  donne  partage 
à  toutes  ces  parties ,  elt  ce  que  l'on  nomme 
communémeat ,  ïarcade  des  mujcles  du 
hds-venne  ,•  &  c'eft  par-là  que  s'échappe 
auffi  quelquefois  une  portion  d'intelHn  ou 
d'épiploon,  qui  forme  au  bout  de  la  cuilîé 
une  hernie  ,  appellée  crurale  ,  aflez  ordi- 
naire aux  femmes ,  plus  rare  aux  hommes. 

Arcade  furciliere  ou  orbitaire.  On  ap- 
pelle ainii  l'avance  fenfible  qu'on  découvre 
à  l'os  coronal ,  &  qui  couvre  en  partie  & 
défend  le  globe  de  l'œil.  Elle  eit  inter- 
rompue dans  fa  partie  qui  approche  du 
nez ,  par  une  imprefllon ,  en  forme  de 
poulie,  qui  donne  paffiige  au  tendon  d'un 
mufcle  de  l'œil.  Dictionnaire  raifonné 
d'Anatomie   &  de  Pliyjiologie. 

Akcade  feinte  y  eft  une  fauflè  porte 
ou  fenêtre  cintrée  ,  pratiquée  dans  un  mur 
d'une  certaine  profondeur ,  pour  répondre 
à  une  arcade  percée ,  qui  lui  eft  oppolée 
ou  parallèle ,  ou  i'eulement  pour  la  déco- 
ration d'un  mur.  (-P) 

Arcade  ,  en  jardinage  ,  fe  dit  d'une 
palilfade  formant  une  grande  ouverture  cm- 
trée  par  le  haut,  qui  peut  être  percée  juf- 
qu'en  bas  ,  ou  arrêtée  fur  une  banquette 
de  charmille. 

Les  arcades  fe  plantent  de  charmilles , 
d'ifs ,  d'ormilles ,  de  tilleuls  ,  &  même  de 
grands  arbres  rapprochés.  Le  terrain  frais 


ARC  trj, 

&  marécageux  leur  cffabfolumentnécefîàire, 
ou  du  moins  une  terre  extrêmement  forte. 

On  donne  A  ces  arcades  ,  pour  jufle  pro- 
portion de  leur  hauteur  ,  deux  fois  ou  deux 
fois  &  demie  leur  largeur.  Les  tremeaux: 
auront  trois  ou  quatre  pies  de  large  ;  au 
dellus  on  élevé  une  corniche  ou  bande  [ilatc 
de  deux  ou  trois  pies  de  haut ,  taillée  en 
chanfrain  ,  &  échappée  de  la  même  char- 
mille ,  avec  des  boules  ou  aigrettes  faites 
en  forme  de  vaies  (ur  chaque  tremeau  ;  s'il 
y  a  quelque  corps  faillant,  tel  qu'un  focle , 
un  claveau ,  ce  ne  doit  être  au  plus  que  de 
deux  ou  trois  pouces. 

Il  cft  néceflaire  de  tondre  quatre  fois 
l'année  ces  fortes  de  paliflîides ,  pour  leur 
conferver  plus  exaftement  la  forme  con- 
trainte où  on   les  tient,    (it) 

Arcade,  c'eil,  dans  les  manufactures 
de  foierie  ,  une  ficelle  de  la  longueur  de 
cinq  pies  pliée  en  deux ,  bouclée  par  le  haut, 
ou  du  moins  arrêtée  par  un  nœud  en  bou- 
cle ;  c'eff  dans  cette  boucle  qu'on  parte  la 
corde  de  rame  :  quant  aux  deux  bouts  ,  ils 
fe  rendent  dans  des  planches  percées  qu'ils 
traverlent ,  &  fervent  à  tenir  les  mailles  de 
corps  qui  leur  font  attachées  ;  c'efl  par  le 
moyen  de  V arcade  que  le  deiîîn  eff  répété 
dans  l'étoffe  ;  elle  fe  parte  de  deux  façons  , 
à  pointe  &  à  adc  ou  à  chemin.  \Jarcade 
'e  palle  à  pointe  pour  les  delEns  à  fym- 
métrie  &  à  deux  parties  également  fembla- 
bles ,  placées  l'une  à  droite  &  l'autre  à 
gauche  ;  elle  efl  à  aile  ou  à  chemin  ,  lors- 
que le  defUn  ne  peut  fe  partager  en  deux 
parties  égales  &  fymmétriques  fur  fa  lon- 
gueur. Il  faut  obferver  que  dans  les  deffins 
qui  demandent  des  arcades  à  pointe  ,  l'ex- 
trémité d'une  ffcur  pouvant  fe  trouver  cora- 
pofée  d'une  feule  corde  qui  tireroit  les  deux 
mailles  jointes  enfemble  ,  elle  formeroit  ua 
quarré  ou  une  découpure  trop  large  ,  pro- 
portionnellement aux  autres  mailles  qui  font 
léparées  ,  &  qui  contiennent  neuf  à  dix  fils 
chacune.  Pour  éviter  ce  petit  inconvénient , 
on  a  la  précaution  de  ne  mettre  dans  cha- 
cune des  deux  mailles  qui  fe  joignent  k  la 
pointe ,  que  la  moitié  des  fils  dont  les  au- 
tres font  compolées ,  afin  que  le  volume  des 
deux  ne  faffe  que  celui  d'une;  ce  qui  s'ap- 
pelle en  terme  de  l'art ,  corrompre  le  cvurfe. 

Voyei  Velours  ciselé. 

Ee  1 


jid-  ARC 

Arcade  ,   en    pajjemeiuerle ,    efl    un 
morceau  de  fer  plat ,  haut  de  trois  à  quatre 
lignes  ,  allant  en  augmentant  depuis  les  ex- 
trémités julqu'au  centre  ,  où  il  a  à-peu-près 
le  tiers  de   largeur  de  plus,   &  où   il   efl 
percé   de  trois   trous  ronds    qui    donnent 
l^afTage    aux    guipures  qui  fervent  à  la   li- 
vrée du  roi  &    autres  qui  portent  comme 
celle-ci    de    pareilles   guipures  ;    les   deux 
extrémités    font   terminées    en  rond   pour 
lervir    à  l'ufage    que    l'on   expliquera    en 
ion  lieu  ;  ce  morceau  de  fer   elt    encore 
arrondi  en  demi-cercle   fur   le   dedans ,  & 
au  centre  de   cet  arrondilfement  efl   atta- 
chée  uqe  autre   petite  pièce   de    fer ,  d'é- 
gale  hauteur  que    le  centre  :   cette    pièce 
til  percée  en    fon  milieu   d'un   feul    trou 
dont  on  dira  l'ufage  ;  les   extrémités    ter- 
minées en  rond  portent  elles-mêmes  deux 
petites  éminences   de   fer   rivées  fur  leurs 
faces  ;   ces    éminences     rondes  fervent   à 
entrer  dans    les   deux   trous   du    canon   à 
grands    bords  ,      en     élargifîant    un   peu 
ladite  arcade ,    qui    obéit    aflèz   pour  cet 
effet.    Ce  canon  eil  percé   dans  toute    fa 
longueur  d'un   trou  rond ,    tant   pour  être 
propre  à  être  mis  dans  la  broche  du  rouet , 
que    pour  être   chargé    de   trois  brins   de 
guipure  dont  on   le  remplit  ;  ce  trou  fert 
encore  à  recevoir  dans  fcs  deux  extrémités 
les  petites  éminences  dont  on  a  auffi  parlé. 
Ces  trois  brins  paffent  tous  d'abord  dans  le 
feul  trou  de  la  petite  pièce  ,  enfuite  chacun 
d'eux  pafTe   dans  chacun  des  trois  trous  du 
devant.  Voici  à  préfent  la  manière  de  char- 
ger le    canon   appelle  à  grands  bords  :  ce 
canon  étant  à  la  broche  du   rouet   à  faire 
de  la  trame ,  11  faut  tenir    les   trois    brins 
de  guipure  les  uns  à  côté  des  autres  entre 
le  pouce  &  le  doigt  index  de  k  main  gau- 
che ,  pendant  que  la  droite  fait  tourner  le 
rouet  ;  on  conduit  ainfi  également  cette  gui- 
pure le  long  de  ce  canon  ,  le  plus  uniment 
qu'il  efl  poflib'ic  ,  pour  éviter  les  lâches  qui 
Kuiroient  à  l'emploi  :   voici  h  préicnt  Ion 
ulàge  ;  cette  arcade  fert  comme  la   navette 
a  introduire  ce  qu'elle  contient,  à  travers 
la  levée   de  la  chaîne,  &  y  arrêter  par  ce 
moyen  les  guipures  qui  forment  diffcrens 
entrclacemens ,   qui  comme  il  a  été  dit  en 
commençant ,  ornent  la  livrée  du  roi  &  au- 
tri's  :  il  faut  toujours  deux  arcudes  ^  dont 


ARC 

l'une  fait  la  répétition  de  l'autre  ,  mais  cha- 
cune de  fon  côté. 

Arcade,  en pajjementerie ,  efl  encore 
une  eipcce  d'anneau  de  gros  fil  d'archal , 
qu'on  a  attaché  au  lieu  &  fur  l'épallFeur  du 
retour  ,  en  faifant  entrer  les  deux  bouts  dans 
le  bâton  du  retour.   Voye\  RETOUR. 

Arcade,  en  femirerie  ,  eu  ,  dans  les 
balcons  ou  rampes  d'elcalier  ,  la  partie  qui 
forme  un  fer  à  cheval,  &  qui  fait  donner 
à  ces  rampes  &  balcons  le  nom  de  rampes 
en  arcade  ou  balcons  en  arcade. 

ARCADES  {Académie des)  ,  f.  m.  V. 
Arcadiens. 

*ARCADIA  (l')  ou  ARCADIE, 
(  Ge'og.  )  ville  de  la  Morée  proche  le  golfe 
de  même  nom ,  dans  la  province  Belvé- 
dère. Long,  jc)  ,  jo,*  lat.  ^j  ,  xj . 

*ARCADIE,  {Géog.  anc.  &  mod.) 
province  du  Péloponeie  qui  avoit  l'Argolide 
ou  pays  d'Argosau  levant,  l'Elide  au  cou- 
chant ,  l'Achaïe  propre  au  feptentrion  ,  & 
la  Mellinie  au  midi.  Elle  étoit  divilee  en 
haute  &  bajlfe  Arcadie.  Tout  ce  pays  efl 
connu  aujourd'hui  fous  le  nom  de  T\a- 
conie.. 

*  Arcadie  ou  Archadie  ,  ville  au-' 
trefois  aflez  renommée  dans  l'île  de  Crète 
ou  de  Candie.  Le  golfe  d' Arcadie  efl  le  Cy-- 
pariJTus  /mus  des  anciens. 

*  ARCADIENS  ,  f.  m.  plur.  (mjf.  lito- 
te): )  nom  d'une  fociété  de  lavans  qui  s'eft 
formée  à  Rome  en  1690,  &  dont  le  but 
eu  la  confervation  des  lettres  &  la  per-- 
fedion  de  la  poéfie  italienne.  Le  nom  d'ar-. 
cadiens  leur  vient  de  la  forme  de  leur  gou-- 
vernement ,  &  de  ce  qu'en  entrant  dans- 
cette  académie  ,  chacun  prend  le  nom  d'un, 
berger  de  l'ancienne  Arcadie.  Ils  s'elilent 
tous  les  quatre  ans  un  prefident ,  qu'ils, 
appellent  le  gardien  ,  &  ils  lui  donnent  tous 
les  ans  douze  nouveaux  aifcireurs  :  c'eft  ce. 
tribunal  qui  décide  de  toutes  les  affiiires 
de  la  fociété.  Elle  eut  pour  fondateurs 
quatorze  lavans  ,  que  la  conformité  de 
ientimens ,  de  goût  &  d'étude ,  raflembloit 
chez  la  reine  Chrifline  de  Suéde ,  qu'ils 
fc  nommèrent  pour  proteâlrice.  Après  fa 
mort ,  leurs  loix  ,  au  nombre  de  dix  , 
furent  rédigées ,  en  1696  ,  dans  la  langue 
&  le  llyle  des  douze  tables ,  par  M.  Gra- 
vina  ;  on  Içs  voit  cxpofées  fur  deux  '^aux 


ARC 

morceaux  de  marbre  dans  le  Serhatojn , 
fiille  qui  fert  d'archives  à  l'académie  ; 
elles  font  accompagnées  des  portraits  des 
académiciens  les  plus  célèbres  ,  à  la  tctç 
defqucls  on  a  mis  le  pape  Clément  XI  , 
avec  (on  nom  paltoral  ,  Alnano  Melieo. 
La  i'ociété  a  pour  armes  une  flûte  cou- 
ronnée de  pin  &  de  Ir.urier  ;  elle  ert  con- 
(acrée  à  Jelus-Clirilt  naiflant  ;  &  les  bran- 
ches (e  font  répandues  lous  diflcrcns  noms 
dans  les  principales  villes  d'Italie  :  celles 
d'Aretio  &  de  Macerata  s'appellent /ji^o/- 
:[atu  y  celles  de  Bologne ,  de  Venife  &  de 
Ferrare  ,  VAnimofu  ;  celle  de  Sienne  ,  la 
Phyfu-d-criticj.  ;  celle  de  Pife  ,  VAlpIuja  ; 
celle  de  Ravenne  ,  dont  tous  les  membres 
font  eccléfiafliques  ,  la  Camalduîenjis ,  &f. 
Elles  ont  chacune  leur  vice-gardien  ;  elles 
s'alTemblent  lept  fois  par  an  ,  ou  dans  un 
bois  ,  ou  dans  un  jardin  ,  ou  dans  une 
prairie  ,  comme  il  convient  ;  les  premières 
fëances  fe  tinrent  lur  le  mont  Palatin  ; 
elles  le  tiennent  aujourd'hui  dans  le  jardin 
du  prince  Salviati.  Dans  les  fix  premières 
en  lait  la  ledure  des  arcadiens  de  Rome. 
Les  atcadlennes  de  cette  ville  font  lire 
leurs  ouvrages  par  des  arcadiens,  La  fep- 
tieme  efl  accordée  à  la  ledure  des  arca- 
diens aflociés  étrangers.  Tout  poflulant 
doit  être  connu  par  iès  talens  ,  &  avoir  , 
comme  difent  les  arcadiens  ,  la  noblelfe  de 
Oiériteou  celle  d'extradion  ,  &  vingt-quatre 
fins  accomplis.  Le  talent  de  la  poéfie  ell 
le  feu!  qui  puifîè  ouvrir  la  porte  de  l'aca- 
démie à  une  dame.  On  efl  reçu  ,  ou  par 
l'acclamation  ,  ou  par  ^enrôlement ,  ou  par 
la  repréfemation  ,  ou  par  la  furrogation  ,  ou 
par  la  defiination  :  l'acclamation  eli  la 
réunion  des  lufFragcs  ,  fins  aucune  déli- 
bération ;  elle  efl  rélervée  aux  cardinaux  , 
aux  princes  &  aux  ambaffideurs  ;  l'enrô- 
lement eft  des  dames  S>c  âcs  étrangers  :  la 
rupréfentation ,  des  élevés  de  ces  collèges 
où  l'on  initruitla  nobleffe  :  la  furrogation  , 
de  tour  homme  de  lettres  qui  remplace 
un  académicien  après  fa  mort  :  la  dellina- 
tion  ,  de  quiconque  a  mérité  d'obtenir  un 
nom  arcàdien  ,  avec  l'engagement  folenncl 
de  l'académie ,  de  fucccder  à  la  première 
place  vacante.  Les  arcadiens  comptent  par 
olympiades  ;  ils  les  célèbrent  tous  les  quatre 
^s.  par  des  jeiu  d'clprit.  On  écrit  1,1  vie 


ARC  Tix 

•^cs  arcadiens.  Notre  des  Yvetaux  auroif 
bien  été  digne  de  cette  foclété  ;  il  faifoic 
paflàblemcnr  des  vers  ;  il  s'étoit  réduit  , 
dans  les  dernières  années  de  fa  vie,  à  la 
condition  de  berger ,  &  il  mourut  au  fon 
de  la  mulécte  de  fa  bergère.  L'académie 
auroit  de  la  peine  à  citer  quelque  exemple 
d'une  vie  plus  aicadienne  ,  &  d'une  fin  plus 
pafîorale.  Voyer^  AcADKMIE. 

ARCApIUS&HONORIUS,  { Hijl. 
Empi re  d' Orient.  )  turent  aflociés  à  l'empire 
par  le  teflamcnt  de  Théodofe  leur  père. 
Leur  jcunefle  fit  craindre  qu'ils  ne  fulîènt 
encore  trop  loihles  poiu'  foutenir  le  poids 
des  affaires ,  &  leur  pei-e  trop  prévoyant 
leur  nomma  à  chacun  un  tuteur  pour  les. 
infiruire  dans  l'art  de  gouverner.  Le  mal-i 
heur  des  fouverains  eil  de  donner  leur 
confiance  à  leurs  flatteurs.  Arcadius  fut 
mis  fous  la  tutelle  de  Rufin  ,  &  Honorius: 
lous  celle  de  Stilicon.  L'empire  fut  partagé 
pour  éviter  les  haines  qui  naifient  de  la: 
rn-alité  du  pouvoir.  Conîlantinople  fut  le 
fiege  où  Arcadius  établit  fa  domination  , 
qui  s'étendoiî  iur  tous  les  peuples  de  l'orient:: 
Rome  ious  Honorius  redevint  la  capitale; 
des  nations  de  l'occident  &  du  feptentrion. 
Chacun  ,  content  de  Ion  partage  ,  fem.bloit 
promettre  à  la  ten-e  un  calme  durable ,  fi 
les  tuteurs  ambitieux  le  fuflènt  reflerrés- 
dans  les  bornes  de  leur  devoir.  Rufin ,  que 
l'habitude  de  commander  dégoûtoit  de  la 
vie  privée  où  la  majorité  de  fon  pupille 
alloit  le  condamner  ,  crut  devoir  i"e  ren- 
dre nécellaire  en  replongeant  l'état  dans- 
la  conlufion.  Les  richelles  qu'il  avoir  accu- 
mulées par  fes  exadions  ,  lui  fervirent  à. 
préparer  l'invafion  d'Alaric,  roi  des  Goths, 
dans  l'Italie  ,  &  il  eut  l'adrelTe  de  lui  per- 
fuader  ,  qu  Arcadius  intimidé  pitr  fes  armes, 
abdiqueroit  fans  eflljfion  de  fang ,  im  em- 
pire que  ce  tuteur  parjure  ambitionnoic 
pour  lui.  La  conjuration  fut  découverte , 
&  les  ioldats  indignés  lui  tranchèrent  la 
tête ,_  qui  fut  envoyée  à  Conflantinople  ,  où. 
ellei.::  expofée  fur  une  des  portes  de  cette- 
c?pitale_,  pour  prévenir  la  tentation  de 
ceux  qui  auroient  voulu  lui  renêmblcr. 

Le  gouvernement  de  l'Afrique  qui  étoit 

de  la  dépendance  d'Honorius ,  étoit  confié 

j  à  Gildon  qui  voulut  en  envahir  la  l'ouve- 

I  raineté  ;    mais    ce    ^çuvirneur    iufidele  , 


111  ARC 

ayant  trempé  fes  mains  dans  le  Hing  de 
lès  neveux ,  attira  fur  lui  les  armes  de  leur 
père  Marellus  qui  le  vainquit  &  le  fit  étran- 
gler. Marellus  fier  de  la  vifloire  ,  regarda 
l'Afrique  comme  fon  héritage  ;  Honorius 
qui  tailla  fon  armée  en  pièces  le  traita  en 
rebelle.  Stilicon  ,  beau-pere  d'Honorius  , 
eut  l'ambition  de  placer  fon  fils  fur  le 
trône ,  &  ,  pour  y  réuffir ,  il  lufcita  dts 
ennemis  A  fon  gendre  jufqu'aux  extrémités 
du  nord.  Les  Sueves ,  les  Vandales  &  les 
Allemands  firent  une  irruption  dans  l'Ita- 
lie avec  une  armée  de  deux  cents  mille 
hommes  ,  fous  la  conduite  de  Radagule. 
Ce  chef  de  brigands  ,  plus  propre  à  piller 
qu'à  combattre  ,  fut  vaincu  &  précipité 
dans  une  prifon  où  il  fut  étranglé.  Son 
armée  fe  réunit  &  élut  pour  chet  Alaric, 
<îui ,  l'an  411,  fe  rendit  maître  de  Rome. 
Le  perfide  Stilicon  ne  jouit  pas  du  truit  de 
fon  crime  ,  fa  trahifon  fut  découverte ,  & 
il  fut  condamné  à  la  mort  avec  Ion  fils. 
Honorius  fut  dans  la  fuite  plus  réfervé  à 
donner  la  confiance.  Son  règne  qui  avoit 
été  fi  orageux  devint  plus  tranquille  ;  il 
mourut  à  Rome,  &  lai  fia  fes  états  à  fon 
fils  Théodofe.  (T-n) 

*  ARCAHON  (golfe  d')  ou  ^' ARC  AS- 
SON  ,  petit  goUe  de  la  mer  de  Gafcogne , 
entre  l'embouchure  de  la  Garonne  &  celle  de 
i'Adoure.  Il  y  a  dans  le  voifinage  un  cap  de 
même  nom. 

ARCALU  (Principauté  d')  ,  petit 
état  des  Tartares  Monguls ,  fur  la  rivière 
d'Hoamko  ,  où  commence  la  grande  mu- 
raille de  la  Chine,  fous  le  Hi^  degré  de 
longitude  &  le  41^  de  latitude  lépten- 
trionale. 

ARC  AN  ,  {Géogr.  )  ville  d'Afieen  Tar- 
tarie ,  fur  les  frontières  du  Mawaralnahra. 
Elle  cft  fur  la  rivière  de  Caffima.  On  la 
nomme  aufli  Adercand.  (  C.  A. 

ARCANE ,  f  m.  (  Chymïe.  )  On  fe  fert 
ordinairement  de  ce  mot  pour  défigner  un 
remède  lecret ,  un  remède  dont  la  com- 
polifion  n'cft  pas  connue  ;  ce  qui  rend  ce 
remède  myllérieux  &  plus  eflimable  pour 
le  vulgaire  ,  ou  pour  ceux  qui  pèchent 
par  l'éducation  ou  par  l'cfprit.  On  diroit 
que  ces  perlbnncs  veulent  être  trompées  , 
&  le  plaiient  à  être  les  dupes  de  ces  fanfa- 
cous  en  médecine ,  qu'on  nomme  charlatans. 


ARC 

Les  hommes  ,  agités  par  leurs  paflîons  y 
détruifent  la  fanté  dent  ils  jouifl'ent  ;  &  , 
aveuglés  par  de  dangereux  préjugés  ,  ils 
s'en  -mpofent  encore  lur  les  moyens  de 
recouvrer  cette  fanté  précieulé  ,  lorfqu'ils 
l'ont  perdue.  Ils  blâment  injufiement  la 
médecine  ,  comme  une  fcience  extraordi- 
nairement  obfcure  ;  cependant  en  ont-ils 
befoin  ,  ils  n'ont  pas  recours  à  ceux  qui , 
par  leur  étude  &  leur  application  conti- 
nuelle ,  pourroient  en  avoir  difEpé  les 
prétendues  ténèbres  ;  &  ,  dans  leurs  mala- 
dies ,  ils  s'en  rapportent  à  des  ignorans. 

Tout  le  monde  elî  médecin  ,  c'efl-à- 
dire  ,  tous  les  hommes  jugent  fur  la  méde- 
cine décifivcment  ,  comme  s'ils  étoienc 
certains  de  ce  qu'ils  difent  ;  &  en  même 
temps  ,  ils  prétendent  que  les  médecins  ne 
peuvent  qu'y  conjecturer. 

On  ne  doit  avancer  que  la  médecine  efl 
conjeûurable ,  que  parce  qu'on  peut  dire  que 
toutes  les  connoifTances  humaines  le  font  ; 
mais  11  l'on  veut  examiner  fincérement  la 
choie ,  &  juger  lans  préjugé  ,  on  trouvera 
la  médecine  plus  certaine  que  la  plupart  des 
autres  fciences. 

En  efiet ,  fi  une  fcience  doit  pafTer  pour 
certaine ,  lorfqu'on  en  voit  les  règles  plus 
conflammcnt  fulvies  ,  les  médecins  font 
plus  en  droit  de  réclamer  ce  témoignage 
en  leur  faveur  ,  que  les  autres  favans.  Quel 
contrafle  de  maximes  dans  l'éloquence  ,  la 
politique  &  la  philofophic  !  Socrate  a  fait 
oublier  Pythagore  ;  la  doélrine  de  Socrate 
a  de  même  été  changée  par  Platon  Ion 
élevé  ;  Ariflote,  formé  dans  l'école  de  Pla- 
ton ,  icmble  n'avoir  écrit  que  pour  le  con- 
tredire. 

Et  pour  fè  rapprocher  de  nos  jours , 
nos  pures  ont  vu  Dcicartes  fonder  fon  em- 
pire fur  lis  ruines  de  l'ancienne  Philofo- 
phie  :  les  fuccès  ont  été  fi  éclatans ,  qu'il 
iembloit  avoir  fait  difparoiitre  devant  loi 
tous  les  phildlophes  ;  &  cependant  moins 
d'un  fiecle  a  lufii  pour  changer  prcfque 
toute  la  dodrine  :  celle  de  Newton  y  a 
luccédé  ,  &  plufieurs  philofc)phes  ceniu- 
rent  aujourd'hui  celle-ci. 

Au  milieu  des  ruines  des  écoles  de  Pytha- 
gore ,  de  Socrate  ,  de  Platon  ,  d'Arillote , 
de  Defcartes  &  de  Newton,  Hippocrate, 
qui  vivoit  avant   Platon  ,   iè  Ibutient,  & 


A  KG 

jouit  à  préfcnt  de  la  mcm;  eflime  que  Tes 
contemporains  lui  ont  accordée  ;  ia  doc- 
trine liiblifle,  au  lieu qie  elles  des  autres 
(avans  les  contemporains  lont  oubliées  ou 
dt'cné.s. 

Cependant  Hippocrate  n'étoit  pas  un 
plus  grand  homme  que  Socrate  ou  que 
Platon.  Si  la  dodrinc  de  ce  médecin  a  été 
plus  diu-able  qu-  celle  de  c;.s  lavans  ,  c'ell 
qae  la  médecine  dont  Hippocrate  a  traité  , 
a  quelqu.-  chafe  de  plus  conHant  que  n'ont 
les  fcienccs  que  ces  grands  philofophes 
cultivoicnt. 

Cett^  foule  d'opinions  littéraires  ou  plii- 
k^Tophiques  ^  qui,  tour-A-toar  ,  ont  am.ifé 
1;  monde,  d\  enievelic  depuis  long-temps  ; 
&  l'art  qui  a  pour  objet  la  fanté  des  hom- 
mes,  cil  encore  aujo.ird'hui  à-peu-près  le 
même  qu'il  étoit  du  t.mps  d'Hippocrate  , 
malgré  l'immenfe  intervalle  des  temps , 
malgré  les  ch'ingemens  nécelTaires  qu'ont 
introduit  en  médecine  la  variété  des  cli- 
mats ,  la  dilFérencc  des  mœurs  ,  les  maladies 
inouies  aux  ilecles  palTés.  Toutes  les  décou- 
vertes faites  par  Galien,  par  Avicenne  , 
par  Raiîs  ,  par  Fernel  &  par  Boerhaave  , 
n'ont  fervi  qu'A  confirmer  les  anciennes. 

Pour  juger  la  philoiophie  ,  on  ouvre 
les  ouvrages  des  premiers  philofophes.  S'a- 
git-il de  la  médecine ,  on  lailTe-là  Hippo- 
crate &  Boerhaave  ,  &  l'on  va  chercher 
des  armes  contre  elle  dans  les  livres  &  la 
condiiite  des  gens  qui  n'ont  que  le  nom 
de  médecin;  on  lui  objecte  toutes  les  rêve- 
ries des  alchymifles  ,  entre  lefqueUes  les 
arcanes  ne  font  pas  oubliés. 

Il  efl  du  devoir  d'un  citoyen  de  faire 
tous  fes  efforts  pour  arracher  les  hommes 
à  une  prévention  qui  expofe  iouvent  leur 
vie ,  tant  en  les  écartant  des  vrais  iecours 
que  la  fcience  &  le  travail  pourroient  leur 
donner ,  qu'en  ks  jetant  entre  les  mains 
des  prétendus  pofireffeurs  de  iecrets-,  qui 
achèvent  de  leur  ôfer  Ci  qui  Irur  reife  de 
{ànté.  Combien  d'hommes  ont  été  dans 
tous  les  temps  ,  &  font  encore  tous  les 
jours  les  vidimes  de  cette  conduite  IC'elf 
pourquoi  les  magiftrats  attentifs  A  la  con- 
fcrvation  de  la  vie  des  citoy.ns  ,  le  iont 
toujours  fait  le  plus  elîenti.l  devoir  de  leurs 
charges  de  protéger  la  médecine  ,  &  ont 
donné  une    attention    particulière  à. cette 


ARC  izj 

pAn'ic  du  gouvernement  ;  fur-tout  en  ré- 
primant l'impudence  de  ces  impoiteurs 
qui ,  pour  tenter  &  exciter  la  confiance 
du  peuple  qu'ils  trompent  ,  ont  des  fecrets 
pour  tout  ,  &  promettent  toujours  de 
guérir. 

ParafcKe  dit  qi'on  entend  par  ce  ter- 
me ,  une  fubllance  incorporelle ,  immor- 
telle, fort  au  defiiis  des  connoiflànc^s  des 
homm  s  &;  de  leur  intelligence  ;  mais  il 
n'entend  cette  incorporéité  que  relative-* 
ment ,  &  par  comparaifon  avec  nos  corps  j 
&  il  ajoute  que  les  arcanes  (ont  d'une  exr- 
cellence  tort  au  defllis  de  la  mati.rj  donr 
nos  corps  lont  compolés  j  qu'ils  ditierent 
comme  le  blanc  du  noir  ;  &  que  la  pro- 
priété eflentielle  de  ces  arcanes  ert  de  chan* 
ger ,  altérer ,  reflaurer  &  conferver  nos 
corps.  Varcane  efl  proprement  la  fubdancs 
qui  renferme  toute  la  vertu  des  corps 
donr  elle  ell  tirée.  Le  même  Paracelfe  dil- 
tingue  deux  (brtes  à^arcanes ,  l'un  qu'il 
appelle  perpétuel ,  le  fécond  pour  la  perpe'- 
mité.  Il  iubdivile  enfuite  ces  deux  en  qua-- 
tre  ,  qui  font ,  la  première  matière  ,  le  mer- 
cure de  vie ,  la  pierre  des  philolôphes  , 
&  la  teinture. 

Les  propriétés  du  premier  arcane  ou  de 
la  première  matière  ,  font  de  rajeunir  l'hom-- 
me  qui  en  lait  ulage,  &  de  lui  donner 
une  vie  nouvelle  ,  coname  celle  qui  arrive- 
aux  végétaux  qui  fe  dépouillent  de  Icura 
feuilles  tous  les  ans  ,  &:  le  renouvellent 
l'année  d'après. 

La  pierre  des  philofophes  agit  fur  nos 
corps  comme  le  teu  fur  la  peau  de  la  fà-» 
lam_andre  ;  elle  en  nettoie  les  taches  ,  les 
purifie  &  les  renouvelle  ,  en  confiimant 
toutes  leurs  impuretés,  &  en  y  introdui-- 
fint  de  nouvelles  forces  ,  &  un  baume 
plein  de  vigueur  ,  qui  fortifie  la  nature  hu-- 
maine.. 

Le  mercure    de  vie  fait    à-peu-près  le-' 
même  effet  ;  en  renouvellant  la   nature  ; 
il  fiiit  tomber  les  cheveux  ,  les  ongles  ,  la 
peau  ,  &    en    fait    revenir    d'autres  à  Lï 
place. 

Le  célèbre  M.  Haies  ,  dans  fc^  dernières 
années  ,  avoit  aulli  donné  dans  une  pareille 
fohe  ;  il  crut  avoir  trouvé  un  p;;reil  ar- 
cane  dans  une  efpece  d'efprit  de  melilîe. 

La  teinture,  montre  fes   effets  à  la  uw-' 


114  ARC 

jiiere  de  JR.ehis  ,  qui  tranfmue  l'argent  &  les 
autres  métaux  en  or.  Elle  agit  de  même 
fur  le  corps  humain  ;  elle  le  teint ,  le  purge 
de  tout  ce  qui  peut  le  corrompre ,  Ck  lui 
donne  une  pureté  &  une  excellence  au 
defilis  de  tout  ce  qu'on  peut  imaginer.  Elle 
fortifie  les  organes ,  &  augmente  tellement 
le  principe  de  vie  ,  qu'elle  en  prolonge  la 
durée  fort  an  delà  des  bornes  ordinaires. 

yîrcane  ,  fe  prend  auili  pour  toutes  for- 
tesde  teintures  ,  tant  métalliques  que  végé- 
tales ou  anim.ales.  Parafelfe  l'a  employé 
plufieurs  fois  dans  ce  fens-lA. 

Arcanc  ,  par  les  mêmes  philoiophes  , 
doit  s'entendre  de  l'eau  mercurielle  épail- 
fie  ,  ou  du  mercure  animé  par  la  réunion  du 
foufre  philofophique.  (  H-  ) 

ARCANE-C0RALLIN,(C7l>'m.OTçJ.)c'eft 
le  précipité  rouge  adouci  par  l'elprit-de- 
vin.  Arcane  veut  dire  fecret  ;  &  corallin 
veut  dire  ici ,  de  couleur  de  corail.  En  di- 
fant  arcane-coralUn ,  on  dit  une  compoli- 
tion  ou  un  remède  fecret  qui  efl  rouge 
comme  du  corail.  Paracelfe  a  quelquelois 
nommé  l'arcane  corallin ,  diacelta  tefion. 

Pour  fi.ire  Varcane-corallin  ,  il  faut  com- 
mencer par  faire  le  précipité  rouge ,  &  pour 
faire  le  précipité  rouge  ,  on  met  dans  un 
matras  ou  dans  une  phiole  de  verre  ,  par- 
ties égales  de  mercure  &  d'efprit-de-nitre. 
Lorfque  la  diflolution  ell  faire ,  on  la  met 
dans  une  petite  cornue  ,  que  l'on  place  dans 
du  iable  fur  le  feu  ;  on  ajoute  unrécipient 
à  cette  cornue  ,  &  on  en  lutte  les  jointures. 

Enfuite  on  dillille  jufqu';\  icc ,  &  on 
renverfe  dans  la  cornue  ce  qui  a  diflillé  dans 
le  récipient.  On  fait  rediftiller  ,  &  l'on  re- 
met dans  la  cornue  ce  qui  ell  paflë  dans 
le  récipient.  On  réitère  ainii  cette  opéra- 
tion julqu'.i  cinq  fois;  on  a  par  ce  mojen 
un  beau  précipité  rouge  qui  eft  en  feuil- 
lets ,  comme  du  talc.  Il  faut  ;\  la  dernière 
diflillation  augmenter  le  feu  julqu'à  taire 
rougir  la  cornue. 

Il  y  en  a  qui ,  au  lieu  de  faire  le  préci- 
pité rouge  par  la  diflillation  ,  comme  l'on 
vient  de  le  dire  ,  le  font  par  évapôration  : 
ils  mettent  dans  une  phiole  ou  dans  un 
matras  A  cou  court ,  partie  égale  de  iner- 
cure  &  d'efprit-de-nitrc  ;  enluitc  ils  met- 
tent le  vaiflèau  fur  le  Iable  à  une  chaleur 
d'jucc  Lorfque  la  diflblution  du  mercure 


ARC 

ciî  achevée ,  ils  augmentent  doucement 
le  feu  ,  pour  diflîper  ce  qui  relie  d'elprit- 
de-nitre  &  toute  l'humidité  ;  ce  qui  donne 
un  précipité  blanc ,  qui  devient  jaune  en 
augmentant  le  Icu  delTous.  Enfuite  ,  on 
met  ce  précipité  dans  un  creulet  ,  qu'on 
place  au  milieu  des  charbons  ardens  :  le 
précipité  devient  rouge  par  la  force  du 
feu  ,  cependant  il  n'eft  jamais  aufli  rouge 
que  celui  dont  on  a  donné  auparavant  la 
préparation  ;  &  lorlque  pour  tâcher  de  le 
rendre  aufll  rouge  on  emploie  plus  de  Icu  , 
il  devient  moins  fort  ,  parce  que  le  feu 
ditlipe  de  l'acide  ;  &  même  on  rétablit  par- 
là  en  mercure  coulant  ,  une  partie  du  pré- 
cipité. On  trouve  des  globules  de  mercure 
au  couvercle  du  creulet. 

Le  précipité  rouge  ,  fait  par  la  diflillation, 
efl  d'autant  plus  fort  qu'il  devient  plus 
rouge ,  parce  qu'il  ne  devient  plus  rouge 
que  par  la  cohobation  qui  y  concentre  plus 
d'acide. 

Il  y  a  des  fripons  qui  vendent  du  mi- 
nium pour  du  précipité  rouge.  Un  des 
moyens  de  diflingucr  l'un  de  l'autre  ,  c'efl 
de  verfcr  defllis  de  l'efprit-de-nitre  ;  mais 
le  plus  fur  moyen  d'éprouver  le  précipité  , 
c'efl  d'en  mêler  trois  parties  avec  deux  de 
tartre  crud  ,  &  une  de  lalpêtre  ,  qu'on 
fond  enfèmble  dans  un  creulet.  Si  c'efl  du 
minium ,  ou  s'il  y  en  a  avec  le  précipité  , 
on  trouve  après  cette  opération  du  plomb 
dans  le  fond  du  creulet.  Kcye^ PRÉCIPITÉ. 

On  ne  doit  point  employer  intérieure- 
ment le  précipite  rouge  ,  qu'on  n'en  ait 
fait  Varcane  corallin. 

Cette  opération  fe  fiit  en  verfmt  refprit- 
de-vin  fur  le  précipité  rouge ,  fait  par  la 
cohobation  ,  jufqu'à  ce  qu'il  en  foit  cou- 
vert. Il  faut  employer  un  efprit-de-yin  bien 
rcSifié ,  &  y  mettre  le  feu  ;  enfuite  on 
fait  lécher  ,  &  on  réitère  quatre  fois  ;  & 
même,  félon  quelques  chymifles  ,  on  y 
brûle  aufll  de  l'eiprit-de-vin  jufqu'à  fept  fois. 

TJarcù.ne-corallin  ell  par  ce  moyen  fort 
différent  du  précipité  rouge  ;  l'elprit-dc- 
vin  y  apporte  un  grand  changement.  Il  y 
a  autant  de  difîerence  entre  Varcane  corallin 
(Se  le  précipité  rouge  ,  qu'il  y  en  a  entre 
l'efprit-de-nitre  ,  qui  ell  une  eau-forte  ,  & 
l'cliM-it-de-nitre  dulcif.é,  qui  efl  une  liqueur 
agréable. 

On 


ARC 

On  fliit  peu  d'ufage  de  Varcane-corallin , 
•cependant  il  cil  fort  eflîcace  en  médecine  , 
&  il  ièroit  bon  de  s'en  lervir  dans  des  cas 
de  maladies  opiniâtres ,  qui  réllrtent  aux  re- 
mèdes contraires. 

Il  eft  très-bon  de  fimplificr  la  pratique 
de  la  médecine  ,  c'efl-à-dirc  ,  il  eft  à  pro- 
pos de  ne  pas  donner  plus  de  remèdes  qu'il 
n'efl  nécefiaire  ,  6c  il  taut  les  donner 
les  plus  faciles  &  les  plus  fimplcs  qu'il  ett 
poflible.  Mais  il  cil  des  maladies  qui  exi- 
gent plus  de  remèdes  ,  &  des  remèdes  plus 
forts ,  lans  lefquels  ces  maladies  rcftent  in- 
curables ;  &  ce  que  fait  un  médecin  qui 
a  traité  par  les  remèdes  fimples  &c  ordinai- 
res ,  ne  fert  fouvent  que  de  préparation 
pour  un  remède  plus  efficace  ;  le  malade 
ennuyé  de  ne  pas  guérir,  reçoit  quelque- 
fois ce  remède  d'un  charlatan  qui  le  donne 
làns  connoiflance  ,  au  lieu  que  le  médecin 
pourroit  le  donner  méthodiquement.  Si  le 
médecin  fe  conduifoit  ainfi  ,  il  ne  foroit 
que  iuivre  le  conleil  d'Hippocrate  ,  qui  dit  : 
tnelius  ejlancepsadhibereremedium  ,  quàm 
nullum. 

On  peut  regai'der  Varcane-corallin ,  com- 
Pic  un  des  plus  grands  fondans  des  humeurs 
froides  ou  véroliques  ,  qui  lont  des  tumeurs 
ou  des  ulcères  cancéreux.  Il  produit  aulli 
de  bons  effets  dans  certaines  hydropihes  ,  & 
dans  de  vieilles  maladies  de  la  peau  ,  comme 
(ont  certaines  dartres. 

\J arcane-corallin  eft  un  bon  remède  pour 
les  vieilles  véroles  ,  dont  le  dépôt  efl  dans 
les  parties  folides  du  corps ,  comme  dans 
les  os.  Il  ne  réufiit  pas  11  bien  pour  les 
véroles  qui  ne  font  fenfibles  que  dans  les 
humeurs  ,  fur-tout  fi  elles  font  nouvelles  ; 
pour  celles-là  le  mercure  crud  pris  en  fric- 
tion ou  autrement ,  vaut  mieux. 

On  fait  prendre  Yarcane-corallin  ou  com- 
me évacuant ,  ou  comme  purifiant.  Lorf^ 
qu'on  le  donne  comme  évacuant  ,  on  le 
fait  prendre  à  la  dolc  de  trois  grains  ;  aux 
perfonnes  délicates  on  n'en  donne  qu'un 
grain  ,  &  aux  perfonnes  robufles  on  en  fait 
prendre  jufqu'A  cinq  ;  &  même  dans  des 
cas  extraordinaires ,  juiqu'à  fix  grains  tout 
d'un  coup  :  il  purge  par-bas ,  &  quelque- 
fois par  le  vomlifement. 

Lorfqu'on  veut  fondre  les  humeurs  & 
les  purifier  ,  on  en  fait  prendre  matin  & 
To/ne  m. 


ARC  liy 

foir  une  prîfe  d'un  demi-grain  ou  d'ua 
grain. 

Pour  purifier  &  vuidcr  en  même  temps 
les  humeurs  ,  M.  Malouin  en  fait  prendre 
trois  prifes  le  matin  à  une  heure  de  dillance 
l'une  de  l'autre ,  d'un  demi-grain  ou  d'un 
grain  de  chaque  prilê. 

On  prend  une  talle  d'eau  tiedc  ou  de 
tifanne  une  demi-heure  après  chaque  prifc  ; 
&  un  bouillon  une  heure  après  la  dernière 
priiê. 

On  peut  auffl  fc  fervir  extérieurement 
de  Yarcane-corallin  ;  on  l'allie  avec  de  la 
pommade  ou  avec  du  cérat  de  Callen  ,  pour 
en  frotter  de  vieilles  dartres  après  avoir  purgé 
fuffiiamment. 

Arcane  de  tartre  ,  (  Chym.  mc'd.) 
c'efl  une  matière  faline  compofée  de  l'acide 
du  vinaigre  &  de  l'alkali  du  tartre.  Elle 
fe  fait  lorfqu'on  précipite  le  loufre  dore 
d'antimoine  avec  le  vinaigre  j  on  fait  éva- 
porer la  liqueur  où  s'eft  faite  cette  préci- 
pitation ,  on  en  tire  Y  arcane  du  tartre  ,  qui 
efl  une  efpece  de  terre  ou  de  tartre  folié. 
(M) 

*  Arc  ANE ,  (  Ge'ogr.  anc.  6'  mod.  )  petite 
ville  de  la  Turquie  Afiatique  dans  la  Na- 
tolie  propre  ,  (ur  la  côte  de  la  mer  noire  , 
entre  la  ville  de  Sériape  ou  Sinape  ,  &  le 
cap  Pifello.  Quelques  géographes  préten- 
dent que  c'eif  Y Abonitrichos  des  anciens^. 
Fqyq  Craie. 

*  ARCANEE  ,  f  f.  nom  qu'on  donne  i 
une  craie  rouge  minérale  ,  qui  iert  dans  plu- 
lleurs  profeiîions  à  tracer  des  lignes  lur 
le  bois  ,  la  pierre  ,  iSc. 

*  ARCANI ,  (  Ge'ogr.  anc.  &  mod.  )  ville 
de  Tilingrelie  ,  à  l'embouchure  de  la  rivière 
du  même  nom.  On  croit  que  c'eff  l'an- 
cienne Apfarum ,  Apfarus  ,  Apfarrus ,  &c- 
de  la  Colchide. 

ARCANUM  DUPLICATUM  , 
(  Chym.  méd.  )  comme  qui  diroit  double 
arcane ,  c'eft-à-dire  un  remède  iecret  com- 
pofé  de  deux  ,  lavoir  de  l'acide  vitriolique 
"&  de  la  bafe  alkaline  du  nitre  ,  ce  qui  fait 
un  ici  moyen  qu'on  nomme  Jel  de  duobus, 
Voyei  Sel  de  duobus.  (  M) 

Arcanum  Jo vis  ,  (  Chymie méd.  ) 
eft  un  iinialgame  fait  de  parnes  égales  d'étain 
&  de  mercure  pulvérife  &  digéré  avec  du 
bon  eiprit-de-nitre.  Après  en  avoir  tiré  de 

Ff 


2i5  ARC 

l'eiprit  dans  une  retorte  ,  on  lailTe  fécher 
la  maflè  ;  &  l'ayant  pulvérilée  de  nouveau  , 
on  la  digère  avec  de  l'cfprit-de-vin  ,  )ufc,u'à 
ce  que  la  poudre  devienne  infipide.  (  -^^) 

*  Cet  arcane  eft  fort  vanté  dans  la  phar- 
macopée de  Bath  :  on  le  donne  là  comme 
un  puiflant  fudorifique  ,  &  l'on  fixe  fa 
dofe  entre  trois  &  huit  grains.  Mais  l'u- 
fàge  intérieur  de  toutes  les  préparations 
d'étain  eft  dangereux. 

*  ARCAS  ,  (  Géogr.  anc.  &  mod.  )  petit 
bourg  d'Ei'pagne  dans  la  Callille  :  c'elt 
VArcabrica  des  anciens. 

ARCASSE  ,  f.  f.  terme  de  Marine ,  par 
lequel  on  entend  toute  la  partie  extérieure 
de  la  poupe  d'un  navire  ,  qui  dans  les 
vaifleaux  de  guerre  eft  afîez  ornée.  Il  faut 
que  toutes  les  pièces  qui  compofent  Viuxajfe, 
foient  bien  liées  l'es  unes  avec  les  autres  , 
pour  s'oppofer  aux  coups  de  mer  qui  quel- 
quefois enfoncent  cette  arcajje. 

Sa  hauteur  eft  déterminée  par  l'étam- 
bord  &  le  trépot ,  &  fa  largeur  par  la  hife 
de  hourdi  ou  grande  barre  à^arcajfe.  Vqye^ 
Etambord  ,  Trépot  ,  Lisse  de 
HOURDI.  Voyei  aux  figures  de  laMarine, 
PI.  V.  lafig.  2  ,  qui  réprefente  Varcajfe  ou 
la  poupe  d'un  vaifl'eau ,  avec  les  noms  des 
principales  pièces  qui  la  compofenr. 

ArcassE  ,  f.  f.  en  Marine ,  eft  aufii  le 
corps  de  la  poulie  qui  renferme  le  rouet.  (Z) 

*  ARCE ,  {Ge'ogr.  anc.)  ville  de  Phénicie. 
■     *ARCÉE,  (Gfbg-r.)  Koye^PETRA. 

ARCEAU,  f.  m.  en  Architecture ,  eft 
la  courbure  du  cintre  parfait  d'une  voûte  , 
d'une  croifée  ou  d'une  porte  ;  laquelle  cour- 
bure ne  comprend  qu'une  partie  du  demi- 
cercle,  un  quart  de  cercle  au  plus,  ëc  au 
deflôus.  Voye^  CROISÉE  BOMBÉE  ,  & 
VOUTE  BOMBÉE. 

On  appelle  aufll  de  ce  nom  des  omemens 
de  fculpture  en  manière  de  trèfle.  (  P  ) 

Arceau  ,  fur  les  rivières ,  c'cft  la  voûte 
ou  la  petite  arche  d'un  ponceau. 

Arceau  ,  en  Chirurgie  ,  demi-caiflè  de 
tambour,  dont  on  fait  un  logement  à  la 
jambe  ou  au  pié  dans  les  fradures  ou  au- 
tres maladies ,  afin  que  le  membre  foit  à 
l'abri  de  la  pelanteur  du  drap  &  des  cou- 
vertures du  lit.  Voye\  PI.  X.  de  Chirur- 
gie ,  fig.  2.. 

ARCEGOVINA,  (G^ogr.)  piovincade 


ARC 

la  Dalmatie  ,  entre  le  pays  des  Dulcignofes 
au  fud-eft  ,  la  république  de  Ragufe  au 
nord-oueft ,  une  partie  de  la  Bofnie  au 
nord-oueft ,  &  la  mer  Adriatique  au  fud- 
oueft.  Ses  villes  principaks  font  Rifano  ^ 
Caftel-Novo  ,  Cataro  &c  Budoa  ,  routes 
places  fortes  ;  la  rivière  de  Moraccia  la 
traverfe  du  nord-oueft  au  fud-oueft.  Le 
pays  eft  rempli  de  montagnes  ,  &  cepen- 
danr  trcs-fertlle.  Cette  province  eut  autre-- 
fois  fes  ducs  fouvcrains  ,  que  l'on  appelloit 
ducs  de  Saba  ;  les  Vénitiens  en  poflédentla. 
plus  grande  partie  ,  le  refte  appartient  aux 
Turcs.  {C.  A.) 

ARCHAGETES ,  Voye^  Sparte. 

ARCHAÏSME  ,  (  Littérature.  )  eft  une. 
imitation  d."  la  manière  de  parler  des  an- 
ciens ,  foit  que  l'on  en  revivifie  quelques- 
termes  qui  ne  font-  plus  ufités  ,  fiiit  que 
l'on  fafTe  ulage  d'e  quelques  fours  qui  leur 
étoient  familiers  ,  &  qu'on  a  depuis  aban- 
donnés. Ce  mot  vient  du  grec  afyaiof  , 
ancien ,  duquel ,  en  ajoutant  la  terminaifon 
i-7y.oi  ,  qui  eft  le  fymbole  de  l'imitation  ,. 
on  a  fait  /a-uot,  qui  veut  dire  antiquorum 
imitatio  ,  imitation  des  anciens.  (^gx^"^/-"'f  ». 

Les  pièces  de  J.  B.  Roufleau  ,  en  ftyle 
marotique,  font  pleines  d^archai'fmes.l^audét^ 
parifien  ,  a  écrit  plufieurs  ouvrages  dans  lo 
ft}le  de  Montaigne  ,  quoiqu'il  foit  venu 
long-temps  après  ce  philofophe  ;  on  ignore 
ce  qui  l'engagea  à  préférer  ce  vieux  lan-> 
gage ,  qu'on  ne  permet  guère  que  dans  la 
poéfie  familière  :  c'eft  même  un  mauvais 
genre  qu'on  ne  doit  pas  employer  ,  quand 
on  veut  fe  faire  lire  de  tout  le  monde.  Si 
l'on  prélentoit  à  un  françois ,  qui  prétend 
pofleder  fa  langue  ,  la  lettre  du  comte  Ha- 
milton  à  J.  B.  RoulTeau  ,  il  lui  faudroit  un 
didionnaire  archaïque  pour  bien  entendre 
routes  les  expreffions  que  le  poëte  emploie. 
Voici  le  commencement ,  ou,  fi  l'on  veut, 
l'adreftè  de  cette  épître  : 

A  gentil  Clerc  qui  fe  clame  RoufTel  , 
Ores  chantant  es  marches  de  Solure  , 
Oit ,  de  Cantons  Parpaillots  n'ayant  cure^ 
Prêtres  de  Dieu  haifent  encore  Mijfel  j. 
De  r Evangile  en  parfinantlecturc  ,• 
Jllec  qui  ra  dans  moult  noble  écriture 
(  Digne  trop  plus  de  lo^fempiternel ,  } 
Mitiaju  plojue  ù  cet  aimque  fd 


ARC 

'Qu'en  Virelais  mettait  parfois  Voiture  , 
A  cil  RoufTel  ma  rime ,  aincoit  obfcure 
Mande  falut  dans  ce  chàif  charlet.  (+) 

ARCHANGE  ,  f.  m.  {néol)  fubrtance 
intelleduelle  ou  ange  du  fécond  ordre  de 
la  hiérarchie  célefle.  Voye^  AnGE  &HlÉ- 
RARCHIE.  On  appelle  ces  efprits  archan- 
ges y  parce  qu'ils  font  au  deflûs  des  anges 
du  dernier  ordre  ;  du  grec  apm  princi- 
pauté y  &  d'ii»êAo  ,  ange.  Saint  Michel  eft 
confidéré  comme  le  prince  des  anges ,  & 
on  l'appelle  ordinairement  {^archange  S.  Mi- 
chel. (G) 

*  ARCHANGEL,  (  Geb^.  )  ville  de  la 
Ruflîe  feptentrionale ,  capitale  de  la  pro- 
vince de  Dowina  ,  fur  la  Dowina.  Long. 
57,  2.0,-  lat.  ^4. y  z6. 

Le  commerce  à''  Archangel  comprend  ce- 
lui d'une  partie  de  la  Molcovie.  Les  An- 
glois  &  les  Hollandois  s'en  font  prefqu'en- 
tiérement  emparés.  Cependant  les  Fran- 
çois ,  les  Suédois ,  les  Danois ,  &  ceux  de 
Hambourg  &  de  Brème ,  ont  des  corref- 
pondans  à  Archangel. 

La  foire  s'ouvre  le  20  Août  &  dure 
dix  jours  :  mais  le  commerce  peut  com- 
mencer une  quinzaine  plutôt.  Il  fe  fait  ou 
en  échange ,  &  c'efl  le  plus  ordinaire  ,  ou 
partie  en  échange  &  partie  au  comptant , 
ou  tout  au  comptant.  Il  faut  y  envoyer 
de  France  les  vins  de  Bordeaux  &  d'An- 
jou ;  des  toiles ,  des  futaincs  ,  des  draps  , 
des  lainages ,  des  rubans  ,  des  chapeaux  , 
quelques  riches  étoflfès  ,  des  bagues  ,  des 
tijoux  ,  des  ufîenliles  de  ménage,  des  ou- 
tils d'artifans  ,  du  papier  ,  des  épices ,  &c. 
on  en  tire  des  pelleteries  ,  des  cuirs  ,  des 
cires  ,  des  martes  ,  &c. 

ARCHE  ,  en  Architecture  ,  efl  l'efpace 
qui  efl  entre  les  deux  piles  d'un  pont ,  & 
fermé  par  le  haut  d'une  partie  de  cercle. 
On  appelle  maîtrejje  arche  celle  qui  efl  au 
milieu  d'un  pont ,  parce  qu'elle  efl  plus 
large  &  plus  haute  que  les  autres  pour  la 
facilité  de  la  navigation  ,  &  auÎG  pour 
élever  le  milieu  du  pont ,  &  former  une 
pente  à  chaque  bout  pour  l'écoulement  des 
eaux  de  pluie  fur  le  pavé.  Les  arches  re- 
çoivent différentes  exprefîîons  ,  par  rap- 
port à  la  forme  du  cercle  ou  de  l'arc  qui 
les  ferme  par  le  haut.  Voye\  Arc. 


ARC  2t7 

'Arche  d^ajfemblage  ,  eft  un  cintre  de  char- 
pente bombé  &  tracé  d'une  portion  de 
cercle  pour  faire  un  pont  d'une  feule  ar- 
che ,  comme  il  s'en  voit  dans  Palladio  , 
&  comme  il  avoit  été  propofé  d'en  faire 
un  à  Sève  près  Paris  ,  par  M.  Perault. 
Voyei  M.  Blondel ,  cours  d'Architeàure  , 
part.  V.  liv.  I.  &c.  (P) 

Arche  extr  adossée,  eft  celle  donc 
les  voufToirs  font  égaux  en  longueur ,  parallè- 
les à  leurs  douelles ,  &  qui  ne  font  aucune 
liaifon  entr'cux  ,  ni  avec  les  afllf^s  des 
reins.    V^oye\  celle  de  Notre-Dame. 

Arche  ,  f  f.  en  Marine ,  c'efl  la  boîte  de 
menuiferie  qui  couvre  la  pompe  ,  pour 
qu'elle  ne  foit  point  endommagée.  On  fe 
fert  auflî  pour  le  même  efFet  des  cordes 
dont  la  pompe  efl  furliée.  (Z) 

Arche  ,  f.  f.  en  Verrerie,  c'efl  une  par- 
tie du  four.  Il  y  en  a  fix ,  quatre  grandes 
&  deux  petites  ;  elles  font  faites  de  bri- 
que ,  &  forment  l'extérieur  du  four  ,  à 
l'intérieur  duquel  elles  communiquent  cha- 
cune par  une  lunette  d'environ  un  pié  de 
diamètre.  C'efl  dans  ces  arches  que  l'on 
met  recuire  les  matières  propres  à  faire  le 
verre,  avant  que  de  les  mettre  dans  les 
pots  ;  elles  fervent  aufîi  à  attremper  les 
pots ,  avant  que  de  paflêr  pour  la  pre- 
mière fois  dans  l'intérieur  du  four.  Les 
arches  font  chauffées  par  la  chaleur  du 
four  qui  s'y  porte  par  les  lunettes.  Voyez 
Four  ,  Lunettes,  ù  Attremper, 

Arche  d'alliance  ,  (Théol.)  dans 
l'Ecriture-fainte  fignifie  une  forte  de  coffre , 
dans  lequel  étoient  renfermées  les  deux 
tables  de  pierre  fur  lefquclles  étoient  gra- 
vés les  dix  commandemens  de  la  loi  don- 
née à  Moyfe  fur  le  mont  Sinaï ,  ainfi  que 
l'avoit  ordonné  Dieu  lui-même.  Exod. 
c.  xxt'.  perf.  i  6. 

Cette  arche  étoit  en  finguliere  vénéra- 
tion ^  parmi  les  Hébreux  ,  qui  l'avoienc 
placée  dans  la  partie  la  plus  fàinte  du  ta- 
bernacle. On  la  portoit  dans  les  expédi- 
tions militaires  ,  comme  un  gage  fenfiblc 
de  la  proteftion  divine  :  mais  Dieu  irrité 
contre  fon  peuple  ,  permit  qu'elle  fut  prife 
par  les  Philiflins  ,  au  pouvoir  defquels  elle 
demeura  fept  mois.  Les  iîéaux  dont  à  leur 
tour  les  Philiflins  furent  frappés ,  les  obli- 
gèrent de  reftituer  Marche  aux  liraelites  , 
F  fa 


1x8  ARC 

^ui  la  dépoferent  à  Cariarhiariiïi  dans  la 
maifon  d'un  lévite  nommé  Abinadab  ,  chez 
kq'.icl  elle  demeura  encore  foixante  &  dix 
ans  ,  iuivant  Ufièrius  &  les  plus  habiles 
chronologilles.  David  fit  tranlporter  Var- 
che  avec  beaucoup  de  folennité  à  Jéruia- 
lem  ,  6:  la  plaça  fous  un  tabernacle  qu'il 
avoit  fait  conlhuire  ;  &  enfin  Salomon  la 
iit  mettre  dans  le  temple.  Quoique  l'Ecri- 
ture femble  dire  en  plufieurs  endroits  , 
qu'il  n'y  avoit  dans  Varche  que  les  deux 
tables  de  pierre  ,  elle  marque  expreffcment 
ailleurs  ,  qu'elle  renfermoit  une  urne  pleine 
de  la  manne  qu'avoient  mangé  les  liraë- 
lites  dans  le  défert  ,  &  la  verge  ou  ba- 
guette d'Aaron  qui  avoit  fle.iri-  Hébr.  ix. 
rerf.  4, 

On  peut  voir  dans  l'Ecriture  la  def- 
cription  de  Marche.  Voici  celle  qu'en  donne 
Jofeph.  h' arche  p  dit-il,  avoit  cinq  pal- 
mes de  longueur ,  trois  de  largeur ,  &  au- 
tant de  hauteur.  Le  bois  de  l'un  &  de 
l'autre  côté  étoit  revêtu  de  lames  d'or  , 
&  attaché  avec  des  clous  dorés  ;  à  quoi 
il  faut  ajouter  qu'elle  avoit  à  lés  deux  plus 
Jongs  côtés  de  gros  anneaux  d'or  qui  tra- 
verfoient  le  bois  ,  dans  lefquels  on  mettoit 
de  gros  bâtons  dorés  pour  la  porter  lelon 
le  befoin  ,  ce  que  taiioient  les  iacrificateurs 
(  &  les  lévites  ).  La  couverture  de  ï arche 
s'uppeWonle propitiatoire ,  lur lequel  étoient 
placées  deux  figures  appellées  chérubins , 
ï'elon  la  forme  qu'en  avoit  prelcrit  Moyfe  , 
<5ui  les  avoit  vus  devant  le  trône  de  Dieu, 
j^oy.  Chérubin.  Quelques  critiques  pren- 
nent ce  mot  chéiube',  TDnn  ,  pourune  tranf- 
pofition  de  celui-ci  mm,  re'chub  y  qui 
■fignifie  chariot  y  &  prétendent  que  par  les 
chérubins  qui  étoient  placés  fur  Varche 
J'alliance ,  on  doit  entendre  que  \^ arche 
étoit  comme  une  forte  de  char  fur  lequel 
on  lùppofoit  que  Dieu  étoit  aflis.  Voye\ 
Propitiatoire  &  Chérubin. 

Les  Juifs  modernes  ont  une  efpece  d'ar- 
che  dans  leurs  fynagogues  ,  c'g[1  un  co(îre 
«u  une  armoire  dans  Liquellc  ils  mettent 
leurs  livres  facrés ,  &  qu'ils  regardent  com- 
me une  figure  de  Varche  d'alliance  conf- 
iruite  fur  les  deffins  de  Moyfe.  lîs  la 
nomment  aron.  Les  Juifs  ,  dit  Lécjn  de 
Alodcne ,  dans  le  détail  qu'il  a  donné  Ats 
«outumcs  &  des  cér^mgnies  de  ceux  de 


ARC 

fa  nation ,  ont  au  côté  oriental  cTê  leura 
fynagogues  ,  une  armoire  qui  repréicnte 
Varche  d'alliance  ,  dans  laquelle  ils  confer- 
vent  le  Pentateuquc  écrit  fur  du  vélin 
avec  une  encre  particulière.  Cet  ufage  n'eft 
pas  nouveau  ,  puifque  Tertullien  appelle 
cette  arche ,  armarium  Judaicum  ,*  d'où  efl 
venue  cette  façon  de  parler  ,  être  dans  Var. 
moire  de  la  fynagogue  ,  pour  dire  être  au 
nombre  des  écrits  canoniques.  J^qycijCANO» 

NIQUE  &  Apocryphe. 

Quant  à  Varche  d'alliance  qui  étoit  dans 
le  temple  ,  on  lit  dans  le  fécond  livre  des 
Alachabt'es ,  chap.  ij.  que  peu  de  temps 
avant  la  prilé  de  Jérulalem  ,  Jerémie  ayant 
fait  cacher  le  Icu  lacré ,  l'autel  des  par- 
fu.ms ,  &  Varche  ,  dans  un  foutcrrain ,  par 
les  prêtres  &  les  lé.ites  ,  les  en  retira  après 
le  départ  des  Chaldéens  ,  &  les  fit  porter 
à  fa  fuite  ju!qu'au-delà  du  Jourdain,  à  la 
montagne  de  Nebo ,  tameufe  par  la  mort 
&  par  la  fépulture  de  Moyfe  ;  &  qu'ayant 
fait  retirer  tous  ceux  qui  l'accompagnoient , 
Dieu  lui  découvrit  une  caverne  profonde  y 
où  il  plaça  Varche  &  l'autel  des  parfums  , 
&  en  ferma  Ç\.  bien  l'entrée,  que  fins  une 
révélation  particulière  ,  il  n'étoit  pas  pof- 
fible  de  la  connoître  :  que  fes  compagnons 
s'en  étant  approchés  dans  ce  deflein  ,  le 
prophète  leur  déclara  que  l'autel  &  Varche 
demeureroient  en  dépôt  dans  cette  caverne 
inconnue  ,  julqu'à  ce  qu'il  plût  au  Seigneur 
de  railembler  fon  peuple  de  tous  les  pays 
où  ils  étoient  dilperfés  :  qu'alors  il  leut 
rendroit  l'un  &  l'autre  avec  une  grande 
magnificence  ,  &  qu'on  verroit  alors  le 
renouvcller  les  merveilles  opérées  du  temps 
de  Moyfe  &  de  Salomon.  Cet  oracle  n'étant 
point  encore  accompli ,  les  interprètes  pen— 
icnt  qu'il  ne  le  fera  qu'à  l'entière  réunion  des 
Juils ,  qui  doit  précéder  le  jugement  dernier^ 
Vqvei  SiNAI  (MONT.)    (G) 

Arche  de  NoÉ  fignifie,  félon  le  langage 
de  l'Ecriture  ,  une  forte  de  bateau  ou  de 
vafle  bâtiment  flottant ,  qui  fut  conllruit  par 
Noé  ,  afin  de  prclèrver  du  déluge  les  di- 
verlés  efpeces  d'animaux  que  Dieu  avoir 
ordonné  à  ce  patriarche  d'y  f;iire  cntrcn 
Voyei  DÉLUGE. 

Les  Naturalifles  &  les  critiques  ont  fait 
divcries  recherclies  ,  &  imaginé  difféien» 
ÔHèmcs  i'ur  ïarchi  Je  Not,  lur  fa  forme  ^ 


ARC 

fa  grandeur ,  fa  capacité ,  fur  les  matériaux 
employés  à  la  confirucHon  ,  fur  k  rtir.ps 
qu'il  a  fallu  pour  la  bâtir ,  &  fur  le  lieu 
où  elle  s'arrêta  quand  les  eaux  du  déluge 
fe  retireront.  Nous  parcourrons  tous  Ci.s 
points  avec  l'étendue  que  comportent  les 
bornes  de  cet  ouvrage. 

1°.  On  croit   que    Noé    employa   cent 
ans  à  bâtir  Varc/ie  ;  fwoir ,  depuis  l'an  du 
monde    i^^î    jufqu'en    1656  qu'arriva   le 
déluge.  C'ell  l'opinion  d'Orisjene,  lib.  IV . 
contra  Celf.  de  S.  Augufiin  ,  dccii'it.  Dei  , 
lib.  XV.  cap.  xxpij.  &  coin.  FmiJI.  Ub.  XII. 
cap.  xtiij.  &  dans  fes  quell.  5  &'  ^5  /"''  ^-^ 
Crncfe  ;  &  de  Rupert ,  lib.  lï^.  furlaGe- 
nefe  ,  chap.  xxij.  en  quoi  ils  ont  été  fuivis 
par  Sdlien  ,    S  ponde  ,  le  Pelletier,  &c. 
D'autres   interprètes    prolongent  ce  terme 
jufqu'à  fix  vingts  ans.  Berofe  afilire  que  Noé 
ne  commença;!  bâtir  V arche  que  78  ans  avant 
le   déluge  :  Thanchuma   n'en  compte  que 
cinqu;inte-deux  ;    &    les    Mn'iométans  ne 
donnent  à  ce  patriarche  que  deux  ans  pour 
la  conllruirc.   Il  eft  certain  d'un  côté  par 
le  texte  de  la  Genefe  ,  que  le  déluge  arr/Vj 
Tanfix  cent  de  Noé i  &.  d'un  autre,  que 
Noé  étoit  Jgé  de  cinq  cents  ans  ,  loifqujl 
eutSem,  Cham  &  Japket  j  d'où  il  s'enluit 
que  l'opinion  de  Berofe  paroît  la  plus  pro- 
bable ;  car  félon  le  P.  Fourr.ier  dans  fon 
Hydrographie  ,   qui  luir  en  cela  le  fenri- 
ment  des  pères  ,    Noé  fut  aidé  dans  fon 
ouvrage  par  fes  trois  fils  ;   &  le  même  au- 
teur ajoute  que  ces  quatre  perfonnes  fuffi- 
rcnt  pour   le   finir  ;    ce  qu'il   prouve  par 
l'exemple  d'Archias  le  Corinthien  ,  qui  , 
avec  le  Ibcours  de  trois  cents  oiivriers ,  con(- 
t]-uifit  en  un  an  le  grand  vaiflèau^  d'Hieron 
roi    de    Syracufe.    Quand    on   fuppoièroit 
Varche  beaucoup  plus  grande  ,  &  bâtie  en 
78    ans  ,    il   faudroit    faire    attention    aux 
forces   des   hommes  des  premiers  temps  , 
qu'on    a    toujours    regardées    comme  de 
beaucoup  fupérieures  à  celles  des  hommes 
jui  vivoient  long-temps  après.  Par  ces  con- 
idérations ,  on  peut  répondre  aux  objec- 
tions   de  ceux   qui   prétendent    que  l'ainé 
des  enfans  de  Noé   ne  naquit  qu'environ 
dans  le  temps  où  Varche  fut  commencée , 
&    que  le  plus    jeune  ne  vint  au  monde 
cii'après    que    fouvrage    eut    été    mis    en 
train ,  eafortc  qu'il  fe  pafla  un  temps  COU- 


l 


ARC  129 

fidtrablc  avant  qu'ils  fulfent  en  é'at  de 
rendre  fervice  à  leur  père.  On  détruit 
également  ce  que  c'au'.res  ohjcflcnt  ,  qu'il 
cil  impoiublc  que  trois  ou  quatre  hom- 
mes aient  pu  futKrc  à  conllruirc  un  bâti- 
ment où  il  falloit  employer  une  protli- 
gicufe  quanti'.é  d'arbres  ,  qui  demandoicnt 
un  nombre  infini  d'ouvriers  pour  les  ex- 
ploiter. 

1°.  Le  bois   qui  fcrvit  A  bâtir  V arche  y 
efi  appelle  dans  l'Ecriture  *i';    t^T::  ,  &  ce 
gopher  ,   bois  de  gopher ,  que  les  Septante 
rraduifentpar,  r'''vîv  TUfaya  ■■.v  bois  équarri: 
Onkclos  ,  Jonathan  &  quelques  autres  ont 
ertimé  que  ce  bois  ttoit  le  cèdre.  S.  Jérô- 
me ,  dans  la  vulgate  ,  emploie  le  raor  ligna 
leiigaia,  bois  taillé  ou  poli  ;  &  ailleurs //,5'--J.i 
bituminata  ,  bois  enduit  de  bitume  ou  gou- 
dronné.   Kimki   dit    que     c'étoit    du    bols 
propre  à  aller  fur  l'eau  :  Vatable  l'entend 
d'un  bois  léger  ,  qui  demeure  dans   l'eau 
fins  fe  corrompre,  ce  qui   n'explique  pas 
de    quelle    elpcce   étoit  ce   bois.    Junius  , 
Tremellius  &  Buxtc,;!  prétendent  que  c'é- 
toit une  efpece  de  cèdre  ,  appelle  par  les 
Grec5  K.ii'^iKccii\.  M.  Pelletier  de  Rouen  pan- 
che  pour  cette  opinion  ,  ô:  en  donne  pour 
rr.ifon  l'mcorruptibili-'-é  de  ce  bois  ,   &   la 
grande   quantité   de  ion  efpece  en   Afie  ; 
puifque  félon  Hérodote  &  Arifînphane  ,  les- 
rois  d'Egypte  &  de  Syrie  emnioyoient  le 
cèdre ,  au  lieu  de  fapin  ,    à  la  conlîruéiion 
de  leurs  fiottes  ;  &  que  c'efi  ime  tradition 
reçue  dans  tout  l'Orient,  que  \'arche  s'eft 
confer\'ée  toute  entière  juiqu'à  préfcnt  fur 
le  mont  Ararath.  Bochar  au  contraire  ibu- 
tient  que  gopker  fignifie  le  cyprès  ,  parce 
que  dans  l'Arménie  &  dans  TAfTyrie  ,  où 
l'on  fuppofe  avec    raifon    que  Varche  fut 
confiruite ,  il   n'y  a  que  le  cyprès  propre 
à  faire  un  long  vaifleau  tel  qu'étoit  ï ar- 
che ,  ce  qu'on  prouve  par  l'autorité  d'Ar- 
rien,  lir.  VU  &  de  Strabon  ,   lu:  XVI, 
qui  racontent  qu'Alexandre  étant  dans  la 
Babylonie  ,  &  voulant  faire  conflruire  une 
flotte  ,   fut   obligé  de  faire  venir   des  cy- 
près d'Affyrie.   Ce  dernier  fentiment  pa- 
roîî-  d'autant  plus  fondé  ,    qu'il  n'efl  pas 
vraifemblable  que  Noé ,  avec  l'aide  de  ks 
feuls  enfans ,  &  le  peu  de  temps  qu'il  eut 
pour    bâtir    un    vailfeau    aufll    varte ,  dûi 
encore  tirer  de  loin  les  bpis  de  coaftruc»- 


13D  ARC 

tion.  Enfin  ,  quelques  auteurs  croient  que 
i'iicbrcu  gopher  lïgnifie  en  général  des  bois 
gras  Ôcrdineux  ,  comme  le  pin  ,  le  iapin  , 
le  térébinthe.  Les  Mahométnns  difent  que 
c'étoit  le  fng  ou  le  platane  des  Indes ,  que 
Dieu  indiqua  à  Noé ,  qui  le  planta  de  fa 
main ,  &  le  vit  croître  fi  prodigieufement 
en  vingt  ans,  qu'il  en  tira  toute  la  char- 
pente &  les  autres  bois  néceflaires  à  la 
■conftruâion  de  Varche. 

3°.  Ce  bâtiment  ,  ielon  Moyfe  ,  avoit 
trois  cents  couiées  de  longueur,  cinquante 
lie  largeur  &  trente  de  hauteur  ,  ce  qui 
'paroîf  d'abord  infuffiiant  pour  contenir 
toutes  les  chofes  dont  Varche  a  dû  nécef- 
fàirement  erre  remplie  ;  &  c'eft  cette  pro- 
portion inégale  qui  a  fait  révoquer  en 
doute  à  quelques-uns  l'autorité  de  cette 
relation  de  Moyfe.  Celfe  ,^  entr'autres  ,  s'en 
efl  moqué,  &  Fa  nommée  x.t7 on ov  à}^oiia\ov  ^ 
Varche  d'abfurdné.  Pour  réfoudre  cette  dif- 
ficulté ,  les  SS.  Pères  &  les  critiques  mo- 
dernes fe  font  efforcés  de  déterminer  l'ef- 
pece  de  coudées  dont  Moyfe  a  voulu 
parler.  Origene ,  S.  Augufiin  &  d'autres  , 
ont  penfé  que  par  ces  coudées  11  ialloit 
•entendre  les  coudées  géométriques  des 
Egyptiens  ,  qui  contenoient ,_  félon  eux, 
iix  coudées  vulgaires  ou  neuf  plés.  Mais 
■où  trouve-t-on  que  ces  coudées  géomé- 
triques des  Egyptiens  fuffent  en  ufage 
parmi  les  Hébreux?  D'ailleurs,  dans  cette 
luppofition  ,  Yarche  aurolt  eu  zyco  pies 
de  longueur  ;  ce  qui  ,  joint  aux  autres 
«limenfions  ,  lui  eût  donné  une  capacité 
énorme  &  (out-:\-falt  fuperflue ,  tant  pour 
les  efpeces  d'animaux  qui  dévoient  y  être 
renfermés  ,  que  pour  les  provlfions  def- 
tinées  à  leur  nourriture.  D'autres  dilènt 
que  les  hommes  étant  plus  grands  dans  le 
premier  âge  qu'ils  ne  font  maintenant , 
la  coudée  qui  efl  une  mefure  humaine  , 
devoir  être  proportionnément  plus  gran- 
de :  mais  cette  ralfon  eft  folble  ;  car  les 
animaux  dévoient  être  aufli  plus  grands 
&  occuper  plus  de  place.  D'autres  enfin 
fuppofent  que  Moyfe  parle  de  la  coudée 
facrée ,  qui  étolt  de  la  largeur  de  la  main 
plus  grande  que  la  coudée  ordinaire ,  opi- 
nion qui  n'ert  pas  encore  folidement  ap- 
puyée ;  car  il  ne  paroît  pas  qu'on  ait  ja- 
mais  employé  cette    mefure  ,  fi  ce  n'cfl 


ARC 

dans  les  édifices  fiicrés ,  comme  le  temple 
&  le  tabernacle.  Cette  difficulté  a  été  mieux 
réfolue  par  Buteo  &  par  Kircher ,  qui ,  en 
fuppofant  la  coudée  de  la  longueur  d'un 
pié  &  demi  ,  prouvent  géométriquement 
que  Varche  étoit  très-fuffifante  pour  con- 
tenir tous  les  animaux.  On  eft  encore 
moins  gêné  à  cet  égard  dans  le  fyftéme 
de  ceux  qui ,  comme  Meffieurs  le  Pelle- 
tier ,  Graves  ,  Cumbcrland  &  Newton  , 
donnent  à  l'ancienne  coudée  hébraïque  la 
même  longueur  qu'à  l'ancienne  coudée 
de  Mcmphis ,  c'cft-à-dire  ,  vingt  pouces 
&  demi  environ  mefure  de  Paris.  Les 
dimenfions  de  Varche ,  prlfes  fulvant  cette 
mefure ,  donnent  une  capacité  fuffifantc 
pour  loger  commodément ,  non  leulement 
les  hommes  &  les  animaux  ,  mais  aufli 
les  provlfions  néceffaires  ,  &  l'eau  douce 
pour  les  entretenir  pendant  un  an  &  plus , 
comme  on  le  verra  cl-deflbus  par  l'expo- 
fition  des  fyftêmcs  de  M.  le  Pelletier  & 
du  P.  Buteo. 

Snellius  a  prétendu  que  Varche  avoit  plus 
d'un  arpent  &  demi  :  Cuneus ,  Budée  S>c 
d'autres  ont  aufl:  calculé  la  capacité  de 
Varche.  Le  doâeur  Arbuthnot  compte 
qu'elle  avoit  quarante  fois  81061  pies  cu- 
biques. Le  P.  Lami  dit  qu'elle  étoit  de  cent 
dix  plés  plus  longue  que  l'églile  de  S. 
Merry  à  Paris ,  &  de  foixante  -  quatre 
pies  plus  étroite  ;  à  quoi  fon  tradudeur 
Anglois  ajoute  qu'elle  étolt  plus  longue 
que  l'éghfe  de  S.  Paul  à  Londres  ne 
l'eft  de  l'eft  à  l'oueft ,  &  qu'elle  avoit 
folxante-quatre  plés  de  haut  félon  la  me- 
fure angloife. 

4°.   Xjarche  contenoit  ,    outre   les   huit 
perfonnes   qui    compofoient   la  famille   de 
Noé ,  une  paire  de   chaque    efpece  d'ani- 
maux  Impurs  ,   &   fepr  d'animaux   purs , 
avec  leur  provifion  d'alimens  pour  un  an  , 
ce  qui ,  du. premier  coup  d'œll ,   paroît  im- 
poflible  :  mais    fi  l'on   delcend  au  calcul  , 
on  trouve  que  le  nombre  des  animaux  n'cil 
pas  fi  grand  qu'on  fe  l'étoit  d'abord  ima- 
!  giné.  Nous  ne  connoifTons  guère  qu'envi- 
i  ron  cent ,  ou  tout   au  plus  cent  trente  e(- 
!  peces  de  quadrupèdes  ,    environ  autant  des 
j  oifeaux ,  &  quarante  efpeces  de   ceux  qui 
vivent  dans  l'eau.  Les  Zoologiftes  comptent 
ordinairement  cent  folxame  &  dix  efpeces 


A  R  C     ^ 

d'oifeaiix  en  tour.  Wilkins  évcquc  de  Chef- 
cer  ,  prétend  qu'il  n'y  avoit  que  foixantc  & 
douze  elpeces  de  quadrupèdes  qui  tulFent 
néceilairement  dans  ['drche. 

5°.  Selon  la  dcfcription  que  Moyfe  hiit 
de  Varche  y  il  iemble  qu'elle  étoit  divilee  en 
trois  étages  ,  qui  avoient  chacun  dix  cou- 
dics  ou  quinze  pies  de  hauteur.  On  ajoute 
que  l'étage  le  plus  bas  ^toit  occupé  par 
les  quadrupèdes  &  les  reptiles  ;  que  celui 
du  milieu  renfermoit  les  proviiipns  ,  que 
celui  d'en  haut  contenoit  les  oileaux  avec 
Noc  &  fa  famille  ;  enfin  que  chaque  étage 
çtoit  (ubdivifé  en  plufieurs  loges.  Mais  Jo- 
feph ,  Philon  &  d'autres  commentateurs 
imaginent  encore  une  elpece  de  quatrième 
étage  ,  qui  étoit  fous  les  autres  ,  &  qu'ils 
regardent  comme  le  fond  de  cale  du  vaii- 
ieau,  lequel  contenoit  le  lefl  &  les  ex- 
crémens  des  animaux.  Drexelius  croit  que 
Yarche  contenoit  trois  cents  logis  ou  appar- 
temens  ;  le  P.  Fournier  en  compte  trois  cent 
trente-trois  ;  l'auteur  anonyme  des  Quel- 
rions  fur  la  Genefe,  en  met  jufqu'à  quatre 
cents.  Budée ,  Temporarius  ,  Arias  Mon- 
tanus  ,  Wilkins,  le  P.  Lami  &  quelques 
autres  fuppofent  autant  de  loges  qu'il  y 
avoit  d'efpcces  d'animaux.  M.  le  Pelletier 
&  le  P.  Bureo  en  mettent  beaucoup  moins  , 
comme  on  le  verra  :  la  raifon  qu'ils  en 
apportent ,  ell:  que  II  l'on  fuppofe  un  grand 
nombre  de  loges ,  comme  trois  cent  trente- 
trois  ou  quatre  cents  ,  chacune  des  huit 
perfonnes  qui  étoient  dans  Varclie ,  au- 
xoient  eu  37,  ou  41,  ou  50  loges  à  pour- 
voir &  à  nettoyer  par  jour ,  ce  qui  e(t  im- 
piiiiîble.  Peut-être  y  a-t-il  autant  de  diffi- 
culté il  diminuer  le  nombre  des  loges ,  à 
moins  qu'on  ne  diminue  le.  nombre  des 
animaux  ;  car  il  feroit  peut-être  plus  diffi- 
cile de  prendre  foin  de  300  animaux  en  71 
Joges,  que  s'ils  occupoient  chacun  la  leur. 
Budée  a  calculé  que  tous  les  animaux  qui 
étoient  contenus  dans  Varche  ,  ne  dévoient 
pas  tenir  plus  de  place  que  cinq  cents  che- 
vaux ,  ce  qu'il  réduit  à  la  dimenfion  de 
cinquante-fix  paires  de  bœufs.  Le  P-  Lami 
augmente  ce  nombre  jufqu'à  foixante- 
quatre  paires  ou  cent  vingt-huit  bœuh  ; 
de  forte  qu'en  fuppofant  que  deux  che- 
vaux tiennent  autant  de  place  qu'un  bœut , 
â  ïurchi  a  eu  de  l'efpace  pour  deux  cent 


A  R.  C  231. 

cinquante-fix  chevaux,  elle  a  pu  coutenir 
tous  les  animaux  ;  &  le  même  auteur  dé- 
montre qu'un  ieul  étage  pouvoit  contenir 
cinq  cents  chevaux,  en  comptant  neuf  pies 
quarrés  pour  un  cheval. 

Pour  ce  qui  regarde  les  aliraens  contenus 
dans  le  fécond  étage ,  Budée  a  obfervé  que 
30  ou  40  livres  de  foin  fuffifent  ordinaire- 
ment à  un  bœuf  pour  fa  nourriture  journa- 
lière, &  qu'une  coudée  folide  de  loin  prel- 
fée  comme  elle  l'eil  dans  des  greniers  ou 
magafins ,  pefe  environ  40  livres.  De  lorfe 
qu'une  coudée  quarrce  de  loin  eH  plus  que 
fuffifante  pour  la  nourriture  journalière 
d'un  bœuf  :  or  il  paroît  que  le  fécond  étage 
avoit  1 50000  coudées  folides.  Si  on  les  di- 
vife  entre  ioé  bœufs,  il  y  aura  deux  tiers 
de  foin  plus  qu'ils  n'en  pourront  manger 
dans  un  an. 

L'évêque  Wilkins  calcule  tous  les  ani- 
maux carnaciers  équivalens ,  tant  par  leur, 
volume,  que  par  rapport  à  leur  nourriture  ,. 
il  27  loups ,  &  tous  les  autres  à  io8  bœuls. 
Pour  l'équivalent  de  la  nourriture  des- 
premiers  ,  il  met  celle  de  iBi'}  brebis  , 
&  pour  celle  des  féconds  109500  coudées 
de  foin  :  or  les  deux  premiers  étages, 
étoient  plus  que  fuffiians  pour  contenir 
ces  choies.  Quant  au  premier  étage  ,  il 
n'y  a  point  de  difficulté  ;  tout  le  monde: 
convient  qu'il  y  avoit  plus  de  place  qu'il 
n'en  falloit  pour  les  oifeaux ,  pour  Noé  & 
pour  fa  famille. 

Enfuite  le  favant  évêque  obfcrve  qu'il 
eft  infiniment  plus  difficile  d'évaluer  en 
nombre  la  capacité  de  Varche  ,  que  de  trour 
ver  une  place  fuffifante  pour  les  différentes 
efpeces  d'animaux  connus.  Il  attribue  cette 
différence  à  l'imperfection  de  nos  liites  d'a- 
nimaux ,  fur-tout  des  animaux  des  parties 
du  monde  que  nous  n'avons  pas  encora 
fréquentées  ;  il  ajoute  du  refte  que  le  plus 
habile  mathém.aticien  de  nos  jours  ne  dé- 
tcrmineroit  pas  mieux  les  dimenlions  d'ua 
vaifîèau  ,  tel  que  celui  dont  il  s'agit  ici  , 
qu'elles  ne  le  font  dans  l'Ecriture,  relati- 
vement il  l'ufage  auquel  il  étoit  deftiné. 
D'où  il  conclut  que  Varche,  dont  on  a  pré- 
tendu faire  une  objeclion  contre  la  vérité 
des  écritures  divines ,  en  devient  une  preuve  > 
puifqu'il  eft  ii  préfumer  que  ,  dans  les  pre- 
miers lîges  du  monde  ,  les  hommes ,  moins 


25Î  ARC 

vcrfés  dniT;  les  fciences  &  dans  les  arts  ,  1 
dévoient  être  infiniment  plus  fujets  à  des 
erreurs ,  que  nous  ne  le  ferions  aujour- 
d'hui :  que  cependant ,  i\  l'on  avoit  aujour- 
d'hui à  proportionner  la  capacité  d'un  vaif- 
fcau  à  la  malfe  des  animaux  &  de  leur 
nourriture  ,  on  ne  s'en  acquitteroit  pas 
mieux  ;  &  que ,  par  conféquent ,  V arche  ne 
peut  être  une  invention  humaine  ;  car  l'efprit 
humain  étant  expoié  en  pareil  cas  à  ie 
grollir  prodigieuiement  les  objets,  il  feroit 
arrivé  indubitablement  dans  les  dimen- 
jfionsdel'arcAedeNoc,  ce  qui  arrive  dans 
l'ellimation  du  nombre  des  étoiles  par  la 
feule  vue  ;  c'eft  que  de  même  qu'on  en 
juge  le  nombre  infini ,  on  eût  pouffé  les 
dimenfions  de  Varchc  A  des  grandeurs  dé- 
méfurécs  ,  &  qu'on  eût  ainfi  engendré 
un  bâtiment  infiniment  plus  grand  qu'il 
ne  le  falloit  ;  &  péchant  plus  par  ion  excès 
de  capacité  dans  l'hiflorien ,  que  ceux  qui 
attaquent  l'hiftoire  ne  prétendent  qu'il 
pèche  par  déhuit. 

Mais  pour  donner  au  lefteur  une  idée 
plus  julte  des  dimenfions  de  l'arc/ze,  de  fa 
capacité ,  de  fa  dillribution  intérieure  & 
aLitres  proportions ,  nous  allons  lui  faire 
part  de  l'extrait  des  ("yflêmes  de  M.  le  Pel- 
letier de  Rouen  &  du  P.  Buteo,  fur  cette 
matière ,  tel  qu'il  fe  trouve  dans  la  difîèrta- 
tion  du  P.  Calmct  fur  {'arche  de  Noe. 

M.  le  Pelletier  fuppofe  que  V arche  étoit  un 
bâtiment  de  la  figure  d'un  parallélipipede 
reflangle  ,  dont  on  peut  divifer  la  hau- 
teur par  dedans  par  quatre  étaj^es ,  don- 
nant trois  coudées  &  demie  au  premier  , 
fcpt  au  fécond  ,  huit  au  troifieme  ,  &  fix 
&  demie  au  quatrième  ,  &  laifier  les  cinq 
coudées  reftantes  des  trente  de  la  hauteur , 
pour  les  épaiifeurs  du  fond ,  du  comble  & 
des  trois  ponts  ou  planchers  des  trois  der- 
niers étages. 

Le  premier  de  ces  étages  auroit  été  le 
fond ,  ou  ce  qu'on  appelle  carène  dans 
les  navires  ,  le  fécond  pouvoit  fervir  de 
grenier  ou  de  magafin  :  le  troifieme  pouvoit 
contenir  les  érables  ,  &  le  quatrième  les  vo- 
lières :  mais  la  carenc  ne  fè  comptant  point 
pour  un  étage  ,  &  ne  fervant  que  de  réfèr- 
voir  d'eau  douce  ,  Varche  n'en  avoit  propre- 
ment que  trois ,  &  l'Ecriture  n'en  met  pas 
on  plus  grand  nombre ,  bien  que  les  inter- 


ARC 

prêtes  3'  en  aient  mis  quatre  ,  en  y  ajoutant 
la  carène. 

Il  ne  fuppofe  que  36  étables  pour  les  ani- 
maux de  terre  ,  &  autant  pour  les  oifeaux  ; 
chaque  étable  pouvoit  être  de  quinze  cou- 
dées %  de  long ,  de  dix-lèpt  de  large ,  & 
de  huit  de  haut  ;  par  conféquent  elle  avoit 
environ  vingt-fix  pies  &  demi  de  long, 
plus  de  vingt-neuf  de  large ,  &  plus  de 
treize  &  demi  de  haut  de  notre  mefure  ; 
car  il  faut  fe  Ibuvenir  que  M.  le  Pelletier 
donne  à  fa  coudée  vingt  pouces  &  demi  , 
ou  environ ,  melure  de  Paris.  Les  trente- 
fix  voheres  étoient  de  même  étendue  que 
les  étables. 

Pour  charger  l'arche  également  ,  Noé 
pouvoit  remplir  ces  étables  &  ces  voliè- 
res ,  en  commençant  par  celles  du  miheu, 
des  plus  gros  animaux  &  des  plus  gros 
oifeaux.  Cet  auteur  fait  voir  ,  par  un 
calcul  exaft ,  que  l'eau  qui  étoit  dans  la 
carène  ,  pouvoit  être  de  plus  de  31 174 
mu;ds ,  ce  qui  efl  plus  que  luffiiant  pour 
abreuver ,  pendant  un  an ,  quatre  fois  au- 
tant d'hommes  &  d'animaux  qu'il  y  en 
avoit  dans  Varche;  il  montre  enfuite  que 
le  grenier  pouvoit  contenir  plus  de  nour- 
riture qu'il  n'en  falloit  à  tous  les  animaux 
pendant  un  an. 

Dans  le  troifieme  étage  Noé  a  pu  conf^ 
tru:re  3  loges  pour  ferrer  les  uftenfiles  de 
ménage  ,  les  inflrumens  de  labourage ,  les 
étoffés  ,  les  grains  ,  les  fimences  ;  il  s'y 
pouvoit  ménager  une  cuifine,  une  falle, 
quatre  chambres ,  Se  un  efpace  de  48  cou- 
dées pour  fe  promener. 

M.  le  Pelletier  place  la  porte  ,  non  au 
coté  de  la  longueur  ,  mais  à  l'un  des  bouts 
de  Varche ,  perfuadé  qu'A  l'un  des  côtés 
de  la  longueur ,  elle  auroit  gâté  la  fj-m- 
mctric  de  l'arcAf ,  &  en  auroit  ôté  l'équi- 
libre. 

Quelques-uns  ont  cru  qu'il  n'ctoit  pas 
néccfîîiire  de  faire  provifion  d'eau  douce 
dans  Varchc  ,  parce  que  l'eau  de  la  mer 
ayant  été  mêlée  avec  les  eaux  du  déluge, 
pouvoit  être  affez  dcflalce  pour  être  rendue 
potable ,  &  qu'on  en  pouvoit  tirer  par  la 
fenêtre  de  Varche  pour  abreuver  les  ani- 
maux :  mais  cette  prétention  e(l  infoute- 
nable  ;  l'eau  de  la  mer  cft  en  bien  plus 
grande   quantité  que   l'eau  qui  tomba  du 

ciel 


ARC 

ciel  pour  Inonder  la  rcrre  :  or  l'expcricnrc 
fjiit  voir  qu'un  tiers  d'eau  ialéc  ,  mêlée 
avec  deux  liers  d'eau  douce  fait  une  potion 
qui  n'efl  point  bonne  à  boire  ;  &  l'ar- 
die  ayant  ceflc  de  flotter  fur  les  eaux 
dès  le  vingt  -  feptieme  jour  du  feptieme 
mois ,  elle  demeura  à  lec  fur  les  montagnes 
d'Arménie  pendant  prclque  fept  mois  , 
pendant  Iciquels  on  n'auroit  pu  puilcr  de 
l'eau  de  dehors.  Tel  ell  le  fyftêmc  de  M.  le 
Pelletier  de  Rouen. 

Le  pcre  Jean  Buteo  ,  natif  de  Dauphiné  , 
&  religieux  de  Tordre  de  S.  Antoine  de 
Viennois  ,  dans  Ion  traité  de  ïarche  de 
Noe,  Je  fd  forme  &  cie  fu  capacité' ,  fuppofe 
que  la  coudée  de  Moyfe  n'étoit  que  de  i8 
pouces  comme  la  notre  ;  &  cependant  il 
ne  laiiîê  pas  de  trouver  ,  dans  les  dimen- 
fions  marquées  par  Moyfe  ,  tout  l'efpace 
convenable  pour  loger  dans  Varche  les 
hommes  ,  les  animaux  ,  &  les  provifions 
,nccciraires.  Il  croit  que  Varche  étoit  com- 
pofée  de  plulieurs  fortes  de  bois  gras  &  réil- 
neiix  ,  qu'elle  étoit  enduite  de  bitume  , 
qu'elle  avoit  la  forme  d'un  parallélipipede, 
iivec  les  dimenfions  qu'en  marque  l'Ecriture, 
meliirées  à  notre  coudée. 

Il  divife  le  dedans  en  quatre  étages  , 
donnant  au  premier  quatre  coudées  de  hau- 
teur ,  huit  au  fécond  ,  dix  au  troifierae  , 
&  huit  au  dernier.  Il  place  la  fentinc  dans 
le  premier ,  les  étables  dans  le  fécond  ,  les 
provifions  dans  le  troifieme  ,  les  hommes , 
lesoileaux  ,  &  les  lidenfiles  de  ménage  dans 
le  dernier.  Il  met  la  porte  à  2.0  coudées 
près  du  bout  d'un  des  côtés  du  fécond  étage , 
&  la  tait  ouvrir  &  tcrmer  en  pont  -  levis. 
Il  dilpofe  la  fenêtre  au  haut  de  l'appar- 
tement des  hommes  ,  prétendant  que  les 
îinimaux  n'avoient  pas  beioin  de  lumière. 
Il  ferme  cette  fenêtre  d'un  double  chaflis 
il  carreaux  de  cr)  fiai ,  de  verre  ou  de  pierre 
traniparente  ,  pajce  qu'il  la  croyoit  très- 
grande.  II  élevé  le  milieu  du  comble  d'une 
coudée  de  hauteur  fur  toute  la  longueur  , 
prenant ,  pour  cette  hauteur  ,  1p.  coudée  que 
les  interprètes  expliquent  de  la  hauteur  de 
la  fenêtre. 

Ayant  dans  le  fécond  étage  tiré  du  côté 
de  la  porte  une  allée  de  fix  coudées  de  laige 
&  de  300  coudées  de  long  ,  &  conflruit 
Tome  III. 


ARC  135 

deux  cfcaliers  aux  deux  bouts  pour  mon- 
ter au  troifieme  &  quatrième  étages  ,  il 
prend  lur  le  milieu  du  relie  de  la  longueur  une 
autre  allée  de  douze  coudées  de  large ,  tom- 
bant perpendiculairement  ou  ;\  angles  droits 
fur  le  milieu  de  la  première,  &  de  côté  & 
d'autre  de  cette  dernière  ;  il  divife  unefpace 
de  1 5  coudées  de  large  &  de  44-  de  long  , 
en  trois  parties  égales  (ur  la  largeur  ,  &:  en 
douze  parties  (ur  la  longueur  ,  pour  trouver 
par  cette  divilion  36  cellules  ou  étables 
de  chaque  côié  ,  dont  fix  étant  prifcs  pour 
deux  allées  traverlantes  ,  il  en  refle  30  de 
chaque  côté  qui  forment  trois  reflangles, 
deux  qui  en  contienneiM  chacun  neuf,  & 
celui  du  milieu  douze  ;  &  ces  étables  ou 
cellules  ont  l'J  coudées  de  long&  trois  tiers 
de  large.  11  prend  encore  tiir  le  relie  de  cet 
et4ge  de  côté  &  d'autre  un  elpace  de  i^  cou- 
dées de  largeur  ,  &  de  44  coudées  de 
longueur  ,  dont  il  retranche  quatre  coudées 
de  côté  &  d'autre  fur  la  largeur  pour  taire 
deux  allées  ;  &  il  lui  refle  un  reâangle  de 
fept  coudées  de  largeur  &  de  quarante-qua- 
tre coudées  de  longueur  ,  dont  il  divife  la 
largeur  en  deux  ,  enfbrte  qu'une  moitié  ait; 
trois  coudées  de  large  &  l'autre  quatre  ;  & 
la  longueur  en  vingt  parnes  égales  :  &  ces 
divifions  lui  donnent  quarante  petites  éta- 
bles ou  cellules  en  deux  rangs  ,  dont  vingt 
ont  chacune  trois  coudées ,  &  les  vingt  au- 
tres quatre  de  long  ,  &  les  unes  &  les  au- 
tres deux  coudées  &  demie  de  large  ;  &  par 
ce  moyen  il  fe  trouve  6c  grandes  étables  , 
40  moyennes  &  40  petites  ,  &:  outre  cela 
encore  deux  eipaces  de  côté  &  d'autre, 
de  1 14  coudées  de  long  ,  &  de  44  coudées 
de  large. 

Or  en  réduifant  tous  les  animaux  qui  en- 
trèrent dans  Varcheîi  la  grandeur  du  bœuf, 
du  loup  &  du  mouton  ,  il  trouve  qu'ils 
étoient  égaux  à  lio  bœufs,  80  loup's ,  & 
80  moutons  ;  de  forte  qii'aj'ant  difpofé  60 
grandes  étables  ,  40  moyennes  &  40  pe- 
tites ,  il  prétend  qii'cUes  pouvoient  contenir 
60  paires  de  boeufs,  40  paires  de  loups  ,, 
&  40  paires  de  moutons.  Mais  comme  il 
penfe  qu'on  devoit  nourrir  de  chair  les 
bêtes  carnacicrcs ,  il  en  conclut  qu'on  de- 
voit avoir  mis  dans  Va;cke  3650  moutons 
pour  la  fubfifiance  de  40  paires  de  ces  ani- 
maux ,  qu'il  clliraoit  de   la    grandeur  du 


134  ARC 

loup ,  pour  leur  en  donner  dix  par  jour ,  ou 
un  à  quatre. 

Il  perce  toutes  les  étables  par  le  bas  ,  afin 
que  les  excrémens  des  animaux  tombent 
drns  le  premier  étage  ou  lentine  ,  qu'il 
difpofe  nufli  pour  le  lelt  ;  mais  de  peur 
que  Tinfedion  des  himiers  n'incommode, 
il  conilruit  en  plufieurs  endroits  de  cet 
étage  des  foupiraux  ,  qu'il  fait  monter 
julqu'au  dernier  ,  pour  y  donner  de 
l'air. 

Il  divifè  le  troifieme  étage  en  plufieurs 
réparations  ,  pour  mettre  à  part  le  loin ,  les 
feuilles  ,  les  fruits  &  les  grains  :  il  prétend 
même  qu'on  pouvoit  conilruire  un  réfer- 
voir  pour  y  nourrir  du  poilfon  pour  les 
animaux  &  les  oifeaux  amphibies  qui  en 
vivent  ,  &  un  réièrvoir  pour  l'eau  douce. 
De  plus  ,  il  veut  que  toutes  les  cellules  ou 
étables  qui  étoient  immédiatement  lôus  cet 
étage ,  aient  été  percées  par  en-haut ,  pour 
difînbuer  par  ces  ouvertures  la  nourriture 
dont  les  animaux  auroient  bcioin  ;  &  au 
moyen  de  certains  canaux  qui  alloientdans 
chaque  étable  ,  on  auroit  pu  leur  donner 
de  l'eau  pour  plufieurs  jours. 

11  croit  qu'au  milieu  du  quatrième  étage 
il  devoit  ie  trouver  pour  l'appartement  des 
hommes  une  grande  chambre  éclairée  par 
la  fenêtre  de  ïarche ,  une  dépenfe  ,  une 
cuifine  dans  laquelle  il  y  auroit  eu  un 
moulin  à  bras  &  un  tour^  des  chambres 
particulières  pour  les  hommes  &  pour  les 
femmes  ,  enfin  des  lieux  pour  le  bois ,  pour 
le  charbon ,  pour  les  meubles  &  uflenfiles 
du  ménage  &:  du  labourage  ,  &  pour  les 
autres  choies  qu'on  vouloit  garantir  des 
eaux  ;  &  que,  fiir  le  relie  de  cet  étage  ,  on 
avoit  conftruit  de  côté  &  d'autre  des  cages 
Gu  volières  pour  renfermer  les  oifeaux  ,  & 
des  loges  pour  en  ferrer  les  provifions. 

Ayant  accordé  pour  nourriture  dix  mou- 
tons chaque  jour  aux  animaux  carnaciers  , 
eflimés  à  80  loups  ,  il  en  auroit  fiiUu  '^6'^ci 
pour  un  an  ,  mais  ce  nombre  diminuant 
de  dix  par  jour  ,  ne  devoit  être  compté 
que  comme  un  nombre  fixe  de  1820  :  or 
jyant  eflimé  les  animaux  qui  vivent  d'her- 
bes ,  de  graines  ,  ou  de  fruits  ,  égaux  ;\ 
120  bœufs  &  à  80  moutons  ,  ajoutant  80 
■i  i8zo,  on  reconnoît  qu'il  auroit  eu  19CO 
jfcwuttos  à  nourrir  j  &  liohxufs.  11  trouve 


ARC 

que  fèpt  moutons  mangent  autant  de  fou- 
rage  qu'un  bœuf;  d'où  il  conclut  qu'il  fal- 
loit  autant  de  nourriture  à  tous  ces  ani- 
maux qu'à  400  bœufs  ;  &  parce  qu'il  efiime 
que  40  livres  ,  ou  une  coudée  cube  pari- 
fienne  de  foin  ,  pourroient  nourrir  un  bœuf 
en  un  jour  ,  il  en  réiulte  qu'il  en  auroit 
fallu  146000  coudées  pour  un  an.  Le  troi- 
fieme étage  étoit  de  la  capacité  de  150000 
coudées  cubes.  Le  foin  ell  k  nourriture 
qui  occupe  le  plus  de  place  :  mais  146000 
coudées  cubes  de  foin  luffiloient  pour  nour- 
rir les  animaux  pendant  un  an  ;  ainfi  ,  lui- 
vant  cet  auteur  ,  il  y  auroit  eu  luflîfam- 
ment  de  place  dans  cet  étage  pour  ferrer 
autant  de  nourrittu'e  qu'il  en  falloit  pour 
nourrir  les  animaux  pendant  un  an.  Toute 
la  capacité  de  l'arche  ,  en  prenant  la  coudée 
à  18  pouces  ,  éccit  de  45000  coudées  ou. 
675000  pies  :  elle  avoit  450  pies  de  long, 
75  pies  de  large  ,  &  45  de  haut.  Tel  efl 
le  fyflême  du  P.  iiureo  ,  qui  vivoit  dans  le 
XVI''  fiecle. 

Quelque  ingénieules  que  paroiflent  fes. 
idées  ,  &  quelque  exad  que  fbit  fon  cal-, 
cul  ,  fon  opinion  ioufîre  pourtant  de  gran- 
des difficultés.  Les  principales  qu'y  remar- 
que M.  le  Pelletier,  font  i".  que  la  coudée 
dont  parle  Moyfe  étoit  celle  de  Memphis , 
diflérente  de  celle  de  Paris  ,  &  plus  courte 
d'une  fcptieme  partie  :  i°.  qu'un  bâtiment 
plat  &  quarré  ,  plus  long  &  plus  large  que 
haut  ,  n'a  nul  befoin  de  lefi  pour  l'empc-. 
cher  de  retourner ,  de  quelque  manière  qu'on 
le  charge  :  3°.  qu'il  eif  ridicule  de  placer, 
des  animaux  entre  des  fumiers  &  des  pro- 
vifions pour  les  étouffer,  &  de  les  mettre 
lous  l'eau  pour  les  priver  de  la  lumière  ; 
au  lieu  qu'on  prévient  tous  ces  inconvé-. 
nicns  en  les  mettant  au  troifieme  étage  : 
4°.  que  la  pefantcur  du  corps  des  animaux 
qui  entrèrent  dans  Varche  ,  ne  pouvant  aller 
à  ioixante  dix  milliers  ,  &  les  provifions 
qu'on  y  enferma  &  qui  étoient  au  deffus 
des  animaux ,  pouvant  aller  A  plus  de  dix 
millions ,  il  n'y  auroit  pas  de  bon  lens  de 
mettre  dix  millions  de  charge  dans  un  étage 
placé  au  delfus  d'un  autre  qui  n'en  auroit 
contenu  que  foixante  &  dix  milliers:  5°.  qu'en 
plaçant  la  porte  de  Varche  à  un  des  côiés 
pour  laiifer  une  allée  vuide  de  trois  cent?- 
coudées  de  !on£  fur  fix  de  large  ,  on  au- 


ARC 

toit  rendu  cette  arche  plus  pefante  d'un 
côté  que  d'un  autre  ,  &  incommode  en 
gâtant  la  fymmétric  des  étables  &  des  au- 
tres appartemens.  Mais ,  ajoute  D.  Calmet , 
il  y  a  peu  d'auteurs  qui  aient  traité  cette 
matière  ,  qui  ne  (oient  tombés  dans  quel- 
ques inconvénicns.  Les  uns  ont  fiiit  Varche 
trop  grande,  les  autres  trop  petite;  d'au- 
tres trop  peu  iolide  :  la  plupart  n'ont  ap- 
perçu  d'autres  dilîicultés  dans  l'hiltoire  du 
déluge ,  que  celle  qui  regarde  la  capacité 
de  Varche  ,  fans  taire  attention  à  une  infi- 
nité d'autres  inconvéniens,  qui  réfultent  de 
la  forme,  de  la  diilribution  des  apparte- 
mens ,  des  étages,  des  logemens  des  ani- 
maux, de  leur  diltnburion  ,  de  la  manière 
dont  on  pouvoit  leur  donner  à  boire  & 
à  manger ,  leur  procurer  du  jour  &  de 
l'air,  les  nettoyer  &  foire  couler  le  fu- 
mier &  les  immondices  hors  de  Varche  ou 
dans  la  fèntine.  On  peut  voir  toutes  ces 
difficultés  éclaircies  par  M.  le  Pelletier  de 
Rouen  ,  dans  le  chap.  xxr  de  fa  DiJJer- 
tation  fur  Varche  de  Noe'. 

Nous  terminerons  cet  article  par  quel- 
ques obicrvations  iur  le  lieu  où  s'arrêta 
Varche  après  le  déluge.  Quelques-uns  ont 
cru  que  c'étoit  près  d'Apamée  ,  ville  de 
Phrygie  ,  iur  le  fleuve  Marlyas  ,  parce  que 
cette  ville  prenoit  le  furnom  d'arche ,  & 
portoit  la  figure  d'une  arche  dans  iès  mé- 
dailles ,  comme  il  paroît  par  une  pièce 
frappée  en  l'honneur  d'Adrien  ,  où  l'on 
voit  la  figure  d'un  homme  qui  repré- 
fente  le  fleuve  Marfias  ,  avec  ces  mots  : 
AITAMEQN  KICnTOS  MAl'SXAS  ,  c'eft-à-dire 
médaille  d'Apame'e ,  l'arche ,  le  fleure  Alar- 
fyas.  Et  dans  les  vers  Sibyllins ,  on  lit  que 
le  mont  Ararat  ,  où  s'arrêta  Varche ,  efl 
Iur  les  confins  de  la  Phrygie ,  aux  lources 
du  fleuve  Marfyas  :  mais  ce  fentiment  n'efl: 
pas  loutenablc  ;  le  plus  fuivi  ,  appujé  fur 
une  tradition  confiante  des  Orientaux  & 
fur  la  narration  de  Moylé ,  elt  que  Varche 
s'arrêta  fur  le  mont  Ararat  ;  ce  que  St.  Jé- 
rôme traduit  par  les  montagnes  d'Arménie. 
Jofeph  l'hiftorien  parlant  d'Izates ,  fils  du 
roi  de  l'Adiabene  ,  dit  que  fon  père  lui 
donna  un  canton  dans  l'Arménie ,  nom- 
mé Kaeron ,  où  l'on  voyoit  des  reftes  de 
Varche  de  Noé  ,  &  il  cite  encore  Berolè 
le  Chaldéen ,   qui   dit   que  de  l'on  temps 


ÂRC  i3î 

on  voyoit  des  refles  de  Varche  fur  Icî 
montagnes  d'Arménie.  Antiquit,  La-.  I. 
ch.  r.  Lib.  XX.  cap.  ij. 

Nicolas  de  Damas ,  Théophile  d'Antio- 
che  ,  Ifidore  de  SéviUe  ,  racontent  U 
même  chofe  ;  Jean  Struys ,  dans  f:s  voy^i- 
ges,  dit  qu'en  1670  il  monta  fur  la  mon- 
tagne d'Ararat  ,  &  y  trouva  un  hermite 
Italien  ,  qui  l'alfura  que  Varche  étoit  en- 
core toute  entière  fur  cette  mf)ntagne  ; 
qu'il  étoit  entré  dans  ce  bâtiment ,  &  lut 
montra  une  croix  faite  du  bois  qu'il  eit 
avoit  lui  -  même  arraché  :  mais  M.  de 
Tournefort  qui  a  été  iur  les  lieux  aifure 
que  la  montagne  d'Ararat  elt  inacceffible , 
&  que  ,  depuis  le  milieu  jufqu'au  fommet  , 
elle  elt  perpétuellement  couverte  de  nei- 
ges qui  ne  fondent  jamais ,  &  au  travers 
defquelles  on  ne  peut  s'ouvrir  aucun  pat. 
làge.  Les  Arméniens  eux-mêmes  tiennent 
par  tradition  ,  qu'à  caufe  de  cet  obllacle  , 
perfonne  ,  depuis  Noé  ,  n'a  pu  monter 
fur  cette  montagne  ,  ni  par  conféqu^^nt 
donner  des  nouvelles  bien  certaines  de 
l'état  de  Varche  ;  c'elt  donc  fans  aucune 
preuve  folide  ,  que  quelques  voyageurs 
ont  avancé  qu'on  en  voyoit  encore  des 
débris.  Calmet ,  Differt.fur  l'arche  de  Noe\ 
&  Dicl.  de  la  Bible ,  tom.  I.  lettre  A  ,  aux 
mots  Apamée  ,  Ararat  &  Arche.  (G) 

Arche  (  la  cour  des  arches  ) ,  en  Angle- 
terre elt  une  cour  épilcopale  à  laquelle. 
reilortilTent  les  appels  en  fait  de  matières 
ccclcllaftiques  de  toutes  les  parties  de  la. 
province  de  Cantorbéri.  V^oyei  CoUR , 
Appel  ,  &  Archevêque.  Cette  cour  eft 
ainfi  appellée  de  l'égliiè  &  de  la  tour 
voûtée  de  fainte  Marie  ,  où  elle  fe  tenoit 
ordinairement.  Les  officiers  de  cette  cour 
iônt  le  juge ,  le  i'ecretaire  de  lynode  ,  les 
greffiers ,  les  avocats  ,  les  procureurs  ou 
députés   de   l'aflcmblée  du  clergé ,  Ùc. 

Le  juge  de  la  cour  des  arches  tlt  appellp 
le  doyen  des  arches  ou  l'official  de  la  cour 
des  arches  ,  &c.  On  joint  ordinairement  à 
cette  officialité  une  juriididion  particulière 
Iur  treize  paroilîes  de  Londres  :  cette  ju- 
rifdiâion  s'appelle  un  doyenné  ;  elle  n'efl: 
point  iubordonnce  à  l'autorité  de  l'évêque 
de  Londres,  &  elle  appartient  à  l'archevê- 
que de  Cantorbéri. 

D'autres  pcnfent  que  le  nom  &  les  fonc« 

Gg  1 


M^  ARC 

tions  du  lîoyen  de  la  cour  des  arches  vien- 
nent de  ce  que  l'official  de  l'archevêque 
ou  le  doyen ,  étant  ibuvent  employé  dans 
les  ambaÎTades  étrangères  ,  le  doyen  des 
arches  étoit  fon  flibititut  dans  cette  cour. 
Ce  juge,  fur  quelque  appel  que  l'on  tafle 
Il  fa  cour  ,  fur  le  champ  &  fans  aucun 
examen  ultérieur  de  la  cnufe  ,  envoie  fon 
ajournement  à  l'accufé  ,  &  fi  défenfe  au 
juge  dont  eft  appel.  Les  avocats  qui  plai- 
dent ou  qui  peuvent  plaider  à  la  cour  des 
arches  ,  doivent  être  dodeurs  en  droit  civil 
dans  quelqu'une  des  univerfités  d'Angle- 
terre.  (  H) 

ARCHE  ou  ARCHI,  [Gramm)  terme 
qui  par  lui-même  &  pris  ieul  n'a  aiicune 
iîgnilication  déterminée  ,  mais  qui  en  ac- 
quiert une  très-i'orte  lorfqu'il  en  précède 
quclqu'autre  lîmple  ,  qu'il  élevé  au  degré 
fuperladf  ,  dont  il  a  pour  lors  l'éner-gie  ; 
ainli  l'on  dit  archi-fou  ^  archi-coquin  ,  &zc. 
pour  exprimer  le  plus  haut  degré  de  folie 
&  de  fourberie;  on  dit  aullî  pour  marquer 
une  fur-éminence  d'ordre  ou  de  dignité  , 
archange  ,  archevêque  ,  archi  -  diacre  y 
archi-tréjorier  ,  archi-maréchal  y  ôcc. 

Ce  mot  ell  formé  du  grec  «p-ii  ,  primauté , 
commandement  ,  autorité  ;  d'où  e(l  dérivé 
ocfM' ,  princeps  ,  fummus  ,  prince  ou  chct. 

En  Angleterre  on  fupprime  ordinaire- 
ment Vi  final  du  mot  archi  ,  ce  qui  rend 
durs  à  l'oreille  les  termes  dans  la  compofi- 
tion  defquels  il  entre  ;  défuit  qu'on  a  évité 
dans  prefque  toutes  les  autres  langues  , 
foit  mortes ,  foit  vivantes.  Voye\  AnomaI 
ou  Irrégulier.  (  G) 

ARCHEE,  f  m.  (Phyfwlogie)  ce  mot 
flgnifie  ancien  dans  fa  propre  étymologie. 
Baille  Vakntin  &  autres  chymiites  abu- 
ferent  de  ce  mot  ,  qu'ils  convertirent  en 
den  natw-knaben  ,  appellanr  aind  le  prin- 
cipe qui  détermine  chaque  végétation  en 
ion  efpece.  Paracelfé  admit  ïarchée  y  & 
Van-Helmont  voulut  exprimer  par-Iù  un 
erre  qui  ne  tût  ni  l'elprit  pealant ,  ni  un 
corps  groflier  &  vulgairc  ,  mais  quelque 
être  moyen  qui  dirigeât  toutes  les  fonc- 
tions du  corps  iain  ,  guérit  les  maladies 
dans  lefquelles  il  erre  ,  ou  même  entre 
quelquefois  en  délire  ,  &c.  Ce  qui  a  engagé 
ces  Philofophes  ;\  fè  forcer  ces  hypothe- 
Ut,    c'eft    qu'ils  ont  vu  que  le  corps  hu- 


ARC 

main    étoît  conllruit  avec  un  art  fi  mèf- 
veilleux ,  •&  fuivant  les  loix  d'une  mécha- 
nique  fi   déliée ,  qu'ils   ont  cru   en  confé- 
quence  qu'un  aufli  grand  nombre   de  fonc- 
tions ,   fi  fubtilement  enchaînées  entr'elles  , 
ne  pouvoient  jamais  fe  faire  lans  le  iecours 
de    quelque     intelligence    qui    préfidat     A 
tout  :  mais  ils  ne  voulurent  point  accorder 
ce    minirtere   à    l'ame  ,     parce     qu'il   leur 
fembloit  qu'il  s'enfuivroit  de -là  que  nous 
euiiions  dû  favoir    ce  qui  le  pafle   au  de- 
dans de  nous-mêmes  ,  &  pour  pouvoir  com- 
mander à  toutes  nos  fondions  ,   fans   ex- 
cepter celles  qu'on    nomme  vitales.  Cette 
opinion  ne  mérite  pas  d'être  réfutée;  je  ne. 
crois  pas  que  Van-Helmont  ait  été    afléz 
infenfé   pour    croire    vrai    tout   ce  qu'il  a 
écrit   fur  fon  archée ,    &  lorlqu'il   dit  que 
ïarchée  a   faim    ou  foif,   digère,  choifit , 
expulfe  ,  Ùc.  il  n'a  fans    doute  voulu  dire 
autre  chofe  ,  linon  que  c'elt  une  puiflancc 
inconnue  qui  fait  tout  cela  dans  l'homme; 
car    qu'importe    qu'on     avoue    ignorer   la 
caufe  de  quelque  aélion  ,  ou  qu'on  la  mette 
dans  un  être  imaginé  dont   on  ne  connoit 
ni   l'exifiencc  ,   ni  la  nature ,  ni  les  affec- 
tions,  ni  la  façon  d'agir?  Mais  pour  nous , 
nous  connoilfons  plulicurs  caufes  méchani- 
ques  des  fondions  du  corps  :  nous  lavons 
qu'elles   dépendent  toutes  d'une  infinité  ai 
caufes  phyliques  connues,    tellement  ral- 
1  femblées    en  un  tout ,   qu'elles  forment  la 
'  vie  &  la  fanté  ,   la  confervent  ,  &   la  réta- 
bliflént.    Comment.  Botrh.   Fq>'(f:{  VlE  & 

Santé,  (i) 

ARCHEE  DE  LA  NATURE,    {philcfo- 

p/iie  herm.  )  les  phyficiens  &  particuliére- 

j  ment  les  philofophes  fpargyriqu^s  appeUent 

ainfi  l'agent  univerfel.  V.  i' article  précédent. 

ARCHEGETES,  {  Myth.)  nom  fous 

!  lequel  Apollon  avoit  un  autel  &  un  culte 

J  dans  l'île  de  Naxos.  Sur  des  monnoies  de 

,  la  même  île  ,    on  voyoit  la  tête  d'Apollon 

avec  ce  furnom.    On  donnoit  à  Hercule  le 

même    titre  dans  l'île  de   Malte  ,    où   Ion 


cuhe  avoit  été  apporte 


de    Tvr.    Ce 


mot 


ÇigriiÇit  chef  y  prince  ,  conducleur  y   du  grec 


I  a^K 


ARCHELAUS  ,  ( hijl  des  Juifs.)  fils 
d'Hérode  le  grand  ,  lui  fuccéda  dans  le 
royaume  de  Judée  ,  non  fous  le  titre  de 
roi ,  mais  fous   celui  d'ethnarque  ,  que  lui 


A  H  C 

nccotà^  Aiiguffe ,  avec  la  moitié  Iciileinent 
des  états  dont  fon  père  avoit Joui ,  lui  pro- 
mettant qu'il  lui  accorderoit  la  royauté  , 
s'il  s'en  rendoit  digne.  Mais  il  gouverna 
k  Judée  avec  tant  de  violence  &  de 
cruauté ,  que  les  Juifs  ie  révoltèrent  con- 
rre  lui  ,  &  portèrent  leurs  plainres  ;\  Au- 
guftc  ,  qui  le  fit  venir  à  Rome  pour  répon- 
dre aux  accufittions  formées  contre  ion 
adminiflration.  11  ne  put  lé  juftifier.  Au- 
guftc  le  rélégua  à  Vienne  dans  les  Gaules , 
où  Archelaus  finit  (es  jours.  j 

ArchelauS  ,  {hifi.  d'Egypte.)  Après  j 
l'expulfion  d'Auicfc  ,  (a  fille  Bérénice  fut  j 
élevée  lur  le  trône  d'Eg3;pte  ,  qu'elle  n'am- 
bitionnoit  pas ,  &  ce  fut  pour  adoucir  le 
poids  des  affaires  qu'elle  épouia  Archelaus  , 
grand-prctre  de  Comanc  ,  dans  le  Pont. 
Ce  n'étoit  point  un  Ipcdacle  rare  en  Egypte  , 
de  voir  le  fceptre  dans  les  mains  d'un  mi- 
niltre  de  l'autel.  Aflocié  au  gouvernement , 
H  montra  qu'il  poflcdoit  tous  les  talcns  qui 
conltituent  le  grand  capitaine  &  le  politi- 
que le  plus  rafîiné.  Les  temps  étoient  ora- 
geux ,  &  il  falloit  des  mains  habiles  pour 
diriger  les  rênes  d'un  empire  agité  par  tant 
de  tempêtes. 

Gabinius  ,  fous  prétexte  de  rétablir  Au- 
Jete  ,  s'en  approprioit  les  plus  riches  dé- 
pouilles. Archelaus  ofa  s'oppofer  à  la  for- 
tune des  romains.  Il  leva  une  nombreufe 
armée.  Mais  les  Egyptiens  amollis  par  les 
délices  ,  fécondèrent  mal  fa  valeur  &  ia 
prudence.  Tremblans  &  lans  dilciplinc  , 
ils  ne  favoient  ni  combattre  ni  obéir.  Tou- 
tes les  fois  que  la  nécefllté  leur  preicri- 
Toit  de  fé  retrancher  ,  ils  refufoient  de 
remuer  la  terre  pour  s'en  faire  un  rempart , 
alléguant  qu'un  peuple  libre  &  guerrier  , 
ne,  devoit  point  s'avilir  par  un  travail  qui 
tie  convenoit  qu'à  des  eiclaves.  Archela.ds  , 
général  d'une  multitude  fans  courage  & 
fans  difcipline  ,•  eut  aflez  de  confiance  pour 
en  venir  aux  mains  avec  Antoine  &  Gabi- 
nius. Il  déploya  toutes  les  reflburces  d'un 
génie  fait  pour  la  guerre ,  mais  étant  mal 
fécondé  ,  il  tomba  percé  de-  coups.  An- 
toine qui  honoroit  le  mérite  jufque  dans 
fes  ennemis  ,  lui  fit  rendre-  les  honneurs 
funèbres.    (  T—N.  ) 

Archelaus,  {hifi.  de  Lace'de'm.)  roi 
de.  Sparte  ,   régna  pendant  foixante  ans  ; 


ARC  137 

l'hiflolre  ne  nous  a  tranimis  rien  de  mé- 
morable touchant  ce  prince  ,  qui  ne  nous 
tif  connu  que  par  la  conquête  d'Egis  ,  ville 
frontière  de  Laconie  ,  qui  s'étoit  liguée 
avec  les  Arcadiens  ,  alors  en  guerre  avec 
Sparte  ;  il  régna  conjointement  avec  Cha- 
rillas ,  qui  ne  nous  efl  connu  que  par  Ion 
nom.  (  T—N.) 

ARCKELET  ,  f.  m.  c'cfl  ,  en  terme  de 
Pécheur  ^  une  branche  de  iaule  pliée  en 
rond  ,  qui  s'attache  avec  de  la  lignetto 
autour  du  verveux  pour  le  tenir  ouvert. 
Voye\  Verveux.  C'efI  encore  le  nom- 
de  deux  bîitons  d'orme  courbés  &  fe  tra-» 
verlant  en  forme  de  croix  ,  à  l'extrémité 
delquels  font  attachés  les  quatre  coins  du 
filet  à  prendre  le  goujon  ,  qu'on  appelle 
échiquier.    Vave?^  ÉCHIQUIER. 

ARCHELUGIE  ,  {.  f.  nom  d'un  traité 
des  premiers  élémens  de  la  Médecine,  fon- 
dés fur  la  ralfon  &  l'expérience  ,  &  conil- 
dérés  par  abilraâion.   iL) 

ARCHERS  ,  f.  m.  [An  militaire.)  forta 
de  milice  ou  de  foldats  armés  d'arcs  &:  de 
flèches.  roYc\  Armes  ,  Flèche.  Ce  mot 
vient  du  latin  J/rz/.r^  arc  ;  d'où  l'on  a  formé 
arcuarius  &  arquis  y  &  arquites  ,  termes  de 
la  bafle  latinité.  On  fe  lervoit  beaucoup 
A' archers  anciennement  :  mais  prélenrement 
ils  ne  font  plus  d'uiage  qu'en  Turquie  & 
chez  les  Afiatiques  ,  qui  ont  encore  des 
compagnies  êi  archers  dans  leurs  armée^. , 
defquels  on  fit  une  terrible  boucherie  à  la 
bataille  de  Lepante.  Le  nom  d'archers  eu 
cependant  reftc  chez  les  peuples  même  qJi 
ne  s'en  fervent  plus  :  par  exemple  ,  les 
officiers  exécuteurs  des  ordres  des  lieute- 
nans  de  police  &  des  prévôts  ,  &c.  dont 
l'emploi  efl  de  faifir  ,  faire  des  captures  , 
arrêter  ,  i/c.  font  appelles  archers  ,  quoi- 
qu'ils aient  pour  armes  des  hallebardes  & 
des  fufils  ;  c'eff  dans  ce  fens  que  l'on  die 
les  archers  du  grand preï'ât  de  l'hôtel ,  da" 
pre'i'oc  des  marchands ^  les  archers  de  iille ^ 
les  archers  du  guec  ou  de  nuit.  Il  y  a  auili 
des  archers  que  l'on  appcllela  marechaujfc'e y 
qui  font  continuellement  fur  les  grands 
chemins  pour  les  rendre  sûrs  contre  les 
voleurs.  La  diligence  de  Lyon  eff  toujours 
efcortée  par  la  maréchauOée.  Ces  archers 
ou  cette  maréchauffée  eft  caufe  que  l'on 
peut  voyager-  dans  toutes  les  parties  de  \x 


13»  ARC 

France  fans  courir  de  rifquc  ;  cîc  foffe  qu'il 
arrive  moins  de  vols  dans  le  royaume  de 
France  pendant  un  an  ,  qu'auj^rès  de  Lon- 
dres pendant  une  femaine. 

Il  yaaulU  les  archers  des  paui'res  y  dont 
l'office  ert  de  lailir  les  mcndians  qui  errent 
dans  les  rues ,  &  de  les  mettre  à  rtiôpiral. 

Il  y  a  eu  autretois  en  France  un  corps 
d'infanterie  créé  par  Charles  VII ,  lous  le 
nom  de  francs  ~  archers  ;  ce  corps  éroit 
formé  par  les  difTérentes  paroifl'es  du  royau- 
me ;  chacune  fournifioit  un  homme  armé  : 
le  privilège  que  ce  prince  accorda  à  ceux 
qui  étoicnt  choifis  ,  tut  caufe  qu'il  y  eut 
de  Femprefiement  pour  l'être  ,  car  il  les 
afîranchit  prefque  tous  de  fubiîdes  ;  &  c'efl 
de  cet  afîranchiflement ,  dit  le  P.  Daniel  , 
qu'on  les  z])^e\\a  francs-archers  ou  francs- 
taupins  ,  nom  qui  leur  fut  donné  fans 
doute ,  parce  qu'on  le  donnoit  alors  aux  pay- 
fans  h  cauie  des  taupinières  dont  les  clos 
des  gens  de  campagne  font  ordinairement 
remplis. 

Cette  milice  n'a  fubfirté  que  jufque  vers 
la  fin  du  règne  de  Louis  XL  II  cafla  les 
francs-archers  pour  décharger  les  bourgs 
&  villages  qui  étoient  tenus  de  leur  entre- 
tien :  mais  pour  luppléer  à  cette  infanterie  , 
il  leva  fix  mille  SuilTes  &  dix  mille  hom- 
mes d'infinterie  Françoife  à  fa  foide.  Hif- 
toire  de  la  milice  Françoife  j  par  le  P. 
Daniel.  (Ç) 

§  ARCHER  ,  (  an.  milit.  milice  Grec- 
que. )  Les  Grecs  cmployoient  les  archers  , 
les  jaculateurs  ,  en  général  tous  les  gens 
de  trait  ,  pour  engager  une  affaire  &  pour 
attirer  l'ennemi  au  combat.  Quoiqu'ils  ne 
l'attaquaflent  que  de  loin  ,  ils  ne  laifloicnt 
pas  de  lui  brifer  bien  des  armes  ,  de  lui 
blefîer  &  tuer  beaucoup  de  monde  ,  &  de 
mettre  le  défordre  dans  fes  rangs.  Quel- 
quefois leurs  brulques  attaques  déconcer- 
toient  l'eiFort  d'une  aile  de  cavalerie  ,  &  la 
forçoicnt  de  plier.  Ils  fervoient  encore  à 
favoriler  les  retraites ,  à  fouiller  les  endroits 
fufpeds ,  à  inventer  &  drefler  des  embuf- 
cades.  Dans  une  bataille  ,  ils  en  venoient 
toujours  aux  mains  les  premiers  ;  ils  ne 
cefTbient  point  d'agir  pendant  la  chaleur 
de  l'adion  ,  &  ils  combattoient  encore 
après   qu'elle   étoit   décidée;  en  un  mot 


ARC 

!  ils  rendoient  en  toute  occafion  des  fei'vîcerf 
fignalés. 

Les  armes  de  jet  des  anciens  produi- 
foient  un  effet  plus  conlidérable  que  nous 
ne  penlons.  Le  but  des  archers  &  des 
frondeurs  étoit  une  butte  de  gazon ,  à  la» 
quelle  on  tiroit  &  que  l'on  touchoit  ,  au 
moins  les  tondeurs ,  de  600  pies  de  dif- 
tance ,  ce  qui  tait  une  longueur  d'environ 
lio  pas.   (  V) 

ARCHET  ,  f  m.  en  Luterie  ,  petite  ma» 
chine  qui  fert  à  faire  raifonner  la  plupart 
des  inlfrumens  de  mufique  à  corde.  Il  efl 
compolé  d'une  baguette  de  bois  dur  ua 
peu  courbée  ,  pour  éloigner  les  crins  de  la 
baguette,  &  d'un  faifceau  de  crins  de  che- 
val ,  compofé  de  80  ou  cent  brins  ,  tous 
également  tendus. 

Afin  que  Varchet  touche  plus  vivement 
les  cordes ,  on  en  frotte  les  crins  de  colo- 
phane, forte  de  poix.  ?^oje:j  COLOPHANE. 

Archet,  outil  d^ArquebuJier ,  eff  un 
morceau  de  lame  d'épée  ou  de  fieuret  , 
emmanché  dans  une  poignée  faite  comme 
celle  d'une  lime  ,  mais  percée  tout  proche 
du  manche  ,  d'un  trou  ,  dans  lequel  on 
pafle  une  grofle  corde  à  boyau  qui  eft 
retenue  à  demeure  par  un  nœud.  Le  haut 
de  cette  lame  efl  dentelé  comme  une  cré- 
maillère ,  &  l'autre  bout  de  la  corde  à  boyau 
elt  noué  en  boucle  ,  &  peut  s'arrêter  par 
cette  boucle  dans  chaque  dent  ;  les  Arque- 
buders  fe  fervent  de  V archet  pour  faire  tour- 
rier  la  boîte  à  foret.  Pour  cet  effet ,  ils 
font  taire  un  tour  à  la  corde  à  boyau  au- 
tour de  la  boîte  ,  &  l'accrochent  par  la 
boucle  ou  rofette  à  une  des  dents  de  la 
crémaillère  de  la  lame  ;  de  manière  que  le 
tour  de  corde  tait  fur  la  boîte  foit  bien 
ferré  ,  en  vertu  de  l'élaf licite  de  la  lame.  On 
conçoit  que  fi  la  corde  n'étoit  pas  ferrée  fur 
la  boîte  ,  Varchet  en  allant  &  venant  ne 
feroit  pas  tourner  la  boîte  ,  ni  par  conié- 
quent  percer  le  foret  ;  fi  fur-tout  la  matière  A 
percer  oppofoit  quelque  réfiffance  au  mou- 
vement du  foret  &  de  la  boîte. 

Cet  archet  eff  auffi  à  l'ufage  du  doreur. 
Celui  des  horlogers  n'eff  prefque  pas  dif- 
férent ;  ils  fubffituent  quelquefois  à  la  lame 
d'épéc  un  morceau  de  baleine  ou  de  canne. 
Si  vous  comparez  cette  defcription  avec 
celle  qui  fuit ,  vous  verrez  que  l'archet  du 


ARC 

{èrrurier  eft  très-iemblablc  à  celui  de  l'ar- 
quetiulicr. 

Archet,  che:^  les  ferruriers  ,  eft  un 
outil  qui  fort  à  faire  marclier  le  foret.  Cet 
outil  cil  fait  d'une  lame  d'épée  ou  de  fleu- 
ret ,  ou  d'un  morceau  d'acier  étiré  fous 
cette  forme.  A  fon  extrémité  ,  faite  en  cro- 
chet ,  elf  attachée  la  lanière  de  cuir  ou  la 
corde  à  boj'au  qu'on  roule  fous  la  boîte 
du  foret.  Cette  lanière  lé  tend  au  manche 
de  Varchet  &  y  eft  attachée  ,  en  paluint 
dans  un  œil  ou  un  p\ton  ;  l'œil  eu  percé 
dans  la  lame  ,  ou  le  piton  cû  rivé  dclîui. 
On  cloue  la  hinicre  ,  après  avoir  traverie  le 
piton  ou  l'œil  lur  le  manche  ;  on  a  des 
archets  de  toute  grandeur  ,  félon  la  force 
des  ouvrages  à  foret. 

Archet  ,  che^  les  fondeurs  decaracleres 
d'imprimerie  ,  ell  un  inflrument  faiiant  par- 
tie du  moule  qui  fert  à  fondre  les  carac- 
tères de  l'imprimerie.  C'eft  un  bout  de  fil 
de  fer  long  de  douze  à  quatorze  pouces 
géométriques  ,  plié  en  cercle  oblong.  Des 
deux  bouts  qui  fé  rejoignent  ,  l'un  eff 
arrêté  dans  le  bois  inférieur  du  moule  ,  & 
l'autre  refte  mobile ,  faiiant  un  reflbrt  que 
l'on  met  iiir  le  talon  de  la  matrice ,  pour 
l'arrêter  au  moule  à  chaque  lettre  que  l'on 
fond. 

Archet  ,  che\  les  Tourneurs  ,  efl  un 
nom  que  ces  ouvriers  donnent  à  une  perche 
attachée  au  plancher  ,  fufpendue  au  deiîus 
de  leur  tête  ,  &  à  laquelle  ils  attachent  la 
corde  qui  fait  tourner  leur  ouvrage.  Voje\ 
Tourneur. 

ARCHETYPE  ,Ç.m.{âlj  Monnaie.  ) 
efi  l'étalon  primitif  &  général ,  fur  lequel 
on  étalonne  les  étalons  particuhers.  Voye\ 
Etalon. 

ARCHEVÊCHÉ  ,  f.  m.  (  Gram.  &  Ju~ 
ri/p.  eccle'f.  )  terme  qui  fe  prend  en  difîé- 
rcns  féns  :  i°.  pour  le  diocefe  d'un  arche- 
vêque ,  c'efl-à-dire  ,  toute  l'étendue  de  pays 
foumife  à  fa  jurildiûion  ,  mais  qui  ne  com- 
poie  qu'un  iéul  dioceie  ;  on  dit  en  ce  iens 
que  tel  évêché  a  été  érigé  en  archevêché  ; 
que  tel  archevêché  contient  tel  nombre 
de  paroifles  :  l°.  pouç  une  province  ecclé- 
fiallique  compofée  d'un  fiege  métropoli- 
tain ,  &  de  plufieurs  évêques  fufTragans  ; 
alnli  Varchei'iché  de  Sens  ,  ou  l'églife  mé- 
îioço]it.ùne  &  primatiale  de  Sens,  a  pour 


ARC  13^ 

fuffi-agansles  évêchés  d'Auxcrre,  de  Troycs, 
de  Nevers  ,  &  l'évêché  titulaire  de  Betli- 
léem  :  3".  pour  le  palais  archiépiicopal , 
ou  pour  la  cour  ecclétiafJiquc  d'un  arche- 
vêque ;  ainfi  l'on  dit  qu'un  tel  eccléfiafli- 
que  a  été  mandé  A  V archevêché  ,  qu'on  a 
agité  telle  ou  telle  matière  à  Varchei'iché'  : 
4°.  pour  les  revenus  temporels  de  l'archei-ê- 
ché ;  ainii  ïarcheiCché ilc  Tolède  paflc pour 
le  plus  riche  du  monde.  (  G  ) 

11  y  a  maintenant  en  France  dix- huit 
archevcchéi.  Celui  de  Paris  eflle  plus  dif- 
tingué  par  le  lieu  de  fon  fiege  qui  efl  la 
capitale  du  ro}-aume  :  mais  quelques  au- 
tres le  font  encore  plus  par  une  préémi- 
nence afFedée  à  I.  ur  fiege. 

II  n'y  a  que  deux  archevlchés  en  Angle- 
terre ,  celui  deCantorbéri  ,  &  celui  d'Y"ork ,, 
dont  les  prélats  font  appelles  primats  & 
métropolitains  ;  avec  cette  unique  difFéi'ence ,. 
que  le  premier  efl  appelle  primat  de  toute 
l'Angleterre ,  &  l'autre  fimplement  primat 
d'Angleterre.  Voye7^  Primat  Ù  AÎÉTRO- 
POLITAIN. 

L'archevêque  de  Cantorbéri  avoit  autre- 
fois juril'diélion  fur  l'Irlande  ,  auflî  bien 
que  flir  l'Angleterre  :  il  étoit  qualifié  de 
patriarche  ,  &  quelquefois  alterius  orbis 
papa  ,  &  orbis  Britannici pontiftx. 

Les  aftes  qui  avoient  rapport  A  ion  au- 
torité fe  fiiilbient  &  s'enrégiflroient  en  fon 
nom,  de  cette  m.aniere  ,  anno  pontificatûs 
nojlri  primo  ,  &c.  Il  éroit  aufli  légat  né  , 
&c.  Voyei  LÉGAT.  Il  jouifToit  même  de 
quelques  marques  particulières  de  royauté  , 
comme  d'être  patron  d'un  évêché  ,  ainfi 
qu'il  le  fut  de  celui  de  Rochefler  ;  de  créer 
des  chevaliers  ,  &  de  fiiire  battre  monnoie  , 
^c.  Il  efi  encore  le  premier  pair  d'Angle- 
terre ,  &  immédiatement  après  la  famille 
royale  ,  ayant  la  préféance  fur  tous  les  ducs 
&  tous  tes  grands  officiers  de  la  couronne  , 
é'c.  Suivant  le  droit  de  la  nation  ,  la  véri- 
fication des  tefiamens  refibrtit  ;\  fon  auto- 
rité ;  il  a  le  pouvoir  d'accorder  des  lettres 
d'adminiflration  ,  Ùc.  Il  a  auffi  le  pouvoir 
d'accorder  des  licences  ou  privilèges  ,  & 
des  difpenfcs  dans  tous  les  cas  où  elles 
étoient  autrefois  pourfuivies  en  cour  de 
Rome  ,  &  qui  ne  font  point  contraires  à 
la  loi  de  Dieu.  Voye^  DISPENSE.  U  tient 
auffi  plufieurs  cours  de  judicatures ,  telles 


A40  ARC 

que  la  cour  des  arches  ,  la  cour  cTînidience  , 
la  cour  de  la  prérogative  ,  la  cour  des  pa- 
roifles  privilégiées.  Voye-{  ArchE  ,  AU- 
DIENCE ,  &c. 

L'archevêque  d'York  a  les  mêmes  droits 
dans  i'a  province  que  l'archevêque  de  Can- 
torbéri  ;  il  a  la  préiéance  fur  tous  les  ducs 
qui  ne  font  pas  du  (îing  royal  ,  &  i'ur 
•tous  les  minières  d'état ,  excepté  le  grand 
chancelier  du  royaume.  Il  a  les  droits  d'un 
comte  Palatin  fur  Hexamshire. 

Le  noraà^ archevêché  n'a  guère  été  connu 
en  occident  avant  le  règne  de  Charlemagne  , 
&  fi  l'on  s'en  efl  fervi  auparavant ,  ce  n'é- 
roit  alors  qu'un  terme  de  dillinflion  qu'on 
donnoit  aux  grands  fieges  ,  mais  qui  ne  leur 
attribiioit  aucune  forte  de  jurifdidion  ;  au 
lieu  qu'à  préfent  ce  titre  emporte  le  droit 
de  préiider  au  concile  de  la  province.  C'cit 
aufli  à  fon  officialité  que  font  portés  les 
appels  fimples  des  caufes  jugées  par  les 
officiaux  de  fes  fufFragans.  Fbye^ApPEL, 
SUFFRAGANT  ,  &  ARCHEVÊQUE.  {H) 

ARCHÏÏVEQUE  ,  f.  m._{2héol.)  en 
latin  archiepifcopus ,  compolé  du  grec  -fie  s , 
prince ps  ,  &  d'e^io-  o^o?  ,  vigd  j  c'ell-à- 
dire  chef ,  ou  premier  des  évêques  dans 
une  certaine  étendue  depays.  C'efl  ce  qu'on 
nomme  aujourd'hui  métropolitain  ,  qui  a 
plufieurs  évêques  fulFragans  ;  mais  cette 
notion  reçue  maintenant  ne  feroit  pas 
exacte  pour  tous  les  fiecles  de  l'Eglilè  , 
pui(qu'il  y  a  eu  autrefois  des  métropoli- 
tains fins  fufFragans  ,  &  des  archevêques  qui 
n'étoient  pas  métropolitains.  Voy.  MÉTRO- 
POLITAINS. Voyei  aujjl  le  P.  Thomaffin , 
difcipUne  de  l'Eglife  ,part.  I ,  liv.  T. 

Le  nom  d\irchevêqiie  fat  ablolument  in- 
connu dans  les  premiers  fiecles  de  l'Eglile  : 
il  l'étoit  encore  du  temps  du  premier  con- 
cile général  de  Nicée  ,  &  même  de  ceux 
d'Antioche  &  de  Sardique  ,  où  il  n'en  cft 
fait  nulle  mention  dans  les  canons  qui  con- 
cernent les  privilèges  des  premiers  fieges 
&  les  appels  eccléTiafliques  ;  ce  titre  d'hon--^ 
neur  &  de  jurifdiclion  n'eût  pas  été  ou- 
blié ,  s'il  eût  alors  exiflé.  Il  paroît  feule- 
ment par  le  trente-troifieme  canon  attribué 
flux  apôtres  ,  que  lorlqu'on  vouloir  mar- 
quer le  prélat  qu'on  a  depuis  nommé  an 
fhevêque ,  on  diioit  feulement  le  premier 
évêquç  d'unç  nation.  C'ell  flinfi  qu'EuIebe  , 


"ARC 

HiJÎ.  eccléf.  liv.  V.  dit  qu'Irenée  ,  évcque 
de  Lyon  ,étoit  évêque  des  églilès  des  Gaules, 
lur  lelquelles  il  avoit  l'intendance. 

On  croit  que  S.  Athanafe  introduifit  le 
premier  ce  terme  dans  l'Eglife  ,  vers  le  mi- 
lieu du  quatrième  fiecle  ,  en  donnant  par 
occafion  ce  titre  à  l'évêque  d'Alexandrie. 
Mais  ce  nom  dans  fon  origine  n'étoit  qu'un 
terme  de  vénération  &  de  retpeft  ,  &  ne 
fut  d'abord  employé  en  orient ,  qu'à  l'égard 
des  évêques  les  plus  illullres  par  leur  doc- 
trine &  par  leur  fainteté.  C'ell  en  ce  lèns 
que  S.  Grégoire  de  Nazianze  qualifie  d'ar- 
clievêque  S.  Athanafe  lui-même.  Eniuite  ce 
titre  fut  donné  par  déférence  aux  évêques 
des  villes  les  plus  diffinguées  ,  mais  fans 
y  attacher  aucun  rapport  aux  privilèges  qui 
pouvoient  être  attachés  à  leurs  fieges.  Tout 
l'orient  afTemblé  dans  le  troiaemc  concile 
général  d'Ephefe  ,  le  donna  au  pape  S.  Cé- 
leflin  &  à  S.  Cyrille  ,  fans  prétendre  égaler 
les  prérogatives  du  fiege  d'Alexandrie  à  celles 
du  fiege  de  Rome.  D;ms  le  concile  général 
de  Chalcédoine  ,  les  pères  le  donnèrent 
auffi  au  pape  S.  Léon  ;  &  S.  Epiphane  en 
ufa  ainfi  non  feulement  à  l'égard  de  Saint 
Alexandre  &  de  S.  Pierre  martyr  ,  mais 
même  de  Melece  ,  auteur  du  ichifme  qui 
défola  l'orient.  Ce  ne  tut  qu'après  que 
l'évêque  d'Alexandrie  fè  fut  attribué  le  nom 
^ archevêque  ^  qu'il  l'eût  fait  valoir  contra 
les  évêques  de  fa  province ,  qui  lui  iuici- 
toiejit  des  coiueflations  injurtes ,  qu'on  le 
regarda  comme  un  titre  de  prééminence 
&  de  jurifdiâion.  Alors  on  le  reflraignit 
particulièrement  aux  métropolitains  qui 
avoient  des  fuflragans  ,  au  lieu  qu'on  l'avoir 
donné  jufque-là  à  de  fimples  évêques  qui 
n'en  avoienr  aucun.  C'efl  donc  à  l'évêque 
d'Alexandrie  qu'on  doit  proprement  rap- 
porter l'origine  du  nom  à^ archevêque  dans  le 
îèns  où  il  lé  prend  aujourd'hui. 

Mais  ,  quelqu'autorilée  que  fût  l'éghfe 
Grecque  à  dillinguer  ainli  fes  métropoli- 
tains ,  l'églilè  latine  fut  long-temps  fans 
fùivre  fon  exemple.  Celle  d'Afrique  fur- 
tout  s'en  éloigna  julqu'à  profcnre  dans  le 
troifieme  concile  de  Carthage  ,  auquel  afllfîa 
S.  Auguflin,  le  titre  Hê archevêque  ,  comme 
plein  de  fafie  &  d'orgueil.  Vetuit  fynodus 
ucprimxfedis  eptfcopus  non  appelkturprin- 
ceps  facerdotum  amfumniui  facerdos  y  fed 

tantiim 


ARC 

tantùm  prima:  fedis  epifcopus.  Cependant 
elle  aclmctroit  les  titres  d'archl  -  prêtre  , 
d'arclii-dincrc  ,  de  primat  ;  il  e/t  vrai  qu'en 
Afrique  la  priniatic  n'étoit  attachée  à  aucun 
liège  épiicopal  en  particulier ,  mais  à  la 
perlonne  du  plus  ancien  évêque  ,  à  dater 
du  temps  de  (a  promorion  à  l'épifcopat. 
Voyci  Primat  &  Primatie. 

Si  les  autres  égiiies  d'occident  iirent  moins 
d'éclat  que  celle  d'Ahique  ,  il  eft  certain 
qiK  les  principales  ,  telles  que  celles  de 
France  &:  d'Elpagne,  n'avoient  pas  encore 
adopté  ce  titre  dans  le  feptieme  ficcle  , 
comme  il  paroît  par  S.  Ifîdore  de  Séville  , 
qui  vivoit  en  625  ,  &  qui  eft  le  premier 
auteur  latin  qui  faiie  mention  des  arche- 
vtques  ,  &  d'un  grand  nombre  d'évêques 
qui  louicrivirent  au  concile  d'Orléans 
tenu  en  621  ;  nul  ne  prend  ce  titre,  quoi- 
que piuiieurs  prennent  celui  de  métropo- 
litain. 

Ce  que  ce  terme  fembloit  avoir  d'odieux 
ayant  difparu  avec  le  temps  ,  toute  l'égliiè 
d'occident  l'a  adopté  aufli  -  bien  que  celle 
d'orient  ,  comme  un  terme  énergique  & 
propre  à  exprimer  le  degré  d'honneur  & 
de  jurifdiûion  dans  l'épiicopat  ,  qu'ont  les 
métropolitains  fur  les  évêques  leurs  i'uf- 
fragans.  On  ne  diftingue  plus  aujourd'hui 
]a  dignité  de  métropolitain  d'avec  celle 
di'archei'êque.  Uizrchei'éque  a  droit  de  con- 
voquer le  concile  de  (à  province  &  d'y 
prélider  ,  de  juger  par  appel  des  caufes  des 
fujets  de  iés  iutfragans  ,  de  vifiter  même 
fa  province  ,  félon  le  concile  de  Trente  , 
mais  pour  des  raifons  approuvées  dans  le 
concile  provincial.  Il  jouit  encore  de  plu- 
fieurs  autres  prérogatives ,  dont  on  peut  voir 
îcs  fondemens  &  les  preuves  dans  le  P. 
Thomaflin,  Difciplin.  de  l'Eglife  y  lit'.  I , 
pan.  /.  (  G  ) 

ARCHI-ACOLYTE ,  f.  m.  (HiJÎ.  eccUf.) 
nom  d'une  dignité  qui  étoit  au  defTus  de 
Vacùlyce  dans  les  églifes  cathédrales  ,  lef- 
queiies  étoient  divifées  en  quatre  ordres  de 
chanoines  ;  lavoir  ,  les  prêtres ,  les  diacres , 
ies  !ous-diacres  ,  &  les  acolytes  :  ils  avoient 
chacun  leur  chef  ,&  celui  de  ces  derniers 
s'appelioit  arcki  -  acolyte  :  ils  n'affifloient 
point  iiu  chœur  ,  ils  n'avoient  point  de 
voix  au  chapitre  ,  non  plus  que  les  aco- 
-ytes.  Cette  dignité  ell  préfentement  éteinte. 
Tome  IIL, 


A    Pv    C  24ï 

Du  -  Cangc  ,  GloJJjrium   Litinitatis.  {G) 

ARCHI-CAME.UER  ou  ARCHI- 
CHAMBELLAN,  f.  m.  (////?.  mcd.  )  of- 
ficier de  l'empire  d'Allemagne  ,  qui  n'a  pas 
les  mêmes  fondions  que  le  grand-cham- 
bellan en  France  ,  &  dont  la  dignité  n'cft  , 
à  proprement  parler  ,  qu'un  titre  d'homicur. 

L'éleâeur  de  Brandebourg  e(è  archi~ 
chambellan  de  l'empire  ,  comme  il  eft  porté 
par  la  bulle  d'or  ,  &  en  cette  qualité  ,  il 
porte  le  iccptre  devant  l'empereur  ,  &  mar- 
clie  à  la  gaiiche  dc'l'éledeur  de  Saxe.  Dans 
le  feilin  qui  fuit  l'éleûion  de  l'empereur  , 
il  eit  à  cheval  comme  les  autres  électeurs  , 
porte  un  ballin  &  une  aiguière  d'argent 
avec  une  ferviette  fur  le  bras ,  pour  donner 
à  laver  à  ce  prince  :  ce  n'ert  guère  qu'en 
cette  occafion  qu'il  exerce  les  fondions  de 
ia  charge  ,  &  même  il  peut  être  fuppléé 
par  un  vice  -  gèrent  ,  qui  e(l  le  prmce 
d'Hoenzoliern  ,  auffi  de  la  maifon  de  Bran- 
debourg. Heifs  ,  Hilî.  de  VEmp. 

ARCHI-CHANCELIER  ,  f.  m.  [Hifi. 
mod.  )  grand  cliJncelier  ,•  c'étoit  ancienne- 
iiient  le  chef  des  notaires  ,  c'eft-à-dire  ,  des 
fecretaires  d'état.  Voye-;^  CHANCELIER. 

On  trouve  cet  oifice  établi  en  France 
f()us  les  rois  de  la  première  &  de  la  féconde 
race  ,  &  enfiiite  fous  les  empereurs.  Cornmê 
ils  avoient  trois  différons  gouvernemens  ; 
ftvoir  ,  l'Allemagne  ,  l'Italie  ,  &  le  royautne 
d'Arles,  ils  avoient  trois  archi -chance- 
liers ;  ce  qui  fubfille". encore  en  Allemagne  j 
l'archevêque  de  Mayence  eil:  archi-chancelier 
d'Allemagne  ,  celui  de  Cologne  l'eff  d'Italie, 
&  celui  de  Trêves  a  le  titre  (ï archi-chance- 
lier d'Arles. 

Bern.  de  Mallincrot ,  dans  fon  traité  de 
Archicanceliis  Imp.  rom.  montre  que  ces 
trois  archevêques  furent  archi-chancelier  s 
avant  que  d'être  électeurs.  On  trouve  aulïi 
dans  l'hiftoire  ,  des  archi -chanceliers  de 
Bourgogne  ,  &  ce  titre  fut  donné  par 
l'empereur  Frédéric  I ,  à  l'archevêque  de 
Vienne. 

Des  trois  éledeurs  archi-chanceliers  de 
l'empire ,  celui  de  Trêves  &  celui  de  Cologne 
n'ont  aucune  fondion  ;rélcdeur  de  Mayence 
(eul  en  fait  les  fondions  ,  ce  qui  rend  la  di- 
gnité très-confidérable  :  car,  en  cette  qua- 
lité ,  il  efl  le  doyen  perpétuel  des  éledeurs 
&  le  garde  de  ia  matricule  de  l'empire,  fi 

Uli 


24î  ARC 

a  inipection  fur  le  coni'eil  auliquc  ,  fur  la 
chambre  impériale  de  Spire  ;£■:  en  cas  de 
vacance  du  liege  impérial ,  le  droit  de  con- 
voquer les  diètes  d'éleâi'.n.  Non  feule- 
ment il  a  en  fi  pofièlîion  les  archives  de 
l'empire  ,  pour  ce  qui  concerne  i'A!lemac,ne, 
mais  encore  tous  les  diplômes  ,  titres  &c 
papiers  des  afîliires  d'Italie.  Il  y  a  à  la  cour 
impériale  im  vice-cnancelier  qui  garde  ces 
archives  ,  &  en  délivre  des  expéditions. 
L'abbé  de  Fulde  a  aulli  le  titre  d'archi-chan- 
celier  de  l'impératrice  ,  qui  lui  fut  confirmé 
par  l'empereur  Charles  IV,  en  1368.  Heiif, 
Hifl.  de  l'emp.  (  G  ) 

ARCHI-CH ANTRE  ,  f  m.  (////?.  ecd.) 
principal  cliantre  ou  le  premier  des  chantres 
d'une  églilc.  Cette  dignité  eft  encore  en 
ufage  dans  quelques  chapitres.  Voy€\ 
Chantre.  {'H) 

ARCHI-CH APEL AIN  ,  f.  m.  {Hift. 
m.od.)  Sous  la  féconde  race  des  rois  de  P'rance 
le  titre  di  archi-chapelaui  étoit  conlàcré  à 
lignifier  celui  qui  avoit  la  conduite  de  la  cha- 
pelle du  palais.  Son  autorité  éroit  tort  grande 
lùr  tout  ce  qui  pouvoir  concerner  les  af- 
faires eccléfiaifiques.  Il  étoit  dans  le  confeil 
comme  le  médiateur  entre  le  roi  &  les  évê- 
ques.  Souvent  il  décidoit  les  conteftations , 
&  ne  rapportoit  au  roi  que  les  plus  confi- 
dérables.  11  paroît  aufll  par  les  monumens 
<ie  ce  temps-là  ,  qu'on  le  nommoit  grand 
chapelain  ^fouverain  chapelain  ,  quelquefois 
iimplement  chapelain  &  garde  ou  primicicr 
du  palais.  Les  papes  lui  donnoient  aulIl  quel- 
quefois le  titre  &  les  tondions  d'apocri- 
Jiaire  auprès  de  nos  rois.  Voye\  Apo- 
CRISIAIRE. 

Cette  fonftion  fut  d'abord  exercée  par 
des  abbés ,  particulièrement  par  Fulrad  abbé 
de  S.  Denys  ,  fous  le  règne  de  Pépin  ,  & 
enfuite  par  des  évêques.  L'archi-chapelain 
étoit  alors ,  en  même  temps  ,  aflez  fouvent 
chancelier  ,  ou  ,  comme  on  difoit  alors  ,  no- 
taire du  roi.  Sous  la  troifieme  race  il  n'efl 
plus  fait  mention  d'archi-chapelain  ,  mais  de 
chapelain  ,  de  confefleur  ,  d'aumônier  ,  & 
enfin  de  grand  aumônier.  T'^oye:^  GRAND 
AUMÔNIER.  Thomaflin  ,  Difciplin.  eccléf. 
part.  III,  lii:  I,  chap.  liv.  Ù  pan.  IV,  liv. 
1  ,  ch.  Ixxwj. 

Al^CHIDAPIFER,  fub.  m.  {Hifl. 
mçd.  )  grand  maître  d'hôtel  :  c'ell  le  nom 


ARC 

d'un  des  grands  officiers  de  l'empire.  L'e'- 
lecicur  de  Bavière  eft  revêtu  de  cette  char- 
ge ,  qui  lui  a  été  conteflée  par  les  éleâeurs 
Palatins  ,  ceux-ci  prétendant  qu'elle  étoit 
annexée  au  Palatinat  ;  mais  ils  le  font  dé- 
fillés  de  cette  prétemion.  Voye\  PalATIN. 
Il  faut  diltinguer  cette  charge  de  celle  de 
grand  maître  d'hôrd  de  l'empereur  ,  qui 
ti\  la  première  de  la  cour.  Sous  celui-ci 
iont  les  contrôleurs  ,  les  tréioriers  ,  les  ar- 
gentiers ,  les  officiers  de  la  bouche  ,  les 
maîtres  &  autres  officiers  de  cuiline  , 
d'échanf()nnerie  ,  de  lommélene  ,  de  pan- 
netcrie  ,  de  fruiterie  ,  les  pourvoyeurs  ,  & 
les  marchands  qui  en  dépendent.  HeifT, 
Hijl  de  l'enzp.  (  G  ) 

ARCHIDIACONAT  ,  f.  m.  (  Hifl. 
eccléf.  )  dignité  d'archidiacre.-  Voye^  ci~ 
dejfcus  Archidiacre. 

ARCHipiACONÉ  ,  eft  la  portion 
d'un  diocele  liijettc  à  la  vilite  d'un  archi- 
diacre. 

ARCHIDIACRE  ,  f  m.  (  Hifi.  eccUf.  ) 
nom  que  Ton  donnoit  anciennement  au 
premier  des  diacres  ,  ou  à  celui  qui  éioit 
leur  chef.  St.  Augultin  attribue  ce  titre  à 
S.  Etienne  ,  parce  que  S.  Luc  le  nomme  le 
premier  desfept  diacres.  II  n'y  avoit  d'abord 
que  les  diacres  qui  pufîènt  être  élevés  à 
cette  dignité  ;  &:  li  celui  qui  en  étoit  revêtu 
recevoit  l'ordre  de  prêtrife,  il  ne  pouvoir 
plus  exercer  la  iondiionà' archidiacre  ;  mais 
dans  la  fuite  on  donna  auffi  ce  titre  à  des 
prêtres  ,  comme  on  le  voit  dans  Hincmar  , 
fan  877. 

U' archidiacre  ,  dit  M.  Fleury  dans  fon 
Inftituticn  au  droit  ecclejiafiique  ,  tome  I , 
partie I,  chap.  xjx,pa>g.  2  68,  &fuii\  étoit, 
des  les  premiers  temps ,  le  principal  miniftre 
de  l'évêque  pour  toutes  les  fondions  exté- 
rieures ,  particulièrement  pour  l'adminiftra- 
tion  du  temporel  :  au  dedans  même  il  avoit 
foin  de  l'ordre  &  de  la  décence  des  offices 
divins.  C'étoit  lui  qui  préfentoit  les  clercs 
à  l'ordination  ,  comn>e  il  fait  encore  ,  qui 
marquoit  à  chacun  ton  rang  &  fes  fonc- 
tions ,  qui  annonçoit  au  peuple  les  jours  de 
jeûne  ou  de  fête  ,  qui  pourvoyoit  à  l'or- 
nement de  l'églife  &  aux  réparations.  Il  avoit 
l'intendance  des  oblations  &  des  revenus 
de  l'cglifc ,  fi  ce  n  étoit  dans  celles  où  il  y 


ARC 

avoir  des  économes  particuliers.   Il   faifoit 
(lillribuer  aux  clercs  ce  qui  étoit  rér;lé  pour 
leur  liiSriftance  ,   &  avoit  toute  la  direOion 
àcs  pauvres,  avant  qu'il  y    eût  des    liôpi- 
raux.  Il  éroit  le  cenfeur  de  tout  le  bas  clergé 
&  de  tout  le  peuple ,  veillant  A  la  correc- 
tion des  nifjLur^i.    11  devoir  prévenir  ou  ap- 
jiail'er  les    querelles  ,    avertir    l'évêque  des 
défordres ,  &    être    comme    le   promoteur 
pour    en  pourl'uivrc    la  réparation   :    auffi 
r,ippelloir-on  la  main  &  rœil  de  Vévêque. 
Ces  pouvoirs  ,   continue  M.  Fleury ,  atta- 
chés aux  cliolês  fenfibles  &  à  ce  qui  peut 
intéreder  les  hommes ,  mirent  bientôt  l'i^'- 
chidiacre  au  delîus  des  prêtres  ,    qui  n'a- 
voient   que   des  loiiûions    purement  fpiri- 
tuclles  ;    juiqur-là   qu'ils  en   vinrent  à  mé- 
prilêr  les  prijrres  ;  vanité  contre  laquelle  S. 
Jérôme  s'élc/a  vivement.  \j^ archidiacre  n'a- 
voit  toutefois  aucune  jurifdiûion  fur   eux 
jiifqu'au  VP  fiecle  ;  mais  enfin  il  leur  fut 
rupcrieur  ,  &  même  aux  arcl-.iprêtres  :  ainfi 
il  devint  la  première  perfonne  après  l'évê- 
que ,    exerçant    fa    juriidiûion    &    failant 
{es  vifites ,    foit   comme   délégué  ,    foit  à 
caule  de  ion  abfcnce  ,  ou  pendant   la  va- 
cance du  fiege.  Ces  commilllons  devinrent 
enfin  fi  fréquentes ,    qu'elles  tournèrent  en 
droit   commun  ;  enforte  qu'après  l'an  loco 
les  archidiacres  furent  regardés  comme  juges 
ordinaires  ,  ayant  juril'didion  de  leur  clief, 
avec  pouvoir  de  déléguer  eux-mêmes  d'au- 
tres juges.   Il   efl  vrai  que  leur  jurifdidion 
étoit    plus    ou   moins   étendue,    félon   les 
différentes   coutumes  des  églifes ,  &  félon 
que  les  uns  avoicnt  plus    empiété    que  les 
aurres  ;  elle  étoit  aufli  bornée  par  leur  ter- 
ritoire ,  qui    n'étoit    qu'une  partie    du  dio- 
cele  :  car  depuis  qu'ils  devinrent  li  puiflans  , 
on  les  multiplia  ,  fur-tout  en  Allemagne  , 
&  dans  les  autres  pays  où  les  diocefes  font 
d'une  étendue  excefllve  ;  celui  qui  demeura 
dans  la  ville  prit  le  titre  de  grand  archi- 
diacre.  Dès  le  IX*^  fiecle  il   fe   trouve  des 
archidiacres  prêtres,   &   toutefois  il   y  en 
a  eu  loo  ans  après  qui  n'étoient  pas  même 
diacres  ;  tant  l'ordre  étoit  dès-lors  peu  con- 
fidéré  en  comparaifon  de  l'office.  On  les  a 
obligés  à  être  au   moins  diacres  ;  &  ceux 
qui  ont  charge  d'ames ,  A  être  prêtres.  C'eft 
ia^difpofition  du    concile  de  Trente  ,  iS'f^ 
XXI  l'^.  de   reform.  c.  xij. 


ARC  143 

Les  évêques  fe  trouvant  ainfi  prcfque  dé- 
pouillés de  leur  jurililiclion  ,  travaillèrent 
après  l'an  1200  à  diminuer  celle  des  archi- 
diacres ,  leur  défendant  de  conntn^re  des 
caufes  des  mariages,  &  des  autres  les  plus 
importantes ,  &  d'avoir  des  officiaux  qui 
jugeaifent  en  leur  place.  L'aflemblée  du 
clergé  tenu  à  Melun  en  1579  ,  rcRreint  à 
cet  égard  les  droits,  auxquels  préteiuloient 
les  archidiacres  ;  &  divers  arrêts ,  foit  du 
conicil ,  foit  du  parlement ,  ont  limité  leur 
jurifdidion  contentieulc.  ThomalKn  ,  Dif~ 
cipline  de  Veglife  ,  part.  I ,  lit:  J ,  ch.  xxv 
&  xxxj.  pan.  JT ,  lir.  7,  chap.  xiij  &  part. 
Il  ,  liv.  I ,  chap.  xij  ,  b  part.  IV^  la:  /, 
chap.  xxi: 

Uavchidiacre  cfî  obligé  de  faire  Aqs  vifi- 
tes dans  fon  diflrift  ,  qu'on  n(.'mme  archi- 
diacone.  Il  y   connoît  des   matières  provi- 
fionnelles    &  qui  le   doivent  juger  fur    le 
champ  ,  mais  pour  la  plupart    de    peu  de 
conléquence.  Il  y  a  quelquefois    j'jlufieurs 
archidiacres  dans   une  irême   cathédrale  , 
qui  ont  chacun  leur  difirid: ,  iur-tout  dans 
les  grands    diocefes  ,     &    dans    quelques- 
unes  ils  ont  des  places  diflinguées  au  chœur. 
En  quelques  diocefes  ,  comme  dans  celui 
de  Cahors  ,  les  archidiacres  tiennent  le  pre- 
mier  rang    après    l'évêque  &    devant    les 
doyens  ,  ce  qui  s'obfervoit  autrefois  en  An- 
gleterre. Il  y  avoit  anciennement  un  archi- 
diacre de  l'églife  romaine,  &  le  pape  Ge- 
iafe  II  avoit  exercé  cette  dignité  avant  que 
d'être  élevé  au   fouverain   pontificat.  Pan- 
vinus  dit  que  Grégoire  VII  fupprima  cet 
office  ,  &  établit  en  (a  place  celui  de  camé- 
rier  ,   pour  garder  le  tréfor  de  l'églife   ro- 
maine. On  lit  néanmoins  dans  l'hiffoire ,  qu'il 
y  a  eu  depuis  des  archidiacres  fous  Urbain 
II ,, Innocent  II ,  &  Clément  III.  A  l'égard 
des  archidiacres  cardinaux  ,  ils  ont  été  ainfi 
'  appelles ,  non  qu'ils  cufTeni  le  titre  de  car- 
I  dinal    de   l'cglife   romaine ,   mais  du  nom 
'  cardinalis  ,  qui  {ignifie  principal.  Dans  l'é- 
I  glife  de  Conflantinople  le  grand  archidia- 
cre eft   du  nombre  des    officiers ,  comme 
j  on  peut  le  voir  dans  le  catalogue  des  offi- 
1  ciers  de  cette  églife  ,  que  le  F.Goara  fait 
imprimer;  &   c'efl  à  lui  à   lire    l'évangile 
lorlque  le  patriarche  célèbre  la  liturgie  ,  ru 
il  en  commet  un  autre  peur  la  lire   en   fa 
place.  Du-Cange ,   Glojfar.  latinit. 

Hii  > 


244  ARC 

Le  P.  Morin  obferve  que  le  tirre  d'ar- 
chidiacre  efi  devenu  aujourd'hui  un  titre 
aflez  inutile  en  quelques  églifes  où  l'on 
pourroit  s'en  pafler.  Leur  principale  fonc- 
tion, dit-il  ,  ert  d'examiner  la  dépcnie 
du  revenu  des  églifes ,  d'avoir  l'œil  fur 
leur  temporel  ,  de  faire  rendre  les  comp- 
tes aux  marguilliers  des  paroiiïes  ,  &  de 
voir  s'il  ne  s'y  commet  point  d'abus  ; 
ce  que  peuvent  faire ,  ajoute  cet  au- 
teur ,  les  cvcques  ou  les  grands  vicaires 
dans  le  cours  de  leurs  vifites. 

L'auteur  des  fupplémens  au  diâionnaire 
Àt  Moreri ,  traite  allez  au  long  ,  &  prouve 
par  des  taits  ,  la  prétention  que  forment  en 
quelques  dioceles  les  archidiacres ,  du  droit 
de  dépouille  ou  des  funérailles  .  Ils  préren- 
dent ,  dit-il ,  que  lorfqu'un  curé  de  leur 
archidiaconé  ell  mort  ,  ils  ont  droit  d'a- 
voir fon  lit,  ion  bréviaire,  Ion  lurpbs , 
fbn  bonnet  quarré ,  &  une  anuéa  du  re- 
venu de  la  cure  ,  qu'ils  appellent  ['année 
du  déport.  Dans  d'autres  endroits  il^  pren- 
nent auiii  le  cheval  du  dclunt.  M.  Thiers, 
ajoute-t-il ,  dans  ("on  Traité  de  la  dé- 
pouille des  curés  ,  li^uncnt  que.  ce  droit  ell 
une  pure  exadion,  &.  qu'il  ell:  contraire 
aux  canons  des  conciles  ,  aux  décrets  des 
papes ,  aux  libertés  de  l'esiliie  gallicane  , 
aux  ordonnances  de  nos  rois ,  aux  lorx  & 
aux  coutumes  générales  du  royaume,  & 
aux  arrêts  du  parlement.  Ce  droit  de  dé- 
port étoit  accordé  aux  archevêques  ou  évê- 
ques  par  des  privilèges  particuliers  du  pape, 
comme  il  paroît  par  un  bref  de  12.46 , 
accordé  à  l'archevêque  de  Cantorberi  ;  & 
par  la  fuite  dans  d'autres  églifes  les  archi- 
diacres le  partagèrent  avec  les  évêques  ,  à 
la  charge  de  faire  deflervir  le  bénéfice  pen- 
dant l'année  du  déport.  Il  fubfifle  encore 
en  Normandie,  où  l'on  tâcha  inutilement 
de  l'abolir  dans  le  concile  de  Rouen  en  1521. 
JC^oyf:^ DÉPORT.  Thomair.  Difcip.  del'égl. 
paît.  IVy  lii'.IV,  ch.xxxij.  Supplément 
au  diclionn.  dt  Aloreri ,  tom,  /_,  lett.  A 
au  mot  Archidiacre. 

Binghani  remarque  qu'anciennement  l'ar- 
chidiacre  étoït  choifi  par  l'évcque  ,  au- 
quel fouvent  il  fuccédoit  ;  que  ces  princi- 
paux ofîices  étoJent  de  fervir  l'és'êque  à  l'au- 
tel; &,  au  conuTtencemcnt  de  la  communion, 
tic   cficr  À-  haute  voix  au  peuple,  nemo 


ARC 

contra  aliquem,  nemo  injimulatione  accédât" 
d'adminiflrer  ious  l'évêque  les  revenus  de' 
l'églife  ;  de  le  foulager  dans  le  miniftere  de., 
la  parole  ;  d'alFifler  aux  ordinations  des  moin- 
dres clercs,  &  de  leur  préfenter  les  inflru- 
mens  de  leur  ordre  ;  d'infliger  des  peines  ca- 
noniques aux  diacres  &  autres  clercs  infé- 
rieurs. Il  ajoute  qu'ondonne  à  F  jr^/z/t/Zacre  les 
noms  de  chorévêque  &:  â'jc-r^fjirrf ,  c'eft-à- 
dire  ,  infpeâeur  ou  l'ijiteur.  Quelques-uns. 
croient  que  l'archidiacre  avoit  inipcâion 
fur  tout  le  diocele  ,  &  d'autres  fur  quelque 
partie  feulement.  Habert  regarde  la  dignité- 
d'archidiacre  comme  d'inftiiution  apoiioli- 
que  ;  d'autres  en  fixent  l'origine  vers  le  mi- 
lieu du  troifieme  fiecle  :  &  Saumaifè  a  mcrae 
prétendu  ,  mais  fauflement ,  qu'elle  etoit 
inconnue  du  temps  de  S.  Jérôme.  Bingham , 
orig.eccleftaJt.lib.il,  cap.xxj,  §  P' ,  x  y. 

34-  J  6'  ./>?•  (  G  ) 

ARCHIDAME,  {Hifl.  de  Lacédémone.y 
monta  fur  le  trône  de  Sparte  au  milieu 
àes  calamités  publiques.  Athènes  avoit  re- 
pris fa  fupsriorité ,  l'état  étoit  décl-Jré  de 
fadions.  Un  tremblement  de  terre  bou- 
leverfa  toute  la  Laconie  ,  qui  refla  preiquo 
ians  habitans.  Les  Ilotes ,  ennemis  fecrets 
des  Lacédémoniens ,  qui  les  traitoient  eii: 
elclaves  ,  profitèrent  de  cette  défolation 
pour  fe  venger  de  leurs  maires  infolens. 
Les  MefTéniens  qui  avoient  une  origino- 
commune  avec  ces  peuples  opprimés ,  leur- 
envoyerent  du  fecours  pour  les  relever  de 
leur  dégradation.. Cette  guerre  n'otîrit  quj' 
des  fcenes  d'atrocités.  Les  Ilotes  vouloienr 
exterminer  jufqu'au  dernier  des  Lacédé- 
moniens. Mais  malgré  la  fupériorité  de 
leur  nombre ,  ils  furent  contraints  de  (c. 
retirer  -X  Itonic  en-  Mefîcnie  ,  d'où  ils  fi- 
rent des  courtes  fur  le  territoire  de  Lacé- 
démone.  Les  Spartiates  implorèrent  l'afll!- 
tance  des  Athéniens ,  qui  turent  allez  gé- 
néreux pour  oublier  qu'ils  avoient  été  of- 
tenfés  ;  mais  ces  nouveaux  aUiés  devinrent 
bientôf  fufpeds ,  &.  cet  outrage  lait  .\ 
leur  fidélité,  les  rendit  ennemis  de  ccu?c 
dont  ds  s'étoient  oHcrrs  d'être  les  libéra- 
teurs. Il  s'éleva  une  guerre  (anglante  qui  ' 
partagea  la  Grèce.  Les  Spartiates  &  les 
Aibéniens  cmbrallerent  chacun  un  parti 
différent.  Le  début  en  fut  heureux  piuir 
Athènes  ;  mais,  la  fortune  ,    à  force  de. la.. 


ARC 

favorifer  ,  multiplia  fcs  ennemis.  Toute  la 
Grèce  ic  foiileva  contre  elle.  Ardiulame  fut 
ehoiiî  pour  être  le  pacificateur  de  la  Grèce 
&  l'arbitre  des  dillcrcnds.  Mais  les  efprits 
étoient  trop  aigris  pour  concourir  à  les 
vues  pacifiques.  Il  fallut  reprendre  les  ar- 
mes ,  &  toutes  les  villes  regardèrent  les 
Spartiates  comme  leurs  libérateurs.  A:chi- 
darne  laiffe  trente  mille  hommes  pour  la 
défenll  de  la  Laconie  ,  &  entre  à  la  tête 
de  foixante  mille  dani  l'Attique.  La  Grèce 
n'avoit  jamais  mis  i'ur  pié  une  armée  aulFi 
fcmid-ible.  Archidame  ,  avant  de  com- 
mencer les  huflilités  ,  députe  un  Spartiate 
aux  Athéniens  ,  mais  ils  retulerent  de  l'en- 
tendre ,  iufqu'à  ce  que  leurs  ennemis  eui- 
fent  mis  bas  les  armes.  L'Attique  fut  dévaf- 
rée  ,  ians  que  les  Ar!:cniens  ,  renfermés 
dans  leurs  villes  ,  fifient  aucun  mouve- 
ment. Tranquilles  dans  leurs  murailles  , 
leurs  armées  les  vengeoient  dans  le  Pélo- 
ponelè  ,  &  ravageoicnt  cette  riclie  contrée. 
L'année  iuivante  n'offrit  encore  que  des 
fcenes  de  déiolation  :  nul  parti  ne  rem- 
porta des  avantages  déciiifs  ;  mais  la  pefle 
épuila  les  Athaiiens ,  qui  abaiflèrcnt  leur 
fierté  ,  &  demandèrent  la  paix.  Archidame 
fe  louvenant  de  la  réception  faite  à  fon 
député  ,  répondit  qu'il  ne  favoit  point 
pardonner  quand  on  le  forçoit  de  punir  ; 
la  guerre  fut  continuée  avec  fureur.  Les 
Platéens  ,  alliés  des  Athéniens ,  furent  ai- 
fiégés  &  obligés  de  fe  rendre  après  deux 
ans  de  ré'àihnce.  Archidame  les  abandonna 
aux  vengeances  des  Thébains  ,  leurs  im- 
placables ennemis.  Tous  furent  égorgés 
par  ces  vainqueurs  barbares  avec  les  Athé- 
niens qui  fe  trouvèrent  dans  leur  ville. 
Archidame  mourut  l'an  42.6  avant  Jcfus- 
Chriil.(r-iv.) 

ARCHIDAiMIE,  {Hifi.  anc.)  femme 
Spartiate  ,  fut  l'honneur  de  fon  fexe ,  & 
mcrita  d'avoir  une  place  parmi  les  défcn- 
feurs  de  la  patrie.  Pyrrhus  ,  roi  d'Epire , 
aipiranr  à  la  doiiiination  de  la  Grèce  ,  af- 
fiégcoit  Sparte  prel.^^ue  ians  défjnfe  ,  il  fut 
arrêté  que,  pourfe  debarralîêr  des  bouches 
inutiles  ,  en  enverroit  ks  femmes  <m  Can- 
die. Gette  réfolution  parut  llétrifîàDte  à 
Archidamie  :  elle  le  traniporte  dans  la  fa;le 
du  confcil ,  tenant  en  là  main  une  épée 
aue.;,  &,,  le  char^içanc  de  venger  i'hon- 


A  R  C  247 

neur  des  femmes  ;  elle  reproche  à  ceux: 
qui  avoient  opiné  contre  elles  ,  l'injuilice 
de  les  avoir  crues  allez  lâches  pour  fur- 
vivre  à  la  ruine  de  la  patrie.  Cette  fer- 
meté couraecufe  fit  révoquer  la  délibéra- 
tion. .<'irc-/ii.;U/n/>  ,  à  la  fê;e  des  femmes  , 
fè  joignit  aux  vieillards  débiles  ,  &  tous 
travaillèrent  à  l'envi  aux  tranchées  qu'oii 
formoit  vis-à-vis  du  camp  ennemi.  Lorf- 
que*  l'ouvrage  fi.it  achevé  ,  elles  voulurent 
elles-mêmes  armer  les  hommes  en  h's  exhor- 
tant de  détendre  avec  inrrépidiré  le  rem- 
part qu'elles  venoient  d'élever  ,  ou  de 
mourir  en  Spartiates.  Les  unes  le  précipi- 
toient  avec  les  foldats  dans  la  mêlée  .}- 
d'autres  alloient  leur  chercher  des  flèches  & 
des  javelots  :  elles  leur  donnoient  à  boire 
&  cT  manger  ,  &  remportoicnt  fiir  leur* 
épaules  les  blcflés  pour  les  faire  panier-- 
Ce  tut  la  valeur  héroïque  de  ces  femmes 
qui  lauva  Sparte  d'un  joug  éiranger.  Pyr- 
rhus ,  forcé  de  lever  le  iiege  ,  avoua  qu'il 
avoir  été  vaincu  par  des  femmes.  (  T-n.  ) 

*  ARCHIDANA  ,  (  Géogr.  )  petite 
ville  d'El'pagne  dans  l'Andaloufie  ,  fur  le 
Xénil. 

*  ArchIDANA  ,  petite  ville  de  l'Amé- 
rique méridionale,  dans  le  Pérou,  &  la 
province  de  la  Caneile. 

ARCHIDUC  ,  f.  m.{Hi_ll.  mod.  )  cft  un  - 
duc  revêtu  d'une  autorité  ,  d'une  préémi- 
nence fur  les  autres  ducs.  V'ojei  Duc. 

V archiduc  d'Autriche  efl  celui  dont  les 
titres  lont  les  plus  anciens.  Il  y  a  eu'auiU- 
archiducs  de  Lorraine  &  de  Brabant. 

L'Autriche  fut  érigée  en  marquiiiu  par 
Othon  ou  Henri  I ,  &  en  duché  par  I"  ré- 
deric  I,  en  1 1 56  ■  mais  on  ne  lait  pas  le  temps 
où  le  nom  d'archidache  lui  fut  donné.  Les 
uns  croient  que  ce  fut  Frédéric  iV  qui 
prit  le  premier  le  nom  d' archiduc  ■.  d'au- 
tres ,  que  ce  nom  fut  accordé  par  Maxi- 
milien  I ,  en  14^9  »  ^  "ï"-'''!  annexa  à  cette 
qualité  de  très-grands  privilèges  ;  les  pr:;  -- 
cipaux  lont  ,  que  Varckiduc  exerce  ton  e 
julhce  dans  Ion  don-Kiine  ,  Ians  appel:  qu'il 
■cff  cenfé  recevoir  1  invefliture  de  (es  ératï  , 
après  en  avoir  fait  la  demande  par  trois  fois  ; 
qu'il  ne  peut  être  dépouille  de  Ion  état  , 
même  par  l'empereur  oc  les  états  de  1  eir.- 
pire  ;  que  Ion  ne  peut  conclure  aucune 
atràirc  qui  concerne  l'empire ,  Ians  là  par- 


1^6  ARC 

ticipation  ;  qu'il  a  le  pouvoir  c^e  créer  des 
comtes  ,  des  barons ,  &  d'anoblir  dans  tous 
les  états  de  l'empire  ;  privilèges  que  n'ont 
point  les  autres  ducs.  Outre  cela  ,  dans  les 
dictes  de  l'empire  l'archiduc  d'Autriche  tient 
le  directoire  des  princes  ,  c'ert-à-dire  qu'il 
préiidc  à  leur  collège  alternativement  avec 
l'archevêque  de  Salzbourg.  Cette  alterna- 
tive ne  fe  fait  pas  à  chaque  féance ,  mais 
à  chaque  changement  de  matière  :  fans 
pourtant  que  l'un  &;  l'autre  quittent  leur 
place  pendant  qu'on  agite  les  propofitions 
£.1  qu'on  eil  aux  opinions  :  mais  Wirchiduc 
fait  toujours  l'ouverture  de  là  diète.  HeifT, 
HiJ}.  de  V empire.  (G) 

ÀRCHIDRUIDE,  f.  m.  {Hifl.anc.)  chef 
ou  pontife  des  Druides ,  qui  étoienr  les  fages 
ou  les  prêtres  des  anciens  Gaulois.  Vcyeî^ 
Druides.  (G) 

ATICÎ-ÎÏ-ECHANSON  ou  GRAND- 
ECHANSON  ,  r.  m.  {Rijh  rriod.)  dignité 
de  l'empire.  Le  roi  de  Bohême  ,  en  qua- 
lité d'éledcur  ,  en  efl  revêtu  ,  &  fa  fonc- 
tion confillc ,  dans  le  feffin  qui  fuit  l'éledion 
d'un  empereur  ,  à  lui  préfenter  la  première 
coupe  de  vin  ;  mais  11  n'cfl  point  obligé  d'a- 
voir en  cette  occafion  la  couronne  liFr  la  tête. 
Il  a  pour  vicaire  ou  fous-échanfon  le  prince 
héréditaire  de  Limhourg.  Heifif,  Htft.  de 
r empire.  {G) 

ARCHI-EPîSCOPAL ,  adj.  fe  dit  de  ce 
qui  a  rapport .  à  la  dignité  ou  à  la  per- 
fonne  d'archevêque  ;  ainfi  l'on  dit  ,  palais 
nrchi-epifcupal  ,  croix  archi-c'pifcopale  , 
cour  archi-épifcopale  ,  jurifdiclion  archi- 
e'pifcopale.  Le  paliium  eft  un  ornement 
archi-epifcopd.  roy€\  Croix  ,  JURIS- 
DICTION  ,   PALLIUM. 

ARCHI-EPISCOPAT  ,  f.  m.  {Hifl. 
eccle'Jidfl.  )  le  dit  de  la  dignité  d'un  arche- 
vêque. U archi-c'pifcopat ,  quant  à  l'ordre , 
n'ert  dans  le  fond  que  la  même  chofe  que 
i'épil'copat.  Le  premier  lui  ell  iupérieur  par 
la  jurifdiflion.  Archi-e'pifcopat  fe  prend  aiiflî 
pour  la  durée  du  temps  qu'un  archevêque 
a  occupé  le  iiege  archi-épilcopal.  M.  le  car- 
dinal de  Noailles  mourut  ap-ts  trente-quatre 
3ns  à'archi-épifcopat.  [G) 

ARCHI-EÙNUQUE ,  f  m.  {Hifl.  anc.) 
le  chef  des  eunuques.  Voye\  EuNUQUE. 

Sous  les  empereurs  grecs  Varçhi-eunugue 


ARC 

étoit  un  des  principaux  officiers  à  Confîan- 
tinople. 

ARCHIGALLE  ,  ( ///^.  arx.)  chef  des 
Galles  ou  des  facrificatcurs  de  Cybele  , 
grand-prêtre  de  Cybele.  On  le  tiroit  ordi- 
nairement d'une  famille  difiinguée.  Il 
étoit  vêtu  en  tcmmc  ,  avec  une  tunique 
&  un  manteau  qui  lui  delcendoient  jul- 
qu'aux  talons.  Il  portoit  un  collier  qui  lui 
delcendoit  fur  la  poitrine  ,  &  d'où  pen- 
doient  deux  têtes  d'Atys  (ans  barbe  ,  avec 
le  bonnet  Phrygien. 

ARCHIGIŒLIN  ,  terme  de  Garderie  ; 
c'ell  un  cordage  commis  trois  lois  ,  & 
compoié  de  piuficurs  grelins.  Le  plus 
limple  de  ces  cordages  aura  vingt-fept 
torons  ;  &  li  l'on  vouloit  faire  les  cordons 
à  fix  torons  ,  les  grelins  de  même  à  fix 
cordons  ,  &  Wirchigrelin  auffi  à  fix  grelins  , 
on  auroit  une  corde  qui  ieroit  compofée 
de  deux  cent  ièize  torons.  Mais  cette  corde 
en  leroit-elle  meilleure  ?  j'en  doute.  Il  ne 
feroit  guère  poUible  de  multiplier  ainfi  les 
opérations ,  lans  augmenter  le  tortillement  ; 
&  lùrement  on  perdroit  plus  par  cette  aug- 
mentation du  tortillement ,  qu'on  ne  gagne- 
roit  par  la  multiplication  :  ces  cordes  de- 
viendroient  fi  roides  ,  qu'on  ne  pourroit 
pas  les  manier  ,  iur-tout  quand  elles  fe- 
roient  mouillées  ;  d'ailleurs  elles  lèroient 
fort  difficiles  à  fabriquer  ,  &  par  confé- 
qucnt  très-fujettes  à  avoir  des  défauts.  Voye'^ 
Corde. 

ARCHILEVITE,  f.  m.  Voyei  ARCHI- 
DIACRE. 

ARCHILUTH ,  f  m.  {Lmh.  ÙMufiq.) 
forte  de  grand  luth  ,  ayant  les  cordes  éten- 
dues comine  celles  du  théorbe  ,  &  étant  à 
deux  jeux  ;  les  Italiens  s'en  fervent  pour 
l'nccompagremenf.  Brojf.  pag.  z  o.  Voye^ 
Théorbe  &LuTH  ,  Ù  U  table  du  rapport 
de  l'étendue  des  injlrumens  de  mujique  ,  où 
les  nombixs  1,2,3,  4  ,  6v.  marquent 
prr  les  notes  ,  vis-à-vis  lelquelles  ils  font 
placés  ,    quels  fcns  rendent  ces   cordes   A 

ARCHIMANDRITE,  f  m.  {Hifl.  mod. 
esck'f.)  Ce  nom  i;gn:fioit  anciennement  le 
fupe'rietir  uun  monaflere  y  &  revient  à  ce 
cu'on  appelle  préfentemcnt  un  ahhe  régu- 
lier. Vcyc~y  A3BÉ  ,  Supérieur  ,  «Sv. 

Covarruvias  oblerve  que  ce  mot  lignifie 


AR  C 

littéralement  \cchefo\x  le  gLiide  d'un  trou- 
peau ;  &;  ,  dans  ce  Ions ,  il  peut  convenir  à  un 
fupcrieur  ecclcfuillique  :  railll  tr(,)u\  c-t-on 
dans  î'hifbire  ce  nom  quelquefois  donné 
îiux  archevêques ,  mais  dans  l'égliie  gre- 
que ,  il  étoit  &  cil  encore  particulièrement 
atFecié  au  liipérieur  d'une  abbaye  ou  mo- 
nallere  d'hommes. 

M.  Simon  allure  que  ce  mot  efl  originai- 
rement lyriaque  ,  au  moins  ia  dernière 
partie  >  maïuirhe ,  qui ,  dans  un  Icns  éloi- 
gné ,  liguiiîe  un  foUtaire  ou  un  moine  :  la 
première  eft   greque,»!^"" ,  empire,  autorite. 

Les  abbés  des  monalleres  ,  en  Aloicovie  , 
où  l'on  iliit  le  rire  grec  ,  ié  nomment  ar- 
chimandrites ;  &  les  lupéricurs  des  caloyers, 
ou  autres  moines  répandus  ,  tant  dans  la 
Grèce  moderne  ,  que  dans  les  îles  de  l'Ar- 
chipel,   portent  aulli  le  même  titre. 

ARCHI- MARECHAL,  f.  m.  {Htfl. 
mod.)  On  nomme  ainh  le  grand  maréchal 
de  l'Empire.  Voyei  Map.ÉCHAL.  L'élec- 
teur de  Saxe  efl  arclii-marechal  de  l'Empire, 
&  ,  en  cette  qualité ,  il  précède  immédiate- 
ment l'empereur  dans  les  cérémonies  ,  & 
porte  devant  lui  l'épée  nue.  Avant  le  dîner  qui 
ïliit  le  couronnement  de  l'empereur  ,  Yar- 
chi-maréchal  accompagné  de  les  officiers, 
monte  à  clieval ,  6c  le  poulFe  à  toute  bride 
dans  un  grand  monceau  d'avoine  amaflee 
dans  la  place  publique  ;  il  en  emplit  une 
grande  mefure  d'argent  qu'il  tient  d'une 
main  ,  &  qu'il  racle  de  l'autre  avec  un 
rafoir  auffi  d'argent  :  enfuite  de  quoi  il 
donne  cette  mefure  au  vice-maréchal  héré- 
ditaire de  l'Empire  ,  qui  la  rapporte  à  la 
maiibn-de-ville.  Cette  dernière  charge  eft 
depuis  long-temps  dans  la  maifon  de  Pap- 
penheim.  Heifl",  Hift.  dePEmp. 

ARCHIMIME  ,  f.  m.  {Hijl  anc.)  c'efl 
la  même  chofe  qu'archibouffon  ou  bateleur. 
Les  archimimes ,  chez  les  Romains ,  étoient 
dçfi  gens  qui  imitoient  les  manières  ,  la 
contenance  &  le  parler  des  perfonnes  vi- 
vantes ,  &  mêmedesmorts.  Voye\  MlME. 
On  s'en  fervit  d'abord  pour  le  théâtre , 
enfuite  on  les  employa  dans  les  fêtes  ,  & 
à  la  fin  dans  les  fiinérailles.  Ils  marchoient 
après  le  corps ,  en  contrefaifant  les  geiks 
&  les  manières  de  la  pcrfonnc  morte  ,  com- 
me fi    elle   étoit   encore  vivante.    Voye^ 

Funérailles. 


ARC  147 

APvCHIMINISTRE,|f.  m.  {Hij}.  mod) 
le  premier  minillre  d'un  prince  ou  d'un 
état.  Char'.es-le  Cjiauve  ayant  déclaré  Bofon 
ion  viceroi  en  Italie  ,  le  fit  auffi  Ion  pre- 
mier min'llre,  ibus  le  titre  d'archiminiffre. 
Ce  mot  ell  formé  du  grec  x^kô  ,  &c  du  latin 
minijler  ,  Choricr.  (G) 
^  ARCHIPEL  (  duché  de  /'  )  ,  Géogr. 
fouveraineté  qui  a  duré  plufieurs  fieclcs 
dans  la  mail'on  des  ducs  de  Naxe  ,  alors 
propriétaires  de  la  plupart  des  ilcs  de  la 
mer  Egée.  Le  dernier  duc  qui  la  pofieda 
hit  Jacques  Crifpo.  Le  grand  feigneur , 
Selim  II,  la  lui  enleva  en  1^5^,  pour  la 
donner  au  juif  Michez  ,  qui  la  gardf»  peu 
de  temps.  Depuis  la  mort  de  ce  dernier  , 
elle  fait  partie  de  l'empire  Ottoman.  (C-«4.j 

ARCHIPEL  ou  ARCHIPELAGE,  fub. 
m.  (Géog.)  terme  de  Géographie,  qui 
lignifie  une  mer  entre-coupée  d'un  grand 
nombre  d'îles.  Voye7^  Mer. 

Ce  mot  ell  formé  par  corruption  ,  félon 
quelques-uns  ,  (ÏJEgeopelagus  ,  mer  Egée , 
lormé  à^xiyaiov  'TrÎKxyoi,  mer  £^ei?,nom  que 
les  Grecs  donnoient  à  une  partie  de  la  mé- 
Jiterranée  ,  qui  renferme  beaucoup  d'îles. 
D'autres  font  venir  ce  mot  de  '^X''  >  prin- 
cipe ,  &  ^i^a>of  ,  mer;  apparemment  parce 
que  cette  mer  eft  regardée  comme  la  por- 
tion la  plus  remarquable  de  la  Méditerra- 
née, à  caufe  des  îles  qu'elle  contient.  Le 
plus  célèbre  Archipel ,  &  celui  à  qui  ce 
nom  efi  donné  plus  parnculiérement  ,  cd 
fitué  entre  la  Grèce,  la  Macédoine  &  l'Afie. 
Il  renferme  les  îles  de  la  mer  Egée  ,  la- 
quelle eff  appellée  auffi  mer  Blanche  ,  pour 
la  diffinguer  du  Pont-Euxin  ,  qui  fe  nom- 
me mer  Noire.  Les  géographes  modernes 
font  mention  d'autres  Archipels  ,  comme 
celui  de  S.  Lazare  proche  les  côtes  de  Mala- 
bar ;  l'Archipel  du  Mexique  ;  celui  des 
îles  Caraïbes  ,  qui  contient  un  grand  nom- 
bre d'îles;  ainfi  que  celui  des  Philippines, 
que  l'on  appelle  le  grand  Archipel  ,•  celuic 
des  Moluques ,  &c.   voyez  MeR.    (O) 

ARCHIPERACITE^f.  m.{Hifi.  anc.) 
c'efl  le  nom  des  minifîres  des  fynagogues 
des  Juifs  ,  qui  font  chargés  délire  &  d'in- 
terpréter le  Perakim  ,  ou  les  titres  & 
chapitres  de  la  loi ,  &  les  prophètes.  L'ar- 
chiperacite  n'eft  pas  la  même  chofe  que 
ï'archifjnagogusj  comme  Grotius  &  d'au» 


248  ARC 

très  auteurs  l'ont  cru  ;  mais  c'efl_  plutôt  le 
chef  ou  le  premier  de  ceux  qui  (ont  chor- 
gés  de  lire  ,  d'expliquer  &  d'enfeigner  la 
loi  dans  leurs  écoles  ,  comme  le  nom  le 
fait  voir  ,  lequel  efl  formé  du  grec  ^■■x^'^  » 
fhef;  &  de  l'hébreu  ou  chaldéen  phérak , 
divilîon  ,  chapitre.  {  G  ) 

ARCHIPOMPE  ,  f.  f.  ou  puits.  On  ap- 
pelle ainfi,  en  Marine,  une  enceinte  ou 
retranchement  de  planches  dans  lefond 
Je  cale ,  pour  recevoir  les  eaux  qui  ie  dé- 
chargent vers  l'endroit  où  elle  eft  fituée  ; 
les  pompes  ibnt  élevées  au  milieu  d'une 
(irchipompe. 

Le  matelot  qui  va  vifiter  Yarchipompc  , 
&  qui  trouve  que  l'eau  ne  franchit  pas  , 
y  jette  une  ligne  chargée  de  plomb  ,  pour 
ïbnder  &  melùrer  la  profondeur  de  l'eau  : 
on  y  met  quelquefois  les  boulets  de  canon. 
j^oye\  aux  figures  ,  Marine ,  Planche  IV  y 
figure  première  ,  n°.  ^8  ,1a  fuuation  delà 
grande  archipompe  ;  &  au  n".  ^$  ,  Varchi- 
pompe  (Ai  lanterne  d'artimon.  {Z') 

ARCHIPRETRE  ,  f.  m.{Hifl.  ecdéf.  ) 
titre  d'une  dignité  eccléfiaftique  ,  que  l'on 
donnoit  autrefois  au  premier  des  prêtres 
dans  une  égliiè  épifcopale.  Sa  fonâionétoit 
.de  veiller  fur  la  conduite  des  prêtres  & 
des  clercs  ,  de  célébrer  la  meffe  en  ab- 
ience  de  l'évêque  ,  d'avoir  foin  des  veuves, 
des  orphehns  &  des  pauvres  pafïans ,  auffi 
bien  que  l'archidiacre.  La  dignité  à''archi- 
prêtre  ,  encore  à-préfent ,  efl  la  première 
après  celle  de  l'évêque  ,  dans  quelques 
éghfes  cathédrales ,  comme  à  Vérone ,  à 
Peroufe,  Ùc.  Depuis  on  a  donné  le  titre 
â' archiprêtre  au  premier  curé  d'un  diocefe , 
ou  au  doyen  des  curés.  On  les  diflingue  en 
archiprêcres  de  la  ville  &  en  archiprêtres  Ac 
îa  campagne ,  ou  doyens  ruraux.  Il  en  efl 
parlé  dans  le  deuxième  concile  de  Tours 
en  567  ,  &  dans  les  capitulaires  de  Charles- 
Je-Chauve  ,  qui  mourut  l'an  877.  Il  y  3 
pncore  à  préfent  deux  archiprêtres  dans  la 
ville  de  Paris  ,  qui  font  les  curés  de  la  Mag- 
deleine  &  de  S.  Séverin.  M.  Simon  remar- 
que que  ,  comme  les  curés  étoient  autrefois 
ïirés  du  clergé  de  l'évêque  ,  &  qu'il  y 
avoit  entr'eux  de  la  fubordination ,  celui 
qui  étoit  le  premier  fe  nommoit  archiprê- 
tre ,  &  avoit  en  effet  une  prééminence  au- 
.dciÉjs  des  autres  prêtres  ou  curés.  Il  ajoute 


A  RC 

QUcVarchiprctreÇt  nomme  2_^otopapas  cîiez 
les  Grecs  ,  c^c{k~À-d^ne ,  premier  papas  ,  ou 
prêtre  \  &  que  ,  dans  le  catalogue  des  offi- 
ciers de  l'églifc  de  Conrtantinople  ,  il  eft 
remarqué  qu'il  donne  la  communion  au 
patriarche  ,  &  que  le  patriarche  la  lui  donne; 
&;  qu'il  tient  le  premier  rang  dans  l'églife  , 
remplifTant  la  place  du  patriarche  en  foa 
ablence.  Le  P.  Goar  ,  dans  fes  remarques 
iur  ce  catalogue  ,  dit  que  Varchiprêcre  chez 
les  Grecs  a  luccédé  en  quelque  manière  aux 
anciens  chorévêques  ;  &  que  ,  dans  les  îles 
qui  font  de  la  dépendance  des  Vénitiens , 
il  ordonne  les  lecteurs  &  juge  des  caufes 
eccléfiafliques.  Il  y  a  des  euchologes  où 
l'on  trouve  la  forme  de  conférer  la  dignité 
A\irchiprci'-e ,  &:  le  P.  Goar  l'a  rapportée 
d'un  euchologe  tnanufcrit  qui  appartenoic 
à  Allatius.  L'évêque  lui  impofe  les  mains  , 
comme  l'on  tait  dans  les  ordinations  ,  &C 
ce  font  les  prêtres  qui  le  prélentent  à  l'é- 
vêque.  Du-Cange,  Glojf.  latinit. 

ARCHIPRIEUR ,  f.  m.{Hifl.  ecdéf) 
On  donnoit  quelquefois  ce  nom  au  maître 
de  l'ordre  des  Templiers.  Voye\  TEM- 
PLIERS &  Maître.  (G) 

ARCHISTRATEGUS ,  royei  GÉ- 
NÉRALISSIME. 

ARCHISYNAGOGUS,  f.  m.  {Hifl. 
anc.)  chef  de  la  fynagogue  ;  c'étoit  un  titre 
d'office  chez  les  Juifs.  Ordinairement  il  y 
avoit  plufieurs  notables  qui  préfidoientaux 
fynagogues  &  aux  aflemblées  qui  s'y  te- 
noient.  Leur  nombre  n'étoit  pas  fixé  ni 
égal  dans  toutes  les  villes ,  cela  dépendoit 
de  la  grandeur  des  heux ,  &  du  plus  ou 
moins  grand  nombre  de  gens  qui  ve- 
noient  aux  fynagogucs.il  y  avoit  telle  fyna- 
gogue où  foixante  &  dix  anciens  préfiùoicnt; 
d'autres  en  avoientdix  ,  d'autres  neuf ,  d  au- 
tres feulement  quatre  ou  cinq ,  ou  même 
un  fcul  chef  ou  archifynagogus.  On  leur 
donne  quelquefois  le  nom  à^ange  de  la.  fy- 
nagogue ou  de  prince  de  la  fynagogue.  Les 
juits  leur  donnent  aufll  le  nom  de  chacha» 
mim  ou  fage.  Ils  préfidoient  aux  alTemblées 
de  religion  ,  invitoient  à  parler  ceux  qui 
s'en  trouvoient  capables ,  jugeoient  des 
affiiires  pécuniaires ,  des  larcins  &:  autres 
choies  de  cette  nature.  Ils  avoient  droit 
défaire  fouetter  ceux  qui  étoient  convaincus 
de  quelcjucs    contraventions  à  la  loi.    11$ 

pouvoicnt 


ARC 

f'  )ouvo!ent  auflî  excommunier  &  chafler  de 
a  fynagogue  ceux  qui  avoient  mérité  cette 
peine.  Voye\  Bainage ,  hift.  des  Juifs  ,  Ih: 
yil  i  c.  pij ,  6"  Vitringua,  de  fynac;og.  (G) 
ARCHITECTE,  Ibhil  mafc.  des  mots 
grecs  Jto^ii  &  de  t-jc  ay ,  principal  ouvrier. 
On  entend  par  ce  nom  un  homme  dont  la 
capacité ,   l'expérience  &  la  probité  méri- 
tent la  confiance  des   perlonnes   qui  font 
bâtir.  De  tous  les  temps  les  architectes  ont 
éti  utiles   à   la  focieté  ,    quand  ils  ont  fu 
réunir  ces  différentes  qualités.  Les  Grecs 
&les  Romains  ont  montré  dans  plus  d'une 
occafion  le  cas  qu'ils  ont  tait  des  nrchitecles  , 
par  les  éloges  qu'ils  nous  ont  laiflés  de  la 
plupart    des  leurs.   Mais  fans  remonter  fi 
liaut ,  la  protedion  que  Louis  XIV  a  accor- 
dée à  ceux  de  fon  temps  ,    nous  fait  aflez 
connoitre  qu'un  bon  architecte  n'eft  point 
un  homme  ordinaire  ,  puilquc  (ans  compter 
les  connoiflances  générales  qu'il  efl;  obligé 
d'acquérir  ,  telles   que  les    Belles-Lettres , 
Ùc.   il   doit  taire    ion    capital   du    deflîn, 
comme   l'ame  de   toutes  les   produirions  ; 
Az%  mathématiques  ,  comme  le  leul  moyen 
de  régler  l'eiprit ,   &  de  conduire  la  main 
dans  Tes  différentes  opérations  ;  de  la  coupe 
des  pierres,  comme    la    bafe  de  toute   la 
main-d'œuvre  d'un  bâtiment  ;    de  la  per(- 
peftivc ,    pour  acquérir   les    connoillances 
des  difïérens  points  d'optique,  &  les  plus- 
valeurs  qu'il  ell  obligé  de  donner  aux  hau- 
teurs de   la   décoration  ,   qui  ne   peuvent 
être  appcrçues  d'en   bas.  Il  doit  joindre  à 
ces  talens  les  dilpofitions  naturelles  ,  l'in- 
telligence ,   le  goût ,  le  teu  «Se  l'invention; 
parties  qui  lui  font  non-feulement  nécef- 
faires ,  mais  qui  doivent  accompagner  tou- 
tes fes  études.  C'ell  lans  contredit   par  le 
(ècours  de  ces  connoiflances  diverfes,  que 
de  Brofle  ,  le  Mercier,  Dorbets  ,  Perrault, 
&  fur-tout  les  Manfards ,  ont  mis  le  fceau 
de   l'immortalité  fur  leurs  ouvrages ,  dans 
la  conftrudion  des  bâtimens  des  Invalides  , 
du  Vai-dc-grace  ,  du  Palais-royal ,  de  Ver- 
failles  ;  de  ceux  de  Clagny,   de  Maifons, 
des  quatre-Nations  ,  du  Luxembourg  ,   du 
périiîyle  du  Louvre  ,  &c.  monumens  éter- 
nels de  la  magnificence  du  monarque  qui 
les  a  tait  ériger  ,  &  du  favoir  de  ces  grands 
architectes.  C'cll  aulTi  par  ces  talens  réunis 
que  nous  voyons  encore  de  nos  jours  MM. 
Tome  III. 


ARC  24^- 

Boffrand  ,  Cartault  &  plufieurs  autres  ,  qui 
font  au  nombre  des  hommes  illuflres  de 
notre  fiecle,  fe  diflinguer  avec  éclat  dans 
leur  proteflion ,  &  avoir  place  dans  l'aca- 
démie royale  d'archircâiire  ,  qui  a  été 
fondée  par  Louis  XIV,  en  1671  ,  &  cft 
compofée  de  vingt-fix  architectes  y  entre 
lefquels  je  nommerai  M.  Gabriel ,  premier 
architecte  du  Roi ,  &  MM.  de  Cote ,  d'Klc 
l'Allùrencc  ,  Bilaudel ,  contrôleurs  des  bâ- 
timens du  Roi ,  Ùc.  qui  ont  pour  chef  & 
directeur  général ,  M.  le  Normant  de  Tour- 
nehem  ,  iur-intendant  des  bâtimens. 

Indépendamment  des  architectes  de  l'aca- 
démie ,  dont  plufieurs  i"e  font  diilingués 
dans  la  conilrudion  ,  diflribution  &  dé- 
coration de  leurs  édifices  ,  Paris  en  poffede 
encore  quelques-uns  d'un  mérite  dillingué  , 
;\  la  tête  defquels  on  peut  mettre  MM. 
Franque  &  le  Carpentier  ,  dont  la  capacité 
&  la  probité  véritablement  reconnues , 
leur  ont  attiré  l'eflime  &  la  confiance  des 
perfonnes  du  premier  ordre.  On  verra  quel- 
ques-unes de  leurs  productions  dans  cet 
ouvrage.  Je  les  ai  engagés  de  trouver  bon 
qu'elles  y  parudent  ;  j'ai  compté  par-là 
rendre  un  véritable  tèrvice  au  public.  Ces 
morceaux  d'architedure  feront  de  différent 
genres  ,  &  d'autant  plus  ellimables  qu'ils 
ibnt  éloignés  du  dérèglement  dont  la  plu- 
part des  architectes  ufent  aujourd'hui  en 
France  dans  leurs  bâtimens.  J'oferois  prêt 
que  avancer  que  plufieurs  de  ces  derniers 
n'ont  ^architecte  que  le  nom  ,  &  joignent 
à  une  fuiïîfance  mefurée  à  leur  ignorance , 
une  mauvaife  foi  &  une  arrogance  infup- 
portables. 

Peut-être  trouvera-t-on  ma  fmcérité  ba- 
zardée ;  mais  comme  j'écris  ici  plus  en  qua- 
lité de  citoyen  qu'en  celle  d'artide  ,  je  me 
fuis  cru  permife  la  liberté  d'en  ufer  ainfi , 
tant  par  l'amour  que  je  porte  aux  progrès  des 
beaux  arts  ,  que  dans  l'intention  de  ramener 
la  plupart  de  ceux  qui  font  leur  capital  de 
l'architedure  ,  des  vices  trop  marqués  de  la 
jalouiie,  de  la  cabale  &  des  mauvais  procé- 
dés dont  plufieurs  d'entr'eux  font  profelCon 
ouvertement ,  fans  retped  pour  le  prince , 
l'état  &  la  patrie. 

L'on  trouvera  auflî  plufieurs  deflîns  de 
compofition  ,  dans  le  nombre  des  planches 
qui  teiont  partie  de  celles  d'architedure  j 


150-  ARC 

dans  lefqiieJles  j'ai  tâche  de  donner  une 
idée  de  la  fnçon  dont  je  penfe  fur  la  fim- 
plicité  ,  la  proportion  &  l'accord  auxquels 
je  voudrois  que  l'archltedurc  fût  réduite  , 
de  manière  que  l'on  trouvera  danî  la  di- 
verfité  de  ces  exemples  une  variété  de  pré- 
ceptes ,  de  formes  &  de  compolitions  qui , 
je  crois ,  fera  plailir  aux  amateurs.  Heu- 
reux il  je  puis  trouver  par-là  l'occafion  de 
prouver  aux  hommes  du  métier  ,  qu'il  n'efl 
point  de  vice  plus  honteux  que  la  jaloulîe  , 
m  qui  dégrade  tant  l'humanité  :  du  moins 
me  iaura-t-on  quelque  gré ,  malgré  les 
bontés  dont  le  public  a  honoré  mes  ouvra- 
ges jufqu'à  préfcnt,  de  m'ctre  fait  honneur 
de  partager  le  bien  detre  utile  au  pubhc, 
avec  les  deux  habiles  architectes  que  je 
viens  de  nommer  ,  qui  méritent  ,  à  toute 
forte  d'égards  ,  l'eftime  des  citoyens  &  l'at- 
tention du  miniifre.  (P) 

*'M.  Sulzer  a  traité  le  même  fujet  dans 
j» l'article  fuivant.  En  le  tranlcrivant ,  nous 
»  croyons  ajouter  au  plaihr  des  lefleurs.  >' 

Architecte,  [Beaux-Ans.)  Celui 
qui  prétend  au  titre  A'archueclc  ,  dans  toute 
la  force  du  terme  ,  doit  réunir  ,  à  beaucoup 
de  taiens  naturels ,  des  connoiilances  très- 
eteiulues  dans  la  plupart  des  arts  &;  des 
fciences.  Il  ne  iera  pas  inutile  d'expliquer 
plus  en  détailles  qualités  de  Varchitecfe  que 
nous  venons  d'indiquer. 

Nous  exigeons  d'abord  dans  un  archi- 
tecte y  une  connoiflance  lolide  &  étendue 
des  mœurs  &  ulages  des  principaux  peu- 
ples ,  mais  (ur-tout  de  la  nation  au  milieu 
de  laquelle  il  vit.  Cette  connoifiance  lui 
fèrvira  à  ordonner  chaque  bâtiment  iiiivant 
le  rang  &  la  manière  de  vivre  du  pro- 
priétaire. Chaque  claile  d'hommes  a  ics 
beloins  ,  Çts  occupations ,  les  commodités 
particulières ,  que  V architecte  doit  connoître 
&  confuler  ,  pour  ne  pas  tomber  dans 
dts  fautes  groffieres.  Un  grand  a  non-feu- 
lement beft)in  d'un  logement  plus  fpacieux 
que  le  fimple  bourgeois  ;  il  lui  faut  encore 
UflC  toute  autre  diflribution  des  apparte- 
mens.  Une  mailon  qui  doit  contenir  un 
nombreux  domeflique ,  exige  un  arrange- 
ment différent  de  celui  qu'on  leroit  pour 
un  domeflique  feul.  Le  nombre  des  cir- 
conffanccs  de  cette  namre ,  qui  diverfifîent 
i«s  bâtimens  Iliivant  l'état  des  propriétaires , 


ARC 

efl  très-grand  ;  Varchitecle  doit  les  pefêr  rou- 
tes ,  s'il  veut  éviter  des  défauts  ridicules. 

Cette  connoifiance  lui  fervira  enfuite  à 
maginer    des     difpofitions  ,    qui   peuvent 


fouvent  influer  très  -  cfKcacement  fur  le 
goût  &  fur  la  manière  de  vivre  dans  les 
différentes  clafîès  de  citoyens.  Il  n'eff  pas 
douteux  que  les  hommes  ne  s'avlieroient 
point  de  divers  expédiens  avantageux ,  ni 
de  plufieurs  arrangemens  utiles  à  leur 
genre  de  vie  ,  s'ils  n'y  étoient  conduits  par 
des  conjcâures  purement  accidentelles.- 
Un  archiiecîe  qui  aura  oblervé  avec  atten- 
tion tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  raifonnahle 
&  de  plus  folide  dans  la  manière  de  vi- 
vre de  divers  peuples  ,  faura  faire  entrer  , 
dans  le  plan  de  fès  batimens  ,  des  idées 
dont  les  propriétaires  profiteront  ;  ils  fe- 
ront entraînés  à  imiter  de  bons  uiages  y 
qu'ils  avoient  négligés  ou  ignorés  jufqu'a- 
lors. 

Mais  cette  connoiflàuce  feroit  inutile  à 
V architecte  ,  s'il  n'}'  joignoit  pas  un  juge- 
ment lolide  pour  difcerner  l'utile  ,  le  con- 
venable &  le  décent.  Dénué  de  cette  qua- 
lité eflèntielle  ,  il  entraînera  le  bourgeois 
opulent  à  imiter  ,  d'une  façon  ridicule  ,  la 
manière  de  bâtir  qui  ne  convient  qu'aux 
grands  ,  ou  bien  il  voudra  refïèrrer  l'hom- 
me de  qualité  dans  les  bornes  du  fimple 
bourgeois.  L'art  de  difcerner  famement  ce 
qui  convient  à  chaque  état  dans  la  vie  ci- 
vile ,  efl  donc  un  talent  nécellaire  à  l'ar- 
chittcle. 

Nous  exigeons  troifiémement  de  lui  qu'il 
foit  doué  d'un  bon  génie  ,  c'efl-à-dire , 
qu'il  ait  une  grande  facihté  d'inventer  & 
d'ordonner.  Avec  ce  talent  ,  il  faura  non- 
leulement  placer  à  propos  dans  fes  bati- 
mens tout  ce  qu'il  juge  y  être  nécefî^iire  , 
mais  il  faura  de  plus  varier  ces  arrange- 
mens félon  le  goût  particuher  du  proprié- 
taire ,  &  fuivant  la  nature  propre  des 
lieux  ,  des  temps  &  de  l'emplacement.  Si , 
pour  chaque  efpece  d'édifice  ,  il  n'avoir 
qu'un  modèle  ou  deux  dans  fii  tête  ,  il 
courroit  rUque  bien  fouvent  de  faire  des 
incongruités. 

C'efl  ce  génie  qui ,  dirigé  par  un  juge- 
ment folide  ,  le  tirera  d'embarras  dans  les 
cas  où  divers  beloins  fe  trouvent  en  oppo- 
fition.  Il  liiura  difcerner  lequel  de  ces  \>o 


ARC 

foin';  eu  le  plus  indirpeiilhble  ;  il  faiira  vain- 
cre les  obfhicks  par  des  moyens  inconnus 
juiqu'iilors ,  &  il  liirmontera  les  plus  grandes 
difiicultcs ,  à  l'aide  de  quelques  heureules 
inventions. 

Un  goût  épuré  en  tous  genres  de  beauté, 
crt  encore  une  qualité  nécedaire  A  Varchnecle. 
Parce  talent ,  il  donnera  d'abord  à  l'édifice 
entier,  ou  l'élégance,  ou  la  magnificence, 
ou  la  majefté  convenables ,  &  il  augmen- 
tera enfuite  l'effet  de  rcnlemble  par  le  cboix 
des  beautés  de  détail. 

Enfin  VarchiteSe  doit  pofîeder  diverfes 
parties  des  mathématiques  ,  un  précis  de 
î'iiiftoire  naturelle  ,  la  méchanique  ,  &  la 
connoifîance  de  tous  les  arts  qui  entrent 
dans  la  conftrudion  d'un  bâtiment.  Sans 
la  facilité  de  calculer  ,  il  ne  fauroit  déter- 
jnincr  exadement  les  divifions  ,  les  propor- 
tions ,  la  quantité  dts  matériaux  &  la 
folidité  des  pièces.  Sans  connoiflance  de 
la  inéclianique  ,  il  ne  finira  pas  propor- 
tionner les  forces  aux  befoins  ,  &  il  don- 
nera des  dimenfions  défi^dueufes.  Sans  habi- 
tude avec  les  beaux-arts  ,  il  omettra  plu- 
fieurs  orneniens  qui  dévoient  trouver  leur 
place,  ou  il  les  defUnera  dans  un  mauvais 
goût.  Sans  notion  des  arts  méchaniques  , 
il  imaginera  des  chofes  dont  l'exécution 
ou  ne  fera  pas  polfible  ,  ou  ne  répondra 
pas  à  fon  attente  ;  car  tout  architecle  qui 
fé  repofe  fur  le  goût ,  le  jugement  ou  l'habi- 
leré  des  ouvriers  ,  ert  ordinairement  trom- 
pé ;  il  faut  qu'il  leur  prefcrive  chaque  ou- 
vrage dans  la  plus  grande  précifion  ,  ou 
qu'il  veille  lui-même  à  leur  travail ,  &  qu'il 
les  redrefTe  dans  l'exécution.  Enfin  ,  liins 
étude  de  la  phylique  ,  il  pourra  tomber, 
dans  des  fautes  très-graves  ,  fiiire  des  loge- 
niens  mal-fains ,  conflruiie  un  bâtiment  peu 
lolide  &  peu  durable  ,  prendre  une  mauvail'e 
expofition  à  l'égard  du  vent  &  de  la  pluie, 
manquer  à  donner  une  prompte  ilTue  à  la 
fumée.  &  aux  exhalailons ,  &  rendre  les 
appartemens  incommodes  à  l'égard  du  froid 
ou  de  la  chaleur. 

Les  remarques  précédentes  indiquent  les 
direclions  que  Varchicecfe  doit  fiiivre  dan, 
ics  études.  Il  doit  débuter  par  celle  de 
l'hifloire  '&  des  fciences  philofophiques , 
pour  exercer  les  forces  de  l'eiprit ,  &  pour 
ncquénr  la  pénétration  &  la  Xolidité  qui. 


ARC  iji 

font  indifpenfablement  nécefTaires.  Il  cii 
efl  de  V ai chnecle  comme  du  poète  :  pour 
réufiir  ,  il  faut  s'être  exercé  dès  l'enfance 
dans  les  ans  &  dans  les  fciences.  Après 
avoir  pofé  de  folidcs  fondcnicns  dans  ces 
études  générales  ,  Varchuecle  s'ajipliquera 
particulièrement  aux  mathématiques  &  au 
defiin  ;  il  faut  qu'il  s'exerce  daiis  ce  deri- 
nier  art,  autant  qu'un  futur  peintre  pour- 
roit  le  faire  ,  afin  de  s'y.  former  un  goût 
délicat,  nun-feulement  pour  juger  du  beau 
en  matieie  de  figures  &  de  décorations  , 
mais  encore  pour  inventer  au  befoin  dans 
ce  genre. 

Muni  de  ces  connnifTances  préliminaires  , 
notre  élev^  archueSe  dannera  tous  fes  l'oins 
à  étudier  les  principaux  morceaux  d'archi- 
teéture  difperlès  dans  les  divers  pays  de 
l'Europe.  Il  étudiera  d'abord  avec  attention 
les  différens  traités  des  plus  célèbres  archi- 
tecles  ,•  il  en  apprendra  les  règles  qu'ils  don- 
n.ent ,  &  les  exécutera  par  des  deflîns.  Il  j^ 
formera  enfuite  la  colledion  la  plus  éten- 
due ,  d'autant  de  plans  de  beaux  édifices  , 
de  jardins  ,  de  places  &  de  villes  entières 
qu'il  en  pourra  rafCembler.  Il  les  contem- 
plera d'un  ail  attentif ,  s'attachant  première- 
ment ;\  conlidércr  l'enfemble  ,  &  à  obfcrver 
avec  foin  l'eflet  qu'il  produit  fur  lui.  Il  exa- 
minera enfuite  chaque  partie  fépaiément 
dans  fon  rapport  au  tout,  dans  fa  pofition  , 
dans  fa  figure  ,  dans  fes  ornemens  ,  dans  les 
proportions  de  iés  parues  tubordonnèes  ; 
&  cet  examen  fe  fera  le  compas  &  l'échelle 
A  la  main. 

Il  eft  efîèntlcl  que  dans  ces  recherches 
[''architecle  remonte  toujours  aux  premiers 
principes  de  l'art  ;  qu'il  demande  ,  pour 
ainfi  dire  ,  à  chaque  pièce  du  bâtiment , 
que  fais-tu  ici  ?  comment  remplis-tu  ton 
but  ?  en  quoi  contribues-tu  à  l'alped  ,  à  la 
commodité  ,  à  l'embelliflement  ?  fatisfais-tu 
pleinement ,  &  mieux  que  toute  autre  pièce 
ne  l'eût  pu  faire ,  à  ta  deflination  ?  Et ,  qu'ici 
le  jeune  archiucle  fe  garde  bien  de  s'en 
laitier  impofer  par  l'autorité  ou  la  célébrité. 
Apperçojt-il  quelque  chofe  qui  n'ait  point 
la  raiion  luliilante  ,  qui  bielle  même  les 
règles  de  première  nécdflité  ,  ou  qui  cho- 
.iue  du  moins  le  bon  goût  ;  que  ni  le  ref^ 
ped  de  l'antiquité ,  ni  l'autorité  de  Palladio , 
oi  l'ufage  établi,  n.e  rempèchcnt  point  de  la 
li  i 


15^  ARC 

tiélapprouver ,  &  qu'il  ne  fe  laifTe  pas  in- 
tliiirc  à  l'adopter.  Les  meilleurs  architecles 
modernes  ont  commis  des  butes  groffieres  ; 
&  l'on  tolère  aflez  généralement ,  en  archi- 
fcdure ,  certaines  chofes  qui  lont  évidem- 
ment contraires  au  bon  goût. 

Après  que  \architeâe  aura  puifé  ce  fonds 
de  connoilîances  dans  les  écrits  &  les  'lef- 
fms  des  grands  maîtres ,  il  lui  fera  très- 
utile  de  voyager  en  Italie  &  en  France  ,  pour 
y  examiner  de  près  les  principaux  édifices , 
y  découvrir  la  méthode  d'appliquer  les  rè- 
gles de  l'art  ,  y  obferver  des  chofes  que 
les  fimples  plans  ne  fauroient  indiquer.  Il  ne 
iuffira  pas  ,  dans  ces  voyages ,  de  confidérer 
feulement  les  bâtimens  iiolés  ;  il  taut  en- 
core faire  attention  à  leur  rapport  avec  les 
bâtimens  voifms ,  &  avec  la  place  oih  ils 
font  conllruits.  Ce  n'eft  pas  alfez  qu'un 
architecte  ait  la  capacité  de  tracer  des  édi- 
tées ifolés  ;  c'efl  ce  qu'il  apprendra  le  plus 
aifément.  Pour  être  parfait  dans  fon  art , 
il  doit  favoir  bâtir  des  places  entières  ,  des 
villes  même  ,  &  leur  donner  au  dedans 
&  au  dehors  ,  toutes  les  commodités  & 
toute  la  beauté  pofllbles.  Il  faut ,  pour  y 
réudîr  ,  des  vues  qui  tendent  au  grand  ,  & 
qui  fuppofent  un  génie  élevé  au  defTus  du 
commun.  Depuis  l'économie  privée  du  fim- 
ple  bourgeois  ,  jufqu'à  celle  des  grands  , 
à  la  ville  &  à  la  campagne  ;  de-là  julqu'à  la 
cour  des  princes ,  &  de  celle-ci  enfin  jufqu'à 
la  police  des  villes  &  des  pays  entiers  :  fes 
vues  doivent  tout  embrafîcr.  Il  n'eil  permis 
qu'.\  celui  qui  fe  fent  des  connoiiîances  auffi 
«étendues,  d'afpirer  à  l'emploi  ài'circhitecle 
d'un  grand  prince. 

C'eil  fans  doute  cette  étendue  de  talens 
&  de  connoi  (lances  ,  &  la  dépenfe  que 
leur  acquifition  exige ,  qui  fait  qu'un  grand 
peintre  ,  un  grand  pocte  eit  une  choie 
moins  rare  qu'un  architecte  parfiit.  Il  tau- 
droit  qu'il  y  eût  dans  chaque  état  un  établillè- 
mentpour  former  de  grands  architectes  ;  que 
du  féminaire  des  élevés  on  choisît  les  plus 
intelligens ,  &  que  ceux-ci  lufTent  indruits  & 
perfectionnés  dans  leur  art  aux  dépens  du 
pubhc. 

Il  importe  A  l'état  d'avoir  un  certain 
nombre  d'habiles  architecles  ,  qui  foient  en 
même  temps  gens  d'honneur  &  de  pro- 
bité.   Il  coiivicndroit  qu'ils  hillent   large- 


ARC 

ment  penfionnés  du  public ,  &  qu'on  leur 
impofât  l'obligation  d'affifter  de  leur  confeil , 
moyennant  une  modique  rétribution  ,  tout 
particulier  qui  voudroit  bâtir  ,  pour  que 
celui-ci  ne  fût  pas  expofé  ,  par  l'igno- 
rance ou  la  cupidité  des  ouvriers ,  A  eflliyer 
des  pertes  confidérables. 

ARCHITECTONIQUE ,  adj.  (Phyfiq.) 
eft  ce  qui  donne  à  quelque  choie  une  forme 
régulière  ,  convenable  à  la  nature  de  cette 
chofe  ,  &  à  l'objet  auquel  elle  eft  defttnée  : 
ainfi  la  puiflTance  plaflique  ,  qui ,  ielon  quel- 
ques philolbphes  ,  change  les  œufs  des  fe- 
melles en  créatures  vivantes  de  la  même 
efpece ,  eft  appellée  ,  par  ces  philofophes  , 
efprit  architeâonique.  Sur  le  lyftcme  des 
puiflances  &  natures  plaftiques ,  voye\  l'ar- 
ticle FlaSIIÇ^VE.  (  O) 

ARCHITECTURE  ,  f.  f.  eft  ,  en  gêné- 
rai ,  l'art  de  bâtir. 

On  en  diftingue  ordinairement  de  trois 
efpeces  ;  favoir  ,  la  cii-'ile  ,  qu'on  appelle 
architecture  tout  court  ;  la  militaire  ,  &:  la 
navale. 

L'ordre  encyclopédique  de  chacune  eft 
différent. 

On  entend  par  architecture  cii'ile ,  1  art 
de  compoier  &  de  conftruire  les  bâtimens 
pour  la  commodité  &  les  diiférens  ulages 
de  la  vie,  tels  que  font  les  édifices  facrés, 
les  palais  des  rois  ,  &  les  mailons  des  par- 
ticuliers ;  auffi-bien  que  les  ponts  ,  places 
publiques ,  théâtres ,  arcs  de  triomphe ,  Ùc. 
On  entend  par  architeclure  militaire ,  l'arc 
de  fortifier  les  places ,  en  les  garantiflant , 
par  de  folides  conftruclions,  de  l'infultedes 
ennemis ,  de  l'effort  de  la  bombe  ,  du  bou- 
let ,  &c.  &  c'eft  ce  genre  de  conftruélion 
qu'on  appelle  i^orn^c-ar/'o/j.  yoye:{  FORTI- 
FICATION. On  entend  par  architechtre  na- 
vale ,  celle  qui  a  pour  objet  la  conftruûion 
des  vaiflTcaux ,  dts  galères  ,  &  générale- 
ment de  tous  les  bâtimens  Hottans ,  aufli 
bien  que  celle  des  ports,  mrtlcs  ,  jetées, 
corderies,  magafins,  &c.  érigés  furie  rivage 
de  la  mer  ,  ou  fur  fes  bords.  V^oye\  l'ar- 
ticle Marine. 

Pour  parler  de  {'architecture  civile ,  qui  eft 
notre  objet ,  nous  dirons  en  général  que  for» 
origine  eft  aufli  ancienne  que  le  monde; 
quelanéceflité  enfeigna  aux  premiers  hom- 
mes à  fe  bâtir  eux-mêmes  des  huttes ,  des 


ARC 

tentes  ,  &  des  cabanes  ;  que  par  la  fuire 
des  temps ,  (e  trouvant  contraints  de  ven- 
dre &  d'acheter  ,  ils  le  réunirent  enfemble  , 
&  vivant  fous  des  loix  communes  ,  ils  par- 
vinrent à  rendre  leurs  demeures  plus  régu- 
lières. 

Les  anciens  auteurs  donnent  aux  Egyp- 
tiens l'avantage  d'avoir  élevé  les  premiers 
des  bâtimens  fymmétriques  &  proportion- 
nés ;  ce  qui  fit ,  diient-ils  ,  que  Salomon 
eut  recours  à  eux  pour  bâtir  le  temple  de 
Jérui'alem  ,  quoique  Villapandre  nousafllire 
qu'il  ne  fit  venir  de  Tyr  que  les  ouvriers 
en  or ,  en  argent ,  &  en  cuivre ,  &  que 
ce  fut  Dieu  lui-même  qui  inlpira  à  ce  roi 
les  préceptes  de  ïarchneclure  ;  ce  qui  fc- 
roit  ,  f^'ion  cet  auteur,  un  trait  bien  ho- 
norable pour  cet  art.  Mais  làns  entrer  dans 
cette  difculfion ,  nous  regardons  la  Grèce 
comme  le  berceau  de  la  bonne  architecture  , 
foit  que  les  règles  des  Egyptiens  ne  foient 
pas  parvenues  julqu'à  nous  ,  loit  que  ce 
qui  nous  refte  de  leurs  édifices ,  ne  nous 
montrant  qu'une  architecfure  folide  &  co- 
lolfale  ,  (  tels  que  ces  tameufes  pyramides 
qui  ont  triomphé  du  temps  depuis  tant 
de  fiecles  )  ne  nous  afîede  pas  comme  les 
refies  des  monumens  que  nous  avons  de 
l'ancienne  Grèce.  Ce  qui  nous  porte  à 
croire  que  nous  (ommes  redevables  aux 
Grecs  des  proportions  de  Yarchiceclure  ^  ce 
font  les  trois  ordres ,  dorique ,  ionique  & 
corinthien  ,  que  nous  tenons  d'eux ,  les  Ro- 
mains ne  nous  ayant  produit  que  les  deux 
autres  ,  qui  en  font  une  imiration  affez  im- 
parfaite ,  quoique  nous  en  laffions  un  ufage 
utile  dans  nos  bâtimens  ;  exprimant  par- 
faitement chacun  à  part  le  genre  d^archi- 
teclure  ruitique ,  folide  ,  moyen  ,  délicat  & 
compofé  ,  connus  lous  le  nom  de  tofcun  , 
dorique ,  ionique ,  corinthien  ,  &  compojne , 
qui ,  enfemble  ,  comprennent  ce  que  l'ar- 
chiieclure  a  de  plus  exquis  ;  puifque  nous 
n'avons  pu  en  France  ,  malgré  les  occa- 
fions  célèbres  que  nous  avons  eues  de  bâ- 
tir depuis  un  fiecle  ,  compofer  d'ordres 
qui  aient  pu  approcher  de  ceux  des  Grecs 
&  des  Romains  :  je  dis  approcher  ;  car  plu- 
fieurs  habiles  hommes  l'ont  tenté  ,  tels  que 
Bruant ,  le  Brun  ,  le  Clerc  ,  £v.  fans  être 
approuvés  ni  imités  par  leurs  contempo- 
raios   ni   leurs    fucceUeurs  \   ce   qui  nous 


ARC  in 

montre  aflez  combien  Varchiteclure  ,  ainfi 
que  les  autres  arts  ,  ont  leurs  limites.  Mais 
lans  parler  ici  des  ouvrages  des  Grecs  ,  qui 
font  trop  éloignés  de  nous  ,  &  dont  plu- 
fieurs  auteurs  célèbres  ont  donné  des  del^ 
criptions ,  partons  à  un  temps  moins  re- 
culé ,  &  dilons  que  Varchiteclure  ,  dans  Ra- 
me ,  parvint  à  ion  plus  haut  degré  de  per- 
feâion  ious  le  règne  d'Augufte  ;  qu'elle 
commença  à  être  négligée  Ibus  celui  de 
Tibère  fon  iuccefleur  ;  que  Néron  même  , 
qui  avoit  une  paffion  extraordinaire  pour 
les  arts ,  malgré  tous  les  vices  dont  il  étoit 
poflcdé  ,  ne  le  fervit  du  goût  qu'ii  avoit 
pour  l'architecture  ,  que  pour  étaler  avec 
plus  de  prodigalité  fon  luxe  &  fa  vanité , 
&  non  la  magnificence.  Trajan  témoigna 
auflî  beaucoup  d'affeflion  pour  les  arrs  ; 
&  malgré  l'atFoiblifTement  de  V architecture  , 
ce  fiif  fous  fon  règne  qu'Apollodore  éleva 
cette  fameufe  colonne  qui  porte  encore 
aujourd'hui  dans  Rome  le  nom  de  cet  em- 
pereur. Enfuite  Alexandre  Sévère  foutint 
encore  ,  par  fon  amour  pour  les  arts ,  V ar- 
chitecture :  mais  il  ne  put  empêcher  qu'elle 
ne  fût  entraînée  dans  la  chute  de  l'empire 
d'Occident ,  &  qu'elle  ne  tombât  dans  un 
oubli  dont  elle  ne  put  fe  relever  de  plu- 
lieurs  fiecles  ,  pendant  l'efpace  defquels  les 
Vifigoths  détruifircnt  les  plus  beaux  monu- 
mens de  l'antiquité  ,  &  où  Varchiteclure  le 
trouva  réduite  à  une  telle  barbarie  ,  que 
ceux  qui  la  prolcd'oient  négligèrent  entiè- 
rement la  jultefle  des  proportions  ,  la  con- 
venance &  la  corredion  du  dellin  ,  dans 
lelquels  confifte  tout  l^mérire  de  cet  art. 

De  cet  abus  fe  forma  uiie  nouvelle  ma- 
nière de  bâtir  ,  que  l'on  nomma  gothique  , 
&  qui  a  fubfillé  julqu'à  ce  que  Charle- 
magne  entreprit  de  rétablir  l'ancienne. 
Alors  la  France  s'y  appliqua  avec  quelque 
luccès ,  encouragée  par  Hugues  Capet  , 
qui  avoit  auffi  beaucoup  de  goût  pour 
cette  Icience.  Robert  fon  fils  ,  qui  lui  fuc- 
céda  ,  eut  les  mêmes  inclinations  ;  de  forte 
que  par  degrés ,  Varchiteclure  y  en  changeant 
de  lace  ,  donna  dans  un  excès  oppolé  en 
devenant  trop  légère  ;  les  architeûes  de 
ces  temps-là  fiiilant  confificr  les  beautés 
de  leur  architecture  dans  une  délicateflé  & 
une  proluhon  d'ornemens  juiqu'alors  in- 
connus :   excès  dans  lequel  i^    tombèrent 


254  ARC 

fans  cloute  pnr  oppoiition  à  la  gothique 
qui  les  avoit  préctdés  ,  ou  par  le  goût 
qu'ils  reçurent  des  Arabes  &  des  Maures  , 
qui  apportèrent  ce  genre  en  France  des 
pays  méridionaux  ;  comme  les  Vandales  & 
les  Goths  avoient  apporté  du  pays  du 
nord  le  goût  pelant  &  gothique. 

Ce  n'eft  guère  que  dans  les  deux  der- 
niers fiecles  que  les  architeftes  de  France 
&  d'Italie  s'a})pliquerent  à  retrouver  la 
première  fimphcité  ,  la  beauté  &  la  pro- 
portion de  l'ancienne  archueclure;  aufli  n'eft- 
•ce  que  depuis  ce  temps-là  que  nos  édifices 
ont  été  exécutés  à  l'imitation  &  fuivant 
le'  préceptes  de  Vaichitec^ure  antique.  Nous 
remarquerons  à  cette  occafion  que  Varchi- 
•teclare  civile  qui  fe  dilHngue,  eu  égard  à 
■ff  diî+érenres  époques  &:  à  les  variations  , 
en  antique  f  ancienne  gothique  &i  moderne  , 
peut  encore  fe  dillinguer  félon  fes  diffé- 
rentes proportions  &c  ies  ulages  ,  lelon  les 
•  différens  caraderes  des  ordres  dont  nous 
avons  parié.  Voje^  TosCAN  ,  DoRIQUE  , 
IoMi^UE,CoRINTHIEN,i5COMPOSITE. 

Pour  avoir  des  notions  de  ï architecture  , 
&  des  principes  élémentaires  concernant  la 
matière  ,  la  iorme  ,  la  proportion  ,  la  fl- 
tuation  ,  la  dillribution  &  la  décoration  ; 
voye\  la  définition  de  ces  diftérentes  ex- 
preflions  ,  auiii-bien  que  celles  des  arts 
qui  dépendent  de  Y  arc  hi  te  Bure  -,    tels  que 

la  Sculpture,  Peinture  ,  Dorure  , 
Maçonnerie,  Charpenterie,  Me- 
nuiserie, dv.  Voye7^ce s  articles. 

De  tous  les  arcîiiiedes  gi  ecs  qui  ont 
écrit  fur  ïarchitiêlkre  y  tels  qu'Agatarque 
l'athénien  ,  Démocnte  ,  Théophralte  ,  &f. 
aucun  de  leurs  traités  n'efl  parvenu  jul- 
qu'à  nous ,  non  plus  que  ceux  des  auteurs 
latins ,  tels  que  lurent  Fuflitius  ,  Terentius 
Varo  ,  l'ublius  Septimius  ,  Epaphroditus  , 
ÊV.  de  forte  que  Vitruve  peut  être  regar- 
dé comme  le  feul  architefte  ancien  dont 
nous  ayons  des  préceptes  par  écrit,  quoi- 
que Vegece  rapporte  qu'il  y  avoit  à  Ro- 
me près  de  fept  cents  architedes  contem- 
porains. Cet  architefte  vivoit  fous  le  rè- 
gne d'Augufle  ,  dont  il  étoit  l'ingénieur  , 
&  compola  dix  livres  Saichiteclure  ,  qu'il 
dédia  à  ce  prince  :  mais  le  peu  d'ordre  , 
l'obfcurité  &c  le  mélange  de  latin  &  de 
grec  qui  le  trouve  répandu   dans  fon  ou- 


ARC 

vrage  ,  a  donné  occafion  à  plufieurs  archi- 
teâes ,  du  nombre  delquels  font  Philan- 
der,  Barbare,  &c.  d'y  ajouter  des  notes; 
mais  de  toutes  celles  qui  ont  été  faites  fur 
cet  auteur,  celles  de  Perrault,  homme  de 
lettres  &  favant  architede  ,  font  celles 
qui  font  le  plus  d'honneur  aux  commen- 
tateurs de  Vitruve.  Ceux  qui  ont  écrit  fur 
l'architecture  depuis  cet  autein* ,  font  Léon  , 
Baptifîe  Alherti  ,  qui  publia  dix  hvres  d'ar- 
chueciure  ,  à  l'imitation  de  Vitruve  ,  mais 
où  la  dodrine  des  ordres  eft  peu  exade  ; 
Seballien  Seiiio  en  donna  aulll  un  ,  &  lùi- 
vit  de  plus  près  les  préceptes  de  Vitruve; 
Palladio  ,  Philibert  Delorme  &  Barrozio 
de  Vignoble  ,  en  donnèrent  auffi  ;  Daviler 
a  fait  des  notes  tort  utiles  fur  ce  dernier. 
On  peut  encore  ranger  au  nombre  des  ou- 
vrages célèbres  llir  V architecture  ,  ViJe'euni- 
l'erfelle  de  cet  art ,  par  ^'^incent  Scamozzi  ; 
le  parallèle  de  l'ancienne  architechire  avec 
la  moderne ,  par  M.  de  Chambray,  le  cours 
d'architeclure  de  François  Blondel ,  profeA 
leur  &  diredeur  de  l'académie  royale  d'ar- 
chiteclure y  qui  peut  être  regardé  comme 
une  colledion  de  ce  que  les  meilleurs  au- 
teurs ont  écrit  fur  les  cinq  ordres  ;  Var- 
chiteBure  de  Goldman  ,  qui  a  montré  com- 
bien il  étoit  aifé  d'arriver  au  degré  de  per- 
iedion  dans  l'art  de  bâtir ,  par  le  fecours 
de  certains  iiîflrumens  dont  il  efl  l'inven- 
teur; celle  de  Wotton,  réduite  en  démonf- 
trations  par  V7olfius  ,  à  qui  nous  avons 
l'obligation  ,  ainfi  qu'à  François  Blondel , 
d'avoir  appliqué  à  \' architeâure  les  dé- 
monflrations  mathématiques. 

Depuis  les  auteurs  dont  nous  venons  de 
parler  ,  plufieurs  de  nos  architedes  fran- 
çois  ont  auflî  traité  de  \' architecture  ,  tels 
que  M.  Perrault  ,  qui  nous  a  donné  les 
cinq  ordres  avec  des  additions  fur  Vi- 
truve ,  &  des  oblèrvations  fort  intéreilan- 
tes  ;  le  P.  Dairan  ,  qui  nous  a  donné  un 
excellent  traite'  de  la  coupe  des  pierres  ,  que 
'  la  Rue  ,  architede  du  roi ,  a  commenté  , 
écluirci  &  rendu  utile  à  la  pratique  ;  M- 
Fraizier ,  qui  a  donné  la  théorie  de  cet  art , 
prefque  inconnue  avant  lui;  M.  Botirand  , 
qui  nous  a  donné  ies  ceufres  ,  dans  lel- 
quclles  cet  habile  homme  a  montré  fon 
érudition  &  Ion  exi^érience  dans  l'art  <.Yar- 
chiteclure  ;  M.  Brizeux  nous  a  aulli  donné 


ARC 

un  ercùte  de  la  difiribution  &  de  la  décora- 
tion des  muifons  de  campagne  ;  &  Daviler , 
qui  non-Ieulement  a  commenté  Vignoble  , 
maisqiii  nous  aàonniwn traité d archicecluie 
fbit  eUimé  ,  augmenté  par  le  Blond  ,  qui  a 
(jciiine  les  planches  de  l'excellent  traité  du 
jardinage  de  M.  d'Argenvillc ,  dont  il  t(t 
parlé  dans  le  diicours  préliminaire  ,  &:  de- 
puis par  Jacques  -  François  Blondel ,  pro- 
[c^çm  ^architecture  ,  dont  nous  avons  au (îî 
un  traité  de  la  dijlribiition  &  de  la  décora- 
tion des  édifices  y  fans  oublier  Bullet  ,  le 
Nuet ,  Bofïé  ,  tiic.  qui  nous  ont  aulfi  donné 
quelques  ouvrages  fur  Wirchitecliire . 

Le  terme  à'arckiteclure  reçoit  encore 
plulieurs  ligniHcatinns  ,  félon  la  manière 
dont  on  le  met  en  ulàge  ,  c'efl-à-dire  , 
qu'on  appelle  architecture  en  perjpecli^-e 
celle  dont  les  parties  font  de  diflcrentes  pro- 
portions ,  &  diminuées  ù  radon  de  leurs 
diilanccs  ,  pour  en  faire  paroître  l'ordon- 
nance en  général  plus  grande  ou  plus  éloi- 
gnée qu'elle  ne  l'eit  réellement,  tel  qu'on 
voit  exécuté  le  tameux  efcalier  du  Vaii- 
can  ,  bâti  fous  le  pontificat  d'Alexandre  VII, 
fur  les  dellîns  du  chevalier  Bernin.  On 
2i\i'ç>e^t  architeclure  feinte  y  celle  quia  pour 
objet  de  repréfentcr  tous  les  plans ,  faill  es 
&  reliets  d'une  architeclwe  réelle  par  le 
feul  fecours  des  coloris  ,  tel  qu'on  en  voit 
dans  quelques  fronrirpices  de  l'Italie  ,  & 
aux  douze  pavillons  du  château  de  Marly  ; 
ou  bien  celle  qui  concerne  les  décorations 
des  théâtres  ou  des  arcs  de  triomphe ,  pein- 
tes fur  toile  ou  fur  bois ,  géométrakment 
ou  en  perfpeftive ,  à  l'occahon  des  entrées 
ou  fêtes  publiques  ,  ou  bien  pour  les  pom- 
pes funèbres ,  feux  d'artifice  ,  &c.  (  P  ) 

"  Les  obfervations  que  nous  allons 
»   ajouter  ,    lont  encore  de  M.  Suider.  >» 

§  ACHITECTURE  ,  {  Beaux -Arts.) 
Nous  ne  parlerons,  dans  ctx  article  ,  del'ar- 
chiteclure  ,  qu'autant  qu'elle  tient  au  goût. 
Si  l'on  fait  abfiradion  de  la  méchanique 
de  cet  art ,  que  l'architefte  doit  pofléder  à 
fond  ,  &  de  ce  qu'il  doit  emprunter  de  la 
géométrie,  il  refte  encore  alTez  à  V archi- 
tecture ,  pour  lui  affigner  un  rang  parmi 
les  beaux  arts.  Les  mêmes  talens  qu'on  a 
droit  d'exiger  de  tout  autre  artifte ,  doi- 
vent fe  trouver  dans  l'architeâe.  Ce  génie 
qui  donne  aux  ouvrages  de  l'art  leur  im- 


AïlC  15^ 

porrance  ,  leur  dignité  ,  une  force  capable 
d'enchaîner  l'attention  ,  &  de  s'emparer  des 
elprits  &  des  cœurs  ;  ce  bon  goût  qui  répand 
fiir  fes  ouvrages  ,  la  beauté  ,  l'agrément , 
l'harmonie  ,  en  un  mot  certain  attrait  au- 
(]uel  l'imagination  ne  fauroit  le  ioultraire. 
Le  mêm.e  elprit  qui  inipira  Homère  &  Ra- 
phaël ,  doit  anim.er  l'architcfre  qui  afpire 
à  la  célébrité  ;  tout  ce  qu'il  produira  , 
guidé  par  cet  efprit  ,  fera  A  jufle  titre  un  ou- 
vrage des  beaux  arts.  Le  befoin  qui  fait  con!- 
truire  un  bâtiment ,  en  détermine  auiii  les 
parties  principales  ;  les  règles  de  la  mé- 
chanique &  de  la  géométrie ,  lui  donnent 
la  folidité  néccfîaire  :  mais  de  compoi'er 
avec  des  pièces  que  le  befoin  a  inventées , 
un  tout  qui  ,  dans  chaque  partie  ,  puifle 
iatisfaire  ;\  ce  que  l'imagination  exige  ;  un 
tout  qui  puifle  foutenir  l'examen  réfléchi 
de  la  railon  ,  &  entretenir  l'cfrrit  dans  une 
utile  aâivité  ;  un  tout  dont  l'afjieci  puiite 
exciter  divers  genres  de  fentimens  agréa- 
bles,, qui  imprime  dans  les  cœurs  l'ad- 
rniration  ,  le  refpeû ,  la  dévotion  ,  un  fai- 
(ilTcment  alFtûueux  ;  ce  font-là  des  pro- 
dudions  du  génie  gi-iidc  par  le  goût  :  c'efl 
par-là  que  l'architeéle  s'aifure  un  rang  dii- 
tingué    dans  la  claiTè  des  arcifles. 

Eavifèigée  drns  (es  objets  ,  Y  architecture 
ne  le  cède  en  nobkfle  à  aucun  des  autres 
arts,  &  confidérée  dans  fes  eBets,  elle  y 
(outient  très-bien  Ion  rang.  D'où  l'Homme- 
a-t-il  eu  les  utiles  &  importantes  notions 
d'ordre  ,  de  beauté  y  d'harmonie  ,  de  fym- 
métrie  ?  D'où  lui  font  venus  les  premier? 
tentimens  de  l'agréable  ,  du  gracieux  ,  & 
ceux  d'admiration  pour  la  grandeur,  dc 
reljied  même  &  de  culte  pour  la  divinité  , 
fi  ce  n'efl  de  la  contemplation  réfléchie  des 
objets  fenfibles  que  la  flrudu  re  de  l'uni- 
vers ofTre  .i  fes  yeux  ?  N'  cfl-il  pas  évident: 
que  c'efl  à  la  beauté  ,  aux  agrémens  ,  à 
ja  commodité,  &  aux  autres  avantages  des 
contrées  que  l'homme  habire  ,  qu'il  eff  re- 
devable des  premiers  progrès  dans  fa  perfec- 
tion ?  comme  d'un  autre  côté  rien  ne  con- 
tribue plus  à  l'entretenir  dans  la  barbarie 
&  dans  l'état  de  pure  animalité  ,  que  le 
féjour  habituel  d'un  climat  malheureux  ,> 
privé  de  tous  les  agrémens ,  &  de  toutes- 
les  commodités  de  la  vie.  On  ne  fauroir 
dçnc  jyer  que  ïarchiteclurc  n'ait  une  utilité 


t^S  A  R.  C 

bien  décidée  pour  la  culture  de  l'efprit  & 
du  cœur  ,  puifque  ce^t  art  fait  reproduire 
à  fa  manière  toutes  les  impreffions  avan- 
tageufes  que  la  beauté  d'une  contrée  peut 
exciter. 

Que  celui  qui  a  quelque  goût  pour  l'or- 
dre ,  la  beauté ,  la  magnificence  des  objets 
purement  matériels  &  inanimés ,  prenne  la 
peine  de  lire  la  relation  que  Paulanias  nous 
a  donnée  de  la  ville  d'Athènes  ,  &  qu'il 
fafle  enfùite  réflexion  aux  effets  que  le  fé- 
jour  d'une  telle  ville  a  dû  produire  fur  un 
athénien.  Ce  leroit  bien  peu  connoître  la 
nature  de  l'homme  ,  que  de  ne  pas  fentir 
combien  de  pareils  objets  ont  dû  contribuer 
efficacement  à  ennoblir  les  fentimens.  Si  la 
nation  la  mieux  logée  n'eft  pas  précifëment 
la  plus  parfaite  ;  fi  dans  des  pays  où  l'on 
ne  voit  que  de  miférables  cabanes  ,  on 
rencontre  des  hommes  qui  ne  font  rien 
moins  que  barbares  ,  il  n'en  taut  pas  con- 
clure que  cette  nation-là  ne  doive  rien  à  la 
beauté  de  fon  architecture  ,  ou  que  l'habi- 
tant de  ces  cabanes  n'en  feroit  pas  plus 
perfedionné  pour  avoir  fenti  l'heureufe  in- 
fluence de  cet  art.  En  un  mot,  auroit-on 
fort  de  foutenir  que  Varchiteclure  foit  de 
tous  les  beaux  arts  le  plus  utile  à  la  culture 
de  l'homme  ;  mais  on  auroit  également  tort 
de  ne  pas  reconnoître  que  cet  art  peut  effi- 
cacement concourir  avec  les  autres  à  cet 
objet  le  plus  important  de  tous. 

L'eflence  de  ]! architecture  ,  en  confidé- 
rant  cet  art  com.me  une  produftion  du 
génie  dirigé  par  le  bon  goût  ,  confifte  à 
donner  aux  édifices  toute  la  perfeâion  fcn- 
fible  ,  ou  ellhétique  ,  que  leur  deftination 
comporte.  Perfeâion  ,  ordre  ,  convenance 
dans  la  diftribution  intérieure  ;  beauté  dans 
la  figure  ,  caraftere  aflortiffant ,  régularité  , 
proportion  ,  bon  goût  dans  les  ornemens 
au  dedans  &  au  dehors  ;  voilà  ce  que  l'ar- 
chitede  doit  mettre  dans  tous  les  bâtimens 
qu'il  veut  conftruire. 

Dès  qu'on  lui  en  aura  indiqué  la  def- 
tination précife ,  c'efl  à  lui  à  trouver  le  nom- 
bre des  pièces  principales  ,  &  à  donner  à 
chacune  la  granAjur  la  plus  convenable 
pour  l'ufagc  auquel  elle  eft  dcflinée  ;  il  doit 
enfuite  diflribuer ces  pièces  principales,  & 
les  réunir  en  un  tout ,  de  manière  que  cha- 
que pièce  ait  la  place   qui  lui  convient  le 


ARC 

mieux  y  &  qu'en  même  temps  le  toiu  pré* 
fente  au  dedans  &  au  dehors  un  édifice 
bien  entendu  ,  commode  ,  qui  réponde  à 
fon  genre  ,  &  à  la  deftination  ,  dont  la 
forme  plailc  aux  yeux  ,  &  qu'il  n'y  ait  au- 
cune partie  qui ,  jufque  dans  le  petit  détail , 
ne  loit  telle  précilément  que  fon  ufage  le 
demande  ;  qu'on  voie  régner  dans  l'ouv  rage 
entier  l'intelligence  ,  la  réflexion ,  le  bon 
goût  :  qu'on  n'y  apperçoive  rien  d'inutile, 
d'indécis  ,  de  confus  ou  de  contradiftoire  J 
que  l'œil  attiré  par  la  forme  gracieufe  de 
l'enlemble  foit  dirigé  dès  l'abord  vers  les 
principales  parties  ;  qu'il  les  diftingue  fans 
peine  ,  &  qu'après  les  avoir  coniidérées 
avec  plaifir  ,  il  s'arrête  fur  les  parties  de 
détail  ,  dont  l'ufage  ,  la  nécefficé  ,  &  le 
jufte  rapport  au  tout  ,  fe  faflent  ailément 
fentir.  Qu'il  y  ait  dans  l'enlemble  une  telle 
harmonie  ,  un  tel  équilibre  entre  les  par- 
ties ,  qu'aucune  ne  domine  au  préjudice 
des  autres  ;  &  que  rien  de  défeâueux  ou 
d'imparfait  n'interrompe  délagréablement 
l'attention.  En  un  mot  ,  il  laut  qu'on  dé- 
couvre^dans  un  bâtiment  parlait,  autant  que 
la  nature  de  l'objet  peut  le  permettre  ,  la 
même  fagcfl'e  ,  le  même  goût  ,  que  l'on 
admire  dans  la  flruélure  intérieure  &  exté- 
rieure du  corps  humain  j  lorfqu'il  eft  fans 
défauts. 

La  nature  eft  donc  la  véritable  école  de 
l'architede  comme  de  tout  autre  artifte. 
Tout  corps  organiié  eft  un  édifice  ,  cha- 
que partie  eft  parfaitement  propre  à  l'uiage 
auquel  elle  eft  dcftinée  ;  toutes  ces  parties 
ont  entr'elles  la  liaiion  la  plus  intime  ,  & 
en  même  temps  la  plus  commode  ;  l'en- 
lemble a  dans  Ion  efpece  la  forme  extérieure 
la  mieux  choifie  ,  des  propordons  juftes, 
&  une  exaéle  fymmétrie  des  parties  :  le  luftre 
&  la  diftribution  des  couleurs  en  font  un 
tout  agréable.  Tout  bâtiment  parfait  doit 
réunir  les  mêmes  perledions  ;  on  en  pour- 
roit  donc  conclure  ,  avec  quelque  apparence 
de  raifon  ,  que  l'invention  &  le  génie  font 
des  qualités  plus  nécelîaires  encore  à  l'ar- 
chiteâe  qu'au  peintre  ;  celui-ci ,  par  une 
fimp'.e  imitation  fcrupuleule  de  la  nature, 
peut  déjà  produire  un  bon  ouvrage  ;  l'au- 
tre au  contraire,  n'imite  point  les  auvres 
de  la  nature  ,  il  n'en  imite  que  l'elprit  & 
le  génie ,  &    ce  genre  d'imitatioa   luppofe 

autre 


ARC 

«utre  cliofc  que  bons  yeux.  Le  peintre  n'in- 
vente pas  fcsi  figures.;  il  les  trouve  dans  la 
■nature  :  l'architedc  les  crée. 

Audi  la  perteâion  dans  l'art  de  bâtir 
fait -elle  autant  d'honneur  à  une  nation, 
que  les  autres  talens  qu'on  y  cultive.  Des 
édifices  mal  entendus  ,  qui  ,  malgré  leur 
grandeur ,  n'ont  ni  commodité  ,  ni  régula- 
rité ,  dans  Iciquels  l'ablurdiré  ,  la  difpro- 
portion,  la  négligence  ,  &  d'autres  détaurs 
de  cette  nature  régnent  de  tous  cotés,  lont 
une  preuve  infaillible  que  la  nation  manque 
elle-même  de  goût ,  de  jugement  &  d'or- 
dre. On  (e  Fera  au  conrraire  l'idée  la 
plus  aviuuageufe  de  la  manière  de  penfer 
d'un  peuple  chez  lequel  on  verra  jiilque 
dans  les  moindres  batimens  &  leurs  plus 
petites  parties ,  une  noble  fimplicité  ,  un 
goût  lûr  ,  &  un  rapport  judicieux.  Elien 
rapporte  qu'à  Thebes  ,  le  peintre  qui  taiioit 


ndai 


un  mauvais  taoleau ,  etoit  condamne  a  une 
amende  pécuniaire.  (-/Elianus  Par.  Hijh  L. 
ly,  chap.  4.  )  Il  feroit  plus  important  en- 
core ,  dans  un  état  policé  ,  d'étabhr  des 
loix  pour  prévenir  des  tautes  groilieres  en 
architecture.  La  protedion  de  cet  art ,  &  (on 
extenfion  julqu'aux  moindres  batimens  des 
particuliers  ,  n'eft  point  un  objet  indigne 
de  l'attention  d'un  iage  Légillateur.  Uar- 
chitcclure  peut  auffi  bien  influer  lur  les 
mœurs  ,  que  la  muhque  y  intluoit ,  au 
jugement  des  anciens  Spartiates.  De  milé- 
rables  édifices  ,  conçus  &  exécutés  fans 
ordre  &  ians  jugement ,  ou  lurchargés  d'or- 
nemens  ridicules  ,  extravagans  &  monl- 
tnieuv  ,  ne  peuvent  que  produire  wcv  mau- 
vais effet  fijr  la  manière  de  penièr  d'un 
peuple  qui  ne  voit  que  des  batimens  dans  ce 
goût-là. 

Le  bon  goût  en  archlteclure  n'efl  au  fond 
que  le  même  goût  qui'fe  maniterte  fi  a  va  n- 
tageulement  dans  les  autres  arts ,  &  même 
dans  toute  la  vie  civile.  L'eflfet  de  ce  bon 
goût ,  en  matière  de  batimens  ,  fera  qu'on 
n'y  appercevra  rien  qui  ne  foit  réfléchi , 
intelligible ,  digne  d'une  imagination  bien 
réglée  ;  chaque  partie  harmonicra  avec  le 
tout  :  l'air  ,  la  forme  ,  le  caradere  répon- 
dront à  fa  defîination.  Nulle  pièce ,  nul  or- 
nement dont  ,  à  la  première  vue ,  on  ne 
puilTe  fe  rendre  railbn.  La  noble  fimpli- 
cité y  fera  préférée  à  l'excès  dans  les  orne- 
Tome  III. 


ARC  iy7 

mens;  &  jufque  dans  le  moindre  détail, 
on  remarquera  dillindcment  l'intelligence, 
&  la  ibignculè  induiîrie  de  l'architede.  Ua 
retrouve  clairement  tous  ces  caraderes  dans 
le  petit  nombre  d'édifices  qui  iiiMidcnt  en- 
core des  beaux  ficelés  de  Varchiieclure  grec- 
tjue.  Ce  lont  les  ;3iodeles  d'un  goût  épuré. 

Dès  qu'une  nation  fortie  de  fa  première 
barbarie  ,  a  le  loifir  d'y  réfléchir ,  &  qu'elle 
commence  à  avoir  quelques  notions  d'or- 
dre ,  de  commodité  ,  de  convenance  ,  fes 
premiers  efforts  iè  tourneront  naturellement 
vers  ïarchiceclare.  Il  d\  dans  la  nature  de 
l'homme  de  préférer  l'ordre  au  déiordre. 
L'origine  de  \'iircliùec?ure  remonte  donc 
aux  temps  les  plus  reculés ,  &  ne  doit  pas 
être  cherchée  en  un  feul  pays.  Il  lu'oit 
également  agréable  &  inflrudif  de  pouvoir 
mettre  ious  les  yeux  les  principaux  genres 
de  goût  en  hiit  A' architeccure  ,  en  raifem- 
blant  les  deflms  d'édifices  confidérables  chez 
les  diverfes  nations  qui  ont  cultivé  cet  art , 
ians  avoir  de  communication  entr'elles.  On 
en  pourroit  tirer  bien  des  éclaircillemens 
(ur  le  caradere  national  de  ces  peuples.  On 
retrouveroit  par-tout  les  mêmes  principes 
Ians  doute;  mais  la  manière  de  les  appliquer 
leroic  bien  différente. 

Le  goût  que  Us  Européens  d'aujourd'hui 
ont  adopté  ,  eff  le  même  ,  au  tond  ,  qui 
régnoit  autretois  en  Grèce  &  en  Italie.  L'ar- 
chiceclure,  auflî  peu  que  les  autres  arts  , 
ne  paroît  point  être  née  dans  la  Grèce  ; 
elle  y  avoit  été  apportée  de  l'Egypte  &  do 
la  Phénicie  ;  mais  c'ell  chez  les  Grecs  qu'elle 
atteignit  à  fa  perledion  ,  grâces  au  juge- 
ment folide ,  &  à  la  lenfibilicé  délicate  de 
ces  peuples.  On  voit  encore  en  Egypte  des 
ruines  d'édifices  qui ,  lelon  toutes  les  appa- 
rences ,  font  antérieurs  aux  temps  hiffo- 
riques.  On  y  découvre  néanmoins  déjà  le 
goût  grec  (  y.  les  articles  CORINTHIEN  , 
Dorique,  )  même  julque  dans  les  orne- 
mens  de  dérail.  Il  n'exiffe  plus  rien  des  bati- 
mens Phéniciens  ,  Babyloniens  ou  Pcrians  , 
de  la  haute  antiquité.  Cependant ,  comme 
le  temple  de  Salomon  tenoit  fins  doute  de 
ra7r/z/,:ft7ur<f  Phénicienne ,  on  peut  encore 
affirmer  de  celle-ci ,  qu'elle  relîembloit  à 
['architecture  des  Egyptiens. 

C'eil  donc  l'Orient ,  &  probablement 
l'Afie ,  en  deçà  de  l'Euphrate ,  qui  eil  U 


258  ARC 

pays  natal  de  ce  genre  d'architecture  ,  que  la 
Grèce  a  porté  au  plus  haut  dcgrt;  d^  perfec- 
tion. II  paroît  que  cet  art,  lorlqu'il  pafTa 
chez  les  Grecs  ,  étoit  encore  tort  groflier  , 
car  il  fublilte  encore  des  ruines  conlidé- 
rables  d'édifices  grecs ,  qui  remontent  à  des 
temps  bien  antérieurs  à  celui  du  bon  goût  : 
telles  font  les  ruines  de  Peitum  fur  le  golfe 
de  Salerne  ,  &  celles  d'Agripente  en  Sicile. 
Succelllvement  cette  archiceclure  reçut  en 
Grèce  &  en  Italie  diverfcs  modifications  ; 
c'étoient  autant  de  nuances  difFérentes  qu'on 
de'iigna  dans  la  fijlte  fijus  le  nom  d'ordres. 
Les  Etrulqiies  &  les  Doriens  s'écartèrent 
le  moins  de  l'ancienne  fimplicité  &  du  flyle 
grolUer.  Les  Ioniens  y  introduifirent  un 
peu  plus  d'agrément  ,  &  une  efpece  de 
moUeflè.  Mais ,  lorfqu'eniuite  la  Grèce  de- 
vint le  féjoiir  des  beaux  arts ,  ï'architeclure 
fat  plus  ornée  ;  il  y  entra  même  du  luxe , 
comme  on  l'obferve  dans  l'ordre  corin- 
thien. Enfin  les  Romains,  venus  plus  tard  , 
renchérirent  encore  lùr  les  ornemcns.  V^oj. 
l'article  OR.DRE  ,   {Architecliire.) 

Ces  cinq  anciens  ordres  à' architecture  fer- 
vent encore  de  règle  aujourd'hui  ,  toutes 
les  tois  qu'il  eft  queliion  d'employer  des 
colonnes  &  des  pilaftres  ;  &  ils  lont  fi  bien 
choifis ,  qu'on  ne  fauroit  guère  s'écarter 
des  formes  &  des  proportions  que  les  an- 
ciens leur  ont  données,  fans  rifquer  de  gâter 
l'ouvrage.  11  n'elt  plus  à  prélumer  qu'on 
puiiie  inventer  un  nouvel  ordre  qui  ditiere 
réellement  de  ceux-là  ,  &  qui  ioit  bon. 
Les  Romains  ont  déjà  épuifé ,  ce  me  fem- 
ble  ,  tous  les  eflais  poffibles  à  cet  égard.  Ils 
s'étoient  propoié  de  taire  de  Rome  la  plu.s 
belle  ville  du  monde ,  par  la  beauté  de  les 
édii'ices.  On  lit  avec  plaifir  ce  que  Strabon 
rapporte  à  ce  fujet ,  au  livre  J^defa  Ge'o- 
^^raphie.  Cependant  tous  ces  gi'ands  efforts 
des  plus  habiles  architeftes ,  raiiemblés  de 
toutes  les  contrées  de  la  Grèce ,  n'abouti- 
rent qu'i\  imaginer  le  feul  ordre  romain  , 
qui  n'cA  que  le  compofé  du  corinthien  &  de 
l'ionique. 

A  l'extinfiion  de  la  maifon  de  Céfar , 
ïarchitecluie  romaine  commença  à  décli- 
ner. On  s'éloigna  inienfiblement  de  la  belle 
^iimpliclté  des  Grecs  :  on  prodigua  les  or- 
fiemens.  Les  édifices  prirent  le  caraflere 
des  mau.irs   qui   rognent    dans   toutes   les 


ARC 

cours  defpotiqiies.  Une  pompe  éblouiflantc 
remplaça  la  véritable  grandeur. 

11  iubiHte  encore  divers  morceaux  d'ar- 
chitec/ure  de  ces  temps-Iù  ;  tels  font  les 
arcs  de  triomphe  des  empereurs  Sévère , 
Marc-Aurele  &.  Conlhmtin  ,  &  fur-tout  les 
thermes  de  Dioclétien.  A  mefure  que  la 
majefté  de  l'empire  le  dégradoit ,  Yarclii~ 
teclure  dégénéroit  de  même.  Les  Romains 
la  tranfportercnt  A  Conilantinople  ,  où  elle 
s'efi:  foutenue  pendant  plulieurs  fiecles  dans 
un  état  de  médiocrité.  En  Itahe  ,  on  né- 
gligea de  plus  en  plus  les  belles  propor- 
tions; elles  s'y  perdirent  enfin  totalement. 
Après  la  chute  de  Fempire  d'occident ,  les 
Goths  ,  les  Lombards  &  enfuite  les  Sarra- 
zins  ,  ayant  aftcrmi  leurs  conquêtes ,  en- 
treprirent de  vaftes  édifices ,  dans  Icfquels 
on  ne  vit  plus  que  de  foibles  vefi'iges  de  l'an- 
cien bon  goût.  On  avoit  perdu  de  vue  pref- 
que  toutes  les  règles  du  vrai  beau  ;  on  s'ef- 
força d'y  lublVituer  \i  peiné  ,  le  maniéré  , 
le  fingulier ,  &  en  quelque  façon  le 
monftrueux. 

C'elt  au  milieu  de  ces  temps,  où  la  bar- 
barie régnolt ,  que  la  pliiparr  des  villes 
d'Allemagne ,  &  des  temples  en  occident , 
furent  confcruits:  ils  portent  encore  de  nos 
jours  l'empreinte  d'un  goût  qui  bravoit 
toutes  les  règles.  Ces  batimens  étonnent 
par  leur  grandeur ,  par  l'abus  exceilit  des 
ornemens,  &  par  l'oubh  total  des  propor- 
tions. On  y  trouve  néanmoins  de  loin  en 
loin  quelques  traces  de  l'ancien  goût.  L'éghfc 
de  Saint  Marc  à  Venife  ,  bâcie  dans  les 
années  dès  977  jufqu'à  107 1  ,  con- 
tient encore  des  veftiges  de  la  vraie  magnifi- 
cence &:  des  belles  proportions  ;  &  l'églife 
de  Santa-Maria-ForiTiolà  dans  la  même  ville, 
conflruite  par  l'architcfie  Paulo  Barberta  , 
en  I350,efi  prefque  entièrement  dans  le 
goil'it  antique. 

Divers  édifices  confidérables  du  bas  âge, 
qui  exiiîcnt  encore  dans  plufieurs  villes 
d'Italie  ,  feniblent  prouver  alîcz  clairement 
que  le  bon  goût  en  architeclwre  ,  ne  s'efl 
jamaisentiérement  éreint.  On  poia  en  1013  , 
à  Florence,  les  loadcinens  du  temple  de 
Saint- Amiat  ;  cet  édifice  efl  d'un  goût  pal- 
fible.  La  carliédralede  Pile  fut  commencée 
l'an  1016.  L'architecte  étoit  un  Grec  de 
Dulichium;  ks  Italiens  le  nomment  Buf- 


ARC 

eheto.  Comme  les  Plfans  faifoient  en  ce 
temps-là  un  grand  commerce  au  levant , 
ils  firent  tranfporter  de  Grèce  des  colon- 
nes de  marbre  tirées  des  monumens  anti- 
ques ,  pour  les  employer  à  cet  édifice.  Ils 
appellerent  auili  de  la  Grèce  des  peintres  & 
>  des  fculpreurs.  Vers  ce  temps-lA  ,  on  com- 
mença aufli  i"i  b'itir  à  Rome  ,  à  Bologne 
&  à  Florence  La  belle  ciiapelle  de  mar- 
bre ,  dans  réglilè  de  Sainte  Marie  Majeure 
ï  Rome,  fut  biltie  vers  l'an  Ili6,  par  un 
certain  Marcbione  qui  étoit  i\  la  fois  fculp- 
teur  &  archicede. 

L'un  des  plus  grands  arcliiteâesdu  bas- 
âge,  fiic  un  allemand  no'nmé  Maitre-Jj.c- 
ques  :  il  s'établit  à  Florence  ,  oi\  ilbâtitle 
grand  couvent  des  Francifcains  ;  fon  fils  , 
que  les  Italiens  nomment  Arnolfo  Lapo  , 
confîruifit ,  dans  la  même  ville  ,  l'églil'e  de 
la  Silnte-Croix  ,  &  donna  les  plans  du 
magnifique  temple  de  Santa-Maria  de  Fiori  ; 
il  mourut  l'an  1200. 

Cependant  ces  .petits  reftes  du  bon  goût 
ne  s'étendirent  point  encore  au  delà  de 
l'Italie.  Dans  tous  ces  vafles  batimcns  qu'on 
élevoit  alors  aux  Pays-Bas ,  monumens  de 
l'opulence  qui  y  régnoit ,  on  ne  voit  qu'un 
travail  infini  fans  goût.  On  en  geut  dire 
autant  de  la  cathédrale  de  Strasbourg  , 
l'un  des  plus  étonnans  édifices  qui  aient  ja- 
mais été  entrepris  ;  c'cft  un  ouvrage  du 
treizième  fiecle ,  dont  l'architeâe  fe  nom- 
moit  Erwin  de  Steinbach. 

Mais  au  quinzième  fiecle  ^architecture 
commença  à  renaître  de  fes  ruines.  Les  vil- 
les dévailées  par  les  troubles  qui  avoient 
agité  l'Europe,  le  rétablirent,  la  tranquil- 
lité permit  d'entreprendre  de  nombreux  bâ- 
timens ,  &  d'y  mettre  du  goût.  On  confi- 
déra  avec  plus  d'attention  les  mouvemcns 
de  l'antiquité  ;  on  en  prit  les  dimenfions.  Un 
certain  Scr  Brunelelchi ,  qui  vivoit  au  com- 
mencement de  ce  quinzième  fiecle ,  fut 
l'un  des  premiers  qui  prit  la  peine  de  par- 
courir dans  Rome  Içs  anciennes  ruines  , 
l'échelle  &  le  compas  à  la  main.  Dès-lors  , 
l'attention  pour  ces  beaux  modèles  alla 
toujours  en  augmentant  ,  jufqu'à  ce  que , 
vers  la  fin  du  quinzième  fiecle  ,  &  au  com- 
mencement du  feizieme  ,  Alberti,  Serlio  , 
Palladio ,  Michel-Ange ,  Vignole  ,  &  d'au- 
tres grands  architeâes  s'occupèrent,  avec 


ARC  15^ 

un  foin  infatigable ,  à  découvrir  toutes 
les  règles  qu'avoient  fuivi  les  anciens  , 
pour  donner  â  leurs  édifices  la  beauté  qui 
les  diflingue  :  c'eft  ainfi  que  \ archiceclure 
renaquit. 

Elle  ne  reparut  pas  néanmoins  dans  foii 
ancienne  pureté  ;  on  avoit  compris  dans  les 
modèles   qu'on    confuira ,  les  raouvemenî 
pollérieurs  de  Rome  ancienne ,  &  fur-tout 
les   thermes  de    Dioclérien  >    qui  n'étoient 
pas  exempts  de  défauts.  Palladio  &  Michel- 
Ange  ,    les  deux  plus  grands   architectes , 
mirent  eux-mêmes  au  nombre  des    règles 
qu'ils  adoptèrent ,  les  délauts  que  la  déca- 
dence du  goût  fous  les  empereurs  ,  avoir 
inlenfiblcment  introduits  ;  &  l'autorité   de 
ces  deux  grands  hommes  leur  a  donné  un 
poids  qui  les  fait  encore   refpeâer  aujour- 
d'hui.   Cependant  le  bon  goût  fe  répandit 
fucceflivement  de  l'Italie   dans  le  refie  de 
l'Europe.  De  la  Ruffie  jufqu'en  Portugal  , 
&    de    Stockolm   à  Rome ,   on   voit    au- 
jourd'hui ,  quoique  feulement   de  loin   ea 
loin  ,  des  édifices  qui ,  à  la  vérité  ,  ne  font 
pas  fans  défaut ,  mais  qui ,  à  les  confidé- 
rer   en    gros ,   font    conflruits    avec  goùr. 
Mais  ces  ouvrages  font  en  trop  petit  nom- 
bre pour  qu'on  puiffc  affirmer  que  la  bonne 
architeaure  ioit  généralement  reçue  en  Eu- 
rope.   Il  n'y    a  encore  que  trop  de  villes 
confidérables  ,  où  l'on  en  apperçoit  à  peine 
quelque  vertige.  Il  ne  manque  néanmoins 
aux  architedes    modernes  ,   pour  acquérir 
le  bon  goût  des  anciens  ,  qu'à  étudier  avec 
une  attention  réfléchie  ,  les  plans  &  les  del- 
fins  des  monumens   antiques   de  la  Grèce 
&  de  Rome.  On  en  a  des  recueils  afTez 
complets  ,  &  qui  font  répandus  dans  tous 
les  pays. 

Nous  allons  terminer  cet  article  par 
quelques  réflexions  fur  la  théorie  de  Var- 
chiuclure. 

L'ufage  auquel  chaque  bâtiment  ert  def^ 
tiné  ,  donne  prefque  toujours  à  l'architeâc 
l'étendue  de  l'édifice  &  le  nombre  des 
pièces  ,  pourvu  qu'il  ait  le  jugement  allez 
fain  pour  diftinguer  ce  qui  ,  dans  chaque 
c^s ,  convient  aux  temps  ,  aux  circonf^ 
tances  &  aux  perfonnes.  C'eft  à  lui  cnfuite 
à  faire  la  diflribution  Ats  pièces ,  &  le 
plan  de  l'cnfemble.  C'eft  dans  ce  travail  qu'il 
a  befoin  d'être  dirigé   par  certains  princi- 

Kk  2 


a^o  ARC 

pes,  pour  ne  point  fe  trompei*  dans  fon 
jugement  fiar  le  beau  &  l'agréable.  Il  lui 
faut  en  outre  certains  principes  d'expérien- 
ce ,  qui  lui  taiîenr  connoître  le  beau  ,  dans 
tous  les  cas  où  les  régies  fondamentales  ne 
le  déterminent  pas  avec  allez  de  précilion. 
De  -  là  réfulte  la  théorie  de  V architeBiire  : 
il  y  a  d'abord  certaines  règles  dont  l'ob- 
fervation  eft  indiipenfable  dans  toute  ci- 
pece  d'édifice  ,  &  dans  chacune  de  fes  par- 
ties,  fous  peine  de  tomber  dans  des  déti\uts 
qui  choquent  &  qui  révoltent  ;  nous  les 
nommerons  des  règles  ne'cejfaires.  Il  y  en 
a  d'autres  qu'on  peut  négliger  ,  lans  qu'il 
en  réiulte  aucun  délaut  dans  l'ouvrage , 
mais  auffi  il  manquera  totalement  de 
beauté. 

Nous  nommerons  ces  dernières  des  règles 
accejjohes  :  la  théorie  doit  déterminer  avant 
toutes  chofes  les  règles  de  la  première  el- 
pece  :  elles  iè  réduifcnt  à  la  jultelîe ,  à  la 
régularité,  à  la  liaiion,  à  l'ordre,  à  l'uni- 
formité &  À  la  proportion  ;  car  les  attri- 
buts déiignés  par  ces  termes  (ont  tellement 
cfientiels  aux  bâtimensde  toute  eipece  ,  que 
le  moindre  déîaut  à  cet  égard  choqueroitun 
ccil  actcntit. 

Mais  un  édifice  où  l'on  aura  évité  tout  ce 
qui  pourroit  choquer  ,  peut  encore  n'être 
point  un  bel  édifice  ;  pour  qu'il  devienne 
tel ,  il  ne  luifit  pas  que  l'oeil  n'y  apperçoive 
rien  de  choquant,  il  faut  de  plus  que  l'e- 
fiifice  puiife  lui  plaire.  Cette  condition  iu[)- 
pole  d'abord  qu'on  y  ait  obler\  c  unee':aéte 
réunion  de  la  pluralité  avec  l'un  fé.  {V^oye^ 
l'an.  Beau  ;  )  c'ell  ce  qu'on  obtient  par 
la  variété  des  parties  ,  le  nombre  &  la  juf- 
tefle  de  leurs  proportions.  La.  théorie  doit 
donc  enleigner  l'art  d'arranger  l'eniemblc 
d'un  bâtiment ,  en  combinant  tliveries  pie- 
ces  qui  aient  entr' elles  une  juile  harmonie  & 
de  belles  proportions.  Les  auteurs  qui  ont 
traité  de  Wirchiteaure ,  n'ont  pas  été  affez 
attentifs  à  diilinguer  ces  deux  efpeces  de 
règles  ;  &  ce  manque  de  préciiîon  a  rei- 
ierré  ï architeâure  dans  des  bornes  trop 
étroites. 

La  plupart  des  architeftes  parlent  des 
proportions  des  colonnes  ,  &  des  ornemens 
dans  cliaque  ordre ,  de  manicie  à  faire  pen- 
1èr .  que  toutes  Icj  règles  t^u'on  en  donne 
font  d'une  précilion  &  d'une  nécelHié  ab- 


ARC 

folues.  Ils  envifagent  les  écarts  de  ces  rè- 
gles comme   Aes  défauts  efientiels  ,  tandis 
que  fouvent  ces   écarts    ou  ne  produil'enc 
point  de  mauvais  eiîets  ,  ou  même  en  pro- 
duilent  un    bon.    Ce  feroit,    au    jugement 
d'un  grand  nombre  d'architectes ,  une  faute 
impardonnable,  que  d'employer  dans  l'or- 
dre ionique  ou  dans  le  corinthien ,  les  or- 
neniens  que  Vaichueffure  greque    donnoit 
à  la  frile  d'une  colonne  dorique.  Pluheurs 
pouilent  le  fcrupule  fi  loin  ,  qu'ils  ne  per- 
mettent pas  qu'on  s'écarte  dans  les  moin- 
dres minutes  des  règles  prefcrites.  Vitruve  , 
par  exemple  ,   veut  que  dans  la  triie  dori- 
que ,   la    largeur    du    triglyphc   foit   égale^ 
aux  deux   tiers  de  fa  hauteur  ,   &  que  les 
métopes  aient  ces  deux  dimenfions  égales, 
r.'lallieur    à    l'architede    qui    s'aviferoit   de 
rcnverier    ces    proportions    de     Vitruve  j, 
eût -il  railemble    dans  fon    bâtiment  tous 
les  genres  de  beauté  ,   fes  contreres  l'ac- 
cuferoient  d'avoir  commis  une  faute  irré- 
rriilîible. 

C'eil-lA  un  préjugé  qui  rétrécit  trop  le 
goût  ;  il  n'y  a  de  règle  fixe  &  in^'ariable, 
que  celle-  dont  la  violation  air.cne  un  dé- 
faut qui  blefle  nécetlairement  la  vue ,  & 
qui  répugne  à  la  manière  de  penfer  &  da 
ientir  commune  &  narurelic  à  tous  les 
hommes.  Des  règles  de  cette  nature  font 
inaltérables ,  il  n'eil  point  permis  de  s'ea 
dJlf>cnfer  :  mais  comme  il  n'y  a  point  de  rai- 
fon  necefiliire  pourquoi  dans  un  tel  ordre  ^ 
la  frife  doit  avoir  des  triglyphcs  ,  &  dans 
ha  autres  ordres,  d'autres  ornemens;  ou 
pourquoi  l'on  donne  au  chapiteau  corin- 
thien ,  trois  rangs  de  feuilles  plutôt  que 
deux,  il  ,ic  faut  pas  non  plus  convertir  ces 
beautés  ac<"ideiitelles  en  règles  neceflaires. 
Il  n'cil  pij>;rrant  que  trop  commun  de  par- 
donner plus  tacilement  i\  l'architede  uti 
fronton  brllé  ,  quoiqu'il  choque  la  nature, 
qu'un  triglyphe  qui  s'écarte  des  dimenfions 
de  Vitruve  ,  bien  qu'il  n'en  loit  fouvent  que 
plus  beau. 

Les  règles  nécefiaircs  font  fondées  fur  la 
nature  de  nos  conceptions.  Les  règles  acci- 
dentelles ne  font  que  le  réiultat  du  coup-d'œii 
&  du  leniiment,  dont  on  ne  lauroit  aiiîgner 
les  limites  préciies.  vJn  lait  par  une  longue 
expérience  que  les  architcdes  Grecs  avoient 
le  coup-d'ocil  très-fui  ;  que  kur.s  propor?- 


ARC 

lions  plaifcnt ,  que  leurs  ornemens  font  gra- 
cieux ;  mais  pcrionne  ne  liuiroit  ck'montrer 
que  ce  l'oient  les  leuLs  qu'on  doive  adopter. 
Nous  (avons  que  plulicurs  de  ces  orno- 
rnens  font  purement  accidentels  ,  &  qu'on 
peut  fouvcnt  en  fubflituer  de  plus  agréables. 
S'ailreindre  fi  Icrupuleulement  aux  règles 
des  anciens  ,  ce  lêroit  décider  qu'il  ne  peut 
y  avoir  en  femmes  A:  belle  figure  ,  que  celle 
qui  refîembleroit  en  tout  poijit  à  la  Vénus 
de  Médicis  ;  ni  de  bel  homme  qui  n'eût 
toutes  les  proportions  d'Apollon  du 
Belvédcre. 

Nous  confeillons  donc  à  ceux  qui  veu- 
lent écrire  fur  la  théorie  de  l'architecture , 
de  bien  développer,  avant  toute  choie, 
les  règles  nécef'.aires,  &  d'en  piefcrire  ri- 
goureufement  robfervation  ;  puilqu'il  n'eft 
permis  de  s'en  écarter  en  aucun  cas.  (^uant 
aux  règles  accidemclies  ,  ils  peuvent  les 
prendre  des  meilleurs  modèles  de  l'anti- 
quité ,  deVitruve,  &  des  architedes  mo- 
dernes les  plus  eilimés  ;  en  avcrtifîànt  néan- 
moins que  l'obfervation  krupuleufe  de  ces 
règles  n'eft  point  d'une  nécellité  abiolue. 
On  ne  doit  les  confidérer  que  comme  des 
limites  à-peu-près  exaftes  ,  qu'on  ne  fau- 
roit  excéder  de  beaucoup  lans  tomber  dans 
des  écarts  dangereux.  11  ei\  très-bon  que 
les  archireéles  médiocres ,  qui  manquent  de 
goût  &  d'un  coup  d'œil  jufle ,  s'aflreignent 
à  fuivre  ponduellem.cnt  ces  règles.  Mais, 
avec  un  goût  plus  (ûr ,  &  un  coup-d'œil 
plus  fin  ,  on  peut  fouvent  s'en  écarter  ians 
inconvénient. 

Un  des  meilleurs  guides  que  l'on  puKTe 
fuivre  à  l'égard  de  ces  règles  accidentelles , 
c'eft  Goldman  ;  peu  d'architedes  ont  traité 
de  cet  art  avec  autant  de  fagacité  &  de 
réflexion  qu'il  l'a  fait. 

L'application  des  règles  générales ,  tant 
néceflà'î-ei  qu'accidentelles  ,  roule  fur  les 
tros  objets  principaux  que  nous  allons  in- 
diquer ;  i".  fur  l'ordonnance  générale  du 
tàrimcnt ,  c'eir- à-dire  ,  fit  torme  &  fa  fi- 
gure ;  2°.  fur  (.'  diilribution  intérieure  ;  3^. 
lur  la  décoration  des  parties  :  ainfi  la  théorie 
compiere  de  V architecture  embrafle  les  fept 
articles  fuivans  :  1°.  àts  recherches  gi  ncra- 
les  fur  la  pcrt'eâion  &  la  beauté  des  édi- 
fices'; 2°.  les  règles  de  Tc^donnance;  3°. 
ks  re^jles  de  la  diftribuiion  ;  4°.  des  rcile- 


A  R  C  i^Ti 

xions  &  des  règles  fur  la  beauté  des  faça- 
des ;  î°.  la  defcription  des  divers  ordres 
d^ architecture ,  avec  les  confidérations  qui 
y  font  relatives  ;  6".  des  ornemens  conve- 
nables aux  petites  parties  ;  7".  des  décora- 
tions de  l'intérieur.  Nous  pallons  ious  filcnce 
ce  qui  concerne  la  méchanique  de  l'art.  (  Cet 
article  efi  tue  de  la  Tiu'orie  générale  des 
beaux  arts  de  M.  Sui.ZER.) 

ARCHI-THRESORIER,  fub.^m.  {Hijî. 
mod.  )  ou  grand  thréforier  de  l'Empiie  , 
dignité  dont  eft  rcvctu  l'éledeur  Palatin. 
Cette  dignité  fut  créée  avec  le  huitième 
éleftorat  ,  en  taveur  du  prince  Palatin  du 
Rh.in  :  mais  Frédéric  V  ayant  été  dépo!- 
fédé  de  ion  éledorat  par  l'empereur  Fer- 
dinand II,  après  la  bataille  de  Prague,  la 
charge  lut  donnée  à  l'élccleur  de  Bavicre  : 
m'.;is  elle  a  été  rendue  à  la  maiion  Pala- 
tine ,  loriqu'elle  eil  rentrée  en  pofîeifion 
d'une  partie  de  fes  états  par  le  traité  de 
Weflphalie.  Au  commenceinentde  ce  fiecle, 
l'einpereur  Joleph  ayant  mis  l'éledeur  de 
Bavière  nu  ban  de  l'Empire,  le  priva  de 
fon  éledorat  &  de  fa  charge  de  grand- 
maître  d'hôtel ,  qu'il  donna  à  l'éledeur 
Palatin,  revêtit  de  celle  de  grand  tré- 
iorier  l'éledeur  d'Hanovre ,  qui  fonde  d'ail- 
leurs Ion  droit  à  cette  charge  lia-  ce  qu'il 
defcend  de  Frédéric  V.  Mais  la  mailbn; 
de  Bavière  ayant  été  rétablie  dans  les  états 
&  dans  fes  droits  ,  le  Palatin  contefie  à. 
l'éledeur  d'Hanovre  le  titre  de  grand  thré- 
forier,  d'autant  plus  que  ceîui-ci  ne  le 
tient  qu'en  vertu  d'une  difpolition  parti- 
culière de  l'empereur  Joleph ,  qui  n'eft 
point  confirmée  par  la  décifion  du  corps 
germanique.  Quoi  qu'il  en  foitde  ces  droits ,' 
une  des  principales  fondions  de  l'archi- 
thréforier  de  l'Empire,  le  jour  du  cou- 
ronnement de  l'empereur ,  eft  de  monter 
à  cheval-,  &  de  répandre  des  pièces  d'or 
&  d'argent  au  peuple  dans  la  place  publi- 
que. Heifs  ,   hi^.  de  l'Empire.  (G) 

*  ARCHITIS,  {Myth.)  on  adoroit  Vé- 
nus au  mont  Liban  ious  ce  nom  ;  elle  y 
éioit  repréfentée  dans  l'afflidion  que  hii 
caille  la  nouvelle  de  la  ble.'iii'x  d'Adonis, 
la  tête  appuyée  lur  la  main  gauche,  & 
couverte  d'un  voile,  de  deflbus  lequel  on 
croyoit  voir  couler  les  larmes. 

ARCHITRAVE ,  i'ub.  f.  {Architeclure.) 


1^1  ARC 

du  grec  «PJc^f,  principal ,  &  du  latin  trahs , 
une  poutre  ;  on  le  nomme  aufll  épiftyle  , 
du  latin  epiftylium  ,  fait  du  grec  i^l  ,  fur  y 
&  çi)h(jf  ,  colonne.  Sous  ce  nom  on  entend 
la  principale  poutre  ou  poitrail  qui  porte 
horizontalement  fur  des  colonnes ,  &  qui 
fait  une  des  trois  parties  d'un  entable- 
ment. Koj/q  Entablement.  Comme  les 
anciens  donnoient  peu  d'efpace  à  leur  en- 
tre-colonne, leur  architrdt-'e  étoit  d'une 
feule  pièce  qu'ils  nommoient/yz/Z/TZii?''.  Nos 
architedes  modernes ,  qui  ont  mis  en  ufage 
les  colonnes  accouplées,  ont  donné  plus 
d'efpace  A  leurs  grands  entre-colonnemens  , 
&  ont  fait  leur  architrave  de  plufieurs  cla- 
veaux ,  tels  qu'on  le  remarque  aux  grands 
&  petits  entre-colonnemens  du  périfK-le  du 
Louvre,  au  Val -de- grâce  ,  aux  Invali- 
des ,   Ùc. 

Les  architraves  font  ornées  de  moulu- 
res nomrnées  plates-bandes  ,  parce  qu'elles 
ont  peu  de  faillie  les  unes  iur  les  autres. 
Ces  plates -bandes  doivent  être  en  plus 
ou  moins  grande  quantité ,  félon  que  ces 
architraves  appartiennent  à  des  ordres  ruf- 
tique ,  folide ,  moyen  ou  délicat.  Voye\ 
Ordre. 

Il  eft  des  architraves  mutilées ,  c'ell-A- 
dire  dont  les  moulures  font  arafées  ou  re- 
tranchées ,  pour  recevoir  une  infcription  , 
tel  qu'on  le  remarque  au  périftyle  de  la 
Sorbonne  du  côté  de  la  cour.  Cette  licence 
eft  vicieufe ,  ces  infcriptions  pouvant  être 
mifes  dans  la  frife  ,  qui  doit  toujours  être 
lifTe.   Voyei  FrISE. 

Il  eft  aulÙ  des  architraves  qu'on  nomme 
coup'es ,  parce  qu'elles  font  interrompues 
dans  l'efpace  de  quelque  entre-pilaftrc 
(  Foye^  Pilastre),  afin  de  laifTer  monter 
les  croifées  julque  dans  la  frile  ,  tel  qu'on 
peut  le  remarquer  à  la  face  des  Thiiile- 
ries  ,  dans  les  ailes  qui  iont  décorées  de 
pilaftres  d'ordre  compoiite.  Mais  cette  pra- 
tique eft  tout-à-fait  contraire  aux  principes 
<îe  la  bonne  architecture  ,  &  ne  doit  être 
iiiivie  par  aucun  architeile  ,  malgré  le  nom- 
bre prodigieux  d'exemples  qu'on  remarque 
de  cette  licence  dans  la  plupart  de  nos 
édifices.  (P) 

Architrave  ,  f  f.  épiflile-  c'efi ,  en 
marine ,  une  pièce  de  bois  mile  fur  des 
«olonnes  au  lieu  d'arcades ,  qui  eft  la  pre- 


ARC 

miere  &  la  principale  ,'  &  qui  foutient  lesr 
autres.  Au  deflous  de  la  plus  baffe  frife  de 
l'arcalTe  qui  fert  de  bafe  aux  termes ,  il  y 
a  une  architrave  qui ,  dans  un  vaiilèau  de 
134  P'és  de  longueur  de  l'étrave  à  l'étam- 
bord  ,  doit  avoir  deux  pies  de  largeur  & 
quatre  pouces  &  demi  d'épaifleur.  Vcye\ 
aux  figures  de  Marine  ,  FI.  V y  fig.  i  , 
l'architrave  marquée  G.  G.  {  Z  ) 
^  ARCHIVES  ,  f  f.  (  Htfi.  mod.  )  fe  dit 
d'anciens  titres  ou  chartes  qui  contiennent 
les  droits  ,  prétentions ,  privilèges  &  pré- 
rogatives d'une  maifon ,  d'une  ville  ,  d'un 
royaume  :  il  fc  dit  aulFi  d'un  lieu  où  l'on 
garde  ces  titres  ou  chartes.  Ce  mot  vient 
du  latin  arca  ,  coitre  ,  ou  au  grec  it^X' ^ '■  1 
dont  Suidas  fe  fert  pour  figniner  la  même 
chofe  ;  on  trouve  dans  quelques  auteurs 
Latins  ,  archarium.  On  dit  les  archives  d'un 
collège  ,  d'un  monaftere.  Les  archives  des 
Romains  étoient  confervées  dans  le  temple 
de  Saturne ,  &  celles  de  France  le  iont 
dans  la  chambre  des  comptes.  Dans  le  Code 
on  trouve  qu'archivum  publicum  vel  arma~ 
rium  f  étoit  le  lieu  ubi  a3a  &  libn  expone- 
bantur.  Cod.  de  fid.  injlrum.  auth.  ad  ha:c 
XXX,   quxll  j.  {H) 

ARCHI- VIOLE  DE  LYRE,  {Luth, 
mufiq.  )  inftrument  à  cordes  uCté  ci-devant 
en  Italie  ,  &  qui  étoit  femblable  ,  par  fa 
ftruâure  &  par  ion  jeu  ,  à  la  baffe  de  viole , 
excepté  fon  manche  qui  étoit  beaucoup 
plus  large  à  caufe  de  la  quantité  des  cor- 
des :  car  quelques-uns  en  mettoient  douze  , 
&  d'autres  julqu';\  feize.  Comme  cet 
inflrument  avoit  beaucoup  de  cordes , 
l'on  pouvou  prendre  des  accords  com- 
plets. Il  avoit  deux  cordes  au  grave  ,  qui 
débordoient  le  manche  ,  &  qui  par  con- 
féquent  ne  pouvoient  donner  chacune  qu'un 
ton.   {F  D  C.) 

'^ARCHI-VIOLE,  f  f  {Luth.  &  Mufiq.) 
efpece  de  clavecin  qui  n'eft  prefque  d'aucun 
ulagc ,  auquel  on  a  adapte  un  jeu  de 
vielle ,  qu'on  accorde  avec  le  clavecin  ,  & 
qu'on  fait  aller  par  le  moyen  d'une  roue 
éc  d'une  manivelle. 

ARCHIVISTE  ,  f  m.  garde  des  archi- 
ves. Voye\  Archives. 

ARCHI-VOLEUR  ,  f  m.  {Hift^.  anc.) 
chef  ou  capitaine  de  filous.  Si  l'on  en 
croit  Diodore  de  Sicile  ,  les  voleurs  égyp- 


ARC 

tiens  obfervoicnt  cette  coutume  :  ils  fc 
faifoient  infcrirc  par  le  chef  de  leur  bnn.de , 
en  promettant  de  lui  apporter  fur  le 
champ,  &  avec  la  plus  exaâe  fidéliré ,  ce 
qu'ils  auroicnt  dérobé,  afin  que  quiconque 
auroir  perdu  quelque  choie ,  pût  en  écrire 
à  ce  capitaine  ,  en  lui  marquant  le  lieu  , 
l'heure  &  le  jour  auquel  il  avoit  perdu  ce 
qu'il  cherchoit  ,  qui  lui  étoit  reilitué ,  à 
condition  d'abandonner  au  voleur  ,  pour 
(?.  peine,  la  quatrième  partie  de  la  choie 
qu'on  rtdcm-.indoit.  {  G) 

ARCHIVOLTE  ,  l'.  m.  du  latin  anus 
vohuus ,  arc  contourné.  Sous  ce  nom  l'on 
entend  le  bandeau  ou  chambranle  (  l'oye^ 
Chambranle  )  qui  règne  autour  d'une 
arcade  de  plein  cintre ,  &  qui  vient  fe  termi- 
ner llir  les  importes.  Voye^  IMPOSTE.  Les 
moulures  de  ces  archivoltes  imitent  celles 
des  architraves ,  èc  doivent  être  ornées  à 
raifon  de  la  richefie  ou  de  la  fimpiicité 
des  ordres.  On  appelle  an-hirolte  retourne, 
celui  qui  retourne  horizontalement  fur 
l'importe,  comme  au  château  de  Clagny , 
&  à  celui  de  Val  proche  Saint-Germain- 
en-Laje  ;  mais  cette  manière  ert  pelante  , 
&  ne  doit  convenir  que  dans  une  ordon- 
nance d'architedure  rulhque.  On  appelle 
archivolte  rufiique ,  celui  dont  les  moulures 
font  fort  fimplcs ,  &  font  interrompues 
par  des  boflages  unis  ou  vermiculés.  l^oye^ 
Bossage. 

*ARCHO  (  LES  )  ,  Géograph.  trois  pe- 
tites îles  de  l'Archipel,  au  fud  fud-eft  de 
Pathmos ,   &  au   iud  fjd-ouert  de  Samos. 

ARCHONTES  ,  f.  m.  pi.  (  Hijl  anc.  ) 
niagirtrats  ,  préteurs  ou  gouverneurs  de 
l'ancienne  Athènes.  Ce  nom  vient  du  grec 
aer.v.'  au  pluriel  aixa/ra  ,  commanddns  OU 
princes.  Ils  étoient  au  nombre  de  neuf , 
dont  le  premier  étoit  l'archonte  ,  qui  don- 
noir  fon  nom  à  l'année  de  fon  adminiflra- 
tion  ;  le  fécond  i'e  nommoit  le  roi;  le 
rroilicme,  le  polémarque  ou  généralifîlme, 
a\  ec  fix  thefmothetes.  Ces  magiftrats  ,  élus 
par  le  fcrutin  des  fèves  ,  éroicnt  obligés  de 
taire  preuve  devant  leur  tribu  ,  comme 
ils  étoient  iflus  ,  du  côté  paternel  &  ma- 
ternel ,  de  trois  afcendans  citoyens  d'A- 
thènes. Ils  dévoient  prouver  de  même  leur 
attachement  au  culte  d'Apollon  ,  protedeur 
de  la    patrie  ,    &  qu'ils  avoient  dans  leur 


ARC  2^3 

maifon  un  autel  confacré  à  Jupiter  ;  &  , 
par  leur  refpe,.t  pour  leurs  parens,  faire 
eipértr  qu'ils  en  auroicnt  pc)ur  leur  patrie. 
Il  talloit  aufli  qu'ils  euUent  rempli  le  temps 
du  fervice  que  chaque  citoyen  devoit  ^ 
la  république;  ce  qui  donnoir  des  officiers 
bien  préparés  ,    puiiqu'on    n'étoit   licencié 

3u'à  40  ans  :  leur  tortune  même,  dont  ils 
evoient  inftruire  ceux  qui  étoient  prépofés 
à  cette  enquête  ,  fervoit  de  garant  de  '"ur 
fidélité.  Après  que  les  commilîaires  nom- 
més pour  cet  examen ,  en  avoient  tait  !-  r 
rapport  ,  les  archontes  prêtoient  ferment 
de  maintenir  les  loix ,  &  s'engageoient ,  en 
cas  de  contravention  de  leur  part ,  à  en- 
voyer à  Delphes  une  ftatue  du  poids  de 
leur  corps.  Suivant  une  loi  de  Solon ,  fi 
V archonte  fe  trouvoit  pris  de  vin,  il  étoir 
condam.né  à  une  forte  amende,  &  même 
puni  de  mort.  De  tels  officiers  rnéritoicat 
d'être  refpeâés  :  auffi  étoit-ce  un  crime 
d'état  que  de  les  inlulter.  L'information 
pour  le  lecond  officier  de  ce  tribunal ,  qui 
étoit  nommé  le  roi ,  devoit  porter  qu'il 
avoit  époufé  une  vierge  ,  &  fille  d'un 
citoyen,  parce  que  ,  dit  Démollhenes,  ces 
deux  qualités  étoient  néceflaiies  pour  ren- 
dre agréables  aux  dieux  les  iacrifices  que 
ce  magiftrat  fie  fon  époufc  étoient  obligés 
d'offrir  au  nom  de  toute  la  république. 
L'examen  de  la  vie  privée  des  archontes 
étoit  très-iévere,  &  d'autant  plus  néceiîaire, 
qu'au  lortir  de  leur  exercice,  &  après  avoir 
rendu  compte  de  leur  adminiftration ,  ils 
entroient  de  droit  dans  l'Aréopage. 

Ceci  regarde  principalement  les  archontes 
décennaux  ,  car  cette  lorte  de  magirtrature 
eut  ï(:s  révolutions.  D'abord  dans  Athènes 
les  archontes  fuccéderent  aux  rois ,  &  fu- 
rent perpétuels.  Medon  tut  le  premier  ,  l'an 
du  monde  29^9,  &  eut  douze  fucceilèurs 
de  la  race,  auxquels  on  fubrtitua  les  ar~ 
chontes  décennaux ,  qui  ne  durèrent  que 
70  ans ,  &:  qui  turent  remplacés  par  des 
archontes  annuels.  Le  premier  de  ces  ma- 
girtrats  le  nommoit  proprement  archonte  ; 
on  y  ajoutoit  l'épithete  ^e'ponyme  ,  parce 
que  dans  l'année  de  ton  adminiftration  tou- 
tes les  affiures  importantes  fe  pafl()ient  en 
Ion  nom.  Il  avoit  foin  des  chofes  facrées , 
préhdoit  à  une  eipece  de  chambre  ecclé- 
iiartique  où  l'on  décidoit  de  tous  les  démê- 


1^4  ARC 

les  des  époux ,  des  percs  &  des  cnf;ins  ,  &z 
les  contcilations  formées  fur  les  teftamers  , 
les  legs ,  les  dots ,  les  fuccelîlons.  Il  étoit 
chargé  particulièrement  des  mineurs,  tu- 
teurs, curateurs;  en  général  ,  toutes  les 
affaires  civiles  étoient  portées  en  première 
inftance  à  ion  tribunal.  Le  deuxième  ar- 
chonte avoit  le  furnom  de  roi  ;  le  refte 
du  culte  public  &  des  cérémonies,  lui  étoit 
confié.  Sa  tonclion  principale  étoit  de  pré- 
fider  ;\  la  célébration  des  iètes ,  de  termi- 
ner les  querelles  des  prêtres  &  des  familles 
lacrées ,  de  punir  les  impiétés  &  les  pro- 
fanations des  myrtcres.  On  inftruiloit  en- 
core devant  lui  quelques  afîàires  criminelles 
&  civiles ,  qu'il  décidoit  ou  renvoyoit  à 
d'autres  cours.  Le  polémarque  veilloit  auflî 
à  quelques  pratiques  de  religion  ;  mais  l'on 
vrai  département  étoit  le  militaire  ,  comme 
le  porte  ion  nom ,  dérivé  de  'srôAî^.f ,  guerre , 
&  d'-f/jx^ff  ,  commander.  Il  étoit  tout-puil- 
ianr  en  temps  de  guerre ,  &  jouiiîbit  pen- 
dant la  paix  de  la  même  jurilHidion  liir 
l'étranger ,  que  le  premier  archonte  iur  le 
citoyen  d'Athènes.  Les  iix autres,  qui  por- 
toient  le  nom  comjmun  de  thefmothetes  , 
qui  vient  de-S-êa-z^w,  loi ,  &  dei-(6«/x/,  e'tablir , 
formoient  un  tribunal  qui  jugeoit  des  lé- 
dudions  ,  des  calomnies ,  de  toute  fauiîe 
•accufation  ;  les  différens  entre  l'étranger 
&  le  citoyen  ,  les  faits  de  marchandiies  iSc 
de  commerce ,  étoient  encore  de  ion  ref- 
ibrt.  Les  theimothetes  avoient  fur- fout 
l'œil  à  l'obfervation  des  lolx ,  &  le  pou- 
voir de  s'oppoier  -à  tout  établiffement  qui 
leur  paroiilôit  contraire  aux  intérêts  de  la 
fociété ,  en  faifant  une  barrière  élevée  entre 
les  autres  magiilrats  &  le  peuple.  Tel  étoit 
le  diilriét  de  chaque  archonte  en  particulier. 
Le  corps  feul  avoit  droit  de  vie  &  de  mort. 
En  récompenie  de  leurs  fervices  ,  ces  juges 
croient  exempts  des  impôts  qu'on  levoit 
pour  l'entretien  des  armées ,  &  cette  im- 
munité leur  étoit  particulière.  La  iiicccfllon 
des  archontes  ïm  régulière,  &  quelles  que 
•fi-irent  les  révolutions  que  l'état  ibuffrit  par 
les  faflions  ou  par  les  ui'urpateurs ,  on  en 
revint  toujours  ;\  cette  iorme  de  gouverne- 
ment ,  qui  dura  dans  Athènes  tant  qu'il 
y  eut  un  refte  de  liberté  &  de  vie. 

Sous    les   empereurs    romains  pkiiîeurs 
autres    villes   greques   eurent    pour    pré- 


ARC 

miers  magiflrats  deux  archontes ,  qui  avoient 
les  mièmes  tondions  que  les  duumvirs  dans 
les  colonies  5;  les  villes  municipales.  Quel- 
ques ;:  tireurs  du  bas  empire  donnent  le  nom 
d'urchontss  .V  divers  officiers ,  ioit  laïques , 
foit  ecciélialhques  ;  qmelquetois  aux  évê- 
ques ,  &  plus  fouvent  aux  feigneurs  de  la 
cour  des  empereurs  de  Conllantinople. 
Ainli  archonte  des  archontes  ,  ou  grand  ar' 
chonte ,  fignihe  la  première  perionne  de 
l'état  après  l'empereur  ;  archonte  des  églifes , 
archonte  de  l'évangile  ,  un  archevêque,  un 
évêque  ;  archonte  des  murailles ,  le  fur-in- 
tendant des  fortifications ,  èc  ainii  des  au- 
tres. T^ojei  Ar.éOPAG£. 

ARCHONTIQUES,adj.  (  Theol.  )  mot 
formé  du  grec  af^a-  ,  au  plurier  «fxwi'Ttif , 
principautés  ou  hiérarchies  d'anges.  On 
donna  ce  nom  à  une  iede  d  hérétiques  qui 
parurent  iiir  la  fin  du  n^  iiecle  ,  parce 
qu'ils  attribuoient  la  création  du  monde  , 
non  pas  à  Dieu  ,  mais  à  diverfes  puilfjnces 
ou  principautés ,  c'eif-A-dire  ,  à  des  iubl- 
tances  intelleéiuelles  iuhordonnées  à  Dieu  , 
&  qu'ils  appelloient  archontes.  Ils  rej^toient 
le  baptême  &  les  iaints  myileres  ,  dont  ils 
faii'oient  auteur  Sabahot ,  qui  étoit ,  ielon 
eux ,  une  des  principautés  intérieures.  A 
les  entendre  ,  la  iemme  étoit  l'ouvrage  de 
iatan  ,  &  l'ame  devoir  rcituiciter  avec  le 
corps.  On  les  regarde  comme  une  bran- 
che de  la  i'eéle  des  Vaîentiniens.  voye'^ 
Valentiniens  &  Gnostiques.  (G) 

ARCHURE  ,  f  f.  f  Charp.  )  nom  de 
plufieurs  pièces  de  charpente  ou  de  me- 
nuiierie  ,  placées  devant  les  meules  d'un 
moulin. 

ARCILACIS  ,  (Ge'ogr.  )  nom  de  deux 
anciennes  villes dElpagne  ,  l'une  dans  la  Bé- 
tique  ,  &:  l'autre  dans  le  territoire  des 
Bailitans.  Ptoloméc  eil  le  ieul  qui  en  ait 
parlé.  (  C.  A.  ) 

ARCILiERES,  f.  f.  terme  de  ririere  , 
pièces  de  bois  cintrées  &:  tournantes ,  (er- 
vant  à  la  conilrudion  d'un  bateau  ioncet. 

ARCIROESSA  ,  (  Ge'ogr.  )  nom  d'une 
ancienne  ville  d'Afie  ,  iur  le  Pont-Euxin 
ou  mer  Noire.  Etienne  le  géographe  dit 
qu'elle  étoit  tributaire  d'Héraclée  :  on  loup- 
çonne  que  ce  pourroit  bien  être  aujour- 
d'hui Elchiiumuni  ,  dans  le  pays  d'A- 
ballâ.  (  C.  A.  ) 

ARCISSA 


ARC 

AnCISSA  ou  ARSISSA,  (G%/-.) 
grarn.1  iac  d'Afio  dans  l'Armcnie  majeu- 
re ,  au  ilid-elt  du  Pont-Euxin  ;  on  l'ap- 
pelle aujourd'hui  mer  de  V^n  ou  S' Acra- 
mar.  [C.A.) 

'  ARCIS-SUR-AUBE  ,  (Gcog.)  ville 
de  France  en  Champagne,  iur  l'Aube.  Lonc,. 
zi  ,4^;  Idt.  48  ,  ^o. 

ARCITENENS,  nom  latin  delà  conf- 
tellation  ^u  Sagittaire.  yoje:[  SAGIT- 
TAIRE. (  O) 

*  AIUIK  ,  lac  d'EcofTe  dans  la  province 
de  Loqucbar ,  près  de   celle  de  Murmii. 

ARCREL  (  Terre  d'  ) ,  contrée  du 
Brahant-Eipagnol ,  dont  la  ville  de  Licre 
ou  Lire  clt  le  lieu  principal. 

*  ARCLO  ou  ARECLO  ,  ville  d'Irlande 
dans  la  Lagcnie  à  l'embouchure  de  la  ri- 
vière de  Doro. 

ARCO  (L'),f.  m.  terme  de  fonderie  ; 
ce  font  des  parties  de  cuivre  répandues 
dans  les  cendres  d'une  fonderie ,  &  qu'on 
retire  en  critilant  ces  cendres  ,  &  en  les 
failant  paflèr  flicceilîvemcnt  par  difïerens 
tamis,  royeil'article  CALAMINE. 

ARCO ,  Archet  ,  {Mufique.)  Ces  mots 
Italiens  cc/2  farco  ,  marquent  qu'après  avoir 
pincé  les  cordes  il  faut  reprendre  ï archet 
•à  l'endroit  où  ils  font  écrits.  {S) 

*  ARCO,  [Géog.)  ville  d'Italie  dans 
le  Trcntin  ,  proche  la  rivière  Sarca  ,  un 
peu  au  nord  de  l'extrcmiré  feptentrionale 
dulac«leGarde.Zo/2j:r.  z8,  z^-^Iat./}.^,^?.. 

ARCOB  ,  {G e'ogr.)  ancienne  ville  de  la 
Paleltine  ,  dans  une  contrée  du  même  nom  : 
elle  dépendoit  de  la  tribu  de  Manallc. 
{A.C.) 

ARCOBRIGA,  (Gfb^^r.  )  nom  de  deux 
anciennes  vilies  d'El'pagnc ,  l'une  dans  la 
Luiitanie  ,  que  l'on  prend  aujourd'hui  pour 
Arcos  de  Valden  ,  &  l'autre  au  pays  des 
Celtibériens ,  que  l'on  croit  être  la  même 
qu'Arcos  dans  la  vieille  Cailille  :  Prolomée 
en  a  fait  mention.  11  y  a  eu  encore  une 
ville  de  ce  nom  dans  le  rox'aume  de  Sc- 
viile  ;  c'cft  aujourd'hui  Arcos  de  la  Fron^ 
tera. 

ARCOL ,  (Geogr.  )  ville  de  la  CaHille 
vieille  ,  Iur  la  rivière  Xalon. 

ArlÇON  ,  f.  m.  (Manège.)  e{\  une  ef- 
pece  d'arc  compolé  de  deux  pièces  de  bois  , 
qui  fouficnnent  une  felle  cle  cheval ,  &  lui 
Tome  III. 


ARC  iS^ 

donnent  fà  forme.  Il  y  a  un  arçon  de  devant 
&;  un  arçon  de  derrière. 

Les  parties  de  l'arçon  font  le  pommeau  , 
qui  ell  une  petite  poignée  de  cuivre  élevée 
au  devant  delà  icile  ;  le  garrot,  petite  ar- 
cade un  peu  élevée  au  dclTus  du  garrot  du 
cheval  ;  les  mammelles  ,  qui  (ont  l'endroit 
où  aboutit  le  garrot;  &  les  pointes  qui 
forment  le  bas  de  Varçon.  On  y  ajoutolt 
autrefois  des  morceaux  de  licge  ,  fur  lef- 
qucls  on  chauffoitles  battes.  K.  GARE.OT  , 

MammïTlles,  Pointe,  Batte,  ùc. 

Il  y  a  des  arçons  mobiles  pour  les  fellcs 
A  tous  chevaux  ,  qui  changent  l'ouverture 
de  la  felle.  Uarçon  de  derrière  porte  fur 
le  troufllquin.  ?-'oj'f:j  TrouSSEQUIN.  Les 
arçons  font  nervés  ,  c'efl-à-dire  ,  couverts 
de  nerfs  battus  &  réduits  en  filafTe  ,  puis 
collés  tout  autour  des  arçons  pour  les  ren- 
dre plus  forts.  On  les  bande  eniuitc  avec 
des  bandes  de  fer  qui  les  tiennent  en  état.v 
Au  deflous  des  arçons  on  cloue  les  contre— 
fànglots  ,  pour  tenir  les  fanglcs  en  état.  ï'. 
Contre-sanglot,  Sanglot,  &c. 

Les  pidolets  d'arçon  iont  ceux  qu'on 
porte  ordinairement  à  Yarçon  de  la  (elle.- 
Perdre  les  arçons  ,  vuider  les  arçons  ,  fer- 
me fur  les  arçons. 

Arçons  à  corps,  fervoient  autrefois  aux 
gendarmes.  Le  troulTequin  leur  alloit  jus- 
qu'au milieu  du  corps.   (  J^) 

Arçon  ,  outil  de  chapelier  ,  avec  lequel 
ils  divilènt  &  féparcnt  le  poil  ou  la  laine 
dont  les  chapeaux  doivent  cire  fabriqués. 

h'arçon  refiemble  par  fa  forme  à  un 
archet  de  violon  ;  il  clt  long  de  fix  à  fept 
pies  ;  &  il  a  une  corde  de  boyau,  bien  ban- 
dée ,  qui ,  étant  tirée  &  agitée  avec  la  main  . 
par  le  moyen  d'un  périt  morceau  de  bois 
qu'on  nomme  coche  ou  bobine ,  de  huit  à 
diX  pouces  de  long  ,  mais  dont  le  milieu 
efl  fort  enflé  pour  donner  plus  de  priiè , 
pour  la  tenir  de  la  main  droite  quaad  on 
veut  arçonner  ,  fait  voler  la  matière  fur 
une  claie. 

Cet  arçon  cfl  compcfc  d'un  bâton  cy- 
li.'driquc  qu'on  appelle  perche,  &  quia 
!'ept  à  huit  pies  de  longueur  ;  A  l'un  de  lès 
bouts  cfl  fi\-ée  à  tenon  &  mortaifè  une 
petite  planche  de  bois  chantournée  ,  qu'en 
appelle  bec  decc'bin\  flir  fon  épaificur  ïl 
y  a  une  petite  rainure  ,  dans  îaquclle'fe  loge 


1^5  ARC 

h  corde  de  boyau,  qui ,  aprcs  avoir  pafle 
dans  une  fente  pratiquée  du  côté  de  la 
petite  planche,  va  s'entortiUer  &  fe  fixer 
il  des  chevilles  de  bois  ,  qui  font  placées  au 
côté  de  la  perche,  diamétralement  oppolé 
au  bec  de  corbin  ;  à  l'autre  bout  de  la 
perche  eft  de  même  fixée  à  tenon  &  mor- 
laiib  une  planche  de  bois  qu'on  appelle pJ/J- 
neaii;  on  évide  cette  planche  dans  ion  irii- 
lieu  pour  la  rendre  plus  légère  ;  on  laiife 
Tes  extrémités  plus  épaifles  ,  &  on  la  met 
dans  le  même  plan  que  le  bec  decofbin.  L'é- 
paifieur  qui  eil:  du  côté  de  la  perche ,  fait 
qu'elle  s'y  applique  plus  fortement  ;  celle 
qui  eft  pratiquée  de  l'autre  côté  fert  à  re- 
cevoir le  cuiret  f  qui  eil  un  morceau  de 
peau  de  caflor  que  l'on  tend  fur  l'extré- 
aiité  du  boVd  du  panneau  ;  ce  cuiret  lert 
d  couvrir  la  chanterelle  ,  &  à  empêcher  que 
la  corde  n'y  touche  immédiatement  ,  au 
moyen  des  cordes  qui  font  attachées  à  fes 
extrémités.  Ges  cordes  font  le  tour  de  la 
perche ,  &:  font  tendues  pardc  petits  taraux, 
qui  les  tordent  enfemble  deux  à  deux  ,  de 
la  même  manière  que  les  menuifiers  ban- 
dent la  lame  d'une  fcie. 

Gn  attache  enfuite,  au  moyen  d'une  nœud 
coulant ,  une  corde  à  l'extrémité  de  la  per- 
che où  eft  le  panneau.  Dès  qu'elle  y  eft 
fichée ,  on  la  fait  pafiêr  defTus  le  cuiret , 
&  on  la  conduit  dans  la  rainure  du  bec 
de  corbin,  d'où  elle  revient  par  la  fente  prati- 
quée à  l'extrémité  de  la  petite  planche  con- 
tournée jufqu'aux  chevilles  où  elle  doit  être 
fixée  &  fuffifamment  tendue. 

Pour  éloigner  le  cuiret  du  panneau  ,  lai(- 
fer  un  vuide  entr.e  deux  ,  &  faire  rendre 
"*  à  la  corde  un  fon  proportionné  à  fa  ten- 
fion ,  on  fe  fert  de  la  chanterelle  qui  eft 
une  petite  pièce  de  bois  ou  cheville  d'une 
ligne  ou  envircc  d'épaifleur ,  &  qu'on  ap- 

Selle  ainfi  ,  parce  qu'elle  donne  à  l'accord 
e  l'arçon  une  efpece  de  ton  mufical ,  com- 
me d'une  trompette  marine.  Ce  fon  fait 
connojtre  à  l'ouvrier  quand  elle  efl  afTez 
tendue  pour  ar^onner  la   matière. 

Sur  le  milieu  de  la  perche  de  l'arçon  , 
il  y  a  une  poigne'e ,  c'eff-A-dire  ,  une  cour- 
roie de  cuir  ou  de  toile  ,  qui  iért  à  entourer 
(e  defllis  de  la  main  gauche  de  l'arçonneur. 
Cette   courroie  empêche  que  le  poids   du 


ARC 

panneau  &  du  bec  de  corbin  ne  fiilTe  tom- 
ber la  corde  à  boyau  fur  la  claie  ,  &  aide 
l'arçonneur  à  foutenir  l'arçon  dans  fa  fitua- 
tion  horizontale. 

ARÇONNER.  Voy.  {Terme  de  Cha- 
pelier) ,  lorsqu'on  veut  arçonner ,  on  met 
fur  deux  tretaux  une  claie  d'ofier  ,  dont  les 
doffiers  font  deux  autres  claies  poiées  à  les 
extrémités  ,  courbées  en  dedans ,  &  qui 
fervent  ;\  arrêter  les  matières  qu'on  arçonne 
fur  celle  qui  eft  polée  horizontalement  ;  un 
côté  de  la  claie  eft  appliqué  contre  le  mur  , 
&  celui  qui  eft  vis-à-vis  de  l'ouvrier  a  deux 
pièces  de  peau  qui  ferment  les  angles  que 
la  claie  &  les  doûiers  lalflént  entr'eux  ,. 
qui  retiennent  les  matières  qu'on  arçonne.. 

L'arçonneur   tient  de  fii  gauche  ,    &  le 
bras  tendu  ,    la  perche  de  l'arçon  qui  eft. 
fufpendu    horizontalement  par    une    corde, 
qui  tient  au  plancher  ;  en  forte  que  la  corde 
à  boyau  de    l'arçon  eft   prefque  dans    un, 
même  plan  horizontal  que  la  perche.  Dc; 
fa  main  droite  il  tire  à  lui  la  corde  à  boyau  ,. 
qui  échappe  en  gliflant  fur   la  rondeur  du 
bouton  ,  &  va  frapper ,  avec  la  iorce  élaf-- 
■  tique  que  la  tenfion  lui  donne ,  fur  le  poil 
ou  la  laine  précédemment  cardée  ;  ce  qui 
divife  l'étoffe  &  la  fait  paffer  par  petites  par- 
ties de  la  gauche  à  la  droite  de  l'ouvrier  ;, 
cela  s'appelle  faire  voguer.  On  répète  cette 
opération  jufqu'à  ce  que  le  poil  ou  la  laine 
foient   fuflifamment  arçonnés  ,   pour    cela 
on    les    raflemble    fur    la    claie    avec    wn. 
clayon  ,    qui   eft  un   quarré  d'ofier  qui   a, 
deux  poignées  ,  &  dont   le  côté  a  un  peu. 
plus  d'un  pié  :  on  s'en  fei-t_  pour  ramalTer. 
au  miheu   de  la  claie  l'étofte  éparle. 

Les-  cardeurs  ,  qui  prennent  auflî  le  nom 
de  maîtres  arçonneurs ,  fe  fervent  de  l'ar- 
çon pour  préparer  les  cotons  &  les  laines, 
qu'on  emploie  dans  les  robes  de  chambre, 
couvertures  &  courte-pointes  piquées.  C'eft- 
aullî  au  moyen  de  cet  inftrument  que  les. 
chapeliers  forment  les  capades  ,  qui  font  une. 
certaine  étend.uc  de  laine  ou  de  poil  qu'on.  . 
a  formée  par  le  movcn  de  l'arçon. 

ARÇONNEUR  ,'  f.  m.   eft  un  ouvrieE- 
qui  fç  fert    de   l'arçon,,  ou    qui  ,  par  fon 
moyen  ,  fait  voler  ilir  une  claie  la  laine  ou 
le  poil ,  qui  auparavant  ont   été  bien   car-. 
dés  ,    pour  être  employés    .»    la   thapeUe?.. 
rie.   Foyei  Ap.Ç0l4,. 


ARC 

ARCOS ,  (G/ogr.  )  petite  ville  d'Efpagr.e 
clans  la  vieille  Caflille,  à  deux  lieues  à  l'eft 
de  Médina-Celi  :  elle  eil  au  pié  d'une  mon- 
tagne ,  fur  le  chemin  de  Siguenza  à  Sara- 
goflê.  On  la  nommoit  anciennement  Arco- 
brigj.  Long,  i  5,  jo,*  lat.  14,  t  §.  {C.A.) 

Arcos  de  la  Frontera,  (Gfb^r.) 
petite  ville  forte  d'Elpagne  dansl'Andalou- 
fîe ,  au  pays  d'Agaraflb  :  elle  eft  ilir  un 
roc  efcarpé  au  pié  duquel  coule  la  rivière 
de  Guadalctes  ,  au  nord-efl  de  Cadix  &  au 
fud  -  ouert  de  Séville.  Les  rois  d'Elpa- 
gne l'érigerent  en  duché  ,  il  y  a  environ  deux 
cents  ans  ,  en  faveur  de  la  maifon  Ponce  de 
Léon ,  lorfque  celle-ci  fit  ceffion  à  la  cou- 
ronne de  la  ville  &  du  port  de  Cadix.  Arcos 
de  la  Froncera  fe  nommoit  aufll  ancienne- 
ment ,    Arcobriga.   Long,    tz,    îO ;    lac. 

3S ,  :s5-  (c.A.) 

Arcos  de  Valdevez  ,  (  Géàgr.)  pe- 
tite ville  de  Portugal ,  dans  la  province 
d'entre  Minho  &  Douro  :  elle  a  un  dillrid: 
de  quarante-cinq  paroiflTes ,  &  elle  eft  poflé- 
dée  ,  à  titre  de  comté  ,  par  la  maifon  de 
Moronhan.  C'efl  l'ancienne  Arcobriga  Lu- 
Jhaniana  de  Ptolomée.   (  C.  A.) 

ARCS  (  Les  )  ,  Ge'ogr.  petite  ville  de 
France  en  Provence ,  dans  la  viguerie  de 
Draguignan  :  elle  eft  fur  la  rivière  d'Ar- 
gent ,  à  deux  lieues  fud-ell  de  Draguignan , 
&  à  quatre  à  l'oucll  de  Fréjus.  Long.  2.7  , 
41  ,•  lac.  43,    2.5.  (C.A.) 

ARCTIQUE,  adj.  c'eft  ,  en  aftronomje , 
une  épithete  qu'on  a  donnée  au  pôle  lèp- 
tentrional ,  ou  au  pôle  qui  s'élève  iur  notre 
horizon.  Fqye;i[  NoRD  ,  SEPTENTRION  , 
POLE. 

Le  pôle  feptentrional  a  été  appelle  pôle 
arSique  ,  du  mot  grec  ccçKJa{  ,  qui  fignifie 
ourfe  ;  d'où  l'on  a  fait  le  terme  arclique  , 
épithete  qu'on  a  donnée  au  pôle  feptentrio- 
nal ,  parce  que  la  dernière  étoile  fituée  dans 
la  queue  de  la  petite  ourfe  ,  en  eft  trcs- 
voifme,  Fbje^  OURSE. 

Le  cercle  polaire  arâique  eft:  un  petit  cer- 
cle de  la  fphcre  parallèle  à  l'équateur  ,  & 
éloigné  du  pôle  arclique  de  2,3d  30'.  C'eft 
de  ce  pôle  qu'il  prend  le  nom  ^arclique. 
Voye\  Cercle  ,  Sphère. 

Ce  cercle  &  le  cercle  polaire  ancarclique^ 
(bn  oppofé ,  font  ce  qu'on  nomme  les  cer- 
cles polaires.  On  peut  les  concevoir  décrits 


ARC  ^^7 

par  le  mouvement  des  pôles  de  i'écliptique 
autour  des  pôles  de  l'équateur  ou  du  monde. 
Depuis  le  cercle  jufqu'au  y'oIc  ixrc^ique ,  eft 
comprilè  la  partie  de  la  terre  appellée  ^onc 
froide  fepcencrionale.  Les  obfcrvations  fai- 
tes en  1736  &  1737 ,  par  l'académie  des 
fciences ,  pour  déterminer  la  figure  de  la 
terre  ,  ont  été  faites  lous  le  cercle  polaite 
arclique.  Voye\  PoLE  Ù  POLAIRE.  (  O  ) 

ARCTOPHl'LAX,  cerme  d'afirono- 
mie  ,  nom  d'une  conftellation  qu'on  ap- 
pelle autrement /'oorej-  ou  bouvier.  Arclopiij' 
lax  fignifie  gardien  de  l'ours  :  il  eft  dérivé 
des  deux  mots  grecs  iciro',  ourfe, &c  luKcci'ja  , 
je  garde.  La  conftellation  du  bouvier  eft 
ainfi  appellée  ,  parce  qu'elle  fe  troyve  pro- 
che de  la  grande  &  de  la  petite  ourfe.  (  O  ) 

ARCTURUS,  en  grec àpinvfix,  dérivé 
d'jti'/.Tj  ,  ourfe  &  de»'?*,  queue  ;  cctt  ,  en 
afronomie  ,  une  étoile  fixe  de  la  première 
grandeur  ,  fituée  dans  la  conftellation  du 
bouvier ,  très-voifine  de  la  queue  de  l'ourfe. 
Voyei  Bouvier.  Voyei  aufjî  Ourse  & 
Constellation. 

Cette  étoile  a  été  fort  connue  des  an- 
ciens ,  comme  on  le  voit  par  ce  vers  de 
Virgile  : 

Arclurum,  pluviafque  HyadaSf  geminofquc 
Triones. 

Il  en  eft  aufîl  parlé  dans  l'Ecriture  en  pîu- 
fieurs  endroits  ,  comme  on  le  voit  par  ces 
pafîàges  :  Qui  fecit  arcfurum  &  onona  & 
hyadas ,  &  inceriora  aujiri.  Job ,  c.  jx,  v.  9, 
&:  c.  xxxviij ,  v.  31.  Nunquid  conjungere 
valcbis  micances  flellas  ple'iadasy  aucgyrum 
arcluri  poceris  diffipare  ?    (  O  ) 

ARCTUS ,  «r-lof,  fub.  m.{Aflrono- 
mie.)  c'eft  le  nom  que  les  Grecs  ont  donné 
;\  deux  conftellations  de  l'hémifphere  fepten- 
trional ,  que  les  Latins  ont  appellées  urfa 
major  &  minor ,  &  que  nous  appelions  liZ 
pecice  Ourfe  &  la  grande  Ourfe.  J^oye^ 
Ourse  (grande  S>c  pecice.  (  O) 

ARCÙATION  ,  f.  f.  terme  dont  quel- 
ques chirurgiens  fe  fervent  pour  exprimer 
la  courbure  des  os  ,  comme  il  arrive 
aux  enfans  qui  fe  nouent  ,  6'c.  roye^ 
Rachitis.  (  Y) 

*ARCUDIA,  {Géogr.  anc.  &  mod.) 
ville  d'Afrique  dans  la  Barbarie  ,  royaumç 

Ll  z 


1^8  ARC 

de  Tripoli  ,  vers  la  frontière  de  celui  de 
Earca  ,  ilir  le  golfe  de  Sidra.  Quelques-uns 
croient  que  c'efl  l'ancien  piciis  PhiL-e- 
dorum  ou  PhiLvnomm  anv  ;  d'autres  que 
c'efl  l'ancienne  Aiuomala. 

ARCUEÏL ,  {Géog'r.)  )oli  village  de  l'île 
de  France  aux  environs  de  Paris ,  au  fud  : 
il  exifioit  dès  le  temps  de  l'empereur  Ju- 
lien ,  Çuraommé  V apofl.u  :  ce  prince  y  fit 
conflruire  le  fameux  aquelnc  qui  fut  réparé 
fous  le  règne  de  Loui.  XIII ,  &  au  moyen 
'dnqucl  la  bonne  eau  de  Rongis  parvient  à 
Paris.    (  C.  A.  ) 

ARC  UL/E  A  VES  ,  (  Myth.  )  nom 
que  les  Romains donnoicnt  à  certains  oifeaux 
qui  étoient  de  mauvais  pn'fage  y  foit  par 
leur  vol  ,  foit  par  leur  manière  de  pren- 
dre la  mangeaille.  Ils  empêchoient ,  di- 
foit-on  ,  qu'on  ne  fornnât  aucune  entre- 
prife  ;  arculce  aves  ,  quia  aicebant  ne  quid 
fieret.   (G) 

ARC  VL  US  ,  f  m.  (  Myth.  )  nom  du 
dieu  qui  préfidoit  aux  colîres  &  cailettes  ,  • 
du  nom  latin  arca  ,  un  cclire  ,  &  du  di- 
minutif arcula  ,  caflette.  Quelques-uns  dé- 
rivent ce  nom  ô'arx  ,  citadelle ,  fortereffe  , 
&  font  d'aradus  le  dieu  tutelaire  des  cita- 
delles. (  G  ) 

ARCY.  P^cyei  Grotte. 
■    *ARDACH,    {Geogr.)    ville  épifco- 
pale   d'Irlande  ,    au    comré   de  Longlort. 

Long,  c,,  4^  ;  l^ii-  35 >  37- 

*ARDALIDES,  furnom  des  raufes  , 
pris  d'Ardalus  fils  de  Vulcain ,  qui  honoroit 
fort  ces  déefies. 

ARDANAT  ,  (  Geog.  )  ville  des  Indes 
orientales  aux  environs  de  l'île  Diu ,  en 
terre  ferme ,  au-delà  de  l'Indus  :  elle  pafle 
pour  être  grande  ,  riche  &  affez  peuplée. 
Les  juifs  ik  les  maures  y  font  le  principal 
commerce  :  les  loix  du  pays  où  elle  eft  fi- 
-tuée  n'ont  d'autre  manière  de  taire  mourir 
les  malfaiteurs  que  par  le  poifon  nommé 
argenca. 

*ARDASTAN  o!^  ARDISTAN  ,  ville 
de  la  province  appellée  Gebal ,  ou  Iraque 
Perfiqiie. 

ÀRDAVALISouHardavalis,  {Mu- 

Jiqiie  infir.  des  Hébreux,  Bartoloccius,  dans 
fil  (grande  bibliothèque  rabbi nique,  tome  II, 
parle  de  cet  inllrument  de  muliquc  d'a- 
près pliifieurs  rabbins  ,  qui  dil'ent  qu'on. ne 


AR  D    , 

le  trouvolt  point  dans  le  fanâuaire  ;   cet 

auteur  veut  que  Vardai'dlis  loit  une  orgue 
h}draulique  ,  &  que  ce  nom  m£me  loit  le 
mot  grec  hydnialis  corrompu  ,  ce  qui  pa- 
roît  aifes:  probable.    (  F.  D.  C.  ) 

ARÎ3AXANE ,  (  Géogr.  )  c'étoit ,  félon 
Polybe ,  une  rivière  d'IUyne  dans  le  voi- 
finage  de  la  ville  de  Liii'us  ,  aujourd'hui 
AleJJîo  :  c'cil  vraifemblablement  l.i  même 
qui  pafle  près  des  murs  de  cette  ville  ,  au 
midi ,  &:  qui  va  fe  jeter  dans  le  goite  dii 
Drin.  (C'A.) 

ARDBRY  ,  (  Ge'ogr.)  petit  port  d'Afri- 
que fur  la  Méditerranée  ,  au  ro)aume  de 
Barca  :  il  eft  fitué  près  des  ruines  d'une 
petite  ville  anciennement  nommée  Bniorum 
Littus. 

*  ARBE3IL ,  (  Geog.  )  ville  d'Afie  dans 
la  Perle  ,  dans  l'Adirbeizan.  Long.  6 ^  ,■  Lu. 

37,  SS- 

*ARDÉE  ,  {Géog.  anc.  &  Mythol)  ville 
capitale  des  Rutules.  Les  foldars  d'Enée  y 
ayant  mis  le  teu  ,  on  publia  ,  dit  Ovide  , 
qu'elle  avoit  été  changée  en  héron  ,oi'eau  que 
les  Latins  nommoient  ardea  ;  c'eft  tout  le 
fondement  de  cette  métamorphole.  Peut- 
être  Arde'e  avoit-elle  été  ainii  nommée  du 
grand  nombre  de  hérons  qu'on  trouve  dans 
cette  contrée. 

*ARDEMEANACH,  contrée  d'Ecofiè, 
dans  la  province  de  Rois;  elle  eil  pleine  de 
hautes  montagnes  toujours  couvertes  de 
neige. 

*ARDENBOURG ,  ville  des  Pays-Bas  , 
dans  la  Flandre  HoUandoilè.  Long.  s.i  ; 
lat.  5  z  ,    i6. 

*ARBENNE,   f   f^(  G^'og.)  grande 
forêt  fur  la  Meufe  ,  qui  s'étend  tort  loin  de-- 
l'occident  à  l'orient ,  &  qui  paffe  entre  Char- 
lemont  au  nord ,    &  Rocroi  au  fud. 

ARDENS,  adj.pl.  {Hijl  mod.)cûle 
nom  qu'on  a  donné  à  une  clpece  de  maladie 
peftilentielle ,  qui  fit  autrefois  beaucoup  de 
ravage  à  Paris,  &  dans  le  royaume  de  France; 
&  c'eft  de-là  qu'eft  venu  le  nom  de  fainte 
Generiei-e  des  ardens  ,  parce  que  cette 
maladie  fut ,  dit-on  ,  guérie  par  l'intercelllon 
de  cette  fainte. 

Il  y  avoit  A  Paris,  proche  l'églifè  métro- 
politaine ,  une  petite  paroifTe  fous  le  titre- 
de  fainte  Geneiieve  des  ardens  ,  érigée 
en  mémoire  de  ce  miracle ,  &  qu'on  vient 


^A  R  D 

-de  détruire   pour   agrandir   l'hôpital    des 
cnfans-rroiivés.  (G) 

ARDENT,  yoyei  MiKoïK. 

Ardent  fe  dit  quelquefois  d'un  météore 
ignée,  qui  reiîemble  à  une  iampc  allurnée. 
K.  MÉTÉORE,  r.  auj/li'' EU -h  OLET.  {()) 

Ardent  le  dit  aulli,  en  MeJecine  f  6i 
de  l'habitude  du  corps  dans  certaines  ma- 
ladies,  ik  de  la  maladie  même. 

Fièvre  ardente  ,  c'eil  une  fièvre  violente 
&  brûlante ,  que  l'on  appelle  autrement 
cauftij. .  Voyc\  Ti E V R E .  {N) 

Ardent  le  dit,  en  Marine,  d'un  vail- 
feau  qui  le  comporte  à  la  mer  de  façon  qu'il 
approche  adément  au  plus  près  du  vent.  (Z) 

Ardent,  {Manège.  )  poil  ardent  ,  efl 
celui  qui  tire  lur  la  couleur  du  feu.  Un  dit  : 
ce  chei-al  cjî p^il  ardent.  (  V) 

§  ARDEN  F  ,  adj.  acce/ifus  ,  part,  d'ac- 
cendo  y  {terme  de  Blafun.)  le  dit  d  un  char- 
bon qui  paroît  allumé  :  ce  mot  vient  du 
vieux  verbe  tiri//Éf,  brûler. 

Sandras  du  Metz  à  lUieimS,  à^ argent  à 
trois  charbons  de  fable  ,  ardens  de  gueules. 

Carbonnieres  de  la  Barthe  en  Auvergne  ; 
d'argent  à  quatre  cotices  d'a\ur ,  aceôtees  de 
quator\e,ciiaibons  de  fable  ,  ardens  de  gueu- 
les ,  un  en  chef  ,  un  en  pointe  ,  les  duu:^e 
autres  quatre  à  quatre  ,  en  ci  ois  raners. 
{G.DL.T.)  ^ 

*AR13Ell  ou  ARDRA,  petit  royaume 
d'Afrique  dans  la  Guinée  proprement  dite, 
au  nord  du  golfe  de  Saint-ïhumas  :  Ardre 
ou  Afftn  en  elt  la  capitale.  On  lit  dans  le 
£)iJionnaire  géographique  de  M.  jde  Voi- 
gien,  que  le  peujde  y  eil  fort  débauché; 
qu'une  femme  y  paife  pour  adultère  fl  elle 
•accouche  de  deux  jumeaux;  qu'il  n'y  a  ni 
temple  ni  aflèmblées  publiques  de  religion  , 
&  que  l'on  n'y  croit  ni  rélurrecfion  ,  ni 
autre  vie  après  celle-ci. 

ARDES ,  elpece  de  péuinfule  fur  le 
lac  Coin  en  Irlande,  dans  ILitonie  &  le 
comté  de  Downe. 

*Ardes  ,  (Gfbg-r.)  ville  de  France  dans 
la  balTe  Auvergne ,  chef-lieu  du  duché  de 
Mercauj-. Zo/2^.  zo  ,  40  ;  lat.  45  ,  zz. 

ARCESCHE ,  rivière  de  France  dans 
le  Vivarès  :  elle  vient  de  Mirebel ,  pafTe  à 
Aubenas  ,  reçoit  d'autres  rivières  ,  &  fé 
jette  dans  le  Rhôioe  à  une  lieue  au  defTus 
du  Pont-Saint-Erprit, 


A  R  D  i6cf 

ARDESTON,  (  Geogr.  )  ville  d' Afic  dans 
la  Perfe  :  elle  ell  connue  par  les  bonnes 
toiles  qui  s'y  fabriquent.  (  C.  A.  ) 

ARlJEUK   d'urine  y  voye?^  ]>YSURIE. 

Ardeur,  i".  f.  {Manège.  )  clieval  A'ar- 
deur  ou  qui  a  de  V ardeur  ;  c'elt  un  cheval 
toujours  inquiet  fous  le  cavalier,  &  dont 
l'envie  d'avancer  augmente  ,-\  mcllire  qu'd 
efl  retenu  :  c'eft  un  défaut  bien  fatigant. 
{V) 

ARDEY  ou  ArdÉE  ,  (Geogr.  )  petite 
ville  d'Irlande  dans  la  province  de  Leinf- 
tcr ,  au  comté  de  Louth  :  elle  efl  iiir  la 
rivière  de  More,  au  liid-efl  de  Kilmorc, 
&  au  nord  de  Kelles.  Long.  10  ,  40  ;  lat. 
S4-y   lO.   {C.A.) 

*  ARDFËARD  ou  ARTFE  ART  ,  ville 
d'Irlande  au  comté  de  Kerry  ,  près  de  la  mer  , 
à  l'occident.  Long.  J  ,  ^"^  i  lat.  52.  ,  ^4. 
^  AKDIENS,  (c;fo^r.)  peuple  d'Illyrie, 
l'un  de  ceux  que  les  Romains  forcèrent 
d'abandonner  les  bords  de  la  mer ,  &•  d'al- 
ler chercher  d'autres  terres  à  défricher , 
parce  qu'ils  étoient  indociles  &  turbulens. 
Il  y  a  eu  encore  un  peuple  de  ce  nom 
dans  les  Gaules,  qui  habitoit  un  vallon  le 
long  uu  Rliône  ;  Polybe  en  a  fait  mention. 
(  C.  A.  ) 

ARDIERE  ,  (  Geogr.  )  rivière  de  France 
qui  prend  là  fource  dans  le  Beaujolois  ; 
&  qui,  après  avoir  traverfé  une  partie  de 
cette  province  de  l'ouelt  à  l'ell  ,  &  avoir 
paflé  à  Beaujeu ,  va  fé  jeter  dans  la  Saône. 

ARJJiLLA  ,  rivière  d'Efpagne  qui  a  fa 
fource  dans  l'Andaloufie ,  &  lé  jointàl'Anas- 
ou  Gurdiana  au  delius  d'Olivança. 

^  ARDMILLON  ,  (  Geogr.  )  petite  ville 
d'Ecoffe  dans  le  comté  de  Carrick  :  elle 
efl  à  l'embouchure  d'une  petite  rivière  ,,, 
dans  le  golfe  de  Cluyd  ,  au  fud-ouefl 
d'Ayr,  &  à  l'ouell  de  Bangery.  Long,  i  z  , 
zo  ;  lat.  55  ,  ^o  {C.A.) 

ARDMORE  ,  (  Géogr^)  port  d'Irlande, 
fur  la  côte  méridionale ,  au  comté  de  Wa- 
terford  ,  entre  la  baie  d'Youghal  au  fur"- 
ouefl  ,  &  celle  de  Dungarvan  au  nord-eil; 
il  y  a  encore  une  petite  ville  de  ce  nom 
dans  le  même  royaume  ,  au  comré  de  Tir- 
conel  fur  la  rivière  de  1 --unnagal.  {C.A.) 

*  ARDOINNA    ou   ARI'UINNA   ,. 
j  (  MythoL  )  ogra  que  les  Gaulois  ôc  les 


£70  A  R  D 

•Sabins  donnoient  à  Diane ,  proteârice  des 
■chaflèurs.  Ils  la  repréientoient  armée  d'une 
eipcce  de  cuirafle  ,  un  arc  débandé  à  la 
main ,  avec  un  chien  A  fon  côté. 

ARDOISE  ,  i'.t  (  Hijl  nat.  Minerai.) 
lapis  fijfdis  affdejm  ,  ardojia  ;  efpece  de 
Ichift ,  matière  de  la  nature  de  l'argile  ,  de 
couleur  bleue  ou  grife  ,  ou  même  roufle ,  qui 
le  divife  en  lames  minces  ,  plates ,  unies  , 
qu'on  emploie  pour  couvrir  les  maifons. 
Cette  elpece  de  couverture  n'étoit  pas  con- 
nue des  anciens  ;  le  nom  d'ardoife  cil  nou- 
veau ,  mais  cette  matière  a  fervi ,  dans  les 
temps  pailes  ,  de  moëlon  pour  la  conilruc- 
■tion  des  murs.  On  en  tait  encore  aujour- 
d'hui le  même  ufage  dans  les  pays  où  il 
s'en  trouve  des  carrières.  On  dit  que  la 
plupart  des  murs  d'Angers  font  bâtis  de 
tlocs  d^ardoife ,  dont  la  couleur  rend  cette 
ville  d'un  trille  afpeft.  Uardoife  eft  tendre 
au  lortir  de  la  terre  ;  mais  expofée  à  l'air , 
elle  acquiert  aiïèz  de  dureté  pour  foutenir 
le  poids  d'un  bâtiment  :  c'eft  par  cette  rai- 
ibn  apparemment  qu'on  lui  a  donné  le 
nom  de  pierre.  Cependant,  ce  n'efl  qu'une 
terre  plus  dure  qu'une  autre  ;  c'eft  un  fchiit, 
un  argile,  comme  nous  l'avons  dit  ,  mais 
qui  fe  trouve  à  une  grande  profondeur 
■dans  la  terre.  A  mefure  qu'on  creufe  da- 
vantage, on  trouve  cette  terre  plus  dure 
&  plus  ieche;  elle  eft  dilpolée  par  bancs, 
dans  leiquels  il  y  a  des  tentes  qui  fe  trou- 
vent fi  près  les  unes  des  autres ,  que  les 
lames  qu'elles  forment  ont  très-peu  d'épaif- 
ieur.  C'elî  par  ces  fentes  qu'on  les  divife, 
lorlqu'on  les  prépare  à  fervirde  couverture 
aux  bâtimens. 

Nos  plus  fameufes  carrières  d^ardoife  font 
aux  environs  d'Angers  :  auffi  efl-ce  dans 
!a  province  d'Anjou  que  fe  tait  le  plus  grand 
commerce  d^ardoifc  pour  ce  royaume  & 
pour  les  pays  étrangers.  La  plus  belle  vient 
de  Trélaze  &  des  Ayraux  ,  paroilîês  di(- 
tantes  d'une  lieue  de  la  ville  d'Angers  ; 
mais  on  trouve  de  Vardoife  de  ditiérentes 
qualités  en  d'autres  lieux  de  l'Anjou.  Il  y 
en  a  dans  les  Paroiifes  de  l'Hôtellerie ,  de 
Fiée  ,  de  la  Jaille  ,  de  Margné  près  d'Aon  , 
&  dans  l'éleftion  de  Château-Gontier.  Celle 
tie  Mczieres  efl  plus  tendre  que  les  autres. 
On  a  trouvé ,  i  quelques  lieues  de  Charle- 
viJIe,  de  Vardoife  auffi  bonne  &  auffi  belle 


ARD 

que  celle  d'Anjou  ,  quoiqu'elle  ne  foit  pas 
d'une  couleur  auffi  bleue  ou  auffi  noire.  Il 
y  en  a  plufieurs  carrières  ;\  Murât  &  X 
Prunet  en  Auvergne.  On  en  voit  auprès 
de  la  petite  ville  de  Fumai  en  Flandre  ,  fur 
la  Meule ,  au  detTus  de  Givet.  On  en  tire 
de  la  côte  de  Gènes  qui  eft  très-dure.  II 
y  a  en  Angleterre  de  Vardoife  bleue  &  de 
Yardoife  grife.  Celle-ci  efl  connue  fous  le 
nom  de  pierre  de  Horsham  ^  du  nom  d'une 
ville  de  la  contrée  de  Sulfex ,  où  elle  ert 
très-commune.  Pour  faire  des  tables  &  des 
carreaux ,  on  donne  la  préférence  aux  ar- 
doifes  les  plus  dures.  On  a  remarqué ,  fur 
des  morceaux  de  pierre  d^ardoife ,  mais  plus 
fréquemment  fur  le  fchifl ,  des  repréfenta- 
tionsde  poifîbns  &  déplantes.  V.  ScHIST. 

Après  cet  hiftorique  de  Vardoife ,  nous 
allons  pafler  à  une  confidération  plus  voi- 
finc  de  Ççs  carrières  &  de  fa  tabrication. 
C  etl  avec  de  grands  rifques  qu'on  entre- 
prend d'ouvrir  &  de  travailler  une  carrière 
d'ardoife.  On  n'a  point  de  lùreté  que  la 
roche  découverte  dédommagera  dans  latùite 
des  frais  confidérables.  Il  ne  faut  pas  trop 
compter  tur  le  jugement  que  les  ouvriers  ne 
manquent  jamais  d'en  porter  à  la  première 
inipedion  de  la  cojfe.  On  entend  p.w  cojje  f 
la  première  lurtace  que  prélente  le  rocher 
immédiatement  au  delfous  de  la  terre.  La 
cofle  peut  promettre  une  bonne  ardoife  , 
&  le  tond  de  la  carrière  n'offrir  que  des 
feuillets  &  des  chats  :  deux  défauts  qui  ren- 
dent Vardoife  mauvaile.  On  travaille  donc 
long-temps  en  aveugles  :  fi  la  carrière  fe 
trouve  bonne ,  on  tait  fa  fortune  ;  finon  l'on 
efl  ruiné.  Voyei  MiNES  &  ScHIST. 

Les  ardoifes  peuvent  être  conlldérées 
félon  leurs  échantillons.  La  grande  quarréc 
forte  tait  le  premier  échantillon  ;  on  dit 
que  le  millier  couvre  environ  cinq  toifes 
d'ouvrage  ;  la  grande  quarrée  fine  fournit 
par  millier  cinq  toiles  &  demie ,  &  tait  le 
fécond  échantillon  ;  la  petite  fine  environ 
trois  toifes  par  millier ,  &  elt  du  troilieme 
échantillon  :  la  quatrième  ,  qu'on  appelle 
quarteletce y  fait  le  quatrième  échantillon, 
&  donne  deux  toiles  &  demie  de  cou- 
verture. 

Ardoises  ;  elles  fervent  aux  pafTemen- 
tiers  pour  les  liantes  lifles ,  au  lieu  de  pla- 
tines. Voyei  Platine. 


A  R  D 

*  ARDONA,  (  Ge'ogr.  )  ville  autrctois  , 
nuinrenant  village  de  la  Capitanate  ,  pro- 
vince du  royaume  de  Naples. 

*ARDRA  ,  ANDRA  ,  ou  ORDRA  , 
(  Gf'og.  )  ville  d'Afrique  dans  la  Guinée.  Il  y 
a  aulli  un  royaume  de  ce  nom  en  Guinée , 
entre  la  rivière  de  Volta  &  le  lac  de  Durante. 
Ardra  en  eJl  la  capitale. 

*  ARDRES ,  (  Géogr.  )  ville  de  France 
dans  la  bafle  Picardie ,  au  milieu  des  marais. 
Long.  î9,lJ.t.  30;   ^o  ,   3^. 

ARDSCHIR  I  ,  roi  de  Perfe.  voye^ 
Bahaman. 

Aroschir  U,  furnomrné  Sabegan  , 
{Hij}.  de  Perfe.  )  fut  le  premier  roi  de  la 
quatrième  dynailie  de  Perie.  "  Lorfque  le 
»  roi  s'applique  à  rendre  la  juflice ,  le  peu- 
w  pie  fe  paflionne  à  lui  rendre  obéifiance  : 
»  le  plus  méchant  de  toius  les  princes  efl 
»  Celui  qui  ie  rend  redoutable  aux  gens  de 
«  bien  &  acceflible  aux  médians.  L'auto- 
u  rite  royale  ne  fe  maintient  que  par  les 
»  troupes ,  par  l'argent  :  l'argent  ne  vient 
>j  que  par  la  culture  des  terres  ,  qui  lan- 
>}  guit  il  le  fouverain  néglige  la  juftice  & 
>j  la  police.  »  Telles  turent  les  princip-ales 
maximes  de  ce  prince  ,  un  des  plus  grands 
rois  dont  la  Perie  s'honore  :  il  feroit  bien 
difficile  de  rien  ajouter  à  l'idée  que  pré-^ 
lenrcnt  czs  nobles  &  véritables  principes. 
L'iiilloire  varie  fur  fon  origine  :  les  uns 
le  font  fils  de  Saflim  ,.  homme  privé ,  & 
même  d'une  condition  très-obfcure.  Sui- 
vant cette  opinion  ,.  Saflan  fut  berger  d'im 
nommé  Babek  qui ,  pour  récompenler  les 
loias ,  lui  donna  ia  fille  en  mariage.  Sal- 
fiin  glorieux  de  cette  alliance  ,  &  pour  en 
gcrpéruer  le  fouvenir ,  donna  à  Ardfchir 
Ion  fils  le  furnom  de  Babegan  ;  mais  cette 
origine  que  l'on  trouve  dans  le  Lebtarik  , 
çft  prcfque  totalement  abandonnée.  Nous 
fuivrons  dans  cet  article  le  récit  de  Knon- 
dcmir  ;  il  aflure  l'avoir  tiré  du  Tai'ik-Kon- 
dek  &  du  Bina  Kitl  qui  lont ,  fans  con- 
tredit ,  les  deux  hiflcires  le  plus  jurtemcnt 
accréditées.  Suivant  cet  écrivain ,  Safîan 
6-ere.  deBahaman  ,  roi  de  Perfe,  ne  pou- 
vant s'accommoder  du  lecond  rang  ,  fe 
bannit  volontairement  de  la  Perfe  ,  &  alla 
dévorer  loin  de  fa  patrie  des  chagrins  que 
Iç  trône  feul  pouvoit  difliper.  Un  de  les 
enfçiÂis ,  jaloux  de  voir  ia  Perle  j  d'où,  on 


ARD  îyï 

lui  avoir  appris  qu'il  tiroit   Ton  origine  ,  y 
fit  un  voyage ,  &  entra  au  lervice  de  Ba- 
bek ,  gouverneur  de  la    province  ,    qui    ,. 
charmé   du    naturel    aimable  de   ce  jeune 
homme  ,  lui  donna  fi  propre  fille  en  ma- 
riage.   Ce  tut  de    cette    union   que   fortit 
Ardfchir  ,  qui  prit  le  furnom  de  Babegan. 
en  mémoire   de  Babck    fon    bcau-pere  & 
fon    bienfaiteur.  Ardjchir  tlit   élevé    avec 
les  foins  les  plus  tendres  ;  &  (a  vive  recon- 
noifl'ance  ,  jointe  au  fouvenir  de   Ion  ori- 
gine ,  le  perteétionna  dans   tous  les  exer- 
cices dignes  d'un  prince.  Ses  talens  jetè- 
rent tant  d'éclat  ,  que  dans  toute  la  Perfe 
on  ne  parloit  que  du  jeune  Ardfchir.  Ar- 
davan  qui  régnoit  alors  ,  curieux  de  le  voir,, 
le  fit  venir  à  fa  cour ,  &  le  retint  dans  fon. 
palais  ,    où  il  lui  témoigna  autant  d'amitié, 
qu'à  fes  propres  enfans.  Bientôt  ces  mê- 
mes talens  qui  venoient    de    captiver  fon. 
admiration  j  changèrent  Ion  amitié  en  ja — 
loufie  :  humilié  de  la  différence  que  la  na- 
ture avoir  mile  entre  fes  fils  &  Babegan  , . 
il  l'éloigna  de    la  cour  ;  mais    trop    juftc. 
pour  vouloir  qu'un  homme  de   fon   mérite 
languît   dans   une  obfcurité  honteufe  ,    iL 
lui  donna  le   commandement  des  troupes 
d'une  province.  Ardfchir  condamné  à  cette, 
efpece  d'exil ,  s'en  dédommiagea  en  te  per — 
fedionnant   dans  les  exercices  qui  avoient 
fait  admirer  fon  entance.  Il  ne  reparut  X 
la  cour  que  pour  demander  le  gouverne- 
ment   qu'avoit   poffédé    Babek  ,    dont    on 
venoit  de  lui  apprendr'e  la  mort.   Ardavan 
ne   put   lui  accorder   la  demande  ,   parce 
qu'il   avoit  diipofé    du    gouvernement    en 
faveur   de  fon    fils    aine  ;  mais  il  mit  tant 
de  douceur  dans  fon  refus ,  qu'il  ne  retta^ 
dans  le  cœur  à^Ardfchir ,  que  la  douleur 
d'avoir    perdu   fon   beau-pere.  Cependant 
Ardavan  ayant  vu  dans  un  fonge  plufieurs 
objets  etîrayans  ,  confulta  les  mages  qui  ,„ 
jaloux    de     fon    repos  ,   lui    répondirent- 
que   fon   fonge  prélageoit    fa  ruine ,  qu'un 
étranger  monteroit  (ur  fon  trône.  Ardavan  • 
plus  troublé  par  cette  interprétation,  qu'il' 
ne  l'avoit  été  pendant  fon  fonge ,  tourna- 
es  regards   fur  Ardfchir     crut  apperce— 
voir  en  lui  le  detiruûeur  de  fa  race  &  le 
fien  propre  ;  il  le  regarde  dès-lors  comme 
une   viûime  qu'il  devoir  facrifier  à  fa  fu- 
reté ;  mais  une  fille  du  ferrail ,  inllruite  des. 


lyi  A  R  D 

inquiétudes    du   prince  ,    avertit  Arâfchir 
qu'il  en  ctoit  l'objet  ;   &  s'oltrant  à  parta- 
ger fa  dellinée  ,  elle    l'engagea  à  s'éloigner 
de   la    Perle    déjà  fi  iunelte  à  la    tamille. 
Ardfchir  profita  de  cet  avis  :  mais  au  lieu 
de  fuivre  l'exemple  de  Saflan  ,  il  le  rendit 
dans   la   province   de    Fars ,   dont  Babek 
avoit   eu    le   gouvernement.    Le    fils    aine 
d'Ardavan  voulut  s'aflijrer  de  fa  perfonne  ; 
mais  le  nom  à'A'dfcIilr  t-toit  fi  puiflant  dans 
la  province  ,  que  tous  les  liabitans  s'ofiri- 
re/it  à  fc    dévouer    pour   Ion     fervice.    Il 
accepta  leurs  oltres  ,  &  marcha  aufll-tôt 
contre  le   jeune  Ardavan    qui    périt   après 
plufieurs  combats.  Tous  les  Molouk-Tha- 
vais  fublrent    le  même    fort    d'Ardavan  , 
ou   liiivirent    la   fortune  du  vainqueur.  Le 
roi ,  affligé  de  ces  trilles  nouvelles  ,  s'avan- 
ça auiu-tôt  dans  la  province  de  Fars  ,  ré- 
lolu  de  périr  ou  de  venger  la  mort  de  Ion 
fils.  L^nc  bataille,  qu'il  perdit  pi  es  d'Hef- 
tliekar  .  jullilia    la  p)cdii5iion    des     mages. 
Ardfchir ,    pour  prix  de  la  vidoire  ,  c^ui 
fiit  fcellée  du  fang  d'Ardavan ,  monta  iur 
le   trdne    qu'avoit    occupé    fes    ancêtres  , 
&.  piitaufiitot  le  titre   de  Schainkal^ ,  qui 
fignifie  empereur-  ou  Alcnarque.  Les  Perles  , 
naturellement  jaloux  d'une   vaite  domina- 
tion ,    n'eurent    point  à  gémir   de  l'avoir 
pour  maître.  Leurs  voiiins    ne    purent  ré- 
fifler  à  un  prince  qui   fans  états  venoit  de 
conquérir  le  royaume  le  plu.s  floi'il^ant  de 
toute  l'Afie.  La  Ivjcfopotamie  &  l'AlIyrie 
furent   les    principaux   monumens  de    les 
viûoires  ;  mais  c'efl   moins  par  l'éclat  de 
lès  triomphes    que  l'I.ifloire  de   ce    prince 
nous  inttrefle,   que   par  le  foin    qu'il  prit 
de  rendre  les   peuples  heureux.    La    vraie 
gloire  des  fouverains  ne  confilîe  pas  à  cou- 
vrir la  terre  de  débris ,  ni  à  faire  des  ef- 
claves.  Les  laui'iers  d'un    conquérant   lont 
bientôt    deiléchés  ,    s'il    ne  les  arroie  que 
du  fang  &:  des  lueurs  des  vaincus.  Ardfchir, 
dans  les  délc/rdres  même  des  guerres  ,  bâtit 
plus  de  villes  qu'il  ne  détruifit  de  villages, 
6;  tous  fes   fujcts  eurent  autant  de    droits 
fur  fon  cœur  ,  que  s'ils  eufient  été  fes  en- 
cans.   Perfuadé    qu'un    prince   qui    fe  né- 
jjige  ,  eft  indigne  de  l'êti-e  ,  il  eut  toujours 
les  yeux    attaches   iùr  lui-même.   Chaque 
^our  il  méduoit  Iur  les  devoirs  des  rois  ; 
l'ans  la  crainte  d'y   manquer  ,  ce  prince 


A  R  D 

bienfaifant  nomma  un  officier ,  qui ,  tous  les 
matins ,  devoit  l'interroger  fur  les  adiors 
du  jour  précédent  ;  il  connoiflbit  la  namre 
indulgente  pour  foi  -  même  ,  &  il  ne  fe 
permettoit  pas  d'être  fon  propre  juge  :il 
donna  peu  de  temps  nu  fommeil ,  &  moins 
encore  au  plaifir.  Toutes  les  heures  du  jour 
furent  confacrées  à  la  gloire  ou  à  la  tran- 
quillité des  Perles  ;  il  avoit  des  inflans  pour 
agir ,  d'autres  pour  réfléchir  ;  &  comme  il 
n  avoit  à  rougir  ni  de  fes  aélions  ,  ni  de 
fes  penices ,  il  en  compofa  un  mémorial 
qui  fervit  de  règle  à  fes  îuccefîeurs.  Ardf- 
chir fit  encore  plufieurs  ouvrages  ,  &  tous 
avoicnt  pour  objet  la  pureté  des  moeurs 
ou  la  perlefî-ion  du  gouvernement.  Le 
fameux  Nouskervan  ne  dut  peut-être  fa 
célébrité  qu'au  foin  de  conlulrer  ces  pré- 
cieux ouvrages  qu'il  fit  publier.  Entre  ley 
iàges  inflitutions  de  ce  monarque  ,  on  rer- 
marque  l'attention  qu'il  eut  de  difiribuer 
le  peuple  en  plufieurs  clafîês  qui  toutes 
eurent  leurs  cenieurs  particuliers.  Les  arti- 
lans  furent  diitingués  des  foldats  ;  les  fim- 
ples  citoyens  des  nobles,  &  chaque  doc- 
teur avoit  foin  de  parier  un  langage  c>-in- 
venabie  à  feip  it  de  la  claiTe  commife  à 
fes  foins.  Rien  n'étoit  puis  fage  :  il  iaut 
bien  plus  de  reiiorts  pour  émouvoir  le  cœur 
fourbe  &  délié  du  courtifan  ,  que  pour 
touciier  une  populace  fimpic  &  grolTiere. 

Le  Ipedacie  attendriilant  d  un  peuple 
fortuné  rui  la  plus  douce  recompenle  pour 
le'  cœur  de  ce  prince  ami  de  l'humanité. 
La  Perle  ik  les  provinces  nouvellement  fou- 
miies  le  louoient ,  le  bénifîoient  à  l'envi. 
Les  vœux  de  ce  peuple  n  étoient  cepen- 
dant pas  fatislaits.  ^ufehir  etoit  fans  hé- 
ritier :  le  ciel  long-tempsjfourd  à  leurs  priè- 
res ,  lui  en  acccuda  un.  Ce  prince  le  plus 
doux ,  le  plus  digne  d'êt'c  heureux  ,  man- 
qua de  frapper  l'objCt  de  tant  de  vaux 
dans  le  fein  d'une  é'poufè  ingrate ,  &  de 
paiièr  le  relie  de  les  (durs  dans  le  chagrin 
le  plus  amer.  Adfchir  rejetant  cette  ma- 
Nime  barbare,  qui  prefc'rit  aux  ufurp.iteurs 
d'éteindre  la  race  des  rois  légitimes  ,  avoit 
époulé  la  fille  d'Ardavan  :  cette  princelTe 
peu  reconnoiila):te  ne  goùtoit  aucun  plaifir 
fur  un  trône  dont  ion  fang  étoit  prolciit. 
Sans  celle  agitée  du  dcfir  do  voir  les  Ar- 
davans    dans    l'appareil    de  leur   première 

grandeur  , 


A  R  D 

gMndcur,  elle  conçut  le  criminel  projet  d'cm- 
poilbnner  fon  mari ,  &  de  donner  la  couronne 
au  frère  du  feu  roi  ;  elle  alloit  confommcr  ce 
crime  ,  lorfque  le  monarque  ,  averti  par  fes 
officiers  du  coup  dont  il  étoit  menacé,  la 
remit  en  leurs  mains.  L'arrêt  de  mort  hit  pro- 
noncé contre  cette  époulc  coupable:  elle  avoit 
jufqu'alors  celé  fa  grolTcflc  ;  &:  elle  ne  la  dé- 
clara qu'à  l'inllant  où  le  minirtre  auquel  on 
avoit  confié  le  loin  de  (a  dcflinée ,  alloit  la 
frapper  :  ce  minidre ,  relpedant  en  elle  l'héri- 
tier du  trône ,  lui  procura  une  retraite  lure  : 
elle  y  donna  le  jour  à  SchaSour  ,  autrement 
Sapor  ;  ce  tlit  ce  Sapor  qui  vengea  lurValérien 
tes  anciennes  injures  que  les  Perles  avoient 
reçues  des  Romains.  Ardfchir  charmé  de 
contempler  Ton  digne  héritier,  récompenfa 
nvec  magnificence  le  fiige  minilire  qui  le  lui 
avoit  confervé.  L'hifîoire  varie  llir  la  durée 
■du  règne  de  ce  prince.  Le  Lebtarik  la  fait  de 
quarante  ans  ;  mais  Knpndemir  que  nous 
avons  fuivi ,  ne  compte  que  quatorze  ans  de- 
puis fa  vidoire  fur  Ardavan  jufqu'à  fa  mort. 
La  Dynaflie  à  laquelle  iJ  donna  naifîànce,fut 
nommée  SalTanide,  du  nom  de  SalTIin,  l'un  de 
fes  aïeux  ;  ce  qui  prouve  queia  tige  des  Saffan 
n'étoit  pas  obfcure  comme  quelques  hiflo- 
riens  l'ont  prétendu,  &:  qu'elle  étoit  au  moins 
-jufll  illufîre  que  celle  des  Babek.  L'hifîoire 
confcrve  une  anecdote  fur  Ardfchir  que  le 
iedeur  feroit  fâché  de  ne  pas  trouver  ici  ;  elle 
fert  à  montrer  que  ce  prince  ,  qui  donnoit  à 
fon  elprit  tous  les  alimens  poffibles ,  étoit 
avare  de  ceux  qu'il  donnoir  à  fon  corps  : 
voulant  le  reflreindre  à  (es  feuls  befoins  ,  il 
demanda  à  fon  médecin  combien  il  devoit 
prendre  de  nourriture  pour  entretenir  fa  vi- 
gueur ;  cent  gros  ou  dragmes  arabiques  (ce 
poids  répond  à  notre  livre)  vous  fulîîlent , 
répondit  le  médecin.  Si  vous  vous  en  con- 
tentez ,  cette  quantité  vous  portera  ;  mais  fi 
elle  excède  ,  c'ell  vous  qui  ferez  obligé  de 
la  porter. 

Ardschir  IIL  Ce  prince  étoit  fils  de 
Schirouik  que  nous  prononçons  Siroès  ;  il 
ne  fit  que  paroître  fur  le  trône.  Schéheriat , 
fon  général ,  s'étant  révolté ,  le  vainquit  près 
la  ville  de  Madain  ,  &  le  fit  mourir  le  dix- 
huitieme  mois  de  ion  règne.  La  viûoire  du 
rebelle  étoit  ailée.  La  Perfe  étoit  fans  géné- 
raux ,  &  le  prince  cntroit  à  peine  dans  fa 
huitième  année.  Ebn-Batrik  compte  un  qua- 
Tome  IIL 


A  R  D  Z73 

trieaic  Ardfchir;  mais  les  hifloricns  les 
plus  exads  ne  font  mention  que  des  trois 
dont  on  a  parlé.  Le  mot  Ardfchir  répond 
à  celui  d'Adûérus  &  d'Artaxcrxès  ;  &  l'on 
prétend  qu'il  fignifie/^ri/ie  &  laie.  D'Herb. 
Bih.  Orient.  {M- Y.) 

*  ARDSTiN  ou  STINCHARD  , 
(  Gc'og.  )  petite  rivière  d'Ecofle  qui  fc 
décharge  dans  le  golfe  de  Cluyd  ,  vis-A-vis 
de  la  pointe  de  la  prefqu'ile  de  Cantyr. 

ARDSTINSEL  ou  ARDSHINSTUR , 
(  Ge'ogr.  )  petite  ville  d'EcolTe  dans  le  comté 
de  Carrjck  ;  elle  eft  fituée  k  l'embouchure 
de  la  petite  rivière  d' Ardflin  dans  le  golfe  de 
Cluyd  au  fud-oueil  de  Carleto\7n.  Long. 
11.  15  ;  lat.  '^^.  40.  (C.  A.) 

ARDUE NNENSIS  ,  SvLrA  & 
Pa  g  us  ,  {Ge'ogr.  du  moyen  âge.)  La  foret , 
le  pays  des  Ardennes  tire  fon  nom  de  la 
célèbre  forêt  des  Ardennes  ,  Arduenna  , 
Ardcnna,Ardoenenfisfjh-a.CéiAT  dit  qu'el- 
le commençoit  au  bord  du  Rhin ,  &  qu'elle 
s'étendoit  jufqu'aux  confins  du  Rhémois  ; 
il  ajoute"  même  qu'elle  comprenoit  le  pays 
de  Trêves,  &  s'étendoit  jufqu'auprès  des 
Nerviens  ,  &  qu'elle  renfermoit  non-feu- 
lement le  pays  entre  le  Rhin  &  la  Meufe  , 
mais  encore  celui  qui  fe  trouvoit  entre  la 
Meufe  &  l'Efcaut  jufqu'à  l'Océan.  Strabo» 
ne  la  borne  qu'à  l'Océan  &  au  pays  d'Ar- 
tois. On  voit  encore  aujourd'hui  entre 
Douzy-les-Prés  ,  Sedan ,  l^onchçry  & 
Rheims  une  grande  forêt ,  qui  confervé  le 
nom  de  hois  des  Ardennes  ;  &  furie  che- 
min de  Sainte-Menehould  à  Verdun  ,  oii 
trouve  une  partie  de  ce  même  bois  ,  qin' 
fe  nomme  [^ forêt  d'Ardenne. 

Sigebert  .  roi  d'Auftrafie ,  appelle  l'Ar- 
denne  fa  forêt ,  foreftem  fuani  vocdt.  Char- 
les-le-Chauve  ,  dans  fes  capitulaircs  ,  la  met 
au  nombre  des  forêts  royales.  On  voit  dans 
nos  annales  que  les  empereurs  Charlemagne 
&  Louis -le -Débonnaire  alloicnt  chaque- 
année  en  automne  chnfler dans  la  forer  d'Ar- 
denne ou  des  Voges.  L'infcription  fuivante 
prouve  le  culte  rendu  à  Diane  ,  déeflè  des 
cliafTeurs ,  dans  le  pays  des  Ardennes  : 

D.  M. 

Ç.  CORSIUS  Q.  FiLIUS 
Cl.  Anlianus  sacerdos 

DiAKjE   AR.DUINN/R    FECIT 

Mm 


î74  A  R  D 

Sisi  ET  Hjsredisvs  suis 
In  Fr.  p.  Xji.  jy  agro 

P.    XV.   IIII  ID.    OCTOB. 
JmPER.    C^S.   Fl.    DoMITfANO 

VIII    ET    C.    Valerio    Messa- 

tINO  Cos. 

Broverius  ,  qui  cite  cette  Infcription  ,  nous 
apprend  que  dans  le  même  canton  ,  à  Ep- 
ternac ,  on  trouve  les  refies  d'un  ancien 
temple  de  Diane,  avec  cette  infcription: 

Dem  Dianjs 

Q.  Posthumus  potens 

V.  S. 

c'efl-,n-dire  ,  votum  folvit  ;  d'où  Diane  a 
reçu  le  liirnom  de  Ardoina  ,  comme  le 
prouve  une  infcription  rapportée  par  Gru- 
ter,c.  4s  : 

V.  Dus  sacra 
ArdoinjE  ,    Camulo  ,    Ion  , 

Mercurio  ,  Herculi. 
Voyei  Greg.  Tur.  à  D.  Ruinart,    in-foL 
page  i  555. 

Indiciomare  aflembla  les  états  d^la  Gaule 
contre  Céfar  à  Amberlove ,  dans  la  foret 
d'Ardenne  ,  où  Cingentorlx  fut  profcrit  par 
les  Trévirois ,  l'an  de  Rome  700.  Voye\ 
Hifl.  du  Luxemb.  in-zj.".  zj4i,p.  4.4. 

Il  efl  fait  mention  du  comté  des  Arden- 
nes  dans  le  partage  fait  entre  les  entans  de 
Louis-le-Débonnaire.  Ce  Comté  efl  placé 
entre  Asbania  &  la  Friie  ,  au-deçà  du 
Rhin. ,  qui  s'étendoit  juiqu'à  la  Meufe , 
ou  même  jufqu'à  l'Efcaut.  Les  annales  de 
S.  Bertin ,  -à  l'an  839,  mettent  ce  comté 
entre  le  Molelgow  ou  duché  de  Lorraine  , 
&  le  comté  de  Condroz. 

Sigebert ,  roi  d'Auflrafie ,  y  fonda  deux 
rnonafîeres,  celui  de  Malmedi  ,  Malmunda- 
rium  in  parochia  Agrippinenfi ,  6"  celui  de 
Stavelo,  Stubulùus  in  dioceji  'l'rajeclenji. 

Mais  aujourd'hui,  par  les  loins  des  an- 
ciens moines  &  des  habitans  qui  ont  dé- 
friché le  pays ,  les  deux  monalleres  fe  trou- 
vent hors  de  la  forêt. 

Dans  les  geftes  des  évêques  d'Auxerre  , 
il  eft  parlé  de  Bafîoigne  ou  Ballagne  ,  Baf- 
tonia  rilla Jrta  in  fdhu  Arduennce.  Eginhart 
dit  que  Grippon  fut  enlcrmé  par  ordre  de 
fon  frère  Carloman  dans  la  citadelle  de 
Neufchâtcl ,  Novo  Cajîdlo  quod  juxtaAr- 
ducnnd!7:fuum  ejî. 


ARE 

La  célèbre  abbaye  de  Prum  ,  fondée  par 
Pépin ,  où  fut  relégué  &  tondu  Pépin  , 
fils  aine  de  Charlemage  ,  pour  s'être  ré- 
volté contre  fon  père ,  étoit  dans  les  Ar- 
dennes  ,  à  douze  lieues  du  diocefe  de 
Trêves..  L'empereur  Lothairc  ,  fils  aine  de 
Louis-le-Débonnaire ,  après  avoir  vécu  en 
tyran  ,.  y  mourut  fous  l'habit  de  religieux  : 
fon  tombeau  fe  voit  au  milieu  du  choeur. 
L'abbé  a  le  titre  de  prince  du  Saint-Em- 
pire. 

La  belle  abbaye  de  S.  Hubert,  au  comté 
de  Chiney  ,  qui  a  leize  villages  dans  fa  dé- 
pendance ,  fut  fondée  au  huitième  fiecle 
dans  les  Ardennes,  à  quatre  lieues  de  Ro- 
chefort  &  quatorze  de  Liège.  Elle  por- 
to!; autrefois  le  nom  êiAndaium  ou  An- 
dagium.  VoYe:^not.  Gall.  Valois.  La  AI ar- 
tiniere.  (C.) 

ARDUSSON  ,  (  Ge'og.  )  petite  rivière 
de  France  en  Champagne.  Elle  a  fa  fource 
auprès  de  Saint-Flavy  &  fon  embouchure 
dans  la  Seine  ,  entre  Nogent  &  Pont-fur- 
Seine  ,  après  un  cours  de  trois  à  quatre, 
lieues.  (C.  A.) 

ARE  OH  Arek  ,  (Geog.)  nvkre  d'An- 
gleterre au  duché  d'Yorck.  Elle  a  la  iource 
dans  le  comté  de  Lancaflre ,  &  fon  em- 
bouchure dans  l'Humber  ,  à  douze  milles 
au  deifous  de  la  ville  d'Yorck. 

Ptolomée  place  une  contrée  de  ce  nom 
dans  l'Arabie  Heureule ,  &  une  île  dans  le 
golfe  Perfique.  Ce  pourroit  bien  être  la 
même  chofe  que  les  deux  ^recJ  modernes. 
Voje\  ces  mots.  {C  A.) 

AREALU  ,  f.  m.  {Hifi: nat.  Botaniq.  ) 
cfpece  de  figuier  du  Malabar ,  très-bien 
gravé  fous  ce  nom  par  Van-Rheede  dans 
Ion  Honus  MaLibaricus  ,  vol.  I.page  4j  , 
pi.  XXVlI.  Les  Brames  l'appellent  bipaloe, 
les  Cinghalesde  l'île  deCeylan  bhoudo'ugas 
&  rhoQgas  ,  &  Jean  Commelin  ,  dans  les 
notes ,  ficus  Malabarenfis  ^  folio  cufpidaco  , 
frucfu  rotundo  ,  parro  ,  gemino.  M.  Linné 
le  défigne  fous  le  nom  de  ficus  religiofa  , 
foliis  cordaiis ,  oblongis  ,  integerrimis ,  acu- 
minatijfimis  ,  àAnsÇon. Syftcmanatura: ,  im- 
primé pour  la  douzième  fois  en  1767  , . 
pag.  68 1  ,  72°.  J. 

C'cll  un  arbre  qui  croît  dans  les  terrains 
i'ablonncux  &  pierreux  ,  où  il  s'élève  ;\  la 
haiiteur    de    quarante    à    cinquante    pies  , 


ARE 

-en  étcn(^ant  (et  branches  horizontalement , 
de  manière  qu'il  forme  une  cime  é])aif]c  , 
hL'milpÎK'riqiie  ,  de  trente-cinq  A  quarante 
pies  de  diamètre.  Sa  racine  ei\  cpaillc  ,  &: 
répand  au  loin  les  rameaux  fibreux  ,  tant 
an  defTbus  qu'au  defliis  de  la  terre  ;  elle 
eu  couverte  d'une  écorcc  blanche  ,  qui  rou- 
git lorlqu'on  l'a  écorcliée  ;  ce  que  fait  auffi 
celle  du  tronc  ,  qui  d\  cylindrique ,  de  huit 
à  dix  piés  de  hauteur  ,  iur  trois  pies  de 
diamètre.  Les  jeunes  branches  Ibnt  vertes  , 
afll'Z  épainès  ,  &  comme  noucufes. 

Les  feuilles  font  dilpolees  alternative- 
ment &  circulair^mjnt  ,  aifez  ferréts  L- 
long  des  branches  ,  &  pendantes  à  un  pé- 
dicule cylindrique  ,  à  peine  une  fois  plus 
court  qu'elles.  Elles  ibnt  arrondies  ou  tail- 
lé.'s  en  cœur  ,  légèrement  échancrées  à  leur 
origine  dans  les  i'.i.mes  piés  ,  &  terminées 
par  une  pointe  égale  au  tiers  de  leur  lon- 
gueur ,  qji  tll  de  fix  à  fept  pouces  ,  fur 
une  largeur  prelqu'une  fois  moindre.  Leurs 
bords  iontenners,  environnés  d'une  elpece 
de  nerf,  mince  &  blanchâtre  ;  leur  fubl- 
tance  eu  folide  ,  épaific  ,  d'abord  tendre  & 
iîexible  ,  enfuite  roide  à  mefure  qu'elles 
vieillirent.  Elles  font  lifîes  ,  d'un  verd- 
brun  &  luifnnt  en  deflîis ,  pKis  clair  en  def- 
lous ,  &  reLvécs  d'une  nervure  longitu- 
dinale ,  à  cinq  ou  fix  côt^  s  alternes  &  tranf- 
verlales  de  chaquj  côté  ,  dont  l'cfpace 
intermédiaire  eft  rude  par  un  nombre  con- 
fldérahle  de  petites  n-rvures  qui  s'y  crol- 
ient  en  forme  de  réf.au. 

Chaque  branche  efl  tv:rminéc  par  un.- 
pointe  conique  ,  oblongue  ,  lifîe  ,  verdatre  , 
■formée  par  une  ftipule  roulée  en  cornet  , 
qui  env.loppe  la  f-r.ille  ,  à  l'oppofé  d;i 
pédicule  de  laquelle  elle  crt  attachée  ,  fur  la 
branche  qu',.lle  quitte  au  moment  de  fbn 
développement. 

L'aiflellc  de  chaque  feuille  porte  deux 
enveloppes  de  fleurs  ,  c'eit-à-dire  ,  deux 
figues  Iphériq'.ies  ,  fefliles  ,  de  c  nq  à  fix 
l.'gn.s  de  diamètre,  cre.'.fé  s  d'un  petit  ombi- 
lic en  deflùs  ,  rougeàtres  dans  le-.r  maturité  , 
allez  f-rmes ,  &  entièrement  pleines  de  peti- 
tes graines  noirâtres. 

Ufages.  Varealu  eff  conflicré  par  les  gen- 
tils _  du  Malabar  au  dieu  Vifinu  ,  qu'ils 
croient  être  né  fous  cet  arbre  ,  &  en  avoir 
enlevé  les  fleurs  ,  dont  il  paroû  en  effet 


ARE  i7y 

dépoiirvii ,  puifqu'elles  font  cachées  dans 
cette  enveloppe  ,  que  l'on  appelle  com- 
munément Al  figue.  En  conféquencc  ,  leur 
religion  leur  impofe  comme  un  devoir 
d'adorer  cet  arbre  ,  de  lui  faire  un  culte 
qui  confifle  à  élever  autour  de  lui  un  mur 
de  pierres  ,  &  de  marquer  en  rouge  fon 
tronc  ou  le  mur  qui  l'environne.  C'ef! 
pour  cela  que  les  chrétiens  qui  habitent 
les  Indes  ,  appellent  cet  arbre  l'arbre  du 
diable  ,  arbor  diaholi ,  félon  Van-îlheede. 

La  décodion  de  l'écorce  de  fa  racine 
fe  boit  pour  adoucir  l'âcreté  des  humeurs  , 
purifier  le  iang  ,  &  déraciner  les  fièvres 
les  plus  longues  &  invétérées.  L'écorce  de 
fbn  tronc  &  de  (es  branches  pilée  &  réduite 
en  pâte  avec  de  l'eau  ,  s'applique  (ur  les 
ulcères  ,  qu'elle  nettoie  &  guérit.  Le  fuc 
exprimé  de  les  feuilles  ,  &  cuit  avec  l'huile  , 
s'emploie  en  liniment  dans  les  fièvres  caulées 
par  la  goutte.  « 

Remarques.  En  comparant  la  defcriptioa 
de  Varealu  avec  celle  de  l'antsjac  ,  on  voit 
ailémenr  que  ces  deux  arbres  diffèrent  com- 
me efpeces  ,  quoique  M,  Linné  les  air  con- 
fondus fous  le  nom  commun  de  ficus  reli- 
giofa  y  &c.  comme  il  a  été  dit  A  l'article 
de  l'antsjjc.  Le  figuier  fe  range  naturelle- 
ment ,  comme  l'on  ialt ,  dans  la  famille  des 
châtaigniers  ,  où  nous  l'avons  placé.  P'^oye^ 
nos  Familles  des  plantes  ,  vol.  II.  pag. 
3JJ.  (  M.ADATiSOJS!.  ) 

*  AREB  ,  (  Com.  )  monnoie  de  compre 
dont  on  fe  lert  dans  les  états  du  grand  Mo- 
gol,  &  fur-tout  à  Amadabath. 

L'arfi  vaut  25  lacs  ,  ou  le  quart  d'un 
crou  ,  ou  25CCCCO  rouptes.  Voye\  Crou  , 
Lacs  ,  Roupte. 

AREBBA  ,  (  Gcogr.  )  ville  de  la  tribu 
de  Juda  ,  d  ns  laPaleiline.  Elle  étoit  fur  les 
frontières  de  .cette  tribu  ,  au  fud-oueft  dé 
Bethléem  ,  à  égale  diflance  à-peu-près  de 
ces  deux  villes.  Long.  6j  ,  £^.  lat.  ^o  ^ 

55-  {C.  A.) 

AREBO  ou  Arbon  ,  (  Ge'ogr.)  place  de 
commerce  en  Afrique  ,  fur  la  cote  de  Gui- 
née ,  au  royaume  de  Bénin.  Elle  eft  fituée 
fur  la  rivière  Formolè  ,  à  foixjnie  lieues 
de  fui  embouchure.  La  ville  efi  grande  , 
bien  peuplée  ,  &  alTez  agrca'ole  ;  fi  forme 
eft  ovale.  Ses  édifices  (ont  propres  &  com- 
modes ,  quoique  peu  décorés.  Le  pays  eft 
Mm  z 


z-j6  ARE 

gouverné  par  un  viceroi.  Les  Anglois  y 
avoient  autrefois  un  comptoir  ;  mais  les 
HoUandois  feuls  y  en  poiredent  un  aujour- 
d'hui ,&  fe  font  emparés  du  principal  com- 
merce qui  s'y  fait.  Les  vailTeaux  remon- 
teiît  la  rivière  jufqu'à  Arebo.  Long,  zz  ^ 
SA.lat.  ^.  (A.) 

ARECA  ,  (  Mat.  méd.  &  Bot.  )  efpece 
d'arbre  qui  croît  fur  la  côte  de  Malabar  , 
&  en  général  dans  l'Lide.  Ses  fleurs  font 
petites  ,  blanches  &:  fans  odeur;  fon  truit 
tfft  ovale  ,  gros  comme  une  noix  ,  ayant 
une  écorce  verte  au  commencement  ,  mais 
qui  devient  fort  jaune  en  mûriflant  ,  molle, 
couverte  d'une  efpece  de  duvet  ou  bourre. 
Cette  écorce  étant  ôtée  ,  il  paroît  un  fruit 
gros  comme  une  aveline  ,  à  demi-rond  ou 
pyramidal ,  qui ,  étant  rompu  ,  reflemble  à 
une  mufcade  caflTée. 

Cet  arbre  ,  appelle  areca  catechu  par 
Linné  ,  é\  le  même  qu'on  a  appelle /au/k/ 
oxxfufel,  ii'ellana  Indica  rerjkolor  par 
quelques  auteurs.  Le  fuc  ou  l'extrait  de  ce 
fruit  épaifli  donne  ce  qu'on  appelle  le  ca- 
chou ,  qu'on  avoit  cru  pendant  long-temps 
être  une' efpece  de  terrç  ,  à  laquelle  on  avoit 
donné  le  nomàt  terra  Japonica  ou  catechu. 
M.  de  Juflîeu  ,  dans  les  Mémoires  de  V aca- 
démie de  172.0  ,  prétend  que  le  cachou  efl 
je  fuc  pur  du  fruit  de  V areca  :  d'autres  afTu- 
Tcnt  qu'on  y  mêle  auffi  le  fuc  de  l'écorce 
d'un  arbre  appelle  Ctir/fAu  ,  eu  le  fuc  delà 

des  Lides. 


réglifie ,   &  celui    d'un  acorus 
\m.  la  Fosse.) 

Areca  ,  (  Géogr.  )  île  d'Afie  ,  dans  le 
golfe  Perfique  ,  au  voifinage  de  celle  d'Or- 
mus.  Elle  e{l  fertile  &  agréable  ;  mais  il 
n'y  a  ni  rade  ni  port  où  l'on  puiffe  s'éta- 
tiir  &  réfilter  aux  pirates  ,  qui  viennent 
iouvent  la  défoler.  Les  HoUandois  ont  tenté 
inutilement  de  s'y  établir.  (  C  A.  ) 

ARECON  ,  (Géogr.  )  ville  delà  Palef- 
tlne,  dans  la  tribu  de  Dan.  Elle  étoit  à 
l'orient  de  Geth  &  à  l'ouefl  de  Ramatha. 
Long.  6y  ,  4.0  i  lat.  31  ,  z^.{C.  A.) 

§  AREK  ,  f.  m.  (  Hifi.  nat.  Botaniq.  ) 
genre  de  palmier  des  plus  connus  &  des  plus 
en  ufage  dans  les  Indes.  On  en  diflingue 
fcpt  cfpeccs  principales  ,  dont  nous  allons 
faire  l'hilloire. 

Première  efpece.  Arek. 

L'iirf^  j  proprement  dit ,  ell  connu  fous 


ARE 

ce  nom  au  Malabar  &  dans  toute  l'Inde , 
lelon  Gardas  ,  félon   Zanoni  qui    l'appelle 
arecha  ,  &  lelon    Rumphe  qui ,   ayant  fait 
beaucoup  de  recherches  intéreflantes  pour 
éclaircir  Thifloire  ,  jufqu'alors  fortobfcure  , 
d'un   arbre  auffi   utile  ,  remarque    que  ce 
nom  eft  auffi  connu   au    Malabar  &  dans 
toute  l'Inde  ,  que  l'efl  peu  celui  de  caunga  , 
fous  lequel   Van-Rheede  en  a  donné  une 
figure    très-détaillée  &    aflcz  bonne   dans 
Ibn  Hortus  Malaharicus  ,  vol.  I ,  pag.  g  , 
pi.   V,VI,  VII  Ù  VIII.  Quelques  dic- 
tionnaires ,  au  lieu  à^arek  ,  écrivent  areque. 
Les   Portugais   l'appellent    arequiero  ;  les 
Efpagnols  arreguero  ,  les  chinois  kman  ,  les 
Arabes  faufel  &:  fiifel ,  qui  ,  félon  Avi- 
ccnne  ,  vient  du  mot  fiefel ,  qui  chez  eux 
déi'.gne  le  poivre.  Les  Brames  le  nomment 
madi  ,  les  Malays  pinang  &  pinanga  pceti  y 
d'où  Rumphe  a  fait  le  mot  latin  pmcinga. 
&  pinanga  alba  ,   fous  lequel  il  a  donp.é , 
de  cet  arbre ,  une  bonne  figure  &  bien  détail- 
lée dans  fon  Hetbarium  Amboinicnm  ,  vol. 
I  y  pag.  z6  ,  pl.lV ,  figures  C  a,  D  a  &c 
E.  C'efl  \! areca  ,  catechu  ,  frondibiis  pin~ 
natis  ,  foliolis  replicatis  ,  oppojins  ,  prcc~ 
morfis  ,  de  M.  Linné  ,  dans  fon  Syficma. 
natura-  ,  imprimé  pour  la  douzième  fois  en 
1767  ,  page  J30. 

Tels  font  les  noms  fous  lefquels  on 
défigne  communément  l'arbre  de  l'ar?^  par- 
tout où  il  eft  connu  ;  mais  ion  fruit ,  qui 
en  cft  la  partie  la  plus  eftiméc  ,  à  caufe 
de  fon  grand  uHige  ,  a  reçu  différens  noms 
fuivant  fes  divers  degrés  de  maturité.  Lorf- 
qu'il  efl  très-jeune  &  verd  encore  ,  les  Ma- 
lays l'appellent  pinang  moeda  ou  pinang 
muda  ,  les  habitans  de  Ternate  hcna  ,  ceux 
du  Malabar  pinga  félon  Rumphe  ,  &:  tanni 
paina  ,  ou  fchalembapaina  félon  Van-Rhee- 
de. Ce  fruit  un  peu  plus  avancé  ,  ou  mûr 
;\  demi ,  c'efl-à-dire  ,  tel  quel  fon  amande  > 
encore  molle  &  comnse  fpongieufc  & 
mucide  ,  ne  puifle  le  manger ,  !é  nomme 
adecca  ou  aria-decca  chez  les  Malal-arcs  ,  & 
pinang-t.'jelacatte  chez  les  Malay.--.  Enfin 
lorfque  ce  fruit  eft  parfaitement  mûr  ,  que 
(on  amende  efl  entièrement  formée  ,  bien 
fechc  &  dure  ,  les  Malabares  l'appellent 
areec  &  pac  ,  on  paleca  félon  Rumphe  ; 
les  Javanois  boa  ,  les  Indiens  koffol  ,  Itlon 
Rumphe,  &  coffoh  IclonZ;inoniy  les  ha- 


ARE 

bitans  ae  Banda  erec  &  pit2  ,  ceux  des 
îles  Maldives  feulement  pua  y  ceux  de  l'ilc 
Ceylan  poac  ,  ceux  d'Amboine  hoa  &  hue  y 
ceux  de  Ternate  pare  ;  enfin  les  Macailares 
l'appellent  rapo  ,  &  les  Malays  pnanr^-ioihi 
&  pinang-tua.  La  citation  de  tous  ces  dit- 
férens  noms ,  ainfi  expoles  avec  méthode  , 
étoitabfelument  indilpenlable  pour  démêler 
laconfui'ion  qui  a  régné  julqu'ici  dansl'hil- 
toire  de  Varek. 

C'eft  un  arbre  de  moyenne  grandeur  , 
&  qui  s'élève  rarement  au  delîus  de  trente 
à  quarante  pies.  D'une  racine  en  pivot , 
de  fept  k  huit  pouces  de  diamètre  ,  noirâ- 
tre ,  couverte  d'une  touiîe  Iphéroïde  de 
deux  pies  de  diamètre  ,  de  fibres  cylin- 
driques de  cette  longueur  ,  onduleuies  , 
comme  vermiculées  ,  à  peine  de  la  groflêur 
du  petit  doigt ,  roides  ,  piquantes  ,  roufîês 
ou  noirâtres  dehors  ,  blanches  dedans  , 
avec  un  filet  ligneux ,  s'élève  un  tronc 
droit ,  cylindrique  ,  allez  égal  ,  de  fept  à 
huit  pouces  de  diamètre  dans  preîque 
toute  fa  longueur ,  qui  ne  pafie  pas  vingt 
à  trente  pies.  Ce  tronc  eft  d'un  verd-clair 
ou  comme  cendré  à  ibn  extérieur  ,  qui  eft 
marqué  ,  fur  toute  fii  longueur  ,  du  nom- 
bre d'anneaux  circulaires  ,  parallèles  ,  affèz 
ferrés  Se  peu  élevés  ,  qui  indiquent  le  lieu 
où  étoient  attachées  les  feuilles  qui  lont 
tombées.  Ces  anneaux  lont  plus  itrrés 
dans  les  individus  qui  croiflent  lentement 
&  avec  peine ,  &  moins  dans  ceux  dont 
la  végétation  eft  vigoureuie.  Son  bois  eft 
plus  blanc  ,  plus  fibreux  que  celui  du 
cocotier  ,  Ipongieux  d'abord  dans  la  jtu- 
nefle ,  enfuite  tenace,  enfin  dur  &  compacie 
comme  de  la  corne  ,  auflî  facile  à  fendre 
dans  fa  longueur ,  que  difficile  à  couper 
en  travers. 

La  cime  de  ce  tronc  ert  couronnée  par 
fix  à  huit  teiiillcs  longues  de  quinze  pies  , 
une  à  d.-ux  fojs  moins  larges,  qu' ,  for- 
tait  deux  à  deux  comme  à  l'oppolé  l'une 
de  l'autre  ,  &  s'épanouiflant  fous  un  angle 
de  quarante-cinq  degrés,  lui  forment  une 
tête  hémifphérique  d'environ  vingt  pies 
de  diamètre.  Chaque  feuille  efr  ailée  une 
rois,  c'clf -à-dire  ,  lui;  deux  rangs  ,  chacun 
de  trente-cinq  à  quarante  ailerons  ou  fo- 
lioles comme  oppolées  ,  longues  de  trois  à 
quatre  pies ,  iiuit  à  dix  lois  plus  courtes  , 


A  k  E 


27' 


pliées  en  deux  ,  à  cinq  plis  plats  &:  unis , 
liiîes  ,  verd-brunes  ,  luiliintcs  ,  pointues  , 
convexes  en  deflus ,  &  relevées  en  angle 
de  vingt  à  trente  degrés  ,  au  contraire  de 
celles  du  cocotier ,  qui  font  concaves  & 
pendantes  en  delTous.  La  côte  longitudinale 
qui  porte  les  ailerons  ou  les  folioles  ,  cfl 
triangulaire ,  de  manière  que  fon  dos  ell 
convexe  ,  pendant  que  les  côtés  qui  atta- 
chent les  folioles  font  plats  ,  &  que  i()n 
deflus  forme  un  angle  aigu  ;  elle  ciï  verte , 
libreule  ,  lolide  ,  très-louple  ,  &  forme  ,  à 
fon  origine  ,  une  efpece  de  gaine  cylindri- 
que ,  longue  de  deux  pies  &  plus' ,  trois 
fois  moins  large  ,  verd-brune  &  lilïc  exté- 
rieurement ,  blanchâtre  &  flriée  à  leur 
face  intérieure ,  de  fuhlbncc  coriace  ,  qui 
enveloppe  le  tronc.  Celle  qui  efl  la  plus 
extérieure  enveloppe  les  autres  feuilles  ;  & 
c'ell  après  la  chute  qu'on  voir ,  au  lieu  où 
elle  étoit  attachée  ,  un  fillon  circulaire  , 
imprimé  comme  un  petit  degré  fur  le  tronc. 
Chaque  fillon  indique  une  couche  ligneufe  ; 
eniorte  que  le  tronc  auroit  autant  de  couches 
qu'il  a  porté  de   feuilles. 

Cette  partie  du  haut  du  tronc  ,  qui  elt 
environnée  &  comme  engaînée  par  la  bafe 
des  feuilles,  forme  une  efpece  de  bourgeon 
long  de  deux  à  trois  pies  dans  les  jeunes 
arbres  ,  mais  qui  diminue  à  mefure  qu'ils 
vieillifl'ent ,  au  point  de  n'avoir  plus  qu'un 
demi-  pie  de  longueur.  Ce  bourgeon  cil  ce 
qu'on  appelle  le  chou  du  palmier ,  qui  efl 
compolé  uniquement  de  l'alTcmblage  des 
ieunes  feuilles  qui  doivent  fe  développer, 
&  dont  la  plus  avancée  s'appelle  la  jLxhe 
parce  qu'elle  pointe  en  haut  comme  une 
flèche.  Ce  chou  de  Varek,  quoique  blanc 
&  tendre ,  ne  fe  ui.inge  pas  comme  celui 
du  cocotier,  parce  qu'il eiv  trop  auflere. 

Uarch  ne  commence  à  fieur.t  qu'à  ui 
cinquième  ou  fixieme  année  ,  &;  quoique 
les  fleurs  fortentde  l'aiflelle  des  feuilles ,  ce 
n'ciîqvi'après  leur  chute  qu'on  en  voit  for- 
tir  les  gaines  ,  au  nombre  d'une  à  quatre 
au  deflus  du  bourgeon  ,  c'elf-à-dire  ,  de 
l'origine  des  feuilles  extérieures  de  la  tête 
de  l'arbre.  Chaque  gaine  ou  fpatlie  e/l  une 
efpece  de  fac  ou  de  poche  parf.iitomenc 
lemblable  à  celle  du  cocotier  ou  du  dat- 
t.'cr  ,  &  du  chamircps  ,  elliptique ,  très- 
applatie  ,  obtufe ,   longue  d'un  pié  &l  detwi 


278  ARE 

à  deux  pies  ,  trois  fois  moins  large  ,  lilTe , 
d'abord  verd-blanche  ,  enfuite  jaunâtre , 
dure  ,  coriace  ,  fendue  au  milieu  de  la  tace 
intérieure  d'un  fiUon  longitudinal ,  qui  laifTe 
iortir  un  régime  en  forme  de  grappe  ,  ou 
plutôt  de  faifceau  ou  de  balai ,  d'abord 
blanc-jaunatre  ,  eniuite  verd  ,  enfin  verd- 
brun  ,  long  de  deux  pies  &  demi  à  trois 
pies  ,  felfde  ,  comprimé  &  mince  comme 
une  feuille  ;\  fon  origine  ,  compofé  de  cinq 
à  fix  branches  principales  ,  divifées  chacune 
en  quinze  à  vingt  branches  alterne? ,  angu- 
leules  ,  difpofées  fur  toute  leur  longueur. 
Chacune  de  ces  dernières  ramifications  porte 
environ  cinquante  à  cent  petites  fleurs  blan- 
ches ,  dont  les  fupérieures ,  quoiqu'herma- 
phrodites  ,  iont  flériles  ,  &  tombent  peu 
après  leur  épanouiiTement ,  pendant  que  les 
inférieures  ,  qui  font  femelles  ou  herma- 
phrodites fertiles  ,  reftent  au  nombre  de 
dix  ou  environ.  Les  premières  grappes  de 
Heurs  des  jeunes  areks  Iont  toutes  îlérilcs  , 
comme  il  arrive  à  tous  les  arbres  qui  n'ont 
pas  la  force  de  nourrir  leurs  fruits.  Lori- 
quil  3'  a  pluCeurs  grappes  iur  un  même  pié  , 
la  grappe  la  plus  inférieure  fleurit  &  mûrit 
la  premicre  ;  celle  qui  c-(\  un  peu  au  deffus 
ileuritsenluites ,  &  ainfi  luccelfivement;  de 
ibrte  que  fouvent  la  grappe  iupérieure  sÛ 
à  peine  en  fleur ,  lorfque  Fintérieure  a  fcs 
fruits  en  maturité. 

Chaque  fleur  efl:  d'abord  un  bouton 
ovoïde  ,  triangulaire  ,  de  deux  lignes  de  dia- 
mètre ,  qui  en  s'épanouiiTànt ,  forme  une 
étoile  de  quntre  hgncs  de  diamètre,  com- 
pofée  d'un  calice  à  fix  feuilles  elliptiques  , 
concaves  ,  une  fois  plus  longues  que  larges  , 
épa'fîes  ,  dont  trois  extérieiires  ,  toutes  aflc^ 
égales  &  réunies  par  le  bas  ,  de  manière 
^qu'elles  tombent  enieinble  comme  un  ca- 
lice d'une  feule  pièce  ;  fix  étamines  réunies 
à  leur  origine  par  une  membrane  fort  courte, 
Portent  du  réceptacle  de  la  fleur  ,  oppoléo.s 
à  chacune  des  feuilles  du  calice,  plus  courtes 
qu'elles  ,  peu  l'':niibles  &  fans  anthères  dans 
les  fleurs  intérieiires  qui  font  fertiles  ;  & 
au  contraire  égales  à  leur  longueur  ,  &  por- 
tant chacune  une  anthère  jaune  ^:  pleine 
d'une  pouiîiere  de  même  couleur  dans  les 
ileiirs  fupérieures  ,  qui  font  hermaphrodites 
ifériles.  Au  centre  de  la  fleur  s'élcve  un 
ovaire  blanc ,    ovoïde  ,  triangulaire  ,   égal 


ARE 

au  calice  ,  dans  les  fleurs  inférieures  qui 
(ont  fécondes ,  &  couronné  de  trois  ilylea 
qui  ont  chacun  fur  leur  face  intérieure  un 
fillon  velu  ;  cet  ovaire  efl  plus  petit  &c  avorté 
dans  les  fleurs  fupérieures. 

L'ovaire  en  grandiffant  devient  un  fruit 
en  écorce ,  de  la  grandeur  &  de  la  forme 
d'un  œuf  de  poule  ,  mais  pointu  aux  deux 
bouts  ,  accompagné  du  calice  qui  y  rient 
fi  fort ,  qu'on  ne  peut  l'en  féparer  qu'avec 
la  queue ,  &  qui  relie  fur  l'arbre  juiqu'à 
ion  enriere  putréfadion  ;  fon  écorce  efl 
très-mince  ,  mais  coriace  ,  lifTe  ,  d'abord 
blanche ,  enfuite  verte  ,  enfin  jaune-doré  ou 
orangé  :  elle  recouvre  une  chair  blanche 
fucculente  ,  épaifî'e  de  trois  ;\  quatre  lignes , 
tiilue  de  fibres  dures  qyi  s'amoHiHent  fous 
la  dent ,  &  qui  fe  mange  fous  le  nom  de 
pz/rfa  au  Malabar  ,  &  ibus  celui  àe  pinang 
moeda  chez  les  Malays  ,  eniuite  ieche,  fi- 
breufe  ,  roux-brune ,  fins  fuc  ,  incapable 
d'être  mangée  ,  à  une  loge  qui  tient  une 
noix  ou  plutôt  une  amande  conique  ,  nue  , 
longue  d'un  pouce  &  demi ,  de  moitié  moins 
large  ,  à  peau  fine  jaune  ou  brun  rougeâtre , 
veinée  à-peu-près  comme  la  muicade ,  & 
marquée  fur  un  des  bords  de  fà  baie  ,  c'eft- 
à-dire  ,  iur  le  côté  ,  d'un  petit  enfoncement 
orbiculaire  qui  efl  le  point  de  fon  attache. 
Cette  amande  ,  loriqu'elk  efî  encore  jeune , 
a  fort  peu  de  chair  ,  qui  efl  blanche  ,  ten- 
dre ,  creufe  au  milieu  ,  &  pleine  d'une  eau 
limpide  &:  auflere  comm.e  elle  ;  on  l'appelle 
alors  tanni-paina  au  Malabar  ;  lorlque  cette 
eau  efl  convertie  en  chair  blanc-jaune ,  & 
que  famande  à  demi-mûre  efl  pleine  &  en 
chair  blanche  &  tendre  ,  on  l'appelle /c'/ia- 
lemba-paina  :  enfin,  lorlque  cette  amande  eft 
feche  &  un  peu  dure  ,  on  l'appelle  aria- 
dccca;  un  peu  plui  dure  elle  s'appelle  adccca, 
&  pjlfcj ,  lorl'qu'elle  eH  extrêmement  dure 
d;  à  écçrce  jaune  dorée  ;  alors  la  lubflance 
efl  blanc-griliitre ,  prelqu'aulH  dure  que  de 
la  corne,  toute  criblée  &  trpveriée  de  veines 
brunes  fort  feches.  Ce  n'efl  qu'un  mois 
après  la  flcin-aifon  que  fés  amandes  font 
pleines  d'eau  ou  tznni-pjina  ;  il  leur  faut 
trois  mois  pour  le  remplir  de  chair  molle 
&  devenir  Jclialeml^a-pauu,^  fix  mois  pour 
être  dans  leur  parfaite  maturité  ou  dans 
leur  état  de  fechcrenè. 

Qualicù.  Toutes  les  parties  de  ïarek  pnc 


ARE 

une  faveur  auflere  &  /îyptîque  :  (es  fleurs 
Jorfqu'elles  s'ouvrent  ,  répandent  une  odeur 
foible  à  la  vérité  ,  mais  agréable  ,  &  plus 
lènfible  le  matin  ou  le  loir  que  dans  la  cha- 
leur du  jour. 

U/ages.  La  chair  du  fruit  de  Varek  ie 
mange  avec  le  bétel,  lori'qu'eileefUraîche  ; 
mais  ion  amande  eil  d'un  ufpge  beaucoup  plus 
général  dans  tout  Flndoifan.  Elle  le  mange 
rendre  ou  ieche  ,  mais  plus  communément 
tendre  :  on  la  coupe  en  trois  ou  quatre 
portions,  dont  chacune  fe  mange  enveloppée 
dans  une  ou  deux  feuilles  de  bétel ,  appelle 
Jiri  p;ir  les  Malays  ,  avec  autant  de  chaux 
qu'il  en  faut  pour  couvrir  l'ongle  :  ces  trois 
jngrédiens  compofent  ce  mers.  L'amande 
R-ndre  de  Varek  caufe  une  eipece  d'ivreflc 
&  de  vertige  ,  comme  le  tabac  en  opère 
fur  ceux  qui  n'y  iont  pas  accoutumés  ;  & 
c'eil  vrailemblablement  pour  cette  raifon 
qu'on  ne  les  mange  jamais  lans  chaux  ,  au 
lieu  que  les  feches  fe  mangent  fans  elle  : 
c'efl  auiîî  pour  cela  ,  &  parce  qu'elles  font 
moins  fibreules  ,  moins  pâteuiès  ,  &  em- 
barraffent  moins  les  dénis ,  que  les  vieil- 
lards préfèrent  les  ièches  ;  ils  les  concafiènt 
groiLérement  dans  des  mortiers  de  bois  , 
&  les  mangent  comme  les  tendres  avec  la 
chaux  &  le  betei.  Cette  amande  feule  fe- 
roit  peu  agréable  au  goût ,  étant  auflere 
«-peu- près  comme  le  gland  du  chêne;  le 
betei  qu'on  y  ajoute  ,  fait  dii'paroîrre 
cette  auHérité  par  ion  piquant ,  dont  ïù- 
creté  eft  tempérée  par  le  lél  alkalin  de  la 
chaux.  Enfin  ,  de  l'union  de  ces  trois  cho- 
ies, il  en  réiiilte  un  mets  agréable ,  qui  tient 
la  falive  en  un  rouge  purpurin  ,  quoique 
chacune  d'elles ,  prife  léparément ,  ait  un 
goût  défagréable  ;  &  fi  l'on  en  omet  une 
des  trois,  il  ne  rélulte  du  mélange  des 
deux  autres  ,  ni  un  mers  agréa'fle  ,  ni  une 
teinture  rouge.  Pour  tirer  de  ce  mets  fm- 
gulier  tout  l'avantage  poflihle  ,  il  faut  fa- 
voir  le  manger  ;  cela  fe  réduit  aux  deux 
méthodes   fuivantes. 

Dès  qu'on  a  mâché  Varek  fuffifamment 
pour  que  la  falive  ,  que  ce  mets  procure 
à  la  bouche,  l'oit  teinte  en  un  beau  rouge 
purpurin,  on  crache  auflî-tot  cette  teinture 
qui  contient  la  plus  grande  partie  de  la 
chaux  ;  puis  on  mâche  le  refte  ,.  on  le  re- 
rcàche  en  l'exprinianr  ,  en  fuçant  &:    ava- 


A  R  E  Î79 

lant  à  ch.ique  fois  fa  teinture  jufqu'à  ce 
qu'il  ne  relie  plus  qu'un  marc ,  une  parc 
lemblable  à  de  l'étoupc  ou  de  la  filaffe 
qu'on  rejette.  Telle  clt  la  pratique  ordi- 
naire. Les  gourmets  crachent  deux  à  trois 
lois  de  fuite  cette  teinture  avant  que  de 
l'avaler,  afin  que  ne  donnant  pas  à  la" 
chaux  le  temps  de  fe  dilToudre  elle  ne  nuifé 
pas  aux  dents,  aux  gencives  &  à  rcllomac. 
Cette  mailication  de  Varek  avec  le  bétel 
efl  d'un  ulage  journalier  dans  toute  l'Inde; 
hommes,  femmes,  enfans ,  les  Européens - 
rnéme  s'en  occupent  du  matin  au  loir.  La 
faveur  de  cette  pilte  efl  d'abord  très-acre,- 
très-aromatique  &  finit  par  être  fort  agréa- 
ble ;  ceux  qui  en  font  uiage  pour  {a  pre- 
mière fois  éprouvent  une  efpece  d'ivrcffe  ;" 
mais  le  corps  s'y  accoutume  en  peu  de 
temps,  au  point  qu'elle  ne  fiiit  plus  qu'é-- 
chauHer  doucement  le  fing  ,  fortifier  l'ef- 
tomac ,  &  procurer  une  haleine  douce  ,  de 
vives  couleurs  au  vifage ,  aux  lèvres  &  aux 
dents  ,  ce  qui  pafie  pour  un  agrément  dans 
rinde  ,  comme  les  dents  blanches  en  Eu- 
rope :  delà ,  l'ufage  chez  les  grands  & 
chez  tous  les  gens  aifés  d'oiTrir  un  plat 
d'arekh  ceux  qui  les  vifitent  ;  après  le  falut 
on  commence  par  manger  Varek  avant  que 
d'entamer  la  converfation.  On  regarde  avec 
mépris  tout  homme  qui  néglige  d'offrir 
ainil  Varek  ,  ou  celui  qui  le  refuie  ,  à  moins 
qu'il  n'ait  quelque  raifon  légitime  qui  l'en 
difpenie  ,  comme  une  maladie  ,  un  jc-me 
ou  une  femblable  cérémonie  réiigieufe. 
C'efi  donc  un  point  effentiel  pour  les  voya- 
geurs dans  ces  pays  ,  que  de  s'accoutumer  ' 
à  cet  ufage  ,  quelque  fingulier  qu'il  pa- 
roifle  ,  s'ils  ne  veulent  pas  être  traités  de 
nouveaux  venus.  Le  lervice  de  Varek  fe  fait 
avec  magnificence  dans  l'Inde  ;  les  rois  le 
font  ièrvir  dajis  des  plats  d'or  ou  d'un  bois 
prefque  auiTi  précieux' ,  les  grands  dans  de 
l'argent ,  &  le  peuple  dans  le  cuivre  :  de 
quelque  matière  que  fbicnt  ces  plats,  ils  font 
très-ornés  de  figures  cizelées  habilement,  & 
creufés  tour-autour ,  vers  leurs  bords  ,  de 
nombre  de  foflfertes  dont  les  unes  contien- 
nent des  doi'cs  toutes  féparées  d'arek  ten- 
dre ,  pendant  que  les  autres  font  garnies 
de  noix  ou  d'amendes  entières  &  dures 
à'arek  ,  de-  feuilles  de  bétel  ;  au  milieu  du 
plat  cflune  petite  boîre  d'argent  pleine  de 


28o  ARE 

chaux  réduite  en  poudre  humide  ,  aux 
bords  de  laquelle  pend  une  petite  cuiller 
en  fpatule ,  grande  comme  l'ongle ,  &  une 
force  à  poignée  d'argent  pour  cpncafTer 
Yarck  ,  à  l'ufagc  de  ceux  qui  préfèrent  de 
le  mar.ger  dur.  A  cette  boîte  de  chaux 
les  Européens,  qui  entretiennent  leurs  ap- 
partemens  plus  proprement  que  les  Indiens, 
joignent  des  talTes  ou  des  icucoupes  d'ar^- 
gent ,  à  l'ufagc  des  voyageurs  ou  des  nou- 
veaux arrivés  :  car  les  Indiens  &  ceux  qui 
font  bien  accoutumés  à  ce  mets  crachent 
très-peu. 

La  chaux  qui  fe  mange  avec  Varck  n'efi 
pas  indifférente  ,  il  eft  eflèntiel ,  pour  qu'elle 
ne  ibit  point  acre  ,  qu'elle  foit  taite  de  co- 
quillages d'une  fubltance  très-légère  ;  la  plus 
cflimée  fe  fait  dans  les  îles  orientales  des 
Moluqucs ,  avec  une  efpecc  de  miUepore 
nès-bianche  ,  très-légère  ,  très-poreufe  ,  à 
branches  plus  menues  que  celle  qu'on  ap- 
pelle abrocanoïJc ,  qui  croît  fi  abondam- 
ment dans  la  mer  de  ces  îles ,  où  on  l'ap- 
pelle caran^-bongj  ,  qu'on  pourroit  en  faire 
de  la  chaux  pour  bâtir  des  citadelles  &  une 
ville  entière.  Cette  chaux  eft  la  plus  douce 
de  toutes ,  &  ht  plus  propre  à  être  mangée 
avec  ^arek  ;  elle  ne  ronge  ni  la  langue  ni  les 
gencives  ,  comme  fait  la  chaux  des  madré- 
pores de  Java  &  la  chaux  de  pierre.  Elle 
eft ordinairement  bknche  ,  mais  on  la  tient 
en  divers  endroits ,  tant  en  rofe  qu'en  j.iu- 
ne  ,  avec  la  racine  de  curcuma  &  d'autres 
drogues ,  fans  doute  pour  pallier  les  dé- 
fauts ou  les  mauvailés  qualités  :  celle  de 
Siam  ,  qui  lé  porre  dans  des  calebafl'es  par 
toute  rinde  ,  efl  rofée  &  extrcmement  acre; 
au  refle,  c'eil  l'expérience  qui  apprend  la 
<lofe  qu'il  fiut  employer  de  ces  diveriès 
chaux  .  fuivant  leur  qualité  &  leur  force. 
Lorlqu'on  a  mangé  une  trop  grrnde  por- 
tion de  feuilles  du  bétel ,  au  point  que  la 
bouche  en  efl  comme  enflammée  ou  trop 
poivrée  ,  alors  on  y  ajoute  une  plus  grande 
quantité  de  chaux  &  A^arek  qui  tempère  ik 
calme  aulll-t6t  cette  chaleur. 

JJarek  fe  prépare  encore  autrement  :  les 
Indiens  de  Suratte  &  du  Pégu  ,  &  les  Por- 
tugais augmentent  la  force  du  bétel  enl'a- 
romatifant  par  l'addition  de  plufieurs  épi- 
ces  ,  comme  le  géroHe  ,  le  cardamome  & 
le  cachou,  appelle  c»v,f/j    au   Pégu;  ils  y 


ARE 

mêlent  auflî  le  gatta-gambir  ,  qui  font  de 
petites  pafhlles  ou  des  trochifques  de  la 
grandeur  d'un  denier  ,  faites  avec  le  fuc  de 
certaines  feuilles  &  de  la  farine  ,  qui  font 
d'abord  ameres  ,  &  qui  laiîfent  enfuite  à 
la  bouche  une  douceur  agréable  ,  en  pro- 
curant de  la  fermeté  aux  gencives  &  une 
belle  couleur  rouge  aux  lèvres  ;  ou  bien 
ils  y  mêlent  le  cackunde  qui  efl  une 
maflè  compofée  de  cardamome  ,  de  mufc, 
d'ambre  &  de  divers  fucs  qui ,  à  la 
vérité ,  procurent  une  bonne  haleine  ,  mais 
qui  foutevent  le  cœur  à  nombre  de  per- 
fonnes. 

Les  habitans  de  la  cote  de  Coromandel 
ontune  autre  façon  de  préparer  l'arfA:  vieux 
&  trop  fée,  qu'ils  appellent  kqffol ,  &  d'en 
faire  un  mets  délicat.  Pour  cela  ,  ils  le  cou- 
pent en  petits  morceaux  qu'ils  font  macé- 
rer dans  1  eau  de  rofe,  dans  laquelle  on  a  in- 
fufé  du  catsja  ou  cachou  broyé  ,  &  qu'ils 
font  enfuite  fecher  au  foleil  pour  s'en  fer- 
vir  au  beloin.  Ces  fragmens  fe  conlervent 
long-temps  fans  fe  corrompre  ,  fe  portent 
au  delà  des  mers  ,  &  ont  la  propr  é:é  de  rat- 
lermir  les  gencives  &  de  procurer  une  ha- 
leine agréable   à  la  bouche. 

L'ulàge  de  ïarek  ,  continué  toute  la  jour- 
née à  la  façon  des  Indiens  ,  cil  pernicieux 
aux  affhmatiques  Se  aux  phrhyiiques  ;  il 
mine  les  dents  ,ies  ébranle  &  les  fait  tom- 
ber de  bonne  heure  :  cet  ufage  entraîne 
encore  beaucoup  d'inconvéniens  &  d'abus^ 
Des  gens  mal  intentionnés  ,  mêlent  iouvent 
du  poiion  qui  efl  caché  lous  leurs  ongles,  & 
le  glifi'ent  fi  fubrilement  dans  Yarek  qu'ils 
préparent  devant  vous  ,  qu'il  eff  plus  pru- 
dent de  le  préparer  foi-même.  Lorfqu'en 
mangeant  pour  la  première  fois  de  ïarek  y 
on  reffént  des  vertiges  &  des  opprefllons 
de  poitrine,  le  vrai  remède  efl  d'avaler  un 
peu  de  fel  ou  du  jus  de  limon  ;  tout  autre 
acide ,  comme  la  mange  ou  le  fruit  du 
mangier ,  crud  ou  mariné  au  fel  ,  opère 
la  même  guérilon.  Son  amande  vieille  ou 
feche  ell  aflringente  ,  deflicative  &  ra- 
traîehiflante  ,  &  l'on  en  fait  boire  avec  fuc- 
cès  la  poudre ,  à  la  dofe  d'une  deml-dragme^ 
pendant  plufieurs  jours ,  dans  du  bon  vin 
louge  pour  la  diarrhée  &  la  dyflènterie  ; 
la  décodion  de  l'on  brou  a  la  même  vertu- 
la  décoftion  de  fi  racine  Icrt  en  gargarifmc 

pour 


ARE 

four  les  nphtes  &  autres  ulcères  de  la  bou- 
che. Le  fuc  exprime  de  fcs  jeunes  feuil- 
les fe  boit  avec  l'huile  de  lélame  contre  les 
vers. 

Le  bois  des  vieux  troncs  de  Varek  fe  fend 
en  long  en  deux  pour  faire  des  poutres  , 
&  en  quatre  pour  faire  en  lolivcs  ,  des 
chevrons  &  des  pieux  de  paliflàde  ;  mais 
il  dure  moins  que  celui  des  areks  lauva- 
ges.  Les  Malays  appellent  du  nom  d'upe 
&  oepe  les  gaines  dos  feuilles  ;  ils  en  cou- 
fent  deux  enlemble  pour  en  faire  des  facs 
&  des  féaux  à  puiier  l'eau.  Lorfque  ces 
gaines  font  encore  verres ,  leur  épiderme 
ou  l'écorce  qui  couvre  leur  face  intérieure 
eu  blanche  ;  les  Malays  l'enlèvent  pour  enve- 
lopper ,  au  lieu  de  papier  ,  les  carottes  de 
tabac.  La  gaîne  ou  fpathe  des  fleurs  leur  fert 
comme  de  boîte  pour  envelopper  &  envoyer 
au  loin  des  poifions  frais  qui  s'y  coniervent 
parfaitement. 

L'drek  eli  ,  avec  le  cocotier  ,  une  des 
■  plantes  dont  les  Indiens  fe  fervent  comme 
de  carafteres  ,  en  coupant  fes  fruits  dlver- 
lemcnt ,  pour  exprimi;r  diveri'es  écritures  ou 
des  idées  f}"mboliques  à  la  manière  des 
Chinois  &  des  anciens  Egyptiens.  Les  exem- 
ples fuivans  donneront  une  idée  de  leurs  cx- 
preflions  fymboliques.  Une  feuille  d'urek 
nouée  &  entrelacée  de  manière  qu'elle  le- 
préfente  un  arékier  entier  ,  envoyée  à  quel- 
qu'un ,  eif  une  déclaration  d'amitié  &  d'af- 
fvdion  :  une  iemblablc  feuille  verte  ,  c'efl- 
à-dire  ,  bien  fraîche  ,  écorcée  de  manière 
qu'elle  forme  un  trépied  ,  s'envoie  à  une 
çerlonne  pour  lui  témoigner  qu'on  deiire 
faire  une  alliance  avec  elle.  JJ'arek  où  il 
manque  quelque  chofe  ,  par  exemple ,  en- 
voyé fans  chaux  ,  par  une  femme  à  fon  mari , 
lui  annonce  une  rupture  &  une  iéparation 
prochaine.  Si  ï'arek  a  quelque  chofe  de  plus 
que  les  trois  ingrédiens  ordinaires  ,  comme 
par  exemple  ,  un  poil  ,  un  f^tu  ,  &c.  &  qu'il 
loit  aiufi  placé  quelque  part ,  il  pafie  dans  le 
pays  pour  un  filtre  defliné  ;\  enchanter  celui 
qui  le  mangera. 

Culture.  Varek  fe  trouve  dans  l'Inde  , 
prefque  par-tout  où  croît  le  coco  ,  mais  en 
moindre  quantité  &  moins  près  de  la  mer  : 
il  eil  cependant  des  pays  où  il  ne  fe  trouve 
pas  ,  comme  la  côte  de  Coromandel  &  le 
-Bengale  ;  c'eit  pour  ces  pays  qu'on  en  fait 
Tome  ni. 


A  H  E 


'.Bt 


la  récolte  ,  &  comme  il  devient  un  objet  de 
commerce  &  d'un  bon  rapport ,  on  le  cul- 
tive avec  foin.  On  choilit  les  fruits  aban- 
donnés fur  l'arbre  &  les  plus  vieux  ,  on  les 
enterre  dans  une  folle  qu'on  recouvre  d'un 
peu  de  terre  ;  &  quand  ils  ont  germé  ,  on 
les  repique  en  cercle  autour  des  m.iilbns ,  ou 
en  allées  qui  forment  un  effet  aufll  agréable 
que  le  cyprès  en  Italie  ;  il  croît  plus  vite  que 
le  coco  ,  &  réuflit  bien  dans  toute  forte 
de  terrain  &  beaucoup  mieux  fur  la  côte 
maritime. 

L'arek  produit  dès  la  cinquième  année 
jufqu'à  la  trentième  où  il  dépérit  peu  A  peu  , 
en  produifant  d'abord  par  degrés  moins  de 
feuilles  chaque  année  ,  &  les  perdant  fuc- 
ceflivement  ;  il  vit  ainfi  cinquante  ans  :  la 
récolte  de  fes  fruits  fe  tait  en  arrachant  ou 
eoœoupant  ("es  régimes  entiers  ;  ce  font  les 
enriins  qui  font  chargés  de  cette  opération  , 
parce  qu'ils  le  montent  plus  ailément  que 
des  hommes  faits  qui  font  plier  le  tronc 
ious  leur  poids.  Lorfqu'on  veut  conferver 
Ces  amandes  tendres  pour  les  manger  jour- 
nellement dans  les  voyages  fur  mer  ,  on  en 
fufpend  les  régimes  dans  le  vailfeau ,  ayant 
auparavant  briié  &c  tortillé  leur  pédicule  » 
afin  que  le  fuc  ne  retourne  plus  des  aman- 
des dans  le  régime  ,  &  qu'eiles  ne  fechent 
pas  fi-tôt.  Les  Portugais  de  Surattc  &  Au 
Pégu  pratiquent  une  autre  médiode  ;  ils 
cueillent  ces  fruits  encore  verds  ,  les  déta- 
chent de  leur  régime  ,  les  couvrent  de  (ablc 
par  lits  dans  des  corbeilles ,  de  manière  qu'ils 
ne  le  touchent  pas  ,  &  prétendent  que  par 
ce  moyen  leur  amande  eif  attendrie  &  plus 
facile  à  digérer. 

Dans  le  tronc  des  vieux  areks  o.n  trouve 
des  arékites  ou  des  pinangites  ,  c'eff-à-dire  , 
des  pierres  d'drek  ou  des  elpeccs  de  bézoards 
végétaux  ,  de  la  grandeur  &  forme  d'un 
grain  de  velîe  ou  de  froment ,  blancs  ,  lui- 
fans  ,  pefans  ,  durs  &  froids  comme  un  cail- 
lou ;  les  Indiens  les  portent  enfilés  dans  un 
anneau  en  forme  de  bague  à  leurs  doigts  : 
on  s'en  iert  auifi  comme  de  pierre  de  tou- 
che pour  éprouver  l'or  &  l'argent  :  l'or  le 
plus  pur,  au  titre  de  23  carats  ,  y  paroir 
d'un  beau  jaune,  pendant  que  celui  qui  cît 
mélangé  a  une  couleur  rouife  &c  terne  : 
l'argent  y  paroît  blanc  ,  mais  avec  une  lé- 
gère tejnte  de  couleur  cuivrée. 


28Z 


ARE 

Variétés.  Rumphe  dit  que  cet  arbre  a 
gliifieurs  variétés.  La  première  coniifte  à 
àyoir  un  goût  de  fumée  à  Ton  amande  , 
à-peu-prcs  ,  comme  du  riz  frais  ;  ce  goût , 
qui  plaît  aux  Indiens  ,  cil  regardé  comme 
un  grand  défaut  par  les  Européens.  Quel- 
quefois les  hermaphrodites  fupérieures  por- 
tent du  fruit  ,  mais  il  n'efl:  pas  plein  &  a 
une  forme  fmguliere  ,  communément  fphé- 
rique  ou  en  rein.  On  en  a  vu  quelquefois 
une  monftruofité  à  deux  amandes  d.ins  le 
même  fruit. 

Remarques.  Nous  ne  voyons  pas  trop 
fur  quelle  autorité  M.  Linné  aflure  que 
Varek  a  neuf  éramines  dans  les  fleurs  ;  s'il 
eût  moins  copié  fervilement ,  qu'interprété 
le  fens  des  exprelîlons  peu  exactes  de  Van- 
Rheede  &  de  Rumphe ,  il  eût  reconnu  que 
tous  deux  ,  &  fur-tout  le  premier  ,  en  diûmt 
fores  aperiunt  fe  in  triufolia  . .  .  continem- 
qiie  in  mcdio  jiamina  noue  m  alUcantia  te- 
niiia.  fine  ullis  apiclbus  ,  tria  longiora  ex 
ftai'o  albibicantia  ,  qux  à  fex  mmoribus 
magis  flai-'is  cinguntur ,  a  pris  pour  trois  éta- 
mines  plus  longues  &  moins  jaunes  les  trois 
fligmates  de  l'ovaire  ,  qui  font  en  elfct  plus 
longs  que  les  llx  étamincs  qui  les  entourent 
dans  les  fleurs  hermaphrodites  fertiles. 

On  fait  aujourd'hui  que  le  cachou  n'efl: 
pas  tiré  de  l'arékier  ,  m.-is  d'un  autre  arbre 
lie  nous  ferons  connoiiie  ;  ainfi  le  nom 
Je  catechu  ,  que  M.  Linné  donne_à  Vuiek  , 
n'efl  pas  plus  exad  que  les  neuf  étamJnes 
qu'il  lui  accorde  :  ce  qui  feroit  une  chofe 
bien  extraordinaire ,  vu  que  toutes  les  au- 
tres plantes  de  la  famille  des  p.iimiers  en 
ont  fix  ,  ni  plus  ni  moins.  Coniuhez  nos 
Familles  des  plantes  ,  volume  II  ^pag.  z.i. 
Enfin  *  M.  Linné  en  fait  une  troifitme  , 
Iprfqu'il  dit  que  les  feuilles  de  Varek  font 
tronquées  &  dentées ,  areca  ,  catcchu  ,  folio- 
lis  . .  .  prcvmorfs  ;  il  les  a  pointues  toutes 
le 5  fois  qu'elles  n'ont  pas  été  ufées  ,  ni  dé- 
chirées par  le  frottement. 

Deuxième  efptce.  HoEA-NvWEL. 

La  féconde  efpece  A\irek  que  les  habi- 
tans  d'Ambotne  appellent  hoea-niwel ,  les 
"hlûàys ,  pinangcalappa  ,  &  Rumphe /'/«^z- 
ga-calapparia  au  l'ohime  premier  de  fon  Her- 
baniim  Amboinicum  ,  page  zS  ,  planche 
Vijigures  C.  D ,  ellplus  haut  S:  plus  ^rand 


3 


ARE 

que  les  autres  efpeces  à^arek.  Il  reflembîe 
beaucoup  au  cocotier  par  ion  tronc  ,  (es 
feuilles  &  fes  régimes  ,  qui  fortent  des  ail- 
felles  des  feuilles  aduellement  exiftantes ,  & 
non  pas  au  defTous  d'elles.  Ses  fruits  font 
de  la  groflfeur  d'un  œuf  d'oie ,  obrus  ou 
prefque  fphéroïdes  ,  à  peine  un  fixieme 
plus  longs  que  larges ,  à  écorce  rouge  ex- 
térieurement ,  avec  des  flries  cendrées ,  à 
amande  fphéroïde  ,  longue  de  treize  à  qua- 
torze lignes ,  avec  une  petite  pointe  au  bout , 
douce  au  goût ,  mais  dure. 

Vhoea-nywel  eft  très-rare  à  Amboine  ,  & 
commun  à  file  Céhbe,  llir-tout  autour  de 
Macaffar. 

Ufages.  On  en  fait  peu  d'ufage  pour  la 
nourriture  à  caufe  de  fa  dureté  ,  mais 
beaucoup  en  médecine  pour  les  maladies 
auxquelles  on  emploie  Varek. 

Troifieme  efpece.  MabocK. 

Le  mabock  ,  appelle  pinang-mabock  ,  & 
pinang-itam  par  les  Malays  ,  &  décrit  fans 
figure  par  Rumphe  ,  fous  le  nom  àtpinanga. 
nigra ,  page  xq  ,  diffère  de  Varek  par  les 
caïaderes  ïuivans  ;  il  aies  racines  plus  femées 
d'épines  ,  plus  élevées  au  defl'us  de  la  terre  ; 
les  articulations  ou  filions  du  tronc  plus, 
écartés  ,  les  feuilles  d'un  verd  plus  noir  ; 
le  fruit  plus  petit ,  mais  plus  étroit  ,  plus 
menu  à  proportion  ,  à-peu-près  comme  un 
gland  ,  roux  ou  plus  rougeatre  que  le  h(iea- 
nywel ,  l'amande  conique  plus  alongée  ,. 
plus  menue,  moins  blanche,  plus  féche  , 
plus  aulfere  ,  plus  fujette  à  enivrer  ,  6c  fou- 
vent  amere. 

Ufages.  Le  mabock  cfl  commun  dans 
les  îles  or.ien^ales  Mf.luques  ,  où  on  en, 
mange  Taraande  communément  verte. 

Quatrième  efpece.  Hena-HENA. 

La  quatrième  efpece  A\i!ek  eft  appellée 
hena-kena  par  les  habitans  de  Tcrnate  ; 
hena-ewam  ,  c'e'f-à-dirc  ,  arek  de  montagne , 
p^ir  ceux  li'Anîboine  -Jina-aUng,  par  ceux 
d'Hitoë  ;  pinang-cecan hefaar  ,  par  les  Ma- 
lays, &:pinangafj  h  cfris  globofa ,  par  Rum- 
phe ,  qui  en  a  donné  une  figure  payable 
dans  fon  Herhaiium  Amboinicum,  iclurne 
premier, pag.  38  ,pl.  V ,  fig.  t  ,  &  A. 
Voici  en  quoi  il  dilfere  de  Varek  commun.^ 

Son  tronc  eft  un  peu  plu?  ép:iis ,  de  ucu£ 


ARE 

â  dix  pouces  de  dinmetre  ,  haut  de  douze 
à  vingt  pies  ,  plus  blanc  ,  ;\  anneaux  plus 
larges ,  à  feuilles  longues  de  dix  à  douze 
piifs  ,  à  côte  grollc  comme  le  doigt  ,  à 
vingt  folioles  de  chaque  cote' ,  longues  cha- 
cune d'un  pié  &  detni  à  deux  pies  ,  neuf 
à  dix  fois  moins  larges  ,  pointues  ,  pliées  ,  & 
à  pluficurs  côtes  longitudinales  on  defîbus. 
Le  régime  des  fleurs  n'ell  pas  ramifié  , 
mais  femblable  à  un  épi  funple  ,  long  comme 
les  feuilles  ;  au  lieu  de  i'ortir  au  deflbus 
d'elles  ou  de  la  tige  après  leur  chute  ,  il 
fort  du  haut  de  leur  gaine  ,  comme  s'il 
faifoit  corps  avec  leur  pédicule.  Sa  partie 
inférieure  efl  nue  ou  fins  fleurs  ,  dans  une 
Longueur  de  trois  pies  environ  ,  le  refle 
cfl  garni  de  plus  de  deux  cents  fleurs  fcf- 
liles ,  ad'ez  écartées  ,  lemblables  à  celles  de 
l'iirek  ,  c'eil-à-dire  ,  hermaphrodites  ,  dont 
les  iupérieures  avortent,  pendant  que  douze 
à  quinze  des  inférieures  font  fertiles  :  elles 
font  accompagnées  de  grandes  écailles  qui 
refient  fur  l'épi  après  leur  chute. 

Les  fruits  font  fphériqucs ,  de  dix  lignes 
environ  de  d:ametre  ,  d'un  jaune  orangé  , 
A  peau  &  chair  minces ,  feches  &  fragiles  , 
contenant  une  amande  fphérique  avec  un 
point ,  recouverte  d'une  peau  dure  comme 
une  efpcce  d'écorce.  La  fiibflance  de  cette 
amande  reilemblc  à  celle  de  Varek ,  mais  eft 
plus  dure  ,  plus  auilere  ,  plus  amere  ,  &  ce- 
pendant mangeable. 

Culture.  L'hena-hcna  ne  croît  ni  dans  les 
jardins  ,  ni  dans  les  petites  forêts  ,  mais  feu- 
lement fur  les  montagnes  ,  &  à  l'ombre  des 
arbres  de  haute  futaie. 

Qualités.  Son  bois  eft  d'abord  blanc  ,  en- 
fuite  roux  ,  plus  ferme  &  plus  durable  que 
celui  de  l'arek  ,  compofé  de  fibres  longitu- 
<linales  ;  mais  il  a  ,  comme  l'aiek  ,  le  cœur 
blanc ,  plus  tendre  ,  compofé  de  fibres  plus 
courtes. 

Uf âge  s.  On  fend  facilement  fon  tronc' 
pour  en  faire  des  folives  ;  fes  amandes  le 
mangent  dans  les  lieux  où  ïarek  manque  ; 
pour  cela  on  les  concafîe  en  gros  fragmens  , 
&  ,  quoique  plus  dures  que  celles  de  ['arek , 
cependant  un  coup  fuffit  pour  les  brifer  en 
iclats  :  quoiqu'aufteres  &  ameres ,  elles  l'ont 
préférables  à  toutes  les  autres  efpcces  fau- 


A  R  E     .  2S3 

Cinquième  efpece.  HudA-Keker. 

Vhuda-keker  eft  un  arckier  fiiuvage  ,  qui 
croît  égaleinent  fiir  le  rivage  &  ilir  les 
montagnes  des  ilos  Moluques  ,  où  il  eft 
fcmé  par-tout  par  les  chauvc-fouris  qui  fe 
gorgent  de  les  fruits  ;  les  Malays  l'appel- 
lent pinang-lanfd  ou  pinang-pandan^  ,  A 
caufe  de  la  dilpofition  de  les  fruits  ,  qui 
lont  ferrés  comme  ceux  du  lanfj.  ou  du  pan- 
daiig  :  les  habitans  d'Amboine  l'appellent 
nibun.  mera  ,  &  les  Hollandois  mode  nie- 
boom  ,  parce  que  (on  bois  eft  rouge. 

Il  a  le  tronc  plus  haut ,  plus  menu  que 
Varek ,  marqué  d'articulations  plus  gran- 
des ,  &  le  bois  plus  dur ,  roux  au  dehors  ; 
les  feuilles  ont  fcpt  à  huit  pies  de  lon- 
gueur ,  ;\  côte  velue  d'un  pouce  de  dia- 
mètre ,  vingt  folioles  de  chaque  côté  ,  dou- 
blées pour  l'ordinaire  ,  c'eft-à-dire  ,  fortanc 
deux  à  deux  d'un  même  point  ;  de  forte 
qi:'il  y  en  a  quarante  de  chaque  côté  , 
quoiqu'il  n'en  paroiiîe  que  vingt.  Chaque 
foliole  eft  pointue  ,  longue  de  trois  pies  , 
quinze  à  vingt  fois  moins  large  ,  pliée  ea 
deux  leulement ,  avec  une  nervure  au  def- 
fous ,  Kfîe  comme  celle  du  nipa. 

Le  régime  des  fleurs  fort  de  la  tige  un 
peu  plus  bas  que  les  feuilles  de  la  cime  , 
comme  dans  Varek  ,  mais  d'une  gaîne  plus 
étroite  ;  il  a  les  fleurs  plus  petites  ,  &  ref^ 
femble  à  un  épi  long  d'un  pié  &  demi  , 
dont  la  partie  lupéricure  avorte  &  fe  fé- 
pare  ,  pendant  que  la  partie  inférieure  ,  qui 
relie  longue  de  trois  pouces ,  &  une  fois 
moins  large  ,  eft  couverte  comme  l'épi  de 
l'arum  de  trente  à  quarante  fruits  ,  entre 
lefquels  on  voit  nombre  de  fleurs  avortées  ; 
chaque  fruit  eft  ovoïde  ,  femblable  à  un 
gland  ,  fouvent  anguleux  ;\  caufe  de  la 
prciîion  ,  pointu  par  le  bout ,  long  de  neuf 
à  dix  lignes ,  de  moitié  moins  large  ,  verd 
d'abord  ,  cnfuite  jaune  ,  enfin  rouge  ,  à  chait 
fibreule  douce  ,  h  amande  ovoïde ,  obtulè 
&  très-fragile. 

Qualités.  Son  amande  eft  afTez  douce 
d'abord  ,  mais  amere  fur  la  fi:i  ,  &  croque 
fous  la  dent. 

Ufages.  Vhuda-keker  fe  mange   feule- 
ment  au  défaut  de  Varek  ;  les  perroquets 
hupés  &  les  chauve-fouris  eo  aiment  beau- 
coup la  chair  ;  fon   bois  eft  rouge ,  &  ferc 
N  n  Z 


284  A  ï^  E 

à  faire  des  planches  &  àes  pcufres ,  qui  font 
d'une  longue  durée  ,  lorfqu'on  a  ioin  de 
l^s  pafler  à  la  fumée  avant  que  de  les  em- 
ployer. Leshabitans  de  l'île  Célebe  tirent 
de  fes  jeunes  feuilles  du  fil  dont  ils  tout 
des  facs.  Son  chou  ,  c'eft-à-dire,  Ion 
bourgeon  cuit  ié  mange  ,  mais  il  taut  le 
cueillir  fur  les  ieunes  arbres  qui  n  ont  pas 
encore  fleuri  ;  car  dès  qu'ils  ont  une  lois 
porté  du  fruit ,  il  n'cfl  plus  mangeable  a 
caul'e  de  fbn  amertume. 

Remarque.  On  voit  à  Ambcine  une  va- 
riété de  cette  efpece  à  tronc  plus  menu  , 
haut  de  trente  à  quarante  pies  ,  à  régi- 
mes plus  longs  ,  rameux  ,  à  truirsplus 
hiches  ,  rouges  du  corail ,  dont  la  chair  elt 
feche  &  fragile  ,  &  Tamande  ierablable  a 
un  pois. 

Sixume  efpece.  O  P  O  S  s  Y. 

Les  habitans  de  la  côte  orientale  de  l'île 
Célebe  appellent  opojfy  une  iixieme  elpece 
à'arek ,  que  les  habitans  d'Ambome  nom- 
ment hua-foil  ou  hua-tette  ,  ou  bien  hiia- 
tette  ev.  an  ,  c'eft-à-dire  ,  arck  menu  ,  &  les 
MaJays  nibum  mera  kitsjil  ou  p:nang  oetan 
htsjil  oupinangfahe  ,  parce  que  (es  fruits 
ne  ibnt   pas    plus   gros  que    les    grains  du 
riz  ou  de  la  larme  de  Job  ,  qu  ils  appellent 
falce.  Rumphe  l'a  décrite  &  figurée  lous 
ie  nom  à^  pmangafyh'eflns  oryjaformis  , 
dans  fon  Habanum  Amboimcum  ,  voLume 
I ,  page  4.0  ,  planche  V ,fig-  '3-  B.  C.  D. 
Son  tronc  a  à  peine  quatre   pouces   de 
diamètre  ^  fur  vingt  à  vingt-cmq  pies  de 
hauteur  ,  les  anneaux  fort  lerres ,  le   bois 
irès-dur  ,  rouf^âtre  ,  fibreux  ,  à  centre  moel- 
leux ou  fongueux  ,  plus  tendre  ;  les  kuil  es 
ont  huit  i\  neuf  pi^is  de  longueur  ,  à  pédi- 
cule triangulaire  avec  un  liUon  en  dellus  , 
dont  le  tiers  inférieur  fornie  une  gaîne  qui 
embraflTe  à   peine  la  moitié  du  tronc  ,  & 
qui  ell  ordinairement  couronnée  de  folioles 
lameufes  &  ailées  ;  le  fécond  tiers  ,  ou  celui 
du  milieu    de    la   côte  de    la    teuille  ,   elt 
nu  ,   &    le  troifieme  tiers  qui  le  termine , 
çit  garni  de  chaque  côté  de  vingt  à  vingt- 
cinq  paquets  ,  chacun  de  trois   teuilles  en 
lame,  pointues  ,  longues  de  deux  piés  & 
plus ,  dix  à  douze  fois  moins   larges  ,  ter- 
mes ,  pliées  en  deux  ,  avec  une  nervure  en 
tlelfous. 


ARE 

Les  fleurs  ont  ,- comme  dans  l'are*  y 
une  Ipathe  de  trois  pouces  de  diamètre, 
d'où  fort  un  régime  partagé  en  vingt  à 
vingt-fix  branches  ,  iortant  en  failceau  d  un 
même  point  ,  &  couvertes  d'un  bout  à 
l'autre  de  fleurs  hermaphrodites  ,  dont  plus 
de  la  moitié  avorte  ;  les  fruits  de  celles  qui 
reflent  font  fphéroïdes  ,  de  la  grolTeur  d'un 
pois,  c'ell-à-dlre  ,  de  trois  à  trois  lignes 
&  demie  de  diamètre  ,  d'abord  verd-blan- 
chiitres ,  enfuite  rouges  de  fang  ,  à  amande 
fort  petite  &:  peu  léniible. 

Qualités.  Vopojfy  efl  rare  à  Amboine  , 
&  très-commun  dans  les  moyennes  torcts 
de  l'île  Célebe. 

Ufages.  Ses  fruits  fe  mangent  entiers^, 
parce  que  leur  chair  feche  efl  à -peu -près 
de  même  goût  &  folidité  que  lamanue. 
Son  régime  appelle  rambu ,  étant  ieparc  de 
l'arbre  ,  ne  peut  retenir  fes  fruits  pendant, 
plus  de  deux  jours  lans  les  laiffer  quitter  leur 
calice  ,  &  tomber  ;  au  contraire  de  1  arek 
commun  qui  les  retient  pendant  des  an- 
nées entières. 

Septième  efpece.  S  A  L  E  Y  T. 

Selon  Rumphe,  les  habitans  deBoëron 
appellent  du  nom  de  faleyt  une  |ep"e"]3 
&  dernière  efpece  à'arek  ,  qui  diflere  de 
l'opoliy  en  ce  que  ;  1°.  les  racines  lont  éle- 
vées en  arc  au  deflus  de  la  terre  ,  où  elles 
préfentent  leurs  pointes  obtuics  comme 
des  épines  ;  z°.  les  anneaux  de  Ion  tronc 
iont  plus  écartés  :  3".  fes  teuil  es  lont  hlles , 
fans  poils  ,  femblablesà  celles  de  1  are* , 
garnies  d'un  plus  petit  nombre  de  folioles  , 
longues  d'un  pié  ,  trois  fois  moins  larges , 
pointues  ,  ù  fept  nervures ,  dont  quatre  en 
deflbus  &  trois  en  delTus  ;  4°-  io"  ■•«-'S'^e 
efl  femblable  à  celui  de  Varek  ,mais  les  truits 
font  plus  petits  ,  femblables  à  ceux  du 
gnemm  ,  ou  A  un  gland  pointu  aux  deux 
bouts ,  long  de  neuf  à  dix  lignes  ,  de  moitié 
moins  larges  ,  rougeatres- 

Ufa:;es.  Ses  fruits  ,  avant  la  maturité, 
f  Mit  aidleres  &  acerbes  ;  mais  bien  mûrs , 
ils  fe  mangent  &  croquent  lous  les  dents^ 
Les  habitans  de  Boëron  ,  Cn)eli  &  Bêla,  fen- 
dent (on  écorce  pour  en  tirer  des  hls ,  donc 
•ils  font  dis  habits  qu'ils  appellent  meuta 


ARE 

&  badjas  qui  durent  nombre  d'années.  {M. 

AREKCA  ,  (  Gi'ogr.  )  port  de  la  mer 
Rouge  ,  à  2.2.  lieues  de  Suaquem. 

*  AREMBERG  ,  (  Géogr.  )  petite  ville 
d'Allemagne  dans  le  cercle  de  Weilplia- 
lie  ,  kir  la  rivière  d'Alir ,  capitale  du 
comté  de  même  nom  ,  incorporé  au  cer- 
cle du  bas  Rhin  ,  &  érigé  en  principauté 
par  l'empereur  Maximilien  II.  Long,  z^  , 
33  ,•  lat.    ^O  ,    Xj. 

AREMOGAN ou  ARMEGON,  {Géog) 
ville  &  port  des  Indes,  furie  gollc  de  Ben- 
gale ,  au  royaume  de  Bil'nagard  ;  elle  cH 
entre  Paliacate  &  Maliilipatan  ,  lur  vcriz 
petite  rivière  qui  vient  des  montagnes 
de  Cadapa.  Zo/j^-.  jj  5  ,  t^,  lat.i^;  zo. 
(  C,  A.  ) 

ARENA  ,  (  Ge'ogr.  (  rivière  de  Sicile  , 
dans  la  vallée  de  Mafara  ,  elle  prend  fa 
fource  dans  les  montagnes  près  de  Saimi , 
&  r.prts  un  cours  de  dix  ou  douze  lieues 
du  nord  au  lud ,  elle  vient  fe  jeter  dans  le 
golfe  de  Mafara  ,  à  l'orient  de  cetic  ville. 
(  C.  A.  ) 

ARENE  ,  arena,  {Hifi.  nat.foff.)  amas 
de  particules  de  pierres ,  formé  du  débris 
des  matières  îapidifiques  calcinables.  Uare- 
ne ,  le  gravier  ,  &  le  lable  calcinable ,  lont 
de  la  même  iubilancc  ,  &  ne  difièrent  que 
p.ir  la  groiTeur  des  grains.  Le  cours  des 
eaux ,  l'aâion  de  la  gelée  ,  l'impreflion  de 
l'air ,  &c.  réduilent  peu  à  peu  les  pierres 
en  petites  parties  plus  ou  moins  fines  :  les 
plus  petites  torment  le  fable  calcinable  ;  les 
plus  grolTes  font  du  gravier  ,•  &  on  a  don- 
né le  nom  d'arène  à  celles  qui  lont  plus 
grofies  que  le  iahle  ,  &  plus  petites  que  le 
gravier.  On  a  auill  divifé  ïarene  en  fojfile  , 
Jîui'iatile ,  &  marine:  mais  quelle  différence 
y  a-t-il  entre  Yarene  qui  fe  trouve  dans  les 
terres ,  &  celle  qui  e  lur  les  côtes  de  la 
mer  ou  dans  les  lits  des  rivières  ?  Leur  ori- 
gine &  leur  nature  ne  font -elles  pas 
les  mêmes  ;  &  à  quoi  fervent  en  hil- 
toire  naturelle  toutes  ces  divifions  arbi- 
traires? Vid.  Terr.v  Mitfxireg.  Drefdeiifis. 
aut.  Gotdich  Ludwig.  page  j ^.  Voye\ 
Pierre.  (I) 

Arene  ,  {Hifi.  anc.)  partie  de  l'amphi- 
thét^trc  des  Roœai.is.  C'étoit  une  vafle  place 


ARE  igj 

fiiblée  oh  cotnbattoient  les  gladiateurs  ;  d'oii 
cft  venue  Texprellion  in  aienam  defccndeie 
pour  iignificr/t  prefencer  au  combat.  Le  ia- 
ble  dont  ï arene  étoit  couverte,  outre  qu'il 
amortilloit  les  chûtes  ,  iérvoit  encore  aux 
athlètes  à  ié  frotter  ,  pour  donner  moins 
de  prile  à  leurs  adverfaiies.  1^'autres  pré- 
tendent qu'on  avoit  pris  la  précaution  de 
fabler  l'amphithéâtre  ,  pour  dérober  aux 
Ipeélateurs  la  vue  du  lang  qui  couloit  des 
blefliires  des  combattans.  On  dit  que  Néron 
porta  l'extravagance  jufqu'i\  taire  couvrir 
Varene  de  fable  d'or  :  cette  partie  du  cirque 
étoit  pour  les  gladiateurs  ce  que  le  champ 
de  bat.  ille  étoit  pour  les  foldats  ;  &  de-Li 
leur  vint  le  nom  d'arenarii.  Voyc\  GLA- 
DIATEUR. (G) 

ARENER  ,  v.  paff.  terme  d'' architecl.  {e: 
dit  d'un  bâtiment  qui  s'eft  alïiiiiré ,  qui  a- 
baiiïé  ,  n'étant  pas  bâti  il(r  un  fonda  folide.. 
On  dit  :  ce  hàiiuient  ejl  arene.  (  P  ) 

*  ARENSBERG  ,'(  Geogr.  )  ville  d'Al- 
lemagne dans  le  cercle  de  Wellphalie ,  fur- 
la  Roer.  Long.  Z^  ,  Ao  ;  lat.  <  z  ,  z<. 

_  *  ARENSBOURG  ,  (  Geogr.)  ville  ma- 
ritime de  Suéde  dans  la  Livonie  ,  dans  l'île- 
d'Ofel ,  fur  la  mer  Baltique.  Long.  Ao,  zo;. 
lat.  ^8  ,   JA. 

*  ARENSWALDE  ,  (  Geogr.  )  ville 
d'Allemagne  dans  la  nouvelle  Marche  de 
Brandebourg  ,  iur  le  lac  Slavin  ,  fro.n- 
tiere  de  la  Poméranie.  Long.,  jz,  aa. ; 
^'V.  $3  ,   23. 

AREOLE  ,  f  f  efl  un  diminutif  d'a/Vt' , 
&  fignifi.e  petite  fur/ace.  Voye:^  Aire  & 
Surface.  {E  ) 

ARÉOfE,  en  anatomie,  eftce  cercle  co» 
loré  qui  entoure  le  mammelon.  T^oy.  Mam,-- 
MELLE  ,  Mammelon  ,  &c. 

Ce  cercle  efl  A\in  rouge  agréable  dans 
les  iilles,  un  peu  plus  oblcur  ou  d'un  rouge 
pale  dans  les  jeunes  femmes  ,  &  tout-à-fait 
livide  dans  les  vieilles. 

Oh  remarque  fur  les  aréoles,  tant  des  hora- 
mes  que  des  femmes  ,  des  tubercules  dont  la 
fituation  n'efi  pas  conllante.  Ces  tubercu- 
les lont  chargés  de  glandes  fébacées  ;  ces 
glandes  ne  reçoivent  point  de  conduits  lac- 
tileres  ,  &  ne  fervent  pas  à  fournir  du  lait. 
La  nature  cft  trop  fage  pour  aller  perdre 
une  liqueur  utile ,  que  ces  petits  conduits  ne 


aS(î 


ARE 

pourroient  pas  faire  pafler  clans  la  bouche 
tle  l'entant.  Tous  ces  conduirs  paflent  dans 
le  mammelon  ,  s'ouvrent  entre  les  plis  donc 
il  efl  ridé  ,  &  fournifllent  du  lait  dès  que  l'é- 
rcitiondu  mammelon  a  rendu  à  ces  conduits 
une  direction  qui  favoriie  la  lortie  de  cette 
liqueur.  (  H.  D.  G.  ) 

AREOMETRE,  r.  m.  mot  dérivé  d'iî-a-5, 
temns,6c  dey  ïtco-  ^menfura.  On  appelle  arco- 
mecre  un  inrtrument  qui  fcrt  à  melurer  la 
dcnfité  ou  la  pefanrcur  des  fluides.  Voye:^ 
Fluide  ,  Gravité  ,  Pesanteur  ,  & 
Densité. 

JJ'are'ometre  ordinairement  eu  de  verre  ; 
il  confifîe  en  un  globe  rond  &  creux  ,  qui 
{c  termine  en  un  tube  long  ,  c\  lindrique  , 
&  périt  ;  on  {"onne  ce  tube  hermétique- 
ment ,  après  avoir  tait  entrer  dans  le  globe 
autant  de  mercure  qu'il  en  faut  pour  fixer 
le  tube  dans  une  pofition  verticale  ,  lorfque 
l'infhument  el\  plongé  dans  l'eau.  On  di- 
vife  ce  tube  en  degrés ,  comme  on  voir 
PL  Je  Pneumat.fig.  2  8.  &.  l'on  ellimelapc- 
fanteur  d'un  fluide  ,  par  le  plus  ou  le  moins 
de  profondeur  à  laquelle  le  globe  detcend  ; 
enibrte  que  le  fluide  dans  lequel  il  del- 
cend  le  moins  bas  efl:  le  plus  pefant  ;  & 
celui  dans  lequel  il  deicend  le  plus  bas  , 
efl  le  plus  léger. 

En  effet ,  c'efl  une  loi  générale  ,  qu'un 
corps  pefant  s'entonce  dans  un  fluide  , 
jufqu'à  ce  qu'il  occupe  dans  ce  fluide  la 
place  d'un  volume  qui  lui  loit  égal  en  pe- 
fanteur  :  de-l;\  il  s'enfuit  que  plus  un  fluide 
eff  denfe  ,  c'efl-à-dire  ,  plus  il  efl  pelant , 
plus  la  partie  du  fluide  ,  qui  fera  égaie  en 
•poids  à  l'aréomètre  ,  iera  d'un  petit  volume  , 
&  par  conféquent  le  volume  de  fluide  que 
Yizreometre  doit  déplacer  fera  aulfi  d'autant 
plus  petit ,  que  le  fluide  efl  plus  pelant  : 
ainfi  plus  le  fluide  efl  pelant ,  moins  ïare'o- 
metre  doit  s'y  enfoncer.  Il  doit  donc  s'enfon- 
cer moins  dans  l'eau  que  dans  le  vin  ,  moins 
dans  le  vin  que  dans  l'eau-de-vie ,  è't .  comme 
il  arrive  en  etFet. 

Il  y  a  un  autre  aréomètre  de  l'invention 
de  ?i'I.  Hombert  :  on  en  trouve  la  deicrip- 
tion  luivante  dans  les  Tranfacl.  philo f.  n° . 
z6z.  Ayfig.  Z5,  efl  une  bouteille  de  verre 
ou  matras  ,  dont  le  col  C  B  efl  fl  étroit , 
qu'une  goutte  d'eau  y  occupe  cinq  ou  fix 
lignes  ;  A  côté  de  ce  col  cft  un  petit  tube 


ARE 

capillaire  D  de  la  longueur  de  fix  pouces  ; 
&  parallèle  au  col  C  B.  Pour  remplir  ce 
vaiffeau  ,  on  verte  la  liqueur  par  l'orifice 
B ,  dans  lequel  on  peut  mettre  un  petit 
entonnoir  ;  on  veriera  jufqu'à  ce  qu'on  voie 
fortir  la  liqueur  par  l'orifice  D  ,  c'efl-à- 
dire  ,  julqu'à  ce  qu'elle  toit  dans  le  coi 
CB  ,  à  la  hauteur  C  •  par  ce  moyen  on 
aura  toujours  le  même  volume  ou  la  même 
quantité  de  liqueur  ;  te  contéquemment , 
on  pourra  trouver  par  le  moyen  d'une 
balance  quelle  efl ,  parmi  les  différentes 
liqueurs  dont  on  aura  rempli  cet  aréomètre  , 
celle  dont  la  peianteur  abiolue  efl  la  plus 
grande,  ou  qui  pefe  le  plus. 

Il  faut  avoir  quelque  égard  à  la  faitbn  de 
l'année  ,  &  au  degré  de  chaleur  ou  de  froid 
qui  règne  dans  l'air;  car  il  v  a  des  liqueurs 
que  la  chaleur  raréfie ,  &  que  le  froid  con- 
denle  beaucoup  plus  que  d'autres ,  &  qui 
occupent  plus  ou  moins  d'efpace ,  félon 
qu'il  tait  plus   ou   moins  chaud    ou  troid. 

royei  Pesanteur  spécifique,  Ra- 
réfaction ,  &c. 

A  l'aide  de  cet  inflrument ,  fon  fivant 
auteur  a  conftruit  la  table  liiivante  ,  qui 
montre,  tant  pour  l'été  que  pour  l'hiver  , 
les  dittérentes  peianteurs  ijiecifiques  des 
fluides ,  dont  l'ui'age  efl  le  plus  ordinaire 
en  Chymie. 


AREOMETRE 

PESÉ  EN 

ÉTÉ    ,   EN 

hiver. 

plein  de 

One.  D^jg-  Gr 

One.  Drsg.  Gr. 

Vit-argent.  .  .  . 

II    CD    06 

II  co  31 

Huile  de  tartre.   . 

oi  03  08 

01    03    31 

Eiprit  d'urine  .   . 

01  00  31 

CI  00  43 

Huile  de  vitriol  . 

01  03  58 

01  04  03 

Elpritdenitre.   . 

01    lo  40 

01   lo  70 

Sel 

01    CD    39 

01  00  47 

Eau-forte  .  .  .  . 
Efprit-de-vin  .  . 

CI  CI  38 

00    06    47 

01  01  55 
00  c6  61 

Eau  de  rivière  .   . 
.Eau  diflillée  .  .   . 

00    07     53 
80    07    50 

00  07  57 
00  07  54 

L'inflrumcnt  vuide  pefoit  une  dragme 
vin^t-huit  grains. 

Une  autre  méthode  pour  connoîtrc  le 
degré  de  peianteur  d'un  fluide  ,  efl  de  iuf- 
pendre  une  mafle  de  verre  maflit  &c  de 
figure  ronde  à  un  crin  de  cheval ,  que  l'on 


ARE 

attache  au  dclTous  tl'uii  pcrit  plat  :  cette 
mafle  ainil  liilpenduc  d;ms  l'air  a  une  ba- 
lance bien  juile  ,  demeure  en  équilibre  avec 
un  poids  tait  en  iorinc  de  baiiln  ,  &  fui- 
pendu  à  l'autre  bras  de  la  balance  ;  on 
plonge  enfuite  le  corps  de  verre  dans  la  li- 
queur dont  on  veut  examiner  la  peia:neur, 
&  fur  le  champ  l'autre  bra.s  de  la  balance 
s'élève  &  devient  plus  léger  ,  parce  que  le 
corps  de  verre  a  perdu  dans  la  liqueur  une 
partie  de  Ion  poids  :  on  met  cniinte  lur  le 
petit  plat  auquel  le  crin  de  cheval  cil  atta- 
ché ,  autant  de  poids  qu'il  en  faut  pour  que 
l'équilibre  ioit  rétabli  ;  &:  ces  poids  ajoutés 
indiquent  ce  que  la  malfe  de  verre  a  perdu 
de  ion  poids  dans  la  liqueur  :  or  le 
poids  que  ce  corps  a  perdi!  :i\  égal  au 
poids  d'un  pareil  volume  de  la  liqueur  ; 
donc  on  connoit  par  -  là  ce  que  pelé  un  vo- 
lume de  la  liqueur  égal  à  celui  du  petit  corps 
de  verre. 

M.  MufTchenbroek  paroît  préférer  cette 
dernière  méthode  à  toutes  les  autres  qu'on  a 
imaginées  pour  peler  les  liqueurs.  11  pré- 
rend que  la  méthode  de  M.  Homberg  en 
particulier  a  les  inconvéniens  ,  parce  que 
la  vertu  attractive  du  tuyau  étroit  ,  fait  que 
la  liqueur  y  monte  plus  haut  que  dans  le 
col  large  ;  &  comme  les  liqueurs  ont  une 
yemi  attraclive  différente,  il  devra  y  avoir 
auili  une  grande  différence  entre  les  hau- 
teurs dans  le  col  large  ,  lorlqu'elles  ieront 
élevées  julqu'à  l'orifice  du  tuyau   étroit. 

Si ,  au  haut  de  la  tige  de  V aréomètre,  on 
met  quelque  petite  lame  de  métal  ,  &c.  il 
s'enfonce  plus  avant  ,  quoique  dans  la  mê- 
me liqueur.  En  eiîer ,  la  partie  plongée  de 
ïaiéometre  iouleve  autant  de  liqueur  qu'il 
en  faut ,  pour  faire  équilibre  à  l'inlfrimient 
entier.  S'il  pcfe  une  once  ,  par  CAcmple  , 
il  louleve  moins  d'eau  que  de  vin  ,  quant 
au  volume ,  parce  qu'il  faut  plus  de  vin 
que  d'eau  pour  le  poids  d'une  once  ;  & 
comme  il  ne  fait  monter  la  liqijrur  qu'en 
s'entonça.it ,  il  doit  donc  plonger  plus  avant 
dans  celle  qui  ell  la  plus  légère.  Si  Ion 
avigmcntcle  poids  de  i  aréomètre  par  ad- 
dition de  quelque  lame  de  métal  ou  autre- 
ment ,  il"  s'enfo.nce  plus  avant ,  quoique  isans 
la  même  liqueur;,  parce  qu'alors  il  en  faut 
une  plus  graiule  quat-^tité  pour  lui  faire  équi- 
libre, M.  Fcrniey. 


ARE  iRy 

Cela  ferr  à  expliquer  divers  ffits.  Si  tous 
les  corps  qui  flottent ,  s'enfoncent  plus  ou 
moins  ,  fuivant  la  denlité  du  Huidc ,  une 
barque  chargée  en  mer  aura  donc  moins 
de  parties  hors  de  l'eau  ,  fi  elle  vient  à  re- 
monter une  rivière  ;  car  l'eau  lalée  pcfe  plus 
que  la  douce  ,  (5c  les  nageurs  ailurent  qu'ils 
en  lentent  bien  ladilîercnce.  On  doit  donc.< 
a\'oir  égard  à  cet  cilct ,  &  ne  pas  rendre 
la  charge  aufll  grand-,  qu'elle  pourroit  i'étrc  , 
Il  l'on  prévoit  qu'on  doive  palier  par  une 
eau  moins  chargée  de  fel ,  que  celle  où  l'on 
s'embarque.  On  a  vu  quelquefois  des  iles 
flottantes,  c'efl-à-dire  ,  .des  portions  dé- 
terre allez  conlid^  râbles  qui  ie  déiachcnc 
du  continent ,  &  le  trouvant  moins  peiân- 
tcs  que  l'eau  ,  fe  loutiennent  à  laliirface,. 
&  flottent  au  gré  des  vents.  L'eau  mine 
peu- à-peu  certains  terrains  ,  qui  font  plus 
propres  que  d'autres  à  fe  diftoudre  :  ces- 
fortes  d'excavations  s'augmentent  avec  le 
temps,  &  s'étendent  au  loin:  le  delfus de- 
meure lié  parles  racines  des  plantes  &  des 
arbres  ,  &  le  fol  n'efl  ordinairement  qu'une- 
terre  bitumineufe  ,  fortlégere;  de  forte  que 
cette  efpece  de  croûte  elt  moins  pelante 
que  le  volume  d'eau  {i.ir  lequel  elle  efl 
reçue  ,  quand  un  accident  quelconque' 
vient  à  la  détacher  de  la  terre  ferme  , 
&  à  la- mettre  à  flot.  L'exemple  de  Va- 
re'ometre  fait  voir  encore  qu'il  n'eff  pas 
befom  ,  pour  furnager ,  que  le  corps  flot- 
tant fo;t  d'une  matière  plus  légère  que 
l'eau.  Car  cet  infîruir.ent  ne  le  fouticnt 
point  en  vertu  du  verre  ou  du  mercure  , 
dont  il  efl  lait ,  mais  feulement  parce  qu'il 
a  ,  avec  peu  de  folidité  ,  un  volume  con- 
fidérable  qui  répond  à  une  quantité  d'eau 
plus  pelante.-  Ainfi  l'on  pourroit  faire 
des  barques  de  plomb ,  ou  de  tout  a.;tre 
métal ,  qui  ne  s'enfonceroient  pas.  Et  en 
effet ,  les  chariots  d'artillerie  portent  fou- 
lent à  la  fuite  des.  armées  des  gondoles  de 
cuivre,  qui  fervent  à  établir  des  ponta 
pour  le  paflage  des  troupes.  M   Formey. 

Il  faut  apporter  diveries  précautions  dans 
la  conffruéiion  &  l'uiage  de  cet  inlîrument. 
I".  Il  faut  que  les  liqueurs  dans  lefquellcs 
on  plonge  i'iîrfb/nfr/f  ,  foientexaftement  au 
même  degré  de  chaleur  ou  de-froid  ,  afin 
qu'on  p.uiife  être  fur  que  leur  diliérencc 
de  denlité  ne  vient  point  de  l'une  de  ces 


i88  ARE 

deux  caiifes  ,  &  que  le  volume  de  l'areo- 
metre  même  n'en  a  reçu  aucun  changement. 

2".  Que  le  col  de  l'infirument  fur  le 
quel  font  marquées  les  gradations  ,  foit 
par-tout  d'une  grofleur  égale  ;  car  s'il  eft 
d'une  forme  irréguiiere ,  les  degrés  mar- 
qués à  égales  difiances  ne  mefureront  pas 
•des  volumes  de  liqueurs  lémblablcs  en  fe 
plongeant  ;  il  fera  plus  i'ûr  &  plus  facile 
de  graduer  cette  échelle  relativement  à  la 
forme  du  col ,  en  chargeant  fuccefiîvement 
l'inih-ument  de  plufieurs  petits  poids_  bien 
égaux  ,  dont  chacun  produira  l'entoncc- 
nient   d'un  degré. 

3°.  On  doit  avoir  foin  que  l'immerfion 
fe  talle  bien  perpendiculairement  à  la  (ur- 
face  de  la  liqueur  ,  fans  quoi  l'obliquité 
empêcheroiî  de  compter  avec  jultefle  le 
degré  d'entoncement. 

4°.  Comme  l'ufage  de  cet  inflrument  cfl 
borné  à  des  liqueurs  qui  différent  peu  de 
pelanteur  entre  elles  ,  on  doit  bien  prendre 
garde  que  la  partie  qui  furnage  ne  fe  charge 
de  quelque  vapeur  ou  faleté  ,  qui  occa- 
fioneroit  un  mécompte  ,  dans  une  eftima- 
rion  où  il  s'agit  de  différences  peu  confi- 
dérables.  Et  lorfque  ïare'ometre  pafTe  d'une 
liqueur  ;\  l'autre  ,  on  doit  avoir  loin  que 
fa  furface  ne  porte  aucun  enduit ,  qui  em- 
pêche que  la  liqueur  où  il  entre  ne  s'appli- 
que exaftement  contre  cette  flirface. 

5°.  Enfin,  malgré  toutes  ces  précautions, 
il  relie  encore  la  difficulté  de  bien  juger  le 
degré  d'enfoncement  ,  parce  que  certaines 
liqueurs  s'appliquent  mieux  que  d'autres 
au  verre  ;  &  qu'il  y  en  a  beaucoup  qui  , 
lorfqu'elles  le  touchent  ,  s'élèvent  plus  ou 
moins  au  delfus  de  leur  niveau.  Quand  on 
{c  fert  de  V aréomètre  que  nous  avons  dé- 
crit ,  il  faut  le  plonger  d'abord  dans  la  li- 
queur la  moins  pefinte  ,  &  remarquer  à 
quelle  graduation  ie  rencontre  fa  furlace  : 
nefijite  il  huit  le  rapporter  dans  la  plus 
denfe ,  &  charger  le  haut  de  la  tige ,  ou 
du  col,  de  poids  connus,  julqu'à  ce  qu& 
le  degré  d'enfoncement  ioit  égal  au  pre- 
mier. La  iommc  des  poids  qu'on  aura  ajou- 
tés ,  pour  rendre  cette  immerfion  égale  à 
la  première ,  iera  la  différence  des  pefan- 
teurs  fpécifiqucs  entre  les  deux  liqueurs. 
Nous  devons  ces  remarques  à  M.  Formey  , 


ARE 

qui  les  a  tirées    de  M.  l'abbé  Nollct  ,£eû?. 

phyf.  m 

ARÉOPAGE,  f.  m.  (  Hifl.  anc.)  fénat 
d'Athènes,  ainfi nommé  d'une  colline  voi- 
fme  de  la  citadelle  de  cette  ville  confacrée 
à  Mars  ,  des  deux  mots  Grecs 3-«;,of ,  bourg , 
place  ^  éc\f»f ,  le  Dieu  Mars  ;  parce  que  , 
félon  la  fable,  Mars,accufëdu  meurtre  d'un 
fils  de  Neptune  ,  en  tut  ablous  dans  ce  lieu 
par  les  juges  d'Athènes.  La  Grèce  n'a  point 
eu  de  tribunal  plus  renommé^  Ses  mem- 
bres étoient  pris  entre  les  citoyens  diftin- 
gues  par  le  mérite  &  l'intégrité  ,  la  naif- 
tiince  &  la  fortune;  &  leur  équité  étoit.fi 
généralement  reconnue,  que  tous  les  états  de 
la  Grèce  en  appelloient  à  Vare'opage,  dans 
leurs  démêlés,  &  s'entcnoientàfes  décifiOiis. 
Cette  cour  eil  la  première  qui  ait  eu  droit 
de  vie  &  de  mort.  Il  paroît  que  ,  dans  fa 
première  inllitution  ,  elle  ne  connoifToit 
que  des  affaflinats  :  fa  jurifdiélion  s'étendit 
dans  la  fuite  aux  incendiaires  ,  aux  conf'pi- 
rateurs  ,  aux  transfuges,  enfin  à  tous  les 
crimes  capitaux.  Ce  corps  acquit  une  au- 
torité fans  bornes ,  fur  la  bonne  opinion 
qu'on  avoit  dans  l'état  de  la  gravité  &  de 
l'intégrité  de  fcs  membres.  Solon  leur  con- 
fia le  maniement  des  deniers  publics  ,  & 
i'infpeâion  fur  l'éducation  de  la  jeunelfe  ; 
foin  qui  entraîne  celui  de  punir  la  débau- 
che &  la  fainéantife ,  &  de  récompenfer 
rinduftrie  &  la  fbbriété.  Les  are'opagites 
connoifToient  encore  des  matières  de  reli- 
gion :  c'étoità  eux  à  arrêter  le  cours  de  l'im- 
piété, &  à  venger  les  dieux  du  blaîpheme  , 
&  la  religion  du  mépris.  Ils  délibéroient 
fur  la  confécra'ion  des  nouvelles  divinités , 
fur  réreâion  des  temples  &  des  autels  , 
&  fur  toute  innovation  dans  le  culte  di- 
vin ;  c'étoit  même  leur  fondion  principale. 
Ils  n'entroient  dans  l'adminiflration  des  au- 
tres afiaires  ,  que  quand  l'état  alarmé  de 
la  grandeur  des  dangers  qui  le  menaçoicnt 
appelloit  à  fon  f'ecours  la  fagefle  de  Varéo- 
page  ,  comme  fon  dernier  refuge.  Ils  con- 
ferverent  cette  autorité  julqu'à  Périclès  , 
qui  ne  pouvant  être  are'opagitc,  parce  qu'il 
n'avoit  point  été  archonte ,  cmpkiya  toute 
la  puiffince  &  toute  ton  adrelTe  à  l'avilii- 
femcpt  de  ce  corps.  Les  vices  &  les  excès 
qui  corrompoient  alors  Athènes,  s'étant  glif- 
féi"  dans  cette  cour  ,  elle  perdit  par  degrés 

Tcllima 


ARE 

Peftime  dont  elle  avoir  joui,  &  le  pou- 
voir dont  elle  avoir  éré  rcvcnie.  Les  au- 
teurs ne  s'accordenr  pas  fur  le  nombre  des 
îiii;es  qui  compofoicnt  ïare'opj^e.  Quelques- 
uns  le  hxcnr  à  rrcnre-iin  ,  d'aurres  à  cin- 
quante un  ,  iSc  quelques  autres  le  tont  mon- 
ter julqu'à  cuiq  cents.  Cette  dernière  opi- 
nion ne  p:ur  avoir  lieu  que  pour  les  temps  où 
ce  tribunal  ,  tombé  en  dilcrédit,  admettoit 
ind'.lftremment  les  Grecs  iic  les  étrangers  ; 
car,  au  rapport  de  Ciceron,  [es  Romains 
s'y  tailoiint  recevoir  :  ou  bien  elle  contond 
les  are'opagites  avec  les  pry canes. 

Il  eii  prouve  par  les  marbres  d'Arondel, 
que r^r/o/'J^-i? kiblifloit  941  ans  avant  Solon  : 
mais  comme  ce  trilunal  avoit  été  humilié 
par  Dracon,  &  que  Solon  lui  rendit  ia 
première  Iplendeur  ;  cela  a  donné  lieu  à 
la  méprife  de  quelques  autours ,  qui  ont 
regardé  Solon  comme  rinltituttur  de  Varéo- 

Les  are'opagites  tonoient  leur  audience  en 
plein  air  ,  &  ne  jugeoient  que  la  nuit ,  dans 
la  vue,  dir  Lucien,  de  n'être  occupés  que 
des  rations ,  &  point  du  tout  de  la  figure  de 
ceux  qui  parloicnt. 

L'éloquence  des  avocats  pafioit  auprès 
d'eux  pour  un  talent  dangereux.  Cependant 
leur  févcrité  fur  ce  point  lé  relâcha  dans 
la  fuite  ;  mais  ils  furent  conflans  à  bannir 
àes  plaidoyers  tout  ce  qui  tendoit  à  émou- 
voir les  pafEons  ,  ou  ce  qui  écartoit  du 
fond  de  la  queflion.  Dans  ces  deux  cas ,  un 
héraur  impoloit  lilence  aux  avocats.  Ils  don- 
noient  leur  fjiirage  en  lilence  ,  en  jetant 
une  efpece  de  petit  caillou  noir  ou  blanc 
dans  des  urnes ,  dont  Fune  étoit  d'airain , 
&  fe  nommoit  l'urne  de  la  mort ,  djcvarou  ; 
l'autre  étoit  de  bois ,  &  s'appelloit  Vume 
de  la  mifencorJe,'-Kiv. .  On  comptoit  enfuite 
les  fufFrages  ;  &  lelon  que  le  nombre  des 
jetons  noirs  prévaloit  ou  étoit  inférieur  à 
celui  des  blancs ,  les  jirges  traçoient  avec 
l'ongle  une  ligne  plus  oir  moins  courte  fur 
une  efpece  de  tablette  induite  de  cire.  La 
plus  courte  fignifioit  que  l'accufé  étoit  ren- 
voyé ablous  ;  la  plus  longue  exprimoit  la 
condamnation- 

AREOPAGITE  ,  juge   de   l'aréopage. 

Voici  le    portrait   qu'Ifocrate  nous  a  tracé 

de  ces  hommes  merveilleux  ,   &   du   bon 

ordre  qu'Us  établirent  dans  Athènes.  "  Les 

Tome  IJI. 


ARE  189 

»  Juges  de  Y  aréopage  ,  dit  cet  auteur  ,  n'é- 
»  toient  point  occupés  de  la  manière  donc 
»  ils  puniroient  les  crimes ,  mais  unique- 
»  ment  d'en  infpirer  une  telle  liorrtur , 
>)  que  perfonne  ne  pCit  ié  refoudre  à  en 
yy  commettre  aucun  :  les  ennemis  ,  (clon  leur 
»  hiçon  de  penler ,  étoient  faits  pour  punir 
»  leurs  crimes,  mais  eux  pour  corriger  les 
»j  mœurs.  Ils  donnoient  à  tous  les  cito}ens 
»5  des  ioins  généreux  ,  mais  ils  avoienf 
»  une  attention  ipéciale  aux  jeunes  gens.  Ils* 
»j  n'ignoroient  pas  que  la  lougue  des  paî- 
»  lions  nailïantes  donne  A  cet  âge  tendre 
>j  les  plus  violentes  fecoulTes ,  qu'il  faut 
»  à  ces  jeunes  cœurs  une  éducation  donc 
n  l'âpreté  foit  adoucie  par  une  certaine 
»  melure  de  plaillr  ;  &  qu'au  fond  il  n'y  a 
»  que  les  exercices  où  le  trouve  cet  heu- 
»  reux  mélange  de  travail  &  d'agrément , 
»  dont  la  pratique  conltante  puill'e  plaire 
»  à  ceux  qui  ont  été  bien  élevés.  Les  for- 
»>  tunes  étoient  trop  inégales  pour  qu'ils 
»  puflent  prefcrire  à  tous  indiîiéremmcnc 
»  les  mêmes  chofes  &  au  même  degré  ; 
')  ils  en  proportionnoient  la  qualité  &: 
»  l'ulage  aux  iacultés  de  chaque  lamil.'e.  Les 
»5  moins  riches  éto'cnt  appliqués  à  l'agri- 
»  culture  &  au  négoce  ,  (lir  ce  principe  que 
>5  la  pareife  produit  l'indigence  ,  &  ainii 
»  l'indigence  les  plus  grands  crimes  :  ayant 
»  arraché  les  racines  des  plus  grands  maux , 
»  ils  cro}oient  n'en  avoir  plus  rien  à  crain- 
y)  dire.  Les  exercices  du  corps ,  le  cheval ,  la 
»  chalTe  ,  l'étude  de  la  philolophie  ,  étoienc 
»  le  partage  de  ceux  à  qui  une  meilleure 
»  fortune  donnoit  de  plus  grands  fècours: 
»  dans  une  diltribution  fi  lage,  leur  but 
»  étoit  de  fauver  les  grands  crimes  aux 
j>  pauvres,  &  de  faciliter  aux  riches  l'ac- 
»  quihtion  des  venus.  Peu  contens  d'avoir 
>5  étabh  des  loix  fi  utiles  ,  ils  étoient  d'une 
>j  extrême  attention  à  les  faire  obferver  : 
"  dans  cet  eiprit,  ils  avoient  dillribué  la 
»  ville  en  quartiers ,  &  la  campagne  en 
>y  cantons  diliérens.  Tout  fe  palîoit  ainlt 
>5  comme  fous  leurs  yeux.  Rien  ne  leur 
>j  écliappoit  des  conduites  particulières. 
>j  Ceux  qui  s'écartoient  de  la  règle  ,  étoient 
»  cités  devant  les  magiitrats,  qui  aflôrtif- 
»  loient  les  avis  ou  les  peines  à  la  qualité 
»  aes  fautes  dont  les  coupables  étoient  con- 
;>  vaincus.  Les   mêmes  aréopagnes  enga- 

Oo 


j^o  ARE 

»)  geoîent  les  ric'ies  à  foulager  les  pauvres  ; 
}j  ils  repli moient  rintempérance  de  la  jeu- 
»  nèfle  par  une  difciplinc  aufîcre.  L'avarice 
»)  des  mngillrats ,  effrayée  par  des  fupplices 
»  toujours  prêts  à  la  punir  ,  n'oloitparoître  ; 
n  &  les  vieillards  à  la  vue  des  emplois  & 
»  des  refpeâs  des  jeunes  gens ,  fe  tiroient 
»  de  la  léthargie,    dans  laquelle  le  grand 
»  âge  a  coutume  de  les  plonger.  »  Aufli 
ces  juges  fi  refpeélables   n'avoienr  en  vue 
que  de  rendre  leurs  citoyens  meilleurs ,  & 
la  république  plus  fioriflànte.  Ils  étoient  fi 
défintérenés ,   qu'ils  ne  recevoient  rien  ou 
prelque  rien  ,  pour  leur  droit  de  préience 
aux  jugemens   qu'ils   prononçoient  ;   &  fi 
intègres  qu'ils  rendoient  compte  de  l'exer- 
cice de  leur  pouvoir  à  des  cenfeurs  publics  , 
qui,  placés  entr'cux  &  le  peuple,   einpê- 
ciioient    que  l'ariftocratie   ne   devînt   trop 
puiiîante.    Quelque   courbés    qu'ils  fuflent 
f()us  le  poids  des  années ,  ils  le  rendoient 
fiir  la  colline  où  fe  tenoient  leurs  aflerablées , 
evpoiés  à  l'injure  de  l'air.  Leurs,  décilions 
ctoient  marquées  au  coin  de  la  plus  exaéle 
jufiicL^  :  les  plus  intéreflàntes  par  leurs  objets , 
ibnt   celles   qu'ils  rendirent  en  laveur   de 
Mars  ;  d'Oreîle  qui  y  fut  abfous  du  meur- 
tre de  la  mère ,  par  la  protedion  de  Mi- 
nerve  qyi  le  iauva  ,   ajoutant  fon  iutîrage 
à  ceux  qui  lui  étoient  favorables ,  &    qui 
fe  trouvoient  en  parfaite  égalité  avec   les. 
fuffrages    qui    le    condamnoient.     Céphale 
pour  le  meurtre  de  fa  kmmc  Procris  ,  & 
Dédale  pour    avoir   aflaffiné  le    fils  de  fa 
fœur ,  furent   condamjiés  par  ce  tribunal. 
Quelques  anciens    auteurs   prétendent  que 
S.  Dcnys  premier  éveque  d'Athènes  ,  avoit 
été  aréopagite ,  &  qu'il  lut  converti  parla 
prédication  que  S.  Pau!  ht  devant  ces  juges. 
Un  plus  grand  nombre    ont   confondu   ce 
Denys  Vareopague  avec  S.  Denys  premier 
éveque  de  Paris.   Voye\  dans  le  recueil  de 
\acad.  des  belles-Lettres ,  tom.  VIT,  deux 
«xcellens  mémoires  fur  Varéopage ,,  par  M. 
Fabbé  de  Canaye  ,  qui  fait  allier  à  un  de- 
gré   fort    rare  l'efprit  &  ia  philofophie  à 
l'éniditinn.  (G) 

AREOSTYLE,  f.  m.  ,ltins  \\incienm 
architecture  ^  c'eit  une  des  cinq  fortes  d'in- 
tercolonnations ,  dans  laquelle  les  colonnes 
ctoient  placées  à  la  dillance  de  huit ,  ou , 
tomme  dilbic  quelques-unj ,  de  dix.  mo- 


ARE 

dules  l'un  de  l'autre.  Voyei  IntEUCOLON- 
NATION.  Ce  mot  vient  d'^^^'cf,  rare,  & 
ç-i'?.«  ,  colonne  ,•  parce  qu'il  n'y  avoit  point 
d'ordre  d'architedure  où  les  colonnes  ful- 
lènt  aullt  éloignées  les  unes  des  autres  que 
dans  ïaTéoJitle. 

On  fait  principalement  ufage  de  Vare'of- 
tyle  dans  l'ordre  toican ,  aux  portes  des 
grandes  villes  &  des  torterefles.  Voyei^ 
Toscan ,  &<:.  Vunue.  (P) 

AREOTECTONIQUE,  adj.  d\  cette 
partie  de  fortification  &  d'architeâure  mi- 
litaire ,  qui  concerne  l'art  d'attaquer  &  de 
combattre.  (Q) 

AREOTlQUES  ,  (  en  mc'Jecine.  )  fe  dit 
de  ces  remèdes  qui  tendent  à  ouvrir  les 
pores  de  la  peau  ,  à  les  rendre  alTez  dilatés , 
pour  que  les  matières  morbifiques  puiifent 
être  poufTées  dehors  par  le  moyen  de  la 
fiicur  ou  de  l'infenfible  rranipirarion.   Voy. 

Pore  , Sueur,  Transpiration  ,&■:. 

qui  appartiennent  à  la  cklie  des  are'otiques. 
Voy.  DiAPHORÉTIQUES  ,  SUDORIFI- 

OUES,   ÊV.  (xV) 

■^  *  ARÊOTOPOTES  ,  (  mjf.  anc.  )  ou 
le  grand  bui-'eur  de  vin  ;  nom  ious  lequel 
Cfn  honoroit  à  Munichia,  omme  un  hom- 
me doué  de  vertus  héroïques  ,  celui  qui 
lavoit  bien  boire. 

ARÉRUE,  areca  ,  fire  faufel ,  (  Hifi, 
nat.  bot.  )  c'eA  le  fruit  d'une  efpece  de 
palmier  qui  croît  aux  Indes  orientales.  Il 
e{\  ovalaire  &  relTemble  à  la  datte  ;  il  eft 
feulement  plus  ferré  par  les  deux  bouts» 
Son  écorce  eft  épaifle ,  lilTe  &  membra- 
neufe  ,  &  fa  pulpe  d'un  brun  rougeâtre. 
Elle  devient  en  féchant  fibreufe  &  jaunâ- 
tre. La  moelle  ,  ou  plutôt  le  noyau  qu'elle 
environne ,  efi  blanchâtre  ,  en  forme  de 
poire  ,  &  de  la  grofièur  d'une  mufcade. 
Les  Indiens  le  mâchent  continuellement; 
qu'il  foit  dur  ou  qu'il  foit  mou  ,  il  n'im- 
porte ;  ils  le  mêlent  avec  le  lyeyon  ou  le 
kaath ,  la  feuille  'de  bétel ,  &  un  peu  de 
chaux.  Ils  avalent  leur  îalive  teinte  par  ces 
ingrédiens,  &  rejettent  le  refie.  Geojf.  & 
dicL  de  m  éd. 

*ARÉQUIPEou  AREQUIPA,  {Geog.y 
ville  de  l'Amérique  méridionale  dans  la 
Pérou,  fur  une  rivière,  dans  un  terrain. 
fertile.  Long.  308  ;  lat.  mer.  16  ,  40. 

ARER  QUihj^iirJurfci.ani:rcs,  {Mari/i.} 


ARE 

fe  dit  lorfque  l'ancre  étant  mouillde  dans  un 
mauvais  fond  ,  elle  lâche  prile  ,  &  ic  traîne 
en  labourant  le  iable.  Voy.  CHASSER.  ( /:'; 

*  ARES  ,  (  Mjch.  )  nom  que  les  Grcoi 
donnoient  à  Mars.  Il  lignifie  dommage  ; 
d  autres  le  dérivent  du  phénicien  ancs , 
qui  veut  dire/ort',  terrible. 

AHESC  OL  ,  ancienne  ville  du  royaume 
d'Alger  ,  dont  il  ne  relie  que  les  ruines  ; 
elle  citoit  auparavant  la  capitale  de  la  pro- 
vince &  de  tout  le  rosaume  de  Tremecen  , 
qui  fait  une  partie  de  celui  d'Alger. 

*  ARESIBO  ,  (  Ceog.  )  petite  ville  d'A- 
mérique ,  fur  une  rivière  du  même  nom  ,  ;\ 
trois  lieues  de  fan  Juan  de  Porto  -  Ricco  , 
dans  l'île  de  ce  nom  ,  qui  cil  une  des  gran- 
des  Antilles. 

ARETA  ,  (Gc'o^r.)  petit  pays  d'Afie , 
dans  la  Paleiline  ,  (ous  l'empire  turc  :  c'eft 
l'ancienne  tribu d'Ifachar.  Ses  bornes  font, 
■À  l'orient ,  TElbife  ,  rivière  qui  fort  du  mont 
Dari  ou  Hermon ,  Se  fe  jette  dans  le  Jour- 
dain ;  au  leptentrion  ,  la  montagne  de  Tha- 
bor  ;  à  l'occident ,  la  mer  Méditerranée  ; 
au  midi  ,  le  gouvernement  de  Mabolos , 
anciennement  la  demi-tribu  de  Manalfé  , 
cil  deçà  le  Jourdain  ;  on  le  nomme  aujour- 
d'hui Mjrdfche-eb-aamer  ,  c'eft-à-dire  , 
la  prairie  des  fils  d'Aamer  :  la  plaine  lerrile 
de  Jefrael  ou  d  Efdrelon  eft  comprife  dans 
VAreta.  On  y  trouve  encore  quelques  villes 
ruinées  ,  telles  que  le  Nain ,  Endor  ,  Ccla- 
rée  ,  &c.  mais  toute  cette  contrée  n'ell 
habitée  aujourd'hui  que  par  les  Arabes  , 
nomades  ou  vagabonds  ,  &  par  quelques 
chrétiens  ,  qui  tous  vivent  fous  des  tenter , 
&  obéifî'ent  à  des  émirs  de  la  race  de  Tura- 
béia.  Chacun  de  ces  émirs  exerce  une  auto- 
rité lans  bornes  dans  ion  camp  ;  le  grand 
ë_mir  qui  eft  le  juge  fouverain  des  émirs 
lubalternes  habite  ordinairem.ent  le  mont 
Carmel  ;  il  paie  un  médiocre  tribut  au  grand 
feigneur  ,  en  chevaux  &  en  chameaux  • 
mais  il  efl  obligé  de  pourvoir  à  la  sûreté  des 
caravanes  marchandes  ,  de  fournir  des  ef- 
cortes  aux  couriers  du  fultan  ,  &  de  faire 
marcher  fes  troupes  dans  l'occafion  :  ion 
armée  ,  y  comprifes  celles  des  autres  émirs , 
peut  former  un  corps  de  cinq  à  lix  mille 
hommes.  (  C.  A.  ) 

ARETAS  I.  {Hifi.  des  Arabes.)  chef  ou 
roi  d'une  tribu  des  Arabes  Nabatées.    On 


ARE  ipr 

ne  fait  à  quelle  époque  rapporter  le  co  ,,- 
mencementde  ion  règne.  Ajant  été  appelle 
parles  habitans  de  Damas,  quiétoientcn 
guerre  contre  les  juifs  ,  il  marcha  à  leur 
iecours  vers  l'an  quatre-vingt-quatre  avant 
notre  ère.  Après  avoir  délivré  Damas  ,  il 
}X)urluivit  les  juifs  julque  dans  le  centre 
de  leur  pays  ,  &  remporta  flir  eux  une  fa- 
mcuie  vidoire  près  d'Adida  ,  quoiqu'ils 
fulTent  commandés  par  Alexandre  Jeannée  , 
leur  roi.  Areias'à^  une  féconde  cxpéditioa 
en  Judée  ,  &  prétendit  contraindre  Ariflo- 
bule  II ,  fils  d'Alexandre  Jeannée  ,  .i  rendre 
le  Iceptre  des  juifs  à  Hircan  ,  frère  aine  de 
ce  prince.  Son  armée  compolée  de  cin- 
quante mille  hommes  ,  tant  arabes  que 
juifs  ,  étoit  devant  Jérufalem  ,  qui  dcli- 
béroit  pour  lui  ouvrir  les  portes  ,  lorfque 
Schorus,  lieutenant  de  Pompée  ,  l'obligea 
de  lever  le  ficge.  Une  défaite  qu'il  efî'uya 
dans  un  lieu  nommé  Papiron  ,  lui  fit  aban- 
donner le  pays  ,  &  rentrer  en  Arabie.  Aretas 
craignant  l'événement  de  cette  guerre  ,  dé- 
larma  le  général  romain  par  un  préfent  de 
trois  cents  talens.  Ce  prince  eut  encore  plu- 
iieurs  démêlés  avec  les  juifs  ,  dont ,  fuivant 
Joieph ,  le  luccès  lui  fut  toujours  contraire  : 
on  place  ordinairement  fa  mort  vers  l'an  66 
avant  J.  C.  Jofcph.  Ant.  Judaïq.  (  T-N.) 
AR.ETAS  II.  autrement  Ente  ,  arrierc- 
fliccefi'eur  A^ Aretas  I.  Il  paroît  que  de  fou 
temps  les  Arabes  de  fa  tnbu  étoient  obligés 
à  quelques  devoirs  envers  les  Romains.  Ea 
efTet ,  dès  qu'il  fut  reconnu  pour  roi  ,  il 
envoya  des  amhafladeurs  à  Rome  pour  faire 
confirmer  Ion  éledion  par  l'empereur  ,  &: 
lui  oflrir  une  couronne  d'un  très-grand  priy» 
Augufle  rejeta  ces  prélens  ,  &  refufa  d'ad- 
mettre les  ambafladeurs  à  fon  audience  :  "le 
motif  de  ce  refus  fait  honneur  à  l'empereur, 
Aretas  étoit  accufé  d'avoir  fait  empoilbnner 
Obadàs  Ion  prédéccffcur  ;  cette  calomnie 
ayant  été  découverte  ,  Sylleus  ,  qui  en  étoie 
auteur  ,  fut  jugé  digne  de  mort  ,  &  fubit  cet 
arrêt  :  Augulte  rendit  aulK-tôt  fa  faveur 
au  prince  Arabe  ;  l'hiiioire  ne  l'accufe  pas 
d'en  avoir  abufé  ,  il  ne  fit  aucune  enrreprifè 
fous  fon  règne  dont  les  Romains  euilènt 
à  le  plaindre.  Suivant  l'auteur  des  antiqui- 
tés juives  ,  Aretas  remporta  une  grande 
viûoire  fur  le  tétrarque  Hérode  ,  qui  ve- 
noit  de  lui  renvoyer   fa  fille  pour   cpoufer 

Oo  i 


ARE 


1^1 

Hérocliade  :  on  ne  fait  ni  le  genre  ,  ni  l'an- 
née de  (a  mort.  Des  écrivains  donnent  à 
tes  deux  Aretas  la  qualité  de  rois  des  Ara- 
bes ;  cette  tnaniere  de  s'exprimer  eft  peu 
exade  ,  elle  feroit  entendre  que  l'Arabie 
ctoit  gouvernée  par  un  ieul  louverain,  tan- 
dis qu'elle  en  avoit  une  multitude ,  tous 
flépendans  les  uns  des  autres  :  ces  rois  n'é- 
foicnt  proprement  que  des  chefs  décorés 
■du  titre  d'émir,  qui  répond  au  mot  capi- 
taine ou  duc.  Jofeph.  yint.  Jud.  (  T-N  ) 

ARETE  ,  fpina  i^^^fi-  Ane.)  partie  du 
corps  de  la  plupart  des  poifîons  ;  on  en- 
tend communément  par  ce  mot  toutes  les 
parties  dures  &  piquantes  ,  qui  fe  trouvent 
dans  les  poifTons  :  mais  dans  ce  fens  on 
doit  diflinguer  plufieurs  fortes  ^arêtes  ;  car 
il  y  a  des  parties  dures  dans  les  poiflons, 
qui  iont  analogues  aux  os  des  ferpens  ,  des 
-oifeaux  ,  &  des  quadrupèdes  ;  tels  iont  les 
t)s  de  la  tête  des  poifïbns  ,  leurs  vertèbres  , 
&  leurs  côtes.  La  plupart  ont  de  plus  des 
piquansdans  les  nageoires,  dans  la  queue, 
&  fur  d'autres  parties  de  leur  corps.  Il  y 
a  auffi  dans  la  chair  de  pluiieurs  poillons , 
des  filets  foHdes ,  pointus ,  plus  ou  moins 
longs ,  de  différente  grofleur  ,  dont  les  uns 
font  fimples  &  les  autres  tourchus.  On 
ne  peut  donner  à  ces  parties  que  le  nom 
à-'aréte.    Voy  e7^V  OISSOÎ^.  { I) 

Arête  ,  (  Coupe  des  pierres.  )  c'efl 
l'angle  ou  le  tranchant  que  font  deux  furta- 
cc'-'  d'-oites  ou  courbes  d'une  pierre  quelcon- 
que :  lorfque  les  furiaces  concaves  d'une 
xoîne  compofée  de  plufieurs  portions  de 
berceaux  ,  fe  rencontrent  en  angle  làilknt , 
on  l'appelle  voCue.  {D) 

*  Lorfqu€  l'angle  d'une  pierre  efî  bien 
taillée  ,  fans  aucune  cafllire ,  on  dit  qu'elle 
cff  à  rire-are  te. 

Sur  la  mefure  des  voûtes  d'arêtes.  Voye\ 
VoUTE. 

Arête  ,  f  f.  fe  dit ,  che\  les  Chapeliers, 
de  l'extrémité  par  où  l'on  arrondit  un  cha- 
peau ,  &  où  l'on  coud  ce  qu'on  appelle 
un  bord  de  chapeau.  Pour  arrondir  Varice  , 
on  met  une  ficelle  autour  du  lien  ,  ou  bas 
de  la  forme  ;  on  tourne  cette  ficelle  tout 
autour  lur  la  circonférence  du  bord  exté- 
rieur ;  &  ,  avec  un  morceau  de  craie  qui  tû 
au  bout ,  on  marque  ce  qu'il  y  a  à  enlever 
au  bord  du  chapeau  ,   qui  par  ce  moyen 


ARE 

fe  trouve  parfaitement  rond.   Voye^  Cha- 
peau. 

Arête  ,  che^  les  diamantaires  ,  le  dit 
proprement  des  angles  de  toutes  les  faces 
que  peut  recevoir  un  diamant;  c'efl  pour- 
quoi ,  il  ne  hiut  pas  confondre  Vare'te  avec 
le  pan.   Voye^   Pan. 

Arête,  en  terme  de  planeur  ,  c'eflune 
carne  ou  angle ,  qui  fépare  dans  tout  le 
contour  de  la  boîte  le  bouge  d'avec  la  mar- 
lie.  On  dit  pincer  l'arête.  Voye^  PiNCER. 

Arêtes  ,  1".  f  pi.  {Manège  &  Mare'^ 
challerie.  )  maladies  du  cheval ,  galles  qui 
viennent  aux  jambes. 

Les  arêtes  ou  queues  de  rat  ne  font  autre 
choie  qu'un  infirmité  qui  vient  le  long  du 
nerf  de  la  jambe  ,  au  defTous  du  jarret,, 
qui  s'étend  jufqu'au  boulet,  tait  tomber  le 
poil ,  &  découvre  des  câlus  &  des  grofleurs 
très-rudes. 

Le  remède  ell  de  couper  ces  grofleurs 
ou  câlus  avec  le  teu  ,  &  d'appliquer  defllis 
l'emmiellure  blanche ,  que  nous  décrirons 


à  ia  place  ;  il  tombera  une  efcarre  ,  qu'on 
deiTéchera  avec  les  poudres  pour  les  plaies. 

Si  les  arêtes  font  humides ,  &  qu'il  n'y 
ait  ni  cal  ni  enfliu-e  ,  il  faut  appliquer  defliis 
l'onguent  verd  pour  la  galle. 

Ce  mal  efl  défagréable ,  en  ce  qu'il  fait 
tomber  le  poil  de  la  partie  :  mais  il  ne  porte 
aucun  préjudice  notable  au  cheval.   (  f^) 

ARESTIER  ,  f.  m.  en  charpenterie  ,  cil 
une  principale  pièce  de  bois  d'un  comble  , 
qui  en  forme  V arête  ou  angle  laillant.  (-f*  ) 

ARESTIERES,  f  f.  en  architeBare  y 
font  les  cueillies  de  plâtre  que  les  Couvreurs 
mettent  aux  angles  fnllans  d'un  comble 
couvert  en  tuile.  (  -P  ) 

*ARESTINGA ,  île  fur  la  mer  des  Lides 
vers  le  Kerman  &  la  ville  de  Dulcinde.  On 
croit  que  c'elt  la  Liba  de  Ptolomée. 

*  AREÏHUSE  ,  f  f.  (A/yv/z.)  fontaine 
de  la  prefqu'île  d'Ortygie.  On  dit  c^\A- 
re'thufe ,  avant  que  d'être  fontaine ,  étoit 
une  des  compagnes  de  Diane  ;  qu'un  jour 
qu'elle  fe  balgnoit  dans  un  ruiflêau  ,  elle 
fut  appcrçue  par.Alphée;  que  fc  fentant 
vivement  pourfuivie  par  le  fleuve  amou- 
reux ,  elle  implora  le  fecours  de  Diane  , 
qui  la  métamor])hofa  en  fontaine  ,  rnais 
qu'Alphte  ayant  reconnu  fon  amante  ious 
ce  déguifement ,   ne  s'en  ujiic  que  plus  ioi» 


ARE 

timement  avec  elle  ,  en  mclant  Ton  onde 
aux  lîennes.  On  lit  dans  Ciceron  ,  que  l'A- 
ràhufe  eût  été  de  Ton  temps  entièrement 
couverte  des  flots  do  la  mer  ,  ians  une  digue 
&  une  levée  de  pierres  qui  l'en  léparoit. 
Pline  &  plufieurs  des  anciens  paroiiient 
avoir  cru  que  l'Alphée  continuant  Ion  cours 
fous  la  mer  ,  vcnoit  reparoitre  en  Sicile;  i 
&  que  ce  qu'on  jetoit  dans  ce  fleuve  en 
Arcadic ,  fe  retrouvoit  dans  la  rivière  d'Or- 
tygie  :  mais  Strabon  ne  donne  pas  dans 
cette  tradition  ridicule  ;  il  traite  de  men- 
fonge  b  coupe  perdue  dans  l'Alphée ,  & 
retrouvée  dans  la  Sicile  ,  &  ne  balance  pas 
à  dire  que  l'Alphée  le  perd  dans  la  mer 
comme  les  autres  fleuves.  Pline  débitoit 
encore  une  autre  fable  (lu-  les  eaux  de  PA- 
re'tkufe  ;  c'cfl  qu'elles  avoient  une  odeur  de 
fumier  dans  le  temps  des  jeux  c>Iympiques 
qui  Te  célébroient  en  Grèce,  fous  les  murs 
d'Olympe  où  paflbit  l'Alphée  ,  dans  lequel 
on  jetoit  le  fumier  des  vidimes  ,  &  celui 
des  chevaux  cjui  fervoient  dans  les  courfes. 

Outre  la  tontaine  d'Ortygie  ,  il  y  en  a 
eu  encore  plufieurs  du  nom  d'Arethufe. 
Ortelius  parle  d'une  qui  ctoitprès  de  Smyrne; 
Etienne  le  géographe  en  place  une  autre 
dans  l'ile  d'Ithaque  ;  Pline  en  met  une 
troifiemc  en  Béotie  ,  &  une  quatrième  dans 
l'Eubée.  (C.A.) 

*  ArethUSE  ,  ville  de  Syrie  ,  entre 
Emefle  &  Epiphanie.  On  dit  que  c'efl  aujour- 
d'hui Fomacufd. 

ArethuSE  ,  ville  de  Macédoine  ,  que 
quelques-uns  appellent  Taduio  ,  &  d'autres 
Rendina.  Elle  eft  fur  le  bord  du  golte  que 
nous  appelions  di  Comtejfj- ,  &  que  les 
anciens  nommoient  Stry-nzonium. 

ArethuSE  ,  lac  dans  l'Arménie  ma- 
jeure ,  près  de  la  lource  du  Tigre  ,  non  loin 
des  monts  Gordiens  ,  que  quelques-uns 
appellent  Gihel-Noé. 

ARETINI  ,  (  Geogr.  )  peuples  d'Italie , 
dani  l'Etruric  ,  aujourd'hui  la  Tofcane  :  ils 
habitoient  trois  villes  au  territoire  de  Flo- 
rence ,  dont  il  ne  refle  maintenant  qu'A- 
re.Tzo.   (  C.  A .  ) 

AHETOLOGIE  ,  f.  f.  (  Momie.  )  c'efr 
le  nom  de  la  partie  de  la  Philofophie  mo- 
rale ,  qui  traite  de  la  vertu  ,  de  fa  nature  ,  & 
des  moyens  d'v  parvenir.  ro}'<?;^  VerTU  , 

Morale.  (  X) 


A  R  G  193 

ARE  VACJE  ou  AREVACl ,  ( Géo$.\ 

peuples  de  l'Elpagnc  Tarraconoile  ,  qui 
occupoient  les  territoires  de  Burgos  ,  de 
Ségovie  &  de  Valladolid  ,  dans  la  Caflille 
vieille  :  ils  tiroient  leur  nom  de  lari\  iere  d'A- 
reva  ,  que  l'on  croit  être  l' Arlançon.  (C  A^ 

*  AREVALO  ,  petite^  ville  d'Efpagne 
dans  la  vieille  Caflille  ,  près  du  royaume  de 
Léon. 

AREVATILLO  ,  (  Gc'ogr.)  rivière  d'Ef- 
pagne f  dans  la  vieille  Caflillc  :  elle  a  ia 
fource  dans  les  montagnes ,  au  nord-ouefl 
d'Avila  ,  &  fon  embouchure  dans  TAdaja  f 
au  deflus  d'Arevalo.  {C.  A.) 

*  ARE  US  ,  (  Myt/i.  )  fils  ou  enfant  de 
Mars  ;  épithete  que  les  poètes  donnoient  à 
ceux  qui  s'étoient  illullrés  dans  les  combats. 
Voye:{  A  RE  S. 

*  AREZZO  ,  (  p/og.  )  ancienne  ville 
d'Italie  dans  la  Tolcane  &  le  territoire  de 
Florence.  Long,  zg  ,  ji  ,•  lat.  45  ,    2.7. 

*  ARG  ,  (  Géog.  anc.  &  mod.  )  rivière 
d'Allemagne  dans  la  Suabe  :  c'efl  ÏArgux 
des  Latins  ;  elle  pafle  à  Wangen  j  &  le  jette 
dans  le  lac  de  Conflance. 

ARGA  ou  Algiar  ,  (  Geogr.  )  petite 
ville  de  l'Arabie  Pétrée  ,  dans  le  gouver- 
nement de  Médine.  Elle  cfl  iur  le  golfe 
Arabique  ,  à  trois  flations  à  l'ouefl  de 
Médine  ,  dont  elle  efl  conlidérée  comme  le 
port  de  mer.  Quelques-uns  la  nomment 
Egra  ;  &  d'autres  croient  que  c'efl  la  même 
qucDfchar.  Long.  ^£  ;  lat.  2.5.  (  C.  A.  ) 

*  ARGA  ,  rivière  dEfpagnc  ,  qui  a  la 
lource  dans  les  Pyrénées  ,  aux  trontieres 
de  la  baffe  Navarre  ,  traverfe  la  haute  , 
baigne  Pampelune,  &:  le  joint  à  l'Arragou  , 
vis-à-vis  de  Villa-Franca. 

ARGyE  US  ,(G/ogr.  }  très-hrute  mon- 
tagne  de  l'ancienne  Cappadoce  ,  aujourd'hut 
la  Caraménie.  Le  lommet  en  eft ,  en  tout 
temps  ,  couvert  de  neige.  Sa  paite  fep- 
tentri :;nale  ,  qui  fait  face  à  la  ville  de 
Kailerie,  autrefois  Ctr/iZa'ti  CappadociiS  ^  eft 
pleine  de  grottes  taillées  dans  h  roc ,  ici- 
quelles  on  croit  avoir  fervi  jadis  de  tom- 
beaux ou  d'hermitages.  Les  Turcs  appellenr 
cette  mont-^gncErd^ifche  ouErdjujib.  Lat. 
37.  (C.  A.)  ' 

ARG  Aïs,  (  Géogr.)  île  de  la  Méditer- 
ranée ,  (m  la  cate  de  Lycie  ,  1c1û;i  Eiiciiae 
le  géograplie.  {C..A-) 


if)4  A  R  G 

ARGALUS  ,  (  Hift.  de  Lac/Je'mone.  ) 
fucceflêur  d'Amiclès  au  trône  de  Sparte , 
n'a  fauve  que  Ion  nom  du  naufrage  des 
temps.  La  fable  même  n'en  fait  aucune 
mention ,  ce  qui  femble  indiquer  qu'il  fut 
fans  vices  &  (ans  vertus.  (  T-N.  ) 

*  ARGAN  ,  ville  d'Efpagne  dans  la  nou- 
velle Caftllie  ,  &  le  dioceic  de  Tolède. 

ARGAN  A  ,  (  Ge'ogr.  )  vUle  d'Afic  ,  au 
gouvernement  de  Diarbekir  ,  fous  l'empire 
des  Turcs.  Elle  eft  lur  une  montagne  ,  au 
bas  de  laquelle  on  voit  le  lac  Geultfcliik. 
Ceft  la  capitale  d'une  principauté  du  même 
nom ,  qui  n'eft  pas  tort  étendue  ,  mais  qui 
eft  toute  Couverte  de  vignobles  ,  dont  les 
vins  font  très-bons.  On  en  lait  une  exporta- 
tion confidérable.  Long  Î7  y  liit.  ■^j.{C.A.) 

ARGANEAU  ou  ORGANEAU  d'une 
ancre  ,  eft  un  anneau  placé  à  l'extrémité  de 
l'ancre  ,  auquel  on  attache  le  cable.  V^ojei 
Ancre.  (  O) 

ARGANETE  ,  (  Art  milit.  Machines.) 
forte  de  balifte  ,  dont  les  anciens  fe  fervoient 
pour  lancer  des  matières  combuflibles  ,  & 
même  des  barils  de  poudre  ,  auxquels  on 
mettoit  le  feu  par  le  moyen  d'une  mèche  ou 
d'une  fuiée  de  compofition. 

ARGARICUS  Sinus,  (  Geog  ) 
golte  d'Afie  dans  la  mer  des  Indes  ,  dont  plu- 
sieurs géographes  anciens  ont  parlé.  C'efl 
aujourd'hui  le  golfe  de  Bengale.  (  C.  A.) 

*  ARGATA  (  Chevaliers  de  l'  )  , 
Jlifi.  mod.  ou  Chevaliers  du  De'vidoir;  com- 
pagnie de  quelques  gentilshommes  du  quar- 
tier de  la  porte  neuve  ;\  Naples ,  qui  s'uni- 
rent en  1388  ,  pour  défendre  le  port  de 
cette  ville  en  faveur  de  Louis  d'Anjou  , 
contre  les  vaiiïeaux  &  les  galères  de  la 
reine  Marguerite.  Ils  portoient  lùr  le  bras , 
ou  fur  leur  côté  gauche  ,  un  dévidoir  d'or 
en  champ  de  gueules.  Cette  efpece  d'ordre 
finit  avec  le  règne  de  Louis  d'Anjou.  On 
n'a  que  des  conjeâures  futiles  fur  le  choix 
qu'ils  avoientfait  du  dévidoir  pour  la  mar- 
que de  leur  union  ;  &  peut-être  ce  choix 
n'en  mérite-t-il  pas  d'autres. 

ARGEENS  ou  ARGIENS  ,  adj.  plur. 
fubfl.  (  Hift.  anc.  )  c'étoit  anciennement  des 
reprélentations  d'hommes  ,  faites  avec  du 
jonc,  qie  les  veflalcs  jetoient  tous  les  ans 
dans  le  Tibre   tous  les  jours  des  Ides   de 

Mai.  Fcyq  Vestales. 


A  R  G 

Cette  cérémonie  efl  rapportée  par  Feflus 
&  Varon  ;  Feflus  dit  cependant  ,  qu'elle 
étoit  faite  par  les  prêtres  ,  à  fcLcerdocibus  ; 
nous  lijppofons  que  c'étoient  les  prêtreifes. 
Il  ajoute  que  le  nombre  de  ces  figures  étoit 
de  trente.  Plutarque  dans  its  queflions 
fur  les  Romains ,  recherche  pourquoi  on 
appelloit  ces  figures  argea. ,  &  il  en  .:unne 
deux  raifons  :  la  première  ,  que  les  na- 
tions barbares  qui  habitèrent  les  premières 
ces  cantons  ,  jetoient  tous  les  Grecs  qu'ils 
pouvoient  attraper  dans  le  Tibre  ;  car 
arge'ens  ou  argiens  étoit  le  nom  que  l'on 
donnoit  à  tous  les  Grecs  ;  mais  qu'Hercule 
leur  perluada  de  quitter  une  coutume  fi 
inhumaine  ,  &  de  fe  purger  d'un  crime 
pareil  en  iniHtuant  cette  folennité.  La  fécon- 
de; qu'Evandre  l'arcadien  ,  cruel  ennemi 
des  Grecs  ,  pour  tranfmettre  fa  haine  à  fa 
poflérité  ,  ordonna  que  l'on  fît  des  repré- 
lentations à'argiens  ,  que  l'on  jetteroit  dans 
la  rivière.  Les  fêtes  dans  lefquelles  ces 
Grecs  d'ofier  étoient  précipités  dans  leTibre, 
s'appellerent  arge'es.  (G) 

*  ARGÉES,  adj.  (  Hift.  anc.  )  nom  qui 
fut  auffi  donne  ,  félon  quelques-uns  ,  aux 
fept  collines  fur  lefquelles  Rome  fut  afîîfè  p 
en  mémoire  d'Argeus  ,  un  des  compagnons 
d'Hercule  qu'Evandre  reçut  chez  lui;  félon 
d'autres ,  aux  feuls  endroits  de  la  ville  de 
Rome ,  où  étoient  les  tombeaux  des  Argiens , 
compagnons  d'Hercule.    V.  ArgÉENS. 

ARGEIInsula  y  (  Géorg.)  petite  île 
d'Egypte  ,  auprès  de  Canope ,  ainfi  nom- 
mée d'Argée,  fils  de  Macedon  ,  duquel  les 
Argéades  ont  auffi  pris  leur  nom.  {C.  A.) 

*  ARGEIPHONTES  ,{Myth. )  furnom 
qu'on  donna  à  Mercure  après  qu'il  eut  tué 
Argus. 

ARGEMA  ou  ARGEMON ,  f  m.  {Chi~ 
rurgie.  )  efl  un  ulcère  du  globe  de  l'œil , 
dont  le  fiege  cû  en  partie  iiir  la  conjonc- 
ture ou  blanc  de  l'œil ,  &  en  partie  iur  la 
cornée  tranfparente.  Il  paroît  rougeâtre  fur 
la  première  membrane  ,  &  blanc  fur  la  cor- 
née. L'inflammation ,  les  pullules ,  les  abcès , 
ou  les  plaies  des  yeux  ,  peuvent  donner  lieu 
A  ces  ulcères. 

En  général ,  les  ulcères  des  membranes  de 
l'œil  font  des  maladies  tâcheui'es  ,  parce 
qu'ils  donnent  fouvent  beaucoup  de  difficulté 
j\  guérir ,    &  qu'ils  peuvent  être  accompa- 


A  R  G 

gnés  d'cxcroiflances  de  chnir  ,  die  firtulcs  , 
d'inflammations  ,  de  la  forcit-  &  de  la  rup- 
ture de  l'uvée  qui  fait  flétrir  l'œil  ;  enfin 
parce  que  leur  guérilon  laiile  des  cicatrices 
qui  empêchent  la  vue  ,  lorlqu'eiles  occupent 
la  cornée  tranfparcnte.  Les  ulcères  luperfi- 
cicls  font  moins  fâcheux  &  plus  faciles  à  gué- 
rir que  les  profonds. 

Pour  la  cure  ,  il  tant ,  autant  qu'on  le 
peut,  détruire  la  caufe  par  l'ufage  des  re- 
mèdes convenables.  Si  elle  vient  de  caule 
interne  par  le  vice  &  la  furabondance 
des  humeurs  ;  les  faignées  ,  les  lave- 
mens  ,  les  purgatifs  ,  le  régime  ,  les 
vélicaroircs  ,  les  cautères  ,  fervu'onr  à  di- 
minuer &  à  détourner  les  fucs  viciés  ou 
fuperflus.  S'il  y  a  inflammation  ,  il  faudra 
employer  les  topiques  émoUicns  &  anodyns. 
Enfuite  on  tâcl-iera  de  cicatriier  les  ulcères. 
Le  collyre  luivant  efl  tort  recommandé  : 
dix  grains  de  camfre  ,  autant  de  vitriol 
blanc ,  &  un  fcrupule  de  fucre  candi  ;  faites 
dilloudre  dans  trois  onces  des  eaux  dillll- 
lées  de  rofe  ,  de  plantain  ou  d'euphraife , 
dans  leiquelles  on  ait  fait  fcadre  auparavant 
dix  grains  de  gomme  arabique  en  poudre  , 
pour  les  rendre  mucilagineufès.  On  en  fait 
couler  quelques  gouttes  tiedes  dans  l'cei!  ma- 
lade ,  diK  à  douze  fois  par  jour;  &  parueiilis 
l'œil  on  applique  une  comprefîe  trempée 
dans  un  collyre  rafraîchi ffant ,  fait  avec  un 
blanc  d'œuf  &  les  eaux  de  rofc  &  de  plan- 
tain ,  batms  enfemble.  (F) 

ARGEr^ONE  ou  parot  e'p-neux ,  f.  f. 
(Hij}.  nat.  tôt.)  genre  de  plante  dont  les 
fleurs  font  compoiées  de  plufieurs  feuilles 
difpofées  en  rofe.  Il  s'élève  du  milieu  de 
la  fleur  un  pifiil  qui  devient  dans  la  l'jirc 
un  fruit  ou  une  coque  ordinairement  ovale, 
qui  n'a  qu'une  feule  capfLie  &  qui  elf 
ouverte.  Il  y  a  des  efpeces  de  côtes  qui 
s'étendent  depuis  la  hafe  jufqu'au  fommer  ; 
&  les  jnrervalles  qui  rcflent  entr' elles,  font 
remplis  par  des  panneaux  qui  s'écartent 
dans  le  haut  &  laiifent  un  vuide  entre  les 
côtes  ;  chacune  foutient  un  placenta  chargé 
de  femences  arrondies  pour  l'ordinaire. 
Tournefort , EUm.Bot.  rcy. Pl  A.NTE.  (/} 

On  la  fcine  en  feptemhre  &  en  cfro- 
f>rc  flir  tjne  couche  bien  ameublie  ,  cou- 
verte d'un  peu  de  tencau  ,  &  on  la  n-anf- 
poite  en  avril  daas  iss  Bbtes-buadss.  (  /i  ] 


A  R  G-  iç)^ 

'  *  ARGENCES  ,  (  Ge'o^^.  )  bourg  de 
France  en  balTc  Normandie  fur  la  Meance, 
Long,    ij  y    zo  ;  lat.   45»  ,   25. 

*  ARGENDAL  ,  petite  ville  d'Allema- 
gne dans  le  Palatinat  du  Rhin  ,  entre  Sim-» 
meren  &  Bacharach. 

*  Argend  AL,  rivière  de  France  en  Pro. 
vence ,  qui  a  trois  fources  ;  l'une  à  Sell- 
ions ,  l'autre  vers  Saint-M?.rtin-tle-Vara- 
gcs ,  l'autre  du  coté  de  Barjols ,  S>c  fe  jette 
dans  la  mer  près  de  Fréjus ,  après  avoir 
reçu  plufieurs  rivières. 

ARGENNUM,{Géogr.  )  on  donnoit 
autrefois  ce  furnom  à  trois  promontoires 
de  la  mer  Archipélagienne  :  (avoir,  le  ca[> 
Blanc  ,  dans  le  golfe  de  Smyrnc  ;  le  cap 
Saint-Alexis  ,  fur  la  côte  orientale  de  la 
Sicile  ,  &  le  cap  Malia  ,  dans  l'île  de  Me- 
telin ,  jadis  Lesbos.  {C.  A.  ) 

*ÀRGENS  (l'),  rivière  de  France  ea 
Provence ,  qui  prend  fa  fource  pxi  marais 
d'Olietes,  &  fe  jette  dans  la  Méditerranée 
près  Fréjus. 

ARGENSOLE,  (  Gcoj;r.  )  abbaye  de 
France ,  au  diocefe  de  Soifions.  Elle  efl' 
dans  un  lieu  lolitaire ,  entre  Epernay  & 
Vertus.  Ce  fut  une  reine  de  Navarre , 
veuve  d'un  comte  de  Champagne ,  qui  la 
fonda  dans  le  XIIP  fiecle  ,  poiir  des  reli- 
gieulês  de  Cîteaux.  L'abbeife  a  le  privilège 
de  pouvoir  afiiflcr  au  chapitre  général  des 
pc-res  de  Cîteaux.  [C.  AS) 

ARGENSON  ,{Gtogr.  )  perire  viilr  de 
France  ,  dans  les  montagne";  du  D.uiphiné, 
au  diocefe  de  Gap  ,  ;\  deux  lieues  d'AfJDre>. 
On  la  nomme  ordinairement  Saim-Pierre- 
d'Argenfon. 

_^  '* ARGENT,  f.  m.  {Ordre emyc.  Entend, 
Rûifon.  Phil<\fopkis  OJ  Science;  Science 
de  la.  naswe,  Chymie ,  metalliirr^ie,Argent.  ) 
c'eH  ua  àcx  métaux  que  les  Chymiftes  ap- 
pellent/^ar/i;'^  ^  précieux  &  nobles.  Il  eft 
bî-.mc  q'und  il  eft  travaillé  ;  fin  ,  pur,  duc- 
tile ;  fe  fue  au  teu  comme  l'or ,  &  n'etz 
diffère  que  par  le  poids  &  !a    couleur. 

On  trouve  quelquefois  de  l'argent  pur 
formé  naturellement  dans  les  mines  :  ma  19 
ce  méiiù  ,  ainfi  que  tous  les  autres  métaux  , 
eft  pour  l'ordinaire  mêlé  avec  àss  matières 
étrangères.  }J'argent  pur  des.  mines  eff  le. 
plus  fouvcnt  dans  les  fentes  êii:s  rochers;. 
,  il.  ell  adûéreat  à  la  pierre  j  &.  oaett  obligé! 


t^S  A  R   G 

de  l'en  détacher  :  mais  quelquefois  le  cou- 
rant des  rivières  ,  la  chute  des  pierres  , 
rimpétuofKé  des  vents,  entraînent  des  mor- 
ceaux à'aigenc  au  pié  des  rochers,  où  il 
eii:  mêlé  avec  les  labiés  &  ks  tcrrts.  Ces 
morceaux  d'argenc  n'ont  pas  toujours  Ja 
même  forme  ;  les  uns  font  en  grains  de 
dirtérentes  grolîeurs  ;  il  y  en  a  de  petits  qui 
font  polés  les  uns  llir  les  autres  ;  il  y  en  a 
de  très-gros  ;  par  exemple  ,  celui  que  Worm 
diibit  avoir  été  tiré  des  mines  de  Norvè- 
ge ,  &  peler  130  marcs. 

L'argent  en  cheveux  efl  par  filamens  fi 
déliés  &  il  fins,  qu'on  ne  peut  mieux  le 
comparer  qu'à  des  cheveux ,  à  des  fils  de 
foie  ,  ou  à  un  flocon  de  laine  qui  leroit 
paricmé  de  points  brillans.  'L'argent  en  fi- 
lets eil  en  effet  compolé  de  fils  fi  bien 
formés,  qu'on  croiroit  qu'ils  auroient  été 
paiîés  à  la  filière.  L'argent  en  végétation 
reiîèmble  en  quelque  forte  à  un  arbrilTeau  : 
on  y  remarque  une  tige  qui  jette  de  part 
&  d'autre  des  branches  ;  &  ces  branches 
ont  des  rameaux  :  mais  il  ne  faut  pas  ima- 
giner que  les  proportions  ioient  bien  ob- 
Ibrvées  dans  ces  Ibrtes  de  végétations.  Les 
rameaux  font  aulFi  gros  que  les  branches  , 
&  la  tige  n'ell^  pas  marquée  comme  de- 
vroit  l'être  un  tronc  principal.  L'argent  en 
feuilles  elt  allez  reffemblant  à  des  feuilles 
de  fougère  ;  on  y  voit  une  côte  qui  jette 
de  part  &  d'autre  des  branches  ,  dont  cha- 
cune a  aufîî  de  petites  branches  latérales. 
L'argent  en  lames  efl  ailé  à  reconnoître  ;  il 
eft  étendu  en  petites  plaques  fimples ,  unies 
&  fans  aucune  forme  de  feuillage. 

Les  mines  d'argent  les  plus  ordinaires 
font  celles  où  l'argent  eft  renfermé  dans 
la  pierre  :  les  particules  métalliques  lont 
difperlées  dans  le  bloc  ,  &  la  richefTe  de 
la  mine  dépend  de  la  quantité  relative  & 
de  la  grofleiir  de  ces  particules  au  volume 
du  bloc.  Dans  ces  fortes  de  mines  , 
['argent  efl  de  la  couleur  naturelle  :  mais 
dans  d'autres  11  paroît  de  diflTérentes  cou- 
leurs ,  qui  dépendent  des  matières  avec 
lefquelles  il  cil  mélangé.  Il  efl  ici  noir  , 
roux  ;  ailleurs  d'un  beau  rouge  ,  d'une  fuhf- 
tance  tranljiarentc  ,  &  d'une  forme  appro- 
chante de  celle  des  cryflallilations  des  pier- 
res précieufes  ;  de  forte  qu'A  la  première 
.vue  on  le  prendroit  plutôt  pour  du  rubis 


A  R  G 

que  pour  de  la  mine  d'argent.  On  l'appelle 
mine  d'argent  rouge. 

Il  y  a  des  mines  d'argent  dans  les  qua- 
tre parties  du  monde  :  l'Europe  n'en  man- 
que pas ,  &  la  France  n'en  eil  pas  tout-à- 
fait  privée  ,  quoiqu'il  y  ait  des  contrées 
plus  riches  en  cela  qu  elle  ne  l'ell.  Au  relie 
on  peut  juger  de  ce  qu'elle  poflede  en  mi- 
nes d'argent  par  l'état  iuivant. 

Dans  la  générante   de  Paris  &  l'ile  de 
France  ,  en  plulieurs  endroits  &  au  miheu 
des  mafll's  de  fable  jaune  &  rougeârre ,  il 
y  a  des  veines  horizontales  de  mine  de  fer 
imparfaite ,  qui  tiennent  or  &  argent  :  on 
en  trouve  à  Géroncourt ,  Marine  ,  Grizy , 
Berval  ,  &  autres  villages  au  delà  de  Pon- 
toile  ,  route    de  Beauvais  ,    qui    donnent 
aux  elîais  depuis  450  julqu'à   1000  grains 
de  fin ,  dont  moitié  &  davantage  ell    en 
or  ,  &  le  refle  en  argent  :  mais  il  eft  diffi- 
cile d'en  féparer  ces  deux  métaux  dans  la 
fonte  en  grand.  A  Geninville  ,  demi-lieue 
ou    environ    pardelà   Magny  ,     route    de 
Rouen  ;  à  deux  lieues  de  Notre-Dame-la- 
Delirée;  près  Saint-Martin-la-Garenne  ,  & 
à  quatre  lieues  de  Meulan  ,  il  y  a  piulieurs 
indices  de  mine   d'argent.  On  y  fit  faire 
en  1729  un  puits  de  i^   pies  de  profon- 
deur &  d'autant  de  large  ,   à    io  pies  de 
la  route  du  moulin  de  ce  heu.   Suivant  la 
tradition  du  pays  ,  la  mine  n'eft  pas  à  plus 
de   15    pies   de   profondeur.   Ce   puits    eft 
aftuellemcnt  rempli   d'eau.    En    Hainault , 
on  dit  qu'il  y  a  une  mine  d'argent  à  Chi- 
mai.  En  Lorraine  il  y   a  plufieurs    mines 
d'argent  :  celle  de  Lubine  dans  la  Lorraine- 
Allemande  ,  donne  de  l'argent  &  du  cui- 
vre. Le  filon  a  plus  d'épaUfcur.  La  mine 
de  la  Croix   a   des  filons    qui  donnent  du 
plomb,  du  cuivre,  &  de  l'argent.  Les  mi- 
nes de   Sainte-Marie  au  village  de  Sainte- 
Croix ,  &  à  celui  de  Lufl'e  dans  la  prévôté 
de  Saint  -  Diez ,  font  de  cuivre  tenant  an^ 
gent.  Nous  donnerons  à  l'article  CuiVRE 
les  procédés   par   lefquels  on  travaille  ces 
mines ,  &  on  obtient   ces  métaux  léparés. 
Il  y   a  au  Va!-de-Lievre  plulieurs    mines 
d'argent ,  de   cuivre  ,  &  d'autres  métaux. 
AChipaul,  des  mines  d'argent ,  de  ix^r ,  & 
d'autres  métaux.  Au  Val-de-Sainte-Marie  : 
1°.  une  mine  d'argent  naturel  qui  fe  trouve 
immédiatement  au  dcflus  de  la  pyrite ,  ce 

qui 


A  K  G 

qui  efl  très-rai'«  :  2°.  une  mine  émargent 
rouge,  mêlie  avec  la  mine  de  cuivre,  ce 
qui  cù.  auHi  h.rt  rare.  A  Sainte-  jMarie-aux- 
Mines,  plulleuri  mines  de  cuivre  tenant 
fl/je/:.',' d'autres  mines  de  plomb  tenant  ur- 
gc^nc  ;  quelques  filons  de  mine  à'argent 
ronge,  lie  mine  d'argent  vitrée  ,  éparpillée 
dans  vn   beau  quartz. 

En  Allace  ,  à  Giromagnj',  &  au  Puy , 
dans  la  haiire    Alincc ,     il    y  a  une   mine 
i\'arg<'nr  ik  une  mine  de  cuivre  dont  on  a 
tire  1600  m.ircs  pelant  en  argent ,    &  2.4. 
milliers  ea   cuivre  :  mais  la  dcpenfc  égab.nr 
preique   le  profit,  elles  ont  éré  abo.ndon- 
néco.  Kaye^à  l'anicle  AciER  ce  qu'il  iaut 
pcnier  (ica  mines  d'Aîiace  &  de  leur  ex- 
jiloiidtion.    Il  y    a  aducilement   dans    un 
canton  appelle  vulgairement  Phenigtorne; 
&:  dans  un  autre  appelle  le  cancan  de  Saint- 
Pierre  ,  deux  mines  ^argent  qui  ,s'c\p!oi- 
tear.  Celle    de  Theitz-gran ,    conhdérable 
en  1733  ,  ^  ^"l'f  l'ie'fie ,  s'eil  enloncce  & 
1  emplie  d'e,Tj.  Il  y  a  une  mine  à\irgc!it  à 
Haunette-le-haut ,  appcUéc  Cuefchajf:  elle 
contenoir  nulli  du  cuivre  ;  les  guerres  l'ont 
fait  sbandonner.  Au  village  de  StemSach 
proche  Sernay,  dans  le  Val  de  Saint-Amand- 
de-Thurn  ,  &  À  Saint-Nicolas  près  Rou- 
gemonr,  il  }■  a   deux  mines  de  cuivre  te- 
nant argent ,  &   de  plomb    tenant  argent , 
auiii  abandonnées  à  caule  des  guerres.  On 
a  repris  depuis  quelques  années  le  travail 
de  celles   de  Stembach  qui  font  de  plomb. 
En  Franche-Comté ,  félon  Dunod  ,  Hif- 
toire  du  comté  de  Bourgogne ,  tome  II y 
pag.  4-3 ^-  11  y  a  trois  mines  d^argent  ou- 
vertes dans  ce  comté  ;  favoir  ,  deux  de  Char- 
quemont  dans  le  mont-Jura  :  mais  elles  font 
■abandonnées  depuis  quelques  années  ;   une 
mine  d'argent   près  la   Ville  de  Lons-le- 
Saunier  ,  qu'on  dit  abondante.   En  Dau- 
phiné ,  haut  &  bas  Briançonnois ,  depuis 
Valence  à   deux  lieues  de  Tournon  ,    on 
voit  le  long  des  rivages  du  Rhône  un  bon 
nombre  de  payfans  occupés  à  iéparcr  les 
paillettes  d'or  &  d'argent:  ils  y  gagnent  30 
ou  40  i'ous  par  jour.  On  n'en  trouve  ordinai- 
rement que  depuis  Valence  jufqu''à   Lyon. 
A  l'Hermitage  ,  au  defllis  de  Thin  &  vis- 
à-vis  Tournon,    il  y  a  une  mine  d'or  & 
argent  ,-  Chambon  dit ,  p.  jj  de  fa  Phy- 
Jique  ,  qu'il  en  a  tiré  par  fes  eflais  ;  que  la  , 
Tome  m. 


i5>7 


A  R  G 

rr.'nt  ert  heurcurcmein  iitu^e , 
nieiite  aiicniion.  A  l-i  Gardcttc,  lieu  dé- 
pendant de  la  communauté  de  Villar-Ed- 
mont ,  une  mine  dont  les  efLtis  ont  donné 
or  èc  argent. 

En  Provence  ,  au  territoire  d'Ycres ,  une 
mine  do  cu!\  rc  tîn.int    argent  &   un   peu 
d  or.  A  Barjols  ,    ime   mine  d'or  èc  une 
mine  d'argent.  Au  territoire  du  Luc,  dio- 
ceie  de  Fréjus ,  une  mine  d'a>gent.  A  Va- 
daches ,  près   de  la  ville  de    Digne,    une 
mine  de  cuivre  tenant  or  &  argent.  Daiis 
le  Vêlai ,  le  Vivarais ,   le  Gévaudan  ,  &  les 
Cévenncs ,  à  la  monta^^ne  d'Elquicies  près 
le  \  illage  d.'O  en  Vêlai ,  une  mine  d'argent. 
Près   de  Tournon  ,    fix    mines   de  plomb 
tenant  jr^tvzf.  ALodeve  près  des  Cévames 
&  au  pié   des  montagnes ,    une  mine    de 
cu;vre  qui   tient  argent.    A   une  lieue  de 
Mende  ,   paroilTe   de  Bahours ,    mine    de 
plomb   tenant   args^it.   Le    filon    du   puit^ 
de  Saint-Louis  rend   à  l'edai   trente-deux 
livres  &  demie  de  plomb  &  ièpt  onces  & 
un  denier  d^argcnt.  Le  filon  du  puits  Saint- 
Pierre  pris  au  hazard,  ne  donne  que  cinq 
livres  douze  onces  de  p'omb  ,   &  trois  gros 
deux  deniers  huit  grains  d'argent.  Le  filo-i 
qui  ci't  au   côté  de  la  fontaine  du  village  , 
donne  en    plomb  treize  livres  &  demie  ,  & 
en  argent  une  once  (ept    gros  un   denier. 
Le  filon  du  puits  Saint-François  donne  en 
plomb  rrente-ncut  livres ,  &  en  argent  neuf 
onces  cinq  gros  un  denier.  A  Efpagnac  ,  une 
mine  qui  donne  trente-trois  livres  en  plomb , 
«Se  huit  onces  d'argent  par  quintal  de  plomb. 
A  Montmirat ,  à  trois  lieues   de   Florac , 
mine  de  plomb  qui    donne    quatre-vingt 
pour   cent ,    &   tient  un  peu  d'argent.  A 
l'Eicombet ,    à  quatre  lieues    de   Mende , 
mine  de  plomb  qui  donne  trente-trois  par 
cent  ;  ce  plomb  tient  deux  onces  d'argent 
par  quintal. 

En  Languedoc  &  en  Rouergue  ;  la  mine 
d'argent  de  la  Canette,  fur  la  montagne 
noire  ,  près  de  cette  vallée.  A  Lanet  dans 
le  même  canton,  en  1660,  le  filon  qui 
étoit  à  rieur  de  terre  avoit  plus  d'un  pié  ; 
iept  quintaux  de  Ion  minéral  donnoient  un 
quintal  de  cuivre  &  quatre  marcs  d'argent. 
On  a  trouvé  à  Avéjan  des  roignons  de 
mine  de  plomb ,  qu'on  a  nommés  extrafi.-. 
Ions  ,  couverts  de  terre  fort  liumide.  Dans 


ipS  A  R  G 

une  ancienne  ouverture  ,  il  y  avoir  deux 
filons  qui  fe  réunifToient  dans  le  roc  juf- 
qu'à  quatre  toiles  de  profondeur  ;  cette 
mine  donne  par  quintal  dix  onces  d'ar- 
gent :  on  en  fit  tirer  deux  cents  quintaux , 
qyi  rendirent  deux  cents  cinquante  marcs 
d'argent.  A  Meux-des-Barres ,  petite  ville 
de  la  vallée  de  Cambellon  ,  une  mine  d'ar- 
gent. On  trouve  dans  le  mas  de  Cabardes , 
fous  la  montagne  noire,  des  marcaffites 
qu'on  a  dit  autrefois  tenir  beaucoup  d'ar- 
gent. Dans  le  dioceie  de  Beziers,  an- 
ciens travaux  des  Romains  découverts  en 
1746  &  1747  ,  aux  lieux  deCeilhes ,  Ave- 
nès ,  J3ié ,  Lunas  &  Boullagues  ,  il  y  a  des 
mines  de  plomb  &  de  cuivre  riches  en 
argent.  Près  de  la  Vaouile ,  comté  d'Alais , 
une  mine    de  plomb  tenant  argent. 

Dans  le  RouiHUon,  au  territoire  de  Pratz- 
de-Mouilhou ,  une  mine  de  cuivre  nom- 
mée lej  billots ,  ou  de  Sainte-Marie  ,  tenant 
argent.  A  deux  cents  pas  de  la  précédente  , 
un  autre  filon  dit  le  minier  de  Saint-Louis  , 
tenant  argent.  Au  même  territoire  ,  le  lieu 
appelle  6'^//2f-<S"j//'a(ior,  à  une  lieue  &  de- 
mie de  diflance  ,  autres  filons  iemblables 
aux  précédens.  Près  de  la  Vaill ,  mine  de 
cuivre  tenant  argent ,  en  deux  filons  voi- 
fins.  Dans  la  viguerie  de  Contient ,  au 
Territoire  de  Balleiftin  ,  col  de  la  Galline  , 
mine  d'argent  &  de  cuivre  ,  filon  de  quatre 
pies.  Au  Puich-des-Mores ,  même  terroir , 
filon  de  cuivre  tenant  argent.  Au  terroir 
de  Saint  Colgat ,  mine  d'argent ,  filon  d'un 
travers  de  doigt  dans  une  roche  bleuîître. 
Dans  la  même  paroifTe  d'Efcarro ,  mine 
d'argent  &  cuivre  ,  au  lieu  nommé  Lopla- 
de~Gaute.  Un  filon  de  cuivre  &  argent  à 
la  gauche  des  étangs.  A  la  Cama  ,  mine 
de  cuwrs  S^  argent ,  filon  de  trois  pies.  Au 
territoire  d'Ellouere ,  derrière  le  col  de  la 
Galline,  mine  de  cuivre  &:  argent.  Dans 
la  Cerdagne  françoife  ,  vallée  de  Carol  , 
au  lieu  nommé  Pedreforte  ,  une  mine  d'ar- 
gent.  Au  village  de  Mezours,  à  quelques 
lieues  de  Perpignan  ,  filons  riches  en    ar~ 

f'ent ,  cuivre  &   plomb.  Dans  le  ventre  de 
A   montagne ,  entre  l'ell   &  le  fud  ,  il  y  a 
des  morceaux  de  ce  minéral  cuivreux ,  qui 
donnent    à    l'efîai    depuis    quatre    juiqu'à 
neuf  onces  d'argent. 
Dans  le  comté  de  Fol.x  ,  de  Coufcrans; 


A  R  G 

les  mines  de  S.  Pau  ,  où  les  Efpagnols  ve- 
noient  en  léoo  fouiller  furtivement ,  & 
cmportoient  de  la  mine  d'argent  très-riche  ; 
on  s'en  plaignit  à  Henri  IV  qui  y  mit  ordre. 

A  Alfen  ,  mine  d'argent.  A  Cabanes  , 
trois  mines  d'argent.  A  Cardazet ,  une  mine 
d'argent.  Les  minières  de  l'Alpic  font  des 
mines  de  plomb  tenant  argent.  A  Coulfon, 
mine  d'argent  qui  tient  or.  A  Defallie , 
mine  d'argent.  Dans  la  montagne  de  Mon- 
troufland  ,  une  mine  di  argent.  A  Lourdat 
ou  Londat ,  une  mine  d'argent.  Plulîeurs 
mines  dans  la  vallée  d'Uilon,  environnées 
de  montagnes ,  dont  les  principales  font 
celles  de  Byros ,  de  Peyrencre ,  de  Car- 
bonere  ,  d'Argentere  ,  de  Balougne,  de 
l'Arpiant ,  de  la  Fonta  ,  de  Martera  ,  de 
Pejrepetufe  ,  toutes  riches  en  argent.  La 
montagne  de  Rivière  -  nord  e(f  riche  en 
mines  de  cuivre  tenant  or  &  argent,  l^ans 
la  montagne  d'Argentere ,  mines  d'argep.t 
en  abondance.  Dans  la  montagne  de  Mon- 
tarillc  ,  refle  des  anciens  travaux  des  Ro- 
mains ,  on  trouve  une  raine  d'argent  abon- 
dante. Dans  la  montagne  de  Gerus,  une 
mine  de  plomb  tenant  argent  &  or,  dont 
le  filon  eft  gros  comme  la  cuifle.  Près  la 
bafiide  de  Seron  ,  les  mines  d'argent  & 
cuivre  de  Meras  &  de  Montegaie  décou- 
vertes   en   1749- 

Comminges ,  à  cinq  lieues  d'Aipech  & 
hors  de  Portet ,  dans  la  montagne  de  Chi- 
chois ,  mine  d'argent  tenant  or.  Dans  l'Al- 
perges ,  montagne  de  la  vallée  d'Arbouil , 
mine  de  plomb  tenant  argent.  Dans  la  val- 
lée de  Luchon  ,  voifine  de  celle  d'Ayron  , 
entre  les  montagnes  de  Lys ,  de  Gouveilh  , 
&  de  Barouflé  ,  une  mine  de  ploinb  tenant 
argent.  Dans  la  petite  ville  de  Lege  ,  une 
inine  de  plomb  tenant  argent.  Dans  la  mon- 
tagne de  Souquette  ,  mine  de  plomb  &  d'jr- 
!^e/z?  tenant  or.  Govciran  ,  montagne  voilinc  J 
du  comté  de  Comminges ,  remplie  de  mines  f, 
d'argent.  A  Goveilh ,  entre  les  vallées  de 
Loron ,  de  l'arboull  &  de  Barouges ,  auprès 
d'un  château  royal  de  Henri  IV  ,  deux  ri- 
ches mines  de  plomb  tenant  argent.  La  val-  | 
lée  de  TElquicie  ell  abondante  en  mines  ' 
de  plomb  tenant  Jnrf -3/  ;  un  feul  homme  peut 
en  tirer  deux  quintaiix  par  jour.  Dans  la 
montagne  du  Lys ,  plufieurs  mines  de 
plomb  leniuat  argeat. 


A  R  G 

Dans  leBéiirn ,  la  mine  de  cuivre  de  Bielle  ,  ' 
à  cinq  iicuos  de  Laruns  ,  vallée  d'Olleaii , 
tient  un  peu  d'arirenc.  Dans  la  halfe-Navar- 
re  ,  dans  la  montagne  d'Agella  ,  plulicurs 
mines  de  plomb  tenant  argent.  Dans  la 
niontsgne  d'Avadet ,  une  mine  de  plomb 
tenant  argent. 

Dans  les  Pj'rénécs ,  dans  la  montagne  de 
Macliicot  ,  mine  de  cuivre  tenant  un  peu 
ôidrgent  ;  le  hlon  paroit  couper  la  montagne. 
Dans  la  montagne  de  Malpeflre ,  plulieurs 
filons  de  mines  de  cuivre  tenant  argent.  Dans 
la  montagne  de  Ludcns,  une  mine  de  plomb 
tenant  argent.  Dans  les  montagnes  de  Por- 
tulon  ,  mines  de  plomb  &  A'argem.  Dans 
celles  de  Baraava  ,  du  côté  de  l'Elpagne  , 
mine  de  plomb  ,  d'argent  &  d'azur  de 
roche.  Dans  celle  de  Varan  ou  Varen,  au 
pij  de  laquelle  d\  la  petite  contrée  nommée 
Zar^aa  ,  mine  de  plomb  tenant  un  trentiè- 
me d'argent.  Dans  la  montagne  de  la  Cou- 
made,  mine  de  plomb  tenant  argent.  I^àns 
la  montagne  de  Bouris  ,  pluiieurs  mines  de 
cuivre ,  de  plomb  ,  d'argent  &  d'azur.  Dans 
la  montagne  de  Saint-Bertrand  ,  deux  mi- 
nes de  cuivre  tenant  argent.  A  Pladeres , 
montagne  du  côté  de  l'Elpagne  ,  raines  de 
plomb  abondantes  &  tenant  argent.  A  une 
lieue  de  Lordes,  aux  Pyrénées ,  une  mine 
d'argent.  En  Auvergne  ,  àRouripe,  près  de 
Li  montagne  du  Pui,  une  mine  d'argent. 
Dans  l'Angoumois ,  à  Manet  près  Mont- 
brun  ,  une  mine  d'antimoine  où  il  fe  trouve 
de  ['argent.  Dans  le  Nivcrnois ,  une  mine 
d'argent  fort  riche ,  au  village  de  Chitri  liir 
Yonne  ;  en  un  an  elle  a  rendu  onze  cents 
marcs  d'argent ,  &  environ  cent  milliers  de 
plomb  :  elle  tut  trouvée  en  touillant  les  fon- 
demens  d'une  grange.  En  Touraine  ,  auprès 
de  l'abbaye  de  Noyers ,  une  mine  de  cuivre 
tenant  argent.  Dans  le  Berry  il  y  a  quel- 
ques mines  d'argent  ,  mais  elles  font  né- 
gligées. En  Bretagne  dans  la  petite  torêt 
nommée  le  buijfon  de  la  Roche-Mareft , 
une  autre  mine  d'argent.  Près  de  la  petite 
ville  de  Lavion  ,  une  autre  mine  d'argent. 
Ce  détail  elt  tiré  de  M.  Héliot ,  tom.  I  de  la 
fonte  des  mines  Q  des  fonderies ,  traduit 
de  l'allemand  de  Schluter. 

La  mine  d'argent  de  Salfeberyt  en  Suéde , 
eft  ouverte  par  trois  larges  bouches ,  lem- 
blables  à  des  puits  dont  on  ne  voit  point  le 


A  R  G  a99 

fond.  La  moitié  d'un  tonneau  fbutenu  d'un 
cable ,  iert  d'eicalier  pour  dcicendre  dans 
ces  abymcs  ,  au  moyen  d'une  machine 
que  l'eau  tait  mouvoir.  La  grandeur  du 
péril  le  conçoit  ailément  :  on  elt  à  moitié 
dans  un  tonneau  ,  où  l'on  ne  porte  que 
(ur  une  jambe.  On  a  pour  compagnon  un 
latellite  comme  nos  forgerons ,  qui  entonne 
triflement  une  chanlon  lugubre  ,  &  qui 
lient  un  flambeau  à  la  main.  Quand  on  efl 
au  milieu  de  la  dclcente  ,  on  commence  à 
lentir  un  grand  troid.  On  entend  les  rorrens 
qui  tombent  de  toutes  parts  ;  enhn  ,  après 
une  demi-heure ,  on  arrive  au  tond  du 
goufFre  ;  alors  la  cr;iinte  le  diilipc  ;  on  n'ap- 
perçoit  plus  rien  d'atïreux  ,  au  contraire 
tout  brille  dans  ces  régions  fouterraines.  On 
entre  dans  un  lalon  foutcnu  par  des  colon- 
nes d'argent  ;  quatre  galeries  fpacieufes  y 
viennent  aboutir.  Les  tcux  qui  fervent  k 
éclairer  les  travailleurs  ,  fe  répètent  fur  l'ar- 
gent  des  voûtes  &  fur  un  clair  ruiilèau  qui 
coule  au  milieu  de  la  mine.  On  voit  là  des 
gens  de  toutes  les  nations  ;  les  uns  tirent 
des  chariots  ,  les  autres  roulent  des  pierres  , 
arrachent  des  blocs  ;  tout  le  monde  a  fori 
emploi  :  c'eft  une  ville  louterraine.  Il  y  a 
des  cabarets ,  des  maifons  ,  des  écuries ,  des 
chevaux  ;  mais  ce  qu'il  y  a  de  plus  fingu  lier , 
c'eft  un  moulin-à-vent  qui  va  continuelle- 
ment dans  cette  caverne ,  &  qui  fert  à  élever 
les  eaux. 

Les  min  s  d'argent  les  plus  riches  &  les 
plus  abondantes  font  en  Amérique  ,  fur- 
tout  dans  le  Potofi ,  qui  elt  une  des  pro- 
vinces du  Pérou.  Les  filons  de  la  mine 
étoicnt  d'abord  à  une  très -petite  profon- 
deur dans  la  montagne  du  Potoh.  Peu-à-peu 
on  a  été  obligé  de  delccndre  dans  les  en- 
trailles de  la  montagne  ,  pour  fuivre  les 
filons  ;  à  préfent  les  protondeurs  font  fi 
grandes  ,  qu'il  faut  plus  de  quatre  centâ 
marches  pour  atteindre  le  fond  de  la  mine. 
Les  filons  fè  trouvent  à  cette  profondeur 
de  la  mime  qualité  qu'ils  étoient  autrefois 
à  la  fùrface  ;  la  mine  eft  aulU  riche  ;  elle 
paroît  être  inépuilable  ;  mais  le  travail  en 
devient  de  jour  en  jour  plus  difficile;  il  cfî 
même  tunefte  à  la  plupart  des  ouvriers  par 
les  exhalailons  qui  lortent  du  tond  de  la 
mine ,  &  qui  le  répandent  même  au  dehors  ; 
il  n'y  en  a  aucun  qui  puifTe  flipporter  un 

Pp  i 


300 


A  R  G 


air  fi  pcraicicux  plus  d'un  jour  de  tiiite  ;  I 
il  fait  impreiiîon  lur  les  aainoaux  qui  pail- 
{cnt  aux  enviions.  Souvent  on  rencontre 
de;  veines  nvétaliiques  qui  rendent  des  va- 
peurs ii  pernicieuil'i ,  qu'elles  tuent  iur  le 
champ  ;  on  cfl  obligé  de  les  refemier  auûi- 
t<5t,  &  de  les  .ib-mdonner  :  prefque  tous 
les  ouvriers  font  perclus ,  quand  ils  ont 
travaillé  p;ndant  un  cenain  temps  de  leur 
vie.  On  ieroit  étonné  il  l'on  lavoit  à  com- 
bien d'Indiens  il  en  a  coûté  la  vie,  depuis 
q.ue  l'on  travaille  dans  ces  mines  ,  &c  com- 
bien il  en  périt  encore  tous  les  jours.  La 
mine  d'M-ge/u  ,  quoique  dans  le  même  filon , 
a'eit  pas    toujours  de  la  même  couleur  & 


de  la  même  qualité  :  on 


au  Péri 


ou 


le  nom  de  minerai  ;  s'il  e(i  blanc  ou  gris , 
niêlé    de    taclies   rouges    blanchâtres  ,   on 
l'appelle  ja/a/zfa-Wa/îcv:.!  ,•  c'eit  le  plus  riche 
&  le  plus  facile  à  exploiter.  On  trouve  du 
Ruinerai  noir  comme  du  mdchcier  que  l'on 
noinmo  plomo-roiiro.  Il  y  a  une  autre  lorte 
de   minerai  noir  ,    auquel  on    a  donné  le 
nom  de  bo[Jkler ,  parce  qu'il  devient  rouge 
lorfquon  le  Irotte    contre  du  ter  ,    après 
l'avoir  mouillé.  Le  minerai  appelle  lorociie  , 
brille    commue    du   talc  ;    quoiqu'il  fcmble 
argenté,  on  en  retire  peu  d'argent:  lepaco 
efl  d'un  rouge  jaunâtre  ,  en  petits  morceaux 
fort  mous  ;  il  eit  peu  riche  ;  le  minerai  verd 
appelle  cohrijfo  ,  cil  prefque  friable  ;  on  y 
découvre  à  l'oeil  des  parties  à\irgent  :  mais 
il  elî  très-diiùcile  de  les  en  retirer.  Enha 
il  y  a  duiis  la  mine  de  Catamiro  au  Potofi , 
i?n  minerai  appelle  arannea  ,  compoiéde  fils 
d'argent  pur  ;  c'ell  ee  (^ue  nous  avons  ap- 
pelle mine  d'ojfvnt  en  filets.  Les  filons  font 
toujours  pkis  riches  dans  leur  milieu  que 
fiir  leurs  bords  :  mais  l'endroit  le  plus  abon- 
dant dl  celui  où  deux  liloiW  iè  croifent  & 
ïb    traverfent.  Les   deux    premières   mines 
jju  Potofi   furent  ouvertes  en    î54'>  i   on 
appelIaruneJi;c-7,  Si  ['mViC Diego  ■jcnteno. 
La  première  étoit  élevée  iv,u    deiîiis  de  la 
terre  ,  en  iorme  de  CFcte  de   coq  ,  de  la 
hauteur  d\me  lance  ,  ayant  trois  cents  pies 
de  longueur  &  13  de  largeur.  Cette  mine 
ctoit  fi  riche ,  c^u'il  y  avoit  prefque  la  moitié 
.<ïar^ent   pur   jufqu'à  $0  ou  60  braffes  de 
profondeur ,   oii  cile  commença  un  peu  :\ 
daanger.  Au  refle ,  l'on  regarde  comme  un 
graud  accroilieinciit  à  Li  lidieilè  des  naines , 


A  K  G 

d'être  placées  proche  des  rivières ,  h  caufér 
de  l'avantage  des  moulins  propres  à  broyer 
La  mine.  A  Lipes  &  au  Potofi  même  ,  il 
tant  bien  abaniionner  dix  marcs  par  cha- 
que quuiial  ,    pour    acquitter  la  dépenie  ; 
au  lieu  qu'au    Tanara  ,  il  n'en   coûte  pas 
plus  de  cinq.  On  ne  trouve  les  mines  d'ar- 
gent  les  plus  riches  ,  que  dans  les  endroits 
froids  de  l'Amérique.  La   tenipérature  du- 
Potofi  eil  11  froide  ,  qu'autrefois  les  fem- 
mes Eipagnoles  ne  pouvoicnt  y  accoucher  ; 
elles  étoient    obligées  d'aller   à  10  ou   30 
lieues  au  delà ,  pour  avoir  un  chmat  plus 
doux  :  mais   aujcnn'd'hui  elles  accouchent 
auili  aiiément  à  Potoli,   que  les  Lidicnnes 
naturelles  du  pays.  Au  pie  de  la  montagne 
du  Potoli  cÛ  la  ville  du  même  nom  ,  qui 
eif  devenue  tameuie  par  les  grandes  richel— 
les  que  l'on  a  tirées  de  la  montagne  ;  il  y 
a    dans    cette  ville  plus  de  loixante  mille- 


Indiens  &  dix  mille  Efpagnols.  On  oblige 
les  paroill'es  des  environs  de  fournir  tous 
les  ans  un  certain  nombre  d'Indiens  pc>ur 
travailler  aux  mines  ;  c'efl  ce  qu'on  appelle 
la  mita  :  la  plupart  mènent  avec  eux  leurs 
teromes  &  leurs  enfans ,  &  tous   partent 
avec  la  plus  grande  répugnance.  Cette  fer- 
viîiide  ne  dure  qu'une  année  ,  après  laquelle 
ils  l'ont  libres  de  retourner  à  leurs  kabua- 
tions  ;  il  y  en  a  pluheurs  qui  les  oublient , 
&  qui  3'h.abitucnt  au  Potoii ,  qui  devient 
aioG  tous  les  jours  plus  peuplé.  Les  mines 
du  Potofi  (ont  les  moins  dangereules  ;  ce- 
pendant lans  l'herbe  du  Paraguai ,  que  les 
mineurs  prennent  en  infulion  comme  nous 
prenons  le  thé  ,  ou  qu'ils  mâchent  comme 
du  tabac ,  il  faudroit  bientôt  les  abandon- 
ner. Les  raines  du  Potofi  &  de  Lipes  con- 
lèrvent  toujours  leur  réputation  ;  cependant 
on  en  a  découvert  d'autres  depuis  quelques 
années  qui  paient  pour  plus  riches  :  telles 
iont  celles  d'Oruvo  à  3  lieues  d'Arica  ,   & 
celles  d'Ollacha ,  près  de  Culco ,  qu'on  a 
découvertes  en  17 II. 

Four  rentrer  un  moment  dans  nôtrr con- 
tinent, il  y  a,  à  ce  qu'on  dit,  en  Saxe  & 
j  dans  le  p.<iys  d'Hanovre,  beaucoup  de  mines 
d'aigcnt  :  on  trouva  à  Hartz  un  morceau 
d'argent  11  conîidérabio  ,  qu'étant  battu  ,  on', 
en  fit  une  table  où  pi^uvoient  s'alîcoir  vingt- 
quatre  perfonnes. 
Les  aiiues  les  plus  riches  ^  après  k  mir*- 


A  R  G 

nanirelle ,  font  les  mines  à'argent  corne  ;  ' 
elles  cèdent  lous  !c  mnrtenu  con'.me  fait  le 
plojnb ,  &  ie  lallfcnt  couper  comme  de 
la  corne  ;  elles  contiennent  de  l'arlenic. 
la  couleur  de  ces  mines  ell  noirâtre  ;  & 
pliis  elles  font  noirâtres  ,  plus  elles  font 
riches  :  il  y  en  a  de  li  riches  qu'elles 
donnent  cent  quatre-vingts  marcs  d'iirgent 
par  quintal  ;  c'cll-à-dire ,  par  cent  livres  de 
mine  ,  de  lorte  qu'il  n'y  a  que  dix  livres 
de  déchet  ,  iur  chaque  quintal  de  mine. 
Il  y  en  a  qui  neû  ni  li  facile  à  couper  ,  ni 
fi  noire  ,  &.  qui  donne  cent  foixante  marcs 
À'iirgent  par  quintal  :  ces  mines  font  fort 
aifées  à  fondre  ,  pourvu  qu'on  les  air  fépa- 
rces  des  pierres  qui  y  font  fouvent  jointes , 
ft  qu'elles  ne  ioient  pas  mêlées  de  cobvilth  , 
qui  cil  originairement  ferrugineux.  Les  mi- 
nes à'argent  noires  font  rarement  ièiiles  ; 
elles  le  trouvent  prelqiic  toujours  avec  la 
blende  &  avec  le  miiprckel ,  qui  efl:  une 
eipcce  de  cobalth  ou  mine  nrfenicale.  On 
a  beaucoup  de  peine  à  les  ieparer ,  ce  qui 
rend  la  mine  diflicile  à  fondre  :  ces  mines 
noires  d'urgent  le  trouvent  quelquefois  mê- 
lées avec  les  mines  de  plomb  à  gros  grains  : 
mais  les  unes  &  les  autres  (ont  fort  trai- 
lables. 

La  mine  d'argent  rouge  eu  la  plus  riche  , 
après  la  mine  cornée.  Il  y  a  de  plufieurs 
fortes  de  mines  d'argent  r-ougc  ;  il  y  en  a  qui 
font  en  grappes  de  raifln  ;  il  y  en  a  de  tranf- 
parenres ,  d'autres  qui  ne  le  font  pas  ^  il  y 
en  a  de  noires  avec  des  taches  rouges  ;  il  v 
en  a  de  dures  ,  compafies  d;  rouges  com- 
me du  Cinabre  ;  ce  font  de  toutes  les  mines 
roiiges  d\irger.r  les  phis  riches  ;  elles  don- 
nent depuis  90  julqu'à  ïco  marcs  d'argent 
par  quinral.  Celles  qui  font  comme  de  la 
^uie  ,  tachetées  de  rouge  ,  donnent  vingt 
marcs  par  quinc/il.  Cette  mine  ie  trouve 
orninairemenr  cians  les  montagnes  aridesv 
Les  mines  rouges  fe  trouvent  quelquefois 
dans  des  pierres  dures  ,  qui  paroilîènr  à  la 
vue  peintes  de  cciikur  de  f-'ng.  Ces  pier- 
res font  ou  de  quartz,  ou  de  la  pierre  à 
fuhl ,  que  les  minciirs  appellent  pierre  cor- 
aee  ,  à  caufe  de  fa  reffemblance  avec  la 
«orne  de  cheval  coupée. 
■_  Les  mines  blanches  &  grilês  donnent 
pjfqu'à  2-0  marcs  d'o-rgenc  par  quinial.  On 
aou-ve  dajxs  des  Icufcrraius-  de  ces-  mines 


A  R  G  301 

blanches  qui  ne  donnent  qu'un  marc  par 
quintal  ;  c'cfl  ce  qu'on  nomme  JauJ/c 
apparence. 

Pour  retirer  V argent  du  minéral  qui  le 
contient  ,  on  commence  par  le  cafier  en 
morceaux  ,  alTez  petits  pour  être  moulus 
&  broyés  fous  des  pilons  de  fer  qui  pefent 
julqu'à  deux  cents  livres  ,  &  qui,  pour 
l'ordinaire  ,  font  mis  en  mouvement  par  le 
moyen  de  l'eau.  On  paflc  le  minerai  réduit 
en  poudre  par  un  crible  de  fer  ou  de  cuivre  j 
&  on  Icpétrit  a',  ec  de  l'eau  pour  en  faire  une 
pâte^qu'on  laiflè  iin  peu  deficcher ,  puis  on 
la  pêtnt  derechef  avec  du  ILI  marin  ;  enfin 
on  y  jette  du  mercure  ,  &  on  la  pétrit  ime 
troifiemc  fois  pour  incorporer  le  mercure 
avec  l'argent,-  c'eil  ]à  ce  qu'on  appelle  j/tt.z/- 
game._  Huit  ou  dix  jours  fulîilént  pour  h 
taire  dans  les  hejix  tempérés  :  iinais  dans  les 
pays  froids  il  faut  quelquefois  un  mois  ou 
fix  lemaines.  On  jette  la  pâte  dansdes  lavoirs 
pour  en  léparer  la  terre  :  ces  lavoirs  confif- 
tent  en  trois  bailiiw  qui  font  fiir  le  courant 
d  un  ruifîeau  qui  entraîne  la  terre,  lorf- 
«u'elle  a  été  délayée  dans  chaque  baflîn. 
Pour  faciliter  l'opération  ,  on  agite  conri- 
nuellement  la  p;ite  avec  Ici  pies ,  afin  que 
quand  l'eau  fort  claire  des  balîins,  il  ne 
refte  au  fond  que  de  l'argent  &  du  mer- 
cure amalgamés  enfemblo  ;  c'efl  ce  qu'or» 
appelle  jPig-/2e.  On  r-iche  de  tù-er  le  mercure 
qui  n'efi  pas  uni  à  l'argent ,  en  preflant  la 
pignc  ,  en  la  battant  fortement ,  ou  en  la 
foulant  dans  une  preffe  ou  moule.  II  y  a 
des  pignes  de  différentes  groffeurs  &  de 
dittercntes  pe-ianreurs  ;  ordinairement  elles 
contiennent  de  l'argent  pour  le  tiers  de  leur 
poids  ;  le  mercure  fait  les  deux  autres  tiers. 
On  pofe  la  pignc  fur  un  trépié ,  au  defTous 
duquel  efl  un  vafe  rempli  d'eau  ;  on  couvre 
le  tout  avec  de  la  terre  en  forme  de  cha- 
piteau ,  que  l'on  environne  de  charbons 
ardens.  L'aâion  du  feu  fait  fortir  le  mer- 
cure de  la  pigne  ;  il  fe  fùtvlime  ,  &  enuiite 
il  retombe  dans  l'eau  où  il  fe  condeniè. 
Les  intervalles  que  le  mercure  occupoit 
dans  la  pigne  ,.  relient  vuides  ;  ce  n' efl  plus 
qu'une  mafie  d'argent  poreufe  &  légère ,. 
en  cdmparaifon  de  fon  volume. 

On  paît  encore  tirer  l'argent  de  la  mine 
de  la  nîaniere  luivanfc  :  on  covnmence  par 
la  caliè-r ,  &  quelquefois  on  la  lave  pous  crî: 


joi  A  R  G 

féparer  la  partie  pierreufe  qui  s'eft  réduite 
en  poufliere  ;  on  la  calcine  cnfiiite  pour  en 
chaifer  le  foutre  &  l'arlenic;  c'efîce  qu'on 
appelle  rôtir  la  mine  ;  puis  on  la  relave  pour 
en  ôter  la  poudre  calcinée.  La  mine  érant 
ainfi  préparée ,  on  la  fait  fondre  avec  du 
plomb ,  avec  de  la  litharge  ,  ou  avec  des 
têtes  de  coupelles  qui  ont  fervi  :  on  em- 
ploie à  cet  elFet  le  plomb  granulé  ,  quand 
le  travail  efl  petit.  Plus  la  mine  eft  difficile 
à  fondre ,  plus  on  y  met  de  plomb  ;  on 
ïhet  julqu'à  ieize  ou  vingt  parties  de  plomb 
pour  une  partie  de  mine.  Cette  opération 
le  nomme  fcorifier.  Les  fcories  font  compo- 
{éis  du  plomb  qui  fe  vitrifie  avec  la  pierre  , 
&  avec  ce  qui  n'eit  point  or  ou  argent  dans 
la  mine  ;  &  ce  qui  ell  métal ,  tombe  dclTous 
en  régule.  Si  ce  régule  paroît  bien  métal- 
lique, on  le  paflê  à  la  coupelle  ;  s'il  eil 
encore  mêlé  de  fcories ,  s'il  ell  noir  ,  on 
le  fait  refondre  avec  un  peu  de  verre  de 
plomb. 

Pour  féparer  \'argent  du  mercure  avec 
lequel  il  efl  amalgamé  ,  on  a  un  fourneau 
qui  a  une  ouverture  au  fommct;  on  cou- 
vre cette  ouverture  d'une  efpece  de  chapi- 
teau de  terre  de  forme  cylindrique  ,  qu'on 
peut  laifler  ou  enlever  à  difcrétion.  Quand 
on  a  mis  dans  le  fourneau  la  mafle  d'ar- 
gent  &  le  mercure  ,  &  qu'on  a  appliqué 
Je  couvercle  &  allumé  le  feu ,  le  vif- 
argent  s'élève  en  forme  de  vapeurs  ,  & 
s'attache  au  chapiteau  ,  d'oi\  on  le  retire 
pour  le  faire  fervir  une  féconde  fois. 

Lorfque  Wirgent  ell  bien  purifié  ,  qu'on 
en  a  oté  ,  autant  qu'il  efl  poiliblc ,  toute 
la  matière  étrangère  ,  loit  métallique  ou 
autre ,  qui  pourroit  y  être  mêlée  ,  on  dit 
qu  il  efl  de  douze  deniers  ;  c'eil-là  l'ex- 
prefîîon  dont  on  fe  fert  pour  défigner  le 
titre  de  Vargent  le  plus  pur ,  &  fans  aucun 
mélange  ni  alliage  :  mais  s'il  s^y  en  trouve , 
on  déduit  le  poids  du  mélange  du  poids 
principal  ,  &  le  reflc  marque  le  titre  de 
Vargcnt.  Le  denier  efl  de  24  grains;  ainfi, 
lorfque  fur  le  poids  de  douze  deniers  il  y  a 
douze  grains  de  mélange  ,  le  titre  de  l'argent 
cil  onze  deniers  douze  grains ,  &  ainfi  des 
autres  exemples. 

Pour  monter  le  titre  de  l'argent  en  le 
raffinant ,  on  s'y  prend  de  la  manière  lui- 
vante.  On  met    une  coupelle  ou  une  tête 


A  R  G 

j  à  rougir  au  feu  ,  enfuite  on  y  met  le  pIom6; 
Quand  le  plomb  efl  fondu  &  bien  clair,  00 
y  ajoute  une  quantité  (^argent  proportion- 
née ;  favoir  ,  une  livre  de  plomb  pour 
quatre  à  cinq  onces  d'argent.  Gn  met  quel- 
quefois davantage  de  plomb  ,  lorlque  ['ai— 
gent  a  beaucoup  d'aUiage.  A  melure  que 
ces  deux  métaux  fé  fondent  enlemble  ,  le 
cuivre  ,  qui  auparavant  étoit  mêlé  avec 
Vargent  ,  s'en  \  a  en  fumée  ,  ou  lort  avec 
l'écume  &  la  litharge.  Le  plomb  s'évapore 
de  même ,  &  il  ne  relie  dans  la  coupelle 
que  l'argent ,  qui  efl  au  degré  ce  fineilê 
qui  lui  convient.  K^oje:^  LiTHARGE  ,  AF- 
FINAGE ,  Coupelle  ,  Coupelet. 

Indépendamment  de  la  manière  de  raf- 
finer \ argent  avec  le  plonib  ,  il  y  en  a  une 
autre    qui  fe  fait  avec  le   lalpêtre.    Voyt\ 

Raffiner  «&  Affinage.  Mais  toutes 
ces  méthodes  font  incommodes  &:  ennu- 
yeufes  ;  ce  qui  a  donné  lieu  à  M.  Hom- 
berg  de  chercher  à  abréger  cette  opéra- 
tion ,  &  il  y  a  réuiii.  Sa  méthode  conllfle 
à  calciner  l'argent  avec  moitié  de  la  pe- 
lanteur  ordinaire  ;  &:  après  avoir  fondu  le 
tout  enlemble  ,  d'y  jeter  à  diiicrentes  fois 
une  certaine  quantité  de  limaille  d'acier. 
Par  cette  opération  le  foufre  abandonne 
l'argent  pour  le  joindre  au  ter,  &  l'un  & 
l'autre  le  convertiiient  en  écume  qui  nage 
fur  l'argent  ;  &  on  trouve  au  fond  du 
creulet  le  métal  purifié. 

L'argent  ,  en  Chymie  ,  s'appelle  liina  , 
lune  :  on  en  fait  dilîerentes  préparations  , 
principalement  en  teinture.  Pour  avoir  la 
teinture  à'argent  ,  diflolvez  des  plaques 
^argent  minces  dans  l'efprit-de-nitre ,  & 
jetez  cette  dil'folution  dans  un  autre  vafe 
plein  d'eau  de  fel  ;  par  ce  moyen  X argent 
fé  précipite  aulîi-tôt  en  une  poudre  blan- 
che ,  qu'on  lave  plufieurs  fois  dans  l'eau  de 
fontaine.  On  met  cette  poudre  dans  un 
matras,  &  on  jette  pardefliis  de  l'efprit-de- 
vin  redifié  &  du  lel  volatil  d'urine  :  on 
laiflc  digérer  le  tout  fur  un  feu  modéré 
pendant  quinze  jours  ;  durant  ce  temps 
l'elprit-de-vin  contrade  une  belle  couleur 
bleu-célefle.  Cette  couleur  lui  vient  du 
cuivre  ;  car  il  y  a  environ  deux  gros  de 
cuivre  pour  l'alliage  iur  chaque  marc  d'jr- 
gent  y  &  ï argent  monnoyé  en  a  plus  que 
celui  de  vaifîèlle.  Ceux    qui   ignorent  la 


A  R  G 

Chymie  jettent  le  rede  ;  &  ceux  qui  font 
ufagc  de  cette  teinture  de  lune  ,  remploient 
contre  l'épileplie,  l'apoplexie  ,  la  paralylie  , 
&  la  plupart  des  maladies  de  la  tête ,  com- 
me l'hydropifie  du  cerveau.  Mais  toutes 
les  préparations  d\irgent  en  général  iont 
fufpcâes ,  lans  en  excepter  les  pilules  de 
Boyle,  compofées  de  iels  de  ['argent  &  du 
nitre  :  quoiqu'on  les  adouciiTe  avec  trois 
fois  autant  de  lucre  ,  elles  ne  laiïïent  pas 
d'être  corroiives  &  d'aff()iblir  rdlomac  ; 
elles  ne  conviennent  qu'à  l'extérieur ,  pour 
ronger  &  guérir  les  parties  attaquées  d'ul- 
ccres  invétérés. 

On  peut  convertir  l'argent  en  cryfîal  par 
le  moyen  de  refpnt-de-nitrc ,  &  c'elt  ce 
qu'on  appelle  improprement  vitriol  d'ar- 
gent.  Voyei  CrysTAL. 

La  pierre  infernale  A' argent  n'cfl  rien 
autre  chofe  que  le  ci-}-nal  d'argent  fondu 
dans  un  creulet  a  une  chaleur  modérée  , 
&  enluite  jeté  dans  des  moules  de  fer. 

Lorlqu  on  verlè  dans  une  dilîblution 
d'argent  faite  par  l'eau-torte  de  l'eiprlt-de- 
fel ,  ou  du  lèl  commun  fondu  dans  de 
l'eau ,  l'argent  fe  précipite  en  une  poudre 
qu'on  nomme  c/iaux  d'argent.  Cette  chaux 
d'argent  le  tond  ailément  au  feu  ;  elle  s'y 
diiîîpc  11  le  feu  ell  fort  :  &  fi  au  contraire 
le  feu  elî  médiocre ,  &  qu'on  ne  l'y  lailiè 
pas  long-temps ,  la  chaux  d'argent  fe  change 
en  une  mailc  qui  eft  un  peu  tranfparente  , 
&  qu'on  peut  couper  comme  de  la  corne  : 
dans  cet  écat  on  la  nomme  lune  cornée. 
Voye\  Lune  cornée. 

On  peut  conjecturer  fur  ce  qui  précède, 
que  la  manière  de  féparer  l'argent  d'avec 
la  terre  de  mine  ,  eft  la  même  que  celle 
dont  on  iépare  l'or  de  la  mine  ,  c'elt-à-dire  , 
par^  le  moyen  dti  vii-argcnt  ;  avec  cette 
dirtércnce  que  pour  Xargcnt  on  ajoute  fur 
50000  hv.  pelant  de  mine ,  mille  livres  de 
fel  naturel,  i^oye-^  la  defcription  au  long 
de  cette  curieuie  opération  ,  à  l'article  Or. 

L'argent  eft  après  l'or  le  métal  le  plus 
fixe.  Kunckel  ayant  laiifé  pendant  un  mois 
de  l'argent  bien  pur  en  iontc  dans  un  feu 
de  verrerie  ,  trouva  après  ce  temps  qu'il  n'a- 
voit  diminué  que  d'une  loixante-quatrieme 
partie.  Hallon  de  Claves  expofa  de  même 
de  l'argent  dan»  un  fourneau  de  verrerie  ; 


A   R  G  3Cî 

&  l'ayant  laifTé  deux  mois  dans  cet  état ,  il 
le  trouva  diminué  d'im  douzième  ,  &  cou- 
vert d'un  verre  couleur  de  citron.  On  ne 
peut  douter  que  cette  diminution  ne  pro- 
vînt de  la  matière  qui  s'étoit  l'éparée  &  vi- 
trifiée à  la  lurface  de  l'argent  ;  &  on  peut 
aflurer  que  ce  verre  n'elt  point  un  argent 
dont  les  principes  aient  été  détruits  par  le 
feu  :  c'cfl  plutôt  im  compoic  de  cuivre  , 
de  plomb  ,  &  d'autres  matières  étrangères 
qui  ie  trouvent  preique  toujours  dans  l'ar- 
gent. 

L'argent  efi  moins  duflile  que  l'or  .  il 
l'ell  plus  qu'aucun  des  autres  métaux.  Voye:^ 
Ductilité.  Le  pouce  cube  d'argfnt  pefc 
fix  onces  cinq  gros  &  vinet-fix  grains.  Nous 
venons  de  confiuérer  l'argent  comme  mé- 
tal ,  ou  comme  produftion  de  la  nature  , 
nous  allons  maintenant  le  confidérer  comme 
monnoie. 

Argent  efl  dans  notre  langue  un  terme 
générique  ,  loiis  lequel  Iont  comprifes  tou- 
tes les  efpeces  de  fignes  de  la  richelîè  courans 
dans  le  commerce  ;  or  ,  argent  monnoyé  , 
monnoies,  billets  de  toute  nature,  t'c.  pour- 
vu que  ces  lignes  (oient  autoriîés  par  les 
loix  de  l'état.  L'argent,  comme  métal,  aune 
valeur  ,  comme  toutes  les  autres  marchan- 
dii'ës;  mais  il  en  a  encore  une  autre  ,  com- 
me ligne  de  ces  marchandilès.  Conlidéré 
comme  figne ,  le  prince  peut  fixer  fa  valeur 
dans  quelques  rapports  ,  &  non  dans  d'au- 
tres ;  il  peut  établir  une  proportion  entre 
une  quantité  de  ce  métal ,  comme  métal , 
&■  la  même  quantité  comme  ligne  ;  fixer 
celle  qui  ell  entre  divers  métaux  employés 
à  la  monnoie  ;  établir  le  poids  &  le  titre 
de  chaque  pièce  ,  &:  donner  à  la  pièce  de 
monnoie  la  valeur  idéale ,  qu'il  faut  bien 
dilfinguer  de  la  valeur  réelle  ,  parce  que 
l'une  ell  intrinfeque  ,  l'autre  d'inllitution  ; 
Tune  de  la  nature  ,  l'autre  de  la  loi.  Une 
.grande  quantité  d'or  &  d'argent  efl  toujours 
tavorablc  ,  lorlqu'on  regarde  ces  métaux 
comme  marchandifé  ;  mais  il  n'en  efl  pas 
de  même  lorlqu'on  les  regarde  comme  fi- 
gnes ,  parce  que  leur  abondance  nuit  à  leur 
qualité  de  figne,  qui  elf  fondée  fur  la  rareté. 
L'argent  eft  une  richefTe  de  fiction  ;  plu5 
cette  opulence  fictive  fe  multiphe,  plus  elle 
perd  de  fon  priv  ,  parce  qu'elle  rcpréfentc 
moins;  c'elt  ce  que  les  Efpagnols  ne  compri- 


3C4  A    R    G 

rent  pas  lors  de  la  conquête  du  Mexique  & 
duPéroii. 

L'or  &  l'argent  ^toient  alors  très-rares 
en  Europe.  L'Efpagne  ,  maîtreflc  tout-d'un- 
coup  d'une  très-grande  quantité  de  ces 
métaux  ,  conçut  des  efpérances  qu'elle  n'a- 
voir jamais  eues.  Les  richeilcs  reprélcnta- 
îivcs  doublèrent  bientôt  en  Europe,  ce  qui 
parut  en  ce  que  !e  prl\  de  tout  ce  qui 
s'acheta  fut  environ  du  double  ;  mais  Var- 
genc  ne  put  doubler  en  Europe  ,  que  le 
profit  de  l'exploitation  des  mines  ,  confi- 
déré  en  lui-mcme ,  &  fans  égard  aux  per- 
tes que  cette  exploliation  entraîne  ,  ne  di- 
minuât di.1  doublepour  les  Elpagnols ,  qui 
n'avoient  chaque  année  que  la  même  quan- 
tité d'un  métal  qui  étoit  devenu  la  moi- 
tié moins  précieux.  Dans  le  double  de  te;nps 
Vargent  doubla  encore  ,  &  le  profit  dimi- 
nua encore  de  la  moitié  ;  il  diminua  m2me 
dans  une  progreflîon  plus  forte  :  en  voici 
la  preuve  que  donne  l'auteur  de  VEfprit 
des  LoiXf  toin.  II.  pug.  /^8.  Pour  tirer  l'or 
i.]es  mines ,  pour  lui  donner  les  prépara- 
tions requifes  &  le  traniporter  en  Europe , 
il  falloir  une  dépenfe  quelconque.  Soit  cette 
dépcnfe  comme  i  efl  à  64.  Quand  Vargen^ 
fut  une  lois  doublé  ,  &  par  coniéquent  la 
moitié  moins  précieux ,  la  dépenle  fut  com- 
me 2.  à  64 ,  cela  eft  évident  ;  ainiî  les  flottes 
qui  apportèrent  en  Efpagne  la  même  quan- 
tité d'or,  apportèrent  une  chofe  qui  réelle- 
ment valoit  la  moitié  moins ,  &  coûtoit  la 
moitié  plus.  Si  l'on  fuit  la  même  progrel- 
fion  ,  on  aura  celle  de  la  caufe  de  l'im- 
puilTance  des  richeffes  de  l'Elpagne.  Il  y  a 
environ  deux  cents  ans  que  l'on  travaille 
les  mines  des  Indes.  Soit  la  quantité  d'ar- 
gent qui  eu  à  prélènt  dans  le  monde  qui 
commerce ,  à  la  quantité  qui  y  étoit  avant 
la  découverte  ,  comme  ^1  à  i ,  c'ell-à-dire , 
qu'elle  ait  doublé  cinq  lois,  dans  deux  cents 
ans  encore ,  la  même  quantité  fera  A  celle 
qui  étoit  avant  la  découverte  ,  comme  64. 
à  I  ,  c'efl-à-dire  ,  qu'elle  doublera  encore. 
Or  ,  à  prélènt ,  cinquante  quintaux  de  mi- 
nerai pour  l'or  ,  donnent  quatre  ,  cinq  & 
fix  onces  d'or  ;  &  quand  il  n'y  en  a  que 
deux  ,  k  mineur  ne  retire  que  fes  frais.  Dans 
deux  cents  ans ,  loriqu'il  n'y  en  aura  que 
quatre,  le  mineur  ne  retirera  aulfi  que  les  trais: 
il  y  aura  donc  peu  de  prolit  à  retirer  fur 


A  R  G 

l'or.  Mciner.ûConn^incpT  luv  l'argent  y  ex~ 
ccpré  que  le  travail  des  mines  d'argent  eii 
un  peu  plus  avantageux  que  celui  des  mines 
d'or.  Si  l'on  découvre  des  mines  lî  abon- 
dantes qu'elles  donnent  plus  de  profit ,  plus 
elles  feront  abondantes  ,  plutôt  le  profil 
finira.  Si  les  Portugais  oni  en  etiet  trouvé 
dans  le  Brefil  des  mines  d'or  &  d'a'gent 
très-riches ,  il  faudra  néceiiaire'iient  que  le 
profit  des  Elpagnols  diminue  con'idér^i.bie- 
mcnt ,  &:  le  leur  aulli.  J'ai  ouï  déplorer 
pluiieurs  fois ,  dit  l'auteur  que  nous  ven  )ns 
de  citer ,  l'aveuglement  du  conleil  de  Fran- 
çois premier,  qui  rebuta  Chrillophe  Colomb 
qui  lui  propoioit  les  Indes.  En  venté , 
continue  le  même  auteur  ,  on  fit  peut-être 
par  imprudence  une  chofe  bien  lage.  En 
iuivant  le  calcul  qui  précède  lur  la  multi- 
plication de  largent  en  Europe  ,  il  cil  facile 
de  trouver  le  temps  où  cette  richelfc  reprc- 
{èntative  {cra  li  commune  qu'elle  ne  {er- 
vira  plus  de  rien  ;  mais  quand  cette  valeur 
iera  réduite  à  rien  ,  qu'arrivera-t-il  ?  préci- 
{ément  ce  qui  étoit  arrivé  chez  les  Lacédé- 
moniens  lorlquc  l'argent  ayant  été  préci- 
pité dans  la  mer  ,  &  le  fer  fubftitué  k  là 
place  ,  il  en  falloit  une  charretée  pour  con- 
clure un  très-petit  marché.  Ce  malheur 
fera-t-il  donc  fi  grand  ?  &  croit-on  que 
quand  ce  figne  métallique  Icra  devenu  ,  par 
fon  volume  ,  très-incoinmoJe  pour  le  com- 
merce ,  les  hommes  n'aient  pas  l'induilrie 
d'en  imaginer  un  autre  ?  Cet  inconvénient 
cÛ  de  tous  ceux  qui  peuvent  arriver  ,  le 
plus  facile  à  réparer.  Si  l'argent  eft  égale- 
ment commun  par-tout  ,  dans  tous  les 
royaumes  ;  fi  tous  les  peuples  fe  trouvent  à 
la  fois  obligés  de  renoncer  à  ce  figne  ,  il 
n'y  a  point  de  mal  :  il  y  a  même  un  bien  , 
en  ce  que  les  particuliers  les  moins  opulens 
pourront  fe  procurer  des  vaiflelles  propres, 
laines  &  folides.  C'ell  apparemment  d'a- 
près ces  principes ,  bons  ou  mauvais  ,  que 
les  E'pagnols  ont  rail'onné  ,  lorlqu'ils  ont 
défendu  d'employer  l'or  &i  l'argent  en  do- 
rure &:  autres  lliperfluités  ;  on  diroit  qu  ils 
ont  craint  que  ces  lignes  de  la  richefîe  ne 
tardaient  trop  long-temps  à  s'anéantir  â 
force  de  devenir  communs. 

Il  s'enfuit  de  tout  ce  qui  précède  ,  que 
l'or  &c  l'argent  fe  détruifant  peu  par  eux- 
mêmes  ,  étant  des  figncs  trèt-durables  ,  il 

n'dl 


A  R  G 

n'eil  pretque  d'aucune  importance  que 
leur  quantité  abfolue  n'augmente  pas  ,  & 
que  cette  augmentation  peut  à  la  longue 
les  réduire  ;\  Tétat  des  choies  communes  , 
qui  n'ont  du  prix  qu'autant  qu'elles  font 
utiles  aux  ufages  de  la  vie ,  &  par  ciwilé- 
quent  les  dépouiller  de  leur  qualité  repré- 
(entative ,  ce  qui  ne  feroit  peut-être  pas 
un  grand  malheur  pour  les  petites  répu- 
bliques; mais  pour  les  grands  états  c'ed 
autre  choie  ,  car  on  conçoit  bien  que  ce 
que  j'ai  dit  plus  haut  eft  moins  mon  ien- 
timent ,  qu'une  manière  frappante  de  fiirc 
fentir  l'abfurdiré  de  l'ordonnance  des  Ef- 
pagnols  iur  l'emploi  de  l'or  &  de  Yargenc 
en  meubles  &  étuifes  de  luxe.  Mais  fi 
l'ordonnance  des  Efpagnols  efl  nr.l  railbn- 
née  ,  c'efl  qu'étant  polfelfeurs  des  mines  , 
on  conçoit  combien  il  étoit  de  leur  intérêt 
que  la  matière  qu'ils  en  tiroient  s'anéantit 
&  devînt  peu  commune ,  afin  qu'elle  en 
fût  d'autant  plus  précicufe  ;  &  non  préciié- 
mcnt  par  le  danger  qu'il  3'  avoit  que  ce  figne 
de  larichelTe  tût  jamais  réduit  ;\  nulle  valeur 
à  force  de  fe  multiplier  :  c'eft  ce  dont  on 
fe  convaincra  facilement  par  le  calcul  qui 
fuit.  Si  l'état  de  l'Europe  refloit  ,  durant 
encore  deux  mille  ans  ,  exaftement  ce 
qu'il  efl  aujourd'hui ,  fans  aucune  viciffi- 
tude  fenfible  ;  que  les  mines  du  Pérou  ne 
s'épuiiafîent  point  &  puflent  toujours  fe 
travailler  ;  &  que  ,  par  leur  produit ,  l'aug- 
mentation de  ïargent  en  Europe  fuivît  la 
proportion  des  deux  cents  premières  an- 
nées,  celle  de  31  A  i  ,  il  efi:  évident  que 
dans  dix-fept  à  dix-huit  cents  ans  d'ici ,  Y  ar- 
gent nt  feroit  pas  encore  allez  commun  pour 
ne  pouvoir  plus  être  employé  à  représenter 
la  richeiïe  ;  car  fi  V argent  étoit  deux  cent 
quatre-vingt-huit  fois  plus  commun, un 
ligne  équivalent  à  notre  pièce  de  vingt- 
quatre  fous  ,  devroit  être  deux  cent  quatre- 
vingt-huit  fois  plus  grand,  ou  notre  pièce  de 
vingt-quatre  fous  n'équivaudroit  alors  qu'un 
figne  de  deux  cent  quatre-vingt-huit  fois  plus 
petit.  Mais  ily  a  deux  cent  quatre-vingt-huit 
deniers  dans  notre  pièce  de  vingt-quatre  fous; 
donc  notre  pièce  de  vingt -quatre  fous 
ne  repréfenteroit  alors  que  le  denier  ;  repré- 
fentation  qui  feroit ,  à  la  vérité  ,  fort  incom- 
mode, mais  qui  n'anéantiroitpas  encore  tout- 
à-fait  dans  ce  métal  la  qualité  repréfentativc. 
Tome  IJI. 


ARG  30J 

Or  dans  combien  de  temps  penfe-t-on  que 
l'ar^e/if  devienne  deux  cent  quatre-vingt-huit 
fois  plus  commun,  en  lliivant  le  rapport  d'ac- 
croifîément  de  32  à  i  par  deux  cents  ans  ? 
dans  1800  ans,  à  compter  depuis  le  mo- 
ment où  l'on  a  commencé  à  travailler  les 
mines  ,  ou  dans  1600  ans ,  ;\  compter 
d'aujourd'hui  ;  car  23  eu  neuf  fois  dans 
288  ,  c'ei't-à-dire  que  dans  neuf  fois  deux 
cents  ans  ,  la  quantité  d'a'g:nt  en  Europe 
fera  à  celle  qui  y  étoit  quand  on  a  com- 
mencé à  travailler  les  mines  ,  comme  288 
à  I.  Mais  nous  avons  fuppoie  que  dans 
ce  long  intervalle  de  temps,  les  mines  don- 
neroient  toujours  également  ;  qu'on  pour- 
roir  toujours  travailler  ;  que  ["argent  ne 
foulFriroit  aucun  déchet  par  l'ufige ,  &  que 
l'état  de  l'Europe  reltcroit  tel  qu'il  eft  fans 
aucune  vicillitude;  fuppofitions  dont  quel- 
ques-unes font  fauffes  ,  &  dont  les  au- 
tres ne  font  pas  vrai'emblables.  Les  mines 
s'épuifent  ou  deviennent  impoffibles  à  ex- 
ploiter par  leur  profondeur.  L'argent  dé- 
cheoit  par  l'ulage ,  &  ce  déchet  efl  beau- 
coup plus  confidérable  qu'on  ne  le  penfc  ; 
&  il  lurviendra  nécellairement  dans  un 
inLervalle  de  20CO  ans  ,  â  compter  d'au- 
jourd'hui ,  quelques-unes  de  ces  grandes 
révolutions  ,  dans  lefquelles  toutes  les  ri- 
chelles  d'une  nation  difparoiffent  pref^ 
qu'entièrement ,  fans  qu'on  fâche  bien  ce 
qu'elles  deviennent  :  elles  font ,  ou  fondues 
dans  les  embraiemens  ,  ou  enfoncées  dans 
le  fein  de  la  terre.  En  un  mot ,  qu'.ivons- 
nous  aujourd'hui  des  tréfbrs  des  peuples 
anciens  ?  prefque  rien.  Il  ne  faut  pas  remon- 
ter bien  haut  dans  notre  hifloire ,  pour  y 
trouver  Vargent  entièrement  rare ,  &  les 
plus  grands  édifices  bâtis  pour  des  fom- 
mes  fi  modiques ,  que  nous  en  fommes  nu.. 
jourd'hui  tout  étonnés.  Tout  ce  qui  fub- 
fille  d'anciennes  monnoies  difperfécs  dans 
les  cabinets  des  antiquaires  ,  rempliroit  à 
peine  quelques  urnes  :  qu'ell  devenu  le 
refte  ?  il  eft  anéanti  ou  répandu  dans  Us 
entrailles  delà  terre,  d'où  les  ibcs  de  nos  char- 
rues font  fortir  de  temps  à  autre  un  Anto- 
nin.un  Othon,  ou  l'effigie prccieufe  de  quel- 
qu'autre  empereur.  On  trouvera  ce  que  l'on 
peut  défirer  de  plus  intéreffant  fur  cette  ma- 
tière X  Y  article  MONN  OIE.  Nous  ajouterons 
feulement  ici  que  nos  rois  ont  défendj,  foiui 


^oS  ARG 

des  punitions  corporelles  &  confifcarions  ,  à 
quelques  perlonnes  que  ce  fût ,  d'acheter  de 
l'argent  monnayé  ,loitaucoin  de  France  ou 
autre ,  pour  le  déformer  ,  altérer  ,  refondre 
ou  recharger  ,  &  que  l'argent  monnoyé  ne 
paie  point  de  droit  d'entrée  ,  mais  qu'on  ne 
peut  le  faire  lortir  fans  pafîeport. 

Argent  blanc,  fe  dit  de  toute  monnoie  fa- 
briquée de  ce  métal.  Tom  notre  argent  hlanc 
cft  aujourd'hui ,  écus  de  fix  francs  ,  de  trois 
livres,  pièces  de  vingt-quatre  ious  ,  pièces 
de  douze ,  &  pièces  de  fix. 

Argent  fin  ,  fe  dit  de  {'argent  à  douze  de- 
niers ,  ou  au  titre  le  plus  haut  auquel  il  puiiîe 
être  porté. 

Argent  bas  ou  bas  argent ,  fe  dit  de  celui 
qui  elt  plus  de  fix  deniers  au  deflbus  du 
titre  de  l'argent  monnoyé. 

Argent  faux  ,  fe  dit  de  tout  ce  qui  efl  fait 
de  cuivre  rou^e,  qu'on  a  couvert  à  pluiieurs 
fois  par  le  feu  ,  de  feuilles  d'argent. 

Argent  tenant  or,  le  di'  de  l'or  qui  a  perdu 
fon  nom  &  la  qualité  pour  être  allié  llir  le 
blanc  ,  &  audefious  dt  d.x-fept  karats. 

Argent  de  cendrée  ;  c'ell  ainli  qu'on  ;ippclle 
une  poudre  de  ce  métal, qui  ell  attachée  aux 
plaques  de  cuivre  miles  dans  de  l'cau-forre , 
qui  a  lèrvi  à  l'aiHua;  e  de  l'or  ,  après  avoir 
été  m  jlée  d  une  portion  d'eau  de  fontaine  ; 
cet  arrjfwr  elleltimé  àdouze  deniers.' 

Argent-le-roi  \  c'elt  celui  qui  ellau  ti;re 
auqikl  les  ordonnances  l'ont  fixé  pour  les 
ouvrages  d'orfèvres  &  de  monnoyeurs. 
Par  l'article  ^  de  l'édit  de  Henri  II,  roi  de 
France  ,  il  fut  défendu  de  travailler  de 
Yargent  qui  ne  fût  à  onze  deniers  douze 
grains  de  fin  au  remède  de  deux  grains  ; 
iuijourd'hui  on  appelle  argent-le-roi.  celui 
qui  paflè  à  la  monnoie  &  dans  le  commerce, 
:i  cinquante  livres  un  fou  onze  deniers  ,  & 
qui  efi  au  titre  de  onze  deniers  dix-huit 
£rains  de  fin. 

Argent  en  pâte  ,  fe  dit  de  Vargent  prêt  à 
ttre  mis  en  fonte  dans  le  creufet.  Voye:^  le 
commencement  de  cet  article. 

Argent  en  bain  ,  ib  dit  de  celui  qui  ell.  en 
fulion  aduclle. 

Argent  de  coupelle  ;  c'efl  celui  qui  efl  à 
onze  deniers  vingt-trois  grains. 

Argent  en  lame  ;  c'eft  Parfît'/?/ trait,  ap- 
plati  er.  re  deux  rouleaux  ,  &diipoléA  être 
appliqué  fur  la  foie  par  le  moyezi  du  mou- 


ARC. 

lîn  ,  bu  à  être  employé  tout  pîat  dans  les  of- 
ncmens  qu'on  fait  à  plufieurs  ouvrages  bro- 
dés ,  brochés  ,  Ùc.   Voye\  Fleur    d'or. 

Argent  trait;  c'eft  celui  qu'on  a  réduit 
A  n'avoir  que  l'épailîeur  d'un  cheveu  ,  en  le 
iaifant  palier  fucceffivement  iwr  les  trois 
trous  d'une  filière. 

Argent  filé ,  ou  fil  d'argent  enhme  ,  em- 
ployé &  apphqué  fur  la  îbie  par  le  moyen 
du  moulin. 

Argent  en  feuille  ou  battu  ;  c'eft  celui 
que  les  batteurs  d'or  ont  réduit  en  feuil- 
les très-minces  ,  à  l'ulage  des  argen- 
teurs  &  doreurs.  Fo>'q  BATTEUR  d'or. 
Battre,  Or. 

Argent  en  coquille,  fe  dit  des  rognures 
même  de  l'argent  en  feuilles  ou  battu , 
il  cfl  employé  par  les  peintres  &  les  ar- 
gentcurs. 

Argcntfinfume,  fe  dit  de  Vargent  fin  ^ 
(oit  trait  ,  ibit  en  lame  ,  loit  Hlé  ,  ibit 
battu  ,  auquel  on  a  taché  de  donner  la  cou- 
leur de  l'or  en  l'expoiant  à  la  fumée  ;  cette 
fraude  efl  dclcndue  Ious  peine  de  confifca— 
tion  entière  &;  deux  mille  livres  d'amende  , 
i'0)'f .,  pour  l'intelligence  de  tous'ces  articlesy 

1  Ïtre  ,  Battre  ,  Filer  l'or. 

Argent  d  la  grojje  ;  c'efi:  la  mime  chofè. 
qu'argent  mis  A  la  groHê  aventure. 

Aigent  de  permijjlon  ;  c'ell  asnfi  qu'oti^ 
nomme  l'jrge/j/- de  change  dans  la  plupart, 
des  Pa}s-bas  François  ou  Autrichiens:. 
cet  argent  efl  diitérent  de  Vargent  cou- 
rant. Les  cent  tloriiis  de  permiflion  va- 
lent huit  cents  florins  &  un  tiers  cou-- 
rant  ;  c'efl  à  cette  mefure  que  fe  rédui-^ 
fent  toutes  les  remiles  qu'ion  fait  en  pays, 
étrangers. 

Argent,  endroit,  s'entend  toujours  de 
1  argent  monro^é. 

Argent,  Te  dit,  enblafon,  de  la  cou- 
leur blanche  dans  toute  ârmoirie.  Les  ba- 
rons &  nobks  l'appellent  en  Angleterre. 
blanche  peile  ;  les  princes  ,  lune  ;  &  Icshé- 
raults  difent  que  luns  or  èi  uns  argent ,  \\. 
n'y  a  point  de  bonnes  armoiries,  h'argent. 
s'exprime  ,  en  gravure  d'armoiries  ,  en. 
laiflânt  le  fond  tel  qu'il  efl  ,  tout  uni  &. 
finis  hachure.  l'^ove~^\1tTAVX.  (blafon.) 

*  ARGENTAC  ,  {Céog)  ville  de  Fran- 
ce, dans  leLimoulin,  liirlaDordogne.  Lorjg.. 
^9  3  33  i^<i"^-45  3  5- 


AR  G 

ARGENTAN,  (Geogr.)  vilkdeFnince, 
dans  la  baffe -Norinaiidie  ,  au  diocclc  de 
Seez.  Elle  eit  fur  une  petite  montagne  ,  au 
milieu  d'une  belle  plaine  très-tertile  ,  au 
bord  de  l'Orne.  Il  y  a  une  éleftion ,  un  bail- 
liage ,  un  bureau  des  Tels  &  un  des  torcts. 
On  y  trouve  trois  égiifès  paroiffiales ,  quatre 
monafleres  &  deux  hôpitaux.  Il  s'y  t^abrique 
quantité  de  toiles  ,  d'étamines  &  d'autres 
étofïès  légères.  Cette  ville  a  titre  demarqui- 
fat  &  de  vicomte.  C'elt  VArgentomnm  ou 
Argentomagum  A<is.  anciens.  Long,  ij  ,3  Si 
ht.  48  ,   $4.  {C.A.) 

ARGENTANVM ,  (  Geogr.  )  ville 
d'Italie  au  pays  des  Brutiens.  On  ne  lait 
pas  préciiémcnt  fi  c'eft  Argentins  ou  San- 
Marco  ,  villes  modernes  de  la  Calabre  cité- 
rieure.  (C.  A.  ) 

ARGENTARIA  ou  ARGENTO- 
VARIA  ,  (  Géogr.  )  ville  de  la  Gaule  Sé- 
quanoile  ,  près  de  laquelle  l'empereur  Gra- 
tien  battit  les  Allemands  ,  &  qui  fut  eniliite 
détruite  par  Attila.  On  croit  qu'elle  n'étoit 
pas  éloignée  de  l'endroit  où  le  trouve  au- 
jourd'hui Colmar  dans  la  haute  -  Aliace. 
(C.A.) 

ARGENTARO  ou  Monte-Argen- 
TARO  ,  (  Geogr.  )  cap  d'Italie  en  Tolcane. 
Il  c[\  au  midi  d'Orbitello ,  &  k  l'ell  de 
l'ile  Giglio.  On  y  trouve  Porto-Hercolc  , 
&  quelques  autres  bourgs.  Long,  ^z  ,  /  5  ,• 
lac.4z  ,    s 5'  {C.A.) 

ARGENTE,  adj.  {Manège)  gris  ar- 
genté,  nom  d'un  poil   de  cheval.     Voyer 

Gris.  (A) 

ARGE\TEAU,  {Gesgr.)  ancien  châ- 
teau tort  dans  les  Pays-Bas  ,  lur  la  Meufe , 
su  duché  de  Limbourg,  dans  le  comté  de 
Fauquemont.  Il  tfl  tout  ruiné.  Une  branche 
de  la  mailon  de  Merci  porte  le  titre  de  comte 
d'Argenreau.  (  C.   A.) 

ARGENTER  ,  v.  au.  c'eft  appliquer  & 
fixer_  des  feuilles  d'argent  lùr  des  ouvrages 
en  f-er  ,  en  cuivre  ,  ou  autres  métaux  , 
en  bois  ,  en  pierre  ,  en  écaille  ;  fur  la  toile , 
lur  le  papier  ,  &c.  pour  faire  paroitre  ces 
ouvrages  en  tout  ou  en  partie  ,  comme 
s'ils  étoient  d'argent.  P^oje^  ci-après  Ar- 
GENTEUR, 

ARGEi'>JTEUIL ,  (  Geogr.  )  gros  bourg 
de  France  fur  la  Seine  ,  à  deux  lieues  de 
Paris,  entre  Saint-Denis  &  Saint-Gçrmain, 


A  R  G  307 

II  cft  entouré  de  murailles  &  de  foiîés 
comme  une  ville.  On  y  cOinptc  près  de 
cinq  mille  habitans.  Il  s'y  fait  un  afTcz 
grand  commerce  de  vin  &  d'autres  denrées  , 
&  l'on  trouve  dans  les  environs  pluficurs 
carrières  de  plâtre  très -abondances.  Les 
bcnédidins  de  la  congrégation  de  Saint- 
Maur  en  pofledcnt  la  fcigneuric.  Ils  coa- 
lervcnt  une  robe  ians  couture  ,  qu'on  dit 
être  la  robe  de  J.  C.  Cette  robe  eft  de  cou- 
leur ventre-de-biche. 

Il  y  a  encore  un  bourg  du  nom  à'Ar^ 
genteuil en  Bourgogne,  au  comté  de  Ton- 
nerre ,  fur  la  rivière  d'Armancon.  (  C.  A  ) 
^  ARGENTEUR  ,  ouvrier  'dont  l'art  eft 
d'apphqucr  &  fixer  l'argent  eni.  feuilles  fur 
des  ouvrages  en  tous  métaux  ;  fur  papier , 
bois  ,  écaille,  toile,  &.c.  &  de  taire  paroitre 
ces  ouvrages,  en  toutou  en  partie  ,  comme 
s'ils  etoient  d'argent. 

On  ne  fiit  pas  précifcment  en  quel  temps, 
cet  art  a  commencé  ,  ni  ceux  qui  en  fu, 
rent  les  premiers  inventeurs.  II  y  a  cepen- 
dant lieu  de  préfumer  qu'il  doit  l'on  origine 
au_  luxe  àcs  peuples  ,  qui  ,  n'étant  pas 
ailez  riches  pour  avoir  en  matière  d'argent 
certains  iTicubles ,  ou  certains  ornemens 
dontils  fe  fervoient ,  imaginèrent  de  leur  ap- 
pliquer quelque  couleur  qui  les  fît  regarder 
comme  s'ils  étoient  réellement  d'un  métal 
aulli  précieux. 

Lorlqu'on  veut  donner  l'apparence  de  l'ar- 
gent à  ce  qui  n'en  eft  pas  ,  on  y  appli-.-iue 
lortement  des  fel^iillcs  d'argent  ;  &  ,  après 
les  avoir  répandues  également  par-tout ,  on 
doit  les  unir  fi  bien  ,  que  l'ccil  ne  puilfe  pas 
s'appercevoir  qu'une  pièce  argentée  difl'cre 
d'une  pareille  qui  cft  d'argent.  L'ouvrage  palîè 
pour  mauvais  lorlqu'on  )■  trouve  quelque  iné- 
galité ,  &  pour  mal  fait  lorfque  fa  lurtaceeff 
mal  adhérente  ,  légère  &  raboteufe  pour 
avoir  employé  de  l'argent  qui  n'eiî:  pas  d» 
bon  alûi. 

On  argenté  différemment  fur  les  métaux 
que  fur  toutes  les  autres  matières.  On  le 
lèrt  du  feu  dans  le  premier  cas ,  &  dans 
le  fécond  ,  on  fait  ulage  de  quelques  ma- 
tières glutineufes,  qui  prennent  (ijr  les  feuilles 
d'argent,  &  fur  les  pièces  qu'on  doit  argcnter. 

Pour  argenter  fur  ter  ou  fur  cuivre  ,  on 
commence  par  einorfiler  l'ouvrage  ;  c'eft-à- 
dire  ,   que,    iorlque  cet  ouvrage  a  été  lait 


3oS  A  R  G 

au  tour ,  on  en  oce  le  morfilau  vives  arêtes 
avec  fies  pierres  ï  polir.  Après  qu^les  pièces 
ont  été  bien  émorfilces  ,  on  les  fait  recuire  , 
c'eft-à-dire ,  qu'on  les  met  rougir  dans  le 
feu  ;  &  après  qu'elles  font  un  peu  refroi- 
dies ,  on  les  plonge  dans  de  l'eau  féconde  , 
OL^  on  les  laifie  pendant  peu  de  temps  :  'ior- 
tics  de  cetre  eau ,  on  les  ponce  ,•  c'efl-à-dire , 
en  les  éclaircit  en  les  frottant  à  l'eau  avec 
une  pierre-ponce.  Dès  qu'elles  iont  éclair- 
cies  ,  on  les  fait  réchauifer  un  peu ,  aflez 
cependant ,  pour  qu'en  les  replongeant  dans 
l'eau  féconde  ,  l'ébuliition  qu'elles  caulent 
en  y  entrant ,  foit  accompagnée  d'un  peu 
de  bruit.  On  ne  fait  cetre  efpece  de  fé- 
conde trempe  ,  que  pour  donner  à  chaque 
pièce  de  petites  inégalités  infenlibles ,  qui 
la  dllpofent  à  prendre  mieux  les  feuilles 
d'argent  dont  on  doit  la  couvrir. 

Lorfqu'on  veut  que  l'argenture  foit  folide 
&  durable  ,  on  hache  les  pièces  ;  c'efl-à- 
dire  ,  qu'on  y  pratique  en  tout  fens  un  nom- 
bre prodigieux  de  traits,  qu'on  appelle  Ai- 
chures  f  &  qu'ontoit  avec  le  tranchant  d'un 
couteau  d'^acier  ,,dont  la  forme  &  la  grandeur 
font  proportionnées  à  l'ouvrage  qu'on  doit 
hacher. 

Lorfque  cette  opération  eil  faite  ,  on  met 
bleuir  les  pièces  hachées  ;  c'efl-à-dlre ,  qu'on 
leur  donne  un  degré  de  chaleur  qui  change 
leur  furface  en  bleu.  Ce  degré  de  chaleur  y 
efl  fi  néceflaire  ,  qu'on  ne  fauroit  les  finir 
fans  le  leur  continuer  ;  &  comme  on  ne 
pourroit  le  tenir  à  nu  dans  la  main  ,  on  les 
monte  fur  des  tiges  ou  challis  de  fer  qu'on 
nomme  mandrins.  Ces  mandrins  varient 
dans  leur  forme  &  dans  leur  grandeur ,  re- 
lativement aux  ouvrages  qu'on  veut  argcn- 
rcr.  Les  pièces  plates,  comme  les  afllettes  , 
font  montées  fur  un  mandrin  àchaffis  ou  a 
coulice.  Les  pies  des  chandeliers  &  de  tou- 
tes les  pièces  percées  ,  font  tenus  par  une 
broche  de  fer  terminée  par  une  vis  ;  &  au 
moyen  d'un  écrou,  on  fixe  l'ouvrage  fur  cette 
broche  ,  qu'on  appelle  auSi  mandrin.  Ainfi  , 
félon  la  dilRrence  des  ouvrages ,  on  dit  un 
mandrin  à  aiguière  ,  à  ajfiette  ,  à  plat  &  à 
chandelier. 

Chaque  feuille  d'argent  dont  on  fc  fert , 
a  cinq  pouces  en  quarré,  &  quarante-cinq 
de  ces  feuilles  doivent  pefer  un  gros. 

On  commence  par  en  mettre  deux  à  I3 


A  R  G 

fois  fur  une  pièce  chaude  ,  ce  qu'on  appelle 
charger.  On  prend  les  feuilles  de  la  main 
gauche  avec  des  brujjèlles  ou  pinces,  &  de 
la  droite  ,  on  tient  un  bruniffoir  à  ravaler  ,• 
c'ell-à-dire  ,  à  prelfer  &  frotter  fortement 
les  feuilles  appliquées  fur  la  pièce. 

Ces  brunifloirs  ont  une  forme  &  une 
grandeur  difiérente  ,  fuivant  les  divers  ou- 
vrages auxquels  on  les  emploie.  Les  uns 
font  droits  ,  les  autres  courbés  ;  mais  ils 
font  tous  d'un  acier  bien  trempé  ,  très-poHs,. 
&  parfaitement  arrondis  par  leurs  angles  , 
pour  ne  pas  faire  des  raies  en  allant  &  va-- 
nant  fur  l'ouvrage.  Ils  font  aufli  emmanchés 
de  bois  ;  ce  manche  de  bois  cil  un  biiton 
cylindrique  ,  de  longueur  &  groffeur  con-. 
venable  ,  garni  d'une  frète  de  cuivre  par  le 
bout  ,  ik  percé  dans  fa  longueur  d'un  trou 
dans  lequel  eff  cimentée  la  tige  du  bruniflbir  y 
la  frète  empêche  le  manche  de  fe  fendre,, 
on  en  contient  les  parties  quand  il  eft  fendu. 
yoye:^  BRUNISSOIR. 

Lorfque  le  teu  a  trop  pénétré  la  pièce  en, 
quelque  endroit ,  on  la  grattebojfe  ,  c'eft-. 
à-dire  ,  qu'on  emporte  avec  un  inflrument- 
de  laiton  ,  appelle  grattebojfe  ,  une  efpece- 
de  poufiierc  noire  qui  s'efl  formée  à  la  fur-, 
face  de  la  pièce  :  on  la  charge  enfuite  comme 
auparavant. 

Les  argenteurs  travaillent  toujours  deux 
pièces  à  la  fois.  Pendant  qu'une  chauffe , 
ils  bruninènt  l'autre. 

Quand  les  deux  premières  feuilles  d'ar- 
gent font  bien  appliquées  ,  on  fait  réchauf- 
fer la  pièce  comme  auparavant.  On  y  met 
pardeflus  quatre  ou  fix  feuilles  d'argent  à 
la  fois  ,  &  l'on  continue  juf'qu'à  trente  ,  qua-. 
rante,  cinquante  &  foixante  feuilles  ,  félon 
qu'on  veut  donner  A  la  pièce  une  argenture 
plus  durable  &  plus  belle.  Pour  rendre  ces 
feuilles  adhérentes  entr'elles  &  les  deux  pre- 
mières ,  on  pafl'e  pardeffus  ,  à  chaque  fois , 
le  brunijfoir  à  brunir  ,  qui  ne  diffère  du 
brunijjoir  à  ravaler  que  par  la  longueur  de. 
fon  manche. 

Chaque  pièce  étant  revêtue  de  la  quan- 
tité de  feuilles  d'argent  qu'on  jugea  propos 
de  lui  donner  ,  on  la  brunit  à  fond  ,  en  ap- 
puyant fortement  le  bruniifoir  contre  elle. 

Comme  on  argenté  le  bois  ,  la  toile,  le 
cuir ,  &c.  de  la  même  façon  qu'on  les  dore, 
r.o'vîs  en  parlerons  à  l'article  du  doreur 


A  R  G 

Pour  défargenter  une  pièce  ,  on  la  fait 
chauffer  à  deux  fois  ;  &  on  la  trempe  autant 
de  fois  dans  de  l'eau  féconde ,  qui  prend 
peu  A  peu  toute  l'argenture  ;  il  faut  cepen- 
dant bien  prendre  garde  de  ne  pas  l'y  lailTer 
tremper  trop  long-temps  ,  parce  que  l'eau 
féconde  prendroit  trop  iur  le  corps  de  la 
pièce ,  y  formeroit  des  inégalités  ,  &  lui 
donneroit  une  furface  raboteufc  &  défagréa- 
ble ,  quand  on  la  réargenteroir. 

Les  Itatuts  des  argenteurs  datent  depuis 
Charles  IX.  Ils  Ibnt  les  mêmes  que  ceux 
des  doreurs  fur  cuivre  &  autres  métaux  , 
avec  lefqucls  les  argenteurs  ne  font  qu'une 
même  communauré.    Voj'e:^  DoREUR. 

ARGENTIER,  f.  m.  (Commerce.)  tlms 
les  anciennes  ordonnances,  eil  le  nom  qu'on 
donnoit  à  ceux  qui  fe  mêloient  du  com- 
merce de  l'argent ,  comme  les  banquiers  , 
les  changeurs. 

Argentier,  {Hifi.  mod.)  fignifioit 
autrefois  en  France  le  lurintcndant  des 
finances  du  roi.  Le  fameux  Jacques  Cœur 
étoit  argentier  du  roi  Charles  VIII.  {G) 

*  ARGENTIERE  (  l'  )  ,  petite  ville  de 
France  en  Languedoc  ,  dans  le  Vivarajs. 
Long,  zz  f    ^^  i  lat.  4/f. y  ^o. 

"^  ARGENTIiiRE  ( /' )  ,  Géog.  petite  île 
de  l'Archipel ,  proche  celle  de  Milo.  Elle  a 
été  ainfi  nommée  de  fes  mines  d'argent  aux- 
quelles on  ne  travaille  point.  Long.  4.2. , 
49  ;  Ut.  :s6  ,  ^o. 

ARGENTINE  ,  plante  qui  doit  être 
rapportée  au  genre  des  pentaphylloïdes. 
Fo/q  Pentaphylloide.  (/) 

*  Sa  racine  eft  noirâtre,  afb-ingente,  tantôt 
fimple  ,  tantôt  fibreufe.  Ses  feuilles  font 
conjuguées ,  femblables  à  celles  de  l'aigre- 
moine  ,  compolees  de  plufieurs  grands  lo- 
bes ,  obtus  &  dentelés  profondément  vers 
les  bords  ,  entremêlés  d'autres  lobes  plus 
petits.  Ses  feuilles  font  vertes  pardeflus  , 
&  garnies  pardeflbus  de  petits  poils  blancs 
argentins.  Ses  fleurs  naiflent  feule  à  feule 
de  l'aiiTelle  des  feuilles  ,  qui  embraflènt  les 
petites  tiges  par  leurs  appendices  ;  elles  font 
portées  fur  de  longs  pédicules  velus ,  & 
compofées  de  cinq  pétales  jaunes.  Leur 
calice  eft  d'une  feule  pièce  divifée  en  cinq 
parties  pointues  ,  entre  lefqueiles  il  y  en 
a  cinq  autres  plus  petites  ;  elles  renferment 
pluiieurs  étamines  garnies  de  leurs  foiïunets 


A  R  G  30^ 

de  même  couleur.  Le  piflil  fê  change  en 
une  tête  Iphérique  de  trois  lignes  de  diamè- 
tre ,  couverte  de  pluiieurs  petites  graines 
arrondies  ,  jaunâtres ,  &  femblables  k  celles 
du  pavot.  Elle  ell  commune  dans  les  lieux 
humides  ,  le  long  des  chemins  ,  Iur  le  bord 
des  rivières  ;  elle  trace  par  des  jets  comme 
le  fraifier.  Sa  racine ,  fes  feuilles  ,  &  fa 
graine  font  d'ufage  en  médecine. 

DilHllée  fraîche  au  bain  marie ,  elle  donne  ^ 
un  flegme  hmpide  ,  infipide  &  fans  odeur  , 
une  liqueur  hmpide  ,  obfcurément  acide , 
puis  man.iteflement  acide  ,  enfin  fort  acide. 
Ce  qui  cfl  rcffé  dans  l'alembic  ,  diffillé  à 
la  cornue  ,  a  donné  une  liqueur  rouflatre  , 
foit  acide  ,  foit  auflere ,  foit  alkalinc  uri- 
neufe  ;  une  liqueur  roufle  cmpyreumati- 
que  ,  urineufe  ,  remphe  de  beaucoup  de 
fel  volatil  urineux  ;  du  lel  volatil  urineux 
concret ,  &  de  l'huile  de  la  confiilance  du. 
beurre.  La  mafTe  noire  refiée  dans  la  cor- 
nue a  donné  ,  après  une  calcination  de 
treize  heures  au  feu  de  réverbère ,  des  cen- 
dres noirâtres ,  dont  on  a  tiré  par  la  lixi- 
viation  du  fel  fixe  alkali. 

Toute  la  plante  a  \m  goût  d'herbe  un- 
peu  falé  &  ffyptique.  Son  fuc  rougit  le  pa- 
pier bleu  ;  d'où  il  eil  clair  qu'elle  eil  com- 
pofée  d'un  fèl  ammoniacal  &  un  peu  alu- 
mineux  &  vitrioliquc  ,  uni  avec  une  huile 
épaifîe.  Elle  pafTe  pour  rafraîchiflante ,  af- 
tringente ,  deliicative  ,  repercufllve ,  &  for- 
tifiante. On  la  met  au  rang  des  plantes  vul- 
néraires ,  aflringentes  ;  &  en  effet  elle  ar- 
rête toute  forte  d'hémorrhagies.  On  la  pref^ 
crit  utilement  dans  le  crachement  de  fang , 
dans  les  pertes  de  fapg  ;  &  dans  les  hémor- 
rhoïdes.  On  lui  attribue  encore  la  vertu  de 
foulager  dans  la  diarrhée  &  les  «flux  de 
fang.  GéofF.  mat,  méd.. 

*  ARGENTINUS ,  f.  m.  (MjthoL) 
dieu  de  l'argent ,  fils  de  la  déeflè  Pecunia. 

'^ARGENTO  ,  C  Ge'ogr.  )  rivière  de  la 
Turquie  en  Europe  ;  elle  coule  dans  l'Al- 
banie &  fe  jette  dans  le  golfe  de  Venife. 

*  ARGENTON,  (  Geog.  )  ville  &  con- 
trée de  France  ,  dans  le  duché  de  Berri  , 
divifée  en  deux  par  la  Creufe  ;  l'une  de  ces 
parties  efl  appellée  la  haute  ville  ,  &  l'autre 
la  ville  bajfe.  Long.  19  ,  10  ;  lac.  ^o ,  30. 

ARGENTON-LE-CHATE AU,  petite 


3T0  A  R  G 

ville  de  France  en  Poitou  ,  gén^ralit^  de 
Poitiers. 

ARGENTOR  ,  rivière  de  France  dans 
l'Angoumois  ,  formée  de  deux  ruiflèaux , 
Tun  nommé  argent ,  l'aurre  or  ;  elle  ie  jette 
dans  la  Ciiarente  ,    au  village  de  Porlar. 

ARGENTURE  ,  f.  f.  (e  prend  en  deux 
fens  diltérens  ;  ou  pour  l'art  d'appliquer 
des  feuilles  d'argent  fur  quelque  corps  ,  ou 
pour  les  feuilles  même  appliquées.  Voye^ 
Van  de  Va rge nuire  à  l'article  ArgENTER. 
Quant  à  l'argenture  prife  dans  le  fécond 
iens ,  il  faut  qu'elle  foit  forte  ,  fortement 
Appliquée ,  égale  par-tout  ,  bien  unie.  Le 
hin  de  cette  façon  eft  de  donner  l'appa- 
rence de  l'argent  à  ce  qui  n'en  ell  pas  ;  fi 
donc  on  apperçoit  à  l'ccil ,  dans  la  pièce 
argentée  ,  quelque  différence  d'avec  une 
pareille  pièce  qui  feroit  d'argent ,  V argen- 
ture efl  mal  faite  ]  elle  eft  mauvaife  fi  elle 
eft  inégale  ,  mal  adhérente  ,  légère  ,  &  ra- 
boteule  ,   &  fi  l'argent  efl  mauvais. 

*  ARGIAN  ou  ARREGIAN  ,  ville  du 
Cluiliftan  ,  province  de  Perié  ;  elle  eft  iln- 
la  rivière  de  Sirt ,  proche  du  golfe  de  Bal- 
fora. 

*ARGIENNE,  ouARGOLIQUE, 
(  Mjth.  )  furnom  de  Junon.  Voyei  Ca- 
NATHO. 

*ARGIENS,  f.  m.  pi.  (  Geogr.  Hifi.) 
ies  habitans  d'Argos.  V.  ci-après ,  Argos. 
(  Ge'og.  Hi/î.  anc.  ) 

*ARGILE  ,  rayer  Argyle. 

ARGILLE,  argilla,  f.  f.  {  Hifl.nat. 
fojf.  )  terre  pefante ,  compafte ,  grade ,  & 
glilfante.  L'argille  a  de  la  ténacité  &  de  la 
duftilité  lorfqu'clle  eft  humide  ,  mais  elle 
devient  dure  en  léchant ,  &  ce  changement 
de  conftftance  n'en  délunit  point  les  par- 
ties ;  c'eft  pourquoi  cette  terre  eft  propre 
à  diftérens  u£iges.  On  en  fait  des  vales  de 
toute  elpece  ,  des  tuiles ,  des  briques  ,  des 
carreaux  ,  des  modelés  de  Iculpture  ,  6v. 
car  on  peut  lui  donner  toutes  fortes  de 
formes  lorfqu'elle  eft  molle  ,  &  elle  les  con- 
Icive  après  avoir  été  durcie  au  feu.  Dans 
cet  état  elle  réfiile  à  l'humidité  ;  &  fi  l'on 
pouflé  le  feu  à  un  certain  point ,  on  la  vi- 
trifie. 11  y  auroit  pour  ainfî  dire  une  infi- 
nité d'elpeces  à^argille  ,  fi  on  votiloit  les 
diftinguer  par  les  codeurs  ;  il  y  a  des  ar- 
pUes  blanches ,  jaunes  ,  grifes ,  roufles , 


A  R  G 

bleues  ,  noires ,  Êv.  on  en  voit  qui  font 
veinées  comme  les  marbres.  Uargille  (e 
trouve  par-tout ,  mais  à  différentes  profon- 
deurs ;  elle  fert  de  bafe  à  la  plupart  des 
rochers.  C'eft  une  matière  des  plus  abon-» 
dantes  &  des  plus  utdes  que  nous  con- 
noiilions. 

M.  de  Bufiôn  a  prouvé  que  Yargille 
forme  une  des  principales  bouches  du 
globe  terreftre  ;  &  il  a  traité  cette  matière 
dans  toute  fon  étendue.  C'eft  en  réflechif^ 
iant  iur  la  nature  de  cette  terre  ,  qu'il  en 
découv  re  l'origine  ,  &  qu'il  fait  voir  que  fà 
fîtuation  dans  le  globe  eft  une  preuve  de 
l'explication  qu'il  donne  de  la  formation  du 
globe.  Comme  cette  explication  fait  partie 
de  la  théorie  de  la  terre  ,  que  M.  de  Buffon 
nou5  a  donnée  dans  le  premier  volume  de 
ÏHift.  nat.génér.  Ù part,  avecladefcrip.  du 
cabinet  du  Roi  ,  il  faudroit  pour  le  bien 
entendre  avoir  une  idée  fuivie  de  l'enfemble 
de  cet  ouvrage.  Nous  ne  pouvons  rappor- 
ter ici  que  ce  qui  a  un  rapport  immédiat 
avec  V annule. 

Les  labiés  ,  dit  M.  de  BufFon  ,  dont  les 
parties  conftituantes  s'imiflent  parle  moj-en 
du  feu  ,  s'allunilent  &"  deviennent  un  corps 
dur  ,  très-denlè  ,  &  d'autant  plus  tranl- 
parent  que  le  fable  eft  plui  homogène  ; 
expofës  au  contraire  long-temps  à  l'air  ,  ils 
fe  décompolent  par  la  délimion  &  l'exto- 
liation  des  petites  lames  dont  ils  lont  for- 
més ,  ils  commencent  à  devenir  terre;  &, 
c'eft  ainfî  qu'ils  ont  pu  former  les  terres 
&  les  argilles.  Cette  pouftiere  ,  tantôt  d'un 
jaune  brillant,  tantôt  Icmblablc  à  des  pail- 
lettes d'argent ,  dont  on  le  lert  pour  lé- 
cher l'écriture  ,  n'elt  autre  choie  qu'un 
fable  très  -  pur  ,  en  quelque  façon  pourri , 
prelque  réduit  en  lés  principes ,  &  qui 
tend  à  une  décompoiition  parfaite  ;  avec 
le  temps  \<:s  paillettes  feroient  atténuées  & 
divilées  au  point  qu'elles  n'auroient  plus 
eu  allez  d'épaiileur  &  de  furface  pour  ré- 
fléchir la  limiiere  ,  &:  elles  auroient  acquis 
toutes  les  propriétés  des  glaifes.  Qu'on  re- 
garde au  grand  jour  im  morceau  d'argille, 
on  y  apperccvra  une  grande  quantité  de 
paillettes  talqueuies  ,  qui  n'ont  pas  entière- 
ment perdu  leur  forme.  Le  iable  peut  donc 
avec  le  temps  produire  Yargille  ;  &  celle- 
ci  ,  en  fe  divjfant ,  acquiert  de  mÊine  les 


A  R  G 

propriétés  d'un  véritable  limon  ,  matière 
vitrifiable  comme  VargilU ,  &  qui  eit  (.lu 
mêine  genre. 

Cette  tliéorie  cft  conforme  à  ce  qui  (e 

}>a(re  tous  lei  jours  fous  nos  yeux.  Qu'on 
ave  du  labié  fortant  de  ia  minière,  l'eau  ie 
chargera  d'une  alfe^j  grande  quantité  de 
terre  noire  ,  dudile ,  gralle  ,  de  véritable 
argille.  Dans  les  villes  où  les  rues  font  pa- 
vées de  grais ,  les  boues  font  toujours  noires 
&  trcs-grafles  ;  &  deiT.chés  ,  elles  for- 
ment une  terre  de  la  même  nature  que 
Vargille.  Qu'on  détrempe  &  qu'oi>  lave  de 
même  Va.igtlle  priie  dans  un  terrain  ,  où 
îl  n'y  a  ni  grais  ni  caillous ,  il  fe  précipi- 
tera toujours  au  fond  de  l'eau  une  affjz 
grande  quantité  de  lable  vitrifrable. 

Mais  ,  ce  qui  prouve  parfaitement  que  le 
fable ,  &  même  le  caillou  &  le  verre  exii- 
tent  dans  ïa'-gille ,  &  n'y  font  que  dégui- 
{és  ,  cci\  que  le  ieu  en  réunifiant  les  par- 
ties de  celui-ci  ,  que  l'aclion  de  l'air  & 
dos  autres  élemens  avoir  peut-être  divilées  , 
lui  rend  f^  première  forme.  Qu'on  mette 
de  V argille  dans  un  fourneau  de  réverbère 
échauffe  au  degré  de  la  calcination ,  elle 
fe  couvrira  au  dehors  d'un  émail  très-dur  ; 
fi  à  l'extérieur  elle  n'eit  pas  en  jore  vitrifiée  , 
elle  aura  cependant  acquis  une  très-grande 
dureté  ,  elle  réfiflera  à  la  lime  &  au  burin  : 
elle  étincellcra  fous  le  marteau  ;  elle  aura 
foutes  les  propriétés  du  caillou.  Un  degré 
de  chaleur  de  plus  la  fera  couler ,  5c  la 
convertn-a  en  un  véritable  verre. 

Uargille  &  le  fable  font  donc  des  ma- 
tières parfaitement  analogues  &  du  même 
genre.  Si  ïdrgille  en  ie  condenlanr  peut 
devenir  caillou  ,  d#.i  verre,  pourquoi  le 
fible  en  fe  diviiant  ne  pourroit-il  pas  de- 
venir de  Yargille.  Le  verre  paroît  être  la 
véritable  terre  élémentaire ,  &  tous  les 
mixres  un  verre  déguifé.  Les  métaux',  les 
minéraux  ,  les  fels ,  &c.  ne  font  qu'une 
terre  vitrefcible,  La  pierre  ordinaire ,  les 
autres  matières  qui  lui  font  analogues  ,  &: 
les  coquilles  des  teflacées,  des  cruitacées  , 
&c.  font  les  fjules  fubftances  qu'aucun  agent 
connu  n'a  pu  jufqu'à  préfent  vitrifier,  &: 
les  feules  qui  femblent  faire  une  clafle  à 
part.  Le  feu  ,  en  réunifiant  les  pai-ties  divi- 
fées  des  premières,  en  fait  une  matière 
homogène  ,  dure  &  tranfparente  à  un  ccr- 


A  R  G  3  I  r 

tain  degré ,  fins  aucune  diminution  de  pc- 
fanteur,  &:  à  laquelle  il  n\([  plus  capable 
de  caufer  aucune  altération.  Celles-ci  ,  au 
contraire,  dans  Icfquelles  il  entre  une  plus 
grande  quantité  de  principes  aâifs  &  vo- 
latils ,  qui  fe  calcinent,  perdent  au  feu 
plus  du  tiers  de  leur  poids  ,  &  repren- 
nent fimj^lement  la  forme  de  terre  ,  fans 
aucune  altération  que  la  défunion  de  leurs 
principes.  Ces  matières  exceptées ,  qui  ne 
font  pas  en  bien  grand  nombre  ,  &  dont 
les  combinaifons  ne  produiient  pas  de  gran- 
des variétés  dans  la  nature  ;  toutes  les  autres- 
fubflances ,  &  particuliéreinsnt  VargilU  ^ 
peuvent  être  converties  en  verre ,  &  ne' 
font  eiTentiellemcnt ,  par  conféquent ,  qu'un 
VMTC  décompolé.  Si  le  feu  fiit  changer 
promptemcnt  de  forme  ;\  ces  fubilances  en 
les  vitrifiant,  le  verre  lui-même  ,  foit  qu'il 
ait  fa  nature  de  verre  ,  ou  bien  celle  de 
làble  ou  de  caillou ,  fe  change  naturelle- 
ment en  argille  ,  mais  par  un  progrès  lent 
&:  infcnfible. 

Dans  les  terrains  où   le  caillou  ordinaire 
eu  la  pierre  dominante,  les  campagnes  en- 
font  ordinairement  jonchées  ;  &  fi  le  lieu 
efl  inculte  ,  &  que  ces  caillous  aient  été 
long-temps  expofés  à  l'air ,   fans  avoir  été 
remués,   leur  fuperficie  fupérieure  efîtou-- 
jours  très-blanche  ,    tandis  que  le  côté  op- 
pofé  qiii ^touche  immédiatement  la  terre, 
efl  très-brun,   &c    conferve  Ct   couleur  na- 
turelle. Si  l'on  caffe  plufieurs  de  ces  cail- 
lous ,  on  reconnoîtra  que  la  blancheur  n'eft 
pas  feulement  en  dehors  ;  mais  qu'elle  pé- 
rietrc  dans  l'intérieur  plus  ou  moins  pro- 
fondément ,    &  y   forme    une    efpece  de 
bande  qui  n'a   dans   de  certains    caillous 
que  très-peu  d'épailTe  .r ,   mais    qui    dans 
d'autres  occupe  prefque  toute  celle  du  cail- 
lou ;  cette  partie  blanche  d\  un   peu  gre- 
nue ,  entièrement  opaque  ,  aufîl  tendre  que 
la  pierre  ;.&    elle  s'attache  â    la    langue 
comme  les  bols  ,   tandis  que  le   refte    du 
caillou  ell    lifle    &  poli,    qu'il  n'a, ni  fif 
ni  grain  ,  &c   qu'il    a   cOnfervé   fa    couleur- 
naturelle ,    fa  tranfpnrence ,    &  fa   même 
dureté.  Si  l'on   mer  dans  un  fourneau  ce 
mcnie  caillou  à  moitié  décompofé,  fa  par- 
tie blanche  deviendra  d'un  rouge  couleur 
de    tuile ,    &    fa    partie    brune   d'un  très- 
beau  blanc.  Qu'on  ne  diie  pas  avec  un  de- 


3TZ  A  R  G 

nos  plus  c^letres  naturaliftes,  que  ces  pierres 
font  des  caillous  imparfaits  de  diiierens 
âges ,  qui  n'ont  pas  encore  acquis  leur 
perfedion.  Car ,  pourquoi  feroient-ils  tous 
imparfaits  ;  pourquoi  le  feroient-ils  tous  du 
même  côté  ?  pourquoi  tous  du  cote  expofé 
à  l'air  ?  Il  me  femble  qu'il  eft  aifé  de  fe 
convaincre  que  ce  font  au  contraire  des 
caillous  altérés ,  décompofës  ,  qui  tendent 
à  reprendre  la  forme  &  les  propriétés  de 
l'argilk  &  du  bol  dont  ils  ont  été  formés. 
Si  c'eft  conjeflurer  que  de  raifonner  ainfi , 
qu'on  expoie  en  plein  air  le  caillou  le  plus 
caillou,  (comme  parle  ce  fameux  natura- 
lifte,  )  le  plus  dur  &  le  plus  noir ,  en  moins 
d'une  année  il  changera  de  couleur  à  la 
furface  ;  &  fi  l'on  a  la  patience  de  fuiyre 
cette  expérience,  on  lui  verra  prendre  in- 
fenfiblement  &  par  degrés  fa  dureté  ,^  fa 
rranfparence  ,  &  fes  autres  caraéteres  fpé- 
cifiques  ,  &;  approcher  de  plus  en  plus  cha- 
que jour  de  la  nature  de  Yargille. 

Ce  qui  arrive  au  caillou  ,  arrive  au  fable. 
Chaque  grain  de  fible  peut  être  confidere 
comme  un  petit  caillou ,  &  chaque  caillou 
comme  un  amas  de  grains  de  làble  extrê- 
meiiient  fins  &  exaûement  engrenés.  L'exem- 
ple du  premier  degré  de  décompofition  du 
fable ,  fe  trouve  dans  cette  poudre  brillante  , 
rr.ais  opaque,  mica,  dont  nous  venons  de 
parler,  &  dont  Yargille  &  l'ardoilè  font 
toujours  parfemées:les  caillous  entièrement 
tranfparcns  ,  les  quarts,  produifent  enfe  dé- 
compofant  des  iables  gras  &  doux  au  tou- 
cher ;  aufli  pétriflables  &  duûiles  que  Ir. 
glaife  ,  &  vitrifiables  comme  elle  ,  tels  que 
ceux  de  Venife  &  de  Mofcovie  ;  &  il  me 
paroît  que  le  talc  eft  un  terme  moyen  entre 
le  verre  ou  le  caillou  tranfparent  &  Vargille  ; 
au  lieu  que  le  caillou  groffier  &  impur , 
en  fe  décompofant ,  paile  à  Yargille  fans 
intermède. 

Notre  verre  faélice  éprouve  auffi  la  même 
altération  ;  il  fc  décompofe  à  l'air ,  &  ie 
nourrit  en  quelque  façon  en  fé)ournant  dans 
les  terres.  D'abord  la  fuperficie  sirrife  , 
s'écaille  ,  s'exfolie  ,  &  en  le  maniatit ,  on 
s'apperçoit  qu'il  s'en  détache  des  paillettes 
brillantes  :  mais  ,  iorfque  fa  décom- 
pofition eft  plus  avancée,  il  s'écrafe  entre 
les  doigts ,  &  fe  réduit  en  poudre  talqueufe 
îrès-blanche  &  très-fine.  L'art  a  même  imité 


ARG 

la  nature  par  la  décompofition  du  verre 
&  du  caillou.  Efi  etiam  certa  methodus  fo- 
lius  aqucv  commurus  ope  ,  Jilices  6"  arenam 
in  liquorem  vifcofum  ,  eumdemque  infal  i^i- 
ride  conpercendi  ,  Ù  hoc  in  oleum  nibicun- 
dum  y  &c.  folius  ignis  &  aquce  ope  fpeciali 
expérimenta  durij/imos  quofque  lapides  in 
mucorem  refolvo  ,  qui  difiillatus  fubcilem 
fpiritiim  exhibée  &  oleum  nullis  laudibus 
prcvdicabile.  Bech.  Phyjic.  fubterr. 

Les  différentes  couches  qui  couvrent  le 
globe  terreftre ,  étant  encore  aâuellement 
ou  de  matières  que  nous  pourrons  confi- 
dérer  comme  vitrifiables ,  ou  de  matières 
analogues  au  verre ,  qui  en  ont  les  pro- 
priétés le-;  plus  eflentielles ,  &  qui  toutes 
iont  vitreicibles  ;  &  comme  il  ell  évident 
d'ailleurs  que  ,  delà  décompofition  du  cail- 
lou &  du  verre  ,  qui  fe  tait  chaque  jour 
lous  nos  yeux,  il  réfulte  une  véritable  terre 
argilleufe  ;  ce  n'eft  donc  pas  une  fuppofi- 
tion  précaire  ou  gratuite ,  que  d'avancer 
que  les  glaifes ,  les  argilles  &  les  fables  ont 
(.té  formés  par  des  icônes  &  des  écumes 
vitrifiées  du  globe  terreftre ,  (ur-tout  quand 
on  y  joint  â  priori ,  qu'il  a  été  dans  un  état 
de  liquéfaction  caufée  par  le  feu.  Voye\ 
Hift.  nat.  tom.  I ,  pag.  s.£3-  (l) 

ARGINUSES,  (t^eog.)  Diodore  de 
Sicile ,  Thucidide  &  Xénophon ,  difent 
qu'à  la  vue  des  îles  Argineufcs ,  les  Athé- 
nien^ conduits  par  Conon ,  vainquirent 
les  Lacédémoniens  commandés  par  Calli- 
cratidas.  Ces  îles  au  nombre  de  trois  , 
étoient  auprès  de  File  de  Lesbos ,  vis-à- 
vis  Mitylcne. 

*  ARGIPPÉENS  ,  f  m.  pi.  {ffi/l)  an- 
ciens peuples  de  la  Sarmatie  ,  qui ,  fi  l'on 
en  croit  Hérodote,  naiffoient  chauves, 
avoient  le  menton  large ,  peu  de  nez ,  & 
le  fon  de  la  voix  différent  de  celui  des  au- 
tres hommes,  ne  vivoient  que  de  fruits, 
&  ne  faifoient  jamais  la  guerre  à  leurs 
voifins  ,  qui ,  touchés  de  refpeft  pour  eux  , 
les  prenoient  fouvent  pour  arbitres  de  leurs 
diiférens. 

*  ARGO ,  f  m.  (  Mjth.  )  nom  du  vaif- 
leau  célèbre  dans  les  Poètes ,  qui  tranl^ 
porta  en  Colchide  l'élite  de  la  jcuneiîë 
Greque  ,  pour  la  conquête  de  la  toilon  d'or. 
Voye\  Argonautes. 

Les  critiques  font  partagés  fur  l'origine 

de 


A   Pv  G 

<1e  ce  nom  ,  que  les  uns  tirciir  à\\n  cer- 
cain  Argus  ,  qui  donna  le  delièin  de  ce 
navire  ôc  le  conftruilic  ;  d'autres  de  Hi 
vitclle  &  de  Hi  légèreté  par  antiplirnfc  du 
grec  apyU  ,  qui  fignifie  lent  &  parejjeux  ; 
ou  de  la  hgure  longue  ,  <5v:  du  mot  arco  , 
dont  les  Phéniciens  le  fcrvoient  pour  nom- 
mer leurs  vailleaux  longs.  Qiielques-uns 
l'ont  fait  venir  de  la  ville  dMrwj.t  où  il 
tut  bati  ;  de  d'autres  enfin  des  Argiens  qui 
le  montèrent  ,  félon  ce  diltque  rapporte  par 
Ciccron  ,   I.  Tufcul, 

■Ai'go  ,    quia  -Arg't  i  in  câ  delicli  viri 
Vecli  ,pstebantpelkm  inauratam  ariens. 

Ovide  appelle  ce  navire  facram  Argum  , 
parce  que  ,  lelon  lui ,  ce  fut  Minerve  qui 
en  donna  le  plan  &  qui  préfida  à  fa  conl- 
rruéfion  ;  peut-être  encore  parce  que  fa 
proue  étoit  formée  d'un  morceau  de  bois 
coupé  dans  la  for^t  de  Dodone  ,  &  qui 
rcndoit  des  oracles  ,  ce  qui  lui  fit  auiïl 
donner  le  nom  de  loquax.  Voy.  Oracle 
fr  DoroNE.  Jafon  ayant  heureufement 
achevé  Ion  entreprife  ,  confiera  à  Ion  re- 
tour le  navire  Argo  à  Neptune  ,  ou  /clon 
d'autres ,  à  Aiincr^'e  ,  dans  l'ifthme  de  Co- 
rinthe  ,  où  il  ne  fut  pas  long-temps  fans 
être  placé  au  ciel  &  changé  en  conftclla- 
rion.  Tous  les  auteurs  s'accordent  à  dire 
que  ce  vaifi'eau étoit  déforme  longue  com- 
me nos  galères ,  &  qu'il  avoir  vingt-cinq 
à  trente  rames  de  chaque  côté.  Le  fcho- 
liafte  d'Apollonius  remarque  que  ce  fut  le 
premier  bâtiment  de  cette  forme.  Ce  qu'at- 
telle auffi  Pline  après  Philoftephane.  longâ 
nave  Jafonem  pr  mum  navigajje  Philofiepha- 
fius  auclor  eft.  Hiji,  nat.  lib.  VU.  cap. 
xxx\j.  Une  circonftance  qui  prouve  qu'il  ne 
pouvoir  pas  être  d'un  volume  bien  vafte, 
c'eft  que  les  Argonautes  le  portèrent  fur 
leurs  épaules  ,  depuis  le  Danube  jufqu'à 
la  mer  Adriatique.  Mais  pour  diminuer  le 
merveilleux  de  cette  aventure  ,  il  eft  bon 
de  fe  reflbuvenir  de  la  force  prodigieufe 
que  les  poètes  attribuent  aux  hommes  des 
temps  héroïques. 

Quant  aux  oracles  qu'on  prétend  que 
rendoit  le  navire  Argo  ,  M.  Pluche  dans 
fon  hijioire  du  ciel  explique  ainfî  la  chofe. 
"  Quand  les  Colques  ou  habitans  de  la  Col- 
"  cliide  avoient  ramaflede  l'or  danslcPhafe , 
Terne  III. 


A  R  G  315 

"  il  falloir  rappeller  le  peuple  a  un  travail 
••  plus  néceilaire  ,  tel  qu'étoit  celui  de  fi- 
"  1er  le  lin  Se  de  fabriquer  les  toiles.  On 
"  changeoit  d'affiche  :  l'ifis  qui  annonçoic 
"  l'ouverture  du  travail  des  toiles,  prenoic 
"  dans  la  main  une  navette  ,  &  prenoic 
»  le  nom  d'argoniotk  ,  le  travail  des  navet- 
"  tes.  Qiiand  les  grecs ,  qui  alloient  faire 
'•  emplette  de  cordes  ou  de  toiles  dans  la 
"  Colchide  ,  vouloient  prononcer  ce  nom  , 
"  ils  di'.oicnt  argonaus  ,  qui  ,  dans  leur  lan- 
"  gue  ,  lignifîoit  le  navire  Argo.  S'ils  de- 
"  mandoient  aux  Colques  ce  que  c'étoit 
"  que  cette  barque  dans  la  main  d'Ifis  (  car 
»  en  effet  la  navette  des  Tiflerands  a  la 
"  hgure  auilî-bien  que  le  nom  d'une  bar- 
"  que  )  les  Colques  répondoient  apparem- 
"  ment  que  cette  barque  fervoit  à  régler 
»  le  peuple  ;  que  chacun  la  confultoit  ;  & 
"  qu'elle  apprenoit  ce  qu'il  falloit  faire. 
"  Voilà  ,  ajoute-t-il ,  le  premier  fonde- 
"  ment  de  la  fable  du  vaifteau  Argo  ,  qui 
»  rendoit  des  rcponfes  à  tous  ceux  qui 
"  venoient  le  confulter.  »  H//?,  du  ciel , 
tome   I,  page  ^XJ.  (G) 

Argo,  le  navire  Argo  ou  le  vaijfeau  des 
Argonautes,  lubll.  m.  C'eft  ainfi  que  les 
Aftronomes  appellent  une  conteftellation  ou 
un  ajfemblage  d'étoiles  fixes  dans  1  hémif- 
phere  méridional.  Ces  étoiles  lont ,  dans 
le  catalogue  de  Ptolomce  ,  au  nombre  de 
huit,  dans  celui  de  Tycho ,  au  nombre  de 
onze  ;  dans  le  catalogue  Britannique ,  au  nom- 
bre de  vingt-cinq  ,  avec  leurs  longitudes  , 
latitudes  ,  grandeurs ,  ùc.  (  O  ) 

ARGOLIDE  ,  Argos  ou  Argide  , 
(  Géogr.  )  royaume  de  Grèce  ,  dans  le 
Péloponefe ,  fondé  par  Inacchus ,  l'an  du 
monde  1197.  Il  avoir  au  levant  la  mer 
Egée  ,  &  le  golfe  Argoltque ,  aujourd'hui 
golfe  de  Napoli  de  Romanie  ;  au  couchant 
l'Arcadie  ;  au  midi  la  Laconie  ;  Se  au  fep.» 
tentrion  le  pays  de  Corinthe  &  le  golfe 
d'Engia.  Argos  en  étoit  la  ville  capitale  ; 
fcs  villes  principales  étoient  Epidaures , 
Hyrinthe  ,  Cynethia,  &c.  Il  y  a  eu  plulîeurs 
rois  fameux  dans  l'Argoline.  Apres  Pcrféc 
qui  fut  le  dernier  ,  cet  état  devint  répu- 
blicain. Il  palla  enfuite  aux  P.omains,  & 
depuis  aux  Turcs ,  qui  le  pofledent  aujour-» 
i'hui  ,  &  qui  le  nomment  la  Remanie  de 
Morée  ou    Scanie.    On  n'y  retrouve   plus 

Rr 


314  A   R  G 

ces  belles  villes  ,  cet  empire  florinant  , 
chanté  li  majeftiieurement  pitr  Homère^  on 
n'y  voit  que  des  villes  rainées  ,  des  cam- 
pagnes ftériles  &  clélertes ,  alheux  monu- 
mcns  de  la  barbarie  des  liommes ,  du 
defpotilnie  des  tyrans ,  &c  du  décourage- 
ment des  pevphs.  {  C  u4.) 

*  ARGONAUTES  ,  f.  m.  pi.  (  ATythoL  ) 
c'eft  ainfi  qu'on  appella  les  princes  Grecs  , 
qui  entreprirent  de  concert  d^'aller  en  Coi- 
chide  conquérir  la  toilon  d'or  ,    &     qui 
s'embarquèrent  pour  cet  efFer  fur  le  navire 
^rgo ,    d'où    ils    tirèrent    leur    nom.    On 
troit  qu'ils  étoient  au  nombre  de  cinquante- 
quatre   ,   non   compris   les    gens    qui    les 
accompagnoient.  Jalon  étoit  leur  chet  ,  &c 
l'on  compte  parmi   les  principaux  ,  Her- 
cule,  Callor  &  Poliux,  Laerte  père  d'U- 
lyfl'e,  Oïlée  pcre  d'Ajax  ,  Pelée  père  d'A- 
chylle ,  Theite   &  Ion  ami  Pynchoiis.  Ils 
ô'embarqucren.t   au  Cap   de   Magnelie   en 
Thelfalie  :   ils  allèrent  d'abord  à  Lemnos, 
de-là  en  Samothrace  ;  ils  encrèrent  enluite 
dans  PHellefpont ,    6c  côtoyant  l'Aile  mi- 
neure ,  ils    parvinrent  par    le   Pont-Euxin 
jufqu'à  j£a  ,  capitale  de  la  Colchidc  j  d'où  , 
après  avoir  enlevé  la    toilon  d'or  ,  ils  re- 
vinrent dans  leur  patrie  ,  après  avoir  fur- 
monté   mille    dangers.     Cette    expédition 
précéda    de  trente-cinq  ans  la  guerre    de 
Troye  ,  félon  quelques-uns ,  &  félon  d'au- 
tres   de    quatre-vingt-dix    ans.    A   l'égard 
de  l'objet  qui  attirâtes  Argonautes  daiis  la 
Colchide  ,    les    ientimens    font    partagés. 
Dicdore  de  Sicile  croit    que  cette  toilon 
d'or  tant  prônée,  n'ctoit  que  la  peau  d'un 
mouton    que    Phrixus  avoir    immolé ,    de 
qu'on  gardoit  très-foignculemcnt  ,  à  caufe 
qu'un  oracle  avoir  prédit  que  le  roi  feroic 
tué  par  celui  qui    l'enieveroit.  Strabon  & 
Juftin  penlo^ent  que  la  fable  de  cette  toilon 
croit  fondée    fur  ce   qu'il  y    avoit  dans  la 
Colchide  des  torrens  qui  roaloient  un  fible 
d'or  ,    qu'on    ramaflbit     avec  des    peaux 
de  mouton,  ce  qui  fe  pratique  encore  au- 
jourd'hui vers  le  fort-Louis ,  où  la  poudre 
d'or    (e   recueille  avec  de  femblables    toi- 
fons  ,  le: quelles  ,   qurnd  elles  en  lont  bien 
remplies ,    peuvent    être  regardées  comme 
des  toilons  d'or.  Varron  &    Pline  préten- 
dent que   cette  fab'e    tire  fon  origine  des 
belles  laines  de  ce  pays ,  &  que  le  voyage  , 


A  R  G 

qu'avoient  fait  quelques  marchands  Grecs 
pour  en  acheter  ,  avoit  donné  lieu  à  la  fic- 
tion. On  pourroit  ajouter  que  comme  lei 
Colques  failo.ent  un  grand  commerce  de 
peaux  de  marte  &  d'autres  pelleteries  pré- 
cieufes ,  ce  fut  peut-être  là  le  motif  du 
voyage  des  Argonautes.  Paléphatc  a  ima- 
giné ,  on  ne  laie  fur  quel  fondement ,  que 
Ibus  l'emblème  de  la  toilon  d'or  on  avoic 
voulu  parler  d'une  belle  Ifatue  d'or  que 
la  merc  de  Pelops  avoit  fait  faire  ,  &  que 
Phrixus  avoit  emportée  avec  lui  dans  la 
Colchide.  Euiîn  Suidas  croit  que  cette 
toilon  étoit  un  livre  en  parchcniin  ,  qui 
contenoit  le  fecret  de  faire  de  l'or  ,  digne 
objet  de  l'ambidon ,  ou  plutôt  delà  cupi- 
dité non  feulement  des  Grecs  ,  mais  de 
toute  la  terre  ;  &  cette  opinion  que  Tol- 
lius  a  voulu  faire  revivre  ,  ell  embrallée 
par  tous  les  Alchymiltes.  Hi/f.  des  Argon, 
par  M.  l'ahbé  Bannier.  Mém.  de  l'académie 
des  Belles-Lettres  ,  tome  XII.  (  G  ) 

ARGONAUTÏQUE ,  (  HiJI.  littéraire 
&  critique.)  c'edle  nom  d'un  poëme  épi- 
que d'Apollonius  de  Rhodes ,  l'un  des 
lept  poètes  qui  florilloient  à  la  courde  Ptolo- 
mée  Philadelphe  ,  roi  d'Egypte.  Ce  poème 
eft  écrit ,  en  grande  partie ,  du  ton  uni  & 
fimilier  qu'exige  1  intime  lociété  de  gens 
qu'un  même  vailkau  ralîèmble.  Le  caractère 
particulier  de  chaque  perlonnagey  ell  mis 
dans  un  jour  allez  bien  marque.  Tous  ces 
caractères  tiennent  entre  eux  par  quelques 
traits  généraux,  il  y  règne  une  eipece  de 
piété  à  l'antique ,  ou  de  vénération  pour 
les  dieux  ,  de  zèle  pour  leur  culte  ,  d'amitié 
&  de  complaifance  réciproques.  Chaque 
Iicros  a  un  rolc  conforme  à  Ion  caritlere  , 
&  tous  ces  rôles  fe  rapportent  à  la  navi- 
gation ,  &  à  la  toifon  qui  en  fiit  l'objet. 
Ainli  le  lecteur  eft  à  tout  moment  ramené 
au  but  général  ,  ce  qui  forme  l'unité 
d'aétion.  Junon  protège  l'entrepr^fe  ,  &C 
dirige  la  courle.  Les  héros  ne  lont  que 
les  inftrumens  de  la  déelfe  ,  mais  fans  le 
lavoir^  Des  détails  trcs-circonlfanciés  dans 
la  dclcriprion  des  objets  animes  &  inani- 
més ,  répandent  un  jour  clair  &  gracieux 
lur  ce  poème.  Ceux  qui  fe  plailcnt  à  iui- 
vre  les  traces  du  cœur  &  de  refprit  hu- 
main ju/que  dans  les  temps  les  plus  recu- 
lés ,  trouverouc  ici  une  ample   moillôn  i 


A  R  G 

lecuciHir  ,  principnlement  fur  les  dnp;mes 
litigieux  ,  l'inflicunon  des  rcmpits ,  les  cé- 
icmoiiies  des  Hicrifices  ,  &  les  liei!X  con- 
ficrés.  Virgile  a  imité  Apollonius  dans  1  cpi- 
(ode  de  i3idon  ;  l'.imour  de  cette  reine 
cft  trace  d'après  celui  de  Mcdée ,  &  il  cil 
fort  douteux  que  l'avantas^e  !oit  du  côté 
du  poète  Latin.  Longin  donne  la  prétc- 
rence  à  l'Iliade  fur  le  poëme  des  Arsroniu- 
tes  ,  de  il  la  donne  à  ce  poëme  fur  l'Odyll^x". 
Mais  tout  ce  qu'il  dit  à  ce  (ujet  fe  rétluit 
prefque  à  remarquer  que  \'Argun.iuti.]i:c 
&:  l'Odyllée  n'ont  pas  autant  de  feu  que 
niiade. 

Divers  poètes  Romiins  avoient  auiri 
choiiî  l'expédition  des  Arp-onauies  pour  le 
fuje:  de  leurs  chants  ;  mais  il  n'y  a  q^ue 
X'argonautica  de  Valerius  Flaccus  qui  loit 
parvenu  jufqu'à  nous.  Ce  poëme  n'a  rien  de 
bien  remarquable.  (  Cet  article  efl  tiré  de  la 
théorie  des  beaux-arts  de  M.  SULZ  ER.) 

*  ARGONNE  (  l'  )  ,^  Géogr.  contrée  de 
France ,  entre  la  Meufe  ,  la  Marne ,  & 
l'Aine.  Sainte-Menehould  en  eft  la  capi- 
tale. 

*  ARGORF.US  ou  DIEU  DU  MAR- 
CHÉ ,  {Myth.  )  lurnom  de  Mercure  ,  lous 
lequel  il  avoir  une  ftacue  à  Phares  en 
Acliaïe.  Cette  ftatue ,  dit  Paulanias ,  ren- 
doit  des  oracles  ;  elle  ctoit  de  marbre ,  de 
médiocre  grandeur ,  de  figure  quarrée  ,  de- 
bout à  terre  ,  fans  piédeftal. 

ARGOS  ,  {Géog.  Hijî.  anc.)  Argos  , 
ville  du  Péloponefe  ,  n'eft  aujourd'hui 
qu'une  bourgade  appellée  Naupalia  :  dans 
Ion  origine ,  elle  fait  connue  fous  les  noms 
de  Phoronique  ,  à'Egiali  &  à'Apé  ,  de  trois 
de  les  rois  appelles  Phoronêe ,  Apis  ,  & 
Egiale  ,  qui  furent  rois  de  cette  ville  & 
de  Sycione.  Strabon  nous  apprend  qu'elle 
étoit  lituée  dans  une  plaine  défendue  par 
Larille  ,  citadelle  qui  étoit  foutenue  par 
des  arcades  ;  ainli ,  cette  forterefie  fimeufe 
doit  plutôt  fa  célébrité  à  la  hardiefle  de 
l'ouvrage  qu'à  fa  force  &:  à  fa  folidité.  L'hif- 
toire  des  rois  à' Argos  n'eft  qu'un  mélange 
de  fables  qui  enveloppent  quelques  vérités. 
Le  premier  fut  Inachus ,  qui  réunit  en  fo- 
ciété  des  hommes  épars  &  fauvages.  Il  eut 
pour  fuccelfeur  Phoronéc ,  qui  donna  des 
moeurs  à  les  fujets  barbares ,  en  inftituant 
uji  culte  religieux  &;  des  loix.  On  prétend 


A  R  G    ^  3  '  5 

qu'il  .1.  appris  aux  liommcs  à  fe  nourrir  de 
glands  &  de  cliltaigries ,  au  lieu  d'herbes 
fauvages  dont  ils  faiioient  leur  nourriture. 
Après  un  règne  de  foixante  ans ,  la  n-con- 
noilLuKc  publique  le  mit  au  rap.g  des  dieux, 
iS;  on  lui  i'n  des  ficrific;';.  Ce  fut  environ 
ilans  ce  temps  qu'arriva  le  déluge  d'Ogi- 
gès.  Cette  inondation  l'obligea  de  quitter 
la  Béotie  ,  &  de  fc  retirer  fur  "  les  bords 
du  lac  Tricon  ,  où  il  fut  le  fondateur  di 
h  ville  d'Eleulîs  ,  où  dans  la  fuite  ie  tint 
l'aHcmblce  de  la  Grèce  pour  y  célébrer  les 
myfteres  de  Ccrès. 

Après  la  mort ,  Apis ,  quoique  ctrar.ger  ,' 
s'empara  du  trône ,  où  il  fe  maintint  par 
les  violences;  iS^'  pour  rendre  Ca  puifl.mce 
plus  relpeétable  ,  il  fc  vanta  d'être  fiis  de 
Jupiter  &  de  Niobé  ,  qui  pafla  pour  avoir 
été  la  première  mortelle  qui  eut  commerce 
avec  ce  Dieu  ,  ou  plutôt  qui  rejeta  lur  lui 
la  faute  dont  elle  étoit  coupable.  Le  peuple 
parut  le  croire  ;  mais  après  l'avoir  adore 
pendant  fa  vie ,  il  eut  fa  mémoire  en  exé- 
crarion.  Sa  famille  fut  profcrite.  Argus , 
petit-fils  de  Phoronée  ,  fut  rétabli  fur  le 
trône  de  fes  pères.  Il  donna  (on  nom  à 
toute  la  contrée ,  dont  la  métropole  fut 
appellée  Argos.  Sa  poftérité  fournit  iix  rois  , 
qui  remplirent  le  trône  pendant  Telpacc 
de  cent  loixante  &  fept  ans.  Le  dcrniet 
nommé  Gelarmr  ,  fut  détrôné  par  Danatis  , 
aventurier  Egyptien  ,  qui  employa  avec 
fuccès  les  fuperftitions  de  fon  pays  pouc 
(édiiire  des  hommes  grodiers.  Le  flambeau 
des  Iciences  qu'il  fit  briller  dans  ces  con» 
trées  ténébreules ,  ne  ht  que  multiplier  le? 
fables.  Je  ne  m'étendrai  point  fur  l'hiftoire 
des  Danaïdcs ,  dont  l'abfurdité  révoltante 
ne  trouva  point  d'incrédules  dans  la  Grèce. 
Après  Danaiis  ,  on  voit  le  trône  occupé 
par  ion  neveu  Lyncée ,  qui  eut  pour  fuc- 
cellcurs  Abbas  &  Prœtus  ,  dont  le  règne 
n'eft  célèbre  que  par  l'aventure  fabuleule 
de  la  Chimère  &  de  Bellerophon.  Acrile 
qui  lui  fuccéda  ,  eut  pour  fille  Danaé  ^ 
qu'il  fit  enfermer  dans  une  tour  ,  pour 
prévenir  l'accompliflement  de  l'oracle  qui 
lui  avoir  annoncé  qu'il  périroit  de  la  maiij 
,  d'un  fils  qui  naîtroit  d'elle.  La  précaution 
fut  inutile  ,  Prœtus  ,  frcre  d'Acrife ,  paf- 
iîonnément  amoureux  de  la  princelîe  ,  cor^ 
rompit  les  gardes  à  force  de  préfens,   & 

Rr  i 


3i6  A  R  G 

fut  introduit  dans  la  tour.  Perfée  fut  le  fruit 
«le  cette  vifîte -,  Se  pout  c:ich3r  cette  intri- 
gue ,  on  publia  que  cet  enfant  étoit  fils 
de  Jupiter.  Perfée  expofé  lur  mer  dans 
une  frêle  barque  ,  fut  jeté  près  de  Seriphe  , 
l'une  des  Cyclades ,  où  il  fut  élevé  par  Po- 
lideéte  ,  qui  régnoit  alors  dans  cette  île.  Ses 
premières  inclinations  fe  tournèrent  vers  la 
guerre  ,  Se  la  première  viiboire  fut  contre 
les  Gorgones  qui  régnoient  fur  les  îles 
Gorgades  ,  où  le  fceptre  étoit  toujours 
ûétcré  aux  femmes.  Médufe  ,  qui  alors 
occupoit  le  trône  ,  s'étoit  rendue  honteu- 
lement  célèbre  par  Tes  proftitutions.  On  la 
peignit  avec  des  ferpens  lur  la  tcre  ,  pour 
marquer  l'horreur  qu'inipiroient  fes  dcior- 
dres.  Elle  avoir  pour  (ccurs  Stheno  &  Eu- 
riales,  auffi  lubriques  qu'elle.  Leur  union 
étoit  fi  parfaite ,  qu'on  publioit  qu'elles  n'a- 
voient  qu'une  dent ,  qu'une  corne  &  qu'un 
œil.  Perlée  furprit  Médule  ians  défenle  , 
&  il  lui  coupa  la  tête ,  qu'il  mit  fur  l'égide 
de  Pallas ,  fymbole  de  la  lagelfe  qu'il  avoir 
fait  éclater  dans  cette  expédition. 

Cette  viéloire  fut  luivie  d'une  plus  écla- 
tante ,  contre  Gerion  ,  roi  d'Efpagne  ou 
d'Ibérie.  La  fable  le  reprélente  avec  trois 
corps  ,  parce  qu'il  avoir  trois  fils ,  tous 
éprouvés  par  leur  courage  ,  ou  félon  d'au- 
tres j  trois  habiles  généraux  qui  comman- 
doient  fes  armées.  On  diloit  qu'il  nourrifloit 
des  bœufs  avec  de  la  chair  humaine  ,  parce 
que  Tes  enfans  ravageoient  tous  les  champs 
enfemencés ,  ou  failoient  paître  leurs  nom- 
breux troupeaux  dans  les  terres  de  leurs 
fujets.  Perlée  délivra  l'Ibérie  de  (es  ty- 
rans ,  &  le  bruit  de  fes  vièloires  réveilla 
la  nature  dans  le  cœur  d'Acrife  ,  qui  eut 
une  entrevue  avec  le  jeune  héros.  Tandis 
qu'ils  s'abandoniioient  aux  transports  d'une 
joie  réciproque  ,  &  qu'ils  varioicnt  leurs 
plaifirs  à  diftcrens  jeux  d'adreOe  ,  Perlée 
lança  un  palet  avec  tant  de  violence  , 
qu'Acrife ,  qui  en  fut  atteint ,  mourut  fur 
le  champ.  Le  défcfpoir  caufé  par  ce  crime 
involontaire  ,  lui  fit  dédaigner  un  trône 
fouillé  d'un  parricide  ;  &  ne  voulant  plus 
vivre  dans  un  lieu  qui  lui  en  rappelloit 
fans  celle  le  fouvenir  ,  il  échangea  fon 
royaume  avec  celui  de  Mégapente ,  roi 
de  Tyrinte.  Ce  nouveau  roi  d'^4rgos 
iroQya  tout  le  royaume  daiis  h  conflifion  5 


A  RG 

fon  fils  Anaxngore  fut  fon  fuccefleur  : 
ce  fut  fous  fon  rcgiie  que  les  femmes 
Argiennes  furent  attaquées  d'une  maladie 
dont  il  eft  facile  de  deviner  la  caufe  , 
quand  on  fait  le  remède  qui  la  guérit  : 
elles  couroient  toutes  échevclées  dans  les 
campagnes  Se  les  forêts ,  montrant  ce  que 
la  pudeur  ordonne  de  cacher.  On  inftitua 
les  grandes  orgies  de  Bacchus  ;  on  ht  de 
pompeufes  proceffions  ,  où  l'on  porta 
l'image  oblcene  du  Phallus ,  Se  aulTi-tot  les 
Argiennes  rentrèrent  dans  l'exercice  de 
leur  rai!bn. 

Le  royaume  à'Atgos ,  qui  par  lui-même 
étoic  peu  confidcrable,  fut  encore  parcage 
en  trois  ;  Se  comme  il  ne  tint  plus  un  rang 
parmi  les  autres  états  de  la  Grèce  ,  il  clî 
difficile  de  démêler  la  luite  de  fes  rois. 
Orelle  ,  fils  d'Agamemnon  ,  en  fit  la  con- 
quête ,  Se  depuis  ce  temps  Argos  fut  dans 
la  dépendance  de  Mycene.  Ce  royaume 
lubfifta  690  ans. 

Les  Argiens  avoient  les  mœurs  ,  les 
ufages  &  les  rites  facrés  des  autres  Grecs. 
On  raconte  que  deux  frères  fe  rendirent 
également  recommandabLs  par  leur  ten- 
drelle  réciproque  &:  par  leur  refpeél  pour 
leur  mère.  Un  jour  qu'elle  vouloir  aller 
au  temple  de  Junon  ,  pour  y  offrir  un 
lacrifice  ,  elle  demanda  fon  char  ;  les 
bœufs ,  trop  lents  à  féconder  fes  vœux  , 
excitoicnt  fon  impatience.  Cléobis  Si  Biton  , 
les  deux  fils ,  fe  mirent  avec  empreOcment 
fous  le  joug  j  &  traînèrent  le  char  julqu'au 
temple.  Toutes  les  femmes  applaudirent  à 
ce  zèle  filial.  La  mère  demanda  à  la  déefl'e , 
pour  les  deux  fils ,  la  grâce  qui  poux  oit  le 
plus  contribuer  à  la  félicité  des  hommes  ; 
la  prière  fut  exaucée.  Cléobis  Se  Biton 
s'endormirent  dans  le  temple  ,  &:  termi- 
nèrent leur  vie  dans  ce  tranquille  fomm.eil. 
Les  Grecs  ,  pour  iramortalilcr  leur  mé- 
moire ,  placèrent  leur  Itatue  dans  le  temple 
de  Delphes    (T-n.) 

Arsos  ,  {Géogr.)  petite  ville  d'Afrique , 
au  royaume  de  Dojigala  en  AbilTinie  ,  dans 
la  province  de  Fungi.  Elle  eft  iur  la  rive 
orientale  du  Nil  ,  au  r.ord  de  la  mer  de 
Fungi.  Il  y  pafle  des  caravanes  chargées  de 
toiles  (Se  de  lavons  qui  p;iient  un  droit , 
en  nature  de  marchandifes  ,  à  la  doiuiie 
de  cette  ville.  {C.  A.) 


AR  G 

*  ARGOSTOLÏ  ,  {Géog.  )  port  de  Tlle 
de  Ccph.ilonic  ,  vis-à-vis  de  1  Albanie  ,  le 
meilleur  de  Pile. 

ARGOT,  C.  i.  {Jardinnr;c)  fe  dit  de 
l'extrémité  d'une  branche  morte  ,  qui  étant 
défngrcable  à  la  vue ,  demande  à  être  cou- 
pée près  de  la  tige.  On  en  voit  beaucoup 
dans  les  pépinières  ,  fur  les  arbres  greffés 
en  ccullon.  (  K) 

*  ARCOUDAN  ,  f.  m.  forte  de  coton  qui 
fe  recueille  en  dilL-rens  endroits  de  la 
Cliine ,  &  dont  les  hab'tans  de  Canton 
font  trafic  avec  ceux  de  l'île  de  Haynin. 

ARCOUSIN  ,  f.  m.  (  Mann-.  )  c'ell  un 
bas  officier  de  galère  ,  qui  a  loin  d'oter  ou 
de  remettre  les  chaînes  aux  forçats,  &  qui 
veille  fur  eux  pour  empêcher  qu'ils  ne 
s'échappent.  (  Z) 

*  ARGOW  (  1.')  ,  pays  de  Suilfe  fur 
l'Aar,  dont  il  tire  fon  nom. 

ARGOULETS.  f  m.  pi.  {Hi(I.  milit.) 
cfpece  de  hufiards  de  l'ancienne  milice 
françoiîe.  Ils  étoicnt  armés  de  même  que 
les  eftradiots ,  excepté  par  la  tête ,  où  ih 
mertoient  un  caballctqui  ne  les  empêchoit 
point  de  coucher  e;i  joue.  Leurs  armes 
cffinhves  étoient  l'épce  au  coté  ,  la  maflè 
à  l'arçon  gauche ,  &  au  droit  une  arque- 
bufe  de  deux  pies  &  demi  dans  un  four- 
reau de  cuir  bouilli;  par  dellus  leurs  ar- 
mes ,  une  foufcrcveftc  courte  ,  comme 
celle  deo  efl.rau.ots,  &  comme  eux  une 
longue  banderole  pour  fe  rallier.  Ces  ar- 
goukrs  étoient  des  efpeces  de  hulîards 
qu'on  envoyoit  à  la  découverte.  Il  y  en 
avoit  encore  à  la  bataille  de  Dreux ,  fous 
Charles  IX.  (  f  ) 

ARGUE  ,  i.  f.  machine  à  l'iiflige  des  ti- 
reurs d'or;  lorfque  le  lingot  qu'on  deftine 
aux  hleurs  d'or  a  été  fondu,  examiiié  pour 
le  titre  ,  &  divifé  par  le  forgeur  en  trois  par- 
ties égales,  au  ffi  rondes  qu'fl  eft  polTible  cîe 
le  frire  fur  l'enclume  ;  chrcune  de  ces  parties 
va  au  laboratoire  pour  être  paifée  à  Vûrgue. 
L'effet  de  \'ars:ue  eft  de  les  étirer  en  un  fil 
Çlus  rond  &  plus  menu,  par  le  moyen  d'une 
filière  ,  ju'qu'à  ce  qu'elles  loien:  réduites  en 
une  grolfcur  convenable  ,  &  telle  que  deux 
hommes  puiflcnt  après  cela  les  d'grvjjir. 
.^03 e:;; Tireurs  d'or. 
-  ARGUE  ROYALE  (l'),  c'cft  un  lieu 
ou  bureau  public,  où  les  orfèvres  &  les 


A   R  G  317 

tireurs  d'or  vont  faire  tirer  &  dégrofTîr 
leurs  lingots  d'or  &  d'ars,enr.  Ce  bureau 
a  été  ét.:bli  pour  confcrver  les  droits  de 
marque  ;  «J:  c'ell:  à  même  fin  qu'il  a  été 
défendu  aux  orfèvres  &  tireurs  d'or  d'a- 
voir dans  leurs  maifons  ou  boutiques ,  m 
argue  ni  autre  machine  capable  de  pro- 
duire le  m.ême  effet. 

/  ARGUENON  ,  {Gèog.)  petite  ri- 
vière de  France  ,  en  Bretagne  ,  qui  a  fâ 
lource  près  du  bourg  de  Jugon  ,  &  fe  dé- 
charge dans  la  mer  de  Bretagne ,  à  trois 
lieues  de  Saint-Aialo. 

ARGUER  ,  V.  aa:.  c'cft  ,  en  terme  de 
tireur  d'or ,  paffcr  l'or  &  l'argent  à  l'ar- 
gue pour  le  dégrolfir.  V^^yc^  Argue  & 
Tireur  d'or. 

_  *  ARGUIN  ,  C  Géog.  )  île  d'Afrique  , 
fur  la  cote  occidentale  de  la  Nigritie. 
Long.  I.  lût.  10.  10. 

ARGLTMENT  ,  f.  m.  en  Rhctori.jue. 
Cicercn  le  défiràt  une  raifon  probable 
qu'on  propofe  pour  fe  faire  croire.  Riiio 
vrobabilis  &  idonea  ad  facicndam  fidem, 
^'^.  Probabilité  ,  Seniimîîk't,  Les  lo- 
giciens le  déhniflent  plus  icientinquemeiit  ; 
un  milieu  qui,  par  la  conr.cxionavec  les 
deux  extrêmes,  établit  la  liailon  que  ces 
deux  exrrêmxcs  ont  entr'cux.  Voy.  IVIilieu 
&  Extrême.   On   diflingue   les  nrgumzns 


la  fc 


ù  ils  fo 


pir  rapport  a  la  lource  d  ou  ;is  (ont  tires , 
en  argiimens  tirés  de  la  raifon  ,  &  argumcns 
nrés  de  l'autorité.  Et  par  rapport  à  leur 
forme,  les  rhéteurs  auffi-bien  que  les  logi- 
ciens ,  les  divifent  en  fyllogifmcs ,  enthy- 
inêraes  ,  indudlions  ou  forcies  ,  &  dilem- 
mes,  ^"^oyf^  ces  mots  à  kur  place. 

Un  argument  en  forme  eft  un  fyHogifme 
formé  félon  les  règles  de  li  logique ,  à 
laquelle  cette  efpece  d'argumentation  eft 
principalement  affeélée.  Tous  les  rhéteurs, 
après  Ariftore ,  difent  que  l'enthymêine  eft 
\' argument  de  la  rhéroriqui  ,  parce  que 
c'eft  la  forme  de  raifonnemcnt  la  plus  fi- 
miliere  ailx  orateurs.  La  rhétorique  n'é- 
tanr ,  fur  leur  définition ,  que  l'arc  de 
trouver  en  chaque  fujet  à&s  argumeiwçxo- 
pres  à  perfuader  ,  ils  diftinguenr  deux  ef- 
peces principales  à'argumens  par  rapport 
aux  lources  qui  peuvent  les  fournir  :  les 
uns  intriii!eques  ou  artificiels ,  les  autres 
e.ïtriiifcqucs  ou  naturels.  Les  arg::mz:is  iiH 


3iS  A  R  G 

trinfeqiies  ou  artificiels  appeilîs  par  les 
Grecs  a'i-v'i' ,  iSc  par  les  Launs  infiia,  font 
ceux  qui  dcpLiidcnt  de  l'indultrie  de  i'o- 
r.ireur ,  &  qu'il  tire  ou  de  la  propre  per- 
sonne ,  ou  de  celle  de  Tes  auditeurs  ,  ou 
du  foud  mc-me  du  (ujet  qu'il  traite.  Lo- 
ratciir  perfuade  à  l'occalion  de  fa  perionne 
&  de  les  mœurs ,  lorlque  Ion  dilcours 
donne  à  Tes  auditeurs  une  grande  idée  de 
fa  vertu  &  de  fa  probité  ,  parce  qu'on 
ajoure  volontiers  foi  aux  paroles  d'un  hom- 
me prudent  ,  écLiiré  èc  vertueux  ,  lur- 
tout  en  matière  douteufe  &  problémati- 
que ;  c'eft  pourquoi  Caton  regardoit  la 
probité  comme  la  première  bafe  de  l'élo- 
quence :  oratcr  vir  bonus  dicendi  pcritus. 
Les  argumcns  qui  fè  tirent  de  la  part  de 
l'auditeur  ,  ont  pour  but  de  le  porter  à 
quelque  palTion  qui  incline  fon  jugement 
pour  ou  contre.  C'efl:  par-là  que  l'orateur 
exerce  un  empire  abfolu  lur  ceux  qui  l'é- 
coutent ,  &  qu'il  peut  déterminer  le  ju- 
gement qu'il  en  loUicite.  Cette  partie 
demande  une  connoillance  approfondie 
des  mccurs  &  des  palTions.  Voy.  Mccurs 
€'  Passion. 

Enhn  les  argumens  qui  naillent  du  fujet 
confiftent  à  le  faire  enviHiger  par  Ion  pro- 
pre fond ,  fa  nature ,  Tes  circonftances ,  Tes 
fuites ,  la  conformité  ou  Ion  oppolîtion 
avec  d'autres ,  &:  de  -  là  ct%  rellources 
qu'on  nomme  lieux  communs. 

Les  argumcns  naturels  ou  extrinfeques  , 
X'niyjx ,  que  Ciceron  appelle  affumpta  , 
c'eft-i-dire  moyens  extérieurs ,  font  ceux 
qui  ne  dépendent  point  de  l'orateur ,  & 
qu'il  trouve,  pour  ainlî  dire,  tous  faits, 
comme  les  arrêts  &  jugemens,  les  loix,  les 
preuves  par  écrit ,  les  regiftres  publics ,  la 
dépolîtion  des  témoins  ,  les  procès-ver- 
baux ,  &'c.  qui  lui  fournilTent  des  autorités 
d'où  il  tire  des  conféquences. 

Un  auteur  moderne  diftingue  encore  les 
lieux  communs  ou  chefs  à' argumens ,  par 
rapport  aux  trois  genres  de  rhétorique  : 
1°.  en  ceux  qui  lervent  à  periuader  ou  à 
dilfuader ,  ik.  qui  font  ordinairement  fon- 
dés fur  des  motifs  de  profit ,  d'honneur 
8c  d'équité  :  i°.  ceux  qui  ont  pour  but  la 
louange  ou  le  blâni;  (  yoy.  Panégyri- 
Q_ui:);  &  ;°.  ceux  qu'on  emploie  pour 
accufcr     ou    pour   défendre.    Ffiyc;^  Re- 


A  R  G 

FUTATiON  ,  Accusation  ,  Confirma- 
tion, fi'C. 

Argument  ,  terme  ufitc  pour  fignifiet 
l'abrégé ,  le  lommaire  d'un  livre  ,  d'une 
hiftoire  ,  d'une  pièce  de  théâtre,  f^oy^'^ 
Sommaire.  On  a  prefque  perdu  l'ulage 
des  prologues  ,  qui  contenoient  pour  l'or- 
dinaire ['argument  d'une  tragédie  ou  d'une 
comédie.  Les  prologues  d'un  grand  nombre 
de  nos  opéra  font  même  totalement  étran- 
gers à  la  pièce.  ( G  ) 

Argument  DIALECTICLUE  ,  en  logique, 
c'cil:  le  nom  qu'on  donne  à  des  ra.i!on- 
nemens  qui  font  uniquement  probables  ; 
c'eft-à-dire  qui  ne  convainquent  pas  l'el- 
prit  ,  ou  qui  ne  le  déterminent  pas  ab- 
folument  à  l'affirmative  ou  à  la  négativo 
d'une  queftion.  Voye:^  Dialectique  & 
Probabilité.  (X) 

Argument  ,  argumentum  ,  f.  m.  termz 
d' ajlronomie  ;  ['argument  de  la  latitude 
d'une  planète  quelconque  eft  l'angle  qui 
mefure  la  diftance  de  fon  lieu  vrai  à  fon 
nœud  ,  c'eft-à-dire  la  diftance  du  point 
qu'elle  occupe  dans  fon  orbite ,  au  point 
où  cette  orbite  coupe  l'orbite  tcrreflre.  Les 
degrés  de  cet  angle  fe  Comptent  fuivant 
l'ordre  des  lignes  ;  &  le  nœud  dont  on 
prend  la  diftance  au  lieu  vrai  ,  eft  le 
nœud  afoendanr.  \J argument  de  la  latitude 
s'appelle  encore  argument  de  l'inclinai  fon. 
Vcyc':^  Inclinaison. 

Argument  menjiruel  de  la  latitude  de  la 
lune  ,  eft  la  diftance  du  vrai  lieu  de  la  lune , 
au  vrai  lieu  du  foleil.  Foje^  Lir.u.  C'eft 
par  {'argument  raenftruel  de  la  latitude  , 
qu'on  trouve  la  grandeur  d'une  éclipfe  , 
c'eft-à-dire  ,  combien  il  y  aura  de  doigts 
d'éclipfes  de  la  lune  ou  du  foleil.  Voyc[ 
Eclipse. 

Argument  de  la  longitude  menjtruelle  dc 
la  lune  ,  ou  argument  menjiruel  de  la 
longitude  ,  dans  l'aftronomie  ancienne  ,  eft 
un  arc  de  fon  excentrique  L  P  {  Planche 
Aflr.  fig.  çix.  )  intercepté  entre  fon  vrai 
lieu  L  ,  déterminé  p.ir  une  première  équa- 
tion ,  &  une  ligne  droite  P  Q  ,  tirée  par 
le  centre  de  l'excentrique  B  parallèlement 
à  la  ligne  mcnftruclle  des  aplides.  L'argu- 
ment annuel  de-  la  longitude  eft  reprélencc 
par  l'angle  D  A  H.  L'un  ôc  l'autre  ne  font 
plus  d'ufage. 


A  R  G 

Argument  annuel  de  i apogée  de  la  lune  , 
ou  limplement  argjtnent  annuel,  dans  b 
Douvclleaftroiiomie,  clHa  dillance  du  lieu 
du  (oleil  au  lieu  de  l'apogée  de  la  lune;  c'ell- 
à-dire,  l'arc  de  l'écliptique  compris  entre  ces 
deux  lieux.  (OJ  Fojc^Plant.te. 

*  ARGUN,  {Gcogr.)  ville  de  Ruffie  , 
fur  la  rivière  de  même  nom  ,  dans  la  Tar- 
tarie  orienrale  ,  troiiciere-  de  l'empire  Rui- 
(ien  &  de  l'empire  Chinois.  Long.  ?jff,  xo , 
1^1.49,30. 

Akgun  ,  (Gcogr.)  r;viere  d'Alîe  dans 
la  Tarcarie  orientale.  Elle  le  ;crtc  dans  l'A- 
mur  Ik  lépare  l'empire  des  Rulîès  de  celui 
des  Tartares  Chinois ,  par  une  convendon 
faire  en  172.8  ,  entre  ces  deux  puiilances.  On 
y  piehe  des  perles  &  des  rubis  ;  &  on,  trouve 
aux  environs  des  mines  de  plomb  &  d'ar- 
gent. (  C.  A.  ) 

ARGUS  ,  (  Myth.)  fils  de  Phrixus ,  in(- 
piré  ,  dit-on  ,  par  Minerve  ,  conftruiiit  le 
navire  Argo  ,  qui  porta  loii  nom  ,  &  in- 
vita Jalon  (S:  les  autres  princes  de  la  Grèce  , 
à  aller  venger  la  mort  de  Ion  pfre.  (,-j-) 

Argus  ,  (  Myth.  )  avoir  cent  yeux  à  la 
tcte  ,  dit  la  fable  ;  il  n'y  en  avoit  jamais 
que  deu^'  qui  fe  fermaflent  à  la  fois  ,  les 
autres  veilloient  &:  failoient  lentinclle.  C'efl 
à  ce  furveillant  que  Junon  conha  la  garde 
d'Io  :  mais  Mercure  ,  ayant  trouvé  le 
moyen  de  l'endormir  par  le  doux  fon  de 
fa  flûte  ,  lui  coupa  la  tête.  Junon  prit 
les  yeux  à' Argus  ,  &  les  répandit  fur  les 
ailes  &  fur  la  queue  du  paon.  Cet  Argus 
fut  le  quatrième  roi  d'Argos ,  depuis  Ina- 
chus  ,  &  donna  ion  nom  à  cette  ville. 
C'étoit  apparemment  un  prince  auiTj  fage 
qu'éclairé  ,  &  voilà  pourquoi  on  lui  donne 
cent  yeux.  Peut-être  avoit-on  mis  lou's  fa 
conduite  lo  ,  qu'il  prenoit  foin  d'él^^  er  , 
ifc  que  quelque  prince  ,  pour  la  ravir  ,  fie 
pcrir  Argus,  (-f-j 

Argus  ,  {Myth.  )  petit-fils  de  celui  à  qui 
les  poètes  ont  donné  tajic  d'yeux  ,  fuccéda 
à  Apis ,  roi  d'Argos  ,  &  donna  Ion  nom 
à  la  ville  d'An^os  ,  &  aux  Argiens.  La 
Grèce  ayant  tait  de  grandes  récoltes  de 
blé  lous  fon  règne  ,  cette  abondance  ,  à 
laquelle  il  avoit  contribué  par  la  Agelle 
de  fon  gouvernenieiiï  ,  lui  mérita  ,  après 
fa  mort  ,  des  autels  &  des  fiicrifices.  (+) 

Argus  ,  (  H^Jl.  nat,  )  On  a  donné  ce 


A  R  G  3:9 

nom  ,  1°.  à  des  papillons  diurnes  ,  à  fîx 
pies  ,  qui  ont  iur  les  ailes  des  taches  ei» 
forme  tl'yeux  ,  dont  le  nombre  îk  la  cou- 
leur varient  félon  les  efpeces ,  ainli  que 
celle  du  fond  :  les  chenilles  de  ces  papil- 
lons font  de  celles  qu'on  nomme  chenilles- 
cloportes.  Celui  qui  porte  plus  particuliè- 
rement ce  nom  ,  eft  d'un  beau  bleu  :  le 
dellôus  des  ailes  eîl  gris  -  blanc  ,  parfcmé 
de  plufieurs  petits  yeux  noirs ,  bordés  de 
blanc.  On  voit  fouveiit  ce  petit  papillon 
voltiger  daiis  les  prairies  &  Iur  les  bruyè- 
res. Sa  chenille  vit  Iur  \cfrangula. 

1°.  On  appelle  a:cûre  argus  ,  des  co- 
quillages du  genre  des  pcrceLiines  ,  donj; 
la  robe  eft  couverte  de  taches  rondes, 

3'^.  On  a  {inhw  donné  ce  nom  à  un  fer- 
pent  très-  rare  de  Guinée  ,  fur  lequel  ^ju 
voit  un  double  rang  de  taches  en  forme 
d'yeux  ,  depuis  la  tête  ju'qu'a  la  queue  \ 
ainfi  qu'à  ui;  petit  léfard  d'Amérique  ,  d» 
couleur  bleue  ,  dont  tout  le  corps  efi- cou- 
vert de  pareilles  taches ,  excepté  la  tête  & 
la  queue.  {D) 

Argus  ,  [termes  de  Fleurijfc.)  tulipe 
couleur  de  feu  ^  gris- de- hn  &  bianc  -  de- 
lait.  (+) 

^  *  ARGYLE  ,  (  Géogr.  )  province  de 
l'Ecofle  occidentale  ,  avec  titre  de  duché  ; 
la  capitale  cil:  Innérata. 

*  ARGYNNJS  ,  {Myth.)  furnom  de 
Vénus,  lous  lequel  Agamemnon  lui  fit  bâtir 
un  temple. 

ARGYRA  ,  (Géogr.)  nom  donne  par 
les  anciens  géographes,  à  une  contrée  de 
l'Inde  ,  au  delà  du  Gange,  où  l'or  ik.  l'ar- 
gent étoient  fort  communs.  On  ne  lait  pas 
précifément  aujourd'hui,  li  c'cll  le  royaume 
d'Ava,  ou  la  pvefqu'ile  de  Melaca  ;  mais  on 
ne  doute  pas  que  ce  ne  foit  l'une  de  ces  deux 
contrées.  (  C.  A.  ) 

Argyra,  (Gcogr.)  nom  que  plulîears 
villes  ont  porté  cliez  les  anciens  :  il  y  en 
avoit  une  dans  l'ilede  Jara,  une  autre  dans  1 1 
Tatrobone,  aux  Indes  ,  une  troilîeme  dans 
l'Achaïe  ,  ëc  une  quatrième  dans  la  Judée  ; 
mais  toutes  font  tellement  cnfevelies  fous 
leurs  ruines,  que  nous  ignorons  entiércniont 
leur  emplacement.  (C.  A.) 

ARGYR  ASPIDES  .  f.  m. pi.  (  Hijl.  anc.  ) 
(oldats  Macédoniens  iignalés  par  leurs  vic- 
toires ,  &  qu'Alexandre  diibijgua  en  leur 


*  lo  A  11  G 

uonmilt  des  boucliers  d'argent  ;  aiiifi  nom- 
mes du  Grec  K-^-)Vf!>i  )  argent  ,  &C  àe--Ti<  , 
houclier.  Selon  Qjiinte-Curce  ,  liv.  IV.  n°. 
2j  &  17,  les  Argyrafpides  failoient  le  fé- 
cond corps  de  l'armée  d'Alexandre  ,  la 
plulange  Macédonienne  étant  le  premier. 
Autant  qu'on  peut  conjeélurer  des  paroles 
de  cet  hiftorien  ,  les  Argyrafpides  n'au- 
roient  été  que  des  troupes  légères.  Mais  il 
eft  difficile  de  concilier  ce  fentiment  avec  ce 
que  rapporte  Jurtin  ,  liv.  XU.  ch.  vij.  que 
Alexandre  ayant  pénétré  datis  les  Indes ,  & 
poulie  les  conquêtes  ju!qu''à  l'Océan,  voulut 
pour  monument  de  fà  gloire  ,  que  les  ar- 
mes de  les  foldats  &  les  houlTes  de  leurs 
chevaux  ,  fuflent  garnies  de  lames  ou  de 
plnques  d'argent ,  &  que  de-là  elles  fullent 
appellées  iirgyrûfpidcs  ;  ce  qui  (emble  in- 
(înuer  que  toutes  les  troupes 'd'Alexandre 
auroient  porté  ce  nom.  Ce  qu'il  y  a  de  cer- 
tain ,  c'eil  qu'après  la  mort  d'Alexandre, 
les  capitaines ,  qui  partagèrent  entr'eux  les 
conquêtes  ,  trichèrent  à  l'cnvi  d'engager 
dans  leur  parti  les  Argyrafpides  ,  qui  les 
mcpriiant  ou  les  trahiflànt  tour-à-tour  , 
failbicnt  pafler  la  viéloire  du  coté  du  prince 
auquel  ils  s'attachoient.  Ce  fait  feul  prouve 
que  les  Argyrafpides  étoient  l'élite  de  l'ar- 
mée d'Alexandre.  (G) 

ARGYROCOME  ,  adj.  eft  le  nom  que 
certains  auteurs  donnent  à  une  comète  de 
couleur  argentine  ,  qui  diffère  très-peu  de 
l'héliocometc  ,  linon  qu'elle  eft  d'une  cou 
leur  plus  brillante  ,  Se  qu'elle  jette  allez 
d'éclat  pour  éblouir  les  yeux  de  ceux  qui 
la  regardent.  Ce  mot  eft  formé  du  Grec 
atyjfo<  ,  argent  ,  &  du  mot  latin  coma  , 
chevelure.   Vov-  Héliocomete.  (O) 

AP.GYROPiiE  ,  f.  m.  terme  d'alchymie , 
dérivé  des  mots  grecs ,  «cj-i/fo?  ,  argent ,  & 
rroT.a  ,  je  jais.  IJargyropi'e  eft  l'art  de  faire 
de  l'argent  avec  un  miétal  d'un  prix  infé- 
rieur. V.  Alchymie  iS"  Argent.  L'obier 
de  ï'ûrgyrnfi'e  &  de  la  chryfopée  eft  de 
faire  de  i'or  &  de  l'argent.  V.  Transmu- 

TATIOU  ,  PURBI-  PHILOSOPHALE.  (M) 

*ARGYRUNTUMou  ARGYRU- 
TUM  ,  (  Gé(g.  anc.  &  mod.  )  ville  de 
Dalmatic  ,  que  quelques  géographes  difent 
être  le  Novigrad  d'aujourd'hui  ,  &  d'au- 
tres notre  Obrovazza  ,  qui  n'ell.  pas  loin  de 
Novigrad. 


A  R  G 

ARHON  ,  (Géogr.)  grande  montagne 
d'Afrique  ,  en  Barbarie  ,  au  royaume  de 
Fez  ,  pn-s  d'EGaen.  C'eft  une  branche  du 
mont  Atlas.  Sa  dircébion  va  d'orient  en  oc- 
cident,  &  ton  étendue  eft  très-conlidérablc. 
Elle  eft  peuplée  en  partie  par  des  anciens 
Maures  chalics  d'Efpagne  ,  &  par  quelques 
•  familles  Arabes.  Le  fol  y  produit  abondam- 
ment de  l'orge  ,  qui  eft  la  feule  graine  du 
pays.  On  y  recueille  des  olives  8c  des  raifins 
.'ecs.  Les  hab'tans  entretiennent  une  grande 
quantité  d'abeilles  qui  y  réuftillènt  admi- 
rablement bien  ;  ils  font  commierce  de 
lavon  liquide  qu'ils  fabriquent  eux-mêmes. 
Leurs  habitations  lont  éparfes  çà  Se  là 
comme  des  majfons  de  cam.pagne  ;  elles 
lont  preique  toutes  ,  ou  de  planches  ou  de 
groOcs  toiles  ,  en  forme  de  tentes.  L'em- 
pereur de  Maroc  en  tire  un  tribut  confi- 
dérable  ;  on  prétend  qu'il  peut  lever  dans 
ce  feul  canton  ,  jufqu'à  dix  mille  hommes 
d'infmterie.  (C.  A.) 

*  ARHUS  ou  ARHUSEN  ,  ville  de 
Danemarc!^  dans  le  nord  Jutland  ,  capi- 
tale du  Dioceie  d'Arhus  ,  au  bord  de  la 
mer  Baltique  ,  à  l'embouchure  de  la  ri^ 
viere  de  Gude  qui  la  traverle.  Long.  %j  , 
^o  ;  lat.^G ,  10. 

^  ARIA  ,  alni  effigie  ,  folio  laniato  ma- 
jor.  ]ons{Hijf.  nar.  bot.)  Cette  plante  croit 
dans  les  bois ,  lur  les  montagnes ,  entre  les 
rochers.  Elle  fleurit  en  avril.  On  lui  attribue 
la  vertu  d'appailer  la  toux  ,  &  d'en  faciliter 
l'expectoration.  Dak. 

ARIA  ,  (Mujiq.  Chant.)  Ce  terme  em- 
prunté de  l'Italien  ,  appartient  également  à 
la  poélîe  (!s:  à  la  mAilique.  En  poélie  ,  c'eft 
un  petit  morceau  lyrique ,  une  ftrophe  à 
chanter  pour  l'ordinaire  à  deux  repriles. 
En  mufique  ,  c'eft  l'air  noté  ,  tel  qu'il  doit 
l'être  pour  le  chant. 

Dans  un  drame  mufical  ,  les  fentimcns 
s'élèvent  fouvent  à  un  tel  degré  de  force , 
les  pallions  deviennent  lî  vives  ,  que  pour 
le  foulager  ,  il  faut  leur  accorder  un  libre 
elior  ;  tel  eft  le  but  de  Varia.  Le  poète  choilir 
pour  cet  effet  un  maître  lyrique  ;  mais  , 
entre  un  grand  nombre  de  penfécs  &  d'ex- 
prellions  qui  fe  prélentent  d'elles-mêmes  , 
il  n'en  choidt  que  quelques-unes  ,  &  pré- 
cilément  celles  qui  dépeignent  en  peu  de 
traits  la  palTion  entière  ,  ou  qui  du  moins 

mettent 


A  R  I 

mettent  le  muficleii  lur  I.i  voie  d'.iclicver 
le  tableau. 

Comme  ['t^ria  eft:  deftinée  au  chant  ,  de 
à  un  chant  enrichi  de  tous  les  ornemcns 
de  la  mulique  ,  il  eft  évident  que  le  lujet 
en  doit  être  une  efFufion  du  coeur.  Car  ce 
n'eft  que  dans  ces  épanouillemens  ,  qu'il 
eft  naturel  à  l'homme  de  lubftituer  le  chant 
au  langage  ordinaire.  L'(2/7j  ne  diffère  de  l'ode 
&  de  l'élégie  ,  qu'en  ce  qu'elle  peint  le  Icn- 
riment  en  moins  de  traits ,  qu'elle  le  con- 
centre ,  pour  ainfi  dire  ,  en  un  feul  point. 

Ainh  l'aria  ne  veut  point  de  poëte  mé- 
diocre. Il  faut  qu'il  lâche  lailir  le  fenti- 
menf  d.uis  toute  ion  étendue ,  &  le  ren- 
dre en  peu  de  mors  ,  mais  choilîs  &  cou- 
lans.  Une  palTîon  trop  véhémente  &  trop 
inquiète  en  même  temps ,  qui  cherche  à 
le  répandre  (Se  à  extravaguer  de  tous  cotes , 
n'eft  pas  propre  à  l'aria  ,  parce  qu'on  n'y 
lâuroit  obierver  l'unité  de  (entiment  que 
ce  genre  de  compolition  exige.  C'eft  aux 
accomp.''gnemens  à  exprimer  les  palfions 
fbugeults. 

h'aria  eft  compofée  de  deu  x  parties ,  ou 
de  deux  propolitions.  La  première  renferme 
l'exprelîion  générale  du  fentiment  ,  &  la 
reptile  en  fait  l'application  particulière  au 
fùjet,  ou  en  indique  la  modihcation  pré- 
cifè  :  par  cette  diftnbution  ,  le  compofiteur 
a  l'occahon  de  mieux  développer  l'expref- 
fion.  Au  reftc  l'ordre  des  parties  peut  aulTi 
être  rcnvcrlé.    Mais  en    général ,  l'aria  la 

fjlus  parfaite  eft  celle  où  la  première  partie 
ait  une  antithefe  avec  la  féconde. 

La  théorie  mulicale  de  Varia  n'eft  pas, 
à  beaucoup  près ,  auffi  perfeélionnée  que 
la  thcone  politique  :  ici ,  comme  dans  plu- 
fieurs  autres  cas  ,  le  compofiteur  n'a  point 
dérègles  bien  folidement  établies. 

Quant  à  la  forme  extérieure  ,lescompofî- 
teurs  italiens  ont  introduit  une  méthode  qui 
apalléen  loi  ,  ou  peu  s'en  faut.  La  mu- 
hque  inftrumentale  débute  par  un  prélude 
qu'on  nomme  la  ritournelle.  Cette  courte 
lymphonie  exprime  le  fentiment  général 
qui  doit  régner  dans  l'aria  :  vient  enfuite 
la  voix  qui  chante  feule  la  première  partie 
de  l'air  allez  uniment  ,  &  d'un  bout  à  l'au- 
tre ,  après  quoi  elle  en  répète  les  périodes 
&  les  décompofe.  Puis  le  chanteur  reprend 
haleine  pendant  quelques  iiaftans  ,  &  cette 
Tome  IIJ. 


ARI      ■  321 

paufe  eft  remplie  par  les  inftrumcr.3  v]ui 
répetentles  principales  exprelTioiis  du  chaîit. 
La  muiliiue  vocale  recommence.  Le  chan- 
teur analyfe  de  nouveau  les  mots  de  la  pre- 
mière partie  ,  (Se  appuie  principalement  fur 
ce  qui  fait  l'efléntiel  du  fentiment.  Il  achève 
de  chanter  cette  reprife  ;  &  quand  il  a  fini , 
les  inftrumens  continuent  le  même  fujetpour 
dojiner  à  l'expreiïion  du  fentiment  ,  toute 
la  force  dont  elle  eft  fufceptible.  Ainfî  finit 
la  première  partie. 

La  féconde  partie  fe  chante  tout  uni- 
ment ,  fans  les  fréquentes  répétitions  Se  dé- 
compofitions  multipliées  qu'on  fe  permet 
dans  la  première  partie.  Seulement ,  dans  les 
pentes  paules  que  le  chanteur  fiiit ,  les  inftru- 
mens appuient  &  fortifient  l'cxprefTion  du 
chant.  Qiiand  celui-ci  a  fini ,  la  mufiquc 
inftrumentale  joue  une  féconde  rirournelle, 
après  quoi  la  voix  reprend  la  première  partie 
de  l'air  ,  &  chinre  une  féconde  fois  avec 
la  même  étendue  Se  les  mêmes  répétitions. 
Il  faut  convenir  que  cette  méthode  efi 
judicieufe  &  trèi-conforme  au  but  de  la 
mufique.  Le  chanteur  un  peu  fatigué  par 
le  récitatif  qui  précède  Varia  ,  a  le  temps 
de  prendre  haleine  pendant  la  ritournelle  , 
&  de  fe  préparer  au  chant;  Se  les  .auditeurs 
fentcnt  réveiller  leur  attention,  La  ritour- 
nelle les  difpofe  d'avance  à  l'exprefîion  que 
le  chant  doit  faire  fur  eux.  Cependant  les 
compofiteurs  ne  s'aftreigncnt  pas  toujours 
à  cerufage.  Qiielquefbis  le  chant  commence 
fans  aucune  préparation  ;  &  dans  certaines 
conjondures ,  lorfque la paffioneft  violente, 
cette  méthode  eft  plus  naturelle,  &  l'effet 
en  eft  plus  sur.  Tous  ceux  qui  ont  entendu 
chanter  Varia ,  O  numi  configlio  ,  Sec.  dans 
l'opéra  de  Cirma ,  ont  eu  l'occafion  de  s'en 
convaincre. 

C'eft  auffi  avec  raifon  qu'on  fait  d'abord 
chanter  de  fuite  la  première  partie  de  Varia , 
prefque  fans  aucun  accompagnement.  Par 
ce  moyen  on  faifît  rapidement  le  (ujet  gé- 
néral qui  doit  nous  occuper  ,  Se  l'on  fe 
dilpofe  à  entrer  dans  le  fentiment  du  poëte 
Se  du  compofiteur.  Alors  les  répétitions  du 
chanteur  viennent  à  propos ,  pour  appuyer 
fur  les  expreffions  les  plus  énergiques  ,  Se 
les  ramener  en  plufieurs  manières  différen- 
tes ,  Se  fur  des  tons  toujours  variés. 

Ces  répétitions  font  dans  la  nature  du 

Sf 


312  A  R.  I 

lenTimciK  ;  il  revient  fan?  cefi'e  fur  l'objet 
qui  l'occupe  ,  t:c  l'enviiage  fous  toutes  Or, 
fices.  Et  cen'efîauifi  que  pir  des  impref- 
lions  redoublées  que  hradireur  pear  ccre 
vivement  ému.  La  muîîquc  inilinimentale 
îicheve  de  frapper  les  derniers  coups. 

Comme  la  féconde  reprit  n'efl  pour  l'ordi- 
naire ,  qn'ur.e  application  particulière  de  la 
première ,  où  le  iènrimenr  s'eft  pleinement 
enveloppé  ,  elle  n'exige  pas  que  le  chan- 
teur y  iniîfte  beaucoup.  Le  compolireur 
fé  contente  ordinairement  de  changer  le 
mode  ou  la  micfure  ,  pour  donner  un  nou- 
veau tour  à  la  même  expredion. 

Le  da-capo  ,  ou  la  répétition  de  la  pre- 
mière partie ,  n'a  probablement  d^autre  mo- 
tif que  le  delir  de  faire  entendre  une  féconde 
fois  un  chant  bien  expreffif.  Les  impreffions 
de  1.1  mulïque  p  fient  rapidement  ;  la  ré- 
pétition les  fortifie  &  les  rend  plus  dura- 
bles. Mais  pour  que  cette  répéution  ne  (brte 
pas  de  la  vraifemblance  ,  il  faut  que  le  poëte 
&c  le  compofîtcur  aient  arrangé  l'aria  de 
manière  que  fa  véritable  fin  foie  réellement 
placée  au  bout  de  la  premiiere  partie.  La 
clîofe  n'eft  pas  aifée  ,  parce  qu'une  fin  trop 
marqtiée  rendrait  la  féconde  partie  inutile  : 
elle  paroitroit  déplacée.    La    répétition  la 
plus  naturelle  cft  celle  qui  cfc  amenée  par  la 
manière  dont   la  (econde    reprife  finit:  ii 
elle  fe  termine  par  une  queftion  dont  la 
première  partie  contient  la    réponfe ,  ou  , 
en  général ,  fi  elle  excite  une  attente  à  la- 
quelle là  première  reprile  fatisfait ,  la  répé- 
tition n'aura  rien  que  de  très- vraifemblable. 
Il  n'y  a ,  au  refre  ,  que  les  artitles  mé- 
diocres ,  ceux  qui  ne  connoi lient  d'autres 
règles  que  l'ufage  ,  qui  s'aftreignent  fervi- 
ïement  ii  la  pratique  ordinaire.  Delà  vien- 
nent ces  aria  froides  &  indpides  que  l'on 
entend  q[ue!quefois.  Le  pocre  n''y  a  mis  que 
des  pen'.ées  triviales  &  plates.  Le  compo- 
fitrur  s'appcfantit  à  les  répéter,  à  les  ana- 
lyfer  ,   comme  il  a  vu  qu'on  le  ftit  lorf- 
qu'il  y  a  des  ientimcns  intérefTans  à  expri- 
mer. D'autres ,  avec  la  même  fimplicité  , 
ont  recoUr?  à  la  mufique  inftrumentaîe  pour 
lui  faire  dire  ce  que  la  voix  devoir  feule  rendre 
d'aune  manière  touchante  (?>:  énergique  ;  c'eft 
qUeces  compoficetrrs  ont  obfervé  qu'en  cer- 
tains cas,  lorfque  le  chant  a  donné  à  l'exprèf- 
fion  toute  la  force  dwitilcll  capable  ^  les irif- 


A   R  I 

tramrns  rcmplilTent  fa  place  pendant  une 
petite  pauCe  de  la  voix  ,  appuient  l'expref- 
iîon  du  fentiment  &  y  ajoutent  encore  ; 
cette  obfervation  les  induit  à  placer  des 
paufes  fans  néceffité  ,  pour  faire  exécuter 
à  la  mufique  inftrumentaîe  quelques  tirades 
inutiles ,  furchargées  d'agrémens  ou  qui  ne 
iignificm  rien,  ou  qui  dilcnt  le  contraire  de  ce 
que  le  chanteur  exprimoit.  Ils  outrent  pour 
l'ordinaire  les  roulades  &  les  trerablemens. 

\Jr\  compolîteur  habile  ne  s'attache  pas 
il  fcrvilement  à  la  form.e  ,  qu'il  ne  lâche 
s'en  affranchir  dès  que  la  nature  du  fujec 
l'exige.  Il  n'a  en  vue  que  l'eflenriel  de  l'ex- 
preffion.  C'eft  le  fentiment  qui  règle  le 
chant;  tantôt  il  fera  fore,  fimple  &  fans 
ornement;  tantôt  riche  ,  nombreux  &  v;- 
rié  ;  ici  rapide  &  véhément  ;  ailleurs  doux 
&:  moelleux.  Les  palTions  férieufcs  &  cha- 
grines ne  veulent  ni  tirades  ni  roulemens , 
&  le  compofiteur  judicieux  ne  prodigue  pas 
toutes  les  richtfîès  de  la  mufique  lans  de 
bonnes  raifons.  Il  n'emploie  pas  tous  les. 
inflrumensà  la  fois  ;  il  ne  prend  jamais  que 
ceux  que  l'exprefïîon  demande. 

Nous  renvoyons  le  chanteur  au  traité  de 
Tofi  fur  l'étude  de  fon  art  ;  il  fufnra  de  lui 
recommander  ici  l'attention  aux  règles  qu'il 
doit  fe  propofer. 

Une  des  principales  ,  c'ell  que  le  chanteur 
fe  fouvienne  toujours  qu'il  ne  chante  pas 
dans  la  vue  de  faire  admirer  aux  allîilans 
ion  habileté  ,  mais  dans  le  but  de  leur  pré- 
(enter  l'image  exacfte  d'un  homme  pénétré 
de  tel  ou  tel  fentim.ent.  Mieux  il  rculïîr.1 
à  faire  oublier  qu'il  n'ell  que  chanteur  & 
qu'adfeur,  plus  il  s'affurera  un  applaudifie- 
ment  légitime.  Ce  n'efl  pas  fon  goiîer  ,  c'eft 
Ion  ccrur  que  les  gens  de  goût  veulent  ad- 
mirer. Dès  qu'ils  s'apperçoivent  qu'on  leur 
fait  perdre  l'objet  principal  de  vue ,  pour 
étonner  par  les  coups  de  l'art,  ils  fe  retroi- 
dillcnt,  .5i  le  charme  cerillufîon  efldétroit. 

L'application  la  plus  f.'rieufe  à\::  chanteur 
doit  être  de  bien  choifir  le  véritable  carac- 
tère de  Varia  ,  &  d'entrer  exactement  dans 
toutes  les  pcnft'es  du  poé'ce  &:  du  compo- 
fiteur ,  afin  de  pouvoir  rendre  cl;aq;:e  fyl-" 
labe  ,  chaque  ton  a\TC  la  plus  grande  vé- 
rité. S'il  a  en  otnrc  atfez  de  cap  icité  pour 
renforcer  l'expfclïîon  par  de  nouveaux  tons^ 
ii  lui  iSc  psrniis  de  le  frJrc  ,  mais-  qu'il  ne 


ART 

le  fàfTe  qu'autnnc  qu'il  /êra  bien  aflurc^  du 
fucccs.  A  ce  dcf.mt,  il  vaut  mieux  qu'il  s'eii 
tienne  fcrupuleulcmcnt  à  fon  texte.  Il  lui 
rcfte  allez  d'occupation  à  bien  étudier  la 
meilleure  manière  de  rendre  les  tons  qui 
lui  lonr  prefcrits.  Un  ton  unique  qui  porte 
au  fond  de  l'ame  ,  cil  prcft  rable ,  dans  Ta 
iîmplicité  ,  à  ces  longues  cadences ,  impro- 
prement ainli  nommées ,  dont  tout  le  mérite 
ne  conlîfte  que  dans  la  diriicuké  de  l'exé- 
cution. (  Cet  article  ejl  tiré  de  la  Théorie 
générale  des  l>eaux-ans  Je  M.  SULZER.) 

Ari.a.  ,  (  Gc.gr.  )  daiiS  les  pays  où  les 
Grecs  (ont  parvenus ,  ce  nom  tiré  du  mot 
iiréios ,  qui  daiîs  leur  langue-  iîgnifie  con- 
facré  au  dieu  Mars  ,  a  été  donné  à  plus  d'un 
endroit  :  c'cfl:  ainli  qu'une  île  du  Pont- 
Euxin  j  -vers  les  cotes  de  Trébifonde ,  & 
une  chaîne  de  monragiies  de  l'Aile  mi- 
neure ,  l'ont  porté  ;  mais  ce  n*eft  pas  ainfî 
que  le  porte  d.ans  les  temps  modernes , 
une  ville  du  Royaume  d'Arima,  au  Japon, 
laquelle  baignée  du  laiig  de  nombre  de 
marcyrs  chrttiens ,  ne  paroit  pas  plus  avoir 
jeçu  (on  nom  aria  des  anciens  Grecs ,  qu'elle 
n'en  exerce  la  tolérance.  (  JD.  G.  ) 

AaiA,  (Géogr.)  contrée  de  l'ancienne 
Afie ,  à  l'orient  de  la  Perle ,  &c  au  nord- 
oueft  de  l'Inde.  Il  y  avoir  un  lac ,  un  fleuve 
&  une  ville  de  même  nom  ;  miais  l'obfcu- 
rité  ou  les  contrariétés ,  avec  lefquelles  les 

Î;cognip!ies  fie  les  hiftoriens  en  parlent ,  nous 
;ii(Ient  dans  une  incertitude  abloîue  lur  la 
pofition  de  ce  lac ,  de  cette  ville  &  de  cette 
contrée ,  6c  fur  le  cours  de  ce  fleuve.  (  D.  G.) 

*  ARIA  ,  alni  effigie ,  folio  laniato  major. 
Jons.  (  Hijl.  nat.  bot.  )  Cette  plante  croit 
dans  les  bois ,  fur  les  montagnes ,  entre  les 
rochers.  Elle  fleurit  en  Avril.  On  lui  attri- 
bue la  vertu  d'appaifer  la  toux  ,  &  de  faci- 
liter l'expedoration.  Dale. 

ARIACE ,  (  9écgr.  )  peuple  de  l'ancienne 
Scythie  vers  les  bords  orientaux  de  la  mer 
Cafpienne.  (D.  G.) 

ARIADAN  ou  Aridan,  (  Géog.)  lieu 
de  l'Arabie  Heureufe ,  dans  le  Tahama ,  fur 
la  mer  Rouge  :  quelques  voyageurs  en  font 
une  ville ,  &  d'autres  prérendent  que  ce  n'elt 
qu'un  village  habité  par  des  payl'ans  ,  èc 
dépendant  de  la  Mecque.  (D.  G.) 

ARIADNE  ou  Ariane,  {  Myth.)  fille 
«le  Minos ,  chaiciée  de  la  boiiiie  mine  de 


A  R.  I  ivî 

Théfée  qui  étoit  venu  pour  combattre  le 
Minotaure,  elle  lui  donna  un  peloton  de  fil 
dont  il  fe  fervit  heureulement  pour  lorcir 
du  labyrinthe ,  après  la  dtfaite  du  Mino- 
ijure;  c'eft-à-dire,  qi\  Ariadne  apprit  à 
fon  am-jnt  les  moyens  de  vaincre  Tau- 
rus  ;  &  par  le  peloton  ,  il  taut  entendre  le 
plan  du  labyrinthe  o^u  AiiaJne  avoit  reçu 
de  l'architecle  rncmc ,  &  donc  Théfée  fc 
(crvit  pour  en  forcir.  Théfée ,  en  quit- 
tant la  Crète ,  emmena  avec  lui  la  belle 
Ariadne;  mais  il  l'abandonna  dans  l'île  de 
Naxe.  Bacchus  qui  vint  peu  après  dans 
cette  île  ,  conlola  la  princcfle  de  l'infidélité 
de  Ion  amant ,  &  en  Tépoulant  il  lui  fit 
prélent  d'une  belle  couronne  d'or  ,  chc''- 
d'ceuvre  de  Vulcain ,  laquelle  tut  dans  la 
fuite  métam.orpholée  en  aftre.  Plutarque 
dit  q\x  Ariadne  fut  enlevée  à  Théfée  dans 
l'île  de  Nafxe  par  un  prêtre  de  Eacchus, 
ce  qui  e(t  plus  vraifembLible  que  l'ingrati- 
tude de  Thélée.  Homère  dit  que  ce  fur 
Diane  qui  retint  Ariadne ,  à  la  prière  de 
Oacchus  ,  voulant  marquer  par-là  que  U 
prince  (le  y  étoit  morte  fubitement  ,  ou  par 
quelque  accident.  Hygin  dit  que  c'cft  Thé- 
fée qui  donna  la  belle  couronne  à  Ariadne  , 
&  ajoute  que  c'cft  à  la  lueur  des  diamans 
qui  la  conipoioient ,  que  Théfée  fortitdu 
labyrinthe.  Thomas  Corneille  a  donné  une 
tragédie  à' Ariadne  abandonnée  par  Thélée. 
Elle  a  fourni  auffi  le  fujet  de  trois  opéra  , 
l'undePerrin  ,  donné  ii  1661  ;  le  fécond  du 
fieur  de  Samr-Jean  ,  doiit  le  titre  eft  Ariadne 
&  Eacchus  ,  en  1666;  le  dernier  eft  de  MM. 
la  Grange  &  Roi,  donné  en   1717.  (  +  ) 

*  ARIADNÉES  ^My^.")  fêtes  inftituées 
en  l'honneui  d' Ariadne,  fille  de  Minos. 

ART.^NISME  ,  f.  Tïi.  (  Tkéol.  Hifr.  eccl.  ) 
héréfîe  d'Arius  &  de  (es  feélateurs.  Uaria- 
nifme  tÙ.  une  hcréfîe  ancienne  dans  l'églile-, 
Arius ,  prêtre  de  l'égUfe  d'Alexandrie  ,  en 
fut  l'auteur  au  commencement  du  IV  fle- 
cle.  Il  nioit  la  confubftantialité ,  c'eft-à- 
dire  ,  l'égalité  de  lubftance  du  Fils  avec 
le  Père  dans  la  fainte  Trinité  ,  &  prétendoit 
que  le  Fils  étoit  une  créature  tirée  du  néant 
&  produite  dans  le  temps,  Fcve^  Anti-Tri- 

NITAIRES    Ù  CoNSUBSTANTIEL. 

Les  Ariens  convenoient  que  le  Fils  étoit 
le  Verbe  :  mais  ils  foutenoient  que  le  Verbe 
ii'écoit  point  éternel.  Ils  lui  accordoienr  feu- 

sr2 


3^4  A  R  I 

lement  une  priorité  cl  exiftence  fur  les  autres 
êtres  créés,  ils  avançoieiit  encore  que  le 
Chrift  n'avoit  rien  de  Thomme  en  lui  que  le 
corps  dans  lequel  le  Verbe  s'ctoit  renfer- 
mé ,  y  opérant  tout  ce  que  l'ame  fait  en 
nous.  Arius,  après  avoir  l'outenu  de  vive 
VOIX  ces  erreurs  à  Alexandrie  ,  les  répandit 
dans  tout  l'Orient  par  Tes  écrits,  &  lur- 
tout  par  celui  qu'il  intitula  Thalie.  f^oyei, 
Apollinaikes  ,  Trinité,  Fils  ,  Père, 
&c. 

Cette  héréfie  fut  anathématifée  dans  le 
premier  concile  de  Nicée ,  tenu  en  3Z5. 
On  dit  mcmc  qu'il  y  eut  un  ordre  de  Cont- 
tantin  qui  condamnoit  à  mort  quiconque 
ne  bruleroit  pas  tous  les  ouvrages  d'Arius 
qui  lui  tomberoient  entre  les  mains.  Mais 
les  foudres  lancées  alors  contre  elle  ,  ne  l'a- 
néantirent pas  ;  elle  prit  au  contraire  de  nou- 
velles forces ,  &  fit  en  Orient  des  progrès 
aulTi  étendus  que  rapides  :  Tes  ravages  ne 
furent  pas  lî  terribles  en  Occident.  Un  grand 
nombre  d'évcques  d'Orient  étoit  déjà  tom- 
bé dans  cette  erreur  ;  ceux  d'Occident 
ctoient  inclinés  par  l'autorité  de  l'empe- 
reur Confiance  ,  &  féduits  par  les  propo- 
rtions artificieufes  des  deux  évcques  Ariens , 
Valcns  &:  Urface  ,  qui  leur  firent  entendre 
que  pour  rendre  la  paix  à  l'églife  ,  il  n'étoit 
queilion  que  de  ûcrifier  les  termes  amphi- 
bologiques ,  inventés  par  les  pères  du  coi;- 
cile  de  Nicée  ,  ov^ia,  ô/j-m^tot  iiTiKcLutî  , 
termes  nouveaux  ,  ajoutoient-ils ,  qu'on  ne 
trouyoit  point  dans  l'Ecriture  ,  &  qui  fcan- 
dalifoient  &  jetoienten  perplexité  les  efprits 
foibles  ;  quelques  Occidentaux  eurent  donc 
la  foibleiîé  de  foufcrire  à  une  formule 
arienne,  tandis  que  les  ariens  allemblés  à 
Seleucie,  &  dans  un  conciliabule  qu'ils 
tinrent  à  Nicée ,  firent  la  même  chofe. 
Par  cette  fupercherie,  le  monde,  dit  S. 
Jérôme  ,  lut  éroiuié  de  le  trouver  tout- 
à-coup  arien.  Une  paix  fondée  fur  un  mal- 
entendu, ne  pouvoir  être  dur.-.ble.  La  plu- 
part de  ceux  qui  avoient  ligné  la  formule  de 
Kimini ,  reconnurent  leur  faute  &  la  répa- 
rèrent. L'cgliie  ne  manqua  de  défenfeurs , 
ni  en  Orient,  ni  en  Occident;  &  les 
ariens,  nr.dgré  leur  nombre  &:  leurs  intri- 
gues ,  virent  b  plus  grande  c^  U  plus  faine 
parde  des  évéques  foutenir  généreufcment 
u  loi  de  Nictc.  Les  termes  cW<«  &  i3,'/«wiw 


A  R    I 

furent  établis  dans  leurs  premiers  d'rolts ,' 
&  les  cxprefïîons  ambiguës  fous  leiquclles 
l'erreur  le  cachoit  ,  profentes.  On  dif'- 
puta  un  peu  plus  long-temps  fur  le  mot 
ùiTÎias-ts  ;  mais  dans  un  concile  tenu  à  Ale- 
xandrie en  362  ,  S.  Athanafe  accorda  le 
différent  qui  étoit  à  cet  égard  entre  les  catho- 
liques. 

Il  paroît  que  du  temps  de  S,  Grégoire  de 
Nazianze,  les  ariens  dominoient  à  la  cour 
&  dans  la  capitale ,  où  ils  reprochoient  aux 
orthodoxes  leur  petit  nombre  ;  &  c'eil  ce 
qui  donna  lieu  apparemment  à  ce  père  de 
commencer  fon  vingt-cinquième  dilcours 
contre  les  ariens  par  ces 'mots  :  Où  font 
ceux  qui  nous  reprochent  notre  pauvreté  ;  qui 
prétendent  que  la  multitude  du  peuple  fait 
l  eglife  ;  qui  méprifent  le  petit  troupeau  ? 
&c.  Exagération  viiible  de  la  part  des  ariens , 
puilquc  tous  les  nionumens  de  ce  temps- 
là  font  foi  qu'ils  avoient  très -peu  de  par- 
tiians  en  Occident ,  &  que  les  catholiques 
les  égaloient ,  au  m.oir.s  en  nombre ,  dans 
l'Orient. 

L'arianifme  y  fat  enfin  abattu  fous  le 
grand  Théodofe ,  en  forte  qu'à  la  fin  du 
IV  fiecle  ,  les  ariens  fe  trouvèrent  réduits 
psr  les  loix  des  empereurs  à  n'avoir  plus  m 
égliles ,  ni  évcques  dans  toute  l'étendue  de 
l'empire  Romain.  Les  Vandales  portèrent 
cette  hér-fîe  en  Afrique  ,  &  les  Vifigoths  en 
Efpagne  :  c'efl  où  elle  a  fubiiué  le  plus  long- 
teihps  fous  la  proteftion  des  rois  qui  l'a- 
voient  embraflée  ;  mais  ceux-cf  l'ayant  enfin 
abjurée ,  elle  s'y  éteignit  aufTi  vers  Pan  de 
Jelus-Chrift  660. 

Il  y  avoir  près  de  900  ans  qu'elle  étoit 
enfevelie  fous  fes  ruines ,  lorlqu'au  com- 
rnencement  du  XVI  lîecle ,  Eralme ,  dans 
fon  Commentaire  fur  le  nouveau  Teflament , 
parut  avoir  dellèin  de  l'en  tirer.  Ses  ennemis 
ne  manquèrent  pas  de  l'acctfer  d'avoir  femé 
dans  cet  ouvrage  des  interprétations  &  des 
gloles  ariennes  ,  avec  d'autres  principes 
favorables  à  la  même  hérélie.  La  feule 
réponfc  qu'il  fit  à  ces  imputarions ,  c'ert:  qu'il 
n'y  avoit  point  d'hcrcfie  i\  parfaitement 
détruite  que  Varianijme  ,  nulla  luvrcfis  magis 
exiincla  quàm  arianorum  :  ce  n'étoit  poii>t 
aflurer  qu'elle  ne  renaitroir  pas,  ni  qu'on 
n'eut  nulle  envie  de  la  rellùfciter.  En  etïèt , 
eu  j;5i  Michel  Servet,  Efpaguol,  publia. 


ARI 

un  petit  rraicé  contre  le  myftere  de  li  Tri- 
nité. Après  avoir  dogmacKc  en  Allemagne 
6c  en  Pologne  ,  il  vint  à  Genève  ,  oii  Calvin 
le  fit  bri'lcr.  Servet  (e  montra  plutôt  pho- 
tiiiien  qu'arien.  La  feule  choie  qu'il  avoit 
de  commun  avec  les  ariens ,  c'ell qu'il  ie  fer- 
voit  des  mêmes  armes  qu'eux  pour  com- 
battre la  divinité  de  Jcfus-Clinll:  ;  je  veux 
dire  des  mêmes  pallages  de  l'écriture ,  &  des 
inèmcs  railonnemens  :Tnais  le  but  (Se  le  (onds 
de  Ion  lyftême  étoient  diftérens.  Voye^ 
Servetistes. 

On  ne  peur  pas  dire  proprement  que  Ser- 
vet eut  des  feclateurs ,  mais  il  efi:  vrai  qu'a- 
près la  mort ,  on  vit  paro:tre  à  Genève  un 
nouveau  iyftême  à'arianifme  ,  élevé  fur  les 
principes ,  mais  avec  plus  d'art  &:  de  finede 
que  le  lien.  Ces  nouveaux  ariens  donneren: 
beaucoup  d'occupation  à  Calvin ,  parce  qu'il 
leur  avoit  lui-même  enfeigné  la  voie  de 
prendre  («n  eiprit  particulier  pour  inter- 
prète &  juge  du  véritable  lensdes  Ecritures. 
C'ette  iecte  palla  de  Genève  en  Pologn.e  ,  o;'i 
elle  Hc  des  progrès  conlîdérables  :  à  la  lon- 
gue elle  dégénéra  en  (ociniar.itme.  J'^oye;^ 

SOCINIENS. 

On  accu.Q;  le  favant  Grotius  d'avoir  ù- 
voriie  ['ûrian/fnn  dans  fes  notes  iur  le  nou- 
^■eau  telViment.  Il  eft  certain  qu'il  y  élevé 
tellement  le  Père  au  deflus  du  Fils ,  qu'on 
fcroir  tenté  de  croire  qu'il  le  regirdoit 
comme  le  feul  Dieu  tout-puillînt ,  &  qu'eji 
cette  qualité  il  lui  accordoit  une  grande  Cu- 
périorité  (ur  le  verbe.  Cela  fuppo'e  ,  il  au- 
roit  plus  penché  vers  l'iiérélie  des  femi- 
ariens  que  vers  celle  des  ariens.  Voye^^AniEus 
&■  Se.vii-ariens. 

L'ariamfme  moderne  ,  étant  une  fecte 
anti-chrétienne  ,  ne({  tolcié  ni  à  Genève  , 
ni  dans  les  cantons  Suill'es ,  ni  dans  le  Nord , 
m  en  Angleterre  ,  à  plus  forte  raifon  dans 
les  pays  carlioliques.  On  le  profelle  ouver- 
tement en  Turquie  ,  parce  que  les  maho- 
métans  ne  croient  pas  la  divinité  de  Jcfus- 
Chriil.  Au  refte  il  nulle  hérélie  ne  s'enve- 
loppe &  ne  le  défend  avec  plus  de  fubti- 
lité  ,  on  peut  dire  qu'aucune  n'a  été  ni 
mieux  démêlée ,  ni  combattue  avec  plus  d'a- 
vantage par  les  théologiens  ,  tant  protelbns 
que  catholiques.  (G) 

*  ARIAKO  ,  ville  d'Italie  au  royaume 


A  R  I  3iy 

de  Naples  dans    l.i  principauté   ultérieure. 

*  Ariano  ,  (  Géog.  )  bourg  d'Italie 
dans  le  Fcrrarois  iur  un  bras  du  Pô.  Il 
donne  (on  nom  à  une  petite  contrée.  Long; 

ARIBERT  ,  fils  de  Clotaire  II.  (  WJt. 
de  France.  )  fut  exclus  du  partage  de  la  mo- 
narchie françoife,  par  Dagobcrt  I,  fonfrerc 
aine  ,  qui  la  réunit  toute  entière  ,  contre 
les  loix  en  ulage  jufqu'alors.  Il  eut  beau- 
coup de  peine  à  obtenir  une  partie  du 
duché  d'Aquitaine  ,  qu'il  gouverna  avec 
lagelle  ;  il  devoir  la  tenir  plutôt  comme 
duc  que  comme  roi.  Il  fe  fit  cependant  cou- 
ronner à  Toulouie  ,  qui  fut  le  fiege  de  là 
domination  :  ce  prince  mourut  en  630  , 
deux  ans  après  fbn  couronnement.  Chll- 
péric ,  Ton  fils ,  fut  mis  à  mort  par  l'ordre  de 
Dagobert ,  qui  commettoit  indifféremment 
tous  lescrim.es  ,  pourvu  qu'ils  fullent  avoués 
p  ir  la  pohtique.  Vaiflete  ,  auteur  de  l'Hif- 
toire  du  Languedoc  ,  prétend  qixArihert  eut 
d'autres  enfans  ,  Bertrand  &  Boggis  ,  qui 
tans  deux  échappèrent  au  couteau  du  tyran  : 
Eoggis  ,  l'ainé  ,  eft  regardé  comme  la  tige 
d'une  longue  fuite  de  princes  qui  fe  font 
éteints  dans  la  perlonne  de  Louis  d'Ar- 
magnac ,  q^Lii  fut  duc  de  Nemours ,  &  périt 
à  la  fameule bataille  de  Cerignole ,  en  i  J05. 
{M- y) 

<>  ARICA  ,  C  réog.)  port  &  ville  de  l'A- 
mérique méridionale.  Long.  327,  iç;lat. 
mérid.  1 8 ,  xG.  Dès  le  commencement  de 
la  dom'nation  Efpagnole  au  Pérou  ,  Arica  , 
lîtuée  Iur  la  mer  du  fud  ,  au  bout  d'un 
vallon  de  peu  de  largeur  ,  ■'^■c  de  quatre  à 
cinq  lieues  de  longueur  ,  devint  un  des  plus 
grands  gouvernemens  du  pays  :  ce  fut  l'en- 
trepôt des  mines  du  Potoli ,  deftinées  pour 
Lima  ;  l'argent  y  arrivoit  par  terre  ,  &  en 
parcoit  par  mer  ,  de  façon  que  la  position 
re!pe6bive  de  ces  divers  lieux  en  rendoit  les 
voyages  égdement  courts  &  commodes. 
Mais  ce  bonlieur  particulier  d' Arica  ne 
devoir  pas  durer.  En  l'an  1 579  ,  le  fameux 
Drake  faifant  le  tour  du  monde  ,  au  nom 
de  la  reine  Eliiabeth  d'Angleterre  ,  entra 
ians  peine  dans  le  port  à' Arica  ,  &  le  trou- 
vant plein  de  trélôrs  ailez  mal  gardés,  y 
prit  ce  que  tout  autre  homme  de  meir  au- 
l  roit  pris   à  fa  place.   C'en  fut  allez   pour 


3i6  ARI 

décourager  les  Efpagnols  de  l'eiitrepot ,  & 
pour  leur  faire  abandonner  la  voie  de  rranf- 
porter  par  mer  à  Lima ,  les  richellès  du  Po- 
to/i.  Ainli  privée  d'un  avantage  qui  lui 
avoic  donné  quelque  célébrité  ,  la  ville 
é'yir/ca ,  dès-lors ,  ne  fit  plus  que  languir , 
&  enfin  (a  deftrudion  totale  arriva  ,  par 
im  tremblement  de  terre  ,  qui  la  renverfa 
de  fond  en  comble  en  i(Soy.  Un  village, 
donc  les  maiions  ne  iont  bâties  que  de  can- 
nes ,  Se  couvertes  de  nattes ,  en  a  pris  la 
place  aujourd  hui.  On  dit  qu'il  ne  pleut 
jamais  dans  le  vallon  à'Arica  ,  que  les  ruil- 
feaux  y  font  rares  ,  &  que  le  terroir  en  ell 
cependant  d'une  fécondité  iurprenanre.  L'on 
di;  que  tans  autre  engrais  que  la  hentc  -'.'oi- 
feaux  5  que  Ton  y  ramalle  avec  grand  loin, 
le  blé  ,  le  mays ,  la  luzerne  ,  &  lur-tout 
îe  piment  ,  iorte  d'épicerie  que  les  Efpa- 
gnols aiment  beaucoup  ,  y  font  cultivés 
avec  un  luccès  prodigieux.  (D.  G.) 

Ar^îcA  ,  {Géog.)  nom  latin  de  la  petitr 
jle  d'A'dcrney  ou  Aurigni ,  dans  le  canal 
de  Saint-George  ,  polTédée  par  les  x'Vnglois , 
au  vollinage  de  Jerfey  &c  de  Guernefey. 
(Z?.  G.) 

ARICARF.TS,  (  Gp^.  )  nation  de  l'A- 
mérique mérid'onale  dans  la  Guiane  ,  lur 
ics  bords  d'un  fleuve  nommé  Aricari.  Elle 
cft  5  quoique  peu  nombreufe  ,  divifée  en 
orientale  iSc  en  occidentale  ,  commerçant 
d'une  part  avec  les  François  de  la  Cayenne , 
<Sc  de  l'autre  avec  les  Portugais  du  fort 
Strerro.(Z).  G.) 

ARICIE,  {Géog.)  ville  d'Italie  dans  le 
Latium  ,  au  pié  du  mont  Albano.  Sa 
fondation  avoit  ,  dit-on  ,  devancé  celle 
de  Pv.ome  ,  &c  fes  loix  mAUiicipales  la  ren- 
doient  refpedtable  par  leur  fagefle.  Il  efl 
aflez  vraifcmblable  que  la  réputation  avan- 
tageufe  dont  elle  jouilloità  ce  dernier  égard , 
donna  lieu  au  titre  de  3o/.î  facré  que  por- 
toit  une  forêt  de  fon  voifinage  ,  dans  la- 
quelle on  vint ,  en  effet ,  à  bâtir  un  temple 
à  Diane  ,  &  à  placer  la  demeure  de  la  nym- 
phe Egérie  ,  confultée  &  citée  par  l'habile 
roi  Numa.  Cette  ville  n'eft  aujourd'hui 
qu'un  bourg  médiocre  ,  avec  un  château  , 
dans  l'état  de  l'églifc.  On  le  nomme  Lar- 
ricia.{D.G.) 

Aricie  ,  {Hiji.  Poé/.)  princefle  du  fang 
royal  d'Acheues ,  6c  refte  mallieurcux  de 


ARI 

la  famille  des  Pallantides ,  fur  qui  Thélee 
ufurpa  le  royaume.  Virgile  dit  qu'Hyppo- 
litc  l'époufa  &  en  eut  un  fils  après  qu'Ef- 
culape  l'eut  relTufcité.  Elle  donna  fon  nom 
à  la  ville  ,  décrite  à  l'article  précédent  ,  & 
à  une  forêt  voifine  ,  dans  laquelle  Diane 
cacha  ,  dit-on  ,  Hyppolite,  après  fa  réfur- 
redion.  En  reconnoiîlance  d'un  tel  bien- 
fait ,  il  lui  éleva  un  temple  ,  &  y  établit 
un  prêtre  ,  &  une  fête  en  fon  honneur. 
Le  prêtre  étoit  un  elclave  fuginf ,  qui  dé- 
voie avoir  tué  de  fa  main  fon  prédécelleur  , 
&c  qui  avoit  toujours  en  main  une  épée 
nue  ,  pour  prévenir  celui  qui  auroit  voulu 
lui  fuccéder  à  la  même  condition.  La  fête 
qui  le  célébroit  aux  Ides  d'Août  ,  coniif- 
toit  à  s'abflenir  ce  jour-là  de  la  chaffe  ,  à 
couronner  les  bons  clriens  de  chailè  ,  &:  à 
allumer  des  flambeaux.  (-|-) 

*  ARICINA  ,  (  Myth.  )  furnora  fous 
lequel  on  honoroit  Diane  dans  la  forêt  ap- 
pellée  Ariane ,  d'Aricie  ,  princellc  du  iang 
royal  d'Athènes  &  refte  de  la  famille  des 
Pallantides ,  fur  qui  Théfce  ufurpa  le  royau- 
me. Virgile  dit  qu'Hyppolite  époula  Ari- 
cie ,  &  qu'il  en  eut  un  fils  après  avoir  été 
reirufcité  par  Elculape  On  ajoute  qu'Aricie 
donna  Ion  nom  à  une  petite  ville  d'Italie 
dans  le  Latium ,  &  à  une  forêt  où  Diane 
cacha  Hyppolite  après  fa  réf  urredion  ;  & 
qu'en  mémoire  de  ce  bienfait ,  Hyppolite 
éleva  un  temple  à  Diane  ,  &  y  établit  un 
prêtre  &  des  fêtes.  Le  prêtre  étoit  un  efclave 
fugitif  qui  devoit  avoir  tué  de  là  main  fon 
prédécelleur  ,  <Sé-qui  ,  pour  prévenir  celui 
qui  auroit  été  tenté  de  lui  fuccéder  ,  por- 
toit  toujours  une  épée  nue.  La  fête  qui  fe 
célébroit  aux  Ides  d'Août  confifloit  à  s^abfle- 
nir  ce  jour  de  la  chafle ,  à  couronner  les  bons 
chiens ,  &  à  allumer  des  flambeaux. 

ARICONIVM,  {Gtcg.)  ville  ou  bourg 
de  la  Grande-Bretagne  ,  fameux  autrefois 
par  les  belles  chalîes  qui  fe  faifoient  dans 
les  environs.  On  croit  que  c'elt  aujour- 
d'hui Cancefler  ,  dans  la  province  d'He- 
reford  ,  l'une  des  plus  fertiles ,  quoiqu'en 
même  temps  l'une  des  moins  unies  à  fa  fur- 
fiice  de  toute  l'Angleterre.  {D.  G.) 

§  ARICOURl,  {Géog.)  peuple  de  l'A- 
mérique méridionale  dans  la  Gui.uic  ,  vers 
la  rivière  des  Am.azones.  De  Laëc  dit  que 
les    Arkouris   ne    donnent    prcfqu'auçwî 


A  R  I 

(îgne  de  religion  ;  qu'ils  refpeélcnt  le  Piloi' 
^ic  1.1   lune,  Hms  pouiMiit  les  ndorT;  qu'il' 
paroilll-nt  croire  à  l'immorraliré  de  l'âme 
en  ce  qu'ils  alTlgnent  le  ciel  pour  clemeur 
après  la  mort ,   à  ceux  qui  ont  bien  vécu  ; 
que  cependant  ils  lont  timides,  foupco: - 
ncux  ,  &  âpres  ;\  la  vengeance  ;  qu'ils  r  - 
courent  volontiers  aux^devins,  lefquels  'eus 
le  nom  de  psccïos  ,   le  dilent  in'pirés  pai 
le  démon  Vr'aupa  ,  &  les  inlrruifent  tan 
des   chofes  futures  ,  que  de  celles   qui  fc 
padent  dans  les  pays  éloignés  :  que  ce  fôn 
d'ailleurs  gens  de  moyenne  taille  ,  dont  le 
yeux  &  les  cheveux  iont  noirs  ,   dont  les 
femmes  accouchent  (ans  beaucoup  de  (ouf- 
france  ,  &  dont  la  nudité  n'eft:    couverte  , 
pour  l'ordinaire  ,  que  d'une  iorte  de  tein- 
ture gommée  ,  divcricment  employée  par 
l'im  éc  par  l'autre  fexe.  Les  hommes  s'en 
frottent  épaillement  le  corps  ,   pour  fe  prc- 
ferver  de  l'ardeur  du  foleil  ;  &  les  femmes 
s'en  peignent  légèrement   le  leur ,  pour  y 
ménager  à  leur  mode  la  repréfentation  de 
p'.ufieurs  figures.   {  D.  G.) 

*  ARIEGE  (  r  )  ,  rivière^  de  France  , 
qui  a  Hi  fource  dans  les  Pyrénées  ,  pallc  à 
Foix  &  à  Pamiers ,  &  fe  jette  dans  la  Ga- 
ronne. Elle  roule  avec  Ion  iable  des  pailles 
d'or. 

ARIEN  ATES  ,  (  Gêugr.  )  peuple  d'Italie, 
dans  la  lixieme  région  où  ctoit,  entr'autrcs, 
l'Ombrie  moderne,  f  Z).  fî.  ) 

ARIENS  ,  f.m.  pi.  (  Th^ol  hîfl.  cccléf.  ) 
hérétiques    feétateurs   d'Arius  ,    prêtre  de 
réglile   d'Alexandrie  ,   qui  vivoit  dans  le 
IVhecle,  &:  mourut  en  55^  Cet  hérc(rar 
que    convenoit  de    la  divinité   de  Jcfus 
Chrifl:;  mais  il  prétcndoit  que  comme  Dieu 
il  ctoit  inférieur  à  (on  père  ;  que  le  pcrt 
&  le  fils    diflcroient   en  effènce;  qu'il  n'y 
avoir  point  entr'eux  d'égalité  ,  &  qu'ils  n'é- 
toient    point  co-éternels ,  mais  que  le  fil , 
avoit  été  créé  de  rien  ,   &c  qu'il  étoit  du 
nombre  des  créatures  :  à  quoi  il  ajoutoit  que 
le  Saint-Efprit  n'étoit  pas  Dieu  ,  mais  un 
être  créé  p.ir  le  fils ,   quoiqu'il  n'enleignâr 
pas  ces  deux  dernières  erreurs  d'une  ma- 
nière aufïî  ouverte  que  les  macédoniens  &: 
les  Sociniens.  Fbje:[  Macédoniens  &  So- 
ciMiENs.  Les  ariens  fur;ntd'abord condam- 
nés par  un  concile  tenu  à  Alexandrie ,  fous 
Alexandre  évêque  de  cetre  ville  ,  &  aifuite 


A  R  I  327 

par  le  concile  général  de  Nicée  ,  où  aiïifte- 

renr  trois   cents  dix-huit  Evoques.   Depuis 

•.ecre  condamnation  ,   la  feéte  fe  divifa  en 

lifférentes  branches  :  les  purs  Arien':o\i  ann- 

nécns  fuivoient  l'héréfie  d'Arius  telle  qu'elle 

'toit  dans  la  naiflance  ;  on  les  nomma /ir^- 

cicnx  Se  eudoxicns  ,  d'Acace  évêque  de  Cé- 

farée  ,  &  d'Eudoxe  Patriarche  d'Antiochc  , 

leux  de  leurs  principaux  chefs  :  anomccns  , 

parce  qu'ils  fourcnoient  que  le  fils  de  Dieu 

'toit  diflemblable  à  ion  père  ,  ài'svo/j'  ;  nrfa- 

cicns ,  d'Urface  évêque  dé  Tyr ,  ftlon  quel- 

p.ies-uns ,  &  de  Sigedum   ielon  d'autres, 

&  aétiens  &:  eunomiens  ,  d'Aétius  &  d'Eu- 

lomius. 

Les  femi  -  cricris  qui  vouloienr  confcrver 
une  partie  des  dogm.es  d'Arius ,  &  cepen- 
dant rejeter  les  impreffions  conlicrées  par 
les  orthodoxes  pour  exprimer  laconfubflan- 
rialité  ,  au  lieu  d'^'y^-f^'of  ,  confuhjlantid y 
ils  avoient  imaginé  le  terme  i[/.i  VTUf  Jèm- 
Hahk  en  fuhjiance.  Ils  avoient  pour  chefs 
Bafile  évêque  d'Ancyre  ,  George  de  Laodi- 
cée  ,  Euftarhius  de  Scbidc  ,  i-'c.  dont  les  uns 
renoient  que  le  verbe  avoit  commencé  d'ê- 
tre ,  mais  avant  tous  les  iîecles,  les  autres 
qu'il  av;<!t  été  de  toute  éternité  ;  quoiqu'ils 
'butinfîent  opiniâtrement  qu'il  n'étoit  pas 
le  la  même  lubrtan.-e  que  le  Père.  Rien  ne 
fut  moins  confiant  que  les  profclTions  de 
foi  des  rtr/f/25 :  ils  changeoienr,  ajoutoienr  , 
retranchoient  ,  pour  ainfi  dire  ,  à  chaque 
in  liant ,  des  exprelTions.  Au  concile  d'An- 
cioche  ,  tenu  en  541  ,  ils  en  dreflcrcnt  qua- 
re ,  où  condamnant  Arius  en  apparence, 
ils  combattoient  réellement  la  foi  du  con- 
cile de  Nicée  :  celle  de  F^imini  n'étoit  pas 
■noins  captieufe  :  celle  de  Sirmich  appro- 
:hoit  allez  du  fens  catholique  ;  mais  ils  en 
iltéroient  ces  mors  en  toutes  chofes  ,  qui 
'mportoieiît  implicitement  l'unité  de  firhC- 
tmce  entre  le  pcre  &  le  fils  ,  (c  réfe'rvant 
par-là  la  refiource  de  n'admettre  qu'une 
imilitude  de  nature  :  tant  de  variations  ne 
dévoient  pas  être  priles  pour  des  caraileres 
ic  vérité.  (  G.  ) 

'^  Arirns,  f.  m.  (  Hijï.  C'  Géo^.  )  peu- 
oies  d'Allem-agi^e ,  dont  Tacite  fait  men- 
cion  ,  &  que  quelques  -  uns  preniienr 
pour  les  habicans  de  l'île  d'Ar.'cn  ou  d'Ar- 
rée. 

ARJEPLOG,  {GJog.)  par-^iiro   de  k 


■3i8  A  RI 

Laponie  Pîtea  ,  foumife  à  b  Suéde.  Elle 
touche  au  grand  lac  d'Hornawam  ,  &  elle 
comprend  cinq  villages.  La  couronne  y  a 
établi,  en  1745  ,  une  école  pour  lix  La- 
pons à  la  fois.  (D.  G.) 

ARIES,  eft  la  même  chofe  que  la  conf- 
tellacion  du  Eelier.  Foye:^^ Bélier.  (  O) 

ARIETTE  ,  fub.  f.  (  Muftque.  )  dimi- 
nutif venu  de  l'Italien  ,  iignihe  un  pcm 
air  ;  mais  le  fens  de  ce  mot  cd  change  en 
France ,  &  l'on  entend  aujourd'hui  par-li 
un  grand  morceau  de  muiique  ,  d'un  mou- 
vement pour  l'ordinaire  allez  gai  &  mar- 
qué ,  qui  fe  chante  avec  des  accompa- 
gnemens  de  fymphonies  :  les  arieites  font 
communément  en  rondeau.  Voy.  Air.  {S) 

^  ARICNANO  ,  (  Géog.  anc.  &  moci.  ) 
ville  autrefois  ,  maintenant  village  d'Italie , 
dans  la  Tofcane  fur  la  rivière  d'Arno  ,  au 
territoire  de  Florence. 

ARIM  ,  (  Géog.  )  ville  d'Afie  dans  les 
Indes ,' fuppofée  par  les  géographes  orien- 
taux ,  à  une  égale  dilLmce  des  colonnes 
d'Hercule  au  couchant  ,  (Se  de  celles  d'Ale- 
xandre au  levant  ,  &  employées  par  eux 
en  conféquence  ,  à  faite  le  compte  des  lon- 
gitudes. (-D.  G.) 

*  ARIM  A  (  le  détroit  d'):  il  cfl  tians 
l'Océan  oriental  ,  entre  la  petite  île  de 
Nangayauma  &  celle  de  Ximo  :  il  eft  amli 
nommé  à'Arima  ,  ville  qui  n'en  eft  pas 
éloignée. 

^  Arima  ,  {Géog.mod.)  ville  &  royaume 
du  Japon,  dans  l'île  de  Ximo 

Arima,  {Géog.)  mont  de  l'Ahe  Mi- 
reurr  ,  placé  par  quelques  uns  en  Cilicie  , 
&  rar  d'autres  en  Lydie.  La  fable  ,  plus 
poiinve  à  fon  égard  que  la  géographe  , 
en  tait  la  malle  énorme  ,  lu  us  le^  poids  de 
laquelle  Juplicr  condamna  le  géant  Ty- 
plion  à  demeurer  éternellement  couche. 
(D.G.) 

ARiMAPYsyEcvs^  ,(Géog.)cenom 
que  portoit  jadii  l'de  d'Uchia  ,  lur  les  co- 
tes de  Naples  ,  veut  dire  Vile  des  finges. 
{D.G.)  ^     .„      , 

*  ARIM  AN  ,  (  Géog.  fiinte  )  ville  de 
Galaad  ,  dans  la  partie  méridionale  de  la 
tribu  de  Manafté  ,  au  delà  du  Jourdain. 

ARIMASPA ,  (  Géog.  )  fleuve  aurifère  de 


A  RI 

la   Sq'thie  feptentrionale  ,    fur  les  bords 
duquel  habitoient  les   Arimafpes.  {D.  G.) 

§  ARIMASPES  ,  (  Hifl.  anc.  )  on  a  publié 
tant  de  fables  fur  les  Arimr.Cpes ,  qu'on  eft 
en  droit  de  révoquer  en  doute  leur  exif- 
tence:  on  eit  encore  incertain  quel  étoic 
le  pays  qu'us  habitoient.  Les  uns  les  pla- 
cent en  Aiie  ,  d'autres  en  font  un  peuple 
de  Sarmares ,  qui  confinoit  au  pays  des 
Hyperboréens.  Ce  qui  fait  prcfumer  que 
ce  peuple  n'a  été  enfanté  que  par  l'ima- 
gination ,  c'cft  qu'on  a  débité  qu'ils  n'a- 
voiejit  qu'un  ail  au  milieu  du  front  ,  Jk. 
qu'ét -.lit  voilins  des  griflons  ,  ils  leur  fai- 
•bient  une  éternelle  guerre.  Or  ,  on  fait 
que  ces  griffons  étoient  des  animaux  fau- 
vages  qui  ,  guidés  par  un  inftincb  fingu- 
lier  ,  fouilloicnt  dans  les  entrailles  de  U 
terre  pour  en  tirer  de  l'or  &  des  pierres 
précieufes  ;  &:  lorfqu'ils  avoient  trouvé  leur 
proie  ,  ils  auroient  plutôt  perdu  la  vie  que 
de  l'abandonner.  Tous  ces  contes  puérils- 
ont  été  accrédités  par  le  témoignage 
d'écrivains  d'un  grand  poids,  tels  que  Pline  , 
Pomponius  Mêla ,  Strabon ,  Pauianias  (5c 
Solin.  Mais  on  peut  beaucoup  lavoir  (?c . 
être  fort  crédule.  La  plupart  des  auteurs 
en  parlent  comme  d'un  peuple  qui  n'avoit 
exifté  que  dans  la  première  origiiie  des 
lîecles.  Diodore  de  Sicile  eft  le  feul  qui 
afliire  qu'ils  formoieut  un  corps  de  nation 
du  temps  de  Cyrus  ,  roi  de  Perie  ,  qui  leur 
donna  le  nom  d'Evergeres  ,  qui  lignifie 
bicnfnifaiit.  L'armée  de  ce  prince  éprou- 
voit  l'hcrreur  de  la  pkis  cruelle  famine  ,  & 
les  foldats  étoiçit  réduits  à  fe  manger  les 
uns  les  autres.  Les  Arima fpes ,  touchés  de 
leur  affreufe  deftinée,  leur  envoyèrent  trois 
mille  chariots  chargés  de  blé.  Cette  géné- 
rolité  méritolt  bien  que  le  monarque  Per- 
fm  les  nomir.ât  les  bienfùcenrs.  Le  même 
auteur  nous  aprend  qu'ils  fubfiftoient  en- 
core du  temps  d'Alexandre  le  grand ,  qui 
les  rangea  fous  fon  obéillance.  Etienne  de 
Bifance  cite  un  ancien  auteur  qui  en  a 
beaucoup  fait  mention ,  &  qui  les  place 
autour  de  la  forêt  Hercynie. 

Ceux  qui  n'ofent  contredire  des  autori- 
tés lî  impofantes ,  ont  entrepris  de  démê- 
ler toutes  ces  fibles  ,  (S:  de  déchirer  le  voile 
qui  cachoit  la  vérité;  &  par  le  lecoursdes^ 
écymologies ,  ils  ont  fiit  difparoîtie  l'.iblur- 

diîc 


ART 

Aité  de  ne  donner  à  cou:  un  peuple  qu'un 
fcul  ccil  au  milieu  du  front,  yîri ,  en  1  uiRue 
Scythe  ,  lignifie  l'unité  ,  &  mnpfos  dé/igne 
l'oeil  ;  ainli  en  décompolant  le  mot  ,  on 
trouve  l'origine  du  nom  de  borgne  ,  qu'on 
donnoit  aux  Arimafpes.  D'autres ,  fans  re- 
courir aux  érymoTogies  ,  ont  vu  la  réalité 
dans  la  figure.  Les  Sarmates  étoient  armés 
de  la  lance  &  du  bouclier.  Les  Arimafpes 
ne  le  rer\'oient  que  de  l'arc  &  des  flèches , 
&  pour  diriger  plus  sûrement  leurs  coups , 
ils  fermoient  un  oeil ,  &  tenoient  l'autre 
ouvert.  Ce  fut  de  cette  coutume  qu'ils  acqui- 
rent la  réputation  d'être  borgnes.  (  T—N.  ) 

*  ARIMATHIE,  {Géog.anc.  ù fainte.) 
ville  de  la  Judée  &:  de  la  tribu  d'Ephraïm  , 
à  dix  lieues  de  Jérufalem  ;  on  l'appelloit 
iiniefois  Rjmar  h/am  fop/iim  ,  &  elle  s'ap- 
pelle aujourd'hui  Rama  ,  Retnle ,  6c  Ra- 
mola. 

*  ARIMOA  ,  (  Giog,  )  île  de  l'Afie  , 
près  de  la  nouvelle  Gumée  ,  à  côté  de  la 
terre  des  Papous ,  entre  celle  de  Moa  &  de 
Schouten. 

*  ARINDRATO  ,  f.  m.  arbre  dont  le , 
bois  pourri  rend  une  odeur  fort  agréable 
quand  il  eft  mis  au  feu  :  on  le  trouve  dans 
l'île  de  Madagafcar;  c'eft  tout  ce  qu'on  nous 
en  apprend  :  ce  n'en  eft  pas  alFez  poux  le 
ccnnoître. 

*  ARINGIAN ,  ville  de  la  province  de 
Trrnfoxane ,  appartenante  à  la  fbgdc  ou 
vaiiés  de  Samarcand. 

ARIOLA  ,  (  Géographie.  )  petite  ville  du 
royaume  de  Naples  ,  dans  la  Province  ulté- 
rieure,  avec  titre  de  principauté  ,  que  porte 
la  maifbn  deCarraccioli.  (D.  G.) 

ARION,  {Hijl.  Poêt.)  célèbre  muficien 
&  poète  grec,  de  la  ville  de  Methymne ,  de 
l'île  de  Lesbos  ,  inventa  le  Dythirambe ,  Se 
excella  fur-tout  dans  la  poëfie  lyrique.  Il  de- 
meura long-temps  à  la  cour  dt  PérianJre, 
roi  de  Corinthe;  &  y  ayantamafte  de  grands 
biens ,  il  voulut  retourner  dans  fa  patrie  :  il 
s'embarqua  pour  cela  fur  un  vaifteau  dont 
les  matelots  voulurent  le  tuer  pour  s'emparer 
de  Tes  richelTes.  Arien  les  pria  de  lui  permet- 
tre de  chanter  avant  que  de  mourir  ,  quel- 
ques airs  fur  la  lyre  ;  &  le  charme  de  fes 
chants  attira  auprès  du  vaifleau  plufieurs 
dauphms  :  û  fe  précipita  fur  l'un  d'eux?  qui 
Tome  m 


A  RI  3ip 

r  fon  dos  juiqu'iu  cap  dcTenarc, 


le  parta  fu 

aujourd'hui  djp  Marapuri ,  qui  fait  la  poiiite 
de  la  Morée.  Le  Muiicien  (è  réfugia  ch« 
Périaiîdre  ,  &  lui  raconta  fon  aventure  ;  Se 
quelque  temps  après  le  vaiflèiu  ayant  été 
jeté  fur  les  côtes  de  Corinthe ,  le  roi  fit  faifir 
les  matelots  ,  &  les  fit  pendre  près  du  tom-' 
beau  du  dauphin  ,  qui  avoit  fauve  la  vie  à' 
Arion.  (  t  ) 

*  ARJONA  ,  petite  ville  d'Efpagne  , 
dans  l'Andaloulie  ,  fur  la  rivière  de  Frio , 
entre  Jaën  &  Anduxar. 

ARIOSO  ,  (  Mufique.  )  adj.  pris  adverbia- 
lement. Ce  mot  Italien ,  à  la  tîte  d'un  air  , 
indique  une  manière  de  chant  foutenue ,  dé- 
veloppée Se  affcdtéc  aux  grands  airs,  (S) 

/  ARIPO ,  (  G%.  )  fort ,  c-n  Afie  ]  fur  la 
côte  occidentale  de  l'île  de  Ceylan  ,  à  l'em- 
bouchure de  la  rivière  de  Ccroudai  il  ap- 
partient aux  HoUandois  ,  on  y  pêche .  des 
perles,  long.  57 ,  55  ;  lat.  8 ,  44. 

ARIS  ,  (  Géog.  )  ville  de  la  Lituanie  Pruft 
fienne  ,  dans  le  cercle  ou  grand  bailliage 
de  Rhein.  C'eft  une  de  celles  que  les  foins 
&  les  vues  économiques  du  feu  roi  Frédéric  ■ 
Guillaume  ,  firent  pallci  ,  pour  ainli  dire  , 
du  néant  à  l'exiftence,  &  dont  la  fage  admi- 
niftration  moderne  accroît  de  jour  en  jour 
lapoftérité.  (D.G.) 

ARISABIUM  ,  (  Géog.)  ville  de  l'Inde , 
au-delà  du  Gange,  Quelques  interprètes 
de  Ptolomée ,  croient  que  c'eft  Ava  moder- 
ne ,  capitale  d'un  royaume  de  même  nom. 
(D.G.) 

ARTSARUM ,  (  HiJÎ.  nat.  bot.)  genre 
de  plante  qui  ne  diffère  du  pié-de-veau  Se 
de  la  fcrpentaire ,  que  parce  que  fes  fleurs 
lont  en  forme  de  capuchon.  Tournefort , 
Injî.  reiherb.  Foye^PiÉ-DE-v EAU  .Serpen- 
taire. C/) 

ARISBE  ,  (  Géog.  )  nom  de  quelques 
villes  de  l'antiquité  ,  lltuées  en  Béotie ,  dans 
la  Troade  &  dans  l'ile  de  Lesbos.  On  fait 
que  l'sndroit  où  Alexandre  rallembla  fon 
armée ,  après  avoir  pafle  l'Hellefpont  ,  fe 
nommoit  aulîî  Arisbs  ;  Se  l'on  croit  que 
cette  ^/M^eeft  aujourd'hui  MulTakui,  bourg 
de  Natolie  ,  entre  Lampfaque  &  l'ancien 
château  des  Dardanelles,  {D.G.) 

ARISBUS ,  (  Géog.  )  rivière  de  la  Thrace, 
qui  alloit  fejeterdans  l'Hebrus ,  aujourd'hui 

♦  Ss 


330  A  R  I 

le  Maritz  :  on  ne  connoît  pas  le  nom  mo- 
derne de  ['Arisbus.  (D.  G.) 

ARISH  ,  f.  m.  (  Commer.  )  longue  me- 
fure  de  Perfe ,  qui  contient  j  1 97  pics  d'An- 
gleterre. Arbuth.  p.  ^i.. 

ARISITIUM,  (Geo^.)  ville  cpifcopale 
de  France  ,  dans  le  Rouergue  ,  aux  con- 
iins  du  Languedoc  :  elle  eft  détruite  depuis 
long-temps  ;  mais  Tes  ruines  fc  voient  en- 
core près  de  Aiilhaud  ,  dans  le  petit  pays 
d'Arfàd.  (Z).  G.) 

ARISTAGORAS  ,  (  Hiji.  anc.  )  fils^  de 
îk'lelpagoras  ,  gendre  èc  coufin  d'Hiftée  , 
fouverain  de  Milet.  Sa  fierté  ne  lui  permet- 
tant pas  de  voir  Athènes  fa  patrie  ,  fous  la 
domination  des  Perfes ,  il  forma  le  projet 
lie  l'âfFranchir.  Son  activité  égalant  fon 
génie  ,  il  mit  une  flotte  en  mer  ,  &  s'avança 
jufqu'à  Sardis  qu'il  rcdai'it  en  cendre.  Da- 
rius en  conçut  un  reflentiment  fi  vif ,  qu'il 
recommanda  à  fes  principaux  officiers^  de 
l'entretenir  de  cette  révolte  tous  les  loirs 
avant  le  fouper  ,  &  de  l'exhorter  à  laver 
cette  injure  dans  le  (ang  du  rebelle.  Arijla- 
goras  recula  fon  châtiment  par  des  viâoi- 
res:  mais  fes  compatriotes  ne  pouvant  ré- 
fîfter  à  la  fupériorité  des  Perfes ,  il  fut  dé- 
fait &  mé  vers  la  foixante-dixieme  olym- 
piade ,  après  avoir  foutenu  Gx  ans  de  guer- 
re. L'hiftoire  fait  mention  de  pluficurs  au- 
tres Ai-ifiagcras  ,  dont  l'un  avoit  fait  des 
recherches  fur  l'Egypte,  On  croit  que  ce- 
lui-là eft  le  même  dont  parle  Diogene  Laëi- 
ce  ,  dans  fa  vie  de  Chinon.  Il  vivoit  fous  le 
règne  de  Ptolémée  Philadelphe.  (  T-n.  ) 

ARIST  ARQUE  ,  (  Hift.  &  Littéral.  ) 
dans  fa  fignification  Ettérale  ,  fignifie  un 
hon  prince  ,  ce  mot  étant  compofé  du  grec 
«firof  ,  &  dfX"^  \  mais  on  le  prend  ordinai- 
rement pour  un  critique  éclairé  &:  fcvc- 
le  ,  parce  qu'un  grammairien  ,  nommé 
Arijlarqiie  ,  fit  une  critique  folide  &  fcnfée 
des  meilleurs  poètes  ,  fans  en  excepter 
Homère.  Un  Arifinrejne  fîgnific  donc  un 
cenfeiir  ;  &  cette  expreffion  étoir  déjà  paiîéc 
en  proverbe  du  temps  d'Horace. 

jArguet  ambiguë  dicfum  ,  mutanda  notabit. 
fiet  Aristarchus  ,  &c.  Art.  poët. 

Ainfi  dans  une  épigramme  ,  Boileau  ap- 
pelle les  Joumaliftes  de  Trévoux , 
Grandi  jirifûr^àts  de  TYéyout^ 


ART 

De  ce  nom  viennent  encore  les  titres  de 
quelques  livres  de  critique  &  d'obfcrva- 
tions  fur  d'autres  ouvrages ,  comme  Ariflar- 
c/iusfûcer ,  qui  font  des  notes  d'Henfius  fur 
le  nouveau  Teftament  ,  Arijiarchus  anti- 
Bcmiheïanus.  Il  faut  encore  oblerver  que 
le  nom  à'AriJlarque  feul  ne  fe  prend  point 
en  mauvaife  part  ,  comme  celui  de  Zoïle. 
Voyei  Zoïle.  (  G  ) 

ARISTOBULE,  (HiJ!.  des  Juifs.)  au- 
trement appelle  Judas ,  &  furnommé  Phi- 
lellen  ,  fib  d'Hircan  ,  &  petit-fils  de  Simon 
Machabée  ,  grand-Prétre  &  roi  des  Juifs , 
fuccéda  à  fon  perc  l'an  du  monde  5898  ;  il 
ne  régna  qu'un  an  ,  pendant  lequel  il  fie 
mourir  de  faim  fa  mère  dans  la  prifon  ,  oùil 
l'avoit  fait  enfermer  avec  trois  de  fes  frères  > 
il  fit  mourir  auffi  Antigone  fon  frère  ,  mais 
par  un  accident ,  ou  plutôt  par  La  fourberie 
infigne  de  quelques-uns  de  fes  courtifans. 
Arijiobuk ,  malade ,  envoya  fon  frère  Anti- 
gone à  une  expédition  militaire  ,  dont  il  re- 
vint viftorieux.  Des  hommes ,  jaloux  de  fz 
gloire  ,  firent  entendre  à  Ariji^^bule  qu'il 
avoit  tout  à  craindre  d'Antigone  ,  qui  avoit 
formé  le  projet  de  le  tuer  pour  régner  feul. 
Quoique  le  roi  n'ajoutât  pas  foi  à  ces  propos , 
il  voulut  s'en  éclaircir  avec  fon  frcre ,  &  lui 
fit  dire  de  le  venir  voir  fans  armes  ;  en  mê- 
me temps  il  ordonna  aux  gardes  qui  étoient 
dans  fon  palais,  en  un  lieu  obfcur  &  fouter- 
rain  ,  par  où  le  prince  devoir  pader ,  de  le 
mettre  à  mort  s'il  venoit  armé  ,  ne  doutant 
pas   qu'alors  il  n'eût   réellement   quelque 
mauvais  deflein.  Ceux  qu'AriJIobule  avoit 
chargés  de  dire  à  fon  frère  de  le  venir  trou- 
ver lajis  armes ,  lui  dirent  au  contraire  que 
le  roi ,  ayant  entendu  parler  de  la  beauté  de 
fon  armure ,  étoit  curieux  de  le  voir  fous  les 
armes  brillantes ,  &  le  prioit  de  le  venir  ^'oit 
armé  de  pié  en  cap.  Antigone  donna  dans  le 
piège ,  Se  fut  mallacré  par  les  gardes  de  fon 
frcre.  Arifiobule  fut  fi  touché  de  cette  mort, 
dont  il  étoit  beaucoup  moins  coupable  que 
de  celle  de  fa  meie,  qu'il  devint  plus  mxlade 
&  mourut  peu  après ,  l'an  du  monde 38^9. 
Aristobule,  {Hijh  des  Juifs.)  fécond 
fils  d'Alexandre  Jfannee  &c  d'Alcxatidra  ,  & 
frère  puîné  du  grand-prêt*?  Hircan  ,  à  qui 
Alexandre,  en  mourant,  laiflàia  ccmronne, 
ufurpa  Hc  le  royaume  &  la  fbuveraint  facritt- 
'catuic  for  fon  fiels  »  qui  lui  ciia  1^411** 


A  RI 

l'autre  forcément,  après  une  guerre  dans  la- 
quelle Arifiobule  fut  viâorieux  ;  il  en  jouit 
fendant  trois  ans  &c  trois  mois ,  au  bout  du- 
quel temps  ,  Pompée  ayant  des  fujets  de 
mécontentement  à'AriJIobuls  ,  le  mena 
prifonnier  à  Rome ,  après  l'avoir  dépoiiillc 
de  la  royauté  &  de  b  dignité  de  grand-prêtre 
pour  les  rendre  à  Hircan.  Pludeurs  années 
après ,  Jules-Célar  lui  ayant  rendu  la  libci  té , 
voulut  le  charger  de  quelque  expédition 
contre  Pompée  ;  mais  les  parcilans  de  celui- 
ci  l'empoilonnerent  avant  qu'il  forcit  de 
Rome  ,  l'an  du  monde  5955. 

Aristobule  ,  (  HiJI.  des  Juifs.)  pctir-fils 
du  précédent ,  eut  pour  fœur  Mariamne  , 
cpoufe  d'Hérode  le  grand  :  celui-ci  fk  tout 
te  qu'il  put  pour  l'éloigner  de  la  ibuveraine 
facriiîcature  qui  lui  étoic  due.  Vaincu  néan- 
moins par  les  lollidrations  de  Mariamne  ,  il 
.  lui  accorda  cette  dignité  ,  quoiqu'il  n'eiit  en- 
core que  dix-(ept  ans.  Mais  ayant  remarqué 
la  grande  affcétion  du  peuple  juif  pour  c<; 
jeune  prince ,  il  en  prit  de  l'ombrage  ;  & 
lorlque  Arijîobule  ie  baignoit  à  Jéricho  dans 
un  réfervoir  d'eau  près  du  palais  ,  Hérode 
envoya  quelques  jeujies  gens  fe  baigner  avec 
lui ,  avec  ordre  de  le  noyer  ;  ce  qu'ils  firent 
par  un  jeu  barbare  ,  l'an  du  monde  5970. 

Aristobule,  (if//?,  û'c^/ui'/j.)  fils  d'Hé- 
rode le  grand  &  de  Mariamne  ,  fut  un  prince 
d'une  extrême  beauté ,  &c  ce  qui  eil:  beau- 
coup plus  cftiraable  ,  doué  des  plus  hel'cs 
qualités  de  l'ame.  Son  oncle  Pheroras  &  fa 
tante  Salomé  le  noircirent  tellement  auprès 
d'Hérode  ,  parleurs  infâmes  calomnies,  que 
ce  père  déuaturé ,  au  lieu  de  s'éclaircir  de  la 
vérité  de  leurs  imputations ,  le  jeta  dans  un 
affreux  cachot  avec  Ion  frère  Alexandre  ,  & 
ne  les  en  tira  que  pour  les  faire  étraiig'er. 

ARISTOCRATIE  ,  Ç.  i.  {  Folitique.  ) 
forte  de  gouvernement  politique  ,  admi- 
niftré  par  un  petit  nombre  de  gens  nobles 
&  fages ,  d'apiK  ,  Mars ,  ou  puijfan: ,  ou 
à'ipiçof  ,  trh-bon  ,  tr^s-fort ,  &  de  xpaa-Jî  , 
force ,  puijfance  ,  puillance  des  grands.  Les 
auteurs  qui  ont  écrit  fur  la  politique  pré- 
fèrent Varifocratie  à  toutes  les  autres  formes 
de  gouvernement.  La  république  de  Vcniie 
&  celle  de  Gènes  font  gouvernées  par  des 
nobles,  à  l'exclufion  du  peuple.  Il  me  fem- 
ble  que  Variflocratie  &  l'oligarchie  aient 
beaucoup  de  rapport  enlèmble  ;  cependant 


A  III  3j, 

l'oli^rchie  n'eft  qu'un  gouvernement  arif- 
tocratique  vicie ,  puifque  dans  l'oligarchie  , 
l'adminiftration  confiée  à  un  petit  nombre 
de  perfonnes  ,  fe  trouve  comme  concentrée 
dans  une  ou  deux  qui  dominent  fur  toutes 
les  .autres.  Voye-^^  Oiigarchie.  (G) 

*  Quant  aux  loix  relatives  à  Variffccratir  , 
on  ptuc  confuker  l'excellent  ouvrage  de 
M.  de  Monteiquicu.  Voici  les  principales  : 

ï.  Dans  une  arifiocratit  ,  le  corps  des 
nobles  donnant  les  fuffrages ,  ces  fuifrages 
ne  peuvent  être  trop  fccrets. 

1.  Le  luftrage  ne  doit  point  fe  donner 
par  lort  ;  ori  n'en  auroir  que  les  inconvé- 
iiicns.  En  eftét ,  lorique  les  diftinâiions  qui 
élèvent  quelques  citoyens  au  delTus  des  au- 
tres ,  (ont  une  fois  établies ,  quand  on  fè- 
roit  choilt  par  le  fort  ,  on  n'en  feroit  pas 
mx>ins  odieux  :  ce  n'efi:  pas  le  m.agiftrat , 
c'eit  le  noble  qu'on  envie. 

5.  Quand  les  nobles  font  en  gr.and  nom- 
bre ,  il  faut  un  fénat  qui  règle  les  afïiiircs 
que  le  corps  des  nobles  ne  fiuroir  décider  , 
&  qui  prépare  celles  dont  il  décide  ;  dans 
ce  cas ,  on  p;ut  dire  que  Varifocraùe  eft  en 
quelque  forte  dans  le  fénat ,  la  démocratie 
dans  le  corps  des  nobles ,  &  que  le  peuple 
n'ed  rien. 

4.  Ce  fera  une  chofe  très-heureulè  dans 
Varifiocratie  ,  fi  ,  par  quelque  voie  indireéle, 
on  fait  fortir  le  peuple  de  fon  anéantiilè- 
ment.'  Ainfi  à  Gènes  la  banque  de  S.  Geor- 
ge ,  qui  eft  dirigée  par  le  peuple  ,  lui  donne 
une  certaine  influence  dans  legouvemement 
qui  en  fair  toute  la  profpérité. 

5.  Les  fénateuTS  ne  doivent  point  avoir  le 
droir  de  remplacer  ceux  qui  manquent  dans 
le  féiiat;  c'eft  à  des  cenlèurs  à  nommer  les 
nou-ï'eaux  fénareurs ,  fi  l'on  ne  veut  perpé- 
tuer les  abus, 

6.  La  meilleure  arifocratie  eft  celle  oit 
la  p.iTtie  du  peuple ,  qui  n'a  point  de  part  à 
la  puillance ,  eft  fi  petite  &  li  pauvre ,  que 
la  partie  dominante  n'a  aucun  intérêt  à 
l'opprimer. 

7.  La  pluï  imparfaite  eft  celle  où  la  partie 
du  peuple  qui  obéit,  eft  dans  l'efclavage 
civil  de  celle  qui  commande. 

8.  Si  dans  Varifocratie  le  peuple  eft  ver- 
tueux ,  on  y  jouira  à-peu-près  du  bonheur 
du  gouvernement  populaire ,  <&:  l'état  de- 
viendra puifiànt. 

*  Ssi 


331  A  R  I 

.  9.  L'cfprit  de  modération ,  eft  ce  qu'on 
pppelle  la  vertu  dans  Varijiocratie  ;  il  y 
tient  la  place  de  l'égalité  dans  lecat  popu- 
laire. 

10.  La  modeftie  &  la  iîmplicité  des 
manières ,  font  la  force  des  nobles  arifto- 
cratiqnes. 

1 1 .  Si  les  nobles  avoient  quelques  préroga- 
tives perionncUes  &  particulières ,  diftindles 
de  leur  corps ,  Varijiocratie  s'écarteroit  de 
là  nature  &  de  fon  principe  ,  pour  prendre 
ctux  de  la  monarchie. 

■  II.  Il  y  a  deux  iourccs  principales  de 
délordres  dans  les  états  ariftocratiques  :  l'iné- 
galité exceirive  entre  ceux  qui  gouvernent 
Si  ceux  qui  font  gouvernés  ,  &  l'inégalité 
entre  ceux  qui  gouvernent. 

13.  Il  y  aura  la  première  de  ces  inéga- 
lités ,  Il  les  privilèges  des  principaux  ne 
font  honorables  que  parce  qu'ils  ibut  hon- 
teux au  peuple  ,  &  ii  la  condition  rela- 
tive raix  fubildes  efl  difiérente  entre  les 
citoyens. 

14.  Le  commerce  eft  la  profelTîon  des 
gens  égaux  :  les  nobles  ne  doivent  donc  pas 
commercer  dans  une  nrijiocratie. 

15.  Les  loix  doivent  être  telles  que  les 
nobles  foient  contraints  de  rendre  juiiice  au 
peuple. 

16.  Elles  doivent  mortifier  en  tout  l'or 
gueil  de  la  domination. 

17.  Il  faut  qu'il  y  ait,  ou  pour  un  temps, 
eu  pour  toujours  ,  une  autorité  qui  falle 
trembler  les  nobles. 

1  S.  Pauvreté  extrême  des  nobles ,  richefles 
exorbitantes  des  nobles  ,  permcieufes  dans 
VariJiGCratie. 

19.  Il  ne  doit  point  y  avoir  de  droit  d'ai- 
nefie  entre  les  nobles ,  afin  que  le  partage  des 
fortunes  tienne  toujours  les  membres  de  cet 
ordre  dans  une  égalité  approcliée. 

20.  ]l  fii::  que  les  conteftations  qui  fur- 
viennent  entre  les  nobles  ne  puilknt  durer 
long-temps. 

11.  Les  loix  doivent  ter.dre  à  abolir  la 
difti)"i<!;i:ion  que  la  vi;nitémet  entre  les  familles 
nobles. 

11.  Si  elles  ionr  bonnes ,  elles  feront  plus 
ff  ntir  a'.i::  lîoblc:;  les  incommodités  du  com- 
mandement .  que  les  avantages. 

15,  Ucrijlioaùe  Je  cciiompra  quand  le 
fcavoiidci  nobles  j  dtYcii;;;3t  urbiuùaïe,  il 


A  R  I 

n'y  aura  plus  de  venu  dans  ceux  qui  gou- 

veriKiit ,  ni  dans  ceux  qui  (ont  gouvernés. 
Fbyc^  l'Efprit  des  loix ,  p.  î  Ù  fuiv.  IJ  & 
fuiv.  11^  1!^  fuiv.  où  ces  maxim.es  Ton:  ap- 
puyées d'exemples  anciens  &:  modernes , 
qui  ne  permettent  guère  d'en  contefter  la 
vérité. 

ARISTOLOCHE,  «r//7o/oc^w,  f.  f  {Htjl. 
nat.  bot.)  genre  de  plante,  à  fleur  mouopé- 
tale  irréguliere ,  tubulée  ,  terminée  en  forme 
de  langue  ,  &  crochue  pour  l'ordinaire  ;  le 
calice  devient  un  fruit  membraiieux  ,  le 
plus  louvent  arrondi  ,  ovale  ou  cylindri- 
que ,  divilé  en  lîx  loges  ,  &  rempU  de 
lemences  applaties  &  pofées  les  unes  lur 
les  autres.  Tournefort ,  Injl,  rei  herb.  y^oye:(_ 
Plante.  (/) 

Il  y  a  quatre  fortes  à'aiijlolochet  employées 
en  médecine.  La  première  eft  l'arijîcluche 
ronde  ,  &  nommée  anfloLchia  ruunda  , 
Matth.  Ça  racine  eft  ron.de  ,  allez  grolle  , 
charnue ,  garnie  de  fibres ,  gri!e  en  dehors , 
jaujûtrc  en  dedans ,  d'une  odeur  déiagréa- 
ble,  d'un  goût  trcs-amer.  La  féconde  tC- 
pcce  eftlongue, &  nomm.ée  arijîolochia longa 
vcra  ;  C.  B.  Pit.  Tourn.  la  racme  eft  longue 
d'environ  un  pié  ,  grolle  comme  le  poignet. 
La  troifieme  eft  Xavijhlocke  clématite  ,  c'eft 
Varijlolochia  clematitis  recla  ;  C.  B.  La  qua- 
trième eft  la  petite  ,  ou  arifwlockia  tenais 
piflclcckia  ;  les  racines  de  cette  arfolcche 
lunt  plus  menues  &  plus  délices. 

On  nous  apporte  routes  les  racines 
d'arijiclcche  feclies  du  Languedoc  &  de  la 
Provence  ;  la  longue  oc  la  ronde  doivent  être 
choillcs  grolfes  «Se  bien  nourries  ,  nouvel- 
lement féchées  ,  pelîuites,  griles  en  dehors, 
jaunes  en  d«dans ,  d'un  goù:  extrêmement 
amer.  La  |>etitc  doit  être  bien  nourrie  , 
touflue  comme  la  racine  d'ellcbore  noir , 
récemment  léchée  ,  de  couleur  jaunâtre , 
d'une  odeur  aromatique ,  d  un  goût  amer  :  • 
on  la  préfère  à  toutes  les  autres  pour  la 
théri.'ique. 

Toutes  les  arifioloches  contiennent  une 
huile  exaltée  ,  du  fel  ellcntiel,  &  peu  de 
phlegme  ;  elles  (ont  deterfr  es ,  vulnéraires, 
atténuantes ,  apJritivcs  \  elles  réhfttnt  à  la 
malignité  des  humeurs.  'L'uripolocheiXimx- 
tiie  eît  la  plus  foible  de  toutes.  Diolcoride 
regarde  toutes  ces  plantes  comme  propres 
àfùiic  fort  il  les  vuidanges  ;  de-lî  leur  vient 


A  R  ï 

te  nom  d'nrifolochid  ;  de  «p<f  of ,  optimus ,  Se 
xoyii. ,  purgammta  qux p:jl j'Jicum cgreàiun- 
tur.  (  N) 

ARISTOLOCHIQUE  ,  {Mat.  méJ.) 
l'opinion  géniiMlcnicnt  roi,ue ,  que  chr.quc 
évacuation  du  corps  hum.iin  peut  être  (pé- 
cialemcnt  excitùe  ou  aidée  pî;r  des  mcdi- 
cimeiis  appropriés  ,  a  fait  donner  le  nom 
à'r.rijlolochiques  à  ceux  que  l'on  croit  e\citcr 
le  flux  des  lochies  ou  vuidangcs  ;  on  les 
a  Jiitinguésdesemménagogucsqu'ondeftine 
à  exciter  ,1e  cours  périodique  des  règles,  «S»: 
dei  ccboliques  qu'on  fuppoie  plus  propres 
à  faciliter  la  fortie  du  fatus  &  de  l'arricre- 

f.:ix.  Fi.je^EMMÎNAGOGUES.EcBOLlQUES. 

Cette  dillindion  n'exifte  pas  dans  la 
n.'.ture  comme  dans  les  livres  :  on  ne  trouve 
dans  les  arijioluchiques  ,  que  la  vertu  très- 
géncrale  des  emmcnagogues  ;  ils  n'opèrent , 
tout  au  plus ,  qu'en  dirigeant  l'irritation  vers 
l'utérus,  ou  en  déterminant  le  cours  du  iang 
vers  ce  vilcere.  Fcjt-^  Utérins  ,  LocHiti. 

On  divife  les  arijiolochiqucs  en  apéritifs 
&:  en  dérivans. 

La  première  clalTe  contient  la  plus  grande 
partie  des  utérins  ou  emménagogues,  qu'on 
appelle  aulli  quelquefois  h^magogu£:i  ou  ké- 
natogogues  ,  &c  p.umi  lelqucls  les  auteurs 
de  matière  médicale ,  ont  tait  un  choix  de 
ceux  qu'ils  croyoient  plus  propres  à  exciter 
le  cours  des  lochies.  Tels  font ,  le  petit  chjjie, 
le  marrubc  ,  le  matricaiie  ,  le  cal  ;raent ,  le 
diftamne  ,  la  menthe ,  l'armoiie  ,  la  mi- 
lin'e ,  la  canellc  ,  l'ariitoloche  ,  la  rue  ,  la  fa- 
bine ,  ùc.  leurs  huiles  difiillées ,  l'a-la-fcctida  , 
la  myrrhe  ,  l'aloés ,  le  fafran  ,  &<.  en  général 
Lrs  différentes  compûiitions  officinales  ,  dans 
Iciviuelles  on  fait  entrer  ces  fubltances  ou 
leurs  diffécens  produits. 

Si  l'on  parcourt  avec  atrenrion  la  lifte 
de  ces  médicamens  ,  on  voir  qu'ils  lont 
tous  plus  ou  moiiis  irrltans ,  principalement 
p.îr  leurs  liuiles  circndelles  ou  diilillées  ,  que 
la  plup.irt  contiennent  en  abondance  ;  ds  ont 
même  un  certain  degré  de  caufticité ,  qui  les 
rend  propres  à  mondifier  ou  déterger  les 
parties  ulcérées  ou  uftuleufes  par  leur  em- 
ploi extérieur  ;  mais  cette  action  n'eft  pas 
la  mènx'  dans  tous ,  elle  paroit  relative  ou 
proportionnée  à  la  quantité  d'huile  qu'on 
ai  retire  ;  ainfi  deux  livres  de  (Iibine  ,  félon 
le  rappoit  d'HoùiUinu  ,  j^r odaiferiC  cinq  ou 


A   R  I  53, 

fix  onces  d'une  huile  dillilce  ,  tres-pcnctrante: 
&:  ti  :-r(iire  :  oiue  proportion  n'ert  pas  h. 
même  dans  l'arffloife  ,   la  méliilè  ,  &<:. 

La  féconde  clalîe  contient  tou»  les  moyens 
qui  peuvent  attirer  ou  déterminer  le  cours 
du  lang  IV  des  humeurs  vers  l'utérus  &  les 
parties  intérieures  :  iel,  (ont  les  bains  locaux, 
les  fomentations ,  les  ventouies  ,  les  em- 
plâtres aromatiques ,  les  friiitions ,  la  faignée 
du   pie  ,  £v. 

Il  cft  peu  de  remèdes  dont  l'ufrge  exige 
autant  de  précautions  que  les  arifioluchiquesy 
l'abus  eft  preique  toujours  à  coté  de  l'ulage, 
&  il  vaudroit  peut-être  mieux  manquer 
d'une  rcllource  utile  dans  le  petit  nombre 
des  cas  qui  l'exigent,  que  de  courir  le  plus 
iouvent  les  rifques  d'une  application  impru- 
dente ou  criminelle.  F.  AvoRTEMENTjC^eV. 
kg.  )  C'eft  ici  que  l'arbitraire  des  théories 
entraîne  les  conlcquences  les  plu*  funefles. 
L.1  multiplicité  &i  la  fréquence  des  maladies , 
particulières  au  fexe  ,  mettent  eii  jeu  l'imagi- 
nation des  médecins  ;  l'amour-propre  s'irii- 
tant  lies  voiles  dont  la  nature  le  couvre ,  on 
lubftirue  aux  caufes  dont  la  chaîne  ne 
s'.:pperçoitpas ,  desobftrudtions,  des  éréthif- 
m.es  &  des  pléthores  :  tout  s'explique  alors 
avec  une  merveilleufe  facilité;  &  le  choix  du 
remède  découle ,  pour  ain(î  dire  ,  de  l'expli- 
cation même  ;  mais  ce  choix ,  il  fubordonné 
au  point  de  vue  tous  lequel  onconlîdere  les 
cailles  de  la  maladie  ,  ell:  rarement  relatif  à 
cette  caule  :  la  plus  légère  attention  démon- 
tre que  les  trois  fyftêmes  d'explications  que 
je  viens  de  propofer  ,  exigent  dans  le  tr.îitc- 
ment  des  remèdes  contradiiiloires.  Q_ue  d'er- 
reurs !  Et  qu'il  y  a  loin  du  point  où  nous 
forames  ,  à  celui  où  l'on  pourroit  marcher 
avec  confiance  ! 

L'ariftolckhe  qui  femble  avoir  donné  le 
nom  à  cette  cLlIe  de  remèdes ,  eft  l'un  des 
plus  éprouvés ,  mais  n'eft  pas  leplus  efficace  ; 
il  faut ,  fans  doute  ,  beaucoup  rabattre  des 
éloges  ampoulés  d'Apulée  ,  qui  prétend  que 
les  médecins  n'ont  des  fuccès  à  elpércT  ,  que 
par  le  fecours  de  cette  plante. 

On  peut  voir  aux  diftérens  articles  des 
médicamens  ariflolochiques  ,  la  manière  de 
s'en  fervir  ,  la  dofe  ,  les  indications  &  les 
particularités  qu'on  peut  oblerver  fur  chacun 
d'eux,  (^rr.  du  M.  la  Fosse  ,  docteur  <. h 
médicine  de  la  faculté  de  Mon:pdlier.  ) 


334  AR.I 

ARISTOTELISME  ,  fubf.  m.  Anftote, 
fils  de  Nicomachus  &c  de  Itiarftiade  ,  naquit 
à  Stagire  ,  petite  ville  de  Macédoine.  Son 
père  étoit  médecin  8c  ami  d'Amintas ,  père 
oc  Philippe.  La  mort  prématurée  de  Nico- 
machus ût  tomber  Ariftote  entre  les  mains 
d'un  certain  Proxenus,  qui  fe  chargea  de 
fon  éducation  ,  &  qui  lui  donna  les  princi- 
pes de  tous  les  arts  &  de  toutes  les  fciences. 
Ariilote  en  fut  fi  reconnoiflànt  ,  qu'il  lui 
éleva  des  ftatues  après  fa  mort ,  &  qu'il  en 
ula  envers  fon  fils  Nicanor  ,  qu'il  inftruilbit 
dans  tous  les  arts  libéraux  ,  ainfi  que  fon 
tuteur  en  avoit  ufé  envers  lui.  On  ne  fait 
pas  trop  de  quelle  manière  il  pafla  les  pre- 
mières années  defaieuneflè.  Si  l'on  en  croit 
Epicure,  Athénée  &  Elien,  il  avoit  reçu 
de  la  part  de  fon  tuteur  une  très-mauvaife 
éducation  ;  &  ,  pour  le  confirmer,  ils  difent 
qu'abandonné  à  lui-même ,  il  dilTîpa  tout 
ion  patrimoine  ,  ôc  embrafla  par  libertinage 
le  parti  des  armes  ;  ce  qui  ne  lui  ayant  pas 
réulTî ,  il  fut  obligé  dans  la  fuite  ,  pour  pou- 
voir vivre  ,  de  faire  un  petit  trafic  de  pou- 
dres de  fenteur  ,  &  de  vendre  des  remèdes  : 
mais  il  y  en  a  qui  recufent  le  témoignage 
de  ces  trois  philofophes ,  connus  d'ailleurs 
par  leur  animofité ,  &  par  les  traits  fatyri- 
ques  qu'ils  lançoienr  contre  tous  ceux  dont 
le  mérite  les  bleflbit ,  &  ils  en  appellent  à 
Ammonius,  lequel  rapporte  cet  oracle  d'A- 
pollon qui  lui  fut  adrelle  ;  Alle^  a  Athènes , 
Ù  étudie^perlévéramment  la philofophie  :  vous 
aure^plus  befoin  d'être  retenu  que  d'être  pou0. 
Il  falloit  que  les  oracles  fuflent  alors  bien 
oififs  ,  pour  répondre  à  de  pareilles  inter- 
rogations. 

La  grande  réputation  que  Platon  s'étoir 
acquife ,  engageoit  tous  les  étrangers  à  fe 
mettre  fous  fa  difcipline.  Ariftote  vint  donc 
à  Pacadémie  ;  mais  dès  les  premiers  jours, 
il  y  parut  moins  en  difciple  ,  qu'en  génie 
fupérieur.  Il  devança  tous  ceux  qui  étudioient 
avec  lui  ;  on  ne  l'appelloit  que  Vefprit  ou 
l'intelligence.  Il  joignoit  à  fes  talens  natu- 
rels ,  une  ardeur  infatiable  de  tout  favoir , 
une  lecture  immenfe  ,  qui  lui  fai/bit  par- 
courir tous  les  livres  des  anciens.  Sa  pamon 
pour  les  livres  alla  fi  loin  ,  qu'il  acheta  jus- 
qu'à trois  talens  les  livres  de  Speufippe. 
Strabon  dit  de  lui  qu'il  pen(a  le  premier 
à  fe  faire  une  bibliothèque.  Sa  yafte  licté- 


A  R  I 

rature  paroît  alTèz  dans  les  ouvrages  qui 
nous  reftent  de  lui.  Combien  d'opinions  des 
anciens  a-t-il  arraché  à  l'oubli ,  dans  lequel 
elles  feroient  aujourd'hui  enfevelies ,  s'il  ne 
les  en  avoit  retirées  ,  &  s'il  ne  les  avoit 
expofées  dans  fes  livres  avec  autant  de  ju- 
gement que  de  variété?  il  feroit  à  fouhai- 
ter  que  fa  bonne  foi  dans  leur  expofi- 
tion  ,  égalât  fa  grande  érudition.  Si  nous 
nous  en  rapportons  à  Ammonius ,  il  de- 
meura pendant  vingt  ans  fous  la  difcipline 
de  Platon  ,  dont  il  honora  la  mémoire  par 
un  autel  qu'il  érigea  ,  &  fur  lequel  il 
fit  graver  ces  deux  vers  : 

Gratus  Arijîoteles  ftruit  hoc  abare  Platoni , 
Quem  turbx  injujlce  vel  celebrare  nefas. 

Il  y  a  bien  d'autres  preuves  de  fon  amour 
envers  fon  maître ,  témoin  l'oraifon  funè- 
bre qu'il  compofa  pour  lui ,  &:  mille  épi- 
grammes  dans  lefquelles  il  a  rendu  juftice 
à  fes  grands  talens.  Mais  il  y  en  a  qui  pré- 
tendent que  tous  ces  témoignages  de  l'atta- 
chement d'Ariftote  ,  font  démentis  par  la 
brouillerie  qui  s'éleva  entre  lui  &  Platon.  En 
effet ,  le  maître  fe  faifoit  louvent  un  plaifir 
de  mortifier  fon  difciple  ;  il  lui  reprochoit , 
entr'autres  chofcs ,  trop  d'afFedation  dans 
fes  difcours ,  &  trop  de  magnificence  dans 
fes  habits.  Ariftote  de  fon  côté  ne  ceftbit  de 
railler  fon  maître  ,  &  de  le  piquer  dans 
toutes  les  occafions  qui  fe  préientoient. 
Ces  méfintelligences  allèrent  fi  loin  ,  que 
Platon  lui  préféra  Xénocrate  ,  Speufippe, 
Amiclas  ,  &  d'autres  qu'il  afFedta  de  mieux 
recevoir  que  lui ,  &  pour  Icfquels  il  n'eut 
rien  de  fecret.  On  rapporte  même  qu'Arif- 
tote  prit  le  temps  où  Xénocrate  étoit  allé 
faire  un  voyage  dans  fon  pays ,  pour  rendre 
vifite  à  Platon ,  étant  efcorté  d'un  grand 
nombre  de  difciples  ;  qu'il  profita  de  l'ab- 
fence  de  Speufippe  ,  qui  étoit  alors  mal.ade , 
pour  provoquer  à  la  dilpute  Platon  ,  à  qui 
fon  grand  âge  avoit  ôté  la  mémoire  ;  qu'il 
lui  fit  mille  queftions  fophiftiques ,  plusem- 
barraflàntes  les  unes  que  les  autres  ;  qu'il 
l'enveloppa  adroitement  dans  les  pièges  fé-  t 
duifans  de  fa  fubtile  dialedique  ,  &  qu'il  r 
l'obligea  à  lui  abandonner  le  champ  de  ba- 
taille. On  ajoute  que  Xénocrate  étant  reve- 
nu trois  mois   après  de  fon  voyage  ,  fuc 


A  R  I 

fort  furpris  de  trouver  Ariftote  i  la  place 
de  Ion  maître;  qu'il  en  demanda  la  railon; 
&  fur  ce  qu'on  lui  repondit  que  Platon 
avoit  été  forcé  de  céder  le  lieu  de  la  pro- 
menade :  qu'il  étoit  allé  trouver  Ariftoce  ; 
qu'il  l'avoit  vu  environné  d'un  grand  nom- 
bre de  gens  fort  eftimés ,  avec  lelquels  il 
s'entretenoit  paitiblement  de  queftions  plii- 
lofopliiques;  qu'il  l'avoit  Hilué  très- refpec- 
tucuiement ,  ians  lui  donner  aucune  mar- 
que de  fou  étonnement  :  mais  qu'ayant 
allèmblé  fes  compagnons  d'étude ,  il  avoir 
fut  à  Speufippe  de  grands  reproches  d'a- 
voir ainiî  laillé  Ariftote  maître  du  champ 
de  bataille;  &  qu'il  avoit  attaqué  Ariftote, 
&  l'avoit  obligé  de  céder  à  ion  tour  une 
place  ,  dont  Platon  étoit  plus  digne  que 
lui. 

D'autres  difent  que  Platon  fut  vivement 
piqué  que  ,  de  Ton  vivaju  ,  Ariftote  fe  fût 
fait  chef  de  parti ,  &:  qu'il  eût  érigé  dans 
le  Lycée  une  fede  entièrement  oppofée  à 
la  fîtnne.  Il  le  comparoir  à  ces  enfans  vi- 
goureux ,  qui  battent  leurs  nourrices  après 
s'être  nourris  de  leur  lait.  L'auteur  de  tous 
ces  bruits  fi  défavantageux  à  la  réputation 
d'Ariftote  j  eft  un  certain  Ariftoxene,  que 
l'elprit  de  vengeance  anima  contre  lui , 
félon  le  rapport  de  Suidas  ,  parce  qu'il  lui 
avoit  préféré  Théophrafle,  qu'il  avoit  dé- 
figné  pour  être  ion  fucceffeur.  Il  n'eft  point 
vraifemblable  ,  comme  le  remarque  fort 
bien  Ammonius,  qu'Ariflotc  ait  o(e  chaflèr 
Platon  du  lieu  où  il  enfeignoit ,  pour  s'en 
rendre  le  maître  ,  &  qu'il  ait  formé  de  Ton 
vivant  une  fèdte  contraire  à  la  fîenne.  Le 
grand  crédit  de  Chabrias  &  de  Timothée  , 
qui  tous  deux  avoient  été  à  la  têt€  des  ar- 
mées ,  &  qui  étoient  parens  de  Platon , 
auroit  arrêté  une  entreprife  fi  audacieufe. 
Bien  loin  qu'Ariflote  ait  été  un  rebelle  qui 
ait  ofé  combattre  la  dodrine  de  Pbton  , 
pendant  qu'il  vivoit  ,  nous  voyons  que 
même  depuis  fâ  mort ,  il  a  toujours  parlé  de 
wi  en  termes  qui  marquoient  combien  il 
l'eftimoit.  Il  efî  vrai  que  la  feue  péripaté- 
ticienne eft  bien  oppofée  à  la  fede  acadé- 
nuque  ,  mais  on  ne  prouvera  jamais  qu'elle 
foit  née  avant  la  mort  de  Platon  :  &  fî 
Ariftote  a  abandonné  Platon ,  il  n'a  fait  que 
jouir  du  droit  des  philofophes  i  il  a  fait 
céder  l'amitié  qu'il  devoit  à  Ton  nuîtie , 


a  l'amour  qu'on  doit  encore  plus  à  la  vé- 
rité. Il  peut  le  faire  pourtant  que  dnns  l'ar- 
deur de  la  difpute  ,  il  n'ait  pas  aflèz  mé- 
nagé fon  maître  ;  mais  on  le  peut  pardon- 
ner au  feu  de  fa  jeunedè  ,  &  à  cette  granvle 
vivacité  d'ciprit  qui  l'emportoit  au  delà  des 
bornes  d'une  diipute  modérée. 

Platon ,  en  mourant ,  lailîà  le  gouverne- 
ment de  l'académie  à  Speufippe  ion  neveu. 
Choqué  de  cette  préférence ,  Ariftote  prie 
le  parti  de  voyager ,  &  il  parcourut  les  prin- 
cipales villes  de  la  Grèce,  fe  familiarifanc 
avec  tous  ceux  de  qui  il  pouvoit  tirer  quel- 
que inftrudion  ;  ne  dédaignant  pas  même 
cette  forte  de  gens  qui  font  de  la  voluptç 
toute  kur  occupation  ,  &  plaifent  du  moins 
s'ils  n'inftruifent. 

Durant  le  cours  de  fes  voyages  ,  Plii- 
lippe  roi  de  Macédoine  ,  &  jufte  apprécu- 
teur  du  mérite  des  hommes ,  lui  manda 
que  fon  dcfTein  étoit  de  le  charger  de  l'é- 
ducation de  fon  fils.  »  Je  rends  moins  gra- 
»  ces  aux  dieux  ,  lui  ccri voit-il ,  de  me  l'a- 
»  voir  doiuîé  ,  que  de  l'avoir  fait  naître 
"  pendant  votre  vie;  je  compte  que  par  vos 
»  confeils  il  deviendra  digne  de  vous  &  de  • 
»  moi."  Aul.  GcU.  lit.  IX.  Quel  honneur 
pour  uii  philofophe  ,  que  de  vou"  fon  nom 
lié  avec  celui  d'un  héros  rel  qu'Alexandre 
le  Grand  !  6c  quelle  récompcnfe  plus  flat- 
teufe  de  fes  foins,  que  d'entendre  ce  jeune 
héros  répéter  fouvent:  "Je  dois  le  jour  à 
"  mon  père ,  mais  je  dois  à  mon  préccp- 
"  teur  l'art  de  me  conduire  ;  fi  je  règne 
"  avec  quelque  gloire,  je  lui  en  ai  toute 
"  l'obligation.  » 

Il  y  a  apparence  qu'Ariftote  demeura  à 
la  cour  d'Alexandre  ,  &  y  jouit  de  toutes 
les  prérogatives  qui  lui  étoieut  dues ,  juf- 
qu'à  ce  que  ce  prince ,  deftiné  à  conquérir 
la  plus  belle  partie  du  monde ,  porta  la  guerre 
en  Afie.  Le  piiilofophe  fe  fentant  inutile , 
reprit  alors  le  chemin  d'Athènes.  Là ,  il  fut 
reçu  avec  une  grande  diftindion  ,  &  on 
lui  donna  le  Lycée ,  pour  y  fonder  une  nou- 
velle école  de  philofbphie.  Quoique  le  foin 
de  fes  études  l'occupât  extrêmement ,  il  ne 
laifToit  pas  d'entrer  dans  tous  les  mouve- 
mcns  &  dans  toutes  les  querelles  qui  agi- 
toient  alors  les  divers  états  de  la  Grèce. 
On  le  foupçonne  même  de  n'avoir  point 
ignoré  la  malheureafe  confpiration  d'Aji- 


3».ô  A  m 

tipster,  qui  fit  cmpoifonner  Alexandre  à 
la  fleur  de  Ton  âge ,  &  au  milieu  des  plus 
juftes  efpérances  de  saflu)ectir  le  monde 
entier. 

Cependant ,  Xénocrate  qui  avoit  fuccédé 
à  Speufippe  ,  enfeignoit  dans  l'académie  la 
doctrine  de  Platon.  Ariftotc  qui  avoit  été 
fon  dilciple  pendant  qu'il  vivoit  ,  en  de- 
vint le  rival  après  fa  mort.  Cet  efprit  d'é- 
mulation le  porta  à  prendre  une  route  dif- 
férente vers  la  renommée ,  en  s'emparant 
d'un  diftriâ  que  perfonne  encore  n'avoit 
occupé.  QLioiqu'il  n'ait  point  prétendu  au 
caraftcre  de  légiflateur,  il  écrivit  cepen- 
dant des  livres  de  loix  &  de  politique  ,  par 
pure  oppofition  à  fon  maître.  Il  obferva ,  à 
la  vérité ,  l'ancienne  méthode  de  la  double 
doftrine,  qui  étoit  fî  fort  en  vogue  dans 
l'iicadémie,  mais  avec  moins  de  rclerve  & 
de  dilcrétion  que  ceux  qui  l'r.voient  pré- 
cédé. Les  Pythagoriciens  Se  les  Platoni- 
ciens faiioient  de  cette  méthode  même  un 
fecret  de  leurs  écoles  ;  mais  il  femble  qu'A- 
riftote  ait  eu  envie  de  la  faire  cormoître  à 
tout  le  monde  ,  en  indiquant  publique- 
ment la  diftinction  que  l'on  doit  faire  de 
CCS  deux  genres  de  doétrines  :  aulTî  s'ex- 
plique-t-il  fans  détours,  3i  de  la  manière  la 
plus  dogmatique,  contre  les  peines  &  les 
récompenfes  d'une  autre  vie.  La  mon ,  dit- 
il  ,  dans  ion  traité  de  la  Morale ,  eft  de 
toutes  les  chofes  la  plus  terrible  ;  c'eft  la 
fin  de  notre  exiftence ,  &  après  elle  l'hom- 
me n'a  ni  bieji  à  efpérer,  ni  mal  à 
craindre. 

Dans  fa  vieillefle  Ariftote  fur  attaque  par 
un  prêtre  de  Cérès,  qui  l'accufà  d'impiété 
Se  le  traduifit  devant  les  juges.  Comme 
cette  accufition  pouvoit  avoir  des  iuites 
fâcheufes  ,  le  philolophe  jugea  à  propos  de 
le  retirer  i'ecrétement  à  Chalcis.  En  vain  fes 
amis  voulurent-ils  l'arrêter  :  Empêchons , 
leur  cria-t-il  en  partant ,  empêchons  qu'on 
ne  fajfe  une  féconde  injure  à  la  Fhilofuphie. 
La  première  ,  fins  doute  ,  étoit  le  fupplice 
de  Socrate ,  qui  pourroit  être  regardé 
comme  un  martyr  de  l'unité  de  Dieu,  dans 
la  loi  de  nature ,  s'il  n'avoit  pas  eu  la  foi- 
bleflè ,  pour  complaire  à  fes  concitoyens , 
d'ordonner  en  mourant,  qu'on  facrifiât  un 
coq  a  Efcu'ape.  On  raconte  diverfement  la 
mort  d'Ariftote.   Les  uns  difent  que  défef- 


A  R  T 

pcré  de  ne   pouvoir  deviner  la  ciufe   du 
flux  &  reflux  qui  le  fait  fentir  dairs  l'Eu- • 
ripe ,  il  s'y  précipita  à  la  fin  ,  en  difan:  ces 
mots  :   pnifqu'AriJlrjie   n'a  jamais  pu  com- 
prendre l'Euripe ,   que  l'Euripe  le  comprenne 
donc  lui-même.  D'autres  rapportent  qu'après  ' 
avoir  quelque  temps  fou  tenu  Çoy\  infortune  , 
&  lutté ,  pour  ainfi  dire ,  contre  la  calom- 
nie ,    il  s'empoifonna ,   pour  finir  comme 
Socrate  avoit   fini.    D'autres  enfin  veulent 
qu'il  foit  mort  de  la    mon  n:  tutelle ,  ex- 
ténué par  les  trop  grandes  veilles ,  &  con- 
fumé  par  un    travail    trop  opiniâtre  :    tel 
eft  le  fentiment  d'ApolIodore ,  de  Denys 
d'Halicarnalîè,  de   Cenforin,   de  Laërce.- 
Ce  dernier  ,   pour  prouver  fon  infatigable 
adivité  dans  le  travail ,   rapporte  que  lorf- 
qu'il  fè  mettoit  en  devoir   de  repofer  ,  il- 
tenoit  dans  h.  main  une  fphere  d'airain ,  ap- 
puyée fur  les  bords  d'un  balTîn  ,  afin  que' 
le  bruit  qu'elle  feroit  en   tombant  dans  le 
balTin ,  piit  le  réveiller.    Il  rendit  l'ame  en 
invoquant  la  caufe   univerfelle ,  l'Etre  fu- 
prême ,  à  qui  il  alloit  fe  rejoindre.  Les  Sta- 
giriens  dévoient  trop  à  Ariftote ,  pour  ne 
pas  rendre  à  fâ  mémoire  de  grands  hon- 
neurs. Ils   transportèrent  fon  corps  à  Sta- 
gire ,  &  fur  fon  tombeau  ils  élevèrent  un 
autel,  &  une  efpece  de  temple  qu'ils  ap- 
pelèrent de  fon  nom  ,    afin  qu'il  fit  un 
monument  éternel     de    la    libené  <?c  des 
autres  privilèges  qu'Ariftote  leur  avoir  ob- 
tenus, foit  de  Phihppe ,  foit  d'Alexandre.  Si 
l'on  en  croit  Origerie ,  hb.  I,  contra  Celf. 
Ariftote  avoit  donné  lieu   aux    reproches 
d'impiété  qui  lui  firent  abandonner  Athènes 
pour  s'exiler  à  Chalcis.   Dans  les  converfà- 
tions  particulières ,  il  ne  fe  ménageoit  pas 
alfez  :    il   oioit  foutenir  que  les  otîrandcs 
&  les  làcrifices   font  tout -à- fait   inutiles; 
que    les  dieux   font   peu   d'attention  à  b 
pompe  extérieure  qui  brille  dans  leurs  tem- 
ples.  C'étoit  une  luitc  de  l'opinion  où  il 
écoit ,   que  la  pro\'idence  ne  s'étend  point 
julqu'aux  choies   fublunaires.    Le  principe 
fur  lequel  il  s'appuyoit   pour  foutenir  un 
fyftémc  fi  fivorable  à  l'impiété  ,   revient  à 
ceci  :    Dieu  ne  voit  3ç  ne  connoît  que  et 
qu'il  a  toujours  vu   &  connu  :  les  chofes 
contingentes  ne  font  donc  pas  de  fon  ref- 
fort  :  la  terre  eft  le  pays  des  changemens , 
de  la  génération  &  de  la  corruption  ;  Dieu 

n'y 


A  RI 

n'y  a  donc  aucun  pouvoir  :  il  fe  borne  au 
pays  de  l'imniorc.ilité ,  à  ce  qui  oll:  de  f.i 
nature  incorruptible.  Ariftote,  pourall'urer 
la  liberté  de  l'homme  ,  croyoit  ne  pouvoir 
mieux  faire  que  de  nier  la  providence  :  en 
falloit-il  davantage  pour  armer  contre  lui 
les  prêtres  intcrellcs  du  paganiimei  Ils  par- 
donnoient  rarement ,  «In:  fur-tout  à  ceux  qui 
vouloient  diminuer  de  leurs  droits  &  de 
leurs  prérogatives. 

Quoique  la    vie  d'Ariftote  ait    toujours 
^té  tort  tumultueule,  foit  au   Lycée  ,  foit 
à  la  cour  de  Philippe ,  le  nombre  de  les 
ouvrages  eft  cependant  prodigieux  :  on  en 
peut  voir  les  titres  dans  Diogene  Laërce  , 
&  plus  corredtement  encore  dans  Jérôme 
Gùmi!.î:us,  médecin  &  profellèur  en  phi- 
lofoph'e  à  Bâle ,   qui  a  compolé  un  traité 
int-.cule    de  rita    Arijlotelis   &    ejus   operum 
cenfura  ;  encore  ne  lommes-nous  pas  fùrs 
de  les  avoir  tous  :  il  eft  même  probable  que 
nous    en  avons    perdu    plulleurs ,  puifque 
Ciceron  cite  dans  fes  entretiens  des  pallàges 
qui  ne  fe  trouvent  point  aujourd'hui  dans 
les  ouvrages  qui  nous   reftent  de  lui.  On 
auroit  tore  d'en  conclure ,   comme   quel- 
<]ues-uns  l'on:  fait  ,  que  dans  cette  foule 
de   livres  qui  portent   le  nom   d'Ariftote , 
&  qui  padent  communément  pour  être  de 
Jiii ,  il  n'y  en  a  peut  -  être  aucun  dont  la 
fuppofition    ne  paro'llè  vraifemblable.    En 
effet ,  il  leroit  aifé  de  prouver  ,  ii  l'on  vou- 
loir s'en  do;ine.-  la  peine,  l'authenticité  des 
cuivrages  d'Ariftote  ,   par  l'autorité  des  au- 
teiirs  profanes ,  en  defcendant  de  fiecle  en 
fiecle,  depuis  Ciceron  julqu'au  nôtre  :  con- 
tentons-iK)us  de  celle  des  auteurs  eccléllaf- 
riques.  On  ne  niera  pas  fans  doute  que  les 
ouvrages  d'Arillote  n'exiilanènt   du  temps 
de  Ciceron ,  puifque   cet  auteur  parle  de 
pluficurs  de  ces  ouvrages ,  en  nomme  dans 
d'autres  livres  que  ceux   qu'il  a  écrits  fur 
la  nature  des  dieux ,  quelques-uns  qui  nous 
relient    encore,    ou    du   moins  que    nous 
prétendons  qui  nous  reftent.  Le  ChrilHa- 
Jiilme  a  commencé  peu  de  temps  après  la 
mort  de    Ciceron.   Suivons  doiic  tous   les 
pères  depuis  Origene  «S:  Tertullien  :  con- 
lultons  les  auteurs  eccléfiafliques    les  plus 
illuftres  dans  touî  les  (iecles ,  &  voyons  fi 
les  ouvrages  d'Ariltote  leur  ont  été  connus. 
Les  écrits   de  ces    deu::   premiers  auteurs 
Tome  III. 


A  R  I  337 

ccclénaftiques  font  remplis  de  paffages  ,  de 
citations  cl'Ariftotc  ,  foit   pour  les  réfuter, 
foit  pour  les  oppofer  à  ceux  de  quelques 
autres   philolophes.    Ses    partages  le  trou- 
vent aujourd'hui ,   excepté  quelques-uns , 
dans  les   ouvrages  d'Ariftote.   N'eft-il   pas 
naturel  d'en  conclure  que  ceux  que  nous 
n'y  trouvons   pas ,  ont  été  pris  dans  quel- 
ques écrits  qui  ne  (ont  pas  parvenus  jul- 
qu'à    nous  ?    Pourquoi  ,    ii    les    ouvrages 
d'Ariftote  étoient  fuppolés  ,  y  verroit-oi» 
les  uns  &:   point  les  autres  ?  Y  auroit  -  ou 
mis  les  premiers ,  pour  empêcher  qu'on  ne 
connût  la  fuppo/lcion  i  Cette  mêm.e  railo» 
y  eût  dû  faire  mettre  les  autres,  il  eft   vifi- 
ble  que  c'eft  ce  m.anque  &  ce  défaut  de 
certains  padliges  ,  qui  prouve  que  les  ouvra- 
ges d'Ariftote    lont   véritablement   de  lui. 
Si ,  parmi  le   grand   nombre   de   pallàges 
d'Ariftote    qu'ont    rapporté    les    premiers 
pères ,    quelques-uns    ont    été   extraits    de 
quelques  ouvrages  qui  font  perdus  ,  quelle 
impolîibilité  y  a-t-il  que  ceux  que  Ciceron 
a  placés  dans  (es  entretiens  fur  la  nature  des 
dieux  ,  aient  été  pris  dans  les  mêmes  ouvra- 
ges ?  Il  leroit  impoffible  d'avoir  la  moindre 
preuve  du  contraire  ,  puifque  Ciceron  n'a 
point  cité  les  livres  d'où  il  les  tiroir.  Saint 
Juftin  a  écrit  un  ouvrage  confidérable  (ur 
la  phyfîque  d'Ariftote  :  on  y  retrouve  exac- 
tement, non  (eulement  les  principales  opi- 
nions ,  mais  même  un  nombre  infini  d'en- 
droits des  huit  livres  de  ce  philofophe.  Dans 
prelque  tous  les  autres  ouvrages  de   fiinc 
Juftin  ,  il  eft  fait  mention  d'Ariftote.  Saint 
Ambroile  &  faint  Auguftin  nous  aflureiic 
dans   vingt    endroits   de    leurs    ouvrages  , 
qu'ils  ont  lu  les  ouvrages  d'Ariftote  ;  ils  les 
rétuteiit  ;  ils  en  rapportent  des  morceaux  , 
&  nous  voyons  que  ces  morceaux  (e  trou- 
\ent  dans  les  écrits  qui  nous  reftent ,   & 
que  ces   réfutations   conviennent   parfaite- 
ment aux  opinions  qu'ils  contiennent.   Al- 
lons maintenant  plus  avant ,  &  paflbns  au 
hxieme  liecle  :  Boëce  ,  qui  vivoit  au  com- 
mencement ,   parle  (ouvent  des  livres  qui 
nous   reftent    d'Ariftote ,  &  fait    mention 
de  les  principales  opinions.  CalTiodore ,  qui 
fut  contemporain  de  Boëce  ,  mais  qui  mou- 
rut   beaucoup  plus  tard  ,  ayant  vécu  jus- 
que vers  le  lèptieme  iiecle  ,  eft  encore  un 
témoin  iiTépruchable  des  oavraces  d'Adl- 

Tc 


358  A  R  I 

tote.  il  nous  fait  connoître  qu'il  avoir  écrit 
d'amples  commentaires  lur  le  livre  d'Arif- 
torc  de  \' Interprétation  ,  ëc  compoié  un 
livre  de  la  divillon  ,  qu'on  explique  en  logi- 
<]ue  après  la  définition ,  «Se  que  Ton  ami 
le  patrice  Eoëce  ,  qu'il  appelle  homme  ma- 
gnifique ,  ce  qui  éroit  un  titre  d'honneur 
en  ce  temps,  avoir  1  incroduclion  de  Por- 
phyre ,  les  cathégories  d'Ariftotc  ,  Ion  livre 
de  l'interprétation  ,  &  les  huit  livies  des 
topiques.  Si  du  feptieme  llccle ,  je  pallè 
au  huineme  &  au  neuvième  ,  j'y  trouve 
Photius  ,  patxinrcJie  de  Conilantinople  , 
dont  tous  les  lavans  anciens  &  modernes 
ont  fait  l'éloge  à  l'envi  les  uns  des  autres  : 
cet  homme  dont  l'érudition  étoit  profonde , 
Se  h  connoi (Tance  de  l'antiquité  au.lTi  vafte 
que  (Lire ,  ratifie  le  témoignage  de  iaint  Jul- 
tJi ,  Se  nous  apprend  que  les  livres  qu'il 
.ivoit  écrits  fur  la  phylique  d'Arilrore,  exii- 
toienc  encore  ;  que  ceux  du  philolophe 
«'étoicnt  auffi  coniervés,  &  il  nous  en  dit 
nior  à  mot  le  précis.  On  lait  que  (aint  Ber- 
nard 5  dans  le  douzième  llccle  ,  s'éleva  ii  fort 
contre  la  philofophie  d'Ariftote ,  qu'il  fit 
condamner  famétaphyfiquepar  un  concile  : 


A,' 


lie 


■^.'epenaant ,  peu  de  temps  après ,  elle  reprit 
le  deillis  ;  &  pierre  Lombard ,  Albert  le 
Grand ,  faint  Thomas ,  la  cultivèrent  avec 
loin ,  comme  nous  Talions  voir  dans  la 
laite  de  cet  article.  On  la  trouve  prefque 
en  entier  dans  leurs  ouvrages.  Mais  quels 
ibnr  ceux  à  qui  la  fupporirion  des  ouvrages 
d'/uriflote  a  paru  vraiîén-iblable  ;  Une  toule 
de  dcmi-favans  hardis  a  décider  de  ce  qu'ils , 
n'entendtiit  point,  &  qui  ne  font  connus 
■que  de  ceux  qui  font  obligés  par  leur  genre 
de  travail,  de  parler  des  bons  ainli  que 
des  mauvais  écrivains.  L'auteur  lepluscon- 
iidérablc  qui  ait  voulu  rendre  fuipeéis  quel- 
ques livres  qui  nous  reftcr.t  d'Arillote, 
■c'eft  Jamblique  ,  qui  a  prétendu  rejeter  les 
•cntcgories  :  mais  les  auteurs,  les  contempo- 
r.'iins,  iSc  Ijs  plus  h. biles  critiques  moder- 
jics  Ce  font  moques  de  lui.  U~i  certain 
H:lndronicus  Rlio dieu  ,  qui  étoit  apparem- 
ment l'i-lardouin  de  Ton  fiecle  ,  avoir  auffi 
rejeté  j  comme  lu ppofés,  les  livres  de  l'In- 
terprétation :  voilà  quels  (ont  .ces  lavans 
fur  l'autorité  desquels  on  regarde  comme 
A[30cryphcs  les  livres  d'Arillote.  Mais ,  un 
iiayaiir   qui  vaut  iaicux  qu'eux   tous ,  &. 


AR  I 

qui  eft  un  juge  bien  compétent  dans  cette 
matière  ,  c'eft  M.  Leibnitz  ;  on  voudra 
bien  me  permettre  de  le  leur  oppofer. 
Vpici  comme  il  parle  dans  le  fécond  tome 
de  fes  Epitres ,  png.  1 1 J  ,  de  l'édition 
de  Leiplîc,  1738;  »  Il  eft  temps  de  re- 
"  tourner  aux  erreurs  de  Nizolius;  cet 
"  homme  a  prétendu  que  nous  n'avions 
"  pas  aujourdhui  les  véritables  ouvrages 
"  d'Ariftote  :  mais  je  trouve  pitoyable 
"  l'objection  qu'il  fonde  fur  les  paflàges 
"  de  Ciceron  ,  &  elle  ne  fauroit  faire  la 
"  moindre  impreffioir  fur  mt>n  eiprit.  Eft- 
"  il  bien  furprenant  qu'un  homme  accablé 
"  de  (oins ,  chargé  des  ail^aires  publiques , 
"  tel  qu'étoit  Ciceron ,  n'ait  pas  bien  com- 
"  pris  le  véritable  fens  de  certair.es  opi- 
"  nions  d'un  philoiophe  trcs-lubtil,  &; 
,,  qu'il  ait  pu  le  tromper  en  les  parcou- 
,,  tant  très -légèrement?  Qiiel  eft  l'homme 
,,  qui  puille  le  figurer  qu'Ariftote  ait  ap- 
,,  pelle  Dieu  Vnrdeur  du  Ciel?  Si  Ton  croit 
,5  qu'Ariftote  a  dit  uiK  pareille  abfurdité  , 
„  on  doit  conclure  néceflairement  qu'il 
5,  étoit  inlênfé  :  cependant  nous  voyons 
„  par  les  ouvrages  qui  nous  reftent  qu'A- 
„  riftote  étoit  un  grand  génie  ;  pourquoi 
,,  donc  veut -on  fubftituer  par  force,  & 
„  contre  toute  rail'on ,  un  Ariftote  fou , 
,,  à  l'Ariftote  (âge;  C'eft  un  genre  de  cri- 
,,  tique  bien  nouveau  Se  bien  lîngulicr , 
,,  que  celui  de  juger  de  la  luppolition  des 
,,  écrits  d'un  auteur  ,  généralement  regarde 
,,  de  tous  les  grands  hommes  comnie  un 
,,  génie  fupérieur,  par  quelques  abiurdités 
,,  qui  ne  s'y  trouvent  point  :  en  (brte  que, 
,,  pour  que  les  ouvrages  d'un  philolophe 
,,  aulli  (ubtil  que  profond ,  ne  pallent  point 
„  pour  (uppoles ,  il  fuidra  délormais  qu'on 
,,  y  trouve  toutes  les  fautes  &  toutes  je; 
,.  impertinences  qu'on  lui  aura  prêtées  ,  'o'X 
,,  par  inadvertance  ,  ("oit  par  malice.  Il  eft 
,,  bon  d'ailleurs  de  remarquer  que  Cicei  on 
,,  a  été  le  feul  que  nous  coimoillons  avoir 
,,  attribué  ces  fentimens  à  Ariftote  :  quant 
,,  à  moi,  je  (uis  très  -  perfuadé  que  tous 
,,  les  ou\Tages  que  nous  avons  d'Ariftote 
,,  font  conllamment  de  lui  ;  i?c  ,  quoique 
,,  quelques-uns  aient  été  regardés  comr.ie 
,,  (iippolés ,  ou  du  moinscomme  fufpeétes, 
,,  par  Jean-François  Pic  ,  par  Pierre  ixamus, 
„  par  Patridus  &:parNaudé,  je  u'cu  fuk 


A  R  i 

»  pas  moins  convaincu  que  ces  livres  font 
w  vcrirablcmcnt  d'Arirtore.  Je  trouve  d.ms 
«  tous  une  parfaite  liailon  ,  &:  une  iiar- 
»•  monic  qui  les  unit  :  j'y  découvre  la  mtmc 
»»  hypotliefe  toujours  bren  fuivie  ,  &  tou- 
»  jours  bien  lt)utcnue  :  j'y  vois  enfin  In 
»  même  mctiiode  ,  la  môme  fagacitc  i\' 
M  la  même  habileté.  »  Il  n'cil:  guère  iur- 
prenant  que  ,  dans  le  nombre  de  quatorze 
ou  quinze  mille  commentateurs  qui  ont 
travaillé  lur  les  ouvr<;ges  d'Ariftote ,  il  ne 
s'en  foit  trouvé  quelques-uns  qui ,  pour  fe 
donner  un  grand  air  de  critique ,  «S:  mon- 
trer qu'ils  avoient  le  goût  plus  hn  que  les 
autres ,  aient  cru  devoir  regarder  comme 
(uppofé  quelque  livre  particulier  parmi 
ceux  du  philofophe  grec:  mais  que  peu- 
vent dix  ou  douze  pcricnnes  qui  auront 
ainli  penfé  ,  contre  plus  de  quatorze  mille  , 
dont  le  fentiment  lur  les  ouvrages  d'Aril- 
totc  eft  bien  différent  î  Au  refte  ,  aucun 
d'eux  n'a  jamais  foutenu  qu'ils  fuilent  tous 
luppofés;  chacun ,  lelon  Ion  caprice  (!?c  la 
fantailie ,  a  adopté  les  uns ,  &  rejeté  les 
autres  ;  preurè  bien  fenlible  que  la  {cule 
fmraifîe  a  didié  leur  déciiîon. 

A  la  tête  des  ouvrages  d'Ariftotc  ,  iont 
ceux  qui  roulent  lur  l'art  oratoire  &  lur 
la  poétique  :  il  y  a  apparence  que  ce  lonr 
les  premiers  ouvrages  qu'il  ait  compofés  ; 
il  les  dellina  à  l'éducation  du  prince  qui 
lui  avoir  été  confié;  on  y  trouve  des  choies 
excellentes  ,  &  on  les  regarde  encore  au- 
jourd'hui comme  des  chefs-d'œuvre  de  goût 
&:  de  philoiophie.  Une  leClure  alTîdue  des 
ouvrages  d'Homcre  lui  avoir  formé  le  juge- 
ment, &  donné  un  goût  exquis  de  la  belle 
littérature  ;  jamais  perlonne  n'a  pénétré  plus 
avant  dans  le  coeur  humain  ;  ni  mieux  connu 
les  relforts  invifiblcs  qui  le  font  mou- 
voir :  il  s'étoit  ouvert ,  par  la  force  de  fon 
génie  ,  une  route  fùrejurqu'aux  (ources  du 
vrai  beau  ;  &  fi ,  aujourd'hui ,  l'on  veut  dire 
quelque  chofe  de  bon  fur  la  rhétorique  & 
iur  hpoéfiçue  ,  on  fe  voit  obligé  de  le  répé- 
ter. Nous  ne  craignons  point  de  dire  que 
ces  deux  ouvrages  font  ceux  qui  font  le 
plus  d'honneur  à  ta  mémoïic;  voyc^-e/i  un 
jugement  plus  déraillé  aux  deux  «rricle 
qui  portent  leur  nom.  Ses  traités  de  morale 
Viennent  enfuite  ,  l'auteur  y  garde  un  ca- 
ractère d'honnête  homme  qui  plaie  iurim-  ' 


ment  :  mais  par  malheur  il  atléuir  au  lieu, 
d'échauffer  ;  on  ne  lui  donne  qu'une  ad*, 
mirarion  flérile  ;  on  ne  revient  point  à  ce 
qu'on  a  lu.  La  morale  ell  ieche  &  infruc- 
tucule  ,  quand  elle  n'offre  que  des  vues  gii- 
nérales  &  des  propodtions  métaphylî- 
ques ,  plus  propres  à  orner  refprit  &  à 
•:hargcr  la  mémoire ,  qu'à  toucher  le  coruï 
:k.  à  changer  la  volonté.  Tel  efl:  en  géné- 
ral l'e!prit  qui  ngne  dans  les  livres  de 
morale  de  ce  philoiuphe.  "Voici  quelques- 
uns  de  les  préceptes  ,  avec  le  tour  qu'il 
leur  donne. 

1°.  Le  bonheur  ilc  l'homme  ne  confillc 
ni  dans  lesrichefles,  ni  dans  les  honneurs, 
ni  dans  la  puiflance  ,  ni  dans  la  nobleffc  , 
ni  dans  les  Ipcculations  de  l.i  philofophiej 
mais  bien  plutôt  dans  les  habitutles  de  l'a- 
nie  ,  qui  li  rendent  plus  ou  moins  parfaite. 
1°.  La  vertu  eft  pleine  de  charm.es  iSc  d'at- 
traits ;  ainfi  une  vie  où  les  vertus  s'en- 
cha'nent  les  unes  avec  les  autres ,  ne  Gu- 
roit  être  que  très-heureuie.  5".  (Quoique  la 
vertu  le  fuffile  à  ellc-mcTnc ,  on  ne  peut 
nier  cependant  qu'elle  ne  trouve  un  puil- 
lant  appui  dans  la  faveur  ,  les  richcffci  , 
les  honneurs ,  la  noblelfe  du  iang ,  la  beauté 
du  corps ,  ^'  que  toutes  ces  chofes  ne 
contribuant  à  lui  faire  prendre  un  plus 
grand  eiior,  &  n'augmentent  par-là  le  bon- 
heur de  l'homme.  4°.  Toute  vertu  le  trou- 
ve placée  dans  le  milieu  entre  un  aéle 
mauvais  par  excès  &  entre  un  ac^:e  mau- 
vais par  défaut  :  ainfi  le  courage  tient  le 
milieu  entre  la  crainte  &  l'audace;  la  libé- 
ralité ,  entre  l'avarice  &  la  prodigaUté  ;  la 
modeffie  ,  entre  l'ambition  &:  le  mépris  fu- 
perbe  des  honneurs  ;  la  magnificence  ,  en- 
tre le  frffe  trop  recherché  &  l'épargne  for- 
dide  ;  la  douceur ,  entre  la  colère  &  l'infen- 
fibilité  ;  la  popularité ,  entre  la  miiantropic 
&  la  baile  flatterie ,  &c.  d'où  l'on  peut  con- 
clure que  le  nombre  des  vices  double  de 
celui  des  vertus  ,  puilque  toute  vertu  eft 
toujours  voilme  de  deux  vices  qui  lui  fisnt 
contraires.  5°.  Il  diftingue  deux  fortes  de 
juff:ice  ;  l'une  univerfelle  ,  &•:  l'autre  particu- 
lière ,  la  jutcice  univerleilc  tend  à  conler'.cr 
la  lociété  civile  par  le  relpeâ:  qu'elle  infpirc 
pour  toutes  les  loix  :  la  juitice  particulière  , 
qui  coniilte  à  rendre  à  chacun  ce  qui  lui  eft 
dû,  eft  de  dïux  lortcs;  la  juffiice  diih-ibutivc 

Tt  1 


340  A  R  I 

Se  la  commutative  :  la  juftice  diftributive 
dirpenfe  les  charges  &  les  récompenfes  , 
félon  le  mérite  de  chaque  citoyen  ;  &  elle 
a  pour  règle  la  proportion  géométrique  : 
la  juliJce  commutative  ,  qui  confifte  dans 
un  cchr.nge  de  choies,  donne  à  chr.cun  ce 
qui  lui  d\  dii ,  &  gu'de  en  tout  une  pro- 
portion arithmétique.  6".  On  fe  lie  d'ami- 
tié avec  quelqu'un  ou  pour  le  plaiiir  qu'on 
retire  de  Ion  commerce  ,  ou  pour  l'utilité 
qui  en  revient,  ou  pour  Ton  m:rite  fondé 
Jhr  la  vertu  ou  d'excellentes  qualités.  La 
dernière  efl:  une  amitié  parfaite  :  la  bien- 
veillance n'eft  pas ,  à  proprement  parler  , 
l'amitié  ;  mais  elle  y  conduit  ;  &  en  quel- 
que fcçon  elle  l'ébauche. 

Arillore  a  beaucoup  mieux  réuffi  dan.s 
la  logique  que  dans  (a  morale.  Il  y  décou- 
vre les  principales  fources  de  l'art  de  rai- 
lonner  ;  il  perce  dans  le  fond  inépuiG.ble 
des  penfccs  de  lliomme ;  il  dénule  les  pen- 
fées  ,  Elit  voir  la  liaifon  qu'elles  ont  en- 
rr'elles ,  les  fuit  dans  leurs  écarts  &  dans 
leurs  contrariétés ,  les  ramené  enfin  à  un 
point  fixe.  On  peut  allurer  que ,  h  l'on  pou- 
voit  atteindre  refpnt ,  Ariîfote  l'auroit  at- 
teint. N'efl-ce  pas  une  choie  admirable  , 
que  p.ir  différentes  combinaifons  qu'il  a 
fiiites  de  toutes  les  formes  que  Telprit  peut 
'prendre  en  raiionnant  ,  il  l'ait  tellement 
cnchamé  par  les  règles  qu'il  lui  a  tracées, 
qu'il  ne  puiflè  s'en  écarter,  qu'il  ne  railonne 
inconléquemment";  Mais  la  méthode  ,  quoi- 
que louée  par  tous  les  philofophes ,  n'eft 
point  cxemte  de  défauts.  i°.  Il  s'étend 
trop  ,  &  par-là  il  rebute  :  on  pourroit  rap- 
peller  à  peu  de  pages  tout  fon  livre  de  ca- 
fhégories ,  5c  celui  de  l'interprétation  ;  le 
fens  y  eft  noyé  dans  une  trop  grande  abon- 
dance de  paroles.  z°.  Il  eft  obicur  &  em- 
barrallé  ;  il  veut  qu'on  le  devine ,  8c  que 
fon  ledrenr  produife  avec  lui  fes  penféc?. 
Quelque  habile  que  l'on  foit ,  on  ne  peut 
guère  fe  iîjtter  de  l'avoir  totalement  enten- 
du ;  témoin  fes  analytiques ,  où  tout  l'art  du 
jyllogilme  eft  enîeigné.  Tous  les  membres 
qui  compolent  fa  logique  le  trouvent  di(- 
perlés  dans  les  diffijrens  articles  de  ce  Dic- 
tionnaire i  c'eft  pourquoi ,  pour  ne  pas  en- 
nuyer le  Itâ'eur  par  une  répétition  inutile 
des  mêmts  choies,  on  a  jugé  à  propos  de 
l'y  renvoyer  afin  qu'il  les  conlulte. 


A  R  I 

PalTbns  maintenant  à  la  phyfiquf  d'AriC- 
totc  i  &  dans  l'examen  que  nous  en  allons 
faire ,  prenons  pour  guide  le  célèbre  Louis 
Visés ,  qui  a  difpofé  dans  l'ordre  le  plus 
méthodique  les  différens  ouvrages  où  elle 
eft  répandue.  Il  commence  d'abord  parles 
huit_  livres  des  principes  naturels  ,  qui  pa- 
roillcnt  plutôt  une  compilation  de  diifércns 
mémoires  ,  qu'un  ouvrage  arrangé  fur  un 
même  plaji  ;  ces  huit  livres  traitent  en  gé- 
néral du  corps  étendu ,  ce  qui  fait  l'objet 
de  la  phyiique,  &-en  particulier  des  prin- 
cipes ,  (Se  de  tout  ce  qui  eft  lié  à  ce  prin- 
cipe ,  comme  le  mouvement ,  le  lieu  ,  le 
temps,  f.'c.  Rien  n'eft  plus  embrouillé  que 
tout  ce  long  détail  ;  les  définitions  rendent 
moins  intellig'bles  des  choies  qui ,  par  elles- 
mêmes  ,  auroicnt  paru  plus  claires ,  plus 
évidentes.  Ariftote  bl'me  d'abord  les  phi- 
lofophes qui  l'ont  précédé  ,  &  cela  d'ui:e 
manière  alîez  diire  ;  les  uns  d'avoir  admis 
trop  les  principes,  les  autres  de  n'en  avoir 
admis  qu'un  fcul  :  pour  lui ,  il  en  étabUc 
trois  ,  qui  font  la  matière ,  la  forme  ,  la 
privation.  La  matière  eft  ,  félon  lui ,  le  fujet 
général  fur  lequel  la  nature  travaille;  lujer 
éternel  en  même  temps ,  &  qui  ne  cefiera 
jamais  d'exifter  ;  c'eft  la  mère  de  toutes 
choies ,  qui  foupire  après  le  mouvem.ent , 
&  qui  fouhaite  avec  ardeur  que  la  forme 
vienne  s'un.ir  à  elle.  On  ne  lait  pas  trop 
ce  qu'Ariftote  a  entendu  par  cette  matière 
première  qu'il  définit,  ce  qui  n'efl ,  ni  qui 
ni  corr.Hen  grand  ,  ni  quel ,  ni  rien  de  ce  Viir 
quoi  l'être  eji  détermine.  N'a-t-il  parlé  ainfi  de 
la  matière  que  parce  qu'il  étoir  accoutumé 
à  mettre  un  certain  ordre  dans  fes  penlécs, 
&:  qu'il  commençoir  par  envifagcr  les  cho- 
ies d'une  vue  générale  ,  avant  de  deicen- 
dre  au  particulier  ?  S'il  n'a  voulu  dire  que 
cela ,  c'eft-à-dire,  fi ,  dans  Ion  eiprit ,  la  ma- 
tière première  n'avoit  d'autre  fondement 
que  cette  méthode  d'arranger  des  idées  ou 
de  concevoir  les  chofes ,  il  n'a  rien  dit  qu'on 
lie  puilîe  lui  accorder  :  mais  auiTi  cette 
matière  n'eft  plus  qu'un  être  d'imagina- 
tion ;  une  idve  purement  abftraitc  ;  cl!e 
n'exifte  pas  plus  que  la  fleur  en  général  , 
que  Uhomme  en  général  ,  6'c.  Ce  n'eft 
pourtant  pas  qu'on  ne  voie  des  philolo- 
phes  aiiioiud'luii ,  qui,  tenant  d'Ariftocc  la 
manière  de  confidércr  les  choies  en  gcuti  J 


A  R  I 

avant  que  de  venir  à  leurs  efpeces  ,  &  de 

!)a(]èr  de  leurs  cfpcces  à  leurs  individus  ,  ne 
buticnnent  de  (ens  froid  ,  &  même  avec 
ur.eeipcce  d'opiniârreré  ,  que  l'univcrfel  eft 
dans  du'.que  cbjec  particulier:  que  la  fleur 
en  générai,  par  exemple,  eft  ui.e  rv'alitc 
vraiment  exifc.nte  dans  chaque  jonquille  & 
dans  chaque  violette.  Il  pnroït  à  d'aiures 
que,  par  matière  première  ,  Anllote  n'a  pas 
entendu  leultment  le  corps  en  général,  mais 
une  pâte  uniforme  dont  tcuc  devoit  être 
conllruic;  une  cire  obéiflante  qu'il  regardoit 
com.m.e  le  fonds  corrmun  des  corps ,  commic 
le  dernier  terme  où  rcvenoit  chaque  corps 
en  le  détruiiant:  c'étoit  le  magnifique  bloc 
du  Statuaire  de  la  Fontaine  : 

Un  hkc  de  marbre  cicii  fi  beau , 
Qu'un  Rasuaire  en  fit  f  emplette  : 
Qu'en  j<.va  ,   dit-il,  mon  cifenu  ? 
Stra-t-U  dieu  ,   tûilc  ou  curette  ? 

Brifez  ce  d;cu  de  m.arbre ,  que  vous 
refte-t-il  en  main  ':  des  morceaux  de  marbre. 
Caliez  la  table  ou  la  cuvette ,  c'eft  encore 
du  marbre  ;  c'ell  le  même  fonds  par-tout  ; 
ces  chofes  ne  différent  que  par  une  forme 
extérieure.  Il  en  eft  ce  même  de  tous  les 
corps;  leur  malle  eft  elîtntieliem.ent  la  nîê- 
me;  ils  ne  diilercntquepar  la  figure,  parla 
quantité,  par  le  repos ,  ou  parle  mouve- 
ment, qui  font  toutes  choies  accidenteiks. 
Cette  idée  qu'on  doit  à  Ariftote,  a  paru  li 
Ipécieu.'e  à  tous  les  phiiofophes,  tant  an- 
ciens qre  modernes ,  qu'ils  l'ont  générale- 
ment adoptée  :  m.ais  Cette  idée  d'une  m.a- 
tiere  généra'e ,  dans  laquelle  s'en  retournent^ 
tous  les  corps  en  dcrnicre  décompoiltion , 
eft  démentie  par  l'expérience  :  (i  elle  étoit 
vraie  ,  voici  ce  qu'il  en  devroit  arriver. 
Comme  le  m.ouvemtnt  fait  fortir  de  cette 
cire  un  animal ,  un  m.orceau  de  bois  ,  une 
maOe  d'or  ;  le  rr.cuvenicnt ,  en  leur  ôtsnt 
une  fonr.e  paliagere  ,  devroit  les  ramener 
à  leur  c;re  pr.mcrdi.'le.  Emipedccie,  Platon  , 
Ariflore  &  les  Schobftiques  le  difent:  mais 
la  cho*e  n'arrive  point.  Le  corps  erg -nifé 
fe  dil^Ait  tn  difterentes  maflès  de  peaux, 
depoib,  de  chairs,  d'os,  6<  d'autres  corps 
mélanges.  Le  corps  miî.te  le  refont  en  eau , 
tn  f  ble,  en  fcl,  en  terre:  mais,  avec  les 
dilIcilviKS  les  plus  fores,  avec  le  feu  le  plus 


A  R 


34' 


vif,  vous  n'obtiendrez  point  de  ces  corps 
(impies  de  ie  changer.  Le  (able  refte  fable , 
le  fer  demeure  fer  ,  l'or  épuré  ne  change 
plus;  la  terre  morte  fera  toujours  terre  :  6c 
après  toutes  les  épreuves  &:  tous  les  tour- 
mens  imaginables  ,  vous  les  retrouverez 
encore  les  mêmes.  L'expérietice  ne  va  pas 
loin  :  les  élémcns  font  chacun  à  part  des 
ouvrages  admirables  qui  ne  peuvent  chan- 
ger ,  afin  que  le  monde ,  qui  en  eft  compolé  , 
puille  recevoir  des  changemens  par  leurs 
mélanges,  &  foit  cependant  durable  comme 
les  principes  qui  en  lont  la  baie.  1^'^oy.  l'art. 
Chymie. 

Pour  la  fc)rm.e ,  qui  cfc  le  (econd  prin- 
cipe d'Ariftote ,  il  la  regarde  comm.e  une 
■  ubftance,  un  principe  a^bif  qui  conftitue 
les  corps,  i?;  aflujetci:,  pour  ainfi  dire,  la 
matière.  Il  luit  de-là  qu'il  doit  y  avoir  au- 
tant de  form.es  naturelles  qui  naiiicnt  & 
meurent  tour-à- tour ,  qu'il  y  a  de  corps 
primitifs  &  élémentaires.  Pour  la  priva- 
tion ,  dit  Ariftote  ,  elle  n'efl  point  une 
lubrtance;  elle  eft  même,  à  quelques  égards , 
une  iorte  de  néant.  En  effet ,  tout  corps  qui 
reçoit  une  telle  form.e,  ne  doit  pas  l'avoir 
auparavant  ;  il  doit  mêm.e  en  avoir  une 
qui  loit  .ablolument  contraire.  Ainfi  les 
m.orts  fè  font  des  vivans ,  &  les  vivans  des 
morts. 

Ces  trois  principes  étant  établis,  Ariftote 
pafle  à  l'explication  des  cautes,  qu'il  traite 
d'une  manière  allez  diftinéle  ,  mais  prcf- 
que  fans  parler  de  la  première  caule  qui 
eft  Dieu.  Qiielques-  uns  ont  pris  occaiîon  , 
tant  de  la  définition  qu'il  donne  de  la  na- 
ture ,  que  du  pouvoir  illimiié  qu'il  lui 
attribue,  de  dire  qu'il m.éconnoît  cette  pre- 
mière caule:  mais  nous  le  juftifierons  d'a- 
tliéilme  dajis  la  fuite  de  cet  article.  Selon 
lui ,  la  nature  eft  un  principe  efteé?cif ,  une 
cauie  pléniere  ,  qui  rend  tous  les  corps 
où  elle  ré<idc  capables  par  eux  -  mêmes  de 
mouvemer.t  &  de  repos;  ce  qui  ne  peut 
point  fe  dire  des  corps  où  elle  r,e  ré/îde 
que  jar  accident  ,  &  qui  appartier.nent  à 
l'art  :  ceux-là  n'ont  rien  que  par  emprunt, 
&  fi  j'ofe  ainfi  parler  ,  que  de  la  féconde 
m.aiu.  Continuons  :  tous  les  corp>  ayant  en 
eux  cette  force  ,  qui  dans  un  fens  ne  peut 
être  anéantie  ,  &  cette  tendance  an  mou- 
vement qui  eft  toujours  cg.-la  ,    fw:"  des 


3i.r  A  R.  I 

f  ubltanres  véritablement  dignes  âc  ce  nom  : 
1,1  nuiirc  par  conféque;ic  ell  up.  sutie  prin- 
cipe d'Anftote  ;  c'eil  elle  qui  produit  les 
formes ,  ou  plutôt  qui  fe  divife  &  fubdivife 
en  une  infinité  de  formes ,  fiiivant  que  les 
bcfoins  de  la  matière  le  dcmanJenr.  Ceci 
mérite  une  atrention  particulière ,  £■:  cîoni-.e 
lieu  à  ce  philo(opiie  d'expliquer  tous  les 
cîiangcmens  qui  arri\'enr  iux  corps.  Il  n'y 
en  a  aucun  qui  ibit  parfaitement  en  repos, 
parce  qu'il  n'y  en  a  aucun  qui  ne  fade  effort 
pour  fe  mouvoir.  ïl  conclut  de  -  1\  que  la 
nature  infpire  je  ne  fais  quelle  nécefTité  à  la 
matière.  ESeclivement ,  il  ne  dépend  point 
d'elle  de  recevoir  telle  ou  telle  forme  ;  elle 
cfl:  afiuiettie  à  recevoir  toutes  celles  qui  fe 
prcfenrent ,  &  qui  fe  fuccedent  dans  un  cer- 
rain  ordre ,  Se  dans  une  certaine  proportion. 
C'efl-li  cette  fameule  entéléchie  qui  a 
tant  cmbarrallé  les  commentateurs ,  &  qui 
a  fait  dire  tant  d'extravagances  aux  Icho- 
lafliques. 

Après  avoir  expliqué  quelle  eft  la  caufe 
cfÏ!cien:e  ,  quel  ell  le  principe  de  toute  la 
iforce  qui  fe  trouve  répandue  dans  l'uni- 
vers ,  Ariftote  entre  plus  avant  dans  Ca 
matière  ,  &  tâche  de  développer  ce  que 
c'cft  que  le  mouvement.  Oi\  voit  bien 
qu'il  fait  là  de  grands  efforts  de  génie  : 
mais  fes  efforts  aboutillent  à  une  définition 
très  -  obfcure  ,  &  devenue  même  fameufc 
par  Ton  obfcurité.  Plus  Ariitorc  s'avance , 
plus  il  cmbrafie  de  terrain  :  le  fini  & 
I  infini ,  le  vuidc  &  les  atomes ,  l'cfpace  Se 
le  temps  ,  le  lieu  &  les  corps  qui  y  font 
contenus  ;  tour  le  préfente  devant  fes  yeux  : 
ii  ne  confond  rien ,  une  propofinon  le  mené 
à  l'autre  ;  &c  quoique  ce  foit  d'une  façon 
rrès-r.:pide  ,  on  y  fent  toujours  une  (brte  de 
liaifon. 

La  doétrinc  qui  eft  compri'.e  dans  les 
deux  li\Tes  de  la  génération ,  tient  nécef- 
lairement  A  ce  que  nous  avons  déjà  déve- 
loppé de  fes  principes.  Avant  Socrate  ,  on 
croyoit  que  nul  erre  ne  périlloit,  &  qu'il 
ne  s'en  rcproduifoit  aucun;  que  tousles 
changemc'.i^  qui  arrivent  aux  corps,  ne  lont 
que  de  nouveaux  arrangemens  ,  qu'une 
diftributlon  différente  des  parties  de  ma- 
tière ,  qui  conapofent  ces  mêmes  corps  ;  on 
n'admcttoir  dans  l'univers  que  des  accroif- 
icmens  &  des  diminutions ,  des  réunioui 


A  R  r 

&:  des  di-nnons,  des  mélanges  &  des  le- 
parations.  Arifrote  rejeta  toutes  ces  idées , 
quoique  fîmples ,  &  par  -  là  allez  vraifem- 
blables  ;  &  il  établit  une  généralité  &  une 
corruption  proprement  dites.  Il  reconnut 
qu'il  le  formoit  de  nouveaux  êtres  dans  le 
fein  de  la  nature  ,  &  que  ces  êtres  périf- 
foient  à  leur  tour.  Deux  chofes  le  condui- 
fîrent  à  cette  pcnfée  :  l'une  qu'il  s'imagina 
que  dans  tous  les  corps  le  fujet  ou  la  ma- 
tière eft  quelque  choie  d'égal  &  de  conf- 
tant  ;  &  que  ces  corps  comme  nous  l'avons 
déjà  obfervé,  ne  différent  que  par  la  forme, 
qu'il  regardoit  comme  leur  ellence  :  l'au- 
tre ,  qu'il  prétendoit  que  les  contraires 
naillent  tous  de  leurs  contraires,  comme  le' 
blanc  du  noir;  d'où  il  luit  que  la  forme 
du  blanc  doit  être  anéantie  avant  que  celle 
du  noir  s'établifle.  Pour  achever  d'éclaircir 
ce  fyllême  ,  j'y  ajouterai  encore  deux  re- 
marques. La  première  ,  c'eft  que  la  géné- 
ration &  la  corruption  n'ont  aucun  rap- 
port avec  les  autres  modifications  des 
corps,  comme  l'accroillement  &:  ledécroif- 
femenr ,  la  tranfparence ,  la  dureté ,  la  liqui- 
dité, f-'c.  dans  toutes  ces  modifications,  la 
première  forme  ne  s'éteint  point  ,  quoi- 
qu'elle puille  fe  diverfifier  à  1  infini.  L'autre 
remarque  fuit  de  celle-là;  comme  tout  le 
jeu  de  la  nature  confif^e  dans  la  généra- 
tion £<:  dans  la  corruption  ,  il  n'y  a  que 
les  corps  lîmples  &  primitifs  qui  y  foient 
iujets  ;  eux  ieuls  reçoivent  de  nouvelles 
formes ,  &  pafltnt  par  des  métamorphofes 
fans  nombre  :  tous  Içs  autres  corps  ne  font 
que  des  mélanges ,  &  pour  ainli  dire  des 
entrelacemens  de  ces  premiers.  Qiioique 
rien  ne  foit  plus  chimérique  que  ce  coté 
du  lyflérac  d'Arifcote ,  c'eft  cependant  ce 
qui  a  le  plus  frappé  les  Scholaftiques ,  &  ce 
qui  a  do:mé  lieu  à  leurs  exprefïions  barba- 
res &  inintelligibles  :  de-là  ont  pris  naillàn- 
ce  les  formes  ihbflantielles ,  les  entités,  les 
modalités,  les  intentions  réflexes,  f-v.  tous 
ces  termes  qui,  ne  réveilhnt  aucune  idée, 
perpétuent  vahiem.ent  les  difputes  &  l'envie 
de  difputer. 

Ariffote  ne  fe  renferme  p.as  dans  une 
théorie  générale:  mais  il  delcend  à  un  très- 
grand  nombre  d'explications  de  phyfique 
particulière  :  &  l'on  peut  dire  qu'il  s'y  mé- 
uage ,  qu'il  s'y  oblerve  plus  que  d.uas  tout 


A  R  I 

le  rcfte  ;  qu'il  ne  donne  point  tout  l'cffôr 
j.  l'on  imagination.  Dans  les  quatre  livres 
iur  les  météores ,  il  a  ,  félon  la  réflexion 
judicieufe  du  pcre  Rapin  ,  plus  cclairci 
j'ertets  de  la  nature  que  tous  les  philofo- 
phes  modernes  joints  enlemble.  Cette 
aix)ndance  lui  doit  tenir  lieu  de  quelque 
mérite  ,  Ik  certainement  d'excufe.  En  etfet , 
.au  travers  de  toutes  les  erreurs  qui  lui 
font  échappées  faute  d'expérience  ,  iIJc  de 
-quelques-uiy;s  des  découvertes  que  !e  lia- 
Jard  a  préfentées  aux  modernes ,  on  s'appcr- 
^oit  qu'il  liiit  allez  le  fil  de  la  natur-e  ,  «I^ 
^u'il  devine  des  chofes  qui  certainement 
lui  dévoient  être  inconnues.  Par  exemple  , 
il  détaille  avec  beaucoup  d'adiefle  tout  ce . 
<jui  regarde  les  météores  aqueux  ,  x:omrae  ; 
1.1  pluie ,  la  neige  ,  la  grêle ,  la  rofce  ,  &c. 
il  donne  une  explication  trcs-ingénieufê  de 
î'arc-en-ciel ,  &  qui  au  fond  ne  s'éloigne 
.pas  ttcp  de  eelle  tk  Delcartes  ;  il  définit 
le  vent  un  courant  d'air  ,  &  il  htit  voit  que 
la  direction  ciéptnd  d'une  infinité  de  cauies 
:étrangercs  Se  peu  connues ,  ce  qui  empè- 
jclie  ,  dit  -  il  ,  d'en  donner  im  lyitême 
.général. 

On  peut  rapporter  à  la  pliyiique  parri- 
>culicre  ce  que  ce  philolophe  a  publié  iur 
l'hiftoire  des  animaux.  Voici  le  jugem.ent 
.-avantageux  qu'en  a  porté  M.  de  Bufton  dans 
Ion  premier  dilcours  de  lliilloire  naturelle  : 
-»  L'hiftoire  des  animaux  d'Ariftoteeft  peut- 
■»  être  encore  aujourd'hui  ce  que  nous  avons 
-'•  de  mieux  iait  en  ce  genre  ;  &  il  leroit 
•"  à  defirer  qu'il  nous  eut  laifié  quelque 
•"  choie  d'aulli  complet  fur  les  végétaux  & 
"  Iur  les  minéraux  :  mais  les  deux  livres 
•'»  de  plantesqve  quelques-uns  luiatrribuenr, 
"  ne  reilemblent  -point  à  cet  oin'-rage  , 
»  &  ne  lont  pas  .en  etîet  de  lui.  f'^oye:^  le 
"  commemaire  de  Scaliger.  Il  eft  vrai  que  la 
'>  botanique  n'étoit  pas  fort  en  Ix^iuieur 
»  de  loïî  temps  :  les  Grecs  Se  les  Romains 
."  même  ne  la  regardoient  p.-s  comm.e  une 
j>  fciencequi  dut,exirter  par  elle-même  ,  & 
»  qui  dut  faire  im  objet  à  part  ;  ils  ne  la 
o'  confidéroient  que  .jelatn'em.ent  à  l'agri- 
«  culture  ,  au  jardinage  ,  à  la.médeciiie  <?c 
•»  aux  arts;  &c  quoique  Théophr.tfte  ,  dif- 
«  ciple  d'Arvftùtc  ,  connut  plus  de  cinq 
•"  cents  genres  de  plantes  ,  &  que  Pline  en 
»>  £Jte  plus  de  mille  :  ils  n'en  parlent  que 


ARÏ  34î 

»  pour  nous  en  apprendre  la  culture ,  ou 
"  pour  nous  dire  que  les  unes  ent.ic;it  dans 
la  compofition  des  drogues  ;  que  les 
autres  font  d'ufage  pour  les  arts  \  que 
d'autres  lervait  à  orner  nos  jardins ,  ùc. 
en  un  mot  ,  ils  ne  les  conlidercnt  que 
par  l'utilité  qu'on  en  peut  tirer  ,  «ïc  ils 
ne  Çt  font  pas  arrachés  à  les  décrire  exac- 
tement. >> 

"  L'hiftoire  des  animaux  leur  étoit  mieux 
connue  que  celle  des  pLuites.  Ale;;andre 
donna  des  oi-dres  &  ht  des  déptnies 
très  -  conlidérables  pour  rallemblcr  des 
animaux  ,  &  en  faire  venir  de  tous  les 
pays ,  i\.  il  mit  Ariftote  en  érat  de  les 
bien  obferver.  ilparoit ,  par  ion  ouvrage  , 
qu'il  les  connoiflbit  peut  -  être  mieux  , 
&  fous  des  vues  plus  générales  ,  qu'où 
ne  les  connoit  aujourd'hui.  Enfin  ,  quoi- 
que les  modernes  aient  ajouté  leurs  décour- 
vertes  à  celles  des  anciens  ,  je  ne  xoh 
pas  que  nous  ayons  Iur  l'iiiftoire  naturelle 
beaucoup  d'ouvrages  modernes  qu'on 
puilîe  mettre  au  dcflus  de  ceux  d'A.riftote 
&  de  Pline  ;  mais ,  comme  la  prévention 
naturelle  qu'on  a  poiu'  Ion  (tecle  pourroit 
perfuader  que  ce  que  je  viens  de  dire  eft 
avancé  témérairement  ,  je  vais  fiire  en 
peu  di-  mots  l'expofition  du  plan  de 
l'ouvrage  d'AriÛote.  " 
■"  Ariftote  commence  fon  liiftoire  des 
animaux  par  établir  des  différences  &: 
des  reflemblances  générales  entre  les  dif- 
férais genres  d'animaux  ,  au  lieu  de  les 
divifer  par  de  petits  caractères  particu- 
liers ,  comme  l'ont  fait  les  modernes.  Il 
rapporte  liiftoriquement  tous  les  fiits  & 
toutes  les  obfervations  qui  portent  fur 
des  rapports  généraux ,  &  fur  des  carac- 
tères leniibles.  Il  tire  ces  caractères  de 
la  forme  ,  de  la  couleur  ,  de  la  grandeur, 
cv  de  toutes  les  qualités  extérieures  de 
lanimJ  enitierj  aulTî  du  nombre  &:  de 
la  poiition  de  fes  parties  ,  de  la  grandeur , 
du  mouN'cment  ,  de  la  forme  de  les 
membres  ,  des  rapports  femblables  ou 
ditférens  qui  le  trouvent  dans  ces  mêmes 
parties  comparées  ;  .&  il  donne  par- 
tout des  exemples  pom^  fe  'fiire  mieux 
entendre.  Il  confidere  auiÏÏ  les  différences 
des  animaux  paT  leur  façon  de  vivre  , 
leurs  aâionSj  leurs  maursj,  leurs  i^> 


3  44  A  R  I 

»  cations ,  C'c.  il  parle  des  parties  qui  (ont 
»  communes  &  eilcnnelles  aux  animaux  , 
"  &  de  celles  qui  peuvent  manquer  ,  & 
»  qui  manquent  en  effet  à  plufieurs  efpe- 
"  ces  d'animaux.  Le  fens  du  toucher ,  dit- 
"  il ,  eft  la  feule  cliofe  qu'on  doive  re- 
"  garder  comme  nécellaire ,  &  qui  ne  doit 
'>  manquer  à  aucun  animal  :  &  comme 
>'  ce  fens  eft  commun  à  tous  les  animaux  , 
"  il  n'eft  pas  pollible  de  donner  un  nom 
"  à  la  partie  de  leur  corps  ,  dans  laquelle 
»  réllde  la  faculté  de  fcntir.  Les  parties 
"  les  plus  efïèntielles  font  celles  par  lef- 
"  quelles  l'animal  prend  Ta  nourriture  , 
"  celles  qui  reçoivent  &  digèrent  cette 
"  nourriture  ,  &  celles  par  où  il  rend  le  fu- 
"  perflu.  Il  examine  enfuite  les  variétés  de 
»  la  génération  des  animaux  ,  celles  de 
"  leurs  membres ,  &  des  différentes  parties 
"  qui  fervent  à  leurs  fondions  naturelles. 
"  Ces  observations  générales  &  prélimi- 
"  naires  font  un  tableau  dont  toutes  les  par- 
»  fies  font  intérellantes  :  &  ce  grand  philo- 
"  fophe  dit  aulîî  qu'il  les  a  préfentées 
"fous  cet  afped: ,  pour  donner  un  avant- 
"  goût  de  ce  qui  doit  fuivre  &  faire  naître 
"  l'attention  qu'exige  l'hiftoire  particulière 
"  de  chaque  animal ,  ou  plutôt  de  chaque 
»  chofe.  " 

"  Il  commence  par  l'homme  ,  &  il  le 
"  décrit  le  premier  ,  plutôt  parce  qu'il  eft 
"  l'animal  le  mieux  connu  ,  que  parce  qu'il 
»  eft  le  plus  parfait;  &  pour  rendre  fa  def- 
»  cription  moins  feche  &  plus  piquante  , 
"  il  tâche  de  tirer  des  connoillances  mo- 
»  raies  en  parcourant  les  rapports  phyfi- 
"  ques  du  corps  humain ,  &  il  indique  les 
"  caractères  des  hommes  par  les  traits  de 
"  leur  vifage.  Se  bien  connoître  en  phy- 
"  fionomie  ,  feroit  en  effet  une  fcienee  bien 
"  utile  à  celui  qui  l'auroit  acquile  :  mais 
"  peut  -  on  la  tirer  de  l'hiftoire  natu- 
»  relie  ?  Il  décrit  donc  l'homme  par  toutes 
"  les  parties  extérieures  &  intérieures  ;  & 
"  cette  defcription  eft  la  feule  qui  foit  cn- 
"  tiere  :  au  lieu  de  décrire  chaque  animal 
"  en  particulier ,  il  les  fait  connoître  tous , 
"  par  les  rapports  que  toutes  les  parties 
»  de  leur  corps  ont  avec  celles  du  corps 
»  de  l'homme.  Lorfqu'il  décrit ,  par  exem- 
»  pie ,  la  tête  humaine  ,  il  compare  avec 
•'  elle  la  têce  de  toutes  les  clpeces  d'aiii-  i 


A  R  I 

»  maux.  Il  en  eft  de  même  de  toutes  le* 
"  autres  parties.  A  la  defcription  du  pou- 
"  mon  de  l'homme  ,  il  rapporte  hiftori- 
"  quement  tout  ce  qu'on  fivoit  des  pou- 
"  mons  des  animaux  :  &  il  fiic  l'hiftoire 
"  de  ceux  qui  en  manquent.  A  l'occafio» 
"  des  parties  de  la  génération  ,  il  rapporte 
"  toutes  les  variétés  des  animaux  dans  la 
"  manière  de  s'accoupler ,  d'engendrer  ,  de 
"  porter  &  d'accoucher.  A  l'occafion  du 
"  fang  ,  il  fait  l'hiftoire  des  animaux  qui 
"  en  font  privés  ;  &  iuivant  ainii  ce  plan 
"  de  comparaifon  dans  lequel ,  comme  l'on 
"  voit ,  l'homme  fert  de  modèle ,  oc  ne  don- 
"  nant  que  les  différences  qu'il  y  a  des 
"  animaux  à  l'homme  ,  &  de  chaque  par- 
"  tie  des  animaux  ,  à  ch.ique  partie  de 
"  l'homme ,  il  retranche  à  deflein  toute  def- 
"  cription  particulière  ;  il  évite  par-là  toute 
"  répétition  ;  il  accumule^  les  faits ,  &  il 
"  n'écrit  pas  un  mot  qui  foit  inutile  :  auflî 
»  a-t-il  compris  dans  un  petit  volume  un 
"  nombre  infini  de  différens  faits  ;  &  je 
"  ne  crois  pas  qu'il  foit  polTible  de  réduire 
"  à  de  moindres  termes  tout  ce  qu'il 
"  avoit  à  dire  fur  cette  matière  ,  qui  pa- 
"  roît  fî  peu  fufceptible  de  cette  préci- 
"  fïon  ,  qu'il  falloit  un  génie  comme  le 
„  fîen  pour  y  conferver  en  même  temps 
„  de  l'ordre  &  de  la  netteté.  Cet  ouvrage 
„  d'Ariftote  s'efl  préfenté  à  mes  yeux  , 
„  comme  une  table  de  matières  qu'on 
,,  auroit  extraites  avec  le  plus  grand  loin 
„  de  plufieurs  milliers  de  volumes  rem- 
„  plis  de  defcriptions  &  d'obfervations  de 
,,  toute  efpece  :  c'ef^  l'abrégé  le  plus  lavant 
„  qui  ait  jamais  été  fait ,  fî  la  Icience  efl 
„  en  effet  l'hiftoire  des  faits  ;  ôc  quand 
„  même  on  fuppoferoit  qu'Ariftote  auroic 
„  tiré  de  tous  les  livres  de  fon  temps  ce 
,,  qu'il  a  mis  dans  le  fien  ,  le  plan  de  l'ou- 
,,  vrage  ,  fa  diftribution  ,  le  choix  des 
„  exemples,  la  juftefîe  des  comparaiions  , 
„  une  certaine  tournure  dans  les  idées , 
,,  que  j'appellerois  volontiers  le  caraclere 
„  philofophiquc  ,  ne  laiflent  pas  douter  un 
„  inftant  qu'il  ne  fut  lui-même  beaucoup 
,,  plus  riche  que  ceux  dont  il  auroit  em- 
„  prunté.  „ 

Voici  de  nouveaux  dogmes.  Nous  avons 
vu  que  la  matière  qui  compote  tous  les 
corps  eft   foncièrement   la  même  ,    félon 

Ariftotc  , 


A  R  I 

Ariftote ,  Se  qu'elle  ne  doit  toutes  les  form« 
qu'elle  prend  (ucceirivement ,  qu'à  la  diffé- 
rente combinaifon  de  les  parties.  Il  s'cfl:  con- 
tenté d'en  tirer  quatre  élémens ,  le  feu ,  l'air , 
l'eau  &  la  terre  ,  quoiqu'il  lui  fàz  libre  d'en 
tirer  bien  davantage.  11  a  cm  apparemment 
qu'ils  faffifoient  pour  former  ce  que  nous 
voyons.  La  beauté  des  cieux  lui  fit  pourtant 
foupçonner  qu'ils  pouvoicnt  bien  être  com- 
poiés  de  quelque  choie  de  plus  beau.  Il  en 
forma  une  quintellence  pour  en  conftruire 
les  cieux  :  c'eft  de  tout  temps  que  les  philo- 
lophcs  font  en  polTelllon  de  croire  que  quand 
ils  ont  inventé  un  nouveau  mot,  ils  ont  dé- 
couvert une  nouvelle  choie ,  &  que  ce  qu'ils 
arrangent  nettement  dans  leur  pcnfee  ,  doit 
tout  de  fuite  le  trouver  tel  dans  la  nature; 
m.ais  ni  l'autorité  d*Ariftore&  des  autres  phi- 
lolbphes ,  ni  la  netteté  de  leurs  idées ,  ni  la 
prétendue  évidence  de  leurs  raiionnemens  , 
ne  nous  garantiflent  rien  de  réel.  La  nature 
peut  être  toute  différente.  Qiioi  qu'il  en  foit 
de  cette  réflexion  ,  Ariftote  croyoit  qu'il  n'y 
avoit  dans  cet  univers  que  cinq  efpeces  de 
corps  :  les  premiers ,  qui  font  la  matière  qui 
forme  tous  les  corps  céleftes ,  fc  meuvent 
circulairement  ;  &  les  quatre  autres ,  dont 
font  compofcs  tous  les  corpsfublunaires ,  ont 
un  mouvement  en  ligne  droite.  La  cinquième 
eflence  n'a  ni  légèreté  ,  ni  peianteur  ;  elle 
eft  incorruptible  5:  étemelle  ;  elle  fuit  tou- 
jours un  mouvement  égal  &  uniforme  :  au 
lieu  que  des  (uuître  élémens  les  deux  premiers 
font  pefari:: ,  &  les  deux  autres  légers.  Les 
dci.x  prem-ers  defcendcnt  en  bas  ,  tk  font 
pouffes  veis  le  centre  ;  les  deux  autres  ten- 
dent en  iiaut ,  Se  vont  fe  r.^ncer  à  la  circon- 
férence. Quoique  leurs  places  ("oient  ainfi 
précifes  &  m.uquécsdcJroit ,  ils  peuvent  ce- 
pendant en  changer ,  &  en  changent  cffedli- 
vement;cequivientdel*extrèmef.cilit5qu'i!s 
ont  de  fe  transformer  les  uns  dans  les  autres, 
&  de  fè  communiquer  leurs  mouvemens. 

Cela  fuppofé  ,  Anftoti;  r-lfurc  que  tout 
l'univers  n'eft  point  ég-.lement  gouverné  par 
Dieu  ,  quo-qu'i!  'oit  la  caufe  générale  de 
tout.  Les  corps  céleftes  ,  ce  qui  eft  compofé 
de  la  cinquième  effcnce  ,  méritent  Tes  (oins 
&  fon  attention  :  mais  il  iie  fe  mêle  point 
de  ce  qui  eft  au  defibus  de  la  lune  ,  de  ce 
qui  a  rapport  au>x  quatre  élémens.  ^oute  la 
terre  échappe  j.  fa  providence.  Ariftote  ,  dit 
Diogene  Lacrce  ,  croyoit  que  la  puilïance 
Tome  IIL 


divine  régloit  les  chofes  céleftes  ,  &  que 
celles  de  la  terre  (e  gouvernoient  par  une 
efpece  de  fympathie  avec  le  ciel.  En  fuivanr 
le  même  raifonnement  ,  on  prouve  d'après 
Ariftote  que  l'ame  eft  morcelle.  En  effet  , 
Dieu  n'étant  point  témoin  de  fa  conduite , 
ne  peut  ni  la  punir ,  ni  la  récompenfer  ;  s'il 
le  faifoit ,  ce  ferait  par  caprice  Se  fans  aucune 
connoiflance.  D'ailleurs  Dieu  ne  veut  point 
le  mêler  des  adtions  des  hommes  ;  s'il  s'en 
mêloit ,  il  les  prévoiroit  ;  l'homme  ne  (croit 
point  libre  ;  lî  l'homme  n'étoit  point  libre  , 
tout  feroit  bien  arrangé  fur  la  terre.  Or  tout 
ce  qui  fe  fait  ici-bas  eft  plein  de  chaiigemen? 
ôc  de  variations ,  de  déiaftres  &  de  maux  ; 
donc  l'homme  fe  détermine  par  lui-même , 
&  Dieu  n'a  aucun  pouvoir  fur  lui.  Un  autre 
railon  qui  f\ifoit  nier  à  Ariftote  l'immorta- 
lité de  l'ame  ,  c'cft  l'opinion  où  il  étoit  avec 
tous  les  autres  philofophes ,  que  notre  amc 
étoit  une  portion  de  la  divinité  dont  elle 
avoit  été  détachée  ;  &c  qu'après  un  certaii» 
nombre  de  révolutions  dans  différens  corps  , 
elle  alloit  s'y  rejoijidre  &c  s'y  abymer  ,  ainfi 
qu'une  goutte  d'eau  va  (è  réunir  à  l'Océan, 
quand  le  vale  qui  la  contenoit  vient  à  le 
brifer.  Cette  éternité  qu'ils  attribuoient  à 
l'ame  ,  étoit  précifément  ce  qui  détruilbit 
fon  im.mortalité.  V.  l'artick  Amé  ,  où  nous 
avons  développé  plus  au  long  cette  idée  des 
anciens  philofophes  grecs. 

Les  fauftès  idées  qu'Ariftote  s'étoit  fiiites 
fur  le  mouvement ,  l'avoient  conduit  à  croire 
l'éternité  du  monde.  Le  mouvement ,  di- 
loit-il ,  doit  être  éternel ,  ainfi  le  ciel  ou  lé 
monde  dans  lequel  eft  le  mouvement  ,  doit 
être  éternel.  En  voici  la  preuve.  S'il  y  a 
eu  un  premier  mouvement ,  comme  tout 
mouvement  fuppofe  un  mobile  ,  il  faut 
abfolu ment  que  ce  mobile  foit  engendré  ou 
éternel ,  m:ns  pourtant  en  repos  ,  à  caufe  de 
quelque  empêchement.  Or  de  quelque  façon 
que  cela  (oit ,  il  s'enfuit  une  abfurdité  ;  car 
(\  ce  premier  mobile  eft  engendré  ,  il  l'eft 
donc  par  le  mouvement ,  lequel  par  confé- 
qucnt  fera  antérieur  au  premier ,  &  s'il  a  été 
en  repos  éternellement ,  l'obftacle  n'a  pu  être 
ôté  lanslemouvement ,  lequel  derechef  aura 
été  antérieur  au  premier.  A  cette  raifon 
Ariftote  en  ajoute  plu  fieurs  autres  pour  prou- 
\  er  l'éternité  du  monde.  Il  foutenoit  que 
Dieu  &  la  nature  ne  feroient  pas  toujours  ce 
qu'il  y  a  de  meilleur,  fi  l'univers  n'étoit  cter- 


54^  A  !l  I 

ncl ,  pruC]uc  Dieu  ayant  jw^éde  tont  temps 

que  l'arrangement  du  monde  étoit  un  bleu , 

il  auroit  difeé  de  le  produire  pendant  route 

l'éternité  antérieure.  Voici  encore  un  de  fes 

argumens  fur  le  même  fujet:  ii  le  monde  a 

été  créé ,  il  peut  être  détruit  ;  car  toute  ce  qui 

a  eu  un  commencement  doit  avoir  une  hn. 

Le  monde  eft  incorruptible  &  inaltérable  ; 

donc  il  eft  éternel.  Voici  la  preuve  que  le 

monde  eft  incorruptible  :  fi  le  monde  peut 

être  détruit ,  ce  doit  être  naturellement  par 

celui  qui'l'a  créé  :  mais  il  n'en  a  point  le 

pouvoir  i  ce  qu'Ariftote  prouve  ainfi.  Si  l'on 

îuppofe  que  Dieu  a  la  puiflraice  de  détruire 

le  monde  ,  il  faut  lavoir  alors  (î  le  monde 

ctoit  parfait  :  s'il  ne  l'étoit  pas ,  Dieu  n'avoit 

pu  le  créer  ,  puiiqu'une  caufe  parfaite  ne 

peut  rien  produire  d'imparfait,  ëc  qu'il  fau- 

' droit  pour  cela  que  Dieu  fût  défectueux  ;  ce 

qui  eft  abfurde  :  fi  le  monde  au  contraire  eft 

Ëarfiiit,  Dieu  ne  peut  le  détruire,  parce  que 
L  méchanceté  eft  contraire  à  Ion  efience  , 
&:  que  c'eftle  propre  de  celle  d'un  être  mau- 
Tais  de  vouloir-  nuire  aux  bonnes  chofes. 

On  peut  juger  maintenant  de  la  dodtrine 
d'Ariftote  fur  la  divinité  ;  c'eft  à  tort  que 
quelques-uns  l'ont  accufé  d'athéifme  ,  pour 
avoir  cru  le  monde  éternel  :  car  autrement 
51  faudroit  faire  le  même  reproche  à  prefque 
tous  les  anciens  philofbphes  ,  qui  étoient 
infectés  de  la  même  erreur.  Ariftote  étoit  fi 
éloigné  de  l'athéilme ,  qu'il  nous  repréfente 
Dieu  comme  une  être  intelligent  &  imma- 
tériel ;  le  premier  moteur  de  routes  chofes  , 
qui  ne  peut  être  mu  lui-même.  Il  décide 
même  en  termes  formels,  que  fi  dans  l'uni- 
vers  il  n'y    avoir  que  de  la  matière  ,    le 
monde  fe  trouveroir  (ans  caufe  première  & 
eriginale  ;  &  que  par  conféquenr  il  faudroit 
admettre  un  progrès  de  caufes  h  l'infini  ;  ab- 
furdité  qu'il  réfute  lui-même.  Si  l'on  me  de- 
mande ce  que  je  penie  de  la  création  d'A- 
xiftote,  je  répondrai  qu'il  en  a  admis  une  , 
même  par  rapport  à  la  matière,  qu'il croyoit 
avoir  été  produite.  Il  différoit  de  Platon  fon 
maître  ,  en  ce  qu'il  croyoit  le  monde  une 
émanation  naturelle  &  impétueufe  de  la  di- 
vinité ,  à-peu-prcs  comme  la  lumière  eft  une 
émanation  du  foleil  :  au  lieu  que ,  félon  Pla- 
ton ,  le  monde  étoit  une  émanation  éter- 
nelle &  néceftaire  ,  mais  volontaire  8:  réflé- 
chie d'une  caufe  toute  fitge  &  toute  pail- 
lante. l.'uue  &  rauiie  ctéatiep^,  cu£iwc  on 


A  R  I 

voir ,  emporte  avec  foi  l'éternité  du  monde  , 
&  eft  bien  différente  de  celle  de  Moyi'e  ,  où 
Dieu  eft  C\  libre  par  rapport  à  la  production 
du  monde  ,  qu'il  auroit  pu  le  laiflèr  éter- 
nellement dans  le  néant. 

Mais  fî  Ariftote  n'eft  pas  athée  en  ce  fens 
qu'il  attaque  direétement  &  comme  de  front 
la  divinité  ,  &  qu'il  n'en  reconnoille  point 
d'autre  que  cet  univers  ,  on  peut  dire  qu'il 
l'eft  dans  un  fens  plus  étendu ,  parce  que  les 
idées  qu'il  fe  formée  de  la  divinité  ,  tendent 
indirecT:cment  à  la  renvcrfer  &  à  la  détruire. 
En  eftet  Ariftote  nous  reprélente  Dieu  com- 
me le  premier  motcf.r  de  toutes  chofes  :  mais 
il  veut  en  même  temps  que  le  mouvement 
que  Dieu  imprime  à  la  matière ,  ne  foit  pas 
l'efrct  de  fa  volonté  ,  mais  qu'il  coule  de  la 
ntcefllté  de  fa  nature;  do6trine  monftrueule 
qui  ôte  à  Dieu  la  liberté  ,  ôc  au  monde  fa. 
dépendance  par  rapport  à  fou  créateur. 
Car  li  Dieu  eft  lié  &  enchaîné  dans  fes 
opérations ,  il  ne  peut  donc  faire  que  ce 
qu'il  fait,  &  de  la  m.anicre  dont  il  le  fait  ; 
le  monde  efl:  donc  auffi  éternel  Se  auifi  né- 
ceflaire  que  lui.  D'un  autre  coté  ,  le  Dieu 
d'Ariftote  ne  peut  être  immenfe  ni  préfenc 
par-tout ,  parce  qu'il  eft  comme  cloué  au 
cielie  plus  élevé  ,  oià  commence  le  mouve- 
ment ,  pour  fe  communiquer  ded.i  aux 
cieux  inférieurs.  Àbyme  de  toute  éternité 
dans  la  contemplation  de  fes  divines  per- 
fections,  il  ne  daigne  pas  s'informer  de  ce 
qui  (e  pafTe  dans  l'univers  ,  il  le  laide  rou- 
ler au  gré  du  hazard.  Il  ne  penle  pas  même 
aux  autres  intelligences  qui  font  occupées , 
comme  lui ,  à  taire  tourner  les  fpheres  aux- 
quelles elles  fe  iont  attachées.  Il  eft  dans 
l'univers  ce  qu'un  premier  mobile  eft  dans 
une  m.ichine  ;  il  donne  le  mouvement  à 
tout  ,  (Se  il  le  donne  nécellairement.  Un 
Dieu  i\  éloigné  des  hommes  ,  ne  peut  être 
honoré  par  leurs  prières  ,  ni  appaifé  par 
leurs  fàcrifices ,  ni  punir  le  vice  ,  ni  récom- 
penfer  la  vertu.  De  quoi  ferviroit-il  aiiT 
hommes  d'honorer  un  Dieu  qui  ne  les  con- 
noit  pas ,  qui  ne  fait  pas  même  s'ils  exiftent  , 
dont  la  providence  eft  bornée  à  faire  mou- 
voir le  premier  ciel  où  il  eft  attaché  î  II  en 
eft  de  même  des  autres  intelligences  ,  qui 
contribuent  aux  mouvemens  de  l'univci^s  , 
ainii  que  les  différentes  parties  d'une  machi- 
ne ,  où  plufieiu^s  reiforts  font  fubordonnéi 
à  US  prey)icj:  qui  leur  imprime  ce  mouvc* 


A  R  I 

nient.  Ajoutez  à  cela  qu'il  croyoît  nos  amcs 
morcelles,  &  qu'il  rejetoir  le  dogme  des 
peines  Se  des  rcconipenlcs  éternelles  ;  ce  qui 
éroit  une  fuite ,  comme  nous  l'avons  ci-del- 
fusobfervé,  de  l'opinion  monftrueufe  qui 
foiloic  de  nos  âmes  autant  de  portions  de 
la  divinité.  Jugez  après  cela  (î  Ariftote  pou- 
voir être  fort  dévot  envers  les  dieux.  N'ell- 
il  pas  pl.tilant  de  voir  que  même  dans  les 
plus  beaux  lîecles  de  l'églife  ,  il  y  ait  eu  des 
hommes  allez  prévenus ,  &  non  moins  im- 
pies qu'infenlés ,  les  uns  pour  élever  les 
livres  d'Ariftote  à  la  dignité  du  texte  divin  , 
les  autres  pour  faire  un  regird  de  ion  por- 
trait &  de  celui  de  J.  C  ;  Dans  les  ficelés 
fui  vans  &  même  depuis  la  nailHince  des  let- 
tres en  Italie ,  oji  n'a  point  hélité  à  mettre 
ce  philoiophe  au  nombre  des  bienheureux. 

Nous  avons  deux  ouvrages  exprès  fur 
cette  matière  ,  l'un  attribué  aux  théologiens 
de  Cologne ,  &^  intitulé.  Du  fr.lut  d'AriJhte  : 
l'autre  compoié  p.ir  Lambert  Dumont , 
profclleur  en  philolophie  ,  &  publié  lous 
ce  titre:  Ce  qu'on  peut  avancer  de  plus  proba- 
ble touchant  le  falut  d'Arijlote ,  tant  par  des 
preuves  tirées  de  l'écriture  fainte  ,  que  par  des 
témoignages  empruntés  de  la  plus  faine  partie 
des  théologiens  :  tandis  qu'il  eft  conllant  par 
l'expolltion  de  ion  iyftëme  ,  qu'il  n'a  point 
eu  d'idée  laine  de  la  divinité ,  Se  qu'il  n'a 
nullement  connu  la  nature  de  l'ame  ,  ni  fon 
immortalité ,  ni  la  hn  pour  laquelle  elle  ell 
née.  On  iuppoie  dans  ces  deux  ouvrages 
comme  un  principe  clair  &  évident,  qu'il  a 
eu  une  connoiflànce  anticipée  de  tous  les 
mylteres  du  chriibanilme  ,  qu'il  a  été  rem- 
pli d'une  force  naturelle.  A  combien  d'excès 
l'envie  opiniâtre  de  chriftianifer  les  anciens 
philofophes  ,  n'a-t-elle  point  donné  naiflan- 
ce  ?  Ceux  qui  auroient  l'efprit  tourné  de  ce 
coté-là ,  ne  feroient  pas  mal  délire  l'excellent 
traité  de  J.  B.  Criipus ,  Italien  ,  qui  florlflbit 
au  commencement  du  xvj^  fiecle.  Ce  traité 
eft  plein  d'une  critique  fine  &  délicate  ,  & 
ou  le  difcernement  de  l'auteur  brille  à  cha- 
que page  :  il  eft  intitulé  ,  Des  précautions  qu'il 
faut  prendre  en  étudiant  les  philofophes  païens. 

Si  Ariftote  a  eu  des  temples,  il  s'eft  trouvé 
bien  des  infidèles  qui  fe  font  moqués  de  la 
divinité  :  les  uns  l'ont  regardé  comme  le 
génie  de  la  nature  ,  Ôc  prefque  comme  un 
dieu  :  mais  les  autres  ont  daigné  a.  peine  lui 
donner  le  tiae  de  phylicien.  Ni  ks  pojié- 


A  R  I  347 

gyrifics ,  ni  les  critiques  ,  n'en  ont  parlé 
comme  ils  dévoient  ,  les  premiers  ayant 
trop  exagéré  le  mérite  de  ce  philoiophe,  & 
les  autres  l'ayant  blâmé  fans  aucun  ména- 
gement. Le  mépris  qu'on  a  eu  pour  lui  dans 
ces  derniers  lîecles ,  vient  de  ce  qu'au  lieu 
des  originaux ,  que  perfonne  ne  lifoit ,  parce 
qu'ils  étoient  en  grec  ,  on  confultoit  les 
commentateurs  arabes  &  fcholaftiques ,  en- 
tre les  miins  dclqucls  on  ne  peut  douterqiie 
ce  philoiophe  n'ait  beaucoup  perdu  de  fes 
traits.  En  eflet  ils  lui  ont  prêté  les  idées  les 
plus  monftrucufes ,  &  lui  ont  fait  parler  uij 
langage  ininrelligrble.  Mais  quelques  torts 
que  lui  aieht  fait  tous  ces  écarts  &  routes  ces 
chimères ,  .lu  fond  il  n'en  eft  point  relpon- 
lable.  Un  m..utre  doit-il  fouftrir  de  l'extrava- 
gance de  les  difciples  î  Ceux  qui  ont  lu  fes 
ouvrages  dans  l'original,  lui  ont  rendu  plu* 
de  juflice.  Ils  ont  admiré  en  lui  (m  efprit  éle- 
vé ,  des  connoillances  variées ,  approfondies., 
&  des  vues  générales  ;  &  lî  lur  la  phyfique  il 
n'a  pas  poulie  les  recherches  aulïî  loin  qu'cfii 
l'a  fait  aujourd'hui ,  c'eft  que  cette  Icience 
ne  peut  le  perfedbionner  que  par  le  lècour» 
des  expériences,  ce  qui  dépend,  comme 
l'on  voit ,  du  temps.  J'avouerai  cependant 
d'après  le  fameux  chancelier  Bacon,  que  le 
défaut  ell'entiel  de  la  philofophie  d'Ariftote , 
c'eft  qu'elle  accoutume  peu  à  peu  à  fe  paf- 
fèr  de  l'évidence  ,  &  à  mettre  les  mots  à  la 
place  des  choies.  On  peut  lui  reprocher  en- 
core cette  obfcurité qu'il aftedle  par-tout,  & 
dont  il  enveloppe  fes  matières.  Je  ne  puis 
mieux  finir,  ni  faire  connoîtrece  qu'on  doit 
penfer  du  mérite  d'Ariftote,  qu'en  rappor- 
tant ici  l'ingénieux  parallèle  que  le  P.  Rapiii 
en  fait  avec  Platon,  qu'on  a  toujours  regar- 
dé comme  un  des  plus  grands  philoiophes.- 
Voici  à  -  peu  -  près  comme  il  s'explique  :  les 
qualités  de  l'efprit  étoient  extraordinaires 
dans  l'un  &  dans  l'autre  :  ils  avoient  le  génie 
élevé  &  propre  aux  grandes chofes.  Ileftvrat 
que  l'efprit  de  Platon  eft  plus  poli  ;  &  celui 
d'Ariftote  eft  plus  vafte  &  plusprofonJ.  Pla- 
ton a  l'imagination  vive ,  abondante  ,  fertile 
en  inventions ,  en  idées  ,  en  expreiïîons,  en 
figures ,  donnant  mille  tours dift'érens ,  mille 
couleurs  nouvelles ,  &  toutes  agréables  à 
chaque  choie.  Mais ,  après  tout ,  ce  n'eft 
touvent  que  l'imagination.  Ariftote  eft  dur 
&  kc  en  tout  ce  qu'il  dit  ;  mais  ce  font  des 
uifons  que  ce  qu'il  dit ,  quoiqu'il  le  dife  fc- 

*  Tt  i 


34»  A  R  î 

chcment  :  fa  didiion  toute  pure  (qu'elle  cfl 
a  je  ue  lais  quoi  d^auftere  ;  ftsoblcurités na- 
turelles ou  afledées  ,  dégoûtent  &  fatiguent 
les  ledleurs.  Platon  eft  délicat  dans  tout  ce 
qu'il  penfe ,  &  dans  tour  ce  qu'il  dit  :   Arit- 
tote  ne  i'tft  point  du  tout ,  pour  être  plus 
naturel  ;  fou  ftyle  eft  fimple  &:  uni ,  mais 
ferré  8c  nerveux.  Celui  de  Platon  eft  grand 
&c  élevé ,  mais  lâche  &  diftus  :   celui-ci  dit 
tçujours  plus  qu'il  n'en  faut  dire  ;  celui  -  là 
n'en  dit  jamais  allez  ,  &  laifle  à  penfer  tou- 
jours plus  qu'il  n'en  dit  :  l'un  furprend  l'ef- 
prit,  éc  l'éblouit  par  un  caradVere  éclatant  & 
ileuri:  l'autre  l'éclairé  Ik  l'inftruit  par  une 
jnéthode  jurte  &  folide:  &c  comme  lesrai- 
dbnnemens  de  celui-ci  font  plus  droits  Se 
plus  (impies ,   les  railonnemens  de  l'autre 
dont  plus  ingénieux  &  plus  embarraflcs.  Pla- 
ton donne  de  l'efprit  par  la  fécondité  du  fien , 
ilk  Ariftote  donne  du  jugement  &  de  la  rai- 
ion  par  l'imprelTion  du  bon  fens  qui  paroît 
dans  tout  ce  qu'il  dit.  Enfin  Platon  ne  penfe 
îe  plus  louvent  qu'à  bien  dire ,  Se  Ariftote 
ne  penfe  qu'à  bien  penfer  ,  à  creufer  les 
.tnatieres ,  à  en  rechercher  les  principes  ,  & 
<Ics  principes  tirer  des  conicquences  infailli- 
bles ;  au  lieu  que  Platon  ,    en  fe  donnant 
plus  de  liberté  ,    embellit  fon  difcours  & 
plaît  davantage  ;    mais  par  la  trop  grande 
envie  qu'il  a  de  plaire ,  il  le  laillè  trop  em- 
porter à  fbn  éloquence  ;  il  eft  figuré  en  tout 
ce  qu'il  dit.  Ariftote  fe  poflede  toujours  :  il 
appelle  les  chofes  tout  limplement  par  leur 
nom  :  comme  il  ne  s'élève  point ,  &  qu'il 
ne  s'égare  jamais ,  il  eft  aum  moins  lujet  à 
tomber  dans  l'erreur  que  Platon  ,  qui  y  fait 
-tomber  tous  ceux  qui  s'attachent  à  lui:  car 
il  féduit  par  fa  manière  d'inftruire  qui  eft 
trop  agréable.  Mais  quoique  Platon  ait  ex- 
cellé dans  toutes  les  parties  de  l'éloquence  , 
qu'il  ait  été  un  orateur  parfait  au  fentiment 
de  Lorigin,  &c  qu' Ariftote  ne  foit  nullement 
bloquent ,  ce  dernier  donne  pour  l'ordinaire 
du  fonds  &  du  corps  au  difcours,  pendant  que 
l'autre  n'y  donne  que  la  couleur  &  la  grâce. 
Lorfque  les  injuftes  perfccutions  des  prê- 
tres de  Cérès  contraignirent  Ariftote  de  fe 
retirer  à  Chalcis  ,  il  nomma  Théophrafte 
pour  fon  fuccefleur,  Se  lui  légua  tous  fes 
Hianufcrits.  Ce  philofophe  jouit  toute  la  vie 
d'une  trcs-grandc  réputation  :  on  comparoit 
la' douceur  de  Con  éloquence  à  colle  du  vin 
de  Lesbos ,  qui  cioit  la  patrk.  Ne  douji  ^ 


A  R  I 

obligeant  ,  il  parloit  avanrageufcment  ^c 
tout  le  monde  ,  &  les  gens  de  lettres,  fur- 
tout  ,  trouvoient  dans  fa  générolîté  uji  ap- 
pui aulTi  fur  que  prévenant.  Il  favoit  faire 
valoir  leur  mérite  lors  même  qu'ils  l'ou- 
blioient ,  ou  plutôt  qu'ils  fembloient  l'igno- 
rer par  un  excès  de  modeftie.  Pendant  que 
Théophrafte  fe  diftinguoit  ainlî  à  Athènes , 
Sophocle  fils  d'Amphldide  porta  une  loi  , 
par  laquelle  il  étoit  défendu  à  tous  les  phi- 
lofophes  d'enieigner  publiquement  fans  une 
permiffion  expreffe  du  fénat  &  du  peuple. 
La  peine  de  mort  étoit  même  décernée  con- 
tre tous  ceux  qui  n'obéiroient  point  à  ce  rè- 
glement. Les  philofophes  indignés  d'un  pro- 
cédé fi  violent ,  fe  retirèrent  tous  à  Athènes , 
&  laillerent  le  champ  libre  à  leurs  rivaux  & 
à  leurs  ennemis ,  je  veux  dire  aux  rhéteurs 
&  aux  autres  favans  d'imagination.  Tandis 
que  ces  derniers  jouilTbienr  de  leur  triom- 
phe ,  un  certain  Philon  qui  avoit  été  anri 
d'Ariftote ,  &  qui  faifoit  profellion  d'ignorer 
les  beaux  arts  ,  compolà  une  apologie  en 
faveur  des  philofophes  retirés.  Cette  apolo- 
gie fut  attaquée  par  Démocharès ,  homme 
accrédité,  &  fils  d'une  fœur  deDémoftliene. 
L'amere  critique  n'étoit  point  épargnée  dans 
fa  réfutation,  &  il  failoit  lur-toutun  portrait 
odieux  de  tous  les  philofophes  qui  vivoienc 
alors ,  ôc  d'autant  plus  odieux ,  qu'il  étoit 
moins  reflemblant.  Ce  qu'il  croyoit  devoir 
fervir  à  la  caufe,  la  gâta,  &  la  perdit  fans  ref- 
fource  :  le  peuple  revenu  de  fa  première  cha- 
leur, abolit  l'indécente  loi  de  Sophocle^  & 
le  condamna  lui-même  à  une  amende  de 
cinq  talens.  Les  jours  tranquilles  revinrent 
à  Athènes  ,  ôc  avec  eux  la  raiion  j  les  philo- 
fophes recommencèrent  leurs  exercices. 

Le  Lycée  perdit  beaucoup  par  la  mort  de 
Théophrafte  :  mais  quoique  déchu  de  fon 
ancienne  Iplendeur  ,  on  continua  toujours 
d'y  enfeigner.  Les  pro;vl1eurs  furent  Démé- 
trius  de  Phalere  ,  Straô^n  lurno:nmé/e  Pky- 
Jlcien  ,  LycîMi  ,  Arifton  de  l'île  de  Cea  , 
Critolaiis,  &  ]>;n.1orc  qui  vécut  fur  la  fin 
de  la  \Cc^  olympiade.  Mais  de  tous  ces  pro- 
feOeurs  ,  il  n'y  eut  que  Straron  qui  donna 
quelque  choie  de  nou\'eau,  &  qiii  attira  fur 
lui  les  regards  des  autres  phîloîbphes  ;  car 
pour  ceux  que  je  viens  de  nommer  ,  on  lus 
fait  d'eux  que  leur  nom  ,  l'ép^.  que  iu  leur 
n.iifl:mce  ,  celle  de  leur  mort ,  &:  quW  oitc 
Clé  da;is  k  Lycée  les  fucceljeurï  d'Arill.ote. 


.1' 


AR  I 

Straton  ne  fc  piqu.i  point  de  fuivre  h  pur 
péripatcticilme.  Il  y  ht  des  innovations  :  il 
rcnverlà  le  dogme  de  l'exiftence  de  Dieu. 
Il  ne  reconnut  d'autre  puillancc  divine  que 
celle  de  la  nature  ;  <!<c  (ans  trop  éclaircir  ce 

3UC  ccpouvoit  être  au  fond  que  cette  nature , 
la  regardoit  comme  une  force  répan- 
due par-tout  &  edtnticlle  à  la  matière  , 
une  efpece  de  iympnthie  qui  lie  tous  les 
corps  &:  les  tient  dans  l'équilibre;  comme 
uue  puillance ,  qui ,  (ans  (e  décompolcr  elle- 
même,  a  le  (tcret  merveilleux  de  varier  les 
êtres  à  l'inlîni  ;  comme  un  principe  d'ordre 
&  de  régularité  ,  qui  produit  éminemment 
tout  ce  qui  peut  (e  produire  dans  l'univers. 
Mais  y  a-t-il  rien  de  plus  ridicule  que  de 
dire  qu'une  nature  qui  ne  fentrien,  qui  ne 
connoit  rien  ,  fe  co.iforme  parfaitement  à 
des  loix  éternelles;  qu'elle  a  uneaélivité  qui 
ne  s'écarte  jamais  des  routes  qu'il  faut  tenir, 
&■  que  dans  la  multitude  des  facultés  donc 
elle  e(t  douée ,  il  n'y  en  a  point  qui  ne  falîé 
les  fondions  z\ec  la  dernière  régularité  ? 
Conçoit  on  des  loix  qui  n'ont  pas  été  cta 
blies  par  une  caufe  intelligente  •  en  conçoit- 
on  qui  pui(ïent  être  exécutées  régulièrement 
par  une^  caufe  qui  ne  les  connoit  point.  Se 
qui  ne  (ait  pas  même  qu'elle  (bit  au  monde  ? 
c'efl-là,  métaphyiîquement  parlant ,  l'en- 
droit le  plus  foible  du  ftratonifrae.  C'efl:  une 
objection  infoluble ,  un  écueil  dont  il  ne 
peut  le  tirer.  Tous  les  athées  qui  font  venus 
après  Straton  ,  éblouis  par  des  difcours  dont 
la  détail  eft  feduil'ant ,  quoique  frivole  ,  ont 
embralTé  fon  (yftême.  C'eft  ce  (yftême  fur- 
tout  que  Spinofa  a  renouvelle  de  nos  jours, 
&  auquel  il  a  donné  l'apparence  d'une  forme 
géométrique  ,  pour  en  impofer  plus  ficile- 
ment  à  ceux  qui  ont  l'imprudence  de  i'e  Liillèr 
prendre  dans  les  pièges  qu'il  leur  prépare. 
Entre  ces  ceux  fyftêmes,  je  ne  vois  d'autre 
d:fFo.ence ,  /,non  que  Spinofa  ne  faifoit  de 
tout  l'univers  qu'une  feule  fubCtance,  dogme 
qu'il  jv..,_c  emprunte  de  Xenopli.mes ,  de 
î^eiJliis,  5c  de  Parmenides;  au  lieu  que 
Straton  rcconi.oifloit  autant  de  fubftances 
qu'il  y  avoir  de  molécules  dans  la  matière. 
A  cela  prrs  ,  ils  penfjient  précifémcnt  la 
même  chofe.  y^oyei  l'art.  Spikosisme  &: 
celui  d'HvLozoïsME  ,  où  le  fyftême  de  Stra- 
ton cil  plus  développé. 

Des  refîanraieurs  de  Lt  pkilnfcphie  d'Anf- 

tou.  Jamais  oa  n'a  tant  cultivé  la  philofo- 


A  R  I  34^ 

phie  que  fous  les  empereurs  romains  :  on 
la  voyoit  lur  le  trône  comme  dans  les  chaires 
des  lophiftes.  Ce  goût  (emble  d'abord  annon- 
cer des  progrès  rapides  ;  mais  en  lifaiit 
liiirtoire  de  ce  temps-là  ,  on  eft  bientôt 
détrompé.  Sa  décadence  fuivit  celle  de  l'em'- 
pire  romain,  &  les  barbares  ne  portèrent 
pas  moins  le  dernier  coup  à  celle-là  qu'à 
celui-ci.  Les  peuples  croupirent  long-temps 
dans  l'ignorance  la  plus  craffe  :  une  dialefti- 
que  dont  la  finelîe  coniîltoit  dans  l'équivo- 
que des  mors  &  dans  des  diftincl;ions  qui  ne 
hgnilioienv  nen ,  étoit  alors  feule  en  hon- 
neur. Le  vrai  génie  perce  ;  &  les  bons  efprits, 
d,:.s  qu'ils  fe  replient  fur  eux-mêmes,  ap- 
perçoivent  bientôt  (î  on  les  a  mis  dans  le 
vrai  chemin  qui  conduit  à  la  vérité.  A  la 
renaiflmce  des  lettres,  quelques  fivans  in(- 
truits  de  la  langue  greque ,  &  connoif- 
fant  la  force  du  latin ,  entreprirent  de  donner 
une  verdon  exafte  de  corrtâre  des  ouvra- 
ges d'Ariftote ,  dor.t  fes  difciplcs  même 
difoient  beaucoup  de  mal,  n'ay.mt  entre  les 
ma;n3_  que  des  tradudions  barbares ,  &  qui 
repréfentoient  plutôt  i'efprit  tudelque  des 
tradudeurs ,  que  le  beau  génie  de  ce  philo- 
(ophe.  Cela  ne  luffifoit  point  pourtant  pour 
remédier  entièrement  au  mal.  Il  filloit  ren- 
dre communs  les  ouvrages  d'Arirtote  ;  c'é- 
toit  le  devoir  des  princes,  puisqu'il  ne  s'agif- 
foit  plus  que  de  f.iire  certaines  dépenfes. 
Leur  empreflement  répondit  à  l'utilité  ':  ils 
lurent  venir  à  grands  frais  de  l'orient  plu- 
(îeurs  manufcrits,  &  les  mirent  entre  les 
mains  de  ceux  qui  écolent  verfés  dans  la  lan- 
gue greque  pour  les  traduire.  Paul  V  s'ac- 
quit par-là  beaucoup  de  gloire.  Perfonne 
n'ignore  combien  les  lettres  doi\ent  à  ce 
pontife  :  il  aimoit  les  fivans ,  &  la  pbilofo- 
phie  d'Ariftote  fur-tout  avoit  beaucoup  d'at- 
traits pour  lui.  Les  fivansfe  multiplièrent,  & 
avec  eux  les  ver(îons  :  on  recouroit  aux 
mterpretes  fur  les  endroits  difficiles  à  enten- 
dre. Ju'que-là  on  n'avoir  confulté  qu'Aver-, 
roès  ;  c'étoit-là  qu'alloient  fe  brifer  toutes  les 
difpures  des  fi.vans.  On  le  trouva  dans  la 
fuice  barbare;  Se  le  goi'it  étant  devenu  plus 
pur,  les  gens  d'efprit  cherchèrent  un  inter- 
prète plus  poli  8c  plus  élégant.  Ils  choilîi-ent 
donc  Alexandre  ,  qui  paftbit  dans  le  Lycée 
pour  l'interprète  le  plus  pur  &:  le  plus  exad. 
Averroès  ik  lui  étoient  fins  difficulté  les  deux 
chefs  du  pcripatécicifme ,  &  ils  avoient  con- 


350  ARI 

tribuc  à  jeter  un  grand  éclat  fur  cette  (è(île  ; 


mais  leurs 


doRr 


fur  1, 


mes  lur  la  nature 


de  1 


a  me 


n'étoient  pas  orthodoxes  ;  car  Alexandre  la 
croyoit  mortelle  ;  Averroès  l'avouoit  à  la  vé- 
rité immortelle  ,  mais  il  n'entendoit  parler 
que  d'une  ame  univerlelle  ,  &  à    laquelle 
tous  les  hommes  participent.  Ces  opinions 
éîoicnt  fort  répandues  du  temps  de  S.  Tho- 
mas ,  qui  les  réfuta  avec  force.  La  feéte  d'A- 
verrocs  prit  le  defliis  en  Italie.  Léon  X  ,  Ibu- 
verain  pontife  ,  crut  devoir  arrêter  le  cours 
de  ces  deux  opinions  i\  contraires  aux  dog- 
mes   du  chriftianiime.    Il    ht    condamner 
comme  impie  la  doctrine  d' Averroès  dans 
le  concile  de  Latran  qu'il  avoir   aflemblé. 
"  Comme  de  nos  jours  ,  dit  ce  (ouverain 
"  pontife ,  ceux  qui  iement  l'ivraie  dans  le 
"  champ  du  Seigneur  ,  ont  répandu  beau- 
"  coup  d'erreurs  ,  &  en  particulier  fur  la 
"  nature  de  l'ame  raifonnable  ;  diiant  qu'elle 
'■  eft  mortelle  ,  ou  qu'une  leule  5c  même 
"  ame  anime  les  corps  de  tous  les  hommes  ; 
"  ou  que  d'autres  ,  retenus  un  peu  par  l'é- 
"  vangile ,  ont  oie  avancer  qu'on  pouvoir 
»>  défendre  ces  (entimens  dans  la  philolo- 
"  phie  leulement ,  croyant  pouvoir  faire  un 
»  partage   entre  la  foi  &  la  raifon  :  Nous 
'<  avons  cru  qu'il  étoit  de  notre  vigilance 
'>  paftorale    d'arrêter  le  progrès  de  ces  er- 
"  reurs.  Nous  les  condamnons  ,    le   laint 
5)  concile  approuvant  notre  cenfure ,  &  nous 
"  déhniflons  que  l'ame  raifonnable  eft  im- 
"  mortelle  ;  &  que  chaque  homme  eft  ani- 
»  mé  par  une  ame  qui  lui  eft  propre  ,  dif- 
"  tinguée  individuellement  des  autres  5  5i 
"  comme  la  vérité  ne  lauroit  être  oppofée  à 
"  elle-même  ,  nous  défendons  d'enlcigner 
"  quelque  chofe  de  contraire  aux  vérités  de 
"  l'évangile.  "  Les  docteurs  crurent  que  les 
foudres  de  l'églife  ne   iuffifoient  pas  pour 
faire  abandonner  aux   favans  ces  opinions 
da.igereufes.  Us  leuroppoferent  donc  la  phi- 
lofophie  de  Platon  ,  comme  très-propre  à 
remédier  au  mal  ;  d'autres  pour  qui  la  phi- 
lofophie    d'Ariftote    avoir    beaucoup  d'at- 
traits ,  &  qui  pourtant  refpeitoient  l'évan- 
gile ,    voulurent  la  concilier  avec  celle  de 
Platon.  D'autres  enfin  adoucifl'oient  les  pa- 
roles d'Ariftote  ,  Se  les  plioient  aux  dogmes 
de  la  religion.  Je  crois  qu'on  ne  fera  pas 
fâché  de  trouver  ici  ceux  qui  (e  diftingue- 
rent  le  plus  dans  ces  fortes  de  difputes. 
Parmi  les  Grecs  qui  abaudoiuierent  leur 


A  R  I 

pati-îe  ,  $C  qui  vinrent  ,  pour  aln/î  dire  ? 
tranfplanter  les  lettres  en  Italie ,  Théodore 
Gaza  fut  un  des  plus  célèbres  ;  il  étoit  inf- 
truit  de  tousles  fentimens  des  différentes  fec- 
tes  de  philofophie  :  il  étoit  grand  médecin  , 
profond  théologien  ,  &  fur-tout  trcs-verfé 
dans  les  belles-lettres.  Il  étoit  de  ThelTàlo- 
nique  :  les  armes  vicliorieufes  d'Amurat  qui 
ra\ageoit  tout  l'Orient ,  le  firent  réfugier  en 
Italie.   Le  cardinal   Belîàrion  le  reçut  avec 
amitié  ,    Se    l'ordonna  prêtre.   Il   traduifît 
1  hiftoire  des  animaux  d'Ariftote  ,  (Si  les  pro- 
blèmes de  Théophrafte  fur  les  plantes.  Ses 
fraduétions  lui  plailoient  tant  ,  qu'il  préten- 
doit  avoir  rendu  en  aulTi  beau  latin  Arifto- 
te ,  que  ce  philoiophe  avoit  écrit  lui-même 
en  grec.  Quoiqu'il  pafle  pour  un  des  meil- 
leurs traducteurs  ,  il  faut  avouer  avec  Eraf- 
me  ,    qu'on  remarque   dans  fou  latin  un 
tour  grec  ,  Se  qu'il  fe   montre  un  peu  trop 
imbu  des  opinions  de  fbn  fiecle.  Col'me  de 
Médicis   fe  joignit  au  cardinal  Bellarion  , 
pour  lui  faire  du   bien.   Comblé  de  leurs 
bienfaits ,  il  auroit  pu  mener  une  vie  agréa- 
ble Se  commode  :  mais  l'économie  ne  fut 
jamais  fon  début  ;  l'avidité  de  certains  pe- 
tits Grecs  Se  des  Brutiens  ne  lui  laiftà  jamais 
de  quoi  parer  aux  coups  de  la  fortune.  Il 
fut  réduit  à  une  extrême  pauvreté  :  Se  ce 
fut  alors  que  pour  foulager  la  milcre,  il  tra- 
duifît l'hiftoire  des  animaux  ,  dont  j'ai  déjà 
parlé.  Il  la  dédia  à  Sixte  IV.  Toutes  les  ef^ 
pérances  de  fa  fortune  étoient  fondées  fur 
cette  dédicace  :  mais  il  fut  bien  trompé  ; 
car  il  n'en  eut  qu'un  préfent  d'environ  cent 
piiloles.   Il  en  conçut   une  fi  grande  indi- 
gnation ,  (Se  fut  lî  outré  que  de  li  pénibles 
(Se  11  utiles  travaux  fuflent  auflî  mal  payés, 
qu'il  en  jeta  l'argent  dansleTibre.  Il  fe  retira 
chez  les  Brutiens,  où  il  feroit  mort  de  faim , 
lî  le  duc  de  Ferrare  ne  lui  avoit  pas  donné 
quelque  fecours.  Il  mourut  peu   de  temps 
après  ,  dévoré  par  le  cliagrin  ,  laillant  un 
exemple  mémorable  des  revers  de  la  fortune. 
George  de  Trébizonde  s'adonna  ,  ainlî 
que  Gaza  ,  à  la  philolophie  des  péripatéti- 
ciens.  Il  étoit  Cretois  de  naillance  ,  Se  ne 
fe  difoit  de  Trébilonde  que  parce  que  c'é- 
toit  la  patrie  de  Tes  ancêtres  paternels.  Il 
palla  en  Italie  pendant  la  tenue  du  concile 
de  Florence,  Se  loriqu'on  traitoit  de  la  réu- 
nion des  (jrecs  avec  les  Latins.  Il  fut  d'a- 
bord à  Yenilc  ,  d'où  il  pailii  à  Rome  ,  Sc 


AR  I 

y  cnfeigna  la  rhctoiiquc  Se  la  philoropliic. 
Ce  fut  un  des  plus  zélés  dcfenfcurs  de  la 
philofophie  péripatéticienne  ;  il  ne  poiu  oit 
l'ouftrir  tout  ce  qui  y  donnoit  la  moindre 
atteinte.  Il  écrivit  avec  beaucoup  d'aigreur 
8c  de  fiel  contre  ceux  de  Ton  temps  qui  lui- 
voient  la  philofophie  de  Platon.  Il  s'attira 
par-1 1  beaucoup  d'ennemis.  Nicolas  V,  Con 
protefteur,  délapprouva  la  conduite  ,  mal- 
gré la  pente  qu'il  avoit  pour  la  philolophie 
d'Ariftote.  Son  plus  redoutable  advcriairc 
fut  le  cardinal  Beflarion  ,  qui  prit  la  plume 
contre  lui ,  &  le  réfuta  fous  le  nom  de  Ca- 
lomniateur  de  Tla'on.  Il  eut  pourtant  une 
ennemie  encore  plus  à  craindre  que  le  car- 
dinal Bedàrion;  ce  fut  la  milere  (!<;  la  pau- 
vreté :  cette  dilpute  ,  malheureulem.entpour 
lui ,  coupa  tous  les  canaux  par  où  lui  ve- 
noient  les  vivres.  La  plume  d'un  lavant ,  li 
die  ne  doit  point  être  dirigée  par  les  gens 
riches  ,  doit  au  moins  ne  pas  leur  être  déla- 
gréable  :  il  faut  d'abord  alîurer  la  vie  avant 
de  philo'.opher  ;  femblables  en  cela  aux 
aftronomes,  qui  quand  ils  doivent  extrême- 
ment lever  la  tête  pour  obterver  les  allres, 
afllirenr  auparavant  leurs  pies.  Il  mourut 
ainlî  martyr  du  péripatéticilme.  La  pofté- 
rité  lui  pardonne  plus  aiiément  fes  injures 
contre  les  platoniciens  de  Ion  temps  ,  que 
(on  peu  d'exaétirude  dans  les  traduél:ions. 
En  effet ,  l'attention ,  l'érudition ,  &  qui 
plus  eft,  la  bonne  foi,  manquent  dans  les 
rraduétions  des  loix  de  Platon  ,  c\:  de  l'hif- 
toire  des  animaux  d'Ariftote.  Il  prenoit  mê- 
me fouvent  la  liberté  d'ajouter  au  texte,  de  le 
changer,  ou  d'omettre  quelque  choie  d'inté- 
rellant ,  comme  on  peut  s'en  convaincre  par 
la  traduction  qu'il  nous  a  donnée  d'Eulebe. 
C^w  a  pu  voir  julqu'ici  que  les  lavans 
ctoient  partagés  à  la  rcnaifCince  des  lettres 
entre  Platon  &  Arilliote.  Les  deux  partis 
fe  firent  une  cruelle  guerre.  Les  fedtateurs 
de  Platon  ne  purent  louffrir  que  leur  maî- 
tre ,  le  divin  Platon  ,  trouvât  un  ri\al  dans 
Ariftote  :  ils  penfoient  que  la  feule  barbarie 
avoit  pu  donner  l'empire  à  (a  philolophie, 
&  que  depuis  qu'un  nouveau  jour  luifoitllir 
le  monde  favant ,  le  péripatéticifmc  devoit 
difparoitre.  Les  péripatéticiens  de  leur  coté 
ne  délendoicnt  pas  leur  maître  avec  moins 
de  zèle  :  on  fit  des  volumes  de  part  &  d'autre , 
où  vous  trouverez  plus  aiiément  des 
injures  que  de  bonnes  raifons;  enlbrce  que 


ARI  3j, 

fl  dans  certains  vous  cliangicz  le  nom  des 
perlonnes,  au  lieu  d'être  contre  Ari Ilote , 
\'ous  les  trouveriez  contre  Platon  :  &  cela 
parce  que  les  injures  font  communes  à  tou- 
tes les  fèctes  ,  &  que  les  dcfcnleurs  &:  les 
agreHeurs  ne  peuvent  diiïi-'rer  entr'eux, que 
lorlqu'ils  donnent  des  railons. 

Des  philojophcs  rècens  Arijlotclico  -  fcho- 
Injliqucs.  Les  difputes  de  ces  lavans  atrabi- 
laires ,  dont  nous  venons  de  parler  ,  n'ap- 
prenoient  rien  au  monde  :  elles  paroiiloient 
au  contraire  devoir  le  replonger  dans  la 
barbarie  d'où  il  étoic  forti  depuis  quelque 
temps.  Plulîeurs  favans  firent  tous  leurs  ef- 
forts pour  détourner  ceux  qui  s'adonnoient 
à  ces  miférables  fubtilités  fcholaftiques ,  qui 
condRent  plus  dans  les  mots  que  dans  les 
chofes.  Ils  développèrent  avec  beaucoup 
d'art  la  vanité  de  cette  méthode  ;  leurs  le- 
çons en  corrigèrent  quelques-uns ,  mais  il 
reftoit  un  certain  levain  qui  le  fit  lentir  pen- 
dant long  -  temps.  Qtielques  théologiens 
même  gâtèrent  leurs  livres  ,  en  y  mêlant  de 
ces  fortes  de  fubtilités  à  de  bons  raifonne- 
mens ,  qui  font  d'ailleurs  connoitre  la  foli- 
dité  de  leur  efprit.  Il  arriva  ce  qui  arrive 
toujours  :  on  palîe  d'une  extrémité  à  une 
autre.  On  voulut  le  corriger  de  ne  dire  que 
des  mots ,  &:  on  voulut  ne  dire  que  des  cho- 
fes,  commue  fi  les  chofes  pouvoient  fe  dire 
clairement  fans  luivre  une  certaine  méthode. 
C'ell  l'extrémité  où  donna  Luther  ;  il 
\'oulut  bannir  toute  fcholaftique  de  la  théo- 
logie. Jérôme  Angelfe,  doélcur  de  Paris, 
s'éleva  contre  lui ,  &  lui  démontra  que  ce 
n'étoit  pas  les  fyllogifmcs  qui  par  eux-mê- 
mes croient  mauvais,  mais  Pufage  qu'on  en 
■fiifoit.  Qiielqu'un  dira-t-il  en  effet  que  la 
méthode  géométrique  eft  vicieule ,  &  qu'il 
faut  la  bannir  du  monde ,  parce  que  Spinofa 
s'en  elf  fervi  pour  attaquer  l'exiftence  du 
Dieu  que  la  r.aiion  avoue  r  Faut  -  il ,  parce 
que  quelques  théologiens  ont  abufé  de  la 
Icholaftique,  la  bannir?  L'expérience  de- 
puis Luther,  nous  a  appris  qu'on  pouvoir 
s'en  fervir  utilement  :  il  pouvoit  lui-même 
s'en  convaincre  en  lifant  faint  Thomas.  La 
définition  de  l'églife  a  mis  d'ailleurs  cette 
quellion  hors  de  difputc.  Selon  Bruker  , 
cette  définition  de  l'éghfe  pour  maintenir  la 
théologie  Icholaftique ,  fit  du  tort  à  la  bon- 
ne philofophie  ;  il  le  trouva  par-là  que  tan- 
dis que  dans  toutes  les  uiiiveriités  qui  u'q- 


3ji  A  R  I 

béiffoient  plus  à  la  cour  de  Rome  ,  on  dic- 
toit  une  philo(ophie  raifbnnablejdans  cel- 
les au  contraire  qui  n'avoient  o(c  fecouer 
le  joug ,  la  barbarie  y  régnoit  tou'jours.  Mais 
il  faut  être  bien  aveuglé  par  les  préjugés  pour 
penfer  pareille  chofe.  Je  crois  que  l'univcr- 
lité  de  Paris  a  été  la  première  à  dider  la 
bonne  philofophie  ;  &  pour  remonter  à  la 
lource  ,  n'eft-ce  pas  notre  Delcartes  qui  le 
premier  a  marqué  la  route  qui  conduit  à  la 
Bonne  pliilofophie  ?  Quel  changement  fit 
donc  Luther  dans  la  philofophie  ?  il  n'écri- 
vit que  (ur  des  points  de  théologie.  Suffit- 
il  detre  hérétique  pour  être  bon  philofo- 
pWe?  Ne  trouvons-nous  pas  une  bonne  phi- 
lofophie dans  les  mémoires  de  l'académie  ? 
il  n'y  a  pourtant  rien  que  l'églife  romaine 
ne  puille  avouer.  En  un  mot ,  les  grands 
philofophes  peuvent  être  très  -  bons  catholi- 
ques. Delcartes ,  Gafiendi ,  Varignon  ,  Mal- 
Itbranche  ,  Arnaud  ,  Se  le  célèbre  Pafcal , 
prouvent  cette  vérité  mieux  que  toutes  nos 
raifons.  Si  Luther  &  les  proteftans  n'en  veu- 
lent précifément  qu'à  la  théologie  fcholafti- 
que,  on  va  voir  parceux  dont  nous  allons  par- 
ler ,  fi  leuropinion  a  le  moindre  fondement. 

A  la  tête  des  fcholaftiques  nous  devrions 
mettre  fans  doute  St.  Thomas  &  Pierre 
Lombard  ;  mais  nous  parlons  d'un  temps 
beaucoup  plus  récent  :  nous  parlons  ici  des 
fcholaftiques  qui  vivoient  vers  le  temps  de 
la  célébration  du  concile  de  Trente. 

Dominique  Soto  fut  un  des  plus  célèbres  , 
naquit  en  Efpagne  de  parens  pauvres;  fa 
pauvreté  retarda  le  progrès  de  fes  études  ;  il 
tut  étudier  à  Acala  de  Henares  ;  il  eut  pour 
jnaître  le  célèbre  Thomas  de  Villa-Nova  : 
de-là  il  vint  à  Paris,  où  il  prit  le  bonnet  de 
dodeur  ;  il  repafl'a  en  Efpagne  ,  &  prit  l'ha- 
bit de  faint  Dominique  à  Burgos,  Peu  de 
temps  après  il  fuccéda  à  Thomas  de  S.  Vic- 
tor dans  une  chaire  de  profefleur  à  Sala- 
manque.  Il  s'acquit  une  fi  grande  réputa- 
tion ,  que  Charles  V  le  députa  au  concile  de 
Trente  ,  pour  y  alTifter  en  qualité  de  théo- 
logien. La  cour  Se  la  vue  des  grands  le  fati- 
guèrent; la  chaire  de  profefleur  avoir  beau- 
coup plus  d'attraits  pour  lui  :  auiïî  revint-il 
en  Faire  les  fon6tions ,  &  il  mourut  peu  de 
temps  après.  Outre  les  livres  de  théologie 
qui  le  rendirent  fi  fameux  ,  il  donna  des  com- 
mentaires fur  Ariftote  Se  fur  Porphyre.  Il 
donna  auflî  en  fept  livres  un  traité  du  droit 


A  R  I 

&  de  la  juftice,  où  on  trouve  d'excellentes 
chofcs  &  des  raifonnemens  qui  marquent  un 
e'prit  très-fin.  Il  eut  pour  difciple  Français 
Tolet,  dont  nous  parlerons  dans  la  fuite. 

François  de  S.  Vi£tor  vivoit  à-peu-près 
vers  le  temps  de  Dominique  Soto,  il  naquit 
au  pays  des  Cantabres  ;  il  fit  fes  études  à 
Paris,  ou  il  prit  auili  l'habit  de  faint  Do- 
minique. On  l'envoya  profellèr  la  théolo- 
gie à  Salamanque  ,  où  il  fe  rendit  très  -  cé- 
lèbre; il  y  compofa,  entr'autres  ouvrages  , 
fes  livres  fur  la  puiffance  civile  &c  ecclé- 
fiaftxque.  Plufieurs  affurent  qu'ils  ont  beau- 
coup fervi  à  Grotius  pour  faire  fon  droit 
de  la  guerre  Se  de  la  paix  ;  le  vengeur  de 
Grotius  paroîc  lui-même  en  convenir.  On 
trouve  en  effet  beaucoup  de  vues  dans  ce 
traité,  &:  beaucoup  d'idéesqui  font  Ci  analo- 
gues à  certaines  de  Grotius ,  qu'il  feroit  diffi- 
cile qu'elles  ne  les  euilent  point  occafionées. 

Bannes  fut  encore  un  des  plus  célèbres 
théologiens  de  l'univerfité  de  Salamanque  v 
il  croit  fubtil ,  8e  ne  trouvoit  pour  l'ordi- 
naire dans  les  pères  de  l'éghfe  que  ce  qu'il 
avoir  penfé  auparavant  ;  de  forte  que  tout 
paroillbit  fe  plier  à  fes  fêntimens.  Il  foute- 
noit  de  nouvelles  opinions ,  croyant  n'avoir 
d'atitre  mérite  que  de  les  avoir  découver- 
tes dans  les  pères.  Prefque  tout  le  monde 
le  regarde  comme  le  premier  inventeur  de 
la  promotion  phyfique ,  excepté  l'école  de 
S.  Thomas  ,  qui  l'attribue  à  S.  Thomas  mê- 
me ;  mais  en  vérité  je  voudrois  bien  favoir 
pourquoi  les  dominicains  s'obftinent  à  re- 
fufer  à  Bannes  le  mérite  de  les  exercer  de- 
puis long-temps.  Si  faint  Thomas  cft  le  pre- 
mier inventeur  de  la  prcmction  phyfique  , 
elle  n'en  acquerra  pas  pins  de  certitude  que 
fi  c'étoit  Bannes  :  ce  ne  font  pas  les  hom- 
mes qui  lendent  les  opinions  bonnes,  mais 
les  raifons  dont  ils  les  défendent  ;  i<s:  quoi 
qu'en  difent  toutes  les  différentes  écoles , 
les  opinions  qu'elles  défendent  ne  doivent 
leur  origine  ni  à  la  tradition  écrite  ni  à  la 
tradition  orale.  Il  n'y  en  a  pas  une  qui  ne 
porte  le  nom  de  Ion  auteur ,  Se  par  con- 
féquent  lecaraftere  de  nouveauté  ;  tous  pour- 
tant vont  chercher  des  preuves  dans  l'écri- 
ture &  dans  les  pères ,  qui  n'ont  jamais  eu 
la  première  idée  de  leurs  fêntimens.  Ce  n'cf: 
pas  que  je  trouve  mauvais  qu'on  parle  de 
l'écriture  dans  ces  queftions  théologiques; 
mais  je  voudrois  feulement  qu'on  s'attachât 


A  R  I 

à  fiirc  voir  que  ce  qui  cft  dansl'ccrlrurc  ^' 
(hiis  les  pères ,  ne  s'oppofe  nuliemer.c  à  h 
nouvelle  opinion  qu'on  veut  dctcncirc.  Il  eft 
juftc  que  ce  qu'on  défendue  contiedile  poini 
récriture  &  les  pères  ;  &  quand  je  â:s  les 
pères  ,  je  p.irle  d'eux  en  tant  qu'ils  conlla 
tcnt  la  tradition ,  &  non  quant  à  leurs  opi- 
nions pirticuliercs  ,  parce  qu'enfin  je  ne  fuis 
pas  oblige  d'être  platonicien  avecles  premiers 
pères  de  l'églife.  Toutes  les  écoles  doi\  ent 
dire  :  voici  une  nouvelleopinion  qui  peut  être 
défendue ,  parcequ'ellenccontreditpoint  l'é- 
criture ik  les  pères ,  &  non  perdre  le  temps  à 
faire  dire  auxpallagesce  qu'ils  ne  peuvent  pas 
dire.  Il  Icroit  trop  long  de  nommer  ici  tous 
les  théologiens  que  l'ordre  de  faint  Domi- 
nique a  produits  ;  tout  le  monde  lait  que  de 
tour  temps  cet  ordre  a  fait  de  la  théologie  la 
principale  étude  ,  &  en  cela  ils  (uivent  l'el- 
prit  de  leur  inftiturion  ;  car  il  cli  certain 
que  faint  Dominique  leur  fondateur  étoit 
plus  prédicateur  controveriille  que  prédi- 
cateur de  morale  ,  &  il  ne  s'anociides  com- 
pagnons que  dans  cette  vue.  L'ordre  de  S. 
François  a  eu  des  Icholaftiques  fort  célè- 
bres ;  le  premier  de  tous  eft  le  fameux  Scot , 
iurnommé  Ij  docleur  fubtil.  Il  fiiioit  con- 
(ifter  Ion  mérite  à  contredire  en  tout  S. 
Thomas  ;  on  ne  trouve  chez  lui  que  de  vaines 
lubtilités,  &  une  mctaphylîque  que  tout 
homme  de  bon  fens  rejette  ;  il  cft  pourtant 
à  la  tête  de  l'école  de  S.  François  ;  Scot 
chez  les  cordehers  eft  une  autorité  relpedla- 
ble.  Il  y  a  plus  :  il  n'eft  pas  permis  de 
penfer  autrement  que  lui;  &  j'ofe  dire  qu'un 
homme  qui  lauroit  parfiitemeuttout  cequ'il 
a  fait  ,  ne  fauroit  rien.  Qu'il  me  foit  permis 
de  faire  quelques  réflexions  ici  fur  cette 
manie  qu'ont  les  differens  ordres  de  défendre 
les  lyftêmes  que  quelqu'un  de  leur  ordre  a 
trouvés.  Il  faut  être  thomifte  chez  les  jaco- 
bins ,  (cotifte  dans  l'ordre  de  S.  François , 
molinirte  chez  les  jéfuites.  Il  eft  d'abord 
cvideiit  que  non  leulement  cela  retarde  les 
progrès  de  la  théologie,  mais  même  les 
arrête  ;  il  n'eft  pas  pofTible  de  penfer  mieux 
que  Molina  chez  les  jéfuites  ,  puilqu'il  faut 
penfer  comme  lui.  Q.uoi  !  des  gens  qui  fe 
moquent  aujourd'hui  de  ce  refpeét  qu'on 
a\oit  autrefois  pour  les  raifoniicmens  d'A- 
rirtote  ,  n  ofent  pas  parler  autrement  que 
Scot  chez  les  uns ,  &  que  Molina  chez  les 
autres  ?  Mais  homme  pour  homme  ,  philo- 
Tome    II L 


A  ai  3î3 

fophc  pour  philolophe ,  ykiftore  les  valolc 
bien.  Des  gens  qui  le  piquent  un  peu  dt 
railonner,  ne  devroicnt  reîi)eder  que  la  foi 
&  ce  que  l'églife  ordonne  de  refpeéter ,  & 
du  refte  fe  livrer  à  leur  génie.  Croit-on  que 
fi  chez  les  jéfuites  on  n'avoit  point  été  gêné  , 
quelqu'un  n'eût  pas  trouvé  un  fentiment 
plus  aifé  à  défendre  que  les  fentimcns  de 
Molina  î  Si  les  chefs  des  vieilles  (ed:cs  de 
philolophie  dont  on  ritaujourd'iiui ,  avoieht 
été  de  quelque  ordre,  nous  verrions  encore 
leurs  lentimens  défendus.  Grâces  à  Dieu  , 
ce  qui  regarde l'hydioftatique-,  l'iiydrauli- 
que  &  les  autres  Iciences ,  n'a  point  été 
livré  à  Tefprit  de  corps  &  de  fociété  ;  car 
on  attribueroit  encore  les  cftlts  de  l'air  à 
l'horreur  du  vuide.  Ileftbien  lîngulicr  que 
depuis  cent  cinquante  ans  il  foit  défendu  dans 
des  corps  très-nombreux  de  penl'er ,  &  qu'il 
ne  loit  permis  que  de  favoir  les  penfées  d'un 
léul  homme  ?  Eft-il  polTible  que  Scot  ait 
allez  penfé  pour  meubler  la  tête  de  tous  les 
francilcains  qui  exifteronr  à  jamais  ?  Je  fuis 
bien  éloigné  de  ce  ftntimcnt,  moi  qui  crois 
que  Scot  n"a  point  penfe  du  tout  :  Soot  gâta 
donc  l'efprit  de  tous  ceux  de  fon  ordre.  Jean 
Poiilius  profelïït  la  théologie  à  Paris  félon  les 
fentimcns  de  fon  maître  Scot.  Il  eft  inutile 
de  peindre  ceux  qui  fe  font  diftingués  parmi 
les  francifcains ,  parce  qu'ils  font  tous  jetés 
au  même  moule  ;  ce  font  tous  des  fcotiftes. 

L'ordre  de  Citeaux  a  eu  aulfi  fes  théolo- 
giens :  Manriqués  eft  le  plus  illuftre  que  je 
leur  connoifle  :  ce  qui  le  diftinguç  de  la  plu- 
part des  théologiens  purement  Icholaftiques  , 
c'eft  qu'il  avoit  beaucoup  d'cfprit ,  une  élo- 
quence qui  charmoit  tous  ceux  qui  l'enten- 
doient.  Philippe  IV  l'appcUa  auprès  de  lui  ; 
il  lit  beaucoup  d'honneur  à  l'univerlîté  de 
Salamanque  dont  il  étoit  membre  ,  auffi  l'en 
nommoit-on  l'Atlas  :  c'eft  de  lui  que  font 
les  annales  de  Citeaux  ;  &  plufîeurs  ouvrages 
de  philolophie  &:  fcholaftique. 

L'ordre  de  Citeaux  a  produit  auflî  Jean 
Cararnuel  Lobkowitz,  un  des  elprirs  les 
plus  linguliers  qui  aient  jamais  paru.  Il  na- 
quit à  Madrid  en  1 607.  Dans  fa  plus  ten- 
dre jeunefte  Ton  efprit  fe  trahit ,  on  décou- 
vrit ce  qu'il  étoit ,  &  on  put  juger  dès-lors 
ce  que  Caramuel  feroit  un  jour.  Dans  mi 
âge  où  rien  ne  peut  nous  fixer,  il  s'adonna 
entièrement  aux  mathématiques  :  les  pro- 
blémos  les  plus  difficiles  ne  le   rebutaient 

Yv 


'354  A III 

point  ;  &  lorfque  (es  camarades  etoient  oc- 
cupés à  jouer ,  il  méditoic  ,  il  écudioi:  une 
planète  pour  calculer  fes  révolutions.  Ce 
qu'on  dit  de  lui  eft  prefqu'incroyable.  Après 
la  théologie  il  quitta  l'Elpagne  ,  &  pafla  dans 
les  Pays-Bas  ■■,  il  y  étonna  tout  le  monde  par 
fon  lavoir.  Son  efprit  adif  s'occupoit  tou- 
jours,  &  toujours  de  chofes  nouvelles  ;  car 
la  nouveauté  avoit  beaucoup  de  charmes 
pour  lui.  Son  rare  mérite  le  fit  entrer  dans 
le  confeil  aulique  ;  mais  l'éclat  de  la  cour 
ne  l'éblouir  pas.  Il  aimoit  l'étude ,  non  pré- 
cifément  pour  s'avancer  ,  mais  pour  le  plai- 
fir  de  favoir  :  aulli  abandonna-t-il  la  cour , 
il  fe  retira  à  Bruges,  &  fit  bientôt  après  fes 
vœux  dans  l'ordre  de  Citeaux.  Il  alla  en- 
fuite  à  Louvain ,  où  il  pafla  maitrc-ès-arts, 
&  en  1 6  j©  il  y  prit  le  bonnet  de  docteur. 
Les  études  ordinaires  ne  fuflifoient  pas  à 
un  homme  comme  Caramuel  ;  il  appnt  les 
Langues  orientales ,  &  fur-tout  celle  des  Chi- 
nois 5  Ton  défit  de  favoir  s'ctendoit  beau- 
coup plus  que  tout  ce  qu'on  peut  appren- 
dre ;  en  un  mot,  il  avoit  réfolu  de  deve- 
nir une  encyclopédie  vivante.  Il  donna  un 
ouvrage  qui  avoit  pour  titre  ,  la  théologie 
douteufe ,  il  y  mit  toutes  les  objedtions  des 
athées  &  des  impies.  Ce  livre  rendit  fi  foi 
fufpedle,  il  alla  à  Rome  pour  fe  juftifier. 
Il  parla  fi  éloquemment ,  6c  fit  paroitre  une 
i\  vafte  érudition  devant  le  pape  &  tout  le 
facré  collège  ,  que  tout  le  monde  en  fut 
comme  interdit.  Il  auroit  peut-être  été  ho- 
noré du  chapeau  de  cardinal ,  s'il  n'avoir  pas 
parlé  un  peu  trop  librement  des  vices  qui  ré- 
gnoient  à  la  cour  de  Rome  :  on  le  fit  pour- 
tant évêque.  Son  defir  immodéré  de  fivoir 
fit  tort  à  fon  jugement;  &  comme  fur  tou- 
tes les  fciences  il  vouloit  fe  frayer  de  nou- 
velles routes  ,  il  donna  dans  beaucoup  de 
travers;  fon  imagination  forte  l'égaroit  lou- 
vent.  Il  a  écrit  fur  toutes  fortes  de  matières  ; 
&  ce  qui  .arrive  ordinairement ,  nous  n'avons 
pas  un  feul  bon  ouvrage  de  lui  :  que  ne 
faifoit-il  deux  petits  volumes  ,  &  fi  réputa- 
tion auroit  été  plus  alTurée! 

La  lociétc  des  jéfuitcs  s'eft  extrêmement 
diftinguée  fur  la  théologie  fcholaftique  ;  elle 
peut  fe  vanter  d'avoir  eu  les  plus  grands 
théologiens.  Nous  ne  nous  arrêterons  pas 
long-temps  fur  eux ,  parce  que  s'ils  ont  eu 
de  grands  hommes ,  il  y  en  a  parmi  eux 
qui  ont  été  occupés  à  les  kmer.  Cette  fo- 


ARI 

ciété  étend  fes   vues  fur   tout ,   &  jamais 
jéfuite  démérite  n'a  demeuré  inconnu. 

Vafqués  eft  un  des  plus  fubtils  qu'ils  aient 
jamais  eus  ;  à  l'âge  de  vingt-cinq  ans  il  en- 
feigna  la  philofophie  &  la  théologie.  Il  fe 
fit  admirer  à  Rome  &  par-tout  où  il  fit 
connoitre  la  ficilité  de  fon  efprit;  les  grands 
talens  dont  la  nature  l'avoir  doué  paroif- 
foient  malgré  lui.  Sa  modeftie  naturelle  & 
celle  de  fon  état  n'empêchèrent  point  qu'on 
ne  le  reconnût  pour  un  grand  homme  :  Îj. 
réputation  étoit  telle  ,  qu'il  n'oloit  point  fe 
nommer  ,  de  peur  qu'on  ne  lui  rendit  trop 
d'honneur  ;  &  on  ne  connoilfoit  jamais  fon 
nom  &:  fon  mérite  ,  que  par  le  frère  qui  l'ac- 
comp.agnoit  par-tout. 

Suarez  a  mérité  à  jufte  titre  la  réputation 
du  plus  grand  fcholaftique  qui  ait  jamais 
écrit.  On  trouve  dans  fes  ouvrages  u)ie  gran- 
de pénétration  ,  beaucoup  de  juftciiè  ,  un 
protond  fivoir  :  quel  dommage  que  ce  gé- 
nie ait  été  captivé  par  le  iyftcme  adopté  par 
la  fociété  !  il  a  voulu  en  faire  un ,  parce 
que  fon  efprit  ne  demandoit  qu'à  créer  ;  mais 
ne  pouvant  s'éloigner  du  molinilme  ,  il  n'a 
fait  pour  ainfi  dire  que  donner  un  tour  ingé- 
nieux à  l'ancien  lyftcme. 

Arrlaga ,  plus  eftimé  de  fon  temps  qu'il 
ne  méritoit  de  l'être ,  fut  fuccclTivement 
profelleur  &  ciiancelier  de  l'univerfité  de 
Prague.  Il  fut  "député  trois  fois  vers  L^rbiiii 
VIII ,  &  Innocent  X.  Il  avoit  plutôt  l'ef- 
prit  de  chicane  que  de  métaphylique  ;  on 
ne  trouve  chez  lui  que  des  vétilles  ,  prefque 
toutes  difficiles  parce  qu'on  ne  les  entend 
point ,  peu  de  difficultés  réelles.  Il  a  gitté 
beaucoup  de  jeunes  gens  auxquels  il  a  donné 
cet  efprit  minutieux  :  plulieurs  perdent  leur 
tems  A  le  lire.  On  ne  peut  pas  dire  de  lui 
ce  qu'on  dit  de  beaucoup  d'ouvrages  ,  qu'on 
n'a  rien  appris  en  les  lifmt  ;  vous  apprenez 
quelque  chofe  dans  Arriaga  ,  qui  leroit 
capable  de  rendre  gauche  l'efprit  le  mieux 
fait,  &  qui  paroit  avoir  le  plus  dejullelle. 

La  rhéologie  Icliolalbque  eft  fi  lice  avec  la 
philofophie  ,  qu'on  croit  d'ordin.rire  qu'elle 
a  beaucoup  contribué  aux  progrès  de  la  mé- 
taphylique :  fur-tout  la  bonne  morale  a  paru 
dans  un  nouveau  jour.  Nos  livres  les  plus 
communs  fur  la  parole  ,  valent  mieux  que 
Ceux  du  divin  PLuon;  6c  Bayle  a  eu  raifon 
de  reprocher  aux  protelb.ns ,  de  ce  qu'ils 
blâmoiaic  tant  Ja    théc'ogie  fcholufti-iUe. 


A  R.  ï 

L'apologie  de  Bayle  en  faveur  de  h  théo- 
logie fcholaftiqiie  ,  eft  le  meilleur  trait 
qu'on  puille  lancer  contre  les  hérétiques  qui 
l'attaquent.  Bayle,  dira-t-on,  a  parle  ailleurs 
contre  cette  méthode,  (Se  il  a  ri  de  la  bar- 
barie qui  rei^ne  dans  les  écoles  des  catholi- 
ques. On  le  trompe  :  il  eft  permis  de  (e  mo- 
quer de  la  barbarie  de  certains  Icholafti- 
ques  ,  lans  blAmer  pour  cela  la  icholallique 
en  général.  Je  n'eftime  point  Arriaga ,  je 
ne  le  lir.ii  pas  ;  &  je  lirai  Suarcz  avec  plailir 
dans  certains  endroits ,  &  avec  fruit  prel- 
que  par-tout.  On  ne  doit  pas  faire  retom- 
ber fiir  la  méthode  ce  qui  nedoitctreditque 
de  quelques  particuliers  qui  s'en  ionr  lervis. 
Des  philojopkes  qui  ont  fuivi  la  véritable 
philofovhie  d'AriJlote,  On  a  déjà  vu  le  péri- 
p.itctihne  avoir  un  rival  dans  le  pLitonil me; 
il  étoïc  mcme  vraifemblable  que  l'école  de 
Platon  grolTiroit  tous  les  jours  desdélerteurs 
de  celle  d'Ariftote  ,  parce  que  les  fentimens 
du  premier  s'accordent  beaucoup  mieux 
avec  le  chriftianirmc.  Il  y  avoir  encore  quel- 
que choie  de  plus  en  la  faveur  ,  c'eft  que 
prelquetous  les  pères  lont  platoniciens.  Cette 
raifon  n'ell;  pas  bonne  aujourd'hui ,  &  je  fais 
qu'en  philolophie  les  pères  ne  doivent  avoir 
aucune  autorité  :  mais  dans  un  temps  où  l'on 
traitoit  la  philolophie  comme  la  théologie  , 
c'eft- à-dire  dans  un  temps  où  toutes  les  dif- 
putes  le  vuidoient  par  une  autorité  ,  il  eft 
certain  que  les  pères  auroient  dû  beaucoup 
influer  iur  le  choix  qu'il  y  avoir  à  faire  entre 
Platon  &  Ariftote.  Ce  dernier  prévalut  pour- 
tant ,  &  dans  le  iîecle  où  Delcartes  parut ,  on 
avoit  une  lî  grande  vénération  pour  les  len- 
timens  d' Ariftote  ,  que  l'évidence  de  toutes 
les  raifons  de  Defcartes  eurent  beaucoup  de 
peine  à  lui  foire  des  partifans.  Parla  méthode 
qu'on  fuivoit  alors,  ilétoitimpolTîble  qu'on 
fortitde  la  barbarie;  on  ne  raifonnoit  pas 
pourdécouvrir  de  nouvelles  véi-ités, on  lecon- 
tentoit  de  favoir  ce  qu' Ariftote  avoit  penfé. 
On  recherchoit  le  lens  de  fes  livres  aulTî 
fcrupuleulement  que  les  chrétiens  recher- 
chent à  connoitre  le  lens  des  écritures.  Les 
catholiques  ne  furent  pas  les  leuls  qui  fuivi- 
rent  Ariftote,  il  eut  beaucoup  de  partifans 
parmi  les  proteftans,  malgré  les  déclama- 
tions de  Luther;  c'eft  qu'on  aimoit  mieux 
fuivre  les  lentimens  d' Ariftote ,  que  de  n'en 
avoir  aucun.  Si  Luther,  au  lieu  de.  déclamer 
contre  Ariftote ,  avoit  doiuié  une  bonne  plii- 


A    RI  3^y 

lofophîe  ,  &:  qu'il  eût  ouvert  une  nouvelle 
ix)ute  ,  comme  Defcartes  ,  il  auroit  réulïî  à 
fiire  abandonner  Ariftote  ,  parce  qu'on  ne 
lauroit  détruire  une  opinion  lans  lui  en  fubf- 
tituer  une  autre  :  l'efprit  ne  veut  rien  perdre. 
Pierre  Pomponace  fut  un  des  plus  célèbres 
péripatéticiens  du  xvi*  Iîecle  ;  Mantouc 
etoit  fa  patrie.  Il  étoit  fi  petit  qu'il  renoic 
plus  du  nain  que  d'un  homme  ordinaire.  Il 
ht  les  études  à  Padoue  ;  les  progrès  dans  la 
philofophie  furent  li  grands  ,  qu'en  peu  de 
temps  il  le  trouva  en  état  de  t'enfeigner  aux 
autres,  il  ouvrit  donc  une  école  à  Padoue;  il 
expliquoit  aux  jeunes  gens  la  véritable  philo- 
fophie d'Ariftote  ,  &:  la  comparoir  avec  celle 
d'Averroès.  Il  s'acquit  une  grande  réputa- 
tion ,  qui  lui  devint  à  charge  par  les  enne- 
mis qu'elle  lui  attira.  Achillinus ,  profelfeut 
alors  à  Padoue,  ne  put  tenir  contre  tant  d'é- 
loges ;  fa  bile  lavante  &  orgueilleufe  s'allu- 
ma :  il  attaqua  Pomponace,  mais  en  pédant» 
&  celui-ci  lui  répondit  en  homme  poli.  L* 
douceur  de  Ion  caraétere  rangea  tout  le 
monde  de  Ion  parti  ,  car  on  ne  marche  pas 
volontiers  lous  les  drapeaux  d'un  pédant  :  la 
victoire  lui  refta  donc  ;  &  Achillinus  n'en 
remporta  que  la  honte  d'avoir  voulu  étouffer 
de  grands  talens  dans  leur  naiflance.  Il  faut 
avouer  pourtant  que  quoique  les  écrits  de 
Pomponace  fullent  élégans  ,  eu  égard  aux 
écrits  d' Achillinus ,  ils  le  reftèntent  pour- 
tant  de  la  barbarie  où  l'on  étoit  encore. 
La  guerre  le  força  de  quitter  Padoue  &  de 
fe  retirer  à  Bologne.  Comme  il  profelloit 
précife'ment  la  même  doctrine  qu'Ariftote  , 
&  que  ce  philofophe  paroît  s'éloigner  en 
quelques  endroits  de  ce  que  la  foi  nous  ap- 
prend ,  il  s'attira  la  haine  des  zélés  de  fon 
temps.  Tous  les  frelons  froqués  cherchèrent 
à  le  piquoter  ,  dit  un  auteur  contemporain  ; 
mais  il  fe  mit  à  l'abri  de  leur  aiguillon  ,  eii 
proteftant  qu'il  le  (oumcttoit  au  jugement 
de  TcgUre  ,  &  qu'il  n'entendoit  parler  de  la 
philolophie  d'Ariftote  que  comme  d'une 
chofe  problématique.  Il  devint  fort  riche  ; 
les  uns  dilent  par  un  triple  mariage  qu'il 
ht ,  &  les  autres  par  fon  fèul  fivoir.  Il  mou- 
rut d'une  rétention  d'urine,  âgé  de  loixante- 
trois  ans.  Pomponace  fut  un  vrai  pyrrho- 
iiien  ,  &  on  peut  dire  qu'il  n'eut  d'autre 
dieu  qu'Ariftote  ,  il  rioit  de  tout  ce  qu'il 
voyoit  dans  l'évangile  &  dans  les  écrivains 
laciés  :  il  tâchoit  de  répandre  .une  certaine' 

Vv  z 


religion 


3  5(?  A  R.  I 

obfcLirlté  fur  tous  les  dogmes  de  1; 
chrctienne.    Selon  lui ,  rhomme  n'eft  pas, 
libre  ,  ou  Dieu  ne  connoir  poinc  les  choies 
futures,   &  n'entre  en  rien  dansle  cours 
des  événemens  ;  c'eft-à-dire  que ,  lelon  lui  , 
l;i  providence  détruit  la  liberté  ;  ou  que  li 
Von  veut  conferver  l.i  liberté  ,  il  faut  nier 
la  providence.  Je  ne  comprends  pas  com- 
jnent  fes  apologiftes  ont  prétendu  qu'il  ne 
feutcnoit  cela  qu'en  philolophe  ,  &c  qu'en 
qualité  de  chrétien  il  croyoit  tous  les  dog- 
mes de  notre  religion.  Qiù  ne  voit  h  frivo- 
lité d'une  pareille  diftintlionî  On  lent  dans 
tous  fes  écrits  le  libertinage  de  fon  elprit  ; 
il  n'y  a  prefque  point  de  vérité  dans  notre 
religion  qu'il  n'ait  attaquée.  L'opinion  des 
f.oïciens  liir  un  deftin  aveugle  ,  lui  paroit 
plus  philolophique  que  la  providence  des 
chrétiens  :  en  un  mot  fon  impiété  le  montre 
par-tout,  il  oppofe  les  ftoïciens  aux  chré- 
tiens ,  &  il  s'en  faut  bien  qu'il  falk  railon- 
iticr  ces  danicrs  aulii  fortement  que  les  pre- 
jn  ers.  il  n'admettoit  pas  comme  les  ftoï- 
citns  j  une  nécelTité   intrinleqite  ;  ce  n'eft 
pas  ,  lelon  lui  ,  par  notre  nature  que  nous 
jommes  néceffités ,  mais  par  un  cer.tain  ar- 
rangement des  choies  qui  nous  efl:  totale- 
ment étranger  :  il  eft  difficile  pourtant  de  la- 
voir précifément  ion  opinion  là-delTias.   Il 
trouve  dans  le  lentiment  des  péripatéticiens , 
«les  floïciens ,  <S<:  des  chrétiens  iur  la  prédefti- 
nation ,  des  difficultés  inlurmontables  :  il  con- 
clut pourtant  à  nier  la  provider.ce.  On  troitve 
toutes  ces  impiétés  dans  Ion  livre  fur  le  deilin. 
Il  n'eft  ni  plus  lage  ni  plus  raifonnable  dans 
{on  livre    iur  les   enchantcmcns.    L'amour 
extravagant  qu'il  avoir  pour  la  philofophie 
d'Ariftote  ,  le  faifoit  donner  dans  des  travers 
extraordinaires.  Dans  ce  livre  on  trouve  des 
rêveries  qui  ne  m.irqucnt  pas  une  tête  bien 
alîurée;  nous  allons  en  fàii'e  un  extrait  allez 
détaillé.  Cet  ouvrage  eft  très-rare  ,  &  pcut- 
çtre  ne  fera-t-on  pas  f'xhé  cie  vrpviyer  ici 
fous  les  yeux  ce  qu'on  ne  pourroit  fe  pro- 
curer  que    très-difi:cilement.    Voici    donc 
les  propofitions  de  ce  philoicphe. 

1°.  Les  démons  ne  connoiftcnt  ks  cho- 
fes  ni  pai  leur  eftfnce  ,  ni  par  celle  des 
chofes  connues  ,  ni  par  rien  qui  fqit  diftin- 
gué  des  démons. 

x,°.  Il  n'y  a  que  les  fots  qui  attribuent  ;\ 
Dieu  ou  aux  démons  ,  les  cttccs  dont  ils  ne 
foiinvifidit  jas  ks  caufeî. 


A  R  ï 

5°.  L'homme  tient  le  milieu  entre  les 
choies  éternelles  &  les  chofes  créées  &c 
corruptibles  ,  d  ou  vient  t}ue  les  vertus  tk 
les  vices  ne  fe  trouvent  point  dans  notre 
nature  ;  il  s'y  trouve  feulement  la  iemcnce 
des  vertus  &:  des  vices. 

4°.  L'ame  h'jmaine  eft  toutes  ckcfes , 
puisqu'elle  renferme  &C  la  feniation  &  la 
perception. 

5°.  Quoique  le  fentiment  &c  ce  qui  eft 
fenlîbk  loicnt  par  l'acte  même  dans  l'ame 
ieulement   ,    félon  leur    être  Ipirituel   ,  & 
non  lelon  leur  être  réel  ,  rien  n'empêche 
pourtant  que  les  efpeces  i'pirituelles  ne  pio- 
duiient  eÛes-mêmcs  réelkment  les  choies 
dont  elles  font  les  tlpeces ,  h  l'agent  en  ell 
capable  ,    &  Il  le  patient  eft  bien  dilpole. 
Pcm.ponace  traite  cet  article  fort  au  long  , 
parce  qu'il  prétend  démontrer  par-là  que  !a 
ibrce  de  l'imagination  eft  telle ,  qu'on  peut 
lui  attribuer  les  cftets  extraordmaires  qu'on 
raconte.  Tous  les  mouvemens  des  corps  qui 
produifent    des   phénomènes  extraordinai- 
res ,  il  les  attribue  à  l'imagination  i  il  en 
donne  pour  exemple  les  Ululions  ,  &   ce 
qui  arrive  aux  femmes  enceintes. 

6°.  Quoique  par  les  elpeces  qui  font  re- 
çues dans  l'ame  ik  par  les  paffions  ,  il  arrive 
des  effets  furprcnans ,  rien  n'empêche  qu'il 
n'arrive_  des  efiets  lemblables  dans  des  corps 
étrangers  ;  car  il  eft  certain  qu'un  patient 
étant  difpofc  au  dehors  comme  intérieure- 
ment ,  l'agent  a  allez  i'enipire  fur  lui  pour 
produire  les  mêmes  effets. 

7°.  Les  démons  meuvent  immédiatement 
les  corps  d'un  mouvement  local ,  mais  ils  ne 
peuvent  cauler  immédiatement  une  altéra- 
tion dans  les  corps;  car  l'altération  fe  fait  p.T 
les  corps  naturels  qui  fout  appliqués  par  les 
démons  aux  corps  qu'ils  veulent  altérer,  6c 
cela  en  fecret  ou  ouvertement.  Avec  fes  feuls 
principes  Pomponace  fait  la  démonftration. 
8°.  Il  fuit  de-là  qu'il  eft  arrivé  beaucoup 
de  chofes  félon  le  cours  ordinaire  ^  par  des 
caufes  inconnues  ,  ^'  qu'on  a  regardées 
comme  miracles  ou  comme  les  auvres  dçs 
dv.mi0MS  ,  tandis  qu'il  n'en  étoit  rien. 

9°.  U  fuit  de-là  encore  que  s'il  eft  vrai , 
comme  dilent  des  gens  dignes  de  foi ,  qu'il 
y  a  des  herbes ,  des  pierres  ou  autres  choies 
prcpi'-'s  à  éloigr.er  la  giêk  ,  la  pluie  &  les 
vents ,  ik  qu'on  puille  s'en  iervir ,  comme  les 
hommes  peuvent    trouver  cela  uaturelk* 


A  R  I 

ment ,  puifque  cela  ctt  dans  la  nature ,  ils 
pourront:  donc  faire  ccllcr  la  grêle ,  arrêter 
li  pluie  lans  miracle. 

io°.  De  là  il  conclut  que  plulîeurs  per- 
/ôiuies  ont  pallé  pour  magiciennes  &  pour 
avoir  un  commerce  avec  le  diable  ,  tandis 
qu'elles  croyoient ,  peur-êrre  avec  Arillote  , 
qu'il  n'y  avoit  pas  de  démons  ;  &  qi.ie  par  la 
mcme  rai'.on  plulicurs  ont  pallé  pour  lainrs , 
à  caufe  des  choies  qu'ils  opcroicr.r ,  ik  n'é- 
tolent  pourtant  que  des  fcélérats.  Qiie  lî  l'on 
objede  qu'il  y  en  a  qui  font  des  lignes  iaints 
par  eux-mêmes ,  comme  le  ligne  de  la  croix  , 
&  que  d'autres  iont  le  contraire  ,  il  répond 
que  c'ell:  pour  amuler  le  peuple  ,  ne  pou\ani 
croire  que  des  perlonncs  Vivantes  aient  tant 
étudié  pour  augmenter  le  mal  qui  fe  trouve 
dans  le  monde.  Avec  de  tels  principes  ,  ce 

Î)hilolop!ie  incrédule  renverle  ailément  tous 
es  miracles ,  même  ceux  de  Jelus-Chriil. 
Mais  pour  ne  pas  paroi tre  Gns  religion  ,  & 
éviter  par-là  les  pour(uites  dangereufes  fcar 
il  étoit  en  Italie  )  ,  il  dit  que  s'il  le  trouve 
dans  l'ancien  ou  dans  le  nouveau  teftament 
des  miracles  de  Jeius-Chrifl:  ou  de  Moylc 
qu'on  puiil'e  attribuer  à  descaufesnanarelies, 
mais  qu'il  y  ioit  dit  que  ce  font  des  miracles, 
il  faut  le  croire  ,  à  cauîe  de  l'autorité  de 
l'églife.  Il  s'objetre  qu'il  y  a  plufieurs  effets 
q  l'on  ne  lauroit  attribuer  à  des  caui'es  na- 
rurelles ,  comme  la  rélurreétion  des  morts , 
h  vue  rendue  aux  aveugles  ;  mais  il  répond 
que  les  hiftoires  des  païens  nous  apprennent 
que  les  démons  ont  f  lit  des  choies  Tembla- 
bles ,  &  qu'ils  ont  fait  fortir  des  morts  de 
l'enfer  &  les  ont  reproduits  fur  la  terre  ,  & 
qu'oiva  guéri  des  aveugles  par  li  v;rtu  de 
certaines  herbes.  Il  veut  détruire  en  chrétien 
ces  réponies  ,  mais  il  le  fait  d'une  liianiere  à 
faire  connoirre  davantage  Ton  incrédulité  ;  car 
il  dit  que  ces  réponies  fc)nt  mauvaifcs ,  parce 
que  les  théologiens  l'ail  arent ,  Ik  dans  la  i'iiite 
il  marque  un  gr.vrA  mépri-.  pour  eux. 

Il  eft  lurprenant ,  dit  Pomponace ,  qu'un 
aulïi  grand  philofophe  qu'Ariftote  n'eût  pas 
reconnu  l'opération  de  Dieu  ou  des  démons 
dans  les  faits  qu'on  cite  ,  fi  cela  avoit  été 
réel.  Cela  jette  un  doute  fur  cette  queftion  ; 
on  fent  que  Pomponace  groilît  la  diificulté 
le  plus  qu'il  peut  :  il  en  fiit  un  monftre  ,  &: 
ià  réponle  ne  fert  qu'à  confirmer  de  plus  en 
plus  l'impiété  de  ce  philofophe.  Il  apporte  la 
laifon  pourquoi  Ariftote  a  nié'  l'e:dftence  des 


ARI  .      357 

démons  ,  parce  que ,  dit-il ,  on  ne  trouve 
aucune  preuve  de  ces  folies  dans  les  choies 
ienhbles ,  &  que  d'ailleurs  elles  font  oppo- 
fées  aux  choies  iiatureiles  ;  &  comme  on  allè- 
gue une  infinité  d'exemples  des  choies  opé- 
rées par  les  démons ,  après  avoir  prorcfté  que 
ce  n'eft  qiie  félon  le  {enriment  d'Ariflote 
qu'il  va  parler ,  &  non  lelon  le  lien  ,  il  dit  pre- 
mièrement que  Dieu  eft  la  eau  le  univerièlle 
des  choies  matérielles  8c  immatérielles ,  non 
feulement  eflîciente  ,  mais  encore  finale, 
exemplaire  &  form.ellc  ,  en  un  mot  l'arché- 
type du  monde.  i°.  De  toutes  les  chofes  cor- 
porelles créées  £c  corruptibles,  1  homme  eft  la 
plus  noble.  5  ".  Dans  la  nature,  il  y  a  des  hom- 
mes qui  dépendent  les  uns  des  autres  ,  afin 
de  s'aider.  .|°.  Cela  fe  pratique  différem- 
ment,félon  le  degré  de  dépendance.  j°.  Quoi- 
que Dieu  foit  la  caufe  de  tout,  félon  Ariftote, 
il  ne  peut  pourtant  rien  opérer  fur  la  terre  & 
lur  ce  qui  l'environne  ,  que  par  la  médiation 
des  corps  céleftes  ,  ils  font  les  inltrumens 
nécelliires ,  d'où  Pomponace  coPiclut  qu  on 
peut  trouver  dans  le  ciel  l'explication  de  tour 
ce  qui  arrivs  lur  la  terre.  Il  y  a  des  hommes 
qui  connoilîent  mieux  ces  choies  que  d'au- 
tres, foit  par  l'étude ,  foit  par  l'expérience, 
<3:  ces  hommes-là  font  regardés  par  le  vul- 
gaire ,  ou  comme  des  l'aints  ou  comme  des 
magiciens.  Avec  cela  Pomponace  entreprend 
de  répondre  à  tout  ce  qu'on  lui  oppole  de 
lurnaturel.  Cette  fuite  de  propoiitions  fiit 
allez  connoitre  que  ce  n'eft  pas  fans  fonde- 
ment que  Pomponace  eft  accule  de  l'impiété 
des  péripatéticiens.  'Voici  encore  comme  il 
s'explique  dans  les  propofitions  fuivantes. 

Dieu  coniioiL  toutes  choies  foi  -  même 
dans  Ion  eifence  ,  &  les  créatures  dans  'a 
toute -puifiance. 

Dieu  &  les  efprits  ne  peu\  ent  agir  fur  les 
corps ,  parce  qu'un  nouveau  mouvem.ent  ne 
lauroit  provenir  d'une  caufe  immobile ,  que 
par  la  médiation  de  l'ancien  mouvement. 

Dieu  &c  les  efprits  meuvent  dont  l'e::- 
tenùement  &  la  volonté  ,  comnie  premiers 
moteurs,  mais  non  fans  l'intervention  des 
csrps  céleftts. 

La  volonté  eft  en  partie  matérielle ,  parce 
qu'elle  ne  peut  agir  lans  les  corps  ;  &  en 
partie  immatérielle  ,  parce  qu'elle  produit 
quelque  chofe  qui  eft  au  de/lus  des  corps: 
car  elle  peut  choilir,  elle  eft  libre. 

Les  prophètes  foiit  dilpofésp rj  leur  iLiture 


-358  ARI     ^ 

&  les  principes  de  leur  génération  ,  quoique 
d'une  façon  éloignée  ,  à  recevoir  les  impref- 
fîons  de  l'efprit  divui  ;  mais  la  caufc  formelle 
de  la  connoiflànce  des  chofes  futures  leur 
vient  des  corps  céleftes.  Tels  furent  Elifée , 
Daniel,  Jofeph ,  &  tous  les  devins  des  gentils. 

Dieu  eft  la  caufe  de  tout  ,  voilà  pourquoi 
il  eft  la  fource  des  prophéties  :  mais  il  s  ac- 
commode à  la  difpolkion  de  celui  qu'il  in!- 
pire  ,  ^  à  l'arrangement  des  corps  céleftes  : 
or  l'ordre  des  cieux  varie   perpétuellement. 

La  fanté  rendue  à  un  malade  miraculeule- 
ment ,  vient  de  l'imagination  du  malade  ; 
c'eft  pourquoi  fi  des  os  réputés  être  d'un 
faim  ,  étoient  ceux  d'un  chien  ,  le  malade 
n'en  feroit  pas  moins  guéri  :  il  arrive  même 
fouvent  que  les  reliques  qui  opèrent  le  plus 
de  prodiges ,  ne  font  que  les  triftes  débris 
d'un  homme  dont  l'ame  brûle  en  enfer.  La 
guérifon  vient  auiïi  quelquefois  d'une  dif- 
polition  particulière  du  malade. 

Les  prières  frites  avec  ardeur  pour  de- 
mander la  pluie  ,  ont  fouvent  leur  eftet ,  par 
la  force  de  l'imagination  de  ceux  qui  la  de- 
mandoient  ;  car  les  vents  Se  les  élémens  ont 
ime  certaine  analogie  ,  une  certaine  fympa- 
tliie  avec  un  tel  degré  d'imagination  ,  &  ils 
îui  obciilent.  Voilà  pourquoi  les  prières  n  o- 
perent  point  qu'el.les  ne  partent  du  fond  du 
cccur  ,  &  qu'elles  ne  ioient  ferveîites. 
.  Suivant  ce  fentiment ,  il  n'eft  pas  incroya- 
ble qu'un  homme  né  lous  une  telle  conftel- 
lation  ,  puilfe  commander  aux  vents  &  à  la 
mer  ,  chafler  les  démons ,  &  opérer  en  un 
mot  toutes  ibrtes  de  prodiges. 

Nier  que  Dieu  &  les  efprits  foient  caufe 
de  tous  les  maux  phyfiques  qui  arrivent , 
c'eft  renverfer  l'ordre  qui  confifte  dans  la 
diverfiré. 

Comme  Dieu  ni  les  corps  céleftes  ne  peu- 
vent forcer  la  volonté  à  le  porter  vers  un 
objet  -,  auffi  ne  peuvent-ils  pas  être  la  caufe 
du  mal  moral. 

Certaines  difpo&ions  des  corps  influent 
pourtant  fur  le  mal  moral ,  mais  alors  il  celle 
d'être  mal  moral ,  «S;  devient  vice  de  nature. 

Les  aftrologues  difent  toujours  des  chof* 
conformes  à  la  raifon  .Se  au  bon  lens  :  l'homme 
par  la  force  de  ce  qu'il  renferme  ,  peut  être 
changé  en  loup  ,  en  pourceau  ,  prendre  en 
un  mot  toutes  fortes  de  formes. 

Tout  ce  qui  commence  doit  avoir  une 
fin  ;  il  n'eft  donc  pas  furprcnant  que  les  ora- 
fjçsaieiit  ccflc.-        , 


ART 

L'attcicnne  loi ,  félon  l'ordre ,  demando'c 
des  oracles  :  la  nouvelle  n'en  veut  point , 
parce  que  c'eft  un  autre  arrangement  ;  il 
falloit  contracter  d'autres  habitudes. 

Comme  il  eft  fort  difficile  de  quitter  une 
ancienne  habitude  pour  en  prendre  une  n.ou- 
velle,  il  s'enfuit  que  les  miracles  étoient  né- 
ceilaires  pour  faire  adopter  la  nouvelle  loi , 
&  abandonner  l'ancienne. 

Lorlque  l'ordre  des  cieux  commencera  à 
changer ,  tout  changera  ici  bas  :  nous  voyons 
que  les  mir.icles  furent  d'abord  foibles,  &  la 
religion  aufTi  ;  les  miracles  devinrent  plus  fur- 
prenans ,  la  religion  s'sccrut  ;  les  miracles  ont 
celle  ,  la  religion  diminue:  tel  eft  l'ordre  des 
cieux  ;  il  varie  &:  il  variera  fi  fort ,  que  cette 
religion  ceflera  de  convenir  aux  hommes. 

Moyfea  fait  des  miracles ,  les  païens  aulîî, 
avec  eux  Mahomet  &:  Jefus-Chrift.  Cela  eft 
nécellaire  ,  parce  qu'il  ne  fauroit  y  avoir  de 
changement  conlidérable  dans  le  monde , 
lans  le  lecours  des  miracles. 

La  nature  du  miracle  ne  confifte  pas  en 
ce  qu'il  eft  hors  de  la  fphere  des  clioles  or- 
dinaires ,  mais  en  ce  que  c'eft  un  eftet  rare  , 
dont  on  ne  connoît  pas  la  caule ,  quoiqu'elle 
le  trouve  réellement  dans  la  nature. 

Voilà  l'impiété  de  Pomponace  dans  (oh 
entier  :  il  croit  l'adoucir  ,  en  dilant  que 
Je(us-Chrift  doit  être  préféré  à  Ariftote  & 
à  Platon.  "  Et  quoique  ,  dit-il ,  tous  les  mi- 
5,  racles  qui  lont  arrivés  puillcnt  s'expliquer 
„  naturellement  ,  il  faut  pourtant  croire 
„  qu'ils  ont  été  faits  iurnaturellement  en  fa- 
„  veur  de  la  religion ,  parce  que  l'égliie  veut 
,,  qu'on  le  croie.  >>  Il  avoir  pour  maxime 
de  parler  comme  le  vulgaire  ,  &  de  penfer 
comme  un  philoiophe  ;  c'eft-à-dire ,  qu'il 
étoit  chrétien  de  bouche ,  &:  impie  dans  te 
ccxur.  "  Je  parle,  dit-i!  en  un  emiroit ,  pour 
,,  des  philolophes^qui  font  les  leuls  hommes 
,,  qui  Ioient  iiir  la  terre  ;  car  pour  les  autres , 
„  je  les  regarde  comme  de  fimples  figures 
,,  propres  à  remplir  les  vuides  qui  le  trouvent 
,,  dans  l'univers. ,,  Qii'eft-il  befoin  de  ré- 
futer ce  qu'on  vient  de  lire  î  ne  fuftit-il  point 
de  l'avoir  mis  fous  les  yeux  1  Pomponacei-euc 
plulieurs  difciples,  parmi  lefquels  le  trouve 
Hercule  de  Gonzague ,  qui  fut  cardinal  dans 
la  fuite ,  de  qui  eut  tant  d'eftimc  pour  Ion 
ma'tre,  qu'il  le  fit  inhumer  dans  le  tombeau 
de  les  ancêtres,  il  paroit  par  une  lettre  de  Ju- 
'  les  Scaliger^qu'i!  a  été  dilciple  de  Pompoiwcc, 


A  R  I 

Auguftin  Niphiis  fat  Padverfaire  le  plus 
redoutable  de  Pomponace  :  ce  fur    un    des 
plus  célèbres  pcripatcticiens  de  Ton  fiecle.  Il 
naquit  dans  la  Calabre  ,  quoique  plulîeurs 
l'aient  cru    Suillè.    Il  eft  vrai  que  Niphus 
lui-même  donne  occaflon  à  cette  erreur  ;  car 
il  il'  diioic    SuilIe ,   parce  qu'il  avoir  vécu 
long-temps  dans  ce  pays-là  ,  Se  qu  il  s'y  croit 
marié.  Son  père  le  remaria  après  avoir  perdu 
la  mère  de  Nipiius  :  (a  markre  étoit  cruelle 
&  injufte;  elle  poulTà  la  haine  h  loin  ,  que 
Niphus ,  quoique  fort  jeune  ,  fut  obligé  d'a- 
bandonner la  maiion  de  Ion  père.  Il  s'enfuit 
à  Naples  où  il  eut  le  bonheur  de  rencontrer 
un  Suillè  à  qui  il  plut  :  il  le  regarda  comme 
un  de  Tes  enfuis ,  «Je  lui  donna  la  même 
éducation.    On  l'envoya  faire  les  études  à 
Padoue  :  il  y  étudia  la  philoiophie  des  péri- 
patéticiens ,  &  s'adonna  à  la  médecine.  Selon 
la  coutume  de  ce  temps -là  dans  l'Italie ,  ceux 
qui  n'embrailoient  pas  l'état  eccléliaftique  , 
joignoient  l'étude  de  la  médecine  à  l'étude 
de  la  philoiophie  :  c'efl:  pourquoi  Niphus  tut 
dans  (on  hecle  auffi  bon  médecin  que  célèbre 
philolophe.  Il  avoit  eu  pour  maître  un  pé- 
ripatéticien  fort  attaché  aux  opinions  d'A- 
verroès ,  iur-tout  à  celle  de  l'exiftcnce  d'une 
feule  ame  :  il  avoit  apporté  tant  d'argumens 
pour  prouver  ce  fentiment ,  que  le  peuple  & 
ks  petits  phiîolophes  l'adoptèrent  avec  lui  ; 
de  lorte  que  cette  opinion  le  répandit  dans 
toute   l'Italie.  Il  avoir  encore   enchéri   lur 
Averrcès  ;  il  fourenoit  entr'autres  choies  , 
qu'il  n'y    avoir  d'autres  fubftances  imma- 
térielles que  celles  qui  faifoient  mouvoir  les 
fpheres  céleftes.    Niphus   n'examina  point 
dans  la  fuite  (I  ce  que  Ton  maître  lui  avoit 
appris  étoit  bien  fondé;  il  ne  chercha  que 
les  moyens  les  plus  propres  à  bien  défendre 
les  opinions  de  ce  maitre.  Il  écrivit  dans  ce 
deilein  fbn  livre  de  l'entendement  tk  des 
(démons.  Cet  ouvrage  fit  beaucoup  de  bruit  : 
lés  moines  fe  récrièrent  hautement  fur  les 
erreurs  qu'il  contenoit  :  ils  excitèrent  contre 
lui  une  (î  violenre  tempête ,  qu'il  eut  toutes 
les  peines  du  monde  à  n;  pas  faire  naufrage. 
Cela  le  rendit  plus  Cage  &  plus  prudent  dans 
la  fuite.   Il  enfeigna  la  philoiophie  dans  les 
plus  célèbres  académies  de  l'Italie  ,   &  où 
Achillinus  &  Pomponace  étoicnt  en  grande 
féputarion  -,  comme  à  Pife  ,   Bologne  ,  Sa- 
krne ,  Padoue ,  &  enfin  à  Rome,  dans  le 
collège  de  la  Sapience.  Niphus  nous  aiHi^e, 


A  RI  3ÇP 

que  la  ville  de  Bologne  &  celle  de  Venife 
lui  avoient  offert  mille  écus  d'or  par  an  pour 
profeller  la  philoiophie  dans  leur  ville.   La 
maiion  de  Médicis  le  protégea  beaucoup  , 
&:  en  particulier  Léon  X  qui  le  combla  de 
biens  &  d'honneurs.  Il  lui  ordonna  de  réfu- 
rer  le  livre  de  Pomponace  fur  l'immortalité 
de  l'ame  ,  &  de  lui  prouver  que  l'immorta- 
lité de  l'ame  n'étoit  pas  contraire  aux  lenti- 
mens  d'Arirtote  ;  ce  que  Pomponace  pré- 
tendoit.  C'eft  ainfi  que  la  barbarie  du  ficelé 
rendoir  mauvaifes  les  meilleures  caules.  Par 
la  façon  ridicule  de  réfuier  Pomponace ,  ce 
philolophe  le  trouvoit  avoir  railon  :  car  il 
eft  certain  qu'Ariftote  ne  croyoit  pas  l'im- 
mortalité de  l'ame.   Si  Niphus  s'étoit  atta- 
ché à  prouver  que  l'ame  écoit  immortelle ,  il 
auroit  tait  voir  c^e  Pomponace  avoit  tort , 
avec  Ariftore  ,  fon  mai'rre  &:  Ion  guide.  Ni- 
phus eut  beaucoup  d'adveriaires ,  parce  que 
Pomponace  avoit  beaucoup  dedifciples.T  ous 
ces  écrits  contre  lui  n'empêchèrent  pas  qu'il 
ne  fut  fort  agréable  à  Charles  V  ,  &  même 
aux  femmes  tie  fa  cour  ;  car  ce  philolophe  , 
quoiqu'allez  laid  ,  favoir  pourtant  li   bien 
dépouiller  la  rudctié  philolophique ,  &  pren- 
dre les  airs  de  la  cour ,  qu'il  étoit  regardé 
comme  un  des  hommes  les  plus  aimables.  Il 
contoit  agréablement ,  &  avoit  une  imagi- 
nation qui  le  iervoit  bien  dans  la  comerla- 
tion.  Sa  \'oix  étoit  lîmore  ;  il  aimoir  les  fem- 
mes, &  beaucoup  plus  qu'il  ne  com'enoit 
à  un  philofophe  :  il  poulla   quelquefois  les 
aventures  li  loin  ,  qu'il  s'en  ht  mépriler,  & 
rilqua  quelque  chofe  de  plus.  Bayle,  com- 
me on  leur  bien  ,  s'étend  beaucoup  fur  cet 
article  ;  il  le  fuit  dans  toutes  les  aventures , 
où  nous  croyons  devoir  le  laifler.  Nous  ne 
faurions  trop  nous  élever  contre  fcs  mccurs , 
&   cor.tre    la  fureur  de  railler  indiftinéte- 
ment  tout  le  monde  ,  fur  quelque  matière 
que  ce  fut.  Il  y  a  beaucoup  de  traits  obi  cè- 
nes d.ans  fes  ouvrages.  Le  public  le  venge 
ordinairemenr  ;  il  y  a  fort  peu  de  pcrfo:ines 
lur  qui  on  fade  des  conres  aulTi  piail.ms  que 
lur  Niphus.  Dans  certains  écrits  on  lit  qu'il 
devint  fou  :  mais  nous  ne  devons  pas  fiire 
plus  de  cas  de  ces  hiftorierres  que  des  fien- 
nes.   On  peut  allurer  feulement  que  c'étoit 
un  homme  de  beaucoup  d'esprit;  on  le  voit 
aifément  dans  fes  ouvrages.    Il  a  fait  des 
commentaires    fur  prefque  tous  les    livres 
d'Arillote  qui  regardent  la  philoiophie  j  c'eit 


^<jO 


A  R  î 


ir.cn-.e  ce  qu'il  a  fait  de  mieux  j  car  ce  qu'il  a 
t'crit  kir  la  morale  n'eft  pas  à  beaucoup  près 
(îbon.  Son  grand  dLÏauréroir  la  diffulion; 
lorfqu'il  a  une  idée,  il  ne  la  quitte  pas  qu'il 
ne  vous  l'ait  préfentée  de  toutes  les  façons. 

Parmi  les  derniers^  philolbphes  qui  ont 
fuivi  le  pur  pcripatctiiine,  Jacques  Zaborella 
a  été  un  des  plus  fameux.  Il  naquit  à  Padoue 
en  1535,  d'une  famille  illuftre.  L'efprit  de 
ceux  qui  doivent  fiiire  un  jour  du  bruit  Ce 
développe  de  bonne  heure.  Au  milieu  des 
fautes  &c  des  mauvaifes  chofes  que  fait  un 
jeui:e  homme,  on  découvre  quelques  traits 
de  génie  ,  s'il  ed  deftiné  un  jour  à  éclairer  le 
monde.  Tel  fut  Zaborella:  il  joignoit  à  une 
grande  ficilité  un  delir  infatiable  de  favoir. 
Il  auroit  voulu  podédcr  toutes  les  fciences , 
&  les  épuifer  toutes.  Il  s'eicrima  de  bonne 
Heure  dans  le  pcripatétifme  ;  car  c'étoit  alors 
ie  nccplus  ultra  des  philofophes.  H  s'appliqua 
fur-tout  aux  mathématiques  &  àl'aflrologie, 
dans  laquelle  il  fit  de  grands  progrès.  Le 
fcnat  de  Venife  l'eftima  fi  fort ,  qu  il  le  fit 
fuccéder  à  Bernard  Tomitanus.  Sa  réputation 
ne  fut  point  concentrée  dans  l'Italie  leule- 
ment.  Sigifmor.d  ,  alors  roi  de  Pologne ,  lui 
oftrit  des  avantages  fi  confidérables  pour 
aller  profefTcr  en  Pologne  ,  qu_^il  fe  dctcr- 
mina  à  quitter  fa  patrie  ,  6c  à  iatisfiire  aux 
delirs  de  Sigi^mond.  lia  écrit  plufieurs  ou- 
vrages qui  lui  donneroient  une  grande  répu- 
tation ,  li  nous  étions  encore  dans  la  bar- 
barie de  ce  temps-là  :  mais  le  nouveau  jour 
qui  luit  fur  le  m.onde  littéraire  ,  obfcurcit 
l'éclat  que  jetoient  alors  ces  fortes  de  livres. 

Les  PicolomJnis  ne  doivent  point  être 
oubliés  ici.  Cette  maiioi-i  efc  aulTi  illuflre  par 
les  favans  qu'elle  a  produits  ,  que  par  Ion 
ancienneté.  Les  parelis  d'Alexandre  Picco- 
iomini  ayant  hérite  de  leurs  ancêtres  l'amour 
des  fciences ,  voulurent  le  transmettre  à  leur 
fils  :  pour  cela  ils  lui  donnèrent  toute  forte 
de  maîtres ,  &  Ls  plus  habiles.  Ils  ne  pen- 
foient  pas  comme  on  penfe  aujourd  hui  :  la 
vanité  fait  donner  des  précepteurs  &  des 
gouverneurs  aux  enfans;  il  lu  (fit  qu'on  en 
ait  un  ,  on  ne  s'emlTarralTe  guère  s'il  efl  pro- 
pre à  donner  l'éducation  convenable;  on  ne 
demande  point  s'il  (ait  ce  qu'il  doit  apprendre 
à  fon  élevé;  on  veut  feulement  qu'il  ne  foit 
pas  cher.  Je  fu's  perfuadé  que  cette  faconde 
penfer  a  caufc  la  chiite  de  plulieurs  grandes 
mailons.  Un  jeune  homme  ojal  élevé  donne 


A  R  r 

dans  toutes  fortes  de  travers  ,&  (ê  ruine; 
^  s'il  ne  donne  pas  dans  des  travers ,  il  ne 
fait  pas  pour  s'avancer  ce  qu'il  auroit  pu 
faire  s'il  avoir  eu  un^  m.eilieure  éducation. 
On  dit  que  les  inclinations  du  duc  de  Bour- 
gogne n'ctoient  pas  tournées  naturellement 
au  bien  :  que  ne  fit  donc  pas  l'éducation  que 
lui  donna  le  grand  Fénélon ,  puifqu'il  en  fit 
un  prince  que  la  France  pLutera  toujours? 
Pour  revenir  à  Alexandre  i'iccolomini ,  il  fie 
avec  de  tels  maîtres  des  progrès  extraordi- 
naires. Je  crois  que  ce  qu'on  dit  de  lui  tient 
un  peu  de  l'exagération  ,  &  que  la  flatterie  y 
a  eu  un  peu  de  part  :  il  elt  pourtant  vrai  qu'il 
futundtsplushibiles  hommes  de  Ion  temps: 
la  douceur  de  les  mœurs ,  &  ion  urbanité 
digne  du  temps  d'Aiiguife  ,  lui  firent  autant 
d'amis  ,  que  Ion  favoir  lui  avoir  attiré  d'ad- 
mirateurs. Il  n'eut  p.is  feulement  le  mérite 
philolophique ,  on  lui  trouva  le  mérite  épif- 
copal  :  il  fut  élevé  a  cette  dignité  ,  &  fut 
eniuite  fait  coadjuteur  de  l'archevêque  de 
Sienne.  Il  vieillit  ellimé  &i  relpetté  de  tout 
le  monde.  Il  mourut  en  1 578  ,  regretté  de 
tous  les  lavans  &  de  tous  fes  diocéfains , 
dont  il  avoir  été  le  père.  On  ne  fauroit  com- 
prendre l'amour  qu'il  avoit  pour  les  ouvrages 
d'Arilfoce  :  il  les  Ufoit  nuit  &  jour  ,  &  y 
trouvoit  toujours  un  nouveau  plaifir.  On  a 
railon  de  dire  qu'il  faut  que  la  palTion  Scie 
préjugé  s'en  mêlent  :  car  il  eft  certain  que 
dans  quelques  ouvrages  d'Ariltote  ,  les  plai- 
ins  qu'un  homme  d'elprit  peut  goûter  l'ont 
bientôt  épuilés.  Alexandre  Piccolomini  a  été' 
le  premier  qui  ait  écrit  la  philofophie  en 
langue  vulgane  :  cela  lui  attira  les  reproches' 
de  plulieurs  lavans ,  qui  crurent  la  philofo- 
phie d'Ariifote  profanée.  A  peine  ces  fu- 
perftitieux  ofoieiu-ils  l'écrire  en  latin  :  à  les 
entendre ,  le  grec  feul  étoit  digne  de  renfer- 
mer de  li  grandes  beautés.  Que  diroient-ils 
aujourd'hui  s'ils  revenoient  ?  notre  philofo- 
phie les  lurprendroit  bien  :  ils  verroient  que 
les  plus  petits  écoliers  le  moquent  des  opi- 
nions qu'ils  ont  tant  refpeé^tées.  Comment  le 
peut-il  faire  que  dej  hommes  ,  qui  aiment 
naturellement  l'indépendance  ,  aient  Hécliî 
le  genou  lî  long-temps  devant  Arillore;  c'efl:  L 
un  problême  qui  mériteroit  la  plume  d'un  ' 
homme  d'elprit  pour  le  réloudre  :  cela  me 
lurprend  d'autant  plus,  qu'on  écrivoit  déjaf 
^contre  la  religion.  La  révélation  gênoit  ;  on 
ne  vouloit  pas  captiver  l'on  efprit  fous  les 

prophètes  y 


A  R  r 

prophètes,  fous  Ic<;  cvangcliftcs ,  fous  (ainî 
l'aui  :  (es  i-p^'cres  poiiitaiic  contiennent  une 
meilleure  philolophie  que  celle  d'Ariftoce. 
Je  ne  luis  pas  (urpris  de  voir  aujourd'hui  des 
incrédules  :  Defcartes  a  appris  à  n'admenre 
rien  qiu  ne  loit  prouve  trcs durement.  Le 
philosophe  qui  connoilloit  le  prix  de  la 
lournilhon  ,  la  rcfula  à  tous  les  philolophes 
anciens.  L'intérêt  ne  le  guijoit  pas;  car,  par 
les  principes ,  on  a  cru  ne  devoir  le  fuivre 
que  lorfquc  Tes  raifons  étoient  bonnes.  Je 
conçois  comment  on  a  étendu  cet  examen  à 
toutes  choies ,  même  jufqu'à  la  religion  : 
mais  que  dans  un  temps  où  tout  en  philolo- 
phie fe  jugeoit  par  autorité ,  on  examinât  la 
religion  ,  voilà  ce  qui  cft  extraordinaire. 

François  i^iccolomini  fut  encoreun  de  ceux 
qui  firent  honneur  à  la  philolophie  péripaté- 
ticienne. Il  lemble  que  Ion  cfprit  vouloir 
fortir  des  entraves  où  il  étoir.  L'autorité 
d'Ariftote  ne  lui  fuffifoit  pas  :  il  ofa  aulTi 
penler  comme  Platon;  ce  qui  lui  attira  fur  les 
bras  le  fougueux  Zaborella.  Leur  difpute  fut 
fîngulicre  ;  ce  n'écoit  point  fur  les  principes 
de  la  morale  qu'ils  difputoient ,  mais  iur  la 
façon  de  la  traiter.  Piccolomini  vouloir  qu'on 
la  traitât  fynthctiquement  ,  c'eft  -  à  -  dire  , 
qu'on  part'^t  des  principes  pour  arriver  aux 
conclulions.  Zaborella  difoit  qu'à  la  vérité 
dans  l'ordre  de  la  nature  on  procédoit  ainfî , 
mais  qu'il  n'en  étoit  pas  de  même  de  nos 
connoillances  ;  qu'il  hl'oir  commencer  par  les 
elfetî  pour  arriver  aux  caufes;  &  toute  fon 
attention  ctoit  à  démontrer  qu'Ariftote  avoit 
penlé  ainfi;  croyant  bien  avoir  terminé  la 
difpute  s'il  vcnoit  à  bout  de  le  démontrer  : 
njais  il  fe  trompoit.  Lorfque  Piccolomini 
étoit  battu  par  Ariftote  ,  il  fè  réfugioit  chez 
Platon.  Zaborella  ne  daignoit  pas  m^me  l'y 
attaquer  ;  il  auroit  cru  manquer  au  refpeâ: 
du  à  fon  maître,  en  lui  donnant  un  rival. 
Piccolomini  voulut  accorder  ces  deux  phi- 
lofophes  enfemble;  il  croyoit  que  leurs  prin- 
cipes étoient  les  mêmes,  &  que  par  confé- 
qucnt  ils  dévoient  s'accorder  dans  les  con- 
clufions.  Les  zélateurs  d'Arifcore  improuve- 
rent  cette  conduite;  ils  vouloient  que  leur 
maître  kit  le  feu!  de  l'antiquité  qui  eût  bien 
penlé.  Il  mourut  âgé  de  quatre-vingt-quatre 
ans.  Les  larmes  qui  Rirent  verfées  à  fa  fépul- 
ture,  font  l'orai (on  funèbre  la  plus  éloquente 
qu'on  puifle  faire  de  lui  ;  car  les  hommes  n'en 
aiment  pas  un  autre  précifémenc  pour  fes 
Tumt  m 


A  RI  y6i 

talcuî',  fi  !e  coeur  lui  manque  ,  ils  le  borneiTt 
à  clHaier  l'eîprit.  François  Piccolomini  m-i- 
rita  l'eftime  &c  l'am-itié  de  tous  (es  citoyens. 
Nous  avons  de  lui  un  commentaire  fur  les 
livres  d'Ariftotc  qui  traitent  du  ciel ,  &  fur 
ceux  qui  traitent  de  l'origine  &  de  la  mort 
de  l'aine;  un  lyftêm.e  de  philolophie  natu- 
relle &  morale  ,  qui  parut  fous  ce  titre  :  La 
A/er.ce  parfaite  &  philofophique  de  toute  la 
nature  ,  dijirihuèe  en  cinq  parties. 

Les  grands  étudioient  alors  la  philolo- 
phie ,  quoiqu'elle  ne  fiit  pas  à  beaucoup  près 
îi  agréable  qu'aujourd'hui.  Cyriaque  Strozzi 
fut  du  nombre  :  il  étoit  de  l'illullrc  mailon 
de  ce  nom  chez  les  Florentins.  Après  une 
éducation  digne  de  la  haute  naillànce  ,  il 
crut  néceflaire  pour  la  perfe6bion  ,  de  voya- 
ger dans  les  différentes  parties  de  l'Europe. 
Il  ne  le  fit  point  en  homme  qui  voyage 
précifément  pour  s'amuler.  Toute  l'Europe 
devint  un  cabinet  pour  lui  ,  où  il  travail- 
loit  autant  &  avec  plus  de  fruit  que  certains 
favans  qui  croiroient  perdre  leur  temps  s'ils 
voyoient  quelquefois  le  jour.  De  retour 
dans  la  patrie  ,  on  le  nomma  profeiîeur  ; 
car  les  grands  ne  le  croyoienr  pas  alors  dés- 
honorés en  prouvant  qu'ils  en  lavoient  plu? 
que  les  autres.  Il  fut  enfuite  profeiîeur  à 
Bologne  ,  d'où  il  fut  transléré  à  Pile  ,  par- 
tout il  loutint  fa  réputation  qui  étoit  fore 
grande.  Il  entreprit  de  donner  au  public  le 
ne'ivicme  &  le  dixième  livre  de  la  poUtique 
d'A^nllote ,  qui  font  perdus.  Us  ne  font  peut- 
être  pas  de  !a  force  de  ceux  qui  font  fortis 
de  la  plume  d'Ariftore  :  mais  on  peut  dire 
qu'il  y  a  de  la  finelTe  dans  fes  réflexions ,  de 
la  profondeur  dans  fes  vues ,  &c  de  l'efprit 
femé  dans  tout  Ion  livre.  Or  dans  ce  temps- 
là  l'efprit  étoit  beaucoup  plus  rare  que  le  la- 
voir: &  je  fuis  perfuadé  que  tels  qui  brilloient 
alors ,  ne  pourroient  pas  écrire  deux  lignes  au- 
jourd'hui; il  but  allier  la  fcience  avecl'elprir. 

André  Cœfàlpin  &  Céfar  Crémonia  Ce 
rendirent  fort  illuftres  drns  leur  (îecle.  Il 
cft  ailé  de  fixer  les  yeux  de  tout  le  monde 
fur  (()i-mêm.e  ,en  écrivant  contiç  la  religion , 
Se  fur-tout  loriqu'on  écrit  avec  efprit  :  on 
voit  que  tout  le  monde  s'emprefle  à  acheter 
ces  livres;  on  diroit  que  les  hommes  veulent 
ie  venger  de  la  gêne  où  les  tient  la  religion, 
&  qu'on  eft  bien  aife  de  voir  attaquer  des 
préceptes  qui  font  les  ennemis  de  toutes  les 
palfions  de  l'hoinjne.  Ca^falpin  pafla  nout 

^  V  y 


^.6i  A  R.  I 

impie,  &iK)n  fsns  raifoii  :.jatnA-'s  pcrroiinc 
n'a   (a.i'  moins  de  cas  des  vcriïcs  révél-fes. 
/47US  les  cnidçs  oxclijiaires,  il  .prit  la  rélo- 
4iïtir-n  de  devenir  h'^bilc  dniis  h  médecine 
^fc  dansla  phi'o'op'niç  d'Anllotc.  Son  génie 
jerçnr/t  Ci  facile  lui  fit  faire  des  progrès  rapi- 
d';s  dans  ces  deux  fciences.  Sa  v.ifte  érudi- 
tion couvrit  qn  peu  la  tache  d'irnpitté  dont 
il  éroit  accufé  ;  car  le  pape  Cl'-mcnt  VIII, le, 
fît  Ton  premier  médecia  ,  &  liû  donna  une: 
chaire  de  médecine  au  collège  de  -Sapience  :■ 
ce  fvz  là  qu'il  Ht  connoitre  toute  (a  fugacité. 
H  Te  fie  un  grand  nom  par  Içs  différens  ouvra- 
ges qu'il  donna  ,  &  fur- tout  par  la  décou- 
verte de  la  circulation  du  fang  ;  car  jl  paraît 
tn  cela  avoir   préverm    Harvei.   La  jufl.ice 
dem.ande  que  nous  rapportions  fur  quoi  l'on 
fc  fonde  pour  difputer  à  Harvei  la  gloire  de 
cette  découverte.  Voici  comipent  parle  C.x- 
falpin  ;    Idrirco  pulmo  per   venam    arteriis 
f-rrukm  ex  dextro  ccrdis  ventriculo  fervidim 
hauriens  fanguinem  ,  eumque  pcr  ancflomo- 
Jim  arurix  venali  reddens  quiV  in  finijîrvm 
Cor  dis  veniriculum  tendit ,  tranfmiffo  intérim  , 
aère  frigido  per  afperœ  arteriçe  canales  ,  qui 
juxta  arteriam    vcnalem  prctenduntur  :  non 
/amen    ofculis    communicantes  ,    ut   putavit 
Galenus  ,  folo  taclu  tempérât.    Huic  fangui- 
nis   circuiationi  ex    dextro  cordis  ventrtcido 
fer  pulmones  in  finijirum   Cjnfdem  veniricu- 
lum ,    optimtl    refpondent    ea  qux    in  dijfcc- 
lione    apparent    :    nam    duo   funt     vafa    in 
dextruni  ventriculum    definentia  ,  duo  etiam 
in  finijirum  ;    àuorum    autem    iinum    intro-  ■ 
mitiit    taniàm ,    altcrum   educit ,    membranis 
eo  ingénia  conjiitutis.   Je  laifle  aux    méde- 
cins à  juger  (1  ces  paroles  ne  prouvent  pas! 
jue  Cafàlpin  a  connu   la   circulation   du 
ang.  La  pîiilofophie  eft  ce  qui  pous  inté- 
redele  plus  dans  la  perfonne  de  Cxfalpin  , 
piu'que   c'cfl:  ici   de  la  philoiophie  feule- 
ment  qu'il    s'agit.    Il   s'étoit    propofé    de 
iuivre  Arillote  à  b  rigueur  ;  aucun  com- 
mentateur n'étoit  une  autorité  fufiilnntepour 
lui.  Heureux  s'il  avoir  pu  fecouer  celle  d'A- 
ndote  même!  mais  il  étoit  donné  à  la  Fr.mce 
de  produire  ce  génie,  qui  devoir  tirer  de 
1  efclavage  tous  les  efprits  du  monde.  Lorf- 
^qu'il  trou  voit  quelque  çhofc  dans  Atiitote  qui 
lui  paroifibit  contraire  aux    dogmes  .de  la 
rt'ligion     chrétienne  ,     cela     ue  '  Tariêtoit 
point  :  il  pourfuivoit  toujours  ion  chemin , 
;^  iaifloit  aux  tbcologii.us  ù  /t  tiigr  jie  te 


l 


A  R  I 

mauvais  pas.  Il  paroit  même  qu'il  a  prévenu 
bpinofa    dans    pluhcurs   de    fcs    principes 
impies;  c'eft  ce  qu'on  peut  voir  dins  fès 
queftions  péripatcciciennes  fur  les  premiers 
principes  de  la  philofophie  naturelle.  Npp 
Iculcment  il  a  luivi  les  impiétés  d'Ariftotej 
mais  on  peut  dire  de  plus  qu'il  a  beaucoup 
enchéri  lur  ce  philolophe.  Voilà  pourquoi 
plulieurs    pcrlonnes    dillinguées  dans  leiu 
fieçle  par  leur  mente ,  l'ont  accufé  d'athéif- 
me.  Nous  allons  dire  en  peu  de  mots  ce 
qui  doit  être  repris  dans  Carfalpin.  Il  fia: 
auparavant  fe  rappeller  ce  que  nous  avons 
dit  iqr  le  lyftême  de  la  phyhologie  d'Arifr 
tofe  i  car  fms  cela  il  feroit  difficile  de  nous 
(uivre.  Pour  mieux  faire  avaler  le  poi(on  , 
il  prenoit  iin  pallage  d'Ariftote ,  <ïc  l'inter- 
prétoit  à  (a  façon ,  lui  failant  dire  ce  qu'd 
vouloit  ;  de  forte  qu'il  prêtoit  fouvent  à  cç 
philolophe  ce  qu'il  n'avoit  jamais  penlé.  O» 
ne   peut  lire  iàns  horreur  ce  qu'il  dit  dp 
Dieu  &  de  l'ame  luimaine;  car  il  a  lurpafié 
en  cela  les  impiétés  &  les  folies  d'Averrocs, 
Selon  Cafàlpin ,  il  n'y  a  qu'une  ame  dans 
le  monde  ,  qui  anime  tous  les  corps  &  Dieu 
mêm.e  ;  il   paroit  même  qu'il   n'admettoit 
qu'une  feule  lubftance  :  cette  ame  ,  félon  lui , 
eft  le  Dieu  que  nous  adorons;  &  li  on  lui 
demande  ce  que  font  les  hommes  ,  il  vous 
dira  qu'ils  entrent  dans  la  compofition  de 
cette  ame.  Comme  Dieu  eli:  un  &  limple 
(  car  tout  cela  le  trouve  réuni  dans  cette 
doélrine  ,  )  il  ne  fe  comprend  que  lui-même , 
il  n'a  auame  relation  avec  les  chofes  exté- 
rieures ,  &  par  conféqucnr  point  de  providen- 
ce. Voilà  les  fruits  de  la  philofophie  d'Arif- 
tote ,  en  partie ,  il  eft  vrai ,  mal  entendue  ,  & 
en  partie  non  corrigée.  Car  Ariftotc  ayaqr 
enfeigné  que  toutes  chofes  partoicnt  de  1a 
matière,  Cacialpin  en  conclut  qu'il  n'y  avoit 
qu'une  fgbfiance  fpirituellc.  Et  comme  il 
voyoit  qu'il  y  avoit  pluficurs  corps  animés , 
il  prétejidit  que  c'étoit  une  partie  de  cette 
ame  qui  animoit  chaque  corps  en  particulier. 
Il  le  fcrvoit  de  cet  axiome  d'Ariftote ,  qi!t)4 
in  fe  optimum  ,  id  feipfum   intelUgere  ,  poilX 
mer  la  providence.  Dans  la  phyiique ,  il  cft 
encore  rempli  d'erreurs.  Selon  lui  ,  il  n'y  ft 
aucune  différence  entre  la  modification  &J^ 
fubftance  :  &  ce  qu'il  y  a  de  linguher ,  il  veiit 
qu'pn  défiuille  la  matière  &  les  diH-crciis 
corps ,  par    les   différais   accidens  &  Us 
.<juijftés  ^uJ  JiKs  ;^citem.,il  tftlàns  dou^e 


A  R  I 

dans  tout  cela  plein  de  contraJiiîtions  :  mais 
on  ne  fauroit  lui  refu/er  d'avoir  défendu  quel- 

3ues-uiics  de  (es  propohiions  avec  beaucoup 
e  fubrilité  &  fore  ingcnieuicment.  On  ne 
fàuFoit  rrop  déplorer  qu'un  tel  génie  fc  lôit 
occupé  toute  fa  vie  à  des  choies  fi  inutiles. 
S'il  avoir  entrevu  le  vrai ,  quels  progrès  n'nu- 
foit-il  point  faits?  Prclque  tous  les  iavans , 
comme  j'ai  déjà  remarqué  ,  reprochent  le 
fpinoiilme  à    Ca.-!a!pin.     Il    faut  pourtant 
avouer  qu'il  y  a  quelque  ditfcrencc  elIeiitieUe 
entre  lui  &  ce  célèbre  impie,  La  fubftaiicc 
unique  daiis  les  principes  de  Carlalpin ,  ne 
regardoit  que  l'ame  ;  &  daiis  les  principes  de 
Spinola  elle  comprend  aulTila  matière  :  mais 
qu'importe  ?  l'opiiiion  de  Ca;f3lpin  ne  détruit 
pas  moins  la  nature  de  Dieu  que  celle  de  Spi- 
rofa.  Selon  Ca-^falpin  ,  Dieu  cil:  la  fublbnce 
du  monde ,  c'en;  lui  qui  leconîtitue ,  &  il  n'cft 
j)as  dans  le  m^onde.  Q;atUe  ablurdicé  1  il  cchi- 
/idéroit  Dieu  par  rapport  au  monde ,  comme 
une  poule  qui  couve dcstrufs.  Il  n^y  a  pas  plus 
d'aélion  du  coté  de  Dieu  pour  foire  aller  le 
ihonde ,  qu'il  y  en  a  du  coté  de  cette  poule 
pour  faire  écïore  fcs  œufs  :  comme  il  ^li  im- 
boiTîble ,  dit-il  ailleurs ,  qu'uiicpuillance  ioit 
lànsiujet,  aufll  eft-il  impolTiblc  de  trouver 
un  efpritfrns  corps.  Il  cil  rem. pli  dépareilles 
aîjfurdités  qu'il  ieroit  fupcTfiu  de  raupcrcer. 
Crémonin  fut  un  im.pie  dans  le  goût  de 
Ca-falpiji  ;  leur  im.piécé  éioir  form.ee  fur  le 
Ihéme   modèle  ,  c'ell-à-dire  fur   Ariftote. 
Ces  cfpeces  de  philofophcs  ne  pouvoient  pas 
s'imaginer  qu'il   fit  polllile  qu'Ariftore  fe 
fàt  trornpé  en  quelque  chofe  ;  tout  ce  que 
ce  philolophe  ,  leurm.a;tre,  avoit prononcé  , 
leur  paroilToit  irréfragable  :  voilà  pourquoi 
tous  ceux  quifaiioient  profelfion  de  le  fuivre 
a  h.  rigueur  ,  nioient  l'immortalité  de  l'ame 
&  la  providence  ;  ils  ne  croyoient  pas  devoir 
profiter  des  lumières  que  la  religion  chré- 
tienne avoit  rcipanducs  fur  ces  deux  points. 
Ariftote  ne  l'avoit  point  penfé;  pouvoit-on 
rnseux  pen.'eraprès  lui  ?  S'ils  a  voient  un  peu 
réfléchi  lur  leur  conduite  ,  ils  fe  feroient  ap- 
perçus  qu'Ariftote  n'étoit  point  leur  maître , 
mais  leur  dieu ,  car  il  n'eft  pas  d'un  homme 
àe  découvrir  tout  ce  qu'on  peut  favoir  îk  de 
nefe  tromper  jamais.  Avec  une  telle  vénéra- 
tion pour  Ariftote  ,  on  doit  s'imaginer  aifé- 
mcnt  avec  quelle  fureur  ils  dévoroient  (es  ou- 
vrages. Cférhoninaété  un  de  ceux  qui  les  oitt 
ie  mieux  ciirendus.  Ufe  fît  unesîanderc]5u:a- 


A    R  I  3^i 

tien  qui  lui  attira  l'amitié  S:  l'cllime  dc-s 
princes  :  &c  voilà  œq^>e  je  ne  comprend»  pas  ; 
car  cette  cfpece  de  pliiloropliie  n  avoir  rien 
d'attrayant.  Je  ne  (crois  pas  furpi'is   Ci  les 
philo icplies  de  ce  temps-ll  av-oient  été  ren- 
voyés dans  leur   école  ;  car  je  lèns  qu'ils 
dévoient  être  fortcinuyeux  :  mais  qa'.:UJour- 
d'hui  ce  qu'oji  appelle  w/7  gr.md phiLiophe  ne 
foit  pas  bien  accueilli  cimtz  les  rois  >  qu'ils 
[  n'en  ir.([cv\i  pas  iciu'  .'mi  ^  voill  ce  qui  me 
furprcnd;  car  qui  dit  un  gr.ui.i  philo.ophe 
aujourd'hui ,  dit  un  homme  rcnipli  d'une 
infinité  de ctMinoi'.briCt^  utiles  5:  agréables» 
un  homme  qui  tft  rempli  de  grjjidcs  vues. 
On  nous  dira  que  ces  ph  loiophes  n'enten- 
dent rien  à  la  politique  :  ne  iaic-on  point  que 
le  train  des  afflures  cft  une  efpece  de  routine  , 
&  qu'il  faut  nécellaifcmejity  être  entré  pour 
les  ciitendre  ?  Mais  croit- on  qu'un  homme 
qui  par  les  ouvrages  cfl:  reconnu  pour  avoir 
un  g^nic  vafte  &  étendu  ,  pour  avoir  une 
penetracion  iurprenante  ,  aoit-on  ,  dis  je, 
qu'un  tel  ho.mme  ne  foroit  pas  un  grand 
miniftre  iîonl'employoit  ?  {j\\  grand  eiprit 
eft  toujours  actif&;  le  porte  toujours  vers  quel- 
que objet  :  il  feroit  donc  quelque  chofe  ;  nous 
verrions  certains  lyftêmes  redrefTés ,  certai- 
nes coutumes  abolies ,  parce  qu'elles  font 
mauvailes  ;  on  verioit  de  nouvelles  idées 
éclore  &  rendre  meilleure  la  condition  des 
citoyens  ;  la  fociétc  en  un  mot  ie  perfcction- 
neroit,  commelaplulolophie  le  perfeélionnc 
tous  les  jours.  Dans  certains  états  on  eft au- 
jourd'hui ,  eu  égard  au  fyftêm.e  du  bien  géné- 
ral de  la  iociété ,  comme  étaient  ces  philolo- 
phes  dont  je  parle ,  par  rapport  aux  idi^ 
d'Ariftote  ;  il  faut  elpérer  que  h.  nature  don- 
nera à  la  fociété  ce  qu'elle  a  déjà  donné  à  la 
philolophie  ;  la  fociétc  aura  ion  Defcarres  qui 
renver(era  une  infinité  de  préjuges  ,  &  fera: 
rire  nos  derniers  neveux  de  toutes  ks  focales 
que  nous  avons  adoptées.   Pour  revenir  à 
Crémonin ,  le  fond  de  (on  fyft:ême  eft  le  mié- 
me  que  ccîuide  C.TÎalpin.  Tous  ces  philoio- 
phes  icntoient  leur  impiété,  parce  qu'ilne  faut 
avoir  que  des  yeux  pour  voir  que  ce  qu'ils 
foutenoienteftcoiuraire  au  dogme  duchril^ 
tianiGre:  mais  ils  croyoient  rendre  un  hom- 
mage fufniant  à  la  religion  en  lui  donnant 
la  foi  j  &  ré.Qrvant  la  raifbn  pour  Ariftote  , 
partage  tics-àéravantàgeux.   Comment    ne 
fentoient-iis  point  que  ce  qui  eft  contraire  à 
Uraifon,  ce:  qUe  laraifon  prouve  faux  ,  ne 


l 


3^4  A  R  l 

iaiiroit  être  vr.ii  dsns  la  religion  r  La  vérité 
ei\  la  même  dans  Dieu  que  dans  les  hommes  ; 
c'cll  la  même  lource.  Je  ne  fuis  plus  iurpris 
qu'ils  ne  rencontra'Tènt  pas  la  vérité  ;  ils  ne 
iavoient  ce  que  c'ctoit  :  manquant  par  les 
premiers  principes ,  il  ecoitbien  dùîïcile  qu'ils 
lortiflcnt  de  l'erreurqui  les  lubjuguoit. 

Les  philo(ophes  don:  j'ai  p-rlé  ju 'qu'ici 
font  fortis  du  iein  de  l'egliie  romaine:  il  y 
en  a  eu  beaucoup  d'autres ,  (ans  douce:  mais 
nous  avons  cru  devoir  nous  arrêter  ieulement 
à  ceux  qui  le  (ont  le  plusdiftingués.  Lespro- 
telLms  ont  eu  les  leurs  ,  ainli  que  les  catholi- 
ques, ïl  (embi'JÎt  que  Luther  eut  porté  dans 
ce  parti  le  dernier  coup  à  la  philo fophie  péri- 
jatécicienne ,  en  l'enveloppant  dans  les  ma- 
édiélions  qu'il  donnoit  à  la  théologie  (clio- 
laftique  ;  mais  Luther  lui-même  fcntit  qu'il 
avoir  été  trop  loin.  La  fecle  des  anabapciftes 
lui  fit  connoitre  qu'il  avoic  ouvert  la  porte 
aux  enthouliaftes  &  aux  illuminés.  Les  armes 
pour  les  réfcter  manquoienr  aux  Luthériens , 
6c  il  fallut  qu'ils  empruntailcnt  celles  qu'ils 
maudiiloient  dans  la  main  des  catlioHques, 
Mélantthon  fut  un  de  ceux  qui  contribuèrent 
le  plus  au  rétabhflemenr  delà  philo'ophie  par- 
mi les  proteftans.  On  ne  favoit  être  dans  ce 
temps-1 '.  quepéripatéticien.  Mélanfthon  étoit 
trop  éclairé  pour  donner  dans  les  erreur: 
grolLicres  de  cette  feéVe  ,  il  crut  donc  devoir 
rÉiormer  la  philolophie  drns  qu'.lques-uncs 
de  fes  parties ,  8c  en  conferver  le  fond  qu'il 
jugea  nécefîàire  pour  repouiler  les  traits  que 
lânçoicntles  catholiques,  8c ev  même  rem.ps 
pour  arrêter  les  progrès  de  certaines  fcô.t:, 
cfui  alloieiit  beaucoup  plus  loin  que  les  pro- 
teftans. Cet  homme  cékbrc  naquit  à  Eretten , 
d'une  fimiile  honnête ,  il  reçut  une  fan  bonne 
cdacarion.  Dès  fa  premières  ar.nécs  on  dé- 
couvrit en  lui  un  Jeiîr  infariable  d'appren- 
dre; les  pîailîrs    ordinaires  ne  l'amufoicnt 
point ,  fon  application  continuelle  le  rendoi: 
grave  Se  fcrieu^  :  mais  cela  n'airéra  jamais 
la  douceur  de  'on  ciraéVere.  A  l'âge  de  iz 
ans ,  ilalla  continuer  les  études  à  Keidclberg  ; 
il  s'attira  bicnt'  t  l'eftime  &  l'r.mirié  de  tout 
le  monde  ;  le  comte  Louis  de  Lowenitein  le 
choiiîf  pour  être  précepteur  de  .'es  eiifans. 
CeQ-nvcc  raifon  que  Bailler  l'a  mis  au  nom- 
bre des  ei-.f.ips  qui  fe  font  dilVngacs  dans  un 
;1^c  peu  avancé,  où  Pon  polîède  rarement  ce 
qui  eft  nécellaire  pnur  être  favant.  Mélanc- 
snon  étolt  uaturelicrûent  cloquent ,  coiume 


ART. 

on  le  volt  p,i  r  fes  écrits  ;  il  cultiva  avec  grand 
foin  les  ralens  naturels  qu'il  avoir  reçus  en  ce 
genre.  Il  étudia  la  philofophie  comme  les 
autres,  cnr  on  n'étoic  rien  fi  on  ne  favoit 
Ariftote.  Il  fe  diftingua  beaucoup  dans  les 
lolutions  qu'il  donna  aux  difficultés  fur  les 
propolitions  morales.  Il  parut  un  aigle  fur 
les  univerlaux.  On  lera  fans  douce  iurpris 
de  voir  que  je  loue  Mélantthon  par  ces  en- 
droits ;  on  s'en  moque  aujourd'hui ,  &  avec 
raifon  :  mais  on  doit  louer  un  homme  d'avoir 
été  plus  loin  que  tout  Ion  fieclc.  C'étoient 
alors  les  queltions  à  la  mode  ,  on  ne  pouvoir 
donc  le  dilpenier  de  les  étudier  ,  &  lorf- 
qu'on  excelloit  pardellus  les  autres ,   on  ne 
pouvoir  manquer  d'avoir  beaucoup  d'e'pritj 
car  les  premiers  hommes  de  tous  les  lle- 
cles  iont  toujours  des  grands  hommes,  quel- 
ques  ab.'urdicés  qu'ils  aient  dires.   Il   faut 
voir ,  dit  M.  de  Fontenelle  ,  d'où  ils  font 
partis  :  un  homm,e  qui  grim.pe  fur  une  mon. 
tagne  e'.carpée  pourra  bien  erre  auflî   lé^er 
qu'un  h.omme  qui  d. "ns  la  plaine  fera  hx  fois 
plus  de  chemin   que  lui.  Mélanélhon  avoit 
pourtant  trop  d'e(prit  pour  ne  pns  fentir  que 
la  philo'ophie  d'Ariftote  étendoit  trop  loin 
fes  droits  ;  il  défapprcuva  ces  queftions  épi- 
r.cufes,  difficiles  8c  inutiles  donc  tour  le  monde 
le  tourmenroit  l'efprit  ;  il  s'apperçut  qu'une 
iîifinité  de  folies  f.toient   c.ichécs   fous    de 
gr.inds  mots ,  &  qu'il  n'y  avoit  que  leur  habit 
philolophique  qui  pût  les  faire  refpcélcr.  Il 
eft  n  c5-évidcnt  qu'.\  force  de  mettre  des  mots 
dan,  la  tête  ,  on  en  challe  toutes  les  idées  ; 
on  (e  trouve  fort  favanc,  &  on  ne  fut  rien  ; 
on  croit  avoir  la  tête  pleine ,  &  on  n'y  arien. 
Ce  fut  un  moine  qui  aclieva  de  le  convaincre 
du   mauvais   goùc  qui  tyranni(oit  tous  les 
honimes:  ce  moisie  un  jour  ne  facliant  pas 
un  fcrmon  qu'il  dévoie  prêcher,  ou  nel'ayanr 
pas  fait ,  pour  y  fupplccr  imagina  d'expliquer 
quelques  qucfticns  de  la  morale  d'Arift  >cc; 
il  fe  fervoit  de  tous  les  ternes  de  l'art  :  on  fent 
aifémcnt  combien  cette  exhortation  fut  uriic, 
8c  quelle  ondion  il  y  mit.  Méjniélhon  iuz 
'  indigncde  voir  que  la  b:irb^rier,lioit  ju'que- 
W:  heureux  iî  dans  h  luire  ,  il  n'aboie  pas 
f'it  un  crime  à  l'églife  entière  de  la  fol'ed'un 
particulier ,  qu'elle  a  délavnuée  dans  tous  les 
temps,  comme  elle  déiavouc  tous  les  jours 
les  extravagances  que  font  des  zélés!  Il  finit 
fes  études  à  l'âge  de  dix-(ept  aris ,  &:  Ce  mit  à 
expliquer  ,enparçiculicr  aux  Çiifoiis ,  Téraicc 


•  A  R  ï 

&  Virgile  :  quelque  temps r.près  on  le  clmr- 
Eca  d'une  harangue  ,  ce  qui  lui  fit  lire  atten- 
tivement Ciccron^  Tite-Live,  ih'en  acquit- 
ta en  lionime  de  beaucoup  d'elprit ,  îs:  qui 
s'étûit  nourri  des  meilleurs  auteurs.  Mais  ce 
iqui  (lupric  le  plus  Mélandhon  ,  qui  ctoit , 
comme  je  l'ai  déjà  dit,  d'un  car.-.dere  fort 
dou>:,c'ell:  lorlqu'il  vit  pourla  première  loi',  les 
diip  ites  desdincrences  leCles  :  alorscelles  des 
Nominaux  &  des  Réels  fermentoienc  beau- 
coup :  après  plufieurs  mauvailes  raifons  de 
parc  i>:  d'autre,  i!^'  cela  parce  qu'on  n'en  iai  iroit 
avoir  de  bonnes  là-delilis  ,  les  meilleurs  poi- 
gnées relloient  victorieux  :  tousd  uncommun 
accord  dépouilloier.cla  gravité  philolophique, 
&  fe  b..tcoien:  indécemment  :  beureux  il  dans 
le  tumulte  quelque  coup  bien  appliqué  avoit 
pu  f.ùre  un   changement  dans  leur  tête  ;  cr^r 
fi  ,  comme  le  remarque  un  homme  d'e'prir , 
Bii  coup  de  doigt  d'une  r.ourrice  pouvoir  faire 
de  Pafcal  un  foc ,  pourquoi  un  lot  trépan.; 
ne  pourroit-il  pas  devenir  un  hom.me  d  el- 
prir  ?  Les  accoucheurs  de  ce  temps-là  n'c- 
loient  pas  fans  doute  fi  habiles  qu'à  préfci:: , 
&  je  crois  que  le  lo::g  triomphe  d'Arillote  leur 
cftiù.Mélanfthon  fut  appelle  p::rlY'leâ:eur  de 
Sexe  ,  pour  être  profefleur  en  grec.  L'erreur 
de  Luther  faiioit  alors  beaucoup  de  progrès  ; 
Melanûhon  connut  cedangcreuxhérédarque, 
&  comme  il  chercholtquelquechofede  nou- 
veau ,  parce  qu'il  fentoit  bien  que  ce  ou'on 
lui  avoir  appris  n  eCoïc  pas  ce  qu  il  taliOïC  la- 
voir, il  avala  le  poi 'on  que  lui  préferita  Lu- 
ther ;  il  s'égara.  C'eft  avec  raifon  qu'il  cher- 
choitquelque  choie  de  nouveau  ;  mais  ce  ne 
de  "oit  être  qu'en  Philofophie  ;  ce  n'étoit  pas  la 
religion  qui  demandoit  un  ch.'.ngemenc;  on 
rie  fait  pas  une  nouvelle  relig'.oncomme  on  fait 
un  nouveau  fyftêmc.  Il  ne  peut  miême  y  avoir 
une  rétorme  lurla  religion  ;  elle  prélenre  de;, 
clio'es  il  extraordinaires    à  croire ,  que  (i 
Ltnher  avoit  eu  droit  de  h  réformer  ,  je  la 
réformerois  encore  ,  parce  que  je  me  per- 
fuaderois  ailement  qu'il  a  oublié  bien  des 
cîiofes  :  ce  n'ed  que  parce  que  je  lais  qu'on 
ne  peut  y  toucher,  que  je  m'en  tiens  à  ce 
qu'on  me  propofe.   MélanAhon  ,  depuis  fa 
conno'lL.nce  avec   Luditr  ,  devint  lecture 
&  un  feéxaire  ardent ,  &  par  conféquent  fon 
efprit  fut  enveloppé  du  voile  de  l'erreur  ; 
fes  vues  ne  purent  plus  s'étendre  comme 
elle  ;  .u;ro:emfaic  s'il  ne  s'écoit  livré  à  un  parti  : 
ilprêchoit^il  civkhlC'j'.: ,  il  ô  inrrijjuoit ,  £<. 


A  RI  y<fî 

enfin  îl  n'abandonna    Ariftote  en' quelque 
chofe ,  que  pour  fuivre  Luther ,  qui  lui  ctoic 
d'autant  moins  préférable  qu'il  attaquoit  plus 
formellement    la  religion.  Luther  répandit 
quelques  nuages  fur  l'efprit  de  Mélandhon  , 
à  l'occafion  d'Ariftote  :  car  il  ne  rougit  pas  , 
après  les  leçons  de  Luther  ,  d'appeller  AnC- 
tote  un  vain  fophijîe  :  mais  il   ie  réconcilia 
bientôt  ,  &  malgré  les  apologies  qu'il   fit 
du  fentiment  de  Luther  ,  il  contribua  beau- 
coup à  rétablir  la  philofophie  parmi  les  pro- 
veftans.  Il  s'appcrçut  que  Luther  condamnoit 
plutôt  la  fcholaHique  que  la  philofophie  ;  ce 
n'étoit  pas  en  elfet  aux  philolophes  que  cet 
héreliarque  avoir  à  faire  ,  m:h  aux   théolo- 
giens ;  &  il  faut  avouer  qu'il  s'y  étoit  bien  pris 
en  commençant  par  rendre  leurs  armesodieu- 
es  cv  méprilables.  Mélanéthon  déteftoit  tou- 
:es  les  autres  (edles  des  philofophes  ;  le  Icul 
pcripuétiime  lui  paroilloic  loutenable  ;  il  re- 
:eto!t  également  le  fto'i'cifme  ,  le  fcepticifme 
cScl-picuréilme.  Il  rccommandoit  à  tout  le 
monde  la  lecture  de  Platon ,  à  caule  de  l'abon- 
dance qui  s'y  trouve  ,  à  caule  de  ce  qu'il  dit 
!ur  la  nature  de  Dieu  ,  &  de  (a  belle  diétion  ; 
mais  il  préféroit  Ariftote  pour  l'ordre  &  pour 
la  méthode.  Il  écrivit  la  vie  de  Platon  &  celle 
d'Ariftote  ;  on  pourra  voir  aifcment  fon  lei'.- 
timcnt  en  les  liiant  j  je  crois  qu'on  ne  fera 
pas  fiché  que  je  tranfcrlve  ici  quelques  traies 
tirés  de  fes  harangues  ;  elles  font  rares  ;  & 
d'ailleurs  on  verra  de  quelle  façon  s'exprimoit 
cet  homme  h  f  imeux  ,  &:  dora  les  dilcours. 
ont  fait  tant  d'im.prelTïon  :  cùm  eam,  dit-il , 
quam  toties  F  lato  p'Wdi  'at   methodum  ,  non 
(Ivp}    aàhilvat    ,   £'  eiûgcnir  aliquarido  libe- 
rius   in  difputando  ,    gucedam   aiam  figtiris 
itnolvat ,    ac  vulcns  occultet  ,    denique    cùm 
varo  prcniinciet  quid  fit    fentiendum  ;   ajfen- 
.ior    adolefceniibus  potius  proponeiidum    c-fc 
Ar:[l,.telcm  ,   qui    arics  ,   qttas    tradit  ,   ex- 
plisat  intégras  ,   &    methodum  fimpliciorem  , 
fiU  filum    ad    regcndum    leclorem   adhihet   , 
Ù    quid  fit  fintiendum    plerumque   proniin- 
tint   :    ftiVC    in    docentihus    ut    requrantur  , 
mut  ce    caujle    grjv>.s  funt  ;    ut    eiiim  fatis 
deniibus     draconis    à      Cadmo   figes    e.vorta 
'fi  arma'orum  ,  qui  inter  fie  ipfii  dimicârunt  ; 
ita  fil   quis  fierai    amhiguas    opinioncs ,    exo- 
riuntur  inde  variiV    ac   pcrniciofje   dijjenfiio- 
'le.s.  Et  un  peu  après  ,  il  dit  qu'en   le  1er- 
van:  de  la   méthode  d'AriTcote  ,  il  tlt  ficile 
de  i'éJuIrs  ce  qui  dans  l-Lcor.    ieroïc  ^.\- 


'^■€6  ART 

tnemeiit  long.  Ariftote  ,  nous  cllt-il  ailleurs , 
H  d'autres  avantages  fur  Platon  ;  il  nous  a 
donné  un  cours  entier  ;  ce  qu'il  commence  il 
l'achevé ,  il  reprend  les  chofes  d'auiïi  haut 
qu'on  peut  aller ,  &  vous  mené  fort  loin. 
Aimons  ,  conclut-il ,  Platon  &c  Ariftote  ;  le 
premier  à  caufe  de  ce  qu'il  dit  fur  la  politique , 
&  à  cauie  de  fon  élégance  ;  le  fécond  à  caufe 
de  fa  méthode  :  il  faut  pourtant  les  lire  tons 
les  deux  avec  précaution ,  &  bien  diftiiigu'er 
ce  qui  eft  contraire  à  la  dodrine  que  nous 
lifons  dans  l'évangile.  Nous  ne  faurions  nous 
paflcr  d'Ariftôfedàns  l'cglife ,  dit  encore  Mé- 
ianélhon  ,  parce  que  c'cft  le  feul  qui  nous 
apprenne  à  défi'nir  ,  à  divifcr  ,  &  à  Juger  ;  lu; 
feul  Mous  apprend  même  à  raiionncr  ;  or 
dansl'égli(ë  tout  cela  n'cft-il  pas  néceflairc? 
Pour  les  chofes  de  là  vie  n'avons  nous  pas 
b«(bin  debien  dès  chofes  que  la  pliy  lique  feule 
nous  apprend  î  Platon  en  parle  à  la  vcritc  ;  mais 
on  diroit  que  c'eft  un  prophète  qui  annonce 
l'avenir  ,  &  non  un  maître  qui  veut  inftruire  , 
au  lieu  que  dnns  Ariftote  ,  vous  trouvez  les 
principes ,  &  il  en  tire  lui-même  les  confé- 
qucîîces.  Je  demande  feulement ,  dit  Mélanc- 
rhoii ,  qu'on  s'attache  aux  choies  que  dit  Arif- 
tote ,  &  non  aux  mots ,  qu'on  abandonne  ces 
vaines  lubrilités  5c  qu'on  ne  fe  lerve  de  dif- 
tiiiétions  que  lorfqu'elles  feront  nécefîàires 
pour  faire  fentir  que  la  difficulté  ne  regarde 
point  ce  que  vous  défendez  ;  au  lieu  que  com- 
munément on  diftingue  afin  de  vous  faire  per- 
dre de  vue  ce  qu'on  foutient  :  eft-ce  le  moyen 
d'éclaircir  les  matières?  Nous  en  avons  ,  je 
crois  alfez  dit  pour  démontrer  que  ce  n'eft 
pas  (ans  raifon  que  nous  avons  compris  Mé- 
knéton  au  nombre  de  ceux  qui  ont  rétabli 
la  philofophie  d'Ariftote.  Nous  n'avons  pas 
prétendu  donner  fa  vie  ;  elle  renferme  beau- 
coup plus  de  circonftances  intéred'antes  que 
celles  que  nous  avons  rapportées  ?  c'eft  un 
grand  homme  ,  &  qui  a  joué  un  très-grand 
rôle  dans  le  monde  :  mais  fa  vie  eft  très-con- 
nus ,  &  ce  n'ctoic  pas  ici  le  lieu  de  l'écrire. 
Nicolas  Taureiil  a  été  un  des  plus  célèbres 
philoiophes  parmi  les  proreftans  :  il  naquit 
de  parcns  dont  la  fortune  ne  fàifoit  pas 
elpérer  à  Taureiil  une  éducation  telle  que 
fon  efprit  la  demandoit  ;  mais  la  facilité  &  la 
pénétration  qu'on  dpperçut  en  lui ,  fit  qu'on 
engnj^ca  le  duc  de  Wirtemberg  à  fournir 
aux  fais.  Il  fit  des  progrès  extraordinaires  ,  & 
jamais  pcrfonnc  n'a  moins  trompé  ics  bien- 


A   R  I 

laideurs  que  lui.  Les  différens  des  catholi- 
ques avec  les  proteftans  l'empBcherent  d'em- 
brader  l'état  eccléfiaft  que.  Il  fe  fit  médecin. 
Se  c'eft  ce  qui  arrêta  fa  fortune  à  la  cour  de 
Wirtemberg.  Le  duc  de  Wirtemberg defiroit 
l'avoir  auprès  de  lui ,  pour  lui  faire  défendre 
le  par.i  de  la  reforme  qu'il  avoir  embralfé  , 
&  c'eft  en  pr.râe  pour  cela  qu'il  avoir  four- 
ni aux  Ir.-'.is  de  Ion  éduc.ition;  mais  on  le 
ibupçonna    de  pencher  pour  la  confclfion 
d' Aiigsbourg  ;  peut-être  n'ctoit-il  pour  aucun 
parti  :  d'.  quelque  religion  qu'il  fàt ,  cela  ne  fait 
r-.cn  à  laphiloiophiL-.  \'o.li  pourquoi  nous  ne 
diicutons  pas  cet  aràc'e  exadtement.  Après 
avoir  profcllé  long  -temps  la  midecine  à  Bile , 
il  padà  à  Strasbourg  ;  &  de  cett^  ville ,  il  revint 
à  bâle  pour  y  être  profelfeur  de  morale.  De-là 
il  rcpad'a  en  Allemagne  où  ii  s'acquit  une 
grande  réputation  :  Ion  école  étoic  remplie 
de  barons  &  de  comtes  qui  venoient  l'enten- 
dre. Il  étoit  11  déllntérelfé  qu'avec  toute  cette 
réputation  &  ce  concours  pour  l'écouter,  il  ne 
devint  pas  riclic.  Il  mourut  de  la  pefte  ,  âgé 
de  ^<)  ans.  Ce  fur  un  des  premiers  hommes 
de  fon  remps  ;  car  il  ofa  penfer  icul  Ik  il  ne 
fe  laidà  jamais  gouverner  par  l'autorité  :  oh 
découvre  par  tous  fes  écrits  une  certaine  har- 
diede  dans  fes  penîées  &  dans  !es  opiiiioiis. 
Jamais  pcrfonne  n'a  mieux  faifi  une  diffi- 
culté, &  ne  s'en  eft  mieux  fer^'i  cortre  fes 
adverfaires ,  qui  communémenrne  pouvo:e:ït 
pas  tenir  contre  lui.  Il  fut  gr.md  ennemi  de 
la  philofophie  deCxfalpin  :  on  découvre  dans 
tous  fes  écrits  qu'il  étoit  fort  conrc-nt  de  ce 
qu'il  faifoit  -,  l'amour  propre  s'y  montre  un 
peu  trop  à  découvert  ,  &:  on  y  apperv^oit 
quelquefois  une  préfomption  inlupportabîe. 
Il  regardoit  du  haut  de  fon  efprit  tous  les 
philoiophes  qui  l'avoient  précédé,  li  ow  en 
excepte  Ariftote  Se  quelques  anciens.  Il  exa- 
mina la  philoiophie  d'Ariftote  ,  &  il  y  apper- 
çut  plufieurs  erreurs  ;  il  eut  le  courage  de  les 
rejeter  ,  &  allez  d'efprit  pour  le  faire  avec 
fucccs.  Il  eft  beau  de  lui  entendre  dire  dans 
la  préface  de  la  méthode  de  la  médecine  de 
prediélion  ,  car  tel  eft  le  titre  du  livre  :  "  Je 
"  m'attache  à  venger  la  dodrine  de  Jelus- 
"  Chrift  ,  &  je  n'accorde  à  Ariftote  rien  de 
"  ce  que  Jefus-Chnft  paroît  lui  refuler  ;  je 
"  n'examine  pas  même  ce  qui  eft  contraire 
"  à  l'évangile  ,  parce  qu'avant  tout  examen  , 
"  je  fuis  adiiré  que  cela  eft  faux.  »  Tous  les 
philofophcs  deyroicnt  avoir  dans  l'efprit  que 


A  R  I 

Jcur  philofophie  ne  doit  point  être  oppofee  à 
la  religion  ;  toute  leur  raifon  doit  s'y  brifèr, 

Ëarceque  c'eft  un  édihce appuyé  fur  l'immua- 
le  vérité.  Il  faut  avouer  qu'il  eft  difficile  de 
Taifir  ion  lyftcm*;  philolophique.  Je  lais  Seu- 
lement qu'il  mépriioit  beaucoup  tous  les 
comment-iteurs  d'Arillotc  ,  ik  qu'il  a\'oue 
que  la  philoiophie  péripatéticienne  lui  plai- 
ioit  beaucoup  ,  mais  corrigée  &  rendue  con- 
forme à  l'évangile  ;  c'elt  pourquoi  je  ne  crois 
pas  qu'on  doive  l'eifacer  du  catalogue  des 
péripatt  ficiens ,  quoiqu'il  l'ait  réformée  en 

i)lulieurs  endroits.  Un  elprit  aulFi  hardi  que 
e  (len  ne  pouvoir  manquer  de  laiflcr  échap- 
per quelqi;cs  paradoxes  :  Tes  adverîaires  s'en 
iont  lervis  pour  prouver  qu'il  éroit  athée: 
mais  en  vérité  ,  le  re'peét  qu'il  témoigne  par- 
tout à  la  religion  ,  &  qui  certainement  n'étoit 
point  limulé  ,  doit  le  mettre  à  l'abri  d'une 
pareille  accuiation.  Il  ne  prcvoyoit  pas  qu'on 
put  tirer  de  p.ireiUes  coniéguenccs  des  prin- 
cipes qu'il  avançoit  ;  car  je  fuis  perfuadé  qu'il 
les  auroir  rétrjclés,  ou  les  auroit  expHqucs 
de  façon  à  (atisfaire  tout  le  monde.  Je  crois 
qu  ou  doit  erre  fort  réfervé  fur  i'accuiation 
d'athéiime  ;  &  on  ne  doit  jamais  conclure 
fur  quelques  propoiitions  hazardées ,  qu'un 
homme  cil  athée  ;  il  faut  confulrer  tous  Tes 
.ouvrages  ;  ik  l'on  peut  alÏÏirer  que  s'il  l'eft 
jréellement,  Ton  impiété  fe  fera  lemir  p.ir-tout. 
Michel  Picc.-rt  briiloit  vers  le  temps  de 
Nicolas  Taurcill  ;  il  profcilà  de  bonne  heure 
la  logique ,  &  s'y  diftingua  beaucoup  ;  il 
luivit  le  torrent  &  fut  péripiréticien.  On  lui 
confia  après  les  premiers  eilais  la  chaire  de 
^étaphylique  &  de  pocde  ;  cela  prao;t  alfez 
Jirparate ,  Se  je  n^augure  guère  b;en  d'un 
temps  où  on  donne  une  chr.irc  pour  la  poé.'îe 
2  un  pjripatéticien  :  mais  enfin  il  ctoit  peut- 
être  le  meilleur  dans  ce  temps-là ,  S<  il  n'y  a 
rien  à  dire,  lorfqu'on  vaut  mieux  que  tous 
.ceux  de  fon  temps.  Je  ne  comprends  pas 
conim.ent ,  d.ms  un  fiecle  où  on  payoit  fi  bien 
les  iàv.ans ,  Piccart  fût  li  pauvre  ;  car  il  lutta 
toute  (a  vie  contre  la  pauvreté ,  &  il  fit  bien 
..connoitre  par  la  conduite  que  la  philoiophie 
^e  fon  cœur  8c  de  fon  e'prit  valoir  mieux 
rflue  celle  qu'il  didoit  dans  les  écoles.  Il  ht 
vUn  grar.d  ncmibre  d'ouvr.iges ,  &  tous  fort 
eftimés  de  fon  vivant.  Nous  avons  de  lui  cir- 
>quante  &  une  diilèrtarions ,  où  il  fait  conno  - 
■tre qu'il  polîédoit  Arilloce  rupérieuremenr.  îl 
fit  auiïi  le  manuel  de  Li.p.hjQ%h:,e  d'Arif- 


A  R  I  3<7 

rote,  quî  eut  beaucoup  de  Cours  :  la  réputa- 
tion de  Piccart  fublille  encore  ;  Se  ce  qui 
ne  peut  guère  le  dire  des  ouvrages  de  ce 
temps-là ,  on  trouve  à  profiter  dans  les  ficiis. 

Corneille  Martini  naquit  à  Anvers  ;  il  y 
fit  les  études ,  &  avec  tant  de  diftinétion , 
qu'on  l'attira  immédiatement  après  à  Amller- 
dam  ,  pour  y  prcfefîer  h  philoiophie.  llétojt 
lubiil ,  capable  d'cmb.itrafler  un  homme 
d'eiprit ,  &:  fe  tiroir  aifément  de  tout  en  boa 
périparéticien.  Le  duc  de  Erunfwick  jeta  les 
yeux  hir  lui  pour  l'envoyer  au  colloque  de 
Ratisbonne.  Gretzer  qui  ttoit  auiîî  député  à 
ce  colloque  pour  le  parti  des  catholiques , 
trouva  mauvais  qu'on  lui  allbcick  un  profeC- 
feur  de  philoiophie  ,  djr.5  une  difpute  où  ou 
ne  devoir  agiter  que  des  queftions  de  théolo- 
gie ;  c'eft:  ce  qui  lui  ht  dire ,  lorfqu'il  vit  Mar- 
tini dans  l'aficmblée,  quidSoUl  imerpropkctas 
(juœrit  ?  A  quoi  Martini  répondit ,  cfiiiam 
patrisfui.  Dans  la  iuite  Martini  fit  bien  con- 
r.oftre  q».'C  Gretzer  avoit  eu  tort  de  fepla:n;l;e 
d'un  tel  fccond.  Il  fut  très-zélé  pour  la  philo- 
fophie d'Ariftote-,  il  trovailla  toute  (a  vie  à 
la  détendre  contre  les  silautsqu'on  commen- 
çoit  déjà  à  lui  Uvrer;  c'eft  ce  qui  lui  lit  pren- 
dre les  armes  contre  les  partiians  de  Ramus; 
&  on  peut  dire  que  ce  n'eft  que  par  des  efïbrts 
redoublés  que  le  péri p.néti fine  fe  foutint.  Il 
étoit  prêt  à  difputer  contre  toijt  le  monde  : 
jamais  de  fa  vie  il  ni  ref.ilé  un  caitel  philo- 
fophique.  Il  mourut  Jgé  de  54  ans  ,  un  peu 
martyr  du  péripatétifme  ;  car  il  avoir  altéré 
fa  (nnté  ,  foie  par  le  travail  opiniâtre  pour 
défendre  Ion  cher  m.aître  ,  foit  par  fes  dil"- 
putes  de  vive  voix  ,  qui  infailliblement 
ulêrent  fa  poitrine.  Nous  avoiis  de  lui  l'anâ- 
lyie  logique  ,  &  le  commentaire  logiq-ie 
contre  les  llamiftes ,  un  fyftôme  de  philofo- 
phie morale  <?>:  de  métaphylique.  Je  ne  Bis 
point  ici  mention  de  fes  dilfércns  écrits  fin- 
la  théologie  ,  parce  que  je  ne  parle  que  de  c-z 
qui  regarde  la  philofophie. 

Hermannus  Corringius  eft-  un  des  plus 
lavans  homm.es  que  l'Allemagne  ait  produits. 
On  pourroit  le  louer  par  plulieurs  endroits  : 
mnis  je  m'en  tiendrai  à  ce  qui  regarde  h  phi- 
loîop'i't  ;  X  s'y  diltingua  li  fort ,  qu'on  ne  peut 
le  di'ptnfcr  d'en  faire  mention  avec  éioqe 
dant  cette  hlftoire.  Le  duc  Ulric  de  Biunf- 
wick  le  fit  profeileur  dans  fon  univerlité  ;  il 
vint  dans  un  mauvais  temps ,  les  guerres  dé- 

tcloiç;!!;  tpute  l'Li'rope  :  ce  lléaa  aîiiigcok 

■       ■  ■  f  • 


36§  A  R  I]  A  R  I 

toutes  les  différentes  nations  ;  il  eft  difficile    un  peu  trop  contre  Defcartesri!  ne  voyoit  rien 
avec  de  tels  troubles  de  donner  à  l'étude  le     j-   -  j"      ■    ■  ■        -r 

temps  qui  eft  néceflaire  pour  devenir  favant. 
Il  trouva  pourtant  le  moyen  de  devenir  un 
des  plus  favans  hommes  qui  aient  jamais  paru. 
Le  plus  grand  éloge  que  j'en  puille  faire  , 
c  eft  de  dire  qu  il  fut  écrit  par  M.  Colbert  lur 
le  catalogue  des  favans  que  Loiiis-le-C.rand 
récompenfa.  Ce  grand  roi  lui  témoigna  par 
fes  largefTes  au  fond  de  l'Allemagi-,e  le  cas 
qu'il  faifoit  de  Ton  mérite.  Il  fut  péripitéti- 
cien  ,  &  le  plaint  lui-mêm.e  que  le  relpcdl: 
qu'il  avoit  pour  ce  que  les  maîtres  lui  avoient 
appris ,  alloit  un  peu  trop  loin.  Ce  n'eft  pas 
qu-'il  n'osât  examiner  les  opinions  d' Ariftote  : 
mais  le  préjugé  fe  mettant  toujours  de  la 
partie ,  ces  fortes  d'examens  ne  le  condui- 
ibient  pas  à  de  nouvelles  découvertes.  Il  pen- 
foit  fur  Ariftote,  &:  fur  la  façon  dont  il  falloii 
l'étudier,  com.me  Islélandhon.  Voici  comme 
il  parle  des  ouvrages  d'Ariftote  :  "  Il  manque 
„  beaucoup  de  chofes  dans  la  philofophie 
„  morale  d'Ariftote  que  je  defirerois  ;  par 
,,  exemple  ,  tout  ce  qui  regarde^  le  droit 
„  naturel ,  &  que  je  crois  devoir  être  traité 
,,  dans  la  morale  ,  puifque  c'eft  fur  le  droit 
3,  naturel  que  toute  la  morale  eft  appuyée.  Sa 
„  méthode  me  paroit  mauvaifeik  fes  argu- 
„  mens  foibles.  „  Il  étoit  difficile  en  effet 
qu'il  piit  donner  une  bonne  morale  ,  pui(- 
qu'il  nioit  la  providence ,  l'immortalité  de 
l'amc  ,  &  par  conféquent  un  état  à  venir  où 
on  punit  le  vice  ,  &  où  on  récompenfe  In 
vertu  Oiaelles  vertus  veut-on  admettre  en 
niant  les  premières  vérités  ?  Pourquoi  donc 
ne  chercherois-je  pas  à  cire  heureux  dans  ce 
monde ,  puifqu'il  n'y  a  rien  à  efpérer  pour 
moi  dans  l'autre  ?  Dans  les  principes  d'Arif- 
tove ,  un  îiomm-e  qui  fe  facrifie  pour  la  patrie, 
eft  fou.  L'amour  de  foi-mcme  eft  avant 
l'amour  de  la  patrie  ;  &  on  ne  place  ordi- 
nairement l'am^our  de  la  patrie  avant  ramom 
de  foi-même  ,  que  pr.rce  qu'on  eft  perfuadé 
que  la  préférence  qu'on  donnera  l'intérêt  de  la 
patrie  fjr  le  fien  eft  récompcnice.  Si  je  meurs 
pour  la  patrie ,  &  que  tout  meure  avecjmoi , 
n'eft-cc  pas  la  plus  grande  de  toutes  les  folies  î 
Quiconque  prnfcra  autrement  ,  fera  plus 
attention  aux  grands  mots  cle  ^atrk ,  qu'à  la 
réalité  des  chofes.  Corringius  s'éleva  pourtant 

:  morceaux  d 


dans  fa  phyltque  de  raifonnable  ,  &  celle 
d'Ariftote  le  iansfaifoit.  Que  ne  peut  pas  le 
préjugé  fur  l'eprit?  Il  n'approiuoitDelcartes 
qu'en  ce  qu'il  rcjetoit  les  formes  fubftajitiel- 
les.  Les  Allempnds  ne  pouvoient  pas  encore 
s'accoutumer  aux  nou\ elles  idées  de  Def- 
cartes  ,  ils  reliembloient  à  des  gens  qui  ont 
eu  les  yeux  bandés  pendant  long-temps ,  & 
auxquels  oncte  le  bandeau  :  leurs  premières 
démarches  lont  timides  ;  ils  refufen:  de  s'ap- 
puyer lur  la  terre  qu'ils  découvrent  ;  Se  tel 
aveugle  qui  dans  une  heure  traverie  tout 
Paris ,  leroit  peut-être  plus  d'un  jour  à  faire 
le  même  chemin ,  il  on  lui  rendoit  la  vue 
tout  d'un  coup.  Corringius  mourut ,  &  le 
péripatétifme  expira  prefque  avec  lui.  Depuis 
il  ne  fit  que  languir  ,  parce  que  ceux  qui 
vinrent  après  &  qui  le  défendirent ,  ne  pou- 
voient être  de  grands  hommes  ;  il  y  avoit 
ilors  trop  de  lumière  pour  qu'un  homme 
i'elprit  put  s'égarer.  Voilà  à-peu  près  lecom- 
mencement ,  les  progrès  &  la  fin  du  péripa- 
cétilme.  Je  nepenfc  pis  qu'on  s'imr.gir,e  que 
l'aie  prétendu  nommer  tous  ceux  qui  fefont 
iiftingués  dans  cette  Itde  :  il  faudroit  des  vo- 
lumes immenses  pour  cela,  parce  qu  'autrefois, 
pourêtreun hommediftinguédans Ion  (iecle, 
il  falloir  le  lîgnaJer  dans  quelque  feéle  de  phi- 
lofopliie  -,  &  tout  le  monde  lait  que  le  péri- 
patétiim.ea  long- temps  dominé.  Si  unhomme 
pailoit  pour  avoir  du  mérite ,  on  commcnçoit 
par  propoler  quelque  argument ,  in  baroco 
très-ibuvent ,  afin  de  juger  il  fa  réputation 
étoit  bien  fondée.  Si  Racine  &  Corneille 
étoicnt  venus  dans  ce  temps-là  ,  comme  on 
n'auroit  trouvé  aucun  crgo  dans  leurs  tragé- 
dies ,  ils  auroient  pafle  pour  des  ignorans , 
&  par  conféquent  pour  des  hommes  de  peu 
d'efprit.  Heureux  notre  (iecle  de  penfer  au- 
trement 1  {'*-) 

ARI  :T0XÉNIIINS  ,  (Mufiq.)  fede  qui 
eut  pour  chef  Ariftoxene  de  Sarente  ,  dilci- 
ple  d'Ariftote  ,  &  qui  étoit  oppolée  aux 
Pyth:igoriciens  lur  la  melure  des  intervalles 
&  fur  la  manière  de  déterminer  les  rapports 
des  ions  ;  de  forte  que  les  Ariftoxénienss'en 
rapportoient  uniquement  au  jugement  de 
l'oreille  <Sc  les  Pydipgor'ciens  à  la  pr'cilîori 
du  ca'ci.l.  J'7'3e^ Pythagoriciens.  (.V) 

l'i^irvmgï  de  M.  Dedmies  ,  qui  r'on:  fnvlron  la  d'xieme 


(*)  L'aiitejir  a  cr'.i  |îOiivo!r  f.-mer  :ci  qui. -^  ..,.,.-,,.-..•  uv  ..  ......j,. -- ■■■•  ^- —  -  .   -,-..--.. ....  —  -~ 

parti.;  cle  c<;  lonç  artlcU»;  le  rcPte  eli  un  c<tuir  ."ulift.nitiel  &  raifonni-  de  riii!>oire  larlne  de  )a  phiIof^phie  ic  Bru.-ker  ; 
ouvrage  moderne  tK\n\i  dfs  ctrjuj-ers,  peu  connu  en  Hrance  ,  &  dont  on  a  fjit  benucoiip  d'ur^çe  pour  la  partie  philo- 
fopliiquc  de  l'Encyclopédie ,  coamc  dans  i'anki:  ARABts,  d;  dant  un  tc«i-gr»nj  noœbte  d'iutrfs. 

^  '  ARlTHMANCIfi 


A  II  I 

ARïTHAfANClLovAHITHMOMAN- 
CiE  ,  r.  f.  divination  ou  niariicrc  de  con- 
noitre  cv  de  prédire  l'a^.  civr  p?.T  le  moyen 
des  nombres.  Ce  mot  eft  tormé  du  grec 
icfiHfxif  ,  nombre  ,  &  de  |Mxv^'ilA  ,  divination. 
Delrio  en  dillingue  de  deux  forces  ;  l'une  en 
ulage  chez  les  Grecs ,  qui  conlidéroicnc  It 
nombre  &  la  valeur  des  letcres  dans  Ici 
noms  des  deux  combattans ,  par  exemple  , 
&  en  auguroient  que  celui  donc  le  nom  ren- 
fcrinoic  un  plus  grand  nombre  de  leccres , 
&  d'une  plus  grande  valeur  que  celles  qui 
compoioient  le  nom  de  Ion  adveriaire  , 
remporceroit  la  vidoire  ;  c'eft  pour  cela , 
difoient-ils ,  qu'Hedor  dévoie  êcre  vaincu 
par  Acbiile.  L'autre  elpece  écoic  connue  des 
Clinldéens  ,  qui  parcageoient  leur  alphabec 
en  crois  décades  ,  en  répécanc  quelques 
lettres ,  changeoient  en  letcres  numérales  les 
lettres  des  noms  de  ceux  qui  les  confultoient , 
&  rapporcoient  chaque  nombre  à  quelque 
planète  ,  de  laquelle  ils  ciroienc  des  préfages. 

La  cabale  des  juifs  modernes  eil  une  ef- 
^ece  à'crit/irn.incic  ;  au  moins  la  divi(enc-ils 
en  deux  parcies,  qu'ils  appellenc  théomancie 
&  ariJimancic. 

L'évangélifte  S.  Jean  ,  dans  le  ch.  xiij  de 
VAp  'Calypfe  ,  marque  le  nom  de  l'Ance- 
Chrift  par  le  nombre  Go6 ,  pallage  donc  l'in- 
telligence a  beaucoup  exercé  les  commen- 
tateurs. Cell:  une  prophétie  enveloppée 
(ous  des  nombres  myiîérieux  ,  qui  n'autorile 
nullement  l'efpece  de  divination  dont  il 
s'agit  dans  cet  article.  Les  platoniciens  & 
les  pychagoriciens  ccoienc  fore  adonnés  à 
\'ari:hmancie.  Delrio  ,  Difquifit.  Mdgicar. 
lib.  ly ,  cap.  ij ,  quxfi.  J  ,feâ.  4 ,  pag.  ^G^  & 
S66.{G)      , 

ARITHMETICIEN  ,  f.  m.  fe  dit  en  gé- 
néral d'une  perfonjie  qui  laie  l'arichmécique  , 
&  plus  communément  d'une  perfonne  qui 
Tenlcigne.  Voye^^  Arithmétique.  Il  y  a 
des  experts  jurés  écrivains  arithméticiens. 
Fbyc^ Expert  ,  Juré,  &<:.(£) 

ARITMÉTIQUE,  f.  f.  (Ordre  encycl. 
Entend.  Raifon  ,  Philof.  ou  Science  ,  Scienc'^ 
de  la  nat.  ou  des  êtres  ,  de  leurs  qualités  abf- 
traites  ,  de  la  quantité  ,  ou  mathémat.  Math, 
pures ,  Arithmétique.  )  Ce  mot  vient  du  grec 
«fiSjWÔf  ,  nombre.  C'eft  l'art  de  démontrer  , 
ou  cecce  partie  des  mathématiques  qui  con- 
lidei'e  les  propriétés  des  nombres.  On  y 
Tome  II J. 


ART  3^p 

apprcni  à  calculer  cxa&ment ,  f.'.ciicrneiit  » 
prornptement.  T'o^c^  No.mbre  ,  Matiié- 
MATIQ.UES ,  Calcul. 

Quelques  auteurs  définidcnt  l'arithmé- 
tique ,  la  fcieiice  de  la  quantité  difcrete, 
Voye^  Discret  6'  Quantité. 

Les  quatre  grandes  règles  ou  opérations, 
appellées  \'addi:icn  ,  la.  fuuf!r.:cîion  ,  la  multi-- 
plication  ,  Se  la.  d,viJion ,  conipofent  propre- 
ment toute  l'arithmétique.  V.  Addition  ,  t'c. 

Il  eft  vr.ii  que  pour  faciliter  &  ex'pédier 
rapidement  des  calculs  de  commerce ,  des 
calculs  afi:ronomiques  ,  fi'c.  on  a  hiventé 
d'autres  règles  fort  utiles,  telles  que  les  règles 
de  proportion  ,  d'alliage  ,  de  fiufle  polition , 
de  compagnie,  dextradion  de  racines,  de 
piogrellion  ,  de  change  ,  de  troc  ,  d'ef- 
compte ,  de  réduction  ou  de  rabais  ,  Ê'c. 
mais  en  faiiant  ulage  de  ces  règles ,  on  s'ap- 
perçoit  que  ce  ibnt  leulement  différences 
applications  des  quatre  règles  principales, 
^'oje^  Règle.  Voye'^  aujji  Proportion, 
Alliage  ,  &c. 

Nous  n'avons  rien  de  bien  certain  fur 
l'origine  &  l'invention  de  l'arithmétique  : 
mais  ce  n'eft  pas  trop  rifquer  que  de  l'attri- 
buer à  la  première  lociété  qui  a  eu  lieu  parmi 
les  hommes ,  quoique  l'hiftoire  n'en  hxe  ni 
l'auteur  ni  le  cemps.  On  conçoit  clairement 
qu'il  a  fallu  s'appliquer  à  l'art  de  compter, 
des  que  l'on  a  été  ncceiTicé  à  faire  des  par- 
cages ,  &  à  les  combiner  de  mille  différentes 
manières.  Ainlî  comme  les  Tyriens  paflent 
pour  êcre  les  premiers  comm:rçans  de  cous 
les  peuples  anciens ,  plufieurs  auteurs  croient 
qu'on  doit  l'arithmétique  à  cette  nation,  f^oy. 
Commerce. 

Joleph  adure  que  par  le  moyen  d'Abra- 
ham l'arithmétique  palla  d'Aile  en  Egypte  , 
où  elle  fut  extrêmement  cultivée  &  perfec- 
tionnée ,  d'autant  plus  que  la  philofophie  8c 
la  chéologie  des  Egyptiens  rouloient  entière- 
ment lur  les  nombres.  C'eft  de-là  que  nous 
viennent  toutes  ces  merveilles  qu'ils  nous 
rapporient  de  l'unité  ,  du  nombre  trois ,  des 
nombres  quatre  ,  fepr ,  dix.  F".  Unité  ,  &c. 

En  effet  ,  Kirchcr  fait  voir  ,  dans  foiî 
(SJip.  Mgypt.  tome  II ,  page  %  ,  que  les 
Egyptiens  expliquoient  tout  par  des  nom- 
bres. Pythagore  lui-même  allure  que  la 
nature  des  nombres  eft  répandue  dans  tout 
l'univers ,  &.que  lacoirioillance  des  nombres 


370 


A  R  I 


conduit  à  celte  de  la  diviiiiré ,  &  n'en  eft 
prefque  pas  dit^ércnte. 

La  llience  des  nombres  pafla  de  l'Egypte 
dans  la  Grèce  ,  d'où  ajprès  avoir  reçu  de 
nouveaux  degrés  de  perrcition  par  les  agro- 
nomes de  ce  pays ,  elle  fut  connue  des  Ro- 
mains ,  &  de-là  eft  enfin  venue  jufqu'à  nous. 

Cependant  l'ancienne  arithmétique  n'étoit 
pas  ,  à  beaucoup  près,  auiTi  parfaite  gue  la 
moderne  :  il  paroit  qu'alors  elle  ne  lervoir 
guère  qu'à  coniidérer  les  différentes  diviiions 
des  nombres  :  on  peut  s'en  convaincre  en 
lilanc  les  traités  de  Nicomaque  ,  écrits  ou 
compurés  dans  le  troilieme  liecle  depuis  la 
fondation  de  Rome ,  &  celui  de  Boëce  , 
qui  exiftent  encore  aujourd'hui.  En  1556  , 
Xylandcr  publia  en  latin  un  abrégé  de  Tan- 
cienne  arithmétique  ,  écrite  en  grec  par 
Pléllus.  Jordanus  compola  ou  publia ,  dans 
le  douzième  ilecle,  un  ouvrage  beaucoup  plus 
ample  de  la  même  efpece ,  que  Faber  Stapu- 
leniis  donna  en  1480 ,  avec  un  commentaire. 

U arithmétique  ,  telle  qu'elle  efl  aujour- 
d'hui ,  le  divife  en  diiférences  elpeces  , 
comme  théorique  ,  pratique  ,  injîrumentale , 
logarithmique  ,  numérale  ,  fpécieilfi  ,  décimale, 
îétraâique ,  duodécimal: ,  fexagéjimale  ,  &c. 

Uarithménque  théorique  eft  la  fcience  des 
propriétés  &  des  rapports  des  nombres  .ibf- 
traits ,  avec  les  raitbns  &;  les  démonftrations 
des  différentes  règles.  F'oje:{^  Nombre. 

On  trouve  une  ariihmétique  théorique 
dans  les  feptieme ,  huitième ,  neuvième  livres 
d'Eudydc.  Le  moine  Earlaam  a  aullî  donné 
une  théorie  des  opérations  ordinaires  ,  tant 
en  entiers  qu'en  fradbions ,  dans  un  livre  de 
fà  compolu'ion  intitulé  Logijîica  ,  de  publié 
en  latin  par  Jean  Cl'ambers  ,  anglois,  l'an 
j6oo.  On  peut  y  ajouter  l'ouvrage  italien 
de  Lucas  de  Burgo  ,  mis  au  jour  en  1523  : 
cet  auteur  y  a  donné  les  différences  divi- 
iions  de  nombres  de  Nicomaque  &  leurs 
propriétés^ conformément  à  la  dodtrined'Eu- 
clyde ,  avec  le  cilcul  des  entiers  Se  des  frac- 
tions ,  des  extradions  de  racines ,  &<:, 

h'arithmétique  pratique  eft  l'art  denom- 
brer  ou  de  calculer ,  c'cft-à-dire  ,  l'ait  de 
trouver  des  nombres  par  le  moyen  de  certains 
nombres  donnés ,  dont  la  relation  aux  pre- 
miers eft  connue;  comme  Ci  l'on  demandoit, 
par  exemple  ,  de  déterminer  le  nombre  égal 
aux  deux  nombres  doimés  >  6  j  8. 


A    R   T 

Le  premier  corps  complet  à' arithmétique 
pratique  nous  a  été  donné  en  1556,  par 
fart.'glia  ,  Vénitien  :  il  confifte  en  deux 
livres  ;  le  premier  contient  l'application  de 
\ ariihmétique  aux  ufiiges  de  la  vie  civile  ;  & 
le  fécond  ,  les  fondemens  ou  les  principes 
de  l'algèbre.  Avant  Tarcaglia ,  Stifelius  avoir 
donné  quelque  choie  iur  cette  matière  en 
1 544  :  on  y  trouve  différentes  méthodes  Se 
remarques  Iur  les  irrationnels ,  &C. 

Nous  fupprimons  une  infinité  d'autres 
auteurs  de  pure  pratique  qui  lont  venus  de- 
puis ,  tels  que  Gemma  Frifîus  ,  Metius  , 
Clavius ,  Ramus ,  6t. 

Maurolicus  ,  dans  fes  Opufcula  mathe^ 
matica  de  l'année  i  577  ,  a  joint  la  théorie  à 
la  pratique  de  \' arithmétique  ,  il  l'a  même 
perfecliionnée  à  plufîeurs  égards  :  Henei^ 
chius  a  fait  la  même  choie  dans  l'on  Arith- 
metica p.rftcla  de  l'année  1 609  ,  où  il  a  ré- 
duit toutes  les  démonftrations  en  forme  de 
lyllogilme  .  ainlî  que  Taquet,  dans  la  Theo- 
ria  &  praxis  Arithmeticcs  de  l'année  1704, 

Les  ouvrages  fur  V arithmétique  font  fi 
communs  parmi  nous ,  qu'il  feroit  inutile 
d'en  faire  le  dénombrement.  Les  règles 
principales  de  cette  fcience  (ont  expofées  fort 
clairement  dans  le  premier  volume  du  cours 
de  mathématique  de  M.  Camus ,  dans  les 
inltitutions  de  géométrie  de  M.  de  la  Cha- 
pelle ,  dans  Vari'hmétique  de  Potîîcier  par 
M.  le  Blond.  (O) 

Uarithmétique  inftrumentale  eft  celle  oi» 
les  règles  communes  s'exécutent  par  le  moyer» 
d'inftruraens  imaginés  pour  calculer  avec 
facilité  &  promptitude  :  comme  les  bâtons 
cie  Neper  (  Foje:^  Nlper)  ,  l'inftrument  de 
M.  Sam.  Moreland ,  qui  en  a  publié  lui- 
même  la  delcriprion  en  1666  ;  celui  de 
M.  Leibnitz  ,  décrit  dans  les  Mifccllan. 
Berolin.  la  machine  arithmétique  de  M.  Paf- 
cal  ,  dont  on  donner.-  la  deiciipnon  plus 
bas  ,  &c. 

'L'arithmétique  logarithmique  ,  qui  s'exé- 
cute par  les  cables  des  logarithmes.  Vvye:[_ 
Logarithme.  Ce  qu'il  y  a  de  meilleur  là- 
dellus  eft  VArithmetica  logarithmiea  de  Hen. 
Brigg  ,  publiée  en  1614. 

On  ne  doit  pas  oublier  les  tables  arithmé" 
tiques  uiiiverfeÙes  de  Proltapharefe,  publiées 
en  1610   par  Herwarc  ,    moycmiant  lei- 


A  a  t 

quelles  l.i  multiplication  fc  (ûif  aifémcnt  &: 
cxadcmcnt  par  l'addition ,  &  la  divifion  par 
la  foullradion. 

Les  Clùnois  ne  fe  fervent  guère  de  règles 
dans  leurs  calculs  ;  au  lieu  de  cela  ,  ils  font 
ufage  d'un  inftruraent  qui  conlîfte  en  une 
petite  lame  longue  d'un  pié  &  demi ,  tra- 
verice  de  dix  ou  douze  fils  de  fer ,  où  lont 
enfilées  de  petites  boules  rondes  :  en  les 
tirant  enfemble  ,  Se  les  plaçant  eniuite  l'un 
après  l'autre  ,  luivant  certaines  conditions  & 
conventions,  ils  calculent  à-peu -près  comme 
nous  fiifons  avec  des  jetons  ,  mais  avec  tant 
de  facilité  &  de  promptitude  ,  qu'ils  peuvent 
fuivre  une  perfonne  quilit  un  livre  décompte, 
avec  quelque  rapidité  qu'elle  aille  ;  &  à  la  fin 
l'opération  fe  trouve  faite  :  ils  ont  auiïî  leurs 
méthodes  de  la  prouver.  Voyc^  le  P.  le 
Comte.  Les  Indiens  calculent  à-peu-prcs  de 
même  avec  des  cordes  chargées  de  nœuds. 

\Jarithmétii]ue  numérale  eft  celle  qui  en- 
(èigne  le  calcul  des  nombres  ou  des  quantités 
abftrairei  défignées  par  des  chiffres  ;  on  en 
fait  les  opérations  avec  des  chiffres  ordinaires 
ou  arabes.  Foje^  Caractère  &  Arabe. 

\J arithmétique  fpécieufe  eft  celle  qui  en- 
feigne  le  calcul  des  quantités  délignées  par 
les  lettres  de  l'alphabet.  Voyc:^  Spécieuse. 
Cette  arithmétique  eft  ce  que  l'on  appelle 
ordinairement  Y  algèbre  ou  arithmétique  litté- 
rale. Foyt'^  Algèbre. 

Wallis  a  joint  le  calcul  numérique  à  l'al- 
gébrique ,  &  démontré  par  ce  moyen  les 
règles  des  fradtions ,  des  proportions  ,  des 
extractions  de  racines  ,  ùc. 

Wels  en  a  donné  un  abrégé  fous  le  titre 
de  Elementa  arithmetiae  ,  en  1698. 

h' arithmétique  décimale  s'exécute  par  une 
fuite  de  dix  caractères ,  de  manière  que  la 
progrefllon  va  de  dix  en  dix.  Telle  eft  notre 
arithmétique ,  où  nous  tailons  ufage  des  dix 
caraélcres  arabes  ,0,1,2,3,4,5,6, 
7,8,9:  après  quoi  nous  recommençons 
10,  11,11,  &c. 

Cette  méthode  de  calculer  n'eft  pas  fort 
ancienne  ;  elle  étoit  totalement  inconnue 
aux  Grecs  &  aux  Romains.  Gerbert ,  qui 
devint  pape  dans  la  fuite  fous  le  nom  de 
Sylveftre  îl ,  1  introduilit  en  Europe  ,  après 
l'avoir  reçue  des  Mores  d'Eipagne.  Il  eft 
fort  vraifemblable  que  cette  progrelTîon  a 
pris  fon  origine  des  dix  doigts  des  maiiis. 


A  R  I  371 

dont  on  faifoit  ufage  dans  les  calculs  avant 
que  l'on  eût  réduit  {'arithmétique  en  art. 

Les  miftionnaires  de  Porient  nous  aftureni: 
qu'aujourd'hui  même  les  Indiens  (ont  très- 
experts  à  calculer  par  leurs  doigts ,  (ans  fc 
lervir  de  plume  ni  d'encre.  Voye^^  les  lett. 
édif.  &  curicufes.  Ajourez  à  cela  que  les 
naturels  du  Pérou  ,  qui  font  tous  leurs  cal- 
culs par  le  différent  arrangement  des  grains 
de  maïz  ,  l'emportent  beaucoup  ,  tant  par  U 
j  uftelle  que  par  la  célérité  de  leurs  comptes , 
fur  quelque  Européen  que  ce  foie  avec  toutes 
les  règles. 

L'arithmétique  binaire  eft  celle  où  l'on 
n'emploie  uniquement  que  deux  figures , 
l'unité  ou  I  &  le  o.  Voye^  Binaire. 

M.  Dangicourt  nous  a  donné ,  dans  les 
Mifcell.  Berul.  tome  I ,  un  long  mémoire  fur 
cette  arithmétique  binaire  -,  il  y  fait  voir  qu'il 
eft  plus  aifé  de  découvrir  par  ce  moyen  les 
loix  des  piogreffions ,  qu'en  fe  fervant  de 
toute  autre  méthode  où  l'on  feroir  ufage 
d'un  plus  grand  nombre  de  caradteres. 

'L'arithmétique  tétraCtique  eft  celle  où  l'on 
n'emploie  que  les  figures  i  ,  z  ,  5  ,  &  o. 
ErhardWeigel  nousa  donné  un/ra//e  de  Cette 
arithmétique  ;  mais  la  binaire  &  la  tétradti- 
que  ne  font  guère  que  de  curiolîté  ,  relative- 
ment à  la  pratique ,  puifque  l'on  peut  expri- 
mer les  nombres  d'une  manière  beaucoup 
plus  abrégée  par  l'arithmétique  décimale. 

L' aritk?nétiquey\.\\gdÂïe  roule  fur  les  entiers 
&  les  fradtions.  V.  Entier  6'  Fraction. 

L'arithmétique  iexagédmale  eft  celle  qui 
procède  par  foixantaines  ,  ou  bien  c'eft  la 
dodrine  des  fraétions  fexagéfimales.  Voye^ 
Sexagésimal.  Sam.  Reyher  a  inventé  une 
efpece  de  baguettes  fexagénales  ,  à  l'imi- 
tation des  bâtons  de  Neper ,  par  le  moyen 
defquelles  on  fait  avec  facilité  toutes  les 
opérations  de  {'arithmétique  fexagéfimale. 

L'arithmétique  des  infinis  eft  la  méthode 
de  trouver  la  (emme  d'une  fuite  de  nombres 
dont  les  termes  lont  infinis  ,  ou  d'en 
déterminer  les  rapports.  V.  Infini  ,  Suite 
ou  Série  ,  ùc. 

M.  Wallis  eft  le  premier  qui  ait  traité 
à  fond  de  cette  méthode  ,  ainfi  qu'il  paro:t 
par  Ils  Opéra  mathematica ,  où  il  en  a  fait 
voir  l'ufage  en  géométrie  pour  déterminer 
l'aire  des  furfaces  &c  la  folidité  des  corps  , 
aiiili  que  leurs  rapports  :  mais  la  méthode 

Xx  z 


37.  A  RI 

des  tluxions ,  qui  cft  Vaihhm' tique  nnivcrfcUe 
des  infinis,  exécute  tout  cela  dui'c  manière 
beaucoup  plus  piorr.pre  ^c  plus  commode  , 
indcpcnaammcnt  d'une  infiiiité  d'autres 
choies  .auxquelles  la  première  ne  faiiroit 
atteindre.  V.  Fluxions  ,  Calcul  ,  ^fc. 

Sur  V arithmétique  des  incommenlurables 
ou  irrationnels  3  voy.  Incommensurable  , 
Irrationnel  ,.  ê'c.^ 

Jean  de  Sacrobolco  ou  Halifix  compofa 
en  1251 ,  félon  V/oflius ,  un  traité  d'ar/VA- 
métique  ;  mais  ce  traité  a  toujours  ïtûé 
mauufcrit  :  Se  félon  M.  l'abbé  de  Gua  , 
Paçiolo  qui  a  donné  le  premier  livre  d'-^l- 
.gcbre ,  eft  aufu  le  premier  auteur  d'arith- 
métique qui  aie  été  imprimé.  V.  Algèbre. 

Jufqu'ici  nous  nous  fommes  contentés 
d'expoler  en  abrégé  ce  que  l'on  trouve  à- 
peu  -■  près  dans  la  plupart  des  ouvrages 
liiathcmatiques  fur  la  fcience  des  nombres  , 
ce  nous  n'avons  guère  fait  que  traduire 
l'article  arithmétique  tel  qu^il  fe  trouve  dans 
l'encyclopédie  angloife  :  tâchons  préfente- 
ment  d'entrer  davantage  dans  les  principes 
de  cette  fcience  ,  &  d'en  donner  une  idée 
plus  précife. 

Nous  remarquerons  d'abord  que  tout 
nombre,  fuivam  la  définition  de  M.  Newton, 
n'eft  proprement  qu'un  rapport.  Pour  en- 
tendre ceci  ,  il  faut  remarquer  que  toute 
grandeur  qu'on  comp.'.re  à  une  autre  ,  efi: 
ou  plus  petite ,  ou  plus  grande  ,  ou  égale  ; 
qu'aiiiiî  toute  grandeur  a  un  certain  rapport 
avec  une  autre  à  laquelle  on  'a  compare  , 
c'eft-à-dire  qu'elle  y  eft  contenue  ou  la 
contient  d  une  certaine  manière.  Ce  rapport 
ou  cette  manière  de  contenir  ou  d'être 
contenu  ,  efl:  ce  qu'on  appelle  n,cmbre  ; 
ainfi  le  nombre  5  exprime  le  rapport  d'une 
grandeur  à  une  autre  plus  petite  ,  que  l'on 
l^rend  pour  l'unité  ,  &  que  la  plus  grande 
contient  trois  fois  :  au  contraire  \\  fraétion  ', 
exprime  le  r.ipport  d'une  certaine  grandeur 
à  une  plus  grande  que  l'on  pre-.id  pour  l'uni- 
té ,  &  qui  cft  contenue  trois  fois  dans  cette 
flus  grnde.  Tout  cela  fera  expofé  plus  en 
détail  aux  articles  Nombf.f,  Fraction,  ùc. 
Les  nombres  étant  des  rapports  apper- 
^us  p;r  l'efprit  ^  diftingués  p.n-  des  fîgnes 
yarciculicrs,  \'r.rithn:éiique  ,  qui  eft  la  Icience 
uks  EOEabics  ,  tlt  donc  l'art  de  combiner 


AR  I 

entr'eux  ces  rapports  ,  en  fe  fervant  pour 
faire  cette  conibmaifon  des  lignes  mêmes 
qui  les  diftinguent.  De-là  les  quatre  princi- 
p. des  règles  de  {'arithmétique ,  car  les  diiie- 
rentes  combinaiions  qu'on  peut  faire  des 
rapports,  fe  réduil'cnt  ou  à  examiner  l'excès 
des  uns  fqr  les  autres ,  ou  la  manière  dent  ils 
ie  contiennent.  L'addinon  &c  la  fouftravftion 
ont  le  premier  objet, puifqu'il  ne  s'ngitqued'y 
ajouter  ou  d'y  iouftraire  des  rapports  ;  le  fé- 
cond objet  cft  celui  delà  mukipiication  &  de 
la  diviiion  ,  puilqu'on  y  détermine  de  quelle 
manière  un  rapport  en  contient  un  autre.. 
Tout  cela  fera  expliqué  plus  en  détail  aux  1 
articles  Multiplication  6'  Division.  | 

Il  y  a  ,  comme  l'on  fiit  ,  deux  fortes, 
de  rapports  ,  1  arithmétique  <^'  le  géomé- 
trique. V.  P.  apport.  Les  nombres  ue  font 
proprement  que  des  rapports  géomiCtriques  ; 
mais  il  lemble  que  dans  les  deux  prcm.eres 
règles  de  l'jrithmttiquc ,  on  conlidere  ariih- 
métiquement  ces  rapports ,  &  que  dans  les 
deux  autres  on  les  conlidere  géométrique- 
ment. Dans  l'addition  de  deux  iiornbrea 
(  car  toute  addition  fe  réduit  proprement  à 
celle  de  deux  nom.bres  )■ ,  l'un  des  deux 
nombres  repréfente  l'excès  de  la  lomme  lur 
l'autre  nombre.  Dans  la  multiplication ,  l'un 
des  deux  nombres  eft  le  rapport  géométrique 
du  produit  à  l'autre  nombre.  V^,  Somme, 
Produit. 

A  légard  du  détail  des  opérations  parti- 
culières de  l'arithmétique  ,  il  dépend  de  la 
forme  &  de  l'inftitution  des  fignes  par  lef- 
quels  on  dcligne  les  nonibres.  Notre  arith- 
iiihique ,  qui  n'a  que  dix  cliiftVes ,  feroit  fort 
diftérente  lî  elle  en  avoir  plus  ou  moins  i 
6V'  les  Romains  qui  avoient  des  chiffres  difFé- 
rens  de  ceux  dont  nous  nous  lervons  , 
dévoient  aulTi  avoir  des  règles  à'arithmc- 
rique  toutes  différentes  des  nr-tres;  mais  toute. 
arithmétique  fe  réduira  toujours  aux  quatre 
règles  dont  nous  parlons ,  parce  que  de  quel- 
que manière  qu'en  déligne  ou  qu'on  écrive 
les  rapports .  on  ne  peut  j.'-mais  les  combiner 
que  de  qu  ure  façons ,  &  même  ,  à  propre- 
ment pnrler ,  de  deux  manières  feulement , 
dont  chacune  peut  érte  envifîigce  fous  deux 
fices  différentes. 

On  pourroir  dire  encore  que  toutes  les- 
règles  de  l'arithmétique  le  réduilent  ou  ;t 
former  un  tout  par  la  réunion  de  différentes 


A  R  I 

parries ,  comme  dans  l';v.idition  ^-  la  mulcl- 
plicatioii ,  OH  à  rcfoudrc  un  coiu  en  différen- 
tes p:irties ,  ce  qui  s'cxcciiie  par  la  louftrac- 
tion  ^  la  diviiion.  En  cttct  ,  la  mukipli- 
cacion  n'clt  qu'une  addition  iv-pjtce  ,  Ik  la 
diviliun  n'ert  aulTi  qu'une  loultradrion  ré- 
pétée ;  d'où  il  s'en'uic  encore  que  les  règles 
primitives  de  Varitkmétigiie  peuvent  à  la 
rigueur  le  réduire  à  l'addition  (is:  à  la  fouf- 
traction.  La  multiplication  tSc  la  diviiion  ne 
font  proprement  que  des  manières  abrégées 
de  faire  l'addition  d'un  même  nombre  plu- 
fieurs  fois  à  lui-même  ,  ou  de  foufnaire 
pluheurs  fois  un  mêmie  nombre  d'un  autre  : 
aulFi  M.  Newton  appcl!e-t-il  les  règles  de 
Variihmétique ,  cc.rr.fojilio  &  rej'clutio  arith- 
metka  ,  c'eft-à-dire ,  compofuion  £'  réfolution 
des  nombres. 

ArithmÉtiq^ue    universtlie   ;   c'efl: 
ainli  que  M.  Newton  appelle  l'algèbre  ou 
calcul  des  grandeurs  en  général  :  &;  ce  n'eft 
pas  (ans  railbn  que  cette  dénomination  lui 
a  été  donnée  par  ce  grand  homme  ,  dont  le 
génie  également  lumineux  &  profon.d  paroit 
avoir  remonté  dans  toutes  les  Icienccs  à  leurs 
vrais  principes  métaphyiiques.  Eneftet,  dans 
V arithmétique  ordinaire  on  peut  remarquer 
deux  e'peces  de  prirxipes  ;  les  prem.iers  ibnt 
des  règles  générales  ,    indépendances    des 
(jgnes  particuliers  par  le'que!s  on  exprime 
les  nombres;  les  autres  font  des  règles  dé- 
pendantes de  ces  mcm.es  lignes ,  &  ce  font 
celles  qu'on  appelle    plus   pjrriculiéremenr 
règles  de  l'arnhnié-.iqve.   Mais  les  prem.iers 
principes  ne  font  autre  chofe  que  des  pro- 
priétés générales  des  rappor:s,  qui  ont  lieu 
de  quelque  manière  que  ces  rapports  '.oient 
défignés  :  telles  'ont,,  par  exem.ple,  ces  règles; 
fi  on  cte  \\n  nombre  d'un  autre,  cet  autre 
1     nombre  joint  avec  le  refle  .  doit  re;idre  le 
i     prem.er  norrire  ;  li  on  divife  une  grandeur 
I    pax  une  autre ,  le  quotient  multiplié  par  le 
!    divifeur ,  doit  rendre  le  dividende  ;  ii  on 
!    multiplie  la  lorame  de  plulicurs  nombres 
par  la  fomm.e  de  plufieurs  autres,  le  pro- 
,    uu;t  eft  égal  à  la  lomme  des  produits  de 
]    chaque  partie  p.u  toutes  les  autres ,  6'c. 

De-là  il  s'eniliit  d'abord  qu'en  défignant 
les  nombres  par  des  expreiTions  gcnéiales , 
c'eft-à-dire  qui  n.e  délignent  pas  plus  un 
nombre  qu'un  autre  ,  on  pourra  fonner 
çeitaiiacs    règles   relatives    aux    opératiovis 


A  RI  373 

'  qu'on  peut  fnre  lur  les  nombres  aînli  déli- 
gnés. Ces  règles  ie  rcdullent  à  reprélènter 
de  la  manière  la  plus  (impie  qu'il  eft  pof- 
lible  ,  le  réiultat  d'une  ou  de  piuiieurs  opéra- 
tions qu'on  peut  faire  lur  les  nombres  expri- 
més d'une  manière  générale  ;  &  ce  réfultar 
ainli  exprimé  ne  fera  proprement  qu'une 
opération  arithmétique  indiquée  ,  opération 
qui  variera  félon  qu'on  donnera  dilFéieiîtes 
valeurs  arithmétiques  aux  quantités  qui  , 
dans  le  réiultat  dont  il  s'agit ,  repréfentent 
des  nombres.     , 

Pour  mieux  faire  entendre  cette  notion 
que  nous  donnons  de  l'algèbre  ,  parcouj-ons- 
en  les  quatre  règles  ordinaires  ,  éi  commen- 
çons par  l'addition.   Elle  conlille  ,   com.nie 
nous  l'avons  vu  dans  \' article  Addition  ,  à 
ajouter   enlem.ble  avec  leui-s  lignes  ,    fans 
aucune  autre  opération  ,  les  quantités  dif- 
lemblables,  &  à  ajourer  les  coëfficicns  des 
quantités  lemblables  :  par  exemple,  i!  j'ai  à 
ajouter  enienible  les  deux  grandeurs  dilïèm- 
blables  a,  h,  j'écrirai  limplcment  ci-\-b  ; 
ce  ri:!u!tat  n'eft  autre  chofe  qu'une  manière 
d'indiquer  que  li  on  déligne  a  par  quelque 
nombre  ,    &  b  par  un  autre  ,    il  faudra 
ajouter  enfemble  ces  deux  nombres  ;  air.lî 
a-\-h  n'eft  que  l'indication  d'u.ne  addirioa 
arithmétique  ,    dont  le   réliiltat  fera  diffé- 
rent ,   lelon  les  valeurs   numériques  qu'on 
alîîgnera  àa  &c  à  b.  ]c  1  uppofe  preicntcment 
qu'on  me  propofe  d'ajouter  y  a  avec  3  « ,  je 
pourrois  écrire  f  (2  H-  5  a ,  &c  l'of  éracion 
arithmétique  leroit  indiquée  comme  ci-def- 
lus;  mais  en  examinant  ^  a  ik  ^  a ,  ]e  vois 
que  cette  opération  peur  être  indiquée  d'une 
manière  plus  limple  :  car  quelque  nombre 
que  û  repréfente  ,  il  efl  évident  que  ce  nom- 
bre pris  j-  fois  ,    plus  ce    même   nombre 
pris  j  fois ,  eft  égal  au  même  nombre  pris 
S  fois  ;  ainli  je  vois  qu'au  lieu  de  j  a  4-  3  a, 
je  puis  écrire  8  a ,  qui  eft  l'expreilion  abré- 
gée ,  Ce  qu!  m'indique  une  opération  ar:th- 
métique  plus  luTiple  que  ne   me  l'indique 
l'expreilion  f  ^  -H  3  «. 

C'eft  là-defîusqu'cft fondée  la  règle  géré- 
raie  de  l'addition  algébrique ,  d'ajouter  les 
grn.ieurs  fernblables  en  ajoutant  leurs  ccëf- 
licieiis  numériques  ,  cc  écrivant  enfuitc  h. 
oartie  littérale  une  lois. 

On  voir  donc  que  l'addition  aigb  ique 
fe  r.duir  à  exprimer  de  la  m.uriere  la  ^  La; 


374  A  m 

fimple  la  fomme  ou  le  réfiilcat  de  plufieurs 
nombres  exprimés  généralemenr ,  &  à  ne 
îaiflèr  ,  pour  ainiî  dire  ,  à  l'arithméticien 
que  le  moins  de  travail  à  faire  qu'il  elt 
poflible.  Il  en  eft  de  même  de  la  (ouftrac- 
tion  algébrique.  Si  je  veux  retrancher  i  de  a , 
j'écris  fimplement  a  —  b ,  parce  que  je  ne 
peux  pas  repréfenter  cela  d'une  manière  plus 
iîmple  ;  mais  fi  j'ai  à  retrancher  5  a  de  f  a  , 
je  n'écrirai  point  j  a  —  ^  a,  parce  que  cela 
me  donneroit  plulleurs  opérations  cj/ry^we- 
tiques  à  faire  :  en  cas  que  je  voululle  donner 
-à  a  une  valeur  numérique  ,  j'écrirai  fimple- 
ment i  a ,  expreffion  plus  limple  &  plus 
commode  pour  le  calcul  arithmétique.  Voy. 
Soustraction. 

J'en  dis  autant  de  la  multiplication  & 
de  la  divifion.  Si  je  veux  multiplier  a-\-  b 
par  c  -+-  ^ ,  je  puis  écrire  indifféremment 
(û  +  i^)  X  (c-4-^),  0\xac-\-b  c-\-ad-\-b 
d  ;  &c  fouventmême  je  préférerai  la  première 
expreiïion  à  la  féconde  ,  parce  qu'elle  lemble 
demander  moins  d'opérations  arithmétiques  : 
car  il  ne   faut  que  deux  additions  &  une 
multiplication  pour  la  première  ,  &  pour  la 
féconde  il  faut  trois  additions  ôz  quatre  mul- 
tiplications. Mais  il  j'.ii  à  multiplier  5  n  par 
3  (7,  j'écrirai  1 5  «(Z  au  lieu  de  j  a  X  3  <2,  parce 
que  dans  le  premier  cas  j'aurois  trois  opé- 
rations arithmétiques  à  faire  ,  &  que  dans  le 
fécond  je  n'en  ai  que  deux  ;  une  pour  trou- 
ver aa ,  &  l'autre  pour  multiplier  aa  par  1  y. 
De  même  fi  j'ai  a  -f-^  à  multiplier  par  a — b , 
j'écrirai  a  a  —  èb,  parce  que  ce  rél'ultat  fera 
fouvent  plus  commode  que  l'autre  pour  les 
calculs  arithmétiques  ,  &  que  d'ailleurs  j'en 
tire  un  théorème  ,  favoir,  que  le  produit  de 
la  fomme  de  deux  nombres ,  par  la  différence 
de  ces  deux  nombres ,  eft  égal  à  la  différence 
des  quarrés  de  ces  deux  nombres.  C'efl:  ainfi 
qu'on  a  trouvé  que  le  produit  de  «+3  par  a 
+3,  c'eft-à-dire  le  quarré  de  a-\-b  étoit 
aa-\-  1  a  b~{-  b  b  ,   &  qu'il  contenoit  par 
conléquent  le  quarré  des  deux  parties  ,  plus 
deux  fois  le  produit  de  l'une  par  l'autre  ;  ce 
qui  fert  à  extraire  la  racine  quarrée  des  nom- 
bres, Voy,  Quarré  &  Racine  quarrée. 

Dans   la  divifion,    au  lieu  d'écrire-7-^, 


ARI 


he 


diviferôcpar  hd,  j'écrirai;^  3  ne  pouvant 

trouver  une  expreffion  plus  fimple. 

On  voit  donc  par-là  que  M.  Newton  a 
eu  raifon  d'appeller  l'algèbre  arithmétique 
univerfelle ,  puilque  les  règles  de  cette  Icience 
ne  confiftent  qu'à  extraire  ,  pour  ainfi  dire  , 


)  ecrn-ai 

aa'~~xa 


fimplement  4  a. 
,   j 'écrirai  <?  —  .v 


au  lieu  d'écrire 
:  mais    fi  j'ai    à 


ce  qu'il  y  auroit  de  général  &  de  commun 
dans  toutes  les  arithmétiques  particulières  qui 
le  feroient  avec  plus  ou  moins  ou  autant 
de  chiffres  que  la  notre  ,  &  à  prélenter 
fous  la  forme  la  plus  fimple  &:  la  plus  abré- 
gée ,  ces  opérations  arithmétiques  indiquées. 
Mais ,  dira-t-on ,  à  quoi  bon  tout  cet  écha- 
fiudage  ?  Dans  toutes  les  queftions  que  l'on 
peut  Te  propofer  fur  les  nombres ,  chaque 
nombre  eft  défigné  ôc  énoncé.  Quelle  uti- 
lité y  a-t-il  de  donner  à  ce  nombre  une 
valeur  littérale  dont  il  femble  qu'on  peut  fc 
paffer  ;  Voici  l'avantage  de  cette  déno- 
mination. 

Toutes  les  queftions  qu'on  peut  propo- 
fer fur  les  nombres,  ne  font  pas  aulh  lim- 
ples  que  celles  d'ajouter  un  nombre  donné 
à  un  autre  ,  ou  de  l'en  fouftraire  ;  de  les  mul- 
tiplier ou  de  les  diviler  l'un  par  l'autre.  Il  eft 
des  queftions  beaucoup  plus  compliquées, 
&  pour  la  folution  defquelles  on  eft  obligé 
de  faire  des  combinaifons ,  dans  Iclquelles 
le  nombre  ou  les  nombres  que  l'on  cher- 
che doivent  entrer.  Il  faut  donc  avoir  un 
art  de  fiire  ces  combinaifons  fans  connoi- 
tre  les  nombres  que  l'on  cherche ,  ik:  pour 
cela  il  faut  exprimer  ces  nombres  par  de« 
caraéleres  différens  des  caraderes  numéri- 
ques ,  parce  qu'il  y  auroit  un  très-grand 
inconvénient  à  exprimer  un  nombre  incon- 
nu par  un  caraélere  numérique  qui  ne  pour- 
roit  lui  convenir  que   par   un  très -grand 
hazard.  Pour  rendre  cela  plus  fenfible  par 
un  exemple  ,  je  fuppofe  qu'on  cherche  deux 
nombres  dont  la  fomme  (bit  100  ,  Ôc  h  dif- 
férence 40.  Je  vois  d'abord  qu'en  défignant 
les  deux  nombres  inconnus  par  des  carac- 
têtes  numériques  à  volonté  ,  par  exemple 
l'un  par  25  ^  l'autre  par  50  ,  je  leur  don- 
nerois  une  cM^relTion  très-faultè  ,   puifque 
i)-  &c  60  ne  (atlsfont  point  aux  conditions 
de  la  queftion.  Il  en  fcroit  de  même  d'une 
infinité  d'autres  dénominations  numériques. 
Pour  éviter  cet  inconvénient  ,  j'appelle  le 
plus  grand  de  raes  nombres  x ,  6c  le  plus 


AR  I 

petit  y;  .5;  j'ai  par  cette  dénomination  algé- 
brique les  deux  conditions  ain(i  exprimées  : 
X  plus  y  eft  égal  à  loo  ,  .Sc  .v  moins  y  elï 
égal  à  60  ;  ou  en  caraderes   algébriques. 

a:-f-j'=ioo. 

3! — y  =  ^o.  Voyei  Caractère. 
Puifque  x-\-y  e(t  égal  à  100  ,  &  x — y  égal 
à  60  ,  je  vois  que  lûo ,  joint  avec  60  ,  doit 
erre  égal  à  x-+-y  ,  joint  à  x — y.  Or ,  pour 
ajouter  x+y  \x — y,  il  Hiut,  fuivant  les 
règles  de  l'addition  algcbrique,  écrire  ix ;  je 
vois  donc  que  ix  elt  égal  à  1(^0 ,  c'eft-à-dire  , 
que  160  ell  le  double  du  plus  grand  nom- 
bre cherché  ;  donc  ce  nombre  eft  la  moi- 
tié de  160 ,  c'clt-à-dire  80  :  d'où  il  eft  ficile 
de  trouver  l'autre  qui  eft  y  ;  car  puifque 
x+y  eft  égal  à  100,  &  que  .r  eft  égal  à 
80,  donc  80  plusj  eft  égal  à  100;  donc  y 
eft  égal  à  100  dont  on  a  retranché  80  ,  c'eft- 
à-dire,  10  ;  donc  les  deux  nombres  cherclîé^ 
font  So  ik  20  :  en  eftct  leur  lomme  eft  100  , 
&  leur  différence  eft  40. 

Au  rtfte  je  ne  prétends  pas  faire  voir  par 
cet  article  la  nécelfité  de  l'algèbre ,  car  elle 
ne  ferOic  encore  guère  néceflà-ire,  fi  on  ne 
propofoit  pas  des  queftions  plus  compliquées 
que  celles-là  :  j'ai  voulu  feulement  faire  \o[t 
par  cet  exemple  très-fimple ,  &  à  la  portée 
de  tout  le  m.onde  ,  comment  par  le  fecours 
de  l'algèbre  on  parvient  à  trouver  les  nom- 
bres inconnus. 

^ L'exprefÏÏon  algébrique  d'une  queftion 
n'eft autre  chofe ,  comme  l'a  fore  bien  remar- 
qué M.  Newton,  que  la  traduction  de  cette 
même  queftion  en  caraderes  algébriques; 
traduction  qui  acela  de  commode  &  d'ef- 
fciîtiel,  qu'elle  fc  réduit  à  ce  qu'il  y  a  d'ab- 
folument  néceftaire  dans  la  queftion  ,  &c  que 
les  conditions  fuperflues  en  font  bannies. 
Nous  allons  en  donner  daprès  M.  Newton 
l'exemple  fuivant. 


Qmftion  énoncée  fur  le 
langage  ordinaire. 

On  demande  trois  nom- 
bresavec  cesconditions: 

Q-i'ils  foient  en  pro- 
portion géométrique 
continue. 

Qiieleutfomirefoitio. 
ït   qne  la  fomme  de 
leuis  quartés  foie  I40. 


La  même  ijuejiion  tra- 
duite algébriquement, 

x:y::y-.^,onxi=^yy. 
i^oy.  Proportion. 


Amli  la  queftion  le  réduit  à  trouver  le»; 
trois  inconnues  x,y,-^,  par  les  trois  équa - 
tions.ï^=jy  ^-+-J+^=xo,  xx-\- 
yy-^l\~  140.  Il  ne  lefte  plus  qu'à  tirer 
de  ces  trois  équations  la  valeur  de  chacune 
des  inconnues. 

On  voit  donc  qu'il  y  a  dans  V  arithmétique 
umverfclle  deux  parties  à  diftinguer. 

La  première  eft  celle  qui  apprend  A  f'ire 
les  combinaifons  &  le  calcul  des  quantités 
reprefentées  par  des  lignes  plus  univerfels 
que  les  nombres  :  de  manière  que  les  quan- 
tités inconnues ,  c^cft-à-dire ,  dont  on  i-^nnre 
la  valeur  numérique,  puiilént  être  combi- 
nées avec  la  même  facilité  que  les  quantités 
coiinues ,  c'eft-à-dire  ,  auxquelles  on  peut 
allignerdcs  valeurs  numériques.  Ces  opéra- 
tions ne  fuppoient  que  les  propriétés  généra- 
les de  la  quantité ,  c'eft-à-dire  ,  qu'on  envi- 
Irge  .a  quantité  lîmplem.ent  comme  quantité, 
^  non  comme  repréfenrée  &  fixée  par  telle 
ou  telle  exprelTîon  particulière. 

La  féconde  partie  de  ^arithmétique  uni- 
v?r/e//econlifte  à  favoir  faire  ufige  de  la  mé- 
thode généralede  calculer  les  quanutés ,  pour 
découvrir  les  quantités  qu'on  cherche  par  le 
moyen  des  quantités  qu'on  conr.oit.  Pour 
cela  il  faut,  1°.  repréfenter  de  la  manière  la 
plus  fimple  &  la  plus  commode  ,  la  loi  du 
rapport  qu'il  doit  y  avoir  entre  les  quantités 
connues  &  les  inconnues.  Cette  loi  de  rap- 
port eft  ce  qu'on  nomme  équation  ;  ainfi  le 
premier  pas  à  faire  lorfqu'on  a  un  oroblême 
à  refoudre  ,  eft  de  réduire  d'abord  le  pro- 
blême à  l'équation  la  plus  lîmple. 

tnhiire  il  faut  tirer  de  certe  équation  la 
chaleur  ou  les  différerires  valeurs  que  doit 
avoir  l'inconnue  qu-'on  cherche  ;  c'eft  ce  qu'on 
appelle  réfoudre  l'équation.  Vcye[  l'article 
Fciu  ATioN  ,  où  vous  trouverez  là-delTus  un 
plus  long  détail ,  auquel  nous  renvoyons  , 
ayant  dii  nous  borner  dans  cet  article  adon- 
ner une  idée  générale  de  l'arithmétique  uni- 
verfelle  ,  pour  en  détailler  les  règles  dans  les 
articles  particuliers,  ^^oje^/zuj/i  Problème, 
Racine,  &c, 

La  première  partie  de  l'arithmétique  uni- 
verfdk  ,  s'appelle  proprement  algèbre  ,  ou 
cience  du  calcul  des  grandeurs  en  général; 
la  leconde  s'appelle  proprement  analyfe  : 
mais  ces  deux  nom.s  s'emploient  allez  fouvent 
l'un  pour  l'autre.  F.  AiCf  bre  &■  Analyse. 


l~,G 


A  il  I 


Non:  ignorons  li  les  anciens  ont  connu 
cette  kiciicc  :  il  y  a  pourcans;  bien  de  l'ap- 
parence qu'ils  avoicnt  quelque  moyen  iern- 
biab'e  pourréfoudre  au  mouis  les  queftions 
nuiiiériques  ;  par  exemple ,  les  qucilions  qui 
ont:  été  appellées  quejlions  de  Diophaïue. 
Voye':^  DiornANTE  ;  vojc^  aujji  Applica- 
tion de  l'analyfe  à  la  géométrie. 

Selon  M.  l'abbé  de  Gua ,  dans  Ton  excel- 
lente hifoire  de  l'alghre  ,  dont  on  trouve  la 
plus  grande  partie  à  l'an.  Algèbre  de  ce 
didlionniire ,  Théon  paroit  avoir  cru  que 
Platon  eft  l'inventeur  de  l'analyie;  &  Pappus 
nous  apprend  que  Diophante  &  d'aucres 
auteurs  anciens  s'y  croient  principalement 
appliqués ,  comme  Euclyde  ,  Apollonius , 
Ariiléc  ,  liratofthene ,  &  Pappus  lui-même. 
Mais  nous  ignorons  en  quoi  conlîftoit  préci- 
fcm.ent  leur  analyie ,  &  en  quoi  elle  pouvoit 
différer  de  la  nôtre  ou  lui  rellembler.  M.  de 
?vlalezieu ,  dans Çesélémens  de g'cmétrie  ,  pré- 
tend qu'il  eft  moralement  impoiîîble  qu'Ar- 
chimede  ioit  arrivé  à  la  plupart  de  les  belles 
découvertes  géométriques ,  fans  le  fecours  de 
quelque  choie  d'équivalent  à  notre  analyie  : 
mais  tout  cela  n'eft  qu'une  conjeélure  ;  &  il 
feroit  bien  (ingulier  qu'il  n'en  relHt  pas  au 
moins  quelque  veftige  dans  quelqu'un  des 
ouvrages  des  anciens  géomietres.  M.  de 
l'i-î:-pital,  ou  plutôt  M.  de  Fontenelle  ,  qui 
eft  l'auteur  de  la  préface  des  infiniment  petits , 
obfcrve  qu'il  y  a  apparence  que  M.  Palcal 
eft  arrivé  à  force  de  tète  &  lans  analyie ,  aux 
belles  découvertes  qui  compofent  Ion  traité 
de  la  roulette  ,  imprimé  ious  le  nom  èîEton- 
vilk.  Pourquoi  n'en  feroit-il  pas  de  même 
d'Archimede  &  des  anciens  î 

Nous  n'avons  encore  parlé  que  de  l'ulage 
de  l'algèbre  pour  la  rélolution  des  queftions 
numériques  :  mais  ce  que  nous  venons  de 
dire  de  l'analyie  des  anciens ,  nous  conduit 
naturellement  à  p:rler  del'ufàge  del'algcbre 
dans  la  géométrie  :  cet  uHige  coniifte  prin- 
cipalement à  réfoudre  les  problèmes  géomé- 
triques par  l'algèbre,  comme  on  réibut  les 
problêmes  numériques ,  c'efl-à-dire  ,  à  don- 
ner des  noms  algébriques  aux  lignes  connues 
&  inconnues;  &  après  avoir  énoncé  la  quef- 
tion  algébriquement ,  à  calculer  de  la  même 
manière  que  il  on  réfolvoit  un  problème 
numérique.  Ce  qu'on  appelle  en  algèbre  équa- 
tion d'une  courh ,  n'eft  qu'un  problème  géo- 


A  RI 

métrique  indéterminé ,  dont  tous  les  points 
delà  couibe  donnent  la  lolution;  &;  ainù 
du  relte.  Dans  l'application  de  l'algèbre  à  la 
géométrie ,  les  lignes  connues  ou  données 
lont  repréfentées  par  des  lettres  de  l'alpha- 
bet ;  comme  les  nombres  connus  ou  donnés 
dans  les  queftions  numériques  :  mais  il  faut 
obferver  que  les  lettres  qui  repréfentent  des 
lignes  dans  la  folution  d'un  problême  géo- 
métrique ,  ne  pourroient  pas  toujours  être 
exprimées  par  des  nombres.  Je  fuppofe  ,  par 
exemple  ,  que  dans  la  lolution  d'un  problê- 
me de  géométrie  ,  on  ait  deux  lignes  con- 
nues, dont  l'uncque  j'appellerai  a  (oit  le  coté 
d'un  quarré ,  «Se  l'autre  que  je  nommerai  b  foie 
la  diagonale  de  ce  même  quarré ,  je  dis  que 
il  on  ailigne  une  valeur  numérique  à  a,  il 
lera  i.mpofTible  d'alTigner  une  valeur  numé- 
rique à  b ,  parce  que  la  diagonale  d'un  quarré 
&  fon  coté  lonc  incommenfurables.  Voye^^ 
Incommensurable  ,  Diagonale  ,  Hypo- 
THÉNUSE,  £-t,  Ainiî  les  calculs  algébriques 
appliqués  à  la  géométrie  ont  un  avantage , 
en  ce  que  les  caractères  qui  expriment  les 
lignes  doiuiées  peuvent  marquer  des  quan- 
tités commenlurables  ou  incommenihrables; 
au  lieu  que  dans  les  problèmes  numériques , 
les  caractères  qui  repréfentent  les  nombres 
donnés  ne  peuvent  repréfenter  que  des  nom- 
bres commenlurables.  Il  eft  vrai  que  le  nom- 
bre inconnu  qu'on  cherche  ,  peut  êcre  repré- 
lenté  par  une  expreillon  algébrique  qui  déli- 
gne un  incommenlurable  :  mais  alors  c'eft 
une  marque  que  ce  nombre  inconnu  &  cher- 
ché n'exifte  point ,  que  la  queftion  ne  peut 
être  rélolue  qu'à-peu-près,  &  non  exadte- 
ment  ;  au  lieu  que  dans  l'application  de  l'al- 
gèbre à  la  géométrie  ,  on  peut  toujours  aifi- 
gner  par  une  conftruition  géométrique  la 
grandeur  exaéte  de  la  ligne  inconnue ,  quand 
même  l'exprciTîon  qui  défigne  cette  Ugne 
leroitincommeniurabîe.  On  peut  mêmelou- 
vant  ailigner  la  valeur  de  cette  ligne ,  quoi- 
qu'on ne  puiliè  pas  en  donner  l'expremon 
algébrique,  loi:  commeniurable  ,  ibit  in- 
commenlurable :  c'eft  ce  qui  arrive  dans  le 
cas  irréductible  du  troilîeme  degré.  yoye[ 

Cas    IRREDUCTIBLE. 

\jn  des  plus  grands  avantages  qu'on  a 
tirés  de  l'application  de  l'algèbre  à  la  géomé- 
trie ,  eft  le  calcul  dirferenticl  ;  on  en  trouvera 
l'idée   au    mot    DiFFtRENTiEL ,  avec  une 

nodoa 


A  R  I 

notion  exade  de  la  nature  de  ce  calcul.  Le 
calcul  difFéicntiel  a  produit  l'intégral.  Voyci 
Calcul  &  Intégral. 

Il  n'y  a  point  de  géomètre  tant  (oit  peu 
iiabile  ,  qui  ne  connoille  aujourd'hui  plus  ou 
moins  l'ulage  infini  de  ces  deux  calculs  dans 
la  géométrie  tranfcendante. 

M.  Newton  nous  a  donné  fur  l'algèbre 
un  excellent  ouvrage  ,  qu'il  a  intitulé  Arith- 
metka  univcrfalis.  Il  y  traite  des  règles  de 
cette  fcience,  &  de  Ton  application  à  la  géo- 
métrie. Il  y  donne  plulieurs  méthodes  nou- 
velles ,  qui  ont  été  commentées  pour  la  plu- 
part par  M.  s'CraveHinde  dans  un  petit  ou- 
vrage très-utile  aux  commençans  ,  intitulé 
Elementa  algebrœ  ,  &C  par  M.  Clairaut  dans 
ïès  élémens  d'algèbre,  f^oye:^  à  l'article  Al- 
gèbre les  noms  de  plulieurs  autres  auteurs 
qui  ont  traité  de  cette  fcience.  Nous  croyons 
que  l'ouvrage  de  M.  s'Gravelande  ,  celui  du 
P.  Lamy ,  la  Science  du  calcul  du  P.  Rey- 
X^tMX  yV  Aimlyfe  démontrée  du  même  auteur  , 
&  {'Algèbre  de  Saunderfon  publiée  en  An- 

S;lois  ,  font  en  ce  genre  les  ouvrages  dont 
es  jeunes  gens  peuvent  le  plus  profiter  5  quoi- 
que dans  plulieurs  de  ces  traités ,  &  peut- 
être  dans  tous  ,  il  refle  bien  des  chofes 
à  defirer.  Sur  la  manière  d'appliquer  l'algè- 
bre à  la  géométrie,  c'eft-à-dire  de  réduire 
en  équation  les  queftions  géométriques  , 
nous  ne  connoiflbns  rien  de  meilleur  ni  de 

_  plus  lumineux  que  les  règles  données  par  M. 
Newton,  p.  8z  &  fuiv.  de  [on  arithmétique 
univcrfelle ,  édition  de  Leyde  1731 ,  )ufqu'à 

.  Ja  page  gff ;  elles  font  trop  précieufes  pour 
être  abrégées ,  &  trop  longues  pour  être  in- 
férées ici  dans  leur  entier  ;  ainfi  nous  y  ren- 
voyons nos  lc6teurs  :  nous  dirons  feulement 
qu'elles  peuvent  fc  réduire  à  ces  deux  règles. 
Première  règle.  Un  problême  géométri- 
que étant  propofé  (  &  on  pourroit  en  dire 

.  autant  d'un  problême  numérique  )  compa- 
rez enlemblc  les  quantités  connues  &  incon- 
nues que  renferme  ce  problème  ;  &c  ftns 
diftinguer  les  connues  d'avec  les  inconnues , 
examinez  comment  toutes  ces  quantités  dé- 
pendent les  unes  des  autres  ;  &  quelles  font 
celles  qui  étant  connues  feroient  connoître 
les  autres  ,  en  procédant  par  une  méthode 
fynthétique. 

Seconde  règle.  Parmi  ces  quantités  qui  fe- 
xoient  connoître  les  autres,  &  que  je  nomme 
Tome  II L 


A  R  I  377 

pour  cette  raifon  fynthétique ,  therchez  celles 
qui  feroient  connoître  les  autres  le  plus  faci- 
lement ,  &  qui  pourroient  être  trouvées  le 
plus  difficilement  ,  fi  on  ne  les  fuppofoic 
point  connues  ;  &  regardez  ces  quantités 
comme  celles  que  vous  devez  traiter  de 
connues. 

C'eft  là-deiïiis  qu'eft  fondée  la  règle  des 
géomètres  ,  qui  difont  que  pour  réfoudre  un 
problême  géométrique  algébriquement  ,  il 
fiut  le  fuppofer  rélolu  :  en  effet  ,  pour  ré- 
ioudre  ce  problême  il  faut  fe  repréfcntcr 
toutes  les  lignes ,  tant  connues  qu'inconnues , 
comme  des  quantités  qu'on  a  devant  les 
yeux  ,  &  qui  dépendent  toutes  les  unes  des 
autres ,  en  forte  que  les  connues  &  les  in- 
connues puident  réciproquement  &  à  leur 
tour  être  traitées  ,  ii  l'on  veut ,  d'inconnues 
&  de  connues.  Mais  en  voilà  alfez  fur  cette 
matière ,  dans  un  ouvrage  où  l'on  ne  doit  en 
expofer  que  les  principes  généraux.  Voye:^ 
Application.  (  O) 

*  Arithmétique  politiclue  ,c'eft celle 
dont  les  opérations  ont  pour  but  des  recher- 
ches utiles  à  l'art  de  gouverner  les  peuples , 
telles  que  celles  du  nombre  des  hommes  qui 
habitent  un  pays  ;  de  la  quantité  de  nourri- 
ture qu'ils  doivent  confommer  ;  du  travail 
qu'ils  peuvent  faire  ;  du  temps  qu'ils  ont  à 
vivre  ;  de  la  fertilité  des  terres  ;  de  la  fré- 
quence des  naufrages ,  &c.  On  conçoit  aifé- 
ment  que  ces  découvertes  &  beaucoup  d'au* 
très  de  la  même  nature  ,  étant  acquifes  par 
des  calculs  fondés  fur  quelques  expériences 
bien  conftatées  ,  un  minirtre  habile  en  tire- 
roit  une  foule  de  conféquences  pour  la  per- 
feâion  de  l'agriculture  ,  pour  le  commerce 
tant  intérieur  qu'extérieur  ,  pour  les  colo- 
nies ,  pour  le  cours  &  l'emploi  de  l'argent , 
ô'c.  Mais  fouvent  les  miniftres  (je  n'ai  garde 
de  parler  fans  exception)  croient  n'avoir  pas 
befoin  de  palier  par  des  combinaifons  &  des 
fuites  d'opérations  arithmétiques  :  plufieurs 
s'imaginent  être  doués  d'un  grand  génie  na- 
turel ,  qui  les  dilpenfe  d'une  marche  fi  lente 
&  fi  pénible  ,  fans  compter  que  la  nature  des 
affaires  ne  permet  ni  ne  demande  prefque 
jamais  la  précifion  géométrique.  Cepen- 
dant fi  la  nature  des  affaires  la  demandoit  & 
la  permettoit  ,  je  ne  doute  point  qu'on  ne 
parvint  à  fè  convaincre  que  le  monde  poli- 
tique, aulTl  bien  que  le  monde  phyfiquc, 

Yy 


378  A  R  I 

peut  régler  à  beaucoup  d'égards  par  poids  j 
nombre  Se  mefure. 

Le  chevalier  Pccty  ,  Anglois ,  eft  le  pre- 
mier qui  ait  public  des  cflàis  fous  ce  titre.  Le 
premier  cfl;  fur  la  m ulripli cation  du  genre 
humain  ;  fur  raccroifiement  de  la  ville  de 
Londres ,  fes  degrés ,  (es  périodes ,  fes  cau- 
Ics  &:  fes  faites.  Le  fécond  ,  lur  les  maifons , 
les  liabicans  ,  les  morts  &  les  naiflànces  de 
la  ville  de  Dublin.  Le  troifieme  eft  une  com- 
parailon  de  la  ville  de  Londres  &  de  la  ville 
de  Paris  ;  le  chevalier  Petty  s'efiorce  de  prou- 
ver que  la  capitile  de  l'Angleterre  l'emporte 
fur  celle  de  la  France  par  tous  ces  cotés.  M. 
Auzout  a  attaqué  cet  elîai  par  plufeurs  ob- 
ieftions  ,  auxquelles  M.  le  chevalier  Petty 
a  fait  des  réponfes.  Le  quatrième  tend  à  faire 
voir  qu'il  meurt  à  l'Hotel-Dicu  de  Paris  en- 
viron trois  mille  malades  par  an  ,  par  mau- 
vaise adrninillration.  Le  cinquième  eft  di- 
vifè  en  cinq  parties  :  la  première  eft  en  ré- 
ponfe  à  M.  Auzout  ;  la  féconde  contient  la 
comparaifon  de  Londres  &  de  Paris  fur  plu  - 
fieurs  points  ;  la  troilieme  cvrlue  le  nombre 
des  paroiflîens  des  i  ^4  paroilles  de  Londres 
à  69^  mille  ;  la  quatrième  eft  une  recherche 
lur  les  habitans  de  Londres ,  de  Paris ,  d' Am  I  - 
terdam  ,  de  Venife ,  de  Rome ,  de  Dublin , 
de  Briftol  &  de  Rouen  ;  la  cinquième  a  le 
même  objet ,  mais  relativement  à  la  Hol- 
lande &  au  refte  des  Provin.ces-Unies.  Le 
fixieme  embraffe  l'étendue  &  le  prix  de^ 
terres ,  les  peuples ,  les  maifons ,  Tinduftrie  , 
l'économe  ,  les  manufaéburcs ,  le  commer- 
ce 5  la  pcche ,  les  arrifans  ,  les  marins  ou 
gens  de  mer  ,  les  troupes  de  terre  ,  les  reve- 
nus publics ,  les  intérêts ,  les  taxes ,  le  lucre , 
les  banques  ,  les  com.pagnies  ,  le  prix  des 
hommes  ,  l'accroidement  de  la  marine  & 
des  'croupes  ;  les  habitations  ,  les  lieux  ,  les 
conftrudiions  de  vaideaux ,  les  forces  de  mer , 
&C.  relativement  à  tout  pays  en  général ,  mais 
particulîércm.ent  à  l'Angleterre  ,  la  Hollan- 
de ,  la  Zélande  &  la  France.  Cet  eftài  eft 
adreffé  au  roi  ;  c'eft  prefque  dire  que  les  ré- 
fultats  en  iont  fivorahli's  à  la  nation  An- 
gloife.  C'tft  le  plus  important  de  tous  les 
ellais  du  chc.alicr  Perty  ;  cependant  il  eft 
trcs-ccurt  ,  fi  on  le  compare  à  la  multitude 
&  à  la  complication  des  objets.  Le  cheva- 
lier Petty  prétend  avoir  démontré  dans  en- 
viron uBC  centaine  de  peticeslpagcs  in-douze , 


A  R  I 

gros  caracTrere  :  1°.  Cm 'une  petite  con-  ' 
trée  avec  un  petit  nombre  d  habitans  peut 
équivaloir  par  la  (itiiation  ,  Ion  com.merce 
&  fa  police  ,  à  un  grand  pays  ôc  à  un  peuple 
nombreux  ,  foit  qu'on  les  com.pare  par  la 
force  ou  par  la  richclle  ;  ëc  qu'il  n'y  a  rien 
qui  tende  plus  efHcacem.ent  à  établir  cette 
égalité  que  la  marine  6c  le  commerce  mari- 
time. z°.  Que  toutes  fortes  d'impôts  &  de 
taxes  publiques  tendent  plutôt  à  augm.enter 
qu'à  afFoiblir  la  fociété  &  le  bien  public. 
5°.  Qii'il  y  a  des  empêchemens  naturels  & 
durables  à  jamais  ,  à  ce  que  la  France  de- 
vienne plus  puillante  lur  mer  que  l  Angle- 
terre ou  la  Hollande  :  nos  François  ne  por- 
teront pas  un  jugement  favorable  des  calculs 
du  chevalier  Petty  fur  cette  propolition ,  & 
je  crois  qu'ils  auront  raifon.  4°.  Q_ueparfon 
fonds  &  fon  produit  naturel ,  le  peuple  & 
le  territoire  de  l'Angleterre  font  à-peu-près 
égaux  en  richeile  Se  en  force  au  peuple  &:  au 
territoire  de  France.  5°.  Que  les  obftaclcs 
qui  s'oppofent  à  la  grandeur  de  l'Angleterre, 
ne  font  que  contingens  &  amovibles.  6°. 
Qiie  depuis  quajrante  ans ,  la  puiftance  Se  la 
richeile  de  l'Angleterre  le  font  fort  accrues. 
7°.  Qiie  la  dixième  partie  de  toute  la  dé- 
penfe  des  li'.jets  du  roi  luffiroit  pour  entre- 
tenir cent  mille  hommes  d'infanterie  ,  trente 
mille  hommes  de  cavalerie  ,  quarante  mille 
homm.es  de  mer  ;  &  pour  acquitter  toutes  . 
les  autres  charges  de  l'état ,  ordinaires  &  "y 
.ixtraordinaires  ,  dans  la  feule  luppolîtion 
que  cette  dixième  partie  feroitbien  impofée, 
bien  perçue  ,  &  bien  em.ployée.  8°.  Qu'il  y 
a  plus  de  lujets  fans  emploi ,  qu'il  n'en  f<iu- 
droitpour  procurer  à  la  nation  deux  millions 
par  an  ,  s'ils  étoient  convenablement  occu- 
pés ;  £c  que  ces  occupations  font  toutes  prê- 
tes ,  &■  n'attendent  que  des  ouvriers.  9°.  Que 
la  nation  a  allez  d'.argent  pour  faire  aller  ■ 
fon  commerce.  10°.  Enfin  que  la  nation  a 
tout  autant  de  refloiuxes  qu'il  lui  en  taut  pour 
emhralfer  tout  le  commerce  de  l'univers ,  de 
quelque  nature  qu'il  foit. 

Voilà  ,  comme  on  voit ,  des  prétentions 
bien  cxcelTlves  :  mais  quelles  qu'elles  loitnt, 
le  lecLeur  fera  bien  d'examiner  dans  l'ou- 
vr.-.ge  du  chevalier  Petty  ,  les  raiionneniens 
&  les  expériences  fur  lefqiiels  il  s  appuie  : 
dans  cet  examen  ,  il  ne  faudra^  p-s  Oublier 
«iu'il  arrive  des  révolucions ,  ioii:  en  bien , 


A  R  I 

foit  en  mil ,  qui  clungenc  en  un  moment 
1.1  ùce  des  eues  ,  &  qui  moclihciic  &  môme 
ancantillènc  les  fuppoficions  ;  &  que  les 
calculs  &  leurs  réiulcats  ne  font  pas  moins 
variables  que  les  événemens.  L'ouvrage  du 
chevalier  Petcy  fut  compolé  avant  1699. 
Selon  cet  auteur  ,  quoique  la  Hollande  & 
la  Zclande  ne  contiennent  pas  plus  de 
1 000000  d'arpens  de  terre  ,  8c  que  la  Fran- 
ce en  contienne  au  moins  Scocooo  ,  ce- 
pcnd.":nt  ce  premier  pays  a  prefque  un  tiers 
de  la  richell'e  &  de  la  force  de  ce  der- 
nier. Les  rentes  des  terres  en  Hollande  fbjit 
à  proportion  de  celles  de  France  ,  com- 
me de  7  ou  8  à  r.  (Obfervez  qu'il  eftquef- 
tion  ici  de  letar  de  l'Europe  en  1699  ;  (Se 
c'elt  à  cette  année  que  fe  rapportent  tous 
les  calculs  du  chevalier  Petty ,  bons  ou  mau- 
vais). Les  habitans  d'Amfterdam  ("ont  ,'  de 
ceux  de  Paris  ou  de  Londres;  &  la  diffé- 
rence entre  ces  deux  dernières  villes  n  eft , 
félon  le  même  auteur  ,  que  d'environ  une 
vingtième  partie.  Le  port  de  tous  les  vaif- 
lèaux  app.^rtenans  à  l'Europe  ,  fe  monte 
à  environ  deux  millions  de  tonneaux  ,  dont 
les  Anglois  ont  500000  ,  les  HoUandois 
9000C0  ,  les  Fr.inçois  1 00000,  les  Ham- 
bourgois,  Danois,  Suédois,  &  les  habitans 
de  Dantzic  150000;  l'Elpagne,  le  Portu- 
gal, ritalie  ,  £'1.-.  à-peu-près  autant.  La  va- 
leur des  marchandifes  qui  fortent  annuel- 
lement de  la  France ,  pour  Tufage  de  dif- 
férens  pays ,  fe  monte  en  tout  à  environ 
50C0000  livres  fterlin;  c'eft-à-dire  quatre 
fois  autant  qu'il  en  entroit  dans  l'Angle- 
terre feule.  Les  marchandiles  qu'on  fiit  for- 
tir  de  la  Hollande  pour  l'Angleterre  va- 
lent 500000  livres  fterlin  ;  &:  ce  qui  fort 
de-là  pour  être  répandu  par  tout  le  refte  du 
monde  ,  vaut  18000000  livres  licrlin.  L'ar- 
gent que  le  roi  de  France  levé  annuellement 
en  temps  de  paix  fait  environ  6i  millions 
fterlin.  Les  fommes  levées  en  Hollande  & 
Zélande  font  autour  de  z  1 00000  liv.  fter- 
lin ;  &  celles  provenantes  de  toutes  les  Pro- 
vinces-U  nies  font  enfemble  environ  3  000000 
livres  fterlin.  Les  habitans  d'Angleterre  lont 
à-peu-près  au  nombre  de  6000000;  &  leurs 
dépenfes  à  raifon  de  7  livres  fterlin  par  an , 
pour  chacun  d'eux  ,  font  41000000  livres 
fterlin  ou  8ooco  livres  fterlin  par  femaine. 
La  rente  des  terres  en  Angleterre  eft  d'en- 


A  R  I  379 

viron  8  millions  fterlin  ;  &  les  intcr*-ts  & 
prohts  des  hieiK  propres  à-peu-près  autant, 
La  rente  des  maiions  en  Angleterre  4000000 
l.vrcs  fterlin.  Le  proht  du  travail  de  tous 
'es  habitans  fe  monte  à  16000C00  livrer, 
fterlin  paj:  an..Les  habitans  d'Irlande  font  au 
nombre  de  1100000.  Leblé  coniomméan- 
nuellement  en  Angleterre,  comptant  le  fro- 
ment à  5  fchelins  le  boiflèau ,  &    l'orge  à 

I  i  fchelins ,  fe  monte  à  dix  millions  fter- 
lin. La  marine  d'Angleterre  avoir  befoin 
en  1699,  c'eft-à-dire  du  temps  du  che- 
valier Petty ,  ou  à  la  fin  du  dernier  fiecle  , 
de  56000  hommes  pour  les  vaifleaux  de 
guerre;  &  48000  pour  les  vaiffeaux  mar- 
chands &  autres ,  &  il  ne  falloir  pour  route 
la  marine  de  France  que  1 5000  homm.es. 

II  y  a  en  France  environ  treize  millions  ôc 
demi  d'ames;  &  en  Angleterre  ,  Ecofteoi: 
Irlande  ,  environ  neuf  millions  &  demi. 
Dans  les  trois  royaumes  d'Angleterre ,  d'E- 
colle  &  d'Irlande  ,  il  y  a  environ  10000 
eccléfiaft-iques  ;  &  en  France ,  il  y  en  a  plus 
de  170000.  Le  royaume  d'Angleterre  a  plus 
de  40000  matelots ,  &  la  France  n'en  a  pas 
plus  de  1 0000.  Il  y  avoir  pour  lors  en  An- 
gleterre ,  en  Ecolîe  ,  en  Irlande  ,  &dansles 
pays  qui  en  dépendent ,  des  vailleaux  dont 
le  porc  fe  moncoit  environ  à  6coco  ton- 
neaux ,  ce  qui  vaut  à-peu-près  quatre  mil- 
lions (Se  demi  cie  livres  fterlin.  La  ligne  ma- 
rine aurour  de  l'Angleterre ,  de  l'Ecoftè  , 
de  l'Irlande,  Se  des  îles  adjacentes,  eft  d'en- 
viron 5800  milles.  Il  y  a  dans  le  monde  en- 
tier environ  500  millions  d'ames  ,  dont  il 
n'y  a  qu'environ  80  millions ,  avec  lefquels 
les  Anglois  &c  les  HoUandois  foient  en  com- 
merce. La  valeur  de  tous  les  effets  de  com- 
merce ne  paflè  pas  45  millions  fterlin.  Les 
manufa6tures  d'Angleterre  qu'on  fait  lor- 
tir  du  royaume  fe  montent  annuellement 
à  environ  5  millions  fterlin.  Le  plomb ,  le 
fer -blanc  6c  le  charbon,  à  500000  livres 
fterlin  par  an.  La  valeur  des  marchandifes 
de  France  qui  entrent  en  Angleterre ,  ne  pafle 
pas  1 100000  livres  fterlin  par  an.  Enfin  il 
y  a  en  Angleterre  environ  lix  millions  fter- 
lin d'efpece  monnoyée.  Tous  ces  calculs , 
comme  nous  l'avons  dit ,  font  relatifs  à  l'an- 
née 1699  ,  &  ont  dû  fans  doute  bien  chan- 
ger depuis. 

AL  Davenant,  autre  auteur  à'ar'chmc- 

Yy  i 


38o  A  R  I 

tique  politique ,  prouve  qu'il  ne  faut  pas  comp- 
ter abfolument  fur  pluiieurs  des  calculs  du 
chevalier  Petty  :  il  en  donne  d'aurres  qu'il 
a  faits  lui-même  &  qui  fe  trouvent  fondés 
fur  les  obfervations  de  M.  King.  En  voici 
quelques-uns. 

L'Angleterre  contient  ,  dlt-il  ,  59  mil- 
lions d'arpens  de  terre.  Les  habitans ,  fé- 
lon fon  calcul ,  font  à-peu-près  au  nombre 
de  5j4yooo  âmes ,  &  ce  nombre  augmente 
tous  les  ans  d'environ  9000 ,  dédudtion  feite 
de  ceux  qui  peuvent  périr  par  les  pertes  , 
les  maladies ,  les  guerres  ,  la  marine  ,  &c. 
ôc  de  ceux  qui  vont  dans  les  colonies.  Il 
compte  j  3  coco  habitans  dans  la  ville  de 
Londres  ;  dans  les  autres  villes  ôc  bourgs 
d'Angleterre  870000  ,  &  dans  les  Villages 
&  hameaux  4100000.  Il  eftime  la  rente 
annuelle  des  terres  à  10  millions  fterlin  ; 
celle  des  maifons  &  des  bâtimens  à  deux 
millions  par  an  ;  le  produit  de  toutes  fortes 
de  grains  ,  dans  une  année  pallablement 
abondante  ,  à  9075000  liv.  fterlin  ;  la  rente 
annuelle  des  terres  en  blé  à  deux  millions, 
&  leur  produit  net  au  dedus  de  9  millions 
fterlin  ;  la  rente  des  pâturages  ,  des  prairies , 
des  bois ,  des  forêts ,  des  dunes  ,  &x.  à  7 
millions  fterl.  le  produit  annuel  des  bcftiaux 
en  beurre  ,  fromage  &  lait ,  peut  monter , 
félon  lui  ,  à  environ  li  millions  ftcrl.  Il 
eftime  la  valeur  de  la  laine  tondue  annuel- 
lement à  environ  deux  millions  fterl,  celle 
des  chevaux  qu'on  élevé  tous  les  ans  à  en- 
viron 2  j 0000  liv.  fterlin  i  la, confommation 
annuelle  de  viande  pour  nourriture  ,  à  en- 
viron 3350000  liv.  ftel.  celle  du  luif  &  des 
cuirs  environ  600000  livres  fterlin  :  celle 
du  foin  pour  la  nourriture  annuelle  des  che- 
vaux ,  environ  13000CO  livres  fterlin  ,  Se 
pour  celle  des  autres  beftiaux  ,  un  million 
fterlin  :  le  bois  de  bâtiment  coupé  annuelle- 
ment ,  50G000  liv.  ftcl.  Le  bois  à  brûler , 
fi'c.  environ  500000  liv.  fterl.  Si  toutes  les 
terres  d'Angleterre  étoient  également  diftri- 
buées  parmi  tous  les  habitr.ns ,  chacun  au- 
loit  pour  fi  part  environ  7^  nrpens.  La  va- 
leur du  froment  ,  du  (eigle ,  &  de  l'orge 
néceflaires  pour  la  lubliftancede  l'Angleter- 
re ,  fe  monte  au  moins  à  6  millions  fterl. 
par  an.  La  valeur  des  manuficluresde  laine 
trav,ullées  en  Angleterre  ,  eft  d'environ  S 
millions  par  )in  ;  &  toutes  les  marchau- 


A  R  I 

dlfes  de  laine  qui  fortent  annuellement  de 
l'Angleterre  ,  paflent  la  valeur  de  1  mil- 
lions fterlin.  Le  revenu  annuel  de  l'Angle- 
terre ,  lur  quoi  tous  les  habitans  fe  nour- 
rilTent  &  s'entretiennent ,  &  patent  tous  les 
impôts  &  taxes ,  (è  monte  ,  félon  lui ,  à  en- 
viron 45  millions  :  celui  de  la  France  à  80 
millions:  &  celui  de  laHolbn  le  à  i  S 15  0000 
livres  fterlin. 

Le  major  Grant ,  dans  fes  obfervations 
fur  les  lijies  mortuaires  ,  compte  qu'il  y  a 
en  Angleterre  39000  milles  quarrés  de  ter- 
re :  qu'il  y  a  en  Angleterre  &  dans  la  prin- 
cipauté de  Galles  ,  460C000  âmes  :  que  les 
habitans  de  la  ville  de  Londres  fout  à-peu- 
près  au  nombre  de  640000  ;  c'eft-à-dire  la 
quatorzième  partie  de  tous  les  habitans  de 
l'Angleterre  :  qu'il  y  a  en  Angleterre  &  dans 
le  pays  de  Galles ,  environ  i  cooo  paroifles  : 
qu'il  y  a  15  millions  d'arpens  de  terre  en 
Angleterre  &  dans  le  pays  de  Galles ,  c'eft- 
à-dire  environ  4  arpens  pour  chaque  habi- 
tant :  que  de  100  enfans  qui  naillent ,  il  n'y 
en  a  que  64  qui  atteignent  l'âge  de  6  ans  ; 
que  dans  1 00  ,  il  n'en  rcfte  que  40  en  vie 
au  bout  de  16  ans  ;  que  dans  1 00  ,  il  n'y 
en  a  que  2  5  qui  pafient  l'âge  de  16  ans  ;  que 
16  qui  vivent  56  ans  accompUs,  &  10  feu- 
lement dans  100  vivent  jufqu'à  la  fîn  de 
leur  46^  année  ;  &  dans  le  même  nombre, 
qu'il  n'y  en  a  que  6  qui  aillent  h.  ^G  ans 
accomplis  ;  que  3  dans  1 00  qui  atteignent 
la  fin  de  66  ans  ;  &  que  dans  loo  ,  il  n'y 
en  a  qu'un  qui  ioit  en  vie  au  bout  de  76 
ans  :  &  que  les  habitans  de  la  ville  de  Lon- 
dres font  changés  deux  fois  dans  le  cours 
d'environ  64  ans.  Voye[  Vie  ,  6'c.  MM. 
de  Moivre  ,  BernouUi,  de  Montmort  ,  & 
de  Parcieux  ,  fe  font  exercés  fur  des  fujets 
relatifs  à  V arithmétique  politique  :  on  peut 
confulver  la  dvclrine  des  hasards  ,  de  M.  de 
Moivre  ;  \'art  de  conjeclurcr  ,  de  M.  Ber- 
nouUi ;  Vanalyfe  des  jeux  de  hm^rd  ,  de  M. 
de  Montmort  ,  l'ouvrage  fur  les  rentes  via- 
gères &  les  tontines  ,  ècc.  de  M.  de  Par- 
cieux ;  &  quelques  mémoires  de  M.  Hal- 
ley  ,  répandus  dans  les  tranfhclions  p>-ilofo- 
phiques ,  avec  les  articles  de  notre  didion- 
naire  ,  Hazard  ,  Jeu  ,  Probabilité, 
Combinaison  ,  Absent  ,  Vik  ,  Mort  , 
Naissance  ,  Annuité  ,  Renie  ,  Ton- 
tine ,  ùc. 


AR  I 

Arithmétique  ,  pris  adjedivement ,  Ce  j 
dit  de  tout  ce  qui  a  rappui  r  aux  nombres , 
ou  à  la  fcience  des  nombres  ,  ou  qui  s'exé- 
cute par  le  moyen  des  nombres.  On  dit  opé- 
ration arithmétique ,  de  toute  opération  lur 
les  nombres. 

Moyen  arithmétique.  Fbjcf  Moyen. 

VKOGK^ision  arithmétique.  V.  Progres- 
sion. 

Proportion  arithmétique.  V.  Propor- 
tion. 

Rapport  arithmétique.  V.  Rapport. 

TKiA'tici.t.arithmétique.  Voy.  Triangle. 

Echelles  Arithmétiques,  eftlenom 
que  donne  M.  de  BufFon  (  Mém.  Acad. 
tj^i.  )  aux  différentes  progreiTîons  de  nom- 
bres, iuivanc  lelquelles  [arithmétique  auroit 
pu  être  formée.  Pour  entendre  ceci,  il  faut 
obferver  que  notre  arithmétique  ordinaire 
s'exécute  par  le  moyen  de  dix  chiffres ,  & 
qu'elle  a  par  confcquent  pour  baie  la  pro- 
greffion  arithmétique  décuple  ou  déiiaire , 
o,i,i,3j4>5.6,7,  8,  9,  voyei  Pro- 
gression ,  £'c.  Il  eft  vraifemblabie  ,  com- 
ine  nous  l'avons  remarqué  plus  haut  ,  que 
cette  progreflion  doit  Ton  origine  au  nom- 
bre des  doigts  des  deux  mains ,  par  lefquel; 
on  a  dû  naturellement  commencer  à  comp- 
ter :  mais  il  eft  vilible  aulTi  que  cette  pro- 
grelTion  en  elle-même  eft  arbitraire ,  &:  qu'au 
lieu  de  prendre  dix  caraderes  pour  expri- 
mer tous  les  nombres  poiïlbles ,  on  auroit 
pu  en  prendre  miOins  ou  plus  de  dix.  Sup- 
polons ,  par  exemple  ,  qu'on  en  eût  pris 
cinq  feultmcnt,  o  ,  i ,  i ,  3 ,  4;  en  ce 
cas  tout  nombre  paflé  cinq,  auroit  eu  plus 
d  un  chifire ,  &  cinq  auroit  été  exprimé  p.ar 
j  o  ;  car  I  dans  la  féconde  pbce ,  qui  dans 
la  prorreiTion  ordinaire  ,  vaut  dix  fois 
plus  qu  à  la  première  place ,  ne  vaudroit 
drus  la  progreflion  quintuple,  que  cinq  fois 
plus.  De  m^me  1 1  auroit  rî  pré'enté  6  ;  ij 
auroit  été  reprcTenté  par  100  ,  &  tout  nom- 
bre au  def us  de  zj  ,  auroit  eu  trois  chif- 
fres ou  d.-vantnge.  Au  contraire  fi  on  pre- 
roit  vingt  chiffres  ou  caractères  pour  repré- 
ftnttr  les  nombres  ;  tout  nombre  au  deftbus 
de  10  ,  n'auroit  qu'un  chiffre  ;  tout  nom- 
bre au  dellous  de  400 ,  n'en  auroit  que 
deux,  &c. 

La  nrogreflion  la  plus  courte  dont  on 
puiilc  ie  fcrvir  pour  exprimer  les  nombres , 


A  R  I  38r 

eft  celle  qui  eft  compofce  de  deux  chiffres 
leulemtnt  0,1,  &  c'eft  ce  que  M.  Lcib- 
nitz  a  nommé  arithmétique  binaire.  Voye^ 
BiNAiRf.  Cette  arithmétique  auroit  l'incon- 
vénient d'employer  un  trop  grand  nombre 
de  cliiftres  pour  exprim.er  des  nombres  aflèz 
petits ,  Se  il  eft  évident  que  cet  inconvé- 
nient aura  d'autant  plus  Heu,  que  la  pro- 
greflion qui  fervira  de  bafe  à  l'arithmétique, 
aura  moins  de  chiffres.  D'un  autre  côté  (i  ou 
employoit  un  trop  grand  nombre  de  chiffres 
pour  ['arithmétique  ,  par  exemple ,  vingt  ou. 
trente  ch'ffres  au  lieu  de  fix  ,  les  opérations 
'ur  les  nombres  deviendroient  trop  diffi- 
ciles :  je  n'en  veux  pour  exemple  que  l'ad- 
dition, l!  y  a  donc  un  milieu  à  garder  ici  j 
&:  la  progrclTion  décuple,  outre  fon  origine, 
qui  eft  allez  naturelle ,  paroit  tenir  ce  milieu  ; 
cependant  il  ne  faut  pas  croire  que  l'incon- 
vénient fût  fort  grand ,  fi  on  avoir  pris  neuf 
ou  douze  chiffres  au  lieu  de  dix.  Voye^Cnit- 
FRE  &  Nombre. 

M.  de  Buffon ,  dans  le  mémoire  que  nous 
avons  cité ,  donne  une  méthode  fort  fim- 
ple  (?>;  fort  abrégée  pour  trouver  tout  d'un 
coup  la  manière  d'écrire  un  nombre  donné 
dans  une  échelle  arithmétique  quelcon- 
que ,  c'eft-à-dire ,  en  fuppofant  qu'on  Ce 
lerve  d'un  nombre  quelconque  de  chiffres 
pour  exprimer  les  nombres.  Foye?  Binaire. 
(O) 

*  Arithmétique  (  Machitie  ) ,  c'eft  un 
aflemblage  ou  fyftême  de  roues  &  d'autres 
pièces ,  à  l'aide  defquelles  des  chiffres  ou 
impr'més  ou  gravés  (e  meuvent ,  &  exécu- 
tent dnns  leur  mouvement  les  principales 
règles  de  l'arithmétique. 

La  première  mach  ne  arithmétique  qm  ait 
paru  ,  eft  de  Blaife  Pafcal ,  né  à  Clermont 
en  Auvergne  le  19  juin  1613  ,  il  l'inventa 
à  l'âge  de  dix-neuf  ans.  On  en  a  fait  quel- 
ques autres  depuis ,  qui ,  au  jugement  même 
de  MM.  de  l'académie  des  fcicnces ,  paroif- 
fent  avoir  fur  celle  de  Pafcal  des  avantages 
dans  la  pratique  ;  mais  celle  de  Pafcal  eft 
la  plus  ancienne  ;  elle  a  pu  fervir  de  modèle 
à  toutes  les  autres  >  c'eft  pourquoi  nous 
l'avons  préférée. 

Cette  machine  n'eft  pas  extrêmement 
compliquée  ;  mais  entre  les  pièces ,  il  y  en 
a  une  lur-tout  qu'on  nom.me/cy^t'/'o/r,  qui 
le  trouve  chargée  d'un  i:  grand  nombre  de 


38i  A  R  I 

fondlions  ,  que  le  rell:e  de  li  mac'iine  en 
devient  très-difficile  à  expliquer.  Pour  fe 
convaincre  de  cette  diificuke ,  le  lecteur 
n'a  qu'à  jeter  les  yeux  iur  les  figures  du 
recueil  des  machines  approuvées  par  Taca- 
démie,  &  fur  le  dilcours  qui  a  rapport  à  ces 
figures  &  à  la  machine  de  Palcal  :  je  luis 
fur  qu'il  lui  paroitra ,  comme  à  nous ,  pref- 
que  auffi  difncile  d'entendre  la  machine  de 
Pafcal ,  avec  ce  qui  en  eft  dit  dans  l'ouvrage 
que  nous  venons  de  citer  ,  que  d'imaginer 
une  autre  machine  arithmétique.  Nous  allons 
faire  en  forte  qu'on  ne  puilfe  pas  porter  le 
même  jugement  de  notre  article,  lans  tou- 
tefois nous  engager  à  expofer  le  méchanilm.e 
de  la  machine  de  Patcal  d^me  manière  ii 
claire,  qu'on  n'ait  befom  d'aucune  conten- 
tion d'elprit  pour  le  laiiir.  Au  reile  ,  cçx 
endroit  de  notre  dictionnaire  rellemblera 
à  beaucoup  d'autres ,  qui  ne  font  dellinés 
qu'à  ceux  qui  ont  quelque  habitude  de  s'ap- 
pliquer. 

Les  parties  de  la  machine  arithmétique  fe 
rellèniblant  prefque  toutes  par  leur  figure  , 
leur  difpolîrion  &  leur  jeu  ,  nous  avons  cru 
qu'il  éroit  inutile  de  reprél enter  la  machine 
entière  ;  la  portion  qu'on  en  voit  P/.  // 
d'arithmétique ,  fuffira  pour  en  donner  une 
jufte  idée.  N  0  P  R,fig.  i ,  eft  une  plaque 
de  cuivre  qui  forme  la  furface  fupérieure 
de  la  machine.  On  voit  à  la  partie  inférieure 
de  cette  plaque  ,  une  rangée  JV"  O  de  cercles 
Q ,  Q  ,  <2 ,  &c.  tous  mobiles ,  autour  de 
leurs  centres  Q.  Le  premier  à  la  droite  a 
douze  dents  ;  le  (econd  en  allant  de  droite 
à  gauche  ,  en  a  vingt  ;  &  tous  les  autres  en 
ont  dix.  Les  pièces  qu'on  apperçoit  en  S,  S,  S, 
&CC.  &  qui  s'avancent  fur  les  difques  des 
cercles  mobiles  R,  R ,  R,  Sec.  font  des 
étochios  ou  arrêts  qu  on  appelle  potences. 
Ces  étochios  iont  fixes  &  immobiles  ;  ils 
ne  pofent  point  Iur  les  cercles  qui  le  peuvent 
mouvoir  librement  lous  leurs  pointes  ;  ils 
ne  fervent  qu'à  arrêter  un  ftylet ,  qu'on 
appelle  direclcur  ,  qu'on  tient  à  la  main  ,  ii\: 
dont  on  place  la  pointe  entre  les  dents  des 
cercles  m.obiles  Q ,  Q  ,  Q  ,  &c.  pour  les  faire 
tourner  dans  h  direition  6 ,  5,4,  3  ,  Ê'c. 
quand  on  fe  fert  de  la  machine, 

Jl  eft  éviùeni  par  le  nombre  des  dents  des 
cercles  mobiles  (^  ,  Q  ,  Q  ,  &.'c.  que  le  pre- 
mier à  droite  marque  les  deniers  ;  le  lecond 


A  R  I 

en  allant  de  droite  à  gauche,  les  fous;  le 
troilicme ,  les  unités  de  livres  ;  le  quatrième, 
les  dixaines  \  le  cinquième  ,  les  centaines  ; 
le  fixieme  ,  les  mille;  le  feptieme,  les 
dixaines  de  mille;  le  huitième  ,  les  centai- 
nes de  mille  :  &  quoiqu'il  n'y  en  ait  que 
huit ,  on  auroit  pu  ,  en  agrandillànt  la 
machine ,  poufler  plus  loin  le  nombre  de 
les  cercles. 

La  ligne  IT  Z  e{^  une  rangée  de  trous,  à 
travers  lelquels  on  apperçoitdes  chiffres.  Les 
chiffres  apperçus  ici  font  46309  1.  15  f  lod. 
mais  on  verra  par  la  fuite  qu'on  en  peut 
faire  paroître  d'autres  à  difcrétion  par  les 
mêmes  ouvertures. 

La  bande  P  R  eft  mobile  de  bas  en  haut, 
on  peut ,  en  lareprenant  par  fes  extrémités  R 
P ,  h  faire  delcendre  fur  la  rangée  des  ouver- 
tures 46509  1.  ij  f.  10  d.  qu'elle  couvri- 
roit  :  mais  alors  on  appercevroit  une  autre 
rangée  parallèle  de  chiffres  à  travers  des 
trous  placés  directement  au  deflus  des  pre- 
miers. 

La  même  bande  P  R  porte  de  petites 
roues  gravées  de  plulleurs  chiffres,  toutes 
avec  une  aiguille  au  centre  ,  à  laquelle  la 
petite  roue  lert  de  cadran  :  chacune  de  ces 
roues  porte  autant  de  chiffres  que  les  cercles 
mobiles  Q,  Q,  Q,  Szc.  auxquels  elles  cor- 
refpondent  perpendiculairement.  Ainll  y  i 
porte  douze  chiffres,  ou  plutôt  a  douze  divi- 
lions  ;  f^  1  en  a  vingt ,  K  3  en  a  dix ,  F"  4 
dix  ,  &  ainli  de  fuite. 

A  B  C  D ,  fig.  z ,  eft  une  tranche  ver- 
ticale de  la  machine ,  faite  félon  une  des 
lignes  ponétuées  m  x ,  m  x  ,  mx  ,  Sec.  de  la 
fig.  i  ,  n'importe  laquelle  ;  car  chacune 
de  ces  tranches,  comprife  entre  deux  paral- 
lèles m  X ,  m  X,  contient  toutes  le3  parties 
dela_/%.  1 ,  outre  quelques  autres  dont  nous 
ferons  mention  dans  la  fuite,  i  Q  2  repré- 
fente  un  des  cercles  mobiles  Q  de  la  fig.  i  ; 
ce  cercle  entraîne  par  fon  axe  Q  3  ,  la  roue 
à  chevilles  4,  5,  Les  chevilles  de  la  roue 
4,5,  font  mouvoir  la  roue  6 ,  7  ,  la  roue 
8,9,  &  la  roue  10,  11,  qui  font  toutes 
fixées  fur  un  même  axe.  Les  chevilles  de 
la  roue  10,  11  ,  engrennent  dans  la  roue 
II,  1 3 ,  &  la  font  mouvoir  ,  &  avec  elle  le 
barillet   14,  i  j . 

Sur  le  barillet  14,  15,  mêm.efig.  z ,  fbient 
tracées  l'une  au  deflus  de  l'autre ,  deux  ran- 


A  Tv  I 

gt'cs  de  cliiffrcs  de  la  mp.r.icic  qu'on  va  dire. 
Si  l'on  luppole  que  ce  b'.rillet  (oit  celui  de 
hticinclic  des  denicis ,  luieiit  tracées  les  deux 
rang  .'es  : 

0,11,10,9,8,7,6,^,4,5,1,  1, 
11,0,   I  ,  2, 3 , 4,  j  ,  6  ,  7, 8, 9,  10. 
Si  le  barillet  14 ,  15  ,  efl:  celui  de  la  tran- 
che des  (eus ,  loient  tracées  les  deux  rangées  : 
0,19, 18,17,  16, 15-,  14,15,11,11,10, 
19, 0,1, 1,5,  4,  y,  6,  7,  8,  9, 
9,8,7,6,5,4, 5,2, I, 
10,  II  ,  II, 13 ,  14,  ly  ,  16,  17,  18. 

Si  le  barillet  14 ,  i  y  ,  elt  celui  de  la  tranche 
des  unités  de  livres ,  loient  tracées  les  deux, 
rangées  : 

0,9,8,7,6,5,4,3,1,1. 
9,0,1,2,3,4,5,6,7,8. 

Il  eft  évident  1°.  que  c'eft  de  la  rangée  infé- 
rieure des  chiffres  tracés  fur  les  barillets  , 
que  quelques-uns  paroiiTc-nt  à  travers  les 
ouvertures  de  la  ligne  XZ  ,  &c  que  ceux  qui 
paroîtroient  à  travers  les  ouvertures  couver- 
tes de  la  bande  mobile  P  R  ,  font  de  Li 
rangée  lupéricure.  2".  Qii'en  tournant ,  fig. 
2  ,  le  cercle  mobile  Q  ,  on  arrêtera  (ou s  une 
des  ouvertures  de  la  ligne  XZ  ,  tel  chiffre 
que  l'on  voudra  ;  &  que  le  chiffre  retran- 
che du  1 1  (lir  le  barillet  des  deniers ,  don- 
nera celui  qui  lui  corrcfpond  dans  la  rangée 
iupérieure  des  deniers  ,  retranché  de  19  fur 
le  barillet  des  loas  ,  il  donnera  celui  qui  lui 
correfpond  dans  la  rangée  fupérieure  des 
fous;  retranché  de  9  fur  le  barillet  des  unit('s 
de  livres ,  il  donnera  celui  qui  lui  corref- 
po;v.i  dans  b  rangée  kip.-rieure  des  unités 
de  livres  ,  &  ainfi  de  fuite.  3°.  Qiie  pareil- 
lement celui  de  la  bande  fupérieure  du  ba- 
rillet des  deniers  ,  retranché  de  1 1  ,  don- 
nera celui  qui  lui  correfpond  dans  la  rangée 
mfl-rieure ,  6'c. 

La  pièce  ahcdefghikl  -,  qu'on  entre- 
voit, mime  fig.  z ,  elt  celle  qu'on  appelle  /c 
Jnutoir.  Il  efc  important  d'en  bien  confidé- 
rer  la  figure  ,  la  poiition ,  &  le  jeu  ;  car  (ans 
une  connoiffance  rrès-exade  de  ces  trois 
chofes ,  il  ne  faut  p  iS  c(pércr  d'avoir  une 
idée  précife  de  î'i  niachine  :  au.Ti  avons- 
nous  répété  cette  pièce  en  trois  figures  dif- 
férentes, abc  dîfgh  i  k  l  ,fig.  X  ,  eft  le  fau- 
toir ,  comme  nous  venjas  d'en  avertir  :  i  a 


A  R  I  383 

5  4 y  ^'''  7  --f  y  Tî •' .  leit  ^ufTi ,/■/?-. 5 ; fc  I  i 

5456789  i'eft  encore  .,fig.  4. 

Le  fauroir,_^^.  a,  a  tieux  .^nneaux  ou  por- 
tions de  douilles  ,  dans  le  quelles  pallc  li 
portion /,i  &  ^  /  cie  l'axe  de  la  roue  h  che- 
villes 8  9  iil  eft  mobile  lur  cette  partie  d'j:;e. 
Le  laucoir  ,_^^,  5  ,  a  une  concavité  ou  partie 
échancrée  5 ,  4,5;  un_  coude  7,^,9,  pra- 
tiqué pour  laiiler  palier  les  chevilles  de  I.1 
roue  8,9;  deux  anneaux  dont  on  voit  un 
en  9  ,  l'autre  eft:  couvert  par  une  portion  Je 
la  roue  6  ,  7  ,  à  la  partie  inférieure  de  i'é- 
cliancrure  3,4,  5  j  en  2  ,  une  elpece  de 
coulillè ,  dans  laquelle  le  cliquet  i  eft  fnf- 
pendu  par  le  tenon  1 ,  &  preilé  par  un  re(- 
fort  entre  les  chevilles  de  la  roue  8  ,  9.  Pour 
qu'on  apperçut  ce  reftbrt  &  fon  effet  ,  on 
a  rompu  ,fig.  ^  ,  un  des  cotés  de  la  couliff: 
en  x,y;  11  eft  le  cliquet;  2  le  tenon  qui 
le  tient  fufpendu  ;  &  Z  v  le  reffort  qui  ap- 
puie fur  ion  talon  ,  cC  poiifle  ion  extrémité 
entre  les  chevilles  de  la  roue  8,9, 

Ce  t|ui  précède  bien  entendu ,  nous  pou- 
vons palier  au  jeu  de  la  machine.  Soiifig.  x , 
le  cercle  mobile  i  Qz,  mu  dans  la  dire^Aion 
I  Qi  ,  la  roue  à  chevilles  4,5,  iera  mue, 

6  la  roue  à  chevilles  6 ,  7  ;  &  fig.  j  la  roue 

VIII,  IX ;  c.\[  c'eft  la  même  que  la  roue  S, 
9  ,  de  h  figure  %.  Cette  roue  VÏII ,  IX  , 
iera  mue  dans  la  diredion  VIII,  VIII,  IX, 

IX.  La  première  de  fes  deux  chevilles  r ,  s  , 
entrera  dans  l'échancrure  du  fautoir  ;  le 
iautoir  continuera  d'être  élevé  ,  à  l'aide  de 
la  féconde  cheville  R  S.  Dans  ce  mouve- 
ment l'extrémité  i  du  cliquet  fera  entraî- 
née ;  &  i'e  trouvant  à  la  hauteur  de  l'en- 
tre-deux  de  deux  chevilles  immédiatement 
lupérieur  à  celui  où  elle  étoit  ,  elle  y  fera 
pouftce  par  le  relfort.  Mais  la  machine  eft 
conftruite  de  manière  que  ce  premier  échap- 
pement n'eft  pas  plutôt  fait ,  qu'il  s'en  rair 
un  autre  ,  celui  de  la  féconde  cheville  R  S 
de  deiibus  la  partie  3  ,  4  ,  du  iautoir  :  ce 
fécond  échippement  laide  le  iautoir  aban- 
donné à  lui-même;  le  poids  de  ia  partie 
4  5  6  7  S  9  ,  fait  agir  l'extrémité  i  du  cli- 
quet contre  la  cheville  de  la  roue  8,7, 
fur  laquelle  elle  vient  de  s'appuyer  par  le 
premier  échappement  ;  frit  tourner  la  roue 
8,9,  dans  le  iens  8  ,  8 ,  9 ,  9 ,  &  par  con- 
fcquent  auffi  dans  le  même  fcns  la  roue 
10 ,  ij  ,   Il  ,  &  la  rcue  12  ,  13  ,  en  Iens 


584  A  R  I 

contraire  ,  ou  dans  la  diredtion  13,15,12; 
&  dans  le  même  fens  que  la  roue  12,  15, 
le  barillet  14,  i).  Mais  telle  eft  encore  la 
conftruftion  de  la  machine  que  ,  quand  par 
le  fécond  échappement ,  celui  de  la  cheville 
22  5"  de  deflous  la  partie  5  ,  4  ,  du  fautoir  j 
ce  (àutoir  fe  trouve  abandonné  à  lui-même  , 
il  ne  peut  defcendre  &  entraîner  la  roue  8  , 
*)  ,  que  d'une  certaine  quantité  déterminée. 
Qiiand  il  eft  defcendu  de  cette  quantité  ,  la 
partie  Tfig.  i ,  de  la  couliiVe  rencontre  l'éto- 
chio  r  qui  l'arrête. 

Maintenant  fi  l'on  fuppofe  i**.  que  la  roue 
VIII,  IX ,  a.  douze  chevilles ,  la  roue  X , 
XI  autant ,  Se  la  roue  XII ,  XIII  autant 
encore  :  2".  que  la  roue  8  ,  9  a  vingt  chevil- 
les ,  la  roue  10 ,  11  ,  vingt ,  &c  la  roue  1 2 , 
15  autant:  5°.  que  l'extrémité  Tdu  fiiutoir, 
figure  ^  ,  rencontre  l'étochio  r  précifément 
quand  la  roue  8  ,  9  ,fig.  ^  ,  a  tourné  d'une 
vingtième  partie  ,  il  s'enfuivra  évidemment 
que  le  barillet  XIV ,  XV,  fera  un  tour  fur 
lui-même  ,  tandis  que  le  barillet  14  ,  i  j  ne 
tournera  fur  lui-même  que  de  fa  vingtième 
partie. 

Si  l'on  fuppofe  2°.  que  la  roue  VIII,  IX 
a  vingt  chevilles ,  la  roue  X ,  XI  autant ,  & 
la  roue  XII ,  XJ/f  autant  :  2^.  que  la  roue 

5  ,  9  ait  dix  chevilles ,  la  roue  10,11  au- 
tant ,  &  la  roue  12  ,  15  autant  ;  3°.  que 
l'extrémité    T  du  fautoir  ne  foit  arrêtée  , 

figure  2 ,  par  l'étochio  r ,  que  quand  la  roue 
8,9,  figure  /f. ,  a  tourné  d'une  dixième  par- 
tie, il  s'enfuivra  évidemment  que  le  baril- 
let XJ^,  XFfera  un  tour  entier  fur  lui- 
même  ,  tandis  que  le  barillet  14,  i  j  ne 
tournera  fur  lui-même  que  de  fa  dixième 
partie. 

Si  l'on  fuppofe  5°.  que  la  roue  VIII ,  IX 
ait  dix  chevilles ,  la  roue  X  ,  XI  autant , 

6  la  roue  XII,  XTII  autant:  2°.  que  la 
roue  8  ,  9  ait  pareillement  dix  chevilles  ,  la 
roue  10,11  autant  ,  &  la  roue  12 ,  13  au- 
tant aulTi  :  3°.  que  l'extrémité  Tdu  fautoir, 
fig.  2  -,  "c  foit  arrêtée  par  l'étochio  /• ,  que 
quand  la  roue  8,9,  fig.  ^  ,  aura  tourné 
d'un  dixième  ,  il  s'enluivra  évidemment 
que  le  barillet  XIV ,  XV  fera  un  tour  en- 
tier fur  lui-mênae  ,  tar;dis  que  le  barillet 
14,  If  ne  tournera  fur  lui-même  que  d'un 
dixième. 

On  peut  donc  en  général  établir  tel  rap- 


A  R  I 

port  qu'on  voudra  entre  un  tour  entier 
du  barillet  XIV ,  XV  ,  &  la  partie  donc 
le  barillet  14,  15  tournera  dans  le  même 
temps. 

Donc  ,  fi  l'on  écrit  fur  le  barillet  XIV , 
XV  les  deux  rangées  de  nombres  fuivan- 
tes ,  l'une  au  dellus  de  l'autre  ,  comme  on 
les  voit , 

G,  II ,  10,9,  8,7,6,5,4,3,2,1. 
Il, G, 1,2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, lû. 

&  fur  le  barillet  14,  1 5  ,  les  deux  rangées 
lui  vantes ,  comme  on  les  voit , 

0,19,18,17,16, 15, 14,13,12, II,  10, 
19,  0,1,  2,  3,  4,  5,  6,  7,  8,9, 

9.8,7,6,5,4,3,2,1. 
10,11 , 12, 13 , 14, 15, 16,17,  i8j 

&  que  les  zéros  des  deux  rangées  inférieu- 
res des  barillets  correfpondeiic  exactement 
aux  intervalles  A  ,  jB  ,  il  eft  clair  qu'au  bout 
d'une  révolution  du  barillet  XIV ,  XV ,  le 
zéro  correfpondra  encore  à  l'intervalle  B: 
mais  que  ce  fera  le  chiffre  /du  barillet  14  , 
1 5  ,  qui  correfpondra  dans  le  même  temps 
à  l'intervalle  A. 

Donc  ,  fi  l'on  écrit  fur  le  barillet  XIV, 
XF'les  deux  rangées  luivantes  ,  comme  ou 
les  voit , 

0,19,18,17,16,15,14, 13, ii,i 1,10, 
1950,1,2,5,4,5,6,7,8,9, 

9  >  8>  7  j  6  ,  5  ,4,  5  ,  2  ,  I. 
10,  II, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 

&  fur  le  barillet  14,15,    les  deux  rangées 

fui  vantes ,  comme  on  les  voit , 

059>8,7,  6,5,4,5,2,1, 
9,0,  1,2,5,4,5,6,7,8. 

&  que  le  zéros  des  deux  rangées  inférieu- 
res des  barillets  correlpondcnt  en  même 
temps  aux  intetvalles  ^  ,  5 ,  il  eft  clair  que 
dans  ce  cas ,  de  même  que  dans  le  premier, 
lorfque  le  zéro  du  barillet  XIV ,  XV  cor- 
refpondra ,  après  avoir  fait  un  tour  ,  à  l'in- 
tervalle J5  ,  le  barillet  14,  if  prélentera  à 
l'ouverture  ou  elpace  A  ,  le  chittre  i. 

Il  en  fera  toujours  ainfi ,  quelles  que  fbient 
les  rangées  de  chiffres  que  l'on  trace  fur  le 
barillet  XIV,  XV,  Se  fur  le  barillet  14, 
1 5  :  dans  le  premier  cas  le  barillet  XIV , 
XV  tournera  fur  lui-même  ,  &  préfentera 
les  douze  caraderes  à  l'intervalle  £ ,  quand 

le 


A  RI 

le  barillet  14 ,  i  f  ,  n'ayant  tourna  que  d'un 
vingtième,  prc/encera  à  l'intervalle  A  ,  le 
chiffre  i.  Dans  le  fécond  cas,  le  barillet 
XIV ,  Xf^ tournera  fur  lui-même,  &:pré- 
fèntera  (es  vingt  carad:éres  à  l'ouverture  ou 
intervalle  B ,  pendant  que  le  barillet  14,  i  y , 
n'ayant  tourné  que  d'un  dixième ,  préfcnte- 
ra  à  l'ouverture  ou  intervalle  A  ,  le  chiffre  i . 
Dans  le  troiiiemc  cas ,  le  barillet  XIV ,  XV 
tournera  fur  lui-même  ,  &;  aura  préientc  (es 
dix  caraâeres  à  l'ouverture  B  ,  quand  le 
barillet  14,  15,  n'ayant  tourné  que  d'un 
dixième ,  préfentera  à  l'ouverture  ou  inter- 
valle A  ,  le  chiffre  i . 

Mais  au  lieu  de  faire  toutes  ces  fuppofi- 
tions  fur  deux  barillets,  je  peux  les  faire  (ur 
uji  grand  nombre  de  barillets ,  tous  ailem- 
blés  les  uns  avec  les  autres,  comme  on  voit 
ceux  dela^^^.  4.  Rien  n'empêche  de  lup- 
pofer  à  côté  du  barillet  1 4  ,  i  y  un  autre  ba- 
rillet placé  par  rapport  à  lui  ,  comme  il  eft 
placé  par  rapport  au  barillet  XIV ,  XV , 
avec  les  mêmes  roues ,  un  fautoir  ,  &  tout 
le  refte  de  l'aflemblage.  Rien  n'empêche  que 
je  ne  paille  (ûppofer  douze  chevilles  à  la  roue 
FlIIfIX  Se  lesdeux  rangées,o,  11,10,9,  &'c. 

I  I  ,  o ,  1 , 1 ,  f.'C. 
tracées  fur  le  barillet  XIV,  XV,  vingt  che- 
villes à  la  roue  S  ,  9 ,  &  les  deux  rangées 

o,  19  ,  18,  17,  16,  ij,  &c. 
19,  G  ,  I  ,  1  ,  5  ,  4,  fi-c. 
tracées  fur  le  barillet  14,  if  ;  dix  chevilles 
à  la  première ,  pareille  à  la  roue  8  ,  9  ,  & 
les  deux  rangées  0,9,8,7,  6  ,  &c. 

9  >  c ,  I  ,  2 ,  3 ,  &<:. 
fur  le  troifieme  barillet  ;  dix  chevilles  à  la 
Seconde  pareille  de  8  ,  9  ,  &:  les  deux  ran- 
gées 0,9,8,  7,6,  &c.  fur  le  quatrième 

9  ,  o ,  1 ,    2  ,    5 ,  £'c. 
■barillet;  dix  chevilles  à  la  troifieme  pareille 
de  8 ,  9,  &  les  deux  rangées  o,  9,  8, 7, 6,  &c. 
■  9,0,  I  ,  2,  3,  &<:. 

lur  le  cinquième  barillet ,  &  ainfi  de  fuite. 
"  Rien  n'empêche  non  plus  de  fuppofer  que 
tandis  que  le  premier  barillet  préfentera  fes 
douze  chiffres  à  fon  ouverture  ,  le  fécond 
ne  préfentera  plus  que  le  chiffre  i  à  la  fien- 
ne  ;  que  tandis  que  le  fécond  barillet  pré- 
fentera fes  vingt  chiffres  à  (on  ouverture  ou 
intervalle,  le  troifieme  ne  préfentera  que 
k  chiffre  i  ;  que  tandis  que  le  troifieme  ba- 
rillet préfeurera  les  dix  caraûeres  à  fon   ou- 

TomelII, 


A   R  r  38^ 

vertiire  ,  le  quatrième  n'y  préfentera  que  le 
chiffre  i  ;  que  tandis  que  le  quatrième  ba- 
rillet prélêntera  (es  dix  caradercs  à  fon  ou- 
verture ,  le  cinquième  barillet  ne  préfen- 
tera à  la  fienne  que  le  chiffre  i  ,  &  ainfi 
de  fuite. 

D'où  il  s'enfuivra  1°.  qu'il  n'y  aura  aucun 
nombre  qu'on  ne  puifle  écrire  avec  (es  ba- 
rillets; car  après  les  deux  échappemens ,  ch.'4- 
que  équipage  de  barillet  demeure  iiolé  ,  e(l 
indépendant  de  celui  qui  le  précède  du  côté 
de  la  droite,  peut  tourner  fur  lui-même 
t.-nt  qu'on  voudra  dans  la  dire6tion  VIII ^ 
VIII,  IX,  IX,  &  par  conlequent  offrir 
à  fon  ouverture  celui  des  chiffres  de  fa  ran- 
gée inférieure  qu'on  jugera  à  propos  :  mais 
les  intervalles  yi,  -S  ,  font  aux  cylindres 
nus  XIV,  XV,  14,  ij,  ce  que  leur  font 
les  ouvertures  de  la  ligne  Y,  X ,  figure  i , 
quand  ils  font  couverts  delà  plaque  NORP, 

2°.  Que  le  premier  barillet  marquera  des 
deniers ,  le  fécond  des  fous ,  le  troifieme 
des  unités  de  livres,  le  quatrième  des  dixai- 
nes  ,  le  cinquième  des  centaines  ,  &<:. 

5°.  Qu'il  faut  un  tour  du  premier  barillet, 
pour  un  vingtième  du  fécond;  un  tour  du  fé- 
cond, pour  un  dixième  du  troifieme;  un  tour 
du  troifieme,  pour  un  dixième  du  quatrième; 
&  que  par  conféquent  les  barillets  fuivent 
entre  leurs  moutcmens  la  proportion  qui 
règne  entre  les  chiffres  de  l'-arithmétiquc 
quand  ils  expriment  des  nombres  ;  que  la 
proportion  des  chiffres  eff:  toujours  gardée 
dans  les  mouvemens  des  barillets ,  quelle 
que  foit  la  quantité  de  tours  qu'on  faffe  faire 
au  premier ,  ou  au  fécond ,  ou  au  troifie- 
me ,  &  que  par  conféquent  de  même  qu'on 
fait  les  opérations  de  l'arithmétique  avec  des 
chiffres ,  on  peut  la  faire  avec  les  barillets 
&  les  rangées  de  chiffres  qu'ils  ont. 

4".  Que  pour  cet  effet ,  il  faut  commen- 
cer par  mettre  tous  les  barillets  de  manière 
que  les  zéros  de  leur  rangée  inférieure  cor- 
ref pondent  en  même  temps  aux  ouvertures 
de  la  bande  FZ  ,  &  de  la  plaque  A^Oi^P; 
car  ii  tandis  que  le  premier  barillet ,  par 
exemple ,  préfente  O  à  fon  ouverture ,  le 
fécond  préfente  4  à  la  fienne ,  il  eff:  à  pré- 
fumer que  le  premier  barillet  a  fiit  déjà  qua- 
tre tours  ;  ce  qui  n'eft  pas  vrai. 

5°.  Qu'il  eft  affez  indifférent  de  faire 
tourner  les  barillets  dans  la  diredion  VUI, 

Z  z 


3S(Î  A  R  I 

VIII,  IX;  que  ce  mouvemenc  ne  dc:.ingc 
rien  à  Peftet  de  la  machine  ;  mais  qu  il  ne 
fiut  p£s  qu'ils  aient  la  liberté  de  r>.tiogra- 
der;  &  c'tll  auffi  la  fonftion  du  cliquet  lu- 
périeur  C  de  la  leur  oter. 

Il  permet ,  comme  on  voit ,  aux  roues 
de  tourner  dans  le  Cens  VJII ,  FUI ,  IX  : 
inais  il  les  empêche  de  tourner  dans  le  fens 
contraire. 

6°.  Que  les  roues  ne  pouvant  tourner  que 
dans  la  dired.on  VIII,  VIII,  IX,  c'eft 
de  la  l'gi  e  ou  rangée  de  chiffres  inférieure 
des  barillets  qu'il  faut  le  fervir  pour  écrire  un 
riombre  ;  p.r  conléquent  pour  faire  l'addi- 
tion ;  par  tonlcquent  encore  pour  faire  la 
multiplication;  &  que  comme  les  chiffres 
des  rangées  font  dans  un  ordre  renverfé ,  la 
jouflraâtion  fe  doit  faire  iur  la  rangée  fupé- 
rieure  ,  &  par  conléquent  auifi  la  divihon. 

Mais  tous  ces  corollaires  s'éclairciront  da- 
vantage par  l'ufage  de  la  machine ,  &:  la 
jnîanieie  de  faire  les  opérations. 

Mais  avant  que  de  patfer  aux  opérations, 
nous  ferons  obierver  encore  une  fois_  que 
chaque  roue  6,7,  f.g.  4 ,  a  fa  corrcfpon- 
<dance  ^  ,  ^  ,  fig.  z  ,  <k  chaque  roue  4,5, 
ion  cercle  mobile  Q  ;  que  chaque  roue  S  , 
<j  ,  a  fon  cliquet  fupérieur ,  &  ion  cliquet 
inférieur  ;  que  ces  deux  cliquets  ont  une  de 
leurs  fondions  commune  ;  c'eft  d'empêcher 
les  roues  VIII,  IX ,  8,9,  &c.  de  rétro- 
grader ;  enfin,  que  le  talon  i ,  pratiqué  au 
cliquet  inférieur ,  lui  eft  ellentiel. 

UJûges  de  la  machine  arithmétique  pour 
l'addition.  CommeiKcz  par  couvrir  de  la 
bande  PR,  la  rangée  tupérieure d'ouver- 
tures ,  en  forte  que  cette  bande  ioit  dans 
l'écat  où  vous  la  yoyezfig.  i  ;  mettez  enfuite 
toutes  les  roues  de  la  bande  inférieure  ou 
rangée  à  zérojtk  foient  les  fommesàajoutei 
69  7  8 
;84     i;     <j 

34i      II     9      .     . 
Prenez  le   conduéteur  ;  portez  la  pointe 

dans  la  huitième  denture  du  cercle  Q ,  le 
plus  à  la  droite  ;  fiites  tourner  ce  cercle  juf- 
qu'à  ce  que  l'arrêt  ou  la  potence  S  vous  em- 
pêche d'avancer. 

Pallez  à  la  roue  des  fous,  ou  au  cercle  Q 
qui  fuit  immédiatement  celui  fur  lequel  vous 
avez  opéré  ,  en  allant  de  la  droite  à  la  gau- 
che ;  portez  la  pointe  du  conduftcur  dans 


AR.I 

la  fepcieme  denture ,  à  compter  depiu's  ta 
potence;  faites  tourner  ce  cercle  juiqu'a  ce 
que  la  potence  S  vous  arrête  ;  pallez  aux  li- 
vres ,  aux  dixaines ,  ik:  faites  la  même  opé- 
ration Iur  leurs  cercles  Q. 

En  vous  y  prenant  ainfi  ,  votre  première 
femme  fera  évidemment  écrite  :  opérez  fur 
la  féconde  ,  précilémen:  comme  vous  avez 
fait  fur  la  première ,  fans  vous  embarrafler 
des  chiffres  qui  le  pré I entent  aux  ouvertu- 
res ;  puis  iur  la  troilieme.  Après  votre  troi- 
fieme  opération ,  remarquez  les  chiftres  qui 
paroitront  aux  ouvertures  de  la  ligne  YZ, 
ils  marqueront  la  fomme  totale  de  vos  trois 
Ibmmes  partielles. 

Démonjiraticn.  Il  eft  évident  que  fi  vous 
faites  tourner  le  cercle  Q  des  deniers  de  huit 
parties ,  vous  aurez  8  à  Pouvercure  corref^ 
pondante  à  ce  cercle  :  il  eft  encore  évident 
que  h  vous  faites  tourner  le  mêm.e  cercle  de 
lix  autres  parties ,   comme  il  eft  divilé  ea 
douze  ,  c'eft  la  même  choie    que   lî  vous 
l'aviez  tait  tourner  de  douze  parties,  plus  2  : 
mais  en  le  failant  tourner  de  douze ,  vous 
auriez  remis  à  zéro  le  barillet  des  deniers 
correfpondant  à  ce  cercle  des  deniers ,  puif- 
qu'il  eut  fait  un  tour  exaéi  fur  lui-même  : 
mais  il  n'a  pu  faire  un  tour  fur  lui-même, 
que  le  fécond  barillet ,  ou  celui  des  lous 
n'ait  tourné  d'un  vingtième  ;  &  par  conlé- 
quent mis  le  chiffre  i  à  l'ouverture  des  fous. 
Mais  ce  chiffre  des  deniers  n'a  pu  rélilter  à 
o  ;  car  ce  n'eft  pas  feulement  de  douze  par- 
ties que  vous  lavez  f'.it  tourner,  mais  de 
douze  parties ,  plus  deux.  Vous  avez  donc 
fait  en  lus  comme  li  le  barillet  des  deniers 
étant  à  zéro ,  &  celui  des  feus  à  i  ,  vous 
eulTiez  fait  tourner  le  cercle  Q  des  deniers 
de  deux  dentures  :  m.ais  en  faifant  tourner 
le  cercle   Q  des  deniers  de  deux  dentures , 
on  met  le  barillet  des  deiiiers  à  i  ,  où  ce  ba^ 
rillet  préfente  a  à  fon  ouverture.  Donc  le 
barillet  des  deniers  oftrira  i  à  fon  ouvertii^ 
re  ,  &  celui  des  lous  1  :  mais  8  deniers&tf 
deniers  font  14  deniers,  ou  un  fou,  plus» 
deniers  ;  ce  qu'il  falloir  en  efîet  ajouter ,  SÇ 
ce  que  la  machine  a  donné.  La  démoniha- 
tion  fera  la  même  pour  tout  le  refte  de  l'o- 
pération. 

Exemple  de  foiifiraâion.  Commencez  par 
bailler  la  bande  PR  liirla  ligne  Xl^d'ou- 
vcnures  inférieures;  écrivez  la  plus  grande 


A  R  I 

fommc  fur  les  ouvertures  de  la  ligne  fupé- 
rieure ,  comme  nous  l'avons  prcfcrit  pour 
l'addition  ,  par  le  moyen  du  condudeur  ; 
faites  l'addition  de  la  lomnic  à  (ouihaire  , 
ou  de  la  plus  petite  avec  la  plus  grande, 
comme  nous  lavons  prefcrit  à  l'exemple  de 
l'addition  :  cette  addition  faite,  la  fou llrac- 
tion  k  fera  aullî.  Les  chiffres  qui  paroi- 
tront  aux  ouvertures  ,  marqueront  la  difté- 
lence  des  deux  tommes,  ou  l'excès  de  la 
grande  liir  la  petite  ;  ce  que  l'on  cherchoit. 

Soit  ijiii        9       i 

dont  il  faut  fouftraire  8989     16     11 

Si  vous  exécutez  ce  que  nous  vous  avons 
prefcrit  ,    vous  trouverez  aux    ouvertures 

Démonfiration.  Quand  j'écris  le  nombre 
91  il  liv.  9  f.  1  d.  pour  faire  paroltre  z  à 
l'ouverture  des  deniers ,  je  fuis  obligé  de 
faire  palier  a\x'c  le  directeur,  onze  dentu- 
res du  cercle  Q  des  deniers;  car  il  y  a  à  la 
rangée  fupérieure  du  barillet  des  deniers 
onze  termes  depuis  o  juiqu'à  i  :  fi  à  ce  1 
j'ajoute  encore  1 1  ,  je  tomberai  fur  5  ;  car 
il  faut  encore  que  je  falle  faire  onze  dentu- 
res aux  cercles  Q  :  or  comptant  1 1  depuis 
2 ,  on  tombe  fiir  3.  La  démonftration  eft 
la  même  pour  le  relie.  Mais  remarquez 
que  le  barillet  des  deniers  n'a  pu  tourner 
de  11  ,  fans  que  le  barillet  des  fous  n'ait 
tourné  d'un  vingtième  ou  de  douze  deniers. 
Mais  comme  à  la  rangée  d'en-haut  les  chif- 
fi-ps  vont  en  rétrogradant  dans  le  fens  que 
les  barillets  tournent  ;  à  chaque  tour  du  ba- 
rillet des  deniers ,  les  chiffres  du  barillet  des 
fous  diminuent  d'une  unité  ;  c'eft-à-dire 
que  l'emprunt  que  l'on  fait  pour  un  barillet 
eft  acquitté  fur  l'autre ,  ou  que  la  fouftrac- 
lion  s'exécute  comme  à  l'ordinaire. 

Exempte  de  multiplication.  Revenez  aux 
ouvertures  inférieures  ;  faites  remonter  la 
bande  P  R  fur  les  ouvertures  fupérieures  ; 
mettez  toutes  les  roues  à  zéro  ;  par  le  moyen 
du  conduftcur ,  comme  nous  avons  dit  plus 
haut.  Ou  le  multiplicateur  n'a  qu'un  ca- 
raâere ,  ou  il  en  a  plulîeurs  ■■,  s'il  n'a  qu'un 
caractère ,  on  écrit ,  comme  pour  l'addi- 
tion ,  autant  de  fois  le  multiplicande  qu'il  y 
a  d'unités  dans  ce  chiffre  du  multiplica- 
teur :  ainfi  la  fomme  1 145  étant  à  multi- 
plier par  5  ,  j'écris  ou  pôle  trois  fois  cette 
fomme  à  l'aide  de  mes  roues  &  des  cer-  | 


ART  3S7 

clés  Q  ;  après  la  dernière  fois ,  il  paroit  aux 
ouvertures  375  y  3  qui  eft  en  cfl'et  le  produit 
de  1145  par  3. 

Si  le  multiplicateur  a  plufieurs  caradc- 
res ,  il  faut  multiplier  tous  les  chiffres  du 
multiplicande  par  cli.'cun  de  ceux  du  multi- 
plicateur ,  les  écrire  de  la  même  manière 
que  pour  l'addition  :  mais  il  faut  obilrvcr 
au  fécond  multiplicateur  de  prendre  pour 
première  roue  celle  des  dixaincs. 

La  multiplication  n'étant  qu'une  efpece 
d'addition ,  &  cette  règle  le  faifant  évidem- 
ment ici  par  voie  ci'addition  ,  l'opération 
n'a  pas  belbin  de  démonftration. 

ExempL  de  divifioii.  Pour  faire  la  divi- 
fion ,  il  fiut  (e  feivir  des  ouvertures  fupé- 
rieures ;  faites  donc  defcendre  la  bande 
P  R  fur  les  inférieures  ;  mettez  à  zéro  tou- 
tes les  roues  fixées  fur  cette  bande ,  &  qu'on 
appelle  roi/ej  (/e  ijuoticnt  ;  ù'ncs  paroitre  aux 
ouvertures  votre  nombre  à  divifer  ,  &  opé- 
rez comme  nous  allons  dire. 

Sok  b  fomme  65  à  divifer  par  cinq  ; 
vous  dites ,  en  fix  ,  cinq  y  eft  ,  &  vous  fe- 
rez tourner  votre  roue  comme  fi  vous  vou- 
liez additionner  s  ^'^i  cela  fait  ,  les  chif- 
fres des  roues  fupérieures  allant  toujours  en 
rétrogradant ,  il  eft  évident  qu'il  ne  paroi- 
tra  plus  que  i  à  l'ouverture  où  il  paroifloit  6  ; 
car  dans  o ,  9  ,  8  ,  7  ,  6  ,  j  ,  4  ,  3  ,  2  ,  i  ; 
I  eft  le  cinquième  terme  après  6. 

Mais  le  divifeur  j  n'eft  plus  dans  i ,  mar- 
quez donc  I  fur  la  roue  des  quotiens ,  qui 
répond  à  l'ouverture  des  dixaines  ;  paftèz 
enluite  à  l'ouverture  des  unités  ,  otez-en  5 
autant  de  fois  qu'il  fera  poffible  ,  en  ajou- 
tant f  au  caraârere  qui  paroît  à  travers  cette 
ouverture  ,  jufqu'à  ce  qu'il  vienne  à  cette 
ouverture  ou  zéro  ,  ou  un  nombre  plus  pe- 
tit que  cinq,  &  qu'il  n'y  ait  que  des  zéros 
aux  ouvertures  qui  précèdent  :  à  chaque 
addition  faites  paftèr  l'aiguille  de  la  roue  des 
quotiens  qui  eft  au  deftbus  de  l'ouverture 
des  unités,  du  chiffre  i  f'ur  le  chiffre  1  , 
fur  le  chiffre  3  ,  en  un  mot  fur  un  chiffre 
qui  ait  autant  d'unités  que  vous  ferez  de 
IbuftraCtions  :  ici  après  avoir  ôté  trois  fois 
5  du  chiffre  qui  paroiftoit  à  l'ouverture  des 
unités ,  il  eft  venu  zéro  ;  donc  y  eft  1 3  fois 
en  65. 

Il  fuit  obferver  qu'en  ôtant  ici  une  fois  j 
du  chiffre  qui  paroît  aux  unités ,  il  vient 

Zz  i 


3^8  ARI 

tout  de  fuite  à  cette  ouverture  ;  mais  que 
pour  cela  l'opération  n'eft  pas  achevée  ,  par- 
ce qu'il  refte  une  unité  à  l'ouverture  des  di- 
zaines ,  qui  fait  avec  le  zéro  qui  fuit  lo  , 
qu'il  faut  épuifer  ;  or  il  eft  évident  que  5  ôté 
deux  fois  de  10  ,  il  ne  reftera  plus  rien  ; 
c'eft-à-dire  que  pour  exhauftion  totale  ,  ou 
que  pour  avoir  zéro  à  toutes  les  ouvertures, 
il  faut  encore  fouftrairc  j  deux  fois. 

Il  ne  faut  pas  oublier  que  la  fouftraâiion  fe 
fait  exadement  comme  l'addition  ,  &  que 
la  feule  différence  qu'il  y  ait ,  c'eft  que  l'une 
fc  fait  fur  les  nombres  d'tn-bas,  &:  l'autre 
fur  les  nombres  d'en-haut._ 

Mais  h  le  diviieur  a  plufieurs  caraderes , 
voici  comment  on  opérera  :  foit  9989  à  di- 
vifer  par  114,  on  otera  i  de  9  ,  chiffre  qui 
paroit  à  l'overture  des  mille  ;  1  du  chiffre 
qui  paroit  à  l'ouverture  des  centaines;  4 du 
chifVre  qui  paroîtra  à  l'ouverture  des  dixai- 
iies  ,  tk  l'on  mettra  l'aiguille  des  cercles  de 
quotient ,  qui  répond  à  l'ouverture  des  di- 
zaines ,  fur  le  chiflre  i.  Si  le  diviieur  124 
peut  s'ôter  encore  une  fois  de  ce  qui  paroî- 
tra ,  après  la  première    fou  tira élion  ,    aux 
ouvertures  des  mille ,  des  centaines ,  &   des 
dixaines ,  on  l'otera  &  on  tournera  l'aiguille 
du  même  cercle  du  quotient  fur  z  ,   &c  on 
continuera  jufqu'à  l'exhauflion  la  plus  com- 
plète qu'il  fera  poffible  ;  pour  cet  effet    il 
faudra  réitérer  ici  la  fouftr^.étion  huit  fois 
furies  trois  mêmes  ouvertures;  l'aiguille  du 
cercle  du  quotient  qui  répond  aux  dixai- 
nes 5  fera  donc  fur  S  ,  &  il  ne  fe  trouvera 
plus  aux  ouvertures  que  69  ,  qui  ne  peut 
plus  fe  diviferpar  114  ;  on  mettra  donc  l'ai- 
guille du  cercle  du  quotient ,  qui  répond  à 
Pouverture  des  unités,  fur  o,  ce  qui  mar- 
quera que  124  été  8c  fois  de  9989,  il  refte 
cnfuite  69. 

Manière  de  réduire  les  livres  en  fous ,  6" 
les  fous  en  deniers.  Réduire  les  livres  en 
fous  ,  c'elT:  multiplier  par  lo  les  livres  don- 
nées ;  &  réduire  les  fous  en  deniers  ,  c'eft 
multiplier  par  douze,  Voy.  Multiplica- 
tion. 

Convertir  les  fous  en  livres  Ù  les  deniers  en 
fous ,  c'eft  divifer  dans  le  premier  cas  par 
10 ,  èc  dam  le  fécond  par  douze.  Voye^ 
Division. 

Convertir  les  fous  en  livres  ,  c'eft  divifer 
far  240.  Vuye'^  Division.. 


A  R  I 

Il  parut  en  172  j  une  autre  machine  ar//^- 
métique ,  d'une  compofition  plus  fîmple  que 
celle  de  M.  Pafcal ,  &:  que  celles  qu'on  avoir 
déjà  faites  à  l'imitation  ;  elle  eft  de  M.  de 
l'Epine  ;  &  l'académie  a  jugé  qu'elle  con- 
tenoit  plufieurs  chofes  nouvelles  &  ingé- 
nieufement  penfées.    On  la  trouvera  dans 
le  recueil  des  machines  :  on  y  en  verra  en- 
core une  autre  de  M.  de  Eoitiflendeau ,  dont 
l'académie  fait   aufîî  l'éloge.    Le   principe 
de  ces  machines  une  fois  connu  ,  il  y  a  peu 
de  mérite  à  les  varier  :  mais  il  falloir  trou- 
ver ce  principe  ;  s'il  filloit  s'appcrcevoir  que 
fi  Ton  f?iic  tourner  verticalement  de  droite 
à  gauche  un  barillet  chargé  de  deux  fuites 
de  nombres  placées  l'une  au  defTus  de  l'au- 
tre ,  en  cette  force  ,0,9,8,7,6,  f-'c. 
9  >  o  >  I  >  2.  ,  3  ,  Ê  c. 


l'addition  fe  fiiifoit  fur  la  rangée  fupérieure  , 
&  la  fouftraftion  fur  l'inférieure  ,  précifé- 
ment  de  la  même  manière. 

*  ARIZA,  (Géog.  anc.  Ù  mod.)  bourg 
d'Efpagne  dans  l'Aragon,  fur  les  frontières 
de  la  vieille  Caftille ,  &  fur  la  rivière  de 
Xalon.  Les  géographes  prétendent  que  cette 
Ari^û  eft  la  ville  qu'on  nommoit  ancienne- 
ment yirji  ou  Arci. 

ARK  A  ,  (  Géog.  )  ville  d'Afie  ,  en  Syrie , 
agréablement  fituée  fur  une  rivière  de  fon 
nom  ,  vis-à-vis  de  l'extrémité  feptentrio- 
nale  du  miOnt-Liban.  L'on  en  voit  encore 
les  ruines  dans  un  endroit  qui  fait  pnnic  du 
gouvernement  moderne  de  Tripoli  de  Syrie. 
{D.G.) 

^ARKEG  ,  (  Géog.)  lac  d'Ecoffe  dans 
la  province  de  Loch-Aber,  à  l'occident  du 
lac  Aber ,  avec  It  quel  il  communique  par 
un  canal  c'e  trois  à  qu:tre milles  :  le  hcArkeg 
a  près  de  iîx  milles  de  long. 

ARKEL,(G.V.)  diftrid  des  Provin- 
ces-unies des  Pays  Bns ,  appartenant  en  par- 
ticulier à  celle  de  Hollande.  Il  comprend  les 
villes  &  ieigneuries  d'Afperen,  de  Eleuchcl- 
num  &:  quelques  vilb.ges  ;  on  le  nomme  au- 
trement le  Pays  de  Gorkum.  (D.  G.) 

^  ARKI,  (  Géog)  ville  de  la  Turquie 
en  Europe  ,  fituée  dans  la  Bolnie  ,  à  l'em- 
bouchure de  la  Boina ,  dans  la  Save. 

ARKONA  ,  (  Gécg)  forterelfe  de  la 
prefqu'ile  de  'VVitto  en  Poméranie ,  proche 
de  l'île  de  Rugcn.  Elle  ne  lublJ^''  plus  de- 


A   R  L 

puis  pafTé  600  ans.  Un  roi  VValdemar  la  prit 
tn  1168  ,  Si.  la  rafa  de  fond  en  comble, 
enveloppant  dans  (a  dcftrudion  letemple  de 
Swaniwoit ,  idole  f.imeuledu  pays.  {D.  G.) 

*  ARL  ANZA  ,  petite  rivière  d'iifpagne  , 
qui  a  fi  fource  à  Lara  ,  baigne  Lerma  ,  & 
le  rend  dans  l'Arlanzon. 

*ARLANZON,  rivière  d'Efpagnedans 
la  vieille  Caftille ,  qui  baigne  Burgos ,  reçoit 
l'Arhnza  ,  &c  fe  jette  dans  le  Pizuerga  fur 
les  frontières  du  Royaume  de  Léon. 

ARLBERG  ,  (  Géog.  )  branche  des  Alpes 
Rhctiennes ,  qui  pénètrent  dans  Pempire  , 
vers  le  Tyrol  &  le  lac  de  Conftance  ,  Se  fous 
le  nom  général  de  laquelle  on  comprend  en 
Autriche  les  comtés  particuliers  de  Bregentz  , 
de  Sonneberg  ,  de  Pludentz,  &:  de  Fcld- 
kirck  ou  Montfort ,  avec  la  leigneurie  de 
Hoheneck.  (D.  G.) 

ARLENC  ou  ARL  ANC,  (  G^^.)  ville 
de  France  dans  la  ba(Iè- Auvergne  ,  éleélion 
d'illbire  ,  généralité  de  Clermont.  {D.  G) 

ARLEQUIN,  f.  m.  {Littêr.)  perfon- 
nage  qui  dans  la  comédie  italienne  fait  le 
rôle  de  bouffon ,  pour  divertir  le  peuple 
par  ies  plailanteries.  Nous  l'avons  introduit 
fur  nos  théâtres ,  &  il  y  joue  un  des  prin- 
cipaux rôles  dans  les  pièces  que  l'on  repré- 
fente  fur  le  théâtre  italien. 

Quelques-uns  prétendent  que  ce  nom  doit 
fon  origine  à  un  fameux  comédien  italien 
qui  vint  à  P.aris  fous  le  règne  de  Henri  III ,  & 
que  ,  comme  il  fréquentoit  familièrement 
dans  la  maifon  du  prélîdent  de  Harlai  qui 
lui  avoir  accordé  {es  bonnes  grâces ,  fes  ca- 
marades l'appelloient  par  derilion  ou  par 
envie  harkquino  ,  le  petit  de  Harlai  ;  mais 
cette  hiftoire  a  tout  l'air  d'une  fible ,  quand 
on  fait  atcention  au  carasftere  d'Achilles  de 
Harlai ,  qui  aulLi  bien  que  les  autres  magif- 
trats  de  ce  temps-là  ,  ne  s'avilifïïiit  point  à 
recevoir  chez  lui  les  baladins.  Fbye?  Comé- 
die. (G) 

§  Le  caraétere  diftindif  de  l'ancienne 
comédie  italienne  ,  eft  de  jouer  des  ridicu- 
les ,  non  pas  perfonnels,  mais  nationaux. 
C'eft  une  imitation  grotelque  des  mœurs  des 
différentes  villes  d'Italie  ,  &  chacune  d'elles 
elt  repréfentée  par  un  perfonnage  qui  eft  tou- 
jours le  même  ;  Pantalon  eft  Vénitien ,  le 
Codeur  eft  Bolonois ,  Sc.ipinefl Napolitain, 
&  Arle.juin  eft  Bergarai.fque, 


r 


V-Ciui-c:  eu  en 


n-. 


ARL  385, 

même  temps  le  perlonnage  le  plus  bizarre 
&  le  plus  plaifant  de  ce  théâtre.  Un  nègre 
Bergamafque  eft  une  choie  abfurde  ;  il  ell 
même  aÔez  vraifemblable  qu'un  eftlave 
Africain  fut  le  premier  modèle  de  ce  per- 
fonnage. Son  caradlere  eft  un  mélange  d'i- 
gnorance ,  de  naïveté ,  d'efprit  ,  de  bétifc  Sc 
de  grâce  ;  c'eft  une  efpcce  d'homme  ébauché , 
un  grand  enfant  qui  a  des  lueurs  de  rait'on 
&  d'intelligence  ,  &  dont  toutes  les  méprifes 
ou  les  mal-adrelles  ont  quelque  chofè  de 
piquant.  Le  vrai  modèle  de  fon  jeu  eft  la 
ibuplefle  ,  l'agilité  ,  la  gentillellè  d'un  jeune 
chat ,  avec  une  écorce  de  groflîéreté  qui  rend 
fon  aétion  plus  plaifante  ;  fon  rôle  eft  celui 
d'un  valet  patient ,  fidèle  ,  crédule  ,  gour- 
mand ,  toujours  amoureux  ,  toujours  dans 
l'embarras ,  ou  pour  fon  maître  ,  ou  pour 
lui-même  ;  qui  s'afïlige,  qui  fe  confole  avec  la 
facilité  d'un  enfant ,  Se  dont  la  douleur  eft 
aufTi  amufante  que  la  joie 

Ce  rôle  exige  beaucoup  de  naturel  &  d'e(^ 
prit  ,  beaucoup  de  grâce  &  de  foupled'e. 

Le  feul  des  poètes  françois  qui  l'ait  em- 
ployé heureuferaent ,  c'eft  de  l'Ille  dans  Ar- 
lequin fiiuvûge  ,  Se  dans  T.mo.'i  le  mifantrope ; 
mais  en  général  la  liberté  du  jeu  de  cet  ac- 
teur naïf  &  l'originalité  de  fon  langage  s'ac- 
commodent mieux  d'un  fuiiple  canevas, 
qu'il  remplit  à  fa  guile  ,  que  du  rôle  le  mieux 
écrit.  {M.  Marmontel.) 

Ce  perfonnage  de  la  comédie  italienne , 
où  il  a  un  caractère  approprié  ,  a  palTé  dans 
la  comédie  françoife  ;  Sc  dans  l'allemande 
il  mériteroit  de  remplacer  le  rôle  du  hans~ 
wurfl.  Soncaradiere  confifte  à  avoirl'air  d'un 
garçon  lîmple  ,  très-naïf,  ou  tout  au  plus 
bouffon  ,  mais  d'être  au  fond  très-rufé,  fpi- 
rituel  ,  habile  à  oblerver  les  foibleffes  &  le 
ridicule  des  autres ,  &  à  les  relever  avec 
autant  de  naïveté  que  de  fincffe.  Quelques 
critiques  penfent  que  ce  perfonnage  avilit 
la  Icene  comique  ,  Sc  qu'il  choque  le  bon 
goût  du  fpeélacle  théâtral  ,  mais  il  n'eft  pas 
difficile  de  faire  voir  que  cette  décifîon  eft 
peu  réfléchie  Se  que  dans  plufieurs  cas  le 
rôle  de  l'arlequin  eft  un  rôle  dont  on  ne 
peut  prefque  point  fe  pafïèr. 

Lorsqu'il  elt  queftion  d'expofer  fur  la 
fcenc  un  fou  férieux  dans  tout  le  ridicule  de 
ia  folie  ,  le  moyen  le  plus  fur ,  c'eft  de  le  faire 
:;ccompr)£iîer  d'uû  bon  arlequin.   Qu'en  Ce 


3^o  A  R  L 

rappelle  avec  quelle  énergie  les  bouffons  des 
princes  lavoienc  autrefois  taire  fentir  les  fo- 
lies des  grands ,  &  combien  ils  humilioicnt 
l'orgueil  par  la  vivacité  de  leurs  faillies.  Il 
n  y  a  que  le  ridicule  qui  puilfe  décontenancer 
un  fat  de  qualité  ,  ou  un  fourbe  accr.;dité 
&  puillant;  mais  pour^  y  réuflîr  ,  il  fau- 
droit  que  les  railleurs  eullent  le  caradercd'un 
véritable  arlequin.  On  fera  fort  bien  par  con- 
lét[uent  de  conferver  au  moins  au  théâtre  le 
rôle  des  anciens  bouffons  de  la  cour. 

H  n'eft  pas  nécetfaire  ,  à  la  vérité ,  que 
le  bouffon  ait  un  habillement  bizarre  ou  une 
niaroce  ,  ni  qu'il  foit  toujours  polillbn  ;  on 
tombe  trop  ailémcnt  par-là  dans  le  bas  co- 
mique. Son  grand  rôle  doit  être  de  dévoi- 
ler le  ridicule  qui  fc  cache  fous  un  air  de 
gravité  ou  de  dignité  ;  de  démafquer  le  four- 
be ,  &  de  lexpofer  aux  huées  du  public. 
C'cft-là  fans  contredit ,  le  plus  grand  avan- 
tage qu'on  peut  attendre  du  théâtre  comi- 
que ,  &  cet  avantage  n  ell;  pas  médiocre.  Il 
y  a  des  hommes  allez  effrontément  médians , 
pour  fe  mettre  au  ce 'Tus  des  loix ,  de  l'équité 
&c  de  l'humanité.  Les  plus  fortes  remontran- 
ces ,  tirées  de  la  faine  raifon  &  des  principes 
de  la  juftice  ,  ne  font  pas  la  plus  petite 
im.preffion  fur  eux  ;.  nul  hein  ne  peut  arrêter 
leur  folie  ou  leur  fourberie.  Livrez-les  à  arle- 
quin ;  auffi  indiff'érens  qu^'ils  étoientaux  re- 
proches ,  auffi  fenflbles  feront-ils  aux  rail- 
leries :  car  ils  faifoient  préciiément  conhfter 
leur  grandeur  à  tout  braver.  C'étoit  en 
dédaignant  le  jugement  des  autres ,  qu'ils 
croyoient  fentir  plus  vivement  le  prix  de 
leur  qualité  ,  de  leur  rang ,  de  leur  puilîànce  ; 
la  rifée  publiqu<tfles  fait  tomber  tout-à-coup 
de  cette  hauteur  ,  ils  fe  fentent  eux-mêmes 
avilis  &c  mépriiés. 

Au  fond  ,  arlequin  fait  exaftement  fur  la 
fcene  ce  que  Lucien  &  Swifft  faifoient  dans 
leurs  écrits.  Les  railleries  fatyriques  de  ces 
deux  auteurs  font  dans  le  véritable  caraélere 
d'arlequin  ,  aulli  y  a-t-il  des  comédies  où  ce 
perfonnage  fait  le  premier  rôle.  Les  poètes 
comiques ,  à  qui  ce  rôle  a  paru  trop  bas , 
en  ont  néanmoins  fenti  le  be foin  ;  ils  l'ont 
fait  remplir  par  des  valets  :  mais  ces  valets 
ne  font  en  effet  que  des  arlequins  en  livrée  , 
&i  lorfqu'ils  font  obligés  de  fiire  ce  perfon- 
nage, ne  feroit-il  pas  mieux  qu'arlequinle 
fit  lui-même  î  Au  refte  ,  il  faut  convenir  que 


A  R  L 

c'eft  un  rôle  très-difficile  à  bien  traiter  ,  & 
qui  doit  être  tracé  de  main  de  maître.  Il 
n'eft  pas  ailé  de  faire  paroitre  à  propos  ce 
perloiinage  au  moment  où  fon  miniftere 
ièroit  le  plus  important  ;  d'ailleurs  pour  en 
drer  tout  le  parti  poffible  ,  il  faut  avoir 
le  don  de  la  raillerie ,  &:  c'eft  peut-être  de  tous 
les  talens  le  plus  rare.  (  Cet  article  ejltiréde. 
la  théorie  des  beaux  arts  de  M.  Su  LZER.) 

§  ARLES  ,  (  Gécg.  )  ville  très-confidé-  i 
rable  de  France ,  lur  le  Pvhone  ,  à  huit  lieues  | 
de  la  mer  ,  &  au  voifmage  d'un  grand 
marais ,  dont  (a  fituation  élevée  ne  lui  per- 
met pas  de  craindre  les  inondations ,  mais 
dont  le  loulîle  de  certains  vents  lui  rend  quel- 
quefois les  vapeurs  allez  incommodes.  Long. 
i.%,  l8 ;  lat.  43,   40'-,  3f. 

Placée  dans  l'enceinte  du  gouvernement 
de  Provence  ,  &  pourvue  d'un  territoire  de 
plulîeurs  lieues  de  circuit ,  elle  a  ,  par  la 
nature  de  fon  fol  &  de  fon  climat ,  de  quoi 
commercer  en  bons  vins  ,  en  vermillon  , 
en  manne ,  en  huiles  &  en  exccllens  fruits. 

Elle  eft  le  lîcge  d'un  archevêché ,  d'un 
bailliage  ,  d'une  viguerie ,  d'une  amirauté  , 
&  d'un  bureau  des  cinq  grolîes  fermes.  Qua- 
tre évêques  ,  favoir  ,  ceux  de  Marleille  ,  de 
Saint-Paul-trois-Châteaux  ,  de  Toulon  ,  &c 
d'Orange  relèvent  de  fon  archevêque  , 
lequel,  lôus  le  titre  de  prince  de  Montdragon. 
&  avec  trente-trois  mille  Uvres  de  rente , 
gouverne  cinquante-une  pareilles ,  dans  Ion 
diocele   particulier. 

Cette  ville  eft  en  elle-même  grande  & 
bien  bâtie  :  l'on  y  trouve  neuf  églifes ,  une 
abbaye  ,  quatorze  couvens  ,  un  hôpital  &c 
une  académie  des  belles-lettres  ,  fondée ,  | 
par  une  inftitution  linguliere  ,  en  166S,  f 
pour  des  gentilshommes  uniquement.  L'on 
y  trouve  auffi  ,  peut-être  plus  que  dans  au- 
cun autreendroitde  la  France  ,  des  morceaux 
d'antiquité  dignes  de  l'attention  des  curieux, 
il  y  a  des  tombeaux  à  la  Romaine,  ^  des  urnes 
lépulcrales  ians  nombre  :  il  y  alesreftes  d'un 
capitule ,  d'un  théâtre  <!<>:  d'un  amphithéâtre, 
le  bulle  d'un  Elculape  entouré  d'un  lerpent , 
&:  un  obélilque  de  Porphyre  ,  érigé  &  ren- 
verlé  ,  on  ne  fait  à  quelle  date ,  mais  re- 
dreiTé  en  i6j^  ,3.  l'honneur  de  Louis  XI'V , 
fur  une  baie,  à  la  vérité  ,  de  roc  ordinaire , 
«Se  peu  proportionnée  par  conféquent  à  h 
beauté  de  la  matière  dont  la  pièce  eft  formée. 


ARL 

[  Arks  érigea  une  colonne  en  l'honneur 
du  grand  Conllantin  ,  fur  laquelle  on  voie 
CCS  mots  gravés  en  cinq  lignes. 

IMP.  Cjes.  Flav.  Val. 

CONSTANTINO    P.   F.    AUGUSTO  , 

PIO    TËLICI     AuGUSTO 

DIVI    CONSTANTI  Al/G.    PII 

FILIOy 

Areiatis  RESTITUTORI. 

En  effet ,  après  la  mort  de  Maximilien 
Hercule ,  Conltantin  tixa  Ion  léjour  à  Arles , 
dont  il  releva  les  murs  ruines  par  Crocus ,  en 
ayo  :  il  y  bâtit  un  p^liis  dont  la  tour  s'ap- 
pelle encore  aujourd'hui  le  château  de  la 
Trouil'e. 

C'ell  alors  qu'Arles  ,  pour  marquer  fa 
reconnoillance  envers  fon  rellaurateur ,  Ht 
élever  cette  colonne.  L'empereur  répondit 
par  les  liberaUtés  à  l'atlection  d'un  peuple 
qui  paroilloit  fi  zélé  pour  la  gloire  :  il  ht 
frapper  des  médailles  d'or ,  &c  en  diftribua  une 
grande  quantité  au  peuple.  M.  Terrin  ,  qui 
nous  a  donné  à  ce  lujet  une  bonne  dillerta- 
tion ,  en  cite  une  rapportée  par  Ducange  dans 
fou  ouvrage  des  médailles  &  des  familles 
Byzantines  ;  on  y  lit  :  virrus  Augujli  ;  & 
dans  l'exergue ,  P.  Are ,  c'eft-à-dire ,  per- 
cujfa  Arelare ,  frappé  à  Arles.  Voye'^  Jour, 
de  Trév.  févr.    izil  ,  page  50^.  J  (C) 

Ces  diverles  antiquités  ,  renfermées  dans 
Arles ,  font  aifémenc  juger  de  celle  de  la 
fondation  &  de  la  prolperité  de  cette  ville. 
Jules  Céfar,  dans  les  commentaires ,  parle 
déjà  d'Arles  fous  le  nom  d'Arelaie ,  &  dit 
qu'il  y  fit  conftruirc  douze  vaillcaux  ,  pour 
iervir  au  lîege  de  MarleiUe  ;  il  lalloit  que  les 
bouches  du  Rhône  dans  ce  temps-là  ,  fullent 
moins  en'ablées  qu'elles  ne  le  iont  aujour- 
d  hui.  ArLs  eut  part  à  ratteCtion  de  Conf- 
tantin  le  Grand,  qui  lui  donna  le  nom  de 
Conjlaruine  ;  &  à  celle  de  l'empereur  Ho- 
norius  ,  qui  lui  donna  le  pretedoire  des 
Gaules ,  a\'ant  que  le  fiege  en  fut  trans- 
féré à  Trêves.  {D.  G.) 

§  Arles,  {Géographie.)  petite  ville  de 
France  d;uis  le  Rouirillon ,  à  lix  lieues  de 
Perpignan,  au  piédu  Canigou  ,  lui  la  rivière 
du  fec.  il  y  a  deux  paroilfès  dans  cette  pe- 
tite ville ,  &c  une  abbaye  de  bénédictins , 
la  plus  confid.rable  qui  ioit  dans  cette  pro- 
YJuce  j  Ik  iameule  d'ailleurs  par  le  concours 


ARL  jfi 

cte  dévots  que  lui  attire  le  tombeau  ,  mira- 
caleulement  humide,  de  faint  Abdon  &  de 
laint  Scnnen.  {D.  G.) 

§  ARLEiHEIM  ,  (  Géog.  )  bourg  agréa- 
ble au  milieu  d'un  vallon  riant  &  fertile , 
dans  l'évêché  de  B'ile  ,  à  une  lieue  &  demie 
de  la  ville  du  même  nom  -,  léjour  des  cha- 
noines réguliers  du  chapitre  de  Baie  ,  com- 
pote de  nobles.  C'eft  dans  leur  corps  qu'ell 
choid  le  prince-évêque  ,  à  la  pluralité  des 
(uffrages.  Lors  de  Li  réformation  ,  le  cha- 
pitre lé  réfugia  de  Bâle  à  Fribourg  en  Brif- 
giu  ;  après  y  avoir  efluyé  toutes  fortes  d'ad- 
verfîfés  ,  particulièrement  pendant  la  guerre 
de  trente  ans ,  les  chanoines  obtinrent  enfin 
à  la  paix  de  Nimegue  en  167S,  la  liberté 
de  s'établir  à  Arlesheim.  {D.  A.) 

*  ARLEUX ,  petite  &  ancienne  ville  des 
Pays-Bas  dans  le  Cambrelis ,  fur  les  confins 
de  la  Flandre  ik  du  fiainaut.  Long,  xo,  ^$ ; 
lat.  50 ,  ij. 

ARLEY  ou  ARLAY  ,  (  Gécgr.)  petite 
leigneurie  de  France  dans  le  comté  de  Bour- 
gogne ,  (ur  la  rivière  de  Seille  ;  elle  étoit 
jadis  du  patrimoine  de  la  mai(on  de  Chi- 
lons ,  luccédée  par  celle  d'Orange  ;  &  le 
roi  de  Prulle ,  comme  cohéritier  de  cette 
dernière,  ne  dédaigne  pas  de  faire  entrer 
encore  le  titre  d'Arley  ou  Arlay ,  parmi  les 
liens  propres.  {D.  G.) 

§  ARLON  ,  (  Géog.  )  Le  territoire  à'Ar- 
Ion  ,  reconnu  depuis  long-temps  pour  l'une 
des  douze  prévotés  du  duché  du  Luxem- 
bourg ,  comprend  environ  cent  villages 
grands  &  petits.  Le  titre  de  Marquifat  lui 
lut  donné,  croit-on,  l'an  1103  ,  à  la  place 
de  celui  de  comté ,  fous  lequel  il  avoir  fait 
partie  jufqu'alors  du  pays  des  Ardennes. 
Quant  à  la  ville  à'Arlon  même ,  elle  eft 
bltie  iur  une  hauteur,  d'où  part  la  rivière 
de  Semoi ,  &  commandée  par  un  château 
encore  plus  élevé  qu'elle  ;  mais  les  François 
râlèrent  Tes  fortifications  proprement  dites 
en    i67i.(i).  G.) 

ARLSTEIN  ou  ARNOLDSTEIN  , 
(  Gèogr.  )  très-ancien  château  de  La  Carin- 
thie ,  dans  le  cercle  d'Autriche  en  Allema- 
gne. Il  appartient ,  avec  pluiîeurs  autres  du 
même  pays  ,  à  l  evêque  ae  Lamberg  ,  par 
donation  de  l'empereur  Henri  11 ,  îx:  il  tifc 
aujourd'hui  rempli  de  moines  de  làint  Ee* 
noit.  La  fouveraineté  de  cet  endroit  6c  de 


39*  ARM 

ceux  que  Bamberg  poflede  encore  dans  la 
Carimhie,  eft  un  long  &  ennuyeux  objer 
de  litige ,  entre  la  cour  de  Vienne  &  celle 
de  i'évêque.  {D.G.) 

ARLY  ,  (  Géog.  )  rivière  de  Savoie ,  qui 
defcend  des  montagnes  du  FolTigny  ,  reçoit 
les  torrens  de  Montoux  &  d'Aron ,  &  va 
fe  jeter  dans  l'Hère  ,  proche  de  Conflans. 
{D.G.) 

ARMA  ,  .(  Géog.  )  petite  province  de 
l'Amérique  méridionale  ,  dans  le  Popayan  , 
avec  une  ville  &  une  rivière  nommées  comme 
elle.  Le  fol  en  eft ,  dit-on ,  fi  fertile  ,  que 
l'on  y  moiflbnne  le  maïz  deux  fois  l'année. 
{D.G.) 

*  ARM  A  DE,  f.  f.  {Hifl.  mod.)  ou  le 
régiment  de  l'armade;  c'eft  celui  qui  a  droit 
de  garder  la  principale  porte  du  palais  du 
roi  de  Portugal ,  &  de  loger  dans  la  ville. 

ARMADILLE  ,  animal  quadrupède  , 
mieux  connu  Tous  le  nom  de  tatou,  f^oye^ 
Tatou.  (  /) 

Armadille  ,  f.  f,  {Marine.  )  On  appelle 
ainfi  un  certain  nombre  de  vailleaux  de 
guerre  ,  comme  fix  ou  huit ,  depuis  vingt- 
quatre  jufqu'à  cinquante  pièces  de  canon  , 
qui  forment  une  petite  flotte  que  le  roi 
d'Efpagne  entretient  dans  la  nouvelle  Efpa- 
gne  pour  garder  la  côte ,  &  empêcher  que 
les  étrangers  n'aillent  négocier  avec  les  Efpa- 
gnols  &c  les  Indiens.  Cette  flotte  a  le  pou- 
voir de  prendre  même  tous  les  vailîeaux 
efpagnols  qu'elle  rencontre  à  la  côte  fans 
perraifïîon  du  roi. 

La  mer  du  Sud  a  fbn  armadille ,  de  même 
que  celle  du  Nord;  celle-ci  réfide  ordinai- 
rement à  Cartliagene ,  &  l'autre  à  Callao , 
qui  eft  le  port  de  Lima. 

Armadilles  :  c'eft  aufîî  une  efpece  de 
petits  vaifl'eaux  de  guerre  dont  les  Efpagnols 
fe  fervent  dans  l'Amérique.  (  Z  ) 

ARMAGAPvA,  {Géog.)  ville  de  l'In- 
de ,  en  deçà  du  Gange ,  fuivant  Ptolomée. 
(D.G.) 

ARMAGH  ,  (  Géog.  )  Cette  ville ,  que 
les  guerres,  les  féditions ,  les  incendies,  ont 
fucceiïivement  réduite  à  la  milere  ,  eft 
cependant  encore  le  iiege  d'un  archevêque, 
primat  d'Irlande,  &  la  feule  avec  Charle- 
mont,  capitale  de  Ion  comté  ,  qui  envoie, 
pour  J,rmng,h  ,  des  députés  au  parlement. 
(Z?.  G.) 


A  H  M 

"f-  ARMAGNAC  ,  province  de  France , 
avec  titre  de  comté,  d'environ  ii  lieues  de 
long  fur  \6  àt  large  ,  dans  le  gouvernement 
de  Guienne ,  bornée  à  l'orient  par  la  Ga- 
ronne ,  au  fond  de  la  Bigorre  &  le  Déarn, 
à  l'occident  par  la  Gafcogne  particulière  , 
au  feptentrion  par  le  Condomois  &  l'A  gé- 
nois :  Auch  en  eft  la  capitale.  Il  y  a  le  haut 
&  le  bas  Armagnac. 

§  C'eft  un  pays  généralement  fertile  en 
grains  ,  en  vins  &  en  bons  fruits ,  &  d'où 
l'on  exporte  du  marbre ,  du  plâtre ,  du  fal- 
pêtre  &  des  eaux-de-vie.  Il  y  a  eu  long-temps 
les  comtes  particuliers ,  qui  formoient  une 
branche  de  l'ancienne  maifon  de  Gafcogne  , 
&  dont  le  dernier ,  peu  fîdele  au  roi  Louis 
XI,  fut  tué  au  fiege  de  Ledloure  en  1470. 
{A.  G.) 

ARMAMAR  ,  (  Géog.  )  ville  de  Portu- 
gal ,  dans  la  province  de  Beira,  au  départe- 
ment de  Lamego  :  l'on  n'y  trouve  que  deux 
égliles  paroifïiales  ;  preuve  du  peu  de  con- 
iidération  qu'elle  mérite;  car  dans  ce  pays- 
là  les  moindres  villes  ont  plufieurs  égliles. 
{D.G.) 

ARMAND  ,  terme  ufité  parmi  les  maré- 
chaux ,  eft  une  efpece  de  bouillie  qu'on  fait 
prendre  à  un  cheval  dégoûté  &  malade, 
pour  lui  donner  de  l'appétit  &  des  forces  : 
en  voici  lacompofîtion. 

Prenez  plein  un  plat  de  mie  de  pain  blanc 
émié  bien  menu  ;  mouillez  -  la  a\'ec  du 
verjus,  y  mettant  trois  ou  quatre  pincées  de 
fel  (  au  défaut  de  verjus  le  vinaigre  pourra 
fervir ,  )  &  fuffilante  quantité  de  miel  rofat 
ou  violât ,  ou  à  leur  défaut ,  du  miel  com- 
mun :  faites  cuire  cette  pâte  à  petit  feu  pen- 
dant un  quart-d'heure  pour  en  oter  l'humi- 
dité fuperflue,  &  ajourez-y  de  la  canelle  en 
poudre  le  poids  de  deux  écus ,  une  douziiine 
&  demie  de  clous  de  girofle  battus ,  une 
mufcade  râpée  ,  &  demi-livre  de  cafTon- 
nade  :  remettez  le  tout  fur  un  petit  fèu  ,  Se 
laiftez  cuire  à  feij  lent  un  demi-quart  d'heure , 
remuant  de  temps  en  temps  avec  une  fpa- 
tule  de  bois ,  pour  bien  mêler  le  tout ,  Se 
foire  incorporer  les  aromates  avec  le  p.ain  Se 
le  miel  ;  mais  il  faut  peu  de  feu  ,  parce  que 
la  vertu  des  drogues  s'exhale  promptemcnt 
par  le  moindre  excès  de  chaleur. 

Il  faut  'avoir  un  nerf  de  banif ,  &  mettre 
tremper  le  gros  bout  dans  l'eau   pendant 

quatre 


ARM 

quAtre  ou  cing  heures;  &  après  qu'il  fcr.i 
ramolli  de  la  iorte  ,  le  faire  ronger  au  che- 
val ,  qui  1  àpplatira  peu  à  peu  :  ou  biai 
vous  l'appla tirez  avec  un  marteau  ,  &  y 
mcrtrez  enluitc  gros  comme  une  noix  de 
Vnimnid  :  vous  ouvrirez  d'une  main  la 
bouche  du  cheval ,  lui  fainint  tenirh  lanpu? 
par  quelqu'un  avec  la  main ,  iS:  la  téce  aulïi, 
de  peur  qu'il  ne  la  remue;  &  vous  inrro- 
duirez  votre  ncrfainh  charge  ,  le  plus  avant 
qu'il  fera  poflible.  Dès  qu'il  aura  pénétré 
allez  avant  dans  Ij  bouche  ,  il  faut  lui  lâcher 
la  langue,  &  lui  lailler  mVher  le  nerf  de 
bœuf  &  l'jrmj/it/toutenfemble  l'elpace  d'un 
fiur  ;  vous  lui  en  remettrez  enfuite  jufqu'à 
cinq  ou  (ix  fois ,  &  le  lailTèrez  manger  au 
bout  de  trois  heures ,  pour  lui  redonner 
Varmand  ;  &  continuerez  delà  iorte  de  trois 
■  en  trois  heures. 

h'nrmand  eft  utile  à  tous  les  chevaux  dé- 
goûtés (Se  malades ,  pourvu  qu'ils  n'aient 
foint  de  fièvre.  Il  nourrit  &  &it  revenir 
appétit ,  (Se  ne  manque  jamais ,  lorlqu'on 
fourre  tout  doucement  le  nerfjulqu'au  fond 
du  gofier,  de  faire  jeter  au  dehors  quantité 
de  flegmes  amers  &  bilieux  qui  çaulènt 
le  dégoût.  Il  faut  à  chaque  fols  qu'on  retire 
lencrfdu  gofier  ,  le  nettoyer  &  l'eduyeravec 
du  foin.  Solleyfel ,  Farfaitmaréchal. 

Unrrr.andt^  bon  pour  déboucher  le  gofier 
d'un  cheval  qui  auroit  .avalé  une  plume  ou 
telle  autre  ordure  lemblable  ,  enfonçant  par 
Çlufieurs  fois  le  nerfchargé  à'  armand]\xÇ(^d'3M. 
Fond.  On  éprouvera  que  l'ulage  de  ce  re- 
mède ne  fût  aucune  violence  au  cheval ,  & 
qu'il  le  nourrit  &  le  remet  en  appétit;  mais 
fi  le  maréchal  a  la  main  rude  ,  &  que  le 
nerf  ne  foit  pas  amolli ,  il  peut  crever  le 
gofier  du  cheval ,  Se  le  faire  mourir  par  la 
fuite  :  mais  cela  arrive  fort  narement.  Ihid. 

Autre  armand  pour  un  cJicval  dégoûté. 
Prenez  une  livre  de  mie! ,  &le  faites  un  peu 
cluuffer  ;  un  demi  -  verre  de  vinaigre  ,  & 
un  peu  de  farine  de  froment  cuite  au  four  : 
faites  a-.ire  doucement  le  tout  dans  un  pot 
devant  le  feu  :  ajoutez-y  une  canelle  râpée , 
&  pour  deux  liards  de  girofle  battu.  Quand 
le  tout  fera  cuit ,  vous  le  ferez  prendre  au 
clieval  le  mieux  que  vous  pourrez. 

Comme  un  cheval  peut  être  dégoûté  parce 
qu'il  eft  malade ,  &  que  fi  on  laiiibit  .-.gir  la 
nature  il  fcroircn  dangerdcfelaillcr  atténuer 
Tomt   III, 


A    Iv    M  35?  3 

faute  Gc  nourriture  ,  on  prend  du  gruau  ou 
de  l'orge  mondé  qu'on  hit  bouillir  dans  Un 
pot  (lins  beurre,  puis  on  le  donne  tiède  au 
cheval  ;  ce  qui  fuff.t  pour  le  fourenir  d.-ms 
fou  mil  ,  &  empjchcr  qui!  ne  meure  de 
fiim.  (  V) 

J-  ARM  ANOTH ,  (  G'ocr.  )  province  de 
i'Iicoileicprenrrionale,  qui  tait  partie  de  la 
province  de  Ro!s,  entre  celles  de  Loquabir 
&de  Murrai. 

/•ARMANSON  ou  ARMENîON,  ri- 
vière de  France  en  Bourgogne  ,  qui  a  fa 
iource  au  defliis  de  Semur  oii  elle  pafic  , 
reçoit  la  Rrenne  jarrofe  Tonnerre ,  &  le  jette 
dans  l"i"onne  à  la  gorge  A'Armanfon  ,  près 
d'Auxerre. 

ARMARINTE,  f.  i.c^tchrys  {Hift.  nat. 
t'ot.  )  genre  de  plante  à  fleurs  en  ro!'e  ,  fou- 
tenues  par  des  rayons  en  forme  de  paraibl , 
compofées  de  plufieurs  pétales  difpofés  en 
rond  lur  un  calice  qui  devient  dans  la  fuite 
un  fruit  compolé  de  deux  pièces  faites  en 
demi-ov.ale ,  d'une  matière  fpongieuie ,  lilTes 
dans  quelques  cfpeces ,  cannelées  &  rabo- 
teufes  dans  quelques  autres  :  ces  deux  pièces 
renferment  ch.rcune  une  femence  iemblable 
à  un  grain  d'orge.  Tournef.  Injl.  rei.  herb. 
Voyei^  Plante.  (/) 

ARM  ATA  ,  (  Myth.  )  furnom  fous  le- 
quel les  Lacédémoniens  honoroient  Vénus, 
qu'ils  rcprélentoient  armée. 

ARMATEUR  ou  CAPRE  ,  (  Marine.  ) 
on  appelle  ainfi  le  commandant  d'un  vailTeau 
qui  eft  armé  pour  croifèr  lur  les  bâtimens  dm 
parti  contraire;  &  c'ell:  aulfi  le  nom  Ipécieux 
que  prennent  les  pirates  ,  pour  adoucir  celui 
de  corfaire. 

On  appelle  aulTî  armateurs  les  marclrands 
qui  afretent  ou  équipent  un  vaifleau  ,  foit 
pour  la  courfe ,  foit  pour  le  commerce.  (  Z  ) 

ARMATURE,  f.  f.  (Fonderie.)  Les 
fondeurs  en  (latues  cqueftres  &  en  grands 
ouvrages  de  bronze ,  appellent  airifi  un 
alfemblage  de  ditférens  morceaux  de  fer, 
pour  porter  le  noyau  &■  le  moule  de  potée 
d'un  ouvrage  de  bronze.  Ceux  d'une  forme 
pyramidale  n'ont  pas  be'oin  d'une  forte  ar- 
mature ,  parce  que  la  bafe  foutient  les  partiel 
d'au  dcliUs  qui  diminuent  de  grolleur  ;  &  il 
fuffit  d'y  mettre  quelques  barres  de  fer ,  dans 
lefquelles  on  palfe  d'autres  fers  plus  menus 
qu'on  appelle  lardons  ,  pour  lier  le  noyau 

Aaa 


.Î04  ARM 

avec  le  moule  de  potce.  Voye:^  Fonderie  , 

Noyau  ,  Lardon  ,  6c. 

Quelques  fers  de  V armature  font  faits  pour 
lefter   toujours  enfermes  dans  le  bronze  , 
parce  qu'ils  fervent  à  donner  plus  de  Iblidité 
aux  parties  qui  portent  le  hirdeau  ;  les  autres 
font  faits  de  manière  qu'on  peut  les  retirer 
lorfque  Touvrage  efl:  fondu  :  &  de-là  vient 
qu'onleshiitdepluiieurs  pièces  attachées  les 
inies  aux  autres  avec  des  vis,  des  boulons 
&  des  clavettes ,  afin  de  pouvoir  les  tourner 
dans  le  vuide  du  bronze  lorlqu'on  en  otele 
noyau.  Il  faut  obferver  en  forgeant  les  fers 
de  {'armature  ,  de  leur  donner  un  contour 
fort  coulant,  pour  ne  pas  corrompre  les  cor- 
pufcules  du  fer,ce qui  lui  oteroit  toute  ia  force. 
Pour  mettre  en  leur  place  tous  les  fers  de 
l'armature  ,   on  commence    par  démolir  la 
grille  &  le  maflif  qui   portoit    dellus,  de 
façon  qu'on  puilfe  alVembler   &:    river  les 
principaux  fers  fur  la  bafe  de  l'armature. 

Armature,  (  en  ArchiteB.)  nom  gé- 
nérique fous  lequel  on  comprend  toutes  les 
barres ,  boulons,  clés ,  étriers  &  autres  liens 
de  fer  qui  Icrvent  à  contenir  un  aflèmblage 
de  charpente. 

*  ARME ,  ARMURE  ,  (  Qram.  )  Arme 
fe  dit  de  tout  ce  qui  fert  au  foldat  dans  le 
combat ,  foit  pour  attaquer ,  foit  pour  le 
défendre  :  armure  ne  s'entend  que  de  ce  qui 
fert  à  le  défendre.  Oji  dit  une  armure  de 
tête,  de  cuilTe  ,  &c.  Dcm  Quichotte  prend 
vm  baffin  à  barbe  pour  une  armure  àtièxt, 
èi  fait  tcmJoer  fur  des  moulins  à  vent  l'effort 
de  fes  armes.  La  mode  des  armures  cil 
piiffée  ,  mais  celle  àcs armes  nepallera  point. 
y^oye^les  Sy non.  franc. 

Arme  ow  Scie  a  main,  (Luth.  Menuif. 
Mari.].)  outil  dont  fe  lervent  les  facteurs  de 
clavelTin ,  les  ébéniftés ,  les  menuifiers ,  &c. 
cft  un  feuillet  de  Icie  très -mince  &  fort 
large  ,  denté  dans  toute  la  longueur.  Voye:^ 
SeiE    A    MAIK.    {Luth.) 

Arme  les  avirons  ,  (  Marine.  )  c'cft  un 
commandement  de  mettre  les  avirons  fur  le 
bord  de  la  chaloupe ,  tout  précsà  (ervir.  (  Z) 
Armes  ,  1.  f.  {Art  militaire.  )  le  dit  en 
génjral  de  tout  ce  qui  peut  fervir  à  fe  ga- 
rantir ou  couvrir  des  attaques  de  l'eunemi 
&  à  le  combattre.  Nlcod  îait  venir  ce  mot 
d'une  phrafe  latine,  i/uôd  operiant  armos , 
parce  qu'elles  couvrent  les  épaules  ou  les 


ARM 

flancs  ;  maïs  il  pàroit  qu'il  vient  plutôt  cïu 
latin  arma  ,  que  Varron  d>.'rive  al'  arcendo^  eo 
qu(jd  arceant  kufics.  On  croit  que  les  pre- 
mières armes  étoient  de  bois  &  qu'elles 
lervoicnt  uniquement  contre  les  bêtes;  que 
Nembroth  ,  le  premier  tyran ,  les  employa 
contre  les  homiries ,  &;  que  Ion  fils  Belus 
tut  le  premier  qui  ht  la  guerre  ;  d'où ,  félon 
quelques-uns ,  il  a  été  appelle  Bdlum.  Dio- 
dore  de  Sicile  croit  que  Belus  eft  le  même 
que  Mars ,  qui  drella  le  premier  des  foldats. 
Selon  Joieph  ,  ce  fut  Moyie  qui  comm.ènça 
à  armer  les  troupes  avec  du  fer ,  on  le  fer- 
voit  auparavant  d'(7//77«  d'airain.  Les  armes 
(ont  oltendves  ou  défenfives  ;  les  premières 
fervent  à  attaquer  l'ennemi,  les  autres  à  le 
couvrir  de  les  coups.  Les  ar/nw chez  les  Ro- 
mains étoient  dcfenfives  ou  offenhves;  les 
offenlives  étoient  principalement  le  trait  :  il 
y  en  eut  de  bien  des  efpeces ,  Iclon  les  diffé- 
rens  ordres  des  foldats.  Les  foldats  armes  à 
la  légère  s'appelloient  en  général  /ère/2rûn7. 
Les  Vclites  qui  furent  créés  en  541,  cef- 
ferent  quand  on  donna  le  droit  de  bour- 
geoifie  à  toute  l'Italie  :  on  leur  lubftitua  les 
frondeurs  ,  funditores ,  &  les  archers  ,  ja- 
culatores.  Les  armes  des  Vélites  étoient  pre- 
mièrement le  fabre  d'Efpagne  ,  commun  à 
tous  les  foldats;  ce  fabre  avoit  une  excel- 
lente pointe  ,  &  coupoit  des  deux  côtés , 
en  forte  que  les  foldats  pouvoient  le  lervir 
du  bout  &  des  deux  tranch.ans  :  du  temps 
de  Polybe  ils  le  ponoient  à  la  cuille  droite. 
Ils  avoicnt  en  fécond  lieu  iept  javelots  ou 
demi  piques  qui  avoient  environ  trois  piés 
de  longueur ,  avec  une  pointe  de  neuf  doigts. 
Cette  pointe  étoit  fi  fine,  qu'on  iie  pouvoir 
renvoyer  le  javelot  quand  il  avoit  été  lancé, 
parce  que  cette  pointe  s'émoufloi'"  en  tom- 
bant. Ils  portoient  un  pedt  bouclier  de  bois 
d'un  demi-pié  de  large  ,  couvert  de  cuir. 
Leur  calque  étoit  une  efpece  de  chaperon 
de  peau  ,  appelle  gûla  ou  g.ilerus  ,  qu'il  fiill 
bien  diftinguer  des  calques  ordinaires,  qui 
étoient  de  métal  ,  &  qu'on  appelloit  caps: 
cette  forte  de  calque  étoit  allez  connue  chez 
les  anciens.  Les  armes  des  piquiers  iS:  des 
autres  loldats  croient  premièrement  un  bou- 
clier ,  qu'ils  apj->elloient  /tr«/z/OT,  dilférent  de 
celui  qu'ils  nommoicntc/jpruj;  celui- ci  etoïc 
rond  ,  &  Piutrc  ovale.  La  largeur  du  bou- 
clier étoit  de  deux  piés  Cic  demi ,  5c  fa  l©ar 


ARM 

giiw.r  écQÎt:  de  près  de  quatre  pics;  de  façon 
qu'un  homme  ,  en   le  courbant   un  peu , 
pouvoir  flicilemenr  s'en  coûV.'ù'  j  garce  qu'il 
écoit  fair  en  forme  de  tuile  creulè  ,  imbri- 
cata.  On  failoit  ces  boucliers  de  bois  Icgci" 
&  pliant ,  qu'on  couvroit  de  peau   ou  de 
toile  peinte.  C'eft    de    cette   coutume   de 
peindre  les  armes  que  lont  venues  dans   la 
luite  les  armoiries.  Le  bout  de  ce  bouclier 
étoit  garni  de  ter  ,  atîn  qu'il  piit  réfillerplus 
facilement  ,    iIn;  que    le  bois  ne   le  pourrit 
point  quand  on  le  poloit  à  terre  ,  comme  on 
le  failoit  quelquefois.  Au  milieu  du  bouclier 
il  y  avoit  une  bolle  de  fer  pour   le  porter  , 
on  y  attachoit  une  courroie.  Outre  le  bou- 
clier ,  ils    avoient  des  javelots  qu'ils  nom- 
moient  pila  ;  c'éroit  Varmc:  propre  des  Ro- 
mains :  les    uns    croient  ronds   &    d'une 
grolleur  à  remplir  la  main:  les  autres étoient 
quarrc's ,  ayant  quatre  doigts  de  tour  ,  &  le 
bois  quatre  coudées  de  longueur.  Au  bout 
de  ce  bois  étoit  un  fer  à  crochet  qui  failoit 
qu'on  ne  retiroit  ce  bois  que  très-difficile- 
ment :  ce  fer  avoit  à-peu -près  la  même  lon- 
gueur que  le  bois.  Il  étoit   attaché  de  rha- 
niere  que  la  moitié  tenoit  au  bois ,  (ik:  que 
l'autre  fervoit  de  pointe  ,    enforte  que  ce 
javelot  avoit  en  tout  cinq  coudées  &  demie 
de  longueur  ;  l'épaiiTeur  du   fer  qui  étoit 
attaché  au  bois  ,  étoit  d'un  doigt  &  demi  : 
ce  qui  prouve  qu'il  dcvoit  être  tort  pelant , 
&  dcvoit  percer  tout  ce  qu'il  atteignoit.  On 
fe  fervoit  encore  d'aurrcs  traits  plus  légers 
qui  reliembloient  à-peu-près  à  des  pieux. 
Ils  portoicnt  auffi  un  cafque  d'airain  ou 
d'uij  autre  métal ,  qui  lailloit  le  vilage  dé- 
couvert :   d'où  vient  le  mot  de  Céiar  à  la 
bataille  de   Pharfale  ;   Soldats  ,  frnppc^^  au 
vifage.  On  voyoit  flotter  fur  ce  cafque  une 
aigrette  de  plumes  rouges  &  blanches ,  ou 
de  crin  de  cheval.  Les  citoyens  de  la  pre- 
mière clallè  étoient  couverts  d'une  cuirallè 
qui  étoit  bite  de  petites  mailles  ou  chaînons, 
&  qu'on   appelloit  famata  :    on  en   faifojt 
auiïi  d'écaillés  ou  de  lames  de  feT  :  celles-ci 
étoient  pour  les  citoyens  les  plus  diftingués  ; 
elles  pouvoitnt  couvrir  tout  le  corps.  Hélio- 
dore  ,  Mthiop.  Uv.  IX ,  en  fait ,  vers  le  milieu 
de  fon  ouvrage,  une  defcription  fort  exadle. 
Cependant  la  plupart  portoient  des  cuiraf- 
fes  de  lames  d'airain  de  1 1  doigts  de  largeur, 
qui  couvraient  feulement  h  poitrine. 


ARM  35J 

Le  bouclier ,  le  cafque  &C  la  cuirafie  étoient 
enrichis  d'or  &  d'argent  ,  avec  différentes 
ligures ,  qu'on  gravoit  dellu:;  ;  c'eft  pourquoi 
on  les  portoit  toujours  couvertes,  excepté 
dans  le  combat  &  dans  diftérentes  céré- 
monies, i-^'"  Romains  portoient  auffi  des 
bottmes ,  mais  queL]'.:^'"'^  "■--  -eulc  à  unç 
des  deux  jambes.  Les  loldats  iur-tout  por- 
toient de  petites  bottines  garnies  de  clous 
tout  autour  ,  c^u'on  appelloit  caligx  ,  d'où 
eft  venu  le  mot  de  Caligula  ,  que  l'on  donna 
à  l'empereur  Caïus ,  parce  qu'il  avoit  été 
élevé  parmi  les  fimples  loldats  dans  le  camp 
de  Germanicus  Ion  père. 

Dans  les  premiers  temps  les  cavaliers , 
chez  les  Romains ,  n'avoient  qu'une  elpece 
de  vefte  ,  afin  de  m.onter  plus  facilement 
à  cheval.  Ils  n'avoient  ni  étriers  ni  felle  , 
ipais  feulement  une  couverture  qui  leur  en 
fervoit.  Ils  avoient  au  in  des  piques  très-légè- 
res &  un  bouclier  de  cuir;  mais  dans  la 
luite  ils  empruntèrent  leurs  armes  des  Grecs, 
qui  conlirtoient  en  une  grande  épée ,  une 
pique  lojigue  ,  une  cuirallè  ,  un  cafque  , 
&  un  bouclier.  Us  portoient  aulTi  quelque- 
fois des  javelots.  Nieupoort ,  coutumes  djs 
Ilomaiiis. 

Les  armes  des  François ,  lorfquc  Clovis 
fit  la  conquête  des  Gaules ,  étoient  la  hache , 
le  j.avelot ,  le  bouclier  &  l'épée.  Procope, 
fecretaire  du  fameux  Bclifaire  ,  parlant  de 
l'expédition  que  lesFran(pis  firent  en  Italie , 
fous  Théodoric  I  ,  roi  de  la  France  Auftra- 
lîenne  ,  dit  que  ce  roi  ,  parmi  les  cent  mille 
hommes  qu'il  conduiloit  en  Italie  ,  avoit 
fort  peu  de  cavaliers ,  qui  étoient  tous  au- 
tour de  fa  perfonne.  Ces  cavaliers  feuls 
portoient  des  javelots,  qui  Joli  hajlas fer  ebant; 
tout  le  relie  étoit  infanterie.  Ces  piétons 
n'avoient  ni  arc  ni  javelot  ;  non  arcu  ,  non 
hafiâ  armati  ;  toutes  leurs  armes  étoient  une 
épée ,  une  hache  ,  &  un  bouclier.  Le  fer 
de  la  hache  étoit  à  deux  tranchans;  le 
manche  étoit  de  bois  &  fort  court.  Au  mo- 
ment qu'ils  entendoient  le  lignai ,  ils  s'avan- 
çoient ,  &  au  premier  aflàut  ,  dès  qu'ils 
étoient  à  portée  ,  ils  lançoient  leur  hache 
contre  le  bouclier  de  l'ennemi ,  le  calToient , 
&  puis  fautant  l'épée  à  la  main  fur  leur 
ennemi  ,  le  tuoient. 

Les  calques  &  les  cuirafles  n'étoient  guère 
ea  uiàge  parmi  les   François  du  temps  de 

Aiia  2. 


35>^  ARM 

nos  premiers  rois  :  mais  cet  ufage  fur  intro- 
duit p^ii  à  peu.  Ces  cuirallès ,  dans  les  pre- 
miers temps ,  étoient  des  coues  Je  mailles , 
qui  couvroient  le  corps  depuis  la  gorge 
jufçiu'aux  cuidès  ;  on  y  ajouta  depuis  des 
mr.nches  &  des  chau dures  de  même.  Comme 
une  partie  de  l'adrcP':  J^s  combarcans ,  fuit 
«aâri.î  icâ  unta:Ues  ,  foie  dans  les  combats  par- 
ticuliers ,  étoit  de  trouver  le  défaut  de  la 
ciiirallèj  c'ert- à-dire  les  endroics  où  elle  fe 
joignoit  aux  autres  pièces  de  l'armure  ,  afin 
de  percer  par-là  l'enricmi ,  nos  anciens  che- 
valiers s'appliquoient  à  remédier  à  cet  incon- 
vénient. 

G  uillaumiC  le  Breton  ,  de  Rigord  ,  tous 
deux  hiftoriensde  Philippe  Augulle  ,  remar- 
quent que  ce  fut  de  leur  temps  ,  ou  un  peu 
auparavant ,  que  les  chevaliers  réuiïîrent  à 
fe  rendre  prerqu'iiivulnérables ,  par  l'expé- 
dient qu'Us  imaginèrent  de  joindre  tellement 
toutes  les  pièces  de  leur  armure  ,  que  ne  la 
lance  ,  lu  l'épée  ,  ni  le  poignard  ,  ne  pulîent 
guère  pénétrer  jufqu'à  leur  corps ,  &  de  les 
rendre  h  fortes ,  qu'elles  ne  pulTènt  être  per- 
cées. Voici  ce  que    dit  Rigord  là-delî'us. 
"  Le  chevalier  Pierre  de   Mauvoilm  ,   à   la 
,,  bataille  de  Bovines ,  failît  par  la  bride  le 
,,  cheval  de  l'empereur  Othon;  &  ne  pou- 
jj  vant  le  tirer  du  milieu  de  Tes  gens  qui 
„  l'entraînoicnt ,  un  autre  chevalier  porta 
„  à  ce  prince  un  coup  de  poignard  dans  la 
„  poitrine  :  mais  il  ne  put  lebleilcr  ,  tant  les 
j,  chevaliers  de  notre   temps ,    dit-il ,  font 
35  impénétrablement  couverts.  ,,  Et  en  p;r- 
lant  de  la  prife  de  Renaud  de  Damn:iartin  , 
comte  de  Cologne ,  qui  étoit  dans  la  même 
barai'.le  du  prn-tid'Othon.  "Ce comte  ,  dit- 
_,,  il  ,  étant  abattu  &  pris  fous  Ton  cheval. . .  . 
y,  un  fort  garçon  ,  appelle  Commote  ,  lui  ôta 
„  fon  ca(<pae  ,   &  le  blella  au   vilage. ...  Il 
,,  voulut  lui  enfoncer  le  poignard  dans  le 
„  ventre  ;  mais  les  bottes  du  comte  étoient 
},  tellement  attachées  &:  uniei  aux  pans  de 
jj  la  cuiralle  ,    qu'il  lui  Rit  impolTible  de 
,,  trouver  un  endroit    pour    le  percer.   ,, 
Guillaume  le  Breton  décrivant  la  même  ba- 
raille   ._  dit    la   même    cho'e   encore    plus 
cxpiedemenr  ,  ce  qui  m-^rque  dillindement 
que  cette  manière  de  s'armer  avec  tant  de 
précaution  étoit  nouvelle;  que  c  ctoit  pour 
cela  que  dans  les  batailles  on  fbngeoit  à  tuer 
ics  chevaux  i  pour  renvcr.^er  les  c.^Y»liers , 


ARM 

&:  enluitt  les  adommerou  les  preivJre,  par- 
ce qu'on  ne  pouvoit  vciû."  à  bout  de  percer 
leurs  armures, 

• Equorum    vifcera  rumpunt 

Demi  s  ghidiis  dombiorum  corporc  qiian^h 
Ncn  patitur  fcrro  conti/igi  ferrta  vejlis  , 
lahuntur  icâi ,  lapfs  ricloribus  ;  &  fie  , 
Vinabdes  mugis  exiffunt  in  puheiejlraii : 
Sed  nec  tune  aeics  valet  illos  tangcre  ferro  , 
Ni  prias  armurum  careat  munimine  corpus: 
Toiferrifua  memhraplieis,tot  quifquî'fatenis 
Peciora,  tôt  eoriis,  lot  ganihufonihus  armant. 
Sic  mcgis  attcmi  funt  fe  miinire  mod^rni  , 
Qiiàmfuerint  lAirn  vcieres 

Et  il  fait  la  réflexion  que  c'étoit  pour  celi 
que  dans  le  temps  paile,  où  l'on  ne  prenoit 
pas  tant  de  précaution  ,  il  périilbit  tant  de 
gens  dans  les  batailles. 

ubi  millia  mille 

Unà  fixpe  die  legiiuus  eei.idijjc  virorum  ; 
Nam  malii   dum    erefcunt  ,  crefcit    cauteLi 

malorum  ; 
Munimcn,]ue  iiovum  contra  nova  te!a  repcr- 
tum  ejl. 
De  forte  que  dans  le  temps  dont  il  parle , 
pourvu  que  le  cheval  nefacpomtrenverlé, 
que  le  cavalier  le  tînt  bien  ferme  fur  les 
éiricrs  ,  lorlque  l'ennemi  venoit  tondre  (ut 
lui  avec  la  lance  ,  il  étoit  invulnérable , 
excepté  par  la  villere  du  calque.  Il  falloic 
être  bien  adroit  pour  y  donner  ;  &  c'ctoic 
à  acquérir  cette  adrelle  que  fervoient  divers 
exercices  en  uiage  ,  comme  les  tournois , 
&  autres  divercillemens  milit.ùres  de  ccs 
temps-là.  On  y  acquéroit  cette  jullelle  de 
bien  diriger  la  lance  dans  la  courle  de  U 
bague  ,  &  dans  quelques  autres  exercices. 
Lesblellures  que  les  chevaliers  remportoier.c 
alors  des  combats  n'étoient  d'ordinaire  que 
des  contulions  ,  caufécs  ou  par  les  coups 
de  mallue  qu'on  leur  déchargeoit ,  ou  par 
de  violens  coupsde  labre  qui  taulloient  quel- 
quefois l'armure;  «Se  rarement  étoient -ils 
bleflés  julqu'au  fang  :  ainll  ceux  qui  étoient 
les  plus  roburtes  &  les  plus  forts  pour  por- 
ter leurs  armes  très-pelantes,  ou  pour  alié- 
ner ,  ou  pour  foutenir  mieux  un  coup  , 
avoient  l'avantage;  de  (ortequ'rlors la  force 
tiu  corps  entroit  beaucoup  plus  dansles  qua- 
lités du  héros  qu'aujourd  hui. 
i      *  '  Quant  aux  hommes  de  cheval ,  die 


AR  M 

«»  Faucliet ,  ils  chaunôienc  des  cluulTes  de 
i>  mailles ,  des  éperons  à  inolecies  ,  auiït 
"  larges  que  la  paume  de  la  main  ;  car  c'ell 
»  un  vieux  moc  que  le  chevalier  commence 
«  à  s'armer  par  les  chaudes  ;  puis  0!i  don- 
>'  noie  un  gobidon  ....  c'étoic  un  vèrcmenc 
»  long  julque  lur  lescuifles ,  ^  contrepointé: 
»  dcllus  ce  gobillon  ils  avoienc  une  chemile 
»  de  mailles ,  longue  julqu'au  delîous  des 
"  genoux  ,  appelK'e  auber  ou  haub^r  ,  du  m(>t 
»  aibus  ,  pource  que  les  mailles  de  ter  bien 
»  polies ,  forbies ,  iSc  reluifantts,  en  lem- 
»  bloicnt  plus  blanches.  A  ces  chemiies 
»  ccoient  coufucs  les  chaudes ,  ce  dilencles 
»  annales  de  France ,  en  parlant  de  R.enaud  , 
«  comte  de  Dammartin  ,  comibattant  à  la 
«  bataille  de  Bovines.  Un  capuchon  ou 
»  coiffe,  aufTi  de  mailles,  y  tenoic,  pour 
»  mettre  auffi  la  tête  dedans  ;  lequel  c.ipu- 
»  chun  fe  rejeroit  derrière  ,  après  que  le 
»  chevalitr  i'éîoic  oté  le  heaulmc ,  &  qu.md 
»  ils  vouloient  fe  rafra  chir  flins  oter  tout 
"  leur  hariiois  ;  ainli  que  l'on  vo  t  dans 
»  pluiîeurs  Tépultures ,  le  hauber  ou  brugr.e, 
»  ceint  d'iuie  ceinture  en  large  courroie . . . 
»  &  pour  dernière  arme  détenlive  un  ehne 
»  ou  heauime ,  fait  de  plulieurs  pièces  de 
»  fer  élevées  en  pointe ,  &  lequel  couvroit  la 
»tctc,  le  vifrge,  &  le  chir.on  du  cou  , 
:>  avec  la  viiîere  &  ventaille,  qui  ont  pris 
"leur  nom  de  rue,&C  de  vent,  lefquels 
»  pouvoienr  s'élever  &  s'abailler  pour  pren- 
»  dre  vePit  &:  haleine  ;  ce  néanmoins  fort 
»>  poifant ,  &  fi  malaifé  ,  que  quelquefois 
}>  un  coup  bien  afîené  au  naGl  ,  ventaille 
»  ou  vifiere  ,  tournoit  le  devant  derrière  , 
»  comme  il  avinten  ladite  bataille  de  Eovi- 

»  nés  à  un  chevalier  Fr.^nçois Depuis, 

"  quand  les  heaulmes  ont  mieux  reprélenté 
»  la  tète  d'un  homme  ,  ils  furent  nommés 
»  bourguignotes  ;  pofTiblc  à  caule  des  Bour- 
"  guignons  inventeurs  ;  par  les  Italiens  fer- 
»  lades ,  ou  cclaies  armcts. .  .  .  Leur  cheval 
"  étoit  volontiers  bouffé  ,  c'eft-à-dire  cou- 
»  vert  ^'  caparaçonné  de  (oie  ,  aux  armes 
"  &  blaion  du  chevalier ,  iSc  pour  1 1  guerre, 
»  de  cuir  bouilli ,  ou  de  bandes  de  fer.  " 

Cette  manière  de  s'arm.er  tout  de  fera  duré 
long-temps  en  France;  &  elle  écoit  encore 
en  ufige  fous  Louis  XIII  ,  parce  qu'il  y  avoit 
peu  de  temps  qu'on  avoit  ceflé  de  fe  fi-Piir  de 
la  lance  dans  les  armées.  Or  c'écoic  une  nécef- 


ARM 


397 


fité  de  s'armer  de  la  forte  contre  cette  efpecc 
d'ûrme ,  dont  on  n.e  pouvoit  fe  parer  que  par 
la  rcfiftance  d'une  forte  armure.  Sur  la  lia 
du  règne  de  Louis  XIII  notre  cavalerie  ctoic 
encore  armée  de  même  pour  la  plupart  ; 
car  voici  comme  en  parle  un  ofKcier  de  ce 
temps-là,  qui  imprima  un  livre  des  princi- 
pes de  l'art  militaire  en  1646. 

"  Ils  font  il  bien  armés  ,  dit  -'i\  ,  (  nos 
"gens  de  cheval)  qu'il  n'ell:  pas  bcloinde 
"  parler  d'autres  armes;  car  ils  ont  la  cui- 
"  ralle  à  l'épreuve  de  l'arquebufe  ,  &  les 
"  tallettes ,  gtnouillieres ,  hauflecols ,  braf- 
"  farts,  gan:elets  ,  avec  la  l'alade  ,  dont  la 
"  vifiere  s'élève  en  haut  ,  &  fuit  une  belle 
"  montre  ....  qu'il  les  faut  arm.erà  cru  & 
"  fans  cafaques ,  car  cela  a  bien  plus  belle 
"  montre,  &  pourvu  que  la  cuiraflè  foie 
"  bonne ,  il  n'importe  du  refte.  Il  feroit  bon 
"  que  feulement  la  première  brigade  qui 
"  feroit  au  premier  rang  ,  eût  des  lames  avec 
"  des  pillolets  ;  carcela  feroit  un  grand  efîort , 
"  foit  aux  hommes,  foit  aux  ch.evaux  des 
"  ennemis  :  mais  il  faudroit  que  ces  lancicrs- 
'>  là  fullent  bien  adroits",  auriementils  nui- 
>»  fent  plus  qu'ils  ne  fervent.»  Or  il  n'y  en 
avoit  plus  guère  qui  fuilent  alors  fort  adroits 
dans  l'exercice  de  la  lance. 

Les  chevaux  avoienî  auflî  dans  !es  anciens 
tempsleurs  armes défevAix es.  On  le^  couvroit 
d'abord  de  cuir;  on  fe  conier.ta  eniuire  de 
les  couvrir  de  lames  de  fer  fur  la  tête  :  &  le 
poitrail  feulement ,  Se  les  flancs  de  cuif 
bouilli.  Ces  armes  défenfives  du  cheval 
s'appello;ent  des  bardes ,  ôc  un  cheval  ainfî 
armé  s'appelloit  un  cheval  lardé.  On  voit  des 
figures  de  ces  chevaux  ainfi  armés  &  bardés , 
dans  les  anciennes  tapifleries  ,  &  en  plufîeurs 
autres  mor.umens.  Cette  couverture ,  dit  le 
préfidcnt  Fauehet  ,  étoit  de  <;u;r  ou  de  fer. 
Mais  la  chronique  de  Cefinn^r ,  lous  l'an 
1158  ,  parlant  des  chevaux  dtf  batailles ,  die 
que  ces  couvertures  étoient  comme  les  hau- 
bers ,  faites  de  mailles  de  fer.  Hi  ecjui  coo- 
pcrti  futrunt  coopenuis  fcrreis ,  id  efl ,  rejh 
ferre/s  circuits  ccntcxta  ;  mais  cela  n'étoit  pas 
général.  Par  une  lettre  de  Philippe-le-bel , 
datée  du  lojanvierijoj ,  au  bailli  d'Orléans, 
il  eft  ordonné  que  ceux  qui  avoient  cinq 
cents  livres  de  revenu  dans  ce  royaume,  en 
terres ,  aideroient  d'un  gentilhomme  bien, 
armé  ^  &  bien  morue  d'un  cheval  de  cinquoncc 


35>8  ARM 

livres  tournois  .  &  couvert  de  couverture  de  fer, 
ou  couverture  de  puurpointe.  Et  If  rCl  Jean 
dans  Tes  lettres  du  mois  d^aoùt  1353,  écrit 
aux  bourgeois  &  aux  habitans  de  Nevers , 
de  Chaumont  en  Balligni ,  &c  autres  villes , 
qu'ils  eullenc  à  envoyer  à  Compicgne  ,  à 
la  quinzaine  de  pâque  ,  le  plus  grand  nom- 
bre d'hommes  &  de  chevaux  couverts  de 
W2fl///ei- qu'ils  pourroient ,  pour  marcher  con- 
tre le  roi  d'Angleterre.  Depuis  on  fe  con- 
tenta de  leur  couvrir  la  tête  &  le  poitrail 
de  lames  de  fer ,  &  les  flancs  de  cuir  bouilli. 

Ilefl:  fait  encore  mention  de  cette  armure 
dans  une  ordonnance  de  Henri  II.  "  Ledit 
"  homme  à'armes  fera  tenu  de  porter  arme 
"  petit  ëc  grand  ,  garde  -  bras ,  cuirafle  , 
"  cuidots ,  devant  de  grèves  ,  avec  une 
"  groflè  &  forte  lance  ;  &  entretiendra  qua- 
"  tre  chevaux  ,  &  les  deux  de  ^rvice  pour 
"  la  guerre ,  dont  l'un  aura  le  devant  garni 
"  de  bardes,  avec  le  chamtrain  &  les  flan- 
"  cois  ;  &C  il  bon  lui  femble  aura  un  piltolet  à 
"  l'arçon  de  la  klle.  »  C'ctoient  ces  flancois , 
c'eft-à-direce  qui  couvroit  les  flancs  du  che- 
val, qui  étoient  de  cuir  bouilli.  Les  feigneurs 
armoient  fouvent  ces  flancois  de  leurs  écu!- 
fons  ;  nos  rois  les  fcmoient  fouvent  de  fleurs 
de  lis ,  quelquefois  de  quelques  pièces  des 
armoiries  d'un  pays  conquis. 

Lechûrnfrain  qui  ctoit  de  mitai  ou  de  cuir 
bouilli ,  fervoir  encore  d'arme  défenfive  au 
cheval  ;  il  lui  couvroit  la  tête  pardevant ,  & 
c'étolr  comme  une  elpece  de  mafque  qu'on 
y  ajuftoit.  Il  y  en  a  un  de  cuir  bouilli  au 
magalin  à'ûrmcs  de  l'arfenal  de  Paris.  Il  y  a 
dans  le  milieu  un  fer  rond  &  large,  Se  qui 
fe  termine  en  pointe  aflez  longue  ;  c'étoit 
pour  percer  tout  ce  qui  ie  préfenteroit ,  & 
tout  ce  que  la  tête  du  cheval  choqueroit. 
L'ulage  de  cette  armure  du  cheval  ctoit  con- 
tre la  lance ,  &  depuis  contre  le  piflolet. 
Les  leigneurs  françois  (e  piquoient  fort  de 
magnificence  fur  cet  article.  Il  efl:  rapporté 
dans  l'hilloire  de  Charles  VII  que  le  comte 
de  S.  Polaufiege  de  Harfleur  ,  l'an  1449  , 
avoir  un  chamfrain  à  (on  cheval  d'armes, 
c'eft-cà-dire  à  fon  cheval  de  bataille  ,  prifé 
trente  mille  écus.  Il  falloit  qu'il  fût  non  feu- 
lement d'or,  mais  encore  merveilleufement 
travaillé.  Il  efl:  encore  marque  dans  l'hiflioire 
du  même  roi ,  qu'après  la  prife  de  Bayonnc 
par  l'armce  de  ce  prince ,  le  comte  de  Foix  • 


ARM 

en  «ittaiît  dans  la  place  ,  a\'oit  la  tête  de 
Ton  cheval  couverte  d'un  chamfrain  d'acier, 
garni  d'or  &  de  pierreries ,  que  l'on  prifoit 
quinze  mille  écus  d'or;  mais  communément 
ces  chamfrains  n'étoient  que  de  cuivre  doré 
pour  la  plupart  ,  ou  de  cuir  bouiUi ,  ainli 
qu'on  le  voit  par  un  compte  de  l'an  13 16,  à 
la  chambre  des  comptes  de  Paris ,  ou  il  eft  dit 
entr'autres  chofes  :  item  ,   deux  chamfrains 
dorés  &  un  de  cuir.  On  trouve  dans  le  traité 
de  la  cavalerie  françoife  de  M.  de  Mongom- 
meri ,  qu'on  donnoit  encore  de  Ion  temps 
des  chamfrains  aux  chevaux  ,  c'eft-à-dire , 
du  temps  de  Henri  IV.  La  principale  ra.fon 
de  cette  armure  des  chevaux  n'étoit  pas  feu- 
lement de  les  conferver ,  Se  d'épargner  la 
dépcnle  d'en  acheter  d'autres ,  mais  c'eft  qu'il 
y  alloit  louvent  de  la  vie  &  de  la  liberté  du 
gendarme  même.  Car  comme  les  gendar- 
mesétoient  très-pefamment  armés ,  s'ils tom- 
boient  iur  leur  cheval  tué  ou  bleflé,ils  étoient 
eux-mêrnes  tués  ou  pris,  parce  qu'il  leur 
étoitprefqu'impoiTible  de  fe  retirer  de  deflous 
le  cheval.  Ces  armes  defenfives,  comme  on 
l'a  vu  plus  haut  ,  étoient   nécelTàires  pour 
les  hommes  comme  pour  les  chevaux,  pour 
les  garantir  des  coups  de  lance.  Ainli  depuis 
qu'on  ne  s'eft:plusfervide  cette  arme  offenh- 
ve,  &:  peu  de  temps  après,  on  a  abandonné 
non  feulement  les  chamfrains ,  mais  encore 
tous  cesharnoisdonton  a  parlé  ,  à  caufe  de 
leur  pefmteur  ,  de  l'embarras ,  &  de  la  dé- 
penie  qu'ils  caufbient. 

Pour  les  armes  défenfives  de  l'infiiiterie , 
on  en  trouve  la  defcription  dans  une  or- 
donnance de  Jean  V ,  duc  de  Bretagne ,  pu- 
bliée en  l'an  i  j  1  f . 

»  Jean ,  par  la  grâce  de  Dieu vou- 

"  Ions &  ordonnons  que  des  gens  de 

»  commun  de  notre  pays  &:  duché ,  en  ou- 
"  tre  les  nobles ,  fe  mettent  en  appareil 
"  promptement  &  fans  délai  ;  favoir  efl , 
»  de  chaque  paroifle  trois  ou  quatre  ,  cinq 
"  ou  fix,  ou  plus ,  félon  le  grand  ou  qua- 
,,  lité  de  la  paroifle  ,  lelquels  ainli  choifis 
,,  &  élus  ,  foient  garnis  d'armes ,  &  h.-.bil- 

,,  lemens  qui  enliaivent favoir  eft, 

,,  ceux  qui  (auront  tirer  de  l'arc,  qu'ils  aient 
,,  arc  ,  troufle,  capeline  ,  couftille  ,  hache, 
,,  ou  mail  de  plomb  ,  &:  foient  armés  de 
,,  forts  /VtY^e^  garnis  de  laifches  ,  chaînes 
,,  ou  miiilles  poui  couvrir  le  bras  ;  qu'Us 


AR  M 

»  foîent  armés  de  jacfucs  ,  capelines  ,  h.i- 
...  ches ,  ou  bouges ,  avec  ce  ,  ayanc  panier 
„  de  tremble  ,  ou  autre  bois  plus  conve- 
»  nable  qu'ils  pourront  trouver  ,  &c  foient 
..  les  paniers  allez  longs  pour  couvrir  haut 
»  tic  bis.  »  Les  armes  dL-fenfives  qu'on 
donne  ici  aux  piétons ,  Ibnt  la  capeline,  le  Jac- 
ques ,  &  le  panier.  La  capeline  étoir  une 
cipece  de  calque  de  fer  ;  le  Jacques  étoit 
une  efpece  de  juil:e-au-corps  ;  les  piétons 
portoient  cet  habillement  garni  de  lail'ches , 
c'eft-à-dire  ,  de  minces  lames  ou  plaques 
de  fer  ,  entre  la  doublure  de  l'étofte  ,  ou  bien 
de  mailles.  Ces  paniers  de  tremble  dont  d 
clt  parlé  dans  l'ordonnance ,  étoient  les  bou- 
cliers des  piétons  ;  on  les  appelle  pjniers  , 
parce  qu'en-dedans  ils  étoient  creux  5c  faits 
d'ofier.  L'ofier  étoit  couvert  de  bois  de 
tremble  ou  de  peuplier  noir  ,  qui  eft  un 
bois  blanc  &  fort  léger.  Ils  étoient  allez  longs 
pour  couvrir  tout  le  corps  du  piéton;  c'étoient 
des  elpeces  de  targes. 

Du  temps  de  François  I ,  les  piétons  avoient 
les  uns  des  corcelets  de  lames  de  fer ,  qu'on 
appelloit  hallecrets  ;  les  autres  une  velie  le 
maille ,  comme  nous  l'apprenons  du  li\  re 
attribué  à  Guillaume  du  Belay  ,  feigncur 
de  Lengei  "  La  façon  du  temps  préfent , 
»  dit-il  ,  eft  d'armer  l'homme  de  pie  d'un 
»  hallecret  complet ,  ou  d'une  chemife  ou 
w  gollette  de  mailles  &c  cabalfet  ,  ce  qui 
»  me  femble  ,  ajoute-t-il ,  ruffifant  pour  la 
1)  défenfe  de  la  perfonne ,  &  le  trouve  meil- 
»  leur  que  la  cuirafle  des  anciens  n'étoir.  »> 
L'armure  des  francs-archers  doit  avoir  été 
à-peu-près  la  même  que  celle  du  refte  de 
l'infanterie  françoife.  Nous  avons  vu  de 
notre  temps  donner  encore  aux  piquiers  des 
cuirafles  de  fer ,  contre  les  coups  de  piftolets 
des  cavaliers  qui  les  attaquoient  en  cara- 
colant ,  pour  faire  brèche  au  bataillon  ,  & 
enfuite  l'enfoncer.  M.  de  Puyfegur ,  dans 
fès  mémoires,  dit  qu'en  15 87  les  piquiers 
des  régimens  des  gardes  &  de  tous  les  vieux 
corps  avoiei:r  des  corcelets  ,  &  qu'ils  en 
portèrent  jufqu'à  la  bataille  de  Sedan  ,  qui 
fut  donnée  en  1641.  Les  piquiers  du  régi- 
ment des  gardes-fuifles  en  ont  porté  juf- 
qu'au  retranchement  des  piques  ,  fous  le 
précédent  règne.  Wjl.  de  la  milice  Fran- 
çoife par  \qV.  Daniel. 

Les  armes  dcfenlives  de  la  cavalerie  font 


ARM  35>^ 

aujourd'hui  des  plaftrons  à  Péprcuve  au 
moins  du  piftolet:  les  oHiciers  doivent  avoir 
des  cuirades  de  même.  A  l'égard  des  ar- 
mes  otfenlîves  ,  elles  confiftent  dans  un 
moufqueton  ,  deux  piftolets  &  un  (abre. 
Les  dragons  ont  un  moufqueton  &  un  la- 
bre comme  les  cavaliers  ;  mais  ils  n'ont 
qu'un  pillolet  à  l'arçon  de  la  Telle  ;  à  la 
place  du  iecond  piftolet  ,  ils  portent  une 
bcche  ,  ferpe  ,  hache  ,  ou  autre  inftrumenc 
propre  .1  ouvrir  des  palTages.  Ils  ne  (ont 
point  plaftronnés  ,  attendu  qu'ils  combat- 
tent quelquefois  à  pié  comme  l'infanterie. 
l'".  Dragon.  Ils  ont  de  plus  une  bayon- 
nette.  Les  armes  de  l'infinterie  Ibnt  le  fudl , 
la  bayonnette  &  l'épée.  Cette  dernière  arme 
eft  inutile  aujourd'hui ,  attendu  que  l'infante- 
rie ne  combat  que  la  bayonnette  au  bout  du 
fufîl  :  ce  qui  fait  que  plulîeurs  habiles  officiers 
penlent  qu'on  devroit  la  (upprimer,  de  mê- 
me que  le  fabre.  Car ,  dit  M.  le  maréchal 
de  Puyfegur  ,  comme  on  les  porte  en  travers  , 
dès  que  les  foldats  touchent  à  ceux  qui  font 
à  leur  droite  &  a  leur  gauche  ,  en  fe  remuant 
&  en  fe  tournant  ,  ils  s'accrochent  toujours. 
Un  homme  feul  même  ne  peut  aller  un  peu 
vite  ,  qu'il  ne  porte  la  main  à  la  poignée  de 
fon  épée ,  de  peur  qu'elle  nepaffe  dans  Ces  jam- 
bes ,  &  ne  le  fajfe  tomber  ;  à  plus  forte  rai~ 
fon  dans  les  combats  ,  fur-tout  dans  des  bois  , 
haies  ou  retranchemens  ,  les  foldats  pour  ti- 
rer étant  obligés  de  tenir  leurs  fufils  des  deux 
mains. 

Cet  illuftre  maréchal  prétend  que  les  cou- 
teaux de  chade  devroient  être  fubftitués 
aux  épées  ,  &  qu'ils  feroient  beaucoup  plus 
utiles  dans  les  combats.  "  J'ai  oblervé  , 
»  dit-il  ,  que  quand  on  fe  johit  dans  l'ac- 
"  tion  ,  le  foldat  allonge  avec  le  fufil  for» 
"  coup  de  bayonnette  ,  &c  qu'en  le  pouf- 
"  faut  il  relevé  Tes  crmes  ;  en  forte  que  fou- 
"  vent  la  bayonnette  fe  rompt  ou  tombe. 
"  De  plus  ,  quand  on  eft  joint  ,  il  arrive 
»  ordinairement  que  la  longueur  des  armes 
"  fait  que  l'on  ne  peur  plus  s'en  fervir  ;  aulîî 
»  le  foldar  en  pareil  cas  ôte-t-il  fa  bayon- 
»  nette  du  fulîi  ,  quand  elle  y  eft  encore  , 
"  &  s'en  fcrt  de  la  main  ,  ce  qu'il  ne  peut 
"  plus  faire  quand  elle  eft  rompue  ou  tom- 
"  bée.  S'il  avoit  un  couteau  de  chaOe  ,  cela 
"  remédieroit'  à  tout  ,  Se  il  ne  feroir  pas 
»  obligé  d'ôtcr  fa  bayonnette  du  bouc  de 


4-00  ARM 

"  Ton  rufii  :  àe  forte  qu'il  miroir  en  mcmc 
"  temps  une  nrme  longue  &  une  courte  ; 
>'  reflourcc  qu'il  n'a  pas  avec  l'cpée  ,  vu  fa 
"  longueur,"  yîrt  de  la  guerre ,  par  M.  le 
maréchal  de  Puyfegur. 

A  l'égard  des  ormes  des  officiers  de  l'in- 
fanterie ,  il  eft  enjoint  par  une  ordonnatice 
du  premier  décembre  1710,  aux  colonels, 
lieutenans-coloncls  &  capitaines  de  ce  corps , 
d'avoir  des  e(ponton<;  de  lept  à  huit  pies  de 
longueur  ,  de  aux  officiers  fubalternes  d'a- 
voir des  fufils  garnis  de  bayoneties.  Pour 
les  fergens  ,  ils  font  armés  de  hallebardes 
de  fix  pies  &  demi  environ  de  longueur , 
y  compris  le  fer. 

Selon  M.  de  Puyfegur  les  fergens  &  les 
officiers  devroient  être  armés  de  la  même 
manière  que  les  foldats.  Il  prétend  qu'il  n'y 
a  aucune  bonne  raifon  pour  les  armer  dif- 
féremment ,  des  qu'il  eft  prouvé  que  l'ar- 
mement du  fufil  avec  la  bayonnette  à  douille 
cft  l'arme  la  meilleure  &  la  plus  utile  pour 
routes  fortes  d'aftions.  Aufli  voit-on  plulieurs 
officiers  qui  dans  les  combats  fe  fervent  de 
fufils  au  lieu  d'efpontons  ;  &  parmi  ceux 
qui  font  détachés  pour  aller  en  parti  à  la 
guerre  ,  aucun  ne  fe  charge  de  cette  longue 
ûrme,  maisd'un  bon  fufil  avec  fa  bayonnette. 

P^r  les  anciennes  loix  d'Angleterre ,  cha- 
que perfoime  croit  obligée  de  porter  les  ar- 
mes ,  excepté  les  juges  &  les  eccléfiaftiques. 
Sous  Henri  VIII ,  il  fut  exprcdément  or- 
donné à  toutes'pcrfonnes  d'être  inftruites  dès 
leur  jeunelîe  .aux  armes  dont  on  fe  fervoit 
alors ,  qui  étoient  l'arc  &  la  flèche,  XXXIII. 
h.  vilj.  P'oyei  Arc. 

Armes  ,  félon  leur  fignification  en  droit, 
s'entendent  de  tout  ce  qu'un  homme  prend 
dans  fa  main  ,  étant  en  colère  ,  pour  jeter 
à  quelqu'un  ou  pour  frapper.  Car  armo- 
rum  cppellatio  non  ubiquc  jcuta  &  gladios , 
&  gakûs  Jjfnificar  ,  fed  &fufes  Ù  lapides. 

Armes  de  parade  ,  c'étoient celles  dont 
on  le  fervoit  dans  les  joutes  &  dans  les 
tournois.  ï'^ojf^.JouTE  &  Tournoi,  C'é- 
toient ordinairement  des  lances  quin'étoient 
pas  ferrées,  des  épécs  fans  pointe  &  /cu^■ent 
des  épées  de  bois ,  ou  des  cannes  de  rofeau. 

Paffe  d'armes  ,  c'étoit  une  lorte  de  com- 
bat en  ufage  parmi  les  anciens  chevaliers. 
Foje:^^  Fleuret. 

Armes,  fignif-e  auffi  lesarmes  naturelles. 


ARM 

ou  les  défenfes  des  bêtes  ,  comme  les  grif- 
fes  ,  les  dents  Se  les  défenfes  d'éléphans , 
de  les  becs  des  oifcaux.  Voy.  Dent  ,  On- 
gle ,^  B^c  ,  6'c.  Il  y  a  des  anmiaux  qui  font 
fuffiiamment  en  garde  contre  tous  les  dan- 
gers ordinaires  ,  par  leur  couvenure  njtu- 
relle ,  ou  leur  armure  d'ccaille  ,  comme  les 
tortues,  f^oyc^  Ecaille  ,  Tortue.  D'ou- 
trés qui  n'ont  pas  ces  avantages ,  font  ar- 
més de  corriCS,  d'autres  de  pointes  aiguës , 
comme  le  porc-épic  &  le  hérilTon  ;  d'autres 
font  armés  d'aiguillon.  J^oyei  Aiguillon  , 
Corne  ,  &c. 

Armes  ,  fe  difent  auffi  au  figuré  pour  la 
profeffion  de  foldat.  C'eft:  dans  ce  fcns  que 
Tondit  ùre  élevé  aux  armes,  ^'oj?'^  Soldat. 

Fraternité  d'armes,  ^.Fraternité. 

Loi  d'armes  ,  VoycT^  Loi. 

Suspensiond'armes.Foj.  Suspension. 

Nous  avons  cru  qu'il  ne  feroit  pas  hors 
de  propos,  après  avoir  parlé  de  l'ufage  des 
armes  dans  la  guerre  ,  d'ajouter  quelques  ar- 
ticles des  ordonnances  de  nos  rois ,  fur  le 
port  des  armes  pendant  la  paix. 

Article  III  de  l'ordonnance  du  roi  ,  du 
mois  d'août  iG6g.  Interdiions  à  toutes  per- 
lonnes ,  fans  diftinftion  de  qualité  ,  de  temps 
ni  de  lieu  ,  l'uiage  des  armes  à  feu  brilees 
par  la  crofle  ou  par  le  canon  ,  &  de  can- 
nes ou  bâtons  creufés  ,  même  d'en  porter 
ious  quelque  prétexte  que  ce  foit  ou  que 
ce  puille  être  ;  &  à  tous  ouvriers  d'en  fa- 
briquer &  façonner  ,  à  peine  contre  les 
particuliers  de  ico  livres  d'amende  ,  outre 
la  confilcation  pour  la  première  fois ,  &  de 
punition  corporelle  pour  la  leconde  ;  &  con- 
tre les  ouvriers ,  de  punition  corporelle  pour 
la  première  fois. 

Article  IV ,  mtme  ordonnance.  Faiionsauflî 
défenfes  à  toutes  perfonnes  de  challer  à  feu , 
&:  d'entrer  ou  demeurer  de  nuit  dans  no9 
forêts ,  bois  &  builfons  en  dépcndans  ,  ni 
même  dans  les  bois  des  particuliers ,  avec 
armes  à  feu  ,  à  peine  de  100  livres,  &  de 
punition  corporelle  ,  s'il  y  échet. 

Article  V ,  mîme  ordonnance.  Pourront 
néanmoins  nos  lujets  de  la  qualité  requilc 
par  les  édits  &:  ordonnances  ,  palfmt  pat 
les  grands  chemins  des  forêts  &  bois ,  por- 
ter des  piftolets  &  autres  armes  non  pro- 
hibées ,  pour  la  dcfenle  &  confcrvarion  de 
leur  perlomie. 

Artkk 


ARM 

"Article  Vdc  l'ordonnance  du  roi ,  du  mois 
'd'avril  i6Sg.  DcFenfes  à  tous  payfans ,  la- 
boureurs ,  &  autres  habicans  domiciliés  en 
1  étendue  de  nos  capitaineries ,  d'avoir  dans 
leurs  maifom  ni  ailleurs ,  aucuns  fufils  ni  ar- 
quebufes  fîmples  ni  brifécs ,  moulquetons 
ni  piftolets ,  porter  ni  tirer  d'iceux  ,  fous 
prétexte  de  s'exercer  au  blanc ,  ni  aller  ti- 
rer au  prix  ,  s'ils  ne  font  établis  par  per- 
miiTlon  du  roi ,  duement  enrégiftrée  en  la- 
dite capitainerie  ,  ou  fous  autre  prétexte 
que  ce  puil^e  être ,  à  peine  de  confiication 
&  amende-,  à  eux  enjoint  de  porter  lefditcs 
armts  à  feu  es  châteaux  &  maifons  feigneu- 
riales  des  lieux  où  ils  réfident ,  es  mains  def- 
dits  feignenrs  ou  leurs  concierges  ,  qui  en 
donneront  le  rôle  au  greffe  de  ladite  capi- 
tainerie ,  &  demeureront  refponfables  def- 
dites  armes  à  eux  dépofées. 

Article  VI  ,  même  ordonnance.  Permis 
Jiéanmoins  auxdits  habitans  domiciliés  qui 
auront  betoin  à' armes  pour  la  fùretc  de  leurs 
maifons ,  d'avoir  des  moufquets  à  mcche 
pour  la  garde  d'icelles. 

Article  XV  de  la  déclaration  du  roi ,  du 
18  décembre  i68o.  Et  ne  pourront  les  gen- 
tilshommes fe  fcrvir  d'arquebufes  ou  fufils 
pour  la  chafle  ,  finon  à  l'égard  de  ceux  qui 
ont  juftice  &  droit  de  chafle  ,  pour  s'en 
fèrvir  &  en  tirer  fur  leurs  terres  ,  &  autres 
fur  lefquelles  ils  ont  droit  de  chaflèr  ;  &  à 
l'égard  de  ceux  qui  n'ont  ledit  droit ,  pour- 
ront s'en  exercer  feulement  dans  l'enclos  de 
leurs  maifons. 

Extrait  de  la  déclaration  du  roi ,  du  4  dé- 
cembre iG'jQ.  Enjoignons  pareillement  à  tous 
nos  autres  fujcts ,  tant  pour  lefdits  couteaux 
&  bayonnettes  ,  que  piftolets  de  poche ,  que 
nous  voulons  être  rompus ,  à  peine  de  con- 
fiication ,  &  de  80  livres  parilîs  d'amende 
contre  chacun  contrevenant. 

Extrait  de  l'ordonnance  du  roi  ,  du  g  fep- 
lembre  ijoo.  Sa  majefté  permet  néanmoins 
par  les  mêmes  déclarations  à  tous  lès  fu- 
jets ,  lorfqu'ils  feront  quelque  voyage  ,  de 
porter  ur.e  (impie  cpéc ,  à  la  charge  de  la 
quitter  lorfqu'ils  feront  arrivés  dans  les  lieux 
où  ils  iront. 

Armes  a  l'épreuve  ,  cft  une  cuiraffe 
de  fer  poli ,  confiftant  en  un  devant  à  l'é- 
preuve du  moufquet ,  le  derrière  à  l't'preuvc 
iu  piftolet ,  &:  "  n  pot-cn-tête  auHi  à  l'épreuve 
Tome  III. 


ARM  401 

du  moufquet  ou  du  fufil.  il  y  a  aufTi  de 
calottes  de  chapeaux  de  fer  de  la  mêms 
qualité. 

Armes  des  piecfs  de  canon  ;  ce  font 
tous  les  inftrumens  nécclfaires  à  fon  fervice  : 
comme,  la  lanterne  ,  qui  fert  à  porter  la 
jxjudre  dans  l'amc  de  la  pièce  ;  le  refouloir , 
t]ui  cil:  la  boite  ,  ou  malle  de  bois  montre 
liir  une  hampe  ,  avec  laquelle  on  foule 
le  forage  mis  fur  la  poudre  ,  &  cufuice  iur 
le  boulet  ;  l'écouvillon  ',  qui  efl:  une  autre 
boire  montée  fur  une  hampe ,  &;  couverte 
d'une  peau  de  mouton  ,  qui  l'ert  à  nettoyer 
ôc  rafraîchir  la  pièce  ;  le  dégorgeoir  ,  qui 
fert  à  nettoyer  la  lumière  ,  &c.  Foyei 
ces  difféi-cns  inftrumens  dans  la  (>^  fig.  de 
la  pi.  VI  de  l'art  militaire.  Voyei  encore 
Charge  &  Canon.  Le  mortier  a  aulTi  fcs 
armes.   Voye^^  Mortier. 

Armes  a  outrance  ;  c'étoit  une  efpecc 
de  duel  de  iix  contre  fix  ,  quelquefois  de 
plus  ou  de  moins ,  prefque  jamais  de  feul 
à  feul.  Ce  duel  étoit  fait  fans  jpermiffion , 
avec  des  armes  ofFen/îves  &  déftnfîves,  en- 
tre gens  de  parti  contraire  ou  de  différente 
natiort  ,  faais  querelle  qui  eût  précédé ,  mais 
feulement  pour  (aire  parade  de  fcs  forces 
&  de  fon  adreflè.  Un  héraut  d'armes  en 
alioit  porter  le  cartel ,  dans  lequel  étoit  mar- 
qué le  jour  &  le  lieu  du  rendez-vous  ,  com- 
bien de  coups  on  devoir  donner  ,  &  de 
quelles  armes  on  devoir  £è  fcrvir.  Le  défi 
accepté  ,  les  parties  convenoicnt  des  juges: 
on  ne  pouvoit  remporter  la  vi<3:oire  qu'en 
frappant  fon  ennemi  dans  le  ventre  ou  dans 
la  poitrine  ;  qui  frappoit  aux  bras  ou  aux 
cuillès  pcrdoit  fes  armes  &  fon  cheval ,  & 
étoit  blâmé  par  fes  juges  ;  le  prix  de  la  vic- 
toire étoit  la  lance ,  la  cotte  à' arme  &  l'épée 
du  vaincu.  Ce  duel  fe  feifoit  en  paix  &  en 
guerre.   A  la  guerre  ,    avant  une  aftion , 
c'en  étoit  comme  le  prélude  :  on  en  voit 
quantité  d'exemples ,  tant  dans  l'hiftoire  de 
S.  Louis,  que  dans  celle  de  fes  fuccelleurs , 
jufqu'au  règne  de  Henri  IL 

Armes  doucanieres;  on  appelle  ain/î 
les  fiifils  dont  fe  fervent  les  chaflèurs  des 
lies  ,  &  principalement  ceux  de  Saint-Do- 
mingue. Le  cajion  eft  long  de  quatre  pies 
&  demi ,  &  toute  la  longueur  du  fulil  eft 
d'environ  cinq  pies  huit  pouces.  La  batte- 
rie eft  forte  ,  comme  elle  doit  être  à  des 

Bbb 


4Dt  ARM 

ormes  de  fatigue  ,  &  le  calibre  efl:  d'une 
once  de  balle ,  c'cft-à-dire ,  de  1 6  à  la  livre. 
La  longueur  de  cette  arme  donne  tant  de 
force  au  coup  ,  que  les  boucaniers  préten- 
dent que  leurs  fiifils  portent  aulTi  loin  que 
les  canons  ;  quoique  cette  expreffion  ne  loit 
pas  exadbe ,  il  eft  néanmoins  certain  que  ces 
fu()ls  portent  beaucoup  plus  loin  que  les  fu- 
fils  ordinaires.  En  effet ,  les  boucaniers  fe 
tiennent  afllircs  de  tuer  à  trois  cents  pas  , 
&  de  percer  un  boeuf  à  deux  cents.  Voye^ 
Boucanier. 

L'auteur  anonyme  de  la  manière  de  forti- 
fier ,  tirée  des  méthodes  du  chevalier  de  Ville  , 
du  comte  de  Pagan ,  &  de  M.  de  Vauban.  , 
voudroit  que  les  arfenaux  fulîent  fournis  de 
lept  à  huit  cents  fiiiils  boucaniers ,  &  même 
davantage  félon  la  grandeur  de  la  place  , 
afin  d'en  arrner  les  foldats  placés  dans  les 
ouvrages  les  moins  avancés.  Les  moufquets 
bi^aïens  y  (croient  auflî  également  utiles. 
^ojc:^ Mousquet  BiscaÏen. 

Armes  courtoises  ,  fe  difoit  autre- 
fois des  armes  qu'on  employoit  dans  les 
tournois  ;  c'étoient  ordinairement  des  lances 
fans  fer,  &  des  épées  fans  taillans  &  lans 
pointe. 

Armes  a  feu  ,  font  celles  que  l'on 
charge  avec  de  la  poudre  &  des  balles  : 
comme  les  canons  ,  les  mortiers  ,  &  les 
autres  pièces  d'artillerie  ;  les  moufquets ,  les 
carabines ,  les  piftolets ,  &  même  les  bom- 
bes ,  les  grenades ,  les  carcafles ,  &c.  Voyei^ 
Canon  ,  Mortier  ,  Artillerie  ,  S'c. 

Pour  le  rebond  ou  reflaut  èits  armes  a  feu  y 
voye:^  Rebond  j  roje^  auffi  Poudre  a  Ca- 
mion ,  Boulet  ,  Canon  ,  é>c. 

On  trouve  dans  les  mémoires  de  l'acadé- 
mie royale  de  Xaniiée  tjoj  ,  le  détail  de 
quelques  expériences  faites  par  M.  Caflini 
asec  des  armes  à  feu  diiîéremment  chargées. 
Il  obferve  entr'autres  choies  ,  qu'en  char- 
ceant  la  pièce  avec  une  balle  plus  petite  que 
Ir.ji  calibre  ,  avec  de  la  poudre  deflus  & 
d.fious ,  il  fe  fait  un  bruit  violent ,  fans  que 
Il  balle  reçoive  la  moindre  impulfion  de  la 
part  de  la  poudre.  Il  prétend  que  c'eft  en  cela 
que  confifte  le  fecrct  de  ceux  qui  fe  difcnt 
i  .vulnérables   ou  à   l'épreuve  des  armes  à 

*  Armfs   {exercice  des)  ,  Hijl.  anc.  par- 
tie de  la  gyœnaftitjue  j    les  Romains  1  in- 


A  R  M 

ventèrent  pour  perfeftionner  l'art  miliraîre.' 
Le  foldat  fe  couvroit  de  fcs  armes ,  &  fe 
battoir  contre  un  autre  foldat  ,  ou  contre 
un  poteau  :  les  membres  devenoient  ainfî 
fouples  &  vigoureux  ;  le  foldat  en  acquéroit 
de  la  légèreté  &;  l'habitude  au  travail.  Nos 
exercices  ont  le  même  but  &  les  oiêmcs 
avantages. 

Armes  5  {Hiji.  anc.)  arma  dare  ,  don- 
ner les  armes ,  fignifie  dans  quelques  ancien- 
nes Chartres  ,  armer  quelqu'un  chevalier. 

Arma  depenere  ,  mettre  bas  les  armes  ; 
c'étoit  une  peine  que  l'on  impofoit  autrefois 
à  un  militaire  qui  avoir  commis  quelque 
crime  ou  faute  confidérable.  Les  loix  de 
Henri  I  le  condamnoient  à  cette  peine  ,  qui 
eft  encore  en  ufage  parm.i  nous  dans  la  dé- 
gradation de  noblellè  ,  où  l'on  brife  les  armes 
du  coupable. 

Arma  mutare ,  échanger  les  armes  ,  étoit 
une  cérémonie  en  ufage  pour  confirmer  une 
alliance  ou  amitié  ;  on  en  voit  des  traces 
dans  l'antiquité  ,  dans  l'Iliade  ,  lorfque  Dio- 
mede  &  Glaucus  ,  après  avoir  combattu 
l'un  contre  l'autre ,  fe  jurent  amitié ,  Se  chan-  . 
gent  de  cuirallè  ;  Diomede  donne  la  fienne  j| 
qui  n'étoit  que  d'airain  à  Glaucus  qui  lui 
rend  en  échange  une  cuirafle  d'or  ;  d'où 
eft  venu  le  proverbe ,  échange  de  Diomede , 
pour  fignifier  un  marché  dans  lequel  une 
des  parties  a  infiniment  plus  d'avantage  que 
l'autre. 

Arma  moluta  ,  étoient  des  armes  blan- 
ches fort  pointues  ;  Fleta  les  appelle  arma 
emolita. 

Arma  reverfata  ,  armes  renverfées ,  etoit 
une  cérémonie  en  uiage ,  lorfqu'un  hommç 
étoit  convaincu  de  trahiibn  ou  de  fclonie. 
Koyc:(^ Dégradation.  (G) 

Armes  ajfimptives,  en  terme  de  Blafon  , 
font  celles  qu'un  hcmme  a  droit  de  prendre 
en  vertu  de  quelque  belle  adion.  tn  An- 
gleterre un  homme  qui  n'eft  pas  gentil- 
homme de  naifl'ance ,  &  qui  n'a  point  d'ar- 
moirie ,  fi  dans  une  gutrre  légitime  il  peut 
faire  prifonnier  un  gentilhomme  ,  un  pair  , 
ou  un  prince ,  acquiert  le  droit  de  porter  les 
armes  de  fbn  prifonnier  ,  6c  de  les  tranl- 
mettre  à  fi  pcftériré  :  ce  qui  eft  fondé  fur 
ce  principe  des  loix  militaires ,  que  le  do- 
maine des  choies  prilos  en  guerre  légitime' 
paflè  au  vainqucui.  (  V) 


ARM 

Armes  ,  ce  terme  s'emploîe,  en  efcrime , 
de  la  manière  fui  vante  :  on  dit ,  tirer  dans 
les  armes ,  c'ert:  allonger  un  coup  d  epée 
entre  les  bras  de  l'ennemi ,  ou  ,  ce  qui  efl: 
la  même  choie  ,  du  coté  gauche  de  (on 
ëpée.  Tirer  hors  les  armes  ,  c'eft  allonger  un 
coup  d'epée  hors  des  bras  de  l'ennemi ,  ou  , 
ce  qui  eft  la  même  chofe  ,  du  coté  droit  de 
fon  épée.  Tirer  fur  les  armes ,  c'eft  porter 
un  coup  d'eftocade  à  l'ennemi,  dehors  ou 
dans  les  firmes  ,  en  failant  palier  la  lame  de 
l'épéepardedus  fon  bras.  Tirer  fous  les  armes, 
c'eft  porter  une  eftocade  à  l'ennemi  dehors 
ou  dans  les  armes,  en  foilant  palier  la  lame 
de  l'épée  pardeilous  Con  bras. 

Armes  qu'on  applique  en  or  fur  les 
livres;  ces  armes  doivent  être  gravées  (ur  un 
morceau  de  cuivre  fondu ,  taillé  en  ovale 
ou  en  rond  ;  il  doit  y  avoir  pr.r-derriere  deux 
queues  courtes ,  d'une  force  proportionnée 
à  la  grandeur  du  morceau ,  lelquelles  queues 
fervent  à  tenir  le  carton  avec  lequel  on  les 
monte.  On  applique  ces  armes  des  deux 
cotés  du  volume  lur  le  milieu  ,  par  le  moyen 
d'une  prcllè. 

§  ARMÉ,  Ée,  adj.  unguibus  armatus  , 
a  ,  um.  (  terme  de  Blafon.  )  fe  dit  du  lion  , 
du  léopard  t'v  des  autres  quadrupèdes  qui 
ont  des  ongles  ou  griffes ,  lorfqu'ils  font 
d'émaux  difterens. 

Armé ,  fe  dit  aufll  des  ongles  des  oifeaux 
Jorfqu'ils  font  d'un  autre  émail  que  leurs 
corps. 

Armé ,  fe  dit  encore  d'un  foldat  ou  cava- 
lier couvert  d'un  calque ,  d'une  cuiralTe  ,  & 
généralement  de  tout  ce  qui  peut  le  garantir 
de  l'attaque  de  l'ennemi. 

Armées ,  ne  fe  dit  point  des  flèches  dont 
Je  fer  efl  iémail  diflférent,  comme  quel- 
ques auteurs  l'ont  prétendu;  mais  en  pareil 
cas ,  ont  dit  telle  flèche  d'un  émtiiï  futée  d'un 
autre  émail. 

De  Polaftron  de  Grepiac ,  diocefe  de  Tou- 
louie  ;  d'argent  au  lion  de  fable  ,  lampajfé  & 
armé  de  gueules. 

Aubaud  du  Perron  ,  en  Artois  ;  d'argent 
a  l'aigle  de  fable  becquée  Ù  armée  d'or.  Voye? 
MÉTAUX  ,  {Blafon.  ){G.D.  L.  T.  ) 

Armé  en  guerre  ,  (  Marine.)  c'eft-à-dire, 
équipé  &  armé  pour  attaquer  les  vaifleaux 
ennemis. 

Un  vaiffeau  armé  moitié  en  guerre  & 


ARM  403 

moitic  en  marchandife,  cft  celui  qui,  outre 
l'équipage  néceirairc  pour  le  conduire  ,  a 
encore  des  officiers ,  des  foldats ,  des  armes 
&  des  munitions  propres  pour  l'attaque  & 
la  défenle.  La  plupart  des  vaillcaux  mar- 
chands qui  font  des  voyages  de  long  cours 
font  ainfi  armés ,  ce  qui  diminue  beaucoup 
le  profit. 

On  ne  peut  armer  un  vaiflèau  en  guerre 
fuis  commiffion  de  l'amiral  :  celui  qui  l'a 
obtenue  efl  obligé  de  la  faire  enrégiflrer  au 
greffe  de  l'amirauté  du  lieu  où  il  fait  fon 
armement ,  &  de  donner  caution  de  la  fom- 
me  de  i  jooo  livres ,  laquelle  efl  reçue  par 
le  lieutenant  de  l'amirauté  ,  en  préfence  du 
procureur  du  roi.  Articles  j  &  ij  du  titre  g 
du  liv.  III  de  l'o4-donnance  de  la  marine  ,  du 
mois  d'août  1681. 

Armé  en  cours  ou  en  courfe.  V.  CouRSE. 

ARMÉE  ,  f.  f.  (  Art.  milit.  )  efl  un  nom- 
bre confidérable  de  troupes  d'infanterie  6c 
de  cavalerie  jointes  enfemble  poar  agir  con- 
tre l'ennemi.  Cette  définition  regarde  les 
armées  de  terre.  On  peut  définir  celles  de 
mer  ,  qu'on  appelle  armées  navales ,  la  réu- 
nion ou  l'afTemblage  d'un  grand  nombre 
de  vaifleaux  de  guerre  qui  portent  des 
troupes  deftinées  à  agir  contre  les  vaifleaux 
ennemis.  Voyci  Flotte  ,  Vaisseau  ,  &c. 

On  comprend  dans  ce  qui  compofe  l'ar- 
mée,  l'artillerie,  c'eft-à-dire,  le  canon  &  les 
autres  machines  de  guerre  en  ufage  dans 
l'attaque  &  la  défenfe. 

"  'Toutes  les  troupes  d'une  armée  étant 
"  divifées  en  efcadrons  Se  en  bataillons , 
"  ces  différens  corps  de  cavalerie  &  d'in- 
•'  fanterie  peuvent  être  confîdérés  comme 
"  les  élémens  de  ['armée  ,  de  même  que  les 
"  hommes  le  font  de  tous  les  corps  dont 
"  elle  eft  compofée.  Ainfi  la  formation  de 
"  Y  armée  ne  dépend  que  de  l'arrangement 
»  des  bataillons  &  des  efcadrons  :  comme 
»  l'aélion  la  plus  confidérable  qu'elle  puiflè 
»  faire ,  eft  celle  de  livrer  bataille ,  on  appelle 
"  ordre  de  bataille  celui  qui  s'obferve  dans 
>'  la  pofîtion  des  bataillons  &  des  efcadrons 
»  de  Varmée. 

"  On  place  l*s  bataillons  &:  les  efcadrons 
»  à  côté  les  uns  des  autres ,  par  les  mê- 
"  mes  motifs  qui  font  placer  les  hommes 
»  de  cette  manière  dans  les  différentes  trou- 

Bbb  z 


404  ARM 

»  pes  :  mais  ces  troupes  ainfi  placées  dans 
>'  l'ordre  de  bataille  ,  ne  font  point  appel- 
»  lées  troupes  en  rang ,  mais  troupes  en  ligne 
'>  ou  en  bataille  ;  &  l'on  ne  dit  point  non 
"  plus  un  rang  de  troupes ,  mais  une  ligne 
"  de  troupes. 

»  On  met  les  troupes  les  unes  derrière  les 
"  autres ,  par  les  mêmes  raifons  qui  font 
"  placer  ainfi  les  hommes  dont_  elles  font 
"  compofées  :  mais  on  ne  le  fert  pas  du 
»  terme  de  file  par  rapport  à  cet  arrange- 
»  ment.  Si  celles  qui  font  portées  les  unes 
M  derrière  les  autres  font  deftinés  à  fe  fui- 
»  vre,  &  qu'elles  foient  en  grand  nombre, 
î>  on  les  appelle /roz/pei  en  colonne;  l'on  dit 
»  colonne  de  troupes ,  Sc  non  pas  file  de 
»  troupes.  Si  les  troupes  placées  les  unes 
»  derrière  les  autres  ne  font  pas  deftinées  à 
»  fa  fuivre,  on  ne  les  confidere  point  par 
»  rapport  à  l'arrangement  précédent  ,  mais 
y>  feulement  par  rapport  aux  autres  troupes 
»  avec  lefquelles  elles  font  en  ligne.  Ce  der- 
>■  nier  cas  eft  beaucoup  plus  commun  dans 
„  l'ordre  de  bataille  que  le  premier. 

„  Le  nombre  des  lignes  qu'on  doit  don- 
,,  ner  à  l'armée  n'efl:  pas  fixé  ,  non  plus  que 
„  le  refte  de  l'ordre  de  bataille  :  la  diffé- 
„  rence  des  pays  &  des  terrains  où  l'on  doit 
j,  combattre  ,  &  la  difpofition  des  ennemis , 
„  peuvent  y  occafionerdeschangemtns  con- 
j,  îidérables.  Ainfi  il  paroît  qu'on  doit  défi- 
j,  nir  l'ordre  de  bataille  :  l'ordre  &  l'arran- 
„  gcmcnt  des  bataillons  Ù  des  efcao'rons  d'une 
,,  armée  par  r appert  au  terrain  &  aux  def- 
„  feins  du  général ,  Ù  par  rapport  à  l'arran- 
3,  gcment  que  les  ennemis  ont  pris  ou  qu'ils 
,,  peuvent  prendre. 

,,  On  n'entreprend  point  ici  de  donner 
„  tous  les  différens  ordres  de  bataille  ou 
.,  exécutés  ou  polfiblcs  :  on  fe  contentera 
„  pour  en  donner  une  idée  ,  d'en  luppolcr 
,,  un  qui  foit  le  plus  conforme  aux  maximes 
,,  en  uiage ,  &  qu'on  rcgardoit  encore  dans 
,,  la  guerre  de  1701  ,  comme  des  règles 
,,  dont  on  ne  dcvoit  point  s'écarter.  On 
j,  eft  fondé  à  taullr  aiull  fur  ce  qui  fe  pra- 
„  tique  réellement  lorlqu'on  allemble  une 
j,  armée.  On  (iippoie  d'abord  un  ordre  à- 
j,  peu-près  tel  qu'on  va  le  décrire  ,  pour 
,,  uirigiicr  &  pour  apprendre  à  chaque 
„  troupe  le  porte  où  elle  doit  être  :  on  en  tait 
j,  un  état  dont  on  dUkibue  des  copies  aux 


ARM 

,,  officiers  principaux.  Cet  ordre  n'cft  pas 
„  pour  cela  regardé  comme  quelque  choit 
,,  de  fixe  ,  &  le  général  y  fait  dans  la  fuite 
„  les  changemens  qu'il  juge  à  propos. 

„  Voici  les  maximes  qui  dans  'es  der- 
„  nicres  guerres  fervoient  de  baie  à  l'ordre 
„  de  bataille. 

„  Principes  ou  maximes  qui  fervent  defon- 
,,  dément  à  l'ordre  de  bataille.  Première  ma- 
„  xime.  "  Former  Varmée  fur  deux  lignes 
„  de  troupes. 

„  La  ligne  la  plus  proche  des  ennemis 
„  ert  appeiléc  la  première  lig;ie  ;  celle  qui 
3,  fuit  immédiatement ,  la  féconde  ;  celle  qui 
„  fuit  la  féconde  j  la  troifieme;  &i  ainii  de 
,,  fuite  fi  l'on  a  un  grand  nombre  de  lignes  : 
„  ce  qui  arrive  lorique  le  terrain  ne  permet 
„  pas  que  Varmée  loit  feulement  lur  deux 
„  lignes. 

//.  maxime.  „  Garder  quelques  troupes 
„  outre  celles  qui  compofent  les  deux  lignes» 
„  pour  s'en  fervir  au  befoin ,  à  porter  du 
,,  fecours  dans  les  endroits  où  il  eft  nécef- 
„  faire.  Le  corps  compofé  de  ces  troupes, 
„  ou  de  bataillons  &  d'efcadrons ,  eft  appelle 
„  réferve  dans  l'ordre  de  bataille.  On  en  a 
„  vu  jufqu'à  trois  dans  les  grandes  arméet.. 
,,  Le  pofte  le  plus  naturel  des  lélerves  tft 
„  derrière  la  féconde  ligne. 

///.  maxime. ,,  Mettre  toute  l'infanterie 
„  au  milieu  de  Varmée.  L'efpacc  qu'elle  oc- 
„  cupe  aiull  placée  le  nomme  le  centre. 

IV.  maxime.  ,,  Placer  la  cavalerie  éga- 
„  lement  lur  les  deux  flancs  de  l'infanterie, 
,,  Cette  cavalerie  de  chaque  ligne  fe  nomme 
„  alors  a  les  de  cavalerie. 

V.  maxime.  ,,  Laifler  entre  les  bataillons 
„  un  intervalle  égal  à  leur  front,  &:  obler- 
„  ver  la  même  chofe  entre  les  eicadrons}, 
„  en  forte  que  pr.r  cette  difpofition  les  lignes 
,,  aient  autant  de  vuide  que  de  plein  ; 
,,  ce  qui  fiit  que  les  bataillons  &  les  eica- 
,,  drons  peuvent  (e  mouvoir  facilement ,  & 
,,  exécuter  les  diftercns  mouvemens  qui  leur 
„  font  ordonnés  par  le  général ,  lans  que 
,,  pour  cela  ils  s'embarralTent  les  uns  les 
„  autres. 

VI.  maxime.  „  Placer  les  bataillons  &  les 
,,  ef cadrons  de  Li  féconde  ligne  vis-à-vis  les 
„  intervalles  de  ceux  de  la  première ,  afin 
„  qu'en  cas  de  befoin  les  troupes  de  la 
,j  féconde  ligne  puilllut  lecouru:  iiilémenï. 


ARM 

celles  de  la  première  ;  &  que  fi  les  trou- 
pes de  cette  première  ligne  font  battues 
&  mifcs  en  défordre ,  elles  trouvent  les 
intervalles  de  la  (ccon  ie ,  par  où  elles  peu- 
vent fe  retirer  lans  cauler  de  délordre  à 
cette  ligne  ,  Se  qu'enfin  elles  puillent  fe 
rallier  ou  réformer  derrière. 
y II.  maxime.  ,,  Placer  la  ieconde  ligne 
environ  à  trois  cents  pas  ,  ou  cent  cin- 
quante toiles  de  la  première  ,  afin  que 
le  feu  des  ennemis  ne  parvienne  pas  j  ufqu'à 
l'endroit  qu'elle  occupe.  Dans  le  moment 
du  combat  ,  la  féconde  ligne  s'approche 
davantage  de  la  première;  mais  à  cent 
toiles  elle  perd  du  monde  ,  Sc  elle  en 
perd  beaucoup  plus  à  cinquante  toifes  & 
à  vingt-cinq. 

Otfcn'ations  fur  les  maximes  précédentes. 
Suivant  ces  maximes  une  armée  doit  avoir 
une  très-grande  étendue  de  la  droite  à  la 
gauche  ,  &  très-peu  de  profondeur  de  la 
tête  à  la  queue. 

„  Pour  connoitre  cette  étendue ,  il  faut 
favoir  le  nombre  des  bataillons  &  des 
efcadrons  dont  la  première  ligne  doit  être 
compofée ,  &  quel  doit  être  l'intervalle 
qui  les  fépare.  Comme  on  connoit  l'ef- 
pace  qu'occupe  un  bataillon  &  un  efca- 
dron  ,  il  ne  s'agit  plus  que  d'une  fimplc 
multiplication  pour  lavoir  l'étendue  du 
terrain  de  cette  première  ligne ,  &  par  con- 
féquent  celui  du  front  de  l'armée. 
„  Si  l'on  objed:e  à  cela  que  les  bataillons 
&  les  efcadrons  peuvent  être  fort  diffé- 
rens  les  uns  des  autres ,  &  qu'ainfi  le  cal- 
cul qu'on  vient  d'indiquer  ne  peut  être 
exact ,  on  répondra  à  cette  objection  , 
que  11  ces  troupes  différent  confîdérablc- 
ment  entr'eiles  ,  c'eft  aux  officiers  à  qui 
il  importe  particulièrement  de  connoitre 
le  terrain  que  Vrrmée  doit  occuper,  de 
s'inftiuire  de  ces  difrcrences  pour  y  avoir 
égard  d.ins  le  calcul.  Si  ces  différences 
ne  lont  pas  conlîdérables ,  ou  fi  elles  ne 
viennent  que  du  nombre  complet  des 
troupes ,  on  peut  lans  erreur  fenfible  ajou- 
ter la  moitié  de  la  difftrence  des  plus 
fortes  troupes  aux  plus  petites  ,  &  regar- 
der enfuite  comme  égales  celles  de  la 
même  efpece  :  autrement  il  faut  calcu- 
ler l'étendue  de  cliaque  troupe  en  parti- 
culier ,  &  les  additionner  cnfemble  avec 


ARM  40  y 

les  intervalles  convenables.  Ce  calcul  elT; 
un  peu  plus  long  que  le  précédent, 
mais  il  faut  convenir  auffi  qu'il  n'a  rien 
de  diflicile. 

,,  M.  le  maréchal  de  Puyfegur  propofc 
dans  fon  excellent  livre  de  \'art  de  la 
guerre  ,  pour  déterminer  exa6tement  le 
terrain  necellaire  à  une  armée  ,  de  régler 
au  commencement  de  la  campagne  le 
nombre  de  rangs  que  les  bat-tillons  & 
les  elcadrons  doivent  avoir.  Pour  cela  il 
faut  examiner  la  force  ou  le  nombre  des 
hommes  de  chacune  de  fes  troupes ,  &: 
fixer  ce  qu'il  peut  y  en  avoir  à  chaque 
rang  pir  le  plus  grand  nombre  des  ba- 
taillons 6c  des  efcadrons.  S'il  s'en  trou- 
ve quelques-uns  qui  aient  un  front  beau- 
coup plus  grand  que  les  autres ,  cet  illuf- 
tre  général  prétend  qu'il  faut  leur  donner 
un  rang  de  plus  ,  &  en  donner  un  de 
moins  à  ceux  qui  auront  trop  peu  de 
front.  De  cette  façon  on  pourroit  regar- 
der les  bataillons  &  les  efcadrons ,  com- 
me occupant  toujours  le  même  front , 
&  faire  le  calcul  du  terrain  que  toute 
\' armée  doit  occuper  avec  une  très-grande 
facilité. 

5,  Pour  donner  une  idée  du  calcul  qu'on 
vient  d'indiquer  ,  c'eft-à-dire  de  celui 
qui  efl  utile  pour  trouver  l'cfpace  nécef- 
faire  pour  le  front  d'une  armée  ,  foit  une 
armée  àt  48  bataillons  &  80  efcadrons, 
&  Toit  fuppofé  aufli  que,  fuivant  l'ufage or- 
dinaire ,  les  intervalles  font  égaux  au  front 
de  chaque  troupe  ,  &  qu'on  veut  difpolèr 
ou  placer  V armée  fur  deux  lignes.  On  aura 
14  bataillons  &  40  efcadrons  pour  chaque 
ligne.  On  iuppofe  que  les  bataillons  font 
de  6fo  hommes  à  4  de  hauteur  ,  & 
les  efcadrons  de  1 50  à  3  de  hauteur  ;  ce 
qui  donne,  en  comptant  i  pies  pour  cha- 
que foldat  dans  le  rang  ,  &  3  pies  pour  le 
cavalier  ,  f  4  toifes  pour  le  front  du  ba- 
taillon, &  iy  pour  celui  de  Pefcadron, 
Multipliant  donc  14  par  54 ,  on  aura  i  xç)6 
toifes    pour  le  front  de    24   bataillons  , 

ci , 1296 

,,  On  aura  la  même  étendue  pour  les  in- 
tervalles ,  ci  , I  içf6 

„  Pcmr  le  front  des  efcadrons ,  on  mulci- 
pliera  40  par  zy  :  ce  qui  donnera  2000 
toiles  pour  le   front ,  ci ,     ,     .     1000 


4o^ 


ARM 


ARM 


„  Il  faut  obferver  les  mêmes  efpaces  pour  I      '„  M.  de  Puyfegur  examine  encore ,  G  une 


3,  les  intervalles ,  ci  ,  .  .  .  .  looo 
Total  du  front  de  chaque  ligne,  45 9 z 
„  A  l'égard  de  la  profondeur  du  terrain 
„  occupé  par  l'armée  ,  elle  ne  contient  que 
„  celle  de  deux  bataillons  ou  de  deux  eica- 
„  drons  ,  avec  la  diftance  de  deux  lignes , 
,,  qu'on  peut  régler  de  150  toifes;  ainli 
,,  cette  profondeur  n'auroit  guère  que  160 
,,  toifes.  On  n'a  point  parle  des  réi'erves 
„  dans  ce  calcul,  parce  qu'elles  n'ont  point 
,,  de  pofte  fixe  &  déterminé, 

,,  Ueft  difficile  de  ne  pas  convenir  qu'une 
„  étendue  de 4591  toifes,  ou  de  deux  lieues 
,,  communes  de  France  ,  telle  qu'eft:  celle 
„  du  front  de  l'armée  qu'on  vient  de  fuppo- 
„  fer  ,  efl:  exorbitante  par  rapport  à  la  pro- 
,,  fondeur  de  cette  même  armée.  AulTi  d  ha- 
,,  biles  généraux  penfent-ils  qu'il  feroit  à 
,,  propos  de  diminuer  ce  front  en  retran- 
,,  chant  quelque  chofe  de  la  grandeur  des 
,,  intervalles. 

5,  M.  le  marédial  de  Puyfegur  efl:  non 
,,  leulement  de  l'avis  de  ceux  qui  croient 
„  que  les  grands  intervalles  font  préjudicia- 
,,  blés  &  qu'il  faut  les  diminuer  :  mais  il 
,,  penfe  encore  qu'il  feroit  à  propos  de  filre 
,,  combattre  les  troupes  à  lignes  pleines , 
„  c'eft-à-dire  fans  intervalle. 

„  Il  fuppofe  ,  pour  en  dcmontrcr  l'avan- 
j,  tage  ,  10  bataillons  de  12.0  hommes  de 
„  front  fur  fix  de  hauteur  ,  rangés  à  coté 
,,  les  uns  des  autres  fans  aucun  intervalle  , 
„  Se  que  chaque  bataillon  occupe  un  elpace 
„  de  40  toifes  de  front  :  il  fuppofe  aulïî  lo 
,,  bataillons  de  pareille  force ,  qui  leur  foient 
„  oppofés  &  rangés  à  l'ordinaire  avec  des 
„  intervalles  égaux  à  leur  front  :  cela  pofé  , 
„  il  paroît  évident  que  les  zo  bataillons  bat- 
„  tront  fans  difficulté  les  10  oppofés ,  & 
„  même  15  qui  occuperoient  un  pareil  front; 
,,  car  lorlque  deux  troupes  combattent  l'une 
„  contre  l'autre ,  l'avantage  doit  être  du  coté 
„  de  celle  qui  a  le  plus  de  combattans  qui 
,,  agillent  enfemble  dans  le  même  lieu.  Il 
,,  eft  arrivé  cependant  quelquefois  que  des 
„  lignes  pleines  ont  été  battues  par  des 
„  lignes  tant  pleines  que  vuides  :  mais  l'évc- 
„  nement  en  doit  être  attribué  aux  troupes 
„  de  la  ligne  pleine  ,  qui  n'ont  pas  fu  entrer 
„  dans  les  intervalles  de  l'autre  ligne  ,  &  at- 
„  taquer  le  flanc  des  bataillons  de  cette  ligne. 


„  armée ,  rangée  lur  une  leule  ligne  pleine , 
„  fera  placée  plus  avancageufement  qu'une 
,,  autre  armée  de  pareil  nrimbre  de  batail- 
„  Ions  &  d'efcadrons  rangée  fur  deux  lignes 
„  tant  pleines  que  vuides.  Il  ell  clair  qu'a- 
„  lors  les  deux  armées  occuperont  le  même 
„  front  :  mais  il  ne  l'eft  pas  m.o'.ns  que  li  des 
,,  deux  troupes  qui  ont  à  combattre  ,  l'une 
„  joint  tout  ion  monde  &  l'autre  le  fépare, 
„  celle  qui  attaque  avec  tout  le  fien  a  incon- 
„  teftablemicnt  un  avantage  confidérable  fur 
„  la  partie  qu'elle  attaque  ,  &  qu'elle  doit 
„  battre  en  détail  toutes  celles  de  la  troupe 
,,  dont  le  monde  eft  léparé. 

„  S'il  efl:  difficile  de  ne  pas  penfer  là-def- 
,,  fus    comme  l'illuflire    maréchal  qui   fait 
„  cette  obfen'ation ,  on  peut  lui  objeâer , 
,,  &  il  ne  fe  le  diffimule  pas ,  que  fi  la  pre- 
,,  miere  ligne  eft:  rompue  ,  la  iéconde  vient 
„  à  Ion  fecours  pour  en  rétablir  le  défordre  : 
„  &  que  la  première  peut  alors  fe  rallier  der- 
„  riere  la  leconde  ;  au  lieu  qu'en  combat- 
,,  tant  à  ligne  pleine,  fi  l'effort  de  cette  ligne 
,.  ne  réuffit  pas ,  l'armée  fe  trouve  obligée 
„  de  plier  fans  pouvoir  fe  réformer  derrière 
,,  aucun  autre  corps  qui  la  couvre  &  qui  la 
,,  protège.  A  cela  M.  le  maréchal  de  Puy- 
,,  legur,  d'accord  avec  le  lavant  marquis 
,,  de  S.uita-Crux  ,  prétend  que  tout  le  luc- 
,,  ces  d'une  bataille  dépend  de  l'attaquedc 
„  la  première  ligne  ,  &  que  fi  elle  eft  rom- 
„  pue  ,  la  féconde  ne  peut  guère  rétablir  le 
„  combat  avec  avantage.  Ajoutez  à  cela, 
,,  que  cette  féconde  ligne  s'avançant  avec  la 
„  même  foiblelle  dans  fon  ordre  de  bataille 
„  que  la  première ,  elle  fera  battue  avec  la 
„  même  facilité  par  la  ligne  pleine  ,  qui  a 
„  prelque  le  même  avantage  fur  cette  ligne 
,,  que  iur  la  première  ;  on  dit  prclque  , 
„  parce  qu'il  n'eft  p.aspoflriblc  à  li  ligne  plei- 
„ne,  de   battre  celle  qui  lui  eft  oppofée, 
„  fins  déranger  un  peu  fon  ordre  ,  &  que 
„  la  féconde  ligne  .arrivant  dans  ce  moment , 
,,  eft  en  état  d'attaquer  la  ligne  pleine  avec 
„  plus  d'avantage    que  la  première   ne  le 
„  pourroit  faire.  Il  faut  voir  plus  en  détail 
„  dans  l'ouvrage  de  M.  le  maréchal  de  Puy- 
„  fegur  ,  tous  les  raiionnemens  par  lefquels 
,,  il  démontre  en  quelque  façon  ce  qu'il  dit 
,,  à  l'avantage  des  lignes  pleines.  Ce  dét.iil 
„  n'eft   point  de  la  »ature  de  ce  traité  ,  SC 


ARM 

»  nous  n*en  avons  dit  un  mot  ,  que  pour 
S)  exciter  les  militaires  à  ne  pas  négliger  l'c- 
M  tudc  d'un  livre  aulU  utile  pour  l'intelli- 
»  gence  de  leur  métier ,  &  dont  ils  peu- 
»  vent  tirer  les  plus  grands  avantnges ,  pour 
«  en  polléder  parfaitement  les  principes. 

Des  divi fions  de  l'armée  ,  appellces  briga- 
des. "  S'il  n'y  avoir  point  de  divillon  dans 
V  ['armée  que  celle  des  bataillons  &  des  ef- 
»  cadrons ,  c'eft-à-dire  ii  elle  étoit  ieule- 
>j  ment  partagée  en  pluiieurs  parties  par  ces 
,,  différentes  troupes  ,  ou  bien  en  partie  du 
,,  centre  &c  en  ailes  ,  on  pourroit  dire  que  la 
„  première  de  ces  divilîons  donneroit  de 
„  trop  petites  parties ,  Se  la  féconde  de  trop 
,,  grandes.  Mais  comme  on  a  vu  par  la  for- 
„  mation  des  troupes  en  p.irticulier  qu'il  ne 
„  convient  pas  de  les  compofer  ,  ni  d'un 
,,  trop  petit  nombre  d'hommes ,  îii  d'un 
j,  trop  grand  ;  il  s'enfuit  que  les  divilîons  de 
„  Varmée  doivent  être  porportionnées  de 
„  même  d'un  nombre  de  bataillons  ou  d'ef- 
,j  cadrons  allez  confidérable  pour  produire 
,,  de  grands  elîets  dans  le  combat,  mais  trop 
,,  petit  pour  donner  de  l'embarras  dans  le 
,,  mouvement  de  l'armée.  Ce  qu'on  ap- 
,,  pelle  divijion  dans  Varmée  n'étanr  autre 
„  chofe  que  l'union  ou  laliaifon  de  plufieurs 
j,  corps  de  troupes  deftinés  à  agir  eniemble  ; 
,,  l'union  de  pluiieuxs  bataillons  ou  efca- 
,,  drons  peut  donc  être  conliJérce  comme 
j,  une  divilion  de  Varmée. 

,,  Chaque  régiment  peut  aufTi  être  confi- 
„  déré  comme  une  divifion  :  mais  comme 
,5  les  régimens  iont  très-diflérens  en  France 
„  les  uns  des  autres  par  le  nombre  d'hommes 
■„  dont  ils  font  compofés ,  la  divillon  de 
„  l'ordre  de  bataille  par  régimens  ne  con- 
i,  viendroit  pas  ;  c'eft  pour  cela  qu'on  en 
„  joint  plufieurs  eniemble  ,  qu'on  met  fous 
„  les  ordres  d'un  même  chef  appelle  briga- 
■y,  dier  ;  &  cette  union  de  régimens  ,  ou  plu- 
■„  tôt  des  bataillons  ou  des  elcadrons  qu'ils 
■„  com.pofent  ,  le  nomme  brigade  d'armée 
„  ou  Iimplcment  brigade.  Voye\^  Briga- 
,5  DIER.  Il  luit  de-là  qu'on  doit  définir  la 
'j,  brigade  un  certain  nombre  de  bataillons  ou 
j,  d'efccdrons  dejUrJs  à  combattre  Ù  à  faire 
■„  lefervice  militaire  eiifemble  fous  les  ordres 
„  d'un  chef  appelle  brigadier. 

„  Les  troupes  d'une  même  brigade  font 
J,  fur  h  même  ligne  dans  l'ordre  de  batail- 


A  R  M  407 

,,  le  ,  &  placées  immédiatement  à  côté  les 
,,  unes  des  autres  :  elles  ne  (ont  point  de 
,,  différente  efpece ,  mais  feulement  ou  d'in- 
„  fanterie  ou  de  cavalerie. 

,,  Toute  ['armée  eft  divilee  par  brigades  : 
„  mais  le  nombre  des  bataillons  ou  des  ef- 
,,  cadrons  de  chaque  brigade  n'eft  pas  fixé. 
,,  On  regarde  cependant  le  nombre  de  fix 
„  bataillons  ou  celui  de  huit  efcadrons 
5,  comme  le  plus  convenable  pour  former 
,,  les  brigades  :  mais  il  y  en  a  de  plus  fortes 
J,  &  de  plus  foibles. 

,,  Il  y  a  encore  quelques  autres  règles  ufi- 
,,  tées  dans  la  formation  de  l'ordre  de  ba- 
,,  taille ,  par  rapport  au  rang  que  les  régi- 
„  mens  ont  entr'eux  :  mais  on  renvoie  pour  ce 
„  détail  aux  ordonnances  militaires  ,  qui 
,,  fixent  le  rang  de  chaque  régiment  ,  & 
„  l'on  fe  reftreint  à  ce  qu'il  y  a  de  plus 
,,  eflentiel  &  de  plus  général  dans  l'ordre 
„  de  bataille. 

,,  Les  brigades  fuivent  entr'elles  le  rang 
,,  du  premier  régiment  qu'elles  contiennent: 
5,  les  autres  régimens  font  regardés  comme 
,,  joints  avec  ce  premier  ,  &  ne  faifmt  en 
,,  quelque  façon  que  le  même  corps.  Con- 
,,  formément  au  rang  de  ce  régiment ,  on 
„  donne  aux  brigades  les  pojfes  d'honneur 
,,  qui  lui  conviennent.  ,,  Voye^^  Poste 
d'honneur.  Ejfai  fur  la  Caframétation  par 
M.  le  Blond. 

On  a  expérimenté  en  Europe  ,  qu'un 
prince  qui  a  un  million  de  fujcts,  ne  peut 
pas  lever  une  armée  de  plus  de  dix  mille 
hommes  lans  fe  ruiner.  Dans  les  ancien- 
nes républiques  cela  étoit  différent  ;  on  le- 
voit  les  foldats  à  proportion  du  refte  du 
peuple  ,  ce  qui  étoit  environ  le  huitième  , 
iS:  préfentement  on  ne  levé  que  le  centième, 
La  raiion  pourquoi  on  en  lesoit  ancienne- 
ment davantage  ,  lemble  venir  de  l'égal 
partage  des  terres  que  les  fondateurs  des  ré- 
publiques avoient  fut  à  leurs  lujets  ;  ce  qui 
faifoit  que  chaque  homme  avoit  une  pro- 
priété conhdérable  à  défendre  ,  &  avoit  les 
moyens  de  le  faire.  Mais  préientement  les 
terres  &  les  biens  d'une  nation  étant  entre 
les  mains  d'un  petit  nombre  de  perfonncs , 
&  les  autres  ne  pouvant  fubfîfter  que  par 
le  commerce  ou  les  arts ,  &c.  n'ont  pns  de 
propriétés  à  défendre ,  ni  Içs  moyens  d'al- 
ler à  la  guerre  fins  écrafer  lîurs  LnaiUes  5 


4o8  ARM 

car  la  plus  grande  partie  du  peuple  eft  com- 
pofée  d'artifans  ou  de  domeftiques ,  qui  ne 
font  que  les  miniftres  de  la  moUefTe  &:  du 
luxe.  Tant  que  l'égalité  des  terres  fubllfta , 
les  Romains,  quoique  bornés  à  un  petit  état 
&c  dénués  du  fecours  que  les  Latins  dévoient 
leur  fournir  après  la  prile  de  leur  ville,  fous 
le  confulat  de  Camille  ,  levèrent  cepen- 
dant dix  légions  dans  la  Icule  enceinte  de 
leur  ville  :  ce  qui ,  dit  Tite-Live,  étoit  plus 
qu'ils  ne  peuvent  faire  à  prcfent,  quoiqu'ils 
ioient  les  maîtres  d'une  grande  partie  du 
inonde  ;  &  la  raifon  de  cela  ,  ajoute  cet 
hiftorien  ,  c'efl:  qu'à  proportion  que  nous 
ibmmes  devenus  plus  puifTans ,  le  luxe  & 
la  moUefTe  fe  font  augmentés,  yoye^  Tite- 
Live  .  Dec.  I ,  liv.  VII ,  confié,  fur  les  cauf. 
de  la  grand,    des  Rom.  ck.  iij ,p.  X^. 

Anciennement  nos  armées  ctoient  une 
forte  de  milice  compofée  des  vallàux  &  des 
tenans des feigncurs.  f.  Vassal  ,  Tenant, 
Seigneur,  Service  ,  Milice.  Quand  une 
compagnie  avoit  fervi  le  nombre  de  temps 
qui  lui  étoit  enjoint  par  fon  tcncment  ou 
par  la  coutume  du  fief  qu'elle  tenoit ,  elle 
étoit  licenciée.  Voy.  Tenement  ,  Fief  ,  6^c. 

Les  armées del'Emp'ne  confiftent  endiifé- 
rens  corps  de  troupes  fournies  par  les  dif- 
férens  cercles  d'Allemagne. Fbjf^  Empire  , 
Cercle.  La  principale  partie  de  Varmée 
françoifè  ,  fous  la  première  race  ,  confif- 
toit  en  infanterie.  Sous  Pépin  Se  Charlc- 
magne  elles  étoient  compofées  également 
d'infanterie  &:  de  cavalerie  :  mais  depuis  le 
d  faut  de  la  ligne  carlovingienne ,  les  fiefs 
étant  devenus  héréditaires ,  les  armées  na- 
tionales ,  dit  le  Gendre  ,  font  ordinaire- 
ment compofées  de  cavalerie. 

Les  armées  du  grand-feigneur  font  com- 
pofées de  janiflaires ,  de  fpaliis ,  &  de  ti- 
mariots. 

Armée  d'observation  ,  eft  une  armée 
qui  en  protège  une  autre  qui  fait  un  /legc , 
&  qui  eft  deftinée  à  obferver  les  mouve- 
,  mens  de  l'ennemi  pour  s'y  oppofer. 

Suiv.ant  M.  le  maréchal  de  Yauban ,  lors- 
qu'on fiit  un  (îege  ,  il  faut  toujours  avoir 
une  armée  d'obfcrvation  :  mais  elle  doit  être 
placée  de  manière  qu'en  cas  d'attaque  elle 
puiilè  tirer  du  fecours  de  l'/îrOTt'e  afîiégean- 
le  ,  avec  laquelle  elle  doit  toujours  confer- 
ver  des  communications.  ; 


ARM 

ArmÉe  royale  ,  tft  une  armée  qui 
marche  avec  du  gros  caaion  ,  &  qui  eft  eu 
état  d'aflîéger  une  place  force  &  bien  dé- 
fendue. On  pend  ordinairement  le  gou- 
verneur d'une  petite  place ,  quand  il  a  ofé 
tenir  devant  une  armée  royale. 

Armée  a  deux  fronts,  c'eft une  armée 
rangée  en  bataille  fur  pîuiieurs  Lgnes ,  dont 
les  troupes  font  face  à  la  ttte  &  à  la  queue , 
enforte  que  les  icldats  des  premières  «Se  des 
dernières  fe  trouvent  dos  à  dos.  Cette  poli- 
tion  fe  prend  iorfqu'on  eft  atuqué  par  la 
tête  &c  par  la  queue.  (Q) 

Armée  navale  :  on  appelle  ainfi  un 
nombre  un  peu  coniidérable  de  vailleaux 
de  guerre  réunis  &  joints  cnfemble  :  lorf. 
que  ce  nombre  ne  pafle  pas  douze  ou  quinze 
vaifîcaux,  on  dit  une  efcadre. 

Qiielques-uns  le  lervent  du  mot  dejlntt:, 
pour  exprimer  une  efcadre  ou  une  armée  na- 
vale peu  confidérable  :  mais  cette  expreC 
fion  n'eft  pas  exaéle  ;  on  la  rélerve  pour 
parler  de  vaifleaux  marchands  qui  lont  réu- 
nis pour  naviger  enfemble,  Voye-^  Flotte. 

Une  armée  navale  eft  plus  ou  moins  for- 
te ,  fuivant  le  nombre  &  la  force  des  vaif- 
féaux  dont  elle  eft  compofée.  La  France 
en  a  eu  de  confidérables  à  la  fin  du  fiecle 
dernier  ,  &  au  commencement  de  celui-ci. 
En  1690,  l'armée  navale  commandée  par 
M.  le  comte  de  Tourville ,  vîce-amiral  de 
France  ,  étoit  de  1 1 6  voiles  ;  favoir  70  vaif- 
feaux  de  ligne,  depuis  100  canons  jufqu'à 
40  canons  ;  10  brûlots  ,  6  frégates  ,  &  10 
bâtimens  de  charge. 

En  1704 ,  \' armée  navale  commandée  par 
M.  le  comte  de  Touloufe  étoit  de  $0  vaif- 
féaux  de  ligne,  depuis  104  canons  jufqu'à 
54 canons  ;  de  quelques  frégates ,  brûlots, 
&  bâtimens  de  charge ,  avec  14  galères. 

Nous  divilons  nos  armées  navales  en  trois 
corps  principaux  ,  ou  trois  efcadres ,  qu'on 
diftingue  par  un  pavillon  qu'ils  portent  au  mât 
d'avant  ;  l'une  s'appelle  Vefcadre  bleue  ,  l'au- 
tre Vefcadre  blanche  ,  &  la  troifiemc  Vefcadre 
bleue  &  blanche.  L'efcadre  blanche  eft  tou- 
jours celle  du  commandant  de  Varmée.  Ces 
trois  elcadres  forment  une  avant-garde ,  un 
corps  de  kitaillc,  &  une  arriere-garde  ;  cha- 
que vaiffeau  porte  des  flammes  de  la  cou- 
leur de  fon  efcadre. 

L'avant -garde  eft  l'efcadre  la  plus  au 

vent 


A  R  M  4o<? 

diftinitcment.  Elles  ont  lcsm"-mcs  propriccés. 

La  pierre  d'Arménie  purge  fcùlcmeni:  plus 
forcement  que  celle  d  azur  ;  on  les  recom- 
mande dans  les  mêmes  maladies  :  la  dcfc" 
en  ell  depuis  fix  grains  julqu'à  un  fcrupulii. 
r.lle  .Icteige  A  l'extérieur,  avec  un  peu  d'acri- 
monie &  d'artricilion  :  mais  on  s'en  (erc  ra- 
rement en  médecine. 

Les  peintres  en  tirent  un  beau  bleu  tirant 
lur  le  verd.  Geoff.  Alexandre  de  Trulles 
préfère  \x  pierre  d'Arménie  à  l'ellébore  blanc , 
en  qualité  de  purgatif,  dans  les  affecbions 
mélancolioues. 

ARMÉNIENS  ,  f.  m.  pi.  (  Théo!.  h:j}. 
cccléf.  )  confidérés  par  rapport  à  Icwr  reli- 
gion ,  c'eft  une  re>5be  des  chréciens  d'orieiit, 
ainiî  appelles  pirce  qu'ils  habitoienr  autrc- 
f^ois  l'Arménie.  Voy^^  Secte. 

On  croit  que  la  foi  fut  portée  dans  leur 
pays  par  l'apotre  S.  Barchelemi  :  ce  qu'il  y  a  de 
certain ,  c'eic  qu'au  commencement  du  iv* 
iiccle  l'églife  d'Arménie  étoit  trés-florilïànte, 
&  que  l'arianilme  y  fit  peu  de  ravages.  lis 
étoient  du  relTIort  du  patriarche  ce  Conf- 
tantinople  :  mais  ils  s'en  féparerenr  avant  !e 
temps  de  Photius  ,  aulli-bien  que  l'églile 
greque  ,  Se  compoferent  ainil  ur.e  églife 
nationale  ,  en  partie  u:iie  avec  l'églife  ro- 
maine ,  &  en  partie  léparée  d'elle  :  car  on 
en  diftingue  de  deux  lortes  ■,  les  francs  Ar- 
m'iiiens  ,  &c  les  (chihnanques.  Le:  francs 
Arméniens  iont  carhoî  ques  ,  &  fournis  à 
réglife  romaine.  Ils  ont  un  patriarche  à 
Nakiivan  ,  ville  d'Arménie  ,  fous  la  domi- 
nation du  roi  de  Pcrfe ,  &c  un  autre  à  Kami- 
niek  ,  en  Pologne.  Les  Arméniens  fchifma- 
tiques  ont  aulLi  deux  patriarches  ;  l'un  ré- 
lîdant  au  couvent  d'Elchemiazin  ,  c'eft-à- 
dire  ,  les  trois  égiiles  proche  d'Erivan  ,  &: 
l'autre  à  Eti  en  Cilicie. 

Depuis  la  conquête  de  leur  pays  par  Scha- 
Abbas  ,  roi  de  Perle  ,  ils  n'ont  prefque 
point  eu  de  pays  ou  d'habitation  fixe  :  mais 
ils  le  !o;j:  dilperlés  dans  quelques  parties  de 
la  Perfe  ,  de  la  Turquie  ,  de  la  Tartaric  ,  Sc 
même  en  pluiieurs  parties  de  l'Europe  ,  par- 
ticulièrement eiî  Pologne.  Leur  principale 
occupation  eft  le  commerce ,  qu'ils  cnten- 
derit  très-bien.  Le  cardinal  de  Richelieu  , 
qui  vouloir  le  rétablir  en  France ,   projeta 

{x)  C'cft  fiîiilement  un  des  trois  l".nt:niens  des  favans  ,  car  le  P.  Hardonin,  la  Marciniere  &  d'autres  le  placent 
oaiii  la  Paleftmc,  cVft  pour  mieux  fcsi  cmnoitre  (h  (Ituacion  dtttérente  piéteodu:  par  Jet  fjvans,  que  M.  Deliû» 
nous  a  donné,  en   17S4,  cette  bdlc  cane  Je   P.rUfi  tc.-r'Jiri:  f.:u. 

Tome  m.  Ccc 


ARM 
vent ,  &  l'nrricrc-garde  ,  celle  qui  eff  fous 
le  vent.  Lors  du  combat ,  ces  tro;s  eicadres 
fe  rangent  lur  une  même  ligne  ,  autant  qu'il 
cft  pollible  ;  de  forte  que  le  commandant 
fe  trouve  au  milieu  de  la  ligne.  (Z  ) 

ARMEDON  02/  ARMENDON,  (G/og-.) 
île  dans  le  voilmage  de  l'de  de  Crète  ,  à 
l'oppolite  du  promontoire  Sammonicn.  C/efl 
apparemment  l'un  de  ces  écueils ,  lans  nom 
moderne  ,  dont  on  (ait  que  de  nos  jours  Can- 
die ell  encore  environnée.  (£).  G.) 

ARMEMENT,  f.  m.  {Art  militaire.) 
gr.md  corps  de  troupes  abondamment  four- 
m  de  touiei  fortes  de  provillons ,  foir  pour 
le  fèrvice  de  terre  ,  loit  pour  le  lervice  de 
mer.  Voy^^  Armée.  On  dit  qu'un  prince 
fait  un  armement  ,  lorlqu'il  augmente  le 
nombre  de  (es  troupes  ,  &  qu'il  tait  de 
grands  amas  de  munirions  de  guerre  &  de 
bouche.  (Q) 

Armemint  ,  f.  m.  (Marine. )  c'eft  l'équi- 
pement ,  foit  d'un  viiileau  de  guerre  ,  loit 
de  pluiieurs,  &  la  diltribution  ou  embar- 
quement des  troupes  qui  doivent  monter 
chaque  vaideau.  Il  le  prend  aulÏÏ  quelquefois 
pour  les  gens  de  l'équipage. 

On  appelle  état  d'armement ,  la  lifte  que 
la  cour  envoie  ,  dans  laquelle  font  mar- 
ques lesvailleaux  ,  les  officiers,  &  le  nombre 
des  matelots  qu'on  defline  pour  armer.  On 
dit  encore  état  d'armement ,  pour  ligniher  le 
nombre  ,  la  qualité  ,  &  les  proportions  des 
agrcts ,  apparaux  ,  &.:  munitioiis  qui  doivent 
être  employés  aux  vailleaux  qu'on  doit  armer. 

Armement  ;  temps  d'un  armement.  On  dit, 
Wirmement  ne  durera  jue  quatre  mois.  (Z) 

*  ARMENIE  ,  iVf.  (  Géog.  &  Hiff.  anc. 
ù  mod.  )  grand  pays  d'Afie  ,  borné  a  l'occi- 
dent par  l'Euphrate  ;  au  midi  par  Diarbeck  , 
le  Curdillan  &:  l'Adcrbijan;  à  l'orient  par 
le  Chirvanj  &  au  fcptentrion  par  la  Géorgie. 
Il  efl  arrolé  par  pluiieurs  grands  fleuves.  Le 
paradis  terreftre  y  étoit  fitué.  (a) 

*  Arménie  (Piep.rh  d')  ,  Hil.  nat. 
fojf.  elle  cft  opaque;  elle  a  des  taches  vertes , 
bleues  &:  brunes  ;  elle  cft  polie  ,  parfemée 
de  petits  points  dorés  ,  comme  li  pierre 
d'azur ,  dont  elle  diifere  en  ce  qu'elle  fe  met 
aifément  en  poudre.  On  les  trouve  dans  la 
même  terre  ;  c'eft  pourquoi  on  les  emploie  in- 


4if)  ARM 

d'y  atc'rer  grnnd  nombre  à' Arméniens  ;  8c 
le  chancelier  Seguier  leur  accorda  une  im- 
primerie à  Marieille  ,  pour  mukiplier  à 
moins  de  frais  leurs  livres  de  religion  ,  qui , 
avant  cela  ,  ctoienr  fort  rares  &c  fort  chers. 

Le  chriftiamlme  s'eft  conicrvé  parmi  eux  , 
mais  avec  be.  ucoup  d'altération  ,  fur-tout 
pnrmi  les  Aiméniens  fcliifmatiques.  Le  père 
Galanus  rapporte  que  Jean  Hernac  ,  Armé- 
men  cathoLque  ,  alfure  qu'ils  luivent  l'hé- 
réiie  d'Eutychès ,  touchant  l'unité  de  nature 
en  Jefus-Chrill:  ;  cju'ils  croient  que  le  Sainx- 
Lfprit  ne  procède  que  du  père  :  que  les 
âmes  des  juftes  n'entrent  point  dans  le  para- 
dis ,  ni  celles  des  damnes  en  enfer  ,  avant  le 
jugement  dernier  ;  qu'ils  nient  le  purgatoire; 
retranchent  du  nombre  des  facremensla  con- 
firmation &  l'extrcme-ondrion  ;  accordent 
au  peuple  la  communion  (ous  les  deux  ef- 
peces  ;  la  donnent  aux  enfans  avant  qu'ils 
dient  atteint  l'âge  de  raifon ,  &  penfent  oitin 
»jue  tout  prêtre  peut  abloudre  indifféremment 
de  toutes  fortes  de  péchés;  enforte  qu'il  n'efl: 
jioint  decasréfervésj  foit  aux  évêques,  foit  au 
pape.  Michel  Fevre  ,  dans  Ton  théâtre  de  la 
Turque  ,  dit  que  les  Arméniens  font  Mono- 
fhyfves ,  c'eft-à-dire ,  qu'ils  n'admettent  en 
Jeius-Chrift  qu'une  nature  compofce  de  la 
nature  divine  &  de  la  nature  humaine ,  fiuis 
jiéanmoiirs  aucun  mélange.   Voye^  Mono- 

THYSITES. 

Le  même  auteur  ajoute  que  les  Arméniens 
en  rejetant  le  purgatoire  ,  ne  laiifènt  pas  que 
de  prier  &  de  célébrer  des  meffcs  pour  les 
morts  ,  dont  ils  croient  que  les  âmes  atten- 
dent le  jour  du  jugement  dans  un  lieu  où  les 
juftes  éprouvent  des  fentimens  de  joie  dans 
l'espérance  de  la  béatitude  ,  &  les  médians 
des  imprefTions  de  douleur  ,  dans  l'attente 
des  fupplices  qu'ils  (avent  avoir  mérites  , 
<|uo'que  d'autres  s'imaginent  qu'il  n'y  a  plus 
d'enfer  depuis  que  .Tefus-Chrift  l'a  détruit  en 
de(cend.-n:aux  lymbes ,  «S:  que  la  privation 
de  Dieu  (era  le  fupplice  des  réprouvés  ;  qu'ils 
ne  donnent  plus  l'extrcme-ondioii  depuis 
environ  locnns ,  parce  que  le  peuple  croyant 
que  ce  Gcremtnt  avoir  la  vertu  de  remettre 
par  lui-même  tous  les  péchés ,  en  avoir  pris 
occadon  de  négliger  tellement  la  confeiTîon  , 
qu'in'enllblement  elle  auroit  été  tout  ù  fiit 
abolie  :  que  quoiqu'ils  ne  reconnoi/îènt  pas 
la  primauté  du  pape ,  ils  l'appellent  néaii- 


A  R  M 

moins  dans  leurs  livres  le  yafkvr  univerfet , 
&  vicaire  de  J.  C.  Ils  s'accordent  avec  les 
Grecs  hir  l'article  de  l'euchariftie  ,  excepté 
qu'ils  ne  mêlent  point  d'eau  avec  le  vin  dans 
le  facrifice  de  la  mcfle  ,  &  qu'ils  s'y  fervenr 
de  pain  {ans  levain  pour  la  conlécration  , 
comme  les  catholiques.  Voyc;^  Azyme, 

C'ell  (ans  fondement  que  Brcrewood  les 
a  accufés  de  fivorifer  les  opinions  des  facra- 
mcntaires ,  &  de  ne  point  manger  des  ani- 
maux qui  font  eftimés  immondes  dans  la 
loi  de  Â'ioyfe  ,  n'ayant  pas  pris  garde  que 
c'eft  La  coutume  de  toutes  les  fociétés  chré- 
tiennes d'orient  de  ne  manger  ni  f'.ng  ni 
viandes  étouffées  ;  en  quoi ,  lelon  l'efprit  de 
la  primitive  églife  ,  il  n'y  a  point  de  luperC- 
tition.  Ils  font  grands  jeûneurs  ;  &  à  les 
entendre  ,  l'eflentiel  de  la  rehgion  conlîfte  à 
jeûner. 

On  compte  parmi  eux  plufieurs  monaf- 
teres  de  l'ordre  de  S.  Bafile  ,  dont  les  Ichif- 
matiques  obfen'ent  la  règle  :  mais  ceux  qui 
le  font  réunis  à  l'églile  romaine  ont  cmbralle 
celle  de  S.  Dominique ,  depuis  que  les  domi- 
nicains envoyés  en  Arménie  par  Jean  XXII 
eurent  beaucoup  contribué  à  les  réunir  au 
(îiint  fiege.  Cette  union  a  été  renouvellee  & 
rompue  plulieurs  fois ,  fur-tout  au  concile  de 
Florence  ,  fous  Eugène  IV. 

Les  Arméniens  {ont  l'office  ccdéfiaftique 
en  l'ancienne  langue  Arménienne,  difté- 
rente  de  celle  d'aujourd'hui ,  &  que  le  peuple 
n'entend  pas.  Ils  ont  auffi  dans  la  même 
langue  toute  la  bible  ,  traduite  d'après  la 
verfion  des  Septaiite.  Ceux  qui  font  fournis 
au  pape  font  aulTi  l'office  en  cette  langue  ,  & 
tiennent  la  même  créance  que  l'églife  catho- 
lique ,  fms  aucun  mélange  des  erreurs  que 
profefl'ent  les  (chifmatiques. 

Nous  remarquerons  encore  que  le  titre 
de  vertabied ,  ou  docteur,  eft  plus  refpeAé 
que  celui  d'évcque;  qu'ils  le  confèrent  avec 
les  mêmes  cérémonies  qu'on  donne  les  ordres 
iacrés ,  parce  que  ,  lelon  eux  ,  cette  dignité 
repréfente  celle  de  Jedis-Chrift  ,  qui  s'ap- 
pelloit  raMù  ou  docteur.  Ces  vcrtabieds  ont 
droit  de  prêcher  alTîs ,  &  de  porter  uue 
crofle  ftmiblable  à  celle  du  patri:irche ,  tan- 
dis que  les  évêques  n'en  ont  qu'une  moins 
diftiiîguée,  <3c  prêchent  debout ,  l'ignorance 
de  leurs  évêques  ayant  acquis  ces  honneurs 
\s<.  cette  préférence  au;!,  dodeurs,  Giiluius> 


ARM 

conciliât,  de  Vcgl.  armén.  avec  l'égî.  rom.  Si- 
mon ,  hi(l.  des  rclig.  du  levant.  (G) 

*  ARMENNA ,  (Gcoe.  anc.)  ruines  d'une 
ville  appellce  autrefois  Medobriga  :  on  les  voir 
dans  l'Alentéjo  ,  près  de  l'Elhv.m.idure  d'El- 
p.ij^ne ,  ^  du  bourg  de  Marvaon. 

*  ARMENTIERES  ,  (  Géogr.)  ville  des 
Pays-Bas ,  dans  le  comté  de  Flandre  ,  au 
territoire  d'Ypres,  capitale  du  quareier  de  la 
W'epe  fur  la  Lys.  Lc/ig.  zo  ,  zj  ;  lat.  50,  40. 

§  Cette  ville ,  qui  a  Ion  feigneur  particulier 
de  la  maifon  d'Egmont ,  fut  prife  &  déman- 
telée par  les  François  l'an  1667.  Son  lort, 
avant  cette  époque  ,  pareil  à  celui  des  autres 
places  fortes  de  la  contrée  ,  l'avoit  fouvent 
expofec  aux  horreura  de  la  guerre  :  &  les 
François  &  les  Elpagnols  conftamment  en 
guerre  dans  le  dernier  hccle  Se  dans  le  pré- 
cédent ,  tour  à  tour  s'emparoient  iSc  (e  chal- 
fôient  de  (es  murs  ;  leur  démolition  a  fait 
Ion  repos  ;  &  cellant  d'être  importante 
comme  forterelle  ,  elle  l'eft  devenue  com.me 
ville  de  commerce  ,  comme  place  de  fabri- 
ques de  draps  très-eftimés.  (Z).  G.) 

ARMER  (  s'  ) ,  en  terme  de  manège  ,  le 
dit  d'un  cheval  qui  bailîe  fa  tête  ,  &  courbe 
(on  encolure  julqu'à  appuyer  les  branches 
de  la  bride  contre  (on  poitrail  ,  pour  ré- 
fifter  au  mors ,  &c  défendre  Tes  barres  &:  fa 
bouche. 

On  dit  encore  qu'un  cheval  s'arme  des 
lèvres,  quand  il  couvre  ies  barres  avec  les 
lèvres ,  afin  de  rendre  l'appui  du  mors  plus 
lourd.  Les  chevaux  qui  ont  de  grollès  lèvres 
(ont  fujets  à  s'armer  ainfi.  Le  remède  à  cela 
cft  de  lui  donner  un  mors  plus  large,  &  qui 
foit  mieux  arrêté  fur  les  barres. 

Pour  le  premier  cas ,  le  remède  eft  de  lui 
attacher  ious  la  bouche  une  boule  de  bois 
entourée  d'étoffe  entre  les  os  de  la  mâchoire 
inférieure  qui  l'empêche  de  porier  fa  bouche 
fi  près  de  fon  poitrail.  (  V) 

Armer  un  vaifl'eau  ,  c'eft  l'éc^uiper  de 
vivres ,  munitions ,  foldats  -  matelots ,  <Sc 
^  autres  chofes  néceflaires  pour  faire  voyage  & 
pour  combattre.  (Z) 

Armer  ,  terme  de  Fauconnerie.  On  dit 
armer  les  cures  de  l'oifeau.  ^oje^CuRE.  On 
dit  aufTi  armer  l'oifeau  ;  c'eft  lui  attacher  des 
fonnettes  au  pié. 

Armer  un  métier ,  terme  de  fabrique  des 
ctofFes  de  foie  ;  c'eft  par  rappon  à  la  chaîne , 


A  R  M  411 

quand  elle  eft  pafloc  au  travers  du  rcmillè  , 
qu'elle  eft  tirante ,  &c  qu'il  s'agit  de  la  frire 
mouvoir  pour  former  le  corps  de  l'étotTe  ; 
attacher  des  ficelles  de  moyenne  groOeur  aux 
lillerons  par  de  longues  boucles ,  enfiler  les 
marches  &  les  ajufter  ,  pour  fiirc  lever  ou 
bailler  les  lilles  &  partager  la  chaîne,  de 
fxçon  que  l'ouvrier puifle  mouvoir  fa  navette. 

L'armure  efl:  très-peu  de  choie ,  pour  es 
qui  concerne  la  chaîne  :  mais  elle  ell  de 
conléquence  pour  les  lilles  de  poil  :  quant  à 
cette  opération  voyc^l'article  Armure. 

Armer  ,  {Jard.  )  fe  dit  d'un  arbre  qu'on 
garnit  d'épines  par  le  pié  pour  empêcher 
les  bcftiaux  de  s'y  frotter  &  d'en  offenfer 
l'écorce.  On  doit  en  couvrir  la  tige  avec 
des  cordons  de  paille  qu'on  entortille  tout 
autour  ;  c'eft  une  précaution  nécefîaire 
pour  la  maintenir  fraîche  &  pour  faciliter 
le  cours  de  la  fève  pendant  les  grandes 
chaleurs. 

Comme  les  arbres  d'une  pépinière  ont  leur 
écorce  tendre  &  délicate ,  parce  qu'ils  ont 
toujours  été  à  l'ombre  ,  il  faut  quand  on  les 
tranfplante  ,  avoir  foin  de  les  armer  pour  ne 
pas  les  expofer  tout  à  coup  aux  fortes  ge- 
lées ,  ni  aux  grandes  ardeurs  du  folc-il. 
C'eft  un  moyen  de  confcrver  leurs  tiges 
belles  &  nettes  :  il  fliut  avoir  cette  atten- 
tion jufqu'à  ce  qu'ils  aient  pris  leur  force, 
&c  fè  foient  accoutumés  au  grand  air.  (+) 

Armer  un  canon,  {Artil.)  c'eft  mettre 
le  boulet  dans  un  canon.  Lorfqu'oii  ôte  le 
boulet  d'un  canon  ,  on  appelle  cela  défarmer 
le  canon.  (+) 

Armer  un  fourneau  de  mine  ,  (  Artil.  ) 
c'eft ,  après  l'avoir  chargé  de  la  poudre  né- 
celTaire ,  couvrir  le  coflre  avec  des  madriers , 
pour  fervir  de  bafe  aux  étançons  qui  fou- 
tiennent  le  ciel  du  fourneau  ;  eniuite  fer- 
mer la  chambre  par  pluiîeurs  madriers  que 
l'on  nomme  porte  ,  que  l'on  arc-boute  avec 
des  étrillons  qui  appuient  contre  un  des  côtés 
des  rameaux  oppofés  à  la  chambre.  (-}-) 

Armer  la  clef,  (  Mufiq.  )  c'eft  y  mettre 
le  nombre  de  diefes  ou  de  bémols  conve- 
nables au  ton  &  au  mode  dms  lequel  ou 
v;;ut  écrire  de  la  mufique.  Voye';^  Bémol  , 
Clef,  Dièse.  (S) 

§  ARMES  ou  ARMOIRIES ,  f.  f.  qui 
n'a  point  de  hngulier ,  {terme  de  Blafon.) 
marques  d'homieur  fur  les  éçns  &:  fur  les 
Ccc  2 


4ir  A  R.  M 

cnfeignes  &  drarcnux ,  pour  connoitre  les 
fomiiies  nobles  &  diftingucr  les  nations. 

Les  armes  les  plus  fimples  &  les  moins  di- 
verlifiées  ,  font  les  plus  Belles  &  les  plus  no- 
bles i  on  entend  par-là  que  dans  l'ccu  ,  moins 
il  y  a  de  pièces ,  plus  elles  iont  diicinguces. 
Les  pièces  qui  tiennent  le  premier  rang 
dans  les  armaines  Iont  les  pièces  honorables , 
le  chef,  la  fafce  ,  le  pal ,  la  croix,  la  bande , 
le  chevron  &  le  lautoir. 

Les  autres  pièces  ,  compofees  de  pièces 
honorables ,  font  le  fafcé ,  le  paie ,  le  bandé , 
le  chevronné. 

Les  quatre  partitions ,  le  coupé ,  le  parti , 
le  tranché  &  le  tailU,  &  les  réparations. 

Toutes  ces  pièces  foîit  héraldiques ,  parce 
•qu'elles  ont  été  inventées  &  roifcj  en  ulr.ge 
pour  les  hérauts  d'armes  ,  des  l'origine  des 
armoiries. 

Les  lions ,  léopards  ,  aigles ,  allérions , 
merlcttcs,  befàns ,  tourteaux  ,  billettes,  ùc. 
Iont  entrés  dans  les  armoiries  ,  prelque  dans 
le  même  temps. 

En  général  toutes  les  pièces  &  meubles 
dont  on  compofe  les  armes  font  très-hono- 
1  Ifiques ,  puifqu'elles  reprcfentent  les  aétions 
éclatantes  des  ancêtres  ou  aïeuls  de  ceux 
qui  ont  droit  de  les  porter. 
.  îl  y  a  différentes  fortes  d'armes  ou  ar- 
ipciries.  Armes  pures  &  pleines  iont  celles 
où  il  n'entre  aucun  mélange ,  que  les  aines 
des  maifons  ou  fùmilles  portent  telles  que 
leurs  ancêtres  les  ont  toujours  portées. 

Armes  Irifécs  ;  celles  que  les  cadets  ont 
augmentées  de  quelque  pièce ,  pour  être  dil- 
lingucs  d'^  leur  aine. 

Armes  parlantes  ;  celles  où  il  y  a  quelques 
figures ,  pièces  ou  meubles  qui  tonr  allulîon 
au  nom  de  la  fimilie. 

Armes  de  cr.;ice(fion  ;  celles  faites  de 
quelques  pièces  des  armoiries  des  louverains, 
«u  même  leurs  armoiries  pures  &  pleiiies , 
accordées  à  certaines  perlonnes  pour  les 
réccmpenlcr  de  quelque  fervi-ce  important. 

Armes  chargées  ;  cellis  où  l'on  ajoute 
d'autres  armoiries  par  lubftitution. 

Armes  futJl/nJes  ;  celles  qui  ôtent  la  con- 
noifTànce  d'une  f.nnille  ,  puilque  par  lublli- 
tution  de  biens  &  d'rrmes  faite  i  une  per- 
fonnc  ,  elle  cil  obligée  de  quitter  fon  nom 
ik.  fes  armes  ,  di  de  prendre  celles  du  fubf- 
tituant  par  mariage. 


ARM 

Arm.es  à  enquérir  ;  celles  qui ,  ayant  xxn. 
champ  de  métal ,  font  chargées  de  pièces 
pareillement  de  métal ,  ou  celles  qui ,  étant 
de  couleur  ,  font  chargées  de  pièces  aulTi 
de  couleur ,  ce  qui  cil:  contre  les  règles  de 
Tnrt  du  blafon  ,  Se  donnem  occalion  désin- 
former pourquoi  elles  font  de  la  forte. 

Armes  ou  armoiries  vient  du  mot  armure , 
parce  que  les  marques  que  l'on  prenoit  pour 
ic  faire  conno.tre  ,  du  temps  des  anciens 
tournois  &  des  croifades  ,  furent  d'abord 
portées  lur  les  boucliers ,  cotte-d'armes  & 
autres  armes  oftcnfives  &  défenfives.  Vaye^^ 
Tournois  ^  origine  des  armoiries.)  (G.  D. 
L.    T.) 

ARîvIbT  ,  f.  m.  (  Art  militaire.  )  On 
jppclloit  ainli  un  chapeau  de  fer  que  les 
chevaliers  failoient  porter  avec  eux  dans  les 
batailles  ,  Se  qu'ils  fc  mettoient  fur  la  tête , 
lorlque  s'étant  retirés  de  la  mêlée  pour  le 
repofer  Se  reprendre  haleine  ,  ils  quittoient 
leur  heaume. 

Dreuxe  de  Mello  ,  dans  l'elcarmouche  de 
Mante ,  n'ayant  quecette  armure ,  fut  attaqué 
par  le  feigneur  de  Préaux  ,  vafl'al  du  roi 
d'Angleterre,  qui,  d'un  coup  de  fabre,  lui 
abattit  fon  chapeau  de  fer  &  le  bleiîà  au  front. 
Froiflart  parle  fouvent  de  ces  chapeaux 
de  fer  :  c'étoit  un  calque  léger ,  ians  vi- 
liere  Se  fans  gorgerin ,  comme  ce  qu'on  a 
depuis  appelle  bacinet.  Ces  calques  légers 
'toient  dans  ce  temps-là  l'armure  de  tête 
de  la  cavalerie  légère  &  des  piétons.  (  K) 
^  ^  ARMIER,  {Géog)  ville  de  France, 
dans  le  Dauphiné ,  au  Valentinois. 

*  ARlvUERES,  {Géog.)  petite  ville  du 
Hainaut ,  lur  la  Sambre.  Long.  X£ ,  ?  ;  lat. 

ARMIGER,  f.  m.  (Hi/l.  mod.)  mot 
latin  compolé  d'arma  gercre  ,  porter  les 
armes.  C'étoicnt  chez  nos  anciens  ,  ceux  qui 
;iccom.pagnoient  les  héros  au  combat ,  & 
écoicnt  leurs  porteurs  d'armes.  Dans  les 
écrivains  modernes  ,  artnigcr  cil  un  titre  de 
dignité  ,  lui  degré  de  noblelïe  ,  que  nous . 
exprimons  eiî  françois  par  écaycr.  Voyei^ 
ECUYER.   (  G) 

ARMILLAIRE  ,  adj.  en  ajlronomie  ;  c'eft 

ainli  que  l'on  appelle  une  fphcre  artificielle , 

compofée  de  pluiieurs  cercles  de  métal  ou 

de  bois  ,qui  reprélenttnt  les  difterens  cercles 

1  de  la  fpliere  du  miOnde  ^  mis  cnfcinblc  dans 


ARM 

leur  ordre  naturel,  rovc?  Sphfre  £•  Ctr- 
CLE.  Ce  mot  armillairecn  forme  A'ûimiUa, 
qui  veut  dire  un  br.icclcc.  La  iplïcre  ar- 
h'.illaire  Icrc  à  aider  l'imagination  pour  con- 
cevoir l'arrangement  des  cieux  ,  &  le  mou- 
vemait  des  corps  celeites.  Voyt^QitL,  So- 
leil ,  Planète. 

On  en  voit  la  reprcfentation  dans  la 
planche  nftrcr.omrq.  fig.  Zi .  P  Se  Q  repré- 
flntcnt  les  paroles  du  monde;  AD,  l'ciju.i- 
tcur  ;  EL,  l'écliptique  ,  ou  le  zodiaque  ; 
PAQD  ,  le  méridien;  ou  le  colure  des 
foUtices  ;  T,  la  terre  ;  EG  ,\t  tropique  du 
cancer;  HL  ,  le  tropique  tiu  capricorne; 
BIN  ,  le  cercle  arctique  ;  O  ^' ,  le  cercL- 
antarctique;  N £c  O  ,  les  pôles  de  l'éclipti- 
que ;&ii5',  l'horizon.  Il  y  a  cette  ditfé- 
rence  entre  le  globe  ^'  la  fpherc  armiliairc , 
que  la  Iphere  ctt  à  jour,  &:  ne  contitnt  pré- 
cilcment  que  les  principaux  cercles  ;  au  lieu 
(juc  le  globe  eft  entièrement  lolide  ,  &  que 
les  cercles  y  font  imiplement  tracés.  Outre 
1.'.  fphere  armilbire  ,  qui  repréfente  les  ditle- 
rens  cercles  qu'on  imagine  lur  le  globe  ter- 
rcltre  ou  célelte  ,  il  y  a  d'aunes  Ipheres  ar- 
millr.ires  ,  qui  reprélcîitent  les  orbites  ou  les 
cercles  que  décrivent  les  planètes  dans  les 
diliércnts  fyitèmes.  Ainll  il  y  a  la  ipliere 
c-.miUaire de  Ptolomée  ,  celle  de  Copernic , 
celle  de  Tycho  :  ces  dilTérentcs  Ipheres  re- 
préfentent  les  difFérens  arrangemens  des  pla- 
nètes ,  luivant  ces  aftronomes.  iOj 

AïlMILLE,e/2  Architeâure.  Voy,  [.  Anne- 

LETS. 

ARMILLES  ,  r.  m.  pi.  (  Afircnomie 
l'ifirum.  )  Le  arinilies  d'Alexandrie  font  cé- 
lèbres dans  lallronomie  par  les  obfervations 
de  Tymocharis  &  d'Erato/thene.  La  plus 
ancienne  oblcrvation  faite  à  Alexandrie 
fous  le  règne  des  Ptolémces  ,  environ  294 
ans  avant  J.  C. .  fur  la  déclinaifon  de  l'épee 
de  la  vierge  ,  fut  faite  avec  ces  armilks  ;  & 
ces  on'ervations  fervirent  à  Elypparquepour 
découvrir  le  changement  de  situation  des 
étoiles  fixes  ou  la  précelTion  des  équinoxes. 
Ce  armilks  coniîltoient  probablement  en 
deux  cercles  de  cuivre  ,  fixés  dans  le  plan 
de  l'cqu-ateur  &  de  méridien  ,  &  peut-être 
un  tro:l:cme  cercle  mobile  ,  à-peu-près 
comme  l'allrolabe  que  Ptolomée  décrit  dans 
rAlmageftcJ/^?.  S.  C.  LCesarmiUesavolem 
•une  demi-aune  de  diajBecre  ,  fuivant   Pro- 


A  R  M  4t3 

dus;  &:  com;"e  l'aune  des  an.cicns  étoit  , 
fuivant  quelques  auteurs  ,  la  longueur  des 
bras  étendus ,  Fanellad  icnfc  que  ces  ^r- 
milles  pouvoient  avoir  trois  pies  de  diamè- 
tre. Hijioriacakjli.';  ,  prokgomei'.a  ic)  ,  xi  , 
_?o  ;  &  il  croit  qu'on  pouvoir  ob.'crver  à 
cinq  minutes  près  avec  ces  armilks.  Ptolo- 
mée s'en  iervit  auffi  pour  ob!ervcr  les  équi- 
noxes ,  depuis  l'an  151  de  J.  C.  jufqu'à  l'an 
147  ,  à  l'exemple  d'Hypparque  ,  dont  Pto- 
lomée rapporte  de  lèmblables  obfervations. 

(  M.  DE  I.A  T.ANDE.  ) 

_  AR^iILU^TRiE  ,  fub.  f.  {Hif}.  onc.) 
fJte  des  Romains  ,  dans  laquelle  on  ftifoic 
une  revue généraledes  iroupesdansle champ 
de  Mars ,  au  mois  d'oil(jbre.  Les  chevaliers , 
les  centurions  &  tous  les  foldats  étoient  cou- 
ronnés ,  &  l'on  y  falloir  un  ficrilice  au  fon 
des  trompettes.  Ce  1:0m  vient  du  latui  arma 
luftrare  ,  faire  la  revue  des  armes.  Varron 
donne  à  cef.e  fête  une  autre  origine  ;  il  pré- 
tend que  cette  fètc  étoit  regardée  comme  un 
6?^f:ojca.Sc(^:rioi/ ,  expiation  ou  bénédiction  des 
armées ,  décrivant  armibjlrium  de  arma  liiere , 
ou  fujirare ,  qui  en  termes  confacrés  à  la  re- 
ligion païenne  ,  fîgnifioienr  une  expiation  , 
pour  la  profpérité  des  armes  des  Ro- 
mains, (c  ) 

*  ARMiNACHA  ,  C  G>^og.  anc.  &  w.cd.  ) 
petite  ville  de  la  Natolie  ,  dansl'Aladulie, 
au  pié  du  mont  Taurus  ;  on  prérend  que  c'efl 
l'ancienne  Cyhijlra. 

ARAlINIAbNIME  ,  fubfr.  m.  (  T'rJol. 
Hiji.  eccléf.  )  doélrine  d'Arminius  ,  célèbre 
miniUred^Amllerdam ,  &  depuis  profellèur 
en  théologie  dans  l'académie  de  Leyde  &: 
des  arminiens  (es  lectateurs.  (''oyci(_  Armi- 
nien?. Ce  qui  diilingue  principalement  les 
arminiens  des  autres  réformés  ,  c'efl  que 
perfuadés  que  Calvin  ,  Beze  ,  Zajicliius , 
&c.  qu'on  regardoit  comme  les  colonix  -  du 
calvinifme  ,  avo  en.t  établi  des  dogmes  trop 
féveres  ,  fur  le  libre  arbitre  ,  la  prédcflina- 
t;on  ,  la  juilihcarion  ,  la  perfévérance  ik  la 
grâce  ;  ils  ont  pris  fur  tous  ces  points  des 
léritimens  plus  modérés,  &  approchans  à 
quelques  égards  de  ceux  de  l'églile  romaine. 
Gomar  ,  profeficur  en  théologie  de  l'aca- 
démie de  Groningue  ,  &  calvinifte  rigide  , 
s'éleva  con.tre  la  doctrine  d'Arminius.  Après 
bien  des  difputcs  commencées  dès  1609  ,  6c 
qui  mcnaçoient  les  Provinccs-uuies  d'une 


414  ARM 

guerre  civile  ,  la  matière  futdircutée&  dé- 
cidée en  faveur  des  gomariftes  par  le  fynode 
de  Dordredl:  ,  tenu  en  1618  &c  1619  ,  & 
compofé  outre  les  théologiens  de  Hollande, 
de  dcputés  de  toutes  les  cglifes  réformées , 
excepté  des  François  ,  qui  en  furent  em- 
pochés par  des  raifons  d'état,  C'eft  par  lex- 
poiîcion  de  Varmimanifme  faite  dans  ce  fy- 
node ,  qu'on  en  pourra  juger  faincmcnt.  La 
cifpute  entre  les  deux  partis  étoit  réduite  à 
cinq  chefs  :  le  premier  rcgardoit  la  prédefti- 
ration  \  le  fécond  ,  l'univerdilité  de  la  ré- 
demption ;  le  troiiieme  &  le  quatrième  , 
qu'on  traitoit  toujours  enfemble  ,  regar- 
cioient  la  corruption  de  l'homm.e  &  la  con- 
verilon  \  le  cinquième  concernoit  la  perfé- 
vér.-înce. 

Sur  la  préceftination  ,  les  arminiens  di- 
foient  "  qu'il  ne  filloit  reconnoître  en  Dieu 
"  aucun  décret  abiolu  ,  par  lequel  il  eût  ré- 
"  ibiu  de  donner  Jelus-Chrift  aux  (êuls  élus , 
?'  ni  de  leur  donner  non  plus  à  eux  feuls  par 
"  une  vocation  efficace  ,  la  foi ,  la  juftifî- 
"  cation  ,  la   perfévérancc   &    la    gloire  ; 
»-■  mais  qu'il  avoir  donné  Jeius-Chrifl:  pour 
"  rédempteur  commun  à  tout  le  monde  ,  & 
"  réfolu  par  ce  décret  ,  de  juftifier   &  de 
»  fauver  tous  ceux  qui  croiroient  en  lui ,  & 
"  en  même  temps  de  leur  donner  à  tous  les 
"  moyens  fuffifans  pour   être   fauves  ;  que 
"  perfonne  ne  périlVoit  pour  n'avoir  point  ces 
"  moyens  ,  mais  pour  en  avoir  abufé  ;  que 
>'  l'éleftion  abiolue  &  précife  des  particuliers 
»•  fe  faifoit  en  vue  de  leur  foi  &  de  leur  per- 
»  févérance  future  ,  &  qu'il  n'y  avoit  d'é- 
»  ledtion  que  conditionnelle  ;  &  que  la  ré- 
»  probation  fe  faifoit  de  même  ,  en  vue  de 
»  l'infidélité  &  de  la  perfévérancc  dans  un  lî 
»  grand  mal.  »  Ce   qui    étoit   direétement 
oppofé  au  fyftême  de  Calvin,  qui  admet  un 
décret  abfolu   &  pofirif  de   prcdeilination 
pour  quelques-uns  ,  &:  de  réprobation  pour 
tous  les  autres ,  avant  toute  prévifion   de 
leurs  mérites  ou    démérites  futurs.   Voye[ 
Prédestination   ,   Décret  ,  Mérite  , 
DÉMÉRITE  ,  Réprobation,  Prévision  , 
(■c.  Sur  l'uni\ crfalité  de  la  rédemption  ,  les 
arminiens  enfeignoient  ,  "  que  le  prix  payé 
!'  par  le  Fils  de  Dieu  ,  n'étoit  pas  feulement 
"  îiiffifant  à  tous  ,  mais  aéhiellement  offert 
„  pour  tous  &  un  chacun  des    hommes  5 
.,  qu'aucun  n  étoit  exclus  du  fruit  de  la  ré- 


ÂR  M 

,,  aemptîon  par  un  décret  abfolu  ,  ni  autre- 
,,  ment  que  par  fa  faute  ;  ,,  doâ:rine  toute 
différente  de  ccUe  de  Calvin  &  des  Goma- 
rifles ,  qui  poioicnt   pour  dogme  indubi- 
t.îble,  que  Jefus-Chrift  n'étoit  mort  en  au- 
cune forte  que  pour  les  prédeftinés ,  &  nulle- 
ment pour  les  réprouvés.  Sur  le  trcifieme  ic 
quatrième  chef,  après  avoir  dit  que  la  grâce 
cfl  nécellaire  à  tout  bien,  non  ieulemiCntpour 
l'achever,  mais  encore  pour  le  commencer , 
ilsajoutoientque  la  grâce  n'étoit  pas  irréjîf- 
tible  ;  c'efl-à-dire  qu'on  peut  y  réfîfler  ,  & 
foutenoicnt  "  qu'encore  que  ia  grâce  fût 
„  donnée  inégalement  ,  Dieu   en    donnoit 
„  ou  en  ofFroit  une  iufîîlanre  à  tous  ceux  à 
„  qui  l'évangile  étoit  annoncé  ,   même    à 
„  ceux  qui  ne   fe  convertilîoient    pas  ;  & 
„  l'offroit  avec  un  defir  Imcere  &  férieux 
,,  de  les   fauver  tous,  fans  qu'il  fit  deux 
,,  perlonnages ,  failant  femblant  de  vouloir 
„  îauver ,  &  au  fond  ne  le  voulant  pas ,  & 
„  pouflànt  fecrétement  les  hommes  aux  pé- 
„  chcs qu'il  défendoit publiquement;  „  deux 
opii:ions  monflrueuies  qu'avoient  introduit 
les  premiers  réformateurs.  Sur  le  cinquième  , 
c'efî-à-dire  ,  la  periévérance  ,  ils  décidoient 
"  que  Dieu  donnoit  aux  vrais  fîdeles,  régé- 
,,  nérés  par  fa  grâce ,  des  moyens  pour  fe 
,,  conferver  dans  cet  état  ;  qu'ils  pouvoient 
,,  perdre  la  vraie  foi  juffifîante  ,  &  tomber 
„  dans   des    péchés    incompatibles  avec  la 
,,  juffifïcation ,  même  dans  des  crimes  atro- 
„  ces  ;  y  perfévérer ,  y  mourir  même  ,  s'en 
,,  relever  par  la  pénitence  ,  fans  néanmoins 
„  que  la  grâce  les  contraignit  à  la  faire  ;  „ 
&   par  ce  îentiment ,  ils  détruifoient  celui 
des  c.alviniffes  rigides  ;  iavoir  que  l'homme 
une  fois  juftifîé  ,  ne  pouvoir  plus  perdre  la 
grâce ,  ni  totalement  m  finalement  ;  c'eft-à- 
dire  ,  ni  tout-à-fait  pour  un  certain  temps , 
ni  à  jamais  &  fans  retour.  Synod.  Dordac, 
fejf.  ^l   &34  ,  Bofl".  Kijl.  des  var.  liv.  XIV  , 

«".  2.:j  ,  2.4,  2.5  ,  Zfff.-  2.7.   V.  GOMARISTES. 

ARMINIENS  ,  fedateurs  d'Arminius , 
parti  ou  feéte  qui  s'éleva  en  Hollande  au 
commencement  du  dix-feptieme  fîecle  ,  & 
qui  fe  fépara  des  Calviniffes.  V.  Arminia- 
NiSME.  Les  arminiens  font  auilî  appelles 
remontrons ,  par  rapport  à  une  requête  ou 
remontrance  qu'ils  adrefferent  aux  ct.its 
généraux  des  Provinces-unies  en  iGw  ,  & 
dans  laquelle  ils  expoferent  les  principaux 


ARM 

articles  de  leur  croyance.  V.  Remontrans. 
Les  derniers  ann'-niens  ont  poulie  les  chofes 
beaucoup  plus  loin  que  n'avoit  fait  Arminius 
lui-mime  ,  &  fe  font  fort  approchés  du  foci- 
nianilme ,  fur  tout  loilqu'ils  avoient  pour 
chet  Simon  lipKcopius.  Qiiandlescalvinilles 
lesacculoient  de rcnouvelleruncanciennc  hé- 
réliedéja  condamnée  dans  les  péLigiens  &  les 
femi  pélagienSjils  repliquoient  que  la  (iinple 
autorité  des  hommes  ne  pouvoir  paiîcr  pour 
une  preuve  légitime  que  dans  l'églile  romaine; 
que  les  calvinilles  eux-mêmes  avoient  intro- 
duit d^ns  la  religion  une  toute  autre  manière 
d'en  décider  les  dlfFérens  ;  &  enfin  qu'il  ne 
fuififoit  pas  de  faire  voir  qu'une  opinion 
avoir  été  condamnée ,  mais  qu'il  falloit 
montrer  en  même  remps  qu'elle  avoir  été 
condamnée  à  jufte  titre.  Nec  fatis  cfi  damna- 
tam  olim  fententiam  effè  ,  niji  damiiandam 
eam  ,  aut  juré  aut  rite  damnatam  cjfc  conflit. 

Sur  ce  principe  que  les  calviniftes  ne  font 
pas  trop  en  état  de  réfuter,  les  arminiens 
retranchent  un  alfez  grand  nombre  d'articles 
de  religion  que  les  premiers  appellent/(j/2(/<î- 
m:n:aux ,  parce  qu'on  ne  les  trouve  point 
aflez  clairement  expliqués  dans  l'écriture.  Ils 
rejetcent  avec  mépris  les  caréchifmes  &  les 
confelfions  de  foi,  auxquels  les  calviniftes 
veulent  qu'ils  aient  à  s'en  tenir.  C'eft  pour- 
quoi ceux-ci  dans  le  fynoie  de  Dordred , 
s'attachèrent  beaucoup  à  établir  la  nécelliré 
de  décider  les  différens  de  religion  par  voie 
d'autorité  ,  &c  y  condamnèrent  les  arminiens, 
qui  furent  d'abord  profcrits  en  Hollande  , 
où  on  les  rolere  cependant  aujourd'hui. 

Ils  ont  abandonné  la  doélrine  de  leur  pre- 
mier maître  fur  la  prédeftination  ^l'éleélrion 
faites  de  toute  éternité  ,  en  conféqueiice  de 
la  prévifion  des  mérires  ;  Epifcopius  ayant 
imaginé  que  Dieu  n'élir  les  fidèles  que  dans 
le  temps ,  &  lorfqu'ils  croient  adtuellenient. 
Ils  penfent  que  la  dodlrine  de  la  Trinité  n'eft 
point  néceflaire  au  falur ,  &  qu'il  n'y  a  dans 
l'écriture  aucun  précepte  qu  i  nous  commande 
d'adorer  le  S.  É'prit.  Enfin  leur  grand  prin- 
cipe eft  qu'on  doir  to!  'rer  toutes  les  CeÙ.^^ 
chréfennes ,  prrce  que ,  difent-ils ,  il  n'a 
point  été  décidé  ju 'qu'ici  qui  font  ceux  d'en- 
tre leschrérii'nsqui  ont  cmbradl-  la  religion 
la  plus  vf'rit.  ble  &  la  plus  conforme  à  la  p  i- 
role  de  Dieu. 

On  adiflinguc  les  arminiens  en  deux  bran- 


A  R  M  4iy 

chcs  ;  par  rapport  au  gouvernement ,  &:  par 
rapport  à  la  religion.  Les  premiers  ont  été 
nommés  arminiens  politiques;  6z  l'on  a 
compris  fous  ce  titre  tous  les  HoUandois 
qui  (e  font  oppolés  en  quelque  cliDfc  aux 
delleinsdes  princes  d'Orange,  telsqueM.M, 
Barneveld  &  de  Witt,  &  plulieurs  autres 
réformés  qui  ont  été  vlttimes  de  leur  zèle 
pour  leur  patrie.Les  arm/Vz/e/z^cccléliaftiques, 
c'clV-à-dire  ceux  qui  profellant  les  (entimens 
des  remontrans  touchant  la  religion  ,  n'ont 
cependant  point  de  part  dans  l'adminiftra- 
tion_  de  l'état ,  ont  été  d'abord  vivement 
perlécutés  par  le  prince  Maurice;  maison 
les  a  en  fuite  laillcs  en  paix,  fans  toutefois 
les  admettre  au  miniftere  ni  nux  chaires  de 
théologie  ,  à  moins  qu'ils  n'aient  accepté  les 
aélres  du  fynode  de  Dordrccl.  Outre  Simon 
Epifcopius, les  plus  célèbres  entre  ces  derniers 
ont  été  Etienne  de  Courcelles  &  Philippe 
de  Limborch,  qui  ont  beaucoup  écrit  pour 
expofer  &  foutenir  les  fentimens  de  leur 
p.'j-â.  C  G  ) 

^  ARMIRO  ,  {Giogr.')  ville  de  la  Tur- 
quie Européenne ,  dans  la  Macédoine,  fur  le 
golfe  de  Vole  ,  &  les  côtes  de  l'Archipel ,  vis- 
à-vis  l'de de Négrepont. Long.^i ,  20  ;  lat. 

Il  y  a  encore  en  Candie  une  rivière  de  ce 
nom;  elle  coule  près  le  Caftel-Mdvefi  ,  & 
fe  décharge  dans  la  Méditerranée  ,  près 
de  Paleo  Caftro.  On  dit  que  cdW'Oaxès  des 
anciens. 

On  croit  que  l'Armiro  ,  montagne  de 
Portugal ,  aux  confins  de  l'Alentéjo  ,  près 
de  Portalegre  ,  eft  YHerminius  ou  Eminius 
mons  des  anciens. 

ARMIROS  ,  (  Géofrr.  )  peuples  de  l'A- 
mérique m'ridionale  non  loin  du  bord  de 
la  rivière  de  la  Plata.  Leur  pays  fut  décou- 
vert par  les  E'pignolsen  1541  ;  on  le  dit 
fertile  en  maïz ,  en  calîàve  &  rempli  d^oies, 
de  poules  d'Inde  &  de  perroquets.  Quel- 
ques-uns croient  que  ce  font  les  mêmes  que 
les  Arécifes.  (  A.C.) 

^-  ARMISTICE,  f.m.Mr/OT/7/V.)treve 
fort  courte  ,  ou  fufpenlion  d'armes  pour 
uu  petit  e'pace  de  temps.  Voy.  Trêve  ,  &c. 

*  ARMOA  ,  petite  rivière  d'Arcadie ,  qui 
fe  jette  dans  l'Alphée  ;  on  croit  que  c'eft 
\' Amarynchus  des  anciens. 

ARMOACHIQUOiS  ,  {Géogr.)  Ciuva/- 


41^  A  R  M 

ges  clé  l' Aincriqiic  feprcnmoiip.lc  >  qui  chan- 
gent i'ouvenc-de  demeure.  On  n'a  encore 
rien  de  certain  fur  leur  figure  ni  fur  leur 
caradere.  ( C.  A.) 

ARMOG  AN  ,  f.  m.  (  Marine  )  on  a  hllfc 
pafler  Varmogan.  Les  pilotes  fe  lervent  de  ce 
mot  pour  dire  le  b^au  temps  ,  qui  eft  propre 
pour  naviger.  Il  WcSk  en  ufage  que  dans  la 
mer  Méditerranée,  (  Z  ) 

ARMOIRIES,  voye'^  Armes  ,  £'  Tour- 
nois   {origine  des  Armoiries.) 

ARMOISE  ,  f.  i.anemifw,  (  H.  nat.  bot.) 
genre  de  plante  ,  dont  les  fleurs  font  de 
petits  bouquets  à  fleurons  découpés ,  portés 
îur  un  embryon ,  &  ioutenus  par  un  calice 
ccailleux  :  on  trouve  parmi  ces  fleurons 
quelques  embryons  découverts  &  lurmontcs 
d'un  filet  fourchu.  Tous  ces  embryons  de- 
viennent des  lemences  femblables  à  celles 
de  l'ablmthe.  h'armoife  ne  diffère  de  l'ab- 
/intheqne  par  fon  port  extérieur ,  car  la  dif- 
férence des  ficurs  n'ellpreique  pas  fenfible. 
Tourncfort,    Injl.rei  hcrh.  V.  Plante.  (/) 

\Jcrtcmijia  vidgr.ris  tnajor ,  C.  B.  Ù  Fit. 
Tcurmf.  donne  du  lel  ellencicl ,  de  l'huile  à 
demi- exaltée ,  peu  de  flegme,  &  allez  de 
terre  ;  fon  odeur  efl  forte  &  pénétrante. 

Elle  eft  dticrdve,  vulnéraire ,  apéritive  , 
hyfî-érique  ,  forrihante  ;  elle  excite  les  mois 
aux  femmes;  provoque  la  fortie  du  foetus  (ï: 
de  l'arrierc-faix  ;  elle  nettoie  &  fortifie  la 
matrice  ;  elle  abat  les  vapeurs  :  enfin  em- 
ployée à  l'intérieur  j  elle  met  les  humeurs  en 
mouvement  ,  les  divife  extérieurement  ; 
elle  eR  réfotudvc,  tonique  iSc  fortifiante; 
elle  entre  dans  les  compoirdons  hylL-riques 
ou  emménagogues. 

Pour  faire  du  fircp d'crmcife  ^prenez  feuil- 
les à'ûrmoife  nouvellement  cueillies  quatre 
JK^ignées  :  coupez-  les  <ïc  les  pilez ,  puis  îaiiîez- 
es  infufer  pendant  douze  heures  dans  deux 
çintes  d'eau  d.iftiUce  d'ûrmoife  :  après  cela 
Faites-les  bDuillir  juiqu'à  conlomption  du 
quart  :  pallezlecouc  aiec  une  forte  expreU 
iîon ,  ajoutez  fucie  deux  livres  :  clarif^CT, 
enfuite  la  colature  &  la  faites  cuire  à  conlif-- 
tance  de  fîrop  ;  mettez  fur  la  fin  de  la  cuite 
un  nouer  dar.s  lequel  on  enfermera  de  fel 
d'armoife  ,  demi-once  ;  cannelle  ccncailée  , 
trois  gros  ;  ipicnar  J  haché  ,  caftoreum  ,  de 
chaque  un  gros.  La  nouvelle  ph.irmacopée 
le  fait  plus  lur.plemenc  ;  ce  llrop  a  toutes  ics 


ARM 

vertus  de  X'anroife.  V.  S.  Jean  (Aer^e  delà). 

ARAîO:>IM  ,  f  rp..{Manuf^.âiiredefoie.) 
c'efè  le  nom  d'un  cafteras  extrêmement  mince, 
qui  fe  fabrique  en  Italie,  mais  fur-tout  à 
f'iorence.   J-'cjei^^  Taffetas. 

■*■  ARMON  ,  1".  m.  {terme  de  charron  & 
de  carrcjjier-fellicr.  )  c'efl  le  nom  que  ces 
ouvriers  donnent  aux  deux  pièces  de  bois 
qui  aboutifiènt  au  timon  d'un  carrolîè  ,  Se 
qui  foutieniient  ia  cheville. 

ARMONIAC,  Ici  plus  ordinairement 
nomméyè/ ammoniac.  Voy.  Ammoniac. ( /) 

*  ARMORIQUE  ,  adj.  {HijLù  Gêog.) 
c'eft  ainil  que  les  anciens  délignoient  Li 
petite  Bretagne.  Ce  mot  fignihe  maritime  : 
il  faut  comprendre  tous  ce  nom  ,  outre  b 
petite  Bretagne  ,  quelque  portion  de  la  Nor- 
mandie ;  félon  Sanfon  ,  il  convenoit  à  tous 
les  peuples  qui  formoientla  province  Lyon- 
noifè  féconde  ,  qui  fut  enfuite  divitée  en 
féconde  &  troiiieme  ,  où  font  maintenant 
les  archevêchés  de  Rouen  &  de  Tours. 

*  ARMOT  (Ile  d'),  {Gêog.)  petite 
île  de  la  mer  de  Galcognc,  fur  la  côte 
de  Sainronse. 

ARMURE,  i:  f.  (Hijl.  anc.  &  m.od.) 
habit  de  défent'e ,  qui  fert  à  mettre  le  corps  à 
couvert  des  coups  des  ennemis.  V.  Armes. 
Dans  les  anciens  écrits ,  Yarmure  c\\.  iouvent 
nommée  harnais.  V.  Marnois.  Tels  font 
le  bouclier  ,  la  cuiraflè  ,  le  heaume  ,  la  cotte 
de  maille  ,  le  gantelet ,  ùc.  Voy.  Bouclier, 
Cuirasse  ,  t'c. 

L'ancienne  armure  complète  étoit  com- 
pofce  d'un  cafque  ou  heaume  ,  d'une  gorge- 
rctte  ou  hanlleco! ,  de  la  cuiralle,  des  gante- 
lets ,  des  talletres ,  des  brafiarts  ^  des  cuillàrts, 
cv'  de  \ armure  des  jainbcs  auxquL'Ues  étoient 
attachés  les  éperons  ;  c'eft  ce  qu'on  nommoit 
ï armure  de  p:é-en-cap  ;  &  c'étoir  l'habille- 
ment des  cavaliers  &  des  homm^es  d'armes: 
l'infanterie  ne  portoit  qu'une  partie  de  l'^r- 
'lure ,  lavoir,  le  pot-en-rête  ,  la  cuifafle  & 
les  t.iflettes ,  mais  plus  légers  que  ceux  des 
cavaliers.  Enfin  les  chevaux  avoien:  aufTi 
leir  armure  ,  qui  leur  couvroit  b  tête  &  le 
pairrail.  De  toute  cette  armure,  on  ne  fe  fert 
à  prefent  que  de  la  cuiralle  ,  car  le  hauflecol 
que  portent  lesoflîcieis,  efl  plutôt  un  habil- 
lement d  honneur  que  de  defenle,  cepen- 
dant il  eft  pour  1  infanterie  comme  une 
marque  de  gorgerin  ou  gorgerctte ,  q ui  fiifoit 

partie 


AR  M 

partie  de  l'ancienne  armure.  Les  Prançois 
poullerent  fi  loin  la  coutume  d'aller  au  com- 
bat à  découvert  &  ians  aucune  armure 
défenfive  ,  que  Louis  XIV  fur  obligé  de 
fcire  publier  louvent  des  ordonnances  pour 
obliger  les  officiers  à  le  Icrvir  à'armure  :  en 
conicquence  de  quoi  les  officiers  généraux 
^  les  olHcJors  de  cavalerie  furent  obligés  de 
reprendre  la  cuirifiè.  La  cavalerie  de  la 
mailbn  du  roi  porto  auffi  la  cuiralle  &  lur  le 
chapeau  une  calotte  de  fer  pour  parer  les 
coups  de  tranchant ,  ou  nnt  calotcede  mcche 
en  tiedans  du  chapeau  :  le  rtfte  de  la  cava- 
lerie porte  des  plaflrons  de  fer,  qui  s'atta- 
chciK  derrière  le  dos  avec  deux  fortes  cour- 
roies palTces  en  lauroir.  Les  dragons  ne  por- 
tent point  de  cuiralie.   Voyi^^  Armes.  (  G) 

AuAfURr  d'un  aii-arir ,  {Phyjique.)  n'eft 
autre  choie  que  plusieurs  plaques  de  fer 
qu'on  attache  à  une  pierre  d'aimant ,  &  par 
le  moyen  defquelles  on  augmente  prodi- 
gieuiement  fa  force.  Voyc-^  Aimant.  (O) 

AaMt^RE  ,  f.  f.  dans  ks  manufaclures  de 
fcfc;  c'eft,  après  que  le:  métier  efl:  monté, 
l'ordre  dans  lequel  on  fait  mouvoir  les  lifles 
tant  de  cliame  que  de  poil,  pour  la  fabrica- 
tion de  l'étolfe  :  cet  ordre  fuppofe  une  cer- 
taine corrcfpondance  déterminée  parle  genre 
de  l'étofle ,  entre  les  lillès  &  les  marches  ; 
d'où  il  s'enluit  qu'il  doit  y  avoir  un  grand 
nombre  à'armures  différentes. 

Armure  ,  f.  f.  en  fernircrie  :  on  donne 
généralemenrccnom  à  toute  la  ferrure  d'une 
poutre ,  d'une  machine  ,  î>t-.  nécellàirc  foit 
à  fa  confervation ,  foit  à  fes  ufigcs.  Ainli 
■on  dit  une  poutre  cr;nce  ,  un  aimant  armé , 
&c. 

Armure,  ce  font,  chci^les pajfemcnticrs 
&  autres  ouvriers  en  foie ,  de  petites  pièces 
de  fer  que  l'on  met  aux  deux  bouts  de  la 
navette  ,  en  failant  de  petites  échancrures 
dans  le  bois  de  ladite  navette  ,  de  fiiçon  que 
ces  petites  pièces  ne  b  déiafteurent  pas. 
L'ulagedel'ûT-OTwre  ell  de  préferver  les  bouts 
anguleux  de  la  naveae  ,  lors  de  Tes  chûtes. 
^'cjq;  Navette. 

ARMURIER  ,  f.  m.  celui  qui  faifoit 
autrefois  les  armes  défen(îves  dont  les  gens 
de  guerre  fecouvroient ,  telles  que  le  heaume 
on  le  cafque  ,  le  gorgcron  ,  la  cuirafle ,  les 
brolTarts,  les  cuilLirts ,  le  motion ,  le  haulle- 
col,  ùc.  On  confond  aujourd'hui  r^r/TTuner 
Tame  1 1 1. 


ARM  417 

avec  larquebufier  ;  il  cft  cependant  évident 
que  {'armurerie  &  l'arquebulerie  Ibnt  deux 
profeffions  fort  différentes  ;  &  que  l'une 
(ubiîftoit  dans  toute  (a  vigueur  ,  que  l'autre 
n'étoit  pas  encore  établie.  Les  armuriers 
s'appelloient  aufïi  heaumrers ,  du  heaume  ou 
calque.  Leur  communauté  étoit  nombreufe. 
Leurs  premier';  flatuts  font  de  i^^oo  ,  ibus  le 
règne  de  Charles  YI;  ils  furent  renouvelles 
en  1562. ,  fous  Charles  IX.  En  voici  Ici  prin- 
cipaux articles. 

I.  Us  auront  quatre  jurés ,  dont  deux 
feront  élus  chaque  année  :  ces  jurés  \e;ile- 
ront  à  l'exécution  des  réglemcns  &  à  la  con- 
ferv.-ition  des  privilèges,  z.  Chaque  maitre- 
ne  fera  qu'un  apprentif  à  la  fois,  qui  fera 
obligé  pardevant  notaire  &  reçu  par  les 
jurés.  }  L'apprentiflagc  fera  de  cinq  ans  •■, 
les  fils  de  maîtres  n'en  feront  pas  exempts  ; 
ils  auront  feulement  le  droit  de  faire  appren- 
tillage  chez  leur  père  ;  &  les  pères ,  celui 
d'avoir  un  autre  apprentif  avec  leur  fils. 
4.  Le  chef-d'œuvre  fera  donné  par  les  jurés; 
les  fils  de  maîtres  en  feront  exempts,  f .  Les 
veuves,  reftanr  en  viduité,  jouiront  des 
privilèges  de  leur  mari ,  excepté  de  celui  de 
faire  des  apprcntifs.  G.  Les  ouvrages  &  mar- 
chandifes  des  forains  feront  vifités  par  les 
jurés.  7.  Les  matières  deflinées  à  la  fabrica- 
tion des  armures ,  fer  ,  acier  ,  fer-blanc  , 
cuivre  ,  &c.  feront  aufli  vifîtées.  S.  Ciiaquc 
maître  n'aura  qu'une  boutique.  9.  Toute 
pièce  de  harnois  fera  marquée  d'un  poinçon 
donné  par  les  jurés,  (Se  dont  l'empreinte  en 
plomb  fera  dans  la  chambre  du  procureur 
du  roi.  10.  Les  apprentifs  de  Paris ,  en  con- 
currence de  boutique  avec  les  compagnons 
étrangers  ,  leur  feront  préférés.  11.  Les 
armuriers  feront  tous  harnois  pour  homme , 
comme  corcelets,  cuiratTes,  hauflecols,  ùc. 

Les  armuriers  avoienr  faint  Georges  pour 
patron  &  leur  confrérie  étoit  à  S.  Jacques  de 
la  boucherie  :  mais  les  armures  ayant  pafîë 
de  modes  ,  la  communauté  des  armuriers^ 
efl  tombée.  La  fabrique  des  corps  de  cuirafîè 
dont  on  fe  fert  encore  dans  quelques  régi- 
mens  de  cavalerie  françoife  ,  efl  à  Befançon. 

*  ARMYDEN ,  (  Géogr.  )  ville  des  Pro- 
vinces-Unies des  Pays-Bas,  dans  l'île  de 
Valcheren.   Long.xi,  îo  ;  lat.  £i  ,  ^o. 

ARNA,  (  Géogr.)  nom  de  trois  villes 
anciennes ,  dont  l'une  ér(>'{X  dans  la  Boétie 

Ddd 


4i8  ARN 

l'autre  dans  la  Thellàlie  ,  &c  la  troifieme  en 
Italie  ;  il  ne  refte  plus  aucunes  traces  que 
de  l.i  deriiif^re  que  Pon  croit  être  aujour- 
d'hui CiviteUa  d'Arno  daios  le  Pérugin  ,  fur 
l'ctac  eccléiiaftique  ;  il  y  a  encore  un  bourg 
de  ce  nom  dans  l'île  d' Andro ,  qui  en  eft  le 
lieu  principal.  V.  ci-dc(fiis ,  Andro.  {  C.A.) 
ARNALDISTES  ou  ARNAUDISTES, 
f",  m.  pi.  (  Théologie,  H/JIoire  eccléjiajfigue.  ) 
hérétiques ,  ainlî  nommés  d'Arnaud  de  Érefie 
leur  chef.  Ils  parurent  dans  le  xii^  fiecle  ; 
&  à  l'exemple  de  leur  maître  ,  ils  inveclive- 
jcnt  Iwutement  contre  les  polleiTions  Icgi- 
Tjmcs  des  biens  apparrenans  aux  cglifes  & 
aux  eccl  liaftiques ,  qu'ils  traitoient  d'ufur- 
pation.  Ils  enfeignerent  enfin  des  erreurs  con- 
rrele  Baptême  is;  contre  l'euchariftie  -,  &  furent 
condamnés  au  concile  de  Latran  ious  Inno- 
cent II  en  II 3 9.  Arniud  ,  après  avoir  excité 
de  dangereux  troubles  à  BreOe  &  à  Rome, 
fut  pendu  &  brûlé  dans  cette  dernière  ville 
en  115  f,  ^c  fes  cendres  furent  jetées  dans 
ke  Tibre.  Qiitiques-uns  de  les  difciples , 
qu'on  \-\c>mmoiz:{i\i'ly  yuîlicainsoxipoblicains , 
étant  pallés  de  France  en  Angleterre  vers 
l'an  1160  ,  y  furent  arrêtés  &  dillïpés.  Cette 
fç(5te  devint  enfuite  une  branche  de  l'hérélîe 
des  Albigeois.  V.  Albigeois.  (  G  ) 

,  "^  ARNALT  ,  f,  m.  (  Hipire  nat.  bot.  ) 
c'eft  un  arbre  qui  croit,  à  ce  qu'on  dit,  aux 
Indes  orientales ,  &  qui  a  l'odeur  du  citron 
éc  la  feuille  du  laule.  On  ajoute  qu'il  ne 
porte  point  de  fruit  :  mais  cela  ne  fuHit  pas 
pour  le  caraélérifcr. 

ARNAUTES ,  f.  m.  pi.  peuples  d'Al- 
banie ,  fur  la  côte  orientale  du  golfe  de 
Venife  :  ils  font  errans  &  vagabonds.  On 
donne  aulTî  le  nom.  à'Aniûutes  aux  Albancvts 
qui  fe  ionr  fixés  dans  l'ilc  de  Nio ,  une  de 
celles  de  l'Archipel. 

_  ARNAY-LE-DUC,  iGéogr.)  petite 
ville  de  France  en  Auxois ,  au  duché  de 
Bourgogne  ,  diocefe  d'Autun  ,  fur  la  rivière 
d'Arroux.  Il  y  avoir  autrefois  un  château 
^ui  paiîoit  pour  fort  ;  mais  il  n'en  refte  plus 
Qu'une  tour.  L'églife  paroiilîale  efi:  bkie 
dans  renccintc  du  château.  Il  y  a  un  prieuré 
de  l'ordre  de  faint  B;ijo;t,  fondé  en  loSS 
par  Girard,  feigneur  de  ladite  ville;  le 
prieur  a  juftice  dans  Arnay  deux  fois  l'an- 
née ,  depuis  midi  de  la  vieille  des  fêtes  de 
S.  Jacques  &  de  S»  Bbife ,  julqu'à  midi  du 


ARN 

lendemain.  Il  y  a  un  Hôpital  fondé  en  166^; 
par  les  libéralités  de  plulicurs  citoyens. 

Le  collège  doit  Ion  exiiT:encc  &  fes  fonds 
à  Jean  Lacuriie  ,  Lieutenant  civil  du  bailli  igc 
en  16 ji  :  ce  bailliage  eft;  ancien;  on  trouve 
des  fentences  rendues  en  1379.  Quatre 
rivières  y  prennent  leurs  fources,  l'An oux, 
l'Armanlon,  laBraine  &  le  Serain. 

Le  duc  Robert  II  acquit  Arnay  de  J. 
Rabuthau ,  en  1189,  pour  quinze  cents 
livres ,  d'où  elle  a  reçu  le  nom  à'Arnay- 
li-duc.  Philippe  le  Bon  l'unit  au  comté  de 
Charni  qu'il  donna  à  Pierre  de  Eeaufre- 
monc  en  faveur  de  fon  mariage  avec  Marie, 
la  fille  naturelle ,  en  1456,  Depuis  ce  temps, 
les  comtes  de  Charni  ont  toujours  été  fei- 
gneurs  à.' Arnay  :  c'eft  aujourdhui  madame 
la  comreflè  de  Brione. 

Hugues  W  accorda  aux  hibitans  des  fran- 
chiles  &  le  droit  de  commune  en  izz  3  ;  on 
en  voit  la  chartre  dans  Perard ,  paga  ^x.G. 
Arnay  eft  remarquable  par  la  baDiille  qui 
s'y  livra,  entre  l'amiral  de  Coligny ,  &:  le 
maréchal  de  Collé-Erillàc  ,  le  27  juin  1^70. 
Henri  IV  y  fit  fes  premières  armes  ;  ik.  il  dit 
depuis  qu'il  étoit  queftioii  dans  cette  aff  lire 
de  vaincre  ou  d'être  pris  ;  animés  par  li 
préfence,  4000  protcftanslai:s  canons  &  fans 
bagages  défirent  12000  catholiques  :  par  h 
paix  boiteufe  qui  luivit  bientôt  cette  aélion, 
Charles  IX  accordoit  aux  huguenots  quatre 
places  de  lùreté  ;  &:  pour  l'exercice  de  leur 
religion,  en  Bourgogne,  les  f.iuxbourgs  de 
Mailli-la-ville  &ceux  A' Arnay. 

Depuis  ce  temps ,  les  calvimftes  y  eurent 
un  miniftre  qui  tenoit  le  prêche  au  faux- 
bourg  St.  Honoré  ,  où  toute  la  ïnoblellè  des 
environs  fe  rendoit  pour  la  cène  juiqu'à 
la  révocation  de  l'é^lit  de  Nantes  en  i6Sj, 
Arnay  a  donné  naidance  à  quelqires  hom- 
mes illuftres ,  tels  que  Bonaventure  Defpe- 
riers ,  valet  de  chambre  de  la  reine  Mar- 
guerite de  Navarre,  &  fort  connu  par  loa 
Cymbiilum  mundi. 

L'avocat  Guillaume , orateur  du  tiers-état 
aux  états  de  Bloisen  ij88  ,  mort  à  Dijon  en 
lùiG  ,  étant  conleiUer  des  états  de  la  province. 
Jean  Laverne  à  qui  Saumaile  rend  ce 
témoignage, ,, qu'il  étoitaïuantveriéen  tou- 
„  te  doctrine  &  bonnes  lettres  qu'autre  qu'on 
„  puiile  nommer ,  en  lomme  les  délices  d'A- 
,,  pcllon  Se  des  Aluiçs  >  „  il  mérita  qjne  Jeaa 


A  R  N 

<3e  Chevanes  conipo{ac  Hi  vie ,  mort  en  1^31. 

François  Florenc ,  a\'ocat  diftingué ,  pro- 
felTeur  à  Paris  en  droit  canon  ,  avec  pcn- 
iion  du  roi  de  deux  mille  liv.  que  le  garde 
dts  fceaux  Mole  lui  lit  donner  ;  mort  à 
Orléans  en  1650.  L'abbé  Lenglcr  alfure  que 
Florent  éroit  très-verfc  dans  les  niaticres  bé- 
néficiales.  Se  que  les  traités  tout  utiles  6c 
fàvans  ;  on  peut  en  voir  la  lifte  dans  la 
libl/oihe'^ue  d?.   Bourgogne. 

Cliudede  la  Ville  connu  par ron(//c7/o///z. 
des  arrêts. 

Le  commerce  à'Arnay  eft  en  blé ,  en  laine 
ic  en  bcftiauximaisil  n'eft  pas  considérable. 

Cette  petite  ville  eft  à  cinq  lieues  d'Au- 
tun  j  iîx  de  Beaune  ik  dix  de  Dijon.  (  G  ) 

ARNDAL ,  (  Géogr.  )  ville  très-commer- 
çante de  Norwece ,  dans  le  diocefe  provin- 
cial de  Chriftianùnd  fur  le  bord  du  fleuve 
d'Arendal  ;,  à  deux  lieues  de  la  mer.  Elle 
cft  coupée  de  canaux  ,  eft  bâtie  !ur  pilotis  : 
les  plus  grands  vaillcaux  s'en  approchent 
commodément.  On  les  y  charge  du  fer  & 
<ies  bois  que  produit  la  contrée  ,  &  que 
les  étrangers  achètent.  Le  gouvernement  y 
protège  &  y  tavorile  même  be.iucoup  ceux  de 
aiver'és  n.ations  qui  vont  s'y  pourvoir.  {-\-) 

ARNH  ,  (  Mythol.  ;  hlle  née  dans  l'iie  de 
Sichone  ,  ayant  tiahi  la  patrie  pour  de  l  ar- 
gent :  les  Dieux  ,  pour  la  punir  ,  la  chin- 
jerent  en  chouette  c[ui  conlerva  ,  dit  Ovide, 
après  fon  changement  la  même  paîiion 
fOur  l'argent,  f-h) 

ARNEAF  ,  f.  m.  oifeau  mieux  connu  fou  s 
le  nom  de  pie-gricche.  K  Pie-griÉchh.( /j 

*  ARNEBERG  ,  (  Gcogr.  )  ville  d'Alle- 
magne ,  dans  la  vieille  marche  de  Brande- 
bourg ,  fur  l'Elbe ,  entre  Angermonde  & 
VVerbcn.  Elle  appartient  au  roi  de  Prullè. 

'^  ARNEDO  ,  (  Gèagr.  )  ville  du  Pérou  , 
à  une  dcmi-lieuc  de  la  mer  du  (ud  ,  où  elle 
a  un  port ,  à  10  lieues  au  nord  de  Lima. 

ARNE-SYSSEL,  i  Géog.)  diftrid;  de 
i'I'lande  ,  dans  l'enceinte  duquel  eft  la  ville 
cpi^copale  deSkaalholt. (Z).  G.) 

§  APv.NHEIM  ou  plutôt  Arnhem  ou 
Arnem  ,  {Géogr.)  ville  des  provinces-Unies 
des  Pays-Bas  dans  la  partie  de  la  Guel- 
dres ,  appellécle  Velnwe  ,  furie  Rhin,  &  à 
«ne  demi-lieue  de  l'endroit  où  commence 
l'YIlel.  Le  célcbre  Coehoorn  en  rép<;ra  les 
fortifications  en  1702,  Long.  2.J ,  2.5  ;  bt.  £i. 


A  R  N  419 

I  Cette  ville ,  entrée  dans  l'union  en  1  ySy  , 
&  devenue  La  première  en  rang  dans  l'or- 
dre de  celles  qui  opinent  pour  la  province  » 
(emble  à  quelques  égards  difputcr  A  Nimc- 
guele  titre  de  capitale.  Elle  e!Î  en  elle-même 
pa.iàblement  grande  &  bien  bâtie.  La 
plupart  des  geiuilshommcs  pallent  l'été  dans 
le  Velu-.ve  ,  l'hiver  dans  Araheim.  Elle  tft 
le  fiege  de  la  chambre  des  comptes  &  du 
tribunal  fuprême  de  la  provnice.  Ancien- 
nement les  ducs  de  la  Gueldres  ,  &  dans  la 
luire  fcs  ftadthouders  n'ont  pas  eu  d'autre 
réildence.  Elle  a  mêm.e  encore  un  palais  ^ 
à  l'ufage  du  ftadthoudcr  de  la  république 
toutes  les  fois  que  les  affaires  appellent  ce 
prince  à  l'afîèmblée  des  états  de  la  Gueldres. 
Son  égliie  principale  renferme  les  tombeaux 
de  plufieurs  comtes  &  ducs  du  pays  ,  &C 
cette  égliie  eft  accomipagnée  de  trois  autres , 
dont  l'une  eft  luthérienne  &c  deux  font  ré- 
formées. Enfin  cette  ville  tut  une  des  qua- 
rante que  le  torrent  des  François  fit  tomber 
en  1 671  fous  la  main  de  Louis  XIV  ,  qui  la 
garda  deux  ans.  (Z).  G.) 

Arnheim  ou  Terre  D'arnheim  , 
(  Géogr.  )  partie  de  la  terre  auftrale  que 
les  Hollandois  ont  découverte  au  midi  de 
la  nouvelle  Guinée.  Les  relations  ne  nous 
apprennent  absolument  rien  de  particulier 
fur  cette  terre  à' Arnheim.  {C.  A.) 

*ARNHUSEN,  petite  ville  d'Allema- 
gne ,  près  de  la  rivière  de  Rcga  ,  fur  les 
confins  de  la  marche  de  Brandebourg. 

ARN IS  ,(  Gp'c^r.)  petite  ile  du  duché 
de  Schlelwig  en  Danemarck  ,  dans  le  golfe 
de  Schely.  L'on  y  trouve  depuis  cent  ans 
une  cinquantaine  d'habitations  ,  fondées 
par  quelques  payfans  de  la  contrée,  à  qui 
la  dureté  des  gentilshommes  avoit  fait  aban- 
donner leurs  villages.  Ce  n'étoit ,  avant  ce 
temps-là  ,  qu'un  terrain  chargé  de  bois  & 
de  brouiTailles.  La  prore6tion  donnée  à  ces 
fugitifs  par  le  fouverain  ,  les  ayant  rendus 
laborieux  ,  induftrieux  &  tranquilles ,  Arnis 
s'eft  peuplée ,  cultivée  &  enrichie  ;  &c  les 
gentilshommes  en  font  peut-être  devenusplus 
humains.  (  D.  G.) 

^  ARNO  ,  (  Géogr^.)  fleuve  d'Italie  dans 
la  Tofcane  -,  il  a  la  fource  dans  l'Apennin , 
paftè  à  Florence  &  à  Pi(e  ,  Se  le  jette  dans 
la  mer  un  peu  au  dcllous. 

^ Ce  fleuve,  iujet  à  des  débordemens  j, 
Ddd  1 


4Z0  A  R  N" 

qui  ont  fouvcnr  donné  l'alarme  à  Florence  , 
fe  groiTit  des  marais  de  la  chiane  &  des 
eaux  delaSieve,  avant  que  d'arriver  à  cette 
ville,  il  reçoit ,  après  1  avo  rouJEtée ,  le  Bifen- 
tio  ,  la  Pcfa ,  l'hra  &  h  Pticia  ,  &  cefi  au 
de  nous  de  rembouckuie  du  Bifentio  ,  qu'il 
con^.mence  à  porter  des  barques.  (  D.  G.  ) 

ARNODES ,  C  m.  pi, {  Linér.)  nom  que 
i'cn  donnoit  à  ceux  qui  ,  parmi  les  Grecs , 
drns  les  fdtins  ou  d'autres  allèmblces  ,  réci- 
toient  des  vers  d'Hcmere,  une  brandie  de 
laurier  à  la  rnain.  On  les  nommoit  ainfi 
parce  qu'on  kurdoîinoitpourrécompenleun 
agneau  ,  qu'tni  appelle  en  grecÀp^G*  son  les 
appelloic  ixi'Xirlapfldes.V.l^ii Avsovis.  (G) 

ARMOC  NES  (  irs)  ,  d'ugr.  quartier  du 
gouvernenient  de  Nivtrnois  en  France  ,  où 
l'on  ne  trouve  ni  villes  ni  bourgs  ;  mais  où 
l'on  a  lieu  d'admirer lafcondité de  laterre ,  ;\ 
la  vue  de  la  quantité  de  grains  ,  de  vins ,  de 
bois  &  d'herh'ge  qu'elle  y  produit.  {D.  G.) 

^  AP.NON  ,  (  Géog.  S.e.  )  fleuvequiavoit 
ix  foarce  d.'us  les  mont^ignes  d'Arabie  ,  tra- 
verfoit  le  défert ,  cntroitdansle  lac  Alphakite , 
,.&  divi'oit  les  Mopbites  des  Amorrhéens. 

ARNOUL,  {Empire  François.)  roi  de 
GLim;"nie  ,  empereur  d'occident.  Ce  prince 
fut  furnommé  îc  Eâ:ard.  Carloman  ,  fils  de 
Louis  le  germanique  ,  l'avoit  eu  de  Lito- 
rinde  ,  orig'iiaire  de  Carinthie  où  elle  renoit 
«n  rang  diftinguc.  Qiîoique  fa  naiflance 
fut  illuftre  ,  elle  r.e  fut  point  honorée  du 
titre  de  reine  .  prs  même  de  celui  d'Vpoule. 
jérp.iultio\t  à  peine  forri  de  l'Lnf.'.nce  ,  que 
Carloman  lui  donna  le  duclié  de  Carinthie 
&C  celui  de  Styrie.  Le  gouverncm^t  de  ces 
deux  provinces  vx  fuftîfoit  point  à  Pambi- 
ricn  de  ce  jeune  duc  ;  &  quo\-]ue  le  vice 
de  fa  naillance  diit  IVcarter  du  tr^ne ,  il 
fongea  à  monter  fur  celui  que  Charles  le 
Gros  ,  fon  oncle  ,  occupoit.  La  bâtaiîdile 
commencoit  à  être  reg.-îrdi'c  comme  une 
cache  qui  donnoit  l'exclu  (ion  aux  enfins 
des  rois.  Cette  tache  dtveroii  de  jour  en 
jeur  plus  infrm'nte  ,  àmtfurc  que  les  peu- 
ples de  la  domination  trançoife  !è  ioumet 
to'cntaux  décifions  du  St.  Siège;  mais  ce 
ne  fut  point  un  obftaclc  pour  Arnovl.  Les 
coîMondhires  étoitnt  on  re  peut  plus  favo- 
rables aux  deiluns  qu'il  meditoit.  Ch;ir!es 
le  (iros  ch^^nceîoit  fur  un  trône  que  l'am- 
liitiou  des  gcands  cb^igcoic  eu  un  funefte 


A  R  N 

écueil  ,  &  leur  fu ffrage  vénal  étoir  Tnujours 
pour  celui  qui  ofiroit  le  plus  d'aliment  à 
leur  cupidité.  Les  nobles  &c  les  prélats, 
après  avoir  contribué  de  leurs  bras  ,  &  de 
leurs  confeils  aux  conquêtes  dei  François  , 
afpiroient  à  en  devenir  les  propriétaires 
titrés.  Poilcfiturs  à  vie  des  fiefs  ,  dont  ia 
propriété  appartenoir  à  la  couronne  ,  ils 
prétendoieiu  les  tranfmettre  à  leur  poftévité 
'ans  l'agrément  du  prince  ,  mais  feulement 
par  droit  de  naiiLuice.  Les  guerres  étran- 
gères &  civiles  qui  fignr.lerent  le  règne  dé- 
plorable des  enfins  de  Louis  le  Débon- 
naire ,  avoient  favorite  ces  prétentions  con- 
firmées en  partie  par  un  décret  de  Char- 
les le  Cbauve ,  prince  foible  ,  &  dont  l'am- 
bition égaloit  l'incjpacicé.  Les  grands ,  de- 
puis le  berceau  de  la  monarchie  ,  jouidoienc 
d'un  droit  qui ,  à  la  longue  ,  devoit  fipper 
les  fondemens  du  trône  ,  &  leur  en  faire- 
pailer  les  privilèges.  Libres  dans  le  choijt 
de  leurs  louverain; ,  pourvu  qu^'ils  les  prif- 
fent  parmi  les  enfans  des  rois ,  ils  te  par- 
tagco;ent  en  faélions ,  &  ne  donnoient  la 
couronne  qu'aux  prétendans  auxquels  ils 
ccnnoiOoient  des  dit  pot  tons  favorrliles  à 
leurs  defieins  ;  &  s'ils  ne  condamnoient  pas 
au  rang  delujet  celui  qu'ils  jugeoient  capa- 
ble de  leur  oppofer  ur.e  fermeté  légitime , 
ils  ne  lui  donno:ent  qu'une  portion  de  la 
couronne.  La  rrce  de  Charlemrgne  étoir 
preîqu'éteinte  ;  il  ne  reftoit  en  8S4  de  la 
non.brcufe  polarité  de  Louis  le  Débon- 
naire, que  deux  princes  habiles  à  fuccéder; 
favo'r ,  Charles  le  Gros ,  déjà  roi  de  Ger- 
manie &  emipereur  d'Occident ,  &  Charles 
qui  ,  dans  la  mite,  fiit  furnommé  le  Simple  ^ 
quoique  on  courage  Si.  l'excellence  de  fon 
cœur  lui  euflent  mérité  ur;e  de r.ominat.' en- 
plus  honorable.  Celui-ci  ,  comm.e  fils  de 
Louis  le  Bègue  ,  devoit  régner  fur  les  Neuf- 
triens ,  ou  Fr;inçois  occi'dentaux.  C'cft  ainfi 
qu'on  appeiloit  les  peuples  d'en  deçà  de  la 
Aïeule  .  pour  les  diliinguerdc  ceux  d'au  delà- 
de  ce  fleuve  (Se  du  Rhin,  que  les  écrivains 
du  moyen  âge  appellent  ^;//?/'<?/7er7j  ou  Fran- 
çois orientaux.  L  es  grands  '.-chant  bien  qu'un 
roi  couronné  par  leurs  tuKr;-ges  ,  leur  fcroit 
de  ciands  iacnfces  ,  ne  permirent  pas  à 
Charles  le  Simple  de  m.i^ntt  r '^ur  le  trcnede 
on  père  ,  parce  que  la  fo  bltHe  de  'en  âge 
l'éloignoit  d'un  ctat  agité  par  des  faûions , 


A  RN 

S:  dcchiré  par  des  giicTies  ccrangercs  ;  ce 
n'étoit  au  fond  qu'un  prétexte  :  Icj  François 
ne  rainquoieiic  p.is  de  généraux  pour  rc- 
pciiircT  Icnr.emi  du  dehors,  m  de  miniftres 
pour  compoler  un  conîcil  de  régence.  L'en- 
fance n'écoii  poir.î  unobftacle  à  Iclivarion 
des  princes  François ,  &  Louis  le  Débonnaire 
croit  encore  au  berceau  ,    lor'que  Cbarle- 
magne  Ton  père  lui  donna  le  trône  d'Aqui- 
taine :  ce  n  eft  pas  le  feul   exemple  qu'on 
puiilè  alléguer.  Charles  le  Gros  s'écant  rendu 
iî  Gondreville  ,  y  reçut  leur  hommage;  mais 
fôn  nouveaufceptre  prépnra  tous  Tes  mallieurs. 
Eudes  ou  Odon ,  comre  ou  gouverneur  de 
Paris ,  le  lui  arracha  prelqu'aulïi-tot.  C'étoic 
un  feigneurdonr  la  valeur  &  les  talensmili- 
trires  étoiejit  foutenus  par  toutes  les  grâces 
de  refprit  &  du  corps.  Arnoul,  témoin  des 
fuccès  de   cet  ulurpateur,  ne  balança   pas 
à  luivre  la  route  qu  il  lui  avoit  tracée.  Ses 
cmilîaires ,    réprindus    dans  la   Germonie  , 
déclamèrent  contre  l'empereur  que  la  fortune 
abmdonnoit  ;  les  bruits  les   plus  injurieux 
infcifterent  les   provinces  ,   &  annoncèrent 
fâ  chùce  prochaine  ;  en  peignoir  Charles  le 
Gros ,  tantôt  comme  l.lche  &  imbécille  , 
rantr,t  comme  tyran,    Arnoul,    auteur  de 
ces  bruits  ,  ctoit  repréfcntc  feus  les   plus 
leduifantcs  couleurs  d.^.îis  les  temps  d'anar- 
chie ;  il  eft  auffi  difficile  de  trouver  un  prince 
fans  défauts  &  fans  vices ,  qu'un  préten- 
dant {ans  talens  Se  fans  vertus.  Charles  le 
Gros  voulut  en  vain  arrêter  les  progrès  de  la 
lévolte,  on  peut  juger  de  l'audace  ^  du  pou- 
voir des  grands ,  prr  la  dcmnndc  de  leurs 
députés.  Us  û'erent  demander  à  l'empereur 
qu'il  eût  à  déJ'gner  fur  le  champ  Ton  fuc- 
ceflèur  :  s  joutant  que  les  vœux  de  lan.ation 
appclloient  j^rmul  ;  &  que  ce  feroit  e>:po'er 
h  Germ-^nienux  m  Ihcurs  d'une  guerre  civile 
<[:ue  de  fiJre  un  autre  choix. 

Cette  d^u:»*'on  attdadeti'e    fit    frémir 
Ch'rles  d'une  jufte  indignation  :  il  répondit 
qu'il  écoit  encore  d'gne  d'êure  leur  roi  ,  & 
<)u'il  vouloir  vivre  &  mourir  avec  ce  titre. 
Ma.'s  c'(:toit  en  vr/in  qv.e  ce  prince  prétendoic 
lutter  contre   fa  deilinée  :   un    rebelle   lui 
avoir  ravi  la  Fnnce  ;  Tîtalie  ,  h  Bourgogne 
la  Lorraine  &  l'Allcm.Tgne  lui  éch.'pperc:-. 
dins  un  inft.-inr.  On  prétend  qu'il  confer'.'  > 
toujours  le  titre  d'empereur  &  de  roi  d  Itdie 
mais  quel  roi  qui  n  o:è  mime  réclamer  l'ai-  , 


A  R   N  4it 

(îftar.ce  de  (es  prétendus  fujets  ,  &qui  fe  voii- 
contraint  de  recourir  à  l'ennemi  qui  lui 
ravit  fon  tronc  ,  .&  de  mendier  auprès  de 
lui  des  fecours  pour  fournir  à  fes  preirsiers 
Ix'loins  !  Charles  obtint  à  peine  d'Àr/inul  le 
revenu  de  trois  villages  ,  &  avant  d'en  jouir 
il  manqua  d'expirer  de  mifcrc, 

Arnoul,  après  avoir  réduit  l'empereur 
(on  oncle  r.ux  plus  affreux  malheurs ,  Ce 
rendit  à  Ratisbonne  ,  où  les  feigneurs  Se 
les  prélats  de  Germinie  vinrent  lui  rendre 
un  hommage  ,  qu'ils  prétendirent  avoir  le 
droit  de  révoquer.  L'empire  ou  la  royauri 
avoî:  été  jufqu'alors  un  propre  dans  b 
per'onne  des  princes  fi-ançois  ;  ce  ne  fut 
plus  qu'un  iief  amovible ,  &  dépendant  du 
caprice  des  feigneurs.  C'étoit  une  confé- 
quence  néceffiire  de  l'acception  d'ArncuL 
L'héritage  de  Charlemagne  fut  donc 
partagé  entre  deux  ufurpateuR  ,  dont  l'un 
defcendoit  de  ce  prince  en  ligne  direéte , 
mais  par  un  mariage  illégitime  ;  l 'autre  n'avoit 
pour  titre  que  fes  talens ,  &  quelques  vertus 
qui  pouvoient  bien  n'être  que  des  vices 
déguifés-Celui-ci  convaincu  de  l'impofnbilité 
de  jouir  du  fruit  de  (on  ufurpation ,  s'il  avoit 
Arnoul  pour  ennemi ,  fe  rendit  à  VVorms , 
ou  ce  monarque  tenoit  une  diète  générale. 
Il  lui  remit  entre  les  mains  le  fceprre  &  la 
couronne  Se  les  autres  marques  de  la  royauté, 
l'aflurant  qu'il  ne  vouloit  les  porter  qu'avec 
Ton  agrément.  Le  roi  de  German^r  ftatté  de 
cette  déférence ,  les  lui  rendit  auffi-tot,  & 
confentit  rnéme  à  l'admettre  dans  fon  alliance, 
au  préjudice  de  Charles  !c  Simple  fon  neveu  , 
qui  (oilicitoit  In  même  Paveur  ;  mais  que  fx 
qualité  de  fils  légitime  d''un  roi  rendoit 
langereux. 

Cette  modération  étott  moins  un  cfet  de 
la  g°nérofitc  d' Arnoul  que  de  fa  politique. 
Il  n'eut  pas  manque  de  retenir  pour  lui- 
même  le  fceprre  pour  lequel  Eudes  venoit 
de  lui  rendre  tiommage,  s'il  eûtp.i  le  con- 
'erver  (ans  péril.  Il  éroit  même  de  Tinter jt 
ecet  u'urpateur  de  l'avoir  pour  allié  dans^ 
un  temps  où  Gui  Se  Berenger  lui  di-putoieitt 
je  titre  d'empereur  avec  l'Italie ,  &  R.odolphc- 
'a  Bourgogne.  Il  traitoit  ces  prince;  de  rebelles,. 
m  :is  alors_  la  force  d-^cidoir  le  droit  ;  &  Ife- 
uccrs  (uffifoitpour  faire  d'un  ufurpateur  uns 
"buvcr.iin  1-gitime  :  d'ailleurs  Charles  le 
iimpie   ji'ctoit  pas   faiis  pardfiuis.  il  ctûk 


4ii  A  R  N 

d'autant  plus  redoutable  ,  que  Ces  adions 
dans  ion  extrême  jeunefle  montroient  qu'A 
ctoit  vraiment  digne  de  régner.  Louis  diipu- 
roit  la  Provence  ,  que  l'empereur  Lothaire 
r.voit  crigce  en  royaume  pour  Charles  le  plus 
jeune  de  Tes  fils.  Cet  état  qu'avoir  poflcdé 
Eofon ,  père  de  Louis  ,  comprenoît ,  outre 
la  province  qui  conferve  ce  nom  ,  le  Lyon- 
rois,  le  Dauphiné,  &  cette  partie  de  l'ancien 
royaume  de  Bourgogne  ,  qui  confinoit  au 
rcont  Jura.  On  prétend  que  ce  fils  de  Bofon 
avoir  été  adopté  par  l'empereyr  défiant. 

Arncul  auffi-tot  après  Ion  couronnement , 
longea  à  (oumcttre  ces  différents  fbuverains 
qui  ambitionnoient  fur -tout  le  royaume 
d'ïtslie  ,  auquel  le  titre  d'empereur  fembloit 
être  attaché.  Tandis  qu'il  faiibit  fes  dilpofi- 
tions  pour  y  entrer.  Ton  arm.ée  marcha  contre 
Pvodolphe  ,  &  le  contraignit  à  demander  la 
paix.  Rodolphe  conserva  l'es  ét.ats  qu'il  pof- 
iéda  à  titre  de  royaume ,  mais  à  condition 
qu'il  en  feroit  hommage. 

Tendis  que  lestroupes  du  roi  de  Germanie 
forçoicnt  les  Bourguignons  ,  fujets  de 
Ilcdolphe  ,  à  reconnoître  la  puillance  ,  la 
politique  fcmolt  en  Italie  des  troubles  qui 
lui  en  appknirent  la  conquête  ;  il  offrit  des 
fecours  à  Bereriger  contre  Gui ,  ion  concur- 
rent. L'un  &  l'autre  lui  ctoient  également 
odieux  ,  &  fes  projets  étoient  de  les  écrafcr 
par  leurs  propres  armes.  Le  pape  Formo'e 
leur  rr.oiirroit  beaucoup  de  zèle;  mais  dans 
le  temps  qu'il  pofoit  la  couronne  impériale 
fur  le  front  de  Gui ,  ce  pontife  qui  ne  vou- 
loir pas  d'un  maître  il  voiiîn  de  Rcme  , 
ëcrivoit  à  Arncul  de  venir  la  repreîidre  : 
"  hîâtez-vous ,  lui  difoit-il ,  de  mettre  dans 
votre  main  le  royaume  d'Italie  ,  &:  les  biens 
de  laint  Pierre  ;  ne  fouffrez  pas  plus  long- 
temps que  ce  malheureux  état  Ibit  déchiré 
par  de  mauvais  chrétiens  ,  &l  par  le  tyran 
Gui. ,,  Cette  propofition  étoit  trop  flatteuie, 
&  le  roi  de  Germanie  trop  ambitieux  , 
pour  que  Formofe  pût  craindre  d'eiluyer 
un  refus.  Toutes  les  rigueurs  de  l'hiver  ne 
furent  pas  capables  d'arrêter  le  zèle  à'Arnoul. 
Il  partit  au  mois  de  janvier  pour  l'Italie  , 
féconde  par  Berenger  que  Gui  en  avoit 
chaflé.  Entré  dans  la  Lombardie  ,  il  aflîege 
&  prend  Bergame,  ville  alors  trcs-fortifiée  , 
&  défendue  par  une  garnilon  puillante.  Le 
gouverneur  fut  traité  aion  comœc  ennemi  , 


A  R  N 

mais  comme  rebelle.  Il  fut  pendu  dans  le 
premier  rumulte  de  la  viéloire.  Intimidés 
par  cet  exemple ,  plufieurs  ducs  &  feigneurs 
qui  poilédoient  des  châteaux  dans  les  envi- 
rons,, envoyèrent  des  députés, 'offrant de fe 
Soumettre  à  certaines  conditions.  Arnoul 
exige  une  prompte  obéiilance  ,  &  refuie 
toute  négociation.  Irrité  de  leurs  délais  , 
il  les  fait  arrêter ,  &  ne  les  relâche  qu'après 
les  avoir  menacés  de  fes  vengeances  ,  s'ils 
oient  jamais  violer  le  ferment  de  fidélité 
qu'il  exige  de  leur  part.  Tous  les  feigneurs 
Lomb.irds  ,  &  Toicans  ,  ducs ,  comtes  ou 
marquis  ,  turent  traités  avec  la  même 
lévérité  également  digne  d'un  conquérant  & 
d'un  roi.  Arnoul  prit  auffi-tct  la  couronne 
d'Italie,  lans  cependant  le  qualifier  d'em- 
pereur. Ce  titre  ne  lui  auroit  point  échappé, 
lans  l'infidélité  de  Rodolphe ,  qui  proba- 
blement étoit  d'intelligence  avec  Gui ,  fin- 
tome  d'empereur ,  que  la  frayeur  des  armes 
germaniques  retenoit  dans  Rome.  Arnoul 
replié  vers  les  Alpes  ,  prend  le  château 
d'ivrée  ,  défendu  par  une  garnifon  Bour- 
guignone  ;  mais  ne  pouvant  punir  Rodolphe 
qui  fe  cantonna  dans  les  montagnes  de  Suillè, 
il  confia  le  fom  de  ion  armce  à  Zwente- 
bilde  ,  ion  fils ,  qu'il  avoit  fiit  roi  de  Lor- 
raine ,  &c  rentra  dans  la  Germanie ,  toujours 
accompagné  de  Berenger,  qu'il traitoic moins  , 
en  roi  qu'en  captif. 

La  mort  de  l'empereur  arrivée  le  iz 
décembre  de  la  même  année  (894) ,  rappclla 
bientôt  Arnoul  en  Italie.  Il  failoit  (es  prépa- 
ratifs ,  fe  confuitoit  les  états  pour  ce  voyage, 
lorlque  de  nouveaux  députés  de  Formofe 
l'invitèrent  à  le  rendre  à  Rome  ,  ix)ur  y 
recevoir  la  couronne  impériale.  On  étoit 
étonné  de  voir  ce  pontife  écrire  à  Foulques , 
archevêque  de  Pvheims ,  &  l'ennemi  àAr- 
noul\  qu'il  avoit  de  Lam^bert ,  fils  de  Gui , 
le  même  foin  qu'un  père  rendre  pouvoir 
avoir  pour  fon  fils  ;  &  qu'il  vouloir  vivre 
avec  ce  jeune  prince  dans  une  inaltérable 

union ;  qu'il  leroit   toujours  fon    ami  , 

malgrélcs  efforts  &les  artifices  des  méchans.  „ 
y!/r«cz// déterminé  par  les  inftancesdu  pape , 
palïc  aulfi-tôt  les  Alpes  :  ion  armée  .parta- 
gée en  deux  corps ,  ravage  le  territoire  de 
Florence  &  de  Luques.  Ce  fut  dans  cette 
dernière  ville  qu'il  dépouilla  Berenger  ,  on 
ne  lait  pour  quel  motif:  fans  doute  qu'il 


A  RN 

ij'efpcroit  plus  rien  des  mcnagemens  dont 
il  avoir  uie  envers  ce  feigneu-r  :  cependant 
il  le  rétablit  peu  de  temps  après.  Il  lui  donna 
le  m.irquilat  ,  ou  la  marche  de  Vcronne  , 
avec  l'utàge  du  titre  de  roi  d'Italie.  Les 
Germains  s'avançoient  vers  Rome  ,  dont 
ils  fe  flattoient  de  voir  les  portes  s'ous'rir  à 
leur  approche  ;  mais  une  femme  qui  allioit 
toutes  les  fubtilités  de  Ton  iexe  au  courage 
du  notre  ,  les  av«it  prévenus  ;  c'ctoit  Agel- 
trude ,  veuve  de  Cùii ,  &  mère  de  Lambert , 
femme  vraiment  digne  de  commander  aux 
Romains  dans  le  temps  de  leur  fplendeur. 
Cette  héroïne  parut  fur  les  remparts  avec 
une  armée  déterminée  à  vaincre  lous  les 
yeux  ,  ou  à  s'enlevelir  lous  les  runies  de 
Rome.  Le  roi  ,  témoin  des  préparatifs  de 
l'impératrice ,  n'oia  fè  promettre  un  fuccès 
favorable  ;  il  parloit  même  de  fiire  une 
retraite  ,  lorfque  les  troupes  indignées  des 
railleries  de  quelques  Romains ,  le  conju- 
rèrent d'en  tirer  vengeance  :  alors  il  s'appro- 
cha de  la  ville  ,  &  s'en  rendit  maître  après 
quinze  jours  de  liège.  Entré  dans  Rome  , 
il  s'y  comporta  moins  en  vainqueur  qu'en 
juge  inexorable. 

Après  avoir  reçu  la  couronne  impériale 
des  mains  de  Formofe  (le  15  avril  S91S) , 
il  fit  punir  pluficurs  des  principaux  parcifans 
d'Asreltrude  ;  &  feignit  de  les  immoler  au 
relicntimcnt  du  papequ  ils  avoient  outrage. 
Voici  le  ferment  que  lui  prêtèrent  les 
Romains  ,  aflemblés  dans  la  bafilique  de 
fxint  Paul  :  ferment  équivoque  dont  fe  font 
fouvent  fervi  les  empereurs  &  les  papes 
pour  appuyer  leurs  prétentions.  "  Je  jure 
par  tous  les  divins  myfteres  que  ,  fauf  moii 
honneur,  ma  foi  &  ma  fidélité  pour  le 
pape  Formofe  ,  je  fuis  &  ferai  iîdele  tout  le 
temps  de  ma  vie  à  l'empereur  Arnoul. 
Je  ne  me  liguerai  jamais  avec  un  homme 
contre  lui.  Je  jure  que  je  ne  donnerai  aucun 
fecours  ni  à  Lambert  ,  ni  à  Ageltrade  là 
mère  ,  pour  en  obtenir  des  charges ,  &:  en 
aMyérir  des  honneurs  -,  que  je  ne  livrerai 
j^imais  cette  ville  ni  à  lui ,  ni  à  elle ,  ni  à  leurs 
hommes  en  quelque  m.aniere ,  ni  pour  quel- 
que railoii  que  ce  loir. ,, 

Arnoul  loupiroit  après  la  fin  de  cette 
guerre  ;  mais  tant  que  rerpiroit  A.gcltrude  , 
il  ne  lui  iufnfolt  pas  de  commander  dans 
Rome.  Cette  prii:ceffe  étoic  bloquée  dans 


A  RN  42 î 

la  cité  léonine  ;  c'cfl:  ainlî  qu'on  appelloit  le 
quartier  de  St.  Pierre  de  Rome  ,  depuis  que 
Léon  ,  qui  mérita  le  furnom  de  grand  , 
l'avoit  fait  fortifier ,  t?^  y  avoit  fixé  un  nom- 
bre conhdérable  d'habitans,  que  la  terreur 
des  Sarralms  en  avoit  fouvent  challes.  L'im- 
pératrice !e  voyant  prête  de  tomber  au  pou- 
voir des  Germains,  quitta  cette  place  incom- 
mode ,  &  fit  une  retraite  vers  Camcrino. 
Forcée  d'en  fortir  ,  elle  alla  s'enfermer  dans 
Fermo.  Les  fortifications  de  cette  ville 
(îtuée  fur  une  montagne  ,  dans  la  marche 
d'Ancone ,  tomboient  lous  les  coups  redou- 
blés des  Germiins ,  lorCqa' Arnoul ,  fiappé 
d'apoplexie  ,  fut  obligé  de  lever  le  llege. 
Des  écrivains  prétendent  que  cette  princelîè 
artificieule  lui  fit  donner  une  liqueur  qui  le 
plongea  dans  un  fommeil  léthargique:  mais 
c'eil  une  fable  digne  de  ces  temps  grofficrs. 
La  maladie  dont  l'empereur  étoir  atteint , 
s'étant  changée  en  paralylie  ,  il  ne  longea 
qu'à  rentrer  dans  fes  états  d'Allemagne,  où 
il  mourut  peu  de  temps  après  fon  retour, 
laiilant  l'Occident  dans  la  même  agitation 
où  ce  malheureux  empire  avoit  été  depuis 
la  mort  de  Charlemagne ,  fon  reftaurateiir. 
Oda  la  femme  donna  le  jour  h  Louis  IV" 
furnommé  l'enfam  ,  le  dernier  de  la  race  des 
Pépin  ,  qui  ait  occupé  le  trône  de  Germanie  , 
&  à  I^edwinge  qu'Othon  le  grand  époudi' 
en  fécondes  noces.  Cette  princeîlè  avoit  été 
accufée-d^adultere  ,  ôc  jullihée  dans  une 
diète.  Triteme  donne  à  Arnoul  une  autre 
femme  ,  nommée  Agn}s  ,^  hlle  d'un  empe- 
reur grec  dont  il  fait  delcer.dre  Arnuul  de 
Bavière  ,  ce  duc  fimcux  par  les  guerres  qu'il 
fufcita  à  Conrad.  Arnoul  ,  outre  ces  deux 
princefïes  ,  tint  une  concubine  iK)mmée 
HeUngardé  ,  qui  fut  mère  de  Zuinrilbod  , 
roi  de  Lorraine ,  &  de  Ralbod  ,  que  l'on 
regarde  com.me  la  tige  des  anciens  comtes 
d'Andeks ,  en  Bavière.  Il  eut  de  la  même 
Helingarde  une  fille  nommée  Berihe ,  qui 
fut  mariée  à  un  duc  de  Cleves.  On  ignore  li 
naiifance  de  cette  concubine  ;  mai;,  fi  l'on  en 
juge  pari  amour  qu'elle  futiafpirer  à  l'empe- 
reur ,  il  efr  à  croire  qu'elle  étoit  trop  obfcure 
pour  pouvoir  être  aflociée  à  les  deflinées. 

On  m.et  au  nombre  des  fautes  à' Arnoul 
l'indifcrécion  qu'il  eut  d 'appeller  les  Hongrois 
à  Ion  fecours.  Ce  peuple  alors  barbare ,  de 
qui.  figure'*aujO-,ird  hui  avec  les  plus  lages  &: 


4H  A  R  N 

les  mieux  policés  ,  venoit  de  conquérir  la 
Panonie  fur  les  Huns  qui ,  comme  eux , 
étoicnt  fortis  des  vaftesdéferts  de  la  Scythie. 
Le  fecours  de  ce  peuple  lui  avoir  paru 
néceflaire  pour  contenir  les  Moraves  qui , 
conduits  par  Zuintilbod  ,  duc  ingrat  auquel 
îl  avoir  donné  l'inveftiturc  de  la  Bohême , 
prétendoi'jnt  fe  foufeaire  à  (on  obéillance. 

Ce  fut  fous  le  règne  d'Arnoul  qiw  s'écr.blit 
ia  chevalerie.  Cet  ordre  ii  propre  à  faire 
juîtrerenthoufiafmc ,  vrai  germe  des  gi-andes 
actions ,  avoir  été  connu  en  Germanie  de 
toute  antiquité.  Il  avoit  été  en  ui.ige  (ur-tour 
parmi  les  Cartes  ,  pères  des  François.  Les 
hommes  ,  parmi  ces  nations  généreufes , 
faifijient  vccu  ,  au  fortir  de  l'a-ifànce  ,  de 
liifler  croître  leurs  cheveux  &  leur  barbe  , 
jufqu'à  ce  qu'ils  cuftent  délivré  la  patrie  d'un 
«nnemi  étranger  ou  domeflique  ,  ils  le 
tiévouoient  même  à  l'cfclavage.  Ces  hommes 
étranges  que  l'amour  de  la  liberté  rendoic 
féroces  ,  fe  chargeoient  de  chaines  &  ne  les 
cjuittoient  que  fur  le  corps  de  l'ennemi 
terra  (le.  Ils  le  coupoicnt  alors  les  cheveux  & 
la  barbe  ,  &  les  confacroient  aux  dieux 
î^près  les  avoir  trempés  dans  le  iang  de  lair 
viclime.  Telle  étoit ,  fuivan:  eux  ,  la  plus 
îigréable  offrande  que  l'on  put  faire  à  la  divi- 
jiité.  "  Ils  ne  quittent  pas  même  cet  équi- 
jnge  pendant  la  paix  ,  dit  Tacite  ;  les  braves 
parmi  les  Cattes  ,  vieilliflent  fous  d'illuftres 
fers  également  révères  du  citoyen  &  de 
l'étranger. ,,  Entre  les  loix  qui  intéreflent  le 
gouvernement ,  on  en  remarque  une  ,  datée 
du  concile  de  Tribur ,  que  les  papes  avoient 
long-temps  ambitionnée  :  cette  loi  ordonne 
d'honorer  l'églife  de  Rome  ,  cornme  celle 
d'où  dérive  le  facerdoce ,  &  de  louftrir  le 
joug  qu'elle  impote ,  quand  même  il  fcroit 
à  peine  fupportable. 

On  croit  que  les  cendres  de  cet  empei-eur 
repofent  à  Ratisbonne  ,  dans  l'abbaye  de 
St.  Emmeran  ,  où  fon  corps  fut  trans.^éré 
d'Oerdngue  peu  de  jours  après  fa  mort  , 
arrivée  le  a 6  novembre  S99.  Il  avoit  été  fait 
duc  de  Carinthie  en  877  ;  roi  de  Germanie 
en  8S7;  d'Italie  en  8 14.  Ce  fut  le  i6  avril  896 
qu'il  reçut  la  couronne  impériale  des  mains 
du  Pape  Formoie.  {M— y.  ) 

"^  ARNOULD  ,  petite  ville  de  France 
d-ans  la  Beauce  ,   dans   la  foré:  d'Yveline. 

*  >\RNSEOURG,  F.  Arensbourg. 


A  R  N 

*  ARNSHEIM ,  petite  ville  d'Allemagne, 
dans  le  Palatinatdu  Rhin  .  bailliage  d'Ak?e>'. 

§  ARNSTADf  ,  (  G%.;  ancienne  ville 
de  Thuringe  en  Allemagne  ,  dans  le  cercle 
de  Haute-Saxe ,  fur  la  rivière  de  Géra.  Elle 
étoit  originairement  du  domaine  des  premiers 
ducs  de  Sa.v.e,  dont  les  grands  états,  comme 
on  iait ,  fe  trouvent  aujourd'hui  part^g^s 
entre  bien  des  mains  différentes.  L'eiapercur 
Othon  I ,  non  moins  libéral  que  dévot ,  fi: 
prélent  à'Arnftadt  à  l'abbaye  ,  it  riche  dans 
la  fuite ,  de  "^Hcrïfeld  en  He(:è.  Mais  des 
comtes  de  Kefernbcrg  ,  pTore6t:e'.irs  de  cette 
abbaye ,  s'étant  alliés  avec  les  maisons  d'Orla- 
munde  &  de  Wcim-^r  ,  l'on  trouva  moyen 
de  faire  repallev  Anijiadt  fous  une  domina- 
tion féculiere  ,  &  les  comtes  de  Schwartz- 
bourg  l'achetèrent  de  ceux  d'Orhmunde , 
au  commencement  du  XIV^  liecle.  C'ell 
aujourd'hui  la  branche  de  Sondcrshauleii 
qui  poOède  cette  ville  ,  &  qui  la  fait  fleurir. 
On  l'agrandit  &  on  l'embellit  tous  lés  joui-s. 
Elle  a  quatre  éghfcs  en  comptant  celle  du 
château  ;  un  palais  bâti  il  y  a  quarante  ans 
pour  fervir  de  réiîdence  aux  princefîes  douai- 
rières de  Schwarzbourg  ;  \inz  école  diviice 
en  huit  claiîcs ,  à  l'ufage  de  toute  la  jeuneii'e 
de  la  contrée  ;  &  enfin  pluheurs  autres 
bâtimens  publics  où  fe  tiennent  les  collèges 
ecclélîartiques  &  civils  du  pays,  &  fa  cham- 
bre des  finances.  La  Géra  fait  mouvoir  dans 
Arnjtadt  di\'ers  rouages  pour  le  travail  du 
fer  &  du  léton  ;  &  à  cet  objet  conlldérable' 
de  commerce  &  d'induftrie  pour  l'intérieur 
de  la  ville  ,  il  fiut  joindre  celui  du  falpêtrc 
pour  fes  environs.  Long.  x8 ,  ^-^ ;  lat.  ^o  , 
54- ^D.  G.) 

ARNSTEIN,(G^^.)  château  &  bail- 
liage d'Allemagne  ,  dans  le  cercle  de  Fran- 
conie  ,  dépendance  de  l'évéché  de  Bamberg. 
L'évêché  de  Wirtzbourg  pollede  aulTi  une  pe- 
tite ville  du  même  nom  ;  lequel  eft  encore  ce- 
lui d'une  abbaye  de  prémontrés  lur  la  Lahne , 
relcN-ant  de  l'archevêché  de  Tre^-cs  ;  celui 
d'une  ancienne  fèigneurie  du  comté  de  Man^j 
feld  en  Haute-Saxe  ,  &  celui  de  quelques 
autres  petits  endroits  d'Allemagne.  {D.  G.) 

ARNSTORFF,  (  Gcogx-)  ville  d'Allema- 
gne fur  le  Danube.  Elle  eft  enclavée  dans 
le  cercle  d'Autriche  ;  mais  elle  appartient  à 
l'archevêque  de  Saltzbourg.  (D.  G.) 

*  AROBE  ou  ARROUE,  f.  m.  (  Comm.) 

en 


A  R  O        ' 

en  erpagnol  arohas  ,  en  p  'ruvîen  ,  aroutt  , 
poids  dont  on  (e  1ère  en  Elpagne  ,  en  Porcu- 
igal ,  à  Goa ,  &  d.i.ns  rouce  l'Amérique  el- 
pagnole.  Les  Portugais  s'en  fervent  auiri  au 
Brehl ,  où ,  aulTi-bien  qu'à  Goa  ,  on  l'appelle 
arate  :  tous  ces  arobcs  n'ont  guère  que  le  nom 
de  commun  ;  &  ils  (ont  d  ailleurs  allez  dif- 
fcrcns  pour  leur  pelaiiteur  &  pour  leur  éva- 
luation au  poids  de  Fiance.  \Jarobe  de  Ma- 
drid ,  &  du  refte  de  pie'que  toute  l'Elpa- 
gne ,  à  la  rcierve  de  Séville  &  de  Cadix  , 
cil  de  vingt  -  cinq  livres  efpagnoles  ,  qui 
n'en  font  pas  tout-à-fait  vingt-trois  &  un 
quart  de  Paris  ;  en  lorte  que  le  quintal  com- 
mun ,  qui  elt  de  quatre  arabes  ,  ne  fait  que 
quatre-vingt-treize  de  nos  livres.  Uarole  de 
"séville  î^:  de  Cadix  eft  aulTi  de  vingt-cinq 
livres  ,  mais  qui  en  font  vingt-iix  &  demie 

Eoids  de  Paris ,  d'Amllerdam  ,  de  Stras- 
ourg  &  de  Belançon ,  où  la  livre  etl  égale. 
Quatre  arabes  font  le  quintal  ordinaire,  c'eft- 
à-dire  ,  cent  livres  ;  mais  pour  le  quintal  ma 
cho  ,il  faut  fix  arobcs  .  qu  on  peut  réduire  en 
livres  de  Paris ,  fur  le  pié  de  la  rédudJtlon 
qu'on  a  faite  ci-dellus  de  l'arobc  de  ces  deux 
villes.   Voye^  Quintal. 

L'arabe  de  Portugal  eft  de  32  livres  de 
Lifbonne ,  qui  reviennent  à  vingt-neuf  livres 
de  Paris,  ^ojc:^^  Arate.  (G) 

AROCHA  ,  (  Gé^gr.  ). rivière  d'Italie 
dans  la  grande  Grèce.  On  croit  que  c'eft 
prélèntement  la  Crecha  ,  au  royaume  de 
Naples.  {C.  A.) 

AROCK-SZALLAS,  C  G^V.)  jolie  ville 
de  la  Hongrie  ,  au  pays  des  Jazigiens  Méta- 
raftes ,  dans  une  contrée  fertile  &  agréable. 
C'eft  la  même  qu'Aracha ,  qui  efl  fur  une 
petite  rivière  au  nord-oueft  du  Temefwar. 
Long.  44  ,  lat.  46  ,  Z5.  {C.  A.) 

*  AROÉ  ,  (  Géogr.  anc.  &  mod.  )  ville 
d'Acliaïe  :  c'eft  aujourd  hui  Fatras. 

AROER  ,  (  Gèogr.  faime.  )  ville  de  la 
Judée  en  Aile  ,  au  delà  du  Jourdain  ,  de  la 
tnbu  de  Gad  ,  proc  he  la  rivière  d'Arnon ,  fur 
les  contins  de  la  tribu  de  Ruben ,  ce  du  pays 
des  Ammonites. 

AROMAIA  ,  (GAigr.)  contrée  de  l'Amé- 
rique méridionale  ,  dans  la  Guyane,  au  pays 
des  Caraïbes.  On  la  place  au  midi  de  i'Ore- 
noque  ,  &:  non  loin  de  l'embouchure  ;  mais 
elle  eft  encore  peu  CG4inue.  {C.  A.) 

AROMATA  ,(Gcog.)  montagne d'Afie , 
Ts,me  ni. 


A  R  O  42  j 

d.ins  la  Lydie  ,  félon  Srrabon.  Il  y  avoit , 
Iclon  Ptolomée ,  une  ville  &c  un  promon- 
toire de  ce  nom  dans  l'Ethiop'e  ,  fous  l'E- 
gypte. {C.A.) 

+  AROMATES  ,  f.  m.  pi  H,Ji^  /,ar.  & 
mat.  nietiic.  )  On  comprend  Ibus  ce  nom 
générique  tous  les  végétaux  pourvus  d'une 
liuile  &  d'un  Tel  acre  ,  qui  ,  par  leur  union  , 
forment  une  (ubitance  lavonneule  ,  qui  eft  le 
principe  de  l'odeur  ^  du  goût  acre  ,  ftimu- 
lant  &  échauftant  qu'on  y  découvre.  Tels 
l'ont  le  cardamome  ,  le  clou  de  girofte ,  la 
cannelle  ,  le  poivre  ,  le  gingembre ,  le  nT^cis , 
fiv.  Si ,  dans  le  cas  où  la  bile  a  perdu  la  force 
iSc  Ion  énergie  ,  &  où  les  fibres  de  l'eftomac 
lont  relâchées  ,  les  aromates  font  d'un  grand 
lecours  ;  ils  font  aulTi  très  -  nuilibles  dans  les 
difpoiitions  contraires,  par  l'impétuolité  du 
mouvement  qu'ils  occalionent  dans  les  hu- 
meurs qui  font  déjà  trop  agitées.  L'abhnthe , 
qui  facilite  l'écoulement  des  eaux  ,  en  rele- 
vant le  ton  &  le  rellbit  des  vailVenux  atFoi- 
blis ,  &  diviiant  &  incilant  les  humeurs  mu- 
queules ,  eft  un  excellent  remède  dans  Phy- 
dropilie  ;  mais  dans  les  fièvres  inflammatoi- 
res ,  elle  feroit  certainement  beaucoup  de 
mal ,  en  produilant  les  mêmes  effets  que  dans 
Phydropifie. 

AROMATIQUE  ,  adj.  V.  Odorant, 

*  AROMATITE  ,^  f.  f.  (  HJI.  aat.  fo(f.  ) 
p:erreprécieu!e  d'une  fubllancebitumineufe  , 
&c  fort  rcllemblante  ,  par  la  couleur  &  fou 
odeur ,  à  la  myrrhe ,  qui  lui  donne  (on  nom. 
On  la  trouve  en  Egypte  &  en  Arabie. 

ARON  ,  (  Géogr.  )  gros  bourg  d'Afie  , 
en  Perle  ,  dans  Pi'rac  Agemi.  Il  eft  à  deux 
lieues  de  Cachan  ,  &  à  vingt  d'ilpahan.  Il 
y  a  un  grand  nombre  d'habitans  ,  &  on  y 
fait  un  grand  commerce  de  foie.  {C.  A.) 

*  ARONCHES ,  petite  ville  de  Portugal , 
dans  l'Alentéjo  ,  fur  les  confins  de  l'Eftr*- 
madure  Elpagnole  :  elle  eft  fur  la  rivière  de 
Care  ,  qui  coule  proche  l'Alegrctte  ,  &  joint 
la  Guadiana  un  peu  au  dellus  de  Badajoz. 
Long.  Il  ,   14  ;  lat.  ^9. 

ARONDE,  terme  de  fortification  ,  voye:(^ 
Queue  d'aronde.  C'efî ainfi qu'on  appelle 
les  ailes  ou  les  branches  d'un  ouvrage  à  corne 
ou  à  couronne  ,  lorlqu'elles  vont  en  fe  rap- 
prochant vers  la  place  ,  en  forte  que  la  gorge 
le  trouve  moins  étendue  que  le  front.  (  Q  ) 

*  ARONDEL  ,  voye^  Arundel. 

E  ee 


jjiô  A  R  O 

ARONDELIERE  ,  f.  f.  nom  de  plante  , 
fynonyiTje  avec  celui  de  chélidoine.  Voye-^^ 

CHÉLlbOIN^È.   (  /) 

ARONDELLES ,  f.  f.  (Murinf.)  arondelks 
de  mer  ,  c'eft  ainfi  qu^on  appelle  ,  en  terme 
de  marine  ,  les  brigantins ,  les  pinafies ,  & 
autres  vailîèaux  médiocres  &  légers.  (Z) 

*  ARONE  ou  ARONA  ,  (  Géog.  )  ville 
d'Italie  dans  le-  territoire  «i''Anghiéra ,  au 
duché  de  Milan.  Long.  ï£ ,  f,  ;  lat.  45  ,  4?. 

*  AROOL  ,  (  Gécg.  )  ville  de  l'empire 
Ru(Tien  dans  rUckraine  ,  fur  la  rivière 
d'Occa ,  à  80  lieues  nord  de  Mofcow.  Long. 

*  AROSBAY  ,  ville  des  Indes  dtirft  la 
contrëe  fepœntiionale  de  la  côre  occidentale 
de  l'île  de  Madura  ,  proche  celle  de  Java. 
Lmg.  zji  ;  lai.  mérii.  g  ,  ^0. 

'^  AROSEN  ou  WESTERAS  ,  petite 
ville  de  Suéde ,  capitale  de  la  W  eftimaniCj  lur 
le  lac  Mêler. 

AROT  &  MAROT  ,  f.  m.  (  Théol.  & 
Hijî.  )  l'ont  les  noms  de  deux  anges  que  l'im- 
■jlofteur  Mahomet  difoit  avoir  été  envoyés  de 
Dieu  pour  enfeigner  les  hommes ,  &  pour 
leur  ordonner  de  s'abftenir  du  meurtre  ,  des 
faux  jugémens ,  &  de  toutes  fortes  d'excès. 
Ce  faux  prophète  ajoute  qu'une  tïès -belle 
femme  ayant  invité  ces  deux  anges  à  man- 
der che2elle ,  elle  leur  fit  boire  du  vin ,  dont 
étant  cchauft.  s  ,  ils  la  folliciterent  à  l'amour  ; 
qu'elle  feignit  de  confentir  à  leur  padîon  , 
-à  condition  qu'ils  lui  apprendroient  aupara- 
vant les  paroles  par  le  moyen  dclquelles  As 
«Jifoient  que  1  on  pouvoir  ailément  monter 
auciel  i  qu'après  avoir  lu  d'eux  ce  qu'elle  leur 
avoit  demandé  ,  elle  ne  voulut  plus  tenir  la 
{iromefle  ,   &  qu'alors  elle  fut  enlevée  au 
ciel ,  où  ayant  fait  à  Dieu  le  récit  de  ce  qui 
s'étoit  paflé  ,  elle  fut  changée  en  l'étoile  du 
maiiii ,  qu'on  appelle  lucifcr  on  aurore  ,  £^ 
»)ue  'es  deux  nit^^s  furent  fcvérement  punis. 
C'eft  de-l.\  ,  (el  on  Malromet ,  que  Dieu  prit 
occalion  de   défendre  Tufage   du  vin  aux 
hommes.  f^<-y  '{_  Alcoran. 

AROTES,  1:  m,  pi.  {Hift.  tinc.)  nom 
i^'-ie  les  Syraculains  donnoient  aux  hommes 
<le  condition  1  bre ,  qui  ,  par  le  malheur  de 
•leur  fortune  ,  ttoienc  obligés  de  fcrvir  pour 
fublifter.  (G) 

*  AROU  ou  AAROW  ,  (  Géog.)  ville  du 
canton  de  Beine  c.\\  pii^'S  d'Aigow  ,  f«-r  l'Aar , 


  R  Ô 

qui  lui  a  donné  fcn  nom  :  elle  eft  bâtie  fur  les 
mines  de  l'ancienne  forterelVe  de  Rora. 

*  AROVAQUES  ,  f.  m.  pi.  peuples  de  ' 
la  Caribrne  dans  l'Amérique  (eptentrionale , 
proche  les  bords  de  l'Ellekebe  &  les  fron- 
tières du  Paria. 

*  AROUCA  ,  (  Gérgr.  ancicine  &  mod.) 
vil!,-ge  de  Portugal  dans  la  province  de  Beira , 
cnne  Vifeu  &  Porto  ,  fur  la  rivière  de  Paira. 
On  croit  que  c'eft  l'ancienne  Araducla. 

AROUE  ,  fubft.  f.  (  Commerce.  )  poids 
donc  on  fc  fert  dans  le  Pérou  ,  le  Chily  ,  &c 
autres  provinces  &  royaumes  de  T Amérique 
qui  font  de  la  domination  e'pagnole.  Uûroue^ 
qui  n'cft  rien  aune  cho(e  que  1  arobc  dElpa- 
gne  ,  pefe  vingt-cinq  l.vres  poids  de  France. 
/-•"bjE^  Arobe.  D.âion.  du  comm.  tom,  I , 

"^  AROUENS  (île  dfs),  l'une  des  iles 
qui  font  proche  de  l'embouchure  de  la  ri- 
vière des  Amazones  ,  dans  l'Amérique  méri- 
dionale. 

*  AROUGHEUN  ,  (  Uifl.  nat.  Zoolog.  ) 
animal  qu'on  trouve  en  Virginie  ,  &  qui  eft 
tout  femblable  au  caftor ,  à  l'exception  qu'il 
vit  fur  les  arbres  ,  comme  les  écureuils. 

La  peau  de  cet  animal  forme  une  partie 
du  commerce  que  les  Anglois  font  avec  les 
fauvages  voilins  de  la  Virginie  ;  elle  com- 
pofe  une  forte  de  fourrure  fort  eftimée  en 
Angleterre. 

AROUKORTCHIN  ,  (  Géo^r.  )  contrer 
d'Afie,  dans  la  grande  Tartarie ,  vers  la  mu- 
raille de  la  Chine.  Elle  eft  habitée  par  les  Tar- 
tares  furnommés  Niuches ,  qui  Ibnt  une  fa- 
mille des  Mongals.  {  C.  A.) 

AROURE  ,  f.  f.  (  Hiji.  anc.  )  nom  d'une 
mefure  en  ufage  chez  les  Grecs  ;  elle  conte- 
noit  cinquante  pies  ,  fi  l'on  en  croit  Suidas. 
Ce  mot  lignif.oir  plus  fréquemment  une  me- 
fure quiirrée ,(\\x\  faifoii  la  moitié  du  plechron, 
Foyc^  Plïthron. 

Uaroure  égyptien  étoit  le  quatre  de  cent 
coudées,  félon  le  calcul  du  doéfeur  Arbu- 
noch  ,  tal>.  9.  (  G  ) 

AROVV  ou  Arou  ,  (  Gi'ogr.  )  ile  de  la 
mer  des  Indes  ,  à  l'orient  des  Moluques,  & 
au  midi  de  la  nouvelle  Guinée.  Elle  eftconfi- 
dérahle  :  on  lui  donne  plus  de  trente  lieues 
de  longueur  ,  &  environ  dix  de  largeur.  Il 
y  a  deux  petites  ilcs  du  m'-me  nom  ;  luric 
au  fud-^cft  ,  &  l'autre  à  l'oucft  de  cette  ilc 


A  R  P 

A'Arew.  Long,  t^o  ;  lat.  $-6 ,  jjo.  {C.  A.) 
*  ARO  /  ,  (  Géog.  )  rivière  de  l'Améri- 
que méricTonale  ;  elle  lorc  du  lac  Cadîpe 
dans  la  province  de  Paria ,  &  (c  jette  dans 
la  rivière  de  ce  nom. 

ARPA  EMINI  ,  f.  m.  {Hijf.  mod.)  offi- 
cier du  graiid-feigneur  ;  c'eft  le  pourvoyeur 
des  écuries  :  il  cil  du  corps  des  mutafcracas 
ou  R^p.riUhommes  ordiiuires  de  ù  hautedc. 
A  la  ville  il  reçoit  l'orge  ,  le  foin  ,  la  paille  i?^' 
les  autres  fourrages  d'impolition  ;  à  l'armée 
ils  lui  loiit  fournis  par  le  dcflerdard  ou  grand 
tréloricr  qui  z  foin  des  magilins.  L'arpa 
emini  en  fait  la  diftribution  auï  écuries  du 
fultan  &:  à  ceux  qui  en  ont  d'étape;  Tes  commis 
les  délivrent  &  lui  rendent  compte  du  bé- 
néfice ,  qui  eft  quelquefois  Ci  conlidérable  , 
qu'en  trois  ans  d'exercice  de  cette  charge  ,  il 
fe  voit  en  état  de  devenir  bâcha  par  les  voies 
qui  conduilênt  ordinairement  à  ce  grade, 
c'eft -à- dire  les  riches  préfens  fiits  aux 
fultanes  &:  aux  miniftres.  Guer.  Mxurs  des 
Turcs,  tom.  H.  (G) 

ARPAGE  ,  adj.  des  deux  genres ,  {Hiff. 
anc,  )  ou  plutôt  HARPAGE  ,  comme  on 
le  trouve  écrit  dans  les  anciennes  infcrip- 
tions  ,  fignifîe  un  enfant  qui  meurt  au  berceau , 
©u  du  moins  dans  fi  plus  tendre  jeunefle. 
Ce  mot  eft  formé  du  Grec  x^Tta^a  ,  rapio , 
je  ravis ,  on  le  trouve  rarement  dans  les  au- 
teurs latins.  Gruter  l'emploie  ,  page  G8z  , 
infcrip.  ix,  dans  Tépitaphe  deMarc-Aurele, 
qui  mourut  à  l'âge  de  59  ans  2  mois  &  1 5 
jours;  mais  cette  infcriprion  fut  trouvée  dans 
les  Gaules  ,  oii  l'on  parloir  le  grec  corrompu. 

Les  Romains  ne  flnfoieiit  nifiinérailles  ni 
epitaphes  aux  harpages  ;  on  ne  brûloir  point 
leur  corps  ;  on  ne  leur  érigeoit  ni  tombeaux 
»u  HKMuimens ,  ce  qui  fait  qu'on  trouve  dans 
Juvcnal  : 

Tcrrû  clauditur  iiifans  , 
Et  minor  inné  rcgi. 
Dans  b  fuite  on  introduidt  la  coutume  de 
brûler  les  corps  des  enfans  qui  avoient  vécu 
4<^  jours  ,  &à  qui  il  y  avoir  pouflë  des  dents  ; 
011  appelloir  auHi  ceux-là  ,  écfrct.tt.-ôi ,  rapti. 
Cet  ufage  femble  avoir  été  emprunte  des 
precs,  qui ,  félon  Euflachius ,  ne  brùîoicnt 
les  enfans  ni  la  rtuit  ni  en  plein  jour,  mais 
de*  le  matin  ;  &  ils  n'appelloicnt  pas  leur 
décès  mort ,  mais  d'un  nom  plus  doux  , 
'é**fs  «/iT*>» ,  difant  que  ces  enfans  écoiei.t 


A  R  P  417 

Mvis  par  l'aurore ,  qui  jouiiroir  ou  qui  fe  pri- 
voit  de  leurs  embrallemens.  (G) 

*  ARPAIA,  (  G^vg.  anc.  &  mod.  )  village 
de  la  principauté  ultérieure  au  royaume  de 
Naplts  ,  fur  les  confins  de  la  terre  de  La- 
bour ,  entre  Capoue  &  Bénévent.  On  croit 
que  c'efl:  l'ancien  Caudium  ,  &  que  notre 
ilrctto  à'arpûje  'ont  les  fourches  Cau Jincs , 
furc.e  caudinx  ,  des   anciens. 

*  ARPAILLEURS  ,  f.  m.  nom  que  l'on 
Jonne  à  ceux  qui  s'occupent  à  remuer  les 
fables  des  rivières  qui  roulent  des  paillettes 
d'or  ,  afin  de  les  en  féparer.  Ces  ouvriers 
n'ont  aucun  emploi  dans  les  mines. 

^  ARPAJON  ,  ville  de  France  dans  le 
Rouergue  ,  avec  titre  de  duché. 

ArpAJON  ,   ^oje^CnARTRES. 

ARPASKALESI  ,  (  GSogr.)  ville  ruinée 
Je  la  Turquie  d'Afîe  ,  en  Natolie  ,  près  du 
Méandre ,  vis-à-vis  de  NaiValéc  ,  fur  un  em- 
placement élevé.  On  croît  que  c'eft  ou  VOrto- 
•pia  ou  la  Cofchinia  des  anciens.  A  l'orient ,  Se 
à  peu  de  diftance  de  cet  endroit,  fe  voient 
encore  les  ruines  d'une  autre  ville  qui  pafle 
dans  l'opinion  de  quelques-uns  pour  y4/2/'/ocAc 
fur  l  méandre  ,  &i  dont  le  nom  moderne  eft 
Jennifcheher.  Il  y  a  fous  ces  ruines  nombre 
de  voûtes  &  de  caveaux  :  c'eft-là  qu'en  1735 
la  Porte  fit  raallacrer  le  féditieux  Soley 
Begy ,  &  ies  quatre  mille  complices.  (C  A^) 

ARPA-SOU  ;  (  Géog.  )  rivière  d'Afie , 
en  Arménie  ,  dans  le  Karafbag.  Elle  cohIc 
du  fud-oueft  au  nord -eft  ,  entre  Erivan  Se 
Tauris  ;  &  après  avoir  féparc  les  terres  du 
grand  -  feigneur  de  celles  du  roi  de  Perfè , 
elle  va  fe  jeter  dans  l'Araxe.  Elle  eft  très- 
dangereufe  par  fes  crues  fubites  qui  lui  don- 
nent une  profondeur  &  une  rapidité  louvent 
funefte  à  ceux  qui  la  pailent.  {C.  A.) 

ARPEGGIO  ,  ARPEGE  ou  ARPEGE- 
MENT  ,  f.  m.  en  mufique,  eft  la  manière  de 
faire  entendre  fucceflivemeut  &  rapidement 
les  divers  fons  d'un  accord,  au  lieu  de  les 
napper  tous  à  la  fois. 

Il  y  a  des  inftrumens  fur  lefquels  on  ne 
peut  former  un  accord  plein  qu'en  arpégeantj 
tels  (ont  le  violon  ,  le  violoncelle,  la  viole, 
&  tous  ceux  dont  on  joue  avec  l'archet , 
car  l'archet  ne  peut  appuyer  fous  toutes  les 
-ordes  à  la  fois.  Pour  former  donc  des  ac- 
cords fur  ces  inftrumens  ,  on  eft  contraint 
d'arpéger  ;  iSc  comme  on  ne  peut  t'rer  qu'au- 

Eee  a 


4i8  A  R  P 

tant  de  fons  qu'il  y  a  de  cordes,  X'ârpegk  du 
vio'on  &  du  vJolonCL-llc  ne  lauroit  être  com- 
pofé  de  plus  de  quatre  fons.  Il  taut  pour  arpéger 
que  les  doigts  loient  arrangés  en  même  temps 
chacun  lur  la  corde  ,  &  que  \' arpège  le 
tire  d'un  Icul  6c  grand  coup  d'archet ,  qui 
commence  fur  la  plus  grofie  corde ,  &  vienne 
finir  en  tournant  fur  la  chanterelle.  Si  les 
doigts  ne  s'arrangeoient  fur  les  cordes  que 
fucceffivement ,  ou  qu'on  donnât  plufieurs 
coups  d'archet ,  ce  ne  ieroit  plus  un  arpvg; ,  ce 
feroit  palfer  très-vite  plufieurs  notes  de  i'uite. 
Ce  qu'on  tait  fur  le  violon  par  nécedité , 
on  lepratique  pargoût  furleclavelIui.Comme 
on  ne  peut  tirer  de  cet  inftrument  que  des 
fons  iccs  qui  ne  tiennent  pas ,  on  eft  obligé  de 
les  refrapper  fur  des  notes  de  longue  durée. 
Pour  faire  donc  durer  un  accord  plus  long- 
temps ,  on  le  frappe  en  arpégeant ,  en  com- 
mençant par  les  (bns  bas ,  &  en  oblervant 
que  les  doigts  qui  ont  frappé  les  premiers  ne 
doivent  point  quitter  leur  touche  que  tout 
ï'arpige  ne  foit  fini,  afin  qu'on  puiOe  enten- 
dre à  la  fois  tous  les  fons  de  l'accord.  Voye^^ 

ACCOMP  AGNEM  ENT. 

Arpeggio  eft  un  mot  italien  que  nous  avons 
francifé  par  celui  à'arpege  ;  il  vient  du  mot 
^rpa ,  à  caufe  que  c'eft  du  jeu  de  la  harpe 
qu'on  a  tiré  Pidée  de  l'arpcgement.  (S) 

On  entend  encore  par  arpcggio  ,  un  trait 
de  chant  compofé  feulement  des  différentes 
notes  d'un  accord  ,  qti'on  fait  entendre  l'une 
après  l'autre.  Lorlqu'il  y  a  plufieurs  arpeggio 
de  fuite  ,  on  n'écrit  que  le  premier  «Se  on  fe 
contente  d  écrire  les  notes  qui  forment  les 
autres  en  forme  d'accord  ,  &  de  mettre  def- 
fous  le  mot  arpeggio.  Quelquefois  on  ne 
marque  pas  feulement  le  premier  arpeggio , 
fur-tout  dans  les  partitions,  m.iison  a  tort; 
cela  laifle  de  l'équivoque  :  fouvent  aulTi  on 
omet  le  mot  arpeggio.  Voye^^  fig.  j  ,pL  ^  , 
fupplément  des  planches.  (  F.  D.  C.  ) 


§  ARPENT  (  Agriculture.  )   C'eft  u 


ne 


furface  qui  fert  à  évaluer  les  prés ,  les  bois 
&i  autres  efpeces  de  terrains.  Il  y  en  a  de  plu- 
fieurs fortes  ,  l'arpent  de  Paris  eft  de  cent 
perches  quarrées ,  la  perche  étant  fuppofée 
de  dix-huit  pies  ou  trois  toifes  de  longueur  ; 
ainfi  {'arpent  de  Paris  contient  trente  toifes 
en  iput  fcîis  ou  e_n  quatre  ,  &  il  a  neuf  cents 
toifes  de  lupcrficie  ;  c'eft  celui  dont  on  fe 
if  jt  en  Fiance  dans  tous  les  livres  d'agricul- 


A  R  P 

turc  &  de  commerce.  Un  arpent  de  terrain 
aux  environs  de  Paris  rapporte  16  à  i8  liv. 
de  ferme  ,  &  coûte  environ  400  livres,  il 
faut  un  feptier  de  bled  poux  l'enfemencer  , 
&  il  en  rapporte  quatre  &  cinq.  Le  territoire 
de  la  France,  fuivant  M.  de  Mirabeau ,  eft 
d'environ  cent  &  trente  millions  d'ar;7e/jj, 
dont  une  moitié  eft  cultivable  en  grains  .• 
mais  il  n'y  en  a  pas  quarante  qui  foient 
cffedlivement  cultivés. 

h'arpent  des  eaux  &  forêts  établi  par  l'or- 
donnance eft  aufli  de  cent  perches  quarrées; 
mais  la  perche  a  vingt-deux  pies ,  ainfi  cet 
arpent  a  1 5 44^5  toifes  de  fuperficie. 

Le  journal  de  Bourgogne  approche  beau- 
coup de  Y  arpent  de  Paris ,  car  il  eft  de  560 
perches  quarrées  ,  chacune  ayant  neuf  pies 
&  demi  de  longueur  ;  ainh  il  a  501  \  toi- 
fes de  fuperficie. 

L'acre  d'Angleterre  a  zio  toiles  mefure 
de  Paris.  Il  fe  fubdivife  en  quatre  rood ,  le 
rood  en  4.0 pôles  ,h  pôle  contient  10  thpactSy 
\epace  ij  yards  ,  Vyard  ç^^'iés  quarrés,  lepié 
1 1  pouces  5  lignes. îôli .  Pkilofoph.  Tranjacl. 
ij68 ,  p.  2?-6. 

Le  jugerum  des  anciens  Romains  avoit 
de  longueur  2.40  pies  romains ,  ou  environ 
56  toiles  de  Paris  ;  &  de  largeur  181  feule- 
ment ,  fuivant  Arbuthnot  ;  ainfi  il  devoir  i 
avoir  64S  toifes  de  furface.  Aclusquadratusy 
modius  ,   mina,  ejl  la  moiiié  du  jugerum. 

A  Rome  le  rubio  eft  de  4866  toiies  quar-  1 
rées  ;  on  donne  le  même  nom  à  une  melur^  1 
de  blé  qui  pelé  445  livres  de  France.  Voyage  I 
d'un   François  en  Italie  ,  fait  en  i  j6^  ,  &;c. 

A  Naples  le  moggio  eft  de  887  toiles 
quarrées  ;  mais  il  varie  beaucoup  dans  les 
différentes   provinces  du  royaume,  Ibid. 

A  Turin  la  giornata  eft  de  icoo  toifes. 
Ibid. 

A  Milan  la  ;'fr//cj  eft  de  itj  toifes.  Ibid, 

A  Parme  la  biolca  eft  de  802  toifes.  Ibid, 

A  Florence  le  y7(oro  ou  ^a/orj  eft  de  ipfS 
toiles.  Ibid. 

M.  Criftiani ,  dans  Ion  livre  Dclk  mifurt 
d'ogni gcnere ,  imprimé  à  Drelcia  en  1760, 
a  rapporté  aufti  les  arpens  de  diftércns  pays, 
en  piés  quanés  de  France,  dont  36  font 
la  toile  qu.;rrée  ;  nous  rapporierous  ici  la 
table;  après  le  nombre  de  piés  quarrés,. on 
trouve  le  nombre  i\' arpens  des  eaux  &  fotcis, 

iJv  les  millièmes  à'arjjcrit^ 


A  R  P  A  R  P  419 


Ancona,  di  Pertiche  Sjo 

ïizç)6j  pies  quarrés  1  arpen; 

>  541    millièmes. 

700 

ioii()7 

z 

9i 

61s 

90417 

I 

868 

Bergamo 

6194 

0 

12S 

Bolgiano,  detco  Srochiaculi 

j;35i 

I 

143 

Jauch 

41498 

0 

8f7 

Tagmac 

27665 

0 

57i 

- 

Staarlandt 

6916 

0 

14} 

Graber 

5J3Î 

0 

114 

Bologna  ,  detto 

Biolca 

26955 

0 

557 

Tornatura 

19248 

0 

3 '97 

Brifcia  pio 

30709 

0 

656 

Crema 

7500 

0 

ijf 

Cremona 

7;J4 

0 

in 

Ebraico 

^957 

0 

61 

Ferrara  ,    detro 

Moggio 

203495 

4 

411 

Biolca 

61048 

I 

261 

Firenze 

JJ47 

0 

iij 

Francfort  fui  Meno 

19150 

0 

596 

Inghilterra 

55^^ 

0 

114 

Infpruc 

41498 

0 

8J7 

Livoriio 

51215 

I 

5S 

Montova 

29326 

0 

606 

Milano,  pertica 

6lJ2 

0 

12.7 

Modena 

39528 

0 

816 

Napoli ,  moggio 

30624 

0 

633 

Padova 

5170S 

I 

68 

Piacenza 

72-37 

0 

149 

Roma     Salto 

19049600 

393 

591 

Centuria 

4762400 

98 

598 

Giugero 

25812 

0 

492 

/•Atto  Maggiore 

J          Mina 

l  Moggio 

1 1906 

0 

246 

Pezza 

i;o55 

0 

518 

Rovigo 

61015 

I 

261 

Saflonia ,  detto  Morgcn 

63;^ 

I 

311 

Stufa 

1905750 

39 

375 

Torino 

3^4^? 

0 

731 

Trento 

32701 

0 

67^ 

Treviio 

4937i 

I 

20 

Venezia 

28 

0 

0 

Verona 

28726 

0 

;94 

Vicenza 

54561 

0 

710 

Zurigo  di  Pertiche     î'OO 

25522 

0. 

5M 

320 

27010 

0 

ns 

360 

30386 

0 

628 

{M.  DE  LA  Lande.) 


430  A  R  P 

ARPENTAGE   ou   GÉODÉSIE ,  f.  m. 

c'cft  proprement  l'art  ou  radion  de  mefurcr 
les  terrains ,  c'eft-à-dire  de  prendre  les 
dimeniîons  de  quelques  portions  de  terre  , 
de  les  décrire  ou  de  les  tracer  iur  une  carte  , 
&  d'en  trouver  l'aire.  J^oye^  Mesure  & 
Carte  ,  &c. 

L'ûrfentage  efl  un  art  très -ancien  :  on 
croit  mêmeque  c'eft  lui  qui  a  donné  naif- 
fance  à  la  géométrie.  Voyei  Géométrie. 

L'crj-entage  a  trois  parties  ;  la  première 
confifte  à  prendre  les  mefures  6c  à  faire  les 
obfervationsnéceirairesfur  le  terrain  même  ; 
la  féconde,  à  mettre  fur  le  papier  ces 
mefures  &:  ces  obftrvations  ;  latroifieme  ,  à 
trouver  Taire  du  terrain. 

La  première  partie  eft  proprement  ce  que 
l'on  appelle  ['arpentage  :  la  féconde  eft  l'art 
de  lever  ou  de  faire  un  plan  ;  ôc  la  troiheme 
cfl:  ie  calcul  du  toifé. 

De  plus,  la  première  fe  divife  en  deux 
parties ,  qui  confident  à  fùre  les  obferva- 
tions  des  angles ,  &:  à  prendre  les  mefures 
des  diftances.  On  fait  les  obfervations  des 
angles  avec  quelqu'un  des  inftrumens  fui- 
vans;  le  graphometre  ,  le  demi-cercle,  la 
plmchetce  ,  la  bouflole  ,  &c.  On  peut  voir 
la  defcription  &  la  manière  de  faire  ufage 
decesinilrumens,  aux  articles  Graphomu- 
TRE,  Planchette,  Boussole,  Cercle 
d'arpenteur  ,  &c. 

On  mefure  les  diftanccsavec  la  chaîne  ou 
l'odometre.  Voye^  la  defcription  &  la  ma- 
nière d'appliquer  ces  inftrumens ,  aux  articles 
Chaîne  &  Odometre  ou  Compte-pas. 

La  féconde  partie  de  l'arpentage  s'exé- 
cute par  le  moyen  du  rapporteur  &:  de  l'é- 
chelle d'arpenteur.  Foye^- en  ksufagesaux 
rtfV/j/fïRArroRTEUR  ,  Échelle,  év.  Voy. 

auJJiCA-RTV.. 

La  troiiîeme  partie  de  ['arpentage  fe  fait 
enréduifmt  les  différentes  divilîons  ,  les  dif- 
fércns enclos,  et.  en  triangles;  en  quarrés, 
tn  parallélogrammes ,  en  trapèzes ,  f.'c.  mais 
principalement  en  triangle'  ,  après  quoi  l'on 
détermine  l'aire  ou  la  furi.iccde  ces  diff."- 
rentes  figures ,  iuivant  les  règles  expofécs  aux 
articles  Aj-Ri ,  Triangle,  Qltarré  ,  &<:. 

La  croix  à'ûrpeiuogc  ou  le  bâton  d'arpen- 
teur, eft  un  inllrument  peu  connu  ,  (Se  en- 
core moins  ufiré  en  Angleterre  ,  quoiqu'en 
France  ,  £v.  l'on  s'en  fervc  au  lieu  de  gra- 


A  R  P 

phonictrc  ou  de  quelqu'autre  inftrument 
lemblable.  Il  eft  compofé  d'un  cercle  do 
cuivre  ,  ou  plutôt  d'un  limbe  circulaire  gra- 
dué ,  &  de  plus  divifé  en  quatre  partie» 
ég  lies  par  deux  lignes  droites  qui  fe  coupent 
au  centre  à  angles  droits;  à  chacune  des  qua- 
tre extrémités  de  ces  lignes  éc  au  centre 
font  attachées  deux  pinules  ou  des  vilîeres, 
&  le  tout  cIl  monté  iur  un  bâton.  f'^oytT 
Baton.  (E) 

§  Il  s'ell  élevé  depuis  quelque  temps  une 
queftion  relative  à  la  pratique  de  l'arpentage. 
Il  s'agit  de  favoir  fi  dans  la  mefure  d'un  ter- 
rani  incliné  ,  on  doit  prendre  ou  fa  fupcr^» 
ficie  réelle  ou  celle  de  u  bafe  horizontale. 

Nous  remarquerons  d'abord  que  cette 
queftion  n'eft  pas  du  reffort  de  la  géométrie. 
En  effet,  quelque  manière  qu'on  prenne,  il 
faudra  néce  liai  rement  déterminer  les  limitcj 
du  terrain  qu'on  mefure,  &  (on  inclinailoii 
fi.tr  l'horizon ,  &:  après  cela ,  fbit  qu'on 
mefure  fa  bafe  horizontale ,  foit  qu'on  mefure 
fa  fuperficic  ,  on  voit  que  le  réfukat  find 
détermine  également  le  même  terrain. 

Mais  ['arpcntag'j  eft  encore  plus  l'art  de 
reconnoitre  ,  de  part.'.ger  &  d'évaluer  un 
champ  ,  que  celui  d'en  marquer  la  pofition, 
de  le  melurer  i?;  de  le  divifer  ;  &  c'cft  dans 
cette  partie  civile  &:  économique  de  l'art 
qu'il  peut  feulement  y  avoir  quelques  diffi- 
cultés qu'on  refondra  facilement  dans  tous 
les  cas ,  à  l'aide  des  principes  lui  vans. 

i".  On  peut  propofer  de  mefuier  un  tel 
nombre  d'arpens  de  terre  ,  pris  dans  un 
chjmp  dont  la  polition  eft  donnée.  Dans 
ce  cas  il  faut  examiner  d'abord  fi  cette 
quantité  à  prendre  n'a  pas  été  déterminée 
par  un  arpentage  antérieur  ;  &  fi  cela  eft  , 
&  qu'on  connoifle  la  méthode  qu'on  a  fui- 
vie  ,  il  faut  encore  la  fuivre.  Si  c'eft  ce  pre» 
mier  arpcntag: ,  nous  remarquerons  que  le 
ieul  but  qu'on  puifle  avoir  eft  de  prendre 
la  méthode  qui  donne  en  général  un  pro- 
duit de  culture  proportionnel  à  la  mefure  ; 
ainfi  fi  le  produit  d'un  plan  incliné  étoit  à 
celui  de  La  bafe  horizontale  comme  la. 
fuperficie  de  ces  deux  pkns,  ce  feroir  la 
luperfîcie  du  terr.'in  incliné  qu'il  fiudroit 
meiurer;  mais  c'eft  ce  qu'on  nepeutafliv. 
rer.  Car  fi  la  difHculté  de  la  culture ,  les 
ravines ,  la  dégradation  des  terrains  eft  pltw 
que  compcnfée  par  la  facilité  de  placer  les 


A  R   I> 

plantes  à  des  difliiiccs  hori/ontolcs  moins 
grandes  ,  il  ell  aifc  de  voir  que  cet  avan- 
tage n  eft  pas  ,  à  beaucoup  près ,  dans  la 
proportion  dont  je  viens  de  parler  ;  en  etfet , 
il  faudroit  pour  cela  qu'ui>e  lîiperficie  incli- 
née à  60  degrés ,  par  exen.ple  ,  produisit 
autant  que  la  même  fuperlicie  horizontale  , 
ce  que  personne  ne  s'avifera  de  (outenir. 
Ainli,  il  Itra  en  général  plus  commode  c'e 
mefurer  feulemcnc  la  baie  horizontale  ,  Se 
de  fe  conduire  ,  par  rapport  à  l'avantage  des 
terrains  inclinés ,  comme  fi  ,  dans  le  même 
champ  ,  on  avoii  des  terrains  de  différentes 
valeurs. 

1°.  Si  on  a  un  champ  à  divifev  en  raiion 
donnée ,  il  faut  encore  préférer  la  méthode 
de  mefurer  la  bafe  horizontale  ,  &  on  auroit 
alors  à  partager  un  champ  horizontal ,  mais 
dont  les  différentes  parties  iont  inégales , 
quant  au  produit.  Ainfi ,  pour  que  te  partage 
(bit  égal ,  il  faut ,  au  lieu  de  le  diviler  en  par- 
ties égales ,  le  diviler  en  parties  qui  loient 
entre  elles  en  raifon  inver'e  de  leur  produit. 

5°.  S'il  eft  queftion  d'évaluer  un  champ 
par  la  quantité  de  la  iuperticic  ,  on  voit  que 
poux  une  é\  aluation  exaéte  ,  il  faut  ou  me- 
furer fa  ba!e  horizontale ,  Se  avoir  égard  aux 
avantages  de  l'inclination  ,  ou  melurer  la 
fuperficie  inclinée  ,  ôc  a\oir  égard  à  Ion  dé- 
favantage  fur  une  fuperficie  égale  &;  horizon- 
tale. Or,  puifque  dans  aucun  des  deux  cas 
une  fimple  mefure  ne  fuffit ,  c'eft  la  méthode 
de  mefurer  la  baie  horizontale  qu'il  faut  pré- 
férer. 

Elle  eft ,  dans  tous  les  cas ,  auffi  exaéte  pour 
le  but  civil ,  qui  eft  le  rapport  des  produits , 
plutôt  que  celui  des  furfaces  ;  Se  l'autre  ne 
peut  être  pratiquée  avec  exaâitude  fur  des 
terrains  de  ce  urbures ,  (buvent  irrégulieres , 
ïâns  des  attentions  «Se  des  précautions  qu'on 
ne  doit  pas  atttendre  des  arpenteurs. 

Lorfqu'il  eft  queftion  de  lever  des  plans , 
&  de  déligncr  les  terrains  mefurés  par  leurs 
limites ,  la  manière  de  prendre  ,  par  leur 
fuperficie  ,  celle  du  plan  incliné  ,  rend  la 
conftruftion  de  l'ufage  de  ces  plans  pref- 
que  impraticable  ,  de  c'eft  une  raifon  pour 
faire  préf:rer  l'autre  méthode  toutes  les  fois 
qnun  arpentage  fïiz  antcrieurtmciit ,  &  qui 
doit  fervir  de  règle  ,  n'oblige  pis  à  prendre 
la  première  i  je  crois  même  qu'il  feroit  utile 
de  faire  une  règle  générale  qui  aftrcigivt  à 


A  R   P  45 1 

fuivre  la  méthotle  qu'on  vient  de  voir  être  U 
meilleure  ;  5-:  dans  le  cnsoù  l'autre  auroit  été 
employée  d'avance  ,  on  détcrmineroit  aifé- 
ment  quelle  feroit ,  dans  la  n-.éthodc  de  mi- 
furer  la  bife  horizontale,  la  incfure  &:  les 
terraii^i  auxquels  on  auroit  aiïlgné  une  me- 
fure par  l'autre  méthode. 

La  méthode  qui  ne  mefure  que  les  bafcs 
s'appelle ,  par  les  gens  de  l'ait  ,  méthode  de. 
ciiltcUation  ;  &  celle  qui  mxfure  ce  piaji 
incliné  ,  méihodc  du  développtmait .  Les  arpen- 
teurs prét-éreront  long-temps  cette  dernière  , 
quoique  trcs- fautive  entre  leurs  ir.ains ,  parce 
que  ,  de  la  manière  dont  ils  l'emploient , 
elle  eft  beaucoup  plus  ailée  dans  la  prati- 
que ;  &  que  fur  des  terrains  peu  inclinés  S<. 
peu  étendus  ,  fes  inconvénieiis  font  adlz 
bornés.  (  O  ) 

ARPENTER  ,  v.  ad.  &  neut.  (  Gèom.) 
c'eft  l'aétion  de  mefurer  un  te  nain  ,  c'eft-à- 
dire ,  de  l'évaluer  en  arpens.  Vcye^^  Arfent 
£•  AnprMTAcr. 

ARPENTEUR  ,  f  m.  (  Gécm.  )  On  ap. 
pelle  ainli  celui  qui  melure,  ou  dont  l'office 
eft  de  meiurer  les  terrains ,  c'eft-à-dire  ,  de 
les  évaluer  en  arpens  ou  en  toute  autre  me- 
fure convenue  dans  le  pays  où  fc  fait  l'arpen- 
tage. F.  Arpentagf.  Il  faiK  qu'un (3r/>c,2/c';.r 
fâche  bien  l'arithmétique  &  la  géométrie  pra- 
tiques ;  on  ne  dcvroit  même  jamais  en  ucc- 
voir ,  à  moins  qu'ils  ne  Rifi'ent  inllraits  de  la 
théorie  de  leur  art.  Celui  qui  ne  fait  que  la 
pratique  ,  eft  l'efclave  de  fes  règles.  Si  la  mé- 
moire lui  manque ,  ou  s'il  le  picfente quelque 
circonftance  imprévue ,  fon  art  l'abandonne , 
ou  il  s'expofe  à  commettre  de  très  -  grandes 
erreurs  i  mais  quand  on  eft  muni  d'une  bonne 
théorie  ,c'eft-à-dire  ,  qunnd  on  eft  bien  rem- 
pli des  railons  &  des  principes  de  (on  art ,  on 
trouve  alors  des  rellources  :  on  voit  toujours 
clairement  fi  la  nouvelle  route  que  l'on  va 
f^:ivre  conduit  droit  au  but ,  ou  jufqu'à  qutl 
point  elle  {-eut  en  écarter.  (  £) 

ARPENTEUSE  ,  f  f.  (  7///?.  nat.  Infecl.  ) 
eruca  geomctra  ;  dénomiiiat'on  commune  à 
toutes  les  chenilles  qui  n'ont  que  drx  à 
douze  jambes.  Leur  démarche  leur  a  fait 
donner  ce  nom.  Pour  faire  un  paSj  eles 
approchent  leurs  jambes  de  dcriierc  de  celles 
■le  devant,  en  ployant  leur  corps  par  le  milieu, 
&  portent  cnfuitc  en  avant  -la  partie  an  •- 
ricurc,  de  force  qu'à  chaque  pas  elles  mefu- 


4)1  A  R  P 

renc  un  efpace  ds  teirnin  égal  à  la  longueur  de 
leur  corps,  comprile  entre  les  jambes  de  de- 
vant &  les  pofterieures. 

Toutes  les  arpenteufes  fe  changent  en  pha- 
lènes. Il  y  en  a  un  a(Tez  grand  nombre 
d'efpcccs ,  dont  quelques-unes  ne  font  que 
trop  connues  ,  par  les  dégâts  qu'elles  font 
dans  certaines  années  aux  arbres  &  aux 
légumes. 

La  plupart  de  ces  chenilles  ,  fur-tout  de 
celles  à  dix  jambes ,  ont  dans  le  repos  une 
attitude  fuiguliere.  Cramponnées  par  leurs 
jambes  de  derrière  ,  elles  tiennent  le  refte  de 
leur  corps  en  l'.iir ,  quelquefois  tout-à-fait 
droit ,  d'autres  fois  courbé  :  elles  ont  alors 
l'ripparence  d'un  petit  bÂton  ,  &  cette  refîem- 
blance  eft  d'autant  plus  grande ,  que  leur  cou- 
leur approche  communément  de  celle  du 
bois,   (  D  ) 

*  ARPENTRAS  ,  (  Géog.  anc.  &  mod.  ) 
anciennement  ville  fur  le  lac  Léman  ,  main- 
tenrnt  village  appelle  Vidi ,  au  dcllous  de 
Laulane. 

ARPMAS  ,  (  Géogr.)  ville  de  laPaleftine  , 
dans  la  demi-rribu  de  Manaflé  ,  au  deli  du 
Jourdain.  Elle  étoit  à  l'occident  des  mon- 
tagnes de  Galaad  ,  &  au  fud-efl  du  tabernicle 
de  Cédar  ;  fcs  environs  éroicnr  très  -agréa- 
bles &  trcs-fcrtiles.  Lorg.  jo  ;  lat.  52  ,  ^j. 

^ARPHASACEENS,  f  m.  piur.  {Hijl. 
anc.  )  peuples  de  Samarie  qui  s'oppo!erent  au 
jécabliUl-ment  du  temple.  V.  Efd.  xlix  ,  z-j. 

ARFHAXAD  ,  (  Hif.  Sacrée.  )  fils  de 
Sem  ,  &  père  de  Salé ,  naquit  l'an  du  monde 
1 6  j8  ,  un  an  après  le  déluge ,  (Se  mourut  l'an 
du  monde  1096  ,  âgé  de  quatre  cent  trcnre- 
huit  ans. 

Il  cfl:  aufll  parlé  dans  le  livre  de  Judith  , 
d'un  Arphaxûd ,  roi  des  Medes,  que  l'on 
fuppofe  ttre  le  même  que  Phraortcs ,  fils  & 
fuccelllur  de  Dcjocès  ,  roi  des  Medes. 

ARPHYE  ,  poillon  de  mer,  miieux  connu 
fous  le  nom  à'r.iguillc.  Vcye'^  Aiguille. 

^  ARPINO  ,  (  Gé,g  anc.  &  mod.  )  ville 
d'Italie  au  royaume  de  N.'ples ,  dans  la  terre 
de  Labour  ;  c'eft  l'Arpinuri  des  Romains ,  & 
la  patrie  de  Cicéron.  Lo/!g.  52  ,  xo  j  lat. 

ARPLTLI,  (  HiJ}.  r.at.  bot.  )  nom  Brame 
d'une  plante  du  NIalabar  ,  confondu  mal-à- 
propos ,  par  le,  modernes  ;  avec  la  cafTc.  Les 


A  R  P 

Malabares  l'appelle  nt  ponna  -  vinem  \  & 
ponn  m-tagera  ;  c'eft  lous  ce  nom  que  Van- 
Rheede  en  a  donné  une  figure  allez  médio- 
cre &  incompicce  dans  ion  Hortus  Mala- 
baricus ,  volume  JT ,pag.  loi  ,  planche  LU, 
M.  Linné  l'appelle  caj/ia  ,  fophcra  ,  foliis  de- 
cemji/gis  lanc-:clatis  ,  g.'ûndtdâ  bafeos  oblongâ  , 
dans  Ion  Syji^ma  naturce  ,  imprimé  en  1767, 
pagexgo. 

C'eft  un  arbriflêau  de  cinq  à  fix  pies  de 
hauteur ,  Se  formé  en  builîon  ovoïde  pointu  , 
de  moitié  moins  large  ,  &  peu  épais  :  la  ra- 
cine forme  un  pivot  replié  pour  tracer  hori- 
zontalement fous  terre  ,  garni  çà  &  là  de  fi- 
bres ,  à  bois  &  écorces  jaunes ,  couvertes 
d'une  peau  noirâtre.  Sa  tige  eft  cendre  brune, 
garnie  de  bas  en  haut  de  branches  de  même 
couleur. 

Ses  feuilles  font  alternes  allez  ferrées , 
di'pofées  circulairement  le  long  des  bran- 
ches ,  ailées  une  fois  leulemenc  de  (îx  à  dix 
paires  de  folioles  lans  impaire ,  exadtement 
oppofées  entre  elles ,  taillées  en  fer  de  lance, 
longues  d'un  pouce  &  demi ,  à  un  pouce 
trois  quarts ,  deux  fois  moins  larges ,  molles , 
lilles ,  verd-brunes  dellus ,  plus  claires  dellous 
avec  une  nervure ,  portées  lur  un  pédicule 
cylindrique  fort  court,  &  attachées  iur  un 
pédicule  commun  cylindrique ,  depuis  fon 
extrémité  juiqu'au  lixieme  de  la  longueur 
près  de  la  tige  ,  (ur  laquelle  on  voit  à  Ion  ori- 
gine deux  ftipules ,  petites ,  triangulaires  y 
caduques. 

De  l'aidelle  de  chacune  des  feuilles  fupé- 
rieures ,  fort  un  épi  de  deux  fleurs  ;  mais  au 
bout  des  branches ,  cet  épi  forme  une  efpece 
de  pannicule  longue  comme  les  feuilles,  de 
cinq  à  (ix  pouces ,  compolées  de  lix  à  dix 
fleurs ,  dont  les  intérieures  lont  couplées  deux 
à  deux  fur  un  pédicule  commun ,  comme 
les  fleurs  qui  ibrtent  de  l'aillelle  des  feuil- 
les ,  pendant  que  les  autres  lont  portées  loli- 
tairement  fur  un  péduncule  preique  égal  à 
leur  longueur.  Chaque  fleur  forme  d'abord 
un  bouton  rond  ,  de  quatre  à  cinq  lignes  de 
diamètre  ,  en'uite  elle  s'épanouit  comme  une 
rôle  jaune  ,  d'un  pouce  un  quart  à  un  pouce 
&  demi  de  diamètre  ,  à  cinq  pétales  ellipti- 
ques ,  concaves ,  obtus ,  peu  inégaux  ,  ftriés 
de  trois  à  quatre  nervures ,  recouvrant  un  ca-  . 
lice  verd de  cinq  feuilles,  aulTi  arrondies,  une 
fois  plus  courtes.  Au  centre  de  la  fleur ,  s'ele- 

vcst 


A  R  (^ 

vent  dix  cramines  une  fois  plus  courtes  que 
les  pcralcs  ,  dont  cinq  une  tois  plus  pctiteb 
lônt  ffériles  ,  &  les  cinq  autres  rccoui'bées 
en  crochet  en  deifus  à  anthères  jaunes  , 
entourant  l'ovaire  qui  e(l  verd  ,  un  peu  plus 
long ,  recourbé  de  même  &  porté  fur  un 
pédicule  qui  rék)igne  des  étamincs.  L'ovaire 
en  grandilTant  ,  devient  un  légume  droit , 
long  de  cinq  à  fix  pouces ,  d'abord  verd , 
très-applati  ,  enfuite  jaune  &  cendré, 
renrié  ,  cjdindrique  ,  relevé  de  deux  nervu- 
res comme  deux  coutures ,  l'une  en  dellus , 
l'autre  en  deÛous  par  leiqueJles  elle  s'ouvre 
en  deux  valves  ou  battans,  &  partagé  par 
des  cloii'ons  membraneufes  en  vingt-cinq  à 
trente  loges  qui  contiennent  chacune  une 
graine  orbiculaire  ,  blanche-brunâtre  ,  un 
peu  luiiante  ,  dont  la  largeur  répond  au 
travers  du  légume,  à  la  couture  fupérieure, 
duquel  elle  eii:  détachée  ,  pendante  par  un 
petit  tubercule  laillant  iur  un  de  fes  bords. 
Qu.ilire's.  L'arpuli  n"a  pas  d'odeur  même 
dans  fes  fleurs. 

Ufages.  Sa  décoiSion  fe  boit  dans  'es 
fièvres  caufées  par  la  goutte.  L'infulion  de 
fes  feuilles  le  donne  avec  le  lucre  contre  la 
jaunilTe. 

Remarques.  Cette  plante  peut  fiire  un 
genre  particulier  avec  le  fophera  &  qiielques 
iiutres  qui  ont  été  confondus  dans  le  genre  de 
la  cafl'e  qui  ralîemble  trop  de  plantes  d'un 
caraâere bien  différent.  {M.  AnANSON .  ) 
ARQUA  ou  Arquato  ,  (  Ge'ogr.)  vil- 
Jage  d'Italie  dans  l'état  de  Venife  ,  entre 
Vicenze  &.  Padoue  :  il  ett  recommandable 
par  le  tombeau  de  Pétrarque  qui  vint  y  finir 
les  jours.  Il  y  a  encore  deux  bourgs  de  ce 
nom  en  Italie  ,  l'un  dans  la  marche  d'Anco- 
iie  ,  aux  frontières  de  ^Abbruz^e ,  &  l'autre 
dans  le  duché  de  Milan  fur  la  Serivia.  Long. 
19.17;  lat.A^,p.{C.A.) 

ARQUE  ,  adj.  (Marine.)  quille  arquée  , 
c'eft  celle  dont  les  deux  bouts  tombent  plus 
que  le  milieu  ;  navire  arqué ,  c'ell:  celui  dont 
la  quille  cû  courbée  en  arc  ,  foit  que  ce 
vaiflèau  ait  touché  fur  un  terrain  inégal ,  ou 
qu'il  foit  vieux.  (Z.) 

Arqué  ,  adj.  (Man.  )  fe  dit  des  jambes 
du  cheval.  Arqué  efl  celui  dont  les  tendons 
des  jambes  de  devant  fe  font  retirés  par  fa- 
tigue ,  de  façon  que  les  genoux  avancent 
irop  ,  parce  que  la  jambe  eif  à  moitié  plice 
Tome  m. 


A  R  Q  435 

en  defTcius.  Les  chevaux  brafllcourts  ont 
auilî  les  genoux  courbés  en  arc ,  mais  cette 
difformité  leur  efî  naturelle.  (V) 

ARQUEBUSADE  (  kau  d'  ) ,  Mac. 
méd.  voici  comme  on  la  fait. 

Prenez  feuilles  récentes  de  laugc ,  d'angë- 
liquc  ,  d'abfmtl.e  ,  defariette,  de  fenouil , 
de  mentaftrum  ,  d'hyflôpe  ,  de  meliflè  , 
feuilles  de  balilic  ,  de  rhue ,  de  thim ,  de 
marjolaine  ,  de  romarin  ,  d'origan  ,  de  ca- 
lamant ,  de  ferpolet ,  fleurs  de  lavande  ,  de 
chaque  quatre  onces  ;  efprit-dc-vin  redifié  , 
huit  livres. 

On  coupe  grofllérement  toutes  ces  plantes; 
on  les  met  infufer  pendant  ip  ou  11  heures 
dans  l'efprit-de-vin  ;  on  procède  enfuite  à  la 
dillillation  au  bain-maric  ,  pour  tirer  toute  la 
liqueur  fpiritueule  :  on  la  conlérve  dans  une 
bouteille  qu'on  bouche  bien.  Et  c'ert  là  ce 
que  l'on  nomme  eau  l'ulnéraïre  fpirhueufe. 
Si  l'on  emploie  de  l'eau  à  la  place  de  l'ef^ 
prit-de-vin  ,  on  obtient  l'eau  vulnéraire  à 
l'eau  ,  qui  efl  blanche  ,  laiteufe  ,  &  fur  la- 
quelle il  fumage  un  peu  d'huile  eflentielle 
qu'on  fépare.  Cette  eau  vulnéraire  efl  beau- 
coup moins  agréable  à  l'odorat,  que  celle 
qui  a  été  préparée  avec  l'efpiMt-de-vin. 

Enfin  fi  l'on  emploie  du  vin  blanc  ou  du 
vin  rouge  en  place  d'eau  ou  d'efprit-de-vin  , 
on  obtient  l'eau  vulnéraire  au  vin  ,  qui  efl 
plus  agréable  que  celle  qu'on  tire  à  l'efprit- 
de-vin. 

Telle  efl  la  compofition  de  M  eau  d'' arquée 
bufade.  Elle  efl  excellente  pour  les  contii- 
fîons  ,  pour  les  diflocations  ,  les  plaies  ,  & 
fur-tout  celles  d'armes  à  feu  pour  lefquelles 
on  lui  a  donné  le  nom  d'f  JU  d'arquebufade  ; 
pour  réfoudre  les  tumeurs  ,  &  nettoyer  les 
ulcères ,  pour  fortifier  les  parties  foibles  & 
réfiffer  à  la  gangrené  ,  appliquée  extérieure- 
ment. Elle  efl  auffi  trè'S-utile  pour  les  dou- 
leursde  rhumatilme  ,  appliquée  en  linimens  , 
&  avec  des  comprellès  qu'on  laiile  lécher 
fur  la  partie  ,  &  qu'on  renouvelle  de  temps 
en  temps.  (+) 

ARQUEBUSE,  f  f.  {AnmiUt.)zrmti 
feu  de  la  longueur  d'un  tufd  ou  d'un  moul- 
quet  :  c'efl  la  plus  ancienne  des  armes  à  feu  , 
montée  fur  un  fût  ou  un  long  bâton.  Ce  mot 
vient  de  firalien  acrobujio  ou  arco  abufo  ; 
arco  lignifie  arc  ,  &  bujw  ,  trou.  L'ouverture 
par  où  le  feu  le  communique  à  la  poudre 

Fff 


434        A  II  a 

dans  les  arquebufes  ,  qui  ont  lucccde  aux 
"arcs  des  anciens ,  a  donné  lieu  à  cctcc  déno- 
mination. 

Uarquebufe  f  félon  Hanzclet  ,  doir  avoir 
quarante  calibres  de  long ,  &  porter  une 
balle  d'une  once  &:  lépt  huitièmes  ,  avec 
autant  de  poudre.  Le  P.  Daniel  prétend  que 
cette  arme  commença  au  plutôt  à  être  en 
ufage  fur  la  fin  du  règne  de  Louis  XII ,  parce 
que  Fabrice  Colonne  ,  dans  les  dialogues  de 
Machiavel  i'ur  l'art  de  la  guerre  ,  ouvrage 
^crit  à-peu-près  dans  le  même  temps  ,  en 
parle  comme  d'une  invention  toute  nouvelle. 
L'arquebitfe  ,  dit-il ,  qui  efl  un  bdion  invemé 
dé  nouveau  y  comme  vous  fave\ ,  eft  bien  ne- 
cejfaire  pour  le  temps  qui  court.  L'auteur  de 
la  difcipline  militaire  ,  attribuée  au  leigneur 
de  Langis ,  en  parle  de  même  :  la  harquebufe , 
dit-il ,  trouvée  de  peu  d'ans  en  fd  ,  eft  très- 
bonne.  Il  écrivoit  fous  le  règne  de  François  I. 
Cette  arme  avoit  beaucoup  de  rapport  à  nos 
moufquetons  d'aujourd'hui  pour  le  tût  &  le 
canon  ,  mais  elle  étoit  à  rouet. 

Des  arquebufes  y'mrcnt  les  piftolets  oupif- 
tolers  ;\  rouet,  dont  le  canon  n'avoit qu'un 
pic  de  long  :  c'étoient  les  arquebufes  en  petit. 
Les  arquebufes  &  les  piftolets  à  rouet  l'ont 
aujourd'hui  des  armes  rort  inconnues  ;  l'on 
n'en  trouve  guère  que  dans  les  arfenaux  & 
dans  les  cabinets  d'armes ,  où  l'on  en  a  con- 
fervé  par  curiuhté. 

Le  rouer  qui  donnoit  le  mouvement  à  tous 
les  reflorrs  de  ces  armes  ,  étoit  une  petite 
roue  folide  d'acier  qu'on  appliquoit  contre 
la  platine  de  Varquebufe  ou  du  piftolet  ;  elle 
avoit  un  eiiieu  qui  la  perçoit  dans  Ion  centre. 
Au  bout  intérieiu-  de  l'cffieu  qui  entroit  dans 
la  platine ,  étoit  attachée  une  chainette  qiu 
s'entortlUoit  autour  de  cet  eflieu  quand  on  la 
failoit  tourner  ,  &  bandoit  le  reflbrt  auquel 
elle  tenoit.  Pour  bander  le  reiîort  on  le  1er- 
voit  d'une  clé  ,  oij  l'on  iniéroit  le  bout  ex- 
térieur de  l'eflieu.  En  tournant  cette  clé  de 
gauche  à  droite  on  failoit  tourner  le  rouet , 
&  par  ce  mouvement  une  petite  coulilie  de 
cuivre  qui  couvroit  le  baiilnet  de  l'amorce  , 
fe  retiroit  de  deflus  le  baflînet  :  par  le  même 
mouvement ,  k  chien  armé  d'une  pierre  de 
Biine  ,  comme  le  chien  du  fufil  fefl  d'une 
pierre  à  fufil ,  étoit  en  état  d'être  lîîché  dès 
que  l'on  tireroit  av.ec  le  doigt  la  détente 
tomme  dans  les  piftolets  ordinaires  ;  alors  le 


A  K.  Q_ 

chien  tombant  fur  le  rouet  d'acier ,  faifoit 
feu  &;  le  donnoit  à  l'amorce.  On  voit  par 
cet  expofé  ,  que  nos  pdlolets  d'aujourd'hui 
font  beaucoup  plus  fimples  ,  &  d'un  ufage 
plus  aifé  quelespiltolcts  à  rouet.  Hift.  de  la 
milice  Franf.  par  le  P.  Daniel. 

Lorfque  Varquebufe  étoit  en  ufiige  ,  on  ap- 
pclloit  arquebujicrs  les  l'oldats  qui  en  étoient 
armés.  Il  y  avoit  des  arquebufîers  à  pié  & 
à  cheval.  On  tire  encore  en  plufieurs  villes 
de  France  le  prix  de  Varquebufe  pour  le  plaifir 
u:  l'amulement  des  bourgeois.  On  l'appelle 
ainli ,  parce  que  l'établiflement  de  ces  priv 
avoit  eu  pour  objet  d'exercer  les  bourgeois 
des  villes  à  le  Icrvir  de    cette   arme   avec 
adrelle  dans  des  temps  où  la  garde   de  la 
plupart  des  villes  leur  étoit  conhée.  Ces  prix 
lubfillent  encore  dans  plufieurs  villes  ;  & 
quoique  l'on  s'y  fervede  tufils  ,  ils  retiennent 
leur  ancien  nom  àe.prix  de  Varquebufe.  (  Ç  ) 
Arquebuse  à  croc ,  eft  une  arme  que 
i  on  trouve  encore  dans  la  plupart  des  vieux 
châteaux  :  elle  reîîémble  afîez  à  un  canon  de 
tiifil,  &  elle  eft  ioutenue  par  un  croc  de 
fer  qui  tient  à  ion  canon  ,  lequel  eft  loutenu 
par  une  eipece  de  pié  qu'on  nomme  che- 
valet. On   s'en  iervoit  beaucoup  autrefois 
pour  garnir  les  créneaux  &:  les  meurrneres. 
On  dit  que  la  première  fois  qu'on  ait  vu 
de  ces  arquebufes  y  ce  fut  dans  l'armée  im- 
périale de  Bourbon  ,  qui  chafta  Bonnivet  de 
l'érat  de  Milan.  Elles  étoient  fi  maflives  &  fi 
pelantes,  qu'il  failoit  deux  hommes  pour  les 
porter.  On  ne  s'enfert  guère  aujourd'hui ,  ii 
ce  n'eit  dans  quelques  vieilles  forterelles  , 
&  en  France  dans  quelques  garnifons.  Le 
calibre  de  Varquebufe  à  croc  eft  plus  gros- 
que  celui  du    luCl  ,  &   bien  moindre  qui 
celui  du  canon.  On  charge  cette  arme  de 
la  même  manière  que  le  canon  ,  &  l'on  y 
met  le  teu  avec  une  mèche.  Sa  portée  eft 
plus  grande  que  celle  du  fufil.  (  Q  ) 

ARQUEBUSEiZrcrtf,  ?'.FuSIL  A  VTNT. 
AP^QUEBUSERIE  ,  fuh.  f.  art  de  tabri-, 
quer  toutes  lortes  d'armes  à  feu  ,  qui  fè 
montent  fur  des  fûts ,  comme  iont  les  arque- 
bules  ,  les  fufils  ,  les  moufquets ,  les  cara- 
bines ,  les  mcufquetons  ,  les  piftolets.  Il  (e 
dit  auili  du  commerce  qui  fe  fait  de  ces 
armes-.  Uarquebujerie ,  que  quelques-uns 
mettent  au  rang  de  la  cllncaillerie  ,  tait  partie 
du  négoce  des  marchands  merciers. 


A  p.  Q^ 

ARQUEBUSIER,  (".  m.  qu'on  nominoi; 
auricfois  artillier ,  arri'an  nui  hibrique  les 
pérîtes  armes  à  feu  ,  telles  que  font  les  ar- 
qucbufcs  ,  dont  ils  ont  pris  leur  nouveau 
nom,  Ls  fulils,  les  moufquets  ,  les  piflo- 
lets ,  6c  qui  en  forgent  \q^  canons ,  qui  en 
font  les  platines  ,  &  qui  les  montent  fur  i!cs 
fûts  de  bois.  Toutes  les  armes  que  fabriquent 
les  arqiichujiers  confiflcnt  en  qiiarre  princi- 
pales pièces  ,  qui  font  le  canon  ,  la  platine  , 
le  tût  &  la  baguette. 

Les  meilleurs  canons  fe  forgent  à  Paris  , 
par  des  maîtres  de  la  Communauté  ,  qui  ne 
s'appliquent  qu'à  cette  partie  du  métier  ,  & 
qui  en  fourniffent  les  autres.  Il  en  \  icnt 
néanmoins  quantité  de  Sedan  ,  de  Chaile- 
ville  ,  d'Abbeville  ,  de  Forez  ,  de  Franche- 
Comté  ,  ùc.  Les  canons  des  belles  armes 
s'ornent  vers  la  culafTe  d'ouvrages  de  cife- 
lure  &  de  damafquinure  d'or  ou  d'argent , 
fuivant  le  génie  de  l'ouvrier  &  le  goût  de 
celui  qui  les  commande.  voye\  Damas- 
QUINURE.  C'efl:  aulG  à  Paris  qu'on  tra- 
vaille les  plus  excellentes  platines;  chaque 
maître  faifant  ordinairement  celles  des  ou- 
vrages qu'il  monte.  Pluiieurs  fe  fervent  néan- 
moins de  platines  foraines  pour  les  armes 
c^ommuncs  ,  &  les  rirent  des  mêmes  lieux  que 
les  canons.  Voye^  CanoN  ,  PLATINE. 

Les  fûts  qu'on  emploie  pour  l'arquebu- 
ferie  ,  font  de  bois  de  noyer  ,  de  frêne  ,  ou 
d'érable ,  fuivant  la  qualité  ou  la  beauté 
des  armes  qu'on  veut  monter  delfus.  Ce 
font  les  marchands  de  bois  qui  vendent  les 
})ieces  en  gros;  les  menuifiers  qui  les  dé- 
bitent fuivant  les  calibres  au  modèle  qu'on 
leur  fournit ,  &  les  arquehufiers  qui  les  dé- 
grofllffent  &  les  achèvent.  On  embellit  quel- 
quefois c-s  fûts  de  divers  ornemens  ,  d'or , 
d'argent ,  de  cuivre  ou  d'acier ,  gravés  ti: 
cifelés  ;  les  flatuts  de  la  Communauté  per- 
mettent aux  maîtres  de  travailler  &  d'ap- 
pliquer ces  ouvrages  de  gravure  &  de  ci- 
fclure  ,  de  quelque  métal  qu'ils  veuillent  les 
faire.    Voye\  FuT. 

Les  baguettes  font  de  chêne  ,  de  noyer  , 
ou  de  baleine  ;  il  s'en  tait  aux  environs  de 
Paris  :  mais  la  plus  grande  quantité  &  les 
meilleures  viennent  de  Normandie  &  de 
Ligourne  :  elles  fe  vendent  au  paquet  & 
au  quart  de  paquet.  Le  paquet  eft  ordi- 
nairement de   cent   baguettes ,   néanmoins 


A  R.  Q  435 

'  i:  nombre  Ji  en  ell  jias  réglé.  Ce  font  les 
arqucbujievs  qui  les  ferrent  &  qui  les  achè- 
vent :  ils  font  aufii  les  baguettes  ou  verges 
de  1er ,  qui  fervent  à  charger  certaines  armes , 
particulièrement  celles  dont  les  canons  font 
ra_\és  en  dedans. 

C'efl  aufli  au\  maîtres  arquehufiers  à  faire 
tout  ce  qui  fert  à  charger  ,  décharger  ,  mon- 
ter ,  démonter  &  nettoyer  toutes  les  fortes 
d'armes  qu'ils  fabriq';.cnt. 

Les  outils  Lv  inflrumens  dont  fe  fervent 
les  maîtres  arqutbnjxrs  ,  font  la  forge , 
comme  celle  <^xs  ferruriers ,  l'enclume  ,  la 
grande  bigorne  ,  divers  marteaux  ,  gros , 
moyens  &  petits  ;  plufieurs  limes  ,  les  com- 
pas communs  ,  les  con^ipas  à  pointes  cour- 
bées ,  les  compas  à  lunette  &  les  compas  à 
tête;  les  calibres  d'acier  doubles  &  fimples 
pour  roderla  noix  &  les  vis  ;  d'autres  calibres 
de  bois  pour  fcrvir  de  modèle  A  tailler  les 
fûts  ;  diverfes  hlieres  ,  les  unes  communes , 
les  autres  fimples,  &  les  autres  doubles; 
des  pinces  ou  pincettes ,  des  ctaux  à  main , 
des  rifloirs ,  des  cifelets  ,  des  matoirs ,  àcs 
gouges  &  des  cifeaux  en  bois  &  en  ter  ; 
des  rabots  ;  la  plane  ou  couteau  à  deux  man- 
ches ;  la  broche  à  huit  pans  pour  arrc^ndir 
les  trous  ;  celle  A  quatre  pour  les  agrandir  & 
équarrir;  les  tenailles  ordinaires ,  les  tenail- 
les à  chantraindre  ,  la  potence  ,  l'équierre  , 
les  traifes ,  le  tour  avec  les  poupées  &  ton 
archet  ;  le  poinçon  à  piquer ,  pour  ouvrir  les 
trous  ;  le  bec  d'âne  pour  travailler  le  fer  ; 
des  écouennes  &  écouennettes  de  diverfes 
flirtes;  des  portes-tarieres ;  des  portes-bro- 
ches ;  un  chevalet  à  trailer  avec  ton  arçon  : 
enfin  plufieurs  fcies  A  main  &  à  retendre , 
&  quelques  autres  outils  que  chaque  ouvrier 
invcnre  ,  fuivant  fon  génie  &  fon  bcfoin ,  & 
qui  ont  rapport  A  plufieurs  de  ceux  qu'on 
vient  de  nommer. 

'Les  arquehufiers  ,  nommés  improprement 
armuriers  ,  parce  que  ce  nom  ne  convient 
qu'aux  heaumicrs  qui  tont  des  armes  dé- 
fenfives  ,  compofent  une  des  plus  nombreu- 
Çts  communautés  de  Paris  ,  quoique  leur 
éreflion  en  corps  de  jurande  ne  foit  pas 
d'une  grande  antiquité.  Les  réglemens  des 
arquehufiers  font  compofés  de  2.8  articles  : 
L-s  jurés  font  fixés  au  nombre  de  quatre , 
dont  deux  s'élifent  chaque  année.  Les  jurés 
font  chargés  de  la  paflation  &  enrcgiflre- 

F  f  f  i 


43^  A  R  Q, 

ment  des  brevets  d'apprentiflâge ,  des  ré- 
ceptions à  maîtrife  pour  lelquelles  ils  don- 
nent le  chef-d'auvre  ;  des  viiltes  ,  tant  or- 
dinaires qu'extraordinaires ,  loit  àes  ouvra- 
ges des  maîtres ,  foit  des  ranrchandifcs  fo- 
raines ;  enfin  de  tout  ce  qui  regarde  l'exé- 
cution des  flatuts  &:  la  police  de  la  com- 
munauté. Nul  ne  peut  tenir  boutique  qu'il 
n'ait  été  reçu  maître  ,  &  aucun  ne  peut 
être  reçu  maître  qu'il  n'ait  été  apprenti 
&  compagnon  du  métier  d'arqucbuferie. 
Il  n'efl  permis  aux  maîtres  d'ouvrir  lur 
rue  qu'une  feule  boutique.  Tout  maîcre 
doit  avoir  fon  poinçon  pour  marquer  Tes 
ouvrages  ,  dont  l'empreinte  doit  relier  iur 
une  table  de  cuivre  ,  dépofée  au  Chatelct 
dans  la  chambre  du  procureur  du  roi.  L'ap- 
prcntiOage  doit  être  de  quatre  années  con- 
lécurives  ,  &  le  fervice  chez  les  maîtres  en 
qualité  de  con'ipagnon ,  avant  d'afpirer  à  la 
maîtrife  ,  de  quatre  autres  années.  Chaque 
maître  ne  peur  avoir  qu'un  feul  apprenti  à  la 
fois  ,  fauf  néanmoins  à  ceux  qui  le  veulent , 
d'en  prendre  un  fécond  après  la  troifieme 
année  du  premier  achevée.  11  ell  défendu 
à  tout  apprenti  d'être  plus  de  trois  mois 
horTrle"  chez  fcn  maître  ,  s'il  n'a  caufe  lé- 
gitime ,  à  peine  d'être  renvoyé  &  être  dé- 
chu de  tout  droit  à  la  maîtrile.  Les  maîtres 
ne  peuvent  débaucher  ni  Ls  apprentis,  ni 
Jes  compagnons,  non  plus  que  ceux-ci  quit- 
ter leurs  maîtres  pour  aller  chez  d'autres  , 
avant  que  leurs  ouvrages  ou  leurs  temps 
foient  achevés.  Tout  aipirant  à  la  maîtrile 
doit  chef-d'œuvre,  à  l'exception  des  fils  de 
maîtres  ,  qui  ne  doivent  qu'expérience. 

Les  fils  de  maîtres  ,  foit  qu'ils  travaillent 
dans  la  maifon  de  leur  père  ,  foit  qu'ils  ap- 
prennent le  métier  dehors  ,  font  obligés  à 
l'apprentilfage  de  quatre  ans  ;  tenant  lieu 
d'apprentis  aux  autres  maîtres ,  mais  non 
pas  à  leurs  pères.  Nul  apprenti  ne  peut  ra- 
cheter fon  temps.  Les  compagnons  qui  ont 
fait  apprentifiac;e  à  Paris  ,  doivent  êtri:  pre- 
iérés  pour  l'ouNrage  chez  les  maîtres ,  aux 
compagnons  étrangers  ,  à  moins  que  les  pre- 
miers ne  voulurent  pas  travailler  auxmêmes 
prix  que  les  derniers.  Les  veuves  i-cilant 
en  viduité  jouiilén:  des  privilèges  de  kurs 
maris ,  fans  néanm.oins  pouvoir  taire  d'ap- 
prentis ;  &  elles  &  les  filles  de  maîtres 
luiviinchiiTent  les  com;-;)j;-'.cns  qri  les  épou-' 


A  R  Q 

fent.  Toute  marchandife  foraine  du  métier 
d'arqucbuferie  ,  arrivant  à  Paris ,  pour  y 
être  vendue ,  foit  par  les  marchands  forains 
mêmes  ,  loit  par  teux  de  la  ville  ,  ne  peut 
être  expofée  en  vente  ,  qu'elle  n'ait  éré  vifi- 
tée  &  marquée  du  poinçon  de  la  commu- 
nauté ,  étant  au  furplus  détendu  aux  maîtres 
d'aller  au-devant  deidits  forains  ,  ni  d'ache- 
ter d'eux  aucune  marchandife  avant  ladite 
vilite  faite. 

Enfin  il  cff  défendu  aux  maîtres  île  la 
cominunauté  &:  aux  forains  ,  de  brafer  ,  ni 
d'expofer  en  vente  aucuns  canons  braies , 
avec  faculté  aux  jurés  ,  qui  en  font  la  vilue  , 
de  les  mettre  au  feu  ,  pour  découvru'  ladite 
braiure  &  les  autre-;  défauts  detdus  canons  ; 
à  la  charge  néanmoins  par  leidits  jurés  de 
les  remettre  ,  s'ils  ie  trouvent  de  bonne 
qualité  ,  au  même  état  qu'ils  éroicnt  aupara- 
vant qu'ils  les  eu  fient  mis  au  feu. 

Il  a  été  permis  aux  maîtres  arqitebitfiers 
d'établir  à  Paris  un  jeu  d'arquebufe  ,  tel 
qu'on  le  voit  dans  les  foflés  de  la  porte  S. 
Antoine ,  pour  y  exercer  la  jeune  noblelîê 
&  ceux  qui  font  profeflîon  des  armes.  Les. 
maîtres  arquebiijjers  peuvent  faire  toutes 
fortes  d'arbalètes  d'acier ,  garnies  de  leurs 
bandages  ,  arqucbuies  ,  piflolets  ,  piques  , 
lances  &:  fullels  ;  monter  leidltcs  arquebu- 
les,  piitolets  ,  hallebardes  &  bâtons  à  àtWK 
bouts,  &  les  ferrer  &c  vendre. 

Il  leur  eft  pareillement  permis  de  fabri- 
quer &  vendre  dans  leurs  bouàques  tous 
autres  bâtons  ouvragés  en  rond  &:  au  rabot 
privativement  à  tous  autres  mét'ers.  Aucun' 
maître  ne  peut  tenir -plus  de  deux  compa- 
gnons ,  que  les  autres  m.aîtres  n'en  aient 
autant ,  fi  bon  leur  femble ,  à  peine  d'amen- 
de. Les  fils  de  maîtres  doivent  être  reçus 
maîtres  audit  métier,  en  tailant  l'expérience 
accoutumée.  Les  compagnons  époulant  les 
filles  de  maîtres  ,  font  obligés  à  pareille 
expérience.  Aucun  maître  ne  peut  être  élu 
juré  ,  qu'il  n'ait  été  auparavant  maître  de 
confrairie  ,  à  peine  de  nullité  de  feledion  , 
&  de  demi  écu  d'amende  contre  chacun 
des  maîtres  qui  auront  donné  voix  à  celui 
qui  n'aura  pas  été  m. litre  de  contrair  e. 
^  A.RQUER  ,  s- arqua-,  v.  ad.  {Mdiine.) 
le  dit  de  la  quille  ,  lorlque  mettant  le  vaifleau 
à  l'eau  ,  ou  que  taifnnt  voile ,  &  venant  n  ■ 
toucher  par  l'avaiit  ou  par  l'arriére  ,   peur 


A  R  d 

être  inégalement  chargé ,  la  quille  fe  dément 
p.ir  cet  effort ,  licvient  arquc'e  ,  &  pcrcl  de 
l'on  trait  &  de  fa  figure  ordinaire.  Lorlqu'on 
lance  un  vaiflcau  de  delTus  le  chantier  pour 
le  mettre  à  l'eau ,  la  quille  peut  ^.''arquer  ,• 
on  ne  court  point  ce  rifque  en  bâtifllmt  les 
vaifîeaux  dans  une  forme.  (Z) 

ARQUE  H  AGE  ,  f.  m.  terme  d'ancien 
droit  coatumier  ,  lignifiant  une  force  de  fer- 
iitiide ,  en  vertu  de  laquelle  un  vaflal  étoit 
obligé  de  fournir  un  ioldat  ;\  (on  feigneur. 
On  a  auill  dit  arclutrage  &  archo-irage.  Il 
fcmhle  que  ce  mot  loit  dérivé  de  celui 
d'archer.  (H) 

*  ARQUES  ,  (  Ge'ogr.  )  petite  ville  de 
France  en  Normandie  ,  au  pays  de  Caux  , 
fur  la  petite  rivière  d'Arqués.  Long.  i8  , 
50;   bt.  49  ,  5+. 

ARQUET,  f.  m.  petit  fil  de  fer  attaché 
le  long  de  la  brochette  ou  du  pointicelle 
qui  retient  les  tuyaux  dans  les  navettes  ou 
efpolins  ,  où  il  forme  une  efpcce  de  relTort. 
V.  Brochette,  Pointicelle,  Na- 
vette  &  ESPOLINS. 

*  ARQUIAN  ,  petite  ville  de  France 
dans    le  Catinois ,  éledion  de  Gien. 

ARRA  ,  (  Ge[og.  )  ville  d'Afie  en  Syrie, 
dont  Ptolomée  fait  mention  :  elle  étoir  gran- 
de &  bien  peuplée  ;  Ion  nom  moderne  ell 
Maara;  ce  n'eft  plus  aujourd'hui  qu'un  gros 
bourg,  fous  le  gouvernement  d'Alep  ,  &  le 
lieu  principal  d'un  petit  pays  très-tertile  en 
grains  &;   en  bons  fruits.  On  voit  près  de 
là ,  dans   un  endroit  délert ,   les  ruines   de 
l'ancienne  ville   de  Seriane   dont  quelques 
morceaux  font  encore  magnifiques.  {C.  A.) 
ARRA  ou  ARRAS  ,  f.  m.  {H.  nar.  Orn.) 
nom  que  l'on  a  donné  en  Amérique  à  une 
des  plus  grandes  &  des  plus  belles  efpeces 
de  perroquets.  Koy.  PERROQUET.  (/) 

ARRA-BID  A  l  (  Ge'og.  )  haute  montagne 
du  Portugal  dans  l'Alentéjo  ,  lur  les  fron- 
tières du  royaume  d"  Algarve  :  elle  fait  partie 
de  la  Sierra  ou  montagne  de  Calderaon. 
{C.A.)        ^ 

ARRACHÉ  ,  ad),  terme  de  Ma/on  ;  il  ie 
dit  des  arbres  &  autres  plantes  df)nt  les  raci- 
nes paroiiîenr  auiîi  bien  que  des  têtes  & 
membres  d'animaux ,  qui  n'étant  pas  cou- 
pés net ,  ont  divers  lainbeaux  encore  fan- 
glans  ou  non  fanglans  ;  ce  qui  fait  connoî- 
tre  qu'on  a  arraché  ces  merobres-par  fofce. 


A  R  R  437 

De  Launay  en  Bretagne ,  d'argent  à  un 
arbre  de  fm()))lc  arrache.  (  V) 
^  ARRACHEMENT,  f;.  m.  en  bâtiment, 
s'entend  des  pierres  qu'on  arrache  &  de 
celles  qu'on  laide  alternativement  pour  faire 
liaiibnavec  un  mur  qu'on  veut  joindre  à  un 
autre  :  arrachemens  font  aufii  les  premières 
retombées  d'une  voûte  enclavée  dans  le 
mur.  {P) 

ARRACHER  ,  v.  aft.  [Jardinage.  )  ce 
terme  s'emploie  à  exprimer  l'aélion  de  tirer 
de  terre  avec  force  quelque  plante  qui  y  cf{ 
morte.  (  /v  ) 

Av.K\CWEK  le  jarre  y  terme  de  chapelier , 
qui  fjgnifîe  éplucher  une  peau  de  ca/tor ,  ou 
en  arracher  avec  des  pinces  les  poils  longs  & 
luifins  qui  s'y  rencontrent.  Fbrrr  Jarre. 

ARRACHEUSES  ,  f.  f  pi.  nom  que  les 
chapeliers  donnent  à  des  ouvrières  qu'ils 
emploient  à  ôter  avec  des  pinces  le  jarre  de 
defîiis  les  peaux  de  cador.  i^ojfij  Jarre. 

ARRACHIS  ,  f.  m.  terme  de  droit ,  uihé 
en  matière  d'eaux  &  forets  ,  qui  lignifie 
Venléi'ement  trauduleux  du  plant  à^s  arbres. 

^ARRACIFES  (  Cap  des  )  ,  il  cû  flir  la 
côte  des  Cafrcs ,  en  Afrique  ,  à  60  lieues 
de  celui  de  Bonne-Efpérance. 

*  ARRADES  ,  villed'Afriquc  ,  au  royau- 
me de  Tunis  ,  fur  le  chemin  de  la  Gouîette 
à  Tunis. 

ARRAGIAN,  rmrT  Argian. 

AR-R  AKIN ,  (  Gcog.  )  petite  ville  d'Afie 
dans  l'Arable  Pétrée  ,  au  dillricl  d'Al-Bkaa  : 
on  croit  avec  allez  de  vraifcmblance  que 
c'eil:  l'ancienne  Petra  ,  capitale  de  la  contrée 
appellée  Sela  dans  la  bible  ,  &  Adri^ia. 
par  l'empereur  Adrien  :  la  plupart  de  les 
maifc)ns  font  taillées  dans  le  roc ,  ce  qui  a 
pu  la  faire  nommer  Ar-Rakin  ;  car  rakin  , 
en  langue  du  pays ,  veut  dire  tailler  ,  (Se  ar 
veut  dire  rilie.  (  C.  A.) 

*  ARRAMER  ,  v.  ae^.  c'efl  étendre  ,  ou 
plutôt  c'efl  diflendre  fur  des  rouleaux  la 
fergc  &  le  drap.  Cette  manœ-uvre  efl  défen- 
due aux  fabriquans  &  aux  f  )ulons. 

AJ^RAN  ou^  ARREN  ,  (  Geogr.)  fie 
coniidémble  d'Ecoflé,  &  l'une  des 'Hébri- 
des ;  ia  plus  haute  montagne  efl  Capra. 
Long.  31  ;  Lit.  59. 

*  ARRAS  ,  _  grande  &  forte  ville  dcs 
Pays-Bas  ,  capitale  du  comté  d'Artois.  Elis 


4yîl  A   R  R.        ^ 

cft  divifce  ei  Jeux  villes  ;  l'une  qu'on  nomme 
la  cite  ,  qui  efl  l'ancienne  ;  &  l'autre  la  l'ille  , 
qui  eft  la  nouvelle.  Elle  eft  fur  la  Scarpe. 
Long.xo^  lé,  12;  lat.  ^o  ,  17,  30. 

ARR ASSADE.  Foye^  Sourd  ,  Sala- 
mandre. 

ARRAYOLOS ,  (  Géogr.  )  pcrire  ville 
du  royaume  de  Portugal ,  dans  l'Alentéjo  : 
elle  ert  au  nord  d'Evora  &  au  fud-eft  de 
Monre-Ma)'or  ;  fa  lituation  ,  fur  le  penchant 
d'une  montagne  ,  eit  des  plus  riantes  :  on 
y  compte  près  de  deux  mille  habitans  ,  & 
fon  diUria  eft  de  quatre  paroiflTes.  Lon^. 
10,    i^;  /ar.  38      35.  (C.^.) 

ARREGES  (  Contrat  d').  Voye\ 
Gazaille. 

ARRENTEMENT  ,  f  m.  terme  de  droit 
coinumier  ,  bail  d'héritage  à  rente.  On  ap- 
pelle auiii  arremement  y  l'héritage  même 
donné  à  rente.  (G) 

ARREPHORIE,  f  f.  {Myth-)  c'étoit 
parmi  les  Athéniens  une  fête  inflituée  en 
l'honneur  de  Minerve  ,  &  de  Herfe  fille  de 
Cécrops.  Ce  mot  efl  grec  &  compofé  d'«p'p  1- 
T,î5v  ,  myflere  ,  &  îêf.i ,  je  porte  ;  parce  que 
l'on  portoit  de  certaines  chofes  myftérieufes 
en  proceffion  dans  cette  folemnité.  Les  gar- 
çons ,  ou  ,  comme  d'autres  difent ,  les  filles 
qui  avoient  l'âge  de  fepi  à  huit  ans  ,  étoient 
les  miniftres  de  cette  fête  ,^  &  on  les  appel- 
loit  «fiY«?ie;f:;.  Cette  fête  fut  aullî  nommée 
Herfiphoria  ,  «fy/çofi;:,  de  Herfe  fille  de 
Cécrops ,  au  temps  de  laquelle  elle  tut  infli- 
tuée.  [G  ) 

ARRÉRAGES  ,  f  m.  pi.  terme  de prati- 
qtie ,  fe  dit  des  paiemens  d'une  rente  ou 
redevance  annuelle  ,  pour  raifon  defquels  le 
débiteur  eft  en  retard.  On  ne  peut  pas  de- 
mander au  delà  de  2.9  années  A^arrérages 
d'une  rente  foncière  ,  ni  plus  de  cinq  d'une 
rente  conftituée.  Tous  les  arrérages  échus 
antérieurement  aux  29  années  ou  aux  cinq  , 
font  prefcrits  par  le  laps  de  temps  ,  à  moins 
que  la  prefcription  n'en  ait  été  interrompue 
par  des  commandcmens  ou  demandes  judi- 
ciaires. V.  Rente  ,  Intérêt  ,  &c.  {H) 
Toute  rente  peut  être  regardée  comme  le 
denier  d'une  certaine  fomme  prêtée  ;  loit 
donc  a  la  fbmmc  prêtée ,  &  /7?  le  denier  , 
c'cft-à-dirc  la  lra6lion  qui  défigne  la  partie 
de  la  fomme  qu'on  doit  payer  pour  la  rente  : 
Ç\  fin  térêt  cft  fimplc  ,  la  fomme  due  au 


ARR. 

bout  d'un  nombre  d'années  q  pour  l:s  arré- 
rages fera  am  q  ;  c'eft-à-dire  l'intérêt  dû  à 
la  fin  de  chaque  année ,  multiplié  par  le 
nombre  des  années  :  &  fi  l'intérêt  eft  com- 
pofé ,  la  fomme  due  au  bout  de  ce  temps  fera 
a (  1+^2)  '^~  a,  c'cft-à-dire  le  fomme  totale 
due  à  la  fin  du  nombre  d'années  exprimé 
par  q  ;  de  laquelle  fomme  il  faut  retrancher 
le  principal. 

Pour  avoir  rexprclîion  arithmétique  de 
a  (^i  -\-m)  '  a  ,  fuppolons  que  la  lorame 
prêtée  ou  le  principal  (oit  loococo  liv.  que 
le  nombre  des  années  foit  10  ,  &  que  le  de- 
nier foit  20  ;  il  faudra  chercher  une  frac- 
tion qui  foit  égale  à  lî  multiplié  par  lui- 
même  10  fois  moins  une,  c'eft-à-dire  9 
fois  j  ce  qu'on  peut  trouver  ailcment  parle 
fecours  des  logarithmes  (>^'.L0GARxTHMe) 
&  cette  fraûion  étant  diminuée  de  l'unité 
&  multipliée  par  icocooo  ,  donnera  la 
fomme  cherchée. 

Ceux  de  nos  lefteurs  qui  font  un  peu 
algébriftes,  verront  ailément  fur  quoi  ces 
deux  formules  font  fondées.  Les  autres  en 
trouveront  la  raifon  à  Yarticle  INTÉRÊT  , 
avec  beaucoup  d'autres  remarques  impor- 
tantes fur  cette  matière. 

On  pourroit  au  rcfte  fc  propofer  ici  une 
difficulté.  Dans  le  cas  où  l'intérêt  eft  fimple  , 
ce  qui  dépend  de  la  convention  entre  le 
débiteur  &  le  créancier  ,  le  débiteur  ne 
doit  en  tout  à  la  fin  d'un  nombre  d'années 
q  ,  que  la  fomme  totale  a-{- a  m  q  ,  com- 
pofée  du  principal  a  ;  &  du  denier  a  m 
répété  autant  de  lois  qu'il  y  a  d'années  : 
ainfi  retranchant  de  la  fomme  totale  qui 
eft  due  ,  le  principal  a  ,  il  ne  refte  que  a  m 
q  A^arrérages  à  payer  en  argent  comptant. 
Mais  dans  le  cas  où  l'intérêt  eft  compofô , 
l'intérêt  joint  au  principal  devient  chaque 
année  un  nouveau  principal  ;  ninfi  à  la  fin 
de  la  ç  —  i*^  année,  ou  ce  qui  revient  au 
mêinc ,  au  commencement  de  la  q^  année  ,  le 
débiteur  cft  dans  le  même  cas  que  s'il  rece- 
voit  du  créancier  la  fomme  a  (  i^m  )'~'  de 
principal.  Cette  fomme  travaillant  pen- 
dant l'année  ,  le  débiteur  doit  à  la  fin  de 
cetic  année  la  fomme  totale  a  (i-hm)"',  d'où 
retranchant  le  principal  a  (  i-i-m)!~^  qui 
eft  cenfé  prêté  à  la  fin  de  l'année  précédente , 
il  s'enlliit ,  ou  il  paroît  s'cnfuivre  ,  que  le 


A  11  R 

Jthitciir  à  la  fin  de  la  q'  année  doit  payer  au 
créancier    en    argent  compt;inc  la   lomme 
û  (  I  +  OT  )  '  —  a(i-\-m)  '— ' ,  &  non  pas 
a(  I  H-/72  )  ■'  —  j.  Pour  rendre  cette  dilii- 
culté  plus  Icnlible  ,  examinons  en  quoi  con- 
fiée proprement  le  paiement   d'une  rente. 
Un  particulier  prête  une  fomme  à  un  autre  ; 
au  bout  de  l'année  le  débiteur  doit  la  lomme 
totale  j4- il/» ^   tant  pour  le  principal  que 
pour  l'intérêt  ;  de  cette  iomme  totale  il  ne 
paie  que  la  partie  a  m  j  ainli  11  relie  débiteur 
de  la  partie  a  comme  au  commencement  de 
la  première    année  :   donc  le   débiteur  qui 
paie  exactement  iix  rente  eil  dans  le  même 
cas  que  h  chaque  année  il  rendoit  au  créan- 
cier la  Comme  a -{- a  m  p   &.    qu'en   même 
temps  le   créancier  lui   reprêiâc  la  fomme 
a  :  donc  tout  ce  que  le  débiteur   ne  rend 
point  au  créancier  eil    cenié  au  commen- 
cement de  chaque   année    iormer  un  nou- 
veau principal  dont  il  doit  à  la  fin  de  l'an- 
née les  intérêts  en  argent  comptant.  Ainil 
;\  la  fin  de  la    q — i'  année  le  débiteur  ell 
ccnfé  recevoir  a  (  i-{-m  )7~'  de    principal  ; 
donc  à  la  fin  de  l'année  fi.iivante  il  doit  payer 
a(  i  +  m)'J —  a  (  1   -\-  m  )'-'  d'argent 
comptant ,  par  la  même  raifon  que  s'il  re- 
cevoit  b  en  argent  comptant  il  devroit  payer 
à  la  fin  de  l'année  ù  (  i  -\-  m)  —  b. 

La  réponfe  à  cette  difficulté  efi  que  la 
quantité  d'argent  qijjj  le  débiteur  doit  payer  , 
dépend  ablolument  de  la  convention  qu'il 
fera  avec  le  créancier ,  &  que  d'une  manière 
ou_  d'une  autre  le  créancier  n'ell  nullement 
lélé  ;  car  fi  le  débiteur  paie  à  la  fin  de  la 
g*  année  la  fomme  a  (  i +/")/  —  a>  il  ne 
devra  donc  plus  au  créancier  au  commence- 
ment de  l'année  fuivante  que  k  fomme  a  ,• 
il  fe  rctrouvera_dans  le  même  cas  où  il  étoit 
avant  le  temps  où  il  a  celfé  de  payer  ,  &  àla 
fin  de  l'année  ?+  i  ,  il  ne  devra  au  créan- 
cier que  la  fomme  a  m.  Mais  fi  le  débiteur 
ne  paie  que  la  fomme  a  (  i  -f-  ot  )'  — 
a{  i  -{- m)^  ',  laquelle  efi  moindre  que 
a{  i-f-zT?)'  —  a  ,  toutes  les  fois  que  g  eil 
plus  grand  que  i  ,  comme  on  le  fùppole  ici  ; 
alors  le  débiteur  au  commencement  de  la 
çH-i'-'  année,  fe  trouvera  redevable  d'une 
fomme  plus  grande  que  a  ;  &  s'il  veut  en 
faire  la  rente   annuelle  ,    il    devra  payer 


a[ï-{-/7t  )i  xm  d  intérêt  chaque  année  e» 
argent  comptant.  Ainfi  le  créancier  recevra 
une  fomme  moindre  ou  plus  grande  dans  les 
années  qui  fuivront  celle  du  paiement  des 
arrérages  ,  félon  qtie  le  débiteur  aura  donné 
pour  le  paiement  de  ces  arrérages  une  i()mmc 
plus  ou  moins  grande.  II  n'efl  donc  léfé  ni 
dans  l'un  ni  dans  l'autre  cas  ,  &  tout  dépend 
de  la  convention  qu'il  voudra  taire  avec  le 
débiteur. 

Autre  queflion  qu'on  peut  faire  fur  les 
arrérages  dans  le  cas  d'intérêt  compofé.  Nous 
avons  vu  que  le  débiteur  au  commence- 
ment de  la  q'  année  doit  la  fomme  totale 
a{i~\rm)  y—'  ;  luppolbns  qu'il  veuille  s'ac- 
quitter au  milieu  de  l'année  fuivante  ,  &  non 
pas  à  la  fin  ,  que  doit-il  payer  pour  les  arré- 
rages ?  Il  eft  vilibL  que  pour  réfoudre  cette 
queflion  il  faut  d'abord  liivoir  ce  que  le  dé- 
biteur doit  au  milieu  de  la  q'  année.  En  pre- 
mier lieu  ,  le  principal  ou  fcmme  totale 
a  (  I  -f-  OT  )  '-'  étant  multiplié  par  i  -{-m  y 
doit  donner  la  fomme  qui  fera  due  à  la  fin. 
de  la  ç-^  année  ,  favoir  a  (  i  -yrri  )^  ,  ou  ,  c« 
qui  revient  au  même  ,  le  débiteur  devra  à 
la  fin  de  cette  année  a  (  i-\-m)^ — '  ,  plus 
l'intérêt  de  cette  fomme,  c'efl-à- dire  , 
a(i-j-m  )7  — •  X  m.  Dans  le  cours  de  l'an- 
née ,  il  doit  d'abord  a  (  i  -\- m)^  *  qui 
tft  le  principal  ;  il  doit  déplus  une  portion 
de  ce  principal  pour  l'intérêt  qui  court  depuis 
le  commencement  de  l'année  :  cette  por- 
tion doit  certainement  être  moindre  que 
a  (  I  -f- /7z  )  7— '  xm,  qui  efl  l'intérêt  dû  à  la 
fin  de  l'année  :  mais  quelle  doit-elle  être  ? 
Bien  des  gens  s'imaginent  que  pour  l'intérêt 
de  la  demi-année  il  faut  prendre  la  moitic- 
de  l'intérêt  de  l'année  ,  c'efi -à-dire  , 
a  (  I  -{-  m  )'     'X  "  ^  le  tiers  de  l'intérêt  pour 

le  tiers  de  l'année  ,  &  ainfi  du  refle  i  mais  ils 
font  dans  Tcreur.  En  effet  ,  qu'arrive-t-il 
dans  le  cas  de  l'intérêt  compofé  ?  c'eft  que 
les  fommes  dues  au  bout  de  chaque  année 
font  en  progrcflion  géométrique  ,  comme  iL 
cfi  aifj  de  le  voir.  Or  pourquoi  cette  loi 
n'auroit-ellc  pas  lieu  aufli  pour  les  portions 
d'années  ,  comme  pour  les  années  entières  ? 
J'avoue  que  je  ne  vois  point  quelle  en  pour- 
roit  être  la  railon.  La  iomme  due  à  la  fin 
de  la  2 — i"^  année  ell  a  (  i  -{-m)i—\  celle; 


440  A  R  R 

qui  cû  due  à  la  fin  de  la  q'  année  efl  a  (-|-m)'^, 
celle  qui  feroit  dueàlafindela  ç+i'fcroit 
a(  I +  OT  )''■'■' ;  &  ces  trois  iommes  lunt 
dans  une  proportion  géométrique  continue. 
Donc  la  fomme  due  au  milieu  de  la  q'  année 
doit  être  moyenne  proportionnelle  géomé- 
trique entre  les  deux  fommes  dues  au  com- 
mencement &  à  la  fin  de  cette  année  ;  c'efl- 
à-dire  entre  a  {i+m)i~~^  &  a  ( i+m)'';  donc 
cette  fomme  fera  a  {  i  +  m  )'— '  i  = 
a{ï+m  )■'""'  y.{i  +  m)\.  Or  cette  fom- 
me cû  moindre  que  a  (  i  +  /72  )'""'  -f- 
a  (  1  -\-m)'^    ix^  qui  feroit   due   fuivant 

2 

l'hypothefe  que  nous  combattons. 

De  même  s'il  efi:  queftion  de  ce  qui  efl  dû 
au  bout  du  tiers  de  la  q'  année  ,  on  trouvera 
que  la  fomme  cherchée  d\  la  première  de 
deux  moyennes  proportionnelles  géométri- 
ques entre  a  (  i-}-m)''"~'  ,  &  a  (  i  -h  ^  )'', 
c'eft-à-dire  a{i  +  m  )^—'"  ;  &  en  général 
k  étant  un  nombre  quelconque  d'années  en- 
tier ,  rompu  ,  ou  en  partie  entier ,  &  en  partie 
iradionnaire  ,  on  aura  a{i+m)''  pour  la 
fomme  due  à  la  fin  de  ce  nombre  d'années. 

Dans  l'hypothefe  que  nous  combattons  , 
on  fuppofe  que  l'intérêt  e(l  regardé  comme 
compofé  d'une  année  à  l'autre,  mais  que 
dans  le  cours  d'une  feule  &  unique  année  il 
efl  traité  comme  intérêt  fimple  ;  luppofition 
bizarre  ,  qui  ne  peut  être  admife  que  dans  le 
cas  d'une  convention  formelle  entre  le  créan- 
cier &  le  débiteur.  En  effet ,  dans  cette  fup- 
pofition  le  débiteur  paieroit  plus  qu'il  ne  doit 
réellement  payer,  comme  nous  l'avons  vu 
tout-à-l'heure.  Nous  traiterons  cette  matière 
plus  à  fond  à  ^article  INTÉRÊT  ,  &  nous 
eiiîérons  la  mettre  dans  tout  fon  jour,  &  y 
joindre  plufieurs  autres  remarques  curieufes. 
Mais  comme  l'obiérvation  précédente  peut 
être  utile  ,  &  eft  affez  peu  connue ,  nous 
avons  cru  devoir  la  placer  d'avance  dans  cet 
article. 

Soit  donc  —  la  portion  d'année  écoulée  ;  il 
efl  vifible,  par  ce  que  nous  venons  de  dire  , 
que  le  créancier  doit  au  bout  de  cette  portion 

la  fomme  totalea  (  1  +  "').  "^  'i      ^ 

pour  avoir  les  arrérages  j  il  faudra  retrancher 


A   R  R 

de  cette  fomme  ou  le  principal  a ,  ou  le  prin- 
cipal a  (  i-^m  )'— I  ;  ce  qui  dépend  ,  comme 
nous  l'avons  obiervé  ,  de  la  convention  mu- 
tuelle du  débiteur  &  du  créancier. 

On  peut  propofer  une  autre  queflion  danç 
le  cas  de  l'intérêt  limple.  Dans  ce  cas  il  y  a 
cette  convention  ,  du  moins  tacite  ,  entre  le 
créancier  &  le  débiteur ,  que  le  principal 
ieul ,  touché  par  le  débiteur  ,  &  prêté  par  le 
créancier ,  produit  chaque  année  a  m  d'inté- 
rêt ,  &  que  l'intérêt  (  non  paj-é  chaque  année  ) 
efl  im  argent  mort,  ou  un  principal  qui  ne 
produit  point  d'intérêt  ;  ainfi  dans  le  cas  où 
cette  convention  tacite  feroit  fans  refiridion , 
la  fomme  totale  due  à  la  fin  de  la  q'  année 
feroit  a-^  a  m  q ,  &  les  arrérages  feroient 
amq.  Mais  fi  la  convention  entre  le  débi- 
teur &  le  créancier  étoit ,  par  exemple  ,  que 
le  débiteur  payât  tous  les  cinq  ans  l'intérêt 
fimple  î  a/72 ,  &  que  le  débiteur  fût  quinze 
ans  tans  payer ,  alors  la  fomme  a.-\-<,am  duc 
à  la  fin  de  la  cinquième  année  ,  efl  regardée 
comme  un  nouveau  principal  fur  le  p;iic- 
ment  &  les  intérêts  duquel  le  créancier  peuf 
faire  au  débiteur  telles  conditions  qu'il  lui 
plaît.  Suppofons,  par  exemple,  que  parleur 
convention  il  doive  porter  intérêt  fimple  du- 
rant cinq  ans,  en  ce  cas ,  au  bout  des  cinq 
années  qui  fuivent  les  cinq  premières ,  la 
fomme  totale  due  par  le  débiteur  fera  a  -\- 
5  a  m-\-a  m-\-l')  a  mm  ;  S>c  à  la  fin  des  cinq 
années  fuivantes  ,  c'efl-à-dire  au  bout  des 
quinze  années  révolues^*la  fomme  due  fera 
a-\-  ^  am-\-^  am-\-i')  amm-\-')  a/77-f- 
25  a/72  ;;z-t-  -5  jw  /;z-f-  IZ5  j  /7z'  =  a  -\~ 
l'^am-^-y^  amm+it'^am' .  F.  INTÉRÊT, 

Annuité  ,  Rente  ,  Tontine  ,  &C.  (O) 

ARRET  ,  fub.  m.  terme  de  palais ,  efl  le 
jugement  d'une  cour  fouveraine.  On  n'ap- 
pelloit  autrefois  armj  que  les  jugemens  ren- 
dus à  l'audience  fur  les  plaidoyers  refj^eâifs 
des  parties  ;  &  fimplement/ugf/72f/2j-  ceux  qui 
étoient  expédiés  dans  des  procès  par  écrit,  ils 
ferendoient,  ainfi  que  la  plupart  des  juge- 
mens ,  ou  du  moins  s'expédioient  en  latin  , 
jufqu'à  ce  que  François  I  par  fon  ordonnance 
de  1539,  ordonna  qu'à  l'avenir  ils  leroient 
tous  prononcés  &:  rédigés  en  françois. 

Arrêts  en  robes  rouges  ,  étoient  des  arrêts 
que  les  chambres  affemblées  avec  folemnité 
îk  dans  leurs  habits  de  cérémonie ,  pronon- 

çoicnt 


A  R  R 

çoîent  fur  des  qucllians  de  droit  dcpouilk'es 
de  circonftaïK'cs ,  pour  fixer  hi  juriiprudriicc 
fur  CCS  qiiclHons. 

Les  arràs  Je  vcglemens  (ont  ceux  qui  ct;i- 
blideat  des  règles  &  des  in.iximes  en  matière 
de  procédure  :  il  ert  d'ufage  de  les  iignifier 
à  l;i  communauté  des  avocats  &  procureurs. 

Arrêt  de  ciejenfe  ,  ei\  un  arrêt  qui  reçoit 
appellant  d'une  (entencc  celui  qui  l'obtient , 
&  bit  détenle  de  mettre  la  fenvenceà  exécu- 
tion ;  ce  qu'un  llmple  appel  ou  relief  trappcl 
obtenu  en  chancellerie  n'operc  pas ,  quand 
la  lèntcnceeft  exécutoire  nonobilant  l'appel. 

Arrêt  du  conft'il  du  roi  ,  efl  un  arrêt  que 
le  roi ,  fcant  en  (on  conleil  j  prononce  lur 
les  requêtes  qui  lui  (ont  prélenrées  ,  ou  lur 
les  remontrances  qui  lui  (ont  faites  par  (es 
lujets ,  pour  taire  quçique  érablilîemcnt ,  ou 
pour  réformer  quelque  abus. 

Les  fieges  inférieurs  rendent  des  jugemens, 
prononcent  des  Centences ,  dont  les  parties 
peuvent  appeller  devant  les  cours  Couverai- 
nes ,  auxquelles  ces  (leges  rellortillent.  On 
n'appelle  pas  des  décifions  qui  émanent  des 
cours  (ouveraines  j  &  c'eft  pour  cela  qtie 
ces  décifions  (e  nomment  arrêts  :  arrêt  du 
parlement,  arrêt  delà  chambre  des  comptes , 
arrêt  de  la  cour  des  aides  ,  arrêt  du  conleil , 
&:c.  Il  faut  chercher  l'origine  de  c,e  mot 
dans  cesexprefllonsdu  moyen  âge  arreflum, 
arreflare  ,  qui  fignifioienr ,  Celon  Ducnnge 
&:  les  autres  commentateurs  ou  glofîatcurs, 
faifir ,  prendre  ,  détenir  quelqu'un ,  faijie , 
détention  ,  capture  y  &f.  ainfi  les  décifions 
des  cours  (ouveraines  ,  arrêtant  le  cours  de 
la  procédure  &  polant  la  borne  que  la  chi- 
cane ne  devoit  point  pafler ,  ces  décifions 
furent  appellées  arrêts.  Cependant  le  recueil 
de  Jean  du  Luc,  l'un  des  plus  anciens  arrê- 
tifles  que  l'on  connoifTe  ,  e(f  intitulé  Placita 
curiœ  y  ijc.  comme  qui  diroit  :  recueil  de 
décifions  qii  il  a  plu  à  la  cour  de  porter. 
Audi  le  premier  préfident ,  en  prononçant 
les  arrêts  ,  fe  (ervoit  de  cette  locution  : 
placuit  curice. 

Il  fe  (ert  à  préfent  de  celle-ci  :  la  cour 
a  mis  &  met  l'appellation  au  néant  ,  ÉV. 
M.  de  Montefquieu  prétend  que  cette  for- 
mule vient  de  nos  anciens  combats  judi- 
CLiires.  "En  effet,  dit-il,  quand  celui  qui 
avoit  appelle  de  faux  jugement  étoit  vaincu  , 
J'appelétoitanéanti  :  quand  il  étoit  vainqueur, 
Tome  III, 


A  R  R  441 

le  [ugement  etoit  anéanti  &  l'.ippel  même  , 
il  talloit  procéder  à  un  noivenu  jugement, 
&c.  „  Voy.  le  /£>.  XXl^III  de  ÏEfprk 
des  luix  ,  chap.  55. 

Ce  n'cfl  pas  qu'on  ne  puifTc  fitire  l'éfor- 
mer  la  decilion  d'une  cour  Ibuveraine  ,  mais 
c'effpar  d'autres  voies  que  celle  de  l'appel , 
qui  n'eff  point  autorlfé  d.ms  ces  fortes  de 
cas.  En  matière  civile  ,  il  faut  prendre  l'une 
de  ces  trois  voies ,  fuivaatlcs  circonllance;  ; 
ou  (è  pourvoir  au  conleil  du  (buverain ,  fi 
l'on  a  jugé  contre  les  orJonnnnces  (  ^^oyc^ 
Cassation  )  ,  ou  former  oppoiltion  .; 
V arrêt  y  pardevant  la  cour  qui  l'a  rendu  :  (i 
elle  a  prononcé  contre  une  partie  qui  ne  pa- 
roilfjit  point  (F.  OPPOSITION,  TIERCE- 
Opposition)  ,  ou  enfin  prendre ,  en  chan- 
cellerie, des  lettres  de  requête  civile  contre 
1  arrêt  y  &  taire  de  nouveau  juger  la  caulè  par 
le  même  tribunal.  (V.  flEQUÊrECIVlLE). 
S'il  s'agit  d'une  afiuùre  criminelle ,  on  prenJ 
aiors,  au  conieil  du  prince,  des  lettres  de 
revlfion  ,  &  ralK:ire  (é  porte  &  (c  juge  de  ' 
nouveau  par  les  mêmes  magiifrats  qui  l'ont 
décidée  la  première  fois.  F".  REVISION. 

Plufieurs  arrêts  conformes  lur  une  même 
qucffion  de  droit ,  forment  ce  qu'on  nomme 
la  jurifprudence  des  arrêts  ou  des  cours  ;  la 
polledcr,  c'eii  avoir  la  Icience  ,  la  connoif^ 
lance  des  décifions  que  les  cours  font  dans 
f  uiage  de  porter  (ur  ces  fortes  de  que(bons. 

Il  n'en  e(t  po:nt  dont  les  arrêts  n'aient 
été  recueillis  pai-  quelques  compilateurs  : 
de-là  ,  cette  multitude  d'arrêtilies  dont  les 
ouv  rages  furcaargent  les  bibliothèques  des 
jurilconlultcs  ,  (ans  éclairer  leur  elprit.  Oti 
elfimc  la  collection  connue  firjs  le  nom  de 
Journal  du  palais  y  z  pol.  in-fol.  O.i  re- 
cherche les  arrêts àt  Bonif^îce  ,  de  le  Preftre, 
de  Bordet  &  un  petit  nombre  d'autres. 

Il  exilfe  aulfl  un  DiSionnaire  des  arrêts  i 
&  l'auteur  a  eu  le  c^ruragc  de  porrcr  (a  com- 
pilation julqu'à  fix  volumes  in~fol.  elle  fe 
vend  chèrement  parce  qu'elle  ell  rare  :  mais 
elle  ne  vaut  rien.  L'auteur  n'a  mis  ,  dans 
(on travail,  ni  choix,  ni  méihoJc  ,'ni  goût , 
il  a  ralîemblé  au  hazard  une  multitude 
i^arrêts  pour  &  contre  ,  fur  les  mêmes  quel- 
tions ,  il  a  grolll  des  volimies  par  des  mé- 
moires qu'il  avoit  compofés  dans  ditterens 
procès  ,  &  qui  n'ont  ni  le  méiite  in  (lyle, 
ni  le  mérite  du  fond  ;  en  un    mot ,    avec 

G  gg 


^"4^ 


A  R  R 


cette  quantité  â' arrêts  peu  conformes  &  foii- 
venr  contraires  ,  il  ne  peut  que  Jeter  dans 
l'embarras  un  juge  fcrupuîeux  ,  égarer  le 
jurifconlulte  qui  cherche  à  s'inilruire  ,  _  & 
fournir  des  armes  à  la  chicane.  La  coileclion 
qui  vient  d'être  donnée  au  public ,  fous  le 
nom  d'un  procureur  au  châtelet  de  Paris , 
appelle  Déni  fart,  vaut  beaucoup  mieux  que 
le  Du7.  de  ferillon. 

Arrêts,  f.  m.  pi.  {DifcipUne  militaire.) 
punition  qui  s'inflige  à  l'officier  ,  pour  des 
fautes  légères  ;  ils  font  à-peu-près  pour  lui , 
ce  que  la  prifon  efi  pour  le  ioldat.  Mettre 
un  officier  aux  arrêts  ,  lui  ordonner  les  arrêts, 
c'eiHui  enjoindre  de  le  retirer  dans  fon  ap- 
partement &L  lui  détendre  d'en  lortir. 

Quelquefois  pourtant  les  arrêts  ceffent 
d'être  une  correction  militaire  j  ils  ne  lont 
alors  qu'une  fuite  de  la  vigilance  d'un  com- 
mandant ,  qui  \  oulant  prévenir  les  effets 
d'une  querelle  furvenue  entre  deux  officiers, 
leur  prefcrit  de  reiter  chez  eux  ,  ils  lont 
précaution  en  ce  cas  ,   &  non  châtiment. 

Au  refte ,  les  arrêts  n'ont  rien  de  déshono- 
rant pour  celui  à  qui  on  les  ordonne  ;  la 
prifon  même  ne  flétrit  point  le  foldat. 

Quelle  efi:  donc  cette  bizarrerie  de  l'opi- 
nion  publique  ,     qui    imprime  une  tache 
su  malheureux  citoyen  que  la  calomnie  aura 
taie  précipiter  dans  une  prilon  ,  pour  des  cri- 
mes dont  il  cil  innocent  ?  Qu'on  pardonne 
à  un  jurifconlulte  humain  ,  de  fouhaiter  qu'il 
y  ait  enfin  ,  pour  les  acculés ,    un  lieu  de 
détention  &   de  sûreté  qui  ne  foit  point  la 
prifon  :  ils  y  feroient  gardes  &  fo;;^nés  jul- 
qu'à  ce  que ,  par  les  voies  les  plus  pr;>mptes , 
on  eût  reconnu  leur  crime  ou  leur  inno- 
cence ;  ils  n'en  fortirolent  que  pour  entrer 
dans  la  prifon  ,  s'ils  étoient  coupables  ;    ou 
pour  être  rendus  h  la  fociété  ,  s'iis  ne  l'étoicnt 
point.   Mais   enfin  ,   leur  ftjour  dans  cette 
maifon  de  sûreté  n'aurolt  rien  d'aviliifmt. 
Quel  homme  peut  fe  lîarter  d'être  au  detfus 
du  loupçon   ù:  de  l'accufation  ?   Ce    n'efl 
donc  pas    la  calomnie  qui  lui  fait    perdre 
quelque  chofe  dans  l'eilime  publique  ;  c'e(l 
la  juflicc  qui  ,  le  retenant  dcns  le  même  lieu 
que  les  cnminels ,  femble  le  confondre  avec 
eux  &:  lui  fait  partager  iiiiuftcment  le  Àcs- 
hnnneur  que  le  public  vi.  ril  flir  les  coupa- 
bles.   En   Rulile  ,    on  a  déjà  imaginé  trois 
lieux  dilfércns  de  détention  :  l'ui  pour  les 


A  H  R 

prévenus  ,  l'autre  pour  les  accufés  reconnu» 
criminels ,  le  troifiemepour  les  condamnés. 

Oeft  du  nord  aujourd'hui  que  nous  vient 
la  lumière.  Volt.  (  AA.  ) 

Arrêt  &  brandon,  terme  de  pratique,  efl  une 
faille  des  fruits  pendans  par  les  racines.  (H) 

Arrêt  de  vaiffeaux  Ù  fermetures  des 
ports  :  c'eft  l'aâionde  retenir  dans  iesports  , 
par  l'ordre  des  fouverains  ,  tous  les  vailîèaux 
qui  y  font ,  &  qu'on  empêche  d'en  fortir ,. 
pour  que  l'on  puiflé  s'en  fervir  pour  le  f  ervice 
&C  les  befoins  de  l'état.  On  dit  arrêter  les 
vaijjeaux  ù fermer  les  ports.  (Z) 

Arrêt,  en  terme  de  manège,  eu  la 
paufe  que  le  cheval  fait  en  cheminant.  For- 
mer l'a/reV  du  cheval ,  c'efl  l'a rrêrer  fur  t'es 
hanches.  Four  former  l'arrêt  du  cheval ,  il 
tant  en  le  commençant  approcher  d'abord  h 
gras  des  jambes  pour  l'animer  ,  mettre  le 
corps  en  arrière  ,  lever  la  rnaiu  de  la  bride- 
fans  lever  le  cof.de  ,  étendre  enluirevigou- 
reufcment  les  jarrets ,  &  appuyer  fur  les 
étriers  pour  lui  taire  former  le  remps  de  Ion 
arrêt,  en  talquant  avec  les  hanches  trois  oa 
quatre  fois.   V'oye\  FalCADE. 

Un  cheval  qui  ne  plie  point  fur  les  han- 
ches ,  qui  fe  ti-averfe  ,  &  qui  bat  à  la  main  ,. 
formi^un  arrêt  de  mauvaife  grâce.  Après, 
avoir  marqué  Wirrêt ,  ce  cheval  a  f'it  au 
bout  une  ou  deux,  pelades.  V^oyei  PesadE. 
Former  des  arrêts  d'un  cheval  courts  & 
précipités  ,  c'efl  fe  mettre  en  danger  de  rui- 
ner les  jarrets  &  la  bouche. 

Après  Varrêt  d'un  cheval ,  il  faut  taire  en 
forte  qu'il  iourniile  de.uxou  trois  courbertes. 
Le  contraire  deïarn-t ciWs partir.  On  difoit 
autrcloi";  le  parer  &  h  parade  d'un  cheval  , 
pour  dire  {onarrêt.  KParadE  &PaRER. 
Demi-arrêt  ,  c'efl  un  arrêt  qui  n'cll  p.i» 
achevé  ,  quand  le  cheval  reprend  &  conti- 
nue fon  galop  fins  faire  ni  pelades  ni  cour- 
bettes. Les  chevaux  qui  n'ont  qu'autant  de 
force  qu'il  leur  en  faut  pour  endurer  riî'rfV, 
f(MU  les  plus  propres  pour  le  manège  &  pour 
la  guerre.  {V.} 

Arrêt,  terme  de  chiffe ,  défigne  l'aâion 
du  chien  couchant  qui  s'arrête  quand  il  voir 
ou  fent  le  gibier ,  &:  qu'il  en  eff  proche  : 
on  dit ,  le  chien  efl  à  Varrêt  ;  &  àêun  excel- 
lent chien  ,  on  dit  qu'il  arrête  terme  poil 
ik  plume. 


A  R  R 

Arrêt,  Çc  An,  fur  les  rivières  ,  d'une 
file  de  pieux  traverfce  de  pièces  de  bois  nom- 
inées  clianlatccs  .,  pour  arrêter  le  bois  qu  on 
met  à  flot ,  cnfuite  le  tirer ,  le  triquer  &  en 
faire  des  piles. 

AriikT  ,  on  donne  ce  nom,  en  ffrruiene, 
à  un  étocliio  qui  lert  à  arrêter  un  pêne  ,  un 
reflort,  ÊV.  ou  autre  pièce  d'ouvrage.  L'arrt'r 
?e  rive  liir  lepalatre  ou  la  platine  fur  laquelle 
font  montées  les  pièces  qu'il  arrête. 

§  ARRÈTE-B(EUF  ,   {Boc.)  en  latin 
anonis  ,  en  anglois  rejî-harrow  ,  cammock  , 
pettY-ii'hin  ,  en  allemand  hauheciiel. 
Caraclere  générique. 

La  fleur  cft  papillonnacée  :  elle  efl  com- 
pofée  d'un  calice  découpé  en  cinq  fegmens 
étroits  :  l'étendard  cW  cordiforme  ik  plus 
large  que  les  ailes  ;  celles-ci  lont  ovales  & 
plus  courtes  que  la  carenne  qui  le  termine 
en  pointe  :  elle  contient  deux  étamines  réu- 
nies «Je  un  embryon  oblong  &:  velu  qui  fiip- 
porte  un  feul  llyle  couronné  d'un  ftigmare 
cbtus  :  l'embryon  devient  ime  lilique  enflée 
à  une  feule  cellule  ,  contenant  des  lemen- 
ces  rénitormes. 

Efpeces. 

1.  Arrite-bœuf  ai  montagne  précoce  en 
arbriffeauà  fleur  purpiu-ine. 

Anonis  momcmapiecox ,  purpurea ,  fru- 
tefcens.  Mor.  H.  R.  Blejf. 

Early  srhubby  reft-harrow. 

1.  Arrête-bœuf  à  feuilles  étroites  trifo- 
liées ,  charnues  &:  tridentées. 

Anonis  foliis  ternatis  ^  carnofis  ,  fitbli- 
nearibiis  ,  tridentaris.  Linn.  Spl.pl.  y  i8. 

Refl-hiirrow  icith  tri/oliate  fiesliy  leaves 
which  are  narrow  Ù  luu'e  three  indentures. 

Nous  croyons  que  cette  efjiece  efl  la 
même  que  celle  n".  i  de  M.  Duhamel ,  qui 
porte  la  phrafe  de  Tournefort. 

3.  Arrête-bœuf  i\  fleurs  ,  naiffant  ordinai- 
rement au  nombre  de  trois  fur  chaque  pédi- 
cule ,  &  djipolces  en  pannicules. 

Anonis  jloribus  pannicul.itts  ,  peduncu- 
lis  Jubtriforis  )  ftipulis  l'dginalibus  ,  foliis 
ternaiis.  Hort.  Cliff.  ^ §8. 

Reft-harrow  with  pantadated  flov.'ers  y 
generallv  growing  three  upon  a  foot-ftalk  , 
iheath  UkefiipuLt  and  trtfoliate  leaves  ,  or 
purple  srubby  refî-harrow. 

Il  le  pourroit  que  cette  espèce  fût  le  a°.  i 


A  R  R  44^ 

de  M,  Duhamel  qui  efl  auflî  notre  n".  i  ; 
mais  comme  la  phrafé  trançoife  dans  cet 
auteur  porte  qu'elle  efl  d'Efpagne  ,  &  que 
Miller  aOlire  que  celle-ci  efl  originaire  ics 
Alpes,  nous  les  avons  (éparées  ,  en  atten- 
dant que  nous  foyons  à  portée  de  lever  cettC' 
difficulté. 

4.  ^/Tf/f-iœz//cpincux  à  fleurs^  r^. 
afiiles  ,^  latérales  &  folitaires.      j  '^'^<^'^^- 

Arrête-bœuf  des  phannaco-'   r, 
pôles.  (  France. 

Anonis  floribus  fnbfffdibus  ,  \ 
folitariis  ,  lateralihus  ,  caule  f 
fpinofo.  Hort.  Clff.  3§c).        i  Angleter, 

Rcjl-harrow  withfnn^^le flowersy 
fitiingclofe  to  the  jides  of  the\ 
branches  and   a  prickly  fialk.  jAllerna'^, 
Petcy  whin.  ^ 

5 .  Arrête-hoouf  àèi^-mt  à  fleurs~)   j^. 
lolitaires  ,  latérales  &  aflii'es.        |        ''' 

Anonis  floribus  fuhfe ffdibu s  , 
ihtariis  y  lateralibus  ,    ram 
inermibus.  Hort.  Cliff'.  ^  £g. 


ace. 


Angleter. 
AllemaŒ. 


Angleter. 


folitariis,  lateralibus,    ramis\       ''^'"'^' 

-'lermibus.  Hort.  Cliff'.  J^  r 
Reft-harrow  withfnglefiowers  | 
ftting  clofe  to  the  flalks  and 

branches  witliout  fpines.  J  --"•"•"'"6* 

6.  Arrête  -  bœuf  -^  branches^  Vivace. 
traînantes  &  à  leuilles  velues. 

Anonis  caulibus  procnmben-. 
tibus  ,    floribus  fubfcflllibus  ,  ^France, 
folitariis  foliis  hirfutis.  Mill.  /^ 

Refl-harrow  with    trailingX  ff''''^^J^' 
flalks  &  hairy  leaves.  J  blonneuf 

7.  Arrête-bœuf  à.  fleurs  foli-")  ,,. 
taires,  terminées  par  un  fil.        i^ivace. 

Anonis  pedunculis  unifloris  t 
foliis  ternatis.  Hort  Cltfl^.j^S.  \^'';''.'f 

Reft-harrow  wuh  one  flower  ,meridion. 
on  cach  foot  ftalk  which  are  ter-  |  „^ 
minatedby  athread,  &c.  broad-  l^JP'^S'^'^' 
leaved.  J 

8.  Arrête-bœuf  i\  fleurs  foli- 
taires &  terminées  par  un  fil ,  -à  \     . 

tige  rameufe  &  velue  ,  à  feuilles    ^'"2«"- 
dentelées.  | 

Anonis  pedunculis  unifloris  \  „ 
filo  terminatis  ,  caule  ramofo  ,     "^'^^S' 
villa fo  ,  foliis  ternatis  ,  ferra-  { 
tis.  Mill.  I 

Broad-  leaved  erecl  refl-har-  | 
row  of  Portugal. 

Ggg  2. 


France 
méridion. 


444  A  R  R 

9.  Arrtte-hœufÀ  fleurs  aflàfes , 
latérales ,  dont  toutes  les  feuilles 
(ont  trifoliées  &  munies  de  pédi 
Gulcs  &  V  llipules  hériflées. 

Aïonis  flor'ibiis  fejjilibas  la- 
te.ral'.bus  ,  foliis  omnibus  ter- 
nati<: petiolatifqne  ,  flipuUsfe-  , 
tace'is.  Linn.  Sp.pl- J  17.        \ 

Reft-harrow  wichjtowcrsjît-  '  &  Italie 
tinir  dbfe   to  the  Jides  of  the  i 
fiaïks  ,  ail  the  leayes  trifoiiate  | 
çroDv'/!!,'  upon  foot  fialks  and  1 
"briflly  Jlipuhv.  . 

"10.  y//Tfrf-/'o;i://à  deux  fleurs  j 
fur  un  pédicule  ,  terminées  par    Annuel. 

un  fil.  .     .       .  i 

Anonis  pedunculis  bifloris,filo  \ 
terminatis.  Pivd.  Leyd  376.  î  Sicile.. 

Rep-harrow  with  two  fiowers  I 
upon  a  foot-flalk -ivich  are  ter-\ 
minatcd  by  a  tread.  ) 

II.  Arrcte-bœuf  -A  trois  feuil- 
les 6c  à  trois  fleurs  lur  des  pé 
dicules  latéraux  &  nus. 

Anonis  pedimculis  axillaribus 
trifloris  midis  foliis  ternatis 
Hort.   Clijf.   3  5S- 

Refl-harrciv  n^ith  nakedfpoi:- 
falks  to  the  Jides  ofthe  branches 
fitjiaining  three flovers  &  trifo- 
iiate le.wes. 

ïX.  Arrête-bœuf  i\  cinq  fleurs^ 
fur  un  pédicule  latéral,  à  tiges 
éparfes  &;  tombantes  ,  à  |euilles 
trifoliées, &  à  liliquesluniformes. 

Anonis  pediinculis  quinque /lo- 
ris, axillaribus,  caulibus  di}fu- 
f.s  procumbentibus,  foliis  terna-  i 
m,  legurninibuslunulatis.  Mill.  C 

Relt-harrou'  •^■ichjii-e  fiowers 
onafloot-fialk,  proceedingfreni 
the  Jides  ofthe  branches  ,  dijfu- 
fed  trading  ftalks  y  trifoiiate 
leaves  Ù  moonshaped pods.  -' 
13.  Arrc ce-bœuf  dout  les  fly-'' 
les  des  fleurs  font  ovales  ,  mem- 
braneulès  &  entières. 

Anonis  ftipnlis  floralihus  ova- 
tis  ,  memhranaceis  ,  integerri- 
mis.  Prod.  Leyd.  576'. 

Rcfl-harrow  with  aval  ,  en- 
tité 3  mcmbranoceous JiipuL?.  J 


}  Annuel. 


'^Alpes. 


Bifann. 


,  Virginie. 


Annuel. 


> 


Barbades. 


Vipace^ 


Caroline^ 


Annuel:. 

Iles  dé^ 
l'Ameriq., 


A  RR 

14..  Arrête -bœuf  à  feuilles^ 
ovales  ,  lancéolées  &  entières , 
A  ti^e  droite  ,   herbacée  ,  à  épi 
de  fleurs  terminal.  . 

Anonis  foliis  ternatis  lanceo-  X 
latooi'atis  integenimis  ,   caule 
erecfo  herbaceo  ,    racemo  ter-  j 
minali.  Mill.  \ 

Carolina  reft-harrow.  1 

1 5 .  Arrête-bœuJ  à  épis  mêlés    . 
de  feuilles  fimples  &  obtuies.   ^Annueli. 

Anonis  fp  ici  s  J'olicJisJimpli-{ 
cibus,obtiiJis.  Linn.  Sp.pl.JiJ.  r  Port. 
Rejl-hancw  widi  leafyfpikes  <■.  vfoafnf 
and  Jingle  obtufe  leaves.         _    ,  ^JP^'Z^^*- 

1(5.  Arrête-bœuf  \{t\.\\\it%  tri-"l  Italiet 
foliées  ovales  ,  à  pédicules  très- 
longs  ,  &  à  filiques  velues. 

Anonis  foliis  ternatis  ,  ora- 
tis  ,  petiolis  longiffimis  ,  legu-  S 
minibus  hirfutis.  Mill.. 
'     Reft-harrow  with  oral  trifo- 
iiate leai'es  grouing  en    lery 
long  footftalks  and  hairy  pods.J 

Les  trois  premières  eipeces  font  de  petits, 
ai-briil'eaux  qui  ne  parviennent  guère  qu'à  la- 
hauteur  de  trois  pies.  les  efpecesn".  i  &3; 
pîuvent  s'élever  en  pleine  terre  ,  &  n'ont; 
rien  à  redouter  du  troid  dans  les  provinces, 
feptentriona'es  de  la  France.  La  première  ert- 
indigène  d'El'pagne.  Selon  Miller ,  la  troi-- 
fieme  croît  naturellement  dans  les  Alpes.. 
La  féconde  vient  de  l'Efpagne  &  du  Portu- 
gal :  en  Angleterre  elle  demande  d'être 
abritée  pendant  les  mauvailes  failons  fous 
des  chaflls  à  vitrages. 

Les  première  &    troifieme  forment    de 
très-jolis  arbrifleaux ,  par  les  épis  de  grandes 
fleurs  couleur  de  rofe  qu'ils  portent  à  la  fin 
de  mai  ,   ou  au  commencement  de  juin  :■ 
on  doit  les  planter  en  première  ligne  dans  leS; 
mallîfsdcs  bofquets  de  ces  mois  ,   ou  dans. 
les  plate-bandes  qu'on  peut  former  en  avant: 
de  ces  maflîfs..  Ils  s'élèvent  fort   bien  des, 
fcmences  &  marcottes.    Les  fdiques   fontt 
mûres  au  commencement  de  Septembre  :.■ 
on   les  cueillera  alors  pour  'les  confcrven- 
dans  un  lieu  icc.    Au  mois  de  mars  on  en 
tirera  les  graines  qu'on  femera  dans  de  pe-»- 
tires  ca'flcs  préparées  &  garnies,  fuivant  k' 
méthoc'c  détaillée  à  Varticle  CypRKS. 
Comme  les  graiucs  font  médiocreiuçoL- 


A  R  R 

jfofTcs,  il  fluidra  les  couvrir  d'environ  un 
dcmi-poiice  de  terre.  Les  cniHes  doivent  être 
plongées  lîins  une  couche  tempérée  ,  mais  if 
ne  faut  pas  les  trop  ombrager ,  ni  les  trop 
arroler.  La  féconde  année  on  mettra  les  petits 
arbulles  un  à  un  dans  des  pots.  Au  bout  de 
ticuK  ans  on  les  en  tirera  avec  la  motte  pour 
les  planter  à  demeure. 

Les  marcottes  ie  font  en  juin  ,  fliivant  la 
méthode  indiquée  à  l'amWe  Alaterne. 
La  féconde  automne  elles  feront  (uffilam- 
racnt  enracinées  ,  &  on  pourra  les  enlever. 

Les  el'peces  ^.^  /^  Ù  6  ont  des  tiges  ligncu- 
fes  qui  fe  foutiennent  bien  avant  dans  l'iiiver, 
&  qui  ne  périflent  même  qu'en  partie  vers  la 
fin  de  cette  faifon  ;  mais  comme  elles  tracent 
beaucoup  ,  on  n'oie  les  employer  pour  la 
décoration  des  Jardins. 

Nous  croyons  que  l'efpece  n°.  G  eÇ^l^ano- 
nls  pnjîlla. ,  rillofa  &  vifcofa  de  Tourne- 
tort.  Les  petits  poils  dont  cette  plante  e(l 
couverte  font  imprégnés  d'une  lorte  de  glu  : 
l'odeur  forte  &  aromatique  que  répandent 
{'i$  feuilles  ,  lorfqu'on  les  froiire  ,  ne  décelc- 
t-el!e  pas  des  venus  qu'on  ne  s'eft  pas  encore 
tivifé  d'y  chercher?  Peut-être  cette  elpece  en 
a:-t-elle  de  plus  puiflantes  que  celle  n°.  4  em- 
ployée dans  la  pharmacie ,  celle-ci  paiîè  pour 
ê;re  apéritive  ,  diurétique  &  emmenagogue. 
Ses  préparations  s'emploient  pour  l'iâere  ,  la 
colique  néphrétique  &:  le  icorbut. 

Linnïus  en  changeant  le  nom  à^anonis  en 
ononis  ,  n'a  fait  que  fuivre  l'étymologie  que 
donne  Tournetort.  Le  botanifle  françois  dit 
que  le  nom  de  cette  plante  dérive  du  mf)t 
grec  o'.iQ-  ,  âne  ,  parce  que  cet  animal  la 
broute  volontiers.  Tout  le  monde  lait  que 
le  nom  françois  d^arrêtc-hivuf,  lui  vient  de 
ce  que  fes  racines  fortes  &  traînantes  réfil- 
tent  aux  efïiirts  du  coutre  &  du  foc.  (M,  le 
b^nvi  DE  TSCHOUDI.) 

*  Cette  plante  donne  dans  l'analyle  chymi- 
que  beaucoup  d'huile ,  de  iel  acide  ,  &  de 
terre  ;  une  quantité  médiocre  de  Iel  fixe  ,  & 
très-peu  d'ei'prit  urineux.  Ces  principes  lont 
enveloppés  par  un  lue  vilqueux  ,  qui  le  dé- 
truit par  le  feu.  Le  fuc  de  la  bugrande  ou 
arrête-hœuf  ^  rougit  un  peu  le  papier  bleu. 
Ses  feuilles  ont  une  laveur  de  légume,  lonr 
fétides  &■  gluantes  :  c'eft  ce  qui  a  tait  dire  à 
M.  Tournetort ,  que  cette  plante  ell  com- 
gofée  d'un  fel  prefque  fcmblabie  au  tartre 


A  R  R  44y 

vitriolé  ,  enveloppé  dans  du   phicgme  ,  & 
dans  beaucoup  de  terre  &  de  (oufrc. 

On  compte  communément  fa  racine  par- 
mi les  cinq  racines  apéritives.  En  etiet ,  elle 
refont  puiliamment  les  humeurs  éiiaifîès , 
elle  efl  falutaire  dans  les  obilruflions  rebelles 
du  foie  &  delà  jaunide  ,  elle  foulage  dans  la 
néphrétique  &:  les  lupprcflions  d'urine.  S. 
Pauli  la  regarde  comme  un  excellent  remède 
au  calcul  des  reins  &  de  la  vcflîe.  Matthiole 
la  recommande  pour  les  excroilïances  char- 
nues. Ettmullcr  la  croit  utile  pour  le  fiirco- 
cele.  Voye\  Matière  médicale  de  Geoffroy  , 
le  refle  du  détail  de  fes  propriétés ,  &  les-: 
compofitions  qu'on  en  tire. 

AR!\ETE  ,  f.  m.  terme  de  palais,  fignific 
une  rélolution  ou  détermination  prife  par- 
une  cour  de  judicature  ,  en  conféquence- 
d'une  délibération  ,  &  qu'elle  n'a  pas  encore: 
rendue  notoire  par  un  arrêt  ou  jugement.. 
Vojeici-dejfus  ArrÈT.  (H) 

Arrêté  d'un  compte  ,  en  commerce  ,. 
c'eft  l'acte  ou  écrit  qu'on  met  au  bas  d'un' 
compte,  par  lequel  comparant  enfemble  le 
produit  de  la  recette  &  de  la  dépenie  ,  oii' 
déclare  laquelle  des  deux  excède  l'autre  ;  ce- 
qui  rend  le  comptable  débiteur,  fî  l'excé-- 
dant  eil  du  côté  de  la  recette;  au  contraire- 
l'oyant  compte ,  fi  c'eft  du  côté  de  la  dépenfe 
que  l'excédant  fe  trouve.  On  l'appelic  auiH- 
finito  de  compte.    V^^oye^  FinitOj 

AruÊTÉ  ,  fe  dit  encore  dans  les  fociétés 
de  marchands  &  dans  les  com[iagnies  de 
commerce ,  desréiolutions  priles  parlesafTo- 
ciés  ou  directeurs  à  la  pluralité  des  voix.  {G) 

Arrêté,  adj.  terme  de  blafon  ,  fe  dir 
d'un  animal  qui  eft  fur  fes  quatre  pies  ,  fans 
que  l'un  avance  devant  l'autre  \  ce  qui  efl 
la  pofture  ordinaire  des. animaux  que  l'on 
appelle  pajjans. . 

Baglione  marquis  de  Morcone  à  Florence, 
&  Bâillon  comte  de  la  Sale  -A  Lyon  ,  dont  il^ 
y  a  eu  un  évêque  de  Poitiers  ,  d'azur  au  lion 
léopardé  d'or  arrête  &c  appuyé  de  la  patte 
droite  de  devant  fur  un  tronc  de  même  , 
trois  fleurs  de  lis  d'or  rangées  en  chef, 
lurmontées  d'un  lambel.de  quatre  pièces  dé. 
même.  (  V) 

ARRÊTER  ,  V.  au.  en  bâtiment  ,  t{[- 
affurcr  une  pierre  à  demeure ,  maçonner  les- 
iolivcs  ,  &C.  c'eft  aufli  fceller  en  plâtre ,  en. 
ciraentj  en  plomb,  <&c.  (P), 


44^ 


A  R  R  'A  R  R 

AviKÛTEK  Tiiitillerie,  terme  de  mdrine,  [Ce  font  des  gales  &  tumeurs  qui  viennent 


dont  on  Te  fcrt  pour  fignifier  attacher  un 
coin  avec  des  clous ,  fur  le  pont ,  immédia- 
tement derrière  l'aiiut  de  grands  canons  , 
pour  les  teo'r  fermeinent  attachés  aux  côtés 
du  vaiflêau ,  afin  qu'ils  ne  vacillent  point 
quand  le  vaiifeau  b.ilance  ,  &  que  par  ce 
moyen  ils  ne  courent  pas  rlique  d'endom- 
mager les  bords  du  vaiileau.  (  Z  ) 

Arrêter  ,  en  jardinage ,  le  dit  de  Fac- 
tion d'empêcher  un  arbre  ou  une  palifÏÏuie 
de  monter  haut  :  on  les  coupe  à  une  cer- 
taine hauteur  ,  pour  ne  pas  les  laiiTer  e:npor- 
ter  ni  s'échapper.  On  le  dit  auiîi  des  melons 
&  des  concombres  ,  dont  on  abat  des  bras 
ou  des  branches  trop  longues.  {K) 

Arrêter,  fendit,  en  peinture ,  d'une 
cfquiiîe ,  d'un  dellm  fini ,  pour  les  dilHn- 
guer  des  croquis  ou  efquilfcs  légères.  Un 
deffin  arrêté ,  une  eiquiflè  arrêtée. 

On  dit  encore  des  parties  bien  arrêtées, 
loriqu'ellcs  font  bien  terminées ,  bien  recher- 
chées. (R) 

Arrêter,  en  terme  de  metteur  en  œu- 
vre ,  n'efl  autre  chofe  que  fixer  la  pierre  en 
rabattant  les  fertiflures  d'elpace  en  efpace , 
afin  d'achever  de  la  lertir  plus  commodé- 
ment &  avec  moins  de  rifque. 

Arrêter  un  compte  ,  (  Comm.  )  c'eft 
après  l'avoir  examiné  &  vérifié  fur  les  pièces 
jufiificatives  ,  &  en  avoir  calculé  les  diiiérens 
chapitres  de  recette  &  de  dépenie  ,  en  taire 
la  balance,  déclarer  au  pié  par  un  écrit  figné, 
îefquels  des  uns  ou  des  autres  font  les  plus 
forts.  On  dit  auili /o/<i^r  «/2  c'o/;2jDrÉ'.  Voye\ 

Compte  6"  Solder. 

Arrêter  un  mémoire  ,  arrêter  des  parties, 
c'eil  régler  le  prix  des  marchandées  qui  y 
font  contenues ,  en  apoftiller  les  articles  , 
&  mettre  au  bas  le  total  à  quoi  ils  montent 
avec  promcfîe  de  les  payer  &  acquitter  dans 
les  temps  convenus. 

Arrêter ,  fignifie  aufll  convenir  d'une 
chofe  ,  la  conclure  ,  en  tomber  d'accord 
avec  les  aflociés.  IL  a  été  arrêté  de  faire  un 
emprunt  de  cent  mille  écus  au  nom  de  la 
fociété.  yoye\Soc\tTt. 

AIIRÈTES  ou  Queue  de  rat  , 
(  terme  de  maréchal.  )  ce  font  des  croûtes 
dures  &  écailleules  qui  viennent  aux  jambes 
des  chevaux  ,  qui  rongent  le  poil  ,  &  que 
l'on  trouve  quelquefois  le  long  du  tendon. 


(ur  les  nerfs  des  jambes  de  derrière  du  chc- 
v'al ,  entre  le  jari'et  &  le  paturon. 

Les  arrêtes  {ont  de  deux  eipeces  :  il  y  en 
a  de  crullacées  &:  de  coulantes.  Les  pre- 
mières font  fans  écoulement  de  matière  , 
les  fécondes  fe  difiinguent  par  des  croûtes 
humides  ,  d'où  découle  une  iérolité  rouflâ- 
tre  ,  dont  l'âcrcté  ronge  trcs-louvent  les  té- 
gumens  :  on  doit  les  mettre  au  rang  des 
maladies  cutanées,  qui  attaquent  les  chevaux, 
&  qui  ont  toutes  Icurlource  dans  une  lym- 
phe ialée  ,  plus  ou  moins  iicre  ,  &  plus  ou 
moins  viiqueule. 

Si  les  arrêtes  font  feches ,  le  meilleur 
remède  eft  de  les  emporter  avec  le  tcu  ,  & 
d'appliquer  defl'us  l'cmmiellure  blanche. 
Lorlque  l'elcarre  efl:  tombée  ,  on  deiîechc 
la  plaie  avec  des  poudres  defllcatives  :  fi 
les  arrêtes  font  coulantes  lans  cnRure  ,  on 
les  guérit  avec  )'onguent  verd  ,  décrit  pour 
la  gale.  Mais  on  peut  dire  en  général  que 
cette  maladie  &  toutes  celles  qui  viennent  à 
la  peau  du  cheval,  demandent,  lorlqu'elles 
lont  portées  à  un  certain  point,  un  traitement 
intérieur. 

Les  arrêtes  font  un  vilain  mal  en  ce  qu'il 
dépouille  la  partie  du  poil  ;  mais  il  ne  porte 
aucun  préjudice  notable  au  cheval.  On 
appelle  aufil  arrêtes  les  queues  des  chevaux 
dégarnies  de  poil ,  qu'on  appelle  queues  de 
rat.  { -f-  ) 

ARFIHABON AIRES,  f  m.  pi.  (  ThéoL 
Hifl.  eccl.  )  nom  qu'on  donna  aux  iacramen- 
taires  dans  le  xvj^  iiecle,  parce  qu'ils  difoient 
que  l'euchanllie  leur  étoit  donnée  comme  le 
gage  du  corps  de  Jefus-Chrill ,  &  comme 
l'invefiiture  de  l'hérédité  promiie.  Stancarus 
enfeigna  cette  dodrine  enTranfilvanie.  Pra- 
téole  au  mot  Arrahah. 

Ce  mot  efi  dérivé  du  latin  arrhaou  arrhabOy 
arrhe  ,  gage  ,  nantiiîemeiu.  Les  catholiques 
conviennent  que  l'euchariitie  eît  un  gage  de 
l'imtr.ortalité  bienheureufe  :  mais  que  c'eft 
là  un  de  fes  eflets  ,  &:  non  pas  fon  elTence  ^ 
comme  le  loutenoient  les  hérétiques  dont  il 
ell  ici  quelîion.  {  G  ) 

ARRHEMENT  oi/ENHARREMENT, 
fublK  m.  en  commerce,  c'efi  line  convention 
que  l'on  fait  pour  l'achat  de  quelque  mar- 
chandile ,  iur  le  prix  de  laquelle  on  paie 
quelque  chofe  par  avance.  J^oje^  ARRHES. 


A  R  R 

Savari ,  Diclionn.  du  commerce  ^  tome  I, 

P^g^  737- 

ARRHENE  ,  (  Geog.  )  contrée  d'Afie  , 

dans  I;i  grande  Arménie.  I!  y  en  avoir  encore 

une  de  ce  nom  dans  l'Arabie  heureule ,  ha'oi- 

téepar  di-s  Arabes  vagabonds  ,  laquelle  Stra- 

bon  nomme  Ararejie.  (  C.  A.  ) 

ARRHER  ou  ENARRHEPv ,  (  Comm.  ) 

c'eft  donner  des  arrhes.   Voye\  ARRHES. 

Ce  verbe  eil  iiilté  dans  quelques  ordon- 
nances ,  pour  aller  au  devant  des  marchaîids, 
&  acheter  les  denrées  avant  qu'elles  loient 
arrivées  aux  ports  ou  marchés. 

Les  ordonnances  de  police  détendent  à 
tous  marchands  ,  regrattiers  ,  &c.  d'aller  au 
devant  des  laboureurs  &  marchands  tora'ns 
pour  anher  les  grains  ou  les  marchandiles , 
&  les  acheter  avant  que  d'être  arrivées  lur 
les  ports  ou  aux  marchés  ;  comme  auili 
à'eiiharrer  ou  d'acheter  tous  les  blés  en  verd. 
Il  y  a  aufli  différentes  communautés  ou 
corps  de  métiers  de  Paris ,  entre  autres  celle 
des  bonnetiers  ,  par  les  ftaruts  delquelles  il 
eil  défendu  d'arrAer  par  les  chemins  les  mar- 
chandifes  deftinées  pour  Paris ,  comme  cCar- 
rher  dans  Paris  aucun  ouvrage  de  bonnete- 
rie qui  n'ait  été  vu  &  vifité  par  les  maîtres 
&  gardes  de  ce  corps.  (  G  ) 

ARRHES  ,  r.  f.  pi.  en  droit,  eft  un  gage 
en  ai-gent  que  l'acheteur  donne  au  vendeur  , 
pour  lûreté  du  marché  qu'il  tait  avec  lui.  Si 
le  marché  eft  conCommé  par  la  fuite  ,  les 
arrhes  font  autant  d'acquitté  fur  le  paiement; 
&  fi  l'acheteur  rompt ,  les  arrhes  relient  au 
vendeur  pariorme  de  dommages  &  intérêts  : 
c'eft  la  condition  fous  laquelle  les  arrhes  ont 
été  données.  V.  Denier-a-DIEU.  {H) 

*  Les  arrhes  ont  quelquefois  un  etTet  plus 
rigoureux  ;  celui  qui  les  donne  eft  obligé 
d'exécuter  exactement  le  marché  qu'il  a  tait; 
&  dans  le  cas  où  il  refufe  de  l'exécuter  ,  la 
perte  des  arrhes  qu'il  a  données  ne  fufSt  pas 
toujours  pour  ia  décharge  :  on  peut  le  pour- 
fjivre  pour  le  paiement  du  prix  entier  du 
marché  arrêté. 

ARRL\NA  ,  {Géog  )  ville  de  Germa- 
nie ,  au  département  de  la  Panoaie  norique. 
On  croit  que  c'eft  aujourd'hui  Attenhoven  , 
bourg  d^ Autriche  liîr  le  Danube.  (  C.A.  ) 

ARRL\NE ,  (  Gc'kÇ.  )  ville  d'Afrique  au 
royaun;ie  de  Tunis.  ECe  eft  petite  ,  &  n'a 
pour  habitani  que  des  laboureurs  &:   des  . 


.    A  R  R  447 

jardmiers;  mais  quelques  morceaux  d'archi- 
tecture &  de  Iculptin-c  que  l'on  y  trouve  , 
tont  conjecturer  qu'elle  étoit  anciennement 
plus  confidérable.  (  C.  A.  ) 

ARRIENNES  ,  on  Airiennes  ,  ou 
Erenmes  ,  (  Géog.  )  montagne  de  France 
en  Normandie  ,  à  une  lieue  de  Falaife  ,  du 
coté  de  l'occident  ;  elle  eft  connue  par  fcs 
oifeaux  de  proie  ,  &  par  quelques  médailles 
antiques  que  l'on  y  déterra  dans  le  XVI= 
liecle.  C'eft  dans  fbn  voifinage ,  mais  dans  la 
plaine ,  qu'cft  fitué  le  village  d' Arne ,  où  l'on 
prétend  que  la  mer  envoie  les  eaux  de  temps 
en  temps  par  des  conduits  fouterrain;;  2:  in- 
connus ,  &  que  là  ,  formant  un  petit  lac 
très-poiilonncux ,  ce  lac  tantôt  le  maintienr 
à  une  hauteur  confidérable,  tantôt  Çt  defle- 
che  abfolument.  Ce  qu'il  y  a  de  certain ,  c'eft 
que  ce  village  n'eft  baigné  d'aucune  rivière 
ni  d'aucun  ruifîèau  ,  &  qu'il  eft  à  plus  de 
huit  lieues  de  la  mer.  {^C.  A.) 

ARRIERE  ,  f.  m.  on  poupe  ,  {Marine.  ) 
c'eft  la  partie  du  vaiffeau  qui  en  tait  l'arriére, 
&  qui  eft  foutenue  parl'étambord  ,  le  trépot 
&  la  lilTe  de  hourdi  ou  barre  d'arcailê.  On 
comprend  ordinairement  fous  le  nom  d'ar- 
rière &c  de  poupe  ,  cette  partie  du  vaiffeau 
comprile  entre  l'artimon  &  le  gouvernail  ;  où 
Ton  trouve  la  dunette  ,  la  galerie  ,  la  cham- 
bre du  capitaine,  &'c.  Voy.  ArcASSE, 

Faire  vent  arrière,  c'eft  prendre  le  vent  en 
poupe  :  on  dit  auiTi,  venir  vent  arrière,  porter 
vent  arrière  ,  &  aller  vent  arrière.  Le  vaif^ 
feau  qui  porte  vent  arrière ,  ne  va  pas  li  vite 
que  quand  il  fait  vent  largue  ,  &  qu'il  porte 
de  vent  de  quartier;  fuj^oiant  que  dans  l'une 
&  l'autre  navigation ,  le  vent  foit  d'une  égale 
force  :  car  ayant  vent  largue ,  toutes  les  voiles 
fervent  &  prennent  le  vent  de  biais  ;  au  lieu 
que  lorfque  le  vent  eft  en  poupe  ,  &  qu'il 
porte  également  entre  deux  écoutes  ,  la  voile 
d'artimon  dévoie  une  partie  du  vent  à  la 
grande  voile  ,  &  celle-ci  à  la  mifene ,  les 
dernières  faifiint  toujours  obftacle  à  celles 
qui  les  préccdent.^  ^oje:{  Largue. 

Fajferà  l'arriére  d'un  vaijfeau;  c'eft  aller 
fe  mefre  à  Varnere  d'un  vaifleau  ,  ou  le  tail- 
ler pailèr  devant  &  fe  mettre  à  fa  fuite. 

Demeurer  de  l'arriére  ,-  fe  trouver  de 
l'arriére  à  l'atterrage  fuivant  l'eftime  de  les 
routes,  V.  Navigation  &  Naviger. 
SUR  LA  Terre. 


44S  A  R  R 

Mettre  un  vaijfeau  de  V arrière  ;  c'cfï  le 
dépafler  &  le  laiilèr  derrière  foi.  (  Z  ) 

Arrière  ,  terme  que  l'on  joint  avec  un 
autre  mot ,  pour  taire  fignilîerà  ce  mot  quel- 
que choie  de  poftérieur  ,  qui  eil  derrière  ; 
oppofë  à  ai'ant  ou  Jerant.  Voye^  AvANT. 

Arrière  ,  en  terme  militaire,  fignific  la 
partie  pollérieure d'une  armée  ;  c'eil:  l'oppoié 
de  front  ou  face.  Foye;;  Front. 

ArrierE-GARDE  ;  cMl  la  partie  d'une 
armée  ciui  marche  la  dernière  immédiatc- 
ment  après  le  corps  de  l'armée  ,  pour  empê- 
cher les  deferteurs.  Voye^  Garde. 

ArrieRE-DEMI-FILE  ;ce  font  les  trois 
derniers  rangs  d'un  bataillon  qui  ell  rangé  iur 
fix  hommes  de  profondeur.    V'oye:[  FiLE. 

ArrieRE-LIGNE  ;  c'cll  la  Icconde  ligne 
d'une  armée  campée ,  qui  eft  éloignée  de 
trois  ou  quatre  cents  pas  de  la  première  ligne 
ou  du  fronr.  f^o)'<f;j  LiGNE. 

ARRIER.E-RANG  ;  c'eft  le  dernier  rang 
d'un  bataillon  ou  eicadron  ,  quand  il  elt 
campé.  Voye\  RANG. 

Toutes  ces  applications  du  terme  di  arrière 
ne  s'emploient  guère  à  préfent ,  fi  ce  n'efl 
pour  lignifier  la  partie  de  l'armée  qui  mar- 
che la  dernière  ,  c'cll-à-dire  ^arriere-garde  : 
car  on  dit,  féconde  ligne  d'une  armée ,  & 
non  arrière-ligne  ,  &  dernier  rang  d'un  ba- 
taillon ,  &CC.  {Q) 

ArriERE-GARDE  ,  (Marine.)  Var- 
riere-garde  d'une  armée  navale ,  c'eit  la  divi- 
fion  qui  fait  la  queue  de  l'armée ,  &  c'ellauffi 
celle  qui  eft  fous  le  vent.  (  Z) 

ARRIERE-BAN  ,  f.  m.  (  Hifl.  mol  ) 
terme  de  milice ,-  c'aft  la  convocation  que  le 
prince  ou  le  fouverain  fliit  de  toute  la  no- 
bleflé  de  fes  états  pour  marcher  en  guerre 
contre  l'ennemi.  Cette  coutume  étoit  autre- 
fois fort  commune  en  France  ,  où  tous  ceux 
qui  tenoient  des  fiefs  &  arriere-fiets ,  étoient 
obligés  fur  la  fommation  du  prince  de  le 
trouver  à  l'armée ,  &  d'y  mener  félon  leur 
qualité  ,  un  certain  nombre  d'hommes  d'ar- 
mes ou  d'archers.  Mais  depuis  qu'on  a  in- 
troduit l'ufage  des  compagnies  d'ordonnance 
&  les  troupes  réglées ,  Varriere-han  n'a  été 
convoqué  que  dans  les  plus  prcflântes  extré- 
mités. On  trouve  pourtant  que  fous  Louis 
XIV  Varrierc-ban  a  été  convoqué  pendant 
la  guerre  qui  commença  en  1688  ,  &  fut 
terminée  par  la  paix  de  Riivick.  Dans  ces 


A  R  R. 

occafions  la  noblefle  de  chaque  province 
rorme  un  corps  léparé  ,  commandé  par  un 
des  plus  anciens  nobles  de  cette  province. 
Il  y  a  des  fiunilles  qui  font  en  pofléirion  de 
cet  honneur.  En  Pologne,  fur  les  univer- 
iaux  du  roi  ou  de  la  diète ,  les  gentilshommes 
lont  obligés  de  monter  à  cheval  pour  la  dé- 
tenlc  de  l'érat  ,  &  l'on  nomme  ce  corps  ds 
Ciwaleiie  Fofpolite.  VoyeT^  POSPOLITE. 

Quelqu.s-uns  dil'cnt  que  le  ban  efi:  la  pre- 
mière convocation  ,  &  Varriere-ban  la  fé- 
conde ;  comme  une  convocation  réitérée 
pour  ceux  qui  ont  demeuré  arrière  ,  ou  qui 
ne  fe  font  pas  rendus  ;\  temps  à  l'armée. 
D'autres  tont  venir  ce  nom  d'iieri  bannum^ 
proclamation  du  maître  eu  du  fouveraia 
pour  appeller  les  iujets  au  fcrvice  militaire , 
ous  les  peines  portées  par  les  loix.  VoyeiL 
Ban.  (G) 

ARRIERE-BEC  d'une  pile  ,  en  terme  de 
nviere ,  c'efl  la  partie  de  la  pile  qui  efl  fous 
le  pont  du  côté  d'aval. 

ARRIERE-BOUTIQUE ,  en  Architec 
ture.  V.  Magasin  de  Marchand.  [F) 

ARRIERE  -  CHANGE  ,  eft  la  même 
chofe    que   l'intérêt   A(^s     intérêts.     Voyei^ 

Intérêt. 
ARRIERE-CHCffUR  ,  voyez  Chœur. 

ARRIERE-CORPS  ,  en  Serrurerie  ;  ce 
font  tous  les  morceaux  ajoutés  au  nu  d'ua 
ouvrage,  de  manière  qu'ils  en  foient  excédés; 
en  forte  qu'on  pourroit  dire  que  fi  l'avant- 
corps  fiiit  relief  fur  le  nu ,  le  nu  au  contraire 
fait  relief  fur  Yarriere-corps.  Les  rinceaux 
&  autres  ornemcns  de  cette  nature  ne  font 
jam-ais  arriere-corps.  Des  moulures  formées 
fur  les  arrêtes  de  barres  de  fer  ou  d'ornement 
tormeroient  fur  le  nu  des  barres  dont  elles 
porteroient  le  quarré  ,  arriere-corps.  Les 
avant  &  arriere-corps  dcvroient  être  pris 
dans  le  corps  de  la  pièce ,  &:  fi  on  les  rap- 
porte, &  s'ils  font  des  pièces  détachées ,  c'efl 
feulement  pour  la  faciCté  du  travail  d'  éviter 
ladépenfe.    Fq>-c;j  AvANT-CORPS. 

AWVxmKE-COUV.,  en  Architeclure,  efl 
une  petite  cour  qui  dans  un  corps  de  bâti- 
ment fert  à  éclairer  les  moindres  apparte* 
mens ,  gardes  -  robes  ,  efcaliers  de  dégage- 
ment ,  ùc.  Vitruve  les  appelle  mefauLv.  (P) 

ARRIERE-FAIX  ell ,  en  anacomie ,  la 
membrane  ou  tunique  dans  laquelle  étoit  en- 
veloppé l'entant  dans  l'utérus.   V.  FcETUS. 

Oo 


A  R  R. 

On  l'appelle  aind ,  parce  qu'il  ne  fort 
qu'après  l'enfant ,  comme  par  un  fécond 
accouchement  ;  c'eft  aulli  ce  qui  lui  a  fait 
donner  le  nom  de  délivre.  f^oye^DÉtiVRE. 

Les  médecins  l'appellent  aulTi  fccondine  , 
encore  par  la  même  raifon.  Il  contient  le 
placenta  &  les  vaiflcaux  ombilicaux,  (  Z  ) 

Il  a  quelques  uiTLgcs  en  médecine  :  on  ào\t 
le  ciioilir  nouvellement  (orti  d'une  femme 
faine  &c  vigoureiifc  ,  entier  ,  beau  ;  il  con- 
tient beaucoup  de  Ici  volatil  &  d'huile.  On 
l'applique  tout  chaud,  fortaiit  de  la  ma- 
trice, lur  le  vf(agc  ,  pour  en  etfacer  les  len- 
tilles. On  en  fiit  diftiUcr  de  l'eau  au  baia- 
nari?  pour  les  taches  du  vilage;  on  s'en  fert 
auili  à  Piiuérieur ,  mis  en  poudre,  pour 
répi'..'plic ,  pour  hâter  l'accouchement,  pour 
appaitèr  les  tranchées  :  la  do(e  en  eft  de- 
puis un  demi-lcrupule  jufqu'à  deux  fcru- 
pules.  (  N  ) 

ARRIERE-FERMIER,  terme  fynony- 
me  à  fous-fermier.  (  H  ) 

ARRIERE -FIEF,  {Jurifp.)  c'eft  un 
fief  qui  dépend  d'un  autre  fief.  Koje^FiEF, 
Les  arrière -fiefs  commencèrent  au  temps 
où  les  comtes  &  les  ducs  rendirent  leurs 
gouvememens  héréditaires.  Ils  diftribuercnt 
alors  à  leurs  officiers  certaines  parties  du 
domAine  royal,  qui  étoient  dans  leurs  pro- 
vinces, &  ils  leur  permirent  d'en  gratifier  de 
quelque  portion  les  foldats  qui  avoient  fervi 
lous  eux.  Voye7^  Comte,  Duc.  {H) 

ARRIERE  -  FLEUR  ,  terme  de  chamoi- 
feitr  ;  c'eft  un  refte  de  fleur  que  l'on  a  oublié 
d'«niever  de  delfus  les  peaux  en  les  effleu- 
rant. Voye^  Effleurer  ,  Fleur. 

ARRIERE- FONCIERE  (  Rente  ) ,  ter- 
me de  coutumes  ,  fynonyme  â  fur  -foncière. 
Voyc:^ ce  dernier.  {H) 

ARRIERE-GARDE  ,  terme  de  droit  cou- 
tumier,ç{l  une  forte  de  garde  qui  a  lieu  quel- 
quefois dans  les  coutumes  où  la  garde  appar- 
tient au  roi  ou  au  feigneur ,  commeen  Nor- 
mandie ;  dans  le  cas  où  il  échet  une  garde 
feigneuriale  à  un  mineur  ,  qui  lui-même  ,  à 
caufe  de  fon  bas  âge ,  eft  en  la  garde  de  fon 
lâigneur  ;  car  alors  la  garde  de  T'arriere-vaf- 
Cz\  tourne  au  profit  du  feigneur  fuzerain,  & 
c'eft  ce  qu'on  appelle  arriere-garde  ;  &cela 
en  conféquence  d'une  maxime  de  droit ,  que 
celui  qui  eft  fous  la  puillance  d'autruine  peut 
pas  exercer  la  m:me  puiflance  fur  un  autre. 
Tome  III. 


A  H  R  449 

C'eft  par  la  même  raifon  qu'un  fils  de  fa- 
mille en  pays  de  droit  écrit,  n'a  pas  fcs  en- 
fans  fous  lii  puiflance  ;  qu'un  elclavc  ne  peut 
pas  poflëderdes  efcLaves  ,  ni  un  mineur  exer- 
cer une  tutelle,  f^oye[  Garde  ,  Fils  de 
FAMILLE,  Tutelle,  ùc.{H) 

ARRIERE-MAIN,  (  Maréchall.  &  Ma- 
nège. )  c'eft  tout  le  train  de  derrière  du 
cheval.  (  V) 

Arrière  -  MAiM  ,  terme  de  Paumi^t  , 
prendre  une  balle  d'arrrere-mnin ,  c'eft  la 
prendre  à  (a  gauche.  Pour  cela  il  faut  avoir 
le  bras  plié,  &  l'écoidre  enlachaflanc. 

ARRIERE  -  NEVEU  ou  ARRIERE- 
PETIT-NEVEU  ,  terme  de  généalogie^  &  de 
droit ,  eft  le  petit-fils  du  neveu  ,  ou  fils  du 
petit-neveu.  Il  eft  diftantdela  louche  corh- 
mune  ou  de  fon  bi*'aieul  au  cinquième  de- 
gré. Voy^iT>s.GKi.  (  H) 

ARRIERE -PAN  AGE,  term;  de  droit, 
uiicéeii  matière  d'eaux  &  forêts  ,  qui  iignifie 
le  temps  auquel  on  laifle  les  beftiaux  paître 
dans  la  forêt  après  que  le  panagc  eft  fini. 

Fbje^PANAGE.  (  H) 

ARRIERE-PETIT-FILS  ou  arriere- 
PETITE-FILLE  ,  c'eft  le  fils  ou  la  fille  du 
petit-fils  ou  de  la  petite-fille ,  defcendans  en 
droite  ligne  du  bifaieul  ou  de  la  bifaïeule 
dont  ils  font  diftans  de  trois  degrés,  yoye^ 
Degré.  (H) 

ARRIERE-POINT ,  f.  m.  manière  de 
coudre  que  les  couturières  emploient  aux 
poignets  des  chemiles ,  aux  furplis ,  &c  fur 
tous  les  ouvrages  en  linge  où  il  s'agit  de  tra- 
cer des  façons  ou  des  deffins.  Pour  former 
\' arrière-point  on  commence  par  féparer  avec 
la  pointe  de  l'aiguille  un  des  fils  de  la  toile , 
qu'on  arrache  fur  toute  la  longueur  où  l'or» 
veut  former  des  arrière  -  points.  Qiiand  ce  fil 
eft  arraché ,  on  apperçoit  les  fils  de  la  chaîne 
feuls ,  fi  c'eft  un  ni  de  trame  qu'on  a  arra- 
ché; &  les  fils  de  trame  feuls,  fi  c'eft  un  fil 
de  chaîne  :  on  paflc  l'aiguille  en  deflus  ;  on 
embraflè  en  dcllous  trois  fils  df  chaîne  ou 
de  trame  ;  on  revient  repafler  enfuite  fon 
aiguille  en  deflus  dans  le  même  endroit  ,  &c 
l'on  embraflè  en  deffous  les  trois  premiers  filï 
&  les  trois  fuivans  ;  on  repafTe  fon  aiguille 
en  deflus ,  entre  le  troifieme  &  le  quatrième 
de  ces  fix  fils;  l'on  continue  d'embrafTcr  en 
deflbus  les  tiols  derniers  fils  avec  les  trois 
fuiv.ans ,  &  de  repafler  fon  aigi'lle  en  defTus  j 

Hhh 


450  A  R  R  A  R  R 

entre  le  troifieme  &  le  quatrième  des  fix  \  que ,  pour  ainfi  dire ,  il  les  lailTe  enarrierel 


derniers  fils  embraffés;  &  à  chaque  fois  on 
forme  ce  qu'on  appelle  un  arriere-poiiiL  Si 
l'on  n'eût  embralîe  d'abord  que  deux  fils , 
on  eût  fait  des  arrière -points  de  deux  en 
deux  fils ,  mais  l'opération  eût  été  la  même. 
Si  l'on  veut  que  les  arricre-points  aillent  en 
zig-zag  ,  on  n'arrache  point  de  fil  :  mais  on 
compte  ceux  de  la  trame  ou  de  la  chame  , 
car  cela  dépend  du  fens  dans  lequel  on  tra- 
vaille la  toile  ■■,  ëc  l'on  opcre  comme  dans  le 
cas  où  le  fil  cft  arraché  ,  laiHant  à  droite  ou 
à  gauche  autant  de  iils  que  le  dernande  le 
deflln  qu'on  exécute  ,  _&  embrallant  avec 
Ion  aiguille  autant  de  fils  perpendiculaires 
aux  fils  laifles,  qu'on  veut  donner  d'étendue 
à  fes  arrière-points.   Mais  il  faut    obierver 
dans  le  cas  où  les  arrière-points  font  en  ligne 
droite  &  où  l'on  arrache  un  fil  ,  d'arracher 
un  fil  de  chaîne  ou  un  fil  p.uallele  à  la  Uile- 
te  ,  préférablement  à  un  fil  de  trame  ,  les 
points  en  feront  plus  étroits  &  plus  ferrés  : 
ce  qui  n'eft  pas  difficile  à  concevoir  ;  car  la 
trame  paroillànt  toujours  moins  que  la  chaî- 
ne, la  maticrc  qu'on  y  emploie  eft  moins 
belle  &  plus  grolîe  ;  d'où  il  arrive  que  l'ef- 
paee  que  laiilé  un  fil  de  cette  matière ,  arra- 
ché ,  eft  plus  grand  &  plus  large. 

ARRIERE-VASSAL ,  terme  dejurifprii- 
éencc  féodale ,  eft  le  vallal  d'un  autre  vailal. 
Fbye:^^ Vassal  &  Arriere-fief.  (  H) 

ARRIERE-VOUSSURE ,  coupede pier- 
res ;  c'eft  une  forte  de  petite  voûte  dont  le 
nom  exprime  la  polition ,  parce  qu'elle  ne 
fe  met  que  derrière  l'ouverture  d'une  baie 
de  porte  ou  de  fenêtre  ,  dans  l'épaifleur  du 
mur ,  au  dedans  de  la  feuillure  du  tableau 
des  pié-droits.  Son  uGige  eft  de  former  une 
fermeture  en  plate  -  bande  ,  ou    feulement 
bombée  ou  en  plein  cintre.  Celles  qui  font 
en  plate-bande  à  la  feuillure  du  linteau  ,  & 
en  demi-cercle  par  derrière  ,  s'appellent  ar- 
riere-voitjfure-faint- Antoine ,  parce  qu'elle  eft 
exécutée  à  la  porte  Saint-Antoine  à  Paris. 
Celles  au  contraire  qui  font  en  plein  cintre 
à  la  feuillure  &  en  plate-bande  par  derrière, 
s'appellent  arriere-voujfure  de    Montpellier. 

ARRIÉRÉ  ,  adjeâ;.  dans  le  commerce  ,  le 

dit  d'un  marchand  lorfqu'il  ne  paie  pas  ré- 

guHérement  fes  lettres  de  change ,  billets, 

'  fromedes ,  obligations ,  &  autres  dettes ,  & 


(G) 

ARRIMAGE  ,  f.  m.  (  Marine.  )  Ce  mot 
exprime  l'arrangement  de  tout  ce  qui  entre 
dans  l'intérieur  d'un  vailleau  ;  mais  il  déligne 
d'une  manière  plus  particulière  la  façon  dont 
font  arranges  dans  la  cale ,  le  left ,  les  futail- 
les ,  les  quarts  de  viande  &c  ceux  de  farine , 
&c.  &  c'eft  en  ce  fens  que  je  vais  traiter  de 
l'arrimage. 

Il  eft  d'u  fage  que  le  foin  de  l'arrim.-:gc , 
toujours  joint  avec  le  détail  de  tout  le  v^aif- 
leau  ,  ne  regarde  point  les  officiers  qui  iont 
d'un  grade  (upérieur  à  celui  de  lieutenant 
de  vaifleau  ;  mais  c'eft  ordinairement  au 
plus  ancien  d'eux  à  qui  le  capitaine  le  con- 
fie. Dans  le  bâtiment  où  le  fécond  n'eft 
point  au  defl'us  de  ce  grade  ,  c'eft  le  fécond 
même  qui  en  eft  chargé.  On  donne  toujours 
le  nom  delieutenant-en-pié  à  l'officier  chargé 
de  l'arrimage  ,  de  quelque  grade  qu'il  foit. 
Il  choiiit  pour  travailler  ious  les  ordres  un 
contre-maure  &  un  certain  nombre  de 
matelots  qui  ne  quittent  point  la  cale  ,  & 
ne  font  occupés  que  du  foin  de  l'arrimage , 
&  qui  pendant  tout  le  cours  de  'a  campagne 
font  également  chargés  d'une  façon  particu- 
lière de  tout  ce  qui  entre  dans  la  caîe ,  & 
de  tout  ce  qui  en  fort  :  on  diftingue  ce 
contre-maître  par  le  nom  de  contrc-m.ahre 
d'arrimage  ,  &  les  matelots  font  diftingués 
auffi  par  le  nom  de  gens  de  la  cak. 

On  commence  par  bien  nettoyer  le  vai!- 
feau ,  décharger  le  vieux  left ,  laver ,  balayer 
&  vifiter  les  lumières  &:  les  conduits  bits 
pour laillèr  couler  l'eau  juiqu'aux  pompes: 
îorlque  ces  précautions  Ibnt  priles,  on 
embarque  le  left.  On  doit  fe  régler  pour  la 
j  quantité  qu'il  en  faut  prendre  fur  les  dim.en- 
lîons  du  vailTeau  ,  fur  le  poids  de  fachsrgc; 
car  le  même  vaiffeau  ne  doit  pas  toujours 
porter  la  même  quantité  de  left  à  toutes  fes 
campagnes ,  parce  qu'il  n'a  pas  à  toutes  la 
même  Ibmme  de  poids  à  porter. 

Pour  déterminer  la  quantité  de  left  qu'il 
convient  d'embarquer  dans  un  vailleau  neuf 
&  qui  n'a  point  encore  été  à  la  mer,  la  règle 
la  plus  sûre  feroit  de  prendre  la  quantité  en 
poids  que  doit  porterie  vailleau  pour  être  a 
fa  charge  la  plus  avantageufe ,  8é  c'eft  au 
conftruéieur  à  la  donner ,  &  d'en  fouf- 
trairc   le  poids  de  la   mâture,  gréement. 


A  R  R 

reclinngc ,  artillerie  ,  munitions  de  guerre  &: 
de  bouche  ,  des  hommes  avec  leurs  armes 
&  bagages  ,  &  généralement  de  tout  ce  qui 
doit  entrer  dans  le  vailkau  ,  le  refte  donne- 
roit  la  quantité  de  lell  qu'il  faut  prendre 
(  lorlqu'on  fuit  cette  règle  ,  on  cllime  ù  trois 
cents  livres  le  poids  de  chaque  homme  <!k  de 
fcs effets)  :  mais  la  difficulté  de  cuber  routes 
ccschofeSj  &c  le  peu  de  certitude  que  l'on  doit 
avoir  fur  le  jaugeage  du  vailleau  tait  par 
le  conftrutteur  ,  rendent  cette  méthode 
prefqu'impraticable.  Dans  la  pratique  on  le 
contente  donc  de  juger  du  mieux  qu'on 
peut  des  capacités  du  vailleau,  de  le  com- 
parer avec  celles  d'un  vailleau  de  même  rang 
qui  a  navigué  ,  &  de  déterminer  là-dellus 
la  quantité  deleff  que  l'on  doit  prendre.  Si 
levaiffeaua  déjà  été  à  la  mer,  on  fè règle 
fur  l'état  que  l'on  tient  à  chaque  campagne 
de  Varrimagd  du  vaiileau  ,  tk  de  la  façon  dont 
il  s'eft  componé.  La  fimilitude  des  vailTeaux , 
&:  le  pouvoir  que  l'on  le  ménage  d'ajouter 
une  certaine  quantité  de  left  à  la  charge  ii 
le  vaiffeau  n'etoit  point  affez  plongé  dans 
l'eau  lorlqu'il  eft  entièrement  armé  ,  rendent 
cette  méthode  luftilante  ,  quoique  fort  détec- 
tueuie  par  elle-même.  On  ne  peut  pas  de 
même  retirer  du  lefflorfque  Vûnimûgecîifim 
&  que  le  vailleau  eft  trop  calé,  maison  y  fup- 
plée  à  la  mer  en  ne  remplaçant  point  en  poids 
les  confommationsjournalieresque  l'ony  fait. 
On  lefte  tous  les  vailleaux  avec  du  fer  & 
des  pierres.  Le  left  de  fer  eft  compote  de 
vieux  canons ,  de  bombes  &c  de  boulets  de 
rebut ,  de  tronçons  d'ancres  ,  £'c.  &  il  eft 
aflujetti  par  des  lifteauxde  bois  cloués  lur 
le  fond  du  vaifTeau.  On  l'embarque  le  premier, 
obfervant  de  le  tenir  éloigné  d'un  pié  &  demi 
ou  de  deux  pies  de  chaque  côté  de  la  carlinge, 
parce  que  la  réunion  rendroit  les  mouvemens 
du  rouUs  trop  vifs  ,  &;  fatigucroit  beaucoup 
la  mâture  :  on  ne  l'éloigné  pas  trop  non 
plus  de  la  carlinge ,  pour  qu'il  ne  foit  point 
rtppuyé  fur  l'extrémité  des  varangues ,  ce  qui 
pourroit  nuire  au  vaiffeau  &  le  trop  délier. 
La  quantité  de  left  de  fer  eft  déterminée 
par  la  quantité  totale  du  left  que  l'on  veut 
prendre  ,  parce  qu'elle  eft  ordinairement 
environ  le  tiers  de  toute  la  fomme  :  on  s'en 
rapporte  à  l'eftime  pourla  mefurer ,  &  c'eft  le 
maître  canonier  du  port  qui  fait  cette  eftime. 
On  fent  combien  cette  méthode  peut  trom- 


A   R   R  451 

per ,  &  il  feroit  bien  plus  convenable  d'avoir, 
comme  dansquelques  endroits ,  des  (aumons 
de  fer  depuis  cinquante  jufqu'à  deux  cents 
livres  qui  porteroient  la  marque  de  leur 
poids.  On  y  trouvcroit  le  double  avantage 
ie  favoir  exaélement  la  quantité  de  left  de 
fer  qu'on  embarque  ,  &:  de  le  pouvoir 
diftribuer  également  ,  &  de  forte  qu'aucune 
partie  ne  feroit  plus  furchargée  que  l'autre. 
Le  Lft  de  pierre  s'embarque  enluite  :  le 
meillcureft  celui  qui  n'eft  ni  trop  gros  ni  trop 
petit  ;  mais  propre  à  Lien  engraver  les  futailles 
qui  portent  deîfus  :  qui  cff  net  &  point  mêlé 
de  terre ,  &  dont  la  pefinteur  fpécifiquc  lui 
tait  occuper  le  moins  de  place.  Un  bâtiment 
chargé  de  left  vient  s'amarrer  le  long  du  vaif- 
ieau  d'où  on  le  prend  pour  le  vuider  dans  la 
cale.  On  le  mefure  ou  avec  des  mannes  donc 
on  compte  le  nombre  &  dont  on  apefé  quel- 
ques-unes pour  avoir  le  poids  moyen  en  cha- 
cune ,  ou  par  le  jaugeage  du  bâtiment  même 
qui  l'apporte  ,  ou  enfin  onlemclure  avec  une 
caille  iufpendue  au  deff'us  du  grand  pan- 
neau ,  ik  fait  pour  contenir  un  tonneau  leu- 
lement  ,  que  l'on  vuide  lorfqu'elle  eft  plei- 
ne en  laiflant  tomber  le  fond  ,  qui,  tenu  par, 
une  charnière  ,  peut  s'ouvrir  &  fe  refermer. 
Ces  trois  méthodes  pour  connoître  le  poids 
du  left  ne  peuvent  donner  qu'un  à-peu- 
près  à  caufe  de  la  difficulté  de  cuber  les  bâti- 
mens  qui  le  portent ,  &  parce  qu'on  remplie 
plus  ou  moins  les  mannes  ou  la  caiffe  ,  qui 
d'ailleurs  ne  pefent  point  également  fous 
un  volume  égal.  Il  y  auroit  une  autre  mé- 
thode que  voici  &  que  je  rire  des  papiers 
d'un  officier  de  la  marine  diftingué  ,  & 
dont  le  nom  feul  formeroit  l'autorité  la  plus 
complète.  "  Elle  confffte ,  dit-il ,  à  faire 
une  romaine  dont  le  plateau  feroit  une 
caille  telle  que  celle  dont  on  vient  de  par- 
ler ,  &c  dont  la  verge  feroit  une  barre  de 
cabeftan.  On  fufpendroit  cette  romaine  au 
grand  panneau  par  le  moyen  de  cordes  que 
l'on  attacheroit  à  des  barres  mifes  fur  le 
fécond  pont  :  à  l'autre  extrémité  de  la  verge , 
on  mettroit  un  poids  qui  feroit  en  équilibre 
avec  la  caillé ,  étant  remplie  &  pelant  un 
tonneau.  On  rempliioit  cette  caifle  ,  & 
dès  qu'elle  feroit  lever  le  poids  du  bout 
de  la  verge  ,  on  feroit  sur  que  le  left  qui 
y  ieroit  peferoit  un  tonnealu.  Cette  métho- 
de paroit  d'autant  meilleure  ,  qu'elle  ne  pa- 

HhK  1 


4-5  i  A  R  R 

roit  avoir  aucun  des  iuconvénieiis  des  prc- 
ccdenrcs,  &  qu'elle  ne  (eroir  p:»s  bien  em- 
hirriflanre  :  li  on  trouvoit  que  h  pelanteur 
d'un  tonneau  fut  trop  grande  on  pourroit 
faire  la  caille  d'un  demi-tonneau.  " 

On  doit  avoir  l'attention  ,  lorlqu'on  em- 
barque le  left  de  pierre  ,  de  mettre  en  de- 
hors du  vaifleau  un  prélat  qui  prenne  de- 
puis le  fabord  par  ou  on  le  fait  palier,  jui- 
que  dans  le  bâtiment  qui  l'a  apporté  ,  afin 
qu'il  n'en  tombe  point  à  la  mer  entre  les 
deux  bâtimens ,  ce  qui  à  la  longue  pour- 
roit giter  le  port.  On  met  auffi  des  plan- 
ches en  dedans  du  vailleau  appuyées  îur  le 
feuillet  de  ce  même  fabord  ,  par  lequel  on 
embarqué  le  left  ,  &  fur  lefquelles  on  fait 
courir  les  mannes  pleines  julqu'au  grand 
panneau  ,  ou  jufqu'à  la  caiflé  où  on  les 
vuide.  A  mefui  e  qu'on  le  jette  dans  la  cale , 
les  matelots  ont  loin  de  le  répandre  avec 
des  pelles  &  de  le  placer  comme  on  a  dé- 
terminé de  le  faire  ,  foit  en  avant,  loit  en 
arrière ,  foit  en  dos  d'âne  ,  foir  d'une  ma- 
nière horizontale  ;  c:s  tout  le  monde  n'eft 
pas  d'accord  fur  la  façon  de  placer  le  left , 
ëc  c-'cft  ce  dont  il  faut  ici  parler, 

Plufieurs  perfonnes  veulent  qu'on  place 
le  left  de  façon  que  le  vailfeau  ait  la  mcme 
oJiférence  de  tirant  d'eau  après  qu'il  eft 
îefté,  qu'auparavant  lorfqu'il  ctoit  entière- 
ment vuide.  Cette  méthode  Hms  doutepeut 
être  fuivic  avec  fucccs  dans  quelques  bàri- 
mens,  mr.is  en  faire  une  règle  générale  & 
v.niverfclle  ,  la  mauvaife  foi  &  l'entêtemenr 
peu'^ent  feuls  le  confciller.  Qiie  l'on  com- 
pirc  en  effet  deux  vaiilèaux  dont  l\in  ait 
bcaucoap  de  cap.itité  de  l'arriére  relative 
îTïent  à  l'avant ,  S<  donc  l'autre  au  contraire 
«1  ait  beaucoup  de  l'avanc  ,  &  peu  de  l'ar- 
jierej  il  eft  évident  que  le  premier  de  ces 
vaifleaux  étant  entiéremciit  vuide  ,  aura 
peu  de  dilfértjice  de  tirant  d'eau ,  &  que 
l'autre  en  aura  une  çoniîdérablei  G  cepen- 
dsnton  lefte  ces  deux  bfttimcns ,  en  les  laif- 
fclnt  à  la  mçmc  difFiicnce  que  chacun  d'eux 
-avoir  avant  d'être  iefté  ,  il  arrivera  que  com- 
me dans  les  vailleaux  la  place  de  la  plupan 
des  cho.'es  tft  marquée  ,  &  qu'on  ne  peut 
changer  ,  par  exemple ,  la  f  laee  des  canons , 
des  cables ,  des  ancres  ,  &c.  il  arrivera  , 
dis-jc  ,  que  le  premier  vaifTeau  dont  les  ca- 
pacités OC  raiïicre  font  grandes  ne  colcw 


A  RR 

pas  plus  fous  fa  charge  par  l'arriére  que  par 
l'avant  :  au  contraire  même  ,  comme  les 
poids  placés  de  l'avant  dans  les  vaifleaux 
font  beaucoup  plus  conlidérables  que  ceux 
que  Ion  place  de  l'arriére  ,  ce  vaifleau  peut 
être  réduit  à  n'avoir  point  du  tout  de  diffé- 
rence ,  ou  même  à  tirer  plus  d'eau  de  l'a- 
vant que  de  Parritre:  Se  l'expérience,  ainlî 
que  le  railonnemenr  ,  démontrent  qu'un 
vaifleau  ainll  arrimé  navigueroit  très-mal, 
&  ne  gouverneroit  point.  Le  fécond  viiC 
(eau  toniberoit  dans  un  autre  excès ,  moins 
nuilible  à  la  vérité,  mais  qui  contribv.eroit 
aulÏÏ  à  le  faire  mal  navigvKr.  Il  faut  donc 
placer  le  left  de  forte  qu'il  mette  le  vaiffeaii 
à  une  différence  telle  que  le  refte  de  la  char- 
ge le  ramené  à  celle  qui  lui  eft  la  plus  avan- 
tageufe  pour  le  bien  comporter  à  la  mer. 
C'eftau  conftrucfteur  qui  a  tait  le  vaifleau  à 
la  calculer  &:  à  la  donner  ;  comme  cepen- 
dant ,  quelqu'habile  qu'il  foit ,  il  peut  fe 
tromper,  on  a  la  précaution  d'avoir  du  left 
volant  que  l'on  puiffè  placer  en  avant  ou 
en  arrière  pour  corriger  fbn  erreur  ,  Se  ra- 
mener le  vaifleau  à  la  différence  du  tirant 
d'eau  qu'on  veut  lui  donner.  Lorsque  le 
vailTeau  a  déjà  fait  campagne  ,  on  doit  rou- 
jours  s'informer  de  la  fiçon  dont  il  étoit  ar- 
rimé ,  &  dont  il  s'eft  comporté  ,  car  il  eft 
d'un  grand  avantage  de  pouvoir  s'appuyer 
Iur  l'expérience. 

On  ne  convient  point  non  plus  générale- 
ment que  l'on  doive  placer  le  lelt  horizon,- 
talemtnt  6c  de  niveau  ;  quelques  perfon- 
nes  le  relèvent  en  dos  d'âne  au  milieu  du 
vaifleau  ,  &  le  font  aller  en  baillant  vers 
les  côtés.  Cette  méthode  eft  cependant  peu 
fuivie,  &  elle  paro't  fujette  à  quelques  in- 
convéniens  i  le  left  plus  raraafle  au  cen- 
tre ,  rei-.d  les  mouvemens  du  vaifleau  plus, 
Vifs  ,  &  les  futailLs  qui  doivent  porter 
fur  le  left,  participmt  à  cette  pofltion , 
fcrr.bknt  moins  bien  afljjettics. 

Les  matelots  qui  répandent  à  droite  Se  à 
gauche  dar.s  la  cale  le  left  que  l'on  y  jette  , 
s^'aflurent  de  la  diftribur'on  égale  qu'ils  en 
lont ,  à  l'aiJe  d'une  hgne  verticale  que  l'on 
trace  liir  une  des  apontilles  ,  &  d'un  fil  h 
plomb attachéau  haut  decette  même  apontil- 
le.  On  po'eune  reg'c  fur  le  left  .  &  .avec  un 
grand  niveau  pareil  1  c  ux  des  menuiflers  eu 
desnwçoH$,.on  î'aflure  s'il  eft  bien  hori« 


A   R  R 

zcnul  ;  &  quant  à  la  polîrloii  fi:r  l'avant 
ou  fur  l'srritre  ,  on  la  dirige  en  examinant 
joiivcnt  le  tirant  d'eau  :  il  faut  pour  cela 
avoir  artcntion  que  le  vaifteau  ne  loit  point 
lurcliargé  d'aucun  poids  qui  puille  rendre 
cet  examen  faux  «Se  inutile  ;  Se  li  l'on  ne  peut 
s'en  debarralltr  tout  à  fait ,  au  moins  uoit- 
on  en  diminuer  l'inconvénient  tn  le  plaçant 
vers  le  centre  du  vailleau. 

Le  ki\  volant  dont  on  a  parlé  plus  haut  , 
fe  met  osdinaiiement  ious  la  plate-forme 
de  la  folle  aux  cables ,  &  on  ne  le  change  de 
place  que  dans  le  cas  cité  où  1  on  veut  mettre 
le  vailleau  à  un  tirant  d'eau  différent.  Ce 
Icft  volant  cft  en  fer ,  ts;  compote  de  pièces 
maniables  «Se  affez  régulières. 

Lorlque  le  left  ell:  embarqué  &  diftri- 
bué  ,  on  doit  prendre  le  tirant  d'eau  du 
vailleau  tant  de  l'avant  que  de  l'arriére  ,  & 
en  garder  la  note  afin  de  s'en  tenir  à  ce 
mî-me  tirant  d'eau ,  fi  le  vailleau  s'eft  bien 
comporté  à  la  mer  ,  ou  de  le  changer  11  l'on 
juge  qu'il  étoit  dcfavantageux.  Au  retour 
de  la  campagne ,  on  doit  communiquer  cette 
noce  avec  toutes  les  autres  remarques  faites 
fur  le  vailleau  ,  afin  que  ceux  qui  iront  cn- 
fuite  dellus  à  la  mer  puillènt  en  profiter  : 
c'cft  au  contrôle  du  port  que  l'on  fait  ce 
dépôt.  Le  left  arrangé  ,  on  travaille  à  l'ar- 
rimage des  futailles  ;  on  fe  règle  pour  la 
quantité  que  l'on  doit  en  prendre  ,  fur  le 
r.ombre  d'hommes  d'équipage  que  l'on  a, 
fur  les  traverfées  qu'on  a  a  faire  ,  &  fur  ce 
que  la  cale  peut  contenij.  L'ordonnance 
fixe ,  dans  les  vaiflcaux  de  guerre ,  à  une  ba- 
rique  &  un  quart  d'eau  par  jour  la  provifion 
nécelkire  à  cent  hommes  ;  &c  tout  vailleau 
qui  fait  un  voyage  de  long  cours ,  prend  au 
moins  les  futailles  nécelTnres  pour  loixante- 
dix  jours  d'eau.  Il  eft  effènriel  dans  la  façon 
de  faire  Ion  arrimage  ,  de  le  rendre  fclide  , 
6i;  de  bien  ménager  le  terrain  :  pour  remplir 
ce  dernier  objet ,  on  melure  la  cale  avec 
exactitude  en  rous  fens ,  depuis  la  cloifon 
de  la  folle  aux  c'bles  ,  où  on  doit  com- 
mencer à  mettre  les  futailles  ,  jufqu'à  la 
cloifon  de  la  foute  aux  poudres  ;  &  comp.a- 
rant  fes  proportions  avec  celles  des  futailles , 
on  fe  détermine  au  choix  &  à  l'arrangement 

?|ue  l'on  juge  les  plus  avantageux.  C'eftaulïî 
ur  cet  exameji  que  l'on  po'c  une  cloilon 
dont  l'uiage  eft  de  leparer  l'eau  du  vin,  6< 


A  R  R  45  3 

qui  forme  deux  cales ,  dont  celle  de  l'arriére 
deftinée  pour  le  vin,  ell  lans  communica- 
tion avec  la  grande  cale  ou  cale  à  l'eau. 
Cette  cloilon  s'appuie  ordinairement  fur 
l'avant  du  faux-bau  ,  qui  cil  le  plus  près  en 
arrière  de  la  cloilon  de  l'arcloi-pompe  qui 
fait  face  à  l'avant  du  vailleau  :  cependant  ce 
qui  doit  lervir  de  règle ,  c'cft  de  la  placer 
de  forte  qu'on  ne  perde  point  de  place ,  & 

3u'il  ne  relie  point  un  vuide  inutile  entre  le 
ernier  rang  de  futailles  6'c  la  cloifon. 
On  embarque  les  futailles  à  l'eau  vuides , 
&:  on  les  delcend  dans  la  cale  avec  les  palans 
d'étai,  &  le  bredindiii.  La  longueur  des  fu- 
tailles le  met  dans  le  fens  de  la  longueur 
du  vailleau  ;  &  on  commence  à  placer  celles 
qui  doivent  toucher  la  cloilon  de  la  folle  aux 
cables.  La  largeur  du  v.-iifleau  ,  à  cet  en- 
droit ,  détermine  fi  le  nombre  des  futailles 
qui  doivent  former  ce  premier  rang ,  eft  pair 
ou  impair  ;  s'il  eft  pair  ,  c'eft  l'entre-deux 
de  deux  pièces  qui  répond  au  milieu  du 
vailleau  -,  s'il  eft  impair ,  on  pôle  la  première 
pièce  au  milieu  m3me  du  vailleau  ,  &  on 
met  les  autres  à  droite  &  à  gauche  jufqu'à 
toucher  les  deux  cotés.  On  met  des  pièces 
plus  petites  aux  extrémitc's  du  rang  ,  fi  le 
vailleau  trop  étroit  ne  permettoit  pas  d'en 
mettre  de  même  grolleur  ,  ou  l\  les  façons 
élevoient  les  deux  dernières  futailles  plus  que 
les  autres.  Toutes  ces  futailles  doivent  être 
enfoncées  dans  le  left  de  quelques  pouces  de 
profondeur  ,  afin  qu'elles  fo'cnt  mieux  afi'u- 
jeuies  ;  &  on  braie  cette  partie  pour  qu'elle 
ne  participe  point  A  l'humidité  du  left  :  on 
appelle  cela  les  engraver.  Il  faut  que  le  trou 
de  la  bonde  foit  bien  au  defTus  ;  que  chaque 
pièce  ne  loit  pas  plus  élevée  de  l'avant  que  de 
l'arriére  ,  qu'aucune  d'elles  ne  fe  dépafle  ni 
en  hauteur  ni  par  les  bouts  >  &  que  toutes  fe 
touchent  par  le  ventre  fans  ceir^r  d'avoir 
leur  lor.gueur  parallèle  à  la  longueur  du  vaif- 
leau.  On  les  place  dans  cetce  lituation  à 
l'aide  de  deux  boats  de  corde  ,  piHis  Ious  la 
fut.a;lle  en  avant  &  en  arrière  ,  avec  lefqueis 
on  peut  la  foulcver ,  5c  retirer  ou  avancer  le 
left  qui  eft  deilous  ;  puis  on  s'aflure  qu'elles 
l'ont  acquiie  avec  la  règle  &  le  niveau.  A 
mcfure  que  chaque  pièce  eft  en  place  ,  on 
l'appuie  avec  des  cailloux  du  left,  jufqu'à  ce 
que  le  premier  rang  étant  fini ,  on  vilite  de 
nouveau  li  toutes  les  pièces  font  bien  dans  la 


454  A  R  R 

iituation  où  elles  doivent  être.  Alors  on 
met  entre  chaque  futaille  ,  tant  pardeflous 
que  pardefl'us  ,  de  petits  rondins  de  bois  ou 
des  bûches  fendues  &  taillées  exprès ,  qui 
remplillent  exaftement  le  vuide  occafioné 
par  leur  rondeur  ou  bouge.  Ce  bois  porte  le 
nom  de  bois  à' arrimage  :  il  eft  uniquement 
deftiné  à  cela  ;  on  le  choilit  droit ,  &  on  lui 
donne  peu  de  longueur ,  parce  qu'il  en  eft 
plus  commode  &  plus  propre  à  remplir  Ion 
objet.  Entre  la  dernière  pièce  &c  le  côté  du 
yaifièau  ,  il  faut  mettre  le  plus  de  bois  que 
l'on  peut ,  pour  bien  affermir  routes  les  fu- 
tailles ,  &  leur  oter  tout  moyen  d'acquérir  du 
jeu  par  les  roulis  du  vaiftèau. 

Qiielques  perfonnes  veulent  laiffer  un 
pouce  ou  deux  d'intervalle  entre  les  futailles, 
de  crainte  qu'elles  ne  s'écraient  dans  le  rou- 
lis ;  &  ils  ne  les  aftermillent  que  par  les  bois 
qu'ils  mettent  entre  deux  :  mais  cette  mé- 
thode paroît  mauvaife.  On  perd  du  ter- 
rain ,  &c  les  pièces  au  contraire  femblent 
moins  bien  aflujetties  ;  car  ù  le  bois  n'eft  pas 
mis  avec  force  entre  elles ,  elles  peuvent  ac- 
quérir du  jeu ,  alors  elles  fe  choqueront  & 
courreront  bien  plus  de  rifque  que  fi  elles  fe 
touchoient. 

Le  premier  rang  fini ,  on  en  fait  un  fé- 
cond. Quelques-uns  veulent  que  les  pièces 
du  fécond  rang  correlpondent  à  celles  du 
premier  ;  d'autres  veulent  que  le  centre 
de  chaque  pièce  réponde  à  l'entre  '  deux 
des  pièces  du  premier  rang  :  la  première 
méthode  eft  plus  généralement  luivie  ;  ce- 

f)endant  l'on  doit  f  uivre  celle  qui  procurera 
e  plus  de  place  ;  &:  l'on  doit  pour  cela  con- 
fulter  à  chaque  rang  la  largeur  du  vaifleau 
qui  varie.  On  continue  ainfi  à  faire  des  rangs 
toujours  avec  les  mêmes  précautions  que  l'on 
a  employées  pour  le  premier  ,  jufqu'à  la 
cloifon  qui  fépare  les  deux  cales.  Quelque- 
fois on  eft  obligé  de  placer  les  futailles  d'au- 
près de  l'archi-pompe  dans  un  lens  contraire 
à  celui  des  autres  futailles ,  c'eft-à-dire  ,  de 
les  placer  perpendiculairement  à  la  longueur 
du  vaifleau  :  on  appelle  cette  façon  -  là  , 
dans  quelques  endroits,  mettre  les  pièces  en 
fireton, 

j..  La  fomme  de  tous  ces  rangs  s'appelle 
plijn  :  Se  \ç  plan  dont  on  vient  de  fuivre  le 
détail ,  ou  le  moins  élevé  qui  porte  diredte- 
cae;it  lur  le  left ,  s  appelle  pranittr  plan.  Les 


A  RR 

futailles  qui  compofent  le  premier  plan  ,; 
font  ordinairement  dans  les  gros  vailleaux 
des  pièces  de  quatre  ;  dans  les  frégates ,  des 
pièces  de  trois,  &  dans  les  corvettes,  des  pièces 
de  deux  :  cette  règle  n'eft  cependant  poinc 
invariable. 

Il  y  a  eu  des  bâtimens  dans  lefquels ,  par 
un  défaut  de  conftrudtion ,  on  ne  pouvoir 
point  mettre  de  left  de  l'avant  ou  de  l'arriére  j 
alors  on  met  des  fagots  au  fond  du  vaifleau , 
fur  lefquels  on  arrime  les  futailles  ,  parce 
qu'elles  ne  feroient  jamais  auffi  ftables ,  fi 
elles  portoient  fur  le  vaigrage  même.  Quel- 
quefois aulTi ,  lorlqu  on  craint  moins  de  char- 
ger le  bâtiment  lur  l'avant  que  lur  l'arriére , 
on  commence  V arrimage  par  l'arriére ,  parce 
qu'en  plaçant  les  futailles ,  on  pouffe  toujours 
un  peu  de  left  vers  le  coté  oppofé  à  celui  par 
lequel  on  commence  à  arrimer.  Une  atten- 
tion plus  importante  eft  de  favoir  quel- 
quefois fe  paflèr  de  fofle  aux  cables ,  &  de 
commencer  Varrimage  dès  la  cloilon  de  la 
foffe  aux  lions  ;  dans  ce  cas ,  on  met  les  ca- 
bles fur  un  faux-pont  qui  porte  lur  les  faux- 
baux.  Cette  méthode  n'eft  point  toutefois 
exempte  d'inconvénient ,  &  il  en  refaite  que 
les  cables  font  plus  difficiles  à  manier,  & 
qu'ils  font  fujets  à  être  gâtés  par  l'eau  ,  que 
l'on  eft  dans  la  néceflîté  de  prendre  &  de 
mettre  dans  la  cale  ,  is:  dont  il  eft  prelque 
impolTible  de  garantir  les  cables.  On  peut 
gagner  aulfi  du  terrain  en  engr.ivant  les  fu- 
tailles jufqu'à  la  bonde  ;  il  faut  alors  avoir 
l'atteiition  de  la  hrayer  entièrement  ,  pour 
les  ptéferver  de  l'humidité  du  left. 

Le  premier  plan  étant  fait  ,  on  remplit 
les  futailles  d'eau  ;  on  n'attend  même  point 
toujours  pour  cela  que  le  plan  entier  loit  fini. 
On  fe  fert ,  pour  remplir  les  futailles ,  d'une 
manche  quelquefois  de  cuir  ,  mais  plus  or- 
dinairement de  toile  Ibutenue  par  les  quatre 
coins  à  deux  barres  de  c.ibeftan ,  miles  en 
travers  du  panneau  du  milieu  lur  le  lecond, 
pont.  La  manche  delcend  dans  la  cale  par 
le  grand  panneau  ;  &  un  matelot  en  intro- 
duit le  bout  confécutivement  dans  chaque 
futaille.  On  loutient  la  manche  avec  des 
planches  dans  les  endroits  où  elle  s'appuie , 
afin  de  lui  donner  une  direûion  plus  droite, 
qui  facilite  à  l'eau  de  couler  ,  ik.  l'empêcher 
de  ie  crever  fur  les  inégalités  du  bois  A'arri- 
mage.  On  a  foin  encore  de  mettre  unemaiinc 


ARR 

à  l'eDibouchure  Je  h  m.inchc  ,  pour  qu'il 
n'y  tombe  aucune  ordure.  L'eau  eft  appor- 
tée à  bord  dans  les  b.iriques  que  l'on  hille 
dans  le  vaiflèau  avec  les  palans  d'étai  ;  on 
appuie  ces  banques  dans  ks  deux  barres  de 
cabelbn  ,  qui  Ibunennent  la  manche.  Se 
on  les  vuide  ainfi  dircdemcnt  dan:;  la  man- 
che. La  poiition  du  palan  d'étai ,  perpendi- 
culaire au  grand  pum'eau  ,  appelî.;  les  ba- 
nques que  l'on  hille  à  cette  même  direc- 
tion ;  &  elles  s'y  rendroient  avec  une 
vivacité  dangereufe  ,  dès  qu'elles  viennent 
à  parer  le  bord  &;  à  pouvoir  s'échapper  au 
delllis  du  panè-a\'ant ,  li  l'on  n'y  remédioit 
par  le  moyen  d'un  cordage  que  l'on  appelle 
trape  ,  que  l'onamarrede  derrière  aux  grands 
haubans  ou  à  quelque  tr.quet ,  &  qui  le  rend 
fur  le  gaillard  d'avant,  où  un  matelot  le  re- 
tient après  lai  avoir  lait  faire  un  tour  ou 
deux  fur  un  taquet  ou  jambe-de-chien.  Ce 
cordage  retient  la  barique  ;  &  elle  ne  peut 
fe  rendre  à  fon  appel  qu'à  mefure  que  l'on 
file  de  la  trape.  Cette  fa(jOn  d'embarquer 
l'eau  cft  la  plus  ufitée ,  quoique  la  plus  péni- 
ble &c  la  plus  longue  ;  parce  qu'on  ne  peut 
s'en  procurer  de  phis  commode  dcns  la  plu- 
part des  ports  :  lorfqu'on  le  peut ,  on  fe  lert 
de  citernes  flottantes  ,  qui  contiennent  de- 
puis 30  jufqu'à  jo  tonneaux  d'eau  :  elles 
âccoftent  le  vaiflèau  ;  &  par  le  moyen  des 
pompes  alpirantcs  &:  foul'.ntes  dont  elles 
font  m.unies ,  on  fait  palier  l'eau  dans  les 
futailles.  Quelquefois  le  vaiflèau  va  s'ammar- 
rer  auprès  d'une  fontaine  ;  &  on  fait  venir 
l'eau  à  bord  à  l'aide  d'une  manche  amarrée 
fur  le  tuyau  de  la  fontaine:  ce  derniermoyen 
fur-tout  ert  extrêmement  avantageux  ,  parce 
qu'il  eft  très-expéditif ,  &  ne  donne  nulle 
peine.  Aulïî-tot  qu'une  pièce  eft  pleine  ,  on 
cloue  pardeflus  la  bonde  un  morceau  de 
toile  à  voile  pour  tenir  lieu  de  tampon.  Avant 
de  travailler  au  fécond  plan  ,  on  vihre  (î  les 
pièces  du  premier  n'ont  point  coulé,  pour  y 
.     remédier  ou  les  changer. 

Ce  premier  plan  fait  ,  on  travaille  à  fiire 
le  fécond  ,  c'eft-à-dire  ,  à  placer  d'autres 
futailles  pardeifus  celles  qui  portent  fur  le 
left.  Quelquefois  les  pièces  du  (econd  plan 
font  aulîl  grofles  que  celles  du  premier  , 
quelquefois  elles  lont  plus  petites  :  cela  dé- 
pend de  la  hauteur  de  la  cale  &  de  la  quan- 
tité d'eau  qu'il  faut  embarquer.  En  général 


ARR  45s 

plus  les  pièces  font  grofles  ,  &  moins  on 
perd  de  place.  On  commence  le  fécond  plan 
par  l'avant  ;  cv  on  pofe  les  pièces  ou  directe- 
ment lur  la  bonde  d  ,  celles  du  premier  plan 
ou  bien  dans  l'entre-deux  des  pièces ,  fuivant 
le  terrain  qu'il  faut  toujours  ménager.  On 
obfcrve  d'ailleurs  pour  ce  fécond  plan  exac- 
tement les  mêmes  précautions  que  pour  le 
premier  ;  <!^  c'cft  avec  le  bois  iWirrimag^ 
qu'on  les  appuie  &  qu'on  leur  donne  la  hcua- 
tion  qui  convient.  Si  ce  fécond  plan  ne  fuf- 
fit  pas ,  on  en  fait  un  troifieme. 

Les  futailles  pour  le  vin  s'arriment  dans 
la  cale  au  vin  de  la  même  manière  que  l'on 
a  arrimé  celles  qui  contiennent  l'eau.  On 
les  engrave  dans  le  left;  ou  on  répand  au  fond 
de  la  cale  des  fagots  (ur  lefquels  elles  por- 
tent :  on  les  accore  avec  du  bois  d'arri- 
mage ,  &  on  leur  donne  la  même  fitnation 
horizontale  ,  &'c.  Pour  les  remplir ,  on  fe  (ert 
d'une  manche  de  cuir  ,  placée  au  deflus 
du  panneau  de  la  cale  aux  vivres ,  comme 
on  a  placé  celle  de  l'eau  au  deflus  du  grand 
panneau.  On  hifle  à  bord  les  bariques  de 
vin  que  l'on  a  pril es  aux  magaiuis ,  Se  on  les 
vuide  dans  la  manche  ,  dont  le  bout  def- 
cend  dans  la  cale ,  &  eft  introduit  coniécu- 
tivement  dans  chaque  futaille.  On  l'appuie 
fur  des  planches  pour  qu'elle  ne  le  crevé 
point  fur  les  inégalités  du  bois  d'arrimage  , 
Se  on  place  des  gens  surs  à  l'embouchure  de 
la  manche  ,  dans  l'entre- pont  par  où  elle 
pafle ,  &  dans  la  cale  pour  empêcher  qu'on 
ne  prcnn.e  du  vin  ,  ou  que  quelqu'un  ne 
perche  la  manche  ,  &  avertir  Ci  elle  couloir. 
L^n  officier  inipeéte  toujours  ce  travail.  Pour 
ne  point  répandre  de  vin  en  changeant  la 
manche  d'une  futaille  à  l'autre  ,  on  met  un 
trévire  :iu  bout  de  la  manche  pour  la  mieux: 
ferrer  qu'avec  la  main  :  ce  trévire  eft  une 
corde  qui  entoure  la  manche  par  le  moyen 
de  laquelle  on  peut  la  ferrer  en  tordant  cette 
corde  avec  force  ,  à  l'aide  d'un  morceau  de 
b-ois.  On  bouche  les  pièces  aufTi-tôt  qu'elles 
Com  pleines  avec  un  tampon  de  hcgc,  Sc 
on  cloue  pardeffus  une  plaque  de  fer  blanc. 
Cette  façon  d'embarquer  le  vin  eft  lujette  à 
l'éventer  ;  auflî  lorfqu'on  n'eft  point  trop 
preflé  dans  fon  armement ,  on  defcend  les 
bariques  de  vin  dans  la  cale  ,  &  en  les  vuide 
dans  les  futailles  déjà  arrimées ,  par  le  moyen 
d'un  grand  entonnoir  ;  mais  cette  méthode 


45^  A  R  R 

eO:  beaucoup  plus  lente.  On  ne  peut  guère 
cependajit  le  difpenfer  de  s'en  fervir  ,  lorf- 
que  le  vin  cft  fulpeét  ou  a  peu  de  corps.  Si 
l'on  embarque  de  l'eau-de-vie  pour  la  boif- 
fon  de  l'équipage  ,  on  ne  la  Hiit  jamais  palier 
par  la  manche  ;  mais  on  emploie  ce  dernier 
moyen.  Il  eft  plus  convenable  encore  de  ne 
point  du  tout  la  tranivaier,  mais  d'en  arri- 
mer les  pièces  pleines  S:  telles  qu'elles  vien- 
nent des  vivres  :  il  faut  pour  cela  que  les 
futailles  foient  bonnes  &  bien  cerclées.  Lorl- 
qu'un  premier  plan  de  vin  ne  fuffit  pas  ,  on 
en  fait  un  fécond  imaistoujoursdeux  luffifenc. 

C'eft  dans  la  cale  au  vin  que  l'on  plice 
les  quarts  de  farine ,  les  quarts  de  viande , 
les  banques  de  fromage  ,  celles  de  marue  , 
&  enfin  tous  les  vivres  de  l'cquipige  ,  aux 
légumes  &  au  pain  près  ,  qui  ont  des  foutes 
particulières.  On  arrange  le  tout  le  plus  con- 
venablement qu'il  e(ï  poiïîble  ,  pour  que  les 
cho(es  ne  fe  gênent  point  les  unes  les  autres, 
lorfqu'on  veut  s'en  fervir  &  les  confommer, 
{jour  ménager  la  place  ,  &  pour  que  tout 
ibit  lolidement  établi.  La  cale  au  vin  ne 
s'étend  pas  toujours  jufqu'à  la  cloifon  de  la 
foute  aux  poudres  :  ordinairement  même  , 
en  fait  un  retranchement  que  l'on  appelle 
cave  du  capitaine  ,  formé  par  une  cloifon 
mile  en  avant  de  la  loute  aux  poudres ,  & 
qui  termine  la  cale  au  vin.  Son  nom  fèul 
déligne  alTez  quel  cft  l'on  ufage  :  elle  fert 
auffi  au  capitaine  à  ferrer  grand  nombre  de 
provifions  qui  lui  font  ncceflaires  pour  fa 
table.  La  cave  du  capitaine  n'eft  cependant 
pas  toujours  fituée  en  cet  endroit  ;  quelque- 
fois on  la  fait  entre  la  cale  de  l'eau  ts:  celle  au 
vin  des  deux  cotés  de  l'archi-pompe.  Lorf- 
que  les  quarts  de  farine  &c  de  lard  ne  pcu- 
venr  pas  tous  tenir  dans  la  cile  au  vin , 
on  en  place  dans  la  cale  à  l'eau ,  &  On  a  foin 
alof  s   de    conlommer  ceux-ci  les  premiers. 

Dans  l'arrimage  de  la  grande  cale ,  on  doit 
avoir  attention  de  rclerver  une  place  pour 
pouvoir  y  faire  un  échafaud ,  en  cas  de  com- 
bat ,  pour  les  malades  &  les  bielles.  C'efl: 
encore  dans  la  grande  cale  ,  au  delliis  du 
rroideme  plan  ^n:  en  avant  à  toucher  la  cloi- 
fon de  la  folfe  aux  cables  que  l'on  met  le 
bois  à  briiler  :  on  en  place  aulïi  dans  tous 
les  vuides  que  laillènt  entr'elles  les  différen- 
tes chofcs  qui  fe  pl.icent  au  dcfl'us  du  troi- 
ficme  plan.  De  fc  romlire  lonr  les  bariques 


A  R  R 

deflinées  à  aller  faire  de  l'eau  dans  la'clia- 
loupe  pendant  le  cours  de  la  campagne  ;  les 
barils  de  galère  ,  &c.  On  affermit  bien  le 
tout ,  &  on  le  rend  inébranlable  même  dans 
le  roulis  le  plus  fort.  Il  n'eft  pas  difficile  de 
fentir  l'importance  attachée  à  la  folidité  de 
l'arrimage;  auffi  y  apporte-t-on  lesplusgrands 
foins.  On  allure  cependant  qu'il  y  a  eu  des 
vaillèaux  dans  lefquels  l'arrimage  s'étôit  dé- 
rangé à  la  mer  ;  dans  pareils  cas ,  il  faudroit 
chercher  la  relâche  la  plus  prociiaine  ,  Hc 
remédier  cependant  au  plutôt ,  &  du  mieux 
que  l'on  pourroit,  à  ce  contre-temps.  (J/. 
le  chevalier  DE  LA  Coudraye.) 

ARRIMER  ,  V.  acl.  (  Alarme.  )  c'efl: 
placer  &c  arranger  d'une  manière  convena- 
ble la  cargailbn  d'un  vaiflèau.  Un  vaiffeau 
mal  arrimé  ,  eft  celui  dont  la  charge  eft  mal 
arrangée ,  de  façon  qu'il  eft  trop  fur  l'avant 
ou  lur  le  cul ,  ce  qui  l'empêche  de  gouver- 
ner :  cela  s'appelle  lur  les  mers  du  levant , 
é:re  mal  mis  en  e/live,  C'eft  aufTî  un  mauvais 
arrimage  ,  lorfque  les  fiit.TJlles  le  déplacent 
Se  roulent  hors  de  leur  place  :  de  forte  qu'el- 
les fe  heurtent ,  fe  défoncent  ,  &:  cauicntdc 
grands  coulages.  Par  l'ordonnance  de  1671, 
il  eft  défendu  de  défoncer  les  futailles  vuid-js  , 
&de  les  mettre  en  fagot,  &c  otdonné  qu'elles 
leront  remplies  d'eau  ialée  pour  lervir  à  l'ar- 
rimage des  vaillèaux. 

ARRIMEUR  ,  f.  m.  Voy.  Arrumeur. 

ARRISER  ,  amener  ,  abaijfcr  ,  mettre  bas, 
v,  aâ:.  (  Marine.  )  on  dit  qu'un  vailleau 
a  arrifé  fes  huniers  ,  fes  perroquets ,  pour 
dire  qu'il  a  baiffé  ces  lortcs  de  voiles» 

Arriser  les  verges  ,  (  Marine  )  c'eft  les 
bailler  pour  les  attacher  fur  les  deux  bords 
du  vibord.  (Z) 

ARRIVAGE,  f.  m.  terme  dépolie;  ,  qui 
fîgnihe  l'abord  des  marckandifes  au  port.  {H\ 

Ai^RIVER  ou  obéir  au  vent,  terme  de 
marine.  Pour  arriver  ,  on  poulie  la  baire  du 
gouvernail  fous  le  vent ,  îk:  on  manœuvre 
comme  fi  on  vouloit  prendre  le  vent  en 
poupe  ,  lorfqu'on  ne  veut  plus  tenir  le  vent: 
ainli  on  fait  arriver  le  vaifttîau  pour  aller  à 
bord  d  un  autre  qui  eft  fous  le  vent  ,  oupoiiT^ 
éviter  quelque  banc. 

Arrive  \  cela  fe  dit  par  commandement 
au  timonier  pour  lui  faire  poullèr  le  gou- 
vernail ,  afin  que  le  vaifteau  obéillê  au  vent, 
&  qu'il  mette  vent  en  poupe. 

Arrivf 


A  R  R 

Arrii-t  fous  le  vent  à  lui ,  n'arrive  fd.f ; 
c'cft  un  coinm.indemenc au  timonier,  pour 
qu'il  gouverne  le  vailleau  plus  vers  lèvent, 
ou  qn  il  tienne  plus  le  vent. 

Arrive  tout;  terme  de  commandement 
q\ic  rofiîcicr  prononce ,  pour  obliger  le  ti- 
monier À  pou  fier  la  barre  fous  bTcntjCorainc 
s'il  vouloir  fairc  veut  arrière. 

Akvjvzv.  fur  un  vaîjfer.u  ,  c'eft  aller  à  lui 
en  cbi-ifTint  au  vent ,  ou  en  mettant  vcat  en 
poupe. 

ArvRiVF.R  â  bcnpor! ,  z'cÇi.-\-iÀïzheureu- 
fcmcnt.  (  Z  ) 

ARROCHE  ,  (  Botanique.  )  en  latin 
atriplex  ;  en  anglois,  arack  ;  en  îllemai-.d  , 
mddc  ,  genre  de  plante  compolée  de  plu  • 
lîenrs  étamines  (ans  pétales.  Les  ét.'.minc$ 
forrcnt  d'un  calice  à  cinq  feuilles.  Le 
pift.l  devient  dans  la  fuite  une  /emence 
plate  &  ronde  ,  enveloppée  par  le  calice 
ou  par  une  capfule.  On  trouve  fur  le  même 
pié  A'arTcch.e  une  autre  force  ce  fruit  qni 
n'eft  précédé  par  aucunes  fleurs  ;  il  com- 
mence par  un  embryon  ,  qui  devient  cnfuite 
un  fruit  IxMucoiip  pl'js  étendu,  compoféde 
deux  feuilles  échancrécs  en  forme  de  cœur , 
t<  places  ;  elles  ren.ferment  w\z  femence 
arroi:die  &applarie.  Tournef.  Injl.  rei  ha-b. 
^'f'v.:^  Plante. 

*  C'-n  en  dilb'ngue  trois  efj^ccs ,  la  blan- 
che, la  rouge,  la  puaute.  La  blraîche  & 
la  rouge  ne  Jitierent  que  par  la  couleur  :  on 
les  cultive  dans  les  potagers ,  elles  font 
annuelles  ;  mais  quand  une  fois  on  les  a 
femées,  elles  fe  renouvellent  d'elles-mêmes 
pr  la  clîùre  de  leurs  graines.  On  les  fait 
cuire  ,  (Se  on  les  mange  comme  les  autres 
herbes  potagères;  maiselles  font  plusd'ufage 
dans  la  médecine  que  dans  les  cuiiînes;  on 
en  emploie  les  feuilles  &  les  graines.  La 
blanche  donne  dans  l'analyfe  une  liqueur 
d'abord  limpide ,  puis  trouble  ,  enfin  jaunâ- 
tre ,  d'une  odeur  &:  d'une  faveur  un  peu 
faiée  ,  lixivieufe  ,  qui  indique  un  fel  falé 
&alkali;  une  liqueur  jaimàtre  ,  foit  {i\k'c, 
foit  alkaline  urineuie  ;  une  liqueur  brune 
imprégnée  rie  fel  volatil  urincux.  &  de  l'iiui- 
le.  La  madè  noire  reftée  dans  la  cornue, 
calcinée  au  feu  de  réverbère  ,  a  laids  des 
cendres  dont  la  leiïîve  a  donné  du  fel  'ciy.t 
purement  alkali.  Ainfi  Vnrroche  blmctie 
contient  un  fel  ellèntiel ,  falc  ,  ammoiiiacai 
Tome  IIL 


A. il    R  457 

&iiitratx,  tel  que  celui  qui  itffultcroit  du 
mjlangedel'efprit-deniire  &:  du  fel  volatil 
urineux  ,  mûlés  avec    un.c  grande  portion 
d'huile,  &  délayés  d.'us  un  peu  de  terre  5c 
dans  beaucoup  de  phlegme, 

L' arrache  ,  loit  louge,  foit  blaiiclie  , 
nourrit  peu  ,  nuit  à  l'cfloniac  ,  à  moins 
qu'on  ne  la  corr!gepar<.'esarom.ites,du  fel 
&c  du  vinaigre;  elles  font  utiles  cLmis  le:; 
bouillons  par  lefquels  on  'e  propcfe  de  lâcher 
le  ventre;  elles  font  rafraichiilàntes  Hc  humec- 
tantes :  on  les  met  au  nombre  des  émoUien- 
tes.  Elles  conviennent  fort  aux  hypocondriar 
ques  ;  elles  tempèrent  les  humeurs  acres  &■ 
bilieuîcs  qui  bouillonnent  dans  les  premières 
voies  ;  on  les  fait  entrer  dans  les  lavemens 
émoUiens  &  anodins ,  &:  cians  les  cataplaf- 
rnes,  pour  arrêter  les  inflammations,  appar- 
ier les  douleurs ,  amollir  les  tumeurs ,  relâ- 
cher les  parties  tendues ,  £v. 

Les  graines  fraîches  d'arroche  blanche 
lâchent  doucement  le  ventre  &  font  vomir, 
Serapion  raconte  que  Rhasès  avoir  vu  un 
homme  qui  ayant  pris  de  la  graine  à'armche^ 
fut  violemment  tourmenté  de  diarrhée  lJ; de 
vomiflemcnt.  Qiiclques-uns  les  recomman- 
dent dans  la  jaunille&:  le  rachicis. 

Uarroche  puante  analylée  dorme  unt 
hqueur  limpide  d'abord  ,  puis  jaun'itre  , 
d'une  odeur  &  d'une  laveur  falée lixivieufe, 
&  qui  marque  h  préfcnce  d'un  Ici  alkali 
urineux;  urxe  liqueur d abord  jaunâtre  ,  en- 
fuite  roufsâtre,  filée,  foit  alkaline  urineufe, 
ioit  un  peu  acide;  une  liqueur  brune empy- 
reumatique,  imprégiiéede  lel  volatil  urineux; 
du  lel  volatil  urineux  concret ,  &  de  l'huilç 
en  confiilance  de  graifl'e.  La  malTè  reftée 
dans  la  cornue ,  calcinée  au  feu  de  réver- 
bère, a  lailîé  des  cendres  dont  on  a  tiré  par 
lixiviation  du  lel  fixe  purementalk^li.  Toute 
la  plante  a  une  o.^eur  puante ,  ammoniacale 
&  urineufe  ;  elle  eft  compnf  e  d'un  fel 
ellemiel  ammoniacal ,  prc'que  développé  , 
&  mêlé  de  beaucoup  d'huile  grofficrc.  Elle 
paile  pour  anti-hyPcériqux  :  -elle  chalfe  les 
accès  hyftériques  par  fon  oleur ;  c'eft  là 
fur-tout  la  propriété  de  l'iuiufion  chaude  de 
fesfeuillcs.  On  peut  recommmier  les  teuilles 
fra  chcs,  pilces  &  miles  en  confiture  avec 
le  fucre ,  au:;  femmes  tourmentées  de  ces 
ifteétions.  On  peut,  félon  M.  Tourncfort , 


employer  au   même 


uC'iRC  la  teinture   des 
li  i 


458  A  R  R 

feuilles  dansrefprit  -  de  -  vin ,  5c  les  lavemens 
de  leur  décodion, 

AKKOCHE,{Arinfcau. )  Foyei  Pour- 
pier de  mer. 

^  ARROÉ ,  (  Géographie.  )  petite  île  du 
Danemarck  dans  la  mer  Baltique ,  au  nord 
de  l'île  de  Dulfen  ,  entre  l'ile  de  Fionic  Si 
le  Sud-Jutland.  Long.  s.j  ,  ao  ;  lat.  ££  ,  3.0. 

*  ARROJO  DE  SAINT  -  SERRAN, 
petite  ville  d'Efpagne  dans  l'Eftramadure. 
Long.i%,  10  ;  lût.  ^8,  40. 

ARRONDI ,  adj.  terme  de  blafon  :  il  fc 
dit  des  boules  &:  autres  chofes  qui  font  ron- 
des naturellement ,  &  qui  paroiffenc  dere- 
chef par  le  moyen  de  certains  traits  en  armoi- 
ries ,  qui  en  font  voir  l'arrondilTemenr.  (  V) 

*Medicis,  grands  ducs  de  Florence,  d'or 
à  cinq  boules  de  gueules  enorle  ,  en  chef  un 
tourteau  d'azur  chargé  de  trois  fleurs  de  lis 
d'or. 

Je  nomme  boules  les  pièces  de  geules  de 
ces  armoiries,  parce  que  dans  tous  les  anciens 
monumcns  de  Florence  &  de  Rome ,  on  les 
voit  arrondies  en  boules. 

ARRONDIR  un  cheval,  {Mancge.)  c'c(i 
le  drefler  à  manier  en  rond  ,  foit  au  trot  ou 
au  galop ,  foit  dans  un  grand  ou  petit  rond , 
lui  faire  porter  les  épaules  &  les  hanches  uni- 
ment Grondement,  fans  qu'il  le  traverle  &c 
feiettede  côté.  Pour  mieux  arrondir  un  che- 
val ,  on  fe  lert  d'une  longe  que  l'on  tient  dans 
le  centre,  jufqu'àcequ'ilait  formé  l'habitude 
de  s'arrondir  &c  de  ne  pas  faire  des  pointes.  On 
ne  doit  jamais  changer  de  main  en  travaillant 
fur  les  voltes ,  que  ce  ne  foit  en  portant  le  che- 
val en  avant ,  &  en  Varrondijfant.  (  V) 

Arrondir  ,  v.  aél.  terme  de  peinture.  On 
arrondit  les  objets  en  fondant  leurs  extré- 
mités avec  le  fond ,  ou  en  diftribuant  des 
lumières  &  des  ombres  vives  fur  les  parties 
{aillantes  qui  leur  donnent  du  relief  &  qui 
font  fuir  les  autres.  {R) 

Arrondir  ,  parmi  les  horlogers ,  en  géné- 
ral c'ell  mettre  en  rond  les  extrémités  des 
dents  d'une  roue  ou  d'un  pignon  ;  mais  il 
iîgnitie  plus  parriculicrement  leur  donner  la 
courbure  qu'elles  doivent  avoir.  On  dit 
qu'une  roue  eft  bien  arrondie  ,  lorfque  les 
dents  ayant  la  courbure  convenable  ,  elles 
fe  renembicnt  toutes  parfiitement ,  Ik  que 
leurs  pointes  (ont  prccilémcnt  dans  leurs 
axa.  Qiieltjucfois  ccpeudauc  on   cil  oblige 


A  R  R 

de  s'écarter  de  cette  dernière  condition  qui 
n'eil  point  ellèntiellc ,  &  qui  n'eft  que 
d'agrément ,  parce  qu'en  général  dans  les 
horloges ,  les  roues  tournant  toujours  dans  le 
même  fens ,  les  dents  n'ont  befoin  d'être 
arrondies  que  du  feul  côté  où  elles  mènent  le 
pignon.  On  leSiîrro/:(//;des  deux  côtés,  pour 
pouvoir  feulement  dans-diffcrens  cas  faire 
tourner  les  roues  dans  un  fens  contraire  à 
celui  où  elles  vont  lorfque  l'horloge  marche. 
Koye:^  Dent,  Aire,  Roue,  Pignon» 
Engrenage  ,  &'c. 

Il  y  a  en  Angleterre  des  machines  qui 
fervent  à  arrondir  les  roues ,  au  moyen  de 
quoi  leurs  dents  font  plus  régulières ,  &  cela 
diminue  la  peine  de  l'horloger.  Il  eft  étonnant 
qu'on  n'ait  pas  encore  tâché  de  les  imiter 
dans  ce  pays -ci.  Il  ell;  vrai  que  cetre  macliine 
peut  être  difficile  pour  la  conftruétion  &  l'e- 
xécution ;  mais  le  fuccès  de  celle  des  Anglois 
doit  encourager.  (  T) 

Arrondir  ,  cAe?  les  chapeliers ,  c'eft 
couper  avec  des  cifeaux  l'arête  du  bord' 
d'un  chapeau ,  après  y  avoir  tracé  avec  de 
la  craie  un  cercle ,  au  moyen  d'une  ficelle 
qu'on  tourne  autour  du  nœud  du  chapeau. 
V'oye^  Chape  AU. 

ARRONDISSEUR ,  fub.  m.  en  tertm 
de  tabletier-cornetier  ,  eft  une  elpece  de  cou- 
teau dont  la  lame  fe  termine  quarrément, 
ayant  un  petit  bifeau  au  bout ,  G  au  tran- 
chant qui  efl;  immédiatement  au  delîbus.  Il 
fert  à  arrondir  les  dents. 

ARROSAGE  ,  f.  m.  fabrique  de  !a poudre 
à  canon  :  c'eft  ainli  qu'on  nomme  dans  les 
moulins  à  poudre,  l'adiion  de  verftr  de 
l'eau  dans  les  mortiers ,  pour  y  faire  le  liage 
du  falpêtrc  ,  du  foufre  &  du  charbon  fous 
les  pilons.  On  fait  un  arrofige  de  cinq  en 
cinq  heures  :  pour  cet  effet  on  arrête  les 
batteries  ou  le  mouvement  des  pilons.  Voy. 
Poudre  a  canon. 

ARROSER  ,  V.  :ia:.i  Jardinage.)  La  terre 
eft  pénétrée  d'une  humidité  bienfiilante  Si 
d'un  feu  modéré  qui  s'exhalent  de  Ion  fein,  Sc 
que  lui  rendent  les  régions  de  l'air  par  les 
rayons  (olaires ,  les  pluies  &:  les  rolees.  Ce 
font  les  gruids  moteurs  de  la  végétation  des 
piantes  :  Dieu  leur  difpen'e  avec  mclure  £c 
h  chuleurdes  jours  &  la  fraîcheur  des  nu:ts. 

Cependant  cette  balance  n'eft  pas  toujours 
li  t'gak ,  que  Ici  végétaux  n'aient  1  foufirir 


A  R.  R. 

par  fou  dérangement  :  c'eft  à  notre  indunrie 
à  les  fecourir  ;  elle  cft  aulTi  un  don  du  grand 
bienfaiteur. 

Les  humides  vapeurs  que  raffcmblent  les 
doiïces  nuits  d'été  ;  ces  globules  de  roiéc 
dont  le  matin  fait  briller  les  feuilles  :  ces 
tiedcs  ondées  Ci  doucement  verfées  lur  les 
plantes  qui  fe  relèvent  en  les  recevant ,  &: 
fèmblent  enivrées  de  plailîrs  ;  ces  tendres 
fécours  de  la  nature  quelquefois  ne  concou- 
rent plus  enfemble  ,  &  font  même  aHez 
fouvent  interrompus  à  la  fois  :  il  eft  nécef- 
fàire  d'arrofcr. 

Mais  il  s'en  faut  beaucoup  que  les  arrofe- 
mcns,  fur-tout  s'ils  ne  font  pas  ménagés  avec 
intelligence ,  puilTént  fuppléer  au  bien  que 
les  pluies  font  aux  végétaux.  Lorfqu'il  pleut , 
ce  n'eft  pas  feulement  un  petit  elpace  autour 
de  la  plante  qui  le  trouve  hum.e^fVé  ,  c'eft 
toute  la  furface  du  loi  qui  s'imbibe  égale- 
ment. Les  pluies  douces  de  l'été  tombant 
mollement ,  carellcnt  le  fein  de  la  terre  fans 
le  trop  preder.  L'air  chargé  de  fraîcheur,  pé- 
nètre les  feuilles  ;  le  voile  léger  dont  le  ciel 
fe  couvre  ,  ôte  au  fbleil  cette  activité  dévo- 
rante qui  bientôt  reprendroit  à  la  terre  les 
eaux  dont  elle  vient  de  s'abreuver  ,  &c  l'on 
refpire  une  ir.oite  chaleur  mêlée  de  Li  tranf- 
piration  odorante  des  végétaux  qui  ouvre  à 
la  fois  tous  les  canaux  de  la  végétation. 

Les  aftofcmens  feront  d'autant  meilleurs , 
qu'ils  imiteront  mieux  ces  arrofemens  natu- 
rels. Adaptez  donc  à  vos  arroloirs  des  pom- 
mes ,  dont  les  trous  très-petits  faflent  jaillir 
une  gerbe  de  pluie  fine  :  ne  vous  contentez 
pas  d'humeârer  le  pié  des  plantes  ;  ver/ez 
"cette  pluie  anificielle  dans  un  pourtour  con- 
fidérable  ;  relevez  quelquefois  votre  arro- 
■foir  pour  laifler  à  la  terre  le  temps  de  s'im- 
biber ,  Se  recommencez  à  pluficurs  reprifès 
à'arrcfer.  Souvent  il  fera  très-utile  de  ré- 
pandre cette  rofée  fur  les  feuilles,  fur-tout 
lorfque  les  plantes ,  ayant  lutté  long-temps 
contre  la  fécherelle  de  l'air  ,  penchent  leurs 
tiges  fatiguées ,  &  laiflent  pendre  leurs  feuilles 
chargées  de  pouflîere. 

Pour  les  plantes  grêles  &  irès-délicaces , 
pour  les  tendres  plantules  qui  viennent  d'é- 
clore  du  fein  d'une  très-petite  femence  ,  la 
pomme  de  l'arroioir  verleroit  l'eau  avec  en- 
core trop  de  force  ;  fcrvez-vous  d'un  gou- 
pillon Quc  vows  fecouerez  doucement  par- 


A  R  R  4î^ 

defTus.  Tenez  le  pié  des  plantes; ,  entoure 
d'ur.e  terre  légère  &  fans  cohéfion ,  afin 
qu'elle  ne  fc  fende  pas  après  les  arrofemens , 
ou  bien  jetez  de  la  terre  ieche  fur  la  terre  hu- 
meélée  ,  &  delîerrez-la  quelquefois  par  de 
petits  labours  ;  de  la  litière  menue  ,  des  pe- 
lures de  gazon  retournées  dont  on  envi- 
ronne le  pié  des  plantes ,  parent  à  l'afFailTe- 
mcnt  que  les  arrofemens  occahonent  ,  en- 
tretieruient  long-temps  leur  fraichcur  ,  & 
quelquefois  même  les  fuppléent  en  arrêtant 
les  vapeurs  qui  s'exhalent  du  fein  de  la  terre  , 
&  qui  iroient  fe  perdre  dans  le  vague  des 
airs  :  fur  tout  profitez  pour  fiire  &  réitérer 
vos  arrofemens  des  temps  couverts,  doux  de 
moites  ;  s'il  tombe  une  pluie  fine ,  c'efl:  le 
moment  le  plus  précieux. 

On  a  demandé  le'quels  étolent  préférables 
des  arrofemens  du  (oir ,  du  matin  ,  ou  du  mi- 
lieu du  jour  :  tous  ont  leur  avantage  particu- 
lier ;  mais  les  premiei^s  certainement  font  les 
plus  utiles ,  tant  que  durent  les  longs  jours , 
&  ces  courtes  nuits  dont  les  vents  doux  (e- 
couent  les  voiles  humides  ;  elles  confervent  , 
même  elles  augmentent  la  fraîcheur  des 
arrofemens  qu'on  a  fait  le  foir  ;  ceux  du  ma- 
tin deviennent  alors  bien  vite  la  proie  du 
foleil,  ilsdefl'echent  tout-à-coup  la  terre,  elle 
fe  crevafTe  ,  &  un  air  brûlant  s'infînue  juf- 
qu'aux  racines. 

Lors  donc  que  le  foleil  efl  près  de  Ce 
coucher  dans  la  pourpre  ,  que  je  voie  par- 
tout étinceller  fes  rayons  d'or  parmi  les  ger- 
bes argentées  qui  fortent  des  arrofoirs  ! 

Dans  les  premiers  mois  du  printemps  &  de 
l'automne ,  les  arrofemens  du  foir  feroienc 
dangereux  à  caule  des  trop  fraîches  nuits  Se 
des  gelées  blanches  qui  aideroient  à  tranfir  les 
plantes.  Alors  que  vos  jardiniers  matineux  , 
portant  par-tout  les  arrofoirs  ,  faflènt  jailLr 
la  rofée  (ous  leurs  pas  précipités  ;  tandis  que 
l'aurore  jette  les  doux  regards  fur  la  nature 
embellie. 

Dansce  rempsaufTi  l'on  peut,  fans  rifquer, 
arrofer  vers  le  midi  ;  il  n'eft  pas  à  craindre 
que  le  (bleil  frappe  trop  vivement  la  terre 
humcftée  ,  ni  qu'il  briàle  les  feuilles  fur  lef- 
quelles  le  font  échappées  des  gouttes  d'eau  ; 
c'eft  ce  qui  arrive  lorfqu'il  eft  armé  de  Ces 
feux  les  plus  puiflàns.  Ces  globules  aqueux 
raflernblant  les  rayons  (olaires  ,  font  l'effet 
des  miroirs  ardens:  enfin  il  elt  des  plantes  Sc . 

liii 


4^ 


bO 


A  R  R 


des  arbres  qui  demandent  dcrre  arrofés  aa 
milieu  du  jour. 

Loriquc  11  Icclîcrcfle  a  c'rc  long-temps 
continuce ,  que  le  ciel  eil  d'airain  ,  que  la 
terre  eft  entr  ouverte  ,  &  que  les  plantes  fe 
■flîtriflent ,  les  arrolemcns  prcfque  toujours 
iKiles  ,  fur-tout  peu  procurer  aux  légumes 
&  aux  fruits  le  volume  &  la  douceur  ,  de- 
viarnent  abroluraenc  indilpcnir.bles  i  mais 
c'eft  alors  auili  qu'ils  produisent  les  plus 
mauvais  effets ,  lî  1  cj-<  arrofe  (ans  précaution 
&  fans  continuité.  Dès  qu'on  les  a  commen- 
tés, il  f.iuz  les  réitérer  tous  les  jours ,  ou  au 
moins  de  deux  jours  l'un ,  lous  peine  de  voir 
les  plantes  mourU'  ou  languir  :  alors  on  doit 
Jur-tout  les  faire  avec  melurc  &  m.énage- 
ment ,  en  un  m.or  avec  tous  les  foins  que 
iiOas  srvons  indiqués  d'abord. 

Combien  de  jardiniers  ilupides  ou  de 
mauvaife  volonté  qui,  dans  pareilles  circonf- 
Xanccs  ,  arrofent  à  des  temps  trop  éloignés  , 
&  noient  les  racines  t-n  y  jetant  tcut-à-coup 
une  forte  colonise  d'eau  !  ils  les  livrent  à  l'a- 
ridité de  l'air  qui  s'iiKroduit  dans  les  fentes 
de  la  terre  battue  ,  aux  taupes  ,  aux  mu- 
lots ,  aux  taupes-grilions  qu'atnre  une  fraî- 
cheur intermittente  ,  &  qu'une,  humidité 
continue  éloignerait  ;  ils  font  ainfi  bien,  plus 
de  mal  aux  plantes  qu'elles  ]j'en  foafFriroicnt 
de  la  feule  fécherefie. 

Celles  que  l'on  tient  en  pots  demandent 
encore  plus  de  précaution  &  ce  foin  ,  pour 
leur  préparer  &  leur  procurer  les  meiÛeurs 
tfft'ts  des  arrofemens.  Il  faut  mettre  des  écailles 
d'huitres  ou  de  moules  a-u  fonj  des  pots, 
tournées.-par  leur  côté  concave  far  les  trous 
dont  ils  font  percés ,  5c  paT-defuis.un  lit  de 
moelloji  bioy-égrornéiem^ent;,  li  k  fond  des 
pots,  au  lieu  d  être  plat,  a  été  fn't  concave  , 
.&  qu'on  l'ait  pourvu  d'un  pié  quil'éloigne  un 
peu  de  la  fiuface  de  la  terre  ,  on  le  fera 
p  émuni  autant  qu'il,  câ  poiTible  contrç  la 
ibgnation  des  srrorérncns.  Quand  ils  auront 
été  quelque  temps  com-inués ,  il. fera  bon  de  j 
'deflèrrL-r  la  terre  par  une  petit  labour ,  &  de  I 
répandre  pardefilis  une  cotiche  de  bonr.e  i 
terre  légère  mêlée  de  fable  ;  mais  lorfque 
les  racines  fibreu'es  ,  emphflfint  tous  les 
:pots,  ne  permettent  plus  aux  anofemens  de 
j)énc:rcr  ,  pprcez  la  terre  jurqu'au  fonâ  , 
avant  d'arrofir ,  .avec  un  fer  poincviiSc mince, 
€<'  plongez  à  pkilicurs  reprifes  le  fouJ  du  pot 


A  R   R 

dans  un  fcau  plein  d'eau ,  fouvcnc  il  con- 
vient de  teijir  les  pots  enterrés  pour  pro- 
curer aux  racines  le  bien  de  la  fraicneur 
environnante  ,  ëc  de  celle  qui  s'eleve  du 
lond  de  la  terre. 

La  fréquence  &  l';bondar.ce  des  arrofe- 
mcnsfe  régleront  fur  le  temps  ,  les  fiifons. 
Se  fur  le  plus  ou  le  m.oins  de  foif  naturelle 
aux  eipeces  de  plantes.  Il  en  eH;,  comme  !e-s 
plantes  grafiès ,  qui  ne  demandent  prefque 
point  d'eau  ;  plulieurs  au  contraire  veulent 
être  continuellement  abreuvées.  Les  arbres 
qui  fe  dépouillent^-  que  l'on  tient  dans  la 
ierve  ,  n'ont  beioin  1  hiver  -que  de  trcs-peii 
d'humidité  ;  tandis  que  les  arbres  toujours 
vcrds  dont  les  feuilles  continuent  de  tranlpi- 
rer  ,  exigent ,  dans  cette  faifon  ,  des  arrofe- 
m.cns  réglérrient  réitérés  ;  &  ceux  à  feuilles 
larges ,  tranipirant  davantage  ,  veulent  être 
encore  liurneélés  plus  iouvcnt. 

Les  arrofcmcns  font  indi'penfables  pour 
procurer  (Se  hâter  le  développement  des  ra- 
cines ,  des  plantes  nouvellement  tranfplari- 
tées  ;  mais  il  faut ,  à  l'égard  de  plulieurs  ef- 
peces ,  les  faire  plus  rarement  du  moment 
que  la  repriie  eft  sûre  ,  à  m.oins  qu'il  ne 
lurvicnne  une  féchereffe  extraordinaire. 
Pour  ce  qui  concerne  les  boutures ,  les  arrg- 
femens  leur  font  nécefliires  ,  &  ils  doivent 
être  continués  long  -  tem.ps  Se  règlement  ; 
mais  il  faut  le  faire  avec  d'autant  plus  de 
circonfpection  Se  de  mef.ire  ,  que  ces  bouti 
de  braiiches  encore  dépourvus  de  racines,', 
fe  pourriroient  plus  aifcmcnt ,  dit  Cotlet  ', 
par  une  humidité  fcagnante  ou  trop  c6- 
pitufè, 'fc  par  la  prcfiion  d'une  terre  trop 
battue,  yijei  le  «i// Eoutup.i  ,  &  l'ariide 

MURÏÈR.   ■ 

Heureux  qui  pourroit  affcoir  fon  jat- 
Jin  fur  le  doux  peiicl:ant  d'un  coteau  ré- 
pofé  aux  plus  fiivorables  afpcCts  ;  de  la 
cime  revêtue  de  bois  -qui  ,nc  le  domincroit 
que  pbifT.luï  fefvrr  d'obri j  tornbâroicntde 
pures  fontaii-iCs ,  éovx  il  pourroit  conduire 
les  flots  le  lon^  de  fes  plates-bandes  Se  d  '.ns 
les  fentiers  dis  pknchés  des  IcgumiC;.  Cet 
arroicmit'nt  qui  pén.ctre  tranlverfilemcnt  fa 
terre  ,  qui  la  foukve  doucement  au  lieu  de  | 
la  prcder  ,  donneroit  aux  utiles  produtfticins  ' 
de  ce  jardin  ,  la  m.jme  vigueur ,  la  mcnii; 
"beauté  qu'on  remarque  dans  les  p'jntes  qui, 
dans  leur  luxe  vain ,  s'ékvent  aux  bords  dçs 

1 


A  R  R 

rivières  :  &:  c'ck  ainli  <ju'Alcitîoub  chcrete- 
noic  ii::nsrL-s  jardins  immorcililci,  unep'.;- 
pL-cuellc  fraîcheur  :  on  y  rcm.'.rquoicavcc  un 
cgil  plailir,  réclac  de  h  \'cidure  ornée  de 
fleurs  ik  de  fruits,  &  celui  du  ciyilû  mo- 
bile des  eaux  qui  y  formoieur  un  McjiJidic. 

Ceux  qui  non:  pis  ces  commodités  , 
doivent  ralicmbler  avec  foin  dans  unn  ci- 
terne les  eaux  de  tous  leurs  toits ,  ou  fiire 
conllruire ,  s'ils  trouvent  lei  moyeiis  de  les 
emplir  d'eau  ,  de  larges  balîins  au  fond  de 
leur  potager.^  ÇKielqutf-ois  l.s  terres  fe  trou- 
vent a^breuvées  fous  très-peu  de  profondeur; 
il  luffit  de  multiplier  des  pierrées  parallèles 
ou  brilcespar  un  angle  à  un  cen.iin  éloigne- 
ment  de  ces  badins,  où  oji  les  décharge 
par  une  pierre  qui  les  traverie.  Il  eft  encore 
b:en  d'autres  moyens  de  !e  procurer  des 
eaux,  mais  ils  font  du  relfort  de  l'arclii- 
recture  hydraulique. 

Loriqu'on  fciit  conllruire  de  petits  toits 
au  dellus  des  murs  des  poragcrs ,  les  efpaliers 
fe  trouvent  arrofés  à  leur  aide  :  ii  peu  de  pluie 
qu'il  tombe,  elle  s'alîèmble  entre  les  tuiles . 
dégoutte  au  pie  des  arbres,  &  leur  procure 
une  fraîcheur  filutaireiï.:  profonde  qui  ordi- 
(lairement  le  m.aintient  iufqu'aux  pluies 
nouvelles  ,  à  moins  que  les  intervalles  de 
fccherelîè  ne  foient  très-  longs. 

Potir  entretenir  certaines  plantes,  pour 
aider  à  s'enraciner  les  marcottes  qu'on  fait 
au  haut  des  arbrilfcaux  ,  pour  alÏÏirer  La 
teprife  de  certaines  boutures  pricieufes  ;  on 
pend  au  defliis  un  vafè  dans  lequel  on  paflc 
un  tube  recourbé ,  ou  une  l.nnere  de  drao 
dont  l'humidiié  perpétuelle  ne  permet  pas  à 
la  terre  de  fe  delK.cher. 

1  outcs  les  eaux  ne  font  pas  propres  aux 
airofemens;  il  eneft  de  nuisibles  :  relies  font 
icseaux  crues,  les  eaux  insr..'cageufi;s ,  craf- 
Icufes,  vifqueufes  &  celles  qr.i  pétriiîe.nr  :  i! 
«'en  trouve  aulfi  d'indigentes  &  de  fatiguées 
flui  ne  charient  point  de  parties  ijonnif- 
^ai-ites.  Les  cmu:  ces  rivières  &  des  rdinlaux 
-oàlepoillôn  abonde,  ciier,  des  fontaines  où 
fleuri  lient  le  crefibn  &  le  becca-bunga  ,  ionr 
|>ures  &  bienfailantes.  Les  eaux  des  phrer 
Aïnaflées  dans  les  citernes  iont  en.core  me*!- 
jeiires  ;  m^is  il  fau:  les  tirer  le  m..rin  &  les 
:kiûer ,  avant  de  s'en  fervir ,  tout  le  jour 
^cxpolecs  au  doux  ra.ypns  du  fokil.  Les 
càux  gralîes  qui  ont  lavé  les  chsirJns ,  les 


A  R  R  4gj. 

coan,  !:.^  fumiers,  iom  inlînir.ient  prij 
cieules  :  elles  portent  1  abondai;ee  a\ec  elles. 
En  générai  .une  eau  qui  diObur  bien  lé 
iavon  ,  qui  s'évapore aiiéinent,  qui  cuit  bien 
les  légumes ,  efl  autant  propre  aux  a  rroièmens 
qu'elle  etl:  utile  &  faluraire  pour  cous  les 
autres  ulages.  On  peut  corriger  quelques- 
unes  d'enue  les  miuvaifês  eaux  en  les  battant 
par  des  roues ,  en  les  failànt  pafîèr  par  àcz  l'ts 
de  (ables,  en  y  jetant  du  fumier  &  des  lier- 
bagcs  pourris. 

C'eft  par  le  moyen  des  arrofeinens  qu'on 
peut  rendre  avec,  le  plus  d'efficacité  <^'  le 
plus  promptement ,  des  fucs  à  la  terre  ex-' 
ténuée  où  languiiîènt  les  plantes.  Celles 
qu'on  tient  captives  dans  des  pots  ou  des 
cailles ,  ayant  bientôt  cpuifé  la  petite  portion 
d'ahmens  contenue  da:is  le  peu  de  terre 
qu'on  peut  leur  doim.er  ,  ne  iauroient ,  p?i- 
l'extcnlion  des  racines ,  en  aller  chercher 
plus  loin  :  elles  ont  befoin  de  rcftaurans.  Ils 
conviennent  aulfi  aux  arbres  malades'  Se 
défaillans ,  ou  lurchargés  de  fruits  ;  on  les  • 
rétablit ,  on  les  ibutient  en  leur  donnant  de 
temps  à  autre  un  bouillon.  Le  plus  fort  de 
tous  qui  s'emploie  pour  les  orangers ,  fe 
compoie  avec  du  crottin  de  brebis,  de  k 
l:e  de  vin  &  du  fang  de  la  boucherie.  Voycr 
dans  le  livre  de  l'abbé  Roger  Sf.aboc  laconi- 
pohtion  de  celui  qu'il  emploie  pour  les- 
pêchers.  Suivant  Mordm.er  ,  le  iang  de  btc-uf 
eft  un  excellent  bouillon  pourious'los  arbres 
fruitiers.  Les  terres  alumineufes  détrempfcs 
font  un  effet  prodigieux  fur  la  végétation  -. 
&  c'eft  à-peu-près  à  quoi  fe  réduifent  y. 
l'.ombreufes  expériences  de  M.  Home  fur  Ic^ 
eiîets  de<liff;rens  fels. 

Lorfquc  les  plantes  Ce  trouvent  couvertes 
d'iins  foule  dinfeétes  de  l'efpece  de  ceux 
que  la  féchereliè  multiplie  ,  tels  qne  les 
altifes;  defimplesarrofemens  réitérés  fur  les 
feuilles  les  écartent  &  les  dilTipent  :  à  l'égard 
jks  autres  infeiles ,  comme  les  cheniïîts , 
!  er.u  ams  iaq aelle  on  a  infuf:  de  la  colo- 
quinte ,  de  la  fuie  ou  femblables  amers ,  de 
dont  on  inonde  la  toufe  des  arbres  par  le 
m  jyen  des  rompes ,  eil  un  des  meilleurs 
moyens  de  fe  débarraficr  de  cette  engemce 
'lévoraiite;  pour  les  t'.upes-grillons,  il  faut 
arroler  la  terre  qu'ils  fréquentent ,  les  trous 
qu'us  liabitent ,  ceux  où  Ion  a  fu  les  attirer 
avec  de  l'cra  mêlée  d'haiîe  de  chenevi  :  î'coii 


4^1  ARS" 

de  chaux  détruit  les  coches  &  les  limaces. 
Au  refte ,  fi  on  a  foin  de  bien  effondrer 
les  pot:iger5&  d'y  enterrer  des  couches  épail- 
iesde  fumier  ,  lesarroiemens  n'y  feront  par 
aufli  fouvcnt  nécellaires ,  &  ils  y  feront  plus 
protit;.blcs.  (  M.  le  baron  de  TSCliOUDI.  ) 
Arp-OSER  les  capades ,  le  feutre  &  le  cha- 
peau ,  terme  de  chapellerie  ;  c  eft  jeter  de  Peau 
avec  un  goubillon  fur  l'ouvrage  à  meiure 
qu'il  avance  ,  &  qu'il  acquiert  ces  différens 
noms.  Les  chapeliers  arrofent  leurs  baffins 
quand  ils  marchent  l'étoffe  à  chaud  ;  &c  le 
lambeau  ou  la  reutriere ,  quand  ils  la  mar- 
chent à  froid.  J^oje:^  Chapeau. 

ARROSOIR,  fub.  m.  c'eft  un  vaiffeau 
à  l'ufage  du  jardinier,  ou  de  fer  blanc  ou 
de  cuivre  rouge  ,  en  forme  de  cruche  ,  tenant 
environ  un  feau  d'eau ,  avec  un  manche ,  une 
anfe  &  un  goulot ,  ou  une  tête  ou  pomme  de 
la  même  matière  :  aijili  on  voit  qu'il  y  a  des 
nrrcfoirs  de  deux  fortes  ;  l'un  appelle  arrofoir 
à  pomme  ou  tête  ,  eft  percé  de  plusieurs  trous; 
l'eau  en  fort  comme  une  gerbe ,  &  fc  répand 
aflèz  loin  :  l'autre  appelle  arrofcir  a  goulot , 
ne  forme  qu'un  feul  jet ,  &  répand  plus  d'eau 
à  la  fois  dans  un  même  endroit.  On  s'en 
fert  pour  arrofer  les  fleurs ,  parce  qu'il  ne 
mouille  que  le  pié  &c  épargne  leurs  feuilles , 

Î[ui  par  leur  délicatefle  feroient  expofces  à 
e  faner  dans  les  chaleurs,  li  elles  étoient 
mouillées  ;  cependant  Varrofoir  à  pomme  eft 
le  plus  d'ufage.  {K) 

ARROUX  ,  (  Géug.  )  rivière  de  France 
en  Bourgogne  ;  elle  a  fa  fource  près  d'Ar- 
nay-le-duc ,  pafle  à  Autun  ,  «Si  ayant  reçu 
le  Mifei,  le  Vefure  ,  le  Tornay ,  la  Morhe, 
la  Varenne  &  quelques  autres  ^uiflcaux  , 
elle  fe  joint  à  la  Loire  au  pié  du  château  de 
la  Moche-Saint- Jean  ,  au  delfous  de  Bour- 
bon-Lancy.  (  C.  ^.  )  (*) 

AR.RUMEUR,  f.  m.  {Comm.)  nom 
d'une  forte  de  bas-offîciers  établis  fur  quel- 
ques ports  de  mer ,  &  iniguliérement  dans 
ceux  de  la  Guienne ,  dont  la  fondtion  eft 
de  ranger  les  marchandifes  dans  le  vaillcau , 
&  auxquels  les  marchands  à  qui  elles  appar- 
tiennent paient  un  droit  pour  cet  effet.  (  H) 
ARS ,  Gécgr.  )  rivière  d'Elpagne  dans 
la  Galice.  Elle  fc  jette  dans  l'Océan  ,  à  Céa  , 
près  du  cap  Finiftere,  On  croit  que  c'eft  le 

(  •  )  On  travaille,    par   ordre  des  <t»rj  de  Bourgogne 
gDuoacci  i^u'il  l'cioic  (lu  ccu'ps  de  JuIciCcUi. 


ARS 

Sars  des  anciens.  Il  y  a  en  France  une  belle 
chartreufe  du  nom  d'Ars  dans  le  duché  de 
Lorraine ,  au  doyenné  de  Port.  (  C.A.  ) 

Ars  ,  f.  m.  {Maréchall.  &  Man:ge.)  On 
appelle  ainfi  les  veines  ficuées  au  bas  de  cha- 
que épaule  du  cheval,  aux  membres  de 
derrière ,  au  plat  des  cuifles.  Saigner  un 
cheval  des  quatre  ars ,  c'eft  le  faigner  des 
quatre  membres.  Quelques  uns  les  appellent 
ers  ou  aire;  mais  ar^  eft  le  feul  terme  ufité 
chez  les  bons  auteurs.  {F) 

*  ARSA  ,  (  Grogr.  )  nom  de  deux  villes 
d'Efpagne ,  dont  l'une  étoit  dans  la  Bétique, 
&  l'autre  dans  la  Tarragonoife.  C'étoif  aufli 
le  nom  d'une  contrée  d'Afic ,  entre  l'indus 
Se  l'hydafpe  ,  où  l  on  trouvoit  les  villes  d'ifa- 
gurus  &  de  Taxila.  C  C.  A.  ) 

*  Arsa  ,  (Géugr.)  rivière  d'Iftrie  qui 
fépare  l'Italie  de  l'Illyrie;  elle  fe  jette  dans 
la  mer  Adriatique  au  delfous  de  Pola. 

ARSACE,  (  Géogr.)  ville  de  la  grande 
Aiédie,  bâtie  par  Arface,  gouverneur  de  la 
Médie  fous  Alexandre  le  grand.  Cette  ville 
a  (ubiîfté  peu  de  temps ,  &  n'a  jamais  été 
rétablie.  Il  y  avoit  un  bourg  de  ce  nom  dans 
la  Paleftine.  (  C.  A.) 

Arsace  ,  (  Hifl.  de  l'empire  des  Parthes.) 
fondateur  de  l'empire  des  Parthes ,  defcen- 
doic  des  anciens  rois  de  Perfe  ;  &  malgré  la 
nobleOc  de  ion  origine,  il  vivoit  confondu 
dans  la  foule  des  courtilans  des  gouverneurs 
des  rois  de  Syrie.  Agatlioclès  à  qui  Antio- 
chus  le  dieu  avoir  confié  le  gouvernement 
de  la  Perfe,  brûla  d'une  paflion  criminelle 
&  brutale  pour  Tiridate,  frerc  à' Arface  ;  ce 
fatrape  effréné  n'ayant  pu  rculTîr  à  le  (eduire 
par  l'éclat  de  fes  promefl'es,  voulut  employer 
la  violence.  Les  deux  frères  à  qui  l'injure 
étoit  commune  s'armèrent  contre  leur  in- 
fâme corrupteur  qu'ils  poignardèrent.  Arface 
redoutant  les  vengeances  d'Antiochusle  dieu , 
dont  Agathoclcs  étoit  le  favori ,  le  retira  dans 
la  Parthie ,  où  il  (è  rendit  indépendant ,  après 
en  avoir  challé  les  Macédoniens.  Tous  les 
peuples  charmés  de  rentrer  fous  l'obéillànce 
de  leursanciens  maîtres ,  favorilerent  la  rébel- 
lion ,  fi  l'on  peut  ainli  qualifier  une  révolu- 
tion qui  rétablit  un  prince  dans  l'héritage  de 
(es  pères.  Le  roi  de  Syrie  n'entreprit  point  de 
k  dépouiller  d'un  état  dont  le  cœur  des  fujets 

,  à  te  rendre  nsvi^iaUe  depuis   Autun  ;   l'hidoire  fcinbll 


A  R  s 

à'Arfacc  lui  afluroir  la  poflèflTion.  Ce  fut 
ainli  que  le  forma  le  royaume  des  Parciics 
que  quelques-uns  coiilondenc  mil-à-propos 
avec  celui  des  Perles  ;  il  comprenoic  cetre 
région  célèbre  de  l'Ade ,  qui  a  Li  Médie  à 
l'occident ,  la  Perfe  au  midi  ,  la  Badriane  à 
l'orient ,  laMargianc  &  l'Hircanie  au  (epten- 
trion.  Hécatompile ,  ainli  nommée  à  caufe 
de  les  cent  portes,  en  écoit  la  capitale  :  c'c^i 
aujourd'hui  Hilpalun,  Cet  empire  a  fubfîllé 
pendant  près  de  cinq  cents  ans  fous  vingt- 
ièpt  rois  connus  fous  le  nom  du  roi  Arla- 
cides ,  dont  Philtoire  ell:  prelquc  tombée 
dans  l'oubli  \  il  n'en  refte  que  quelques 
fragmens  éparsdans  les  annales  des  peuples 
qui  ont  eu  des  démêlés  ou  des  intérêts  à  dif- 
cucer  avec  eux.  Artaban  en  lut  le  derraer  roi. 
Artaxerxes  ou  Artaxate  ,  loldat  de  f-orcune, 
lui  6 ta  le  tror.e  &  la  vie  l'an  113  de  l'ère 
vulgaire. 

ArsaceII  ,  fils  &  iucceflèur  du  fonda- 
teur de  l'empire  des  Parthes ,  tut  un  prijice 
véritablement  grand  &  magnanime.  Maître 
de  la  Parthie  &  de  PHircanie  ,  il  joignit 
aux  états  dont  il  avoit  hérité  de  Ton  père  , 
plulieurs  provinces  voilnies.  Antiochus  le 
grand  ,  alarmé  de  la  puillance  ,  entreprit 
de  la  détruire  avant  qu'elle  fut  aftermie  ; 
il  marcha  contre  lui  avec  tout  l'appareil  de 
fes  forces.  Arface  fe  flatta  que  les  déierts 
qui  fervoient  de  barrières  à  les  états  ,  (e- 
roient  le  tombeau  des  Syriens  qui  n'y  trou- 
veroient  aucune  lubliftance  ;  mais  voyant 
que  ces  obllacles  ne  les  arrêtoient  point 
dans  leur  marche  ,  il  ordonna  d'empoifon- 
nerles  fontaines  ik.  les  puits.  Les  exécuteurs 
de  Tes  ordres  fâirent  mis  en  fuite  par  An- 
tiochus qui  traverfa  fans  périls  des  contrées 
qui  refuioient  tout  au  befoin  de  l'homme. 
Il  fe  préfente  devant  Hécatompile  qui  lui 
ouvre  fes  portes.  Arface  avoit  quitté  la  Par- 
thie pour  fe  /étirer  dans  l'Hircanie  défen- 
due par  des-  montagnes  eicarpées ,  qui  ne 
pouvoient  être  franchies  par  une  année. 
Antiochus  applanic  cet  obflacle  en  parta- 
geant fon  armée  en  différens  corps  qui  le 
réunirent  à  la  defccnte  des  moiitJgnes.  Ar- 
face ,  qui  s'étoit  cru  invincible  par  la  nature  , 
fentit  alors  la  nécellîté  d'arrêter  un  ennemi 
<jui  avoit  triomphé  des  plus  grandes  diffi- 
cultés ;  il  le  met  à  la  tête  de  cent  mille 
hommes  de  plé    6c  de    vingt  mille  cht- 


A  R  S  4^} 

vaux_,  &  fe  préfcntc  devant  un  ennemi 
épuilc  par  une  marche  longue  &:  pénible. 
On  alloit  donner  le  lignai  du  combat ,  lorf- 
que  Antiochus  adoptant  un  fyftême  paci- 
hque ,  .lima  mieux  l'avoir  pour  allié  que 
pour  ennemi  ;  &  après  leur  réconciliation , 
il  marchèrent  enlemble  contre  Euthyde- 
me  qui  avoit  envahi  la  Badriane.  Dès 
qu'il  n'eut  rien  à  craindre  des  rois  de 
Syrie  ,  il  devint  redoutable  aux  Barbares, 
dont  il  réprima  les  brigandages.  Les  dé- 
tails de  fa  vie  ne  nous  iont  point  connus  : 
il  mourut  l'an    zii  avant  l'ère  vulgaire. 

Arsace  III,  le  troifîeme   de  fa  famille 
qui  régna  iur  les  Parthes  ,  avoit  toutes  les 
vertus  qu'on  exige  de  l'homme    privé,  &  ' 
tous  les  talens    qui    font    les  grands   roi-. 
Heureux  conquérant ,  il  fit  le  bonheur  des 
peuples  fubjugués.  Sa  domination  s'étendit 
depuis  le  mont  Caucafe  jufqu'à  l'Euphrate  ; 
il  vainquit  Démétrius  Nicanor ,  roi  de  Syrie  ; 
&:  quoiqu'il  eût  à  s'en  plaindre  ,  il  adoucit 
les  ennuis   de  fa  captivité  ,  en  lui  faifant 
rendre  les  mêmes  honneurs  qu'on  rend  aux- 
rois.   Mais  ce  prince  dégradé  fe  fentit  hu- 
milié de  recevoir  ,    à  titre  de  grâces  ,  dej 
honneurs  dus  à  là  naiffince ,  &:  quoiqu'il 
eût  époufé  Rodogune  ,  (azux  à' Arface ,  donc 
il  avoit  des  enfans ,  il  prit  la  fuite  pour  fè 
retirer  dans  fes  états;  mais  il  fut  arrêté  fur 
le  territoire  de  Babylone ,   &  envoyé  dans 
l'Hircanie  comme  dans   une   terre  d'exil  , 
où  on  lui  procura  tous  les  plailirs  ,  excepte 
celui  de  commander.  LTn  traitement  aullî 
doux  étoit  infpiré  par  la  politique.   Arface 
qui  depuis  long-temps  ambitionnoit  la  con- 
quête de  Syrie  ,  vouloir  le  fervir  de  Démé- 
trius pour  faire  la  guerre  à    Anriochus  le 
pieux  qui ,  depuis  la  détention  de  fon  frère,, 
avoit  profité  de  Cou  malheur    pour  mon- 
ter fur  le  trône.  Ce  projet  formé  par  Arface 
fut  exécuté    par  Phraate  ,   fon  fucceffeur. 
Ce  prince  heureux  à  combattre  &  à  gou- 
verner,  fut  le  légillateur  de  fa  nation  qui , 
avant  lui ,  ne   connoillbit  point  le  frein  des 
lo!X.    il  emprunta  des  peuples  vaincus  les 
inftitutions  qui  lui  parurent  les  plus  utiles 
pour  adoucir  les  mœurs  dures  &  fauvages 
de  les  lujets.  On  voit  encore  paroître  dans 
l'hiftoire  un  quatrième  Arface  qui  envoya 
des  ambilladeurs  à  Sylla  pour  faire  allian- 
ce avec  les  F^omams.  Quoique  fes  fuccef- 


4<Ç4,      .  A^  I^  S-        ^ 

leurs  eiiilent  iks  noms  diftindits ,  on  \cm  • 
db;:ne  à  tous  indiftincternent  celui d'^A-yàce. 
(  T-N.  ) 

ARSACIS  PALUS  y  (Géog.)  nom 
d'un  lac  ou  marais  que  le  tigre  traverle 
danj  fon  cours.  On  croit  que  c  eft  le  même 
que  !e  Ip.c  d'"Arc:thnlc.  (  C.  A.  )  _ 

''-  ARSAMA5,  villa  de  RuiTie  au   p.iys 


des  A 


lorduaces 


fur  1.1  rivière  de  Iviokicha- 


Reca. 

ARSCHIN  ,  r.  m.  (  Co/nm.)  mefure  éten- 
due dont  on  le  fcrtàk  Chine  pour  mclu- 
rer  les  étoffes;  elle  eit  de  même  longueur 
que  l'aune  de  Hollande ,  qui  contient  i  pics 
1 1  lignes  de  roi  ce  qui  revient  à  î  d'aune 
de  France  ,  en  forte  que  fept  arfchins  de  la 
Chine  font  quatre  aunes  de  France.  Savary  , 
Diclion.  du  commerce  ,  icme  I ,pagej^6'.  (G) 

AdlSEN  ,  f.  m.  (Comm,  )  nom  que  l'on 
doni-ie  à  Caflfa  ,  principale  échelle  de  la  mer 
Noire  ,  au  pié  ou  à  h  mefure  d'étendue  qui 
fert  à  niefurer  les  draperies  &  les  foieries. 
Fcj<?î  Echelle  &  Pié.  Savary  ,  Diclion.  du 
ccmmerce  ,  toim  î,pagz  j^J.  (G) 

ARSENAL  ,  f.  m.  {Art.  milit.)  magafni 
royal  &  public  ou  lieu  deftiné  à  la  fabrique 
&  à  la  garde  des  armes  néceflaires  pour 
attaquer  ou  pour  (ê  défendre,  Voyei^  Armes 
fi-  Magasin  à'armts.  Ce  mer  félon  quel- 
ques-uns ,  vient  ^arx,  forterelle  ;  félon  d'au- 
tres ,  éi'ars  ,  qu'ils  expliquent  par  machine  , 
parce  que  "^ arsenal  t^  le  lieu  où  les  machines 


d^autres  qu'il  vient  de  l'italien  arfenale  :  mais 
l'opinion  la  plus  probable  efl  qu'il  vient  de 
ï'ai-abe  darfenaa  ,  qui  fignific  arfenal. 

h'crfcnal  de  Venife  eft  le  lieu  où  on  bâtit 
&  où  l'on  garde  les  galères.  L'arfinal  de 
Paris  eit  la  place  où  on  fond  le  canon  &  où 
on  fiit  les  irmes  à  feu.  Cette  intcription  eli 
fur  la  porte  d'entrée  : 

JEîP.a  hccc  Henri co  ruîcania  tela  minijlrat  , 
Tcla  g.'g.inteos  dehellatura  furores. 

Il  y  a  d'autres  ^;;/è/j(7z/;c  ou  magafuis  pour 
les  fournitures  navales  &  les  équipages  de 
mer,  Warreille  a  un  ^r/r/?^:/ pour  les  galères; 
&  Toulon  ,  Rochefort  (ïc  lirell: ,  pour  les 
cens  de  guerre,  Voye^y  .\\s%?.p.\!  ,  Vergue, 
j^ntEî;ne  ,  frc.  V.  dans  les  A7<-'/nc/;vj  de  St. 


A  R  S 

Itemy  ,  la  manière  d'arranger  on  pfacej 
toutes  les  diiféventes  choies  qui  fe  trouvent 
dans  un  arfenal.  {  Q) 

Arsenal  ,  (  Marine.  )  tft  un  grand 
bâtiment  près  d'un  port ,  o.  le  roi  entretient 
les  ofticicri  de  marine  ,  fc  vaifieaux  £c  les 
choies  nécedaircs  pour  ks  armer. 

C'efl:  aulTi  l'elpace  ou  l'enclos  pn.rticul'er 
qui  krt  à  la  conftrufcon  des  vaiticaux  &  ^ 
la  fabrique  des  ainici.  Il  renferme  une 
très-grande  quantité  de  bâtimens  civils  , 
dcftincs  tant  pour  tes  atceliers  des  diff::-rentes 
(ortes  d'ouvners  em.ploycs  dans  la  fabrique 
des  vailleaux  ,  que  pour  les  magaims  des 
armemens  &:  délarrr.emens.  Pour  s'en  faire 
uneid^ejafte,  il  faut  voir  \c  plan  d'un  arfenal 
de  marine  aux  figures  de  marine ,  pi.  VIL 

§  ARSENIC  ,  (  Hijl.  r.at.  Mércl.^  Chy^^. 
Med.  &  Arts.  )  Ce  mot  efl  dérivé  d'àûViiv,  ou 
«fo"') ,  homme  on  plutôt  mJle  ,  &  de  vixpixa,je 
vaincs ,  je  tue  ,  faiiant  allulîon  à  fa  qualité 
vénéneufe.  L'arfcnic  ef:  une  concréticn  mi- 
nérale ,  volatile  au  feu  ,  pelante  ,  rrès-caul- 
tique  &  pénétrante  ,  qui  fe  trouve  (ouvent 
&  trop  iouvent  dans  les  mines  mét.alliques , 
fous  une  apparence  plus  ou  moins  métal- 
lique &  fous  des  formes  fort  différentes. 
Spcrling  ,  dans  fa  dillcrtation  de  arfenico  , 
fait  voir  que  tout  arfenic  participe  différem- 
ment aux  fbufres ,  aux  fels  &  aux  métaux. 
Cette  minéraliiation  compofce  eft  ou  opa- 
que ,  ou  tranfpa rente  ,  d'une  couleur  quel- 
quefois noire  ou  brune  ,  quelquefois  grile 
ou  blanchâtre  ,  (ouvent  teinte  d'autres  cou- 
leurs. Ses  formes  ^c  les  combinaifons  font 
Il  diverics  que  cette  diverhté  a  donné  lieu 
à  beaucoup  de  confufion ,  &  la  n-iiflance 
à  une  multitude  de  noms,  par  lefquelson 
a  déligné  ce  minéral.  Lemery  contond  la 
cadmie  avec  Varfenic  ,  Sc  Savary  l'a  fuivî 
en  cela.  Tâchons  de  mettre  plus  de  net- 
teté dans  la  defcription  des  arfenics  natu- 
rels ou  folTiles  ,  &  enfuite  nous  conlidé- 
rerons  ce  que  la  chymie  nous  apprend 
fur  cette  liibftance  natuiclle  &  fur  Varfenic 
fadicc. 

Linné  range  Varfenic  foflîle  dans  la  claflè 
des  pierres  compo'écs  &:  dans  l'ordre  des 
loufres.  Pullqu'ilcfc  fufiblc  ,  £c  qu'il  (e  fond 
ai'ément  avec  les  matières  grafies,  &  qu'il 
s'en     forme    un    régule  fous     une   form« 

métal!  que; 


A  R  s 

métallique  ;  il  eût  été  bien  plus  nnrurcl  cîele 
placer  dans  l'ordre  des  l'ubllianccs  minéra- 
les qu'il  nomme  mcrcurielks  ,  ce  me  fèm- 
ble  ,  allez  improprement.  Quoi  qu'il  en 
Toit ,  il  donne  le  nom  de  foufre  aux  corps 
qui  fument  dans  le  feu  ,  &  qui  répan- 
dent de  l'odeur.  Arfenicum  ,  dit-il  ,  fumo 
odure  alliaceo  ,  colore  ali'o  ,  fapcre  duLi. 
Voici  comment  il  a  diftingué  &  décrit  les 
diverfes  (ortes  à'arfcnics  naturels  ou  folFiles. 
I.  Arfeni:  anguleux  ou  cubique  :  tcjfula 
oclnëdra  ;  tejfera  arfcniciilis  ,  en  fuédois 
lerh-tîerniii^. 

II.  Affenic  rouge  hériflé  :  rubrum  ,  accro- 
fum  rigidum  :  coholtum  rubrum  ;  en  luédois 
kobolt-bloma. 

III.  Arfenic  amorphe  ,  obfcur  par  la 
calcinarion  :  amorphum  ,  calcinatione  obfcu- 
rum  ;  en  allemand  ,  mifpickel  ;  en  fuédois , 
vatukies. 

IV.  Arfenic  amorphe ,  bleu  par  la  calci- 
nation  :  amorphum  ,  calcinatione  cœruleum: 
en  allemand  ,  fafcr  ;  en  fuédois  ,  f'Xrg- 
kobolt.  C'eft  le  cobolt  proprement  dit. 

Il  s'en  faut  beaucoup  que  toutes  les  mi- 
nérali(afions  .irfenicales  qu'il  importe  li  fort 
en  métallurgie  de  lavoir  diftinguer ,  ne  puif- 
ftnt  être  rangées  fous  cette  clallification  im- 
parfaite. 

VVallerius  fait  une  autre  divifion  ;  5c 
après  lui ,  Valmont  de  Bomare  ,  qui,  quoi- 
que plus  exaéte  &  plus  complète ,  laiflè  ce- 
pendant encore  quelque  obfcurité. 

Comme    Varjenic   paroit  entrer  dans  la 
compohtion  de  la  plupart  des  demi-métaux , 
&'  dans  la  miiiéralifation  de   plufieurs  mi- 
nes de  métaux  ,  il  en  réfulte  bien  des  for- 
mes diverfes ,  fous  lelquelles  il  fe  montre. 
Il  diffère  cependant  des  demi-métaux    par 
une  plus  grande  volatilité  ,  par  une  force 
pénétrante  ,  par  Tabondance  des  fels  cauf- 
dques  ,    &    parce  qu'il   a  extérieurement 
moins   d'éclat  &    d'apparence    métallique. 
D'ailleurs,  il  n'efl:  point  intlam.mable  comme 
, eux,  ni  par  lui-même  ,  ni  avec  le  nitre. 
I     Diofcoride   femble  avoir  donné  le  nom 
Q  arfenic  à  deux  fubftances  ;   à  celle   que 
nous  appelions    orpiment  ,   qui  ell  Yarfcnic 
lulfureux  ,  couleur  de  citron  ,  &  à  Varfenic 
rouge  ,  qui  approche  du  fandaraque.  Les 
Arabesont  flût  mentioH  de  deux  arfenics  ;  l'un 
linio:ineux  ,  ielon  eux  ,  qu'ils  on:  appelle  I 
Tome  Ill_ 


A  R  S  4<ry 

karnik-a.^far  ,  c'ell  encore  l'orpimenr  ;  l'au- 
tre rouge ,  qu'ils  nomment  rcalgar  &  -^rnik- 
ahmer.  Les  Arabes  réiervent  le  nom  de 
jandaraque  à  une  gomme  que  l'on  emploie 
pour  les  vernis. 

Comme  il  y  a  peu  de  mines  qui  ne  tien- 
nent plus  ou  moins  quelque  choie  dV.rfcni- 
cal ,  pour  donner  une  idée  jufte  de  \nrfe~ 
nie  naturel  ou  folTile  ,  nous  fuivrons  la  mé- 
tJiode  de  M.  Bertrand  ,  dans  fon  diâion- 
n,iirc  des  fojfiles  ;  nous  décrirons  les  miné- 
raux ,  où  Varfenic  le  trouve  communément 
e!i  plus  grande  quantité  ,  &  d'une  manière 
plus  lêniible. 

1°.  Les  pyrites  blanches  arfenicales  tien- 
nent une  partie  d'arfenic  contre  deux  de 
fer  &  de  terre.  On  les  nomme  en  allemand 
weijfcr-kies  ,  mifpickel  &  gift-kies.  C'eft 
mal-à-propos  que  quelques-uns  l'appellent 
cobalt.  C'eft  donc  là  Varfenic  minéralifé 
par  le  fer  en  minéral  blanchâtre  ,  brillant 
par  des  écailles  &  des  parties  planes  ôc 
cubiques. 

2°.  Les  pyrites  arfenicales  de  cuivre  , 
que  les  Allemands  ,  qui  ont  été  nos  maî- 
tres dans  la  métallurgie  ,  nomment  kugfer- 
kies  ,  contiennent  aulTî  beaucoup  d'arfenic. 
5''.  Il  y  a  encore  une  mine  d'arfenic  tef- 
fulaire  ,  qui  tient  aulTî  du  fer  comme  la 
pyrite  blanche.  Sa  couleur  eft  noirâtre  ; 
les  cubes  font  odlogones  &  marqués.  Les 
Allemands  l'appellent  wilrfîiche-bknde ,  berg- 
wîlrfel, 

4°.  La  pierre  d'arfenic  grife  ,  qu'il  ne 
faut  point  confondre  avec  la  pyrite  blan- 
che ,  tient  aulTî  du  fer  ,  eft  mêlée  de  pail- 
lettes luifintes,  &: frappée  avec  l'acier,  donne 
des  étincelles.  C'eft  encore  un  arfenic  mi- 
néralifé avec  le  fer  en  minéral  difforme  , 
brillant  par  des  grains  cendrés ,  qui  tirent  fur 
le  bleu. 

y°.  La  mine  d'arfenic  d'un  rouge  cui- 
vreux tient  peu  de  foufre  ,  encore  moins  de 
cuivre!,  quelquefois  du  cobolt ,  &  eft  en  mi- 
nerai difrorme  d'une  couleur  rougeâtre.  C'eft 
ce  que  VVoodward  appelle  cuprum  Nicolai , 
&  ce  que  les  Allemands  nomment  kupfer- 
nikel.  C'eft  Varfenic  minéralilé  avec  le  iou- 
fre  ,  le  cuivre  &  le  cobolt. 

6°.L'arfenic  teftacé  eft  obfcur  ,  noirâ- 
tre ,  laliflant  les  mains ,  écailleux.  Les  Alle- 
mands le  nomment  fchil-kobolt  ou  fchirbc/t^ 

Kkk 


4^^  A  R  S 

kul'oh ,  on  fchwar^^es gift-erxt.  On  lui  a  c^onné 
auflî  fort  mnl-à-propos  le  nom  de  cadmk 
foffilc ,  puifqu'il  ne  participe  en  rien  au  zinc  , 
d'où  nait  la  cadmie.  Souvent  on  a  confondu 
cet  arfcnic  avec  l'arfenic  bitumineux  :  Junc- 
kcr  lui-même  fcmblc  être  tombé  dans  cette 
erreur. 

7°.  L'arfenic  bitumineux  eiï  noir  ,  quel- 
quefois friable  ,  plus  rarement  folide ,  tou- 
jours inflammable  Se  volatil  au  feu,  bril- 
lant dans  fon  intérieur  comme  le  plomb 
obfcur ,  le  noirciliant  à  Tair.  Agricola  le  nom- 
me mal- à-propos  cadmie  bitumineufe  ;  les 
Allemands  l'appellent  poudre  volante  &;  poudre 
eux  mouches;  fiiegen-pulver. 

S°.  Le  coK;lt  ,  proprement  ainfi  nommé  , 
qu'on  emploie  pour  le  bleu  ,  contient  quel- 
quefois aulTi  plus  ou  moins  d'arfemc.  Il 
peut  alors  être  mis  dans  la  clafle  des  mines 
arfenicales ,  mais  non  dans  celle  à'arfenic. 
Cette  mine  eft  plus  obfcure  &  plus  com- 
p^-ùe  que  la  pyrite  blanche.  Il  y  en  a  beau- 
coup à  Schnceberg.  On  tire  l'arfenic  de  ces 
minéraux  par  la  fublimation. 

9°.  Les  mines  d'étain,  qui  font  enve- 
loppées de  concrétions ,  tiennent  d'ordi- 
naire de  Varfenic.  On  nomme  ces  concré- 
tions wolfram  ou  mifpickel.  On  tire  en  Mil- 
rie  beaucoup  à'arftnic  de  ces  concrétions 
minérales,  lous  la  forme  d'une  ferine. 

ïo°.  La  mine  d'argent  rouge,  qui  eft 
d'ordinaire  cryftallifée ,  &  que  les  Alle- 
mands nomment  roth  gulden-a\t ,  ell:  aulTi 
fort  arfcnicale. 

11°.  L'orpiment  nstif  eft  une  forte  de 
mine  à'arfenic  propre  :  elle  a  été  connue 
des  anciens.  Théophrafle  ,  Diofcoride  , 
Galien  ,  Celle  &  Wine  en  parlent.  Voyei 
HiU  fur  Théophrafte ,  Traité  des  pierres  , 
p.  24S  ù  i^C)  ,  272,  &  î7^.  C'eft  un  arfe- 
nic  minéralifé  par  le  foufre ,  avec  une  ma- 
tière fpatheufe  &  micacée  ,  d'un  jaune  tirant 
fur  le  verd  :  plus  ou  moins ,  aflèz  éclatant , 
toujours  volatil  au  feu  ,  compofé  d'écaillés. 
La  Hmdaraque  des  anciens  étoit  l'orpiment 
lougi  au  feu  dans  un  crcufet.  On  trouve 
dans  la  Styrie  un  foufre  natif  femblable  , 
qu'il  ne  fI^ut  pas  confondre.  Le  réalgar,  le 
iifigal,  le  landix  iont  proprement  des  prépa- 
rations arfenicales  faites  avec  l'orpiment,  &: 
qu^il  ne  faut  pas  non  plus  confondre  avec 
lorpiment  naturel. 


ARS 

On  peur  diftingucr    trois  fortes  d'orpi- 
ment ,  le  jaune  mêlé  de  rouge ,  c'efi:  alors 
le  landaraque  natif,  le  jaune  couleur  d'or, 
le  jaune  vcrdàtre  mêlé  de  terre  \  c'etl  la  plus 
'  vile  elpece. 

Linné  range  Porpiment  parmi  les  Pyrites; 
&  il  le  définit  pyrites ,  fuhnudus  ,fquamo(^us  , 
arfcnicalis.  Ce  n'eft  pas  éclaircir  par  des  dif- 
tmélions  lumineufes ,  mais  confondre  par 
une  obfcurité  embarrallànte. 

Beccher  ,  in  Morofophia ,  dit  qu'il  y  a 
une  grande  veine  de  ce  minéral  dans  une 
montagne  de  la  Turquie  en  A(îe  ;  Diofco- 
ride en  Mylîe  ,  dans  le  Pont  &  la  Cappa- 
doce  ;  Vitruve,  entre  les  contins  d'Ephelè 
&  de  la  ALagnélîe  ;  tienckel  ,  près  de 
Cremnitz  ;  Pott ,  dans  la  Luiace;  Walle- 
rius ,  à  Rothendal ,  à  Elfdal  &:  à  Ofterdal 
en  Suéde.  Il  eft  certain  qu'on  en  trouve 
fouvent  dans  les  vein.es  des  mines  d'or  & 
d'argent. 

L'orpiment  banni  de  la  médecine  com- 
me un  poiion,  1ère  par  la  dillolution  dans 
la  peinture ,  par  la  fufion  dans  la  verre- 
rie. On  peut  coniulter  la  Chymie  de  Junc- 
ker  ,  la  diftertation  de  Pott  de  auripig- 
mento  ,  l'art  de  la  verrerie ,  par  Kunckel 
&  Neri ,  avec  les  notes  de  Hellot.  On 
le  fert  encore  de  ce  minéral  pour  l'encre 
de  fympathie  &  pour  divers  autres  ufa- 
ges.  Voyc-^  Wallerius,  Minéralog.  T.  I, 
page  ^lo. 

11°.  Il  y  a  des  terres  marneufes  arfeni- 
cales :  c'eft  ce  qu'attefte  Henckel,  diuis  les 
Epkemed.  nat.  curiof.  vol.  Il ,  p.  ^564.  Il  en 
a  trouvé  prés  de  Freyberg. 

15.  Enfin,  il  s'élève  du  fond  des  mines 
des  vapeurs  arfenicales  mortelles  :  c'eft  ce 
que  les  mineurs  allemands  appellent  krgf- 
cliwakn.  Souvent  ces  vapeurs  qui  Iont  une 
torte  de  moufettes ,  forment  une  poufflere 
légère  &  volatile,  qui  eft  un  arfenic  décom-     . 
poié    &  volatifé.  On  le  nomme  alors  en     1 
allemand  vcijfcn  mehlichten  arfenic,  arfenic 
farineux.  Qiielquefo's  ces  vapeurs  accom- 
pagnées d'une  lumiidité  vitriolique ,  fe  cryl-    | 
tallifent  &  forment  l'arfenic  cryftallin  ,  fem-    ' 
blable  à  du  ^■erre  blanc.  Toutes  ces  vapeurs 
font  l'ertct  des  feux   fouterrains  ou  d'une 
eftervelccnce  qui  le  fait  dans  le  lein  de  la 
terre,  par  la  chaleur.  Les  phénomènes  de 
la  gioite   du  chien  ,  non  loin  de  Naples 


AR  S 

ptès  des  bains  de  Saint  Janvier  ,  font  peut- 
être  l'effet  des  vapeurs  arienicalcs  de  ce 
genre,  ^'byc^/c  voyage d'uiiFmnçois en ItaUe. 
L'arf-rucfûclice  le  tire  de  quelques-unes 
des  fubrtances  que  nous  \enons  de  dé- 
crire ;  i3c  il  le  fait ,  félon  les  lieux  &  les 
ei'peces  de  minéraux  ,  de .  différentes  ma- 
nières. On  peut  cunlulter  fur  cette  fabrica- 
tion ,  la  chymic  de  Juncker  ,  confpcâ.  chem. 
tom.  I,P'7g.  loG-j.  Voyez  aulTi  Kunckel  iSc' 
•Henckcl ,  &  Pote ,  de  auripigmento  ;  Wal- 
lerius  &  Bomare  ,  Minéralogie.  Confultez 
enfin  la  SiiUuth.  de  Groiiovius  ,  au  mot 
arfenicum  ;  vous  y  trouverez  le  catalogue 
nombreux  des  auteurs  qui  ont  écrie  fur 
cette  matière. 

On  vend  une  efpece  de  régule  arfenical , 
qui  fe  fait  de  trois  manières.  On  en  tire 
par  uue  forte  de  iublimation  du  cobolt 
noir  :  c'eft  ce  que  les  Allemands  nomment 
miicken-gift.  Il  en  eft  encore  qui  eft  formé 
des  mines  de  plomb  &:  de  celles  de  cui- 
vre ,  qui  lont  minéralilécs  a^^ec  Varfenic  : 
c'eft  une  forte  de  fcoric  qui  iurnage  à  la 
fonte  de  ces  minéraux.  Les  ouvriers  le 
nomment  Jpeifc  ou  kupferleg,  on  fchwar:^r 
kupfcr.  Onfiitauill  parla  précipitation  un 
régule  avec  Varfenic  blanc  cryfl:allin  &  le 
plus  noir  ,  traité  dans  un  vafe  fermé. 
W'aller.  MirJralog.  tom.  I,pag.  ifoj  &•  404  , 
2flm.  II,  pag.  Z05  &  i.06.  Brandt ,  de  fenii- 
mctallis. 

On  trouve  encore  dans  les  boutiques  un 
arfenic  à  demi-vitrifié  ,  cryftallin  ,  blanc  , 
jaune  ou  rouge.  Ow  foit  le  rouge  avec  une 
partie  de  loufre  &:  cinq  d'arfenic  tranfparent. 
Lorfque  Varjlnic  eft  en  cryftaux  ,  on  le 
nomme  rubis  de  foufre  ou  ruMs  arfenical, 
Lorfque  le  foufre  ne  fût  qu'un  dixième  du 
mélange  ,  Varfenic  eft  jaune.  L'alliage  du 
foufre  rend  Varfenic  plus  fulîble  &  plus  fixe: 
ainfi  Varfenic  rouge  peut  le  fondre  ;  &  il 
acquiert  de  la  tranfparence. 

On  vend  enfin  une  pouiïîere  arlenicale, 
qui  s'élève  &  s'attache  dans  les  cheminées 
ou  aux  parois  fupérieures  des  fonderies  ôz 
des  atteliers  où  l'on  travaille  toutes  les  mines 
arfenicalcs  :  c'eft  ce  que  les  fondeurs  alle- 
mands nomment  hilttcinrauch  &c  gift-melh. 
Cette  tarine  arfenicale  eft  tantôt  blanchâtre  , 
tantôt  jaunâtre. 
Jufqu'ici  nous  avons  coiifidéré  Varfenic 


A  R  S  4^7 

comme  folTile  &  naturel ,  i?C  Varfenic  fabri- 
qué j  il  nous  refte  à  l'envifiger  en  chymiftc  ; 
c'eft  dans  ce  feul  point  de  vue  que  l'a  con- 
iîdéré  l'auteur  du  Diclionnairc  de  chymie  ; 
Se  nous  allons  maintenant  fuivre  fes  obfer- 
vations ,  en  y  ajoutant  les  nôtres. 

h'arfcnic  fadtice  ,  qu'on  nomme  auffi 
arfenic  blanc  ,  n'eft  ordinairement  que  la 
fleur  du  régule  d'arfenic,  ou  la  chaUx  métal" 
lique. 

Cette  matière  a  des  propriétés  lînguliercî, 
&qui  la  rendent  unique  en  Ion  elpece. 

E]lc  eft  en  même  temps  terre  métallique 
&  lubftance  filline  ;  elle  rellemble  à  toiKcs 
les  chaux  métalliques  ,  en  ce  que  n'ayant 
point  la  forme  métallique ,  elle  eft  capable 
de  le  combiner  avec  le  phlogiftique  ,  de 
ie  changer  avec  lui  en  un  véritable  demi- 
métal. 

Mais  elle  diffère  trcs-elfentielîement  de 
toutes  les  chaux  &  terres  métalliques. 

1°.  Parcequ'elle  eft  conftamment  volatile, 
au  lieu  que  toutes  les  autres  chaux  des 
métaux ,  ik  même  celles  des  demi-métaux 
les  plus  volatils ,  font  très-fixes ,  quand  elles 
ont  été  dépouillées  de  leur  phlogiftique. 

1°.  Les  chaux  métalliques ,  bien  loin 
d'être  dillolubles  dans  l'eau  ,  lont  même 
prelque  toutes  indilTolubles  par  les  acides  les 
plus  forts,  h'arfenic  blanc ,  au  contraire , 
eft  diflôluble  ,  non  feulement  dans  tous 
les  acides ,  mais  encore  dans  l'eau  même  j 
comme  le  lont  les  matières  lalines. 

Selon  M.  Brandt,  Acîa eruditorum  Upfal. 
de  femi-metallis ,  en  1735,  ^orfenic  le  dilïout 
à  l'aide  de  l'ébuUition  pendant  toute  une 
journée  ,  dans  quatorze  ou  quinze  fois  Ion 
poids  d'eau  ;  &  on  obtient  par  le  refroidiC- 
fement  &  l'évaporation  de  cette  diftolution , 
des  cryftaux  jaunestranlparensiSc  irréguliers. 
Toutes  les  liqueurs ,  le  vinaigre  ,  l'efpric 
de-vin  ,  l'eau-de-vie  ,  les  huiles ,  peuvent 
plus  ou  moins  facilement  dilloudre  Vaifenic 
ta6lice.  Il  faut  feulement ,  félon  le  menftrue,, 
plus  ou  moins  de  chaleur ,  de  digeftion ,  de 
temps ,  ou  de  liqueur. 

5°.  Les  chaux  métalliques  ,  lorfqu'elles 
font  parfritcment  calcinées  ,  lont  abfolu- 
ment  inodores ,  infipides  &  fans  aétion  fur 
notre  corps ,  même  celle  du  régule  d'anti- 
moine. L  arfenic  ,  au  contraire  ,  conlerve 
toujours  une  txès-forte  odeur  d'ail  ;  étant 


4^S  A  R  S 

mis  fur  la  langue ,  il  excite  une  impreflîon 
d'âcreté  &  de  chaleur  ,  qui  produit  un 
crachotement  involontaire. 

Lorfqu'on  1&  prend  intérieurement ,  ou 
même  lorfqu'on  l'applique  extérieurement , 
il  fait  toujours  les  effets  d'un  poifon  corrolif, 
des  plus  terribles  Se  des  plus  violens. 

4**.  Aucune  efpece  de  terre  ,  même  les 
terres  métalliques  ,  ne  peuvent  contrafter 
d'union  avec  les  fubftances  métalliques. 
Uarfenic  s'unit  facilement  avec  tous  les 
métaux  &  demi-métaux  ,  avec  les  mêmes 
degrés  d'affinité  que  le  régule  d'antimoine  , 
c'eft-à-dirc  ,  dans  l'ordre  fuivant  :  arfenic , 
fer  ,  cuivre  ,  étain,  plomb,  argent ,  or  , 
luivant  M.  Cramer.  Voye^^  auiu  Juncker, 
Confpeâ.  Chem.  tome  I ,  page  lojo. 

Il  faut  oblcr^'er  à  ce  fujet ,  que  \' arfenic 
rend  fragiles  &  caffans  tous  les  métaux 
avec  lefquels  il  s'unit.  Il  rend  l'or  grifàtre 
dans  fa  frafture  ,  l'argent  d'un  gris  foncé  , 
le  cuivre  blanc.  L'étain  devient  par  Ton 
mélange  ,  beaucoup  plus  dur  &  de  difficile 
fuhon.  Le  plomb  devient  auiïî  très-dur  & 
très-caflant ,  &  de  difficile  fufion  ;  il  change 
h  fer  en  une  malïe  noirâtre  :  toutes  ces 
cbfervations  font  de  M.  Biandt ,  loc.  cit. 

5°'.  Plus  les  chaux  métalliques  lont 
dépouillées  de  phlogiftique  ,  plus  elles  font 
difficiles  à  fondre.  Uarfcnic,  au  contraire,  eft 
toujours  très-  fuiible.  Sa  feule  volatilité  met 
obfiacle  à  fa  parfaite  fulîon.  Il  volatilife  , 
fcorifie  &  vitrifie  tous  les  corps  folides  ,  à 
l'exception  de  l'or ,  de  l'argent ,  &  de  la 
platine. 

6°.  Les  terres  &  chaux  métalliques 
n'ont  aucune  aftion  fur  le  nitre  ,  qui  ne 
peut  être  décompoié  que  par  le  phlogif- 
tique  ,  par  l'acide  vitriol Jque  ,  &  par  le  fcl 
fédatif.  L'iirfenic  décompole  le  nitre  avec 
la  plus  grande  facilite  ,  non  pas  en  fe  com- 
binant avec  fon  acide  ,  ôc  en  le  dérruilant , 
comme  te  fait  le  phlogilHque ,  mais  en  le 
dégageant ,  &  en  prenant  fa  place  auprès  de 
l'alkali ,  C'3nnme  le  font  l'acide  vitriolique. 
Se  le  fel  fédatif. 

Stahl  Si  Kunckeloiit  connu  l'un  &  l'autre 
cette  propriété  qu'a  Yarfcnk  de  décompoler 
le  nitre  &  d'en  dégager  l'acide. 

Sïâhl  enîcigne  à  préparer,  par  l'intermède 
àc  Y  arfenic  ,  un  .acide  nitreux  très -volatil  , 

cxtjtmemcm  concentre ,  d'une  odeur  pcnc- 


A  R  S 

tranre  Se  fétide ,  &  de  couleur  Ueue  ,  quoi- 
que les  vapeurs  foient  routles.  Cette  couleur 
bleue  n'eft  due  ,  félon  l'obfervation  de 
M.  Baume ,  qu'à  l'eau  qu'on  efl:  obligé  de 
mettre  dans  le  récipient ,  pour  condenfer  les 
vapeurs  de  cet  acide  ,  qui  eft  extrêmemeiic 
fort  &  difficile  à  candenfer.  i 

Kunckel  enfeigne  aufTi  à  faire  une  eaii  f 
forte  toute  femblable  ,  mais  par  un  procédé 
be.aucoap  plus  fimple  &c  plus  clair  que  celui 
de  Stahl,  puilqu'il  ne  décompofe  le  nitre  i 
que  par  Varferdc  feul  ,  au  lieu  que  Stahl 
i''.  fût  entrer  dans  fbn  mélange  le  vitriol 
de  mars  ,  calciné  au  rouge  \  x°.  non  pas 
V arfenic  pur ,  mais  une  combinaiion  à' arfenic 
à  parties  égales  avec  l'antimoine  &  le  foufre  : 
combinaifon  que  les  chymil\es  avoienc 
nommée  lapis  pirmiefon  ou  lapis  de  tribus. 

Ces  deux  chymiftes  s'étoient  contentés 
d'examiner  les  propriétés  de  l'elprit  de  nitre 
qu'ils  retiroient  par  l'intermède  de  l'jr/è/!/<: , 
&  perfonne  n'avoit  examiné  ce  qui  reftc 
dans  la  cornue  après  la  diftillation. 

Cette  matière  ,  digne  d'attention ,  a  été 
reprife  par  M.  N4acquer  ,  qui  a  examiné 
lînguliérement  la  décompofitiondu  nitre  par 
Varfenic  dans  les  vailTèaux  clos  ,  &  la  nou- 
velle efpece  de  fel  qui  refte  fixe  dans  la 
cornue  après  la  diftilhtion  de  l'acide  nitreux. 

Ces  recherches ,  dont  il  a  donné  le  détail 
dans  deux  mémoires  ,  imprimés  dans  le 
Recueil  de  l'académie  de  Paris  ,  lui  ont  fait 
découvrir  que  Varfenic  ,  en  fe  combinant 
avec  la  bafc'du  nitre  ,  après  en.  avoir  châtie 
l'acide  ,  forme ,  avec  cet  alkali ,  une  forte 
de  fel  parfaitement  neutre  ,  auquelil  a  donné 
le  nom  de  f.1  neuf.e  arfenic  al. 

0\\  ccnnoiilôit  en  chymie  uns  .autre 
décompolîtion  du  nitre  par  Varfenic  ,  &  par 
conféquent  une  autre  combinaifon  de  Varfe~ 
nie  a\ec  h.  bafe  du  nitre  ,  nommée  par 
quelques  chymiftes  arfenic  fixe  par  le  nitre  > 
ou  ni.  re  fixe  par  l'arfemc  ;  m.-vis  cette  der- 
nière combinaifon  diffère  du  fel  arfenical  de 
M.  Macquer,  en  ce  qu'elle  n'eff  point  uii 
fel  neutre ,  îs:  qu'elle  con'erve ,  au  contraire» 
routes  les  propriétés  alkalmes. 

M.  Macquer  a  fait  encore  une  autre  com- 
binaifon de  Varfenic  avec  l'alkaU  fixe  en 
liqueur. 

L'arfenic  blanc  ,  quoique  trcs-volanl ,  fe 
fixe  en  partie  pai  l'a-diicreuce  qu'il  contraiic 


A  R  s 

avec  dîverfes  forces  de  terres ,  Sc  même  juf- 
qu'.ui  poinrde  foutcnirlc  feu  devitrihcacioii. 
Il  facilite  la  fufion  de  plulicurs  matières 
rcfradaircs ,  félon  les  expériences  de  M, 
Pott.  De-là  vient  qu'on  le  hit  entrer  dans  la 
compolicion  de  plulieurs  verres  îk'  cryftaux  , 
auxquels  il  donne  beaucoup  de  netteté  & 
de  blancheur ,  à-peu -près  comme  le  lel 
fcdatif  (Se  le  borax  ;  mais  il  a  aulfi  les  mêmes 
inconvéniens  ;  c'eft  que  quand  il  y  eft 
dans  une  proportion  un  peu  grande  ,  ces 
cryftaux  fe  ternifiènt  beaucoup  plus  prompte- 
ment  par  l'aftion   de  l'air. 

Les  teinturiers  emploient  Ytirfenic  blanc 
dans  plulieurs  de  leurs  opérations  ;  mais 
les  effets  qu'il  y  produit  ne  (ont  pas  encore 
bien  connus ,  &  demandent  un  examen 
particulier. 

L'ûrfenic  entre  dans  la  compofition  de 
plulieurs  couleurs  foliJes  des  fabriquans 
d'indiennes  ou  toiles  peintes. 

Unrfenic  Sc  fon  régule  ,  pouvant  fe 
combiner  avec  tous  les  métaux  ,  on  fè  fert 
aulFi  de  Ion  mélange  pour  plulieurs  com- 
politionSj  telles  ,  par  exemple,  que  le  cui- 
vre blanc  ou  tombac  blanc.  Voyez  la  Mi- 
rJralogie  de  Wallerius  &  celle  de  M.  Val- 
mont  de  Bomare. 

On  fe  fert  avec  grand  fuccès ,  de  Varfenic , 
pour  fiire  avec  le  cuivre  &  l'érain  ,  des 
compofés  métalliques  d'un  allez  beau  blanc  , 
êz  d'un  tillu  très-denfe  &  très-ferré ,  capa- 
bles ,  par  con(équent  ,  de  prendre  un  beau 
poli  ,  de  bien  réfléchir  les  rayons  de  la 
lumière  ,  &  de  taire  des  miroirs  de  métal. 

On  peut  conjedurer  de  tout  ce  qui  vient 
d  être  dit  des  propriétés  de  l'ûrfenic  ,  que 
cette  matière  ell  une  terre  métallique  ,  «.l'une 
nature  particulière ,  intimement  combinc-e 
avec  un  piinc'pe  fàlin  &  même  acide  ,  qu'au- 
cune épreuve  chymique  n'apujulqu'àpréfent 
en  léparer  ,  oui  l'accompagne  dans  fa  com- 
hinailon  avec  le  phlogil'cique  ,  iorfcju'elle 
prend  la  forme  métallique  ,  6:  qui  y  relte 
adhérent ,  lorfque  par  la  combultion  de  ce 
phlogiftique ,  elle  redeviciit  arfeni.  bl'.nc. 

Aullî  Bcccher ,  fins  avoir  mcme  connu 
toutes  les  propriétés  de  Varfenic ,  en  donne- 
t-il  une  idée  bienanalogueàcertc  conjeiluie. 
Il  le  déhnit  dans  (a  phyfîque  fouterraim  : 
"  une  lubftance  compoiée  de  la  terre  du 
ibu&c  qiû  eÛ  dans  k  le!  coniaïuii  (  ce  c^ui 


A  R  S  ^69 

veut  dire  apparemment  l'.icidedu  Tel  marin)  > 
&  d'un  métal  qui  y  eft  joint.  >•  Ailleurs  il 
l'appelle  une  eau  forte  &  coagulée  ;  3c  comme 
il  voyoit  par-tout  la  terre  mercurielle  ,  ou 
au  moins  quelque  choie  de  mercuricl  ,  il 
nomme  le  mercure  un  arfenic  jluiJc  ;  il 
regarde  le  mercure  &:  les  métaux  cornés , 
comme  des  elpeces  à'arfenics  artificiels. 

Il  eft  des  compofés  à' arfenic  &  de  loufre 
qui  font  naturels;  il  en  eft  d'artificiels  :  ceux- 
ci  fe  préparent  en  mêlant  îs:  fubhmant 
enfemble  ces  deux  fubftances  dans  les  pro- 
portions dont  on  a  parlé  ci-deirus ,  ou  , 
encore  mieux  ,  en  fiiifant  fublimer  enfemble 
le  foufre  &c  Varfenic  des  minérau::,  qui 
contiennent  ces  deux  lubftances. 

Agricola,  Marthiole  ,  Schrtxdev,  femblent 
avoir  confondu  les  arfenics  jaunes  i^c  rouges 
artificiels  avec  les  naturels  ;  &  depuis  eux  , 
la  plupart  des  chymiftes  &:  desj  natur.diftes 
les  ont  aulTî  confondus  ,  contufion  kir  la- 
quelle Hoffmann  leur  fait  un  très-grand 
reproche  ,  fondé  principalement  (ur  ce  que 
des  expériences  qu'il  a  faites  exprès  ,  l'onc 
convaincu  que  l'orpiment  S>c  le  réalgar  natu- 
rels ,  ne  font  pas  des  poilons  comme  \'ar~ 
fenic  jaune  &  \' arfenic  rouge  artificiels. 

Mais  malgré  les  expériences  de  Hoffmann  , 
qui  n'ont  été  faites  qu'une  fois  ou  deux  fur 
les  chiens ,  il  feroit  très-imprudent  de  faire 
prendre  intérieurement  de  l'orpiment  ou  du 
réalgar  naturel  :  d'autant  plus  que  toutes  les 
épreuves  chymiques  démor.trent  que  ces  fubf^ 
tances  contiennenr  réellement  un  principe 
arlenicale,  &  que  Hoffmann  convient  lui- 
même  que  quand  ils  ont  été  expofésau  feu, 
ils  devieiiiient  des  poifons  très-violens. 

Hoffmann  remarque  aulTi  que  les  anciens- 
médecins  ne  laifoient  pas  difficulté  de  don- 
ner intérieurement  l'orpiment  &  le  réalgar 
foiïi'es,  &  Icsdifculpe  du  reproche  que  des- 
médecins modernes  leur  en  ont  f.àc.  Mais 
il  faut  oblerser  ,  à  ce  iujet ,  que  les  anciens, 
connoifloient  pea  nos arJerJcs  blancs,  jaunes 
&  rouges  faélices  ,  qui  ne  ibnt  bien  connus, 
qu'environ  depuis  deux  cents  a;.i  :  &  que 
s'ils  avoier.t  connu  les  effets  de  ces  poifons ,, 
^■i  la  redcmblance  qu'ils  ont  avec  l'orpiment 
Z<.  le  réalgar  naturels ,  ils  auroient  été  vrai~ 
fèmblablemenc  beaucoup  moins  hardis.  L* 
méfiance  eft  auffî  louible  que  la  hardieffe; 
,  eff:  coniamuablc  fur  ces  foicci.dc  ruarieics.. 


470 


A  R   s 


dans  lefquelles  des  ditFérences  prefqa'in- 
fenllblcs  peuvent  occafioner  les  accidens  les 
plus  fâcheux.  C'eil:  pourquoi  on  ne  peut 
approuver  la  fécurité  fuiguliere  avec  la- 
quelle un  auffi  grand  médecin  que  l'étoit 
Hoffmann ,  s'eftorce  d'infpirer  de  la  confiance 
pour  des  drogues  aulli  fulpecles  que  le  lont 
l'orpiment  &:  le  réalgar  naturels. 

On  ne  prétend  pas  dire  pour  ceia  qu'il  ne 
peut  point  y  avoir  de  différences  eiîentielles 
entre  l'orpiment  naturel  &  Varfenic  jaune 
fa£ticc.  On  convient  même  que  Varfenic, 
contenu  dans  l'orpiment ,  y  eft  vrailembla- 
blement  mieux  lié  par  le  foufre  ,  &  qu'il 
y  eft  d'ailleurs  en  moindre  proportion  ;  car 
une  partie  de  l'orpiment  paroît  être  cora- 
polée  d'une  pierre  fpatheui'e  ,  &  d'une 
erpece  de  mica  ,  ce  qui  lui  donne  une  forme 
feuilletée  &  brillante. 

Lorique  Varfenic  eft  combine  avec  le  fou- 
fre, on  peut  féparer  une  parde  du  foufre 
par  la  leule  fublimation  ,  parce  qu'il  eft  plus 
volatif  j  mais  il  y  a  toujours  une  portion  du 
foufre  ,  qui  demeure  unie  avec  Varfenic  ,  & 
que  l'on  ne  peut  en  iéparerque  par  le  fecours 
d'un  intermède. 

L'alkali  fixe ,  Se  le  mercure  font  deux  in- 
termèdes propres  à  faire  cette  opétadon. 

Lorfqu'on  Ce  fert  de  l'alkali  fixe,  il  faut 
le  prendre  en  liqueur  &  en  former  uife  pâte 
avec  Varfenic  fulfuré  qu'on  veut  fi!L>iimer , 
mettre  rette  pâte  dans  un  vailfeau,  la  iubli- 
mer  ,  &  poulfer  à  la  lublimation  par  un 
feu  gradué  :  Varfenic  fe  fublime  en  fleurs  blan- 
ches. Si  l'on  mettoit  trop  d'alkali  ,  on  reti- 
reroit  moins  d'arfenic  ;  parce  que  la  portion 
d'alkali  ,  qui  ne  feroit  pas  faturée  de  foufre  , 
le  retiendroit.  On  trouve  du  foie  de  foufre 
au  fond  du  vaifteau  après  l'opération. 

Lorfqu'on  fc  fert  du  mercure  pour  faire 
cetre  féparation ,  il  faut  le  triturer  &  l'étein- 
dre avec  Varfenic  fulfuré  ,  &  procéder  à  la 
lublimation.  h'arfenic  monte  d'abord  ;  cn- 
fuite  il  fe  lublime  du  cinabre.  Toutes  les 
matières  métalliques,  qui  ont  plus  d'aiHniîé 
que  le  mercure  .avec  le  foufre ,  lembleroienr 
pouvoir  être  employées  pour  cette  opération. 
Mais  deux  raifons  s'y  oppofent  : 

1°.  Elles  ont  aulfi  beaucoup  d'afHnitéavec 
Varfenic ,  &  le  mercure  n'en  a  pas. 

2*^.  h'arfenica  la  propriété  très-remarqua- 
ble d'enlever  à  toutes  les  matières  métal-- 


A  R  S 

liques ,  excepté  à  l'or ,  à  l'argent  &  au  mer» 
cure,  une  partie  de  leur  phlogiftique ,  en 
iorie  qu'il  le  fublimeroit  à  moitié  regulifé. 

Dans  l'opération  par  le  mercure  ,  fouvenc 
une  partie  du  cinabre  monte  avec  Varjenic  ; 
ce  qui  oblige  de  le  lublimer  une  féconde 
fois. 

L'arfenic  fe  diftbut  dans  tous  les  acides , 
Se  forme  avec  eux  des  combinaifons  qui  n'onc 
point  encore  été  examinées  dans  un  détail 
fufîiiant.  L'acide  vitrioiiquea  la  propriété  de 
le  rendre  infiniment  plus  fixe  qu'il  ne  l'eft 
naturellement ,  eft  et  qu'il  produit  auiïl  fur  le 
mercure. 

Si  l'on  traite  enfemble  par  la  diftillation 
un  mélange  d'arfenic  &  d'acide  vitriolique 
concentré,  on  retire  un  acide  vitriolique, 
qui  quelquefois ,  fuivanc  l'obfervation  de 
M.  Macquer  ,  a  une  odeur  tout-à-frit  im- 
pofante  d'acide  marin.  Lorique  l'on  a  poufte 
cette  dilfolution  jufqu'à  ce  qu'il  ne  monte 
plus  d'acide  ,  alors  la  cornue  eft  prefque 
rouge  ,  il  ne  fe  fublime  point  d'arfe- 
nic ;  mais  cette  fubftance  refte  dans  une 
fonte  tranquille  au  fond  de  la  cornue.  En 
la  laiOant  refroidir  ,  on  trouve  Varfenic  en 
une  feule  mailè;  compadle  ,  très-pelante ,  caC- 
faute  Se  tranfparente  comme  du  cryftal.  Cette 
efpece  de  verre  cxpofe  à  l'air  s'y  ternit  en 
peu  de  temps  ,  à  caufe  de  l'humidité  qu'il 
en  atûre ,  qui  le  dilfout ,  &  qui  le  réfout 
même  en  partie  en  liqueur  ;  ce  déliquium  eft 
extrêmement  acide. 

L'arfe,iic ,  traité  avec  le  phlogiftique  d'une 
manière  convenable  ,  (g  combine  avec  lui , 
(S:  prend  toutes  les  propriétés  d'un  demi- 
métal  très-volatil ,  d'une  couleur  plus  ou 
moins  fombre ,  blanche  ou  brillante  :  on 
nomme  cette  fubftance  régule  d'arfenic. 

L'arfenic  qui  eft  dans  le  commerce  ,  Ce 
tire  dans  les  travaux  en  grand  ,  qu'on  fait 
principalement  en  Saxe  ,  lur  le  cobok  ,  pour 
en  tirer  le  faftre  ou  bleu  d'azur.  Ce  minéral , 
contient  une  très-grande  quantité  d'arfenic, 
qu'on  eft  obhgé  de  féparer  par  une  longue 
torréfa lotion  :  cet  arfenic  leroit  perdu  ,  fans 
un  moyen  qu'on  a  imaginé  ,  Se  qu'on  pra- 
tique pour  le  retenir  &  le  rallembler. 

Pour  cela  on  grille  le  cobok  dans  une 
efpece  de  four  voûté  ,  auquel  eft  .ajuftéeune 
longue  cheminée  tortueufe.  h' arfenic ,  réduit 
en  vapeurs,   enfile  cette  cheniiace  îJc  s'y 


A  RS 

amafTe  ;  les  portions  A'arfcnic  qui  fe  (ont 
attacliécs  à  la  partie  de  la  clu'mince  la  plus 
froide  &:  la  plus  éloignée  du  four  ,  y  lont 
fous  la  forme  d'une  poudre  blanche  ou  griie , 
qu'on  nomme  Jleurs  ,  ou  farine  d'arfenic. 
Celles  au  contraire  qui  s'attachent  à  la  partie 
de  la  cheminée  la  plus  chaude  ,  &  la  plus 
voiilne  du  fourneau  ,  y  éprouvent  une  forte 
de  fulion  qui  les  réduit  en  malles  compares, 
pelantes  ,  d'un  blanc  mac  in:  rcflembl.int  à 
de  It-mail  blanc  ;  ceS'  malles  à'arfenic  blanc 
iontprelquetoujours  entrc-coupéesde  veines 
ou  couches  jaunâtres  ou  grisâtres.  Ces  cou- 
leurs font  dues  à  un  peu  de  ioufre  ou  de 
phlogilHque  ,  auxquels  étoit  encore  unie 
cette  portion  à'arfcnic. 

Comme  il  eft  rare  ,  aind  que  l'on  voit 
par  ce  détail ,  que  Yarfenic  qu'on  obtient 
dans  ces  travaux  en  grand  ,  foit  entièrement 
exempt  de  parties  lulfureules  ou  phlogifti- 
ques  ;  li  l'on  a  beloin  ,  pour  les  opérations 
de  chymie  ou  des  arts  ,  à'arfenic  qui  loit 
parfaitement  pur  ,  on  doit  le  fublimer  de 
nouveau  ,  après  l'avoir  mêlé  avec  quelque 
intermède  ,  capable  d'ablorber  Tes  parties 
inflammables ,  principalement  avec  les  alka- 
lis  ou  les  terres  ablorbantes. 

IJûrfen^  eft  un  poilon  corrofif  très-vio- 
lent :  il  produit  toujours"  les  plus  fâcheux 
fymptomcs  &  des  effets  meurtriers ,  pris  in- 
térieurement ,  ou  même  apphqué  extérieu- 
rement. Il  ne  doit  jamais  être  em.ployé  dans 
l'ufage  de  la  médecine  ,  quoique  quelques 
perionnes ,  très-peu  inftruites  de  cette fcien- 
ce  ,  ofent  le  faire  prendre  en  petites  dofes 
dans  des  fièvres  intermirtentes  opiniâtres, 
qu'il  peut  guérir  effecT;ivement,  mais  tou- 
jours aux  dépens  des  malades ,  qui  iont  ex- 
po((.'s  enfuite  à  la  p.hthilie ,  ou  à  d'autres  ma- 
ladies auffi  fâcheules. 

On  a  prétendu  que  Varfenic  entroit  dans 
les  poudres  fébrifuges  de  Berlin.  Un  empy- 
rique  donnoit  pour  les  fièvres  une  prépara- 
tion de  i'arf-nic  en  poudre  ,  qu'il  fai'oit 
aufli  prendre  en  dillclution.  Il  s'eft  promené 
dans  l'Europe ,  &  a  trouvé  des  dupes  avec 
fou  remède. 

Les  accidens  qu'éprouvent  les  pcrfonnes 
cmpoifonnées  par  Varfenic ,  font  des  dou- 
leurs énormes ,  dans  les  entrailles ,  des  vo- 
millemens  violens,  des  fueurs  froides,des  fyn- 
copes  5  des  convullîons  qui  font  toujours  fui- 


A  R  S  471 

vies  de  la  mort,  fi  l'on  n'y  apporte  un  prompt 
remède.  Les  meilleurs  contre-poifons  de  l'^zr- 
fcnic  font  :  les  grands  lavages  délayans  & 
adoucillàns ,  comme  les  mucilages,  l'huile, 
le  lait ,  le  petit  -  lait  :  les  matières  abfor- 
bantes  &  alkalincs  produiront  aulTi  de  très- 
bons  effets ,  à  caufe  de  la  propriété  qu'a  \'ar~ 
fcnic  de  fe  combiner  ,  de  de  fe  neutr.alifcren 
quelque  f  içon  avec  ces  fubllances.  Le  lel  de 
tartre  &  la  leffive  des  cendres  de  cuilîne 
peuvent  être  employées  comme  contre- poi- 
lon ,  &  lont  très-efficaces. 

Lorlqu'on  fait  l'ouverture  des  cadavres 
des  gens  empoifonnés  par  Varfenic  ,  ou  ap- 
perçoit  dans  l'elfomac  &  dans  les  ititeluns 
grêles ,  des  taches  rouges ,  noirâtres,  livides , 
enflammées  lïc  gingreneuies  ;  louvcnt  on  y 
trouve  encore  Varfenic  en  fubflance  ,  qu'on 
peut  reconnoitre  .lilément  à  fon  odeur  d'ail , 
en  le  mettant  fur  les  charbons  ardens  ou  fur 
une  pelle  rouge. 

La  table  de  NL  Geoffroy  n'indique  point 
les  affinités  de  Varfenic  ;  celle  de  M.  Gellert 
donne  le  zinc,  le  fer,  le  cuivre,  l'étain, 
le  plomb  ,  l'argent  ,  l'or  tk.  le  régule  d'an- 
timoine. 

Brandt ,  dans  les  Acles  de  l'académie  df 
^733  >  'ivoit  propofé  Varfenic  ,  diffout  dans 
l'huile  &  mêle  avec  la  poix  &:  la  rélîne,  comme 
propre  à  faire  un  vernis  pour  enduire  le  bois 
des  v.riffeaux ,  &  les  pilotis  des  digues ,  afin 
de  les  préferver  de  la  vermoulure.  J'ai  vu 
une  expérience  en  petit ,  qui  a  eu  le  plus 
grand  fucccs.  Il  eft  furprenant  que  l'on  n'ait 
pas  fait  ufage  de  cette  ouverture  ,  pourcher- 
cher  un  vernis  peu  coûteux  ,  qui  fe  feche  fa- 
cilement &  qui  s'étende  exaé'tement.  J'ai  vu 
aufli  employer  l'rtr^'i^'/wc  avec  fuccès  pour  em- 
baumer les  oifeaux  ou  leur  peauemplumée  , 
&  les  garantir  contre  toutes  les  vermines. 
(BC.) 

*  ARSENOTELES ,  f.  m.  pi.  ou  herma. 
phrodites.  Ariftote  donne  ce  nom  aux  ani- 
maux qu'il  conjedure  avoir  les  deux  fexes.  •* 
Voye?^  Hermaphrodite. 

ARSIou  Arsm  ,  (  Géog.)  peuples  de 
l'Arabie  heureufe  ,  dont  Pline  &:  Ptolomée 
ont  foit  mention,  La  différente  rerminaifon 
de  leur  nom  eft  caufe  que  des  géographes 
peu  attentifs  en  ont  fait  deux  peuples,  quoi- 
que ce  ne  foit  que  le  même  appelle  indiffé- 
'  reinment  Arfi  ou  Arfxpa-  lesaureiirs.  (C.  A.) 


47î  A  R  S 

ARSIASILFA,{  Géogr.  )  foret  d'IrrJie 
près  de  Rome;  elle  icra  à  jamais  célèbre  par 
la  mort  du  grand  Lucius-Junius-Brutus,  l'un 
des  premiers  coniuls  de  Rome  ,  qui  délivra 
fa  patrie  de  Tarquin  le  fuperbe.  Ce  fut  dans 
cette  forêt  que  Brutus  fut  tué  dans  un  com- 
tat  contre  les  Etruiques.  {C.  A.) 

ARSI AS  ,  (  Gcogr.  )  fleuve  d'Italie  célèbre 
parune  vidtoire  que  Ptolémée  remporta  fur 
fcs  bords  ,  contre  fes  ennemis  C'eft  au- 
jourd'hui i'EJîno  dans  la  Marche  d'Ancone. 
(C.A.) 

ARSICUA ,  (  Géogr.  )  ville  de  la  Germa- 
nie ,  félon  Ptoloméc.  Les  intrepretes  s'ac- 
cordent à  la  placer  en  Moravie  :  mais  ils  ne 
jfavent  h  c'eft  aujourd'hui  Olmutz  ou  Erinn. 
Ce  qu'il  y  a  de  plus  vraifemblable  ,  c'eft  que 
Hradish  a  bien  plus  de  rapport  avec  ^r/ïcz//?, 
&  que  la  conjeclure  eft  bien  mieux  fondée 
de  prendre  Hradish  pour  l'ancienne  Arjî- 
cua  y  qu'Olmutz  ou  Brinn.  (C.  ^.  ) 

ARSIETj^,  {Géogr.)  nation  delaSar- 
matie  Européenne ,  félon  Ptolomée.  On  con- 
jeéture  qu'elle  habitoit  le  pays  appelle 
aujourd'hui  le  Palatinat  de  Chelm  en  Po- 
logne. (  C.  A.) 

ARSINARIUM ,  {Géogr.)  c'étoit,  chez 
les  anciens ,  le  nom  d'un  fameux  promon- 
toire d'Afrique  ,  dans  le  Sénégal  ,  que  nous 
connoiftbns  aujourd'hui  lous  le  nom  de  Cap 
■Verd.  {C.  A.) 

ARSINOÉ  ,  {Géog.)  ville  d'Egypte  ,  que 
l'on  nommoit  encore  indifféremment  Cléo- 
fairide.  Elle  étoit  fur  les  bords  du  canal 
cxeufé  par  Ptolémée ,  entre  le  Nil  &  la  mer 
Rouge.  Quelques-uns  prétendent  que  c'eft 
Suez  ,  &  d'autres  Azirutz  ,  à  quinze  milles 
de  Suez.  Il  y  avoit  encore  plufieurs  villes  de 
ce  nom;  favoir  trois  en  Afrique  ,  deux  le 
long  du  golfe  Arabique  ,  &  une  dans  la 
Lybie  Girénaïque  ,  entre  Ptolémaïde  & 
Leptis  ,  une  en  Syrie  ,  une  en  Céléfyrie , 
quatre  dans  l'ile  de  Chypre ,  une  en  Lycie , 
une  en  Grèce  ,  dans  l'Etolie  ;  &  enfin  une 
dans  l'Afie  mineure  ,  qui  étoit  la  même  que 
la  célèbre  ville  d'Ephefe  :  excepté  cette  der- 
nière ,  on  n'a  prclque  point  de  détails  vrais 
ou  importans  lur  toutes  ces  villes.  (C.A.) 
Arsinoé  ,  {HiJL  d' Egypte.)  (^oom  de  la 
fameuic  Cléopatre  ,  en  eut  toute  l'ambition 
fans  en  avoir  les  talens  &  la  beauté.  Cefar 
lui  fit  préfenr  de  l'île  de  Chypre  dont  elle  fut 


mife  en  poireffion  avec  le  plus  jeune  de 'fes 
frères  ;  mais  méconterite  du  partage  ,  elle 
engagea  Photin  à  fe  révolter  contre  les  Ro- 
mains. Cet  eunuque  qui  avoit  tous  les  ta- 
lens pour  gouverner  un  empire ,  s'aflocia 
avec  Achillas  qui  avoit  tous  les  talens  pour 
commander  une  armée.  Ces  deux  rebelles , 
ibllicités  par  Arfinoé ,  raflt-mblerent  des  ef- 
clayes  fugitifs  de  Syrie  &  de  Cilicie,  qu'ils  joi- 
gnirent à  un  corps  defoldats  quiavoientfervi 
lous  Gabinius,  mais  dont  le  (cjour  en  Egypte 
avoit  amolli  le  courage  &  les  mœurs.  Ces 
hommes  autrefois  célèbres  par  leurs  exploits 
militaires,  n'étoient  plus  connus  que  par  des 
larcins  &c  des  meurtres.  Cet  fut  de  cet  amas 
impur  qu' Achillas  &  Photin  formèrent  une 
armée.  Arfinoé  fut  alfez  aveugle  pour  croire 
que  cette  guerre  changeroit  le  deftin  de  l'E- 
gypte. Elle  fe  retira  dans  le  champ  des  rebel- 
les ,  où  fa prélenceélevale  courage  des  Egyp- 
tiens ,  flattés  d'avoir  à  leur  tête  une  princelle 
du  lang  de  leurs  rois.  La  jaloufie  du  com- 
mandement alluma  les  haines  des  chefs  ,  & 
Achillas  fut  airaflmé.    Arfinoé   revécue  du 
pouvoir,  mit  à  la  tête  de  l'armée  Ganimede, 
qui ,  quoique  eunuque  ,  avoit  l'ame  d'un 
héros.  Ses  talens  ne  purent  balancer  la  for- 
tune de  Céfar,  &  malgré  la  lupériorité  du 
nombre  ,  il  fut  vaincu  dans  une  bataille  qui 
rendit  le  calme  à  l'Egypte.  Arfinoé  fans  ar- 
més tomba  au  pouvoir  du  vair.queur  qui , 
craignant  qu'elle  n'excitât  de  nouveaux  trou- 
bles ,  la  conduifit  à  Rome  chargée  de  chaî- 
nes ,  pour  fervir  d'ornement  à  Ion  trionv 
phe.  Après  avoir  eftuyé  cette  humiliation,  elle 
fut  reléguée  dans  le  fond  d'une  province  de 
l'Afie,  où  elle  vécut  obfcure  &  fans  con- 
fidération ,  jufqu'à  ce  qu'Antoine  enivré  d'a- 
mour ,  (oufcrivit  aveuglément  aux  volontés 
de  Cléopatre  :   cette  reine  auiTi  ambitieufe 
qu'impudique  ,  exigea  qu'il  lui  iacrifiât  fa 
(ocur  Arfinoé ,  qui  fut  égorgée  à  Ephefe  dans 
le  temple  de  Diane  ,  où  elle  avoit  cru  trou- 
ver un  afyle.  (  T-n.  ) 

Arsinoé  ,  fille  du  premier  des  Ptolé- 
mées  ,  fut  mariée  à  Seleucus ,  roi  de  Syrie. 
Ceranus  fon  frère,  à  qui  leteftamcntde  fou 
père  avoit  iubftitué  (on  puiné  ,  ne  put  (e 
réloudre  à  obéir  à  celui  que  la  nature  avoir 
deftiné  à  être  (on  fujet ,  il  fe  retira  à  la  cour 
de  fôn  beau  -  frerc  pour  folliciter  fon  f'e- 
cours  ;  mais  Seleucus  allégua  la  foi  des  traités 

qui 


A  R  s 

qui  l'oblîgeoîentàiie  jamais  faire  la  guerrcaux 
eiifansdc  Ptolemc-e  borcr.  Ceranus  ,  indigne 
àc  ccrcc  dt-licuefie,  conçut  6c  exécuta  le 
dcllcin  de  rafl.illincr.  Sataur,  veu\cdecc 
prince  ,  le  recira  avec  les  cnfans  dans  Cal- 
landréc,  pour  les  fouftraiie  aux  fureurs  d'un 
ptrfide  qui  ne  voyoit  en  eux  que  les  vengeurs 
cfc  Ion  crime.  Alors  Ceranus  ,  forcé  de  dil- 
iimuler ,  fit  demander  la  lœur  en  mariage  , 
promettant  d'allurcr  à  les  neveux  l'héritage 
de  leur  père.  Arjhioé  qui  n'étoit  point  allez 
puiflante  pour  lui  réliller ,  coirfentit  à  le  re- 
cevoir daiis  Callandrte.  Après  qu'il  eut  prcté 
ferment  lur  l'autel  de  Jupiter  qu'il  ieroit  le 
proteâ:eiir  de  les  enfans ,  elle  va  à  la  ren- 
contre accompagnée  de  fes  deux  fîls ,  dont 
l'ainé  avoit  leize  ans  &  l'autre  trois.  Cette 
réception  lut  brillante  :  on  offrit  des  lacri- 
fices  dans  les  temples,  &  ce  jour  fut  mar- 
qué par  des  fctes.  Ceranus  reçoit  les  neveux 
avec  un  cpanouiflement  de  joie ,  qui  en 
annonçoit  la  Imcérité  ;  mais  à  peine  elî  -  il  le 
maure  de  la  ville  ,  qu'il  dide  1  arrêt  de  leur 
mort;  ^/yr/zoe  furieule  leur  frit  un  bouclier 
delon  corps,  fc  c'eft  lur  elle  que  tombent  les 
premiers  coups ,  &  fes  enfàns  font  maflàcrés 
dans  les  bras  ;  on  l'arrache  pale  &  défigurée 
de  delius  leurs  cadavres ,  Se  elle  elt  tramée 
en  exil  dans  la  Samothrace ,  où  elle  n'a 
d''autre  plailir  que  la  rellburce  de  verfer  des 
larmes.  Tandis  qu'au  milieu  d'une  nation 
barbare  tout  lui  retraçoit  la  fureur  d''un  frère 
dénaturé ,  Philadelphe  la  fit  venir  dans  fa 
cour,  &  l'amour  violent  qu'elle  lui  infpira 
la  fit  palier  dans  fon  Ut.  Ce  fut  pour  le  con- 
cilier l'affeétion  des  Egyptiens ,  amateurs  des 
fêtes,  qu'elle  célébra  avec  pompe  la  fcte 
d'Adonis ,  Se  toute  l'Egypte  accourut  en 
foule  à  cette  folemnité  ;  quoiqu'elle  ne  fut 
plus  dans  l'âge  d'avoir  des  enfans ,  &  qu'elle 
eût  perdu  la  fleur  delà  beauté ,  elle  conferva 
pendant  toute  fa  vie  un  afcendant  vainqueur 
lur  fon  époux,  qui  ne  pur  lui  furvivre  ,  & 
pour  l'avoir  toujours  prélente  ,  il  lui  érigea 
une  ftatue  de  topale ,  haute  de  quatre  cou- 
dées ,  qu'il  fit  placer  dans  fes  appartemens. 
Il  lui  confacra  un  temple  dans  Alexandrie  , 
&  la  nation  dont  elle  avoit  fiitles  délices  , 
lui  en  fit  bâtir  un  autre  aulfi  magnifique  fur 
le  promontoire  de  Zéphirie ,  où  elle  fut  ado- 
rée fous  le  nom  de  Vénus  Zéphiride.  Plu- 
fieurs  villes  ne  crurent  pouvoir  mieux  per- 
Ttme  m. 


A  R  S  473 

pétucr  fa  mémoire  &  leur  reconnoinànce , 
qu'en  renonçant  à  leur  ancien  nom,  pour 
prendre  celui  d'ArJùn-J  ;  telle  fut  Parère 
dans  la  Lycie,  &  une  autre  dans  le  Delta. 
{T-N.)      ^  • 

Arsinoh  ,  fille  de  Lyfimaque  ,  roi  de 
Macédoine  ,  époufa  le  lecontl  des  Ptole- 
mées ,  &  cette  union  fut  une  lource  d'a- 
mertumes &  de  crimes.  Sa  jaloulie,  excitée 
par  la  prédiled;ion  de  fon  mari  pour  une 
autre  ,  la  précipita  dans  undélefpoir  qui  la 
rendit  capable  des  plus  grandes  atrocités; 
elle  corrompit  par  lès  carelles  &  lesprélens, 
Amintas  ôc  le  médecin  Chrilippe  ,  qui  s  en- 
gagèrent à  taire  périr  par  le  poifon  la  rivale 
&  Ion  époux  infidèle.  Lesconfpiratcurs  furent 
découverts  &  punis;  Ptolemce  relpcélanten- 
core  dans  Arjinoc[it  titre  de  fon  époule  ,  Se 
plus  encore  celui  de  mereties  enfans  qu'elle 
lui  avoit  donnés ,  eut  la  modération  de  ne 
pas  la  Etire  expirer  dans  les  lupplices  ;  il 
borna  fa  vengeance  à  la  reléguer  à  Copte, 
ville  de  la  Thébaïde ,  où  dévorée  de  re- 
mords ,  elle  laiiguit  dans  un  éternel  oubli. 
(.T-N.) 

Arsinoé  ,  fœur  &  femme  de  Pcoleméc 
Philopator ,  en  eut  un'fils  dont  la  naifiancc 
lembloit  lui  allurer  lapoilèlTIondu  cocurdc 
Ion  époux  ;  mais  lupplantie  par  une  courci- 
lanne  effrontée ,  elle  éclata  en  reproches 
contre  le  prince  infidèle  ,  qui  l'humilioitpar 
fes  dédains.  Pcolemée  qui  le  ientoit  cou-> 
pable  n'en  fut  que  plus  lenlible  à  l'imporcu- 
nité  de  fes  plaintes  ,  Si.  ce  fut  pour  ne  plus 
entendre  une  voix  qui  réveilloit  les  remords, 
qu'il  chargea  Ion  miniftre  de  l'en  débarralTèr 
par  le  fer  ou  le  poilon.  L'ordre  barbare  fut 
bientôt  exécuté  ,  &  Arfinoé  expira  viétimc  ■ 
d'un  époux  qui  ne  pouvoir  lui  reprocher 
qu'un  excès  de  tendrelle  dont  iln'étoit  pas 
digne.  (  T-N.  ) 

ARSiS,  f.  f.  terme  de  grammaire ou.ç\\i~ 
tôt  de  profodie  ;  c'eft  l'élévation  de  la  voix 
quand  on  commence  à  lire  un  vers.  Ce  mot 
vient  du  «//.ff» ,  tollo,  j'élève.  Cette  éléva- 
tion eft  luivie  de  l'abaillement  delà  voix  , 
&:  c'elt  ce  qui  s'appelle  tkefis,  S'ctk  ,  dépo- 
fitio  ,  remijjio.  Par  exemple  ,  en  déclamant 
cet  hémiftiche  du  premier  vers  de  l'Enéide, 
de  Virgile ,  Arma  virumque  cano ,  on  lent 
qu'on  élevé  d'abord  la  voix.  Se  qu'on  l'a- 
baill'c  enfuite. 

LU 


474  A  R  S 

par  arfis  &  tkefis  on  entend  communé- 
ment  la  divifion  proporcionnelle  d'un  pie 
métrique ,  feite  par  la  main  ou  le  pié  de 
celui  qui  bat  la  mefure. 

En  mefuranr  la  quantité  dans  la  décla- 
mation des  mots ,  d'abord  on  haufle  la 
main,  enfuite  on  Fabaille.  Le  temps  que 
Pon  emploie  à  hauirer  la  main  eft  appelle 
crjts ,  &  la  partie  du  temps  qui  eft  mefuré 
en  bailTant  la  main  ,  eft  appelle  thejîs.  Ces 
mefures  étoient  fort  connues  &  fort  en  u(a- 
ge  chez  les  anciens.  Voye^  Terentianus  Mau- 
rus  ;  Diomede,  lib.  III.  Mar.  Viclorinus  , 
lib.  I.  art.  gramm.  ù  Mart.  Capella  ,  lib.  IX, 
pag.3%8.{F) 

On  dit  en  mufique  qu'un  chant ,  un  con- 
tre-point, une  figure,  ioniper  thefin  ,  quand 
les  notes  defcendent  de  1  aigu  au  grave  ;  & 
per  arjin,  quand  les  notes  montent  du  grave 
à  l'aigu.  Fugue  per  arjîn  &  thefin,  eft  celle 
que  nous  appelions  aujourd'hui  fugue  ren- 
verfée  ou  contre-fugue ,  lorfque  la  réponfèfe 
fait  en  fens  contraire ,  c'eft-à-dire  en  def- 
cendant  fi  la  guide  a  monté ,  ou  en  mon- 
tant fi  elle  a  defcendu.  Voye^:^  Contre- 
ruGUE,  Guide.  {S) 

ARSITIS  ,  (  Géogr.  )  contrée  d'Afie  , 
dans  l'Hyrcanie  ,  auprès  du  mont  Coronos. 
iD.G.) 

ARSKOG  ,{Géogr.)  très-grande  forêt  de 
la  Suéde  feptentrionale ,  dans  la  province 
de  Medelpad.  Il  femble  que  les  pays  du 
nord  ont  des  bois ,  comme  ceux  du  midi 
des  fables ,  &  que  ces  vagues  étendues  four- 
nillent  plutôt  des  points  à  la  géographie,  que 
des  fcenes  àThiftoire,  Mais  le  cofmographe 
y  trouve  toujours  de  quoi  fervir  à  fes  étu- 
des. (£>.  G.) 

ARSLAN,  (  Géogr.)  place  forte  d'Afie, 
dans  la  Perle  ,  proche  de  Casbin ,  dans  la 
province d'Erach.  {D.  G.) 

ARSOFF A,  (G^^r.)  ville  d'Afie,  dans 
la  partie  de  l'Arabie  que  l'on  appelle  défert 
.de  Syrie.  Les  tranfaSions  philofophiques  don- 
nent cette  ville  pour  celle  de  Refapha ,  en 
Palmyranie,  dont  Prolomée  fait  mention. 
{D.G.) 

ARSONIUM  ,  (  Géogr.  )  ville  de  la 
grande  Germanie  ,  félon  Ptolomée.  {D.  G.) 

ARSTAD ,  (  Géogr.  )  petite    île    de  la 
«1er  de  Syrie ,  avec  une  ville  de  même  nom 
Elle  eft  vis-à-vis  de  Torcole  ^  &  s'appelle 


A  R  S 

aujourd'hui  Rouvadde ,  ou  Ruad  :  elle  eft 
entourée  de  rochers ,  Se  n'a  plus  que  deux 
maifons  ,  &  deux  châteaux  de  défenfe. 
{D.G.) 

ARSUF,  Orsuf  ou  Ursuf,  {Géogr.) 
ville  d'Afie ,  dans  la  Paleftine  ,  fur  la  Mé- 
diterranée :  elle  tombe  en  ruines ,  &  l'on 
ne  fait  (i  jadis  ce  n'étoit  point  ,  ou  l'une 
des  ApoUonies ,  ou  l'une  des  Antipatrides. 
Il  y  a  dans  ion  voifinage  une  petite  île 
nommée  Arfujfo.  {D.  G.) 

ARSUS  ,  (  Géogr.  )  grande  plaine  de  la 
Turquie,  en  Afie,  dans  le  gouvernement 
d'Alep  :  on  lui  donne  une  grajide  lieue 
de  largeur ,  fur  trois  à  quatre  de  lon- 
gueur ,  &  elle  eft  voifine  des  monts  qu'on 
nommoit  anciennement  Pieria  Se  Rhoffus. 
(D.G.) 

ART  ,  f.  m.  (  Ordre  encydopéd.  Entende- 
ment. Mémoire.  Hifloire  de  la  nature.  Hif~ 
toire  de  la  nature  employée.  Art.  )  terme 
abftrait  &  métaphyfique.  On  a  commencé 
par  faire  des  observations  (ur  la  nature,  le 
lervice,  l'emploi,  les  qualités  des  êtres  Se 
de  leurs  fymboles  ;  puis  on  a  donné  le  nom 
de  fcience  ou  d'art  ou  de  difcipline  en  géné- 
ral ,  au  centre ,  au  point  de  réunion  auquel 
on  a  rapporté  les  obfervations  qu'on  avoit 
faites ,  pour  en  former  un  fyftême  ou  de  rè- 
gles ou  d'inftrumens  &  de  règles  tendant 
à  un  même  but;  car  voilà  ce  que  c'cft  que 
difcipline  tn  général.  Exemple.  On  a  réfléchi 
fur  l'ufage  &  l'emploi  des  mots ,  &  l'on  a 
inventé  enluire  le  mot  Grammaire.  Gram- 
maire eft  le  nom  d'un  fyftême  d'inftrumens  & 
de  règles  relatifs  à  un  objet  déterminé  ;  Se  cet 
objet  eft  le  fon  articulé,  les  fignes  de  la  parole, 
l'exprelfion  de  la  penfée ,  Se  tout  ce  qui  y  a 
rapport  :  il  en  eft  de  même  des  autres  Icien- 
ces  ou  arts,  ^oye^  Abstraction. 

Origine  des  fciences  &  des  arts.  C'eft  l'in- 
duftrie  de  l'homme  appliquée  aux  produc- 
tions de  la  nature  ou  par  fes  befoins  ,  ou  par 
fon  luxe ,  ou  par  fon  amuiement ,  ou  parfà 
curiofité  ,  £'c.  qui  a  donné  n.iiilancc  aux 
iciences  Se  aux  arts  ;  Se  ces  points  de  réu- 
nion de  nos  différentes  réflexions  ont  reçu 
les  dénominations  de  fc'^nce  &  d'art,  ielon 
la  nature  de  leurs  objets  formels,  comme 
difent  les  logiciens.  Foyt'ij^  Objet.  Si  l'ob- 
jet s'exécute,  la  colledkion  &  la  dirpolition 
technique  des  règles  felon  lefquellcs  il  s'cxé- 


ART 

«ute  ,  s'appellent  art.  Si  l'objet  cft  contem-  ' 

1)lé  feulement  fous  différentes  faces ,  la  col- 
edion  &  la  dilpolltion  technique  des  obfer- 
■vations  relatives  à  cet  objet ,  s'appellent 
fcience  ;  ainli  la  mkaphyfiquc  eft  une  Icience, 
&  la  morale  eft  un  art.  Il  en  eft  de  même  de 
b  théologie  &  de  la  pyrotechnie. 

Spéculation  &  pratique  d'un  art.  Il  eft  évi- 
dent par  ce  qui  précède ,  que  tout  art  a  (a 
fpéculation  &c  fa   pratique  ■■,  (a  fpéculation  , 
qui  n'eft  autre  choie  que  la  connoidance  ino- 
pérative  des  règles  de  Van ,  la  pratique  ,  qui 
n'eft  que  l'ulage  habituel  &    non  réfléchi 
des  mêmes  règles.  Il  eft  difficile,   pour  ne 
pas  dire  impolfible  ,  de  poullcr  loin  la  prati- 
que fans  la  fpéculation  ,  &  réciproquement 
de  bien  polféder  la  fpéculation  fans  la  prati- 
que. Il  y  a  dans  tout  art  un  grand  nombre 
de  circonftances  relatives  à  la  matière  ,  aux 
inftrumens  &  à  la  manœuvre ,  que  l'ulage 
feul  apprend.  C'eft  à  la  pratique  à  préfentcr 
ies  diflicultés  &  à  donner  les  phénomènes , 
&  c'cft  à  la  fpéculation  à  expliquer  les  phé- 
nomènes &  à  lever  les  difficultés  :  d'où  il 
s'enfuit  qu'il  n'y  a  guère  qu'un  artifte  fa- 
chant  raifonner  ,  qui  puiilc  bien  parler  de 
(on  art. 

Dijlribmion  des  arts  en  libéraux  &  en  mè- 
chaniques.  En  examinant  les  productions  des 
arts  on  s'eft  apperçu  que  les  unes  étoient  plus 
l'ouvrage  de  l'efpritque  de  la  main,  &:qu^au 
contraire  d'autres  étoient  plus  l'ouvrage  de 
la  main  que  de  l'eiprit.  Telle  eft  en  partie 
l'origine  de  la  prééminence  que  l'on  a  accor- 
dée à  certains  arts  fur  d'autres,  &  de  la 
diftribution  qu'on  a  fiite  des  arts  en  arts 
libéraux  &  en  arts  méchaniques.  Cette  dif- 
tindtion ,  quoique  bien  fondée  ,  a  produit 
un   mauvais  effet ,   en  aviliftant  des    gens 
très-eftimables  &  très-utiles,  &:  en  fortifiant 
en  nous  je  ne  fais  quelle  pareffe  narurelle,qui 
ne  nous  portoit  déjà  que  trop  à  croire  que 
donner  une  application  conftante  &  iuivie 
à  des  expériences  &:  à  des  objets  particuliers , 
fenfibles  &:  matériels,  cetoit  déroger  à  la 
dignité  de  l'efprit  humain  ;  &  que  de  prati- 
quer ou  même  d'étudier  les  arts  méchaniques, 
c'étoit  s'abaiflèr  à  des  chofes  dont  la  recher- 
che eft laborieufe  ,  la  méditation  ignoble, 
l'expoiîtion  difficile  ,  le  commerce  déshono- 
rant ,  le  nombre  inépuifable  ,  &  la  valeur 
miiiurielle  :  Minui  majcfîatem  mentis  huma- 


A  R  T  47y 

nœ  ,  fi  in  experimentis  &  rchus  particulari^ 
bus,  &c.  Bac, /20V.  org-.  préjugé  qui  tendoic 
à  remplir  les  villes  d'orgueilleux  raifonneurs 
&  de  contemplateurs  inutiles ,  &  les  cam- 
pagnes de  petits  tyrans  ignorans ,  oifîfs  &  dé- 
daigneux. Ce  n'eft  pas  aind  qu'ont  penfé 
Bacon,  un  des  premiers  génies  de  l'Angle- 
terre; Colbert ,  un  des  plus  grands  miniftrci 
de  la  France;  enfin  les  bons  efprits  &les 
hommes  figes  de  tous  les  temps.  Bacon  re- 
gardoitl'hiftoire  des  arts  méchaniques  commz 
la  branche  la  plus  importante  de  la  vraie  phi- 
loiophie  ;  il  n'avoit  donc  garde  d'en  mépri- 
fer  la  pratique.  Colbert  rcgardoit  l'induftric 
des  peuples  &  l'établilfement  des  manufac- 
tures,  comme  la  richeflc  la  plus  sûre  d'un 
royaume.  Au  jugement  de  ceux  qui  ont  au- 
jourd'hui des  idées  faines  de  la  valeur  des 
chofes ,  celui  qui  peupla  la  France  de  gra- 
veurs ,  de  peintres,  de  fculpteurs  &  d'artif- 
tes  en  tout  genre  ;  qui  furprit  aux  Angloisla 
machine  à  faire  des  bas ,  le  velours  aux  Gé- 
nois ,  les  glaces  aux  Vénitiens  ,  ne  fît  guère 
moins  pour  l'état  que  ceux  qui  battirent  fes 
ennemis  &  leur  enlevèrent  leurs  places  for- 
tes ;  &  aux  yeux  du  philofophe  il  y  a  peut- 
être  plus  de  mérite  réel  à  avoir  fait  naître 
les  le  Brun,  les  le  Sueur,  &   les.Audran; 
peindre  &  graver  les  batailles  d'Alexandre  , 
&  exécuter  en  tapifferie  les  viftoircsdenos 
généraux  ,  qu'il  n'y  en  a  à  les  avoir  rempor- 
tées. Mettez  dans  un  des  côtés  de  la  balance 
les  avantages  réels  des  fciences  les  plus  fubli- 
mes  &  des  arts  les  plus  honorés ,  &  dans 
l'autre  côté  ceux  des   arts  méchaniques,  Se 
vous  trouverez  que  l'eftime  qu'on  a  faite  dej 
uns  Se  celle  qu'on  a  faite  des  autres,  n'ont 
pas  été  diftribuées  dans  le  jufte  rapport  de 
ces  avantages ,  &:  qu'on  a  bien  plus  loué  les 
hommes  occupés  à  faire  croire  que  nous 
étions  heureux,  que  les  hommes  occupés  à. 
faire  que  nous  le  fuffionsen  effet.  Quelle  bi- 
zarrerie dans  nos  jugemens!  nous  exigeons 
qu'on  s'occupe  utilement ,  &  nous  niépri- 
ions  les  hommes  utiles. 

But  des  arts  en  général.  L'homme  n'eft 
que  le  miniftre  ou  l'interprète  delà  nature  ; 
il  n'entend  &  ne  fait  qu'autant  qu'il  a  de 
connoiiTance  ou  expérimentale  ou  réfléchie 
des  êtres  qui  l'environnent.  Sa  main  nue , 
quelque  robufte,  infatigable  &  fouplc  qu'elle 
fbit ,  ne  peut  iufHre  qu'à  un  petit  nombre 

LU  z 


47^  ART 

<\ 'effets  -,  elle  n'achevé  de  grandes  chofes  qu'à 
l'aide  des  iulîrumcns&  des  règles:  il  en  Taur 
dire  autant  de  l'entendement.  Les  inftru- 
mens  &  les  règles  font  comme  des  muicles 
furajoutés  aux  bras ,  &  des  rcllbrts  accef- 
foires  à  ceux  de  Telprit.  Le  but  de  tout  art 
•n  général ,  ou  de  toutfyftême  d'mftrumens 
&  de  règles  confpirant  à  une  même  fin,  eft 
d'imprimer  certaines  formes  déterminées  fur 
une  bafe  donnée  par  la  nature  ;  &  cette  bafe 
cil  ou  la  matière,  ou  refprit ,  ou  quelque  fonc- 
tion de  l'ame  ,  ou  quelque  produétion  de  la 
nature.  Dans  les  ans  méckaniqucs  ,  auxquels 
je  m'attacherai  d'autant  plus  ici ,  que  les 
auteurs  en  ont  moins  parlé  ,  le  pouvoir  de 
l'homme  fe  réduit  à  rapprocher  ou  à  éloigner 
les  corps  naturels.  L'homme  peut  tout  ou  ne 
peut  rien  ,  félon  que  ce  rapprochement  ou  cet 
éloignement  ejt  ou  n'ejl  pas  pojj'.ble.  (  Voyez 
nov.  org.  ) 

Projet  d'un  traité  général  des  arts  mécha- 
niques.   Souvent  l'on  ignore  l'origine  d'un 
art  inéchanique  ,  ou  l'on  n'a  que  desconnoii- 
fances  vagues  fur  fes  progrès  :  voilà  les  fuites 
naturelles  du  mépris  qu'on  a  eu  dans  tous 
les  temps  &c  chez  toutes  les  nations  favanres 
&  belliqueufes,  pour  ceux  qui  s'y  font  li- 
vrés. Dans  ces  occafons  il  faut  recourir  à 
des  fuppotitions  philofophiques  ,  partir  de 
quelque  hypothefe  vraifembl.ible  ,  de  quel- 
que événement  premier  &  fortuit,  &  s'avan- 
cer de-là  jufqu  où  Vart  a  été  pouflé.  Je  m'ex- 
plique par  un   exemple  que  j'emprunterai 
plus  volontiers  des  arss  méchaniques ,  qui  font 
moins  connus  ,  que  des  arts  libéraux ,  qu'on 
a  préfentés  fous  mille  formes  diffé/entes.  Si 
l'on  ignoroit  l'origine  &  les  progrès  de  la 
verrerie  ou  de  la  papeterie,  que  feroit  un 
philofophe  qui  fe  propoferoit  d'écrire  l'hil- 
toiredc  ces  arts  ?  Il  fuppoferoit  cju'un  mor- 
ceau de  linge  eft  tombé  par  haprd  dans  im 
vaiUér.u  plein  d'eau,  qu'il  y  a  féjournéaflez 
long-temps  pour  s'y  dilloudre  ;  &  qu'au  lieu 
de  trouver  au  fond  du  vaifleau ,  quand  il  a 
été  vuidé  ,  un  morceau  de  linge  ,  on  n'a  plus 
appcrçu  qu'une  efpece  de  lédiment ,  dont  on 
auroit  eu  bien  de  la  peine  à  reconnoitie  la 
nature  fans  quelques  hlamens  qui  reftoient , 
&  quiindiquoientquela  matière  première  de 
ce  fedimentavoit  été  auparavant  fous  la  for- 
me de  linge.  Qiiant  à  la  verrerie  ,  il  (uppole- 
roit  que  les  premières  kibkaciousfolidesque 


ART 

les  hommes  fe  foient  conftruites ,  étoient  de 
terre  cuite  ou  de  brique  :  or  il  eft  impoffi- 
ble  de  faire  cuire  de  la  brique  à  grand  feu , 
qu'il  ne  s'en  vitrifie  quelque  partie  ;  c'eft  fous 
cette  forme  que  le  verre  s'eft  préfenté  la  pre- 
mière fois.  Mais  quelle  tiiftancc  itnmenfe 
de  cette  écaille  fale  &  verdâtre  ,  julqu'à  la 
matière  tranfparente  &  pure  des  glaces!  Êv. 
Voilà  cependant  l'expérience  fortuite,  ou 
quelqu'autre  femblablc ,  de  laquelle  le  phi- 
lol'ophe  partira  pour  arriver  juiqu'où  Vart  de 
la  verrerie  eft:  maintenant  parveiiu. 

Avantage  de  cette  méihode.  En  s'y    pre- 
nant ainli ,  les  progrès  d'un  art  feroient  ex- 
pofés  d'iuie  m.aniere  plus  inftruclive  &  plui 
claire  ,  que  par  fou  hiftoire  véritable ,  quand 
on  la  fauroit.  Les  obftacles  qu'on  aaroit  eus. 
à  furmonter  pour  k  perfedionner  iè  préicn- 
teroient  dans  un  ordre  entièrement  naturel, 
(Se  l'cxçUcation  fynthctique  des  démarches 
fucceflives  de  Yartan  faciliteroit  TinteUigence 
aux  efprits  les  plus  ordinaires,  &mettroic 
les  artiftes  fur  la  voie  qu'ils  auroient  à  (uivre 
pour  approcher  davantage  de  la  perfection. 
Ordre   qu'il  faudroit  fuivre  dans  un  pareil 
traité.  Qu;nt  à  l'ordre  qu'il  faudroit  luivre 
dans  un  pareil  traité  ,  je  crois  que  le  plus 
avantageux  feroit  de  rappeller  les  arts  aux 
produdions  de  la  nature.  Une  énumératiou 
exûile  de  ces  produ6l-ions  donneroitnai  (lan- 
ce à  bien  des  arts  inconnus.  Un  grand  nom- 
bre d'autres  naitroient  d'un  examen  circonf- 
tancié  des  différentes  faces  fous  lerquelles  ki 
même  produdion  peut  être  coniidérée.  La 
premierp  de  ces  conditions    demande  une 
connoiflance  très-érei:duc  del'hiftoire  de  h 
nature  j  &  la  féconde ,  uns  très-grande  dia- 
lectique. Untraité  àtsarts,  telqueje  le  con- 
çois ,  n'eft  donc  pas  l'ouvrage  d'un  homme 
ordinaire.  Qti'onn'aille  pas  s'imaginer  quece 
fontici  des  idées  vaines  que  je  propofe,  &  que 
je  prometsaux  hommes  des  découvertes  chi- 
mériques. Après  avoir  remarqué  avec  un  phi- 
lofophe que  je  ne  me  la(l«  point  de  louer, 
parce  que  je  ne  me  luis  jamais  kllé  de  le  lire, 
que  l'hiitoire  de  la  nature  eft  incomplète  fans 
celle  àtsarts  :  &:  après  avoir  invité  les  natu- 
raliftes  à  couronner  leur  travail  fur  les  règnes 
des  végétaux ,  des  minéraux  ,  des  animaux ,. 
6v.  par  les  expériences  des  arts  méchaniques ^ 
dont  la  connoillànce  importe  beaucoup  plus 
à  1.1  vr.uephilefophici.j'oferai  ajouter  à  fou 


ART 

■•xempte ,  Ergo  rem  quam  ago ,  non  opinionem , 
fed  opus  cjfe  ;  eamque  nonfeâiS  alicujus  ,  aut 
placiti  ,  fed  utili:atis  ejfe   &  amplitudinis  im- 
menfx  fundamenta.  Ce  n'eft  point  ici  un  fyf- 
lème  :  ce  ne  font  point  les  tantaiiîes   d'un 
hommei  ce  font  les  dccifions  de  l'expérience 
&  de  Lt  raifon  ,  &  les  iondemens  d'un  édi- 
fice immenle  ;  &  quiconque  penfem  diffé- 
remment ,   cherchera   à    rétrécir  la  Iphcre 
àt  nos  connoi  (lances ,  &  à  décourager   les 
cfprits.  Nous  devons  au  hazard  un  grand 
nombre  de  connoiflances  \  il  nous  en  a  pré- 
fente  de  fort  importantes  que  nous  ne  cher- 
chions pas  :  ell-il  à  prélumer  que  nous  ne 
trouverons  rien  ,  quand  nous  ajouterons  nos 
efïbrts  à  Ton  caprice  ,  &  que  nous  mettrons 
de  l'ordre  &  de  la  méthode  dans  nos  recher- 
ches? Si  nous  poflédons  à  prélent  des  fc- 
crcts  qu'on  n'efpéroit  point  auparavant  ;  & 
s'il  nous  efl:  permis  de  tirer  des  conjedures 
du  palle  j  pourquoi  l'avenir  nz  nous  réfer- 
veroit-il  pas  des  richefles  fur  leiquelles  nous 
ne  comptons  guère  aujourd'hui  ;  Si  l'on  eût 
dit ,  il  y  a  quelques  fîecles ,  à  ces  gens  qui 
melurtnt  la  poflibilité  des  chofes  lur  la  por- 
tée de  leur  génie  ,  &  qui  n'imaginent  rien 
au  delà  de  ce  qu'ils  connoillent  ,  qu'il  eft 
une  pouflîcre   qui    brife  les   rochers  ,  qui 
renverfe  les  murailles  les  plus  épaifles  à  des 
diftances  étonnantes ,  qui ,  renfermée  au  poids 
de  quelques  livres  dans  les  entrailles  pro- 
fondes de  la  terre  ,  les  fecoue  ,  fe  fait  jour 
à  travers  les  malles  énormes  qui  la  couvrent , 
&  peut  ouvrir  un  gouftre  dans  lequel  une 
TiUe  entière  difparoirroit  ;  ils  n'auroient  pas 
manqué  de  comparer  ces  efrers  à  l'aâion  des 
roues ,  des  poulies ,  des  leviers  ,  des  contre- 
poids ,  (Se  des  autres  machines  connues ,  & 
de  prononcer  qu'une  pareille  pouffiere  eft 
chimérique  ;  &  qu'il  n'y  a  que  la  foudre  ou 
la  caule  qui  produit  les  tremblemens  de  terre , 
&  dont  le  méchanilme  eft  inimitable  ,  qui 
K)it  capable  de  ces  prodiges  elfrayans.  CVft 
ainfi  que  le  grand  philofophe  parloit  à  ion 
fiecle  j  &  à  tous  les  hecles  à  venir.  Combien 
(ajouterons-nous  à  fon  exemple)  le  projet 
de  la  machine  à  élever  l'eau  par  le  feu  ,  telle 
qu'on  l'exécuta  la  première  fois  à  Londres, 
n'auroit-il  pas  occadoné  de  mauvais  raiion- 
nemens ,  fur-tout  fi  l'auteur  de  la  machine 
avoir  eu  la  modeftic  de  fe  donner  pour  un 
homme  peu  verfé  dans  les  niccLuiiques  ; 


ART  477 

S'il  n'y  avoir  au  monde  que  de  pareils  cfti- 
mateurs  des  inventions ,  il  ne  ("e  feroit  ni 
grandes  ni  petites  chofes.  Que  ceux  donc 
qui  fe  hâtent  de  prononcer  fur  des  ouvrages 
qui  n'impliquent  aucune  contradiction  ,  qui 
ne  (ont  quelquefois  que  des  additions  trcs- 
légeres  à  des  machines  connues ,  &  qui  ne 
demandent  tout  au  plus  qu'un  habile  ou- 
vrier -,  que  ceux  ,  dis-je  ,  qui  font  alfez  bor- 
nés pour  juger  que  ces  ouvrages  iont  impof- 
iibles ,  fâchent  qu'eux-mêmes  ne  font  pas 
allez  inlfruics  pour  faire  des  fouhaits  conve- 
nables. C'cll:  le  chancelier  Bacon  qui  le  leur 
à^ïX  ,qui  fumpiâ  ,  ou  ce  qui  eft  encore  moins 
pardonnable  ,  qui  negleclâ  ex  his  quje  prœflo 
funt  conjecîurâ  ,  ea  aut  impojJ'ibHia ,  aut  minus 
verifimilia  ,putct  ;  eum  ferre  défère  fe  nonfatis 
doclum  ,  ne  ad  optandum  quidem  commode  & 
appofite  effe. 

Autre  motif  de  recherche.  Mais  ce  qui  doit 
encore  nous  encourager  dans  nos  recherches, 
&  nous  déterminer  à  regarder  avec  attention 
autour  de  nous ,  ce  font  les  fiecles  qui  fè 
Iont  écoulés  fins  que  les  hommes  fe  (oient  ap- 
perçusdes  chofes  importantes  qu'ils  avoient , 
pour  ainfi  dire  ,  fous  les  yeux.  Tel  eft  Van 
d'imprimer ,  celui  de  graver.  Que  la  condi- 
tion del'efprit  humain  eft  bizarre!  S'agit-il 
de  découvrir  ,  il  fe  défie  de  fa  force  ,  il  i'em~ 
barrajfe  dans  les  difficultés  qu'il  fe  fait  ;  les 
chofes  lui  paroi ffent  impojjiùks  à  trouver  :  font- 
elles  trouvées  ?  Une  conçoit  plus  comment  il 
a  fallu  les  chercher  fi  long-temps ,  &  il  a  pitié 
de  lui-même. 

Différence  finguliere  entre  les  machines. 
Après  avoir  prcpofe  mes  idées  fur  un  traité 
philofophique  des  arts  en  général  ,  je  vais 
palier  à  quelques  cblervarions  utiles  fur  li 
manière  de  traiter  certains  arts  méchaivqucs 
en  particulier.  On  emploie  quelquefois  une 
machine  très -c(;npo fée  pour  produire  un 
effet  allez  (împle  en  apparence  ;  &  d'autres 
fois  une  machine  rrès-iimple  en  effet  fufiit 
pour  produire  une  adion  fort  compoice  : 
d;ms  le  prem.ier  cas  ,  l'effet  à  produire  étant 
conçu  facilement ,  &  la  connoiHànce  qu'on 
en  aura  n'cmbarrailanr  point  l'efprit  ,  &  ne 
chargea;::  poiLt  la  mémoire ,  on  commen- 
cera par  l'annoncer,  6c  l'on  pallèra  enluiie  A 
la  delcription  de  la  machine  :  dans  le  (ccond 
cas  au  contraire  ,  il  eft  plus  à  propos  de  defl 
cendre  de  lu  defcriptioa  ùt  la  m-ichinc  à  la 


478  ART 

connoifTance  de  l'effet.  L'effet  d'une  hor- 
loge eft  de  divifer  le  temps  en  parties  éga- 
les ,  à  l'aide  d'une  aiguille  qui  fe  meut  uni- 
formément &  très-lentement  fur  un  plan 
pondue.  Si  donc  je  montre  une  horloge  à 
quelqu'un  à  qui  cette  machine  ctoit  incon- 
"nue  ,  je  l'inftruirai  d'abord  de  ion  effet ,  & 
j'en  viendrai  enfuite  au  méchanifme.  Je  me 
garderai  bien  de  fuivre  la  même  voie  avec 
celui  qui  me  demandera  ce  que  c'efl  qu'une 
maille  de  bas  ,  ce  que  c'efi:  que  du  drap  , 
du  droguer ,  du  velours ,  du  fatin.  Je  com- 
mencerai ici  par  le  détail  des  m.étiers  qui  fer- 
vent à  ces  ouvrages.  Le  développement  de 
la  machine  ,  quand  il  eft  clair  ,  en  feit  fentir 
l'effet  tout  d'un  coup  ;  ce  qui  leroit  peut- 
être  impoffible  fans  ce  préliininaire.  Pour  fe 
convaincre  de  la  vérité  de  ces  obiervations , 
qu'on  tâche  de  définir  exadcmcnt  ce  que 
c'eft  que  de  la  gaie ,  fans  fuppoler  aucune 
notion  de  la  machine  du  gazier. 

De  la  géométrie  des  arts.  On  m'accordera 
fans  peine  qu'il  y  a  peu  d'artiftes  à  qui  les 
élémens  des  mathématiques  ne  foient  nc- 
ceffaires  :  mais  un  paradoxe  dont  la  vérité 
ne  fe  préfentera  pas  d'abord  ,  c'eft  que  ces 
élémens  leur  feroient  nuifibles  en  plufieurs 
occafions ,  fi  une  multitude  de  connoiflàn- 
cès  phyfiques  n'en  corrigeojent  les  préceptes 
dans  la  pratique  ;  connciffanccs  des  lieux  , 
des  pofitions ,  des  figures  irrégulieres  ,  des 
matières  ,  de  leurs  qualités ,  de  l'élafticité  , 
de  la  roidcur ,  des  frottcmens  ,  de  la  con- 
liftance  ,  de  la  durée  ,  des  effets  de  l'air  , 
de  l'eau  ,  du  froid  ,  de  la  chaleur  ,  de  la  ié- 
chereffe  ,  £v.  il  eft  évident  que  lesélimens 
de  la  géométrie  de  l'académie  ne  font  que 
les  plu3  fimples  &  les  moins  compofés  d'en- 
tre ceux  de  la  géométrie  des  boutiques.  Il  n'y 
a  pas  un  levier  dans  la  nature  ,  tel  que  celui 
que  Varignon  fuppofe  dans  fes  propofitions  ; 
il  n'y  a  pas  un  levier  dans  la  nature  dont  tou- 
tes les  conditions  puifl'ent  entrer  en  calcul. 
Entre  ces  conditions  il  y  en  a  ,  &  en  grand 
nombre  ,  de  très-elTcntieilcs  dans  l'ufage  , 
qu'on  ne  peut  mûme  foumettre  à  cette  par- 
tie du  calcul  qui  s'étend  jufqu'aux  différen- 
ces les  plus  inlénfibk'S  des  quantités  ,  quand 
elles  font  appréciables  ;  d'où  il  arrive  que 
celui  qui  n'a  que  la  géométrie  intelleéluelle  , 
eft  ordinairement  un,  homme  allez  mal- 
adroit ;  ôc  qu'un  artifte  qui  n'.i  que  la  gco- 


ART 

métrle  expérimentale  ,  eft  un  ouvrier  rrès-" 
borné.  Mais  il  eft ,  ce  me  femble  ,  d'expé- 
rience qu'un  artifte  fe  paffe  plus  facilement 
de  la  géométrie  intelleébuelle ,  qu'un  homme 
quel  qu'il  foit ,  d'une  certaine  géométrie  ex- 
périmentale. Toute  la  matière  des  frottemens 
eft  reftée  ,  malgré  les  calculs,  une  affaire  de 
mathématique  expérimentale  &  manouvrie- 
re.  Cependant  jufqu'où  cette  connoiffance 
feule  ne  s'étend-elle  pas  ?  Combien  de  mau- 
vaifes  machines  ne  nous  font-elles  pas  pro- 
pofées  tous  les  jours  par  des  gens  qui  fe  font 
imaginé  que  les  leviers ,  les  roues ,  les  pou- 
lies ,  les  cables  ,  agiflent  dans  une  machine 
comme  fur  un  papier  ;  &  qui  faute  d'avoir 
mis  la  main  à  l'œuvre  ,  n'ont  jamais  fi\  la  dif- 
férence des  effets  d'une  machine  même ,  ou 
de  fon  profit?  Une  féconde  obfervation  que 
nous  ajouterons  ici  ,  puifqu'elle  eft  amenée 
par  le  fujer,  c'eft  qu'il  y  a  des  machines  qui 
réuiîîffenten  petit,  &:quineréuiîlffent  point 
en  grand  ,  &  réciproquement  d'autres  qui 
réulTîflent  en  grand ,  &  qui  ne  réulîlroient 
pas  en  petit,  il  faut ,  j  e  crois  ,  m.ettre  du 
nombre  de  ces  dernières  toutes  celles  dont 
l'effet  dépjnd  principalement  d'une  pefan- 
teur  conlidérable  des  parties  mêmes  qui  les 
compofent,ou  de  la  violence  de  la  réacbion 
d'un  fluide  ,  ou  de  quelque  volume  conli- 
dérable de  matière  élaftiqne  à  laquelle  ccâ 
machines  doivent  être  appliquées  :  exécutez- 
les  en  petit ,  le  poids  des  parties  le  réduit  à 
rien  ;  la  réadion  du  fluide  n'a  prefque  plus 
de  lieu  ;  les  puiffances  lur  leiquelles  on  avoic 
compté  difparoiffent ,  &  la  machine  man- 
que fon  effet.  Mais  s'il  y  a  ,  relativement  aux 
dimenfions  des  machines ,  un  point ,  s'il  eft 
permis  de  parler  ainfi  ,  un  terme  où  elle  ne 
produit  plus  d'effet ,  il  y  en  a  un  autre  en 
delà  ou  en  deçà  duquel  elle  ne  produit  pas 
le  plus  grand  effet  dont  Ion  méchanifmcétoit 
capable.  Toute  machine  a  ,  félon  la  manière 
de  dire  des  géomètres ,  un  maximum  de  di-' 
menlîons  ;  de  même  que  dans  fi  conftrucr 
tion  ,  ch.'.que  partie  conhdcrée  par  rapport 
au  plus  parfait  méchanifme  de  cette  partie, 
eft  d'une  dimenhon  déterminée  par  les  au- 
tres parties  ;  la  m.itiere  entière  eft  d'une  di-  i 
meniîon  déterminée  ,  relativement  à  fbnj 
méchanifme  le  plus  parfiit  ,  par  la  matière 
dont  elle  eft  compolée  ,  l'ulage  qu'on  en 
veut  tirer ,  &  une  infinité  d'autres  caufcs. 


ART 

Mais  que'  ef:  >  ^cmandera-t-on  ,  ce  terme 
dans  les  dimcnfions  d'une  machine  au-delà 
Ou  en-deçà  duquel  elle  eft  ou  trop  grande 
ou  trop  petite?  Quelle  eft  la  dimenlion  vé- 
ritable &  abfolue  d'une  montre  excellente  , 
d'un  moulin  parfait  ,  du  vailleau  conftruit 
le  mieux  qu'il  eft  polTible  ?  C'eft  à  la  géomé- 
trie expérimentale  &  manouvriere  de  plu- 
ficurs  liedcs ,  aidée  de  la  géométrie  intel- 
lectuelle la  plus  déliée ,  à  donner  une  folu- 
tion  approchée  de  ces  problèmes  ;  Se  je  fuis 
convaincu  qu'il  eft  impolTible  d'obtenir  quel- 
que chofc  de  fatisfaiiant  là-deftusdecesgéo- 
métries  fcparées  ,  &  très-difficile  ,  de  ces 
géométries  réunies. 

De  la  langue  des  arts.  J'ai  trouvé  la 
langue  des  arts  très-imparfaite  par  deux 
caufes  ;  la  difette  des  mots  propres ,  & 
l'abondance  des  fynonymes.  Il  y  a  des 
outils  qui  ont  pluficurs  noms  différens  ; 
d'autres  n'ont  au  contraire  que  le  nom 
générique  ,  engin  ,  machine  ,  fans  aucune 
addition  qui  les  Ipécifie:  quelquefois  la  moin- 
dre petite  différence  fuffit  aux  artiftes  pour 
abandonner  le  nom  générique  &  inventer 
des  noms  particuliers  ;  d'autres  fois ,  un 
outil  lingulier  par  fa  forme  &  fon  ufage  ,  ou 
n'a  point  de  nom ,  ou  porte  le  nom  d'un  autre 
outil  avec  lequel  il  n'a  rien  de  commun. 
Il  feroit  à  fouhaiter  qu'on  eût  plus  d'égard 
à  l'analogie  des  formes  &:  des  uiagcs.  Les 
géomètres  n'ont  pas  autant  de  noms  qu'ils  ont 
de  figures  :  mais  dans  la  langue  des  arts  ,  un 
marteau ,  une  tenaille ,  une  auge ,  une  pelle  , 
ùc.  ont  prefque  autant  de  dénominations 
qu'il  y  a  à' arts.  La  langue  change  en  grande 
partie  d'une  manufafture  à  une  autre.  Ce- 
pendant je  fuis  convaincu  que  les  manœu- 
vres les  plus  fîngulieres  ,  &  les  machines  les 
plus  compofées  ,  s'expliqueroient  avec  un 
alfcz  petit  nombre  de  termes  familiers  &: 
connus ,  fi  on  prenoit  le  parti  de  n'employer 
des  termes  à' art ,  que  quandilsofiriroicntdes 
idées  particulières.  Ne  doit-on  pas  être  con- 
vaincu de  ce  que  j'avance  ,  quand  on  confi- 
dcre  que  les  machines  compofées  ne  font 
que  des  combinailons  de  machines  fîmples  : 
que  les  machines  fîmples  font  en  petit  nom- 
bre ;  &  que  dans  l'expofition  d'une  manœu- 
vre quelconque  ,  tous  les  mouvemens  (ont 
rédudiblesfans  aucune  erreur  confîdérabie , 
au  mouvement  rediligne  &  au  mouvement 


ART  475> 

circulaire  ?  Il  feroit  donc  à  fouhaiter  qu'un 
bon  logicien  à  qui  les  arts  feroicnt  fami- 
liers ,  entreprît  des  élémens  de  la  grammaire 
des  arts.  Le  premier  pas  qu'il  auroit  à  faire , 
ce  feroit  de  fixer  la  valeur  des  corrélatif^  , 
grand ,  gros  ,  moyen  ,  mince  ,  épais ,  j cible  , 
petit,  léger  ,  pefant ,  &c.  Pour  cet  effet  il 
faudroit  chercher  une  mefure  conllantc  dan5 
la  nature ,  ou  évaluer  la  grandeur  ,  la  grof- 
feur  &  la  force  moyenne  de  l'homme  ,  &  y 
rapporter  toutes  les  exprefïîons  indéterminées 
de  quantité  ,  ou  du  moins  former  des  tables 
auxquelles  on  inviteroit  les  artiftes  à  confor- 
mer leurs  langues.  Le  fécond  pas,  ce  feroit 
de  déterminer  fur  la  différence  &:  fur  la  ref- 
femblance  des  formes  &  des  ufagcs  d'un  inf- 
trument  &c  d'un  autre  inftrument ,  d'une 
manœuvre  &  d'une  autre  manœuvre  ,  quand 
il  faudroit  leur  lailler  un  même  nom  &  leur 
donner  des  noms  différens.  Je  ne  doute  point 
que  celui  qui  entreprendra  cet  ouvrage  ,  ne 
trouve  moins  de  termes  nouveaux  à  intro- 
duire ,  que  de  fynonymes  à  bannir  ;  ôc  plus 
de  difficulté  à  bien  définir  des  chof  es  commu- 
nes ,  telles  que  grâce  en  peinture  ,  nctud  en 
palTementerie ,  creux  en  plulieurs  arts  ,  qu'à 
expliquer  les  machines  les  plus  compliquées. 
C'eft  le  défaut  de  définitions  exaéles ,  &  la 
multitude  ,  &  non  la  diverfité  des  mouve- 
mens dans  les  manœuvres ,  qui  rendent  les 
chofes  des  arts  difficiles  à  dire  clairement. 
Il  n'y  a  de  remède  au  fécond  inconvénient, 
que  de  fe  familiariier  avec  les  objets  :  ils  en 
valent  bien  la  peine  ,  foit  qu'on  les  confî- 
dere  par  les  avantages  qu'on  en  tire  ,  ou 
par  l'honneur  qu  ils  font  à  l'efprit  humain. 
Dans  quel  fyftême  de  phyfique  ou  de  méta- 
phyfîque  remarque-t-on  plus  d'intelligence  , 
de  fagacité  ,  de  conféquence  ,  que  dans  les 
machines  à  filer  l'or  ,  faire  des  bas ,  &  dans 
les  métiers  de  pafiementiers  ,  de  gaziers  , 
de  drapiers  ou  d'ouvriers  en  foie  î  Quelle 
démonftration  de  mathématique  eft  plus 
compliquée  que  le  mcchanifme  de  certaines 
horloges ,  ou  que  les  difiérentes  opérations 
par  lefquelles  on  fait  pafler  ou  l'écorcc  du 
chanvre  ,  ou  la  coque  du  ver ,  avant  que 
d'en  obtenir  un  fil  qu'on  puifle  employer  à 
l'ouvrage  ?  Quelle  projeélion  plus  belle ,  plus 
délicate  &  plus  finguliere  que  celle  d'un  def- 
fîn  fur  les  cordes  d'un  lample  ,  &  des  cor- 
des du  famplefur  les  fils  d'une  chaîne  ?  qu'à- 


'48o  ART 

t-on  imagmé  en  quelque  genre  que  ce  Co'it 

qui  montre  plus  de  fubtiliré  que  le  chiner 
des  velours  ?  Je  n'aurois  jamais  fait  il  je 
m'iixipoiois  b  tache  de  parcourir  toutes  lei 
merveilles  qui  frapperont  dans  les  manuf  ic- 
tures  ceux  qui  n'y  porteront  pas  des  yeux 
prévenus  ou  des  yeux  ftupides. 

Je  m^urêcerai  avec  le  phibrophe  Anglois 
à  trois  inventions ,  dont  les  anciens  n'ont 
point  eu  connoillance  ,  Se  dont ,  à  la  honte 
de  Ihiftoire  &  de  la  poéfie  modernes , les 
noms  des  inventeurs  iont  prclque  ignorés  :  je 
veux  parler  de  l'art  d'imprimer  ,  de  la  décou- 
verte de  la  poudre  à  canon  ,  &  de  la  propriété 
de  l'aiguille  aimantée.  Quelle  révolution  ces 
découvertes  n'ont-elles  pas  occalionée  dans 
la  république  des  lettres ,  dans  Vart  militai- 
re ,  6c  dans  la  marine  :-  L^iiguille  aimian- 
tée  a  conduit  nos  vaifleaux  jufqu'aux  ré- 
gions les  plus  ignorées  ;  les  caraéteres  typo- 
graphiques ont  établi  une  correfpondance 
de  lumière  entre  les  favans  de  tous  les  lieux 
Se  de  tous  les  temps  à  venir  ;  &  la  poudre 
à  canon  a  fait  naître  tous  ces  chefs-d'œu- 
vre d'architedure  ,  qui  défendent  nos 
frontières  &  celles  de  nos  ennemis  :  ces 
trois  arts  ont  prefque  changé  la  face  delà 
terre. 

Rendons  enfin  aux  artiftes  la  juftice  qui 
leur  eft  due.  Les  arts  libéraux  Ce  font 
allez  chantés  eux-mêmes  ;  ils  pourroient  em- 
ployer maintenant  ce  qu'ils  ont  de  voix  à 
célébrer  les  arts  méchariiques.  C'eiT:  aux  arts 
■  libéraux  à  tirer  les  arts  méchaniques  de  l'a- 
vilillement  où  le  préjugé  les  a  tenus  fi  long- 
temps ;  c'eft  à  la  protedion  des  rois  à  les 
garantir  d'une  indigence  où  ils  languiflent 
encore.  Les  artifans  fe  font  crus  méprifa- 
bles  1  parce  qu'on  les  a  méprifés  ;  apprenons- 
leur  à  mieux  penfer  d'eux-mêmes  •.  c'efl:  le 
feul  moyen  d'en  obtenir  des  productions 
plus  parfaites.  Qii'il  forte  du  fein  des  acadé- 
mies quelque  homme  qui  defcende  dans 
les  atteliers  ,  qui  y  recueille  les  phénomè- 
nes des  arts  ,  &  qui  nous  les  expofe  dans 
un  ouvrage  qui  détermine  les  artiftes  à  lire  , 
les  philofophes  à  penfer  utilement ,  Se  les 
grands  à  faire  enfin  un  ufige  utile  de  leur 
autorité  &  de  leurs  récompenfes. 

Un  avis  que  nous  oferons  donner  aux 
favans ,  c'eft  de  pratiquer  ce  qu'ils  nous 
enfeignent  eux-mêmes ,  qu'on  ne  doit  pas 


ART 

juger  des  autres  avec  trop  de  précipitation^ 
profcrire  une  invention  comme  inutile, 


m 


parce  qu'elle  n'aura  pas  dans  Ion  origine 
cous  les  avantages  qu'on  pourroit  en  exi- 
ger. Aîoncagne  ,  cet  homme  d'ailleurs  û 
philofophe  ,  ne  rougiroit-il  pas  s'il  revenoit 
parmi  nous  ,  d'avoir  écrit  que  les  armes  à 
feu  font  de  fi  peu  d'ejfct ,  fauf  V étonnement 
des  oreilles  ,  a  quoi  chacun  efi  déformais  ap~ 
privoifé ,  qu'il efpere  qu'on  en  quittera  l'ufage? 
N'auroit-il  pas  montré  plus  de  fageflè  à 
encourager  les  arquebuùers  de  fon  temps 
à  fubilituer  à  la  mèche  Se  au  rouet  quel- 
que machine  qui  répondit  à  l'aélivité  de 
la  poudre  ,  Se  plus  de  fagacité  à  prédire 
que  cette  machine  s'inventeroit  un  jour  î 
Mettez  Bacon  à  la  place  de  Montagne ,  & 
vous  verrez  ce  premier  confidércr  en  phi- 
lofophe la  nature  de  l'agent ,  Se  prophéti- 
!er  ,  s'il  m'eft  permis  de  le  dire ,  les  grena- 
des ,  les  mines ,  les  canons ,  les  bombes , 
&  tout  l'appareil  de  la  pyrotechnie  militaire. 
Mais  Montagne  n'eft  pas  le  feul  philofophe 
qui  ait  porté  lur  la  poHibilité  ou  l'impof- 
fibilité  des  machines  ,  un  jugement  préci- 
pité. Defcartes ,  ce  génie  extraordinaire  ,  né 
pour  égarer  &  pour  conduire  ,  &  d'autres 
qui  valoient  bien  l'auteur  des  cffais  ,  n'ont- 
ils  pas  prononcé  que  le  miroir  d'Archimede 
étoit  une  fable  ?  cependant  ce  miroir  eft  ex- 
pofe à  la  vue  de  tous  leslavansau  jardin 
du  roi  ;  &  les  effets  qu'il  y  opère  entre 
les  mains  de  M.  de  Buffon  qui  l'a  retrouvé , 
ne  nous  permettent  plus  de  douter  de  ceux  , 
qu'il  opéroit  fur  les  murs  de  Syracule  entre  I 
les  mains  d'Archimede.  De  fi  grands 
exemples  fuflSfent  pour  nous  rendre  circonl- 
pe6ts. 

Nous  invitons  les  artiftes  à  prendre  de  , 
leur  côté  confeil  des  favans  ,  &  à  ne  pas  laif- 
fer  périr  avec  eux  les  découvertes  qu'ils  fe- 
ront. Qu'ils  fâchent  que  c'eft  fe  rendre  cou- 
pable d'un  larcin  envers  la  lociété  ,  que  de 
renfermer  un  lecret  utile  ;  Se  qu'il  n'eft  pas 
moins  vil  de  préférer  en  ces  occafions  l'in- 
térêt d'un  feul  à  l'intérêt  de  tous  ,  qu'en 
cent  autres  où  ils  ne  balanceroient  pas  eux- 
mêmes  à  prononcer,  S'ils  fe  rendent  com- 
municatifs ,  on  les  débarraflera  de  pluficurs 
préjugés  ,  Se  fur-tout  de  celui  où  ils  font 
prefque  tous ,  que  leur  art  a  acquis  le  der- 
nier degré  de  perfe^ion.  Leur  peu  de  lu- 
mières 


ART 

mieres  les  expofe  (bavent  à  rejeter  fur  la 
nature  des  choies  ,  un  dcFaut:  qui  n'eft  qu'eii 
eux-mêmes.  Les  obftacles  leur  paroilleiic  in- 
vincibles dès  qu'ils  ignorent  les  moyens  de 
les  vaincre.  Qu'ils  fallènc  des  expériences  ; 
que  dans  ces  expériences  chacun  y  mette  du 
iien  ;  que  l'arcifte  y  (bit  pour  la  main-d'œu- 
vre ,  l''académicien  pour  les  lumi-Tcs  <Sc  k^ 
confcils ,  &  ri'komme  opulent  pour  le  prix 
des  m.i.tieres ,  des  peines  &  du  temps  ;  & 
bientôt  nos  arts  &c  nos  manufadtures  auront 
(lir  celles  des  étrangers  toute  la  l'upériorité 
que  nous  délirons. 

De  l'a  Jupcricriîé  d'une  manufaclurc  fur 
une  auirc,  Âlais  ce  qui  donnera  la  Uipcrio- 
rité  à  une  manufâdiure  iur  une  autre  ,  ce 
iera  lur-tout  la  bonté  des  matières  qu'on 
y  emploiera  ,  jointe  à  la  célérité  du  travail 
&  à  la  perteûion  de  l'ouvrage.  Quant  à  la 
bonté  des  matières ,  c'efl  une  afKiire  d'inf- 
pedion.  Pour  la  célérité  du  travail  &  la  per- 
feébion  de  l'ouvrage  ,  elles  dépendent  en- 
,  tiérement  de  la  multitude  des  ouvriers  raf- 
I  lemblés.  Lorlqu'uiie  manufacture  ell:  nom- 
breufe  ,  chaque  opération  occupe  un  homme 
difl\T-cnt.  T<1  ouvrier  ne  fait  (Se  ne  fera 
de  fa  vie  qu'une  feule  &  unique  chofe  ; 
tel  autre ,  une  autre  chofe  :  d'où  il  arrive 
que  chacune  s'exécute  bien  &  prompte- 
ment  ,  &  que  l'ouvrage  le  mieux  fait  eft 
encore  celui  qu'on  a  à  meilleur  marché. 
D'ailleurs  le  goût  &  la  façon  fe  perfection- 
nent nccellairement  entre  un  grand  nom- 
bre d'ouvriers,  parce  qu'il  eft  difficile  qu'il 
ne  s'en  rencontre  quelques-uns  capables  de 
réfléchir  ,  de  combiner ,  &  de  trouver  enfin 
le  fcul  moyen  qui  puide  les  mettre  au  def- 
fus  deieurs  lemblablcs  \  le  moyen  ou  d'épar- 
gner la  matière  ,  ou  d'alongcr  le  temps ,  ou 
de  furfiLre  l'induftrie  ,  (oit  par  une  ma- 
chine nouvelle,  foit  par  une  m.anœuvre  plus 
commode.  Si  les  manufactures  étrangères 
ne  l'emportent  pas  fur  nos  manufactures 
de  Lyon  ,  ce  n'eft  pas  qu'on  ignore  ail- 
leurs comment  on  travaille  là  ;  on  a  par- 
tout les  mêmes  niétiers ,  les  mêmes  foies , 
&  <à-peu-près  les  mêmes  pratiques  :  m.-iis  ce 
n'eit  qu'à  Lyon  qu'il  y  a  50000  ouvriers  raf- 
femblés  &  s'occupant  tous  de  l'emploi  de  la 
même  matière.  Nous  pourrions  encore  alon- 
ger  cet  article  :  mais  ce  que  nous  venons  de 
-dire,  joint  à  ce  qu'on  trouvera  dans  notre dif- 
Tomi  m. 


ART  4S  1 

cours  préliminaire  ,  futiira  poiif  ceux  qui 
lavent  pcnler  ,  &  nous  n'en  aurions  jamais 
allez  dit  pour  les  autres.  On  y  reiKontre- 
ra  peut-être  des  endroits  d'une  métaphy- 
lique  un  peu  forte  :  mais  il  étoit  impoffîblc 
que  cela  Rit  autrement.  Nous  avions  à  par 
1er  de  ce  qui  concerne  Vart  en  générai  ;  nos 
propoiîtions  dévoient  donc  être  générales  ; 
mais  le  how  fcns  dit  qu'une  propolition  cfl 
d'autant  plus  abftr^ite  ,  qu'elle  eft  plus  gé- 
nérale 5  l'abftraétion  conliltant  à  étendre  une 
vérité  ai  écartant  de  fon  é^^onciatio^l  les 
termes  qui  la  particularilent.  Si  nous  avions 
pu  épargner  ces  épines  au  leéteur  ,  nous  nous 
ferions  épargné  bien  du  travail  à  nous-mêmes. 

Art,  f.  m.  Arts  liebraux  ,  f.  m. 
pi.  (  Belles-Lettres.  )  îlien  de  plus  bizarra 
en  apparence  que  d'avoir  ennobli  les  arts 
d'agrément ,  à  l'exclufion  des  arts  de  pre- 
mière néceflfité  ;  d'avoir  diûingué  dans  un 
même  art ,  l'agréable  d'avec  l'utile  ,  pour 
honorer  l'un  de  préférence  à  l'autre  ;  &c  ce- 
pendant rien  de  plus  rai'onnable  que  ceî 
diftinétions ,  à  les  regarder  de  près. 

La  lociété  ,  après  .avoir  pourvu  à  (es  be- 
loins,  s'eft  occupée  de  (es  plaifirs  ;  ôc  le 
plaiûr  une  fois  (enti ,  eft  devenu  un  befoia 
lui-même.  Les  jouiffances  font  le  prix  de 
la  vie  ;  (S:  on  a  reconnu  dans  les  arts  d'a- 
grément le  don  de  les  multiplier.  Alors  on 
a  confidéré  entre  eux  &  les  arts  de  beloin , 
ou  de  première  utilité  ,  le  genre  d'encou- 
ragement que  dcmandoient  les  uns  &  les 
autres  ;  &c  on  leur  a  propofc  des  récom- 
penfes  relatives  aux  facultés  &  aux  incliiu- 
tians  de  ceux  qui  dévoient  s'y  exerce: . 

Le  premier  objet  des  récompenfe-s  eft 
d'encourager  les  travaux.  Or  ,  des  travaux 
qui  ne  demandent  que  des  facultés  com- 
munes ,  telles  que  la  force  du  corps  ,  l'a- 
dredb  de  la  main  ,  la  lagaciti  des  organes  > 
Se  une  induftrie  facile  à  .acquérir  par  l'exer- 
cice &  l'habitude ,  n'ont  befoin  pour  être 
excités  ,  que  de  l'.ippât  d'un  bon  ililaire. 
On  trouvera  p.ar  tout  des  hommes  robuf- 
tes ,  laborieux  ,  ag'les ,  adroits  de  la  m.ain  , 
qui  feront  fatisfiits  de  vivre  à  l'aife  en  tra- 
vaillant ,  &  qui  travailleront  pour  vivre. 

A  ces  arts ,  même  aux  plus  utiles  &c  de 
première  nécefficé  ,  on  a  donc  pu  ne  pro- 
poser qu'une  vie  ailée  &:  commode;  &  les 
qualités  naturelles  qu'ils  luppofcn: ,  ne  font 
t.1  m  m 


4S^i  A  R  T 

pas  fufccptibles  de  plus  d'amblcion.  L^ame 
d''un  artifan  ,  celle  d'an  hibourciir  ne  fe 
repak  point  de  chimères  -,  &  une  exiftencc 
idéale  l'intérederoir  foiblement,, 

Mais  pour  les  arts  ,  dont  le  iucccs  dépend 
de  la  penfJe  ,  des  talcns  de  l'efprit  ,  des 
facultés  de  l'âme  ,  fur-tout  de  l'imagination, 
il  a  fallu  non  feulement  l'émulation  de  l'in 
térêt ,  mais  celle  de  la  vanité  ;  il  a  fallu  des 
récompcnfes  analogues  à  leur  gén  e  ,  &  di- 
gnes de  l'encourager ,  une  ellime  flaiveuie 
aux  uns ,  une  efpece  de  gloire  aux  autres  ;, 
&  à  tous  desdiftindtionspro^iortionnéesaux 
moyens  &  aux  facultés  qu'ils  demandent. 

Ainfi  s'ert:  établie  dan:  l'opinion  la  préémi- 
nence des  arts  Ibéraux  fur  les  arts  mécha- 
niques ,  flms  égird  à  l'utilité  ,  ou  plutôt  en 
les  fuppoHînt  diverltment  utiles,  les  uns  aux 
befoins  de  la  vie  ,  les  autres  à  Ion  agrément. 

Cette  diftinélion  a  été  fi  précile ,  que , 
dans  le  mime  art ,  ce  qui  exige  un  degré 
peu  commun  d'intelligence  &  de  génie  , 
a  été  mis  au  rang  des  arts  libéraux  ,  tandis 
qu'on  a  laiiîé  dans  la  claile  des  arts  mé- 
ci  an  ques  ce  qui  ne  fuppofe  que  des  moyens 
phyliques  ,  ou  les  facultés  de  l'efprit  don- 
nées à  la  multitude.  Telle  efl ,  par  exem- 
ple ,  la  différence  de  l'architede  &  du  ma- 
çon ,  du  ftatuaire  £>:  du  fondeur  ,  6'c.  Qiiel- 
quefois  mcme  on  a  féparé  la  partie  fpécu- 
lative  &  inventive  d'un  art  méchanique , 
pour  l'élever  au  rairg  des  fciences ,  tandis 
que  la  partie  executive  eft  reftée  dans  la 
foule  des  crfj  ob feu rs.  Ainfi  l'agriculture, 
la  navigation ,  l'optique  ,  la  ftatique  tiennent 
par  une  extrémité  aux  connoiilances  les  plus 
fublimes,  &  par  l'autre  à  des  arts  qu'on  n'a 
point  ennoblis. 

Les  arts  libéraux  fe  réduifent  donc  à  ceux- 
ci ,  l'éloquence,  la  poélie,  la  muiique,  la 
peinture  ,  la  'culpture  ,  l'architeélrure ,  &  la 
gravure  copJitiérce  dans  la  partie  du  deffin. 

Par  un  renverfement  afiéz  luigulier ,  on 
voit  qiie  les  plus  honorés  des  arts  ,  &:  ceux 
en  efter  qui  méritent  le  plus  de  fêtre  ,  par 
tes  ficult  s  qu'ils  demandent ,  (?c  par  les  ta- 
lens  qu'ils  (uppoîcnt  j  que  les  fculs  même 
d'entre  les  arts  qui  exigent  une  intelligen- 
cç  ,  une  imagination  ,  un  génie  rare  ,  & 
luie  délicatefle  d'organes  dont  peu  d'hom- 
jncs  ont  été  doués  ,  font  pre'que  tous  des 
«rts  de-iuxç^  des  arts  Isns  lesquels  k  ib- 


A  R  T 

ciété  pourroit  être  heureufe  ,  &  qui  ne  luj 
ont  apporté  que  des  plailirs  de  fantaiiie  , 
d'habitude  &  d'opinion  ,  ou  d'une  nécef- 
hté  trcs-cloignée  de  l'état  naturel  de  l 'homme. 
Mais  ce  qui  nous  paroit  un  caprice  ,  une 
erreur  ,  un  délordre  de  la  irature  ,  paroit 
néanmoins  aflez  raifonnable  :  car  ce  qui  efl: 
^raiment  nécedaire  à  l'homme  a  du  être 
facile  à  tous ,  &  ce  qui  n'eft  polTiblc  qu'au 
plus  petit  nombre  ,  a  dû  être  iiiutile  au 
plus  grand. 

Parmi  les  arts  libéraux ,  les  uns  s'adref- 
fent  plus  direélement  à  l'ame  ,  comme  l'é- 
loquence &  Il  pocfîe  i  les  autres  plus  par- 
ticulièrement aux  fens  ,  comme  la  mufî- 
que  &  la  peinture  ;  les  uns  emploient ,  pour 
s'exprimer ,  des  fignes  fîéxifs  &  changeans , 
les  fons  articulés  ;  un  autre  emploie  des  lignes 
naturels ,  &  par-tout  les  mêmes ,  les  accens 
de  la  voix  ,  le  bruit  des  corps  fonores  ;  les 
autres  emploient  ,  non  pas  des  fignes  , 
mais  l'apparence  même  des  objets  qu'ils 
expriment  ,  les  furfaces  £c  les  contours, 
les  couleurs  ,  l'ombre  £>:  la  lumière  ;  un 
autre  enfin  n'exprime  rien  (je  parle  de  Par- 
chiteéture  )  ,  mais  Ion  étude  efl  d'obîerver 
ce  qui  plaît  au  fens  de  la  vue  ,  foit  dans 
le  rapport  des  grandeurs ,  foit  dans  le  mé- 
lange des  formes  ,  iSc  Ion  objet  de  réunir 
l'agrément  &  l'utile. 

Enfin  parmi  ces  arts ,  les  uns  ont  la  na- 
ture pour  modèle ,  &  leur  excellence  con- 
fifte  à  la  choilir,  &:  à  compoler  d'après  elle, 
auffi  bien  qu'elle  ,  &  mieux  qu'elle-même  : 
ainfî  opèrent  la  poéfle  ,  la  peinture  &  la 
fculpture  i  tel  autre  exprime  la  vérité  même, 
&  n'imite  rien  ;  mais'  aux  moyens  qu'il 
emploie,  il  donne  toute  la  puiflan^  dont 
CCS  moyens  font  fufccptibles  :  ain^^'élo- 
quencc  déploie  tous  les  rellorts  du  lenti- 
ment ,  toutes  les  forces  de  la  railon  ;  tel 
autre  imite  ou  par  relfemblance  ou  par  ana- 
logie :  ainiî  la  mufique  a  deux  organes , 
l'un  naturel ,  l'autre  fadice  ;  celui  de  la  voix 
humaine  ,  <?c  celui  des  inftrumens  qui  peu- 
vent féconder  la  voix  ,  y  (uppléer,  porter  \ 
Pâme  ,  par  l'entremile  de  l'oreille  ,  de  nou- 
velles émotions. 

On  voit  combien  il  feroit  difficile  de  ré- 
duire à  un  même  principe  des  arts  do  it  les 
moyens  ,  les  procédés ,  l'objet  ditfexent  fî 
cllèntieUement^ 


ART 

Qitand  il  feroit  vrai  ,  comme  un  mull- 
cicii  célèbre  l'.i  prctenJu  ,  que  le  principe 
univerfcl  de  l'harmonie  6c  de  la  mélojic 
fut  dans  la  nature  ,  il  s'enfuivroir  que  la 
nature  feroit  le  guide  ,  mais  non  pas  le 
modèle  de  la  mu(îque.  Tous  les  Ions  & 
tous  les  accords  lont  dans  la  nature  fuis 
doute;  mais  Van  eft  de  les  réunir  &;  d'en 
compofer  un  enlemble  qui  plai!c  à  l'oreille 
&  qui  porte  à  l'ame  d'agréables  émotions  : 
or  ,  qu'on  nous  dile  à  quoi  ce  compo(é 
redcmble.  Eft-ce  dans  le  chnit  des  oileaux  , 
dans  les  accens  de  la  voix  humaine  que  la 
mulique  a  pris  le  fyftême  des  modulations 
Se  des  accords  ? 

Cet  art  eil:  peut-être  le  plus  profond  fe- 
cret  que  l'homme  ait  dérobé  à  la  nature. 
Le  peintre  n^^  qu'à  ouvrir  les  yeux  ;  dira- 
t-on  de  même  que  le  mulicien  n'a  qu'à 
prêter  l'oreille  pour  trouver  des  modèles  ? 
La  mufque  ,  il  ell  vrai  ,  imite  allez  Ibu- 
vent  ;  &  la  vérité  embellie  eft  un  nouveau 
ciiarme  pour  elle  ;  mais  qui  la  réduiroit  à 
l'imitation  ,  à  Pexpreiïion  de  la  ncture  ,  lui 
retrancheroit  les  plus  frappans  de  fes  prodi- 
ges ,  &  à  l'oreille  les  plus  fenlibles  &  les 
glus  chers  de  (es  plaihrs.  La  mufique  ref- 
lemble  donc  d'un  côté  à  la  poélie  ,  laquelle 
embellit  la  nature  en  l'imitant ,  ik  de  l'au- 
tre ,  à  l'architeéture  ,  qui  ne  conlulre  que 
le  plaiiîr  du  iens  qu'elle  doit  atFctler. 

En  étud::;nt  les  ans ,  il  faut  le  bien  rem- 
plir de  cette  idée ,  qu'indépendamment  des 
plaihrs  réfléchis  que  nous  cauient  la  relfem- 
blance  Se  le  preftige  de  l'imitation  ,  chacun 
des  (cns  a  les  plaihrs  purement  phyfîques , 
comme  le  goût  &  l'odorat;  l'oreille  fur-tout 
a  les  hens  ;  &  il  lemble  qu'elle  y  loit  d'au- 
tant plus  lenlible  ,  qu'ils  lont  plus  rares 
dans  la  nature.  Pour  mille  lenlations  agréa- 
bles qui  nous  viennent  par  le  Iens  de  la 
vue ,  il  ne  nous  en  vient  peut-être  pas  une 
par  le  fens  de  l'ouie  :  on  diroit  que  cet  or- 
gane étant  fpécialement  delliné  à  nous  tranl- 
mettre  la  parole  &  la  penlée  avec  elle,  la 
nature ,  par  cela  feul ,  ait  cru  l'avoir  allez 
fivorifé.  Tout  dans  l'univers  femble  fait 
pour  les  yeux ,  &  prefque  rien  pour  les 
oreilles.  AulTî  de  tous  les  ans  ,  celui  qui 
a  le  plus  d'avantage  à  rivalifer  avec  la  nature  , 
c'eft  ['art  des  accords  Ik  du  chant. 

L'architecture  eft  encore  moins  que  la 


ART  4Sj 

mufique  adèrvie  à  l'imitation.  Quelle  idée  , 
(lue  tic  lui  donner  pour  modèle  la  première 
cabane  dont  l  homme  fmvage  imagina  de  (e 
fiire  un  abri  !  Qiiand  cette  cobanc  ,  cens 
ébauche  de  l'art  en  co;itiendroit  les  élé- 
mens  ,  clic  n'a  pas  été  donnée  par  la  nature  : 
elle  elt  ,  comme  l'églife  de  S.  Pierre  de 
P.ome ,  un  compolc  arriticiel ,  le  coup  d'efiai 
de  l'induftric  ;  &  il  cil:  étrange  de  vouloir 
que  l'elîài  foit  le  modèle  du  chcf-d'ccuvre. 
Comment  tirer  de  cette  cabane  l'idée  des 
proportions  ,  des  profils  ,  des  formes  les 
plus  régulières  î 

Le  prodige  de  Van  n'a  pas  été  d'employer 
des  cqlonnes  tk.  des  chevrons  :  c'eft  la  plus 
hmple  (Se  la  plus  grolTiere  des  inventions  de 
la  nécelTité.  Le  prodige  a  été  de  détermi- 
ner les  rapports  des  hauteurs  &  des  bafes , 
l'enlemble  harmoiiieux  ,  l'équilibre  des  maf- 
les  ,  la  précilion  &  l'élégance  des  fiillies 
Se  des  contours.  Eft-ce  la  rai!o:i ,  l'analo- 
gie ,  la  nature  enfin  qui  a  donné  la  com- 
polition  de  l'ordre  corinthien  ,  le  plus  ma-  • 
gnifique  de  tous ,  le  plus  agréable  &  le  plus 
infenfé  ?  Les  colonnes  rappellent  des  tiges 
d'arbres  ,  qui  fupportoient  de  longues  pou- 
tres &  des  folives  en  travers  ,  figurées  par  : 
l'entablement  :  je  le  veux  bien  ;  mais  où  l'in-  ' 
venteur  de  l'ordre  corinthien  a  - 1  -  il  vu  , 
foit  dms  la  nature  ,  foit  dans  les  premières 
inventions  de  la  nécelTité  ,  un  vafe  entouré 
d'une  plante  ,  placé  au  bout  d'une  tige  d'ar- 
bre &  foutenant  un  lourd  fardeau  ?  Cali- 
maque  l'a  vu  ,  ce  vafe  ,  mais  il  l'a  vu  par 
terre  ,  &  ne  fupportant  rien.  L'emploi  qu'il 
en  a  frit  répugne  au  bon  Iens  6c  à  la  vrai- 
femblance  ;  &  cependant  cette  abfurdité 
eft  ,  au  gré  des  yeux  ,  le  plus  riche  ,  le 
plus  bel  ornement  de  l'architeûure.  Les  ' 
rouleaux ,  ou  volutes ,  de  l'ordre  ionique  ne 
font  pas  moins  ridiculement  employés  ;  & 
c'eft  encore  une  beauté.  L'art  même,  de- 
puis deux  mille  ans ,  cherche  en  vain  à  ren- 
chérir fur  ces  compolitions  ,  rien  n'en  peut 
approcher  ;  les  proportions  de  l'architec- 
ture greque  relient  encore  inaltérables  ;  5c 
fans  avoir  de  modèle  dans  la  nature  ,  elles 
(emblent  deftinées  à  être  éternellement  elles- 
mêmes  le  modèle  de  ['art.  Pourquoi  cela  î 
C'eft  que  le  plaifir  des  yeux  eft,  comms 
celui  de  l'oreille  ,  attaché  à  de  certaines 
imprelTions,  &  que  ces  impreftions  dépen-:- 
M  m  m   i 


484  A  R  T 

dent  de  certains  rapports  que  la  natare  a 
mis  entre  l'objet  &  l^orgaiic.  Mais  iaifir  ces 
rapports  ce  ii'tft  pas  imiter ,  c'cft  deviner 
l,i  nature. 

Ainfi  procède  î'tloqucnce  ,  clie  n'imite 
rien.  :  l'orateur  n'cft  pas  un  mime  i  il  parle 
d'après  lui ,  il  tranfoiet  fa  pei^fée  ,  il  exprime 
fes  fentiraens.  Mais  dans  !e  dclkin  d'é- 
mouvoir ,  d'éclairer,  de  perfuader,  de  faire 
palier  dans  nos  cœurs  les  mouvemens  du 
iien  ,  il  choilit  avec  réflejdon.  ce  qu'il  con- 
no'jt  de  plus  capable  de  nous  remuer  à  fon 
gré.  C'ell  cr.core  ici  l'influence  de  l'elpritlur 
l'eiprit ,  l'adlion  de  i'ixme  lur  l'ams ,  le  rap- 
port c'es  objets  avec  l'organe  du  lentiment  , 
qu'il  faut  étudier  v  &  pour  maîiriier  les  ef- 
prits  ,  le  loin  de  l'orateur  eft  de  connoitre 
ce  qui  les  touche  ^'  peut  les  mouvoir  à 
Ton  gré. 

Dans  les  arts  même  do}at  l'imitation 
iemble  être  le  partage ,  comme  k  poélk  , 
la  peinture ,  la  iculpture ,  copier  n'eft  rien  , 
choihr  eft  tout.  Les  détails  lont  dans  la 
nature ,  mais  l'enfemble  eit  dans  le  génie. 
L'invention  conGfte  à  com.pofcr  des  malfes 
qui  ne  refiemblent  à  rien  ,  &  qui ,  làns 
avoir  de  modèle  ,  aient  pourtant  de  la  vé- 
rité :  or  ,  quel  eft  dans  la  nature  le  type  & 
la  règle  de  ces  compofitions  ?  il  n'y  en  a 
pas  d'autre  que  la  connoillance  de  l'homme , 
l'étude  de  Tes  affeélions,  le  réfultat  des  im- 
prelTions  que  les  objets  font  fur  l'organe. 
Cela  eft  évident  pour  le  choix  ,  le  mélange 
&  l'harmonie  des  couleurs ,  la  beauté  des 
contours  ,  l'élégance  des  formes  :  l'œil  ci: 
eft  le  juge  ^uprème  ;  &  la  mêi-nc  étude  de  la 
nature  qui  a  dém.êlé  les  fons  qui  pi  lifent  à 
l'oreille ,  nous  a  éclairés  (ur  le  choix  des 
«bjets  qiii  plaifent  aux  yeux. 

_Même  théorie  à  l'égard  de  la  pirtie  in- 
teilccluelle  de  la  peinture  ,  &  à  l'éga  d 
•de  la  poélîe  qui  eft  Vûrt  de  peindre  à  l'efprit. 
Il  eu  aulïi  impoflible  d'expliquer  les  plai- 
■firs  de  la  penfee  Ik  du  fenriment  que  ceux 
de  L'oreille  &:  des  yeux.  Mais  une  e;;pé- 
rtence  habituelle  nous  fait  connoitie  que  la 
faculté  de  fentir  &  d'imagiiicr  a  dans 
l.'liomme  ur,e  aclivitc  inquiète  t]ui  veut  être 
exercée ,  &  de  telle  façon  plutôt  que  de 
tiillc  atitre. 

La  r.ature  nous  préfenre  pêle-m.ôle  ,  fi 
j;.'o!c  le  dire  ,  ce  t^û  flatte  &  ce  q^ui  bléilc 


ART 


ame 


en  la  trompant ,  mais  de  l'affedcr  comme 
elle  fe  pU'.t  à  l'être.  Ce  choix  eft  le  fecrec 
de  l'an  ,  &  rien  dans  k  nature  ne  peut  nous 
le  révéler  ,  que  l'étude  mêmiC  de  l'itommc 
&  des  imprullîons  de  plaitir  ou  de  peine 
qu'il  reçoit  des  objets  dont  il  eft  fi-appé. 

C'eft  ce  diictnieraent  acquis  par  l'obfer- 
vation  ,  qui  éclaire  &  conduit  l'arcifte  ; 
mais  il  eft  le  guide  du  parfumeur  ,  comme 
celui  du  pot-te  &  du  peintre  i  &  que  Vert 
imite  ou  n'imite  pas ,  s'il  eft  de  Ion  elfcnce 
d  être  un  ar:  d'agrément ,  fcm  principe  eft 
!e  choix  de  ce  qui  peut  nous  plaire.  La  dif- 
férence eft  d.ins  les  orgines  qu'on  fe  piopofe 
de  flatter ,  ou  plutôt  dans  les  affections  que 
chacun  des  ans  peut  produire. 

Les  or:.-!  d'agrément  qui  ne  portent  à 
l'ame  que  des  lenCitions ,  comme  celui  du 
parfumeur  ,  ne  ieront  jamais  comptés  parmi 
les  ans  l/èérciux.  Ceux-ci  ont  Ipécialemenc 
pour  organes  l'œil  &  l'oreille  ,  les  deux  fens. 
qui  portent  à  l'ame  des  lentimens  &  des. 
penfées ,  &  c'eft  à  quoi  l'opinion  (emble  avoir 
eu  égard  ,  lorsqu'elle  a  marqué  à  chacun 
d'eux  fa  place  Se  le  rang  qu'il  devoir  tenir. 

Ces  arts  s'accordent  aflez  fouvent  pour 
embellir  à  frais  communs  le  même  objet ,. 
&  produire  un  plailîr  compofé  de  leurs  im- 
pretlîons  réunies  :  e'eft  ainiî  que  l'archi- 
ttécure  &  la  fculpture^  la  poétie  «Se  k  mu- 
l:que  travaillent  de  concert  ;  mais  il  ne  faut 
pas  croire  que  ce  folt  dans  la  vue  de  faire 
plus  d'illiilion ,  en  imitant  mieux  lair  ob- 
jet. L^n  ob'.ervatcur  habile  a  déjà  remar- 
qué que  les  deux  ffrts  dont  l'alliance  étoit  le- 
plus  fendblcment  indiquée  par  leurs  rap- 
ports (la  fculpture  &  la  peinture^  le  iini- 
fent  l'un  à  l'aufe  en  (è  réuniftluit.  Une  belle 
eftampe  fait  plus  de  plaidr  qu'une  ftatue  co- 
lorée :  dans  celle-ci ,  l'excès  de  reftemblance 
ote  à  l'illuiion  Ion  mérite  &  fon  agrément. 
Voye-^  Belle  nature.  Illusion,  Imi- 
tation, &c.  {M.  Marmontbz.) 

Beaux -Arts.  Celui  qui  le  premier  donn* 
l'épithere  de  l>eaux,  atix  ans  dont  nousallons. 
parler ,  s'étoit  lans  doute  appcrçu  que  leur 
cftence  eil  d  allier  l'agréable  à  lutile  ,  ou' 
d'emlx-llir  les  objets  que  l'art  raiduniqai: 
avoii  iûveutcs. 


ART 

En  effet  ,  îu  lieu  cic  f  lirs  co::rîftcr  ,  com-  ' 
me  on  l'a  fi  fouvenc  prétciiHu,  IVllciiCL-des 
ttaux-arts  dans  iijie  imit.uion  de  1a  nature  , 
qui  n'ofiic  à  l'elprit  que  des  idées  vagues  , 
^'  trcs-peu  sûres ,  il  eft  bien  plii-:  naturc^l  d'en 
chercher  l'origine  dr.nslc  pcnch.'nt  quinous 
porte  à  embellir  tout  ce  qui  nous  em  ironne , 
•  &  qui  fcrt  à  nos  be(bins  les  pîu^  frcquens. 

On  a  été  logé  ,  cm  s'efl:  fait  entendre  , 
avant  de  fonder  à  embellir  les  lopcmens  pr.r 
l'ordre  «?■:  li  lymmétrie  ,  &:  av.p.t  de  recou- 
rir à  1  harmonie  pour  uiidre  le  langage  plus 
agréable. 

Les  âmes  d'une  hcureufe  trempe  appor- 

■  ks 


tent  en  naulant  un  pcr.chànt  décide  pour 
imprclîlons  douces ,  ts:  c'eft  ce  penchant  qui 
a  produit  les  beaux-ans. 

Le  berger  ,  qui  le  premier  a  cdayé  de 
donner  une  forme  plus  élégante  à  (a  coupe  , 
ou  à  la  houlette  ,  ijc  d'y  ébaucher  quelques 
petits  reliefs  ,  a  été  l'inventeur  de  Li  (culji- 
ture.  Celui  de  l'archireclure  ,  c'eft  le  pre- 
mier fauvage  qui  ait  eu  le  génie  de  mettre 
de  l'ordre  dans  la  conftruclion  de  ia  hutte  , 
&  qui  ait  (u  obler\'cr  dans  l'enfemble  une 
proportion  convenable  ;  &:  l'on  doit  confi- 
tiérer  comme  le  père  de  l'éloquence  ,  chez 
une  nation  ,  celui  qui  eut  la  première  idée 
d'introduire  quelque  forte  d'arrangement  & 
d'agrém.ent  dans  le  récit  qu'il  avoit  à  faire. 

C'ell:  de  ces  foibles  germes  que  l'entende- 
ment humain ,  par  une  culture  réfléchie  ,  a 
fu  ,  peu  à  peu  ,  faire  éclcre  les  Icaux-ans  : 
ces  germes  formés  par  la  nnture  font  enlîn 
devenus  d'excellens  arbres  chargés  des  fruits 
les  plus  délicieux. 

Il  en  eft  des  beaux-arts  comme  de  toutes 
les  inventions  humaines:  elles  font  ,  pour  la 
plupart,  l'ouvrage  duhazard,  &  très-ché- 
tives  dans  leur  origine  ;  mais  par  une  amé- 
lioration fucceffive  elles  deviennent  d'une 
wilité  très -importante.  La  géométrie  n'é- 
roit  d'abord  qu'un  arpentage  fort  grofîier  ; 
i^f  c'eft  la  fim.ple  curioiité  de  quelques  geiiS 
dé(œu^'rés  qui  a  fait  naître  l'agronomie:  une 
application  judicieufe  &:  foutcnue  a  déve- 
loppé les  premiers  élémensdecesdeu-x  fcicn- 
ces ,  &  les  a  portées  à  ce  haut  degré  de  pcr- 
feftion  où  nousles  voyons  anicurd'hui ,  qui 
les  rend  d'une  utilité  ineftimable  pour  la  fo- 
ciété  humaine.  Ainfi  quand  les  b^auxarts 
n'atrolenc  été  dans  leur  berceau  que  de  foi- 


ART  48î 

blcs  ellais  u.jiqï.'.cment  imagiîiés  pour  réjouir 
la  vue ,  ou  d'autres  fcns ,  il  fauJroit  bien 
nous  garder  de  reirener  dans  des  bornes 
auffi  étroites  toute  l'étendue  de  leurs  avan- 
tnges  réels  6';  de  leur  \rai  but.  Pour  appré- 
cier ce  que  vaut  l'homme  ,  ii  faut  confidé- 
rer  ,  non  ce  qu'il  cil  dans  ia  première  en- 
fance ,  mais  ce  qu'il  fera  dans  un  âge  mût, 
La  première  queRion  qui  fe  pr'fcntc  ici , 
c'eft  donc  de  rechercher  quelle  utilité  l'hom- 
me peut  le  promettre  des  hcnux-aits  confl- 
d.'rés  dans  toi'.tc  l'écendae  de  leur  cTence  » 
&  dans  l'état  de  pcrfcélion  dont  ils  font 
fufceptible;. 

Les  eiprics  foibles  ou  frivoles  répètent  fans 
ceiîe  c][ue  les  kr.ux-cits  ne  font  deftincs  qu'à 
nos  araufemens  ;  que  leur  but  ne  va  pas 
plus  loin  qu'à  récréer  nos  fens  &;  notre  ima- 
gination :  cxaniiiioiiS  donc  fî  la  raifon  n'y 
décou\re  rien  de  plus  important ,  &  voyons 
jufqu'où  la  Ggc'le  peur  tirer  parti  du  pen- 
chant indufthcux  qai  porte  les  hommes  à- 
tout  embellir  ,  &  de  leur  difpofition  à  être' 
!enl:b!es  au  beau.  Nous  n'aurons  pas  befôin 
de  nous  engager  pour  cela  dans  des  recher- 
ches longues  &  profondes  ;  rcbfcrvadon  de 
la  nature  nous  offre  une  voie  bien  plus  abré- 
gée. La  nature  eft  le  premier  ai  rifte  ,  &  fes 
merveilleux  arrangcmicns  nous  indiquent 
tout  ce  qui  peut  élever  au  plus  haut  point  le 
prix  &c  la  perfedion  des  arts. 

Dans  les  œuvres  de  la  cré.rtion  tout  covS- 
pire  à  procurer  des  imprefTions  agréables  à 
la  vue  ,  ou  aux  autres  fens.  Chaque  être 
deftiné  à  notre  ufige  ,  a  une  beauté  qui  eft 
indépendante  de  ion  utilité  :  Jss  objets  mê- 
mes qui  n'ont  aucun  rapport  immédiat  avec 
r.ous ,  femiblent  n'avoir  reçu  une  figure  gra- 
cieufe ,  Se  des  couleurs  agréables ,  que  parce 
qu-'ils  alloient  être  expofés  à  nos  regards. 

La  nature  en  travaillant  ainfî  de  tout  côté 
à  faire  affluer  fur  nous  le^  fcnfatîons  agréa- 
bles ,  a  ,  Ç-M'iS  doute  ,  eu  pour  but  d'excirer 
Cv  de  fcitificr  en  nous  une  douce  fenfibilité  , 
capable  de  tempérer  la  fougue  des  paffions  & 
la  rudefle  de  l'amour-propre. 

Les  beautés  répandues  fur  les  produd:ions 
de  la  nature  font  analogues  à  cette  fcnhbi- 
livé  délicate  qui  ,  cachée  au  fond  de  nos 
cœurs  ,  y  doit  fnns  ccfle  être  excitée  par 
l'im.prcflîon  que  font  fur  nous  les  couleurs  ^ 
les  fonoes  &:  les  iccu:s  qui  f'aprent    uos 


4S<J  A  Pv  T 

£'ns.  Dc-!à  rcfultc  un  fcnriment  plus  ren- 
dre, l'eiprit  &  le  cœur  en  deviennent  plus 
adtifs  :  nous  ne  lornmcs  plus  bornés  à  des 
ienduions  grofiJeres ,  commitr.es  à  tous  les 
animaux  ;  des  imprcîiions  plus  douces  s'y 
joignent ,  nous  deveiions  hon'imcs  :  en  aug- 
nientar.t  le  nombre  des  objets  intcreflàns  , 
nous  ajoutons  à  notre  première  activité  ;  tou- 
tes nos  iorces  fc  réunillcnt  &c  fe  déploient  : 
nous  lortons  de  la  pouiliere  ,  &  nous  nous 
élançons  \'eis  les  iiiteliigences  fupcrieures. 
Dès-lors  nous  nous  appcrcevons  que  la  na- 
ture n'eil:  pas  lîmplement  occupée  des  befoins 
de  l'animil ,  mais  qu'elle  veut  lui  m.én?ger 
des  jouifianccs  plus  délicates ,  &  élever,  p.u 
degrés  ,  ion  être  à  un  écat  plus  noble. 

Dans  cet  embelliliement  univer.^e! ,  la  na- 
ture ,  en  mère  tendre  ,  a  pris  un  foin  parti- 
culier de  rallemb'er  les  attraits  les  plus  tou- 
chons lur  les  objets  les  plus  néceilàires  à 
l'homme  :  elle  a  même  eu  le  lècrct  de  faire 
également  fcrvir  la  laideur  &  la  beauté  à  no- 
tre bonheur ,  en  les  attachant  comme  lignes 
caraétériHiques  au  mal  &  au  bien.  Elle  en- 
laidit l'un  pour  nous  en  dégoûter  ,  Se  elle 
embellie  Paune,  pour  que  nous  l'aimions. 
Qu'y  a-t-il  ,  par  exemple,,  déplus  edènciel 
que  les  liens  de  la  lociété  pour  conduire 
l'iiomme  au  bonheur  &  au  principal  objet 
de  la  dellin.ition  ?  Or  ,  ces  liens  tieinient 
ai'.x  agrimens  mutuels  que  les  hom.mes  le 
procurent.  Cela  eft  vrai ,  !ur-tout ,  deTheu- 
rcu(e  iinioii  par  laquelle  Phom me  encore  iioié 
au  m.ilieu  des  fociétés  générales  ,  s'aflocie 
une  compagne  qui  entre  en  communauté  de 
fes  biens ,  redouble  Tes  plailîrs  en  les  parta- 
geant,  adoucit  les  chagrins  &:  allège  les  pei- 
nes. Et  où  la  nature  a-t-elle  prodigué  les 
agréir.ens  comme  iur  la  figure  humaine  î  Là 
lo!:t  tiflus  les  nœuds  indillblubles  de  la  lym- 

f)athie ,  les  charmiCS  les  plus  irréiiftibles  de 
a  beauté  y  fontdillribuéscommeilsdevoient 
l'être  pour  amener  la  plus  heureule  des  liai- 
fons.  Par  cette  admirable  &  fage  profufîon  , 
la  nature  a  fu  rendre  exprelîîve  la  matière 
infcnfible  &  muette  ,  &  lui  donner  l'em- 
preinte des  perfections  de  l'efprit  &  du 
cœur  ,  c'eft-à-dire  ,  des  charmes  les  plus 
puiilàns. 

D'un  autre  côté ,  tout  ce  qui  eft  nuiiîble 
en  ibi,  a  reçu  de  la  nature  une  force  repouf- 
?.mte  qui  produit  l'averfion.  Les  lignes  ca- 


,  :  .  ART 

raéléridiqucs  qui  révoltent  ou  qui  produi- 
lent  le  degoùt ,  &  que  la  nature  a  deftinés  à 
déceler  l'r.brutificment  ftupide  ,  refprit  r.ca- 
riitre  ,  ou  le  mauvais  cœur  ;  ces  lignes ,  dis- 
je  ,  lont  gravés  lur  le  vifn.ge  de  rhoramepar 
des  traits  aulli  profonds  que  ceux,  qui  an- 
noncent la  beauté  de  l'ame. 

Ce  procédé  de  la  nature  II  bien  marqué 
dans  toutes  les  œuvres ,  ne  doit  nous  lailièr 
aucun  doute  lur  le  caraclere  &  li  fin  des 
[•ea;!x-arts.  L'homime  ,  en  embellilîant  tout 
ce  qui  cil:  de  'on  invention  ,  doit  fe  proposer 
le  même  but  que  le  prop  n-z  la  nature  elle- 
même  ,  lorlqu'elle  embellit  avec  tnnt  de  foin 
les  propres  ouvrpgcs.  C'ell  donc  ziw  beaux- 
ans  à  revêtir  d'agrémens  divers  nos  habita- 
tions j  nos  jardins  ,  nos  meubles  ,  &  fur- 
tout  notre  langage ,  la  principale  de  nos  in- 
ventions ,  &  noii  leulemtnt  ,  comme  tant 
de  ]-!etlonnes  le  l'imiaginent  à  tort ,  pour  que 
nous  ayons  la  iimple  jouillance  de  quelc^ues 
agrémens  de  plus ,  mais  principalement  afin 
que  les  douces  imprdlions  de  ce  qui  eil 
beau ,  hartlion'eux  iv  convenable  ,  donnent 
une  tournure  jjIus  lîoble  ,  im  caractère  plus 
relevé  à  notre  elprit  &c  à  notre  cœur. 

Une  autre  choie  bien  plus  importante  en- 
core ,  c'eft  que  les  biaux-ans  ,  imitant  tou- 
jours la  nature  ,  répandent  à  pleines  mains 
les  attraits  de  la  beauté  iur  des  objets  immé- 
diatement néceilàires  à  notre  félicité ,  &  p.-u:- 
là  nous  infpirent ,  pour  tous  ces  objets ,  un- 
attachement  invincible. 

Cicéron  louhaitoit  C  de  Officiis  ,  lih.  I.  ) 
de  pouvoir  prélenrer  à  fon  fils  une  image  de 
la  vertu ,  pcrfuadé  qu'on  ne  pourroit  la  roir 
ians  en  devenir  éperdumentamoureux  :  voi- 
là le  lervice  ineitimable  que  les  beaux-arts 
peuven:  réellemer.t  nous  rendre  :  ils  n'ont , 
pour  cet  elfet  ,  qu'à  cœnlacrer  la  force  ma- 
gique de  leurs  charmes  aux  deux  biens  les 
plus  néceilàires  à  l'humanité  ,  à  la  vérité  & 
à  la  vertu. 

A  ce  premier  fervice  ,  ils  doivent  encore 
en  joindre  un  antre  ,  toujours  d'après  leur 
grand  modèle  ,  c'eft  de  donner  à  tout  ce 
qui  eft  nuiiîble  une  figure  hideufe  qui  excite 
le  ièntiment  de  l'averfion  ,  la  méchanceté  , 
le  crime  ;  tout  ce  qui  peut  corrompre  l'hom- 
me moral  devrolt  être  revêtu  d'une  forme 
feniible  qui  attirât  notre  attention  ,  mais_  de 
manière  à  nous  faire  enviniger  ces  vices  ious 


A  K  T 

leurs  propres  traits ,  pour  nous  en  donner 
une  horreur  inciTaçab'.c  :  c'e(l-l\  un  des 
grands  coups  de  l'aureur  de  la  niturc.  Pei- 
lonne  ne  i.iuroic  s'empcclicr  de  confidcrcr 
une  phyiionomic  funoéteavccautant  d'atten- 
tion Se  de  curioliuc  qu'on  en  a  pour  la  beauté 
même.  Ainli  rinflinurice  dus  beaux-iirts  a 
voulu  que  nous  ne  dctournalTlions  nos  regards 
de  dellusle  mal ,  qu'après  qu'il  auroit  excite 
en  nous  toute  l'nnprelTîon  d'une  horreur 
falutairc. 

Les  remarques  générales  que  nous  venons 
de  faire  contiennent  le  germe  de  tout  ce  qu'on 
peut  dire  de  la  nature  ,  du  but ,  de  l'emploi 
des  beaux-arts  :  leur  ellence  confifte  à  met- 
tre les  objets  de  nos  perceptions  en  état 
d'agir  lur  nous,  à  l'aide  des  lens  &  par  une 
énergie  particulière  qui  a  ia  lource  dans 
l'agrcment  ;  leur  but  eft  de  toucher  vive- 
ment le  cœur,  leur  véritable  emploi  doit  être 
d'élever  l'ame.  Chacun  de  ces  trois  poinci 
mérite  une  difculFion  particulière ,  &  un 
examen  plus  précis. 

I.  Qiie  l'ellence  des  beaux-arts  foit  de 
mettre  les  objets  à  portée  d'agir  fur  nous  à 
l'aide  des  fens  &  pir  une  énergie  qui  naillè 
de  l'agrément ,  c'eil  ce  qui  le  manifeRe  dans 
tout  ce  qui  mérite  le  nom  de  proJuâion  de 
\'art.  En  effet ,  comment  un  diicours  devient- 
il  un  poème  ?  Comment  la  démarche  de 
l'homme  prend-elle  le  nom  de  Danfc  ?  Qiiand 
eft-ce  qu'une  peinture  m;'ritede  paflèr  pour 
un  tableau  ,  ou  qu'une  luite  de  (bns  variés , 
pcuts'appellcr  une  pièce  de  mufiquc  î  Qii'cft- 
ce ,  enhn ,  qui  d'uiie  maiion  fait  un  mor- 
ceau d'architecture  ?  C'eft  lorfque  ,  par  le 
travail  de  l'arrille ,  l'ouvrage  ,  quel  qu'il  foir, 
acquiert  un  charme  particulier  qui ,  à  l'aide 
des  lens  ,  attire  la  réflexion. 

L'hiftorien  rapporte  un  événement  tel 
cju'il  sctz  paflé  ;  le  poète  s'empare  du  même 
lujet ,  mais  il  nous  le  préfente  de  la  manière 
qui  lui  paroit  la  plus  propre  à  faire  fur  nous 
uneimpreffion  vive ,  £c  conforme  à  les  vues  : 
le  ImipledelTlnateur  trace  dans  la  plusgrandc 
cxadirude  limage  d'un  objet  vilîble;  mais 
le  peintre  y  ajoute  tout  ce  qui  peut  com- 
pléccr  1  illuiion,  &  ravir  les  Cens  &  rcfprlt  : 
tandis  que  dajis  leur  démarche  &  par  leurs 
geftes ,  les  autres  hommes  développent 
làns  y  per.fcr,  le  fentlment  qui  les  occupe; 
k  daulcur   donai^  à  fes  geftes  Se  à  cette 


ART  487 

démarche  de  l'ordre  &  de  la  beautcî 

Ainfi  il  n'ell  pas  poiïlblc  qu'il  nous  refte 
aucun  doute  lUrcequi  conlatue  l'eireiice  des 
beaux-arts. 

II.  Il  clt  également  certain  que  leur  pre- 
mier but,  leur  but  immédiat  eft  de  nous 
coucher  vivement  :  ils  ne  veulen r  pas  que 
nous  rcconnoillîons  iirnplement  ,  ou  que 
nous  concevions  d'une  manière  dil]:incle 
les  objets  qu'ils  nous  préfentent  ;  ils  veulent 
que  i'efprit  foie  frappé  &  le  caur  ému.  C'eft 
pour  cela  que  les  beaux-arts  donnent  aux 
objets  la  forme  la  plus  propre  à  flatter  les  fens 
(S:  l'imagination  :  dans  le  temps  m'-me  qu'ils 
cherchent  à  percer  l'ame  par  des  traits  dou- 
loureux ,  ils  charment  l'oreille  par  l'harmonie 
des  ions,  l'œil  par  la  beauté  de  figures,  par 
d'agréables  alternatives  d'ombres  oc  de  lumiè- 
res ,  &  par  l'éclat  brillant  des  couleurs.  Ils 
femblent  nous  fourire  à  l'inftant  même  qu'ib 
nous  remplilîent  le  cœur  damertume  ;  Se 
c'ell:  ainfi  qu'ils  nous  forcent  de  nous  livrer 
à  l'impreirion  des  objets ,  &  qu'ils  s'empa- 
rent de  routas  les  facultés  fcnfirives  de  l'ame  : 
ce  font  des  firenes ,  au  clianr  defquellcs  on  ne 
peut  réliflcr. 

III.  Mais  cet  empire  qu'ils  exercent  fur 
les  crpnts,  eft  encore  lubordoniîé  à  un  autre 
but,  à  un  but  plus  relevé  ,  &  qu'on  ne 
làuroit  atteindre  que  par  un  bon  ufage  do 
la  force  magique  qui  conftitue  leur  eflencci 
fans  cette  direction  vers  un  but  fupérieur, 
les  Mufes  ne  feroient  que  de  dangereufe^. 
fédudrices. 

Qiii  pourroit  douter  un  infliant  que  \x 
nature  en  donnant  à  l'ame  la  faculté  de  goa- 
ter  le  cLirme  des  fens ,  n'ait  eu  un  but  plus 
relevé  que  celui  de  nous  flatter  5c  de  nous 
attirer  iirnplement  à  une  jouiflance  llérile 
&  non  réfléchie,  des  attraits  fenfuels?  Per- 
fonne  ne  dira  que  l'auteur  de  la  natiire  nous 
ait  donné  le  fentimeiu  de  la  douleur  dans 
la  vue  de  nous  tourmenter  ;  ne  feroit-il  donc 
pas  également  abfurde  de  s'imaginer  que- 
le  lentimcnt  du  pliidr  n'A.  pour  but  (uprcme 
qu'un  chatouillement  paflager  ;  Il  n'y  a  que 
de  petits  génies  qui  n'aient  pas  apperçu  que 
dans  l'univers  encier  tout  a  une  tendance 
bien  marquée  Se  bien  décidée  veis  Tadlivité 
&  la  perfeilion;  Se  il  ne  lauroit  y  avoir  que 
des  arrifles  fliperficiels  qui  s'imaginent  avoir 
rempli  leur  vocûtion ,  loriqu'aa  Uea  da  fa 


48S  ART 

propofcr  an  biu  plus  digne  de  l'^/-/  &:  d'eux- 
nicmes ,  ils  fe  contentent  de  charouiller  par 
d^agréablcs  images  les  appétits  fenfucls  de 
l'ame. 

llcft  évident',  &  nousTavons  déjà  obfervé , 
que  ce  n'eft  que  pour  fervir  d'appât  &  d'in- 
dice à  ce  qui  eft  bon  ,  que  la  nature  emploie 
la  beauté  :  ce  ne  doit  donc  être  également 
aue  pour  tourner  narre  attention  vers  le 
VJien  ,  &  nous  le  faire  chérir ,  que  les  arts 
déploient  le  charme  qui  leur  eft  propre.  S'ils 
n'ont  pas  ce  but,  ils  n'intérenent  que  bien 
peu  le  genre  humain,  &  ne  peuvent  mériter 
ni  l'cftime  du  (lige ,  ni  la  proteélicn  des 
gouvernemens ,  au  lieu  que  par  les  ioins  & 
h  vigil::nce  d'une  politique  éclairée  ,  les 
h;aiix-arts  feront  les  principaux  inftrumens 
du  bonheur  des  mortels. 

Concevons  les  beaux-arts  parvenus  à  toute 
la  perfcd-ion  dont  ils  font  lulceptibîes ,  & 
univerfellcment  accueillis  chez  une  nation  : 
examinons  les  avantages  multipliés  qu'on  en 
retirera.  Là ,  tout  ce  qu'on  verra ,  tout  ce 
qu'on  entendra,  portera  l'empreinte  de  la 
beauté  &  des  grâces  :  le  féjour  des  citoyens , 
kurs  maifons ,  le  mobilier ,  les  vêtemens , 
tout  ce  qui  environnera  les  hommes  y  fera , 
grâce  à  l'influence  du  bon  goût  &  à  la  cul- 
ture des  talens  &  du  génie ,  également  beau 
&  pnrfeir,  &  fur-tout  cet  indifpenfable  &<: 
merveilleux  organe  deftiné  à  communiquer 
aux  autres  ce  que  Ton  penfe  &  ce  que  l'on 
Ç^nt  :  l'œil  ne  pourra  promener  fcs  regards 
d'aucun  côté ,  l'oreille  ne  fera  frappée  d'aucun 
fon  ,  que  les  fens  internes  ne  foient  en  même 
temps  émus  par  le  fentiment  de  Pordre,  de 
la  convenance  &  de  la  perfedion  :  tout  y 
excitera  l'efprir  à  s'occuper  d'objets  propres 
à  le  former  toujours  plus,  &  tout  y  fera 
♦n.ître  dans  le  cœur  une  douce  fcnfibilité; 
ciTct  naturel  des  ftnn\:ions  agréables  que 
cliaqne  objet  fnnrnh-a.  Ce  que  la  nature 
fait  dans  les  climats  les  plus  heureux ,  les 
i^aux-arîs  le  font  par-tout  où  ils  brillent  de 
leurs  ornemens  naturels.  (  Voyc^  ci -devant 
Arciîitlcture.)  Touteslesforcesdel'ame 
iê  développent  ts;  s'épurent  néccdlurcment 
ne  plus  en  plus  dans  un  homme  dont  l'efprit 
ik  le  cœurlontàchaqucinftant  frappés  &tou- 
t:h's  par  des  peifcdrionsderous  les  genres.  La 
(hipidité,  l'inltniibilité  dj2  l'homme  inculte 
*:  grolTîcr  difparoît  peu  à  peu  ;  d'un  araraal 


A  R.  T 

fauvagc  ,  il  fe  forme  un  homme  dont  l'efprit 
eft  rempli  d'agrémens ,  &  dont  le  caradere 
infpiie  l'amitié. 

Un  fait  peu  connu ,  mais  qui  n'en  eft  pas 
moins  vrai ,  c'eft  que  fhomme  doit  fa  prin- 
cipale inftitution  à  l'influence  des  beaux-arts. 
Si  d'un  côté  j'admire  le  bons  fens  des  anciens 
philofophes  cyniques,  &  le  courage  avec 
lequel  ils  s'cFtorçoien:  de  faire  rentrer  dans 
l'état  primitif  de  b  nature  inculte  ,  ceux  qui 
étoient  nés ,  &  qui  vivoient  au  milieu  d'un 
peuple  livré  au  luxe ,  &  plongé  dans  la  mol- 
leflè  par  l'abus  des  beaux-arts;  d'un  autre 
coté  ,  je  luis  indigné  de  voir  l'ingratitude  de 
ces  philofophes  célèbres ,  qui  auroient  voulu 
anéantir  les  beaux-arts  auxquels  ils  étoient 
redevables  de  ce  qu'ils  avoient  de  plus 
précieux.  O  Diogene  ,  d'où  te  provenoic 
cette  hne  plailanterie  que  tu  exerçois  avec 
tant  d'amertume  lur  les  fottiles  de  tes  con- 
citoyens î  Où  avois  -  tu  puifé  ce  fentiment 
délicat  qui  faififloit  avec  tant  de  vivacité  le 
moindre  ridicule  ,  fut -il  même  dcguiié  fous 
le  dehors  d'une  fagefle  auftere?  Comment 
pouvois-:u  ,  au  milieu  d'Athènes  ou  de 
Connthc,  concevoir  le  dellein  de  retourner 
à  l'état  de  pure  nature  ?Nétoit-il  pas  ablurde 
de  vouloir  l'introduire  dans  un  pays,  où  les 
beaux -art  s  avoient  déjà  fait  fentir  toute  leur 
influence?  Il  auroit  fallu  pouvoir  auparavant 
eftacer  dans  les  eaux  du  Letlié ,  toutes  les 
imprefbons  que  les  beaux-arts  avoient  pro- 
duites fur  ton  efprit  t^'  fur  ton  cœur.  Niais 
alors  tu  n'aurois  plus  olé  vivre  parmi  les 
Grecs  :  pour  trouver  une  retraite  où  tu  pufles 
vivre  &:  penler  librement  lelon  tes  principes, 
il  ne  te  feroit  rcfté  d'autre  pani  que  de 
rouler  ton  tonneau  jufqu'à  la  horde  des 
Scythes  la  plus  méprifable  &  la  plus  recu- 
lée. Et  toi  ,  meilleur  Diogene  ,  qui  vis 
parmi  les  Grecs  modernes ,  illuftre  Rouflèaul 
avant  de  former  une  accuiation  publique 
contre  les  Mules ,  tu  dc^■ois  leur  reftituer  ce 
que  tu  tenois  d'elles.  Mais  alors  ton  plai- 
doyer auroit  été  bien  foible  !  Ton  cœur,  d 
généreux  d'ailleurs,  n'a  pas  fenti  combien 
tu  devois  de  reconnoilfance  à  celles  dont  tu 
follicitois  la  prolcription. 

Les  obfervations  précédentes  ne  concer- 
nent encore  que  l'eltet  le  plus  univeriel  des 
beaux-arts  en  général  ;  effet  qui  condfte 
dans  l'aHînr.gc  de  ce  fens  moral  qu'on  nomme 

le 


ART 

le  goût  du  beau.  Ce  premier  fcrvice  que  les 
bcdux  arts  nous  rendent  cil  (i  import.mr , 
que  quand  il  leroit  le  Icul  ,  nous  devriont 
encore  par  reconnoilLnce  élever  des  remple: 
&C  ériger  des  autels  aux  mules.  La  nation 
qui  pollédera  le  goût  du  beau  ,  lera  toujour 
à  la  prendre  dans  (il  totalité  ,  compok't 
d'hommes  plus  parfaits  que  ceux  des  nacionj 
oij  le  bon  goût  n'aura  encore  eu  aucune 
influence. 

Cependant  les  ans  produilent  des  fruits 
plus  excellens  encore  ,  mais  qui  ne  peuvent 
naître  que  dans  un  rehoir  cultivé  p.ir  le 
bon  goiit.(Fbje^GouT.)Le  premier  avantage 
dont  nous  venons  de  parler  ,  ne  doit  donc 
être  conlîdéré  que  comme  un  acheminement 
vers  d'autres  avantages  bien  (upéricur i. 

Il  faut  à  une  nation  ,  pour  être  heureufe  , 
(Je  bonnes  loix  relatives  à  Ion  étendue  ,  & 
adaptées  au  loi  &  au  climat  :  mais  ces  loix  , 
qui  ion:  l'ouvrage  de  l'entendement   ,    ne 
fuffilent  pas   ,    il  fiut  encore  que    chaque 
citoyen  ait  continuelleraent  ious  les  yeux  , 
de  la  manière  la  plus  propre  à  le  frapper 
vivement ,  certaines  maximes  fondamenta- 
les ,  certaines  notions  direclrices  qui  (oient 
comme  la  bafe  du  caradlere  national ,  qui 
le  maintiennent  &  l'empêclient  de  s'altérer. 
De  plus ,  dans  les  conjonctures  critiques  où 
tantôt  l'inertie ,  tantôt  les  paRions  s'oppo- 
lent  au  devoir,  il  e(l  nécellaire  qu'on  ait  en 
main  des  moyens  propres  à  donner  à  ce  de- 
I  voir  de  nouveaux  attraits  ;  &  voilà  deux 
(ervices  qu'on  peut  'e  promettre  des  beaux- 
arts.  Ils  ont  mille  occ:>.(ions  de  réveiller  en 
nous  ces  maximes  fondamentales,  &  de  les 
y  graver  d'une  manière  incffiçable  ;  eux- 
feuls  après  nous  avoir  inlenliblement  prépa- 
res à  des  fentimens  déi'cats  ,    peuvent  dans 
les  momens  de  crile  fiire  une  douce  vio- 
i  lerxe  à  nos  cœurs,  &  nous  enchinierpar 
!  une  forte  de  plail^r  aux  devoirs  les  plus  pé- 
I  nibles;  eux  fculs  podedent  le  fecret ,  quoi- 
que diverlement ,  &  chacun  à  fa  manière  , 
de  préfenter   avec  tous  les  appas  que  l'or, 
peur  imaginer  ,  les  vertus  ,  les  fentimens 
d'un   coeur  honnête ,  &  les  aétes  de  bicn- 
faifiînce  que  la  circonftance  ex'ge.  Qiielle 
ame  un  peu   fenfible  pourroit  leur  rélifter 
alors  ;  Et  quand  ils  déploient  toute   leur 
magie  ,   pour  bien  rendre  la    laideur  du 
cnmc  ,    de  la  méchanceté  ,     des  adliuns 
Tcme  IIL 


ART  489 

vicicufes,  <?<:  pour  expofcr  toutes  les  horreurs 
le  leur  lutie  ,  qui  oleroit  fe  permettre  d'eu 
entretenir  la  mouidre  penlce  au  fond  de  foa 
"œur. 

Certainement  fi  l'on  (ait  fe  fervir  à  propos 
lu  maniftere  âes  beaux-arts  ,  pour  remplir 
imagination  d'un  homme  ,  de  l'idée  du 
beau  ,  &  pour  rendre  fon  cœur  fcn/îblc  au 
lion  ,  on  pourra  faire  endiirc  de  cet  homme, 
tout  ceque(:x  cr'p.'cité  naturelle  lui  pcimct 
de  devenir.  Il  futtit ,  pour  y  réulTir  ,  que  le 
philoiophe ,  le  légiiîateur ,  l'ami  des  hommes 
livrent  à  l'artifte  ,  l'un  fes  maximes ,  l'autre 
les  loix  ,  tk.  le  trolfieme  (es  projets.  Qii'un 
bon  prince  lui  confie  (es  plans  dans  la  vue 
de  porter  fes  peuples  à  aimer  les  véritables 
intérêts  ;  l'artilie  favorifé  des  Mufes  l'aura  , 
comme  un  autre  Orphée  ,  entraîner  les 
hommes  même  contre  leur  gré  ,  mais  pat 
une  violence  toujours  aimable  ,  6c  les  obli- 
ger à  s'acquitter  avec  zcle  de  tout  ce  que  leur 
bonheur  exige. 

Nous  devons  donc  confdérer  les  beaux- 
arts  comme  des  troupes  auxiliaires ,  dont  ne 
lauroit  le  palier  la  fagellc  qui  veille  au  bien 
des  hommes.  Elle  voit  ce  que  l'hommedoir 
être  ;  elle  trace  la  route  qui  conduit  à  la 
perfedion,  &:  par  conséquent  à  la  félicité  i 
mais  cette  fagelle  ne  lait  pas  nous  donner 
les  forces  nécellaires  pour  vaincre  les  diffi- 
cultés de  ce  chemin  ,  louvent  rude  &  elcarpé. 
Ici  viennent  les  beaux-arts  ;  ils  applanillent 
la  route  ,  &  la  parlement  de  fieurs  dont  le 
parfum  agréable  attire  le  voyageur  ,  &  le 
ranime  à  chaque  pas. 

Qu'on  ne  penfe  pas  que  ce  loient  ici  de  ces 
exagérations  de  rhéteur  ,  qui  pour  un  mo- 
ment peuvent  faire  illui'.on  ,  mais  qui  lediiTî- 
pent  enfuite  comme  un  léger  brouillard,  dès 
que  la  raifcn  les  éclaire.  Ce  que  nous  avons 
dit  ,  eft  fondé  (ur  la  nature  de  l'homme. 
L'entendement  ne  produit  que  la  connoill. 
fance  ,  &  la  l:m,ple  connoillance  ne  donne 
point  la  force  d'agir.  Pour  que  la  vérité 
devienne  aélive  ,  il  ne  fuffit  pas  de  la  con- 
naître même  Ious  la  forme  du  bien ,  il  faut 
de  plus  la  Icntir  ious  cette  forme  :  c'ell; 
alors  ,  &  alors  feulement  qu'elle  excite  les 
forces  delà  volonté. 

C'eft  ce  que  les  Stoïciens  eux  -  mêmes 
avoient  appcrçu  ,  quoique  leur  principe 
tût  de  bannir  tout  fcntimcnt  ,  (Se  de  faire 

Nnn 


49©  ART 

de  l'ame  un  être  purement  raifonnable.  Leur  | 
phyiiologie  étoir  parfemée  d'images  &  de 
fidlions  ,  dont  le  but  ne  pouvoit  être  que  de 
ic veiller  le  fentiment  par  la  force  de  i'ima- 
ginarion  :  aucune  fefte  n'a  eu  plus  de  fo;n 
d'animer  les  oracles  de  la  railon  ,  par  tous 
les  charmes  de  l'éloquence. 

Liiomme  de  la  nature  n'eft  qu'un  être 
grclliérement  fenfuel  qui  n'a  d'autre  but 
que  la  vie  animale  :  l'homme  des  Sto'i'ciens , 
tel  qu'ils  l'imaginoient ,  (ans  pouvoir  jamais 
le  réalifcr  ,  eut  été  la  raifon  toute  pure ,  un 
être  toujours  occupé  à  connoitre  &  n'agil- 
lant  jamais;  l'homme  formé  par  les  beaux-arts 
tient  exacbement  le  milieu  encre  ces  deux  ex- 
trêmes i  il  ell  en  rncme  temps  intelligent  & 
fenfuel  ;  rn.iis  fa  fcnfualité  provient  d'une 
feniibilité  épurée  ,  qui  en  fait  un  être  moral 
&  adif. 

Ne  diflTimulons  cependant  rien  :  \ts  beaux- 
arts  peuvent  ailément  devenir  pernicieux  à 
l'homme  ;  femblables  à  l'arbre  du  jardin 
d'Eden  ,  ils  portent  les  fruits  du  bien  S^  du 
mal  :  ils  perdront  l'homme  qui  en  fera  un 
ulage  indifcret.  Une  ienfualité  rannéeades 
fuites  funeftes  ,  dès  qu'elle  n'cfl  pas  coni- 
tamment  dirigée  par  la  railon  :  les  extrava- 
gances des  enthouliaftes,  foit  qu'ils  aient  pour 
objet  la  politique  ,  l'amour  ou  la  religion; 
les  écarts  d'imagination  où  donnent  les  lec- 
tes  fanatiques ,  &  quelquefois  des  nations  en- 
tières ,  qu'eft-ce  autre  chofe  que  l'eilor d'une 
ienfualité  rafinée  ,  exaltée  ,  &  deftituée  du 
frein  de  la  raifon  ?  De  la  même  fource  vient 
cncote  cette  mollelle  de  Sybarite  ,  qui  fait 
de  l'homm.e  une  créature  foible  ,  dégradée 
&:  méprifable.  Au  fond  ,  c'ell  une  feule  & 
iîiême  feniibilité  qui  crc-e  les  héros  &  les  fous, 
les  faints  &  les  fcélérats. 

Quand  l'énergie  des  beaux-arts  tombe 
entre  des  mains  perfides,  le  plus  excellent 
des  remèdes  devient  un  poifon  mortel  :  car 
alors  le  vice  reçoit  l'aimable  empreinte  de  la 
\ertu  ;  &  l'homme  attiré  par  ces  dehots 
trompeurs  ,  va  dans  l'étourdiffement  de 
Tivrefle  fe  jeter  &  fc  perdre  dans  les  bras 
de  la.  (éduétrice.  Il  cii  donc  indifpenlable  de 
loumetrrc  l'emploi  ^  Tuiage  des  beaux-arts 
à  ladirtûion  de  la  raifon. 

Vu  leurextrême  utilité  ,  les  arts  méritent 
que  la  faine  politique  les  encourage  cfBca- 
cemcnt ,  les  ibutienne  ptiillùmraerii: ,  &i  les 


ART 

répande  parmi  les  divers  ordres  de  citoyens  ; 
mais  à  caule  du  dangereux  abus  qu'on  en 
peut  faire  ,  cette  même  politique  doit  en 
rellerrer  l'emploi  dans  les  bornes  indiquées 
parleur  utilité  même. 

En  premier  lieu ,  à  ne  confidérer  que  les 
fimples  avantages  du  bon  ,  &  les  maux 
qu'entrauie  nécetlairement  un  goût  dépravé, 
une  légiilation  vraiment  fage  ne  devroitper- 
mettre  à  aucun  particulier  de  gâter  le  goût 
de  (es  concitoyens  ,  ni  par  conféquent  de 
bâtir  des  m^aifons ,  ou  de  tracer  des  jardins 
allez  magnifiques  au  dehors  &  .au  dedans 
pour  attirer  l'attention ,  ii  d'ailleurs  il  y  règne 
en  même  temps  quelque  défaut  fenlible  de 
j  ugement  ;  li  l'on  y  apperçoit ,  par  exemple , 
des  parties  ridicules ,  baroques  ou  extrava- 
gantes. .  ^  ^  .  , 
Il  de vroit  être  défendu  à  tout  artifte  d'exer-  1 
cer  fon  art ,  avant  d'avoir  donné  outre  les 
preuves  de  ion  habileté  ,  des  preuves  tou- 
tes particulières  de  ion  jugement  ,  iSc  même 
de  la  droiture  de  fes  intentions. 

Le  légillateur  doit  être  convaincu  qu'il  eft 
très-important  non  feulement  que  les  édifi- 
ces Se  les  monum-ens  publics ,  mais  aufli  que 
tout  objet  vilible  travaillé  par  les  arts  m;me 
méchaniques  ,  porte  l'empreinte  du  bon 
goût ,  de  la  même  manière  que  l'on  veille  à 
ce  que  non  feulement  l'argent  monnoyé  , 
mais  encore  la  vaiflelle  ait  la  marc^ue  de  fo:i 
vrai  titre.  Un  magiltrat  fage  ne  (e  contente 
pas  de  profiter  de  l'influence  des  beaux-arts 
pour  rendre  plus  énergiques  &  plus  avan- 
tageufes  aux  citoyens  les  réjouiilànces  ,  les 
fêtes  publiques,  &  les  cérémonies  (olemncUes; 
il  a  foin  même  que  chaque  fête  domeilique, 
chaque  ufage  privé  conduilcau  même  but  & 
par  la  même  voie. 

Mais  ce  qui  mérite  une  attention  plus  dil- 
tinguée  de  la  part  de  ceux  aux  foins  de  qui  le 
bonheur  des  citoyens  ell  confié ,  c'eft  la  lan- 
gue ,  cet  inftrument  le  plus  important.  Se  le 
plus  univerlel  dans  nos  principales  opérations^ 
llien  ne  préjudicie  plus  à  toute  une  nation 
qu'un  langage  barbare  ,  dur ,  incapable  de 
bien  rendre  la  déiicareife  des  fentimens  , 
&  la  fineffe  des  penlées.  La  raifoia  ^'  le  goût 
fe  forment  &  s'étendent  dajis  la  même  pro- 
portion danslaquelle  la  langue  (e  perfeétioime, 
puilqu'au  fond  le  l.uigage  n'ell  autre  choie 
que  U   xaiibii    ^'  le  goût  transformés  ea 


ART 

lignes  renfibles.  Cela  étant  alnfi ,  comment 
peut-on  abandonner  au  liazard  une  choie  de 
cette  importance  ?  comment  peut-on  ,  ce  qui 
cftpire  encore  ,  l'abandonner  aux  caprices 
de  chaque  particulier ,  Se  même  à  ceux  des 
cervelles  les  plus  extravagantes  ? 

Il  y  a  des  contrées  où  la  négligence  du 
gouvernement  lur  ce  chapitre  eft  incroyable. 
Le  moyen  le  plus  efficace  pour  élever  l'hom- 
me au-dellus  des  animaux  ,  (e  trouve  prcci- 
(cmcnt  être  celui  dont  on  f!iit  le  moins  de 
cas.  L'homme  le  plus  inepte  peut ,  à  G  vo- 
lonté ,  &c  lelon  (bs  caprices  ,  parler  à  toute 
une  nation  une  langue  ab'.urde  <!?<:  barbire 
dans  des  gazettes ,  desalmanachs ,  des  feuilles 
périodiques ,  des  Uvres  &  des  lermons  ;  mê- 
me dans  les  édits  &  dans  les  ordonnances 
où  la  majeilé  des  iouverains  annonce  G  vo- 
lonté à  des  peuples  entiers  dont  ils  font  les 
peies  S:  lescondu6Veurs;on  fait  louvcntrcnir 
à  ces  princes  im  langage  rempli  d'incongrui- 
tés ,  &  dans  lequel  on  cherchcroit  vainement 
le  plus  petit  vertige  de  goût  &  de  réflexion. 

•S'il  ert  vrai  que  l'établiflement  de  la  célè- 
bre académie  des  quarante  à  Paris ,  n'ait  eu 
pour  objet  que  d'étendre  la  renommée  de 
la  France  ,  en  perfeftionnant  la  langue  de 
cette  nation  ,  on  peut  dire  que  le  fondateur 
de  cette  académie,  n'a  vu  que  le  côté  le  moins 
inréreiîant  de  cette  inftitution.  Il  y  avoit  plus  à 
en  recueillir  quede  la  renommée;  &  l'on  de- 
voir s'y  propofer ,  non  d'obtenir  un  éclat  pal- 
fager ,  mais  d'étendre  &  de  fortifier  la  railon 
&  le  goût  parmi  tous  les  ordres  de  citoyens, 

Preique  tous  les  nrts  réunifient  leurs  efïets 
dans  les  fpcétaclcs ,  qui  feuls  fourniirent  le 
plus  excellent  de  tous  les  moyens  que  l'on 
peut  imaginer  pour  donner  de  l'élévation 
aux  fentimens  ,  &  qui  néanmoins  ,  par  un 
abus  déplorable  ,  contribuent  fouvcnt  le 
plus  à  la  corruption  du  goût  &c  des  bonnes 
mœurs.  Ne  devroit-il  donc  pas  y  avoir  des 
loix  pénales  contre  ceux  qui  altèrent  les  arts , 
comnie  on  en  a  promulgué  contre  ceux  qui 
altèrent  les  monnoies  1  Et  comment  les  beaux- 
arts  pourroienr-ils  parvenir  à  leur  véritable 
-deftination  ,  s'il  eO:  permis  à  toute  tête  folle 
de  lesprt);lituer  ? 

Enfuite  ,  puifque  les  beaux-arts  doivent , 
félon  leur  cflènce  ?c  leur  nature ,  fervir  de 
moyens  pour  accroître  <2'afliircr  le  bonheur 
des  hommes,  il  eft,  en  fèco::d  lieia  ,  nécel- 


A  R  T  4171 

faire  qu'ils  pénètrent  jufqu'à  l'humble  ca- 
bane du  moindre  des  citoyens  ;  il  faut  que  le 
foin  d'en  diriger  l'ulage  &  d'en  déterminer 
l'emploi  entre  dans  le  (yftême  politique  ,  & 
loit  un  des  objets  ellentiels  de  i'adminiltra- 
tion  de  l'état  :  il  faut  donc  aufTi  que  l'on 
conficre  à  cet  objet  une  partie  des  tréfbrs 
que  l'induftrie  &  l'épargne  d'un  peuple  la- 
borieux fournit  chaque  année  au  louveraiii 
pour  fubvenir  aux  dépenfes  publiques. 

Ce  que  nous  venons  de  dire  ne  paroîtra 
(ans  doute  pas  fort  évident  à  plus  d'un  pré- 
tendu politique  ;  &  même  bien  des  pliilo- 
(ophes  ne  regarderont  les  projets  que  nous 
propolbns ,  que  comme  autant  de  chimères. 

Ces  projets  ne  font  en  effet  autre  chofe  , 
nous  en  convenons  les  premiers  ,  tant  qu'on 
regardera  comme  fondé  fur  des  principes 
invariables  &  (acres  ,  l'efprir  de  la  plupart 
des  inrtitutions  politiques  qu'on  iult  aujour- 
d'hui. Par-tout  où  l'on  confldérera  comme 
l'afîaire  capitale  de  l'état ,  les  richel]es  pécu- 
niaires au-dedans  ,  &  la  puillance  au  dehors , 
avec  tout  ce  qui  contribue  à  augmenter  ces 
deux  objets ,  nous  fommcs  d'avis  qu'on  ban- 
nifle  les  beaux-arts ,  &  nous  joignons  notre 
voix  à  celle  du  poëte  romain ,  pour  crier  aux: 
adminillrateurs  publics  : 

O  cives ,  cives  !  quxren<ia pecuiiiaprimum  ej!; 
Virtus  poji  nummos. 

Hijloire  des  b:aux-arts.  Il  ne  fera  pas  inu- 
tile de  tracer  ici  une  légère  eiquille  des  di- 
vers forts  que  les  beaux-arts  ont  iubis ,  &  de 
leur  état  actuel ,  afin  de  comparer  ce  dernier 
au  tableau  que  nous  avons  fiit  de  ce  qu'ils 
pourroient  être  d'après  leur  notion  idéale. 

On  fe  tromperoit  fort ,  fi  l'on  penloit  que 
les  beaux-arts  ont  été  découverts  comme  la 
plupart  des  inventions  raéchaniques.  Celles- 
ci  doivent  leur  origine  ou  à  quelque  heu- 
reux hazard  ,  ou  à  la  méditation  fuivie  & 
foutenue  de  quelques  hommes  de  génie  ,  & 
ont  paflé  enfCiite  du  lieu  de  leur  nailTance 
dans  d'autres  contrées.  Mais  les  beaux-arts 
font  des  plantes  indigènes ,  qui  fans  exiger 
aucune  culture  pénible  ,  croiflcnt  dans  tous 
les  lieux  où  la  raiion  a  acquis  quelque  déve- 
loppement. Semblables  cependant  aux  fruits 
de  la  terre  ,  ils  prennent  des  formes  diffé- 
rentes félon  le  climat  qui  les  voit  éclore ,  &c 
en  raifoîï  des  foins  qu'on  donne  à  leur  cul- 

Nn  n  i 


402  A  K  T 

ïrrj.  Dcins  clés  conrrées  fraivagcs ,  ils  crou- 
lât. 


piiîciir  fans  prix  &  ums  éc 


Nous  ^oyons  aujouni  nui  encore  ,  que 
chez  tous 


peupks  cic  l.i  terre  qui  ont  eu 
rJicz  d'intclligcn.cc  pour  lortir  de  leur  pre- 
mière barlvifie  ,  on  connoir  h  inuiique  ,  la 
danle  ,  1  éloquence  ,  &  même  la  pocfie.  il 
en  a  fans  cloute  été  de  même  dans  tous  les 
iîeclcs  antérieurs  ,  dès  le  moment  que   les 
hommes  ont  commencé  à  réfléchir.  Pour 
voir  les  hzaux-arti  dans  leur  berceau ,  £c  fous 
leur  fjrme  la  plus  groiïîere ,  il  n'cft  donc  pas 
nécedaire  de  remonter  dansThiftoire  jufqu'à 
l'andquité  la  plus  obfcurc.  Us  auront  été  d'a- 
bord chez  les  Egyptiens  &  dans  la  Grèce  an- 
cienne ,  ce  c^u'ils  font  encore  chez  les  Hu- 
rons.  Qiiiconque  a  un  peu  obfervé  le  carac- 
tère de  l'ei'prit  humain ,  connoit  le  penchaiit 
général  de  l'homme  à  polir  &  à  orner  tous 
les  objets  fenilbles  t|ui  iont  à  fa  portée  &:  à 
Ion  uHige.  On  conçoit  fans  peine  comimcnt 
le  génie^de  l'homme  a  pu  être  amené  par  cies 
coMJoncxures,  ou  naturelles  ou  accidentelles , 
à  produire  de  premiers  efiais  loibles  &  groi- 
fiers  dans  chaque  branche  des  beaux-arts  :  ce 
lA-ft  pas  ici  le  lieu  de  defcendre  dans  le  détail. 
Non  feulement  on  rerroHve  les  principa- 
les branches  des  beaux-arts  chez  des  nations 
qui  n'ont  eu  aucune  communication  ni  di- 
teéte  ,  ni  indireéle  entr'elles  ,  on  y  retrouve 
encore  des  rameaux  particuliers  qui  dérivent 
de  ces  branches  capitales.  Chacun  fait  que 
les  Chinois  ont  des  comédies  &  des  tragé- 
dies ;  même  les  anciens  Péruviens  connoit- 
foieiît  ces  deux  efpeces  de  drame  ,  puilqu'au 
rapport  de  Garcilail'o  de  la  Vega  .  ils  em- 
ploient Tune  à   reprcfenter   les  adlions  de 
leurs  încas ,  &  l'autre  à  mettre  fur  la  fcene 
les  événemens  de  la  vie  com.mune  (  Hijioire 
des  Incas ,  Uv.  II  ,   chap.  VJ .  )  Les  Grecs 
(}uc  l'orgueil  national  portoit  à  exagérer  leurs 
avantages ,  eux  dont  Macrobe  ?  dit  :  Grxci 
omnia  fua  tn  immenfum  tclh-nt.  (Saiurnal.  hb. 
I,  cap.  iJ.4.  )  s'atcrlbuoient  à  la  vérité  l'in- 
vention de  tous  les  arts  :  mais  Strabon  ,  l'un 
des  plus  judicieux  d'entr'eux,  nous  a  avertis 
de  i:ous  délier  de  leurs  relations  fur  les  faits 
d'une  h'AUe  anriqu'té  ;  il  oblèr/c  très-judi- 
cieufement  que   les  anciens  rédac1:-urs  des 
relations  ont  été  entraînés  dans  un  grand 
nombre  d'erreurs   par   la   mythologie    des 
Grecs.  (  Géog.  hb.  VIU.  )  Tl  eft  aifé  de  juger 


A  Pv  T 

que  les  Grecs  qui  dans  le  temps  que  d'autres 
nations  croient  déjà  floriflàntes,  fe  nourrif- 
ioicnt  encore  de  glands  ,  n'ont  pu  être  les 
premiers  à  cultiver  les  l-eaux-crts. 

Mais  quoique  nous  (oyons  periuadés  que 
le  premier  germe  des  b:aiix-crts  a  exiitéchcz 
tous  les  peuplei  ,  il  y  a  encore  fi  loin  des 
premiers  ellaisjulqu'au  term^e  feulement  où 
la  culture  des  b.aux-arts  prit  une  forme  mé- 
thodique ,  oii  l'on  comniença  à  les  exercer 
comme  cies  arfj  qai  pouv  oient  être  enfeignés, 
qu'on  ell  encore  toujours  fondé  à  demander 
chez  quel  peuple  de  la  terre  ce  pas  difficile  a 
été  le  premier  franchi. 

Nous  avons  trop  peu  de  relations  fur  l'état 
àe%ans,  chez  les  iiations  les  plus  anciennes , 
pour  pouvoir  repondre  à  cette  qucftion.  Les 
Chaldéens,  ou  félon  d'autres,  les  Egyptiens, 
palîcnr  pour  être  les  premiers  qui  ont  exerce 
avec  quelque  méthode  les  diverfes  branches 
des  arts  du  delTin  ;  on  n'a  cependant  rien 
d'abfolument  certain  là-deflus.  Ce  qu'il  y  a 
de  sûr ,  c'eft  que  chez  ces  peuples ,  aulTi  bien 
que  chez  les  Etru'.ques ,  les  beaux-arts  flo- 
rillbient  déjà  dans  des  temps  où  ce  que  l'hil- 
toire  a  de  bien  conflaté   ne  répand  encore 
qu'un  jour  très-foible  fur  l'état  des  nations. 
Les  arts  qui  tiennent  au  dellin,  avoient  déjà 
pris  racine  dans  la  Chaldée  au  tenips  d'Abra- 
ham ;  &  fous  le  règne  de  Sefoftris  ,  contem- 
porain du  légiilateur  des  juits  ,  l'archirec- 
:ure  florilîôit  au  milieu  de  l'Egypte.  (  Hif- 
'oirc  de  l'art  che-^  les  anciens  ,  par  W'inckel- 
man  ,  part.  I,  chap.  1 .) 

On  ne  fauroit  déterminer  avec  prccifion 
jufqu'où  ces  peuples  avoient  porté  les  beaux- 
arts .  avant  i]u'ils  naquifTènt  chez  les  Grecs, 
Les  Egyptiens  &  l:s  Pcrfes  ont  eu  des  édifi- 
ces lC  des  jardins ,  qui  du  moins  en  étendue 
&  en  magnificence  extérieure  ,  furpaflcm 
tout  €e  que  la  Grèce  a  eu  depuis  ejr  ce  genre. 
La  nation  juive  produit  encore  d'excellens 
morceaux  d'éloquence  Se  de  poéfie ,  qui  font 
antérieurs  à  ceux  dcrs  Grecs. 

Il  femble  que  la  Grèce  propre  n'a  connu 
les  beaux-arts  que  par  le  moyen  de  les  colo- 
nies ,  répandues  dans  l'Italie  ôc  dans  l'Ionic, 
Cette  dernière  province  Itstenoit  fnis  dourc 
des  Chaldéens  ,  fi:s  voifins  ;  iSc  la  grande 
Grèce  les  avoir  reçus  de  l'Etrurie.  Statuas 
Thufci  primum  in  Italie  invcneruat  ,  ciit  C.tf- 
iiodorc.  Les  ruines  de  Poejîam  ,  rcftes  de  la 


t 


ART 

lus  antique  arrhiccthire  des  Grecs  ,  fem- 
lent  tenir  du  goiic  des  Egyptiens  -,  &  l'on 
rrouic  d-ns  les  écries  des  anciens  pkificurs 
vdciges ,  qui  prouvent  que  la  poéiie  a  péné- 
tre de  l'orient ,  de  l'occident ,  6c  m"-me  du 
le]  teutrion  dans  la  Grèce. 

Mais  II  les  arts  ne  furent  d'abord  chez  les 
Grecs  que  des  plantes  exotiques,  il  faut  con- 
venir qu'ils  y  acquirent  bien  v^tcuncbeanté 
Se  ungoùt ,  qu'ilsn'cnt  eus  nulle  part  iiilleurs , 
ni  avant  ni  ^prcs  cette  trar.lplantation.  I.i 
Grèce,  par  un  eflet  de  Ton  heureux  climat , 
te  de  l'admirable  génie  de  fes  h.ibitans ,  a 
vu  &c  a  fu  con'.ervcr  pendant  des  fîecles 
entiers  dans  la  plus  çrandepcrfecbion ,  îk  dans 
l'éclat  le  plus  brillaiit ,  icures  les  brandies 
des  b:aux-arts.  Us  y  op.t  même  été  durant 
quelque  temps  coiif-.crés  à  leur  véritable  del- 
tination  ,  comme  on  peut  le  prouver  par 
mille  exemples  ;  c'efl:  donc  à  infce  tiive  que  la 
Grèce  ell:  regardée  comme  la  patrie  des  arts. 
Cette  nation  ,  dillinguée  lî  avantageufc- 
ment  par  tous  les  dons  derelpritîkducaur , 
ayant  enfin  perdu  fli  liberté ,  les  beaux-arts 
perdirent  au iTï  leur  luftre.  I  es  Romains  qui 
après  l'éverlion  des  lépubliques  c.reques . 
dominèrent  pendnit  quelques  lied. s  lur  le 
monde  connu  ,  avoienc  un  génie  trop  roide 
pour  entretenir  les  arts  dans  leur  fplendeur; 
quoiqu'on  eût  tr.infplanté  au  milieu  de  cet 
empire  les  arcil'tes  grecs ,  6c  les  chefs-d'œu- 
vre de  leur  nation,  les  Romains  ne  poOc- 
derent  jamais  au  mSme  degré  que  les  Grecs 
cette  liberté  d'efprJt  qui  laillè  agir  la  raifoîi. 
Le  defir  de  dominer  eut  toujours  le  dellus 
dans  leur  caraârere;  &  emportés  p;ir  cette 
jsaflion ,  la  culture  des  hcaux-ar[s\cuv  paroif- 
roit  un  hors-d'œuvre  étranger  au  plinq 
s'étoient  preicrit. 

Les  Mules  ne  furent  jamais  appelléss  à 
Rome ,  on  leur  y  accorda  fimplement  un 
alyle ,  crm.mc  à  des  fugitives  étrangères , 
&  le  foin  de  leur  culture  fut  abandonné  au 
hazard. 

Il  femlile  né-anmoinsqu'Augufte  les  vou- 
lut fiire  entrer  dans  fon  plan  de  gouverne- 
ment ;  mais  la  fermentation  intérieure  qu'un 
refte  d'amour  pour  la  liberté  enchaînée  exci- 
toit  lur  lesefprits  ,  ne  laillolt  pas  la  tranquil- 
lité néceîîàire  pour  rendre  aux  arts  toute 
la  beauté  c{u'ils  avoient  eue  chez  les  Grec;. 
La  force  d'eiprit  qu'on  coniervoit  encore 


qu  us 


A  R  T  49  î 

étoit  dirig'c  vers  tout  antre  objet.  Le 
parti  dominant  avoit  allez  à  faire  à  mainte- 
nir fou  autorité  par  les  mcyc.is  les  plus 
prompts;  il  y  falloit  la  force  ouverte;  & 
quant  à  ceux  qui  fupportoicnt  impatiem- 
ment l'opprelTion  ,  ils  n'étoient  occupés  qu'à 
(npper  fourdement  le  pouvoir  qui  les  acca- 
bloit.  Le  parti  neutre,  ipeélatcur  de  cette 
dangcreufe  lermtntation  ,  cherchoit  au  mi- 
lieu de  cette  polition  critique,  à  fe  confer- 
vcr  aut;u'it  de  repos  que  la  corijonélure  cit 
pouNoit  permettre.  Entre  les  miins  de  ce 
parti ,  le  génie  devint  ait ,  &  fe  vendit  à 
prix    d'argent.    Ceux  qui  s'éroient  emparé 


d'u 


ne  autorité,   juiqu  alors  mal 


affe 


;rm!e  , 


employeient  les  trawiux  de  ces  artiftes  mer- 
cenaires pour  rendre  la  tyrar.nit  aimable.  On- 
voulut  que  la  partie  du  peuple  qui  fouftroit  !c- 
joug  fans  rélllb.nce,  perdit  de  vue  l'idée  de 
la  liberté  ,  (îv'  qu'elle  donnât  toute  Ion  attei;- 
tion  aux  divenillemens  publics.  L'eltcc  qui 
devoir  nccell.nrement  réiulterde  cette  poli- 
tique ,  tut  que  les  b:aux-arts  le  ^';rent  non 
feulement  détournés  de  leur  véritable  defti- 
nation  ,  mais  encore  dépra\-és  dans  les  prin- 
cipes qui  font  la  bafe  de  leur  pcriedion. 
E'ès-lors  ils  le  dégradèrent  inienliblement , 
(?c  tombèrent  enlin  dans  un  état  d'avililïe- 
ment ,  dans  lequel  ils  ont  croupi  pendant' 
pluiieurs  fiecles,  6i  dont  ils  n'ont  po^int  pir 
le  relever  encore. 

Il  eft  vrai  qu'au  milieu  de  cette  d''cadencc 
les  bsaux-arts  conferverent  quelque  luftre 
apparent.  La  partie  méchaniqne  de  chaque 
art ,  fe  perpétua  dans  les  atrcliers  des  i.Ttiftes, 
mais  le  goût  6c  l'dprit  s'afroiblirent  infenll- 
blemenr;  les  artitles  lublifterenr.  A  la  pltce 
des  temples  conlacrés  aux  divinités  du  paga- 
nifme,  on  conftruilit  des  églifes;  au  lieu 
des  ftitues  des  dieux  6c  des  héros ,  on  drefîà 
des  images  aux  faints  &  aux  martyrs.  La 
muiique  pada  du  théâtre  dans  les  églifes  ;  &c 
l'éloquence  fut  transférée  de  la  tribune  aux 
harangues ,  fur  la  chaire.  Aucune  branche 
des  beaux-arts  ne  périt  ;  mais  peu  à  }>eu  elles 
le  flétrirent  toutes  :  elles  devinrent  en'^n  {\ 
racornies ,  qu'on  ne  put  plus  y  démêler  les 
veftiges  de  leur  beauté. 

Il  en  a  été  des  ans ,  comme  de  certaines 
Q)!emnités  qui ,  dans  leijjft  origine  ,  ont  eit 
^'e  l'importance  6c  une  figniiicatioh  bieiï 
marquée ,  miis  qui,  dans  La  fuite  des  temps. 


494-  A Jl  T  ^ 

ont  dt'gt'iv.'rL'  en  de  lîmplesobiervances  oont 
on  ne  coiinoit  plus  ni  le  motif,  ni  le  but. 

Ce  que  font  aujourd'hui  les  ordres  de 
clievalcrie ,  comparés  à  ce  qu'ils  ont  crc  autre^ 
fois ,  c'eft  ce  que  les  arts  furent  dans  les 
temps  dont  je  parle ,  au  prix  de  ce  qu'ils 
avoient  été  dans  la  belle  antiquité  ;  il  ne 
leur  refta  que  les  marques  extérieures,  les 
croix,  les  cordons  ;&  voilà  pourquoi  les 
productions  desartiiles  n'eurent  plus  m  beauté 
extérieure,  ni  énergie  inrriuieque. 

Quelques  auteurs  parlent  des  ans  d'une 
manière  à  faire  croire  qu'ils  fe  font  perdus 
pendant  des  (iecles  entiers.  C'efl:  ce  qui  efl: 
contredit  par  l'hiiloire  ;  depuis  le  liecle  d'Au- 
gufte,  jufqu'à  celui  du  pape  Léon  X  ,  cha- 
que fîecle  a  eu  fes  poètes,  fes  fculpreurs , 
ks  lapidaires ,  fes  rauliciens  &  (es  hiitrions. 
îl  paroir  même  que  dans  les  ans  du  delTîn 
il  y  a  eu  de  loin  en  loin  quelque  heureux 
génie  qui  a  tenté  d'y  ramener  de  la  beauté 
&  du  goût.  J'ai  vu ,  il  y  a  quelques  années 
à  Erforden  ,  un  diplôme  de  l'cmpereurHenri 
IV  ,  fur  le  fceau  duquel  la  tête  de  cet  empe- 
reur m'a  psru  auffi  belle  que  (î  elle  avoir 
été  gravée  du  temps  des  premiers  Célars.  On 
trouve  de  m^me  divers  rituels^  du  fîecle  de 
Charlcmr,c,nc,  &  des  fiecles  fuivans ,  enri- 
chis de  pierres  gravées  qui  ne  manquent  pas 
abfolument  de  beauté.  Mais  comme  la  dépra- 
vation des  mœurs  fut  poullée  à  un  degré 
prefque  incroyable  dans  le  douzième  fiecle 
ne  les  lîecles  iuivans  ,  les  beaux -ans  s'en 
repentirent  audi  ;  on  en  tît  un  u&ge  hon- 
teux. On  trouve  dans  les  livres  de  dévotion 
de  ces  temps-là  ,  &  parmi  les  orncmens 
des  temples  &  des  chaires  ,  des  fujets  de 
peinrare  &  de  Iculpture  fi  obfcene  ,qu'on 
feroir  fcandalifé  aujourd'hui  d'en  rencon- 
trer de  pareils,  même  dans  les  lieux  defti- 
«és  à  la  débauche  la  plus  effrénée;  heureu- 
lement  un  tel  abus  n'a  pas  dû  être  fort  dange- 
reux ;  ces  monftrueux  ouvrages  manquoient 
ab'olument  de  grâces  &  d'attraits. 

C'eft  néanmoins  du  fein  de  cette  barbarie 
que  l'aurore  d'un  meilleur  goût  dans  quel- 
ques branches  des  beaux-arts ,  commença  à 
percer.  Mais  le  jour  ne  renaquit  qu'au  (ci- 
zieme  (iecles  ce  n'cft  qu'alors  que  fa  lu- 
ftiiere  éclaira  toiML  l'empire  des  beaux -arts. 
Long-temps  auparavant ,  déjà  l'opulence  de 
quelques  républiques  d'Italie  y  avoir  excité 


ART 

l'atcenticn  fur  quelques  branches  des  arts. 
On  avoit  tranfporté  de  la  Grèce,  à  Pife,  i 
Florence  ,  à  Gènes ,  ji'anciens  morceaux 
d'architedure  &  de  fculpture.  Leur  beauté 
frappa ,  &  l'on  fit  quelques  ellàis  pour  l'imi- 
ter. Peu  de  temps  après  ,  les  Grecs  réfugiés 
de  l'Orieni  en  Italie ,  y  apportèrent  les  ou- 
vrages  des  poètes  &  des  orateurs  de  l'an- 
cienne Grèce  ;  la  connoifiânce  de  ces  auteurs 
le  répandit  infentiblement ,  &  produire 
eîicore  des  effets  plus  heureux.  On  y  recon- 
nut les  fruits  du  bon  goût  dans  leur  véritable 
maturité.  Cela  redoubla  l'emprelïcment  à 
rechercher  de  deflbus  les  ruines  les  reftes  de 
l'antiquité  dans  d'autres  genres  encore.  Le 
goût  des  artiftes  fe  raffina.  La  célébrité  & 
les  applaudillcmens  que  quelques-uns  de 
ceux-ci  obtinrent  par  l'imitation  des  ouvra- 
ges anciens,  excita  dans  les  autres  une  noble 
émulation.  Les  arts  fe  relevèrent  de  la  pouf- 
fîere  ,  &  de  l'Italie  ils  fe  répandirent  fuccef- 
iivement  dans  tout  l'occident,  &  jufqu'an 
nord  de  l'Europe.  On  s'apperçut  générale- 
ment que  les  ouvrages  des  anciens  artiftes 
croient  les  modèles  qu'il  falloit  fuivre  pour 
rendre  aux  arts  leur  première  fplendeur. 
Heureufemcnt  une  politiqr.e  plus  faine  avoit 
introduit  quelque  tr;Miquilliré  dans  les  états. 
Ils  étoient  mieux  affermis;  on  eut  le  loiGr  L 
d'aimer  les  beaux-arts ,  &  ils  acquirent^  par  t- 
degrés  l'éclat  dont  ils  brillent  aujourd'hui. 

Mais  pour  nous  mettre  dans  un  point  de 
vue  d'où  nous  puifTions  librement  décou- 
vrir leur  état  aéluel ,  il  fera  à  propos  de 
retourner  aux  réflexions  générales  que  nous 
avons  déjà  touchées  fur  la  nature  &  l'emploi 
des  beaux-arts. 

Nous. avons  vu  ce  qu'ils  pourroient  être, 
en  déployant  toute  leur  énergie.  Ce  font  les 
ieuls  moyens  propres  àinfpireraux  hommes 
la  paflion  générale  du  beau  Se  du  bon  ;  à 
rendre  la  vérité  aétive,  &  la  vertu  aimable; 
à  inciter  l'homme  vers  le  bien  de  toute  efpecc , 
&  à  le  détourner  de  tout  écart  pernicieux. 
C'eft  en  un  mot  le  rellort  qui  l'excite  fans 
cdlc  à  travailler  à  fon  véritable  intérêt  moral , 
lorlque  la  raifon  le  lui  a  bien  fait  con- 
noitre. 

Je  n'ofèrois  aflurer  que  les  beaux-arts  aient 
jamais  atteint  à  ce  degré  de  perfeâion  chez 
aucun  peuple  du  monde;  mais  il  eft  sûr, 
ce  me  femble ,  qu'il  y  a  eu  un  temps  où  ils  en 


Ail  T 

ont  approché d'aflez  près.  Les  Grecs  s'crolcrit 
fiiic  des  heûux  -  arts  une  idée  rrès-jufte.  Us 
les  rcgardoicnt  comme  des  moyens  propres 
à  former  les  moeurs ,  &:  à  appuyer  les  maxi- 
mes  de  la  philolophie    &  de  la  religion. 
AuiTi  ne  négligeoient-ils  nen  de  ce  qui  pou- 
voir encourager  les  artiftes  ;  honneurs ,  élo- 
ges ,   rccompen'es  ,  rien   n'étoit   épargné. 
Dans  quelques   republiques   de  la    Grèce  , 
c'cîoit  louvcnt  le   plus    grand  orateur  qui 
obccnoit  la  première  dignité  de  l'état.  Les 
grands  poé'tes  étoient  conlidirés  par  les  lé- 
ciilateurs  ôc  les  magillrats  ,  comme  desper- 
îonnages  important  ,    qui  pouvoient  donner 
de  la  vigueur  aux  loix.  Homère  fut  regardé 
comme  le  m.eilleur  guide  de  l'homme  d'état 
&  du  général  d'armée ,  Se  comme  le  plus  ex- 
cellent inftituteur  du  citoyen.  Ceft  dans  cette 
vue  que  Licurgue  étant  dans  l'île  de  Crète  , 
y  raîlcmbla  les  chants  cpars  de  ce  poète.  Ce 
marie  légillateur  y  engagea  le  poc-te  Thaïes 
à  le  fuivre  à  Sparte  ,  pour  y  faciliter  par  fcs 
vers  le  fucccs  de  la  légiflacion  (  Pîutarque  , 
Vie  de  Licurgue.  )  Les  anciens  eftimcient , 
dit  un  philofophe  grec,  que  la  poélîe  eft  en 
quelque  manière  la  première  philofophie , 
qui   nous  montre  dès  l'enfmce  le  chemJn 
d'une  vie  réglée ,  &:  qui  nous  imprime  les 
mcxurs ,  les  iéntimens  Ik  l'amour  dei  grandes 
aélions ,  par  des  leçons  agréables  ;  les  mo- 
dernes ,  ajoute-t-il,  (?c  ces  modernes ,  c'é- 
toient  les  Pithagoriens  ,  foutiennent  que  le 
poëte  eft  feul  le  vrai  fage.  (  Strabon ,  lii'.  I.  ) 
De-là  vient  que  chez  les  Grecs  la  première 
choie  qu'on  enfeignoit  aux  enfans ,  c'étoit 
la  poélic  ;  &  cela  ,    non  dans  la  vue  de  les 
am.uler  ,  mais  pour  former  leur  coeur  à  la 
vertu  &  aux  beaux  fentimens.  La  mufîque 
prétend  au  même  mérite,  je  veux  dire  d'inf- 
pircr  des  mœurs  &  de  les  adoucir.  Aufh 
Komere  donne-t-il  aux  chanteurs  le   titre 
à'iijjfituieurs.  On  peut  en  général  dire  des 
Grecs  ,  ce  qu'un  romain  diloit  avec  moins 
de  fondement  de  fes  ancêtres  ,    qu'ils  ont 
employé  tous  les^r'^au  bien  public  :  nullam 
ma  ores  ncjlri  aneni  cjfc  vcUierur.t  quce  ncn 
eiLjiiid  rei  puMicje  co/nm<;daret.    Scrvius  ad 
JEntii.  hh.  VI. 

Il  leroit  iupcrflu  derapporter  ici  deux  exem- 
ples particuliers  de  grandes  ricompen'cs 
&  des  honneurs diftingués  que  les  Grecs  ac- 
eordoiem  à  leurs  bons  iitilks.  Les  ccriK  des 


ART  495 

anciens  en  font  pleins  ,  ic  .funius  en  a  re- 
cueilli un  grand  nombre  d'anecdotes;  on 
peut  coniulter  cntr'autn-s  le  chap.  xiij  da 
Jlcond  livre  de  {c>n  traité  De  piBura  reterum. 
Les  artiftes  avoient  de  fréquentes  occa/îo!is 
de  déployer  tout  leur  génie  ,  &  toute  l'in- 
fluence des  beaux-ans  fur  le  caraclere  des 
hommes.  On  employoit  leur  lecours  à  cha- 
que folemnité  ,  à  chaque  établidemenr  pu- 
blic ,  dans  toute  atf.lre  d'état  un  peu  im- 
portante. Tout  tenoit  aux  beaux-arts  ;  les 
délibérations  publiques  ,  les  éloges  foîem- 
nels ,  inftituésà  l'honneur  des  héros  ,  &dcs 
citoyens  morts  pour  la  défenfe  de  la  patrie  ,, 
les  monumens  deftinés  à  conlerver  la  mé- 
moire des  grandes  aélions  ,  les  fréquentes' 
fêtes  religieufes  qu'on  célébroit  avec  tant  de 
pompe  5  (Je  les  Ipeélaclcs  dramatiques  qui 
fiifoient  partie  de  quelques-unes  de  ces 
fêtes ,  &  qui  coûtoient  aux  magiflrats  des 
foins  &  des  frais  extraordinaires.  On  s'(iccu- 
poit  lî  férieulement  dti\beaux-arts ,  qu'on 
fit  même  des  réglemcns  pour  perfeétionner 
le  bon  goi^it ,  pour  empêcher  qu'il  ne  dégé- 
nérât, ou  ,  ce  qui  eft  encore  pire  ,  qu'il  ne 
ne  fe  corrompît  par  un  excès  de  ralhnemenr, 
Koyc[  les  articles  ARCHirECTURE  &  Mu- 
sique. 

Les  Etrufques  furent  également  foigneux 
d'alTurer  aux  bcr.ux-arts  une  influence  utile 
lur  les  maurs.  Nous  connoillons  très-peu 
les  arrangemens  politiques  àc  cette  nation 
que  les  Romains  détruisirent.  Mais  les  reftes 
nombreux  des  arts  étru'ques  montrent  aflez. 
combien  étroitement  on  avoit  fu  lier  les  cr/j 
à  routes  les  fondions  de  la  vie  privée.  A  la 
vue  de  ces  monumens  on  a  lieu  de  conjec- 
turer que  le  moindre  citoyen  ne  pouvoir  rien 
voir  ni  toucher  chez  lui  ,  qui,  grâces  aux 
arts  du  deiïiri  ,  ne  lui  rappellàt  emcaccment 
le  fouvenir  de  fes  dieux  ce  de  fes  héros  ;  rien 
qui  n'imprimât  un  nouveau  degré  de  force 
à  fonj^le  pour  la  religion  ,  la  patrie  &  les- 
moan-s. 

Tels  furent  les  beaux-arts  chez  les  Grecs 
&  les  Errufqites  dans  l'âge  d'or  de  la  liberté , 
mais  à  mefure  que  les  lentimens  généreujt 
du  bien  public  s'émouficrenr ,  que  les  chefs 
&  les  principaux  de  l'état  iéparcrent  leur  in- 
térêt particulier  de  l'intérêt  commu]n;que 
la  cupidité  &  le  goût  du  luxe  amollirent  le 
caraderc,  les  b^aux-  arts  celTerent  de  ferais 


4:9^ 


ART 

3e  l'étac.  Ils  devinrent  des  arts  de 


au  bien  d 

luxe  ,  «?>:  bientQC  on  perdit  de  vue  leur  véri- 

taMe  dignité. 

Il  ne  feroit  pas  inutile  ,  pour  l'inftrudion 
de  notre  ficelé  ,  de  lui  mettre  fous  les  yeux 
rénorme  abus  que  la  Grèce  fit  des  beaux- 
ans  ,    lorfqu'cUe  commença  à  dégénérer. 
}A-\h  il  faut  le  borr.cr  ici  au  tableau  général 
c;u'en  aiait  un  judicieux  anglois( M.  Tem- 
ple ,  Iliffoire  de  la  Grèce  ,  par  Stanian  ,  liv. 
III  ,   ciîap.  5.  )   "Les  Athéniens,   dit-il, 
débarrail'és  de  l'ennemi  ,    qui   les  avoir  li 
bien  tenus  en  haleine  (c'étoit  Epaminondas ,) 
s'abandonnèrent  aux  plràfirs,  &  ne  s'occupè- 
rent plus  que  de  jeux  &  de  fêtes  ;  ils  donnè- 
rent à  cet  égard  dans  l'excès  le  plus  étrange-, 
la  palfion  pour  le  théâtre  leur  htoublicrtoute 
affîiire  d'état  ,  &  écoutfaen  eux  tout  fcnti- 
ment  de  gloire.Les  poètes  &;  les  aéteurs  eurent 
leuls  11  faveur  du  peuple;  on  leur  accorda  les 
applaudifiemens  ,  &  la  confidération  qu'on 
devoit  à  ceux  qui  avoient  bazardé  leur  vie 
pour  la  défenie  de  la  liberté.   Les  tréibrs , 
deftinés  à  l'entretien  de  la  flotte  &:  des  troupes 
de  terre  ,  furent  dépenléesenfpecLacles.  Les 
danieurs  &  les  chanteufcs  vivoient  dans  l'a- 
bondance &  dans  les  voluptés  ,  tandis  que 
les  généraux  d'armée  manquoient  dufimple 
nécellaive,   &  qu'à  peine  trouvoit-on  furies 
vaifl'eaux  ,  du  pain  ,  du  fromage  &  des  oi- 
gnons. La  dépenfe  du  théâtre  étoit  fi  excef- 
iîve  ,  qu'au  rapport  de  Plutarque  ,  la  repri- 
ientation  d'une  tragédie  de    Sophocle  ou 
d'Euripide  ,  coûta  plus  à  l'état,  que  la  guerre 
dePerfe  ne  lui  avoir  coûté.  On  lui  employa  le 
tréfor  qui  avoir  été  mis  en  rélerve  comme 
un  dépôt  facré  pour  les  beioins  extrêmes  de 
l'étar  ,  quoique  par  une  fanclion  publique  la 
limple  propofition  de  détourner  ce  trélor  à 
d'autres  uiàges  dût  être  punie  de  mort.  " 
Ce  qui  d^ms  ion  origine  ,  étoit  deltinc  à 
allumer  une  vigueur  patriotique  dansleccrur 


lournr 


fer  vit  donc    .alors  à 
étouffer  tout  (eiuirnfn:  du 


ces  citoyens 

l'oifivcté  ,  & 

bien  public.  Les  grands  eurent  des  artilics , 

comme  ils  avoient  des  cuifiniers  ;  &  les  arts 

qui  auparavant  préparoient  les  remèdes  fi- 

lutaires  de  l'ame  ,  ne  donnoicnt  plus  que  du 

finrd  (Si  des  parfums. 

Tel  étoit  l'état  des  beadx-nrts  en  Grèce  & 
en  Egypte  ,  lorfque  les  Romains  conqui- 
rent ces  provinces  :    &  voilà  pourquoi  les 


ART 

<irts  conferverent  ce  même  caradcreà  Rome. 
Dans  le  temps  de  leur  fplcndear  ,   le  nuble 
ulage  qu'on  en  failoit  donnoit  de  la  dignité 
à  l'artilte.  Sophocle  ,  poëte ,  &  acteur ,  fut 
en  même  tems  archonte  d'Athènes;  mais 
dès  le  temps  de  Céfar  ,  un  chevalier  romain 
crut ,  &  avec  raifon  ,  être  déshonoré  pour 
avoir  été  forcé  de  monter  fur  le  thjatre. 
Sous  Néron  ,  l'état  du  poëte  ,  du  muCcicn 
ou  de  l'acteur ,  n'étoit  guère  plus  rck.é  que 
celui  dedanleur  de  corde.  Ainfi  la  dignité 
des  beaux-arts  dilp.'.rut  iiif.  iiiibiement ,  & 
dans  les  iiecles  modernes    encore  ,ce  n'eft 
qu'au  luxe  &  au  fafte  qu'ils  doivent  le  degré 
d'ellime  qu'on  leur  accorde.  Il  feroit  bien 
mal-ailé  de  prouver  qu'aucun  des  protec- 
teurs ,    ou  des  protectrices   modernes  des 
beaux-arts  ,     ait  fait  la  moindre  cho(e  en 
leur  faveur  par  une  coiinoiilance  intime  de 
leur  véritable  prix  ;  aulli  les  arts  ne  font-il; 
julqu'à  préfentque  l'ombre  de  cequ  ils  pour- 
roient  être. 

Il  eft  évident  que  nos  inftitutions  en  gé- 
néral leur  ont  retranché  bien  des  occafions  de 
déployer  comme  autrefois  leur  énergie.  Il 
manque  à  nos  fêtes  publiques  cette  iolcm- 
nité  qui  expofe  les  ar^  dans  leur  plus  beau 
jour.  Nos  fêtes  religieules  même  n'ont  ordi- 
nairement rien  de  majcftueux;  ce  n'eft  plus 
qu'accidcntalem.ent  que  les  b:aux-arts  y  con  - 
fervent  ei-core quelque  chofe  de  Icurdelti- 
nr.tion  primitive  ,  &  l'emploi  qu'on  en  fait, 
montre  allez  qu'on  a  perdu  de  vue  leur  vrai 
but.  Qu'un  artifte  réulTiile  ,  -ce  qui  n'arrive 
que  trop  rarement ,  à  produire  un  ouvrage 
plein  d'énergie ,  ce  iera  plutôt  l'effet  de  fon 
génie  heureulement  guidé  par  fa  raiton ,  que 
ce  ne  fera  le  but  de  ceux  qui  l'auront  mis  en 
ccuvre. 

D'ailleurs,  à  n'en  juger  que  par  le  choix 
peu  réfléchi  des  lujets  fur  lelquelson  exerce 
\ç^biaux-aris  ,  il  lemble  qu'à  tous  égards  on 
ait  perdu  la  jufte  idée  de  leur  utilité  cSc  de 
leur  importance  ;  pour  une  feule  fois  qu'on 
introduit  fur  nos  théâtres  un  héros  qui  ait  des 
droits  à  notre  reconnoillancc  ,  on  y  voit  pa- 
roicre  cent  fois  ou  Diane  ,  ou  Apollon  ,  ou 
/^gamemnon  ,  on  (Sdipe  ,  ou  tant  d'autres 
perfbnnages  vrais  ou  f.ibuleux  ,  qui  nous 
font  parfaitement  indiffcrcns.  Qii'un  peintre 
prenne  dans  la  mythologie  un  lujet  inli- 
pide  j  propre  même  à  corrompre  les  mccurs , 


ou 


ART 

«u  qu'il  fa(Tè  un  choix  plu<  iitùi!  -,  on  lui  a 
la  même  oblig;îtion  ;  il  (uffit  que  le  tableau 
foir  bon  :  &  cetre  Hiçon  de  pcnler  s'étend  i 
toutes  les  autres  branches  des  ^rr?  ;  n'en  ex- 
ceptons pas  même  les  orncmens  des  églifes  : 
ks  tableaux  qui  décorent  les  temples  catho- 
liques ,  que  prclenteiit  ils  quelquefois  ,  linon 
une  dévote  mj'thologic  qui  peuc-éire  choque 
encore  plus  la  (aine  raiion  que  ne  le  iàiloicnt 
Its  fables  du  paganinriC  ? 

Pour  le  faire  une  jufte  idée  JePefpritqui 
anime,  ou  plutôt  qui  énerve  aujourd'hui  les 
«r/j ,  jetons  les  yeux  fur  celui  de  nos  Ipec- 
taclesqui  réunit  tous  les  haux-ar:s .  Y  a-c-il 
rien  de  moins  fignifîcatif,  de  plus  infipide, 
&qui  réponde  plus  mal  au  but  des  srts ,  que 
notre  opéra  ?  Et  cependant  ce  même  fpec- 

I  taclc  qui ,  dans  l'état  aéb.iel ,  mérite  à  peine 
l'attention  des  enfans ,  pourroit  être  exaâe- 
ment  la  plus  noble  &c  la  plus  utile  production 
d^s  icûux-ûrrs  réunis. 

Une  preuve  bien  claire  que  l'on  inccon- 
noit  aujourd'hui  entièrement  le  pouvoir  des 

■  beaux-arts  ,  Se  qu'on  n'a  qu'une  idée  abjeéle 
de  leur  emploi ,  c'eft  qu'on  ne  les  fait  guère 
fer\'ir  qu'au  luxe  &  à  l'oftentation ,  ou  on 
les  confine  dans  les  palais  des  grands  ,  dont 
J'emréeeft  toujours  interdire  au  peuple;  ou 
lorlqu'on  les  étale  aux  fêtes  &  aux  folemnités 
publiques  ,  ce  n'eft  point  dans  la  vue  d'at- 
teindre plus  lurement  le  but  auquel  ces 
folemnités  étoicnt  originairement  deftincts; 
mais  c'eft  pour  éblouir  le  peuple  ,  étourdir 
les  grands ,  &  empêcher  les  uns  &  les  autres 
de  fentirle  dégoût  qui  accompagne  des  fêtes 
d'une  li    pitoyable  invention. 

Les  modernes  ne  manqueîit  cependant  ni 
de  talens ,  ni  de  génie  ;  h.  ces  égards  ils  ne  font 

I  point  aulTi  inférieurs  aux  anciens ,  qu'on  a 
quelquefoisvoulu  le  foutenir.  Nous  polîédons 
aufTibien  ,  &en  plulîeursger.res  ,^mieux  que 
les  Grecs ,  la  m;clianique  des  ûrts.  Le  goût 
du  beau  eft  chez  un  bon  nombre  de  nosar- 
tilles ,  aufli  délicat  qu'il  l'étoit  chez  les 
meilleurs  artifles  de  l'aiuiquité.  Bien  loin 
que  le  génie  des  m.od-jrnes  fe  loit  rétréci , 
on  peut  dire  en  général ,  qu'il  a  au  contraire 
acquis  plus  d'étendue  ,  puisque  les  fciences 
font  plus  univerfellem.ent  répandues ,  & 
qu'on  a  fait  de  grands  progrès  dans  1  étude 
des  hommes  &  de  la  nature.  Ainh  les  forces 
«quilès  pour  rendre  aux  arts  leur  première 
Tome  III. 


ART  497- 

iplendcur  ,  exiftcnt  encore  :  mais  aiifll  lon;^- 
temps  qu'on  ne  leur  accordera  pas  l'enco'^ 
ragemenrnéceflaire,  qu'on  négligera  de  les 
diriger  vers  leur  véritable  but ,  ou  qu'on  ne 
les  fera  fervir  qu'au  luxe  &  à  une  volupté 
ralTÎnée  ,  l'artifte  ,  quelques  élogL-s  qu'on 
donne  à  Tes  talens  ,  ne  fera  guère  diftingué 
d'un  artifàn  induftricux  ,  on  ne  le  condclé- 
rera  que  comme  un  homme  qui  fait  amulèr 
le  public  &  les  grands,  .S:  délivrer  l'opulence 
delocuvrée  de  l'ennui  qui  la  pourfuit. 

Ce  n'eft  pas  la  faute  des  aruiilcs  ii  \zsay:s 
lontav:hs;  pluiîeurs  d'entre  eux  prendroienc 
voiontiers  un  vol  plus  élevé  :  mais  que  peu- 
vent produire  une  ou  deux  tentatives  répé- 
tées de  loin  en  loin  ,  s'il  ne  s'élève  quelque 
part  une  fage  légiilation  qui  s'applique  h 
relever  les  arts  de  leur  aviLHcment ,  &  à  les 
ram.ener  à  leur  grande  deftinarion  î 

Un  intérêt  médiocre  n'excita  jamais  de 
grands  efforts  ;  aulfi  long-temps  que  l'ar- 
tilie  ,  livré  au  préjugé  commun  ,  que  les 
grands  n'appuient  que  trop ,  ne  fe  conno-tra 
d'autre  vocation  que  celle  de  les  amufer , 
les  plus  beaux  don  du  génie  languiront  dans 
l'inaétion:  qu'au  contraire  l'artifte  foit  appel-  ' 
lé  ,  non  dans  le  cabinet  du  prince  ,  où  celui- 
ci  n'eft  qu'un  homme  privé,  mais  "u  piédiî 
trône  pour  y  recevoir  des  commillioiis  tour 
aulfi  intéreftàntes  que  celles  qu'on  y  donr.e 
aux  chefs  de  l'armée  ,  de  la  juftice  ,  ou  de 
la  police:  que  le  plan  général  du  légillateut 
embralfe  les  grandes  vues  de  porter  le  peuple 
à  l'obéillànce envers  les  loix  ,  &  à  la  pratique 
des  vertus  ibciales  par  le  miniftere  Azsb^aux- 
arts  ,  on  verra  bien  vite  toutes  les  forces 
du  génie  fe  déployer  pour  remplir  ce  grand 
objet  ;  on  pourra  s'attendre  à  voir  renaître 
des  chefs-d'œuvre  ,  &  des  chefs-d'œuvre 
vrailémblablement  fupérieurs  à  ceux  de  l'an- 
tiquité. Quel  puillant  aiguillon  pour  des 
œurs  généreux  ,  pour  des  hommes  de  génie , 
que  de  voir  les  yeux  de  la  nation  entière 
attachés  fur  leurs  ouvrages ,  de  fentir  que 
ces  mêmes  ouvrages  vont  contribuer  au 
bonheur  de  (es  concitoyens! 

Après  avoir  examiné  l'elîence,  le  but  (!c 
l^emploi  des  beaux-arts ,  nous  pouvons  pré- 
lentement  en  déduire  la  véritable  théorie. 
Elle  réfulre  de  la  folution  de  ce  problème 
moitié  pfychologique  &  m^oitié  politique  : 
"  lligmine   ayant  natuieilement   du   goût 

Ooo 


498       .  ART 

pour  les  idées  fendbles ,  comment  faut-il 
s'y  prendre  pour  que  ce  penchant  ferve  à 
l'élev2.cion  de  fei  lentimens ,  2c  loir  en  cer- 
tains cas  un  moyen  irréhftibie  de  le  porter  à 
(on  devoir?  •>  La  folucion  de  ce  problème 
indiquera  à  l'artirte  la  roure  qu'il  doit  tenir , 
êc  au  louverain  les  moyens  qu'il  doit  em- 
ployer pour  amener  les  />taux-arts  ila  perfec- 
tion, &  en  retirer  les  plus  grands  avantages. 

Ce  n'c'l  pas  ici  le  lieu  de  rélbudre  ce  pro- 
blème dans  toute  fon  étendue  ,  nous  ne 
pouvons  qu'indiquer  les  points  capitaux. 

La  théorie  dwS  perceptions  icnlibles  eft 
fans  contredit  la  partie  la  plus  diificile  de  la 
philolophie.  Un  philolophe  Allemand,  M. 
Baumgarten ,  a  entrepris  le  premier  de  la 
traiter  Tous  le  nom  de  Science  cfUiétique , 
cpmme  une  nouvelle  branche  des  connoif- 
lances  philofophiques  (  Ft^je^  l'artkk 
EsTnixiQUE  )  :  icience  qui  mcrite  d'autajit 
plus  d'ctre  cultivée  6i  approfondie ,  que  c'cft 
elle  qui  peut  enicigner  à  la  philolophie  la 
route  ù  un  empire  ablolu  fur  l'homme. 

Les  beaux-arts  fe  divilent  en  autant  de 
branches  principales ,  que  la  nature  a  ouvert 
de  voies  différentes  aux  perceptions  ienlibles 
pour  élever  les  fencimens  de  l'homme  •■,  & 
chaque  branche  pnncipale  fe  fubdivile  en 
autant  de  rameaux  qu'il  y  a  de  ditfércns 
genres  &  de  diverfes  cipeces  de  forces  efthé- 
tiques ,  ou  de  beautés  feniibl*s ,  qui  peuvent 
agir  fur  l'ame  par  chacur.e  de  ces  diiiérentes 
voies.  Nous  allons  voir  fi ,  d'après  ces  prin- 
cipes ,  il  i'eroit  polfible  de  conliruirc  l'arbre 
généalogique  des  beaux  arts. 

Il  n'y  a  exadcm.ent  qu'une  feule  voie  de 
pénétrer  dans  l'ame  •■,  celle  des  lens  externes  ; 
mais  cette  voie  fe  multipHe  en  raifbn  de  la 
différente  nature  de  ces  fens.  Le  même 
objet ,  la  même  perception  paroît  changer 
de  nature  ,  acquérir  plus  ou  moins  d'aâivité 
félon  la  conftitution  de  l'organe  qui  la  tranf- 
met  à  l'ame.  Les  Itns  les  plus  grolTIers ,  le 
tad; ,  le  goût  &  l'odorat  ,  font  ceux  qui  agif^ 
fcnt  le  plus  fortement  liir  l'ame ,  mais  ce 
font  trois  routes  qui  ne  conviennent  point 
aux  beaux-arts  parce  qu'elles  ne  tiennent  qu  à 
l'animal.  Si  les  bfaux-arts  étoient  aux  gages 
de  la  volupcé  ,  leurs  principales  branches 
(croient  occupées  à  travailler  pour  ces  trois 
fois  :  )iart  de  préparer  de  mecs  favourcux  , 
(d«  diftilcr  des  eaux  de  lenteur  ,  iaoïx  k 


ART 

premiers  des  arts  ;  mais  la  fenfualité  qui  doit 
ervir  à  élever  le  caraderc  'e  1  "homme,  eft 
d'une  plus  noble  e'pece  ;  elle  ne  fe  borne 
pas  au  matériel ,  elle  y  joint  de  l'ame  &  de 
i'e!prit.  Ce  n'eft  que  dans  des  circonftances 
particulières  qu'à  l'aide  de  l'imagination  , 
les  beaux-arts  peuvent  tirer  quelque  parti 
des  knlations  qui  proviennent  des  fens 
inférieurs  ,  lans  néanmoins  le  faire  d'une 
manière  aufTi  grolficre  que  l'a  fait  Mahomet, 
dont  le  fylKme  n'étoit  que  trop  appuyé  fur 
l'appât  des  plaifirs  leniuels. 

L'ouie  eft:  le  premier  de  nos  fens  qui  trans- 
met à  l'ame  des  perceptions  dont  nous  pou- 
vons démêler  l'origine  <!<>:  la  cauic.  Le  Jôn 
peut  exprimer  la  tendiellc  ,  la  bienveillance, 
la  haine  ,  la  colère  ,  le  délelpoir  ,  &  diverfes 
autres  paifions  dont  l'am.c  eft  agitée.  Au 
moyen  des  ions  une  ame  peut  donc  fe  fiiie 
ientir  à  une  autre  ame;  &  il  n'y  a  que  les 
perceptions  de  cette  nature  qui  puilleiit  faire 
lurle  coeur  des  imprelTions  capables  de  l'éle- 
ver. C'cfl  ici  donc  que  commence  l'empire 
des  b:aux-arts.  Le  premier ,  le  plus  puiflant 
de  tous ,  c'cft  Van  de  la  mulique  i  elle  pénè- 
tre dans  l'ame  par  le  fens  de  l'ouie  :  tousks 
arts  de  la  parole  ,  il  eft  vrai ,  agiflent  aufù 
fur  l'oreille  ;  mais  leur  but  principal  n'eft 
point  de  l'émouvoir  ;  leut  objet  va  bien  au- 
delà  du  fiege  imrpédiat  des  fens  ;  leur  éner- 
gie ne  coniifte  pas  dans  les  fons ,  mais  dans 
la  lignification  des  mots  ;  l'harmonie  des 
paroles  eft  néanmoins  un  des  moyens  accel- 
îoires  qu'ils  emploient  pour  donner  plus  de 
force  au  dilcours ,  6t  pour  faire  des  imprel- 
fions  plus  profondes  fur  l'efprit  de  l'auditeur. 
Après  le  iens  de  l'ouie  vient  celui  de  la 
vue  ,  dont  les  imprefïions  font  moinstortes, 
mais  aulïi  beaucoup  plus  diverfîfiées  &  d'une 
étendue  bien  plus  vafte.  L'œil  pinetre 
incomparablement  plus  loin  que  l'oreillç 
dans  l'empire  des  efprits  ;'il  hiit  Ure  prelque 
tout  ce  qui  fe  pa(le  dans  l'ame.  Le  beau,  qui 
fait  une  imprelllon  fî  favorable  fur  l'eîprit , 
l'ail  le  faifit  pre'que  lous  toutes  fes  formes  j 
&  de  plus  il  découvre  encore  le  bon  &  le 
jîarfait.  Il  n'eft  prefque  rien  qu'un  a-il  exercé 
n'appcri,oive  dans  la  phyhonomie,  dans  U 
figure  ,  dans  l'attitude  i^  dans  la  démarche 
d'un  homme i  c'eft  à  ce  fens  que  nous  devons 
tous  les  «/•«  du  delTin. 

La  vue  continc  dclîprèsàrcnteudcmçnl 


ART 


ART 


499 


pur,  que  la  nature  n'a  point  e'tablîdc  rcns|ie(7z/r-tf/-«.'on  a  cn(uite  trouvcle  moyen  de 

■  I  les  combiner  ôc  de  réunir  deux  ou  trois  de 

ces  efpeces  ,  pour  en   former  de  nouvelles. 
La  danfe  réunit  lesarM  qui  agillcnt  fur  la 
vue  &  fur  louie  ;  le  chant rallemblc  Vtirt  de 
la  mulique    Se  ceux  de  la  parole  ,  tous  les 
bcaux-a-rs  peuvent  concourir  à  la  fois  dans 
les  rpcdacles.   AulTi  les  fpedtacles  dramati- 
ques font-ils  la  plus  belle  invention  à^sarts; 
ils  peuvent  devenir  le  moyen  le  plus  propre 
à  infpirer  des   iencimens  nobles   &i  élevés. 
Chaque  eipcce  à'cirts  fe  parcage  de  nou- 
veau en  plulîeurs  branches  lubalrcrnes  ;  b 
meilleure  méthode  de  déterminer  celles-ci , 
(eroit  peut-être  de    faire  1  enumiration  des 
diverfes  elpeces  de  beau,  ou  de  forces  eft  hé- 
tiqiies  qui  en  iont  l'objet.   Le  beau  (impie 
occupe   ces  branches  paniculieres  des  ans 
qui  n'ont   d'autre  but  dans  leurs  ouvrages 
que  celui  de  plaire.  En  poéfie ,  de  jolies  bjga- 
celles  ;  en  peinture  ,  des  fleurs ,  des  payfages 
lans  caraéterc  décidé;  en  mulique  ,  ces  pièces 
OLi  l'on  ne  lent  que  l'harmonie  &i  le  nombre, 
à'c.  Le  vrai  &c  le  partait  font  l'objet  princi- 
pal d'une  autre  efpece  de  branches ,  tels  que 
ïont ,  dans  les  arts  de  la  parole ,  le  difcours 
dogmatique  ,  le  poème  didaftique  ,  certain 
genre  d'apologue ,  &c.  Un  troiheme  ordre 
de  ces  branches  s'exerce  lut  des  fujecs  propres 
à  émouvoir  ,  &  fe  propofe  d'exciter  les  paf- 
i'ions.  Enfin  les  branches  les    plus  parfaites 
réunifient  à  la  fois  tous  ces  objets  ,  déploient 
toutes  les  forces  de  Vart ,  &  en  conftituenc 
les  efpeces  les  plus  intéreflantes. 

Comme  chaque  efpece  différente  fuppofe 
auflî  dans  l'arcilîe  non  feulement  un  génie 
propre  à  cette  e(pece-li  ,  mais  encore  un 
caraélere  particulier  ,  on  pourroic  peut-être 
détei'miner  avec  aflez  d'exaétitude  les  fubdl^ 
vilions  de  chaque  branche  des  b:aux-arrs , 
d'après  le  degré  d'ame  &  le  tour  d'efpric 
qu'on  peur  concevoir  dans  l'artille.  Peut-être 
tenterons-nous  dans  quelques  articles  un  ou 
deux  eflais  de  cette  méthode. 

Il  entre ,  au  refte  ,  tant  d'arbitraire  &  d'ac- 
cidentel dansla  forme  extérieure  queles^cawr- 
arts  donnent  à  leurs  productions,  qu'avec 
les  notions  les  plus  préciles  fur  la  nature  &C 
l'emploi  des  arts ,  on  ne  fauroit  rien  fixer  , 
à  l'égard  de  la  forme  de  ces  ouvrages.  Qui 
pourroit ,  pour  ne  citer  qu'un  feul  exemple, 
afTigncr   toutes  les   difïerentes  formes  que 

Ooo  i 


'moyen  encre  la  vue  tk:  les  perceptions  inter- 
nes.   Nous  croyons  fouvcnt  n'être  occupés 
que  de  nos  propres  idées ,  parce  que  nous 
n'avons  pas  le  fentiment  de  l'imprelTIonque 
fait  liir  nous  quelque  objet  extérieur  ,  tandis 
qu'au  tond  c'eft:  cet  objet  que  nous  voyons. 
11  n  y  a  donc  au  delà  de  la  vue  aucun  autre 
fens  pour  les  arts.  Mais  la  providence  avoir 
ménagé  au  génie  l'invention  d'un  moyen  trcs- 
éteiidu  ,  pour  pénétrer  dans  tous  les  recoins 
de  l'ame.    On  a    inventé  l'art  de   revêtir 
d'images  Icnilbles,  des  pen(ées&  des  notions 
qui  n'ont  rien  de  matériel  ;  fous  cette  nouvelle 
forme ,     elles  s'inlmucnt    par  les  (ens ,   &: 
pallèutdans  les  âmes  des  autres.  Le  diicours 
peut ,  à  l'aide  de  l'ouie  ou  de  la  vue  ,  porter 
chaque  idée  dans  l'ame ,  tans  que  ces  tcns 
l'alccrent  ,  ou  lui  donnent  une  forme  analo- 
gue à  leurs  propres  organes  ;  ni  le  fon  du 
motj  ni  la  manierede  l'écrire  ,  ne  renferment 
point  la  force  lignificative  ;  c'ell  donc  quel- 
que choie  de  purement  intellectuel  revêtu 
d'une  figure  arbitraire  ,  inventée  pour  le  faire 
palier  dans  l'efprit  d'un  autre  par  le  canal  des 
îens  ;  c'eft  de  ce  merveilleux  expédient  donc 
les  arts  de  la  parole  fe  fervent.  En  force  exté- 
rieure ,  ces  arts  Iont  fore  au  deflous    des 
autres ,  parce  qu'ils  n'empruntent  aucune  effi- 
cace de  l'émotion  des  fens  externes,  qu'au- 
tant qu'accidentellement  ils  peuvent  émou- 
voir l'oreille.  Mais  ce  qui  leur  manque  en 
force ,    ils    le  regagnent    en    étendue  ;    ils 
mettent  en  jeu  toutes  les  forces  de  l'imagina- 
tion ,   &  lavenc ,  par  ion  moyen  ,  rendre 
fcnlîbles  toutes    les   imprcfTîons  des  fens  , 
même  des   Iens  les  plus  grotliers. 

Auffi  l'ufîge  des  arts  de  la  parole  eft  le 
plus  étendu  de.  tous.  Ils  nous  inflruifentdc 
tout  ce  qui  fe  pafle  d.uis  une  ame  :  de  quel- 
que côte  qu'on  veuille  l'attaquer  ,  quelque 
/entiment  qu'on  veuille  lui  inlpirer,  les  <2;vj 
de  la  parole  en  fourniront  toujours  les  mpyens  ; 
ils  ont  d'ailleurs  fur  les  autres  arts  cet  avan- 
tage ,  qu'à  l'aide  des  lignes  qu'ils  emploient  , 
on  fe  rappelle  chnque  idée  avec  toute  la 
prcciiîon  Se  la  facilité  poflïbles.  Aind ,  bien 
que  les  plus  foibles  de  tous  les  arts  ,  qiunt  à 
la  vivacité  des  imprelTîons ,  ce  font  les  plus 
importans  par  leur  aptitude  à  exciter  tous 
les  divers  genres  d'impretTions. 
Telles  font  les  trais  efpcccs  primitives  des 


5G0  ART 

l'ode  ou  le  drame  peuvent  prendre  fans  fe 
dénaturer.;  Dans  des  reclietchci,  de  cette 
iiscurc  ,  le  bon  fèns  veut  qu'on  évk;;  les  fiib- 
tiutés  miaucieufes,  ik  qu'on  fe  garde  bien 
de  donner  des  entra s'cs  au  génie  de  l'artifte. 

Le  grand  principe  que  tout  artifte  doit 
{liivre  dans  les  compoiicions ,  c'cfl  "  de 
faire  que  renlcmble  iSc  cii.4que  partie  de  Ion 
ui.vr.cge  ,  produKe  r'c:-.prcfiion  la  plus  favo- 
rable tur  les  fens  &C  !ur  l'imagination  ,  afin 
«î'cxciier ,  autant  qu'il  ell:  pollihle  ,  toutes 
les  lorces  de  Pâme  à  y  graver  cette  imprelTion 
d'une  manière  ineffaçable.  "  Or  ,  il  n'elt 
yoilible  d'atteindre  à  ce  but ,  Il  l'ouvrage 
«'a  de  la  beauté  &  delà  régularité ,  en  un 
met,  s'il  r.e  porte  l'empreinte  du  bon  goût. 
Le  défaut  le  plus  ellennel  dans  un  ouvrage 
<ie  l'ùrt  ,  quoique  ce  ne  foit  pas  toujours 
ïc  plus  imj)ortant ,  c'cft  de  manquer  du. 
Cute  du  goùr. 

La  maxime  générale  fur  le  choix  du  fujet , 
c'eil  "  que  l'artille  clioihlledes  objets  propres 
à  influer  avantageuiement  fur  l'eîprit  &:iur 
le  caur.  »  Ce  lont-là  les  leuls  fujets  dignes 
«le  nous  émouvoir  ferrement ,  &  de  fiire  lur 
nous  des  imprelTions  durables  :  tout  le  rei^e 
peut  n'en  produire  que  de  pallageres. 
,  Ce  fcrcit  néanmoins  mal  entendre  cette 
maxime  ,  que  de  vouloia-  interdire  aux  ans 
Tout  fujet  quineieroir  pas precifément moral; 
elle  ne  défend  pas  à  l'arcifte  de  fculpter  une 
coupe  ou  de  peindre  un  vafe  à  boire  ,  mais 
elle  lui  prefcrit  limplement  de  n'y  rien  tracer 
qni  ne  loit propre  à  fiire  une  heureufe  imprei- 
ikon  ,  de  quelque  genre  qu'elle  loit. 

De  tous  les  avantages  de  l't:rr ,  ceux-là  ont , 
fans  contredit ,  l'utilité  la  plus  importante  , 

3|ù  gravent  dans  notre  elprit  des  notions , 
es  vérités  ,  des  maximes ,  des  fendmens 
propres  à  nous  rendre  plus  parûits ,  Si  à 
î^rmer  en  nous  les  caraéleies  dont  nous  ne 
iaurions  manquer  (ans  perdre  de  notre  prix  , 
foie  en  qualité  d'iiommes ,  foit  en  qualité 
de  citoyens.  Mais  au  défaut  de  pareils 
fujets ,  rartiftc  aura  encore  fatisfait  à  (on 
devoir  ,  fi  Ton  ouvrage  nous  nflfermit  &:  nous 
perfectionne  dans  le  goût  du  beau.  Ainfi  , 
le  peintre  auquel  j'aurai  commis  le  foin  de 
décorer  mon  appartement  ,  méritera  toute 
ma  reconnoilfance  ,  s'il  s'en  acquitte  de 
njaniere  que  de  quelque  côté  que  je  jette  les 
yeux  ,  je  lac  fente  rappelkr  vivement    les 


ART 

notions  pratiques  qui  me  font  les  plas  nécef- 
(aires  ;  que  (i  la  choie  n'eft  pas  failable  ,  foa 
travail  fera  néanmoins  encore  digne  d'éloge , 
s'il  me  prélente  dans  chaque  objet  de  quoi 
nourrir  &  fortifier  en  mol  le  bon  goût. 

Il  ré  fui  te  de  ce  que  nous  venons  dédire, 
que  les  beaux-arcs  ne  llippolent  pas  fimple- 
ment  dans  l'artifte  un  goût  exquis,  mais 
qu'ils  demandent  de  plus  qu'il  y  joigne  une 
railon  (aine,  une  connoiOance  réfléchie  des 
maurs ,  &  une  intention  (érieufe  de  faire 
de  fes  talens  le  meilleur  ufage  polTïble.  (  Cet 
article  ejî  extrait  de  la  théorie  généraL  des 
beûux-arts  de  M.  SULZER.) 

Art  des  Esprits  ,  ou  Art  Angéli- 
que ,  moyen  luperftitieux  pour  acquérir 
la  connoillànce  de  tout  ce  qu'on  veut  fa- 
voir  avec  le  (ecours  de  ion  ange  gardien , 
ou  de  quelque  autre  bon  ange.  On  diftm- 
gue  deux  (ortes  d'art  angiUque  ;  l'unobîcur  , 
qui  s'exerce  par  la  voied'éLvation  ou  d'exta- 
(e,  l'autre  clair  &  dilHndl:,  lequel  fe  pranque 
par  le  miniftcre  des  anges  qui  apparoillenc 
aux  hommes  lous  des  formes  corporelles, 
&  qui  s'entretiennent  avec  eux.  Ce  fut  peut- 
être  cet  an  dont  (e  (ervit  le  père  du  cé- 
lèbre Cardan  ,  lorsqu'il  difputa  contre  les 
trois  efprits  qui  loutenoient  la  doctrine 
d'Averroès ,  recevant  les  lumières  d'un  génie 
qu'il  eut  avec  lui  pendant  trente-trois  ans. 
Quoi  qu'il  en  (oit,  il  ell  certain  quecetjrr 
cil  luperfutieux  ,  puilqu'il  n'eft  autorité  ni 
de  Dieu  ni  de  l'églile  ;  &  que  les  anges , 
par  le  miniftere  de(quels  on  (uppofe  qu'il 
s'exerce  ,  ne  (ont  autres  que  des  elprits  de 
ténèbres  &  des  anges  de  iatan.  D'ailleurs, 
les  cérémonies  dont  on  (e  fcrt  ne  (ont  que 
des  conjurations  par  lefqucltes  on  oblige  les 
démons,  en  \ertu  de  quelque  pad:e  ,  de 
dire  ce  qu'ils  favent ,  lïc  rendre  les  lervices 
qu'on  cfpere  d'eux.  Voye^^  Art  notoire. 
Cardan,  lib.  XV J,  de  rer.  varict.  Thiers, 
Traite*dcs  fuperjli lions.   (  G  ) 

Art  notoire  ,  moyen  luperftitieux  par 
lequel  on  promet  l'acquifition  des  Iciences 
par  infufion  &  i«ns  peine  ,  en  pratiquant 
quelques  jeûnes ,  &■  en  faif-'-u:  certaines  céré- 
monies inventées  à  ^e  deftein.  Ceux  qui 
font  profeifion  de  cet  art  ,  aflurent  que 
Salomon  en  eft  l'auteur  ,  "c  que  ce  fut  par 
ce  moyen  qu'il  acquit  en  une  nuit  cette- 
grande  l'ogetlc  qui  l'a  rendu  fi  célèbre  d.tns. 


ART 

le  monde.  Ils  ajourent  qu'il  a  renfermé  les 
préceptes  &  la  méthode  dans  un  petit  livre 
■qu'ils  prennent  pnnr  modèle.  Voici  la  ma- 
nière par  laquelle  ils  prétendent  acquérir  les 
fciences  ,  ielon  le  témoignage  du  père  Dcl- 
rio  :  ils  ordonnent  à  leurs  alpirans  de  tré- 
quenter  les  lacrem.ens ,  de  jeuncr  tous  les 
vendredis  au  pain  Se  à  l'eau  ,  &:  de  faire  plu- 
fiturs  prières  pendant  fept  fcmaines;  cnliiite 
ih  leur  preicrivcnt  d'autres  prières ,  &  kur 
fcnt  adorer  certaines  images,  les  fept  pre- 
miers jours  de  la  nouvelle  lune ,  au  lever 
du  lolcil ,  durant  trois  mois  :  ils  leur  font 
encore  choillr  un  jour  où  ils  fe  fentent  plus 
pieux  qu'à  l'ordinaire ,  &  plus  difpoiés  à 
rcce\oir  les  inlpirations  divines;  ces  jours- 
là  ils  les  font  mettre  à  genoux  dans  une 
églife  ou  oratoire  ,  ou  en  pleine  campagne , 
&  leur  font  dire  trois  fois  le  premier  ver- 
■fet  de  l'hymiie  J''e/i!  creator  lp:ritus ,  &c. 
les  alîuraiit  qu'ils  ieront  après  cela  remplis 
de  icience  comme  Salomon  ,  les  prophè- 
tes Ce  les  apôtres.  S.  Thomas  d'Aquin  mon- 
tre la  vanité  de  cet  art.  S.  Antonin,  arche- 
vêque de  Florence  ,  Denys  le  chajtreux , 
Gerion ,  6c  le  cardinal  Cajetan ,  prouvent 
qnec'eftune  curiohté  criminelle  par  laquelle 
on  tente  Dieu  ,  S:  un  pacte  tacite  avec  le 
démon  ;  aulTi  cet  art  fut-il  condamné  comme 
fuperftitieux  par  la  faculté  de  théologie  de 
Paris  l'an.  1 3 10.  Delrio  ,  difq.  magie. part.  II. 
Thicrs  ,  traité  des  fuperjii lions. 
"  Art  de  S.  Anselme,  moyen  de  guérir 
les  plaies  les  plus  dangereufes ,  en  touchant 
feulemient  aux  linges  qui  ont  été  appliqués 
lur  les  bleflures.  Qiielques  ibldats  Italiens , 
qui  font  encore  ce  métier ,  en  attribuent 
l'invention  à  S.  Anfelme  :  mais  Delrio  allure 
que  c'eft  une  luperftition  inventée  par 
Anfelme  de  Parme ,  fam.eux  m.agicien  ;  & 
remarque  que  ceux  qui  (ont  ainh  guéris, 
(i  toutefois  ils  en  guérillent ,  retombent 
cnfuite  dans  de  plus  grands  maux  ,  &c  finii- 
(ènt  malheureufement  leur  vie.  Delrio,  difq. 
marie,  hb.  II. 

Art  de  S.  Paul  ,  forre  d'art  notoire  que 
quelques  fuperftitieux  dilent  avoir  été  enlei- 
riié  par  S.  Paul  ,  après  qu'il  eut  été  ravi 
ju'.qu'au  troilîeme  ciel  :  on  ne  lait  pas  bien 
les  cérémonies  que  pratiquent  ceux  qui  pré- 
tciidenc  acquérir  les  Iciences  par  ce  moyen  , 
laus  aucune  écudc ,  &  par  iîifpiration  ;  mais 


ART  501 

on  ne  peut  douter  que  cet  art  ne  loit  illi- 
cite; (?«:  il  cil:  confiant  que  S.  Paul  n'a  jamais 
révélé  ce  qu'il  ouït  dans  (on  ravillement, 
puifqu'il  dir  lui-même  qu'il  entendit  des 
paroles  ineffables ,  qu'il  n'eft  pas  permis 
à  un  homme  de  raconter.  Fuye-^  Art  no- 
toire, Thicrs  ,  traité  des  fupcrjlirioiis.  {  G  ) 
Art  MNEMONICL.UE.  On  appelle  ar/ m/jf- 
monique  ,  la  fcience  des  moyens  qui  peuvent 
fervir  pour  perfectionner  la  mémoire.  Ou 
admet  ordinairement  quatre  de  ces  lortcs 
de  moyens  :  car  on  peut  y  employer  ou  des 
remèdes  phyliques ,  que  l'on  croit  propres 
à  fortifier  la  malîe  du  cerveau  ;  ou  de  cer- 
taines figures  &i  fcbématifmes  ,  qui  font 
qu'une  chofe  fc  grave  mieux  dans  la  mé- 
moire ;  ou  des  mors  techniques  ,  qui  rappel- 
lent facilement  ce  qu'on  a  appris  ;  ou  cniln 
un  certain  arrangemer.t  logique  des  idées ,  en 
les  plaçant  chacune  de  façon  qu'elles  fe  lui- 
vent  dans  un  ordre  naturel.  Pour  ce  qui 
regarde  les  remèdes  phyliques ,  il  eft  indu- 
bitable qu'un  régime  de  vie  bien  oblervé 
peut  contribuer  beaucoup  à  la  confervation 
de  la  mémoire  ;  de  même  que  les  excès 
dans  le  vin  ,  dans  la  nourriture ,  dans  les 
plaillrs ,  l'affoiblident.  Klais  il  n'en  cil:  p.is 
de  même  des  autres  remèdes  que  certains 
auteurs  ont  recommandés ,  des  poudres , 
du  tabac  ,  des  caraplaimes  qu'il  faut  appli- 
quer aux  tempes ,  desboiflons,  des  purgi- 
tions,  des  huiles ,  des  bains ,  des  odeurs  for- 
ces ,  qu'on  peut  voir  dans  l'art  mnémonique 
de  Marius  d'AlTigni,  auteur  Anglois.  Tous 
ces  remèdes  font  très-lujets  à  caution.  On 
a  trouvé  par  l'expérience  que  leur  ufage  étoir 
plus  fouvent  funcfte  que  lalutaire ,  commic 
cela  eft  arrivé  à  Daniel  fîeinlius  &  à  d'au- 
tres, qui,  loin  de  tirer  quelque  avantage  de 
ces  remèdes  ,  trouvoient  à  la  fin  leur  mé- 
moire ii  atfeiblie  ,  qu'ils  ne  pouvoient  plus 
fe  rappcller,  ni  leurs  noms,  ni  ceux  de 
leurs  domeftiques.  D'autres  ont  eu  recours 
aux  fekématijmes.  On  fait  que  nous  rete- 
nons une  chofe  plus  facilemen''  quand  elle 
fait  fur  notre  efprit ,  par  le  moyen  des  fens 
extérieurs,  une  impielTion  vive.  C'tft  par 
cette  raifon  qu'on  a  tâché  de  foulager  la 
mémoire  dans  fes  fondions ,  en  repréien- 
rant  les  idées  fous  de  ceruines  figiues  qui 
les  expriment  en  quelque  fàçoo.  C'efl  de 
cette  manière  qu'on  apprend  r.u>:  entms-i 


50t  ART 

non  teulement  à  connoître  les  lettres,  mais 
encore  à  le  rendre  familiers  les  principaux 
événemens  de  1  hiftoire  fainte  &  profane. 
Il  y  a  même  des  auteurs  qui  par  une  pré- 
dileétion  finguliere  pour  les  figures  ,  ont 
appliqué  ces  JchémariJ mes  à  des  fciences  phi- 
loiophiques.  C'eft  ainfi  qu'un  certain  Alle- 
mand ,  nommé  PFinckel  -  marin  ,  a  donné 
toute  la  logique  d'Ariftote  en  figures.  Voici 
le  titre  de  fon  livre  :  Logica  memorativa , 
cujus  bcneficio  compendium  logicx  Peripate- 
ticœ  brevijjlmi  temporis  fpatio  memcrix  man- 
dari  potejî.  Voici  aulTi  cornme  il  définit  la 
logique.  Ariftote  eft  reprélenré  affis ,  dans 
une  profonde  méditation  ;  ce  qui  doit  ligni- 
fier que  la  logique  eft  un  talent  de  l'ef- 
prit,  &  non  pas  du  corps  :  dans  la  main 
droite  il  tient  une  clé  ;^  c'eft-à-dire  ,  que  la 
logique  n'efl  pas  une  fcience ,  mais  une  clé 
pour  les  fciences  :  dans  la  main  gauche  il 
tient  un  marteau  :  cela  veut  dire  que  la  logi- 
que eft  une  habitude.  inMrumentak  ;  &Z  enfin 
devant  lui  elt  un  étau  lur  lequel  le  trouvent 
un  morceau  d'or  fin  ,  &:  un  morceau  d'or 
faux  ,  pour  indiquer  que  h  fin  de  la  logique 
efl:  de  diftinguer  le  vrai  d'avec  le  faux. 

Puifqu'il  eft  certain  que  notre  imagina- 
tion eft  d'un  grand  fecours  pour  la  mémoi- 
re ,  on  ne  peut   pas  abfolument  rejeter  la 
méthode  des  fchématifmes  ,  pourvu  que  les 
images  n'aient  rien  d'extravagant  ni  de  pué- 
rile ,  &:   qu'on  ne  les  applique  pas  ^  à  des 
cliofes  qui  n'en  font  point  du  tout  lufcep- 
tibles.   Mais  c'eft  en  cela  qu'on  a  manqué 
en  plufieurs  façons  :  car  les  uns  ont  voulu 
déligner  par  des  figures  toutes  fortes  de  cho- 
fes  morales  &   métaphylîques  ;  ce  qui  eft 
abfurde ,  parce  que  ces  choies  ont  befoin 
de  tant  d'explications ,  que  le  travail  de  la 
mémoire  en  eft  double.  Les  autres  ont  don- 
né des  images  il  abfurdes  &  il  ridicules, 
que  loin  de  rendre  la  fcience  agréable ,  elles 
l'ont  rendu  dégoûtante.  Les  perfonnes  qui 
commencent  à   fe  fervir    de    leur    railon, 
doivent  s'abftenir    de   cette    méthode ,  & 
tâcher  d'aider  la  mémoire  par  le  moyen  du 
jugement.  Il  fiut   dire  la  même  chofe  de 
la  mémoire  qu'on  appelle  technique.  Quel- 
ques-uns ont  propofé  de  s'imaginer  une  mai- 
ion  ou  bien  une  ville ,  &ç.  de  s'y  repréfeii- 
ter  diiférens  endroits  dans  lefquels  on  pla- 
ceroit  les  chofcs  ou  les  idées  qu'on  voudroit 


ART 

le  rappeller.  D'autres ,  au  lieu  d'une  maî- 
fon  Ou  d  une  ville  ,  ont  choill  certains  ani- 
maux dont  les  lettres  iniciales  font  un  al- 
phabet latin.  Ils  partagent  chaque  mem- 
bre de  chacune  de  ces  bêtes  en  cinq  par- 
ties, lur  lesquelles  ils  affichent  des  idées; 
ce  qui  leur  fournit  150  places  bienm.irquées , 
pour  autant  d'idées  qu'ils  s'y  imaginent  affi- 
chées. Il  y  en  a  d'autres  qui  ont  eli  recours 
à  certains  mots,  vers,  &:  autres  chofcs  fcti- 
blables  :  par  exemple ,  pour  retenir  les  mots 
d'Alexandre  ,  Romulus,  Mercure , Orphée, 
ils  prennent  les  lettres  initiales  qui  forment 
le  mot  armo  ;  mot  qui  doit  leur  lervir  à 
le  rappeller  les  quatre  autres.  Tout  ce  que 
nous  pouvons  dire  là-dellus ,  c'eft  que  tous 
ces  mots  &:  ces  vers  techniques  piroillènt 
plus  difficiles  à  retenir ,  que  les  cho'ès  mêmes 
dont  ils  doivent  faciliter  l'étude. 

Les  moyens  les  plus  surs  pour  perfection- 
ner la  mémoire  ,  lont  ceux  que  nous  four- 
nit la  logique  ;  plus  l'idée  que  nous  avons 
d'une  choie  eft  cbire  &  diftinéfe  ,  plus  nous 
aurons  de  facilité  à  la  retenir  &  à  la  rap- 
peller quand  nous  en  aurons  betom.  S'il  y 
a  plufieurs  idées,  on  les  arrange  dans  leur 
ordre  naturel ,  de  forte  que  l'idée  prin- 
cipale loir  fuivie  des  idées  accelfoires , 
comme  d'autant  de  conféquences  ;  avec 
cela  on  peut  pratiquer  certains  artifices  qui 
ne  font  pas  lans  utilité  :  par  exemple ,  li  l'on 
ccmpofe  quelque  choie  ,  pour  l'ajjprendre 
cnfuite  par  cccur ,  on  doit  avoir  foin  d'é- 
crire diftin-.T:ement  ,  de  marquer  les  diffé- 
rentes parties  par  de  cert.iines  fépar.rtions , 
de  le  fervir  des  lettres  initiales  au  commen- 
cement d'un  fcns  ;  c'eft  ce  qu'on  appelle  la 
mémoire  locale.  Pour  apprendre  par  cœur, 
on  recommande  enluite  de  fe  retirer  dans 
unVndroit  tranquille.  Il  y  a  des  gens  qui 
choilillent  la  nuit;  &:  même  fe  mettent  au 
lit.  Voye^^  \a.-àe^\\s  la  pratique  de  la  mémoire 
artificielle  ,^2.1  le  P.  Buffier. 

Les  anciens  Grecs  &  Romains  parlent 
en  plufieurs  endroits  de  Vart  mnémonique, 
Ciceron  dit  ,  dans  le  livre  II  ,  de  orat.  c, 
/.ra-.ri7',  que  Simonide  l'a  inventé.  Ce  phi- 
lofophe  étant  en  ThelLilie  fur  invité  par 
un  nommé  Scopas  ;  lorlqu'il  fut  à  table , 
deux  jeunes  gens  le  firent  appeller  pour  lui 
parler  dans  la  cour.  A  peine  Simonide  fut- 
il  forti  y  que  la  chambre  où  les  autres  écoiait 


ART 

reft.'S  tombci  &  les  écrafa  tous.  I.orfqa'on 
voulut  les  enterrer  ,  on  ne  put  les  recon- 
no  trc*^anc  ils  dtoienr  d.figurés.  Alors  Si- 
nionidc  fc  nippellant  la  pbce  où  ch.'.cuii 
avoic  été  allis  ,  les  nomma  l'un  après  l'au- 
tre ;  ce  qui  fit  connoitic  ,  dit  Cicéron,  que 
l'ordre  ctoit  b  principale  choie  pour  aider 
la  mémoire.  (X) 

*  Akt  Sacerdotal  ,  (  Pliihf.  hcrmh.  ) 
c'eft  le  nom  que  donnoieiu-  les  Egyptiens  à 
ce  que  nous  appelions  ■:^\\]o\nà'\\\xiphilcfcphie 
'herrréiijiie:  Qtiari  conliltoitdans  la  connoil- 
fance  parfaite  des  procédés  de  la  luture  dans 
la  produftion  des  mixtes.  Cette  fcience 
cachée  fous  l'enveloppe  des  liiéroglyphcs  & 
des  termes  les  plus  myftérieux  ,  croit  une 
erpece  d'cnigmv  dont  on  ne  doniioit  le  mot 
qu'à  ceux  qui ,  par  une  épreuve  longue  <S>: 

'pénible ,  s'étôier.r  rendus  digr.es  dcrreniitiés 
à  de  fi  grands  myfteres.  Le  lecrct  étoit 
ordo:iné  aux  prêtres ,  lous  peine  de  more  : 
il  ne  ic  communiquoic  que  d.msle  fanituaire. 
On  aflurc  que  Pyth.-.gore  confentit  à  loutfrir 
la  circoncilion  pour  y  être  initié. 

Art  Poétiq,ue./^.  Poésie  &  Poétique. 

Art  Militairie.  J-^o^cij^Mijlitaire. 

AKT-ET-PaRT  ,  (  Hijî.  mod.  )  auteur 
&  complice;  c'eft  une  exprelFion  ufitce  dans 
l'extrémité  rcp:enrr'on.ile  de  PAnglererre  &c 
en  Ecoiîe.  Quand  quelqu'un  eft  accule  d'un 
crime  ,  on  dk  :  il  eft  an-&-part  dans  cette 
aftion  ;  c  eft-à-dire  que  non  feulement  il 
l'a  conleillée  &  approuvée ,  mais  encore  qu'il 
a  contribué  perlbnnellcmeiit  à  fon  exécu- 
tion, ^'bje^  Auteur  &  Complice.  (G) 

*  ARTA  (  l' ) ,  Gi'uo.  ville  de  la  Turquie 
Européenne  ,  dans  la  balle  Albanie  ,  pro- 
che la  mer  ,  fur  la  rivière  d'Aldhas.  Long. 
2_9  ;  laf.  59,2.^. 

ARTÀBANj  {Hifioire  do  Perfe.)Hyï- 
canien  de  naillànce  ,  tint  le  premier  rang 
parmi  les  favoris  de  Xerxès  dont  il  fut  ca- 
pitaine des  gardes.  Ce  Prince  qui  n'accor- 
doit  fa  confiance  qu'aux  complices  de  fes 
crimes  &  aux  compagnons  de  fes  dibau- 
ches  j  lui  abandonna  le  loin  des  afF.-.ires  , 
^'  ne  fe  réferva  que  le  titre  de  roi ,  &  l'hu- 
miliant privilège  d'en  abufer.  Artaban  ,  in- 
génieux à  le  captiver  par  le  charme  des  vo- 
hiptés  ,  fit  le  deftin  de  la  Perle  ;  Se  co.nme 
jl étoit  le  diftributeur  des  grâces ,  il  luiliyt 
.gil&de  it faire  wîsadofatcurs,  Xercrs ,  tonibi 


ART  503 

dans  le  mépris  ,  lui  parut  une  viftime 
qu  on  pouvoir  immoler  impunément  ,  ëc 
l'habitude  du  conmiandement  lui  inipna 
l'ambition  de  le  perpétuer.  Ingr.it  envers 
fon  maître  ,  il  confpira  contre  fa  vie  ,  &  il 
profita  des  ténèbres  pour  entrer  dans  fa 
ch.ambre ,  où ,  fuivi  des  eunuques  qu'il  avoir 
fait  fes  complices  ,  il  le  tua  pendant  qu'il 
dormoit:  ce  monftre  iouillé  du  làng  de  Ion 
maître  ,  va  trouver  Artaxerxcs  ,  îk  lui  ap- 
prend que  fon  fi'cre  Darius  venoit  de  le 
ioullicr  d'un  parricide  ,  Se  que  lui-même 
alloit  être  enveloppé  dans  le  ineurtre  de  Ion 
pcre.  Artaxerxes  ,  trop  jeune  encore  pour 
connoitre  la  défiance  ,  ajouta  foi  à  rinipof- 
ture  ;  &c  pour  iauvcr  fa  vie  ,  il  au;:orila 
Artaban  à  donner  la  mort  à  Ion  frère.  Ce 
meurtrier  de  les  rois  diipola  de  la  couronne 
qu'il  mit  fur  la  tête  du  jeune  Artaxerxcs, 
en  aciend.mt  l'occafion  favor.ible  de  la  met- 
tre iur  la  lienne.  Il  avoitiept  fils  qu'il  pour- 
vut des  premières  dignités  de  l'état.  Fier 
de  leur  appui ,  il  prodigua  les  tréfors  de  l'é- 
tat pour  lé  faire  des  partifans  ;  quand  il  crut 
Ion  pouvoir  ailèz  affermi ,  il  laifù  apper- 
cevoir  fes  deifcins.  Artaxerxcs ,  inftruit  de 
les  complots  ,  le  fit  ailaiTmer  avant  qu'il 
pût  les  exécuter.  Ses  fils  voulurent  vcnge'r 
la  mort  :  ils  levèrent  une  armée  ,  &  ils  li- 
vrèrent un  combat  où  ils  lurent  cniiéremcut 
détdits  :  ils  expirèrent  au  milieu  des  plus 
cruels  fupplices ,  avec  tous  ceux  qui  a\oienc 
été  leurs  complices.  (  T-N.  ) 

ARTABAZANE  ,  {Hiji.  de  Pcrfe.)  fils 
aine  de  Darius  ,  roi  de  Pcrfe  ,  étoit  appelle 
par  le  croit  de  fa  naiiîance  au  ircne  de  ion 
père  ;  mais  fon  frère  Xerxès  lui  hit  préféré  , 
parce  qu'il  étoit  né  depuis  l'élévation  de  fon 
père  ,  &;  qu'il  defcendoit  par  Atofa  la 
mère  ,  de  Cyrus ,  fond.iteur  de  l'empire  Per- 
fin  ,  au  lieu  qii' Art aÈd^ane  étoit  né  a-,  ant 
que  Ion  père  fut  revêtu  de  la  pourpre  ,  & 
qu'il  n'avoit  point  du  ccté  de  la  mère  une 
origine  royale.  Leurs  droits  furent  difcu- 
tés  au  tribunal  de  Darius  ,  lelon  Tufage 
des  rois  de  Pcrfe  ,  qui  avant  de  mourir  , 
déiîgnoient  leurs  fuccclfeurs.  Dès  que  l'ar- 
rêt qui  donnoit  la  préférence  à  Xeixes  eut 
été  prononce  ,  Artabay^ne  fe  profterna  de- 
vant fon  frerc  ,  &:  le  reconnut  pour  fon 
roi.  Il  donna  pendant  le  cjurs  de  fi  vfc 
u:;  e;.emple  d;  la  .hi;!::;  qu'eu  dci;  à  Jis 


J04  ART 

maîtres ,  &  le  premier  fujec  fut  le  plus  fou- 
mis  :  il   fut  tue  à  la  bataille  de  Salamine. 

iT-N.) 

ARTABAZE  ,  (  HiJI.  de  Fcrfe.  )  Perfe 
d'origine  ,  excita  une  rébellion  dans  Ton 
gouvernement  ,  moins  pour  fatisfaire  fon 
ambition  ,  que  pour  n'être  pas  la  vidlime 
des  fureurs  de  ion  maître.  Ôchus,  roi  de 
l'erfe  ,  ne  femblcit  armé  du  pouvoir  que 
pours'abnndonner  impunément  à  la  cruauté 
cle  Tes  pcnchans.  Ce  fut  fur  (es  généraux 
Se  fes  domeftiques  qu'il  ht  l'eflài  de  fes  fu- 
reurs. Enfuite  il  fe  fouilla  du  fang  de  fon 
oncle  &  de  celui  de  cent  de  fes  fils.  Il 
eut  la  férocité  de,  faire  enterrer  fa  fœur  vi- 
vante. Tant  d'atrocités  le  rendirent  l'objet 
de  l'exécration  publique.  Artal'a':{e  profita 
de  la  difpofition  des  efprits  pour  le  rendre 
indépendant  dans  fon  gouvernement.  Il 
attira  dans  fon  parti  Charès  ,  général  des 
Athéniens  ,  qui  tailla  en  pièces  foixante 
mille  hommes.  Le  monarque  menaça  les 
Athéniens  de  fes  vengeances  ,  s'ils  ne  rap- 
pelloient  leur  général.  Cette  menace  pro- 
duifit  fon  effet.  Artaba^e  abandonné^  des 
Athéniens  ,  eut  recours  aux  Théb.iins  qui 
lui  fournirent  50CO  hommes  avec  le'.quels 
il  remporta  deux  viéloires.  L'argent  d'O- 
chus  fit  ce  que  fes  armes  n'avoient  pu  exécu- 
ter. Trois  cents  talens  com.ptés  aux  Thébains 
les  engagèrent  à  trahir  un  allié  qui  n'ctoit 
pas  aflèz  riche  pour  les  payer.  ArtakT^i  , 
privé  de  leur  fecours ,  fe  réfugia  chez  Phi- 
lippe de  Macédoine  ,  auquel  il  révéla  le  (e- 
cret  de  fubjuguer  la  Perfe  dont  il  connoif- 
foit  la  foiblelic  ,  ce  fut  fur  le  plan  qu'il 
traça,  qu'Alexandre  ,  quelque  temps  après  , 
en  fit  la  conquête.  (  T-n.) 

ARTABE  ,  f.  m.iWJl.  anc.)  forte  de 
mefure  dont  fe  fervoient  les  Babyloniens , 
&  dont  il  e(t  fait  mennon  dans  Daniel ,  c. 
xiv,  V.  1 ,  où  il  eft  dit  que  les  prêtres  de  Bel , 
dont  ce  prophète  découvrit  l'impofture  , 
ofTroicnt  tous  les  jours  à  ce  dieu  douze  ar- 
tabes  de  vin.  L'arfabe  contenoit  foixante- 
douze  feptiers  ,  félon  S.  Epiphane  ,  t/e  po/j- 
derib.  &  menf.  &  Ifidore  de  SéviUe,  Ai.  XVI, 
oric;.  diclion  de  la  bibl.  tom.  I ,  p.  XXJ .  (G) 
ARTABRI ,  (  Géographie)  peuple  d'Ef- 
pagnc  ,  aux  environs  du  promontoire  Nc- 
rium  ,  aujourd'hui  le  cap  Fùiifterc  en  Gali- 
pe.  C  i>.  G.  ) 


ART 

ARTAGABANE  ,^  (  Géogr.)  ville  d'A- 
llé ,  dans  l'Arie  ,  oi!i  les  ancicns^éogra- 
phes  en  placent  encore  une  du  nom  d'Ar- 
catane ,  8c  qui  n'efl:  peut-être  que  la  même. 
(D.G.) 

ARTACE  ,  aujourdhui  ARTAKUI  , 
(  Géogr.  )  ville  d'Aiie  ,  dans  la  Natolie  , 
&  fituée  dans  une  prefqu'ile  de  la  Propon- 
tide  ,  où  réhde  un  des  principaux  archevê- 
ques de  l'églKe  greque  en  Turquie.  Cette 
prefqu'ile  étoit  autrefois  l'île  même  de 
Cyzique  ,  &  elle  produit  de  très-bon  vin 
blanc.  Une  forteiellê  de  la  Bithynie  &  une 
ville  d'Arménie  ont  auiïî  porté  le  nom 
à'Artace.  {D.G.) 

ARTJiA  ,  (  Géogr.  )  contrée  de  la  Per- 
fe ,  d'après  laquelle  tous  les  Perfes  ne  fai- 
foient  même  pas  de  difficulté  de  fe  dénom- 
mer. CZ).  G.) 

ARTAGERA  ,  (  Géogr.  )  ville  d'Afie  , 
dans  l'Arménie  :  quelques-uns  veulent  que 
ce  (oit  la  même  qu'Artaxate  ,  capitale  du 
pays.  {D.G.) 

ARTAJON  A ,  (  Géog.  )  petite  ville  d'Ef- 
pagne  ,  dans  la  Navarre ^  &  dans  la  Merin- 
dade  d'Eftalla.  Elle  eft  environnée  d'un  vi- 
gnoble très-fertile.  {D.G.) 

^  ART  AMENE ,  f.  m.  terme  dejleurifle  ; 
c'eft  un  œillet  brun  ,  fur  un  fin  blanc  ga- 
gné del'orfeline.  Il  vient  petit  :  mais  fa  plante 
eftrobufle,  &  fa  marcotte  vigoureufe.  Trahi 
des  fleurs. 

ARTAMIS ,  { Géog.)  rivière  d'Afie,  dans 
la  Baftriane.  {D.G.) 

ART  ANES  ,  (  G<V.  )  rivière  d'Afie  , 
dans  la  Bithynie.  {D.G.) 

ARTASI,  {Géogr.)  ville  de  la  Turquie 
en  Aile  ,  dans  le  gouvernement  de  Giurdif- 
tan  :  elle  eft  peu  conhdérable.  L'hiftoire 
des  croifàdes  fait  mention  d'une  autre  ville 
de  même  nom ,  laquelle  étoit  fituée  en  Syrie , 
&:  fut  prife  aux  Turcs  par  les  chrétiens  , 
ious  la  conduite  de  Robert  de  Flandre. 
{D.G.) 

*  ARTAXATE  ou  ARDACHAT, 
(  Géog.  anc.  ù  Hifl.  )  capitale  ancienne  de 
l'Arménie ,  fur  l'Araxe,  appellée  dans  la  fuite 
Néronéc.  Il  n'y  en  a  plus  aujourd'hui  que 
quelques  ruines  ,  qui  confiftcnt  en  une  fa- 
çade de  bâtiment ,  à  quaue  rangs  de  co- 
lonnes ,  de  marbre  noir  ,  A'  quelques  au- 
tres morceaux  du  même  édifice.  Les  habi- 
tons 


A  Ps.  T 

tans  du  p.iys  appellent  cet  amas  de  maté- 
riaux taclcrJat ,  eu  le  trône  de  Tiridat. 

ARTAXFRXES  Longue-main  ,(/£//?. 
de  Pcrfe.  )  Ce  prince  luriiommé  Longue- 
main,  à  ciufe  qu'il  avoit  la  main  droite  plus 
longue  que  la  gauche ,  fut  magnifique  &c 
bienfailant  :  quoiqu'il  ne  fût  que  le  troi- 
(ieme  fils  de  Xerxcs ,  il  fut  fon  l'uccelîeur  au 
trône  de  Perfe.  Darius ,  (on  aine ,  avoir  été 
enveloppé  dans  le  meurtre  de  fon  pcre  , 
allàiriné  pir  Artabane  ;  &  Hydalpe,  que 
la  niillàncc  appelloit  à  la  couronne  ,  étoit 
alors  trop  occupé  dans  la  I3a6triane  pour 
faire  valoir  les  droits.  Artabane  ne  plaça 
Artaxerxes  fur  le  trône  que  pour  en  faire 
bientôt  (a  viârime;  mais  il  fur  prévenu  dans 
ksdelTeins  criminels  ,  &  quand  il  étoit  prêt 
de  les  exécuter  ,  il  fut  adàlTiné  lui-ro-^me. 
Les  lemences  des  troubles  de  la  Pcnfe  ne 
furent  pas  étouffées  dans  Ion  Hmg  ,  il  lui 
reftoit  (ept  fils  aulTi  ambitieux  que  lui.  Ar- 
taxerxes ardent  à  venger  la  mort  de  fon 
père ,  marcha  contre  les  entans  de  ion 
meurtrier ,  qu'il  crue  devoir  immoler  à  les 
mânes  :  il  leur  livra  une  bataille  où  tous  fu- 
rent exterminés.  Dès  qu'il  fe  vie  débarrallé 
d'ennemis  au iFi  redoutables,  il  taurna  fes 
«rmes  vers  fon  frère ,  dont  la  nature  lou- 
tint  mal  les  droits.  ^4/7i2:rerxej  vainqueur  fe 
Tit  paihblc  pollelleur  d'un  empire  qu'il  étoit 
digne  de  gouverner  ;  les  gouverneurs  dont 
la  fidélité  étoit  fufpeéle  ,  furent  dépofés  ; 
ceux  qui  furent  convaincus  de  tyrannie  & 
d'exadions,  expirèrent  dans  les  (upplices; 
les  moins  coupables  furent  notés  d'infamie , 
punition  plus  cruelle  que  la  mort  ,  pour 
ceux  qui  confervent  un  •  relie  de  pudeur. 
Les  abus  réformés ,  &  les  tyrans  fubal- 
ternes  punis ,  lui  méritèrent  l'amour  de  fes 
fujets  ,  qui  ell;  la  récompcnfe  des  bons  rois  , 
&  le  fondement  inébranlable  de  leur  pouvoir. 

Ce  fut  lous  fon  règne  que  Thémiftocle  , 
fugitif  d'Athènes ,  fut  chercher  un  afyle 
dans  la  Perfe  ,  où  û  tête  avoit  été  mife  à 
prix.  Artaxerxes  ,  religieux  obfervatcur  des 
droits  de  l'hofpitalité  ,  révoqua  l'arrêt  de 
la  prolcription  ,  &i  rendit  grâce  à  fon  dieu 
Oromaze  ,  d'avoir  pour  hôte  un  guerrier 
qui,  après  avoir  ébranlé  le  trône  de  la 
Perfe  ,  étoit  capable  d'en  augmenter  La 
fplendeur.  Il  eut  plufieurs  entretiens  avec 
lui  pour  découvrir  quels  ctoient  les  rcllbrts 
Tvme  III, 


ART  50y 

de  la  puiflance  de  la  Grèce,  &:  les  vices 
de  la  conliicution  ,  &  fatisfait  de  fes  con- 
seils ,  il  lui  aiîigna  des  revenus  confidéra- 
bles  pour  vivre  avec  magnificence.  Cimon 
l'Athénien  cnlevoit  alors  à  la  Per(e  fes  plus 
riches  provinces  :  Eione  ,  Sefte  ,  Amphipo- 
lis  &:  Bizance  ,  furent  fes  conquêtes  :  tout 
le  pays  d'Ionie  ,  ju'qu'en  Pamphilie  ,  pallà 
fous  la  domination  des  Athéniens  &  de 
leurs  alliés.  La  flotte  A' Artaxerxes  ,  com- 
pofée  de  trois  cents  cinquante  voiles  ,  fut 
battue  &  dilTipée  à  l'embouchure  du  fleuve 
Eurimedon,  dk  la  conquête  de  la  Cherlo- 
nele  de  Thrace  fut  les  fuites  de  la  victoire 
de  Cimon.  Cette  guerre  fournit  p'uiîeurs 
exemples  qui  prouvent  que  la  domination 
des  rois  de  Perle  devoir  être  bien  douce , 
puifqu'on  y  voit  ce  même  enthoufialme  de 
citoyen  qui  n'embrafe  ordinairement  que 
le  républicain.  Les  infulaircs  de  Thaïe , 
alTiégés  par  les  Athémens,  décernèrent  pei- 
ne de  mort  contre  le  premier  qui  parleroit 
de  fe  rendre  :  ils  foutïrirent  pendant  trois 
ans  toutes  les  horreurs  d'une  ville  alliégée  ; 
les  femmes  s'élevant  au  dellus  des  foiblel- 
fes  de  leur  fexe  ,  ne  le  cédèrent  point  aux 
hommes  en  férocité  ;  on  manquoit  de  cor- 
des pour  faire  agir  les  machines ,  elles  cou- 
pèrent leurs  cheveux ,  &  conlacrerent  à  cet 
ufage  leurs  plus  chères  dépouilles.  Quand 
la  famine  n'offrit  plus  aux  afTîégés  que  la 
rellôurce  de  mourir,  un  des  habitans ,  nom- 
mé Hegetoride  ,  paroit  dans  l'allemblée  du 
peuple  ,  la  corde  au  cou ,  &  dit  :  chers  com- 
patriotes ,  difpofez  de  ma  vie  ,  je  vous  l'a- 
bandonne ,  (î  vous  croyez  que  mon  fang 
vous  puiflé  être  utile  ;  mais  du  moins  fau- 
vez  le  refle  du  peuple ,  en  abrogeant  une 
loi  meurtrière  qui  vous  défend  de  traiter 
avec  les  arbitres  de  votre  dellinée.  Les 
Thaiiens,  pleins  d'admiration ,  abolirent  la 
loi  qu'il  venoit  d'enfreiiidre;  la  ville  ouvrit 
fes  portes  aux  Athéniens,  qui  relpedlerent 
la  vie  &  les  biens  des  habitans.  Bogés ,  gou- 
verncLU  d'Ione  fur  le  Strimon  ,  donna  dans 
le  même  temps  un  exemple  de  fidélité  pour 
fesm-iicrcs  ;  il  futaffiégé  par  les  Athéniens  , 
&  quoiqu'il  fût  dans  l'impuillancc  de  fe 
défendre  ,  il  crut  que  fon  honneur  lui  prcf- 
crivoitde  mourir  d.ms  le  pofce  qui  lui  avoit 
itéailigné;  il  tit  r>.l1embler  tout  l'or  <Jc  l'ar- 
gent qu'il  trouva  cbnsla  ville,  &  le  lit  jeter 

Ppp 


jo^  ART 

dans  le  fleuve  Strimon ,  ne  voulant  pas  qu'il 
fût  la  récomptnfe  des  ennemis  de  fon  roi. 
Après  ce  premier  facritîce  ,  il  égorgea  la 
femme ,  iès  enfims  &  fes  efclaves ,  &c  teint 
de  leur  fang ,  il  le  précipita  dans  un  bû- 
cher qu'il  avoit  fait  préparer.  Les  républi- 
ques n  offrent  point  un  exemple  plus  frap- 
pant d'amour  pour  la  patrie  ;  &  quand  on 
voit  des  hommes  prêts  à  tout  fouffrir  pour 
vivre  dans  la  dépendance  d'un  maître,  on 
doit  propoilr  leur  exemple  aux  rois ,  pour 
leur  apprendre  à  mériter  de  fi  grands  facri- 
irces:  ces  efforts  d'une  vertu  portée  jufqu'à 
h  férocité ,  font  l'éloge  de  la  bonté  à.'Ar- 
jaxerxes. 

Les  Egyptiens  étoîent  toujours  indociles 
&   rebelles  :  nés  pour  être  efclaves ,  ils  ne 
fdngeoient  point  à  brifer  leurs  fers ,  ils  ne 
vouloientque  changer  de  maîtres.  Ils  fe  for- 
tifièrent de  l'alliance  des  Athéniens,  &   fe 
crurent  affez  puiilans  pour  s'affranchir  de 
la  domination   des   Perfes.   Artaxerxes  fit 
marcher  contre  eux  fon  frère  Archemenide , 
à  la  tête  de  trois  cents  mille  hommes  ;  cette 
îirmée  fut  défaite ,  &  les  débris  s'en  raflèm- 
blerent  dans  Memphis ,  où  ils  furent  aflié- 
gés  pendant  trois  ans;  ils  furent  enfin  déli- 
vrés par  une  nouvelle  armée  qu'on  envoya 
à  leur  fecours.  Il  y  eut  alors  un  fécond  com- 
bat, où  Inare  ,  que  les  Egyptiens  avoient 
«lu  pour  leur  roi ,  perdit  la  vie.    Sa  mort 
rendit  le  calme  à  l'Egypte.  Les  vengeances 
exercées  contre  les  rebelles  furent  une  nou- 
velle femence  de  guerre  ;  Megabife  s'étoit 
engagé  par  ferment  à  conferver  la  vie  des 
prifonniers  ;  la  mère  à' Artaxerxes   exigea 
qu'on  les  lui  livrât  pour   les  immoler  aux 
mânes  de  fon  fils  Achemenide ,  tué  dans  le 
combat ,  &:  dès  qu'elle  les  eut  en  fon  pou- 
voir ,  elle  les  fit  tous  crucifier.  Megabife 
indigné  de  ce  qu'on  l'avoir  rendu  parjure  , 
fe  retira  dans  fon  gouvernement  de  Syrie , 
où  levant  l'éterdard  de  la  rcbellion,il  ébranla 
le    trône  de  fon  maître  ;  les  armées  à'Ar- 
"lapçcrxes  furent  défutes  dans  plufieurs  occa- 
sions ,  &  il  fillut  recourir  à  la  négociation 
pour  le  faire  rentrer  dans  fon  devoir.    Ce 
Jiit  dans  la  vingticme  année  du  règne  à' Ar- 
taxerxes ,  que  ce  prince  envoya  Nchémie , 
fon  éçhanfon ,    avec  le    titre   de    gouver- 
neur, pour  rebâtir  les  murs  de  Jérulalem 
^ui  n'Avoient  pu  encoit  être  rétablis ,  mal- 


A  RT 

gré  les  e'dits  de  Cyrus  &c  de  Darius ,  fils 
d'Hyftafpe  ,  &  la  proteftion  déclarée  de  ces 
deux  rois  pour  le  peuple  juif. 

Artaxerxes,  fatigué  d'une  guerre  onéreufe 
à  fon  peuple ,  la  termina  par  une  paix  qui 
rendit  aux  villes  greques  d'Afie  leur  liber- 
té ,  leurs  loix  &  leur  ancienne  forme    de 
gouvernement.  Ce  traité  ,  dont  les  condi- 
tions paroiflent  avoir    été    diftées  par   les 
Grecs ,  eft  un  monument  de  la  fupériorité 
d'un  peuple  qui  combat  pour  (on  indépen- 
dance, fur  une  nation  avilie  par  l'efclavage. 
Un  événement  qui  fait  honneur  aux  fcien- 
ces ,  penfa  devenir  la  femence  d'une  nou- 
velle   guerre.    La  réputation  du    médecin 
Hippocrate  avoit  pénétré  jufqu'aux  extré- 
mités de  la  Perfe  :  Suze  ,  frappée  de  la  pefte , 
avoit  befoin  d'une  main   lubile   pour    dé- 
tourner ce  fléau  ;  Artaxerxes  le  foUicita  de 
venir  au  fecours  de  (es  (ujcts  fouffrans,  & 
il  crut  l'éblouir  par  l'éclat  de  fes  promeflès. 
Les  Grecs  avoient  une  avcrlion   invincible 
contre  les  barbares;  Hippocrate  étoit  iuf- 
ccptible  de  cette   antipathie    nationale;  ôc 
(upérieur  à  tout  ce  qui  peut  tenter  l'avarice 
&  l'ambition  ,    il  répondit    au  monarque 
Afiatique  ,  qu'étant  fans  defirs  &  ("ans  be- 
foins ,  il  devoit  fe    confacrer   au  foulage- 
meHt  de  fes  concitoyens ,   préfcrablemcnt 
à  des  étrangers ,  ennemis  de  fa  patrie.  Une 
réponfe  (i  fiere  irrita  l'orgueil  à' Artaxerxes , 
qui  fomma  la  ville  de  Cos  de  lui  livrer  un 
médecin  infblent  qui  étoit  né  dans  fon  fein  ; 
les  habitans  fendbles  au  facrifice  qu'Hippo- 
crate  leur  avoit  (ait  de  fa  fortune ,  aimè- 
rent mieux  s'expofer  au  relTentiment  d'un 
monarque  puidant ,  que  d'avoir  à  ie  reprocher 
la  honte  d'avoir  été  moins  généreux  que  lui. 
Artaxerxes  éprouva  par  ce  refus  que  les  rois 
ont  louvenc  befoin  d'un  médecin ,  dontla 
dcftinée  plus  heureufe ,    eft  de  pouvoir  iè 
paffer  d'eux. 

La  guerre  du  Péloponefe  depuis  fept  ans 
embraloit  la  Grèce  acharnée  à  fe  détruire; 
les  deux  partis  également  fuigués  d'en  fou- 
tenir  le  po;ds ,  (blliciterent  le  fecours  à' Ar- 
taxerxes, qvà  (eul  pou  voit  faire  penchfr  la 
balance  :  ce  prince  flatté  d'être  l'.irbitre  de 
la  Grèce,  faifoit  des  préparatifs  formida- 
bles pour  donner  plus  de  poids  à  (a  média- 
tion, lorlque  la  mort  l'ei'.lc\a  à  la  Perle, 
ill  fut  fans  doute  un  grand  roi ,  puifqu'il  fiic 


ART 

aîmc  de  ^s  fujets,  &c  qu'il  préféra  la  gloi're 
d'être  leur  bienfaiteur ,  à  !a  vanité  d'être 
conquérant.  Quoiqu'il  cultivât  les  lettres , 
&  qu'il  aimât  à  les  récompenler ,  il  man- 
qua d'hiftoricns  pour  nous  tranfmettre  (es 
talens  6c  Ces  vertus;  il  ne  nous  eft  connu 
que  par  les  Grecs,  peintres  infidèles,  dont 
la  jaloule  malignité  déhguroit  les  plus  beaux 
traits  de  l'étranger.  Xerxès  qui  lui  luccéda 
fut  le  fcul  fils  qu'il  eut  de  fa  femme  légi- 
time ,  mais  il  en  eut  dix-lept  autres  de  les 
concubines  :  les  loix  ,  en  réglant  l'ordre  des 
fucccfllons ,  prévenoient  les  abus  de  l'incon- 
tinence. Un  monarque  entouré  de  femmes 
dévouées  à  fes  plailirs ,  s'abandonnoit  à  la 
licence  de  fes  penchans ,  (ans  compromet- 
tre fa  gloire  ;  une  poftérité  nombreufe  étoit 
honorable ,  &c  la  ftcrilité  imprimoit  une 
efpcce  d'opprobre  qu'il  écoit  doux  de  pré- 
venir. L'évangile  a  reétifié  cette  façon  de  pen- 
(er,  quoiqu'il  ait  élevé  le  mariage  à  la 
dignité  de  facrement ,  il  nous  apprend  à 
regarder  le  célibat  chrétien  comme  un  état 
plus  parfait  qu'une  union  charnelle ,  qui  fè 
propole  de  perpétuer  l'elpece  humaine ,  Se 
ac  donner  des  habirans  à  la  terre.  (  T-n.  ) 
Artaxerxes  II.  (  Hijf.  de  Perfe.  )  étoit 
fils  d'Ochus,  qui ,  à  fon  élévation  au  trône , 
avoir  pris  le  nom  de  Darius  Nothus.  Etant 
auprès  de  (on  pare  prêt  d'expirer ,  Artaxer- 
xts  lui  demanda  par  quel  (ecrct  il  n'avoir 
éprouvé  que  des  profpérités  pendant  un 
tcgne  de  dix-neuf  ans  ;  j'ai ,  répondit  le 
monarque ,  toujour  s  pratiqué  ce  que  la  j  uilice 
&  la  religion  exigeoicnt  de  moi.  Le  nou- 
veau roi  en  montant  fur  le  trône  eut  (a 
famille  &  des  rebelles  \  punir  ;  fon  frère  Cyrus 
qui  avoir  formé  le  projet  de  l'allafTincr ,  fut 
découven  &  condamné  à  la  mort  ;  mais  le 
monarque  clément ,  à  la  follicitation  de  fa 
mère ,  le  renvoya  dans  fon  gouvernement 
de  l'Afie-mineure.  Cyrus  fcndble  à  l'affront 
d'avoir  été  condamné  à  la  mort,  oublia 
qu'il  lui  avoit  pardonné.  Il  leva  une  armée 
de  cent  mille  barbares ,  &  les  Lacédémo- 
niens  lui  fournirent  encore  des  troupes  ôc 
des  vailleaux  ;  cette  armée ,  après  une  mar- 
che de  cinq  cents  lieues ,  qu'elle  exécuta  en 
quatre-vingt-treize  jours,  arrive  dans  les 
plaines  de  Babylonc ,  où  elle  trouva  Arta- 
xerxes prêt  à  lui  livrer  bataille.  Les  Grecs 
atuqueut  avec  caat  d'impétuolîté ,  que  l'aile 


ART  507 

qui  leur  eft  oppolce  eft  défaite  &:  difperfée  ; 
dans  ce  prcmici  luccès ,  ils  proclament  Cyrus 
roi ,  en  frappant  fur  leurs  boucliers;  ce  jeune 
prince  appcrçoit  (on  frère ,  il  fond  fur  lui  , 
tue  le  capitaine  de  (es  gardes ,  &:  eft  tué  à 
(on  tour  par  Artaxerxes  d'un  coup  de 
javelJic  :  la  rébellion  fut  éteinte  dans  Ion 
lang. 

La  cour  de  Perfe  offrit  encore  une  Icene 
au  (Il  fanglante.  Artaxerxes  avoit  époufc 
Statira  ,  dont  le  frère  étoit  mari  d'Amef- 
tris ,  fœur  du  monarque;  ce  frère,  pour 
allouvir  une  palïion  inccftueule  donc  il  brû- 
loir pour  (a  (œur ,  eOaya  d'cmpoilonncr  (on 
époule  Ameftris  :  il  fut  découvert  &  puni. 
Safimille,  qui  n'avoir  poitit  eu  de  part  à 
fon  crime ,  fut  enveloppée  dans  fon  châti- 
ment ,  &  Suze ,  au  milieu  de  cette  confu- 
fion  ,  fut  le  théâtre  des  inceftes ,  des  adul- 
tères, des  meurtres  &  des  empoil'onnemens. 

Ce  fut  après  la  défaite  de  Cyrus ,  que 
les  Grecs  firent  cette  belle  retraite  célèbre 
fous  le  nom  de  la  retraite  des  dix  mille.  Arta- 
xerxes ne  vouloir  partager  avec  perfonne 
le  cruel  honneur  d'avoir  rué  fon  frère  ;  un 
Carien  qui  fe  %'anta  de  lui  avoir  porté  le  pre- 
mier coup ,  fut  livré  à  Parifatis  qui  avoic 
juré  la  perte  de  ceux  qui  avoient  eu  parc  à 
la  mort  de  fon  fils  :  ce  foldat  malheureux  , 
fans  être  coupable,  éprouva  pendant  huit 
jours  les  tourmens  les  plus  horribles,  &  i! 
ne  céda  de  foufîrir,  qu'en  ceflant  de  vivre. 
L'eunuque  qui,  par  l'ordre  de  fon  maî- 
tre ,  avoic  coupé  la  têre  &  la  main  à  Cyrus  , 
fut  écorché  tout  vif  Artaxerxes  opprima  les 
Grecs  de  l'Afie-mineure ,  pour  les  punir  du. 
fecours  q«'ils  avoient  prêté  à  fon  frère.  La 
rivalité  qui  divifoit  fes  généraux ,  s'oppofi 
aux  profpérités  qu'il  devoit  fe  promettre  de 
la  fupériorité  de  fes  forces  contre  une  poi- 
gnée de  Lacédémoniens  ;  il  fe  fortifia  de 
l'alliance  des  Athéniens,  jaloux  de  la  gran- 
deur de  Sparte.  Ils  lui  envoyèrent  ConoH 
pour  commander  fa  flotte  fur  les  côtes  de 
Phénicie  &  de  Syrie.  Les  Spartiates  ,  fous 
les  ordres  de  Defcylhdas ,  pénétrèrent  dans 
la  Carie  ;  &  d'un  autre  coté ,  Agclas  ,  avec 
une  autre  armée ,  parut  devant  Ephefe  avant 
qu'on  eût  une  armée  à  lui  oppoler  :  rien  ne 
s'oppofa  à  fes  conquêtes ,  &  les  Perfes  n'eu- 
rent d'autre  reffourcc,  que  de  s'abaiflèr  à 
demander  b  paix  qui  leur  fut  refrifée.  Arta* 


5oS  ART 

xerxes  étolt  pcrfiiadi;-  qu'il  ne  "pouvoir  dé- 
truire les    Grecs  qu'en  les  armant  les  uns 
contre  les  autres  ;  il  eut  plus  de  confiance 
dans  fon  or  que  dans  Tes  loldats.  Tliebcs  ,  i 
Argos,  Corinthe,  corrompus  par  les  lar- 
gelVes,    traliirent  la  cnufe  comrnune   de  la 
Grèce.  La  flotte  Perfane ,  fortihce  de  celle 
«  de  fcs  alliés,  mit  à  la  voile  fous  les  ordres 
de  Conon  ,  il  y  eut  une  action  fanglantc 
près  de  Cnide,  ville  de  l'Alie ■  mineure  i  la 
mort  du  général  des  Lacédcmoniens  mit  le 
déiordre  iur  leur  flotte  :  cir.quante  tie  leurs 
vailleaux  furent  coulés  à  fond,  &:  leurp'las 
grande  perte  fut  la  défedion  de  leurs  alliés. 
La  politique  à'Arîûxerxes  danstoute  cette 
guerre  Fut   de  femer  la  divilîon  parmi  les 
Grecs,  &  d'appuyer  les  uns  pour  atToiblir 
les  autres.  Ce  prince  devenu  l'arbitre  de  la 
Grèce,  fans  en  prendre  le  titre ,  exigea  que 
pour  dédommagement  des  dépenfes  de  la 
guerre ,  toutes  les  villes  greques   de  l'Alie 
lui  feroicnt  foumifes;  de  de  toutes  les  îles, 
il  ne  fe  réicrva  que  Chypre  &  Clazomene  ; 
ce  fut  à  ce  prix  qu'il  conlentit  à  rendre  la 
liberté  aux  autres  villes  pour  vivre  chacune 
fous  leurs  loix  -,  Cyros,  Lemnos  &  Imbros , 
furent  reraifes  aux  Athéniens,    &  chaque 
peuple  qui  avoit  été  de  Tes  alliés  eut  part  au 
partage  ;  ce  fut  ainfi  qu'affedant  une  modé- 
ration  apparente  ,  il    dida  des   loix    à  la 
Grèce  ,  trop  aifoiblie  par  les  divifions  pour 
ne  pas  y  foufcrire.  Ce  fut  pour  mettre  ce 
traité  en  exécution  qu'il  tourna  fes  armes 
contre  Exagoras,  roi  de  Chypre,  à  qui  il 
vouloir  enlever  fon  ile;  cejprince,  pollef- 
feur  d'un  petit  ét.at ,  ofi  loutenir  tout  le 
poids  de  la    guerre  ,  contre  un  monarque 
dominateur  de  l'Afie,  &  arbitre  de  la  Grè- 
ce ;  il  fuccomba ,  mais  avec  gloire ,  &  les 
Perfes  forcés   d'admirer  fa  magnanimité  , 
le  laiOcrenr  poddfeurde  Salamine.  La  Perfe 
.triompliante  au  dehors,  avoit  au  dedans  un 
vice  deconlliturionquiannonçoit  fon  dcpé- 
lifl'ement;  les  rebellions  éteintes  croient  la 
femence  d'une  nouvelle.  Goas  voyant  dans 
les  fers  Teribafe ,  dont  il  avoit  époufé  la  fille , 
crair,nit  d'être  enveloppé  dans  la  disgrâce; 
i\  lui  p.Trut  plus  siir  d'être  rebelle  ,  que  de 
.^'abandonner  à  la  discrétion  de  les  calom- 
.r.iarcurs  ;  toute  la  milice  le  déclara  pour  lui  ; 
l'Egypte  lui  fourriit  des  troirpcs ,  &  les  Lacé- 
.démonicns ,  à  qui  il  promit  l'cnipiie  de  la 


A  RT 

Grèce  ^  fe  laifi'crcnc  éblouir  par  fcs  promefles: 
tout  annonçoit  dans  la  Perle  une  prochaine 
révolution ,  lorfque  Go.as  lut  alLiHiné  piT 
un  de  les  ofticieis  :  fa  mort  dillipa  l'orage  i 
mais  il  s'en  éleva  un  autre  aulfi  cftray  uu. 
Les  Caduliensqui  habitoient  entre  le  l'ont- 
Euxin  &:  la  m,er  Calpienne  ,  étoient ,  comme 
tous  les  peuples  pauvres,  hers  i5c  belhqiieuxi 
ils  ne  vouloicnt  s'alîujetcir  qu'à  leurs  ulages, 
&  frémilloiei'.t  au  nom  d'un  maître  •■,  6i 
comme  les  Perfes  n'avoient  aucun  ritre  pour 
leur  commander,  ils  ne  le  croyoient  point 
obligés  d'obéir. 

yîr^ûxerxcs  marcha  contre  eux  avec  une 
armée  de  trois  cents  mille  hommes  de  pie , 
&  deux  cents  mille  chevaux  ■■,  quoiqu'il  ne 
trouvât  point  de  rebelles  à  cornbattre ,  il 
eut  les  plus  grands  obftacles  à  lurmonter. 
Le  pays  Ikrile  ne  put  fournir  des  fubliltaii- 
es  à  une  armée  li  nombreufe ,  fes  lold, 


ces  a  une  armée  ii  nomDreuie ,  les  loiaats 
furent  réduits  à  ne  vivre  que  des  bêtes  de 
fomme,  în:  la  tête  d'un  âne  fut  vendue  ju!- 
qu'.i  foixante  dr.igmes.   Artaxerxes^  humilié 
d'une  expédition  où  il  falloit  efluyer  des 
travaux  (ans  fruit ,  tourna  les  armes  contre 
l'Egypte,  dont  le  roi  Achoris  lui  oppoia  une 
vigoureufe  rclîftance  ;  Artaxerxçs  qui  avoit 
plus  de  confiance   dans  la  valeur  &.  la  dif- 
cipline    des   Grecs,  que  dans   fcs  propres 
fujers,  voulut  que  leur  nombre  dominât  dans 
fon  armée,  Se  pour  mieux  les  intéreller  à 
G  deftinée ,  il  ordonna  de  rendre  à  leurs 
villes  tous  leurs  privilèges,  <?c  de  les  rétablir 
dans    leur    ancienne  indtp.^ndance  :  cette 
politique  lui  concilia  tous  les  caurs,  &:  loi 
fournit  d'intrépides  défenfeurs.  Yingr  mille 
Grecs,  commandés  par  Iphicrate,  fe  réu- 
nirent à  cent  mille  Perfes  fous  les  murs  de 
Ptolémaïs  \  cette  armée  ,  capable  de  tout! 
exécuter  _,  ne  fit  rien  de  mémorable  ;  la  me- 
lintelligence  des  généraux  s'oppofa  à  toutes 
les  opérations  ;  Iphicrate  fut  accufé  de  cor- 
ruption ,  &  il  accula  à  fon  tour  Pharnabafe 
d'incap.rciîc ,  &  la  Pcrfc  épuifa  fes  trclors 
fans  gloire  &  fans  fruit. 

Douze  ans  après  cette  malheureufe  expé- 
dition ,  la  guerre  contre  l'Egypte  le  ralluma; 
Tachosqui  occupoit  ab.sle  trône  de  Mem- 
phis,  fe  fortifia  de  l'alliance  des  Lacédémo- 
niens ,  qui  lui  fournirent  un  cori>s  de  trou- 
pes commandé  par  Agélilas.  La  Grèce  tut 
Icandalifée  de  voir  un  roi  de  Sparte  à  Ulblde 


ART 

d'uu  roi  baibrrc  ;  ce  l'.éncral  ,  .ipc  de  plus 
de  qu.icrc-vinprs  .ms ,  lliccomb.i  à  I.i  \  .mite 
de  le  voir  l'arbitre  c'a  deux  rois  puill.msi 
mais  dès  qu'il  p.uur  à  la  cour  de  Mcmphis  , 
il  n'cdliya  que  des  d':gonts ,  de  (es  coiifeils 
dédaiLMT-s  f  ivorilcrcnr  les  progrès  des  Perles, 
qui  poulloicnt  leurs  conquêtes  d.Lns  le  (èiir 
ce  ICfjypre  ,  dans  le  temps  que  T-.c'.ios , 
contre  l'avis  d  Agéiilns  ,  failoic  de  la  Phcni- 
cie  le  th^fatre  de  b  guerre  :  Ariaxerxci ,  ac- 
cablé de  chigrins  doiT.eftiques  ,    devtnolt 
chaque  jour  plus  inlenlîble  à  la  gloire  de  Tes 
armes.  Ses  tnians  voyaiît  la  lin  approelier, 
le  dilputoieiit  ion  héritage,  il  en  avoit  cent 
quinze  de  (es  concubines  ,  (S;  trois  d'Arofia  , 
f;r  femme  légitime.  Il  crut  pouvoir  prévenir 
leurs  dividons  eii  dèiignant  (on  (ucccdeur; 
fon  choix  tomba   (ur  l'aine  ,    nommé  Da- 
rius ,  qui  dès  le  moment  fut  couronné  de 
la  thyare ,  &:  prit  le  titre  ele  roi.  Ce  jeui:e 
prince  briiloit  d'un  feu  (ecret  por.r  une  des 
.concubines  de  (on  père  ,  &  lur  le  rei'us  qu'il 
.eduya  ,  il  conçut  l'horreur  d'un  parricide  : 
■il  fut  découvert  &  puni  avec  les  plus  dillin- 
■gués  de  la  Perle ,  qui  s'étoier.t  reridus  fcs 
■complices.  Tant  de  lang  n'étouffa  point  k 
•feu  des  haines  &:  des  révoltes  ;  Ariafpe  &: 
Ochus ,  nés  d'up.  légitime  mariage ,  avoient 
une  égale  am.bition  de  régner;  Ariane  ,  né 
•  d'une  concubine  ,  leur  parut  un  com,péti- 
teur  dangereux.  Le  père  avoit  pour  lui  un 
amour  de  préférence  ,  qui  ctoit  juftifié  par 
fes  moeurs  &  fes  talens  :  Ochus  &  Ariafpe 
fe  débarrallerent  de  (a  concurrence  par  le 
poilon.  Le  père  ,  juftement  irrité,  menaça 
-de  punir  ce  fratricide  ;  Ariafpe  ,  pour  pré- 
venir (on  redèntiment ,  aima  mieux  i"e  don- 
ner la  mort ,  que  de  la  recevoir  de  la  main 
d'un  bourreau.  Anaxerxes  qui  n'avoir  plus 
que  fon  unique  héritier  à  punir  ,  ne  put  Cnr- 
vivre  à  la  honte  de  fa  famille  fouillée  de? 
plus  grandes  atrocités.    Il  mourut  Agé   de 
quatre-vingt-quatorze   ans  ,   dont    il  avoir 
régné  quarante-(ix.  Ce  fut  un  prince  géné- 
reux &  politique  qui  re'pecta  les  loix  ,   la 
juftice  &  les  dieux.  (  T-n.  ) 

Artaxerxe?  Ochus  ,  (  H.'fl.  de  Ferfe.) 
Ce  prince  détedé  des  grands  Se  du  peuple  , 
eiit  trouvé  de  grands  obPiiaclcs  pour  arriver 
au  rrone,  s'il  n'eut  caché  per.d.irit  dix  mois 
la  mort  de  (on  père  :  il  employa  cet  inter- 
valle à  acheter  des  partilans  ,    &  dès  qu'il 


ART  J09 

fe  Crut  .'(Tc7.  pTiin'u^.t ,  il  dor.in  en  Ton  nom 
les  ordres  qui  jusqu'alors  avoient  été  revê- 
tus du  (ceau  de  fon  père.  Les  Perfcs  qui  ne 
voyoient  en  lui  que  le  meurtrier  de  li  fa- 
mille ,  all'.irrerent  le  feu  de  la  révolte  dans 
toutes  les  provinces.  L'Ade  mineure  ,  la  Sy- 
rie, la  Phcnicie  refulcrentde  le  reconnoître 
pour  roi.  Tous  les  gou\  crncurs  des  provin- 
ces furent  déclarés  les  chefs  de  la  révolte. 
Les  nnpors  qu'on  avoir  coutume  de  verlT 
dans  le  tréior  du  roi,  furent  deClinés  à  lui 
taire  la  guerre.  La  rivalité  divil'a  les  chefs , 
&  les  plus  (cditieux  devinrent  les  plus  (ou- 
rnis.  Datnme,  gouverr.eur  de  Cappadoce , 
Iputint  (cul  tout  le  poids  de  la  rébellion  ,  il 
le  rendit  maître  de  la  P.'phLigojiic  ,  où  il  (è 
maintiin  avec  gloire  jufqu'au  moment  qu'il 
(ut  ad.iAmé  par  un  traître  dont  il  avoir  été 
le  bienfaiteur.  Sa  morrlîc  rentrer  dans  l'obéii- 
lar.ce  toutes  les  provinces  qui  ne  recon- 
nurent plus  qu'un  ieul  maître.  Anaxerxes, 
pollelîeur  pailible  de  fes  états ,  n'ufa  de  fon 
pouvoir  que  pour  fe  livrer  à  la  férocité  de 
fes  vengeance^  La  rébellion  qui  venoit  de 
s'éteindre  lui  en  fit  craindre  une  nouvelle 
Tous  ceux  qui  pouvoitnt  la  rallumer  ,  furent 
(es  vidimes  :  il  prononça  un  nrrèt  de  mort 
contre  tous  les  princes  de  (a  fimille  ;  fon 
oncle  fut  invefci  avec  cent  de  fes  (îls ,  & 
tous  périrent  percés  de  flèches.  Ocha  fa 
focur,  dont  il  avoit  époufe  la  hlle  ,  fut  en- 
terrée vivante.  Tous  les  grands  qui  lui  fai- 
foient  om.brage ,  furent  immolés  à  Tes  foup- 
çons  ;  &  aveugle  dans  (on  ambition  ,  il  (cm- 
bloit  moins  vouloir  régner  lur  des  hommes 
que  (ur  des  dé(erts. 

Ce  fléau  de  l'humanité  eut  autant  d'enne- 
mis qu'il  lui  relia  de  fujets.  Artabaze  ,  gou- 
verneur de  PA/ie  mineure ,  donna  le  lignai 
de  la  révolte.  Anaxerxes  fit  marcher  contre 
lui  lojxante  &  dix  mille  hommes  qui  furent 
taillés  en  pièces  par  Charès  ,  général  des 
Athéniens,  parti'ims  de  ce  gouverneur  re- 
+>ille.  Le  monarque  les  menaça  de  les  faire 
repentir  un  jour  d'une  alliance  qui  étoit  im 
attentat  contre  les  traités.  Char:s  fut  rap- 
pelle. Arcabaze  privé  de  la  main  qui  pou- 
voir le  défendre  ,  implore  les  1  hébains  qui 
lui  fournillènt  cinq  mille  hommes  ,  avec 
leiqucls  il  remporta  plul'eurs  vid-oires  :  les 
Thébains  le  laiifeient  corrompre  par  l'or 
d'Artaxerxes.  Trois  cents  talens  qui  leur 


jro  ART 

fiirent  comptés ,  les  rendirent  infidèles  à  leurs 
engagemens  ;  &c  Artabaze  dcfticuc  de  tout 
fecours ,  fe  réfugia  chez  Philippe  de  Macé- 
doine. Sa  retraite  ne  mit  point  (in  aux  trou- 
bles de  la  Perfe  :  les  Sidoniens  &  les  Phéni- 
ciens armèrent  pour  recouvrer  leur  indépen- 
dance ;  &c  ils  taillèrent  en  pièces  les  gouver- 
neurs de  Syrie  &  de  Silicic ,  qui  turent  con- 
traints de  laiflèr  cette  révolte  impunie.  Les 
Cypriots  fuivirent  l'exemple  des  Phéniciens 
rebelles.  Le  roi  de  Carie  fut  chargé  de  met- 
tre tout  à  feu  &  à  lang  dans  leur  île  ,  tandis 
qa' Arraxerxes ,  à  la  tête  de  trois  cents  mille 
hommes  de  pié  &  de  trente  mille  chevaux , 
marchoit  contre  la  Phénicie.  Mentor  le 
Rhodien  ,  que  les  Phéniciens  avoient  mis  à 
la  tête  de  leur  armée ,  fe  fentit  trop  foible 
pour  rédfter  à  cette  multitude  de  combat- 
tans  i  il  laiiit  cette  occalîon  pour  élever  fa 
fortune  aux  dépens  de  l'a  gloire  :  il  offrit  au 
monarque  de  lui  livrer  Sidon  ,  &  de  palier 
à  fon  fervice  avec  le  corps  de  troupes  qu'il 
avoir  à  les  ordres  :  cette  propohtion  tut  ac- 
ceptée -,  &  Artaxcrxes  ne  crut  pouvoir  trop 
acheter  une  II  belle  conquête  &c  un  aulTî 
grand  capitaine  fans  effulion  de  fang.  Les 
Sidoniens  trahis  s'enfermèrent  avec  leurs 
femmes  &  leurs  cnfans  dans  leurs  maifons , 
&  ils  y  mirent  le  feu.  Plus  de  quarante  mille 
habitans  fe  précipitèrent  volontairement  dans 
les  flammes  :  défeipoir  qui  n'a  rien  de  fur- 
prenant  chez  des  peuples  libres ,  que  la  né- 
cetïité  réduit  à  l'alternative  de  mourir  ou  de 
ramper  tous  un  maître, 

La  deftinée  de  Sidon  en  fît  craindre  aux 
autres  une  aulTî  déplorable.  Toutes  égale- 
ment empreflces  à  rentrer  lous  l'obéillancc  , 
implorerentla clémence  du  vainqueur.  Quoi- 
que la  clémence  ne  fût  point  une  vertu  na- 
turelle à  Artaxerxes  ,  il  aima  mieux  les  trai- 
ter en  lujets  qu'en  rebelles ,  parce  que  vou- 
lant porter  la  guerre  en  Egypte  ,  il  lui  eût 
été  dangereux  de  faire  des  mécontens  : 
il  étendit  la  générotîté  jufque  lur  les  Cypriots 
qu'il  laiilà  fous  la  domination  paifible  de 
leur  roi.  Après  avoir  pacifié  Chypre  &  la 
Phénicie  ,  il  marcha  contre  l'Egypte  avec 
trois  armées ,  dont  une  feule  eût  été  fuffifante 
pour  en  faire  la  conquête.  Neétanebe ,  qui 
en  occupoit  alors  le  trône  ,  avoit  des  forces 
beaucoup  inférieures  ;  mais  il  mettoit  fa  con- 
fiance dans  des  étrangers  mercenairies ,  dont 


ART 

la  guerre  étolt  le  métier  &  Tunique  refl 
lourcc.  Mentor  qui  commandok  l'armx 
ptr.ane  ,  fit  publier  que  fon  maître  ,  nxigni- 
nqae  dans  tes  récompenfes  &:  terr'ble  dans 
fcs  châtimens  ,  exigeoit  une  oL'i'lànce 
prompte ,  &c  qu'il  làuroic  punir  fevérement 
les  téméraires  Se  les  rebelles.  Les  étrangars 
corrompus  par  les  largelfes,  trahirent  Nec- 
tanebe  ,  &  turent  renvoyés  dans  leurs  payg 
chargés  de  préfens.  Artûxcrxes  s'en  retourna 
triomphant  à  Babylone  qu'il  enrichit  des 
dépouilles  de  l'Egypte  ;  quand  il  n'eut  plus 
d'étrangers  ni  de  rebelles  à  combattre,  il 
s'allbupitdans  les  plus  rebutantes  débauches, 
le  repolant  du  foin  de  l'empire  lur  l'eunuque 
Bagoas  &  lur  Mentor  le  Rhodien.  L'eunu- 
que qui  étoit  Eg^'ptien,  étoit  au  lÏÏ  attaché 
aux  fuperftitions  de  ton  pays ,  que  ton  matrc  ' 
les  trouvoit  avilillàntes  ;  &ce  fut  pour  ven-' 
ger  la  religion  &  ton  pays ,  autant  que  par 
ambition  ,  que  cet  eunuque  fi  nt  un  devoir 
de  l'empoifonncr  avec  touce  la  famille  royale. 
(  T-N.  ) 

AB.TAXIAS  ,  (  HiJIoire  ancienne.  )  lieu- 
tenant d'Antiochus  le  grand  ,  profita  de» 
dillcntions  de  la  mûîon  des  Séleucides 
pour  le  rendre  indépendant  dans  l'Armé- 
nie ,  dont  fes  fervices  lui  avoient  mérité 
le  gouvernement  ;  il  rechercha  l'alliance 
des  Romains  qui  le  maintiiu^ent  dans 
Ion  iilurpation  qu'il  affermit  lui-m^-me 
par  les  manières  affables  Se  populaires  } 
&  ta  domination  s'étendit  fur  tout  le  jiays 
litué  entre  la  Cappadocc ,  l'Ibérie ,  la  Mé- 
die  &  la  Méfopotamie.  Pofletlcur  paitiblc 
de  cette  région ,  il  vit  Ion  alliance  recher- 
chée par  Pharnace  ,  roi  de  Pont ,  &  par 
Eumenc ,  roi  de  Pergame  ,  qui  fe  faifoienC 
une  guerre  fanglante  ,  où  les  Syriens  étoienc 
entrés  pour  favorilcr  Pharnace.  Les  Ro- 
mains ,  arbitres  des  querelles  des  rois  de 
l'orient  ,  leur  ordonnèrent  de  dépofer  les 
armes.  Les  hoftilités  celferent  ;  ëc  dans  le 
traité  de  paix ,  dont  ils  didlerent  les  condi- 
tions ,  le  titre  de  roi  d'Arménie  fut'confiiimc 
à  Artaxias  ;  dès  qu'il  eut  un  titre  pour  ré- 
gner ,  il  fit  de  fa  province  «n  empire  flo- 
rillànt.  La  ville  d'Artaxatc  dont  il  jeta  les 
fondemens  ,  devint  la  capitale  de  ce  nouvel 
empire  &:  la  rélidencc  des  rois.  Annibal 
qui  avoit  une  haute  idée  de  fon  courage 
&;  de  fes  taleiis ,  fe  rendit  à  fa  coui  dans 


ART 

l'e/poir  de  l'afTocier  à  fon  rcOentiment  con- 
tre les  Romains.  Arraxias  plus  jaloux  d'af- 
fermir la  puillance  que  de  faire  des  coii- 
qujccs  nouvelles ,  le  tr.iiu  honorablement 
lans  fe  lailler  léduire  par  les  promelles. 
Quelque  temps  après ,  Antiochus  Epiphane 
lui  redemanda  les  provinces  qu'il  avoit  uiur- 
pécs.  La  guerre  ie  ralluma.  Anaxias  per- 
dit une  bataille  lans  rien  perdre  de  (a  gloire; 
il  tomba  au  pouvoir  du  vainqueur ,  Zc  mou- 
rut dans  la  captivité  :  <a  détention  ni  la 
mort  ne  changèrent  point  le  deftin  de  l'Ar- 
ménie qui  forma  pendant  117  ans  un 
royaume  indépendant  (ous  quatorze  rois 
defcendus  à'Artaxias.  (  T-N.  ) 

*  ARTEMIS  ,  (  Myth.  )  furnom  fous 
lequel  Diane  écoit  adorée  en  plulieurs  en- 
droits de  l'Afie  mineure  &  de  la  Grèce. 

ARTÉMISE  ,.rdnc  d' Halycarnajfc ,  {mft, 
anc.  )  fille  de  Lygdamis ,  roi  d'Halycarnanè , 
de  Cos ,  de  Calidon  &  de  pluiîeurs  autres 
contrées ,  fut  une  de  ces  femmes  privilé- 
giées ,  qu[ ,  tenant  leurs  paffions  aflèrvies 
à  leur  railon  ,  fe  font  montrées  dignes  de 
commander  aux  hommes.  Après  la  mort 
de  fon  perc  &:  de  fon  mari ,  elle  tint  les 
rênes  de  l'état  pendant  la  minorité  de  Ion 
fils  ,  dont  elle  augmenta  les  pollèlîions  : 
ayant  appris  que  Xerxès  méditoit  une  in- 
vaiîon  dans  la  Grèce  ,  elle  fiifit  cette  occa- 
lion  de  montrer  qu^'ellc  favoit  combattre , 
comme  elle  favoit  gouverner  ;  &  fans  atten- 
dre les  (ollicitations  du  monarque  afiatique  , 
elle  fit  équiper  une  petite  flotte ,  doijt  les 
vailleaux  ne  le  cédoient  en  magnificence  qu'à 
ceux  des  Sidoniens.  Cette  princefle  voulut 
la  commander  elle-même  •,  &  quoiqu'elle 
n'eut  aucune  expérience  de  la  navigation  , 
elle  fut  uii  témoignage  que  le  génie  e([  pro- 
pre à  tous  les  emplois.  Xerxès  étonné  de  (on 
i  intelligence  ,  l'appella  dans  tous  fes  confeils  ; 
Se  lorfqu''on  agita  s'il  étoit  avantageux  d'en- 
gager une  adion  daais  le  détroit  de  Salamine^ 
elle  fut  la  feule  qui  en  repréfenta  le  dan- 
ger ;  parce  que  ,  difoit-elle ,  les  Grecs  étoiciit 
plus  expérimentés  dans  la  marine  que  les 
Perlés ,  &  que  la  perte  d'une  bataille  ("e- 
roit  fu:vic  de  la  ruine  de  l'armée  de  terre.  Il 
luiparoiflbit  plus  avantageux  de  tirer  la  guerre 
en  longueur  ,  &  de  sapprochet  du  Pélo- 
ponefe  ,  perfuadée  que  l'armée  des  Grecs , 
coropofce  de  difFérens  peuples  qui  avoicnt 


ART  yi, 

leurs  intérêts  particuliers  à  ménager,  fe  dif- 
liperoit  pour  aller  défendre  fes  propres  foyers. 
Le  fuccés  juftifia  la  lagclTe  d'un  confcil  qui 
ne  fut  pas  fuivi.  Ce  fut  elle  qui  dans  ce 
combat  donna  à  tous  l'exemple  de  l'intrépi- 
dité. Xerxès ,  frappé  de  fa  rélltlance  héroï- 
que ,  s'écria  que  les  hommes  conibattoient 
en  femmes ,  &:  que  les  femmes  combattoient 
en  hommes.  Il  talloit  qu'elle  parût  bien  re- 
doutable à  fes  ennemis  ,  puilque  les  Athé- 
niens eurent  la  bailcllè  de  mettre  fa  tête 
à  prix. 

Xerxv?s  ,  qui  fe  rcpentoit  de  n'avoir  point 
iuivi  fes  avis ,  la  confulta  trop  tard  iur  le 
parti  qui  lui  reftoit  ;\  prendre  pour  réparer 
une  perte  qu'il  auroit  dû  prévenir.  Anémrfè 
qui  le  vovoit  déterminé  à  rentrer  dans  fes 
états ,  &  a  laider  Mardonius  dans  la  Grèce  , 
ne  s'obftina  point  à  combattre  fa  réfolution  ; 
mîis  prévoyant  le  mauvais  fuccès  d'une  guerre 
conduite  par  un  général  fans  talens  ëc  fans 
expérience  ,  elle  ne  voulut  point  en  parta- 
ger la  honte  ;  Ik  elle  foUicita  Ion  retour  dans 
fes  états.  Xerxès ,  après  l'avoir  comblée  d'élo- 
ges &  d'hoiineurs  ,  la  fit  conduire  avec  une 
forte  efcorte  jufqu'à  Ephefe  ;  (?:  pour  témoi- 
gnage de  fon  eftime  ,  il  lui  confia  pluiîeurs 
de  fes  enfans  nés  de  Ces  concubines  qui  l'a- 
voient  fiiivi  dans  cette  guerre.  Les  autres 
adrions  de  cette  princelTe  !ont  tombées  dans 
l'oubli  ;  mais  ce  que  l'hiftoire  nous  a  con- 
fcrvé,  iulfit  pour  lui  afïigner  une  place  parmi 
les  plus  grands  hommes.  (  T-n.  ) 

ArtÉmise  ,  reine  de  Carie  ,  (  H/JÎ.  anc.  ) 
femme  de  Maufole  ,  roi  de  Carie ,  s'eft  ren- 
due imiportelle  par  la  tendrefle  conjugale  , 
&  lur-tout  par  les  regrets  dont  elle  honora 
la  mémoire  de  Ion  époux.  Ce  prince  qui 
venoit  de  lubjuguer  les  îles  de  Rhodes  ôc 
de  Cos ,  fut  enlevé  par  une  mort  prématu- 
rée au  milieu  de  fes  conquêtes.  Son  époufe 
vivement  touchée  de  fa  perte  ,  lui  éleva  un 
fuperbe  tombeau  qui  a  lervi  de  modèle  à 
tous  les  fiecles  fuivans  dans  les  pompes  fu- 
néraires. On  donne  encore  le  nom  de  mau- 
fclée  à  ces  monumens  que  la  vanité  des  vi- 
vans  érige  aux  reftes  inlenfibles  des  morts. 
Cette  princefle  ne  pouvant  vivre  féparée  de 
celui  qui  avoir  fait  fa  félicité  ,  fit  brûler  fon 
corps ,  en  rectieillit  les  cendres ,  &^  en  mêla 
toujours  dans  (aboiiîbn  ,  jufqu'à  ce  que  fon 
corps  fut  devenu  la  véii;atlc  fépultvue  de 


5 1  i  ART 

fon  époux.  Les  poètes  iv  les  or.iteurs  qui  i 
célébrèrent  les  vertus  de  Maufole  ,  furent 
récompenfés  avec  magniiîcence,  Artémifc 
înftitiia  des  combats  &  des  jeux  funèbres , 
où  ifocrate  &  Théopompe  déployèrent  les 
richcfles  de  l'éloquence.  Qiioiqu  occupée  de 
fa  douleur  ,  elle  ne  négligea  point  Padmi- 
niftration  publique,  t levée  au  trône  de  Ca- 
rie ,  elle  fe  monrra  digne  de  l'occuper.  Les 
Rhodiens  qui  s'ctoicnr  révoltés  ,  furent  pu- 
nis. Les  vengeances  qu'elle  exerça  kr  ces 
infulaircs,  exciterenrla  compalTion  des  Athé- 
niens. L'orateur  Dcmofthene  fut  l'organe 
dont  ils  fe  l'ervirent  pour  intérefler  Athènes 
à  leur  fort.  Les  foins  qu'elle  donna  aux  r.tfii- 
res ,,  ont  fait  douter  de  la  (mcérité  de  la  dou- 
leur ,  dont  elle  n'eut  peut-être  que  le  fille  : 
au  refte  ,  la  grandeur  du  courage  peut  s'al- 
lier avec  la  fcnllbilité.  (  T-n.  ) 

*ARTEMISIES,  {  Myth.)  fêtes  infti- 
tuées  en  l'honneur  de  Diane ,  furnomméc 
Art^mh. 

ARTEMISIUM,  (  Géog.)  Dedixdiffé- 
rcns  lieux  auxquels  la  géographie  ancienne 
donne  ce  no.-n  ,  le  plus  remarquable  eft  l'en- 
droit de  l'île  d'Eubée  ,  où  les  Athéniens 
érigèrent  le  monument  d'une  vjftoirc  que 
leur  flotte  venoit  de  remporter  fur  celle  des 
Medes.  {D.G.) 

ARTEMITA  ,  (  Géographie)  une  ville 
d'Arabie  ,  une  autre  d'Arménie  &  une  troi- 
fieme  de  Méfoporamic  portoient  ce  nom  en 
commun  avec  une  petite  ile  de  la  mer  d'Io- 
nie.  (  D.  G.) 

ARTEMON  ,  f.  m.  (  Méchan.  )  troifîeme 
moufle  qui  eft  au  tas  du  polyfpate  ou 
plutôt  du  trifpafte.  Voy^i^  Polyspaston. 
(  /.  n.  C.  > 

ARTEIVlUS  ,  (  Gi'ogr.)  cap  du  royaume 
de  Valence  en  Efpagne  :  on  l'appelle  auiTi 
cap  Saint-Niarùn  <Sc  pointe  de  l  Empereur. 
{D.G.) 

ARTENA  ,  (  Gcog.)  d  y  avoit  autre- 
ÎOK  en  Italie  deux  villes  de  ce  nom  ,  l'une 
dans  le  reniroire  des  VoKques  ,  &  l'autre 
dans  celui  des  Cerites.  {D.  G.) 

ARTERE  ,  f  f.  ipTiipi* ,  dérivé  des  mots 
grecs  ,  àiip ,  air  ,  &  thc sw  ,  je  conferve  ;  en 
aiiatomie  ,  c'cft  un  c.mal  membraneux  ,  élaf- 
tique  ,  qui  a  la  figure  d'un  cône  allongé  , 
intérieiiiement  lillè  &  poli  ,  fans  valvules , 
û  ce  n'efl:  dans  le  caur  ,  qui  décroît  à  mc- 


A    R  T 

lure  qu'il  fe  divile  en  un  plus  grand  nom- 
bre de  rameaux  ,  &  qui  eft  deftiné  à  re- 
cevoir le  fing  du  cœur  pour  le  diftr.buer 
dans  le  poum.on  i?c  dans  toutes  les  parties 
du  corps.  Foye^  Cœur  ,  Poumon  ,  fi-c. 
Oh  donna  d'abord  ce  nom  à  ce  que  nous 
appelions  la  trachée -artère  ,   afpera ,  &c. 

Les  artères  dont  il  eft  queftion  ,  s'appel- 
loient  veines  faillnnies  ou  internes  ,  veines  qui 
battent,  par  oppolition  aux  veines  externes 
non  [aillantes.  Elles  eurent  principalement 
cette  dénomination  ,  parce  que  fuivant  la 
théorie  d'Eraliftrate  ,  on  penfoit  que  les 
tuyaux  qui  partent  du  cœur,  n'étoient  pleins 
que  d'air  ,  qui  en  entrant  dans  leurs  cavi- 
tés ,  les  dilatoit ,  &  les  f.iiloit  le  contrader 
lorfqu  il  en  lortoit.  Voilà  la  caufe  de  la 
diaftole  &  de  la  fyftole ,  luivant  les  anciens. 
L'arrerc  par  excellence ,  àpTufiîi  àfjitjiioiS' i^< , 
eft  l'aorte.  Voye^  Aorte. 

Toutes  les  artères  du  corps  font  des  bran- 
ches de  deux  gros  troncs,  dont  l'un  vient 
du  ventricule  droit  du  cœur  ,  &  porte  touc 
le  (angdu  poumon  ,  d'où  on  le  nomme  ar- 
tère pulmonaire  ;  l'autre  part  du  ventricule 
gauche  du  cœ'ur,  &  diftnbue  le  fang  de 
toutes  les  parties  du  corps.  On  l'appelle  aorte. 
Voye-^  Pulmonaire. 

Les  auteurs  font  fort  partagés  fur  la  ftruc- 
ture  des  ancres  ;  les  uns  ont  multiplié  les 
membranes  ,  d'autres  en  ont  diminué  le 
nombre  ;  il  y  en  a  qui  en  admettent  jufqu'à 
iîx  ,  (avoir  la  nerveufe  ,  la  cellulaire  ,  la 
vafculeufe  y  la  gîanJuleufe  ,  la  mufculeufe , 
Si  htendineufe.  Koye^  Nerveux  ,  Cellu- 
laire ,   &c. 

Le  doéleur  Haller  dont  nous  embraflôns 
la  doéVrinc  ,  n'en  admet  que  deux ,  !';«- 
terne  ,  Se  la  charnue  ;  la  cellulaire  n'eft  que 
leur  accelloire  ,  &  il  ne  regarde  pas  ïexté' 
rieure  comme  conftante. 

Les  artères  ont  la  hgure  de  cônes  allon- 
gés ,  &  vont  en  décroidant  à  melure  qu'el- 
les fe  divifent  en  un  plus  grand  nombre  de 
rameaux  ;  &  lorlqu'elles  parcourent  quel- 
que elpace  tans  en  jeter  ,  elles  paroillcnt 
cylindriques.  Tous  ces  vailleaux  étant  rem- 
plis ,  dans  quelque  endroit  qu'on  les  conçoirc 
coupes  par  un  plan  perpendiculaire  à  l'axe 
de  leur  direction  ,  l'ouverture  qu'ils  pré- 
fenteront  (era  toujours  circulaire  ;  ces  vaif- 
fcaux  coniques  ont  leur  baie  commune  dans 

les 


ART 

les  deux  ventricules  du  cœur ,  puifqu'ils  font 
tous  produits  par  l'aorte  &  par  Vartcre  pul- 
monaire, &  leur  foirniet  aboutit  à  l'origine 
des  veines ,  ou  à  la  partie  de  Vamre  qui  eft 
ou  paroît  cylindrique. 

La  membrane  externe  des  artères  n'eft 
pas  une  membrane  propre  à  toutes ,  &  qui 
s'oblerve  dans  tous  leurs  trajets  :  par  exem- 
ple, quelques-unes  font  recouvertes  par  la 
plèvre  da:is  la  poitrine  ,  par  le  péritoine  dans 
le  bas-ventre;  d'autres,  comme  les  artères 
du  cou,  ibnt  environnées  extérieurement 
d'un  tiffu  cellulaire  plus  épais;  le  péricarde 
enibrafTe  de  tous  côrés  l'aorte ,  mais  il  fe  ter- 
mine bientôt  tn  cbangean*  de  texture  dans 
la  membrane  cellulaire;  la  dure-merc  four- 
nit une  gaine  à  la  carotide  au  paflage  de 
cette  artère  dans  le  crâne.  La  première  mem- 
brane de  toutes  les  ancres  eft  donc  la  mem- 
brane cellulaire,  qui  eft  plus  lâche  dans  fa 
kiperficie  externe  ,  colorée  d'une  infinité 
de  petites  artérioles  &  de  veines ,  &  tra- 
ver/ée  de  neits  affez  iénlibles. 
■  La  macération  fait  voir  que  ce  qu'on  ap- 
pelle la  membrane  tendineufe  de  f artère,  ne 
difîere  en  aucune  façon  de  la  cellulaire , 
pu;(que  les  couches  intérieures  même  de 
cette  tunique  deviennent  cellulaire?. 

La  partie  de  Vartere  la  plus  intérieure  & 
la  plus  proche  de  fa  cavité,  paroît  compo- 
fëe  en  général  de  fibres  circulaires.  Ces  fibres 
dans  les  grands  vailTeaux  font  compofées 
de  plu  fleurs  couches  affez  fenfibles  par  leur 
couleur  rougeâtre  &  leur  folidité  ;  plus  les 
vaiffeaiix  deviennent  petits,  &  plus  elles 
font  difficiles  à  découvrir.  Sous  cette  mem- 
brane on  en  remarque  une  autre  cellulaire 
fort  difficile  à  démontrer ,  dans  laquelle  fe 
répandent  les  concrétions  plâtreufes  lorfque 
Xartere  s'offifie. 

La  membrane  la  plus  interne  de  Vartere 
eft  unie  &  polie  par  le  courant  du  fang  ; 
elle  forme  une  couche  continue  dans  toute 
l'étendue  de  fes  cavités  :  elle  revêt  par-tout 
les  fibres  charnues  ,  qui  d'elles-mêmes  ne 
font  pas  affez  continues  pour  former  un  plan 
uni,  5c  empêche  que  le  fang  ne  s'iniînue 
dans  les  efpaces  qu'elles  iaiffent  entr'elles  ; 
elle  eft  même  par- tout  fans  valvule. 

11  eft  facile  de  concevoir  par  ce  que  nous 

venons  de  dire,  pourquoi  certains  auteurs  ont 

attribué  cinq  membranes  aux  ancres ,  pen- 

Tomi    m. 


ART  5T5 

dant  que  d'autres  n'en  ont  reconnu  que  trois. 

Toutes  \Q%arteres  battent.  En  effet, quoi- 
qu'on fente  avec  le  doigt  le  mouveinent  de 
lyftole  &  de  diaftole  dans  les  grandes  ar- 
tères ,  &  qu'il  n'en  foit  pas  de  même  dans 
les  plus  petites ,  on  fent  néanmoins  de  fortes 
pulfations  dans  les  plus  petites  ,  lorfiqiie  le 
mouvement  du  fang  eft  un  peu  augmenté  ," 
conune  cela  arrive  dans  l'inflammation.  Les 
artères  ont  affez  de  force  :  mais  le  tilTu 
épais  &  dur  de  la  membrane  cellulaire  ex- 
terne, rcfufant  de  fe  prêter  à  la  force  qui 
les  diftend ,  elles  fe  rompent  facilement  & 
prefque  plus  facilement  que  les  membranes 
de  la  veine  ;  c'eft-là  une  Ans  caufes  de  l'ané- 
vryfme.  D'ailleurs  les  membranes  des  groffes 
artères  font ,  proportion  gardée,  plus foibles 
que  celles  des  petites,  &  par  cetie  railbn  le 
fang  produit  un  plus  grand  effet  fur  les 
grandes  que  fur  les  petites  ;  c'eft-  là  pour- 
quoi les  anévryfmes  font  plus  ordinaires  aux 
environs  du  cœur. 

La  nature  a  mis  par- tout  les  artères  à  cou- 
vert ,  parce  que  leur  bleffure  ne  pouvoit  être 
fans  danger  dans  les  plus  petites ,  &  fans  la 
perte  de  la  vie  dans  les  plus  grandes.  Les  plus 
petites  artérioles  fe  diftribuent  en  grand 
nombre  à  la  peau,  &  les  plus  grands  troncs 
font  recouverts  par  la  peau  &  par  les  muf- 
cles ,  &  rampent  fur  les  os.  Il  part  de  chaque 
tronc  artériel  des  rameaux  qui  fe  divil'ent  ÔC 
f^^  fubdivifent  en  d'autres  plus  petits,  dont 
on  a  peine  à  découvrir  la  fin;  les  orifices 
des  deux  rameaux  produits  par  un  tronc 
pris  enfemble  ,  font  toujours  plus  grands 
que  celui  du  tronc ,  dans  la  raifon  de  i  à 
I  ,  à-peu-prcs  ,  ou  un  peu  moins.  Tous  les 
troncs  s'élargiffent  au  deffus  de  leur  divi- 
fion.  Les  angles  fous  lefquels  les  rameaux 
fortent  de  leurs  troncs ,  font  prefque  tou- 
jours aigus,  demi- droits  ou  approchant; 
angle  fous  lequel  il  eft  démontré  dans  les 
méchaniques,  que  les  fluides  doivent  être 
pouffes  plus  loin.  Nous  avons  cependant 
des  exemples  dans  Icfquelsles  rameai'x  par- 
tent de  leurs  troncs  lous  des  angles  droits 
ou  approch.mt ,  comme  on  le  remarque  dans 
les  artères  lombaires  &  dans  les  intercof- 
tales.  Nous  avons  auffi  des  rameaux  rétro- 
grades dans  les  ar/^rifi  coronaires  du  cœur, 
&  dans  les  artères  fpinales  produites  par  les 
vertébrales.  . 

Qqq 


yï4  ART 

Les  arttrcs  communiquent  toutes  fré- 
quemment les  unes  avec  les  autres ,  de  forte 
qu'il  n'y  a  aucune  partie  du  corps  dans  la- 
quelle les  troncs  artériels  voifins  ne  commu- 
niquent par  des  rameaux  intermédiaires.  Les 
extrémités  des  artères  font  cylindriques  ou 
très-approchantes  de  cette  figure,  &  fe  ter- 
minent de  différentes  façons ,  foit  en  fe  con- 
tinuant jufque  dans  la  plus  petite  veine ,  (oit 
dans  les  vifceres  où  elles  forment  des  pin- 
ceaux ,  des  arbrlffeaux  ,  des  zig-zags ,  des 
franges ,  &  différentes  figures  ,  fuivant  la 
différente  fonction  de  ces  parties;  foit  dans 
des  conduits  excréteurs  femblables  aux  vei- 
nes ;  foit  dans  des  vaiffeaux  d'un  genre  plus 
petit ,  qui  l'ont  quelquefois  continus  aux 
ancres^  &  qui  font  de  véritables  troncs  par 
rapport  aux  rameaux  qu'ils  produifent  (telles 
font  les  artères  lymphatiques)  ;  foit  dans  un 
canal  exhalant  :  c'eft  ainfi  qu'elles  finiflent 
très-fréquemment  par  tout  le  corps. 

Les  veines  refTemblent  aux  artères  en  plu- 
fieurs  points  :  mais  elles  différent  en  bien 
deschofes.  VoyeiY EitiE. 

La  nature  élaftique  des  artères  fait  voir 
qu'elles  fe  contractent  effeftivement,  &que 
cette  contraction  fert  à  faire  avancer  le  la.:^. 
Foy.  Sang  6- Circulation.  K^. dans  nos 
planch.  d'anatomle  ,  la  diftribution  des  ar- 
tères; &  à  Vart.  Anatomie  ,  l'explication 
des  figures  relatives  à  cette  diftribution.  (L) 

§  La  feftion  des  artères  eft  conftainment 
circulaire.  Si  les  anatomiftes  ont  cru  qu'il 
y  en  avoit  d'applaties ,  c'eft  l'effet  de  la  mort 
qui  leur  en  a  impoié.  L'artère  aorte  d'un 
cadavre  paroît  applatie  dans  la  poitrine  & 
dans  le  bas-ventre;  elle  eft  vuide  :  le  poids 
des  vifceres  l'a  comprimée  dans  un  cadavre 
étendu  fur  fon  dos.  Mais  qu'on  injefte  cette 
flr/er«  applatie,  elle  deviendra  cylindrique, 
&  fa  fedion  fera  un  cercle.  C'eft  la  figure 
naturelle  à  un  canal  flexible  ,  lorfque  fes 
parois  réfiftent  également  de  tous  côtés: 
s'il  y  en  avoit  une  partie  plus  ferme  que 
le  refle  ,  elle  s'étendroit  moins,  &;  le  canal 
pourroit  être  applati ,  triangulaire  même, 
comme  le  font  quelques  finus  veineux  ;  mais 
nous  ne  connoiifons  pas  cVartere  dont  l'in- 
jedion  ne  rende  la  feftion  circulaire. 

Varlere  eft  un  compoféde  cylindres  ajuf- 
lés  l'un  à  l'autre  :  le  terme  de  chaque  cy- 
lindre tft  à  la  naiffftuce  d'une  branche  un 


ART 

peu  considérable  ;  le  fécond  cylindre  eft  toi>- 
jours  plus  petit  que  le  premier  ;  mais  une 
artère  qui  ne  donne  pas  de  branches,  refte 
cylindrique  :  telle  eft  ^artère  ombilicale,  la 
carotide  commune.  Les  branches  capillaires 
&  celles  des  réfeaux  l'ont  cylindriques. 

Les  petites  artérioles  des  grandes  artères 
naiïïent  des  petits  troncs  les  plus  à  portée  : 
la  coronaire  ne  pourvoit  qu'au  commence- 
ment de  l'aorte. 

On  trouve  fur  la  furface  des  artères  un 
grand  nombre  de  nerfs  en  bien  des  en- 
droits; il  y  en  a  des  exemples  proche  du 
cœur ,  fur  l'aorte  &  X artère  pulmonaire ,  fur 
la  carotide  commune,  fur  toutes  les  bran- 
ches de  ï artère  carotide  externe ,  fur  la  mé- 
fentérique ,  fur  la  cœliaque  ,  fur  la  méfo- 
colique.  Plus  cependant  on  eft  attentif  à 
fuivre  ces  nerfs ,  plus  on  le  convainc  qu'ils 
ne  fe  terminent  pas  à  \' artère  ,  &  qu'ils 
pafi^ent  à  d'autres  parties.  Dans  les  expé- 
riences ,  les  artères  ne  paroifl^ent  pas  douées 
de  fentiment  :  leurs  nerfs  font  apparemment 
très-petits  &  proportionnés  aux  fibres  muf- 
culaires ,  qui  font  très-fines  &  très-minces. 
Galien  a  regardé  les  artères  &  les  veines 
comme  infenfibles.  Comme  les  grandes  ar- 
tères de  l'homme  &  les  médiocres  ont  des 
fibres  mufculaires,  elles  ont  fans  doute  une 
force  contraftive  proportionnée  ;  mais 
comme  cette  force  a  donné  occafion  à  bien 
des  difcuflîons  depuis  vingt  ans,  il  ne  fera 
pas  inutile  de  mettre  dans  leur  véritable 
jour  ,  la  force  mufculaire  ,  la  force  élaftique 
&  l'irritabilité  des  artères. 

Il  y  a  dans  cette  claftTe  de  vaiffeaux  une 
force  contradive  naturelle  ,  qui  agit  far« 
doute  dans  l'animal  vivant ,  mais  qui  n'eft 
pas  attachée  à  la  vie,  &  qui  demeure  dans 
fa  force  plufieurs  jours  après  la  mort  par- 
faite :  cette  force  vient  du  tiffu  élaftique  des 
artereSy  qui  réfifte  vivement  à  leur  dilata- 
tion ,  6c  qui  tend  fans  ceffe  à  en  raccourcir 
tous  les  diamètres ,  en  le  rapprochant  de 
l'axe.  Nous  rapportons  à  cette  force  le 
petit  diamètre,  auquel  fe  réduit  toute  ar- 
tère qui  ne  reçoit  plus  de  fang,  6c  l'exprel- 
lion  de  la  cire ,  dont  on  aura  remph  uni 
artère  ,  qu'on  aura  percée  d'un  petit  trou  : 
{'artère  force  la  cire  de  fortir  de  ce  trou 
dans  la  forme  d'un  ver,  plufieurs  jours  OC 
,  des  fêuwiiics  enùeres  après  la  mort  du 


A  RT 

fujet ,  pourvu  qu'elle  n'ait  pas  été  rrop  dépê- 
chée. La  rétrailion  d'une  ararc  coupée  qui 
en  opère  le  raccourciiïement,  eft  de  la  mcme 
nature  ;  elle  ne  fauroit  être  l'effet  d'un  pou- 
voir tnu((:ulaire ,  les  artères  n'ayant  bien 
certainement  aucunes  fibres  longitudinales. 
L'aftion  des  acides  chymiques  fait  agir  cette 
force  :  elle  force  '^artère  de  fe  contrafter  ; 
elle  fait  ramper  &:  fauter  une  (irttre  liée  par 
les  deux  bouts,  pendant  qu'elle  en  dévore 
les  membranes  :  car  ce  phénomène  eft  le 
même  plus  de  vingt-quatre  heures  après  la 
mort  de  l'animai. 

L'irritabilité  eft  d'une  autre  nature  ;  elle 
fuppofe  des  fibres  mulculaires  ;  elle  furvit 
à  la  vie,  mais  de  peu  d'heures  dans  un  ani- 
mal à  fang  chaud  ;  elle  agit  ordinairement 
par  des  olcillations  ou  par  des  alternatives 
de  contra(ftion  &  de  relâchement. 

Dans  les  grandes  artères  les  fibres  muf- 
culaires  font  trcs-vifibles;  il  ne  feroit  point 
furprenant  qu'on  y  découvrît  de  l'irritabilité. 
Il  eft  cependant  très-rare  qu'on  y  enapper- 
çoive.  Dans  prefque  toutes  les  expériences 
on  n'en  apperçoit  pas  de  vertige;  onégra- 
X^ntV artère  d'un  animal  vivant  ;  on  la  cou- 
pe ,  on  en  enlevé  des  morceaux  entiers , 
ians  qu'elle  fe  contrafte.  Il  eft  vrai  qu'elle 
fe  contraifte  nécelTairement ,  puifqu'après 
avoir  été  dilatée  par  le  fang  que  le  cœur 
fait  entrer  dans  X artère ,  elle  reprend  fon 
petit  diamètre:  cette  contraftion  n'eftpas 
toujours  également  vifible  ;  on  ne  la  man- 
quera cependant  jamais  dans  le  bulbe  de 
l'aorte  d'un  poulet  renfermé  dans  l'œuf, 
pendant  les  premiers  jours  de  l'incubation. 
Mais  on  pourroit  difputer  ce  mouvement  à 
l'irritabilité,  &  l'attribuer  à  la  force  élaftique. 

II  y  a  cependant  eu  quelques  expériences 
dans  lefquelles  les  obfervateurs  ontvul'ar- 
wre  fe  contracter,  quand  on  l'a  irritée  avec 
lefcalpel,  pincée  avec  unetenette,  ou  frap- 
pée d'une  étmcelle  éleftrique.  Quoique  l'ar- 
Ure  ne  donne  le  plus  fouvent  aucune  mar- 
que d'irritabilité ,  il  fuffit ,  pour  établir  cette 
force ,  qu'on  l'ait  apperçue  quelquefois.  La 
cellulofité  épaiffe  &  extrêmement  ferrée,  qui 
enveloppe  les  fibres  mufculaires,diminue  ap- 
paremment l'effet  des  irritations  extérieures. 

Il  y  aura  donc  une  irritabilité  dans  les 
grandes  artères  ,  mais  foible  &  peu  fenii- 
ble,  proportionnée  au  nombre   des  fJjres 


ART  pç 

qui  coftipoTent  fa  tunique  musculaire  ;  elle 
eft  infiniment  moins  apparente  que  ri;rita- 
bilité  des  inteftins. 

Nous  avons  nommé  à  deflTein  les  gran- 
des artères  ;  car  il  eft  plus  que  douteux  que 
les  petites  aient  de  l'irritabilité.  On  a  re- 
marqué que  les  artères,  dont  le  di.unetre 
eft  au  deflbus  d'une  demi-ligne,  n'ont  point 
de  pulfation  dans  l'animal  vivant. 

Il  eft  très-douteux  que  ces  vaiffeaux  fans 
pouls  aient  des  fibres  mufculaires.  Dans  les 
animaux  à  fang  froid  ,  on  voit  avec  préci- 
fion  les  feornes  de  la  pulfation  ;  elle  ne  s'é- 
tend guère  au  delà  des  grandes  branches 
de  Vartere  méfentérique  :  dans  les  branches 
un  peu  plus  petites ,  qui  cependant  font  ac- 
cefiibles  à  plufieurs  globules  de  front ,  il  n'y 
a  certainement  ni  irritabilité  ni  fibre  mu(- 
cuiaire.  Le  microfcope  n'y  découvre  qu'un 
tiftu  cellulaire,  uniforme  &  très-ferré;  & 
une  incifion  faite  avec  une  bonne  lancette  , 
ne  fe  dilate  point  :  l'expérience  eft  fûre  , 
&  a  fouvent  été  vérifiée. 

Il  eft  donc  prefque  avéré  que  les  grandes 
artères  ont  un  certain  degré  d'irritabilité;  il 
eft  auflî  sûr  que  les  petites  ar/er^j  ne  changent 
pas  de  diamètre  dans  l'état  ordinaire  de  la 
vie,  &  qu'elles  ne  font  pas  irritables.  Il  nous 
paroît  même  qu'il  ne  faut  pas  fe  hâter  d'ap- 
pliquer aux  artères  ce  que  nous  apprenons 
des  expériences  faites  fur  des  parties  vérita- 
blement irritables.  Le  cœur  ou  l'inteftin  eft 
irrité  par  l'air,  par  le  fang ,  par  un  corps  acre 
ou  aigre  :  il  fe  contracte  par  toutes  cesrai- 
fons;  ilchafte  la  liqueur  qui  le  remplit  ,  Sc 
parvient  à  abolir  fa  cavité  :  rien  de  tout  cela 
ne  réuftit  dans  une  artère. 

Il  nous  paroît  donc  que  l'on  précipiteroit 
fon  jugement,  fi  l'on  vouloit  chercher  dans 
Vartere  rendue  plus  irritable,  la  caufe  de 
quelques  phénomènes  des  maladies.  Dans  le 
cœur  cette  irritabilité  exceftive  peut  avoir  de 
grandes  fuites  :  mais  l'irritabilité  des  artères 
eft  trop  obfcure  pour  qu'on  en  craigne  un 
excès  coupable. 

La  force  dont  nous  allons  parler,eft  d'une 
autre  efpece:  c'eft  celle  avec  laquelle  l'iZ/'/erc 
réfifte  à  celle  que  l'on  emploie  pour  la  rom- 
pre ;  elle  eft  purement  méchaniq'ie,  &  dé- 
pend de  l'épaifleur  &  de  la  denliié  du  tiffu 
cellulaire,  dont  X artère  eftcompolée  ,  &  de 
l'attraftion  de  Tes  élêraens. 

Qqq  i 


5i6  ART 

Cette  forée  a  des  loix  tout-à-fa'if  différentes 
dans  les  différens  animaux.  Dans  le  poulet , 
les  artères  font  robuftes  au  fortir  du  cœur; 
elles  y  font  blanches,  parce  que  le  fangne 
paroît  pas  à  travers  deleurs  épailFes  tuniques: 
cette  blancheur  ne  s'étend  guère  au  delà  de 
l'inferiion  du  fécond  canal  artériel;au  deffous 
de  cetteinfertion ,  l'aorte  devient  plus  ample 
&.  feniblable  à  une  veine.  C'eft  cette  idée 
qui  règne  généralement  fur  V artère  àz.mXe'i 
auteurs;  ils  fe  perfuadent  que  l'aorte  a  plus 
de  folidité  &  de  denfité  ,  &  que  cette  foli- 
dité  diminue  avec  le  diamètre  de  \ artère. 

Des  expériences  exaftes  ont  découvert 
l'erreur  decetteopinion.Unphyiicieninduf- 
trieux  a  pouffé  une  atmofphere  après  l'autre  ; 
il  a  remarqué  le  nombre  d'atmofpheres  qu'il 
faut  pour  crever  chaque  artère  ;  le  calcul  a 
fait  le  reffe.  Il  s'eft  trouvé  qu'en  général  les 
artères ,  à  proportion  de  leur  épaiffeur ,  ré- 
fiftent  moins  que  les  veines  :  que  l'aorte  ré- 
firte  le  moins  à  fa  fortie  du  cœur  :  qu'elle 
gagne  en  ténacité  en  s'éloignant  de  fon  ori- 
gine ,  &  qu'en  général  les  petites  branches 
font  plus  fortes  que  les  troncs.  Il  y  a  cepen- 
dant des  exceptions ,  les  artères  de  l'utérus 
font  remarquablement  plus  foibles  que  les 
autres ,  &f  celles  des  reins  &  des  autres  or- 
ganes fécrétoires  font  plus  robuiles. 

La  proportion  de  la  fubftance  folide  de 
'^artère  au  vuide  que  parcourt  le  fang ,  efl: 
entièrement  différentergénéralement  parlant 
cette  proportion  diminue  en  s'éloignant  du 
cœur;  les  branches  de  l'aorte  ont  plus  de 
dureté  dans  leurs  tuniques ,  mais  moins  cl'é- 
paiffeur.  Il  paroît  que  ces  deux  progrefiîons 
oppofées  fe  compenfenr,  &  que  la  branche 
de  ^artère  réliffe  mieux ,  mais  qu'aufîi  elle 
eft  dilatée  avec  plus  de  force  que  le  tronc. 

Cette  proportion  eft  d'ailleurs  fujeîte  à  des 
changemens.  Dans  un  animal  languiffant  & 
mal  nourri,  les  membranes  ont  plus  d'é- 
paiikur,  &  la  lumière  du  vaifTeau  que  par- 
court le  fang,  eff  plus  étroite.  Dans  un  ani- 
mal robufte  &  mieux  nourri,  dans  le  n>e  me 
animal  dont  on  a  ranimé  là  circulation  lan- 
guiffante ,  les  membranes  deviennent  moins 
épaiffes,  &  la  lumière  du  valffeau  s'élargit. 
Les  membranes  ayant  moins  de  largeur  dans 
cet  état ,  leurs  élémens  font  plus  rapproches, 
leur  ténacité  devient  plus  grande ,  &  les 
artères  réfifltnt  mieux  au  courant  accéléré  du 


ART 

fang.  C'e{l  le  cas  des  fièvres  aiguës,  ^c^tflt 
apparemment  cet  endurciffement  des  parois 
que  le  médecin  apperçoit  dans  les  maladies, 
inflammatoires.  Ç  H.  D.  G.) 

*  ARTÉRIAQUES  ,  ad),  pi.  On  donne, 
en  médecine  ,  ce  nom  aux  remèdes  qu'on 
emploie  contre  l'atonie  ,  ou  les  maladies 
qui  proviennent  de  la  trop  grande  aridité  • 
delà  trachée-artere  &  du  larynx.  On  peut 
mettre  de  ce  nombre,  i°.  les  huiles  tirées 
par  exprelTion ,  ou  les  émulfions  préparées 
avec  les  amandes  douces;  les  femences  de 
pavot  blanc,  les  quatre  femences  froides, 
&c.  ou  les  loochs  &  les  firops  faits  de  ces 
fubffances  :  i".  les  vapeurs  qui  s'élèvent  des 
décoftions  de  plantes  émoliientes  ou  fari- 
neufes  ,  qu'on  dirige  vers  la  partie  afftclée  : 
3^.  les  opiates. 

ARTÉRIEL  ,  ad],  en  anatomie,ce  qui  a 
rapport  ou  ce  qui  appartient  aux  artères. 
f^ojei  Artère.  On  penfe  que  le  fang  ar- 
tériel ad  plus  chaud,  plus  verm.eil,  plus  fpi- 
ritueux  que  le  fang  veineux.  J^oye^  Sang. 
Artérifl  (  Co^DUIT)  ,  Anat.  Dans 
le  fœtus  humain  l'artère  pulmonaire  donne 
deux  branches  d'un  médiocre  diamètre  au 
poumon,  le  tronc  s'infère  dans  l'aorte def- 
cendante  au  deffous  de  fon  arcade. 

Dans  les  oifeauxune  artère  unique  paroît 
fortir  du  cœur.  Elle  paroît  avoir  trois  bran- 
ches ,  parce  que  celles  du  poumon  ne  font- 
pas  vilibles  encore.  Le  tronc  c'eff  f  aorte  ; 
les  deux  branches  ce  font  deux  conduits  ar-- 
tériels  ;  le  fupérieur  femblable  à  celui  de 
l'homme  ;  l'inférieur ,  que  l'homme  n'a  pas  'y 
l'un  &  l'autre  s'infèrent  dans  l'aorte. 

Dans  les  quadrupèdes  à  fang  froid,  cette 
ftrufture  paroît  fe  conferver.  Dans  l'animal, 
adulte  deux  branches  fortent  du  cœur,  6t 
fe  réuniffent  dans  une  léule  artère  abdo- 
minale. 

Le  canal  artériel  eff  effentiellement  dans, 
le  fœtus  de  l'homme  la  féconde  racine  de 
l'artère  aorte.  Cette  artère  groliit  après  la- 
voir reçu. 

Le  co/2i////r  ^r/mtf/eff  très-grand;  il  eft 
plus  grand  que  l'aorte  naiffaute  dans  le  fœtus 
humain. 

Les  deux  ventricules  du  cœur  concourent 
à  cet  âge  à  pouffer  le  fang  dans  l'aorte,  tk 
lui  donnent  une  impullion  qui  ne  peut  plus 
être  la  même  dans  l'adulte,  dans  lequel  le 


ART 

ventricule  gauche  donne  feul  du  mouvement 
au  fang  de  l'aorte. 

C'eii  cette  grandeur  du  conduit  artérhl  ^ 
qiii  rend  l'aorte  plus  petite  à  fa  fortie  du  i 
cœur ,  que  ne  i'eft  Tartere  pulmonaire.  Ce 
conduit  enlevé  plus  de  la  moitié  du  fang  que 
l'aone  reçoit  dans  l'adulte  à  travers  le  pou- 
mon :  &  le  trou  ovale,  qui  augmente  le 
volume  du  lang  de  l'aorte  ,  eft  beaucoup 
plus  petit  que  le  conduit  artériel ,  &  ne  peut 
réparer  la  diminution  que  le  Cang  des  cavités 
gauches  du  cœur  (buffre  par  ce  canal. 
La  membrane  interne  du  conduit  artériel 
■  eft  lâche  &  pulpeufe  dans  le  fœtus  de  l'hom- 
me. Le  lang  a  moins  de  peine  à  s'attacher 
à  cette  membrane ,  qu'aux  parois  plus  liffes 
des  artères  ordinaires. 

Lé  canal  artériel  ié  ferme  bientôt  après 
^  la  nailTcince  de  l'enfant ,  parce  que  la  refpi- 
ration  dilate  les  poumons  :  que  les  branches 
.  pulmonaiies  fe  dilatent  en  conféquence:  que 
le  conduit  artériel  a  moins  de  facilité  à  vui- 
der  fon  fang  dans  l'aorte  inférieure  dont  les 
prmcipales  branches ,  connues  fous  le  nom 
à'arteres  ombilicales  y  font  fermées  :  que  le 
fang  abandonne  la  route  du  canal  artériel 
devenue  plus  difficile  ,  pour  iiiivre  celle  des 
branches  pulmonaires  devenue  plus  aifée  , 
&  que ,  par  une  fuite  de  ces  caufes ,  le  fang 
raknii  s'arrête  dans  le  conduit  artériel ,  s'y 
fige  &  s'y  colle  a  la  membrane  iriteme.  Il 
eft  très-rare  que  ce  conduit  refte  ouvert 
dans  l'adulte  :  cela  eft  très-commun  dans  le 
trou  ovale.  {H.  D.  G.) 

ARTÉRIEUX ,  EUSE,  ad),  qui  ticnt^de 
la  nature  de  l'artère  ;  freine  artérieufe  ,  c'eft 
un  nom  que  l'on  donne  à  l'artère  pulmo- 
naire, ou  à  un  vaiffeau  par  lequel  le  fang 
eft  porté  du  ventricule  droit  du  cœur  aux 
poumons.  J^oye^  PuLjMONAIRE. 
-  ARTÉRIÔ-PITUITEUX ,  ad),  en  ana- 
tomie.  Ruyfch  a  fait  connoître  dans  les  na- 
rines ,  des  vaifleaux  (îngu'iers ,  qu'il  nomme 
avUrio-piiuiteux,  qui  rampent  fui  vaut  la 
longueur  des  narines,  &i.tbnt  de  longues 
aréoles  réticuliires.  [L) 

ARTERIOTOMIE  jifTiifr.To.ar'tf ,  d"«f 
T.tf.'*,  &  de  TijAvci  tji  coupe  y  en  terme  de 
chirurgie  y  l'opération  d'ouvrir  une  artère, 
ou  de  tirer  du  fang  en  ouvrant  une  artère 
avec  la  lancette  ,  ce  c(ue  l'un  praticiue  e  i 


ART  517 

RE,  PhlÉBOTOMIE  ,    6'f.    Voye-^  aujfi 
Anévrysme. 

Vartérioto/nie  eft  une  opération  qui  ne 
fe  pratique  qu'au  front ,  aux  tempes  &  der- 
rière les  oreilles ,  à  caufe  du  crâne  qui  fert 
de  point  d'appui  aux  artères  ;  par-tout  ailleurs 
l'ouverture  de  l'artère  eft  ordinairement  mor- 
telle :  on  a  un  très-grand  nombre  d'exem- 
ples de  perfonnes  qui  font  mortes  de  la 
faignée,  parce  qu'une  artère  a  été  prife  pour 
une  veine. 

Fernel  f2  ,  iS.J  Severinus  {I^ffic.  med. 
part.  /I.}TuIpius  {phj.  1 ,  4S.)  &  Cather- 
wood,  ont  fait  tous  leurs  efforts  pour  in- 
troduire Vartériotomie  dans  les  cas  d'apo- 
plexie ,  comme  étant  préférable  à  la  laignée 
qui  ié  fait  par  les  veines;  mais  ils  n'ont  pas 
été  fort  fuivis.  Voyei  APOPLEXIE. 

Pour  ouvrir  l'artère  temporale  ,  qui  eft 
celle  qu'on  préfère  pour  Vartériotomie  ,  on 
n'applique  point  de  ligature;  on  t<âle  avec  le 
doigt  index  une  de  fes  branches,,  qu'on  fixe 
avec  le  pouce  de  la  main  gauche  ;  on  l'ou- 
vre de  la  même  fa(^on  que  la  veine  dans  la 
phlébotomie  :  quelques-uns  préfèrent  l'ufage 
du  biftouri.  Le  fang  qui  vient   de  l'artère 
eft  vermeil ,  &  fort  par  fecouffes  qui  répon- 
dent à  l'aftlon  des   tuniques   des  artères; 
lorfqu'on  a  tiré  la  quantité  de  fang  fuffi- 
l'ante,  on  rapproche  les  lèvres  de  la  plaie  , 
&  on  la  couvre  de  trois  ou  quatre  comprel- 
lés  graduées ,  dont  là  première  aura  un  pouce 
en  quarré  ,  &  les  autres  plus  grandes  à  pro- 
portion ,  afin  que  la  compreflîon  foit  ferme. 
On    contiendra    ces    ccmpreflés   avec  le 
bandage  appelle /oAî/Vi.'.  Voici  comme  il  (e 
fait.   Ù  faut  prendre  une  bande  de  quatre 
aunes  de  long  &  trois  doigts  de  large  ;  on 
la  roule  à  deux  globes,  dont  on  tient  un  de 
chaque  main.  On  applique  le  milieu  de  la 
bande  fur  les  comprelTes  pour  aller  autour 
de  la  tête  fur  l'autre  tempe  ,  y  engager  les 
deux  chefs  en  changeant  les  globes  de  main; 
on  les  ramené  fur  les  comprefles  ,  eu  on  les 
croife  en  changeant.de  main;  de  forte  que 
ii  c'eft  du  coté  droit ,  on  faîTe  pafiér  le  globe 
poftérieur  deftbus  l'antérieur,  c'tft-à-dire  , 
celui  qui  a  paflé  fur  le  tront ,   &  qui  dans 
l'exemple  propofé  eft  tenu  de  la  main  droite. 
Dès  qu'on  les  a  changés  de  main,  on  en 
dirige  un  !ur  le  fommet  de  la  tdte  ,  &  l'autre 


quelques  cas  extraordinaires,  f^oyc^  Ax<TB.-  ]  pardeflbus  le  menton  ^  on  continue  pour, 


5i8  ART 

aller  les  croifer  à  la  tempe  oppofée  au  mal, 
pour  de  là  revenir  ,  en  changeant  de  main 
autour  de  la  tête  ,  former  un  deuxième 
nœud  d'emballeur  au  deflus  des  comprefTes  ; 
on  continue  en  faifant  des  circulaires  affez 
ferrés  autour  de  la  tête  pour  employer  ce 
qui  refte  de  la  bande.  Voyt\fig.  3  ,  chlr. 
pi.  XXVII.  Un  bandage  circulaire  bien 
fait ,  produit  le  même  effet  fans  tant  d'em- 
barras. (Y) 

*  C'eft  de  la  bleffure  des  artères  que  pro- 
cèdent les  hémorrhagies  dangereufes.  Nous 
parlerons  kVarcicle  HÉMORRHAGIE,  des 
différens  moyens  inventés  par  l'art  pour 
l'arrêter.  On  ne  peut  difconvenir  que  la 
ligature  ne  foit  le  plus  fur  de  tous  ;  mais  il 
y  a  des  cas  où  elle  a  de  grands  inconvé- 
niens,  comme  dans  celui  de  l'anévryfme  au 
bras,  où  le  chirurgien  n'étant  jamais  certain 
de  ne  pas  lier  le  tronc  de  l'artère ,  le  malade 
eft  en  rifque  de  perdre  le  bras  par  l'effet  de 
la  ligature,  s'il  n'y  a  pas  d'autre  reffource 
pour  la  circulation  du  fang  ,  que  celle  de 
î'artereliée.  C'eft  donc  un  grand  remède  que 
celui  qui  étant  appliqué  fur  la  plaie  de  l'ar- 
tère découverte  par  une  incifion  ,  arrête  le 
fang  &  difpenfe  de  la  ligature.  Le  roi  l'a 
acheté  ('en  mai  ly^ij  du  fieur  Broffart, 
Chirurgien  de  la  Châtre  en  Berry,  après 
plufieurs  expériences  fur  des  amputations 
faites  à  l'hôtel  royal  des  Invalides  &  à  l'hô- 
pital de  la  Charité  ,  mais  notamment  après 
un  anévryfme  guéri  par  ce  moyen ,  &  opéré 
par  l'illuftre  M.  Morand ,  de  l'académie 
royale  des  fciences.  Ce  célèbre  Chirurgien , 
dont  l'amour  pour  le  bien  public  égale  les 
talens  &  le  favoir  fi  généralement  reconnus, 
a  bien  voulu  nous  communiquer  le  remède 
xlont  il  s'agit. 

Il  confifte  dans  la  fubftance  fongueufe  de 
la  plante  nommée  agaricus  pedis  equini 
fade.  Inft.  rei  herb.  561.  Fungus  in  caudi- 
cibus  nafcens  unguis  equini  figura,  C.  B. 
Pin.  371.  Fungi  igniarii.  Trag.  943  ,  parce 
qu'on  en  fait  l'amadou. 

On  coupe  l'écorce  ligneufe  de  cet  agaric  -, 
on  fépare  la  partie  fongueufe  du  refïe  de  la 
plante  ;  elle  efl  déjà  ibuple  comme  une  peau 
de  chamois ,  on  l'amollit  encore  en  la  bat- 
tant avec  un  marteau.  Un  morceau  de  cette 
efpece  d'amadou  appliqué  fur  la  plaie  de 
l'artère  ,  &  plus  large  que  ladite  plaie,  fou- 


ART 

tenu  d'un  fécond  morceau  un  peu  plus  large,' 

&  de  l'appareil  convenable,  arrête  le  lang. 

*  ARTHRITIQUES  (Affections.) 

On  donne,  en  médecine  ,  ce  nom  à  toutes 
les  maladies  qui  attaquent  les  jointures,  & 
qui  tiennent  de  la  nature  de  la  goutte,  &  à 
tous  les  médicamens  qu'on  emploie  pour  les 
guérir.  Voye^  GoUTTE. 

ARTHRODIE,  1".  f.  mot  formé  du  grec 
a  l^iot, articulation  ,  &  de  //^  (Ji-'<t,je  reçoi  ; 
c'eft,  en  anatomie ,  une  espèce  d'articula- 
tion dans  laquelle  la  tête  plate  d'un  os  eft 
reçue  dans  une  concavité  peu  profonde  d'un 
autre  03.  Voye:[  Os  &  ARTICULATION. 

Telle  eft  l'articulation  des  os  du  méta- 
carpe avec  les  premières  phalanges  des 
doigts,  des  apophyfes  obliques  des  vertèbres 
entre  elles ,  &c.  (L) 

ARTI,  f.  m.  (Hifi.  nat.  Bot.)  nom 
brame  d'une  plante  du  Malabar  qui  peut 
faire  un  genre  différent  du  lizeron,  convoL- 
vulus  ,  &  du  quamoclit  où  elle  a  été  juf- 
qu'ici  confondue  :  Van-Rheede  en  a  fait  gra- 
ver une  figure  affez  bonne,  mais  incomplète, 
dans  fon  Hortus  Malabaricus ,  yol.  II,  p. 
121  , planche  LIX.  M.  Linné  l'appelle  i/'O- 
inœa  ,  pes  tigridis  ,  foliis  palmatis  ,  fiori- 
busaggregacis,àins  fon  Syftema  Natum^ 
imprimé  en  1767  ,  page  iSç)  ,  /z".  ij. 

Cette  plante  eft  annuelle ,  rampant  fur 
terre ,  &  grimpant  fur  les  arbriffeaux  à  la 
hauteur  de  cinq  à  fix  pies:  fa  racine  eft  cy- 
lindrique ,  courte  ,  d'une  hgne  &  demie  au 
plus  de  diamètre,  verd-clair ,  aqueufe,  di- 
vifée  en  trois  ou  quatre  branches  libreufes; 
elle  jette  une  tige  fimple ,  cylindrique ,  de 
même  groffeur ,  charnue ,  mais  dure ,  flexi- 
ble, d'un  verd-clair,  toute  hériffée  de  poils 
longs ,  jaunes,  écartés  :  fes  feuilles  font  alter- 
nes ,  dil()oiées  circulairement  à  des  diftances 
de  trois  à  quatre  pouces  les  unes  des  au- 
tres ,  orbiculaires ,  de  trois  pouces  environ 
de  diamètre,  d'un  verd-clair,  divifées  juf- 
qu'aux  deux  tiers  de  leur  profondeur,  en 
cinq  à  iépt  lobes ,  elliptiques ,  pointues  aux 
deux  bouts,  relevées  en  deffous  d'un  pareil 
nombre  de  côtes  qui  forment  autant  de 
rayons,  &  fendwes  pareillement ,  jufqu'au 
tiers  de  leur  longueur ,  d'une  échancrure ,  au 
fond  de  laquelle  elles  font  portées  lur  un  pé- 
dicule cylindrique  un  peu  plus  long  qu'elles, 
&c  htrifté  de  poils  comme  les  tiges. 


ART 

De  l'aifTelle  de  tha<iue  pédicule  s'cleve  un  ' 
péciunciile  de  msine  longueur ,  &c  hériffé  de 
même,  maii,  un  peu  plus  mince  ,  portant  à 
fon  extrémité  une  fleur  prelque  deux  tois 
plus  grande  ,  blanche,  luilante  ,  d'une  feule 
pièce  en  entonnoir,  dont  le  pavillon  entier 
cft  ouvert  lous  un  angle  de  quarante-cinq 
degrés  ,  &  aulfi  long  que  le  tube  qui  eft  un 
cylindre  égal  dans  toute  (a  longueur  -,  ce 
pavillon  eil  onde  ,  comme  crépu  iur  fes 
bords ,  ftrié  en  long  de  dix  à  quinze  nervu- 
res &  femé  de  quelques  poils.  Le  calice  qui 
enveloppe  cette  fleur  efl  une  fois  plus  court 
qu'elle,  compolé  de  cinq  feuilles  vertes  à 
baie  blanche  ,  triangulaires ,  pointues ,  affez 
inégales,  ondées,  trois  à  quatre  fois  plus 
longues  que  larges,  hériflfées  de  poils  :  cinq 
étamines  menues  ,  droites ,  blanches ,  à  an- 
thères blanches ,  font  attachées  au  bas  du 
tube  de  la  corolle,  dont  elles  égalent  feule- 
ment la  moitié  de  la  longueur ,  n'atteignant 
que  le  bas  du  pavillon  qui  forme  l'enionnoir. 
Au  centre  de  la  fleur  eft  un  difque  jaune  , 
fort  applati ,  Iur  lequel  porte  un  ovaire  co- 
nique ,  qui  tait  corps  avec  lui  &  qui  eft  ter- 
miné par  un  ftyle  &  un  ftigmate  blanc  fphé- 
roide ,  à  la  hauteur  des  étamines.  L'ovaire , 
en  mûriflànt,  devient  une  capfule  fphéroide 
de  quatre  lignes  de  diamètre ,  à  quatre  loges, 
s'ouvrant  en  quatre  battans  ,  6c  contenant 
chacune  une  graine  triangulaire  à  trois  taces, 
dont  deux  plates  &  une  convexe ,  d'abord 
verte  ,  enfuite  brune  ,  légèrement  velue. 

Qualités.  L'arii  n'a  qu'une  faveur  &  une 
odeur  fauvage:  en  quelque  endroit  qu'on  le 
bleffe  ,  il  rend  une  liqueur  laiteufe  abon- 
dante. 

l/fages.  Ses  feuilles  pilées  avec  le  poivre 
s'appliquent  fur  lesmorfures  des  chiens  enra- 
gés ,  dont  elles  attirent  &  imbibent  tout  le 
venin:  pilées  avec  le  baume,  6c  appliquées 
de  même  fur  les  tumeurs ,  elles  les  font  dil- 
paroître. 

Remarques.  L'arti  eft  une  plante  fort 
différente  de  celle  qu'Hermann  Si  Dillen 
ont  figurée  &  décrite  fous  le  nomde pes-ci- 
gridis;  celle-ci  a  les  lobes  des  feuilles  tendues 
jufqu'au  pédicule  ,  les  Heurs  raffemblées  en 
corymbe ,  le  tube  de  la  corolle  beaucoup 
plus  large ,  la  graine  jaune  ,  &  nombre  d'au- 
tres différences.  M.  Linné  a  donc  eu  tort 


ART  çrgi 

ARTICHAUT,  f.  m.  cinara ,  ( Hiji. 
nac.  boian.)  genre  de  plante  qui  porte  des 
fleurs  à  fleurons  découpés ,  portés  chacun 
filr  un  embryon ,  6c  renfermés  dans  un 
calice  écailleux  6c  ordinairement  épineux. 
L'embryon  devient  dans  la  fuite  une  feinence 
garnie  d'aigrettes.  Ajoure?  aux  caraderes 
de  ce  genre  le  port  de  ^artichaut .,  qui  fe 
fait  diiiinguer  fi  aifément  des  chardons. 
Tourn.  In^.  rciherb.  Voye\  PLANTE.  (\) 
On  diftingue  trois  fortes  ^artichauts  , 
les  rouges.,  les  blancs  ,  6c  les  yiolets. 

Les  rouges  font  les  plus  petits ,  6c  ne  font 
bons  qu'à  manger  li  la  poivrade  ;  les  blancs 
ibnt  les  plus  ordinaires;  6c  les  violets  qui 
viennent  les  derniers ,  l'ont  les  meilleurs  , 
les  plus  gros ,  ôc  ceux  que  l'on  fait  fécher 
pour  l'hiver. 

On  en  fait  des  œilletons  qu'on  détache 
du  pié,  6f  qu'on  replante  tous  les  trois  ans  à 
neuf  ou  dix  pouces  de  diftance.  Ils  deman- 
dent à  être  fou  vent  fumés ,  arrolés ,  6c  cou- 
verts pendant  la  gelée:  on  les  butte  feule- 
ment dans  les  terres  légères.  Pour  les  faire 
avancer,  plufieurs  Jardiniers  y  répandent 
des  cendres  de  bois  brûlé.  (K) 

*  Dans  l'analyfe  chymique  de  culs  d'ar- 
tichauts  tendres  ÔC  frais ,  dépouillés  des 
écailles  6c  des  femences,  diftillésà  la  cornue, 
il  eft  forti  une  liqueur  hmpide  ,  d'une  odeur 
6c  d'une  faveur  d'herbe  ,  infipide  6c  obfcu- 
rement  acide ,  une  liqueur  d'abord  limpide  , 
manifeftement  acide,  fort  acide  fur  la  fin  , 
auftere,  roufflitre  ,  empyreumatique  ;  une 
liqueur  empyreumatique  roufl^e  ,  d'abord 
fort  acide ,  enfuite  un  peu  falée ,  6c  impré- 
gnée de  beaucoup  de  fel  alkali  urineux  -,  une 
huile  épaiflle  comme  du  firop. 

La  mafl^e  noire  calcinée  pendant  dix  heu- 
res, a  laiflTé  des  cendres  dont  on  a  tiré  par 
lixiviation  un  fel  fixe  purement  alkali.  Cette 
fubftance  charnue  a  une  faveur  dou<^3tre  , 
auftere,  6c  noircit  la  diftblution  du  vitriol: 
elle  contient  donc  un  fel  effentieltartareux, 
uni  avec  beaucoup  de  terre  aftringente  6c 
d'huile  douçâtre. 

On  mange  les  artichauts  à  la  poivrade, 
on  les  frit,  on  les  fricaflé  ôc  on  les  confit. 

Pour  les  mettre  à  la  poivrade ,  prenez-les 
tendres  ;  coupez-les  par  quartiers  ;  ôttz-en 
le  foin  6c  les  petites  feuilles;  pelez  le  deflus; 


de  les  confondre.  ( iW,  Adansqn,)^        jjçtez-les  dans  l'eau  fraîche,  6c  les  y  laiftez, 


510  ART 

de  peur  qu'Us  ne  fe  noirciffent  &  ne  devien- 
nent amers,  jufqu'à  ce  que  vous  les  vouliez 
fervir  :  alors  mettez-les  dans  un  plat  ou  fur 
une  affiette  ,  arrofés  d'eau,  &  f'ervez  en 
même  temps  du  poivre  &  du  fel  mêlés. 

Pour  les  trire  ,  prenez-en  les  culs  ',  cou- 
pez-les par  quartiers  :  otez  le  foin;  rognez 
la  pointe  des  feuilles  ;  faupoudrez  les  enliiiie 
de  la  tarine  détrempée  avec  du  l^eurre ,  des 
iaunes  d'œufs,  du  fel,  &c.  &  jetez-les  dans 
la  friture  chaude. 

On  met  encore  les  artichauts  à  la  fauce 
blanche  &à  plufieurs  autres.  Foy.  la-dcffus 
les  traités  de  cuifine. 

Pour  les  confire  ,  pelez  les  culs  ;  n'y 
laiffez  ni  feuilles,  ni  foin;  jetez-les  dans 
l'eau  fraîche  ;  faites-les  pafferdans  une  autre 
eau  ;  faites-leur  jeter  un  bouillon  :  .prenez 
un  pot,  mettez-y  de  l'eau  bien  falée  qui, 
fumage  de  trois  doigts;  ajoutez-y  une  par- 
tie d'eau  &  une  autre  de  vinaigre  ,  lépaif- 
feur  de  deux  doigts  de  bonne  huile  ou  de 
beurre  qui  ne  foit  pas  trop  chaud;  &  laiffez 
les  artichauts  dans  cet  état. 

\J artichaut  à  la  poivrade  efl  ami  de  l'ef- 
tomac,Si  fait  trouver  le  vin  bon.  On  en  con- 
ferve  les  culs  pour  l'hiver ,  en  les  faifanc  fé- 
cher  au  foleil  ou  à  la  fumée ,  &  en  les  tenant 
dans  un  lieu  fec  ;  mais  de  quelque  manière 
qu'on  les  prépare ,  ils  nourriflent  peu  &  tour- 
niffent  un  fuc  groiîier  &  venteux  :  les  côtes 
des  feuilles,  &  les  tiges  tendres  &  blanches 
fe  digèrent  facilement.  Les  racines  excitent 
fortement  les  urines  ;  on  les  peut  employer 
dans  les  décollions  &  les  bouillons  diuréti- 
ques. Quelques-uns  prefcrivent  la  décoftion 
en  lavement  pour  provoquer  les  urines. 

On  a  prétendu  que  les  têtes  à'articliuut'; 
étoient  aphrolîdiaques;  cette  propriété  n'efl 
rien  moins  que  prouvée ,  quoi  qu'en  dife  le 
préjugé,  &  tout  au  moins  s'il  eft  permis  de  les 
regarder  comme  tels ,  ce  n'efi:  que  par  la 
vertu  excitante  très-générale  qui  leur  eft  com- 
mune avec  une  infinité  d'autres  alimens. 

Il  efl:  encore  plus  plaifant  qu'on  ait  pré- 
tendu queTufage  fréquent  des  artichauts  à 
titre  d'aliment,  étoit  une  moyen affuré  pour 
faire  des  enfans  mâles.  Nous  ignorons  fans 
doute  une  foule  de  propriétés  dans  les  fubl- 
tances  qui  nous  environnent ,  &  l'on  doit 
s'abllenir  de  dogmatifer  avec  au'îi  peu  de 
çonnoiffance  ;  mais  il  eft  \n\  excès  de  pré- 


ART 

tention  introduite  par  l'abfurde  crédulité  qui 
rend  le  fcepticifme  néceffaire. 

Langius  vante  l'uiage  de  la  racine  d^arti- 
chuntd^ns  lagonorrhée.  (A/.  La  fosse.) 
ARTICLE,  f.  m.  fGramm.J  en  latin 
aniculus ,  diminutif  de  artus  ^  membre, 
parce  que  dans  le  lens  propre  on  entend  par 
article  les  jointures  des  os  du  corps  des 
animaux  ,  unies  de  différentes  manières  6c 
félon  les  divers  mouvemens  qui  leiu^  font 
propres  :  de-là  par  métaphore  &  par  exten- 
fi0!i  on  a  donné  divers  f'ens  à  ce  mot. 

Les  grammairiens  ont  appelle  articles  cer-^ 
tains  petits  mots  qui  ne  (ignifient  rien  de 
phyfique,  qui  font  identifiés  avec  ceux  de- 
vant lefquels  on  les  place  &  les  font  prendre 
dans  une  acception  particulière  :  par  exem- 
ple ,  le  roi  aime  le  peuple  ;  le  premier  le  ne 
préfente  qu'une  même  idée  avec  roi  ;  mais 
il  m'indique  un  roi  particulier  que  les  circonf- 
tances  du  pays  où  je  fuis  ou  du  pays  dont  on 
parle,  me  font  entendre  :  l'autre  le  qui  pré- 
cède peuple,  fait  auffi  le  même  effet  à  l'é- 
gard de  peuple  ;  8c  de  plus  le  peuple  étant 
placé  après  aime  ,  cette  pofuion  fait  coii- 
no'itre  que  le  peuple  eft  le  terme  ou  l'objet 
du  fentiment  que  l'on  attribue  au  roi. 

Les  articles  ne  fignifient  point  des  chofes 
ni  des  qualités  feulement;  ils  indiquent  à 
l'elprit  le  mot  qu'ils  précèdent,  &  le  tont 
confidérer  comme  un  objet  tel  ,  que  fans 
['article  cet  objet  feroit  regardé  fous  un 
autre  point  de  vue  ;  ce  qui  s'entendra  mieux 
dans  la  fuite  ,  fur-tout  par  les  exemples. 

Les  mots  que  les  grammairiens  appellent 
articles,  n'ont  pas  toujours  dans  les  autres 
langues  des  équivalens  qui  y  aient  le  même 
nî'age.  Les  Grecs  mettent  fbuvent  leurs  <îr//- 
cles  devant  les  noms  propres,  tels  que  PA/- 
lippe  ,  Alexandre,  Cefar,  &c.  nous  ne  met- 
tons point  V article  devant  ces  mots-là.  Enfin 
il  y  a  des  langues  qui  ont  des  articles ,  &C 
d'autres  qui  n'en  ont  point. 

En  hébreu,  en  chaldéen  &  en  fyriaque, 
les  noms  font  indéclinables  _,  c'eft-à-dire , 
qu'ils  ne  varient  point  leur  délinence  ou  der- 
nières iyllabes,  fi  ce  n'eft  conune  en  fran- 
çois  du  fingiilierau  pluriel:  mais  les  vues  de 
l'ctprit  ou  relations  que  les  Grecs  &  les  La- 
tins font  connoitre  par  le^  terminaifons  des 
noms ,  font  indiquées  en  hébreu  par  des  pré- 
pofitifs  qu'on  appelle  pA<.y/x£.« ,  &C  qui  l()nt 

lies 


ART 

Jiés  aux  noms  à  la  manière  des  prépofnion*; 
inleparables,  enforte  qu'ils  forment  le  même 
mot. 

Comme  ces  prépofitifs  ne  Te  mettent  point 
au  nominatif,  &  que  l'ufage  qu'on  en  fait 
n'eft  pas  trop  uniforme,  les  Hébraifans  les 
regardent  plutôt  comme  des  prépofitions 
que  comme  des  articles.  Nomina  hibraica 
propriè  Loqutnio  funt  indeclinabilia.  Quo 
crgo  in  caj'u  accipicnda  fine  &  effcrenda,  non 
urminationc  dignofcitur^fed prœcipui  conf- 
trucilone  &  prcEpofîcionihus  quihufdam  ^  Jeu 
litteris prœpojltionum  vices  gcrcnùhus  ,  qux 
ipfis  àfrontt  adjiciuntur.  Mafclef.  Gramrn. 
hebr.  c.  ij .,  n.  y. 

A  l'égard  des  Grecs ,  quoique  leurs  noms 
fe  déclinent,  c'eft-à-dire ,  qu'ils  changent  de 
terminailon  lelon  les  divers  rapports  ou  vues 
de  lel'prit  qu'on  a  à  marquer,  ils  ont  encore 
un  article  o ,  n,  t6  ,  t«  ,  TMf ,  tï  ,  &c.  dont 
ils  font  un  grand  ufage  :  ce  mot  eft  en  grec 
une  partie  ipéciale  à'oraifon.  Les  Grecs  î'ap- 
pellerentar'fTfoi/,  du  verbe  ic^,  apto,  adapto, 
dilpofer,  apprêter,  parce  qu'en  effet  l'a«/f/i 
difpole  l'elpritàconfidérer  le  mot  qui  le  (iiit 
fous  un  point  de  vue  particulier  ;  ce  que  nous 
développerons  plus  en  détail  dans  la  fuite. 

Pour  ce  qui  elt  des  Latins,  Qirtntilien  dit 
expreflement  qu'ils  n'ont  point  ^''articles ,  & 
qu'ils  n'en  ont  pas  befoin  ,  nofler fertno  ani- 
£ulos  non  defiderat.  ("Quint,  lib.  /,  c.  iv.J 
Ces  adjectifs  is,  hic  ,  ille ,  ifïe ,  qui  font  fou- 
vent  des  pronoms  de  la  troifiemeperfonne, 
font  aufli  des  adjeftifs  démonftratifs  &f  mé- 
taphyfiques ,  c'ell-à-dire,  qui  ne  marquent 
point  dans  les  objets  des  qualités  réelles  indé- 
pendantes de  notre  manière  de  penfer.  Ces 
adjeâifs  répondent  plutôt  à  notre  ce  qu'à 
notre  le.  Les  Latins  s'en  fervent  pour  plus 
.d'énergie  &  d'emphafe  ;  Catonem  illumfa- 
.pientem  ,  (Cic.)  ce  fage  Caton  ;  ille  alter^ 
(Ter.)  cet  autre;  ilL-ifeges,  (  Virg.  Géogr. 
I ,v.  4y.J  cette  nioilTon  -^illa  rcrum  domina 
fortuna.,  ( C'ic.  pro  Marc.  n.  2.)  la  fortune 
elle-même  ,  cette  maitreffe  des  événemens. 
..  Uxorem  ille  tuus  pulclier  aniator  habet. 
..Propert.  lib.  //,  eUg.  xvj .,  v.  4.  Ce  bel 
amant  que  vous  avez,  a  une  femme. 

Ces  adjeftits  latins  qui  ne  fervent  qu'à  dé- 

,  terminer  l'objet  avec  plus  de  force,  (ont  fi 

différens  de  V article  grec  &  de  V article  fran- 

.çois,  que  Voffius  prétend  {de  Anal.  lib.  I, 

Tome  III. 


ART  ^11 

c.  I  ,/j.  47^,)  que  les  maîtres  qui ,  en  faifant 
apprendre  les  déclinaifons  latines ,  font  dire 
luvc  mufa,  induifent  leurs  dilciplesen  erreur  ; 
&  que  pour  rendre  littéralement  la  valeur  de 
ces  deux  mots  latins  félon  le  génie  de  la  lan- 
gue greque,  il  taudroit  traduire  hcec  mufa  y 
«'tm  1)  iJ.rjTa,,  c'efl-à-dire  cette  la  mufe. 

Les  Latins  failbien:  un  ufage  fi  fréquent  de 
leur  adjeftif  démonftratif  :'//«  ,  illa^  illudy 
qu'il  y  a  lieu  de  croire  que  c'eft  de  ces  mots 
que  viennent  notre  le  &  notre  la  ;  ille  ego , 
muUerilla:  Va  homini illi per quem  tradetur. 
{Luc  ,  c.  xxij .  V.  2  2 .  )  bonum  erat  eiji natus 
nonfuijj^it homo  /7/f.Matth.  c.  xxi'j\lv.  24.) 
Hic  illa  parva  Petilia  Philocletiz.  (  Virg. 
ALn.lib.  III ,  V.  401)  C'eft-là  que  la  petite 
ville  de  Petilie fut  bâtie  par  Philoftete.  y^a- 
fonia:  pars  illa  proculquam pandit  Apollo» 
Vu.  V.  479 .  Hxc  illa  Ckaribdis.  Ib.  v.  668. 
Pétrone  faifant  parler  un  guerrier  qui  fe  plai- 
gnoit  de  ce  que  fon  bras  étoit  devenu  paraly- 
tique ,  lui  fait  dire  :  funerata  espars  illa  cor- 
poris  mei  quâquondam  Achilles  eram  ;  il  eft 
mort  ce  bras  par  lequel  j'étois  autrefois  un 
Achille.  Illi  Deum pater ,  Ovide.  Quifquis 

fuit  ille  Diorum.  Ov.  Metam.  lib.  I,  v.  j  2, 
Il  y  a  un  grand  nombre  d'exemples  de  cet 
ufage  que  les  latins  taifoient  de  leur  ille  y 
illu.,illud ,  fur-tout  dans  les  comiques,  dans 
Phèdre  &  dans  les  auteurs  de  la  baffe  latinité. 
C'eft  de  la  dernière  fyllabe  de  ce  mot  ilUy 
quand  il  n'eft  pas  employé  comme  pronom, 
&  qu'il  n'eil  qu'un  fimple  adjeftif  indicatif, 
que  vient  notre  article  le  :  à  l'égard  de  notre 
lu,  il  vient  du  féminin  illa.  La  première 
lyllabe  du  mafculin  ille  a  donné  lieu  à  notre 
pronom  //,  dont  nous  faifons  ufage  avec  les 
verbes,  ille  affirmât ,  (Phred.  lib.  III,  fab. 
iij,  V.  4  ,  )  il  affure.  lUcficit,  fld.  Ub.  III, 
fab.  V.  vers  S ,}  il  a  fait  ou  il  fit.  Ingénia  vi- 
res ille  datj  ille  rapit ,  (  Ov.  Her.  ep.  xv  , 
V.  206'.  )  A  l'égard  de  elle,  il  vient  de  illa  , 
illaveretur,{y'v:g.  eclog.  ii/,v.4,)  ellecraint. 
Dans  pvefque  toutes  les  langues  vulgaires, 
les  peuples,  foit  à  l'exemple  des  Grecs,  foii: 
plutôt  par  une  pareille  difpofition  d'efprit, 

j  fe  font  fait  de  ces  prépofitifs  qu'on  appelle 

:  articles.  Nous  nous  arrêterons  principale- 

'  ment  à  [''article  françois. 

Tout  prépofitif n'eft  pas  appelle ^mtVtr.  Ce, 
cet,  cette,  certain,  quelque,  tout,  chaque,  nuly 

'  aucun ,  mon ,  m.i ,  mes ,  &c.  ne  font  que  de? 

Rrr 


5Î2.  ART 

adieflifs  tnétaphyriques  ;  ils  précèdent  tou- 
jours leurs  (ubftantifs  ;  &  piiif'qu'its  ne  fervent 
qu'à  leur  donner  une  quallficailon  méta- 
phyfique,  je  ne  fais  pourquoi  on  les  met  dans 
h  claffe  (les  pronoms.  Quoi  qu'il  en  (oit,  on 
ne  donne  pas  le  nom  cY article  à  ces  adjeftifs; 
ce  font  fpécialement  ces  trois  mots  ,  le, /a, 
les  ,  que  nos  grammairiens  nomment  ani- 
mes ,  peut-être  p.-vrce  que  ces  mots  font  d'un 
ufage  plus  fi  équent.  Avant  que  d'en  parler 
plus  en  détail,  obfervons  que 

i".  Nous  nous  fervons  de  /e  devant  les 
nomsmafculins  au  fingulier,  le  roi ,  le  jour. 
i".  Nous  employons  la  devant  les  noms 
féminins  au  fingulier  ,  la  reine  ,  la  nuit. 
3°.  La  lettre  s  qui ,  félon  l'analogie  de  la 
langue  ,  marque  le  pluriel  quand  elle  eft 
ajoutée  au  fingulier,  a  formé  les  du  fingu- 
lier le;  les  fert  également  pour  les  deux 
genres,  les  rois,  les  reines  ,  les  jours  ,  les 
nuits.  4°.  Le,  la,  les,  font  les  trois  articles 
fimples  :  mais  ils  entient  auffi  en  compofi- 
tion  avec  la  prépofition  à ,  &  avec  la  pré- 
pofition  de  ,  &1.  alors  ils  forment  les  quatre 
articles  compofés ,  an ,  aux  ,  du  ,  diS. 

Au  eft  compofé  de  la  prépofition  à  ,  &c 
«le  l'article  le  ,  en  forte  que  au  eft  autant  que 
ù  le.  'î^os  pères  dii'oieni  al ,  al  temps  Innocent 
III ,  c'eft-à-dire,  au  temps  d'Innocent  III. 
'L'apoJIoile  manda  ai prodome,  &rc.  le  pape 
envoya  au  prud'homme  :  Ville- H.irdouin  , 
iib.  I,  p.  I  ,  mainte  lerme  ifu  plorh  de  pitié, 
al  départir ,  ib.  id.  p.  /6".  Vigenere  traduit 
maintes  larmes  furent  plorées  à  leur  parte- 
ment,  &  au  prendre  congé.  C'eftle  (on  obf- 
cur  de  Ve  muet  de  \ article  fimple  le ,  &  le 
changement  afTez  commun  en  notre  langue 
de  /  en  u  ,.  comme  mal ,  maux  ,  cheval , 
chevaux  ;  altus,  haut,  alnus ,  aulne  farbrej, 
alna  ,  aune  finefurej ,  altcr,  autre ,  qui  ont 
fait  dire  au  au  lieu  de  à  te,  ou  de  al.  Ce 
n'efi que quandies  noms maleuliiis commen- 
cent par  une  confonne  ou  une  voyelle  aipi- 
rée ,  que  l'on  fe  iert  de  au  au  lieu  de  à  le; 
car  fi  le  nom  mafculin  commence  pai>  une 
voyelle  ,  alors  on  ne  fait  point  de  contrac- 
tion ,  la  prépofition  à  &  l 'article  U  demeu- 
rent chacun  dans  leur  entier  :  ainfi  quoiqu'on 
dife  le  cxur ,  au  cœur,  on  dit  i'efprit ,  à  fcf- 


ART 

qnand  le  fuBftant  if  commence  pnr  une  voycf- 
le  ,  r«  muet  de  U  s'élide  avec  cette  voyelle, 
ainfi  la  railon  qui  a  donné  lieu  à  la  contrac- 
tion au  ,  ne  fubfifte  plus;  &  d'ailleurs  ,  il  fe 
ferc.it  un  bâillement  défagréable  fi  Von 
difoit  au  efprit ,  au  argent,  au  enfant,  &c. 
Si  le  nom  eft  féminin  ,  n'y  ayant  point  d'e 
muet  dans  l'article  la,  on  ne  peut  plus  en 
f/ire  au  ;  ainfi  l'on  conferve  alors  la  prépo- 
fition &:  l'article,  la  raifon  ,  à  la  raifon , 
la  vertu  ,à  la  vertu.  i°.  Aux  fert  au  pluriel 
pour.les  deux  genres;  e'eft  une  contradioa 
pour  à  les ,  aux  hommes  y  aux  femmes  ,  aux 
rois ,  aux  reims  ,  pour  à  les  hommes ,  à  les 
femmes  ,  &c.  3°.  Du  eft  encore  une  con- 
traction pour  de  le  ;  c'eft  le  fon  obfcur  de  L 
deux  e  muets  de  fuite ,  de  le.,  qui  a  amené  la  » 
contraftion  du  :  autrefois  on  difoit  del  ;  la 
jins  dil  confeilji  fu  tels,  &c.  l'arrêté  du 
conleil  fa^ ,  6c.  Vdle-Hardouin  ,  iib.  VII, 
p.  loy.  Gervaife  del  Ckajiel,  id.  ib.  Ger- 
vais  du  Caflel.  Vigenere.  On  dit  donc  du 
bien  &  du  mal ,  pour  de  le  bien  ,  de  le  mal  ^ 
&  ainfi  de  tous  les  noms  mafculins  qui 
cominencent  par  une  conionne  ;  car  fi  le- 
nom  commence  par  une  voyelle  ,  ou  qu'il 
foit  un  genre  féminin  ,  alors  on  f<:vientàla 
fimplicité  de  la  prépofition,  &  à  celle  de 
^article  qui  convient  au  genre  du  notn  ;  ainfi 
on  dit ,  de  l\j'prit,de  la  vertu  ,  de  la  peine; 
par-là  on  évite  le  bâillement  :  c'eft  la  même 
raifon  que  l'on  a  marquée  fur  au.  4°.  Enfin 
des  fert  pour  les  deux  genres  au  ph:riel ,  &i 
fe  dit  pour  de  les  ,  des  rois ,  des  reims. 

Nos  enfans  qui  commencent  à  parler, 
s'énoncent  d'abord  fans  conrraclion  ;  ils  di- 
fent  de  le  pain  ,  de  le  vin.  T^l  tft  encore 
l'ufage  dans  prefque  toutes  nos  provinces 
limitrophes ,  fur-tout  parmi  le  peuple  :  c'eft 
peut-être  ce  qui  a  donné  lieu  aux  premières 
obfervations  que  nos  grammairiens  ont  fai- 
tes de  ces  ccntraftions. 

Les  Italiens  ont  un  plus  grand  nombre  de 
prépofitions  qui  fe  contraêlent  avec  leurs 
articles. 

Mais  les  Anglois  qui  ont  comme  nou3 
des  prépofitions  &  des  articles ,  ne  font  pas 
ces  coiitraélions;  ainfi  ils  difent  oj  the  Ao. 
le,  où  nous  difcns  du;  the  king ,  le  roi; 
oftlie  king  y  de  le  roi,  6i  en  f.ançois  du 
roi  ;  ofthe  queen  ,  de  la  reine;  to  the  king  y 
à  le  iQi;  au  roii  to  the  <iueuiy  à.  la  rtMne» 


ART 

Cette  remarque  n'eft  pas  de  (împle  curio- 
iité  ;  il  eft  important  pour  rendre  raifon  de 
la  conftruftion ,  de  l'éparerla  prépiifition  de 
XarticU,  quand  ils  font  Tun  &  l'autre  en 
compofifion  :  par  exemple,  ii  je  veux  ren- 
dre raifon  de  cette  tac^on  de  parler  ,  Jupain 
fuffii,  je  commence  par  dire  de  U  pain  ; 
alors  la  prépolîtion  de ,  qui  eft  ici  une  pré- 
pofition  extraftive,  &  qui  comme  toutes 
les  autres  prépofitions  doit  être  entre  deux 
■permes ,  cette  prépolîtion,  dis-je,  me  fait 
connoître  qu'il  y  a  ici  une  ellipTe. 

Piiedre  ,  dan:;  L  fable  de  la  vipère  &  de  la 
lime,  pour  dire  que  cette  vipère  cherchoir  de 
quoi  manger,  dit  :  kctc  quiiin  tentant  fi  quu 
res  effet  cii>i,  l.  IV^fah.  l'i;  ,  v.  4  ,  où  vous 
voyez  que  ali^jua  res  cihi  tait  connoître  par 
analogie  que  du  pain  ,  ceûaliqua.  rcspanisj 
paulii/um  panii ,  quelque  choie ,  une  partie, 
une  portion  du  pain  :  c'eft  ainfî  que  les  An- 
glois,  pour  dire,  donnez-moi  du  pain,  di- 
ient  giye  me  fomt  bread ,  donnez-moi  quel- 
fjue  pain;  &  pour  dire /'a/  vu  des  hommes, 
ils  dlfent  /  haue  j'een  fome  men  ;  mot  x  mot, 
j'ai  vu  quelques  hommes  ;  à  des  médecins, 
to  fonie  phyficians ,  à  quelques  médecins. 

L'uCage  de  fous-entendre  ainlî  quelque 
nom  générique  devant  de,  du,  des,  qui 
commencent  une  phral'e,  n'étoit  pas  inconnu 
aux  Latin'--  :  Lentulus  écrit  à  Cicéron  de  s'in- 
tereffer  à  fa  gloire;  de  faire  valoir  dans  le 
féuat  &  ailleurs  tout  ce  qui  pourroir  lui  taire 
honîieur  :  de  nofîra  dignitate  velim  ttH  iit 
Jtmper  cum  fit.  Cicéron  ,  ép.  liv.  XII,  ép. 
ziv.  Il  eft  évident  que  de  nofira  dignitate  nt 
peut  être  le  nominatif  de  curx  fit  ;  cepen- 
ilant  ce  \'erbe  fit  étant  à  \m  mode  fini ,  doit 
avoir  un  nominatif  :  ainfî  Lentulus  avoir 
dans  l'efprit  ratio  ou  ferma  de  nofira  digni- 

.•W«,  l'intérêt  de  ma  gloire;  &  quand  même 
on  ne  trouveroit  pas  en  ces  occafions  de 
mot  convenable  à  fuppléer ,  l'efprit  n'en 
feroit  pas  moins  occupé  d'une  idée  que  les 

.  mots  énoncés  dans  la  phrafe  réveillent ,  mais 
qu'ils  n'expriment  point  :  telle  eft  l'analo- 
gie ,  tel  eft  l'ordre  de  l'analyfe  de  renon- 
ciation. Ainiî ,  nos  grammairiens  manquent 
d'exaftitude,  quand  ils  dilent  que  la  prépo- 
fition  dont  nous  parlons  fert  a  marquer  le 
nominatif,  lorfqu^on  ne  veut  que  dèfigner 
i^ne  partie  de  la  chofe,  Gra.mm.  de  Régnier, 
page  170;  Reftaut,  pag.  75  6c  418.  Ils  ne 


prennent  pas  garde  que  les  p'cpounons  ne- 
fauroient  entrer  dans  le  difcours,  fans  mar- 
quer un  rapport  ou  relation  entre  deux  ter- 
mes, entre  un  mot  &  un  mot:  par  exem- 
ple, U  prépolîtion  pour  marque  un  motif, 
une  fin,  une  raifon  :  niais  enluite  il  faut 
énoncer  l'objst  qui  eft  le  terme  de  ce  mo- 
tif,  &  c'efl  ce  qu'on  appelle  le  complé- 
ment de  iaprépofition.  Par  exemple,  tV/ra- 
vaille  pour  La  patrie  ,  la  patrie  eft  le  com- 
pléivent  de  pour,  c'eft  le  mot  qui  détermine 
pour;  ces  deux  mots  pour  la  patrie  font  un 
fèns  particulier  qui  a  rapport  à  travaille  ,  &c 
ce  dernier  au  fujet  de  la  prépofttion,  le  roi 
travaille  pour  la  patrie.  Il  en  eft  de  même 
des  prépofitions  de  &  à.  Le  livre  de  Pierre 
eft  beau;  Pierre  eft  le  complément  de  if^,  & 
ces  deux  mots  de  Pierre  (é  rapportent  à 
livre,  qu'ils  déterminent,  c'eft-à-dire  ,  qu'ils 
donnent  à  ce  mot  le  fens  particulier  qu'il  a 
dans  l'efprit  ,  &  qui  dans  renonciation  le 
rend  fujet  de  l'attribut  qui  le  fuit  ;  c'eft;  de 
ce  livre  que  je  dis  qu'/V  eft  hiau. 

A  eft  aufli  une  prépofition  qui ,  entre 
autres  ufàges ,  marque  un  rapport  d'attri- 
bution :  donner  fon  cœur  à  Dieu  ,  parler  à 
quelqiiun  ,  dire  fa  penfée  à  fon  ami. 

Cependant,  communément  nos  grammai- 
riens ne  regardent  ces  deux  mots  que  comme 
des  particules  qui  fervent  ,  di("ent-ils  ,  à 
décliner  nos  noms  ;  l'une  eft  ,  dit-on  ,  la 
marque  du  génitif;  &  l'autre,  celle  du 
datif.  Mais  n'eft-il  pas  plus  fimple  &  plus 
analogue  au  procédé  des  langues  ,  dont  les 
noms  ne  changent  point  leur  dernière  fyl- 
iabe ,  de  n'y  admettre  ni  cas ,  ni  déclinai- 
fon,  &  d'obferver  feuletnent  connnent  ces 
langues  énoncent  le';  mêmes  vues  de  l'efprit, 
que  les  Latins  font  coimoître  par  la  diffé- 
rence des  terminnifons .''  tout  cela  fe  fait, 
ou  par  la  place  du  mot ,  ou  par  le  fecours 
des  prépofitions. 

Les  Latins  n'ont  que  fix  cas,  cependant 
il  y  a  bien  plus  de  rapports  à  marquer  ;  ce 
plus ,  ils  l'énoncent  par  le  fecours  de  leurs 
prépofitions.  Hé  bien ,  quand  la  place  du 
mot  ne  peut  pas  oeus  fervir  à  faire  connoî- 
tre le  rapport  que  nous  avons  à  marquer, 
nous  faifbns  alors  ce  que  les  Latins  faifoient 
au  défaut  d'une  définence  ou  termlnaifon 
particulière  ;  comme  nous  n'avons  point  de 
terminaifon  deftinée  à  marquer  le  génitif, 
Rrr  i 


■514  ART 

nous  avons  recours  à  une  prépofitîon  ;  il  en 
efl:  de  même  du  rapport  d'attribution ,  nous 
le  marquons  par  la  prépofitîon  à ,  ou  par 
la  prépofnion/'owr,  6c  même  par  quelques 
autres,  &  les  Latins  marquoient  ce  rapport 
par  une  terminaifon  particviliere  qui  failoit 
dire  que  le  mot  étoit  alors  au  datif. 

Nos  grammairiens  ne  nous  donnent  que 
fix  cas ,  ians  doute  parce  que  les  Latins  n'en 
ont  que  fix.  Notre  accuiatif,  dif-on  ,  eft 
toujours  femblable  au  nominatif:  hé,  y 
a-t-11  autre  chofe  qui  les  diflingue ,  finon- 
ia  place  ?  L'un  fe  met  devant ,  &  l'autre 
après  le  verbe  ;  dans  l'un  &  dans  l'autre 
occafion  le  nom  n'eft  qu'une  fimple  déno- 
mination. Le  génitif,  félon  nos  gratinnai- 
res ,  eft  toujours  femblable  à  l'ablatif;  le 
datif  a  le  privilège  d'être  feiil  avec  le  pré- 
tendu article  à  :  mais  de  &  à  ont  toujours 
un  complément  comme  les  autres  prépofi- 
tlons ,  &  ont  également  des  rapports  parti- 
culiers à  marquer  \  par  conféquent  ,  fi  de 
&  à  font  des  cas  ,  fur  ,  par  ,  pour  ,  fous  , 
dans  ,  avec ,  &  les  autres  prépofiiions,  de- 
vroient  en  faire  auffi;  il  n'y  a  que  le  nom- 
bre déterminé  des  fix  cas  latliis  qui  s'y  op- 
pofe  :  ce  que  je  veux  dire  eft  encore  plus 
fenfible  en  italien. 

Les  grammaires  italiennes  ne  comptent 
que  fix  cas  auffi ,  par  la  feule  ralfon  que 
les  Latins  n'en  ont  que  fix.  Il  ne  fera  pas 
inutile  de  décliner  ici  au  moins  le  finguller 
de  nos  Italiens ,  tels  qu'ils  font  déclinés  daiis 
!a  grammaire  de  Buommatei ,  celle  qui  avec 
raifon  a  le  plus  de  réputation. 

I.  Il  re ,  c'eft  à-dire  le  roi  ;  1.  dd  re  , 
'^.  al  re ,  4.  il  re,  15 .  o  re  ,  6.  dal  re.  i .  Lo 
abhate ,  l'abbé ,  2.  dello  ahbate ,  3 .  ail»  ab- 
iate.  4,  lo  ahbate  ,  5.  o  abhate  y  6.  dallo 
ahbate.  i.  La  donna  ,  la  datne  ,  1.  délia 
donna  ,  3.  alla  donna  ,  4.  la  donna,  <).  o 
donna  ,  6.  dalla  donna.  On  volt  alfément , 
&  les  grammairiens  en  conviennent ,  qui 
del ,  dello  &  dalla,  font  compofés  de  l'ar- 
ticle, &  dedi,  qui  en  compofitionfe  change 
en  de  ;  que  al ,  allô  &  alla,  font  auffi  com- 
pofés de  ["article  &  de  a,  &c  qu'enfin  dal , 
dallo ,  &  dalla  ,  font  formés  de  l'article  & 
de  da,  qui  figniiie/'<jr  ,  che  ,  de. 

Buonunatei  appelle  ces  trois  mots  di,  a, 
da  ,  des  fegnaccajt,  c'eft-à-dire,  des /ignés 
des  cas.  Mais  ce  ne.  font  gas  ces  feules  pré- 


ART 

pofitîons  qui  s'unifient  avec  \^ article  :  en  voîci 
encore  d'autres  qui  ont  le  même  privilège. 

Con,  co,  avec  ;  col  tempo,  avec  le  temps; 
colla  liberta ,  avec  la  liberté. 

In ,  en ,  dans  ,  qui  en  compofition  fe 
change  en  ne  ,  nello  fpecchio ,  dans  le  m\- 
ïQ\r;nel giardino,  dans  le  jardin  ;  nelle  flra- 
de-,  dans  les  rues. 

Per,  pour,  par  rapport  à  ,  perd I'a ; ^'<;/ 
giardino  ,  pour  le  jardin, 

Sopra,  fur  ,  fe  change  en  fu ,  fuU prato  y 
fur  le  \>':é ,  fulla  tavola,  iur  la  table.  Infra 
ou  intra  le  change  en  ira  jon  dit  tra'l  pour 
tra ,  il  entre  là. 

La  conjonftion  &  s'unit  aufili  avec  l'ar- 
ticle, la  terra  e'/  cielo ,  la  terre  &  le  ciel. 
Faut-il  pour  cela  fôicr  du  nombre  des  con- 
jondions  ?  Puiiqu'on  ne  dit  pas  que  toutes 
ces  prépofitions  qui  entrent  en  compofition 
avec  \ article  ,  forment  autant  de  nouveaux 
cas  qu'elles  marquent  de  rapports  différensy 
pourquoi  dit-on  que  di ,  a ,  da ,  ont  ce  pri- 
vilège ?  C'eft  qu'il  fufFifoit  d'égaler  dans  la 
langue  vulgaire  le  nombre  des  fix  cas  de  la. 
grammaire  latine ,  à  quoi  on  étoit  accoutumé, 
dès  l'enfance.  Cette  correlpondance  étanî 
une  fols  trouvée ,  le  furabondant  n'a  pas 
mérité  d'attention  particulière. 

Buommatei  a  fenti  cette  difficulté  ,  f* 
bonne  foi  eft  remarquable;  je   ne  faurots- 
condamner,  dit -il,  ceux  qui  veulent  que 
in ,  per ,  con ,  foient  aufii  bien  fignes  de  cas, 
que  le  font  di,  a ,  da  :  mais  il  ne  me  plaît 
pas  à  prélént  de  les  mettre  au  nombre  des 
fignes  de  cas  ;  11  me  paroît  plus  utile  de, 
les  laifi!er  au  traité  des  prépofitions  :  io  non 
danno  in  loro  ragioni,  che.  cerib  non  Ji poj- 
Jon  dannare  ;  ma  non  mi  pia.ce  per  ora  met- 
tere  gli  ultimi  ml  numéro  de  JegnaJ caj: ;  pa- 
rendo  à  me  piu  utile  lafciar  gli  al  trattato. 
dclle  propojliioni.  Buommatei ,  délia  ling. 
Tofcana.Del Segn.  c.  tr.  42.  Cependant  une: 
railbn  égale  doit  faire  tirer  une  coniéquence 
pareille  :  par  ratio,  paria  jura  dc/idcrat  :  cOy 
ne  ,  pi ,  &c.  n'en  font  pas  moins  prépofi- 
tions ,  quoiqu'elles  entrent  en  compofitioa 
avec  X article ,  alnfi  di,a,da  ,  n'en  doivent 
pas  moins  être  prépofitions  pour  être  unies- 
à  V article.  Les  unes  &  les  autres  de  ces  pré- 
pofitions  n'entrent   dans    le  difcours   que 
pour  marquer  le  rapport  particulier  qu'elles. 
, doivent  indiquer  chacune  félon  la  deiUna-- 


ART 

tion  que  l'iifage  leur  a  donnée,  f.iiif  aux 
Latins  à  marquer  un  certain  noir.hre  de  ces 
rapports  par  des  terniinaifbns  particulières. 
■  Encore  un  mot,  pour  taire  voir  que  notre 
de  &  notre  a  ne  font  c[ue  des  prépolirions , 
c'eft  qu'elles  viennent,  l'une  de  l-i  prépo- 
fuion  latine  Ji  ,  &  l'autre  de  ad  ou  de  a. 

Les  Latins  ont  tait  de  leur  prépofuion  de 
le  même  ufage  que  nous  faifons  de  notre  de  ; 
©r  fi  en  latin  de  eil:  toujours  prépofition  ,  le 
de  François  doit  l'ctre  auiri  toujours. 

1°.  Le  premier  ulage  de  cette  préporuion 
eft  de  marquer  l'extraftion  ,  c'eft-à-dire, 
d'où  une  chofe  eft  tirée ,  d'où  elle  vient  , 
d'où  elle  a  pris  fon  nom;  ainfî  nous  dil'ons 
un  temple  de  marbre  ,  un  pont  de  pierre  ,  un 
homme  du  peuple ,  les  femmes  de  noire  fucle. 

1°.  Et  par  extenfion  cette  prépofuion  fert 
à  marquer  la  propriété  :  le  livre  de  Pierre  , 
c'eft-à-dire,  le  livre  tiré  d'entre  les  chofcs 
qui  appartiennent  à  Pierre. 

C'eft  félon  ces  acceptions  que  les  Lstins 
ent  dit ,  templum  de  marmore ponam  yY ug. 
Géorg.  liv.  III,  vtrs  i^  ,  je  ferai  bâtir  un 
temple  de  marbre  :  fuit  in  teclis  demarmort 
ttmplum,  Virg.  vEn.  IV ,  v.  46^;  il  y 
avoit  dans  fon  palais  un  temple  de  marbre  : 
tota  de  marmore ,  Virg.  Ed.  VII j  y-  Ji , 
toute  de  marbre  :. 

^ fol i do  de  marmore  templa 

Inflituam  ,fefiofque  dics  de  nomine  Phœbi. 

Virg.  ALn.  VI,  v.  yo.  Je  ferai  bâtir  des 
temples  de  marbre  ,  &  j 'établirai  des  fêtes  du 
nom  de  Phœbus ,  en  l'honneur  de  Phœbus. 
Les  Latins,  au  lieu  de  l'adjeftif,  fe  font 
fouvent  lervis  delà  prépo(itioni/e  fuivie  du 
nom,  ainfi  de  marmore  eft  équivalent  à  mar- 
moreum.  C'ell  ainfi  qu'Ovide ,  /.  met.  v. 
/27,  au  lieu  de  dire  atas  ferrea  ,  a  dit  :  de 
duro  efl  ultimaferro,  le  dernier  âge  eiî  l'âge 
de  fer.  Remarquez  qu'il  venoit  de  dire, 
aurea prima  fata  efl  (Cias  ;.en{inte,fubiit  ar- 
giiiiea  proies. 

Tertia  pofi  illas  fucceffit  Ahcenea proies  : 

&  enfin  il  dit  dans  le  même  fens ,  de  duro 
eft  uUima  ferro. 

Il eft  évident  que  dans  la  phrafe  d'Ovide, 
tuas  de  ferro  ,  de  ferro  n'eft  point  au  génitif; 
pourquoi  donc  dans  la  phrafe  françoife  , 
liage  de  fer,  de  fer  i^\o\i-\i  au  génitif?  Dans  i 


ART  py 

cet  exemple  la  prépofion  de  n'étant  point 
accompagnée,  ^article  ne  fert  avec /Jr  qu'à 
donner  à  âge  une  qualification  adjcftive  : 

A^t;  partis  expers  effet  de  no  fris  bonis  , 

Ter.  Heaut.  JV ,  1  ,  j;  9  ,  afin  qu'il  ne  fût  pas 
privé  d'une  partie  de  nos  biens  :  non  hoc  de 
niliilo  «/?,  Ter.  Hcc.  V,  1 ,  1 ,  ce  n'eft  pas 
là  une  affaire  de  rien. 

Reliquum  de  ratiuncula  ,  Ter.  Phorm.  I, 
/  ,  2 ,  un  refie  de  compte. 

Portent^  dégénère  hoc.  Liicret.  liy.  V,  v. 
,5(?,  les  monftres  de  cette  efpece. 

Catera  de  génère  hoc  adfingere  ,  imaginer 

des  fantômes  de  cette  forte ,  id.    ibid.  v. 

1 6'J  ;   &  Horace  ,  /,  fit.  1  ,  v.  1^  ,  s'cft 

exprimé  de  la  même  manière ,  catera   ds 

^génère  hoc  adeofunt  inulta. 

De  plèbe  Deo  ,  Ovid.  un  dieu  ducommun. 

Nec  de  plèbe  deo  ,fed  qui  vaga  fulmina 
mitro.  Ovid.  Met.  I,  v.  SffJ.  Je  ne  l'uis  pas 
un  dieu  du  commun  ,  dit  Jupiter  à  lo  ,  je  fuis 
le  dieu  puiifant  qui  lance  la  foudre.  Homo  dâ 
fchola  ,  Cic.  de  orat.  ij  ,  y  ,  un  hojnme  de 
l'école.  Declamator  de  ludo ,  Cic.  orat.  c. 
XV  ,  déclamateur  du  lieu  d'exercice.  Rabula. 
de  foro,  un  criailleur,  un  braillard  du  palais, 
Cic.  ibid.  Primus  de  plèbe ,  Tit.  Liv.  lib: 
VII ,  c.  xvij ,  le  premier  du  peuple.  Nous 
avons  des  élégies  d'Ovide,  qui  font  intitu- 
lées de  Ponto  ,  c'eft-à-dire ,  envoyées  da 
Pont.  Mulieres  de  noflro  feculo  quœ  [ponts- 
peccant ,  les  femmes  de  notre  fiecle.Aufon, 
dans  l'épure  qui  efl.  à  la  tête  de  l'Idylle  VII i 

Cette  couronne,  que  les  foldats  de  Pilate 
mirent  fur  la  tête  de  Jefus-Chrill,  S.  Marc 
{ch.  XV, V.  ly j  l'appelle//' /«£û7«  coronam  y  & 
S.  Matth.  (cil.  XI',  V.  2CiJ  auflî  bien  que  S. 
Jean  (ch.xix,  v.a  ,  )  la  nomment  coronam- 
defpinis  ,  une  couronne  d'épine. 

Unus  de  circumfiantibus  ,  Mare,  ch.  xiv, 
V.  47,  un  de  ceux  qui  étoient  là,  l'un  des 
aififtans.  Nous  difons  que.  les  Romains  ont- 
été  ainfi  appelles  de  Romulus  ;  &  n'efl-ce  pas 
dans  le  même  fens  que  Virgile  a  dit  :  Ro- 
mulus excipiet  gentent  ,  Romaiiofque  fuo  de 
nomine  dicet.  1 ,  JLr.éA  ,  v.  281  :  &  au  vers 
471  du  mêîne  livre ,  il  tcit  que  Didon  acheta- 
un  terrain  qui  fiit  appelle  byvfa.,  du  nom 
d'un  certain  {ûx.,facii  de  nomine  byrfam  ;^ 
encore  au  vers  18  du  III^.  liv.  Enée  (m: 
/Ençadafque  meo  nomen  de  nonune  Ji('£o, 


'y  16  ART 

Ducis  de  nomîne ,  ibid.  verf.  i6ô,  &c.  de 
nihilo  irafci ;  fe  fâcher  d'une  bagatelle,  de 
rien,  pour  n^n'^quercus de cœlo cacias ,Y\rg. 
des  chênes  frappés  de  la  foudre;  de  more  , 
Virg.  félon  l'ufage;  de  mcdio  pocare  die  , 
Horace ,  dès  midi  ;  de  tenero  ungui ,  Ho- 
race ,  dès  l'enfance;  de  induftrid ,  Teren. 
de  deffein  prémédité  ;_^//"i  de  fummoloco  , 
Plaute ,  un  enfant  de  bonne  mail"on;J«/7zi?o, 
de  tno ,  Plaute,  de  mon  bien,  à  mes  dé- 
pens; j'ai  acheté  une  maifon  de  CrafTuî , 
domuin  emi  de  CraJJb  ;  Cic.  fam.  liv.  V ,  ép. 
vj;  &  pro  Flacco  ,  c.  xx  ,  fundum  mercatus 
ejl  de pupillo ;  il  efl:  de  la  troupe,  de grege 
ilLo  eft;  Ter.  Adelp.  Ill ,  iij ,  38^  ;  je  le  tiens 
de  lui ,  de  Davo  audlvi ;  diminuer  de  Tami- 
tié ,  aliquid  de  no{ira  conjunclione  immïnu- 
tum ,  V^  liv.  epift.  v. 

3.  De  fe  prend  aufii  en  latin  &  en  fran- 
çois  pour  pendant  j  de  die,  de  nocle  ;  de 
jour ,  de  nuit. 

4.  De  pouv  louckttnt,  au  regard  de  ;  fî  res 
de  amore  mto  fecundœ.  eff'ent  ;  fi  les  affaires 
de  mon  amour  alloient  bien.  Ter. 

Legati  de  pace  ,  Céfar ,  de  BeUo  Gall.  z  , 
3  ,  des  envoyés  touchant  la  paix  ,  pour 
parier  de  paix;  de  argento  fomnium ,Ter. 
Adelp.  II,  j,  <)0  ,  à  l'égard  de  l'argent, 
néant  ;  de  capiivis  commutandis,  pour  l'é- 
change des  prifonniers. 

5.  De,  à  caufe  de,  pour,  720s  amas  de 
fidicinâ  ifihac ,  Ter.  Eun.  III,  iij ,  4,  vous 
m'aimez  à  caufe  de  cette  muficienne  ;  Icetus 
eji  de  arnica, 'ûe(^  gai  à  cauledefamaîtreffe; 
rapio  defratre  doleniis ,  Horace ,  I ,  ep.  xiv , 
7,  inconfolable  de  la  mort  de  fon  frère  ; 
accufare ,  arguere  de ,  acculer ,  reprendre  de. 

6.  Enfin  cette  prépofition  fert  à  former 
des  façons  de  parler  adverbiales  ;  de  intégra , 
de  nouveau.  Cic.  Virg.  de  indufiria ,  Teren. 
de  propos  délibéré  ,  à  defiîein. 

Si  nous  paflïons  aux  auteurs  de  la  baffe 
latinité ,  nous  trouverions  encore  un  plus 

irand  nombre  d'exemples  :  de  cœlis  Deus , 
)ieu  des  c\Q\\\\pannus  de  lanà,  un  drap  , 
une  étoffe  de  laine. 

Ain  fi  l'ufage  que  les  Latins  ont  fait  de  cette 
prépofition  a  donné  lieu  à  celui  que  nous 
en  faifons.  Les  autorités  que  je  viens  de 
rapporter  doivent  fuffire ,  ce  me  femble  , 
pourdétruire  le  préjugé  répandu  dans  toutes 
nos  grammaires ,  que  notre  de,  eA  la  marque  \ 


ART 

du  génitif  :  mais ,  encore  un  coup ,  puifqu'en 

latin  tempLum  de  marmort,  pannus  de  lanâ  , 
de  n'eft  qu'une  prépofiticn  avec  fon  com- 
plément à  l'ablatif,  pourquoi  ce  même  de 
pafîant  dans  la  langae  françoife  avec  un  pa- 
reil complément ,  fe  trouveroit-il  transformé 
en  particule  ?  &  pourquoi  ce  complément, 
qui  tfià  l'ablatif  en  latin  ,  fe  trouveroit-il  au 
génitif  enfrançois.^ 

Il  n'y  efl  ni  au  génitif  ni  à  l'ablatif;  nous 
n'avons  point  de  cas  proprement  dit  enfian- 
çois  ;  nous  ne  faifons  que  nommer:  &  à 
l'égard  des  rapports  ou  vues  différentes  fous 
lelquel.  nous  confidéror.s  les  mots ,  nous 
marquons  ces  vues ,  ou  par  la  place  du  mot , 
ou  par  le  lécoursde  quelque  prépofition. 

La  prépofition  de  efi  employée  le  plus  fou* 
vent  à  la  qualification  &;  à  la  détermination; 
c'efl;-à-dire,  qu'elle  fert  à  mettre  en  rapport 
le  mot  qui  qualifie,  avec  celui  qui  eft  qua- 
lifié :  un  palais  de  roi ,  un  courage  de  héros. 

Lorfqu'il  n'y  a  que  la  fimple  prépofiiioti 
de  ,  fans  X article  ,\k  prépofition  &  fon  com- 
plément font  pris  adjeftivement;  un  palais 
de  roi ,  efi  équivalent  kun  palais  royal  ;  une 
valeur  de  héros,  équivaut  à  une  valeur  hé- 
roïque ;  c'eft  un  fens  fpécifique,  ou  At  forte  : 
mais  quand  il  y  a  un  fens  individuel  ou  per- 
fonnel,  foit  univerfel,  foitfingulier,  c'eft-à- 
dire  ,  quand  on  veut  parler  de  tous  les  rois 
perfonnellement ,  comme  fi  Ton  difoit  l'/n- 
térctdes  rois,  ou  de  quelque  roi  particulier, 
la  gloire  du  roi ,  la  valeur  du  héros  que 
/aime,  alors  on  ajoute  V article  à  la  prépofi- 
tion; car  des  rois,  c'efl  de  les  rois  ;  &  du 
héros ,  c'eft  de  le  héros. 

A  l'égard  de  notre  à ,  11  vient  le  plus  fou- 
vent  delà  prépofinon  latine  a^^,  dont  les  Ita- 
liens fe  fervent  encore  aujourd'hui  devant 
une  voyelle  :  ad  uomo  d'intellecio ,  à  ua 
homme  d'efprlt;  ad  uno  ad  une,  un  à  un; 
(S.  Luc  ,  ch.  ix ,  V.  ij.)  pour  dire  que  J.  C. 
dit  à  fes  difciples ,  &c.  fe  fert  de  la  prépofi- 
tion ^r^,  ait  ad illos.  hes  Latins  difoient  éga- 
lement loqui  alicui  ,  &  loqui  ad  aliquem^ 
parler  à  quelqu'un;  ajferre  aliquid  alicui, 
ou  ad  aliquem,  apporter  quelque  chofe  à 
quelqu'un  ,  &c.  Si  de  ces  deux  manières  de 
s'exprimer  nous  avons  choifl  celle  qui  s'é- 
nonce par  la  prépofition  ,  c'cft  que  nous 
n'avons  point  de  datif. 

1*.  Les  Latins  difoient  Auïïi  ferdnere  ad; 


ART 

7IOU5  rfifons  de  mcme  avec  la  prépofitlon 
appartenir  à. 

i".  Notre  prépodtion  à  vient  auflî  quel- 
quefois de  la  prépofition  latin»  à  ou  ab  ;  tiu- 
■firrt  aliquid  alicuï  ou  ab  aliquo  ,  ôter  quel- 
que choie  à  quelqu'un  :  on  dit  auflî  eripcre 
nliquid  aiicui  ou  ab  aliquo  ;  peure  t/eniam 
à  Dio y  demander  pardon  à  Dieu. 

Tout  ce  que  dit  M.  l'Abbé  Régnier  pour 
faire  voir  que  nous  avons  des  datifs ,  me 
paroii  bien  mal  afTorti  avec  tant  d'ob(erva- 
tions  judicieufes  qui  font  répandues  dans  l'a 
grammaire.  Selon  ce  celeiDre  académicien 
XP'ige  2j  4?.  J  quand  on  dit  voilà  un  chien  qui 
l^efidonnéà  moiy  à  moi  eft  au  datif:  mais  fi 
l'on  dit  «/z  ciiien  qui  s'efi  adonné  ù  moi,  cet  t; 
fiioi  ne  fera  plus  alors  un  datif;  c'eft, dit-il, 
la  prépoliiion  latine  ad.  J'avoue  que  je  ne 
fauroisreconnoître  la  prépofition  latine  dans 
adonné  à  ,  fans  la  voir  auilî  dans  donne  à., 
6c  que  dans  l'une  &  dans  l'autre  de  ces  phra- 
fes  Ijs  deux  cime  p  iroifTent  de  même  efpece, 
&  avoir  la  même  origine.  En  un  mot,puif- 
que  ad  aliquem  ou  ab  aliquo  ne  font  point 
des  datifs  en  latin',  je  ne  vois  pas  pourquoi 
àquîlquun  pourroit  être  un  datif  en  françois. 

Je  regarde  donc  de  èc  à  comme  de  iim- 
ples  prépolîtions,  auffi  bien  que  par  ,  pour, 
avec ,  &c.  les  unes  &  les  «utres  fervent  à 
faire  connoltre  en  françois  les  rapports  par- 
ticuliers que  l'ufage  les  a  chargés  de  marquer, 
faut  à  la  langue  latine  à  exprimer  autrement 
ces  mêmes  rapports. 

•  A  l'égard  de  le,  la,  les,  je  n'en  fais  pas 
vneclafle  particulière  des  mots  fous  le  nom 
^'article;  je  les  place  avec  les  adjeftifs  pré- 
pofitifs  ,  qui  ne  le  mettent  jamais  que  devant 
leurs  fubftantifs ,  &  qui  ont  chacun  un  fer- 
vice  qui  leur  eft  propre.  On  pourroit  lesap- 
iptWe:  prénoms. 

■  Comme  la  fociété  civile  ne  fauroit  em- 
ployer trop  de  moyens  pour  faire  naître  dans 
le  cœur  des  hommes  des  fentimens  ,  qui 
d'une  part  !e^  portent  à  éviter  le  mal  qui  eH 
contraire  à  cetie  lociété,  &  de  Tautre  les 
.engagent  à  pratiquer  le  bien,  qui  fert  à  la 
maintenir  &à  la  rendre  floiilTante;  de  même 
l'art  de  la  parole  ne  fauroit  nous  donner  trop 
de  fecours  pour  nous  faire  éviter  l'obfcurité 
&  ramp'n'bologie,  ni  in  venter  un  allez  grand 
nombre  de  mot?, pour  énoncernon  feulement 
les  daverfes  idéts  que  nous  avons  dans  l'ei- 


ART  yx7 

prit ,  mais  encore  pour  exprimer  les  diffé- 
rentes faces  fous  leltiuellesnous  confidérons 
les  objets  de  ces  idées. 

Telle  eft  la  deftination  des  prénoms  ou 
adjectifs  métaphyfiques,  qui  marquent,  non 
des  qualités  phyliques  des  objets  ,  mais  feu- 
lement des  points  de  vue  de  i'efprit ,  ou  des 
laces  différentes  fous  iefquelles  I'efprit  confi- 
dere  le  même  mot  :  tels  font  tout,  chaque, 
nul ,  aucun  ,  quelque  ,  certain,  dans  le  fens 
de  quidam  ,un,ce ,  cet ,  cette ,  ces  ,  le ,  la 
les  ,  auxquels  on  peut  joindre  encore  les  ad- 
jeftifs  poffelFifs  tirés  des  pronoms  pcrfon- 
nels  ;  tels  font  mon ,  ma,  mes  ,  &  les  noms 
de  nombre  cardinal ,  un  ,  deux ,  trois ,  &c. 

Ainf)  je  mets  le ,  la  ,  les  ,  au  rang  de  ces 
prénoms  ouadjeftifs  métaphyfiques.  Pour- 
quoi les  ôter  de  la  claffe  de  ces  autres  adjec- 
tifs? 

Ils  font  adjeiElifs  puifqu'ils  modifient  leuf 
fubftantif,  &  qu'ils  le  font  prendre  dans 
une  acception  particulière,  individuelle, 
&  perfonnelle.  Ce  font  des  adjeftifs  méta- 
phyfiques, puifqu'ils  marquent,  non  des  qua- 
lités phyfiqiies,  mais  ime  fimple  vue  particu- 
lière de  I'efprit. 

Preique  tous  nos  grammairiens(Regnier, 
p.  141 ,  Reftaut,;7.6'4j  nous  difentque  /e, 
la ,  les ,  fervent  à  faire  connoître  le  genre  des 
noms ,  comme  fi  c'étoit  là  une  propriété  qui 
fût  particulière  à  ces  petits  mots.  Quand  on 
a  un  adjefllf  à  joindre  à  un  nom ,  on  donne 
à  cet  ad}e(fl;if,ou  la  terminaifcn  mafculine, 
ou  la  féminine.  Selon  ce  que  l'ufage  nous 
en  a  appris.  Il  nous  difons  le  folcil  pWnot 
que  la  foleil ,  coimns  les  Allemands, c'eft 
que^nous  lavons  qu'en  françois  foleil  eft  du 
genre  mafculin  ,  c'eft-à-dire  qu'il  eft  dans  la 
claflTe  des  noms  des  chofes  inanimées  aux-» 
quels  l'ufage  a  confacré  la  terininaifon  des 
adj'-ftifs  déjà  deftinée  aux  noms  des  mâles, 
qu.ind  il  s'agit  des  animaux.  Ainfi  lorfque 
nous  parlons  du  foleil,  nous  difons  le  foleil 
pbiiôt  que  la,  pir  la  même  raifon  que  nous 
dirions  beau  foleil,  brillant  foleil,  plutôt 
que  belle  ou  brillant'.. 

Au  refte,  quelques  grammairiens  mettent 
le  ,la.  Us ,  au  rang  des  pronoms  ;  n)ais  fi  le 
pronom  eft  un  mot  qifi  fe  mette  à  la  place 
du  nom  dont  il  rappelle  l'idée  ,  le  ,  l^,  l^f  » 
ne  feront  pronoms  que  lorfqu'ils  feront  cette 
fondlon  :  alors  ces  mots  vont  tous  fe^uii  Sc 


528  ART 

ne  (e  trouvent  point  avec  le  nom  qu'ils  re-  | 
préfentent.  La  vertu eft aimable,  almc^^la. 
Le  premier/^  eft  ac!ieftifiTiétaphyfique;ou 
comme  on  dit  article  ,  il  précède  fon  fubf- 
tantifv^r/tt;  il  perfonnifie  la  ?'«««;  il  la  fait 
regarder  comme  un  individu  métaphyfique  : 
mais  le  fécond  la  qui  eft  après  aime^  ,  rap- 
pelle ïs  vertu,  &  c'eft  pour  cela  qu'il eftpro- 
Tiom,  &  qu'il  va  tout  i'eul;  alors /^i  vient 
de  illam  ,  elle. 

.  C'ell  la  différence  du  fervice  ou  emploi 
.des  mots,  &  non  la  différence  matérielle  du 
l'on ,  qui  les  fait  placer  en  différentes  clailes  : 
c'eft  ainfi  que  l'infinitif  des  verbes  eft  fou- 
vent  nom,  le  boire ,  le  manger. 

Mais  fans  quitter  nos  mots,  ce  même  fon 
la  n'eft-il  pas  auffi  quelquefois  un  adverbe 
qui  répond  aux  adverbes  latins  ,  ibi ,  hâc , 
ijlàc ,  illâc ,  il  demeure  là ,  il  va  là  ,  &c.  ? 
N'eft-il  pas  encore  un  nom  fubftantit  quand  il 
lignifie  une  note  de  mufique?  Enfin  n'efl-il  pas 
auffi  une  particule  explétive  qui  fert  à  l'éner- 
gie ?  Ci  j  eune  homme-là, cette  femme-là  ,  6cc. 

A  l'égard  de  un  ,  une ,  dans  le  fens  de 
quelque  ou  certain ,  en  latin  quidam  ,  c'eft 
encore  un  adjeftifprépofitif  qui  défigne  un 
individu  particulier,  tité  d'une  efpece ,  mais 
fans  déterminer  fmguliérement  quel  efl  cet 
individu ,  fi  c'eft  Pierre  ou  Paul.  Ce  mot 
nous  vient  auffi  du  latin ,  quis  efi  hic  homo , 
unus-ne  amator ?  CPlaut.  Truc.  I ,  ij .  32.J 
quel  eft  cet  homme  ,  eft-ce  là  un  amoureux  ? 
]iiceliunusfervusviolentiJJïmus,{Ç\dxit.ihid. 
II ,  I ,  jç.)  c'eftun  efclave  emporté, T^c^^ 
unus paterfamilias ,  (C\z.  de  orat.  1  ,  2C),J 
comme  un  père  de  famille.  Quivariare  cupit 
remprodigialitcr  unam  ,(^Hor.  art.poet.  v. 
2_9  j  celui  qui  croit  embellir  un  fujet,  unam 
rem ,  en  y  faifant  entrer  du  merveilleux. 
Forte  unamadfpicio adolefcentulam ,  (Ter. 
And.  acl.  I  ,fc.  I,  v.  9  /.Jj'apperçois  par  ha- 
fard  une  jeune  filJe.  Donatqui  a  commenté 
Térence  dans  le  temps  que  la  langue  latine 
étoit  encore  une  langue  vivante,  dit  fur  ce 
paffage  que  Térence  a  parlé  félon  l'ufage  , 
&  que  s'iladitw«-7/w,  une,  au  lieu  de  quam- 
dam,  certaine,  c'eft  que  telle  étoit ,  dit-il, 
&  que  telle  eft  encore  la  manière  de  parler. 
Ex  confuetudine  diciî  unam,ut  dicimus,unus 
eft  adolefcens  :  unam  ergo  zi  î/'/siT/r/wâ  dixit, 
vel  unampro  quamdam.  Ainfi  ce  mot  n'eft 
en  françois  que  ce  qu'il  étoit  en  latin. 


ART 

La  grammaire  générale  de  P.  R. /?;  i j  ; 
dit  que  un  e(\ article  indéfini.  Ce  mot  ne  me 
paroît  pas  plus  article  indéfini  que  tout  ar- 
ticle univetfel,  ou  ce ,  cette  ,  ces,  articles- 
définis.  L'auteur  ajoute ,  qu  on  croit  d'ordi- 
naire que  un  n'a  point  de  pluriel  ;  qu'il  e(l 
vrai  qu'il  n'en  a  point  qui  fait  formé  de  lui- 
même  :  on  dit  pourtant  les  uns ,  quelques- 
uns  ;  &  les  Latins  ont  dit  au  pluriel,  uni , 
uriic  ,  &c.  Ex  unis  geminas  miki  conficiet 
nuptias.  f  Ter.  And.  acl. IF,  fc.  1 ,  v.Si.J 
^4derit  una  in  unis  ccdibus,  f  Ter.  Eun.  acl. 
II,  fc.  iij ,  V.  y 6  ;  &  félon  M^^.  Dacier,  acl. 
II  ,fc.iv.v.y4.  )  Mais  revenons  à  la  gram- 
inaire  générale.  Je  dis,  pourfuit  l'auteur,  que 
un  a  un  pluriel  pris  d'un  autre  mot,  qui  eft. 
<:\e?.,avant  les  fubftantifs,  des  an\miux,& de, 
quand l'adjeclif précède ,  de  beaux  lits.  De  un 
pluriel!  cela  eft  nouveau. 

Nous  avons  déjà  obfervé  que  des  eft  pour 
de  les ,  Se  que  de  eft  une  prépofition ,  qui 
par  conféquent  fuppofe  un  mot  exprimé  ou 
lous-entendu  ,  avec  lequel  elle  puifle  mettre 
fon  complément  en  rapport  :  qu'ainfi  il  y  a 
ellipfe  dans  ces  façons  de  parler  ;  &  l'ana- 
logie s'oppofe  à  ce  que  des  ou  de  foient  le 
nominatif  pluriel  d'un  ou  d'une. 

L'auteur  de  cette  grammaire  générale  me 
paroît  bien  au  deffous  de  fa  réputation  qi'and 
il  parle  de  ce  mot  des  à  la  page  5  5  :  il  dit 
que  cette  particule  eft  quelquefois  nomi- 
natif; quelquefois  accufatif,  ou  génitif,  ou 
datif,  ou  enfin  ablatif  de  l'article  un.  11  ne 
lui  manque  donc  que  de  marquer  le  vocatif 
pour  être  la  particule  de  tous  les  cas.  N'eft- 
ce  pas  là  indiquer  bien  nettement  l'ufage 
que  l'on  doit  faire  de  cette  prépofition  } 

Ce  qu'il  y  a  de  plus  furprenant  encore," 
c'eft  que  cet  auteur  foutient ,  page  5  5 ,  que 
comme  on  dit  au  datifjîngulier  à  un  ,  &  au 
datifpluriel-A  des,  on  devroit  dire  au  génitif 
pluriel  de  des  ;  puifque  des  eft,  dit-il  ,  le 
pluriel  d'un  :  que  fi  on  ne  l'a  pas  fait ,  c'eft, 
pourfuit-il  ,par  une  raifon  qui  fait  la  plupart 
des  irrégularités  des  langues  ,  qui  eft  la  caco- 
phonie ;  ainfi,  dit-il,  félon  la  parole  d'un 
ancien  ,  impetratum  eft  à  ratione  ut peccare 
fuavitatis  caufd  liceret  ;  5c  cette  remarque  a 
été  adoptée  par  M.  Reftaut,  /'jg-.  75  &  yj. 

AuT:ei\Q,C\cérond\\.,{0  rator.n.  X  LFII) 
que  impetratum  eft  à  confuetudine ,  &  non  »i 
ratione  ,  ut  peccare  fuavitatis  caufd  liceret  : 

maïs 


ART 

mais  foit  qu'on  life  à  confuetuJim  ',  avec 
Cicéron,  ou  à  ratione ,  (eloii  la  grammaire 
générale  ,  il  ne  f-aut  pas  croire  que  les  pieux 
Iblitairesde  P.  R.  aient  voulu  étendre  cette 
permiillon  au  delà  de  la  grammaire. 

Mais  revenons  à  notre  lujet.  Si  l'on  veut 
bien  faire  attention  que  (ies  eft  pour  de  Us  ; 
que  quand  on  dit  à  des  hommes  ,  c'eft  tr  de 
Us  hommes;  qmde  ne  fauroit  alors  détermi- 
ner t?,  qu'ainli  il  y  a  elIipCe  à  des  hommes  ^ 
c'eft-à-dire  ,  à  quelques-uns  de  les  hommes , 
<juïhufdam  ex  homlnihus  :  qu'au  contraire  , 
quand  on  dit  le  Sauveur  des  hommes,[a.  conf- 
truciioneft  toute  (impie  ;  on  ditau  fingulier, 
le  Sauveur  du  l'homme,  &  au  pluriel /t;  Sau- 
veur de  les  hommes;  il  n'y  a  de  différence 
que  de  le  k  les ,  &c  non  à  la  préporition.  Il 
ieroit  inutile  &  ridicule  de  la  répéter,  il  en 
eft  de  des  comme  de  aux  ,  l'un  eft  de  les  , 
&  l'autre  à  les  :  or  comme  lorfque  le  léns 
Ji'eft  pas  partitif,  on  dit  aux  hommes  fans 
ellip'e,  on  dit  aufH  des  hommes  dans  le 
même  fens  général  ^l'ignorance  des  hommes, 
■la  vanité  des  hommes, 

Ainfi  regardons  1°.  h,  la,  /«,  comme 
de  fimples  adjeftifs  indicatifs  &  métaphyfi- 
ques,  aufîî-bien  que  ce,  cet,  cette,  un, 
quelque,  certain,  &c. 

1°.  Confidérons  de  comme  une  prépofi- 
tion,  qui ,  ainfi  qv\epar ,  pour  ,  en  ,  avec  , 
fans  ,  &c.  fert  à  tourner  l'efprit  vers  deux 
objets,  &à  (aireappercevoir  le  rapport  que 
l'on  veut  indiquer  entre  l'un  &  l'autre. 

î"^.  Enfin  décompofons  au,  aux  ,  du  , 
des,  faifant  attention  à  la  deflination  &  à 
ia  nature  de  chacun  des  mots  décompofés, 
&  tout  fe  trouvera  applani. 

Mais  avant  que  de  pafTer  à  un  plus  grand 
détail  touchant  l'emploi  &  l'ufage  de  ces 
adjeftifs  ,  je  crois  qu'il  ne  fera  pas  inutile  de 
nous  arrêter  un  moment  aux  réflexions  fui- 
vantes  :  elles  paroîtront  d'abord  étrangères 
à  notre  fujet,  mais  j'ofe  me  flatter  qu'on  re- 
connoîtra  dans  la  fuite  qu'elles  étoient  né- 
ceffaires. 

Il  n'y  a  en  ce  monde  que  des  êtres  réels  , 

que  nous  ne  connoifl"ons  que  par  les  impref- 

fions  qu'ils  font  fur  les  organes  de  nos  !'ens , 

ou  par  des  réflexions  qui  fuppofent  toujours 

des  impreflïons  fenfibles. 

Ceux  de  ces  êtres  qui  font  féparés  des  au- 

I  très,  font  chacun  un  enfembie  ,    un   tout 

Tome  III, 


ART  J19 

particulier  par  la  liaifon ,  la  continuité  ,  le 
rapport ,  &  la  dépendance  de  leurs  parties. 
Quand  une  fois  les  impreflions  que  ces  di- 
vers objets  ont  faites  fur  nos  iens  ,  ont  été 
portées  jufqu'au  cerveau ,  &  qu'elles  y  ont 
laifl!é  des  traces,  nous  pouvons  alors  nous 
rappellerl'jmageou  l'idée  de  ces  objets  par- 
ticuliers ,  même  de  ceux  qui  font  éloignés 
de  nous  ;  &  nous  pouvons  par  le  moyen  de 
leurs  noms,  s'ils  en  ont  un,  faire  connoî- 
tre  aux  autres  hommes ,  que  c'eil  à  tel  objet 
que  nous  penfons  plutôt  qu'à  tel  autre. 

Il  paroît  donc  que  chaque  être  fmgulier 
devroit  avoir  fon  nom  propre,  comme  dans 
chaque  famille  chaque  perfonne  a  le  fien  : 
mais  cela  n'a  pas  été  poflible  à  caufe  de  la 
nuiltitude  innombrable  de  ces  êtres  particu- 
liers ,  de  leurs  propriétés  &  de  leurs  rapports. 
D'ailleurs ,  comment  apprendre  &  retenir 
tant  de  noms? 

Qu'a-t-on  donc  fait  pour  y  fuppléer  ?  Je 
l'ai  appris  en  me  rappellant  ce  qui  s'eflpalTé 
à  ce  liijet  par  rapport  à  moi. 

Dans  les  premières  années  de  ma  vie , 
avant  que  les  organes  démon  cerveau  euf- 
fent  acquis  un  certain  degré  de  con(i{}ance  , 
&  que  j'eufle  fait  une  certaine  provifion  de 
connoiffances  particulières ,  les  noms  que 
j'entendois  donner  aux  objets  qui  fe  préfen- 
toient  à  moi,  je  les  prenois  comme  j'ai  pris 
dans  la  fuite  les  noms  piopres. 

Cet  animal  à -quatre  pattes  qui  venoit  ba- 
dineravec  moi,  je  l'entendoisappeller  chien. 
Je  croyois  par  fentiment  &  fans  autre  exa- 
men, car  alors  je  n'en  étois  pas  capable, 
que  chien  étoit  le  nom  qui  fervoit  à  le  diftin- 
guerdes  autres  objets  que  j'entendois  nom- 
mer autrement. 

Bientôt  un  animal  fait  comme  ce  chien 
vint  dans  la  maifon,  &  je  l'entendis  aufli 
appeller  chien  ;  c  eft,  me  dit-on  ,  le  chien  de 
notre  voifin.  Après  cela  j'en  vis  encore  bien 
d'autres  pareils,  auxquels  on  donnoit  auffi 
le  même  nom,  àcaufe  qu'ils  étoient  faits  à- 
peu-près  de  la  même  manière  ;  &  j'obfer- 
vai  qu'outre  le  nom  de  chien  qu'on  leur 
donnoit  à  tous ,  on  les  appelloit  encore  cha- 
cun d'un  nom  particulier;  celui  de  notre 
maifon  s'appelloit  médor  ;  celui  de  notre 
voifm,  marquis  ;  un  autre  ,  diamant ,  &c. 
Ce  que  j  avois  remarqué  à  l'égard  à<t% 
chiensjjel'obfervai  aufli  peu  à  peu  à  l'égard 

S  5  s 


no  ART 

^  d'un  grand  nombre  d'autres  être^.  Je  vis  un 
moineau,  enfuite  d'autres  moineaux;  un 
cheval,  puis  d'autres  chevaux;  une  table, 
puis  d'autres  tables  ;  un  livre,  enfuite  des 
livres,  &c. 

Les  idées  que  ces  différens  noms  exci- 
toientdans  mon  cerveau,  étant  une  fois  dé- 
terminées ,  je  vis  bien  que  je  pouvois  don- 
ner à  médor  &  à  marquis  le  nom  de  chien, 
mais  que  je  ne  pouvois  pas  leur  donner  le 
nom  de  cheval ,  ni  celui  de  moineau ,  ni  ce- 
lui de  lûbie  ,  ou  quelqu'autre  :  en  effet  le 
nom  de  chien  réveilloit  dans  mon  ef'prit 
l'image  de  chien  ,  qui  efl  différente  de  celle 
de  cheval ,  de  celle  de  moineau  ,  &c, 

Médor  avoit  donc  déjà  deux  noms, celui 
de  médor  ç^m  le  diflinguoit  de  tous  les  au- 
tres chiens ,  &  celui  de  cliien  qui  le  mettoit 
dans  une  ckiffe  particulière  ,  différente  de 
celle  de  cheval,  de  moineau,  de  table,  &c. 

Mais  un  jour  on  dit  devant  moi  que  mé- 
dor étoit  un  joli  animal  ;  que  le  cheval  d'un 
de  nos  amis  étoit  un  bel  animal;  que  mon 
moineau  étoit  un  petit  anima!  bien  privé  & 
bien  aimable  :  &  ce  mot  ^animal  je  ne  l'ai 
jamais  oui  dire  d'une  table  ,  ni  d'un  arbre  , 
ni  d'une  pierre,  ni  enfin  de  tout  es  qui  ne 
marche  pas,  ne  fent  pas,  &  qui  n'a  point 
les  qualités  communes  &  particulières  à  tout 
ce  qu'on  appelle  animai. 

Méclor  eut  donc  alors  trois  noms,  wt/JoA, 
chien ,  animal. 

On  m'apprit  dans  la  fuite  la  différence 
qu'il  y  a  entre  ces  trois  fortes  de  noms  ;  ce 
qu'il  efî  important  d'obferver  &  de  bien 
comprendre,  par  rapport  au  fujet  principal 
dont  nous  avons  à  parler. 

i*^.  Le  nom  propre  ,  c'eiîlenom  quin'efl 
dit  que  d'un  être  particulier,  du  moins  dans 
la  fphere  où  cet  erre  fe  trouve  ;  ainfi  Louis, 
Marie  ,  font  des  noms  propres ,  qui ,  dans 
les  lieux  où  l'on  en  connoît  la  deltination , 
ne  défignent  que  telle  ou  telle  perfonne,  & 
non  une  forte  ou  efpece  de  perfonnes. 

Les  objets  particuliers  auxquels  on  donne 
ces  fortes  de  noms  font  appelles  des  indivi- 
dus ,  c'eft-à-dire  que  chacun  d'eux  ne  fau- 
roit  être  divifé  en  un  autre  lui-même  fans 
ceffer  d'être  ce  qu'il  eft  ;  ce  diamant,  fi 
vous  le  divifez,  ne  fera  plus  ce  diamant  ; 
l'idée  qui  le  repréfente  ne  vous  offre  que  lui 
jBc  n'en  renferme  pas  d'autres  qui  lui  l'oient  j 


ART 

fubo-donnés,  de  la  même  manière  que  mi- 
dore{{.iuhoTàor)né3cliien,S<chienk  animal, 

x".  Les  noms  d'efpece,  ce  font  des  noms 
qui  conviennent  à  tous  les  individus  qui  ont 
entr'eux  certaines  qualités  communes;  ainfî 
chien  eft  un  nom  d'efpece  ,  parce  qu'il  con- 
vient à  tous  les  chiens  particuliers ,  dont 
chacun  eft  un  individu ,  femblable  en  cer- 
tains points  effentielsà  tous  les  autres  indi- 
vidus, qui,  à  caufe  de  cette  reffemblance  , 
font  dits  être  de  même  efpece  &c  ont  entr'eux 
un  nom  commun  ,  chien. 

3°.  Il  y  a  une  troifieme  forte  de  noms 
qu'il  a  plu  aux  maîtres  de  l'art  d'appeiler 
noms  de  genre  ,  c'eft-à-dire  noms  plus  géné- 
raux ,  plus  étendus  encore  c[ue  les  fimples 
noms  d'efpece;  ce  font  ceux  qui  font  com- 
muns à  chaque  individu  de  toutes  les  efpe- 
ces  fubordonnées  à  ce  genre  ;  par  exemple, 
animal  kSïz  du  chien  ,  du  cheval ,  du  Uon^ 
du  cerf,  &  de  tous  les  individus  particuliers 
qui  vivent,  qui  peuvent  fe  traniporter  par 
eux-mêmes  d'un  lieu  en  im  autre,  qui  ont 
des  organes ,  dont  la  liaifon  &  les  rapports 
forment  unenfemble.  Ainfi  Tondit  ce  chien 
eft  un  animal  bien  attaché  à  Con  maître,  ce 
lion  eft  un  animal  féroce ,  &c.  Animal  eft 
donc  un  nom  de  genre,  puilqu'il  eft  com- 
mun à  chaque  individu  de  toutes  les  diflé- 
rentes  efpeces  d'animaux. 

Mais  ne  pourrois-je  pas  dire  que  l'animai 
eft  un  être  ,  une  fubftance ,  c'eft-à-dire  une 
chofe  qui  exifte  ?  Oui  fans  doute,  tout  ani- 
mal eft  un  être.  Et  que  deviendra  alors  le 
nom  à' animal^  fera-t-il  encore  un  nom  de 
genre  ?  Il  fera  toujours  un  nom  de  genre 
par  rapport  aux  différentes  efpeces  d'ar.i- 
maux  ,  puifque  chaque  individu  de  chacune 
de  ces  efpeces  n'en  fera  pas  moins  appelle 
animal.  Mais  en  même  temps  animal  fera 
un  nom  d'efpece  f'ubordonné  à  être,  qui  eft 
le  genre  fuprême  ;  car  dans  l'ordre  métaphy- 
fique,  (&  il  nes'agit  iciquedecetordre-làj 
être  fe  dit  de  tout  ce  qui  exifte  &  de  tout  ce 
que  l'on  peut  confidérer  comme  exiftant , 
&  n'eft  l'ubordonné  à  aucune  clafte  fupé- 
rieure.  Ainfi  on  dira  fort  bien  qu'il  y  a  dif- 
férentes efpeces  ài'étres  corporels  :  première- 
ment les  animaux  ,  &  voilà  animal  âe\en\x 
nom  d'efpece  :  en  l'econd  lieu  il  y  a  les  corps 
infenfibles  &  inanimés ,  6c  voilà  une  autre 
elpece  à'àre. 


ART 

Remarquez  que  lesefpeces  fubordonnées 
à  leur  genre,  font  (lilVin|îuée<;  les  unes  des 
autres  par  quelque  propriété  edentieile  ;  ainfi 
l'efpece  humaine  eft  dillinguée  de  l'el'pece 
des  brutes  parla  raifon  &  par  la  conforma- 
tion ;  les  plumes  &  les  ailes  diftinguent  les 
oifeaux  des  autres  animaux ,  &c. 

Chaque  efpece  3  donc  un  caraftere  propre 
qui  la  diftingue  d'une  antre  efpece  ,  comme 
chaque  individu  a  (on  fuppôt  particulier  in- 
comtminicable  à  tout  autre. 

Ce  caradlere  diftinclif ,  ce  motif,  cette 
raifon  qui  nous  a  donné  lieu  de  nous  former 
ces  divers  noms  d'efpece,  eftce  qu'on  ap- 
pelle la  dijfircnce. 

On  peut  remonter  de  l'individu  jufqu'au 
genre  luprême ,  médor ,  chien ,  animal,  être; 
c'eft  la  méthode  par  laquelle  la  nature  nous 
inftruit;car  elle  ne  nous  montre  d'abord 
que  des  êtres  particuliers. 

Mâislorfque  par  l'ufagede  la  vie  on  a  acquis 
une  fuffifante  provifion  d'idées  particuliè- 
res, &  que  ces  idées  nous  ont  donné  lieu 
d'en  former  d'abftraites  &  de  générales , 
alors  comme  l'on  s'entend  foi-même ,  on 
peut  fe  faire  un  ordre  félon  lequel  on  def- 
cend  du  plus  général  au  moins  général  , 
fuivant  les  différences  que  l'on  obferve  dans 
les  divers  individus  compris  dans  les  idées 
générales.  Ainfi  en  commençant  par  l'idée 
générale  de  l'être  ou  de  la  fubftance,  j'ob- 
ferve  que  je  puis  dire  de  chaque  être  parti- 
culier qu'il  exifte  :  enfuite  les  différentes  ma- 
nières d'exiger  de  ces  êtres,  leurs  différen- 
tes propriétés,  me  donnent  lieu  de  placer 
au  deffous  de  l'être  autant  de  clalTes  ou  ef- 
peces  différentes  quej'obfervede  propriétés 
communes  feulement  entre  certains  objets , 
&  qui  ne  fe  trouvent  point  dans  les  autres  : 
par  exemple,  entre  les  êtres  j'en  vois  qui 
vivent,  qui  ont  des  fenlations,  &c.  j'en  fais 
une  claflTe  particulière  que  je  place  d'un  côté 
fous  être  6c  que  j'appelle  animaux  ;  &  de 
l'autre  côté  je  place  les  êtres  inanimés  ;  en 
forte  que  ce  mot  être  ou  fubjiance  eft  comme 
le  chef  d'un  arbre  génétdogique  Aont.  ani- 
maux &  êtres  inanimés  font  comme  les  (.\e(- 
cendans  placés  au  deffous,  les  uns  à  droite 
&  les  autres  à  gauche. 

Enfuite  fous  animaux  je  fais  autant  de 
daffes  particuheres ,  que  j'ai  obiervé  de  dif- 
férences entre  les  animaux  ;  les  uns  mat- 


ART  531 

chent,  les  autres  volent,  d'autres  rampent 
les  uns  vivent  fur  la  terre  &  mourroient  dans 
l'eau;  les  autres  au  contiaire  vivent  dans 
l'eau  &  mourroient  f  ir  la  terre. 

J'en  fais  autant  à  l'égard  des  êtres  inani- 
més ;  je  fais  une  claffe  des  végétaux  ,  une 
autre  des  minéraux  ;  chacune  de  ces  clafles 
en  a  d'autres  (bus  elle ,  on  les  appelle  les 
efpsces  inférieures ,  dont  enfin  les  dernières 
ne  comprennent  plus  que  leurs  individus, 
&  n'ont  point  d'autres  efpeces  fous  elles. 

Mais  remarquez  bien  que  tous  ces  noms , 
genre ,  ejpece ,  différence  ,  ne  font  que  des 
termes  métaphyiiques ,  tels  que  les  noms 
abflraits  humanité  ,  bonté,  &  une  infinité 
d'autres  qui  ne  marquent  que  des  confidé- 
rations'  particulières  de  notre  efprit  ,  fans 
qu'il  y  ait  hors  de  nous  d'objet  réel  qui  foit 
ou  efpece ,  ou  genre  ,  ou  humanité  ,  &c. 

L'ufageoùnousfommes  tous  les  jours  de 
donner  des  noms  aux  objets  des  idées  qui 
nous  repréfentent  des  êtres  réels,  nous  a 
portés  à  en  donner  auflî  par  imitation  aux 
objets  métaphyfiques  des  idées  abftraites 
dont  nous  avons  connoiffance  :  ainfi  nous 
en  parlons  comme  nous  faifons  des  objets 
réels  ;  en  forte  que  l'ordre  métaphyfique  a 
auffi  fes  noms  d'efpeces  &  fes  noms  d'indi- 
vidus :  cette  vérité  ,  cette  vertu  ,  ce  vice  , 
voilà  des  mots  pris  par  imitation  dans  un 
fens  individuel. 

L'imagination  ,  Vidée,  le  vice  ,  la  vertu^ 
la  vie  ,  la  mort,  la  maladie,  la  famé ,  la  fiè- 
vre,  la  peur,  le  courage,  lajorce  ,  l'être  , 
le  néant ,  la  privation  ,  Sfc.  ce  font-là  encore 
des  noms  d'mdividus  métaphyfiques,  c'eft- 
à-dire  qu'il  n'y  a  point  hors  de  notre  efprit 
un  objet  réel  qui  foit  le  vite ,  la  mort ,  la 
maladie  ,  lafunté,  la  peur ,  &c.  cependant 
nous  en  parlons  par  imitation  &  par  ana- 
logie ,  comme  nous  parlons  des  individus 
phyfiques. 

C'eft  le  befoin  défaire  connoître  aux  au- 
tres les  objets  finguliers  de  nos  idées ,  Se 
certaines  vues  ou  manières  particulières  de 
confidérer  ces  objets,  foit  réels,  fo't  abf- 
traits  ou  métaphyfiques  ;  c'eft  ce  befoin  , 
dis-je,  qui,  au  défaut  des  noms  propres 
pour  chaque  idée  particulière ,  nous  a  donne 
lieu  d  inventer,  d'un  côté  les  noms  d'efpece 
&  de  l'antre  les  adjcftifs  prépofitifs ,  qui  en 
font  des  applications  individuelles.  Les  ob» 

Sss  z 


53X  ART 

jets  partki'.liers  dont  nous  voulons  pai  1er, 
&:  qui  n'ont  pas  de  noms  propres ,  fe  trou- 
vent confondus  avec  tous  les  autres  indivi- 
dus de  leur   eCpece.  Le  nom  de  cette   e(- 
pece  leur  convient  également  à  tous  :  chacun 
de  ces  êtres  innombrables  qui  nagent  dans  la 
vafte  mer ,  eft  également  appelle  poijj'on  : 
amfi  le  nom  iXefpece  tout  ieul ,    &  par  lui- 
même  y  n'a  qu'une  valeur  indéfinie  ,  c'eft- 
à-dire  une  valeur  applicable  qui  n'eft  adop- 
tée à  aucun  objet  particulier;  comme  quand 
en  dit  vrai,  bon  ^  beau,   fans  joindre  ces 
adjeftifs  à    quelque  être  réel  ou    à    quel- 
que être  métaphyfique.  Ce  font   les  pré- 
noms ,    qui  ,    de  concert    avec    les    au- 
tres mots  de  la  phrafe ,  tirent  l'objet  par- 
ticulier dont  on  parle ,  de  l'uidétermlnation  ! 
du  nom  d'efpece,&  en  font  ainli  une  forte  j 
de  nom  propre.  Par  exemple  ,  fi  l'aftre  qui  | 
nous  éclaire  n'avoitpas  fon  nom  propreyo- 
/fz7,&  que  nous  eufllons  à  en  parler,  nous 
prendrions  d'abord  le  nom  d'eTpece  aflrc  ; 
eui'uite  nous  nous  fervLrions  du  prépofitit 
qvii  conviendroit  pour  faire  connoître  que 
nous  r^e  voûtons  parler  que  dun  individu  de 
l'efpece  A^ajtre  ;  ainfi  nous  dirions  cet  aflre^ 
ou  raftre,  après  quoi  nous  aurions  recours 
aux  mots  qui  nous  paroîtroient  les  plus  pro- 
pres à  déternùiier  finguliérement   cet  indi- 
vidu (.Wijire;  nous  dirions  donc  c^^  aftre  qui 
nous  éciairc  ;  faflrepire  du  jour  ;  Came  de  la 
nature  ,  &c.  Autre  exemple  :  Inre  eft  un 
nom  d'efpece  dont  la  valeur  n'eft  point  ap- 
pliquée :  mais  fi  je  dis ,  morz  livre ,  ce  livre,, 
le  livre  que  je  viens  d'acheter,  liber  ille, on 
conçoit  d'abord  par  les  prénoms  ou  prépofi- 
t'iU,  mon,  ce  ,  le ,  ^  enfuite  parles  adjoints 
or,  mots  ajoutés  ,  que  je  parie  d'un  tel  livre  , 
tl'un  tel  individu  de  l'eipece  de  livre.  Ob- 
fervez  que    lorfque    nous   avons    à    appli- 
quer quelque  qualification  â  des  individus 
d'une  efpece;  ou  nous  voulons  faire  cette 
application,  i'^.  à  tous  les  iiwlividus  de  cette 
elpece  ;  2°.  ou  feulement  à  quelques-uns  c},ue 
nous  ne  voulons  ,  ou  que  nous  ne  pouvons 
pas  déterminer  ;  ■}".  ou  enfin  à  un  feul  que 
nous  voulons  faire  connoître  finguliérement. 
Ce  font  ces  trois  fortes  de  vues  de  l'eiprr 
que  les  logiciens  appellent  ïéienJue  de  la 
propofition^ 

Tout  diicours  eftcoinpofé  de  diver'  fen^ 
jarbcubers  énoncés  par  des  afiemblagcs  de 


ART 

mots  qui  forment  des  propofit'cT;^  ,  Sc  ^e$ 
propoh'ions  font  des  périodes  :  or    toute 
propofition  a,  i".  ou  une  étendue  univer- 
lelle;  c'eft  le  premier  cas  dont  nous  avons 
parlé  :  x".  ou  une  étendue  particulière;  c'eft 
le  fécond  cas  :   3".  ou  enfin   une  étendue 
fiuguîiere;  c'eft  le  dernier  cas.  1°,  Si  celui 
qui  parle  donne  un  (ens  univerlel  au  fu)et  de 
l'a    propofition  ,   c'eft- à-dire    s'il   applique 
quelque   qualificatif    à   tous    les    individus 
d'une  e'pece ,  alors  l'étendue  de  la  propofi- 
tion eft  univeriélle ,  ou ,  ce  qui  eft  la  même 
chofe,  la  propcCiion  eft  univerfelle.  1°.  Si 
l'individu  dont  on   parie  ,    n'eft  pas  déter- 
miné expreftément ,  alors  on  du  que  la  pro- 
pofition eft  particulière  ;   elle    r'a  qu'une 
étendue   particulière  ,    c'tft-à-dire  que   ce 
qu'on  dit,  n'eft  dit  que  d'un  fujet  qui  n'tft. 
pas  défignéexpreflément:  3".  enfin  lespro- 
pijfitions   font  fingulieres    lorique  le  fii)et, 
c'eft-à-dire  la  perlomie  ou  la  chofe  dont  on 
parle,  dont  on  juge,  eft  un  individu  fingu- 
Ijer  déterminé  ;  alors  l'attribut  de  la  propofi- 
tion ,  c'eft- à-dire  ce  qu'on  juge  du  fujet  n'a 
qu'une  étendue  finguliere  ,  ou,  ce  qui  eft 
la  même  ehofe ,  ne  doit  s'entendre  que  de 
ce  i\.\]K:i:  Louis  XV a  triomphé  de/es  enne- 
mis ;  le  Joint  efi  levé. 

Dans  chacun  de  ces  trois  cas,  notre 
langue  nous  fournit  un  prénom  deftiné  à 
chacune  de  ces  vues  particulières  de  notre 
efprit  :  voyons  donc  l'etFet  propre  ou  le 
fervice  particulier  de  ces  préncMus. 

1°.  Tout  homme  eji animal;  chaque  homme. 
ejî  animal:  voilà  chaque  individu  de  l'eipece. 
humaine  qualifié  par  animal ,  qui  a'ors  fe 
prtuct  adjectivement  :  car  tout  homme  ejl 
animal,  c"eft-à-dire  tout  homme  vegcte  ,  ejî 
vivitnt  ,Je  meut ,  a  desjcnfations ,  en  un  mot 
tout  homme  a  les  qualités  qui  diftinguent 
{'animal  à^Vdut  injcnjihle;  ainfi /ow;  étant 
le  prépofitif  d'uu  nom  appellatif,  donne  à 
ce  nom  luie  e.xtenfion  univetlélle  ,  c'eft-à- 
dire  que  ce  que  l'on  dit  alors  du  nom  ,  par 
exemple  à* homme,  eft  cenfé  dit  de  chaque 
individu  de  l'efpece,  ainii  la  propolition  ell 
univerfcllc.  Nous.comptons  parmi  les  indi- 
vidus d'une  elpece  tous  les  objets  qui  noua 
paroiffent  conformes  à  l'idée  exeirplaireque 
•nous  avons  acquiie  de  l'efpece  par  l'utage  de- 
là vie  :  cette  idée  eximplaire  n'eft  qu'une 
alfcdion  niténeure    que  nutre   cerveau.  » 


ART 

TCÇ'.ie  par  l'impreffion  qu'un  objet  extérieur 
a  tai;e  en  nous  la  première  fois  qu'il  a  été 
apperçu  ,  &  dont  il  eft  refté  des  traces  dans 
le  cerveau.  Lorfque  dans  la  fuite  de  la  vie  , 
nous  venons  à  appercevoir  d'autres  objets , 
fi  nous  fentons  que  l'un  de  ces  nouveaux 
o'ijers  nous  affeifïe  de  la  mcmc  manière  dont 
nous  nous  lefTouvenons  qu'un  autre  nous  a 
affe(5tés ,  nousdifons  que  cet  objet  nouveau 
eft  de  même  efpcce  que  tel  ancien  :  s'il  nous 
aftei^edifFéremmentnouslerapportonsàl'ef- 
pece  à  laquelle  il  nous  paroîr  convenir,  c'eft- 
a-dire,  que  notre  imagination  le  place  dans  la 
claife  de  fes  femblables;  ce  n'eft  donc  que 
le  fouvenir  d'un  fentiment  pareil  qui  nous 
fait  rapporter  tel  objet  à  telle  efpece  :  le  nom 
d'inie  efpece  eft  le  nom  du  point  de  réunion 
auquel  nous  rapportons  les  divers  objets  par- 
ticuliers qui  ont  excité  en  nous  une  affec- 
tion ou  fenfation  pareille.  L'animal  que  je 
viens  de  voir  à  la  foire  a  rappelle  en  moi 
les  impreflîons  qu'un /zo« y  fit  l'année  pafféc; 
ainfi  je  dis  que  cet  animal  eji  un  lion  ;  (1  c  é- 
toit  pour  la  première  fois  que  je  vifi'e  un 
lion  ,  mon  cerveau  s'ennchiroit  d'une  nou- 
velle idée  exemplaire  :  en  un  mot ,  quand  je 
dis  tout  homme  e(l  mortel ,  c'eil  autant  que  fi 
]e  difois  Alexandre  étoit  mortel  ;  Céjar  croit 
mortel,  Philippe  e(î  mortel,  &  ainfi  de 
chique  indivitki  pafié  ,  prélent  &  à  venir,  & 
mtme  poffibie  de  l'ei'pçce  humaine  ;  &  voilà 
le  véritable  fondement  du  fyilogifme  :  mais 
ne  nous  écartons  point  de  notre  lujet. 

Remarquez  ces  trois  façons  de  parler  , 
tout  homme  efl  ignorant ,  tons  les  hommes 
font  ignora  lis,  tout  homme  n''c(z  quefoihUfje  ; 
tout  homme  ,  c'eft-à-dire  ,  chaque  individu 
de  l'eipece  humaine,  quelque  individu  que 
ce  puilie  être  de  l'efpece  himiaine  ;  alors r^w/ 
efl  un  pur  adjeftif.  Tous  Us  hommes  font 
ignorans ,  c'eft  encore  le  même  fens;  ces 
deux  propufitionsne  lont  différentes  que  par 
k  forme  :  dans  la  première ,  tout  \'eut  dire 
th.iqui  ,  tlle  prciente  la  totalité  diftributive- 
jnent ,  c'eft-à-dire,  qu'elle  prend  en  quelque 
forte  les  individus  l'un  aprè;  l'autre,  au  iieu 
que  tous  Us  hommes  les  pré 'entent  collecti- 
vement tous  enfemble  ,  alors  tous  eft  un 
prépofitif  defiii^é  à  mirqucr  l'univerlalité 
di  Us  hommes  ;  tous  a  ici  une  forte  de  figni- 
iication  adverbiale  avec  la  foime  adjeflive  , 
c'eit  arnfi  que  le  participe  tient  du  verbe  & 


ART  ni 

du  nom  ;  tous,  c'ert-à-dire ,  umperfe  lie  meut 
f^ins  exception  ,  ce  qui  eft  fi  vrai ,  qu'on 
peut  féparer  tous  de  fon  fubftanttf ,  &c  le 
joindre  au  verbe.  Quinjult ,  parUnt  des 
oifeaux,  dit  : 

£n  amour  ils  font  tous 
Moins  bêtes  que  nous. 

Et  voilà  pourquoi,  en  ces  phrafes ,  Usr.e 
quitte  point  fon  fuftantif,  &  ne  fe  met  pas 
avant  tous  :  tout  l'homme  ,  c'cfl-à-diit.'  , 
l'homme  en  entier  ,  l'homme  entièrement , 
l'homme  confidéré  comme  un  individu, 
fpécitique.  Nul ,  aucun  ,  donnent  aufïl  une 
extenfion  univerlélle  à  leur  (iibllantif,  mais 
dans  un  fens  négatif:  nul  homme,  aucun 
homme  n^eft  immortel,  je  nie  l'immortalité 
de  chaque  individu  de  l'efpece  himiaine  j 
la  propofition  eft  univerfelle  ,  mais  néga- 
tive ;  au  lieu  qu'avec  tous ,  fans  négation  ,  la 
propofition  eft  univerfelle  aflfîiinative.  Dnns 
les  propofitions  dont  nous  parlons,  nul  & 
aucun  étant  adjeftifs  du  (iijet ,  doiveiit  c;re 
accompagnés  d'une  négation  :  nul  homme 
n'eft  exemt  de  la  néceffitê de  mourir.  Aucun 
philofophe  de  l'antiquité  n'a  eu  autant  de 
connoiffance  de  phyfiq;ie  qu'on  en  a  au- 
jourd'hui. 

11".  Tout ,  chaque  ,  nul,  aucun  ,  f;)i't  dore 
la  marque  de  la  générali'é  ou  tiniverfdité 
des  propofitions;  mais  knivent  ces  mots  ne 
font  pas  exprimés,  comme  quand  on  dit  : 
les  François  font  poiis .  ies  Italiens  font 
politiques  ;  alors  ces  p'<i|)ofition<-  ne  iont 
que  moralement  univenules ,  de  more  ,  ut 
funi  mores,  c'eft- à- dire  ,  félon  ce  qu'on  voit 
communément  parmi  les  hommes;  ces  pro- 
poluions  ibntaulhappelléesi/7û'cj/Z('//'i;j ,  parce 
que  d'un  côté,  on  ne  peut  pas  aiuiicr  quelles 
comprennent  gtnéialcment ,  &t  (ans  excep- 
tion, tous  les  individus  dont  on  parle;  & 
i}\\v\  autre  coté  ,  on  ne  peut  pas  due  non 
plus  qu'elles  excluent  tel  ou  tel  individu  ; 
ainfi  con  me  les  Individus  C(>mpris  &  les  in- 
dividus exclus  ne  font  pas  preciiémeni  déter- 
minés, &  que  ces  propofitions  ne  doivent 
être  entendi.e-;  que  du  plus  grand  nombre, 
on  à\\.  qu'elles  font  indéfinies. 

\W^ .  Quelque  ,  un  ,  marquent  auflî  uti 
individu  de  l'eipece  dent  C'ii  parle  :  mais  ces 
prénoms  ne  défignent  pa^  finguliéremenr 
Cv.'t  \n^i\\àu 'i  quelque  hom-^te  eJi  riche ^  ua 


534  ART 

favant  m'efl  venu  voir  :  je  parle  d'un  indi- 
vidu de  l'eipece  humaine;  mais  je  ne  déter- 
mine pas  fi  cet  individu el[l  Pierre  ou  Paul; 
c'eft  ainfi  qu'on  à\l  une  certaine  perfonne  , 
unparticu/ierj&caloTspanicuiiereûoppoCé 
à  général  &  à  Jingulier  :  il  marque  à  la  vé- 
rité un  individu  ,  mais  un  individu  qui  n'eft 
pas  déterminé  finguliérement  ;  ces  propofi- 
tion"!  Ibnt  appellées  particulières. 

Aucun  fans  négation  ,  a  aulîi  un  fens  par- 
ticulier dans  les  vieux  livres ,  &  fignifie  quel- 
qu'un ,  quifpiam ,  non  nullus  ,  non  nemo.  Ce 
mot  eft  encore  en  ufage  en  ce  fens  parmi 
le  peuple  &  dans  le  ftyle  du  palais  :  aucuns 
foutiennent .,  &c.  quidam  affirmant  .,  &c. 
ainfi  aucune  fois  dans  le  vieux  ftyle,  veux 
à\ïQ  quelquefois ,  de  temps  en  temps  ^plerum- 
que  ,  interdum  ,  non  nunquam.  On  fert  aufli 
aux  propofitions  particulières  :  on  m^a  dit, 
c'eft-à-dire,  quelqu'un  nia  dit ,  un  homme 
'm'a  dit  ;  car  on  vient  de  homme  ;  &  c'eft 
par  cette  raifon  que  pour  éviter  le  bâillement 
ou  rencontre  de  deux  voyelles ,  on  dit  fou- 
vent  l'on,  comme  on  dit  l'homme  ,  fi  Von. 
Dans  plufieurs  autres  langues,  le  mot  qui 
fignifie  homme,  fe  prend  aufii  en  un  fens 
indéfini  comme  notre  on.  De ,  des  qui  iont 
des  prépofitions  extraftives ,  fervent  auffi  à 
faire  des  propofitions  particulières  ;  desphi- 
lofophis ,  ou  d'anciens  philofophes  ont  cru 
qu'il  y  avoit  des  antipodes  ,  c'eft-à-dire  , 
quelques-uns  des  anciens  philofophes  ,  owun 
certain  nombre  d'anciens  philofophes  ,  ou 
en  vieux  ftyle ,  aucuns  philofophes. 

IV.  Ce  marque  un  individu  déterminé  , 
qu'il  préfente  à  l'imagination  ,  ce  livre  ,  cet 
homms  ,  cette  femme  ,  cet  enfant ,  &c. 

V°.  Le,  la ,  les,  indiquent  que  l'on  parle 
1°.  ou  d'un  tel  individu  réel  que  l'on  tire  de 
fon  efpece ,  comme  quand  on  dit  le  roi,  la 
reim ,  lefoleil ,  la  lune  ;  2°.  ou  d'un  individu 
métaphyfique  &  par  imitation  ou  analogie; 
la  vérité,  le  menfonge  ;  l'efprit ,<:'Q^-^-A\re , 
le  génie;  le  cœur ,  c'eft-à-dire,  la  fenfibilité; 
C entendement  ,  la  volonté  ,  la  vit ,  la  mort , 
la  nature  ,  le  mouvement ,  le  repos ,  l'are  en 
général ,  la  fuhftance  ,  le  néant  ,  &c. 

C'eft  aiiifi  que  l'on  parle  de  l'efpece  tirée 
du  genre  auquel  elle  eft  fubordonnée,  lorf- 
qu'on  la  con(idere  par  abftratflinn  ,  £>:  pour 
ainfi  dire  en  elle-même  fous  la  forme  d'un 
tout  individuel  &métap!iyfique;  parexem- 


ART 

pie ,  quand  on  dit  que  parmi  les  animaux  \ 
l'homme  feul  eft  raifonnable  ,  l'homme  eft 
là  un  individu  fpécifique. 

C'eft  encore  ainfi ,  que  fans  parler  d'aucun 
objet  réel  en  particulier,  on  dit  par  abftrac- 
tion,  l'or  eft  le  plus  précieux  des  métaux  ;  Itftr 
fe  fond  &fe  forge  ;  le  marbre  fert  d'ornew.ent 
aux  édifices  ;  le  verre  n'eft  point  malléable  ; 
la  pierre  eft  utile  ;  l'animal  eft  mortel  ; 
l'homme  eft  ignorant  ;  le  cercle  eft  rond  ; 
le  quarré  eft  une  figure  qui  a  quatre  angles 
droits  &  quatre  côtés  égaux,  &c.  Tous  ces 
mots,  l'or,  le  fer ,  le  marbre,  Sic.  font  pris 
dans  un  fens  individuel ,  mais  métaphyfique 
&  fpécifique ,  c'eft-à-dire  que  fous  un  nom 
fingulier  ils  comprennent  tous  les  individus 
d'une  efpece  ;  enforte  que  ces  mots  ne  font 
proprement  que  les  noms  de  l'idée  exem- 
plaire du  point  de  réunion  ou  concept  que 
nous  avons  dans  l'efprit ,  de  chacune  de 
ces  efpeces  d'êtres.  Ce  font  de  ces  individus 
métaphyfiques  qui  font  l'objet  des  mathé- 
matiques ;  le  point ,  la  ligne  ,  le  cercle ,  le 
triangle,  &c. 

C'eft  par  une  pareille  opération  de  l'ef- 
prit que  l'on  perfonnifie  fi  fouvent  la  nature 
&  l'art. 

Ces  noms  d'individus  fpécifiques  font  fort 
en  ufage  dans  l'apologue,  le  loup  &  l'agneau, 
rhomme  &  le  cheval ,  &c.  on  ne  fait  parler 
ni  aucun  loup  ni  aucun  agneau  particulier; 
c'eft  un  individu  fpécifique  &  métaphyfique 
qui  parle  avec  un  autre  individu. 

Quelques  fabuliftes  ont  même  perfonnifie 
des  êtres  abftraits  ;  nous  avons  une  table 
connue  où  l'auteur  fait  parler  le  jugement 
avec  Vimagination.  Il  y  a  autant  de  fidion 
à  introduire  de  pareils  interlocuteurs,  que 
dans  le  refle  de  la  fable.  Ajoutons  ici  quel- 
ques obfervations  à  l'occanon  de  ces  noms 
Ipécifiques. 

I  °.  Quand  un  nom  d'efpece  eft  pris  adjec- 
tivement, il  n'a  pas  befoin  d'article;  tout 
homme  eft:  animal  ;  homme  eft  pris  iubftan- 
tivement;  c'eft  un  individu  fpécifique  qui  a 
fon  prépofitif  tout  ;  mais  animal  eft  pris 
adjedivement ,  comme  nous  l'avons  déjà 
obfervé.  Ainfi  il  n'a  pas  plus  de  prépofitit 
que  tout  autre  adjedif  n'en  auroit;  Si  l'on 
dit  ici  animal,  comme  l'on  diroit  mortel^ 
ignorant,  &c. 

C'tft  ainfi  que  l'éciiture  dit  que  toute 


ART 

thairefl  foin,  omnis  caro  fœnum,  ICale,  ck. 
si,  V.  6".  c'eft-à-dire ,  peu  durable,  périf- 
fable ,  corruptible ,  &  c'eft  aiiifi  que  nous 
difons  d'un  liommc  fans  efprit ,  qu'il  e(l  bête. 
1*.  Le  nom  iVcfpccc  n'arlinct  pas  V article 
lorfqu'il  efl:  pris  Jelon  fa  valeur  indéfinie  fans 
aucune  exrenfionni  reftriilion ,  ou  applica- 
tion individuelle,  c'eft-à-dire ,  qu'alors  le 
nom  eft  confidéré  indéfiniment  comme  forte, 
comme  efpea  ,  &  non  comme  un  individu 
rpécifique  ;  c'eft  ce  qui  arrive  lur-rout  lorlque 
le  nom  d'efpece ,  précédé  d'une  prépofition , 
forme  un  lens  adverbial  avec  cette  prépo- 
fition,  comme  quand  on  ^\t  par  jalonjie  y 
avic  prudence ,  en  prèfence ,  &c. 

Les  0! féaux  vivent  f Lins  contrainte  , 
S^  aiment  fans  feinte. 

C'eft  dans  ce  même  fens  indéfini  que  l'on 
dit  avoir  peur ,  avoir  honte ,  faire  pitié ,  &c. 
Ainfi  on  dira  fans  article  :  cheval  efl  un  nom 
d'efpece  ,  homme  efl  un  nom  d'efpece  ;  & 
l'on  ne  dira  pas  le  cheval  efl  un  nom  d'efpece  , 
rhomme  efl  un  nom  dcfpece ,  parce  que  le 
prénom  le  marqueroit  que  l'on  voudroit  par- 
ler d'un  individu  ,  ou  d'un  nom  confidéré 
individuellement. 

3°.  C'eft  par  la  même  raifon  que  le  nom 
d'elpece  n'a  point  de  prépofitif,  lorfiqu'avec 
le  iecours  de  la  prépofition  de  il  ne  fait  que 
l'office  de  fïmple  qualificatif  d'efpece,  c'eft- 
à-dire  ,  lorfqu'il  ne  fert  qu'à  défigner  qu'un 
tel  individu  eft  de  telle  efpece  :  une  montre 
d'or  ;  une  épie  d'argent  •  une  table  de  marbre  ; 
un  homme  de  robe  ;  un  marchand  de  vin  ;un 
joueur  de  violon  ,  de  lutli ,  de  harpe ,  &c.  une 
action  de  clémence  ,  une  femme  de  vertu ,  &c. 

4°.  Mais  quand  on  perfonnifie  l'efpece  , 
qu'on  en  parle  comme  d'un  individu  fpéci- 
fique  j  ou  qu'il  ne  s'agit  que  d'un  individu 
particulier  tiré  deli  généralité  de  cette  même 
efpece  ,  alors  le  nom  d'«;y/'C£c  étant  confidéré 
individuellement,  eft  précédé  d'un  prénom  : 
la  peur  trouble  la  raifon  :  la  peur  que  f  ai 
de  mal  faire  fia  crainte  de  vous  importuner  ; 
Penvie  de  bien  faire  ;  l'animal  efl  plus  par- 
fait que  Vêtre  infenfible  :  jouer  du  violon  , 
du  luth  ,  de  la  harpe  ;  on  regarde  alors  le 
violon,  le  luth,  la  harpe  ,  &c.  comme  tel 
inftrumentparticulier ,  &  on  n'a  point  d'in- 
dividu à  qualifier  adjectivement. 

Ainfi  on  dira  dans  le  fens  qualificatif  ad- 


ART  535 

jeftif,  un  rayon  d'efpérance ,  un  rayon  de 
gloire,  un  fcntiment  d'amour;  au  lieu  que 
fi  on  perfonnifie  la  gloire ,  Famour^  &c.  on 
dira  avec  un  prépoliiif: 

Un  héros  que  la  gloire  élevé 

N'efl  qu'à  demi  récompcnfé  ; 

£t  c  eft  peu  ,  fi  l\imour  n'achevé 

Ci  qui  la  gloire  a  commencé,   Quinauît. 

Et  de  même  on  dira, y'ai  acheté  une  ta- 
batière d'or ,  &  f  ai  fait  une  tabatière  d'un 
or  ou  de  l'or  qui  m' eft  venu  d'Efpagne.  Dans 
le  premier  exemple,  d'or  eft  qualificatif  in- 
définitif, ou  plutôt  c'eft  un  qualificatif  pris 
adjeftivement  ;  au  lieu  que  dans  le  lécond  , 
de  l'or  ou  d'un  or  ,  il  s'agit  d'un  tel  or  :  c'eft 
un  qualificatif  individuel ,  c'eft  un  individu 
de  l'efpece  de  l'or. 

On  dit  d'un  prince  ou  d'un  miniftre  qw'il 
a  l' efprit  de  gouvernement:  de  gouvernement 
eft  un  qualificatit  pris  adjeftivement  ;  on 
veut  dire  que  ce  miniftre  gouverneroit  bien  , 
dans  quelque  pays  que  ce  puille  être  où  il 
feroit  employé  ;  au  lieu  que  fi  l'on  diibit  de 
ce  miniftre  qu'il  a  l' efprit  du  gouvernement , 
du  gouvernement  feroit  un  qualificatif  indi- 
viduel de  l'efprit  de  ce  miniftre  ;  on  le  regar- 
deroit  comme  propre  finguliéreinent  à  la 
conduite  des  affaires  du  pays  particulier  où 
on  le  met  en  œuvre. 

Il  faut  donc  bien  dlftinguer  le  qualificatif 
fpécifique  adjeftil ,  du  qualificatif  indivi- 
duel ;  une  tabatière  d'or,  voilà  un  qualifica- 
tif adjeftif;  une  tabatière  de  l'or  que,  &c. 
ou  d'un  or  que  ,  c'eft  un  qualificatif  indivi- 
duel ,  c'eft  un  individu  de  l'elpece  de  l'or. 
Mon  efprit  eft  occupé  de  deux  lubftantifs  ; 
I.  de  la  tabatière  ;  i.  de  l'or  particulier  dont 
elle  a  été  faite. 

Obfervez  qu'il  y  a  auffi  des  individus 
colleftifs  ,  ou  plutôt  des  noms  coUeftifs 
dont  on  parle  comme  fi  c'étoient  autant  d'in- 
dividus particuliers  :  c'eft  ainfi  que  l'on  dit  U 
peuple ,  L'armée,  la  nation  ,  leparlement,è>C<:. 

On  confidéré  ces  mots  là  comme  noms 
d'un  tout,  d'un  enfemble;  l'efprit  les  re- 
garde par  imitation  comme  autant  de  noms 
d'individus  réels  qui  ont  plufieurs  parties; 
&  c'eft  par  cette  raifon  que  lorfque  quel- 
qu'un de  ces  mots  eft  le  fujct  d'une  propofi- 
tion ,  les  logiciens  difent  que  la  propofition 
eft  finguliere. 


^]6  ART 

On  voit  donc  que  le  annonce  toujours  un 
objet  confidéré  individuellement  par  celui 
qui  parle,  toit  au  fingulier,  la  mai/on  de 
mon voiJîn\Çon au  pluriel,  les  maifons tTune 
telle  ville  font  bâties  de  brique. 

Ce  ajoute  à  l'idée  de  le ,  en  ce  qu'il  montre 
pour  ainfi  dire  l'objet  à  l'imagination  ,  & 
îuppoie  que  cet  objet  eft  déjà  connu,  ou 
qu'on  en  a  parlé  auparavant.  C'eft  ainfi  que 
Cicéron  a  dit  :  quid  efienim  hoc  ipfumdiù  ? 
C Orac.pro  Marcello. J  qu'eft-ce  en  efFetque 
ce  long  temps? 

Dans  le  ftyle  didactique ,  ceux  qui  écri- 
vent en  latin ,  lorfqu'ils  veulent  faire  remar- 
quer un  mot ,  entant  qu'il  eft  un  tel  mot ,  Ce 
fervent ,  les  uns  de  {^article  grec  tj  ,  les  autres 
de  ly  :  t6  adhuc  eft  adverbium  compojitum 
(Perifonius ,  infancl.  Min.  p.  6y6.  )  ;  ce 
mozadliuc  eft  un  adverbe  compoie. 

Et  l'auteur  d'une  logique ,  après  avoir  dit 
que  l'homme  feul  eft  raifonnable,  homo 
tantùm  racionalis  ,  ajoute  que  ly  tantiini  re- 
liqua  entia  excluait  :  ce  mot  tantiim  exclut 
tous  les  autres  êtres.  (Pkilof.  ration,  aucl. 
P.  Franc.  Caroèfom?)  Venet.  i66<(. 

Ce  fut  Pierre  Lonil^ard  dans  le  onzième 
fiecle  ,  &  S.  Thomas  dans  le  douzième  , 
qui  introduifirent  l'ufage  de  ce  ly  :  leurs 
difciples  les  ont  imités.  Ce  ly  n'eft  autre 
chofe  que  l'article  françois  //  ,  qui  étoit  en 
iifage  dans  ces  temps -là  :  .Ainjî  fut  U  cha- 
tiaus  de  Galathas pris  :  li  baron  &  lidux  de 
Venife  :  li  Vénitiens  par  mer  ,  &  li  Fran- 
çois par  terre.  Viile-Hardouin,  lib.  III,  p. 
Jj .  On  fait  que  Pierre  Lombard  &  S.  Tho- 
mas ont  fait  leurs  études  &  fe  font  acquis  une 
grande  réputation  dans  l'univerfité  de  Paris. 

Ville-Hardouin  &  fes  contemporains  écri- 
vo'iem  li  ,  &  quelquefois  1/ ,  d'où  on  a  fait 
/y ,  foit  pour  remplir  la  lettre  ,  foit  pour 
donnera  ce  mot  un  air  fcientifique,  &c l'é- 
lever au  deftiis  du  langage  vulgaire  de  ces 
temps-là. 

Les  Italiens  ont  confervé  cet  article  au 
pluriel ,  &  en  ont  fait  un  adverbe  qui  figni- 
lie  là  ;  en  forte  que  /)'  tantiim ,  c'eft  comme 
fi  l'on  difoit  ce  mot-là  tantiim. 

Notre  ce  Se  notre  le  ont  le  même  office 
indicatif  que  to  6i  que  ly ,  mais  ce  avec  plus 
d'énergie  que  le. 

%°.  Mon,  ma,  mes  ;  ton,  ta,  t'es;  fou, 
fa  ,fes ,  6cc.  ne  font  que  de  fimples  adjec-  . 


ART 

tifs  tirés  des  pronoms  pefonnels  ;  ils  mar- 
quent que  leur  fubftantif  a  un  rapport  de 
propriété  avec  la  première,  la  féconde  ou 
la  troifieme  perfonne  :  mais  de  plus,  comme 
ils  font  eux-mêmes  adjeftifs  prépoiitifs ,  & 
qu'ils  indiquent  leurs  fubftantifs ,  ils  n'ont 
pas  befoin  d'être  accompagnés  de  ['article 
le  ;  que  fi  on  dit  le  mien  ,  le  tien ,  c'eft  que 
ces  mots  font  alors  des  pronoms  fubftantifs. 
On  dit  proverbialement  que  le  mien  Si  le 
tien  font  pères  de  la  difcorde. 

6*.  Les  noms  de  nombre  cardinal  a«,>. 
deux  ,  &c.  font  auflî  l'office  de  prénoms  ou 
adjeftifs  prépofitifs  :  dix  foldats  ,  cent  écus. 
Mais  fi  l'adjeftif  numérique  &  fon  fubf- 
tantif font  enfemble  un  tout,  une  forte  d'in- 
dividu collectif,  &  que  l'on  veuille  marquer 
que  l'on  confidere  ce  tout  fous  quelque  vue 
de  l'eiprit  autre  encore  que  celle  de  nom- 
bre, alors  le  nom  de  nombre  eft  précédé 
de  l'article  ou  prénom  qui  indique  ce  nou- 
veau rapport.  Le  jour  de  la  multiplication 
des  pains  les  apôtres  dirent  à  J.  C.  Nous 
n'avons  que  cinq  pains  &■  deux  poiffons  : 
(  Luc.  ch.  ix ,  V.  '3.  )  voilà  cinq  pains  &• 
deux  poijfons  dans  un  fens  numérique  abfo- 
lu  ;  mais  enfijite  l'évangéliftê-  ajoute  que  J. 
C.  prenant  les  cinq  pains  &  Us  deux  poif- 
fons ,  les  bénit ,  &c.  Voilà  les  cinq  pains  Çf 
les  deux  poiffons  dans  un  fens  relatif  à  ce 
qui  précède,  ce  font  les  cinq  pains  &  les 
deux  poiflbns  dont  on  avoit  parlé  d'abord. 
Cet  exemple  doit  bien  faire  fentir  que  /?, 
la  ,  les;  ce,  cette  ,  ces ,  ne  font  que  des  ad- 
jeftifs  qui  marquent  le  mouvement  de  l'ef- 
prit ,  qui  fe  tourne  vers  l'objet  particulier  de 
Ton  idée. 

Les  prépofitifs  défignent  donc  des  indi- 
vidus déterminés  dans  l'efprit  de  celui  qui 
parle  ;  mais  lorfque  cette  première  détermi- 
nation n'eft  pas  aifée  à  appercevoir  par 
celui  qui  lit  ou  qui  écoute,  ce  font  les  cir- 
conftances  ou  les  mots  qui  fuivent,  qui  ajou- 
tent ce  que  l'article  ne  fauroit  taire  enten- 
dre :  par  exemple,  fi  je  disyV  riens  de  Ver- 
failles,  j'y  ai  l'U  le  roi,  les  circonftances 
font  connoître  que  je  parle  de  notre  augufte 
monarque  ;  mais  fi  je  voulois  faire  entendre 
que  j'y  ai  vu  le  roi  de  Pologne,  je  ferois 
obligé  d'ajouter  de  Pologne  à  le  roi;  ÔC 
de  même  fi  en  lifant  l'hiftoire  de  quelque 
monarchie  ancienne  ou  étrangère ,  je  voyois 

qu'en 


ART 

qu'en  un  tel  temps  U  roi  fit  telle  ckofe ,  je 
comprendrois  bien  que  ce  feroit  le  roi  du 
royaume  dont  il  s'agiroit. 

Des  noms  propres.  Les  noms  propres  n'c-' 
tant  pas  des  noms  d'efpece  ,  nos  pères  n'cMit 
pas  cru  avoir  befoin  de  recourir  à  ^article- 
pour  en  faire  des  noms  d'individus,  puifque 
j?ar  eux-mcmes  ils  ne  (ont  que  cela. 

Il  en  eft  de  mcme  des  êtres  inanimés 
auxquels  on  adreflela  parole  :  on  les  voit  ces 
^tres,  puifqu'on leur  parle;  ils  (ontprélens, 
au  moins  à  l'imagination  :  on  n'a  donc  pas 
befoin  d".zr//V/epour  les  tirer  de  la  généralité 
de  leur  elpece,  &  en  faire  des  individus. 

CouU:^  ,  ntijjeau  ,  cculi\  ,fuyt7^-nous, 

Hilas,  pitits moutons,  quci'ons  êtes  heureux! 

Fille  des  plaijirs ,  trifte  goutte!  Des  h. 

Cependant  quand  on  veut  appeller  un 
homme  ou  une  femme  du  peuple  qui  paffe, 
on  dit  communément  Vhornme  ,  la  femme  : 
écoute:^,  la  belle  fiJ.le  ,  la  belle  eRJ.mt ,  &c.  Je 
Crois  qu'alors  il  y  a  ellipfe  :  écoute\ ,  vous 
^ui  ères  la  belle  fille ,  &c.  l'ous  tjui  cres 
Vhomme  à  qui  je  veux  parler,  &:c.  C'eft  ainfi 
qu'en  latin  un  adje<f^if  qui  paroit  devoir  fe 
rapporter  à  un  vocatif,  eft  pourtant  quelque- 
fois au  nominatif.  Nous  diibns  fort  bien  en 
laiin, dit  Samflius ,  deffende  me ,  arnice  mi,  & 
dépende  me,  amicusmeus,Qn  fou^-entendant 
lu  qui  l'ï  amicus  meus  (  Sanrt.  Min.  l.  II ,  c. 
»y.  )  Térence  ,  (  Pkorm.  acl.  //,  /c.  / .  )  dit  j 
é  vir  fonis ,  atque  amicus  !  ,  c'efl-à-dire  ,  ô 
(juàm  tu  es  vir  fonis ,  atque  amicus  !  ce  que 
Donat  trouN'C  plus  énergique  qiiefi  Térence 
avoir  dit  tï'-.'/Vd.  M.  Dacier  traduit  ,o  le  brave 
homme  &  le  bon  ami!  on  fous-entend^we  tu 
es.  Mais  revenons  aux  vrais  noms  propres. 

LesGrecs mettent  (buvent  ["article  dcs'^nt 
les  noms  propres  fur-tout  dans  les  cas  obli- 
ques ,  &  quand  le  nom  ne  commence  pas 
la  phraié;  ce  qu'on  peut  remarquer  dans 
rénumération  des  ancêtres  de  J.  C.  au  i.c. 
de  S.  Matth.  Cet  ufage  des  Grecs  fait  bien 
voir  que  l'ar//c/e  leur  lervoit  à  marquer  l'ac- 
tion de  Telprit  qui  fe  tourne  vers  un  objet. 
N'importe  que  cet  objet  foit  un  nom  propre 
ou  un  nom  appellarif;  pour  nous,  nous  ne 
mettons  pas  {'article  fur  -  tout  devant  les 
noms  propres  perfonnels  :  Pierre  ,  Marie, 
Alexandre  ,  Céfar ,  Sec.  Voici  quciques  re- 
marques à  ce  lujet. 
Tome  III. 


ART  537 

I.  Si  par  figure  on  donne  à  un  nompri'pre 
une  fignificanon  de  nom  d'efpece  ,  &  qu'on 
applique  enfuite  cette  fignification  ,  alors 
on  aura  befoin  de  ['article.  Par  exemple  , 
fi  vous  donnez  au  nom  ai  Alexandre  la 
lignification  de  conquérant  ou  de  héros,  vous 
direz  que  Charles  XII  a  été  VAlexandre  de 
notre Jiecle:  c'efl:  ainfi  qu'on  dit  les  Cicêrons^ 
les  Démofllitnes  ,  c'eft-à-dire  ,  les  grands 
orateurs,  tels  que  Cicéron  Se  Démoflhene; 
les  Firgiles ,  c'eft-à-dire ,  les  grands  poètes. 

M.  l'abbé  Gedoyn  obferve  {  dijfertation 
des  anciens  &  des  modernes  ,  p.  gj^,  )  que  a 
fut  environ  vers  le  fcptieme  ficelé  de  Rome 
que  les  Romains  virent  fieurir  leurs  premiers 
poètes  ,  Nevius ,  Accius ,  Pacuve  &  Luci- 
lius ,  qui  peuvent ,  dit-il ,  être  comparés ,  les 
uns  à  nos  Defportes,  à  nos  Ronfards  &  à 
nos  Regniers  ;  les  autres  à  nos  Triflans  &  et 
nos  Rotrous ;  où  vous  voyez  qae  tous  ces 
noms  propres  prennent  en  ces  occafions  une 
s  à  la  fin ,  parce  qu'ils  deviennent  alors 
comme  autant  de  noms  appellaîifs. 

Au  refte,  ces  De  [portes ,  ces  Triftans  6c 
ces  Rotrous,  qui  ont  précédé  nos  Corneilles  , 
nos  Racines,  &c.  font  bien  voir  que  les  arts 
&  les  fciences  ont ,  comme  les  plantes  &  les 
animaux,  un  premier  âge,  un  temps  d'ac- 
croiiïemenf,  un  temps  de  confiftance  ,  qui 
n'eft  fuivi  que  trop  iouvent  de  la  vieillefîe 
&  de  la  décrépitude  avant-coureurs  de  la 
mort.  Voyez  l'état  où  font  aujourd'hui  les 
arts  chez  les  Egyptiens  &  chez  les  Grecs, 
Les  pyramides  d'Egypte  &  tant  d'autres 
monumens  admirables  que  l'on  trouve  dans 
les  pays  les  plus  baibares,font  une  preuve 
bien  fenfihîe  de  ces  révolutions  &  de  ces 
viciiriiudes. 

Dieu  eft  le  nom  du  fouverain  être  ;  mais 
fi  par  rapport  à  fes  attributs  on  en  fait  une 
forte  de  nom  d'efpece ,  on  dira  U  Dieu  de 
mi  féricorde  ,  è<.c.  le  Dieu  des  chrétiens ,  &c. 

II.  11  y  a  un  très-grand  nombre  de  noms 
propres  qifi  dans  leur  origine  n'étoient  que 
des  noms  appellatifs.  Par  exemple ,  Ferté,  qui 
vient  par  fyncopedeyêrfrz(.ve',fignifioit  autre- 
fois citadelle;  ainfi  quand  on  vouloir  parler 
d'une  citadelle  particulière  ,  on  difoir  la  ferlé 
d'un  tel  eixlroit,  &  c'efl  de  là  que  nous 
viennent /f<z  Fené-Imbaut,  la  Ferté-Milon  ,- 
Sic. 

Mefni  eft  aufiî  un  vieux  mot  qui  fignifioit 
Ttt 


538  ART 

ma'ifon  de  campat^ne  ,  viUag2 ,  du  latin  mi- 
nile  &  mari/iUà^r,s  la  baffe  latinité.  C'eft  de 
ïà  cjèie  nous  viennent  les  noms  de  tant  de 
petits  bourgs  appelles /^  Mefnil.  Il  en  eft  de 
Jïiéme  de  U  Mans  ,  le  Perche  ,  &c.  U  Cate- 
lit^  c'eft-à-dire ,  h  petit  château,  le  Que/- 
noi ,  c'étoit  un  liei;  planté  de  chênes;  te 
Clié,  prononce  par  Ké ,  à  la  manière  de  Pi- 
cardie &  des  pays  circonvoifins. 

Il  y  a  aiiffi  plufieurs  qualificatifs  qiri  {ont 
devenus  noms  propres  d'Iionimcs,  tek  que 
le  blanc  ,  U  noir ,  U  brun  ,  le  l  eau  ,  le  bel^  le 
blond,  ?iic.  &  ces  noms  conlervent  leurs  pré- 
noms quand  on  parlede  la  femme;  madame 
U  .Ulimc,c'c{\.-ààne^fem/ne.de  M.  leBLmc. 

m.  Quand  on  parle  de  certaines  femmes  , 
on  fe  iert  du  prénom  la,  parce  qu'il  y  a  un 
nom  d'efpece  fous-entendu;  la  Le  Main , 
c'eft-à-dire ,  l'aclrice  la  Maire. 

IV.  C'efl:  peut-être  par  la  même  raifon 
qu'on  dit  le  Tajfe  ,  rAriofie  ,  le  Dante  ;  en 
ibus-ei'itendant  le  poëte  ;  &  qu'on  dit  le 
Titien ,  le  Carrachc,  ce  qui  nous  vient  dïs 
Italiens. 

Qu'il  me  foit  permis  d'obferver  ici  que 
les  noms  propres  de  famille  ne  doivent  être 
précédés  de  la  prépofilion  de  ,  que  lorfqu'ils 
l'ont  tirés  de  notns  de  terre.  Nous  avons  en 
France  de  grandes  maifons  qui  ne  font 
connues  que  par  le  Hom  de  la  principale 
terre  que  le  chef  de  la  m.aifon  poffédoit 
avant  que  les  noms  propres  de  famille  fuffent 
en  ufage.  Alors  le  nom  elî  précédé  de  la 
prépofuion  de,  parce  qu'on  fous-enter.d 
Jtre  ,Jeigneiir,  duc,  marquis ,  &c.  OM /leur 
d'un  tel  fief.  Telle  ert  la  maifon  de  Fiance, 
dont  la  branche ,  d'ainé  en  aine  n'a  d'autre 
r.om  quâ  France. 

Nous  avons  auffi  des  maifons  très-illuftres 
&  très-anciennes  dont  le  nom  n'eft  point 
précédé  de  la  prépofition  de ,  parce  que  ce 
nom  n'a  pas  été  tiré  du  nom  de  terre;  c'eft 
un  nom  de  famille  ou  maifon. 

11  y  a  de  la  petiteffe  à  certains  gentils- 
hon^'-mis  d'ajouter  le  de  à  leurs  noms  de 
fen]ille;rien  ne  décelé  tant  l'homme  nou- 
veau &  peu  inftruit. 

Quelquefois  les  noms  propres  fontaccom- 
pagi.é',  d'adjeé^ifs,  iur  quoi  il  y  a  quelques 
jiijbfcrvHtions  à  taire. 

1.  Si  l'adjeftifeft  un  nom  de  nombie  or- 
dinalj  tt\  ({\iO premier ,  fécond,  <kc.  (k  q^u'il 


ART 

fuive  immédiatement  fon  fubflaniif ,  comme 
ne  faifant  cnfcmble  qu'un  même  tout, alors., 
on  ne  fait  aucun  ufage  de  l'article  :  ainli  oa 
dit  Françoispremier,  Charles  fécond  ,  Henri 
quatre  ,  pour  quatrième. 
.  II.  Quand  on  fe  fert  de  l'adjeiff  if  pour  mar- 
quer une  fimple  qualnédu  (ubftantif  qu'il  pré- 
cède ,  alors  [^article  eft  mis  avant  l'adjectif, 
le  f niant  Scaliger,  le  galant  Ovide  ,  &c. 

m.  De  mêmefi  l'adjeélif  n'eft  ajouté  que- 
pour  diftinguer  le  fubfiantif  des  autres  qui 
porleiu  le  même  nom  ,  alors  l'adjecfif  fuit  le 
fubffanîif ,  &  cet  adjeftif  eft  précédé  de 
V article  :  Henri  le  grand,  Louis  le  jufle,  &c» 
où  vous  voyez  que  le  tire  Henri  &  Louis 
du  nombre  des  autres  Henris  &  des  autres 
Louis  ,  &  en  fait  des  individus  particuliers,- 
diftinçués  par  une  qualité  fpéciale. 

IV.  On  dit  aufll  avec  le  comparatif  & 
avec  le  fuperlatlf  relatif ,  Homère  le  meilleur 
poète  de  P antiquité  ,  V^aron  le  plus  favant 
des  Romains. 

I!  paroit  parles  obfervations  ci-deffus,  que 
lorfqti'à  la  fimple  idée  du  nom  propre  oa 
joint  quelqu'autre  idée,  ou  que  le  nom.dani. 
la  première  origine  a  été  tiré  d'un  nom  d'ef- 
pece, ou  d'un  qualificatif  qui  a  été  adap'é  à 
un  objet  particulier  par  le  changement  de 
quelques  lettres,  alors  on  a  recours  au  pré- 
politif  par  une  fuite  de  la  première  origine  :. 
c'eft  ainfi  que  nous  difons  le  paradis,  mot 
qui  à  l?-!ettre  fignifieun  jardin  planté  d'arbres- 
qui  portent  toute  fotte  d'excsllens  fruits,  & 
par  e.xicnfion  im  lieu  de  délices. 

Uenfer,  c'eft  un  lieu  bas,  A^inferus ;  vin 
infera,  la  rue  d'enfer,  rue  inférieure  par, 
rapport  à  une  autre  qui  efl  au  dcfliis.  Uuni- 
vers  ,  univerfus  orbis  ;  Vétrd  t^niverfcl  ,Paf^ 
/imblage  de  toits  les  êtres. 

Le  monde ,  du  latin  mundus  ,  adjeftif,. 
qui  fignifie,/'."0/irc.  élégant,  ajuflé ,  paré^ 
&  qui  eft  pris  ici  iubftaniivement  :  &  encore; 
lorlqu'on  dit  mundus  muliehris  ,.  la  toilette. 
des  dames  '■■ù  font  tous  les  petits  meubles 
dentelles  le  fervent  pour  fe  rendre  plus  pro- 
pres, plus  ajuflées  &  plus  Icduifantes  :  le 
mot  grec  i  ôr/:<af,  qui  figuifie  orctre,  ornement^ 
beauté,  répond  au  mundus  des  Latins. 

Selon  Platon,  le  monde  fut  fait  d'aptes, 
l'idée  la  plus  pa-faite  qi  e  Dieu  en  conçut., 
Les  païens  frappés  de  l'éclat  df  a  ':iL.s  &  d^ 
l'ordre  qui  leur  paroifloit  régivcr  dai-s  l'uBi^ 


ART 

nWers,  ln"i  donnèrent  un  nom  tiré  de  cette 
lieauté  &decetordre.  LesGrecs,  dit  Pline, 
l'ont  appelle  d''un  nom  quifi^nifa  ornement , 
&  nous  d'un  nom  qsi  veut  dire ,  élégance  par- 
faite. (  Qu:;n  K^TiJLtv  Grccci  ,  nomine  orna- 
mcnti  appcllavcruni ,  mm  6-  nos  à  pcrfcâa 
abfolurdque  flc^amldmundum.  Pline  11,4.) 
Et  Cicéron  dit ,  quM  n'y  a  rien  de  plus  beau 
que  le  rrionde  ,  ni  rien  qui  foit  au  deiTus  de 
l'architect-e  qui  en  eft  l'auteur.  {Ncqiu  mundo 
quidquam  pulchrlus  ,  mque  ejus  adificatorc 
frœjiuntius.  Cic.  de  univ.  cap.  ij.  )  Cum 
■continuijjit  Dcus  bonis  omnibus  expUri 
mundum  .  , .  .fie  rJtus  eftopus  il/ud ejjiclum 
effi  pulclicrri/nuni.  f  ib.  ii/.J  Hjnc  i-^itur 
hahuit  rationem  ef'^ccor  mundi  molitnrque 
Deus,  ut  unum  opns  totum  atque  perfcclum 
ler  omnibus  totis  atque perfeclis  ahfolveretur. 
Çib.f.)  Formamautcm  &  maxim.è/tbi cogna- 
xam  &  dicoram  dédit.  (  ib.  vj.  )  Animum  icri- 
turcum  il'e  procreator  mundi  Deus  ,  ixj'uà 
menti  &  divinitate genuijj'et,  &c.  Cib.  l'H/.J 
Ut  hune  hdc  varietate  dijtinctum  bine  Graci 
K'^(rf4»Y,non  lucentcm  mjindum  nominaremus. 
(ib.  x.J 

Ainiî  quand  les  païens  de  la  Zone  tem- 
pérée (eptentrionale  ,  regardolent  i'univer- 
iatité  des  êtres  du  beau  côté,  ils  lui  don- 
noient  un  nom  qui  répond  à  cette  idée  bril- 
lante ,  &  l'appelloient  /e  monde ,  c'eft-à-dire , 
rétre  bien  ordonné ,  bien  a/uflé,  (brtant  des 
mains  de  l'on  créareur,  comme  une  belle 
dame  fort  de  fa  toilette.  Et  nous ,  quoi- 
qu'mftruits  des  maux  que  le  péché  originel  a 
introduit  dans  le  monde  ;  comme  nous  avons 
trouvé  ce  nom  tout  établi,  nous  l'avons 
conlérvé ,  quoiqu'il  ne  réveille  pas  aujour-  i 
d'Iiui  parmi  nous  la  même  idée  de  perfec- 
tion ,  d'ordre  &:  d'élégance. 

Le  foleil,  de/ô/«i,  félon  Cicéron,  parce 
que  c'eft  le  léul  aftre  qui  nous  paroiffe  aulli 
grand;  &:  que  lorlqu'il  eft  levé,  tolis  les 
autres  difparoilTent  à  nos  yeux. 

La  lune,  à  lucendo ,  c'cll- à-dire,  la  pla- 
nète qui  nous  éclaire  ,  fur-tout  en  certains 
temps  pendant  la  nuit.  Sol  vel  quia  folus  ex 
omnibus  Jideribus  e(l  tantus  ,  vel  quia  cum 
eft  exortus,  obfjuratis  omnibus  folus  app.tret; 
luna  à  lucendo  nominata,  eadem  eft  enim  lu- 
cina.  (  Cic.  de  nat.  deor.  Lib.  Il ,  c.  xxvij.  ) 

La  mer ,  c'e(l-à-dire ,  l'eau  amere,  pro- 
pri^  autem  mare  appeliaiur^  eo  quod  aquiu 


ART  539 

ejus  (imarccfint.  (  Ifidor.  /.  XIn.,c.  xiv.  ) 

La  terre,  c'eftà-dire,  l'élément  fec ,  du 
Grec  Te('f"  ifîcher^  &  au  futur  fécond ,  T£p5. 
Aullî  voyons-nous  qu'elle  ertappellée  arida. 
dans  la  Genefe,  ck.)  ^  j'.  9  ;  &  en  S.  Matth. 
ch.  xxiij ,  V.  li  ,  circuitis  mare  eft  aridam. 
Cette  étymologie  me  paroît  plus  naturelle 
que  celle  que  Varron  en  donne  :  terra  diâa- 
eoqiiod  teritur.  Varr.  de  ling.  lat.  iv.  4. 

Elément  eft  donc  le  nom  générique  de 
quatre  efpeces ,  qui  font  le  feu ,  Pair.,  dau  , 
la  terre  :  la  terre  (éprend  aulli  pour  le  globe 
terreftre. 

Des  noms  de  pays.  Les  noms  de  pays,  de 
royaumes,  de  provinces,  de  montagnes, 
de  rivières ,  entrent  fouvent  dans  ledifcour'; 
fans  article  comme  noms  qualificatifs,  U 
royaume  de  France ,  d'Efpagne  ,  &c.  En 
d'autres  occafionsils  prennent  [''article,  foit 
qu'on  fous-entende  alors  terre  ,  qui  eft  expri- 
iné  dans  Angleterre  ,  ou  région  ,  pays ,  mon- 
tagnes,  fleuve  ,  rivière,  vaiffeau,  &c.  I!î 
prennent  (ur-tout  !'« r/ic/i;  quand  ils  font  per- 
ibnnifiés  ;  ['intérêt  de  la  France,  la  politefjï 
de  la  France  ,  &c. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  j'ai  cru  qu'on  feroit 
lîien  aife  de  trouver  dans  les  exemples  iui- 
vans ,  quel  eft  aujourd'hui  l'ufage  à  l'égard 
de  ces  mots,  fauf  au  leclieur  à  s'en  tenir 
fimplement  à  cet  ufage ,  ou  à  chercher  à 
taire  l'application  des  principes  que  nous 
n\'f>ns  érnblis ,  s'il  trouve  qu'il  y  ait  lieu. 
'Koms  propres  employés  'Noms  propres  emplois 
feulement  »vec  une  pré-  avec  /'article. 
fo/îtion  fans  /'article. 

Royaume  de  Valence.  La  France. 

Ile  de  Candie.  VF.fpagne. 

Royaume  (/ff  Friince,Scc.  L'Angleterre. 

Il  vient  de  Pologne ,  &c.  La  Chine. 

i\  eft  allé  en  i'erfe  ,  en  Le  Japon. 
Suéde  ,  &c. 

11  eft  revenu  d'Efpagne,  11  vient  de  la  Chine  ,  «'« 

de   Pcrfe  ,   d'AffUjue ,  ]apon  ,     de    VAméri- 

d'Afe  ,  Sec.  que  ,    du    Pérou. 

Il  demeure  en  Italie ,  en  W  Acmtaxe  an  F erott ,  ait 

France  ,  &  a  Malte  ,  à  Japon  ,  k  la  Chine  ,  aux 

Koucn  ,   a  Avignon.  Indes  ,    ,';    l'Ile  Saim- 
Dominttte. 

Les  Languetlociens&lfs  La  pol-.tclle «'«/<?  Fr.%nce: 

Piovençiux  dilcnc   en  L'miérct   de  l'Ffpag.te, 

Avignon  ,  pour  éviter  On  ntitibue  k  l'Allona- 

le  bâillement;  c'eft  une  gne  l'invention  de  l'im» 

faute.  primene. 

Les  modes  ,  les  vins  de  Le  Mexique. 

T  1 1  2. 


^Ao  ART 

France  ,     les   vins  ie    Le  "Pérou: 

BoHrgo^nt ,   ite  Cham-     Les  Indes 

ff.^ne  ,  de  Bourdeaux  ,     Le  Maine ,  lu  Marche  , 

de  Tocujc.  le  Perche  ,  te  Milanès , 

le  Mantoiian  ,  le  Par- 
mefan,  vin  du  Rhin, 
11  vient  «f?  Flandre.  Il   vient  de  la   Flandre 

A  mon    dépare  d'Aile-         Franfoife. 

magne.  La  gloire  de  l'Allema- 

L'empire    d'Allemagne.      gne. 
Chevaux  d'Angleterre  , 

de  Barbarie,  6cc. 

Ontlit  par  oppofition  le  mont-ParnaJJi  , 
hmont  VaUrien.,  &c.  &  on  ^wlamontagm 
de  Tarare  :  on  dit  h  ficiwe  Don  ,  &  la  ri- 
vière de  Stinej  ainfi  de  quelques  autres,  fur 
quoi ,  nous  renvoyo'ns  à  l'ufage. 

Remarques  fur  ces  phrafes  ,  i".  il  a  de 
r argent.,  il  a  bien  de  C argent.,  &c,  2°.  //  a 
keaucQup  d^ argent.,  il  n'a  point  d'argent.,  &c. 

î.  L'or,  l'argent,  l'efprit ,  &c.  peuvent 
Être  confidérés ,  ainfi  que  nous  l'avons  obler- 
vé ,  comme  des  individus  Tpécifiques  ;  alors 
chacun  de  ces  individus  eft  regardé  comme 
un  tout  dont  on  peut  tirer  une  portion  :  ainfi 
il  a  de  l'argent ,  c'efl  /'/  a  une  portion  de  ce 
îout  qu'on  appelle  argent ,  ej'prit ,  &c.  La 
prépofition  de  eft  alors  extradive  d'un  indi- 
"vidu ,  comme  la  prépofition  latine  ex  ou  de. 
Il  a  bien  de  l'argent ,  de  l'efprit .,  &c.  c'eft 
la  même  an-alogie  que  //  a  de  l'argent .,  &c. 

C'eft  ainfi  que  Plaute  a  dit  credo  ego  iUic 
inejje  auri  &  argenti  largiter.  (  Rud.  ace. 
iy,fc.iv  y  V.  /44.  )  en  ibus-entendantp^f«- 
•f*« ,  rem ,  auri ,  je  crois  qu'il  y  a  là  de  l'or  & 
tie  l'argent  en  abondance.  Bien  eft  autant  ad- 
verbe que  largiter .,  la  valeur  de  l'adverbe 
tombe  (ur  le  vcih^ineffi  L:rgiter,ily  a  bien. 
Les  adverbes  modifient  le  verbe  &  n'ont  ja- 
mais de  complément,  ou  comme  on  dit  <^f 
régime  :  ainfi  nous  dilbns  il  a  bien,  comme 
nous  dirions  il  a  véritablement  ;  nos  pères 
ililoient /7<z  merveilleufcment  de  l'efprit. 

IL  A  l'égard  de  //  a  beaucoup  d'argent , 
J'efprit.,  &c.  il n^a point  d'argent,  d'efprit , 
&c.  il  faut  obferver  que  ces  mots  beaucoup , 
fiiii ,  pas  ,  point  ,  rien  ,  forte  ,  efpece  ^  tant , 
moim  ,  plus ,  ijue  ,  lorfqu'il  vient  de  quan- 
lù'n  ,  coirime  dans  ces  vers  : 

Que  de  méprii  vous  ai-'e:^  l'un  pour  l'autre , 
Et  que  vous  ave^  de  raifon  ! 
ces  mots,  dis- je,  ne  font  point  des  adver- 
bes, ils  font  de  véritables  noms,  du  moins 


ART 

I  dans  leur  origine  ,  &  c'eft  pour  cela  qu'ils 

I  lont  modifiés  par  un  fimple  qualificatif  in- 
défini ,  qui  n'étant  peint  pris  individuelle- 
ment, n'a  pas  befoin  d'article,  il  ne  lui  faut 

î  que  la  fimple  prépofition  pour  le  mettre  en 
rapport  avec  beaucoup  ,  peu,  rien,  pas  y 

\  point ,  forte  ,  &c.  Beaucoup  vient,  félon 
Nicot ,  de  bella ,  id  eft ,  bona  &  magna  co- 
pia ,  une  belle  abond-ince  ,  comme  on  dit  une 
belle  récolte,  &c.  Ainfi  à' argent ,  d'efprit  , 
font  les  qualificatifs  de  coup  en  tant  qu'il 
vient  de  copia  ,  il  a  abondance  A'argent, 
d'efprit.  Sic. 

M.  Ménage  dit  que  ce  mot  eft  fotmé  de 
l'adjeftif  ^<;.zM,  &  du  fubftantif  cow;^;  ainfi 
quelque  étymologie  qu'on  lui  donne,  on 
voir  que  ce  n'eft  que  par  abus  qu'il  eft  con- 
fidéré  comme  un  adverbe  :  on  dit  :  //  efi 
meilleur  de  beaucoup  ,c'eft-à-dire  ,  félon  ua 
beaucoup  ,  où  vous  voyez  que  la  prépofition 
décelé  le  fubftantif. 

Peu  Ç\s,r)\fit  petite  quantité;  on  dit ,  le  peu  , 
un  peu ,  de  peu  ,  à  peu ,  quelque  peu  :  tous 
les  analogiftes  fouiiennent  qu'en  larin  avec 
parum  on  fous-entend  ad  ou  per ,  &  qu'oa 
dit  parum-per ,  comme  on  dit  tc-cum ,  en 
mettant  la  prépofition  après  le  nom  ;  airifi 
nousdifonsun/'fwJet/w  ,  comm.e  les  Latins 
difoient  parum  vini,  en  forte  que  comme 
vini  qualifie/'û/'K/n  fubftantif,  notre  de  vin 
qualifie  peu  par  le  moyen  de  la  prépofition  de. 
Rien  vient  de  rem  accufatif  de  res  :  les 
langues  qui  fe  font  formées  du  latin,  ont 
fouvtnt  pris  des  cas  obliques  pour  en  faire 
des  dénominations  dircftes;  ce  qui  eft  fort 
ordinaire  en  Italien.  Nos  pères  difoient yi.T 
toutes  riens ,  Mehun-,  &  dans  Nicot ,  elle  le 
hait  fur  tout  rien  ,  c'eft-à  dire ,  fur  toutes 
chofes.  Aujourd'hui  rien  veut  dire  aucune 
iliofe ;  on  lous-entend  la  négation,  &  on 
l'exprime  même  ordinairement  ;  ne  dites 
rien ,  ne  faites  rien  :  on  dit  le  rien  vaut  mieu.x 
que  le  mauvais  ;  ainfi  rien  de  bon  ni  de  beau  , 
c'eft  aucune  cliojé  de  bon ,  &c»  aliquid  boni. 
De  bon  ou  de  beau  font  donc  des  qualifi- 
catiis  de  rien,  &;  alors  de  bonou  de  beau  étant 
pris  dans  unjens  qiialificatij  <\ù forte  ou  A' ef- 
pece ,  ils  n'ont  point  Marticle;  au  lieu  que  ii 
l'on  prenoit  bon  ou  beau  individuellerrent,  ils 
(croient  précédés  d'un  prénom  ,  le  beau  vous 
touci'i  ,  j'aime  le  vrai,  Sic.  Nos  pères  pour 
exprunerle  feus  négatif,  le  fervirent  d'abord 


ART 

en  latir  delà  fimple  nés,^û\e ne,  fjc/u'e^  nos 
ni  vinifnies  por  los  mal  faire  ;  Vi!le-Har- 
doiiin,  -p.  48.  Vigencre  traduit ,  fucliiei  que 
nous  ne  fommes  pas  venus  pour  vous  mal 
faire.  Dansld  ùilte  nos  pères,  pour  donner 
plus  de  force  &  plus  d'énergie  à  la  négation, 
y  ajoutèrent  quelqu'un  des  mots  qui  ne  niar- 
cii;ent  que  de  petits  objets  ,  tels  que^rd/« , 
goutte  ,  mie  ,  hr'in  ,  pas.,  point  :  quia  res  ejl 
minuta  ,fermoni  vernaculo  additur  ad  ma- 
jortm  ne^aiionem;  Nicot ,  au  mot  goutte.  Il 
y  a  toujours  quelque  mot  lous-entendu  en 
ces  occafions  :Je  n'en  ai  grain  ne  goutte  ; 
Nicot ,  au  mot  goutte  ;  je  n'en  ai  pour  la 
valeur  &  lagrojjeur  d'un  grain.  Ainfi  quoi- 
que CCS  mots  fervent  à  la  négation  ,  ils  n'en 
l'ont  pas  moins  de  vrais  iubftantifs.  Je  ne 
veux  pas  ou  point,  c'eft-à-due,  je  ne  veux 
cela  même  de  la  longueur  d'un  pas  ni  de  la 
grolTeur  d'un  point.  Je  n'irai  point,  non  il>o; 
c'ell  comme  h  l'on  di).bit,ye  ne  ferai  un  pas 
pour  y  aller.,  je  ne  ni!  avancerai  d'un  point  ; 
quafi  dicas  ,  dit  Nicot  ,  ne  punclum  quidcm 
progrediar,  ut  eam  illi),  C'cft  ainfi  que  mie , 
dans  le  fens  de  miette  de  pain  ,  s'employoit 
autrefois  avec  la  particule  négative  :  //  ne 
faura  mie  ;  il  n'eji  mie  un  homme  de  bien,  ne 
probitatii  quidem  mica  in  eo  ejl ,  Nicot  ;  & 
celte  façon  de  parler  eÛ  encore  en  ufage 
en  Flandre. 

Le  (ubftantif  Zt/'/i  ,  qui  fe  dit  au  propre 
des  merius  jets  des  herbes ,  l'en  fb\ivent  par 
figure  à  faire  une  négaiicn  comme  pas  & 
point ,  &  li  l'ulage  de  ce  mot  étoit  aufîi  fré- 
quent parmi  les  honnêtes  gens  qu'il  l'eft 
parmi  le  peuple,  il  feroit  regardé  auilî  bien 
(\nepas  &  point  comme  une  particule  néga- 
tive :  a-t-il  de  Cejprit  ?  il  n'en  a  brin  ,  &c. 

On  doit  regarder  ne  pas,nepoint.,  comme 
le«//2//des  LatinswV/7î//eflco!npofé  de  deux 
mots,  1°.  de  la  négation  ne.,  &  Athilum  qui 
fignilîe  la  petite  marque  noire  que  l'on  voit 
au  bout  d'une  fève  \  les  Latins  difoient  /20c 
nos ntquepertinetiùlum,  Lucret,/iv.  Ill,v. 
^43 i  &  dans  Cicéron,  Tufciil.  1,  72".  3,  un 
ancien  p«ëte  parlant  des  vains  efforts  que 
fait  Syfiphe  dans  les  enfers  pour  élever  une 
grolTe  pierre  fur  le  haut  d 'une  montagne,  dit: 

Sjfiphus  verfat 
Saxumfidans  nitendo,  nequeprojicit  hilum. 

Il  y  a  une  prépofition  fous-entendue  de- 
vant hilutn^  m  quidem  ,  katx,  hilum  ;  cela 


ART  541 

ne  nous  intcrejfe  en  rien, pas  même  de  la  va- 
leur  de  la  petite  marque  noire  d'une  fève. 

Syjïphe  ,  après  bien  des  efforts  ,  ne  fe 
trouve  pas  avancé  de  la  grojj'eurde  la  petite 
marque  noire  d'une  fève. 

Les  Latins  diloient  auiïî  :  ne  faire  pas 
plus  de  cas  de  quelqu'un  ou  de  quelque 
choie ,  qu'on  en  fait  de  ces  petits  flocons  de 
laine  ou  de  foie  que  le  vent  emporte, _/Îocy/ 
facere,  c'ed-À-ànc  ,fucere  rem  flacci;  nous 
(lifons  un  têtu.  Il  en  efl  de  même  de  notre 
pas.  Se  de  notre  point;  je  ne  veux  pas  ou 
point ,  c'eft-à-dire ,  je  ne  veux  cela  même 
de  la  longueur  d'un  pas  ou  de  la  grolTeur 
d'un  point. 

Or,  comme  dans  la  fuite  le  hilum  des 
Latins  s'unit  (1  tort  avec  la  négation  ne  ,  que 
ces  deux  mots  n'en  firent  plus  qu'un  feul 
nihilum  ;  niliil ,  nil ,  &  que  "//n7  (e  prend 
fouvent  pour  lef:mpIe/îo/2,  ni/iil circuiiione 
ufus  es,  (Ter.  And.  I ,  ij  ;  v.  3  i.J  vous  ne 
vous  êtes  pas  iervi  de  circonlocution.  De 
même  notre /'as  ôi  notre  point  ne  font  plus 
regardés  dans  l'ufage  que  cortime  des  parti- 
cules négatives  qui  accompagnent  la  négation 
ne ,  mais  qui  ne  laiifcnt  pas  de  conserver 
toujcuis  des  marques  de  leur  origine. 

Or  comme  en  latin  nikilefï  fouvent  fuivi 
d'un  qualificatif,  niLil  faljl  dixi ,  mi  fenex  ; 
Terent.  And.  a&.  IV,  fc.  iv  ou  v,  félon  M. 
Dacier,  v.  ^c)  ,  je  n'ai  rien  dit  de  faux  ;  nihil 
incorr.modi ,  niliil  graticc,  nihil  lucri ,  nihil 
j'ancli ,  &c.  de  même  \cpas  &  \ç point  étant 
pris  pour  une  très-petite  quantité,  pour  un 
rien ,  font  fuivis  en  françois  d'un  qualifica- 
tif, iZ/z'a/'aii./s/'fl/n,  d'argent,  d'efprit,  &c. 
ces  noins  pam  ,  argent,  efprit ,  étant  alors 
des  qualificatifs  indéfinis  ,  ils  ne  doivent 
point  avoir  de  prépofitif. 

La  grammaire  générale  dit  ,/'^^.  8ï  ,  que 
dans  le  fens  afîirmatif  on  dit  avec  l'article  , 
il  a  de  l'argent .  du  cœur ,  de  la  charité ,  de 
l'ambition  ;  au  lieu  qu'on  dit  négativement 
fans  article,  il  n'a  point  d'argent ,  de  cœur., 
de  cliarité,  d'ambition;  parce  que,  dit- on  ,  le 
propre  de  la  négation  ejl  de  tout  âter,  {ibid.) 

Je  conviens  que  félon  le  fens,  la  négation 
ôte  le  tout  de  la  chofe  :  mais  je  ne  vois  pas 
pourquoi  dans  Texpreffion  elle  nous  ôteroit 
['article  fans  nous  ôter  la  prépo'ition,  d'ail- 
leurs ne  dit-on  pas  dans  le  fens  affîrmatif  fans 
article^  il  a  encore  unpgu  d'argent,  &c  comnie 


54t  A   R   T        _ 

dans  le  fens  négatif  avec  Yanicle ,  Un  a  pas 
le  fou  ^  il  n'a  plus  un  fou  de  l'argent  qu'il 
avait  ?  les  langues  ne  font  point  desfciences  , 
on  ne  coupe  point  des  mots  i nfépa râbles ,  dit 
fort  bien  «n  de  nos  plus  habiles  critiques 
CM.  l'abbé  d'Olivet;)  ainiî  je  crois  que  la 
véritable  raifon  de  la  différence  de  ces  façons 
de  parler  doit  fe  tirer  du  fens  individuel  & 
défini ,  qui  feu!  admet  l'article  ,  &  du  fens 
fpécifique  indéfini  &  qualificatif,  qui  n'eft 
jamais  précédé  de  l'article. 

Les  éclaircifTemens  que  l'on  vient  de  don- 
ner pourront  fervir  à  réfoudre  les  principa- 
les difficultés  que  l'on  pourroit  avoir  au  fu- 
jet  des  articles  :  cependant  on  croit  devoir 
encore  ajouter  ici  des  exemples  qui  ne  feront 
point  inutiles  dans  les  cas  pareils. 

Noms  conflruits  fans  prénom  ni  prépofl- 
tion  à  la  fuite  d'un  verbe ,  dont  ils  font  le 
complément.  Souvent  un  nom  eft  mis  fans 
prénom  ni  prépofitioa  après  un  verbe  qu'il 
détermine  ;  ce  qui  arrive  en  deux  occnfions: 
1°.  parce  que  le  nom  eft  pris  alors  dans  un 
fens  indéfini ,  comme  quand  on  dit,  il  aime 
à  faire  plaifir ,  à  rendre  fervice  ;  car  il  ne 
s'agit  pas  alors  d'un  tel  plaifir  ni  d'umel fer- 
vice  particulier  :  en  ce  cas  on  diroit  taites- 
moi  ce  ou  le  plaifir ,  rendez-moi  ce  fervice , 
ou  le  fervice  .,  on  un  fervice  ^  qui,  &c.  i". 
Cela  le  ffit  auffi  foiiventpour  abréger,  par 
ellipfe,  ou  dans  des  tac^nas  de  parler  fami- 
lières &  proverbiales  ;  ou  enfin  parce  que 
les  deux  mots  ne  font  qu'une  forte  de  mot 
compofé ,  ce  qui  fera  facile  à  démcler  dans 
les  exemples  luivans, 

kvowfaim  J'oif,  deffein  ,  honte  ,  coutume  , 
pitié ^  compaffion,  froid  y   chaud,  mal, 
befoin  ,  part  au  gâteau ,  envie. 
Chercher  _/ôr/K7ze ,  malheur. 
Cowùr  fortune  ,  rifque. 
Demander  raiyo/z,  vengeance 
L'amour  en  courroux. 
Demander  vengeance, 
grâce ,  pardon,  juftice. 
Dire  vrai ,  faux,  matines ,  vêpres,  ^C. 
Donner  prife  àfes  ennemis , part  d'une  nou- 
velle,  jour ,  parole  ,  avis,  caution  ,  quit- 
tance ,  leçon ,  atteinte  à  un  aéle  ,  à  un 
privilège,   valeur,  cours,  courage,  ren- 
dei-vous  aux  tuileries ,  &c.  congé ,  fc- 
cours  ,  beau  ,  Jeu ,  prife ,  audience. 
F.chappcr ,  il  l'a  échappe  b^lle  ,  c'eil-à-dire 


ART 

peu  s'en  efl  fallu  qu  il  ne  lui  fait  arrive 
quelque  malheur. 
Entendre  rai fon,raillerie,malice,vépres,S>Cc. 
Faire  vie  qui  dure,  bonne  chère,  envie,  il 
vaut  mieux  faire  envie  que   pitié,  corps 
neuf  par  le  rétablifjemtnt  de  la  fanté ,  ré- 
flexion ,  honte  ,  honneur ,  peur  ,  plaifir  , 
choix  ,  bonne  mine  &  mauvuisjeu ,  cas  de 
quelqu'un  ,  alliance,  ma'-ché ,  argent  de 
tout ,  provifion  ,  fcinblant ,  route  ,    ban- 
queroute, front,  face,  difficulté,  je  ne  fais 
pas  difficulté.  Gedoyn. 
G-.'.'^ntr  pays  ,  gros. 
Mettre  ordre, fin. 
Parler  vrai,  raifon,  bon  fens  ,  latin,  fraTt- 

cois  ,  &c. 
Porter  envie,  témoignage  ,  coup  ,  bonheur, 

malheur,  cow.pajj'ion. 
Prendre  garde, patience  ,  féance.,  médecine^ 
congé ,  part  à  ce  qui  arrive  à  quelqu'un  , 
corféil ,  terre ,  langue  ,  jour  ,  leçon. 
^evAxe  fervice ,  amour  pour  amour ,  viftte  ^ 

bord ,  terme  de  marine,  arriver, ^o/-g'«. 
Savoir  lire  ,  vivre  ,  chanter. 
Tenir  parole,  prifon  faute  de  paiement,  hon^ 
ferme  ,  adjeftifs  pris  adverbialement. 
Noms  conjlruits  avec  une  prépojii  ion  fins 
(jmc/e.  Les  noms  d'efpeces  qui  font  pris  felcn 
leur  fimple  fignification  fpécifique ,  fe  conf- 
trtfifent  avec  une  prépofition  lans  articles. 

Change:^  ces  pierres  en  pains;  l'éducation 
que  le  père  d'Horace  donna  à  fan  fils  efl  digne 
d'être  prife  pour  modèle;  à  Rome,  à  Atiunes, 
à  bras  ouverts  ;  il  eft  arrivé  à  bon  port,  à  mi~ 
nuit;  il  eft  à  jeun  ;  à  Dimanche ,  à  vêpres;  & 
tout  ce  que  l'Efpagne  a  nourri  de  vaillans  ; 
vivre  fans  pain,  une  livre  de  pain;  il  n'a  pas 
de  pain;  un  peu  de  pain  ;  beaucoup  depairiy 
une  grande  quantité  de  pain. 

J'ai  un  coquin  de  frère ,  c'eft-à-dire  qui 
eft  de  l'efpece  de  frère,  comme  on  dit, 
quelle  efpece  d'homme  étes-vons?  Térence  a 
dit  :  quidhominis?  Eun.  III,  iv,  viij  &  ix; 
&  encore,  ^3.  V,fc.j,v.  ly.  Quid monf- 
tri  ?  Ter.  Eun.  IV,  fc.  iij ,  x  6-  xiv. 

Remarquez  que  dans  ces  exemples  le  qui  ne 
fe  rapporte  point  au  nom  fpécifique,  mais  au 
nom  individuel  qui  précède:  c  eft  un  bon  hom- 
me de  père  qui  ;  le  qui  fe  rapporte  au  bon 

homme. 

Se  conduire  par  fentiment  ;  parler  avec 
efprit ,  avec  grâce ,  avec  facilité  ;  agir  par 


ART 

iiplt ,  par  colère  ,  par  amour,  par  foibleffe. 

En  fait  de  phyfiquc ,  on  donne  fouvcnc 
des  mots  pour  des  chofes  ;  phyjiqut  eft  pris 
dans  un  iens  rpécifÎTiie  qualilicatit  à^fuit. 

A  l'é2;ar(!  de  on  donne  des  mots  ,  c'cft  le 
fens  individuel  pîrtitlt,  il  y  aelîiple;  le  ré- 
gime ou  complément  inimédiac  du  verbe 
donner  eft  ici  fous-entendu  ;  ce  que  l'on 
entendra  mieux  par  les  exemples  f'uivans. 

Monts  conflruits  avec  ParticU  du  prénom 
fans  pripofition.  Ce  que  fatme  le  mieux  ceft 
h  />j//i(individu  {r)éc\'î\':\nQ)apportei  h  pain; 
voilà  le  pain  ,  qui  eft  le  complément  inurié- 
^int  ou  régime  naturel  du  verbe  :  ce  qui  tait 
voir  que  quand  on  dit  apporte-^  ou  donnei^- 
moi  du  pain  ,  alors  il  y  a  ellipfe  ;  donneT^-mA 
une  portion  ,  quelque  chofe  du  pain  ,  c'i/Z  le 
fens  individuel  partirit. 

Tous  les  pains  du  /72..7rc/iJ,oucolleiSlive- 
ment,  tout  le  pain  du  marché  ne  fuffiroit 
pas  pour ,   &. 

Donnez-moi  un  pain ,  ew.portons  quelques 
pains  pour  le  l'oyage. 

Noms  conflruits  arec  la  prépojîtion  & 
Panicle.  nonncT^-moi  du  pain  ,  c'eft-à-dire 
de  le  pain  :  encore  un  coup,  il  y  a  ellipfe 
dans  les  phrafes  pareilles ,  car  la  chofe  don- 
née fe  joint  au  verbe  donner  fans  le  fecours 
d'une  prépofition;aiiifi,  donnc:^-moi  du  pain, 
c'cft  donnei-moi  quelque  chofe  de  le  pain, 
de  ce  tout  fpéciiique  individuel  qu'on  appelle 
pain;  le  nombre  des  pains  que  vous  ave^ 
apportés  n'eji  pas  fuffifant. 

Voilà  bien  des  pains ,  de  les  pains  ^  indi- 
viduellement,  c'ed-àdire  confidérés  comme 
feifant  chacun  un  être  à  part. 

Remarques  fur  Pufacie  de  Carticle ,  quand 
tadjeclif précède  le  ful^Çtantif,  ou  quand  il 
tft  apris  le  fubfijnr'/'  Si  un  nom  lubftnntif 
eft  employé  dans  le  difcours  avec  un  adjec- 
tif, il  arrive  ou  qs'e  l'adjcctif  précède  le  iubf- 
tantif ,  ou  qu'il  le  fuit. 

L'adjci^if  n'eft  fépa'-é  de  fon  fubftantif 
que  lorfqui-  L-  ùibfraaîif  eft  le  fu'iet  de  la-pré- 
pofiiion,  &;  q.'e  l'adjeftif  eneft  afnrmédans 
i'atiribut.  Diiu  eft  :out-pu:Jfant;  Dieu  eft  le 
fujet:  tout-puijj'ant  y  qui  eft  dans  l'attribut, 
en  eft  féparé  par  le  verbe  £/?  ,  qui  ,  félon 
notre  mainere  d'expliquer  la  propofiticn , 
fait  partie  de  l'attribut  ,car  ce  n'eft  pas  feu- 
lement tout-p;;iJfani  que  le  juge  de  Dieu  , 
}*en  juge  i;U*il  eft,  qu'il  exiûe  leL 


ART  545 

Lorfqu'une  phrafe  commence  par  un  ad- 
jeftif  feul,  par  c::tm\)\e,f avant  en  l'art  de  ré- 
gner,  ce  prince  fe  fit  aimer  de  fes  fujets  & 
craindre  de  fes  voijins  :  il  eft  évident  qu'alors 
o\\(Q\x%-ii\\\.<iX\à.ce  prince  qui  étoit  favant,&c, 
ainfi/i/i'anr  en  V  art  de  régner,  eft  une  propo- 
fiticn incidente ,  implicite ,  je  veux  dire  dont 
tous  les  mots  ne  font  pas  exprimés  ;  en  rédui- 
fant  ces  propofitions  à  laconftruftion  fimple, 
on  voit  qu'il  n'y  a  rien  contre  les  règles;  &c 
que  fi  d.msla  conftruftion  ufuelleon  préfère 
la  façon  de  parler  elliptique  ,  c'cft  que  l'ex- 
preliion  en  eft  plus  ferrée  &  plus  vive. 

Quand  le  fubttantif  ÔC  l'adie.flif  font  en- 
feiuble  le  fujet  de  la  propofition ,  ils  for- 
ment un  l'VM  inféparable;  alors  les  prépo- 
fitifs  fe  mettent  avant  celui  des  deux  qui 
commence  la  phrale  :  ainfi  on  dit , 

1°.  Dans  les  propofitions  univerfelles , 
tout  homme  ,  chaque  homme ,  tous  les  hom- 
mes ,  nul  homme ,  aucun  homme. 

x°.  Dans  les  propofitions  indéfinies,  les 
Turcs  ^  les  Perfc.ns  ,  les  hommes  favans, 
les  javans  philufoplies. 

3".  Dans  les  propofitions  particulières, 
quelques  hommes  ,  certaines  perfonnes  fou~ 
tiennent  ,  &c.  un  favant  m'a  dit ,  &q.  orz 
ni  a  dit  ,  desfarans  nîont  dit,  en  fous-en- 
tendant  quelques-uns,  aucuns,  ou  des  favans 
pliilofophes ,  en  fous-entendant  un  certain 
nombre,  ou  quelqu'autre  mot. 

4®.  Dans  les  propofitions  fingulieres,  le 
foleil  eft  levé  ,  la  lune  eft  dans  fon  plein  y 
cet  homme  ,  cette  femme  ,  ce  livre. 

Ce  que  nous  venons  de  dire  des  noms 
qui  font  fujets  d'une  propofition  ,  fe  doit 
auliî  entendre  de  ceux  qui  font  le  complé- 
ment immédist  de  quelque  verbe  ou  de 
quelque  prépofnion:  déteftons  tous  les  vices, 
pratiquons  toutes  les  vertus ,  Ôic.  dans  U 
ciel  ,  fur  la  terre  ,  &c. 

J'ai  dit  /e  complément  immédiat  ;  j'entends 
par-là  tout  fiibftantif  qui  fait  unfens  avecun, 
verbe  ou  une  prépofition  ,  fans  qu'il  y  ait 
aucun  mot  fous -entendu  entre  l'un  &  l'au- 
tre ;  car  quand  on  dit,  l'ousaim.e?^  des  ingrats^ 
des  ingrats  n'eft  pas  le  complément  immé- 
diat de  i7//«i;;j;laconftruftion  entière  eft, voks 
aime\  certaines  perfonnes  qui  font  du  nombre 
des  ingrats»,  ou  quelques-uns  des  ingrats,  de 
'  les  ingrats ,  quojdam  ex ,  ou  de  ingratis:a.infi 
1  des  ingrats  énonce  une  partition  :  c'eft  UQ 


544  ART 

fens  partitif,  nous  en  avons  fouvent  parl^. 

Mais  dans  l'un  ou  dans  l'autre  de  ces 
deux  occafions ,  c'eft-à-dire,  i".  quand  l'ad- 
jeftif  Se  le  fubftantif  font  le  fujet  de  lapro- 
pofition;  i^.  ou  qu'ils  font  le  compléinen; 
d'un  verbe  ou  de  quelque  prépofuion  :  ei; 
quelles  occafions  faut- il  n'employerque  cette 
fimple  prépofuion  ,  &  en  quelles  occafion' 
faut-il  y  joindre  l'article  6c  dire  du  ou  cL 
le  &  des,  c'eft-à-dire  de  les  ? 

La  grammaire  générale  dit  (^pag.  "54.^ 
qù  avant  les  fubfidntifs  on  dit  des  ,  des  ani- 
maux ,  &  quon  dit  de  quand  l''adjeclif'p re- 
cède ,  de  beaux  lits  :  mais  cette  règle  n'ef 
pas  générale,  car  dans  le  fens  qualifies til 
indéfini  on  fe  fert  de  ia  fimple  prépofitio: 
de^mdmt  devant  le  fubftantif,rur-tout  quanti 
le  nom  qualifié  eft  précédé  du  prépofitif  un , 
&  on  fe  fert  de  des  ou  de  les^  quand  le  moi 
qui  qualifie  eft  pris  dans  un  fens  individuel , 
les  lumières  des  philofophes  anciens  ,  ou  de.' 
anciens  ■philofophes. 

Voici  une  lifte  d'exemples  dont  le  leftcir 
judicieux  pourra  faire  ufage ,  &  juger  de 
principe":  one  "ous  qvon«  établis. 
'Kemi  avec  /'article  corn-    Noms  a'vec  la  feule  pré- 

pofe  ,    c'eft-a-dire   avec      pofition. 

lu    fréfofition  éf  ''ar- 
ticle. 
Les  ouvrages  de  Ciccron    Les  ouvrages  de  Cicé- 
loiit  pleins  des  idées  les      ron  font  pleins  d'idées 

plus  faines.  faines. 

(  De  les  idées  ) 
Voilà  idées  dans  k  fens    Idées  faines  eft  dans  le 

individuel. 


ART 


Faites-vous  des  frinci- 
fes ,  (  c'eft  le  fens  indi- 
viduel. ) 


Défaites-vous  des  fré- 
jugés  de  l'enfance. 

Cet  atbre  porte  des 
fruits  excellens. 


Ces  raifons  font  àactn- 

jeiiures  bien  foibles. 
Faire  des  mots  nouveaux, 
Choilir  des  fruits  excel- 
lens. 
Chercher  des  détours. 


fens  fpécifique  inJéfî 
ni ,  général  de  forte. 

Nos  connoiflances  doi- 
vent être  ùiéesde  prin- 
cipes évidens, 

(  Sens  fpécifique  )  où 
vous  voyez  que  le  fubf- 
tantif  précède. 

N*avez-vous  point  de  pn'- 
/«»efur  cette  quelhon? 

Cet  arbre  porte  d'excel- 
lens  fruits  ,  (  fens  de 
forte.  ) 

Les     efpeces     différentes    11  y  a  différentes  efpeces 
des   animaux  qui  font      d'animaux  fur  la  terre. 


l'ur  la  terre.  (  lens  in- 
dividuel univerfel.  ) 
ïntrez  dans  le  détail  des 
règles  d'une  laine  dia- 
IctU^ue. 


Différentes  fortes  de 
poijj'ons ,  Sic, 

11  encre  dans  un  gratid 
détail  de  règles  frivoles 
("voiLlle  fubilautif  qui 
précède ,  c'efl  le  fens 


Se  fervir  des  termes  éta- 

èlis  parVulige. 

Evitez  l'air  de  l'ajfeéfa- 
tion  ,  (  fens  individuel 
métaphyfique.  ) 

Charger  fa  mémoire  des 
phrafes  de  Cicéron. 

Difcoursfoutenu  par  <iej 
exprejfions  fortes. 

Plein  des  fentimens  les 
plus   beaux. 

Il  a  recueilli  ;/fî  précep- 
tes pour  la  langue  & 
pour    la  morale. 

Servez-vous  des  fgnes 
dont  nous  fonimes 
convenus. 

Le  choii  des  études. 

Les  connoilTantes  ont 
toujours  été  l'objet  de 
l'cjlime  ,  des  louanges 
ce  de  l'admiration  des 
hommes. 

Les  richejjes  de  l'efprit 
ne  peuvent  être  acqui- 
fes  que  par  l'étude. 

Les  iiens  de  la  fortune 
font    fragiles. 

L'enchaînement  des 
preuves  fait  qu'elles 
piaifent  &  qu'elles 
perluadent. 

C'eft  par  la  méditation 
fur  ce  qu'on  lit  qu'on 
acquiert  des  connoijfan- 
ces     nouvelles. 

Les  avantages  de  la  mé- 
moire. 

La  mémoire  des  faits  eft 
la  plus  brillante. 

La  mémoire  eft  letréfor 
de  l'efprit,  le  fruit  de 

l'attention  &  de  la  tti- 
ficxion. 

K 


fpécifitjue  indéfînî  ;  oii 
ne  parie  d'aucunes  rè- 
gles particulières, c'eft 
le  fens  de  forte.  ) 

Ces  raifons  font  </</»/- 
hlcs  conjeélures. 

Fane  de  nouveaux  mon. 

Choifir  d' excellens  fruits. 

Chercher  de  longs  dé- 
tours pour  exprimer  les 
chofes  les  plus  aifèes. 

Ces  exemples  peuvent 
fervir  de  modèles. 

Evitez  tout  ce  qui  a  un 
air  d'affecîation. 

Charger  fa  mémoire  dt 
phrafes. 

Difcours  foutenu  par 
de  vives   exprejpons. 

Plein  de  fentimens. 

Plein  de  grand  s  fentimens. 

Kecusû  de  préceptes  pour 
la  langue  Se  pour  la 
morale. 

Nous  fommes  obligés 
d'ufer  de  fgnes  exté- 
rieurs pour  nous  faite 
entendre. 

Il  afiit  un  choix  de  li- 
vres qui   (ont ,  iyc. 

C'eft  un  fujet  d'ejlime , 
de  louanges  ^  d'admi- 
ration. 

Il  y  a  au  Pérou  une  abon- 
dance   prodigieufe  d* 
richcffes    inutiles. 
{Des  biens  de  fortune' , 
ia  Bruyère, <-«r<£?cr«, 
page  176.) 
11  y  a  dans  ce  livre  un  ad- 
mirable enchaînement 
deprcuves  folides  (  fens 
de  forte  ) 
C'eft  par  la  médicacioa 
qu'on  acquiert  de  nou- 
velles   connoijlances. 

Il  y  a  différentes  fortes 
de    mémoire. 

Il  n'a  qu'une  mémoire 
de  faits ,  &  ne  retient 
aucun    raifonnemenr. 

Préfence  d'efprit  ;  la  mé- 
moire i^'^Z/rj/ &  de  rai- 
foneftplus  utile  qucles 
autres  forces  de  mém. 

Le 


ART 


le  but  r/«  Bons  maîtres 
ioit  CCI  e  de  cultiver  l'cf- 
prit  lie  leurs  .lilcples. 

On  ne  doit  propolei^ici 
di^icultés  que  poui  faite 
tiionif'licr  la  vérité. 

Le  goiît  des  harmnes  ed 
fujec  i  des  vicillitudes. 


II  n'.l  p.is  befoin  lie  lit 
Itçon  que  vous  voulez 
lui  donner. 


Il  a  un  air  de  maître 

qui  choque. 

II  a  f.iit  un  recueil  de 
dijjiciilic-s  dont  il  ciicr- 
clie  la  folutioii. 

Une  focictc  li'hommes 
choids  ,  (  d'iioiiimcs 
clioi  fis  qualifie  la  fociété 
adjeftiveinent.  ) 

Céfar  n'eut  pas  befoin 
d'exemple.  Il  n'a  pas  be- 
foin de  leçons. 


Remarque.  L.orfque  le  fiibftaiitif  précède  , 
comme  il  liynifîe  par  lui-même  ,  ou  un  être 
réel ,  ou  un  être  métaphyiiquc  coniidcré  par 
imitation  ,  à  la  manière  des  êtres  réels  ,  il 
préfèiite  d'abord  à  l'eiprit  une  idée  d'indivi- 
dualité d'être  féparé  exi!laiit  par  "lui-même  ^ 
au  lieu  que  loricjue  l'adjeftif  précède  ,  il 
offre  à  l'eiprit  une  idée  dcqualiiication,  une 
idée  de  ibrte,  un  feas  adje6i:if.  Ainu  Yciriidf 
doit  précéder  le  lubibiiitif,  au  lieu  qu'il  ililTit 
que  la  prépofuion  précède  l'adjeftif,  à  moins 
que  rudj.:v.Hf  ne  fèrve  lui-même  avec  le  iubf- 
taniif  à  douiier  l'idée  individuelle  ,  comme 
quand  on  dit  :  les  fayaiis  hommes  de  f anti- 
quité :  le  fentirr.ent  des  grands philofophes  de 
i' antiquité  y  des  plus  favans philofophes  :  on 
fait  la  defcription  des  beaux  lits  quon  en- 
voie en  Portugal. 

Réflexions  iùr  cette  régie  de  M.  Vaugelas , 
quon  ne  doit  point  mettre  de  relatif  après  un 
nom  fans  article.  L'auteur  de  la  grammaire 
générale  a  examiné  cette  règle.  (  //  partie  , 
<kap.  X,  )  Cet  auteur  paroît  la  reiîreindre  à 
l'ufage  préfentde  notre  langue  ;,  cependant 
de  la  manière  que  je  la  conçois ,  je  la  crois 
de  toutes  les  langues  &  de  tous  les  temps. 

Eu  toute  langue  &  en  toute  coultruction , 
il  y  a  une  jurtelFe  à  obfervcr  dans  l'einploi 
que  l'on  fait  des  lignes  dcllinés  par  l'ufage 
pour  marquer  non  ieulemeiit  les  objets  de 
nos  idées ,  mais  encore  les  ditférentes  vues 
fous  lelquelles  l'eiprit  confidere  ces  objets. 
Uarticle,  les  prépoiitions ,  lesconjonÛions, 
les  verbes  avec  leurs  différentes  inflexions  , 
eufin  tous  les  mots  qui  ne  noarquent  ponit 
des  chofes,  n'ont  d'autre  delHnation  que 
de  faire  conuoître  ces  différentes  \'ues  de 
l'écrit. 

D'ailleurs ,  c'eft  une  règle  des  plus  com- 
munes du  raifonnement  ,  que  ,  lorfqu'au 
Tome  111. 


ART  Hf 

commencement  du  difcours  on  a  donné  à 
un  niot  une  certaine  lignification  ,  on  ne 
doit  pas  lui  en  donner  une  autre  dans  la 
fuite  du  même  difcours.  Il  en  ell  de  môme 
par  rapport  au  Icns  grammatical  ;  je  veux 
dire  que  dans  la  même  période  ,  nu  mot 
q'.;i  cît  au  Singulier  dans  le  premier  mem- 
bre de  cette  période,  ne  doit  pas  avoir  dans 
l'autre  inembre  un  corrélatif  ou  adjeitiFqui 
le  fuppo/è  au  pluriel  :  en  voici  un  excm}>le 
tiré  de  la  princeile  de  Cleves,  tom.  II,  pag. 
119.  M.  de  Nemours  ne  laijjoit  échapper 
aucune  occafon  de  voir  madame  de  Cleves  , 
fans  laiffer  paraître  néanmoins  quil  les 
cherchât.  Ce  les  du  /ccond  inembre  étant 
ail  pluriel ,  ne  de  voit  pas  être  defliné  àrap- 
peller  occafon  ,  qui  cft  au  fingulicr  dans  le 
premier  membre  de  la  période.  Par  la  même 
rai  (on  ,  fi  daiis  le  premier  membre  de  la 
plirale  ,  vous  m'avez  d'abord  préfenté  le  m®t 
dans  un  fèns  /{)écifique  ,  c'eft-à-dire  comme 
nous  l'avons  dit ,  dans  un  iéns  qualificatif 
adjetâif ,  vous  ne  dc/cz  pas  ,  dans  le 
membre  qui  fuit ,  donner  à  ce  mot  ini 
relatif,  parce  que  le  relatif  rappelle  toujours 
l'idée  d'une  per/bnr.e  ou  d'usic  choie ,  d'un 
individu  réel  ou  métaphyfique  ,  &  jamaii 
celle  d'un  liniple  qualificatif  qui  n'a  aucune 
cxilLcnce,  Sf  qui  n'eft  que  mode  \  c'eft 
uniquement  à  un  fubftantif  conruléré  ftibf- 
tantivement ,  &  non  comme  mode,  que  le 
qui  peut  iè  rapporter  :  l'antéccdetit  de  qui 
doit  être  pris  dans  le  '.nême  fens  aufîi-bieu 
dans  toute  i'étciidiîe  de  la  période ,  que  dans 
toute  la  fuite  du  fyllogifme. 

Ainfi,  quand  ou  dit,  il  a  été  reçu  avec 
poliieflè ,  ces  deux  mots,  avec politejfc ,  font 
une  cxprelTion  adverbiale  ,  modificati\'e  , 
adjeûivc  ,  qui  ne  prélènte  aucun  être  réel 
lii  métaphylique.  Ces  mots,  avccpolitejfe  y 
ne  m.arquent  point  inie  telle  politefîè  in- 
dividuelle ;  fi  \oi\s  voulez  marquer  une  telle 
politefle  ,  vous  avez  befoin  d'un  prépofitif 
qui  donne  hpolitejfe  un  {eus  individuel  réel , 
fait  univerfel,  fait  particulier,  foitfingidier, 
alors  le  qui  fera  (on  office. 

Encore  un  coup,  arccpolitejf:  eft  une ex- 
prcilion  adverbiale  ,  c'eft  l'adverbe  po///nMr 
décompoi'e. 

Or  ces  lôrtes  d'adverbes  font  abfolus  , 
c'eu-à-dire  qu'ils  n'ont  ni  fuite  ni  complé- 
ment \  ëi  quand  on  veut  les  rencke  relatifs , 

Vvv 


54<^ 


ART 


il  taut  ajouter  quelque  mot  qui  marque  la 
corrélation  ;  //  a  été  reçu  Ji poliment  que ,  &c. 
il  a  été  reçu  avec  tant  de  poUteJfe  ,  que ,  Sic. 
ou  bien  avec  une politejfe  qui ,  &c. 

En  latiii  munie  ces  termes  corrélatifs  font 
foiiveiit  inarqués ,  is  qui,  ea  qux,  id  quod ,  &c. 

Non  enim  is  es ,  Catilina  ,  dit  Cicéron.  uc 
OU  qui'  ou  quem  ,  feloii  ce  qui  fiiit  ;  voilà 
deux  corrélatifs ,  is ,  ut ,  ou  is  ,  quem ,  &  clia- 
cun  de  ces  relatifs  eit  conflruit  dar,s  fa  pro- 
portion particulière  :  il  a  d'abord  un  i'cns 
individuel  particulier  dans  la  première  pro- 
pofition  ,  en'iiite  ce  fens  efî:  déterminé  Cm- 
giiliérement  dans  la  féconde  :  mais  dans  agere 
cum  aliquo ,  inimice  ,  ou  indulgenter  ,  ou 
atrociter,  ou  violenter^  chacun  de  ces  ad- 
verbes préfente  un  ièils  ablblu  fpécifique 
qu'on  ne  peut  plus  rendre  fans  relatif  fin- 
gulier ,  à  moins  qu'on  ne  répète  &  qu'on 
n'ajoute  les  mots  deilinés  à  marquer  cette 
relation  &  cette  fingularité  :  on  dira  alors 
ita atrocitir ^ut ,  &c.  ou  en  décompofant  l'ad- 
verbe ,  cum  cà  atrocitate  ut  ou  quœ  ,  &c. 
Coinme  la  lans^ue  latine  efi:  prefque  toute 
elliptique  ,  il  arrive  fcuvent  que  ces  corré- 
latifs ne  font  pas  exprimés  en  latin:  mais 
le  fens  &  les  adjoints  les  font  aifément  fup- 
pléer.  Oii  dit  fort  bien  en  latin ,  funt  qui 
putent  ^  Cic.  le  corrélatif  de  qui  c{k  philofo- 
phi  ou  quidam  funt  ;  mitte  cui  dem  Hueras  , 
(]ic.  eavoyez-m.oi  quelqu'un  à  qui  je  puiiîe 
donner  mes  lettres  ;  où  vous  voyez  que  le 
torrelatil  eWmiite fervum ,  onpuerum ,  ou ali- 
qiiem.  Il  n'en  eri:  pas  de  inâme  dans  la  lan- 
gue françoife  ;  ainfi  je  crois  que  le  fens  de 
la  re?!e  de  Vaug;elas  eft  ,  quelorlqu'cnun 
premier  membre  de  période  un  mot  eft  pris 
dans  un  fens  abiolu  ,  adjeélivement  ou  ad- 
verbialement ,  ce  qui  eft  extraordinairement 
marqué  en  françois  par  la  fuppreffion  de 
Varticle  &  par  les  circonftauces  ,  on  ne  doit 
pas  ciiins  le  membre  liiivant  ajouter  un  re- 
latif ,  ni  même  quelque  autre  mot  qui  fjp- 
poferoit  que  la  première  expr£iTion  auroit 
été  prife  dans  un  fens  fini  &  individuel , 
foit  univerfél ,  foit  particulier  ou  fingulier  ; 
ce  lèroit  tomber  d:::is  le  fophiiine  que  les 
loiîiciei:s  appellent  pajjer  de  fefpcce  à  l'in- 
dividu ,  pajj'cr  du  général  au  particulier, 

Ainn  je  iie  puis  pas  dire  Ylwmme  ejl  ani- 
mal qui  raijonnc  .,  parce. que  rtw/Vn.j/ ,  dan- 
ie  premier  membre  ctaut  ïims  aracU ,  elt 


ART 

un  nom  d'eipece  pris  adjectivement  Bc  clans 
un  fèns  qualificatif  ;  or  qui  raifonne  ne  peut 
fe  dire  que  d'un  individu  réel  qui  eft  ou 
déterminé  ou  indéterminé,  c'eft-à-dire  pris 
dans  le  fens  particulier  dont  nous  avons  par- 
lé ■■,  ainfi  je  dois  dire  Y  homme  ejl  le  fcul  ani- 
mal ,  ou  un  animal  qui  raifonne. 

Par  la  même  railbn ,  on  dira  fort  bien  , 
il  na  point  de  livre  quil  riait  lu  ;  cette  pro- 
pofition  eft  équivalente  à  celle-ci  :  il  n'a  pas 
un  feul  livre  qu'il  n'ait  lu  ;  chaque  livre  qu'il 
a  ,  il  l'a  lu.  Il  ny  a  point  d'injufîice  quil  ne 
commette  ;  c'eft-à-dire  chaque  forte  d'injuf- 
tice  particulière  ,  il  la  commet.  Ef-il  ville 
dans  le  royaume  qui  fait  plus  otéij/ante  ?  c'eft- 
à-dire  eft-il  dans  le  royaume  quelqu'aatre 
ville  ,  une  ville  qui  foit  plus  obéilfante  que , 
&c.  Il  ny  a  homme  qui  fachc  cela  ;  aucun. 
homme    ne  fait  cela, 

Ainfi ,  c'eft  le  fens  individuel  qui  auto 
rife  le  relatif ,  &  c'eft  le  fens  qualificatif 
adjeftif  ou  adverbial  qui  fait  fupprimer  l'ar- 
ride  ;  la  négation  n'y  fait  rien  ,  quoi  qu'en- 
difè  l'auteur  de  la  grammaire  générale.  Si. 
l'on  dit  de  quelqu'un  qu'il  agit  en  roi ,  en 
pcre  ,  en  ami  ,  &  qu'on  prenne  roi ,  père  ,. 
ami ,  dans  le  feus  Spécifique  ,  &  felon  toute  ■ 
la  valeur  que  ces  mots  peuvent  avoir ,  on, 
ne  doit  point  ajouter  de  qui  ;  mais  fi  les- 
circonilances  fout  connoître  qu'en  difant 
roi, père  ,  ami ,  on  a  dans  l'efprit  l'idée  par- 
ticulière de  tel  roi ,  de  tel  pcre,  de  te]  ami,. 
&  que  l'exprefTion  ne  foit  pas  confacrée  par 
i'ufage  au  feul  fens  fpécifique  ou  adverbial  y, 
alors  on  peut  ajouter  le  qui  ;  il  fc  conduit't/L 
pcre  tendre  qui  ;  car  c'eft  autant  que  il  l'on. 
difoit  corr.me  un  père  tendre  ;  c'cift  le  (èiispar- 
ticulier  qui  peut  recevoir  enliiiîe  une  déter- 
mination finguliere. 

//  efl accablé  de  maux;  c'eft-à-dire  de  maux: 
particuliers  ou  de  dettes  particulières  ,  qui  f. 
&c.  Une  forte  de  fruits  qui  ,  &:c.  ui^e  font 
tire  ce  mot  fruits  de  la  généralité  du  nom 
fruit  ;  une  Jorte  eft  un  individu  fpécifique,. 
ou  un  individu  colledtif. 

Ainfi  ,   je  crois  que  la  vivacité ,  le  feu  y 
l'cnthou.'iafme  ,  que  le  ft3!e  poétique  de- 
mande ,   ont   pu   autorilcr  Racine  à   dire  • 
(  Hfther ,  aft.  II ,  fc.  viij.  ).  /tulle  paix  pour  • 
f  impie  ;  il  la  cheiche  ,  elle  fuit  :  mais  cette, 
exprcffion  ne  fcroit  pas  régulière  en  profe,. 
parce  .que  la  prci.niarepropQlitiow  étant  unir-. 


ART 

vcrfelle  négative ,  &  où  nulle  emporte  toute  | 
paix  pour  rimpie  ,  les  pronoms  ,  la  &  elle 
des  propolitions  qui  fiiiveiit  ne  doivent  pas 
rappellcr  dans  un  fcns  affinratif  &  indivi- 
duel un  mot  qui  a  d'abord  été  pris  dans  un 
fcns  nésjatif  uuivcrfel.  Peut-être  pourroit-on 
dire  nulle  paix  qui  foit  durable  neji  donnée 
aux  liommes  :  inais  on  feroit  encore  mieux  de 
dire  une  paix  durable  iiejl  point  donnée  aux 
hommes. 

Telle  eft  la  jurtcrtc  d'efprit ,  &  la  préci- 
fion  que  nous  deiiiandons  dans  ceux  qui 
veulent  écrire  en  notre  langue  ,  &  niéine 
dar.s  ceux  qui  la  parlent.  Ainli  on  a  dit  ab- 
folunicnt  dans  un  ibns  indcliuij/f  donner  en 
fpeclacle  ,  avoir  peur  ,  avoir  pitié ,  un  efprit 
lie  parti ,  un  efprit  d'erreur.  On  ne  doit  donc 
point  ajouter  euliiite  à  ces  fubllantifs ,  pris 
dans  un  fens  général  ,  des  adjccbts  qui  les 
fuppoferoient  dans  un  lens  fini  ,  &  en  fe- 
roient  des  individus  métaphyfiques.  On  ne 
doit  donc  point  dire  fe  donner  en  fpeclacle 
funtfe  f  ni  un  efprit  d  erreur  fatale  ,  de  fécti- 
rité  téméraire  ,  ni  avoir  peur  terrible  :  on  dit 
pourtant  avoir  grand'peur  ,  parce  qu'alors 
cet  adjectif  oTû/.'i/,  qui  précède  fon  fubllan- 
t;f ,  &  qui  perd  même  ici  la  terminaifon 
féminine ,  ne  fait  qu'un  même  mot  avec 
peur ,  comme  dans  grand'mej/ê ,  graiid'mcrc. 
Par  le  même  principe  ,  je  crois  qu'un  de 
nos  auteurs  n'a  pas  parle  exactement  quand 
il  a  dit:  (  le  P.  Sanadon ,  vie  d'Horace,  pag. 
47.  )  Oâavien  déclare  en  plein  fénat ,  quil 
veut  lui  remettre  le  gouvernement  de  la  ré- 
publique j  en  plein  fénat  eil:  une  circonftance 
de  lieu  ,  c'eit  une  forte  d'expreHion  adver- 
biale ,  où  ftnat  ne  le  préfênte  pas  fous  l'i- 
dée d'un  être  perlbnuifié  ■■,  c'efi  cependant 
cette  idée  que  luppolë  lui  remettre  \  il  falloit 
dire  ,  Oclavien  déclare  au  fénat  ajfemblé  qu  il 
veut  lui  remettre  ,  Sfc.  ou  prendre  quelqu'au- 
tre  tour. 

Si  les  langues  qui  ont  des  articles ,  ont  un 
avantage  fer  celles  qui  nen  ont  point. 

La  perfeâion  des  lanrTues  coniifie  prin- 
cipalement en  deux  points,  i".  A  avoir  une 
.  allez  graiide  abondance  de  mots  pour  fiif- 
fire  à  énoncer  les  dilférens  objets  dss  idées 
que  nous  avons  dans  l'efprit  :  par  exem- 
ple ,  en  latin  rcgnum  iigniuc  royaume  ,  c'eft 
le  pays  dans  lequel  un  fouveraiii  exerce  fon 
autorué  :   mais  les  Latins  n'ont  point  de 


ART  j47 

nom  particulier  pour  exprimer  la  durée  de 
l'autorité  du  fouverain ,  alors  ils  ont  recours 
à  la  périphrafe  ^  ainli  pour  dire  fous  le  rè- 
gne (.VAugufle  ,  ils  difent  impcranie  C^rfare 
Augujlo ,  dans  le  temps  qu' Augulte  régnoit , 
au  lieu  qu'en  françois  nous  avons  royaume , 
&  de  plus  règne.  La  langue  françcife  n'a 
pas  toujours  de  pareils  avantages  liir  la  la- 
tine, z".  Une  langue  cft  plus  parfaite  lorf 
qu'elle  a  plus  de  moyens  pour  exprimer  les 
divers  points  de  vue  fous  lelquels  notre  ef- 
prit peut  confîdérer  le  même  objet  :  le  roi 
aime  le  peuple ,  &  /f  peuple  aime  le  roi  :  dans 
chacune  de  ces  phraîés ,  le  roi  &  le  peuple 
Ibut  coniidérés  fous  un  rapport  ditlérent. 
Dans  la  première  ,  c'ell  le  roi  qui  aime  : 
dans  la  féconde ,  c'ell  le  roi  qui  eft  aimé  ; 
la  place  ou  pofition  dans  laquelle  on  met 
roi  &  peuple  ,  fait  connoîtrc  l'un  &  l'autre 
de  ces  points  de  vue. 

Les  prépolitifs  &  les  prépofitions  fen'ent- 
aulli  à  de  pareils  ulages  en  françois. 

Selon  ces  principes ,  il  paroit  qu'une  lan- 
gue qui  a  une  forte  de  mots  de  plus  qu'une 
autre  ,  doit  avoir  un  moyen  de  plus  pour 
exprimer  quelque  vue  fine  de  relprit:,qu'ainn 
les  langues  qui  ont  des  articles  ou  prépoii- 
tifs  ,  doivent  s'énoncer  avec  plus  de  jufteli'e 
&  de  précifion  que  celles  qui  n'en  ont  point. 
L'article  le  tire  un  nom  de  la  généralité  du 
nom  d'e/pece  ,  &  en  fait  un  nom  d'indi- 
vidu ,  le  roi  ■■,  ou  d'individus  ,  les  rois  ;  le 
nom  fans  article  ou  prépofuif ,  eft  un  nom 
d'efjjece  ;  c'elt  un  adjeétif.  Les  Latins  qui 
n'avoient  point  d'articles  ,  avoicnt  fouvent 
recours  aux  adjeftifs  démonftratifs.  Die  ut 
lapides  iHi  panes  fiant  (  Matt.  iv ,  3 .  )  dites  que 
ces  pierres  deviennent  pains.  Quand  ces  adjec» 
tifs  manquent ,  les  adjoints  ne  fuffifent  pas 
toujours  pour  mettre  la  phralè  dans  toute 
la  clarté  qu'elle  doit  avoir.  Si  flius  Dci  es 
(Matt.  iv,  6,  )  on  peut  traduire yi  vous  êtes 
fis  de  Dieu  ,  &  \'oilà  fils  nom  d'efpece  j  au 
lieu  qu'en  traduifànt  fi  vous  êtes  le  fils  de 
Dieu  ,  le  fils  eft  un  individu. 

In'ous  mettons  la  diliierence  entre  ces  qua- 
tre exprcrtions  ,  i.  fils  de  roi,  2.  fi.ls  d'un 
roj  ,  3.  fils  du  roi  ,  4.  le  fils  du  roi.  En  fils 
de  roi  y  roi  eft  un  nom  d'efpece  ,  qui  avec 
la  prépofition  ,  n'eft  qu'un  qualilicatif  ^  2. 
fils  a  un  roi ,  d'un  roi  eft  pris  dans  le  /èns 
particulier  dont  nous  avons  parlé  •,  c'eft  U 
V  v  v    z 


548  ART 

fils  de  quelque  roi  ;  '^•Jils  du  roi ,  fils  eft  un 
nom  d'eipcce  ou  appellatiF ,  &  roi  ell  un 
nom  d'individu  ,  fils  de  le  roi  ;  4.  le  fils  du 
roi ,  le  fils  marque  un  individu  :  fi  lias  régis 
ne  fait  pas  fcutir  ces  différences. 

Etes-vous  roi  ?  êtes-vous  h  roi  ?  dans  la 
première  piirafe ,  roi  eft  un  ncm  appellatif  ; 
dans  la  féconde ,  roi  eft  pris  individuelle- 
ment :  rexes  tu  ?  ne  diftins^uc  pas  ces  divcr- 
fes  acceptions  :  ncnw  fatisgrotiam  régi  refièn. 
Ter.  Phorm.  II ,  ij ,  24 ,  où  régi  peut  ugnifier 
au  roi  ou  à  un  roi. 

Un  palais  de  prince  ,  eft  un  beau  palais 
qu'un  prince  habite  ,  ou  qu'un  prince  pour- 
roit  habiter  déceminent ,  mais  le  palais  du 
prince  (  de  lepriHce)  eft  le  palais  déterminé 
qu'un  tel  prince  habite.  Ces  différentes  \ucs 
ne  font  pas  diftiuguées  en  latin  d'une  ma- 
nière auiTi  funple.  Si ,  en  fe  mettant  à  table , 
on  demande  le  pain  ,  c'cft  une  totalité  qu'on 
demande  ;  le  latin  dira  du  ou  ajfér  panenu 
Si ,  étant  à  table  ,  on  demande  du  pain  , 
c'elt  une  portion  de  le  pain  ;  cependant  le 
latin  dira  égnhiVient  panem. 

Il  eft  dit  au  fécond  chapitre  de  S.  Mat- 
thieu ,  que  les  maj^es  s'étant  mis  en  chemin 
au  fcrtir  du  palais  d'Hérode  ,  videnns  fiel- 
tam  ■)  gaviji Junt  ;  &  intrantes  domum  ,  inve- 
nerunt puerum:  VoWh  étoile ,  maifon.,  enfant^ 
Cuis  aucun  adjeûif  déterminatit:  je  conviens 
que  ce  qui  précède  fait  einendre  que  cette 
étoile  en:  celle  qui  avoit  guidé  les  l'nages  de- 
puis l'orient  ^que  cette  maifon  eiî  la  maifon 
que  l'étoile  leur  indiquoit;,  &  que  cet  enfant 
eft  celui  qu'ils  venoicnt  adorer  ;  mais  le  latin 
n'a  rien  qui  préfente  ces  mots  avec  leur  dc- 
term.ination  particulière  ^  il  faut  que  l'efprit 
iiipplée  à  tout  :  ces  mots  ne  feroient  pas 
énoncés  autrement,  quaiul  ils  feroientnoms 
d'elpeces.  N'eft-ce  pas  un  avantage  de  la 
langue  françoifè ,  de  ne  pouvoir  employer 
ces  trois  mots  qu'avec  un  prépoficif  qui  faife 
connoïlre  qu'ils  font  pris  dans  un  fcns  indi- 
viduel déterminé  par  les  circonfian.ces  ?  Ils 
virent  f  étoile  ,  ils  entrèrent  dans  la  maifon  ,. 
fr  trouvèrent  tcnfant. 

Je  pourrois  rap.porterplufieurs  exemples , 
qui  feroicnt  voir  que  lorfqu'on  veut  s'expri- 
mer en  latin  d'une  manière  qui  diftingue 
k  fêns  individuel  du  fens  adjeilif  ou  indé- 
fini,  ou  bien  le  fens  partitif  du  Icns  total, 
on  eft  obligé  d'avoir  recours  à  quelque  ad- 


ART 

jeftif  démonfiratif ,  ou  à  quelqu'autre  ïd- 
joint.  On  ne  doit  donc  pas  nous  reprocher 
que  nos  articles  rendent  nos  expreflions 
moins  fortes  &  moins  ferrées  que  celles  de 
la  langue  latine  ^  le  défaut  de  force  &  de  pré» 
cifion  eft  le  défaut  de  l'écrivain  ,  &  non  ce- 
lui de  la  langue. 

Je  conviens  que  quand  Yarticle  ne  fert 
point  à  rendre  l'exprellion  plus  claire  &  plus 
précife  ,  on  devroit  être  autorifé  à  le  fup- 
primer  :  j'airaerois  mieux  dire  ,  comme  nos 
percs  ,  pauvreté'  nefi pas  vice  ,  que  de  dire  ^ 
la  pauvreté  nefi  pas  un  vice  :  il  y  a  plus  de 
vivacité  &  d'énergie  dans  la  phrafe ancienne: 
mais  cette  vivacité  &  cc-ttc_énergie  ne  font 
louables  ,  que  lerfque  la  fuppre/lion  de  \ar- 
ticlc  ne  fait  rien  perdre  de  la  précificn  de  l'i- 
dée ,  &  ne  donne  aucun  lieu  à  l'indétcnui- 
nation  du  feus. 

L'habiliule  de  parler  avec  précifion  ,  de 
dilèingaer  le  feus  individuel  du  fens  fpéci- 
fique  adjeftif  &  indéfTni ,  nous  fait  quelque- 
fois mettre  Yarticle  où  nous  pou\'ions  le  fùp- 
priiner  :  mais  nous  aimons  mieux  quenotre 
ftyle  foit  alors  moiîis  ferré  ,  que  de  nous 
expofèr  à  être  obfcurs  \  car  en  général  il  eil 
certain  que  f article  mis  ou  fup primé  devant 
un  nom  ,  (  Gram.  de  Régnier,  pag.  151.  ) 
fiait  quelquefois  une  fi  grande  diférence  de  fenSy 
qiîon  ne  peut  douter  que  les  langues  qui  ad- 
mettent /article,  n  aient  un  grand  avantage  fur 
la  langue  latine^  pour  exprimer  nettement  6* 
clairement  certains  rapports  ou  vues  de  l'ef- 
prit,  que  ts.n\c\c  fi'eul  peut  défgner  ^  fans 
quoi  le  lefîeur  eft-  expofé  à  fe  méprendre. 

Je  me  contenterai  de  ce  fcul  exemple. 
Ovide  faifaut  la  deicription  des  eiichante- 
mens  qu'il  imagine  que  Médée  fit  pour  ra- 
jeunir Èfôn,  dit  que  Médcc,  Met.  liv.FII, 
y.  184. 

Teclts ,  nuda  pedem  ,   egreditur. 

Et  quelques  vers  plus  bas  (  v.   189.  )  il 

ajoute  : 

Crinem  irroravit  aquis. 

Les  traduftcurs  iiiftruits  que  les  poètes 
emploient  fouvent  un  lingulier  peur  un  plu- 
riel ,  figure  dont  ils  avoicnt  un  exe:'iplc  dc- 
\'ant  les  yeux  en  crinem  irroravit,  elle  arrofa 
fès  cheveux  ^  ces  traduéfcurs ,  dis-je  ,  ont 
cru  que  nuJa  pedem  .  pedem  étoit  au/îi  ini 
fingulier  poiu-  un  plu-iiol  j  &  tous ,  hors  fvL 


ART 

l'abbc  Banier,  ont  traduit  nuda  pedtm  ,  par 
ayant  les  pies  nus  :  ils  dévoient  mettre  , 
comme  l'abbé  Banier  ,  ûyanr  un  pié  nu  ; 
carc'ctoit  une  pratique  fupcrftitieufe  de  ces 
maîriciennes ,  dans  leurs  vains  8c  ridicules 
preitiîes  ,  d'avoir  \\x\  pié  chauffé  &  l'autre 
nu.  i^uda  pedtm  peut  donc  fignifier  ayant 
un  pié  nu  ,  ou  ayant  les  pies  nus  \  &  alors 
la  langue  ,  faute  i[  articles ,  manque  de  pré- 
cifion  ,  &  donne  lieu  aux  méprifês.  Il  eft 
vrai  que  par  le  fccours  des  adjedtifs  détcr- 
minatifs ,  le  latin  peut  fuppléer  au  défaut 
des  articles  ;  &  c'efl  ce  que  Virgile  a  fait 
en  une  occalion  pareille  à  celle  dont  parle 
Ovide  :  mais  alors  le  latin  perd  le  prétendu 
avantage  d'être  plus  ferré  Se  plus  concis 
que  le  françois. 

Lorfque  Didon  eut  recours  aux  encliantc- 

inens ,  elle  avoit  un  pié  nu ,  dit  \'  irgile  , 

Unum  exuta  pedem  vinclis  ....  (U^.  JEneid. 
V.  518.;  &  ce  pié  étoit  le  gauche  ,  félon 
les  commentateurs. 

Je  conviens  qu'Ovide  s'eft  énoncé  d'iuie 
manière  plus  ferrée  ,  nuda  pedeni  :  mais  il  a 
domié  lieu  à  une  méprife.  Virgile  a  parlé  , 
comme  il  auroit  fait  s'il  avoit  écrit  en  fran- 
çois i  unum  exuta  pedem  ,  ayant  un  pié 
nu  ^  il  a  évité  l'équivoque  par  le  fecours  de 
l'adjectif  indicatif  unum  ;  &  ainiî  il  s'eft  ex- 
primé avec  plus  de  jufteffe  qu'Ovide. 

En  un  mot ,  la  netteté  &  la  précifion  font 
les  premières  qualités  que  le  difcours  doit 
avoir  :  on  ne  parle  que  peur  exciter  dans 
l'efDrit  des  autres  une  penfée  préûifément 
telle  qu'on  la  conçoit  :,  or  les  langues  qui  ont 
des  articles  ,  ont  un  inftruir.cnt  de  plus  pour 
arriver  à  cette  fin  •■,  &  j'ofè  aliiircr  qu'il  y 
a  dans  les  livres  latins  bien  des  paflages  obs- 
curs ,  qui  ne  font  tels  que  par  le  défaut  lYûr- 
ticles  ;  défaut  qui  a  fbuvcr.t  induit  les  au- 
teurs à  négliger  les  autres  adjectifs  démoul- 
tratifs ,  à  caufe  de  l'habitude  où  étcient  ces 
auteurs  d'énoncer  les  mots  fans  articles  ,  & 
dé^lailfer  au  Icftpur  à  fuppléer. 

Je  finis  par  une  réflexion  judicicufè  du  P. 
Enffier.  (  Gramm.  n.  340,  ;  Nous  avons  tire 
nos  éclairciii'emcns  d'une  métaphyfique ,  peut- 

itre  un  peu  fubiiU  ,  mais  tres-réelle 

C'efl  ainfi  que  les  fcienccs  fe  prêtent  mutuelle- 
ment leurs  fccours  :  Ji  la  métaphyfique  contri- 
bue a  démêler  neacmer.t  des  points  cjjintiels  a 
la  grat.uruiire  j  celle-ci  bien  apprije  ,  ne  coii- 


A  R  T  549 

tributroit  peut-être  pas  moins  a  éclair cir  les 
difcours  les  plus  métapkyfques.  Voyc:^  AD- 
JECTIF ,  Adverbe,  iSv.  (F) 

Article  ,  f.  m.  en  terme  de  commerce  j 
fignifie  une  petite  partie  ou  diviilon  d'un 
compte  ,  d'un  mémoire  ,  d'une  fadure  , 
d'un  inventaire,    d'un  livre  journal  ,  &c. 

Un  bon  teneur  de  livres  doit  être  exait  à 
porter  fur  la  grand  livre  au  compte  de  cha- 
cun ,  foit  en  débit ,  foit  en  crédit ,  tous  les 
articles  qui  font  écrits  fur  le  livre  journal , 
&  ainfi  du  refte. 

Article  fe  dit  auffi  des  claufes ,  condi- 
tions &  conventions  portées  dans  les  focié- 
tés ,  dans  les  marchés ,  dans  les  traites  ,  & 
àcs  chofes  jugées  par  des  arbitres. 

Article  k  prend  aufil  pour  les  différens 
chefs  portés  par  les  ordonnances ,  les  régle- 
mens,  les  ftatuts  des  communautés, 6- c.  par- 
ticulièrement quand  on  les  cite.  Ainfi  l'oa 
dit  :  cela  ejl  conforme  à  tel  article  de  l'ordon- 
nance de  1673  ;,  à  tel  article  du  règlement  des 
Teinturiers  ,  &c.  Savary ,  Dicl.  du  Comm, 
tom.  I ,  pag.  738.  (G) 

Article  ,  en  Peinture  eft  ini  très-petit 
contour  qu'on  nomme  auffi  temps.  On  dit  ; 
ces  articles  ne  font  pas  afe^prononccs.  Outre 
ces  contours,  ilyaunrt;7/'c/fouun  temps,  6t. 

Article  fignifie  auffi  ,  en  Peinture  comme 
en  Anatomie  ,  les  jointures  ou  articulations 
des  os  du  corps ,  comme  les  jointures  des 
doigts,   &c.  (R) 

Articles  ,  en  termes  de  Palais ,  font  les 
circonftances  &  jiarticularités  fiir  lesquelles 
une  partie  fe  propofè  d'en  faire  interroger 
une  autre  en  juitice  :  dans  ce  fèns  ,  on  re 
dit  guère  articles  qu'a'.ec  faits  \  comme  in- 
terroger quelqu'un  Çv.x  faits  &  articles  ;  don- 
ner copie  des  faits  &  articles  ,   8(.c. 

On  appelle  les  articles  tout  fiinplement , 
les  claufés  &  convcritions  qu'on  efc  convenu 
de  ftipuler  dans  un  coiitrat  de  mariage  par 
les  deux  futurs  conjoints ,  ou  leurs  parens 
ou  tuteurs  ftipuh.ns  peur  eux.  (H) 

AR'l'ICULAJi\£  ,  adj.  tn  Anatomie,  k 
dit  des  parties  relatives  aux  articulations. 
f^cyei  Articulation. 

L'apoj.'hyfj  articulaire  cft  une  éminence 
qui  ic-rt  de  bafe  à  Fapophyfe  zygomatique  de 
l'os  des  tempes.  Voye\^  I'emporal. 

La  cavité  crticuiaire  cii  u!;e  cavité  fituée 
enire  les  apophyfcs  ftyloide  &  articulaire  de 


5  5° 


ART 


l'os  des  tempes ,  qui  reçoit  le  condyk  de  la 
mâchoire  inférieure.  Foyei  Machou'^e. 

Facettes  articulaires,  font  des  parties  des 
os  qui  fervent  à  leur  articulation  avec  d'au- 
tres. Voyei  Facettes  &  Os. 

^QXÎ  articulaire.  Fojd{  AxiLLAIRE.  (L) 

Articulaire  ,  terme  de  médecine  ;  c'eR 
une  épithete  qu'on  donne  à  une  maladie  qui 
arrlige  plus  immédiatement  les  articulations 
ou  les  jointures. 

La  maladie  articulaire  ,  morbus  articula- 
ris  ,  eil  ce  que  les  Grecs  appellent  «pTSJTis , 
&  nous  goutte.   Voye^  GoUTTE.  (A^) 

ARTICULATION ,  f.  £  [Belles-Lettres.) 
Depuis  la  leçon  du  Bourgeois  gentilhomme  , 
il  n'y  a  guère  moyen  de  parler  férienfement 
de  la  manière  de  prononcer  les  lettres  ■■,  mais , 
raillerie  celî'ante ,  il  ne  feroit  peut-être  pas 
inutile  d'analyfer  le  méchanifme  de  la  pa- 
role 5  on  trouveroit  dans  cette  analyfe  la 
raifon  phyfique  de  la  rudclTe  ou  de  la  dou- 
ceur ,  de  la  lenteur  ou  de  la  rapidité  natu- 
relle des  articulations ,  &  en  deux  mots  ,  les 
élémens  de  la  profodie  &  de  la  mélodie 
d'une  langue. 

Parmi  les  voyelles ,  on  trouveroit  que  les 
fons  graves  ont  naturellement  de  la  lenteur , 
par  la  rai(b:i  que  l'organe  en  formant  ces  fons , 
éprouve  une  modification  plus  pénible  ;  que 
les  fons  grcles  veulent  être  brefs  ■■,  que  les  fons 
moyens  font  également  fufceptibles  ou  de 
lenteur  par  leur  volume ,  ou  de  viteffe  par 
la  faciiiié  que  nous  avons  à  les  former.  P^oy. 
Prosodie. 

L'étude  de  l'articulation  ,  ou  des  mouve- 
mens  combinés  des  organes  de  la  parole  , 
pour  donner  aux  fons  de  la  voix  les  modifi- 
cations qu'on  appelle  <ro/;yô/.';i6'j, feroit  encore 
plus  curieulè  :  on  diitingueroit  d'abord  parmi 
les  confonnes  celles  oii  un  fouftle  muet , 
une  efpece  de  fiftlement  confus  précède  Var- 
iiculation  ,  comme  Vf  &  fon  doux  le  v  ; 
comme  l'/'double  2i  fon  doux  le  ç  ;  comme 
le  ^  &  1'/  mouillés  -^  &  celle  où  ï articulation 
ii'eft  précédée  d'aucun  fouffle  ,  comm.e  le  p 
&  fon  doux  le  b  ,  comme  le  r  &  fon  doux 
le  d  ,  comme  le  i  Vm  &  1'// ,  1'/  S-C  Yr  ou 
funpie  ou  redoublée  :  de-là ,  un  caraftcre 
diftinâ:  qui  aflîgne  à  chacune  d'elles  une 
place  dans  l'harmonie  imitative ,  détail  que 
iious  méprKcrons  peut-être,  mais  que  les 
.Grçcs  ne  méprifoi^ut  pas» 


A  P.T 

On  trouveroit  dans  la  nature  la  raifon  dir 
choix  que  les  anciens  avaient  fait  de  l'm  & 
de  Yn  pour  être  les  fignes  du  fon  naza!  , 
&  on  s'appcrcevroit ,  avec  furprife  ,  que 
pour  fiiire  paifcr  &  retentir  dans  le  nez  le 
fon  d'une  voyelle  ,  on  eil  obligé  de  l'inter- 
cepter ,  ou  avec  la  langue  en  la  difpofant 
de  la  même  façon  que  pour  l'articulation 
de  i'/2 ,  ou  avec  les  lèvres  en  les  prelTant 
comme  pour  l'articulation  de  l'/n  ;  &  de-là  , 
cette  conféquence  que  les  nazales  des  La- 
tins &  des  Italiens  ,  on  l'articulation  de  Yn 
fè  fait  fèntir  ,  peuvent  être  brèves  ,  par  la 
raifon  que  Yarticulation  éteint  le  retentilfe- 
ment  ,  comme  dans  examen  ,  hymen  ;  mais 
que  les  nazales  françoifcs  ,  où  la  langue  ne 
fait  qu'intercepter  le  fon ,  fans  le  détacher 
nettement ,  doivent  toutes  le  prolonger.  Les 
Latins  eux-mêmes  ne  faifoient  brèves  que 
les  nazales  dont  l'articulation  coupoit  le  re- 
tentiflcment  :  c'étoient  les  finales  en  en  des 
mots  qu'ils  avoientpris  des  Grecs  ^  mais  tou- 
tes les  nazales  de  leur  langue  étoient  lon- 
gues ,  par  la  raifon  qu'elles  n'étoient ,  connue 
les  nôtres  ,  que  des  voyelles  inarticulées , 
fi  bien  que  dans  les  vers  ,  on  les  élidoit 
coinme  les  voyelles  finales  ,  afin  d'éviter 
Yhiatus. 

On  verroit  pourquoi  on  a  confondu  la 
foible  articulation  du  y  avec  le  fon  de  1'/' , 
&  que  la  légère  application  de  la  langue 
contre  les  dents  ,  étant  la  même  poiu"  don- 
ner le  fon  de  1'/  &  l'articulation  du  y ,  il 
n'ell  pas  poillble  d'exécuter  ceile-ci  fans  qiie 
le  fon  analogue  fe  fâilc  entendre ,  comme 
dans  payer ,   moyen  ,  &c. 

On  \erroit  pourquoi  l'articulation  eft  plus 
forte  eu  plus  foible  ;  plus  rude  ou  plus  douce 
en  elle-même  ,  fui\ant  le  caraftere  de  la 
confonne  qui  frappe  la  voyelle  ■■,  pourquoi  les 
articulations ,  relativement  Finie  à  l'autre  ^ 
ibnt  aufli  plus  ou  moins  liantes ,  plus  ou 
moins  dociles  à  fe  fuccéder;  pourquoi  les  unes 
fe  fui\'ent  conlamment  &  avec  aifance  ,  les 
autres  fe  iroiifent  &  lé  brifent  dans  leur  choc  i 
&  l'étude  de  tous  ces  effets  contribueroit  à 
éclairer  le  choix  de  rorelllc. 

On  verroit  pourquoi  1'/  cft  facile  après 
!'/- ,  Si  Yr  pénible  aigres  1'/  ;  pourquoi  deux 
labiales  ne  peuvent  s'allier  cnfcmblc  ,  no» 
plus  que  deux  dentales  dont  l'une  cil  la  loi- 
ble  de  l'autre  3  pourquoi  le  palfage  d'une 


ART 

lab'nlc  à  une  dentale  eft  fav.Hc  Ju  foi'olc  au 
foiblc  ,  comme  dans  ab-diquer  \  du  fort  au 
fort ,  dans  ap-titude  ;  du  foible  au  fort  , 
connue  dans  obicnir  ;  &  très-pcuible  du 
fort  au  foible  comme  dans  cap-de-Bonnc- 
Efpérance  ,  que  l'on  eft  oblige  de  pronon- 
cer cab-dc-Bonnc-Efpévor.ce. 

On  trouveroit  de  même  la  raison  de  la 
difficulté  que  nous  éprouvons  à  prononcer 
r.r  après  1'/",  &  réciproquemer.t  ,  comme 
Quintilicn  Fa  remarque  :  virtus  xacts  ,  aix 
Jludioi  um  ,  &c. 

Ce  ne  fèroit  donc  pas  une  étude  aufiî 
puérile  qu'on  l'imagine  ^  &  plus  d'un  poète 
eu  auroicnî  eu  befoin,  pour  fuppléer  au  don 
d'une  oreille  fenilble  ,  qui  feule  ,  peut-être  , 
a  manqué  à  quelques-uns  de  ceux  qu'on  re- 
nomme ,  &  qu'on  ne  lit  pas.  F". Harmonie 
DE  Style.  (  M.  Marmontel.  ) 

Articulation,  {Peinture  ,  Dcffîn)  la 
nature  a  lié  avec  un  art  l\  merveilleux  les 
membres  du  corps  humain  par  diverfes  join- 
tures .  que  c'e.T:  une  des  parties  les  plus  dif- 
fîci'es  du  dciïin  de  les  prononcer  correc- 
tement ,  l'aniculaiion  exaèt'e  n'exis:e  point 
k  £i-énic  ,  il  eil  vrai  ;  mais  elle  demande 
bifaucoup  d'éti:dc  ,  de  foin  &  d'exercice. 

Sans  ime  connoiiîlr.ice  parfaite  de  la  par- 
tie anatomique  qu'on  nomme  l'oftéologie  , 
le  deiîinatcur  ne  fauroit  articuler  les  join- 
tures poiir  apprendre  à  les  bien  prononcer  : 
il  s'exsrcera  long-temps  à  deiliner  de  /im- 
pies (fiiieîettes  :  après  quoi ,  il  étudiera  avee 
application  les  modèles  vivans  de  diflerens 
âges  &  de  direrfès  conilitutions.  En  effet , 
la  for.ne  extérieure  des  articulations  vanc 
besucoup  f.iivant  l'âge  &  l'embonpoint  du 
fujet ,  ce  qui  donne  le  plus  de  vie  à  une 
figure  ,  c'eil  la  vérité  avec  laquelle  chaque 
articulation  répond  à  l'attitude  &  à  la  conf- 
titution  de  la  peribnne  ;  fi  au  contraire  le 
peintre  a  pcc'.ié  à  cet  égard  ,  tout  efi:  man- 
qué. La  jircmiere  impreiîioa  à  la  vue  d'un 
tableau  ,  doit  être  le  féntiment  d'ujie  fori:  e 
véritaWemeat  natiu-elle  ,  fans  laquelle  l'i- 
dée du  beau  ne  peut  exifter  :  or ,  on  ne 
fe:it  jamais  mieux  le  défaut  de  la  figure  , 
que  lorfque  [articulation  n'eft  pas  exacte  ; 
k  peintre  ne  fauroit  trop  y  donner  de  foin. 
{Cet  article  efl  tiré  de  la  théorie  des  beaux- 
arts  dejd.  SvLZER.  ) 

ArticulaTIO.n  ,    f.   f.  en  Anaipmie  , 


ART,.  551 

c'en  une  jointure  ou  une  connexion  de  deux 
os.  Voye^  Os. 

Il  y  a  dirtérentcs  formes  &  différentes  ei^' 
peces  ^articulations  qui  correfpondent  aux 
différentes  fortes  de  mouvemens  &  d'aftions. 
^articulation  qui  a  un  mouNcment  notable 
&  manifefte  cft  :ippcllce  dmrthrofe.  Voye^ 
DiARTHROSE.  Celle-ci  ft  fubdivife  en  énar- 
ihrofe  ,  arthrodie  Sc  ginglytne,  l^oyciE-KK^c 

THROSE  ,  Arthrodie  <S'  Ginglvme. 

^'articulation  qui  ne  permet  point  de 
mou\'ement,  eft  appel!ée/y'""''''''o/^-  f^oye^ 
SvNARTHROSE.  Elle  fc  fubdivife  en  future  , 
harmonie    èi   goniphofe.    Voye[  SuTURE  j 

Harmonie,  &c.  (L) 

ARTICULÉ ,  adjcclif  &  participe  du 
verbe  articuler. 

Articulé ,  en  terme  d'anatomie  ,  fignifîe 
la  jointure  des  os  des  animaux  ;  articulation  , 
en  général ,  lignifie  la  jonclicn  de  deux 
corps,  qui  étant  liés  l'un  à  l'autre,  pcu\ent 
être  plies  fans  k  détacher.  Ainfi  les  fons  de 
la  voix  humaine  font  des  foiîs  différens, 
variés ,  mais  liés  entre  eux  de  telle  forte  qu'ils 
forment  des  mots.  On  dit  d'un  homme  qu'il 
articule  bien  ,  c'eft-à-dire  ,  qu'il  marque 
difliuûement  les  fyllabes  &  les  mots.  Les 
animaux  n'articulent  pas  comme  nous  le  fon 
de  leur  voix.  Il  y  a  quelques  oifeaiix  aux- 
quels on  apprend  à  articuler  certains  mots  ■; 
tels  font  le  perroquet ,  la  pie ,  le  moineau  , 
&  quelques  autres.  Fojei  ARTICLE.  (F) 

ART  ICULHR  ,  v.  act.  en  Jiyle  de  Pa- 
lais ,  figaifie  avancer  formellement ,  n^iettre 
en  fait.'  (H) 

Articuler  ,  v.  aft.  On  dit  en  peinture 
&  en  fculpture,  que  les  parties  d'une  figure, 
d'ini  animal  ,  &c.  font  bien  articulées  lors- 
qu'elles font  bien  prononcées ,  c'eft-à-dire 
que  tout  y  eft  certain,  &  non  exprimé  d'une 
manière  équivoque.  Il  faut  articuler  ces  par- 
ties ;,  cette  figure  articule  bien.  {R) 

ARTIER,  (Géog.)  rivière  de  France 
dans  l'Auvergne  :  on  la  fait  fer\  ir  à  plu- 
iîcurs  bons  moulins  à  papier ,  fans  pouvoir 
cependant  l'employer  à  la  navigation  ,  à 
cauk  de  fon  peu  de  profondeur  :  elle  tombe 
dans  l'Allier.  (C.A.) 

ARTIFICE ,  f.  m.  Ce  mot  fe  dit  des  feux 
qui  fe  font  avec  art ,  foit  pour  le  divertiiîe- 
ment ,  ibit  pour  la  guerre.  Voyc^  FYtU>- 
XECKxNIE.. 


jjt  ART 

Artificier.  L'artificier  eft  celui  dont  la 

profeflion  eft  d'employer  la  poudre  à  canon , 
en  la  renfermant  dans  differens  cartouches 
de  carton  .  pour  en  former  des  pièces  d'ar- 
ïifice  ,  deftiuées  aux  réjouiirances  publi- 
ques ,  ou  au  divertiiremcnt  des  particuliers. 
La  forme  de  ces  artifices  varie  autant  que 
leurs  noms.  L'artificier  ne  (è  berne  point  à 
donner  au  feuquircfulte  de  fes  préparations 
une  feule  nuance  :  il  lui  en  procure  plufieurs 
autres  très-agréables  à  la  vue ,  en  ajoutant 
dans  la  compofition  de  fes  artifices  certaines 
Jiiatieres  métalliques. 

Le  carton  propre  à  l'artifice  fe  nomme 
cane  de  moulage.  Il  cil  fait  de  plufieurs  feuil- 
les de  bon  papier  gris ,  pour  le  milieu  ,  & 
de  papier  blanc  ,  pour  l'extérieur  ,  qui  font 
collées  enlèmble  avec  de  la  colle  de  farine  : 
il  faut  qu'il  foit  allez  mince  pour  que  Ton 
puiffe  le  rouler  commodément  pour  en  for- 
mer le  cartouche.  Il  lufiit  de  s'en  procurer 
de  trois  épaiffeurs  ^  favoir  ,  de  trois  feuilles 
pour  les  petites  fufëes ,  jufques  &  compris 
celles  de  dix-huit  lignes  de  diamètre  •■,  de 
cinq  feuilles  pour  celles  d'au  delîiis  ,  &  de 
huit  feuilles  pour  les  pots  à  aigrettes. 

La  colle  pour  le  carton  ,  pour  le  mou- 
lage fe  fait  a\ec  de  la  fleur  de  farine  de  fro- 
ment ;  on  la  détrempe  bien  dans  de  l'eau  , 
&  l'ayant  mile  fiir  k  feu  ,  on  la  laifle  bouil- 
lir juiqu'à  ce  qu'elle  ait  perdu  fon  odeur  de 
farine  ;  &  on  y  ajoute  de  l'alun  en  poudre  ■■, 
cnfuite  on  paffe  ce  mélange  par  un  tamis  de 
crin ,  en  ayant  foin  de  le  manier  pour  divi- 
fcr  les  gruineaux ,  &  ôter  tout  ce  qui  pour- 
roit  être  un  obftacle  à  la  perfeiHon  du  col- 
lage. On  fe  fert  pour  cette  opération  de 
grandes  brofles  de  poil  de  porc. 

Qi'.and  on  a  collé  deux  cents  cartons  ,  on 
les  met  en  prefle  entre  deux  planches  bien 
ïinies  ^  ou ,  au  défaut  de  prefTe  ,  on  fe  con- 
tente de  charger  les  planches  avec  quelque 
chofe  de  pefant.  Les  cartons  ayant  été  fix 
heures  en  prefle  font  fufpendus  à  des  cordes 
avec  des  crochets  de  fil  de  laiton  jufqu'à  ce 
qu'ils  foient  abfolument  fecs  ;  alors  on  les 
remet  encore  en  prellè  pour  ôter  la  courbure 
qu'ils  peuvent  avoir  prife  en  féchant. 

On  fe  fert  êictoupille  pour  amorcer  les  fu- 
fées ,  &  pour  conduire  le  feu  d'une  pièce  à 
une  autre. 

La  matière  de  l'ctoupille  n'eft  autre  chofe  I 


Art 

qu€  du  iôton  filé ,  mis  en  plus  ou  moins  de 
doubles ,  fuivant  la  groffeur  qu'on  defire 
donner  à  l'étoupille.  On  fait  tremper  ce  co- 
ton pendant  quelques  heures  dans  de  l'eau- 
dc-vie  ,&  encore  mieux  dans  l'efprlt-de-viu  ; 
&  quand  il  en  eft  fuffilàinment  imbibé ,  oa 
répand  defliis  du  pouflîer  de  poudre  à  ca- 
non ,  &  on  manie  le  coton  dans  le  p!at  où 
il  a  trempé  pour  qu'il  fe  pénètre  &  fe  couvre 
de  cette  pâte  de  poudre.  Loriqu'il  en  eft 
fuffilàmment  couvert ,  on  le  retire  du  plat 
en  le  paflaut  légèrement  dans  les  doigts , 
pour  étendre  la  pâte  de  iiianiere  qu'il  en  foit 
cou^■ert  par-tout  également ,  &  on  le  met 
enfùite  fëcher  à  l'ombre  for  des  cordes. 

Uétoupille  étant  feche  ,  on  la  coupe  par 
morceaux  de  deux  pies  &  demi  de  lon- 
gueur ;  on  en  forme  des  bottes  ou  paquets , 
&  on  les  conferve  dans  un  endroit  bien  fec. 

Les  amorces  proprement  dites  fe  font  au- 
trement que  les  étoupilles.  On  prend  de  la 
poudre  en  grain  que  l'on  humedte  d'un  peu 
d'eau,  &  on  la  broie  fiir  une  table  avec  une 
molette  de  bois,  juiqu'à  ce  qu'elle  ait  pris  la 
confiftance  d'une  pâte  bien  fine.  On  s'en 
fert  pour  coller  &  retenir  l'étoupille  dans  la 
gorge  des  fufëes. 

L'état  de  l'artificier  exige  bien  des  commo- 
dités qui  ne  fe  rencontrent  pas  indifférem- 
ment dans  toutes  les  maifons.  Première- 
ment ,  il  a  befoin  d'une  petite  chambre  fur 
terre  pour  charger  fes  fufées  volantes  :  cette 
opération  ne  fe  fait  pas  fans  bruit,  puisqu'on 
y  eir.ploic  le  maillet ,  dont  les  coups  réité- 
rés pendant  long-temps  deinandeiit  un  lieu 
qui  en  amortiffe  le  retentiifemeat.  L'artifi- 
cier doit  encore  s'attacher  à  avoir  une  cham- 
bre qui  ne  foit  point  humide  pour  y  faire 
certains  ouvrages ,  comme ,  par  exemple  , 
pour  mêler  les  matières ,  faire  les  cartou- 
ches ,  &  les  petits  artifices. 

Le  falpêtre ,  le  foufre ,  le  charbon  Si  le 
fer,  font  les  matières  lesplus  ordinaires  dont 
on  fafié  ufàge  dans  l'artifice.  Leurs  diffé- 
rentes combinaifons  varient  leurs  effets  &  la 
couleur  des  feux  :  ces  couleurs  confiftent  en 
une  dégradation  de  nuances  du  rouge  eu 
blanc.  Le  foufre  ,  loriqu'il  prédomine,  doîi- 
ne  un  bleu  clair,  &  le  fer  produit  des  étin- 
celles dont  l'éclat  a  fait  iiommQï  feu  bril- 
lant  la  compofition  dans  laquelle  entre  cette 
matière.  La  dofe  de  churbo»  6c  de  foufre 


ART 

■qui  doit  donner  le  plus  de  force  au  falpétre 
n'eft  pas  la  nicme  pour  l'artifice  que  pour  la 
poudre  à  canon  ;  il  en  faut  moins  pour  la 
poudre ,  attendu  que  la  trituration  qui  di- 
vife  le  charbon  &:  le  foufre  en  plus  petites 
parties  qu'ils  ne  peuvent  l'ctre  dans  les  com- 
pofitions  d'artitice  ,  multiplie  en  quelque 
ibrte  ces  matières  en  multipliant  leurs  furtà- 
ces  :  voye^'  Poudrier. 

Les  matières  dont  nous  avons  parlé,  doi- 
vent être  pulvérifées  &  tamifées  de  manière 
à  pouvoir  fe  mêler  intimement  entre  elles. 
La  limaille  de  fer  n'eft  fufceptible  d'aucune 
préparation  ;  on  en  trouve  communément 
de  toute  faite  chez  les  ouvriers  qui  travail- 
knt  le  fer. 

Pour  former  les  cartouches  propres  à  ren- 
fermer l'artifice,  on  roule  le  carton  fur  une 
baguette  qu'on  nomme  baguette  à  rouler: 
on  lui  donne  de  diamètre  les  deux  tiers  de 
l'intérieur  du  moule  qui  doit  iérvir  à  charger 
le  cartouche.  Le  moule  fert  à  foutenir  le 
cartouche  lorfqu'on  le  charge  &  à  régler  la 
hauteur  du  maffif. 

Le  carton  doit  être  entièrement  collé  , 
a  l'exception  du  premier  tour  qui  enveloppe 
la  baguette  :  on  trempe  dans  l'eau  le  der- 
nier tour  du  carton  avant  de  le  coller,  pour 
lui  ôter  le  reffort  qu'il  a  naturellement ,  & 
qui  feroit  dérouler  le  cartouche  après  qu'il 
eft  formé. 

Les  cartouches  pour  les  lances  &  pour  les 
conduites  de  feu  ,  doivent  être  faits  de  pa- 
pier; ceux  As'iferpenteaux  &  autres  petites 
fiifées  de  cinq  à  fix  lignes  de  diamètre  exté- 
rieur, font  faits  des  cartes  à  jouer:  on  ter- 
mine ces  efpeces  de  cartouche  par  deux  tours 
de  papier  gris,  dont  le  dernier  eft  collé. 

Il  ne  faut  pas  attendre  que  les  cartouches 
foient  entièrement  fecs  pour  les  étrangler; 
cet  état  de  fécherelTe  rendroit  l'opération 
plus  pénible  &  plus  fujette  à  des  imperfec- 
tions. 

Avant  d'étrangler  les  cartouches,  on  com- 
mence par  rogner  iur  la  baguette,  avec  des 
cifeaux  ,  le  bout  qui  doit  être  étranglé ,  pour 
que  les  bords  de  cette  partie ,  qui  doit  avoir 
la  forme  d'une  calotte  ,  foit  à  l'uni.  Après 
cette  opération ,  on  prend  une  corde  ou  une 
ficelle  d'une  grolTeur  proportionnée  à  celle 
de  la  fufée  ,  ik  on  attache  cette  ficelle  par 
un  bout  à  un  piton  viffé  dans  un  poteau ,  ou 
Tomi  III, 


ART  555 

fcelle  dans  le  mur ,  &  par  l'autre  bout ,  l'ar- 
tihcier  l'attache  à  fa  ceinture  ou  à  un  bâton 
qu'il  place  derrière  &  en  travers  de  fes  cuif- 
îés ,  de  manière  qu'il  foutieime  le  corps  lorf- 
que  l'artifte  fait  effort  pour  étrangler  le  car- 
touche. Dans  cette  fituation  ,  &  la  corde, 
étant  tendue  ,  on  pofe  le  cartouche  deffus  ; 
puis  on  prend  la  partie  de  la  corde  qui  eft 
entre  foi  &  le  cartouche ,  &  l'on  en  fait 
deux  tours  fur  le  cartouche ,  dans  la  partie 
que  l'on  veut  étrangler ,  à  un  demi-diame- 
tre  extérieur  de  fon  extrémité  ;  on  enfonce 
une  baguette  dans  cette  partie ,  la  tenant  de 
la  main  droite  &  le  cartouche  de  la  gauche  , 
&  l'on  ferre  la  corde  en  jetant  le  corps  en 
arrière  ,  &  tournant  chaque  fois  le  cartou- 
che pour  en  bien  arrondir  l'étranglement  , 
jufqu  a  ce  qu'il  ne  refte  qu'un  trou  à  pouvoir 
pafferavec  peine  une  petite  broche  de  fer; 
alors ,  il  eft  fuffifamment  étranglé.  Il  faut 
avoir  loin  de  frotter  la  corde  avec  du  favon^ 
pour  empêcher  que  le  cartouche ,  qui  eft 
encore  humide  lorfqu'on  l'étrangle,  ne  s'y 
attache  &  ne  fe  déchire.  Il  ne  faut  pas  tarder 
à  lier  les  cartouches  quand  ils  font  étranglés , 
fans  quoi  l'étranglement  feroit  fiijet  à  fe  relâ- 
cher. On  les  lie  en  paffant  trois  boucles  de 
ficelle  dans  la  gorge  &  ferrant  à  chaque  bou- 
cle ;  ce  qui  s'appelle  le  nœud  de  r artificier. 

Lorfque  le  cartouche  eft  préparé  ,  pai* 
exemple,  pour  une/à/è'e ,  on  le  met  debout 
dans  un  moule  ;  on  verfe  la  poudre  de 
compofition  dans  ce  cartouche  ;  l'on  fe 
(ert  d'une  baguette  pour  l'entaffer ,  &  on 
frappe  deffus  à  coups  égaux  pour  bien  com- 
primer cette  poudre;  on  met  enfuite,  par-, 
deffus,  un  tampon  de  papier  chiffonné  que 
l'on  frappe  bien,  &  fur  lequel  on  rabat  une 
partie  du  carton  ,  enfuite  on  perce  ce  carton 
de  deux  ou  trois  trous,  afin  que  le  feu  puiffe 
prendre  aifément  à  la  compofition  lorfqu'on 
veut  faire  partir  la  fufée. 

Après  cette  opération  ,  on  retire  la  fufée 
de  deffus  la  partie  du  moule ,  qu'on  appelle 
broche  ;  on  délie  la  corde  qui  rempliffoit 
l'étranglement ,  &  on  rogne  la  partie  du  car- 
touche qui  excède  le  carton  rendoublé  :  la 
broche  fert  à  ménager  un  vuide  dans  l'in- 
térieur de  la  fulée.  Ce  vuide,  qu'on  nomme, 
\'arne  de  la  fufée ,  la  fait  monter  en  préfen- 
tant  au  feu  une  plus  grande  furface  de  ma- 
tière inflammable ,  qui ,  fe  réduifant  en  va- 

Xxx 


Îî4         '    .ART 

peur  dans  ce  vuide,  fait,  dit  l'abbë  Nollet, 
Foffice  d'un  refîbrt  qui  agit,  d'une  part  con- 
tre le  corps  de  la  fuiee ,  &  de  l'autre  con- 
tre la  colonne  d'air  fur  laquelle  repofe  la 
fufée ,  &  qui  ne  cède  pas  auffi  vite  qu'elle 
cft  frappée. 

Les  fufées  font  rarement  fimples ,  elles 
font  prelique  toujours  garnies  d'un  pot  ter- 
miné par  un  chapiteau  en  forme  de  cône , 
dans  lequel  font  renfermées  diffé.entes  peti- 
tes pièces  d'artifice ,  comme  étoiles  ,ferpen- 
teaux,  &c.  qui ,  lorfque  la  fufée  s'efl:  élevée 
auffi  haut  qu'elle  peut  aller,  en  terminent 
JJefFet  d'une  manière  très-agréable. 

Pour  garnir  la  fufée ,  on  commence  par 
verfer  dans  le  pot  une  pincée  de  poufiier  , 
&:  en  frappant  un  peu  contre,  on  le  fait  entrer 
dans  les  trous  qu'on  a  ménagés  pour  la  com- 
munication du  feu.  On  vtrfe  enfuite  dans 
k  pot  im  peu  de  la  mcme  compoiîticn  ciont 
on  a  chaigé  la  fuiée  ;  c'eft  ce  qui  s'appelle 
la  chaj/l;  &  on  arrange,  pardeflus  cette 
chafle ,  les  ferpenteaux  ou  les  étoiles  que 
la  fulée  doit  jeter  en  obfervanf  de  n'en  pas 
mettre  plus  pefant  que  le  corps  de  la  fuiée. 
Une  fufée  dont  la  garniture  feroit  trop  pe- 
lante ,  ne  s'éleveroit  que  médiocrement ,  & 
retomberoit  à  terre  en  faifant  le  demi-cer- 
cle. On  place  quelques  petits  tampons  de 
papier  chiffonné  dans  les  inieifticei  de>.  fer- 
penteaux  ou  des  paquetsd'étoiles ,  pour  em- 
pêcher qu'ils  ne  ballottent.  Après  quoi ,  on 
ferme  le  pot  avec  un  rond  de  papier  qu'on 
a  eu  foin  de  taillader  par  les  bords  pour  em- 
pêcher qu'ils  ne  faffent  des  plis,  &  que  l'on 
colle  dellus. 

On  obferve ,  avant  de  mettre  les  paquets 
d'étoiles  dans  le  pot,  de  les  paffer  dans  di: 
pouffier ,  pour  les  difpofer  à  prendre  feu  plus 
îubitement. 

Le  pot  étant  garni ,  on  place  pardeffus 
UH  chapiteau  qui  eft  fait  d'une  fimple  épail- 
feur  de  carton,  &  qu'on  y  aflujettit  av.c 
de  la  colle.  Le  chapiteau  étant  placé  bien 
droit  fur  le  pot,  on  colle  fur  la  fciffure  une 
bande  de  papier  brouillard  ,  tant  pour  cacher 
cette  IcilTure  que  pour  empêcher  que  le  cha- 
piteau ne  fe  décolle  en  féchant.  On  aniorct 
enfuite  la  fulée  ,  en  prenant  un  morceau 
d'étoupille  double  &  de  grofléur  proportion- 
née, que  l'on  fait  entrer  dans  le  trou  forirn. 
par  la  broche ,  à  la  hauteur  d'un  diamètre 


ART 

extérieur  de  la  fufée  ,  &  on  la  colle  dans  îâ 
gorge  avec  de  l'amorce.  On  finit  par  coller 
un  rond  de  papier  fur  la  gorge  ;  c'eft  ce  que 
les  artificiers  nomment  bonneter. 

La  plupart  des  artificiers  ne  mettent  point 
de  pots  aux  petites  fufées  de  caifTes  ;  ils  fe 
contentent  de  rouler  &  coller  ,  au  haut  de 
ces  fufées ,  un  quarré  de  papier  gris  qui  dé- 
borde la  fufée  de  la  hauteur  de  la  garniture 
qu'ils  veulent  y  placer.  Après  qu'ils  y  ont 
mis  la  chnfiTe  &  la  garniture  ,  ils  lient  le 
papier  pardeflus  la  garniture  pour  la  ren- 
fermer. 

La  baguette  que  l'on  attache  aux  fnfêts 
volantes ,  fert  à  les  maintenir  droites ,  en 
contrebalancjant  leur  pefanieur  ,  courte  la- 
quelle le  feu  agit  par  l'un  des  bouts  qui  doit 
toujours  être  tourné  vers  le  bas ,  8c  qu'elle 
force  à  garder  la  fituation  verticale.  Le  bois 
le  plus  léger  eft  le  plus  propre  pour  les  ba- 
guettes.  Dans  les  provinces  où  les  rofeaux. 
font  communs ,  on  s'en  fert  de  préféi  eiice  à- 
tous  les  autres  bois.  Plus  les  baguettes  font 
longues,  plus  les  fufées  montent  droit:  on 
leur  donne  au  moins  huit  fois  la  longueur  du 
moule  de  la  fufée  ,  ou  plutôt  une  longueur 
telle  qu'en  plaçant  fous  la  baguette  un  cou- 
teau à  un  pouce  ou  deux  de  diftance  de  la 
fiifée  ,  les  tout  puiiTe  le  trouver  en  équilibre. 

On  a  imaginé  en  Angleterre,  poisr  let 
accidens  caulés  par  la  chute  des  groffes  ba- 
guettes ,  d'en  préparer  de  manière  que ,  lors- 
que la  fufée  s'eft  élevée ,  &£  a  fait  fon  effets 
elle  met  le  feu  à  de  petits  faucifTons  de  pou- 
dres qui  entourent  la  baguette  &  la  divifent 
en  l'air  en  une  multitude  de  parties ,  ce  qui 
fait  de  plus  un  joli  eflFet.  On  place  les  fufées 
volantes  fur  une  efpece  de  chevalet,  quand: 
on  veut  y  mettre  le  feu  pour  les  taire  élever. 

Le  clieViilet  eft  i.n  poteau  dont  la  partie 
fnpérieure  a  la  figure  d'un  râteau  ;  on  le 
plaiite  en  terre,  ou  bien  il  efl  foutenu  fur 
terre  par  un  pié  en  forme  de  croix  :  on  place- 
les  fulées  entre  les  dents  du  râteau  pour  les- 
foutenir  verticalement. 

Les  pièces  d'artifice  ,  appellées  marrons  f. 
fonc  faites  de  poudie  grainée,  rentermée 
dans  un  cartouche  de  carton  de  tornic  cu- 
bique, &  recouvert  d'un  ou  de  deux  rangs 
Je  ficelle  collée  de  colle- forte  :  on  perce  un. 
trou  dans  l'angle  de  ce  cartouche.  Ces  mar- 
,  rc4ij  éclatent  avec  beaucoup  de  bruit.  Les- 


A  RT 

fnarronsluifansne  différent Aei  autres  qu'en 
ce  qu'ils  font  recouverts  de  pâte  d'étoiles. 
Nous  dirons  plus  bas  ce  que  c'eft  que  cette 
pâte. 

Les  faiiciffbns  ne  différent  des  marrons 
que  par  la  forme  ,  l'effet  en  efl  le  même  : 
leurs  cartouches  font  ronds  :  on  les  emploie 
pour  terminer  avec  bruit  certains  artifices , 
tels  que  les  lances  ,  les  jets  ,  &  autres. 

Les  étoiles ,  élevées  par  les  fufées  volan- 
tes,  font  un  effet  admirable  :  on  les  fait 
d'une  pâte  compofée  de  falpêtre,  de  foufre 
&  de  poufTier.  On  forme  avec  cette  pâte 
des  efpeces  de  paftilles  rondes  &  plates,  de 
la  forme  d'une  dame  à  jouer.  On  les  perce 
par  le  milieu  pour  y  mettre  l'étoupiile  qui  les 
enflamme.  Si  elles  étoient  trop  groffes,  elles 
ne  feroient  pas  un  auflî  bel  effet  ,  parce 
qu'elles  retomberoient  trop  bas.  L'effet  des 
fauciffbns  volans  efl  de  monter  en  fpirale , 
&  de  terminer  leur  vol  par  un  coup.  Ce 
mouvement  fpiral  leur  eft  donné  par  ïétou- 
pille.  Cette  étoupilie  contournée  brûle  plus 
vite  que  la  compoiîtion  du  fauciffon  ,  & 
donne  entrée  à  la  matière  enflammée,  qui 
fuit  les  révolutions  de  la  fpirale ,  &  en  im- 
prime les  mouvemens  à  la  fuiée. 

Le  ballon  ,  ou  bombe  d'artifice  ,  eft  une 
imitation  de  la  vraie  bombe  ,  fe  jette  de 
même  avec  im  mortier ,  Ibit  de  métal,  foit 
de  bois  ou  de  carton. 

Les  bombes  d'artifice  fe  font  en  bois  ou 
«n  cation.  Celles  qui  font  en  bois  font  com- 
pofées  de  deux  hémil'pheres  qui  fe  ferment 
en  s'emboîtant  l'un  dans  l'autre  :  on  garnit 
ces  bombes  d'un  mélange  de  différentes 
efpeces  d'artifices  ,  comme  l'erpenteaux  , 
faucifl^ons,  étoiles  &  autres, parmi  lefquels 
on  répand  de  la  compofition  pour  faire  cre- 
ver le  cartouche.  On  adapte  à  la  bombe  une 
fiifée  d'une  longueur  convenable ,  &c  rem- 
plie d'une  compofition  qui  brûle  affez  lente- 
ment pour  donner  à  cette  bombe  d'artifice 
le  temps  de  s'élever. 

Les  mortiers  &  les  pots  de  carton  que  l'on 
deftineà  jeterdes  bombes, doivent  toujours 
être  recouverts ,  dans  toute  la  longueur  de 
leur  cylindre  ,  d'un  rang  de  bonne  corde 
collée  de  colle- forte,  fans  quoi  ils  auroient 
peine  à  réfifter  à  l'effort  de  la  poudre. 

Lorfqu'on  veut  faire  partir  un  grand  nom- 
ire  de  fufées  volantes  tout  à  la  fois ,  on  les 


place  dans  une  came  longue,  traverfec  par 
une  planche  percée  de  trous  à  égale  diftcUi- 
ce,  &  proportionnés  à  la  groffeur  des  ba- 
guettes ,  comme  la  caifle  doit  l'être  à  leur  lon- 
gueur ;  cette  planche  percée  fe  nomme  la 
grille.  On  la  couvre  de  feuilles  de  papier;  les 
baguettes  des  fufées  y  font  leur  trou  en  les 
plaçant  dedans;  ce  papier  fert  à  retenir  da 
pouffier ,  ou  quelque  compofition  vive  que 
l'on  répand  deffus  pour  communiquer  le  feu 
à  toutes  les  fufées  en  même  temps.  Les  fufées 
deftinées  à  cet  ufage  fe  nomment  fufées  Je 
caijfe. 

Les  artificiers  font  auflî  àz"^  fufées  de  table , 
ainfi  nommées,  parce  qu'il  faut  une  table 
ou  quelque  autre  plan  fort  uni  pour  les  tirer. 
L'effet  de  cette  fufée  eft  de  tourner  en  forme 
de  foleil  fur  la  fable  où  on  la  pofe ,  jufqu'à  ce 
que  le  feu ,  qui  a  commencé  par  les  trous  la- 
téraux dont  elle  eft  percée ,  fe  foit  communi- 
qué par  l'intérieur  de  la  fufée  à  quatre  autres 
trous  pratiqués  deffous  ,  qui  l'élevent  en 
l'air ,  tandis  que  le  feu  qui  fort  par  les  trous 
latéraux,  continue  à  lui  donner  le  mouve- 
ment de  rotation  :  c'eft  un  foleil  qui  s'élève 
en  l'air  dans  une  fituation  horizontale. 

Les  fufées  courent  fur  la  corde  par  le 
même  méchanlfme  que  nousles avons  vu  s'é- 
lever enl'air.  he-ifufées  à  double  vol ,  qui  re- 
viennent fur  elles-mêmes ,  fe  font  en  atta- 
chant enlemble  deux  fufées ,  dont  Tune  ne 
s'enflamme  qu'après  l'autre  ,  &  en  direflion 
contraire.  On  nomme; et  ow gerbe  toute  fufée 
chargée  en  maffif,  &  qui  doit  agir  fans  quit- 
ter la  place  où  elle  eft  fixée  ;  telles  font  les  fu- 
fées desfoleils fixes ,  des  foleils  tournans ,  &C 
celles  qui  fervent  à  imiter  en  feu  les  jets 
d'eau ,  les  nappes  d'eau ,  les  caf(;ades ,  &c. 

Le  foleil  fixe  eft  un  affemblage  de  jets 
chargés  en  feu  brillant ,  difpofés  en  forme 
de  rayons  autour  d'un  moyeu  &  garnis  d'une 
étoupilie  de  communication  de  l'un  à  I  autre , 
pour  qu'ils  prennent  tous  feu  à  la  fois.  On 
nomme  gloire  les  foleils  à  plufleurs  rangs  de 
jets.  Il  n'y  a  de  différence  entre  les  foleils 
tournans  &  les  girandoles  que  dans  la  pofi- 
tion  qu'on  leur  donne  pour  les  tirer,  qui, 
en  les  mettant  dans  un  autre  point  de  vue  , 
paroir  en  changer  l'effet.  On  les  nomme 
loleils  lorfqu'ils  font  placés  verticalement, 
Se  girandoles  quand  leur  plan  eft  parallèle  a 
l'horizon.  Un  ibleil  tournant  eft  une  roue  que 
X  X  X  z 


550    ^  ART 

le  feu  d'une  ou  de  plufieurs  fufées  qui  y  font 
attachées  fait  tourner,  agiiîant  comme  dani 
les  fufées  volantes  parl'aiffion  du  reffort  de 
la  matière  enflammée  contre  l'air  qui  lui 
réfifte.  On  forme  des  deffins  en  feu ,  en 
plaçant  derrière  des  découpures  de  carton , 
des  foleils  tournans  renfermés  entre  des 
planches  pour  contenir  leur  feu ,  &  pour 
qu'ils  ne  Ibient  vus  qu'à  travers  les  décou- 
pures ;  cet  artifice  employé  en  décoration 
fait  un  très-grand  effet.  Un  foleil  tournant 
étant  placé  au  milieu  d'un  panneau  de  me- 
nuifene  figuré  en  étoile,  &  bordé  de  plan- 
ches ou  de  cartons  pour  foutenir  fon  feu,  il 
en  prendra  la  forme  &  repréfentera  une 
étoile ,  &  de  même  toute  autre  figure  dans 
laquelle  il  feroit  renfermé. 

C'eft  le  P.  d'incarville  qtii  nous  a  fait  I 
•connoître  l'art  qu'ont  les  Chinois  de  repré- 
fenter  en  feu  des  figures  d'animaux  &  des 
tievifes.-  On  fait  avec  du  foufre  en  poudre 
impalpable  &  de  la  colle  de  farine  mêlés  en- 
lemble ,  une  efpece  de  pâte  dont  on  couvre 
des  figures  d'ofier ,  de^  cartons  ou.  de  bois , 
après  les  avoir  enduites  de  terre  grafle  pour 
les  empêcher  de  brûler.  La  couche  de  pâte 
de  foufre  étant  pofée ,  on  la  faupoudre  de 
pouflier  pendant  qu'elle  eft  encore  affez 
humide  pour  qu'il  s'y  attache.  Lorfqu 'elle  eft 
bien  feche,  on  colle  des  étoupilles  fur  les 
principales  parties,  pour  que  le  feu  fe  porte 
;par-tout  en  même  temps,  &  on  couvre  la 
figure  en  entier  de  papier  collé.  Les  Chinois 
peignent  ces  figures  de  la  couleur  des  ani- 
maux qu'elles  repréfentent.  Leur  durée  en 
feu  eft  proportionnée  à  l'épaiffeur  de  la  cou- 
che de  pâte  qui  les  couvre;  comme  cette 
.pâte  ne  coule  point  en  brûlant  ,  les  figures 
con  fervent  leur  forme  jufqu'à  ce  que  la  paie 
foit  entièrement  confumée. 

Les  artificiers  font  des  feux  pour  brûler 
fur  l'eau  &  dans  l'eau  :  l'oppofition  de  deux 
ciémens  auftî  contraires  que  le  feu  &  l'eau  , 
fait  regarder  la  chofe  comme  merveilleufe, 
quoique  dans  le  fond  ces  artifices  d'eau 
n'aitnt  rien  de  plus  extraordinaire  que  les 
autres.  Toutes  les  matières  qu'on  emploie 
pour  les  artifices  deftinés  à  brûler  dans  l'air  à 
l'ec ,  peuvent  (ervir  pour  les  artifices  d'eau  , 
par  le  moyen  des  enduits  dont  on  couvre  les 
rartouclies  de  ces  derniers  pour  les  rendre 
impénétrables  à  l'eau.  On  emploie  pour  cet 


ART 

effet  des  vernis  compofés  avec  des  huiles  &- 
des  matières  réfineuies,  &  quelquefois  du 
goudron  pur  pour  enduire  la  partie  exté- 
rieure des  cartouches. 

Les  grenouillères  font  pour  les  artifices 
d'eau  ce  que  les  férpenteaux  font  pour  l'arti- 
fice d'air  :  on  les  nomme  aufTi  d:iuphins  q\x 
canards  ;  leur  effet  eft  delerpenterfurl'eau  , 
de  s'élancer  à  plufieurs  repriles  en  l'air,  & 
de  finir  par  éclater  avec  bruit.  Un  fourreau 
fert  à  foutenir  la  fiifée  fur  l'eau;  ce  fourreau 
a  une  coudure  qui  lui  imprime  un  mouve- 
ment inégal  &  tortueux;  le  poufTier  dont 
on  a  mis  une  demi-charge ,  après  trois  charges 
de  conipofuion,  la  fait  élancer  en  l'air  lorf- 
que  le  feu  parvient  à  cette  matière. 

ht^  plongeons  font  Aqs  fufées  qui  éclairent 
d'une  lumière  très- blanche  &  vive,  en  plon- 
geant de  temps  en  temps  dans  l'eau  pour 
reparoître  avec  le  même  éclat;  on  en  charge 
aufli  de  feux  faillans  qui  repréléntent  des 
jets  d'eau  &  des  arbres  fleuris,  &  qui  plon-r 
gent  de  même.  Ces  effets  font  produits  par 
des  charges  alternatives  de  poudre  grainée 
&;<lecompofition.  Ces  fufées  ne  s'éteignent 
pas  lorfqu'elles  font  plongées  dans  l'eau  ;  au 
contraire  elles  y  cheminent ,  parce  que  la 
matière  enflammée  fait  réfiftance  à  l'eau  * 
&  s'oppofe  à  (on  introduéfiondaiis  la  fu'.éab 
La  caufe  qui  la  fait  mouvoir  dans  l'eau  eft 
la  même  que  celle  qui  fait  monter  en  l'air 
les  fufées  volantes. 

Après  avoir  donné  une  idée  de  la  façoîi 
de  préparer  les  pièces  d'artifices  le-  plus  efîen- 
tielles ,  il  nous  refte  à  dire  un  mot  de  la  ma- 
nière de  dreffer  la  carcafte  de  charpente, 
fur  laquelle  on  les  place  ordinairement. 

Avant  que  de  former  le  deftm  d'un  fea 
d'artifice,  on  en  fixe  la  dépcnle,  &  on  fe 
règle  fur  la  iomme  qu'on  veut  y  employer  > 
tant  pour  la  grandeur  du  théâtre  ik  de  fes 
décorations,  que  pour  la  quantité d'anifices 
nécelîaires  pour  le  garnir  convenablement. 

Les  revêtemeiis  de  la  carcafTe  de  char- 
pente fe  font  ordinairement  de  toile  peinte 
à  la  détrempe,  &  les  bords  font  tei minés 
par  des  chaffis  de  planches  contournées  en 
arcades ,  en  féitons  ,  en  confbles  ou  en  tro- 
phées ,  f'uivant  que  le  deflin  l'exige. 

On  fait  ces  ouvrages  à  part  ;  6i  loriqt'e 
toutes  les  pièces  font  bien  faites  &  inimé^ 
roiées ,  on  les  apporte  fur  lu  place  où  l'oo 


ART 

veut  tirer  le  feu  d'artifice ,  &  on  les  afTem- 
ble  en  très-peu  de  temps. 

Un  artificier  doit  avoir  attention,  avant 
que  d'arranger  les  pièces  d'artifices  iur  un 
théâtre,  de  prévenir  les  incendies  qui  ren- 
dent confus  le  jeu  des  artifices ,  &  diminuent 
l'ordre  &.  la  beauté  du  fpeftacle.  Pour  pré- 
venir ces  accidens,  on  doit  couvrir  toutes 
les  parties  fituéesde  niveau  ,  comme  plates- 
formes  &  galeries ,  d'une  couche  de  terre 
grafl'e  recouverte  d'un  peu  de  fable  répandu 
pour  pouvoir  marcher  delTus  fans  gliflcr. 
Outre  ces  précautions ,  on  doit  avoir  des 
gens  actifs,vétusdepeau,  munis  de  baquets 
pleins  d'e3u  ,  &  toujours  prêts  à  éteindre  le 
feu ,  en  cas  qu'il  vint  à  s'attacher  à  quelques 
parties  du  théâtre.  Pour  mettre  ces  hommes 
en  sûreté ,  i!  eft  à  propos  de  leur  ménager 
une  retraire  à  couvert,  pour  qu'ils  puifîent 
s'y  retirer  dans  le  moment  du  jeu  de  certains 
artifices  dont  les  feux  fortent  en  grand  nom- 
bre. Il  faut  de  plus  que  ces  retraites  com- 
muniquent aux  efcaiiers  par  où  l'on  monte 
fur  le  théâtre  d'artifice. 

Un  artificier, dans  l'exécution  ,  ne  dpit 
rien  négliger  pour  que  les  pièces  d'artifice 
dont  il  a  fait  provifion  offrent  aux  yeux  des 
feux  fucceflifs  &  une  belle  fymriiétrie. 

Si  le  feu  d'une  illumination  précède  celui 
de  l'artifice,  on  commence  dès  avant  la  fin 
du  jour  par  allumer  ce  qui  doit  former  l'il- 
lummation  ,  &  lorfque  la  nuit  eft  aiTtz  noire 
pour  que  les  feux  paroiflént  dans  toute  leur 
beauté,  on  annonce  le  fpeftacle  par  une 
falve  de  boites  ou  de  canons ,  après  quoi 
on  commence  par  des  fulées  volantes,  qu'on 
tire  à  quelque  diftance  du  théâtre  d'artifice, 
ou  ti!Ccefiivement,oupar  douzaines. 

Après  ces  préludes, un  couramin,  defli- 
né  à  allumer  toutes  les  lances  à  feu  qui  bor- 
dent le  théâtre,  part  de  la  fenêtre  où  eft  la 
perfonne  la  plus  diftinguée  qui  y  met  le  feu 
quand  il  eft  temps ,  &  va  tout  d'un  coup 
commencer  à  éclairer  le  tpeftacle. 

L'art  de  l'artificier  eft  libre,  Ôc  n'a  point 
été  érigé  en  maitnfe.  Les  perf'onnes  qui  de- 
fireroient  des  détail-,  étendus  fur  cet  art , 
peuvent  coniùlterle  Manuel  de  f a; tljicitr ^ 
dont  nous  avons  tiré  une  bonne  paitie  de 
cet  article. 

Il  y  a  encore  des  artificiers  qui  font  particu- 
f.-erement  attachés  auéorps  de  ra.rtillerie  j  ce 


ART  557 

font  ceux  qui  compofent  tous  les  feux  d'arti- 
fice qu'on  peut  jeter  dans  les  places  c[u'on  at- 
taque ,  ou  au  bas  de  celles  qu'on  défend.  Ca- 
Jlmir  Simicrowits  ^  Polonois ,  a  écrit  un  ex- 
cellent traité  Iur  tout  ce  qui  concerne  les  feux 
d'artifice ,  tant  pour  la  guerre  ,  que  pour  la 
paix.  Joachim  Bnchtelius  a  donné  aulli  un 
fort  bon  ouvrage  fur  ce  lujct.  (A') 

ARTIFICIERS,  on  appelle  un  certain 
nombre  de  foldats  dans  chacune  des  com- 
pagnies de  bombardiers  du  corps-royal  d'ar- 
til'eric.  Us  font  principalement  occupés  à  la 
compofition  des   artifices  de  guerre.  CM. 

DE    FOMMEREUL.) 

ARTIFICIEL.  On  appelle  en  géométrie 
lignes  artificielles ,  des  lignes  tracées  fur  un 
compas  de  proportion  ou  une  échelle  quel- 
conque ,le!quelles  reprélentent  les  logarith- 
mes des  iinus  &  des  tangentes ,  &  peuvent 
fervir  avec  la  ligne  des  nombres ,  à  rélbudre 
affez  exaftementtous  les  problêmes  de  tri- 
gonométrie ,  de  navigation  ,  &c.  Les  nom- 
bres ar/i/zc/e/j  (ont  les  fécantes ,  les  lînus 
&  les  tangentes.  ^.  SÉCANTE,  SiNUS  & 
Tangente.  Voyc^  aujfi  Logarithme. 
(£-) 

ARTIGIS  ,  (  Gcog.  )  ville  d'Efpagne  , 
au  pays  des  Turdules;  on  croit  que  c'eft 
aujourd'.hui  Alhama  entre  Grenade  &  la 
mer ,  en  tirant  vers  Malaga.  (  C.  A.  ) 

ARTIK-AB  AD,  (  GJo-.  )  ville  ou  bourg 
de IaTurquie,en  Afîe,dans le  gouvernement 
de  Siwas, au  milieu  d'une  plaine  entre  la  ville 
même  de  Siwas  &  celle  de  Tocat  ou  Tohac. 
Sesenvirons  font  très-fertiles  en  grains,  & 
on  y  trouve  de  très-beaux  fruits.  (  C.  Â.  J 

ARTILLERIE,  f.f.  Ce  nom colleaifpré- 
fente  l'idée  de  toutes  les  armes  de  jet  dont 
le  lert  le  corps  royal  (.Vartillerie  ;  il  indiquoit 
également  toutes  celles  qui  étoient  en  ufage 
chez  les  anciens ,  telles  que  les  baliiles,  les 
catapultes ,  &c.  C'eft  improprement  qu'on 
l'applique  à  l'srt  des  feux  d'artifice  qui  eft 
bien  défigné  par  celui  de  pyrotechnie.  Ce 
mot  a  encore  d'autres  acceptions  :  on  di.t 
ï artillerie  eft  un  art  favant  &  terrible, comme 
on  dit  la  peinture  eft  un  art  auiTi  favant 
qu'agréable.  Vartilltrie  eft  dans  ce  fens, 
conlidérée  comme  une  fcience  qui  a  fa  théo- 
rie particulière.  Les  articles  relatifs  à  \ar- 
tillcrie  inférés  dans  ce  dictionnaire  ,  feront 
prendre  de  cet  art  une  idée  plus  jufte  que 


55S  ART 

la  définition  que  nous  pourrions  en  donner 
ici.  Il  nous  fuffira  de  dire  que  la  géométrie, 
la  méchanique,labaliftique  ,  l'hydraulique, 
la  phyfique  ,  la  chymie,  le  deffin  ,  l'art  de 
lever  des  plans,  des  cartes ,  de  fortifier  des 
places,  celui  de  conftiuire  des  ports,  de 
creufer  &  de  conduire  des  mines,  entrent 
dans  les  études  d'un  artilleur  ;  que  la  tadi- 
que  lui  doit  être  bien  connue,  &  qu'à  tou- 
tes ces  connoiffances  théoriques,  il  a  befoin 
d'unir  une  grande  pratique  de  ("on  art  & 
les  leçons  fi  inftru(flives  de  quelques  fieges 
&  de  plufieurs  campagnes. 

UartllUrie  ,  quant  aux  machines  qu'elle 
emploie ,  fe  divife  aujourd'hui  en  deux  e(- 
peces ,  \^ artillerie  de  fiege  compofée  de  ca- 
nons de  Z4  &  de  i6 ,  d'obufiers ,  de  pierriers 
&  de  mortiers ,  &  de  canons  de  petit  ca- 
libre dont  on  fe  fert  utilement  dans  la  dé- 
fenfe  des  places,  &c.  &  V  artillerie  de  cam- 
pagne comporée  de  canons  de  1 1 ,  de  8  &  de 
4,  &d'obufiers.  Les  Autrichiens  &c  les  Pruf- 
iiens  en  ont  même  d'une  troifieme  efpece, 
au  moins  quant  à  Ton  ulage;  c'eft  une  artil- 
ierie  légère  deftinée  à  fuivre  leur  cavalerie 
&  portée  fur  des  affûts  qui  fervent  en  même 
temps  de  caiffon  pour  les  munitions  &  de 
voiture  aux  canonniers  deftinés  à  l'exécuter. 
yoyei  les  mots  AfFUT  ,  ARTILLERIE  JDE 

Bataille, Canon,  Canon  de  cam- 
pagne. Corps  Royal  de  l'Artil- 
lerie ,  ÉQUIPAGE  de  SIEGE,  Équipage 
DE  PONT  ,  Pont  ,  &c.  &c. 

Beaucoup  d'auteurs  ont  écrit  fiir  Vartllle- 
rie.  Buchnerius,  Braunius,Tartaglia,  Col- 
lado  ,  Sardi ,  Diego  Ufano  ,  Moretti ,  Ca- 
simir Simienowitz  ,  Mieth  ,  d'Avelour  , 
ManefTon,  Mallet,  le  chev.  de  S.  Julien  , 
nous  ont  laifle  des  ouvrages  ;  mais  cet  art 
étoitdansfon  enfance,  &  ce  ne  font  pas  des 
guides  à  confulter.  Belidor  &  S.  Rémi  font 
venus  depuis  &  ont  apporté  de  nouvelles 
Jumieres.  Le  Blond  n'a  fait  qu'abréger  ce 
flernier,  &  fa  compilation  intitulée ,  «im/- 
lerie  rai  formée ,  n'a  pas  même  le  foible  mérite 
d'être  un  bon  extrait  des  mémoires  de  S. 
Rémi ,  ouvrage  devenu  d'ailleurs  prefqu'en- 
tiéremeni  inutile ,  depuis  les  changemens 
opérés  dans  ['artillerie  par  M.  deGribeau- 
val.  Mais  ce  fiecle  a  produit  des  ouvrages 
pluseftmiables  :  on  diftmguera  toujours  ceux 
qu'on  doit  à  M,  le  Marquis  de  V^iere  fur 


ART 

les  mines ,  à  M.  de  Mrrogues  fur  la  pou* 
dre  ,  à  M.  du  Puget  fur  ce  qui  concerne 
les  fieges,  à  M.  du  Coudray  fur  différentes 
parties  de  l'artillerie.  Cette  ((:ience  a  fait 
un  nom  en  Angleterre  à  Robins  &  à  Miller, 
&  en  Piémont  à  Dulacq,  Anroni  &C  Tignola. 
Au  refte  le  corps  de  l'artillerie  de  France 
poflTede  un  fonds  de  manulcnts,  plus  pré- 
cieux peut-être  que  la  plupart  des  ouvra- 
ges qu'on  a  publiés ,  &  il  les  doit  à  un  grand 
nombre  d'olîicierj  i.iftruits  qui  le  compo- 
fent.  (  M.  DE  POMMEREUL.  ) 

Artillerie  de  campagne  ou  aehatailU^ 
Ç Art  milit.)  On  ne  doit  pas  s'attendre  à 
trouver  ici  un  ouvrage  complet  fur  l'ar- 
tillerie :  balancer  les  avantages  qu'elle  peut 
procurer  avec  les  inconvéïiiensqui  réfultent 
nécefTairement  de  fa  ma/Te  &  des  dépenfes 
qu'elle  entraîne  :  en  combiner  les  mouve- 
mens  avec  ceux  des  troupes  dans  les  batailles 
rangées,  dans  les  affaires  de  porte,  dans  les 
pafTages  de  rivières  ,  dans  les  montagnes  , 
dans  les  retranchemens ,  dans  les  retraites , 
dans  les  marches  :  établir  des  principes  pour 
ces  différentes  circonftancei ,  les  appuyer 
par  des  exemples  ,  en  déduire  des  confé- 
quences  générales, des  maximes  applicables 
à  tous  les  cas  particuliers  ,  détailler  ces  dif- 
férens  cas ,  les  comparer ,  faiiir  leurs  rap- 
ports ,  faite  voir  leur  différence  :  montrer 
par  des  faits ,  que  ces  principes  exaftement 
iiiivis ,  procurèrent  de  grands  fuccès  ,  & 
qu'on  éprouva  fouvent  des  revers ,  pour  les 
avoir  négligés  :  préfenter  une  théorie  lunii- 
neuf'e  fur  les  projections  des  corps  par  le 
moyen  de  la  poudre,  analyiér  les  matières 
qui  la  compoiénr ,  entrer  dans  les  détails  de 
fa  fabrication ,  chercher  s'il  ne  feroit  pas 
poffibledecorrigerlabizarreriedefes  effets  : 
confidérer  les  métaux  qui  entrent  dans  la 
compofiiion  des  bouches  à  feu,  leur  forme 
la  plus  avantageufé  &  la  plus  capable  de  pro- 
duire le  plus  grand  effet  :  appuyer  le  tout 
par  des  expériences  faites  de  bonne  foi ,  dans 
la  léule  vue  de  découvrir  la  vérité ,  fans  opi- 
nion ,  fans  partialité ,  fans  intérêt  particu- 
lier :  approfondir  le  grand  art  d'employer 
l'artillerie  dans  les  fieges ,  (bit  pour  l'attaque 
&  la  défenfé  des  places  :  un  tel  plan  feroit 
celui  d'un  très-grand  ouvrage,  qui  manque 
à  l'artillerie  y  Û  qui  feroit  très-iniérefl'ant, 
s'il  étoit  bien  rempli ,  mais  qui  exigeroit  de» 


ART 

connoliïances  infiniment  plus  étendues  que 
les  nôtres,  peut-être  incme  le  concours  de 
plufieurs  perfonnes  pour  le  conduire  à  fa 
perfeftion. 

Il  a  paru  en  1771  un  ouvrage  tri^s-efti- 
mable  ,  intitulé  :  EJJ^ai  fur  rufage  Je  far- 
tilUr'u  dans  la  guerre  de  campagne  &  celle 
de  Jîege  ,  où  partie  des  olVjets  que  nous  ve- 
nons d'indiquer  eft  parfaitement  traitée  : 
nous  avons  puifé  dans  ce  bon  'ivre  quantité 
de  choies  qu'on  lira  dans  cet  article  :  les  bor- 
nes que  nous  nous  fointues  preicrites,  ne 
nous  ont  pas  permis  d'enibrafFer  toures  les 
parties  de  la  icience  de  V.iriillerie  ,  le^quelle■^ 
font  iniinenlesdans  leurs  détails  ;  nous  nous 
bornons  à  quelques  réflexions  généra'es  ("ur 
Fufage  de  Vartiilerie  en  cainp'gne,  &;  Air 
Ils  chîngemens  qu'on  a  projetés  dans  le?  di- 
nieulions  des  pièces  de  canon  ,  communé- 
nient  appellée:.  de  campagne  ou  de  bataille. 
Nous  avons  fait  mention  des  pièces  de  ca- 
non ,  dont  la  forme  avoit  été  fixée  par  une 
ordonnance  du  roi  en  1731  :  celles  qu'il  a 
été  qtieftion   de  leur  lui)ftituer  depuis,  ne 
font  pas  généralement   ccinnues ,  quoique 
cette  elpece  ^artillerie  ne  (oit  pas  nouvelle , 
qu'elle  ait  été  propofée  à  différentes  reprilés , 
&.  que  plufieurs  puiirances  de  l'Europe  l'aient 
adoptée  depuis  long  -  temps.  C'eft:  de  ce 
nouveau  Ivitéme  quii  s'agit  ici,  par  oppo- 
lîtion  avec  l'ancien.  Nous  ne  tenterons  pas 
de   réunir  les  militaires  divilés   d'opinions 
fut   les   fyftémes    £  artillerie ,   comme   fur 
toutes  les  autres  parties  de  l'art  de  la  guerre; 
ce  n'eft  pas  dans  le  moment  de  la  fermen- 
tation &  de  l'enrhoulialme ,  qu'on  peut  le 
ptomettre  du  hiccès  d'une  pareille  entte- 
pnfe;  nousexpoferons  nos  idées  fimplement 
&  de  bonne  foi,  fans  prétention  6c  fans  par- 
tialité, perfuadés  que  nous   fommes   qu'il 
feroit  avantageux  que  toutes  les  connoil- 
fences  utiles  &  les  erreurs  mêmes,  fuiTeiit 
confignées  dans  ce  dépôt  public,  afin  que  , 
dans  l'occafion,  on  pût  y  trouver  les  unes 
pour  en  profiter,  5c  les  autres  pour  les  éviter. 
Nous  pio  eftons  d'avance,  que  notre  in- 
tention 11  efl  pas  de  critiquer  ou  de  blâmer  : 
car  nous  i ouïmes  convaincus  que  ceux  qui 
p:éferentl"^'"/i7/t;A/£  des  puiilances  étrangères 
à  la  nôtre,  croient  y  ttouver  des  avantages 
réels,  fans  quoi  ils  renonceroient  bien  vue 
à  leur  opinion.  Nous  ne  fommes  d'ailleurs 


ART  559 

que  réda(?lcurs ,  &c  nous  ne  préfcTitons  dans 
cet  article ,  que  ce  qui  aété  dit  pour  &  contre 
les  deux  fyftcmes  :  nous  aurons  loin  de  citer 
en  conféquence  les  fources  où  nous  aurons 
puifé. 

Confidérer  Vartillerie  comme  l'arme  uni- 
que eiïcntielle  qui  doit  feule  gagner  les  ba- 
tailles ,  ou  la  regarder  comme  inutile  dans- 
les  combats,  font  deux  excès  également  blâ- 
mables Se  qu'il  faut  éviter  :  lacoinp,;rer  avec 
les  armes  de  jet  des  anciens  &  donner  la 
préférence  à  celles-ci ,  comme  l'ont  tait  !e 
chevalier  Follard  &  quelques-uns  de  fes  fec- 
ta^eurs ,  cft  une  opinion  qui  paroîfra  infou- 
teiiable  à  tous  ceux  qui  voudront  examiner 
&  juger  fans  partial'té.  Quelle  différence  y. 
en  effet,  de  ces  machines  compliquées  aux-- 
quelles  il  falloit  des  chars  pour  les  voiturer, 
&    qu'on  ne  mettoit  en  batterie  qu'avec 
peine  ;  des  machines  dont  les  montans  &  les- 
bras  donnoient  tant  de  prife  aux  batteries 
oppolées ,  qu'on  ne  pouvoir  mettre  en  aftion' 
qu'à  force  de  leviers ,  de  cordages ,  de  mou- 
Iles,  de  treuils,  auxquelles  on  oppofoit  des 
tours  de   charpente  qui  réiiftoient  à  leurs 
efforts  pendant  des  temps  infinis  :  quelle 
différence,  dis-je ,  de  ces  machines  à  nos 
bouches  à  feu  qui  fe  chargent  ailément  & 
qui  le  mettent  en  batterie  fur  l'affût  même 
qui  fert  à  leur  tranfport  !  Quelle  différence 
dans  la  longueur  &  la  juftefTe  des  portées , 
dans  la  force  des  mobiles  projetés  6c  dans  la 
rapidité  des  effets!-  Voyez  ces  boulevards 
détruits  6c  réduits  fî  promptement  dans  un 
monceau  de  décombres,  des  fronts  entiers 
de  fortification  que  le  ricochet  force  à  aban- 
donner, des  retranchemens  ouverts  &  ren- 
verfës,  des  files  entières  de  cavalerie  &  d'in- 
fanterie emportées  ,  le  feu,  l'effroi,  l'épou- 
vante, la  mort  portée  à  des  diffances  in- 
croyables ,  par  ia  force  inexplicable  du  fluide 
élaftique  de  la  poudre,  mis  en  action  par 
rintlammation  lubite  :  comparez  ce  refîort 
avec  celui  des  mavlimes  anciennes,  &c  jugez. 
(  EJjai  général  de  Taclique^page  /j3.J 

Sans  enirer  ici  dans  une  plus  longue  dif- 
cuirioii  qui  nous  parûitinnt  déplacée,  nous 
regarderons  la  qucffion  comme  décidée  en 
faveur  de  rtîm/2i.7-<> , .  ik  nous  obferverons 
d'abord, que  les  militaires  en  général,  font 
un  p^u  p;evenus  peut  fefpece  de  ;eivice  au- 
,quel  iis  fe  iont  devùués  :  la  cavalerie  ne  lait 


56o  ART 

pas  grand  cas  de  l'infanterie,  celle-ci  regarde 
à  Ion  tour  les  troupes  à  cheval  avec  allez 
d'indifférence  ;  &  l'un  &  l'autre  croient  qu'on 
pourroit^  fort  bien  fe  paffer  <ïarti//erie  dans 
la  guerre  de  campagne.  Pour  nous  qui  n'a- 
vons aucun  intérêt  à  faire  valoir  une  arme 
aux^  dépens   d'une  autre  ,  qui  n'avons  ni 
paflîon ,  ni  efprit  de  parti ,  nous  croyons 
qu'il  feroit  auffi  injufte  dédire  queWirti/lerie 
n'a  aucune  influence  dans  les  batailles ,  que 
d'établir  qu'elle  doit  feule  les  gagner.  Le  fort 
des  combats  dépend  de  la  tête  du  général , 
d'une  armée  inftruite,  difciplinée  &  aguer- 
rie ,  dont  il  a  mérité  la  confiance ,  d'une 
marche,  d'une  pofition,  d'un  ordre  de  ba- 
taille ,  &  enfin  du  mélange  bien  combiné 
des  différentes  efpeces  d'armes.   C'eft  par 
cette  combinaifon  bien  entendue  que  Fran- 
çois premier  triompha  à  xMarignan,  &  c'eft 
pour  l'avoir  négligée  &  arrêté  l'effet  de  fa 
batterie  dans  le  parc,  que  la  vidoire  lui 
échappa  des  mains  à  Pavie.  (EffaifurTu- 
J'age  Je  /'artillerie ,p.  i ,  1 1  &  12.J  V artil- 
lerie contribua  beaucoup  au  fuccès  de  Henri 
IVà  Ivry ,  à  Courtras ,  &  fur-tout  à  Arques , 
où  ce  monarque,  engagé  dans  un  combat 
extrêmement  inégal,  dut  fon  triomphe  inef- 
péré  à  quatre  pièces  de  canon  ,  dont  un 
brouillard  épais  avoir  rendu  l'effet  inutile  au 
commencement  de  l'aftion.  Turenne  qui 
poffédoit  fi  éminemment  toutes  les  parties 
de  la  guerre  ,  n'ignoroit  pas  le  parti  qu'on 
pouvoit  tirer  de  Variillerie,  &  ayant  appris 
la  veille  de  la  bataille  des  Dunes  que  le  canon 
des  Efpagnols  ne  devoit  arriver  que  dans 
deux  ou  trois  jours ,  il  fe  décida  à  fortir  de 
fes  lignes,  à  prévenir  l'ennemi,  &  à  l'atta- 
quer le  lendemain  matin.  {A defcriptlonoj 
the  maritime  parts  of France  ,  &c.  London  , 
1761 .)  Le  chevalier  de  FoUard ,  qui  ne  faifoit 
pas  grand  cas  àsVartillerie,  &c  fbn  témoi- 
gnage eft  d'autant  moins  fufpecl ,  raconte 
qu'au  combat  de  Cafîano,  Vartillerie  débar- 
raffée  des  équipages  qui  l'avoient  long-  temps 
mafquée ,  ayant  faifî  des  emplacemens  favo- 
rables ,  emportoit  des  files  entières,  &  que 
des  pièces ,  placées  en  oblique ,  firent  encore 
un  plus  grand  meurtre,  en  forte  que  les 
ennemis  ne  purent  tenir  contre  un  feu  fi 
prodigieux  &  fi  continu.  (Follard,  tomelll, 
p.  jji  6-  .3j(j".  )  Notre  hiftoire  militaire 
nous  fourniroit  beaucoup  d'autres  faits  qui 


ART 

concourroient  à  prouver  qu'tme  artillerie 
bien  dirigée ,  peut  avoir  une  grande  influence 
dans  les  affaires  de  campagne  :  mais  pour  ne 
pas  entrer  dans  des  détails  fuperflus,  il  nous 
fuffira  dénommer  Dettingen  &  fes  heureux 
commencemens,  Fontenoy  &tla  redoutable 
colonne  Angloilé  ,  prefque  maîtrefi!e  du 
champ  de  bataille, arrêtéeparquelques  pièces 
de  canon:  Raucoux,  Lawfelt,  dans  la  par- 
tie où  le  canon  fut  employé,  Aftembeck, 
Bergen ,  &c. 

Il  eft  vrai  que  Vartillerie  ne  feroit  qu'un 
furcroît  d'embarras,  qu'une  mafl!e  qui  appe- 
fantiroit  &  retarderoit  les  mouvemens  des 
armées ,  fi  elle  étoit  trop  nombreufe  ,  mal 
conduite  &  mal  dirigée;  mais  il  faut  pour 
qu'elle  fafl^e  tout  l'effet  dont  elle  eft  capable , 
que  le  général  qui  la  commande,  &  les 
officiers  chargés  de  fon  exécution  fous  fes 
ordres  ,  aient  des  connoifTances  beaucoup 
plus  étendues  que  ne  foupçonnent  peut- 
être  ceux  qui  n'ont  pas  examiné  d'affez  près 
cette  importante  partie  de  l'art  militaire.  Si 
l'on  croyoit  que  tout  confifte  à  faire  arriver 
Vartillerie  à  temps  &  à  tirer  devant  foi ,  on 
feroit  dans  l'erreur.  Il  faut  que  le  général  qui 
la  commande  ait  l'efprit  vif  &  fécond  en 
reflTources,  pour  trouver  promptement  des 
remèdes  aux  accidens  imprévus ,  beaucoup 
de  fang  froid  pour  les  ordonner  &  les  appli- 
quer ,  fans  infpirer  d'inquiétude  à  ceux  qui 
l'environnent ,  quel  que  foit  le  fuccès  d'une 
affaire  :  une  connoiffance  générale  du  théâtre 
de  la  guerre,  &  très-exafte  du  champ  de 
bataille ,  le  coup  -  d'oeil  vif  &  fur  pour  ïaifir 
fur  le  front  &  les  ailes  de  la  bataille,  les 
pofitions  les  plus  favorables  aux  emplace- 
mens du  canon  ;  ces  emplacemens  peuvent 
changer  dans  le  cours  d'une  affaue  fuivant 
les  circonftancesheureufes  ou  nialheureufes, 
lefquelles  exigent  par  conféquent  de  nou- 
velles combinaifons  &  de  nouveaux  mou- 
vemens :  ces  mouvemens  font  d'autant  plus 
difficiles  à  exécuter,  qu'il  faut ,  autant  qu'il 
eft  polîible  ,  qu'ils  ne  nuii'ent  point  à  ceux 
des  troupes ,  mais  qu'ils  les  favorifent  &  le» 
protègent,  au  contraire  ,  par  un  feu  fuivi 
&  bien  dirigé.  Il  faut  donc  que  les  coniman- 
dans  de  Vartillerie  connoiffent  les  évolutions 
&c  les  manceu\res  des  troupes,  qu'ils  foient 
aif^ifs  &  prompts  pour  fe  porter  par-tout  où 
leur  préfence  eft  nécelTaire,  &  où  les  chan- 

gemens. 


ART 

pemens  qui  arrivent  dans  les  flifpodtionsde 
l'eiinenii,  obligent  rie  changer  celles  des 
batteries.  Les  affaires  clans  les  montagnes, 
<ian<i  les  plaines  découvertes,  dans  les  pays 
coupés  &  couverts,  les  attaques  &  dércenCes 
de  retrancheinens  &  de  portes ,  les  palUttes 
de  rivières,  roffenfive  ou  ladét'enfive,  {ont 
autantde  circonftances  particulières  qui  exi- 
gent des  préparatifs,  des  manœuvres,  des 
mouvemens,  des  emplacemens,  des  fyf- 
tt'mes  ditférens.  Pour  les  iîeges ,  nouveaux 
talens  (bit  dans  l'attrique  &  la  défenfe  des 
places;  nouveaux  détails  pour  les  approvi- 
(îonnemensJans  l'un  ou  l'autre  cas;  ("cience 
des  mines ,  art  des  ponts ,  des  conftrudions 
d'affûts,  de  baquets,  de  voitures  de  toute 
efpece;  les  petites  manœuvres ,  c'eft-à-dire 
l'art  d'employer  avec  avantage  &  prompti- 
tude les  leviers,  les  treuils,  les  poulies,  &c. 
Les  grandes  manœuvres,  c'eft-à-dire  l'art 
de  fupplécrà  toutes  ces  machines,  lorfqu'on 
en  eiî  dépourvu  :  tout  cela  eft  du  rt^ffort d'un 
bon  officier  d'am/Z^r/'e  ;  iklesconnoiffances 
qu'il  doit  réunir  ,  &c  que  nous  ne  faifons 
qu'indiquer  rapidement,  font,  comme  on 
voit,  îrcs-étendues;  mais  ces  derniers  objets 
Tout  étrangers  à  cet  article ,  où  il  n'efl:  quef- 
tion  c|ue  de  Varri/hru  de  campagne  ou  de 
bataille ,  &i  de  l'efpece  de  pièce  qu'on  y 
emploie. 

L'objet  de  ^artillerie  de  bataille  eft  non 
feuîei:)ent  d'cmpécher  ou  de  retarder  la 
formation  des  troupes  ennemies,  ou  de  les 
ro;np''e,  lorfqu'elies  font  formées;  de  por- 
ter le  delbrdre  dans  les  bataillons  Si  les  ef- 
caclrons, -en  fiihlTant  les  emplaceinens  les 
j>lus  avantageux  pour  les  battre  de  front, 
d'écharpe  &  de  revers,  de  détruire  les  bat- 
teries ennemies,  6'c.  maisauifi  d'ouvrir  les 
retranchemtns,  les  abattis,  les  murs  même 
de  certains  portes  qui  coiiteroient  bien  du 
fang  pD-ir  les  infulter  &  les  prendre  de  vive 
force,  fans  le  fecours  du  canon.  Mais  quel- 
que convaincus  que  nous  foyons  de  l'utilité 
de  VartiUcrie,  nous  fomme<:  bien  éloignés 
de  penfer  qu'il  faille  la  multiplier  excertive- 
menr  dans  les  armées  ,  ainli  que  l'ont  fait 
prefque  toutes  les  puirtances  de  l'Europe. 
«  Les  Pv.omains  aguerris  hi  difcipiinés,  pour 
»  tout  dire  en  un  mot,  les  Romains  de  la 
»  république ,  n'avoient  point  d'armes  de 
>»  jet  à  la  faite  de  leurs  légions  :  peu  à  peu 
Tome  III. 


ART  55f 

»  on  en  eut  quelques-unes  pour  battre  'es 
»  retranchemens ,  pour  occuper  les  points 
»  principaux  dans  les  ordres  de  bataille  ; 
»  cette  petite  quantité  relative  &  fuHUantc 
»  à  l'obiet  propofé,  pouvoit  être  regardée 
»  comme  un  progrès  de  l'arc  militaire  :  oit 
»  en  accrut  fuccertivement  le  nombre  :  'a 
»  tactique  déchut,  les  courages  dégénere- 
»  rent  ;  alors  l'uifanterie  ne  put  plus  réiifter 
♦  à  la  cavalerie ,  il  fallut  de  grortes  machi- 
»  nés  de  jet  pour  l'appuyer  :  on  en  traîna 
»  jufqu'à  trente  par  légion  ,  on  en  couvrit 
»  le  front  des  armées  ;  les  combats  s'enga- 
»  geoient  par-là,  fouvent ils finirtbient avant: 
»  qu'on  en  fut  venu  aux  mains:  ces  tempe 
»  flirent  ceux  de  la  honte  &  de  la  ruine  de 
»  l'empire. 

>♦  Suivons  l'hirtoire  de  nos  fiecles,  nous 
»  y  verrons  pareillement  les  nations  placer 
»  leur  confiance  dans  la  quantité  de  leur 
»  artillerie  ,  en  raifou  de  la  diminution  du 
»  courage  &  de  l'ignorance  des  vrais  prin- 
»  cipes  de  la  guerre.  Les  Suirtbs  qui  humi- 
»  lièrent  la  maifon  de  Bourgogne ,  ces  Suif- 
»►  fes  dont  François  I  &f  Charles  V  fe  dif- 
»  putoient  l'alliance, dédaignoient le  canon, 
»  ils  fe  leroient  crus  déshonorés  de  s'en 
»  fervir;  c'étoit  une  étrange  prévention  , 
»  effet  de  leur  ignorance ,  qui  caufa  leur 
»»  défaite  à  Marignan:  encore  cet  excès  va- 
»  loit-il  mieux  que  celui  où  Ton  a  donné 
»  depuis  ;  il  fuppoloit  du  courage,  &  celui 
»  dans  lequel  nous  fommes  tombés  ne  fait 
«  honneur  ni  à  notre  courage ,  ni  à  nos 
»  lumières. 

»  Où  commença  l'ufage  des  trains  énor- 
»  mes  à^areillerie  }  Ce  fut  chez  les  Tutcs , 
»  chez  les  Rurtes.  Les  Czars  Jean  &  Bazile 
»  menoient  avec  eux  300  pièces  de  canon 
»  dans  leurs  guerres  contre  les  Tartares. 
»  Ces  retranchemens  de  Narva,que  Charles 
»  XII  emporta  avec  8000  Suédois,  étoient 
»  garnis  de  150  bouches  à  feu.  Pierre 
»  le  Grand  di.ciplina  fa  nation,  &  dimi- 
»  Bua  cette  quantité  cVariillerie;  après  lui, 
»  elle  reparut  dans  les  armées  RufTes  :  on 
»  les  vit,  la  guerre  dernière,  traîner  à  leur 
»  fui'e  jufqu'à  600  pièces  de  canon,  &  cer- 
»  tainement  l'armée  Ruffe  n'étoit  pas,  de 
»  toutescellesquife  battoient  alors  en  Eu- 
»  rope,  la  plus  lavante  &  la  plus  marœu- 
»  vriere  ;  fes  mouvemens  fe  reiTentoient de 

Yyy 


» 
» 

» 

» 

» 


561  ART 

»  Ça.  pe(\inteiir  :  elle  reçut  des  batailles  fans 
»  en'iavoir  donner;  elle  en  gagna  Tans  en 
»  pouvoir  profiter ,  toujours  oi:!igée  d'aban- 
donner fes  fucccs  pour  fe  rapprocher  de 
fes  magafins.  Les  Autrichiens  eurent,  à 
l'inftar  des  Rufles  ,  une  artillerie  nom- 
breufe  &  toriuidrible  ;  ils  firent  la  guerre 
relativement  à  cette  quantité;  ils  tâchè- 
rent de  réduire  tous  leurs  combats  à  des 
affaires  de  porte  :  on  ne  vit  de  leur  côté 
ni  les  grands  mouvemens ,  ni  les  marches 
forcées,  ni  !a  fupériorité  desmanœuvre'-. 
»  Le  ïd\  de  Pruffe  ,  dira-t-on  ,  ii'avoit-il 
pas  auliî  une  anilUru   immenfe  ?  Sans 
doute:  msis  outre  qu'il  en  eutnionis  que 
les  Autnchiens  ,  elle  é;oit  emplacée  ou 
en  réfcrve  dans  les  villes  de  guerre  ,  plu- 
„  tôt  que  dans  fes  années;  c'étoit  de-là  qu'il 
»  la  tiroit  pour  réparer  les  défaftres,  c'etou 
»  de-là  qu'il  en  faifoit  arriver  des  renforts 
»  fur  fes  pofuions  défenfives.  Sa  tactique 
»  en  diminua  l'embarras:  il  fut  la  perdre 
»  &  la  remolacer. En  tva'inoit-il beaucoup, 
»  lorfqu'il  voloit  de  Saxe  en  Siléfie  ,  de  la 
»  Siléde  fur  l'Oder  >  \\  en  trouvoitdans 
»  les  places  qu'il  prenoit  fur  ces  diftérens 
y,  points ,  ou  bien  il  favoit  combattre  avec 
le  peu  qu'il  avoit  amené.  A  Rosback  il 
n'eut  jamais  plus  de  douze  pièces  en  bat- 
terie ,   &  il  n'en   avoit  que  quarante  à 
fon  parc.  A  LiiTa ,  ce  ne  fut  pas    <on 
artilUrit  qui  battit  les  Autrichiens.  Règle 
„  générale,  lorfqu'on  tournera  fon  ennemi, 
„  lorfqu'on  l'attaquera  par  des  manœuvres, 
»  lorfqu'on  engagera  fa  partie  forte  contre 
»  fa  partie  foible  ,  ce  n'elî  pas  avec  dp  i'^;-- 
tilUrii  qu'on  décidera  le  fuccès;  puifqu  en- 
tamer alors  un  combat  d'artillerie  ,   ce 
feroit  donner  le  temps  à  fon  ennemi  de 
,,  fe  reconnoître,  &  perdre  conféquemment 
»  tout  le  fruit  des  manœuvres  qu'on  auroit 
»  faites.  (V)  _ 

Jetons  maintenant  un  premier  coup  cl  œil 
fur  le  nouveau  fyftcme  cVartillerie ,  c'eft-à- 
dire  fur  cette  multitude  de^  petites  pièces 
qu'on  fe  propofe  de  traîner  à  la  fuite  de  nos 
armées ,  &  fuivons  le  calcul  de  l'auteur  de 
YEiïlii  général  Je  Tacfique.  Chaquebataillon 
fera  accompagné  de  deux  pièces  de  canon 
du  calibre  de  4  ;  il  y  en  aura  autant  au  parc 


ART 

■  de  XanlUerie  en  pièces  de  1 1  Si  de  S;  dore 
vme  armée  de  100  bataillons  traînera  à  fa 
fuite  40Û  pièces  de  canon;  ces  400  pièces 
de  canon  exigeront  iooo  voitures  pour  le 
tranfport  des  munitions ,  outils,  rechanges 
ik  autres  attirails  néceïïaires  :  voilà  24CQ 
attelages,  faifant  au  moins  9600  chevaux  i 
voilà  ^coo  &c  tant  de  charretiers,  condiic- 


» 
» 


teurs  ,    gardes    iVanillerie ,  capitaines    de 
charroi  ,&c.  Il  faudra  pour  le  ftrvice  de  ces 
400  pièces,  à  raifon  de  12  canonnievs  ou 
lervans  l'un  portant  l'autre  ,  environ  4800 
foldats,  non  compris  les  officiers.  Que  le 
roi  ait  plufieurs  années  fur  pié,  comme  les 
circonftances  ne  peuvtnt  que  trop  fouvent 
l'exiger,  qu'il  faille  attacher  de  ïûriiUcrie^ 
ces  armées  dans  la  nicme  proportion  ;  quels 
énormes  embarras  !  qjLielles  dépenfes!  &  quels 
, effets  peut-on  s'en  promettre?  Toute  la  fcien- 
ce  de  la  guerre  fe  réduira-t-el!e  à  brûler  de 
la  poudre  &  à  faire   du  bruit  ?  Que  fera 
une  armée  appeiantie  par  cette  prodigieufe 
quantité  de  voitures,  harcelée,  tournée  par 
une  armée  moins  nombreufe  &  plus  légerç 
qui  l'attaquera  par  des  manœuvres  ?  La  moi- 
tié ou  les  deux  tiers  de  cette  énorme  quantité 
de  bouches  à  feu  fera   dans  l'inaCtion    en 
féconde  ligne,  ou  en  réierve  :  les  petites 
pièces  de  régimens ,  dont  les  portées  lont 
courtes  ëc  incertaines ,  éparpillées  deux  a 
deux  fur  le  front  de  l'armée  ,  ne  pouvant 
que  difficilement    fe   joindre  pour  réparet 
par  le  nombre  de  leurs  coups  réunis  l'incer- 
titude de  chaque  coup  particulier,  ne  teront 
que  peu  ou  point  d'efiét  :  les  pièces  de  parc 
de  S  &  de  1 1 ,  allégées  &  raccourcies ,   ne 
pourront  porter  à  des  dillances  raifonnables 
fans  être  tirées  fous  des  angles  d'élévation 
qui  rendront  leur  direftion  peu  fûre  ;  leuri 
boulets  tombant  fous  des  angles  trop    ou- 
verts, ne  frapperont  qu'un  point  &  s'enfon- 
ceront dans  la  terre,  ôcl'on  perdra  par-la 
leur  principal  effet  qui  eft  d'emporter  plu- 
fieurs hommes  à  la  fois  &  de  ricocher  a  de 
arandes  diftances.  L'armée    attaquante  fe 
gardera  bien  d'ailleurs  d'engager  un  combat: 
d'artillerie  qui   donneroit    le   tnnps  a  fon 
ennemi  de  faire  une  bonne  diffofition;  ce, 
feroit  perdre  le  fruit  de  fa  marche  rapide  5C 
de  fa  manœuvre.  Que  deviendra  donc  cette 


(.)  Effai  général  de  Taal,u=,  p.,.  :+.  ^  fur.  Lc.r.u.  Véjccc  écnvoir,  il  y  avoir  55  b-A"  &  :o  onagre.  p« 


ART 

armée  furchargée  de  canons  5^  d'attirails,  f 
&;  trop  enivrée  de  la  insxime  moderne  , 
qu'il  faut  miiltir>lier  l'artil/erie  dans  les  ar- 
mées,  puirqu'elle  doit  à  l'ave  :iir  décider  feule 
de  la  viftoire  ?  Nous  dirons  avec  l'auteur  de 
rEffhi  furl'ufage  di  l\irei//erie  ,  que  quel- 
que favorable  que  folt  cette  maxime  au 
corps  où  nous  avons  l'honneur  de  fervir, 
elle  eft  trop  contraire  aux  folides  principes 
de  la  guerre,  Se  en  particulier  au  génie  qui 
a  fait  tant  de  fois  triompher  notre  nation, 
pour  que  nous  l'admettions  jamais.  C'en 
éft  fait  de  l'art  militaire,  fi  on  le  réduit  à 
la  feule  méthode  d 'employer  bien  fon  feu  : 
tôt  ou  tard  les  nations  qui  l'adopteront,  fe- 
ront domrées  par  celles  qui  fauront  s'en 
tenir  à  la  bonne  combinaifon  de  l'infante- 
rie ,  de  la  cavalerie  &  de  {^artillerie ,  &  à 
l'ufage  bien  raifonné  des  armes  à  feu  &  des 
armes  blanches.  Puiffions-nous  nous  en 
tenir  aux  vrais  principes  de  la  taftique  ,à 
l'ordonnance  &  aux  armes  les  plus  confor- 
mes au  génie  de  la  nation ,  à  la  quantité  & 
à.V'i\\)SZQ<Xarnllcrie  la  plus  favorable  aux 
armées  peu  nombreufes ,  mais  bien  exercées 
&  bien  inftruites  aux  manœuvres  ÇaJ  !  Re- 
venons à  notre  objet. 

«  Dès  le  temps  de  Guicciardin ,  les  artil- 
»  leurs  françois  étoient  regardés  comme  les 
»  meilleurs  de  l'Europe  Çh).  L'art  fe  per- 
»  feflionnadansle  XVî=  fiecle,&rhiftoire 
»  prouve  encore  que  les  artilleurs  françois 
»  confervent  leur  fupériorité  ,  quoiqu'ils 
»  aient  moins  écrit  que  les  Allemands ,  les 
»  Efpagnols  &  les  Italiens.  Heureux  temps 
»  où  la  bravoure  &  les  belles  actions  étoient 
»  la  meilleure  pierre  de  touche  du  mérite 
»  militaire! 

»  Notre  nation  fut  la  première  à  rejeter 
»>  peu-à-peu  ce  fatras  de  pièces ,  dont  cha- 
»  cuiie  avoit  un  nom  barbare. 

»  Le  règne  immortel  de  Louis  XIV,  la 
»  fuite  étonnante  de  fes  fuccès,  fournirent 
»  de  nouvelles  lumières  aux  prédéceïTeurs 
»  de  nos  chefs  de  VarùlUrii.  llscommen- 
»  Cerent  à  former  des  plans  réguliers  pour 
»  les  équipages ,  foit  de  (îege,  Ibit  de  cani- 
»  pagne.  Toujours  guidés  par  une  fagepra- 


ART  563 

w  tique  Si  par  une  théorie  ufuclle  ,  fi  on 
»  peut  s'exprimer  ainfi ,  ils  rejetèrent  les 
»  bouches  à  feu  &  les  attirails  d'un  poids 
»  cxcelîif;  ils  bannirent  aufTi  les  pièces  d'un 
»  trop  petit  calibre  ,  les  pièces  trop  légères 
»  &  trop  courtes  :  car  il  eft  à  remarquer 
»  que ,  de  tout  temps ,  il  s'cft  trouvé  des 
>»  hommes  déterminés  à  donner  dans  l'un 
»  &  l'autre  extrême  ;  enfin  ils  fimplifierent, 
►>  autant  que  lescirconftances  purent  le  per- 
»  mettre,ce  qui  étoit  trop  compofé  :  de  forte 
»  que  ,  vers  la  fin  du  fiec!epaf!é&  dans  les 
»  premières  années  de  celui-ci ,  VartilUrie 
»  du  royaume  étoit  déjà  fur  un  très-bon  pié, 
»  quoique  de  tout  temps  des  novateurs  étran- 
»  gers  au  corps,  aient  tenté  d'y  taire  rece- 
»  voir  les  fruits  de  leur  oifive  imagination; 

»  Cefutfouslesaufpicesdu  prince  éclairé 
»  qui  gouverna  la  France  pendant  la  mi- 
»  norité  de  Louis  XV,  que  V artillerie  prit 
»  enfin  cette  confiftance  ,  dont  toutes  les 
»  puiffances  voihnesont  été  jaloufes.  Nous 
»  pouvons  fixer  à  cette  époque  l'union  bien 
»  entendue  de  ces  trois  qualités ,  folidité, 
»  fimplicité,  uniformité,  dans  tous  nos  atti- 
»  rails,  pièces  de  canon  ,  mortiers ,  affûts^ 
»  ^•oitures ,  &c, 

»  De  ce  moment,nous  n'eûmes  plus  pour 
»  le  fervice  de  terre  en  France ,  que  des 
»  pièces  de  canoude  cinq  calibres  :  l'avoir, 
»  de  24,  de  16,  de  12,  de  8  &  de  4 livres 
»  de  balles.  » 

Les  pièces  de  14  font  trop  pefantes  6c  d'un 
fervice  trop  difficile  pour  être  tranfportées 
ailément  :  leur  oijjeteft  de  ruiner  lesdéfen- 
fes  des  places,  &  d'y  ouvrir  des  brèches; 
celles  de  16  ftroient  utiles  dans  bien  des  oc- 
cafîons  où  il  eft  queftion  d'attaquer  des  po(- 
tes  &  des  retranchemens  ;  mais  elles  font 
encore  embarrafTantes  par  leur  maiïe,  &c 
leur  effet  n'a  pas  afiez  de  llipériorité  fur  celui 
des  pièces  de  12,  pour  qu'on  ne  doive  pas 
préférer  les  dernières  plus  mobiles  &  d'un 
fervice  plus  prompt  :1e  poids  des  munitions 
qu'on  doit  d'ailleurs  principalement  confi- 
dérer  par  le  nombre  de  chevaux  &  de  voi- 
tures néceffaires  à  leur  tranfport  ,  a  pref- 
qu'entiérement  banni  les  pièces  de  lO  de 


(a)  In  omrn  ^rxUo ,   non  tim  muUinih  &■   vinus  ÎRicHa ,  çuj'm  an  '&■  exmitkn  JoUnt  prajljre  vidotkm. 

f^)    Lettre   en  rcponr;  aux   cbrcrvations  fi.r   un  ouvrage   attribué  i  f-u    M.  de  Viïiete,   pag.    3+    Veycx.  "'(T* 
'Hiftcire   de   Guicciardin  ,  /.y.  1  ,  Venife,  1/1-4».  ijSi.         <  ^; 

T  v  v   2 


5^4  A  R  T 

la  guerre  êe  campagne  ,  en  forte  que  juf- 
qu'à  la  paix  àe  lyôz  ,  on  n'y  en^a  mené 
qu'une  tiès-petite  quantité  de  ce  cahbte  , 
ti  l'on  s'en  eft  tenu  aux  pièces  de  ix,  8 
&  4 ,  dont  les  dimenfions  ont  été  fixées 
par  une  ordonnance  du  Roi,  en  1731.  Ces 
dimenfions  les  rendent  atîez  fortes  pour 
f>)urnir  au  moins  à  quinze  cents  coups , 
fans  dépérifTement  fenfible  &  nuifible  au 
fervice,  &  aiTt?  mobiles  pour  que  les  pie- 
ces  de  8,  de  4  &  de  la,  puiffent  être  em- 
ployées avec  une  raifonnabie  célérité,  fui- 
vies  de  voitures  de  munitions  dans  toutes 
les  aftious  de  guerre,  relativement  aux  ef- 
fets qu'elles  doivent  produire. 

Pour  qu'une  pièce  de  canon  ait  la  plus 
longue  portée  &  la  plus  grande  juflefle  de 
direftlon  pofTible,  il  faut  fans  doute  qu'il 
y  ait  un  rapport  entre  la  longueur  d'ame , 
Ion  calibre  ,  fa  maffe  &  fa  charge  de  pou- 
dre ;  trop  courte,  trop  longue,  trop  toible 
en  métal ,  chargée  d'une  trop  grande  ou 
d'une  trop  petite  quantité  de  poudre  ,  elle 
ne  fera  pas  l'effet  qu'on  s'en  étoit  promis; 
il  y  a  donc  des  limites  entre  ces  excès  ,  & 
c'eft  d'après  une  fuite  d'expériences  guidées 
par  la  théorie  la  plus  éclairée  ,  que  M.  de 
Valiere,  dont  le  nom  fera  toujours  cher  à 
la  France,  &  refpeclable  pour  tout  officier 
à^arcillerie  ,  a  terminé  les  dimenfions  des 
pièces  de  canon  deftinées  au  fervice  de  terre, 
&  les  charges  de  poudre  qui  convenoient 
le  mieux  à  chacune  d'elles  ;  en  effet  , 
leur  portée  &:  leur  juftei'ie  ne  paroiffoient 
pas  devoir  laiffer  àdefirer  de  parvenir  à  une 
connoiffance  plus  exaèle  des  véritables  pro- 
portions qui  pour toient  convenir  à  chacune 
d'elles  ;  dans  la  fuppolîtion  néanmoins  qu'on 
pût  parvenir  à  les  connoîire  avec  plus  de 
précifion  :  d'ailleurs  lafupérioii:é  qu'eut  tou- 
jours {^artillerie  de  la  France  fur  celle  de  fes 
ennemis ,  la  diligence  &  la  précilion  avec 
lefquelles  elle  a  toujours  été  portée  où  elle 
devoit  l'être ,  la  célérité  de  fbn  exécu.ion 
&  fes  effets,  fembloient  lui  afiuier  le  droit 
j;npre!criptib!e  de  conferver  à  jamais  la  forme 
&.  les  ptoponions  qu'elle  avoit  reçues  , 
fit  qui  furent  invariablement  déterminées 
par  une  ordonnance  du  roi  en  1732.. 

«  11  ne  faut  pas  croire  que  ùts  réglemens 
de  cette  importance   a  ent  été  rédiges  an 

(«}  Lciite  tali^'onfc   auï  cl)!ctvjUui-.-.     %^-: 


ART 

ha/ard,  fur  des  idées  vagues  de  perfeâion 
&  fur  des  polfibilités  incertaines.  Feu  M.  de 
Valiere,  qui  y  prcfidoit,  joignoit  à  la  force 
naturelK- de  fongénie,une  expérience  acquife 
par  un  grand  nombre  de  (ieges ,  de  batail- 
les, de  marches  dans  des  pays  difficiles ,  & 
de  retraites  toujours  fi  embarraffantes  pour 
ceux  qui  font  chargés  de  \  artillerie.  Il  au- 
roit  pu  certainement  s'en  tenir  à  fes  lumiè- 
res; mais  il  eut  la  prudence  &  la  modcf- 
tie  de  confulter  les  plus  éclairés  &  les  plus 
expérimentés  d'entre  les  officiers  fupérieurs 
du  corps ,  fes  collègues,  dc^s capitaines  d'ou- 
vriers, même  des  ouvriers  entendus, hom- 
mes précieux  qui  connoilient  d'autant  mieux 
le  bon  &  lemauvais  des  objets  dont  il  s'agit, 
qu'ils  en  ont  la  pratique  manuelle. 

D'après  une  recherche  icrupuleufe  &  des 
épreuves  réitérées ,  les  avis  fe  réunirent ,  & 
l'on  choifit ,  fur  tout  ce  qui  exiftoit ,  les  pie- 
ces  &  autres  attirails  qui  avoient  été  du  meil- 
leur ufage.  A  la  foliilité  des  machines ,  com- 
binée avec  leur  mobilité  raifonnabie ,  eft 
unie  dans  ce  fyflême  cette  fimplicité  fi  né- 
ceilaire  pour  leur  confirudion  &  leur  ré- 
paration. Car  on  fait  que  tout  charron, 
tout  charpentier,  tout  forgeur,  en  un  mot 
tout  ouvrier  pafîablement  inftruit  dans  fa 
profefiion,  peut  être  mis  très-promptement 
au  fait  de  nos  conflruflions  &  les  exécu- 
ter en  tout  pays  avec  les  oiUils  ordinaires, 
ou  les  réparer  promptement  au  beloin.  (a)» 

Nous  ne  prétendons  pas  inférer  de-là  que 
notre  artillerie  cCa  atteint  le  plus  haut  degré 
de  pcrfeftion  théorique  ;  comment  fe  flat- 
ter d'y  parvenir  jamais  avec  les  variétés 
inléparables  des  matières  qui  entrent  dans 
la  compoiition  des  bouches  à  feu  ,  des  mo- 
bi  es  qu'elles  projettent  &  de  la  poudre  ï 
Mille  accidens  qui  fe  combinent  de  mille 
façons  différentes  ,  couvrent  la  fcience  de 
['artillerie  d'un  nu:i-',e  qu  il  eft  difficile  d'é- 
carter. La  ccm.binafon  des  matières  dont 
on  fabrique  les  bouches  à  feu,  a  été,  pour 
ainfi  dire,  arbitraire  jufqu'ici.  Chaque  ton- 
deur a  ("es  uf.iges,  &  ils  ne  fe  refi^emblent 
p  is  ;  on  n'eft  pas  d'accord  fur  la  quantité 
précife  de  rof'ette  ,  de  l.ii'pn  &c  d'étain, 
dont  il  feroit  le  plus  avantageux  de  compo- 
fer  les  pièces  à'artilUrie  ,  ni  fur  le  degré 
de  cortion  qu'il  ccnviendroit  de  lui  donner 


ART 

Cd).  Les  changemens  qui  arrivent  clans  la 
diiection  de  l'aine  des  pièces,  par  laclialeur 
qu'elles  contraftent  fie  la  chaleur  quelles 
elTuienten  tirant, changemens  d'autant  plus 
prompts  &  d'autant lilusconfidérables, pour 
le  dire  en  pallant  ,  que  la  pièce  efl:  moins 
épaifle  ;  les  dilVéreiues  denfités  des  fers  dont 
on  coule  les  mobilvs;  les  différentes  pofrions 
de  leur  centre  de  gravité;  le  mouvement  de 
roation  qu'ils  acquièrent,  (buvent  de  la  ma- 
nitic  la  moins  favorable  à  l'cfTet  du  coup;  les 
bi:'.arreries  de  la  poudre  dans  (es  effets,  bizar- 
reries Inléparables  de  fa  fabrication  ,  qui  ne 
permet  pas  de  croire  qu'il  y  ait  deux  grains 
dans  un  baril,  où  les  trois  matières  qui  les 
compofent  foient  mêlées  dans  la  proportion 
COîivenue;  les  différentes  températures  de 
l'air; l'alîîette des  plates-formes;  la  fïtuation 
des  pièces  fur  leurs  affûts;  la  pofinon  de  leurs 
tourillons;  leur  encadrement  dans  les  flaf- 
ques  ;  la  manière  de  charger  &  de  refouler , 
&c.  font  autant  d'obftacles  à  l'exafliîude  & 
à  la  perfeftion  cherchée;  en  forte  que  M 
de  Valiere  en  conclut  que  de  mille  coups  de 
canons  tirés  avec  la  même  pièce,  à  la  même 
charge ,  au  même  degré ,  il  n'y  aura  peut- 
être  pas  deux  amplitudes  exaftemenrégales. 
«  Ces  irrégularités ,  dit  cet  habile  militaire, 
peuvent  venir  de  la  part  de  la  poudre ,  de  la 
part  de  l'air,  de  la  part  de  la  viteffe  de  l'in- 
flammation ,  de  la  part  du  boulet  ,  de  la  part 
de  la  pièce  ,  de  fon  affût ,  de  fa  plare-forme, 
de  la  part  de  quelques-unes  de  ces  caufes 
Séparément  en  plufieurs  manières ,  ou  de 
toures  conjointement,  ("hj  » 

C'eft  ainfi  que  s'exprimoit  ce  favant  mi- 
litaire fur  la  théorie  d'un  art  qu'il  avoit 
trouvéelui-mênie.  Perfonnen'auroir  été  plus 
en  état  que  lui  de  raffurer  (ur  ces  incertitu- 
des ,  s'il  avoit  rendu  compte  de  la  multi- 
tude d'actions  où  il  fut  employer  VariilUrie 
avec  le  plus  grand  fuccès  ;  la  modeftie  qui 
accompagne  toujours  les  vrais  talens ,  ne 
lui  permit  pas  d'entrer  dans  de  pareils  détails, 
j)uil(:jue  le  (impie  récit  des  faits  auroit  été 
fon  éloge.  S'il  a  gardé  le  filence  fur  la  par- 
tie purement   méchanique   de   Vartii.Urie  , 


ART  5(^5 

citons  quelques  faits  qui  puiiîent ,  au  moins , 
donner  une  idée  des  effets ,  encourager 
les  jeunes  gens  qui  fe  deftinent  à  ce  genre 
de  fervice  ,  &  pcrfuader  à  ceux  qui  n'ont 
aucune  connoiffance  de  cette  partie  de  l'art 
militaire  ,  qu'il  n'ed  pas  impoiFible  de  par- 
venir aux  eifets  qu'on  fc  propofe.  Un  canon- 
nier  &  un  bombardier  exercés  ,  comme  ils 
le  font  prefque  tous ,  fans  favoir  ce  que 
c'efl  que  fluide  élaftique  ,  dilatation  ,  mi- 
lieu ,  réliflance,  après  quelques  coups  d'é- 
preuve ,  coimoitront  leur  poudre  ûi  leur 
pièce,  &  frapperont  leurhut  avec  prel'qu'au- 
tant  de  jufte/Te  qu'un  chaiTeur  peut  s'en 
promettre  de  (on  fufil.  Nous  avons  vu  un 
canonnier  pointer  i'a  pièce  à  un  canon 
d'une  place  affiégée  ,  duquel  il  avoit  été  fort 
fatigué  pendant  la  conftruftion  de  fa  batte- 
rie, &  le  frapper  à  la  bouche  avec  tant  de 
juftefTe,  que  le  boulet  y  feroit  entré  s'il  n'a- 
voit  pas  été  d'un  trop  grand  calibre  ;un  bom- 
bardier diriger  fon  mortier  fur  une  pièce  de 
canon  qui  faifoit  beaucoup  de  défordre ,  fés 
trois  premières  bombes  tombèrent  furie  pa- 
rapet &  l'embrafure,  &  la  quatrième  fur  la 
pièce.  Les  mines  nous  fourniroient  encore 
bien  des  exemples  capables  de  raffurer  ceux 
qui  croiroient ,  au  pié  de  la  lettre ,  qu'il  n'y 
a  qu'incertitude  à  attendre  de  la  part  de  la 
poudre  &  de  l'exécution  des  bouches  à  feu; 
mais  nous  craindrions  d'être  trop  longs.  La 
théorie  nous  fait  connoitre  les  inconvéniens 
poffibles  ,  &  la  pratique  qu'elle  éclaire, 
nous  apprend  à  nous  en  garantir  ,  à  les 
prévenir  ou  à  les  diminuer  ;  &  avec  des 
précautions  nous  parvenons  à  un  degré  de 
précifion  fufiîfant  pour  opérer ,  à  très-peu 
(le  chofe  près,  tous  les  effets  que  les  diffé- 
rentes crrconftances  exigent  à  la  guerre  :  car 
il  efl  d'ailleurs  rarement  néceffaire  de  fi-ap- 
per  un  feul  point  ;  au  contraire,  &  fur-tout 
dans  la  guerre  de  campagne,  ce  font  des 
malles  de  troupes,  des  débouchés  qui  pré- 
fentent  une  certaine  étendue,  en  forte  qu'a- 
vec des  pièces  bien  proportionnées  ,  bien 
placées  &  bien  manœuvrées,  on  auroit  peine 
à  citer  un  exeii-;p!c  où  notre  anille-'c  n'ait 


{a  )  Si  quelqu'un  p"uvoit  Sxer  les  l'ncertitutfts  fur  an  rbiec  auffi  important  ,  ce  ftrolt  fûrement  ht.  Ei'rcnçcr 
tomrr.iffaire  dus  f..imrs  i:  V  iniUmi  a  Douai.  Nous  fajfiiloris  avec  pla:ûr  ct.t;e  cctalicn  de  rendre  à  fes  laK-n» 
&  a  •'ba  iiitù-gdté  toi'tc  la  juOice  qui  leur  eft  due;  mais  on  fait  bien  que  ce  ru:  ''cnc  pas  lou;ouu  l'.s  £'na 
de  c^:tf  rrcrape  qui  f-^nt  conljUc^,  étoiitcs  S<  en^ployés.. 

(^j  Méaioires   fut  l';s  ciur^jcs  k  I.i  yortéej,  (r;,  p-g?  ij  Imjfimitit  royaU  ,  ij-f». 


^66  ART 

pas  rempli  Ton  objet  &  où  elle  n'ait  pas 
eu  une  (iipériorité  marquée  lur  celle  de  nos 
ennemis. 

La  révolution  qui  s'eft  faite  à  la  paix  rie 
1762  ,  a  bouleverfë  notre  artillerie  encore 
plus  que  les  autres  parties  du  militaire.  On  ne 
poiivoit  pas  reprocher  à  nos  pièces  de  canon 
cle  ne  pas  porter  jufte  &  loin  :  des  expérien- 
ces de  guerre,  les  feules  peut-être  qui  puif- 
fentinfpirer  une  jufte confiance, avoient  éta- 
bli &  fbutenu  leur  réputat'ron;  maison  leur 
a  reproché  d'être  trop  pefantes  &  trop  diffi- 
ciles à  manœuvrer.  Les  puiiîances  avec  lef- 
quelles  nous  fommes  le  plus  communément 
dans  le  cas  d'avoir  la  guerre,  ayant  une  nom- 
breufe  artilUrie  &  extrêmement  légère ,  on 
crut  devoir  taire  comme  eWas,  fous  peine 
d''ctre  battus  ,  comme  l'ont  imprimé  les  par- 
tifans  de  YartilUrii  nouvelle.  «  Quoique  les 
petites  pièces  attachées  aux  régimens  Hano- 
vnens,  Heffois,  Anglois,  Pruifiens,  euffent 
fiit  peu  d'effet  contre  nous  à  la  bataille  d'Af- 
tembek  que  nous  avons  gagnée,  à  celle  de 
Oevclt ,  qui  fut  indécife  ,  à  celle  de  Minden 
que  nous  n'aurions  peut-être  pas  perdue,  il 
nos  batteries  de  centre  n'avoient  pas  été 
éteintes,  contre  toute  raifon,  à  Rosback, 
qui  ne  fut  qu'une  déroute ,  à  Bergen ,  jour- 
née fi  glorieufe  à  M.  le  Maréchal  de  Broglie; 
à  l'action  du  25  août  1762,  qui  couvrit  de 
gloire  le  prince  de  condé ,  &  à  plufieurs  au- 
tres affaires  heureufes  ou  malheureufes.(^tfj» 
Comme  lespuiflances  étrangères  avoient  de 
petites  pièces  à  la  ibite  dcs  régimens,  on 
voulut  en  avoir  comme  elles. En  conféquence 
cle  ce  nouveau  lyfléme ,  on  i"e  détermina  à 
multiplier  notre  am/Z^r/e  &  à  l'alléger  con- 
lidérablement  ;  on  fe  flatta  qu'en  diminuant 
nos  pièces  de  campagne  de  longueur  &:  d'é- 
paifleur,  on  perdroit  très-peu  fur  la  longueur 
&  fur  la  régularité  de  leurs  portées,  &  qu'ai  n'i 
allégées,  elles  pourroient,  trainées  par  des 
hommes ,  fuivre  le  mouvement  des  trou- 
pes, &  fe  combiner  facilement  avec  toutes 
les  difpolîtions.  On  réduifit  conléquemment 
à  ce  nouveau  plan,  les  pièces  de  12,  de  8 
&  de  4,  cà  la  longueur  dame  de  17  fois  le 
diamètre  de  leur  boulet,  depuis  le  fond  de 
l'ame  jufqu'à  la  bouche,  ou  18  diamètres 
depuis  la  platc-bande  de  culaife  jufqu'à  la 


ART 

bouche  ,  pour  leur  longueur  extérieure  ,  au 
lieu  de  24  diamètres  de  fon  borlet  qu'avoit 
l'ame  de  la  pièce  de  12,  de  25  qu'av_>it 
l'ame  de  la  pièce  de  8  ,  &  de  26  diamè- 
tres de  fon  boulet  qu'avcit  l'air.e  de  la 
pièce  de  4.  ÇV.  Canon  dt  hatailU.)  \\ 
tut  queftion  de  s'aflurer  par  des  épreuves , 
que  les  pièces  de  campagne  ,  dans  ces  nou- 
velles dimenfions ,  rempliroient  les  objets 
auxquels  elles  font  deftinées  ,  &  réiiniroient 
tous  les  avantages  de  celles  auxquelles  elks 
fuccédoient.  On  apporta  fans  doute  à  ces 
épreuves  toutes  les  précautions  &la  bonne 
toi  qui  accompagnent  toujours  le  dcfir  fm- 
cere  de  s'éclairer  fur  des  objets  très-im- 
portans  :  mais  lorfque  les  réfultats  en  furent 
publics  ,  les  opinions  qu'ils  auroient  dû 
réunir ,  fe  partagèrent  ;  &  la  queftion  refta 
tellement  indécife,  que  fauteur  de  \Effai 
général  de  Taciicjue ,  imprima  8  ans  après 
(chap.  de  rartillerie.J  «  Puifle  feulement 
le  gouvernem.ent  exciter  le  gériie  fur  cette 
branche  importante  du  militaire,  comme 
fur  toutes  les  autres ,  &  en  même  temps 
contenir  les  inquiétides  de  novateur  ,  ne 
pas  rejeter  fans  exan:en  &  ne  pas  adopter 
l'ans  épreuve  !  Puiffent  ks  épreuves  qu'il  or- 
donnera, n'être  pas  ce  que  j 'ai  oui  dire  qu'el- 
les éioient  trop  ibuvent ,  des  affemblées  ^ 
dont  le  réfultat  eft  connu  avant  qu'elles 
fe  tiennent ,  foit  parce  que  l'autorité  des 
officiers  qui  y  préfident  entraîne  &c  couvre 
toutes  les  opinions ,  foit  parce  que  chacun 
y  apporte  t'a  prévention,  plutôt  que  rim-* 
partialité  qui  veut  voir  avant  que  de  juger!  >♦ 

On  fit  de  nouvelles  épreuves  dont  les  ré- 
fultats ,  différens  de  ceux  des  premiers  ,  fu-s 
rent  plus  à  l'avantage  des  pièces  anciennes: 
les  deux  partis  s'en  prévalurent  &  chacun 
conferva  fon  opinion.  Pourfuivons  &  con- 
tinuons le  dérail  de  ce  qui  s'eft  fait  &  dit 
pour  &  contre  l'un  &  l'autre  fyfiême,  en 
prévenant  de  nouveau  ,  que  nous  ne  fom- 
mes que  rédaêteurs;  peut-être  que  ce  choc 
d'opinions  jetera  quelques  lumières  fur  l'objet 
important  que  nous  traitons  dans  cet  article.' 

Les  partifans  de  Vanaenne  artillerie,  cpn- 
viennenr  qu'il  feroit  fans  doute  bien  avan- 
tageux d'avoir  des  pièces  de  canon  aflcz 
légères  &  aflez  mobiles  pour  être  traînées  â 


(j)   Réponfe  de    l'autciir  de   l'Effai 


fur     rufige    de    l'flrrii/crie  à    celui    du   Vwit    ittitulé    :   AmlUtit   ncitvdlt. 


ART 

bra5  d'hommes,  l'ans  le  fccours  «les  clic- 
vaux  qui  s'ofTraient  ik  des  chatreîiers  cjui , 
foiiveiir  eiîrayés  eiix-niomes ,  (ont  liors  d'c- 
tat  de  les  conduire,  pour  l'uivrc  Se  accom- 
pagner les  troupes  chns  toutes  leurs  évolu- 
tions Se  iaurs  m  uiœuvres ,  &  pour  erre  aiutî 
portées  i\icce(]iveinant  &;  avec  rapidi'.é dans 
les  di.ierentcs  pofitions  où  leur  effet  devien- 
clroit  plus  utile,  depuis  le  conmicncement 
d'une  affaire  julqu'à  la  (in.  L'avantage  (e- 
roit  complet  li  iurnilirie ,  allégée  à  cette  in- 
tention ,  pouvoir  conserver  toutes  les  qua- 
lités c('ii  ("ont  propres  aux  pièces  bien  pro- 
portionnées :  mais  comment  oi'er  s'y  atten- 
dre ,  puil'que  l'expérience  a  montré  com- 
bien les  el'pérances  qu'on  avoir  conçues  à 
cet  égard ,  étoient  peu  (ondées  ? 

On  aefTTayé, ajoutent  les  partiHins  de  l'an- 
cien ("yiK'me  ,  de  (aire  marcher  ou  plutôt 
courir  avec  nos  bataillons,  des  pièces  nou- 
velles de  Il  &  de  o  ;  mais  quoiqu'allégées 
autant  qu'il  efl  poilible  ,  SsC  même  au  delà  , 
quelque  belles  &  unies  que  fuiTent  les  plai- 
nes où  l'on  a  (ait  ces  expériences  ,  quelque 
beau  temps  qu'on  ait  choidpour  les  tenter, 
les  canonaiers  attelés  à  ces  pièces ,  étoient 
hors  d'haleine  en  arrivant  fur  leur  terrain 
&  auroient  été  incapables  d'exécuter  leurs 
pièces.  Que  leroit-il  donc  arrivé  d;ins  des 
terrains  inégaux  ,  ou  dans  des  terres  labou- 
rées &  détrempées  par  les  pluies  ?  On  s'elt 
réduit  à  ne  faire  traîner  à  bras  d'homines , 
furies  ailes  des  bataillons ,  que  de  petites  pie- 
ces  de4:  mais  quelque  légères  qu'elles  ioienr, 
pourront-elles  lùivre  dans  route  forte  de  ter- 
rain, les  mouvemens  de  rin("anterie  (ans  les 
retarder  &  faire  perdre ,  par  ce  retard ,  tout 
l'avantage  qui  pourroic  réfulter  de  leur  cé- 
lérité ?  Pourront-elles ,  s'il  efl:  po(îible  de 
les  tirer  ainfi  en  courant  ,  produire  quel- 
qu'effet  utile  ,  avec  des  coups  nécefl'aire- 
ment  aufli  incertains  ?  Et  quel  avantage  pour- 
roit-on  fe  promettre  de  ces  pièces ,  dans  la 
néceflitéde  tirer  toujours  devant  elles ,  (ans 
pouvoir  prendre  une  polîtion  favorable  & 
ajuflerà  l'objet?  Quel  inconvénient  ne  ré- 
fultera-t-il  pas  de  leur  recul?  qu'arrivera-t-il 
fi  quelqu'obltacle  arrête  ou  retarde  leur  mar- 
che, (bit  en  avant,  (bit  en  retraite?  Le  corps 
auquel  elles  appartiennent  s'arrêtera-t-il  pour 
les  attendre?  Quelle  inlîuence  ce  retard  d'un 
corps  de  troupes  ne  peut-il  pas  avoir  lùr  le 


A  R  T     ^         ^  5^7 

fort  d'une  affaire  engaijée  ?  S'il  ne  s'arrête 
pas ,  elles  gêneront  la  marche  de  ceux  «(ui 
fuivent,  n'arriveront  pas  à  temps  &  ne  fcr- 
vnont  à  rien.  Mais  en  (uppoiaut  qu'aucun 
desaccidens  que  nous  venons  de  rapporter, 
n'aura  lieu.;  les  voitures  de  munitions  né- 
celfairesà  ces  pièces,  pourront-elles  les  (ui- 
vre  par-tout?  «  Il  n'y  a,  (  liti:ins-nous  dar.s 
la  Unie  en  rcponfe  aux  obfirvaùons  ,  P'iga 
66'.Jqu\  (e  rappcller  ce  qui  eft  arrive  à 
Metz,  dans  les  derniers  fimulacresde  bataille. 
Ne  fut-on  pas  oblige  deprendrede  grands  dé- 
tours poi:r  des  pièces  de  régiment?  Une  an- 
née auparavant  n"a-t-on  pas  eu  le  déplailir 
de  voir  tomber  une  de  ces  petites  pièces dani 
un  foilé  d'où  elle  ne  fut  retirée  qu'avec 
peine?  Comparons  ces  manœuvres  de  paix 
avec  celles  qu'il  faudroit  faire  pour  Cuivre 
tous  les  mouvemens  des  régimens  dans  une 
bataille  réelle,  S-C  l'on  Te  défera  delafaudé 
idée  que,  par-tout  où  les  cljevaus  peuvent 
palier ,  on  y  fera  pafler  une  petite  pièce  du 
nouveau  fyffême  :  mais  (juand  ces  petites 
pièces  de  régiment  paiTeroient,  fera-t-on  (li- 
vre les  voituiesiie  munitions,  pour  le  moins 
aulli  pefantes qu'autrefois?  Or,  que  font  les 
pièces  légères  (ans  munitions?  elles  embar- 
radent.  Il  y  a  plus  de  fanraronade  encore 
à  promettre  qu'où  les  chevaux  ne  pourront 
avoir  accès,  les  canonnieis  enlèveront  les 
pièces  avec  une  facilité  (îngu'iere.  Si  le  ter- 
rain eft  rempli  de  broU'ailles ,  fangeux,  la- 
bouré nouvellement  &  humide  ,  les  plus 
vigoureux  canonniers  (ulKron  t  à  peine  à  traî- 
ner cuielques  pas  les  pièces  de  régiment,  & 
l'erontméme  tbuvent  dans  rimpoiribilité  de 
le  taire.  Ceci  n'eft  pas  dit  au  hazard  ;  &  i'i 
la  prome(re  des  novateurs  eil  au  moins  in:- 
prudente  à  l'égard  des  petites  pièces  de  4  , 
comment  la  nommera-t-on  ,  relativement 
aux  pièces  de  12  &  de  8  ?  » 

«  Il  me  refîe  à  dire  un  mot  (lifons-nous 
dans  V  EJ]  ai  glncral  de  tactique)  dufyflêmc 
que  nous  avons  adopté  depuis  la  paix  ,  de 
ne  manœuvrer  nos  pièces  une  fois  entrées 
en  action  ou  prêtes  à  y  entrer ,  qu'à  bras 
d'hommes.  Ce  fy(îéme,qui  eftune  fuite  de 
l'allégement  de  notre  artillerie^  a  certaine- 
ment de  grands  avantages.  Il  ne  tant  pas 
pourtant  s'imaginer  que  cette  manière  de 
manœuvrer  !'(/r/i//t;r/epuifre  s'employer  par- 
tout. 1°.  Toutes  les  épreuves  qui  le  ibm 


568  A  R  T  ART 

ùires  A  cet  égard  dans  nos  écoles  ,  fe  font  ^  veau  Tyrti^ine  n'ont  donc  réellement  â  s'ap« 
polices  tur  des  luri-acespUneSjfolides  &;  fur      '      ''  ''  '  '  '       " 

lerquelles  le  canon  mené  à  bras ,  rouloit  fans 
effort.  Or ,  la  guerre  offrira  fouvent  des  ter- 
pains  difficiles,  efcarpés,  détrempés  par  les 
pluies,  où  la  manœuvre  deviendra  trop  lente 
6c  trop  pénible  pour  des  canonniers  ,  qui , 
après  avoir  mis  les  pièces  en  batterie ,  ont 
enfuite  befoin  de  force  &  d'adreffe  pour  les 
exécuter. 

1°.  J'admets  la  manœuvre  à  bras  pour 
tous  les  mouvemens  de  proche  en  proche. 
Il  y  en  a  une  infinité  d'autres  où  il  s'agira  de 
fe  mouvoir  rapidement ,  ou  de  parcourii  des 
diflances  confidérables ,  comme  pour  porter 
'•-=•  ^'arûlUrii  en  renfort,  d'une  colonne  ou 


(le 

d'un  point  à  un  autre,  pour  l'aifir  à  toutes 
j.imbes  un  plateau  avantageux,  pour  retirer 
Van'dliru  d'un  point  où  el;e  eiî  en  prife  ,  &c. 
Là  i!  faut  néceffairement  fé  fervir  de  che- 
vaux. N'embralfons  donc  point  de  méthode 
esclufive  fur  cet  objet. 

On  voit  par  les  pailages  que  nous  venons 
de  cirer ,  qu'il  faut  un  peu  rabattre  des  av^in- 
tages  qu'on  s'étoit  promis  rie  la  légèreté  des 
pièces  du  nouveau  (yftéme.  On  ne  doit  pas 
railonner  ici  de  pièce  à  pièce  en  particulier, 
mais  relarivemenr  à  la  maiié  totale  de  i'ar- 
tiUerie  d'une  grande  armée ,  à  lés  marches , 
à  fon  ul'age,  à  fon  exécution  raifbnnable, 
à  fon  véritable  effet. 

Premièrement  nous  avons  vu,  par  l'exem- 
ple de  cinq  ou  iîx campagnes,  parle  témoi- 
gnage encore  fubhftant  de  plufieurs  officiers 
ixaniLhrii  très-refpeftables,  &  par  l'auto- 
1  Ité  du  maréchal  de  Saxe ,  que  ces  avantages , 
tant  exagérés  aujourd'hui ,  n'ont  pu  fouienir 
le  règne  de  la  pièce  à  la  fuédoife ,  contre  l'u- 
fage  de  la  pièce  de  4  ordinaire.  Voilà,  ce  me 
femble ,  un  préjugé  bien  défavorable  aux 
pièces  courtes  deS  &.  de  12. 

En  fécond  lieu  les  nouvelles  pièces  de  8 
pefent  plus  que  nos  pièces  de  4  ordinaires , 
6i celles  (ic  II  courtes  prefqu'auiant  querios 
anciennes  pièces  de  0'.  Cependant  le  piojet 
eft  de  mettre  au  parc  pi  efqu'aurant  de  pièces 
nouvelles  de  8  ,  qu'il  y  avoit  de  pièces  de 
4  ordinaires  à  l'équipage  de  1748,  ck  plus 
de  pièce.'-  coûtes  de  1,1  ,  qu'il  ify  avoit  de 
pièces  longvies  de  8.  Les  partHims  du  iiou- 

(a)  Supplément  à  l'Effai   fur   rtifiiiTe  de  Viiiùl.n: ,  pigis  19  b    jo  ;  &  le   pt»cci   voi'oal   ils  i^'cmyis  fiitts  4 

ti'honunes  , 


plaudir  que  fur  un  très-petit  nombre  de  pie- 
ces  de  II  anciennes.  Si  le  parc  ett  un  peu 
allégé  par  rapport  à  quelques  pièces  de  ii , 
combien  n'eit-il  pas  lurchargé  par  les  mu- 
nitions qui,  en  général,  font  plus  em- 
barraffantcs  à  conduire ,  à  placer ,  à  confer- 
ver  que  les  pièces  mêmes  }  Le  nombre  des 
pièces  nouvelles  étant  fuppofc  triple  de  celui 
des  pièces  anciennes  dans  les  équipages  de 
crmpagne,  le  calibre  refîat*t  le  même,  il 
faudra  un  approviiionnement  triple  en  bou- 
lets ,  poudres ,  pièces  de  rechange  ,  &c.  On 
accordera  aux  petites  pièces  plus  de  célérité 
d'exécution  ,  autant  que  l'échauffement  des 
pièces,  la  néceffi té  d'éviter  les  accidens  qui 
accompagnent  cette  rapidité,  celle  de  diri- 
ger fes  coups,  &  enfin  autant  que  la  poffi- 
bilitè  d'avoir  des  munitions  iùffilantes,  peu- 
vent le  permettre  :  mais  fi  l'on  fe  contient 
prudemment  dans  ces  juftes  bornes ,  les  pie- 
ces  longues  peuvent  encore  tirer  trop  vite. 
Suppofons  que  la  pièce  courte  tire  trois 
coups  contre  deux  de  la  pièce  longue,  &  qu'il 
y  ait  trois  fois  plus  de  pièces  courtes  qu'on 
n'en  emploie  de  longues  :  le  poids  des  muni- 
tions des  pièces  courtes ,  fera  à  celui  des  mu- 
nitions des  pièces  longues ,  comme  9  eft  à 
2.  De  là  l'augmentation  indifpenfable  de  che- 
vaux &  de  voitures,  6c  par  conléquent  un 
furcroît  d'embarras. 

Pour  détruire  enfin  le  reproche  de  trop 
de  pefantcur  qui  ne  peut  raifonnablemeut 
tomber  que  fur  les  pièces  de  1 2  ,  &  relever, 
en  pafîant,  l'épithete  de  païa/iei^ue, qui  a 
été  donnée  à  notre  ancienne  artillerie  par 
les  partilàns  de  la  nouvelle, nous  en  appel- 
lerons au  témoignage  de  tous  les  militaues 
qui  ont  fait  la  guerre,  &  qui  ont  été  à  por- 
tée d'en  voir  les  effets.  Ils  n'auront  pas  ou- 
blié, pour  ne  citer  qu'un  fait,  qu'à  la 
bataille  de  Raucoux  ,  non  f'eulementles  pie- 
ces  de  12,  mais  même  celles  de  16  ,  pré- 
cédèrent les  troupes  à  l'attaque  6i  à  ia  pour- 
fuite  des  ennemis.  Ça) 

Ayant  donc  étéreconnu  que  les  nouvelles 
pièces  de  12  &  dei>,  Se  même  celles  de  4, 
dans  i)iendes  uccafjons,étoient  encore  trop 
pelantes  pour  accompagner  les  troupes  dans 
leurs  marches  rapides,  crnnt  rrainées-^î  bras 


ART 

d'h.immcs  ;  une  longue  evp^rience  ayant 
d  ailloi-r?  prouvé  que  nos  pièces  de  campa- 
gne, d<iiis  les  diincnfions  fixées  pai  rordon- 
nancede  rjli,  avoient  toujours  été  portées 
à  temps  dan>  J>;s  emplacemens  qu'elles  dé- 
voient occuper,  &f  que  par  conicquent, 
elles  ne  méritoienf  ,oas  le  reproclie  qu'on 
leur  a  fait,  rclativemca  à  leur  poids;  exa- 
minons maintenant  lefqufc.'lcs  des  anciennes 
pièces  &  des  nouvelles ,  méritent  la  prété- 
rence ,  relativement  à  leur  portée  &  à  la  juf- 
telfe  de  leur  direftion.  Prenons  le  journal 
des  épreuves  faites  à  Douai  avec  une  pièce 
de  4  longue  ,  &c  une  pièce  du  nouveau  fyflè- 
me  •,  il  auroit  été  à  fouhaiter  que  ces  épreuves 
comparatives  eufient  éié  faites  en  même 
temps  avec  les  pièces  de  1 1  &f  de  8. 

«  Le  but  des  épreuves  exécutées  à  Douai, 
(  lifons-nous  dans  ce  proces-xcrhal ,  p.  2j 
&Juiv.)  pour  la  comparaiibn  des  pièces 
de  4  lontjues ,  &  des  pièces  de  4  courtes  du 
nonveau  mode'e  ,  étant  d'apprécier  le  mé- 
rite des  deux  elpeces  de  pièces  pour  la  guerre; 
on  nifiitera  particulièrement  fur  les  portées 
horizontales,  ou  celles  qui  en  approchent  le 
plus ,  parce  que  les  coups  tirés  fous  des  angles 
trop  élevés  n'agiffent  que  par  leur  cliûte 
&  par  plongée,  à  la  manière  des  bombes 
dont  ils  n'ont  pas  les  éclats;  parconféquent 
les  coups  tirés  de  cette  manière  ne  peuvent 
frapper  une  ligne  de  trois  hommes  de  pro- 
fondeur, que  par  le  plus  grand  hazard;  de 
plus ,  dans  la  confidération  des  portées,  on 
fera  entrer  les  ricochets;  i'*.  parce  que  les 
boulets  ne  partent  point  fous  l'angle  donné 
à  la  pièce ,  à  caufe  des  battemens,  les  por- 
tées de  volée  font  une  indication  peu  exafte 
de  la  force  communiquée  aux  boulets ,  & 
que  les  ricochets  font  un  complément  à  cette 
indication ,  puifqu'ils  fe  font  en  vertu  de  la 
force  qui  n'a  pas  été  employée  avant  la  pre- 
mière chiite;  i".  parce  que  fous  l'horizon- 
tale &  aux  environs,  qui  doivent  être  les 
direftions  d'ulage  à  la  guerre,  les  ricochets 
s'élevant  peu ,  feront  autant  de  mal  à  l'en- 
nemi que  les  coups  de  volée ,  &  lui  eau  feront 
plus  de  frayeur  &c  de  défordre.  Or  il  ré- 
fulte  du  procès-verbal  des  épreuves ,  que  de- 
puis l'horizontale,  jufqu'à  fix  degrés  incluli- 
vement,  il  y  a  eu  315  coups  fur  4^  en  faveur 
de  la  pièce  longue,  &c  10  feulement  pour 
la  pièce  courte  :  fur  quoi  il  faut  remarquer 
Tome  IJJ. 


ART  569 

que  ces  dix  coups  favorables  à  la  courte, 
ont  tous  été  fous  l'horizontale  &c  fous  trois 
degrés,  dircdions  fous  le'.quelles,  fuivant  le 
procès-verbal,  les  ricochets  de  la  pièce  lon- 
gue ont  été  confidérablement  plus  loin  que 
ceux  de  la  pièce  courte;  de  forte  qu'ayant 
égard  aux  ricochets ,  comme  on  a  lait  voir 
qu'on  le  devoit,il  n'y  aura  peut-être  pas  un 
feul  coup  pour  la  pièce  courte,  fauflesac- 
cidens  &  erreurs  inévitables  qui  doivent 
avoirété  quelquefois  en  fa  faveur.  Comment 
ne  pas  conclure  que  la  diflérence  dans  les 
portées  totales,  c'eft-à-dire,  y  compris  les 
ricochets,  eft  affez  grande  pour  qu'un  artil- 
leur inftruit  ne  puifle  pas  la  regarder  comme 
de  peu  de  conféquence  ?  puifqu'avec  la 
pièce  longue,  on  pourra  afTurer  les  coups, 
dans  le  temps  qu'avec  la  courte  ,  on  ne 
pourra  tirer  qu'à  coups  perdus ,  &  qu'on 
pourra  prendre  des  direftions  obliques  ôc 
croifer  fes  feux,  dans  le  temps  qu'avec  la 
pièce  courte ,  on  ne  pourra  employer  que 
le  feu  direct.  » 

L'expérience  a  donc  confirmé  ce  qu'avoit 
indiqué  la  théorie ,  qu'une  pièce  courte  , 
toutes  condidons  égales  d'ailleurs ,  a  une 
moindre  portée  qu'une  pièce  plus  longue  de 
même  calibre.  (  f^oyei  Canon  de  bataille.  ) 
Les  partifans  des  pièces  courtes  convinrent 
en  elTet,  après  les  expériences  de  1764,  que 
les  portées  de  ces  dernières  font  moindres 
que  celles  des  pièces  longues,  d'environ  '^o 
à  60  toifes;  or  dans  combieiî  d'occafions 
cette  diminution  de  portée  n'eft-elie  pas  une 
perte  réelle  }  s'il  s'agit  de  favorifer  un  pafiage 
de  rivière  que  nous  voulons  exécuter,  ou 
de  nous  oppofer  à  ce  que  l'ennemi  conf- 
truife  fes  ponts  &  la  paiTe;  quel  avantage  ne 
doit-on  pas  fe  promettre  des  pièces  qui  au- 
ront la  plus  longue  portée  dans  ces  fortes 
d'occafions,  où  les  finuofités  d'une  rivière , 
fa  grande  largeur  ,  fes  bords  fangeux  & 
bourbeux ,  ne  permettent  pas  toujours  d« 
choifir  l'emplaceinent  le  plus  à  portée  de 
l'objet  qu'on  veut  battre  }  L'expédient  qu'ont 
propoié  les  novateurs,  de  porter  les  pièces 
courtes  plus  en  avant,  pour  regagner  cette 
diminution  de  portée,  n'eft  donc  pas  ad- 
miffible  dans  ce  cas,  &  lorfque  des  marais , 
des  rivières,  des  ravins  &  autres  obflacles 
en  empêchent  abl'olument.  De  quelle  con- 
féquence n'eft -il  pas  d'ailleurs  d'atteindre 

Zzz 


^70  ART 

l'ennemi  à  une  diftance  où  Tes  boulets  fte 
peuvent  pas  venir  julqu'à  vous?  vous  em- 
pêcherez (es  manœuvres  &  (es  dirpofitions, 
vous  démonterez  fes  pièces,  avant  qu'elles 
aient  été  mifes  en  batterie  à  la  portée  qui 
leur  convient.  S'il  eft  queftion  de  s'oppofer 
à  un  débarquement,  ne  compfera-t-on  pa^ 
p®iir  quelque  choie  la  poiïibilité  de  tirer  fur 
des  bateaux,  &■:  de  les  atteindre  à  une  plus 
grande  diftance  ?  5-:  quel  défordre  n'y  jet- 
îerez-vous  pas  en  brifant  les  rames,  en  em- 
portant les  rameurs ,  8sC  en  coulant  les  ba- 
teaux à  fond?  Nous  pourrions  citer  d'autres 
circonftances,  où  la  longueur  de  la  portée 
€Û  d'une  très-grande  conféquence  ;  mais 
tout  militaire  qui  a  quelque  expérience  fe 
les  rep'éfen'era  aifément ,  &  concevra i'mi- 
portaiîce  d'avoir  des  pièces  qui ,  dans  des 
proportions  plusexaftes  que  celles  des  enne- 
mis ,  aient  fur  elles  une  Tupérioriié  marquée. 
Obier vons  encore  que  la  pièce  qui  poite  le 
plus  loin ,  imprime  au  boulet  une  plus  grande 
vîtefle,  &  par  conléquent  luie  plus  grande 
force  ,  d'où  il  réfulte  un  grand  avantage  , 
loriqu'll  eil  queftion  de  rompre  &  d'ou- 
vrir des  retraiicliemens,  des  abattis ,  despa- 
liflades ,  les  murs  de  quelques  portes ,  & 
autres  obftac'es  dont  Tennemi,  qui  connoî- 
îroit  la  nature  de  vos  armes,  ne  manque- 
roit  pas  de  fe  couvrir  pour  vous  réduire  à 
l'impoffibilité  de  l'attaquer  autrement  que 
par  u.ne  inlulte  de  vive  force,  où  l'on  per- 
droit  l^eaucoup  de  monde  avant  de  réuliir. 
Si  le  principal  mérite  du  canon  efl:  de  pré- 
parer le  chemin  à  la  vifloire,  il  paroit  efTen- 
îiel  d'employer  des  pièces  qui  puiffent  im- 
primer au  boulet  une  vîtefle  afl^^ez  grande 
pour  atteindre  de  très -loin,  &  une  force 
iliffifante  pour  détruire  les  diitérens  obftacles 
que  l'enneiTii  peut  oppofer  dans  la  guerre 
«le  campagne.  Remarquons  de  plus  que  pour 
rapprocher  les  portées  des  pièces  nouvelles 
de  ce'le-  des  pièces  anciennes .  on  a  aug- 
menté le  diainetre  des  boulets ,  afin  qu'ayant 
moins  de  vent ,  ils  laiflent  moins  de  vuide 
entre  leurfurface  &:  les  parois  intérieures  des 
pièces;  d'où  il  réfulte  la  dillicuhé  ,  pour  ne 
rien  due  de  plus,  de  tirer  à  jjoulets  rouges 
au  beloin  ;  car  chacun  fait  que  le  kr,  comme 
les  autres  met  uix  ,  augmeiVe  de  volume 
étant  chauffé,  &  les  boulets,  dans  cet  état 
de  renflement    ne  peuvent  plus  entrer  dans 


ART 

leurs  pièces.  Ajoutons  encore  que  ces  pièce? 
feroient  trop  courtes  pour  être  exécutées 
dans  des  embrafures  ,  reflburce  qu'on  ne 
pourroit  pas  fe  procurer  dans  les  occafions 
où  il  feroit  avantageux  de  s'en  fervir.  Le 
recul  des  pièces  courtes  a  encore  des  in- 
convéniens  qui  peuvent  tirer  à  conféquence , 
car  il  a  été  vérifié  pli.fieurs  fois  que  le  recul 
de  la  pièce  ancienne  de  ii  fur  un  terrain 
ordinaire,  étanr  de  3  à  4  pies  ,  celui  de  la 
pièce  de  1 1  courte  ,  étoit  de  143  16. 

«  C'eft  en  vain ,  dit  le  procès-verbal  des 
épreuves  faites  à  Douai  ,  qu'on  vord  oit 
pallier  les  reculs  exceflifs  de  !a  pièce  de  4 
cour  e,  on  en  a  fenti  les  inconvéniens;  on 
a  prévu  l'embarras  de  regagner  ccminuiil-»- 
lement  un  terrain  perdu,  &  ceux  qui  err 
doivent  ré  ulter,  à  caufe  de  l'affociationdes 
pièces  courtes  avec  l'infanterie  :  on  a  prévu 
enfin  que  la  pièce  longue,  dont  le  recul  efl 
plus  que  moitié  moind:e,  pourroit  tirer 
ians  rilque  tur  des  rideaux  &  autres  terrains', 
étroits ,  où  la  pièce  courte  le  culbuteroir 
elle-même  par  ion  rccul.  » 

Terminons  l'article  des  portées  par  une- 
dernière  obfervation  que  nous  avons  céja 
indiquée;  mais  qui  paroît  trop  importante 
pour  n'y  pas  revenir  avec  plus  de  détail.  La 
pièce  courte  ayant  une  moindre  portée  que 
la  pièce  la  plus  longue ,  le  boulet  qu'elle  pro- 
jettera ayant  reçu  une  moindre  force  d'im- 
pulfion,  décrira  une  courbe  moins  allongée, 
&  frappera  l'objet  qu'elle  atteindra  ,  ious- 
un  angle  plus  ouvert,  en  tendant  à  s'appro- 
cher plus  promptement  de  la  terre ,  après 
l'avoir  frappé.  Il  eft  aifé  de  fe  repréfenter  le- 
peu  d'effet  du  boulet,  dans  ce  cas,  fi  l'on. 
réfléchit  à  ce  qui  arriveroit  s'il  toniboit  ver" 
ticalement;  il  eu  évident  qu'il  ne  frappe- 
roit  qu'un  point;  or  plus  fa  ligne  de  chiite 
ajiprochera  de  la  verticale,  moins  il  em- 
portera d'hommes  à  la  fois  dans  une  bataille, . 
moins  il  fera  de  défordre  dans  les  pièces  &c 
les  aftïits  d'une  batterie  ennemie,  &  moins- 
il  fera  fufceptible  de  taire  des  ricochets ,  ma- 
nière de  tirer  le  canon,  fi  deft;u(fiive.  Voici 
comment  s'explique,  fiir  cette  queflion  in- 
lérefîante  ,  l'auteiir  de  YEJjjiJur  l'u/f-ge  àt 
l'artillerie  (hns  la  réponle  à  l'auteur  du  lu.  e 
intitulé  :  artillerie  nouvelle. 

«  Moins  la  hauteur  du  jet  eft  conildéra- 
ble,  ou  ce  qui  cft  la  même  choie,  plus  la.. 


ART 

f^eourbe  que  décrit  le  bouler  ert  rapplatîe , 
flu  d^iTin  d'un  terrain  (enfiblcment  horizon- 
tal, plus  les  hommes  qui  fe  trouvent  fur  ce 
ter  ai n  entre  le  point  précis  du  but  en  blanc 
&.la  batterie,  ibnt  expo  es  à  recevoir  le 
coup  ;  de  forte  que  û  cette  haïueur  n'étoit 
que  di  q.iatre  pie  ,  par  exemple  ,  un  homme 
pi  .ce  llir  qu-lqae  point  de  la  ligne  que  ce 
fur ,  entre  les  deux  interjeèlions  de  la  ligne 
de  mire  S:  de  la  trajeftoire,  leioit  frappé  du 
boulet.  (  f^oyci  Canon  ae  hutailU.  ) 

Au  co. Traire,  plus  la  hauteur  du  jet  fera 
grande  fur  le  même  tenani ,  plus  i!  y  aura 
de  p')(î:ions  enfre  le  bat  en  b'.anc  5i  la 
bit  en e. ou  l'ennemi  ne  feroit  pomt  frappé, 
le  cano  inier  vifant  toujours  à  lui ,  le  long  de 
fa  pièce. 

Si  donc  de  deux  pièces  de  même  calibre , 
l'une  a  le  diameire  de  fa  cu!ai]e  beaucoup 
plui  grand ,  relativement  à  {\\  long:'eur  & 
au  diameire  de  fon  bourlet ,  que  l'autre  , 
la  première  aura  fon  but  en  blanc  plus 
éloigné  que  la  féconde  ;  mais  aufîî  h  haureur 
du  jet  i'era  plus  grande,  &  par  coniéquent 
fes  coup5  feront  plus  incertains  quand  l'en- 
nemi s'approchera  de  la  batterie,  dans  la 
fuppofitionque  le  canonnier  vifera  toujours 
à  lui ,  ou  ce  q  li  revient  au  même, ne  baiffera 
pas  fa  pièce  ,  taute  très-ordinaire. 

Préfentement  li  les  deux  pièces  ont  leurs 
dimenfions  proportionn^-Ues  ,  mais  que  la 
plus  longue  porte  fon  boulet  foixante  toifes 
plus  loin  que  l'autre  ,  elle  aura  un  but  en 
blanc  plus  éoigaé  que  la  plus  courte  ,  & 
pour  que  la  pl-is  courte  frappe  au  mé.Tie 
but  en  bhnc  ,  il  faudra  lui  donner  plus 
d'élévation.  » 

Les  partifans  de  l'ancienne  artillerie  de 
M.  de  Valiere ,  concaient  de  -  Là  qi.ie  les 
pièces  de  i  2.  £i  de  bi,  du  nouveau  fylteme  , 
quoique  rnoins  pefanres  que  les  anciennes 
des  injmes calibres,  l'étant  encore  trop  pour 
fuivre  les.mouvemens  des  troupes  &  être 
traînées  à  bras  dans  louces  fortes  de  terrains, 
elle;  doivent  occuper ,  comme  les  anciennes. 
le  centre  &  les  ailes  de  la  bataille  &  les 
différentes  polirions ,  où ,  réunie  >  en  nomb  e 
iulfiiant,  elles  croiferont  leurs  feux  &  pren- 
dron  l'ennemi  en  ri  me  iSc  même  de  revers 
s'il  eft  poffible  :  mais  que  ces  picces  coui'te.s 
ne  pouvant  opérer  avdn'a';e\ileme.;t  ce- 
fftfwis,  par  l'é.évation  qu'on  eft  ob.igé  de 


ART  571 

j  leur  donner,  elles  ne  fuppléeront  pas  les 
j  anciennes  pièces  df)n'  le  bouler  pouvoit  em- 
I  porter  dix  à  douze  honuncs  .à  la  fois ,  en 
;  parcourant  une  ligne  plus  approchante  de 
j  l'horizontale  ,  &  caufer  par-!à  un  bien  plus 
\  grand  déford'-e  &  une  bien  plus  grande 
.  perte  dans  les  corps  ennemis  en  Its  fiaipant 
■  fous  un  an-;le  plus  aigu,  ce  qu'il  n'eil  pas 
\  pollib'e  de  fe  promerfe  avec  les  pièces 
raccourcies  du  nouveau  iy freine. 

S'appuyan:   enfui  e   fur   le   réfihat    des 

j  cpreuvesde  comparaifon  ,fiitesà Strasbourg; 

,  en  1764,  par  lelqiielles  il  ell  proavéc(ue  les 

,  pièces  de  4  anciennes ,  portoient  plus  loin 

I  que  les  pièces  de  8  nouvelles ,  &  prerqu'aufîi 

j  loin  qi'e  les  pièces  de  1 2  nouvelles  ;  que  de 

I  plus ,  la  pièce  de  4  longue  portoit  mieux 

I  fa  cartouche  que  la  pièce  à  la  fliédoife ,  q4ii 

'  eft  une  pièce  de  4  courre  Ç f^oye^  Canon 

di  bataille.);  qu'étant  d'ailleurs  avéré  par 

un  long  ufige  ,  que   la  pièce  de  4  longue 

peut  être  tranlf)ortée  par -tout  où  quatre 

hommes  peuvent  palfer  de  front  ;  on  de- 

vroit,par  toutes  ces  raifons,  préférer  même 

la  pièce  de  4  longue ,  aux  pièces  de  1 1  &  de 

8  raccourcies,  fuivant  le  nouveau  fyftéme. 

S'il  eft  prouvé  par  la  théorie,  confirmé 
par  l'expérience  &  avoué  par  les  partifans 
même  du  nouveau  fyfléme,  que  les  pièces 
courtes  ont   une  moindre  portée  que  leî 
pièces  anciennes,  dans  les  mêmes  calibres, 
il  n'eft  pas  moins  certain  que  la  diredion  des 
premières  eft  moins  jufle  &  moins  fûre  : 
défaut  qui  réfùlte  de  leur  conflruftion.  Le 
renflement  du  bourlet  efl  trop  rapproché  de 
la  plate-bande   de  culaffe;  &  la  ligne  de 
mire,  ou  rayon  villiel,  qui  rafe  les  parties 
(aillantes  du    métal ,  fe  trouvant  d'autant 
phn  courte  que  la  pièce  l'eft  elle-m^ne  d,.- 
van-age,  la  diredion  en  eft  d'autant  moins 
exaéle.  Loriqu'on  veut  prendre  fur  le  ter- 
rain un  alignement  un  peu  étendu ,  on  ne 
peut   difc<'nvenir  qu'il  fera  d'autant   moins 
exift  que  l'inflrument  qu'on  emploiera  fera 
plus  court.  La  longueur  de  la  pièce  repré- 
fente  l'inflrument  ;  plus  elle  fera  longue, 
plus  la  direiftion  fera  fiûre.  Si  on  préfère  , 
avec  raifbn  ,  une  longue  alidade  îk  un  gra- 
phometre  d'un  g- and  rayon,  pour  opérer 
avec  juftefTe  ,  la  plus  longue  pie;e  de  canon 
doit  avoir ,  à  plus  forte  rail'on ,  la  préférence 
fur  la  plus  courte  pour  la  jufleflé  de»  duec- 

Zzz  i 


57t  A  ^^  "I",. 

tions ,  piûfciue  ces  bouches  à  teii  n'ont  point ,  j 
comme  les  infîrumens  en  quedion  ,  des  pi- 
niiles  dont  la  forme  &  la  dirpofition  con- 
courent à  l'exnditude  de  l'opération.  Cet 
inconvénient  eft  cc/mmun  à  toutes  les  pièces 
courres  ,    quelque    bien     proportionnées 
qu'elles  Ibient  d'ailleurs  ;  mais  il  fera  encore 
plus  grand  fi  le  diamètre  de  la  culatîe  excède 
de  beaucoup  celui  du  bourlet ,  parce  qu'a- 
lors la  ligue  de  mire  feroit  extrêmement 
plongeante ,  rencontreroit  la  ligne  de  cire 
très-près  de  la  bouche,  &  formeroit  avec 
elle  un  angle  très-ouvert.  La  ligne  de  tire 
s'éléveroit  d'autant  plus  au  defliis  de  la  ligne 
de  mire  ,  à  une  certaine  diftance  ,    après 
leur  interjeftion,  que  la  différence  des  dia- 
mètres de  la  culalTe  &  du  bourlet  feroit  plus 
grande.  Auflî  le  défaut  naturel  de  ces  fortes 
de  pièces  eft  de  porter  le  boulet  rrop  haut. 
Nous  trouvons  dans  VEJfai  fur  fufage  de 
/'artillerie , page;^  4 ,  «  qu'en  1744,  le  comte 
de  Belle-Isle  attaqua  un  corps  d'Autrichiens 
dans  la  forêt  de  Brompt  :  ils  firent  contre 
les  François  un  feu  aflez  vif  de  quelques 
pièces  de  3  courtes  &  groffes  à  la  culaffe  , 
Jans  tuer  un  feul  homme  :  tous  les  coups 
alloient  frapper  le  haut  des  arbres  :  c'eft  un 
fait  dont  piufieurs  olEclers  peuvent  encore 
rciidre   témoignage.   Les  canonniers  Alle- 
mands font  auflî  braves  Si  aufli  bons  que 
ceux  des  autres  nations  de  l'Europe ,  pour- 
quoi donc  tiroient-ils  fi  mal.''  C'eft  qu'avec 
des  pièces  confl:ruites  comme  celles  qu'ils 
avoient  à  manœuvrer,  il  faut,  à  une  cer- 
taine difiance  ,  pointer  beaucoup  plus  bas 
que  l'objet,  &  que  fout  foldat  dirige  natu- 
rellement fon  coup  d'œil  le  long  du  métal 
de  fa  pièce ,  vers  le  point  qu'il  veut  frap- 
per. Nos  pièces  à  la  fuédoife  étant  pointées 
à  un  but  diftantde  iSotoifes ,  le  boulet  paffe 
de  quelques  pies  au  delfus.  » 

C'eft  un  principe  avoué  généralement , 
(  EJfal  fur  rufhge  de  /"artillerie,/',  j-''  6- 
fuiv.  )  qu'il  efi  difficile  d'aflurer  le  coup  de 
boulet  à  400  toifes  de  diftance ,  mi^me  avec 
nos  pièces  longues ,  fur  un  petit  objet  ou  une 
troupe  qui  marche.  A  plus  forte  raifon  y 
trouvera-t-on  de  la  difficulté  avec  des  pièces 
plus  courtes  ,  par  la  feule  raifon  de  leur 
peu  de  longueur,  qui  mettra  dans  la  nécef- 
fité  de  les  tirer  fous  tel  angle  d'élévation 
que  le  coup  en  deviendra  plus  incertain  & 


ART 

de  moindre  effet ,  malgré  la  précaution  qu'on 
a  prife  de  ne  pas  rendre  excelfi\e  la  diffé- 
rence du  diamètre  de  la  culaffe  &  de  celui 
du  bourlet.  Il  fuit  de  cette  obiervation  que 
leur  direction  fera  plus  jufte  que  celle  des 
pièces  à  la  (uédoile  ,  qui  font  plus  ma!  pro- 
portionnées ,  mais  qu'elle  le  fera  moms  que 
celle  de  nos  anciennes  pièces  ,  dans  les 
mêmes  calibres  :  d'où  il  réfulte  qu'elles  font 
inférieures  à  celles-ci  dans  la  vîtelle  &  la  force 
qu'elles  impriment  au  boulet  &  rlans  la 
jurtefle  du  tir,  deux  inconvéniensqui  pa"oit- 
fent  aux  partilans  de  l'ancienne  artillerie^ 
d'une  grande  conféquence  dans  toutes  les 
occafions  de  guerre  où  on  peut  employer 
le  canon ,  pour  frapper  à  des  débouchés 
diflans  de  400  toifes  ck  plus ,  ou  des  troupes 
qui  fe  tormeroient  à  cette  même  diftance. 

Il  ne  faut  pas  conclure  ,  de  cette  difficulté 
d'afTurer  le  coup  de  boulet  à  400  toifes  , 
qu'il  ne  faille  jamais  tirer  de  canon  à  cette 
diftance  &  même  au  delà  ,  avec  des  pièces 
bien  proportionnées  qui  peuvent  atteindre 
les  objets  ,  fans  être  fenfiblement  élevées  à 
l'horizon  :  c'eft ,  comme  nous  l'avons  déjà 
obfervé ,  fur  une  maflTe  de  troupes  qu'on 
dirige  l'es  feux  ;  &  ceux  de  piufieurs  pièces 
réunies  peuvent  alors  caufer  un  grand  dé- 
tordre,  &  de  plein  faïet  &  à  ricochet,  ù 
leurs  dimenfions  les  rendent  propres  à  ces 
effets ,  &  fi  la  batterie  n'eft  pas  trop  élevée 
au  deflus  du  niveau  de  la  campagne  :  car  on 
fait  l'avantage  que  M.  de  Valiere  tira  des 
pièces  de  la  &  de  8 ,  qu'il  avoir  placées 
fur  la  colline  entre  Aftembek  &  le  bois, 
avec  lefquelles  il  rompit  le  corps  des  Hcl- 
fois  &  des  Hariovriens  qui  fe  difpofoient 
à  fondre  lur  nos  troupes  au  fortir  de  ce 
village. 

Cet  exemple  ne  contredit  point  une  ma- 
xime prouvée  par  la  raifon  &  par  l'expé- 
rience, qu'il  ne  faut  pas  placer  le  canon  de 
préférence  fur  des  hauteurs  trop  élevées , 
parce  qu'a'ors  les  coups  font  plongeans  8c 
in.certains.  C'eft  au  coup  d'œil  &  à  l'expé- 
rience à  juger  de  ces  (brtes  de  pofitions  , 
qui  font  toujours  favorables  lorfque  le  com- 
mandement de  la  batterie  n'eft  que  de 
1 5  à  10  pies  fur  une  étendue  d'environ  300 
toifes. 

Nous  établirons  une  autre  maxime  avec 
i  i'duteur  de  KEffuifur  Cufage  de  f artillerie. 


A  RT 

qui  n'eft  pas  moins  iiniiortaiite;  «  c'eft  que 
les  batteries ,  pour  avoir  un  effet  décifitclaiis 
une  affaire,  doivent  être  fortes  &:  ie  proté- 
ger réciproqucmenr.  Cela  n'exclut  pas,  con- 
tinue !e  )nc;ne  auteur,  l'avantase  des  bat- 
teries plus  tbibles  &  plus  éloignées  les  unes 
des  autres,  c'eft  le  meilleur  qu'on  propoCe 
fans  rejeter  le  bon  »  :  les  circonftances  dé- 
terminent d'ailleurs  entre  le  plus  &  le  moins  ; 
mais,  autant  qu'il  eft  pofllble,  il  faut  s'en 
tenir  à  la  maxime  qu'on  ne  peut  nier ,  &; 
dont  la  vérité  eft  reconnue  par  les  militai- 
res même  qui  font  le  moins  d'accord  fur 
les  autres  points.  Voici  ce  que  dit  l'auteur 
de  VEJJai  t^ênéral  de  Taclicjiie ,  à  l'occafion 
d'un  général  habile  qui  oferoit  s'écarter  de 
l'opinion  reçue  &  n'auroit  que  150  pièces 
de  canon,  avec  une  armée  de  100  batail- 
lons ,  égale  à  celle  de  fon  ennemi ,  mais 
qui  auroit  400  pièces  de  canon.  Tous  les 
avantages,  dii-il,  feront  du  côté  du  premier. 
I!  n'aura  point  ce  que  nous  appelions  dos 
pièces  de  régiment,  parce  qu'il  calculera 
que  ces  pièces  n'ont  pas  des  portées  afftz 
longues  &  affez  décifives  •,  que  difperj'ées  & 
formant  de  petites  batteries,  eWes  ne  remplif- 
fent  point  de  grands  objets Ses  bat- 
teries mieux  difpofées ,  mieux  emplacées , 
mieux  exécutées ,  des  pièces  d'un  calibre 
plus  décifif ,  des  prolongemens  plus  habi- 
lement pris,lui  donneront  encore  l'avantage. 
L't;ftimable  auteur  qui  a  écrit  contre  VE/- 
fai  général  de  Tactique ,  qui  réunit  à  de  pro- 
fondes connoifTances  unelongue expérience 
de  guerre ,  dit ,  dans  un  ouvrage  fur  les  opi- 
nions qui  partagent  les  militaires  :  «<  Que 
pourra-t-on  oppofer  à  mes  démonftratioiis.^ 
Le  nombre  de  canons  très-augmenté  dans 
les  armées  depuis  le  commencement  du  fic- 
elé? Mais  l'augmentation  ne  porte  que  iur 
de  petites  pièce ^  fort  peu  dangereufesy/e//i;j 
'font féparées  \  &  (i  elles  font  réunies  par 
brigades  fur  la  ligne  ,  c'efl  une  raifon  de 
plus  pour  ne  pas  s'y  expofer  long-ttmps.-- 
Les  batteries  d''une  certaine  force ,  cnmpofées 
de  pièces  du  parc  &  du  calibre  de  8  au 
moins,  bien  placées  ,  fontéffeftivement  re- 
doutables &  méritent  coniidération.  Les 
partifans  de  la  nouvelle  artillerie  ne  font 
pas  fi  blâmables  lorfqu'ilsdifenr  que  le  canon 
doit  à  prélent  décider  les  batailles  ;  au- 
xreloiâ  ils  penfoient  feulement  que  par  des 


ART  î7î 

pofitionsbien  choifies  ?>c  par  imfervieebien 
:!irigé,  ils  influolent  fur  le  kiccès.  Des  pré- 
tentions Il  fingulicres  naiffent  naturellement 
de  l'efpece  de  tadique  dont  on  fe  fert. 

Nous  finirons  ce  qui  regarde  les  petites 
pièces  éparpillées  le  long  de  la  ligne,  par 
ce  que  nous  difons  dans  le  fiioplément  à 
l'cjjai  fur  l^ufagc  de  r artillerie.  «  Qur.nt  à 
^artillerie  fixement  attachée  aux  bataillons, 
elle  ne  peut  être  trop  le  gère  ,  de  quelque 
côté  qu'on  l'envifage  :  plus  on  épargn(ârafur 
ce  point,  plus  on  méritera  d'éloges  ,  car  elle 
coûtera  toujours  trop  en  conAruff  ion  6<  mu- 
nitions pour  l'avantage  que  l'état  en  tirera 
dans  les  batailles.  » 

U  n'en  fera  pas  de  même  des  fortes  bat- 
teries dont  nous  venons  de  parler ,  lefquel- 
les  occupant  despofitions  favorables ,  pour- 
ront croifer  avantageufement  leurs  feux  fur 
des  corps  de  troupes  à  la  difiance  de  «500 
toifes  &  plus  loin  encore,  fur-tout  fi  len  pie- 
ces  de  Il  &  de  8,  dont  elles  feront  co:n- 
pofées ,  ont  l'avantage  de  porter  loin,  fous 
le  moindre  angle  d'élévation  :  mais  il  faut 
alors  tirer  lentement  &  fe  donner  le  temps 
de  pointer  &  de  juger  de  l'effet  de  fes  coups. 
Ce  font  les  circonfl:ances  qui  décident  le 
commandant  éclairé  d'une  batterie,  &  qui 
lui  font  juger  de  l'avantage  ou  de  Tinutilité 
de  tirer  à  de  grandes  diftances  :  c'eft  la  quan- 
tité de  munitions  qu'il  a  ;  c'eft  le  befoin  qu'il 
prévoit  en  avoir  dans  la  fuite  de  l'aftion  ; 
c'eft  l'effet  de  fon  feu,  c'eft  enfin  fon  expé- 
rience oc  fes  lumières  qui  le  déterminent. 
Que  n'a-t-il  pas  à  fouffrir  dans  ces  occa- 
fions,  dertmpreffement,  fouventindifcret, 
des  troupes  qui  l'environnent  ,  lefquelles 
vouciroient  toujours  voir  ^artillerie  en  ac- 
tion &  entendre  du  bruit ,  même  lorfqu'il 
eft  évident  qu'il  feroit  fans  effet  :  fituation 
pénible  ,  mais  dont  il  eft  bien  dédommagé , 
lorfque  dans  la  fuite  de  l'affaire,  fes  mr.ni- 
tion$,fagementéconomifées,fonte!r.ployée$ 
avec  autant  de  faccès  que  d'éclat. 

Dans  quelque  circoimance  que  ce  foit , 
on  doit ,  au  lieu  de  tirer  par  falve ,  ne  tirer 
qu'un  coup  après  l'autre  ,  en  forte  que  le 
teu  foit  continu;  c'eft  la  manière  la  ])1hs 
liire  d'inquiéter  l'ennemi ,  de  lui  faire  tout 
le  mal  poftible  &  de  ne  lui  pas  donner  un 
moment  de  relâche.  Sans  s'écarter  de  cette 
maxime,  dont  la  vérité  ne  fera  pas  coutef-; 


574  A  R  T  ^ 

tée,il  faut  tirer  vivement  à  20Ô  toifeî  âe 
dillaiice ,  parce  que  le  coup  commence  à 
devenir  certain,  &  à  loo  toifes  très-préci- 
pitamment parce  que  le  feu  devient  alors 
aulh  meurtrier  qu'il  peut  l'être ,  &  une  troupe 
qui  y  ("eroit  expoliie,  fans  pouvoir  l'évi- 
ter ,  le  foutiendroit  difficilement  fans  le 
rompre. 

Ap'ès  avoir  parlé  de  la  légèreté  de  Yar- 
tUUiie  du  nou\eau  fyftcme  ,  dont  fes  par- 
tifans  ont  prétendu  tirer  de  fi  grands  avan- 
.tages;  après  avoir  montré  ce  que  les  pie- 
xes  raccourcies  perdoient  iur  la  longueur 
&  la  reditude  des  portées ,  nous  devons  en- 
trer dans  quelque  détail  fur  le  canon  tiré  à 
carroiche.  Cette  queftion  tient  au  fyftême 
aftusl  de  taftique  qui  paroît  univerfellement 
adopté  par  toutes  les  piiilTances  de  l'Europe, 
6c  doit  néceffairement  entrer  dans  cet  ar- 
ticle ,  dont  VartilUrie  de  campagne  eft: 
l'objet  :  nous  le  terminerons  par  quelques 
réflexions  rurfcconomie  qu'on  a  cru  devoir 
réfulter  du  nouveau  fyflèrùe  &  fur  la  dégra- 
dation des  chemins  que  la  nouvelle  artille- 
rie devoir  plus  ménager  que  l'ancienne,  par 
rapport  à  (a  légèreté. 

M.  Jo'y  de  Mdiiéroy  ,  auteur  auffi  efli- 
mable  que  militaire  zélé,  nous  d:r  dans 
l'avant-propos  de  l'ouvrage  fur  les  opinions 
qui  partagent  les  militaires ,  que  «  depuis 
lefiecîe  de  Charles  V  &  de  François  I,  où 
l'on  vit  renaître  en  Europe  la  fcience  delà 
guerre,  l'infanterie  conftituée  fur  les  prin- 
cipes des  anciens',  s'y  étoit  foutenue  (ans 
.contradiftion  jufqu'après  la  paix  de  Nime- 
gue,  en  167S.  Lesfufilsquicommençoient 
alors  à  fuccéder  aux  m.ou'quets,  étant  plus 
maniables  &  plus  faciles  à  tirer,  firent  pren- 
dre infenfiblemenr  du  dégoût  pour  les  pi- 
ques, 1  invention  de  la  baïonnette  coniri- 
buoit  encore  à  l'augmenter ,  de  forte  que 
les  piques  fnrent.entiérement  abandonnées 
.en  1703  ;  ce  fat  M.  de  Vauban  qui  déter- 
mina Louis  XIV  à  les  (uppnmer,  époque 
qui  doit  être  remarquable  dans  l'hif^oire  de 
notre  taftique.  Peu  d'années  après  toute 
l'infanterie  fut  armée  de  fufils  avecla  baïon- 
nette à  donillj ,  &  la  plupa  t  imagineien' 
que  l'arme  de  jet  devoit  être  délbrmais  pré 
pondérante:  cette  idée  ayant  p-is  faveur., 
on  ne  penfa  plus  qu'à  fe  laiiger  dans  ur 
ordre  qui  parût  propre  à  faire  ul'age  de  toia 


ART 

Ton  feu;  on  oublia  totalement  celui  qui  con- 
venoicle  mieux  pour  la  charge  S;  qui  avoit 
été  précédemment  comme  la  forme  natu- 
relle de  l'infanterie. 

Il  auroit  femblé  que  l'ordre  mince  &t 
cette  ex'rême  confiance  qu'on  met  aujour- 
d'hui dans  le  feu,  ne  pouvoier.t  !e  concilier 
avec  i'impérueufe  vivaci'é  de  la  natioa 
françoifé,  fi  bien  connue  de  foutes  les 
au'res  :  quoi  qu'il  en  foit  de  cette  difciffion 
qui  n'cfl  cependant  pas  étrangère  à  notre  fu- 
jet,  il  fuirit  de  dire  que  toutes  les  puiffarces 
de  l'Europe  ayant  adopté  la  formation  des 
bataillons  fur  trois  de  hauteur  ,  on  a  cru 
qu'on  ne  pourroit  réfifler  au  feu  de  leur 
infanterie  &  de  leur  noir.breufe  artillerie, 
qu'en  leur  oppofan:  des  ttoupes  rangées  dans 
le  même  ordre ,  une  artillerie  auffi  nom- 
breufe  que  la  leur  ,  & ,  par  ce  moyen  , 
un  feu  aulTi  bien  nourri  que  le  leur.  De-là 
notre  ordonnance  actuelle  ;  de-là  nos  exer- 
cices ,nos  feux  de  pelotons ,  de  divifions, 
de  deux  rangs  :  de-là  VartilUrie  légère  &C 
multipliée  :  de-là  les  coups  decaron  à  car- 
touche préférés  aux  boulets ,  même  à  de 
trop  grandes  diftances. 

Ce  même  fyflême  de  taiflique  ayant  pré- 
valu, il  eft  certain  que  les  partifans  de  la 
petite  artillerie  avoient  un b^au champ  pour 
défendre  leur  opinion.  Vous  voulez  du  feu , 
ont-ils  dit  ,  vous  y  mettez  toute  votre  con- 
fiance ,  vous  abandonnez  les  armes  de 
longueur  qui  niettoient  votre  iniarite^  ie  dans 
le  cas  de  le  défendre  contre  la  cavalerie  & 
même  de  l'attaquer  ;  vous  voulez  qie  les 
François  fi  impétueux  &  ii  déterminés  à  en 
venir  promptement  aux  mains  ,  à  fondre 
brulquem.enr  fur  l'ennemi  ,  à  l'artaqucr  de 
vive  force  même  dans  des  po.'ks,(lans  des 
retranchemens  ,  craignent  de  le  joindre  à 
découvert  &  reftent  en  panne  CNpofes  au 
feu  de  la  moulqueterie  îk  de  Vartillern  ,  , 
feu  d'autant  plus  redoutab'e  que  lesnations 
que  vous  prenez  pour  modèle  ,  en  tont  Itur 
principale  affaire  Ôi  qu'il  convient  à  leur 
cataftere  :  vousé  eignezlabouillanteardeur 
des  Fi ançois ,  vous  enchaînez  leur  courage, 
vous  voulez  gêtier  les  i'avantesdifpofitions, 
la  valeur  du  général  h.djile  qui  fera  a  leur 
lête.  Il  faut  donc  nt.us  corii^-mcr  à  \os 
.■ues  &  à  vos  nouveaux  principes ,  &:  c<>pier 
its  puifiancescttangeies  dans  la  patrie  qui 


ART 

nous  regarde  ,  comme  vous  le  copiez  dans 
toutes  les  autre'  ;  i!  luut  multiplier  XarcUUrie 
&  devenir  iupcieur  à  l'ennemi ,  dans  le 
genre  même  qui  parut  toujours  nous  con- 
venir le  moins  ;  nous  aurons  comme  lui 
deux  petites  pièces  de  quatre  attachées  à 
clnqiie  bataillon  (  celles  de  5  conviendroient 
même  mieux  parleur  extrême  légéreré  pour 
fuivre  les  mouvemens  des  tro'jp^fs  ).  La 
portée  de  nos  petites  pièce;  fera  ailez  longue 
&  la  force  du  boulet  plus  que  f'ufRian.e 
pour  emporter  trois  hommes  de  file  ,  puil- 
que  les  bataillons  ennemis  font  formés  fur 
trois  de  huiteur:  cette  formation  préfen- 
tant  un  grand  front  fur  peu  de  profoi'.deur , 
nous  tirerons  bien  plus  à  mitrai'le  qu'à  bou- 
let,  à  200,  même  à  300  toiles.  Chaque 
coup  vomira  41  balles  de  fer  battu  qui 
fortiront  d'une  boîie  à  culot  de  fer  ,  lequel 
donnera  la  mort  à  celui  qu'il  frappera,  & 
chaque  coup  de  canon  équivaudra  ,  en 
eutre,  à  quarante  &  un  coups  de  fuiilrnous 
mettrons  par-là  plus  de  monde  hors  de 
combat,  quoique  nos  pièces  tirent  encou- 
rant &  toujours  vis-à-vis  d'elle^.  Dirigées 
par  les  mêmes  motifs,  nos  pièces  de  parc 
de  II  &  de  8  feront  emplacëes,  fi  on  ne 
peut  pas  les  traîner  à  bras  à  la  fuite  des  trou- 
pes ,  &  n'ayant  à  tirer  que  fur  des  corps 
minces ,  il  fera  très-avantageux  de  les  tirer 
à  cartouches ,  inême  à  de  très-grandes  dif- 
tances.  Si  nous  tuons  peu  de  monde,  nous 
ferons  des  bleffures  multipliées  à  un  point 
qui  fe  conçoit  à  peine,  &  nous  mettrons 
plus  d'ennemis  liors  de  combat,  ce  qui  eft 
notre  véritable  objet  &  le  plus  raifonnable 
qu  on  puifTe  fe  propoler.  Nous  dirigerons 
la  vivacité  naturelle  au  François  du  côté 
du  feu,  &  nous  ferons  fupcrieurs  à  nos 
ennemis,  mêm;  à  cet  égard,  par  la  vîtefTe 
de  notre  exécution,  &  parla  formidable 
multitude  de  nos  pièces  de  canon  :  elles 
pefent  beaucoup  moins  que  les  anciennes  : 
elles  coûteront  donc  moins  &  elles  gâteront 
moins  le;  chemins.  Ne  critiquez  pas  notre 
petite  anilurie  ,  puifqu'elle  tient  à  votre 
raftique,  qu'elle  eft  néceiïaire  à  votre  or- 
donnance, qu'elle  eft  une  fuite  de  vos  prin- 
cipes ,  puifqu'enfin  vous  ne  pouvez  la  blâ- 
mer fans  tomber  en  contradiifiion  avec 
vous  même. 
.Voilà  en  fubftance  ce  que  nous  avons 


ART  575 

entendu  dire  en  faveur  de  la  nouvelle  artil- 
lerie; &  nous  convenons  avec  notre  impar- 
tialité ordinai'e  ,  qu'il  n'efl  pas  aifé  d'y 
répondre,  à  inoins  d'attaquer  le  fy/îênie 
aftuel  de  taftique  en  totalité,  domVaitille- 
rie  n'efi:  qu'une  branche.  On  a  vu  une  partie 
des  réponfes  qui  ont  été  faites.  FinitTonscfi 
qui  nous  refte  à  rapporter  fur  cette  impor-  , 
tante  matière,  &  renvoyons ,  pour  le'refte,  '( 
à  VEJfai général di  tactique ,  &  aux  ouvrages 
qifi  Font  réfuté. 

11  paroît  par  les  épreuves  faites  à  Straf- 
bourg,  &  les  grandes  diftances  auxquelles  on 
y  tiroit  les  coups  à  mitraille ,  qu'on  eu  dans 
le  deflTein  d'employer  des  boîtes  de  fer  blanc 
terminées  par  un  culot  de  fer,  &  rcinplie^ 
de  quarante-une  billes  de  fer  battu ,  de  pré- 
férence aux  boulets,  contre  les  règles  de 
l'ancienne  pratiquée/''.  Qk'SO'S  dcbataille_); 
mais  en  fuppofantque  dans  tous  les  terrains 
&  à  tous  les  niveaux ,  on  auroit  à  la  guerre 
des  réfuhats  pareils  à  ceux  qu'on  nous  a 
donnés  des  épreuves ,  ce  qifi  ne  peut  fe  fup- 
pofer,  on  ne  peut  pas  dire  que  cette  qualté 
de  bien  porter  la  mitraille,  foit  particulière- 
aux  pièces  courtes ,  car  celles  qui  feroient 
plus  longues  auroient  encore  la  fupériorité  à 
cet  égard,  ainli  que  l'expérience  l'a  prouvé:' 
c'ert  d'ailleurs  une    maxime    reconnue  de 
tous  les  anciens  officiers  à^ artillerie^  que  les  • 
boulets  font  généralement  plus  de  mal  of 
caufent  plus   de  défordre  que  les  coups  à 
mitraille  :  fi  les  ennemis  fonr  formés  fur  trois 
de    hauteur,   on   cherchera  des    pofitions 
avantageufes  pour  les  battre  d'écharpe  &  en 
âanc  :  les  longues  pièces  auroat  la  fupério- 
rité fur  les  courtes  dans  ces  poutions',  on  ne 
peut  en  douter,  &  dans  l'impofTibilité  de 
faire  courir  les  unes  &  les  autres  à  la  fuite 
des  troupes,  on  les  y   pi  icera  ;  quant  aux 
petites  pièces  de  régiment  qui  tireront  en 
courant,  fur  des  hauteurs  ou  dans  des  fonds 
(  car  les  champs  de  bataille  ne  font  pas  des 
furfaces  planes  comiricles  champs  d'épreu- 
ve }  ,  leur  effet  fera  nul  ou  prefque  nul. 

Il  efl  encore  reconnu  que  les  grappes  de 
raifin  6i  les  boîtes  de  fer  blanc  remp'ies  de 
petits  mobiles,  ne  font  pas  d'un  auffi  bon 
ufiige  que  les  balles  de  munirion  renfermées 
dans  des  lacs  d'une  toile  légère,  &  que, 
quelle  que  foit  l'efpece  cie  mitraille  que 
l'on  emploie,  on  ne  doit  felervirdes  pièces  ■ 


57  '  ART 

de  canon,   pour  cet  ufage,  que  lorfqu'on 
eft  fort  près  de  l'ennemi.  Les  coups  à  mi- 
traille ,  ajoute-t-on ,  n'ont  qu'une  portée  mé- 
diocre ,  font  arrêtés  ou  dérournés  de  leurs 
routes  par  de  légers  obftacles  :  une  partie  des 
petits  mobiles  palTe  au  deiTus  de  la  troupe 
contre  laquelle  ils  étoient  dirigés ,  une  parue 
tombe  en  avant  fans  l'.itteindre  ,  &  la  pe:i:e 
qi'.antiré  qui   pourroit  frapper,  à  une  trop 
grande  diftance ,  ne  fait  que  des  blelFures  lé- 
gères qui  n'infpirent  point  d'effroi.  L'effet 
i'era  moindre  encore  fi  les  mobiles  font  de  ter 
battu  &  léger ,  par  la  réfiftance  qu'ils  éprou- 
veront de  la  part  de  l'air,  &  par  la  direc- 
tion qu'ils  prendront  au  fortir  de  la  boîte 
qui  les  renferme,  laquelle   ayant  un  mou- 
vement de  rotation  en  fortant  de  la  pi*:e  , 
ne  s'ouvrira  que  très- rarement  de  la  manière 
la  plus  favorable   à  PefFet  du    coup.    Les 
grappes  de   raifin ,  dont   les  mobiles  font 
ficelés  &t   ferrés   dans  une    toile    forte  & 
goudronnée  ,  ne  fe  féparent  qu'avec  peine , 
en  fortant  de  la  pièce  &  prennent  un  mou- 
vement de  rotation  qui  les  éloigne  de  leur 
diretlion  :  ces  grappes  de   raifin  ,  comme 
les  boîtes  de  fer  b'anc  ,  ne  peuvent  fervir 
qu'aux  pièces  dont  elles  ont  le  calibre,  au  lieu 
que  les  balles  roulantes  conviennent  à  toutes, 
s'écartent  moins  de  leur  direction  ,   parce 
qu'elles  ont  plus  de  maffe  fous  un  moindre 
volume,  &;  qu'elles  n'ont  point  d'obftacle  à 
vaincre  en  fortant  de  la  pièce  :  étant  d'ail- 
leurs en  plus   grande   quantité  (  iz  livres 
dans  une  pièce  de  12,  &c.  ) , elles  bleffent 
plus  de  monde  à  portée  moyenne,  occa- 
fionent  par  -  là  plus  de  défordre  dans  une 
troupe.  Si  font  conféquemment  plus  utiles 
&  d'un  tout  autre  effet,  lorfqu'elles  font 
tirées   de   près ,  c'eft-à-dire  ,  à  60  ou  80 
toifes ,  diftance  que   la  bonne    pratique  a 
déterminée  pour  les  employer,  au  delà  de 
laquelle  on  doit  toujours  préférer  les  boulets. 
Écoutons  l'auteur  de  ÏEJfaifur  Cufage  de 
r arùlUrii^Çp .8 .)(\\x\  nous  rapporte  quelques 
faits  qui  doivent  convaincre  que  les  coups 
de  canon  à  cartouche  ,  à  balles  roulantes , 
font  auffi  meurtrières  de  près  qu'ils  font  peu 
dangereux  de  loin  :  des  témoins  oculaires 
de  quelques-uns  de  ces  faits ,  exiftent  en- 
core &  en  garantilfent  la  vérité. 

»  A  la  journée  de   Malplaquet,  M.  de 
Maléfieu   commandoit  pluficurs    batteries 


A  RT 

aucentre  des  mauvais  retrancherrens  élevés 
à  la  hâte  pendant  la  nuit  précédente  :  un 
nombrede  bataillons  tous  François ,  réfugiés 
en  Hollande ,  las  d 'être  expofés  à  tes  boulets, 
fe  précipitèrent,  pour  l'attaquer ,  avec  l'ar- 
deur de  la  nation  ,  excitée  par  la  haine  &c 
par  l'efprit  de  parti  ;  ils  fouffrirent  encore 
quelques  volées  dans  leur  courfe  ;  mais  prêts 
à  monter  fi.ir  les  retranchemens ,  ils  efluye- 
rent  de  toutes  les  pièces  une  grêle  de  balles, 
qui  les  mirent  dans  un  défordre  dont  ils  ne 
purent  revenir. 

A  Giiaftale ,  une  batterie  de  8  ou  10 
pièces  de  4 ,  placée  à  notre  gauche  ,  &c 
i'outcnue  par  le  régiment  de  Champagne, 
avoir  employé  Tes  boulets  avec  fuccès;  mais 
elle  commençoit  à  en  manquer  &  le  trouvoit 
forcée  de  diminuer  fes  feux.  Les  ennemis 
s'en  apperçurent  bien  vîte,  &  rélolurent  de 
s'emparer  de  cette  batterie  qu^  les  avoit 
arrêtés  jufque-là ,  &  de  pouffer  les  troupes 
qui  la  défendoient  ;  ils  s'avancèrent  donc 
en  bon  ordre  &  d'un  pas  précipité  ,  pref- 
qu'aflufés  de  la  réufTue.  A  leur  approche  , 
un  des  officiers  de  cette  batterie  courut  à  la 
caiffe  des  balles  que  Ton  met  ordinairement 
avec  les  boulets  :  les  pièces  lurent  prompte- 
ment  chargées  d'une  quantité  fuflfifante  de 
ces  balles  qui  furent  tirées  de  fort  près  fur  les 
Allemands;  &  l'effet  en  fut  fi  meurtrier  , 
qu'ils  furent  plies  à  l'inftant ,  &;  prirent  la 
fliite. 

On  cite  ,  lifons-nous  ,  dans  le  même 
ouvtage  ,  à  l'occafion  des  cartouches  tirées 
detroploin,  la  perte  que  tirent  les  bataillons 
françois  dans  les  vergers  de  Bergen.  Uii 
pareil  fait  cft-il  bien  propre  à  les  mettre  fi 
fort  en  crédit .''  Les  ennemis ,  dit-on,  après 
avoir  perdu  la  bataille  ,  placèrent  vingt 
pièces  deleurgroireamZ/irw ,  fur  la  hauteur 
qui  domine  ces  jardins,  à  la  diftance  de  ■l'\0 
toiles  environ ,  &  ç.-AX\onx\zxtM  fi  vivement 
nos  noupespendanc  quatre  lieures,que  nous 
eûmes  fept  ou  huit  cents  hommes  de  tués  ou 
bleftcs.  Il  eft  ailé  de  calculer  la  dépenle  &C 
l'efletde  cette  célèbre  canonnade  à  cartou- 
ches :  tirez  de  chaque  pièce  un  coup  par 
minute,  ce  n'eft  pas  faire  un  fiu  bien  vif. 
A  ne  (lippofer  que  cela ,  les  ennemis  tirèrent 
4800  coups  pendant  les  quatre  heures ,  & 
voilà  fix  coups  pour  tuer  ou  blefter  un 
i  homme  ».  (  En  ne  fuppofant  la  cartouche 

que 


ART 


ART 


577 


<Jue  de  41  telles ,  ce  qui  cfl  vraifcmWable- 1  trouvé  à  nombre  d'adions  l'anglantcs  ,  coir 
"ce  tiLii  hit  employé  dans     iervc  au    tond  de  Ion  cœur    des  lentimcn 


groife   artillerie  y  c'cll  2.16 


rient  au  il.-iious  die 

des  pièces  de 

balles  pour  ruer  ou  bleiier  un  homme.  ) 

"Mais  réduilons  le  nombre  des  coups  ù 
\a  moitié  ,  les  ad.nirateurs  outrés  des  coups 
à  initraiile  ,  n'airont  pas  encore  iujet  de 
trioiviphc-r  ;  le  même  nombre  de  coups  à 
boulets  bie;i  tirés  auroit  produit  un  eflet 
double  &  peut-être  triple.  » 

Nous  ajouterons  un  tait  dont  nous  avons 
<!té  témoins,  c'trt  qu'avant  été  expoiés  avec 
une  troupe  d'environ  ti\  bataillons ,  formée 
iur  quatre  de  hauteur  ,  au  feu  de  deux  pièces 
courtes ,  qui  tiroient  avec  des  cartouches  de 
ter  blanc  ,  de  ioo  coups  au  moins  qui 
turent  tirés  à  150  ou  zoo  toiles,  il  n'y  eut 
pas  un  homme  tué  ni  blefle. 

Voil.'i  deux  expériences  de  guerre ,  qui ,  de 
l'aveu  des  partis  les  plus  divilés  d'opinions, 
lontles  plus  déciiives  ;  cependant  l'auteur  que 
n'">MS  venons  de  citer  ,  les  répéta  à  la  Fcre  en 
^760  ,  pour  latislaire  la  curiollté  de  pluhcurs 
témoins.  Les  réfùltats  de  ces  épreuves  vinrent 
complètement  i\  l'appui  des  exemples  cités  , 
&  confirmèrent  que  les  balles  renfermées 
d-ansdes  lacs  de  toile  ,  avoient  l'avantage  fur 
celles  qui  étoient  renfermées  dans  des  boîtes 
de  fer  blanc.  Les  partilans  des  anciennes  mé- 
thodes en  conclurent  que  ,  quelle  que  foit  la 
<"^rtouche  qu'on  préfère ,  on  ne  doit  em- 
pfoycrcettc  manière  d'exécuter  le  canon  qu'à 
ICO  toiles  pour  la  grande  diftance  ,  &  entre 
60  ou  80  pour  la  diflance  moyenne  ,  &  de 
très-près  pour  les  effets  décilifs  ;  que  dans 
tous  les  autres  cas  ,  les  boulets  doivent  être 
préférés  aux  cartouches  ,  d'autant  plus  que 
l'cfTct  des  boulets  eft  encore  augmenté  par  la 
terreur  &  l'eiTroi  qu'ils  infpirent:  car  ils  attei- 
gnent à  de  très-grandes  diflances;  ils  épou- 
vantent par  leur  iiflement ,  ils  hrifent  tout  ce 
qu'ils  rencontrent  dans  leur  courfe  rapide  ; 
ils  emportent  phifieurs  hommes  à  la  lois  ;  & 
leurs  membres  déchirés  &  fanglans ,  les  éclats 
des  obffacles  qu'ils  ont  fracalîés ,  font  de  nou- 
velles armes  qui  portent  au  loin  l'ép'îuvante  & 
la  mort ,  &  qui ,  par  le  fpeftacle  atï^x-ux  qu'el- 
les offrent ,  intimident ,  fur-tout  les  nouveaux 
loldats  qui  n'en  ont  pas  encore  vu  de  pareils. 
Il  efl  fans  doute  cruel  pour  un  mil  taire 


d  humanité  ,  d'être  obligé  ,  par  état ,  de  faire 
Ion  étude  des  moyens  les  plus  eflicaces 
d'opérer  la  deflruftion  de  Ç*^  lemblables , 
de  rechercher  les  armes  dont  les  eiiets  font 
les  plus  terribles  &:  les  plus  meurtriers  ,  & 
de  dilcutcr  de  lang  froid  la  manière  la  plus 
cruelle  &  la  plus  barbare  de  les  employer. 
M-ais  l'état  de  guerre  étant  devenu  fi  com- 
mun aux  hommes ,  la  voie  la  plus  lùrc 
d'abréger  celles  qui  fe  font  fi  louvent  fur 
des  motifs  trop  légers ,  feroit  peut-être  de 
In  faire  d'abord  très-vivement ,  &  qu'une 
puilTànce  dont  la  réputation  d'équité  feroit 
aulll  bien  établie  que  méritée  ,  le  rendît  aulll 
redoutable  par  les  forces  que  par  la  manière 
de  les  employer  ;  afin  qu'en  accablant  les 
ennemis  tout  à  la  fois  ,  elle  leur  fît  bien 
connoître  le  danger  auquel  on  s'expofe, 
en  troublant  injuftement  la  paix  des  nations  i" 
les  guerres  feroient  moins  longues  &  par 
conléquent  moins  deflruûives  ;  caria  faim  , 
les  fatigues  &  la  milere  font  périr  plus  de 
foldats  que  le  ter  &  le  feu.  (j) 

Puilfe  ,  au  furplus  ,  le  flambeau  de  la 
religion  &  de  la  philofophie  éclairer  les 
hommes  fiir  leur  véritable  intérêt,  leur  vrai 
bonheur  !  Puiflênt  les  fouverains  de  la  terre 
goûter  dans  leurs  règnes  longs  &  paifibles  , 
l'ineflimable  bonheur  d'être  les  bienfaiteurs  , 
les  pères  de  leurs  fujets  !  Puilfe  notre  patrie 
jouir  d'une  paix  éternelle  &  d'un  bonheur 
confiant  !  Alors  nous  ne  regretterons  ni  les 
maux  que  nous  avons  fbuffèrts  ,  ni  le 
que  nous  avons  verlé  pour  elle. 
&  bâtons-nous  de  terminer  cet  article. 

Les  partilans  du  nouveau  fyftême  d'jm/- 
lerie  ont  beaucoup  fait  valoir  l'économie  qui 
rélultoit  de  ces  nouveaux  établiiferiiens ,  & 
ont  prétendu  de  plus  que  Ici  équipages  d'j/"- 
tillerie  ,  formés  Iur  le  nouveau  plan  ,  dégra- 
deroicnt  moins  les  chemins  que  ceux  d'au- 
trefois. On  leur  a  répondu  qu'il  étoit  bien 
vrai  que  chaque  pièce  pelant  moins  en  par- 
ticulier que  la  pièce  ancienne  du  calibre 
,  chaque  pièce  nouvelle  coû- 
mais  qu'en  les  multipliant , 
air.fi  qu'on  fe  propolê  de  le  faire  ,  la  maffe 
totale  feroit  plus  chère  pour  le  métal  &  la 
façon.  Pour  s'en  convaincre ,  a-t-on  dit  ,  U 


lang 

Pourfuivon* 


corrclpoiittant 
teroit  moins  ; 


qui ,  après  avoir  fervi  long-temps  &  s'être 

'(itjStpihs  e>]!mpeyinri.%  qulttn  \u^n.'ic07if:imitexercUHm ;  ij'  firrofi.'LiOr  f.xmcs ejl.  Vegece. 
Tome  m.  A  a  ail 


37 


S 


ART 


n'y  a  qu'à  comparer  le  nombre  des  pièces 
c\u\  étoicnt  attachées  aux  armées  de  Flandre 
pendant  la  guerre  de  1740  à  1748  ,  avec 
felui  qu'on  projette  d'employer  ;\  l'avenir, 
oui  eft  prefqiie  triple  :  après  cette  comparai- 
{xm  ,  l'économie  prétendue  difparoîrra  rela- 
tivement au  métal  &  à  la  façon  ;  fi  l'on  con- 
fidere  cnfuite  l'approvliionnement  d'un  pa- 
reil nom.bre  de  pièces ,  à  2.C0  coups  cha- 
cune ,  tant  er  boulets  qiii'en  cartouches  ;  fi 
l'on  fait  attention  que  ces  cartouches  coûtent 
fept  fois  plus  que  le  boulet  du  mém.e  calibre , 
&  qu'elles  ont  pkîs  de  volume;  fi  l'on  re- 
marque que  la  quantité  de  poudre  fera  fcn- 
fiblemcnt  i^ugmcntcc  ,  on  verra  combien  les 
roiturcs  du  parc  feront  multipliées  :  nou- 
velle augmentation  de  dépenfe  pour  leur 
conllruclion  ,  &  nouvelle  augmentation  en 
attelages  &  en  charretiers.  Loin  donc  de 
voir  de  l'économie  dans  les  nouveaux  projets, 
les  partifans  des  anciens  ufages  n'y  voient 
tju'un  furcroît  de  dépenfe  confidérable.  ^ 

Ils  répondent ,  en  îecond  lieu  ,  que  fi  les 
chemins  Ibnt  un  peu  ménagés  par  la  dimi- 
nution de  malTe  ,  de  quelques  pièces  de  12. , 
celles  de  ce  calibre  de  dim^îniions  nouvelles 
les  gâteront  autant  que  les  anciennes  pièces 
de  8  ;  que  celles  de  8  nouvelles  les  gareront 
plus  qne  les  anciennes  pièces  de  4;  que  ce 
petit  avantage  des  pièces  de  11  allégées  n'efl 
pas  à  comparer  avec  les  dégratlations  occa- 
fionées  par  le  nombre  de  voitures  du  parc 
&  par  celui  des  pièces  ,  qui  efl  pins  que  dou- 
blé; enfin  ils  concluent  que  le  nouveau  iyf- 
tême  d'iirtilL  rie  eft  plus  difpcndieux  que  l'an- 
cien ,  plus  embarraflant  dans  les  marches, 
&  que  les  chemins  en  i«rontplus  prompte- 
ipent  gâtés  &  dégradés. 

Nous  obfcrverons  ici  avec  l'auteur  de 
VEJfai  fur  Viifage  de  l'artillerie  y  que  nous 
ne  taifons  pas  entrer  en  ligne  de  compte  les 
voitures  de  munition  ,  néceilàires  atix  pièces 
de  régiment ,  ni  ces  pièces  elles-mêmes  ;  Hins 
quoi  le  nombre  des  voitures  feroit  jilus -^ue 
doublé  :  nous  n'avons  entendu  parler  que 
nu  feul  parc.  Si  l'on  dit  que  ^artillerie  ne 
fuivra  plus  le  même  chemin,  comme  autre- 
fois ( Siippl.  à  riljfai  fur  l\ifage  de  l'artille- 
rie ,  pag.  32..)  "  je  répondrai  que  rien  n'ei\:- 
pêcboit  autrefois  de  prendre  les  mêmes  pré- 
cautions pour  hiciliier  les  marches  ,  &  qu'on 
l'a f.dt  dans  les  dernières  campagnes ,,  fur  quoi 


ART 

j'obfervera!  encore  qu'a  force  de  promettre 
au  miniflere  ,  aux  généraux  &  aux  troupes 
de  paiïer  légèrement  par-tout  avec  M  artille- 
rie ,  nous  pourrons  ,  en  plus  d'un  lieu  ,  nous 
trouver  fort  embarraffés  ,  fi  ce  n'eil  pour  les 
pièces  de  régiment ,  au  moins  pour  les  mu- 
nitions &  pour  les  autres  pièces.  Malheur 
alors  aux  officiers  chargés  de  la  marche  ,  & 
peut-être  au  corps  entier  !  " 

N'oublions  pas  ,  avant  déterminer  ,  une 
maxime  de  laquelle  il  feroit  très-dangereux 
de  s'écarter  ,  c'efl  que  ,  lorfqu'on  porte  de 
V artillerie  en  avant  de  la  ligne,  elle  doit  être 
foutenue  par  des  compagnies  de  grenadiers 
d:  même  par  des  bataillons  ,  fuivant  la  con- 
jonûure  ,  &  que  les  batteries  &  les  troupes 
qui  les  protègent  &  qui  en  font  protégées , 
ne  doivent  jamais  s'abandonner. 

Si  l'on  vouloir  tout  dire ,  on  feroit  ur» 
très-gros  livre ,  ai  ifi  que  nous  l'avons  ob- 
fervé  au  commencement  de  cet  article  que 
nous  terminerons  ici ,  en  concluant  de  tout 
ce  qu'on  y  a  lu. 

i".  Que  trop  compter  fur  V artillerie  ,  ou 
la  regarder  comme  inutile  dans  les  combats , 
font  deux  excès  qui  décèlent  la  partialité. 

2°.  Que  ï artillerie  eft  préférable  ,  à  tous 
égards ,  aux  machines  de  jet  des  anciens. 

3".  Que  l'artillerie  de  la  France  eut  aflcz 
conftamment  la  fupériorité  fur  celle  des  pui(- 
iances  étrangères. 

4".  Qu'il  lemble  qu'on  doit  préférer  une 
artillerie  peu  nombreufe  ,  mais  bien  diri- 
gée ,  à  une  m.ultitude  de  pièces  de  canon , 
qui  rendroit  les  marches  des  armées  pelantes 
&■  diftîciles  ,  &  qui  pourroit  mêm.e.,  dans 
bien  des  cas  ,  empêcher  des  mouvemens 
dccilîfs  par  la  difficulté  des  fubfiftance-:.  SL 
on  répond  qu'alors  on  en  fupprimeroit  une 
partie,  c'eft  convenir  de  fon  inutilité  dans 
bien  des  occalions. 

5°.  Que  le  plus  fort  calibre  qu'on  doive 
mener  en  campagre  ,  eft  celui  de  12  ;  &  que 
il  on  fait  entrer  des  pièces  de  16  dans  un 
équipage  de  campagne  ,  ce  doit  être  en  pe- 
tite quantité. 

6°.  Que  nos  pièces  de  canon,  dans  chaque 
calibre  ,  coulées  dans  les  dimcnfionsde  l'or- 
donnance de  173^1  ont  une  portée  plus  lon- 
gue &  des  direflions  plus  {ù\cs  que  cies 
pièces  plus  courtes  ;  qu'elles  ont  moins 
de  recul  ,  qu'elles  foru  plus  durables,  leur 


ART  579 

chc  que  la  piccc  ;\  !a  lùédoife  ,  il  fcroic  dé- 
lavanrageux  de  la  reformer. 

15".  Que  le  nouveau  lyHênic  Sartilleric 
eft  plus  diipcndicux  que  l'ancien. 

16".  Que  la  nouvelle  arf;V/(?/7>  garerrt  plus 
les  chemins  que  l'ancienne ,  rendra  les  mar- 
ches plus  pel.'.ntes ,  &  pourrotr  même  empê- 
cher le  iuccès  d'une  albirc  qui  dépendroit 
de  la  célérité  d'une  marche  (*). 

Nous  laiifons  au  ledeur  à  juger  de  la  fo- 
lidlté  des  motifs  &  des  raifons  des  partiians" 
de  la  nouvelle  artillerie  ,  &  de  la  iorcedcs 
objeclions  qu'on  leur  a  laites.  On  voit,  d'un 
côté  ,  rattachement  cjui  nous  lie  à  d'anciens 
ulages  ,  attachement  d'autant  plus  cher , 
qu'il  ell  plus  anciennement  contradé  ,  & 
qui  n'eil  pas  facile  à  détruire  ;  de  l'autre 
part,  le  charme  des  nouveautés,  toujours  Çi 
puilîant  &  fi  capable  de  produire  des  illu- 
iions  ,  de  l'enthouliame  même.  Que  feront 
les  militaires  impartiaux  encre  ces  deux 
écueils  ?  Ils  attendront  que  le  miniflerc  dé- 


cide la 


queftion  : 


le  per 


fuade 


ront  qu  elle 


ART 

eflfèt  plus  meurtrier  ,  &  leur  feu  plus  rafîint. 

7°.  (^i'il  elt  dillicile  d'alfurcr  le  coup  de 
boulet  a  400  toiles  iiir  un  petit  objet  ou  lur 
un  petit  corps  en  mouvement ,  &  que  le  coup 
ne  devient  certain  qu'à  200  toifcs. 

8".  Que  c'efl  une  erreur  de  croire  qu'il  y  a 
de  l'avantage  à  pk-cer  le  canon  lur  des  lieux 
fort  élevés  au  dcflus  du  niveau  de  la  campa- 
gne ;  que  les  batteries  doivent  être  fortes ,  & 
fc  p.rotéger  réciproquement ,  &  être  (bute- 
rues  par  des  troupes  dont  elles  ne  doivent 
pas  fè  iéparcr. 

9°.  Que  tant  qu'on  eft  éloigné  de  l'enne- 
mi de  ICO  toifes  ,  on  doit  préférer  le  boulet 
A  la  cartouche ,  de  quelque  cfpece  qu'elle 
foi  t. 

iC*.  Que  de  toutes  les  cartouches ,  celles 
qui  font  compofées  de  balles  de  munition  , 
relies  qu'on  les  délivre  aux  troupes  ,  enve- 
loppées dans  des  lacs  de  toile  légère ,  font 
celles  qui  font  le  plus  d'effet ,  mais  qu'on  ne 
doit  les  employer  que  lorfqu'on  efl  tort  près 
de  l'ennemi. 

11°.  Qu'en  général  ,  il  cfl  de  la  dernière 
conféquence  de  ne  tirer  ,  foit  à  boulet ,  foit 
il  mitraille  ,  qu'à  bonne  portée;  fans  quoi, 
l'on  confommeroi:  inutilement  des  muni- 
tions qu'on  feroit  dans  le  cas  de  regretter , 
Jorfque  le  moment  d'en  faire  un  ufage  déci- 
fif  arriveroit.  Qu'il  ne  faut  point  tirer  à  bou- 
let par  l'alve,  mais  un  coup  après  l'autre,  en 
lorte  cjuc  le  feu  ioit  continu. 

12°.  Que  Vdnillerie  de  régiment  ,  qui 
accompagne  les  troupes  ,  ou  qu'on  fuppole 
qui  peut  les  ticcompsgner  dans  tous  leurs 
mouvemens  ,  ne  fauroit  procurerde  grands 
avanttiges. 

13.  Que  les  pièces  de  12  &  de  8  ne  pou- 
vant jamais  être  aflcz  légères  pour  (uivre  les 
Troupes ,  il  paroîtroit  plus  avantageux  de  les 
laiiï'cr  dans  leurs  anciennes  proportions  ,  & 
de  leur  faire  occuper  ,  comme  autrefois ,  des 
pofitions  bien  iaiiies  ,  où  elles  puilfent  battre 
en  flanc  ,  de  revers  ,  s'il  elt  pollible  ,  ou  au 
moins  d'écharpe. 

14°.  Que  la  pièce  ancienne  de  4,  por- 
tant plus  loin  &  plus  juile  que  la  pièce  nou- 
velle de  8  ,  &  prefqu'aulFi  loin  que  celle  de 
12  nouvelle  ,  que  pelant  moins  que  la  pièce 
nouvelle  de  8  ,  &  portant  mieux  la  cartou- 

(*  )   Ces  maximes  loni  tuées  pour  U  plupart  de  l'Effji  lui  l'ufage  àe  V  artillerie ,  &   d'un  Mcinckç 
<ic  feu  M.  de  Mouy,  lieutenant  génciil  des  aiinccs. 

A  a  a  a    2- 


cil  d'une  alîèz  grande  importance  pour  mé- 
riter fon  attention  ;  ils  fe  conformeront  aux 
ordres  qui  leur  feront  donnés;  &  li  la  nou- 
velle artillerie  prévaut  pourla  guerre  de  cam- 
pagne, ils  n'auront  plus  d'opinions,  &  cher- 
cheront à  employci  les  nouvelles  pièces  avec 
le  même  zèle ,  &  s'ils  peuvent  ,  avec  le 
même  fuccès  qu'ils  eurent ,  en  fervant  avec 
les  anciennes.  Le  leul  chagrin  qui  lem-  rrf- 
tera ,  fera  d'avoir  vu  régner  trop  long-temps 
une  guerre  intelline  dans  le  corps  de  Wirtil- 
lerie  ,  &  qu'une  diverfité  d'opinion  en  ait 
troublé  la  paix  "&  l'union  qui  firent  autre- 
fois fi  force ,  &  qui  la  rendirent ,  on  ofc  le 
dire  ,  redoutable  aux  puifiances  étrangères. 
Ils  attendront,  avec  impatience,  que  les 
chefs  de  ce  corps ,  qu'ils  reipeftent  encore 
plus  par  la  fupériorite  des  talens  qu'ils  leur 
reconnoidcnt ,  que  par  l'éminence  de  leur 
grade  ,  rétablilient  la  concorde  &  la  paix 
qui  régnèrent  autrefois  entre  tous  les  offi- 
ciers particuliers  ,  perluadés  que  cette  douce 
opinion  peut  "iéule  faire  renaître  &  inaintenir 
l'ancien  efprit  du  corps ,  en  même  temps 
qu'elle  fera  le  bonheur  de  chacun  des  offi- 
ciers qui  le  compolent.  Tels  iont  no';  fcnti- 
mens  ,  tels  font  nos  vaux  finceres  ,  rels  font 


sîo  ART 

inos  dcfirs  les  plus  ardcns ,  err  attendant  que 
les  lumières  &  l'antorité  de  nos  maîtres  daiis 
l'art  de  la  guerre  ,  détruifent  toutes  les  four- 
bes de  divifion.  (  ^ A.  janvier  2  773-), 

Il  ne  nous  rede  plus  qiù\  donner  une  idée 
«les  manœuvres  de  la  nouvelle  artillerie. 

Sertice  d'une  pièce  de  bataille  du  calibre 
de  z  z  par  h'.iit  hommes  du  corps  royal , 
Ùfej}ide  Vinfanterie. 

Positions  des cancnniers  Ùferi'aris ,  a 
droite  de  la  picct. 


ART 

remet  à  fa  première  pofition  en  avanr  &  hors 

de  l'alignement  de  la  roue. 

Second  canonnier  fermant  désigne  par  un 


quarre  [^ 
5.  Il  efl  chargé  du  iac  aux_lances_  à 
porte 


«.Il 


Premier  ainonnier  déf,gnépar  un  triangle  ^\^ 

N°.  Z  .  En  marchant  en  avant  il  tient  des 
deux  mains  le  levier  de  lunette  a  de  la  droite 
de  la  pièce  (.;%.  l  ,  plane.  III ,  nom' elle  ar- 
tillerie., fuppl. des  planches.)  Il  tient  le  même 
levier  feulement  de  la  main  droite ,  en  mar- 
chant en  retraite  {fig.  S..  )  ;  pendant  l'i-iclion  , 
c'efi- à-dire ,  Jorlque  la  pièce  tire  ,  il  eil  placé 
«ntrclesdeux  leviers  de  lunette-(a,  l> y  fis 
^  )  :  il  a  attention  que  le  fécond  canonnicr 
&  tous  les  fervans  toient  à  leurs  polies  ;  il 
fait  alors  le  feul  commandement  ckarge:^  : 
pendant  qu'on  charge  la  pièce,  il  la  dirige 
avec  les  leviers  de  lunette ,  qu'on  appelle 
«uffi  de  pointage  ,  avant  qu'on  mette  le  feu  , 
il  fe  retire  à  droite  ou  à  gauche ,   lelon  le 
côté  d'où  vient  le  vent ,  pour  obicrver  ion 
coup  ,  fans  être  incommodé  par  la  fumée. 
premier  canonnier  ferrant  deftgné  par  un 
quarre  Q,  j 

iV**.  z.  Il  porte  une  bricole  longue  (  c  , 

fg.  4)  ,   pendante  à  fa  gauche  '■  il  cA  chargé 
de  l'écouvillon  qu'il  tient  à  la  main  gauche 
en  marchant  ,  &  qu'il  appuie  à  fon  épaule  : 
il  accroche  fon  trait  (  d ,  fig.  4  )  au  crochet 
■!^  de  la  têre  de  l'ailut  en  marchant  {fig.  z  ) , 
&  il  attache  au  crochet  ;{  du  bout  de  l'effieu 
en  marchant  en  retraite  (/^.  a.  )  La  pièce 
étant  en  adion  ,  il  efl  placé  en  avant  hors 
de  l'alignement  des  rotu^s  ;  il  tient  horizon- 
talement l'écouvillon  des  deux  mains  ;  au 
commandement  charge:^  ,  il  fe    porte   à   !a 
bouche  de  la  pièce  par  ihi  grand  pas  du  pié 
gauche  ;  &  pofint  le  pie  droit  à  la  même 
hauteur  ,    les  talons  éloignés  de  18  poiu;es  , 
il  fe  trouve  placé  parallèlement  à  la  pièce 
qu'il  écouvillonne.:  il  aide  enfuite  à  enton- 
ner la  cartuucU  d^i  U  cajion  ,  puis  U  i'c 


iVo.  ^    ^ 

feu  qu'il  porte  à  gauche  ,  &  du  boute- 
ou  porte-lance  qvi'il  porte  de  la  main  droite  : 
en  marchant  en  avant ,  il  fe  porte  au  levier 
e,  qui  eil  en  travers  de  l'artut ,  taifint  tacc 
à  l'ennemi  :  il  aide  à  foulevcr  &  à  poiiiler 
l'aftut  ;  il  agit  en  fens  contraire  ,  en  mar- 
cliant  en  retraite  ;  pendant  l'aclion  il  à\ 
placé  à  la  hauteur  de  la  culaHc  ;  il  accro- 
che &  décroche  le  fcau  ,  &  il  met  le  teii 
lorfque  le  fécond  llrvant  de  la  gauche  lui  en 
a  donné  le  fignal. 

Serrant  d'infanterie  défignévarun  hiange  ^ 
A'*.  4.  Il  porte  une  bricole  raccourcie 
(  g}  fis-  5  )  à  fa  gauche  :  en  marchant  en 
avant  il  accroche  fon  trait  au  crocnet  (  ^  , 
fig.   z  )  delà  tête  de  l'allût ,  à  U  droite  du 
premier  llrvant  ;   en  marchiint  en  retniite  , 
il  l'accroche  au  crochet  i  du  bout  de  l'cUieLt 
{fig.  ;i  )  ,  à  la  droite  du  même  fervant.  1  en- 
dant  l'action  il  fe  retire  auprès  de  1  avant- 
train  ,  où  il  aide  à  remplir  les  facs  des  pour- 
voyeurs :  il  remplaceroit ,  au  beloin  ,  un  des 
hommes  qui  pourroient  en  manquer. 
Servant  d'infanterie  défigiiépar  un  loiange  ^ 

N°.  5.  Il  porte  une  longue  bricole  (  c  , 
fig.  4  )  à  fa  gauche  :  en  marchant  en  avant , 
il  accroche  fon  trait  au  crochet  \  du  bout 
de  l'eilicu  {fig.  z  )  :  en  marchant  en  re- 
traite ,  il  l'accroche  au  crochet  &  de  la  crolie 
{fi.g.  z  )  :  pendant  fadion  ,  il  le  tient  au 
cailfon  des  munitions. 

Seri-ant^  infanterie  dcfigné par  unloiange<^ 
iVo.  6'.Lorfqu'on  féparel'afFût  de  l'avant- 
train  ,  il  aide  au  cinquième  fervant  de  gauche 
à  enlever  le  coffret  de  defiîis  l'atlût  &  à  le 
placer  fur  l'avanr-train  ;  en  marchant  en 
avant,  il  fe  porte  au  levier  e  en  travers  de 
l'alITit  {fig.  i  )  à  la  gauche  du  lecond  ier- 
vant  canonnier ,  qu'il  aide  A  foulcver  &  ;\ 
poulTcr  la  pie»:e  :  pendant  l'adion  il  eil  au 
caiifon  des  munitions.  yv 

Serrant  d'infanterie  défignépar  un  hiange  >^ 

JV°.  7.  11  porte  uii^c  bii^yis  raccourcie 


ART 

{g,fig.  5.  )  •  ^n  marchant  en  avant  il  ac- 
croche fon  trait  au  crochet  ;;  du  bout  de 
refllini  (  fis;.  ?.  )  :  en  marchant  en  retraite  , 
il  Faccrochc  au  crochet  &  de  la  crolle  (fig. 
2..)  :  il  eu  au  cailTon  des  munitions  pen- 
dant l'aélion. 

Troijleme  canonnier  ferrant ,    désigne  par 

un  quarre  I2[ 

N°.  S.  Ce  fervant ,  toujours  du  corps 
royal  de  V artillerie  ,  icrn  attaché  à  la  garde  de 
l'avanr-train  &r  du  coffiet  :  il  fc  portera  ,  au 
befoin  ,  au  fccoursde  la  pièce  ,  &  aidera  les 
deux  canonniers  placés  aux  leviers  de  lunette 
H  ,  ^.  Il  cfl  chargé  d'emmener  &  de  ramener 
l'avant-train. 

Pofuion  des  canonniers  ,    &  feri'ans  ,  à 

gauche  de  la  pièce.  Second  canonnier 

désigne  par  un  triangle   A\^ 

N".g.En  marchant  en  avanr ,  il  tient  des 
deux  mains  le  levier  de  lunette  h  de  la  gauche 
de  la  pièce  (Jîg.  z .  )  :  il  tient  le  même  levier 
feulement  de  la  main  gauche  ,  en  marchant 
en  retraite  {fig.  z.)  :  pendant  l'adion,  c'eft- 
à-dire  ,  lorlque  la  pièce  tire  ,  il  ei\  placé  à 
hauteur  de  la  culafie  {fig.  5.)  :  au  comman- 
dement charge\  ,  il  bouche  la  lumière  de  la 
main  gauche,  &  de  la  main  droite  il  donne 
l'élévation  à  la  pièce  par  le  moyen  de  la  vis  de 
pointage.  Voye\  Canon  DE  BATAILLE. 

Canonnier  fervant  défignépar  un  quarre  iXl 

A'°.  i  o.  Il  porte  une  longue  bi^cole  {c  , 
fig.  4.  )  pendante  à  fa  droite  :  en  marchant 
en  avant ,  il  accroche  fon  trait  (  d  ,  fig.  4.  ) 
au  crochet  de  la  tête  de  l'affur  (  ^  ,  fig.  i .)  , 
&  il  l'accroche  au  crochet  du  bout  de  l'ef- 
fieu  {\  ,  fig.  i.  )  ,  lorfqu'on  marche  en  re- 
traite. La  pièce  étant  en  adion ,  il  cil  placé 
hors  de  l'alignement  de  la  roue  gauche,  en 
avant.  Au  commandement  charge^  ,  il  fe 
j^orte  à  la  bouche  de  la  pièce  pour  y  aider 
le  premier  fervant  de  la  droite  à  écouvil- 
lonner  :  il  reçoit  la  cartouche  du  troifieme 
fervant ,  il  la  place  dans  le  canon  &  l'y  en- 
fonce avec  le  premier  fervant  de  la  droite. 
Après  quoi  il  reprend  fa  pofition  en  avant  à 
cy:cdeld  roue. 


ART  581 

Deuxième  canonnier  fervant  de  la  gauche  , 


dejîgne  par  un  quarre 

N°.  i  z.ll  porte  le  fie  A  étoupiUes  à  fa 
ceinture ,  &  le  dégorgeoir  de  la  main  droite  : 
ep  marchanren  avant,  il  fe  p(;rte  au  levier 
/"  de  la  croflè  de  l'aflijt  {fig.  :.),  il  aide  .1 
le  foutcnir  &  à  le  pouifer  ,  en  avant  &  en 
retraite  {fig.  z.  )  :  pendant  l'avion  il  fe  porte 
à  la  culaffe  de  la  pièce  ,  à  gauche  du  fécond 
canonnier  qui  vient  de  la  pointer,  il  la  dé- 
gorge de  la  main  droite,  place  l'étoupille  de 
la  main  gauche  ,  &  fait  ligne  au  fécond  fer- 
vant de  droite  de  nettrc  le  feu,  lorfqu'il  dl 
retiré  .1  l'on  poHe  {fig.  j.  ) 

Troijieme  canonnier  ferranf  de  gauche  défu 

gne'par  un  quarre  Hî 


A''".  /  z.  Il  porte  une  bricole  raccourcie 
{g) fig-  5-  )  '  pendante  ii  fa  droiic.  En  mar- 
chant en  avant ,  il  accroche  fon  trait  au 
crochet  \  de  la  tête  de  l'atfût  (  fig.  z.)  :  en 
marchant  en  retraite  ,  il  l'accroche  au  cro- 
chet^ de  l'extrémité  de  Teffiieu.  {fig.  z.  )  Il 
efî  pourvoyeur  de  la  pièce  ,  chargé  d'un  fie 
de  cuir  où  cil  la  cartouche  ,  qu'il  donne  au 
premier  lervant.  Le  fac  étant  vuidc  ,  il  va  le 
remplir  au  cotiret  ou  au  caiffon. 

Senant  d'infanterie  de  gauche  défi gné par 

un   losange  ^^ 

N°.  i  j.  Il  porte  une  bricole  {c  ,fig.  4.  ) 
pendante  à  fi  droite  ;  en  marchant  en  avant, 
il  accroche  fon  trait  au  crochet  :{  de  l'extré- 
mité de  l'effieu  {fig.  z.)  ,  en  marchant  c» 
retrajre  ,  il  l'accroche  au  crochet  &  de  la 
crofle  {fig.  z.):\l  ei\  avec  le  troifieme  ca- 
nonnier fervant ,  pourvoyeur  de  la  pièce , 
&  porte ,  comme  lui  ,  un  fac  de  cuir  :  il 
donne  la  cartouche  au  premier  fervant ,  psn- 
dant  que  l'on  camarade  va  remplir  fon  fac. 

Servant  d'infanterie  de  gauche  dejigné  par 

un   lo^^ange    ^5> 

N".  14.  Il  aide  au  cinquième  fervant  de 

la  droite  à  féparer  l'affût  de  fon  avant-train  : 

en  marchant  en  avant  ,  il  cft  au  levier/' lie 

laffTlt ,  à  ja  droite  du  fécond  canonnier  fer- 

^  vant ,  qu'il  aide  A  fjutcajr  &  A  poulfcr  FaiiCit. 


58r  ART 

En  marcliant  en  retraite  ,  il  poiifle  la  pièce 
d'une  main  à  h  volée  ;  &  de  l'autre  aux  aiiks  : 
pendant  l'aûlon  il  ell  au  coiirct  ou  au  oailibn. 

Serrant  d'infanterie  dcftgné  par  un 

losange   ^ 

N°.  i  5.  Il  porte  une  bricole  ^raccourcie 
{fig.  5.  )  ,  pendante  à  ia  droite  :  ion  poflc 
ell  au  caiflbn.  Pour  marcher  en  avant  ,  il 
accroche  fon  fJ'ait  au  crochet  \  de  l'extré- 
mité de  l'eHîeu  {fig.  z .  )  >  &  ^n  marchant 
en  retraite  ,  il  l'accroche  au  crochet  £>'  de 
la  crofTe  {fig.  s..). 

A°.  i  6.  Les  bricoles  (  e ^  fig.  ^&  £.) 
feront  d'un  bon  cuir  de  roufli  :  elles  doivent 
avoir  ,  )■  compris  l'anneau  de  fer  h  y  deux 
pies  fix  pouces  de  longueur,  &  le  trait  tait 
d'un  bon  chanvre  ayant  iix  lignes  de  dia- 
mètre ,  aura  fept  pies  iix  pouces  de  lon- 
gueur ,  y  compris  la  maille  d ,  en  forte  que 
la  bricole  &  le  trait  pris  enlemble  auront  dix 
pies  de  long.  On  raccourcit  le  trait ,  en 
pafîant  le  crochet  de  fer  k  dans  l'anneau  h. 

N°.  z  7.  Les  facs  à  porter  les  cartouches  , 
les  étoupilles  &  les  lances  à  teu  ,  doivent 
être  de  cuir  liue,  l'ulage  ayant  appris  que 
ceux  de  cuir  garnis  de  poils  étoient  fujetsà 
s'enHammer. 

On  peut  fe  figurer  avec  quelle  rapidité  ces 
petites  pièces  font  iervies  ;  tous  les  canon- 
niers  &  fcrvans  qui  y  font  attachés,  lont  en 
mouvement  à  la  tois  ;  on  les  charge  à  car- 
touche ,  c'eft-à-dire  qu'on  y  met  la  poudre 
&  le  boulet  en  un  feul  temps  ;  au  lieu  d'une 
traînée  de  poudre  fur  la  lumière,  on  y  in- 
troduit une  étoupille  qui  efl  uft  rolêau  rem- 
pli d'une  compofition  très-vive ,  lequel  entre 
dans  la  gargoufîe  ,  percée  à  cet  effet  avec  le 
dégorgeoir  :  au  lieu  d'une  mèche  allumée 
pour  mettre  le  feu  ,  on  fe  fcrt  d'une  lance  à 
feu  ,  qui  crache  de  fort  loin  fur  l'extrémité 
fupérieure  de  l'étoupille  ,  laquelle  porte  une 
cravate  ou  plufieurs  brins  d'une  mèche  dé- 
liée ,  bien  imprégnée  de  la  compofition  dont 
le  roicairde  l'étoupille  efl  rempli,  en  lorte 
que  la  pièce  ell  chargée  &  le  coup  efl  parti 
en  un  clin  d'œil.  On  peut  donc  tirer  très- 
vîte  avec  ces  petites  pièces  :  mais  il  vaut 
peut-être  mieux  ralentir  un  peu  la  vivacité 
du  feu  ,  &  le  donner  le  temps  de  pointer  & 
de  bien  ajuller.  ^ 


ART 

Manœuvres-  avec  les    cherailx  pour  les 

pièces  des  frais  calibres. 

N°.  i  S.  Pour  faire  de  longs  trajets  en 
retraite  ,  ou  pour  couvrir  une  colonne  qui 
auroit  à  craindre  l'ennemi  fur  Ion  lîanc ,  ou 
enfin  pour  franchir  des  fofiés  ,  rideaux ,  &c. 
avec  les  pièces  des  trois  calibres ,  on  fcpare 
l'avant-train  de  l'affût ,  dont  la  crollè  pofe 
alors  à  terri  ;  on  attache  un  bout  d'une  demi- 
prolongc  aux  armons  de  l'avant-train, 
laquelle  palîè  fur  l'avant-train  ,  embraiiè  , 
d'un  tour  ,  la  cheville  ouvrière  ,  repafîe  iLr 
le  couvercle  du  colFret  de  munitions  ,  &  elt 
attachée  de  l'autre  bout  à  l'anneau  d'embre- 
lage  :  on  laiflb  environ  quatre  toiles  de  lon- 
gueur au  cordage  entre  l'afiCit  &  l'avant-train 
auquel  les  chevaux  iont  attelés  ;  lorfqu'ils 
marchent ,  la  pièce  tirée  par  le  cordage  luit 
ailément ,  au  moyen  de  la  coupe  de  la  partie 
inférieure  de  la  croilè  qui  efl  faite  en  traîneau  ; 
les  canonniers  &  lervans  portant  leurs  armé- 
niens, accompagnent  la  pièce  dans  leurs 
poftes  rclpedifs  ,  à  droite  &  à  gauche. 

Lorfqu'on  veut  tirer,  le  maître  canonnier 
crie  halte  ,  &  dirige  la  pièce  ,  en  failant  le 
commandement  t7:ar^f:^.  Le  coup  partT,  s'il 
ne  veut  pas  en  tirer  un  fécond  ,  il  fait  le 
commandement  marche. 

S'il  faut  delcendre  ou  monter  un  rideau  , 
pafler  un  fofîé  ,  on  allonge  ,  s'il  le  faut ,  le 
cordage  ,  les  chevaux  pallent  avec  l'avant- 
train  ,  &  les  canonniers  &  fervans  joignent 
leurs  efforts  à  ceux  des  chevaux ,  &  la  pièce 
paiTè.  Il  faut  qu'ils  aient  une  grande  atten- 
tion à  ne  pas  s'engager  dans  leurs  bricoles  , 
&  à  loutSnir  la  pièce  dans  les  pas  difficiles  , 
où  elle  pourroit  verler.  Ceci  efl  une  ma- 
nœuvre pénible  &  dangereuie  :  mais  il  y  a 
des  cas  où  on  l'a  exécutée  ,  ou  féquiva- 
lent ,  avec  des  pièces  de  2.4  ou  de  10.  On 
peut  donc,  à  plus  forte  railon  ,  en  venir  à 
bout  avec  iles  pièces  très-légères.  Les  apolo- 
gifles  de  la  nouvelle  artillerie  concluent  de 
l'expofé  que  nous  venons  de  faire ,  que  leurs 
pièces  de  canon  peuvent  marcher  ainii ,  aulfi 
vite  que  l'infanterie  la  plus  lefte  :  nous  en 
douterons  jufqu'A  ce  que  l'expérience  de  quel- 
ques campagnes  nous  en  ait  convaincus- 

Les  pièces  des  calibres  de  8  &  de  4  fè 
manœuvrent  comme  la  pièce  de  12  ,  à  l'ex- 
ception qu'on  n'emploie  que  treize  homraes 


ART 

pour  la  pièce  de  8 ,  &  que  celle  de  4  peut 
ctrc  exécutée  avec  huit  hommes  feulement. 
(  ^^.  ) 

Les  changcmcns  i'urvenus  dans  l'art  de  la 
guerre  nous  engagent  à  joindre  de  nouvelles 
obfcrvations  à  celles  qu'on  vient  de  lire. 
Nous  devons  compte  au  public  des  progrès 
de  ce  grand  art,  &  des  révolutions  qu'il  a 
éprouvées  ;  &  il  d\  de  notre  devoir  de  juf- 
tifierla  proicription  que  le  gouvernement  a 
lancée  contre  les  panégyrifles  de  l'ancienne 
artillerie. 

Les  partifans  de  l'ancienne  artillerie  ayant 
joui  de  la  liberté  d'expoler  dans  rEnc3clo- 
pédie  leurs  fentimens  fur  les  ch.mgcmcns 
f.vts  dans  Y  artillerie  françoilé  depuis  la  poix 
de  1762  ;  changemens approuvés  parlegou- 
vcrncment,  changcmcns  contre  lelqucls  on 
s'eH  permis  ce  que  la  critique  a  de  plus  libre  , 
changemens  enfin  qui ,  après  avoir  mérité  & 
obtenu  le  iiiffi-age  des  généraux  aflemblés 
pour  juger  de  leurs  avantages  &  de  leurs  iu- 
convéniens ,  ont  été  fuccefuvemcnt  con- 
flicrés  par  deux  ordonnances  du  roi  rendues 
en  1774- &  1771^  :  il  convient,  fans  doute  , 
que  le  même  ouvrage  qui  doit  porter  à  la 
pollérité  le  blâme  qu'on  a  jeté  lur  les  inno- 
vations, en  contienne  aufll  le  correélif ,  & 
apprenne  quelles  font  les  raifons  qui  ont 
déterminé  le  roi  &  unconicil  de  maréchaux 
de  France  ,  à  ne  pas  avoir  égard  aux  récla- 
mations de  quelques  anciens  artilleurs.  C'eit 
uniquement  pour  jullitier  les  décilions  de 
ces  généraux  &  du  roi ,  &  non  pour  le  trivolc 
plaifir  de  trouver  des  torts  à  ces  anciens  ar- 
tilleurs ,  que  j'ai  cru  devoir  dilcuter  les  arti- 
cles qu'ils  ont  eu  foin  de  fournir  à  l"Ency- 
clopédie  ;  juflification  au  relie  ,  dont  une 
déciiîon  aufli  refpeftable  n'a  prefque  jamais 
befoin  ,  mais  qu'une  certaine  clalTe  de  lec- 
teurs &  la  célébrité  de  l'ouvrage  où  lontcon- 

(*)  Nous  ne  l'imiterons  pas;  ,'t  puifqu'il  a  eue  tous  les  écrits  en  faveur  Je  fon-ryftènic,  nou> 
jugeons  qu'il  eft  de  notre  devoir  d'iutliqoer  à  notre  iefteur  ceux  qu'on  a  publiés  en  f.iveur  du  non- 
veiu.  Les  fjv.ins  &  les  militaires  qui  vouciron:  ne  p.is  enihraiïer  faos  clioix  une  opinion  fut  l'artillirie , 
peuvent  confulter  les  ouvraf;es  fuivans ,  qu'on  lioi:  à  M.  du  Coudriy ,  Chef  de  Brigade  au  Corps  royal, 
&  que  j'ai  continue'leirent  eus  fous  les  yeux  en  conipofant  cet  article  &  ceux  qui  v  font  rel.;iifs  , 
comme  les  meilleures  îburces  où'  je  puilTe  puilcr  :  Olfcrvatioiu  fur  le  Traké  de  Ix  défenfe  diS  t.!xrcf 
far  Icscitntremiite'..  Lt  nom  elle  JirtiUcrie.  —  L't'iat  ailuel  de  la  quercile  fur  rA^iilltrie.  —  Lettres 
d'un  Cf.cier  d'artillerie  li  un  Ojjlci^r  gcnir.d.  —  DiJ}nfflo7i  nouielle  fur  l'nncien  &  le  ncK-y^eau  f\fltme 
à'ariillcTie. 

L'auteur  de  cet  article  fc  propofc  de  publier  incefTamment  Vj^rtiHerie  nouvells ,  oiiva'e  qui  riTu- 
mera  dans  un  ordie  plus  clair  lout  ce  que  renferment  ceux  des  partiljns  de  l'anciin.i^f  &  de  U 
^louvelie  artillerie  ,  Se  po::eia  d;  aom elles  liiuiicics  fut  les  objets  ipi  les  ont^'.-rtajé^. 


lignées  ces  critiques,  rendent  cette  foise.xcu- 
fible  ,  &  peut-être  même  néccfHiire. 

Une  réfutation  de  toutes  les  erreurs  con- 
tenues dans  ce  long  article  feroit  trop  f;ifn- 
dieule.  Nous  nous  contenterons  d'attaquer 
les  conclufions  par  lefquelles  fon  auteur  l'a 
terminé.  Comme  elles  (ont  très-exaflemenc 
le  réiumc  de  tout  ce  qu'il  a  cru  avoir  prou- 
vé ;  en  démontrer  la  {olblellt',  ce  fera  dé- 
truire en  lublKince  prefque  tout  ce  qu'il  a 
dit.  Remarquons  d'abord  qu'en  promettant 
la  plus  févcrc  impartialité  dans  la  difcufîîon 
qu'il  bit  du  nouveau  &  de  l'ancien  fyflêmc 
de  V artillerie  ,  il  paroît  avoir  aflez  mal  rem- 
pli fa  promcfie  :  puilqu'en  citant  fans  cefic 
les  ouvrages  publiés  en  faveur  de  cet  ancien 
fyftême  ,  il  n'a  pas  fiit  mention  une  feule 
fois  de  ceux  où  l'on  déf  endoit  le  nouveau  (*}. 
Il  faut  croire  qu'il  les  avoir  peu  lus  ;  car  il 
répète  jufqu'à  fatiété  mille  objections  qu'il 
y  eût  trouvé  anéanties  ,  &  s'imagine  qu'il 
n'auroitpas  voulu  combattre  avec  ces  viei  les 
armes  cent  fois  hrifées  &  incapables  de  fer- 
vir  à  la  défenle  de  fon  opinion.  C'cil  déjà 
contre  elle  un  préjugé  bien  défavorable  que 
l'exclufion  qui  lui  tut  donnée  par  un  minidre 
plein  de  génie  ,  &  la  proicription  qu'elle 
a  cfluyée  de  la  part  de  tous  les  généraux 
qui  ont  commandé  nos  armées  &  qui  le 
(ont  aflemblés  pour  en  porter  leur  jugement. 
Si  elle  a  reparu,  triomphante  un  moment  , 
elle  n'a  dû  ce  iuccès  éphémère  qu'A  un  pro- 
tcdeur  qui ,  remplacé  fucceffivement  par  plii- 
fieurs  hommes  très-éclairés ,  les  a  vus  détruire 
(on  ouvrage  :  ils  ont  aifémcnt  fenti  que  l'art 
ce  la  guerre  &  la  conftitution  de;  armées 
a}ant  changé  ,  il  étoit  nécefîairc  que  !'i7m/p 
lerie  qui  en  dépend  comme  acccfloire  efîcn- 
ticl ,  s'accommcdiît  à  ces  changemens  ,  & 
y  conformât  (on  fcrvice  &  (à  coniî::t+;;i,-)n. 

Suivons  donc    l'ordre   des  numéro    d? 


5^84  ART 

notre  auteur ,  il  aidera  nos  leâeurs  à  compa-  ' 

rer  fes  objeflions  à  mes  réponfes. 

i".  n  Trop  comprer  lur  Y  artillerie  ,  ou  la 
»  regarder  comme  nulle  dans  les  combats , 
5)  iont  deux  excès  qui  décèlent  la  partiali- 
}■>  té.  »  Voilà  de  ces  vérités  triviales  qu'on 
ne  dcvroit  jamais  écrire.  Il  efî  plus  qu'inu- 
tile de  répéter  tout  ce  que  le  monde  lait  ;  qui 
compteroit  trop  fur  Vanillerie  ,  feroit  un 
enthoufiafte  ;  qui  la  regarderoit  comme 
nulle  ,  feroit  un  fou.  N'ell-ce  pas  perdre 
Ion  temps  que  l'employer  à  combattre  de  tels 
adverlaires? 

2".  >5  Uartillevie  cfl  préférable  aux  ma- 
»  chines  de  jet  des  anciens  :  »  encore  une 
vérité  dont  trois  fiecles  d'expérience  ont 
convaincu  tout  le  monde.  Le  chevalier  Fo- 
lard  a  le  premier  montré  des  lentimens 
contraires  ;  laiflez  dire  ces  fedateurs  ,  ac- 
coutumés à  encenfer  jufqu'aux  erreurs  de 
leur  auteur  favori.  Quelle  nation  a  laiiTé  les 
canons  pour  reprendre  les  catapultes?  Quel 
peuple  lauvage  n'a  pas  jeté  {^ts  arcs  pour  s'ar- 
mer de  fufils  ?   L'opinion  de  Folard  n'a  pu 

■  faire  que  des  profélytes  incapables  de  pro- 
duire j  en  nous  ramenant  aux  balifles,  une 
fi  étrange  révolution  dans  l'art  militaire. 

3°.  »  JJartillerie  de  la  France  eut  alTèz 
»  conftamment  la  fupériowté  lur  celle  des 
»  puilfances  étrangères  ;  "  c'eft  pour  lui 
conierver  ce  précieux  avantage  qu'on  a  dû 
P'jrledionner  la  nôtre  ,  quand  les  étrangers  , 
moins  idolâtres  de  leurs  uftges  ,  avoient 
changé  en  mieux  la  leur.  Pour  prétendre  à 
la  viétoire  ,  il  faut  au  moins  être  en  état  de 
fe  battre  à  armes  égales.  L'auteur  ne  penle 
probablement  pas  que  l'artillerie  fût  arrivée 
en  1732.  à  ce  point  de  perfedion  ,  que  dans 
tous  les  arts  il  eu  irapoilible  de  pafll-r  :  ju(- 
qu'ici  nous  n'en  connoillons  aucun  dont 
l'intelligence  ne  puifle  reculer  les  bornes  , 
quelques  progrès  qu'il  ait  déjà  faits;  &  l'ar- 
tillerie  eîl  un  art  pcrlcftible  de  (a  nature 
comme  tous  les  autres. 

4°.  >5  II  icmble  qu'on  doit  préférer  une 
jj  artillerie  peu  nombreule,  mais  bien  diri- 
j5  gée  ,  à  une  multitude  de  pièces  de  canon 
?>  qui  rendroit  les  marches  des  armées  pe- 
»  tantes  &  difficiles  ,  &  qui ,  dans  bien  des 
»  cas ,  pourroit  empêcher  des  mouvemens 
j'  décififs  par  la  difficulté  des  liiblilhuices.  » 
Oui ,   ians   contredit ,  quatre  cmions  bien 


ART 

fervis  font  plus  d'effet  que  trente  mal  diri-« 
gcs.  Ce  ne  peut  pas  être  cette  étonnante  \é- 
i-jté  que  l'auteur  ait  voulu  nous  apprendre  ; 
il  étoit  trop  facile  de  ienrir  qu'on  peut  aulli 
bien  diriger  cerit  canons  que  vingt ,  &  qu'a- 
lors le  grand  elFet  fera  fûrement  produit  par 
le   (lus  grand  nombre.   Quant  à  la  multi- 
tud't;  des  pièces  de  canon  qui  rendront  les 
armées  pefantes ,  je  conviens  que  celles  de 
l'ancienne  artillerie    raflcmhlées  en  grand 
nombre  auroicnt  infailliblement  produit  cet 
eiîèt ,  mais  celles  de  la  nouvelle  artillerie 
marchent  tout  autrement  vite,  à  moins  que 
l'auteur  ne  foit  d'avis  qu'un  poids  moindre 
d'un  tiers,   &  même  de  la  moitié,   placé 
fiir  un  affût  plus  mobile,  doive  aller  plus 
lentement  qu'un  poids  double  fur  un  aflut 
moins  mobile  lorlque  la  même  force  efl  ap- 
pliquée à  les  faire  mouvoir  tous  les  deux. 
Comme  ce  fèntiment  paroît  être  le  fien  ,  je 
crois  que  l'expofer  c'efl  lui  avoir  fliit  une 
réponfe  fuffil'ante.  La  multitude  des  pièces 
de  canon  ne  peut  être  attribuée  au  nouveau 
fyftême  à' artillerie  ;  c'efl  une  pétition  de 
principe  que  l'auteur  fait  fans  celle  ;  &  pour 
nous  épargner  la  fatigue  de  répondre  à  toutes 
les  objeflions  qui  nailTent  de  ce  railbnnc- 
ment,  nous  dirons  ici  que  cette  multiplica- 
tion du  canon  eft  l'efFet  néceflaire  des  révo- 
lutions furvenues  dans  la  tadique ,  révolu- 
tions que  l'auteur  n'a  pu  appercevoir  ou  qu'il 
a  feint  d'ignorer.  C'eft  donc  le  nouveau  iyilê- 
me  de  guerre  &  non  le  nouveau  lyflême  d'ur- 
iillerie  qui  a  multiplié  le  canon.  Au  i-efîe  ,  de 
quoi  fe  plaint-il?  &  quelle  efl:  cette  étonnante 
multiplication  ?  50000  hommes  avoient  dans 
la  dernière  guerre  100  pièces  de  canon  de  4  ; 
quel  nombre  leur  en  donne-t-on  aujourd'hui  ? 
lio.  Cette  multiplication  qui  l'épouvante  au 
point  de  lui  faire  préfagcr^  nos  malheurs  & 
prophétifer    nos  défaites  futures,  lé  réduit 
donc  à  s  d'augmentation. 

î".  «  Le  plus  fort  calibre  qu'on  doive 
)>  mener  en  campagne  eft  celui  de  li  ;  &  fl 
»  on  fait  entrer  des  pièces  de  16  ,  dans  un 
»  équipage  de  campagne ,  ce  doit  être  eri 
»  petite  quantité.  »  Les  ordonnances  du  roi 
&  le  jugement  de  Mrs.  les  maréchaux  de 
Rohan  Soubife,  de  Richelieu,  de  Bro- 
glie  &  de  Contadcs  ont  décidé  cette  quel- 
tion  ;  les  pièces  de  4,  8  &.  12.,  formeront 
feules  délormais  ïavttUeue  de  campagne  ; 

Ils 


ART 

ils  en  ont  banni  celles  de  i6,  p.irce  que  leur 
poidi  Siladifticulié  de  leur  tranfport  aiiioif 
nuir  à  ia  célérité  des  opérations  de  la  guerre; 
parce  que  ce  canon  ne  pouvant  jamais  être 
déporté  à  bras,  auroit  embraffé  la  ligne  par 
fes  attelages  ;  parce  que  deuv  canons  de  i6 
entraînent  autant  d'attirails  que  trois  de  iz, 
qui  en  temps  égal  fourniront  deux  fois  plus 
de  fcii  ;  parce  que  ces  défavantages  du  i6 
ne  pouvoient  être  rachetés  par  la  différence 
de  ton  calibre;  cette  ditTéreuce  ne  pouvant 
être  comptée  pour  quelque  chofe  en  bataille 
où  le  tir  n'a  pour  objet  que  des  hommes  &: 
des  chevaux  ;  parce  qu'enfin  le  canon  de  1 1 
eft  Tuffifant  pour  détruire  les  abattis  ,  palif- 
fades,  retranchemens,  tkc.  L'auteur  a  quel- 
que peine  à  fe  détacher  de  ce  canon  de  i6 
en  campagne;  ces  généraux  qui  ont  tou" 
commandé  nos  armées,  ont  cru. pouvoir  le 
Isifler  dans  des  dépôts  à  por'ée  du  théâtre 
de  la  guerre,  d'où  on  le  tireroit  au  befoin. 
La  diilinftion  d'une  artillcrii  de  fiege  & 
d'une  campagne  étant  toute  nouvelle  ,  on  a 
contrarié  cette  innovation  qui  bleffoit  les 
idées  reçues  ;  on  a  délapprouvé  ce  progrès  de 
Tart.  Etoit  -  ce  parce  qu'il  nous  venoit  de 
l'étranger?  il  ne  faut  pas  porterie  patrio- 
tilme  au  pD-nt  de  ne  trouver  bons  que  fes 
ufages.  Les  Romains  ne  fournirent  tant  de 
nations  qu'en  fuivant  la  m.axim.e  direilie- 
inent  contraire.  N'y  a-t-il  pas  d'ailleurs  un 
peu  d'inconféquence  à  ne  vouloir  en  campa- 
fine  que  nu  canon  de  I7. ,  &  à  en  admettre 
en  même  temps  de  lô? 

6".  «  Que  no^  pièces  de  canon  dans  cha- 
»  que  calibre,  coulées  dans  les  dimenfions 
»  de  l'ordonnance  de  17]  i.  ont  une  por- 
»  tée  plus  longue  &  des  directions  plus  sures 
w  que  des  pièces  plus  courtes;  qu'elles  ont 
>'  moins  de  recul  ;  qu'elles  font  plus  dura- 
»  blés ,  leur  effet  plus  meurtrier  &  leur  feu 
»  plus  rafant.  »  Voil.àtant  d'afTertions  accu- 
mulées ,  que  nous  ferons  obligés  de  les  fépa- 
rer  &  de  les  prendre  ifolées,  afin  de  mettre 
plus  d'ordre  dans  l'analyfe  à  laquelle  nous 
allons  iesfoumettre.  Prévenons  d'abord  qu'il 
n'efl  ici  queftion  que  des  pièces  de  12,  b'  & 
4,  dont  on  a  changé  les  dimenfions;  celles 
de  16  &  14  étant  reftées  ce  qu'elles  étoient 
en  1731.  à  la  fupprellion  près  de  leur  pe- 
tite chambre  qui  n'a  j  nnais  produit  les  effets 
qu'on  en  attendoit.  Difons  encore  qu'aucun 
Tomi    III, 


^        A  R  T  58 j 

principe  navoit  déterminé,  en  1731,  les 
proportions  de  toutes  ces  pièces.  Leurs  lon- 
gueurs ne  pouvoient  être  fixées  que  relati- 
vement à  la  charge  qu'elles  recevoienr;  cette 
charge  étant  le  tiers  du  poids  de  leur  boulet , 
en  confidérant  ia  pièce  de  24  comme  bien 
proportionnée,  il  s'er.fuivroit  que  l'aine  du 
canon  de  16  devroit  avoir  cent  pouces  de 
long;celledu  12,  91  pouces;  celle  du  8, 
84  pouces  ;  celle  du  4,6^  pouces  :  tandis 
qu'ïn  1732  ,  on  fixa  la  longueur  de  l'ame 
du  canon  de  16,  à  109  pouces  3  lignes; 
celle  du  12,  à  103  pouces  3  lignes;  celle 
du  8  ,  à  93  pouces  10  lignes  ;  &  celle  du  4, 
à  77  pouces  4  lignes.  Ces  quatre  pièces 
étalât  évidemm.ent  trop  longues  iiiivant  les 
principes  mêmie  admis  en  1731 ,  en  les  rac- 
courc'.fTant,  ce  qu'on  n"a  fait  qu'aux  trois 
dernières  ,  c'étoit  remplir  les  vues  qu'on 
avoir  eues  en  1731 ,  &  que  la  force  de  l'iia- 
bitude  avoit  rpparem.ment  empêché  de  fui- 
vre  en  ce  temps  ;  c'étoit  fe  conformer  aux 
principes  reçus  en  1732  ,  ou  bien  il  faut 
avouer  qu'alors  il  n'y  avoit  point  de  prin- 
cipes. 

«Que les  canons  de  1732  ont  des  portées 
>»  plus  longues  que  des  canons  plus  courts;» 
c'étoit  une  opinion  prefque  généralement 
adoptée  dans  l'ancienne  artillerie  ,  que  les 
portées  étoient  proportionnelles  aux  Ion- 
gueurs  des  pièces,  ou  du  moins  que  fuivant 
ces  longueurs  elles  augmentolent  dans  u;ie 
certaine  raifon  inconnue  ;  cette  opinion  prife 
d'une  manière  abfolueferoit  une  erreur  :  car, 
ii  s'enfuivroit  que  plus  une  pièce  fei'oit  lon- 
gue, plus  fes  portées  feroient  grandes  ;  ce  qui 
eft  contraire  à  l'expérience ,  les  longueurs 
qu'on  devoir  ailîgner  aux  pièces  fuivant  leur 
calibre,  &  leur  charge  n'étant  point  déter- 
minées d'après  des  loix  mathématiques  aux- 
quelles on  n'eût  rien  à  répondre  ;  une  ordon- 
nance ayant  arbitrairement  réglé  de  leur  don- 
ner une  grande  longueur,  on  s'accoutuma 
aifement  à  croire  que  cette  longueur  leur 
étoit  effentiellement  néceflaire ,  &  que  plus 
courtes  de  quelques  pouces,  elles  donne- 
roicntde  moindres  portées;  en  conféquence 
la  préférence  tut  aiïurée  aux  pièces  longues , 
quoique  Robius  eût  éprouvé,  &  eût  dit  , 
qu'en  tirant  des  pièces  de  longueurs  diffé- 
rentes ,  mais  de  même  calibre ,  avec  une 
même  charge  Se  fous  le  même  angle ,  les 
Bbbb 


586  ART 

portées  de  la  plus  courte  feroient  les  plus 
étendues.  La  longueur  des  pièces  avoir  donc 
des  bornes  au  delà  defquelles  elle  devenoit 
inutile  ,  comme  leur  raccourciffement  en  a 
au(n  :  ces  bornes  mal  connues  laiffoient  la 
liberté  d'embraffer  à  cet  égard  une  opinion 
particulière.  Mais  a-ton,  ou  n'a-t-on  pas 
trop  raccourci  le  canon  de  bataille  }  Telle 
étoit  la  queftion  que  l'auteur  devoir  exami- 
ner, au  lieu  de  vanter  indéfiniment  les  pie- 
ces  longues  :  c'eftainfi  que  l'ancienne  artil- 
lerie penfa  ,  jufqu'aux  expériences  de  Béli- 
dor,  &  long -temps  après  ces  expériences , 
que  les  portées  étoient  proportionnelles  aux 
charges,  &  plus  étendues  en  raifon  des  plus 
fortes  charges  :  cette  opinion  étoit  bien  moins 
Traifemblable  que  la  précédente,  &  une  phy- 
fique  plus  éclairée  a  démontré  depuis  qu'un 
boulet  auquel  une  forte  charge  imprime  une 
trop  grand  vîtelTe  initiale ,  perd  une  partie 
de  la  portée  qu'une  moindre  auroit  pu  lui 
donner,  parce  que  la  réfiftance  de  l'air  n'efl 
pas  en  raifon  des  vitefTes ,  mais  en  raifon  du 
qiiarré  des  vîtcfTes.  Je  fuis  loin  de  prêter 
gratuitement  cette  erreur  à  l'ancienne  artil- 
lerii  ;  elle  eft  conlignée  dans  un  ouvrage  , 
qu'elle  s'eft  plu  à  refTufciter  depuis  quelques 
années ,  en  imprimant  un  ancien  mémoire 
fur  les  bouches  à  feu  adopté  par  M.  de  Va- 
liere,  père  ,  &  dont  le  véritable  auteur  étoit 
M.  Duhamel ,  officier  A^ artillerie;  on  y  lit  : 
«  les  plus  grandes  portées  répondent  aux 
»  plus  grandes  charges,  mais  on  ne  fait  pas 
-^>  dans  que!  rapport  :  les  portées  augmentent 
»  à  mefure  que  les  charges  augmentent.  « 
Quoi  qu'il  en  foit  de  ces  opinions,  pour  ne 
pas  effuyer  d'injufles  difficultés  iur  le  choix 
de  nos  preuves,  nous  réfuterons  l'aiTertion 
qu'annonce  cet  article ,  en  nous  appuyant 
fur  les  épreuves  demandées  &  exécutées  à 
Douay  ,  en  1771  ,  par  les  partifans  de  l'an- 
cienne artillerie. 

Les  pièces  de  4  de  l'ancienne  &  de  la 
nouvelle  artilUrie  pointées  à  l'horizontale, 
&  chargées  à  une  livre  &  demie  de  poudre, 
charge  ordinaire  de  la  pièce  de  4  nouvelle  , 
donnèrent  des  porrées  entre  lelcpielles  il  y 
eut  environ  t  de  différence  à  l'avantage  de 
la  pièce   de  4  ancienne. 

A  3  degrés,  l'une  des  plus  fortes  éléva- 
tions fous  lefquelles  on  pulife  tirer  à  laguerrc, 
ks  deux  mômes  pièces  roujours  chargées  à 


ART 

une  livre  &  demie  de  poudre,  donnèrent  des 
portées  entre  lefquelles  il  y  eut  ',  de  diffé- 
rence à  l'avantage  de  la  pièce  nouvelle. 

Si  partant  de  ces  portées  on  calcule  les  vî- 
teiïts  initiales  des  deux  boulets  lancés  parles- 
pièces,  on  trouvera  que  celle  du  boulet  de  la- 
pièce  courte  cft  de  1 5 1 1  pies  par  féconde,  & 
celle  du  boulet  de  la  pièce  longue  de  1492. 

En  fe  fervant  des  portées  données  par  ces 
pièces  fous  l'angle  de  dix  degrés  pour  trou- 
ver la  vîteffe  initiale  de  leurs  boulets,  l'a- 
vantnge  efî  encore  pour  la  pièce  courte  donc 
le  boulet  eut  de  vitefle  initiale  1535  pies  par 
fécondes  ,  tandis  que  celle  du  boulet  de  la 
pièce  longue  n'en  eut  que  1468. 

Sous  l'angle  de  6  6i  de  i  5  degrés,  l'avan- 
tage des  longues  portées  &  de  la  plus  grande 
vîteffe  initiale  eft  refté  à  la  pièce  longue. 
Que  conclure  de  cet  expoié  fidèle  ?  Que  ces 
deux  pièces  fe  difputent  réciproquement 
l'avantage  des  portées,  qu'à  1  horizontall^ 
la  longue  gagne  5  fur  la  courte,  &  qu'elle 
perd  ce  foible  avantage  fous  les  degrés  le 
plus  en  ufage  à  la  guerre. 

Le  procès-veibal  de  ces  épreuves  étant 
public  &  imprimé,  il  n'efl  point  de  leéleur 
qui  ne  puifle  vérifier  les  conclufions  que  j'en 
tire,  que'que  contradiftoires  qu'elles foienî 
avec  l'afTertion  de  l'auteur  de  cet  articlci 
On  voudra  bien  remarquer  encore  qu'à  ces 
épreuves  l'ame  de  la  pièce  longue  étoit  éle- 
vée au  defîus  du  fol  d'environ  ,  plus  de 
celle  de  la  courte  ;  que  cette  élévation  devoit 
augmenter  l'amplitiide  de  l'a  portée  ;  que 
cependant  fous  les  degrés  où  le  tir  du  canon 
efi  praticable  &  deftruvftif,  malgré  cet  avan- 
tage, elle  en  eut  une  moindre.  Ce  tab'eau 
comparatif  des  portées  des  pièces  de  4  lon- 
gues &  courtes  fuffit  pour  décider  la  quel- 
tion  à  l'égard  des  pièces  de  8  &  de  1 2 ,  les 
feules  avec  celles  de  4  que  la  nouvelle  artil- 
lerie ait  raccourcies.. 

«  Que  les  canons  de  1731  ont  des  direc- 
»  tions  plus  fûtes  que  des  pièces  plus  cour- 
»  tes  :  »  non  ils  n'ont  pas  cet  avantage.  La 
différence  de  longueur  qui  exifle  entre  ces 
canons  de  1732  »  îk  la  ph  s  courte  des  pie- 
ces  nouvelles  ,  ne  peut  empêcher  que  la 
direction  du  pointeincnt  de  ces  dernières  ne 
foit  auffifûre  que  dam  les  autres.  Qu'eft-Ci; 
en  effet  que  pointer,  finon  aligner  A'iViX 
points  pris  lui  U  culafTs  6c  la  volée  d'un 


ART 

canon  Cm  un  troiiieme  pkb  ou  moins  cloi- 
gné,  qu'on  nomme  le  but  :  qu'importe  que 
ces  deux  points  pris  fur  les  extrémités  du 
canon  foient  plus  ou  moins  rapprochés  l  un 
de  l'autre,  pourvu  qu'il  leur  refteplusd'écar- 
tement  entre  eux  qu'on  n'en  donne  aux 
inftrumens  ordinaires  de  pointage  ;  les  ali- 
gnerai-je  moins  bien  fur  le  troifieme  point  ? 
Les  plus  longues  alidades  dont  les  géomètres 
puiiïent  fe  lèrvir  pour  déterminer  un  poin- 
fement  beaucoup  plus  étendu,  &  toujours 
plus  délicat  que  ctlui  d'un  coup  de  canon 
fur  une  ligne  ennemie ,  n'ont  pas  le  quart 
de  la  longueur  de  nos  plus  petites  pièces , 
dont  on  peut  d'ailleurs  regarder  le  guidon  & 
l'entaille  faite  au  milieu  du  cintre  de  lahauflTe, 
comme  des  efpeces  de  pinnules  de  grofTeur 
proportionnelle  à  la  diflance  ([ui  les  fépare. 
Les  deux  pièces  de  4,  ancienne  &  nouvelle, 
font  conftruites  de  manière  que  l'angle  de 
leur  ligne  de  mire  avec  leur  ligne  de  tir  (ont 
fenfibrenient  égaux,  n'ayant  par  leur  conf- 
trutf^ion  aucun  avantage  l'une  fur  l'autre. 
Quant  à  la  jufteiïe  de  leur  direftion  ,  leur 
pointement  dépend   donc  entièrement  de 
Tart  du  pointeur.  On  le  favoit  bien  quand 
on  adapta  aux  nouvelles  pièces  de  bataille 
un  guidon  &  une  hauffe  ,  deux  inftrumens 
qui  lui  fervent  de  guide ,  corrigent  fa  mal- 
adrelîe,  évitent  un  pointement  long  &  tâ- 
tonneux ,  &  rendent  le  ("ervice  plus  prompt 
&  plus  fur.  Jamais  Vanillerie  n'a  pu  fe  flat- 
ter de  tirer  avec  plus  de  jufteffe  qu'aujour- 
d'hui. L'invention  de  cette  hauffe  &  de  la 
vis  de  pointage,  font  une  fauve-garde  nou- 
velle contre  l'inutile  confommation  des  mu- 
nitions :  on  manquoit  d'un  inftrument  qui 
avertit  de  ne  plus  tirer  lorfqu'on  étoit  hors 
de  portée.  La  hauiTe  l'indique  d'une  manière 
affez  précife  :  il  falloit  auparavant  s'en  rap- 
porter àuneeftimationde  diftancetrop  fou- 
vent  infidèle.  On  objefte  qu'elle  ne  peut  être 
utile  lorfque  les  roues  de  l'atTùt  ne  repofent 
pas  fur  un  plan  horizontal ,  &  que  la  ligne 
de  mire  qui  pafferoit  alors  par  le  milieu  du 
cintre  de  la  haulTe  &  par  le  guidon  ,  ne  fe- 
roit  pas  dans  le  plan  de  l'axe  de  la  pièce; 
mais  cette  objeftion  étant  commune  à  toute 
cfpece  de  canon  ,  fuppofee  dans  cette  posi- 
tion inclinée  ,  ne  juftifie  rien  contre   une 
efpece  particulière  :  ajoutez,  que  fi  la  pièce 
nouvelle  dans  cette  pofHion  donne  à  droite , 


ART  587 

on  partira  au  tr.oins  d'un  point  fixe  pour  fc 
corriger. 

«  Les  canons  de  1751  ont  moins  de  re- 
»  cul  :  »  nous  l'accordons;  mais  ils  ne  doi- 
vent cet  avantage  qu'à  leur  plus  grande  m.afle 
qu'on  a  voulu  alléger,  &c  .\  la  coupe  appla- 
tie  de  la  croffe  de  leur  afrût  ,  dont  le  frorte- 
tnent  fur  une  plus  grande  furface  diminue 
l'étendue  du  recul ,  qui  pour  les  pièces  de 
bataille  deftinées  à  tirer  en  rafe  campagne, 
n'eft  point  un  objet  unportant ,  puifque  (t 
l'on  a  voit  la  fantailie  de  les  tirer  toujours  de 
U  même  place  ,  les  canonniers  peuvent  d'un 
coup  de  main  les  y  replacer  dès  qu'elles  ont 
tiré.  Ce  recul,  encore  une  fois,  ne  peut  ja- 
mais être  aiïezconiidérable  pour  les  éloigner 
de  leur  but,  de  manière  à  faire  naître  le  be- 
foin  de  s'en  rapprocher  ;  car  il  eft  très  indif- 
férent de  tirer  à   300,  301  ,  301,    304,' 
3 10  toifes  ;  le  coup  à  l'une  ou  l'autre  de  ces 
diftancesn'eneft  pas  moins  affuré  ,  puifqu'on 
pointe  à  chaque  coup.  Si  l'on  craignoit , 
étant  forcé  de  tirer  fon  canon  près  de  la  crête 
d'un  ravin,  qu'il  ne  s'y  précipitât  par  l'effet 
de  fon  recul,  on  peut  dans  ces  portions  fer- 
rées ,  fort  rares ,  le  diminuer  autant  qu'on 
voudra ,  quelques  coups  de  pioche  fous  la 
crofTe  &  fous  les  roues  font  un  remède  in- 
faillible contre  cet  inconvénient ,  &  les  affûts 
font  affez  folides  pour  n'en  pas  faire  craindre 
le  danger.  Si  le  canon  eft  placé  fur  le  terre- 
plain  d'une  petite  redoute,  fur  le  rempart 
d'une  petite  place  ,  l'officier  d'ar/ii/êriê  don- 
nera plus  de  relief  à  fes  plates-formes  ou  aw 
terrain  qui  en  tiendra  lieu.  Dans  toutes  les 
chofes  d'ufage  il  faut  connoître  des  bornes 
&  une  balance  d'inconvéniens  néceffaire- 
ment  déterminée  par  la  commodité  :  une 
pièce  très-pefante ,  ayant  peu  de  recul ,  évite 
deux  ou  trois  fois  dans  une  campagne  les 
embarras  qui  naiffent  du  recul  dans  une 
pofition  étroite,  mais  elle  jette  cent  fois  dans 
l'inconvénient  fans  remède  de  ne  pouvoir 
pas  arriver ,  ou  d'arriver  trop  tard  ,  ou  de 
faire  battre  les  troupes  chargées  de  l'el'cor- 
ter.  Quand  on  eft  obligé  de  choifir  entte 
deux  chofes  qui  offrent  différens  inccnvé- 
niens  ,  la  fageife  veut  qu'on  fe  fouvienne  du 
précepte,  minima  de  mails.  On  a  reproché 
auffi  aux  nouvelles  pièces  de  campagne  de 
I  ne  pouvoir  être  mifes  en  batterie.  Ce  re- 
'  proche  ne  peut  regarder  que  celles  de  ii^ 
Bbbb  X 


58S  ART 

carcelle5de8&ccle4anciennesn'avoientpas 
aiiffi  la  longueur  néceffaire  pour  ctre  miles 
en  embralure  ,  ce  reproche  d'ailleurs  eft  fin- 
gulier,  puifque  généralement  dans  les  redou- 
tes &  les  retranchemens  de  campagne,  on  ne 
met  le  canon  qu'à  barbette;  fi  cependant  on 
le  vouloit  faire  entrer  en  embrarure ,  rien  de 
plus  aifé  que  d'y  faire  entrer  le  nouveau; 
l'obftaclequi  s'y  oppofe  eft  le  rouage  ,  on  le 
meta  bas  dans  les  cas  infiniment  rares,  &on 
arrange  la  pièce  de  façon  que ,  portant  fur 
fon  eifieu,  elle  recule  fur  des  longerons  ou 
lambourdes  qu'on  difpofe  pour  lafoutenir. 

»  Les  canons  de  1731  font  plus  durables.» 
On  n'a  point  comparé  une  ancienne  à  une 
nouvelle  pièce  en  les  pouffant  à  bout  toutes 
les  deux  pour  déterminer  leur  durée.  La  ma- 
nière dontpériffentordinairement  les  canons 
peut  fervir  à  éclaircir  ce  doute  ,  que  l'expé- 
rience n'a  point  dévoilé.  Le  dépériffement 
des  pièces  provient  d'ordinaire  des  batte- 
mens  du  boulet  dans  leur  ame  :  les  enfonce- 
mens  qu'ils  produifent  font  dûs  à  lad.fference 
de  dureté  qui  exifie  entre  le  fer  &  le  cuivre , 
a  la  molleffe  de  ce  dernier  métal,  molleffe  à 
laquelle  uu  peu  plus  ou  un  peu  moins  de 
matière  ne  remédie  pas.  Les  pièces  courtes 
étant  fuppofées  un  peu  moins  tortes  que  les 
longues,  il  ne  parolt  pas  que  la  très-petite 
ditïerence  qui  feroit  à  cet  égard  entre  elles  , 
dût  les  faire  périr  beaucoup  plus  prompte- 
ment.  Une  pièce  a  toujours  été  regaidée 
comme  excellente  dans  VartilUrie  quand  ejle 
alloit  a  1000  coups ,  &  les  plus  petites  pie- 
ces  nouvelles  ont  réhfté  à  plus  de  900;  les 
boulets  dont  on  fe  fert  aujourd'hui  n'ayant 
qu'une  ligne  de  vent,  fatigueront  d'ailleurs 
bien  moins  ces  pièces  que  ne  le  falfoient 
autrefois  ceux  à  deux  lignes  de  vent  ,  qui 
avoient  toujours  étéen  ufage  dansl'ancienne 
artillerie  :  les  pièces  courtes  ont  en  cela  un 
avantage  que  n'avoient  pas  les  longues,  & 
dureront  vrailémblablement  plus  que  celles- 
là  ne  dufoient ,  puifqu'on  a  diminué  fenli- 
blement  h  caufe principale  de  leurdeftruc- 
tion.  Mais  fùt-elle  en  effet  plus  accélérée  ,  le 
gain  qu'on  a  fait  par  la  diminution  de  leur 
quantité  de  métal,  compenféra  toujours 
abondamment  les  dépenfes  que  néceffiteroit 
leur  refonte  un  peu  plus  fréquente. 

«  L'effet  du  canon  de  173 1  eft  plus  meur- 
^  trier,  »  Ici  j'avouerai  bonnement  que  je  ne 


Pou 

piecede 


ART 

conçois  p-15  ce  qne  l'auteur  d»  cet  a-tlcb  a 
voulu  dire.  Un  boulet  de  4,  lancé  par  une 
pièce  longue ^  n'eft-il  pàs  le  même  que  ctlui 
de  4  d'une  pièce  courte  t  tous  deux  ne  frap- 
pent-ils pas  par  un  diamètre  égal ,  les  corps 
contre  lefqiieis  ils  font  projetés?  ils  ont  la 
mJme  mafle,  le  mcme  volume,  comment 
pourro:ent-ils  îalre  un  eiFei  d.fférent?  feroit- 
ce  à  raifon  de  ;a  diiférence  de  leur  vîteffe? 
ce  que  novjs  avons  dit  en  pariant  de  leurs 
portées  refpeftives  n".  6 ,  doit  prouver  qu'on 
auroitgrand  tort  d'attendre  del'undes  elTcia 
plus  meurtriers  que  de  l'autre. 

«  Le  feu  des  canons  de  1731  efl  plus  ra- 
»  fant.  »  Comment  le  feroit-il?  deux  pièces 
de  4,  l'une  longue,  l'autre  courte,  étant 
pointées  de  but  en  blanc,  c'elt-à-dire,  leur 
ligne  de  mire  éiant  horizontale  ,  l'angle  que 
fait  leuraxe  aveccetre  ligr.e  de  mireeftpour 
la  pièce  de  4  longue  de  .  .  o  57'  40*. 
r  4  courte  ai  .  .  O  "jS  17 
ria)  8  longue  de.  .1  3  ,8 
C  o  cOL.r:e  de  .  .  o  ^ô  41 
I z  longue  de  .  .  I  7  2 
^iz  courte  de  .  .  o  ^j^  30 
donc  le  feu  de  but  en  blanc  des  pièces  de 
4  courtes  ou  longues,  faii'ant  avecThorizon 
un  angle  d'une  infiniment  perite  différence, 
n'eil  pas  fenfiblement  plus  rafant  l'un  que 
l'autre.  Donc  dans  les  pièces  de  8  &  de  li 
l'avantage  du  reu  le  plus  raiimt  eft  de  beau- 
cou;;  en  faveur  des  pièces  courtes ,  ain.fi  que 
le  montre  la  mefure  des  angles  ci-defius  : 
cette  conféquence  eft  jjien  claire,  bien  évi- 
dente ,  &  cependant  contrac'icloire  à  l'aft'cr- 
tion  que  je  com'oats.  Enfin  quel  que  foit  l'an- 
gle que  les  axes  de  deux  pièces  du  m^me 
calibre  de  l'ancienne  ou  delà  nouvelle  ariii- 
Urie  feront  avec  l'horizon,  leurs  boulets  ne 
s'élcvcront  au  dellus  de  cet  horizon  qu2 
d'une  quantité  infiniment  peu  diltérente  ; 
leurs  tr.ijedoires  feront  à  très-peu  de  chofe 
près  égales  ,  &  leurs  feux  auffi  raf'ans  l'un 
que  l'autre  ;  &  rigoureuiiment  parlant  ,  la 
différence  qu'il  pourroit  y  avoir  entre  eux  à 
cet  égard  feroit,  comme  on  le  voit ,  en  la- 
veur des  pièces  nouvelles. 

7*^.  »  11  eft  difficile  d'affurer  le  coup  de 
»  boulet  à  400  toiles  llir  un  petit  fujet,  ou 
»  fur  un  petit  corps  en  mouvement  ;  le  coup 
»  ne  devient  certain  qu'à  zoo  toiles  ;  »fans 
doute  il  n'eft  pas  aifé  de  tirer  jufte  à  un 


ART 

petit  but  tlnigné  rie  400  toiles-,  ceb  dépend 
i'iir-tout  de  la  juilciTe  du  coup  d'œil  du  ca- 
noniiier  &  do  l'on  habileté  à  eftimer  farr; 
erreur  de  p:irei!hs  diftstices.   Mais  on  lui 
en  a  facilité  les  moyens  dans  la  nouvelle 
artillirie.  Dans  l'ancienne  au  delà  du  but 
en  blanc,  il  tiroit  au  h.izard  ou  en  tâtonnant; 
aujourd'hui  la  haulTe  vient  au  fecoiirs  de 
Ion  intelligence  &  afTureles  coups.  S'iU  ne 
font  bien  certains  qu'à  200  toifes  ,  comment 
l'auteur  de   cet   aiticie  &  les   panilans  de 
l'ancienne  anii/cr/i,  ont-ils  pu  s'obftiner  à 
vouloir  des  pièces  longues  dont  la  portée 
moyenne  tut  de  900  ou  1000  toifes,  diftance 
cxceiiive  ,  où  avec  de,,  pièces  de  4,  à  moins 
de  vouloir  pertlreinurileinent  de^  munitions, 
ils  conviennent  qu'il  leroit  fou  d'efpérer  tirer 
avec  quelque  infirile?  Quel  raifonnement 
elldonc  ce'ul-ci?  tirer  beaucoup  à  100  toi- 
les ,  rarement  à  400,  mais  quelque  lourdes 
&  embarrafTantes  (qu'elles  foient  ,  fervez- 
vous    toujours   pour   cela    des   pièces    qui 
portent  leur  boulet  à  1000  toifes.  On  con- 
çoit qu'une  pièce  qui  peut  porter  avec  juf- 
tefîe  (on  boulet  fur  des  hommes  diftans  d'elle 
de  1500  toifes ,  doit ,  pour  les  tuer,  lui  im- 
primer une  vîtefle  capable  de  lui  en  faire 
parcourir  7  à  8oo,  parce  qu'une  torce  qui 
i'uffit  pour  faire  mouvoir  un  boulet  l'elpace 
de  2  à  300  toifes,  &mèiiie  beaucoup  moins 
au  delà  d'un  but  fixé  à  500,  e,1  certainement 
toute  celle  dont  on  a  befoin  pour  abattre  des 
files  d'hommes  entières;  mais  on  ne  con- 
çoit pas  pourquoi  ce  boulet  ayant  rempli 
ion  objet  à  500  toifes ,  l'une  des  diftances 
les  plus  éloignées  de  celles  où  on  peut  comp- 
ter fur  fon  elfet,  devroit  encore  conferver 
au  delà  de  7  à  800  toifes  une  force  qui  lui 
devient  tout  à  fait  inutile.  L'avantage  des 
longues  portées  pour  le  canon  de  bataille 
eft  donc  touf-à-fait  chimérique,  dès  que 
ces  portées   s'étendent  au-delà  des  limites 
où  elles  peuvent  fe  concilier  avec  la  juftelle 
du  tir.  Pourquoi  vouloir  donc  en  bataille 
des  pièces  longues  qui    n'ont   pas  mcme, 
fous  les  angles  en  ufage  à  la  guerre ,  le  très- 
inutile  avantage  de  ces  longues  portées  ? 

8°.  Je  crois  qu'aucun  officier  (^artillerie 
n'a  jamais  rien  avancé  de  contraire  à  ce 
que  notre  auteur  dit  fous  ce  N".  &  l'on 
pouvoit  fe  difpenfer  de  prouver  une  choie 
reconnue  vraie  par  tout  le  inonde.  Renjar- 


A  R  T  5^9 

quons  feulement  que  les  -fortes  barienes 
n'ont  d'eff-'t  bien  décilif  que  contre  des 
troupes  qui  le  préfentent  en  colonne  ou  qui 
prêtent  le  flanc  ;  pofition  qu'elles  favent 
chan^^er  très-vire  lorfqu'eile  leur  devient 
funeile  ,  &  que  les  feux  d'échxrpc  ont  des 
bornes  beaucoup  plus  refferrées  que  celles 
que  femble  leur  afiigner  notre  auteur. 

9'\  «  Tant  qu'on  eft  éloigné  de  l'ennemi 
»>  de  100  toifes,  on  doit  préférer  le  boulet 
»  à  la  cartouche  ,  de  quelque  elpece  iju  elle 
»  foit.  »  C'ell  beaucoup  trop  rclTerier  la 
bonne  portée  des  cartouches.  Les  épreuves 
faites  en  1764  à  Strasbourg,  prouvent  que 
le  canon  de  1 1  porte  les  nouvelles  cartou- 
ches à  400  foifjs ,  celui  de  8  à  3 150  ,  &  celui 
de  4a  300.  Comme  la  variété  &  l'efpece  du 
terrain  influe  l'ur  l'etlet  des  cartouches  dont 
les  balles  peuvent  ou  ne  peuvent  pas  rico- 
cher, félon  qu'il  eft  plus  ou  moins  ferme  , 
je  penfe  que  l'on  peut  duninuer  quelque 
chofe  de  l'étendue  des  poitées  des  épreu- 
ves ;  mais  c'efl  trop  les  réduire  que  de  les 
fixer  au  tiers  de  celle  qui  en  a  le  moins ,  &  à 
une  plus  grande  diftance  leurs  coups  doivent 
être  plus  meuririers  que  ceux  d'un  bouler. 

lO*'.  «De  toutes  les  cartouches,  celles 
>►  qui  font  compofées  de  balles  de  munitions, 
»  telles  qu'on  les  délivre  aux  troupes ,  enve- 
»  loppées  dans  des  facs  de  toile  légère  ,  font 
)»  celles  qui  font  le  plus  d'effet.  »  Les  ancien- 
nes cartouches  ,  connues  fous  le  nom  de 
grappes  de  raifin ,  n'avoient  félon  les  patti- 
fans  de  l'ancienne  artillerie  ,  qu'une  portée 
de  80  à  100  toifes  fil  eft  bien  vrai  cependant 
qu'elle  éioit  d'environ  200;  J  les  balles  dont 
elles  étoient  formées  étant  de  fer  coulé  fe 
brifoient  foit  contre  les  parois  de  la  pièce  , 
foit  par  leur  choc  mutuel,  foit  contre  les 
pierres  qu'elles  rencontroient.  Celles  à  balles 
de  plomb  dont  l'auteur  vante  l'ui'age  &  les 
propriétés,  ont  le  délavantage  de  (e  peloion- 
ner,  de  former  des  gâteaux  ,  ne  ricochent 
point,  ont  une  portée  encore  moindre  que  les 
précédentes,  &  coûtent  \  plus  que  les  fuivan- 
tes.  Les  nouvelles  cartouches  font  de  ter 
battu  ,  ne  fe  pelotonnent  ni  ne  le  brilent, 
ricochent  ;  &  d'après  les  épreuves  de  Siras- 
bourg  ,  ont  une  portée  quadrupède  de  celle 
des  cartouches  de  balles  de  plomb,  &  à  por- 
tée égale,  un  effet  quintuple.  En  adoptant 
des  cartouches,  quipourroit  balancer  àdoii« 


590    '  ART 

ner  la  préférence  à  ces  dernières.,  qui  réu- 
niffent  feisles  tous  les  genres  de  mérite  qui 
manquent  aux  autres  ?  Ce  font  auiTî  celles 
dont  on  le  fert  dans  la  nouvelle  artillerk. 

II".  «  En  général,  il  eft  de  la  dernière 
«  conféquence  de  ne  tirer  foità  boulet,  foit 
»  à  mitraille,  qu'à  bonne  portée,  fans  quoi 
»  l'on  confoinmeroit  inutilement  des  muni- 
»  tions  qu'on  ieroit  dans  !e  cas  de  regretter 
»  lorlque  !e  moment  d'en  taire  un  u(age  dé- 
>>  cifit  ieroit  arrivé  :  il  ne  faut  point  tirer  à 
»>  boulet  par  falve,  mais  un  coup  après  l'au- 
»  tra  ,  en  forte  que  le  feu  foit  continu.  » 
Rien  aiTurémeiit  n'cft  plus  juHe  &  plus  vrai 
que  cette  maxime;  mais  quand  on  n'écrit 
pas  pour  le  feul  p'.aifir  d'écrire;  quand  on 
veut  inftruire  fur  fon  art ,  convient-il  d'en 
annoncer  d'auflî  communes  ?  tout  ceci  ne 
fe  réduit-U  pas  à  ces  mots  :  lorfque  vous 
êtes  hors  de  portée ,  ne  tirez  pas.^ 

1 1°.  «  L'arcillerii  de  régiment  qui  accom- 
»  pagne  les  troupes,  ou  qu'on  fuppofe  qui 
>y  peut  les  accompagner  dans  cous  leurs 
»  mouvemens,  ne  iauroit  procurer  de  grands 
M  avantages.  »  Coiument  l'auteur  l'entend- 
il }  croit-il  que  la  nouvelle  artillerie  de  cam- 
pagne ne  fuivra  pas  les  troupes?  Si  l'ancienne 
s'efl:  toujours  portée  ,  comme  il  ne  cefTe  de 
l'affurer ,  par-tout  où  l'on  en  a  eu  befoin, 
qu'il  nous  permette  au  moins  de  croire  que 
la  nouvelle  plus  légère  &  plus  mobile  ,  s'y 
portera  beaucoup  plus  vite,  &  qu'elle  fuivra 
les  troupes  dont  le  poids  de  l'ancienne ,  quoi 
qu'il  en  di'é  ,  la  tenoit  toujours  éloignée , 
ou  retardoit  les  mouvemens.  Croit-il  que 
cette  arùihrii  fera  moins  bien  fervie,  que 
fes  boulets  iront  moins  loin  ,  ne  tueront 
perfonne  }  mais  les  officiers  &  les  foldats 
aftuels  valent  ceux  du  temps  palTé  ,  les 
portées  de  cette  artillerie  font  auffi  éten- 
dues qu'il  le  faut  ,  &  fes  boulets  font  tou- 
jours ceux  de  4,  8  &  II,  ils  ont  même 
plus  de  maffe  qu'autrefois  ,  puifqu'ils  ont 
moins  de  vent. 

13°.  «  Les  pièces  de  11  &  de  8  ne  pou- 
»  vaut  jamais  être  aflTez  légères  pour  fuivre 
»  les  troupes ,  il  paroitroit  plus  avantageux 
«  de  les  laitier  dans  leurs  anciennes  propor- 
»  tions  ,  &  de  leur  faire  occuper  comme 
»  autrefois  des  pofitions  bien  faifies,  où 
»  elles  puifTent  battre  en  flanc,  de  revers  s'il 
*}  cft  poilible  ,  ou  au  moins  d'écharpe.  w 


ART 

Les  pièces  de8  &  la  ne  font  point  defti- 
nées  à  fuivre  les  régimens ,  ce  font  celles  de 
4  ;  mais  elles  font  aflez  légères  pour  marcher 
aux  réferves  &  fe  porter  beaucoup  plus  vite 
que  les  anciennes  de  même  calibre,  par-tout 
où  il  en  fera  befoin  ,  parce  qu'elles  font 
moins  pefantes  &  ont  des  affûts  mieux  pro- 
portionnés &  plus  roulans.  C'eût  été  ne  rien 
faire  que  d'alléger  feulement  le  canon  de  4  ; 
celui  de  référve  reliant  dans  les  anciennes 
dimenfions  &  confervant  fon  poids ,  eût 
toujours  enchaîné  les  mouvemens  de  l'ar- 
mée nécefEilremenc  dépendans  de  ceux  de 
{^artillerie  de  parc.  L'auteur  paroit  oublier 
que  le  canon  de  8  &  i  a  eft  deftiné  à  rem- 
plir l'objet  auquel  il  a  toujours  fervi.  On 
tâchera ,  j'ofe  le  lui  promettre ,  de  lui  faire  , 
comme  autrefois,  occuper  des  pofitions  biea 
faifies  où  il  puilTe  battre  en  flanc  l'ennemi 
que  la  néceffité  forcera  de  fe  placer,  ou  qui 
ofera  fe  tenir  fans  bouger  fous  le  feu  d'une 
batterie  emplacée  de  cette  manière  ;  mais 
pour  le  battre  de  revers  au  moins  d'échar- 
pe, nous  avons  déjà  dit  que  le  tir  oblique 
avoir  une  étendue  très-bornée  quand  on 
vouloir  le  tenir  dans  les  limites  qui  peuvent 
fe  concilier  avec  la  juftefTe  qu'exige  toute 
efpece  de  tir. 

14°.  «  La  pièce  ancienne  de  4  portant 
»  plus  loin  &  plus  jufte  que  la  pièce  nouvelle 
»  i\t%,  &  prefqu'aufli  loin  que  la  pièce  de 
»  Il  nouvelle,  pefant  moins  que  la  pièce 
»  nouvelle  de  8 ,  &  portant  mieux  la  car- 
»  touche  que  la  pièce  à  la  fuédoife,  il  feroit 
»  défavantageux  de  la  réformer.  »  Que  ré- 
pondre à  une  pareille  conclufion,  totalement 
dénuée  de  preuves }  la  négative  pure  6c  fim- 
ple  feroit  une  réponfe  fuffifante ,  mais  nous 
cherchons  à  convaincre.  L'auteur  femble 
appuyer  fa  conclufion  fur  le  réfultat  des 
épreuves  de  Strasbourg  ;  &  jamais  à  ces 
épreuves ,  dont  le  journal  efl  dans  les  mains 
de  tousles  artilleurs,  on  n'a  comparé  la  pièce 
de  4  longue  à  celle  de  8  courte.  Admettons 
un  moment  comme  vraie  cette  conclufion 
tirée  d'un  fait  entièrement  faux  ;  ne  crai- 
gnons point  de  partir  d'une  fuppofition  tout- 
à-fait  imaginaire  à  caufe  de  la  différence 
énorme  qui  règne  entre  les  charges  &  les 
boulets  de  ces  deux  pièces  ,  qu'en  rélultera- 
t-il  ?  les  coups  de  la  pièce  de  8  ,  même  ceux 
à  boulet  qui  frapperont  par  un  plus  grand 


ART 

diamètre ,  ne  feront  -  Ils  pas  toujours  plus 
d'effet  fur  une  ligne  ennemie  que  ceux  de  la 
pièce  de  4?  ne  détruiront-ils  pas  desobfta- 
c!es  que  ceux-ci  ne  pourroient  brii'er?  que 
jcra-ce  fi  on  les  tire  l'une  &  l'autre  à  car- 
touclijs  ?  n'e(l-il  pas  conftant ,  par  ce  nicme 
jovirnal  d  épreuves  ,  fur  lequel  l'auteur  s'ell 
mal-à-propos  appuyé,  que  la  portée  de  la 
cartouche  de  8  ti\  de  50  toifes  plus  forte 
que  celle  de  4 ,  &  que  celle-ci  ne  porte  que 
6j  petites  balles  quand  l'autre  eft  compolee 
de  I  li?  peut- on  /e  promettre  des  effets  lém- 
blables  de  caufes  fi  eflentiellement  différen- 
te"; ?  n'eft-ce  pas  un  avantage  immenfe  que 
celui  de  pouvoir  tenir  l'on  ennemi  fous  un 
feu  auffi  deftfuifleur  que  celui  du  canon  à 
cartouches ,  pendant  qu'il  parcourt  ^o  toiles 
de  plus  qu'il  n'en  auroit  à  parcourir  (ous 
celui  du  canon  de  4 ,  &  de  pouvoir  lui  lancer 
durant  tout  ce  temps  près  du  double  de 
balles  à  chaque  coup  qu'on  lui  tire  ? 

i'^°.<<  Le  nouveau  fyfteme  à'arùllerie  eft 
»  plus  difpendieux  que  l'ancien.  >►  Tou- 
jours des  affertions  fans  preuves  à  la  place 
de  la  vérité  qu'il  étoit  fi  ai!é  de  dire. 

Un  tab'.eau  comparaiif  des  prix  que  coûte 
une  pièce  de   même  calibre,  montée   fur 
fon  affût ,  de  l'ancien  &  du  nouveau  fyf- 
teme ,  eût  décidé  la  queftion.  Mais  ce  n'eft 
pas  ainfi  que  l'auteur  l'envifage  ;  il  veut  dire , 
je  crois ,  que  ïarnlUrie  ,  telle  qu'elle  eft  de 
nos  jours,  coûte  plus  en  totalité  qi'.e  celle 
qu'on  avoit  en  1740;, on  le  lui  accorde  fans 
peine.  Si  depuis  ce  temps  on  a  doublé  le 
nombre  des  canons,  il  n'y  a  rien  de  mer- 
veilleux à  ce  que  le  prix  de  tous  les  effets 
de  X artillerie  loit  aujourd'hui  double  de  ce 
qu'il  étoit  alors.  Ce  ne  feroitqu  être  au  pair, 
&   nous  prétendons  mieux  :  ramenons  la 
queftion  à  fes  véritables  termes.  Une  pièce 
de  4  &  fon  affût ,  ou  fi  vous  l'aimez  mieux  , 
celle  de  8,  coû;ent-ils  plus  aujourd'hui, 
qu'une  pièce  an.:ienne  ik  fon  affï'it  ne  coû- 
toient  en  1740.'   Nous  ofons  affirmer  que 
non ,  bien  fûrs  qu'on  ne  pourra  nous  prouver 
le  contraire  en  produilant  des  états  de  dé- 
penfes  authentiques  de   l'un   &c  de  l'autre 
temps.  Cependant  le  prix  des  fers  &  des  bois 
afort  augmenté  depuis  1740,  &lesconfiruc- 
tions  de  l'artillerie  ont  été  tellement  perfec- 
tionnées ,  qu'on  leur  a  reproché  jufqu'à  la 
beauté  de  leur  exécution  j  ces caufes  auroisnt 


ART         '    îçr 

dû  naturellement  &:  lans  qu'on  pût  l'attribuer 
avec  juftice  au  nouveau  (yflcme,  hauiïer  le 
prix  de  chaque  attirail  &  le  porter  fort  au 
delà  de  ce  qu'il  étoit  en  1740.  C'eft  pour- 
tant ce  qui  n'eft  pas  arrivé,  parce  que  dans 
ces  derniers  temps,  lintclligeHce  &  l'éco- 
nomie fe  font  réunies  pour  abréger  la  maiiv 
d'œuvre  &  épargner  les  matières  premières. 
Voyez  à  ce  fujet  nos  réponfes  à  Wtrticlc 
Affût.  Quant  à  l'augmentation  delà  quan- 
tité d'uriilleric ,  elle  n'eft  point ,  on  l'a  fait 
voir,  une  fuite  du  nouveau  fyfteme  cVur- 
tilleric,  mais  une  conféquence  néceffaire  du 
nouveau  fyfteme  de  guerre;  ainfi  les  repro- 
ches des  parîifans  de  l'ancienne  artil'eiie. 
portent  à  cet  égard  eiitiérement  à  faux.  Pour 
achever  de  mettre  au  néant  cette  importante 
accufation  ,  l'invoquerai  le  témoii^nage  de- 
l'auteur  de  VEffai  général  Je  tactique ,  les 
partifans  de  l'ancienne  artillerie  fe  ibnt  trop!- 
fouven:  étayés  de  (on  luffrage  pour  avoit 
droit  de  .le  rejeter.  «On  prétend  ,Jit-il, 
»  avec  cette  énergie  qui  lui  eft  propre,  que- 
»  ces  grands  changemens  ont   coûté  de&- 
»  fommes  éjiormes  ;  je  fais ,  moi,  de  fcienca 
»  certaine, .qu'elles  n'ont  pas  été  telles;  j'eii: 
»  ai  vu  les  détails.  Et ,  l'euftent-elles  été ,. 
»  f\  le  nouveau  fyfteme  eft  meilleur,  s'il 
n-  rendl'iZ/'^/V/'fr/dfrançoile  fupérieureàcelle 
»  de  l'ennemi ,  fi  par-là  il  influe  fiir  le  gain 
»  d'une  bataille  ,  la  dépenfe  eft  plus  que 
»  compenfée.  En  politique  il  n'y  a  que  les 
»  erreurs  qui  coûtent ,  les  dépenfes  utiles 
»  font  économie.  »  L'afiTertion  que  je  com- 
bats ,  énoncée  d'une  manière  vague ,  pour^ 
roit  aufli  s'appliquer  aux  dépenfes  que  Xar~ 
tilUrie  du  nouveau  fyfteme  néceftuera  pen- 
dant la  guerre  ;  dans  ce  cas ,  mes  preuves 
contre  le  fentiment  de  l'auteur ,  pour  être 
différentes,  n'en  feroient  pas- moins  fortes 
contre  fon   opinion  ;  toujours  la   quantité 
<ï artillerie  k  part,  je  lui  prouverai  que  l'at* 
telage  des  trois. calibres  de  campagne  a  été 
diminué,  que  le  graiffage ,  fi  cher  autre- 
fois, eft  devenu  prefque  nul;  que  les  répa- 
rations   au  parc   i'eront   infiniment  moin- 
dres ,  &  qu'enîin  un  nombre  de  pièces  an- 
ciennes, fuivie-S  ds  leurs  attirails ,  coûtoient 
autrefois  beaucoup  plus  à   entretenir  à  la 
guerre  ,  qu'un  pareil  nombre   n'y  coûtera 


déformais. 


16'',  «  La  nouvelle. ûrtiV/im  gâtera  plus 


59î  ART 

»  ies  chemins  que  l'ancienne  ,  rendra  les 
»  marches  plus  peCantcs,  &  pourroit  même 
>y  empêcher  le  liiccès  d'une  affaire  qui  dé- 
»  pendroit  de  la  célérité  d'une  marche.  » 
Telle   eft  enfin  la  dernière  conclufion   de 
l'auteur,  &  c'tiû  aflarément  la  plus  étrange 
de  toutes  celles  dont  je  viens  de  taire  l'exa- 
men. Comment  la  nouvelle  ariilUrie  gàte- 
ra-t-e!le  plus  les  chemins  que  l'ancienne.^ 
eîî-ce  parce  qu'elle  eft  plus  légère.'  La  ré- 
ponfe  à  une  fi  finsuliere  prétention  doit  le 
borner  à  ime  fimple  expofition   des    faits. 
L'équipat^edelcamp-igne  de  l'ancienne  artil- 
lerie étoit  compofé  de  canon  de  1 6  du  poids 
avec  Ton  affût  de  66co  livres ,  de  canon  de 
Il  du  poids  de  4980,  de  canon  de  8  du 
poids  de  3600  ,  Se  de  canon  de  4  du  poids 
'de  2400.  Le  poids  de  toutes  ces  pièces  ne 
portoit   ablblument   que    fur  deux   roues, 
faute  d'avoirinventérencaflrement  de  route, 
au  mo3^en   duquel  la  nouvelle  artilierie  a 
réparti  le  poids  de  fes  canons  fur  4  roues  ; 
1.1  pièce  de  16  eft  bannie  de  Ion  équipage  de 
campagne;  &  l'on  conviendra  fans  peine 
qu'un  poids  de  6600  hvres,  répard  prefque 
entièrement  fur  deux  points ,  doit  feul  char- 
ger davantage  &  détruire  plus  vite  les  che- 
mins c[ue  cent  autres  voitures  du  poids  de 
3S00,  telles  que  l'ont  les  nouvelles  pièces  de 
12,  le  plus  fort  des  calibres  de  campagne, 
&  dont  le  poids  porte  fur  quatre  roues.  Cha- 
cune de  celles  du  1 6  preffe  les  chemins  par  un 
poids  d'environ   3300  livres,    chacune  de 
celles  du   il  nouveau  ,  ne  les  preffe  que 
par  un  poids  de  956  livres.  Qu'on  juge  main- 
tenant combien  fera  différente  la  dégrada- 
tion qu'elles  opéreront.  Le  canon  de  8  nou- 
veau avec  fon  affût  pefe  1900  ,  celui  de  4 
n'excède  pas  1800.  Ce  n'eft  pas  la  peine 
d'étendre  jufqu'à  ces  pièces  le  cjlcul  decom- 
paraifon  que  nous  venons  de  faire  pour  cel- 
les de  12;  on  doit  fentir  l'étonnante  diffé- 
rence qu'offriroient  les  réfuira ts.  J'ajourerni 
que  VariiUerii  m?'-chant  en  file  &  enfeni- 
ble  ,  la  nécefiité  d'attendre  le  canon  de  16 
auroit  rendu  nulle  pour  l'ancienne  anilU- 
rie  la  mobilité  des  calibres  inférieurs  ;  quand, 
ce  qui  n'eft  pas ,  leur  mobilité  eût  pu   le 
comparer  à  celle  des  nouveaux.  La  diffé- 
rence de  mobilité  de  ces  deux  efpeces  d't/r- 
tilUrie  eft  telle,  que  la  pièce  de  4  ancienne 
qui  ne  pefe  que  240C3 ,  n'a  jamais  pu  fe  ma- 


A  R  T 

.;  ncruvrer  à  bras,  quand  celle  de  12  nou- 
i  velle  qifi  pefe  3800  y  eft  manœuvrable. 
Cette  différence  de  mobilité  entre  deux 
machines,  quoique  l'avantage foit  en  faveur 
de  la  plus  pelante ,  ne  furprendra  point  les 
perlonnes  inftruites,  celles  qui  lavent  com- 
bien les  trotîemens  plus  ou  moins  grands, 
nui  lent  ou  ajoutent  à  la  mobilité.  Or  ce  font 
ces  frottemens  qu'on  a  fur-toutdiminuépour 
la  nouvelle  amV/me  ,  en  fubftitiiant  les 
effieux  de  fer  à  ceux  de  bois ,  en  faifant 
rouler  leurs  fuiées  bien  tournées  dans  des 
boîtes  de  bronze  encaftrées  dans  les  moyeux, 
&  en  relevant  les  roues  des  avant-trains 
pour  augmenter  la  force  du  tirage  des  che- 
vaux, &  éviter  le  frottement  perpétuel  du 
moyeu  contre  la  terre  ,  qu'une  roue  plus 
bafle  éprouve  à  !a  rencontre  des  moindres 
ornières.  Peut-on  craindre,  aprè:  cet  expo- 
fé  ,  que  la  nouvel'e  artillerie  ne  puiffe  arri- 
ver où  l'on  aura  befoin  de  fon  fecours  au(!î 
promptement  que  l'auroit  fait  l'ancienne, 
&  que  fon  défaut  de  célérité  ne  nuife  aux 
opérations  de  la  guerre  } 

Nous  prions  le  lefteur  inftruit  &  impar- 
tial de  juger  les  objeftions  des  partifans  de 
l'ancienne  artillerie,  &  les  réponfes  que  je 
viens  d'y  faire.  L'encyc'opédie  deftinée  à 
porter  à  nos  neveux  la  connoiiïance  des  arts 
que  des  révolutions  auroient  pu  faire  ou- 
blier ,  devoir  ne  pas  leur  laifler  ignorer  la 
perfection  où  étoit  arrivé  de  nos  jours 
celui  de  Vanilleric  ,  &  leur  rendre  compte 
des  motifs  qui  avoient  déterminé  à  y  faire 
les  changemens  contre  lefquels  des  perfon- 
nes  trop  attachées  à  leurs  anciens  ufages 
avoient  réclamé.  (  Cet  article  eft  de  M.  DE 
pommereul.j 

Artu.lerif.  (Corps  royal  v.e  l'), 

U artillerie  a  compo'é ,  dans  tous  les  temps , 
un  corps  très-conlidérab'e  en  France,  même 
avant  l'invention  de  la  poudre  :  celui  qui 
la  commandoit  avoit  aullî  le  commande- 
ment fur  tout  les  gens  de  pié  ,  &  Tau- 
roriré  fur  tous  les  travaux  militaires,  tant 
pour  les  lièges  que  pour  les  marches  6c 
campement. 

Henri  IV  érigea  le  commandement  de 
WzrtilUrie  en  charge  de  la  couronne,  fous 
le  titre  de  grand- maître  d\irtilleric  ,  en 
faveur  de  Maximilicn  de  Béthunc,  duc  de 
Sully. 

En 


ART  ART  595 

En  t<590,((j)  Louis  XlVWoulaiitquerfjr-  1  la  fcrvir  cf;ms  le  befjin,  créa  un  régiment 
f///rr/V  eût  ime  troupe  pour  fa  garilc,  ik  pour  .  de  fix  bataillons ,  fous  la  cl6iiyniiiiatiou  de 


(a)  Il  eft  échappé  à.  l'auteur  de  cet  article  quelques  fautes  que  nous  allons  in^iq^Iel■.  Ce  n'cft  point 
en  ifii^o,  ni'isc'ii  iiîyi  ,  que  fut  créé  le  rcj;iment  des  Fuliliers  du  roi.  L.i  réunion  du  régiment 
Royal-EoiViOiidicrs  à  l'ariillerie  ne  (é  fit  point  en  1693  >  mais  en  1710,  puilqu'en  I6y/  ce  réj;nnt.-at, 
qui  exilloii  fcpiic,  fut  augm.-nté  d'un  fécond  b.itaillon.  L'or(ionnancc  du  1  5  août  175^  ,  n'i.'lt  point 
ou  I5,lifez  du  ij  août.  C'eft  vouloir  faire  illulion  à  fon  le£leur  que  de  lui  duc  que  cette  ordon- 
nance de  171SÎ  ,  n'ayant  j.imais  été  imprimée  quoiqu'on  la  fuivîi  depuis  fept  ans ,  parut  enfin  &  re- 
çut la  publicité  de  l'imprellion  le  i\  août  1771. 

L'ordonnance  do  ij  août  '771  ,  qui  fembla  n'avoir  pour  objet  que  la  deftruftion  de  tout  ce  qui' 
avoit  été  établi  par  celle  de  171S5  ,  ne  fera  jamais  confondue  dans  i' ytrtillerie  avec  cette  dernière  , 
dont  les  difpofuions  furent  rétablies  en  1774  ,  &  ont  reçu  depuis  une  nouvelle  fanûion  en  177^  , 
pat   les  ordonnances  luccellives  rendues  à  ces  époques. 

Les  motifs  qui  déterminèrent  la  .lifperfion  du  corps  des  Mineurs  ,  paroilTent  bien  foibies,  comparés 
à  ceux  qui  militent  en  faveur  de  leur  réunion.  Renvoyez  les  Mineurs  à  la  fuite  de  chaque  légimert 
à'artitUrie  ,  vous  détiuifcz  l'unité  de  leur  initruiflion  théorique  ,  &  fur- tout  leur  inftrudion  pratique 
en  grand.  Une  compagnie  feule  ne  peut  exécuter  de  grands  ouvrages  dans  le  couis  d'un  été  ;  vo'  "; 
-  vous  jetez  dans  l'inconvénient  d'un  furcroit  de  dépenfe  confidérable  pour  monter ,  même  en  petit 
dans  (ept  endroits  ditlJrens ,  une  inîTru^ion  chère  &  difficile  à  établir  dans  un  feul  ;  vous  éteignez 
l'efpiit  d'émulation  qui  ié(ulte  de  la  réunion  de  tous  les  Mineurs  en  un  même  lieu  ,  efprit  fi  né- 
ceflaire  au  progrès  de  tous  les  arcs  ,  que  c'eft  au  befoin  de  le  faire  naître  ou  de  l'entretenir  qu'on 
doit  tous  les  étabiilTemens  qui ,  fous  des  noms  divers,  ont  pour  objet  de  réunir  &  d'animer  les  efforts 
de  ceux  qui  fe  confacient  .i  les  cultiver. 

Les  perfonnes  qui  penfoien;  que  la  diminution  du  nombre  des  foldats  du  Corps  royal ,   faite  en 
J771  ,  étoit  une  économie  mal  entendue  ,  avoient  bien  raifon  ,  &  leur  avis  a  été  celui  de  tous  les 
minilftes  qui  ont  (uccédéà  l'auteur  de  l'ordonnance  de  1771.  Quand  un  de  ceux  qui  depuis  ont  occupé 
(a  place   .'.pprit  cette  réfounc  ,   il  médit:    voilà  le  Corps  àe  ['artillerie  perdu.  Il  raifonnoii  irès- 
jiifte  ,  car  en  fuppofant  cette  réforme  aufli  néceflaire  &  aulTi  économique  qu'elle  l'étoit  peu  ,  elle  étoit 
toujours  m.il  faite,   piifque  dans  cette  fuppofition  ,  il  valoit  niieux  licencier  fur  le  chaïup  les  onze 
dernier^  foldats  de  chaque  compagnie  que  de  s'expofer  à  perdre  ,  comme  cela  eft  arrivé  ,  d'excellens 
cano:'.niers  qai  avoient  fiitla  guerre,  &  qu'après  une  fi  longue  paix  il  falloir  conferver  avec  le  plus 
grand  foin  ,  mais  qu'on  s'eil  vu  forcé  de  laifler  partir  pendant  trois  ans  de  fuite  ,  .à  mefurc  que  leurs 
engagemcnscxpiroient .  -  :rce  que  les  régimens  étant  .ilors  chargés  de  lurnuméraites  ,  ne  pouvoient 
li'er  du  pouvoi'  derengticr.  Le  prétexte  de   cette  réforme  de   I799  hommes  étoit  plaufible   en 
apparence  ;  ■>:  rcndoii  .à  l'.nfantcnc  le  canon  de  4,  on  pouvoir  donc  diminuer  un  Corps  royal  auquel 
en  cnlevoit  une   - ■".  princip.-.lcs  branches  de  Çon  fervice  ;  mais  où  étoit  l'économie  dans  cette  ré- 
forme? Calculons  ;  la  foice  eltimative  de  l'armée  françoife  cfl  de  100  bataillons  ,  en  leur  donnant  à 
chacun  1  pièces  de  canon  q  ji  exigent  pour  leur  fervice  chacune  huit  hommes ,  il  falloit  tirer  de  lln- 
tanterie  3  ico  hommes  pom  les  attacher  à  ce  canon ,  on  ne  pouvoir  fe  dilpenfer  de  leur  joindre  au 
inoins   100  fergens  &  100  officiers;  on  auroic  donc  payé  3100  canonniers  dans  l'infanterie  ,   pour 
n'en  pas  payer   17 J9  dans  le  Corps  royal.  Voilà  ceites  une  finguliere  économie  :  avoit-on  confulté 
la  fagelTe  &  laraifon  en  rendant  le  canon  de  4  à  l'infanterie  ?  Je  veux  ,  contre  toute  vrailemblance  , 
que  fes  foldats  inftiuits  de  fa  manœuvre  foient  même  en  entrant  en  campagne  aulfi  bons  canonniers 
que  ceux  du  Coips  royal,  &:  que  fes  officiers  fâchent  tout  d'un  coup  anlfi  bien  le  métier  d'artilleur 
que  ceux  de  i'/irr/Her/V,  par  qui  les  auroit-on  fait  remplacer  après  une  bataille  qui   auroic  pu   ea 
détruire  beaucoup  ;  par  des  novices  tirés  de  la  ligne  ,  on  ne  pouvoir  fe  recruter  que  là  ,  foit  en  ofri- 
ciers  ,  foit  en  foldats.   Peut-on  croire  que  le  fervice  foit  auffi-bien   fait  par  fes  recrues   (ans  expé-i 


former  pour  l'art  qu'ils  devront  pratiquer  à  la  guerre  ,  vous  vous  jetez  dans  des  dépenfes  elfrayan- 
tes  -,  voilà  autant  d'écoles  que  de  réginuns  &  une  confommation  de  munitions  au  moins  dix  fois  plus 
forte  que  celle  que  fait  l'aritllerie  ;  ne  les  exercez  pas ,  vous  aurez  à  coup  fur  de  mauvais  canonniers. 

Les  raifons  qui  doivent  faire  laiiler  le  canon  de  4  au  Corps  royal  me  paroifTent  d'un  tout  autre 
poids  que  celles  qui  le  lui  faifoient  ôter.   C'eft  au   Icé^eur  fins  prévention  à  juger  entre  elle*. 

On  s'abftient  de  difcuter  les  principes  fur  lefquels  on  s'appuie  pour  fupprimer  l'école  &  la  compl- 
gnie  des  élevés  du  Corps  royal,  i-'  fuffit  de  dire  que  cet  article  de  l'Encyclopédie  n'apprend  point  (juelu 
Tonu  III.  C  c  c  c 


5^4 


A  R  t 


régiment  des  fupUcrs  du  roi ,  avec  imc  com- 
pagnie de  grenaàicrs ,  à  chaque  bataillon: 
ce  corps  fut  ainfi  nommé  ,  parce  qu'il  fut 
le  premier  armé  de  fufils  avec  la  bayonnctte , 
à  la  place  des  moufqucts  dont  on  faifoit 
alors  ufa^e  :  ce  qui  fait  époque  dans  l'hif- 
toirc  de  la  milice  fraiiçoiie. 

Daiis  le  premier  bataillon ,  il  y  ayoit  deux 
compagnies  d'ouvriers  de  cent  dix  hom- 
'  mes ,  trois  compagnies  de  canonniers ,  & 
huit  de  fuiiliers  de  55  hommes. 

Dans  le  fécond  &  troifieme  bataillons  , 
une  compagnie  d'ouvriers ,  trois  de  canon- 
niers &  dix  de  fufiiiers.  Dans  les  trois  der- 
niers bataillons  ,  trois  compagnies  de  ca- 
nonniers 8r  douze  de  fufilicrs. 

Après  la  réforme  qui  fut  faite  à  la  fin  de 
l'année  1668  ,  de  tous  les  canonniers  qui 
étoient  appointés  dans  les  places  ,  on  leva 
fîx  compagnies  de  canonniers  pour  exécuter 
&  fervir  le  canon  ,  qu'on  exerça  en  confé- 
quence  ^  on  en  leva  dans  la  fuite  encore  lix 
autres.  Quoique  ces  douze  compagnies  fideut 
, partie  du  régiment  des  fufiiiers  ,  elles  ne 
faifoient  point  corps  avec  les  bataillons  , 
&  étoient  regardées  comme  des  compagnies 
détachées. 

Le  régiment  Royal-Bombardiers  fut  crée 
en  1684 ,  &  compofé  de  quinze  compagnies 
fie  bombardiers  ,  dont  la  première  de  105 
hommes  ,  la  féconde  de  70 ,  &  les  treize 
■autres  de  50.  Il  fut  réuni  au  corps  de  Y  ar- 
tillerie en  169^. 

Par  ordonnance  du  15  avril  i^g:^  ^  le 
régiment  i\cs  fufiiiers  fut  appelle  le  réginient 
Royal  Artillerie ,  uniquement  attaché  au 
fervice  de  ^artillerie  ,  &  dilpenfé  de  tout 
autre  fervice ,  hors  celui  de  la  garde  des 
places. 


ART 

Par  ordonnance  du  25  novembre  iCç-^  , 
les  douze  compagnies  détachées  de  canon- 
niers furent  incorporées  dans  le  régiment 
Royal  Artillerie  ,  &  les  fix  compagnies  de 
grenadiers  furent  ce  averties  en  compagnies 
de  canonniers. 

Par  ordonnance  du  5  février  17Z0,  le 
régim.ent  Royal-Bombardiers ,  toutes  les 
compagnies  de  canonniers ,  d'ouvriers ,  & 
de  mineurs,  furent  incorporées  dans  le  régi- 
ment Royal  Artillerie ,  lequel  fut  compofé 
de  cinq  bataillons ,  &  chaque  bataillon  de 
huit  compagnies  de  100  honunes  chacune  ■■, 
chaque  compagnie  compofée  d'un  capitaine 
en  premier,  un  capitaine  en  fécond,  un 
lieutenant  en  premier ,  un  lieutenant  en  fé- 
cond ,  z  cadets ,  4  fergens  ,  4  caporai.-x  , 
4  anfpcfïïîdes  ,  2  tainbours  &  H4  loldats , 
divifcs  en  trois  efcouades ,  dont  la  première 
de  24  canonniers  ou  bombardiers  ,  com- 
mandée par  2  fergens  ,  2  caporaux  &  2 
anfpeiTades  :  la  féconde  de  12  mmeurs  ou 
fiioeurs ,  &:  12  apprentis  avec  un  fergent  ^ 
r  caporal  &  i  anlpelilule  ;  fcc  la  troitieme. 
de '"12  ouvriers  en  fer  oc  en  bois  ,  12  iip- 
prentis ,  avec  un  iêrgeut ,  un  caporal  &  un. 
anfpeffade. 

Par  ordonnance  du  premier  juillet  1729  ,. . 
les  cinq  bataillons  du  régiment  Royal  Ar- 
tillerie furent  compofés  chacun  de  lunt  com- 
pagnies ,  dont  une  de  fapeurs  ,  cinq  de 
canonniers  &  deux  de  bombardiers  de  70 
hommes  chacune  ,  dont  4  fergens ,  4  capo- 
raux ,  4  anlisellades ,  2  cadets  ,18  iapenrs  , 
canonnïers  ou  boir.bardiers  ,  36  rpprentis 
&  2  tambours  :  chaque  compagnie  com-i 
mandée  par  un  capitaine  en  premier  ,  un 
capitaine  en  fécond  ,  deux  lieuteiians  £c 
deux  fous-lieutenans. 


■  r„.„,  U>  ,,.,b  n,.,ifs  J.  ce,.=  ,ifo,  ..e  ,  <,,,î  ,«■(..««  pc.r  ,.;».  (o..dé,  ,«ç  c,„  ou'on  vl,», 

ucfoi  c-rs    &.oçlieutcnansent.oi(icmei  ces  Jeinieis  (cuu  nrcs  du  corps   des   'V^?    '  rî^ur^  Le 

^ansc-s' emplois  .   ne  peuvent  concourir  avec  les  autres  cffiç.ers  pour    les  grades    ucr.ers    Le 

'  iorps  royal  clHornré  de  lept  régimens  .  d.vi(«  chacur,  en  crnq  bngades  ^^^  ^-"[  S-^J  '  *!"'  '^J^^^ 

pofcnt  enlemble  z  bataillons  chacun  de  .0  compagnies  de  7^  Kommes  ;  ce  ^.^'P»=°"";"    ^^  ^^  ^\ 

'  Tompagnies  d'ouvr.ers  ,  de  7  >  h°"^'^^«  ^>>-^^''"^  >  ^ '^r^'r*"'"^^'"'!      ?  Me,    ôld      d?^  >^^^^ 
hommes-'^AurC,  le  nonbrc  tou.1  des  ofhc.ers  du  Corps  royal  eft  de  ^' V^e,  ^r    ment   de   ce    .   n  bU 
V   compris  les  a,  muners  û.  tambours  majors.    Le  roi  entrenent   >"^î'r"'^-""'"/"  .,,'J  J^^^^j  i 
^■bommes  beaucoup  de  fiard.sdV,-,;//.r,>  dans  les  places  &   des  conduaeur:  à  .m. hue  dclhn<i5 

■fuivre  le  p.^tc  en  temps.de  sueric.  (  M.  ue  ToM-NURtUL.  ) 


ART 

'Oii  fcnara  des  bataillons  les  cinq  coinpa-  j 
giiics  d'ouvriers  &  les  cinq  comi)a.?;nics  ùc 
mineurs  :  chaque  compagnie  d'ouvriers  fut 
coinpolce  de  40  hommes  ,  &  commandée 
par  un  capitaine  &  un  lieutenant  :  chaque 
compagnie  de  mineurs  fut  compoTée  de  50 
lioinmes,  y  compris  deux  cadets ,  &  cou:- 
nianilée  par  lui  capitaine  ,  deux  lieutenans 
&  deux  Ibus-lieutenans. 

Par  ordonnance  du  30  feptembre  174;^, 
les  compagnies  des  cinq  bataillons  du  ré,'i- 
mcnt  Rojiii  AnilUrie  ,  furent  augmentées 
de  ^o  hommes  &  portées  à  100. 

En  1747,  chacvui  des  bataillons  fut  aug- 
menté de  deux  coiiipagnics  &c  porté  à  dix 
de  100  hommes  chacune. 

Indépendamment  des  officiers  attaciiés 
au  régiment  Royal  Anilkne  ,  aux  compa- 
gnies détachées  d'ouvriers  &  de  mineurs , 
il  exiftoit  un  corps  d'officiers  fous  la  dénomi- 
nation d'officiers  d'anillak  ;  ce  corps  étoit 
compofc  de  lieutenans  généraux  du  grand- 
maitre  ,  de  commiflàires  provinciaux , 
commiiîaires  ordinaires  ,  commiffaires  ex- 
traordinaùcs ,  &i  officiers  pointeurs. 

Par  ordonnance  du ,8  décembre  1755  , 
la  charge  du  grand-maître  de  VartilUrie 
ayant  été  fupprimée  ,  les  cinq  bataillons  du 
régiment  Royal  Anillcie  ,  les  cinq  com- 
pagnies d'ouvriers ,  les  cinq  com.pagaies  de 
mineurs ,  les  officiers  du  corps  de  \! artillerie, 
&  les  iugénieurT ,  ne  firent  plus  qu'un  feul 
corps ,  fous  la  dénomination  du  Corps  royal 
de  ï artillerie  &  du  génie. 

Par  ordonnance  du  premier  décembre 
1756 ,  ce  corps  fut  augmentéd'un  bataillon, 
d'une  compagnie  d'ouvriers  &  d'une  com- 
pagnie de  mineurs. 

Par  ordonnance  du  5  mai  1758 ,  MM. 
.  les  ingénieurs  furent  rétirés  du  corps  royal 
pour  former  un  corps  féparé  ,  fous  la  déno- 
mination de  Corps  du  génie. 

Par  ordonnance  du  5  novembre  1758  , 
les  fix  bataillons  àa  corps  royal  de  [artillerie  , 
furent  convertis  en  dix  brigades,  compofces 
chacune  de  huit  compagnies  de  100  hom.- 
mes  :  {iivoir  ,  une  compagnie  d'ouvriers  , 
.  cinq  de  canonnicrs ,  &  deux  de  bombar- 
diers. Les  com.pagnies  de  fapeurs  &  de 
mineurs ,  furent  détachées  du  corps  royal . 
&  données  au  corps  du  génie,  par  ordon- 
nance du  I D  mai  1 7  59. 


ART  J9T 

^ir  ordonnance  du  2.7  février  1760  ,  les 
com;5agiiics  de  fapeurs  rentrèrent  dasis  le 
corp'^  royal ,  pour  être  chacune  la  première 
coup  i.gnie  de  chaque  brigade  ;  ik  lescon> 
pagnies  d'ouvriers  ,  réduites  à  60  hoiiimes 
chacune  ,  furent  détachées  à  la  fui'.e  de  cha- 
que brigade. 

Par  ordonnance  du  cinq  novembre  171^1 , 
•  le  corps  roy.d  fut  augmenté  de  trois  briga- 
des pour  le  fervice  de  la  marine. 

Par  ordonnance  du  zi  décembre  1761  , 
les  iix  brigades ,  pour  le  fervice  de  terre  , 
furent  augmentées  de  deux  compagnies  de 
cauouuiers  :  les  compagnies  de  mineurs 
furent  retirées  du  corps  du  génie  &  réunies 
au  corps  royal  pour  firvir  ,  in;c  à  la  fuite  dj 
chaque  brigade. 

A  la  fin  de  l'année  ijOi  ,  le  corps  royal 
fut  augmenté  d'une  brigade  de  huit  compa- 
gnies de  îoo  hommes  ,  formée  à  la  Ro- 
chelle, le  premier  janvier  1763  ,  Scdcftinée 
au  fervice  des  colonies ,  cniuite  affectée  an 
fervice  de  terre  conjointement  avec  les  fix 
anciennes. 

Par  ordonnance  du  5  mars  1764  ,  qui  a( 
fupprimé  une  des  trois  brigades  attachées  au. 
fervice  de  la  marine  ,  le  corps  royal  de  \ar- 
tilUrie  fut  compofé  de  fept  brigades  pour  le- 
fervice  de  terre ,  de  (ix  compagnies  d'ou- 
vriers ,  de  fix  compagnies  de  mineurs  &  de 
deux  brigades  pour  le  fervice  de  la  marine. 
Les  dix  premières  brigades  étoieut  comi;o- 
fées  chacune  d'une  con-pagnie  de  fapeurs  , 
&  de  neuf  compagnies  de  canonniers-bom- 
bardiers  :  chaque  compagnie  étoit  de  lOQ 
hommes  ,  dont  un   fourrier ,  6  fergens ,  6 


caporaux  ,  6  appointés ,  6  artificiers ,  li- 
premiers  canonniers  -  bombardiers  ,  18 
lêconds ,  41  troinemes  &  3  tambours  ^  com- 
mandée par  \M\  capitaine  en  premier,  2  capi- 
taines en  fécond  ,  deux  lieutenans  en  pre- 
mier ,  &  deux  lieutenans  en  fécond.  La 
compofition  de  la  compagnie  de  Tapeurs 
étoit  la  même,  à  l'exception  qu'elle  fcrmoit 
deux  clalfes  de  x8  premiers  fapeurs  &  6« 
féconds. 

La  Icptieme  brigade  n'étoit  que  de  huit 
compagnies  de  canonniers  -  bombardiers  y 
compoTées  comnie  celles  de  fix  autres 
brigades. 

Chacune  des  deux  brigades.,  pour  le  fer- 
,'vice  delà  marine  ,  eftcompolée  d'une  cem- 
C  c  c  c  i 


5r 


ART 


pagnic  de  boiobaidiers ,  &  de  fl'pt  com- 
pagnies de  canoniiiers  de  8i  hommes 
chacune. 

Chaque  compagnie  d'ouvriers  a  été  atta- 
.«hce  à  une  des  fix  premières  brigades , 
fans  cependant  en  faire  partie  ^  &  les  fix 
-compagnies  de  mineurs  furent  détachées  dn 
corps  royal  au  mois  de  mai  1764,  pour 
*tre  réunies  à  Verdun  où  elles  forment  un 
jorps. 

Par  ordonnance  du    15  aoîit  1765  ,  les 
fept  brigades  du  corps  rayai  de  ïanillerie  , 
•affeâiées  au  iervice  de  terre  ,  ont  été  con- 
verties en  pareil  nombre  de  régimens  Ibus  la 
dénomination  de  régimens  du  corps  royal  de 
f  artillerie ,  de  la  Fere ,  de  Metz ,  de  Straf- 
ï)Ourg  ,  de  Befançon  ,  d'Auxonne  ,  de  Gre- 
ooble  8f  de  Toul.   Chaque  régiment  a  été 
compofé  de  vingt  compagnies ,  dont  qua- 
torze de  canonniers ,   quatre   de  bombar- 
diers &  deux  de  fapeurs  ,   divifc  en  cinq 
brigades  de  quatre    compagnies   chacune. 
JLes    quatre    premières    brigades    forment 
<leux  bataillons  de  deux  brigades  chacun  j  la 
première  brigade  fut  compofée ,  dans  chaque 
bataillon ,  d'une  compagnie  de  Tapeurs  ,  & 
.de  trois  compagnies  de  canonniers,  la  fécon- 
de brigade  fut  compolce  de  quatre  compa- 
-giiies  de  canonniers  :  les  quatre  compagnies 
de    bombardiers    formèrent  la  cinquième 
brigade  ,  indépendante  de  deux  bataillons. 
Chaque  compagnie  de  canonniers ,  bom- 
bardiers &  fapeurs ,  étoit  commandée  par 
un  capitaine  en  premier ,  un  capitaine  en 
iecond  ,    z  lieutenans    en  premier  ,  &  z 
iieutenans  en  fécond ,  dont  un,  tiré  du  corps 
de  fcrgens  ,  faifoit  fonction  de  garçon-ma- 
jor de    la   compagnie.    Elle   étoit  de   46 
iiommes;,  fiivoir,  celles  de  canonniers  &  de 
fapeurs ,  I  fourrier ,  4  ièrgens ,  4  caporaux , 
4  appointés  ,  huit  canonniers  ou  fapeurs  de 
la   première  clalFe  ,   16  de  la  féconde  ,  8 
sppreniis  &c  i  tambour.  Celles  de  bombar- 
diers  étoient  également  de  46   hommes  ■■, 
favoir  i  fourrier  ,  4  fcrgens  ,  4  caporaux,  4 
appointes,  4  artificiers,  c;iratre  bombardiers 
de   la  première  clallc  ,  16  de  la  féconde, 
%  Tipprcntis  &  un  tambour. 

L'état  major  de  chaque  régiment  étoit 
formé  d'un  colonel,  i  lieutenant-colonel, 
I  major  ,  5  chefs  de  brigade  ayant  même 
rang  &i.  mêmes  appoiutcincus  que  k  major, 


ART 

I  aide-major,  z  fous-aides-majors,  iqua*» 
tier-maître  ,  i  tréforier  ,  i  aumônier ,  i 
chirurgien  &  i  tambour- major. 

Les  compagnies  d'ouvriers  ,  portées  au 
nombre  de  neuf,  étoient  de  61  hommes 
chacune  '-,  favoir  ,  i  fourrier  ,  4  fergcns ,  5 
caporaux  ,  5  appointés ,  18  ouvriers  de  la 
première  chiflé  ,  16  de  la  féconde  ,  11 
apprentis  &  i  tambour.  Elles  étoient  com- 
mandées par  I  capitaine  en  premier ,  i  capi- 
taine en  fécond  ,  i  lieutenant  en  premier  & 
z  lieutenans  en  fécond  tirés  du  corps  des 
fergens ,  dont  l'un  faifoit  les  fondions  de 
garçon  major  de  la  compagnie. 

Les  fi>:  compagnies  de  mineurs  étoient 
chacune  de  70  hommes  \  favoir  ,  i  fourrier , 
4  fergens,  8  caporaux,  8  appointés,  16 
mineurs,  3Z  apprentis  &  i  tambour, 
commandées  par  i  capitaine  en  premier , 
I  capitaine  en  fécond ,  z  lieutenans  en  pre- 
mier &  z  lieutenans  en  fécond  ,  dont  nii 
tiré  du  corps  des  fergens ,  laifant  les  fonc- 
tions de  garçon  major  de  la  compagnie. 
Par  ordonnance  du  15  décembre  1758, 
il  a  été  établi  quatre  compagnies  de  canon- 
niers invalides ,  de  100  hommes  chacune  , 
lefquelles  font  encore  p;u-tic  du  corps  royal 
de  Yarcillerie, 

L'uniforme  du  corps  royal ,  déterminé 
par  l'ordonnance  du  15  août  1765,  étoit 
habit ,  vefte  Siculottc  de  drap  bleu  de  roi  5 
doublure  de  l'habit,  colLt 8c paremcns  rou- 
ges^ doublure  blanche  à  la  veilej  poches  en 
travers  à  f  habit  &  à  la  vcfte ,  garnies  de  qua- 
tre boutons^  quatre  fiir  le  parement  ;  l'habit 
garni  d'une  bande  pour  les  boutonnières  Sc 
croifé  derrière  :  boutons  d'un  côté  jufqu'à  la 
taille  ,  ainfi  qu'à  la  veltc;  ces  boutons  jaunes 
ck  plats ,  numérotes  47  ,  &  chapeau  bordé 
de  fil  blanc.  Les  diftinctionsdes  fourriers  & 
fergens  fur  les  manches  en  or ,  &  celles  des 
caporaux,  appointés  &  premiers  canouniers 
en  laine  auroie ,  l'épaulctte  des  fcrgens  &c 
foldats  en  drap  bleu ,  doublée  de  rouge. 

L'uniforme  des  ou\Tiers  ^  mineurs  de 
même,  à  l'exception  que  les  onvriersavoicnt 
des  revers  rouges  à  l'habit  garni  de  neuf  pe- 
tits boutons ,  nunTérotés47. 

L'ordonnance  du  i  5  août  1765  n'a  jamai.f 
été  imprimée  ;  &  quoique  revêtue  de  l'ap- 
probation &  de  la  fignaturedu  roi  &  de 
telle  du  miniflrc  ç[ui  avoit  uloii  Is  déparie- 


ART 

kieiit  de  la  guerre  ,  la  publicité  clefimpref- 
Soii  ne  lui  avoit  pas  encore  donné  lafanCHon 
coiifaLrce  par  l'ufage.  bile  parut  le  13  août 
I77i  iiiipriinée,  mais  avec  des  changemens 
&  tics  modifications  c&nfidcrables.  Nous  al- 
lons rapporter  les  principaux  articles  de  cette 
ordonnance  ,  qui  établit  la  compolition  du 
corps  ro}'al  de  WirtUlait ,  &  nous  ferons  re- 
marquer leschanijemens  eirentiels  qui  furent 
faits  à  celle  de  1765. 

Lcslcptrégimens  con{èr\'erentleur  déno- 
mination de  La  Fête  ,  Met^  ,  Strasbourg  , 
Befançon ,  Auxonne  ,  Grenoble  &  Toul.  On 
iiibftitua  à  la  vellc  Se  culotte  bleues ,  la  vcflc 
ik  culotte  rouges  ,  fans  changer  le  bouton 
de  l'uniforme,  numéroté  47  ,  pour  indiquer 
le  rang  que  tient  le  corps  dans  Tinfantcrie. 

Chaque  régiment  fut  compofé  de  deux 
kataillons  de  dix  compagnies  ,  dont  fcpt  de 
canonniers ,  deux  de  bombardiers ,  &  ujie 
de  /apcurs  :  chaque  bataillon  di\  ifé  en  deux 
brigades  de  cinq  compagnies  j  la  première  de 
la  compagnie  de  fiipeurs  ,  trois  de  canon- 
niers &  une  do  bombardiers  ■■,  la  féconde  de 
quatre  coirpagnics  de  canonniers  &  une  de 
bombardiers.  Ces  brigades  commandées  par 
les  quatre  plus  anciens  capitaines. 

l,es  compagnies  de  mi^icurs  furent  retirées 
de  Verdun  &  portées  au  noîT,bre  defept^  on 
en  attacha  une  à  chacun  des  régin;cns  pour 
ièr\'ir  à  fa  faite.  L'objet  de  cette  dilpofition 
étoit .  en  réunifiant  en  quelque  lôrte  les  otiti- 
ciers  des  régimens  &  ceux  des  iniueurs  ,  de 
les  mettre  à  portée  de  participer  aux  mêmes 
inftruÛionSjpuifque  ,  roulant enfcmble, les 
oiîicicrs  des  miiieurs  peuvent  fe  trouver  dans 
quelques  occafions ,  chi^rgés  des  dtiails  & 
des  opérations  de  Y  artillerie,  &  ceux  des  ré- 
gimens peuvent  le  trouver  dans  des  circonf- 
tajîces  où  ils  regretteroient  de  ne  s'être  pas 
appliqués  à  la  partie  àts  mines. 

Les  compagnies  douvricrs  contimierent 
d'être  attachées  aux  régimens ,  feulement 
pour  l'avancement  des  oiîîcicrs  ,  mais  rcf- 
tercnt  dans  les  ariénaux  de  conflruction  , 
le/quels  étant  établis  dans  les  places  cù  les 
régimens  du  corps  royal  font  en  garniibn  , 
les  oiîkiers  d'ouvriers  pouvoient  participer 
aux  inllruftions  générales  ,  &ceux  des  régi- 
mens aux  détails  particuliers  des  conflnic- 
tions. 

Chccuuc  des  compagnies  de  canomiiers  J 


.  ART  î5,7 

&  de  tapeurs ,  réduite  de  46  Jiommes  a  35, 
fiit  compoféc  d'un  fourrier  ,  3  /crgens  ,  3 
caporaux,  3  appointés,  6  canoiuiiers  ou  fâ- 
peurs  de  la  première  clalfe  ,  1 2  de  la  fècon" 
de  ,  6  apprentis  ik  i  tambour. 

Chacune  des  compagnies  de  bombardiers , 
réduite  de  46  hommes  à  .3  5  ,  fut  compoféc 
de  I  fourrier  ,  3  fcrgens  ,  3  caporaux ,  3  ap- 
pointés ,  3  artificiers  ,  3  bombardiers  de  la 
première  claffe ,  1 2  de  la  féconde ,  6  appren- 
tis,  &  i  tambour. 

Ces  compagnies  doivent  être  comman- 
dées en  tout  temps ,  par  i  capitaine  en  pre- 
mier ,  1  capitaine  en  fécond  ,  i  lieutenant 
en  premier  &  i  lieutenant  en  fécond.  Par-là 
les  capitaines  en  fécond  qui  ,  par  l'ordon- 
nance de  1765  ,  n'étoient  qu'au  nombre  de 
1 1  par  régiment  ,  &  qui  tous  étoient  déta- 
chés dans  les  places ,  furent  portés  au  nom- 
bre de  20  &  rentrèrent  fous  leurs  drapeaux. 
Les  neuf  premiers  licutenans  furentpourvus 
de  commi/îions  de  capitaines  pour  en  com- 
pléter le  nombre.  Les  oiîicicrs  exiftans  au 
delà  du  nombre  qui  fe  trouvoit  placé  dans 
chaque  régiment,  réitèrent  à  leurs  drapeaux 
où  ils  dévoient  continuer  de  fcrvir  &  de  s'inf- 
truire  ,  en  jouifîant  de  leurs  appointemcns 
jufqu'à  ce  qu'il  y  eût  des  places  vacantes  dans 
les  compagnies. 

Les  cinq  chefs  de  brigades  établis  dans 
chaque  régiment,  par  l'ordonnance  de  1765, 
furent  fupprimés  par  celle  de  1772,  ainfique 
les  vingt  oflîciers  de  fortune  tirés  du  corps 
des  fergens ,  dont  il  n'en  fut  confervé  que 
2  porte-drapeaux  &  un  quartier-maître. 

Chacune  des  compagnies  de  miiieurs  fut 
réduite  de  70  hommes  à  50  ,  &  compofée 
d'un  fourrier  ,  3  fergens  ,  6  caporaux  ,  6 
appointés,  ri  mineurs  ,  22  apprentis  &  i 
tambour  :  elles  étoient  commannées  par  i 
capitaine  en  premier,  i  capitaine  en  fécond, 
2  lieutenans  en  premier ,  i  lieutenant  en 
fécond. 

Chacune  àzs  compagnies  d'ouvriers  ,  ré- 
duite de  60  hommes  à  40  ,  fut  compofce  de 
I  fourrier,  de  3  fergens  ,  3  caperaux,  3  ap- 
pointés ,  29  ouvriers,  dont  12  de  la  première 
claffc  ,  10  de  la  féconde  ,  &  7  apprentis  , 
avec  un  tambour.  Elles  étoient  commandées 
par  I  capitaine  en  premier  ,  i  capitaine  en 
fécond  ,  i  lieutenant  en  premier,  8c  1  lie|i« 
tenant  eu  feçoud. 


5^j.8      '-îmcri  A  H  T 

LL-'état-major  de  chacun  des  réglmens  du 
O'rps' royal  de  rartilleriê  fut  coinpofé  d'un 
colonel ,  d'un  licutenatit-coioncl ,  i  major  , 
z  aides-majors ,  z  fou -aide s-major,  r  quar- 
tier-maître,  z  porte-drapeaux  ,  r  trélbrier  , 
i-aumônier,  i  ehirur;jien,  i  tambour-major 
&  6  fifres  ou  clariiiets. 

Suivant  les  diipoiitions  de  cette  ordonnan- 
ce ,  chaque,  compào;uie  de  iiipcurs ,  canon- 
niers  &  bomb:ird  ers  fut  diminuée  de  ii 
hommes  :,  chaque  compagnie  de  mineurs  de 
zo  ,  &  chaque  compagnie  d'ouvriers  de  z  i  ;, 
ce  qui  fit  une  diminution  fijr  la  totalité  du 
corps  royal  de  1799  hommes. 

Pkdîcurs  perfonnes  penfoient  que  cette 
diminution  étoit  inic  économie  maleiitcndue:, 
mais  on  leur  objeâa  que  le  corps  royal ,  in- 
dépendamment des  mineurs  &  des  ouvriers , 
étant  encore  de  4900  hommes ,  ilfuffiroiten 
paix  &  même  en  guerre  ,  en  allociant  , 
comme  autrefois  /î  les  circonftances  l'exi- 
geoient  ,  des  régimens  d'infanterie  ou  de 
milice  à  Y  artillerie ,  parce  qu'il  luffit  d'un 
homme  ou  deux  irillrujts  à  chaque  pièce 
pour  diriger  les  autres 


ART  , 

jiiombre  des  furniiméraires ,  ou  les  jeunes 
gensauroient  vainement  langui  à  Br.paume  , 
en  attendant  qu'il  vaquât  des  places  dans 
les  régimeire  :  furdesefpérances  éloignées  8c 
frivoles ,  ils  auroicnt  vieilli  au  lieu  de  cher- 
clier  les  moyens  de  k  placer  dans  d'autres 
corps.  Tels  furent  les  niotifs  qui  détermi- 
nèrent lans  doute  la  f.;:>prefiîon  de  l'école 
des  élevés. 

Sa  Majéllé  avoitcréé,  par fon  ordonnance 
du  6  avril  1757  ,  des  comniiffaires  des  guer- 
res &  du  corps  royal ,  pour  tenir  lieu  des 
commis  contrôleurs  qui  étoicnt  alors  atta- 
chés à  tous  les  grands  departemens  de  fbix 
artillerie  ;  &  jugeant  que  les  onzecommif- 
faircs  établis  par  ceitc  ordonnance  ,  futn- 
Ibic'.it  pour  !_'  travail  doiu  ils  Ibnt  chargés  , 
elle  lesréduifoit  par  l'on  ordonnance  de  1771» 
au  même  nombre  dcr  oaiQ, 
Coinpofuioii  du  corps  royal  de  t artillerie  , 

fuivant  l  ordonnance  du  23  août  IJJZ. 

Sept  régimens  de  zo  compagnies  chacun  ; 
chaque  compagnie  de  35  hommes  :  par 
régiment  700  hommes  ^   &  pour  les  fcpt 


Indépendamment  du  nombre  d'officiers  j  49^^° 


attachés  aux  fept  régimens  du  corps  royal , 
aux  corapagnies  de  mineurs  &  d'ouvriers  , 
S.  M.  en  entretenoit  d'autres  dans  les  places , 
Jes  écoles  ,  forges,  fonderies  &  mahufaélu- 
res  d'armes:  cesoliîciers  continuoientde  faire 
partie  du  corps  r03'al ,  &  S.  M.  fe  réfervoit 
de  les  faire  entrer  dans  les  régimens  &  d'en 
faire  paiîcr  d'autres  dclilits  régimens  à  leur 
place^,  lorfque  les  circonftances  l'exigeroient 
pour  le  bien  de  fon  fervice  &  l'avancement 
des  ollîciers. 

Les  officiers  exiftans  au  delà  du  complet , 
'joints  aux  furnuméraires  fortis  de  l'école  de 
.Bapaume',  étant  en  nombre  fuffifant  pour 
-fcmplir  pendant  long-temps  les  places  va- 
cantes dans  les  régimens,  Sa  Majefté  jugea 
-A  proj)os  de fupprimer l'école  des  éleves.éta- 
'-'blie  à  Eapanme.  Les  promotions  d'officier^ 
-'-tpi'onnvoil  faites  depuis  quelques  années, 
'étoiehtcofifidérables^  cnforte  que  les  placer 
(  Vacantes  ayant  été  rcm.plics  dans  les  régi- 
«-mens  j  il  y  avoit  à-lbur  fuite  un  grand  nom- 
'^'brc'  de  furnuméraires  avec  leurs  a;ipointe- 
'Tliens  d'élevés  ,  &  p;ir  confcquent  le  même 
nombre  d'élevcs  à  Bapaume  ,-ï;ms  iippoin- 
tçineas  :  chaque  année  auroit  augmenté  le 


Sept  compagnies  de  mineurs  de  50  licm- 
mes  chacune  ,  en  tout  5  50. 

Neuf  compagnies  d'ouvriers,  de  40  hom- 
mes chacune  .'en  tout  560. 

Le  corps  des  officiers  coinpofé  comme  il  fuit', 
favoir: 
Un  direilcur  général. 
Sept  chefs  de  départemens   généraux  , 
tels  qu'ils  étoient  précédemment  au  nombre 
de  neuf,  fous  la  dénomination  d'inlpefteurs 
généraux. 

Sept  commandans  d'écoles. 
Sept  colonacls  de  régimens. 
\'ingt- trois  colonncls-diredteurs. 
Sept  licu'.enans-colonels  de  régimens. 
Vingt-trois  lieutenans-colonels  fous-direc- 
tcurs. 

Quatre  infpe fleurs  aux  maïuifaclures  d'ar- 
mes. 

Sept  majors. 
Quatorze  aides-majors. 
Trente-cinq  capitaines  en  premier  atta- 
chés aux  réfidcnces  des  places. 

Vingt  capitaines  en  premier  par  régiment; 
140  pour  les  (ept. 
Sept  capitaines  en  pieinler  de  mineiu-s« 


A  ÇL  T 

Neuf  capitaines  en  premier  d'op-ri^rs. 
'  '   Vîiijjt  capitaines  en  feconci  phr  i-igimÉnt  ^ 
■I40  pour  les  fcpt.        ' 

Sept  capitaines  en  fécond  de  inineiirs. 

Neuf  cp.pitaincs  en  {ècond  d'ouvriers. 

Vingt  licutenans en  prcmicrparrcgimcnt  j 
140  pour  les  fcpt. 
Quatorze  licutenans  en  premier  de  mineurs. 

Neuf  lieutenans  en  premier  d"ou\riers. 

N'ifigt  licutenans  en  fécond  par  rcgiinent  j 
140  pour  les  fcpt. 

Sept  licutenans  en  fécond  de  mineurs. 

Neuf  Jicuteiians  en  fécond  d'ouvriers. 

Quatorze  porte-drapeaux. 

Sept  quarticrs-ma'trcs. 

Le  tout  failànt,  indcpendammciit  du  di- 
refteur  général ,  le  nombre  de  800  officiers. 

Nous  craindrions  d'être  trop  longs  il  nous 
roulions  rapporter  tous  les  motifs  qui  ont 
déterminé  la  conftitution  établie  par  l'ordon- 
nance de  1771  :  on  les  trouvera  tous  pré(cn- 
tés  dans  le  plus  grand  détail ,  dans  une 
broch'.ire  qui  a  pour  titre  :  Lettre  d'un  c"i- 
cicr  du  corps  royal  d  artillerie  au  lieuter.ant- 
coloiiel  du  tégiment  £)***',  Jur  les  change- 
fiicis  introduifs  dàns'fariillèrie  frar.çoife\ 
depuis  1765  jufquen  17^6  ,'  '&  fur  les  arran- 
fèmensprispdr'le'mihljlere  relativetncnt  à  ce 
Javice.  1:74. 

Par  ordonnance  du  3  o£}obre  1774,  le 
corps  royal  de  Wirtillerie  éft  compofé  de 
neuf  infpedi-curs- généraux .  dont  le  premier 
a  le  titre  de  dirt:tenr  général ,  fans  néan- 
moins avoir  d'autre  autorité  ni  d'autres  fonc-- 
tioris  que  lés  huit  aùt'res  :  de  7  écoles  à^ar- 
til.'erie  ,  de  7  régimens  qui' ont  confervé  les 
noms  qu'ils  avoient  précédemment ,  d'un 
corps  de  mineurs  formant  7  coiupagnies  , 
établi  â  Verdun  pour  fou  iaflruCtion ,  de 
p  compagnies  d'ou\'ricrs ,  de  21  directions, 
bc  de  15  commilfaires  des  guerres. 

Chaque  régiment  eft  compolé  de  deux 
bataillous  de  caiionniers  &  de  fapeurs  ,  & 
de  quatre  compagnies  de  bombardiers  ,  for- 
mant enlcmbic  cinq  brigades  conunaiidecs 
par  ;.n  chef  de  brigade  ayant  rang  de  major. 
Chaque  compagnie  de  cauonniers  &  de 
bombardiers eit  commandée  par  un  capitaine 
Ci;  premier  ,  un  lieutenant  en  premier  & 
dci-x  licutenans  en  fécond  ,  dont  l'un  cft 
tiré  du  corps  des  (èrgens  &  fait  les  fonfticns 
d'adjudant.  Chaque  compagnie  de  fapeurs 


ART 


^V^ 


efl:  cpmir.andce  par  le  chef  de  la  bfigadf. 
^ans  laqlielle  elle  fe  trouve ,  il  en  eft  le 
capitaine  titulaire  ;,  on  y  a  attaché  de  plus 
un  capitaine  en  fecond  pour  la  commander 
dans  tous  les  cas  du  fcrvice. 

Les  autres  capitaines  en  (ccond  font  fiip- 
priincs  ,  à  l'exception  de  11  par  régiment, 
auquel  ils  ne  font  attachés  que  pour  leur 
avancement ,  &  qui  font  employés  dans  les 
diflérentes  places  du  royaume. 

Chaque  compagnie  eîl  de  35  hommes, 
elles  feront  portées  à  70  en  temps  de  guerre. 
Cette  ordonnance  accorde  le  grade  de 
lieutenant-colonel  aux  fcptplus  anciens  chefs 
de  brigade  ou  majors  du  corps  royal ,  &  Ja 
commilîion  de  majors  aux  deux  premiers 
capitaines  de  chaque  régiinent ,  lorfqu'jls 
auront'rempli  l'emploi  de  ]iremier  ou  fecond 
capitaine  pendant  iix  ans  y  en  temps  de  paix , 
?<  celle  dé  lieu.toii;int-colonel  ,  lorfqu'ils 
l'auront  occupé  pendant  dix  ans.  Les  huit 
premiers  licutenans  de  chaque  régimeijt, 
■que  lordonnance  de  1772  avolt  élevés  au 
grade  de  capitaine  en  fecond  ,  redeviennent 
lieutenans  en 'premier  avec  la  coràmifuon 
de  capitaine:  :.■;■'.''       •    .        '■•;.■ 

Le  corps  des  mineurs- cfl  comiinandé  fupé- 
rieurement  par  un  des  rnfpcfleurs  généraux  , 
il  y  a  en  outre  un  commandant  particulier, 
choifi  parmi  les  capitaines ,  un.  chef  de  bri- 
gade charge  de  diriger  les  études  des  ofîiciers, 
un  aide-inajor, lequel  eflchargctle  la  ])olice, 
de  la  difcipliiie  &  du  fërvice  de  l'infanterie. 
Chaque  compagnie  de  rfiijieurs  efl  cohi- 
m.artdée  en  tout  temps  parmi  capitaine-cn 
j'rem.ier  ,  un  capitaine  en  fecond  ,  un  lieu- 
tenant en  premier  iic  deux  lieutenans  en  fé- 
cond ;  l'un  defquels  ,  tire  du  corps  des  fèr- 
gens  j  fait  les  fonctions  d'adjudant.  Ces  com- 
}>agiiies  font  de  46  hommes,  S.  M.  propo- 
iâîit  de  les  augnicntcr  de  24  ajjprentis  •&; 
ce  lï  de  plus  en  temps  de  guerre. 

Chaque  compagnie  d'ouvriers  efl  com- 
mandée en  tout  temps  par  un  capitaine  en 
l^remier ,  un  caj)iîaine  en  fecond ,  un  lieu- 
tenant en  premier  cSf  deux- lieutenans  "en 
fe,ond  ,  dont  lîm  efi  adjudant,  hdle  efl  de 
40  îiommes  ,  fera  portée  à  61 ,  &  en  tcm]5S 
de  guerre  à  70. -Ces  compagnies  font  difcri- 
l)uéos  pendant  ia  paix  dans  les  artènaux  de 
conflradlion. 

L'ctat-majorde  chaque  régimeiU  cfl  com- 


'6oo  ART 

pofé  de  I  colonel ,  i  lieiitenant-coloneî  , 
5  chefs  de  brigade,  r  major  ,  i  aide-major, 
2.  fous-aides-majors ,  i  quartier- maître  ,  i 
tréforier ,  i  tambour- major  ,  6  muficiens  , 
I  aumônier  &  i  chirurgien-major. 

Uniforme.  Habit ,  épaulette  ,  vefte  de 
drap  bleu ,  paremens  ,  collet  &  doublure 
rouges ,  culottes  de  tricot  bleu  :  boutons 
jaunes  &  plats ,  numérotés  47.  Les  mineurs 
ont  lepaulette  fur  l'habit  &  la  \efte  d'un 
galon  de  laine  aurore.  Les  ouvriers  ont  deS 
revers  en  drap  rouge,  &  une  patelette  rouge , 
à  la  vefte.  Les  gardes-magafin  &  artificiers 
ont  les  paremens  &  le  collet  de  velours  bleu 
célefte  ,  &  les  conducteurs  de  charroi  les 
ont  en  drap  de  la  même  couleur. 

Chaque  régiment  du  corps  royal  a  deux 
drapeaux ,  dont  un  blanc  colonel  &  un 
d'ordonnance  aurore  &  verd ,  taffetas  chan- 
geant &  aurore  oC  rcu?e  de  même  par  oppo- 
sition -^  les  drapeaux  blancs ,  les  croix  blan- 
ches de  ceux  d'ordonnance  ,  &  leurs  iiampes 
peintes  en  bleu  ,  font  femcs  de  Heurs-dc-lis 
d'or.  Cette  marque  de  diftinèlion  fut  accor- 
dée à  ce  corps  du  temps  qu'il  était  le  régi- 
'  ment  des  fuliliers  du  roi ,  pour  s'être  lîgnalé 
à  un  aiïàut  où  il  monta  au  fiege  de  Cambray. 

Indépendanuncnt  du  nombre  d'ofiiciers 
attachés  aux  fept  régimens  du  corps  royal  , 
aux  compagnies  de  'uineurs  &  d'ouvriers , 
fa  majeftc  entretiendra  en  outre ,;  pour  le 
fèrvice  de  Winillerie  dans  les  place;  ,  105 
officiers  :  favoir  ,  9  infpcfteurs-géacraux  , 
7  commandans  eu  chefs  des  écoles  ,  22  co- 
lonels direfteurs,  27  lieutenans-colonels  , 
dont  23  fous-diredleiirs  ftf  4  infpedeurs  cifjs 
manufactures   d'armes  ^   63   capitaines  c:    i'academie   des  fcieuces  a  depuis  comptés 


ART 

fubfiftcr  long-temps.  Ce  ne  fut  qu'en  1710; 
que  les  écoles  A' artillerie  furent  fondées  d'uiiB 
manière  ftable.  M.  le  marquis  de  Valiere 
en  fit  établir  dans  toutes  les  villes  défignées 
pour  recevoir  en  garnifon  les  troupes  de 
['arcillene.  Aujourd'iiui  Strasbourg  ,   Metz, 
Verdun  ,    Befançon ,   Douai  ,    la  Fere  & 
Auxonne  ont  des  écoles  ^artillerie  :  Celle 
•ie  Grenoble  \;ient  d'être  fupprimée  ,  vrai- 
(tjmblablcment  pour  être  transférée  dans  un 
lieu  plus  commode  &  plus  convenuble.  Les 
oôtes  rie  Bretagne ,  de  Normandie  ,  du  pays 
d'Aunis ,  lèmbîei'.t  exiger  qu'une  école  foit 
rapprochée  d'elles.  Peut-être  mèw.t  ne  fau- 
ch-oit-il  avoir  qu'une  feule  éculc  à'àrtillerie 
dans  le   centre  du  royaume ,  ainfi  que  l'a 
propofé  M.  d'Efpinally  ,  chef  de  brigade 
du  corps  royal  j  l'ijiftruÛioa  théorique  y  lè- 
roit  meilleure  ,  rin(lru£tici!i  pratique  s'y  fe- 
roit  en  grand.   Une   campaene    dans   une 
telle  école  appreuclroit  plus  aux  jeunes  offi- 
ciers que  dix  ne  peuvent  la  fiire  dans  les 
écoles  aftuelles,  où  tout  fc  faifonten  petit , 
ne  donne  de  la  guene  qu'une  ima^re  très- 
imparfaite.  Au  refce  ,  il  fuut  voir  le  déve- 
loppement de  ce  grand  &  beau  projet  d'une 
école  générale  ,  dans  le  dictionnaire  d'crr?'/- 
Icrie ,  que  doit  publier  M.  d'Efpinalfy.  Tel- 
les que  font  les  écoles  à! artillerie  ,  elles  font 
deveiuics  une  eljjcce   d'académie  ,    où  les 
jeimes  çcn%  que  leur  naillance  appelle  aux 
phis  !i;nircs  dignités  militaires  ,   font  venus 
te  viennent  tous  les.jours  prendre  leurs  pre- 
mières leçons.  Elles  doivent  s'honorer  d'a- 
voir vu  ibrtir  de  leur  fein  M.  le  comte  de 
iVlaillcbois  &  M.  le  comte  de  Trclfan  ,  que 


premier  ,  77  capitaines  en  fécond ,  dont  on;o 
font  attachés  à  chaque  régiment  pour  leur 
avancem.ent. 

Telles  font  les  principales  difpofitions  do 
rordonnance  du  3  odobre  1774,  calquée 
fur  celle  de  1765  ,  à  quelques  changemens 
près. 

Ecole  d'artillerie.  Louis  XIV  qui  créa  la 
plupart  des  établiifemens  utiles  f[u'on  voit 
en  France  ,  fcntit  la  néceflitc  d'une  école 
^artillerie  ,  où  les  oflicicrs  pulfcnt  employer 
les  loifirs  de  la  paix  à  s'i'ùîruire  dans  l'art 
de  la  guerre.  Il  en  éta!)lit  une  à  Douai  en 
1(579,  mais  les  guerres  coutunielles  qu'il  en- 
treprit ne  permircut  pas  à  cette  école  de 


parmi  fes  membres  ,  &  qui  à  de  grands 
talcns  militaires  ont  fu  allier  les  connoif- 
f-iuces  les  plus  étendues  dans  des  genres  tj-ès- 
\ôriés  ,  tk  faire  inlcrire  leur  nom  iiarirù 
CQivs.  des  généraux  ,  des  fàvans  ,  des  beaux 
efpriis ,  ôc  ce  qui  vaut  mieux  encore  ,  parmi 
ceux  des  hommes  rares  que  la  gloire  n'a 
point  gâtés  Si  que  les  fuccès  Se  les  talens 
a'oat  fait  que  rendre  plus  aimables.  Sans 
doute  les  jeunes  fèigneurs  qui  fuivent  maiu- 
tciuuît  ces  écoles  ,  prenant  ces  généraux 
pour  modèles ,  ne  leur  feront  pas  un  jour 
îuoins  d'honneur  qu'eux. 

Chaque  école  eft  commandée  par  lui  offi- 
cier général  ^artillerie  ,  chargé  de  diriger 

l'iu  ftrudioa 


ART 

yinfl:ru<?l'ion  théorique  &  pratique  des  offi- 
ciers, &  des  troupes  qu'il  a  (bus  Tes  ordres. 
Le  roi  entretient  d.^p.s  chacune  un  proltC- 
feur,  un  ai(Ie-profc(Téur  de  ni.ith'iniatic[Uv'S, 
un  proll-fTeur  de  dclhn.  Non  loin  des  villes 
où  font  les  écoles  ,  eft  un  vafie  champ 
d'exercice ,  ou  parc  d'arùî/eriequon  nomme 
aflez  improprement  polygone ,  on  y  élevé 
des  fronts  de  tortification  ,  on  y  conflruit 
des  batteries,  on  y  ouvre  des  tranchées, 
on  y  conduit  des  (appcs  ;  toutes  les  opéra- 
tions qu'exigent  les  iieges  y  font  pratiquées. 
Le  commandant  d'école  nomme  pamii 
les  officiers  du  régiment  i^anilUru  un  di- 
refteur,  un  ibus-direfteur  &  deux  aides  de 
parc.  Le  direifleur  commande  dans  le  parc  , 
a  ioin  de  ion  approvifionnement  ;  les  offi- 
ciers qui  lui  îbnTadjoints ,  lont  chargés  par 
hii  des  détails;  le  parc  a  en  outre  un  garde 
^iirtilkrii ,  &  un  conduéteur  de  charroi. 

L'école  de  pratique  i'e  fait  le  plus  matin 
qu'il  eft  pofîible,  trois  jours  de  chaque  (e- 
maine,  &  la  moitié  du  régiment  doit  s'y 
trouver  chaque  lois.  L'école  de  théorie  {é 
tient  les  trois  autres  jours  de  la  lemaine,  le 
matin;  tous  les  lieutenans  lé  trouvent  durant 
trois  heures  à  la  falle  de  mathématiques ,  & 
le  loir  pendant  le  ni^me  temps  à  celle  de 
i^.<i^\\\  :  ils  y  font  prélides  par  un  capitaine 
&  commandés  par  un  chef  de  brigade  :  les 
mathématiques  élémenraires,  le  calcul  in- 
tégral &  différencicl, -rapplicarion  de  l'al- 
gebie  à  la  géométrie,  la  méchanique,  l'hy- 
draulique, la  fortification,  font  l'objet  des 
Jeçons  qu'on  donne  à  ces  falles ,  qui  font 
fuivies  d'expériences  dephyhque  &  dechy- 
m;e.  Aux  f/iles  de  dcfTiu,  les  lieutenans  del- 
fmcnt  les  pians  &  prouls  de  la  fortification , 
les  machines  de  KanilUrh  ;  dans  les  beaux 
jours  d'été  ils  vont  fur  le  terrain  lever  les 
flans,  drefTer  des  cartes,  faire  des  nivelle- 
mens.  Les  capitaines  s'affemblent  une  fois 
la  femaine,  en  prélénce  du  commandant 
d'école  &C  des  chefs  du  régiment  pour  traiter 
en  forme  de  conférences  toutes  les  matières 
qui  iont  du  refîbrt  d.e  'xartilkrie.  Les  ler- 
gens  ont  aufîî  des  falles  de  tiiéorie. 

Le  commandant  d'école  examine  de 
temps  en  temps  les  lieutenans  pour  juger  de 
leur  degré  d'inftrudfion ,  &  l'uiipefteur  gé- 
néral lors  de  fa  revue ,  leur  fait  fubir  tous 
les  ans  un  nouvel  examen. 
Torni  III. 


ART  ^^01 

Louis  XV  créa  en  ly^ô  une  école  Si  une 
compagnie  d'élevés  deftniées  à  fervir  de  no- 
viciat ,  pour  entier  au  corps  royal.  Le  nom- 
bre clés  élevés  fixé  d'abord  à  ';o  fut  enfuite 
porté  à  60.  La  compagnie  étoit  commandée 
par  un  colonel,  un  lieu:enant  colonel,  un 
capitaine  ,  un  lieutenant  du  corps  royal.  L'é- 
cole avoit  des  profeffeurs  de  mathématiques, 
de  phyfîque,  de  defTin.  Un  mcnibre  de  l'a- 
catiémie  des  fciences  vcnoit  deux  fois  par 
an  à  la  Fera  ,  où  elle  fut  d'aljord  établie, 
&  enfuite  à  Bapaume,  où  elle  fut  transfé- 
rée en  1766  ,  examluir  les  élevés ,  &c  fur  le 
compte  qu'il  rer.doit  de  leur  (avoir  au  mi- 
nière ,  ils  éîoicriL  nommés  officiers  ou  ren- 
voyés à  leurs  familles.  Ce  même  académi- 
cien examinoi*  les  ai'pirans  qui  fe  rendoienr 
à  la  Fere  &  à  Bapaume  de  toutes  les  écoles 
à'anlUerii ,  &  fur  (on  rapport  ils  étoient 
admis  dans  la  compagnie  de£  élevés,  ou  re- 
fuiés.  Cette  éole  &  cette  compagnie  furent 
fupprimées  en  1771 ,  il  eft  vrailémbiableque 
lorique  le  corps  royal  aura  befbiii  d'offi- 
ciers,  on  prendra  de  nouveaux  moyens  de 
s'alûirer  de  la  capacité  Si  des  lalens  de  ceux 
qui  (é  deflineront  au  fervice  de  funilUrlt, 
(M.  DE   POMMEREUL.) 

ARTIMON ,  f.  m.  {Marine.  )  On  donne 
le  nom  d'animon  au  bas  mât  le  plus  en  ar- 
rière du  vailleau,  à  la  %'ergue  que  ce  mât 
(upporte,  &:  à  lî  voile  attachée  fur  cette.ver- 
<Tue.  Lorl'qu'on  veut  parler  de  la  \oi'e,o:i 
(e  contente  de  dire  Yaicimon  ;  mais  loti- 
qu'on  veut  défigner  le  mât  ou  la  vergue, 
on  dit  le  m?.t  d'animon  ou  la  vergue  d'ar- 
timon.  On  diflinguear.lîi  par  le  mot  artimon 
les  manœuvres  qui  ont  des  noms  génériques 
&  communs  pour  tous  les  mâts  ,  &  qui 
fervent  au  mat  à  la  vergue  ou  à  la  voile 
d'artimon  :  ainfi  on  dit  les  haubans  d'arti- 
mon ,  la  driflé  d'animon^  les  cargues  d\irti' 
mon  ,  &c. 

Le  màt,  ainfi  que  la  vergue,  font  faits 
pour  l'ufage  de  la  voile  :  mais  il  faut  placer 
le  mât  avant  de  phcer  la  vergue;  &t  on 
place  la  vergue  avant  de  placer  la  voile  ; 
c'efl:  auflî  l'ordre  que  je  vais  Cuivre  en  par- 
lant d'artimon. 

Mât  d'artimon.  Le  màt  d'artimon  eÇ[  le 

plus  petit  des  trois  bas  mâts  du  vailleau.  Il 

a  ordinairement  en  longueur  une  fois  trois 

1  quarts  le  maître  bau,  &  la  douzième  partie 

Dddd 


6oi  ART 

de  cette  lotigueur  forme  !e  ton  du  mât.  Son 
plus  fort  diamètre  efl:  de  la  t'ente-fixieme 
partie  de  fa  longueur  ;  &  fon  plus  petit  dia- 
mètre eft  de  la  cinquante-quatrième  partie 
de  cette  longueur,  ou  ce  qui  revient  au 
même,  11  a  les  deux  tiers  du  plus  grand. 
Ainfi  un  vaiffeau  qui  auroit  quarante- huit 
pies  de  bau  ,  auroit  un  mât  A' artimon  de 
quatre-vingt-quatre  pies  de  longueur;  le  ton 
de  ce  mât  feroit  de  fept  pies  ;  fon  gros  dia- 
mètre de  deux  pies  quatre  pouces  ;  &  fon 
petit  d'un  pie  fix  pouces  huit  lignes.  Ces  rè- 
gles ne  font  pas  invariables.  Le  mât  à'arti- 
mon  a,  ainfi  que  les  autres  bas  mâts,  des 
jauteraux  pour  i'outenir  fes  barres  fur  lef- 
quelles  porte  la  hune.  Son  pié  ne  defcend 
point  dans  la  calle ,  mais  il  porte  dans  fa 
carlingue  mife  fur  le  premier  pont.  V.  Jau- 
TERAUx ,  Barres  ,  Hune,  Carlingue. 
Voici  l'ordre  que  l'on  obferve  dans  le  ca- 
pelage  du  mât  à^ artimon.  On  commence  par 
les  pandeurs  dts  palans  de  mât  :  on  capele 
enfui  te  les  deux  premiers  haubans  de  tri- 
bord de  devant  formés  par  un  même  corda- 
ge; puis  les  deux  de  devant  de  bâbord,.  & 
ainf.  de  fuite  :  fi  le  nombre  eft  impair ,  on  fait 
un  œillet  au  dernier,  &  on  le  capele  tout 
fcul;  enfuite  on  capele  i'étai.  Au  capelage 
même  on  garnit  les  haubans  &  l'ëtai  de 
cuir,  pour  qu'ils  ne  fe  mangent  pas  entr'eux 
&.  fur  les  barres.  On  met  enfuite  une  poulie 
à  trois  rouets  pour  la  driHe  de  la  vergue 
iHartimon  qui  n'efl:  qu'aiguilletée  au  ton  du 
mât ,  aiin  de  pouvoir  facilement  changer 
l'aiguillette ,  fi  elle  venoit  à  fe  couper.  Ce 
capelage  fait,  on  met  la  hime  (ur  i'es  barres, 
6c  on  place  enfuite  le  chuquet.  Sur  la  face 
inférieure  du  chuquet,  il  y  a  un  piton  de 
chaque  côté ,  où  font  aiguillettéesdeux  pou- 
lies pour  les  balanciers  de  la  vergue  fechcv 
Un  peu  au  deflbus  du  chuquet ,  on  fait 
faire  un  tour-mort  &  une  demi-clef  à  un 
pandeur  aux  deux  bouts  duquel  font  eftro- 
pés  deux  caps-de-mouton  pour  les  mouf- 
laches  de  la  vergue  feche  ;  le  pandeur  doit 
être  affez  long  pour  que  les  caps-  de-moutou 
débordent  la  hune  ,  &  on  le  fourre  avec 
du  bitord  pour  1  empêcher  de  fe  couper.  Au 
delTous  de  la  vergue  feche  eft  un  autre  pan- 
deur, faifi  autour  du  mât  par  un  toui-mort 
&  deux  denficltfs ,  &  aux  bouts  duquel 
font  eftropévs  deux  poulies  qui  fervent  aux 


ART 

bras  du  grand  hunier;  le  pandeur  doit  être 
affez  long ,  pour  que  les  poulies  dépaffent 
la  vergue  feche,  &  on  la  fourre  avec  du 
bitord. 

Tel  eft  le  capelage  du  mât  ^artimon  que 
les  gabiers  ^artimon  doivent  vifiter  tous  les 
jours  à  la  mer  pour  réparer  ce  qui  pourroit 
s'ufer ,  &  ce  qui  menaceroit  de  manquer. 

Lorfqu'on  veut  affujettir  le  mât ,  on  ride 
les  haubans  &  I'étai  ;  enfuite  on  fait  les  en- 
fléchures;  on  met  les  quenouillettes  &  les 
gambes  de  hune;  on  fait  le  trelingage,  &on 
place  la  barre  de  trelingage  &  le  râtelier. 

Vergue  d'artimon,  l.^  vergue  Ai  artimon  eft 
fufpendue  à  fon  mât  différemment  de  toutes 
les  autres.  Sa  longueur  eft  dans  le  fens  de 
la  longueur  du  vaifleau  ;  &  elle  a  un  de  fes 
bouts  forr  élevé,  tandis  que  l'autre  n'eft 
élevé  que  de  huit  à  dix  pies  au  deflus  du  gail- 
lard. 

Le  bout  élevé  eft  celui  qui  eft  le  plus  en 
arrière  du  vaifleau  :  il  a  moins  de  diamètre 
que  celui  qui  eft  en  avant  du  mât ,  mais  le 
plus  fort  diamètre  de  la  vergue  eft  à  fon 
racage.  La  vergue  n'eft  point  fufpendue  par 
fon  milieu  ;  elle  a  un  tiers  de  ia  longueur 
en  avant  du  mât ,  &  les  deux  tiers  en  arrière  : 
elle  eft  ordinairement  placée  à  tribord  du 
mât.  Pour  la  fufpendre,  on  met  une  poulie 
double  fur  la  vergue ,  derrière  l'eftrop  de 
laquelle  on  cloue  un  taquet ,  afin  que  l'cbli- 
quité  de  la  vergue  ne  le  laifie  point  glificr; 
la  drifl"e  fait  dormant  en  cet  endroit  fur 
la  vergue  par  un  tour  d'anguille  &  pafie  al- 
ternativement dans  la  poulie  à  trois  rouets 
aiguillettée  au  ton  du  mât ,  &  dans  celle  à 
deux  rouets  qui  eft  fur  la  vergue ,  puis  def- 
cend enfuite  par  bâbord  dans  une  poulie  de 
retour  aiguilieitée  à  un  piton  qui  eft  en  de- 
hors du  vaifleau  au  deflijs  &  un  peu  en 
arrière  des  porte-haubans  :  il  faut  que  l'ef- 
trop de  cet  te  poulie  de  retour  foitaflezlong , 
pour  que  la  drifle  ne  frotte  point  furie  pla- 
bord  ,  lorfqu'on  laiflé  ou  que  l'on  amené  la 
vergue.  La  vergue  eft  laifie  contre  le  mât 
par  un  raca^c.  La  partie  de  l'arriére  de  la 
vergue  ,  qui  tft  des  deux  tiers  de  la  longueur 
totale  ,  tend  par  fon  poids  à  baiflér ,  mais  on 
la  (butient  par  une  manoeuvre  qui  le  nomme 
martinet  ^  trappée  au  bout  de  la  vergue,  &C 
par  le  moyen  de  la(|uelle  on  peut  l'élever 
ilavantage  ou  la  laifter  bailler.  A  l'autre 


ART 

extrémité  de  h  vergue ,  on  capele  l'eftrop 
d'une  cotre  piur  le  plan  de  droile,  &  deux 
poulies  fimples  pour  l'hourfe  inanocuvre  qui 
tieut  lieu  de  bras  ;  le  palan  de  drolTe  fert  à 
ferrer  le  racage.  (  y.  Martinet.)  Outre  la 
drllTe ,  on  met  une  (biipente  à  la  vergue 
êiariimon  pour  la  tenir  en  place  ,  afin  de 
foulager  la  drifl'e  &  d'en  tenir  lieu  fi  elleétoit 
coupée.  Pour  cela  on  aiguillette  une  cofTe  de 
fer  ("ur  la  vergue  auprùsde  la  poulie  de  driffe; 
la  foupente  tait  df>rmant  fur  le  ton  du  mât , 
&  elle  vient  pafTer  dans  la  colTe  d'où  elle 
remonte  ,  par  le  trou  du  chat,  embraiïer  le 
ton  du  mât  pardeffus  les  barres ,  puis  elle 
redefcend  dans  la  coflTe;  &  après  quatre  ou 
cinq  tours,  on  la  faifit  autour  du  mât.  On 
ménage  un  bout  après  l'amarrage  pour  bri- 
der toutes  les  branches  de  la  foupente ,  & 
les  faifir  les  unes  avec  les  autres. 

La  vergue  ii  artimon  n'ell  pas  toujours  faite 
comme  on  vient  de  le  dire  :  on  en  coupe 
quelquefois  la  partie  qui  efi:  en  avant  du 
mât,  &  on  appuie  le  bout  fur  !e  mât  même. 
Pour  cela  ce  bout  fe  termine  en  croiffant 
dans  lequel  le  màt  eft  emboîté.  On  garnit  ce 
croiffant  de  cuir,  &  on  met  affez  fou  vent 
une  plaque  de  cuivre  fur  le  mât.  On  appelle 
alors  cette  vergue  un  artimon  à  corne  ,  ou 
fîmplement  une  corne  ;  on  l'appelle  aulTi 
un  gui  :  on  ne  s'en  fert  point  dans  les  gros 
vaiffeaux. 

f^oile  d^artimon.  La  voile  (^artimon  for- 
moit  autrefois  un  triangle  reftangle  dont 
l'hypothénufe  tenoit  à  la  vergue;  mais  au- 
jourd'hui on  ne  fe  fert  prefque  plus  de  ces 
fortes  û^unimon  ;  &c  on  coupe  à  tous  la  par- 
tie qui  eft  en  avant  du  mât.  Les  vaiffeaux 
françois  font  ceux  qui  ont  confervé  plus 
long-temps  l'ufage  des  artimons  triangulai- 
res ;  aulfi  les  appelle-t-on  artimons  à  Lafran- 
çoife ;  on  nomme  ceux  de  la  féconde  elpece 
a'-timons  à  tangloifc.  La  voile  eft  bien  faifie 
à  la  vergue  à  l'extrémité  élevée  ou  de  l'ar- 
riére ,  &  elle  eft  enverguée ,  ainfi  que  toutes 
les  voiles,  avec  des  rabans.  La  partie  de 
^artimon  qui  delcend  le  long  du  màt ,  eft 
percée  par  des  œillets  dans  lefqUwls,  à  com- 
mencer par  l'œillet  fupérieur,  on  palle  un 
cordage  qui  fuccelîivementeaibrafle  le  mît , 
&  traverfe  un  œillet,  &  qui  eft  arrêté  par 
en-bas. 

U artimon  ainfi  préparé  n'abefom  ,  lorf- 


ART  603 

qu'on  veut  s'en  fervir ,  que  d'être  affujetti  au 
point  qui  formeroit  l'angle  droit  du  trian- 
gle :  la  manœuvre  qui  eft  pincée  pour  cet 
ufage,  fe  nomme  Vécoute  d^artimon.  Il  y  a 
une  poulie  fimple  aiguillettée  ou  crochée 
dans  une  cofte  qui  fe  trouve  à  ce  point  de  la 
voile  :  on  en  place  une  autre  double,  lon- 
gue ,  crochée  au  montant  du  mât  de  pavil- 
lon ;  c'eft  dans  ces  deux  poulies  que  paffe 
l'écoute  (Vartimon.  Elle  fait  dormant  au  cul 
de  la  poulie  fimple  du  point  de  la  voile ,  paffe 
alternativement  dans  les  deux  poulies,  6c 
s'amarre  fur  la  dunette  à  un  taquet  placé 
contre  le  bord. 

Pour  carguer  V artimon ,  on  fe  fert  de  deux 
fortes  de  cargues;  le*  unes  fimples ,  &  les 
autres  doubles  ou  à  fourche.  Chaque  cargue 
fmple  eft  frappée  fur  la  ralingue  ,  &  va 
pafler  dans  une  poulie  ou  dans  une  moque 
aiguillettée  à  la  vergue,  d'où  elle  defcend  à 
tribord  ou  à  bâbord  pour  s'amarrer  fur  les 
liffes  ou  fur  un  taquet  cloué  fur  le  mât.  Les 
cargues  doubles  différent  des  premières ,  en 
ce  que  la  même  cargue  a  fes  deux  bouts 
frappés  fur  la  relingue  ,  l'un  à  tribord  Se 
l'autre  à  bâbord,  &  par -là  embraffe  la 
voile ,  &  la  ferre  mieux  contre  la  vergue 
lorfqu'on  la  cargue.  Chaque  cargue  double 
eft  donc  un  cordage  un  peu  plus  long  feule- 
ment qu'il  n'eft  néceffaire  pour  embraffer  la 
voile  des  deux  bords  ,  en  lui  permettant  de 
s'étendre  &  de  fe  border.  Ce  cordage  paffe 
dans  une  poulie  avant  d'être  arrêté  par  les 
deux  bnuts  fur  la  ralingue,  &  cette  poulie 
tieht  à  une  autre  corde  fur  laquelle  on  pefe  , 
lorfqu'on  veut  carguer  V artimon.  (  M.  le  che- 
valier DE  LA  Cou DRAYE.) 

*  A  RTI  MF  AS  A,  nom  fous  lequel  Hé- 
rodote dit  que  les  Scythes  adoroient  la  yé~ 
nus  celé  (h. 

ARTISAN ,  f.  m.  nom  par  lequel  on  dé- 
figne  les  ouvriers  qui  profeffent  ceux  d'entre 
les  arts  méchaniques  qui  fuppofent  le  moins 
d'intelligence.  On  dit  d'un  bon  cordonnier 
que  c'tft  un  bon  artifan  ;  &  d'un  habile  hor- 
loger, que  c'eft  un  grand  artifte. 

ARTiSON,  Artuson  ,  Aîitoison  , 
owArte  ,  nom  que  l'on  donne  à  différentes 
fortc-s  d'inléftes  qui  rongent  les  étoffes  &  les 
pelleteries.  Comme  la  (ignification  de  ces 
noms  n'eft  pas  bien  détermir.ée,  on  l'a  éten- 
due aux  infeftes  qui  percent  le  papier  8c 
Dddd  i 


6o4  ART 

à  ceux  qui  pénètrent  clans  le  boîs  ,  comme 
le  coffon  &  le  poux  de  h')is.  Mais  je  crois 
que  les  noms  dont  il  s'agit  doivent  fe  rap- 
porter principalement  aux  teignes  qui  fe 
trouvent  dans  les  étoffes  (voyei  Teigne), 
&  peut-ctre  auflî  aux  vers  des  icarabées 
diflequeurs  qui  font  dans  lespe'.kteries  &les 
peaux  d'oifeaux  defiféchées,  &  en  général 
dans  toutes  les  chairs  gardées  &  corrompues, 
/•^ojq  VfR  ,  Scarabée.  (/) 

ARTISTE ,  f  m.  nom  que  l'on  donne  aux 
ouvriers  qui  excellent  dans  ceux  d'entre  les 
atrsméchaniquesquifuppofent  l'intelligence; 
&  même  à  ceux  qui ,  dans  certaines  fciences 
moitié  pratiques,  moitié  fpéculatives,  en 
entendent  très-bien  la  partie  pratique  :  ainfi 
on  ciit  d'un  chymifîe  qui  tait  exécuter  adroi- 
tement les  procédés  que  d'aurres  ont  in- 
ventés ,  que  c'ell:  un  bon  arcifle  ;  avec  cette 
différence  que  le  mot  anijte  efl  toujours 
un  éloge  dans  le  premier  cas  ,  &  que 
dans  le  fécond  c'eft  pre ("qu'un  reproche  de 
ne  poiféder  que  la  partie  fubalterne  de  fa 
profeffion. 

*  ARTOCREAS  ,  (  Hlfl.  anc.)  mets 
des  Romains ,  dont  Perle  le  fatyrique  a  fait 
mention.  On  ne  fait  pas  exnftement  ce  que 
c'étoit;  les  uns  prétendent  que  c'étoit  une 
forte  de  pâté  affez  femilable  aux  nôtres; 
d'autres  au  contraire  difent  que  ce  n'étoitque 
de  la  chair  hachée  avec  du  pain  ou  de  la 
pâte  ,  ce  qui  reviendroit  mieux  à  ce  que  nous 
appelions  des  andouilhitcs. 

*  ARTOIS ,  (  Géog.  )  province  de  France 
dansles Pays-bas  j.avec  titre  de  comté,  bor- 
née par  la  Flandre  au  feptentrion,  &;  en  partie 
à  l'orient;  &  par  le  Hainaut,  le  Canïl:)refi.s 
&  la  Picardie  ,  au  fud  6c  à  l'occident  :  Arras 
en  efi  la  c.-^piialc. 

*ARTOMAGANfl«  AROMAGA  ,une 
lie  des  Larrons  d-ins  la  mer  Pacifique  :  c'eft 
celle  qui  occupe  le  milieu. 

*ARrONNE,  ville  de  France  dans  la 
taffe  Auver,(;ne  ,  (br  la  rivière  de  Morces. 

ARTOtYRlTES,  {Jhiol.  Ilifl.  culéj':) 
fede  d'héisîiqiie-  qui  foimoicnt  uiie  braiiciie 
de> anciens  JMoinanifiesqiii  paiurerit  car.slc 
fécond  flecle ,  &c  iufeflerent  toute  laGahuic. 
Voye^  MoNTANJSTtS. 

Ils  corrompoient  le  fens  des  écritures, 
commu;;iquoii.nt  la  prêni'é  aux  femmes, 
auxquelles  ils  peimettoiem  de  parler  t-c  de 


ART 

faire  les  propbeteffes  dans  leurs  afTemWées. 
D.ms  le  facrement  de  l'euchariflie  ils  fe  fer- 
voient  de  pain  &  de  fromage  ,  ou  peut-être 
de  pain  dans  lequel  on  avoit  fait  cuire  du 
fromage;  alléguant  pour  raifon  que  les  pre- 
miers hommes  offraient  à  Dieu  non  feule- 
ment les  fruits  de  la  tetre ,  mais  encore  les 
prémices  du  produit  de  leurs  troupeaux  rc'eft 
pourquoi  S.  Augurtin  dit  qu'on  leur  donna 
le  nom  (ï Artoty rites  ^  formé  du  grecapicî, 
pain  ,  &  Toi'j  ,  fromage.  (G) 

ARTRE  ,  oiieau  mieux  connu  fous  le 
nom  de  iiiartin- pêcheur.  Voyc^^  Martin- 
PÊCHEUR.  C O 

*  A  RU  (Terre  d'),  Gêog.  ville  &: 
royaume  dans  l'île  de  Sumatra,  La  viKe  eft 
fur  le  détroit  de  Malaca. 

Aru  ,  île  d'Alie  entre  les  iMoluques  & 
Il  nouvelle  Guinée,  à  25  lieues  de  la  terre 
des  Papous  ou  noirs. 

*  ARVA  ou  AROUVA  ,  viile  de  Hon- 
grie ,  capir^de  du  comté  du  même  r-om  dans 
la  haute  Hongrie,  aux  fi'onîieres  de  Polo- 


gne ,  fur  la  nvicre 


de  V 


'■^g- 


ARVALES  (  FRERES  ) ,  Hifl.  anc.  c'é- 
toient  des  prêtres  dans  l'ancienne  P>.ome  qui 
aflifloient  ou  qui  fervoient  aux  ficriflces  des 
ambarvales  que  Ion  offroit  tous  les  ans  à 
Gérés  &  à  liacchus  pour  la  prolpériré  des 
fruits  de  la  terre  ,.c'eit-à-dire,  du  blé  &  da 
la  vigne.  Voyi^  A  MB  ARVALES,  &c. 

Ce  mot  efl  origii.airtment  latin ,  &  il  eft 
formé  cYari'um,  cliamp,  à  caule  que  dai'.s 
leurs  cérémonies  ils  alioient  en  proceffion 
autour  des  cham.ps  ;  ou ,  félon  Aulugelle  ,  à 
cauié  qu'ils  ofîroient  des  facrifices  pour  la 
feriilité  des  champs.  D'autres  difent  que  c'c« 
toit  parce  qu'ils  é:o':ent  nommés  arbitre» 
de  tous  les  diflevens  qui  avaient  1  appert 
aux.  limites  des  champs  Jk  aux  bornes  ôiis 
terrains. 

Ils  furent  infîitués  parRomuUisau  nombre 
de  douze  ;  ils  étoient  tous  des  perfonnes  d» 
la  première  difiinvflion  ,  Je  londatcur  Iv'it 
môme  ayant  été  de  ce  corps;  ils  compo- 
ibient  un  collège  p.ppeilé  coUcgium  fratrKra 
iirva/inm. 


La 


marque  de  leur  ciigni'e  eicit  une  giiif- 


landc  compoi'ée  d'épis  de  bié ,  attachée  avec 
un  ruban  blanc,  que  Pline  dit  avoir  été  la 
première  couroniit  qui  tut  en  uiageàRome. 

F(yj:'^;j,  Couronne. 


A  R  V 

Selon Fulgentlus ,  Acca  Lauremia, nour- 
rice de  Romuliis ,  futla  première  fondatrice 
de  cet  ordre  de  prêtres.  Il  paroît  qu'elle  eut 
douze  fils ,  qui  avoient  coutume  de  marcher 
devant  elle  en  procelTion  au  facrifice ,  l'un 
defqueis  étant  mort ,  Romulus ,  en  faveur 
de  fa  nourrice ,  promit  d'en  prendre  la  pi  ice; 
&  c'eft  dc-là  ,  dit-il ,  qjc  vient  ce  faci  ifice , 
le  nombre  de  douze  &  le  nom  Az  frères. 
Pline,  liv.  XVII,  c.  2,(emble  faire  entendre 
la  même  chofe ,  quand  il  dit  que  Roniu'.us 
inftitua  les  prêtres  des  champs  ,  furvant 
l'exemple  d'Acca  Laurentia  fa  nourrice. 

ARVAN,  f.  m.  C^ift-nat.  Conchylio- 
logie.) efpece  de  coquillage  de  la  familie 
des  univalves  fans  opercule,  &  du  genre 
des  vis.  Lifter  l'a  fait  graver  dans  fon  Hif- 
toire  des  coquillage  a  à  \:i  planche  DCCC- 
XXX yil,  figure  6'4,  fous  le  nom  de  l'ucci- 
numderTtatiim  ,  cl.iyiculdlongijjlmd  ,  ftriis 
denj'e  radiatnm ;  Rumplie  fous  le  t;om  de 
firomhus  decimus  chalyhccus,  dans  fon  Mu- 
fœuin .,  page  100,  article  i  o ,  plù/idie  A  A  X, 
figure  J;  &  Petiver  fous  celui  à'unicorriu  In- 
diciirn  minus,  orbibus  (Iriatis  ,  d-ms  fon 
Ga{opliylaciurn ,  vol.  II,  catalog.  26.2  , 
planche  LXXV ,  figure  6. 

\Jarvan  eft  le  coquillage  le  plus  commun 
de  la  côte  fablonneufe  du  Cap-Verd;  il  y 
refte  communément  enfoncé  d'un  demi- 
pouce  ou  d'un  pouce  dans  le  fable. 

Sa  coquille  repréfente  exa6fement  la 
forme  d'une  vis.  On  peut  la  confidére 
comme  un  cône  re:iverfé ,  arrondi  &  renfle 
à  fa  bjfe  »  5z  qui  s'allonge  en  diminuant  gra- 
duellement de  grotreiirjufqu'au  fommet  où 
il  fe  termine  en  une  pointe  très-hni;.  La 
longueur  des  plus  grandes  ne  paffepas  treir.e 
lignes;  elle  eil  quadruple  de  leur  largeur 
qui  n'a  que  trois  lignes  un  quart. 

Elle  eft  com.pofée  de  douze  à  treize  fpi- 
res  fans  renflement ,  &  fi  plates ,  qu'elles  ne 
paroilîent  diftingaécs  que  par  un  petit  fil- 
Ion  OU!  les  fépare  ies  uiies  des  autres.  Ces 
fpiresibnt  toutes coupits  pnr  un  grand  nom- 
bre, de  fdîons  fort  légers  qui  fuivent  la  lon- 
gueur de  la  coquille  :  ce  font  autant  de 
termes  ou  de  marques  de  fon  accroifl'tnwnt. 
Son  ouverture  efi  une  ellipic  irréguliere, 
pointue  par  le  bas ,  &  arrondie  par  le  hau' 
où  elle  fe  termmeen  un  canal  peu  prc.fon- 
déjuent  échancré  dans  la  coquille.  La   Ion- 


A  R  V  éoj 

gueur  de  cette  ouverture  furpafle  de  moi- 
tié (a  largeur.  Elle  ell  deux  fois  &  demie 
plus  courte  que  le  (bmniet  de  la  coquille, 
&  un  peu  oblique  à  fa  longueur. 

La  lèvre  droite  de  cette  ouverture  eft  fim- 
ple ,  courbée  en  portion  de  cercle ,  tran- 
chante ,  fans  bordures ,  mais  avec  une  petite 
échancnuc  à  la  partie  intérieure.  La  lèvre 
gauche  eft  aufli  courbée  en  portion  de  cer- 
cle, en  creufant  dans  unfensoppoféà  celui 
de  la  lèvre  droite;  mais  fon  bord  eft  épais, 
arrondi  :  onde  ou  crciifé  dans  deux  tndroits, 
&  marqué  en  haut  d'un  pli  fort  léger. 

Le  tond  de  la  couleur  de  cette  coquille 
eft  un  blanc  fale  qui  devient  agate  dans  la 
moitié  fupérieurc  de  chaeune  de  fes  fpires, 

La  feule  variété  qu'on  obferve  dans  cette 
coquille,  coiififte  dans  la  proportion  de  fes 
partieSjdontia  largeur  comparée  à  leur  lon- 
gueur ,  eft  beaucoup  plus  grande  dans  les 
jeunes  que  dans  les  vieilles. 

L'animal  qui  contient  cette  coquille,  a 
la  forme  de  celui  de  la  pourpre.  Il  eft  d'un 
blanc  pâle  en  deffous,  blanc  d'eau  en  def- 
fus ,  &  marqué  de  petits  points  blanchâtres. 
Il  a  une  tête  hémilphérique ,  deux  cornes 
coniques  fort  écartées  iur  fes  côtés ,  à  l'ori- 
gine defque'les  font  placés  deux  y  eux  comme 
deux  points  noirs  fur  leur  côté  extérieur. 
Sous  la  tête  en  devant  on  voit  une  petits 
fente  longitudinale  qui  eft  l'ouverture  de  la 
bouche.  Derrière  la  tête  ,  au  côté  gauche 
Ju  cou ,  le  manteau  qui  tapiffe  les  parois 
intérieures  de  l'ouverture  de  la  coquille,  fe 
,;lille  pour  former  un  tuyau  charnu  cylin- 
vlrique  qui  fort  par  l'échancrure  ou  le  canal- 
de  la  coquille  :  ce  tuyau  iért  à  l'animal  ■ 
de  trachée  ou  de  conduit  pour  la  refpira- 
ticn,  de  même  que  pour  la  lortie  des 
excrémens,  les  ouïes  ét^tni  au  nombre  de 
quatre  à  l'origme  de  ce  cannl ,  &  l'anus  ayant 
ion  ouverture  à  leur  côté.  Lï  pié  de  Yar- 
van  forme  une  ellipfe  pi  eiique  u.-ie  fois  plus 
courte  que  la  coquiile  ,  deux  fois  plus  lon- 
gue que  large,  creufce  (x\'-iï  fillon  tranfver- 
fai  à  fa  face  antérieure  ,  &  prolongée  fut 
ies  côtés  en  deux  oreillettes  triangulaires. 

Remarques,  Puifque  la  coquille  de  ïar- 
1.7/2  a  la  toi  me  d'une  vis ,  &  que  fon  ani- 
nal  left^emb'e  à  ceux  du  genre  de  la  vis, 
les  noms  de  huccinum  ^firoinhus  ,  unicornu^ 
nirtoy  que  lui  ont  donné  Lifter ,  Rumphe, 


6o6  A  R  V 

Petiver  &  Langius,  lui  convenoient  moins 
que  celui  de  vis,  tenbra,  que  nous  avons 
cru  devoir  lui  app!iquer.(OW.  Ad  AN  SON .) 

*  ARVE,  fGeog.JrivieredeFofTigny  en 
Savoie;  elle  fort  de  la  nwntagne  maudite, 
&  fe  perd  un  peu  au  defliis  de  Genève  ,  au 
lieu  appelle  la  cjueue  d'Arve. 

*  ARVERT  &  ARDVERE,  île  de 
France  en  Saintonge,  au  midi  de  l'embou- 
chure de  laSeudre,  &à  l'orient  de  Marenhe. 

*  ARFISIUM,  promontoire  de  l'île 
de  Chio, 

*  ARUM,  j.'OiJ«;jPlÉ-DE-VEAU. 
*ARUN,  petife  rivière  du  Comté  de  Suf- 

fex  en  Angleterre  ;  elle  baigne  la  ville  d'Arun- 
del,&fe  jette  enfui  te  dans  la  mer  de  Bretagne. 
§  ARUNDEL,f  G^^'o^r. _} ville  d'Angle- 
terre dans  le  Suffex  furl'Arun,  long.  17.  ^. 
lat.  50,  <;o.  Cette  ville  envoie  deux  dépu- 
tés  au  Parlement    d'Angleterre ,    6c   fait 
un  graad  commerce  de  bois  de  charpente. 
Elle  eft    principalement    remarquable  par 
fon  château ,  &  par  les  marbres  qui  por- 
tent fon  nom.  En  vertu  d'un   privilège  , 
unique   en    fon   efpece   dans  toute    l'An- 
gleterre, le    château  à'Amndel  donne  le 
titre  de  comte  &  la  pairie,  fans  création  de 
Ja  part  du  roi ,  à  celui  qui  le  polTede  :   & 
c'eft  aujourd'hui  le  partage  de  l'un  des  mem- 
bres de  la  grande  famille  d'Howard.  Quant 
aux  marbres  d'Arundel ,  on  en  connoît  la 
nature  &  la  célébrité ,  &  l'on  fait  que  dé- 
couverts &  acquis  par  l'illuftre  Peyrefc  dans 
l'île  de  Paros ,  au  commencement  du  der- 
nier fiecle,  ils  échappèrent  des  mains  de  ce 
f'avant  François,  &  tombèrent  entre  celles 
du  comte  à'ArunJcl,  qui  les  commit  à  l'é- 
tude &c  aux  foins  du  fameux  Selden.   Ce- 
lui-ci fe  montrant  bientôt  digne  d'une  telle 
commiffion,  fit  &   publia  fur  ces  marbres 
les  recherches  les  plus  utiles ,  &  l'on  convint 
de  toutes  parrs  qu'ils  formoient  le  plus  beau 
monument  de  chronologie  que  l'on  eût  pu 
defirer  llir  les  antiquités  delà  Grèce.  Quel- 
ques fragment  s'en  font  perdus  pendant  les 
troubles  du  règne  de  Charles  I,  &:  ce  qui 
en  refte  fe  voit  aujourd'hui  parmi  les  mor- 
ceaux précieux    de  la  bibliothèque   d'Ox- 
ford. fC.  A.) 

ARUPA,f.  m.  Cff'ft-  nat.  Botaniq.  ) 
arbre  commun  fur  les  montagnes  d'Amboinc 
6{   de  la  petite  lie  de  Ceram  ,  l'une  dus 


A  RV 

Moluques  ,  &  très-bien  grave,  quoique  fans 
détails  ,  dans  VHerbarium  Amboinicum  de 
Rumphe,vo/. ///,/?.  GG^pLan.  XXXVIII. 
Son  tronc  eft  cylindrique,  très-droit,haut 
de  45  à  50  pies,  fur  cinq  à  fix  pouces  de 
diamètre ,  &  couronné  d'une  petite  cime 
fphérique  très-denfe ,  formée  de  branches 
menues  affez  longues,  couvertes  dans  leur 
moitié  fupérieure  de  feuilles  alternes  rap- 
prochées ,  difpoféescirculairement ,  ellipti- 
ques, pointues  aux  deux  bouts ,  longues  de 
cinq  à  dix  pouces,  deux  à  trois  fois  moins 
longues,  entières,  termes,  relevées  fur  les 
deux  faces  d'une  nervure  longitudinale  de 
dix  à  douze  côtes  fines  de  chaque  côté  , 
comme  oppofées ,  &  portées  horizontale- 
ment ou  pendantes  fur  un  pédicule  cylin- 
drique, menu,  quatre  à  cinq  fois  plus  court 
qu'elles. 

Les  fleurs  ont  le  fexe  féparé  fur  des  in- 
dividus différens.  Les  femelles  fortent  Ibli- 
tairement  de  l'aiiïelle  des  feuilles  ;  elles  font 
petites,  emportées  fur  un  pédicule  qui  égale 
la  longueur  de  celui  des  feuilles.  Elles  con- 
fiftent  en  un  calice  d'une  feule  pièce,  évafé 
en  hémifphere  ,  &  partagé  jufqu'au  tiers  de 
fa  longueur  en  cinq  dents  ou  crenelures  ol>- 
tufes ,  &  qui  accompagne  l'ovaire  jufqu'à 
fa  maturité.  Cet  ovaire  devient  une  baie  en 
écorce ,  deux  ou  trois  fois  plus  longue  que 
lui ,  ovoïde,  de  la  grandeur  d'une  moyenne 
olive, pointue  à  fon  extrémité,  qui  eft  ter- 
minée par  un  ftyle  ;  il  eft  d'un  jaune  obf- 
cur ,  a  une  loge  qui  ne  s'ouvre  point  ,  &f 
qui  eft  remplie  par  un  ofielet  ovoïde ,  con- 
tenant une  amande. 

QjLa.inis.  En  quelque  endroit  qu'on  fafle 
une  incifion  à  Wirupa,  il  rend  un  fuc  lai- 
teux qui  fe  feche  auffi-tôt  en  une  efpece  de 
chaux.  Il  croît  extrêmement  vîte.  Ses  fruits 
mûriffent  en  oftobre.  Son  bois  eft  blanc, 
léger ,  fouple ,  pliant ,  afTez  ferme ,  ftrié  en 
long,  &  comme  farci  de  petites  tentes  qu'on 
découvre  lorfqu'onl'examineavecatiention. 
Ufages.  Son  bois,  à  caule  de  fa  fermeté, 
eft  employé  par  les  Malays,  pour  fiire  des 
mâts  à  leurs  petits  navires ,  par  prélérence 
au  bitangor,  calaba ,  parce  qu'il  eft  plus 
léger.  Oii  l'écorce  feulement  fans  diminuer 
de  fon  bois  quelqu'épais  qu'il  foit ,  parce 
que  plus  on  approche  du  cœur ,  plus  il  eft 
tendre.  On  l'emploie  encore  dans  les  cou- 


A  R  V 

verfiires  des  bâtiincns.  Les  jeunes  plants  qui 
n'ont  encore  atteint  que  cinq  à  fix  pies  de 
hauteur,  font  deftinés  à  taire  des  pieux  & 
des  piquets  ;  pour  cet  effet  on  les  écorce  , 
6c  on  les  laiffe  lécher  pendant  quelques  jours 
au  Ibleil. 

Remarques.  Uarupa  eft, comme  l'on  voit, 
un  genre  de  plante  peu  différent  du  man- 
cenilier  &  du  beftram  ,  auprès  defquels  il 
faut  le  placer  dans  la  première  feftion  de 
la  famille  des  tithymales. 

Riimphe  nous  apprend  qu'il  exifte  aux 
îles  Moluques  une  féconde  elpece  d'^rw/i^z , 
qui  ne  diffère  prel'que  du  premier  que  par  la 
couleur  de  fon  bois  qui  eft  rouffâtre, noueux, 
beaucoup  plus  pefaat,  &  qui  pour  cette  rai- 
fon  eftprétérée  pour  faire  des  poutres  &  des 
folives  dans  les  combles  des  bâtimens,  (AI. 
Adanson.  ) 

*  ARUSPICES ,  f.  m.ÇMyth.)  c'étoient 
chez  les  Romains  des  miniftresde  la  religion, 
chargés  Ipécialement  d'examiner  les  entrail- 
les des  viftimes  pour  en  tirer  des  préfages. 
Les  Erruriens  étoient  de  tous  les  peuples  d'I- 
talie,ceux  qui  poffédoient  le  mieux  la  fcience 
des  arufpjcis.  C  etoit  de  leur  pays  que  les  Ro- 
mains taifoient  venir  ceux  dont  ils  fe  lér- 
voient  ;  ils  envoyoient  même  tous  les  ans  en 
Etrurie  un  certain  nombre  de  jeunes  gens 
pour  être  inftruits  dans  les  connoi/îancesdes 
arufpices.  De  peur  que  cette  fcience  ne  vînt 
à  s'avilir  par  la  quantité  des  perfonnes  qui 
l'exerçoient,  on  choififtbit  ces  jeunes  gens 
parmi  les  meilleures  flimilles  de  Rome.  Les 
arufpices  examinoient  principalement  le 
foie,  le  cœur,  la  rate,  les  reins  &  la  langue 
de  la  viclime  ;  ils  obfervoient  (ôigneufement 
s'il  n'y  paroiffoit  point  quelques  flétrifTlires  , 
&  fi  chacune  de  ces  parties  étoit  en  bon 
état.  On  affure  que  le  jour  que  Célar  fut 
alTaffiné  ,  on  ne  trouva  point  de  cœur  dans 
deux  viéfimes  qu'on  avoit  immolées.  Voye:^ 
Augures. 

ARUSPICINE,^  (.{.  c'eft  l'art  de  con- 
noître  l'avenir  par  l'infpeftion  desentrailles 
des  bètes.  A^oye:^  Aruspices. 

*AR\yAo«  ARVA,ro>'^{ARAVA. 

*  ARNVANGEN,  petite  ville  de  Suiffe 
dans  le  canton  de  Berne  ,  fur  l'Aar  ,  entre 
Araw  &c  Soleure. 

^ARY-ARYTÉNOIDIEN,  adj.  nom 
d'un  mufcle  qui  quelquefois  eft  fitué  tranf- 


A  R  Y  607 

verfalement  entre  les  deux  cartilages  aiyté- 
noïdes ,  auxquels  il  s'attache.  On  yobiérve 
des  fibres  qui  fe  croiient  en  X  ,  ce  qui  a 
donné  lieu  à  la  diftincfion  qu'on  en  a  faite 
en  grand  &  en  petit  arytènoldien  ,  ou  en 
aryténoidien  cro\(é  &en  tranfverfal.  (L) 

*  ARYES ,  f.  m.  pi.  peuple  de  l'Amérique 
méridionale  au  Brelil ,  aux  environs  de  la 
Capitanie,  ou  du  gouvernement  de  Por/o 
Seguro. 

AR  YTENO-ÉPIGLOTTIQ  UE,adj.  tn 
anatomie ,  nom  d'une  paire  de  mufcles  de 
l'épiglotte  qui  viennent  de  la  tête  des  carti- 
lages aryténoïdes ,  &  s'infèrent  antérieure- 
ment aux  bords  de  l'épiglotte. 

aryténoïdes  (  Cartilages  J  , 
Anatom.  Les  anciens  ne  comptoient  qu'un 
cartilage  aryténoide. 

Jacques  Berenger  a  découvert  qu'il  y  en 
avoit  deux ,  &  Santorini  ayant  obfervé  que 
la  pointe  eft  formée  par  un  cartilage  féparé, 
articulé  avec  la  partie  inférieure  ,  en  a  fait 
quatre. 

Le  véritable  cartilage  aryténoide  eft  arti- 
culé inférleurement  au  cartilage  annullaire 
par  une  facette  ovale  qui  laliTe  beaucoup  de 
liberté  à  Y  aryténoide  :  il  y  a  même  une 
glande  mufqueufe  pour  y  fournir  la  glaire 
accoutumée. 

Deux  petites apophyfe?  partent  delà  bafe 
du  cartilage  que  nous  décrivons:  l'une  pofe 
fur  le  cartilage  annulaire,  &  l'autre  fe  porte 
en  avant,  &  fert  à  foutenirle  bord  inférieur 
des  ventricules  du  larynx. 

Le  refte  du  cartilage  aryténoide  s''éle\'e  & 
forme  une  efpece  de  pyramide  à  trois  faces: 
la  poftérieure  à  laquelle  s'attachent  les  muf- 
cles aryténoïdiens  :  l'antérieure  convexe  , 
(illonnée  &  chargée  d'une  glande  qui  porte 
lemême  nom  que  le  cartilage  :  &  l'intérieure, 
toute  unie ,  qui  regarde  ïaryténoide  de 
l'autre  côté. 

La  pointe  du  cartilage  foutient ,  par  fa 
convexité ,  un  petit  cartilage  féparé ,  pref- 
queovale,pointu  antérieurement  &  recourbé 
contrelepharynx.il  eft effeftivement  féparé 
&  extrêmement  mobile.  (H.  D.  G.) 

ARYTÉNOIDIEN  ,  adj.  nom  de  troij 
mufcles  du  larynx  ,  dont  deux  font  appelles 
aryténoïdiens  croifés.,  &  le  trolfieme  <z/j^/- 
noidien  tranfverfal,  Voyei^  Ary-ARYTÉ- 
NOÏDIEN.  (X> 


6o8  AS 

ARYTHME ,  urmi  de  médecine.  Quel- 
ques-uns font  ufage  de  ce  mot  pour  marquer 
une  détaillance  du  pouls  telle  qu'il n'eft  plus 
fenfible  ;  mais  ce  mot  fignifie  plus  propre- 
ment une  irrégularité  ou  un  défaut  de  règle 
&  de  mouvement  convenable  dans  le  pouls. 
î^oj'ê:(  Pouls.  Ce  mot  ell  formé  d'àprivatit, 
&  dectôxàf  ^modidus }  module  ou  mefure. 

ov 

AKZ'E.L^^à].( Manège  &  Maréchall.)  fe 
tlit  d'un  cheval  qui  a  une  balzane  ou  marque 
blanche  au  pié  de  derrière  hors  du  montoir. 
Les  chevaux  arj^els  partent  chez  les  perlbnnes 
fuperftitieu(és  pour  être  infortunés  dans  les 
combats.  F'. Balzane, Montoir, frc.f^ 

*ARZENZAo/^CHERVESTA,CG£'o.J 
îiviere  de  la  Turquie  en  Europe,  qui  coule 
dans  l'Albanie ,  &  fe  décharge  dans  le  golie 
de  Venilé  eiUre  Durrazzo  &  Pirgo. 

*  ARZILE,  f  G  Jo^Ç.J  ville  d'Afrique  dans 
le  royaume  de  Fez.  Long,  iz  ,  lo  ;  lat. 

■^"^  a'rZINGHAN  ou  arzenghan, 

ville  d'Afiedans  la  Natolie  ,  fur  l'Euphrate. 

A  S 

AS,  f.  m.  che-^  les  antiquaires.,  fignifie 
quelquefois  un  poids  particulier,  auquel  cas 
l'as  romain  eu  la  même  chofe  que  la  livre 
romaine,  lil>ra.  Foye\  Poids, Livre,  &c. 

Quelques-uns  dérivent  ce  mot  du  grec 
tCii ,  qui  eft  ufité  dans  le  dialefte  dorique 
-pour  el?,  uii ,  c'eft-à-dire  une  chofe  totale 
ou  entière;  quoique  d'autres  prétendent  qu'il 
«ft  ainfi  nommé  <îi,  comme  quidiroit  «:f , 
airain,  à  caufe  qu'il  eft  fait  d'airain.  Budé  a 
écrit  neuf  livres  de  ajje  &  cjus  partibus  ,  de 
Vas  &  de  fes  parties. 

L'izi  avoit  différentes  divifions  :  les  prin- 
cipales étoieiu  l'once ,  uncia  ,  qui  étoit  la 
Jouzieme  partie  de  l'as  ;  le  fextant  ,J'cxtaiis, 
la  iîxieme  partie  de  Vtis  ou  deux  onces  ;  le 
jquadrant,  qiiadrans  ,  la  quatrième  partie  de 
Vas  ou  trois  onces  ;  le  trient ,  triens ,  la  troi- 
sième partie  de  "lîi  ou  quatre  onces;  le  quin- 
conce ,  ^nincunx ,  ou  cinq  onces  ;  le  f'emis 
ou  demi-tfi,moitié  de  Vas,  qui  eft  fix  onces  ; 
içfeptunx,  fept  onces  ;  le  hes  ,  les  deux  tiers 
de  Vas  ou  huit  onces  ;  le  dodrans,  les  trois 
quarts  de  r»/i  ou  neul  onces  ;  ledextuns,  ou 
tiix  onces;  &  le  diunx,  c'eft-à-dire  onze 
^nces. /-'(yqONCE,  Q_UIifCi/NTC  j  &c. 


A  S 

Uas  étolt  auflî  le  nom  d'une  monfioie  ro- 
maine compofée  de  différentes  matières ,  & 
qui  fut  de  différent  poids  dans  les  différens 
temps  de  la  république,  f^'oye^  MoNNOlEjô* 
la  fuite  de  cet  article. 

Sous  Numa  Pompilius ,  félon  Eufebe ,  la 
monnoie  romaine  étoit  de  bois ,  de  cuir  ou 
de  coquilles  ;  du  temps  de  Tullus  Hoftilius 
elle  étoit  de  cuivre  ou  d'airain  ,  &  on  l'ap- 
pelloit  as,  libra  ,  libella.,  o\ipondo,  à  caufe 
qu'elle  pelbit  aft  uellemeat  une  livre  ou  douze 
onces. 

Quatre  cent  vingt  ans  après ,  le  tréfor  pu- 
blic ayant  été  épuifc  par  la  première  guerre 
Punique ,  Vas  fut  réduit  à  deux  onces.  Dans 
la  féconde  guerre  Punique,  Annibal  oppri- 
mant les  Romains ,  les  as  furent  encore  ré- 
duits à  une  once  la  pièce.  Enfin  par  la  loi 
papyrienne  on  ôta  encore  à  Vas  la  moitié 
d'une  once ,  ce  qui  le  réduiftt  à  la  valeur 
d'une  feule  demi-once  ;  &  l'on  croit  géné- 
ralementque  l'aiconferva  cette  valeur  du- 
rant tout  le  temps  de  la  république,  &  mcme 
ju.'qu'au  règne  de  Vefpaficn.  Ce  dernier  fut 
appelle  Vas  papyrien  ,  à  caufe  de  la  loi  dont 
nous  venons  de  parler,  qififut  pafiée  l'an  de 
Rome  563  par  Caius  Papyrius  Carbo ,  alors 
tribun  du  peuple  ;  ainfi  il  y  eut  quatre  as 
différens  du  temps  de  la  république.  La 
figure  marquée  fur  Vas  étoit  d'abord  un  mou- 
ton,  un  hœt/fou  une  truie.  Plutarq.  Foplic. 
Plin.  XVIII ,  iij.  Du  temps  des  rois  cette 
marque  étoit  ««  J anus  à  deux  faces ,  &  d'un 
côté  &  de  l'autre  ou  iur  le  revers  étoir  un 
roflrum  ou  la  proue  d'iui  vaiffeau. 

Le  trient,  triens,  &  le  quadrant,  qua- 
drans ,  de  eu  ivre  avoienr  fur  ie  revers  la  figure 
d'un  petit  vaiffeau  appelle  w/"  ."  ainfi  Pline 
dit ,  nota,  œris  ,  c'eft-à-dire  ajfis,  fuit  ex  al- 
téra parte  Janus  geminus  ,  ex  altéra  roflrum 
navis  ;  in  triente  veto  t-"  quadrante  rates. 
Hift.  nat.liv.  XXXllI,c.  iij; d'où  ces  pièces 
furent  appellées  quelquefois  ratiii. 

On  fe  fert  auin  du  mot  as ,  pour  déft- 
gner  une  chofe  entière  ou  un  tout ,  d'où  eft 
venu  le  mot  Anglois  ace,  &c  fans  doute 
le  mot  François  as ,  au  jeu  de  cartes.  Ainfi 
i2j  (igniHe  un  héritage  entier,  d'où  cft  venue 
cette  phrafe,  hœres  ex  ejje  ou  legatarius 
ex  eJJe,  l'héritier  de  tout  ie  bien.  Ainii 
\it  jugerurn  ou  l'acre  de  la  terre  romaine  , 
quand  on  la  pre;ioit  en  entier ,  c:oit  appel- 

lée 


A  s  A 

lie  as  ,   &  divifce  paicillcmciic  en  douze 
onces.  Voyei  Ju G E RV M  ou  Acre. 
Voici  l'as  ,  Ces  parties  ou  Tes  diviltons. 

Onces, 

Y  femis <>. 

,'.  quincunx  .   .   .   J . 


Oncts 

as  ...  . 

.    II. 

deunx  .   . 

.    II. 

dcxtans  . 

.     lO. 

dodrans  . 

•     9- 

6is.   .   .   . 

.     8. 

fcptvnx    . 

•     7- 

y  triens    .   . 

»i  quadrans. 

i  fcxtcns.    . 


4- 
3- 

i. 


uncia I . 

As  ,  i.  m.  (Commerce.  )  c'cft  à  Amfter- 
dam  une  des  divifions  de  la  livre  poids  de 
marc:  51  as  font  un  angel  ,  10  angels  font 
un  loot  ,  &  51  loots  font  la  livre,  ^ojc:^ 
Livre. (G) 

As  ,  au  jeu  de  tricirac ,  fe  dit  du  leul  point 
qui  eft  marque  (ur  une  des  faces  du  dez 
que  Ion  joue  ;  iSc  au  jeu  des  cartes  ,  de  cel- 
les qui  n'ont  qu'une  (eule  figure  placée  dans 
le  milieu.  Uas  vaut  aux  cartes  un  ,  ou  dix  , 
ou  même  onze  ,  ielon  le  jeu  qu'on  joue 

ASA  ,  (  ////?.  des  Juifs.  )  fils  &  luccelleur 
d'Abia  ,  roi  de  Juda  ,  commença  à  régner 
l'an  du  monde  5049  ,  le  déclara  d'abord 
contre  le  culte  des  idoles  qui  s'étoit  intro- 
duit à  Jérulalem  .Se  dans  le  refte  de  les  états  ; 
vainquit  Zara  ,  roi  des  Ethiopiens ,  qui  lui 
fit  la  guerre  ;  s'allia  cnfuite  avec  Bénadad  , 
roi  de  Syrie  ,  alli.mce  dont  le  prophète  Ha- 
nani  lui  fit  des  reproches  qui  déplurent  tel- 
lement au  roi  qu'il  le  fit  mettre  en  priibn. 
Il  mourut  de  la  goutte  ,  après  un  règne  de 
quarante-un  ans  ,  dont  la  fin  fut  ternie  par 
les  violences  qu'il  exerça  contre  plufieurs  per- 
ionnes  de  Juda  qu'il  fit  mourir  ,  lans  qu'ils 
euilent  commis  des  crimes  dignes  d'un  II 
cruel  traitement. 

*AsA  ou  ARA,  {Géog.  anc.)  ville  de 
la  tribu  d'Ephraïm. 

^  ASAD-ABAD  ou  ASED-ABAD,  ville 
d'Alie  en  Perfe  ,  dans  l'Irac-Agcmi.  Long. 
€6 ,  ^  ;  lat.  ?6',  ?o. 

*  ASAMINTHE  ,  f.  m.  (  Myth.  )  c'é- 
toir  une  eipece  de  liège  ou  de  chaile  à  l'u- 
iage  du  prêtre  du  temple  de  Minerve  Cra- 
nea.  Ce  temple  étoit  bâti  (ur  une  monta- 
gne elcarpée  ■■,  il  y  avoit  des  portiques  où 
l'on  voyoit  des  cellules  pour  loger  ceux  qui 
étoient  deitinés  au  fervice  de  la  déell'e  ,  & 
fur-tout  le  prêtre  qui  exerçoit  les  fondions 
Tome  m. 


A  S  A  609 

lacréos  :  c croit  un  jeune  garçon  fans  bar- 
be; il  feryoit  cinq  ans  en  cette  qualité  :  ceux 
qui  1  eliloicnt  a  voient  loin  de  le  prendre  li 
)eune  ,  qu'au  bout  de  cinq  ans  qu'il  dévoie 
abdiquer  ,  il  n'eût  point  encore  de  poil  fol- 
let. Pendant  Ion  qumquennium  il  ne  quittoic 
poiiit  le  fervice  de  la  déeflè ,  &  il  éroit  obligé 
de  le  baigner  dans  des  i^yârTiwrAei  à  la  manière 
des  plus  anciens  temps. 

h'afamimhe  fè  prend  aulFi  quelquefois 
pour  un  gobelet. 

*  ASÀN,  [Géog.  cnc.)  ville  de  la  tribu 
de  Juda  ,  qui  appartient  aulli  à  celle  de 
Siméon  ,  &  qui  fut  enfin  donnée  aux  Lé- 
vites. 

*  ASAPH  (Saint-  )  ,  ville  d'Angleterre 
au  pays  de  Galles  ,  un  peu  au  deiibus  du 
confluent  de  l'Elwy  <Sc  de  Cluvd. 

*ASAPPES  ,  f.  m.  pi.  {H,J}.  mod.)  ce 
font  des  troupes  auxiliaires  que  les  Turcs 
lèvent  (ur  les  chrétiens  de  leur  obéiOànce  , 
&  qu'ils  expofent  au  premier  choc  de  l'en- 
nemi. 

^ASARAMEL  ,  {Hijl.  &  Géog.  anc.) 
lieu  de  la  Paleftine  ,  où  les  Hébreux  aOem- 
blés  accordèrent  à  Simon  &  à  les  fils  le  pri- 
vilège de  l'indépendance  ,  en  reconnoillancc 
de  les  (crvices. 

ASARHADDON  ,  (  HiJl.  d'Afyrie.  ) 
Après  l'extindion  de  la  première  race  des 
ro!s  Babyloniens ,  il  y  eut  un  interrègne  de 
huit  ans.  Les  troubles  qui  agitèrent  l'état  , 
firent  (entir  au  peuple  la  nécelfité  de  fe  réu- 
nir ious  un  chef.  Afarkaddon  profita  de  ce 
temps  de  trouble  pour  monter  (ur  le  trône 
d'AHyrie.  On  ne  lait  s'il  y  fut  appelle  par 
les  vœux  de  la  nation,  ou  s'il  établit  (a  gran- 
deur par  l'épéc.  Il  étoit  déjà  roi  de  Babylonc 
d'où  l'on  peutconjcdurer  qu'il  étoit  allez 
puidant  pour  envahir  un  empire  voilîn ,  qui 
étoit  agité  de  troubles  domeiliques.  Quand 
les  deux  empires  furent  réunis  Ious  un  même 
maître,  la puidanceaflyrienne  devint  formi- 
dable. La  Paleftine  &:  la  Syrie  avoient  été  en- 
levées au  dernier  des  rois  Aflyriens  ,  Afar- 
kaddon en  fit  la  conquête.  Quelques  ifraèli- 
lites  qui ,  après  la  profcription  prononcée  par 
Sennacherib  ,  étoient  reftés  dans  leur  pays  , 
lurent  tran'portés  en  Allyrie ,  ^c  les  plaines 
de  la  Paleibne  furent  .changées  en  délerts. 
Le  monarque  conquérant  qui  vouloit  régner 
(urdeshomracs  j  les  peupla  de  colonies  étraij- 

Ecee 


6  lo  A  S  A 

gères ,  qui  fubltituerent  au  vrai  culte  les  abo- 
jnimtions  de  l'idolâcric.  Le  fléau  de  la  fté- 
rilite  fut  la  punition  de  ce  peuple  profona- 
teur  5  &  ce  fut  pour  le  détourner  quJifûr- 
haddon  leur  envoya  un  prêtre  liraëlite ,  chargé 
de  rétnbiir  le  culte  dans  (a  première  pureté  ■■, 
mais  l'erreur  avoir  pns  de  trop  profondes 
jacines.  La  religion  ne  htt  qu^un  mélange 
de  judaïfme  &  de  fuperltitions  étrangères. 
Et  ce  fut  la  fource  de  l'averiion  des  juifs  con- 
tre les  Samaritains.  Quand  toutes  les  nations 
fléchiffoient  fous  Ajarhaddon  ,  l'Egypte  le 
crut  allez  puiflante  pour  rélifter  à  les  armes; 
mais  elle  fut  bientôt  allervie.  Ceux  qui  ad- 
mettent deux  Sardanapales,  l'un  efféminé  & 
lautre  belliqueux  ,  croient  appcrcevoir  dans 
cet  Afarhaddon  ,  le  Sardanapale  conquiranr. 
Son  règne  en  AHyrie  fut  de  rrente-neuf  ans, 
il  en  avoic   déjà    régné  treize  à  Babylonc. 

rr-v.) 

.ASARINE  ,  f.  f.  {Hifi.  nat.  -bot.)  afa- 
rina  ,  genre  de  plante  à  fleur  d'une  feule 
pièce  irréguliere  ,  en  forme  de  tuyau  &  de 
mafquc  ,  rellemblante  à  la  fleur  du  mufle 
de  veau.  Il  s'élève  du  calice  un  piftil  qui 
ell  attaché  à  la  partie  poftérieure  de  la  fleur 
comme  un  clou ,  &  qui  devient  daiis  la  fuite 
un  fruit  ou  une  coque  arrondie ,  divifce  en 
deux  loges  par  une  cloifou  mitoyemie  ,  6c 
remplie  de  fcmences  attachées  à  un  placenta. 
C^es  loges  s'ouvrent  de  différentes  maniè- 
res comme  le  fruit  de  la  linaire  :  aijiiî  on 
peut  caraélérifer  Vafarinc  ,  en  difmt  que 
c'eft  un  genre  de  plante  qui  reÛemble  au 
mufle  de  veau  par  la  fleur  ,  &:  à  la  linaire 
p?r  le  fruit.  Toarnetort  ,  InJI.  rei  h.rb.  Voy. 

Pl,.4NTE.  (/)       . 

*  ASASON-THAMAR  ,  (  Gkg.  anc.  ) 
autrement  ENGADDI  ,  ville  de  Paleftinc 
de  la  tribu  de  Juda  ,  fur  le  bord  de  la  mer 
îvîorte  ,  vers  l'occident. 

^  ASBAMÉE  ,  fontaine  de  Cappadoce 
au  voifinage  de  Tyane  ,  dont  Philaltratc  tlit 
dans  lavied'AppoUonius,  que  les  eaux  font 
froides  au  fortir  de  la  fource  ,  mais  enfuite 
bouillantes  ,  &:  qu'elles  paroillent  belles  , 
tranquilles  <lv  agtéabl'.s  aux  gens  de  bien_  «Se 
i-fclavesde  leurs  fermens;  mais  qu'elles  iont 
un  poifon  pour  les  mcchans  &  les  parjures. 

*  ASBANIKEI  ,{Gécg.)  ville  d'Aiie  dans 
îaMawaralnahcr,Trans-Oxiane  ,ou  Zagatai. 

§  ASJ3ESTE  ,  (  HiJIoirc  nat.  Mijiéraloirie.) 


A  S  B 

h'asbefie  efl  au  nombre  des  pierres  argi- 
leufes  j  qu'on  nomme  pierres  indks  ,  ou 
terre  durcie.  Il  eft  compofé  de  particules  fi- 
breules ,  blanchâtres  ,  vcrdâtres ,  ou  de  hlets 
dilpofés  par  laifceaux  parallèles  les  uns  aux 
autres  ,  ou  partant  d'un  centre  commun  , 
qui  leur  donne  la  figure  d'une  étoile  ,  ou 
difpofés  par  faifccaux  qui  partent  de  diffé- 
rens  centres.  Ces  filets  Iont  roides ,  à  la  dif- 
férence de  ceux  de  l'amyante  ,  qui  font 
doux  &  flexibles.  Cette  pierre  fe  calle  plus 
communément  luivant  la  longueur  de  fes 
fils  qui  ,  à  ciule  de  leur  dureté ,  font  roi- 
des ;  ce  qui  a  fiit  donner  à  Yasbejie  le  nom 
à'amiantus  j^bris  rigidis_  ;  la  peianteur  Ipé- 
cifiquc  de  fes  filets  le  fait  tomber  au  fond 
de  l'eau  ,  au  lieu  que  ceux  de  l'amyante  font 
aflèz  légers  pour  lurnager.  Cette  pierre  eft 
apyre,  &  devient  au  feu  plus  dure  &  plus 
compaéVe  qu'elle  n'étoit  auparavant  ;  elle 
n'eu  point  attaquée  par  les  acides. 

On  pourroit  foupçonner  que  cette  fubi- 
tance  qui  elf  fort  peu  examinée  par  les  chy- 
miftes ,  eft  une  concrétion  ,  puifqu'on  a  re- 
marqué que  la  plupart  des  fibres  de  Vasbejfe 
ou  de  l'amyante  font  enduites  d'un  peu  de 
terre  calcaire  qui  s'en  défunit  par  le  lavage. 
Ceci  ouvre   une  carrière  aux  conjectures  : 
fur  l'origine  de  Vasbefîe ,  voye^  Amvante. 
On  compte  fcpt  efpeces  à'asbejlc: 
I .  Asbcjlus  mjturus  ,  Yaller,  i.  Iwmatu- 
rus  ,'iàcm.    3.  Pfeudo  a sbejius  plumo  fus  offi- 
cia. Linn.  4.  Asbejius  ftellatus  ,  Valler.  j,. 
Asbejîus  fafciculaws  ,  idem.  6.  Asbeflus/pi- 
cas  rcferens.  Lin.   7.   Asbe/Ius  ligrmm  refe- 
rens ,  Charith. 

J'ai  trouvé  en  Bourgogne  plufieurs  elpe- 
ces  à'asbef.es  ,  mais  point  d'amyante  ,  ce  qui 
ferable  annoncer  que  la  compolîtion  des. 
matières  propres  à  former  Vaib.pe  ,  eft  dif- 
férente de  celles  qui    forment    l'amyante.. 

(  M.  l'F.GUII.tET.) 

*  ASBESTES  ou  ASBYSTES. ,  f.  m.  pi. 
peuples  de  Lybie  ,  au  dcllus  de  Cyrene , 
où  .lupiter  Ammon  avoir  un  temple  fameux, 

ÀSBIORN  ,  (  Kijloirc  de.  D.iricmurk  ,  ) 
chef  de  rebelles  en  Danemark.  C.rnuc  iV  , 
ayant  voulu  punir  la  révolte  de  ion  armée 
par  l'impolition  d'une  taille  &  des  décimes 
en  frveur  du  clergé,  en  occaliona  une  fé- 
conde plus  funcfte  que  la  première  ,  en 
1085.  Son  dellcin  éroit  de  loumetCiii  uuc 


A  s  B 

province,  8c  tout  le  royaume  fc  fouleva.  Les 
rebelles  choifîrenr  Ashicrn  pour  leur  chef-; 
il  ecoit  beau-pcre  du  feu  roi  HaraU  ;  &  ce 
titre  lui  donnoit  beaucoup  daiccndant  iur 
tous  les  elprits.  Ce  qu'il  y  a  d'étonnant  , 
c'ell  que  cette  proclamation  fe  fit  (ans  que  le 
roi  en  fù:  informé.  Asbiorn  profita  de  (on 
ignorance.  Il  vouloit  examiner  les  forces  de 
Canut ,  lui  arracher  le  fecret  de  (es  delleins , 
&:  le  plan  de  (on  expédition  ,  pour  lui  por- 
ter des  coups  plus  surs.  Il  alla  le  trouver 
à  Odenfée.  "  Vos  lujets ,  lui  dit-il ,  ont  pris 
"  les  armes'coutre  vous ,  je  me  luis  prMenté 
"  à  eux,  j'ai  employé  les  menaces  &  les 
•>  prières  pour  les  engager  à  venir  fc  jeter  à 
"  vos  pies  :  mais  les  trouvant  opiniâtres  dans 
»>  leur  révolte  ,  mon  attachement  à  votre 
-»»  perîonnem'a  inipiré  un  artifice  qui  a  réulîi. 
"  J'ai  (eint  de  partager  leur  mécontentement, 
»  &  d'entrer  dans  leurs  delleins.  Ils  m'ont 
"  confié  tout  le  plan  de  leur  confpiration  , 
»  ^  je  viens  vous  le  révéler».  Alors  il  lui 
r.ppnt  tout  ce  que  les  rebelles  n'avoient  pas 
dedein  de  faire  ;  Canut  le  crut,  l'embralla, 
^c  lui  demanda  confeil  dans  cette  extrémité. 
Asbiorn  lui  periuada  que  (on  armée  n'étoit 
pas  en  état  de  rélilter  à  la  multitude  des  re- 
belles, &  qu'il  devoir  ie  retirer  jufqu'à  ce 
que  la  première  fermentation  des  efprits 
s'étant  difiipée ,  Ton  armée  fût  grolîie  ,  &  celle 
des  ennemis  diminuée.  Canut  alloit  fuivre 
ce  confeil,  fi  Benoit ,  Ion  frère  ,  ne  s'y  fut 
oppoié.  "  Allez  ,  dit  Canut  à  Asbiont ,  re- 
"  tournez  vers  les  rebelles  ;  dites-leur  que  je 
"  leur  pardonne  s'ils  mettent  bas  les  armes  ; 
"  mais  s'ils  perfillent  dans  leur  défobéif- 
".  lance ,  revenez  combattre  ,  vaincre ,  ou 
»  périr  avec  moi.  "  Asbiorn  ,  après  avoir 
examiné  tous  les  endroits  par  lelqucls  on 
pouvoit  entrer  dans  Odenfée  ,  retourna  vers 
les  rebelles ,  qui ,  fuivant  fes  ordres ,  s'étoient 
avances  dans  la  Fionie  ,  tandis  qu'il  étoi: 
auprès  du  roi.  Son  delfein  étoit  de  fe  (aidr 
de  la  pcrfonnc  de  ce  prince.  Il  les  conduidt 
jufqu'aux  portes  d'Odenfée  ,  allembla  fes 
officiers ,  (^  leur  dit  :  "  j'ai  fondé  le  cœur 
"  de  Canut  ;  c'elt  une  ame  féroce  égale- 
"  ment  incapable  de  repentir  &  de  clé- 
"  mence  -,  fi  vous  vous  foumettez ,  vous  êtes 
"  perdus  ;  ne  vous  fiez  point  à  la  foi  des 
"  traités  :  rien  n'eft  facré  puur  lui.  ÎJotre 
"  feu}e  reflourcc  eft  dans  notre  courage. 


ASC  Cït 

»  Attaquons  Odenfée ,  je  mircl»erai  à  votre 
»  tite.  Si  quelqu'un  de  vous  aime  mieux 
••  mourir  iur  un  échat.uid  qu'au  champ 
•»  d'honneur  ,  qu'il  aille  le  jeter  aux  genoux 
"  du  tyran.  "  L'armée  poulla  des  cris  de 
joie  ,  &:  s'avança  en  bon  ordre  :  déjà  l'alarme 
cil:  répandue  dans  la  ville  ;  on  court  aux 
armes  ;  on  excite  le  roi  à  fe  défjn Jre  ■■,  on  lui 
montre  l'armée  cies  rebelles  déjà  prelque  aux 
portes,  il  refuie  d'en  croire  lesyeux.  "  Non, 
'»  dit- il ,  (1  ma  vie  étoit  menacée  ,  mon 
»  fidèle  Asbiorn  ferolt  revenu  m'en  avertir  : 
"  au  refle  ,  mes  amis  ,  fauvcz-vous  ;  s'il 
"  faut  que  quelqu'un  périffe,  ce  (era  moi.  >» 
Cependant  l'armée  entra  dans  la  ville  ,  Sc 
Canut  fut  mall^icré  aux  pies  des  autels.  As- 
biorn tout  couvert  du  (ang  de  (on  roi,  vou- 
loit le  faire  proclamer  roi  lui-même.  Ivlais 
(on  armée  fc  diffipa  ;  il  le  vit  abandonne  , 
horrible  à  fes  amis  même  ,  (î  toutefois  les 
fcélérats  ont  des  amis.  Enfin  il  périt  miféra- 
blemxnt.  {M.  de  Sacy.) 

"^  ASRISI,  petit  royaume  d'Afrique  en 
Guinée  ,  iur  la  côte  d'Or, 

*  ASCALON,  {Gêog.  fl/zf.)  une  des 
cinq  villes  des  Philiftins ,  (ur  la  cote  de  la 
Méditerranée,  pri(e  par  la  tribu  de  Juda, 
&  reprile  par  les  Philiftins ,  qui  y  tranfpor- 
terent  d'Azot ,  l'arche  dont  ils  s'étoient  em- 
parés. Elle  (ubilfte  encore  ,  mais  dans  un 
état  de  ruine  ;  elle  en  eft  réduite  à  un  pe- 
tit nombre  de  familles  Mores. 

ASCARIDES  ,  f.  m.  pi.  afcaridis.  (Hi/I. 
nat.  Zool.  )  petits  vers  qui  fe  trouvent  dans 
l'homme  Ik  dans  quelques  animaux  ;  lum~ 
hrici  minuii.  Ils  font  ronds  è'c  courts  ;  ce  qui 
les  fait  diftinguer  des  ftrongles ,  lunbrici  te- 
retes ,  qui  (ont  ronds  &:  longi,  &  du  ver 
folitaire  ,  qui  eft  très-long  &:  plat ,  &  que 
l'on  nomme  tivnia  ,  lumbricus  latus  vel  faf- 
ciatus.  Ces  petits  vers  (e  meuvent  continuel- 
lement :  c'eft  pourquoi  on  leur  a  donné  le 
nom  iS!iifcarides  :  ils  font  blancs  &  pointus 
par  les  deux  bouts  ;  ils  redemblent  à  des 
aiguilles  pour  la  grolleur  &  pour  la  lon- 
gueur ;  ils  (ont  ordinairement  dans  l'extré-- 
raité  du  redbum  ,  près  de  l'anus ,  en  très- 
grand  nombre  ,  &  collés  les  uns  aux  au- 
tres par  une  matière  vifqueufe.  Les  enfans 
(ont  plus  iujets  à  en  avoir  que  les  adultes. 
Il  s'en  trouve  quelquefois  dans  les  parties  na- 
turelles des  femmes  en  certaines  maladies  , 
Eeee  1 


6\i 


ASC 


comme  les  p?.!es  couleurs.  Il  y  en  a  aufH 
dans  les  animr.ux ,  telles  que  les  bêtes  de 
lomme. 

On  piv'tcnd  que  ces  vers  font  produits , 
comme  cous  les  autres  vers  qui  ic  trouvent 
dans  le  corps  humain  &  dans  celui  des 
animaux  ,  par  des  œufs  qui  y  entrent  avec 
les  alimens  ou  avec  l'air.  On  croit  même  que 
ces  œufs  étant  entrés  dans  le  corps  d'un  ani- 
mal, s'il  ferc  de  pâture  à  un  autre  animal,  les 
mêmes  œufs  palîcnt  dans  le  corps  de  celui-ci 
avec  la  chair  du  premier ,  &  y  éclolent.  Ces 
opinions  ne  font  pas  fondées  fur  des  preuves 
lufli'.antes;  car  on  n'a  jamais  prouvé  d'une 
m^iniere  inconteftable  qu'il  fallût  toujours 
ime  femence  prolifique  ,  un  germe  ou  un 
ccuf ,  pour  produire  un  ver  ou  tout  autre 
animal.  Fojf:^ Génération  ,  Ver.  (/J 

^  Pour  les  challer  ,  il  faut  les  attaquer 
plutôt  par  bas  que  par  haut.  Un  luppo- 
îlcoire  de  coton  trempé  dans  du  fiel  de  bœuf, 
ou  de  l'alocs  diilous,  ell  un  des  meilleurs 
rernedes.  Si  on  !e  met  dans  le  fondement  un 
petit  morceau  de  lard  lié  avec  un  bout  de 
ht ,  &  qu'on  l'y  laille  quelque  temps ,  on 
le  retirera  plein  de  vers.  Les  clyfteres  de  dé- 
coélion  de  gentiane  produiront  auiîi  un  très- 
bon  effet.  On  peut  joindre  à  la  gentiane 
l'ariftoloche  ,  la  chicorée  ,  la  tanaiie  ,  la  per- 
ikaire  ,  l'arroche ,  &  en  faire  une  décoction 
avec  de  l'eau  ou  du  vin  blanc  ,  à  laquelle  on 
ajoutera  un  peu  de  confeétion  d'hiera. 

On  donnera  aux  cnfîms  le  clyftere  fui- 
vant  :  feuilles  de  mauve  &  de  violette  ,  de 
chaque  une  poignée  ;  de  chou ,  une  ou  deux 
poignées  ;  de  grair,e  de  coriandre  &  de  fe- 
nouil ,  de  chaque  deux  dragmes  ;  de  fleurs 
de  camomille  6c  de  petite  centaurée  ,  de 
chaque  une  petite  poignée  :  faites  une  décoc- 
tion du  tout  avec  le  lait  :  mettez  fondre  dans 
la  coLiturc  une  once  de  miel  ou  deux  drag- 
mes de  confcilion  d  hiera. 

Hippocrate  confciUe  de  broyer  la  graine 
de  l'agnus  callus  avec  un  peu  de  Hel  de  bœuf, 
d'ajourer  un  peu  d'huile  de  cèdre  ,  &  d'en 
faire  un  luppdiicoire  avec  de  la  l.^ine  gralTe., 
ASCARUS  ou  AscARUM.  {Aîujlque  des 
enciens.,  )  Suivant  PoUux  (  Oiiomas  ,  lîb. 
jy,  cap.  IX,)  Ik  Mufonius  (  ik  luxu  Gnvc. 
(ûp.  VU.  )  ,  Vûfcarus  ou  afcarum  ,  étoit  un 
iiilliument  de  perculTion  ,  quarré  &  d'une 
«Qudcç  eu.  tou.t  Iqus  ^  Cur  lequel  ccûieat  teit: 


ASC 

dues  des  cordes  qui  ,  quand  on  les  faifoit  ^ 
tourner  ,  rendoient  un  Ibn  l'emblablc  à  ce- 
lui d'une  crotale.  Les  mêmes  auteurs  difent 
que  la  plupart  prétendent  que  Vafcarus  (k  le 
plichyraiont  le  même,  ils:  en  attribuent  l'in- 
vention aux  Troglodites ,  ou  aux  Libiens. 
Pollux  ajoute  qu'Anacréon  appelle  aulLi  \'af- 
cariis ,  nyagadc  ,  &  que  Cantharus  en  attri- 
bue l'invention  aux  Thraces.   J'avoue  que 
je  ne  comprends  pas  comment  on  peut  faire 
tourner  des  cordes  tendues  fur  une  efpece 
de  chaflts ,  ni  comment  elles  pourroient  ren- 
dre un  fon  en  tournant.  VValther ,  auteur 
d'un  dictionnaire  de  mulîque  allemand  > 
donne   la  même  delcription  de  l'afcarus  ; 
mais  il  ajoute  de  plus  que  cet  inftrumenc  étoic 
garni  de  tuyaux  de  plumes ,  &  que  proba- 
blement on  ne  failoit  pas  tourner  les  cordes» 
mais  Tnilfrument  même  ;    &c  qu'alors  les 
tuyaux  déplume,  venant  à  frapper  les  cordes, 
produifbient  le  f'oii.  Tout  cela  paro.t  allez 
vraifemblable  ;   mais  Wakher  n'appuie  fa 
delcription  d'aucune  autre  autorité  que  de 
celle  des  auteurs  cités  ci-delîus ,  qui  nedilent 
p.is  un  mot  des  tuyaux  de  plumes.  licite  en- 
core, à  la  vérité,  le  traité  Ditkiatro  deBullen- 
ger  ,  mais  je  l'ai  feuilleté  en  vain.  (F.  D.  C.) 
ASCENDANT  ,  adj.  m.  eft  fur-tout  en 
uf^rge  dans  \' ajtronomie  &   dans  VcJIrologie. 
C'eÙ.  de  {'afcendant  qu'en  ailrologie  l'on  tire 
l'horoicope,c'eft-à-dire,  du  degré  de  l'éclip- 
tique  qui  (e  levé  fur  1  horizon  au  moment 
de  la  naillance  de  quelqu'un.   Voye-^  Ho- 
roscope.  Les  aflrologues  prétendent  que 
ce  degré  a  une  influence  conlidérable  fur  la 
vie  6c  fur  la  fortune  du  nouveau-né  ,  en- 
lui  donnant  du  penchant   pour   une  choie 
plutôt  que  pour  une  autres  mais  on  ne  croit 
plus  à  ces  chimères. 

Uafcendant  s'appelle  encore ,  dans  le  thè- 
me célefte  de  quelqu'un ,  la  première  mni- 
fon  ,  V angle  de  L'orient ,  ou  Vangk  oriental., 
ou  Xiijignijicaîor  virce.  ^()yc:j^ Maison  ,  Thè- 
me ,  &c.  On  dit  :  telle  planète  dominoit  à  fon 
afcendant  ;  Jupiter  étoit  à  fon  afcendant ,  &c. 
On  prend  ce  terme  dans  un  fens  moraj  , 
pour  marquer  une  certaine  lupériorité  qu'un 
homme  a  quelquefois  lur  un  autre  ,  ix  par 
laquelle  il  le  domine  &:  le  gouverne ,  fans 
qu'on  puiffe  quelquefois  en  apporccr  de  rai- 
Ion.  Ainlî  on  die  un  tel  homme  a  un  grand' 
afcendant [ur  L'ef^rit  d'un. autre,  pout  dilt* 


ASC 

qu'il  tourne  cet  clpiit  à.  Ion  gri  ,  £<  !c  dc- 
tcrminc  à  ce  qu'il  veut. 

AfcenJant  le  dit  ,  en  iij'roncmie ,  des  étoi- 
les ou  des  degrés  des  cicux  ,  f-'c.  qui  s'élè- 
vent lur  l'horizon  dans  quelque  parallèle  à 
l'équateur.  Fcje:^^  Levfr  £'  Horizon. 

Latitude  afcendanie  ,  c'eft  la  latitude  d'une 
planète  ,  lorlqu'elie  eft  du  coté  du  pôle  fep- 
tentrional.  ?^ojf^ Latitude. 

Nœud  ûfcendant ,  c'eft  le  point  de  l'orbite 
d'une  planète  ,  où  cette  planète  fe  trouve 
lorlqu'clle  traverie  l'ccliptiqucpour  s'avancer 
vers  le  nord,  ^'oye^  Orbite  ,  Planète  ,  &c. 
On  l'appelle  aulîi  naudfeptentrionj.'l ,  (Se  on 
le  diftingue  par  ce  caradlere  -!il  .V.  Nœu  Djfi'c. 
Signes  ajcendans  ,  en  afironomie  ,  ce  (ont 
ceux  qui  s'avancent  vers  le  pôle  feptentrio- 
nal  ,  i?»:  qui  font  compris  entre  le  point  du 
ciel  le  plus  bas ,  qui  elî  le  nadir  ,  &  le  point 
du  ciel  le  plus  haut ,  qui  eft  le  zénith.  Ces 
ii^ncs  (ont  le  capricorne ,  le  verfeau  ,  les  poif- 
lons,  le  bélier .  le  taureau,  les  gémeaux  ,  &c. 
qui  lont  les  hgnes  que  le  loleil  décrit  en  s'ap- 
prochant  de  nous.  Us  ne  font  afcendaiis  que 
pour  notre  hémiiphcrc  ,  &  delcendans  pour 
l'autre.  Si  l'on  entend  par  les  lignes  afcendans 
ceux  qui  font  les  plu*,  proche  du  pôle  lepten- 
trional ,  alors  ces  ngrcs  Icront  le  bélier ,  le  tau- 
reau ,  les  gémeaux  ,  le  cancer  ,  le  lion ,  &  la 
vierge.  V.  Signe,  Zénith  ,  Nadir, frc.  {0} 
Ascendant,  adj.  n.  en  anatcmie  ,  fe  dit 
des  parties  qui  lont  luppofées  prendre  nail- 
fance  dans  une  partie  ,  '&  Çc  terminer  dans 
une  autre  ,  en  s'approchant  du  plan  horizon- 
tal du  corps.  Fbje^ Corps. 

L'aorte  ascendante  ,  c'eft  le  tronc  fupéricur 
de  l'artère  qui  fournit  le  lang  à  la  tête.  Voy. 
Aorte  ù  Artère. 

La  veine-cave  afcendante  eft  une  grolie 
veine  formée  par  k  rencontre  &  la  réunion 
des  deux  iliaques.  Fbje^  Veine-cave. 

Plufieurs  des  anciens  anacomiftes  l'ont 
appellée  veine-cave  descendante  ,  parce  qu'ils 
s'imaginoicnt  que  le  fang  defcenJoit  du  foie 
par  cette  veine  ,  pour  fournir  du  fang  aux 
parties  qui  font  au  deflous  du  diaphr.igme: 
mais  les  modernes  ont  démontre  qu'elle  avoir 
un  ulage  tout-à-fait  contraire  ,  6.:  qu'elle 
fèrvoit  à  porter  le  lang  des  parties  infcricu» 
rcs  atïcccur  ,  d'où  lui  eft  venu  fou  nom  d'af- 
(endan'.e.  ( L) 

AscENDAMS ,  adj.  pi.  pris  fub.  terme  de 


ASC  6ii 

droit ,  font  les  parens  que  nous  comptons  en 
remont.intversla  louche  commune,  comme 
père  Se  mcre  ,  aïeuls  ,  bilaïculs ,  &c. 

Les  premiers  font  leuls  héritiers  naturels 
de  leurs  enfans  ou  petits-enfans  qui  n'ont 
point  d'er.fans. 

Ils  oiit  même  ,  dans  le  pays  de  droit  écrit , 
une  légitime  :  mais  ils  n'en  ont  pas  en  pays 
courumier.  f^oye^  Légitime.  Us  partagent 
par  têtes ,  &:  non  par  Touches. 

Les  coutumes  font  fort  différentes  par  rap- 
port à  la  fuccelTlon  des  afcjuJans.  La  plus 
grc:nde  partie  néanmoins  leur  donnent  les 
meubles  ti^:  acquêts ,  &:  les  frères  iSc  les  iL-eurs 
n'y  font  point  appelles  avec  les  afcendans: 
elles  leur  adjugent  même  les  propres. 

i°._Qiiand  ils  font  de  l'eftoc  &  hgne 
dont  (ont  échus  les  héritages. 

1°.  Même  fîtns  être  de  1  eftoc  &  ligne ,  mais 
limplement  en  qualité  de  plusproches  païens, 
lorique  les  pareils  de  la  ligne  manquent. 

3°.  Dans  le  cas  où  un  rS-judunt  eft  do- 
nateur par  contrat  de  mariage  de  l'héri- 
tage que  le  donataire  atranimis  à  des  cntans 
qui  lont  tous  morts  :  car  lî  le  donataire  étoic 
mort  (ans  cnfans  ,  l'autre  conjoint  ,  quoi- 
que donateur  ,  ne  jouiroit  pas  du  retour. 
Voyei  Aïevi,  &•  Retour. 

Dans  quelques  coutumes  ,  comme  en 
particulier  celle  de  Paris ,  les  pères  &  mè- 
res fuccedcnt  aull'i  à  leurs  enfans  ,  en  ufu- 
fruit  feulement,  aux  immeubles  acquis  pen- 
dant la  communauté  du  père  &  de  la  mère  » 
&  avenus  par  le  décès  de  l'un  d'eux  aux 
enfans ,  pourvu  que  l'enfmt  décédé  n'ait 
laiflé  aucuns  delcendans ,  ni  frère  ou  fcrur 
du  côté  dont  Icfdits  immeubles  lui  lor.t  échus. 
Cette  fuccellion  s'étend  aullî  dans  la  cou- 
tume de  Paris  aux  aïeuls  &  a'ïeules. 

l\  n'y  a  aucune  prérogative  d'ainefle  en 
faveur  des  mâles  dans  la  fuccelTton  des  af- 
cendans. 

En  pays  de  droit  écrit ,  ils  excluent  les: 
frères  ntérins  &  confanguins ,  t<c  même  les- 
neveux  qui  font  coiijoints  des  dçux  cotés  ' 
mais  ils  n'excluent  pas  les  frères  germains  du 
défunt ,  Iciquels  fuccedent  avec  eur.  ;  &:  en 
ce  cas  la  lucceffion  eft  diviiec  en  autant  de- 
portions  qu'il  y  a  de  têtes  ;  chaque  fî-erc- 
prçnd  une  part  ,  &  les  afcendans  prennent 
le  furpkre  &  le  divilent  entr'eux  en  deux: 
part*  j  l'iuie  pour  les  pateiucls  ,  &:  L'ariice 


(ÎI4  ASC 

pour  les  maternels ,  qui  ciiicun  entr'cus  p.ir- 
tsgenc  la  portion  qui  d\  échue  à  leur  li- 
gne. Pir  exemple ,  s'il  y  a  trois  frères  ,  un 
aïeul  &  une  aïeule  du  coté  pjtcrncl ,  clu- 
que  frcre  aura  un  lixieme  ,  l'aïeul  &  l'aïeule 
paternels  un  fixieme  &  demi  à  eux  deux  ; 
&  l'aïeul  marernel  autant  à  lui  feul  que  les 
deux  autres,  foje^  Aïeul. 

Loriqu'il  y  a  des  frères  germains,  les  ne- 
veux conjoints  des  deux  cotés  dont  le  père  eît 
décédé  ,  viennent  à  la  fucceffion  du  défunt, 
avec  les  frères  &  les  afcendans  :  mais  ils  n'y 
viennent  que  par  la  reprélentation  de  leur 
père  ,  &  par  conféquent  ils  partagent  par 
louches  &  non  par  tètes. 

Par  rapport  à  la  part  que  prend  une  mère 
dans  la  lucceffion  de  fes  enfans  ,  voje^  à 
l'article  Mère  la  teneur  de  l'édit  des  mères. 

Dans  les  pays  de  droit  écrit ,  les  pères  & 
les  mères  qui  ont  donné  quelque  choie  en- 
tre-vifs à  leurs  enbns ,  fuccedcnt  aux  cho- 
ies par  eux  tionnces  ,  lorlque  les  enfans  do- 
nataires décèdent  lans  enfans,  non  pas  par 
droit  de  fuccelTion  ,  mars  par  un  autre  droit 
qu'on  appelle  droit  de  retour.  Voye^:^  Re- 
tour, {h) 

ASCENDANTE  (Progression),  Géom. 
Quelques  géomètres  nommcntprogrejjion  af- 
ccndainc  ,  celle  dont  les  termes  vont  en  croi!- 
iànt:  telle  eft  la  progrelTIon arithmétique  des 
nom.bres  naturels  ,1,1,5,  ^"'<^-  (•^■-O.  C.  ) 

ASCENSION  ,  f.  f.  cft  proprement  une 
élévation  ou  un  mouvement  en-haut.  Voye^ 
Elévation. 

C'eft  dans  ce  fens  qu'on  dit  X'afccnfwn  des 
liqueurs  dans  les  pompes ,  dans  les  tuyaux 
capillaires.  Foye^  Pompe  ,  Tuyaux  ca- 
pillaires. (  O) 

Ascension  de  la  fève  ,  (Jardinage.)  Dans 
le  nouveau  fyflême  de  l'opération  de  la  (eve, 
on  ne  parle  plus  de  (a  circulation  ;  la  levé  , 
fuivant  M.  Haie ,  delcend  dans  les  foirées 
fraîches  &  dans  les  temps  de  rolée  ,  par  les 
tuyaux  longitudinaux  du  tronc  de  l'arbre  , 
après  qu'elle  a  monté  jufqu'au  faite.  Des 
expériences  ont  en  partie  établi  ce  lyftème  : 
on  peut  les  confulter  dans  (on  livre  de  la 
Statique  des  végétaux  ,  traduit  de  l'anglois 
par  M.  de  Button. 

Le  rrop  de  fève  tranfpire  &  s'évapore  par 
les  vailleaux  capillaires  des  teuiUes.  Voye^^ 
Seve.(K) 


ASC 

'  AscEKsroK  ,  en  agronomie ,  eft  droite  oa 
oblique.  L'afcc'iJionàro\xt  du  foleil  ou  d'une 
cco:le  ,  cft  le  degré  de  l'équateur  qu:  fe  levé 
avec  le  foleil  ou  avec  l'éto.le  dans  la  fpherc 
droite,  à  compter  depuis  le  commencement 
d'Arles.  Voyi-{^  Spherf.  Ou  c'cft  le  degré 
&  Il  minute  de  l'équateur,  à  compter  de- 
puis le  commencement  d'Ariès ,  qui  pallè 
par  le  méridien  avec  le  foleil ,  une  étoile  ou 
quclqu'autrc  point  du  ciel.  Vcyc-^  Soleil  , 
Etoile. 

On  rapporte  X'afcer.fwn  droite  au  méridien, 
parce  qu'il  fait  toujours  angle  droit  avec  l'é- 
quinoxiale  ,  au  lieu  qu'il  n'en  eft  aiuli  de 
l'horizon  que  dans  la  fphere  droite. 

Uafcenfion  droite  efl:  le  contraire  de  la 
defcenfon  droite.  Vuyc^  Descension.  Deux 
étoiles  iixes  qui  ont  la  même afcenfion  droite, 
c'eft-à-dire  ,  qui  font  à  la  même  diftance  du 
premier  degré  d'Ariès ,  ou  ,  ce  qui  revient 
au  même ,  qui  lo;it  dans  le  même  méridien , 
!e  lèvent  en  même  temps  dans  la  Iphere 
droite  ,  c'eft-à-dire  pour  les  peuples  qui 
habitent  l'équateur.  Si  elles  ne  font  pas  dans 
le  même  méridien  ,  l'intervalle  de  temps  qui 
s'écoule  entre  leur  lever ,  eft  la  diftérence  pré- 
cife  de  leur  afccnfwn  droite.  Dans  la  Iphere 
oblique  où  l'horizon  couperons  les  méridiens 
obliquement  ,  différens  points  du  méridien 
ne  fc  lèvent  ni  ne  le  couchent  jamais  en 
même  temps  :  ainfi  deux  étoiles  qui  lont 
lous  le  même  méridien  ,  ne  le  lèvent  ni  ne 
fe  couchent  jamais  en  même  temps  pour 
ceux  qui  ont  la  fphere  oblique  ,  c'eft-à-dire 
qui  habitent  entre  l'équateur  &  le  pôle  ;  & 
plus  la  Iphere  cft  oblique  ,  c'eft-à-dire  plus 
on  eft  près  du  pôle ,  plus  l'intervalle  de  temps 
qui  eft  entre  leur  lever  6c  leur  coucher  elt 
grand.  Voyei_  Lever  ,  Coucher  ,  &c. 

L'arc  de  Vafcenjlon  droite  d'une  étoile  eft 
la  portion  de  l'équateur  ,  comprife  entre  le 
commencement  d'Ariès  i5c  le  point  de  l'équa- 
teur qui  pafl'e  au  méridien. 

Les  aftronomes  appellent  aujourd'hui  l'arc 
de  l'afcenjîon  droite  ,  afccnfion  droite  tout 
court  ;  &  c'eft  ainlî  que  nous  l'appellerons 
dans  la  fuite  de  cet  article. 

Pour  avoir  l'afccnf.on  droite  du  foleil  , 
d'jine  étoile  ,  &c.  faites  la  proportion  lui- 
vantc  :  comme  le  rayon  eft  au  co-linus  de 
l'obliquité  de  l'éclipcique  ,  ainfi  la  tangente 
de  la  diftance  de  Ariès  ou  de  Libra  eft  à  U 


ASC 

tangente  de  X'afce.-.fion  droite.  Pour  tronver 
h.  même  chofc  méchaniquement  par  le  globe, 

yoJC^CJLOBE. 

La  décerminarion  de  Yafcenfion  droite  du 
folcil  &  de  celle  d'une  étoile  lixc  eftlabafe 
de  toute  l'.iftronomie  :-  aulll  M.  de  la  Caille 
a-t-il  intitulé  Affronotniir  fundûmenta  ,  le  li- 
vre dans  lequel  il  a  donné  toutes  les  oblcr- 
v.uions  qu'il  avoir  faites  à  ce  fujet;  &  com- 
me l'i7/Le/2^o/2  droite  d'une  feule  étoile  hxe 
donne  facilement  celle  cle  toutes  les  autres ,  la 
principale  difficulté  conlille  à  s'aflurer  d'une 
étoile  pour  ièrvir  de  terme  de  comparaiion. 

On  ne  peut  déterminer  Vafcenficn  droite 
d'une  étoile  que  par  celle  du  foleil;  car  comme 
c'cft  le  .foleil  qui  parcourt  (i\:  qui  marque 
l'écliptique  ,  de  même  qwe  le  point  équi- 
noxial  quand  il  traverfe  l'équateur ,  on  ne 
peut  reconnoîrre  les  diltancesà  ce  point  équi- 
noxial  que  par  le  loleil  qui  en  fournit  l'indi- 
cation. 

D'un  autre  côté  •,  l'on  ne  peut  déterminer 
Yafcenfion  droite  du  loleil  que  par  le  moyen 
de  la  déclinaifon  ,  &  celle-ci  le  conclut  de 
la  hauteur  méridienne  ;  ainii  la  hauteur  du 
foleil  à  midi  cft  le  point  d'où  il  but  partir. 
Suppofbns  qu'on  ait  oblervé  à  Paris  la  hau- 
teur du  folcil  ,  &  qu'après  l'avoir  t:orrigée 
par  la  réfraélion  &  la  parallaxe  ,  on  air  trou- 
vé cette  hauteur  à  midi  de  p°  lo',  on  fait 
que  la  hauteur  de  l'équateur  n'eft  que  de 
41°  lo'  à  Paris  5  on  retranchera  l'une  de 
l'autre,  &  l'on  aura  lo**  pour  ladéclinailnn 
du  loleil  ,  ou  la  quantité  dont  il  eft  éloi- 
gné de  l'équateur.  Alors  dans  le  triangle 
formé  par  l'écliptique  ,  l'équateur  &:  le  cer- 
cle de  déchnailon  ,  on  connoit  le  petit  coté 
qui  eft  la  déclinaifon  du  foleil ,  &c  l'an.gle 
oppofé  qui  efl  l'obliquité  de  l'écliptique  13'^ 
28'  ;  il  eft  aifé  de  trouver  l'autre  coté  qui 
cft l'ii/ct.vz/îo/zû'roy/c  du  foleil,  &l'hypothénule 
qui  ell:  la  longitude  comptée  fur  l'écliptique. 
Mais  cette  méthode  dépend  ,  comme  on 
l'a  vu  ,  de  la  réfraction  ,  de  la  pirallaxe  ,  de 
La  hauteur  de  l'équateur  &  de  l'obliquité  de 
l'écliptique  ;  car  chacune  des  erreurs  que  l'on 
commcttroit  dans  un  de  cesélémens,  infiue- 
roit  &  en  produiroit  une  ,  deux  ou  trois  fois 
plus  grande  fur  Vafccnfien  droite  :  pour  y  re- 
médier ,  il  n'y  a  qu'à  faire  h.  même  opéra- 
tic  n  deux  fois  en  lix  mois ,  à  la  même  hau- 
teur du  foleil  3  avant  Hc    après  le  foliiict  ; 


ASC  (Î15 

l'erreur  qui  augmcntoit  Vafccnf.on  droite  avant 
le  folftice  la  diminue  nécenàircment  après 
iv  en  prenant  le  milieu  des  deux  réfultats 
on  a  la  véritable  ûfcenfion  droite  du  foleil 
ayant  égard  au  n.ouvcment  connu  <.^u'il  a  du 
a\oir  dans  lelpace  du  temps  qui  s'tft  écoul 
d'une  obfervation  à  l'autre  :  ce  mouvem.cnt 
mênic  eft  facile  à  connoitre  par  loblerva- 
tion  fiite  le  même  jour  de  l'étoile  dont  on 
veut  déterminer  la  polition ,  &.  qu'on  aura 
comparée  avec  le  foleil.  Tel  eft  le  fbnde- 
mentde  li  méthode  que  Flamfted  &  la  Caille 
OKit  employée  pour  conftruire  leurs  catalo- 
gues d'ctoiles  5  &  qui  confdfe  à  comparer 
deux  fois  l'année  le  foleil  à  une  étoile  quand 
il  palle  d.iiis  fon  parallèle  (Se  qu'il  a  par  con- 
f'équent  la  même  hauteur  ;  c'el^  en  appli- 
quant cette  méthode  à  des  centaines  d'ob- 
fervations  que  M.  de  la  Caille  a  trouvé  Vafcen- 
fioji  droite  de  Sirius  le  i  Janvier  17  )0  de 
98°  5 1'_  i"  ,  &  celle  de  la  Lyre  177°  7'  5"  .' 
ces  polirions  fondamentales  ne  différent  que 
de  5  à  g"  de  celles  que  M.  le  Monniera  affi- 
gnées  par  des  obfervations  &  des  méthodes 
très-diftérences  :  cela  fufficpnu'  montrer  quel 
degré  d'incertitude  il  y  a  dans  la  méthode 
&  dans  l'obfcrvacion  des  afa'tifions  droites. 

J'ai  dit  qu'une  feule  tifcenfian  droite  don- 
noit  aifémenr  toutes  les  autres  ;  il  ne  faut 
qu'obierver  la  différence  despaflagesau  mé- 
ridien ,  DU-  par  les  hauteurs  correfpondan- 
tes  ,  ou  par  une  lunette  méridienne  ,  &  con- 
vertir en  degrés  la  diftcrence  des  temps,  ou 
aura  celle  des  nfccnfions  droites  des  cieuxaf- 
tres  obfervés;  on  choifit  pour  terme  de  com- 
paraiion les  étoiles  les  plus  bnllarites  ,  telles" 
que  Sirius  &  la  Lyre,  afin  que  l'on  puifleles 
voir  de  jour  &  en  tout  temps  de  l'année  pour 
comparer  toutes  les  étoiles  oblervées  dans 
une  même  nuit  ^c  dent  on  veut  avoir  Yafcen- 
fion droite. 

Uafcenfion  droite  du  milieu  du  ciel  eft  une 
choie  dont  les  affronomes  fe  fervent  très- 
fouvent  ,  fur-tout  pour  calculer  les  éclipfes 
par  le  moyen  du  nonagéfîme,  c'eft  Vafcenfion 
droite  du  point  de  l'équateur  qui  (c  trouve 
clans  le  méridien  ;  elle  eft  éj^ale  à  la  fom- 
me  de  Yafcenfion  droite  du  loleil  &  de  l'angle 
■  fioraire  ou  du  temps  vrai  réduit  en  degrés , 
ou  à  la  fomme  de  la  longitude  m.oyennc  &c 
du  temps  moyen.  (  M.  de  la  Lande.  )? 

L'-tfcctifion  oblique  eft  un  arc  de  l'éqpa.- 


C\G  ASC 

teur  ,  compris  entre  le  premier  point  d'Ariès 
&  le  point  de  iVquateur,  qui  le  levé  en  même 
temps  que  Paftre  ,  dans  la  ij.hcre  oblique, 
^'byf:^  Sphère. 

h'afienfion  oblique  fe  prend  d'occident 
en  orient ,  &  elle  eft  plus  ou  moins  grande  , 
félon  la  différente  obliquité  de  la  fphere. 

La  diftcrence  cnrrc  \  .ifcenjîon  droite  & 
['afccnfion  oblique  ,  s'appelle  différence  afcen- 
lionclle. 

Pour  trouver  pnr  la  crigoiiométrie  ou  par 
le  ^ohzV afccnfion  oblique  du  foleil ,  voye-^ 
AscENsioNEi.  &  Globe. 

L'arc  à'ûjccnfion  oblique  eft  une  portion 
de  Ihorizon  corrpvi'.e  entre  le  commer.ce- 
ment  d'Arièî  &  le  point  de  l'équateur  ,  qui 
le  levé  en  même  temps  qu'une  planète  ou 
nnc  étoile  ,  &c.  dans  la  fphere  oblique. 
L'afcenf.on-  oblique  varie  félon  la  latitude 
des  lieux. 

Réfradion  à'afcenfion  &  defcenfion.  Voy. 

RÉFRACTION. 

Mie  le  Monnier  ,  dans  la  théorie  des 'co- 
mètes &  fcs  inftitutions  aftronomiques  ,  a 
donné  la  table  fuivantc  de  \'afcenfi,on  droite 
des  principales  étoiles.  (  O  ) 


NOMS 

DES  Etoiles. 

Ascension 
droite 

en  \7V-- 

Ascension 

droite 
en  17J0. 

D.    M.      S. 

D       M.     S. 

La  Polaire  .   .  . 
Acharnar.    .  .   . 
A  du  Bélier.  .  . 
Aldebaran  .   .   . 

10    19    Jiî 
zi    fj    30 
z8' 10  50 
6)    16  S5 

10  ^i)    II 

11  00    00 

18   17  10 

65  15  41^ 

a.  de  la  Chèvre  . 

Rigel 

a.  d'Orion  .   .  . 
Canopus .... 

74  ij   00 

7)    5i  oy 
8y    18    10 

94   5î    io 

74  5  5   47î 
7j    57  52.' 
8y   14  45 
94  35   00 

Sirius 

Proc/on  .... 
tf  de  Î'Hydrc  .  , 
llégulus  .... 

98    16  40 
III    16    35 
13S  45   40 
.48   38  51 

9S    51    57ï 
III    31   y; 
158  49   36: 
148  44   ^6 

L'épi  de  la  Vierge 
.Ardurus .... 

;Antares 

irt  de  la  Lyre  .  . 

'97   H  5)" 
iio   58   31I 
143   14  10 
Z67  03    10 

194    31    JO 
30S  09  40 

54i   5S   55 
340  49  40 

19S   00   j4 

11 I     04    GO 

145     31    40 

177    07     10 

a.  de  l'Aigle .  .  . 
*  du  Cygne  .  . 
».  de  Pégaie  .  . 
1-omalhaut .  ,  . 

194    58    41 i 
308     13    51 1 

343   04   30 
340  j6  00 

ASC 

Ascknsion  ,  fc  dit  proprement  de  l'éléva- 
tion miraculeulé  de  J.  C.  quand  il  monta  au 
ciel  en  corps  Se  en  ame ,  en  préfence  Oc  à 
la  vue  de  fes  Apôtres. 

Tertullien  fait  une  énumération  fuccinte 
des  différentes  erreurs  &  héréfies  que  l'on  a 
avancées  fur  X'Afcenfion  du  Sauveur  ,  Ut  ù 
illi  erubefcant  qui  adfinnant  carnem  in  cœlis 
vacuam  fenfu  ut  vaguiam  ,  exempta  Cknjh , 
fédère  ;  aut  qui  carnem  6'  animam  tantumdem  , 
aut tantummodo  animam , cr.rncmvero nonjam. 

Les  Appellitespenioient  queJ.C.lailîàfon 
corps  dans  les  airs  (S.  Auguftin  dit  qu'ils 
prcttndoient  que  ce  fut  fur  la  terre  j ,  iSc  qu'il 
monta  lans  corps  au  ciel  :  comme  J.  C.  n'a- 
voit  point  apporté  de  corps  du  ciel  ,  mais 
qu'il  l'a\o;t  reçu  des  élémens  du  monde,  ils 
loutcnoient  qu'en  retournant  au  ciel  il  lavoit 
reliitué  à  ces  clcmens. 

LesSeleuciens&r  les  Hermeniens  croyoient 
que  le  corps  de  J.  C.  ne  monta  pas  plus  haut 
que  le  foleil ,  &  qu'il  y  refta  en  dépôt  ;  ils 
le  fondoicnt  fur  ce  palfige  des  pl'eaumes  ;  il 
aplacéfon  tabernacle  dans  le  fileil.  S.  Grégoii'C 
de  Naziance  attribue  la,  même  opinion  aux 
Manichéens. 

Le  jour  de  V Afcenfwn ,  eft  une  fête  célé- 
brée par  1  égliie  dix  jours  avant  la  Pente- 
cote  ,  en  mémoire  de  X'Afcenfion  de  Notre- 
Seigneur.  {G) 

*  Ascension  (  Ile  de  l'  ,  )  dans  l'O- 
céan ,  entre  l'Afrique  &  le  Brélîl  ,  décou- 
verte en  150S  par  Triftan  d'Acugnale  jour 
de  {'Afcsnfion.  Le  manque  de  bonne  eau  a 
empêché  qu'on  ne  s'y  établit.  On  l'appelle 
le  bureau  delà  pojle.  Lorique  les  vaillèaux 
qui  viennent  des  Indes  orientales  s'y  rafraî- 
chiflent  ,  ils  y  lailient  une  lettre  dans  une 
bouteille  bouchée  ,  s'ils  ont  quelque  chofc 
à  laire  lavoir  à  ceux  qui  viendront  après 
eux  :  ceux-ci  calfent  la  bouteille,  (5c  lailient 
leur  réponle  dans  une  autre  bouteille.  Long. 
5  ;  lat.  mer.  8. 

Il  y  a  une  autre  île  de  même  nom  dans 
l'Amérique  méridionale,  vis-à-vis  les  côtes 
du  Biélil. 

ASCENSIONEL  ,  adj.  différence  afcen- 
fioncllc  ,  terme  d'Ajlr.  La  différence  afcenfio- 
nelle  eft  la  diffcrence  entre  l'aicenfion  obli- 
que ,  Se  l'adxndon  droite  d'un  même  point 
delà  furfacc  de  la  fphere.  /'oj. Ascension. 
Ainfi  le  17*'    J4  qui    efl  l'afccnfion  droite 

du 


ASC 

é\i  premier  degré  de  V?  ôtaiit  I4<l  24'  qiii 
eft  l'afceniion  oblique  du  même  degré  fur 
l'horizon  de  Paris ,  le  rcile  i^<^  30'  en  eft  la 
différence  afcenfionelle.  Si  on  réduit  en  heu- 
res &  minutes  d'heure  les  degrés  &  minutes 
de  la  différence  afcenjionelle  ,  on  connoit  de 
combien  les  jours  de  l'année  auxquels  elle 
répond,  différent  du  jour  de  l'équinoxe  :  car 
ajoutant  le  double  du  temps  de  cette  dijf'é- 
reuce  afcenfionelle  aux  1 2  heures  du  jour  de 
l'équinoxe  ,  on  a  la  durée  des  longs  jours , 
le  ibleil  parcourant  la  inoitié  de  l'ccliptique 
qui  efl  du  côté  du  pôle  apparent  ■■,  &  Il  l'on 
ôte  ce  même  tem])s  de  12  heures ,  on  aura 
la  longueur  des  petits  jours  ,  qui  arrivent 
quand  le  foleil  parcourt  la  moitié  de  l'éclip- 
tique  ,  qui  ell  du  côté  du  pôle  invifible. 
Ainlî  le  double  de  13^*  30'  eft  27<1  ;  lefquels 
réduits  en  temps ,  à  raifon  de  4'  d'heure 
pour  chaque  degré  ,  on  aura  une  heure  8c 
48'  :  ce  qui  fait  connoître  que  le  foleil  étant 
Je  20  avril  au  premier  degré  de  Y"  ?  'c  jour 
eft  de  1 3  heures  4S'  fur  l'horizon  de  Paris , 
&  ainii  des  autres  ^  enfuite  de  quoi  l'on  coii- 
noît  facilement  l'heure  du  lever  &  du  cou- 
cher du  foleil.  Dans  les  figues  fcptentrio- 
naux ,  les  afcenlîous  droites  des  degrés  de 
l'écliptique  fout  plus  grandes  que  leurs  afcen- 
iîons  obliques  ;,  mais  au  contraire  aux  figues 
méridionaux ,  les  afcenlîous  droites  des  de- 
grés de  la  même  écliptique  font  plus  petites 
que  leurs  aicenfions  obliques.  M.  Formey. 

Pour  avoir  la  différence  afcenfionelle  ,  la 
latitude  du  lieu  &  la  déclinaifon  du  foleil 
étant  données,  faites  la  proportion  trigono- 
métrique  :  comme  le  rayon  à  la  tangente  de 
la  latitude  ,  aiufi  la  tangente  de  la  déclinai- 
fon du  foleil  au  finus  de  la  différence  afcen- 
fionelle. Si  le  foleil  eft  dans  un  des  ligues 
feptentrionaux ,  &  qu'on  ôte  la  différence 
afcenfionelle  de  l'afceniion  droite ,  le  relie  fora 
l'-afcenfion  oblique.  Si  le  foleil  eft  dans  un 
des  figues  méridionaux  ,  il  faudra  ajouter  la 
différence  afcenfionelle  à  l'afoeniion  droite , 
&  la  fomme  fora  l'afoeniion  oblique.  On 
pourroit,  en  s'y  prenant  aiufi ,  conftruire  des 
tables  d'afoenfions  obliques  pour  les  diiîcrens 
degrés  de  l'écliptique  ,  fous  diiîerentes  élé- 
vations du  pôle.  (.  O  ), 

ASCEl  ES  ,  f.  m.  pi.  (  Théologie.  )  du 
grec  ATKnih  ;  mot  qui  lignifie  à  la  lettre  une 
ferfonne  oui  s  exerce ,  qui  travaille  ,  Ôi  qu'on  , 
Toms  III. 


ASC  61J 

a  appliqué  en  général  à  tous  ceux  qui  em- 
brali'oient  un  genre  de  vie  plus  auftcre  ,  &c 
par-là  s'exerçoient  plus  à  la  vertu  ,  ou  tra- 
vailloient  plus  fortement  à  l'acquérir  que  le 
cominun  des  honmics.  En  ce  fens ,  les  cfîe- 
niens  chez  les  juifs ,  les  pytliagoriciens  entre 
les  philofophes ,  pouvoient  être  appelles  a/^ 
ceres.  Parmi  les  chrétiens  dans  les  premiers 
temps ,  on  donnoit  le  même  titre  à  tous  ceux 
qui  fo  diftinguoient  des  autres  par  l'auftérité 
de  leurs  mœurs  ,  qui  s'abftenoient  ,  par 
exemple  ,  de  vin  &  de  viande.  Depuis ,  la, 
vie  monaftique  ayant  été  mife  en  honneur 
dans  l'orient ,  &  regardée  comme  plus  par- 
faite que  la  vie  commune  ,  le  nom  d'af- 
cetcs  eft  demeuré  aux  moines ,  &  particu- 
lièrement à  ceux  qui  fe  retirant  dans  les  dé- 
forts  ,  n'avoient  d'autre  occupation  que  de 
s'exercer  à  la  méditation  ,  à  la  ledure  ,  aux 
jeûnes,  &  autres  mortifications.  On  l'aaufii 
donné  à  des  religieufcs.  En  cor.féquence  oa. 
a  appelle  afccuria,\cs  monaftcres ,  mais  for- 
tout  certaines  maifons  dans  Iclquelles  il  y 
avoit  des  moniales  &  des  acolythcs  ,  dont 
l'ofîTce  étoitd'enfovelir  les  morts.  Les  Grecs 
donnent  généralement  le  nom  d'afcetes  à 
tous  les  moines  ,  foit  anachorètes  &  foli- 
taires,  foit cénobites.  A^oj.  Anachorète  , 
Cénobite. 

M.  de  Valois  dans  fos  notes  fur  Eufcbe  , 
&  le  père  Pagi  ,  remarquent  que  dans  les 
premiers  temps  le  nom  à'afceres  &c  celui  de 
moines  n'ctoient  pas  fynonyines.  Il  y  a  tou- 
jours eu  des  afcctes  dans  l'églifo  ,  &  la  vie 
monaftique  n'a  commencé  à  y  être  en  hon- 
neur que  dans  le  quatrième  fiecic.  Bingham 
obferve  pluiiéurs  différences  entre  les  moines 
anciens  &  les  afcetes  ;,  par  exemple  ,  que 
ceux-ci  vivoient  dans  les  villes  j  qu'il  y  eu 
avoit  de  toute  condition ,  même  des  clercs , 
&  qu'ils  ne  fuivoient  point  d'autres  règles 
particulières  que  les  loix  de  l'églifo  ,  au  lieu 
que  les  moines  vivoient  dans  la  folitude  , 
étoient  tous  laïques ,  du  moins  dans  les  com- 
mencemcns,  bi  ali'ujettis  aux  règles  ou  conC- 
titutious  de  leurs  inftitutcurs.  Bingham ,  orig, 
ecclef.  lih,  V II  ■,  cap.j  ^  %  <,. 

ASCETIQUE  ,  adj.  qui  concerne  les  af- 
cetes. On  a  donné  ce  titre  à  plufieurs  li\res 
de  j>iété  qui  rentérment  des  exercices  fpiri- 
tuels,  tels  que  les  af ce  tiques  ou  traité  di  dé- 
votion de  S.  Baille-,  évêque  de  Célàrée  en 

ffff 


€iS  ASC 

Cappadoce.Dans  les  bibliodicques  on  range 
fous  Je  titre  A'afct'tijues  tous  les  écrits  de 
théologie  inyftique  :  on  dit  aufii  la  vie  af- 
cétique,  pour  exprimer  les  exercices  d'oraifon 
&  de  mortification  que  doit  pratiquer  un 
religieux.  Voyei  Mystique. 

La  vie  afceiique  des  anciens  fidèles  con- 
iîftoit ,  félon  M.  Fleury  ,  à  pratiquer  volon- 
«aircment  tous  les  exercices  de  la  pénitence. 
Les  afcetess'enfermoient  d'ordinaire  dans  des 
maifons  ,  où  ils  vivoient  en  grande  retraite  , 
gardant  la  continence,  &  ajoutant  à  la  fruga- 
lité chrétienne  des  abftinences  &  des  jeûnes 
extraordinaires.  Ils  pratiquoient  la  xéropha- 
gie  ou  nourriture  (èche ,  &  les  jeûnes  renfor- 
cés de  deux  ou  trois  jours  de  fuite  ,  ou  plus 
longs  encore.Ils  s'exerçoient  à  porter  le  cilice, 
à  marcher  nu-piés ,  à  dormir  fur  la  terre  , 
à  veiller  une  grande  partie  de  la  nuit ,  lire 
afliduement  l'écriture-fainte ,  &  prier  le  plus 
continuellement  qu'il  étoit  pofîible.  Telle 
«toit  la  vie  afcétique  :  de  grands  évcques  & 
«le  fameux  dofteurs  ,  entr'autres  Origene  , 
l'avoient  menée.  Onnommoitpar  excellence 
ceux  qui  la  pratiquoient  ,  /es  élus  entre  les 
€lus ,  ê»\5>t7w  êKA5)<.7ÔT«po;.  Clément  Alexan- 
drin ,  Eufebe  ,  hift.  lib.  VI ,  cap.  iij.  Fleury, 
mœurs  des  chrétiens,  II ,part.n°.  i6.  Bing- 
■ham ,  orig.  ecclef.  lib.  VII ,  c.  j  ,  ^6.  {G) 

*  ASCHAFFENBOURG  ,  ville  d'Alle- 
magne dans  la  Franconie ,  aux  frontières  du 
bas  Rhin  ,  fur  la  rive  droite  du  Mein  ,  &  le 
penchant  d'une  colline.  Longit.  16  ,  35  ^ 
dat.  50. 

*  ASCHARIOUKS  ou  ASCHARIENS  , 
(  Hi/l.  mod.  )  difciples  d'Afchari  ,  un  des 
plus  célèbres  doâeurs  d'entre  les  muful- 
mans.  On  lit  daiis  l'Alcoran  :  «  Dieu  vous 
5)  fera  rendre  compte  de  tout  ce  que  vous 
3)  manifefterez  en  dehors,  &  de  tout  ce  que 
3)  vous  retiendrez  en  vous-même  \  car  Dieu 
»  pardoiuie  à  qui  il  hiiplaît  ,  &  il  châtie 
3)  ceux  qu'il  lui  plaît  j  car  il  eft  le  tout-piiif 
D)  faut ,  &  il  difpofè  de  tout  félon  fon  plaifir  .j) 
A  la  publication  de  ce  verfet ,  les  mulùl- 
jTians  effrayés  ,  s'adrelferent  à  Aboubekre 
&  Omar ,  pour  qu'ils  en  allalfent  demandtr 
rex^)lication  au  S.  prophète.  «  Si  Dieu  nous 
3)  dcinande  compte  des  penfées  mêinesdont 
»  nous  ne  fonuiies  pas  maîtres  ,  lui  dirent 
»  les  députés  ,  comment  nous  fau^erons- 
»  aous  l  w  Mahomet  efquiva  la  difficulté 


ASC 

par  une  de  ces  réponfes  ,  dont  toi?s  les  cliefir 
de  fe£le  font  bien  pourvus  ,  qui  n'éclairent 
point  l'efprit ,  mais  qui  ferment  la  bouche. 
Cependant  pour  calmer  les  confciences  , 
bientôt  après  il  publia  le  verfet  fuivant  : 
»  Dieu  ne  cliarge  l'homme  que  de  ce  qu'il 
»  peut,  &  ne  lui  impute  que  ce  qu'il  mérite 
i)  par  obéiffance  ou  par  rébellion.»  Quelques 
mufulmans  prétendirent  dans  la  fuite  que 
cette  dernière  fèntence  abrogeoit  la  premiè- 
re. Les  afchariens ,  au  contraire ,  fe  ièrvirent 
de  l'une  &  de  l'autre  pour  établir  leur  fyftême 
fur  la  liberté  &  le  mérite  des  œuvres ,  fyf- 
tême  direftement  oppofé  à  celui  des  mon- 
tazales.  Voye\  Montazales. 

Les  Afchariens  regardent  Dieu  comme  un 
agent  univerfèl ,  auteiu-  &  créateur  de  toutes 
les  aftions  des  hommes ,  libre  toutefois  d'é- 
lire celles  qu'il  leur  plaît.  Ainfi  les  hommes 
répondent  à  Dieu  d'une  chofè  qui  ne  dépend 
aucunement  d'eux  ,  quant  à  la  produ£tion  , 
mais  qui  en  dépend  entièrement  quant  au 
choix.  Il  y  a  dans  ce  fyftême  deux  chofes 
aifez  bien  diflinguées  ;  la  voix  de  la  conf- 
cience  ,  ou  la  voix  de  Dieu  ^  la  voix  de  la 
concupiscence  ,  ou  la  voix  du  démon  ,  oa 
de  Dieu  parlant  fous  un  autre  nom.  Dieu 
nous  appelle  également  par  ces  deux  voix  , 
&  nous  lliivons  celle  qui  nous  plaît.  Mais 
les  afchariens  font ,  je  penfe ,  fort  embar- 
ralfés ,  quand  on  leur  fait  voir  que  cette  ac- 
tion par  laquelle  nous  fijivons  l'une  ou  l'au- 
tre voix ,  ou  plutôt  cette  détermination  à 
l'une  ou  à  l'autre  voix ,  étant  une  aftion  y. 
c'eft  Dieu  qui  la  produit ,  félon  eux  j  d'où 
il  s'enfuit  qu'il  n'y  a  rien  qui  nous  appar- 
tienne ni  en  bien  m'  en  mal  dans  les  actions» 
Au  refte  ,  j'obferverai  que  le  concours  de 
Dieu  ,  fi  providence ,  fa  prelcieni.e ,  la  pré- 
dcftination  ,  la  liberté  ,  occafionent  des 
difputes  &  des  héréfics  par-tout  où  il  en  eft 
queilion  •■,  &  que  les  chrétiens  feroient  bien  ^ 
dit  M.  d'Herbêlot  dans  Çd  bibliothèque  orien- 
tale ,  dans  ces  qucftions  ditliciles ,  de  cher- 
cher paifiblement  à  s'inftruire  ,  s'il  cû  poiîi- 
ble,  &  de  fe  fupporter  charitablement  dans 
les  occafions  où  ils  font  de  fèutimens  diiîé- 
rens.  En  effet ,  que  favons-nous  là-deliùs  ?' 
Qiiis  conciliarius  e jus  fuit  ? 

*  ASCHAW  ,  (•  Geog.  anc.  &  med.  )  ville 
d'Allemagne  dans  la  haute  Autriche  ,  fur  lie 
Danube ,  à  l'embouchure  de  l'Afcha  j  quels-- 


ASC 

qries-uns  prctendent  que  i.:'efl:  rancîennc  Jo- 
viacum  (!e  la  Noriqiic  ,  que  d'autres  placent  à 
Starubcr^,  &  d'autres  à  rrank.ciuiein;u-c'i. 

*  ASCHBARAr,  ville  du  Turqueilan, 
la  plus  avancée  dans  le  pays  de  Gotha  ou 
tlfs  Getes  .  au  delà  du  flcu\e  Sihou. 

*  ASCHBOURKAN  ,  ou  ASCHFOUR- 
KAN ,  ville  de  la  province  de  Choralâu. 
Long.  loo;  laiit.  ^6  ,  45. 

*  ASCHERLEBEN  ,  ville  d'Allemagne 
fur  l'Eine  ,   dans  la  principauté  d'Anhalt. 

*  ASCHERN  ou  ASCHENTEN  ,  ville 
d'Irlande  ,  dans  la  province  de  Moun  ou  de 
Mounfter  ,  &  le  comté  de  Limerick ,  fur  la 
rivière  d'Afchern. 

*  ASCHMOUN  ,  ville  d'Egypte  ,  près 
Damiete.  Il  y  a  entre  cette  dernière  & 
Manlïïirah  ,  un  canal  de  mêine  nom. 

ASCHMOUNIN ,  (Géog.anc.)  ville  de 
la  Thébaïde ,  où  il  y  a  encore  des  ruines 
qui  font  admirer  la  magnificence  des  anciens 
rois  d'Egypte. 

*  ASCHOUR  ,  nom  d'une  des  rivières  qui 
palîènt  par  la  ville  de  Kafch  en  Turquellan , 
vers  le  nord. 

*  ASCHOURA  ,  île  de  la  mer  des  In- 
des ,  des  plus  reculées  &  des  défertes ,  pro- 
che Mêlai  ,  &  loin  de  Shamel. 

*  ASCHTIKAN  ,  ville  de  la  province  de 
Tranfoxanc  ,  dans  la  Sogde.  Long.  88  3  lut. 

fipi-  39  5  55-  ,  .        „ 

*  ASCI,  (Hijî.  nat.)  plante  qui  croit 
en  Amérique  :  elle  s'élève  à  la  hauteur  de 
cinq  ou  fix  palmes  &  même  davantage. 
Elle  cft  fort  branchue  •^  fa  fleur  eft-blanche , 
petite  &  fans  odeur  •■,  fon  fruit  a  le  goût  du 
poivre.  Les  Américains  en  alfaifonnent  leurs 
mets  i  les  Européens  en  font  aufll  ufage.  Il 
pouife  des  efpeces  de  goulfes  rouges ,  creu- 
ies,  longues  comme  le  doigt  j  ces  gouifes 
contiennent  les  femences. 

ASCIENS  ,  f.  m.  mot  compofé  d'i  &  de 
«■H/*  ,  ombre  ;  il  fignifie  en  géographie  ces 
hflbitans  du  globe  terreftre  ,  qui ,  en  cer- 
tains temps  de  l'année ,  n'ont  point  d'ombre. 
Tels  font  les  habitans  de  la  zone  torride  , 
parce  que  le  foleil  leur  eft  quelquefois  verti- 
cal ou  direftement  au  delfus  de  leur  tête. 
Voyei  Z,ONE  Torride.  Tous  ces  habitans , 
excepté  ceux  qui  font  précifément  fous  les 
deux  tropiques  ,  font  afciens  deux  fois  l'an- 
aée  ,  parce  que  le  foleil  palTe  deux  fois  l'aii- 


A  S  C  61Ç, 

ncc  fur  leur  tête.  Pour  trouver  en  quels  jours 
les  peuples  d'un  parallèle  fout  fans  ombre , 
Fbyc-j; Globe.  (  O ) 

ASCIOR ,  AsoR  ,  AsuR  ou  Hasur  , 
(  Mufiquc  inji.  des  Héb.  )  iidlrumcnt  des  Hé- 
breux qui  avoit  dix  cordes.  D.  Calmet  Se 
Kircher  veulent  tous  deux  que  ce  foit  la 
même  chofc  que  la  cith;u'e  ,  &  tous  deux 
lui  donnent  le  même  nombre  de  cordes.  D. 
Calmet  ajoute  pourtant  que  dans  les  com- 
mentaires fur  les  pfcaumes  attribués  à  S.  Jé- 
rôme ,  on  ne  donne  que  fix  cordes  à  la  ci- 
thare ,  &c  que  dans  l'épître  à  Dardanus ,  at- 
tribuée aufîî  à  S.  Jérôme  ,  on  lui  en  donne 
vingt-quatre,  D.  Calmet  donne  à  la  cithare 
ou  àa/ur  la  figure  de  la  liarpe  commune 
d'aujourd'liui  ,  &  Kircher  ,  quoiqu'il  ait  dit 
que  le  /lafur  &c  la  cithare  font  le  même  inf- 
trument,  ,en  donne  la  figure  qu'il  a  tirée  d'un 
ancien  mauufcrit  du  Vatican ,  dont  il  a  en- 
core tiré  les  figures  du  kiuuor  ,  du  machiil , 
du  miniiicn  &  du  nebel  ou  nable.  F'oye^ 
ces  mots. 

Je  fuis  très-porté  à  croire  que  la  figure  de 
Kircher  cft  la  vraie  ,  1°.  parce  qu'elle  eft 
aflez  fimple  pour  avoir  exifté  depuis  très- 
long-temps  3  2".  parce  qu'elle  diffère  peu 
du  nebel  Se  du  kiiuior  ,  &  qu'il  me  fèmble 
probable  qu'anciennement  ,  lorlquon  ne 
connoifibit  encore  que  peu  d'inftrumens  de 
genres  vraiment  difFérens ,  on  ait  donné  des 
noms  particuliers  à  des  inftrumeus  qui  ne 
differoient  au  fond  que  par  le  nombre  de 
leurs  cordes  ou  par  leurs  figures  ,  &  non 
par  le  principe  du  fon  ,  ou  par  la  manière 
d'en  toucher. 

On  pouvoir  pincer  le  hafur  avec  les  doigts, 
ou  en  toucher  avec  un  pleibum  à  volonté. 
(  F.  D.  C.  ) 

§  ASCITE  ,  (  Médecine.  Nofologie.  > 
d'aa-jtof ,  bouteille  ,  c'eft  une  elpece  d'hydro- 
pifie  qui  atfefte  l'abdomen  ou  le  bas  ven- 
tre. L'élévation  du  ventre  ,  &  la  fluftuation 
qu'on  y  découvre  ,  nous  manifeftent  alfez 
cette  maladie  ,  qui  commence  le  plus  fou- 
vent  ,  ainfi  que  les  autres  efpeces  d'hydropi- 
fies ,  par  l'enflure  des  pies  ,  la  pâleur  du  vi- 
fage  ,  la  foif  8f  la  fièvre  lente ,  la  difficulté 
de  refpirer  ,  &  quelquefois  la  toux  feche  , 
la  cardialgie  &  les  flatuofités ,  la  conftipa- 
tion  ,  les  urines  en  petite  quantité  ,  tantôt 
limpides  ,  tantôt  épailTes  &  briquetées ,  ou 
Ffffz 


éio  ASC 

couleur  de  fafran.  La  maio^reur  des  parties 
ilipérieures ,  l'œdème  des  jambes,  des  bouf- 
fes &  de  la  verje,  en  font  les  lignes  équi- 
voques. Le  ventre  fe  tend  comme  un  bal- 
lon :  il  devient   même  quelquefois  fi  pro- 
digieux qu'il  defcend  ju (qu'aux  genoux,  & 
{e  crevaire  ,  fur-tout   fi  les  tégumens  font 
œdémateux.  L'hydropifie  du  bas-ventre  peut 
être  compliquée  avec  la  tympanite  ,  avec  la 
groffeife  ,  ou  la  mole  ,  avec  la  Icucophleg- 
matie  ,  &c.  II  arrive   tous  les  jours  qu'on 
'fait  paifcr  des  grofléfl'es  de  contrebande  pour 
la  maladie  dont  nous  parlons ,  mais  outre  la 
fluftuation  qui  peut  diilinguer  ces  deux  états , 
on  peut  encore  en  juger  par  le  vifage  ,  qui 
porte  les    imprefiions    de   la  nialadie  dans 
Xûfcite  ,  &  qui  ell  naturel  dans  les  femmes 
grofles  :  on  peut  lèntir  d'ailleurs  le  mouve- 
ment du  fœtus ,  &  avoir  recours  aux  figues 
de  la  grolî'etre ,  comme  à  la  configuration 
du  ventre  plus  enflé  à  l'Iiypogafire  par  l'hy- 
,  cL-opifie  que  par  la  grolTelFe  ^  à  l'état  des  rè- 
gles ,  qui   coulent  ordinairement  hors  de  la 
grolîbJîc  ,  &c. 

Il  eft  encore  difficile  de  diftingiier  l'hy- 
dropifie afcite ,  dans  laquelle  le  liquide  baigne 
tous  les  vifceres  deftinés  à  la  chylificaîion  , 
d'avec  l'hydropifie  enkiftée  du  bas-ventre  , 
c'eil-à-dire  renfermée  dans  lui  lac  comme 
celle  du  péritoine  ,  de  répijjloon ,    de  la 
matrice ,  des  ovaires ,  des  reins ,  &c.  C'eft 
làns  fondement  qu'on  a  avancé  qu'il  n'y  avoit 
aucune  lluftuation  dans  ces  fortes  d'hydro- 
pifies  :  il  eft  vrai  qu'elle  eft  quelquefois  peu 
lenfible ,  parce  que  la  liqueur  eft  le  plus  fou- 
vent  épaiife  ,  ou  renfermée  dans  un  petit 
efpace  y  mais  lorfque  le  kifte  occupe  la  plus 
grande  partie  du  bas-ventre  ,  la  fluduation 
y  eft  tout  aulfi  manifefte  que  dans  la  vraie 
,afdtc.  On  ne  peut   conuoître  l'hydropifie 
enkiftcc  ,  que  lorfque  le  fac  ,  peu  étendu  , 
permet  à  la  vue  &  au  toucher  d'en  recon- 
noître  les  bornes.  On  peut  ajouter  à  ce  figue , 
.que  le  liqukle  c[u'onen  tire  par  la  paraceu- 
tefo  ,  eft  prcique  toujours  bourbeux ,  fétide , 
fangulnolent  ,  ou  purulent  ^  ce  qui  eft  beau- 
couv)  plus  rare  dans  la  \'raie  afciie^ 

L'hydropifie  enkiilée  de  l'abdomen  ren- 
ferme fouvent  des  hydatides  ,  ou  des  fortes 
flcvcffies  remplies  ordinairement  d'une  eau 
limpide ,  &  quelquefois  d'une  matière  glai- 
xeufe  on  fordide.  Ou  les  trouve  daiis  les 


ASC 

cadavres ,  tantôt  libres ,  ou  dé{»as;ées  les  une» 
des  autres ,  &  rageant  dans  un  liquide  ^ 
tantôt  liées  enlèmblc  en  manière  de  grappe 
de  raifin  ,  ou  collées  par  leur  furface  :  leur 
forme  eft  fphérique  ,  ovale  ou  pyriforme. 
Elles  paroiiîent  être  produites  par  la  dilata- 
tion des  vailléaux  lympliatiquesi  delà  vient 
qu'on  en  rencontre  comm.unément  dans  les 
parties  où  ces  vallfeaux  font  les  plus  nom- 
breux ,  comm.e  au  foie  ,  aux  ovaires  &  aux 
trompes,  au  péritoine ,  &  à  l'épiploon;,  à  la 
glande  thyroïde ,  aux  mamelles ,  au  genou ,  &c 
autres  •■,  fiege  ordinaire  des  tumeurs  enkif- 
tces  qui  ne  dùTerent  de  l'hydropifie  du  même 
nom,  que  parleur  volume.  Il  paroit  encore , 
pour  le  dire  en  paffant ,  que  les  différentes 
efpeces  de  loupe  ont  la  même  origine.  On  a 
encore  remarqué  ,  pour  revenir  à  notre 
fujet ,  que  ,  dans  l'hydropifie  du  péritoine  , 
le  nombril  étoit  un  peu  creulé  ,  à  caufedefa 
connexion  avec  cette  membrane.  L'enflure 
du  fcrotum  peut  pafiér  aufli  pour  un  figne  de 
l'hydropifie  du  péritoine  ;,  mais  il  faut  la 
diilinguer  de  l'infiltration  œdémateufe  des 
tégumens ,  qui  eft  commune  à  toutes  les 


hydropifies 


qui  n  a  aucune  communi- 


cation avec  le  tilhi  cellulaire  du  péritoine. 

Il  arrive  communément,  dans  l'hydropi- 
fie enkiftée  ,  que  l'enflure  du  ventre  eft  hié- 
gale  j  que  les  malades  confervent  leur  co- 
loris ,    leur  einbonpoint    &   leur  appétit  : 
elle  eft  d'ailleurs  plus  long-temps  à  fe  former 
que  Yafciu  ;  les  extrémités  inférieures  s'en- 
gorgent plus  tard  :  les  malades  enfin  ne  pa- 
rcilfent  avoir   d'autre    incommodité  ,    que 
celle  qui  vient    du  poids   &  du  volume  du 
ventre.  Les  hydropifies  de  l'un  &  de  l'autre 
caraftere  reconnoilfent  prefque  toutes   des 
fquirrhcs  qu'on  ne  lauroit  toucher ,  lorfque 
le  Acntrc  eft  élevé  ou  tendu  à  un  certain 
point ,    mais   qu'on  décom're   facilement  , 
après  qu'on  l'a  vuidé   par   l'opération.  Les 
eaux  qu'on  tire  par  la  ponûion  ,  ou  qu'on 
trouve  à  l'ouverture  des  cadavres ,  font  lim- 
pides ,  de  la  couleur  de  l'urine  ,  vcrdâtres  , 
huileufcs  ,  fanguinoleutcs ,  fanieufos,  puru- 
lentes ,  laiteulcs ,  de  la  couleur  du  café  &  de 
hs  lie  de  vin;,  gluantes ,  gélaiineufes ,  graif- 
icufes ,  bourbeufès,  fétides ,  6"-i-.  Nous  avons 
dit  que  ces  dernières  étoieniphiscommures 
dans  les  hydrcpifiçs  enkiftécs  :  quaut  à  leur 
quiiûtité  ,  012  prétend  eu  avoir  tiié ,  eu  ime 


ASC 

Jêule  fols  ,  jiîfqu'à  cinquante  pintes.  On  en 
a  trouve  dans  les  cadavres,  ieloa  Rivière, 
quatre-vingt-dix  livres  ;,  feloa  Stnlpart,  qua- 
tre-via;j;t-quin2e  ••,  &  (èlon  les  Mémoires  de 
tccadémie  de  chirurgie  de  Paris ,  cent  vin^^t. 

Les  buveurs  de  profclîion  ,  les  cachecti- 
ques ,  les fcorbuiiques  &  les  goutteux;  ceux 
qui  ont  fouifert  de  grandes  hcniorrhagies , 
Ibnt  fujets  aux  épanchcmcns.  La  leuco- 
phlegniatie  &  l'hicterc  ,  la  Hevre  quarte ,  & 
autres  intermittentes;,  les  maladies  aiguës , 
&  les  plus  graves  :,  la  fuppreirion  des  pertes 
habituelles  i  la  rentrée  des  maladies  cuta- 
nées •■,  le  deHéchement  des  ulcères  &  des 
filiales,  &c.  y  donnent  auffi  lien  ^  mais  c'ell 
à  roccaiion  des  fquirrhes ,  des  tubercules  & 
autres  défordres  dont  nous  ferons  mention  , 
que  les  épanchemens  Te  forment  le  plus  fou- 
%'ent.  Ils  ont  encore  quelquefois  leur  lource 
dans  la  boiflon  froide  &  excellive  ,  dans  la 
mauvaife  conduite  des  accoucliées ,  &c. 

Il  ell  prouvé  par  les  obfervations  trcs- 
iioinbrcufcs  que  nous  avons  fur  Vafciic  ,  que 
les  filles  &  les  femmes  en  guériiicnt  mieux 
que  les  hommes,  &  qu'elle  c'a,  dans  les  uns 
&  dans  les  autres  ,  moins  rebelle  que  l'hy- 
dropific  enkiftce.  Si  \afcite  vient  de  la  fnpprei- 
fion  des  urines  ,  fans  vice  intérieur,  comme 
cela  arrive  quelquefois  ,  elle  fe  didipe  faci- 
lement. Une  femme  de  trente-cinq  ans,  qui 
en  portoit  une  des  plus  maiiifellcs ,  depuis 
peu  de  temps  à  la  vérité  ,  fut  guérie  en 
moins  de  douze  jours ,  par  une  iimple  tilanc 
nitrée  ,  &  quelques  antres  diurétiques  des 
plus  communs  :  on  en  a.vu  qui  étoient  dans 
le  même  cas ,  s'en  délivrer ,  fans  autre  iccours 
que  celui  de  la  nature  ,  communément  par 
un  rtnx  d'urine ,  &  quelquefois  par  la  diar- 
rhée. t)n  a  obfervé  encore  que  cette  maladie 
s'étoit  terminée  par  l'écoulement  naturel 
des  eaux  par  le  nombril  ;,  mais  ces  heureux 
événemens  font  alFcz  rares ,  &  il  feroit  très- 
blâmable  de  les  attendre. 

Cepend;uit  X'afcite  ,  pour  le  plus  grand 
nombre  ,  eft  très-difficile  à  guérir  ,  &.  tou- 
jours plus  indomtabic  que  la  leucophlegina- 
tie  ■■,  fiir-tout  lorfqu'ellc  en  ell  la  fuite  :  l'in- 
vétérée eft  regardée  comme  incurable ,  parce 
qu'elle  eft  communément  entretenue  par 
un  grand  délabrement  du  foie  ou  des  autres 
vifceres.  On  peut  bien  alors  tarir  les  eaux  , 
ibit  par  ies  reuitidej ,  foit  par  la  poudiioii  j 


ASC  ^1^ 

inais  les  malades  n'en  meurent  pas  irci-is 
dcllcchés  ,  ou  tombent  dans  (!es  récidives 
très-familieres  à  tous  les  épaiichcjrens ,  & 
prelrjne  toujours  meurtrières.  L.e  dégoût ,  la 
jauniiié  ,  le  ir.aralmc  ,  lurine  rouge ,  le  fiux 
hémorrhoïdal  cxcefiif ,  le  crachenient  de 
fàng ,  la  fje\re  érélipélatcufe  ,  &c.  font  des 
fymptomes  ou  des  accidens  f'icheux.  La  toux 
lèche  &  fréquente  fait  beaucoup  craindre 
pour  le  foie  ,  ou  annonce  l'hydropiiie  de  !a 
poitrine  ;  les  frilions  irréguliers  font  ordi- 
nairement les  fignes  d'une  fuppuration  in- 
terne :  le  vomiiïcment  &  le  cours  de  veritre 
peuvent  être  trcs-iklutaircs  dans  le  commen- 
cenjent  ;,  mais  ils  font  à  craindre  dans  les 
autres  temps. 

Les  eaux  que  l'on  tire  par  la  ponflion ,  qui 
approchent  le  plus  de  l'urine  ,  font  réputées 
les  meilleures  :  on  redoute  les  limpides,  les 
fétides ,  les  Ihnguinolentes  ,  les  purulentes , 
&c.  Si  l'opprefiicn  liiblîlle  après  cette  éva- 
cuation ,  on  a  tout  lieu  de  craindre  un  épan- 
chement  dans  la  poitrine.  Lorfquc  ïafate  cil 
jointe  à  la  groirclîc ,  elle  fe  termine  quelque- 
fois par  l'écoulement  des  eaux ,  qui  précède 
l'accouchement  ^  mais  le  plus  ibuvcnt  la  ma- 
ladie fubfiile  au  point  que  le  ventre  ,  après 
la  fortie  du  fœtus  &  de  l'arrierc-faix ,  paroît 
avoir  le  méirie  voluine.  \Jafciie  peut  durer 
long-temps ,  &  l'on  rencontre  allez  commu- 
nément des  gens  qui  font  ,  depuis  dix  ou 
douze  ans ,  dans  cet  état.  On  a  \u  porter  l'hy- 
dropiiîe  de  l'ovaire  cinquante  ans ,  à  une  fiUe 
qui  en  a  vécu  quatre-vingt-huit.  Nous  connoif^ 
Ions  une  remnie  ,  qui,  depuis  vingt-cinq  ans 
ell  dans  le  nîéme  cas,  dont  le  %ci;tre  depuis 
plulieurs  années  eft  li  prodigieux ,  qu'il  ne 
paroît  prelque  qu'une  boule  ,  lonquc  la  ma- 
lade, d'ailleurs  nlfez  petite,  eil  dans  ion  lit. 

Les  obfer^'ationsanatomiqucs  nous  laillènt 
peu  à  délirer  fur  la  connoillancedcs  différens 
dé/brdres  qui  donnent  lieu  à  ïafcite ,  ou  qui 
en  font  les  fijites  :  elles  Icntn.éme  ii  nonibreu- 
fes ,  qu'un  volume  pareil  à  <.eiui-ci  ne  fauroit 
les  contenir^  mais  eu  ralTcniblant  les  faits  de 
la  !t:ème  nature ,  S:  en  en  retranchant  toutes 
les  fiiperllnités ,  on  peut  les  abréger  beau- 
coup :  en  voici  le  rcfultat,  toujours  conformée 
au  plan  que  nous  a"*c.ns  fuivi  jufqu'ici.  Le 
foie  ell  le  vilccrc  qui  eft  le  plus  communé- 
m.ent  affeéré  \  on  la  vu  tantôt  d'une  groJîcur 
mouftrueufc,  taiitôt petit  âc  delicché , guère 


^it  ASC 

plus  gros  que  le  poing,  blanchâtre,  livide 
de  la  couleur  du  fafraii ,  plombe ,  noir ,  Sec. 
Sa  furface  a  paru  crénelée ,  tubéreufe ,  vc- 
ficulaire ,  couverte  de  vaiiîëaux  lymphati- 
ques très-apparens  ^  fa  iiibfiance  Iquirrheufe, 
calleulè  ,  dure  comine  du  bois ,  remplie  de 
tubercules  purulens  ou  plâtreux  ^  rcufcrmaut 
des  abcès ,  des  hydatiques  ,  des  liéatomes , 
&c.  Il  eft  fait  mention  d'une  tumeur  pier- 
reu/è  de  dix  à  douze  livres  ,  tenant  à  fbn 
ligament  fu{j)enfoire.  On  a  trouvé  la  véli- 
cule  du  fiel  diilendue  extraordinairement  par 
fèpt  ou  huit  livres  de  bile  ,  contenant  une  eau 
limpide,  lans  la  moindre  teinture  ,  renfer- 
mant des  abcès,  des  itéatomes,  des  hydatides , 
des  pierres ,  &c.  On  l'a  vue  enfin  defféchée  , 
&  fà  cavité  prefcjue  oblitérée.  La  rate  a 
paru  d'une  groifeur  étonnante ,  fquirrheufe  , 
calleulè  &  d'une  dureté  approchante  de  celle 
de  la  pierre  ,  fa  furface  couverte  de  tuber- 
cules plâtreux  ,  ou  de  grains  reiremblans  à 
la  petite  vérole.  On  a  découvert  l'épiploon 
extraordinairement  épais ,  du  poids  de  huit 
à  dix  livres  ,  contenant  une  grande  quan- 
tité d'eau  ,  &  des  hydatides ,  exténué  ,  iléa- 
tomateux,  fiippuré  ou  détruit.  On  a  dé- 
couvert les  mêmes  défordres  au  péritoine , 
qui  de  plus  a  été  vu  déchiré. 

On  a  vu  l'eftomac  prodigieulèment  gon- 
flé par  les  vents ,  rempli  d'eau  ,  ou  d'une 
liqueur  fordide  •■,  gangrené  ,  déchiré  ,  &>:, 
les  inteftins  extraordinairement  enflés ,  fur- 
tout  le  colon  qui  acquiert  quelquefois  la 
groffeur  de  la  cuilfe  ,  enflammés ,  ulcérés  , 
putrides  &  déchirés  ;  les  grêles  font  très- 
ibuvent  collés  enfbmble  ,  &  ne  forment 
qu'un  peloton  ■-,  le  pancréas  ulcéré  ,  dans  un 
état  de  pourriture  ,  &c  détruit  ^  le  méfèn- 
tere  fquirrheux  ,  ulcéré  ,  &  d'une  grandeur 
étonnante ,  contenant  des  abcès ,  des  tumeurs 
anomales ,  des  hydatides ,  &c.  On  a  rencon- 
tré le  péritoine  d'une  épaiifeur  furprenante, 
&  cartilagineux,  enflammé,  grenelé  &  gan- 
grené j  formant  une  cloifon  qui  divifoit  la 
cavité  du  ventre  en  deux  parties ,  dont  une 
feule  étoit  inondée.  La  veine  ombilicale  a 
été  trouvée  cave  ,  8f  ouverte  au  nombril  qui 
fervoit  d'ég»ûti&  ce  cas  a  été  obfervé  quel- 
quefois. Les  reins  fe  font  préfentés  defféchés , 
dépouillés  de  leur  grailfe  ,  couverts  d'hyda- 
tides ,  fquirrheux  ,  ulcérés ,  renfermant  des 
pierres  ,    ou  prodigieufcmcnt  dilatés  par , 


ASC 

I  rurînc  i,  percés,  ainii  que  les  uretères  &  la 
ve/îic.  Li  matrice  a  para  énormément  dila- 
tée par  l'eau  contcuant  des  pierres  &  des 
hydatides  •-,  ulcérée  ,  &c.  Les  ovaires  prodi- 
gieufement  étendus  ,  fquirrlieux  ,  abcédés 
&  putrides  ,  aiiifi  que  les  trompes  :  il  cil 
bon  de  remarquer  que  la  fubiîance  des  ovai- 
res augmente  à  proportion  de  leur   éten- 
due ,  car  on  en  a  \'u  qui ,  après  avoir  été 
vuidés ,    pefoient  encore  viugt-fept  livres. 
On  a  obfervé  encore  des  kiftes  ou  des  facs 
de  toutes  les  groflèurs  :  il  y  en  a  qui  occupent 
tout  le  bas-ventre,  réduilcnt les  vifceres  à  un 
fi  petit  volume  ,  que  ceux  qui  n'en  étoient 
pas  prévenus  ont  cru  ,  à  la  première  ouver- 
ture ,  qu'ils  étoient  tous  détruits  ,  tant  ils 
étoient  reiferrés  &  cachés  par  le  fac  ,  qui 
contraâ:e  plus  ou  moins  d'adhérence  avec 
toutes  les  parties  voifines  ^  cela  eft  fur-tout 
affcz  commun  à  l'hydropifîe  du  péritoine  , 
fituée  entre  cette  membrane  &  l'enceinte 
mufculaire.  On  a  vu  de  plus  l'épiploon  ,  les 
reins  Se  les  ovaires ,  formant,  par  leur  di- 
latation ,  des  killes  plus  ou  moins  conlidé- 
rables  ;  on  eu  a  obfer\'é  qui  tenoient  fim- 
plement  au  foie  ,  à  la  matrice  Se  aux  autres 
vifceres  qui  n'avoient  pas  perdu  leur  forme. 
Les  uns  8c  les  autres  contiennent  différentes 
fortes  de  liquide^  les  hydatides  de  toutes  les 
groflèurs ,  détachées  ,  folitaires ,  ou  réunies 
en  grappe  :  on  les  rencontre  quelquefois ,  ces 
kiftes  ,  divifés  en  plufîeurs  cavités  ,  qui  ne 
communiquent  pas  enfèmble ,  &  renferment 
des  liqueurs  différentes.  Tous  les  vifceres  , 
dans  la  vraie  afcite  ,  ont  été  trou\és  adhé- 
rens  ,  couverts  d'une  croûte  gélatineufe  ,  & 
dans  un  état  de  pourriture.  On  a  obfèn'é  des 
tumeurs   fongueufes   Se  carcinomateufes  , 
s'élevant  de  la  furface  du  foie ,  de  l'eftomac  , 
des  inteftins ,  Se  autres  parties  ;  des  hydati- 
des tenant  à  tous  les  vifceres  ,  ou  ballotant 
dans  la  cavité  du  ventre.  On  a  découvert 
quelquefois ,  avec  aflèz  d'évidence  ,  que  le 
liquide  tiroit  fà  fource  d'un  vaifleau  lympha- 
tique ouvert ,  d'une  veine  laélée  percée  ^  des 
reins ,  des  uretères  Se  de  la  veflîc  déchirés  : 
nous  avons  déjà  dit  de  quelle  nature  étoient 
les    différentes  liqueurs  ,    qui  croupilFcut 
dans  les  cavités  que  nous  avons  déiignées. 
Nous  ne  devons  pas  laiffer  ignorer  qu'on 
voit  fouvent  dans  ces  maladies ,  les  plus 
grands  dclabreiiiens  îi  la  poitrine ,  coiniue 


ASC 

îles  épanchemciis  de  toutes  les  natufes  •,  les 
poumons  adhéreiis  ,  tuberculeux ,  ulcérés  , 
putrides ,  &c.  Ou  a  vu  enfiu  le  cœur  d'une 
grofleur  démefurce  ,  ou  exténué  •■,  fes  val- 
lojles  cartilagincufes ,  ofleufes  ou  pierreufcs; 
là  furfacc  ulcérée  ,  couverte  de  la  même 
croûte  gélatineufe  qu'on  trouve  dans  le  bas- 
ventre  •■)  des  taches  blanchâtres ,  qu'on  enle- 
voit  en  forme  de  pellicules ,  dont  nous  avons 
déjà  fait  mention  :  fon  adhérence  avec  le 
péricarde  ;  ce  fac  épais  ,  contenant  une  li- 
queur abondante  ,  limpide  ,  fanieufe  ,  fé- 
tide ,  &c.  entièrement  détruit  ,  &  le  cœur 
par  conféquent  ,  à  nu.  Nous  fupprimons 
les  obfervations  qui  regardent  la  tête  ,  qui 
ont  m\  rapport  plus  éloigné  avec  la  maladie 
clont  nous  parlons. 

Le  traitement  ,  qui  convient  aux  épan- 
chemens  du  bas-ventre ,  diffère  peu  de  celui 
que  nous  propofons  pour  l'hydropifie  '-,  ce- 
pendant l'expérience  a  appris  à  y  faire  quel- 
ques changemens  que  nous  devons  indiquer. 
Les  vomitifs  réitérés  dans  les  commence- 
mens  ,  ont  produit  fouvcnt  les  meilleurs 
effets:  mais  il  n'en  a  pas  été  de  même  ,lorf- 
que  la  maladie  étoit  avancée.  On  peut  ufèr 
dans  tous  les  temps  ,  des  purgatifs ,  tels  que 
le  jalap  ,  la  rhubarbe ,  l'iris ,  le  féné  ,  &  les 
fèls  hydragogues.  Mais  on  ne  doit  pas  faire 
beaucoup  de  fondlur  ces  remèdes  ^  lesdraf- 
tiques  fur-tout ,  qui  réuniffent  fouvent  dans 
la  leucophlegmatie  ,  font  ici  à  craindre  j  la 
gomme  gutte ,  qu'on  doiuie  fi  familièrement , 
à  l'exemple  de  Willis ,  qui  en  faifbit  prendre 
pendant  fix  jours  ,  depuis  douze  ju/qu';'' 
vingt  grains ,  pourroit  en  fournir  la  preuve  ; 
ce  n'eft  pas  qu'on  n'ait  quelquefois  réuffîpai 
cette  méthode  '-,  mais  l'hiiloire  de  fès  mauvai 
effets  fèroit  très-ample  ,  fi  l'on  avoit  eu  le 
même  intérêt  à  nous  la  conlèrver.  Les  apé- 
ritifs ,  Se  fiir-tout  les  diurétiques  ,  méritent 
plus  de  confiance  ■■,  tels  font  la  chicorée  ,  le 
cerfeuil  ,  la  fcolopendre  ,  la  racine  de  frai- 
fier  ,  d'ache ,  de  brufcus  ,  &c.  le  nitre ,  le 
fel  de  geiiet ,  de  tamarifc  &  de  Glauber;  les 
cloportes  ,  le  tartre  vitriolé  ,  &  enfin  la  fcille 
&  Tes  préparations.  Mais  les  remèdes  qui . 
dans  ce  cas ,  doivent  porter  à  plus  jufte  titre 
le  nom  d'apéritifs  &  de  diurétiques ,  font  les 
fonifians  ,  les  amers  &  les  martiaux  \  tels 
font  l'aunée  ,  les  baies  de  genièvre  ,  la  rhu- 
barbe ,  la  cauelle  ,  le  caffia-lignea ,  la  pa- 


A  S  C  ffzj 

tîcncc  ,  !a  petite  centaurée  &  TaLfinthc ,  le 
fiifran  de  inars  ,  le  tartre  martial ,  (^'c.  Les 
eaux  de  Ploinbierc  ,  de  Bourbon  Lancy  & 
autres  inincrales ,  ont  été  quelquefois  d'une 
grande  efficacité  '-,  on  a  encore  ufé  ,  dans 
quelques  circonftances  ,  du  crefibn ,  de  la 
berle  ,  de  la  patience  ,  &  autres  dépuraus  & 
anti-fcorbutiques.  Nous  ne  devons  pas  laiflêr 
ignorer  que  quelques  pcrfbiuies  ont  été  gué- 
ries par  l'abftinence  de  toute  boiffbn  ;  il  y 
en  a  qui  ont  pouflé  ce  régime  jufqu'à  trois 
mois  ,  en  trompant  leur  foif  avec  une  rôtie 
arrofée  d'cau-dc-vie.  Cette  pratique  ,  que 
Lifter  a\oit  adoptée,  n'eft  point  àméprifer. 
On  peut  tirer  enfin  quelque  avantage  des 
topiques ,  que  l'on  propofe  ordinairement 
contre  la  leucophlegmatie  ,  auxquels  il  faut 
ajouter  l'application  chaude  du  fel  commun , 
que  Boerhaave  a  employé  fouvcnt  avec 
fuccès. 

Tout  le  monde  fait  que  l'évacuation  arti- 
ficielle des  eaux  eft  un  des  points  les  plus 
eftentiels  du  traitement  :  cette  opération  , 
qu'on  nomme/^ûraa-rtre/f  ,peut  réuffir,  lorf- 
que  le  liquide  n'a  pas  croupi  long-temps,  & 
que  les  vifceres  ne  font  pas  gâtés  j  mais  fans 
ces  conditions ,  elle  précipite  les  malades  qui 
auroient  pu  vivre  long-temps  dans  cet  état. 

Lorlque  le  ventre  vuidé  fe  remplit ,  au  bout 
de  1 1  ou  15  jours ,  il  y  a  peu  à  efpércr,  &  l'on 
cft  forcé  de  réitérer  l'opération  pour  prolon- 
ger la  vie  du  malade^  on  nous  apprend  qu'elle 
a  été  faite  plus  de  cinquante  fois  fiir  le  même 
fiijet,  duquel  on  a  cru  avoir  tiré  quatre  cents 
pintes  d'eau.  Je  dirai  ,  à  ce  fiijet ,  qu'il  eft: 
important  décomprimer  le  ventre  ,  àmefure 
que  l'eau  s'écoule  ,  &  d'y  employer  après 
l'évacuation  ,  plufieurs  bandes  garnies  de 
boucles  &  de  courroies ,  dont  quelques-unes 
doivent  pafter  entre  les  cuiflès  ,  pour  que 
'es  vifceres  foient  à-peu-prcs  autant  compri- 
més qu'ils  l'ètoient  auparavant;  il  faut  même 
que  les  malades  qui  étoient  oppreftés  par  la 
;  lénimde  du  ventre ,  ne  fe  trouvent  pas  trop 
foulages  par  fon  affailfement.  Le  défaut  de 
cette  précaution  ,  que  pluiieurs  mettent  au 
nombre  des  minuties ,  rend  pourtant  la  para- 
centefo  infniftueufè.  Il  eft  encore  fouvent 
dangereux  de  mettre  le  \  entre  à  foc ,  lorfqu'U 
a  été  prodigieufoment  rempli  ;  il  eft  pjusli'u: 
de  ne  tirer  alors  que  15  uu  _o  pintes  d'eau  à 
, ,  la  fois.  S'U  y  a  des  hydatiquci ,  il  fayt  (^ue 


éi4.  ASC 

rouvertiire  foitproportionnée  à  leur  volume  ; 
on  juge  bien  que  la  feule  poaftion  eft  alors 
iniliflilante.  Il  eft  même  néeeflaire  ,  pour 
toutes  les  hydropifies  enkiftées ,  d'agrandir 
l'ouverture  ,  &  de  l'entretenir  ,  non  feule- 
ment pour  favorifer  l'écouleinent  des  matiè- 
res épailTes  &  bourbeufes  qui  s'y  rencontrent, 
&  qui  iè  régénèrent  en  très-peu  de  temps  , 
mais  encore  pour  y  porter  des  injecStions  dé- 
terfives  &  delficatives ,  qui  dans  ce  cas  font 
indilpenfablcs  ;  cette  ouverture ,  à  la  vérité , 
peut  relier  fiflulcuië  j  mais  les  malades  font 
encore  trop  heureux  de  vivre  a\ec  cette  in- 
commodité. On  a  enfin  tenté  ,  dans  cette  oc- 
cafion  ,  le  féton  Se  le  cautère;  &  cette  prati- 
que a  été  quelquefois  avantageufc.  (T. ) 

ASCITES,  fm.  pi.  f  T//t'o/.;  mot  dé- 
rivé du  grec  is-xôç ,  oune  ou  fac  ;  c'eft  le 
nom  d'anciens  hérétiques  de  la  fecle  des 
montanilles ,  qui  parurent  dans  le  fécond 
fîecle.  Voyci  MoNTANiSTES.  On  les  ap- 
pelloit  afcites  ,  parce  que  dans  leurs  affem- 
blées  ils  introduifircnt  une  efpece  de  bac- 
chanales ,  où  ils  danfoient  autour  d'une 
peau  enflée  en  fonne  d'outre  ,  en  difànt 
qu'ils  étoient  ces  vafes  remplis  de  vin  nou- 
veau ,  dont  Jefus-Chrill  fait  mention  , 
Matth.  ix  ^  17.  On  les  appelle  quelquefois 
afcodrogiffis.    (  G  ) 

ASCLÉPIADE  ,  adj.  (Bclks-Lctncs.) 
dans  la  poélîe  greque  &;  latine  ,  vers  com- 
pofé  de  quatre  pies ,  favoir,  d'un  fjjondée  , 
de  deux  choriambes  ,  &  d'un  pyrrhiquc  , 
tel  que  celui-ci  : 

Mêc7v  I  nâs  acM'Ts  \  édite  rë  \  gibus. 

On  le  fcande  plus  ordinairement  ainfi  , 

Mëc7-e  I  nâs  àta\  vis  \  cdiu\  rcgibus  ^ 

&  alors  on  le  regarde  couiine  compofé  d'un 
ipoudée .  d'un  daftyle ,  une  céilire  longue  , 
&.  deux  da£tyles.  Il  tire  fon  nom  d'Afclepia- 
de  ,  poëte  grec,  qui  en  fut  l'inventeur.  (G) 
AS'CLÉPI ADES  ,  (  Hiji.  de  la  médecine 
ancienne.  )  ce  nom  délîgne  les  dciccndans 
d'Eiculapc ,  dont  la  famille  forma  ditîc- 
reiites  branches ,  qui  fe  répandirent  dans 
différentes  contrées  pour  y  exercer  la  méde- 
ciue  •■,  &  qui  ouvrirent  des  écoles  célèbres  à 
Cos ,  à  Rhodes  &c  à  Cnide ,  d'où  leurs  difci- 
ples  tranfporterent  leur  nom  &  leur  gloire 
thcz  prclquc  tous  les  peuples  du  monde,  j 


ASC 

Efculape  dont  ils  defcendoient ,  fût  le  pre- 
mier qui  vifita  les  malades  retenus  dans  leur 
lit,  &qui  examina  les  fymptomes&  la  man- 
che des  maladies  ;  les  afc/cpiades  fuivircnt 
cette  méthode ,  ce  qui  fit  donner  le  nom  de 
clyniques  à  leurs  élevés ,  pour  les  diflinguer 
des  empyriques ,  qui  n'exerçoient  la  méde- 
cine que  dans  les  marches  &  dans  les  places 
publiques.  Ces  afclépiades  n'étoient  que  de 
fimples  chirurgiens ,  dont  la  pratique  n'étoic 
appuyée  fur  aucun  principe  de  raifonnemcnt, 
puifque  la  philofophie  u'étoit  point  encore 
née.  Leur  routine  eut  de  fi  heureux  fùccès, 
qu'ils  abolirent  toutes  les  anciennes  métho- 
des ;  avant  eux ,  la  médecine  employoit  le 
fccours  de  la  mufique  ,  pour  dom.ter  les 
maladies  les  plus  rebelles  5  on  regardoit  l'har- 
monie comme  le  remède  le  plus  propre  à 
calmer  l'effervefcence  du  fang  &  l'âcreté 
des  humeurs  ;  quand  cette  refiburce  étoit 
impuilfante ,  on  avoit  recours  aux  charmes 
&  aux  enchantemens  ;  &  c'étoit  le  remède 
dans  qui  la  multitude  avoit  le  plus  de  con- 
fiance :  les  charlatans  prononçoient  des  paro- 
les myftérieufes  &  des  vers  magiques  ;  ils 
gravoient  fur  la  cire  ,  fiir  la  pierre  &  fur  les 
métaux  des  figures  fymboliques ,  appellées 
amuhtes  ,  qu'on  attachoit  aux  bras  des  ma- 
lades ,  dont  l'imagination  ébranlée  tempé- 
roit  les  mouvemens  déréglés  du  corps  ,  & 
le  remettoit  dans  fon  aiTiette  naturelle.  Les 
afclépiades  affranchirent  l'art  de  guérir  de 
toutes  ces  puérilités  fupcrftitieufes  ,&.  quoi- 
qu'ils tournalfcnt  en  ridicule  la  médecine 
méthodique  ,  ils  s'étudioient  à  démêler  la 
caufe  des  fymptomes  &  des  accideiis  des 
maladies.  Pythagorequi  fe  glorifioit  d'être  le 
\-^  defcendant  d'Efculape  ,  fut  le  premier 
qui  fit  fervir  la  philofophie  à  la  confcrvatiou 
de  l'humanité  ;  il  ne  rejeta  jwint  le  fecours 
des  obfervations  &  des  expériences  qui  font 
les  guides  les  plus  fidèles  pour  nous  éclairer 
dans  nos  routes.  Mais  il  alla  plus  loin  ,  en 
établilfant  des  principes  certains ,  dont  il  tira 
desconféquenccslumineuies;  de  forte  qu'on 
peut  le  reg;uder  comme  le  créateur  de  la 
médecine  qu'on  exerce  aujourd'hui,  f  T-a'.  > 
*  ASCLÉPIES  ,  {HiJL  anc.  &MytJi.) 
fêtes  qu'on  célébroit ,  en  l'honneur  de  Bac- 
chus ,  dans  toute  la  Grèce  ,  mais  lîir-toutà 
Epidaiire  ,  où  fc  faifoicrit  les  grandes  aiclé» 
pics.  Magaîafclcpia, 

ASCODRUTES 


A  s  C 

ASCODRUTES  ou  ASCODRUPITES ,' 

£  m.  pi.  (  Théol.  )  hérétiques  du  deuxième 
lîecle,  qui  rcjetoieiit  Tufa^edes  facrcmeus , 
ic  fondant  fur  ce  principe  ,  que  des  chofes 
incorporelles  ne  pouvoicnt  être  communi- 
quées par  des  choies  corporelles ,  ni  les  myf- 
tcrcs  divins  par  des  élémens  ^ifibles ,  qui 
étant ,  difoient-ils ,  Icffet  de  l'ignorance  & 
de  la  padion  ,  étoient  détruits  par  la  con- 
noilfauce.  Ils  faifoient  coniifter  la  rédemp- 
tion parfaite  dans  ce  qu'ils  appelloient /a  co/2- 
noijfancey  c'eft-à-dire  l'intelligence  desmyf- 
tcres  interprétés  à  leur  fantaifie  ,  Se  reje- 
toient  le  baptême.  Les  AfcoJnites  avoient 
adopté  une  partie  des  rêveries  des  Valcnti- 
nieiis  &  des  Marcofiens.  Voye^  Marco- 
siENs  (S- Valentiniens.  (G) 

*  ASCOLI,  ville  d'Italie,  dans  l'état  de 
l'églile,  &  la  Marche  d'Ancone,  fur  une 
montagne  ,  au  bas  de  laquelle  coule  le 
Fronto.  Lo/ig.  31  ,  2:5  ■■,  lat,  41 ,  47. 

AscoLi  deSatriano,  ville  d'Italie, 
au  royaume  de  Naples.  Long.  33,  15  j 
Lir.  41,8. 

ASCOLIES ,  f.  f.  pi.  (Hiff.  anc.)  fêtes  que 
les  payfans  de  l'Attiquecélébroient  en  l'hon- 
neur de  Bacchus,  à  qui  ils  fiicrifioieut  un 
bouc  ,  parce  que  cet  animal ,  en  broutant , 
endoinmage  les  vignes.  Après  avoir  écorché 
cet  animal ,  ils  failbient  de  fi  peau  un  ouire 
ou  èa//on  fiir  lequel  ils  fautoient ,  tenant  un 
pié  en  l'air  :  cérémonie  que  Virgile  a  ainfi 
décrite  au  livre  II  des  Géorgiques  : 

Non  aliam  ob  culpam  Baccho  caper  om- 
nibus aris 
CarJnar,  &  vetercs ineunt profccnia  ludi ,, 
Prœmiaque  ingénies  pagos    &    compila 

circvin 
Thevc'idx pofuere  :  aique  interpacula  !.vti 
Moll'.bus inpratis  cunclosjaliereper  unes. 

Ce  mot  vient  du  grec  âj-xk ,  qui  lignifie 
un  ouire  ,  une  peau  de  bouc  enflée.  Porter 
prétend  que  de  la  peau  du  bouc  immolé  , 
les  Athéniens  faifoient  un  outre  qu'ils  rem- 
plillbient  d'huile  ou  de  vin ,  &f  qu'ils  l'endui- 
fbient  encore  en  dehors  de  matières  onc- 
tueufès  j  ce  qui  le  rendant  égaleinent  mo- 
bile &  g.'ifTant ,  expofoit  à  de  fréquentes 
chûtes  les  jeunes  gens  qui  venoient  fauter 
dclliis ,  &  divertiltoit  les  fpedateurs.  (G) 
ASCOYTi  \ou AZPEYIA,  {Géographie.) 
Tome  m. 


ASD  <?iç 

petite  vîIled'Efpagnc  ,  en  Bifcaye  ,  dans  le 
Guipufcoa.  Elle  cfl  fur  la  rivière  d'Urola,  à 
l'oueft  de  Tolofe  :,  &  au  fud-ert  ,  à  deux 
lieues  de  Placentia.  C'eft  la  patrie  d'Ignace 
de  Loyola ,  fondateur  de  la  fociété  jéfuitiquc  , 
anéantie  aujourd'hui.  Long.  15  ,  10  i  laiit. 
43 , 1 5.  Quelques  lexicographes  ont  faitmal- 
<à-propos  deux  villes  d'une  leule  ,  à  caufe  de 
(es i\cv.y.nom$.Afcoyiia  ècA^eyia.  (C.A.) 

ASCRA ,  ( Gévgr.  )  village  de  Grèce ,  eu 
Béotie  ,  près  l'Hélicon.  Il  eft  remarquable 
pour  avoir  été  la  patrie  du  poète  Héfiode. 
Un  grand  homme  immortalife  un  hameau, 
tandis  que  le  nom  de  phifieurs  grandes  villes , 
qui  n'ont  renfermé  que  des  hommes  ordi- 
naires, relie  enfevcli  Ibus  leurs  ruines.  (C.A.) 

ASCYRUM  ,  (Hifl.  nat.  bot.)  genre  de 
plante  dont  les  fleurs  font  compofées  de  plu- 
îîeurs  pétales  dilpofés  en  rolè.  Il  fort  du  ca- 
lice ,  qui  efl:  autli  coinpofé  de  plufieurs  feuil- 
les ,  un  pillil  qui  devient  dans  la  fuite  u« 
fruit  pyramidal ,  divifé  en  cinq  loges  rem- 
plies de  femences ,  le  plus  fouvent  alfez  me- 
nues &  oblongues.  Tournefort  ,  Injî.  rei 
herb.  Voyei  Plante.  (I) 

ASDRUB  AL ,  fils  de  Magon ,  (Hifi.  des 
Carthaginois.)  Plufieurs  généraux  Carthagi- 
nois ont  annobli  le  nom  Ôl  Afdrubal.  Le  pre- 
•inier  qui  paroît  dans  l'hiftoire  étoit  fils  de 
Magon ,  célèbre  capitaine  ,  qui  le  premier 
introduifit  la  difcipline  militaire  des  Grecs 
parmi  les  Carthaginois.  Ce  fut  fous  fa  tente 
que  fon  Ris  A fdrubai  fit  fon  apprentiiîage  de 
guerre.  Le  fils  formé  par  des  exemples  &  des 
leçons  domeltiques ,  fut  l'héritier cle  la  gloire 
Se  des  talcns  de  fon  père  ,  lorfqu'après  fa 
mort  il  fut  élevé  au  commandejnent  des 
armées.  Quoiqu'il  eût  les  qualités  qui  forment 
le  grand  général,  il  ne  fut  pas  toujours  fécondé 
de  la  fortune  ;  une  trop  grande  étendue  de 
génie  s'oppofe  quelquefois  au  fuccès.  A  force 
de  trop  voir ,  on  juge  mal  des  vues  des  géné- 
raux qu'on  a  en  tête  ,  8f  ce  fut  la  fource  des 
re\'ers  qu'éproma  le fa\'ant  Afdrubal.  Régu- 
lus  ,  qui  lui  étoit  bien  inférieur  en  talens , 
remporta  fur  lui  une  grande  viftoire  en 
Afrique  ,  &  quelque  temps  après  il  fut  en- 
core déEiit  par  Cecilius  Meteilus ,  qui  lui. 
enleva  tous  les  éléphans.  Ces  animaux  avec 
qui  les  Romains  n'étoient  point  encore  fami- 
liarifés ,  furent  promenés,  comme  autaîit  de 
trophées,  dans  toutes  les  \illes  d'Italie.  Af-^ 

Gir  cr  p- 
B  o  a 


6iS  A  S  D 

drubal ,  quoique  mallieiireux  à  combattre  , 
n'en  fut  pas  moins  refpefté   de  fès  conci- 
toyens ,  parce  que  fécond  en  relTources ,   il 
répâroit  promptement  fes  pertes ,  &  paroif- 
foit  aufli  redoutable  après  une  défaite ,  que 
d'autres  après  une  vi£toire.  Ilparoît  qu'il  ne 
fut  pas  toujours  malheureux  à  la  guerre  ^ 
puifque  Cartilage,  fort  économe  dans  la  dif- 
tribution  des  récompenfes ,  lui  accorda  les 
honneurs  de  quatre  triomphes ,  ce  qui  fup- 
pofe  qu'il  fit   au  moins  quatre  campagnes 
glorieufes.    La    Sardaigne    fiât  le  brillant 
théâtre   de  fes   victoires.    Il  y  inourut  en 
héros  dans  une  bataille ,  dont  le  fucccs  aiïïira 
à  Carthage  la  conquête  de  cette  île.  Il  laiiîa 
un  fils  auquel  il  tranfmit  tous  fes  talens  , 
qu'il  déploya  dans  la  guerre   de  Numidie. 
Af drubal,  grand  homme  de  guerre ,  exerça 
avec  gloire  tous  les  emplois  civils.  Il  fut  élevé 
onze  fois  àla  dignité  de  fuffetc.  Cette  fuprême 
magiftrature    ctoit    éleéfive    &    annuelle 
ccîumc  le  conuilat  à  Rome.  Celui  qui  en 
ctoit  revêtu  avoit  la  même  autorité  à  Cartha- 
ge ,  que  les  rois  avoient  à  Lacédémone.  Le 
commandement  des  armées  n'étoit  point  at- 
taché à  cette  dignité  ,  parce  qu'il  paroillbit 
dangereux  de  mettre  dans  la  même  m.ain  le 
glaive  de  la  loi  &  celui  de  la  guerre.  (  T-n.  ) 
AsDRUBAL  ,  filsdeCifcon,  fut  nommé 
par  le  fénat  pour  commander  en   Sicile  , 
pendant  la  première  guerre  punique.  Son 
incapacité  favorifa  les  progrès  des  Romains , 
Se  toujours  mal  fécondé  par  fes  foldats,  dont 
il  étoit  inéprifé  ,  il  n'eiTuya  que  des  revers. 
Après  l'avoir  accablé  d'outrages ,  ils  pouife- 
reut  la  licence  &  la  cruauté  iufqu'à  le  cruci- 
fier. Cette  milice  infolente  &  cruelle  ne  fit 
-que  prévenir  l'arrêt  de  mort  q^.ie  devoit  pro- 
noncer contre  hii  le  fénat  de  Carthage ,  qui 
avoit  coutume  de  regarder  les  malheureux 
comme  autant  de  coupables.  (2'-.v.) 

AsDRUBAL,  furnommé  le  Beau,  avoit 
reçu  de  la  nature  tous  les  dons  de  plaire  , 
&tous  les  talens  qui  fontelliiucr.  Ses  grâces 
louchantes  lui  méritèrent  la  bicn\eillance  du 
grand  y\milcar  ,  à  qui  il  devint  siécciraire. 
Xjn  attachement  fi  marqué  fit  f^upçonner 
qi)C  le  héros  de  Carthage  brûloit  pour  lui 
d'unamour  crimihel;  le  fénat  pour  arrêter  ce 
fcandale,  'eur  défendit  de  Çc  \oir.  Amilcar 
pour  le  fbullraire  à  l'arrêt  llétrillant  des 
jîiagiflrats ,  donna  fa  fille  eu  marùige  à  fon 


A  S  D 

ami.  La  loi  ordonnoit  de  ne  jamais  féparer 
le  gendre  du  beau-pere.  Ce  fut  en  ufant  du 
privilège  de  cette  loi  qu'il  fut  autorife  à  le 
mener  avec  lui  en  Efpagne ,  où  il  le  chrirgea 
de   toutes  les  expéditions  où  l'on  pouvoit 
acquérir   le  plus  de  gloire.  Ce  fut  dans  la 
guerre  de  Numidie  qu'il  déploya  tous  les 
talens  pour  la  guerre.  Les  Numides  voyant 
les  Carthaginois  occupés  en  Efpagne,  curent 
la  témérité  de  déclarer  la  guerre  auxCrtrtha- 
ginois.  Afdrubal  quitta  l'Efpagne  pour  palier 
en  Afrique  ,  dont  fes  victoires  pacifièrent  les 
troubles ,  &  firent  rentrer  les  peuples  dans 
l'obéiffance.  Après  la  mort  de  fou  beau-pere, 
l'armée  d'Efpagne  le  proclama  général ,  & 
ce  choix  fut  confirmé  par  le  fénat  qui  crut  ne 
pouvoir  mieux  confier  fa  deftinée  qu'à  un 
élevé  d' Amilcar.  Les  premàers  jours  de  fon 
commandement  Rirent  marqués  par  la  dé- 
faite d'un  prince  efpagnol  qui  ofa  le  provo- 
quer au  combat.  La  conquête  de  1 1  \illes: 
qui  lui  ouvrirent  leurs  portes,  furent  le  fruit 
de  cette  viftoire.  La  inodération  dont  il  ufa 
envers  elles ,  engagea  des  contrées  entières  à 
fe  foumettre  plutôt  que  de  s'expofer  à  la  for- 
tune de  fes  armes.  Plein  de  reconnoLlfance 
pour  la  mémoire  d'Amilcar  ,  il  follicita  le 
fénat  de  Carthage  de  lui  envoyer  Annibal 
pour  le  faire  entrer  dans  la  carrière  de  la 
gloire  ;  &  fupérieur  à  l'envie ,  il  ne  craignit 
point  d'être  effacé  par  un  jeune  guerrier  que 
les  vœux  des  foldats  appelloient  au  comman- 
dement. Un  mariage  qu'il  contracta  avec 
une  princeffe  elpagnole ,  acheva  de  lui  ga- 
gner tous  les  cœurs  de  la  nation.  Après  qu'il 
eut  étendu  fes  conquêtes .  il  crut  devoir  s'en 
ailurer  la  poilellion  en  bâtiffant  une  \'i!le  qui 
pût  lènir  de  rempart  à  ce  nouvel  empire.  IJ 
lui  donna  le  nom  de  Carthagî  la  neuve  ,   & 
cette  ville  devint  dans  la  fuite  la  plus  riche 
&  la  plus  commerçante  du  monde.    I..es 
Romaiiis  alors  trop  occupés  contre  les  Gau- 
lois ,  qui  avoient  fait  une  irruption  dans  l'Ita- 
lie ,  n'ctûicnt  point  en  état  de  l'arrêter  d;nis 
le  cours  de  fes  profpérités.  Il  ctoit  plus  inté- 
rcifant  pour  eux  de  protéger   leius  foyers 
que  de  porter  leurs  forces  dans  une  terre 
étrangère  ;  aiiifi   ils  conclurent   le  lameux 
traité  par  lequel  les   Carthaginois  s'cn^a- 
gcoicntànepoint  palier  l'Hbre,  à  ne  jamais 
troubler  Sagonte  H  les  autres  colonies  gre- 
ques  dans  la  jouiilijnce  de  Iciu-s  privilèges» 


A  s  D 

Ce  traité  fut  religieiifcmcnt  obfèrvé  ,  & 
Ajdrulml  tourna  /es  annes  contre  cette  partie 
de  rE{pao:iie  qui  s  étend  depuis  rOcéan  juf- 
qu  a  rt'.bre.  Les  rois  &:  les  peuples,  fubjus^ucs 
par  kw  alîlibilité  ,  n  oppofcrent  aucune  rc- 
fiftance  \  Cai'thai^c  conquérante  fans  elHi- 
fion  de  /àng- ,  vit  toute  rEfpaçne  fe  faire  un 
mérite  de  fa  fouîniHion.  Tandis  c[uAfdrubal 
jouiifoit  paiiîbîcment  de  fès  conquêtes ,  il 
fut  alfa/liné  par  un  efclave  Gaulois  qui  crut 
devoir  venger  fon  maître  condainné  à  la 
mort  par  le  général  Carthaginois.  Ce  fervi- 
teur  fanatique ,  tranquille  &  ferein  au  milieu 
des  tourmens ,  ne  parut  fèniîble  qu'à  la  gloire 
d'avoir  vengé  fon.  maître.  {  T-n.  ) 

AsDRUBAL  Barca,  fîls  d'Amilcar ,  & 
frère  d'Annibal ,  eut  toutes  les  inclinations 
belliqueulcs  qui  dillinguoient  ceux  de  fa 
luaifon.  Inllruit  dans  le  métier  de  la  guerre 
par  fon  pcre  &  fon  beau-frere  ,  il  fe  montra 
le  digne  élevé  de  fes  illuftres  maîtres.  Ce  fut 
lui  qui  fut  établi  gouverneur  de  l'Efpagne  , 
lorfqu'Annibal  partit  pour  porter  la  guerre 
en  Italie  ;  on  lui  kill'a  le  conunandement 
de  la  flotte  pour  protéger  les  côtes ,  &  uns 
puilfante  armée  pour  contenir  les  peuples 
dans  robéiffance.  Tandis  qu'Aïuiibal  triom- 
phoit  en  Italie  ,  Cneus  Scipion  fubjuguoit 
tout  le  pays  ,  depuis  l'Ebre  jufqu'aux  Pyré- 
nées. Magon  qui  commandoit  dans  cette 
partie  de  l'Efpagne  ,  fut  taillé  en  pièces  par 
ce  Romain.  Les  troupes  vicèoricufcs  fe  ré- 
pandirent dans  la  campagne ,  fuis  obferver 
iii  ordre  ni  difcipline.  Afdrubal  qui  étoit 
veiHi  au  fecours  de  fon  collègue  ,  profita  de 
la  difperfion  &dela  fécurité  préfompmeufe 
des  Romains.  Il  fe  mit  à  la  tête  de  dix  mille 
hommes  de  pié  &  de  mille  chevaux,  palfa 
l'Ebre  &  fondit  fur  cette  multitude  éparfe  , 
dont  le  plus  grand  nombre  fiit  paffé  au  fil  de 
î'épée.  La  fortune  ne  lui  futpas  auiîi  favorable 
la  campagne  fuivante.  Il  mit  en  mer  45  vaif- 
feaux  de  ligne  ,  dont  il  donna  le  commande- 
ment à  un  certain  Amilcar  qui  palfoit  pour 
le  phis  grand  ho.mme  de  mer  de  fon  temps. 
Il  y  eut  une  aftion  fanglante  ou  la  fortune  des 
Romains  triompha  de  la  valeur  des  Cartha- 
ginois. y^/2/rwi5<2/'équ!{>oit  une  nouvelle  flotte, 
■&  fit  voile  pour  la  Sardaigne ,  d'où  il  fe  pro- 
pofoit  de  defcendre  cîi  Italie  ,  &  d'y  confé- 
rer avec  Annibal  fur  le  plan  de  cette  guerre, 
^lais  Senilius  avec  uue  efcadrc  de  foixante 


ASD  Ct-f 

5c  dix  galères ,  l'obligea  de  rentrer  dans  fcs 
ports.  Les  Romains  affoiblis  par  les  pertes 
qu'ils  ci.iiiyoicnt  en  Italie,  ctoientdans  l'im- 
puillancc  de  fournir  des  iccours  à  l'Efpagne , 
dont  Afdrubai  fe  iiromit  l'entière  conquête. 
Il  faifbit  des  prép;iratifs  formidables  ior%i'il 
reçut  de  Carthage  l'ordre  de  pafièr  en  Italie, 
pour  porter  du  fècours  à  fon  fiere  épuifé  par 
les  propres  vidoires.  A  peine  fe  mettoit-il  ca 
miu-che  qu'il  apprit  qu'Ibera  étoit  vivement 
preiîce  par  les  Romains.  Il  fait  fcs  difpoli- 
tions  pour  la  délivrer.  Au  bniit  de  fon  arri- 
vée ie  ficge  eft  levé ,  &  rennemi  vient  cam- 
per près  de  fon  armée.  Les  deux  partis  étoient 
dans  une  égale  impatience  de  con^battre  , 
on  en  vint  bientôt  aux  mains.  Afdrubal  diri- 
geoit  en  grand  capitaine  les  mouvemens  de 
fbn armée ,  & itt-s,  preniiers  avantages  lui  pré- 
fagcoient  une  pleine  viftoirc ,  lorfque  les 
Efpagnols ,  ou  lâches  ou  infidèles,  lâchèrent 
le  pié  &  l'abandon.nercnt  dans  la  plus  grande 
chaleur  du  combat.  Le  miotif  de  cette  défec- 
tion étoit  le  chagrin  d'être  tranfporlcs  eu 
Italie.  Vingt  milie  Carthaginois  relièrent  fur 
la  place,  &  dix  mille  furent  faits  prifonniers» 
Afdrubal  trahi  par  les  alliés  de  Carthage  , 
n'a  d'autre  relfource  que  dans  lui-même  :  il 
équipe  une  flotte  puiHhnte  &  met  à  la  voile 
pour  la  Sardaigne,  où  il  étoit  appelle  par  les 
vœux  de  tous  les  habilans  ,  fatigués  de  la 
domination  des  Romains  j  dès  qu'il  fut 
débarqué,  il  renvoya  fes  vailTeauxen  Afrique, 
pour  m.arquer  aux  infulaires  qu'il  mcttoit  en 
eux  toute  fa  confiance.  Les  Sardes  fe  ran- 
gent en  foule  fous  fes  enfeignes,  Manlius  qui 
commandoit  dans  cette  île  raflcinble  une 
armée  &  livre  un  combat ,  où  Afdrubal  qui 
touchoit  au  moment  de  la  victoire  ,  eft 
lâchement  abandonné  par  ces  perfides  infu- 
laires dont  il  défendoit  les  droits  &  la  liberté. 
Il  trouve  à  peine  le  moyen  de  retourner  en 
Efpagne  où  toutes  les  provinces,  pendant  fon 
abfence  ,s'étoient  déclarées  pour  les  Romains. 
Son  génie  fécond  y  crée  une  nouvelle  armée 
dans  un  pays  où  Carthage  n'a  plus  ni  alliés  ni 
fujets.  Il  y  balance  la  fortune  des  Romains, 
il  li\Te  deux  combats  •■,  &  quoique  toujours 
vaincu ,  il  foutient  la  réputation  de  grand 
capitaine  ,  parce  que  dans  fcs  malheurs  il 
n'eut  point  de  fautes  à  fè  reprocher. 

Annibal  n'en   impofànt  plus  dans  l'Italie 
\>-ai  l'éclat  de  f;s  victoires ,  fè  vit  abandonud 
G  §  3:  S  i 


gi8  ASD 

de  tous  fes  alliés ,  la  fortune  panit  alors  fé 
lafler  de  fervir  les  Carthaginois  dans  tous  les 
lieux   où  ils  portèrent  la  guerre ,  le  jeune 
Scipion  fe  fignala  en  Efpagne  par  la  prife  de 
Carthagene.  C  etoit  là  que  les  richefles  des 
Africains  étoient  accumulées  :   cette  ville 
ëtoit  Farfenal  où  étoient  dépofées  leiu-s  armes 
&  toutes   leurs  munitions  &  leurs  machi- 
nes de   guerre.  C  etoit  faper  la  puilîance 
de  Carthage  dans  fes  fondemens  ^  il  falloit 
ini  Afdrubal  pour  en  retarder  la  chute  \  il  fe 
maintint  avec  gloire  jufqu'au  moment  où 
Edefco ,   prince  Efpagnol  ,  fort  accrédité 
parmi   fa    nation ,   embrafla  le   parti    des 
Romains.    Son  exemple  entraîna  plufieurs 
autres  chefs,  qui  aimèrent  mieux  combattre 
fous  les  enfcignes   d'un  peuple  belliqueux  , 
que  fous  les  drapeaux  de  républicains  com- 
inerçans.  Afdrubal  voyant  que  fon  armée 
s'afFoiblifToit  chaque  jour  par  de  nou\elles 
défertions,  comprit  qu'il  lui  falloit  rempor- 
ter des  viàioircs  pour  rétablir  la  réputation 
de  fes  armes.  Les  circonflances  ne  lui  per- 
mettoient  point  d'attendre  l'arrivée  de  Ma- 
gon  &  d'un  autre  Afdrubal ,  qui  lui  avoient 
été   alTociés   dans  le  commandement.   Le 
mal  étoit  urgent,  il  ne  prit confeil que  delà 
néceirité.  Il  fe  lalTa  de  la  lenteur  de  ks  col- 
lègues ,  &  choiliifant  une  pofition  où  il  avoit 
droit  de  fe  croire  invincible ,  il  engagea  une 
aâion ,  où  les  hiftoriens  alfurent  qu'il  fut 
battu.  Mais  il  ne  faut  pas  que  fa  perte  fût 
confidérable,puifque  ce  revers  ne  l'empêcha 
point  de  faire  fa  jonûion  avec  fes  collègues, 
ce  qu'il  n'avoit  pu  exécuter  avant  le  combat. 
De  plus  ils  firent  le  partage  des  provinces  , 
ce  qui  fuppofe  qu'ils  en  étoient  encore  les 
maîtres.  Afdrubal  fut   chargé  de  conduire 
une  ai-mée  eu  Italie  pour  y  favorifer  les  opé- 
rations de  fou  frère  Annibal.  Il  traverfe  les 
Gaules ,  précédé  de  les  éléphans  ,  &  dans 
tous  les  lieux  de  fon  paifage  il  lailfe  des  mo- 
numens  de  fa  généroiité.  On  lui  permet  par- 
tout de  faire  des  recrues ,  &  les  Gaulois ,  fé- 
duits  par  fa  magnificence ,  s'emprelfcnt  à  mar- 
cher fous  lès  ordres.  Les  Liguriens  le  reçureiu 
comme  le  libérateur  de  leur  pays.  Sa  marche 
futfi  rapide  que  Plaifancc  étoitaOïégée  avant 
que  les  Romains  &  Annibal  même  foupçon- 
nalfcnt  fon  entrée  en  Italie.  Il  fut  contraint 
d'en  lever  le  (iegc  pjur  hâter  fiijonflion  avec 
ioafrcrc.  Les  Ictîics  écrites  pour  ét;ibiir  leyrs 


ASD 

relations ,  forent  interceptées.  Les  confuls 
inftruits    de    leur  deifein    réunirent    leurs 
armées ,  &  pour  le  prévenir  ,  ils   s'appro- 
chèrent de  fon  camp  pour  mieux  oblcrver 
tous  fes  mouvemens.  Afdrubal ,  trop  foible 
pour  réfifter  à  leurs  forces  réunies ,  prit  la 
réfolution  de  faire  fa  retraite ,  &  d'éviter 
une  aftion  avec  des  forces  trop  inégales.  Il 
étoit  dans  un  pays  dont  il  ignoroit  les  routes, 
il  fut  dans  la    néceifité  de  fe  confier  à  des 
guides  infidèles  qui  abuferent  de  fa  confiance. 
Il  erra  quelques  jours  fans  pouvoir  tenir  une 
route  certaine  i  les  Romains  le  joignirent  fur 
le  fleuve  Metaro  ,  dont  il  ne  connoilfoit  ni 
les  profondeurs  ni  les  iffues.  Mais  toujoiu-s 
foutenu  par  fon  intrépidité  naturelle , il  afteda 
la   même  confiance  que  fi  le  danger  n'eût 
menacé  que  fes  propres  ennemis^  fes  dilpo- 
fitions  favantes  annonçoient  un  général  con- 
fommé.  L'aAantage  de  fa  pofition  Se  la  fa- 
gelfe  de  fon  ordre  de  bataille ,  fiippléoient  à 
la  fupériorité  du  nombre.  Il  donne  le  fignal 
du  combat  &  l'exemple  de  la  plus  grande 
intrépidité.  Déterminé  à  vaincre  ou  à  mou- 
rir ,  il  voit  tomber  à  fes  pies  des  milliers  de 
foldats  qui  tous  briguent  l'honneur  de  mou- 
rir à  fes  yeux.  Honteux  de  lur\ivre  à  cette 
milice  courageufe  ,  il  fe  précipite  au  milieu 
d'une  cohorte  où  il  trou\e  une  mort  digne 
d'un  fils  d'Amilcar  8c   d'un  frère  d' Annibal. 
Le  barbare  Claudius  déslionorant  fa  vic- 
toire ,   lui  fit  couper  la  tête ,  qui  fut  jetée 
quelques  jours  après  dans  le  camp  de  fon 
frère  Annibal.  Le  héros  Carthaginois  laiiî 
d'horreur  &  de  pitié ,  ne  lut  dans  l'avenir 
qu'un  enchaînement  d'événemens  finieftes , 
&  il  préfagea  dès  ce  moment  quel  lèroit  le 
dcftiu  de  Carthage.  (  T-N.  ) 

AsDRUBAL  ,  général  des  Carthaginois 
diuis  la  dernière  guerre  punique ,  n'étoit 
point  de  la  famille  Barcir.e  -,  luais  il  paroit 
avoir  eu ,  pour  le  nom  romain ,  l'averfiou 
dont  ceux  de  cette  maifon  furent  animés 
contre  ces  tyrans  des  nations.  Domine  par 
fon  caraftere  turbulent  &  farouche  ,  il 
accéléra  la  ruine  de  fa  patrie,  par  les  étions 
même  qu'il  fit  pour  la  relever  de  fa  clu'ite. 
Le  peuple  fcduit  par  le  fafle  d'un  zcle 
ponifé  jufqu'à  l'ciithoufiafme  républicain  , 
s'abandonna  à  toutes  les  impuKions  de  for» 
génie  inquiet  Us.  fonguc'.:x.  Ce  facfieux 
citoyen ,  devenu  chef  des  tuiiiultes  pop.ulai- 


A  s  D 

rcs ,  introduifit  dans  1  ctat  In  confiifioii  de 
l'anarchie  ;  quarante  des  principaux  citoyens 
lurent  condamnés  à  lexil  par  l'abus  qu'il  fit 
de  fon  pouvoir ,  &  ce  tyran  domeftique  fit 
jurer  au  pci.'ple  que  jamais  il  ncparleroit  de 
leur  rappel  ■-,  les  grands  &  le  fénat  gémirent 
dans  l'oppreiîion  ,  Ôf  les  plaintes  furent  pu- 
nies comme  le  cri  de  la  révolte.  Ces  illuftres 
bannis  {c  réfugièrent  auprès  de  MalTinrHh  , 
roi  de  Numidie  ,  qui  s'intérclFa  pour  leur 
retour.  Le  refus  infultaut  qu'il  effuya ,  fut  le 
prétexte  d'une  guerre,  où  plus  de  cinquante 
mille  Carthaginois  périrent  dans  une  leule 
bataille  ^  ce  coup  violent  dont  Carthage 
chancelante  fut  frappée ,  épuifa  fès  forces 
languillantcs  ,  elle  accepta  la  paix  à  des 
conditions  humiliantes  ,  dont  la  nécefiité 
&  fa  foibleile  lui  déguiferent  l'ignominie. 

Les  Carthaginois ,  par  leur  dernier  traité 
avec  les  Romains  ,  s'étoient  fbumis  à  ne 
jamais  prendre  les  armes  ,  fans  l'aveu  préa- 
l'i]:)lc  du  fénat ,  ils  avoient  violé  leurs  enga- 
gcincns  en  portant  la  guerre  en  Numidie. 
Les  Romains  firent  valoir  cttte  infraiftion 
pour  abattre  entièrement  cette  ancienne  ri- 
vale de  leur  puiifance.  Ce  fut  pour  calmer  leur 
relîbntiment ,  que  le  fénat  de  Carthage  dé- 
clara ^'i/â>ii/^j/ criminel  d'état,comme  auteur 
d'une  guerre  où  Mafllniifa  avoit  été  \  érita- 
blement  l'agreffeur.  Cette  condefcendance 
aux  volontés  d'un  ennemi  qu'on  cherchoit  à 
défarmer ,  ne  fut  pas  un  facrifice  alFez  grand 
pour  arrêter  fon  ambition  ;,  les  richeliés  de 
Carthage  étaient  feules  capables  d'aflouvir 
l'avarice  de  ces  avides  opprelfeurs  des  nations:, 
ils  propoferent  des  conditions  fi  dures ,  que 
les  Carthaginois  aimèrent  mieux  s'expolèr 
à  tout  foufîrir ,  que  de  foufcrire  à  leur  dégra- 
dation. Cette  république  commerçante  ne 
forma  plus  qu'un  peuple  de  ibldats  ;  dei 
bourgeois  pacinques  fe  re\  étirent  de  la  ciii- 
rafie  &  du  bouclier:  les  temples ,  les  palais  S; 
les  places  publiques  furent  des  atteliers  où 
les  femmes  les  plus  foibles  ,  &  les  vieillards 
débiles  ,  travailîoient  confondus  avec  les 
Ertifàns  infatigables,  à  fabriquer  des  dards , 
des  épées  ,  des  cuiraffcs  &  des  boucliers  : 
tout  retentifToit  du  bruit  des  marteaux  & 
des  enclumes.  Afdrubal  ignominieufcment 
banni  de  fa  patrie  y  fiit  rappelle  a\ec  gloire, 
pour  i'oppofcr  à  l'ennemi ,  auquel  une  politi- 
que timid;  i'avoit  iacrifïé  3  on  le  mit  à  la  Lêîc 


A  S  D  ^2p 

de  fix  mille  hoinmes  pour  commander  au 
dehors^inais  bientôt  reHérré  par  les  Romains, 
il  s'enferma  dans  Ncphelé  qui  fut  afliégéc  Se 
priie  d'affaut  :  foixante  mille  hommes  furent 
enfcvelis  fous  fcs  ruines.  Afdrubal  ne  fut 
point  enveloppé  dans  ce  carnage ,  il  rafîèm- 
bla  une  nou\  elle  armée  ,  &  continua  de 
harceler  les  Romains.  Il  eût  mieux  aimé 
commander  dans  la  ville  que  hors  fes  mu- 
railles 3  mais  fon  caraftere  farouche  le  faifoit 
redouter  des  citoyens ,  qui  aimoient  niicux 
obéir  à  un  autre  Afdrubal  à  qui  ils  avoient 
confié  le  commandement.  Le  premier  accu  fà 
fon  concurrent  de  trahifon  ;  celui-ci  ne  s'a- 
baifla  point  à  fe  juftifier  ;,  fon  filence  fut  re- 
gardé comme  l'aveu  de  fon  crime ,  8c  il  fut 
malfacrc  parla  multitude  mdix'gwtc:.  Afdrubal 
lui  futfubflitué  danslecommandcmentdela 
ville  ,  dont  il  eût  pu  retarder  la  clu'ite  ,  s'il 
eût  pu  tempérer  l'iiripétuonté  de  fon  coura- 
ge ,  &  maîtrifèr  la  violence  de  fon  caraiftere. 
Le  premier  fuccès  des  Romains  ne  fit  qu'ai- 
grir la  férocité  de  ce  général,  il  s'abandonna 
à  des  excès  qui ,  fans  réparer  fcs  pertes ,  le 
rendirent  plus  odieux  \  il  fit  emmeiier  furies 
remparts  tous  les  prifonniers  qu'il  cspofa  à  la 
vue  de  l'armée  afîiégeante  3  fa  fureur  ingé- 
nieufe  multiplia  leurs  fiipplices ,  il  leur  fit 
couper  le  nez  ,  les  pies  ,  les  maiiis  &  les 
oreilles;  on  leur  coupa  les  yeux,  on  leur 
arracha  la  peau  de  defliis  le  corps  avec  des 
peignes  de  fer  ,  aux  yeux  de  leurs  compa- 
gnons. Le  barbare  Afdrubal ,  après  avoir 
joui  de  leur  inutilation  &  de  leurs  foufFran- 
ces ,  les  fit  précipiter  du  haut  des  remparts  : 
c'étoit  ôter  tout  efpoir  d'accommodement 
&  de  pardon.  Les  Carthaginois ,  naturelle- 
ment cruels,  voyoient  avec  horreur  les  inhu- 
manités de  leur  général  ;  ilsétoientpreflcsde 
la  famine  ,  lorfque  quelques  convois  entrè- 
rent dans  la  ville  \  la  quantité-  n'étoit  pas 
fafrifànte  à  tant  de  befoins  ,  Afdrubal  les  fit 
diftribuer  à  fès  troupes  ,  fans  fe  laiffer  atten- 
drirpar  lesgémiireniens  du  citoyen  expirant; 
cette  odieufe  diflinftion  fit  crier  le  peuple  & 
le  fénat  :  le  féroce  Afdrubal  ne  répondit  qu'en 
ordonnant  le  meurtre  des  murmurateurs. 
Carthage  comprit  que  fon  plus  cruel  ennemi 
étoit  dans  fès  murs  ;  les  principaux  citoyens, 
pleins  de  confiance  dans  la  géi;érofité  de 
Scipion  ,  fbrtent  de  la  ville  &  vent  fc  pré-. 
iciitcr  à  lia  er.  lu-bit  de  fappliar.s  ;  ils  lui 


^30  A  S  D 

demandent  d'accorder  la  vie   à  tons  ceux  ' 
qui  voudroient  fbrtir  de  Carthage  ,    &  un 
moment  après  on  voit    arriver  cinquante  , 
mille ,  tant  hommes  que  femmes ,  qui  furent 
reçus  avec  bonté  ^  neuf  cents  transfuges  ,  ! 
miaiftres  des  fureurs  iXAfdmbal ,  ne  purent  ! 
obtenir  cette  faveur  ,  qui  fut  également  refu-  { 
fée  à  leur  général  impitoyable.  Ces  liommcs  j 
dckHpérés  prennent  la  réfolution  de  vendre  ! 
bien  cher  leur  y\e  ;   ils  fe  retranchent  dans  | 
le  temple    d'Efculape  avec  Afdrubal  ,    fa 
femme  &  fes  enfans  ^  ils  auroient  été  invin- 
cibles s'ils  avoient  pu  fe  foullraire  à  la  famine, 
mais  ce  fléau  le  fit  bientôt  fentir.  Afdrubal , 
cet  implacable  enneini  des  Romains ,  ce 
tyran  de  fes  concitoyens  ,  trembla  pour  fa 
vie  ,  il  craignit  de  mourir  ,  quand  il  ne  put 
vivre  avec  gloire  \  &  allez  lâche  pour  rache- 
ter là  vie  par  le  facrifice  de  fon  honneur  , 
il  eut  la  balléffe  de  mendier  fa  grâce  &  la 
clémence  d'un  ennemi  fi  cruellement  offen- 
fë  :  fon  orgueil  fai-ouche  palfe  de  la  fureur 
dans  l'abattement  ,  il  fort  furtivement  du 
temple  ,   tenant  ure  branche  d'olivier  dans 
fes  maii'.s ,  &  va  fc  prollerner  aux  pies  de 
Scipion.    Sa   femme  abandonnée  avec  fes 
enfans   au  relîcntiment    d'une  foldatefque 
défelpérée  ne  peut  fe  réfoudre  à  partager 
fon  ignominie.  Les  Romains  du  haut  des 
remparts  expofent  à  lès  j^eux  fon  mari  i  les 
transfuges  vomifîènt  contre  lui  lesphis  horri- 
bles imprécations ,  &  plutôt  que  d'imiter  fi 
lâcheté',  ils  prennent  confeil  de  leur  feul 
défelpoir  ,   ils   mettent  le  feu  au  temple  , 
aimant  mieux  être  la  proie  des  flammes  , 
que  d'expirer  fbus  les  verges  &  les  haches 
des  bourreaux.  Pendant  qu'on  allumoit  le 
bûcher,  la  fe:nme  éi  Afdrubal  fe  pare  de  fes 
phis  riches  habits ,  &  fe  mettant  à  la  vue  de 
Scipion  avec  fes  deux  eiifans  dans  fes  bras  , 
elle  élevé  la  voie  Se  lui  crie  :   Romain  ,  je 
ne  fais  point  d'imprécations  contre  toi  ,  tu 
ne  fais  qu'ufer  du   droit    de    la  guerre  \ 
mais  puifle  le  génie  de  Carthagc  confpirer 
avec  toi  pour  punir  le  parjure  qui  a  trahi  fa 
patrie  ,  les  dieux  ,   fa  femme  &  ^a  enfans. 
Elle  apofiropha  cnfuite  fon  perfide  époux  ; 
oli  !  le  plus  lâche  &  plus  fcélérat  des  hom- 
mes ,  rairafic  tes  yeux  de  ces  llammes  qui  vont 
nous  dévorer  moi   &  mes  enfans  ^   notre 
fort  eft  moins  à  plaindre  que  le  tien  :  nous 
allons  terminer  nos  foufirunges.  Pour  toi  , 


A  S  E 

indigne  capitaine  de  Carthagc  ,  va  {èrvir 
d'ornement  à  la  pompe  trion;phale  de  ton 
vainqueiu" ,  va  fujoir  à  la  vue  de  Rome  vzw- 
gée  ,  la  peine  due  à  tes  crimes  ^  aufîî-tôtclla 
égorge  fes  enfans ,  les  jette  dans  le  feu  ,  8c 
s'y  précipite  avec  eux.  (  T-n.  ) 

^  ASEDOTH-PHASGA  ,  (  Géogr.  )  ville 
d'Afie  en  Paleftine,dans  la  tribu  dcRubenj 
elle  étoit  fituée  au  pié  du  mont  Phafga , 
entre  Phogor  ,  au  nord-eiî,  &  Calliroë  ou 
Lafa ,  au  liid-ouefi:.  Long.  69 ,  lo  ^  lat.  30,45. 
ASEIGY,  {terme  de  la  milice  turque.) 
c'eft  le  cuifinier  des  JanilTaires ,  qui,  outre 
fon  office ,  eft  obligé  d'arrêter  les  prifonniers,- 
de  les  garder  &  de  les  mettre  aux  fers ,  ou 
de, les  garroter  ,  félon  qu'il  ell  ordonné  par 
l'oda-bafog  \  il  porte  pour  marque  de  fon 
emploi  un  grand  couteau  dans  fa  gaine  , 
pendu  au  côté.  (  V.) 

ASEKI ,  ou  comme  l'écrivent  quelques 
hiftoriens  ,  affekai ,  (  Hijl,  mod.  )  noms  que 
les  turcs  donnent  aux  fiiltanes  fa\orites ,  qui 
ont  mis  au  monde  un  fils.  Lcrfqu'une  des 
fiiltanes  du  grand-icigneureft  parvenue  par- 
là  au  rang  à'afeii,  elle  jouit  de  plufieurs  dif 
tinclions  ^  comme  d'avoir  un  appartement 
fcparé  de  l'appartement  des  autres  fultanes, 
oriié  de  vergers ,  de  jardins  ,  de  fontaines , 
d'offices ,  de  bains  ,  &  même  d'une  mof- 
quée  :  elle  y  eft  fervie  par  des  eunuques  £c 
d'autres  domeftiques.  Le  fiiltan  lui  met  une 
couroinie  fur  la  tête  ,  comme  une  inarque 
de  la  liberté  qu'il  lui  accorde  ,  d'entrer  fans 
être  mandée  dans  l'appartement  impérial 
audi  fouvent  qu'il  lui  plaira  ■■,  il  lui  affigne 
un  homme  de  confiance  pour  chef  de  fii 
maifon  ,  &  une  nombreuie  troupe  de  bal- 
tagis  deftinés  à  exécuter  fes  ordres  :  ciiilii 
elle  accompagne  l'empereur  lorlqu'il  fort  de 
Conftantinoplc  en  partie  de  prom.enade  ou 
dechafre,&  qu'il  veut  bien  lui  accorder  ce 
divertiifement.  Le  fultan  règle  à  Ci  volonté 
la  penfion  des  afekis  :  inais  elle  ne  peut  être 
moindre  de  cinq  cents  bourfes  par  an.  Oii 
la  i\omn\cpafckmakliko\.\pafmalk,c[u\  figni- 
fie  fandale ,  comme  fi  elle  étoit  deftinée  à 
fournir  aux  faudalcs  de  la  fultane  ,  à-pcu- 
prcs  comme  nous  difons  ,  pour  les  épingles  , 
pour  les  gants ,  &c.  Les  Turcs  ne  prennent 
point  de  ville  ,  qu'ils  ne  réfervent  inie  rue 
pour  le  pafchmaklik.  Les  afekis  peuvent  être 
regardées  comme  autant  d'impératçiccs  ,  §C 


A  SE 

leurs  dépcnfes  ne  font  guère  moindres  cp.ic 
celles  d'une  cpoufe  légitime.  La  première 
de  tontes  qui  doinie  un  enfant  mfilc  à  l'em- 
pereur eft  réputée  telle  ,  quokjii'elle  n'en 
porte  point  le  nom ,  8c  qu'on  ne  lui  donne 
que  celui  de  première  ou  grande  favorite  , 
buyuk  afcki.  Son  crédit  dépend  de  fon  cf- 
prit,  de  ion  enjouement,  fcc  de  fes  intrigues 
pour  capti\er  les  bonnes  grâces  du  grand- 
leigneur  j  car  depuis  Bajazet  I ,  par  une  loi 
pul)lique  ,  les  fultans  n'époufcnt  JBir.ais  de 
femmes.  Soliman  II  la  viola  pourtant  en 
faveur  de  Roxelane.  Le  fiiltan  peut  honorer 
de  la  couronne  &  entretenir  juiqu'à  cinq 
cfekis  à  la  fois  :  mais  cette  dépeniè  énorme 
n'eft  i^as  toujours  de  fon  goût ,  &  d'ailleurs 
les  befoins  de  l'état  exigent  quelquefois  qu'on 
la  retranche.  Les  afckis  ont  eu  fouvent  paît 
au  gouvernement  &  aux  ré\'olutions  de  l'em- 
pire turc.  Guer,  maurs  &  ufagesdes  Turcs  , 
tom.II.(G) 

*  ASF.M  ,  (  Géog.  faimc.  )  ville  frontière 
de  la  tribu  de  Juda  &  de  Siméon  ,  dans  la 
Terre-promifè. 

*  AsEM  .  royaume  de  l'Inde  ,  au  delà  du 
Gange,  ^'ers  le  lac  du  Chian;aï.  Il  y  a  dans 
ce  paj's  des  mines  d'or ,  d'argent ,  de  fer  , 
de  plomb  ,  des  foies  ,  de  la  laque  excellen- 
te ,  &c.  Il  s'y  fait  aufii  un  ccivimerce  confi- 
dérable  de  i^racclets  &  de  carcans  d'é-aille 
de  tortue  eu  de  coquillaçre. 

*  ASLMONA  ou  HASSEMON  ,  ville 
de  la  Terrc-j-romifè  ,  fi;r  les  confins  de  la 
tribu  de  Juda  ,   du  côté  de  l'Idumce. 

*  ASiiNA,  {Géog.fatnce.)  viUc  de  la 
Terre-proniife  ,  dans  la  tribu  de  Juda,  en- 
tre Sar,'.nea  &  Zanoe. 

ASF.R  (  LA  TRibU  d'  ),  Gtogr.  contrée 
de  la  Paleftine  qui  s'étendoit  du  iîjd  au 
nord  ,  depuis  Ftolémais  ou  S.  Jean  d'Acre , 
juftfu'à  Sidon  ;  elle  étoit  confinée  à  l'orient 
par  la  tribu  de  Nephtali ,  ^■?.  à  l'occident  par 
la  n:er  :  elle  étoit  habitée  par  le  peuple  def- 
cendu  ^Afer  ,  fils  de  Jacob,  &de  Zelpha, 
fervantc  d'E.lia.  {C.A.) 

AsrR,  (Gcogr.)  petite  ville  d'Afie  ,  en 
Arabie ,  fur  le  golfe  de  BaiTcra.  Il  y  a  un  port 
afiez  bon  &  affez  commode  pour  mouiller 
l'ancre  :,  mais  le  pays  eft  fi  ftérile  que  les 
hommes  &  les  bcftiaux  n'y  vivent  que  de 
poiiTbn.  On  y  fait  com.mcrce  de. che\aux. 
Les  Portugais  y  avoieyt  autrefois  uii  coxiful  j 


A  S  H  tfjT 

mais  aujourd'hui  il  n'y  a  aucun  établi/Tcmcnt 
de  chrclicns.  (  C.  A.) 

*  ASER-G  ADD  A ,  ville  dePaleftine ,  dans- 
la  tribu  de  Juda  ,  entre  Moada  &.  Hafîén-.on. 

ASGAR  ,  (Gi'ngr.)  province  d'Afrique, 
au  royaume  de  Maroc  ,  lltuce  entre  le 
royaume  de  Fez  ,  &  la  province  de  Habat  j 
elle  a  vingt-fept  lieues  de  longueur  ,  fiir 
vingt  de  largeur  ^  fes  principales  villes  font 
Larafch  ou  Larache  ,  &  Alcaçar  Quivir. 
On  prétend  que  c'eft  la  jilus  riche  province 
d'A trique ,  en  blé  ,  en  béiail  ,  en  laines, 
en  cuirs  &  beurre.  ( C.  A.) 

ASHBORN,  (Gc'ogr.  )  pciite  ville  d'An- 
gleterre ,  au  comté  de  Darby.  Elle  eft  fur 
une  jjetite  rivière  au  nord-oucft  de  la  ville 
de  Daiby ,  &  au  nord-cft  de  Stalîord.  Long. 
15,  50-  /nt.  :55,  Z5.  (C.  A.) 

ASHFORD  ,  (Gtogr.)  petite  ville  d'An- 
gleterre ,  au  comté  de  Kcp.t.  Elle  eft  fur  la 
rivière  Defiure ,  à  cinq  lieues  au  dcficus 
de  Cantorbcry,  &  à  deux  lieues  de  la  mer. 
Long.  18.  50  •  /et.  51  ,   10.  (C.  A ). 

ASHLEY  ,  (Gcogr. )  riiiere  de  l'Améri- 
que feptentrionale  ,  dans  la  Caroline.  Elle  a 
Ibn  embouchure  dans  la  mer  du  nord, con- 
jointement a^•ec  la  rivière  de  Cooper.  (C.  A.) 

ASFIURST,  (Ge'ogr.)  petite  ^ille  d'An- 
gleterre ,  au  comté  de  Kent.  Elle  cil  fur  les 
frontières  du  comté  de  Sulîéx ,  au  fiid-ouefl 
de  Cantorbéry ,  dans  une  fituation  très-agréa- 
Lle,  environnée  de  bois  &de  payfages  chîir- 
mans.  Long,  18  :,  lai.  51  ,    IS-  ( C.A.) 

*  ASIARQUES,  f.  m.  pi.  (Hif.  anc.) 
c'efi  ainfî  qu'on  appelloit  dans  certaines  villes 
d'Afie ,  des  hommes  revêtus  pour  cinq  ans 
de  la  fouvcraine  prétrife  ;,  dignité  qui  don- 
noit  beaucoup  d'autorité ,  &  qui  fé  trouve 
fjinent  mentionnée  dans  les  médailles  8c 
dans  les  infcriptions.  Les  afiarques  étoient 
fouverains  prêtres  de  plufieurs  \illes  à  la 
fois.  Ils  faifoient  célébrer  à  leurs  dépens 
des  jeux  folemnels  8c  publics.  Ceux  de  la 
ville  d'Epheie  empêchèrent  S.  Paul ,  qu'ils 
eflimoient ,  de  iè  préfeuter  au  théâtre  pen- 
dant la  fédition  de  l'orfcN  re  Démétrius. 

ASIAS  ,  (Mufq.  infi.  des  cnc.)  au  rap- 
port de  Bullenger  (  Je  tkeairo ,  c.  rvij.  )  \afias 
étoit  la  première  forte  de  cithare  faite  par 
Ccpiofi ,  difciple  de  Terpandre,  8c  fon  nom 
hii  venoit  de  ce  que  les  LesLicns  ,  voifmç 
de  l'/Vfie  j  s'en  jferxcieiit.  ( F.  D.  C. } 


6ii  A  S  I 

ASIATIQUES.  Plnlofophie  JeS  Ajlatl- 
ques  en  général.  Tous  les  habitans  de  l'Afie 
font  ou  mahométans ,  ou  païens ,  ou  chré- 
tien'i.  La  feue  de  Mahomet  e(l  fans  contre- 
dit la  plus  uoinbreufe  :  une  partie  des  peu- 
ples qui  compofent  cette  partie  du  monde  a 
coniervé  le  culte  des  idoles  ;  &  le  peu  de 
chrétiens  qu'on  y  trouve  font  fchifmatiques , 
&  ne  font  que  les  reftes  des  anciennes  lèthes , 
&  fur-tout  de  celle  de  Neftorius.  Ce  qui  pa- 
roîtra  d'abord  liirpreuant ,  c'eft  que  ces  der- 
niers font  les  plus  ignorans  de  tous  les  peu- 
ples de  l'Afie  ,  &  peut-être  les  plus  dominés 
par  la  fuperftition.  Pour  les  mahométans  , 
on  fait  qu'ils  font  partagés  en  deux  léétes. 
La  première  eft  celle  ^ /iboubecre ,  &  la  fo- 
conde  eit  celle  S  Ali.  Elles  fe  haiÏÏent  mu- 
tucllenient ,  quoique  la  différence  qu'il  y  a 
entre  elles ,  conliilc  plutôt  dans  des  cérémo- 
nies &  dans  des  dogmes  accelîbires  ,  que 
dans  le  fond  de  la  dodrinc.  Parmi  les  ma- 
hométans ,  on  en  trouve  qui  ont  confer\é 
quelques  dogmes  des  anciennes  fccles  phi- 
lofophiques  ,  &  fur-tout  de  l'ancienne  phi- 
lofophie  orientale.  Le  célèbre  Bernier  qui  a 
l'écu  long-temps  parmi  ces  peuples ,  &  qui 
étoit  lui-même  très-verfé  dans  la  philofo- 
phie  ,  ne  nous  permet  pas  d'en  douter.  Il 
dit  que  les  Soufis  Perfans  ,  qu'il  appelle 
cabalifles  ,  «  prétendent  que  Dieu  ,  ou  cet 
})  être  fouverain  qu'ils  appellent  achar  , 
))  immobile ,  immuable  ,  a  non  feulement  pro- 
3)  duit ,  ou  tiré  les  âmes  de  fa  propre  fubf- 
))  tance  ,  mais  généi^alement  encore  tout  ce 
«  qu'il  y  a  de  matériel  &  de  corporel  dans 
»  l'Univers;  &  que  cette  produâion  ne  s'eft 
»  pas  faite  iîmplement  à  la  façon  des  caufes 
»  efficientes ,  mais  à  la  façon  d'une  araignée , 
»  qui  produit  une  toile  qu'elle  tire  de  fon 
»  nombril  ,  &  qu'elle  répand  quand  elle 
»  veut.  La  création  n'eft  donc  autre  chofe , 
))  fuivant  ces  dofteurs  ,  qu'une  extrmftion 
»  &  extenfion  que  Dieu  fait  de  fa  propre 
))  fubllance  ,  de  ces  rets  qu'il  tire  comme 
»  de  {es  entrailles  ,de  même  que  la  deftruc- 
))  tion  n'cR  autre  choie  qu'une  iîmple  re- 
»  prifc  qu'il  fait  de  cette  divine  fubltancc  , 
»  de  ces  divins  rets  dans  lui-même;  enforte 
»  que  le  dernier  jour  du  monde  qu'ils  ap- 
3J  pellent  mapeilé  o\\  pralea  ,  dans  lequel  ils 
))  croient  que  tout  doit  être  détruit ,  ne  fera 
w  autre  choie  qu'une  reprifc  géucriilc  de  tous 


A  S  î 

y»»  ces  fétS,  que  Dieu  avoit  ainfi  tirés  de  lui- 
»  même.  Il  n'y  a  donc  rien ,  difent-ils  ,  de. 
))  réel  &  d'effedif  dans  tout  ce  que  nous 
))  croyons  voir  ,  entendre,  flairer  ,  goûter, 
»  &  toucher  :  l'univers  n'eft  qu'une  eipece 
»  de  fouge  &  une  pure  illufion,  en  tant  que 
»  toute  cette  multiplicité  &  diverfité  de  cho- 
»  (es  qui  nous  frappent ,  ne  font  qu'une  feule , 
»  unique  ,  &  même  chofe  ,  qui  eft  Dieu 
))  même  ;  comme  tous  les  nombres  divers 
)j  que  nous  connoiffons ,  dix ,  vingt ,  cent , 
»  &  ainfi  des  autres ,  ne  font  enfin  qu'une 
»  même  unité  répétée  plufieurs  fois.  )>  Mais 
li  vous  leur  demandez  quelque  raifon  de  ce 
lèntiment  ,  ou  qu'ils  vous  expliquent  com- 
ment fe  fait  cette  fortie ,  &  cette  reprife  de 
fubftance  ,  cette  extenfion  ,  cette  diverfité 
apparente  ,  ou  comment  il  fe  peut  faire  que 
Dieu  n'étant  pas  corporel  ,  mais  fimple  , 
comme  ils  l'avouent ,  &  incorruptible  ,  il 
foit  néanmoins  divifé  en  tant  de  portions  de 
corps  &  d'ames,  ils  ne  vous  paieront  jamais 
que  de  belles  comparaifons  ;  que  Dieu  eft 
comme  un  océan  immenfè ,  dans  lequel  fe 
mouvroient  plufieurs  fioles  pleines  d'eau  ; 
que  les  fioles ,  quelque  part  qu'elles  pulfent 
aller  ,  fc  trouvcroieiit  toujours  dans  le  même 
océan  ,  dans  la  même  eau  \  &  que  venant 
à  fe  rompre ,  l'eau  qu'elles  contenoieat  fe 
trouveroit  en  même  temps  unie  à  fon  tout , 
à  cet  océan  dont  elles  étoient  des  portions  : 
ou  bien  ils  vous  diront  qu'il  en  eft  de  Dieu 
comme  de  la  lumière  ,  qui  eft  la  même 
par-tout  l'univers  ,  &  qui  ne  lailîe  pas 
de  paroître  de  cent  façons  différentes ,  fé- 
lon la  diverfité  des  objets  où  elle  tombe, 
ou  félon  les  diverfes  couleurs  &  figures  des 
verres  par  où  elle  palfe.  Ils  ne  vous  paieront, 
dis-je  ,  que  de  ces  fortes  de  comparaifons  , 
qui  n'ont  aucun  rapport  a\ec  Dieu  ,  &  qui 
ne  font  bonnes  que  pour  jeter  de  la  poudre 
aux  yeux  d'mi  peuple  ignorant  ;  &  il  ne  faut 
pas  ci^iérer  qu'ils  répliquent  folidement ,  Ci 
on  leur  dit  que  ces  fioles  fe  trouveroientvéri- 
tablement  dans  une  eau  fen^.blable,  mais 
non  j)as  dans  la  même  ;  &  qu'il  y  a  bien 
dans  le  monde  une  lumière  fcnibiable  ,  6c 
non  pas  la  même  ■■,  8c  ainfi  de  tant  d'autres 
objedions  qu'où  leur  fait.  Ils  reviennent 
toujours  aux  mêmes  comparaifons  ,  aux 
belles  [Kiroles ,  ou  ,  comme  les  Soufis  ,  aux 
belles  pocfics  de  leur  Couii-àtri-raz- 

Yoilà 


A  S  I 

Voilà  la  doftriiic  des  Pendcts  ,  g-entils 
des  Indes  ^  &  c  cft  cette  mcme  dodtriiie  qui 
fait  encore  à  prcfcnt  la  cabale  des  foufis  & 
de  la  plupart  des  <^ens  de  lettres  perduis , 
8f  qui  lé  trou\e  exj)liquée  en  vers  i)erfîens , 
li  relevés  &  fî  einj)hatiqnes  dans  leur  Goutt- 
hen-rai ,  ou  parterre  des  myjleres.  C  etoit  la 
doélrine  de  Pludd ,  que  le  célèbre  Gailéndi 
a  fî  doctement  réfutée  ;  or  pour  peu  qu'on 
connoiiîè  la  doctrine  deZoroaftre  &:  la  phi- 
loibpJiie  orientale  ,  on  verra  clairement 
qu  elles  ont  donné  nailTance  <à  celles  dont 
nous  venons  de  piirlcr. 

Après  les  Perfcs   viennent  les  Tartares  , 
dont  l'empire  ell  ic  plus  étendu  dans  l'Afie  \ 
car  ils  occupent  toute  l'étendue  du  pays  qui 
eft  entre  le  mont  Caucnle  &  la  Chine.  Les 
relations  des  \'oya<:^eurs  iiir  ces  peuples  font 
fi  incertaines ,  qu'il  eft  extrêmement  diilî- 
cile  de  favoir  s'ds  ont  jamais  eu  quelque 
teinture  de  philofophie  ;  on  fait  feulement 
qu'ils  croupillent  dans  la  plus  grolîiere  fîi- 
perftition,  &  qu'ils  font  ou  mahométans  ou 
idolâtres.  Mais  comme  on  trouve  parmi  eux 
de   nombreu(cs    communautés    de  prêtres 
qu'on  appelle  lamas ,  on  peut  demander  avec 
raifon  s'ils  fontauffiigiioraas  dans  lesfcien- 
ces  que  les  peuples  grolfiers  qu'ils  font  char- 
gés d'inftruire  :   on  ne  trouve  pas  de  gjands 
éclafrciircmens  fîir  ce  fujet  dans  les  auteurs 
qui   en  ont  p;irlé.   Le  culte  que  ces  lamas 
rendent  aux  idoles ,  eft  fondé  fiir  ce  qu'ils 
croient  qu'elles  fijiit  les  i'.r.ages  des  émana- 
tions  divines  ,   &  que  les  am.es ,  qui  font 
auiîi  émanées  de  Dieu ,  habitent  dans  elles. 
Tous  ces  lamas  ont  au  deÛus  d'eux  un  grand- 
prêtre  appelle  le  grand-lama  ,  qui  fait  la  de- 
meure ordinaire  fur  le  fommet  d'une  mon- 
tagne. On  ne  fauroit  imaginer  le  profond 
refpcét  que  les  Tartares  idolâtres  ont  pour 
lui;  ils  le  regardeiit  comme  immortel,  & 
les  prêtres  rubalternes   entretiennent  cette 
«rreur  par  les  fupercheries.  Enfin  tous  les 
voyageurs  conviennent  que  les  Tartares  fout 
de  tous  les  peuples  de  l'Afie   les  plas  gref- 
fiers ,  les  plus  ignorans  oc  les  plus  liiperlH- 
tieux  \  la  loi  naturelle  y  ell  prciqu'éteinte  : 
il  ne  faut  donc  pas  s'étonner  s'ils  ont  fait  fi 
peu  de  progrès  dans  la  philofophie. 

Si  de  la  Tartarie  on  palfe  dans  les  Indes  , 
on   n'y  trouvera   guère  moins  d'ignorance 
&.  de  fuperitition  -,  julque-là   que  quelques 
Tome  111, 


A  S  I  ^11 

auteurs  ont  cru  que  les  Indiens  n'avoicnt 
;,ucune  coiuioiilànce  de  Dieu.  Ce  fentiment 
ne  nous  paroît  pas  fondé.  En  ciTet ,  Abra- 
ham Rogers  raconte  que  les  Bramins  recon- 
noillcnt  un  feul  &  liiprême  Dieu  ,  qu'ils 
nomment  Viflnou  ;  que  la  première  &  la 
plus  ancienne  produftion  de  ce  Dieu,  étoit 
unetlivinité  inférieure appelléc Brama ^r^^'A. 
forma  d'une  fleur  qui  flottoit  fiir  le  grand 
abyme  avant  la  création  du  monde  ;  que 
la  vertu  ,  la  fidélité  &  la  rcconnoillance  de 
Brama  avoient  été  fi  grandes ,  que  Virtnou 
l'avoit  doué  du  pouvoir  de  créer  l'univers. 
Le  détail  de  leur  dodlrine  eft  rapporté  par 
diderens  auteurs  avec  une  variété  fort  em- 
barralfante  pour  ceux  qui  cherchent  à  dé- 
mêler la  vérité  ;  variété  qui  vient  en  partie 
de  ce  que  les  Braiiiins  font  fort  réforvés  avec 
les  étrangers  ,  inais  principalement  de  ce 
que  les  voyageurs  foiit  peu  verfés  dans  la 
langue  de  ceux  dont  ils  fè  mêlent  de  rap- 
porter les  opinions  :  mais  du  moins  il  eft 
confiant  par  les  relations  de  tous  les  mo- 
dernes ,  que  les  Indiens  reconnoifTent  une 
ou  plufieurs  divinités. 

Nous  ne  devons  point  oublier  de  parler 
ici  de  Bndda  ou  Xekia ,  fi  célèbre  parmi 
les  Indiens ,  auxquels  il  enfeigna  le  culte 
qu'on  doit  rendre  à  la  Divinité,  &  que  ces 
peuples  regardent  comme  le  plus  griuid  phi- 
îofbphe  qui  ait  jatnais  exillé.  Son  hilloire 
fe  trouve  fi  remplie  de  fables  6c  de  contra- 
diftions ,  qu'il  fcroit  impofiible  de  les  con- 
cilier. Tout  ce  que  l'on  peut  conclure  de 
la  diverfivc  des  fentimens  que  les  auteurs 
ont  eus  à  fon  fujet ,  c'eft  que  Xekia  panit 
dans  la  partie  jr.éridionale  des  Indes  ,  & 
qu'il  fe  montra  d'abord  aux  peuples  qui  ha- 
bitcient  for  les  rivages  de  l'Océan  ;  que  de -là 
il  envoya  fes  dilciples  dans  toutes  les  Indes , 
où  ils  répandirent  là  doftrine. 

Les  Indiens  &  les  Chinois  atteflent  una- 
nimement que  cet  impofteur  avoit  deux 
fortes  de  doctrines  •■,  l'une  faite  pour  le  peu- 
ple \  l'autre  focrete  ,  qu'il  ne  révéla  qu'à 
quelques-uns  de  fos  difciples.  Le  Comte , 
la  Loubere,  Bernier,  &;  liir-tout  Kempfer, 
nous  ont  fiiffifainiiient  inftruits  de  la  pre- 
mière qu'on  nomme  exotérique.  En  voici 
les  principaux  dogmes. 

I  °.  Il  y  a  une  différence  réelle  entre  le 
bien  &  le  mal. 

Hhhh 


634- 


A  S  I 


2°.  Les  âmes  des  hommes  &  des  aui- 
in?aix  font  immortelles ,  &  ne  différent  en- 
tr'elles  qu'à  raifon  des  fujets  où  elles  fe 
trouvent. 

3°.  Les  âmes  des  hoinmes  féparées  de 
leurs  corps ,  reçoi\'ent  ou  la  récompenfe  de 
leurs  bomies  actions  dans  un  féjour  de  déli- 
ces ,  ou  la  punition  de  leurs  crimes  dans  un 
féjour  de  douleurs. 

4°.  Le  féjour  des  bienheureux  eft  un  lieu 
où  ils  goûteront  un  bonheur  qui  ne  finira 
point ,  &  ce  lieu  s'appelle  pour  cela  gokurakf. 

5".  Les  dieux  diiîèrent  entr'eux  par  leur 
nature  ,  &  les  âmes  des  hommes  par  leurs 
mérites  \  par  conféquent  le  degré  de  bon- 
heur dont  elles  jouiront  dans  ces  champs 
élyfées ,  répondra  au  degré  de  leurs  mérites  : 
cependant  la  melùre  du  bonheur  que  cha- 
cune d'entr'elles  aura  en  partage  fera  fi 
grande,  qu'elles  ne  fouhaiteront  point  d'en 
avoir  une  plus  grande. 

6°.  Amida  ell  le  gouverneur  de  ces  lieux 
îicureux  ,  &  le  protedteur  Azi  âmes  humai- 
nes ,  fur-tout  de  celles  qui  font  deftinées  à 
jouir  d'une  vie  éternellement  heureufe  :  c'eft 
îe  feul  médiateur  qui  puilie  faire  obtenir 
aux  hommes  la  rémiiïion  de  leurs  péchés 
&  la  vie  éternelle.  {Pluficurs  Indiens  & 
quelques  Chinois  rapportent  cela  à  Xekia 
iui-mcme.  ) 

7".  Amida  n'accordera  ce  bonheur  qu'à 
ceux  qui  auront  fuivi  la  loi  de  Xekia  ,  & 
qui  auront  mené  une  vie  vertueufè. 

8°.  Or  la  loi  de  Xekia  renferme  cinq  pré- 
ceptes généraux,  delà  pratique  defquels  dé- 
pend le  falut  éternel  :  le  premier  ,  qu'il  ne 
faut  rien  tuer  de  ce  qui  eft  animé  :  z".  qu'il 
ne  faut  rien  voler:  3°.  qu'il  faut  éviter  l'in- 
celie  :  4°.  qu'il  faut  s'abftenir  du  menfonge: 
5°.  &  fur-tout  des  liqueurs  fortes.  Ces  cinq 
préceptes  font  fortcélebres  dans  toute  l'Afie 
méridionale  &  orientale.  Plufieurs  lettrés 
les  ont  commentés ,  &  par  conféquent  obf- 
curcis  ^  car  on  les  a  divifés  en  dix  confeils 
pour  pouvoir  acquérir  la  perfeûion  de  la 
vertu.  Chaque  confeil  a  été  fubdivifc  en 
cinq  go  fiakkai  ou  initruftions  particulières, 
qui  ont  rendu  la  doctrine  de  Xekia  extrê- 
mement fubtilc. 

9°.  Tous  les  homm.cs ,  tant  fécuL'ers  qu'cc- 
cléfiaftiques  ,  qui  fe  feront  rendus  indignes 
du  bojilieur  éteruel  par  l'iaiquité  de  leur 


AS  î 

vie ,  fèront  envoyés  après  leur  mort  (îafls 
un  lieu  horrible  appelle  dfigokf^  où  ils  fouf- 
frironî  des  tourmens  qui  ne  feront  pas  éter- 
nels ,  mais  qui  dureront  un  certain  temps 
indéterminé.  Ces  tourmens  répondront  à  la 
grandeur  des  crimes ,  &  feront  plus  grands  à 
mefure  qu'on  aura  trouvé  plus  d'occafions  de 
praticjuer  la  vertu,  &  qu'onles  aura  négligées. 

10".  Jemma  O  eft  le  gouverneur  &  le  juge 
de  ces  priions  aftreufes  ^  il  examinera  toutes 
les  actions  des  hommes  ,  8f  les  punira  par 
des  tourmens  différens. 

11°.  Les  âmes  des  damnés  peuvent  re- 
cevoir quelque  Ibulagement  de  la  vertu  de 
leurs  parens  &  de  leurs  amis;  &  il  n'y  a  rien 
qui  puilfe  leur  être  plus  utile  que  lès  prières 
&  les  facrifices  pour  les  morts ,  faits  par  les 
prêtres  &  acheifés  au  grand-pere  des  mifé- 
ricordes  ,  Amida. 

L'interceftion  d'Amida  fait  que  l'i- 


iz 


nexorable  juge  des  enfers  tempère  la  ri- 
gueur de  lès  arrêts ,  &  rend  les  fupplices 
des  damnés  plus  fupportables ,  en  fauvant 
pourtant  là  juftice,  &  qu'il  les  renvoie  dans 
le  monde  le  plutôt  qu'il  eft  poffible. 

13°.  Lorlque  les  âmes  auront  ainiî  été  ■ 
purifiées  ,  elles  feront  renvoyées  dans  le 
monde  pour  animer  encore  des  corps ,  non 
pas  des  corps  humabis ,  mais  les  cori)s  des 
animaux  immondes ,  dont  la  nature  répon- 
dra aux  vices  qui  avoient  infe£té  les  damnés 
pendant  leur  vie. 

14".  Les  âmes  pafferont  fucceffivement 
des  corps  vils  dans  des  corps  plus  nobles , 
julqu'à  ce  qu'elles  méritent  d'animer  encore 
un  corps  humain ,  dans  lequel  elles  puif- 
lent  mériter  le  bonheur  éternel  par  une  vie 
irréprochable.  Si  au  contraire  elles  commet- 
tent encore  des  crimes ,  elles  fubiront  les 
mêmes  peines  ,  la  naême  tranfmigration- 
qu'auparavant. 

Voilà  la  doctrine  que  Xekia  donna  auîc 
Indiens,  &  qu'il  écrivit  de  fi  main  fur  des 
feuilles  d'arbre.  Mais  là  doctrine  cxotérique 
ou  intérieure  eft  bien  différente.  Les  auteurs 
indiens  a/ïïirent  que  Xekia  le  \oyant  à  ion. 
heure  dernière  ,  ajipella  lès  difciples ,  & 
leur  découvrit  les  dogmes  qu'il  a\oit  tenus 
fccrets  pendant  fa  vie.  Les  voici  tels  qu'oa 
les  a  tirés  des  li\Tes  de  fcs  fucceftcurs. 

i'*.  Le  viiide  eftle  prijicipc  fie  la  fin  de 
toutes  chofes» 


A  S  ï 

i*.  Ceft  de-là  que  tous  les  hoinines  ont 
tiré  leur  origine  ,  &  c  elè-là  qu'ils  retourne- 
ront après  leur  mort, 

3°.  Tout  ce  qui  exifte  vient  de  ce  prin- 
cipe ,  &  y  retourne  après  la  mort.  C'eft  ce 
principe  qui  conilituc  notre  ame  &  tous  les 
élémens  ;  par  confëqueiit  toutes  les  cliofes 
qui  vivent ,  penfcnt  &  iènteiit  ,  quelque 
différentes  qu'elles  foient  par  l'ufàge  ou  par 
la  figure  ,  ne  différent  pas  en  elles-mêmes , 
&  ne  font  point  dilHnguccs  de  leur  principe. 

4".  Ce  principe  ell  univerfel ,  admirable  , 
pur ,  limpide  ,  l'ubtil ,  infini  ;  il  ne  peut  ni 
naître  ,  iii  mourir  ,  ni  être  diffous. 

5".  Ce  principe  n'a  ai  vertu  ,  ni  entende- 
ment ,  ni  puli-Uance  ,  ni  autre  attribut  icm- 
blable. 

6°.  Son  eircnce  eft  de  ne  rien  faire  ,  de 
ue  rien  pcnf'er  ,  de  ne  rien  délirer. 

7".  Celui  qui  fôuhaite  de  mener  une  vie 
innocente  &  heureufc  ,  doit  faire  tous  fes 
efforts  pour  Ce  rendre  femblable  à  fon  prin- 
ci])e  ,  c'eft-à-dire  qu'il  doit  domter  ,  ou 
plutôt  éteindre  toutes  fes  paffions,  afin  qu'il 
ne  /bit  troublé  ou  inquiété  par  aucune  chofe. 

8".  Celui  qui  aura  atteint  ce  point  de 
perfeâiion  ,  fera  abforbé  dans  des  contem- 
plations liiblimes ,  fans  aucun  ufage  de  fon 
entendement ,  &  ii  jouira  de  ce  repos  divin 
qui  fait  le  comble  du  bonheur. 

9°.  Quand  on  eil  parvenu  à  la  connoif- 
/ànce  de  cette  doctrine  fublirne,  il  fautlallfer 
au  peuple  la  doftrine  exotérique,  ou  du  moins 
ne  s'y  prêter  qu'à  l'extérieur. 

Il  eft  fort  vraifemblable  ^ue  ce  fyftême 
adonné  naiifauceà  une  feète  fameufc  parmi 
les  Japonois  ,  laquelle  enfèigne  qu'il  n'y  a 
qu'un  principe  de  toutes  chofcs  •■,  qiie  ce 
principe  eftclair,  lumineux,  incapable  d'aug- 
mentation ni  de  dimijiution  ,  fans  figure  , 
fouverainement  parfait,  fage ,  mais  dclHtué 
de  raifon  ou  d'intelligence  ,  étant  dans  une 
parfaite  inadion  &  fouverainement  tran- 
quille ,  comme  un  homme  dont  l'attention 
ell  fortement  fixée  fur  une  chofe  fiîns  penfer 
à  aucune  autre.  Ils  difent  encore  cjue  ce  prin- 
cipe elî  dans  tous  les  êtres  particuliers  ,  & 
leur  communique  fon  elfence  en  telle  maniè- 
re qu'elles  font  la  même  chofe  avec  lui ,  & 
qu'elles  fe  réfblvent  en  lui  quand  elles  font 
détruites. 

Cette  opinion  eft  différente  du  Spinofif- 


A  SI  6-3y 

me  ,  eft  ce  qu'elle  fuppofe  que  le  monde  .1 
été  autrefois  dans  un  état  fort  différent  de 
celui  où  il  elt  à  préfent.  Un  feètateur  de 
Confucius  a  réfuté  les  abfurdités  de  cette 
fèilie  par  la  maxime  ordinaire  ,  que  rien  ne 
peut  venir  de  rien  ;  en  quoi  il  paroît  avoir 
fuppofe  qu'ils  enfèignoient  que  rien  efl  le 
premier  principe  de  toutes  choies  ,  &  par 
confequent  que  le  monde  a  eu  un  commen- 
cement,  finis  matière  ni  caufc  efficiente; 
mais  il  efl  plus  vraifemblable  que  par  le 
mot  de  vuide  ils  entendoient  feulement  ce 
qui  n'a  pas  les  propriétés  fènfibles  de  la  ma- 
tière •■,  &  qu'ils  prétendoient  défigner  par-là 
ce  que  les  modernes  expriment  par  le  terme 
d'efpace  ,  qui  cff  un  être  très-diftinél  du 
corps ,  &  dont  l'étendue  indivifible,  impal- 
pable, pénétrable,  immobile  &  infinie, efl 
quelque  chofe  de  réel.  Il  eft  de  la  dernière 
évidence  qu'un  pareil  être  ne  fuiroit  être  le 
premier  principe,  s'il  étoit  incapable  d'agir^ 
comme  le  prétendoit  Xekia.  Spinofàn'apas 
porté  Tabfurdité  fi  loin  ;  l'idée  ;ibfiraite  qu'il 
donne  du  premier  principe ,  n'eft ,  à  propre- 
ment parler  ,  que  l'idée  de  l'efpace  qu'il  a 
revêtu  de  mouvement ,  afin  d'y  joindre  en- 
fuite  les  autres  propriétés  de  la  matière. 

La  doctrine  de  Xekia  n'a  pas  été  incon- 
nue aux  juifs  modernes  ^  leurs  cabaliftes 
expliquent  l'origiiie  des  chofcs  par  des  éma- 
nations d'une  caufè  première  ,  &  par  con- 
fequent préexiflante  ,  quoique  peut-être  fbus 
une  autre  forme.  Ils  parlent  auiîi  du  retoiu: 
des  cliofes  dans  le  premier  être ,  par  leur 
refîitution  dans  leur  premier  état  ,  comme 
s'ils  croyoient  que  leur  en-fop/i  ou  premier 
être  infini  contenoit  toutes  chofes ,  &  qu'il 
y  a  toujours  eu  la  même  quantité  d'êtres  ^ 
xbit  dans  l'état  incréé  ,  foit  dans  celui  de 
création.  Quand  l'être  eft  dans  fon  état  iii- 
créé  ,  Dieu  eft  fimplement  toutes  chofes  ; 
inais  quand  l'être  devient  monde  ,  il  n'aug- 
mente pas  pour  cela  en  quantité ,  mais  Dieu 
fe  développe  &  fe  répand  par  des  émana- 
tions. C'eft  pour  cela  qu'ils  parlent  fbuvent 
de  grands  &;  de  petits  vailléaux  ,  comme 
deflinés  à  recevoir  ces  émanations  de  rayons 
qui  fbrtent  de  Dieu  ,  &  de  canaux  par  lel- 
quels  ces  rayons  font  trantiiiis  :  en  un  mot, 
quand  Dieu  retire  ces  rayons  ,  le  monde 
extérieur  périt,  &  toutes  chofes  redeviennent 
Dieu, 

H  h  h  h  2 


6^6  A  S  I 

L  expofé  que  nous  venons  de  donner  de 
la  doétrine  de  Xekia  ,   pourra  nous  férvir 
à  découvrir  fa  véritable  oriî^ine.   D'abord 
il  nous  paroît  très-probable  que   les  Indes 
ne  furent  point  fa  patrie  ,  non  feulement 
parce  que  fa  doètrine  parut  nouvelle  dans 
ce  pays-là  lorfqu'il  l'y  apporta ,  mais  encore 
parce  qu'il  n'y  a  point  de  nation  Indienne 
qui  fe  vante  de  lui  avoir  donné  la  nailfance  ; 
&  il  ne  faut  point  nous  oppofer  ici  l'autorité 
de  la  Croze ,  qui  ailiire  que  tous  les  Indiens 
s'accordent  à  dire  que  Xekia  naquit  d'un  roi 
Indien  ;  car  Kempier  a  très-bien  remarqué, 
que  tous  les  peuples  fitués  à  l'orient  deTAiie, 
donnent  le  nom  d'Indes  à  toutes  les  terres 
auflrales.  Ce  concert  unan.ime  des  Indiens 
ne  prouve  donc  autre  chofe  ,    iinon  que 
Xekia  tiroit  fon  origine  de  quelque  terre 
méridionale.   Kempfer  conjeîhire  que   ce 
chef  de  fefte  étoit  Africain  ,  qu'il  avoit  été 
élevé  dans  la  philofophie  S:  dans  les  myf- 
teres  des  Egyptiens  •■,  que  la  guerre  qui  dé- 
foloit  l'Egypte  l'ayant  obligé  d'en  fortir  ,  il 
fe  retira  avec  fes  compagnons  chez  les  In- 
diens ;  qu'il  fe  donna  pour  un  autre  Hermès 
£c  pour  un  nouveau  légiflateur  ,  &  qu'il  en- 
feigna  à  ces  peuples  non  feulement  la  doc- 
trine hiéroglyphique  des  Egyptiens  ,  mais 
encore  leur  doctrine  myftérieufe. 

Voici  les  raifons  fur  lefquelles  il  appuie 
fon  fentiment. 

1°.  La  religion  que  les  Indiens  reçurent 
de  ce  légiflateur  ,  a  de  très-grands  rapports 
avec  celle  des  anciens  Egyptiens  ;,  car  tous  ces 
peuples  repréfentoient  leurs  dieux  Cous  des 
£gures  d'animaux  &  d'hommes  monftrucux. 
2°.  Les  deux  principaux  dogmes  de  la 
religion  des  Egj'ptiens  ,  étoient  la  tranfmi- 
gration  des  âmes  ,  &  le  culte  de  Sérapis  , 
qu'ils  repréfentoient  fous  la  figure  d'un  bœuf 
ou  d'une  vache.  Or  il  eft  certain  que  ces 
deux  dogmes  font  aufll  le  fondement  de  la 
religion  des  nations  Afiatiques.  Perfonne 
n'ignore  le  refpeft  aveugle  que  ces  peuples 
ont  pour  les  animaux  ,  même  les  plus  nui- 
fîblcs  ,  dans  la  perfuafion  où  ils  font  que  les 
âmes  humaines  font  logées  dans  leurs  corps. 
Tout  le  monde  fut  aullî  qu'ils  rendent  aux 
vaches  des  honneurs  fuperllitieux  ,  &  qu'ils 
en  placent  les  figures  dans  leurs  temples.  Ce 
qu'il  y  a  de  remarquable  ,  c'eft  que  plus  les 
nations  barbares  approchent  de  l'Egypte  , 


A  S  I 

plus  on  leur  trouve  d'attachement  à  ces  deux 
dogmes. 

3°.  On  trouve  chez  tous  les  peuples  de 
l'Afie  orientale  la  plupart  des  divinités  Egyp- 
tiennes ,  quoique  fous  d'autres  noms. 

4".  Ce  qui  confirme  fur-tout  la  conjec- 
ture de  Kempfer  ,  c'cft  que  $z6  ans  avant 
J.  C.  Cambyfe  roi  des  Perfes ,  fit  une  irrup- 
tion dans  rÉgj'pte  ,  tua  Apis ,  qui  étoit  le 
palladium  de  ce  royavime,  &  châtia  tous  les 
prêtres  du  pays.  Or  ii  on  examine  l'époque 
eccléfiaftique  des  Siamois ,  qu'ils  font  com- 
mencer à  la  mort  de  Xekia  ,  on  verra  qu'elle 
tombe  précifément  au  temps  de  l'expédi- 
tion de  Cambyfe  :,  de-là  il  s'enfuit  qu'il  eft 
très-probable  que  Xekia  fe  retira  chez  les 
Indiens ,  auxquels  il  enfeigna  la  doétrine  de 
l'Egypte. 

5".  Enfin  l'idole  de  Xekia  le  reprefente 
avec  un  vifage  éthiopien  ,  &  les  cheveux 
crépus  :  or  il  eft  certain  qu'il  n'y  a  que  les 
Africains  qui  foient  ainfi  faits.  Toutes  ces 
raifonsbien  pefees,  femblentnelaillëraucuu 
lieu  de  douter  ,  que  Xekia  ne  fut  Africain, 
&  qu'il  n'ait  enléigné  aux  Indiens  les  dogmes 
qu'il  avoit  lui-même  puifés  en  Egypte. 

*  ASIBE, ville  de Méfopotamie , appellée 
par  les  habitans  Antiochia. 

Il  y  a  encore  une  ville  de  l'Afie  mineure  , 
du  même  nom  ,  dans  la  Cai^padoce  ,  vers 
l'Euphrate  &  les  monts  Mofchiques. 

ASIE,  l'une  des  quatre  grandes  parties 
de  la  terre ,  &  la  féconde  en  ordre ,  quoique 
la  première  habitée.  Elle  eft  féparée  de 
l'Europe  par  la  mer  Méditerranée  ,  l'Ar- 
ciiipcl ,  la  mer  noire ,  les  Palus  Méotides  , 
le  Don  &  la  Dvs-ina  -,  de  l'Afrique  par  la 
mer  Rouge  &  l'ifthme  de  Suez.  Elle  eft 
des  autres  côtés  entourée  de  l'Océan  ^  fes 
parties  principales  font  l'Arabie,  la  Turquie 
Afiatiqiic  ,  la  Perfc  ,  l'Inde  ,  la  Tartarie  ,  la 
Mofcovie  Afiatiquc ,  la  Chine ,  le  Japon ,  le 
royaume  d'Ava  ,  celui  de  Siam  ,  l'île  de 
Ceylam  ,  les  îles  de  la  Sonde ,  dont  les  prin- 
cipales font  Sumatra  ,  Bornéo  ,  Java  ,  l'ilc 
desCélebes  ,leï  Moluques ,  les  Philippines, 
les  Maldives  :  elle  peut  avoir  d'occident  en 
orient  environ  1750  lieues  ,  &  du  midi  au 
fcptentrion  1550. 

Les  peuples  de  ce  vafte  continent ,  ceux 
fur-tout  qui  en  occupent  le  milieu  ,  &  qui 
habitent  les  côtes  de  l'Océan  fcptentrional , 


i 


-vif  de  Ij  ptigt  6^7. 


IVISION    GENERALE 


DE     L' A  S  I  E. 


i 


^^=s= 


DANS 

L  F, 

CONTINEN 


A 


t  (  Ti/RQi'ir  EN  Aiiï 


[- 


DANS  LA  MER.< 


J      ri-n  ac»  5"  le  i-Carion, 

f  Occidenule,  }  lo  Pays  des  jHongouîi  cb  Mo, 

^  -i  les  £« 

>  i  le  l'^y. 


Mogoli. 
les  Éuis  du  Gcini-Kan  des  Hlcuichct, 
dei  Utbecks. 


f   le  GouvtrnemcBl 
.\    tclu.  de  C.fsn. 
i    U  Sibe.ie. 


Circairici  &  divers  peiiu  Peuples  libres  qui  hibiieoi 
d'Aftiacan. 


Ici  Pfovincei  dt 


Nanekiiig, 
CKck.an  , 
K.ar^fi ,  . 
I  Fpkien,  . 
HuqLsng, 

Quanefi, 

F   Qjcicheu  , 

Vurnan,  . 

Suchuen, 


.   de  l'Eft  i  l'Oucft. 


i  de  l'Eft  i  l-Oue(l. 


L«  É'ats   du 
Gnnd-Mogal , 


L«  Prerqu'ifle   dc\ 
l'Inde  en  drçi  du '^   les  Royaumes  de  ■ 


les  Royaumes  de  /  u'IiV^lV'  '.!!!!    !     !    !    !    !  S"  ^"'  '"^^  ^^'"  ***  '*  '*'"■ 

,  ^   Gokunde, 3 

I    Bifnagar, ?  d.ins  le  milieu  , 

Malabar S  veii  le  Sud, 


La  Prefûu'idc   de 
l'indeaudelàdu  < 
Gange, 


Pigu, 


■   du  Nord  ail   Midi. 


J  f    Maruban,    . 

/    Sian.  . <    ^'^^  .      -     - 

(^  l    Mala.a,   .   . 

(    Seirvan, > 

i   de   ^    Kilai.  , ^    de  l'OL;eft  i   1 

(   Chorian, ^ 


C    Erackaiicm, 

vifite4  de  <    S.ibluliin  ,  , 

(  SimlUn,     . 


les   Piovincei  di 


La  Niiolie,    eu    1   | 
l'Anaiolie,        J 

-Syrie ^   1 


r  Churillan 
(.   Miktan, 


■■;■■;;■•(.  de  l'Ouctl  à  l'Eft. 
^    Ama'icrT*"''"'?'"'!     !     !     1     !     !     '.     I   »tl  Nord  de  rOueft  i  l'Eft. 

i  AiXy?'.  ::::::'.::::  ^  au  s.d  de  i-ouea  à  i-Eft. 

f   Sytid  propremcDi  duc, 

r   l    Phcnie.c, 

t  Palellinc,  ou  Tetie-Samte,     .... 


■  du  Nord  lu  Midi. 


Is  Piovinccî  de  < 


i    de    i'EvïHRAÏÏ, 


>  du  Nord  au  Midi. 


I    Oman, 

BiliraiTTi 
Juhanio 


lcDi;ibeck, 


V 


Nord  lu  Midi. 


laTutcomanie,^   le  CuSn '.' ^'."'''.'''"■.'^''' l  **'  '"O"'"  *   ''^''■ 

laGeo.gie.-.-J  ;;^';,g;;'_;   ;    ;    ;    ;    }  de  rOueft  à  l'Eft. 


(  Le  Japon  .     . 

3  L'ine  dî  Xicoc 

>  Btmen  ,  t.'t.  . 

C  L'Idc  de  Niph. 


Lit  hits  fmufy 


LEI    IsLEt    Moi.l.'QOES 


Lu(on  ou  Lticoni 

;  Tindaye  ,      .     ■ 

MindjraO  ,   e<. 


Xicoco ,  ea  Toeoefi  ,  .     . 
eft  Manille. 


Les  Islesdi  ia  Sof 


l  Tetnaie  ,      .    . 

\  L-llledeGilolo, 
.     <   CileUî ,      .      . 

J  L'IlledcGccim, 

V  Amboine,  tsc.  . 
i>  <  Guan,  «llGlla^ar 

(   B,, 
^    J    Sun 

t  J.v, 


'.'.'.'.'.'.     V  du  Noid 
'.'.'.'.'.',     Ç  de  rOue 

!!!.'!;   S  du  Sud  a 


du  Nord-Eft  au  Sud-Oueft. 


Nord. 


Lii  II  LES  D»  L 

Lis  luLf  Ma: 

2-  fous  rÉquiiteur. 

Siicnatia  1 i 

tSc ....>..: }  au  Sud  des  deux  i 

L(S  IsLEï  Maldives,  dont  la  ftîntipjU  tjl   Mâle.   Lt  namht  dt  <it  ijlit  ifi  ieii-<anf,dtrihli ,  mau  illn  (ont  teutii  fitiiti. 

i,    V\%\.t  01  Ceylan,  «i  Vea  trtatt  /</(  Rotoutu  ;  t<  plut  cenfiiiraUt  iji  filui  dt  Cami». 


A  S  I 

nous  font  peu  connus  :  excepté  les  Mofco- 
vites  qui  en  poflbdcMt  quelque  portion  ,  & 
dont  les  caravanes  en  traverlcnt  tous  les  ans 
quelques  endroits ,  pour  fe  rendre  à  la  Chi- 
ne :  on  peut  dire  que  les  Européens  n'y  font 
pas  grand  négoce.  S'il  y  a  quelque  choie 
d'important  à  obferver  furie  commerce  à\4- 
Jie  ,  cela  ne  concerne  que  les  côtes  méri- 
dionales &  orientales  :  le  leéleur  trouvera 
aux  diftérens  articles  des  noins  des  lieux, 
les  détails  généraux  auxquels  nous  nous 
ibmmes  bornés  fur  cet  objet. 

Asie  Septentrionale  ,  (  Géogr.)  Re- 
cherches fur  f  étendue  des  parties  feptentrio- 
nales  de  fAfie.  Commençons  par  établir 
la  véritable  longueur  du  continent  de  \  Ajje. 
On  n'a  pu  commencer  à  s'en  former  une 
idée,  quant  à  fi  partie  méridionale  &  orien- 
tale méine  au  delà  du  Gange ,  que  par  les 
relations  qu'on  en  a  eues  depuis  les  navi- 
gations commencées  dans  le  xvie  iiecle , 
&;  leur  diverfité  avec  les  chaiigeirsens  ar- 
bitraires qu'on  a  faits  :  il  s'eft  p;iiîë  bien  du 
temps  avant  qu'on  ait  pu  fixer  la  polition 
de  cette  moitié  de  \AJie;  encore  eft-e!le 
fiiiceptible  de  correâion,  malgré  les  oblcr- 
vations  des  PP.  jéfuites  à  Pékin  ,  les  plus 
exadfes  qu'on  ait.  Je  vais  donc  rapporter 
le  réfultat  de  quelques  cartes ,  pour  en  tirer 
des  conclufions. 

Je  dois  avertir  que  pour  cette  longueur 
les  géographes  du  fiecle  pallé  &  ceux  du 
commencement  de  celui-ci  plaçoient  l'ex- 
trémité orientale  des  côtes  de  la  Tartarie 
&  de  la  Corée  de  155  à  185  degrés  ;  le 
Japon  ,  de  171  à  185.  M.  Allard  ,  dans 
la  carte  de  Witfen ,  marque  le  lleuve  Kamt- 
zata ,  apparemment  Kamtfchat ,  avec  un 
cap  à  fon  nord  à  178  degrés. 

Les  PP.  jéfuites  aftronomes  &  mif- 
fîonnaires  au  royaume  de  Siam  ,  ont  trou- 
vé ,  après  nombre  d'obfervations ,  qu'en  gé- 
néral on  avoir  donné  près  de  508  lieues  ou 
plus  de  25  degrés  d'étendue  de  trop  à  ïAjie. 

En  1724,  M.  Guillaume  de  l'Ille  faifoit 
avancer  la  côte  depuis  le  Lena  fud-eft  du 
135e  au  i6o«  degré,  où  il  plaçoit  celle 
d'Ochotsk.  vers  le  fud ,  d'après  les  nouvel- 
les cartes  j  leurs  auteurs  en  la  faifant  com- 
mencer au  iiid,  depuis  laLopat-ka,  mar- 
quant celle-ci  à  175  degrés,  ont  jugé  à  pro- 
pos de  placef  la  pointe  la  plus  orientale  à 


k   S  l  éyj 

105-108  déférés,  lis  font  allés  bride  en  main 
pour  \A//e  ci-devant  connue  ôc  lès  côte» , 
en  ayant  confcrvé  à-peu-près  la  poiuion 
environ  160  &  161  degrés,  depuis  Ochotsk 
vers  l'embouchure  de  l'Amur.  Mais  pour 
le  nord  de  ÏA//e ,  ils  fc  font  donné  pleine 
carrière  ,  &  croyant  n'être  pas  gènes  par 
des  cartes  ni  relations ,  ils  puuvoient  y  fubi- 
tituer  leurs  idées  ou  ce  qu'ils  donnoient  pour 
telles ,  le  tout  arbitrairement;,  c'eil  ce  que 
nous  nous  pi-opofons  d'examiner  avec  toute 
l'cxaèlitudc  &  l'impartialité  pollible  ,  na- 
doptant  que  ce  qui  ell  le  mieux  prouvé  fans 
y  préférer  de  pures  conjeftures,  desrelations 
mal  expliquées  à  ce  qu'elles  difcnt  vérita- 
blement ,  de  quelque  date  qu'elles  foient. 
La  nouveauté ,  fi  elle  n'a  pas  un  caraftere 
d'authenticité  fupérieur,  ne  doit  pas  être  pré- 
férée j  &  je  ne  dois  pas  imiter  ni  fîiivre  ceux 
que  la  politique  rulfienne  a  pu  faire  agir  con- 
tre les  axioines  énoncés  ci-devant  à  YarticU 
Amérique.  Nous  devons  pourtant  remar- 
quer que  ,  {iiivant  le  témoignage  de  M. 
Mullcr,  Kirilovv  dit  ,  dans  le  titre  de  fon 
atlas  ,  «  que  toute  la  longueur  de  l'empire 
»  RufTien  eft  de  130  de  ces  degrés  dont 
))  360  font  toute  la  circonférence  de  la 
))  terre.  »  Quoi  de  plus  clair  !  L'empire  Ruf 
lien  commence  aux  iles  de  Dago  &  d'Oe- 
fel  au  40=  degré  de  longitude  ;,  on  le  finit 
dans  les  cartes  à  105  ou  208.  Comment  con- 
cilier ces  170  degrés  a\'ecles  205  ou  208  des 
cartes  nouvelles  ?  Celles-ci  ne  fe  réduiront- 
elles  pas  d'elles-mêmes  de  30 degrés  &plus 
en  longitude  ?  On  peut  voir  notre  carte  de 
YAfie  rédigée  ,  n°.  Il ,  dans  les  cartes  géo- 
graphie] ues  de  ce  diclionnaire. 

Nous  expliquerons  d'ailleurs  à  Varticle 
Passage  par  le  nord^  ce  que  c'eft  que  cette 
politique  rufïicnne ,  fur  quoi  elle  eft;  fon- 
dée ,  &  quelles  preuves  nous  en  avons. 

Si  les  anciens  avoient  une  coiuioilfance 
Ç\  foible  des  pays  méridionaux  de  XAjic  en- 
dclà  du  Gange,  on  ne  fera  pas  furpris  que 
celle  qu'ils  nous  ont  pu  tranfmettre  des  pays , 
côtes  &  mers  des  Hyperboréens ,  ou  des  ex- 
trémités feptentnonales ,  le  foit  infiniment 
plus  ;,  il  faut  même  que  Pline  ait  eu  par  ha- 
fard  connoillance  du  cap  Tabin  &  de  file 
Tazzata  :  comme  nous  avons  appris  quel- 
ques nouvelles  de  ces  grands  lacs  vers  l'ouefl: 
de  ï Amérique ,  par  les  fau\agcs  faits  pri- 


Gjg  A  S  t 

fonniers ,  par  d'autres ,  &  par  de  fimpics 
oui-dire  ,  il  faut  fè  contenter  de  ces  foi- 
blcs  conaoiiTances  en  attendant  mieux.  Il 
étoit  impoiïîble  d'en  acquérir  de  plus  am- 
ples fans  le  moyen  des  Rudiens ,  qui  juf- 
qu'aux  XV lie  iiecle  ne  nous  furent  guère 
moins  inconnus  que  les  Tartares  fauvagesde 
ces  pays  les  plus  feptentrionaux.  Que  dis- 
jc  ?  Sans  le  Ruile  Anicow  ,  qui  fit  des  fpé- 
culations  pour  profiter  d'un  commerce  lucra- 
tif que  les  Samoïedes  faifoient  à  Mofcow  , 
des  pelleteries  venues  de  plus  loin ,  la  Sibérie 
proprement  ainfi  dite  auroit  relié  encore 
long-temps  inconnue  aux  Rulles  même  : 
ce  fut  par  lui  &  les  fiens  que  ceux-ci  con- 
quircntla  Sibérie,  &  montrèrent  les  moyens 
de  fiibjuguer  peu  à  peu  les  peuples  éloignés. 
Les  RvulTes  eux-mêmes  furent  connus  des 
Européens  par  les  voyages  de  ceux-ci.  Les 
Anglois  &  les  Hollandois  en  eurent  des  con- 
noillances  ,  en  cherchant  un  paffage  par  le 
iiord-eft  -^  ce  fut  alors  qu'ils  apprirent  des 
■Samoïedes ,  que  la  petite  mer  geloit  en  hi- 
ver ,  la  grande  mer  ne  geloit  jamais  ^  qu'ils 
y  alloicnt  à  la  pêche  depuis  le  Piafida  &  le 
Jenifcea  ^  que  vis-à-vis  de  la  pointe  orientale 
&  feptentrionale  de  la  nouvelle  Zemble,  il  y 
en  avoir  une  autre  qui  faifoit  \m  grand  an- 
jïle  faillant  depuis  lequel  alors  la  côte  baif- 
foit  vers  l'eft  &  fud-eft  jufque  vers  les  pays 
chauds.  Voilà  à  quoi  fe  réduifoient  les  con- 
iioillances  géographiques  que  l'on  avoitdans 
ce  temps-là  de  la  partie  méridionale  de  ÏA- 
jie  ,  8c  les  feuls  matériaux  avec  lefquels  on 
pût  dreffer  des  cartes.  On  étoit  embarralTé 
comment  tout  concilier ,  &  ce  d'autant  plus , 
qu'encore  de  nos  jours  les  Rufles  nous  ca- 
chent ce  qui ,  étant  à  notre  portée  ,  de\Toit 
être  le  plus  connu  ,  la  côte  entre  le  Piafida 
julqu'à  la  pointe  de  fon  cap  à  l'eft:  i°.  on 
avoue  qu'elle  a  été  reconnue  par  terre  le 
long  du  Piafida ,  &  même  les  côtes  de  la 
iner  à  fon  ouc<l  jufqu'à  fon  embouchure, 
font  remplies  de  fimovies  ou  habitations  d'hi- 
ver ,  par  conféquent  peuplées  ^  &  celles  qui 
ibnt  au  delà  de  cette  petite  rivière  doivent 
ttre  fi  inconnues ,  qu'on  a  cru  devoir  les 
marquer  d'une  manière  indéterminée. 

On  difoit,  le  cap  Tabin  doit  faire  \\\\ finis 
terrap  ,  une  extrémité  de  \Afie  vers  le  nord. 
II  y  a  une  mer  qui  baigne  toutes  ces  côtes  : 
on  nous  ailiirc   q^u'une  autre  féparc  \Ajk 


A  S  I 

Javec  l'Amérique  •■,  il  faut  donc  que  ces  dcins 
mers  fe  joignent ,  &  à  cet  endroit  forment 
un  angle  qui  fera  ce  Tabin ,  &  une  île  à  fon 
oueft  qu'on  indiquoit  comme  fe  trouvant  à 
l'embouchure  d'une  rivière.  Cette  idée,  mal- 
gré tant  d'autres  découvertes  qui  dévoient 
la  détruire,  a  toujours  fubfifté  d'une  façon 
ou  d'autre ,  jufqu'à  nos  jours.  Il  y  en  avoit 
qui ,  fe  fondant  fur  le  rapport  des  Samoïe- 
des ,  marquoient  la  côte  depuis  le  cap  vers 
le  Taimura  en  déclinant  peu  à  peu  vers  le 
fud-eft.  D'autres,  voulant  concilier  l'un  avec 
l'autre ,  marquoient  cette  déclinaifon  feu- 
lement vers  le  Lena  ,  à  fon  embouchure  , 
ayant  appris  qu'il  s'y  trouvcit  des  lies  :  de- 
là on  faifoit  remonter  cette  côte  vers  le  nord- 
eft  pour  confervcr  ce  cap  Tabin.  Lorfqu'on 
apprit  que  les  Mofcovites  &  autres  peuples 
regardoient  le  Swietoi-nolf  ou  Swcetoi-nolF 
comme  le  cap  le  plus  avancé ,  on  donna  ce 
nom  ou  celui  de  Promontorium  facrum  au 
prétendu  Tabin  5  enfuite  on  fut  que  ce  Swie- 
toi-nofl "étoit  fitué  à  l'eft  du  Lena  ^  on  le  mar- 
qua ainfi ,  &  on  n'en  fut  que  plus  perfuadé 
que  les  îles  à  l'embouchure  de  ce  fleuve 
étoient  celles  de  Tazzata  ■■,  par  contre  011 
perfifta  dans  l'idée  d'un  cap  Finis  tenœ , 
qu'on  laiilk  fubfifter  fous  les  noms  de  Ta- 
bin (  dont  je  continuerai  à  me  lèrvir  lorf- 
que  je  voudrai  en  parler  en  ce  fous  ) ,  Swie- 
toi-noJP,  caput facrum,  cap  des  T[chouhfch[y 
des  Tchalahki ,  &c.  Ce  qui  a  caufé  une  con- 
fufion  qui  a  augmenté  de  plus  en  plus  j  tâ- 
chons de  rétablir  l'ordre. 

2°.  Strahlemberg  indique  ce  cap  Tabin 
d'une  manière  frappante  •,  auffi  les  naviga- 
teurs du  fiecle  palfé  ,  Linfchottcn  même 
déjà.  Se  les  contemporains,  furent  perfua- 
dés  que  ce  n'étoit  autre  chofc  que  cedit 
angle  faillant  vers  le  Taimura  ;  en  etfet , 
c'eft  le  cap  le  plus  avancé  de  toute  la  côte, 
fe  trouvant  au  delà  de  77  degrés  &  demi  , 
ou  à  78  ,  ainfi  Infinis  terra;  vers  le  nord  5 
mais  Strahlemberg  indique  en  même  temps 
l'île  de  Tazzata ,  qu'il  prouve  être  la  Nou- 
velle-Zenible ,  \'u  que  les  anciens  Scythes 
&  leurs  fucceifeurs  ont  commencé  avec  les 
peuples  fcptcntrioiuuix  de  l'Hiu-ope  ,  par  la 
rivière  Taas ,  d'où  ils  nomment  le  grand 
golfe,  auquel  nous  donnons  le  nom  iKObi , 
go/Ji  de  Taas  ,  8c  duquel  la  Nouvelle-Zem- 
ble qui  eft  vis-à-vis ,  a  été  uonuiiéc  Taa{atii ; 


A  S  I 

teîa  eft  fi  naturel  &  on  en  peut  douter 
d'autant  moins  ,  que  cette  île  a  toujours 
été  réputée  comme  fituée  à  l'oueft  du  cap  Ta- 
bin ,  vers  l'embouchure  d'une  rivière.  Strali- 
Jemberg  en  conclut  que  ceux  des  géographes 
qui  la  marquent  plus  à  l'eft  ,  ont  grand  tort  j 
hue  ufpiam  Ta\{ata  infula  à  Plinio  ponitur. 
Après  la  conquête  de  la  Sibérie  ,  il  y  eut 
des  RufTcs  qtii  firent  la  même  réflexion  qu'a- 
voient  faite  les  Anicowieus  fur  les  richcircs 
que  l'on  pouvoit  tirer  de  ces  pays  orientaux 
^  par  les  pelleteries ,  en  allant  s'en  fournir  en 
^  droiture ,  foit  par  la  challé  ,  foit  par  le  com- 
merce ■■,  il  y  eut  plufieurs  aifociations  de  ces 
gens  qu'on  nommoit  &  nomme  encore  Pro- 
myfchkni. 

3°.  Ils  réfléchirent  que  le  plus  grand 
profit  qu'ils  pouvoient  faire  ,  feroit  d'aller 
par  mer ,  terre-à-terre  ,  trafiquer  avec  des 
peuples-  inconnus ,  qui  ignorant  la  valeur  de 
ces  pelleteries ,  les  leur  céderoientà  vil  prix  : 
ils  ne  fe  trompoient  pas  \  &  malgré  le  grand 
rifque  qu'ils  couroient ,  parce  que  leurs  bâ- 
timens  étoient  petits  &  miférables  ;  qu'ils 
étoient  auiîî  ignorans  dans  l'art  de  lesconf- 
truire  qu'en  celui  de  les  gouverner  ;  que  ne 
s'éloignant  pas  des  côtes  ,  ils  rifquoient  à 
tout  moment ,  de  périr  dans  les  glaces  ^  l'a- 
mour du  gain  étoit  trop  fort  pour  qu'ils  ne 
iliivUrent  pas  leur  projet  •■,  &  la  cour  s'en 
trouva  fi  bien  que  ces  gens  lui  fournirent  le 

f  moyen  de  rendre  tributaires  tous  ces  peuples. 
Ils  commencèrent  leurs  courfes  à-peu-près 
en  1636  5  de  cette  façon  allant  pas  à  pas  , 
ils  découvrirent  chaque  aimée  prefque  , 
une  nouvelle  rivière  ,  un  nouveau  cap  ,  le 
Jana  ,  le  Chroma ,  l'Indigir  ,  l'Alofeia  ,  le 
Kolyma  &  d'autres  moins  confidérables. 
Cette  réuffite  les  engagea  à  tenter  de  nou- 
veaux progrès  en  \G^6. 

4°.  Ignatien  pafFa  plus  loin ,  &  fit  le 
premier  un  voyage  à  l'eft  du  Kolyma  pen- 
dant 48  heures.  Il  y  trouva  des  Ifchoukt- 
chi ,  avec  lefquels  Û  fit  quelque  commerce 
dans  une  baie  à  7Z  degrés  ■■,  ces  48  heures 
font  7  degrés  &  demi.  Staduchin  ayant  en- 
tendu parler  d'une  rivière  Pogitfcha  ou  Ko- 
witfchâ  ,  à  laquelle  on  pouvoit  par\'enir 
avec  un  très-bon  vent  du  Holyma  en  trois 
ou  quatre  jours  ,  quoique  Ignatien  ne  l'eût 
pas  trouvée  après  48  heures  ■■,  Staduchin  cont 
truilit  eu  1648 ,  im  bâtûneiit  vers  i  ifldigir , 


A  S  I  S^(f 

&  partit  du  Kolyma  ,  dans  l'été  de  1 649  , 
pour  faire  cette  découverte  j  il  fit  voile  pen- 
dant 7  fois  24  heures  ;  ce  qui  feroit  à  cette 
latitude  ,  comme  ci-deiïiis  ,  à  raifoii  de  6  \ 
lieues  par  degré ,  27  degrés  \  il  deiuanda 
aux  habitans  des  côtes  des  uou\cllcs  de  cette 
rivière  ;  ils  ne  purent  lui  en  donner.  Bien- 
tôt après ,  on  apprit  que  cette  rivière  Po- 
gitfcha n'étoit  autre  que  l'Anadyr.  On  ap- 
prit des  idolâtres  de  cette  contrée  ,  que  pour 
trouver  l'Anadyr ,  on  avoit  une  route  bien 
plus  courte  par  terre  ,  auiîi-tôt  une  fociété 
de  Promyfchleni  demandèrent  la  permifîlon 
de  s'emparer  de  cette  contrée  \  l'ayant  obte- 
nue avec  un  ficur  Motora  pour  leur  chef,  8c 
ayant  fait  un  prifonnicr  parmi  les  Chodyns- 
ky ,  pour  leur  fervir  de  guide  ,  ik  y  réufllrent. 

5°.  La  paflion  des  découvertes ,  d'aug- 
menter les  revenus  de  la  cour  ,  &  les  ri- 
cheiFes  des  entrepreneurs  fut  ii  forte,  que 
pendant  ce  même  temps  ,  une  autre  grande 
fociété  de  Promyfchleni  fe  forma  en  lû-j.?» 
dont  les  principaux  furent ,  Fedot  ^Mexiew^ , 
De/chnew  &  Gerafim  Ankudincw  ,  qui 
partirent  en  juin  avec  quatre  kotfches  ,  ef- 
pece  de  barques  :  ils  ne  purent  y  réulTir  cette 
année  parce  qu'ils  rencontrèrent  plus  de  gla- 
ces qu'à  l'ordinaire  ^  loin  de  fe  décourager, 
ils  furent  excités  à  fiiivre  leur  projet  par  tou- 
tes les  relations  qu'ils  eiu-ent  \  le  nombre 
même  des  entrepreneurs  auginenta  ,  &  on 
équipa  fept  kotfches,  dont  chacune  étoit 
montée  d'environ  30  hommes.  On  partit  le 
20  juin  1648. 

.  Les  auteurs  fe  plaignent  de  ce  que  la  rela- 
tion de  Defchnew  ,  dont  M.  Mullcr  trouva 
l'original  dans  les  archives  de  Jaknotsk  , 
diiê  ii  peu  ,  ne  dife  même  rien  de  ce  qui  eft 
arrivé  à  quatre  de  ces  kotfches ,  rien  de  ce 
qui  arriva  à  lui  &  à  fa  compagnie  qui  étoit 
fur  les  trois  autres  kotfches  jufqu'au  grand 
cap  ;  rien  des  glaces  ,  parce  que  fans  doute  y 
dit  M.  Muller  ,  il  n'y  en  avoit  point  ,  8c 
que  ,  comme  Defchnew  remarque  ailleiu-s , 
la  mer  n'eft  pas  toutes  les  aiuiées ,  égale- 
ment navigable. 

6°.  Sa  relation  commence  par  ce  cap  :  il 
dit ,  ce  cap  eft  tout-à-fait  diriërcnt  de  celui 
qui  fe  trouve  près  de  la  rivière  Tfchukolichia 
à  l'ouert  du  Kolyma  ,  il  eft  litué  entre  le  nord 
&  le  nord-eft ,  &  s'étend  en  demi-cercle  vers 
l'Anadyr.  Du  côté  de  I'qhpII  ou  de  lii  Kullie, 


^4o  A  S  I 

les  Tfchontfchky  ont  élevé  à  côté  d'iin  ruif- 
feaii  quantité  clos  de  baleities  ,  en  forme 
d'une  tour  (  d'autres  difent  de  dents  de  che- 
vaux marins.  )  Vis-à-vis  de  ce  cap  ily  a  deux 
îles ,  ftu-  lefquelles  on  a  vu  des  gens  de  cette 
nation  qu'on  reconnoît  par  les  dents  des  che- 
vaux marins ,  qu'ils  pailent  par  leurs  lèvres. 
Avec  un  très-bon  vent  on  pont  paffer  depuis 
ce  cap  jufqu'à  l'Anadyr  en  trois  fois  24  heu- 
res ;  le  kotfche  d'Ankoudinov/  fit  naufrage  -, 
l'équipage  fut  fauve  &  diftribué  Hir  l;s  deux 
autres  ^  peu  après  celles-ci  furent  féparées  , 
&  ne  fe  revirent  plus.  Defchnew  fut  jeté  loin 
de  l'Ajiadyr  vers  le  fud  ,  &  fit  naufrage  ,  à 
ce  que  l'on  fuppofe  ,  vers  la  rivière  Olotiera. 
Nous  dirons  plus  bas  un  mot  de  Fedot 
Alexiew. 

7°.  Defchnew  erra  long-temps  avec  fa 
troupe  pour  retrouver  l'Anadyr  ,  fans  réulîir 
plutôt  que  l'été  fuivant  1649  :,  il  fonda 
l'Oiirog  Anadyrskoi.  Motora  &  Defch- 
new, après  des  jaloufies  qui  les  défunirent , 
fe  réunirent  à  la  fin  ,  conftruifirent  des  bâti- 
mens  fur  l'Anadyr  ;,  Motora  ayant  péri  dans 
une  rencontre  a\'ec  les  Anaulcs ,  Defclmew 
remarqua  à  l'embouchure  de  rAnad3'r  un 
grand  banc  de  fable ,  qui  depuis  fou  côté 
ieptentrional  s'avance  beaucoup  dans  la  mer , 
&  qui  étoit  l'endroit  oii  s'aifenibloit  une 
grande  quantité  de  chevaux  &  chiens  ou 
veaux  marins  ^  efpérant  d'eu  faire  un  grand 
profit,  il  fit  couper  du  bois,  en  1653,  pour 
conftruire  un  kotfche  ,  &  s'en  fcrvir  pour 
envoyer  le  tribut  à  Jakontsk  par  mer  ;  il  s'en 
défifta ,  parce  qu'il  n'avoit  pas  tout  ce 
qui  étoit  néceifaire  pour  cette  conltruftion  , 
&  parce  qu'on  l'aiUira  que  le  cap  n'étoit  pas 
toutes  les  années  également  libre  de  glaces. 

8".  En  1654,  il  fit  un  nouveau  tour  vers 
ledit  banc  de  fable ,  pour  chercher  des  dents 
de  ces  amphibies.  La  même  année  arriva  un 
certain  Seliwerftow  ,  envoyé  par  Stadu- 
chin  ^  il  devoit  ramalfer  de  ces  dents  pour 
le  compte  de  l'état  i  ceci  donna  lieu  à  des 
difputes  entre  lui  &.  Defchnew  j  le  premier 
voulut  s'approprier  la  découverte  de  ce  banc , 
difant  qu'il  y  étoit  venu  par  eau  avec  Sta- 
duchin  en  1649.  Defchnew  hii  prouva  par 
contre  qu'il  n'étoit  pas  feulement  venu  juf- 
qu'au  grand  cap ,  entouré  de  rochers ,  & 
qui  ne  lui  étoit  que  trop  connu,  puifque  le 
kotfche  d'Ankoudiiiow  y  avoit  péri  3  que  ce 


A  SI 

n'étoit  pas  le  premier  cap  à  qui  on  avoIt 
d'>nné  le  nom  de  Swictoi-Nofs ,  que  la  véri- 
table marque  par  laquelle  on  pouvoit  recon- 
noître  ce  cap  ,  étoient  les  deux  des  habitées 
par  ces  hommes  ornés  avec  ces  dents  de 
chevaux  marins;  que  ni  Staduchin  ,  ni  Se- 
liwerllow  ne  les  avoient  vues ,  mais  que  lui , 
Defchnew  ,  les  avoit  découvertes,  &  que  le 
banc  à  l'embouchure  de  l'Anadyr  en  étoit 
encore  fort  éloigné. 

9°.  Defchnew  fit  en  attendant  route  le 
long  de  la  côte  ,  &  apprit  des  Koriaques  le 
fort  des  deux  Ankudinow ,  de  même  que 
de  Fedot  Alexiew. 

En  1650  ,  on  entreprit  encore  plufieurs 
voyages  ,  mais  par  les  empéchemens  ci- 
delfus ,  quoique fortant  en  juillet,  les  glaces 
leur  firent  tant  de  mal  entre  les  embouchures 
orientales  du  Lena  &  le  Swietoi-Nols,  qu'on 
en  fut  dégoûté  pour  long-temps  ;,  ce  ne  fut 
que  fous  le  règne  de  Pierre  le  Grand,  qu'on 
reprit  de  nouveau  dépareilles  entrepriiès.  On 
fait  que  fon  vafte  génie  n'avoit  que  de  vaftes 
idées  &  de  grands  projets; que  s'appliquant 
principalement  à  établir  un  commerce  étendu 
par  la  navigation  ,  il  y  travailla  &  com- 
mença par  établir  la  navigation  de  la  mer 
Baltique  en  fondant  Pétersbourg  ;  Archangel 
fur  la  mer  Blanche  exilloit  déjà  :  il  crut  avoir 
réuOi  pour  la  navigation  de  la  mer  Noire  par 
Azow,  &  celle  de  la  Calpienne  par  Aftra- 
can  ,  qu'il  exécuta  :  mais  des  événemens 
malheureux  les  firent  tomber  ;  enfin  il  crut 
qu'il  ne  lui  fèroit  pas  imjjofliblede  participer 
au  riche  commerce  des  Indes ,  du  Japon  , 
de  la  Chine  &  de  l'Amérique  ,  par  des 
établillemens  confidérables  à  l'extréinité  de 
l'Alîe ,  voifine  de  ces  pays.  La  compagnie 
hollandoife  des  Indes  orientales  n'ayant  pas 
voulu  entreprendre  la  découverte  du  palfage 
par  le  Nord ,  le  Czar  tenta  de  découvrir  &i. 
d'alfujettir  les  pays  voiiins  des  objets  de  fon 
conunerce ,  en  commençant  par  le  Kamts- 
chatka  dont  on  avoit  quelques  notions  obf- 
curcs. 

10".  En  1696  on  y  envoya  Wolodimir 
Atlaflbw,  qui  étoit  établi  commandant  des 
Cofaques  à  AnadjTskin  Oftrog  ,  étabillfe- 
mcnt  qu'on  a\'oit  confervé  depuis  qu'il  a\oit 
été  fait  par  Defchnew  conune  delllis ,  8c 
qui  naturellement  dc\-oit  a\'oir  de  vaftes 
coiuioiinuices  de  tous  les  pays  vcùfius.  Il  y 

envoya 


ASI 

envoya  i(5  Cofaques  de  Jakontf:k,  pour 
rendre  les  Koriaqucs,  fur  la  rivière  Opuka  , 
tributaires  ;  Morosko  leur  chef  s'en  acquitta 
bien ,  &  prit  tnêmc  un  Oftrogkaintfcha- 
dale.  Atlallbvv  profirjiit  de  cet  avantage , 
conduifit  60  Cofàques  &;  autant  de  Qukag- 
tes  vers  la  rivière  Kamtfclnt  &;  dans  les 
environs  :  dans  fa  déclaration  juridique  ,  il 
raconte  entr'autres  avant  de  continuer  ion 
récit  fur  fon  voyage  vers  le  Kamtfciiatka  : 

11°.  Qu'entre  le  Kolyma  &  l'Anadyr 
il  fe  trouve  un  double  cap  que  quelques- 
uns  nommoient  cap  Tfchalatski  &  Ana- 
dyrskoi.  Il  aiîlire  de  celui-ci ,  qu'on  ne 
le  peut  jamais  dépafler  avec  des  bâtimens 
ordinaires  ,  parce  que  du  côté  de  l'oueft 
ou  du  nord  ,  il  y  a  toujours  des  glaces  flot- 
tantes (  ftables  &  fermes  en  hiver ,  )  & 
que  l'autre  côté  de  la  mer  du  cap  Anadyrs- 
koi  eft  toujours  libre  de  glace.  Que  lui- 
même  n'avoit  pas  été  perlbnnelJement  à  la 
hauteur  de  ces  cajis  ,  mais  qu'il  apprit  des 
Tfchouktski  ,  qui  habitoient  vers  l'embou- 
chure de  l'Anadyr  ,  que  vis-à-vis  de  ce  cap , 
il  y  avoit  une  grande  île  habitée  par  des 
gens  qui  venoient  chez  eux  pardertiis  la 
glace  en  hiver ,  &  leur  apportoient  de  mau- 
vaises zibelines. 

Pour  abréger,  je  ne  dirai  rien  du  refte 
fie  fà  relation.  M.  Muller  me  paroît  trop 
fëvere  là-delTus  :  il  avoue  qu'elle  eft  réelle- 
ment d'Atlaifow ,  mais  dit  qu'elle  ne  s'ac- 
corde ni  avec  la  requête  de  celui-ci  de  1700 , 
ni  avec  fa  dépojîtion  juridique  de  lyor  ; 
pour  faire  valoir  fon  doute ,  il  auroit  dû 
communiquer  ces  pièces,  comme  tant  d'au- 
tres intéreirantes ,  dont  il  a  enrichi  fon  re- 
cueil;, il  ne  l'a  pas  fait^  &  puifque  le  Czar, 
i\  bon  connoiiîeur  des  hommes  ,  en  a  été  fi 
content,  qu'il  l'a  fait  colonel  des  Cofàques  à 
Jakontsk ,  ceci  fait  bien  plus  d'imprelîion 
£\xr  moi. 

12°.  On  envo}^  fbuvent  des  partis  contre 
les  Tfchouktski ,  lans  pouvoir  les  fubjuguer. 
Popow  voulut  obliger,  en  1711  ,  ceux  qui 
demeurent  de  Tautre  côté  de  la  baie  Sf  du 
cap  ou  noir,  à  payer  le  tribut ,  ce  qu'ils 
refuferent.  Il  tira  pourtant  d'eux  des  con- 
noillanccs  fur  la  fituation  dos  pays  vcifîns  :, 
entr'autres,  que  vis-à-vis ,  foit  du  Kolyma  , 
foit  de  rAnadyr  ,  on  \-oit  \me  île ,  que  les 
Tlî;houktski  noir.înent  la  grande  une ,  dont 
2'ome  III. 


A  S  î  €^\ 

les  Fiabîtats  Ce  percent  les  jotitî  &  y  pa/Tent 
de  grandes  dents  5  n'ayant  pas  la  même 
langue  que  les  Tfchouktski  ,  qu!  font  en 
guerre  avec  eux  depuis  un  temps  immémo- 
rial. Popow  en  vit  dix,  qui  étoient  prifcii- 
niers  chez  les  Tfchouktski  ;  il  remarqua  que 
CCS  dents  étoient  des  pièces  de  celles  des 
chevaux  marins.  II  apprit  qu'en  été  on  y 
paflbit  e!i  un  jour  avec  des  baidares ,  &  en 
hiver  liir  les  glaces  ,  zulVi  en  un  jour,  dans 
les  traîneaux. 

Sur  le  promontoire  eu  terre  de  ce  cap ,  on 
ne  voit  que  des  loups  &  des  renards ,  parce 
qu'il  n'y  a  pas  de  forêts  ;  mais  fur  l'autre 
terre,  il  y  a  toutes  fortes  d'animaux  qui 
fourniffent  de  belles  pelleteries.  Leshabitans 
ont  de  nombreux  troupeaux  de  rennes.  Il  y 
a  des  cèdres ,  fapins ,  pins ,  mélèzes  &:  auti-es 
arbres.  Popow  jugea  que  le  nombre  des 
Tfchouktski  du  cap  peut  fe  monter  à  deus 
mille  hommes  ,  &  celui  des  infulaires  au 
triple  ;  que  ,  depuis  l'Oflrog-Anadyr  ,  oa 
paifoit  par  terre  pour  aller  au  noif,  à  côté  dut 
rocher  Matkol  ,  qui  étoit  au  fond  d'u*. 
grand  golfe. 

13°.  Jelticshin  ,  en  T71Ô  ,  devoit  en- 
tr'autres fc  rendre  depuis  le  Tfchouktskoi- 
Noff,  aux  îles  &  autres  pays  du  côté  oppo- 
fe  ,  mais  ce  voyage  n'eut  point  de  fiiite. 

En  1718  des  Tfchouktski  fe  rendirent  à 
rOîlrog-d'Anadirskoi  ,  pour  fe  foumettrè 
volontairetnent ,  &  rapportèrent  qu'ils  ha- 
bitoient le  promontoire  entre  l'Anadyr  &  le 
Kolyma  •■,  qu'ils  étoient  au  nombre  d'envi- 
ron 3500  hommes;  que  ee  promontoire 
étoit  remj)!i  de  rochers  &  de  montagnes  ^ 
inais  que  le  plat-pays  confi.ftoit  en  terres  à 
tourlîe;  que  vis-à-vis  du  cap  on  voyoit  une 
île  de  grandeur  miédiocre ,  dont  les  habi- 
tans  reiîémbloient  aux  Tfchouktski ,  mai* 
ic  fervoient  d'une  autre  langue  ■■,  que  depuis 
la  pointe  on  pouvoit  paffer  en  un  demi-jour 
à  cette  ile  ;  qu'au  delà  de  celle-ci  on  trouvoit 
un  grand  continent  ,  qu'on  pouvoit  voir 
depuis  l'ilt!  jvir  un  temps  fcrein  •,  que  fès 
habitans  rcl!e:r.b!ans  aufli  aux  Tfchouktski , 
avoieiit  une  langue  différente ,  beaucoup  de 
forêts,  &c.  (ce  qui  eft  la  dot'criptionexadé 
de  la  grande  ilo  rapportée  ci-dcllus  )  ■■,  qu'avec 
leurs  baidaics  ils  pou\ oient ,  en  côtoyant 
le  promontoire  ,  faire  le  voyage  depuis  Is 
fond  de  la  baie  de  l'Anadyr  ,  à  la  dernière 

I  i  i  i 


^41  A  S  r 

pointe  du  promontoire  ,  en  trois  femaines, 
îbuventen  moins  de  temps. 

14°.  Pierre  le  Grand  voulant  avoir  une 
connoifTance  plus  précifè  de  ces  pays  &  paf- 
làges ,  &  ne  pouvant  obtenir  de  la  com- 
pagnie des  Indes  en  Hollande  de  s'en  char- 
ger ,  ayant  d'ailleurs  ce  deflein  fort  à  cœur , 
il  envoya  en  1727,  deux  géodefifles  ou  géo- 
mètres ,  au  Kamtfchatka.  On  n'a  jamais 
rien  pu  apprendre  fur  ce  qu'ils  firent  &  dé- 
couvrirent. On  fait  feulement  qu'à  leur  re- 
tour ,  le  czar  les  reçut  fort  gracieufèinent  ; 
ce  qui  a  fait  préfumer  qu'ils  s'acquittèrent 
avec  fiiccès  de  ce  dont  ils  étoient  chargés. 

15°.  Enfin  le  czar  voulant  ablblument 
contenter  fa  curiofité  &  faire  reconnoître  ces 
paiTages ,  &  principalem.cnt  être  aifuré  li 
YAJÎe  étoit  contiguë  à  l'Amérique  du  côté 
du  N.  E. ,  vers  le  cap  des  Tfchouktski , 
puilque  du  côté  du  nord  ,  on  étoit  déjà  sûr 
qu'elle  ne  l'étolt  pas  ;,  il  choifit  Beering  , 
Danois  ,   marinier  très-expert. 

Pierre  eut  cette  affaire  fi  fort  à  cœur ,  que , 
quoiqu'alité  par  la  maladie  qui  mit  fin  à  fa 
vie ,  il  en  parla  à  Beering ,  &  dreffa  en 
outre  ,  de  ià  propre  main  ,  une  inftruftion 
détaillée  pour  lui  ,  laquelle  lui  fut  rernife 
cinq  jours  après  le  décès  de  ce  grand  mo- 
narque. 

Il  eut  pour  adjoints  les  capitaines  Spang- 
berg  &  Tchirikon. 

16°.  II  partit  le  14  juillet  172.8 ,  depuis  la 
rivière  Kamtlchat ,  &  cingla  vers  le  nord- 
eft  ,  fuivant  les  côtes ,  qu'il  perdit  rarement 
ttevue;,  &  drelfa  une  carte  de  celles-ci,  anili 
exafte  qu'il  étoit  polfible  ,  &  c'efl  encore  à 
préfènt  la  meilleure  qu'on  en  ait. 

Le  8  août ,  fe  trouvant  à  64°  30'  de 
latitude  ,  un  baidare  ,  avec  8  hommes , 
s'approcha  d.e  fon  vaiiîeau  ;  ils  fè  difoient 
Tlchouktski  ',  nation  depuis  long-temps 
connue  des  Ruffes,  &  qui  réellement  habite 
cette  contrée.  Ils  dirent  que  la  côte  étoit 
remplie  d'habitations  de  leur  nation  ,  & 
firent  entendre  que  la  côte  tournoit  allez 
près  de-là  vers  l'ouefl;,  ils  indiquèrent  encore 
une  île  peu  éloignée ,  que  Beering  trouva 
le  10  août ,  &  lui  donna  le  nom  de  Saint- 
Laurent. 

Le  15  du  même  mois,  il  étoit  parvenu  à 
6y°  18'  dehititude^  voyant  que,  connue 
les  TlcJiouktski  le  lui  avoient  indiqué  j  la 


A  SI 

côte  couroit  vers  l'oueft  &  non  plus  au  nor^j 
il  en  tira  la  conféqucnce  erronée  ,  dit-on  , 
qu'il  avoit  atteint  l'extrémité  du  nord-eft  de 
ÏAjie  ;  que  la  côte  tournant  dès-là  vers 
l'oueft  ,  une  jonction  de  YA/i'e  avec  l'Amé- 
rique ne  pauvoit  avoir  lieu ,  &  qu'il  s'étoit 
acquitté  de  facommillion.  M.  Muller  ajoute 
qu'il  fe  trcmpoit  ,  puifqu'il  fe  trouva  leule<- 
ment  au  Serdzekamen  ,  d'où  la  côte  à  la 
vérité  alloit  vers  l'oueft,  &  formoit  un  grand 
golfe  i  mais  elle  Ce  retournoit  enfuite  vers  le 
nord  &  nord-eft  ,  jufqu'au  grand  Tfchoukts:- 
koi-noff. 

Au  retour,  le  20  août,  40  Tfchouktski 
vinrent  vers  fon  vailîèau  dans  quatre  baida- 
res  &  dirent  que  leurs  compatriotes  alloient 
fouvent  vers  le  Kolyma ,  par  terre ,  avec  des 
marchandifes ,  mais  jamais  par  eau. 

17°.  En  1727  ,  Scheftakow  voulut  aller 
fiibjuguer  les  Tfchouktski ,  de  même  que 
les  Koriaques ,  vers  le  golfe  de  l^enfchinska, 
au  nord  du  Kamtfchatka,  découvrir  eufuite 
les  pays  iîtués  à  l'oppofite  du  Tfchouktskoï- 
noif  ôc  les  conquérir.  Il  eut  pour  adjoint  le 
capitaine  Pauluski ,  avec  lequel  il  fe  brouilla 
&  s'en  fépara  ,  le  géodelille  Givofden  & 
autres. 

Scheftakow  marcha  vers  le  fûd  pour 
domter  les  Koriaques  du  Penfchinska  j 
mais  en  étant  à  deux  journées ,  il  rencontra 
un  très-grand  nombre  de  Tfchouktski ,  qui 
voulurem  auiTî  aller  faire  la  guerre  aux  Ko;- 
riaques.  Scheftakovv-  alla  à  leur  rencontre  & 
fut  tué  ;  trois  jours  a^'ant  fa  mort  il  avoit 
envoyé  le  Cofaque  Krowpifchew  ,  pour 
inviter  les  habitans  des  en\irons  de  ce  fleuve 
à  fe  fôimnettre  aux  Ruflès ,  &  lui  recome 
manda  encore  Givofden.  Il  eft  sûr ,  continue 
M.  Muller,  que  celui-ci  a  été  en  i73ofurime 
côte  inconnue ,  entre  le  65  &  66"=  degré  pas 
loin  du  pays  des  'I  fchouktski ,  où  il  trouva 
des  gens  auxquels  il  ne  put  parler  ,  faute 
d'interprète. 

L'officier  Ruife  y  ajoute  que  Givofdea 
ayant  été  envoyé  pour  chercher  les  pro\L- 
fions ,  qui  étoient  reftées  depuis  l'expédition 
de  Beering ,  &  les  conduire  daais  le  pays  de 
Tfchouktski  ,  pour  celle  de  Pauluski  ,  il 
parvint  jufqu'au  Serdzekamen  ,  t<  fut  chalfé 
par  les  vents  fur  les  côtesdc  l'Amérique ,  peu 
éloignées  du  pays  des   1  Icliouktski. 

Le  3  lèptembre  J730 ,  Pauluski  arriva  à 


A  SI 

Anadyr,  &  fit  la  guerre  au  Tfchouktski 
•l'aiincc  fuivante.  Il  a\aiiça  dirc£lement  vers 
la  mer  Glaciale  ,  vint  à  1  embouchure  d'une 
ri\'ierc  coniidérable  inconnue  ,  avança  pen- 
dant quinze  jours  vers  l'ell  prefque  toujours 
fur  les  glaces  ,  fouvent  (i  loin  de  la  terre  , 
qu'on  lie  pouvoit  appercevoir  les  embou- 
■chures  des  rivières  '-,  à  la  fin  il  remarqua 
une  grande  armée  de  Tfchouktski  qui  s'a- 
vança ôc  parut  prête  à  combattre  ■■,  le  premier 
juin  il  \<'i  attaqua  &  remporta  la  victoire. 
Après  quoi  il  y  eut  encore  deux  combats. 

Il  pada  donc  viètorieux  le  T  fchouktskoi- 
iiofT,  où  il  trouva  de  hautes  montagnes  , 
qu'il  lui  fallut  gravir  ,  &  employa  dix  jours 
pour  atteindre  les  côtes  oppolëes  :  ici  il  fît 
palfer  partie  de  Ces  gens  fur  des  baidares ,  & 
lui  avec  le  relie  continua  l'on  voyage  par 
terre  le  long  de  la  cote  qui  court  fud-ell,  & 
eut  chaque  fbir  des  nouvelles  de  les  baidares  ;, 
le  vingt-feptieme  jour  il  fe  trouva  à  l'em- 
bouchure d'une  rivière ,  &  dix-fept  jours 
après  à  celle  d'une  autre  ,  à  en\iron  dix 
werfls  (  i  lieues  )  ;  derrière  celle-ci  un  cap 
s'avance  très-loin  vers  l'ell ,  dans  la  mer  5  il 
confîfte  au  cou'rtiiencement  en  montagnes 
qui  peu  à  peu  deviennent  plus  balles  &  finil- 
Cent  endn  en  plaine. 

Selon  toute  apparence ,  continue  M.  Mul- 
Jer,  c'efi:  le  même  cap  d'où  le  capitaine  Bee- 
ring  étoit  retourné.  Parmi  ces  montagnes  il 
y  en  a  une ,  qui ,  à  caufè  de  ià  figure  rel- 
fèmblante  à  un  cœur  ,  eft  nommée  par  les 
habitans  d' Anadirskoi  Ollrog,  Serdiekamen. 
Ici  Pauluski  quitta  la  côte  ,  &  retourna  par 
le  même  chemin  qu'il  avoit  pris  en  allant  à 
Anadirskoi  eu  il  arriva  le  n  oâobre. 

iK°.  M.  Muller  parle  du  zèle  ardent  que 
M.  Kirilow,  alors  lecretaire  du  fénat,  ma- 
nifefla  pour  la  rtullite  de  ces  découvertes 
<n  1732. 

Après  avoir  rapporté  ce  que  les  RufTiens  , 
en  particulier  M.  M . . .  nous  apprennent  , 
ajoutons  en  peu  de  mots ,  ce  que  nous  te- 
nons d'autres  auteurs  plus  anciens. 

19°.  Le  P.  Avril  a  appris  d'un  vaivode  , 
que  les  habitans ,  vers  le  Kowima  ,  alloient 
fouvent  fur  les  bords  de  la  mer  glaciale  <à  la 
challe  du  beliemot  ou  cheval  marin ,  pour 
en  avoir  les  dents. 

20.  M.  Witfèn,  qui  s'cll  rendu  fi  célè- 
bre par  les  foins  infinis  qu'il  a  pris  ,  depuis 


A  S  I  <?4j 

environ  1670  à  lôipz  ,  pou'  d'coivr  r  c^s 
pays  inconnus .  dit ,  <c  que  !;•  gr  ide  po  ntc 
(aillante  ,  qu'il  nomme  cap  Tah.n  ,  s'ét  ,nd 
près  de  l'Amérique  :,  que  50  à  60  hommes  , 
venant  du  Lena  ,  un  peu  a\'ant  kJçi  ,  fe 
font  avancés  dans  la  mer  <rlaciale,  bi  ayant 
tourné  à  droite  ,  font  arrivés  à  la  pointe 
contre  laquelle  donne  toute  la  force  des  gla- 
ces qui  viennent  du  nord,  &c.  Il  ne  leur  a 
pas  été  pollible  de  doubler  ce  cap  ,  ni  d'eu 
appercevoir  l'extrémité  depuis  les  monta- 
gnes du  nord-ell  de  cette  p-jiine  de  ÏAfJ^  , 
qui  n'a  pas  beaucoup  de  largeur  en  cet  en- 
droit; ils  remarquèrent  que  la  mer  étoit  dé- 
biirraffée  des  glaces  de  l'autre  côté  ,  c'eft- 
à-dire  ,  du  côté  du  fud  ,  d'où  l'on  peut  con- 
clure que  le  terrain  de  cette  pointe  s'étend 
fî  fort  au  nord-ell ,  que  les  glaces  qui  def^ 
cendent  du  nord  ne  peuvent  pas  pailèr  du 
côté  du  fud.  » 

M.  ^nzc\\Q{Confrdérations géographiques , 
pages  105  &  106  ) ,  d'où  je  tire  ce  pafîage  , 
appuie  &  explique  ceci ,  en  difant  :  «  les 
premières  glaces  venues  du  nord  s'arrêtent 
à  l'île  ,  entre  le  cap  Se  l'Amérique  ,  &  aux 
bas-fonds  qui  la  lient  aux  deux  continens  ; 
ces  glaces  s'étant  amoncelées  ,  forment 
comme  un  pont  ;  &  ce  n'efl  qu'après  cela 
que  les  autres  qui  arrivent  enfuite  du  nord  , 
ne  peuvent  palier  au  fud  ,  &c.  On  trouve  fur 
cette  pointe,  comiiuie  M.  Witfen  ,  des  hom- 
mes qui  portent  de  petites  pierres  &  des  os 
incruflés  dans  leurs  joues  ,  &  qui  paroillént 
être  en  grande  relation  avec  les  Américains 
fèptentrionaux.  m 

zi".  Kempfer  ,  en  1683  ,  n'épargnant 
rien  pour  connoltrc  l'état  des  pays  fepten- 
trionaux,  plufieurs  perfonneslui  dirent,  que 
la  grande  Tartarie  étoit  jointe  par  un  iilhme, 
compofé  de  hautes  montagnes ,  à  un  conti- 
nent voifin  ,  qu'elles  fuppofoicnt  de  l'Amé- 
rique. On  lui  montra  les  premières  cartes  de 
l'empire  de  Ruuie  ,  drelfces  peu  d'années 
auparavant  fans  degrés  de  longitude. 

On  y  voyoit  fur  les  côtes  orientales  de 
Sibérie ,  plufieurs  caps  confidérables  ;  un  en- 
tr'autres  trop  grand  pour  entrer  dans  la 
planche ,  gravée  fur  bois ,  étoit  coupé  au  bord. 
C'ell  cette  pointe  dont  M.  Witfen  a  parlé  ; 
mais  alors  on  la  croyoit  environ  40  degrés 
plus  proche ,  dit-on ,  qu'elle  n'efl  de  la  Kulfie. 

zi^-Isbrandides,  après  des  hiformations 
1  iii  i 


^44  AS  X 

prjf«s  avec  fout  le  foin  pofiîble  en  KÎ95  & 
1(^^94,  parle  de  Kamtfchatka  comme  d'une 
-^ijjc  ,  qui  de  même  que  les  environs ,  étoit 
habitée  par  les  Xuxi  &  Koeliki  (Tichoutski 
&  Koreski  ou  Koriafjues)  ■■,  dit  que  le  cap  de 
glac'^  eil  une  langue  de  terre  qui  s'avance 
dans  la  mer ,  où  elle  eft  coupée  par  plufieurs 
bras  d  eau ,  qui  forment  des  golfes  &  des 
iles  au  delluj  de  Kamtfchatka  •■,  la  mer  a  une 
çntxés  par  où  palfeiit  les  pêcheurs  ^  on  y  voit 
les  villes  d'Auadyroi  &  Sabatska  (  dans  la 
carte  ,  8t  félon  d'autres  Sabatfia  )  habitées 
pair  les  deux  nations  folclites.  Les  habitans 
de  Iakoutsk  \'ont  au  cap  Saint  Sabatfia  , 
Anadyr  ,  Kajntshat  ,  &-c.  pour  pêcher  le 
nayvai. 

23",  L'officier  Suédois ,  qui  fut  prifon- 
HÏer  en  Sibérie  de  1709  à  1721  ,  combat 
l'opinion  de  ceux  qui  croient  VAJïe  conti- 
guë  à  l'Amérique,  en  allurant  pofitivement , 
que  les  bâîimens  ruifes ,  côtoyant  la  terre 
ferme ,  paffent  à  préfent  le  Swcetoi-nofs  , 

6  viennent  négocier  avec  les  Kamtfchada- 
lc3  ,  fur  la  côte  de  la  mer  orientale  ,  vers  le 
50*"  degré  de  latitude  ^  mais  il  faut  pour  cela 
qu'ils  paifent  entre  la  terre  ferme  ,  &  une 
grande  île  ,  qui  eft  au  nord-eft  du  cap  Swœ- 
toi-noff,  &  que  cette  île  elè  le  nord-oucit 
de  l'Amérique.  Strahlenberg  ne  dit  rien  de 
plus  tlans  fon  ouvrage ,  que  des  faits  rap- 
portés déjà  ci-defîùs  ,  excepté  que  les  Juka- 
gres  font  un  peuple  vers  Li  mer  glaciale ,  en- 
tre l'embouchure  du  Lena  &  le  cap  Tabin. 

On  a  trouvé  que  dans  la  partie  de  la  terre- 
ferme  de  l'Amérique  ,  dont  on  a  eu  quel- 
que connoiiTancc ,  vis-à-vis  le  cap  ,  il  y  a 
Mn  grand  fleuve  qui  charie  quantité  de  gros 
arbres  ,  &c. 

24°.  Dans  l'atlas  de  Berlin  ,  on  marque 
.iHie  côte  fur  ce  continent, vers  le  70=  degré, 
où  les  Ruifes  doivent  avoir  fait  naufrage  en 
1743  ,  fans  que  j'aie  pu  découvrir  un  feul 
veftigc  d'une  pareille  relation. 

25".  Ce  qu'on  a  appris  de  plus  nouveau 
de  ces  pays  &  paffages  ,  coufifte  en  ce  qui 
a  été  annoncé  de  Pétersbourg  ,  en  date  du 

7  février  1765 ,  &  que  le  traduâcur  de  l'ou- 
vrage de  M.  Muller  rapporte  de  cette  ma- 
nière :  «  que  des  gens  envoyés  par  les  deux 
compagnies  de  commerce  du  Kamtschatka 
&  du  Kolyma  ,  ont  rapporté  que  ceux-ci  ont 
doublé  le  Tfcliouk:?koi-uoir  à  74  dej^rés  , 


A  SI 

courant  au  fud  par  le  détroit  qui  fépare  fa 
Sibérie  d'avec  FAmériqTie  ;,  ils  ont  abordé 
par  le  64=  degré ,  à  quelques  iles ,  rensplies 
d'habiîans  ,  avec  lelquels  ils  ont  établi  un 
commerce  de  pelleteries  ;  ils  en  ont  tiré  quel- 
ques peaux  de  renards  noirs  ,  des  plus  belles 
qui  le  foient  jamais  vues  ,  &  ils  les  onr  fait 
préiènter  à  l'impératrice.  Ils  oiit  donné  le  nom 
àiAhyut  à  toutes  ces  iles  &  terres ,  dont 
quelques-unes ,  à  ce  qu'ils  croient ,  font  partie 
du  continent  de  l'Amérique.  Pendant  ce 
temps  ceux  de  Kamtfchatka  venoient  du  fud 
au  nord ,  &  ont  trouvé  ceux  du  Kolyma  près 
des  îles  d'Aleyut.  Ils  ont  donc  jugé  à  propos 
d'établir  en  comm.un  un  commerce  ,  &  de 
faire  un  établilfcment  dans  l'île  de  Beering- 
pour  lèrvir  d'entrepôt  j  que  l'impératrice 
avoir  nommé  le  capitaine  Bleumer  &  quel- 
ques habiles  géographes  pour  poull'er  ces 
découvertes  depuis  l'Anadyr.  » 

Pafibns  aux  cartes  géographiques ,  &  don- 
nons un  rapport  fiiccindl  des  portions  de 
quelques-unes  lur  ces  contrées  au  nord  6c 
nord-eft ,  pour  les  combiner  enliiite  avec  les 
relations.  Sanfon  fils ,  de  miême  que  tous  les 
géographes  de  ces  temps*,  avant  Isbrand 
Ides  ,  Witfen,  Strahlenberg,  n'en  ayant  au- 
cune connoilTance ,  &  cherchant  limplement 
à  placer  le  cap  Tabin ,  rcpréfentoit ,  comme 
nous  l'avons  dit ,  le  cap  fi  avancé  vis-à-vis 
la  nouvelle  Zemble  ,  enfiiite  la  côte  iiid-eft  j 
& ,  après  avoir  reprélênté  l'île  Tazzata , 
continuoit  la  côte  vers  le  nord-eft ,  pour  pou- 
voir fixer  ce  cap  Tabin  \  le  refte  de  la  côte 
encore  fiid-eft  juique  vers  le  Jelfo. 

Nicolas  Viicher ,  dans  fa  mappe-monde  y 
après  le  cap  Tabin ,  fans  nom ,  place  la  côte 
oueft-Iijd-oucft ,  lâns  indication  de  cap  ou 
de  rivière. 

Charles  Allard  ,  dans  fa  carte  de  XAfis 
de  M.  Whfen ,  donne  par  un  extrait  cette 
contrée  fi  remarquable  ,  qui  n'avoit  pas 
trouvé  place  dans  la  grande  carte  ,  &  qu'il' 
faut  rapporter  avec  foin.  Cet  extrait  a  beau- 
coup de  conformité  avec  les  nouvelles  car- 
tes ,  ôc  encore  phis  avec  la  réalité. 

L'embouchure  de  l'Anadyr  à  65  degrés 
de  latitude  &  environ  à  178  degrés  de  lon- 
gitude entre  le  cercle  polaire ,  &  68  degrés 
de  latitude ,  une  langue  de  terre  qui  avance 
près  de  1 3  degrés  en  mer  vers  l'eft  \  à  fa  nail- 
iance  elt  wy^xf^xk  «jus  ce  font  des  rochers ,  ô£ 


A  s  I 

à  l'extrémité  ,  cap  de  glace  dont  la  fin  nejîpas 
connue  (M.  de  Fer,  dans  fa  Carte  de  fAjie  de 
1705 ,)  de  même.  Par  cette  même  prévention 
auifi  durable  qu'elle  eft  peu  fondée ,  on  place 
le  cap  Tabiii  à  environ  73  à  76  de^^rés  de 
latitude , tourné  direéteinent  vers  left ,  avec 
une  continuité  de  côte  à  l'on  nord  juiqu'au 
8o«  degré.  On  étoit  pourtant  fi  peu  aiîliré  de 
fon  esiiïence ,  qu'on  le  plaçoit  entre  l'Indi- 
gin  au  nord ,  éi  le  Konitfk  ou  Kolyma  au  fud. 

Frédéric  de  Witt  n'a  rien  de  remarqua- 
ble dans  fa  carte  de  la  grande  Tartarie.  Le 
cap  le  plus  avancé  s'y  trouve  à  l'eft  du  Jc- 
niiiéa,  à  près  de  73  degrés  de  latitude,  en- 
fuite  la  côte  au  fud  &  fud-eft  ^  Tazzata  à 
l'embouchure  d'une  rivière  fans  nom  ,  inar- 
qué  Taliata  infula  hue  ufpiam  a  Plinio  po- 
nitur;  de  67  à  69  degrés  de  latitude  ,117, 
124  de  longitude^  alors  la  côte  court  tou- 
jours fud-eft,  jufqu'au  i(5z«  degré  de  longi- 
tiide  ,  de-là  tout-à-fait  fud  ,  (S'c. 

La  carte  d'Isbrand  Ides  efr  remarquable. 
Depuis  le  Jeniffca ,  In  côte  un  peu  eft-nord- 
cil ,  juiques  vis-à-vis  l'extrémité  feptentrio- 
nale  de  la  nouvelle  Zemblc  ,  ou  peu  s'en 
faut,  à  75  à  76  degrés.  De-là  avec  divers 
caps,  droit  à  l'eft  ,  toujours  75  degrés  ,  On 
y  voit  Lena ,  Jana ,  Alazana ,  (  ou  Alafoja  ) 
Kolyma  ,  Anadyr ,  avec  Anad5n-skoi  :,  ;ilors 
feulement  le  Swcetoi-noff  ou  cap  Saint, 
qui  fait  l'angîe ,  &  la  côte  y  commençant 
clireftement ,  tournant  au  fud ,  on  y  voit 
d'abord  la  rivière  &la  ville  de  Kamtfcliaîka , 
à  22  degTCS. 

La  carte  de  Strahlenberg  l'eft  encore  plus  ; 
ce  fut  la  dernière  des  trois  àquatre  qu'il  avoir 
tlreifées  &  perfcâionnées  de  plus  en  plus  , 
;;près  1 6  ans  de  recherches  affidues  ^  à  l'elî 
de  in  nouvelle  Zemble ,  un  cap  entre  le 
Pialida  &  le  Chatanga  \  l' Anabara ,  l'Olenck , 
le  Leua  avec  fes  îles ,  rOmalœiv\a ,  le  Ja- 
na ,  le  Swœtoi-nofl",  le  Chroma ,  l'Indigin  , 
l'Alafoja  ,  n'y  font  pas  oubliés  •■,  l'embou- 
chure du  Lena  à  environ  72  degrés  &  de- 
mi ,  d'où  la  côte  court  toujours  du  plus  au 
moins  fud-eft ,  de  manière  que  celle  du 
Kolyma  fe  trouve  à  63  degrés  de  latitude  & 
165  de  longitude  ,  &  la  naiifauce  de  ce  nolT 
ïfzalatskoi  commence  d'abord  au  fud  de 
cette  embouchure.  11  eft  repréfenté  tourné 
Mord-iiord-eft  fort  étroit ,  n'ayant  guère  plus 
flc  cinq  lieues ,  dans  fa  plu§  grande  largeur , 


A  S  I  <?4y 

par  contre  ayant  un  de-là  de  80  lieues  de 
longueur  ,  la  moitié  vers  le  continent  rem- 
plie de  montagnes  ,  marquées  comme  ha- 
bité par  les  Tlchouktski  ■■,  dans  fes  environs 
pluficurs  îles ,  &  à  l'oiicft  de  la  pointe  ,  la 
prétendue  grande  ile  des  Kidigam ,  avec  un 
détroit  d'environ  30  lieues  entre-deux.  La 
côte  continue  alors  fud-fud-eft ,  avec  plu- 
fieurs  caps  qui  font  partie  du  grajid  cap  eu 
promontoire  fort  large  ,  dont  l'extrémité  eft 
nommée  cap  Aimdirskoi.  Pas  loin  delà  naif- 
fànce  de  ce  grand  cap  on  voit  pîufieiu'S  îles , 
qui ,  comme  le  cap  même  ,  eft-il  dit  ,  font 
hi'.bitécs  par  les  Tfchoukt.ski  ;,  vis-à-vis  de 
toutes  ces  terres,  &  au-delà  de  ces  îles ,  en 
voit  la  grande  île  de  Puchochotski  ,  de- 
puis le  50  jufqu'au  delà  du  s^^  degré  de 
latitude. 

Au  llid  du  cap  il  y  a  une  baie  ,  outre 
celle  à  l'embouchure  de  rAnad)'r ,  qui  eft 
tout  près  :  après  cela  plus  au  fi'.d  les  Otoîu- 
res  &  leur  cap  ,  enfuite  le  cap  Noif-Kamt- 
ichatskoi  à  5  z  degrés  ;  la  rivière  à  49  de- 
grés ,  le  cap  .des  Kutiles  à  41  degrés  8c 
demi ,  le  Japon  à  40  degrés  ,  les  iles  Kuvi- 
Ics  entre  deux. 

Les  officiers  Suédois,  apparemment,  ou 
compagnons  des  travaux  de  Strahlenberg  ou 
ayant  des  papiers  &  relations  recueillies  après 
la  publication  de  ladite  carte ,  en  donnèrent 
une  nouvelle ,  à  leur  avis  corrigée ,  en  1J2.6  ^ 
après  la  mort  de  Pierre  le  Grand  •■,  elle  fut 
au  ni  inférée  dans  le  tome  VÎII  du  recueil 
des  voyages  au  iiordy  8î  même  en  y  ajoutant 
une  cane  donnée  par  ordre  du  czar  :  nous 
en  remarquerons  ici  feulement  les  principaux 
changemens  &  les  dL^érences  eilentielles. 

L'ile  des  Eidirgani  &  le  cap  Schalagins- 
koi  y  ont  drlparu;,  la  côte  allant  vers  l'eft  , 
déclinant  un  peu  vers  le  iiid  ,  finit  par  le 
grand  cap  qui  prend  fon  commencement  à 
l'eft  du  Kolyma,  mais  qiiibien  loin  de  mon- 
ter vers  le  nord ,  participe  aufll  à  cette  dé- 
clinaifon  Se  finit  à  60  degiés  de  latitude. 
Toute  fa  plus  grande  largeur  cccup'C  i'eipace 
jufqu'au  cercle  polaire  ,  habitée  ,  eft-il  dit , 
par  les  Tfchuktski  &  les  Tfchaiatski ,  & 
finit  à  185  degrés  de  longitude  ;,  l'île  des 
Puchochotski  au  fud-eft ,  d'autres  îles  entre 
deux,  entre  le  59  &  60  degrés:  Kamtfchaft- 
koi  à  49  degrés  &  demi ,  la  rivière  Karaga 
fe  jetaut  dans  une  baiaau  nord  de  Kaiiitf- 


^4^  A  SI 

chat ,  l'île  de  Karaga ,  fans  nom ,  à  l'oppo- 
fîte  de  la  baie. 

Hermaii  Moll ,  dans  fa  carte  du  monde  de 
1719  ,  marque  le  Lena  ,  fans  nom  ,  à  fon 
elè ,  le  cap  le  plus ,  mais  peu  avancé ,  après 
cela  l'Aldan ,  rOndi^irka  ,  le  Koiyma ,  le 
tout  fur  une  côte  tirant  droit  à  l'eft,  qui 
finit  par  un  cap  peu  avancé  &  indéterminé 
fous  le  nom  de  Swœioi-Nofs  ou  cap  Saine  ; 
le  tout  environ  à  73  degrés  8c  demi  de  lati- 
tude ,  &  ce  cap ,  à  moins  de  150  degrés  de 
longitude  au  fud,  &  tout  près  du  cap,  il 
inarque  Anaduskoi. 

On  lait  que  le  célèbre  M., Guillaume  de 
rifle  a  omis  encore  ,  en  17Z4  ,  toutes  ces 
■côtes ,  rivières ,  caps  &  pays  quelconques  ^ 
traçant  la  côte  depuis  le  Lena  entièrement 
fiid-cil ,  jafqu  a  celle  de  TAfie  au  dcfîbus  de 
i'Ainr.r,  marquant  feulement  Kamtfchatka, 
comme  une  ville  &  cap  au  65*  degré  de 
latitude  &  155  de  longitude. 

Si  nous  voulions  entreprendre  de  faire  une 
récenflon  des  cartes  nouvelles ,  ce  feroit  un 
■ouvrage  aufll pénible  qu'inutile  ■■,  on  fè  copie  , 
on  croit  avoir  fait  merveille  en  étendant  fi 
fort  l'Afie  ,  en  continuant  à  fuppofer  ce 
cap  Schalaginski  fans  préjudice  du  Serdze- 
kamen  où  on  place  même  trois  caps  ditfé 
rens ,  toujours  avec  quelques  ditîérences  :, 
Jes  uns  dirigent  le  cap  Tabin  droit  vers  le 
jiord ,  8c  c'eft  le  plus  grand  nombre ,  d'au- 
tres au  nord-ell  :  il  y  en  a  qui  fixent  l'em- 
bouchure de  l'Anadyr  5  degrés  plus  ou 
moins  au  fud  du  Serdzekamen.  Si  je  pou- 
vois  adopter  l'exiftence  du  cap  Tabin  ,  ^ 
l'étendue  fi  extraordinaire  de  l'Afie  ,  je  pré- 
férerois  la  carte  de  M.  Muller  à  toutes  les 
autres  ;  peut-être  par  contre  s'il  l'ofoit ,  il  ne 
s'éloigneroit  guère  de  mon  fyftême. 

La  plus  nouvelle  carte  que  je  connoilfede 
ces  paîihges ,  eil  celle  que  M.  Adclong  a 
jointe  à  ion  ouvrage  allemand  très- intércf- 
faut ,  intitulé  :  Hijhire  des  navigations  6' 
tentatives  faites  par  diverfes  nations  pour  dé- 
couvrir la  route  du  nord-efî  vers  le  Japon , 
&c.  1768  ,  //2-4^'.  elle  reprélènte  l'iiémif- 
phcre  boréal ,  8c  l'auteiu-  y  renchérit  beau- 
coup fur  tous  les  autres,  par  rapport  aux  caps, 
qu'il  multiplie  à  proportion  des  divers  noms 
jqu'il  a  pu  trouver  dans  les  relations. 

A  environ  192  degrés  de  longitude  èc  72 
jdc  Jatitude ,  il  place  le  cap  Schalaginskoi 


A  SI 

de  la  largeur  de  3  degrés  Scplus  à  Ion  extré- 
mité mêine  ,  droit  vers  le  nord  entre  le  65 
8c  le  67s  deo:ré  de  latitude  le  Serdzekamen  , 
fous  le  nom  de  Tfchukotskoi-Nofsendonhlc 
cap,  l'extrémité  de  2  degrés  (  ou  40  lieues  ) 
ablblus  de  large ,  à  200  degrés  plus  au  fud  , 
à  190  degrés  de  longitude  :,  il  marque  Serd- 
zekam.en,  quoique  toutes  les  cartes  nouvelles 
donnent  ce  nom  à  la  partie  fèptentrionale 
du  double  cap  •■,  8c  lèulement  alors  il  place 
l'embouchure  de  l'Anadyr  à  160  degrés  de 
longitude  8c  60  de  latitude  :  c'eft  ce  qu'il  y 
a  de  plus  au  fud  ,  conformément  aux  cartes 
nouvelles ,  excepté  que  l'ile  d'Amur  eft  re- 
préfèntée  à  plus  de  trois  degrés  de  l'embou- 
chure ,  longue  de  4  degrés  8c  demi  abfolus , 
ou  90  lieues,  8c  fon  extrémité  auftrale,  de 
même  que  le  cap  Lopatka  à  49  degrés  ;  il 
n'y  a  pas  une  feule  des  îles  Kuriics  au  fud  du 
Lopatka  :,  les  premières  font  marquées  au  2 
&(--{«  degré  à  l'oueft ,  8c  ainfi  du  refte  i  auffi 
le  deflin  ,  la  gravure  ,  l'imprefTion  8c  le  pa- 
pier ,  répondent  très-bien  à  l'exaètitude  de 
la  carte  même. 

J'avois  déjà  propofé  quelques  doutes  fiir 
l'exiftence  de  ce  cap  Tabin  dans  mes  mémoi- 
res &ob[ervations géographiques ^  imprimées 
à  Laufanne  en  17155  '-,  je  n'ofai  pourtant  pas 
l'omettre  dans  ma  carte,  crainte  de  cho- 
quer la  prévention  li  enracinée  ■-,  je  lui  ai 
donc  donné  une  place  fous  le  nom  de  cap 
Schataginskoi,  même  avec  la  grande  île  à 
fon  eft  ,  quoique  je  fuiie  convaincu  qu'elle 
n'exifïoit  pas  ^  je  redonne  aujourd'hui  la 
même  carte  réduite  avec  quelque  petit  chan- 
gement, maisje  ne  puis  m'empecher  d'yjoin- 
dre  l'eifiuiHé  d  une  autre  carte  coiitorme  à 
mes  véritables  idées  f,  je  vais  la  détailler  Se 
l'appuyerfiir  les  relations  rapportées  ci-delfus. 

Il  y  ades  faits  que  je  crois  ne  pouvoir  être 
niés.  i".  Que  la  polition  de  ce  cap  7abiu 
doit  fon  origine  à  femic  qu'on  avait  de  pla- 
cer celui  de  Pline  j  nous  en  avons  parlé  ci- 
defîus  ;  8c  ce  motif  ayant  fubiifté  julqu'à 
préfent,  ou  du  moins  l'idée  A\n\J!nis  terrae 
vers  le  nord-eft ,  on  l'a  coufer\  ée  ,  8c  il  tal- 
loit  trouver  un  cap. 

2.  Que  le  plus  grand  ,  celui  qui  s'étend 
le  plus  en  mer ,  le  plus  formidable ,  félon  tou- 
tes les  relations ,  eft  le  double  cap  ,  nommé 
à  préfent  Serdiekamen  ,  au  nord  de  l'Anadyr. 

3°.  Que  ce  cap  8c  les  contrées  voiliuçs 


A  s  I 

iônt  Te  véritable  pays  des  Tfchouktski  & 
Tfchalaski ,  qui  s'étendent  depuis  les  Korin- 
qucs  plus  au  lud  ,  julqu'au  nord  ,  &  habi- 
tent les  bords  de  la  mer  du  nord  i^(  dj  Icil , 
depuis  le  Kolynia  ,  aj-uit  les  Inka^res  à  leur 
oueft. 

4".  Que  les  des  vers  l'Amérique  ,  petites 
&  grandes  ,  avec  la  partie  du  continent  op- 
pofc ,  font  toutes  à  l'eil  de  ce  Sord/ekamcn, 
&  que  l'on  n'en  connoit  point  de  plus  au 
uord. 

5".  Que  vers  le  nord  -  les  côtes  de  l'Afic 
renti-ent  vers  l'occidciit ,  &  puifqii'on  n'a 
plus  de  veitiges  de  celles  du  côté  opijolé  , 
celles-ci  doivent  tourner  vers  le  nord-eft. 

Je  dis  donc  que  tout  ceci  cft  prouvé  par 
lés  relations  les  plus  authentiques  &  ne  peut 
être  fujet  à  aucun  doute  ,  là-defîlis  nous  pou- 
vons mieux  examiner  le  fens  de  toutes  ces 
relations  ci-deilus  rapportées ,  &  les  confé- 
quenccs  qu'on  en  doit  naturellement  tirer. 

1°.  Nous  venons  d'en  parler. 

2°.  Ceci  en  ell  une  fuite. 

3°.  Ce  fait  ne  fera  pas  nié  ;  j'en  conclus 
feulement  encore  ,  que  ce  que  ces  gens  ont 
découvert  chaque  année  pas  à  pas ,  côtoyant 
toujours  depuis  1 6^6 ,  connu  par  conléquent 
dans  l'efpace  de  100  ans  avant  qu'on  cntre- 
prîtles  dernières  découvertes  ,doitprévaloir, 
s'il  y  a  de  la  dilférence. 

4°.  \'oiIà  un  fait  frappant  :  ces  gens  cu- 
rieux ,  pafibmiés pour  les  découvertes,  s'in- 
formant  de  tout  ,  en  particulier  de  tout  ce 
qui  eft  à  l'eft  du  Kolyma  ,  apprennent  qu'il 
y  a  u!ie  rivière  nommée  Pogirfcha  ,  &  après 
de  nouvelles  recherches,  que  cc^iVAnaxiyr , 
félon  les  nouvelles  cartes  fi  éloigné  ,  &  pas 
un  mot  de  ce  prétendu  cap  Schalaginshoi 
ou  T  abin  ,  qui ,  félon  les  idées  erronées , 
devoir  les  empêcher  de  poufier  vers  l'Anadyr. 
Un  empêchement  lî  grand  ,  fi  voifiu,  n'eft 
pas  connu  même  des  habitans  de  ce  pays  , 
qui  ne  pouvoient  en  iuftruire  Ignatievv  en 
1646^  ceci  eft  très-frappant,  mais  ce  n'eft 
rien  en  com.parailôn  de  l'autre  fait. 

Il  avança  \ers  l'cli: ,  non  quatre  jours ,  cela 
feroit  fiijet  à  des  explications  ,  mais  quatre 
fois  24  heures,  ce  qui  feroit  7  degrés  & 
demi.  Il  converfa  avec  les  '1  fchouktski 
dans  une  baie  qu'il  trou\a  ,  &  qui  félon  les 
cartes  ,  devroit  être  à  la  naiil'ance  du  cap  , 
ég«ilement  il  n'apprit  rieu  de  cecap^  Siadou- 


A  S  I  ^47 

chin  voulant  nbf  jlument  trouver  ce  Pogiif- 
cha  ,  vo^ua  fèpt  fois  24  heures  vers  l'eft  j  il  ^ 
mit  des  gens  à  terre  pour  s'informer- de  la 
rivière  \  on  ne  pou\oit  lui  en  rien  dire,  &  il 
n'eft  pas  fait  mention  d'un  cap  quelconque  j 
feulement  parle-t-il  des  rochers  le  long  de 
la  côte,  qui  empéchoient  la  pêche,  ce  qui 
avec  la  diniinution  des  provilions  ,  le  con- 
traigiilt  au  retour  ,  malgré  donc  ,  que  daiir 
celles  des  nouvelles  cartes  qui  étendent  les- 
côtes  outre  mefure  ,  on  voie  la  naiffance  de 
ce  cap  à  environ  2  o  degrés  du  Koh'ma ,  8t 
que  Stadouchin  par  contre  ,  doive  avoir  par- 
couru 27  degrés  fans  en  avoir  une  trace,  ni 
en  apprendre  quoique  ce  foiî  ^  coir.i'ent  fou- 
tenir  cette  cxiftence  ?  Qu'on  oblcrve  encora 
que  ce  n'étoit  point  un  cap  entouré  de  glaces , 
qui  le  Htrcbroullcr  cliemin,  mais  le  manque 
de  vivTes ,  &  les  rochers  qui  ne  dévoient  pas 
être  confidérables ,  puifqu'il  n'en  parle  pas 
comme  d'un  empêchement  à  la  navigation  , 
mais  feulement  à  la  pêche.  On  troma doua 
funplement  plus  commode  de  chercher  par  ' 
terre  l'Anadyr  :,  on  y  réuftit ,  &  l'on  conlb-uifit  ' 
dès-lors  Anadirskoi-Oftrog. 

5°.  Malgré  toutes  les  recherches  pofllbles  j 
on  craignit  i\  peu  ce  cap ,  ou  plutôt  on  eut 
Ç\  peu  d'idée  de  ioi\  exiftence  ,  que  k  zek 
pour  les  découvertes  augmenta  d'une  ma^ 
niere  furprenante ,  &  ce  qui  eft  digne  de  re- 
marque ,  c'elt  qu'il  s'agiffe  de  les  entrepren- 
dre à\i  côté-  de  ce  prétendu  cap  ,  &  que  le 
peu  de  fùccès  de  l'an  1647  augmenta  le  cou- 
rage au  lieu  de  le  diminuer  5  apparemment 
parce  que,  commicil  cft  naturel  de  le  croire  ,  - 
ils  avoientav pris  pendant  la  dernière  annéa 
des  particularités  qui  eurent  cet  eftét ,  ce  ne 
fut  certainem-3nt  pas  la  connoillance  d'un 
cap  fi  formidable  qui  en  eût  opéré  un  tout 
contraire. 

C'eft  donc  fans  raifbn  que  M.  Muller  & 
d'autres  fe  jdaigncnt  du  peu  que  l'original 
de  cette  relation  dit  de  -  ce  qui  étoit  arri-.é 
aux  trois  kotlchcs  jufqu'au  grand  cap ,  parce 
que  f»ns  doute  ds  n'avoicntrieaàdire,  ayant 
fait  leur  voyage  tranquillement  Uns  empê' 
chemeiit ,  ni  par  un  cap  ,  ni  par  les  glaces  , 
mais  étant  arrivés  au  grand  cap,  c'eft- à-dire-, 
au  Serd-ekamen,  comme  tout  lindiqiie.  Si 
que  nous  allons  prouver  tout  'i  tait;  Deichnew 
en  rapporte  tout  ce  qu'on  potivoit  exiger  de 
lui. 


^48  AS! 

6°,  îî  «lit  quecccripctoitdifiereatdecelul 
qui  cft  près  de  la  rivière  Tciiuk.';a  à  ï'oucil 
du  Kolyma  '-,  cette  difcinttion  me  donna 
quelque  foapçon  que  je  nianifeilai  dans  mes 
Mémoires.  M.  Adelon  en  clt  Ijrpris  :,  cepen- 
dant fi  ,  par  exemple  ,  on  veut  diftinsjuer 
entre  Boulogne  en  Italie  &  Bologne  fur 
mer  ,  on  le  fait ,  parce  qu'on  pourroit  s'y 
tromper  ,  étant  deux  villes  confîdérables  \ 
mais  jamais  on  n'avertit  qu'on  ne  doit  pas 
le  prendre  pour  le  château  de  Bologne  près 
de  Paris  ;  il  faut  qu'il  y  ait  quelque  cliolb  qui 
puiiî'e  caufer  quelque  raéprife  par  la  rellem- 
blance  ,  non  feulement  des  noms ,  mais  par 
d'autres  endroits.  Si  Defchnew  avertit  que 
ce  n'eft  pas  le  cap  près  du  Tfchukotfchia  , 
mais  le  grand  cap  ,  ne  pourroit-on  pas  en 
conclure ,  que  c'eft  autant ,  comme  s'il  di- 
fbit ,  il  n'y  a  que  deux  caps  confidérables 
par  ces  côtes ,  l'un  celui  du  Tfchukotfchia, 
l'autre  le  grand  près  de  l'^Vnadyr  ^  alors  ce 
cap  Schataginskoi  dilparoîtroit  de  fbi-mêine. 
Ce  Defjluiew  ,  témoin  de  la  plus  grande 
authenticité  ,  puliqu'il  a  fait  ce  voyage  de 
l'aveu  de  tout  le  monde  ,  &  a  demeuré  plu- 
fleurs  années  dans  ce  pays ,  y  a  fait  des 
voyages ,  s'cil  informé  de  tout ,  &  en  a  rendu 
compte  à  la  cour  ou  au  gouvernement  gé- 
néral du  Iakoutsk.  Ce  Defchnew  donc ,  dis- 
je  ,  décrit  le  grand  cap  d'une  manière  à  ne 
pouvoir  s'y  méprendre.  Les  îles  vis-à-vis  re- 
connues fi  fou'/eut  pour  être  entre  leSerdzeka- 
men  &  l'Amérique  ,  les  iiabitans  avec  les 
joues  Scies  lèvres  percées  \  le  peu  de  dillance 
entre  l'extréniité  de  ce  cap  &  l'embouchure 
de  TAnadyr  ;  la  forme  des  côtes  en  demi- 
cercle  vers  cette  rivière. 

J'avois  déjà  parlé  de  ces  deux  derniers 
articles  dans  mes  Mémoires ,  M.  Adelon  en 
convenant  parfaitement  de  la  contradidtion 
manifefte  entre  la  relation  &  les  cartes ,  ne 
veut  pas  voir  que  par  cette  raifon  on  puilfe 
conclure  contre  celles-ci  ^  qu'on  en  juge. 

La  kotfche  d'Ankoudinow  fit  naufrage  ; 
l'équipage  fut  fauve  par  les  deux  autres  -^  peu 
après  elles  furent  réparées  &  toutes  deux  je- 
tées fur  les  côtes  \-ers  le  fud  loindel'Aiiadyr: 
elle  a  donc  fait  naufrage  à  l'extrémité  à  l'eft 
ou  fud-ell  de  ce  cap ,  lans  quoi  ces  kotfches 
reliantes  n'auroier.t  pas  olé  hafardcr  de  le 
palier  étant  en  effet  auiîi  dangereux  qu'on 
le  dit   de   cchii  qu'on   met  toujours  à  la 


A  S  I 

place  de  cclui-cî ,  le  prétendu  cap  Tabirt*' 

7".  Pour  revenir  vers  l'Anadyr  depuis  le 
llid ,  DeH-hnew  erra  pendant  un  an  ^  y  étant 
;irrivé  ,  il  établit  l'Oftrog  qui  dès-lors  refta 
!a  feule  polfenion  des  Rulfes  dans  ce  pays  j 
c'eft  de  là  qu'on  eut  quelques  connoillijnccs 
de  cette  côte  &  où  ÂtlafTon  enfuite  prit  les 
fienncs,  Defchne\'r  remarqua  le  banc  de 
fable  à  l'embouchure  de  l'Anadyr  ,  le  long 
de  ce  promontoire  ,  qui  étoitpourainfi  dire 
le  rendez-vous  de  tous  ces  amphibies  qui 
pouvoient  enrichir  ceux  qui  s'appliquoient 
à  en  prendre. 

Il  voulut  donc  envoyer  le  tribut  annuel 
confidérable  par  mer  à  Jakontski ,  fentant 
bien  qu'en  palfant  avec  précaution  ce  double 
cap  Serdzekamen ,  il  n' avoir  rien  à  craindre 
d'un  autre  ,  mais  feulement  des  glaces  qui 
font  fréquentes  au  nord  &  uord-oueft  de  ce 
cap  ^  ce  qui  n  eft  pas  étonnant ,  la  pointe 
en  étant  tournée  un  peu  vers  le  nord-eft,  8c 
formant,  à  caule  que  ce  promontoire  a  une 
longueur  confidérable  vers  l'eft  dans  la  mer, 
une  efpece  de  baie  :,  les  glaces  qui  vieiuient 
du  nord-oueft:  &  nord-eft  comme  dans  un 
entonnoir  ,  s'y  arrêtent  &  n'en  font  pas  fi 
promptementchalfées  que  dans  une  mer  plus 
libre  ,  d'autant  moins  qu'elles  peu\-ent  s'ar- 
rêter entre  les  îles  vers  l'eft;  c'eft  fur-tout  le 
défaut  des  matériaux  qui  lui  firent  abandon- 
ner fon  entreprife. 

8°.  Il  arriva  cette  diipute  mentionnée  , 
qui  prouva  clairement  la  iitnation  de  ce  grand 
cap  des  îles  voifines  &  du  banc  de  fable. 

9°.  Il  découvrit  dans  fa  courfe  vers  le  fud  , 
le  fort  d'Ankoudinow  Se  d'Alexiew  ;  à  l'ar- 
rivée d'Atlallbw  ,  les  habitans  pouvoient  lui 
en  donner  encore  des  indices. 

10°.  Adaffow  fit  les  expéditions  dont  on 
a  parlé. 

1 1°.  Il  déclare  encore  plus  pofitivcment 
qu'entre  le  Kolyma  &  l'Anad}T ,  il  fe  trou- 
voit  un  double  cap  nommé  cap  Tfchalas-Koy 
Se  Anadirs-Koy;  peut-on  voir  quelque  choie 
de  plus  convaincant  ?  Il  parle  À'un  Jiul  mais 
double  cap  ,  non  de  deux  ou  plnfieurs.  11 
n'y  cft  point  nulle  part  que  celui-ci  •■,  par- 
tout les  noms  de  Tchuzchi  Se  Tichataski 
font  pris  pour  des  fynonymes  ,  &  avec  rai- 
fon ;  nous  verrons  que  ceux  qui  parlent  des 
habitans  de  tout  le  nord  ,  les  nominent 
Tckçuski  j  \^  habitans  de  ce  promontoire  Sî 

des 


A  S  I 

desenvirons  cîe  même  ■■,  peut-être  qliecommc 
les  Koriaques  de  Kamtchatka  fe  dillinjucnt 
<le  ceux  de  l'ile  Karaga  ,  quelques-uns  don- 
nent le  nom  de  Tfchalacki  à  ceux  de  ce  pro- 
montoire. 

Enfin  toujours  n'y  a-t-il  qu'un  feul  mais 
double  cap ,  dont  la  partie  auftrale  efl  nom- 
mée cap  Anadyr-Koi ,  comn:e  ayant  l'em- 
bouchure de  cette  rivière  tout  près  de  la 
côte  méridionale. 

AtlalTow,  qui  n'a  rien  \ni  par  mer,  alTure 
qu'on  ne  peut  le  dépaiîêr  par  eau  ,  à  caufe 
«les  glaces  vers  le  nord  ou  l'oucfl ,  qu'il  n'y 
en  a  jamais  au  lud  i  \-oi!à  ce  qu'on  a  encore 
défii^uré  &  appliqué  à  ce  cap  Tab'm ,  repré- 
fenté  tournant  au  nord  -,  au  lieu  que  nous 
venons  de  voir  la  raifon  pourquoi  il  y  a  fou- 
vent  des  glaces  au  nord  de  Serdzekamen  ^ 
en  n'oièra  nier  qu'il  ne  s'agilfe  ici  par-tout 
d'un  cap  ,  des  îles ,  de  peuple  jjrochc  d'A- 
2!adyr,  vers  le  66  ou  67e  degré ,  &  non  d'au- 
tre vers  le  71  à  74=  degré,  &que  n'y  ayant 
qu'un  cap  confidérable  entre  cette  rivière  & 
le  Kolyma ,  ce  cap  Tabin  ne  doive  dilpa- 
roître, 

11°.  L'article  de  Popow  efl;  très-remar- 
quable \  j'adopte  à-peu-près  toutes  les  rela- 
tions ,  pourvu  qu'elles  ne  s'oppofent  pas  au 
bon  fens  comme  celle-ci  :  Une  grande  terre 
vis-à-vis  du  Kolyma  &  de  l  Anadyr ,  la 
ir.éir.e  terre  vis-à-vis  du  Kolyma  ,  félon  les 
nouvelles  cartes  ,371  degrés  de  latitude  , 
175  degrés  de  longitude  fur  la  côte  feptcn- 
trionale  ,  &  de  l'Anadyr  ,  65  degrés  de  la- 
titude, 193  degrés  de  longitude,  fur  la  mer 
orientale  i  n'eft-ce  pas  une  contradifllon 
palpable  ?  Ne  faut-il  pa  s  ou  effacer  le  nom 
de  Kolyma  ,  ou  placer  Ibn  embouchure  dans 
la  mer  orientale  ,  comme  on  l'a  fait  autre- 
fois ?  S'il  en  étoit  comme  les  anciennes  car- 
tes le  marquent ,  le  Kolyma  feroit  plus  au 
fùd  que  le  prétendu  cap  Schataginskoi ,  peu 
éloigné  au  nord-oueft  ,  fijr  une  côte  incli- 
née vers  le  fud-cft  du  grand  cap  ^  alors ,  en 
cfïèt ,  la  grande  île  ou  terre  feroit  à-peu- 
près  vis-à-vis  des  deux  •■,  ces  rivières  lèroient 
de  la  même  micr  ,  comme  Gnielin  le  dit  , 
■&  cet  article  de  la  relation  de  Popow  feroit 
exaâ:. 

On  voit  que  c'eft  par  le  préjugé  en  fa- 
veur de  ce  cap  Tabin  ,  qu'on  vouloit  con- 
fondre ton;  ce  qui  eft prouvé  encore,  paixe 
Tome  in. 


AS!  C^9 

que ,  malgré  toutes  les  recherches  ,  on  n'a 
point  trouvé  d'ilc  ,  ni  d'îles  habitées  vers  le 
Kolyma ,  &  que  la  dcfcription  des  habitans, 
de  mci7ic  que  la  dillance ,  les  aniinaux  , 
les  pelleteries ,  les  bois ,  dont  il  n'en  croît 
point  à  cette  latitude  de  70  à  74  degrés  &: 
phis  loin,  tout  enfin  indique  fans  équivoque 
les  îles  à  l'oppofite  du  Serdzekamen  &  de 
l'Anadyr,  ainfi  que  le  nombre  des  habitans , 
le  même  que  les  autres  ont  rapporté  de  ceujc 
de  Serdzekamen ,  de  fcs  environs  &  des  iu- 
fiilaires  j  puis  donc  que  le  détail  authenti- 
que qu'on  a  de  ceux-ci  ne  peut  pas  être  dou- 
teux ,  il  faut  que  l'autre  foit  faux ,  &  pro- 
venant de  ce  qu'on  veut  toujours  confondre 
les  deux  caps  &;  appliquer  à  un  cap  Tabin 
imaginaire  ce  qui  appartient  au  Serdzeka  • 
men  leuL 

13°.  Stadouchin  devoit  fe  rendre  depuis 
le  Tlchiketfchoihoff  à  ces  îles ,  pays  du  côté 
oppofé  ^  c'cft  donc  depuis  le  Serdzckamea 
auquel  ils  le  font  ;  pour  le  cap  Tabin  il  fau- 
droit  chercher  des  îles  &  pays  oppofés  aufiî 
imaginaires  que  le  cap ,  puifcp'ou  n'en  a  ja- 
mais eu  la  moindre  notion  ni  idée. 

Le  refte  de  la  relation  des  Tfchutski  des 
environs  d'Anadir-skoy  ,  confirme  Ç\.  com- 
plètement ce  que  nous  venons  de  dire ,  qu'il 
n'eft  jjas  néceffaire  d'y  infifcer.  Ils  difoient 
à  Defchnew ,  à  Atlalîbw ,  à  Beering  même 
tout  ce  qu'ils  favoient  de  ces  contrées  ■■,  que 
leur  nation  habitcit  ce  grand  cap  vers  l'A- 
nadyr ,  ces  côtes ,  tous  ces  environs  ^  ils  dé- 
crivoient  le  mieux  qu'il  leur  étoit  pofilble 
les  îles  &  pays  voifins  &  leurs  habitans ,  par- 
loient  du  continent  tant  de  l'oppofé  que  de 
celui  à  l'oueft  d'Anadyr-skoy  &  du  Kolyma  ; 
ils  connoilfoicnttout  ceci;  mais  pour  ce  cap 
au  7i  ,  74  degrés  fi  confidérable  ,  fi  formi- 
dable ,  qui  comme  on  le  dit ,  eft  habité  par 
eux ,  parce  qu'on  le  confirme  avec  le  Serdze- 
kamen ,  aucun  n'en  difoit  un  mot  à  per- 
fonne  de  ceux-ci  qui  les  virent  en  diver&s 
fois  dans  l'elpace  de  85  ans  ;  il  eft  donc  évi- 
dent qu'ils  ignoroicnt  l'exillence  d'un  pareil 
cap  &  qu'il  n'y  en  a  point. 

On  pourroit  vouloir  prendre  avantage  de 
ce  qu'ils  difoient ,  qu'il  leur  falloit  près  de 
trois  femaines  pour  fe  rendre  à  l'extrémité 
du  cap  5  mais  fi  l'on  fait  attention  à  toute» 
les  circonftances ,  on  verra  que  ceci  ne  tire 
point  à  coaléquence. 

Kkkif 


e 


5? 


A  S  I 


C'efl  avec  leurs  miférables  baldares  de 
cuir  ,  qu'il  leur  faut  tant  de  temps. 

Du  fond  de  la  baie  de  tAnadyr ,  qui  fur 
la  carte  de  M.  Muller  a  5  degrés  de  pro- 
fondeur. 

Pardeifus  le  banc  de  fable,  ou  tout  près , 
ce  quit  doit  les  arrêter  fouvent ,  &  même 
doit  les  y  jeter  &  les  y  faire  demeurer 
quelque  temps. 

Côtoyant  ce  long  promontoire  ,  où  ils 
trouvent  encore  deux  baies ,  &  qu'il  faut  du 
teinps  pour  les  palfer. 

L'extrémité  du  Serdzekamen  eft  à  fon  nord- 
eil  à  deux  ou  deux  degrés  &  demi  ,  ou  40 
à  50  lieues  de  lar.^cur  &  pleine  de  rochers  ; 
mais  de  bons  vaillcaux  qui  prennent  le  large 
&  cinglent  clireÛement ,  peuvent  bien  en 
trois  fois  Z4  heures,  comme  l'autre  relation 
l'alïiire  ,  par  un  fort  vent  fxivorable  depuis 
l'extrémité  du  cap ,  arriver  non  au  fond  de 
la  baie  ,  mais  à  l'embouchure  de  l'Anadyr. 
11  n'y  a  rien  là  qui  fe  contredife. 

14°.  On  voit  ici  feulement  qu'il  s'en  faut 
de  beaucoup  que  la  cour  ait  publié  toutes 
\ts  découvertes. 

15°.  Le  grand  monarque  choififfant  lui- 
même  Beering,  cela  forme  un  grand  pré- 
jugé en  faveur  de  celui-ci,  non  que  j'adopte 
en  entier  fa  relation  ou  plutôt  là  carte  5  il 
faut  toujours  aller ,  pour  ainfi  dire ,  la  fonde 
à  la  main  ,  fi  on  veut  former  une  bomie 
critique. 

16".  Son  voyage  fut  en  tout  de  55  jours 
pour  aller  &  revenir.  Je  veux  croire  que  fa 
carte  ait  été  drelfée  auffi  exaftcment  qu'il 
l'a  pu-,  eft-ce  alibi  pour  qu'elle  foit  exemte 
d'erreurs?  Il  a  perdu  rarement  de  \aie  les 
côtes  ;  mais  pourtant  cela  eft  arrivé  ,  l'offi- 
cier Rulfe  qui  l'a  accompagné  dans  fôii 
voyage  en  Amérique,  &  qui  curieux  comme 
il  létoit  ,  aura  eu  mainte  converfiition 
avec  lui  fur  fon  précédent  voyage ,  alfurc 
«fu'iJ  a  pu  voir  rarement  les  côtes  ,  à  cau/c 
«les  brouillards  fréqucns.  On  ne  peut  donc 
fè  fier  à  là  carte  à  cet  égard ,  ni  par  confé- 
quent  placer  rextrémitc  du  Serd/ckamcn  à 
près  de  205  degrés  (ou  félon  d'autres  loS) 
de  longitude  ,  tar.dis  que  le  point  de  fon 
«départ,  l'embouchure  du  Kamtf.hat,  l'cft 
environ  177  ,  ^  qu'un  auteur  altiire  que  le 
giliement  dos  côves  depuis  le  Lopatka ,  vers 
ia  mer  glaciale  eft  allez  en  ligne  dircfte  j 


AS  r 

excepté  les  caps  ,  c'eft-à-dire  ces  caps  de 
Kamtichat ,  Kronoskoi ,  Ilpinskoi  &  autres 
pareils^  car  de  comprendre  dans  cette  excep- 
tion ces  grands  caps  ou  plutôt  pays  &f  con- 
trées qui  s'éloignent  de  la  ligne  direfte  d'en- 
viron 30  degrés ,  ce  lèroit  une  exception 
très-ridicule. 

Les  Tfchuktfchi,  au  64e  degré  &  demi , 
l'avertirent  que  la  côte  plus  haut  alloit  le 
tourner  vers  l'oueftà  67  degrés  18'  ou  18', 
ils  en  ont  apperçu  la  vérité ,  &  ont  cru  avoir 
alfez  de  preuves  pour  affurer  que  les  deux 
continens  n'étoient  pas  joints ,  voyant  cou- 
rir la  côte  à  l'oueft  ,  fans  rentrer  ni  vers  le 
nord  ni  vers  l'eft. 

M.  Muller  traite  ceci  d'erreur,  parce  qu'it 
foutenoit  l'exiilence  du  cap  Tabin  ,  &  le 
rédafteur  Cpour  abréger  ,  je  cite  fous  es 
nom  la  fuite  de  Vhijloire  générale  des  voya^ 
ges  )  le  taxe  de  timidité  qui  lui  faifoit  peu. 
d'honneur  ,  ii'ofànt  pas  aller  plus  vers  le 
nord  ,  pour  achever  fès  découvertes.  Ce: 
dernier  agit  direftement  contre  Ton  axion.e. 
fi  inconteftable ,  t/uu/i  témoin  vaut  plus  que 
cent  non-témoins  ,  ou  qui  n'ont  rien  vu  5 . 
Beering  étoit  un  bon  marinier ,  reconnu  Se 
choifi  comme  tel  par  l'empereur  \  il  a  vu 
ce  qu'il  a  dit ,  St  n'a  pas  vu  ce  cap  Tabin  , 
ni  aucun  indice  qui  pût  le  lui  faire  Soup- 
çonner 5  il  n'a  point  entendu  parler  des 
Tfchoutski ,  qu'on  dit  habiter  ce  cap  j  ces  • 
meffieurs  ne  l'ont  pas  vu  non  plus,  mais 
en  foutiennent  f exiftcnce  par  prévention  , 
en  y  appliquajit  ce  qui  n'elt  manifeftemcnt 
applicable  qu'au  Serdzekamen ,  &  (ans  preu- 
ve '-,  ceci  doit  être  préférable  à  un  témoi,- 
gnage  raiili  auîhejitique  que  ceh.-i  de  Beering, 

Il  faut  encore  faire  rcliexion  que  ce  n'cli 
pas  en  particulier  ,  en  voyageur  ,  qui  fou- 
vent  découvre  au  halard  des  pays,  fur  quai 
il  cil  croyable  ,  que  Beering  a  agi  ^  mais 
par  ordre  d'un  grand  moniu-que  ,  ce  qui 
n'empêcJie  pas  qu'il  puilfe  n'être  pas  cru 
dans  fa  relation  ,  &c  fur  tout  ce  qui  conr 
cerne  le  principal  but  de  cet  ordre  &  de  ce 
voyage.  Il  eft  doDC  naturel  de  diftinguer 
chnis  fa  relation  ce  qu'il  a  vu ,  &  le  gilîcr 
ment  des  côtes  dent  il  n'a  vu  qu'inte  petite 
partie  ,  &  fans  obfervation  aftronomique^ 
Si  dans  fa  carte  il  a  également  marque  le 
cap  Tabin,  c'eft  ce  que  j'ignore  \  ceci  peia 
être  une  addition  du  géographe  :  fuppofoi:* 


A  s  I 

"^ic  ce  foit  de  Bccrin,>î  même ,  il  a  pu  le 
inarquer  de  crainte  de  révolter  le  préjuf^é 
reçu  ,  tout  comme  je  l'ai  fait  dn:is  ma  carte 
11°.  Il,  quoique  j'aie  drciic  la  troilîemc  félon 
ce  que  j  e!i  pcnfc  réellement  ,  même  en 
accordant  encore  au  delà. 

17".  Cet  article  eli:  encore  remarquable  : 
Givofdcn  a  été  vers  la  terre,  dont  il  eil: 
fait  mention  pluficurs  fois  ci-deiliis,  entre 
65  &  6(5  degrés ,  pas  loin  du  pays  des 
Tlchouk-tski.  C'cft  encore  une  nouvelle 
preuve  que  tout  ceci  ree^ardc  le  Scrd?,cka- 
men  ,  &  non  ce  cap  imai^iuaire  ^  l'officier 
dit  fans  équivoque ,  que  c'ell  depuis  le  pre- 
mier, que  Givofden  liit  jeté  fur  la  côte  de 
l'Amcrique. 

Mais  la  relation  de  Pauluski  cil  telle , 
qu'on  ell  en  droit  d  en  rejeter  tout  ce  qu'on 
veut  ;  rivière  confidéini/e  ,  inconnue  vers  la 
mer  glaciale  ;  de-là  un  voyage  de  i  $  jours  vers 
fejr  :  cette  rivière  ell:  donc  encore  à  l'eft  du 
Kolyma  ;  eft-ce  l^ogitfchu  ,  que  ics  prédé- 
celFeurs  n'ont  pu  trouver  après  des  voyages 
de  quatre  &  de  fept  fois  vingt-quatre  hei!- 
res  ?  a-t-il  été  fous  la  protection  du  roi  des 
Aigues-Mariues ,  qui  devroit  entrer  dans  un 
pareil  conte  borgne, où  une  petite  arm^ée  de 
445  guerriers  ,  voyagent  pendant  quinze 
jours  ,  prelquc  toujours  fur  les  glaces  ?  Son 
grand  protecteur  a-t-il  créé  une  île  de  glace 
llottante  ,  &  fait  avancer  li  loin  vers  l'eft  , 
comme  on  devroit  le  croire ,  parce  que  fou- 
vent  elle  étoit  fi  éloignée  des  côtes ,  que 
même  on  ne  pouvoit  appercevoir  les  em- 
bouchures des  rivières?  &  cette  île  devoit 
être  d'une  nature  particulière ,  le  génie  a\'oit 
le  pouvoir  d'empêcher  que  jamais  la  glace 
lie  fe  brisât,  comme  il  eft  arrivé  à  tous  les 
autres  qui  ont  fait  l'expérience  ,  que  d'une 
heure  à  l'autre  on  n'étoit  pas  sûr  que  cela 
n'arrivât  ?  Non ,  ici  les  445  hommes  étoient 
toujours  enfemblc  à  leur  aife  '-,  ou  eft-ce  un 
pont,  foit  glace  ferme,  d'une  telle  étendue  , 
qu'ils  pouvoient  y  voyager  pendant  quinze 
jours  au  moins  a  chacun  comprendra  qu'au- 
cuns hommes  peuvent  avoir  la  force ,  le 
génie  ,  la  dextérité  de  voyager  fur  vne  île 
de  glace,  fans  rifque ,  lî  Ioîti  ,  la  faire  avan- 
cer ,  la  diriger  de  quel  coté  on  le  juge  né- 
ceffaire.  Je  ne  dis  rien  des  provifions ,  je 
peufe  que  Pauluski  fe  fera  pourvu  de  la 
«hair  de  renard ,  loups  Se  autres  délicatef- 


A  S  I  6^T 

[es  ;  car  pour  pcclier  il  ne  le  pouvoit  pas 
(iir  une  glace  fi  étendue ,  fi  ferme  i  mais  du 
inoins,  le  génie  devoit  les  pourvoir  de  quel- 
ques fecours ,  pour  fe  repofcr  fur  des  cou- 
ches molles,  &  les  garantir  du  grand  froid. 
Etoit-il  encore  fur  les  glaces  ou  fiir  terre , 
lorfque  les  î'fchouktski  avancèrent  pour  lui 
livrer  bataille?  Si  c'eft  le  preinier,  on  ne 
peut  qu'admirer  fon  courage  ik  fou  habile- 
té ,  d'avoir  pu  &  voulu  abandonner  fon  île 
de  glace  pour  aller  à  terre,  uniquement  dans 
le  but  de  fc  battre. 

De-là  il  avança  encore  plus  loin,  trouva 
deux  rivières ,  qui  fe  jettent  à  une  journée 
l'une  de  l'autre ,  dans  la  mer  glaciale  ;  ri- 
vières auflî  inconnues  à  fès  prédéceffeurs 
nomm.és  ci-dcfliis.  Il  faut  que  cette  côte 
ibit  d'une  étendue  immenfe,  puifqu'aprèsr 
le  7  juin ,  il  ne  repofa  que  huit  joiu-s  ,  & 
pourtant  ne  parvint  à  cette  dernière^  &  qu'il 
n'y  eut  un  fécond  combat  que  le  30  juil- 
let (  il  eft  vrai  qu'enfuite  parlant  du  troi- 
fieme  combat ,  il  eft  dit  le  14  juillet  ;  il  faut 
donc  que  par  erreur ,  on  ait  mis  30  juillet , 
au  lieu  de  juin.J  N'importe  ,  en  calculant 
fon  voyage  jufqu'à  l'arrivée  de  l'autre  côté 
du  cap  prétendu  ,  il  faudroit  placer  cette 
extrémité,  non  à  208  lieues ,  mais  à  250  5 
vu  que  le  degré  n'y  donne  plus  que  5  lieues 
&  demie  :  pofons  6  lieues ,  &  que ,  comme 
il  eft  dit  en  fe  rendant  vers  la  mer ,  depuis 
Anadirskoi ,  il  laiffa  la  fource  de  cette  ri- 
vière, marquée  à  plus  de  li  degrés  à  l'eft 
de  Kolyma  à  fa  gauche  ,  &  miu-chant  di- 
rectement au  nord  ^  malgré  donc  l'éloigne- 
ment  fiippofé  &  incroyable  de  ce  cap  Ta- 
bin  ,  du  Kolyma  (  toujours  d'après  la  carte 
de  M.  Mullcr  ) ,  il  n'y  auroit  depuis  la  pre- 
mière rivière  inconnue  ,  jufqu'au  cap,  ou 
la  naiifance ,  qu'environ  10  degrés  ou  60 
lieues.  Je  voudrois  qu'on  pût  concilier  cela 
avec  toutes  ces  journées  &  temps  qu'il  y  a 
employés. 

Après  le  troifieme  coinbat ,  il  pafTa  ce 
cap  Tabin ,  &  mit  dix  jours  pour  parvenir 
à  la  côte  oj>poféc,  à  caulc  des  grandes  mon- 
tagnes qu'il  avoit  à  palier.  Je  n'en  ferai  pas 
le  calcul  ;  mais  ce  voyage  augmente  tou- 
jours cette  étendue  fi  extraordinaire  i  depuis 
cet  endroit,  il  fut  vingt  jours  en  chemin ,  hiî 
&  fes  baidares  de  même  ,  jufqu'au  Serdze- 
kamen  ,  d'où  ,  eft-il  dit ,  il  reprit  le  même 
Kkkki 


e^t  A  SI 

ciiemin ,  pour  retourner  à  Anadirskoi ,  qu'il 
avoit  pris  pour  aller  à  la  mer  glaciale.  L'au- 
teiu*  de  la  relation  montre  par-tout  qu'en 
la  compolànt ,  le  bon  fens  l'avoit  entière- 
ment abandonné.  Il  alla  depuis  Anadirskoi 
direÛement  au  nord  ,  fit  un  voyage  de 
près  d'un  mois  vers  l'ell  ■■,  delà  au  fud  juf- 
qu'au  Serdzekamen  ,  &  revint  pourtant  par 
le  même  chemin  qu'il  étoit  allé  vers  le  nord. 
En  vérité  ,  pareilles  fornettcs  épuifent  toute 
crédibilité ,  crédulité  même  ^  &  on  ell:  en 
droit  de  rejeter  toute  la  relation  :  mais  , 
enfin  ,  dira-t-on  ,  il  a  été  à  ce  cap  dont  on 
nie  l'csillencc.  Je  veux  fuppofer  que  fur  un 
endroit  de  la  côte ,  il  y  ait  de  grandes  mon- 
tagnes ,  tout  comme  au  Serdzekamen  ,  & 
dans  prefque  toute  la  partie  de  cette  extré- 
mité de  rÀile  ■■,  mais  il  n'eft  pas  dit  un  mot 
qu'il  s'y  trouve  un  cap  fi  fin  avancé  li ans  la 
mer  :  quand  même  donc  tout  ce  récit  ièroit 
aufîi  véritable  qu'il  eft  manifeftement  fabu- 
leux ,  cela  ne  prou\'eroit  rien  en  faveur  du 
cap  \  au  contraire  ,  toutes  ces  relations  s'ac- 
corderoient  plutôt  avec  celles  des  anciens  , 
avec  leurs  cartes ,  8f  l'idée  même  de  M.  de 
rifle ,  que  depuis  le  Lena ,  la  côte  s'avance 
toujours  au  fud-eft  ,  &  non  point  à  l'eft. 

1 8°.  Je  n'ai  rien  à  remarquer  ici  fur  M. 
Kiriiow  ,  finon  que  c'eft  par  connoillancc 
de  caufb  que  le  fénat  mit  tant  de  confiance 
en  fon  zèle  &  izi  luinieres ,  lorlqu'il  s'agif- 
iôit  de  la  relation  de  Spangberg. 

19°.  On  voit  par  ce  que  M.  Witlèn  dit , 
&  la  remarque  de  M.  Buache ,  que  tout  ceci 
ne  peut  s'entendre  que  du  Serdzekamen  , 
quoiqu'il  foit  un  de  ceux  qui  font  imbus  de 
ridée  de  ce  cap  Tabin ,  &  de  l'exiftence 
^^ut-à-fait  infoutentible  dés  îles  &  bas-fonds 
;\  cette  latitude  ,  ce  que  M.  Witlen  dit  des 
honnncs  à  joues  percées ,  le  confirme  en- 
core plus. 

zo".  Ce  que  dit  Kcm.pfer  eft  de  même  \ 
un  ifthme  n'a  jamais  pu  être  {iippofc  à  73 
degrés  j  mais  il  y  en  a  un  au  Serdzekamen, 
Tcmi-'U  de  montagnes ,  reprcfenté  par  tous 
.tes  auteurs,  comme  avançant  fi  fort  en  mer, 
qu'on  n'en  connoît  pas  la  fin ,  &  nommé 
cap  de  glace  par  M.  de  l'ille  ,  qui  en  eut  la 
éonnoiflance  fous  ce  nom ,  de  même  que  i\\i 
Kamtfchat ,  fans  fe  douter  qu'il  en  cxiiiût  un 
a.itre  plus  au  nord  j  que  même  on  ne  le  con- 
poitroit  pas  (ans  les  nouvelles  décguvcrtes  3 


A  S  I 

auxquelles  celle  de  Beering  a  mis  le  (ceaii  5 
ce  font  les  montagnes  de  Nolfé  ,  fi  fameu* 
lès  chez  les  précédens  géographes.  Cène 
peut  être  que  ce  cap  coupé  fur  la  planche  , 
que  Kempfer  a  vu  j  quand  même  on  allé- 
gueroit  8c  admettroit  les  n.iontagnes  men- 
tionnées dans  la  relation  plus  que  fufpe£te 
de  Pauhiski ,  toutes  les  autres  circonftances 
ne  peuvent  convenir  qu'au  Serdzekamen. 

zi°.  Les  Xuxi  &  Kœliki  ,  habitant  les 
pays  jufqu'au  Kannfchatka  ,  la  langue  de 
terre  ou  cap  de  glace ,  coupée  pin  des  iles  , 
ne  fauroient  indiquer  que  le  même  j  l'en- 
trée des  pêcheurs  vers  le  nord  ne  peut  con- 
venir qu'à  cehii-ci ,  puifque  ce  font  les  paf- 
ftges  entre  ce  cap  Si  les  iles^  on  voit  qu'il 
parle  d' Anadirskoi  ck  de  fes  environs  ;,  enfin 
que  le  Nawal  fè  trouve  en  abondance  llir 
ce  banc  de  l'Anadyr  ^  c'eft-là  que  ceux  de 
Jakontski  fe  rendent ,  &  que  le  cap  Saint , 
avec  tous  les  autres  endroits  mentionnés  , 
font  voifins  l'un  de  l'autre ,  non  à  10  degrés^ 
ou  200  lieues  plus  an  nord. 

22,°,  L'officier  fuédois  parle  encore  aifez 
récemment  des  Rulfes  quipaifent  le  Swœtoi- 
Nolfpour  commercer  avec  les  Kamtfchada- 
les ,  vers  les  50  degrés  de  latitude.  Ne  fera- 
ce  pas  encore  le  Serdzekamen  ?  Alfurant 
qu'ils  feront  obligés  de  pailèr  entre  la  terre 
ferme  &  une  grande  île  au  nord-eft  du  cap 
Swtoi-Noir.  Où  trouver  cette  grande  île 
vci-s  ce  cap  Tabin  ?  Eft-ce  à  fon  nord-elî  ? 
Perfoinie  n'ofera  aflurer  qu'on  en  ait  une 
ombre  d'indice  de  ce  côté  ,  au  lieu  que  la 
grande  île,  que  ce  foit  la  côte  du  continent 
ou  non  ,  eft  en  grande  partie  au  nord-eil 
du  Serdïekamen  j  c'eft  à  cette  confufionque 
la  prétendue  terre  des  Eidigani  devoir  Ibn 
origine ,  parce  qu'on  l'a  placée  vis-à-vis  le 
Kolyma  •■,  ce  qui  a  caufé  bien  des  frais  6c 
des  peines  pour  en  conftater  l'exiftence  y. 
qui ,  enfiiite  des  informations  jt'.ridiques  y 
s'cft  trouvée  f  ms  fondement. 

Les  Jukagres  liiibitent  précifément  les 
pays  dont  cet  officier  parle,  depuis  la  fource 
de  l'Anadyr  ,  jufquc  vers  les  bords  de  la 
mer  du  nord  à  l'oucft  du  Kolyma  ^  fon  cap 
Tabin  eft  donc  le  Serdzekamen ,  vu  que  Ica 
Tzutski  occupeut /ij/A  tout  le  pays  depuis 
l'Anadyr  vers  le  prétendu  cap. 

23".  Cette  relation  toute  rcce;Ue  a  frappé 
bien  des  iàvsjis  qui  ont  été  liirpris  de  la: 


A  S  I 

voir  Cl  concordante  avec  mon  fyftéme  de 
la  pénibilité  &  facilite  de  palFcr  ce  formi- 
dable cap  Tabin  (  que  j'avois  encore  lailîé 
fublifler  alors ,  )  contn;  tout  ce  que  les  autres 
géof^raphes  avoient  fcutenu  ci  -  devaiit  ^  ti 
ce  qui  me  paroitîe  plusiingulier,  c  eft  qu'en 
fuppolant  ce  cap,  on  le  regardoit  comme 
un  oblhicle  infurmontable  au  paffage  par 
le  nord  •■,  mais  que  l'ayant  pafië  ,  il  n'y  en 
avoit  plus  pour  îè  rendre  au  Kamîfchatka, 
au  lieu  que  tout  railbniicment  &  les  ex- 
périences générales  fondent  un  fentiment 
oppofé. 

Ce  cap  Tabin  eft  ,  dit-on  ,  à  l'extrémité 
du  nord-ell  de  TA/ie  ,  ayant  la  mer  du  nord 
à  l'oueft  &  au  nord  ;  l'autre  mer  à  l'eft  & 
fud-eft  :  ce  doit  être  un  finis  terrer.  L'expé- 
rience inconteflablc  prou\'c  que  dans  une 
telle  mer ,  l'agitation  des  vents ,  de  quelque 
côté  qu'ils  viennent,  efl  fî  forte,  que  jamais 
il  ne  s'y  pourroit  former  àcs  glaces ,  encore 
moins  y  refter  Ç\  peu  de  temps  que  ce  foit  \ 
tous  ceux  qui  donnent  la  defcription  des 
côtes  de  la  mer  &  de  ces  glaces  f  F'oyei  ^'''' 
Froiu  &  Glaces,  )  afiurentnnanimement 
qu'un  vent  ordinaire  du  nord  les  jetant  fur 
le  rivage  ,  un  autre  de  terre  les  fait  d'a- 
bord retourner  en  m.er  ^  &  qu'eft-ce  qu'ini 
tel  \ent  en  comparaifon  de  ceux  qui  régnent 
continuellement  vers  un  tel  cap  de  tous  les 
côtés  ?  Voilà  donc  ce  cap  ,  quelque  grand 
qu'on  le  fuppofe  ,  finilFant  en  pointe ,  dit-on, 
qui  nemettroitjamaisd'obfiacleaupafîlige  -, 
il  n'en  ell  pasde  mêm.e  du  Scrdzekamen,  un 
promontoire  grand,  large  ,  s'avançant  très- 
loin  vers  l'eft  dar.s  la  mer  ,  fon  extrémité 
fuiviedeplulîeurs  îles  grandes  &  petites  vers 
le  continent  peu  éloigné  :  quoi  de  plus  na- 
turel que  les  glaces  emmenées  de  toutes  les 
bandes  du  nord  ,  qui  s'arrêtent  à  cette  pref- 
qu'île  ,  autrefois  prife  pour  un  illhme  ,  vers 
les  îles  fuivantes  &  entre  les  îles  ?  Voilà  le 
véritable  cap  de  glaces  ,  &  qui  eft  très  à 
craindre  :  cependant  on  voit  qu'on  peut  le 
franchir  a^ec  de  bons  vailFcaux  j  &  on  ne 


le  craint  point. 

On  ne  m'objeéfera  pas  qu'étant  plus  au 
fud,  les  glaces  y  font  moins  à  craindre  :  nous 
prouverons  à  l'article  cité ,  que  ce  n'eft  pas 
le  plus  ou  moins  de  proximité  du  pôle ,  qui 


A  S  I  6<i^ 

eft  la  caufè  du  plus  ou  moins  de  glaces,  mais 
descirconftances  qui  n'y  font  pas  précifém.cnt 
re!ati\es.  Je  dois  feulement  remarquer  fur 
cette  relation  ,  que  ceux  du  Kolyma  ont 
nomnié  ces  iles ,  vers  l'Amérique  ,  yîlcyut; 
bi  que  félon  le  rapport  de  M.  MuIIcr ,  d'après 
les  'ITchoutski,  le  pcujile  delà  })ren!iere  ile 
fe  noînme  Achjuch-Aliat;  celui  de  la  grande 
contrée  à  l'eil  Kitfchin-Aitat  ^  ce  qui  paroît 
être  le  même  nom  que  celui  (ÏAJcyut  ;  une 
autre  nation  d'une  de  ces  îles  Pcckcli  :  tout 
ceci  eft  très-conforme  l'un  à  l'autre. 

Four  ne  pas  être  trop  prolixe  ,  nous  di- 
rons peu  fur  les  cartes  citées. 

Nous  voyons  que  ce  que  les  anciens  au* 
teurs  marquent  du  cap  l'abin  ,  n'eft  fondé  , 
comme  nous  l'avons  dit ,  que  fur  l'envie  de 
donner  une  place  à  celui  de  Pline  ,  d'après 
les  idées  qu'on  s'en  eft  formées ,  &  non  fur 
des  relations  •■,  que  tous  plaçoicnt  dans  le 
voifinage  du  cap  l'Indigir  ,  le  Kolyma  (  ce- 
lui-ci même  quelquefois  au  ftid  ou  à  l'eft  ,  ) 
l'Anadyr ,  le  Kamtfcliat ,  comme  peu  é!ci- 
^nés  les  uns  des  autres  ;  ce  qui  fonifieroit 
l'idée  ,  qu'en  omettant  ce  cap  ,  on  devroit 
marquer  une  même  côte  depuis  le  Lena 
jufcfu'au  Serdzekamcn  •,  &  que  ce  n'eft 
pas  lans  raifon  ,  que  plufîeurs  ,  &  encore 
Gmelin  qui  a  eu  une  grande  connoiifance 
de  ces  pays  &  rivières ,  oiit  regardé  l'Indigir 
&  l'Anadyr  comme  nvicres  de  la  même  mer  • 
ce  qui ,  lans  cela  ,  lèroit  aufti  ridicule  & 
plus  ,  que  fi  on  parloit  ainfi  du  Rhône  &  du 
Tage. 

Strahlenberg  ,  à  la  vérité ,  a  laiflë  fob- 
fifter  ce  cap  Tabin  :  mais  il  met  fa  naiftance 
tout  près  du  Kolyma  j  &  ce  cap  fait  une 
langue  de  terre  étroite  ,  fort  avancée  dans  la 
mer  ,  dont  l'extréinité  eft  vis-à-vis  l'île  fup- 
polce  des  Eidigani.  Les  officiers  fuédois ,  en 
ijKî  ,  ont  omis  l'un  &  l'autre  ,  comme  ne 
méritant  égalem.ent  aucune  créance.    Par 


ds 


contre  ,  eux  &  Strahlenberg  ont  marqué 
avec  foin  un  grand  prcinontoire  eu  pref- 
qu'île  comm.e  un  finis  terrœ  de  ce  côté  \  c'cft 
le  cap  Anadirskoi ,  le  feul  cap  réel  &  conii- 
dérable  \  une  grande  île  à  fon  eft  ,  nommée 
des  Luc/iochcuski-,  qui  f^ra  celle  découverte 
vers  l'AiriCrique  •■,  &  d'autres  petites  (*).  Ce 
foui  grand  cap  finit  du  côté  du  fud ,  foit  fon 

{*)  Cette  fituation  véritable  a  dté  fi  bien  reconnue  &  adoprée,  qu'on  l'a  aufl!  lepiéfemée  lellc 
ns  VH^fioire  dciTartares  d'AlulgafiBiiy.diiT  i'kan. 


^54  ASC 

commencement  à  60  degrés  ■■,  le  tout  depuis 
le  65"^  degré  ac!inir;iblcmciit  conforme  à  la 
vérité  ■■,  fans  doute  ,  parce  qu'on  l'a  appris 
•d'Atlaflow;,  dans  la  relation  de  Strahlenberg, 
article  ïnkagri  ,  il  dit....  entre  U  Lena  &  le 
Swatoi-nojs  ,  ou  ,  comme  difent  les  RuJJes  , 
N oJf-T chalaskoi  fi"  Anadirskoi  ;  voilà  donc 
tout  expliqué ,  qu'au  delà  du  Lena ,  il  n'y  a 
point  d'autre  cap  que  le  Serdzekamen  ,  foiis 
le  même  nom  qu'Atlailow  lui  donna ,  comme 
tout  près  de  l'Anadyr ,  point  d'autre  conlidé- 
xable  entre  celui-ci  &  le  Lena. 

Si  dans  la  carte  d'Isbrand  Ides,  la  rivière 
Kaintfchat  eft  m.arquéc  à  yi  degrés  ,  c'eft 
-toujours  par  la  fuppofîtion  qu'il  y  a  un  cap 
.au  75^ degré  ^  &  pourtant  on  n'en  coiuioiiroit 
point  d'autre  que  le  cap  voifin  de  l'Anadyr 
<îu'cn  éloignoit  à  proportion  ^  d'ailleurs  les 
latitudes  mên^.e  &  encore  plus  les  longitudes 
font  encore  ii  peu  fûrement  indiquées  de  nos 
jours  (  comme  nous  le  remarquerons  article 
Latitude  ,  )  qu'il  ne  faut  pas  être  furpris  fi 
les  anciens  y  faiibient  des  fautes  fi  grolfieres  ; 
ce  n'cli:  point  fur  quoi  je  me  fonde ,  mais  fiir 
ics  pcfiiions  réciproques  &  relatives  des 
caps  ta  rivières  qi:i  pouvoient  &  dévoient 
être  connues  ,  fans  que  la  latitude  le  fût. 
Ortelius ,  félon  que  M.  Muller  le  remarque 
lui-méirie  ,  a  placé  les  dix  tribus  d'Iiraël  fiir 
la  rive  de  l'Obi ,  à  8z  degrés  \  fi  donc  on  a 
pu  commettre  une  faute  fi  gro/Tîere  ,  qui 
n'empêche  pas  rcxifi;ence  de  l'Obi ,  Ides  a 
bien  pu  placer  le  Kamtfchat  à  yz  degrés  :  il 
.s'agit  des  fituations. 

Le  foupçon  de  la  déclinaifon  de  la  côte 
&  de  la  plus  grande  proximité  de  l'Indigir 
&  duKolymafe  fortifie  encore  par  d'autres 
Téilexions. 

M.  Gmelindit  ;  ce  il  y  a  même  des  vefiriges 
»  qu'un  homme  dans  un  petit  bateau  qui 
JJ  n'étoit  guère  plus  grand  qu'un  canot  de 
j)  pêcheur  ,  a  doublé  le  cap  Schalagiiiskoi , 
»  &  a  fait  le  vo)'age  depuis  le  Kolyma  juf- 
»  qu'en  Ivamifcbatka.  )>  On  demandera  lî 
je  fuis  alTez  crédule  pour  le  croire  ?  Non  :  fi 
j'accordois  ce  qu'il  entend  par  ce  cap  ,  il 
faudroit  félon  ces  dillances  arbitraires ,  don- 
nées fur  les  cartes ,  faire  5  à  <5oo  lieues  \ 
jnais  fi  ,  félon  mon  fj^lême ,  on  fait  rentrer 
le  cap  Tabin  dans  fbn  néant ,  on  diriiinuc  l'é- 
jcndue  des  côtes ,  rapproche  les  ri-v  icres ,  fur- 
J:out  le  Kolinia ,  fait  douJ^lcr  le  Serdzcka  • 


A  sr 

men ,  comme  le  feul  &  véritable  cap  Scha^ 
laginskoi ,  alors  cela  ne  fera  pas  impofîîble 
dans  une  des  années ,  où  ,  comnie  M.  Muller 
l'avoue,  il  n'y  a  pas  de  glaces  dans  ces  envi- 
rons ;  &  alors  je  dois  rendre  juilice  à  M. 
Gmelin  qui,  p;ir  devoir  ,  a  fait  fon  poffible 
pour  infinuer  l'impolfibilité  du  voyage ,  l'exif^ 
tence  du  cap  Tabin  ,  èc  la  diilance  infinie 
qu'on  a  trou\é  à  propos  d'établir  \  quoiqu'en 
divers  endroits  de  fà  relation  ,  il  lui  foit 
échappé  des  vérités  contraires ,  dont  la  cour 
ne  lui  aura  pas  fu  gré  5  enfin  toutes  les  cartes 
&  les  relations  pefees  avec  impartialité  &à 
la  balance  du  bon  feus ,  feront  voir  qu'il 
faut  reiferrer  le  continent  de  l'Afie ,  que  l'on 
a  fait  trop  long  &  trop  large  jufqu'ici.  C'eft 
fur  cette  idée  que  j'ai  dreflé  la  carte  n*^.  III  ; 
c'efl  aux  découvertes  ultérieures ,  faites  avec 
foin ,  &  aux  relations  véridiques  &  non  alté- 
rées par  des  motifs  de  politique,  à  couftater 
mes  ccnjedures.(£'; 

Asie  ,  (  Géogr.  )  ville  de  Lydie  auprès  du 
mont  Tmolus.  Suidas  dit  qu'on  y  inventa  la 
guitare  à  trois  cordes.  On  prétend  que  cette 
villeefl  une  des  premières  de  l'^/î-V,  &  qu'elle 
a  bien  pu  donner  fon  nom  à  cette  partie  du 
moiide.  (  C.  A.) 

A.SILLE,  afillus  ,  infcfte  que  quelques 
auteurs  ont  confondu  avec  le  taon  ;,  cepen- 
dant on  a  obfèrvé  de^  différences  marquées 
entre  l'un  &  l'autre  ,  quoiqu'ils  fe  relîem- 
blent  à  quelques  égards.  \Jafille  tourmente 
beaucoup  les  bœufs,  &  les  pique  viveinent^ 
on  dit  que  fbn  bourdonncnient  les  fait  fuir 
dans  les  forêts ,  &  que  s'ils  ne  peuvent  pas 
féviter  ,  ils  fe  inettcnt  dans  l'eau  jufqu'au 
ventre,  &  qu'ils  fè  jettent  de  l'eau  pardclfus 
le  corps  avec  la  queue  ,  pour  faire  fuir  les 
afilks.  C'efl  pour  cette  raif'jn  qu'on  a  ap- 
pelle ces  infeiites  mu fco' boarLvvel  bucularict, 
Moutfet  leur  donne  le  nom  grec  ««po»'  :  ir,ais 
il  convient  que  ce  même  nom  appartient 
audi  à  d'autres  infeÛes.  M.  Linna:us  diltin- 
guc  Yaftlle  ,  fa-JJrus  ;  &  le  taon  ,  en  trois 
genres  dépendans  d'unç  même  claffe  ;  & 
il  rapporte  treize  efpeces  au  genre  de  ïajtlle, 
Fauna  Succica  ,  page  308.  Voye[  In- 
SECl'E.  (/  ) 

ASIMA,  (Hifi.  des  Relig.  Idolat.  )  dont 
il  eft  parlé  dans  nos  annales  facrécs ,  liit  l'i- 
dole des  peuples  d'Emath  ,  qui  le  rcpréfcn- 
toiciit  fous  lu  figure  d'un  bouc  ,  fymbole  de 


A  SI 

îa  lafciveté ,  ce  qui  fait  conjccflurer  qiic  cette 
divinité  prclîdoit  au  plaifirde  l'amour  ■-,  d'an- 
tres prctcndent  qu'il  étoit  le  inêmc  que  le 
dieu  Pan  des  Efî)-pîiens  :  on  ne  fait  aucun 
détail  fur  fon  culte.  {T-n.) 

ASINAIRES  ,  adj.  pris  fnhft.  [Hrff.  ^nc.) 
fctes  que  les  Syracufains  cclébroicut  en  mé- 
moire de  l'avanta.^c  qu'ils  remportèrent  fur 
Nicias  &  Démoiihcnes ,  généraux  des  Athé- 
niens ,  auprès  du  fleuve  Afir.arius  ,  aujour- 
tl'liui  Fûlconara ,  rivière  de  Sicile.  (G) 

*  ASINARA  ,  petite  ile  d'Italie ,  près 
de  la  côte  occidentale  de  la  Sardaigne.  Long. 
2(5  ^  /i7/.  41. 

ASÎNÉ  ,  (  Gcogr.  )  ville  du  Péloponcfe  , 
dan-  la  Mcilénie:,  elle  lè  nomme  aujourd'hui 
Anchota  ;  fa  lituation  eft  près  du  golfe  de 
Modon  ou  Coron.  Etienne  le  géographe 
place  une  ville  de  ce  nom  dans  l'île  de 
Chypre  ,  &  une  autre  encore  dans  la  Cili- 
cic,  {C.  A.) 

ASINE  ,  (  l'ûe  )  f)  nonyme  dont  on  fc  fert 
au  palais  pour  éviter  le  mot  âne,  qui  a  quel- 
que chofe  de  trivial.  {H.  ) 

*  ASIOX-GABER,  viUe  d'Idumée ,  fur 
le  bord  de  la  ir.er  Rouge. 

*  ASIOUTH  ou  SOIOUTH,  viUede  la 
haute  Egypte. 

'  ASISIA,  ville  d'Illyrie ,  dans  un  lieu 
qu'on  appelle  aujoiu-d'hui  Bâiblr  ou  Ber- 
game  ,  &  où  l'on  trouve  encore  des  ruines. 

ASJOGAM  ,  f.  m.  (  Hijl.  net.  Botamq.) 
plante  du  Malabar  ,  allez  bien  repréléntée  , 
mais  fans  détails ,  par  Van-Rheede  dans  fon 
Honus  Malabaricus  ,  volume  V ,  page  1 17  , 
planche  LIX.  Les  Brames  l'appellent  asjo- 
gam  coinme  les  "vlaiabares  &  caffibori  ;  les 
Portugais  fula  do  diabolo  ,  &  les  Hollan- 
dois  ,  tovcrblocmen.  C'eft  Xarbor  Indien  Icn- 
gis  ,  mucronatis ,  tniegris  f'oliis  ,  fruclu  albi- 
tante  ,  nucis  palmce  iiidel  diclx  œmulo  ; 
afshogamaram  Malabarorum  ÀQ.  Plukeuet  , 
dans  foi! Mamiffa pag.  zi. 

C'eil  un  arbriffeauds  moyenne  grandeur , 
haut  de  quinze  pies  environ  ,  à  cime  coni- 
que pointue  ,  formée  d'un  petit  uoinbre  de 
branches ,  diipo/eea  circulairemeiit  &  alter- 
nativement, écartées  fous  ihi  angle  de  trente 
à  quarante,  degrés ,  &  portées  iiir  un  tronc 
cylindrique  de  fix  à  .neuf  pouces  de  diamè- 
tre ,  à  bois  blanc  ,  recouvert  d'une  écorce 
hniu-uojr.  Sa  racine  ell  longue  .  profoiidc- 


ASJ  <rj5 

ment  enfoncée  fous  terre  ,  couverte  de  fibres 
uombreulcs  ,  blanchâtre  à  écorce  noirâtre. 
Ses  feuilles  ibnt  oppofécs  deux  à  deux  , 
non  pas  en  croix ,  mais  fur  un  même  plan  , 
elliptiques,  allez  femblables  à  celles  del'a- 
dhatoda,  pointues  aux  deux  bouts,  lonffues 
de  fix  à  fcpt  pouces ,  deux  à  trois  fois  moinS 
larges,  entières,  épaifl'cs,  relevées  en  dcllbus 
d'une  nervure  longitudinale  à  dix  ou  douze- 
côtes  alternes  de  chaque  côté,  &  portées  fur 
un  pédicule  demi-cylindrique  aifez   court. 

Les  fleurs  fortcnt  des  branches  de  l'avant- 
dcrnierc  poulie  ,  dont  les  feuilles  font  tom- 
bées ^  elles  font  longues  d'ini  pouce  ,  un 
peu  moins  larges  ,  ralfemblées  au  nombre 
de  dix  à  douze  ,  en  un  cor}'mbe  alterno  , 
l^relque  fellile  ,  lî)hérique ,  portées  chacune 
liir  un  pédicule  extrêmement  court ,  &  com- 
pofées  d'un  calice  à  quatre  dents  ou  divi  lions 
cylindriques  portées  fur  l'ovaire  ,  de  quatre 
pétales  jaunes  orbiculaires  ouverts  horizon- 
talement ,  deux  fois  plus  longs  que  le  calice  , 
&{  de  huit  étaniines  une  fois  plus  longues  qua 
les  pétales ,  rouges  ,  luifantes,  couronnées 
d'anthères  ,  noirâtres ,  au  centre  defquellcs 
s'élevc  un  ftylc  prcfque  aufli  long ,  conique ,-. 
vcrd  -  blanchâtre  ,  épais  ,  courbé  en  ai'^r 
de  bas  en  haut ,  8c  tenniné  par  un  ftig- 
mate  fîmple.  Au  delîbus  de  cette  fleur  ,  l'o- 
vaire paroît  fbiis  la  forme  d'un  pédicule  co- 
nique renverfé  ,  long  d'environ  un  pouce  , 
deux  à  trois  fois  moins  large  ,  qui  devient 
eu  imn-llfant  une  baie  ovoïde  blanchâtre  à 
une  loge  ,  contenant  un  olfelet  de  même' 
forme  ,  comparable  à  celui  du  dattier. 

Cuhure.  L.'asjogam  vit  long-temps  ;  il  elt 
toujours  verd ,  &  lleurit  tous  les  ans  une  fois 
en  décembre  &  janvier  :  fes  fleurs  durent 
long-temps.  Il  croît  par-tout  le  Malabar  j  on 
le  voit  Kir-touî  abondamment  autour  des- 
templcsdes  païens ,  qui ontfoin  de  le c!!lti\er 
pour  orner  de  fes  feuilles  &  de  fes  fleurs ,  ces" 
temples  dans  leurs  jours  de  cérémonies. 

Qualiiér.  Il  n"a  pas  d'odeur  ni  de  faveur 
fenlible  ,  fî  ce  u'cit  dans  fes  feuilles,  qui  ne 
font  pas  trop  agréables  au  goût. 

VJages.  Les  Malabares  pilent  fes  feuilles- 
&  en  expriment  un  fuc  qui  ,  -  avalé  avec  la  . 
poudre  des  femences  du  cumin  ,  appaife  les- 
colique.s  èc  la  palHon  illiaque.  La  poudre  de 
fes  feuilles  fe  prend  auiïi  mêlée  avec  le  fan-- 
tal  citriji.Sck  fuçrc  ,  pour  purifier  le  fiiiig.> 


6^6  A  S  K 

Remarques.  Quoique  Van-Rheecîc  ait  dit 
que  Vasjogam  a  une  fleur  monopétale  ,  com- 
pofée  d'un  long  tube  partagé  en  quatre  divi- 
sions rondes  &  égales,  on  voit  par  l'expreflion 
lîiênic  de  fa  figure  ,  &  par  plufieurs  autres 
caraûeres  qui  ne  vont  pas  avec  ces  fortes  de 
fleurs  ,  qu'il  s'eft  trompé  ,  qu'il  a  fait  cette 
ciefcription  après  coup  ,  &  que  cet  arbre 
vient  naturellement  dans  la  première  fèftion 
de  la  famille  des  onagres,  enfin  qu'il  n'crt 
peut-être  qu'une  efpece  de  valikaha.  I^oyci 
nos  FamUles  des  plantes  ,  volume  II ,  p^^ge 
î»4.  (  M.  Adanson.  ) 

ASKEATON,  CG<-'oir.)  petite  ville  d'Ir- 
îaiidc  ,  au  comté  de  Limcrick.  Elle  efl  fur 
la  rivière  de  Shannon  ,  à  treize  milles  oueli 
de  la  ville  de  Limerick,  &  à  dix  milles  au 
fhddeTrally.  (C.^.) 

ASKEM-kALESI ,  ville  ruinée  d'Afie , 
avec  un  port ,  non  loin  de  Milet.  On  pré- 
tend que  c'étoit  l'ancienne  Halycarnalfe  ^ 
or;  y  trouve  encore  aujourd'hui  des  marbres 
&  des  monumens  anciens ,  &  Jacques  Spon 
a  conje£turé  que  ce  font  les  ruines  de  Jali  ou 
JaHî  ;  on  y  voit  le  rcfte  d'un  théâtre  de  marbre. 

*  ASKER-MORKEM ,  ville  de  la  con- 
trée d'Abouaz  dans  la  Chaldée ,  qu'on  nomme 
au(fi  ïlragiie  Arabique.  Cette  ville  s'appelle 
aufli  Sermenra'i  ,  fur  la  rive  orientale  du 
Tigre.  Long.  72  ,  20  ^  lat.  fept.  34.  On  dit 
qu'elle  s'appclloit  autrefois  Semirah. 

ASKITH,  (Géogr.  )  défcrt  d'Afrique,  en 
Egypte  dans  la  vallée  de  Hofail  ;  c'eil  dans 
ce  même  lieu  où  la  fainte  famille  ,  fuyant 
en  Egypte  ,  féjoiwna  quelque  temps ,  parce 
qu'il  s'y  rencontra  ,  dit-on  ,  comme  par 
miracle  ,  une  fontaine  où  l'on  menoit  boire 
les  ânes.  (C.A.) 

*  ASKRIG  ,  petite  ville  d'Angleterre  , 
dans  la  province  d'Yorck. 

ASLANI ,  (  Commerce  )  monnoie  d'ar- 
gent de  Hollande ,  &  que  l'on  fabrique  auiîi 
il  Inlpruck  ;  c'ell  le  daller  même  :  cette  ef- 
pece a  ,  tant  pour  effigie  que  pour  éculfon  , 
in\  lion  ^  8{  cet  animal  en  Turc  s'appellant 
ajlaiii  ^  c'cll  en  conféquence  que  les  Turcs 
ont  noinmé  le  daller  aflani.  Les  Arabes  qui 
prirent  le  lion  de  l'emprenite  pour  un  chien 
C&  ils  n'eurent  pas  abfolumcnt  tort,  car 
jamais  il  n'y  a  eu  d'empreinte  plus  équivo- 
que) appcUercat  la  même  pièce  abukcsb.  V. 
AbUKESB  «s*  DALLi^H, 


ASM 

ASLAPAT,  {Géogr.)  bour?  Confidéra- 
bîe  de  Perfe ,  en  Aiie.  Il  efc  fur  l'Arjtxe , 
afièz  près  de  Mafchivan  ;  les  femmes  y 
font  d'une  rare  beauté ,  aufli  le  grand  fophy 
y  en\'oie-t-il  faire  des  recraes  pour  fou  harem. 

ASMERE  ,  (Géogr.)  petite  ville  de  l'in- 
douftan  ,  dans  la  province  de  Bando  ,  fous 
l'empire  du  Mogol.  Elle  eil  au  fud-oueft 
d'Agra ,  fur  la  ri\iere  du  Padder.  On  y  voit 
le  tombeau  de  Hoghe  Mondée ,  célèbre 
mufulman  ,  fanclifîé  chez  les  Indiens  de  fa 
feélc.  II  ne  tant  pas  confondre  Afmen  avec 
Azmer  ou  Bando.  (  C.  A.) 

*  ASMIRÉES  ,  montagnes  d'Afie  ,  dans 
le  pays  des  Seres ,  qu'habitent  les  Afini- 
récns  ,  peuples  répandus  aulli  dans  le  can- 
ton de  Cataja,  qui  efl:  fort  étendu  ,  &  qui 
fait  partie  de  la  Tartarie  prife  en  général. 

ASMODAIoi/  ASMODÉE,  (Théologie.) 
eft  le  nom  que  les  juifs  donnent  au  prince 
des  démons ,  comme  on  peut  voir  dans  la 
paraphrafe  chaldaïque  fur  l'Eccléliailc ,  cap. 
j.  Rabbi  Elias  dans  fon  diéfionnaire  inti- 
tulé Thisbi ,  dit  quAfm.odai'ell  le  même  que 
Sam.aël ,  qui  tire  fon  nom  du  verbe  hébreu 
famad ,  c'eil-à-dire  détruire  ;  8c  ainfi  Afmo- 
dai  fignifie  un  démon  dejhuclcur.  Voye[  Sa- 
MAEL.  (G) 

ASMUND,  (Hifloirt  de  Suéde.)  xo\  de 
Suéde.  Après  la  mort  de  Suibdager  fbn 
perc  ,  qui  fut  vaincu  par  Hadding  ,  roi  de 
Danemark ,  &  périt  les  armes  à  la  main  ,  il 
fiiccéda  à  la  triple  couronne  qui  relloit  dans 
fa  famille.  Mais  il  crut  qu'il  ne  s'en  rendroit 
digne  ,  qu'en  immolant  Hadding  aux  mânes 
de  fon  père.  Il  lui  déclara  la  guerre.  Il  ne 
tilt  point  arrêté  par  un  préjugé  général  qui 
faifoit  du  roi  de  Danemarck  un  fbrcier  dont 
les  charmes  étoient  irréfiftibles.  Il  crut  que 
Ç\  l'enfer  combattoit  pour  Hadding  ,  le  ciel 
combattroit  pour  la  bonne  caufc.  Les  deux 
armées  furent  bientôt  en  prélênce  '-,  Eric  fai- 
fbit  fcs  premières  armes  fous  les  yeux  ^Af- 
mund  Ion  père.  Le  premier  coup  d'Hadding 
renverfii  le  jeune  prince  expirant  aux  pies 
à'Afmund.  Celui-ci  furieux ,  ayant  à  la  fois 
fbn  pcre  &  fon  fils  à  venger  ,  fc  précipite 
fur  Hadding.  La  colère  &  la  douleur  éga- 
rèrent fon  bras  ^  Hadding  lui  plongea  fa 
lance  dans  le  fein.  La  reine  Gulnida,  délèl- 
pérée  de  la  mort  de  fon  époux ,  donna  à  tout 
le  nord  un  lïjcdacle  plus  tragique  &  plus  rare 

cncora 


ASM 

cttcore.  Elle  fe  tua  de  fa  propre  main.  (  M. 
DE  Sacy.) 

AsMUND  II,  (Hijloire  de  Suéde.  )  roi  de 
Suéde  ,  tut  un  prince  pacifique  (fui  ue  prit 
les  armes  que  pour  vcii^^icr  la  mort  de  fou 
pcrcIngard,airalTiiiépardesrcbeIIes.Ilreviut 
trionipham  de  cette  ex])cdition ,  &  quitta  la 
lalice  pour  prendre  eu  main  le  timon  de  l'é- 
tat. Il  fut  jnlle  iV  ^^éiiéreux  ,  arable  ,  u'cut 
d'autre  minillre  que  lui-même,  &  donna  au 
Nord  l'exemple  de  toutes  les  vertus,  dans  un 
IjclIc  où  Ton  n'en  connoilToit  d'autre  que 
la  Lravoure.  C'eft  lui  qui  lît  brûler  une  partie 
de;  imnicnles  forêts  qui  couvroientla  Suéde , 
&  fervûient  de  retraite  aux  brigands  &  aux 
bêtes  féroces  ;  les  cendres  de  ces  arbres  ferti- 
liicrent  la  terre  ■■,  les  cul.ivateurs  encouragés 
par  le  goiivcrnement,  ne  le  plaignirent  plus 
ni  de  l'ingratitude  de  la  nature ,  ni  des  exac- 
tions de  l'état.  Al'mund  fît  applanir  les  che- 
mins ,  &  favorilà  la  circulation  du  coir- 
merce.  Des  boiu-gades  &  des  villes  s'élevè- 
rent dans  des  lieux  qui  juique-là  n' avoient 
été  habités  que  par  des  ours  f,  fbn  peuple 
jouifîbit  du  fniit  de  fes  foins  ;  il  goûtoit  lui- 
même  le  plaiiir  de  faire  des  heureux ,  lorfque 
Sivard  /on  frère  ofà  lui  dilputer  la  couronne. 
Ajmund  marcha  contre  lui  ;,  les  deux  armées 
fe  rencontrèrent  dans  la  Néricie.  Afmund 
périt  dans  le  combat ,  l'an  564.  On  l'avoit 
înrnommé  Brant ,  c'eft-à-dire  deftruâeur 
des  forêts.  (M.  de  Sacy.  ) 

AsMUND  III,  (  Hifl.  de  Sufde.  )  roi  de 
Suéde.  Il  s'empara  du  trône  de  Biorn ,  & 
fût  détrôné  comme  lui.  Il  perfëcuta  les  pro- 
félytes  de  l'év'angile  qui  commençoit  à  faire 
des  progrès  dans  le  Nord.  Chalfé  de  fcs 
états ,  il  équipa  une  flotte ,  écuma  les  mers , 
£t  aux  Vandales  une  guerre  crueile  ,  lailfa 
fur  les  côtes  d'Angleterre  des  monumeiis  de 
fa  barbarie  ,  &  périt  dans  un  combat  vers 
l'an  848.  (  M.  DE  Sacy.  ) 

AsMUND  IV  ,  furnommé  Kolbrenncr  , 
(  Hift.  de  Suéde.  )  roi  de  Suéde.  Le  furnom 
de  Kolbienner  lignifie  brûleur.  Afmund 
publia  une  loi  pénale  par  laquelle  celui  qui 
avoit  fait  tort  à  un  autre  étoit  condamné  à 
voir  brûler  fa  propre  maifon.  La  peine  étoit 
ccpendatit  proportionnée  au  crime.  Si  le 
dommage  étoit  léger ,  on  ne  brûloit  qa'iuie 
partie  de  la  inaifon  du  coupable.  Ajmund 
rendit  aux  anciennes  lois  leur  première 
Tome  111% 


ASO  Cs-j 

viglioni' ,  cil  créa  de  nouvelles ,  favorifa  les 
progrès  de  l'évangile  ,  &  fut  le  père  de  ics 
iùjets  qui  tinrent  peu  compte  de  lès  bien- 
faits dans  un  fieclc  où  les  habitans  du  Nord 
pardonnoient  aux  tj'rans  même  leur  barba- 
rie ,  lorfqu'ils  étoient  bons  guerriers.  Il  fè 
laiflh  entraîner  dans  une  guerre  de  la  Norvège 
contre  le  Daneniarck  ;  elle  lui  ftit  fatale  : 
il  péritdans  une  bataille,  l'an  ioi$.{M.d3 
Sacy.  } 

AsmundV,  furnommé  Slemme,  (  Hifl.de 
Suéde.  )  frère  du  précédent.  Il  lui  fuccéda  , 
&  périt  comme  lui  les  armes  à  la  main  : 
mais  il  ne  vécut  pas  de  même.  La  juflice 
languitfous  fbn  regne,les  loix  furent  oubliées, 
les  mœurs  perdirent  cette  pureté  qu  Afmund 
/A'' leur  avoit  rendue  ,  &  les  brigands  repa- 
rurent. Le  roi  termina  par  la  ceflion  de  la 
Scanie  ,  les  longs  dilîerens  qui  s'étoient  éle- 
vés entre  le  Danein;irck.  &  la  Suéde  au  lujet 
de  cette  province.  Ses  fujets  lui  firent  un 
crime  d'avoir  refferréles  limites  de  fes  états  j 
leur  ambition  étoit  plus  vafte  que  celle  de 
leur  prince.  Le  furnom  de  Slemme  qu'ils 
lui  donnèrent ,  faifoit  ime  allufion  injurieufè 
à  la  foiljlefle  avec  laquelle  il  avoit  abandonné 
un  des  plus  beaux  fleurons  de  fi  couroiuie. 
La  hcnte  fit  fur  fon  cœur  ce  que  l'amoiir  de 
la  gloire  n'a\^oit  pu  faire.  Ilréfolut  d'effacer 
ce  furnom  odieux  ,  révoqua  fa  cciîion  , 
déchira  la  guerre  au  roi  de  Danemarck ,  fut 
aiîîégé  dans  un  château  ;  &  mourut  fur  la 
brèche,  l'an  1041.  {M.  de  Sacy.) 

*  ASNA ,  (  Geog.  une.  &  mod.  )  ville  de 
l'Egj^te  ,  fur  la  rive  occidentale  du  Nil. 
Long.  49  ,  10;  lat.  38  ,  15. 

*  ASOLA  ,  ville  d'Italie,  dans  la  Lom- 
bardic  ,  au  Breffen  ,  dans  l'état  de  la  répu- 
blique de  Venife.  Long,  i/  ,  48  j  lat.  45  , 
15. 

*  ASOLO,viIled'Italie  ,dans  leTrévifan, 
à  la  iburce  de  la  ri\'icre  de  Moufbn.  Long.. 
29,  30;  lat.  45,  49. 

ASONE  ,  (  Ge'ogr,  )  rivière  d'Italie,  dans 
la  marclie  d'Anconc.  Elle  a  fa  fource  fur 
les  frontières  de  fOmbrie  ,  dans  l'Apennin  , 
Se  fon  embouchure  ,  dans  la  mer  Adriati- 
que. {C.  A.) 

*  ASOPA,  voyf  jAnaplyste. 

*  ASOPE,  fleuve  d'Europe  dans  la  Béo- 
tie.  Il  y  a  un  autre  fleuve  de  ce  nom  dans  . 
l'Afie  mineure  j  un  troifiemc  dans  la  Morée. 

LUI 


6jS  ASP 

L'Afope  ,  fleuve  de  Macédoine  ,  arrofbit 
Héraclée. 

*  ASOPH  ou  AZACH  ,  (  Ge'og.  anc.  & 
mod.  )  ville  de  la  petite  Tartaric  à  l'embou- 
chure du  Don  qui  la  traverle  ,  y  forme  un 
port ,  &  le  jette  dans  la  mer  des  Zabaques , 
qu'on  appelloit  ■a\x\.xqïo\%\q's,  Palus Méotides. 
Les  anciens  l'appelloient  Tandis  de  l'ancien 
nom  de  la  rivière  ,  &  la  mettoient  dans  la 
Sannatie  européeinie.  Les  Italiens  l'appel- 
lent encore  la  Tana  :  on  y  a  joint  depuis  une 
nouvelle  ville  appellée  Saint-Pierre. 

C'elî  à'Ajoph  que  vient  une  partie  du  ca- 
viar qui  fe  débite  à  Conftantinople  ,  &  cet 
objet  eft  conlidérable.  Il  en  vient  aulTi  des 
efturgeons  &  des  mouronnes.  Les  Turcs  & 
les  Grecs  y  font  un  grand  trafic  en  efclaves 
Ruffiotes,Min_:n'éliens,Mofcovites,  &  autres. 

*  ASOR  ,  (  Géog.  )  Il  y  a  eu  plufieurs 
villes  de  ce  nom  \  une  qui  fut  capitale  du 
royaume  de  Jabin  ,  que  Jofué  réduilit  en 
cendre  j  elle  appartint  à  la  tribu  de  Neph- 
tali  ;  une  autre  cjui  appartint  à  la  tribu  de 
Juda  :  une  troifieme  delà  tribu  de  Benjamin. 

ASOKA TH ,  ou  les  traditions  des  prophè- 
tes.,  (  Hi/î.  mod.)  c'eft  chez  les  mahométans 
le  livre  le  plus  authentique  &  le  plus  reipeôé 
qu'ils  aient  après  l'alcoran.  Il  renferme  les 
interprétations  des  premiers  califes ,  &  des 
docteurs  les  plus  célèbres ,  touchant  les  points 
fondamentaux  de  leur  reli;;ion.  (-(-  ) 

ASPABOTA  ,  (  GJogr.  )  nom  d'une  ville 
des  Scythes  ,  fituée  ,  félon  Ptolomée  ,  en 
deçà  de  l'Imaiis.  (C.  A.) 

*  ASPALATH  ,  afpalatus  ,  (  Hijl.  nat. 
bot.  )  cette  plante  ,  que  quelques-uns  appel- 
lent eryj/fceptum  ,  eiî:  un  j{ros  buillon  li'^neux 
&  épineux  ,  qui  croît  le  lon^  du  Danube  ,  à 
Nifaro  &  à  Rhodes.  Les  parfumeurs  s'en 
fervent  pour  épaiflir  leurs  parfums.  Le  bois 
eft  pefant ,  roujeâtre  on  pourpre  fous  l'écor- 
ce  ,  rend  une  odeur  agréable  ,  &  ell  amer 
au  goût.  11  y  en  a  une  efpece  blanche  ,  li- 
gneulë  &  fans  odeur  :  il  eft  échauffant  ik 
aftrinî^ent  :  on  en  ordonne  la  décoéfion  en 
gargarilme  pour  les  aphtes ,  pour  les  ulcè- 
res ,  &c.  M.  Herman  &  d'autres  penfcnt  que 
Xafpalaih  n'cft  autre  chofè  que  le  bord  du 
cytife  :  il  nous  vient  de  la  Morée  '-,  il  eft  ré- 
ijrieux  &  fleurit  à-peu-i)rcs  comme  la  rolé. 
On  en  fait  cas  à  la  Cliiiie.  On  en  tire  une 
Juiilc  ellcuticlle ,  d'une  odcujr  li  Icuiblubic 


ASP 

à  celle  de  rofe ,  qu'on  peut  donner  l'une 
pour  l'autre  •■,  on  ne  les  reconnoitra  qu'au 
plus  ou  moins  de  force  dans  l'odeur  :  l'huile 
ellèntielle  de  rofe  eft  la  plus  forte.  Les  an- 
ciens Vd^^cWoicnt  Rhodium  iignum  :  mais  oit 
ne  fait  s'ils  ont  voulu  dire  qu'il  venoit  de 
Rhodes  ,  ou  qu'il  avoit  l'odeur  de  la  rofe. 

ASPALATHIA  ,  (  Géogr.  )  nom  d'une 
ancienne  \'ille  des  Taphiens  ,  dans  une  île, 
fur  la  côte  de  l'Acarnanie.  Elle  étoit  de 
médiocre  grandeur ,  mais  dans  une  fituation 
des  plus  riantes, au  confluent  de  trois  petites 
rivières  :  Ptolomée  en  a  auili  fait  mention. 
(.C.A.) 

*  ASPE  ,  ^'allée  du  Béarn  ,  entre  le  haut 
des  Pyrénées  &  la  ville  d'Oléron.  La  rivière 
d'Oléron  palfe  dans  cet  endroit ,  &  s'appelle 
le  gave  dAfpe. 

ASPECT  ,  f.  m.  afpcâus  en  agronomie  , 
fe  dit  de  la  fituation  des  étoiles  ou  des  pla- 
nètes ,  les  unes  par  rapport  aux  autres  j  ou 
bien  c'eft  une  certaine  configuration  ou  re- 
lation mutuelle  entre  les  planètes  ,  qui  vient 
de  leurs  fituations  dans  le  zodiaque, en  vertu 
defquelles  les  aftrologues  croient  que  leurs 
puillances  ou  leurs  forces  croillènt  ou  dimi- 
nuent ,  félon  que  leurs  qualités  a(fti\es  ou 
pafîives  fe  conviennent  ou  lé  contrarient.  Foj. 
Planète  ,  &c. 

Quoique  ces  configurations  puiifent  être 
variées  &  combinées  de  nulle  manières  , 
néanmoins  on  n'en  confidere  qu'un  petit 
nombre  ■-,  c'eft  pourquoi  on  définit  plus  exac- 
tement Vafpecl  la  rencontre  ou  l'angle  des 
rayons  lumineux  qui  viennent  des  deux  pla- 
nètes à  la  <-erre.  A' oyt'ç  Rayon  &  Angle. 

La  dottrine  des  ajpecls  a  été  introduite 
par  les  aftrologues  ,  comme  le  fondement 
de  leurs  prédiétions.  Ainli  Kepler  définit 
Vajpccl ,  un  angle  formé  par  des  rayons  , 
qui  partant  de  cleux  planètes ,  viennent  à  fe 
rencontrer  lia-  la  tcire  .  &  qui  ont  la  pro- 
priété de  produire  quelque  influence  natu- 
relle. Quoique  toutes  ces  opinions  Ibicnt  des 
chimères  ,  nous  allons  les  rapporter  ici  en 
peu  de  mots. 

Les  anciens  comptoient  cinq  afpecls  : 
lavoir  ,  la  conjonvition  marquée  par  le  ca- 
radtere  n',  l'oppolition  par^P  ,  Yajpecl  trine 
par  j\  ,  Yafpci't  quadrat  par  r  ,  &  ïajpeâ 
lèxtile  par  *.  La  conjcaction  Jk  l'oppoiitioa 
Ibut  les  deux  ajpecls  extrêmes  ,  le  prenuex 


A  S  ï> 

^tant  {s  moindre  de  tous ,  &  !e  iccond  le 
j)Iiis  j^rand  ou  le  dernier,  r.  CONJONCTION 
&  Opposition. 

Vafpeâ  tri»one  ou  trine  eft  la  troifieme 
j>artie  d'un  cercle ,  ou  l'angle  mcluré  par 
l'arc  A  B.  Tab.afiron.fg.  3. 

L'nfJH-cI  tétragone  ou  quadrat  eft  la  qua- 
trième partie  d'un  cercle  ,  ou  l'anj^le  ineliirc 
par  le  quart  de  cercle  A  D:  Va/pecl  CckùIc, 
qui  eft  la  fixicnie  partie  d'un  cercle  ou  d'uii 
Jinglc ,  cH  mefurc  par  le  icxtantv^  G.  T'oyei 
Trigone  ,  Tétragone,  Quadrat  ,  & 
Sextu.e. 

Par  rapport  aux  influences  qu'on  fuppofe 
■aux  aCrecls  ,  on  les  divifè  en  bénins  ,  ma- 
lins ,    &  indrjfcttns. 

l^^afyecl  quadrat  &  l'oppcfition  font  ré- 
putés matins  ou  maifaifans  ;  le  trine  ik  le 
icxtile  bénins  ou  propices  ;  &C  la  conjonction 
un  afpecl  indifférent. 

Aux  cinq  afpecls  des  anciens ,  les  moder- 
nes en  ont  ajouté  beaucoup  d'autres  , 
comme  le  déeile  qui  contient  la  dixième  par- 
tie d'un  cercle  \  le  tridéciU ,  qui  en  contient 
trois  dixièmes  ;  ^  le  biquintilc^  qui  en  con- 
tient quatre  dixièmes  ou  deux  cinquièmes. 
Kepler  en  ajoute  d'autres  ,  qu'il  dit  avoir 
reconnu  efficaces  par  des  obfervations  mé- 
téorologiques ,  tels  que  le  dcmi-fcxtikj  qui 
contient  la  douzième  partie  d'un  cercle  ,  & 
le  quincunce  ,  qui  en  contient  cinq  douziè- 
mes. Enfin  nous  fomnies  redevables  aux 
médecins  aftrologues  £\m  afpecl  oâiU,  con- 
tenant un  huitième  de  cercle,  &  d'un  afpecl 
zrioclile  ,  qui  en  contient  les  trois  huitiè- 
mes. Quelques  médecins  y  ont  encore  mis 
\afpe3  quintik ,  contenant  un  cinquième  du 
cercle,  &  Yafpecl biquintile,  qui,  comme  on 
a  déjà  dit ,  en  contient  les  deux  cinquièmes. 

L'angle  intercepté  entre  deux  planètes 
clans  Y  afpecl  de  la  conjonétion  eft=o  '-,  dans 
Xafpecl  femi-fextile  ,  il  contient  30°  ^  dans 
le  décile  3  6°  ^  dans  l'oftile  45°  f,  dans  le  Tex- 
tile 60"  j  dans  lequintilc  Ji"  ■■,  dans  le  quar- 
rileço^i  dans  le  tridécile  108°^  dans  le  trine 
iio"j  dans  le  trioÛilei35'';  danslebiquin- 
tile  144";,  dans  le  quincuuce  150°^  dans 
l'oppoiition  180". 

9  Ces  angles  ou  intervalles  le  coirptent  par 
les  degrés  de  longitude  des  planètes ,  telle- 
ment que  les  afpecls  font  cenfés  les  mêmes , 
ioit  qu'une  planète  fe  trouve,  dans   1  cclip- 


A  S  P  ^59 

tique  ,    ou  qu'elle  foit  hors  de  ce  cercle. 

On  diviie  ordinairement  les  afpecls  en 
partiles  &  platiques.  Les  afpecls  partiles  ont 
lieu  quand  lesplanctes  font  diitantes  les  unes 
des  autres  d'autant  de  degrés  j)récifément 
qu'en  contient  quelqu'une  des  divifions  pré- 
cédentes. 11  n'y  a  que  ceux-là  qui  foicnt  pro- 
prement àcs  afpecls.  Les  (2//7fi:7.vplatiqucs  ar- 
rivent quand  les  planètes  ne  ibnt  pas  les  unes 
par  rapport  aux  autres  précifément  dans 
quelqu'une  des  divifions  dont  nous  venons  ■ 
de  parler.  Voyci  Influence.  (O) 

Aspect,  i.  m.  On  dit  ce  bâtiment  pré  fente 
un  bel  afpcà ,  c'eft-à-dire  qu'il  paroit  d'une 
belle  ordonnance  à  ceux  qui  le  regardent , 
&  qu'il  jette  dans  wno.  admiration  telle  que 
celle  qu'on  éprou\oroit  à  la  vue  du  périllyle 
&  des  façades  intérieures  du  louvre ,  fi  le 
pié  du  périltyle  étoit  dégagé  de  tous  les  bâti- 
mens  fubalternes  qui  l'euvironuent  ;  &  ii 
ceux  qu'on  vient  d'ériger  dans  la  grande 
cour  de  ce  palais ,  n'oftufquoient  &  ne  maf- 
quoient  point  \afpecl  de  la  décoration  inté- 
rieure des  façades  ,  dont  l'ordonnance  fait 
autant  d'honneur  au  dernier  (îecle  ,  que  les 
bâtimcîis  dont  nous  parlons  déshonorent 
celui  où  nous  vivons. 

On  dit  aullî  que  tel  ou  tel  palais,  maiforr 
ou  château  ,  eft  fitué  dans  un  bel  afpecl ,  lorl- 
que  du  pié  du  bâtiment  ou  découvre  une 
vue  riante  &  fertile  ,  telle  que  celles  du 
château-neuf  de  S.  Germain  en  Laye,  de 
Meudon,  deMarly,   &c.  (P) 

AsPECToif  SoLAGE ,  c'eft  la  mêmechofe 
quexpcjiiion  :  il  y  en  a  quatre  différentes  ; 
celle  du  couchant ,  du  levant ,  du  nord  ,  & 
du  midi.  L'expofition  du  levant  voit  le  foleil 
depuis  le  matin  jufqu'à  midi ,  celle  du  cou- 
chant a  le  foleil  depuis  midi  jufqu'au  fbir. 
L'expofition  du  midi  eft  la  plus  riche  de 
toutes ,  elle  commence  à  neuf  heures  du  ma- 
tin jufqu'à  quatre  heures  du  foir  ;  &  celle 
du  nord  ou  du  fcptentrion  cfi:  la  plus  mau- 
vaifè  ,  fur-tout  dans  les  terres  froides  &  hu- 
mides ,  n'ayant  de  foleil  qu'environ  deux 
heures  le  matin  &  autant  le  fbir  j  mais  aufîi 
elle  n'efl  pas  fi  fujette  à  la  gelée. 

Quand  on  veut  jouir  de  deux  expofitions 
en  même  temps,  on  conflruit  des  UiUrs  obli- 
ques 011  le  foleil  gliflé  ,  &  y  demeure  fuffi- 
fâmment  pour  que  les  arbres  fe  trouvent  ex- 
pofés  au  midi  éc  au lc\ant. 

LUI  2 


éCo  ASP 

Rien  ne  contribue  tant  à  la  bonne  fanté 
iqu'iiue  bonne  expoiition ,  &  les  végétaux  , 
par  la  vigueur  de  leur  poulFc  ,  nous  montrent 
alFez  combien  elle  leur  eft  néceiraire.  Ceux 
de  tous  les  végétaux  qui  ont  le  plus  befoin 
d'une  bonne  expofition  ,  font  les  orangers , 
les  myrtes  &  autres  arbres  à  fleurs  ^  s'ils 
étoient  trop  expofés  aux  vents ,  fur-tout  à 
ceux  du  nord,  ils  feroient  bientôt  ruinés. 

Les  arbres  fruitiers  demandent  aufîî  diffé- 
rentes expoiîtions  j  les  pêchers  veulent  le 
midi  &  le  levant  ;  les  poiriers  le  levant  ot 
le  couchant ,  les  pommiers  &  les  abricotiers 
peuvent  venir  à  toutes  fortes  d'expofitions  Se 
en  plein  vent  \  les  pruniers  viennent  fort 
bien  au  nord  &  au  couchant  ;  les  figuiers 
réufiîlfent  mieux  au  levant  &  au  midi  que 
par- tout  ailleurs.  {K) 

Aspect,  Air,  {Beaux-arts.)  c'eft  le 
caraftere  de  la  figure  extérieure  d'un  objet:, 
on  dit  qu'un  édifice  eft  d'un  bd  afpccl  , 
d'un  afpeâ  défagréabh  ;  on  dit  d'une  per- 
fonne  qu'elle  a  tair  noble  ,  ou  [air  bas. 
h'afpecl  réfulte  de  l'enfemble  de  la  forme 
extérieure ,  &  il  diffère  du  caraftere  ,  qui 
naît  des  parties  de  détail.  Le  vifage  d'un 
homme  aiuionce  quelquefois  un  caraftere 
différent  de  celui  que  la  figure  entière  de 
cet  homme  femble  exprimer. 

Nous  ne  parlerons  ici  que  de  la  figure  hu- 
maine, en  tant  que  fon  afpeâ  eft  un  des  ob- 
jets de  l'art  ;  c'eft  l'étude  la  plus  importante 
du  peintre ,  du  ftatuaire  &  de  l'afteur  :  elle  e(l 
indifpenfable  à  l'orateur  &  au  poète  épique. 
h'afpecl,  confidéré  en  foi-même ,  fait  déjà 
un  objet  intéreffant  pour  les  beaux-arts  ^  c'eft 
une  choie  bien  digne  d'être  remarquée ,  que 
l'on  puiffe  découvrir  dans  des  formes  maté- 
rielles, les  propriétés  d'un  être  qui  penlè  & 
qui  fent.  Auiîi  tout  artifte  qui  faura  exprimer 
correctement  dans  l'air  d'un  perfonnage  le 
caradlere  de  l'ame  ,  ou  fimplement  un  de 
lès  états  palFagers ,  eft  sûr  d'obtenir  nos  fuf- 
•  frages.  Il  n'y  a  pas  jufqu'aux  payfans  de 
Teniers  &  d'Oftade  ,  &  aux  badauds  de 
Hogarth  dans  les  eftampes  d'Hudibras,  qui 
n'excitent  une  efpcce  d'admù-ation  :  &  un 
fpeÛaclc  ,  dans  lequel  chaque  perfonnage 
indiqueroit  avec  précilioii  par  fon  air  exté- 
rieur ,  le  caraftere  qu'il  repréfentc  ,  ou  le 
foiitiment  qui  doit  l'auimcr  ,  rcuiîiioit  à 
plaire  par  cet  endroit  fcid. 


A  S  P 

Mais  l'effet  de  l'afpecl  eft  d'une  toute 
autre  importance  encore  dans  lesouvrages 
d'un  but  plus  relevé  ,  qui  n'eft  pas  borné  au 
fimple  amufement.  C'eft  par  Yafpeâ  exté- 
rieur que  nous  nous  fentons  prévenus  d'une 
manière  irréiiftible  ,  pour  ou  contre  certai- 
nes perfonnes ,  certaines  actions  &  certains 
fentimens.  Le  fimple  afpecl  de  Therfite  nous 
infpire  du  mépris  pour  lui ,  avant  même 
qu'il  parle  ou  qu'il  agiffe. 

Ainfi  l'artifte  qui  poffédera  bien  cette  par- 
tie de  fon  art  .  fera  le  m.aitre  de  nos  fenti- 
mens. C'eft  dans  cette  partie  que  confilte 
le  plus  grand  effet  de  l'art  :  pour  juger  de 
fon  importance ,  il  n'y  a  qu'à  voir  dans 
quel  enthoufiafir.e  YaJpecI  d'un  torle  a  pu 
jeter  \X'inckelman. 

Mais  il  n'eft  donné  qu'aux  plus  grands 
artiftes  de  réuflir  dans  cette  partie.  Il  n'y  a 
point  ici  de  règles  à  prefcrire ,  elles  feroient 
parfaitement  inutiles:,  tout  ce  qu'on  pourroit 
dire  à  l'artifte  fe  réduiroit  à  lui  recomman- 
der l'étude  de  la  nature  j  mais  à  quoi  lui 
feniroit  cette  étude  ,  s'il  n'a  l'ame  la  plus 
feniible  ,  qui  fc  tranfporte  fans  la  moindre 
peine  dans  toutes  les  fituations,  &  qui  fâche 
donner  à  fon  corps  toutes  les  formes  poiïi- 
bles  ?  On  voit  quelquefois  des  gens  qui  avec 
des  talens  très-médiocres  ,  ont  celui  de 
prendre  avec  la  plus  grande  facilité ,  l'air 
&  le  maintien  des  perfonnes  qu'ils  veulent 
imiter  :  ce  font  des  aéteurs  nés. 

Il  n'eft  pas  douteux ,  néanmoins ,  qu'un 
travail  afîidu  ne  fortifiât  conlidérablement 
des  difpofitions  médiocres  à  ce  talent.  Va 
artifte  n'y  échouera  jamais  abfolument  , 
s'il  porte  par-tout  un  œil  obfervateur ,  s'il 
cherche  à  voir  diverfes  nations,  s'il  confi- 
dcre  les  perfonnes  de  toutes  les  clalfes ,  Se 
fi  l'nnprelllon  que  l'ceil  en  reçoit ,  fe  grave 
fortement  dans  l'imagination  :  cette  faculté 
de  l'ame  demande,  comme  toutes  les  autres, 
à  être  conftamment  exercée  ■■,  l'artifte  qui 
defire  de  réuffir  dans  VafpecI  ,  doit  s'appli- 
quer fouvent  à  ih  mettre  foi- même  dans 
toutes  les  fituations  d'elprit  imaginables. 

Le  poète  épique  doit  exceller  dans  l'art 
d'exprimer  Yafpeâ ,  &  c'eft  peut-être  le  plus 
difficile  de  fon  art.  Des  defcrrptions  trop 
détaillées  feroient  hifupportables  ;  il  faut 
qu'il  liichc  exprimer  par  un  petit  nombre 
de  traits ,  luie  iiifimtc  de  choies. 


ASP 

L'art  de  varier  à  fou  gré  l'extérieur  ,  cft 
de  la  plus  grande  confidération  pour  l'ora- 
teur. L'éloquence  muette  a  plus  de  force 
que  le  dtfcours  iiicme.  L'orateur  ,  de  même 
que  l'aftcur  ,  doit  être  un  Prothée  ,  un 
Ulylfe,  qui  fâche  fè  revêtir  de  toutes  les 
formes.  Dès  qu'au  milieu  de  fou  difcours, 
il  change  de  ton  ou  de  matière  ,  il  doit 
prendre  aufîî  l'extérieur  qui  y  ell  le  mieux 
approprié.  (  Cet  article  ejî  tiré  de  la  théorie 
générale  des  beaux  arts  de  M.  SvLZr.R.  ) 

*  ASPENDUS  ou  ASPENDUM  , 
(Géog.  anc.)  ville  ruinée  dans  la  première 
Pamphilie  &  dans  l'exarchat  d'Afie  ■■,  elle 
étoit  fi  tuée  fur  l'Eurymedon. 

*  ASPER  ,  (  Hijl.  nat.  )  petit  poiflbn  de 
rivière  qu'on  trouve  ordinairement  dans  Je 
Rhône.  Il  eft  nomme  afper  ,  de  la  rudelfe 
de  fes  mâchoires  &  de  fes  écailles.  Il  a  la 
tête  allez  large  &c  pointue ,  &  la  gueule  mé- 
diocre :  il  n'a  point  de  dents ,  mais  fes  mâ- 
choires font  âpres  au  toucher  :  il  cft  rougeâ- 
tre  &  parfemé  de  taches  noires.  On  le  man- 
ge ,  Se  fa  chair  palîé  pour  apéritive.  Il  paife 
pour  avoir  la  vertu  d'attirer  le  poilfon.  On 
donne  à  ceux  qui  demandent  de  fon  huile  , 
celle  d'orfraA'e  ou  de  buis ,  ou  quclqu'autre 
huile  fétide. 

*  ASPEREN ,  ville  ou  bourg  des  Pro- 
vinces-unies dans  la  Hollande  ,  aux  confins- 
de  la  Gueldre ,  fur  la  rivière  de  Linge  ,  entre 
Gorcum  &  Culembourg. 

§  ASPERGE ,  (  Jard.  Bot.  )  en  latin  afpa- 
ragus  ,  eu  anglois  fpara^rajf,  en  allemand 
fpargcL 

Coraâere  générique. 

Uafperge  doiuie  luie  fleur  unie ,  campani- 
forme  &  fans  calice ,  fou  pétale  eft  évaic  & 
recourbé  eu  demi-volute  par  fon  bord.  Il 
fe  trouve  des  fleurs  mâles  &  des  fleurs  her- 
maphrodites ,  tantôt  fur  diifcrens  pies  ,  tan- 
tôt fur  le  même  individu.  Les  fleurs  herma- 
phrodites contiemient  un  embryon  qui  de- 
vient une  baie  ronde  à  trois  loges  ,  dont 
chacune  renferme  une  ou  deux  lemences. 
Les  fleurs  mâles  ont  fix  étamines ,  fans  em- 
brj'on  ni  fiyle ,  &  ne  donnent  point  de  baies. 

Efpeces. 

I.  Afper ge  à  tige  droite ,  herbacée ,  à 
feuilles  pUiiorines  6c  à  llipulcs  égaux. 


ASP 


é€t 


Afparagus  caule  herbaceo  ,  ereclo  ,  foliis 
cetaccis  ,  jiipulis  parihus.  Flor.  Suce.   z/i. 

Garden  afparagus. 

i.  Afpcrge  à  tige  herbacée  fans  épines ,  à 
feuilles  cylnidriques  ,  longues  ,  ralîemblées 
en  bouquets. 

Afparagus  caule  incrmi  herbaceo  ,  foliis 
tereiilms  ,  longioribus  ,  fafciculatis.  Mill. 

Maritime  afparagus  ukh  a  thicker  Uaf. 

3.  Afpergek  feuilles  figurées  en  anguille, 
piquantes  &  à  tige  ligneufe  fans  épines. 

Afparagus  foliis  aciformibus ,  pungenti- 
bus  ,  caule  fruiuofo  inermi.  Sauv.  Monf.  45. 
Afparagus  wiih  shcrp  pointed  leaves. 

4.  Afperge  à  épines  folitaires ,  à  brandies 
tortiieufes  ,  &  à  petites  feuilles  ralîemblées 
en  bouquet. 

Afparagus  aculeis  folitariis ,  ramisflexuo- 
fs  ,  foliis  brevioribus  ,  fafciculatis.  MiU. 
Prickly  afparagus  with  lioarid  fpincs. 

5.  Afperge  à  épines  folitaires,  à  rameaux 
recourbés  &  repliés  en  dehors  ,  à  feuilles 
ralîemblées  eu  bouquet. 

Afparagus  aculeis  folitariis ,  ramis  reflexis 
retrofraclifque  ^  foliis  fafciculatis.  Linn.  Sp. 
pi.  313. 

Narrow  leaved  African  afparagus  wittk 
fltnder  tifigs  and  ma/iy  leaves  groumgfrom 
a  point ,  like  thofe  of  the  larch  ti  ce ,  and 
fpread  inform  of  a  flar.  ^ 

6.  Afperge  fans  feuUIcs,  à  épines  inégales 
&  di\ergentes ,  ralîemblées  en  bouquet. 

Afparagus  aphyllus  fpinis  fafciculatis  , 
inœqualibus,  divergentibus.  Hort.CliJf.  122. 

Another  prickly  afparagus  with  three  or 
four  fpines  rifing  from  the  famé  point. 

7.  Afperge  à  tige  lâus  épines ,  à  rameaux 
penchaus ,  à  feuilles  pilifonnes. 

Afparagus  caule  inermi  ,  ramis  déclinât is  , 
foliis  cetaccis.  Prod.  Leyd.  iç. 

Afparagus  with  a  fmoot  ftalk  ,  dcclining 
branches  and  brijlly  leaves. 

8.  Afperge  à  éj)ines  folitaires  ,  à  tige 
droite  ,  à  feuilles  ralfemblées  en  bouquets 
&  à  branches  filiformes. 

Afparagus  aculeis  folitariis  ,  caule  ereâo  , 
foliis  fafciculatis  ,  ramis  filifortmbas.  Linn. 
Sp.pl.   313. 

Afparagus  with  fngle  fpines  ,  an  upright 
flalk^  leaves  growing  in  cluftcrs  ,  and  very 
fender  branches. 

c).  Afperge  à  épines  latérales  &  termùi^- 


66i  ASP 

les ,  à  branches  rsaiairées  &  à  feuilles  en 
bouquet. 

Afparagus  fplnis  laceraHhus  terminalibiif- 
que  ,  ramis  aggregatis  ,  fvliis  fafciculath. 
Linn.  Sp.pl.  314. 

Afparagus  with  fpines  growlng  on  tke 
fides  and  ends  ofthe  branches  v.'hick  are  in 
bunches  ,  and  leaves  coming  ont  in  clujlers. 

10.  Afperge  à  feuilles  folitaires  ,  étroites 
&  lancéolées ,  à  tige  tortaeuf;  &  à  épines 
recourbées. 

Afparagus  foliis  folitariis  ,  lineari  lanceo- 
latis  caule  Jlexuofo  ,  aculeis  recurvis.  l'ior. 
Zeil.   124. 

The  great  prickly  afparagus  of  Ccylon 
with  bushy  fialks. 

L  efpece  «".  i  eft  Vafperge  commune  qui 
fe  cultive  dans  nos  jardins  pour  le  fervicc  de 
la  table  ,  ce  n'eft  \raifemblableir.eiit  qu'à  la 
culture  qu  elle  eft  redevable  de  ce  degré  de 
perfeÛion  où  nous  la  voyons  aujourd'hui  ^ 
car  dans  les  marais  où  elle  croît  naturelle- 
inent ,  fcs  bourgeons  ne  font  que  de  la  grof- 
ièur  d'un  tuyau  de  paille  :  fi  cela  eft  ,  il  a 
dû  en  conter  bien  du  temps  &  des  foins  : 
car  un  de  mes  amis  qui  s'étoit  procuré  quel- 
([ucs  graines  de  l'efpecc  agrefte,  les  ayant 
cultivées  avec  la  dernière  attention  dans  un 
terrain  excellent  ne  put  obtenir  que  des 
bofltgeons  de  moitié  moins  gros  que  ceux  de 
Yafperse  de  jardin  qui  avoit  crû  dans  le 
même  lieu  ;  mais  il  remarqua  que  l'elpece 
clianipêtrepouiroitconftamment  huit  ou  dix 
jours  plutôt ,  &  que  fes  bourgeons  étoient 
plus  doux. 

Cette  afperge  fe  multiplie  de  graines  : 
pour  ra\oir  bonne  ,  il  faut  s'adreli'er  à  des 
connoiiTeurs  à  qui  l'on  puifté  s'en  rapporter 
flir  le  choix  des  meilleurs  bourgeons  &  des 
femences  les  plus  faines  :  mais  quand  on  a  de 
bonnes  couches  lYafpevge,  le  meilleur  parti  eft 
d'en  réfcrver  foi-même  pour  de  la  graine  :  en 
conféquence  il  conviendra  de  marquer  de 
bonne  Iieurc  au  printemps  une  quantité  fuffi- 
iînite  des  plus  beaux  pics,  pour  les  lailfer  mon- 
ter^ parce  que  ceux  qui  montent  après  la  iai- 
fon  de  couper  les  afperges ,  font  en  général  lî 
tardifs  ,  que  la  graine  en  nnlrit  rarement ,  à 
moins  que  l'été  ne  foit  chaud  ik  l'automne 
très-favorable.  Dans  le  choix  des  pics  deftinés 
à  porter  la  graine,  il  faut  particulièrement 
R^•oir  égard  à  leur  taille  ôc  à  leur  rondeur , 


ASP 

rejeter  ceux  qui  paroifl'ent  devoir  s'applatir  ,' 
ou  qui  s'ouvrent  de  bonne  heure  par  le  haut , 
&  choifir  toujours  les  plus  ronds  &  ceux 
dont  les  bourgeons  font  le  plus  ferrés.  Or 
comme  une  grande  partie  de  ces  pics  ne 
produifènt  que  des  fleurs  mâles  ,  par  coti- 
Icquent  ftcriles ,  il  fera  bon  d'en  réferver 
plus  qu'il  ne  feroit  nécefl'aire  li  l'on  pouvoit 
s'afiijrer  que  tous  fruftificroieiit  ;  mais  c'eft 
ce  qui  n'arri\'e  jamais  :  il  eft  à  propos  de' 
ficher  un  petit  bâton  au  pié  de  chaque  plant 
d'afperge  que  l'on  réferve ,  mais  de  manière 
que  l'on  n'endommage  point  la  couronne 
deJa  racine.  Ces  bâtons  feniront  non  feule- 
ment à  les  faire  reconnoître ,  quand  elles 
feront  toutes  montées ,  mais  au<li  à  y  atta- 
cher les  bourgeons  quand  elles  feront  parve- 
nues à  une  certaine  hauteur  ,  &  qu'elles 
auront  pouffé  des  branches  latérales  :  ce 
qui  empêchera  qu'elles  ne  foient  calfées  par 
le  vent  ,  accident  qui  ,  faute  de  cette  pré- 
caution ,  poarroit  arriver  avant  la  pouffe 
des  autres  bourgeons ,  après  quoi  il  n'y  a  plus 
rien  à  craindre  ,  parce  que  pour  lors  elles 
feront  abritées  par  les  autres  tiges.  Vers  la 
fin  de  feptembre  les  baies  feront  dans  leur 
parfaite  maturité  ■■,  c'eft  alors  qu'il  faut 
couper  les  tiges,  &  mettre  les  baies  dans  un 
bafîin  où  on  les  laiffera  fuer  trois  femaines 
ou  un  mois  ;  par  ce  moyen  la  peau  exté- 
rieure pourrira  ^  enfîiite  on  remplira  le  baf- 
fin  d'eau  ,  &  avec  les  mains  on  callcra  tou- 
tes les  coffes  en  les  preft'ant.  Toutes  ces 
peaux  furnageront ,  mais  les  fèmences  cou- 
leront à  fond ,  de  forte  qu'en  \'erfant  l'eau 
tout  doucement ,  les  coffes  fè  trouveront 
entraînées  par  cette  opération,  &  après  avoir 
changé  vos  fèmences  d'eau  deux  ou  trois 
fois  &  les  avoir  bien  braffées ,  vous  les  ren- 
drez parfaitement  nettes  ^  éparpillez-les  en- 
fuite  fur  une  natte  ou  un  morceau  de  draj>  , 
expofez-les  au  foleil  ou  à  l'air  par  un  temps 
fec  ,  jufqu'à  ce  qu'elles  foient  parfaitement 
feches  5  mettez-les  dans  un  lac  que  vous 
placerez  jufqu'au  coinmencement  de  fé\Tier 
dans  un  lieu  qui  ne  fbit  jwiut  humide  ;  alors 
\  ous  préparerez  une  bonne  couche  d'excel- 
lente terre  que  \ous  rendrez  le  plus  unie 
que  \ous  pourrez  ,  &  fur  laquelle  vous 
fcmcrez  \os  graines  ,  mais  non  pas  trop 
épais ,  fi)us  peine  de  voir  vos  afperges  s'étio- 
ler j  cnitiite   vous  foulerez   votre  couche 


ASP 

avec  les  pics  pour  enfoncer  les  fcincnccs  , 
&  vous  y  paflbrez  clouccmciit  le  râteau. 

L  été  fuivaii't ,  écartez  avec  foin  les  mau- 
vai/ès  herbes  ,  vos  afperges  en  deviendront 
plus  robuftes ,  &  \ers  les  derniers  joiu-s  d'oc- 
tobre que  les  tiges  font  entièrement  deiîc- 
chées  ,  vous  étendrez  un  peu  de  tumier 
pourri  fur  la  furface  de  la  couche  ,  de  le- 
paiUlnir  d'environ  un  ponce  ,  par-là  vous 
garantirez  vos  jeunes  bourgeons  du  froid. 

Le  printemps  d'après,  vous  pourrez  tranf- 
planter  \os  afpergcs  avec  fuccès  Cpour  moi 
je  préférerai  toujours  celles  de  l'année ,  ayant 
\ti  par  expérience  qu'elles  reprennent  mieux 
que  de  plus  vieilles  &  qu'elles  donnent  de 
plus  belles  bottes  )  :  vous  préparerez  donc 
votre  terre  en  y  faifinit  de  bonnes  tran- 
chées ,  à  l'extrémité  defquelles  vous  enter- 
rerez une  bonne  quantité  de  finnier  con- 
sommé ,  de  manière  qu'il  foit  recouvert  au 
moins  de  lîx  pouces  de  terre  :  applaniifcz 
enfuite  foigneufement  votre  terrain,  &  ôtci- 
en  toutes  les  grolfcs  pierres  :  cette  opéra- 
tion doit  le  faire  peu  de  temps  avant  le 
moment  de  planter  les  afperges  j  au  reilc  ce 
qui  doit  vous  diriger ,  c'ell  la  nature  du  fol 
&  la  fàiibn  \  car  ï\  votre  fol  eft  fec  ,  &  la 
faifon  précoce  ,  vous  pouvez  planter  vers  la 
fin  de  mars  ;  m.ais  dans  une  terre  fort  hu- 
mide, il  vaut  mieux  différer  à  la  mi-avril  , 
qui  eft  à-peu-près  le  temps  que  les  afperges 
commc^ncent  à  pouffer.  Bien  des  gens  con- 
ièillent  de  les  planter  à  la  faint  Michel ,  mais 
mon  expérience  m'a  convaincu  du  mauvais 
fuccès  de  cette  méthode  :  j'ai  fiiivi  ce  con- 
fbil  pendant  deux  années  de  ftiite  ,  &  étant 
venu  au  printemps  à  examiner  mes  a 'pergcs, 
je  trouvai  que  la  plupart  avoient  les  racines 
chancies ,  &  je  vis  que  fur  cinq  s'il  en  réuf- 
fîflbit  une ,  ell?  étoit  ii  foible ,  qu'elle  ne  va- 
lait p<:s  la  peine  d'être  confervée. 

La  faifon  de  planter  étant  venue  ,  vous 
enlèverez  vos  racines  a\ec  une  petite  four- 
che étroite ,  &  après  en  avoir  fecoué  la  ter- 
re ,  vous  les  feparerez  les  unes  des  autres , 
oblcrvar.t  de  met  ire  leurs  têtes  de  niveau 
pour  les  planter  plus  ailëment  :  voici  com- 
me il  faut  s'y  prendre. 

Votre  terrain  une  fois  nivelle ,  vous  com- 
mencerez par  un  des  côtés  ,  vous  tirerez 
propreir.eut  uiie  ligne  dans  toute  la  lon- 
gueur de  la  pièce ,  daiis  cette  diredioxi  vous 


ASP  (^6^ 

'  :rcuCcrC7.  une  trancîîéa  d'e::v;ron  fix  pouces 
de  profondeur  ,  de  tnanicrc  cependant  à 
ne  pas  retourner  le  fumier  que  vous  y  a\  ez 
placé.  Plantez-y  vos  racines ,  que  vous  au- 
rez fciu  .d'étendre  a\cc  les  doigts,  &  de 
dreiîer  contre  le  dos  de  la  traii*;héc,  afin 
que  les  bourgeons  liiivent  cette  direction  ; 
il  faudra  aulfi  faire  cnforte  qu'elles  fc  trou- 
^■cnt  au  moins  deux  pouces  au  dcfibus  de 
la  fiirface  de  la  terre  ,  &  à  un  pié  de  di(- 
tance  les  unes  des  autres  :  cela  fait ,  vous 
comblerez  la  tranchée  avec  ini  râteau  & 
vous  applanirez  bien.  Cette  opération  main- 
tiendra les  racines  dans  leur  polîtion  droi- 
te :  \ous  tirerez  enfuite  luie  féconde  ligne  à 
un  pic  de  la  première  :  vous  y  pratiqijerez 
inie  tranchée  de  la  manière  ci-delfus ,  où 
vous  planterez  connue  il  vient  d'être  dit  : 
vous  gardcYez  le  même  intervalle  d'un  rang 
à  l'autre,  obfervant  feulement  entre  tous  les 
quatre  rangs  de  lailler  une  diftance  de  deux 
pies  &  deir.i  pour  une  allée  ,  afin  de  pou- 
voir cominodément  couper  les  afperges. 

Dès  que  les  couches  font  plantées  &  bien 
applaties ,  rien  n'empêche  d'y  femer  quel- 
ques oignons  qui  ne  feront  p?int  de  mal 
aux  afperges  :  il  faut  fouler  les  fèmenccs 
aux  pies  &  râteler  bien  unin'cnt. 

Quelques-uns  plantent  les  feniences  à'af- 
perges  dans  l'endroit  où  les  racines  doivent 
refter  -^  cette  m.éthode  eft  fort  bonne  ,  11  on 
y  apporte  toute  l'attention  néceliairc  :  on  s'y 
prend  ainfi  :  les  tranchées  faites  &  bien  fu- 
mées, on  les  comble  &  on  applanit  le  ter- 
rain ^  on  tire  enfiiitc  une  ligue  dans  !a  lon- 
gueur de  la  couche  ,  de  la  mêire  manière 
qui  a  été  indiquée  pourla  tranljalantation  du 
jeune  plant  :  on  y  fait  avec  la  houe  ,  à  ini 
pié  de  diftance  les  uns  des  autres ,  des  trous 
dans  chacun  defquels  cm  met  deux  femen- 
ces ,  au  cas  que  l'une  des  deux  périiîc  :  ces 
trous  ne  doivent  pas  a\cir  plus  d'un  demi- 
pouce  de  profondeur  :  puis  on  couvre  les 
Icmences  en  jetant  de  la  terre  pardeiliis. 
Cela  fait ,  on  tire  une  autre  ligne  à  un  pié 
de  diftance  de  la  première  pour  une  ie- 
conde  rangée  ,  &  après  en  avoir  fait  qua- 
tre ainli  diftantes  d'un  pié ,  on  laiife  lui  in- 
tervalle pour  une  ailée ,  fi  ou  veut  iailfer 
les  afpergts  fiir  place  j  mais  fi  on  fè  ijropo- 
fè  de  les  tranlphaiter  dans  des  couches  chau- 
des j  on  peut  mettre  lIx  rangées  eu  chaque 


(J^4  ASP 

couche  ,  éloignées  de  neuf  pouces  feulement 
les  unes  des  autres  :  ce  femis  doit  fè  faire 
dès  la  mi-février,  parce  que  les  graines  rcf- 
tent  long-temps  en  terre  avant  de  germer  j 
mais  fi  on  a  envie  d'y  (ëiner  des  oignons  , 
on  peut  attendre  quinze  jours  ou  trois  fe- 
maines  plus  tard  ,  pourvu  qu'on  ne  remue 
pas  la  terre  au  point  de  troubler  les  fe- 
inences  à'ajperges  eu  râtelant  la  graine  d'oi- 
gnons. 

Comme  les  racines  à'ûfperges  pou/Tcnt 
toujours  quantité  de  longues  fibres  qui  pénè- 
trent avant  dans  la  terre ,  de  même  quand 
on  feite  les  graines  dans  l'endroit  où  elles 
doivent  refter  ,  ces  racines  ne  courront  pas 
le  riique  d'être  cafiëes  ou  endommagées  , 
comme  celles  qui  doivent  être  tranfplan- 
tées  :  c'eft  pourquoi  elles  s'enracineront  da- 
vantage ,  feront  plus  de  progrès ,  les  fibres 
s'étendront  latéralement^  ce  qui  inaintien- 
dra  la  couronne  de  la  racine  dans  la  per- 
pendiculaire ,  au  lieu  que  quand  on  les 
tranlplante  ,  les  racines  fe  couchent  contre 
la  paroi  de  la  tranchée. 

Dès  que  vos  afperges  font  levées ,  &  que 
les  feuilles  féminales  des  oignons  commen- 
cent   à    paroître  (  ce  qui  doit  arriver   un 
mois  ou  fix  lèmaines  après  qu'ils  auront  été 
lèmés  ) ,  il  faut  avec  une  petite  houe  en- 
lever toutes  les  mauvaifes  herbes  &  éclair- 
cir  les  oignons  :  mais  cette    opération  de- 
mande la  pkis  grande  attention ,  il  faut  un 
temps  kc  ,   afin  que  les   mauvaifes  herbes 
périlîént  aufii-tôt  qu'elles  font  coupées ,  & 
on  prendra  garde  de  blelîer  les  jeunes  pouf- 
fes d'û/pergCf  bide  couper  les  oignons  qui 
en    font  voiiins.  Cette  manœuvre  doit  fê 
répétertrois  fois  :  fi  elle  eft  bien  faite  &  que 
la  faifon   ne   foit  point  trop  humide  ,  il  ne 
doit  plus  reparoitre  de  mauvaiiès  herbes  ]u£- 
f/ii'au  moment  où  l'on  arrache  les  oignons , 
ce  qui  le  fait  ordinairement  au  mois  d'août  5 
ce  moment  fe  rcconnoît  quand  leurs  tiges 
commencent  à  tomber   &  à  flétrir.  Auflî- 
tôtque  les  oignons  ibnt  enlevés,  il  faut  bien 
nettoyer  le  terrain  des  mauvaifes  herbes ,  il 
n'en  reviendra  point  jufqu'au  moinent  que 
vous  rendrez  de  la  terre  à  vos  couches ,  ce 
qui  doit  fe  faire  en  oéliobre  ,  temps  où  les 
tiges  commencent  à  féclier  •,  car  fi"  vous  les 
coupez  ,  tandis  qu'elles  font  encore  vertes , 
les  racines  poulferont  de  nouveaux  bour- 


A  SP 

geotis  ,  &  vos  afperges  en  fêroient  conCidé- 
rablement  affoiblies  :  ces  jeunes  tiges  doi- 
vent être  coupées  au  couteau  à  deux  ou 
trois  pouces  de  terre  :  cette  précaution  de-  ■ 
vient  nécelîhirc  pour  vous  faire  dilHnguer 
les  couches  des  allées  :  cela  fait ,  enlevez 
avec  la  houe  les  mauvaifes  herbes ,  enter-  . 
rez-les  à  un  des  bouts  des  allées,  &  rejetez- 
en  la  terre  pardelïïis  les  couches  ,  de  ma- 
nière que  celles-ci  dépalfent  de  cinq  ou  fix 
pouces  le  niveau  des  allées.  Vous  pourrez 
enfuite  planter  un  rang  de  choux  dans  le 
milieu  de  vos  allées;,  mais  gardez-vous  de 
rien  planter  ou  femer  fur  les  couches  ,  vous 
affaibliriez  trop  vos  racines.  Je  me  garde- 
rai bien  de  confeiller  ,  à  l'exemple  de  plu- 
fieurs ,  de  planter  des  fèves  dans  les  allées , 
elles  feroient  un  tort  infini  aux  deux  rangées 
d'ajperges  qui ,  de  part  8f  d'autre  ,  les  avoi- 
fineroient.  Il  ne  refte  plus  rien  à  faire  juf- 
qu'au printemps  qu'il  faut  houer  les  couches 
pour  détruire  les  mauvaifes  herbes  qui  au- 
ront recrû  &  que  l'on  doit  râteler  le  plus 
légèrement  pofliblei  il  conviendra  aufîîd'en 
nettoyer  les  couches  avec  foin  pendant  tout 
l'été  fuivant,  &  de  creufer  derechef  les  allées 
à  l'automne  ,  fuivant  la  méthode  ci-deiFus. 
An  printemps  de  la  féconde  année  ,  vous 
pourrez  conm.ncer  à  couper  quelques-unes 
de  vos  afperges  ,  quoiqu'il  lèroit  beaucoup 
mieux  de  n'y  toucher  que  la  troitieme  an- 
née. Pour  cet  effet  vous  prendrez  une  four- 
che plate  dont  les  fourclions  foient  rappro- 
chés ,  qui  efl;  faite  exprès,  &  qu'oui  appelle 
ordinairement /ow;c//f  à  afperge;  à  l'aide  de 
cette  fourche  vous  enlèverez  vos  afperges 
des   couches ,  obfcrvant   néaiunoins  de  ne 
pas  plonger  trop  avant,  de  crainte  de  froif- 
ïèr  la  tête  delà  racine  f  cette  opération  doit 
fè  faire  avant  la  faifon  de  la  pouffe  au  prin- 
temps )  ;  vous  applanlrez  enfuite  légèrement 
vos  couches  au  moment  où  les  bourgeons 
font  près  de  percer  la  terre  :  par  ce  moyen 
vous  détruirez  toutes  les  mauvaifes  herbes 
qui  reparoîtront  beaucoup  moins  fréquem- 
ment que  fi  vous  aviez  applani  immédiate- 
ment après  que  vous  avez  enlevé  vos  afper- 
ges. Quand  elles  auront  atteint  à  la   hau- 
teur de  quatre  ou  cinq  pouces ,  vous  pour- 
rez les  couper,  mais  non  pas  indiilinfte- 
ment  ;  ne  prenez  que  les  gros  bourgeons  y 
laiifant  aux  petits  le  temps  de  fortifier  leurs 

raciues  j 


ASP 

racines  ;  car  plus  vous  les  couperez  ,  plus  à 
la  vérité  vous  multiplierez  les  boutons  , 
mais  audi  vous  cm  affoiblirez  les  racines , 
vos  r.fperges  dégénéreront  &  en  périront 
plutôt.  Lorlqu'on  coupe  un  bourgeon,  il  faut 
découvrir  le  pié  de  ïafperge  avec  \m  cou- 
teau dont  la  lame  doit  être  longue ,  très- 
étroite  ,  &  dentée  comme  celle  d'une  (cie  , 
pour  voir  s'il  ne  pouffe  pas  près  de  celui-ci 
quelqu'autre  jeune  bourgeon  ,  qui,  au  mo- 
ment que  l'on  coupe  le  preiiiier ,  pourroit 
êtrecairé  ou  froiflé  :  enfuitcon  le  fcierafous 
terre  à  environ  troi  spouces.  Tout  ce  petit 
détail  pourra  paroître  embarraffant  aux  pcr- 
fonnes  qui  manquent  de  pratique  ;  ceux  qui 
font  dans  l'ufage  de  couper  les  afperges ,  par- 
viendront en  peu  de  temps  à  l'exécuter  en 
grande  partie  :  l'exécution  en  devient  toute- 
fois iudi(j>e!ifable  pourtous  ceux  qui  coupent 
les  afyerges. 

La  manière  d'arranger  vos  couches  è^af- 
perges  fera  tous  les  ans  la  même  que  l'on 
a  indiquée  pour  la  féconde  année  \  elle  con- 
fifte  à  enlever  les  mauvaifes  herbes ,  à  creu- 
fèr  les  allées  en  octobre,  &  à  piquer  les 
afperges  fijr  la  fin  de  mars  avec  î'efîiece 
de  fourche  dont  nous  avons  parlé  ,  £v.  ^ 
feulement  on  aura  foin  ,  les  années  fuivan- 
tes  ,  de  répandre  fur  les  couches  un  peu  du 
fliinier  confommé  ,  pris  fur  une  couche  de 
melons  ou  de  concombres ,  d'en  enterrer 
aufîi  quelque  peu  dans  les  allées ,  au  mo- 
ment où  on  les  creufera.  La  terre  ainfi  en- 
tretenue maintiendra  les  racines  en  vigueur  j 
&  en  fuivant  cette  méthode  ,  une  couche 
^afperges  peut  durer  dix  à  douze  ans  ,  & 
produire  de  bons  bourgeons ,  fur-tout  fi  l'on 
obferve  de  ne  pas  les  couper  trop  longs  à 
chaque  fàiibn  ^  car  fi  on  les  coupe  de  façon 
à  empêcher  les  afperges  de  pouffer  d'un  peu 
bonne  heure  en  juin  ,  les  racines  s'atîbibli- 
ront  confidérablement ,  &  \cs  bourgeons 
en  feront  plus  petits.  Ceux  donc  qui  vou- 
dront avoir  des  afperges  à  l'arriére  fàifbn 
feront  bien  d'avoir  des  couches  à  part  ^  ce 
qui  vaut  mieux  que  de  gâter  toute  la  plan- 
tation j  en  coupant  les  afperges  trop  lon- 
gues. 

Je  ne  puis  m'empécher  de  relever  ici  une 
erreur  où  tombent   bien  des  gens  depuis 
long-temps  :  c'ell  de  ne  point  mettre  d'en- 
grais  dans  les  couches  j  ils  fè  perfuadeut 
Tome  m. 


ASP  ^(jj 

qu'il  communique  à  Xafperge  un  goût  fort 
de  pourri  ^  en  cela  ,  ils  fb  trompe,.».  :  car 
les  meilleures  afperges  font  celles  qui  croif- 
fentdans  la  terre  la  plus  gralic  ;  &  ce  n'eft 
que  dans  la  terre  maigre  qu'elles  contradent 
ce  goût  de  pourri  ,  dont  on  fè  ])laint.  La 
bonté  de  Vafperge  dài^znà  de  la  vircflè  de  fa 
crue ,  qui  cft  toujours  en  proportion  de  la 
bonté  du  terrain  &  de  la  chaleur  des  fai- 
fons  :  pour  preuve  de  cela  ,  je  plantai  deux 
couches  d'afperges  dans  un  terrain  où  j'avois 
mis  un  pié  d'épaiffeur  de  fiimier  5  &  tous 
les  ans ,  j'y  en  faifois  mettre  du  nouveau 
extrémeinent  épais  ,  les  afperges  qui  y  ont 
crû,>ctoient  infiniment  plus  douces  qu'au- 
cune autre  ,  quoiqu'elles  bouillifFent  dans  la 
même  eau  que  celles  provenues  d'un  terraia 
maigre. 

Il  faut  au  moins  cinq  ou  fix  verges  de 
terrain ,  employées  à  planter  des  afperges, 
pour  fournir  à  la  confbmmation  d'une  pe- 
tite famille  ;  moins  que  cela  ne  lèroit  pas 
fiiffifant  :  car  fi  on  ne  peut  en  couper  une 
centaine  à  la  fois ,  ce  n'eft  pas  la  peine  d'en 
cultiver  ;  autrement  on  eft  obligé ,  pour  en 
faire  un  plat ,  de  garder  les  premières  cou- 
pées deux  ou  trois  jours  ;  mais ,  pour  une 
grande  famille,  il  faut  au  moins  douze  verges 
de  terrain ,  qui  bien  cultivées  ,  donneront 
deux  ou  trois  ce.nts  afperges  par  jour  dans  le 
fort  de  la  faifon. 

Mais  ,  comme  il  y  a  bien  des  gens  qui 
aiment  à  voir  des  afperges  de  bonne  heu- 
re ,  ce  qui  fait  un  trafic  confidérable  pour 
les  jardiniers  ,  je  donnerai  les  inflrudîions 
néceflaires  pour  s'en  procurer  pendant  tout 
l'hiver. 

Il  faut  d'abord  fe  pourvoir  de  bonnes  ra- 
cines que  l'on  aura  élevées  foi-même  ,  ou 
que  l'on  achètera  àcs  jardiniers  qui  en  font 
commerce  ^  on  obfervera  que  ces  racines 
foient  tranfplantées  depuis  deux  ou  trois 
ans  j  &  après  avoir  déterminé  le  temps  où 
l'on  veut  avoir  des  afperges  bonnes  à  cou- 
per ,  on  préparera  fix  ou  fept  fernaines  au- 
paravant du  fumier  frais  de  cheval  que  l'on 
amoncelera  ,  &  qu'on  lailîera  dix  ou  douze 
jours  en  tas  pour  qu'il  fermente  :  on  y  mê- 
lera des  cendres  de  charbon  de  terre  j  & 
après  avoir  bien  retourné  ce  mélange ,  pour 
eu  confondre  \qs  parties  ,  on  pourra  cn- 
M  m  m  m 


C66  ASP 

fuite  l'employer  :  après  cela,  oncreiiféraunc 
tranchée  dans  le  terrain  où  l'on  fe  propofb 
de  faire  une  couche  j  vous  donnerez  à  vos 
cadres  la  largeur  &  la  longueur  propor- 
tionnées à  la  quantité  à'ûfpcrges  que  \'Ous 
voulez  planter  ;  trois   ou  quatre  cai/Tes  à 
vitrage  à  la  fois  (ùffiront  ,  iî  c'eft  pour  la 
confommation  d'une  famille  peu  nombreu- 
fe  ;  cela  fait ,   épandez  le  fumier  dans  la 
branchée  le  plus  cgaleirieiit  que  faire  fè  pour- 
ra ;,  &  fi  c'ell  en  décembre  que  vous  faites 
cette  opération ,  il  faudra  que  vous  mettiez 
au  moins  trois  pies  de  fumier  ,  ou  peut-être 
davantage  ,    que  vous   recouvrirez  de  fix 
jiouces   de  terre  ,  aj'ant  foin  de  caller  les 
mottes  &  d'applanir  la  furface  de  la  cou- 
clie.  Vous  commencerez  par  un  des  bouts  I 
à  planter  vos  racines  ,  que  vous  placerez 
contre  ini  petit  ados  de  la  hauteur  d'envi- 
ron cinq  pouces  :  vous  les  placerez  en  ran- 
gées le  plus  près  l'une  de  l'autre  qu'il  vous 
fera  poiîible,  &  vous  aurez  attention  que 
leurs  bourgeons  foient  droits  ;  vous  mettrez 
un  peu  de  terreau  fin  entre  les  rangées ,  & 
prendrez  garde  que  la  couronne  des  racines 
ne  foit  pas  plus  inclinée  d'un  côté  que  de 
l'autre.  Quand  vous  aurez  garni  toute  vo- 
tre couche  de  racines  ,  il  faudra  que  vous 
mettiez  un  peu  de  terre  forte  auprès  fur 
les  dehors  de  la  couche  ,  qui  font  nus  , 
pour  les  préfërver  de  la  fécherelfe  :  il  eil 
néceli'aire  auilî  de  ficJier  deux  ou  trois  bâ- 
tons longs  d'envh'on  deux  pies  entre   vos 
racines ,  dans  le  milieu  de  la  couche  ,  à 
quelque  diftance   l'un  de  l'autre  ^  p;ir    le 
moyen  de  ces  bâtons  ,  vous  connoîtrez  le 
degré  de  clialeur  où  ell  votre  couche  ;  poiu- 
cela,  huit  jours  après  que  votre  couclie  a 
été  faite ,  vous  les  retirerez  de  terre  ■■,  &  ii  leur 
extrémité  enterrée  n'eft  point  chaude  ,  vous 
pourrez  épandre  fur  les  côtés  ou  fur  le  haut 
de  la  coiiche  un  peu  de  paille  ,  ou  de  litiè- 
re ,  ce  qui  la  réchauffera  confiùénihlement  ;, 
&  fi  vous  voyez  qu'elle  ait  trop  de  clia- 
leur ,  &  que  vos  racines  foient  en  danger 
d'en  être  brûlées  ,  il  convientha  de  la  laiflèr 
entièrement  découverte,  &  de  faire  avec  un 
gros  bâton  ,  fur  les  côtés  de  la  couche  ,  des 
trous  en  deux  ou  trois  endroits  pour  faciliter 
ii  cette  P.randcclialeur  le  moyen  de  fe  diilîper: 
cet  e:;pcdient  ramènera  bientôt  la  couche  à 
une  chaleur  tempérée. 


ASP 

Quinze  jours  après  que  votre  planche  féraf 
faite  ,  vous  couvrirez  les  couronnes  des  ra- 
cines d'environ  deux  pouces  de  terre  fine  ;8c 
lorfque  les  bourgeons  commenceront  à  fe 
montrer  ,  vous  les  couvrirez  d'environ  trois 
pouces  de  la  même  terre,  ce  qui  fera  en  tout 
inie  épailfeur  de  cinq  pouces  fiirles  couronnes 
des  racines  :  &  cela  fufiîra. 

Vous  ferez  enfuite  une  bande  de  paille 
ou  de  longue  litière  épailîè  de  quatre  pou- 
ces ou  en\iron  ,  dont  vous  en\ironnerez  le 
pourtour  de  la  planche  ,  de  manière  que  le 
haut  de  la  bande  foit  de  niveau  avec  la  fur- 
face  de  la  planche.  Vous  l'affujcttirez  avec 
des  bâtons  droits  d'environ  deux  pies  de 
long ,  pointus  par  une  des  extrémités ,  que 
vous  ficherez  horizontalement  dans  la  cou- 
che. Vous  placerez  vos  chadis  fiir  cette 
bande  ^  &  fur  ceux-ci  ,  vous  mettrez  vos 
vitrages:  mais  ,  fi  au  bout  de  trois  lèmaines. 
que  votre  planche  fera  faite  ,  vcras  vous  ap— 
percevez  qu'elle  refroidilfe  ,  vous  revêtirez 
lès  côtés  d'une  bonne  couche  de  fumier 
chaud  récent ,  qui  rappellera  la  chaleur.  Une 
autre  attention  qu'il  faut  avoir  ,  c'eft  de 
couvrir  les  vitrages  de  nattes  ou  de  paille 
toutes  les  nuits  Scpendantle  mauvais  temps; 
mais  pendant  le  jour  ,  cette  précaution  n'eft 
pas  nécelfaire ,  fiir-tout  quand  le  foîeil  donne:  ' 
fès  rayons  mêinc  pénétreront  les  vitrages , 
èi.  donneront  une  belle  couleur  aux  af- 
perges. 

Une  phanchc  faite  de  la  manière  dont  je 
viens  de  dire,  commencera  ,  au  bout  d'en- 
viron cinq  femaines ,  fi  elle  va  bien ,  à  don- 
ner  des  bourgeons  bons  à  couper  ,  &  con- 
tinuera d'en  donner  diu^ant  trois  foinaines  j 
ci  fi  les  afperges  étoicnt  pourvues  de  bottes 
bien  en  racine  ,  elles  produiront ,  dans  cet 
efpace  de  temps ,  trois  cents  bourgeons  p;ir 
caille;  fi  vous  êtes  curieux  d'en  avoir  jufqii'à 
la  iaifon  où  la  nature  les  produit ,  il  faut 
renou\cner  votre  planche  toutes  les  trois 
ièniaines  jufqu'au  com:nencement  de  mars  , 
à  compter  de  la  faifoji  où  vous  avez  fait  la 
])remiere  ;  car  fi  votre  dcrnicre  planche 
ie  fait  dans  la  dcrnicre  huitaine  de  mars  , 
elle  vous  mènera  julqu'à  la  faifoii  des  ûf- 
pages  ,  &  les  planches  faite;  les  dernières 
donneront  des  afptrgcs  bonnes  à  couper 
quinze  jours  plutôt  que  celles  qu'on  fait 
vers  Noèl  ;  Jcs  bourgeons  feront  plus  gios 


ASP 

^  plus  colores  ,  en  ce  qu'ils  feront  pour 
Jors  plus  ccliaulVës  par  les  rayons  du  l'olcil. 

Si  vous  vous  propofez  de  fuivre  cette  mé- 
thode ,  de  faire  ^eiiir  des  afperges  précoces , 
il  faut  que  tous  les  ans  vous  en  réfer\'icz 
pour  planter  la  quantité  que  vous  croirez 
iiécelfaire ,  à  moins  que  vous  n'aimiez  mieux 
tirer  vos  racines  de  quclqu'autre  jardin.  La 
melurc  du  terrain  "où  les  bottes  ont  crû  ,  in- 
<!ique  ordinairement  ce  qu'il  en  faut  pour 
planter  une  cailfe  :,  car  lî  la  planche  eli 
bonne ,  &  qu'il  n'ait  manqué  que  peu  de 
racines ,  une  verge  vous  en  fournira  fuffi- 
fammcnt  pour  une  calife  :  mais  ce  calcul  a 
été  fait  refpeâ.ivcmcnt  à  un  terrain  jilanté 
de  racines  que  l'on  deilinc  à  être  enlevées 
la  troiileine  année ,  pour  en  avoir  de  pré- 
coces ,  dont  chaque  planche  contient  fix 
rangées  à  dix  pouces  feulement  de  diftance 
entr'elles,  &dans  lefquelles  les  plantes  font 
éloignées  de  huit  ou  neuf  pouces^  mais  lorf- 
«[ue  les  rangées  font  plus  efpacées  &  en 
moindre  quantité  par  conféquent  /lir  la  cou- 
che ,  alors  il  faut  une  mefure  plus  confidé- 
rable  de  terrain  pour  une  caille  :  la  plupart 
des  jardiniers  enlèvent  leurs  boîtes  deux 
ans  après  qu'elles  ont  été  plantées  ■■,  mais  lî 
le  fol  n'eft  pas  fort  bon ,  il  fera  mieux  de 
ne  s'en  fènir  qu'au  bout  de  trois  ans  :  car , 
fi  les  racines  font  foibles ,  les  bourgeons  fe- 
ront petits  ,  &  ne  vaudront  pas  la  peine 
d'être  plantés  pour  avoir  des  etfpergcs  pré- 
coces. La  meilleure  terre  pour  en  obtenir 
qui  foient  pourvues  de  greffes  bottes  &  pro- 
pres à  être  plantées  dans  des  couches,  elî 
une  terre  moite  &  riche  :  quant  à  celles  qui 
ne  doivent  pas  être  tranljplantées ,  elles  fe 
contentent  d'un  fol  mitoyen ,  qui  ne  foit  ni 
trop  fec  ni  trop  humide  -,  mais  une  terre  ar- 
gilcufe  ,  mêlée  de  fable ,  quand  on  a  foin 
d'y  mettre  de  l'engrais  ,  eft  préférable  à 
toute  autre. 

La  féconde  efpece  vient  naturellement , 
à  ce  qu'on  dit ,  dans  le  pays  de  Galles  & 
aux  environs  de  Briftol  ;,  mais  je  doute  fort 
que  cela  foit  vrai  :  cnr  ceux  qui  en  ont  parlé , 
difent  qu'elles  ne  différent  en  riende  ïafpeige 
de  jardin  ^  que  la  culture  a  feulement  chan- 
gé :  mais  j'en  ai  dernièrement  reçu  de  cel- 
les-ci qui  avoient  été  amairécsprès  de  Mont- 
pellier, &  je  me  fuis  pleinem.ent  convaincu 
çue  cette  elpcce  eft  toute  dLffcreiite  de  celle 


ASP  66-j 

qtii  croît  dans  le  piys  de  Galles  :  car  les  feuil- 
les de  l'eljjece  agrelte  iraritime  font  poin- 
tues ,  épaiffes  &  fort  éloignées  les  unes  des 
autres  fur  les  branches  :  les  tiges  n'en  fo!it_ 
point  non  plus  (î  rametilês.  Cette  efpece  ie 
multipliede  graine  ,  coiiune  Yafperge  des 
jardins  •■,  mais  elle  demande  une  expolîtioii 
plus  chaude ,  &  fès  racines  veulent  être  bien 
couvertes,  pendant  l'hiver,  pour  empêcher  la 
gelée  de  pénétrer  julqu'à  elles,  ce  qui  caii- 
fcroit  leur  perte. 

L'efpece  «".  3  s'élcve  à  fix  ou  huit  pies  : 
lès  tiges  font  blanches ,  ligneufes  &  tortues  ■■, 
elles  n'ont  point  d'épines  :  (es  feuilles  naif^ 
lent  en  houpes  ,  comme  celles  du  mélèze  ^ 
elles  font  fort  courtes  &  terminées  par  des 
pointes  aiguës ,  de  manière  qu'on  a  de  la 
peine  à  les  manier.  Cette  eijjece  eft  indigène 
du  midi  de  la  France ,  de  l'Efijagne  &.  du 
Portugal  ;,  elle  fe  reproduit  par  fes  fcmen- 
ces  comme  l'efpece  précédente  ;  mais  elle 
eft  trop  délicate  pour  vivre  en.  Angleterre  en 
pleine  terre  :  fos  racin.es  veulent  être  plan- 
tées en  pot  &;  abritées  durant  l'hiver. 

La  quatrième  efpece  s'éle\e  en  bnifîbn  à 
la  hauteur  de  trois  ou  quatre  piés^  fon  écorce 
eft  très-blanche  :  elle  eft  armée  d'épines  fa- 
litaires.qui  naiiî'ent  fous  chaque  houpe  ds 
feuilles.  Ses  tiges  fublîftent  quelques  an- 
nées ,  &  pouffent  pluiieurs  branches  garnies 
de  feuilles  courtes  &  étroites,  qui  coufcrvent 
leur  verdure  tout  l'hiver,'  fi  on  a  foin  de  les 
défendre  des  fortes  gelées.  On  ht  multiplie 
de  femence  comme  la  précédente.  On  peut 
faire  venir  fa  graine  des  bords  de  la  Médi- 
terranée qu'elle  habite  ■■,  il  faudroit  la  lever 
en  pot  pour  pouvoir  la  mettre  à  l'abri  de 
l'hiver. 

L'efpece  11°.  5  eft  originaire  du  cap  de 
Bonne-Efpérance  :  celle-ci  a  des  tiges  irré- 
gulieres  <k  très -tortues  ,  qui  parviennent  à 
iuiit  ou  dix  pies  de  haut  ;  c'eft  un  builTon 
qui  pouffe  quantité  de  branches  latérales  , 
grêles  &  foibles.  Ses  feuilles  étroites  naif^ 
fent  par  bouquets ,  connue  celles  du  mé- 
lèze ,  &  armées  pardeft'ous  d'une  épine 
folitaire  &  aiguë  i  fès  tiges  réfiftent  quelques 
années  ,  Se  fes  feuilles  font  toujours  vertes  : 
on  la  reproduit  ordinairement  en  divifant 
fes  racines ,  parce  que  cette  efi^ece  ne  donne 
point  de  femence  dans  fon  pays  natal  :  le 
jiiois  d'avril  eft  le  temps  propre  à  cette  opé", 
M  m  m  m  î. 


668  ASP 

ration.  Il  faut  planter  les  racines  dans  des 
pots:,  &  les  mettre  à  la  ferre  en  automne  , 
car  elles  ne  fauroier.t  fubfifter  à  l'air  libre 
en  hiver. 

L'efpece  w".  6  nous  vient  d'Efpagiie  ,  de 
Portugal  &  de  Sicile  j  elle  habite  générale- 
ment les  lieux  pierreux  i  elle  pouffe  quantité 
de  fcions  foiblcs  &  irréguliers  fans  feuilles , 
mais  armés  de  petites  épines  rigides ,  qui 
iiailicnt  au  nombre  de  quatre  ou  cinq  du 
même  point ,  &  qui  divergent  dans  tous  les 
fans.  Ses  fleurs  font  petites  &  d'une  couleur 
herbacée  ;  elle  a  les  baies  plus  grolfes  que 
celles  de  l'elpece  commune  ^  elles  font  noi- 
res ,  quand  elles  font  mûres  :  cette  eipece 
eft  délicate  j  il  faut  la  traiter  comme  ïe{- 
pece  n°.  3. 

La  feptieme  efpece  vient  d'elle-même  au 
cap  de  Bonne-Efpérance  ;  elle  donne  du  pié 
quantité  de  tiges  grêles ,  qui  donnent  naif- 
iànce  à  des  branches  foibles,  qui  s'inclinent 
vers  le  bas  :  ces  branches  font  toutes  cou- 
vertes de  feuilles  filiformes ,  femblables  à 
celles  de  Yafperge  des  jardins ,  qui  reftent 
vertes  toute  l'aimée  :  elle  fe  multiplie ,  &  fe 
traite  de  même  que  la  cinquième  eipece. 

L'elpece/2".  8  croît  aufli  au  cap  de  Bonne- 
Efpérance  •■,  elle  poufle  quantité  de  fcions 
foibles  ,  qui  naiffcnt  par  bouquets  &  armés 
d'éphies  aiguës  fur  leurs  côtés  &  à  leurs 
extrémités  :  fcs  feuilles  croiifent  auflî  par 
bouquets ,  &  reftent  vertes  toute  l'année  : 
même  traitement  &  même  voie  de  multi- 
plication que  pour  l'efpece  /;°.  5. 

La  dixième  efpece  pouffe  du  pié  quantité 
de  branches  foibles  &  grimpantes,  qui  s'élè- 
vent à  cinq  ou  fix  pies  de  haut  ^  elles  font 
garnies  de  feuilles  étroites,  lancéolées,  qui 
nailîènt  chacune  féparément  :  les  fcions  font 
armés  d'un  fi  grand  nombre  de  petites  épines 
courbes ,  qu'il  n'cll  pas  aifé  de  miuiier  les 
branches  ^  elle  le  multiplie  en  partageant  la 
racine  :  mais  les  plantes  qui  en  proviennent, 
veulent  être  placées  dans  une  étuve  tempé- 
rée •■)  fans  quoi ,  elles  ne  réufliroient  point 
ici  ;  on  la  trouve  dans  l'île  de  Ceylan. 

Ces  plantes  fe  trouvent  dans  les  jar- 
dins dos  curieux^  elles  contribuent  à  les 
varier  •■,  elles  ne  font  point  difficiles  à  con- 
duire ,  lorfqu'on  a  un  endroit  pour  les  ferrer 
J'hiver  :  on  devroit  les  mettre  au  rang  des 
autres  plautes  cxoti<jucs.  Koyei  Plames 


ASP 

ApERITIVES.  (M.  h  baron  VE  TsCHOVDi.  ) 

ASPERGILLUS  ,  genre  de  plante  qui 
ne  diffère  du  boiryiis  &  du  byjfhs ,  que  par 
l'arrangement  de  les  femences  j  car  nous  les 
avons  toujours  vues  arrondies  ou  ovales. 
Elles  font  attachées  à  de  longs  filamens  qui 
font  droits  &  noueux  ,  &  qui  tieiuient  dans 
de  certaines  plantes  à  un  placenta  rond  ou 
arrondi  ^  fur  d'autres  efpeces  ils  fout  attachés 
au  fommet  de  la  tige  ou  aux  rameaux ,  fans 
aucun  placenta  ,  &  ils  reffemblcnt  aux  épis 
de  l'elpece  de  gramen  ,  qu'on  nomme  \'id- 
gairement  pic-de-pouU.  Ces  filamens  tom- 
bent d'eux-mêmes  quand  ils  font  mvss  ,  & 
alors  les  fèm.ences  fe  féparent  les  luies  des 
autres.  Novaplantamm  ginera^  par  M.  Mi- 
cheli.  Voye\  Plante.  (/) 

*,ASPERIEJO,  (  Géog.  anc.  &  mod.  ) 
ville  ruinée  d'Eipagne  au  royaume  de  Va- 
lence. Il  y  a  au  même  royaume  un  bourg 
appelle  Afpe  ,  bâti  des  ruines  de  Tancienne 
Afpe.  La  rivière  de  Lerda  coule  entre  Afpe 
&  Afperiejo. 

ASPÉPvITÊ  ,£.î.en  terme  de phyfique ,  eft- 
la  mêmechofe  qu'^/rfr/.  F^oy.  Apreté.(O) 

*  ASPEROSA  ,  ville  de  la  Turquie  en 
Europe ,  dajis  la  Romanie ,  fur  la  côte  de 
rArchij>el.  Long.  42.  ,  50;  lat.  40  ,  58. 

ASPERSION,!",  f.  {Théolog.  )  du  la- 
tin afpergere ,  formé  de  ad  &  defpargo  ,  je 
répands. 

C'eft  l'aftion  d'afperger ,  d'arrofcr ,  ou 
de  jeter  çà  &  là  avec  un  goupillon  ou  une 
branche  de  quelque  arbriffeau  ,  de  l'eau  ou 
quelcfu'autre  fluide.  Voye^  GoUPILl.ON. 

Ce  terme  eft  principalement  confacré  aux 
cérémonies  de  la  religion ,  pour  exprimer 
l'adion  du  prêtre  lorfque  dans  l'églife  il  ré- 
pand de  l'eau  bénite  fur  les  affiftans  ou  fur 
les  fepuhures  des  fidèles.  La  plupart  des  bé- 
nédiftions  ie  terminent  par  une  ou  plufieurs 
afperjions.  Dans  les  paroilfes  ïajperjion.  de 
l'eau  bénite  précède  tous  les  dimanches  la 
grand'meffe. 

Quelques-uns  ont  fbutenu  qu'on  devoit 
donner  le  baptêm.e  par  afpcrjion  ■-,  d'autres 
prétendoient  que  ce  devoit  être  par  immcr- 
Jion ,  &  cette  dernière  coutume  a  été  alii:^ 
long-temps  en  ufage  dans  l'églife.  On  ne 
voit  pas  que  la  première  y  ait  été  pratiquée, 
yoyci  Baptême  ,  Immersion  li-  AsPEîtî 

SOIR.  (G) 


'ASP 

*  ASPERSOIR,  f.  m.  (  Hijlohe  anc.  & 
mod.  )  inltriiinent  compofé  d'un  manche 
garni  de  crins  de  chc\  al  clicz  les  anciens  , 
ik  de  foie  de  porc  parmi  nous  ,  dont  ils  fe 
fervoient  poi;r  s'arrofcr  d'eau  luftrale  ,  & 
dont  nous  nous  fervons  pour  nous  arrofcr 
d'eau  bénite.  Les  païens  avoient  leurs  al- 
perfions ,  auxquelles  ils  attribuoient  la  vertu 
d'expier  &  de  purifier.  Les  prêtres  &  les  fa- 
crificateurs  fe  préparoient  aux  facrificcs  ;, 
l'ablution  étoit  une  des  préparations  rcqui- 
fes ,  c'cfl:  pourquoi  il  y  avoit  à  l'entrée  des 
temples  ,  &  quelquefois  dans  les  lieux  fou- 
terrains  ,  des  réferv'oirs  d'eau  où  ils  fe  la- 
voient.  Cette  ablution  étoit  pour  les  dieux  du 
ciel  i  car  pour  ceux  des  enfers  ils  fe  contea- 
toient  de  î'afperfion.  Foye^  Sacrifices. 

ASPER.UGO,  vapau  ,  genre  de  plante 
à  fleur  monopétale  faite  en  forme  d'enton- 
noir ,  &  découpée.  Le  calice  eft  en  forme 
de  godet  ^  il  s'applatit  de  lui-même  quand 
la  fleur  eft  tombée  ;  il  en  fort  un  pillil  qui 
eft  attaché  à  la  partie  poilérieure  de  la  fleur , 
comme  un  clou  ,  &  qui  eft  entouré  de 
quatre  embryons.  Ces  embryons  deviennent 
dans  la  fuite  des  femences  oblongues  pour 
l'ordinaire  :,  elles  mûriircnt  dans  le  calice  , 
qui  devient  beaucoup  plus  grand  qu'il  n'é- 
toit  lorfqu'il  foutenoit  la  fleur,  &  qui  eft 
alors  fi  fort  applati ,  que  fes  parois  le  tou- 
chent &  font  adhérentes.  Tournefort ,  l/ijï. 
rei  herh.  Voyei  PLANTE.  (I) 

ASPHADELODIENS ,  f.  m.  pi.  (Hift.  & 
Ge'ogr.  anc.  )  tribu  de  Lybiens  Nomades , 
dont  on  croit  que  les  Bédouins  font  dcfcen- 
dus  ,  quoiqu'ils  en  différent  par  la  couleur 
de  leur  peau ,  puifque  les  premiers  font  auffi 
noirs  que  les  Ethyopiens  ^  quelques-uns  les 
confondent  avec  lesGetules  &  les  Numides, 
dont  on  voit  qu'ils  avoient  quelques  ufages  ■■, 
mais  leur  genre  de  vie  étoit  plutôt  conforme 
à  celui  des  Tartares  &  des  Arabes  Scenites 
qui ,  comme  eux,  vivent  encore  aujourd'hui 
fous  des  tentes.  Ces  peuples  indigens  n'a- 
voient  pour  meuble  qu'une  cruche,  une  coupe 
&  un  couteau  ■■,  la  terre  leur  fervoit  de  lit  , 
&  leurs  troupeaux  leur  fourniiîbient  du  lait 
dont  ils  faifoient  plus  de  cas  que  de  la  chair. 
Ils  fe  nourrilfoient  encore  de  fruits  ou  du 
produit  de  leur  pêche.  Ils  étoient  grolTîers 
&  fauvages  •■,  &  comme  ils  étoient  fans  luxe 
-pi.  i^aas  befoins,  ils  ii'eureat  auciuie  teiiiturc 


ASP  669 

des  arts  &  des  fciences.  Le  fol  n'avoit  point 
chez  eux  de  poifcilcur  privilégié ,  &  la  terre 
leur  fembloit  un  commun  héritage  aban- 
donné à  les  habitans.  Leur  férocité  &  fha- 
bitude  de  s'approprier  p;:r  la  force  tout  ce 
qui  leur  appartenoit ,  les  rendoit  belliqueux , 
&  leurpau\reté  les  rendoit  laborieux ,  c'étoit 
fi:r-tout  leur  cavalerie  qui  les  rendoit  le  plus 
redoutables.  Leurs  chevaux,  quoique  petits  , 
fuppcrtoient  les  fatigues  des  plus  longues 
marches,  c'étoit  avec  une  baguette  qu'ils 
dirigeoient  leurs  mouvemens  :  ils  ne  le  fer- 
virent  du  frein  &  de  la  bride  que  du  temps 
d'Annibal ,  qui  les  employa  avec  fuccè? 
dans  fon  armée.  Leurs  mœurs,  leurs  ulà- 
ges ,  leurs  loix  8c  leur  religion  étoient  à-peu- 
près  les  mêmes  que  chez  les  Numides  &  Ge- 
tules.  ^oyf^  Numides.  (T-n.) 

*  ASPHALION  ,  (  Myih.  )  nom  fous 
lequel  les  Rhodiens  bâtirent  un  temple  à 
Neptune  dans  une  ile  qui  parut  fur  la  mer , 
&  dont  ils  fe  mirent  en  polléfiîon.  11  figni- 
fie  ,  ferme  ,  Jlab/e  ,  8c  répond  au  Jtabilitor 
des  Romains  \  &  Neptune  fut  révéré  dans 
plufieurs  endroits  de  la  Grèce  fous  le  nom 
^Afphalion.  Comme  on  lui  attribuoit  le 
pouvoir  d'ébranler  la  terre  ,  on  lui  accor- 
doit  aulfi  celui  de  l'affermir. 

ASPHALITE  ,  terme  £ anatomk  ,  qui  fe 
dit  de  la  cinquième  vertèbre  des  lombes. 
Voye-^  Vertèbre. 

On  l'appelle  ainfi  à  caufe  qu'on  la  con- 
çoit comme  le  fupport  de  toute  l'épine.  Ce 
mot  eft  formé  de  la  particule  privative  à  6c 
s-jàw.i' ,   -je  fupplante.   (  L  ) 

*  ASPHALTE ,  afphalius ,  tum.  On  a 
donné  ce  nom  au  bitume  de  Judée  ,  parce 
qu'on  le  tire  du  lac  Afphaltidc  ;  &  en  géné- 
ral tout  bitume  folide  porte  le  nom  A'af- 
phahe  :  par  exemple  ,  le  bitume  que  l'on  a 
trouvé  en  Suilfe  au  commencement  de  ce 
fiecle  ,  ô'c. 

Uafphalie  des  Grecs  eft  le  bitume  des 
Latins. 

Le  binime  de  Judée  eft  folide  &  pefant , 
mais  facile  à  rompre.  Sa  couleur  eft  brune  , 
8c  même  noire  ;  il  eft  luifant ,  8c  d'une  cou- 
leur réiineufe  très-forte  ,  lùr-tout  lorsqu'on 
l'a  échauffe  :  il  s'enflamme  aifément ,  8c  il 
te  liquéfie  au  feu.  On  trouve  ce  bitume  en 
plufieurs  endroits  ;  mais  le  plus  eftimé  eft 
celui  qui  vient  de  I^  mer  Âlorte  ,   autre- 


^70  ASP 

meut  appellée  lac  nfpkahique ,  dans  la  Judée. 

Ceft  dans  ce  lieu  qu'ctoient  autrefois  So- 
dome  &  Gomorrhe ,  fie  les  autres  villes  fur 
lelquelles  Dieu  fit  tomber  une  pluie  de  fbu- 
fre  &  de  feu  pour  punir  leurs  habitans.  Il 
n'ell  pas  dit  dans  lecriture-fainte  que  cet 
endroit  ait  été  alors  couvert  d'un  lac  bitumi- 
neux \  on  lit  Ibulement  aux  27  «S»  28  vetfets 
du  xix  chap.  de  la  Genefe  ,  que  le  lende- 
main de  cet  incendie  Abraham  regardant 
Sodome  &  Gomorrhe  ,  &  tout  le  pays  d'a- 
lentour, vit  des  cendres  enflammées  qui 
s'élevûient  de  la  terre  comme  la  fumée  d'une 
fournailé.  On  voit  au  xiv  chap.  de  la  Gen. 
que  les  rois  de  Sodome ,  de  Gomorrhe  &  des 
trois  villes  voihnes ,  fortirent  de  chez  eux 
pour  aller  à  la  rencontre  du  roi  Chodorla- 
iiomor  &  des  trois  autres  rois  fes  alliés  , 
pour  les  combattre  ,  &  qu'ils  fe  rencontrè- 
rent tous  dans  la  vallée  des  Bois ,  ou  ilyavoic 
beaucoup  de  puits  de  bitume.  Voyez  az/^  Tac. 
Hifl.  liv.  V  y  chap.  vj. 

Il  efc  à  croire  qu'il  fort  une  grande  quan- 
tité de  bitume  du  fond  du  lacAfphaltique  , 
il  s'élève  au  dcffus  &  y  furnage.  Il  eft  d'a- 
bord liquide,  &  fi  vifqueux  qu'à  peine  peut- 
on  l'en  tirer  \  mais  il  s'épaifiit  peu-à-peu ,  & 
il  devient  auffi  dur  que  la  poix  feche.  On 
dit  <{ue  l'odeur  puante  &  pénétrante  que 
rend  ce  bitume  eft  fort  contraire  aux  Iiabi- 
tans  du  pays ,  &  qu'elle  abrège  leurs  jours  ■■, 
que  tous  les  oifeaux  qui  pallént  pardefliis 
ce  lac  y  tombent  morts ,  &  qu'il  n'y  a  au- 
cun poilfon  clans  ces  eaux.  Les  V^abes  ra- 
jnalfcnt  ce  bitume,  lorfqu'il  eft  encore  li- 
quide ,  pour  goudronner  leurs  vaiiîeaux. 

Ils  lui  ont  donné  le  nom  de  karabé  de  So- 
dome ;  fouventle  mot/'ara^t-fignific  la  même 
chofe  que  bitume  dans  leur  langue.  On  a  aufii 
donne  au  bitume  du  lac  Afphaltique  le  nom 
de  gomme  de  funérailles ,  &  de  momie  ;  parce 
que  chez  les  Égyptiens,  le  peuple  eiupioyoit 
ce  binime,  &  le  pilfalphalte  ,  pour  embau- 
nier  les  corps  morts.  Diofcoride  dit  que  le 
vrai  bitume  de  Judée  doit  être  d'une  cou- 
leur de  pourpre  brillante,  &  qu'on  doit  re- 
jeter celui  qui  eft  noir  &  mêlé  de  matières 
étrangères  :  cependant  tout  ce  que  nous  en 
avons  aujourd'hui  eft  noir:  mais  lion  le  caile 
en  petits  morceaux  ,  &  ii  on  regarde  à  tra- 
vers les  parcelles,  on  apperçoit  une  petite 
teints  jl'mi  jaui;e  couleur  de  iufraii  :  t'eit 


ASP 

peut-être  là  ce  que  Diofcoride  a  vou'u  dîrtf. 
Souvent  on  nous  donne  du  piffalphalte  durci 
au  feu  dans  les  chaudières  de  cuivre  ou  de 
fer,  pour  le  vrai  bitume  de  Judée.  On  pour- 
roit  aulFi  confondre  ce  bitume  avec  la  poix 
noire  de  Stockolm  ,  parce  qu'elle  eft  d'un 
noir  fort  luifant  :  mais  elle  n'eft  pas  fi  dure 
que  le  bitume  de  Judée ,  &  elle  a ,  ainfi  que 
le  pilfafphalte  ,  une  odeur  puante  qui  les  fait 
aifëmcnt  reconnoître. 

Les  fumigations  avec  ce  bitume  fout  re- 
commandées dans  les  attaques  d'hyftérie  y 
on  e!i  fait  aulTi  des  emplâtres  ,  qu'on  appli- 
que fur  le  pubis,  en  y  mêlant  quelque  corps 
moins  folide.  L'ufage  extérieur  de  ce  bitume 
eft  principalement  chirurgical  :  il  eft  réfo- 
lutif ,  déterfif  ;  on  s'en  fert  dans  les  ulcères 
vermineux  ou  fordides ,  dans  les  extravafa- 
tions  de  lang  coagulé  &  les  tumeurs  qui 
en  rcfidtent.  f^oyei  Bitume  ,  Sec.  (  M. 
Lafosse,  ) 

Après  avoir  fait  connoître  le  bitume  de 
Judée  ,  il  ne  nous  refte  plus  qu'à  parler  de 
cette  forte  de  bitume  en  général ,  &  des 
afphaltes  de  nos  contrées  :  c'eft  ce  qu'on  trou- 
vera expofé  fort  au  long  dans  un  mémoire 
fait  en  1750,  fur  les  mines  A'afphalte  en  gé- 
néral ,  &  notamment  fur  celle  dite  de  la  Sa- 
hlonniere ,  fife  dans  le  ban  de  Lamperfloch  , 
bailliage  de  Warth ,  en  baile  Alface ,  entre 
Haguenau  &  Wilfenbourg  ,  pour  rendre 
compte  à  M.  de  BuiFon,  intendant  du  jardin 
du  roi ,  de  cette  nouvelle  découverte ,  &  de 
la  qualité  des  marchandiies  qui  fe  fabriquent 
à  ladite  mine ,  pour  fervir  à  thifioire  natu- 
relle ,  générale  &  particulière  ,  &iç. 

La  première  niine  àHafpliaUe  qui  ait  été 
connue  en  Europe  fous  ce  nom-là  ,  eft  celle 
de  NeufchâtsI,  en  Suille  ,  dans  le  val  Tra- 
vers :  c'eft  à  M.  de  la  Sablonniere  ,  ancien 
tréforier  des  Ligues  Suilfes ,  que  l'on  a  obli- 
gation de  cette  décomerte.  Monfeigneur  le 
duc  d'Orléans  ,  rége.'it  du  royaume  ,  après 
l'analyfe  faite  des  bitumes  fortant  de  cette 
mine  ,  fit  délivrer  audit  fieur  de  la  Sablon- 
niere ,  un  arrêt  du  confeil  d'état  du  roi ,  par 
lequel  il  luiétoit  permis  de  faire  entrer  dans 
le  royaume  toutes  les  m;u-chandifes  prove- 
nantes de  cette  mine ,  fans  payer  aucuns 
droits  ^  cet  arrêt  eit  tout  au  long  dans  le  dic- 
tior.naire  du  commerce  ,  au  mot  afphalte. 
Les  biîumes  ^ni  lôrteut  de  cette  mine  ibu^ 


ASP 

de  inémenatlirc  que  ceux  qui  fe  trouvent^ 
celle  de  la  Sablouniere  ;,  avec  cette  différence 
que  ceux  de  la  mine  de  Neufcliâtel  ont  filtre 
dans  des  rochers  de  pierres  propres  à  faire  de 
lac  haux,  &  que  ceux  d'Alfacc  coulent  dans 
un  banc  de  fable  fort  profond  en  terre,  où 
il  fe  trou\e  entre  deux  lits  de  terre  glaifc  : 
le  lit  fupérieur  de  ces  inines  eft  recouvert 
d'un  chapeau  ou  banc  de  pierre  noire ,  d'un 
à  deux  pies  d'épaiifeur  ,  qui  fe  fcpare  par 
feuilles  de  Tépaiflbur  de  l'ardoife.  La  pre- 
mière glaife  qui  touche  à  ce  banc  de  pierre 
eft  aufli  par  feuilles  :  mais  elle  durcit  promp- 
tenient  à  l'air,  &  reiîemble  ailez  à  la  fer- 
pentine-  La  mine  de  Neufchûtel,  enSuilîc, 
n'a  point  été  approfondie  j  on  s'ell  contenté 
de  caifer  le  rocher  apparent  &  hors  de  terre. 
Ce  roclier  fe  fond  an  feu  ;  &  en  y  jois^nant 
une  dixième  partie  de  poix  ,  on  forme  un 
ciment  ou  maftic  qui  dure  éternellement 
dans  l'eau ,  &  qui  y  eft  impénétr;ible  :  mais 
il  ne  faut  pas  qu'il  foit  expofé  à  fec  à  l'ardeur 
du  foleil  5  parce  qu'il  mollit  au  chaud  &  dur- 
cit au  froid.  Ces  deux  inouvemens  alternes 
le  détachent  à  la  fin  de  la  pierre  ,  &  la  fou- 
dure  du  joint  ne  tient  plus  l'eau.  C'efî  de  ce 
ciment  que  le  principal  bafTin  du  jardin  du 
roi  a  été  réparé  en  17.^1^  ,  (  depuis  ce  temps 
jufqu'auiourd'hui ,  il  ne  s'cft  point  dégradé.  ) 
C'eft  aufTi  la   b^fe  de  la  compofltion  avec 
laquelle  font  réunis  les  marbres  &  les  bron- 
zes d'un  beau  vafe  que  M.  de  la  Sablouniere 
a  eu  l'honneur  de  préfènter  au  roi  en  1740  j 
c'efl  pareillement  de  ce  ciment  ou  maftic 
que  l'on  a  réparé  les  ba/Tins  de  Verfaiîles , 
Latone  ,  l'arc  de  triomphe  Se  les  autres , 
même  le  beau  vafe  de  marbre  blanc  qui  eft 
dans  le  parterre  du  nord  à  Verfaiîles  ,   fur 
lequel  eft  en  relief  le  facrifîce  d'Iphigénie. 
En  féparant  ces  huiles  ou  bitumes  de  la 
pierre  à  chaux  ,  elles  fe  trouvent  pareilles 
à  celles  que  l'on  fabrique  actuellement   en 
Alface  :  m.ais  la  féparatiou  en  eft  beaucoup 
plus  difficile ,  parce  que  les  petites  parties  de 
la  pierre  à  chaux  font  fi  fines,  qu'on  ne  peut 
tirer  l'huile  pure  que  par  j'alembic  \  au  lieu 
que  celles  d' Alface  ,  qui  ont  filtré  dans  un 
banc  de  fable  ,  quittent  facilement  le  fable 
dont  les  parties  font  lourdes  \  ce  fable  déta- 
ché par  l'eau  bouillante ,  fe  précipite  au  fond 
de  la  chaudière  oui  il  refte  blanc  ,  &  l'huile 
qu'il  coutenoit  furnage  &  fc  lepare  faiis 


ASP  (^i\ 

peine  de  l'eau ,  avec  le  féparatoire.  Pour  dire 
tout  ce  que  l'on  fait  de  la  mine  A'afp/ialt(  de 
Ncufchâtcl  ,  c'eft  de  celle-là  que  M.  de  la 
Sablouniere  a  faitlepifl'afphalte  avec  lequel 
il  acarcné  ,  en  1740  ,  le  Mars  &  la  Re- 
nommée .  vaiffeaux  de  la  compagnie  des  In- 
des, qui  font  partis  de  l'Orient ,  le  premier 
pour  Pondiclicry  ,  &  le  fécond  pour  Ben- 
gale. Il  eft  vrai  que  ce?  deux  vaiflcaux  ont 
perdu  une  partie  de  leur  carenne  dans  le 
\oyage  ,  mais  ils  font  revenus  à  l'Orient 
bien  moins  piqués  des  vers  que  les  autres 
vaiffeaux  qui  avoicnt  eu  la  carenne  ordi- 
naire. Il  n'eft  pas  nécefTaire  d'en  dire  da- 
\antage  fur  la  mine  de  Neufchâtel  ^  reve- 
nons à  celle  d'Alface. 

Elle  a  été  découverte  par  fa  fontaine  mi- 
nérale ,  nonnnée  en  allemand  backclbroun  , 
ou  fontaine  de  poix.  Il  y  a  pluiieurs  auteurs 
anciens  qui  ont  écrit  fur  les  qualités  &  pro- 
priétés des  eaux  de  cette  fontaine  ,  dont  le 
fameux  doâeur  Jacques  Théodore  de  Sa- 
verne  ,  médecin    de  la  \'\\\c   de   W'orms , 
fait  un  éloge  infini  •■,  fon  li\'re  eft  en  alle- 
mand ,  imprimé  à  Francfort  en   15!^  8  5  il 
traite  des  bains  &  eaux  minérales ,  &  dit  des 
cho(bs  admirables  de  la  fontaine  nommée 
backclbroun.  Il  eli  vrai  que  les  eaux  de  cette 
fontaine  ont  de  grandes  propriétés ,  &  que 
tous  les  jours  elles  font  des  guérifons  furpre- 
nantes  ,  les  gens  du  pays  la  bu\ant  avec  con- 
fiance quand  ils  font  malades.  Si  cette  fon- 
taine s'étoit  trouvée  à  portée  de  la  ^'ille  de 
Londres ,  quand  les  eaux  de  goudron  y  ont 
eu  luie  fi  grande  vogue  ,  lès  eaux  feules  aii- 
roient  fait   un  revenu  conlidérable.  Il  eft 
conftant  que  c'eft  une  eau  de  goudron  na- 
turel ,  qui  ne  porte  a\  ec  elle  que  àc%  parties 
balfkmiques ,  elle  fènt  peu  le  goudron  ^  elle 
eft  claire  comme  l'eau  déroche,  &  n'a  pref- 
que  pas  defédiment:    cependant  elle  ré- 
chauffe l'eftomac  ,  tient  le  \entre  libre ,  & 
donne  de  l'appetit  en  en  buvait  trois  ou 
quatre  verres  le  mat^i  à  jeun  ;  il  y  a  des 
gens  qui  n'en  boivent  jamais  d'autre  ,   & 
fe  portent  à  merveille.  Les  bains  de  cette 
eau  font  très-  bons  pour  la  galle  &  les  ma- 
ladies de  la  peau. 

C'eft  donc  cette  fontaine  qui  a  indiqué  là 
mine  ^afphahe  où  M.  de  la  Sablonnicre  tra- 
vaille adtuellem.ent  \  elle  charrie  dans  fes  ca- 
naux fouterrains ,  un  bitume  noir ,  6c  uue 


G-ji.  ASP 

huile  roiig'e ,  qu'elle  poufle  de  temps  en  temps 
fur  la  fuperficie  des  eaux  de  fon  balTln  j  on 
les  voit  monter  à  tous  momens  &  former 
un  bouillon  •■,  ces  huiles  &  bitumes  s'éten- 
dent fur  l'eau  ,  &  on  en  peut  ramalTer  tous 
les  jours  dix  à  douze  livres ,  plus  cependant 
en  été  qu'en  hiver.  Quand  il  y  en  a  peu  , 
&  que  le  foleil  donne  fur  la  fontaine  ,  ces 
huiles  ont  toutes  les  couleurs  de  l'arc-en-ciel 
ou  du  prifine  ^  elles  fè  nuancent  &  ont  des 
veines  &  des  contours  dans  le  goût  de  celles 
de  l'albâtre  5  ce  qui  fait  croire  que  h  elles  fe 
répandoient  fur  des  tufs  durs  &  propres  à  fe 
pétrifier  ,  elles  les  veineroient  comme  des 
marbres.  Le  bafîin  de  cette  fontaine  a  douze 
pies  de  diamètre  d'un  fèns  fur  quinze  de 
l'autre  j  c'ell  une  elpece  de  puifard  qui  ell 
revêtu  entièrement  de  bois  de  charpente  ; 
il  a  quarante-cinq  pies  de  profondeur  :  la 
tradition  du  pays  dit  qu'il  a  été  creufé  dans 
l'efpérance  d'y  trouver  une  mine  de  cuivre 
&  d'ar;jent  ^  on  en  trouve  effeâiveinent  des 
indices  par  les  marcailîtes  qui  font  au  fond 
de  cette  fontaine  :  M.  de  la  Sablonniere  l'a 
fait  vuidcr  \  l'ouvrage  en  bois  étoit  fi  ancien 
&  fi  pourri  ,  qu'une  partie  a  croulé  avant 
que  la  fontaine  ait  été  remplie  de  nouveau  ; 
elle  coule  cependant  à  l'ordinaire  ,  &  jette 
fbn  bitume  comme  auparavant. 

A  cent  foixante  toifès  de  cette  fontaine , 
au  nord ,  M.  de  la  Sablonniere  a  fait  creu- 
fcr  un  pui{àrd  de  quarante-cinq  pies  de  pro- 
fondeur qu'il  a  fait  revêtir  en  bois  de  chêne  ; 
il  s'y  eft  rencontré  plufieiu"s  veines  êiafphahe 
ou  bitume ,  mais  peu  riches  ^  celle  qui  s'efl: 
trouvée  à  quarante-cinq  pies  eft  fort  grafle  j 
elle  eft  en  plature  ,  mais  cependant  ondée 
dans  fa  partie  fupérieure ,  c'eil-à-dire  qu'elle 
a  quelquefois  fix  pics  d'épaiifeur ,  &  quel- 
quefois elle  fe  réduit  à  moins  d'un  pié ,  puis 
elle  augmente  de  nouveau  ;,  fa  bafe  eft  tou- 
jours fur  une  ligne  droite  horizontale  de  l'eft 
à  l'oucft  ,  &  qui  plonge  du  midi  au  nord  ■■,  à 
fa  partie  fupérieure  eft  inie  elpece  de  roc 
plat  d'un  pié  d'épaiifeur ,  qui  eft  par  feuilles 
comme  l'iirdoife  \  il  tient  pardeifus  à  une 
terre  glaifequi  relJémble allez  à  laibrpentine. 

A  fa  partie  inférieure  fe  trouve  un  fable 
rougcâtre  qui  ne  contient  qu'une  huile  moins 
noire  que  celle  de  la  mine,  plus  pure  &  plus 
fluide  ,  qui  a  cependant  toutes  les  mêmes 
qualités  ;  ce  fable  rouge  fert  à  faire  l'huile 


ASP 

de  Pétrole  ,  de  même  que  le  rocher  qui  fe 
trouve  hors  de  terre  ,  &  qui  a  la  même 
couleur. 

Pour  donner  une  idée  de  cette  mine ,  il  eft 
nécefl'aire  de  dire  qu'elle  eft  d'une  étendue 
immenfe,  puifqu'eÛe  le  découvre  à  près  de 
(xs.  lieues  à  la  ronde  :  depuis  l'année  1740  y 
que  M.  de  la  Sablomiiere  y  fait  tra\'ail- 
1er  ,  on  n'en  a  pas  vuidé  la  huitième  partie 
d'un  arpent  à  un  feiil  lit  ,  qui  eft  aftuelle- 
ment  foixante  pies  environ  plus  bas  que  la 
fuperficie  de  la  terre  ,  &  l'on  n'a  pas  touché 
aux  trois  lits  ou  bancs  qui  font  fupérieurs  à 
celui  oti  l'on  travaille  aè^iellement  \  ce  lit 
eft  de  plus  de  foixante  pies  plus  élevé  que 
celui  que  l'on  a  découvert  au  fond  de  la  fon- 
taine dite  backdbroun  ,  &  il  s'en  trou\-e  deux 
lits  entre  l'un  &  l'autre  :  mais  il  y  a  grande 
apparence  qu'à  plus  de  cent  pies  au  deflbus 
de  ce  dernier  lit ,  il  y  a  encore  plufieurs  bancs 
infiniment  plus  riches  &  plus  gras  ;,  on  en 
juge  par  ce  qu'on  a  découvert  avec  la  fonde, 
&  par  l'huile  que  cette  fontaine  charrie  au 
fond  de  fa  fource  f,  les  marcailîtes  y  font  les 
mêmes  ^  elles  font  chargées  de  foufre ,  de  bi- 
tume, &  de  petites  paillettes  de  cuivre.  On 
y  trouve  aufti  quelques  morceaux  de  char- 
bon de  terre  ,  qui  font  foupçonner  qu'on  eu 
découvrira  de  grandes  veines  à  mefure  que 
l'on  s'enfoncera. 

Si  on  continue  ce  travail ,  comme  on 
le  projette  ,  &  qu'on  parvienne  au  rocher 
qui  eft  beaucoup  plus  bas  ,  on  elpere  d'y 
trouver  une  mine  de  cuivre  &  argent  fort 
riche  ■■,  car  les  marcafutes  font  les  mêmes 
que  celles  de  Sainte-Marie-aux-Mines. 

On  obfor\e  dans  ces  mines,  que  le  bitume 
fo  renouvelle  &  continue  de  couler  dans  les 
anciennes  galeries  que  l'on  a  \niidées  de  mine 
&  remplies  de  fable  &  autres  décombres  j 
ce  bitume  pouffe  en  montant  &  non  en  def- 
cendant ,  ce  qui  fait  juger  que  c'eft  une  \a- 
peur  de  foufre  que  la  chaleur  centrale  poulfe 
en  en-haut  ;  il  pénètre  plus  facilement  dans  le 
fible  que  dans  la  glaife ,  &  coule a\cc  l'eau 
par-tout  où  elle  peut  paflcr  ,  ce  qui  fait  que 
plus  la  mine  eft  riche ,  &  plus  on  eft  incom- 
modé par  les  fources.  Pour  remédier  à  cet 
inconvénient ,  qui  eft  coûteux ,  M.  de  la 
Sablonniere  vient  de  prendre  le  parti  de  fui- 
\Te  une  route  oppofée  dans  fon  travail  ^  fes 
galeries  ont  été  conduites  jufqu'à  préfent  du 

midi 


ASP 

Ttni'i  au  nord,  il  fait  faire  des  parallèles  du 
nord  au  midi  :,  il  ;nir;i  prir  ce  n;oyen  beau- 
coup mojus  de  frais  ;  iâ  miuc  plongeant  au 
nord,  en  fiiivant  la  ligue  méridionale,  les 
eaux  couleront  naturelleincut  d;ms  les  pui- 
làrds. 

Toutes  les  galeries  que  l'on  a  faites  juf- 
qu  a  préfcnt ,  ont  quatre  pies  de  large  ,  iix 
pies  d'élévation ,  &  un  canal  fous  les  [lics 
d'environ  tjois  pies  de  profondeur  pour  l'é- 
coulcincnt  des  eaux  :  ces  galeries  font  toutes 
revêtues  de  jeune  bois  de  chêne  de  huit  à 
dix  pouces  de  diamètre  ,  8c  plancheyces  fur 
le  canal  pour  que  les  ouvriers  y  conduifènt 
facilement  les  brouettes.  On  y  travaille  jour 
&  nuit.  Le  baromètre  y  eft  par-tout  au  même 
degré  que  dans  les  caves  de  l'obièrvatoire. 
L'air  y  a  manqué  quelquefois  ■■,  on  y  a  fijp- 
pléé  par  le  moyen  d'un  graud  foufflet  &  d'un 
tuyau  de  fer  blanc  de  deux  cents  pies ,  avec 
lequel  on  conduifoit  de  Pair  extérieur ,  juf- 
qu'au  fond  des  galeries.  Depuis  trois  mois 
on  ache\  e  un  puifard  au  nord  ,  qui  fait  cir- 
■ader  l'air  dans  toutes  les  galeries. 

Pour  tirer  de  cette  mine  une  forte  d'oing 
noir  dont  on  le  fêrt  pour  grailler  tous  les 
•rouages  ,  il  n'y  a  d'autre  manœuvre  que  de 
faire  bouillir  le  fable  de  la  mine  pendant  une 
heure  dans  l'eau  ■■,  cette  graille  monte ,  &  le 
fable  relie  blanc  au  fond  de  la  chaudière. 
On  met  cette  graiffe  fans  eau  dans  une  grande 
chaudière  de  cuivre, pour  s'y  affiner  &  éva- 
porer l'eau  qui  peut  y  être  reliée  dans  la  pre- 
jfiiere  opération. 

On  tire  du  rocher  &  de  fa  terre  rouge  une 
huile  noire  ,  liquide  &  coulante  ,  qui  eft  de 
J'huile  de  pétrole  :  cette  opération  fe  fait  par 
le  moyen  d'un  feu  de  dix  à  douze  heures. 
La  mine  ou  le  rocher  fe  mettent  dans  un 
grand  foiu-neau  de  fer  bien  lutté ,  &  coule 
par  defcenfum  ;  on  peut  faire  de  ces  huiles 
en  grande  quantité.  C'eft  cette  huile  prépa- 
rée que  M.  de  la  Sablonniere  prétend  em- 
ployer pour  les  conlèrves  des  vailTeaux. 

L'huile  rouge  &  l'huile  blanche  font  tirées 
perafciiifum ,  &  font  très-utiles  en  médecine , 
&  fur-tout  en  chirurgie  ,  pour  guérir  les  ul- 
cères &  toutes  les  maladies  de  la  peau.  Voyei 
Bitume  &  Pissasphalte. 

*  ASPHALTIDE  ,  lac  de  Judée  ,  ahifi 
nommé  du  bitume  qui  en  fortoit  à  gros 
iouillons.  Les  villes  de  Sodome ,  de  Qo- 
Tome  III. 


ASP  6-ji 

morrhe,  Adaina ,  Seboim  &  Scgor ,  étoicnt 
fituces  dans  ces  environs.  Le  lac  Afpkal::ùe 
poitcauiîîlc  nom  ih  Mcr-Morie  ^  tant  à 
caufe  de  l'immobilité  de  ks  eaux ,  que  pai'ce 
que  les  poilfons  n'y  peuvent  vivre  ,  &  qu'oa 
n'apperçoit  fur  fes  bords  aucun  oifeau  aqua- 
tique. Les  l'.abitans  du  pays  l'appellent  Sor- 
banet  ;  d'autres  le  nomment  la.  mer  de  Lor  , 
&  croient  que  c'eft  le  lieu  où  ce  patriarche 
fut  déli\Té  des  flammes  de  Sodome.  On  dit 
que  rien  ne  tomboit  au  fond  de  fes  eaux. 
Cette  propriété  paiiè  pour  faljuleufe ,  quoi- 
qu'elle foit  ailurée  par  le  témoignage  deplu- 
ficurs  voyageurs  ,  par  celui  de  Jofcph  ,  & 
dit-on  ,  par  l'expérience  de  Vefpaficn  qui 
y  fit  jeter  des  honunes  qui  ne  favoient  point 
nager  ,  qui  avoient  les  mains  liées ,  &  qui 
furent  toujours  repoulles  à  la  furface.  Il  re- 
çoit les  torrens  d'Arnon,  de  Debbon  &  de 
Zored  ,  &  les  eaux  du  Jourdain.  Il  eft  long 
de  cent  mille  pas ,  &  large  de  vingt  ou  vingt- 
cinq  mille.  F.  Mer-Morte  ,  Asphalte, 
ASPHODELE  ,  afphoddus  ,  {Wft.  nau 
bot,  )  genre  de  plante  à  fleur  en  lis,  compo- 
iee  d'une  feule  pièce  ,  découpée  en  fix  par- 
ties. Il  fort  du  milieu  de  la  fleur  un  piftil  , 
qui  devient  dans  la  fuite  un  fruit  prefque 
rond  ,  charnu  &  triangulaire.  Ce  fruit  s'ou- 
vre par  la  pointe  •■,  il  eft  divifé  intérieurement 
en  trois  loges  remplies  de  lèmences  triangu- 
laires. Tournefort,  Injh  rei  herb.  Voye^ 
Plante,  (l) 

A  fpkoddus  major  flore  albo  ramofus ,  /.  B. 
Sa  racine  eft  nourriffante  ;  on  en  fait  du  pain 
dans  les  temps  de  famine  :  elle  eft  déterfive  , 
incifive  ,  apéritive,  diurétique,  emménago- 
gue  :  elle  réfifte  aux  venins ,  déterge  les  vieux 
ulcères ,  &  réfout  les  tumeurs.  {"N .) 

*  ASPHUXIE  ,  f.  f.  r  Méd.  (  diminution 
du  pouls  ,  telle  que  les  forces  paroiifent  ré- 
folues ,  la  chaleur  naturelle  preique  éteinte  , 
le  cœur  fi  peu  mu  qu'un  homme  eft  comme 
mort.  La  mort  ne  diffère  de  Yafpkuzie  quant 
aux  fymptoines ,  que  par  la  durée.  L'idée 
d'une  chofe  horrible  ,  la  grofteife  ,  les  paf- 
lions  violentes ,  le  fpafme  ,  luie  évacuation 
forte, l'avortement  &  autres  caulès  fèmbla- 
bles  ,  peuvent  produire  Yafpkuzic. 

ASPIC  ,  f.  m.  afpis  ,  {Hiji.  nat.  Zoolog.) 

fcrpent  très-connu  des  anciens ,    &  dont  ds 

ont  beaucoup  parlé  :  mais  il  eft  dillicile  à 

préfent  de  recomioître  l'efpece  de  lèrpeiit  à 

N  11  n  n 


^74  "^  S  P 

laquelle  ils  donnoient  ce  nom.  On  prétend 
«ju'il  ap]')artenoit  à  plufieurs  efpeces ,  &  que 
les  E!»)'ptiens  en  diftinguoient  jufqu'à  iciic  j 
au/Ti  dit-on  que  les  afiics  éroient  fort  coin- 
miuis  iin-  les  bords  du  Nil.  On  rapporte  qu'il 
y  en  avoit  au(Ti  beaucoup  en  Afrique.  On  a 
cru  qu'il  y  avoit  des  afpics  de  terre  &  des 
afpics  deau.  On  a  dit  que  ces  ferpens  étoient 
de  plufieurs  couleurs  \  les  uns  noirs ,  les  au- 
tres cendres  ,  jaunâtres  ,  verdâtres  ,  fi-c. 
Ceux  qui  n'ont  reconnu  qu'une  efpece  d'û/- 
/7/V,  ont  réuni  toutes  ces  couleurs  furie  même 
individu.  Les  afpics  étoient  plus  ou  moins 
grands  ;  les  uns  n'avoient  qu'un  pié ,  d'au- 
tres avoient  une  brafle^  &  fi  on  en  croit  plu- 
fieurs auteurs ,  il  s'en  trouvoit  qui  avoient 
jufqu'à  cinq  coudées.  Les  defcriptions  de 
cet  animal  qui  font  dans  les  anciens  auteurs , 
^ilTercnt  beaucoup  les  unes  des  autres.  Selon 
ces  defcriptions ,  ^afpic  eft  un  petit  ferpent 
plus  allongé  que  la  vipère  ;,  fes  dents  font 
longues  &  fortent  de  fa  bouche  comme  les 
dents  d'un  fanglier.  Pline  dit  qu'il  a  des 
dents  creufcs  qui  diftillent  du  venin  comme 
la  queue  d'un  fcorpion.  Agricola  rapporte 
que  Y  a  [pic  a  une  odeur  très-mau\aife ,  & 
qu'il  a  la  même  longueur  &  la  même  grof- 
fèur  qu'une  anguille  médiocre.  Elien  pré- 
tend que  ce  ferpent  marche  lentement  ^  que 
(es  écailles  font  rouges  ^  qu'il  a  fur  le  front 
deux  caroncules  qui  reffeinblent  à  deux  cal- 
lofités  ;  que  fou  cou  ell  gonflé  ,  &  qu'il  ré- 
pand fou  venin  par  la  bouche.  D'autres  aifu- 
rcnt  que  fes  écailles  font  fort  brillantes  , 
for-tout  lorfqu'il  eft  expofé  an  foleil  •■,  que 
fes  yeux  étincellent  comme  du  feu  ;  qu'il  a 
quatre  dents  revêtues  de  membranes  qui  ren- 
ferment du  venin  \  que  les  dents  percent  ces 
membranes  lorfque  l'animal  mord  ^  &  qu'a- 
lors le  venin  en  découle  ,  &c.  Si  ce  fait  eft 
vrai ,  c'eft  une  conformation  de  ïafpic  qui 
lui  eft  commune  avec  la  vipère  Se  d'autres 
lèrpens  venimeux.  Voye[  ViPERE. 

On  a  indiqué  pluiieurs  étymologies  du 
mot  afpic.  Nous  les  rapporterons  ici ,  parce 
qu'elles  font  fondées  liir  des  faits  qui  ont 
rapport  à  l'hiftoire  de  ces  ferpens.  Les  uns 
diiènt  qu'ils  ont  été  i;in{i appelles  parcequ'ih 
répandent  du  venin  en  mordant ,  afpis  ab 
alpéPgendo.  D'autres  prétendent  que  c'eft 
parce  que  leur  peau  eft  rude  ,  afpis  ab  afpc- 
fiia:i  iuus  ;  ou  ^)r.rce  cjue  la  grmulc  lumière 


ASP 

les  fait  mourir ,  û//>/j  at  afpiciendo  ;  ou  par.t 
que  dès  que  Yafpic  entend  du  bruit  il  le 
contourne  &  forme  pluiieurs  fpirales  ,  du 
mdieu  defquelles  il  cîevefatête,  &  que  dans 
cette  fituation  il  reiîémble  à  un  bouclier  , 
a/pis  ab  afpide  ctypeo  ;  enfin  piurce  que  le  fif- 
flement  de  ce  ferpent  eft  fort  aigu,  ou  parce 
qu'il  ne  fiffle  jamais.  On  a  trouvé  le  moyen 
de  dériver  le  u'.ot  grec  ù^-ïïk  ,  de  l'uu  & 
l'autre  de  ces  faits  ,  quoique  contraires.  II 
nous  feroit  intérel'ant  de  {avoir  lequel  eft  le 
vrai ,  plutôt  pour  l'hiiioire  de  ce  ferpent  que 
pour  l'étymologie  de  fou  nom  :  mais  ce  que 
l'on  fait  de  ce  reptile  paroît  fort  incertain,  & 
en  partie  fabuleux.  Aidrovande  ,  Serpentum 
hifl.  Ub.  I.  Ray,^^  Serpente  anim.  quoadfynop. 

On  a  donné  le  nom  àHafpic  à  un  ferpent 
de  ce  pays-ci ,  allez  cominun  aux  environs 
de  Paris.  Il  paroît  plus  effilé  &  lui  peu  plus 
court  que  la  vipère.  Il  a  la  tête  moins  appla- 
tie  ^  il  n'a  point  de  dents  mobiles  comme 
la  vipère.  Voye\  ViPERE.  Son  cou  eft  affei 
mince.  Ce  ferpent  eft  marqué  de  taches 
noirâtres  for  un  fond  de  couleur  roulTâtre  , 
&  dans  certain  temps  les  taches  difparoif- 
fent.  Notre  afpic  mord  &  déchire  la  peau 
par  fa  morfure  :  mais  on  a  éprouvé  qu'elle, 
n'eft  point  venimeufè ,  au  moins  on  n'a  ref- 
fènti  aucun  iymptome  de  venin  après  s'être 
fait  mordre  par  un  de  ces  ferpens ,  au  point 
de  rendre  du  fang  par  la  plaie.  Cette  expé- 
rience a  été  faite  &  répétée  plufieurs  fois 
for  d'autres  ferpens  de  ce  pays  \  tels  que  la 
couleuvre  ordinaire ,  la  couleuvre  à  collier  , 
&  l'orvet ,  qui  n'ont  donné  aucune  marque 
de  venin.  Il  feroit  à  fouhaiter  que  ces  expé- 
riences full'ent  bien  connues  de  tout  le  mondej 
on  ne  craindroit  plus  ces  ferpens  ,  &  leur 
morfure  ne  donneroit  pas  plus  d'inquié- 
tude qu'elle  ne  caufo  du  mal.  Voye\  Ser- 
pent. (/; 

Cependant ,  félon  plufieurs  auteurs ,  le 
meilleur  remède  contre  cette  piquure  eft 
l'amputation  de  la  partie  aftcctée  ;,  foion  on 
fcarifie  les  chairs  qui  font  aux  environs  de  la 
piquure  julqu'A  l'os  ,  afin  que  le  venin  ne  fo 
conuîiunique  point  aux  parties  voiiincs,  Se 
l'on  doit  appliquer  des  cautères  for  les  au- 
tres \  car  le  \cniu  de  Xafpic ,  diknt-ils ,  auiîl- 
bien  que  le  fajig  du  taureau  ,  fige  les  hu- 
meurs dans  les  artères.  P.  7t  giiîctte,  liv.  V  ,_ 
\h,  xvitj.  On  peut  ,  fclou  d'autics  ,  guérir- 


ASP 

Ça  pîqiiUî'3  de  Vafpic,  au  (Ti -bien  «fJe  celle  ilc 
In  vipère  ,  en  oignant  la  partie  atFcétcc  avec 
de  l'iiuile  d'olive  chaude  :  mais  le  meilleur 
remède  eft  de  n'avoir  point  de  peur.  (  N  ) 

Aspic,  (  An.  miHt.  )  On  a  donné  autre- 
fois ce  nom  à  une  pièce  de  canon  de  douze 
livres  de  balle  ,  qui  pefoit  41 50  livres,  (  Q  ) 

Aspic  ,  (  Bor.  Mac.  méd.  )  lavendula  fpi- 
■ca ,  petite  lavande.  Les  fleurs  font  la  feule 
]')artie  de  cette  plante  ulitce  en  inédccine. 
Leur  odeur  très-pénétrante  eft  agréable ,  & 
Jeur  faveur  forte,  acre  &  amere  dépend  prin- 
cipalement de  la  quantité  d'huile  elTentielle 
éÂérée  qu'elles  contiennent.  L'analyfe  chy- 
inique  démontre  les  mêmes  principes  entre 
cette  plante  &  la  lavande  ordinaire  :  les  ver- 
tus en  font  à-peu-prcs  les  mêmes.  Voye[ 
Lavande  ,  ^c. 

On  trouve  dans  les  boutiques  une  huile 
é'afpic  qui  eft  céphalique  ,  utérine,  carmi- 
iiative ,  anthelminthlque  j  on  l'emploie  ex- 
térieurement contre  les  poux ,  on  alTure 
même  qu'elle  garantit  les  livres  &  les  étof- 
fes des  infedes  ou  des  teignes.  {M.  La- 
fosse,  ) 

ASPIDO ,  (  Géogr.  )  rivière  d'Italie ,  dans 
la  Marche  d'Anconc.  Elle  a  fa  fource  près 
de  Polverigo  &  fe  jette  dans  le  Mufone  où 
Moufbne  ,  un  peu  au  deifus  de  fon  embou- 
chure dans  la  mer  Adriatique.  {C.  A.) 

ASPIRANT  ,  adj.  m.  en  Hydraulique  : 
on  appelle  un  tuyau  afpirant,  celui  dont  on 
fe  fert  dans  une  pompe  pour  élever  l'eau  à 
une  certaine  hauteur.  II  doit  être  d'un  plomb 
moulé  bien  épais  &  réforgé  ,  de  crainte  des 
fbufflures  qui  empêcheroient  l'eau  de  mon- 
ter. (X) 

Aspirant  ,  adj.  pris  fubft.  eft  celui  qui 
afpij-e  à  quelque  choie  ,  qui  veut  y  parvenir: 
il  Ce  dit  particulièrement  des  apprentifs  qui 
veulent  devenir  maîtres  ,  foit  dans  les  iix 
corps  des  marchands  de  Paris ,  foit  dans  les 
communautés  des  arts  &  métiers. 

Afpirant  à  la  mahrifc  dans  les  fix  corps 
des  marchands  de  Paris ,  eft  celui  qui  ayant 
l'âge  requis ,  fait  fon  temps  d'apprentiffage , 
&  fervi  chez  les  maîtres  ,  afpirc  à  fe  fiire 
recevoir  maître  lui-même. 

Perfonne  ne  peut  afpirer  à  être  reçu  mar- 
chand ,  qu'il  n'ait  vingt  ans  accomplis  ,  & 
ne  rapporte  le  brevet  &  les  certificats  de  fon 
apprcutilFage  ,  &  du  fervice  qu'il  a  fait  dc- 


A  S  P  (fyj 

puis  cliez  les  maîtres.  Si  le  contenu  aux  cer- 
tificats ne  fo  trouvoit  pas  véritable  ,  ïafpi- 
rant  fcroit  déchu  de  la  maîtriîc  ;  le  maître 
d'apprcntiftage  qui  auroit  donné  fon  certi- 
ficat ,  condamné  en  500  liv.  d'amende  ,  8c 
les  autres  certificateurs  chacun  en  300  liv. 

\J afpirant  à  lamaitrife  doit  être  interrogé 
fur  les  livres  &  regiftres  à  parties  doubles  8c 
à  parties  fimples  \  fur  les  lettres  &  billets  de 
change  ^  fur  les  règles  de  l'arithinétiquc^  for 
les  parties  de  l'aune  \  fur  la  livre  8c  poids  de 
marc ,  fur  les  mefures  &  les  poids ,  8c  fur  les 
qualités  des  marchandifès  autant  qu'il  doit 
convenir  pour  le  commerce  dont  il  entend 
fe  mêler. 

Il  eft  défendu  aux  particuliers  Se  aux  com- 
munautés de  prendre  ni  recevoir  des  ay^/Vû/zf 
aucuns  préfens  pour  leur  réception,  ni  autres 
droits  que  ceux  qui  font  portés  par  les  fta- 
tuts  ,  fous  quelque  prétexte  que  ce  puiiîê 
être ,  à  peine  d'ainende  ,  qui  ne  peut  être 
moindre  de  100  liv.  Il  eft  aufli  défendu  à 
\afpirant  de  faire  aucun  feftin  ,  à  peine  de 
nullité  de  fa  réception. 

Outre  ces  réglémens  généraux, portés  par 
les  articles  3  ,  4  8c  5  du  tit.  I  de  l'ordoii. 
de  1673  ,  chacun  des  fix  corps  de  marchands 
en  a  de  particuliers,  foit  pour  le  temps  d'ap- 
prentilfage  ,  foit  pour  celui  du  fervice  chez 
les  maîtres ,  foit  pour  le  chef-d'œuvre  :  les 
voici. 

Dans  le  corjis  des  orapIers-chaulTctlers  ^ 
qui  eft  le  premier  des  fix  corps ,  les  afpirant 
à  la  maitrife  ne  font  point  tenus  de  faire 
chef-d'œuvre  \  il  fuffit  qu'ils  aient  fervi  les 
marchands  drapiers  trois  ans  en  qualité  d'ap- 
prentifs ,  8c  deux  ans  depuis  la  fin  de  leur 
apprenti  (Fage. 

Quoique  les  apothicaires ,  épiciers,  dro- 
guiiles,  confifèurs  8c cirlers ,  ne faflcnt qu'un 
8c  même  corps  ,  qui  eft  le  deuxième  des  fix 
corps  des  marchands  ;  néanmoins  les  afpirans 
font  tenus  de  différentes  chofos ,  (èlou  l'état 
qu'ils  veulent  embrafler  dans  le  coq)s. 

Ceux  qui  afpircnt  à  la  pharmacie  ou  apo- 
thicairerie  ,  doivent  avoir  fait  quatre  ans 
d'ap;)rcnti(Fagc  8c  fix  années  de  fervice  chez 
les  maîtres  :  outi-c  cela  ils  doivent  être  exa- 
minés 8c  faire  chef-d'œuvre. 

Dans  le  corps  des  mai-chan<ls  incrciers- 
grolTierc-joailIiers  ;  qui  eft  le  troificine  des 
\ù'.  Cor_ps,  \e%  afpirans  ne  font  îiiFujattisàiiU? 
J>(  n  a  a  i 


ê^6  ASP 

cun  chef-d'œuvre  '.,  il  fuffit  pour  être  admis 
à  la  maîtrife  ,  qu'ils  aient  été  au  fervice  des 
marchands  merciers  trois  ans  en  qualité  d'ap- 
prentifs ,  &  trois  autres  après  leur  appren- 
tillage  en  qualité  de  garçons. 

Dans  le  corps  des  marchands  pelletiers- 
haubanniers-fourreurs  ,  qui  eft  le  quatrième 
des  fix  corps ,  les  afpirans  à  la  maitrilè  doi- 
vent jiiftifier  de  leur  apprentiirage  &  du  ièr- 
vice  chez  les  maîtres  ^  favoir  ,  quatre  ans 
d'apprentiffage  &  quatre  ans  de  fervice ,  & 
ils  font  obligés  à  chef-d'œuvre. 

Ceux  qui  afpirent  à  être  reçus  dans  le 
corps  des  marchands  bonnetiers-almulciers- 
mitoiuiiers ,  qui  eft  le  cinquieine  des  {\s. 
corps ,  font  aulTi  tenus  de  faire  chef-d'œuvre , 
&  doivent  avoir  fait  leur  apprentiifage  de 
cinq  ans ,  &  le  fervice  des  maîtres  pendant 
cinq  autres  aruiées. 

Enfin  ceux  qui  afpirent  à  fe  faire  recevoir 
dans  le  fixieme  &  dernier  corps  des  mar- 
chands ,  qui  eft  celui  de  rorfé\Terie  ,  doivent 
juftifier  de  huit  ans  d'apprentilfage  &  de  deux 
ans  de  fervice  chez  les  maîtres  :  outre  cela 
ils  font  encore  obligés  de  faire  chef-d'œuvre, 
&  de  donner  caution  de  la  fomme  de  looo 
livres. 

Les  afpirans  à  la  mahrife  dans  les  com- 
munautés des  arts  &  métiers ,  ont  aufli  leiu-s 
réglemens,  leurs  temps  d'apprentiffage ,  ce- 
lui du  fervice  chez  les  maîtres ,  &  leur  chef- 
d'œuvre:  mais  prefque  tous  différent fuivant 
la  diverfité  des  profelfions  &  des  ouvrages 
qu'on  y  fait.  Ou  trouvera  dans  ce  diûion- 
naire  les  détails  les  plus  iniportans  à  cet 
égard  fous  les  noms  des  différens  arts  &  mé- 
tiers. (  G  ) 

ASPIRATION  ,  f.  f.  (  Gramm.  )  Ce  mot 
fignifie  proprement  l'aftiou  de  celui  qui  tire 
l'air  extérieur  en  dedans  ;  &  X expiration^ 
eft  l'aûion  par  laquelle  on  repouflé  ce  même 
air  en  dehors.  En  grainmaire  ,  par  afpira- 
tion  ,  on  entend  up.e  certaine  prononciation 
forte  que  l'on  donne  à  une  lettre  ,  &  qui  fc 
fait  par  afpiration  &  refpiration.  Les  (jrecs 
la  m;u-quoicnt  par  leur  efprit  rude ,  les  La- 
tins par  // ,  en  quoi  nous  les  avons  fùivis. 
Mais  notre  h  cil  très- fou  vent  muette ,  & 
ne  marque  pas  toujours  \ afpiration  :  elle  eft 
muette  dans  homme ,  honnête  ,  héro'ine  ,  «kc. 
elle  eft  z^^'xxiccw haut  ^hauteur  ^  héros ^  &c. 
Voyc7^ï\.{F) 


A  S  P 

Aspiration  ,  f.  f.  eft  h  même  chofc  ^ 

en  hydraulique  ,  c\\\afcenjian.  L'enij  dans  les 
pompes  ne  peut  guère  être  nfpiréc  qu'à  25 
ou  26  pics  de  haut,  quoique  l'on  puiiie  la 
pouffer  ,  fuivant  les  règles ,  jufqu'à  32  pies, 
pourvu  que  l'air  extérieur  comprime  la  fur- 
face  de  l'eau  du  puits  ou  de  la  rivière  dans 
laquelle  treinpc  le  tuyau  d;;  Y  afpiration ,  alors 
la  colonne  d'eau  fait  équilibre  avec  la  colonne 
d'air.  Si  on  n'afpire  l'eau  qu'à  20  ou  26  pies 
de  haut ,  c'eft  afin  que  le  pifton  ait  pins  der 
vivacité  &  plus  de  force  pour  tirer  l'eau. 
Voyei  Air  ,  Pompe.  (K) 

Aspiration  ,  {Mujiq.)  z^ément  prin- 
cipalement en  ufàge  pour  le  claveftin.  Il 
eft  de  deux  fortes ,  &  on  le  marquoit  autre- 
fois de  deux  manières ,  fuivant  l'efjiece  dont 
il  devoit  être.  Lorfqu'on  trouvoit  la  mar- 
que y\  ,  on  faifoit  entendre  la  note  immé- 
diatement au  deffus  de  celle  qui  étoit  notée  ^ 
&:  quand  on  trouvoit  cette  autre  marque  V ,, 
c'étoit  la  note  immédiatement  au  deffous. 
qu'il  falloit  faire  entendre.  Aujourd'hui  on 
ne  fe  fert  plus  de  ces  marques  :  on  note  Yaf- 
piration  tout  au  long  ,  ou  on  la  laillé  à  la 
volonté  de  l'exécuteur,  ^oye^  la  marque  & 
l'effet  de  Yajpiration  ,  fig.  8  ,  pi.  IJ^  de 
Mufique. 

On  pratique  encore  V afpiration  par  degrés 
disjoints.  Voye:^\zjig.  9  ,  pi.  If^  de Muji- 
que.[F.D.C.) 

ASPIRAUX  ,  f:  m.  pL  fe  dit  dans  la  plu- 
part àcs  laboratoires  où  l'on  emploie  des  four- 
neaux ,  d'im  trou  pratiqué  de\ant  un  four- 
neau ,  &  recoux  ert  d'une  grille.  Ce  trou  fert 
à  defcendre  ou  à  pénétrer  dans  le  fourneau 
pour.efi  tirer  la  cendre  ,  &  à  pomper  l'air 
pour  animer  le  feu  Scchaffcr  les  fiunécsdans 
la  cheminée  :  c'eft  pour  ceh:  qu'il  u'eft  cou- 
vert que  d'une  grille  ,  quoique  cela  foit 
moins  commode  aux  ouvriers  qui  travaillent 
autour  des  chaudières,  y'oyei  Fourneau. 
Ordinairement  dans  les  laboratoires  où  l'on, 
rafine  le  fucrc  ,  deux  afpiraux  fuflifcnt  pour 
un  fourneau  de  trois  chaudières. 

ASPIREE  ,  adj.  f.  terme  de  Grammaire  ; 
lettre  afpirée.  La  méthode  greque  de  P.R. 
dit  auffi  afpirante. 

Ml  ,  Mairra  ,  Taî»  ifont  testenueSj. 
Et  pour  moyennes  font  reçues  j 
Ces  trois  BiiTi»  jTii).)*  ,  i\.\rt.i- 
Afpiréintes a>î',  xi ,  lànn^ 


ASP 

Autrefois  ce  fipie  h  ctoit  la  marque  de 
ra/}>ii'ation ,  comme  il  l'cil:  encore  en  !;uin, 
&  ciaiis  pliilleurs  mots  de  notre  langue.  On 
partagea  ce  ligne  en  deux  parties  qu'on  ar- 
rondit j  l'une  ferviî  pour  l'efurit  doux  ,  & 
l'autre  pour  l'clprit  rude  ou  âpre.  Notre  A  a/^ 
/i/'/vt- n'eft  qu'un  efprit  àprc,  qui  marque  que 
la  \ûyelle  qui  la  fuit,  ou  la  confonne  qui  la 
procède  ,  doit  être  accompagnée  d'une  aspi- 
ration. Rhetorica ,  &C. 

En  chaque  nation  les  organes  de  la  parole 
fiivent  m\  moiivemciit  particulier  dans  la  pro- 
nonciation des  mots:,ie  veux  dire,que  le  même 
mot  e(l  prononcé  en  chaque  pays  par  une  com- 
baiai  Ion  particulière  des  organes  de  la  parole: 
les  uns  prononcent  du  goiier  ,  les  autres  du 
haut  du  palais , d'autres  du  bout  des  levTes,  &c. 

De  plus ,  il  faut  obler\er  que  quand  nous 
voulons  prononcer  un  mot  d'une  autre  lan- 
gue que  la  nôtre  ,  nous  forçons  les  organes 
de  la  parole ,  pour  tâcher  d'imiter  la  pro- 
nonciation originale  de  ce  mot  ;  &  cet  citbrt 
ne  lert  Ibuvent  qu'à  nous  écarter  de  la  v  éri- 
table  prononciation. 

De  là  il  cft  arrivé  que  les  étrangers  vou- 
lant faire  ientir  la  force  de  Fefprit  grec  ,  le 
n-,échanifme  de  leurs  organes  leur  a  fait  pro- 
noncer cetelprit ,  ou  avec  trop  de  force,  ou 
avec  trop  peu  :  ainfi  au  lieu  s;  ,  àefex ,  pro- 
noncé avec  l'efprit  âpre  &  l'accent  grave ,  les 
Latins  ont  fait  px;  de  î-t-to.  ,  ils  ont  fmtfep- 
tem  ;  d'êb/oi/.of ,  feptimus.  Ainh  d'îr/'a  ,  eft 
venu  vejta  ;  d'sçiatTsf,  vefiales  ;  d'iV-a-ffor  , 
ils  ont  fait  vefpsrus  ;  d'ù^âp  fuper  ;  d'îA: 
yi?/  ;  ainfi  de  plufieurs  autres  ,  où  l'on  fènt 
qiie  le  méchanifine  de  la  parole  a  amené  au 
lieu  de  l'efl^rit  un/,  ou  un  v  ,  ou  un/:  c'eft 
ainfi  que  de  hv^f  on  a  fait  vfnum  ,  doimant 
à  r>'  con/bnne  un  peu  dn  ion  de  ïu  voyelle , 
qu'ils  prononçcient  ou.  [F) 

ASPIRER  ,  v.  aâ:.  Les  doreurs  difent 
que  l'or  couleur  afpire  l'or  ■-,  ils  entendent 
qu'il  le  retient. 

ASPIS ,  (  Géogr.  )  ancienne  ville  de  Macé- 
doine,  qui,  felcn  Etienne  le  géographe,  fut 
bâiie  par  Philippe,  père  de  Perlée.  Il  non 
relie  aucun  veîlige  aujourd'hui.  {C.A.) 

ASPITRA  ,  (  Géogr.  )  ancienne  ville 
d'Afie  ,  fiir  uni  rivière  du  même  nom  ,  au 
pays  de  Sines.  On  dit  qu'elle  contenoit  d'afiez 
bc::uxcdifices.&  que  les  rues  éîoient~arnics 
d'allées  d'i^rbres  de  toute  tipece.  {C.A.) 


ASP  ■    6-jj 

*  ASPLE  ou  mieux  ASPE ,  f.  in.  on  donne 
ce  nom^(z«,v  /es  mam/fiiclures  en  foie  de  Pié- 
mont, indifféremment  au  dévidoir  fur  le- 
quel on  tire  les  foies  des  cocons ,  &  à  celui 
qui  dans  les  moulins  fe  charge  de  la  foie  or- 
gancinée:  le  premier  s'appelle  afpe  de  fila- 
ture ,  8c  le  fécond  afpe  de  tors.  Mais  dnns  nos 
manufactures  on  a  confervé  à  celui-là  le  nom 
d'afpe  ou  à'nfple ,  comme  difent  les  ouvriers  , 
&  l'on  a  nommé  guindre  celui-ci.  Le  règle- 
ment de  Piémont  ordonne  Vûfpe  de  tors  de 
9  onces  de  tour  pour  les  organcins  ,  &  de 
9  î  pour  les  trames  ;  &  Yafpe  de  filature  de 
48  onces  au  plus ,  &  de  40  au  moins.  Ces 
afpes  font  l'un  &  l'autre  des  parallépipedes  , 
dont  la  bafe  eft  un  quarré ,  8c  dont  les  an- 
gles font  formés  par  quatre  lames  dont  une 
ou  deux  font  mobiles ,  pour  avoir  la  facilité 
d'enlever  les  ccheveaux.  Si  on  donne  à  la 
bafe  de  Vafpe  de  tors  14  de  nos  pouces  de 
di  igonale  ,  on  lui  en  trou\cra  40  de  tour  ; 
il  iaudra  que  40  de  nos  pouces  équivalent  à 
neuf  onces  de  Piémont ,  &  que  ïafpe  de  fila- 
ture en  ait  213  4  de  tour  ,  ou  environ  75  de 
diagonale  ^  dimenfion  beaucoup  plus  grande 
que  celle  qu'il  a  réellement.  Trompés  par 
cette  contradidion  du  règlement ,  nous  n'a- 
vions donné  qu'environ  quinze  de  nos  pou- 
ces de  circonférence  à  Yafpe  de  tors  ,  tan- 
dis que  fa  bafè  en  a  vraiment  quatorze  de 
diagonale  ,  ainfi  que  M.  de  X'aucanfon  a  eu 
la  bonté  de  nous  en  avertir  ^  nous  faifinit 
remarquer  en  même  temps  qu'il  y  avoit  faute 
dans  le  règlement ,  8c  qu'au  lieu  de  neuf 
onces  de  tour  qu'on  y  aHignoit  à  ïafpe  de 
tors  ,  c'étoit  29  qu'il  devoit  y  avoir. 

h'afpe  de  tors  dans  les  moulins  achevant 
tous  fcs  tours  en  temps  égaux ,  moins  il  aura 
de  diamètre,  moins  fera  grande  la  quantité 
de  fil  ou  de  foie  dévidée  dans  un  de  les  tours 
de  defiiis  les  bobines  far  là  circonlcrence  , 
&  plus  par  confequent  elle  fera  torfe  :  au 
contraire,  plus  fou  diamètre  fera  grand,  plus 
fera  grande  la  quantité  de  foie  qui  pafiera 
dans  un  de  fcs  tours  de  delfus  les  bobines 
liir  fa  circonférence  ,  moins  elle  fera  tor/è. 
Mais  il  y  a  deux  inconvéniens  qui  rendent 
le  tors  variable  :  le  premier  ,  c'eft  qu'à  me- 
line  que  l'echeveau  k  forme  for  Y  afpe ,  l'é- 
paiffenr  de  cet  écheveau  s'ajoutant  au  dia- 
mètre de  ïafpe  ,  il  y  a  plus  de  foie  portée  de 
d;irus  les  bobiucs  fm:  la.  circonférence  dans 


6j5  ASP 

un  inftaiit ,  que  dans  un  autre  inftant  égal  • 
d'où  il  s'enfuit  que  la  foie  oft  moins  torfe  à 
la  fin  qu'au  commencement,  &  dans  tout 
le  temps  de  la  formation  de  l'ccheveau  :  le 
fécond ,  c'efl  que  les  bobines  mues  fur  elles- 
mêmes  par  le  frottement  n'ayant  aucun  mou- 
vement régulier ,  tordent  irrégulièrement. 

Pour  remédier  au  premier  inconvénient , 
les  Piémontois  font  des  écheveaux  très-lé- 
gers :  en  effet,  ce  qu'ils  appellent  u/i  mattcau 
di  foie  ,  pefc  environ  huit  onces ,  &  le  m.at- 
teau  contient  huit  écheveaux  :  quant  au  fé- 
cond ,  peut-être  ne  l'avoient-ils  pas  même 
Ibupçonné. 

Le  célèbre  M.  Vaucanfon ,  fait  pour  ima- 
giner &  perfedionner  les  machines  les  plus 
délicates ,  outre  la  précaution  de  faire  des 
écheveaux  légers  ,  a  trouvé  le  moyen  d'en 
répandre  encore  les  fils  fur  une  zone  de  \afpe 
plus  large  ,  &  il  a  anéanti  l'irrégularité  du 
mouvement  des  bobines  ,  en  armant  de 
pignons  les  fufèaux  ,  &  en  fubflituant  au 
frottement  d'une  courroie  l'engrenage  de  ces 
pignons  dans  les  pas  d'une  chaîne.  Quand 
les  afpcs  ont  achevé  1400  révolutions  ,  & 
que  chaque  cchcveau  fè  trouve  avoir  2400 
tours  ,  une  détente  alors ,  fans  qu'on  touche 
au  moulin ,  recule  fubitcment  les  tringles  où 
font  attachés  les  guides  \  tous  les  fils  de  foie 
changent  de  place  flir  \afpe ,  &  forment  u!i 
nouvel  écheveau  à  côté  du  premier,  &  ainfi 
de  fîiite.  Après  chaque  1400  révolutions ,  & 
Jorfque  tous  les  afpcs  font  couverts  d'éche- 
veaux  ,  incontinent  après  le  dernier  tour  du 
dernier  écheveau  ,  le  moulin  s'arrête  de  lui- 
même  ,  8c  avertit  l'ouvrier  par  une  fbnnette 
de  lever  les  afpes  qui  font  pleins  ,  &  d'en 
remettre  de  niidcs.  Mais  M.  Vaucanfon 
n'a  point  appliqué  cette  fonnette  à  chaque 
bobine  de  fbn  moulin  ,  pour  avertir  quand 
-  elles  font  vuides ,  comme  on  l'a  dit  dans  ce 
jiiêmc  article  de  notre  premier  volume. 

Telles  font  en  partie  les  découvertes  de 
M.  Vaucanfon  :  elles  font  trop  bien  à  lui ,  pour 
que  qui  que  ce  foit  ofe  y  donner  atteinte. 

ASPLi'.DON  ,  (  Géogr.  )  ancienne  ville 
de  Grèce  dans  la  Béotie.  Strabon  la  met  à 
vingt  fladcs  d'Orchomene  au  delà  du  fleuve 
Mêlas.    {C.A.) 

♦  ASPOREUS  ,  montagne  d'Afie  , 
proche  de  Pergame.  Il  y  avoit  un  tempîc 
iâti  à  l'honueur  de  la  merc  des  dieux  ,  ap- 


ASP 

pellé  du  nom  de  la  montagne  Afporcr.umi 
Ci  la  décile  en  fut  aulfi  nommée  Afporaïa. 

*  ASPKA  ,  (  Géogr.  cnc.  &  mod.  )  ville 
d'Italie  dans  l'état  de  l'Eglife  ,  fur  la  rivière 
d'Aja  ,  entre  Trivoli  &  Terni.  Elle  étoit 
autrefois  du  territoire  des  Sabins ,  &  s'appel- 
luit  Cafpcria  Si  Cafperula. 

ASPRE  ,  f  f.  C  Comm.  )  petite  monnoie 
de  Turquie  qui  valoit  autrefois  huit  deniers 
de  notre  monnoie.  Lorfqu'elle  étoit  de  bon 
argent ,  félon  la  taxe  ,  il  en  falloit  80  pour 
un  écu  :  mais  dans  les  provinces  éloignées  les 
bâchas  en  font  fabriquer  une  fî  grande  quan- 
tité de  faufTes  &  de  bas  aloi ,  qu'à  préfent 
on  en  donne  julqu'à  120  pour  une  rixdale , 
ou  un  écu.  h'ajj're  vaut  aujourd'hui  environ 
fix  deniers  ,  ou  deux  liards  monnoie  ds 
France.  Guer.  mœurs  &■  ufages  des  Turcs  y 
tom.  IL  {G) 

*  ASPRES  ,  petite  ville  de  France  au 
haut  Dauphiné  ,  dans  le  Gapençois ,  à  fept 
lieues  de  Sifteron. 

*  ASPRESLE ,  f.  f.  (Hljf.nat,  bot.)  plante 
aquatique  ,  d'un  verd  foncé ,  à  feuille  lon- 
gue &  mince  ,  &  à  tiges  rondes ,  divifées 
par  nœuds  ,  &  fî  rudes ,  qu'on  s'en  fert  pour 
polir  le  bois ,  &  même  le  fer.  Pour  cet  elfet , 
on  emmanche  des  fils  de  fer  de  trois  ou  qua- 
tre pouces  de  long  dans  un  morceau  de  bois  ; 
on  caife  VaJpreJIe  au  deffus  des  nœuds ,  Se 
l'on  infère  un  des  fils  de  fer  dans  la  cavité 
de  la  tige  ;,  &  ainfî  des  autres  fîls  de  fer.  Ces 
fils  de  fer  fbutiennent  l'écorce  dont  ils  font 
revêtus,  &  l'appliquent  fortement  contre  les 
pièces  d'ouvrages  à  polir,  fans  qu'elle  febrife. 

*  ASPROPITI  ou  CHALEOS ,  petite 
ville  de  la  Turquie  en  Europe.  Elle  efî  dans 
la  Livadic  ,  partie  de  la  Grèce ,  fur  le  golfe 
de  Lepante. 

*  ASPROPOTAMO,  rivière  delà 
Grèce  dans  la  partie  méridionale ,  &  au  Def 
potat.  Elle  a  fa  fburce  au  mont  Mezzovo  , 
coule  vers  le  midi ,  &  fe  jette  dans  la  mer 
Ionienne  vis-à-vis  les  îles  Courfolaires. 

*  ASSA  ,  f  f.  (  Mat.  méd.  )  II  y  a  fous  le 
nom  A'ûjfa  deux  efpeces  de  fiic  concret. 
L'jj^i  dulcis  ,  &  c'cfl  le  benjoin,  ^""oyfç 
Blnjoin'.  \SaJfa  fatida  ,  ainil  appcllée  à 
caufè  de  fa  grande  puanteur.  Celle-ci  cii  une 
cfpece  de  gomme  coinpaéte,  molle  connue 
la  cire  ,  compofée  de  grumeaux  brillans  , 
en  partie  blam^^tres  au  jaunâtres ,  en  partie^ 


A  s  s 

ïoii/nîtres  ,  c'.c  couleur  de  chair  ou  de  vio- 
lette ;  eu  gros  morceaux,  d'une  odeur  puan- 
te ,  ?<  qui  tient  de  celle  de  l'ail,  mais  qui 
cft  plus  forte,  auiere,  acre  &  inordicantc 
au  goût.  Ou  en  a  dans  les  boutiques  de 
l'impure  ,  qui  cil  brune  &  fàle  i  &  de  la 
pure  ,  qui  elt  rougeâtrc  ,  tranfparente  ,  & 
parfenîée  de  belles  larmes  blanches.  11  faut 
la  prendre  récente  ,  pénétrante,  fétide,  pas 
trop  grafîè  ,  &  chargée  de  grumeaux  bril- 
laiis  &  r.cts.  La  vieille ,  grafie  ,  noire ,  opa- 
Cjpac ,  &  mêlée  de  fable ,  d'écorce ,  &  d'au- 
tres matières  étrangères ,  eft  à  lailler.  Les 
anciens  ont  connu  ce  fuc  '■,  ils  en  faifoient 
ufuge  dans  leurs  cuilînes.  Ils  avoient  le  Cyré- 
ndique ,  &  le  Perfan  ou  Mede.  Le  premier 
étoitde  la  Cyrénaïque,  &  le  meilleur  j  l'au- 
tre venoit  de  Médie ,  ou  de  Perfè. 

Le  Cyréna'ique  répandoiî  une  odeur  forte 
de  myrrhe ,  d'ail  Si  de  poireau ,  &  on  l'appel- 
loit  par  cette  rni^on  fcordolafarum.  Il  n'y  en 
avoit  déjà  plus  au  temps  de  Pline.  On  ne 
trouva  fous  Néron ,  dans  toute  la  province 
Cyrénaïque,  qu'une  feule  plante  de  laferpi- 
tium  ,  qu'on  envoya  à  ce  prince. 

On  a  long-temps  difputé  pour  favcir  fi 
\a[fa  fcctida  étoit  ou  non  le  Jilphium ,  le 
laj/ir,  &  le  flic  Cyréna'ique  des  anciens.  Mais 
puilqu'on  eft  d'accord  que  la  Perfe  eft  le  lieu 
natal  du  /afer  &  de  ^ajja  fanda  ;  que  l'ufage 
que  les  modernes  en  font  aujourd'hui  eft  le 
même  que  celui  que  les  anciens  faifoient 
du  /iifer  •■,  qu'on  eftime  également  l'un  & 
l'autre  •■,  que  Vq/Ja  fœtida  fe  prépare  exafte- 
nient  comme  on  préparoit  jadis  le  fuc  du 
jilphium  CjTénaïque,  &  qu'ils  avoient  à-pen- 
près  la  même  puanteur  •■,  il  faut  convenir  de 
plus  que  \q  filphium  ,  le  infer,&:  Yaffhfœtida 
des  boutiques  ne  font  pas  des  fucs  dilîcreus. 

\.c  jilphium  des  Grecs  &  le  laferpitium  des 
Latins  avoit,  félon  Théophrafte  &  Diofco- 
lide  ,  la  racine  grolTè ,  la  tige  femblable  à 
celle  de  la  férule,  la  feuille  commue  l'ache, 
ot  la  graine  large  &  feuillée.  Ceux  qui  ont 
écrit  dans  la  fuite  fur  cette  plaiite  n'eut  rien 
éclairci  ■■,  fi  l'on  n'excepte  Keinpfcr. 

Kempfer  s'aftiira  dans  fon  voyage  de 
Perfè  que  la  plante  s'appelle  dans  ce  pays 
hin^ifeh  ,  &  la  larme  hiir.g.  Cet  auteur  dit 
que  la  racine  de  la  plante  dure  plufieurs 
années  j  qu'elle  eft  grande ,  pefantc ,  nue  , 
uoii.c  en  dehors ,  lilfe ,  quand  Qilz  cil  d.ais  u::c 


A  S  S  C-j^ 

terre  limonncufe  \  rabotcufe  &  comme  ridée , 
quand  elle  eft  dans  le  fable  :  finijile  le  plus 
fouvent  connue  celle  du  panais ,  oïdinaire- 
mcut  partagée  en  deux ,  ou  en  ini  plus  grand 
nombre  de  branches ,  un  j)eii  au  deifous  de 
fon  collet  qui  fort  de  terre  ,  &  eft  garni  de 
fibrilles  droites  icmblal^mà  des  crins  ,  roi- 
des ,  8c  d'un  roux  brun  ,  ci  une  écorcc  char- 
nue ,  pleine  de  fuc,  lilic  &  liumide  en  dedans , 
&  fe  féparant  facilement  de  la  racine  quand 
on  la  tire  de  terre  ;  folidc ,  blanche  ,  &  plei- 
ne d'un  liic  puant  comme  le  poireau  \,  poui- 
iant  des  feuilles  de  fon  fommet  fur  la  fin  de 
l'automne ,  au  nombre  de  fix  ,  fépt ,  plus 
ou  moins  ,  qui  fe  fcchent  vers  le  milieu  du 
printemps  \  ibnt  branchues ,  plates ,  longues 
d'une  coudée  \  de  la  même  fubftance  &; 
couleur ,  Se  auffi  lifl'es  que  celles  de  la  livê- 
che  j  de  la  même  odeur  que  le  fuc  ,  mais 
plus  foible  ;  ameres  au  goût  ;  acres ,  aroma- 
tiques Se  puantes  ;  compofées  d'une  queue 
Se  d'une  côte  ,  d'une  queue  longue  d'un 
empan  Se  plus  ,  inenue  comme  le  doigt , 
cannelée  ,  garnie  de  nervures ,  \'crte ,  creu- 
fée  en  gouttière ,  près  de  la  bafc ,  du  refte 
cylindrique  -^  d'uhe  côte  portaiu  cinq  lobes 
inégalement  oppofc: ,  rarement  fcpt ,  longs 
d'une  palme  Se  davantage ,  obliques ,  les 
inférieurs  plus  longs  que  les  iiipérieurs,  divi- 
fés  chacun  de  chaque  côté  en  lobules  dont 
le  nombre  n'eft  pas  conftant ,  inégaux ,  ob- 
lougs ,  ovalaires .  plus  longs  Se  plus  étroits 
dans  quelques  plantes ,  féparcs  jufqu'à  la 
côte  ,  fort  écartés ,  Se  par  cette  raiihn  pa- 
roilîimt  en  petit  nombre  ,  folitaires ,  Se 
comme  autant  de  feuilles  ;  dans  d'autres 
plantes  ,  larges ,  plus  courts ,  moins  divifés ,. 
Se  plus  raftemblés  ^  à  finuofités  ou  décou- 
pures ovalaires  ^  s'élevant  obliquement  ^ 
partant  en  delîbus  des  bords  de  la  côte  par 
un  principe  court  ;  verdi  de  nier  ,  liftes  ,. 
fans  fiic  ,  roides ,  caftans ,  un  peu  conca\cs 
en  dedbus ,  gia-nis  d'une  feule  nervure  qui 
naît  de  la  côte,  s'étend  dans  toute  leur  lon- 
gueur, S:  a  rarement  des  nervures  latérales  j 
de  grandeur  variable  :  ils  ont  trois  pouces 
de  long  ,  fur  un  pouce  phis  ou  moins  de 
largeur. 

Avant  que  la  racine  meure ,  ce  qui  arrive- 
fou\'ent  quand  elle  eft  vieille ,  il  en  fort  un: 
taiiccau    de  feuilles    d'une   tige ,    iimple ,, 
cyli::cL';auc  ,  C2n:.'.ice,  liiie  .  veriCy 


6^o-  A  S  S 

de  la  longueur  d'une  bralle  &  demie  &  plus , 
de  la  gr-jireur  de  fept  à  huit  pouces  par  le 
bas ,  diminuant  iulenfiblcment ,  &  fe  ter- 
minant en  un  petit  nombre  de  rameaux  qui 
fortent  des  fleurs  en  parafol ,  comme  les 
plantes  férulacées.  Cette  ti.^e  eft  revêtue  des 
bafes  des  feuilles  Jflkcées  alternativement  à 
des  intervalles  d'une  palme.  Ces  bafes  foin 
larges ,  membraneufes  &  renflées ,  &  elles 
embralîènt  fa  tige  inégalement  &  comme 
en  fautoir^  lorfqu'elles  font  tombées,  elles 
lailTent  des  vertiges  que  l'on  prendrait  pour 
des  nœuds.  Cette  tige  ert  remplie  de  inoëlle 
qui  n'eft  pas  entrecoupée  par  des  nœuds  ; 
elle  efl  très-abondante,  blanche,  fongueu- 
lè  ,  entre-mêlée  d'un  petit  nombre  de  fibres 
courtes  ,  vagues ,  &  étendues  dans  toute 
leur  longueur. 

Les  parafols  font  portés  fur  des  pédicules 
grêles ,  longs  d'un  pié ,  d'un  empan ,  &  même 
plus  courts ,  fe  partageant  en  dix ,  quinze  , 
vingt  brins  ,  écartés  circulairement ,  dont 
chacun  foutient  à  fon  extrémité  un  petit  pa- 
ralbl  formé  par  cinq  ou  fix  filets  de  deux 
pouces  de  longueur  ,  chargés  de  femences 
nues  &  droites:,  ces  femences  font  applatics , 
feuillues ,  d'un  roux  brun  ,  ovalaires ,  fem- 
blables  à  celles  du  panais  de  jardin  ;  mais 
plus  grandes ,  plus  nourries ,  comme  garnies 
de  poils  ou  nides ,  marquées  de  trois  canne- 
lures ,  dont  l'une  eft  entre  les  deux  autres  , 
&  fuit  toute  la  longueur  de  la  femence  ,  les 
deux  autres  s'étendent  en  fe  courbant  vers 
les  bords  i  elles  ont  une  odeur  légère  de  poi- 
reau ;  la  faveur  amere  &  défagréable  -^  la 
•  fubftance  intérieure  ,  qui  eft  vraiment  la 
femence  ,  eft  noire  ,  applatie  .  pointue , 
ovalaire.  Kempfern'apas  vu  les  fleurs:  mais 
on  lui  a  dit  qu'elles  font  petites,  pâles,  & 
blanchâtres  ;&.  il  leur  foupçonnc  cinq  pétales. 
On  ne  trouve  cette  plante  qiie  dans  les 
environs  de  Heraat ,  &  les  provinces  de 
Corafan  &  de  Caar,  fur  le  fommet  des 
montagnes ,  depuis  le  fleuve  de  Caar  jufqu'à 
la  ville  de  Congo ,  le  long  du  golfe  perfique  , 
loin  du  rivage  de  deux  ou  trois  parafanges. 
D'ailleurs ,  elle  ne  donne  pas  du  fuc  par- 
tout ^  elle  aime  les  terres  arides ,  fiiblonncu- 
fes  &  pierreufes.  Toute  Vaffa  faiida  vient 
des  incifions  que  Ton  fait  à  fa  racine.  Si  la 
racine  a  moins  de  quatre  ans ,  elle  en  donne 
peu  i  plus  «lie  eft  \ieUJc  ,  plus  sile  al^ouck 


A  S  S 

en  lait  ;  elle  eft  compoiëe  de  deux  parties , 
l'une  ferme  &  fibreufe,  l'autre  fpcngicufe  ôc 
molle.  Celle-ci  fe  dillipe  à  mcfure  que  la 
plante  fcche ,  l'autre  fe  change  en  une  moelle 
qui  eft  comme  de  l'étoupe.  L'écorce  ridée 
perd  un  peu  de  fa  grandeur:  le  fuc  qui  coule 
de  fes  vélicules  eft  blanc,  liquide,  gras 
comme  de  la  crème  de  lait ,  non  gluant , 
quand  il  eft  récent  ^  expofé  à  l'air ,  il  devient 
brun  &  vifqueux. 

Voici  commuent  on  fait  la  récolte  de  Vajfa , 
félon  Kempfer.  i°.  On  fe  rend  en  troupe  fur 
les  montagnes  à  la  mi-avril,  temps  auquel 
les  feuilles  des  plantes  deviennent  pâles , 
perdent  de  leur  vigueur  ,  &  font  prêtes  à. 
fécher  ;  on  s'écarte  les  uns  des  autres ,  tk  l'on 
s'empare  d'un  terrain.  Une  fociété  de  quatre 
ou  cinq  hommes  peut  fe  charger  d'environ 
deux  mille  pies  de  cette  plante  :  cela  fait ,  on 
creufe  la  terre  qui  environne  la  racine  ,  la 
découvrant  un  peu  avec  un  hoyau.  2°.  On 
arrache  de  la  racine  les  queues  des  feuilles  , 
&  on  nettoie  le  collet  des  fibres  qui  relTem- 
blent  à  une  coiffure  hériiTée  ^  après  cette 
opération  ,  la  racine  paroît  comme  un  crâne 
ridé.  3".  On  la  recouvre  de  terre  ,  avec  la 
main  ou  le  hoyau  ;  on  fait  des  feuilles  & 
d'autres  herbes  arrachées  de  petits  fagots 
qu'on  fixe  fur  la  racine  en  les  chargeant  d'une 
pierre.  Cette  précaution  garantit  la  racine 
de  l'ardeur  du  foleil ,  parce  qu'elle  pourrit 
en  un  jour  ,  quand  elle  en  eft  frappée.  Voilà 
le  premier  travail ,  il  s'a:hc\e  ordinairement 
en  trois  jours. 

Trente  ou  quarante  jours  après,  on  revient 
chacun  dans  fon  canton  ,  avec  une  ferpe  ou 
un  bon  couteau  ,  une  fpatule  de  fer  &  un 
petit  vafe  ,  ou  une  coupe  à  la  ceinture  ,  Se 
deux  corbeilles.  On  partage  fon  canton  en 
deux  quartiers  ,  &  l'on  travaille  aux  racines 
d'un  quartier  de  deux  jours  l'un  ,  alternati- 
vement \  parce  qu'après  avoir  tiré  le  fuc 
d'une  racine  ,  il  lui  faut  un  jour  ,  foit  pour 
en  fournir  de  nouveau  ,  foit  au  fiic  fourni 
pour  s'épailfir.  On  connnence  i)ar  découvrir 
les  racines  ^  on  en  coupe  tranfverfalement  le 
fommet  ;  la  liqueur  fiiinte  &  couvre  le  dif- 
que  de  cette  fedf  ion ,  fans  fe  répandre  ■■,  on 
la  recueille  deux  jours  après ,  puis  on  remet 
la  racine  à  couvert  des  ardeurs  du  foleil , 
obfcrvant  que  le  f;igot  ne  pofc  pas  fur  le 
difquc  j  c'cft  pourquoi  ils  eu  font  un  dôme 

eu 


A  s  s 

en  ccnrtant  les  parties.  Tandis  que  le  fuc  fe 
dilp'jiè  à  la  récolte  far  le  clifque,  on  coupe 
dans  un  autre  quartier ,  &  l'on  aclicve  l'opé- 
ration comme  ci-dcirus.  Le  troificmc  jour  , 
on  revient  aux  premières  racines  coupées  & 
couvertes  en  dôme  par  les  fagots  :  on  enlevé 
avec  la  fpatule  le  fuc  formé  ;  on  le  met  dans 
la  coupe  attachée  à  la  ceinture  ,  8c  de  cette 
coupe  dans  une  des  corbeilles  ou  fijr  des 
feuilles  expofées  au  foleil  :,  puis  on  écarte  la 
terre  des  envirous  de  la  racine  ,  un  peu  plus 
profondément  que  la  première  fois  ,  8c  on 
enlevé  une  lèconde  tranciie  horizontale  à  la 
racine  j  cette  tranche  fe  coupe  la  plus  mince 
qu'on  peut  ■-,  elle  eft  à  peine  de  l'épaiireur 
d'une  paille  d'avoiire  ;  car  il  ne  s'agit  que  de 
déboucher  les  pores  &  faciliter  l'iltue  au  fuc. 

Le  fuc  en  durcilfant  fur  les  feuilles  prend 
de  la  couleur.  On  recouvre  la  racine ,  &  le 
quatrième  jour,  on  re\ient  au  quartier  qu'on 
avoit  quitté  ,  &  de  celui-là  au  premier  , 
coupant  les  racines  trois  fois ,  &  recueillant 
deux  fois  du  fuc.  Après  la  féconde  récolte  , 
on  laifle  les  racines  couvertes  huit  ou  dix 
jours  fans  y  toucher.  Dans  les  deux  premières 
récoltes  ,  chaque  fociété  de  quatre  à  cinq 
homm.es  reinporte  à  la  maifon  environ  50 
liv.  de  fuc.  Ce  premier  fuc  n'eft  pas  le  bon. 
Ceft  aini'î  que  finit  le  fécond  travail. 

Le  trolfieme  commence  au  bout  de  huit  à 
d.'x  jours ,  on  fait  une  noui'elle  récolte.  On 
commence  par  les  racines  du  premier  quar- 
tier ,  car  il  faut  fc  fouvenir  que  chaque  canton 
a  été  divifc  en  deux  quartiers.  On  les  décou- 
vre :  on  écarte  la  terre  :  on  recueille  le  fuc  : 
■on  coupe  la  furface  ^  8j  on  recouvre.  On 
pafTe  le  lendemain  aux  racines  du  fécond 
quartier ,  &  alnii  alternativement  trois  fois 
de  fuite  •■,  puis  on  les  couvre  de  nouveau,  on 
les  laiffe ,  &  le  troilieme  travail  eft  fini. 

Trois  jours  après,  on  reprend  les  racines, 
&  on  les  coupe  trois  fois  alternativenient , 
paflant  du  premier  quartier  au  fécond  ,  puis 
ou  ne  les  coupe  plus  :  on  les  laifîe  cxpofcesà 
l'air  &  au  foleil ,  ce  qui  les  fait  bientôt  mou- 
rir. Si  les  racines  font  grandes  ,  on  ne  les 
quitte  pas  fi-tôt  ;  on  continue  de  les  couper , 
jufqu'à  ce  qu'elles  foient  épuifées. 

L,'aJ/a  faiida  donne  dans  l'analy/è  chymi- 

queun  phlegme  laiteux ,  acide ,  &  de  l'odeur 

de  l'ail  ;  un  phleg:me  roulfâtre  ,  foit  acide , 

foit  urineux  ;  de  l'huile  fétide  ,  jamiâtre  , 

Tome  m. 


A  S  S  ^?r 

fluide  ,  limpide  ,  8c  une  huile  roufiè  Se 
d'une  confillance  épaiffe.  La  malle  noire 
reftée  dans  la  cwnue  ,  calcinée  au  creulèf 
pendant  trente  heures  ,  a  laillc  des  cendres 
grifes  dont  on  a  retiré  du  fel  fixe  falé.  j\in(î 
^ajfa  fatida  eft  compofée  de  beaucoup  dt 
fbufre  fétide  ,  foit  fijbtil  ,  foit  groftier  ; 
d'une  allez  grande  portion  de  ici  acide  , 
d'une  petite  quantité  de  fel  volatil  urineux  , 
8c  d'un  peu  de  terre  ^  d'où  il  rcfulte  un  tout 
lalin  fiiltureux  ,  dont  une  grande  portion 
fe  difTout  dans  de  l'efprit-de-vin ,  8c  la  plusi 
grande  partie  dans  de  l'eau  chaude. 

Les  anciens  ont  fort  vanté  Xajfa  fivtida  ; 
nous  ne  l'employons  que  dans  les  coliques 
ventcufes ,  foit  extérieurement  ,  foit  inté- 
rieurement. Nous  lui  attribuons  quelque 
vertu  pour  expulfer  l'iu-riere-faix  8c  les  règles , 
exciter  la  tranlpiration  8c  les  fueurs ,  pouffer 
les  humeurs  malignes  à  la  circonférence  ; 
dans  les  fièvres  ,  la  petite  vérole  8c  la  rou- 
geole ,  8c  pour  remédier  aux  maladies  des 
nerfs  8c  à  la  paralyfie  :  nous  la  recomman- 
dons dans  l'ailhmeSc  pour  la  réfolution  des 
tumeurs  :  nous  en  préparons  une  teinture 
anti-hyftérique  ;  elle  entre  dans  la  poudre 
hyftériqiic  de  Charas  ,  les  trochifqucs  de 
myrrhe  ,  le  baume  utérin  ,  8c  l'emplâtre 
pour  la  matrice. 

*  ASSAF  ,  idole  des  Arabes  cora'ifchitcs. 
Chaque  autre  tribu  avoit  fou  idole  ,  inais 
on  ne  nous  apprend  rien  de  plus  là-delTus. 

Il  y  a  dans  la  contrée  de  Nahaniam  qui 
fait  partie  de  la  Chaldée  ,  une  petite  ville 
appellée  affaj'. 

ASSAI ,  (  Muftquc.  )  adverbe  augmentatif 
italien  qu'on  trouve  alTez  fbuvent  joint  au 
mot  qui  indique  le  mouveiuent  d'un  air  \  ainll 
prefto  r.jfai ,  largo  ajfai  lignifient /orr  vite  , 
fort  lent. 

ASSAILLANT  ,  f.  m.  eft  une  perfonne 
qui  attaque  ou  qui  donne  brufquement  fur 
une  autre.  V.  Assaut  ,  A'i  taque  ,  &c. 

Ceft  aufli  quelquefois  dans  un  liège  l'alîié- 
geant ,  auquel  on  donne  le  nom  à'affhillant. 

(Q) 

ASSAISONNEMENT  ,  f  m.  en  terme  de 
cuifine  ,  elà  un  mélange  de  plufieurs  ingrc- 
diens  ,  qui  rendent  un  mets  exquis.  L'art  du 
cuiliuier  n'eft  prelque  que  celui  A'ajfaifonner 
les  mets  ^  il  eft  comnum  à  toutes  les  nations 
policées  ;  les  Hébreux  le  nommoieutmcr/^tfj 

O  000 


۔i  A  S  S 

mi  m ,  les  Grecs  ctfjl>iJX7a.  wSvufjniila. ,  les  La- 
tins condimenta.  he  mot  ajjûifonnementv'ient 
félon  toute  apparence  de  ajjhtio  :  la  plupart 
des  ajfaifonntmins  font  nuilibles  à  la  fanté  , 
&  méritent  ce  qu'en  a  dit  un  favant  méde- 
cin: conditmnta  •,  gulcc  irritamenta;  cefl  Cart 
de  procurer  des  indigejfions.  Il  fîiut  pourtant 
convenir  qu'il  n'y  a  guère  que  les  fauvages 
qui  puifl'ent  fe  trouver  bien  des  produâions 
de  la  nature ,  prifes  fans  ajfaifoiinement  ,  & 
telles  que  la  nature  même  les  offre.  Mais 
il  y  a  un  milieu  entre  cette  groffiéreté  &  les 
raHnemcns  de  nos  cuillnes.Hyppocrate  con- 
feilloit  les  ajpiifonnemens  lîmples.  Il  vouloit 
qu'on  cherchât  à  rendre  les  mets  fains  en  les 
difpofant  à  la  digeftion  par  la  manière  de 
les  préparer.  Nous  fommes  bien  loin  de-là, 
&  l'on  peut  bien  affurer  que  rien  n'eft  plus 
rare  ,  fur-tout  iijr  nos  tables  les  mieux  fer- 
vies  ,  qu'un  aliment   falubre.   La  dicte  & 
l'exercice  étoient  les  principaux  ajpiifonne- 
mens des  anciens.  Ils  difoient  que  l'exercice 
du  mathi  étoit  un  ajfaifonnement  admirable 
pour  le  dîner ,  &  que  la  fobriété  dans  ce 
repas  étoit  de  toutes  les  préparations  la  meil- 
leure pour   fouper    avec  appétit.  Pendant 
long-temps  le  fel,  le  miel  &  la  crème  Rirent 
les  feuls  ingrédiens  dont  on  alTaifonnât  les 
mets  ^   mais  les  Afiatiques  ne  s'en  tinrent 
pas  à  cela.  Eientôt  ils  employèrent  dans  la 
préparation  de  leurs  alimens  toutes  les  pro- 
ductions de  leur  climat.  Cette  branche  de  la 
luxure  le  fût  étendue  dans  la  Grèce ,  fi  les  plus 
fages  de  cette  nation  ne  s'y  étoient  oppolës. 
Les  Romains   de\cnus  riches   &  puiflans 
fecouerent  le  joug  de  leurs  ancieimes  loix  -^ 
&  je  ne  fais  fi  nous  avons  encore  atteint  le 
point  de  corruption  où  ils  avoient  pouffe  les 
chofes.   Apicius  réduifit  en  art  la  manière 
de  rendre  les  mets  délicieux.  Cet  art  le  ré- 
pandit dans  les  Gaules  :  nos  premiers  rois  en 
connurent  les  confcquenccs  ,  les  arrêtèrent^ 
&  ce  ne  fut  que  fous  le  règne  de  Henri  II  , 
que  les  habiles  cuiliuiers  commencèrent  à 
devenir  des  homnies  importaiis.  C'eil  une 
des  obligations  que  nous  avons  à  cette  foule 
d'Italiens  voluptueux  qui  fui\-irent  à  la  cour 
Catherine  de  Mcdicis.  Les  choies  depuis  ce 
temps  n'(:i\t  fait  qu'empirer;,  &  l'on  ponrroit 
prcfqu'aifurer  qu'il  lùbfiffe  dans  la  ibciété 
deux  fortes  (i'hommcs,  dont  les  uns,  qui  font 
oos  chyinillcs  domcltiqucs  ,  tiuvailicut  fuij^ 


A  S  S 

ceflè  à  nous  empoifonner  -,  &  les  autres,  quî 
font  nos  médecins ,  à  nous  guérir  ■■,  avec  cette 
différence  ,  que  les  premiers  fout  bien  plus 
fûrs  de  leur  fait  que  les  féconds. 

ASS ANC ALÉ ,  ville  d'Arménie ,  fur  l' Aras 
&  fur  le  chemin  d'Erzeron.  Long.  S9  '■>  l<^t. 


*'aSSANCHIF  ,  ville  d'Afie  dans  le 
Diarbek  ,  fur  le  Tigre.  Long.  58  ,  lOj  lat. 
36,40, 

*  ASSAPANIC  ,  {HiJÎ.  nai.)  efpece  d'écu- 
reuil de  la  Virginie  ,  qui  n'a  point  d'ailes  y 
&  qui  peut  cependant  voler  ,  à  ce  qu'on 
dit,  l'efpace  d'undemi-inille ,  en  élargilliint 
fes  jambes ,  &  diflendant  fa  peau.  Cet  ani- 
mal mériteroit  bien  une  meilleure  defcrip- 
tion  ,  ne  fût-ce  qu'en  confidération  du  mé- 
chanifme  fingulier  qu'il  emploie  pour  voler, 

♦  ASSARON  ou  GOMOR  ,  étoit  chez 
les  Hébreux  une  mefure  de  contenance.  C'é- 
toit  la  dixième  partie  de  l'épha ,  comme  le 
dénote  le  nom  mêmiC  êHaJfaron  ,  qui  lignifie 
dixième.  UaJJaron  contenoit  à  très-peu  de 
chofe  près ,  trois  pintes  mefure  de  Piu-is.  (G) 

ASSASSIN  ,  f  m.  {Juufp.  )  homme  qui 
en  tue  un  autre  avec  avantage  ,  foit  par 
l'inégalité  des  armes  ,  foit  par  la  fituatioii 
du  lieu  ,  ou  en  trahifon.  V.  MEURTRIER,. 
Duel  ,  &c. 

Quelques-uns  difent  que  le  mot   njfajprt 
\'iciit  du  Levant ,  où  il  prit  fon  origine  d'un 
certain  prince  de  la  famille  des  Arfacides  , 
appelles    vulgairement  ajjajfins  ,    habitant 
entre  Antioche  &  Daitias ,  dans  un  château 
où  il  élevoit  un  grand  nombre  de  jeunes  gens 
à  obéir  aveuglément  à  tous  fes  ordres  ;  il  Ici 
employoit  à  ailiiffîner  les  princes  fes  ennemis. 
Le  juif  Benjamin ,  dans  fon  Itinérain ,  place 
ces  ajjliffins  vers  le  mont  L  iban ,  <^  les  appelle 
en   hébreu  imité  de  l'arabe ,  cl-ajjajin  i  ce 
qui  lait  voir  que  ce  nom  ne  vient  pas  d'Ar- 
ficide  ,  mais  de  l'arabe  alî.i ,  injidiator .,  une 
perfbnne  qui  fé   met  en   embulcade.  Les 
LiJlalJins  dont  nous  venons  do  parler  ,  poffé- 
doient  huit  ou  tlouzc  villes  autour  de  1  yr  : 
ils  fé  choifiiibient  eux-mêmes  un  roi ,  qu'ils 
appelkJejit  le  vieujs  de  la  montagne,  tn  i  z  1 5 
ils  airaffinerent  Louis  de  Bavière.  Ils  étoient 
mahométans ,   inais  ils  payoient   quelques 
tributs  aux  chevaliers  du  teirplc.  Les  pro- 
teok-urs  des  a l/h/Jins  furent  condamnés  par  le 
s;ouciJLc  d<i  Lyon ,  fous  Ijuiiocciit  i Y  en  i  i  3  r. 


A  s  s 

îls  furent  vaincus  par  les  'l'nrtnres,  quî  leur 
tueront  le  vieux  de  la  niontaf^nc  en  1157  ^ 
après  quoi  la  fadion  des  ajfajjins  s'ctei»nit. 

11  y  ax'oit  un  certain  droit  des  s:ens  , 
une  opinion  établie  dans  toutes  les  républi- 
ques de  Grèce  &  d'Italie  ,  qui  faifoit  regar- 
der comme  un  homme  vermeux  \aj]affin  de 
celui  qui  avoit  ufurpé  la  fouveraine  puif- 
fitnce.  A  Rome  ,  fur-tout  depuis  l'expullion 
des  rois  ,  la  loi  étoit  prccife  &  folemnelle  , 
&  les  exemples  reçus;, la  république  armoit 
le  bras  de  chaque  citoyen  ,  le  faifoit  magif- 
trat  pour  ce  moment.  Confidératioris  fur  les 
Cûi/fcs  de  la  grandeur  romaine  j  chap.  xj  , 
page  221.  {H) 

ASSASSINAT  ,  f.  m.  (  Jurifprudence 
criminelle.  )  On  peut  le  définir,  un  attentat 
prémédité  fur  la  vie  d'un  homme  ,  bien 
vlitrérent  en  cela  du  meurtre  involontaire , 
<lu  meurtre  commis  dans  le  cas  d'une  défenfc 
iégitim.e ,  du  meurtre  enfin  ordonné  par  la 
loi  ;  car  qui  dit  attentat ,  dit  entrcprife  con- 
tre l'autorité  du  fouverain.  Qu'il  foit  enfuitc 
confommé  ou  commencé  fimplement  ^(ju'on 
en  foit  coupable  ,  ou  qu'on  n'en  foit  que 
complice  ,  la  définition  embraife  tout  j  & 
iiiivant  nos  loix  ,  la  punition  eft  la  même 
dans  tous  ces  cas  :  c'ed  la  mort. 

\-!aJfaffinat  eft  un  de  ces  crimes  qui  font 
vaquer  de  plein  droit  le  bénéfice  de  l'ecclé- 
fialUque  qui  s'en  rend  coupable.  Il  eft  aufîi 
lui  de  ceux  pour  Icfrjuels  le  prince  s'eft  ôté 
fi  fagcment  le  pou\oir  d'accorder  des  lettres 
de  rémiflion  ;  art.  z  &•  4  du  tir.  16  de  for- 
don,  crimin. 

Nos  loix  le  punifTent  du  flipplice  de  la 
roue  ,  à  moins  que  le  coupable  ne  foit  une 
femme  ;  prefquc  par-tout  la  peine  attachée 
à  ce  crime ,  eft  la  perte  de  la  vie. 

Nous  examinerons  ailleurs  quels  peuvent 
être  les  fondemens ,  les  effets  &  l'utilité  du 
fupplice  de  la  roue. 

On  demande  à  ce  moment  fi  dans  le  fyf 
tême  de  la  fuppreflîon  des  peines  capitales  , 
il  ne  leroit  pas  à  propos  de  les  laiifer  au 
moins  fubfifter  pour  YaJfaJJlnat  ? 

Ceux  qui  font  de  ce  fentiment  fe  fondent 
fur  l'accord  prelque  unanime  des  peuples  : 
ils  oblèrvent  que  chez  les  Juifs ,  les  Egyp- 
tiens, les  Grecs  &  les  Romains ,  raifalTin 
étoit  puni  de  mort;,  ils  s'autorilènt  de  ce  que 
ÎE  même  ufagefiibfifte  parmi   les  nations 


A  S  S  (Î83 

modernes  policée--.  Us  ajoutent  qu'efie(5tivc- 
mcnt,  il  paroît  jufte  de  priver  de  la  \'ie  celui 
qui  l'a  ôtée  à  fon  fcmblabic  -,  qu'en  attentant 
aux  jours  des  autres  ,  l'alfallln  renonce  k 
tout  droit  fur  les  fiens;  que  d'ailleurs  Xaffaf- 
fînat  étant  l'un  des  plus  grands  crimes  qui 
troublent  l'ordre  de  la  focicté ,  il  elt  con- 
venable de  le  punir  par  la  plus  févere  des 
peines  connues. 

Les  réponfcs  ne  font  peut-être  pas  moins 
faciles  que  fatisfaifantes. 

Et  d'abord,  il  ne  faut  pas  croire  que  cet 
accord  des  peuples  foit  auîli  unanime  qu.'oii 
le  fuppofe  :  &  quand  il  le  fcroit ,  il  ne  feroit 
pas  tout-à-fait  capable  de  perfuader  l'ami  de 
l'humanité  ,  qui  veut  trouver  en  tout ,  non 
des  exemples,  mais  ces  grandes  maximes  de 
la  raifon  &  de  la  juftice  fans  quoi  le  reftc 
n'eft  rien. 

Lorfqu'Homere  nous  repréfonte  fijr  le  bou- 
clier d'Achille,  deux  citoyens  qui  compofent 
au  fiijct  d'un  a£ajjinat ,  n'eft-ce  pas  nous 
apprendre  que  l'alfainn  n'étoit  pas  toujours 
puni  de  mort  chez  les  Grecs  ?  Les  loix  athé- 
niennes de  Meurfius  eu  offrent  d'autres 
preuves.  II  établit  fur  des  autorités  fans 
nombre  que  l'on  k  contentoit  de  bannir  les 
aftaffins,  du  milieu  de  la  fociété  ;  on  leur 
refufoit  l'entrée  des  temples ,  des  bains  pu- 
blics ,  des  alfemblées ,  des  maifbns  particu- 
lières ;  il  étoit  défendu  de  communiquer 
avec  eux ,  de  leur  donner  de  l'eau  &  du 
feu  ;  on  confifquoit  même  tous  leurs  biens  j 
mais  on  relpcéîoit  leur  vie.  La  fociété  leur 
refufoit  tout  ce  qui  étoit  en  fon  pouvoir;  elle 
eût  craint  d'entreprendre  fur  les  droits  de 
l'Etre  fuprême  en  tranchant  les  jours  qu'il 
leur  avoit  donnés. 

On  ne  punillbit  {'affajfmat  chez  les  Ger- 
mains ,  qu'en  dépouillant  l'alfaffn  d'une 
partie  de  fon  bien  en  faveur  des  parens  du 
défunt  :  luitur  enim  homicidium.,  dit  Tacite  , 
certo  armentorum  ac  pecorum  numéro  ,  reci- 
pitque  fatisjdclionem  univerfa  domus. 

VHifioire  générale  des  voyages  nous  parle 
de  plufieurs  peuples,  qui  ne  puniifent  Vaffaf- 
Jinat ,  qu'en  abandonnant  le  meurtrier  à  la 
fiîmille  du  défunt ,  6c  le  lui  livrant  i)ours'en 
fervir  comme  d'un  efclave  &  d'une  bête  de 
fomme. 

D'autres  ne  le  condamnent,  comme  les 
Germains  ,  qu'à  des   amendes  pécuniaires. 
O  o  o  o  2. 


6^4  ^  S  S 

Nos  aïeux  n'en  ufoient  pas  autrement  : 
rien  n'eft  fi  connu  que  les  compofitions  or- 
données par  les  loix  des  Saliens ,  des  Bour- 
guignons ,  des  Ripuaires ,  où  la  vie  d'un 
franc  eft  taxée  à  ioo  fous ,  celle  d'un  Ro- 
main à  loo  ,  ainfi  des  autres. 

Peut-être  ces  coinpofitions  qui  nous  pa- 
roilFent  ridicules  parce  qu'elles  différent  de 
nos  ufaçes,n'étoient-ellcs  pas  défavouées  par 
îa  juftice  &  par  la  raifon?  Qui  ne  fait  en 
effet  que  ralialîîné  ne  fe  levé  pas  du  tom- 
beau ,  lorfque  l'affaffui  y  dcfcend  ?  Pourquoi 
donc  l'y  précipiter  ?  A  quel  propos  enlever 
un  fécond  fujet  à  la  fociété?  Eft-ce  pour  la 
confoler  du  premier  que  le  meurtr.e  lui  a 
ravi  ?  Ce  foiit  deux  hommes  qu'elle  perd  au 
lieu  d'un.  Peu  importe  que  ce  foit  le  glaive 
de  la  loi  ,  ou  le  poignard  de  l'affailin  ,  qui 
les  lui  ôte.  L'effet  eft  le  même  pour  elle.  Elle 
eft  privée  de  deux  liommes,  &la  famille  du 
défunt  n'en  retire  aucun  avanta<je.  Car  après 
tout ,  quelles  loix  ,  en  livrant  un  affaffiu  à 
Ja  mort ,  pourront  ramener  à  une  époufè  & 
à  des  enfans ,  le  père  &  l'époux  que  le  crime 
a  égorgé  •■,  la  mort  du  meurtrier  n'aura  jamais 
cet  effet.  Ils  n'en  pleureront  pas  moins  l'objet 
de  leur  affeâion  ;  ils  n'en  regretteront  pas 
moins  les  fècours  qu'ils  rccevoient  de  lui. 
Nos  peines  capitales  ne  leur  rendront  rien 
en  retour.  Les  compoiîtions  au  moins  fa- 
voient  les  dédommager  en  partie.  Depuis 
que  l'or  &  l'argent  font  devenus  le  iignc  d'é- 
change de  tous  les  biens ,  il  eft  certain  que 
cet  or  &  cet  arguent  peuvent  rendre  à  des 
enfans  &  à  une  époufe  les  fccours  qu'ils  rc- 
cevoient du  travail  d'un  père  &  d'un  époux. 
Voilà  ce  que  l'or  eft  très-capable  de  repré- 
lénter  :,  voilà  ce  que  le  fang  de  l'affaiîîn  i:e 
représentera  jamais. 

A  Dicuneplaifc  pourtant  que  nous  pré- 
tendions inviter  la  génération  adtuelle  à  ra- 
nimer la  jurifprudence  des  compofitions ,  & 
à  publier  une  taxe  pour  lu  jambe ,  le  bras  , 
l'ceil ,  la  vie  d'un  citoyen.  Il  y  avcit  à  cela 
des  incoiivéniens  terribles  ;  d'ailleurs  nos 
dommages  &  intérêts  remplacent  à  quelques 
égards  ce  que  les  compofitions  avoicnt  d'a- 
vantageux. Tout  ce  que  nous  voidons  mon- 
trer ici  eft  que  cette  jurifprudence  des  coiiipo- 
fitions,  toute  imparfaite  qu'elle  pouvoit  être, 
approchoit  peut-être  encore  plus  du  véritable 
but  des  cliâtituens ,  que  uos  peine*  capitales. 


A  S  S 

Rien  ne  détermine  néceflàireincnt  à  laiffef 
fubfiftcr  celle-ci,  pas  même  pour  tafajfinat. 

Dire  que  le  metirtricr ,  en  aflàffinant  fou 
feinbiable  ,  renonce  à  tous  les  droits  qu'il 
peut  a\  oir  fur  fa  propre  vie ,  c'eft  ne  rieu 
dire  du  tout. 

Premièrement,  il  eft  faux  qu'il  renonce  , 
foit  explicitement,  foit  iinpiicitement.  Cela 
eft  fi  vrai ,  que  pour  établir  cette  renon- 
ciation prétendue  ,  il  eft  néceffaire  que 
vous  fafliez  un  raifonnement  qui  porte  tout 
fur  des  fuppofitions.  Or ,  il  n'eft  pas  befoiii 
de  rien  fuppofer  dans  les  choies  qui  ont  la 
vérité  pour  bafe. 

Secondement,  perfonne  n'a  droit  fur  fa 
propre  vie  ,  couféqueinment  l'alfanin  ne 
peut  renoncer  à  ce  droit  :,  mil  ne  fauroit 
céder,  ni  tranfinettre  ce  qu'il  n'a  pas  j  s'il 
le  cédoit ,  il  ne  céderoit  rien. 

Troificmement  quand  il  pourroit  y  renon- 
cer, refteroit  à  favoir  fi  l'intérêt  de  la  fo- 
ciété demande  qu'elle  profite  de  cette  renon- 
ciation ,  &  qu'elle  ôte  à  l'aiiaffui  une  vie 
qu'il  femble  lui  abandonner.  11  eft  des  jurif- 
confiiltes  bien  refpedtables ,  qui  ne  le  peu- 
feut  pas. 

Ajoutons  pour  terminer  cet  article ,  qu'en 
dérobant  i'alfailîu  à  la  peine  de  mort,  nous 
ne  prétendons  pas  le  fouftxaire  au  fiipplice. 
Qu'on  ne  s'y  trempe  pas ,  la  mort  n'en  eft 
pas  lui  :  &  c'eft  précifémeut  pour  le  livrer  à 
la  peine ,  à  la  douleur,  à  l'infamie,  à  un- 
tra\ail  dur  &  utile  à  la  fociété,  qite  nous 
voudrions  l'arracher  à  la  mort.  Un  pendu  , 
un  roué  ne  font  bons  à  rien.  Il  feroit  pour- 
tant à  defircr  que  L"s  fouffrances  &  les  tour- 
mens  de  ceux  qui  ont  nui  à  la  Ibciélé,  Itilîènt 
bons  à  quelque  chofe.  C'eft  la  feule  manière 
de  dédommager  cette  fociété  ,  dont  ils  ont 
troublé  l'ordre  ,  &  trahi  les  intérêts.  Or  , 
voilà  ce  qu'on  ne  peut  faire  qu'eu  les  laiilant 
vi\TC.  Leur  fupplice  de\  cnu  utile  ,  ne  fera 
même  que  plus  grand  •■,  l'imprcfllon  journa- 
lière qu'il  fera  fin  les  âmes ,  n'en  acqiicna 
que  plus  de  force  5  &  les  effets  qui  en  ré- 
fulteront  n'en  feront  que  plus  furs  &  plus 
durables. 

Mais  quels  doivent  être  ces  châtimens  ? 
C'eft  ce  qui  mérite  d'être  développé  à  l'ar'- 
ticlc  Peines  capitales  ;  dilcuffion  bien  im- 
portante ,  puifqu'clle  devient  tout  à  la  fois  la 
caufc  de  rhunianitc  6c  de  la  lociété.  (  A4  i. 


A  S  S 

ASSATTON  ,  du  mot  latin  ajfart^  rôtir, 
fe  dit  en  pharmacie  &  en  cuifinc  ,Ac  la  prépa- 
ration des  mcdicaincns  ou  alinicus  dans  leur 
propre  fuc  par  une  chaleur  extérieure  ,  fans 
addition  d'aucune  lunniditc  étrau'^ere. 

Le  mot  ajiarion  ,  par  rapport  aux  opéra- 
lions  de  cuiiiiie  ,  fc  rend  plus  fréquemment 
par  rôdr  ;  &  en  pharmacie  par  uj/ion  & 
toiréfaclion.  V.  ACCOMMODER  ,  'rOKRli- 
FACTIOxN  ,   &c.  {K ) 

ASSAUT  ,  f.  m.  dans  fart  de  la  guerre  , 
c'eil  l'attaque  d'un  camp  ,  d'une  place  torte  , 
d'un  poite ,  dans  le  dclleiu  de  l'emporter  ou 
d'en  devenir  le  maître.  Voye[  ATTAQUE  , 
Forteresse,  êv. 

Un  a[faut  e(k.  proprement  une  attaque 
générale  &  furieufe ,  dans  laquelle  les  ailail- 
lans  ne  fe  couvrent  d'aucun  ouvra.'^e.  Ou  dit 
donner  ,  ordonner  ,  foutenir  ,  repouffcr  un 
affiiuc  ,  emporter  iajfaut  ,  &C. 

Le  feu  des  batteries  celle  pendant  Wijfaut  ; 
&  lorfque  les  deux  partis  font  dans  la  mêlée, 
eu  ne  fait  point  irliio^e  du  canon  de  part  ni 
d'autre  j  on  s'cxpoferoit  par-là  à  détruire  lés 
propres  troupes. 

Un  gouverneur  eft  obligé  de  foutenirtrois 
ojfauts  avant  que  de  rendre  une  place.  Il  e(l 
tlifficile  d'empêcher  le  pillage  des  villes  que 
l'on  emporte  à'ajfaut.  Les  enfans  perdus 
montent  les  premiers  à  ïajaut.  V.  E.nfans 
J^ERDUS. 

Il  y  a  peu  de  places  àpréfent  qui  fbuticn- 
nent  un  ajfaut  ;  M.  de  Feuquieres  n'en 
compte  que  trois  de  fon  temps.  Le  premier 
a  été  celui  de  Ne  iiiaufel  en  1683  ,  foutenu 
par  un  bâcha  Turc  :  cette  ville  fut  en:portée , 
aiiilî  que  la  plupart  des  autres  doiventl'être  , 
parce  que  la  colonne  d'infanterie  qui  atta- 
quoit,  marchait  à  la  brèche  fur  plus  de  rangs 
que  celle  de  l'infanterie  qui  détendoit  la 
place.  La  féconde  place  emportée  Sajfaut 
eft  Bude  ,  &  le  Bâcha  qui  y  commandoit 
fut  tué  dans  l'attaque  ;,  il  y  avoit  encore  quel- 
fjues  ouvrages  flanqnans  ,  dont  les  feux 
ii'avoicnt  pas  été  entièrement  détruits  par 
l'artillerie  des  a(Tîégeans.  Le  troilîemea^w 
a  été  au  château  de  Namur  ,  défendu  par 
M.  de  Boufflers ,  qui  ne  fut  pas  emporté  , 
par  la  raifon  que  la  colonne  d'nifanterie  qi:i 
attaqua  la  brèche  partoit  de  trop  loin  &  à 
découvert.  Ajoutez  qu'il  eft  pre(qu'imiX)(Tî- 
tli  d'ejnpor ter  uiic  place  ^ajj'aut ,  quand  la 


A  S  S  6S^ 

brèche  peut  être  défendue  par  le  feu  des  ou- 
vrages qui  ne  font  pas  encore  détruits.  En 
elfct  ,  pour  être  forcée  ,  elle  ne  devroit  être 
défendue  par  d'autres  feux  que  ceux  qu'elle 
peut  oppolcr  de  front  ,  ou  par  la  brèche 
même.  Feuq.  Mcm. 

Cette  grande  opiniâtreté  de  la  défenfi: 
des  places ,  jufqu'à  la  dernière  extrémité  ,  ne 
fe  trouve  plus  que  chez  les  Turcs ,  auxquels 
un  article  eilcnticl  de  leur  religion  défend 
de  rendre  par  capitulation  aux  chrétiens  une 
place  où  ils  ont  une  mofquée  ,  quoique  dans 
ces  derniers  temps  ils  aient  en  quelques  oc  ■ 
calions  manqué  à  ce  point  de  leur  loi.  f^oy.  le 
même  endroit  cité,  tn  1747  les  François  ont 
pris  à'a/Jîiut  la  célèbre  place  de  Berg-op- 
loom.  (Ç; 

AssAU  I  ,  f.  m.  (■  Efcrime.  )  eft  un  exercice 
qi;i  s'exécute  avec  des  fleurets ,  &  qui  repré- 
feute  \m  xérltable  combat. 

Il  V  a  deux  façons  de  faire  ajfaut ,  qu'on 
appelle /Vz//2  ^  &  ces  jeuns  ont  des  noms  dif- 
férens ,  lliivant  la  polition  des  épées  de  ceux 
qi.i  s'eicriment.  ?"oy.  Jeun. 

Avant  de  commencer  un  ajfaut ,  on  fait 
le  faltit ,  Voy.  Sa  LUT  ;  &  auffi-tôt  que  les 
elcrimeurs  ont  mis  le  chapeau  iiir  la  tête  , 
le  iignaldu  combat  eft  donné,  &  ils  peuvent 
s'attaquer  récii)roquement. 

L'adrellè  <ïun  efcrimeur  confifte  à  f;;\oir 
prendre  le  défaut  des  mouvemens  de  fou 
eiuicmi.  Voy.  Défaut.  Ces  mouvemens  fe 
terminent  toujours  à  parer  &  à  pouffer.  Il 
n'y  a  abfolument  que  cinq  façons  de  les  ter- 
ininer  tous  ■■,  car  toutes  les  cftocadcs  qui  fe 
peuvent  porter  font  néceflairement,  ou  daus 
les  armes ,  ou  hors  les  armes ,  fiir  les  armes , 
/bus  les  ai  mes ,  ou  en  flanconnade  •■,  d'où  il 
fuit  qu'il  ne  peut  y  avoir  que  cinq  façons  de 
parer ,  qui  font  la  quarte ,  ia  tierce  ,  la  quarte- 
bajje  ,  la  féconde  6'  la  flanconnade. 

On  n'eft  pas  toujours  prêt  à  prendre  le 
défaut  au  premier  mouvement  que  fait 
l'ennemi  ,  parce  qu'on  ne  fait  pas  ce  qu'il 
va  faire  :  mais  ce  premier  mouvement  vous 
avertit  de  la  nature  du  fecond  ,  qui  fera, 
nécelfairement  le  contraire  du  fecond. 

Exemple.  Lorsqu'un  eferiineur  a  le\é  le 
bras  pour  frapper  l'épée  de  fon  ennemi  ou 
pour  tout  autre  delfein  ,  le  mouvement  qui 
fuit  eft  de  le  bailler  ,  non  feulement  parce 
que  ce  moiiveir.cijt  de  JjaiUcr  eft  naturel  _, 


6^6  A  S  S 

mais  parce  qu'il  eft  à  préfluiier  qu'il  fc  pref- 
icra  de  venir  au  fècours  de  la  partie  du  corps 
qui  fe  trouve  alors  découverte.  De  cet  exem- 
ple ,  on  peut  tirer  cette  maxime  générale  , 
que  toutes  les  fois  qu'un  efcrimeur  fait  un 
mouvement  ,  il  lui  en  fera  fur  le  champ 
fuccéder  un  contraire  ■■,  d'où  il  fuit  que  le 
premier  mouvement  vous  avertit  pour  pren- 
dre le  défaut  du  fécond.  V.  Défaut. 

*  ASSAZOÉ  ,{.{.(  WJÎoire  nat.  botan.  ) 
plante  de  l'Abyrtlnie  ,  qui  paflè  pour  un 
préfervatif  admirable  contre  les  ferpens  :  fon 
ombre  feule  les  engourdit:  ils  tombent  morts 
s'ils  en  font  touchés.  On  conjeclure  que  les 
Pfylles,  ancienne  nation  qui  ne  craignoit 
point  la  morfure  des  ferpens ,  avoient  la  con- 
noilfance  de  cette  herbe.  Une  obfervation 
qnc  nous  ferons  fur  Yajfa^oé  &  fur  beaucoup 
d'autres  fubilances  naturelles  ,  auxquelles 
on  attribue  des  propriétés  merveilleufes , 
c'eft  que  plus  ces  propriétés  font  merveil- 
leufes &  en  grand  nombre ,  plus  les  delcrip- 
tions  qu'on  fait  des  fubilances  font  mauvai- 
fes  ;  ce  qui  doit  donner  de  grands  foup- 
çons  contre  l'exiftence  réelle  des  fubilances , 
on  celle  des  propriétés  qu'on  leur  attribue. 

ASSECHER  ,  V.  neut.  (  Marine.  )  terre 
qui  affiche.  On  dit  qu'une  terre  ou  une  roche 
affiche  ,  lorfqu'on  peut  la  voir  après  que  la 
mer  s'eft  retirée.  On  fe  lert  du  terme  décou- 
vrir, pour  fignifier  la  inême  cliolè.  On  dit 
une  roche  qui  découvre  de  bajfc  mer.  (  Z  ) 

ASSÉCUTION  ,  f.  f.  terme  de  Jurifpru- 
dence  canonique  ,  fynonyme  à  obtention  ; 
c'eft  en  ce  fens  qu'on  dit  qu'un  premier  béné- 
fice vaque  par  Yaffecution  du  lècond.  f^oyei 
Incompatibilité.  (H) 

*  ASSEDIM  ,  ville  de  la  Palelline  dans 
la  tribii  de  Nephtali. 

ASSÉEUR  ,  f.  m.  terme  ufité  à  la  cour 
des  Aides  ,  pour  lignifier  un  habitant  d'un 
bourg  ou  d'un  village  ,  commis  par  fa  com- 
munauté pour  alfeoir  les  tailles  &  autres 
impofitions  fur  chacun  des  habitans ,  c'ell-à- 
dire  pour  régler  &  déterminer  ce  que  chacun 
d'eux  en  fupportcra  ,  &  en  faire  enfuite  le 
recouvrement.  (  H  ) 

*  ASSEFS ,  f.  m.  pi.  (-  mp.  mod.  )  font  en 
Perle  des  gouverneurs  que  le  prince  a  mis 
dans  quelques  provinces  à  la  place  des  chams , 
dont  le  grand  nombre  d'oilicicrs  épuifoit 
los  peuples. 


AS  S 

l  ASSELMAK ,  f  /////.  Vm.  )  théologien 
modéré  ,  naquit  à  Soeil  en  Weftplialie.  Il  a 
mis  au  jour  un  traité  De  jirendis  h.vreticis  , 
non  aujerendis  ,  qui  tieat  un  peu  du  jeu  de 
mots  ;  mais  l'ouvrage  part  d'un  efprit  rai- 
fonnable. 

ASSEMouAZEMoaLE  GRAND  ArDRA  y 
(  Géogr.  )  ville  d'Afrique  en  Guinée  ,  an 
royaume  d'Ardra  ,  &  autrefois  la  réfidence 
du  roi  d'Ardra.  Elle  eft  fur  l'Euplirate  qui 
lui  fert  de  folle.  Les  rues  font  fort  larges ,  & 
toutes  les  maifons  font  bâties  de  terre  grafte, 
&  éloignées  les  uiies  des  autres  par  de  grands 
jardins  qui  les  environnent  ,  ce  qui  la  fait 
paroitre  fort  grande.  Le  peuple  y  eft  aiTez 
nombreux  j  les  femmes  y  vont  vêtues  d'habits 
fort  riches.  Dans  la  conquête  du  royaume 
d'Ardra  ,  par  le  roi  de  Dahomé ,  en  1724, 
cette  ville  fouftnt  beaucoup.  Elle  eft  à  16 
lieues  de  la  mer  &  au  nord-oueft  du  petit 
Ardra.  Quant  au  gouvernement  &  à  la  reli- 
gion ,  voyei  Ardra.  {C.A.) 

ASSEMBLAGE ,  dansfarchiteclure ,  s'en- 
tei.d  de  l'art  de  réunir  les  parties  avec  le  tout, 
tant  par  rapport  à  la  décoration  intérieure 
qu'extérieure  :  on  dit  aulll  par  rapport  à  la 
main  d'œuvre  ,  ajfembler  à  angle  droit ,  ex 
faujfe  coupe  ,  à  clé ,  à  queue  d'aroiidc  ,  &c. 
^oyfçMENUISERIE,CHARPENTERIE,&c. 
Assemblage,  c'eft  ,  enmenuiferic  ,  ckar- 
pentcrie  ,  marquctterie  ,  Scc.  la  réunion  de 
plufieurs  pièces  auxquelles  on  a  donné  àss 
formes ,  telles  que  j ointes ,  attachées ,  rappro- 
chées ,  &c.  elles  puiflcnt  former  un  tout , 
dont  les  piirties  ne  fe  feparent  point  d'elles- 
mêmes.  Il  y  en  a  un  grand  nombre  de  dilîe- 
rens:  mais  comme  ils  ont  chacun  leurs  noms, 
nous  en  ferons  différens  articles. 

Assemblage  par  tenons  &  mortaifes  y 
(  Menuif.  )  c'eft  celui  qui  fe  fait  p;ir  une  en- 
taille appellée  mortaife,  qui  a  d'ouverture  lu 
largeur  du  tiers  de  la  pièce  de  bois ,  pour 
recevoir  l'about  ou  tenon  d'une  autre  pièce 
taillée  de  jufte  grolleur  pour  la  mortailè  qu'il 
doit  remplir ,  &  dans  laquelle  il  eft  enfuit© 
retenu  par  une  ou  deux  chevilles. 

Assemblage  à  clé:  c'eft  celui  qui ,  pour 
joindre  enlemble  deux  plates  -  formes  de 
comble  ou  deux  moifcs  de  file  de  pieux ,  fe 
fait  par  une  mortailè  ,  dans  chaque  picce  , 
pour  recevoir  un  tenon  à  deux  bouts  ap- 
pelle clé. 


AS  s 

Assemblage  par  entailles:  c'eft  celui 
qui  (è  fait  pour  joindre  bout  à  bout,  ou  à  re- 
tour dccfucrre ,  deux  pièces  de  bois  par  deux 
entailles  de  leur  denii-cpailicur,  qui  font 
eufuites  retenues  avec  des  chevilles  ou  des 
liens  de  fer.  Il  fe  fait  auiTi  des  entailles  à 
q-ucue  d'aronde ,  ou  en  triangle ,  à  bois  de 
fil  ,   pour  le  même. 

Assemblage  jPfjr  (mhrevement  :  c'eft  une 
efjicce  d'entaille  eu  manière  de  hoche,  qui 
reçoit  le  bout  dcmaigri  d'une  pièce  de  bois 
fans  tenon  ,  ni  mortaife.  Cet  afflniblagc  fc 
fait  auiTi  par  tleux  tenons  frottans,  pofcs  en 
décharge  dans  leur  mortaife. 

Assemblage  en  crémillkre  :  c'eft  celui 
qui  fe  fait  par  entailles  en  manière  de  dents 
de  la  demi-épaifliur  du  bois ,  qui  s'encaftrcnt 
les  unes  dans  les  autres  pour  joindre  bout  à 
bout  deux  pièces  de  bois ,  parce  qu'une  feule 
ne  porte  pas  allez  de  longueur  :  cet  ajffin- 
blage  le  pratique  pour  les  grands  entraits  & 
tirans. 

Assemblage  en  triangle  :  c'eft  celui  qui 
pour  entrer  deux  fortes  pièces  de  bois  à 
plomb ,  le  fait  par  deux  tenons  triangu- 
laires ,  à  bois  de  lîl  de  pareille  longueur , 
qui  s'encaftrcnt  dans  deux  autres  fembla- 
bles  ,  en  forte  que  les  joints  n'en  paroillent 
qu'aux  arêtes. 

Assemblage  quarré:  c'eft  en  Menuiferic 
cehii  qui  le  fait  quarrément  par  entailles ,  de 
la  demi-épaiffeur  du  bois ,  ou  à  tenons  &  à 
mortailè. 

Assemblage  à  bouement  :  c'eft  celui  qui 
ne  diffère  de  Yajfemblage  quarré  ,  qu'en  ce 
qi:c  ta  moulure  qu'il  porte  à  Ion  parement 
ell  coupée  en  anglet. 

Assemblage  en  onglet ,  ou  phitôt  en 
angkt  :  c'eft  celui  qui  le  fait  en  diagonale 
fiir  la  largeur  du  bois ,  &  qu'on  retient  par 
tenon  &  mortailè. 

Assemblage  en  faujfe-coupe  :  c'eft  celui 
qui  étant  en  angles  &  hors  d'équerre,  forme 
un  angle  obtus  ou  aigu. 

Assemblage  à  queue  d'aronde  :  c'eft  celui 
qui  le  fait  en  triangle ,  à  bois  de  lil  par 
entaille  ,  pour  joindre  deux  ais  bout  à  bout. 

Assemblage  à  queue  percée  :  c'eft  celui 
qui  fe  fait  par  tenons  à  queue  d'aronde ,  qui 
entrent  dans  des  inortaiîès,  pour  allèmble. 
quarrc!nent  Se  eu  retour  d'équerre. 

Assemblage  à  queue  perdue  :  çq&  celui 


A  s  s  6Sy 

qui  n'cft  différent  de  la  queue  percée  ,  qu'eu 
ce  que  fes  tenons  font  caches  par  recouvre- 
ment de  demi-épaillcur  ,  à  bois  de  fil  &  à 
anglet.  (+) 

Assemblage  ,  f.  m.  nom  que  l'on  donne, 
en  librairie  ,  à  un  nombre  plus  ou  moins 
grand  de  formes  imprimées ,  que  l'on  range 
liir  une  table  longue  ,  luivant  l'ordre  des 
lettres  de  l'alphabet ,  de  gauche  à  droite. 
VJaJJemblage  eft  ordinairement  de  huit  ou 
dix  formes.  Foye^  FoRME.  Ces  forines  font 
une  quantité  déterminée ,  comme  500 ,  1000 , 
iS'c.  d'une  même  feuille  imprimée,  au  bas 
de  laquelle  eft  une  des  lettres  de  l'alphabet 
appcllée//^/?ûrz//r.  Voye^  SIGNATURE. 

Vajj'emblage  fe  fait  en  levant  une  feuille 
iïir  chacune  de  ces  formes  aiufi  rangées,  au 
moyen  de  quoi  la  feuille  marquée  A  le  trouve 
fur  la  feuille  marquée  B ,  ces  deux-ci  fur  la 
feuille  marquée  C ,  &  ainli  de  fuite.  On  re- 
cominence  la  même  opération  jufqu'à  ceque 
toutes  les  feuilles  foieut  levées.  À  mefure  qu'il 
y  a  une  poignée  à-peu-près  de  feuilles  ainli 
levées ,  on  la  dreife ,  on  la  bat  par  les  bords , 
afin  de  faire  rentrer  les  feuilles  qui  lortent  de 
leur  rang;  enlliite  on  met  ces  diverfes  poi- 
gnées les  unes  fur  les  autres.  Cet  amas  de 
feuilles  ailemblécs  porte  le  nom  de  pile.  V^oye^ 
Pile.  Pour  réunir  fous  un  même  point  de 
vue  tout  le  travail  des  livres  en  feuilles,  nous 
donnerons  dans  cet  article  les  diftérentes 
opérations  fuivant  leur  ordre. 

Quand  Yaffembtage  eft  fait  de  la  manière 
dont  nous  l'avons  décrit,  on  prend  uncp;irtie 
de  la  pile  ,  &  à  l'aide  d'une  aiguille ,  ou  de 
la  pointe  d'un  canif  ^  on  levé  par  le  coin  où 
eft  la  iignaturc ,  chaque  feuille  l'une  après 
l'autre ,  pour  voir  s'il  n'y  en  a  pas  de  double , 
ou  s'il  n'en  manque  pas  ,  ce  à  quoi  l'on  re- 
incdlc  fur  le  champ  ,  Ibit  en  étant  la  feuille 
qui  le  trouve  double ,  foit  en  reftituant  celle 
qui  manque  \  cela  s'appelle  collationner. 
royei  Collationner. 

Si  YaJ/emblage  a  été  de  huit  formes  ,  on 
\oit  qu'il  doit  y  avoir  huit  feuilles  différentes 
de  luite  ■■,  que  s'il  a  été  de  neuf  ou  de  dix  for- 
mes, il  doit  y  avoir  de  fuite  neuf  eu  dix 
tcuilles  différentes.  En  collationnant ,  on  fé- 
])are  chacune  de  ces  huitaines  ou  de  ces 
dixaincs  i  &  quand  il  y  en  a  une  certaine 
quaiititéde  féparécs  de  la  forte,  on  les  prend 
les  unes  après  les  autres  &c  on  les  plie  ;  alors 


6S8  A  S  S 

elles  portent  le  nom  àc parties.  Voye^  PAR- 
TIES. On  remet  ces  parties  ainfi  pliées  les 
unes  fur  les  autres ,  &:  on  en  forme  encore 
une  pile. 

Quand  toutes  les  feuilles  que  contient  un 
volume  ont  été  allémblées,  coilationnées , 
pliées ,  &  qu'enfin  elles  ont  pris  le  nom  de 
parties  ,  on  allemble  ces  parties  comme  on 
a  ailemblé  les  feuilles ,  de  gauche  à  droite  , 
en  commençant  par  les  premières  ^  &  cela 
s'appelle  mettre  les  parties  en  corps  :  alors  le 
volume  eft  entier.  Si  le  livre  aplufieurs  vo- 
lumes ,  on  alFemble  ces  volumes  ainfi  for- 
més ,  en  mettant  le  premier  fur  k  fécond  , 
le  fécond  fur  le  troifieme ,  iS-c.  &  l'exemplaire 
ell  complet  j  il  ne  lui  manque  plus  que  d'être 
vendu. 

ASSEMBLÉE ,  f.  f.  (  Hift.  &  Jurifprud.  ) 
joiidiouqui  fe  fait  de  perfonncs  en  un  même 
lieu  &  pour  le  même  dellbin.  Ce  mot  ell 
formé  du  latin  adfimulare^  qui  eft  compofé 
de  ad  iiLJitnul ,  enfemble.  Les  aJfembUes  du 
clergé  font  appellées  fynodes  ,  conciles  ,  & 
en  Angleterre  convocations  ,  quoique  Xajjem- 
blée  de  l'églife  d'Ecoli'e  ,  qui  fe  fait  tous  les 
ans  ,  retienne  le  nom  &ajfemblée  générale. 
Foj.  Convocation,  Synode,  Concile, 
Ê'c.  Les  ajfemblées  des  juges  ,  &c.  font  ap- 
pellées co^^/m  ,  &c.  VoyeiCo\}K.  On  appel- 
loit  comitia  ,  comices  ,  les  ajfemblées  du  peu- 
ple romain.  Voyei  ComitiA  ,  CoMiCE  , 
&c.  Vajfemblée  d'un  prédicateur  eft  fon  audi- 
toii-e  ^  les  académies  ont  leurs  afflmblées  ou 
leurs  jours  &ajfemblée.  Voye\  ACADÉMIE  , 
6-c.  Les  ajjemblées  des  presbytériens,  en  An- 
gleterre ,  s'appellent  ailéz  Ibuvent ,  par  ma- 
nière de  reproche  ,  des  conventiculcs.  Voyci 
CONVENTICULE. 

Sous  les  gouvernemens  gothiques ,  le  pou- 
voir iiiprême  de  faire  des  loix  rélidoit  dans 
une  ajjhnbléc  des  états  du  royaum.e ,  que  l'on 
tenoii  tous  les  ans  pour  la  même  fin  que  fe 
tient  le  parlement  d'Angleterre.  Il  liibfifte 
cttcore  aujoiu-d'hui  quelques  foiblcs  reftes  de 
cet  ufage  dans  les  ajjemblées  annuelles  des 
états  de  Languedoc ,  de  Bretagne ,  &  d'un 
petit  nombre  d'autres  provinces  de  France  : 
mais  ce  ne  font  plus  que  les  ombres  des 
anciennes  ajcmblées.  Ce  n'eft  qu'en  Angle- 
terre ,  en  Suéde  ,  &  en  Pologne  ,  que  ces 
ajjemblées  ont  coulcrvc  leurs  anciens  pou\  oirs 
&  privilèges. 


A  S  S 

Ajjemblées  du  champ  de  Mars.  Voye^ 
Champ  de  Mars  ,  6v. 

Assemblée  ,  eft  un  motufité  particuliè- 
rement dans  le  monde,  pour  exprimer  une 
réunion  ou  compagnie  de  plufieurs  perfonnes 
de  l'un  &  de  l'autre  fexe  ,  pour  jouir  du 
plai^r  de  la  converfation ,  des  nouvelles,  du 
jeu,^^. 

Quartier  ou  place  d'ajfemblée  dans  un 
camp,  &c.Voy.  QUARTIER  D'ASSEMr.LÉE. 
On  fe  fert  auliî  du  mot  ajjemblée  dans  Yart 
militaire ,  pour  déiîgner  l'attion  de  battre 
une  feconde  fois  la  caifTe  ou  le  tambour , 
avant  que  l'on  fe  mette  en  marche.  Foye^^ 
Tambour. 

Quand  les  foldats  entendent  cet  appel ,  ils 
abattent  leurs  tentes  ,  ils  les  roulent ,  & 
vont  fe  mettre  fous  les  armes.  Le  troilieme 
appel  du  tambour  eft  appelle  la  marche^  de 
même  que  le  premier  s'appelle  la  générale. 
i^'ojfçGÉNÉRALE.  (H) 

On  dit  aulfi  une  ajfemblée  de  créanciers  , 
une  ajjemblée  de  négocions.  Les  ajfemblées 
générales  des  lix  corps  des  marchands  de^a 
ville  de  Paris  fe  tiennent  dans  le  bureau  du 
corps  de  la  draperie  ,  qui  en  eft  le  premia . 

(G) 

Assemblées,  adj.  f.  pi.  en  anatomie  , 
épithete  de  glandes  qui  font  voifines  les  unes 
desautres.  A^.  Attroupées  6»  Clan  de.  fZ) 

Assemblée  ,  en  terme  de  chajfe  ,  c'eft  le 
lieu  ou  le  rendez-vous  où  tous  les  chalfeurs 
le  trou\'eut. 

ASSEMBLER  ,  dans  plufieurs  arts  ,  c'eft 
mettre  toutes  les  pièces  à  leur  place  ,  après 
qu'elles  font  taillées. 

Assembler  un  c/icval,{ Manège. )ceit 
lui  tenir  la  main  en  ferrant  les  cuilfes  ,  de 
façon  qu'il  fe  raccourcilfe  pour  ainfi  dire  ,  eu 
rapprochant  le  train  de  derrière  de  celui  de 
devant  j  ce  qui  relevé  les  épaules  &  la  tête. 

Assembler  ,  en  librairie,  ceit  reunu-  en- 
femble ou  plufieurs  feuilles  ,  ou  plufieurs 
parties ,  ou  phificiirs  volumes  d'un  même 
livre,  ainfi  qu'il  a  été  dit  &  détaillé  plus  au 
long  au  /no/ Assemblage. 

■*  ASSEN  ,  petite  ville  de  Hollande,  dans 
la  feigneurie  d'Owcr-'V  ftcl. 

*  ASSENSE  ,  ville  maritime  de  Daiie- 
marck  ,  dans  l'ilc  de  Fie  uie.  Long.  19  ■■,  lau 

^^''^'  ASSEOIR 


A  S  S 

ASSEOIR  une  cuve,  c'cft  ,  c,':ei  1rs  tein- 
turiers ,  la  préparer ,  y  mettre  les  ciro^iics 
&  les  iîif^rcdiens  nccciraircs  ,  pour  qu'on 
puillc  y  lailîêr  les  ctofics ,  laitics ,  foies  ,  &c. 
en  bain.  Le  chef-d'annrc  des  ari)irans  en 
maitrifc  ,  eil  cYaffèoir  une  cuve  d'inde  effleu- 
rée, &  de  la  bien  ufer  &  tirer,  jufqu'à  ce 
que  le  chef-d'œuvre  foit  accompli.  J^^oyci 
t article  91  des  teinturiers  ,  &  f  article  Tf.I  N- 
TURE.  Le  règlement  de  1699  défend  de  ré- 
chauffer plus  de  deux  fois  une  cuve  anilb  de 
guefde  ,  d'indigo  ,  8c  de  paftel ,  pour  les 
draps  qu'on  veut  teindre  en  noir. 

Asseoir,  v.  a£t.  en  arckiteclure  &  ma- 
çonnerie ;  c'eft  poferde  niveau  &;  à  demeure 
fcs  premières  pierres  des  fondations ,  le  car- 
reau, le  pavé,  &c.  (P) 

Asseoir  un  cheval  fur  les  hanches ,  (  Ma- 
nège. )  c'efl  le  drellbr  à  exécuter  fes  airs  de 
manège ,  ou  à  galoper  avec  la  croupe  plus 
balle  que  les  épaules.  AJJioir  le  fer  ^  c'eft  le 
faire  porter.  F'oye^ Porter.  {V) 

*  ASSER  ,  f.  m.  (  Hifl.  anc.  )  efpece  de 
bélier  des  anciens ,  que  Végéce  décrit  de  la 
maniera  fuivante.  Uaffer  eft  une  poutre 
longue  ,  de  moyenne  groffeur ,  pendue  au 
mât ,  de  même  que  la  vergue  ,  &  ferrée  par 
les  deux  bouts.  Lorfque  les  vaiffeaux  enne- 
mis venoient  à  l'abordage  ,  foit  à  droite  , 
foit  à  gauche  ,  on  fc  fervoit  de  cette  poutre  : 
pouflee  avec  violence ,  elle  renverfoit  & 
écrafoit  les  foldats  &  les  matelots ,  8c  fai- 
foit  aufîî  des  trous  au  navire. 

*  ASSER  A ,  ville  de  Turquie,  en  Europe , 
dans  la  Macédoine  ,  fur  la  rivière  de  Vera , 
proche  Salonichi. 

*  ASSES ,  f.  m.  pi.  peuples  de  la  Guinée, 
en  Afrique ,  fur  la  côte  d'Or ,  fort  avant  dans 
fes  terres ,  au  couchant  de  Rio  de  Volta. 

ASSESSEUR,  f.  m.  {Hifl.mod.  &  Ju- 
rifprud.  )  eft  un  adjoint ,  dont  un  maire  de 
ville  ou  autre  magiftrat  en  chef  d'une  ville 
ou  cité ,  fe  fait  afTîfter  dans  le  jugement  des 
procès ,  pour  lui  fervir  de  conleil.  Il  y  en  a 
en  titre  d'office  dans  plufieurs  jurifdiftions. 
Voyei  Maire.  Il  faut  que  Xaffejfeur  foit 
Jiomme  gradué. 

Quand  il  n'y  a  qu'un  juge  dans  une  ville, 
où  il  n'y  a  point  de  maire,  on  l'appelle  aufli 
en  quelques  endroits  affeffeur. 

On  appelle  aufli  ajfeffeurs  les  confeillers 
de  la  chambre  impériale, 
Tomt  Uh 


A  S  S  <r89 

Il  y  a  dcirr  efpcces  Saffeffeurs  d^ns  cette 
chambre  Impériale  ,  Xordinaire  8t  Yextraor-  ' 
^//rti2/'/r.  Les  (7/f^f//rr ordinaires  (but  à  prcfcnt 
au  nombre  de  quarante-un  ,  dont  cinq  font 
élus  par  l'empereur,  fn'oir, trois  comtes  ou 
barons ,  &  deux  jurifcoufiiltes ,  ou  deux 
avocats  en  droit  civil  :  les  élcfteiirs  en  nom- 
ment dix  ,  les  fix  cercles  dix-huit ,  6'r.  Ils 
agiftentcn  qualité  de  conièillcrsde  la  cham- 
bre ,  8f  ils  ont  les  appointcmcns  qui  y  font 
attachés.  V.  Impérial  ù  Chamhrf..  (//) 

AS-SETE-IRMANS  ,  îles  d'Afrique, 
dans  l'Océan  éthiopique  ,  dccoi^crtes  par 
les  Portugais  ,  au  nombre  de  fcnt ,  8c  ap- 
pellées  par  les  François  les  Scpt-Freres. 

ASSETTE  ,  voyci  EssETTE. 

ASSEZ  ,SUFFIS  AMMENT ,  (  Gramm.  ) 
ces  deux  mots  font  tous  deux  relatifs  à  la  quan- 
tité :  mais  ajfe:^  a  plus  de  rapport  à  la  quan- 
tité qu'on  veut  avoir  ,  8c  fuffifamment  en  a 
plus  à  celle  qu'on  veut  employer.  L'avare 
n'en  a  jamais  affei^  ;  le  prodigue  jamais  /î/^  • 
famment.  On  dit ,  ce(l  ajfe[ ,  quand  on  n'en 
veut  pas  davantage  ;  &CcelafuJfit,  quand  oii 
a  celle  qu'il  faut.  A  l'égard  des  dofcs ,  quand 
il  y  a  a^èi ,  ce  qu'on  ajouteroit  feroit  de 
trop  ,  Si  pourroit  nuire  ■■,  8c  quand  il  y  a 
fuffifamment ,  ce  qui  s'ajoutcroit  de  plus  , 
mettroit  l'abondance  8c  non  l'excès.  On  dit 
d'un  petit  bénéfice  ,  qu'il  rend  fuffifamment: 
mais  on  ue  dit  pas  qu'on  ait  ajei  de  fon  re- 
venu. y4j/èi  paroît  plus  général  que  fuffifam- 
ment, VoyeiSynon.  franc. 

ASSIDARIUS  pour  ESSEDARIUS  , 
fub.  m.  (Hijl.anc.)  gladiateur  qui  combat- 
toit  aftis  fur  un  char  ejfedum ,  char  ou  cha- 
riot ,  dit  M.  Ducange  ,  ejl  quafi  affedum  ab 
affidendo.  Le  changement  de  quelques  lettres , 
alfez  ordinaire  dans  les  inlcriptions ,  a  formé 
le  inot  affidarius  de  ejfedarius.  On  voit  dans 
Suétone  qu'un  gladiateur  nommé  Pofius  ^ 
combattoit  ainfi  fur  un  char ,  8c  excita  la 
jaloufie  de  l'empereur  Galigula  ,  qui  fortit 
du  fpeftacle  ,  en  le  plaignant  que  le  peuple 
donnoit  plus  d'applaudiflèmens  à  ce  Pofius , 
qu'à  lui-même,  Tofio  ejfedario.  Cette  ma- 
nière de  combattre  à  Rome  for  des  chars 
dans  les  fpeftacles ,  s'étoit  introduite  à  l'imi- 
tation des  Gaulois ,  ?iL  des  habitans  de  la 
grande  Bretagne  ,  dont  une  partie  de  la  ca- 
valerie étoit  montée  fur  des  chars.  Barbari  , 
dit  Céfar  dans  i^i  commentaires ,  pracmi^b 
Pppp 


6^ 


A  SS 


tquitatu  ex  cjfedario  ,  quo  plerumque  génère 
in  praeliis  uti  confueverunt  ^  &C.  (G) 

ASSIDÉENS  ,  f.  m.  pliir.  (  T/^fo/.  ^kOtt 
des  Juifs ,  aiiifi  nommés  du  mot  hébreu 
hafidim  ,  juftes.  Les  AJJidéens  croyoient  les 
œuvres  de  furérogation  néceiraires  au  fàlut  ■■, 
ils  furent  les  prédécefîèurs  des  Pharifiens ,  de 
qui  fortirent  les  Elfénieus ,  qui  enfeignoient 
conjointement  que  leurs  traditions  étoieut 
plus  parfaites  que  la  loi  de  Moyfe. 

Serrarius ,  &  Drufius  favant  théologien 
proteftant ,  ont  écrit  l'un  contre  l'autre  tou- 
chant les  Ajjîdcens  ,  à  l'occalion  d'un  paf- 
fsge  de  Jofeph  ,  fils  de  Gorion.  Le  premier 
a  ibutenu  que  par  le  nom  à'AJpde'cns ,  Jofèph 
entend  les  EJféniens ,  &  le  fécond  a  prétendu 
qu'il  entend  les  Pharifiens.  Ilferoit  facile  de 
concilier  ces  deux  ièntimcns ,  en  obièrvant 
avec  quelques  critiques ,  que  le  nom  à'Afii- 
dîens  a  été  un  nom  générique  donné  à  toutes 
les  feâes  des  Juifs ,  qui  afpiroient  à  une  per- 
fcftion  plus  haute  que  celle  qui  étoit  prefcrite 
par  la  loi  :  tels  que  les  Ciuéens ,  les  Recha- 
bites ,  les  Eiféniens ,  les  Pharifiens  ,  ùc. 
A-pcu-près  comme  nous  comprenons  au- 
jcurd'liui  ibus  le  nom  de  religieux  &  de  cé- 
nobites .  tous  les  ordres  &  les  inftituts  reli- 
gieux. On  croit  cependant  que  les  Pharifiens 
ëtoient  très-différens  des  Afifidéens.  Voye[ 
Pharisiens,  Cinéens,Rechabites.  (G) 

*  ASSIENNE  (  PIERRE  ),  ou  ASSO 
(pierre  d'  )  ajjius  lapis ,  {Uiji,  nat.)  Ileft 
fait  mention  de  cette  pierre  dans  Diofcoride , 
dans  Pline ,  &  dans  Galien.  Celui-ci  dit 
qu'elle  a  été  ainfi  nommée  àiAjfos  ,  ville  de 
la  Troade ,  dans  l'Afie  mineure  :  qu'elle  elt 
<Vuue ftibftance  fpongieufe, légère  &  friable: 
c[u'elle  eft  couverte  d'iiue  poudre  farineuse , 
^'on  appelle  J?fwr  de  pierre  daJJ'o  ;  que  les 
inolécules  de  cette  fleur  font  très-pénétrantes  ; 
<ja'elles  confument  les  chairs  :que  la  pierre  a  la 
iTiême  vertu  ,  mais  dans  un  moindre  degré  ; 
que  la  fleur  ou  farine  ell  encore  digeftive  & 
nréfervative  comme  le  fel^  qu'elle  en  a  même 
le  goût ,  &  qu'elle  pourroit  bien  être  formée 
cjes  vapeurs  qui  s'élèvent  de  la  mer  ,  &  qui 
dépofées  dans  les  rochers ,  s'y  condenfcnt  & 
clclFechcnt.  Voye\  Gai.  de  fympt.  med.  fac. 
li!).  ix,  Diofcoricle  ajoute  qu'elle  eÛ  de  la 
couleur  de  la  pierre  ponce  ^  qu'elle  cil  par- 
fèmée  de  veines  jaunes  j  que  fii  farine  cil  jau- 
iV^trc  ou  blauche  3  que  jnCIcç  de  l<i  léûaa  de 


A  S  S 

térébenthine  ou  de  goudron ,  elle  réiôut  les 
tubercules,  Voye^lib.  V,  cap.  cxlij,  les  autres 
propriétés  que  cet  auteur  lui  attribue.  Pline 
répète  à-peu-près  les  mêmes  chofesj  on  l'ap- 
pelle ,  fclon  lui  ,farcophage ,  de  aaf^  ,  chair  y 
&  de  layo ,  je  mange  j  parce  qu'elle  con- 
fum.e ,  dit-il ,  les  fubftances  animales  en  qua- 
rante jours ,  excepté  les  dents. 

ASSIENTE  ou  ASSIENTO  ,  (  Comm.  ) 
ce  terme  ell  eipagnol ,  &  lignifie  une  ferme. 

En  France  ,  ce  mot  s'eft  introduit  depuis 
le  commencement  de  la  guerre  pour  la  fuc- 
ceffion  d'Efpagne  en  1 7 1  o.  On  l'entend  d'une 
compagnie  de  commerce  établie  pour  la 
fourniture  des  Nègres  dans  les  états  du  roi 
d'Efpagne  en  Amérique ,  particulièrement  à 
Buenos-ayres. 

Ce  fut  l'ancienne  compagnie  françoife  de 
Guinée ,  qui  après  avoir  fait  fon  traité  pour 
cette  fourniture  avec  les  minilbes  Efpagnols  j 
prit  le  nom  de  compagnie  de  Caffiente ,  à  caufe 
du  droit  qu'elle  s'engagea  de  payer  aux  fermes 
d'Efpagne , pour  chaque  Nègre ,  pièce  d'inde , 
qu'elle  paiîeroit  dans  l'Amérique  espagnole. 

Ce  traité  de  la  compagnie  françoife ,  qui 
confiftoit  en  trente-quatre  articles ,  fut  figné 
le  premier  feptembre  1702  ,  pour  durer  pen- 
dant dix  années ,  &  finir  à  pareil  jour  de 
l'année  17 12;  accordant  néanmoins  aux 
aiïïentiftes  deux  autres  années  pour  l'exé- 
cution entière  de  la  fourniture  ,  fi  elle  n'é- 
toitpas  finie  à  l'expiration  du  traité. 

Les  deux  principaux  de  ces  trente-quatre 
articles  regardoicnt ,  l'un  la  quantité  des 
Nègres  que  la  compagnie  devoit  fournir  aux 
Efpagnols  ;  l'autre  le  droit  qu'elle  devoit 
payer  au  roi  d'Efpagne  pendant  le  temps 
de    la  ferme  ou  ajjienco. 

A  l'égard  des  Nègres ,  il  fut  fixé  à  tren- 
te-huit mille  tant  que  laguerre  quiavoit  com- 
mencé l'année  d'auparav;uU  ,  dureroit  ;,  8c 
à  quarante  huit  mille  ,  en  cas  de  paix.  Pour 
ce  qui  eil  du  droit  du  roi  d'Efpagne  ,  il 
fut  réglé  à  trente-trois  piaflres  un  tiers  pour 
chaque  Nègre  ,  pièce  d'Inde  ,  dont  la  com- 
jiagnic  paie  par  avance  la  plus  grande  partie. 

A  la  paix  d'Utrecht  un  des  articles  du 
traité  entre  la  France  &  l'Angleterre  ayant 
été  la  ceflion  de  ïaJJ.-enie ,  ou  ferme  des  Nè- 
gres en  fa\eur  de  cette  dernière ,  les  Ef- 
pagnols traitèrent  avec  les  Aiiglois  poiu:  la 
fourniture  des  Nègres. 


A  s  s 

Ce  traité ,  femblable  en  pluficurs  articles 
A  celui  de  la  compagnie  fraiiçoifc ,  irais  de 
beaucoup  plus  a\'antagcux  par  plulieuis  au- 
tres aux  allientilles  anglois  ,  dcvoit  com- 
mencer au  premier  mai  1713  ,  pour  durer 
trente  ans ,  c'ell-à-dirc  ju%i  a  pareil  jour 
de  l'anncc  1743. 

La  compagnie  du  fud  établie  eu  Angle- 
terre depuis  le  commencement  de  cette  même 
guerre  ,  mais  qui  ne  fublilloit  qu'à  peine  , 
fut  celle  qui  le  charfjca  de  ïajficnro  des  Nè- 
gres pour  l'Amérique  efpagnole.  La  fourni- 
ture qu'elle  devoit  faire  étoit  de  quatre  mille 
iiuit  cents  Nègres  par  an  ,  pour  lefqucls  elle 
tlevoit  payer  par  tête  le  droit  £ir  le  pié  réglé 
par  les  François,  n'étant  néanmoins  obligée 
qu'à  la  moitié  du  droit  pendant  les  vingt-cinq 
premières  années  ,  pour  tons  les  Nègres 
<}u'ellepourroit  fournir  au  delà  du  nombre  de 
quatre  mille  huit  ceiîts  ftipulé  par  le  traité. 
Le  quarante-deuxième  article  de  ce  traité  , 
qui  eft  aufli  le  dernier  ,  &  peut-être  le  plus 
conlîdérable  de  tous ,  n'étoit  point  dans  le 
traité  fait  avec  les  François.  Cet  article  ac- 
corde aux  aflicntiftes  anglois  la  permiilîon 
d'envoyer  dans  les  ports  de  l'Amérique  efpa- 
gnole  ,  chaque  année  des  trente  que  doit 
durer  le  traité  ,  un  vaiii'eau  de  cinq  cents 
tonneaux ,  chargé  des  mêmes  marchandi- 
fes  que  les  Efpagnols  ont  coutume  d'y  por- 
ter ,  avec  liberté  de  les  vendre  Sf  débiter 
concurremment  avec  eux  aux  foires  de  Porto- 
Belo  &  de  la  Vera-Cruz. 

On  peut  dire  que  la  fourniture  même  des 
Nègres  ,  qui  fait  le  fonds  du  traité  ,  non 
plus  que  quantité  d'autres  articles  qui  accor- 
dent quantité  de  privilèges  à  la  nouvelle 
compagnie  angloife  ,  ne  lui  apportent  peut- 
être  point  tous  enfemble  autant  de  profit 
que  cette  feule  faculté  d'envoyer  un  vailfeau , 
doimée  aux  Anglois  ,  contre  l'ancienne  po- 
litique des  Efjjagnols,  &  leur  jaloulie  ordi- 
naire à  l'égard  de  leur  commerce  en  Amé- 
rique. 

L'on  a  depuis  ajouté  cinq  nouveaux  arti- 
cles à  ce  traité  de  VaJJlenre  angloife  ,  pour 
expliquer  quelques-uns  des  anciens.  Le  pre- 
mier porte  que  l'exécution  du  traité  ne  fe- 
roit  cenfée  commencer  qu'en  1714:1e  fé- 
cond ,  qu'il  feroit  permis  aux  Anglois  d'en- 
voyer leur  vailfeau  marchand  chaque  an- 
née ,  bien  que  la  flotte  ou  les  galions  efpa- 


A   S  S  C.nl 

gnols  ne  vinfTent  point  à  l'Amérique  :  le 
troideme  ,  que  les  dix  premières  années  ce 
vailfeau  pourroit  être  du  port  de  fix  cents 
cinquante  tonneaux:,  enfin  les  deux  derniers, 
que  les  marchandifes  qui  refleroient  de  la 
traite  des  Nègres,  fêroicnt  renvoyées  en  Eu- 
rope, après  que  les  Nègres  auroiciit  été  débar- 
qués à  Buenos-ayres  ;  &  que  fi  leur  deftina- 
tion  étoit  pour  Porto-Belo  ,  Vera-Cruz  , 
Carthagene  &  autres  ports  de  l'Ainérique  ef- 
l^agnole  ,  les  marchandifes  fcroicnt  portées 
dans  les  îles  Antilles  angloifès  ,  fans  qu'il 
fût  permis  d'en  envoyer  à  la  mer  du  fiid. 

La  manière  d'évaluer  Se  de  payer  le  droit 
A'aJTientt  pour  chaque  Nègre ,  pièce  d'iode  , 
lorfqu'il  arrive  fur  les  terres  du  roi  d'Efpa- 
gne  en  Amérique  ,  eft  la  même  avec  les 
afîîentiftes  anglois  qui  fe  pratiquoit  avec  les 
adieiitiftes  françois;,  c'eft-à-dire,  que  lorfque 
ces  Nègres  font  débarqués ,  les  ofîîciers  ef^ 
pagnols ,  de  concert  avec  les  commis  de 
\ajjiente  ,  en  font  quatre  claffes. 

Premièrement  ils  mettent  enfem.ble  tous 
les  Nègres  de  l'un  &  de  l'autre  {<:iy.!i  qui  font 
en  bonne  fanté  ,  8c  qui  ont  depuis  quinze 
ans  jufqu'à  trente  :  enfuite  ils  feparent  les 
vieillards ,  les  vieilles  femmes  &  les  mala- 
des ,  dont  ils  font  un  fécond  lot  ^  après  fui- 
vent  les  enfans  des  deux  fexes  ,  de  dix  ans 
&  au  deffus  jufqu'à  quinze  ^  &  enfin  ceux 
depuis  cinq  jufqu'à  dix. 

Ce  partage  étant  fait ,  on  vient  à  l'éva- 
luation \  c'ell-à-dire  qu'on  compte  les  Nè- 
gres de  la  première  claffe  qui  font  fains , 
chacun  fiir  le  pié  d'une  pièce  d'inde  \  les 
vieux  &  les  malades  ,  qui  font  la  féconde 
claflê  ,  chacun  fur  le  pié  de  trois  quîirts  de 
pièce  d'inde  ^  les  grands  enfans  de  la  troi- 
fieme  claffe  ,  trois  pour  deux  pièces  ^  &  les 
petits  de  la  quatrième ,  deux  pour  une  pièce; 
&  fur  cette  réduétion  on  paie  le  droit  du 
roi  :  ainfi  d'une  cargaifon  de  cinq  cents 
foixante-cinq  têtes  de  Nègres ,  dont  il  y  en 
a  deux  cents  cinquante  de  fains ,  foixante 
malades  ou  vieux ,  cent  cinquante  enfans 
de  dix  ans  &  au  deffus ,  &  cent  cinquante 
depuis  cinq  jufqu'à  dix ,  le  roi  ne  reçoit  fbn 
droit  que  de  quatre  cents  quarante.  {G) 

*  La  guerre  commencée  entre  l'Efpagrïe 

&  l'Angleterre  en  1739  ,  avoit  rompu  le 

traité  de  Yajfienu  :  les  quatre  ans  qui  ref^ 

toieut  ont  été  rendus  par  la  paix  de  1748. 

F  p  P  p  z 


êcft  A  s  s 

ASSIENTISTE  ,  celui  qui  a  part ,  qui  a 
des  aftions  dans  la  compagnie  d'aiïieute. 
Foytl  AssiENTE.  (G) 

ASSIETTE ,  terme  de  coHecle ,  eft  la  fonc- 
tion de  l'afleeur.  Voyei  AssÉEUR. 

As  s  I E  T  T  E ,  c  eft ,  frt  fait  de  bo  is ,  l'étendue 
des  bois  défignée  pour  être  vendue.  \JaJfiette 
fe  fait  en  prélence  des  officiers  des  eaux  & 
forêts  par  l'arpenteur  :  elle  s'exécute  par  le 
mefuragc  ,  &  le  mefurage  s'affure  par  des 
tranchées  ,  des  laies  ,  &  la  marque  des 
marteaux  du  roi ,  du  grand-maître  &  de 
l'arpenteur  ,  aux  pies  corniers ,  &  aux  ar- 
bres des  lifieres  &  parois.  V.  Martelage. 
On  dit  que  le  roi  donne  une  terre  en 
ajfiette  ,  lorlqu'il  afligne  des  rentes  ilir  cette 
terre. 

Assiette  (Lettres  d' ),  font  des  lettres 
qui  s'obtiennent  en  chancellerie  pour  faire 
la  répartition  d'une  condamnation  de  dé- 
pens fur  toute  une  communauté  d'habitans. 
Par  ces  lettres  il  eft  enjoint  aux  tréforiers 
de  France  d'impofer  la  fomme  portée  par 
la  condamnation  ,  fur  tous  ceux  de  la  com- 
Hiunauté  qui  font  cotifés  à  la  taille ,  fans 
que  cette  impolition  puift'e  nuire  ni  préjudi- 
cier  aux  tailles  &  autres  droits  royaux. 

Ces  lettres  s'expédient  au  petit  fceau  jut 
qu'à  la  fomine  de  cent  cinquante  livres ,  & 
même  jufqu'à  celle  de  trois  cents  livres , 
quand  la  condamnation  eft  portée  par  un 
arrêt  •■,  mais  quand  la  fomme  excède  celle  de 
cent  cinquante  livres ,  ou  qu'il  y  a  condam- 
nation par  arrêt,  portée  au  delà  de  trois  cents 
livres ,  il  faut  obtenir  des  lettres  de  la  grande 
chancellerie.  (  H  ) 

Assiette  du  vaijfcau  ,  ou  vaijfcau  en  af- 
fiette.  (  Mar.  )  Voye^  EsTIVE.  Un  vaiiTeau 
en  alVette  eft  celui  qui  eft  dans  la  fituation 
convenable  pour  mieux  filer.  Mettre  un  vaif- 
feau  dans  fou  aJfictte.  {  Z  ) 

Assiette  ,  (  Manège.  )  'Vaffiette  d-u  ca- 
valier eft  la  façon  dont  U  eli  pofé  fur  la 
felle.  Il  y  a  donc  une  boimc  &  une  mau- 
vaife  ojfiene.  On  dit  qu'un  cavalier  ne  perd 

Ïioint  ïajfiette  ,  pour  dire  qu'il  eft  ferme  fur 
es  étriers.  UaJIiette  eft  li  importante  ,  que 
c'eft  la  feule  chofe  qui  faffe  bien  aller  un 
«heval.  {V) 

Assiette  ,  nom  que  d  Minent  h-s  horlo- 
gers à  une  petite  pièce  tle  Liiton  qui  eft  adap- 


A  S  S 

pièce  qu'on  rive  la  roue.  Voye^  PiGNÔN^ 
Roue,  Rivure  ,  River,  &rc.{T) 

Assiette  ,  en.  termes  de  doreur  ,  eft  une 
compofition  qu'on  couche  fur  le  bois  pour 
le  dorer.  Elle  fe  fait  de  bol  d'Arménie ,  de 
fanguine ,  de  mine  de  plomb  broyés  enfem- 
ble  avec  d'autres  drogues ,  fur  lesquelles  on 
verfe  de  la  colle  de  parchemin  qu'on  pafle 
au  travers  d'un  linge ,  en  le  remuant  bien 
avec  les  drogues  ,  jufqu^à  ce  qu'elles  foient 
bien  détrempées. 

Assiette  ,  terme  de  paveurs  ;  c'eft  le  nom 
par  lequel  ces  ouvriers  défignent  la  furface 
qui  doit  être  placée  dans  le  fable,  h'ajfiette 
eft  toujours  oppofée  à  la  furface  fur  laquelle 
on  marche. 

*  Assiette  ,  terme  de  teinture  ;  c'eft 
l'état  d'une  cuve  préparée  d'ingrédiens  ,  & 
difpofée  à  recevoir  en  bain  les  étofFei ,  fils  f 
foie  ,  laine  ,  &c.  Voyei  Asseoir. 

ASSIGNAT ,  f.  m.  terme  de  jurifprudence 
ufité  finguliérement  ea  pays  de  droit  écrit , 
eft  l'alîeftation  fpéciale  d'un  héritage  à  une 
rente  qu'on  hypothèque  &  affied  defllis. 
Quelquefois  même  le  créancier  ,  pour  don- 
ner plus  de  fureté  à  YaJJJgnat ,  ftipule  qu'il 
percevra  lui-même  les  arrérages  de  la  rente 
par  les  mains  du  fermier  de  l'héritage  fur 
lequel  elle  eftaffignée-  l^oy.  AFFECTATION 
(S'Hypothèque. 

Vaffignat  eft  un  limitatif  ou  démonftra- 
tlf  ;  dans  le  preinier  cas  il  ne  donne  qu'une 
aftion  réelle  :  dans  l'autre  il  la  donne  perfon- 
nelle.  V.  Démonstratif  &  Limitatif. 

ASSIGNATION  ,  f.  f.  terme  de  pratique, 
qui  fignifie  un  exploit  par  lequel  une  partie 
eft  appellée  eu  juftice  à  certain  jour  ,  heure 
&  lieu ,  pour  répondje  aux  fins  de  l'exploit, 
Foy^î Ajournement,  qui  eft  à-peu-près 
la  même  chofè. 

Tout  ajournement  porte  ajfignation  ,  fed 


non  vice  verfâ  ;  car  ïal/ignation  en  confé- 
quencc  d'iuie  faific  ,  pour  venir  aifirmer  fur 
iccllc ,  &  Y  ajfignation  à  venir  dépofer  en  qua- 
lité de  témoin ,  n'emportent  pas  ajourne- 
ment. Vajfignation  n'cft  ccnféc  ajournemeia: 
que  qiiand  celui  qu'on  affigne  eft  obligé  à 
fatisfairc  aux  fins  de  l'exploit  par  une  con- 
vention exprclle  ou  tacite  ;  en  tout  autre  cas 
ï  ajfignation  n'eft  point  ajournement,  cen'e<i 
qu'une  fommation  ou  connnandemcut  tak 


ïée  fiir  la  tige  d'un  pignon  j  c'eil  fur  cette  «  par  autorité  de  juftice.  (  H  > 


A  s  s 

Assignation  ,  dans  le  commerce  ,  c  eft 
une  ordonnance  ,  mandement  ou  refcrip- 
tion,  pour  faire  payer  une  dette  furuncertain 
fonds,  dans  un  certain  temps ,  par  certaines 
perfonnes. 

Lorfque  des  ^ens  de  qualité  ,  ou  autres , 
donnent  des  afftgnations  à  prendre  fur  leurs 
fermiers  ou  autres  ,  à  des  marchands  ,  il 
eft  à  propos  que  ces  marchands  les  falFent 
accepter  par  ceux  fur  qui  elles  font  données, 
pour  éviter  les  contcftations.  Quand  une  fois 
on  a  accepté  une  affignation  ,  on  fe  rend  le 
débiteur  de  celui  à  qui  elle  a  été  donnée. 

Comme  ces  fortes  ai  ajfi  g  nations  peuvent 
être  négociées  par  ceux  à  qui  elles  appar- 
tiennent ,  il  eft  bon  de  remarquer  qu'il  ne 
faut  point  s'en  charger  fans  faire  mettre  deffus 
l'aval  de  celui  qui  l'a  négociée ,  parce  qu'on 
le  rend  par-là  garant  du  paiement ,  &  que 
d'ailleurs  on  a  trois  débiteurs  pour  un  \  fa- 
voir  ,  celui  qui  a  donné  ïajjlgnation  en  pre- 
micF  lieu ,  celui  qui  l'a  acceptée,  &  celui  qui 
y  a  mis  fbn  aval. 

On  ne  peut  revenir  fur  ce  dernier  ,  non 
plus  que  fur  celui  qui  a  donné  ïajfi  g  nation  , 
fans  rapporter  des  diligences  en  bonne  forme, 
qui  juftificnt  l'imponîbilité  qu'on  a  eue  de 
s'en  faire  payer  par  celui  fur  lequel  elle  a  été 
donnée. 

ASSIGNER ,  fignifie  donner  une  ordon- 
nance ,  un  mandement  ou  une  refcription 
à  quelqu'un ,  pour  charger  quelqu'autre  du 
paiement  d'une  fbmme.  (G) 

ASSIMILATION ,  f.  f.  compofé  des  mots 
latins  ad  &y/m/7«,  femblable,  fe  dit  de  l'ac- 
tion par  laquelle  des  chofes  font  rendues 
femblables  ,  ou  ce  qui  fait  qu'une  chcfe 
devient  femblable  à  une  autre.  Foye[  Si- 
militude. 

Assimilation  ,  en  phyfique ,  fe  dit  pro- 
prement d'un  mouvement  par  lequel  des 
corps  transforment  d'autres  ccrpsqui  ont  une 
difpolîtion  convenable ,  en  une  nature  fem- 
blable ou  homogène  à  leur  propre  nature.  V. 
Mouvement  ,  Corps  ,  6'c. 

Quelques  philofophes  lui  donnent  le  nom 
de  mouvement  de  multiplication  ,  dans  l'opi- 
nion où  ils  font  que  les  corps  y  font  multi- 
pliés ,  non  pas  en  nombre ,  mais  en  malle  •■,  ce 
qui  s'exprime  plus  proprement  par  le  mouve- 
ment d'augmentation  OU  d'accroijjemeiit.  Voy. 
AcCROISSEiMENX. 


A  S  S  ^91 

Nous  avons  des  exemples  de  cette  aj//mila- 
tion  dans  la  flamme  qui  convertit  l'huile  <k 
les  particules  des  corps  qui  fervent  à  nourrir 
le  feu ,  en  matière  ardente  &  liiinineufe.  La. 
même  chofe  fe  fait  aufîî  remarquer  dans  l'air , 
la  fumée  &  les  elprits  de  toute  eipecc.  Voy. 
Flamme  ,  Feu  ,  &c. 

On  voit  la  même  chofe  dans  les  végétaux, 
où  la  terre  imbibée  de  fucs  aqueux  ,  étant 
préparée  &  digérée  dans  les  vailfeaux  de  la 
plante ,  devient  d'une  nature  végétale ,  &  en 
fait  accroître  les  bois ,  les  feuilles ,  le  fruit, 
&C.  Foj.  Végétal  ,  Végétation  ,  Sève, 
Bois, Fruit  ,  &c. 

Ainfi  dans  les  corps  animaux  nous  voyons 
que  les  alimens  deviennent  femblables  oufc 
transforment  en  fubftance  animale  par  la 
digeftion ,  la  chylification ,  &  les  autres  opé- 
rations nécefl'airesà  la  nutrition.  Koyf^  Ali- 
ment ,  Digestion  ,  Chylification  ^ 
Nutrition  ,  Animal,  &c.  [L) 

ASSIMINIER  ,  (  Botanique.  )  en  latin 
anona ,  en  anglois  cufiard-apple ,  en  allemand 
rahmapjf'ell. 

Caraclere  générique^ 
Le  calice  de  VaJJîminier  elt  formé  de  trois 
petites  feuilles  cordiformes ,  creufées  en  cuil- 
leron ,  &  terminées  en  pointe. 

Le  difque  de  la  fleur  eft  compofé  ,  dans 
quelques  efpeces  ,  de  trois  pétales ,  &  dans 
d'autres  de  i\\  ,  tous  cordiformes  aufîi  & 
di{pofés  en  rofc.  Dans  les  fleurs  de  fix péta- 
les ,  les  trois  intérieurs  font  plus  petits  que 
les  trois  extérieurs  :  Miller  dit  qu'ils  font 
grands  &r  petits  alternativement. 

Il  fe  trouve  un  grand  nombre  d'étamines 
attachées  par  de  très-courts  filamens  autour 
de  l'embiyon  ^  leurs  fbmmets  font  quadran- 
gulaires. 

Le  piftil  eft  compofé  de  pluficurs  em- 
bryons arrondis  &  d'autant  de  ftyles  termi- 
nés par  des  ftigmates  obtus. 

L'embryon  devient  un  gros  fruit  charnu  , 
tantôt  orale ,  tantôt  arrondi  :  fon  écorce  eft 
ccailleufe  ,  il  rellbmble  à  un  concombre  ^  11 
n'a  qu'une  cellule  qui  contient  des  lemences 
dures ,  longues ,  applaties  &  raiTcmblées  les 
unes  près  des  autres. 

Efpeces. 

I.  AJfiminier  à  feuilles  lancéolées  &  àfruit 
eu  trois  icgmens. 


6$4-  A  S  S 

Ah ùna  folUs  laneeolatis ,  fi  ucîibus  trifidis. 
L'um.  fp.pL  537. 

T/ie  iiottk  Amarieananona ,  en  Amérique, 
pu  paie. 

z.  Afpminier  à  feuilles  lancéolées ,  à  fruits 
ovales  &  à  aréoles  rédculaires. 

Anona  foliis  lanceolaris  ,  fruclibus  ovatis , 
redcutato-anolatis.  \J\\\a.  fp.  pi.  537. 

Cafard  apple.  Pomme  d'aride. 

3.  Ajpmimer  à  feuilles  ovales  lancéolées, 
unies ,  luifautes  Jîc  planes ,  à  fruit  en  forme 
de  chaulle-tnippe. 

Alloua  joins  ovatis  lanceolatis  ,  glabris  , 
nitidis ,  pla/iis ,  pomis  muricatis.  Hort.  Clift. 

22,2,. 

Sour  fop.  Soupe  aigre. 

4.  Ajjiminierk  feuilles  oblongues,  à  fruit 
couvert  d'écaillés  obtuiês. 

Aiiona  foliis   oblongis  ,  fruclibus  obtuse 
fubfquammatis.  hiim.  /p.  pi.  537. 
Swet  fop.  Soupe  douce. 

5.  AJfiminicr  à  feuilles  oblongues  ,  obtu- 
jfes ,  unies ,  à  fruit  rond ,  à  écorce  unie. 

Anona  foliis  oblongis  ,  obtufis  ,  glabris  , 
fruclu  rotundo ,  cortice  glabro.  Mill. 
Water-apple.  Poinme  d'eau. 

6.  AfJmiuierk  {cuilies  très-larges  &  unies, 
à  fruit  oblong ,  écailleux ,  à  femences  très- 
•luifantes. 

Anona  foliis  latifimis  ,  glabris  ,  fluclu 
oblongo  fquammato  ,  feminibus  nitidijfimis. 

Anona  with  verybroad  andfmooth  leaves  , 
tvith  an  oblong  &  fcaly  fruit  and  very  glifte- 
ring  feeds.  Les  Espagnols  l'appellent  cheri- 
molias. 

7.  Affiminier  à  feuilles  ovales  lancéolées 
■  velues  ,  à  fruit  bleuâtre  &  uni. 

Anona  foliis  ovato-lanceolatis  pubefcenti- 
bus  ,  fruclu  glabro  fubcœruUo,  Mill. 
Sweet-apple.  Pomme  douce. 

8.  Ajfiminier  h  feuilles  lancéolées ,  unies, 
reîuifantes ,  fillonnées  le  long  des  nervures. 

Anona  foliis  lanceolatis  ,  glabris  ,  nitidis , 
fecundhm  nervos  fulcatis.  Hort.  ClitL  zii. 

Purple-apple.  Pomme  pourprée. 

L'el'pece  «".  i  ,  fe  trouve  en  abondance 
dans  les  ilesBaliamaoù  rarement  elle  s'élève 
à  plus  de  lix  coudées  fiir  plulicurs  branches 
qui  partent  de  fbn  pié  ^  Ion  fruit  eit  figuré 
comme  une  poire  renvcrféc  ,  il  n'y  a  guère 
que  les  nègres  qui  le  mangent.  11  iért  de 
nourriture  aux  linges  &  à  d'autres  animaux. 


AS  S 

En  Angleterre  on  peut  élever  cet  Affimi' 
nier  en  [ileine  terre ,  fi  on  le  plante  à  une 
expofition  chaude  &  dans  un  lieu  bien  abrité, 
M.  Dtîhamel  parle  d'un  anona  envoyé  du 
Canada  en  France  ,  qui  vient  au  haut  du 
Mifiiiripi ,  vers  les  Iroquois  ,  &  qui  fubfifte 
depuis  long-temps  à  l'air  libre  ,  au  château 
de  la  Galifibnniere  près  de  Nantes.  Quel- 
que apparence  qu'il  y  ait  que  cet  AJfiminicr 
foit  notre  n°.  i ,  qui  eft  le  //".  8  de  Miller, 
on  ne  peut  toutefois  pas  l'aifurer ,  à  caufede 
la  dilîëtr.blance  des  phrafes  fous  lefquelles 
l'un  8i  l'antre  de  ces  auteurs  le  font  connoitre. 
M.  Duhamel  a  tranlcrit  celle  de  Catesby  , 
anona  fruclu  lutefcente  ,  levi  ,  fcrotum  arie- 
tis  referens  ,  ôc  avertit  que  c'eft  le  Gua- 
nabanus  du  père  Plum.ier  :  ici  les  caradteres 
font  pris  de  la  couleur  &  de  la  forme  du 
fruit.  Dans  la  phrafe  de  Linnasus ,  citée  par 
Miller  ,  il  eft  bien  dit  que  le  fruit  eft  divifé 
en  trois  parties,  mais  il  n'eft  pas  queftion  de 
ce  à  quoi  il  peut  reftembler  ,  du  refte  il  y 
eft  fait  mention  de  la  forme  de  fa  feuille. 
Nous  trouvons  dans  un  catalogue  Hollan- 
dois  un  anona  fruclu  bifido  ,  mais  qui  de- 
mande la  ferre  chaude  dans  ce  pays-là  ■■,  quoi 
qu'il  en  foit ,  fiiivons  Miller.  Cet  auteur  dit 
que  Yajpminier  ,  n°.  i  ,  doit  être  éle\'é  eii 
pots  &  abrité  pendant  les  hivers ,  jufqu'à  ce 
qu'il  ait  pris  de  la  confiftance  ;  alors  on  le 
plantera  en  motte  en  pleine  terre ,  dans  l'en- 
droit où  l'on  voudra  le  voir  croître. 

Les  femences  de  cet  ajjiminier  (ont  d'une 
forme  différente  de  celles  des  autres  eipeces, 
ainfi  que  fès  feuilles  qui  tombent  en  automne, 
tandis  que  la  verdure  des  autres  eft  perpé- 
tuelle. Le  fruit  ne  relîèmble  pas  non  plus  à 
celui  des  efpeces  du  même  genre  ■-,  chaque 
pédicule  en  jjorte  deux  ou  trois. 

L'efpece  «°.  2, ,  donne  un  fruit  dont  la 
pulpe  a  la  confiftiince  de  la  moelle  d'une 
dariole. 

Le  fruit  de  l'efpece  n".  4  renferme  une 
pulpe  fort  douce. 

Le  «".  6  fe  cultive  en  abondance  dans  le 
Pérou  pour  fon  fruit. 

Les  efpeces  n°.  7  &  8  ,  font  indigènes  de 
l'île  de  Cuba  &  de  quelques-unes  des  îles 
qui  appartiennent  à  la  f  rance  ■■,  ces  infulaires 
en  eftiment  beaucoup  le  fruit  :  ils  le  tiennent 
pour  fain  &  rafraîchilfant  ,  &  le  doimeut 
aux  malades. 


A  s  s 

Aucun  de  ces  ajjlminiers  ne  peut  fîihfificr 
en  pleine  terre.  Nous  nous  bornerons  ;'t  dire 
qu'ils  s'élèvent  tous  de  feincnccs  dans  des 
cailFes  qu'on  doit  plou'^er  dans  des  couches 
très-chaudes  ,  &  qu'ils  demandent  d'être 
continuellement  dans  des  lits  de  tan  en  ferre 
chaude,  ayatit  loin  de  leur  donner  tlans  les 
plus  beaux  jours  autant  d'air  qu'il  fera  pollî- 
ble.  (  M.  le  Baron  de  Tschoudi.  ) 

*  ASSIMSHIKE  ou  SKIKASSÎN  ,  pro- 
vince de  l'EcolFe  feptcntrionale  ,  ou  plus 
proprement  partie  de  la  province  de  Rofs  , 
le  loup-  de  la  mer  ,  où  font  les  Hébrides. 

*  ASSINIBOULT  (lac  d';,  lac  du 
Canada  dans  l'Amérique  feptentrionalc  :  on 
dit  qu'il  fe  décharge  dans  la  baie  d'Hudfon. 

§  ASSINIE  ou  AssiNi  ,  {Geog.)  petit 
royaume  d'Afrique  ,  en  Guinée  ,  fur  la  côte 
d'Or.  Sa  capitale  eft  un  ^ros  village,  appelle 
anHI  A[[ini.  Ce  village  eft  fitué  à  l'embou- 
chure d'une  rivière  de  même  nom  ,  qui 
coule  alFez  long-temps  au  nord-cueft ,  entre 
les  montagnes ,  &  qui  le  jette  dans  la  mer 
vers  le  fud.  Le  pays  eft  fort  bas  aux  envi- 
rons. On  y  fait  le  commerce  de  la  poudre 
d'or.  (C. 4.) 

ASSINIPOELS,  f.  m.  pi.  (  Géog.)  y,qu- 
ple  de  l'Amérique  fcptentrionale ,  que  les 
auteurs  appellent  Ajfinibouls  ,  Affiiuboih , 
Ajjînipoeh  &  AJfuiipouals ,  noms  qui  ne  va- 
rient que  dans  la  terminaifon  &  fignifient 
hommes  de  roche.  Ils  font  pofés  &  flegmati- 
ques :  ils  fe  marquent  le  corps  de  grands 
traits  de  diverfes  couleurs ,  &  fe  fervent  de 
calumets. 

Le  P.  Charlevoix  ,  après  avoir  parlé  du 
naturel  des  Ajjlnipoels ,  dit  que  leur  pays  eft 
autour  d'un  lac  qu'on  coiuioit  peu.  Un  fran- 
çois  que  ce  jéfuite  a  vu  à  Montréal  ,  dit  y 
avoir  été  ,  'nais  en  palfant  :  il  ajoute  qu'on 
le  dit  de  fix  cents  lieues  de  tour ,  &  qu'on  n'y 
peut  aller  que  par  des  chemins  impratica- 
bles; mais  les  bords  en  font  charmans  ;  l'air 
y  eft  tcnijéré  ;  il  comprend  un  fi  grand 
nombre  d'îles  ,  qu'on  le  nomme  le  lac  des 
îles  :  on  en  fait  fortir  cinq  grandes  rivières. 
Aux  environs  de  ce  lac  il  y  a  des  hommes 
femblables  aux  Européens  ;  for  ôcl'argeiit  y 
font  communs ,  &  ils  y  font  employés  aux 
i(l;fp-es  les  plus  ordinaires.  Le  P.  Charlevoix 
établit  de  cette  manière  l'exiftencc  du  lac 
ù'^iAjpnipoelsy  aujourd'liuiMicliuiipij  tlçut 


A    S  S  (fpy 

quelques  -  uns  commencent  à  douter  (  M. 
Danville  ,  dans  fa  Mappemonde  de  ijôi.  ) 
par  la  raifon  que  les  l'rançois  qui  en  ont 
parlé ,  ne  l'ont  fait  que  par  oui-dire,  &  non 
d'après  leur  propre  expérience  ,  n'ayant  pas 
poulie  leurs  découvertes  julque-là  ;  comirie 
il  dans  de  pareils  cas  on  ne  pouvoit  pas  s'en 
rapporter  aux  récits  des  fauvages,  lorfqu'ils 
n'ont  aucun  intérêt  d'enimpolcr.  M.  Jérémie, 
un  des  hommes  les  plus  emprclîés  à  faire  des 
découvertes  ,  avoit  dtjaparlé  de  celac  à-pcn- 
près  fur  le  même  pié  que  le  P.  Charlevoix  \ 
&  quoique  celui-ci  dilè  que  les  lacs  dcsAjJi- 
nipoels  &i  des  Chriftinaux  font  plus  qu'incer- 
tains, que  cependant  il  les  a  marqués ,  parce 
qu'il  les  a  trouvés  fur  une  carte  manuscrite  du 
fieurFranquelin,  qui  dit-il, devoit  connoître 
ces  parties  plus  que  perfonne  ,fans  doute  ne 
me  paroît  pas  raifonnable  :  il  fe  réfout  de 
lui-même.  Que  veut-il  davantage  que  l'ac- 
cord unanime  des  récits  des  fauvages,  de  la 
relation  d'unfrançois  qui  a  paifé  fur  les  lieux  , 
&  de  la  carte  d'un  voyageur  ijiftiuit  ? 

Ce  grand  lac  ne  pourroit-il  pas  être  cette 
mer  dont  parlent  les  fauvages  de  la  baie  de 
Hudfon  ,  &  qu'ils  difent  être  éloignée  de 
vingt-cinq  journées  ?  il  eft  vrai  que  cette  dif- 
tance  ne  fe  trouve  pas  iùr  ces  cartes  :  mais  ne 
pourroit-on  pas  dire  que  cette  Htuation  eft  iî 
incertaine  ,  que  même  plufieurs  géographes 
doutent  del'exiftence  du  lac ,  &  qu'il  ne  faut 
pas  s'en  rapporter  aux  cartes ,  qui  ne  fauroient 
jamais  convenir  avec  l'itinéraire ,  à  caufe  des 
chemins  impraticables  qui  ne  permettent  pas 
de  faire  autant  de  lieues  par  jour  que  dans  les 
prairies  ?  La  conjeéture  eft  alfez  probable. 
On  voit  encore  par-là  qu'il  y  a  des  hommes 
barbus  &  policés  peu  éloignés  du  Canada  & 
de  la  baie  de  Hudfon  ;  &  que  fi ,  depuis  ce 
lac  julqu'à  l'extrémité  occidentale  de  l'Amé- 
que ,  il  y  a  une  diftance  de  huit  cents  à  mille 
lieues ,  mon  fyftême  fur  ces  nations  fo  trouve 
iuftifamment  confirmé. 

On  fupj)ofe  que  le  lac  desAffînipoelsn'eQ: 
autre  que  l'Oninipigon  ou  bien  l'Anifquao- 
nigainou  ;  ç'eft  pourc[uoi  on  a  fupprimé  le 
premier.  II  me  feinble  pourtant  qu'on  ne  de- 
vront pas  procéder  li  légèrement  dans  de  pa- 
reils cas.  On  verra  par  la  fuite  quel  tort  on 
a  fait  à  la  géographie  ,  en  coi'.vcrtillant  des 
doutes  en  certitudes ,  en  fupprirnant  des  pays 
.eutiers  ,  ôc  en  changerait  leurs  politious.  Je 


^9^  A  S  S 

prie  le  lefteur  de  réfléchir  fur  les  raifbns  mii 

peuveiit  fonder  l'oaflencc  de  ce  lac.  L.es 
preuves  uilv;intcs  ioiit ,  à  mon  avis ,  tout-à- 
fait  coiivjuiicautcs. 

1*^.  On  ne  fiiuroit  contefter  la  folidité  de 
cet  axiome  ,  que  des  relations  données  par 
des  pciTonnes  éclairées  &;  de  coniîdération 
qui  ont  pris  foin  de  s'iafonner  exadlement 
de  toutes  les  circonltances,  ne  doivent  pas 
être  rcjetées ,  fur-tout  après  avoir  été  adop- 
tées de  tout  le  inonde.  C'eft  le  cas  de  M. 
Jcrémie ,  qui ,  gouverneurdu  fort  Bourbo'i , 
enfuite  Nclfon  ,  pendant  vingt  ans ,  s'ell  in- 
formé exaéèement  de  tout,  comme  iii  rela- 
tion le  prouve.  Il  donne  donc  une  defcrip- 
tion  des  lacs  qui  fe  trouvent  vers  la  même 
latitude,  leur  étendue  &  leur  diftance  en- 
tr'eLix  &  du  fort  Bourbon.  Le  premier  dont 
il  parle  eiè  le  lac  des  Forts ,  de  cent  lieues  de 
circonférence  ,  &  à  cent  cinquante  lieues  du 
tortBourlion.  A  trois  cents  lieues  delà  &  au 
nord-oueil  il  place  le  Michinipi  de  fix  cents 
lieues  de  tour.  Il  dit  que  la  rivière  de  Bour- 
bon entre  dans  le  lac  des  Forts  depuis  le  lac 
Anifquaonijamon ,  ou  la  jonftion  des  deux 
mers ,  ditlaiit  du  lac  des  Forts  d'environ  deux 
cents  lieues.  Il  ajoute  que  c'eil  le  pays  des 
Chriftinaux ,  &  qu'à  l'oueft  habitent  les  Af- 
finipoe's  qui  occupent  tout  ce  pays.  Il  dit  que 
cent  lieues  plus  loin  il  y  a  un  autre  lac 
nommé  Onin.ipigcnckin  ou  l'a  petite  mer.  On 
voit  donc  qu'd  les  diinngiie  tous  ,  &  qu'il 
aflî^^nc  à  chacun  fa  place  bien  éloignée  l'une 
de  l'autre. 

2°.  Dans  toutes  les  anciennes  cartes  qui 
ont  précédé  cette  relation,  on  a  placé  les  lacs 
des  AJjinipQcls  &  des  Chrillinaux ,  quoique 
Ibuvent  d'une  manière  indéterminée  :  les  uns 
les  ont  inis  à  la  même  latitude  à  peu  de  dif- 
tance ■■,  d'autres  ont  placé  le  premier  au  nord- 
oueft  de  l'autre^  ce  qui  eft  conforme  à  la  rela- 
tion de  M.  Jérémie.  On  ne  connoilfoir  point 
alors  les  noms  de  Michinipi  ôc  âiAnifquao- 
nigamon  :  on  leur  donnoit  les  noms  des  peu- 
ples qui  habitent  leurs  environs  :  ce  qui  eft 
encore  conforme  à  la  relation  de  M.  Jéré- 
mie. Les  Chriftinaux  demeurent  près  de  ce- 
lui-ci ,  &cles  Aj/inipoe/s  vers Koueftjufque 
vers  le  Michinipi. 

3°.  Cette  relation  a  été  donnée  par  les 
làuvagcs  qui ,  habitant  des  pays  à  la  même 
latitude  ,  pouvoient  &  dcvoicnt  coiuioître 


A  S  S 

exaftement  toutes  ces  confées ,  &  depuis 
que  les  François  ont  abandonné  la  baie  de 
Huùfon  aux  y'mglois  ,  ils  n'ont  pu  continuer 
leurs  recherches  ^  ce  qui  ne  fauroit  fuffire 
pour  rejeter  &  abandonner  des  relations 
aufPi  authentiques.  Par  contre ,  les  lacs  Te- 
camamionen  ,  Minutie ,  le  lac  aux  Biches , 
celui  des  Prairies ,  &c.  ont  été  reconnus  de- 
puis la  Canada.  Doit-on  être  ftirpris,  fi  ou 
n'y  a  pu  avoir  connoilfaiice  du  Michinipi , 
qui  eft  éloigné  du  Fort-Dauphin  fur  l'Oni- 
nipigon  ,  feLu  M.  Buache  ,  de  plus  de  deux 
cents  lieues  ,  puifque  les  François  n'ont  pas 
pénétré  plus  loin. 

On  recommence  aujourd'hui  à  le  placer 
fiir  les  cartes.  Son  exiftence  ne  paroît  plus 
douteufe  ^  on  veut  même  le  faire  fervir  au 
paifage  par  le  nord,  f'cyei  PASSAGE  PAR 
LE  NORD.  {£) 

ASSINOYS  ou  CONIS  ,  f.  m.  pi.  fau- 
vages  qui  habitent  entre  le  Mexique  &  la 
Louifiane ,  vers  le  32*  degré  de  latitude 
feptentrionaîc. 

ASSIS  ,  adj.  lê  dit ,  en  manège ,  du  che- 
val &  du  cavalier.  Celui-ci  elt  bien  ou  mal 
aj/is  dans  la  felle  ■■,  &  le  cheval  eft  bien  ajjis 
fur  les  hanches ,  lorfque  dans  fes  airs  au 
manège ,  &  même  au  galop  ordinaire ,  là 
croupe  eft  plus  bafle  que  les  épaules. 

Assis  ,  en  terme  Je  blafon  ,  fe  dit  de  tous 
les  animaux  domeftiques  qui  font  far  leur 
cul ,  comme  les  chiens ,  les  chats ,  écureuils 
&  autres. 

Brachet  à  Orléans ,  de  gueules  au  chien 
braqué  ,  û/'/.r  d'argent.  {V) 

ASSISE ,  terme  de  droit ,  formé  du  latin 
affideo  ,  s'alfeoir  auprès  ;  c'eft  une  féance  de 
juges  alfemblés  pour  entendre  &  juger  des 
caufes.  Voyci  Juge  ou  Justice  ,  &c. 

AJJife  fe  prenoit  anciennement  pour  une 
féance  extraordinaire  que  des  juges  fupé- 
rieurs  tenoient  dans  des  fieges  inférieurs 
&  dépendans  de  leur  jurifdiétion ,  pour 
voir  fi  les  officiers  fubaltcrnes  s'acquittoient 
de  leur  devoir  ,  pour  recevoir  les  plaintes 
qu'on  faifoit  contre  eux  ,  &  pour  prendre 
connoilfance  des  appels  que  l'on  faifoit  de 
ces  jurildidUons  fiibalternes.  ^'oyc-j;  Appel.  , 
&c.  En  ce  fens  ajfife  ne  fe  dit  qu'au  pluriel: 
il  fe  tient  encore  dans  quelques  jurifdidions 
par  les  juges  fupéricurs  des  IciUices  qui  font 
un  relie  de  cet  anciea  iifage. 

AJPft 


A  s  s 

'ytjjife  étoît  aufîi  iiiic  cour  OU  a(tc*îiblcc  àc 
ïèi,:J:ncurs  qui  tcnoiciu  un  rang  coiifldérable 
dans  l'état  :  elle  fe  tcnoit  pour  Torclinairc 
dans  le  palais  du  prince  ,  pour  juger  en  der- 
nier relîbrt  des  affaires  de  conféqucnce.  L'au- 
torité de  ces  ajjîfes  a  été  traiiiportée  à  nos 
parlemens.  l-'^oyci  Cour  ,  Parlement. 

Les  écrivains  appellent  ordinairement  ces 
ajjîfes ,  placita  ,  mal /a  publica ,  ou  ciiri.r  géné- 
rales ;  cependant  il  y  a  quelque  diiTcreucc 
entre  ajfife  &  placita.  Lei  vicomtes  qui  n'é- 
toicnt  originairement  que  lieutcnans  des 
comtes  ,  &  qui  rendoient  juitice  en  leur 
place,  tenoicnt  deux  elpcccs  de  cour^  l'une 
ordinaire  qui  fê  tcnoit  tous  les  jours  ,  & 
qu'on  appeiloit /)/<7(r/>i//72  5  l'aulrc  cxtraordi- 
n  aire  appcllée  ajl'tje  ou  placicum  générale  ,  à 
laquelle  le  comte  aliifioit  en  perlbiuie  pour 
l'expédition  des  affaires  les  plus  importantes. 
Voyei  Comte  ,  Vicomte. 

De-là  le  mot  <ïa[fife  s'étendit  à  tous  les 
grands  jours  de  judicature  ,  où  il  devoir  y 
avoir  des  jugemens  &  des  caufes  foleinnel- 
les  &  extraordinaires. 

La  conftitution  des  ajjlfes  d'Angleterre 
efi:  afîèz  différente  de  celles  dont  on  vient 
de  parler.  On  peut  les  définir  une  cour  , 
un  endroit ,  un  temps  où  des  juges  &  des 
jurés  examinent ,  décident ,  expédient  des 
ordres. 

Il  y  a  en  Angleterre  deux  efpeces  A'ajfifes , 
des  générales  &  des  particulières.  Les  aj/ifes 
générales  font  celles  que  les  juges  tiennent 
deux  fois  par  an  dans  les  différentes  tour- 
nées de  leur  département. 

Mylord  Bacon  a  expliqué  ou  développé 
la  nature  de  ces  ajfifes.  Il  oblcrve  que  tou- 
tes les  comtés  du  royaume  font  divilées  en 
lîx  départemens  ou  circuits  :,  deux  jurifcon- 
lijltes  nommés  par  le  roi ,  dont  ils  ont  une 
commiiTion ,  font  obligés  d'aller  deux  fois 
l'année  par  toute  l'étendue  de  chacun  de 
ces  départemens  :  on  appelle  ces  jurifoon- 
fiiltes  juges  ifajjife  ;  ils  ont  différentes  com- 
miiîîons ,  fuivant  lefqvielles  ils  tiennent  leurs 
fëances. 

1°.  Une  conimillion  d'entendre  &  de 
juger,  qui  leur  ei\  adreffée  ,  &  à  plulieurs 
autres  dont  on  fait  le  plus  de  cas  dans  leurs 
départemens  refpectlfs.  Cette  commi/Tîon 
leur  donne  le  pou\'oir  de  traiter  ou  de  con- 
Boître  de  trahifous ,  de  meurtres,,  de  félonies, 
Tome  III. 


A  S  S  Sc)j 

&  d'autres  crimes  ou  irralverfations.  ^oyc^ 
Trahison  ,  Félonie  ,  &c. 

Leur  féconde  commi/Tîon  confifte  dans 
le  pouvoir  de  viiider  les  prifons  ,  en  exécu- 
tant les  coupables  ^  élargllfaiit  les  innocens  : 
par  cette  comiTiiOion  ils  j^euvent  diipofor 
de  tout  prifounier  pour  quelque  offcnfe  que 
ce  foit.   • 

La  troificme  commifllon  leur  eft  adref- 
lée  ,  pour  i^reudre  ou  recevoir  des  titres  c'e 
pofléfliqn  ,  appellécs  auffi  aj//fes  j  &  pour 
faire  là-deffus  droit  &  juftice. 

Ils  ont  droit  d'obliger  les  juges  de  paix 
qui  font  fur  les  lieux ,  à  afiifler  aux  ajpfes  , 
à  peine  d'amende. 

Cet  établillênient  de  juges  ambnlansdans 
les  départemens ,  commença  au  temps  de 
Henri  II,  quoiqu'un  peu  différent  de  ce  qu'il 
eft  à  préicnt. 

h'aj/îfe  particulière  eft  une  commiffon 
fpéciale  ,  accordée  à  certaines  perfonnes  , 
pour  connoitre  de  quelques  caufës  ,  une  ou 
deux  ^  comme  des  cas  où  il  s'agit  de  l'ufiir- 
pation  des  biens  ,  ou  de  quelqu'autre  chofe 
iémblable  :  cela  étoit  pratiqué  fréquemment 
par  les  anciens  Anglois.  Bradton ,  liv.  III , 
c.  xij. 

Assise  ,  f.  f.  c'eft ,  en  arckiieclure ,  un  rang 
de  pierre  de  même  hauteur  ,  foit  de  ni- 
veau ,  foit  rampant ,  foit  continu ,  foit  inter- 
rompu par  les  ouvertures  des  portes  &  des 
croifées. 

AJfife  de  pierre  dure  ,  eft  celle  qui  k  met 
fiir  les  fondations  d'un  mur  de  maçoinierie, 
où  il  n'en  faut  qu'une ,  deux  ou  trois  ,  julqu'à 
hauteur  de  retraite. 

AJfife  de parpain  ,  eft  celle  dont  les  pier- 
res traverfont  l'épaiJfeur  d'un  nnir ,  comme 
les  ajftfes  qu'on  met  fur  les  murs  d'échifre  , 
les  cloifcns,  &c.  {P) 

Assise  ,  c'eft  ,  che\  les  marchands  bonne- 
tiers Ù  les  fabricans  de  bas  au  métier .,  la  foie 
qu'on  étend  fur  les  aiguilles,  &qui  forme 
dans  le  travail  les  mailles  du  bas.  L'art.  2, 
du  règlement  du  mois  de  février  1671  , 
permit  aux  maîtres  bonnetiers  de  faire  des 
bas  à  quatre  brins  de  trame  pour  \ajjife  : 
mais  les  abus  qui  s'en  enfiiivircnt,  donnèrent 
lieu  à  la  réformation  de  cet  article  5  &  l'ar- 
ticle 4  de  l'arrêt  du  confeil  du  30  mars  17CO , 
ordonna  que  les  foies  préparées  pour  les  ou- 
vrages de  bonneterie ,  ne  pourront  avoir 

Qqqq 


^5)8  ASS 

moins  de  huit  brins.  Voye^  t article  SoiE  6" 
•  MOULÏKAGF,    DE  SOIE. 

Assise  ,  ville  d'Italie,  clans  l'état  de  l'é- 
glifc  ,  au  ducIiQ  de  Spclete  :  on  y  remarque 
régliiê  de  iaint  François ,  qui  eft  à  trois 
étages.  Long,  ^o,  12  ;  lut.  .".3  ,  4. 

ASSISTAÎMT ,  adj.  pris  fubfl.  (  Hifl.  mod.  ) 
pcrfonne  nommée  pour  aiderun  officier  prin- 
cipal dans  l'exercice  de  fes  foniiions.  Ainli 
en  Angleterre ,  un  évêque  ou  prêtre  a  fept 
ou  huit  ajpfians. 

Afflflant ,  fe  dit  principalement  d'une  ef- 
pece  de  coaTcillers  qui  font  immédiatement 
an  delfous  des  généraux  ou  fiipérieurs  des 
jnonafteres ,  &  qui  prennent  ioin  des  affai- 
res de  la  communauté.  Dans  la  congréga- 
tion de  faint  Lazare  ,  cîiaque  maifon  parti- 
culière a  un  fupéricur  &  un  ajjijlant.  Le 
général  des  jéfuites  a  zmqajfiftans,  qui  doi- 
vent être  des  gens  d'une  expérience  confom.- 
mée ,  choifis  dans  toutes  les  provinces  de 
Tordre;  ils  prennent  leur  nom  des  royaumes 
eu  pays  qui  font  de  leur  reiFort  •■,  favoir , 
l'Italie ,  l'Èfpagne ,  l'Allemagne ,  la  France , 
&  le  Portugal.  V.  Général  ,  Jésuites. 

Plufieurs  compagnies  de  négocians  en 
Angleterre  ont  aulTi  leurs  ajjrjlans. 

On  appelle  encore  ajjîftans  ceux  qui  font 
condamnés  à  affitier  à  l'exécution  d'un  cri- 
minel. Voyei  Absolution.  (G  ) 

Assista N s ,  adj.  pris  fubll.  s'eft  dit  au 
palais  des  deux  anciens  avocats  qui  étoient 
obligés  de  fo  trouver  à  l'audience ,  pour  aflif- 
îer  Iciu"  confrère,  demandeur  en  requête 
civile ,  au  nom  de  fa  partie.  Cet  ufage  a 
été  abrogé  par  l'ordonnance  de  1 667  ,  qui 
veut  feulement  qu'aux  lettres  de  requête  ci- 
vile foit  attachée  la  confultation  des  deux 
anciens  avocats  &  de  celui  qui  aura  fait  le 
rapport  •■,  qu'elle  contienne  fommairement 
les  ouvertures  de  requête  civile,  &  que  les 
noms  des  avocats  &  les  ouvertures  foienf 
inférés  dans  les  lettres.  (  A  ) 

ASSISTER,  aider  ,  fecourir.  {Gramm.) 
On ftcaurt  dans  le  danger;,  on  aide  ànns  la 
peine  j  on  aJ/J/le  dans  le  befoin.  Le  fecours 
eft  de  la  générofité  ■■,  laide ,  de  l'iuunanité  ■-, 
Vajfiflance  ■)  de  laconimifération.  On  fecoun 
dans  un  combat  ;  on  aiJt  à  porter  un  far- 
deau ;  on  affijie  les   pauvres.  Synon.  franc. 

ASSO ,  petite  ville  de  la  Mingrélle  ,  que 
juel^ues-uiis  preimeut  pour  i'aiKieuiic  viUe 


A  SS 

de  Colchidc ,  qu'on  appelloit  Surium ,  Sa- 
rum ,  6'  Archeapolis. 

ASSOCIATION,  f.  f.  eftl'aftion  d'at 
focier  ou  de  former  une  fociété  ou  compagnie. 
V.  Associé,  Société, Compagnie,  (^c. 

Association  ,  eft  proprement  un  con- 
trat ou  traité  ,  par  lequel  deux  ou  plufieurj 
perfonnes  s'uniSfent  enlèmble ,  foit  pour  s'af- 
fifter  mutuellement ,  foit  pour  fuivre  mieux 
une  affaire  ,  foit  enfin  pour  vivre  plus  com- 
modément. La  plus  ftable  de  toutes  les  ajfo- 
ciations  eft  celle  qui  ie  fait  par  le  mariage. 

Association  d'idées  ,  c'eft  quand  deux 
ou  plufieurs  idées  fe  fuivent  &  s'accompa- 
gnent conftamment  &  immédiatement  dans 
i'efprit  ,  de  manière  que  l'une  faffe  naître 
infailliblement  l'autre ,  foit  qu'il  y  ait  entr 'el- 
les une  relation  naturelle  ou  non.  Voyt[ 
Idée  ,  Difformité. 

Quand  il  y  a  entre  les  idées  une  connexion 
&  une  relation  naturelle  ,  c'eft  la  marque 
d'un  efprit  excellent  que  de  favoir  les  re- 
cueillir ,  les  comparer  &  les  ranger  dans 
l'ordre  qui  leur  convient  pour  s'éclairer  dans 
fes  recherches  :  mais  quand  il  n'y  a  point 
de  liaifon  entr'elles ,  ni  de  motif  pour  les 
joindre,  &  qu'on  ne  les  unit  que  par  acci- 
dent ou  par  habitude  ;  cette  ajfociation  non 
naturelle  eft  un  grand  défaut ,  &  elle  eft , 
généralement  parlant ,  une  fource  d'erreurs 
&  de  mauvais  raifonnemens.  V.  Erreur. 

Ainfi  l'idée  des  revenans  &  des  efprits  n'a 
pas  réellement  plus  de  rapport  à  l'idée  des 
ténèbres  que  celle  de  la  lumière  :  cependant 
il  eft  ii  ordinaire  de  joindre  les  idées  de 
revenans  &  de  ténèbres  dans  I'efprit  des  en- 
fans  ,  qu'il  leur  eft  quelquefois  impoffible  de 
féparer  ces  idées  tout  le  refte  de  leur  vie  , 
&  que  la  nuit  &  l'obfcurité  leur  inl'pirent 
prefque  toujours  des  idées  effrayantes.  De 
même ,  on  accoutume  les  enfans  à  joindre 
à  l'idée  de  Dieu  une  idée  de  forme  &:  de 
figure ,  &  par-là  on  doinie  nailfiuice  à  tou- 
tes les  abfiirdités  qu'ils  n^élent  à  l'idée  de  la 
divinité. 

Ces  fauftès  cc-mbinaifons  d'idées  font  ^ 
caufe ,  félon  M.  Locke  ,  de  roppofition 
irréconciliidjle  qui  eli  entre  les  diliérentes 
ferles  de  philolophie  &  de  religion  \  car  on 
ne  peut  raifoniwblement  llipiwlér,  que  tant 
de  gens  qui  foutienncnt  des  opinions  diffc- 
reutes  j   &  quelîiiLcl'ois  couuailitbircs  ks 


ASS 

unes  aux  autres  ,  s'en  iinpofèiit  h  eux-inâ- 
incs  volontairement  ?<  de  gaieté  de  creur  , 
8c  fc  rcfufcnt  à  la  vérité  :  mais  l 'éducation  , 
la  coutume ,  &  refprit  de  parti ,  ont  telle- 
jnent  joint  cnfcmblc  dans  leur  efprit  des 
idées  difjiarares ,  que  ces  idées  leur  paroif- 
fcnt  étroitement  unies  ■■,  &  que  n'étant  pas 
maîtres  de  les  féparcr  ,  ils  n'en  font  pour 
ainfi  dire  qu'une  feule  idée.  Cette  prévcii- 
tion  eft  caufê  qu'ils  attachent  du  fens  à  un 
jargon,  qu'ils  prennent  des  abfurdités  pour 
des  démonllrations  ^  enfin  elle  efl  la  fburce 
des  plus  grandes  &  prefque  de  toutes  les 
erreurs  dont  le  monde  çll  infedté.  {X ) 

Association  ,  terme  de  droit  Anglais  , 
cft  une  patente  que  le  roi  envoie  ,  foit  de 
ibn  propre  mouvement ,  foit  à  la  requête 
d'un  complaignant ,  aux  juçes  d'une  aflife , 
pour  leur  affocier  d'autres  peribnnes  dans  le 
jugement  d'un  procès.  Voy.  Assise. 

A  la  patente  ^ajfociation ,  le  roi  joint  lui 
écrit  qu'il  adrefle  aux  juges  de  l'affife  par 
lequel  il  leur  ordonne  d'admettre  ceux  qu'il 
leur  indique. 

Association  ,  en  droit  commun  ,  eft 
l'agrégation  de  plufieurs  perfbnnes  en  une 
même  fbciété  ,  fbus  la  condition  exprcife 
d'en  partager  les  charges  &  les  avantages. 
Chacun  des  membres  de  la  fociété  s'appelle 
ajfocié.  Voy.  AsSOCIÉ  &  SociÉTÉ.  (H  ) 

Association  ou  PORTUGA  ,  île  de 
TAmcrique  feptentrionale ,  à  quatorze  mil- 
les de  la  Marguerite  vers  l'occident. 

ASSOCIÉ  ,  adjoint  \  qui  fait  membre  ou 
partie  de  quelque  chofe.  Koyrj  Adjoint  , 
Association. 

Ce  mot  eft  compofé  des  mots  latins  ad 
&  focius ,  membre  ,  coînpagnon  :  ainfi  on 
dit  les  ajfociés  du  dodeur  Bray ,  pour  la  con- 
rerfion  des  Nègres ,  6"^. 

Associé  ,  en  terme  de  commerce  ,  eft  ce- 
lui qui  fait  une  partie  des  fonds  avec  les  au- 
tres commerçans ,  &  qui  partage  avec  eux 
le  gain  ,  ou  fouffre  la  perte  au  prorata  de 
ce  qu'd  a  mis  dans  la  fociété.  (G) 

ASSOLER,  (Agriculture.)  lignifie  par- 
tager les  terres  labourables  d'une  métairie 
pour  les  fe:ner  divcrfemcnt  ,  ou  les  lailFer 
repolcr  ,  quand  on  en  veut  faire  une  rai- 
fonnablc  exploitation  :  en  laplupartdes  lieux 
eu  piu-tage  les  terres  en  U'ois  fols  j  l'un  fe 


ASS  €^^ 

lèmc  en  froment,  l'autre  en  menus  grains, 
&  le  troifiome  reftc  en  jachère.  (  H  ) 

ASSOMPTION  ,  f.  f.  (  Tktol. )  du  latin 
affumptio  ,  dérivé  A'ajfiimcre  ,  prenilre  ,  en- 
lever. Ce  mot  fignifioit  autrefois  en  général 
le  jour  de  la  mort  d'un  iii\nl,i]uia  ejus  anima, 
in  ccelum  ajfumiiur.  Voyci  y'VNNIVERSAIRE, 

Ajfomption  ,  fè  dit  aujourd'hui  piu-ticulié- 
rement  dans  l'églile  Romaine  ,  d'une  fête 
folemnelle  qu'on  y  célèbre  tous  les  ans  le  ij 
d'août  ,  pour  honorer  la  mort ,  la  rélùrrec- 
tion  ,  &  l'entrée  triomphante  de  la  fainte 
Vierge  dans  le  ciel.  Elle  eft  encore  particu- 
lièrement remarquable  en  France  depuis 
l'année  1638  ,  que  le  roi  Louis  XIII  choi- 
fit  ce  jour  pour  mettre  là  perlbnne  &  fort 
royaume  fous  la  proteftion  de  la  Ste.  Vierge  } 
vœu  qui  a  été  renouvelle  en  1738  par 
Louis  XV. 

Cette  fête  (è  célèbre  avec  beaucoup  de 
folemnité  dans  les  églilês  d'Orient,  aulTi-bic!» 
que  dans  celles  d'Occident  :  cependant  Yaf- 
Jbmption  corporelle  de  la  Vierge  n'eft  point 
un  article  de  foi,  puifque  l'églife  ne  l'a  pas 
décidé ,  &  que  plufieurs  anciens  &  moder- 
nes en  ont  douté.  Il  eft  fur  que  les  pères  de« 
quatre  preiniers  fiecles  n'ont  rien  écrit  de 
précis  fiir  cette  inatiere.  Ulùard,  qui  vivoit 
dans  le  neuvième  fiecle ,  dit  dans  fon  mar- 
tyrologe ,  que  le  corps  de  la  lainte  Vierge 
ne  fe  trouvant  point  lîir  la  terre  ,  l'églife  , 
qui  eft  fage  en  fes  jiigemens,  a  mieux  aimé 
ignorer  avec  piété  ce  que  la  divine  Provi- 
dence en  a  fait  ,  que  d'avancer  rien  d'apo- 
cry])he  ou  de  mal  fondé  fur  ce  fujèt  :  plus 
elegit  fobrictas  Ecclejiac  cum  picare  nefcire  f 
quam  aliquid  frivolum  £>  apocryphum  inde 
tenendo  docere  ;  paroles  qui  fe  trouvent  en- 
core dans  le  martyrologe  d'Adon  ,  &  dans 
[ilufieurs  autres  qui  n'appellent  point  cette 
fête  ïajfomption  de  la  fainte  Vierge ,  mais 
feulement  fon  fommeil  ,  dormitio  ,  c'eft-à- 
dire  la  fête  de  fa  mort  ;  nom  que  lui  ont  auflî 
donné  les  Grecs  ,  qui  l'ont  défignée  tantôt 
par  fj.iiaçainf ,  trépas  ou  pajjage  ,  &  tantôt 
par  x^'it^Mo^t  y  fommeil  ou  repos. 

Néaninoins,  la  créance  conunune  de  l'é- 
glife eft  que  la  fainte  Vierge  eft  rcfTufcitée, 
&  qu'elle  eft  dans  le  ciel  en  corps  &  en 
ame.  La  plupart  des  pères  Grecs  &  Latins 
qui  ont  écrit  depuis  le  iVe  iîecle  font  de  ce 
fèutimcat ,  Se  k  cardinal  Barouius  dit  qu'ott 
9qqq    i 


•^oo  A  s  s  , 

ne  pourroit  fans  témérité 
traire.  C'eft  au.Ti  le  fentimeiit  de  la  faculté 
de  tliéologie  de  Paris ,  qui  en  condamnant 
le  livre  de  Marie  d'Agreda  en  1697  ,  dcclaia 
entr'autres  chofes  ,    qu'elle  croyoit  que  la 
lainte  Vierge  avoit  été  enlevée  dans  le  ciel 
en  corps  &  en  ame.  Ce  qu'on  peut  recueil- 
lir de  plus  certain  de  la  tradition  depuis  le 
IX^  fiecle  ,  c'ert  que  parmi  les  ornemens  des 
églifes  de  Rome  fous  le  pape  Pafchal ,  qui 
mourut  en  814  ,  il  cd  fait  mention  de  deux , 
oîi  étoit  repréfcntée  Yaffomption  de  la  fainte 
Vierge  en  Ion  corps  \  ce  qui  montre  qu'on 
la  croyoit  dès-lors  à  Rome.  Il  eft  parlé  de 
cette  fête  dans  les  capitulaircs  de  Cliarle- 
magne   &  dans  les  décrets  du  concile  de 
Mayence  tenu  en  813.  Le  pape  Léon  IV 
qui  inoiinit  en  855  ,  inftitua   l'oÛave  de 
Yaffomption  sle  la  famte  Vierge  ,  qui  ne  fe 
célébroit  point  encore  à  Rome.  En  Grèce 
cette  fête  a  commencé  beaucoup  plutôt , 
fous  l'empire  de  Jurtinien ,  félon  quelques- 
inis  •■,  &  félon  d'autres  ,  fous  celui  de  Mau- 
rice ,  contemporain  du  pape  S.  Grégoire  le 
grand.  André  de  Crète  fur  la  fin  du  Vll^  fie- 
cle ,  témoigne  pourtant  qu'elle  n'étoit  éta- 
blie qu'en  peu  d'endroits  :  mais  au  xil*  elle 
le  fut  dans  tout  l'empire ,  par  une  loi  de 
l'empereur  Manuel  Comnene.  Elle  l'étoit 
alors   également  en   Occident ,  com.me   il 
paroit  par  l'épitre  174  de  S.  Bernard  aux 
chanoines  de  Lyon  ^  &  par  la  créance  com- 
mune des  églifes  qui  fùivoient  l'opinion  de 
ïajfomption  corporelle,  comme  unfeutiment 
pieux ,   quoiqu'il  n'eût  pas  été  décidé  par 
î'églifè  univerfèlle.  Manyrol.  ancien.  Tille- 
mont,^//?,  eccléfiajl.  Fleury ,  hij},  eccU'f.  tom. 
VIII ,  Baillet,  vies  des  Saints.  (G) 

Assomption  (  Isle  de  l' ; ,  ou  Anti- 
COSTi ,  (  Geog.)  île  de  l'Amérique  fèpten- 
trionale  ,  dans  le  golfe  de  St.  Laurent.  Elle 
eft  pleine  d.e  forets ,  &  le  fol  y  efl  aride  & 
ftérile.  Elle  appartient  aujourd'hui  aux  An- 
glois  à  qui  les  François  l'ont  cédée  avec  le 
Canada  à  la  dernière  pmK.  Long.  316  j  iat. 
49 ,  30.  (C.^.) 

Assomption  ,  ville  de  l'Amérique  méri- 
dionale ,  dans  le  Paraguai  propre  ,  fur  la 
liiierc  de  Paraguai.  Lo/ig.  313,  40  j  /ar. 
lin  ri i.  25  ,    30. 

ASSON  ,  (  Géogr.  anc.  )  Voyei  ASSOS. 
ASSON  AH  ou  AssON  A ,  f.  m.  {Hijl.  moJ.) 


A    S  S         ' 

fTurci:  le  con-  1  c'eft  le  livre  des  Turcs  qui  contient  leurs 
traditions.  Ce  mot  cit  arabe  ^  il  fignifie 
pannilesmahométaus,  ce  que  fignifie  mifim 
parmi  les  juifs.  Sonna  veut  dire  une  féconde 
loi ,  &  fl.t  eft  l'article  de  ce  mot.  L'alcoran 
eft  l'écriture  des  mahom.étans  ,  &  \afonna 
ou  l'ajfona  contient  leurs  traditions.  Nos  au- 
teurs appellent  ordinairement  ce  livre-là 
Zufe  ou  Sonne.  Ricault ,  de  f  empire,  ouorn. 
Voyei  Sonna.  (G) 


ASSONANCE ,  i.  f.  terme  ufité  en  rhé- 
tori,]ue  &  dans  la  poétique  ,  pour  fignifier  la 
propriété  qu'ont  certains  mots  de  fe  terminer 
par  le  même  fou ,  fans  néanmoins  faire  C2 
que  nous  appelions  proprement  rime,  Voy.. 
Rime. 

\JaJfonance.f  qui  eft  ordinairement  un  dé- 
faut dans  la  langue  angloife ,  &  que  les  bons, 
écrivams  françois  ont  foin  d'éviter  en  profe^ 
formoit  une  efpece  d'agrément  &  d'élégance 
dans  la  langue  latine  ,  comme  dans  ces. 
membres  de  phrafe ,  militem  comparavit ,, 
exerciium  ordinavit ,  aciem  luftravit. 

Les  Latins  appelloient  ces  fortes  de  chûtes: 
fimilitcr  dejinentia  ,.  &  leurs  rhéteurs  en  ont 
fait  une  figure  de  mots.  Les  Grecs  ont  auffî. 
connu  &;  employé  les  affbnances  fous  le  titra 
à^QixoiojÎKivTo..  V.  HOMOIOTÉLEUTON.  (  G  ) 

Assonance  ,  fubft.  fém.  (  Muftque.  ) 

mot  hors  d'ufage  qui  fignifie  confoiinance.. 
(  F.  D.  C.  ) 

ASSORTIMENT  ,  f.  m.  termes  de  pein- 
tre ,  qui  défigne  proportion  &  convenance 
entre  les  parties.  Un  bel  ajfoniment.  Ces 
choies  font  bien  ajforties. 

On  dit  encore  a-ffortiment  de  couleur  y 
pour  peindre  ,  &  l'on  ne  s'en  fert  même 
guère  que  dans  ce  cas.  \J a£ortiment  eft  corn- 
pofé  de  toutes  les  couleurs  qu'on  emploie  en 
peinture.  {K\ 

ASSORTIR,  f/!  terme  de plumaffter y  c'eft: 
choifir  les  plumes  de  même  grandeur  ,  &. 
les  aifembler  avec  des  couleius  convenable?^ 
Assortir,  en  terme  de  Haras  y  c'eft  don- 
ner à  un  étalon  la  jument  qui  lui  con- 
vient le  mieux ,  tant  par  rapport  à  la  figure: 
que  par  rapport  aux  qualités.  On  amortit  la 
jument  à  l'étalon  bien  ou  mal.  (  V  ) 

ASSORUS  ,  (  Géogr.  anc.  &  mod.)  ville 
de  Sicile ,  entre  Enna  &  Arg)rium.  Ce  n'eft 
aujourd'hui  qu'un  petit  bourg  appelle  Ajaroj 
il  eft  baigné  par  le  Chryfas. 


A  s  s 

.   Il  y  avoit  encore  en  Macédoine ,  proche  la 
rivière  d'F.chédore ,  une  ville  de  même  nom. 

ASSOS  ,  (Ge'ogr.  anc.)  ville  maritime  de 
Lycic  ,  iiiT  un  promontoire  fort clc\c.  Autre 
ville  de  même  nom  dans  TEolidc.  11  y  en 
avoit  une  troilieme  en  Myiîe.  C'eft  de  la  pre- 
mière donton  a  dit ,  Aj/bn  eas  ,  ut  citius ,  ad 
cxitii  icnninos  cas. 

*  ASSOUPISSEMENT ,  T.  m.  (  Méd.  ) 
état  de  l'animal ,  dans  lequel  les  avions  \o- 
lontaires  de  Ton  corps  ik  de  fon  ame  pa- 
roilTent  éteintes ,  &  ne  font  que  fu/jjendues. 
Il  faut  en  diftinguer  particulièrement  de  deux 
efpcccs  :  l'un  qui  ell  naturel  &  qui  ne  pro- 
vient d'aucune  indifpolition  ,  &  qu'on  peut 
rej.'irder comme  le  commencement  du Ibm- 
nieil  ;  il  eft  occafioné  par  la  fatigue  ,   le 
grand  chaud  ,  la  pefantcur  de  l'atmofphere , 
&  autres  caufes  (èmblablcs:  l'autre  qui  naît 
de  quelque  dérangement  ou  vice  de  la  ma- 
chine ,  &  qu'il  faut  attribuer  à  toutes  les 
caufès  qui  empêchent  les  efprits  de  fluer  & 
refluer  librement ,  &  en  aifez  grande  quan- 
tité ,  de  la  moelle  du  cerveau  par  les  nerfs 
aux  organes  des  iëns  f,   &  àss  mufcles  qui 
obéiflent  à  la  volonté  de  ces  organes ,  à  l'o- 
rigine de  ces  nerfs  dans  la  moelle  du  cer- 
veau. Ces  caufes  font  en  grand  nombre  ;  mais 
on  peut  les  rapporter  i  ".  à  la  pléthore. Le  fang 
des  pléthoriques  fe  raréfie  en  été.  Il  étend  les 
vaiilcaux  déjà  fort  tendus  par  eux-mêmes  ^ 
tout  le  corps  réfifte  à  cet  effort ,  excepté  le 
cerveau  &  le  cervelet ,  oi'i  toute  l'action  eft 
employée  à  le  comprimer  ^  d'oùil  s'enfuit  a/^ 
yb^/i /^/72frtf& apoplexie^  i^.àl'obftruftion; 
3°.  à  l'efflu'îon  des  humeurs  :,  4°.  à  la  compref- 
Con  ;  5".  à  l'inflammation  :  6°.  à  la  fuiipura- 
tion;  7°.  à  la  gangrené  ;  8°.  à  Finaiftion  des 
■  vailTeaux  j  9°.  à  leur  aftailfement  produit  par 
l'uianition^  10°.  àl'ufagede  l'opium  &  des 
narcotiques.  L'opium  produit  fon  effet  lorf- 
qu'ilell encore  dans  l'eitomac;  unchicnàqui 
on  en  avoit  fait  avaler  ,  fut  diiféqué,  &  on 
le  lui  trouva  dans  l'eltomac  :  il  n'a  donc  pas 
befbinpour  agir  d'avoir  paffé  par  les  veines 
laftées  ;    II",  à  l'ufage  des  aromates.  Les 
droguiftes  difent  qu'ils  tombent  dans  \aJJou- 
pijfcment  y  quand  ils  ouvrent  les  caillés  qu'on 
leur  envoie  des  Indes ,  pleines  d'aromates  ; 
li".  aux  matières  (piritucules ,  fermentées, 
&  trop  appliquées   aux  narines  :  celui  qui 
fiidrcra  long-temps  du  viii  violent ,  s'cui\Tera 


A  S  S  7ot- 

&  sajfovpira  ;  i3".  aux  mêmes  matières  in- 
térieurement prifes;,  14°.  à  des  alimens  durs, 
gras ,  prisLVJC  excès ,  &  qui  s'arrêtent  long- 
temps dans  l'eftomac.  On  trouvera  aux  dif- 
féreus  articles  de  maladies  où  Xajfoupijiment 
a  lieu  ,  les  remèdes  qui  conviennent. 

On  lit  dans  les  mémoires  de  l'académie  des 
fciences  ,  l'hifloire  d'un  ajfoupijfcmcnt  ex- 
traordinaire. Un  hommcde45  ans, d'un  tem- 
jiérament  fcc  &  robnfte ,  à  la  nouvelle  de  la 
mort  inopniéc  d'un  homme  avec  lequel  il 
s'ctoit  querellé,  feprofternale  vifage contre 
terre, &  perdit  le  fcntiraentpeu  à  peu.  Le  i6 
avril  17 15  on  le  porta  à  h;  Charité  ,  où  il  de- 
meura refjîace  de  quatre  mois  entiers.  Les 
deux  premiers  mois  il  ne  donna  aucune  mar- 
que de  mouveinent  ni  de  lentiment  volon- 
taire. Ses  yeux  furent  fermés  nuit  &  jour  :  il 
remuoit  feulement  les  paupières.  Il  avoit  la 
refpiration  libre  &  aifée  ;,  le  pouls  petit  & 
lent  ,  mais  égal.  Ses  bras  refioient  dans  la 
fituation  où  on  les  inettoit.  Il  n'en  étoit  pas 
de  même  du  relie  du  corps ,  il  falloir  le  fou- 
tenir  pour   faire  avaler  à  cet  homme  quel- 
ques cuillerées  de  vin  pur  ;  ce  fut  pendant 
ces  quatre  mois  fa  feule  nourriture  :  auflî 
devint-il  maigre  ,  Ibc  &  décharné.  On  fit 
tous  les  remèdes  imaginables  pour  diiTiper 
cette  léthargie  ■■,  faignées  ,  émétique  ,  pur- 
gatifs ,  vélicatoires ,  fangfues  ,  &c.  &  l'on 
n'en  obtint  d'autre  effet  que  celui  de  le  ré- 
\eiller  pour  ini  jour  au  bout  duquel  il  re- 
tomba dans  fon  état.  Pendant  les  deux  pre- 
miers mois  il  donna  quelques  lignes  de  vie. 
Quand  on  avoit  difléré  à  le  purger ,  il  fe 
plaignoit,  &  ferroit  les  mains  de  fa  femme. 
Dès  ce  temps  il  commença  à  ne  plus  fe  gâter; 
il  avoit  l'attention  machinale  de  s'avancerau 
bord  du  lit  où  l'on   avoit  placé  une  toile 
cirée.  Il  bûvoit,  mangeoit  ,  prenoit  des 
bouillons ,  du  potage  ,  de  la  viande  ,  &  fur- 
tout  du  vin  ,  qu'il  ne  cefî'a  pas  d'aimer  pen- 
dant fa  maladie  ,  comme  il  faif'oit  en  famé. 
Jamais  il  ne  découvrit  lès  befohis  par  aucun 
figne.  Aux  heures  de  fes  repas  on  lui  paflbit 
le  doigt  fur  les  lèvres  i,  il  ouvroit  la  bouche 
fans  ouvrir  les  yeux  ,  avaloit  ce  qu'on  lui 
préfèutoit,  fe  remcttoit  &  attcndoit  patiem- 
ment un  nouveau  figne.  On  le  rafcit  régu- 
lièrement, pendant  celte  opération  il  reftoit 
innnobile  connue  un  mort.  Le  levoiî  -  ou 
après  dmer  ,  on  le  trouvoit  d^us  fa  cl;aiie 


70Z  A  S  S 

les  yeux  fermés  ,  comme  on  IV  avolt  mis. 
Huit  jours  avant  la  fcrtiede  la  Charité  ,  ou 
s'avifa  de  le  jeter  brufqucinent  dans  un  hiiin 
d'eau  froide  ^  ce  remède  le  furprit  en  eftst  , 
il  ouvrit  les  yeux,  regarda  fixement,  ne 
parla  point.  Dans  cet  état  fa  femme  le  fit 
tranfporter  chez  elle,  où  il  eft  préfentement, 
dit  l'auteur  du  mémoire.  On  ne  lui  fait  point 
de  remède  ;  il  parle  d'allbz  bon  fens ,  &  il 
revient  de  jour  en  jour.  Ce  fait  eft  extraor- 
dinaire :  le  fuivant  ne  l'eft  pas  moins. 

M.  Homberg  lut  en  1707  à  l'académie 
l'extrait  d'une  lettre  hollandoifè  imprimée  à 
Genève ,  qui  contenoit  l'hiftoire  d'un  a/fou- 
pijfement  caufé  par  le  chagrin  ,  &  précédé 
d'une  affèélion  mélancolique  de  trois  mois. 
Le  donneur  hollandois  l'emporte  lur  celui 
de  Paris  ;  il  dormit  lix  mois  de  fuite  fans 
domier  aucune  marque  de  fentimcnt  ni  de 
mouvement  volontaire.  Au  bout  de  1;:<  mois 
il  le  réveilla  ,  s'entretint  avec  tont  le  monde 
pendant  vingt-quatre  heures,  &fê  rendormit: 
peut-être  dort-il  encore.  J^oy.  Sommeil. 

ASSOUPLIR  un  cheval,  (en  Manège.  ) 
c  eft  lui  faire  plier  le  cou  ,  les  épaules ,  les 
côtés  8i  autres  parties  du  corps  à  force  de  le 
manier ,  de  le  faire  trotter  &  galoper.  Chc- 
v<il  ajfoupli ,  ou  rendu  fouple.  La  rêr.e  de 
dedans  du  caveçon  attachée  courte  au  pom- 
meau ,eft  très-utile  pomtiffhup/ir  les  épaules 
au  cheval.  Il  faut  aider  de  la  rêne  du  dehors 
pour  alfbuplir  les  épaules.  On  dit ,  ce  pli 
ajfouplit  extraordinairement  le couace  cheval. 
Affouplir  &  rendre  léger  eft  le  fondement  du 
manège.  Quand  un  cheval  a  le  cou  &  les 
épaules  roides  ,  8c  n'a  point  de  mouvement 
à  la  jambe ,  il  faut  elfaycr  de  Vaffouplirzvsc 
un  caveçon  à  la  Ncwkallhle  ,  le  trotter  Sfle 
galoper  de  telle  forte  qu'on  le  mette  fouvent 
ùu  trot  au  galop.  (  V  ) 

ASSUÉRUS  ,  (  WJl.  des  Juifs.  )  roi  de 
Pcrfe  ,  qui  époufa  une  Juive  nommée 
Elther ,  parente  de  Mardochée ,  après  avoir 
répudié  Vafthi  ;  il  eft  toujours  nommé  Ar- 
taxerxès  dans  le  grec  du  livre  d'Efther  , 
quoique  l'iiébrcu  &  la  vulgate  lui  donnent 
le  nom  iXAjfuérus.  Mais  quel  eft  cet  Ajjuérus\ 
eft-cc  Darius  ,  fils  d'Hyllalpe  ■■,  eft-ce  Arta- 
xcrxès  Longue-main?  eft-cc  Cambyfc ?  Les 
fentimens  des  favans  font  panagés  fiir  ce 
point ,  &  l'on  peut  conliiiter  là-deffiis  les 
diâeroH«  i;oinmcutateurs  de  l'écr iturc-iàÏHtet 


A  S  S 

ASSUJETTIR  un  mit  oa  çuelqu  autre 

pièce  de  bois  ,  c'eft  l'arrêter  de  façon  qu'ellu 
n'ait  plus  aucun  mouvem.ent.  (Z) 

Assujettir  la  croupe  d'un  cheval ,  &  lui 
élargir  le  devant.  Avec  la  rêne  de  dedans  8c 
la  jambe  de  dehors  on  affujenit  la  croupe  ■, 
&c  mettre  la  jambe  intérieure  de  derrière  à 
l'extérieure  de  derrière  ,  étrecit  le  cheval  Se 
l'élargit  pardcvant.  Afflijettir  le  derrière  du 
c\\c\'d\. 

ASSUR ,  (  Hijl.  anc.  )  fîls  de  Sem ,  quitta 
le  pays  de  Sennaar,  forcé,  par  l'ufurpateur 
Nembrod  ,  d'aller  plus  haut  vers  les  fources 
du  Tigre  ,  où  il  s'arrêta  ,  bâtit  la  fameufe 
ville  de  Ninive  ,  &  jeta  audi  les  premiers 
;  fondemens  de  l'empire  d'Ailyrie  auquel  il 
donna  fou  nom.  Les  auteurs  font  partagés 
pour  favoir  quel  étoit  Affur,  Les  uns  le 
regardent  conuiie  le  fondateur  de  l'empire 
d'Ailyrie  ;  d'autres  prétendent  que  ce  nom 
déiignc  une  vaile  contrée  ,  qui  ,  dans  la 
fuite  ,  envahit  la  domination  des  peuples 
voifins,  Les  didérentes  interprétations  font 
également  fondées  fur  ce  texte  de  l'écriture, 
où  il  eil:  dit ,  de  terra  ilhi  egrejfus  eft  Affur  & 
edificavit  Ninivem  ;  chacun  donne  à  ce  paf- 
fageune  interprétation  arbitraire,  que  î'am- 
biguité  de  la  conftruécion  favorife.  Les  uns 
rapportent  ces  paroles  à  Nembrod  ,  qui 
fortant  de  la  Chaldée  fe  répandit  dans  la 
contrée  nommée  AJfur  ou  AJfyrie.  D'autres 
prétendent  quAj/Mr,  fils  de  Sem  ,  ne  jX)u- 
vant  plier  fa  fierté  fous  l'obéiflance  d'un  maî- 
tre ,  fe  retira  de  Babylone  ,  &  fut  chercher 
une  nouvelle  patrie  ;  un  peuple  de  mécontens 
s'afîbcia  à  fes  defiinées  ,  <k  le  nombre  dut 
être  grand  ,  fi  l'on  confidere  que  des  hom- 
mes nés  dans  l'indépendance  ,  font  prêts  àr 
tout  facrifier  ,  plutôt  qu'à  fe  courber  fous 
le  joug  :  il  n'y  a  que  l'éducation  qui  puiife 
familiiirifer  avec  la  honte  de  la  lêrvitude- 
Affur  ,  devenu  chef  de  fes  émigrans  ,  re- 
monta vers  les  fources  du  Tigre ,  où  il  donna 
fon  nom  à  la  contrée,  qui  depuis  fiit  connue 
fous  le  nom  à'AJfyrit  ,  il  y  jeta  les  fonde- 
mens d'une  ville  qui ,  quelque  temps  après  , 
devint  la  capitale  d'un  Horilfant  empire  : 
cette  opinion  eft  la  plus  probable  &  la  plus 
fuivie. 

Jl  ne  patoît  pas  qu  Affur ,  chef  de  ce  peu- 
ple fugitif,  ait  jamais  été  revêtu  du  pouvoir 
r«prwn<?,  aù»â  i'o»  a  turc  d'appcaevoir  «t 


A  s  s 

lui  la  fource  delà  royauté.  Ceux  qiii  avoicnt 
fiiivi  fa  deftiîicc  ,  n';ivoient  cjuitté  les  lieux 
cle  leur  naiiîknce ,  que  pour  fe  fouftrairc  à 
la  domination  d'un  m;iitrc.  lisavciotrefufé 
de  fc  courber  fous  le  jousf  de  Ncnibrod , 
il  e(l  abfurdc  de  penicr  qu'ils  fc  fulfent  ilé- 
f'ouillésde  la  nobleii'c  de  leurs  inclinations  , 
en  changeant  tic  climat  ;  on  fait  que  dans 
CCS  temps  voi'ins  de  lenfance  du  monde  , 
la  liberté  étoit  le  plus  précieux  dos  trélbrs. 
De  plus  ,  il  ne  nous  reltc  aucun  monument 
liiltorique  qui  attelle  qu^iffur  ait  eu  des 
lliccefîèurs  ^  &  ce  n'elt  qu'en  l'an  543  qu'on 
Aoit  un  guerrier  élever  f;i  tyrannie  dans 
Kinive.  Il  eft  donc  probable  que  le  gouver- 
nement d'autonomie  ou  de  pleine  liberté 
fut  le  privilège  de  cette  fôciété  naiii'aiite  5 
chaque  famille  ou  chaque  tribu  iè  gouver- 
noit  p:u-  fes  moeurs  &  iësufages;,  il  fuliiibit 
qu'il  y  eût  des  juges  pour  décider  les  diiîé- 
Tens  qui  pouvoient  naître  entre  les  dLTérens 
cantons  :  il  n'y  avoit  point  encore  des  rois  à 
Ninive  du  temps  de  Loth  &  d'Abraham  , 
&  il  paroît  que  les  chanips  n'a\'oient  point 
de  poirefTeurs  privilégiés.  (  T-n.  ) 

ASSURANCE  coUatéraU  ,  dans  la  jurif- 
prudence  angloife  ,  cft  un  a£le  accelfoire  & 
relatif  à  un  autre ,  dajis  lequel  on  liipuie 
exprelîemient  une  claufc  qui  étcitceniéc con- 
tenue au  premier  ,  pour  en  affurer  d'autant 
plus  l'exécution.  C'eft  une  elpcce  de  £ipplé- 
inenî  d'acie. 

Assurance  ,  en  droit  commun  ,  cil  la 
sûreté  que  donne  un  emprunteur  à  celui  qui 
lui  a  prêté  une  fom.me  d'argent  ,  pour  lui 
répondre  du  recouvrement  d'icelle ,  comme 
gage  ,  hypothèque  ou  caution. 

Assurance  ,  oupolke  cïajfurance  ,  terme 
de  commerce  de  mer  ;  c'cil  un  contrat  de  con- 
vention par  lequel  un  particulier  ,  que  l'on 
iippelle  affïtreur,  fè  charge  des  rilques  d'une 
négociation  maritime  ,  en  s'obligeant  aux 
pertes  &  dommages  qui  peuvent  aniver  fur 
mer  à  un  vailfeau  ou  aux  niarchandifes  de 
ibu  chargement  pendant  ibn  voyage  ,  fbit 
par  tempêtes  ,  naufrages  ,  échouement  , 
abordage ,  changement  de  route ,  de  voyage 
ou  de  vailfeau  ^  jet  en  mer ,  feu ,  priie  , 
pillage ,  arrêt  de  prince  ,  déclaration  de 
guerre,  repréfàilles,  &  généralement  toutes 
fortes  de  fortiuies  de  mer  ,  moyennant  une 
c«ruiiie  fomme  de  fcpt  ,  huit ,  dix  pour 


A  S  S  703 

cent,  plus  ou  moii^s ,  félon  le  ri/quc  qu'il  y 
a  à  courir  -,  lafjuellc  fomnic  doit  être  payée 
comptant  à  l'afîiireur  par  les  affurcs  ,  en 
(igiiaîiî  la  police  d'iiU'urance. 

Cette  fbmmc  s'appelle  ordinairement 
prime  ou  ccût  d\i(furance,  Voyc\  Prime. 

Les  polices  d^a£urance  font  ordinairement 
drefîées  par  le  commis  du  grefle  de  la  cham- 
bre des  ajfiuances ,  dans  les  lieux  où  il  yen 
a  d'établies  ;  &  dans  ceux  où  il  n'y  en  a 
point,  on  peut  les  faire  pardcvant  notaires 
on  fous  iignature  privée.  Dans  les  échelles 
du  levant  les;7o//cv.r  d'affurancc  peinent  être 
palTées  en  la  chancellerie  du  confulat ,  en 
préfcnce  de  deux  témoins. 

Ces  polices  doivent  contenir  le  nom  &  le 
domicile  de  celui  qui  fè  fait  aflîirer,  fa  qua- 
lité ,  fbit  de  propriétaire  ,  fbit  de  commif-^ 
lionnaire,  &  les  etlèts  fur  Icf quels  Xajfuranct 
doit  être  faite  ^  de  plus  les  noms  du  navire 
&  du  maître,  ceiix  du  lieu  où  lesmarchan- 
difcs  auront  été  ou  de\ront  erre  chargées  , 
du  havre  ou  port  d'où  le  vaiilèau  devra  par- 
tir ou  fera  parti ,  des  ports  où  il  devra  char- 
ger &  décharger  ,  fie  de  tous  ceux  où  il 
devra  entrer. 

Enfin  il  faut  y  remarquer  le  temps  ai'.qnel 
les  rifqucs  coinmcnceront  &  finiront  ,  les 
femmes  que  l'on  entend  aifiirer ,  la  prime 
ou  coût  ^ajfurancc ,  la  fbumiflion  des  piu'ties 
aux  arbitres  ,  en  cas  de  conteflation  ,  & 
généralement  toutes  les  autres  claulès  dont 
elles  feront  convenues ,  fl.ivant  les  us  & 
coutumiCS  de  la  mer.  Ordonnance  de  la  ma- 
rine ,  du  mois  d\iov:  iCèi. 

Il  y  a  des  ajfurances  qu'on  appelle y^crf /m 
ou  anonymes ,  qui  fe  font  par  correfpondance 
chez  les  étrangers ,  même  en  temjis  de 
guerre.  On  met  dans  les  polices  de  ces  fortes 
^ajfurances ,  qu'elles  {owX pour  compte  a  ami  , 
tel  qu'il  puiffe  être  ,  fans  nommer  perfonne. 

Il  y  a  encore  une  autre  efpecc  à'cffurance 
qui  efl  celle  pour  les  marchandifes  qui  fe 
voiturent  &  fe  tranfportent  par  terre.  Cette 
forte  à'ajjhrance  fe  fait  entre  l'affurcur  &  l'af^ 
furé  par  convention  verbale  &  quelquefois  , 
mais  trcs-raremen» ,  fous  figuaturc  privée. 

L'origine  des  ajfurances  vient  des  juifs  3  ils 
en  furent  les  inventeurs  lorfqu'ils  furent  chaf- 
lës  de  France  en  l'aimée  1 1 8z ,  fous  le  règne 
de  Philippe-Augufle.  Ils  s'en  fcrvirent  alors 
pour  faciliter  le  tnuifixirî  de  leurs  eiîets.  lis 


7©4  A  S  S 

en  reiiouvcllerent  l'iifage  en  132.1 ,  fous  Ph!- 
iippe-le-Long  ,  qu'ils  furent  encore  chalfés 
du  royaume,  f^oyei  le  détail  clans  lequel 
entre  fur  ce  mot  M.  Savary  ,  Diclionnaire 
du  Commerce  ,  com.  /  ,  />.  753  ,  «S'C. 

Uajjurance  ne  s  étend  pas  jufqu'au  profit 
des  marchandifcs  ^  ralfureur  n'en  garantit 
que  la  valeur  intrinfeque ,  &c  n'eftpas  garant 
des  dommages  qui  arriveroient  par  la  fiiute 
du  maître  ou  des  matelots  ,  ni  des  pertes 
occafionées  par  le  vice  propre   de  la  chofe. 

Vajfurance  n'a  point  de  temps  limité,  elle 
comprend  tout  celui  de  la  courfe.  Une  afu- 
rance  par  mois  feroit  un  pade  ufuraire. 
J^oyqUsURE.  (GH) 

Assurance,  f.  f.  (  Marine.  )  coupcfaffh- 
rnnce  ;  c'eft  un  coup  de  canon  que  l'on  tire 
iorfqu'on  a  arboré  fon  pavillon ,  pour  alîlirer 
le  vaiffeau  ou  le  port  devant  lequel  on  fc 
préfente  ,  que  l'on  eft  véritablement  de  la 
liation  dont  on  porte  le  pavillon.  Un  vailfcau 
peut  arborer  fucceflivemeiit  les  pavillons  de 
nations  différentes  ,  pour  ne  fe  pas  faire  con- 
noître  ^  mais  il  ne  peut  pas  les  alfurer  :  un 
vaiffeau  ne  doit  jamais  tirer  fous  un  autre 
pavillon  que  le  fien.  (  Z  ) 

Assurance  fedit ,  en  Fauconnerie,  cWm 
oifeau  qui  eft  hors  de  filière ,  c'cft-à-dire 
qui  n'cft'p'"^  attaché  par  le  pic.  Il  y  a  deux 
fortes  à'ajfurances ,  favoir  à  la  chambre  èi.au 
jardin.  On  affure  l'oifeau  au  jardin ,  afin  de 
le  porter  aux  champs. 

Assura N'CE  ,  fermeté.  On  dit,  en  terme 
de  chajfe  ,  aller  d'ajfurance.  Le  cerf  va  à'af- 
furance ,  il  ne  court  point  ;;  il  va  le  pié  ferré 
&  fans  crainte. 

ASSURE  ,  f.  f.  terme  de  fabrique  de  tapif- 
ferie  de  haute  liffc  ;  c'eft  le  fil  d'or ,  d'argent, 
de  foie  ou  de  laine  dont  on  couvre  la  chaîne 
de  la  tapifferie  ■■,  ce  qu'on  appelle  treme  ou 
rrame  dans  les  manutaûures  d'étoffes  &  de 
toiles,  f^oyei  HaUTE  LISSE. 

ASSURÉ ,  sûr  ,  certain  ,  {Gramm.  )  Cer- 
tain a  rapport  à  la  Ipéculation^  les  premiers 
principes  fout  certains  :  sûr,  à  la  pratique  ■-, 
les  règles  de  notre  morale  font  sûres  :  ajfuré, 
aux  événemens-,  dans  un  bon  gouvernement 
les  fortunes  font  ajjhrées.  On  eft  certain  d'un 
point  de  fcience ,  sûr  d'une  maxime  de  mo- 
rale ,  ajfuré  d'un  fait.  L'efpiit  jnftc  ne  pofe 
que  des  principes  certains.  L'honnête  homme 
ne   fe  condtut  qu€   par  des  règles  sûres. 


A  S  S 

L'homme  prudent  ne  regarde  pas  la  faveur 
des  grands  comme  un  bien  affuré.  Il  faut 
douter  de  tout  ce  qui  n'eft  pas  certain.  ;  fe 
méfier  de  tout  ce  qui  n'eft  pas  sûr  ;  rejeter 
tout  fait  qui  n'eft  pas  bien  aJfuré.Synom.franç. 
Assuré,  adj.  terme  de  commerce  de  mer  : 
il  fignifie  le  propriétaire  d'un  vaiftéau  ou 
des  marchandifcs  qui  font  chargées  deli'us  , 
du  rifque  deiquelles  les  alfareurs  fe  font  char- 
gés envers  lui  ,  moyennant  le  prix  de  la 
prime  d'alfurance  convenue  entre  eux.  On 
dit  en  ce  fens ,  un  tel  vaijfeau  cjl  ajjuré ,  pour 
faire  entendre  que  celui  qui  en  eft  le  pro- 
priétaire fa  fait  alfurer  ;  ou  un  tel  marchand 
eji  ajfuré  ,  pour  dire  qu'il  a  fait  alfurer  ï.<i% 
marchandifès. 

\J affuré  court  toujours  rifque  du  dixième 
des  marchandifcs  qu'il  a  chargées  ,  à  moins 
que  dans  la  police  il  n'y  ait  déclaration  ex- 
preffe  qu'il  entend  faire  alfurer  le  total. 
Mais  malgré  cette  dernière  procaution  ,  il 
ne  laifte  pas  que  de  courir  le  rilque  du 
dixième  lorfqu'il  eft  lui-même  dans  le  vaif- 
feau ,  ou  qu'il  en  eft  le  propriétaire.  Ordon. 
de  la  marine  ,  du  mois  d'août  1681.  (G) 

Assuré  des  pies  ,  {Manège)  les  mulets 
font  fi  affurés  des  pies ,  que  c'eft  la  meilleure 
monture  qu'on  puilié  avair  dans  les  chemins 
pierreux  &  raboteux.  (  J-'') 

ASSURER  ,  affirmer ,  confrmer ,  [Gram.) 
On  affine  par  le  ton  dont  on  dit  les  chofes  j 
on  les  ajfirme  par  le  ferment  ;  on  les  con- 
firw.e  par  des  preuves.  Ajfurer  tout ,  donne 
l'air  dogmatique  \  tout  affirmer  ,  infpire  de 
la  méfiance^  tout  c-oA';/zVOTf/-,  rend  ennuyeux. 
Le  peuple  qui  ne  fait  pas  douter  ,  affure 
toujours  ;  les  menteurs  peiifcnt  fè  faire  plus 
aifement  croire  en  affirmant  ;  les  gens  qui 
aiment  à  parler  ,  embraifent  toutes  les  occa- 
fîons  de  confirmer.  Un  honnête  liommc  qui 
affure  ,  mérite  d'être  cru  :,  il  perdroit  fou  ca-  . 
raélere,  s  il  ^^Vv/io/r  à  l'aventure;  il  n'avance 
rien  d'extraordinaire ,  fans  le  confrmer  par 
de  i)Oimes  raifons. 

Assurer  ,  en  méch.  fignifie  rendre /îtot^. 
Assurer,  terme  de  comm,erce  de  mer  ;  il 
ib  dit  du  trafic  qui  fe  fait  entre  marchands 
&  iiégocians  ,  dont  les  uns  moyennant  une 
certaine  fbmme  d'argent  ,  qu'on  nomme 
prime  d'ajfurance  ,  répondent  en  leur  nom 
des  vaiiléaux  ,  marchandii'es  Se  effets  que 
les  autres  expofeiit  fur  la  mer.  On  peut  faire 

afjurer 


A  s  s 

tLjfunr  la  liberté  des  pcrfonnes ,  mais  non 
pas  leur  vie.  Il  cft  ncaninoiiis  permis  à  ceux 
qui  rachètent  des  captifs ,  de  faire  ajji:rer 
fur  les  perfbniies  qu'ils  tirent  de  l'cfclavage 
le  prix  du  rachat ,  que  les  alllireurs  (but  te- 
nus de  payer,  li  le  racheté  faifant  Ton  retour 
eft  pris ,  ou  s'il  périt  par  autre  voie  que  par 
fa  mort  naturelle.  Les  propriétaires  des  na- 
vires ,  ni  les  maîtres  ,  ne  peuvent  faire  ajjhrer 
le  fret  à  faire  de  leurs  bâtimens ,  ni  les  mar- 
chands le  profit  efpérc  de  leurs  marchandi- 
fes ,  non  plus  que  les  gens  de  mer  leur  loyer. 
Ordon.de  la  mai  ine ^  du  moisd'août  1681.  (G) 

ASSVRER fort  pavillon,  {Marine.)  c'eft 
tirer  un  coup  de  canon  en  arborant  le  pavil- 
lon de  fanation.  Foyrj  Assurance  ,  Coup 
d'Assurance.  (Z) 

A'iSMKEKla bouche  d'un  cheval,  {Manège.) 
c'eft  accoutumer  celui  que  la  bride  incom- 
mode à  en  fouffrir  l'eîïct ,  fans  aucun  mou- 
vement d'impatience.  Ajfuncr  les  épaules  d' un 
cheval ,  c'elï  l'empêcher  de  les  porter  de 
côté.  (  V) 

Assurer  un  oifeau  de  proie  ,  c'eft  l'appri- 
voifèr  &  empêcher  qu'il  ne  s'elFraie. 

Assurer  une  couleur ,  (  Teintur.  )  c'eft  la 
rendre  plus  tenace  &  plus  durable.  On 
c^rÉ" l'indigo  par  le  paftel.  Pour  cet  effet, 
on  n'en  met  pas  au  delà  de  fix  livras  fur  cha- 
que groife  balle  de  paftel  r'-mais  ce  n'cft  pas 
feulement  en  rendant  les  couleurs  plus  fines, 
&  en  prenant  des  précautions  dans  le  mé- 
lange des  ingrédiens  colorans  ,  qu'on  affure 
les  couleurs  ^  il  faut  encore  les  employer 
avec  intelligence.  Par  exemple ,  la  couleur 
cft  moins  aJjuréeATins  les  étoffes  teintes  après 
la  fabrication ,  que  dans  les  étoffés  fabri- 
quées avec  des  matières  déjà  teintes.  Il  n'eft 
pas  néceffaire  de  rendre  raifon  de  cette  diffé- 
rence ;  elle  eft  claire. 

Assurer  le  grain  ,  terme  de  corroyeur  ; 
c'eft  donner  au  cuir  la  dernière  préparation 
qui  forine  entiéreinent  ce  grain  qu'on  re- 
marque du  côté  de  la  fleur  dans  tous  les 
cuirs  corroyés  ,  foit  qu'ils  foient  en  couleur 
ou  non.  Quand  le  grain  eft  ajfuré ,  il  ne 
refte  plus  d'autre  façon  à  donner  au  cuir 
que  le  dernier  luftre.  Voy.  Corroyer. 

ASSURETTt,  ,  f.  t.  terme  de  commerce 
de  mer ,  ufité  dans  le  Lc\'a!it  \  il  figuifie  la 
même   chofe   c^^xajfurcnce.    Voye\  ci-dejju. 

Assurance.  (  G  ) 

Tome  m. 


A  S  S  705 

ASSUREUR ,  Ç.  m.  terme  de  commerce  de 
mer  ;  il  fignifie  celui  qui  alliire  un  vaifîcau 
ou  les  marchandifes  de  (on  chargement , 
&  qui  s'oblige  moyennant  la  prime  qui  lui 
eft  payée  comptant  par  l'ailiiré  ,  en  fignant 
la  police  d'ailîjrance  ,  de  réparer  les  per- 
tes &  dommages  qui  peuvent  arriver  au 
bâtiment  &  aux  marchandifes ,  fuivant  qu'il 
eft  porté  par  la  police.  On  dit  en  ce  fcns, 
un  tel  marchand  eft  Vaffureur  d'un  tel  vaif- 
fèau  &  de  telles  marchandifes.  Les  ajfu- 
reurs  ne  font  point  tenus  de  porter  les  per- 
tes &  dommages  arrivés  aux  marchandifes 
par  la  faute  des  maîtres  &  mariniers ,  fl 
par  la  police  ils  ne  font  pas  chargés  de  la 
baraterie  de  patron  \  ni  les  déchets  ,  dimi- 
nutions &  pertes  qui  arrivent  par  le  vice 
propre  de  la  chofe  :  non  plus  que  les  pilo- 
tages, rouage ,  lamanage ,  droits  de  congé  , 
vifites ,  rapports ,  ancrage  ,  &  tous  autres 
impofés  fur  les  navires  &  marchandifes. 
Ordonn.  de  la  marine  ,  de  168 1.  (  G  ) 

ASSYN ,  (  Géogr.  )  cap  d'Ecollc  au  fud- 
oueft  d'une  baie  du  même  nom  ",  il  y  a  des 
pâturages  qui  nourriffent  quantité  de  che- 
vaux &  d'autre  bétail  ;  on  y  trouve  aullî 
du  marbre  &  des  bêtes  fauves  :  il  y  a  encore 
dans  le  même  royauine  un  lac  &  une  rivière 
de  même  nom  ,  &  le  bourg  d'Alfymberg  à 
l'embouchure  de  cette  rivière.  {C.  A.) 

ASSYRIE,  {Géogr.  anc.  )  contrée  d'Afie 
appellée  aujourd'hui  Arfcrum  ou  le  Kurdif- 
tan  ,  dans  le  Diarbeck ,  au  nord  de  Bagdad» 
Elle  fut  célèbre  dans  l'antiquité  par  fes  rois 
&  par  leur  puiffance  ,  fes  principales  villes 
étoient  Ninive  ,  fa  capitale  ,  aujourd'hui 
Mofu  Se  Ctefiphon,  autrefois  le  fiege  royal 
des  Parthes,  Ninus  fut  le  premier  fondateur 
de  l'empire  d'Alfyrie  :  on  donne  à  cet  empire 
une  durée  de  treize  cents  ans ,  jufqu'à  la 
mort  de  Sardanapale  ,  qui  en  fut  le  dernier 
fouverain.  {C.  A.) 

Assyrie  ,  {Bijî.anc.  )  L'empire  à'AjJy- 
rie  a  effuyé  tant  de  révolutions,  qu'il  eft  dif- 
ficile d'en  fixer  les  limites  :  fon  étendue  a 
varié  félon  fes  profpérités  ou  fes  revers.  L'o- 
pinion la  mieux  fondée  fuppofe  qu'il  ren- 
fcrmoit  tout  le  pays  fitué  entre  le  Tigre  & 
rindus  :  on  lui  donne  pour  fondateur  Affur  , 
que  quelques-uns  confondent  avec  Nem- 
brod.  ISAjJyrie,  dans  fon  origine,  eut  dc« 
rois  ou  des  chefs  héréditaires .  qui  ,  comme 
R  r'rr 


7o!5  A  S  S 

dans  tontes  ks  fociétés  iiaiiTantes ,  n'eurent 
qu'un  pouvoir  limité  ;  l'habitude  cle  com- 
mander leur  fit  rechercher  les  moyens  d'éta- 
blir la  tyrannie  fiir  les  débris  de  la  liberté 
publique,  &  le  fceptre  mis  dans  leurs  mains 
pour  les  faire  fouvcnir  qu'ils  éioient  les  con- 
Ciudleurs  des  peuples ,  fut  une  verge  dont  ils 
frappèrent  les  hommes,  déchus  de  leur  indé- 
pendance naturelle.  UAjJyrie  fut  le  berceau 
du  dclpotifine  ,  parce  que  ce  fut  le  premier 
empire  où  l'on  déifia  les  rois  ;  on  vit  ces  des- 
potes infolens  exiger  &  recevoir  l'encens  & 
les  iàcrifices  que  la  liiperftition  oiîroit  à  la 
divinité  ^  mais  ces  idoles  révérées  ctoient 
fbuvent  avilies  &  traînées  daiis  la  boue  , 
parce  que  tout  ce  qui  déroge  à  la  nature , 
n'a  qu'une  exillciice  paifagere. 

Leur  légiflation  n'eft  point  parvenue  juf- 
qu'à  nous ,  ce  qui  fîippoie  qu'ils  n'avoient 
que  des  ufages  ou  des  loix  fort  informes. 
Nous  ne  forames  pas  mieux  inllruits  de  leurs 
rites  facrés  ^  on  lait  feulement  qu'ils  étoient 
idolâtres  &  fort  lliperllitieux  ,  &  que  leurs 
principales  divinités  étoient  repréfentées  fous 
la  forme  d'une  mule  ,  d'un  cheval  ,  d'un 
paon ,  d'un  faifan  Se  d'une  caille  :,  ils  rendoient 
un  culte  particulier  aux  poillbns  ,  eji  mé- 
moire de  la  déeife  Derceto ,  qui  fut  ainfi  mé- 
tamorphofëe  :  Sémiramis  étoit  adorée  fous 
la  figure  d'un  pigeon.  On  peut  juger  de  leurs 
penchans  pour  l'ii^othéoiè  ,  quand  on  les 
voit  déifier  tous  leurs  rois ,  fans  même  en 
exclure  le  voluptueux  Saidanapale  :  les  Alî)-- 
riens  ,  en  les  plaçant  dans  le  ciel ,  ne  firent 
que  fuivre  l'exemple  de  leurs  voilins. 

Ce  pays ,  autrefois  lî  riche  &  iî  fécond , 
n'offre  plus  que  des  plaines  incultes  &  Itcri- 
les  ,  où  qaclcpjcs  liabitans  épars  traînent  une 
vie  obfcure  &  indi'^nte  ;  foit  que  le  fol  fc 
ibit  épuife  par  fa  propre  fécondité  ,  foit  que 
ia.  fituation  entre  plufieurs  rivaux  ,  qui  en 
ont  fait  le  théâtre  des  guerres  ,  ait  préparé 
cette  étonnante  révolution ,  on  ne  voit  plus 
que  quelques  vilos bourgades ,  dans  les  lieux 
où  l'on  admiroit  autrefois  Ninive  ,  Ctcfi- 
phon  ,  &  tant  d'autres  villes  riches  &  peu- 
plées ,  dont  riiirtoiie  a  confacré  les  nomî& 
la  magnificence.  Ce  pays  étoit  arrofé  par 
plufieurs  grands  llcuves ,  dont  les  plus  con- 
îîdérables  étoient  le  Tigre ,  ainii  nommé  à 
caufe  du  grand  nombre  de  tigres  qui  infec- 
loictit  fc5  bords  j  le  Lycus  6l  le  Caprus, 


A  S  S 

connus  aujoiird'luii  fous  le  nom  des  deus 
Zabes.  On  y  trouvoit  lui  lac  qu'on  croit  être 
rvVverne  ;  fcs  eaux  étoient  fi  meurtrières  , 
que  l'oifcau  ou  l'animal  qui  en  buvoit  , 
&  qui  relpiroit  les  \apcurs  qu'elles  exha- 
Icient ,  tomboit  mort  iiir  le  champ. 

L'hilloire  des  rois  à'AJTyrii  n'eft  qu'un 
tilTu  de  fables  révoltantes  ,  ralfemblées  par 
Ctçfias ,  qui  a  été  copié  par  tous  les  écrivain? 
poftérieurs.  Tout  y  paroît  en  contradidlioii 
avec  ce  qui  eft  configné  dans  nos  annales 
iâcrées,  qui  feroient  des  guides  furs  pour 
l'hiftoirc  orientale  ,  fi  elles  ne  s'étoient  pa$ 
prelque  bornées  aux  faits  relatifs  au  peuple 
de  Dieu  i  ainfi  l'on  eft  obligé  de  fuivre  Cte- 
fias  ,  qui  a  plutôt  écrit  ce  qui  étoit  cru  que 
ce  qui  étoit  arrivé. 

Ninus  ,  qu'on  fijppofe  avoir  été  le  premier 
roi  A'AjJyrk  ,  pourroit  n'être  qu'un  héros 
fabuleux ,  créé  par  l'imagination  des  Grecs  , 
qui  trouvoient  dans  le  nom  d'une  ville  , 
celui  de  ion  fondateur  ;   ainfi  de  Ninive 
ils  purent  tirer  celui  de  Ninus.  Les  traits  , 
dont  ils  embelliiîcnt  fou  hiftoire  ,  montrent 
qu'ils  ont  réalifé  un  fantôme  \  ils  difent  que 
Ninus  fut  le  premier  qui  attenta  à  l'indé- 
pendance des  peuples  ,  qui  ,   jufqu'alors  y. 
n'avoient  point  eu  de  guerres  à  foutenir  \ 
ils  ajoutent  qu'il  craignit  d'être  arrêté  dans 
ilzs  expéditions  par  les  Arabes  qui  étoient  les 
plus  belliqueux  de  la  terre  ;  tout  eft  contra- 
didion  dans  ce  récit.  S'il  eft  vrai  que  ce  fut 
la  première  guerre  que  les  hommes  eurent  ù 
foutenir,  comment  les  Arabes  pouvoient-ils 
avoir  la  réputation  d'un  peuple  belliqueux  ? 
c'eft  encore  à  ce  prince  qu'on  attribue  la  fon- 
dation de  Ninive  &  de  Babylonc  \  mais 
conuncnt ,    dans  des  temps  fi  voifins  de  la 
nailliuice  du  monde  ,  pouvoit-on  ralfcmbler 
un  million  d'habitans  dans  une  mîme  en- 
ceinte ?  C'eft  fuppofor  que  les  campagnes 
étoient  peu[ilées  de  nombreux  culti\'ateurs  y 
pour  fournir  aux  befoins  de  cette  prodigieufc 
multitude  ■■,  c'eft  fuppofer  que  les  arts  qui  ont 
bcfoin  du  (ecours  de  l'expérience  Scilu  temps, 
piu-vinrcnt  lùbitement  à  leur  dernier  degré- 
de  pcrfe£iion.  Les  fuperbes  monumens  qui 
embellirent  ces  deux  villes ,   les  mfinemens 
d'un  luxe  délicat  &  recherclié  ,   introduits 
dans  la  cour  du  monarque  &  des  grandï  ^ 
font  autjuit  de  témoignages  <.\qs  erreurs  ou 
des  iinpoftures  des  premiers  ccrivaim^ 


A  s  s 

On  dit  que  ce  prince  dévoré  de  Tambi- 
tion  des  conquêtes,  ic  mit  à  la  tète  de  700000 
hommes  de  pié,  &  de  zooooo  chevaux  :  il 
avoit  encore  dix  mille  chariots  armés.  Ce 
fut  avec  cette  multitude  qu'il  fit  nue  irrup- 
tion dans  le  royaume  de  Babylone  ,  rempli 
de  villes  riches  &  [>cuplccs ,  dont  il  fit  la 
conquête  ,  enfuite  il  fubjugua  l'Arménie, la 
Baftriane  ,  la  Mcdic  ,  &  tout  le  pays  fitué 
entre  le  Nil  &  le  Tanaïs  :  ce  qu'il  y  a  de 
plus  iiirprcnaiit ,  c'eft  que  les  rois ,  Tes  enne- 
inis ,  lui  oppofoient  des  millions  de  combat- 
tans.  L'imagination  la  plus  féconde  ne  peut 
concevoir  que  dans  rc  temps  où  la  terre 
iiianquoit  d'habitans  ,  en  ait  pu  ralTcmbler 
désarmées  fi  nombreuses,  les  hommes  indo- 
ciles &  féroces  auroient-ils  renoncé  à  leurs 
loyers  ,  à  leurs  feinmes ,  à  leurs  enfans  , 
pour  aller  chercher  à  l'extrémité  du  globe, 
des  richclTes  qu'ils  trouvoicnt  fous  leurs 
mains  ?  Les  fociétés  alors  étoient  [x:u  nom- 
breuses^ l'autorité  des  rois  étoittrop  bornée 
pour  raflembler  fbus  le  même  drapeau  , 
tant  d'hommes  difperfés  &  fatisfaits  des  pro- 
ductions de  leur  fol. Comment  faire  fiibfifter 
des  armées  fi  nombreufes  ?  Les  routes  n'é- 
toicnt  point  frayées  •■,  les  montag-nes  &  les 
bois  oppofoient  des  barrières  par-toiitrenaif- 
finîtes;  les  champs  étoient  incultes  &f  (icrilcsj 
la  navigation  ,  encore  dans  fon  enfance  , 
n'offroit  point  le  moyen  de  tranfportcr  les 
produélions  d'une  terre  féconde  dans  les 
pays  arides  ;  ainfi  toutes  ces  armées  &  ces 
expéditions  font  autant  de  fables  ,  qui  , 
comme  l'iiTaie  ,  croificnt  dans  les  champs 
de  l'hiftoire. 

Après  fa  mort ,  Sémiramis  fut  pLacée  fur 
le  trône  :  cette  princefiè  ,  que  la  fiipcriorité 
de  fes  talens  fait  cojnpter  parmi  les  plus 
-grands  hoinmes  ,  fut  amené  captive  d'Afca- 
lon,  où  elle  étoit  née,  à  la  cour  de  Ninive  :  le 
roi  Ninus ,  frappé  de  l'éclat  de  fa  beauté  ,  la 
fît  entrer  dans  fon  lit  •■,  il  en  eut  un  fils  dont  il 
lui  confia  en  mourant  la  tutelle  :  cette  prin- 
celfe  ennoblit  fon  fexe ,  en  fe  montrant  digne 
de  commander  à  des  hommes.  Occupée 
du  bonheur  de  fes  fujets ,  elle  ouvrit  aux 
provinces  une  communication  réciproque  , 
en  bâtifi"ant  fur  le  Tigre  &  l'Euphrate  , 
plufieurs  villes  dont  la  magnificence  immor- 
îalifcrent  fa  mémoire.  Après  a^'oir  jilfuré  le 
ixjulicur  de  fes  fujets ,  elle  liicccmba  à  la 


A   S  S  707 

tentation  d'être  comptée  parmi  les  conquc- 
raiis  :  fes  expéditions  militaires  paroilicitt 
fabulcules ,  du  moins  en  a  droitde  révoquer 
en  doute  le  nombre  d'iiommes  qu'elle  em- 
ploya contre  les  Mcdes  &f  les  Indiens.  On 
alîiire  ,  fiuis  pudeur  ,  que  fon  armée  étoit 
compofce  de  trois  millions  d'hommes  de 
pié  ,  d'un  million  de  cavaliers ,  de  1 00000 
chariots  armés  de  faux,  de  300000  homme* 
pour  les  conduire,  &  pour  clifTércns  ufages. 
L'ambition  de  régner  la  rendit  injufte  envers 
fon  fils  Ninias ,  à  qui  elle  rcfufa  de  remettre 
le  fceptre  ,  dont  elle  n'étoit  que  la  dcpofi- 
taire.  Ce  fils  dénaturé  arma  la  main  d'un 
euiuique  pour  lui  ôtcr  la  vie  '-,  on  répandit 
qu'elle  avoir  été  tranfportée  au  ciel  fous  la 
forme  d'une  colombe  :  cette  fable  trouva 
bcai-coup  d'incrédules  ;  ainfi  Ninias  pouriè 
juflificr,  publia  qu'elle  avoit  voulu  l'engager 
à  connnettreun  inccfte  avec  elle  ;  le  fcandale 
de  fa  vie  accrédita  ce  bruit  ■■,  on  l'avoit  vue 
dans  les  plaines  de  Médie  ,  s'abandonner  à 
la  brutalité  de  l'oiîicicr  &  du  /bldat. 

Les  ditlcrentcs  couleurs  ,  dont  l'hifioire 
peint  cette  reine  célèbre  ,  prouvent  qu'il  y 
en  a  eu  plufieurs  dont  on  a  confondu  les 
traits  ;  de-là  vient  ce  mélange  de  grandeur 
&  de  foiblcfTe ,  de  mœurs  &  de  débauches, 
dont  l'alliance  eft  impoifible  ;  quoi  qu'il  en 
foit ,  Sémiramis  après  fa  mort  reçut  les  hon- 
neurs de  l'apothéofe  :  elle  fut  adorée  dans  la 
Palcfcine ,  où  elle  avoit  pris  naiffance  ,  & 
dans  XAffyrie ,  qu'elle  avoit  rendue  heureufe 
par  (es  bienfaits.  Elle  étoit  rcprc'cntéc  fcus 
la  forme  d'une  colombe  ,  fymbole  de  la 
lubricité  ;  les  peuples  d'Allalon  regardoient 
comme  des  fâcrilegcs  ceux  qui  tuoient  un 
pigeon ,  ou  qui  mangeoient  de  fa  chair. 
Ses  ftatues  étoient  fans  ornement ,  elle  étoit 
repréléntée  dans  fa  nudité  &  fes  cheveux 
épars  :  ce  défordre  pouvoit  bien  être  une 
ima.^e  de  fa  vie  licencieufè. 

Ninias ,  fils  d'une  mère  qui  réuni/Toit  !ef 
talons  ck  le  courage  des  grands  hommes  , 
ne  porta  fur  le  trône  que  les  foibleffes  qui  font 
même  la  cenfure  des  femmes.  Les  rois,  juf- 
qu'alors  gardés  par  l'amour  de  leurs  fujets  ^ 
a\oient  reffemblé  à  des  pères  au  milieu  de 
leur  famille.  Ninias  introduifit  l'ufage  de  fe 
faire  garder  par  des  hommes  armés  ,  qui 
femblent  annoncer  aux  rois  que  tous  les  ci- 
toyens font  leurs  ennemis.  Ce  prijicc  trop 
Rrrr   2 


^oS  A  S  S 

efieminé  pour  avoir  de  l'ambition  ,  fë  ren- 
ferma dans  l'ombre  de  fon  palais,  où  aflbupi 
dans  les  molles  voluptés ,  il  ne  vivoit  qu'avec 
iès  femmes  &  fès  concubines ,  dont  il  avoit 
les  foiblefTes  ;  &  ce  fut  en  fe  rendant  invifi- 
ble  à  {es  peuples  ,  qu'il  crut  fe  dérober  au 
mépris  public. 

Trente  générations  s'écoulèrent ,  fans  qu'il 
parût  un  roi  digne  de  l'être  :  leurs  noms  , 
comme  leurs  aâions  ,  font  tombés  dans 
l'oubli.  Ce  vuide  qui  fe  trouve  dans  l'iiilloire 
tVAffyrie  ,  a  fait  préfumer  à  de  judicieux 
critiques ,  que  cet  empire  n'eut  plus  de  rois 
après  Ninias  :  leurs  conjeûiires  ont  toutes 
ies  couleurs  de  la  vraifemblance  ;on  ne  voit 
parmi  ces  rois  aucun  légiflatenr ,  aucun  ambi- 
tieux. Connnent ,  pendant  douze  cents  ans  , 
cet  état  auroit-il  pu  fubfifter  fans  troubles 
domeftiques  ,  fans  guerres  étrangères  ? 
Comment  tant  de  rois  tributaires  auroicnt- 
ib  été  fi  long-temps  dociles  au  joug  impofé 
par  Belus  &  Sémiramis  ?  S'il  a  éprouvé  les 
fecoufles  &  les  agitations  qui  ébranlent  les 
ïiutres  empires  ,  pourquoi  les  écrivains  de 
l'antiquité  auroient-ils  gardé  un  filence  una- 
nime fur  ces  révolutions  ?  Plus  il  avoit  d'é- 
ïendne  ,  plus  il  dcvoit  intérelfer  la  curiofité, 
plus  fes  relTorts  compliqués  étoient  fiijets  à 
iè  déranger.  C'eft  fuppofer  que  tous  les  rois 
<le  la  terre  étoient  aufli  dégradés  que  les 
monarques  Alfyriens  \  fuppofition  plus  diffi- 
cile ,  que  de  concevoir  que ,  depuis  Ninias , 
jufqu'à  Sardanapale  ,  ce  trône  ne  fut  poim 
occupé.  L'oppofition  qui  fe  trouve  dans  les 
«leux  liftes  de  leurs  anciens  rois  ,  favorifë 
cette  conjecture  ^  l'une  contient  trente-fix 
rois  ,  &  l'autre  quarante  &  un.  On  n'eft 
pas  plus  d'accord  fur  la  durée  de  cet  empire; 
les  uns  lui  donnent  1300  ans ,  &  les  autrts 
réd.iifent  ce  nombre  à  510;  mais  comme 
ions  n'ont  pour  guide  que  Cteiîas ,  ils  n'ont 
fait  que  répéter  fès  erreurs. 

Après  une  éclipfè  de  plus  de  mille  ans  , 
BU  voit  reparoitre  fur  le  trône  ^Ajfjrie  , 
lin  Sardanaple  ,  dont  les  vices  &  les  mœurs 
cffcmniécs  ont  immortalifè  la  mémoire.  On 
donne  encore  aiijourd  luii  fon  nom  à  ces 
}'rétendus  condudtcurs  des  peuples  qui  Ibm- 
jneillcnt  abrutis  lbu5  la  pourj)re  ,  Jy  qui  ne 
ièré\cil!ent  que  pour  fucer  la  lueur  &lefàng 
des  peuples  épuilcs  ,  pour  fournir  des  ali- 
^riens  à  leurj  £ilcs  débauc'ics.  Ce  tyr^ui  invi-  I 


A  S  S 

lible  ,  environné  d'eunuques  &  de  concubi- 
nes ,  n'étoit  occupé  qu'à  la  recherche  dc?s 
voluptés ,  &  de  celles  même  qui  révoltent 
la  nature ,  &  que  la  pudeur  défend  de  non>- 
mer.  Fatigué  du  poids  du  fceptre ,  il  prenoit 
la  quenouille  ,  &  fe  fardoit  pour  dilputer 
aux  femmes  le  prix  des  grâces  &  de  la 
beauté.  Tel  eft  le  portrait  que  des  auteurs 
outrés  nous  en  ont  laiffé  pour  nous  peindre 
un  prince  volupnieux ,  qui  fàcrifioit  à  iss 
plaifirs  les  foins  de  fon  empire.  Ce  monarque 
avili  fit  un  peuple  de  mécontens.  Arbace  , 
Mede  de  nation  ,  honteux  d'obéir  à  un  maî- 
tre efféminé  ,  forria  une  conjuration  avec 
Belefis ,  gouverneur  de  Babylone,  prêtre  & 
guerrier,  qui  avoit  la  réputation  de  pénétrer 
dans  les  fècrets  de  l'avenir  :  les  peuples  fe 
rangèrent  en  foule  fous  leur  drapeau.  Les 
conjurés  furent  fbuvent  défaits  :  mais  foute^ 
nus  de  la  faveur  de  la  nation ,  ils  fe  relevèrent 
toujours  de  leur  chiite.  Sardanapale, réveillé 
par  le  bruit  du  danger  ,  fit  voir  que  le  goi'it 
àcs  voluptés  n'éteint  pas  toujours  le  courage; 
il  donna  des  preuves  d'un  génie  véritable- 
ment fait  pour  la  guerre  ;  &  après  avoir 
remporté  trois  viftoires ,  il  eilijya  un  revers 
qui  l'obligea  de  fè  renfermer  dans  Ninive.  Il 
y  fut  afflégé  par  l'armée  rebelle  ,  dont  les 
efforts  eulfent  été  impuilfans ,  fi  le  débor- 
dement du  Tigre  n'eût  renverfé  la  muraille. 
Le  monarque  ,  voulant  prévenir  la  honte 
d'implorer  la  clémence  du  vainqueur  ,  fit 
préparer  un  bûclier  qui  le  réduifit  en  cen- 
dres, avec  les  eunuques ,  fès  concubines  &  {zs 
tréfbrs.  Il  s'éleva  tjois  grands  royaumes  fiir 
les  débris  de  ce  vafte  empire.  Arbace ,  chef 
de  la  conjuration  ,  eut  celui  de  Médie  ; 
Belelis  ,  quoii-juc  ftibordonné  à  Arbace  , 
avoit  dirigé  tous  les  rcllorts  qui  préparent 
la  révolution  :  le  trône  de  Babylone  fut  fa  ré- 
compenfe.  Le  royaume  de  Ninive  fut  indé- 
pendant des  deux  autres ,  Jk  le  premier  qiti 
en  fut  roi  ,  fe  fit  appellcr  Ninus  le  jeune  : 
cette  révolution  arriva  landli  monde  3Z57. 

(T-iV.) 

*  AS  TA,  f  Géog.  anc.  &  mod.  )  ville  du 
royaume  d'Aftri'.can ,  entre  \  ilàpour  &  Dar 
btil.  Rivière  des  Aii;uries ,  formc-e  de  celle 
de  Ove  Si  de  Dova  ;  elle  fc  décharge  dai'.s 
la  mer  de  Bifcaye  à  \'illa-\'iciofa.  Quel- 
ques géographes  j)rétendent  que  c'eft  la. 
Sura  des  anciens  ;  d'autres  difcnt  que  la  Sur» 


A  s  T 

eft  la  Tuerta  du  royaume  de  Léon.  Ruines 
de  rancicnne  ville  des  Turdelhiiis ,  dans 
l'Andalouiie  ,  fur  la  rivière  de  Guadalcttc  : 
ces  ruines  font  conlidcrables. 

§  ASTABALE  ,  (  Mujique.  )   V.  Ata- 

BAL.E.  {F.  D.  G.) 

§  ASTABAT,  (-G/oï^rJ  ville d'Alic  dans 
l'Arménie  ou  Turcomanie ,  fur  les  frontières 
de  Perfe ,  à  une  lieue  de  l'Araxc  :  elle  cil 
petite ,  mais  très-belle  ;  il  y  a  quatre  caravan- 
feras  ;  chaque  maifon  a  fa  fontaine  &  fon 
petit  jardin.  Son  territoire  produit  d'excellent 
vin  \  &  la  campagne  d'alentour  eft  arrofée 
de  mille  ruiifeaux  qui  en  rendent  le  fol  extrê- 
mement fertile  :  c'eft  le  Icul  pays  où  croiffe 
la  racine  de  ronas  qui  eft  groife  comme  la 
réglilfe  ,  &  qui  fert  à  donner  cette  belle 
couleur  de  rouge  à  toutes  les  toiles  qui  vien- 
nent de  l'Iudoihui.  Les  caravanes  d'Ormus 
<jui  font  le  commerce  de  ronas ,  vont  fans 
celfe  d'Ormus  à  Aflabat^  dans  toutes  les  fai- 
fons.  Long.  64  ;  lat.  39.  (  C.  A.  ) 

*  ASTACES  ,  fleuve  ancien  du  royaume 
de  Pont,  dans  l'Afic  mineure.  Pline  dit  que 
les  vaches  quipaittbient  furfesbords  avoient 
le  lait  noir ,  &  que  ce  lait  n'en  étoit  pas 
moins  bon. 

*  ASTACHAR  ,  ville  de  Perfe  ,  que  les 
anciens  appelloient  Afiacara ,  près  du  Ben- 
dimir  &  des  ruines  de  Pcrfëpolis. 

*  §  ASTAFFORD  ,  (  Géogr.  )  viUe  du 
Condomois  fur  la  rivière  tle  Gers. 

*  ASTAGOA ,  ville  du  Moiioémugi ,  en 
Afrique ,  fur  les  confins  de  Zanguebar  Si  les 
rivières  des  bons  Signes. 

*  ASTAM AR ,  ACTAM AR ,  ou  AB AU- 
NAS  ,  grand  lac  ,  dans  la  Turcomanie.  Il 
reçoit  plufieurs  rivières,  &  ne  lé  décharge 
piU"  aucune.  On  l'appelle  auffi  lac  de  l^ajlan  , 
&  lac  de  Van  ,  lieux  fitués  fur   fes  bords. 

ASTAPA,  (Géogr.)  ville  d'Efpagae 
dont  parle  Tite-Live  :  elle  étoit  (ituce  près 
de  la  iburce  du  Xcnil.  Les  habitaus  alfiégés 
tk  réduits  aux  abois,  aimèrent  n.iiux  s'e  1- 
tr'égorgcr  &  brûler  leur  ville  que  de  fubir 
la  loi  du  vainqueur.  (  C.  A.) 

*  ASTARAC  ou  ESTARAC  ,  petit  pays 
de  France  en  Gafcogne  ,  entre  l'Armagnac, 
Is  Bigorre,  &  la  Gafcogne. 

ASTAROTH ,  (Hiji.  anc^  &  Théolog.  ) 
idole  des  Philillins  que  les  Jaifs  abattirent 
par  ie  commaudcTieiit  de  Samuel.  C'étoit 


A  S   T  -;C9 

audi  le  nom  dun  faux  dieu  (\q%  Sido- 
niens  ,  que  Salomon  adora  pendant  fon 
idolâtrie.  Ce  mot  lignifie  troupeau  de  brebis 
6c  richflfcs.  Quelques-uns  dilént  nue  comme 
on  adoroit  Jupiter-Ammon  ,  ou  le  Ibleil  , 
fous  la  figure  d'un  bélier ,  on  adoroit  aufTî 
Junon-Ammoniennc  ,  ou  la  lune  ,  fous 
la  figure  d'une  brebis ,  8f  qu'il  y  a  appa- 
rence miAjlaroih  étoit  l'idole  de  la  lune  , 
parce  que  les  auteurs  hébreux  le  reprélcntent 
tous  I;i  forme  d'une  brebis ,  &  que  Ion  nom 
lignifie  un  troupeau  de  brebis.  D'autres  croient 
que  c'ctoit  un  roi  d'Afîyrie  à  qui  l'on  ren- 
dit des  honneurs  divins  après  lii  mort ,  ôc 
qui  fut  ainfi  noitmié  à  caulé  de  fes  richeffes. 
Mais  cette  idée  n'a  aucun  fondement  j  il  y 
a  beaucoup  plus  d'apparence  (^nAjinroth  ell 
la  lune ,  que  les  peuples  d'Orient  adoroient 
fous  ditférens  noms.  Elle  étoit  connue  chez 
les  Hébreux  fous  le  nom  de  la  reine  du  ciel  j 
chez  les  Egyptiens,  fous  le  nom  d'///i;  chez 
les  Arabes ,  fous  celui  à'Alitta  ;  les  Afîyriens 
la  nommoient  Mylirra  ■■,  les  Perfes  Mctra , 
&  les  Grecs  Diane.  Baal  Se  Aflaroth  font 
prefque  toujours  joints  dans  l'écriture,  com- 
me étant  les  divinités  des  Sidoniens.  Thom. 
Godwin ,  de  ritibus Hebrwor.  ^lien ,  Tertul. 
in  Apologetic.  Cic.  de  natur.  deor.  lib.  Ill  y 
Strab.  Hefyc.  (  G  ) 

AST-AROTH  ,  appellée  auffi  Bafan  ou 
Baejlra,  (  Géogr.  )  ville  de  la  Paleitine  au 
delà  du  Jourd;dn ,  dans  la  demi-tribu  de 
Manafié  :  elle  étoit  capitale  du  petit  pays  de 
Bafan  renfermé  dans  la  Traconite  Judaïque. 
royfçB/iSAN.  (C.  A.) 

ÀSTARO  rHrrES,f.  m.  p!.(  Hifl.anc.) 
fcfte  de  Juifs  qui  adoroient  Aitaroth  &  le 
vrai  Dieu  ,  joignant  ces  deux  cultes  en- 
femble.  Ou  dit  qu'il  y  eut  de  ces  idolâtres 
depuis  Moyfe  jufqu'à  la  captivité  de  Ba- 
bylone. 

ASTARTÉ ,  C  Hip.  anc.  )  Ajlarté dontlc 
nom  figniiie  un  troupeau  de  chèvres  ou  de  mou- 
tons ^  fut  la  principale  di.'initédes  Sidoniens 
qui  la  repréfentoient  fous  la  forme  d'une 
poule  qui  couvre  fès  poullins  de  fes  ailes. 
Par  une  bizarre  aliémblage  ,  on  la  rcpréicn- 
toit  avec  les  cornes  f  jr  la  tétc  ,  parce  que 
c'étoit  l'attribut  delapuiffaucefuprcme:eLle 
n'eut  pas  le  même  nom  chez  les  diftérens 
peuples  où  fbii  culte  étoit  établi.  Cicérou  , 
daus  réauméraÙQn  quiifaiidcs  diiicrentes 


7T0  A  s  T 

Véiuis ,  dit  qiie  la  quatrième  ctoit  adorée 
en  Pliéiiicie  ,  fous  le  nom  â  A  parte ,  ou  elle 
étoit  repréfbntceavcc  nn  carquois  &  des  flè- 
ches. Comme  clic  fut  adorée  Tous  dilîërens 
noms. on  la  peif^nit  avec  différens  attributs^ 
elle  ctoit  appellée  Dieu  par  les  Hébreux  ido- 
lâtres ,  qui  u  avoient  point  de  terminailbn 
féminine  dans  leur  langue.  Les  peuples  du 
inent-Liban  la  repréiéntoient  pleiuant  la 
mort  d'Adonis  fon  époux  chéri  :  fa  tête  étoit 
voilée  &  des  larmes  couloient  de  fès  yeux; 
ce  fut  pourquoi  on  la  plaça  dans  le  ciel  où 
elle  formoit  la  conftellation  de  la  poule , 
connue  fous  le  nom  de  pléiades.  Les  Aiî}'- 
riens  l'habilloicnt  tantôt  en  homme  ,  & 
tantôt  en  femme  ;,  leurs  prêtres  confacrcs  à 
fon  culte  n'entioient  dans  fon  temple  qu'avec 
lin  habit  de  femme.  Les  Perfes  profcrivircnt 
Ion  culte  ,  mais  on  lui  érigea  un  temple  à 
Hicropolis  où  les  Egyptiens ,  les  Indiens ,  les 
Arméniens  &  les  Babyloniens  portèrent  leurs 
offrandes  :  fès  adorateurs  ne  pouvoient  péné- 
trer dans  cette  demeure  facrée  fans  avoir 
fait  un  échange  d'habits  ;  la  femme  prenoit 
celui  de  l'iiomme  ,  &  l'homme  celui  de  la 
femme.  On  prétend  que  la  Vénus  Uranie 
des  Grecs ,  la  Vénus  des  Affyriens ,  la  grande 
Déeffe  des  Syriens ,  la  Déccrto  d'Afcalon , 
étoit  ryî//?flr// des  Phéniciens  :  d'autres  l'ado- 
rèrent fous  le  nom  de  la  Lune  ,  de  Lucifer , 
de  Junon  ,  de  Minerve  &  d'/o. 

Afiarté  avoit  fes  prêtres  qu'on  appelloit 
Icsprophetes  du  bocage ,  parce  que  c'étoit  dans 
le  lilence  des  forêts  qu'on  célébroit  fes  myf- 
tcres.  Onexigcoit  des  femmes  qui  vouloient 
y  participer ,  l'obligation  de  couper  leurs 
cheveux  ;  &  comine  elles  étoient  fort  atta- 
chées à  cette  parure  naturelle ,  elles  s'affran- 
chifloient  de  cette  loi  rigoureufe ,  en  fe  prof- 
tituant  un  jour  entier  aux  étrangers  qui  vou- 
loient en  jouir  pour  de  l'argent ,  &le  produit 
de  cette  proftitution  étoit  offert  à  la  déelfe  ; 
le  facrificc  de  leur  honneur  leur  étoit  moins 
pénible  que  celui  de  leurs  cheveux  :  le  tein- 
ple  qu'on  lui  avoit  érigé  fur  le  mont-Liban 
offroit  le  fpcftacle  de  la  plus  révoltante 
iucontinence.  Les  hommes  fans  frein  & 
fans  pudeur  étoufibicnt  la  nature  ;  &  fè 
iivroient  aux  déibrdres  les  plus  déteftables. 
Ces  abominations  rcligieuies  pafferent  de 
l'Aile  dans  l'Afrique  où  l'on  éleva  à  cette 
décfiè  un  ;cmplcoù  les  filles  uUûicnt dévote- 


AST 

ment  fc  proftituer.  Comme  cette  dcc/lc 
n'avoit  point  par-tout  des  temples  ,  lés 
prêtres  attentifs  à  la  commodité  publique , 
portoientfurles  épaules  de  petits  tabernacles 
autour  defquels  on  offroit  des  facrifices  iin- 
purs.  Chaque  pays  fe  difputa  la  gloire  d'avoir 
donné  naillknce  à  cette  déelfe.  Son  temple 
le  plus  fréquenté  fut  bâti  à  Tyr  par  Hiram  , 
&  c'eil  peut-être  ce  qui  lui  a  tait  donner  une 
origine  phénicienne  :  fon  culte  s'étendit  à 
mcfure  que  les  empires  d'Ailyrie&deBaby- 
lone  prirent  des  accroiffemens.  Nos  annales 
facrées  la  nomment  XAftaroth  ,  &  tantôt  )c 
dieu  de  f  abomination  des  Sydoniens  ;  les  Tal- 
mudiflcs,  dont  le  vulgaire  fem.ble  adopter 
les  erreurs  ,  lui  donnent  un  des  premiers 
rangs  dans  la  hiérarchie  infernale  ;on  attache 
à  ce  mot  l'idée  d'un  diable  important  à  qui 
l'on  fait  jouer  un  grand  rôle  pour  troubler 
la  police  du  monde  :  quoique  l'hiltoire  ne 
nous  ait  point  confervé  le  détail  de  fes  acftions , 
il  efl  aifé  de  juger  par  les  fables  qui  font  par- 
venues jufqu'à  nous ,  que  la  félicité  dont  fes 
fujets  jouirent  pendant  fon  règne  lui  procura 
les  honneurs  divins.  La  religion  païenne  en- 
feignoit  alors  que  l'ame  des  bienfaiteurs  des 
hommes  alloit  après  leur  mort  rélider  dans 
les  aftres  ;,  ainfi  l'on  le  perfnada  que  celle 
d'A/Iartéqui  avoit  découvert  on  protégé  des 
arts  utiles ,  avoit  fixé  fa  demeure  dans  Idiune  , 
dont  elle  de^'int  le  fymbole.  (  T-.v.  ) 

ASTATHIENS  ,  f.  m.  pi.  (  T/:éo/.  )  hé- 
rétiques du  neuvième  ficelé ,  Se  fëéf ateurs; 
d'un  certain  Sergius  qui  avoit  renouvelle  les 
erreurs  des  Manichéens.  Ce  mot  eft  dérivé 
du  grec  ,  8c  formé  d'à  privatif  ,yj/;j  ,  Se 
d'iç-Hu/ ,  f/?o,  je  me  tiens  ferme  ;  comme  qui 
diroit  variable  ,  inconfiant  ;  foit  parce  qu'ils 
ne  s'en  tenoient  pas  à  la  loi  de  l'églilê ,  foit 
parce  qu'ils  \arioient  dans  leur  propre  créan- 
ce. Ces  hérétiques  s'étoient  fortifies  ùv.is 
l'empereur  Nicéphore  ,  qui  les  favorifoit  : 
inais  fon  fucceiléur  Michel  Curopalate  les 
réprima  par  des  édits  extrêmement  fé\'ercs. 
On  conjcfture  qu'ils  croient  les  mêmes  que 
ceux  que  Théophanc  Se  Ccdrene  appellent 
Ant/iiganiens ,  parce  que  Nicéphore  &  Cu- 
ropalate tinrent  chacun  à  l'égard  de  ceux-ci 
la  conduite  dont  nous  venons  de  parler.  Le 
P.  Goar  dans  fes  notes  fur  Théophane  à  l'an 
803  ,  prétend  que  ces  troupes  de  vagabonds, 
connus  en  France  iôus  le  110111  de  BolUmlciui 


A  s  T 

ou  fX Egyptiens  ,  étoicnt  des  reilcs  cîcs  Âpa- 
t/iiens.  Son  opinion  ne  s'accorde  pas  avec 
le  portrait  que  Conft;intin  Porphj'TOgenete 
&  Cedrene  nous  ont  fait  de  cette  fcdtc  , 
qui  née  en  Phiyi^ie  ,  y  domina  ,  &  s  éten- 
dit peu  dans  le  rciic  de  l'empire^  &  qui  joi- 
gnant l'ufîige  du  baptême  à  la  pratique  de 
toutes  les  cérémonies  de  la  loi  de  Moyfe  , 
ctoiî  un  mélange  abfiu-de  dujudaiijne  ôcdu 
chrillianifme.  (G) 

*  ASTECAN  ou  ASCHIKAN,  ville 
tl'Afie  dans  la  contrée  de  Mawralnaher ,  & 
la  province  de  Al-Sogde. 

ASTER  ATTICUS  ou  OCULU S 
CHRISTI,  (Jardinage.)  plante  vivacc  de 
la  grande  efpece  ,  à  plufieurs  tiges  rougeâ- 
tres ,  garnies  de  feuilles  oblongues  d'un  vcrci 
clair,  La  fleur  ell radiée,  agréable  à  la  vue, 
de  couleur  bleue  ou  violette  ,  quelquefois 
blanche  &  jaune  dans  le  milieu  :  les  fom- 
mcts  font  oblongs  ,  garnis  chacun  d'une  ai- 
grette. Il  y  en  a  deux  dilîérentcs  par  rap- 
port aux  feuilles  ;,  elles  croiHent  dans  des 
lieux  incultes  ,  &  fè  multiplient  de  racines 
éclatées.  On  les  voit  en  fleur  dans  l'au- 
tomne ;  on  les  place  dans  les  parterres,  dans 
les  boulingrins  ,  &  entre  les  arbres  ifblés  & 
le  long  des  murs  de  tcrrallés  &  des  allées 
rampantes.  (  K  ) 

*  ASTER  ABAT  ou  ASTRABAT,  ville 
d'Aile  dans  la  Perfe ,  au  pays,  fur  la  rivière , 
&  proclie  le  golfe  du  même  nom  ,  vers  la 
mer  Cafpiennc.  Lon^.  72,  5 i  Ait.  36,  50. 

ASTÉRIE  ,  f.  f.  (  MineraL  )  ajfertas  ou 
ajîrion ,  Plin.  On  ne  fait  pas  bien  quelle 
eft  la  pierre  à  laquelle  Pline  donne  ce  nom. 
M.  Lehmann  décrit ,  dans  les  mémoires  de 
[académie  de  Berlin  pour  1754,  une  pierre 
cryflailifce  fingulicre  ,  qu'il  croit  être  ïaf- 
tirie  de  cet  auteur  :  il  p;iroit  cependant  plus 
vraifemblable  que  c'eft  u!ie  efpece  d'o- 
pale ,  &  peut-être  celle  qu'on  appelle  ail 
de  chat.  {D) 

Astérie  ,  f.  f.  {Minéral.)  afteriœ  ou 
pierres  étoilécs  ^  ce  font  de  petites  pierres 
plates  ,  taillées  en  étoile  &  marquées  ordi- 
nairement de  quelques  traits  fur  leurs  A'^xxyi 
fiiiiaces  :  on  les  trouve  ou  féparccs  ,  ou 
réunies  en  forme  de  colonnes  prifnatiques, 
auquel  cas  on  les  nommz a ftériescolumnai tes. 

Leur  fubllance  eft  un  (path  alkalin ,  dont 
les  lames  fout  un  angle  aigu  avec  les  côtés 


AST  711 

de  la  colonne  :  les  unes  font  rayonnces ,  d'au- 
tres ne  font  qu'anguleufcs  :  elles  dificrent  des 
trochitcs,  parce  que  celles-ci  font  circulai- 
res. On  regarde  les  unes  &  les  autres 
comme  des  pétrifications  de  quelques  par- 
ties de  l'étoile  arbicufe  ,  appcllée  tête  de 
Médufe.  M.  Guettard  a  décomert  un  zoo- 
phyte  ,  qui  paroît  être  l'origine  de  ces  pé- 
trifications ,  ainfi  que  des  cncrinites.  [D) 

ASTERIO,  (Ajlron.)  royei  ClUENS 
DE  CHASSE. 

AST  ÉRION ,  (  Géogr.  )  il  y  avoit  deux 
villes  de  ce  nom  dans  la  Grèce,  l'une  en  Péo- 
nie,  iclon  Tite-Live  ,  &  l'autre  en  Thefia- 
lie  ,  félon  Hefychius,  (C.A.) 

*  AsTÉRioN  ,  fleuve  du  pays  d'Argos  , 
d:uis  les  eaux  duquel  croi/foit  une  plante 
dont  o!i  faiibit  des  couronnes  à  Junon  l'Ar- 
gienne.  Le  fleuve  Ajiérion  fut  père  de 
trois  filles  nommées  Eubée  ,  Projymne  & 
Acrée  ,  qui  fcrvireut  ,  à  ce  qu'on  dit ,  de 
nourrices  à  Junon. 

AS  1  ÉRIPHOLE  ,  en  latin  afteripholis  , 
eft  un  genre  de  plante  qui  produit  de  peti- 
tes têtes  écailleuiés  où  font  des  fleurs ,  dont 
les  fleurons  font  au  milieu  du  difque ,  Se  le» 
demi-fleurons  rangés  fur  la  couroinie  :  cette 
})lante  porte  des  femences  en  aigrettes  qui 
font  léparées  les  unes  des  autres  fur  le  fond 
du  calice  par  des  écailles.  Pomederœ  DiJ- 
fert.  10.  Voyei  HerbE  ,  PLANTE  ,  BOTA- 
NIQUE,   (i) 

AS  r  tRIQUE ,  f  m.  terme  de  grammaire 
&  d'imprimerie  ;  c'eft  un  figue  qui  eft  ordi- 
nairement en  forme  d'étoile ,  que  l'on  met 
au  deifus  ou  auprès  d'un  mot ,  pour  indi- 
quer au  Iccîeur  qu'on  le  renvoie  à  un  figne 
pareil  ,  après  lequel  il  trcu\  cra  quelque  re- 
marque ou  explication.  Une  fuite  de  petites 
étoiles  indiquent  qu'il  y  a  quelques  mots 
qui  manquent.  Ce  mot  étoit  en  u(àge  dans 
le  même  fens  chez  les  anciens  ;  c'eft  un 
diminutif  de  açi^^  ,  étoile.  liidore  en  fait 
mention  au  premier  li\Te  de  fes  origines  : 
flella  enim  x':i, .,  grœco  fermone  dicitur^  a  qucf 
nflerijcus,  ftcllula  ,  eff  derivatus  ;  &  qi:c]qi;es 
lignes  plus  bas  il  ajoute  qu'Ariftarquc  fe  fcr- 
voit  (ïa/lériçue  allongé  par  une  petite  ligne 
*  ~  pour  marquer  les  vers  d'Homère  que 
les  copiftes  avoient  déplacés  :  aflerifcus  ci:nt 
obelo  ;  hâc propriè  ylriftarckus  utebntur  in  iis 
verjibus  quinonfuo  iocopoj/ticra/it.liid.  ibid^ 


711  A  S  T 

Quelquefois  on  fe  fert  de  Xaftèrique  pour 
faire  remarquer  un  mot  ou  uneuenlëe  :  mais 
il  eft  plus  ordinaire  que  pour  cet  uiàge  on 
emploie  cette  marque  2V  B ,  qui  fignific 
nota  bene  ,  remarquez  bien.  (  F  ) 

*  V^ajiérique  eit  un  corps  de  lettre  qui 
entre  dans  raifortiment  général  d'une  fonte. 
Son  œil  a  la  figure  qu'on  a  dit  ci-deiFus. 

V^STÉRISME  ,  aftérifmus  ,  f.  m.  fignifie 
en  ajlronomie  la  même  chofe  que  conjklla- 
tion.  /^.Constellation. Ce  motvientdu 
grec  kçw^fiella  ,  étoile.  Voy.  Etoile.  (0) 
ASTÉRISQUE  ,  afîérifcus  ,  genre  de 
plante  à  fleur  radiée ,  dont  le  difque  eft  com- 
pofc  de  plufieurs  fleurons ,  &  dont  la  cou- 
ronne elt  formée  par  des  demi-fleurons  qui 
font  pofés  fur  des  embryons  ,  &  qui  font 
foutenus  par  un  calice  étoile  qui  s'élève  au 
delfus  de  la  fleur.  Les  embryons  deviennent 
dans  la  fuite  des  femences  plates  &  bordées 
pour  l'ordinaire.  Tournefort  ,  Inft.  rei  herb. 
Voye[  Plante.  (/) 

astéroïdes  ,  genre  de  plante  à  fleur 
radiée,  c'eft-à-dire  dont  le  difque  eft  com- 
pofé  de  pli'ilîeurs  fleurons ,  &  la  couronne 
de  demi-fleurons  qui  tiennent  à  des  em- 
bryons ,  &  qui  font  placés  fur  un  calice 
écailleux.  Les  embryons  deviennent  dans 
la  iîiite  des  femences  ordinairement  oblon- 
gucs.  Tournefort,  Corol.  injl,  rei hcrb.  Voy. 
Plante.  (/) 

ASTÉROPE  ,  (  Afron.  )  l'une  des  filles 
d'Atlas,  &  la  première  des  fept  étoiles  prin- 
cipales, quicompofent  les  pléiades.  Ovide , 
Fajf.  ir,  170.  {M.  DE  LA  Lande.) 

ASTÉROPÉE  ,  (  H/y?,  poétique.  )  fils  de 
Pélogonias ,  étant  venu  avec  les  Péoniens 
au  fecours  des  Troyens ,  ofi  aller  au  devant 
d' Achille  ,  qui  étoit  encore  tout  furieux  de 
la  mort  de  Patrocle  ,  &  porta  fur  le  champ 
la  peine  de  fa  témérité.  (      ) 

ASTÉROPTERE,  (5o/.)  M. Vaillant 
comprenoit  fous  ce  nom  générique ,  des 
plantes  que  M.  Linné  range  parmi  les  afier. 
Le  caradtere  par  lequel  M.  Vaillant  les  dif 
tinguoit,  c'cft  que  les  femences  des  aftcrop- 
teres  ontimo.  aigrette  en  plume.  (/?•  ) 

*  ASTE  PLAN  ,  province  du  nouveau 
royaume  de  Mexique ,  dans  l'Amérique  fcp- 
tcntrionale  ,  proche  de  la  province  de  Ciua- 
loa ,  vers  cette  mer  rouge  que  les  Efpagnols 
ont  uommép  mar  Fermejo. 


A  S  T 

*  ASTEZAN  o« COMTÉ  D'AST,pays 

d'Italie  au  Piémont ,  qui  le  borne  au  cou- 
chant ^  il  eft  du  refte  enclavé  dans  le  Mont- 
fer  rat. 

ASTHME ,  f  m.  (  Méd.  )  difficulté  de 
refpirer,  maladie  de  poitrine  ,  accompa- 
gnée d'une  elpece  de  îifflement.  On  lui  a 
aufli  donné  les  noms  de  dyfpnée  &  d'or- 
thopnée ,  mots  tirés  du  grec,  &  que  l'on  doit 
rendre  en  françois  par  ceux  de  refpiratiort 
difficile  ,  ou  refpiration  debout  ;  fituation  fa- 
vorable au  malade ,  lorfqu  il  eft  dans  ua 
accès  à'ûflAme. 

Les  caufès  générales  de  Vajlhme ,  font  tou- 
tes les  maladies  qui  ont  affedté  ou  affe£lent 
quelques  parties  contenues  dans  la  poitrine, 
&ontoccafioné  quelque  délabrement  dans 
les  organes  de  la  refpiration  :  tels  font  l'é^ 
réfipele  du  poumon  ,  ou  rinflamination  de 
cette  paitie  ou  de  quelqu'autre  ,  dont  la 
fonftion  eft  néceifaire  à  la  refpiration  ,  fur- 
tout  lorfque  cette  inflainmation  a  dégénéré 
en  fuppuration ,  &  qu'il  fe  rencontre  quel- 
que adhérence  à  la  plèvre  ou  au  dia- 
phragme. On  peut  encore,  mettre  au  nom- 
bre de  ces  caufes  le  vice  de  conformation 
de  la  poitrine  ,  tant  dans  les  parties  inté- 
rieures que  dans  les  extérieures. 

1°.  Les  caufes  prochaines  on  particulières 
de  Xafihme.,  font:  la  trop  grande  abondance 
de  fàng  provenant  des  caufes  de  la  pléthore 
univerfelle ,  comme  la  fuppreftion  des  pertes 
de  fang  ordinaires,  le  changement  fubit 
d'un  air  chaud  en  un  froid  ,  lufagê  immo- 
déré d'alimens  fucculens  ^  8f  alors  cette  ef- 
pecc  A'afihme  s'appelle  fec ,  &  félon  VCillis 
convul/if.  2°.  La  furabondance  d'humeurs 
féreufes,  qui  refluant  du  côté  des  poumons, 
abreuvent  le  ti(fu  de  leurs  fibres ,  &  le  ren- 
dent trop  lâche  &  peu  propre  à  recevoir  8c 
challcr  l'air  qui  y  eft  apporté ,  &  par  le  moyen 
duquel  s'exécute  la  refpiration  :  c'eft  parti- 
culièrement à  cette  efpece  à^afthme  que  font 
fujets  les  vieillards  \  on  l'appelle  ajlhmt  hu- 
mide ou  humoral. 

Il  fuffit  pour  expliquer  le  retour  périodi- 
que de  cette  maladie ,  de  faire  attention  à  ce 
que  je  viens  de  dire  iiir  fa  caufc  i  dès  qu'il 
fe  rencontrera  quelque  révolution  qui  la 
déterminera  ,  elle  occafionera  un  accès 
^ajlhmt;  les  changemens  de  temps,  de 
faïfou  ,  le  moindre  «xcès  dans  l'ulage  des. 

choies 


A  s  T 

cliofcs  non  natiu-ellcs ,  font  autant  de  cau(ês 
déterminantes  d'un  accès  d\iftAme. 

Cette  maladie  cft  ordinairement  de  lon- 
gue durée  ,  &  andi  dangereufe  qu'elle  elt 
liîcheufc  j  en  effet ,  un  malade  fu  jet  à  Vu// Ame , 
croit  à  chaque  accès  dont  il  eft  attaqué, que 
ce  fera  le  dernier  de  fa  vie  :,  rien  n'étant  pliis 
néceiliiire  pour  la  confen'ation  que  la  refpi- 
ration  ,  la  crainte  qu'il  a  de  ne  pouvoir  plus 
retirer  eft  certainement  bien  légitime. 

La  fiiite  ordinaire  de  Va// Ame,  iur  tout  de 
celui  que  nous  avons  nommé  humide  ,  eft 
l'hydropifie  de  poitrine  ^  il  eft  donc  queftion 
de  faire  tous  fes  efforts  pour  prévenir  cette 
funefte  fin  dans  ceux  qui  en  font  menacés  : 
pour  cet  effet,  on  ufera  dcrcmedcs  qui  pour- 
ront diminuer  la  trop  grande  quantité  de  fé- 
rofités,  &en  même  temps  donner  du  reffort 
aux  fibres  des  poumons  ,  &  les  mettre  en 
état  de  réfifter  à  cette  aftluence  de  liqueurs 
nuifibles.  La  faignée  cft  un  remède  très- 
indiqué  dans  XallAme  fec  ou  convulfif ,  qui 
eft  ordinairement  accompagné  d'ardeur  & 
de  fièvre  ■■,  les  délayans ,  la  dicte ,  &  tout  ce 
qui  peut  diminuer  la  quantité  &  l'effervef- 
cence  du  fang  ,  font  auffi  d'un  très-grand 
iècours.  (  N) 

ASTHME  ,  adj.  terme  de  fauconnerie  ,  fe 
dit  d'un  oifeau  qui  a  le  poumon  enflé  &  qui 
refpire  difficilement:,  on  dit  :  ce  tiercelet  eft 
ajihmé  ,  il  faut  s'en  défaire. 

§  ASTI,  (Géogr.)  belle  &  ancienne  ville 
d'Italie  ,  dans  le  Montferrat  fur  le  Tanaro  , 
à  cinq  lieues  nord-eft  d'Albe ,  &  à  huit  fud- 
oueft  de  Cafal  :  on  la  nommoit  ancienne- 
ment Afla  Pompeia.  C'eft  la  capitale  du 
comté  ^Afi  :  il  y  a  un  évêché  &  une  cita- 
delle j  les  François  l'ont  prife  deux  fois. 
Long.  25  ,   50  ;  iat.  44,  50.  (C.  A.) 

ASTI  AN  AX ,  (  Hift.  anc.  )  fils  unique  du 
généreux  Heftor  &  d'Andromaque  :  ce 
jeune  prince  ne  furvécut  pas  au  défaftre  de 
Troye  fa  patrie  :  il  fut  d'abord  deftiné  à  être 
efclave  avec  fa  mère  ;  mais  Calchas  ,  pon- 
tife fanguinaire  ,  prédit  aux  Grecs  que  s'ils 
refufoient  de  le  facrifier ,  ils  dévoient  s'at- 
tendre à  retrouver  en  lui  plufieurs  Heftors  ■-, 
les  Grecs  refuferent  d'abord  de  fe  rendre  à 
cet  oracle  ;,  mais  une  tempête  les  ayant  fur- 
pris  ,  comme  ils  alloient  s'embarquer  ,  Cal- 
chas prétendit  que  le  calme  dépendoit  de  ce 
lacrifice  barbare.  Ulyffe  arracha  le  jeune 
Tome  111. 


A  ST  71) 

Apiafiax  d'entre  les  bras  de  fa  mère  ,  &  le  fît 
jeter  du  haut  en  bas  des  murailles.  C  T-n.) 

ASTIC  ,  f.  m.  cft  un  os  de  jambe  de  mu- 
let ou  de  cheval ,  qui  fert  à  liiiér  les  femel- 
les ■■,  on  inet  de  la  graillé  dans  le  trou  du  mi- 
lieu pour  grailler  les  alênes. 

L'a/fic  de  bois  eft  à-pcu-près  fembhible  à 
celui  d'os. 

*  AS TINGES  ,  f.  m.  plur.  (  ////?.  anc.  ) 
peuples  inconnus  qui  vinrent  dans  la  Dace 
ottrir  du  fecours  aux  Romains ,  à  condition 
qu'on  leur  accG-;deroit  des  terres  :,  ils  furent 
alors  refufés  :  mais  Marc-Aurele  accepta 
leurs  offres  l'an  170  de  J.  C.  ik  ils  fe  batti- 
rent contre  les  ennemis  de  l'empire. 

*  AS  TOMES ,  f.  m.  pi.  peuples  fabuleux 
qni  n'avoient  point  de  bouche  ;  Pline  les 
place  dans  l'Inde  -,  d'autres  les  tranfportent 
bien  avant  dans  l'Afrique  :  ce  nom  vient  de 
l'a  privatif,  &  de  ç'oyg.,  houcAc.  On  prétend 
que  cette  fable  a  été  occafionée  par  Taver- 
fion  que  certains  Africains  qui  habitent  fur 
les  bords  du  Sénéga ,  branche  du  Niger,  oirt 
de  montrer  leur  vifage. 

*  ASTORGA,  ville  d'Efpagnc  ,  au 
royaume  de  Léon  ,  fur  la  rivière  de  Tuerta, 
Long.  li  ■■,  lac.  41,  10. 

*  ASTRACAN  ,  ville  de  h  Mofcovia 
Afiatique ,  dans  la  Tartarie  ,  capitale  du 
royauine  de  même  nom.  Coinme  il  n'y  pleut 
point ,  on  n'y  feme  aucun  grain  ^  le  Volga 
s'y  déborde  :  depuis  Aflracan  jufqu'à  Terxi , 
il  y  a  de  longues  bruyères  le  long  de  la  met 
Cafpienne  ,  qui  donnent  du  fel  en  grande 
quantité  \  elle  eft  fituce  dans  une  île  que 
forme  le  Volga.  Long.  6j  •■,  lat.  4.<5,   12.. 

ASTRAGALE ,  xrfàyaj^of  ,  en  artcuomièf 
eft  un  os  du  tarfe ,  qui  a  une  éminence  con- 
vexe ,  articulée  par  ginglyme  avec  le  tibia. 
\Jafiragale  eft  le  plus  fupérieur  de  tous  les 
os  du  tarfe.  foyfj  Tarse. 

Quelques-uns  appliquent  le  nom  &ajtri~ 
gale  aiix  vertèbres  du  cou.  Homère  ,  dans 
fon  Odyffée ,  emploie  ce  terme  dans  ce  fens. 
J^oyei  Vertèbre.  On  peut  diftinguer  dans 
Xaftragah  cinq  faces ,  qui  font  prefqua  toutes 
articulaires  &  revêtues  d'un  cartilage. 

La  face  fupérieiu-e  eft  convexe ,  &  un  peu 
concave  dans  fa  lc»'jueur  ,  &  eft  articulée 
avec  le  tibia  ;  l'inférieure  eft  concave,  commç 
divifée  en  deux  facettes  articulaires.,  fëpa- 
rées  par  une  gouttière  ,  &  s'articule  avec  le 
S  s  ss 


714  A  S  T 

calcancuin  ;  fantérieure  eil  arrondie  &  arti- 
culée avec  le  icaphoïde  ou  naviculaire.  Des 
deux  latérales  qui  font  les  moins  confidéra- 
bles ,  la  latérale  externe  qui  eft  la  plus 
grande  ,  eft  articulée  a\'ec  la  malléole  ex- 
terne ,  &  la  latérale  interne  avec  la  malléole 
interne.  Foye^  MALLÉOLE ,  &c. 

Astragale  ,  f.  m.  eil  un  membre  d'ar- 
chiuclure  ,  compoie  de  deux  moulures,  l'une 
'  ronde ,  foite  d'un  demi-cercle  ,  l'autre  d'un 
filet.  Prefque  tous  les  auteurs,  les  architec- 
tes &  les  ou\Ticrs ,  doinicnt  ce  nom  à  la 
iiioulure  demi-ronde  \  bc  piu'-tout  ailleurs  ils 
fe  fervent  du  inot  baguette.  Mais  le  nom 
i^ajlragak  doit  s'entendre  de  ces  deux  mou- 
lures j)ri{cs  cnfèmble  &  non  iéparément  : 
icus  les  fûts  (ùpérieurs  à'^i  coloiuies  ibnt  ter- 
jiiinés  par  une  ûjlragale  qui  leur  appartient , 
&  non  au  chapiteau  ,  à  l'exception  de  l'or- 
tîre  tolcan  &  dorique  j  quelquefois  à  l'ordre 
ionique  ,  la  bac^iiette  appartient  au  chapi- 
teau ,  dans  la  crainte  que  cette  mou.lure  ap- 
partenant à  la  coloinie  ,  ne  rendît  ion  cha- 
piteau trop  bas  &  trop  écra(é.  Il  faut  remar- 
quer que  cette  dernière  obfèrvation  n'a  lieu 
que  dans  le  cas  où  les  fûts  d'une  colonne  lônt 
Vi'une  inatiere ,  &  les  chapiteaux  de  l'autre  ; 
iavoir  ,  les  premiers  de  marbre  ,  les  derniers 
fie  bronze,  ou  bien  les  fûts  de  marbre  noir, 
ci  l&s  chapiteaux  de  marbre  blanc.  Car  îorP 
«jiîc  ces  deux  parties  de  l'ordre  font  de  pierre  , 
■alors  l'identité  de  la  matière  empêche  cette 
remarque  :  maij  îl  n'en  eft  pas  moins  vrai 
qu'il  faut  obfêrver  par  rapport  à  laconftrac- 
lion  qi.e  ïajirjgale  ,  ou  au  moins  le  filet  de 
ce  menîbre  d'architcfturc ,  appartient  au  fût 
<le  îa  colonne  ou  piiaftre  ;  en  voici  la  raifbn. 

I.Hjfage  vent  que  l'on  unilîc  le  fût  des  co- 
lonnes à  r<3/<Vij«'i2/<' par  un congé.  Or  ce congé 
ii'eft  autre  cliofè  qu'un  quart  de  cercle  con- 
cave ,  qui  ne  peut  term.iner  feul  le  fût  fupé- 
ricur  ou  inférieur  d'une  colonne  ^  il  faut 
qu'il  foit  accompagfjé  d'un  niembre  quarré , 
qui  par  Tes  angles  droits  aifure  la  folidité  , 
le  tranfport ,  ik  la  pôle  du  chapiteau  &  de 
la  colonne  :  ce  qui  ne  fe  pourroit ,  de  quel- 
que matière  que  l'on  voulût  faire  choix,  fans 
que  ce  congé  Rit  fujet  ;\  fc  calier  ou  s'cngre- 
ucr.  (P) 

Ce  petit  membre  d'archiicfture  fc  voit 
auiïî  fur  les  pièces  d'artiilcric  ^  il  leur  fert 
d'ornement  comme  il  feroit  à  u:!2  ccloiuic. 


:  .  A  s  T 

Il  y  en  a  ordinairement  trois  fur  une  pièce ,' 

fîivoir  Vûfragale  de  lumière ,  celui  de  ceinture  , 
&  celui  de  rotce.  Voye^  Canon.  (  Q  ) 

As'i  RAGALE  ,  f.  m.  afiragalus,  {Hijl.  nat. 
bot.  )  genre  de  plante  à  rieurs  papilionacées; 
il  fort  du  calice  lin  piftil  enveloj;pé  d'une 
gaîne ,  ce  piftil  devient  dans  la  fuite  une 
goulfe  divifée  en  à^u^  loges  remplies  de  fe- 
menées  qui  ont  la  figure  d'un  rein  :  ajoutez 
aux  caractères  de  ce  genre ,  que  les  feuilles 
naiiîent  pa.'  paires  le  long  d'une  côte  termi- 
née par  une  lêule  feuille.  Tournefort,  Iriji, 
rei  herb.  Voye^^  Plaxte. 

-ASTRAGALOIDE  ,  genre  de  plante  à 
fleurs  papilionacées  j  il  s'élève  du  calice  un 
piftil  qui  devient  dans  la  fuite  une  filique  «- 
peu-près  de  la  figure  d'un  bateau  ,  &  rem- 
pli de  femences  fèmblables  à  de  petits  reins, 
Tournefort,  J/.y/.rw/jtTiJ.  Voy.  Planie.(7) 

ASTRAGALOMANCIE,  f.  f.  divina- 
tion ou  eljjece  de  fort ,  qui  fè  pratiquoit  avec 
des  oiTcIers  ou  des  eipeces  de  d.i.i  marqués 
des  lettres  de  r;dphabet  qu'on  jetoit  au  ha- 
fard  ^  &  des  lettres  qui  réfultoient  du  coup  , 
on  formoit  la  réponfe  à  ce  qu'on  cherchoit. 
C'eft  ainfi  qu'on  confùltoit  Hercule  dans  un 
temple  qu'il  avoit  en  Achaïe ,  &  que  lé  ren- 
doient  les  oracles  de  Gerion  à  la  fontaine 
d'Apone ,  proche  de  Padoue.  Hift.  de  tacad. 
des  infaipt.  tom.  I ,  pag.  ii2.  Ce  mot  ell 
form.é  d'açfaycLhai  ,  qU'elet ,  ou  petit  os  qui 
eft  fréquent  dans  les  animaux,  &  de  ^uaiTs/a, 
divination.  Quand  on  y  employoit  de  véri- 
tables dés,xiC3,  on  la  nommoit  t/.\iC'>ua.\- 
Tita. ,  cubomantie.  Dclrio  remarque  qu'Au- 
gufte  &  Tibcre  étoicnt  fort  adonnés  à  cette 
ef[5ece  de  divination  ,  &  il  cite  en  preuve 
Suétone  \  mais  cet  hiftorien  ne  dit  rien  autre 
chofè  ,  finon  que  ces  princes  aimoient  fort 
le  jeu  des  dés ,  &  cela  par  pur  divertilfe- 
ment  •■,  ce  qui  n'a  nul  rapport  à  la  divina- 
tion. (G) 

ASTRAL  ,  ce  mot  vient  du  latin  aftrum  , 
qui  lui-même  vient  du  mot  grec  *o;c ,  étoile. 
Il  eft  peu  en  ufage  :  mais  on  s'en  fèrt  quel- 
quefois pour  fignifier  ce  qui  a  rapport  aux 
étoiles  ,  ou  qui  dépend  des  étoiles  &  des 
ailres.  Foye\  Étoile. 

Année  cijirak  o\x  jidêrèah  ,  c'eft  le  temps 
que  la  terre  emploie  à  faire  fa  révolution  au- 
tour du  Soleil  ■■,  c"cfi-à-diie  ,  à  rc\cnir  d'un 
point  de  fôn  orbite  au  incnie  poiut.  Elle  cil 


A  s  T 

opnofée  h  l'année  tropique  ,  qui  eft  le  temps 
qui  s'écouic  entre  deux  équinoxcs  de  prin- 
temps ou  d'automne;  ^  cette  annéeeftpliis 
courte  que  l'année  (idcrcale,  qu'on  appelle 
autrement (3/2/? t't-  anomalijUque  ou  pi-riodLjue. 
Voy.  SiDt.RÉAL  (S'  Anxke.  fO) 

ASTRANTIA  ,  faiiidc  de  montagnes, 
(  Hijf.  nat.  bot.  )  genre  de  plante  à  fleurs  en 
rofe,difpo(ees  enforme  de  parafol  ;  la  pointe 
des  péta'cs  eit  ordinairement  repliée  :  ces 
pétales  font  pofés  fur  un  calice  qui  devient 
un  fruit  coinpofé  de  deux  lêmenccs  ,  dont 
chacune  eft  eu'.eloppée  dans  une  coiffe  can- 
nelée &  frilce.  Les  fleurs  font  ralfemblées 
en  un  bouquet  fcutcnu  ])ar  une  couronne  de 
feuilles.  Il  y  a  auili  des  fleurs  Itcriles  qui  font 
liir  leur  calice.  Tournefort.  Injî.  reiherb.l''. 
Plante.  {/) 

ASTRE ,  aflrum ,  f.  m.  eft  un  mot  général 
qui  s'applique  aux  étoiles  ,  tant  fixes  qu'er- 
rantes ;  c'elè-à-dire  aux  étoiles  proprement 
dites ,  aux  planètes ,  &  aux  comètes.  Voy. 
Étoile, Plane fE  ,  fv. 

Afive  ,  fe  dit  pourtant  le  plus  ordinaire- 
ment des  corps  céleftes  lumineux  par  cux- 
inêmes,  comine  les  étoiles  fixes  &  le  foleil. 
V<iyei  Soleil.  (O; 

*  Astres  ,  (  Mythol.  )  Les  païens  ont 
adoré  les  i?/?;«;  ils  les  croyoient  irrnnorteIs& 
animés ,  parce  qu'ils  les  voyoient  fe  mou- 
voir d'un  mouvement  continuel ,  &  briller 
fins  aucune  altération.  Les  influences  que 
le  foleil  a  évidemment  fur  toutes  les  produc- 
tions de  notre  globe  ,  les  conduiiirent  à  en 
attribuer  de  pareilles  à  la  lune ,  &  ,  en  géné- 
ralifant  cette  idée  ,  à  tous  les  autres  corps 
céleftes.  Il  eft  lîngulier  que  la  fuperftition  fe 
foit  rencontrée  ici  avec  l'aftrologic  phyiique. 
Astres  ,  influence  ou  influx  desajfres  ,  f.  m. 
(Méd.pAyfique  générale  ,  partie  thérnpeut.  ) 
Ce  mot,pris  dansle  fens  le  plus  étendu, fignifie 
une  aâion  quelconque  des  aftjes  fur  la  terre 
&  fur  toutes  les  procluftions  ;  la  coiinoiftance 
des  effets  qui  font  cenfcs  réfulter  de  cette 
adtion  ,  ne  nous  regarde  qu'autant  qu'elle 
peut  être  de  quelque  utilité  en  m.édecine,par 
le  rapport  de  ces  effets  avec  les  plantes ,  les 
ajiimaux ,  &  fur-tout  l'homme,  objet  noble 
&  précieux  de  cette  fcience.  Nous  neconfîdé- 
rons  que  fous  ce  point  de  vue  cette  partie 
de  l'aftronomie ,  qui  eft  appellée  plus  parti- 
culièrement aflrologic  \  voy.  ce  /rjo/.Nousnc 


AST  -15 

pouvons  nous  empêcher  d'être  Tin  peu  longs , 
&  d'entrer  clans  bien  des  détails  fur  une  ma- 
tière célèbre  chez  les  anciens ,  regardée  pât- 
eux comme  très-importante  ,  &  fort  difcrc- 
ditéc  chez  la  plupart  des  médecins  modernes. 
L'influence  des  aflrcs  étoit  un  dogme  fa- 
meux dans  l'antiquité  la  plus  reculée  ,  dont 
on  étoit  pcrfuadé  même  avant  qu'on  pensât 
à  en  connoître  ou  à  en  déterminer  le  cours. 
L'application  de  l'aftrologie  à  la  médecine 
eft  aulli  très-ancienne  \  elle  eut  lieu  dans  ces 
temps  d'ignorance  ,  où  cette  fciencc  encore 
dans  fon  berceau  ,  exercée  par  des  dieux , 
n'étoit  qu'un  mélange  indigefte  &  bizarre 
d'un  aveugle  empyriftme  &  d'une  obfourc 
fuperftition.  On  voit  dans  quelques  livres 
qui  nous  relient  d'Hermès  ou  de  Mercure  , 
que  toute  fa  médecine  étoit  principalement 
fandée  fur  l'aftrologie  &  fur  la  magie.  Quel- 
ques phénomènes  trop  évidens  ,  &  trop 
conftamment  attachés  à  la  marche  du  foleil  y 
pour  qu'on  pût  en  méconnoître  la  loiircc, 
firent  d'abord  appercevoir  une  influence  gé- 
nérale de  cet  aftre  fur  notre  globe  ,  &  £:s 
phénomènes  principaux  &  les  plus  apparens 
font  la  lumière  ,  la  chaleur  &  la  fécherefle. 
On  vit  en  même  temps  combien  les  hommes, 
les  animaux  &  fur-tout  les  végétaux,  étoient 
affeûés  par  ces  qualités,  effets  im.n:édiats  du 
fblcil ,  par  les  variations  qui  y  arrivoient  , 
par  leur  diminution  ,  ou  par  une  privation 
fenfible  ;  fivoir  l'obfcurité  ,  &  fùr-tout  Is 
froid  &  l'humidité.  Cette  influence  affuré- 
ment  inconteftable  ne  fixa  pas  beaucoup 
l'attention  ,  peut-être  le  peu  de  fenfatioa 
qu'elle  fit ,  pouvoiî  être  attribué  à  fon  trop 
d'évidence  ;  on  ne  tarda  pas  à  la  générali- 
fer  ,  on  l'étendit  d'abord  à  la  lune ,  aux  pla- 
nètes ,  &  enfin  h  toutes  les  étoiles  fixes.  On 
tourna  bientôt  en  certitude  les  premiers  foup- 
çons  que  l'analogie  ,  Se  peut-être  quelques 
faits  obfervés ,  firent  naître  fur  l'inllux  lu- 
naire. On  fut  beaucoup  plus  frappé  de  cette 
influence  obfcure ,  mal  conftatée  ,  peu  fré- 
quente,que  de  celle  du  foleil  qui  tomboittons , 
les  jours  fous  les  feus ,  &  dont  on  relfentoit 
à  tout  moincnt  les  effets  ■-,  fans  doute  parce 
qu'elle  fournilfoit  à  l'efprit  humain  jalou-K 
des  découvertes ,  plus  flatté  de  celles  qui 
font  difficiles ,  d'ailleuis  avide  de  difpute  ,. 
des  matières  abondantes  de  recherche  &  de 
difcuftion.  On  chercha  dans  cette  actioui 
S  s  s  s  z 


71^  A  S  T 

obfcure  de  îa  lune  la  caufc  de  tous  les  effets , 
donton  ignoroit  la  véritable  fource.  L'igno- 
rance en  augmenta  extraordinairement  le 
nombre  ■,  &  les  elprits  animes  par  quelque 
correfpondance  réellement  oblêrvée  entre 
quelques  phénomènes  de  l'économie  ani- 
male 6c  les  périodes  de  la  lune  ,  fe  livrèrent 
à  cet  enthoulîaline  lemillant ,  a£lif ,  qu'en- 
traîne ordinairement  le  nouveau  merveil- 
leux ,  &  que  les  fuccès  animent ,  portèrent 
cette  doftrine  à  l'excès  8c  la  rendirent  in- 
foutenable.  La  même  cholè  arriva  à  l'égard 
des  autres  affres  ;  on  leur  attribua  non  feu- 
lement la  vertu  de  produire  les  maladies  , 
ou  d'entretenir  la  fanté  lîiivant  leurs  différetis 
afyefts ,  leur  paflage  ,  leur  lîtuation  ,  &c. 
mais  on  crut  en  iriême  temps  qu'ils  avoieat 
le  pouvoir  de  régler  les  ai£iions  morales ,  de 
changer  les  mœurs ,  le  caractère ,  le  génie, 
la  fortune  des  hommes.  On  les  fit  préfider 
aux  plus  grands  événemens ,  &  on  prétendit 
trou\'er  dans  leurs  mouvemens  la  connoif- 
iànce  la  plus  exaile  de  l'avenir.  Cette  doc- 
trine ainfi  outrée  ,  remplie  d'abfurdités ,  dé- 
figurée par  les  fables ,  le  menfonge ,  la  fii- 
perftition ,  fut  pendant  long-temps  méprifée 
&  négligée  par  les  favans ,  &  tomba  en  con- 
féquence  entre  les  mains  des  ignorans  &  des 
impofteurs  ,  nation  extrêmement  étendue 
dans  tous  les  temps  ,  qui  d'abord  trompés 
eux-mêmes  ,  trompèrent  enfuite  les  autres. 
Les  uns  aveugles  de  bonne  foi,  croyoientce 
qu'ils  enfeignoient  ^  d'autres  alfez  éclairés 
pour  fentir  le  ridicule  &  le  faux  de  leur  doc- 
trine ,  ne  lailFoient  pas  de  la  publier  &  de  la 
vanter.  Bien  des  gens  font  encore  de  mêine 
aujourd'hui  ,  foit  pour  foutenir  une  réputa- 
tion établie ,  fbit  dans  l'e/pérance  d'augmen- 
ter leur  fortune  aux  dépens  du  peuple  ,  & 
iôuvent  des  grands  aifez  fbts  pour  les  écou- 
ter, les  croire ,  les  admirer  &  les  payer.  Une 
admiration  ftérile  ,  illucrative  ,  n'eft  pour 
i'ordinaire  le  partage  que  du  vrai  lavant. 

L'influence  Àcsajhes  étoit  particulièrement 
en  vigueur  chez  les  Chaldéens  ,  les  Egyp- 
tiens &  les  Juifs.  Elle  cntroit  dans  la  philo- 
ibphie  cabaliftique  de  ces  derniers  peuples, 
t{ui  penfoient'que  chaque  planète  inlluoit 
principalement  fur  une  partie  déterminée  du 
corps  humain  ,  &  lui  communiquoit  l'in- 
ilucnce  qu'elle  rece\  oit  d'un  ange  ,  qui  étoit 
Jui  -  uicnie  fournis  à  l'influence  parùculicrc 


A  S  T 

à' une  fp tendeur  Qnfephirot ,  nom  qu'ils  dou- 
noieiit  aux  émanations ,  perfections  ou  attri- 
buts de  la  divinité  ;  de  façon ,  fuivant  cette 
dodriiie,que  Dieu  iufluoitfur  les  fplendeurs, 
les  fplendeurs  iiir  les  anges ,  les  anges  fur  les 
planètes ,  les  planètes  fur  l'homme,  yoyei 
Cabale.  Les  cabaliftes  croyoient  que  tout 
ce  qui  eft  de  la  nature ,  étoit  écrit  au  ciel  eu 
caractères  hébreux  :,  quelques-uns  même  af- 
furoient  l'y  avoir  lu.  Moyfe  ,  félon  Pic  de 
Mirandolc ,  avoit  exprimé  tous  les  effets  des 
ajlres  par  le  terme  de  lumière  ,  parce  qu'il  la 
regardoit  comme  le  véhicule  de  toutes  leurs 
influences.  Ce  fameux  légiflateur  eut  beau- 
coup d'égard  aux  ajires  dans  la  compofitioii 
de  fa  loi  ^  &  régla  des  cérémoHies  &  des 
pratiques  de  religion ,  fur  l'influence  particu- 
lière qu'il  prêtoit  aux  uns  &  aux  autres.  Il 
ordonna  que  le  jour  du  repos  on  préviendroit 
&  l'on  détourneroit  par  la  prière  &  la  dévo- 
tion les  mauvaifes  influences  de  Saturne ,  qui 
préfidoit  au  jour  ■■,  mit  la  défenfe  du  meutre 
fous  Mars ,  &c.  Voyei  Cabale  ;  &  ileft  fin- 
gulier  qu'on  remarque  ferieufèment ,  que 
Mars  eft  plus  propre  à  les  produire-  quà  ert 
arrêter  le  cours. 

Hyppocrate  ,  le  premier  &  le  plus  exa£l 
obfervateur,  fitentrer  cette  partie  del'aftro- 
nomie  dont  il  eft  ici  queftion ,  dans  la  méde- 
cine dont  il  fut  le  reftaurateur,  ou  pour  mieux 
dire  le  créateur  ^  &  il  la  regardoit  comme 
fi  intéreffante ,  qu'il  refufoit  le  nom  Ae  méde- 
cin à  ceux  qui  ne  la  polfédoient  pas.  «  Per- 
))  fonne  ,  dit-il  dans  la  préface  de  fon  liwe  , 
»  defignific.  vit.  &  mort,  ne  doit  confier  fh 
»  fànté  &  fa  vie  à  celui  qui  ne  fait  pas  l'al- 
))  tronomie  ,  parce  qu'il  ne  peut  jamais  par- 
»  venir  fans  cette  connoiifance  à  la  perfec- 
»  tion  nécelfaire  dans  cet  art.  Ceux  au  con- 
))  traire  ,  dit-il  ailleurs  ,  (  A  de  a'èr.  aquis 
»  iS"  loc.  )  qui  ont  exaâement  oblèrvé  les 
>)  changemens  de  temps ,  le  lever  &  le  cou- 
»  cher  des  aftres ,  8f  qui  auront  bien  re- 
»  marqué  la  manière  dont  toutes  ces  chofes 
»  feront  arrivées ,  pourront  prédire  quelle 
»  fera  l'année ,  les  maladies  qui  régneront  , 
))  &  l'ordre  qu'elles  liiivront.  »  C'eit  d'après 
ces  obfcrvations  qu'Hyppocrate  recomman- 
de ,  &  qu'il  a  fans  doute  faites  lui-même  , 
qu'il  a  compofc  les  aphorifmes  où  font  très- 
cxaftemcnt  claffées  les  maladies  propres  ù 
chaque  failbn ,  relativement  aux  temps ,  aux- 


A  s  T 

pluies  ,  aux  vetits  qui  ont  ré^né  dans  cette 
même  faifon  8c  dans  les  précédentes,  ^oyei 
Aphorismes  ,  ///'.  m.  Mais  ceuxpanni  les 
cjires  ^  dont  l'influence  lui  paraît  plus  mar- 
quée &plus  importante  à  oblèrver,  font  les 
pléiades^  tarâure  &  le  chien  ;  il  veut  qu'on 
faflc  une  plus  grande  attention  au  lever  & 
au  coucher  de  ces  étoiles ,  ou  conflellations , 
parce  que  ces  jours  font  remarquables  ,  & 
comme  critiques  dans  les  maladies ,  par  la 
mort ,  ou  la  guérifon  des  malades ,  ou  par 
quelque  métaftafe  coniîdérable ,  /Of.  dea'éic, 
cquâ.  Et  lorlqu'il  commence  la  defcription 
de  quelque  épidémie  ,  il  a  foin  de  marquer 
exprelTément  la  conftitutionde  l'année ,  l'état 
clesfaifons,  &  la  pofition  de  ces  étoiles.  Il 
avertit  auiïi  d'avoir  égard  aux  grands  chan- 
gemens  de  temps  qui  lé  font  aux  fblllices  & 
aux  équinoxes ,  pour  ne  pas  donner  alors  des 
remèdes  aftifs,  qui  produiroient  de  mauvais 
effets.  Il  confeille  aulll  de  s'abflenir  en  même 
temps  des  opérations  qui  fe  font  par  le  fer 
ou  le  feu  \  il  veut  qu'on  les  diffère  à  un 
temps  plus  tranquille. 

Galien  ,  cominentateur  &  feftateur  zélé 
de  la  doftrine  d'Hippocrate,  a  particulière- 
ment goûté  fes  idées  fur  l'influence  des  aftres 
iûr  le  corps  humain.  Il  les  a  confirmées , 
étendues  dans  un  traité  fait  ex  profejfo  liir 
cette  matière ,  &  dans  le  cours  de  fes  autres 
ouvrages.  Il  donne  beaucoup  plus  à  la  lune 
que  ne  faifoit  Hippocrate  ;  &  c'eft  principa- 
lement avec  fa  période  qu'il  fait  accorder  fes 
jours  critiques.  Leur  prétendu  rapport  avec 
une  efficacité  intriafcque  des  jours  &  des 
nombres  fuppofés  par  Hippocrate  ,  étant 
uié  ,  affoibli  par  le  temps ,  &  renverfé  par 
les  argumens  viftorieux  d' Âfclépiade ,  Ga- 
lien n'eut  d'autre  reifource  que  dans  l'in- 
fluence de  la  lune  pour  expliquer  la  marche 
des  crifès  ^  &  pour  faire  mieux  apperceroir 
la  correipondance  des  jours  critiques  fu- 
meux,  le  7 ,  le  14  &  le  21 ,  avec  les  phafcs 
de  la  lune  ,  il  imagina  un  mois  médicinal , 
analogue  au  mois  lunaire  ;,  il  donna  par  ce 
moyen  à  fon  fyftême  des  crifes  ,  combiné 
avec  l'influx  lunaire ,  un  air  de  vrailcm- 
blance  capable  d'en  impofer ,  &  plus  que 
fuffifant  pour  le  faire  adopter  par  des  méde- 
cins qui  ne  favoient  penfèr  que  d'après  lui , 
&.  qui  regardoient  fon  nom  à  la  tête  d'un 
ouvrage  ,  d'une  opinion  ,  comme  uji  titre 


A  S  T  7.7 

authentique  de  ^'critc,  &  comiTre  la  preuve 
la  plus  incoi;teflaf''c,  Voyc-{^  f article  ClirsE. 
Il  admettoit  auiTl  l'influence  des  autres  aftrety 
des  planètes ,    des  étoiles  ,  qu'il  prouvoit 
ainfi ,  partant  du  principe  que  l'aftion  dit 
foleil  fur  la  terre  ne  ponvoit  être  révoquée 
en  doute.  «  Si  l'alpea:  réciproque  des  affres 
»  ne  produit  aucun  e.Tet ,  S(  que  le  foleil, 
»   la  fource  de  la  vie  &  de  la  lumière,  règle 
»   lui  feul  les  quatre  faifons  de  l'aïuiéc ,  elles 
»  foront  tous  les  ans  exaélement  les  mêmes  , 
»   &  n'offriront  aucune  variété  dans  leur  îem- 
»  pérature ,  puilque  le  foleil  n'a  pas  chaque 
»  année  un  cours  différent.  Puis  donc  qu'on 
»  obferve  tant  de  variations ,  il  faut  recou- 
»   rir  à  quelque  autre  catife  danshiquelle  on 
»  n'obfervepascettcuniformité.»  Comment, 
in  fecund.  lib. prorrhenc.  On  ne  fauroit  nier' 
que  ce  raifonnement  de  Galien  ne  foit  très- 
plaufible ,  très-fatisfailânt  &  très-favorable  à 
l'influence  des iî/7/r5;  il  indique  d'ailleurs  par- 
là  une  caufo  phyfique  d'un  fait  dont  on  n'a' 
encore  aujourd'hui  que  des  caufes  morales. 
Ce  dogme  particulier  n'avoit  befoin  que  de' 
l'autorité  de  Galien ,  pour  devenir  une  des 
loix  fondamentales  de  la  médecine  cl)mique  j- 
il  fut  adopté  par  le  commun  des  médecins  , 
qui  n'avoient  d'autre  règle  que  les  décifions 
de  Galien.  Quelques   médecins  s'éloignanf 
du    chemin  battu  ,    ofcrcnt  ccnfijrer   cette' 
dcftrine  quelquefois  fauflè ,  fouvent  outrée' 
par  les  parti  fans  ^  mais  ils  furent  bientôt  ac- 
cablés par  le  nombre.  Les  médecins  routi- 
niers ont  toujcurs  fouffert  le  plus  impatiem- 
ment ,   que  les  autres  s'écartaffcnt  de  leur' 
façon  de  faire  &  de  penfer.  L'artrologie  de- 
, venant  phis  à  la  mode,  la  théorie  de  la  mé- 
decine  s'en  rcffentit.  Comme   il  eft  arrivé 
toutes  les  fois  que  la  phyfique  a  changé  de 
face  ,  la  médecine  n'a  jainais  été  la  dernière 
à  en  admettre  les  erreurs  dominantes  \  les  m,c- 
iccins  furent  plus  attachés  que  jamais  àl'in- 
flue;ice  des  ajlres.  Quelques-uns  fentant  l'im- 
pofîibilité  de  faire  accorder  tous  les  cas  avcd 
les  périodes  de  la  lune ,  eurent  recours  aux 
■X:\txchajirea ,  aux  étoiles  fixes ,  ans  planètes. 
Bientôt  ces  mêmes  ajlres  ftirent    regardéitf 
co:nmc  hs  principales  caufes  de  maladie ,  & 
l'en  e:\},liqua  par  leur  aéîion  le  fameux  tots/oi» 
d'Hippccr'dte  ,  mot  qui  a  fubi  une  quantité 
d'intcrpiétations  toutes  oppofêes ,   &  qui 
ii'eft  par  conféqucat  pas  encore  défini.  On 


7i8  AST 

ne  manquolt  jamais  de  confulter  les  aflres 
avant  d'aJlcr  voir  un  malade  \  l'on  donnoit 
des  remèdes ,  où  l'on  s'en  abftenoit  entière- 
ment ,  fuivant  qu'on  jugcoit  les  ajhex  favo- 
rables ou  contraires.  On  fuivit  les  dilHiic- 
lions  frivoles  établies  par  les  aftroloçues  des 
jours  heureux  &  malheureux  ,  &  la  méde- 
cine devint  alors  ce  qu'elle  avoit  été  dans  les 
premiers  fiecles ,  appelles  tanins  d'ignorance  ; 
î'aftrologic  fut  regardée  coinme  l'ai/  gauche 
de  la  médecine  ,  tandis  que  tanatomie  pajfoit 
pour  être  le  droit.  On  alloit  plus  loin  ^  on 
comparoit  un  médecin  deftitué  de  cette  con- 
noilfance  à  un  aveu2;le  qui  marchant  fans 
bâton ,  bronche  à  chaque  inliaut ,  &  porte 
en  tremblant  de  côte  &  d'autre  des  pas  inal- 
aiïurés  •-,  un  rien  le  détourne ,  &  il  efi  dans  la 
crainte  de  s'égarer  :  ce  n'eft  que  par  hafard 
6c  à  tâtons  qu'il  fuit  le  bon  chemin. 

Les  alchymiiles ,  fi  oppofés  par  la  nature 
de  leurs  prétentions  aux  idées  reçues  ,  c'cft- 
à-dire  nu  Galénifme ,  n'oubliereat  rien  pour 
le  détruire  ;  mais  ils  refpefterent  l'influence 
des  cftres  .  ils  renchérirent  mêine  fur  ce  que 
les  anciens  avoient  dit,  &  lui  firent  jouer  un 
plus  grand  rôle  en  médecine.  Ils  coniidé- 
rercnt  d'abord  l'homme  comme  une  ma- 
chine analogue  à  celle  du  monde  entier  ,  & 
l'appeilerent  microcofme  ,  ^upokot/xo;  ,  mot 
^rec  qui  lîgaifie  petit  monde.  Ils  donnèrent 
aux  vifccrcs  principaux  les  noms  des  planètes 
dont  ils  tiroient ,  fuivant  eux,  leurs  intluences 
Ijjéciales ,  &  avec  lefquels  ils  croyoient  entre- 
voir quelque  rapport  ^  ainfi  le  cœur  confi- 
dérc  comme  le  principe  de  la  vie  du  micro- 
cofme., fut  comparé  au  foleil ,  en  prit  le  nom 
&  en  reçut  les  influences.  Le  cerveau  fut  ap- 
pelle lune  t  &  cet  aftre  fut  cenfë  prélîder  à 
fes  aiSions.  En  un  mot ,  on  penfa  que  Jupi- 
tcs  influoit  fiir  les  poumons ,  Mars  fur  le 
foie ,  Saturne  fur  la  rate ,  Vénus  fur  les  reins , 
&  Mercure  fur  les  parties  de  la  génération. 
Les  alchymiiles  ayant  fuppofé  les  mêmes 
influences  des  planètes  ou  des  aftres  aux- 
quels ils  donnoient  le  nom ,  fur  les  fêpt  mé- 
taux ,  de  façon  que  chaque  planète  avoit 
une  aélion  particulière  fur  un  métal  déter- 
miné qui  prit  en  conféquence  fou  nom  :  ils 
appcllcrent  l'or  ,/ô/f/V;  l'argent ,  lune;  le 
vif-argent.  Mercure;  le  cuivre,  J^énus  ;  le 
fer  ,  Mars  ,  &  le  plomb ,  Saturne.  L'ana- 
logie qui  fe  trouva  entre  les  noms  &  les  in- 


AST 

fluences  d'une  partie  du  corps  &  du  métal 
correfpondant ,  fit  attribuer  à  ce  métal  la 
vertu  ipécifique  de  guérir  les  maladies  de 
cette  partie  •■,  ainfi  l'or  fut  regardé  comme  le 
fpécifique  des  maladies  du  cœur,  &  les  tein- 
tures folaires  paflbicnt  pour  être  éminem- 
ment cordiales  ^  l'argent  fut  affefté  au  cer- 
veau ^  le  fer  au  foie,  &  ainh  des  autres.  Ils 
avoient  coniirvé  les  diftin étions  des  humeurs 
reçues  chez  les  anciens  en  piniite ,  bile  &  mé- 
laîicolie  :  ces  humeurs  recevoient  auffi  les  in- 
fluences des  mêmes  planètes  qui  influoient 
(iir  les  vifceres   dans  lefquels  fe  faifoit  leur 
l'ocrétion  ,  &  leur  dérangeir.ent  étoit  rétabli 
par  le  même  métal  qui  étoit  confacré  à  ces 
parties  ;  de  façon  que  toute  leur  médecine 
confiftoit  à  connoitre  la  partie  malade  &  la 
nature  de  l'humeur  peccante ,   le    remède 
approprié  étoit  prêt.  Il  feroitbien  à  fouhaiter 
que    toutes  ces  idées  fuifent   aulîî   réelles 
qu'elles  font  ou  qu'elles  paroifient  chiméri- 
ques ,  &;  qu'on  pût  réduire  la  médec  ine  à  cette 
(implicite ,  &  la  porter  à  ce  point  de  certinide 
qui  réfulteroit  de  la  précieufe  découverte 
d'un  fpécifique  alFuré  pour  chaque  maladie; 
mais  malheureufement  l'accomplilfement  de 
ce  ibuhait  eft  encore  très-éloigné ,  &  il  eft 
même  à  craindre  qu'il  n'ait  jamais  lieu  ,   6c 
que  nous  foyons  toujours  réduits  à  la  con- 
jefture  &  au  tâtonneineut  dans  lafcience  la 
plus  intérelFante  &  la  plus  précieufe  ,  en  ua 
mot  où  il  s'agit  de  la  fanté  &  de  la  vie  des 
hommes;  fcience  qui  exigeroit  par-là  le  plus 
de  certitude  &  de  pénétration.  Quelques  ri- 
dicules qu'aient  paru    les  prétentions  des 
alchymiftes  fiir  l'influence  particulière  des 
aflres  &  fur  l'efKcacité  des  métaux ,  on  a  eu 
de  la  peine  à  nier  l'aélion  de  la  lune  (iir  le 
cerveau  des   fous ,  on    n'a  pas  cclfé   de  les 
appeller  lunatiques  (  a-??,))r;tf'o,(>!i;;'ct'f  )  ^  on  a 
conlervé  les  noms  planétaires  des  métaux ,  les 
teintures  fblaires  de  Minlicht   ont  été  long- 
temps à  la  mode,  &  encore  aujourd'hui  l'or 
entre  dans  les  fameulès  gouttes  du  général 
la  Motte  f,  les  martiaux  font  toujours  îk  mé- 
ritent d'être  regardés  comme  très -efficaces 
dans  les  maladies  du  foie  ;  &  l'on  emploie 
dans  les  maladies  chronicjues  du  poumon 
l'anti-heftique  de  Poterius ,  qui  n'a  d'autre 
mérite   (  fi  c'en  eft  un  )  que  de  contenir  de 
l'étain. 

Ces  mêmes  plai:etes  qui,  par  leur  influence 


A  ST 

llilutaire ,  entretiennent  la  vie  &;  la  fiintc 
de  chaque  vifccrc  particulier ,  occafioncnt 
par  leur  afj)e(it  finiitre  des  déranijcinens  dans 
lac^ion  de  ces  iricnies  viiccrcs ,  Se  tle\'icnnent 
par-là ,  fuivant  les  alchymifles,  canles  de 
maladie  ■-,  on  lenr  a  principalement  attribué 
celles  dont  les  canfês  font  trcs-ohlcnrcs,  in- 
connues ,  la  peltc  ,  la  petite  vérole ,  les  ma- 
ladies épidéniiqnes  8:  les  fièvres  intermit- 
tentes ,  dont  la  théorie  a  été  fi  fort  difcutce 
&  fi  peu  éclaircie.  Les  médecins  qui  ont 
bien  fenti  la  difficulté  d'expliquer  les  retours 
variés  &  conftans  dea  accès  Fébri's,  ont  en 
recours  aux  ajtrcs  ,  qui  étoient  pour  les  mé- 
decins de  ce  temps  ce  cni'efl  pour  pluneurs 
d'aujourd'hui  la  nature  ,  [idole  6»  fafyle  de 
f  ignorance.  Ils  leur  ont  donné  l'emploi  de 
dillribuerles  accès  fuivant  l'iiumeur  qui  les 
produifoit  ;  ainfi  la  lune  par  fon  influence  fur  la 
pituite  étoit  cenfce  produire  les  fïevres  quoti- 
diennes ■;  Saturne  à  qui  la  mélancolie  étoit 
fîjbordomiée,  donnoit  naiffance  aux  fièvres 
quartes  ;,  le  colérique  Mars  dominant  fin- 
la  bile  ,  avoit  le  diftritft  des  fièvres  tierces  -^ 
enfin  on  commit  aux  foins  de  Jupiter  le  finig 
&  les  fièvres  continues  qui  étoient  fiippofees 
en  dépendre.  Zji.-:/.'i;j  lujit.  de  medic.pnncip. 
D'autres  médecins  ont  attribué  tous  ces  eiîets 
à  la  lune  ;  &  ils  ont  cru  que  fes  dillérentes 
pofitions,  fès  phafès ,  fès  afpects,  avoient  la 
vertu  de  changer  le  type  des  fièvres  &  d'ex- 
citer tantôt  les  tierces,  tantôt  les  quartes, 
&c.  conciliât,  de  différent,  j'eh.  88.  Pourcom- 
pléter  les  excès  auxquels  on  s'efi:  porté  lîir  l'in- 
îluence  des  ajires ,  on  pourroit  y  ajouter  toutes 
les  fabies  de  l'aftrologie  judiciaire  ,  voyei^ce 
mot,  les  prédirions,  les  horofcopes ,  &c. 
qui  ont  pris  naiffance  à  la  même  fourcc  ; 
les  noms  que  les  poètes  avoient  donnés  aux 
planètes ,  en  divinifaut ,  pour  ainfi  dire  , 
les  \ertus  on  les  vices  de  quelques  perlonnes, 
avoient  donné  lieu  à  ces  délires  des  aflro- 
logucs,  &  faifbieiitpenfér  que  Saturne  étoii 
mélancolique  ,  Jupiter  gai  ,  Mars  belli- 
queux. On  renouvella  les  anciennes  fictions 
fur  les  qualités  de  ces  prétendus  dieux ,  qu'on 
appliqua  aux  planètes  qui  les  repréfeutoient  j 
Vénus  fiit  libertine  ,  Se  Mercure  voleur.  En 
conféquence  ,  lorsqu'on  lé  propofa  de  tirer 
Thorofcope  de  quelqu'un ,  on  chercha  quel 
afire  avoitpallépar  le  méridien  dans  l'inllant 
de  fa  nailTauce  )  &  fiu"  ce  poùit  déterminé , 


A  S   T  7r«) 

on  conclut  les  qualités,  l'éîat ,  les  mœurs , 
la  fortune  future  de  cette  perfbnnc  i  de  façon 
que  ii  Mars  avoit  préfidé  à  fà  nailiinice,  on 
jironcfiiqua  du  courage  ,  &  on  afl'ura  que 
l'enfant  prendroit  le  parti  des  armes.  Celui 
qui  nailfoit  Ions  Vénus  ,  devoit  être  porté 
pour  les  femmes,  enclin  au  libertinage,  6t. 
Tous  ces  caracferes  décides  ne  vcnoieut  que 
de  l'influence  d'un  féul  aftrc  ,  &  les  carac- 
tères compofcs  étoient  l'effet  de  l'iiiflucice 
con^pliquée  de  pluficurs  ajires  ;  par  exem- 
ple ,  Saturne  &  Mercure  paifoieiit  enfcm- 
ble  par  le  méridien  ,  c'étoit  un  figne  que 
renfa?ît  fêroit  irielancolique  &  voleur  ,  t>c 
ainfi  des  autres.  On  prétendit  auHi  lire  dans 
les  conilellations  les  préfages  de  longue  vie. 
Du  reile  ,  on  tâcha  de  s'accommoder  an 
goiit  ,  au  defir  ,  aux  penclians  des  parens. 
Enfin  ce  qu'il  y  a  de  plus  fingidier  ,  c'efl 
qu'on  réuflîifoit  afez  fbuvent  ,  &  qu'on 
croît  en  grand  crédit  ^  tant  il  efl  facile  de 
duper  ,  de  plaire  ,  de  fe  faire  adirarer  par 
des  prédi(ftions  ,  fùr-fout  quand  on  a  l'efprit 
de  ne  pas  les  faire  pofitives ,  &  de  les  enve- 
lopper de  quelque  obfcurité.  L'enthoufiafine 
étoit  fi  outré  pour  ces  aftrologues  ,  que  les 
rois  de  France ,  il  r.'y  a  pas  encore  deux  fic- 
elés ,  en  entretenu icnt  piufîeurs  dans  leur 
cour  ,  les  combloient  d'honneur  &  de  prér 
fens ,  &  décidoient  fur  leurs  oracles  la  paix, 
la  guerre  &  tous  les  grands  événemens.  Plu- 
lieurs  favans  &  des  inédecins  de  réputation 
étoient  entichés  de  ces  idées ,  entr'autres  le 
fameux  Cardan  ,  qui  pouffa  fort  loin  cette 
prétendue  fcience  ,  &  duquel  il  nous  refle 
une  grande  quantité  d'horolcopes  :  on  aliure 
que  fbn  entéten^ent  étoit  au  point  que  pour 
iatistaire  à  fon  horofcope  quiavoitfixé  le  jour 
de  fa  mort ,  il  fe  fit  mourir  par  une  cruelle 
abfiinence  ,  à  laquelle  il  fe  condamna  lui- 
'.riêine. 

Lorique  l'aflrologie  ou  la  doftrine  fur 
l'influence  des  a/Ires  eut  été  ainfi  avilie  ,  que 
toiis  ces  abus  s'y  fijrent  gliffés,  &  les  fables 
les  plus  grolfieres  &  les  plus  grandes  abfur- 
dités  eurent  pris  la  place  des  véritables  ob- 
fèrvations  ,  les  bons  efprits  abandonnèrent 
ce  dogme ,  &  le  renouvelleinent  des  fcien- 
ces  le  lit  entiéren.ent  difparoître.  Les  opi- 
nions nouvelles  étant  de-.eiiues  l'idole  à  la 
mode  ,  le  féul  titre  d'ancienneté  fijtiîfbit  aux 
fyfiên;es  pour  les  faire  profcrire  3  les  mé- 


7îO  A  S  T 

idecius  c!e'/hîrent  aufii  inconfidérés  contra- 
di&urs  des  aiicùins  qu'ils  cii  avoient  été 
pendant  pluiieurs  ficelés  admirateurs  a\'£u- 
gk'Siriafluence  dssaf/res  fut  i-ep,ardée  comme 
une  production  frivole  &  chimérique  de 
quelque  cerveau  adèôé  par  la  lune  j  &  enfin 
l'on  baunit  avec  une  fcrupuleufe  lëvérité  des 
écoles  tout  ce  qui  avoiî  rapport  à  cette  doc- 
trine ,  fans  chcrclier  à  approfondir  ce  qu'il 
pouvoit  y  avoir  de  vrai  &  d'utile.  Enfin  , 
après  que  le  pendule  ,  emi:)lênie  de  rcfjjrit 
luimaiu  ,  eut  vibré  datts  les  extrémités  oppo- 
ices ,  il  iè  rapprocha  du  milieu  -^  après  qu'on 
£b  fut  porté  à  ces  excès  de  part  &  d'autre  , 
l'attrait  de  la  nouveauté  diflipé  &  fcs  pref- 
tiges  évanouis ,  on  rappella  quelques  anciens 
dogmes ,  on  prit  un  chemin  plus  jufte  & 
plus  affuré  fans  fuivre  indiftinfteinent  tous 
Jes  anciens  dogmes  ;  on  tâcha  de  les  vé- 
rifier :  quelques  obfervations  bien  confta- 
tées  firent  appercevoir  au  doâeur  Mead 
wne  certaine  correiïpondance  entre  quelques 
phcaomenes  de  l'économie  animale  &c  les 
périodes  de  la  lune.  Il  fuivit  cette  matière  , 
fît  des  recherclics  ultérieures ,  &  fe  convain- 
quit de  la  réalité  d'un  fait  qu'on  n'ofoit  plus 
foupçcinicr.  il  communiqua  Ces  idées  dans 
une  petite ,  mais  excellente  dilTertation ,  dont 
le  titre  cli  de  l'empire  du  foleil  &  de  la  lune  fur 
le  corps  humain.  Deux  illuftres  médecins  an- 
glois ,  Goad  &  Kook,  s'appliquèrent  enfuite 
à  examiner  le  pouvoir  &  la  force  des  pla- 
nètes à  produire  les  vents  ,  les  pluies  &  les 
autres  variations  dans  l'atmofphere ,  en  con- 
fcqueucedeleuispofitions  Scdeleurs  afpeéts, 
foit  avec  la  lune ,  foit  principalement  entre 
elles.  Frédéric  HofFman  allure  avoir  vérifié 
leurs  obfervations ,  &  les  avoir  trouvées 
conformes  à  l'expérience  :  diffère,  de  afiror. 
influx,  in  corpore  humano.  Urbain  Hierne  , 
célèbre  chymifte  de  nos  jours ,  a  de  nouveau 
introduit  l'influence  àesafhes  dans  la chymie  ; 
il  prétend  que  les  trois  fameux  principes ,  le 
fel ,  le  foufre  ,  &  le  mercure  dont  tout  corps 
vifible  &  compréhenfîble  eft  compofé  ,  réful- 
tent  des  mélanges  des  émanations  des  afires  & 
de  quelques  élémens  fubl maires  :  «  La  lu- 
»  miere ,  dit-il ,  être  immatériel  émané  du 
»  foleil ,  parvenue  fur  la  furface  des  pla- 
w  nctes  ,  îè  combine  avec  les  vapeurs  qui 
»  s'en  élèvent  ,  avec  l'eau  Çupra-célefte  qui 
»  entre  dans  leur  compofition  ,  fe  maUria- 


A  S  T 

■ù  îife  par-là ,  &:  jucnd  un  cara£lere  parti- 
»  culier  cncore_  indéterminé  fuivant  les  pia- 
»  netes  qui  la  réfléchiflént  ».  C'eft  de  cette 
combinaifon  variée  que  viennent  les  dillé  • 
rentes  influences  propres  à  chaque  planète  -,  if 
regarde  ,  avec  Moylc  ,  la  limiiere  comme 
leur  véhicule  \  mais  avant  de  parvenir  à  la 
terre,  cette  lumière  déjà  matérialifée  par 
l'union  des  atomes  élevés  des  autres  planètes, 
reçoit  de  nouvelles  coml>inailbns  dans  la 
lune,  qu'il  appelle  ,  d'après  les  anciens  ra- 
bins  ,  Yentonnoir  de  la  nature  ,  d'où  elle  eft 
enfin  renvoyée  fur  la  terre  ,  particulièrement 
chargée  de  l'efficacité  de  cette  planète  fecon- 
daire  qui  fè  manifefle  fur  la  mer ,  les  faifons, 
les  humeurs ,  les  maladies  ,  &  les  autres 
chofes  qui  obéifTent  à  la  lune.  C'eft  cette 
même  lumière  qui ,  félon  ce  favant  chy- 
mifte ,  s'uniifant  à  la  matière  éthérée ,  à  l'air 
plus  crallè ,  à  l'eau  qui  y  efl  contenue ,  en- 
fuite  à  l'acide  univcrfel ,  forme  le  fèl  qu'il 
appelle  afral  ^naturel  .^vierge.  Des  diftérentes 
(blutions ,  décompofitions  &  recompofitions 
de  ce  fèl  réfulte  \e  foufre  de  t  univers  ,  tame 
du  monde  ^  fils  du  foleil  ,  &<:.  enfin  l'union 
amicale  de  ces  deux  flibftances  primitives 
donne  naiffance  à  une  créature  d'une  nature 
particulière ,  qu'il  appelle /nera/rf  catholique. 

Voyei  Mercure  ,  Sel  fi»  Soufre  ^  vojfj 
auffi  l'ouvrage  de  Hierne  ,  acl.  chimie.  Hol- 
mienf.  tom.I.,  cap.  v/',  avec  les  notes  de  Gotf- 
chaik  Valerius.  M.  de  Sauvages  ,  fameux 
profefTeur  en  l'univerfité  de  médecine  de 
Montpellier,  fit  foutenir  dans  fes  écoles 
une  thefe  fur  l'influence  des  ajires ,  où  il  tâche, 
guidé  par  l'obfervation  ,  à  l'exemple  de 
Mead,  de  prendre  un  jufte  milieu  entre  les 
éloges  excefîifs  de  médecins  aftrologues  & 
le  mépris  outré  des  nouveaux  théoriciens. 
Telle  eft  à-peu-près  l'hiftoire  des  vérités  y 
des  conje£tures ,  des  erreurs  &  des  folies  qui 
ont  pris  naiffance  de  l'influence  des  aftres  ; 
hilloire  toujours  curieufe&intérefTantepour 
le  philofophe ,  qui  y  voit  retrncé  le  tableau 
confiant  &  varié  des  variations  de  l'efprit 
humain.  Le  médecin  y  découvTC  fous  d'au- 
tres couleurs  les  mêmes  fcenes  qui  fe  font 
pafl~ée$  à  l'égard  de  plufieurs  autres  dogmes 
théoriques  ,  &  quelquefois  ,  qui  pis  eft  , 
pratiques  de  médecine.  Quoique  ces  opinions 
aient  fait  moins  de  bniit ,  quoique  Icurabfur- 
dité  ait  moins  paru  à  découvert ,  les  erreurs 

qui 


A  s  T 

qui  en  font  provenues  n'en  ont  été  ni  moins 
Confidérabics ,  ni  moins  tiuieftes  ■■,  &  tel  qui 
lit  des  prétentions  ridicules  des  adroloijucs , 
tie  leur;)  prédirions  rronipeufcs,  mais  le  plus 
ibiiveiU  indiiTcrentes  à  la  fanté,  ne  fait  pas 
attention  qu'il  a  des  idées  dominantes  qu'il 
poiiife  à  l'excès,  &  qui,  quoique  plus  con- 
formes à  la  façon  préfentc  de  peniér  &  de 
s'exprimer  ,  Ibnt  fouvent  plus  éloignées  du 
vrai ,  &  prefque  toujours  plus  danï^creufes, 
F.  Ferme  N  TA  riox,  Acrimonie,  Épais- 
sissEMENT  ,  Saignée,  Purgatifs,  &c. 
Kous  allons  tâcher ,  en  fuivant  les  traces 
des  auteurs  que  nous  avons  cités  en  dernier 
lieu  ,  d'examiner  ce  qu'il  y  a  de  pofiîif  dans 
l'infliience  des  û/lns  ,  de  pénétrer  dans  ce 
puits  profond  où  ré'îde  la  vérité  cachée  & 
obfcurcie  par  les  fables ,  la  fiiperftition  , 
&c.  de  féparer  le  vrai  du  faux  ,  le  certain 
de  l'incertain  ,  de  retenir  &  de  faire  appcr- 
cevoir  ce  qu'il  peut  y  avoir  d'utile  &  d'avan- 
tageux dans  cette  fcience.  D'abord  il  n'efl: 
pas  douteux  que  les  tifurs  ne  produifcnt  quel- 
que eltét  fur  la  terre  ,  fur  l'air  ,  fur  les  ani- 
maux. Quand  ces  eiFets  ne  fcroicnt  pas  auflî 
évideus  pour  la  plupart  qu'ils  le  font,  quand 
l'aétion  réciproque  des  afires  ne  ieroit  pas 
connue  :  la  croyance  preique  continuelle  de 
tc)us  les  peuples ,  de  tous  les  fitvans ,  de  tous 
les  médecins ,  me  paroît ,  en  faveur  de  cette 
(joflriae,  l'argument  le  plus  incontelhiblc. 
11  eil  en  effet  inoralcment  impolîible  qu'un 
d.Dgine  conftammenî  &u:iiverfei!emcnt  Ibn- 
tenu  pendant  pluiîeurs  fiecles  par  des  phyli- 
ciens  de  différentes  feÛes ,  con:ibattu  enfuite 
i>i  abandonné ,  &  enfin  rétabli  de  nouveau , 
r.c  ioit  pas  foncièrement  vrai  ^  le  faux  ,  iiir- 
tout  en  matière  de  fcience  ,  n'a  que  des 
partifanspafiàgcrsjie  vrai  feui peut  arracher 
un  confcnieinent  unanime  j  ou  fi  les  préju- 
ges bu  quelque  attrait  de  nouvcauié  le  font 
diiparoître  ,  ii  quelque  menlbnge  mêlé  l'al- 
îcre ,  le  cache  à  nos  yeux,  ce  n'eft  que  pour 
u:i  temps,  iJ  n.e  tarde  pas  à  percer  les  nuages 
qi.'i  i'obfcurciJloicnt.  Mais  la  Ituniere  du 
Ibieil ,  des  afires  ,  frappe  tous  les  jours  les 
yeux  i  la  chaleur  ,  le  troid  ,  la  féchereHe  , 
riiumidité  ,  les  vents ,  la  pluie,  les  météo- 
res ,  ne  ceiîcnt  de  nous  aïlëéter  ^  accoutu- 
jnés  à  ces  impreOions ,  nous  en  fommes  peu 
frappés ,  &  nous  négligeons  d'en  pénétrer 
îcs  cauies.  Ces  cifets  font  inconîeilablement 
oiis  à  l'opération  du  ibieil  vraiicmblublc- 
Tomc  lll^ 


A  S  T  7M 

ment  jointcà  celle  des  planètes  plus  voifincs. 
La  gravitation  mutuelle  des  planètes  cft  un 
jihénomenc  dont  il  n'eli  plus  permis  de 
douter,  quoiqu'on  en  igiwa>rc  la  caufe  •■,  l'ef- 
fet qui  réililte  de  cette  gravitation  fur  la  terre 
c^  (iir  (cs  productions ,  clè  un  nouveau  moyen 
d'influence.  Ces  effets ,  beaucoup  plus  fen- 
fibles  de  la  part  de  la  lune  dont  la  proximité 
&  la  vîtcllc  ,  relativement  à  la  terre ,  com- 
pcnlcnt  au  delà  le  défaut  de  maffe  ,  fout 
très-manifefles  fur  la  mer  par  le  fiux&reflux 
qu'elle  éprouve  \  comment  eft  -  ce  que 
1  honuTie  ,  la  machine  la  plus  fènfible  ,  la 
plus  imprertionnable,  ne  feroit-il  pasaffefté 
par  une  foice  qui  fait  mie  imprellion  très- 
marquée  fur  les  corps  les  plus  bruts ,  lej 
moins  doués  de  fèntiment  ,  fur  l'air ,  l'eau 
&  la  terre  ?  Les  obfervations  font  ici  d'a- 
cord  avec  le  raifonneineiit.  P;irmi  le  grand 
riombre  que  les  faiîes  de  la  médecine  nous 
offrent ,  nous  choifirons  les  plus  conlratées 
&  les  plus  récentes  ^  celles-ci  ne  pourront 
point  être  foupçonnées  d'être  diûées  par  la 
pré^■eni:io^  &  les  préjugés. 

Nous  dlitinguons  auparavant  avec  M.  de 
Sauvages ,  trois  efpeces  d'/nj/uences  ;  favoir  , 
Xinjluencc  morale  ,  phyjiquc  6"  méchanique  ; 
nous  appelions  influence  morale  ,  cette  vertu 
myiiéricufc  ,  fondement  de  l'aftrologie  ju- 
diciaire (  voycicc  mot  ) ,  attribuée  auxpla- 
nctes  &  aux  étoiles  fixes  ,  de  décider  &  de 
régler  k  fort ,  la  fortune  ,  les.  mœurs ,  le 
caraéliere ,  &c.  des  hommes ,  en  conléquence 
d'un  afiiect  particulier  ,  du  pafli'.ge  au  méç 
ridicn  dans  un  temps  marqué  ,  &c.  c'eft  fur 
cette  influence  que  portent  les  prédiftlcns , 
les  horolcopcs ,  les  divinations,  qui  ont  rap- 
port aux  chofes  fortuites ,  aux  évéuemens 
volontaires  ou  regardés  comme  tels ,  &c. 
Nous  n'ignorons  pas  que  ces  oracles  ,  fom- 
blables  à  ceux  que  rendoieiit  anciennement 
les  Sybiiles ,  font  le  plus  fou\ent  fiifcepti- 
bîes  d'une  double  interprétation  ,  très-obP 
curs ,  i>:  quelquefois  auiî;  faux  j  mais  nous 
(avons  eu  même  temps  que  quelqi;cfois  ils 
ont  rciiconiré  très-jurte  ,  ciî  entrant  men'ie 
dans  des  détails  irès-circon{la:iciés.  Nous 
tenons  d  un  prélat  refpeéiable  l'hiibire  d'une 
fem:!-ie  ,  à  qui  un  tireur  dliorolcope détailla 
a\  éc  la  dernière  cxaétitudc  les  moindres  j>ar- 
ticùiarités  de  fii  vie  pafféc  <àc  future  :  & 
tout  ce  qu'il  lui  dit,  foit  fur  le  paflé  ,  foitfur 
l'avciiir ,  fc  trouva  c;itiéreirient  conforme  » 

T  1 1 1 


7Z1  A  S  T 

la  vérité  :  le  prélat  qui  m'a  raconté  ce  fait , 
en  a  été  lui-même  témoin  oculaire  ,  &  toute 
une  grande  ville  a  vu  avec  furprifc  toutes 
les  prédirions  s'accomplir  pondtuellement. 
Il  y  a  bien  d'antres  femblables  faits  aulli- 
bien  conliatés  que  le  philofophe  Spéculatif 
traite  d'erreurs  populaires  f,  il  les  méprife  , 
ne  les  approfondit  point ,  &  les  déclare  im- 
po/Tibles,  parce  qu'il  n'en  voit  point  les  rai- 
fons.  Pour  nous  ,  noys  nous  contenterons 
d'expofer  les  faits  fans  hazarder  un  juge- 
ment qui  ne  pourroit  qu'être  inconfidéré  , 
n'étant  point  appuyés  lur  des  raifons  fufii- 
{ames  qui  en  dém.ontrent  rimpoiribiRté  , 
fâchant  d'ailleurs  qu'il  eu  bien  (wouvé  que 
des  fous  ,  dans  de  viclcns  accès  de  manie  , 
ont  pu  lire  dans  l'avenir  ,  &  que  les  événe- 
mens  ont  enfuite  confirmé  ce  qu'ils  avoient 
annoncé  dans  cet  état.  f^oy.  Manie.  Nous 
ne  nous  arrêterons  pas  davantage  à  cette 
influence,  parce  que  nous  n'en  appercevons 
aucune  utilité  pour  la  médecine  ,  point  au- 
quel nous  rapportons  tous  nos  tra'ï'aux. 

L'influence  que  nous  avons  nommée //zy- 
/ri^ue  ,  eft  cet;e  aftion  des  afeies  ,  dont  les 
eHets  font  manifelîés  fur  l'air  avant  d'affec- 
ter le  corps ,  &  qui  même  ne  l'aflbitent  le 
p!i!s  fbuvcnt  qu'en  conféquence  des  varia- 
tions qui  font  excitées  dans  l'atmoiphere. 
On  pourroit  appeller  cette  influence,  méte'o- 
Tologique  médiaa  ;  la  caufe  &  le  méchanifme 
en  font  inconnus  i  les  phénomènes  qui  en 
réfultent  ,  peuvent  feuls  la  rendre  fcnfible. 
Nous  donnons  le  nom  à'inj/uence  mécha- 
nii^iie  à  celle  qu'on  croit  dépendre  &  fuivre 
les  loix  de  cette  tendance  mutuelle  qu'ont 
tous  les  aftres  les  uns  à  l'égard  des  autres  , 
connue  fous  le  nom  de  grav/iatio/i  ,  expli 
«[uée  par  divers  phyficiens ,  tantôt  par  les 
tourbillons ,  &  tantôt  par  l'attra£tion.  Nous 
-  allons  entrer  dans  quekpie  détail  fur  ces 
deux  efpeces  d'influences ,  dont  la  réalité  & 
tes  avantages  paroiiient  allez  confiâtes. 

InjUitnce  phyj-que  du  foleil.  I.  Le  folcil  eft 
de  tous  les  afires  celui  dont  ï'àiWowpkyJique 
fur  les  hommes  cfl  la  plus  apparente  :  pcr- 
fonne  n'ignore  que  la  lumière  iSc  la  chaleur 
en  font  les  effets  primitifs  ;  mais  ces  mêmes 
eflets ,  fcf  fijr-tout  la  chaleur  ,  deviennent 
encore  la  fburce  d'un  grand  nombre  d'au- 
tres piiénoinenes  ;  ou  pour  parler  avec  plus 
«l'exuétitude  ,  cette  même  caufe  (  qu'on  croit 
être  le  mouvement  )  qui  donne  Ùeu  à  k  lu- 


A  S  T 

miere  &  à  la  chaleur ,  produit  aufTi  d'autres 
cfiets  ;,  car  ni  la  lumière  ni  la  chaleur  ne 
font  dans  les  corps  appelles   lumineux   & 
chauds  \  ce  font  des  feufations  particuliére- 
m.eut  modifiées  dans  les  yeux  &  dans  l'or- 
gane du  toucher  :  le  foleil  confidcré  comme 
influant  phyfiquement  fur  la  terre ,  peut  être 
regardé  comme  un  feu  immenfê  ,   fùccelTi- 
vement  placé  dans  des  diftances  &  des  pofi- 
tions  différentes ,  foit  par  rapport  à  toute  la 
terre  ,  foit  relativement  à  quelques  contrées. 
Les  effets  en  font  par-là  plus  variés  &  par 
conféquent  plus  fènfibles  j  une  tranquille  8c 
confiante  uniformité  frappe  rarement ,  & 
n'excite  pas  à  chercher  la  caufe  ^  le  foleil  e.i 
tant  que  lumineux ,  ne  ceffe  jamais  d'agir 
iiir  la  terre  en  général  •■,  mais  il  y  a  toujours 
quelques  parties  qui  ne  font  point  éclairées  ■, 
la  partie  antipode  de  celle  qui  reçoit  direc- 
tement les  rayons  du  foleil ,  efl  dans  l'obf- 
curité  ,  tandis  que  celle-  ci  jouit  du  fpedla- 
cle  brillant  &  utile  de  la  lumière  :,  le  mou- 
vement de  la  terre  flir  fon  axe  préfente  pen- 
dant les  vingt-quatre  heures  fucceinvemeut 
toutes  les  parties  de  la  terre  au  ftilcil ,  & 
occafîone  par-là  dans  elles  une  alternative 
de  lumière  &  d'obfcurité,  fur  laquelle  porte 
la  diflindlion  frappante  du  jour  &  de  la  nuit. 
Pour  appercevoir  les  eflets  de  la  lumière  fur 
rhcm'nc  &  far  les  animaux  ,  qu'un  phyîî- 
cicn  p:;rte  des  yeux  attentifs  fur  tout  ce  qui 
fuit  les  loix  de  la  fîmple  nature  dans  ces 
chaumières    rulliques  oii  l'art   n'efl   point 
encore  venu  la  maîtrifer  &  la  plier  à  fcs  ca- 
])rices  :,  il  \'erra  lorfque  le  jour  a  fait  place 
à  la  nuit ,  tous  les  travaux  interrompus  ,  le 
ramage  des  oifeaux  fafpendu ,  les  vents  ap- 
paifés ,  tout  en  mi  mot  annoncer  &  prépa- 
rer un  fommcil  tr;uiquille  &  refl;:urant,  en- 
core attiré  par  un  travail  pénible  ,  bien  dif- 
férent &  bien  au  delfus  de  cette  ombre  de 
fommcil  qui  vient  languiffimment  fur  les. 
pas  de  la  mclleife  &  de  l'indolence  ,  que  \n 
lumière  du  jour  auquel  on  l'a  diîlcré  ,  in- 
terrompt &  trouble ,  &qui  ne  peut  être  pro- 
fond que  lorfque  l'obfcurité  la  plus  parfaite 
peut  en  quelque  façon  reflèmbler  à  la  nuit. 
Mais  lorfque  l'aurore  luiiiiànte  ramené  la 
lumière,  &  amionce  le  retour  prochain  du 
foleil,  voyez,  tous  les  oifeaux  témoigner  par 
leurs  chants  l'imprcfTion  qu'ils  enrcflcuteiit^ 
le  coq  bat  des  ailes  &  levé  dis  cris  pcrçans 
jufcju'auxcieux,  le  foiiuncille  ditlipo ,  le|our 


A  s  T 

parott ,  &  le  rcg^nc  du  travail  commence. 
f-^oyei  Jour  ,  Nuit  &  Lumière. 

Le  médecin  apperçoit  dans  les  perfônnes 
que  quelques  maladies  rendent  plus  (ènii- 
blcs ,  des  prcu\es  évidentes  de  laètion  de  la 
Jumiere  •,  les  maniaques ,  par  exemple ,  les 
frénétiques  ,  les  typhomaniaques,  ceux  qui 
ibnt  dans  quelque  accès  d'iiydrophobie  ,  tx. 
ceux  enfin  qui  ont  mal  aux  yeux ,  font  pour 
l'ordinaire  bleffcs  par 'la  lutnierc  ;  les  ténè- 
bres leur  font  infiniment  plus  favorables:,  la 
lumière  rend  les  délires  plus  fougueux,  l'obf- 
curitc  les  appailb^  c'efl  pourquoi  il  cft  très- 
important  d'y  placer  ceux  qui  font  attaqués 
fie  ces  maladies,  précaution  que  recomman- 
«loicnt  {pécialement  les  médiodiques.  Bail- 
Jou  raconte  que  tnadame  de  \'arades  étant 
malade ,  tomba  dans  une  fyncope  violente 
dans  l'infîant  de  l'immerfion  du  foleil  dans 
une  éclipfe  ,  &  qii'elle  en  retint  naturelle- 
ment lors  de  l'émerïïon  ,  que  le  foleil  recou- 
vra fa  lumière.  Il  n  elè  perfonne  qui  n'ait 
éprouvé  en  écrivant ,  en  compofànt ,  com- 
bien la  lumière  ^f  les  ténèbres  influent  di- 
vcrfement  fur  les  idées  &  fur  la  manière  de 
les  énoncer.  Nous  voyons  enfin  dans  bien 
des  maladies,  la  mort  furvenir,  ou  quelque 
changement  confidérable  fe  faire  au  lever 
&  au  coucher  du  foleil.  Rainazzini  dit  avoir 
obforvé  des  fièvres  épidémiques  qui  rcdou- 
bloient  vivement  fiir  le  foir  vers  le  coucher 
du  foleil,  de  façon  que  les  malades  étoient 
extrêmement  abattus ,  prefqiie  mourans;  ils 
pafToient  dans  cet  état  toute  la  nuit  ;  mais 
ils  en  fbrtoient  promptement  dès  que  le  fo- 
kil  paroiifoit  fur  l'horizon  ,  &  ils  pou- 
voient  fe  lever  &  fê  promener.  Conftit.  épi- 
dem.ann.  lôpi.F".  LuMlERE,  SoLEIL,é-c. 

Les  effets  du  foleil ,  comme  principedela 
chaleur  ,  font  beaucoup  plus  grands ,  plus 
étendus ,  &  mieux  conftatés  ;,  c'eft  avec  rai- 
fon  qu'on  l'appelle  la  fource  de  la  vie  ,  de 
toutes  les  produâions  de  la  terre  •■,  c'eil  fur- 
tout  par  elle  que  les  plantes  vivent ,  végè- 
tent ;  les  animaux  même  ne  peuvent  s'en 
paffer  ^  une  privation  trop  prompte  &  trop 
fènfible  produit  beaucoup  d'incommodités. 
Voye[  Froid.  Lorfqu'elle  efl  auiîî  pouffée  à 
l'excès  contraire  ,  elle  entraîne  de  grands 
inconvéniens.  f^oy^i  Chaleur  ,  Feu.  Les 
efïèts  de  la  chaleur  fur  les  corps  ne  font  ja- 
mais plus  marqués  &  plus  mauvais  que  lorf- 
tju'on  s'expofe  en  repos  aux  rayons  directs 


AST  7M 

du  foleil ,  8i  flir-tout  ayant  la  tôte  décou- 
verte ;,  d'abord  la  peau  devient  éréfipélatcu- 
fc  ,  enfuite  noire  ,  un  mal  de  tête  afti-eux 
lurvient,  ou  tombe  d::ns  le  délire,  ou  dans 
un  afloupifîement  mortel  ■■,  c'efl  ce  qu'on  ap- 
pelle coup  di  fc.'cil.  Voyez  ce  mot  à  t  article 
SoL.EiL.  La  chaleur  que  nous  éprouvons  du 
foleil  varie  beaucoup  ,  fuivant  qu'elle  cil 
dircdle  ou  réfléchie,  faivaut  les  difiances  , 
l'obliquité  des  rayons,  la  quantité  &  la  di- 
rcilion  des  points  qui  réfléchiffent  ■■,  de-Ià 
naillcnt  les  différences  de  chaleur ,  à  l'om- 
bre ou  au  foleil  ,  dans  les  plaines ,  dans  les 
vallées ,  ou  fur  les  hautes  montagnes  -^  de-là 
aufli  les  diffinftions  des  faifons  :  dans  la  po- 
fition  où  nous  fommes ,  les  plus  grandes  cha- 
leurs fè  font  reffcntir  dans  le  temps  où  le 
foleil  efl  le  plus  éloigné  ,  mais  où  l'obliquité 
de  fes  rayons  eff  moins  grande.  Koye^  Sai- 
sons ,  Eté,  Automne,  Hiver  &  Prin- 
temps. Tout  le  monde  fait  par  expérience 
l'influence  des  faifons  fur  l'homme;  les  mala- 
dies qui  en  dépendent  font  exaftement  claf- 
fées  par  Hippocrate  •■,  &  les  médecins  obfèr- 
vateurs  qui  l'ont  fuivi ,  ont  bien  remarqué 
qu'il  y  avoit  des  maladies  particulières  à  cha- 
que faifon,  &  que  les  maladies  qui  pafToient 
dune  faifon  à  une  autre, changeoient de  gé- 
nie ,  de  lypc  ,  de  cara6lere,  &  dcmandoieiit 
fouicnt  une  méthode  curative  différente. 
Voyeifur-toin  FlEVRE  INTERMITTENTE. 
La  chaleur  infiue  non  feulement  fiir  nous 
par  une  aftion  immédiate,  c'efl-à-dire  lorf^ 
qu'elle  efl  trop  forte  en  augmentant  la  tranf^ 
piration  ,  la  fiieur ,  en  occafionant  des  foi- 
blelîès  ,  lafîitudes ,  langueurs  ,  en  efFém.i- 
nant,  r?.:nollifrant  les  vailfeaux,  animant 
le  mouveinent  inteflin  du  fling,  rendant  les 
fommeils  inquiets  &  la  refjiiration  lente  , 
hâtée  ,  laboriciife  ;  mais  encore  par  les  effets 
qui  la  fin'vent  lorfqu'elle  efl  appliq-aée  à  la 
terre ,  à  l'eau  ,  aux  végétaux ,  &c.  On  n'a , 
pour  s'en  convaincre  ,  qu'à  voir  ce  qui  fè 
paffe  lorfque  les  rigueurs  de  l'hiver  font  dif- 
fipécs ,  qu'un  printemps  gracieux  lui  fucce- 
de  ,  &  enfin  lorfque  les  ardeurs  de  l'été  fê 
font  reffcntir  ^  d'abord  on  voit  toutes  les 
plantes  fortir  de  la  terre,  renaître,  fleurir, 
embaumer  l'air  de  leurs  parfuins ,  le  rendre 
&  plus  fain  &  plus  délicieux  \  les  vapeurs 
élevées  pendant  le  jour  retombent  le  foir  en 
ferein  ,  &;  le  matin  en  rofée,  &  humedlent 
de  nouveau  ia  terre  ;  mais  lorf  juc  le  brû- 
T  ttt  i 


714  A  S  T 

hntjir/us  paroît ,  les  vapeurs  éîevées  avec 
plus  de  force  Se  en  plus  grande  abondan- 
ce ,  deviennent  la  matière  des  orages ,  des 
pluies  ,  des  tonnerres  ,  des  éclairs,  &c.  la 
terre  cependant  devient  aride ,  les  marais 
fe  dellcchent ,  les  exhalaifons  les  plus  rnau- 
vaifes  s'en  élèvent  &  fe  répandent  dans 
l'air  ^  les  animaux  morts  fe  pourrillént 
prompteraent ,  &  infeéfent  l'atmoiphere  de 
iniafnies  contagieux^  les  rivières  &  les  fon- 
taines abaiffées  fourniiTent  une  eau  moins 
fklutaire  j  les  vins  tournent  dans  les  caves  ^ 
les  alimens  font  moins  bons,  digérés  avec 
plus  de  peiiie ,  &'c.  de-là  viennent  toutes 
ces  elpeces  de  fièvres  ardentes  ,  inflamma- 
toires ,  pétéchiales ,  pourprées ,  malignes  , 
&c.  les  dyH'enteries ,  diarrhées  bilieufes  ,  la 
perte  enfin  ,  &  les  maJadies  épidéniiques  :, 
ces  accidens  feroieut  encore  bien  plus 
grands ,  fi  les  fruits  que  produit  alors  la 
terre  n'en  prenoicnt  une  grande  pivtie  ; 
nous  avons  {iiccelîivement  les  cerifês ,  les 
fraifes ,  les  prunes ,  les  poires ,  les  melons  , 
les  concombres  ,  les  pêciies  ,  les  figues ,  les 
raifins ,  les  aféroles ,  &c.  lorfque  ces  fruits 
manquent ,  ou  qu'ils  font  viciés ,  ou  enfin 
lorfqu'on  en  fait  des  excès ,  les  maladies 
font  plus  mauvaifes  &  plus  fréquentes. 

Sans  m'arrêtcr  à  beaucoup  d'autres  exein- 
ples  ,  je  me  contenterai  de  faire  obfcrver 
combien  on  pourroit  tirer  de  lumières  d'une 
obfervation  cxafte  des  eflets  de  la  chaleur  ; 
on  pourroit  fe  préfenter  d'avance  le  tableau 
des  maladies  qui  régneront ,  du  caraétere 
générique  qu'elles  affefteront  ;  la  connoif- 
Cuice  qii'ou  auroit  de  ces  maladies  feroit 
bien  phis  exacte  ,  &  la  pratique  plus  fiire. 
On  ne  peut  qu'applaudir  au  zèle  des  méde- 
cins qui  s'ap[)liquent  aux  obfervations  mé- 
téorologiques, tels  quclesir.édecinsd'F.dim- 
bourg  &  l'anteur  du  journal  de  médecine 
à  Paris.  On  pourroit  Iculement  exiger  un 
peu  plus  de  détails ,  ëf  qu'à  mefnre  qu'on 
raconte  ,  on  fît  les  applications  néccfiaires 
qui  iè  préfentent ,  &  fur-tout  qu'on  com- 
parât les  réfiiltats  avec  ceux  d'iiijipocraîe. 

Influence  phyjiquc  de  la  lunt\On  a  abfolu- 
mcnt  rejeté  toute  intiticncc  de  la  lune  ,excepté 
celle  qui  dépend  de  fa  gra\itation, que  nous 
avons  apj')c!lée/nf'"://(7/2/:/«/f;&lorf"juc  le-  fem- 
mes ouîobjecté  qu'elles  s'apperccvoicnt  qtie 
ksrayons  de  la  lune  brunilibient  lei'r  teint , 
en  a  iait  des  expériences  pour  eherciicr  l'cx- 


A  S  T 

pIîcat'ion<3'un  fait  qui  paroifToit  aflez  conflaté 
par  la  relation  des  femmes  dans  im  point  le 
plus  intéreffantpour  leur  vanité  i  on  expofa  un 
miroir  ardent  auxrayonsdcla  lune,  qu'on  ra- 
maifa  de  façon  à  leur  donner  un  éclat  prodi- 
gieux, on  mit  au  foyer  un  thermomètre  extrê- 
inement  mobile ,  la  liqueur  n'en  reçut  aucune 
impreflion ,  ne  monta  pas  lënfiblement  ^ 
on  en  conclut  avec  raifon  que  les  ravonsde  la 
lune  n'étoientpas  capables  de  produire  de  la 
chaleur  ■■,  t<  fur  cela  on  décida  qu'ils  ne  pou- 
voient  pas  brunir ,  &  qu'ainfi  i'obfcrvatioii 
des  femmes  étoit  une  de  ces  erreurs  populai- 
res que  le  philofophe  doit  nier  lorfqu'il  ne 
fîit  pas  les  expliquer  ^  il  eût  été  plus  liige  de 
bien  conftater  le  fait ,  d'en  chercher  une  au- 
tre caufè,  ou  de  le  croire  fans  l'approfondir  ^ 
fans  en  pénétrer  la  caufe  ,  comme  l'on  faiî 
dans  bien  d'autres  cas.  Voici  quelques  autres 
obfervations  qui  démontrent  cette  aftioii 
phyfique  de  la  lune ,  due  vraiiémblablement 
à  fa  lumière  :  la  lumière  ne  feroit-elle  qu'une 
émanation  ?  iéroit-elle ,  comme  l'a  penfé 
Hierne  ,  combinée  ,  lorfqu'elle  fort  de  la 
lune  ,  avec  quekp^ies \apeurs ,  avec  quelques 
corps  étrangers?  quoi  qu'il  en  foit,  voici  le 
fait.  Mathiolus  Faber  rapporte  qu'un  jeune 
mélancolique  quelques  jours  avant  l'éclipfe 
de  lune  ,  devint  plus  trille,  plus  fbmbre 
qu'à  l'ordinaire ,  &  qu'au  moment  de  l'éclipfe 
il  devint  flirieux ,  coiu^ant  de  côté  &  d'autre 
dans  fa  maifon  ,  dans  les  rues  &  les  carre- 
fours ,  l'épéc  à  la  main ,  tuant  &  renverfant 
tout  ce  qu'il  trouvoit  fur  fcs  pas ,  hommes  y 
animaux,  portes ,  fenêtres ,  &c.  Mijf.  nat, 
curiofor.  in  nppcndic.  dcc.  II  ■,  ann.  l^ipag^ 
49.  Baillou  raconte  qu'en  1691 ,  vers  le  Ibll^ 
ticc  d'hi\er,ily  a\oiî  beaucoup  de  fluxions , 
da  morts  flibites ,  d'cfpcces  d'apoplexies ,  Se 
de  fucurs  angloifès.  Au  mois  de  décembre 
peiidjmt  la  nuit  ,  il  fe  fit  des  changemens 
inouïs,  incroyables-,  les  corps  les  plus  fiiins 
éîcient  laiiguillaus  ^  les  malades  fembloient 
tounîientés  par  des  démons,  prêts  à  ren- 
dre l'ame  ^  il  n'y  avoit  d'autre  caufe  appa- 
rente qu'une  éciij)fc;  <'  &c  comnie  nous  ne 
»  l'appcrcevions pas, ajoute  Baillou, nous  ne 
»  pouvions  ailbz  nous  étonner  de  tout  ce  que 
»  nous  voyions,  nous  en  ignorions  abfolu- 
»  ment  la  caufe  ^  mais  ces  délires  foudains, 
»  les  convulfions  inattendues ,  les  tliange- 
»  niens  les  plus  confidérablcs  &  les  plus 
»  prompts  qu'on  obfcr\a  cette  nuit  diuis  les 


AS  T 

»  maladies ,  nous  firent  ben  connoître  qii« 
))  tous  CCS  troubles  étoieiit  excites  par  les 
Il  :i(ïectionsdulbleil,ikla  lune  Scduciel.  » 
Ramazzini  a  aulfi  obfcrvé  le  danger  que 
couroient  les  malades  pendant  les  éclipics: 
îl  remarque  qu'une  fic\re  pétéchiale  ,  épr.lc- 
mique,  dont  il  donne  ladcfcripîion  ,  é:oit 
beaucoup  plus  fîcheufê  après  la  pleine  lui'.e 
&  dans  les  derniers  quartiers  ,  &  qu'elle 
s'aj^paifoit  vers  la  nouvelle  lune  ;  mais  que 
pendant  une  ccliplédc  lune  tous  ces  malades 
mouroieut.  Conjiit.  annor.  i6ç)i  &  1693. 
On  voit  là  quelques  raifons  qui  juftificnt  la 
crainte  exceiîîve  que  certains  psuplcsavoient 
des  éclipfes ,  comme  d'un  ii,J:ne  de  malheurs , 
opinion  qui  auiïi  a  été  appliquée  aux  comè- 
tes ,  peut-être  fans  fondement.  On  obfcrvc 
en  Amérique ,  1°.  que  le  poiiTon  expoféà  la 
lueur  de  la  lune  ,  perd  fju  goût,  &  devient 
molIalTe  j  les  Efpagnols  l'appellent  allunado. 
1°.  Que  les  mulets  qu'on  lailfe  coucher  à  la 
lune  dans  les  prés  ,  lorqu'ils  font  blefTés , 
perdent  l'ufage  de  leurs  membres  &  la  blef- 
fure  s'irrite ,  ce  qui  n'arrive  pas  dans  d'autj-es 
teiTïps.  3°.  Que  les  hommes  qui  dorment  à 
la  lune  font  brifës  &  rompus  à  leur  réveil  ^ 
les  plus  vigoureux  n'y  réfiftcnt  pas  :  ces  faits 
m'ont  été  attelles  par  un  témoin  oculaire  qui 
m'a  rapporté  qu'un  de  fcs  amis  ajoutaiu  peu 
de  foi  à  ce  que  lui  racontoicnt  les  habitans 
du  pays ,  s'oiTrit  de  palier  la  nuit  à  la  fenê- 
tre ,  bien  expofé  aux  rayons  de  la  lune  ;  il 
le  fit  en  effet,  &:  paya  bien  cher  fon  incré- 
dulité &  fa  fanfaronnade  ;  il  relia  fept  à  huit 
jours  fans  pouvoir  remuer  ni  pies  ni  mains. 
Il  eft  fait  mention  dans  les  mélanges  des  cu- 
rieux de  la  nature  (  dcc.  i  ,  ann.  i ,  obf.  19.  ) 
d'un  vertige  excité  par  les  rayons  de  la  lune. 
Il  feroit  à  fouhaiter  que  des  obfcr\ateurs 
éclairés  &  attentifs ,  s'appliqualTent  à  vérifier 
&  à  confirmer  ces  obfervations  ■-,  peut-être 
dans  le  temps  des  éclipfes  pourroit-on  \>vé- 
venir  les  grands  accidens  qu'elles  occailo- 
iient.  Dans  ces  pays  les  promenad':is  à  la  luno 
font  moins  nuilibles  qu'en  Amérique  ,  les 
amarisfèuls  le  plaignent  de  cette  incommode 
clarté  \  li  l'on  s'y  enrhume  quelquefois ,  ou 
fi  l'on  y  prend  des  douleurs ,  on  ne  manque 
pas  dé  les  attribuer  au  ferein ,  eil-ce  avec 
raifon  ?  tomberoit-il  plus  abondammment 
pendant  que  la  lune  luit  ? 

l:\jlucnce  phyjique  des  autres  aflres.  Il  ne 
yiciit  abfoluîiienî  point  de  cJialeur  des  j^lanc- 


AST 


7M 


tes  ni  des  étoiles  fixes ,  la  lumière  qui  s'en 
échappe  ell  très-foible  ,  très-peu  propre  k 
faire  quelque  imprefiion  fenfible  ;  nous  n'en 
voyons  auffi  aucun  effet  :  la  produélion  des 
vents ,  de  la  pluie  ,  &c.  que  Goad  &  Kook 
leur  attribueiit ,  fi  elle  eil  réelle  ,  vient  fans 
doute  de  leur  gravitation,  &par  conféquent 
ell  une  influence  méchanique  dont  il  fera 
queftion  plus  bas.  L'influence  phyfiquc  des 
comètes  mérite  plus  d'attention  ,  quoiqu'elle 
foit  aflin-ément  dépourvue  de  toute  utilité  ; 
ces  eljjvces  àe  planètes  peuvent  s'approcher 
d'affez  près  de  la  terre  pour  lin  faire  éprouver 
&  à  fcs  habitans  l'aftivité  de  leur  influence. 
Voyez  les  conjetlurcs  ingénieurs  de  M.  de 
Maupcrtuis.  Voyei  l'article  CoMETE. 

Influence  rrJchamjue  du  fohil,  II.  Cette  in- 
fluence eft  fondée  fur  l'aélion  coudante  qui- 
porte  les  pkuietes  les  unes  vers  les  autres ,  Se 
toutes  vers  le  foleil ,  qui  eft  à  fon  tour  attiré 
par  chacune  \  l'influence  mé^intiiquo  du  {bîeil 
fur  la  terre  n'ell  pas  un  problème  ,  c'eft  ua 
fait  très-décidé  ;  c'eil  en  obéiffant  ^t  cette  in- 
fluence que  la  terre  rélîliant  à  chaque  point  à 
fa  force  de  projection ,  eft  comme  obligée  de! 
formerune  courbe  autour  du  foleil  \  fès  eflets^ 
quoique  très-réels  fur  l'homme  ,  font  tropi 
conllans  &  trop  néceffaires  pour  être  beau-i 
coupfenfibles^  le  mouvement  de  rotation  de 
la  terre  ne  fait  de  même  fur  eux  aucune  im- 
preffion  ,  cette  influence  croiffant  en  raifon 
invcrfé  des  qnarrés  des  dillaiices  eft  dans  cer- 
tain.s  temps  beauccjp  plus  forte  que  dans 
d'autres.Les  différences  les  plusremarquables 
s'obfêrven:  aux  foiftices  &  aux  équinoxes  ; 
dans  ces  temps  précifément  on  a  appcrçu 
quelques  phénomènes  ,  quelques  variations 
dans  les  maladies ,  qu'on  a  jugé  inexplicables, 
&  tout  de  fuite  faulfes ,  &.  qui  pourroient 
vraifembiablement  être  rapportées  à  cette 
caufè.  Le  temps  des  équinoxes  eft  fort  con- 
traire auxphthiiiqucs,  auxheiliques,  àceux 
qui  font  dans  des  ficvres  lentes  \  &  les  mala- 
dies chroniques  qui  tombent  d.ins  ce  temps 
éprouvent  des  changcmens  fubits  qui  les  îer^ 
minent  ordinairement  par  la  mort  ou  par  la 
fanté  ;  &  ileftrare  que  les  troubles  q'.ii  s'exci- 
tent alors  ,  ne  fijicntpas  funeftes  aux  malades. 
Frider.  Iloffman,  di^Jert.  citât.  Sanilorius  a 
obfervé  que  dans  le  temps  du  Iblfticc  d'hi\'er, 
notre  tranfpiration  étoit  moindre  d'une  livre 
que  dans  tout  autre  temps.  Medicin.  fiatic. 
Hyppocraté,  coniine  nous  l'avons  déjà  remaj'  ■ 


71^  A  S  T 

que  plus  haut ,  veut  que  pendant  les  dix  jciirs 
du  folftice  d'été,  on  s'abfticnne  de  tout  grand 
remède,  qu'on  ne  coupe  ni  ne  brûle  ,  &c.  &c 
aillire  que  ce  défaut  de  précaution  n'eft  pas 
fans  inconvénient. 

Influence  méchnnique  de  la  lune.  L'action 
méchanique  de  la  lune  fur  la  terre  ,  eft  incon- 
teftablcment  prouvée  par  le  flux  &  reflux  de 
la  mer:,  &  c'eft  fur-tout  de  la  correrpondance 
exafte  du  flux  &  reflux  avec  les  périodes  lu- 
naires ,  qu'on  ert  parti  pour  établir  que  la  lune 
eft  la  cautè  princii^aJe  de  ce  phénomène  :,  ainli 
des  obièrvations  qui  détnontreroient  la  même 
réciprocité  entre  les  phénomènes  de  l'écono- 
inie  animale  &  les  phases  &  mouvemens  de 
la  lune,  feroient  une  preuve  évidente  del'//!- 
jiuence  méchanique  de  la  lune  fur  le  corps. 
Je  palfe  fous  fdencc  les  preuves  phylîques 
qu'on  pourroit  tirer  du  reflux  de  l'air  ,  des 
chaiigemens  qui  y  arrivent  alors ,  &  de  l'ac- 
tion de  l'air  Itir  le  corps  humain  (  Voyei 
Air  ,  ;  les  raifons  d'analoj^ie  qui  feroient 
d'ailleurs  fuffifantes:,  carqui  eft-ce  qui  niera 
que  notre  machine  foit  attirable  ou  compref- 
lible  ?  Toute  le  clafTe  des  végétaux  pourroit 
encore  fournir  des  traits  d'analo<îicconvain- 
cans  ;  le  laboureur  &  le  botaiiifte  ont  éga- 
lement obfervé  que  la  lune  avoit  un  empire 
irès-éîendu  lur  la  fécondité  des  plantes^  c'eft 
auiîî  une  règle  invaiûable  chez  les  payfans  , 
foutenue  par  une  tradition  conftante ,  &  par- 
là  même  refpeftable  ,  d'avoir  égard  pour 
femer  les  grains  aux  phafes  de  la  lune  j  ils  ont 
remarqué  que  les  arbres  plantés  en  pleine 
lune  portoicnt  alTez  promptcment  des  fruits, 
mais  petits  &  graveleux^  &  qu'au  contraire, 
ceux  quiétoient  m<is  en  terre  pendant  la  pleine 
lune,  portoieut  des  fruits  beaucoup  plus  tar- 
difs ,  mais  auffi  bien  lupcrieurs  en  beauté  & 
en  dclicatefiè  ^  la  tranlplantatton  même  des 
arbres  ne  fe  fait  jamais  avec  plus  de  fuccès 
que  pendant  les  premiers  quartiers  de  la  lune  : 
on  s'eft  aufTiapperçu  que  les  plantes  femées 
dans  le  déclin  de  la  lune  poulîbientdes  raci- 
nes très-longues  Se  très-multipliées ,  &  celles 
qu'on  fèmoit  en  pleine  lune,  étoieatchargées 
de  très-belles  fleurs  :  ces  précautions  ne  font 
point  indiiTérentcs  à  l'égiird  de  plufieurs 
plantes ,  le  fleurifte  pourroit  fur-tcut  en  tirer 
bieji  des  avantages  j  il  n'eft  pcrlonne  qui  ne 
fâche  que  la  coupe  des  bois  demande  les 
mêmes  attentions  j  que  ceux  qui  font  coupés 
dans  la  j^eine  lune  pourrillèiit  bientôt ,  & 


A  S  T 

font  moins  propres  à  fènir  aux  bâti'rr:ens  que 

ceux  qui  ont  été  coupés  dans  la  vieille  lune. 

Joignons  à  toutes  ces  preuves  les  obierva- 

tionspropresquiétablirontlamêmeinfluence 
iîir  le  corps  humain  ,  &  qui  iont  d'autant 
plus  convaincantes  qu'elles  ont  été  faites  la 
plupart  par  des  médecins  qui  ajoutoientpeu 
de  foi  à  l'influence  des  ajires ,  ou  qui  la  iié- 
gligeoient  entièrement. 

1°.  Le  retour  périodique  des  règles  dans 
les  femmes,  eft  fî  exactement  d'accord  avec 
le  mois  lunaire,  qu'il  n'y  a  eu  prefqne  qu'une 
voix  fur  ce  point  dans  tous  les  fîecles ,  chez 
tous  les  médecins  &  chez  les  femmes  même; 
les  maladies  qui  dépendent  de  quelque  vice 
dans  cette  excrétion  (  clallè  fort  étendue  à  la- 
quelle on  peut  rapporter  la  plupart  des  mala- 
dies des  femmes ,  )  fuivent  fouvent  avec  une 
extrême  régularité  les  mêmes  périodes.Char- 
les  Pifonraconte qu'une  fille  futpendant  tout 
le  printemps  tourmentée  de  fymptômes  d'hif^ 
téricité  qui  commençoient  aux  approche» 
de  la  pleine  lune  ,  &  ne  cefToient  que  vers  la 
fin  du  dernier  quartier.  On  a  obfervé  que 
les  hémorrhoïdes  avoient  aufîî  ces  périodes 
communs  avec  ré\'acuation  menftruelle. 

2°.  Maurice  Hoffinan  dit  avoir  va  une 
jaune  fille  âgée  de  14  ans  ,  née  d'une  mère 
épileptique  ,  <à  qui  le  ventre  enfloit  tous  le? 
mois  à  mefure  que  la  lune  croiftbit,  &  dimi- 
nuoit  en  même  temps  que  la  lune  alloit  en 
décroiifant.  (MifcelLnat.  curiof.ann.6  ,obf. 
i6x.  )  On  aftlire  que  les  huitres  font  beau- 
coupplus  groftés  &  les  coquillages  plus  rem- 
plis pendant  la  nouvelle  &  la  pleine  lune , 
que  pendant  les  derniers  quartiers  au  déclin. 
GeJle ,  témoin  oculaire  de  ce  fait ,  prétend 
l'avoir  vu  s'opérer  de  même  dans  bien  d'au- 
tres animaux  ,  qui  engraiilbient  &  maigri/^ 
foient  fuccedivement  /èlon  que  la  lune  étoit 
nouvelle  ou  vieille.  Hyppocratc  penfè  que 
les  femmes  conçoiient  principalemientdans 
la  pleine  lune.  r.  Hoftiuan ,  dijjertation  citée. 

1°.  Les  maladies  nerveufès  font  très- fbu- 
vent  conformes  aux  périodes  lunaires.  Il  y  :i 
une  foule  d'obfervations  qui  juftificnt  le  nom 
de  lunatiques  ,  qu'on  a  domié  aux  épilepti- 
ques  &  aux  maniaques  •■,  Galien  ,  C^lius 
Aurelianus  ,  Pitcarn  ,  ont  principalement 
obfervé  cette  uniformité.  Nlead  rapporte 
rhiftoire  d'un  jeune  enfant  attaqué  de  con- 
vulfions ,  qiii  étant  revenues  à  la  pleine  lune 
fuivircnt  II  exadcinent  les  périodes  de  la 


A  s  T 

lune ,  qu'elles  répondoiciit  tous  les  jours  au 
flux  &  reflux  de  la  mer',  de  façon  que  lorfi^fue 
les  eaux  venoicnt  couvrir  le  rivage , l'enfaut 
perdoit  l'ulagc  de  la  voix  &  de  tous  (es  feus, 
iklorlque  les  eaux  s  en  rctournoient,  l'enfant 
revenoit  entièrement  à  lui  ;  il  refla  pendant 
quatorze  jours  "dans  cet  état  jufqu'à  la  nou- 
velle lune.  ( De imperio  fol.& lui!. page  i6ç.) 
Pitcarn  a  obfervc  ini  c/iorea  fanai  î-^iei  aufîi 
régulièrement  périodique.  Charles  Pilon 
parle  d'une  paralyiie  ,  que  la  nou\elIc  lune 
rnmenoit  tous  les  mois.  Tulpius  a  vu  un 
treir.blement ,  dont  les  accès  étoient  corref- 
poiidans  au  flux  &  reflux  de  la  mer  ,  à  la 
lune,  &  quelquefois  au  fbleil.  Un  médecin 
de  Paris  m'a  communiqué  depuis  quelques 
jours  un  mémoire  à  conllilter  pour  lui  épi- 
leptique ,  dont  les  accès  reviennent  pendant 
la  vieille  lune. 

4".  On  trouve  dans  la  éphéinéridcs  des 
curieux  de  la  nature ,  :.,  :  quanti'^  d'excin- 
ples  de  maux  de  tête  ,  de  vertiges  ,  de  blef^ 
fî'.rcs  à  la  tête,  d'aJîôftions cpidèmiques ,  de 
fièvres  malignes ,  de  diabètes ,  de  maladies 
exanthématiqiies ,  ô-c.  qui  démontrent  l'in- 
fluence méchanique  delà  lur.c  fur  les  corps. 
Syrmpf.  ad  littcr.  lunœ.  Voyc^  Sauvages  de 
injlux.  fyder.  Il  y  eft  au.Ti  lait  mention  de 
deux  fomnambules ,  dont  l'un  tombait  dans 
fes  accès  dans  le  temps  de  la  pleine  lime ,  & 
les  paroxj'fines  ds  l'autre  étoicut  correfpon- 
dans  aux  phalès  de  la  lune. 

5°.  n  arrive  aufll  quelquefois  que  les  re- 
doublemens  dans  les  inaladies  aiguës  fuii'ent 
les  alternati\'es  du  flux  &  reflux  ;  &  cela 
s'obferve  principalement  dans  les  '.  illes  mari- 
times. Charles  I-'iPjn  dit  que  les  malades  fè 
trouvoient  très- liai  lor(q;ie  le  flux  de  la 
mer  fe  rencontroit  dans  la  pleine  lune^  c'ell 
un  fa  it  connu ,  dit-  il ,  que  pîufieurs  ibnt  morts 
pendant  le  te':nps  du  reflux  :  mais  pour  l'ordi- 
naire,  les  douleurs,  fiiivant  le  rapport  Acs,  ^:v\2.- 
Iade3,&  les  f)'mpt-:)me3redoub!o!ent  pendant 
iîs  heures  que  di^re  le  flux,  &  le  refiuxam.e- 
noit  une  interminîon  plus  ou  moins  parfaite. 
Dans  la  fic/re  péîécliiale  ,  épidémique  ,  qui 
régnoit  à  Turinge  en  1698  &;  i^yp,  on  ap- 
pcrçuî  beaucoup  d'altération  dans  les  mala- 
dies correfpondantes  aux  lunaifons  pendant 
l'hiver  Se  l'automne  \  &  au  printemps ,  jircf- 
que  tous  les  fébric'tans  mouroient  très- 
promptement  pendant  les  derniers  quartiers 
de  Ja  lune,  ta^jdis.  que  ceux  qui  étoieut 


A  S  T 


7^7 


malades  pendant  la  nouvelle  lune  Scies  pre- 
miers quartiers ,  fe  rétablillbient  très-bien 
&  en  peu  de  temps. 

6°.  De  toutes  les  maladies  celles  qui  m'ont 
paru  répondre  a\'ec  plus  de  régularité  ans 
périodes  lunaires,  fjnt  les  maladies  cutanées. 
J'ai  été  lùr-tout  frappé  d'une  teigne,  dont  j'ai 
détaillé  l'hiltoirc  dans  le  journal  de  médeci- 
ne ,  année  1760  ,  mois  d'avril.  Elle  couvroit 
tout  le  vifa^e  &  la  poitrine  ,  occalionoit  des 
démangeailbns  infoutcnables ,  quelquefois 
des  douleurs  très-vives  pcndantla  vicillelune, 
&f  préfentoit  un  fpeftacle  aflreux.  Tous  ces 
îymptomes  fe  foutenoient  juf(|u'à  la  nouvelle 
lune  ,  alors  ils  difparoiiroient  peu  à  peu  ;  le 
vif  !ge  s'éc'aircifibit  infenfiblcmcnt,  &c  fc  dé- 
pouilloit  de  toutes  croûtes  ,  qui  fe  dcilë- 
choient  jufqu'à  la  vieill;  lune  .  où  tout  rc- 
commençoit  de  nouveau.  J'ai  été  témoin 
pendant  plus  de  trois  mois  de  cette  alter- 
native marquée.  J'ai  vu  la  méire  choie  ar- 
river fréquemment  dans  la  gale^  &  plu/leurs 
perfonnes  ont  obfcrvé  que  la  gale  augnien- 
roit  \ers  la  pleine  lune  ^  que  lors  même 
iju'elle  étoit  guérie  ,  il  en  reparoiiibit  \'ers 
ce  temps-là  quelques  pun;ules  ,  qui  fe  di/îî- 
pr.ient  enfliite  périodiquement.  Je  n'ai  point 
eu  occafion  de  répeter  les  n-.énies  oblcrva- 
tions  fur  les  autres  maladies  ^  je  ne  doute 
pas  qu'on  n'apperçût  auHi  les  niêmes  cor- 
rei'pondaiices.  C'efl  un  vaile  chairp  ouvert 
aux  obfêrva'eurs  zélés  pourrcn-.bcUÎfrement 
&  la  pcrfediion  de  la  médecine  *,  on  pour- 
roit  conflater  les  obfervations  déjà  faites  , 
y  en  ajouter  d'autres ,  les  poufTcr  plus  loin. 
Il  refîe  encore  à  déterminer  les  variétés  qui 
naifîént  des  différentes  phafes ,  des  con- 
jonéfions,  des  afpcdsde  la  lui:e  avec  le  fc- 
Icil  &  les  autres  aftrcs  ;  peut-être  les  différen- 
tes maladies  ont  un  rapport  plus  immédiat 
avec  certaines  phafes ,  certaines  poiitions  de 
la  lune  qu'avec  d'autres.  Bennct  prétend 
avoir  cb'ervé  que  les  maladies  qu'il  croit 
provenir  d'une  rnaticre  faline,  tel'es  que  font 
les  doulei.rs,  les  démangeaifôns  ,  les  m,a- 
ladies  ex;  nthématiques ,  &c.  augmentoient 
beaucfiup  pendant  les  j'remiers  q.;urtiers  de 
la  lune  ,  £i  fur-tout  les  deux  ou  trois  nuits 
qui  prccédoient  la  nouvelle  lune.  Ce  même 
auteur  a/fure  que  pciulant  la  vieille  lune  , 
la  !yn';he  cc  les  hun-eurs  s'acourrai'eiit  dans 
le  corps,  parce  qu'aJors  il  \  oit ,  dit- il ,  une 
augmeutatiou  fcniiblc  dat's  toutes  les  œala* 


7zS  AST 

(lies  iërcufcs ,  hiimorâles  j  clans  la  cactioxie, 
l'Jiydropifie  ,    les  fluxions  ,  les  catarres  , 
alïhmes  ,  paralyiies ,    &c.  Quelque  incom- 
flctes  que  foient  les  oblérvations  que  nous 
a\ons  im  cette  matière ,  on  peut  en  déduire 
ces  canons  tjiérapeutiques  ^  que  dans  les  ma- 
Lidies  fouinifes  aux  inHuenccs  _  de  la  lune  , 
lorfque   la  polltion  ou  les  phafes  de  la  lune 
fous  lefquelles  fe  font  les  redoublemens  , 
font  prochaines ,   il  faut  appliquer  quelque 
remède  aâif  qui  puilfc  prévenir  ou  calmer 
l'intenfité  des  fyniptoines  :,  il  faut  s'abicenir 
de  tout  remède  pendant  le  temps  du  re- 
doublement, C'eft  dans  le  temps  de  finter- 
mifiion  qu'il  convieiU  de  placer  les  remè- 
des appropriés  ;,  j'ai  fuivi  avec  beaucoup  de 
fiiccès  cette  méthode ,   dans  le  traitement 
de  la  teigne  dont  j'ai  parlé  plus  haut.  On  af- 
fure  que^  les  mcdicamens  donnés  dans^  les 
écrouelks  fur  le  déclin  de  la  lune ,  réuiîilîcnt 
beaucoup  mieux  qu'en  tout  autre  temps  j 
que  dans  les  afiedions  de  la  tête ,  des  n.erïs , 
dans  l'épilepfie ,  les  malades  fe  trouvent  beau- 
coup icuhv^és  de  l'ufage  des  nervins  ,  cépha- 
liques,  anti-épileptiques,  pendant  les  chan- 
gemens  de  lune.  Un  illuilre   médecin  de 
cette  ville  a  eu  égard  aux  périodes  de  la  lune , 
dans  l'adnîiniilration  des  remèdes  pour  un 
épiieptiquc  ,  dont  j'ai  parié  ci-deilus.  Frédé- 
ric HofFman  recommande  aux  calculeux  de 
prendre  trois  ou  quatre  bulbes  ou  gouli-s  ci'ad 
îi  chaque  quartier  de  la  lun.e.  Je  ne  dots  ponit 
oublier  d'avertir ,  qu'en  rapportant  ces  oblér- 
vations ,  en  recommandant  d'avoir  égard 
aux  aflres  dans  l'adminiitration  des  remè- 
des ,  je  n'ai  point  prétendu  donner  des  rè- 
gles invariables  t>c  rigourculcMnent  démon- 
trées ,  &  dont  on  ne  peut  s'écarter  fans  des 
iiiconvéniens  très-graves.  J'ai  eu  principale- 
ment en  vue  d'exciter  les  médecins  à  conf- 
tater  ces  obfervations  ;,  &  j'ai  toujours  pcnle 
que  dans  les  cr.s  prelfans  ,   &  où  l'expeda- 
tion  pourroit    étie  nuifible ,  il  talloit  peu 
faire  attention  (i  la  pofitiou  des  aJJres  etoit 
filutaireou  nuilible  ,  fiiivant  cette  maxime 
obfervée  cliez  les  anciens  ,  que  nj'iu  indi- 
nant  ,   non  ncccjfnaiu  ;  il  faudra  appliquer 
ja  même  ciiofe  à  l'influerice  des  autres  pla- 
nètes dont  nous  allons  parler. 

Injluence  méchcinique  des  aunes  affres.  Ni 
le  raitbnncmcnt,  ni  l'expérience  permettent 
vV attribuer  aux  étoiles  lixes  quelque  action 
inéçl?aiiiquc  liir  le  corps  limiwui  i  l'uu  fiv 


AST 

l'antre  s'accordent  au  contraire  à  établir  l'ia- 
iluencc  méchanique  des  planètes,  Mercure, 
Vénus ,  Mars ,  Jupiter  &  Saturne.  Ces  corps 
céleftes,  quoique  placés  à  des  diftances  con- 
fidérables  de  la  terre ,  peuvent  néanmoins 
exercer  fur  elle  une  gravitation  réciproque , 
&  la  mafîe  des  planètes  les  plus  éloignées 
compcniè  fuffifamment  leur  diftance.  L'at- 
traétioneltenraifondircdle  des  malles,  &  en 
raifon  inverie  des  quarrés  des  diftances.  Ainfi 
Jupiter  &  Sanirne,  quoique  placés  dans  un 
prodigieux   éloignement ,   ne  doivent  pas 
être  cenfés  dépourvus  d'aâion  fur  la  terre  , 
parce  qu'ils  contiennent  en  même  tem^is  une 
phis  grande  quantité  de  matitre.  Lorlqu'une 
partie  de  la  terre  efc  foumife  à  l'action  di- 
recte de   deux  planètes ,  il  y  a  lieu  de  pré- 
fiimcr  que  cette  adtion  réunie  produira  des 
etîets  plus  fenfiblcs ,  fans  examiner  fi  par  la 
conjonétion  les  deux  planètes  n'acquièrent 
pas  plus  de  force  ^   il  eft  aufii  très-vrallem- 
blable  que  ces  eiîéts  doivent  varier  fuivant 
la  lituation  ,  la  polltion,  le  mouvement  8c 
la  diltance  de  ces  planètes.  Je  ne  feroismême 
pas  bien  éloigné   de    croire  qu'il  y  a  quel- 
que réalité  dans  les  vertus  que  les  anciens 
attribuoient  aux  diftérens  afpcèts  Aesajftes  ; 
il  ell  ii  fbuvcnt  arrivé  aux  modernes  d'a- 
dopter, engagés  par  la  force  de  la  vérité  , 
des   dogmes  anciens  qu'on  avoit  ridiculifes 
peu  de  temps  auparavant,  qu'on  ne  fauroit 
être  allez  circonfpeél  à  porter  ini  jugement 
décilif  contre  quelque  opir.ion  avant  de  l'a- 
voir bien  approfondie  ,    &  d'en  avoir  bien 
fenti  rimpolfibilité.  On  a  toujours  regarde 
les  alpeêts  de  Saturne  &  de  Jupiter,  de  Sa- 
turne &  de  Mars  comme  trcs-n:auvais  ,  & 
annonçiuit    &    occadonant    des    malailics 
dangereufes  ,  &  la  pelle  mcme  ,  fuivant  la 
remarque  de  Zciaus  \  cette  idée  ne  peut  être 
partie  que  de  quoique  obfervation.  La  fa- 
meulé  pelle  qui  parut  en  1117  ,   &  qui  par 
le  grand  nombre  de  morts  ,   dépeupla  pour 
ainli  due  le  monde  ,  ftit  précédée  ,  Se  fé- 
lon les  ailrologues  ,  produite  par  la  cou- 
jonction  de  Jupiter  &  de  Saturne.   Boccacc 
iSc  Guy  de  Chauliac  ont  écrit  que  celle  qui 
avoit  régné  en  154S,  dcvoit  Ion  origir.e  à 
raljied  de  Saturne,  Jupiter  &  Mars.  Mar- 
iilius  ficinus,  philoiophc  célèbre,  rapporte 
qu'en  1477  il  y  eut  des  écliplcs  de  loleil 
6i  de  lune  \  que  Saturne   &  Mars  furent 
eu  coiijoudtioii ,   &  qu'il  y  eut  une  pefte 

terrible. 


A  s  T 

terrible.  Gafpard  Bartholin  prédit  en  coole- 
quciice  de  l'afpciit  de  Mars  &  de  Saturne  , 
d'un  hiver  chaud  ,  &  d'une  automne  brû- 
lante ,  la  perte  qui  ravagea  quelques  années 
après  toute  l'Europe.  Paul  de  Sorbait,  pre- 
mier médecin  de  l'empereur ,  prédit  fur  le 
même  fondement  la  perte  à  Vienne ,  &  l'évé- 
nement répondit  à  fes  prédictions.  Sennert 
a  aulîi  obfervé  en  1624  Se  1 63 7  ^  une  dyf- 
ibntcrie  épidémique  à  la  fuite  de  la  con- 
jonûion  de  ces  planètes.  Voye^  Hojfman  , 
diffirtation  citée.  Les  afpedts  de  Jupiter  & 
de  Vénus  ibnt  cenies  bénins  ,  ceux  de  Mer- 
cure indiffcrens.  Les  conjonctions  de  Vénus 
&  de  Jupiter ,  du  Soleil  &  de  Mercure  , 
de  Jupiter  &  de  Mercure ,  font  regardées 
comme  ialutaires  aux  phthyfiques,  à  ceux  qui 
font  dans  les  fièvres  lentes.  Sous  ces  alpefts 
combinés  on  peut  attendre  des  crifès  bien 
complètes  dans  les  fièvres  ardentes  ,  inflam- 
matoires ,  6v.  Aucune  obfervation  moderne 
n'ert  venue  à  l'appui  de  ces  anciennes  \  mais 
aucune  auflî  ne  les  a  détruites.  On  pour- 
roit  cependant  regarder  comme  une  confir- 
mation du  fyftême  des  anciens  ,  les  obfèr- 
vations  faites  par  les  célèbres  Goad  & 
Kook  fur  les  variations  de  Fatmofplicre  , 
relativement  aux  afpedts  &  aux  pofitions  des 
planètes.  Frédéric  Hoffman  les  a  répétées 
avec  fbin  ,  &  il  alTure  qu'une  expérience 
fréquente  lui  en  a  atterté  la  vérité  ,  ù  cré- 
era nos  experientia  hâc  in  re  confirmavit  : 
voici  ce  qu'il  en  dit  lui-même. 

Toutes  les  fois  que  Saturne  regarde  ,  ad- 
//)/V/>,  une  planète  dans  quelque  pofitionque 
ce  foit ,  il  comprime  l'air  ,  excite  des  vents 
froids  qu'il  fait  venir  du  feptentrion.  L'af- 
fociation  de  Saturne  &  de  Vénus  donne 
lieu  d'attendre  des  pluies  froides  •■,  le  vent 
fouffle  alors  du  feptentrion  &  de  l'occident. 
Jupiter  eft  ordinairement  venteux  avec  quel- 
que planète  qu'il  concoure ,  fur-tout  en  au- 
tomne &  au  printemps  j  de  façon  qu'il  eft 
rare  qu'il  y  ait  des  tempêtes  &  des  ora- 
ges ,  làns  que  Jupiter  fi^it  en  afpeft  avec 
quelqu'autre  planète.  Parmi  les  planètes  plu- 
vieufes ,  Vénus  tient  le  premier  rang  ,  iur- 
tout  fi  elle  ert  en  conjonéHon  avec  Mercure  , 
Saturne  &  Jupiter.  Le  foie  il  &  Mars  annon- 
cent &  opèrent  les  jours  fereins  &  chauds , 
fur-tout  dans  l'été  lorfqu'ils  fe  trouvent  en 
cojijoniition  j  les  elfets  font  les  mêmes ,  quoi- 
Tome  II J. 


A  S  T  729 

que  plus  foibles ,  s'ils  agilTent  de  concert 
avec  Mercure  &  Jupiter.  Mercure  eft  d'une 
nature  très-inconftante  ,  &  produit  beau- 
coup de  variations  dans  l'air  j  le  même  jour 
eft  fous  fon  afpedt  fcrein  ,  pluvieux ,  ven- 
teux ,  orageux  ,  &c.  Avec  Jupiter  il  donna 
naiftiuice  aux  vents  j  avec  Vénus ,  à  la  pluie. 

L'action  de  ces  planètes  varie  beaucoup  , 
fuivant  la  diftance  Si  la  fituation  du  foleil. 
La  lune  même  rapporte  des  changemens , 
en  accélère  ou  en  retarde  les  effets  fuivant 
fon  influence  particidiere.  La  fituation  du 
lieu  ,  la  nature  du  climat,  peuvent  auffi  faire 
naître  bien  des  variétés  j  8c  cette  même  ac- 
tion appliquée  au  corps  ,  ne  fauroit  être 
uniforme  dans  tous  les  tempéramens  ,  tous 
les  âges ,  tous  les  fexes,  &  tous  les  individus. 
f^oyei  Kook  ,  Méiéorolog.  S.  Ajlronom, 
Goad  ,  traclatus  mtteorol.  &  la  diifertatioi» 
d'Hoftinan ,  qui  fe  trouve  dans  le  FV*  vol. 
tome  V  ,  pag.  70. 

Ces  obfervations  qu'il  eft  bien  difficile  de 
contefter  ,  paroilFent  mettre  hors  de  doute 
l'influence  de  ces  planètes  fur  l'air  ,  &  en 
conféquence  fur  le  corps  humain.  Perfonne 
n'ignore  les  effets  de  ce  fluide ,  dans  lequel 
nous  vivons ,  que  nous  avalons  avec  les  ali- 
mens  ,  que  nous  refpirons  continuellement , 
&  qui  s'infinuc  par  tous  les  pores  abforbans 
qui  font  ouverts  fur  notre  peau  \  il  eft  cer- 
tain que  la  plupart  des  maladies  épidémiques 
méritent  de  lui  être  attribuées.  J'ai  prouvé 
dans  un  mémoire  lu  à  la  fociété  royale  des 
fcicnces  en  1749  ,  que  l'air  étoit  la  princi- 
pale caufb  des  fièvres  intermittentes.  Il  y  a 
certaines  perfonnes  qui  ont  des  figues  alîu- 
rés ,  qui  leur  marquent  cxaûem.ent  les  va- 
riations de  l'atmolphere ,  des  douleurs  de 
tête ,  des  rhumatifmes ,  des  fuites  de  blelfure* 
ou  de  luxation ,  qui  le  réveillent  dans  les 
changemens  de  temps  ,  &  les  inftniiléntplus 
fùrement  que  les  meilleurs  baromètres.  Voy. 
Air  ,  Atmosphère.  J'ai  vu  il  y  a  peu  de 
jours  un  malade  attaqué  d'une  fièvre  putride , 
portant  à  la  poitrine  j  il  refta  pendant  fèpt  :"i 
huit  heures  que  dura  un  orage  violent ,  dans 
un  état  affreux;  il  avoit  peine  à  refpirer  ,  fe 
Icutoit  foible  &  abattu  ,  avoit  des  inquiétu- 
des. Après  un  coup  de  tonnerre  ,  qui  fit  u« 
fracas  épouvantable ,  l'orage  ceifa  ;  en  mêine 
teinps  il  fe  trouva  dcbarralie  d'une  efpece  de 
poids  qui  raffailFoit  j  la  lèvre  fupcricure  fe 

\'  V  V  T 


730  A  S  T 

couvrit  de  boutons ,  il  fut  extrêmement  fou- 
lage ,  &  entra  en  convalefcence. 

On  peut  déduire  de  toutes  ces  obferva- 
tioiis  examinées  de  bonne  foi ,  &  appro- 
fondies iuns  partialité ,  combien  cette  par- 
lie  de  lallronomie  qui  traite  de  l'influence 
des  ajires  ,  peut  être  avantageufè  aux  méde- 
cins ,  &  combien  par  coniequent  elle  mcri- 
leroit  d'être  plus  cultivée  8f  mieux  étudiée. 
Tout  ce  qui  eft  de  l'intérêt  public ,  &  d'un 
intérêt  aufli  prefTant  &  aulli  prochain  que 
celui  qui  réfiilte  de  la  médecine  ,  doit  être 
un  motif  fiiffilant  pour  nous  engager  à  des 
recherches  ultérieures  ;  mais  ne  fèra-t-il  pas 
à  craindre  que  l'efprit  humain  enflammé  de 
nouveau  par  quelque  réuflite  ,  ne  donne 
aufli-tôt  dans  l'excès  ,  ne  porte  cette  fcience 
à  un  extrême  toujours  vicieux  j  &  il  ell  sûr 
que  le  mal  qui  en  proviendroit  fèroit  infini- 
jnent  au  delliis  des  avantages  qu'on  pour- 
roit  tirer  de  cette  connoiflance  retenue  dans 
un  jufte  milieu.  Mais  dans  cet  état  même  , 
les  matières  aux  recherches ,  aux  obferva- 
lions ,  ne  font-elles  pas  trop  vaftes  pour  dé- 
tourner un  médecin  de  l'application  des  cho- 
fes  plus  férieufes  &  plus  intéreifantes  ?  Si 
l'intérêt  public  l'emportoit  davantage  fur  le 
particulier  ,  il  faudroit  que  des  médecins 
s'appliquaiTent  uniquement  aux  obfervations 
météorologiques  ,  qui  pour  être  bien  faites 
demanderoient  beaucoup  de  temps  &  de 
connoiffances ,  voye[  ce  mot  ;  aux  découver- 
tes anatomiques  ,  phyfiques ,  chymiques  , 
&c.  en  un  mot  aux  fciences  accefl'oires  de  la 
médecine,  &  le  praticien  puiferoit  dans  les 
arfenaux  des  matériaux  tout  digérés  ,  pour 
être  le  fondement  &  l'appui  d'une  pratique 
beaucoup  plus  folide  &  brillante.  Car  il  eft 
impolTible  que  le  même  médecin  puifle  ilii- 
vre  tous  ces  diiFérens  objets  ;  ils  devroient 
être  renvoyés  à  tant  de  gens  qui  ne  font 
point  nés  médecins  ,  que  la  curiofité  porte  à 
cette  étude  ,  mais  que  l'intérêt  fait  prati- 
ciens. On  naît  médecin  comme  on  naît 
poète  ;  la  nature  fait  l'un  &  l'autre.  Article 
de  M.  Mbnvrst. 

Astre  ,  £  m.  ajler,  (  HiJi,iiat,bot.  )  genre 
de  plante  à  fleur  radiée  ,  dont  le  difque  eft 
compofé  de  fleurons ,  &c  dont  la  couronne  eft 
formée  par  des  demi-fleurons  qui  font  pofes 
fur  des  embryons  ,  &  fbutenus  par  un  calice 
écailleux  j  les  embrj'ons  deviennent  dans  la 


A  ST 

fuite  des  femences  garnies  d'aigrettes,  & 
attachées  au  fond  du  calice.  Tournefort , 
Inf.  ni  /lerb.  Koye^  Plante.  (1) 

Astre  du  monde,,  Astre  v/o/«,  Astre 

triomphant^  (termes  de  Fieurifte.  )  ce  font 
trois  efpeces  d'œiliet. 

*  ASTRÉE  ,  (Myt/,.  )  fille  d'Aftréus  & 
de  Thémis  ,  &  mère  de  l'équité  naturelle  , 
de  cette  équité  avec  laquelle  nous  naifTons  , 
&  dont  la  notion  n'eft  point  due  à  la  crainte 
des  loix  hum.aines.  Elle  habita  fur  la  terre 
tant  que  dura  l'âge  d'or  :  mais  quand  les 
hommes  cefTerent  entièrement  d'entendre  fk 
voix ,  &  fe  furent  fouillés  de  crimes ,  elle 
s'envola  au  ciel ,  où  elle  fe  plaça,  difent  les 
poètes ,  dans  le  ligne  de  la  Vierge.  Il  paroit 
que  ce  ne  fut  pas  fans  regret  qu'elle  quitta 
la  terre ,  &  qu'elle  y  fèroit  encore  ,  fi  la  mé- 
chanceté ne  l'eût  pourfuivie  par-tout.  Exilée 
des  villes  ,  elle  fe  retira  dans  les  campagnes 
&  parmi  les  laboureurs ,  &  elle  n'abandonna 
cet  afyle  que  quand  le  vice  s'en  fut  encore 
emparé.  On  la  peint,  dit  Aulugelle  ,  fous  la 
figure  d'une  vierge  qui  a  le  regard  formida- 
ble. Elle  a  l'air  trifte  :  mais  fa  trifteffe  n'été 
rien  à  fa  dignité  :  elle  tient  une  balance  d'une 
main,  &une  épée  de  l'autre.  Ilparoît  qu'on 
la  confond  fouvent  avec  1  hémis ,  à  qui  l'on 
a  donné  les  mêmes  attributs. 

ASTROMETRE,  /^oj.Heliometre. 

§  ASTRINGENT ,  {Mat.  méd.)  ce  nom 
générique  eft  appliqué  à  tous  les  remèdes 
qui  peuvent ,  en  reiîèrrant  les  couloirs  ou 
les  orifices  ,  arrêter  ou  diminuer  les  diffé- 
rentes évacuations  dans  le  corps  humain. 

L'aâion  des  aftringens  n'eft  pas  bornée  aux 
premières  voies  •■,  &  la  trop  grande  liqui- 
dité des  felles ,  n'eft  pas  la  feule  indication 
qui  en  exige  l'emploi  :  on  s'en  fèrt  contre 
les  hémorrhagies ,  les  écoulemens  féreux  de 
toutes  les  parties  &  de  tous  les  organes  j  on 
les  prefcrit  dans  les  relâchemens  des  par- 
ties ,  dont  la  force  tonique  eft  Jimplement 
diminuée  ,  lors  même  que  les  écoulemens 
ou  les  évacuations  n'excèdent  point  l'état  na- 
turel par  la  quantité.  Ainfî  le  relâchement 
du  fphin£ler ,  de  la  vefîîe,  de  l'anus,  des  glan- 
des lalivaires ,  iS't.eft  efîicacement  combattu 
par  les  aftringens ,  lorfque  l'urine  ,  les  ma- 
tières fécales  &  la  falive  ne  font  pas  aflëz 
long-temps  retenues  dans  les  organes  qui 
Icux  fervent  de  dépôt.  Ce  n'eft  pas  en  cor- 


AST 

rîg:eant  la  trop  grande  fluidité  des  matières, 
que  les  aftringtns  s'oppofeiit  aux  évacuations 
trop  abondantes  \  ils  ne  produifent  cet  effet 
que  d'une  manière  très-fecondaire  j  ils  ex- 
citent ou  réveillent  1  aftion  des  organes ,  ils 
perpétuent  cette  aélion  &  l'ordre  renaît  dans 
\q%  fondions.  Un  médicament  qui  n'agiroit 
fur  des  fèlles  trop  liquides ,  qu'en  abfôrbant 
l'humidité  fuperfluc  ,  ne  prouveroit  pas  la 
bonne  difpofition  des  organes  de  la  digef- 
tion  \  il  ferviroit  à  tromper  le  médecin  qui 
voudroit  juger  de  l'état  des  organes  ,  par 
celui  des  felles  j  il  remcdieroit  à  la  liquidité 
des  excrémens  ,  fans  améliorer  les  organes 
digeftifs  &  les  fucs  nourriciers  qu'ils  peuvent 
extraire. 

Les  aftringens  ,  proprement  dits  ,  ne  fe 
donnent  qu'à  petite  dolê  \  &  la  quantité  des 
fucs  digeftifs  étant  très-confidérable,  ce  n'eft 
certainement  pas  la  peine  d'avoir  égard  au 
peu  de  liquide  qu'ils  peuvent  abforber  par 
leur  partie  terreulc.  Il  n'eft  pas  même  clair 
que  cette  partie  terreuiè  foit  afTez  à  nu  ,  ou 
dégagée  de  tout  autre  principe,  pour  exercer 
fa  propriété  absorbante. 

Il  n'eft  point  de  médicament  dont  l'aôion 
foit  aufli  fènfible  ou  évidente  que  celle  des 
ajlringens ,  foit  qu'on  la  dérive  de  leurs  qua- 
lités fapides  ,  foit  qu'on  l'évalue  par  leurs 
effets  immédiats  &  évidens  fur  le  corps  des 
animaux;  ils  ont  un  goût  âpre,  auftere,  acer- 
be ;  ils  rident  ,  ils  froncent  les  fibres  &  la 
plupart  des  fslides  par  leur  application  ^  ils 
reirerrentouretréciirentlesGuvertures,même 
confîdérables ,  telles  que  la  vulve ,  la  bou- 
che ,  l'air^js  :  ils  produifent  les  mêmes  effets 
furies  cadavres  des  animaux,  &  toutes  ces 
qualités  feaiîbles  font  exaéficment  propor- 
tionnelles à  leur  \'ertu  médicamenteufc. 

Il  refaite  de  ces  notions ,  que  l'aftion  des 
aftringens  s'exerce  principalement  fur  les 
fblides;  ils  en  augmentent  la  force  tonique  , 
ou ,  fi  l'on  veut ,  ils  déterminent  une  adf ion 
plus  vive  ,  plus  conftante  :  cette  aftion  eft 
appropriée  &corrcfpoiid  àl'organifation  ani- 
male ,  elle  fe  lie  auxeftets  généraux  des  fonc- 
tions de  la  machine  ,  elle  dépend  toujours 
du  principe  vital  ou  moteur ,  qui  fait  tout 
en  nous.  Le  médicament  n'eft  le  plus  fouvent 
que  l'occafion  ou  le  moyen  ,  &  la  force 
vitale  eft  toujours  le  premier  agent.  Les  ref 
ièrrcmens  les  plus  violcus  ue  font  pas  tou- 


AST  7,r 

jours  l'efTet  des  remèdes  ^  la  crainte  ou  la 
terreur  iijbite  fufpendent  tout  à  coup  des 
hémorrhagies  énonnes ,  les  convullions  &  leï 
mouvcmens  fjiafmodiques  étranglent  quel- 
quefois des  cavités  &  des  orifices. 

Il  faut  biendiiiinguer  des  aftringens  pro- 
prement dits  ,  une  clalfc  de  médicamens  , 
regardés  par  les  auteurs  comme  aftringens , 
&  qui  n'ont  pourtant  aucune  de  leurs  pro- 
priétés ^  tels  font  ceux  qu'on  appelle  obfti- 
pans  ou  infarcians ,  obfirucntia  ,  emphraclica^ 
qu'on  emploie  fous  le  point  de  vue  de  bou- 
cher ou  de  remplir  des  vaiffeaux. 

Les  afiringens  ou  ftiptiques  fonteinployésu. 
1°.  dans  les  grandes  hémorrhagies  internes, 
qui  menacent  d'une  mort  prochaine  ,  ôc 
lorfque  les  fecours  ordinaires  font  infufïî- 
fàns  ^  2°.  dans  les  dévoiemens  énormes  ou 
colliquatifs  ,  qui  réfiftent  aux  évacuans  & 
aux  adoucilfans ,  tels  que  ceux  qui  préci- 
pitent la  fin  des  phthyfiques  ;  3".  dans  l'in- 
continence d'urine  &  les  fùeurs  immodé- 
rées ,  mais  avec  peu  d'efpoir  de  réufîite  j 
4°.  dans  les  queues  de  chaudepjife  eu  go- 
norrhées ,  bien  guéries  ,  où  il  ne  refte  que 
le  relâchement  des  parties  j  dans  l'écoule- 
ment de  la  femence  ,  par  relâchement ,  8c 
les  fleurs  blanches  qui  dépendent  de  la  même 
caufê  '-,  'f.  dans  le  relâchement  ou  la  chute 
de  quelque  partie  intérieure ,  ou  de  quelque 
organe  ,  tels  que  l'utérus  ,  tes  ligamcns  ,  le 
vagin ,  certaines  hernies ,  les  bouffiffurcs  fans 
obftrudions ,  qui  fuivent  les  grandes  hémor- 
rhagies. 

On  divife  les  afiringens  en  forts  &  en 
foibles  \  en  internes  Sf  en  exmrnes. 

La  lifte  des  afiringens  foibles  eft  très-con- 
fidérable ;  les  plus  ufités  font  les  racines  de 
biftorte  ,  de  tcrmentiile  ,  de  fceau  de  Salo- 
mon  ,  la  rhubarbe  torréfiée  ;  le  quinquina  , 
les  feuilles  de  renouée ,  de  plantain  ,  le  fuc 
d'orties ,  les  rofcs  rou'jes  ,  le  fantal  rouge  , 
les  coings,  les  grate-culs,  la  gomme- laque, 
le  fang-dragon  ,  le  cachou  ,  le  fuc  d'Iiypo- 
cyfte  ,  ùc. 

Les  eaux  diftillées  qu'on  retire  de  la  plu- 
part de  ces  plantes ,  ne  participent  point  du 
tout  à  leur  vertu  aftringeute,  quoi  qu'en  di- 
fent  les  livres  &  quelques  médecins  ^  telle 
eft  l'eau  de  plantain  ,  qu'on  prefcrit  néan- 
moins communément  à  ce  titre.  Il  feroit  pof^ 
fîble  que  ces  eaux  euilent  d'ailleurs  quelques 
Y  V vv  i 


731  A  S  T 

propriétés  très-foibics  ou  très-obfeures,  fëloii 
Jes  plantes  qui  les  fournifTent  ^  mais  tout  îiu 
moins  le  principe  ajtringcnc  ne  palIc  jamais 
cî^ns  la  liir.ple  diftillatio.n. 

Oi)  peut  ajouter  à  cette  lilte ,  lafalicaire  , 
dont  les  bons  effets  ont  été  reconnus  par 
M.  ûc  Haëii  ,  clans  les  dyfiè  nterics  :  tous 
les  fruits  vercls  en  générai ,  comme  les  ncflc'>, 
les  poires ,  les  abricots ,  les  primes .  les  noix 
de  gale ,  de  cyprès ,  les  glands  ou  Icr.r  cali- 
ce ,  la  pierre  licmatite ,  la  fanguine ,  la  terre 
cimolée  ou  des  couteliers ,  le  labdanum  , 
le  prunelier ,  &c. 

Parmi  les  forts,  font  l'écorce  de  grenade  , 
le  tan  ,  l'alun  ,  le  fel  de  Saturne  ,  l'eau  de 
rabel  &  les  acides  dulcifiés ,  l'eau-mere  de 
vitriol  ,  les  eaux  minérales  vitrioliques  de 
Calfabigi ,  de  Cranfac  \  l'agaric  ,  le  liège 
brûlé  ,  les  martiaux  en  général. 

On  peut  même  obiei"ver  fur  ces  derniers , 
gue  ,  quoiqu'on  les  regarde  vulgairement 
comme  apéritifs  ou  défobftruans  ,  ils  on.t 
néanmoins  mie  vertu  tonique  ,  très-avérée , 
qui  les  rend  propres  à  arrêter  des  écoule- 
inens  ou  des  évacuations  trop  confidérables , 
lorfqii'elles  dépendent  du  relâchement.  Ainfi, 
Freind  prefcrivoit  avec  fuccès  les  martiaux, 
dans  le  flux  immodéré  des  règles  qui  prove- 
noit  de  cette  caufe.  (  Article  de  M.  la  Fosse, 
docteur  en  médecine  ^  de  la  faculté  de  Moiu- 
fellier.  ) 

ASTROC  ,  f  terme  de  Marine.  )  c'eft  une 
g^roffe  corde  que  l'on  attache  à  une  cheville 
de  bois  qu'on  appelle  efcome.  (  •+•  ) 

ASTROCHYNOLOGIE,^/?/ oi:j/:o/o^w, 
jnot  compole  du  grec  àç-f oi' ,  ajlre ,  Kimv , 
cfiien,  ^hôyoç,  difcours  ,  traité.  C'eft  le 
nom  d'un  traité  fur  les  jours  caniculaires  , 
dont  il  eft  fait  mention  dans  les  aftres  de 
Leipfick  ,  ann.  1702,  mois  de  déc.  pag.  514. 
F'oyf^  Caniculaire. 

ÀSTROITE  ,  L  f.  ajiroues.  (  Hijl.  nat.) 
On  a  confondu  fous  ce  nom  deux  chofes  de 
nature  très-difïërente  ;  favoir  ,  une  préten- 
due plante  marine  que  !V1.  de  Tournefort  a 
rapportée  au  genre  des  madrépores  ,  voyei 
Madrépore  j  &  une  pétrification.  Une  fera 
c/ueftion  ici  que  de  la  première  ■■,  &  on  fera 
Bieition  de  l'autre  au  motjlellite.  V.  Stel- 
LITE.  XJaJiro'ite  dont  il  s'agit  eft  un  corps 
pierreux,  plus  ou  moins  gros ,  organifé  ré- 
giilicrementj  de  couleujr  blaiithc  ,  quibru- 


A  S  T 

nitpar  différens  accidens.  VaJîroïtekXYcmve. 
dans  la  mer  i  il  y  a  fur  fa  partie  fupérieure 
des  figures  expriir.ées,  partie  ei:  creux ,  par- 
tie en  relief,  qui  fontplusou  moins  grandes. 
On  a  prétendu  que  ces  ligures  repréfenteut 
de  petits  afties  ;,  d'où  vient  le  nom  d'û/?/o>/f. 
On  a  cru  y  voir  des  figures  dëtoiles  ;,  c'eft 
pourquoi  ou  a  aulfi  donné  le  nom  de  pierre 
ctoilce  à  ïaflro'ite ,  loriqu'cn  croyoit  que  c'é- 
toit  une  pierre  •■,  alors  on  la  mettoit  au  nom- 
bre des  pierres  figurées  ;  enfuite  on  l'a  tirée 
de  la  claife  des  pierres  pour  la  mettre  au  rang 
des  plantes  marines  pierreufes  ■■,  &  enfin  ïaf~ 
tro'ite  a  palîé  dans  le  règne  animal ,  a\ec 
d'autres  prétendues  plantes  marines ,  lorfque 
M.  Peyllonnel  a  eu  découvert  des  infèûes 
au  lieu  de  fleurs  dans  ces  corps  marins  , 
comme  il  fera  expliqué  au  mot  plante  ma- 
rine. V.  Plante  marine.  Il  y  a  plufieurs 
elpeces  à'ajiro'ite  ,  qui  différent  par  la  gran- 
deur des  figures  dont  elles  font  parfemées  : 
les  plus  petites  ont  environ  une  ligne  de  dia- 
mètre ,  &  les  plus  grandes  ont  quatre  à  cinq 
lignes.  Ces  figures  font  rondes  ,  &  termi- 
nées par  un  bord  circulaire  plus  ou  moins 
faillant.  II  y  a  dans  l'aire  de  chacun  de  ces 
cercles  ,  des  feuillets  perpendiculaires  qui 
s'étendent  en  forme  de  rayons  depuis  le  cen- 
tre jufqu'à  la  circonférence.  Ces  feuillets  font 
leparés  les  uns  des  autres  par  un  e/pace 
vuide  ,  &  ils  traverfent  \afirone  du  dcfius 
au  dellbus  ;  ce  qui  forme  autant  de  cylindres 
qu'il  y  a  de  cercles  fur  la  furface  fupérieure. 
Ces  cylindres  ont  un  axe  qui  eft  compofé 
dans  les  plus  gros ,  de  plufieurs  tuyaux  con- 
centriques. Il  y  a  une  forte  Saflroite  qui  eil 
figurée  bien  différemment.  Sa  furface  fupé- 
rieure eft  creufée  par  des  filions  ondoyans  , 
qui  forment  des  contours  irréguliers  que  l'oa 
a  comparés  aux  anfraétuofitês  du  ceneau  i 
c'eft  à  caufc  de  cette  reilèmblance  que  l'on  a 
donné  à  l'efpece  <S!aftroite  dont  il  s'agit ,  le 
nom  de  cerveau  de  mer.  Cette  tf/?roiVt'eftcom- 
pofée  de  feuillets  perpendiculaires ,  pôles  à 
une  petite  diftance  l'im  de  l'autre,  qui  s'éten- 
dent depuis  la  crête  jufcfu'au  fond  du  (illon ,  8f 
qui  pénètrent  jufqu'à  la  furface  inférieure  de 
Xaftro'ite ,  comme  dans  les  autres  efpeces. 

On  trouve  alfez  comnnniémentdcsâA/oi- 
tes  foffiles  &  des  afiro'iies  pétrifiées.  M.  le 
comte  de  Trelfan  vient  d'envoyer  au  cabinet 
d'hilloire  natuieile  pliiiieurs  efpeces  de  ces 


A  s  T 

affroites  pétrifiées ,  avec  tnie  grande  quantité 
d'autres  belles  pétrifications  qu'il  a  trou\ces 
daiisleToulois,  le  Barrois,&  d'autres  pro- 
vinces voiliiies  qui  foiit  Ibiis  (oiicomma:ic!c- 
nieiit.  Tous  ceux  qu  i ,  coinme  M.  de  Trcllaii , 
fauront  recueillir  des  pétrifications  a\cc  le 
choix  d'un  homme  de  goût  &  les  lumières 
d'un  naturalilie,  trouveront  prclque  par-tout 
des  corps  marins  ,  tels  que  ïafrro'iic ,  foHiles 
ou  pétrifiés  :  il  eft  plus  rare  de  les  trouver  \k- 
trifiés  eu  marbre  &c  en  pierre  fine  ,  fur-tout 
en  Tubliance  d'agate.  Les  aftroiies  qui  font 
pétrifiées  en  agate  ,  reçoivent  nu  très-beau 
poli ,  &  les  figures  qu'on  y  voit  font  un  allez 
joli  effet  :  on  les  emploie  pour  faire  des  boîtes 
&  autres  bijoux.  Il  y  en  a  beaucoup  en  An- 
gleterre ,  c'eft  pourquoi  nos  lapidaires  les 
ont  nommées  cailloux  £  Angleterre  ,  mais 
improprement.  Voye-{  Caillou  d'Angle- 
terre. Il  fe  trouve  aulfi  à  Touque  en  Nor- 
mandie, de  ces  aftrdices  pétrifiées  en  agate. 
Voye[  Pétrification  ,  Fossile. 

AS  TROLABE  ,  f.  m.  (  Afuon.  )  figni- 
fioit  anciennement uu  fyitcme  ou  allèmblage 
de  différens  cercles  de  la  fphere ,  dilpofes 
eiUre  eux  dans  l'ordre  &  dans  la  fituation 
convenable.  Voye^^  Cercle  £•  Sphère. 

Il  y  a  apparence  que  les  anciens  aflrulahcs 
avoient  beaucoup  de  rapport  à  nos  ipheres 
armillaires  d'aujourd'hui.  /'.  Armillaire. 

Le  premier  &  le  plus  célèbre  de  ce  genre , 
étoit  celui  d'Hipparque  ,  que  cet  aftronome 
avoit  fait  à  Alexandrie  ,  &  placé  dans  un 
lieu  sûr  &  commode  ,  pour  s'en  fervir  dans 
différentes  observations  aftronomiques. 

Ptolomée  en  fit  le  mc:ne  ufage  ç,  mais 
comme  cet  inftrument  avoit  différens  incon- 
véniens ,  il  prit  le  parti  d'en  changer  la  fi- 
gure, quoiqu'elle  fût  parfaitement  conforme 
à  la  théorie  de  la  Iphcre  \  &  il  réduifit  ïaf- 
trolabe  à  une  fiirface  plane ,  à  laquelle  il  donna 
le  nom  de /'/fl/!//^4f/-(?.^oyf  ^Planisphère. 

Cette  réduction  n'eft  polTîble  qu'en  fiip- 
pofant  qu'un  œil ,  qui  n'ell  pris  que  pour  un 
point ,  voit  tous  les  cercles  de  la  fphere ,  8c 
les  rapporte  à  un  plan  \  alors  il  lé  fait  une 
repréîëntation  ou  projeftion  de  la  Iphere  , 
applatie  &  pour  ainli  dire  écrafée  fur  ce 
plan,  qu'on  appelle  jP/û/î  de projcâion. 

Un  tableau  n'eft  qu'un  plan  de  projeétion 
placé  entre  l'œil  &  l'objet ,  de  manière  qu'il 
contient  toutes  les  traces  que  lailleroiem  im- 


AST  733 

primées  fur  la  fuperficic  tons  les  rayons  tires 
de  l'objet  à  l'œil  j  mais  en  fait  deplanifphc- 
res  ou  ù'allrolal'cs ,  le  plan  de  projeétion  eft 
placé  au  delà  de  l'objet ,  qui  cil  toujours  la 
Iphere.  Il  en  cil  de  môme  des  cadrajis  ,  qui 
font  aufli  tles  projections  de  la  fphere,  faites 
par  rapport  au  fbleil.  Il  e/l  naturel  &  pref- 
qu'indilpenfable  de  prendre  pour  plan  de 
projedion  de  Xajlrolabc  quelqu'un  des  cer- 
cles de  la  fj)hcre  ,  ou  au  moiiis  un  plan  qui 
lui  foit  parallèle  \  après  quoi  refle  à  fixer  la 
pofition  de  l'œil  par  rapport  à  ce  plan.  Entre 
le  nombre  infini  de  phmifphcres  que  pou- 
voient  donner  les  différens  plans  de  projec- 
tion &lesdirîércntespo{itionsde  l'œil,  Pto- 
lomée s'arrêta  à  celui  dont  le  plan  de  pro- 
jeftion  feroit  parallèle  à  l'équatcur ,  &  oii 
l'œil  feroit  placé  à  l'un  des  pôles  de  l'équa- 
tcur ou  du  monde.  Celte  projeciicn  de  la 
fjjhere  efl  poff ble ,  &  on  l'appelle  Xajholabe 
polaire  ou  de  Ptolomée.  Tous  les  méridiens 
qui  palfent  par  le  point  où  eft  l'œil ,  &  font 
perpendiculaires  au  plan  de  projcdfion  ,  dé- 
vieraient des  lignes  droites,  ce  qui  eil  com- 
mode pour  la  defcription  des  plaiiifpheres  j 
mais  il  faut  remarquer  que  leurs  degrés  qui 
font  égaux  dans  la  figure  circulaire ,  devien- 
nent fort  inégaux  quand  le  cercle  s'cft 
changé  en  ligne  droite  :  ce  que  l'on  peut  voir 
facilement  en  tirant  de  l'extrémité  d'un  dia- 
mètre par  tous  les  arcs  égp.ux  d'un  demi- 
cercle  ,  des  lignes  droites  qui  aillent  fe  ter- 
miner à  une  autre  droite  qui  touchera  ce 
demi-cercle  à  l'autre  extrémité  du  même 
diamètre  i  car  le  demi-cercle  fè  change  par 
la  projeélion  en  cette  tangente  ,  &  elle  fera 
divifée  de  manière  que  lès  parties  feront  plus 
grandes  à  mefure  qu'elles  s'éloigneront  da- 
vantage du  point  touchant.  Ainfi  dans  \afiro- 
hbe  dePtolomée  les  degrés  des  méridiens  font 
fort  grands  vers  les  bords  de  l'infiniment , 
&  fort  petits  vers  le  centre ,  ce  qui  caufe 
deux  inconvéniens  j  l'un  qu'on  ne  peut  faire 
aucune  opération  exafte  fur  les  degrés  pro- 
ches du  centre  ,  parce  qu'ils  font  trop  petits 
pour  être  aifement  divifés  en  minutes  ,  & 
moins  encore  en  fécondes  ;,  l'autre  que  les 
figures  céleftes,  telles  que  les  conftellations, 
deviennent  difformes  &prefqueméconnoif- 
fables  ,  en  tant  qu'elles  fe  rapportent  aux 
méridiens  ,  &  que  leur  defcription  dépend 
de  ces  cercles.  Quant  aux  autres  cercles  de 


7!4  A  S  T 

la  fphere ,  grands  ou  petits ,  parallèles  ou 
inclines  à  l'équateur  ,  ils  demeurent  cercles 
dans  ^ajlrohbe  de  Ptoloinée.  Comme  l'hori- 
2oa  &  tous  les  cercles  qui  en  dépendent ,  c'eft- 
à-dire  les  parallèles  &  les  cercles  verticaux  , 
font  diiïerens  pour  chaque  lieu  ,  on  décrit  à 
part  fur  une  planche  qu'on  place  au  dedans 
de  l'inftrument ,  l'horizon  &  tous  les  autres 
cercles  qui  y  ont  rapport,  tels  qu'ils  doivent 
être  pour  le  lieu  ou  pour  le  parallèle  où  l'on 
veut  iè  fervir  de  Xaflrolabe  de  Ptolomée  \  & 
par  cette  raiion  il  ne  pafl'e  que  pour  être  par- 
ticulier ,  c'eft-à-dire  d'un  ufage  borné  à  des 
lieux  d'une  certaine  latitude  ;,  &  fi  l'on  veut 
s'en  fervir  en  d'autres  lieux ,  il  faut  changer 
la  planche  &  y  décrire  un  autre  horizon. 
M.  Formey.  Voyc^  Planisphère. 

C'eft  delà  que  les  modernes  ont  donné  le 
noin  à'aftrolabe  à  un  planifphere  ou  à  la 
projeélion  ftéréographique  des  cercles  de  la 
4''here  fur  le  plan  d'un  de  fes  grands  cercles. 
Voyei  Projection  Stéréographique. 

Les  plans  ordinaires  de  projciSlion  font 
1°.  celui  de  l'équinoxial  ou  équateur ,  l'œil 
étant  fuppofé  à  l'un  des  pôles  du  monde  : 
2°.  celui  du  méridien  ,  l'œil  étant  fuppofé 
au  point  d'interfcdtion  de  l'équateur  &  de 
l'horizon  :  3°.  enfin  celui  de  l'horizon.  Stoi- 
fler ,  Gemma-Frilius  &  Clavius  ont  traité 
fort  au  long  de  Yaftrolabe, 

Voici  la  conftruâiion  de  \aftrolabe  de 
Gemma-Friiîus  ou  Frifon.  Le  plan  de  pro- 
je(5iion  eft  le  colure  ou  méridien  des  folftices , 
&  l'œil  elt  placé  à  l'endroit  où  fe  coupent 
l'équateur  &  le  zodiaque ,  &  qui  efi:  le  pôle 
de  ce  méridien  ^  ainfi  dans  cet  affrolabe  l'é- 
quateur ,  qui  devient  une  ligne  droite  ,  eft 
divifé  fort  inégalement,  &  aies  parties  beau- 
coup plus  ferrées  vers  le  centre  de  l'inftru- 
ment que  vers  les  bords ,  par  la  même  rai- 
son que  dans  Vajholabe  de  Ptolomée  ce  font 
les  méridiens  qui  font  défigurés  de  cette  forte  ; 
en  un  mot ,  c'eft  Xajirolabe  de  Ptolomée  ren- 
verfé.  Seulement  pour  ce  qui  regarde  l'hori- 
zon il  fuffit  de  faire  une  certaine  opération, 
au  lieu  de  mettre  une  planche  iéparée  ;,  & 
cela  a  fait  donner  à  cet  affrolabe  le  nom  <Xu- 
ntverfel.  Jean  de  Royas  a  imaginé  aulfi  un 
aRrolabe  dont  le  plan  de  projeftion  eft  un 
méridien  ,  &  il  place  l'œil  fur  l'axe  de  ce 
méridien  à  une  diftance  infinie.  L'avantage 
qu'il  tire  de  cette  pofitiou  de  l'œil ,  eft  que 


AST 

toutes  les  lignes  quien  partent  font  parallèle» 
enfi'c  elles  ,  &  perpendiculaires  au  plan  de 
projcftion  j  par  conféquent  non  feulement 
l'é' juateur  eft  une  ligne  droite ,  comme  dans 
Xajtvolabe  de  Gemma-Frifon  ,  mais  tous  les 
parallèles  à  l'équateur  en  font  auftl ,  puif- 
qu'en  vertu  de  la  diftance  infinie  de  l'œil , 
ils  font  tous  dans  le  même  cas  que  fi  leur 
plan  paftbit  par  l'œil  :  par  la  même  raifon 
l'horizon  &  fes  parallèles  font  des  lignes 
droites  \  mais  au  lieu  que  dans  les  deux  af- 
trolabes  les  degrés  des  cercles  devenus  lignes 
droites  font  fort  petits  vers  le  centre  &  fort 
grands  vers  les  bords ,  ici  ils  ibnt  fort  petits 
vers  les  bords  &  fort  grands  vers  le  centre  j 
ce  qui  fe  voit  facilement  en  tirant  fiirla  tan- 
gente d'un  quart  de  cercle  des  parallèles  au 
diamètre  par  toutes  fes  divifions  égales.  Les 
figures  ne  font  donc  pas  moins  altérées  que 
dans  les  deux  autres  ;  de  plus  la  plupart  des 
cercles  dégénèrent  ici  en  ellipfes  qui  font 
difficiles  à  décrire.  Cet  affrolabe  eft  appelle 
univerfd^  comme  celui  de  Gemma-Frifon, 
&  poiu-  la  même  raifon. 

Nous  venons  de  décrire  les  trois  foules 
efpeces  àajïrolabes  qui  enflent  encore  paru 
avant  M.  de  la  Hire.  Leurs  défauts  com- 
muns étoient  d'altérer  tellement  les  figures 
des  conftellations,  qu'elles  n'étoient  pas  fa- 
ciles à  comparer  avec  le  ciel ,  &  d'avoir  en 
quelques  endroits  des  degrés  fi  ferrés,  qu'ils 
ne  laiifoient  pas  d'elpace  aux  opérations. 
Comme  ces  deux  défauts  ont  le  même  prin- 
cipe ,  M.  de  la  Hire  y  remédia  en  même 
temps ,  en  trouvant  une  pofition  de  l'œil 
d'où  les  divifions  des  cercles  projetés  fùft'ent 
très-fenfiblement  égales  dans  toute  l'étendue 
de  l'inftrument.  Les  deux  premiers  aftrola- 
bes  plaçoicnt  l'œil  au  pôle  du  cercle  ou  du 
plan  de  projeftion  ,  le  troifiemc  à  diftance 
infinie  ,  &  ilsrendoientles  divifions  inégales 
dans  un  ordre  contraire.  M.  de  la  Hire  a 
découvert  un  point  moyen  ,  d'où  elles  font 
fuffifammcnt  égales.  Il  prend  pour  fon  point 
de  projeftlon  celui  d'un  méridien  ,  &  par 
conféquent  fait  un  aflrolabe  univerftl  ;  &  il 
place  l'œil  fur  l'axe  de  ce  méridien  prolongé 
de  la  valeur  de  fou  finusde45  degrés;  c'eft- 
à-dire  que  fi  le  diamètre  ou  axe  du  méridien 
eft  fiippofé  de  ioo  parties ,  il  le  faut  prolon- 
ger de  70  à-peu-près.  De  ce  point  où  l'œil 
eft  placé,  luie  ligne  tirée  au  milieu  du  quart 


A  ST 

de  cercle  ,  pafle  prccifcmcnt,  par  le  milieu 
du  rayon  qui  lui  répond  ;  cela  efl  démontré 
géométriquement  :  ?i  puifquc  (!.;  cette  ma- 
nière les  deux  moitiés  égales  du  quart  de 
cerclé  répondent  fi  juftc  aux  deux  moitiés 
égales  du  rayon ,  il  n'cft  pas  pcdible  que  les 
autres  parties  égales  du  quart  de  cercle  ré- 
pondent à  des  parties  fort  inégales  du  rayon. 

L'expérience  &  la  pratique  ont  confirmé 
cette  penfce  ,  &  M.  de  la  Hire  a  fait  exécu- 
ter par  cette  méthode  des  planifpheres  ou 
des  ajfrolabes  très-commodes  &  très-exadts. 
Mais  comme  il  n  étoit  pas  abfolument  dé- 
montré que  le  point  de  vijf  d'où  les  divifions 
de  la  moitié  du  quart  de  cercle  &  de  la  moi- 
tié du  rayon  font  égales ,  fut  celui  d'où  les 
autres  diviiions  font  les  plus  égales  qu'il  fe 
puilTe  ,  M.  Parent  chercha  en  général  quel 
étoit  ce  point,  &  s'il  n'y  en  a  pas  quelqu'un 
d'où  les  divifions  des  autres  parties  foient 
moins  inégales ,  quoique  celles  des  moitiés 
ne  foient  pas  égales.  En  fe  fervant  donc  du 
fecours  de  la  géométrie  des  infiniment  petits , 
M.  Parent  détermina  le  point  d'où  un  dia- 
mètre étant  divifé  ,  les  inégalités  ou  diffé- 
rences de  toutes  ces  parties  prifes  enfemble 
font  la  moindre  quantité  qu'il  fe  puillé  •■, 
mais  il  feroit  encore  à  defirer  que  la  démcnf- 
tration  s'étendit  à  prouver  que  cette  fonune 
d'inégalité  ,  la  moindre  de  toutes ,  eft  difui- 
buée  entre  toutes  les  parties  dont  elle  réfultc , 
le  plus  également  qu'il  fe  puiffe  :  car  ce  n'cft 
préciiëment  que  cette  condition  qui  rend  les 
parties  le  plus  égales  entre  elles  qu'elles  puif- 
fent  l'être  ;  &  il  feroit  pofiible  que  des  gran- 
deurs dont  la  fomme  des  différences  feroit 
moindre  ,  feroient  plus  inégales ,  parce  que 
cette  fomme  totale  feroit  répandue  plus  iné- 
galement. M.  Parent  trouva  auffi  le  point  où 
doit  être  placé  l'œil  pour  voir  les  zones 
égales  d'un  hémifphere  le  plus  égales  qu'il  fe 
puifle  ,par  exemple  les  zones  d'un  hémifphere 
de  la  terre  partagé  de  lo  en  lo  degrés.  Ce 
point  eft  à  l'extrémité  d'un  diamètre  de  zoo 
parties ,  qui  eft  l'axe  des  zones  prolongé  de 
\lo\V.  thift  de  tacad.des  Scienc.  ijoi  ,  p. 
122  ,  &  1702  tpcg,  92.  M.  Formey.  (  O) 

Astrolabe  oi.'  Astrolabe  de  mer, 
fignifie  plus  particulièrement  un  inftrument 
dont  on  fè  frrt  en  mer  pour  prendre  la  hau- 
teur du  pôle  ou  celle  du  foleil ,  d'une  étoile , 
Oc  Voyei  H/.'UTEUR. 


AST  73î 

Ce  mot  eft  formé  des  inots  grecs  iVfoi'  , 
hoile  ,  &  \rt/, Ca\N  ,  cupio  ,  je  prends.  Les 
Arabes  donnent  à  cet  inftrument  le  nom 
{^aparlab  ,  qui  eft  formé  par  corrujjtion  du 
grec  j  ceiiendant  quelques  auteurs  préten- 
dent que  le  mot  ajlrolabe  eft  arabe  d'ori- 
gine :  mais  les  favans  conviennent  aft"Gz  gé- 
néralement que  les  Arabes  ont  emprunté 
des  Grecs  le  noir  &  l'ufage  de  cet  inftru- 
ment. Nafflreddin  Thoufi  a  fait  un  traité  en 
langue  pcrfane  ,  qui  eft  intitulé  Bait  Babhfil 
afiarlab ,  dans  lequel  il  explique  la  firudure 
&  l'ufîige  de  Xaftrolabe. 

Uojirolabe  ordinaire  fe  voit  à  la /g-.  2.  //. 
Navig.  Il  confifte  en  un  large  arnicau  de  cui- 
\re  d'environ  1 5  pouces  de  diamètre  ,  dont 
lelymbe  entier,  ou  au  moins  une  partie  Con- 
venable ,  eft  divifé  en  degrés  &  en  minutes. 
Sur  ce  lymbe  eft  un  index  mobile  qui  peut 
tourner  autour  du  centre ,  &  qui  porte  deux 
pinnules.  Au  zénith  de  l'inftrument  eft  un 
anneau  par  lequel  on  tient  Yajirolabe  quand 
on  veut  faire  quelque  obfervation.  Pour  faire 
ufàge  de  cet  inftrument,  on  le  tourne  vers  le 
foleil ,  de  manière  que  les  rayons  pafTent  par 
les  deux  pinnules  f  &  G  j  &  alors  le  tran- 
chant de  l'index  marque  fur  le  lymbe  divifé 
la  hauteur  qu'on  cherche. 

Quoique  Yajirolabe  ne  foit  prefque  plus 
d'ufage  aujourd'hui ,  cependant  cet  inftru- 
ment eft  au  moins  auffi  bon  qu'aucun  de 
ceux  dont  on  fe  fèrt  pour  prendre  hauteur 
en  mer,  fur-tout  entre  les  tropiques ,  où  le 
foleil  à  midi  eft  plus  près  du  zénith.  On 
emploie  Xaflrolabe  à  beaucoup  d'autres 
ufages ,  fur  lefquels  Clavius ,  Henrion ,  ^c. 
ont  fait  des  volumes.  (T  ) 

ASTROLOGIE ,  f.  f.  AJlrologio.  Ce  mot 
eft  compofé  de  «ç-fw ,  ùoile ,  &  de  ^05,0;  , 
difcours  ;  ainfi  ïajirologie  feroit ,  en  fùivant 
le  fens  littéral  de  ce  terme  ,  la  connoiffance 
du  ciel  &  des  aftres,  &  c'eft  aufîî  ce  qu'il 
fignifioit  dans  fon  origine.  C'eft  la  connoif^ 
fance  du  ciel  &  des  aflres ,  qui  faifoit  Yaf- 
trologie  ancienne  ;  mais  la  lignification  de  ce 
terme  a  cliangé ,  &  nous  appelions  mainte- 
nant afnonomie  ce  que  les  anciens  nom- 
moient  aftrologie.  Voye^  ASTRONOMIE. 

h'aftro/ogie  eft  l'art  de  prédire  les  événe- 
mens  futurs  par  les  afpeéls ,  les  pofitions  &c 
les    influences   des    corps   célcftes.   Foye^ 

Aspect  ,  Influence  ,  &c. 


73^  AST 

On  divife  Yajfiologie  en  àcux  brandies  ', 
Yaflroiogte  naturelle ,  &  ïaftrologie  judiciaire. 
■  L'aftrologie  naturelle  elt  l'art  de  prédire  les 
effets  naturels ,  tels  que  les  changeinens  de 
temps ,  les  vents ,  les  tempêtes ,  les  orages , 
les  tonnerres ,  les  inondations ,  les  treinble- 
mens    de  terre ,   ùc.  Voyei^  Naturel  \ 

voyei  aulfl  T  E  M  PS  ,  Ve  N  T ,  P  LU  I E  ,  O  U  RA- 

GAN  ,  Tonnerre,  Tremblement  de 

TERRE  ,  &C. 

C'eil  à  cette   branche  que  s'en    eft  tenu 
Goad  ,  auteur  anglois  ,  dans   l'oiivrage  en 
deux  volumes ,  qu'il  a  intitulé  ïajîrologic.  Il 
prétend  que  la  contemplation  des  aftrespeut 
conduire  à  la  connoilUance  des  inondations, 
&  d'une  infinité  d'autres  phénomènes.  En 
eonféqnence  de  cette  idée  il  tâche  d'expli- 
quer ladiverfité  des  faifons  par  les  différentes 
iîtuations  Se  les  mouvemens  des  planètes , 
par  leurs  rétrogradations ,  par  le  nombre  des 
étoiles  qui  compofent  une  conftellation ,  &c. 
Uajirologie  naturelle  eft  elle-ir.ême ,  à  pro- 
prement parler ,  une  branche  de  la  phyfiquc 
ou  philolbphie  naturelle;  &  l'art  de  prédire 
les  effets  naturels  ,  n'eft  qu'une  fuite  h  pof- 
teriori,  des  obfcrvations  &  des  phénomènes. 
Si  l'on  c'a  curieux  de  favoir  quels  font  les 
Trais  fondemens  de  Vafirologie  naturelle ,  & 
quel  cas  l'on  peut  faire  de  fes  prédi£l:ions , 
on   n'a  qu'à    parcourir  les  articles  AiR  , 
Atmosphère,  Temps,   Baromètre, 
Eclipse,  Comète,  Planète,  Hygro- 
mètre ,  Ecoulement  ,  Emission  ,  &c. 
M.  Boyle  a  eu  raifon  quand  il  a  fait  l'apo- 
logie de  cette  aflrologie  dans  fon  hifloire  de 
l'air.  La  génération  &  la  corruption  étant , 
félon  lui ,  les  termes  extrêmes  du  mouve- 
ment j  Si  la  raréfaction  &  la  condenfaîion , 
les  termes  moyens,  il  démontre,  conféquem- 
ment  à  ce  principe,  que  les  émanations  des 
corps  céleftcs  contribuant  immédiateinent 
à  la  production   des  deux  derniers  effets, 
elles  ne  peuvent   manquer  de  contribuer  à 
la  production  des  deux  premiers ,  &  d'af- 
fcCtertous  les  corps  phyfiques.  Voyc{  GÉNÉ- 
RATION ,  Corruption  ,  Raréfaction  , 
Condensation  ,  &c. 

11  eft  conftant  que  rhumidité,  la  cha- 
leur ,  le  froid,  &c.  (  qualités  que  la  nature 
emploie  à  la  production  des  deux  effets  con- 
fidérables,  la  condenliition  &  lararéfaCtion  ) 
dépendent  prefqu'enlicrcnient  de  la  révolu- 


AST 

tlon  des  mouvemens ,  de  la  fituatîon  ,  &e. 
des  corps  céleftes.  Il  n'eft  pas  moins  certain 
que  chaque  planète  doit  avoir  une  lumière 
qui  lui  eit  propre  \  lumière  diftinCte  de  celle 
de  tout  autre  corps  ;  lumière  qui  n'eft  pas 
feulement  une  qualité  vifible  en  elle  ,  mais 
en  vertu  de  laquelle  elle  eft  douée  d'un  pou- 
voir fpécifique.  Le  foleil ,  comme  nous  le 
favons  ,   éclaire  non   feuleinent  toutes  les 
planètes ,  miais  il  les  échaufté  encore  par  fa 
chaleur  primordiale ,  les  met  en   mouve- 
ment ,   &  leur  communique  des  propriétés 
qui  leur  font  particulières  à  chacune.  Mais 
ce  n'eft  pas  tout  :  fes  rayons  prennent  fur  ce 
corps  une  efpece  ï^e  teinture  ,  ils  s'y  modi- 
fient ;  &  ainfi  modifiés ,  ils  font  réfléchis 
fur  les  autres  parties  du  monde ,  &  fur-tout 
fur  les  parties  circonvoifincs  du  monde  pla- 
nétaire. Ainfi  félon  l'afpeCt  plus  ou  moins 
grand  que  les  planètes  ont  avec  cet  aftre  , 
félon  le  degré  dont  elles  en  font  éclairées, le 
plus  ou  moins  d'obliquité  fous  laquelle  elles 
reçoivent  fes  ra3"ons  ,  le  plus  ou   moins  de 
dirtance  à  laquelle  elles  en  font  placées,  les 
fituations  diiTérentes  qu'elles  ont  à  fon  égard  \ 
fes  rayons  en  reffentent  plus  ou  moins  la 
vertu  \   ils  en  partagent  plus  ou  moins  les 
elléts  ;  ils  en  prennent ,  fi  on  peut  parler 
ainfi ,  une  teinture  plus  ou  moins  forte  :  8c 
cette  vertu  ,  ces  effets ,  cette  teinture  ,  font 
enfuite  plus  ou  moins  énergiques  fiir  les  êtres 
fubluncires.  f^ojf {  Mead  ,  de  imperio  folis 
&  lunœ ,  S(c. 

ISaftrologie  judiciaire  à  laquelle  on  donne 
proprement  le  nom  d'af/rologie ,  eft  l'art  pré- 
tendu d'annoncer  les  événemens  moraux 
avant  qu'ils  arrivent.  J'entends  par  événemens 
moraux ,  ceux  qui  dépendent  de  la  volonté 
&  des  actions  libres  de  l'homme  \  comme 
[\  les  aftres  avoient  quelque  autorité  fur  lui  , 
Se  qu'il  en  fût  dirigé.  Voye\  VoLONTÉ  , 
Action  ,  C>f. 

Ceux  qui  profeffent  cet  art  prétendent  que 
»  le  ciel  eft  un  grand  li\Te  où  Dieu  a  écrit 
»  de  fa  main  l'hiftoire  du  monde  ,  &  où 
»  tout  homme  peut  lire  fa  deftinée.  Notre 
))  art,  difent-ils,  a  eu  le  même  berceau  que 
»  Yafironotnie.  Les  anciens  Aff}Tiens  qui 
))  iouiifoient  d'un  ciel  dont  la  beauté  &  la 
»  fcrénité  favorifoient  les  obfenations  aitro- 
»  nomiques ,  s'occupèrent  des  mouvemens 
)j  Se  des  révolutions  péfiodiques   des  corps 

»  céleftes  : 


A  s  T 

♦>  céîcftes  :  ils  remarqiicrcnt  une  analo- 
»  gie  conftaiite  eiitro  ces  corps  &  les  corps 
»  terrcfircs  ;,  &  ils  en  conclurent  que  les 
»)  aftres  étoient  rcclleinciit  ces  parques  &  ce 
>i  deiHn  dont  il  étoit  tant  parlé  ,  qu'ils  prc- 
»  fidoient  ;\  notre  nailliincc  ,  fk  qu'ils  ilif- 
)'  pofoient  de  notre  état  futur.  »  Foye?  Ho- 
roscope ,  Naissance,  Maison,  Par- 
que ,  Destinée,  &c.  Voilà  comment  les 
allrologuesdcfendoicnt  jadis  leur  art.  Quant 
à  prcfènt ,  l'occupation  principale  de  ceux 
il  qui  nous  donnons  ce  titre  ,  eft  de  faire  des 
almanachs  &  des  calendriers. /'ojf^CALEN- 
X)R(ER  &   AlMANACII. 

ISaJitvlogie  judiciaire  pafTe  pour  a-.oir  jiris 
naifihncc  dans  la  Chaldée,  d'où  elle  pénétra 
en  Eg-y-pte ,  en  Grèce ,  &  en  Italie.  Il  y  a  des 
auteurs  qui  la  font  ég^'ptienne  d'origine  ,  & 
qui  en  attribuent  l'invention  à  Cliam  :  quant 
à  noui ,  c'ell  des  Arabes  que  nous  la  tenons. 
Le  peuple  romain  en  fut  tellement  infatué, 
que  les  aftrologiies  ou  mathématiciens,  car 
c'eft  ainfi  qu'on  les  appelloit ,  fè  foutinrent 
dans  Rome  malgré  les  édits  des  empe- 
reurs qui  les  en  banniiToient.  Koyei  Géne- 
THLIAQUES. 

Quant  aux  autres  contrées ,  les  Brames  ou 
Bramines  qui  avoient  introduit  cet  art  pré- 
tendu dans  l'Inde  ,  &  qui  l'y  pratiquoient  , 
s'étant  donnés  pour  les  difpenfateurs  des 
biens  &  des  maux  à  venir  ,  exercèrent  fîir 
les  peuples  luie  autorité  prodigieufc.  On  les 
coiijfultoit  comme  des  oracles ,  &  on  n'en  ob- 
tenoit  des  réponfes  qu'à  grands  frais  :  ce 
n'étoit  qu'à  très-haut  prix  qu'ils  vendoient 
leurs  menfonges.  Voyei  Brachmane. 

Les  anciens  ont  donné  le  nom  Sajîrologie 
apotelefmatique  owfphere  bavbarique  ,  à  cette 
icience  pleine  de  fiiperftition ,  qui  concerne 
les  effets  &  les  influences  des  aftres.  Les 
anciens  Juifs,  malgré  leur  religion  ,  font 
tombés  dans  cette  fuperftition  ,  dont  les 
chrétiens  eux-mêmes  n'ont  pas  été  exempts. 
Les  Grecs  modernes  l'ont  portée  jufqu'à 
l'excès ,  &  à  peine  fe  trouve-t-il  un  de  leurs 
auteurs  ,  qui ,  en  toute  cccalîon  ,  ne  parle 
de  prédictions  par  les  aftres ,  d'horofcopes , 
de  talifmans;  en  forte  qu'à  peine  ,  fi  on  veut 
les  en  croire  ,  il  y  avoit  une  feule  colonne  , 
fetue  ou  édifice  dans  Conftantinople  &  dans 
route  la  Grèce ,  qui  ne  fût  élevée  fuivant  les 
règles  de  ïajlrologie  apotelefmatique  ;  car 
Tomt  III, 


A  S  T  737 

c'eft  de  ce  mot  ÙTiniKie-ixu ,  qu'a  été  forme 
celui  de  talifman. 

Nous  a^ons  été  infcflés  de  la  même  fu- 
perftition dans  ces  derniers  fiecles.  Leshifto- 
rlens  françois  obfervcnt  que  Yajlmlogie  judi- 
ciaire étoit  tellement  en  vogue  Ibus  la  reine 
Catherine  de  Médicis,  qu'on  n'ofoit  rien 
entreprendre  d'importatit  (ans  avoir  aupara- 
vant confiilté  les  aftres  :  &  fous  le  règne  de 
Henri  111  &  de  Henri  IV  ,  il  n'eft  queftiori 
dans  les  entretiens  de  la  cour  de  France  , 
que  des  prédirions  des  aftrologues. 

Barclay  a  fiiit  dans  un  fécond  livre  de  fort 
Argenis  ,  une  fatyre  ingénieufe  du  préjugé 
fingulicr  qu'on  avoit  pris  dans  cette  cour.  Un 
aftrologue  qui  s'étoit  chargé  de  prédire  au 
roi  Henri  l'événement  d'une  guerre  dont  iF 
étoit  menacé  par  la  faéf  ion  des  Guifes,  donna 
occafion  à  la  fatyre  de  Barclay. 

«  Vous  dites,  devin  prétendu  ,  dit  Bar- 
»  clay  ,  que  c'eft  de  l'influence  âcs  aftres 
)'  qui  ont  préfidé  à  notre  naiffance,  que  dé- 
»  pendent  les  diiîérentes  circonftances  heu- 
»  reufcs  ou  malhcureufcs  de  n.otre  vie  &  de 
»  notre  mort  ^  vous  avouez  d'un  autre  côté 
»  que  les  cieux  ont  m\  cours  (i  rapide ,  qu'un 
»  fèul  inftant  fuflit  pour  changer  la  difpofi- 
»  tion  des  aflres  :  comment  concilier  ces 
»  deux  chofes  ?  &  puifque  ce  mouvement  fî 
»  prompt  qu'on  ne  peut  le  concevoir  ,  en- 
»  traîne  avec  lui  tous  les  corps  céleftes  ;  les 
»  promelfes  ou  les  menaces  qui  y  font  atta- 
»  chées ,  ne  doi\ent-elles  pas  aufli  changer 
»  félon  leurs  diftércntes  fltuations  ?  pour 
»  lors  comment  fixer  les  deftinées?  Vous  ne 
))  pouvez  fiivoir  (  connoilîinice  pourtant  , 
»  félon  vous  ,  néceffaire  )  fous  quel  aftre 
»  une  perfbnnc  fera  née  -^  vous  croyez  peut- 
»  être  que  le  premier  foin  des  fages-femmes 
»  eft  de  confultcr  à  la  nailfance  d'un  enfant 
»  toutes  les  horloges ,  de  marquer  exaâe- 
w  ment  les  minutes ,  &  de  confèrver  à  celui 
»  qui  vient  de  naître  fès  étoiles  comme  ion. 
»  patrimoine  j  mais  fouvent  le  péril  des 
»  mères  ne  lailfe  pas  lieu  à  cette  attention. 
»  Quand  on  le  pourroit ,  combien  y  en 
))  a-t-il  qui  négligent  de  le  faire  ,  étant  au- 
»  deffus  de  pareilles  fuperftitions  ?  En  fup- 
))  pofant  même  qu'on  ait  étudié  ce  moment, 
»  l'enfant  ne  peut  pas  paroîtrc  dans  l'iiiftant } 
»  certaines  circonftances  peuvent  laiffer  un 
»  long  intervalle  :  d'ailleurs  les  cadrans  fout- 
*  U  u  u  u 


'73§  A  S  T 

3)  ils  toujours  juftes  &  exa£ls  ?  ]e5  îior- 
5)  loges  ,  quelque  bonnes  qu'elles  foient , 
»  ne  fe  démentent-elles  pas  fouvent  par  un 
I'  temps  ou  trop  fec  ou  trop  humide  ?  qui 
3>  peut  donc  afliirer  que  l'inftant  auquel  des 
»  pcrfonnes  attentives  auront  placé  la  naif- 
))  lance  d'un  enfant ,  foit  le  véritable  mo- 
3)  ment  qui  réponde  à  fon  étoile  ? 

5)  Je  fuppofe  encore  avec  vous  qu'on  ait 
»  trouvé  ce  point  jufte ,  l'étoile  qui  a  pré- 
î)  fidé  ,  fa  fituation  ,  fa  force  ;  pourquoi 
M  confidérer  entre  les  étoiles  celles  qui  do- 
i)  minoient  pendant  que  le  fruit  s'animoit 
ï)  dans  le  ventre  de  la  mère  ,  plutôt  que  cel- 
))  les  qui  paroiflbient  pendant  que  le  corps 
w  encore  tendre  &  l'ame  ignorante  d'elle- 
»  mêmeapprenoit  dans  fa  prifon  à  fupporter 
»  patiemment  la  vie  ? 

»  Mais  laiifant  toutes  ces  difficultés  ,  je 
«  vous  accorde  que  l'état  du  ciel  étoit  bien 
»  connu  au  moment  de  la  naiflance  :  pour- 
»  quoi  faire  émaner  des  aftres  un  pouvoir 
»  abfolu  ,  je  ne  dis  pas  (culement  fiir  les 
a  corps ,  mais  auiTi  fur  les  volontés  ?  il  faut 
»  donc  que  ce  foit  d'eux  que  j'attende  mon 
j)  bonheur  ^  que  ma  vie  &  ma  mort  en  dé- 
5)  pendent.  Ceux  qui  s'engagent  dans  le  parti 
»  des  armes  ,  &  qui  périffent  dans  une 
»  même  bataille ,  font-iîs  nés  fous-  la  même 
1)  conftellation  ?  &  peut-on  dire  qu'un  vaif 
})  feau  qui  doit  échouer  ne  recevra  que  ceux 
»  que  leurs  mauvaifes  étoiles  auront  con- 
f)  damnés  en  naiflant  à  faire  naufrage  '  ? 
i)  L'expérience  nous  fait  voir  tous  les  jours 
w  que  des  perfonnes  nées  dans  des  temps 
))  bien  différens  ,  fe  livrent  au  combat ,  ou 
3)  montent  un  vaiffeau  où  ils  périlfent , 
j)  n'ayant  de  conunun  que  l'inftant  de  la 
»  mort.  Tous  ceux  qui  viennent  au  monde 
«  fous  la  même  difpofition  du  ciel  ,  ont-ils 
»  pour  cela  une  même  deftinée  pour  la  vie 
y>  &  pour  la  mort  ?  Vous  voyez  ici  le  roi  ; 
»  croyez-vous  que  ceux  qui  font  nés  fous  la 
»  même  étoile ,  polfedent  des  royainnes ,  ou 
»  pour  le  moins  des  richeiîès ,  qui  prouvent 
ï)  l'heureufe  &  favorable  influence  des  aftres 
»  dans  leur  naiifance  ?  croyez-vous  même 
))  qu'ils  aient  vécu  jufqu'à  préfent?  Voilà  M. 
«  de  Villeroi  j  ceux  qui  font  nés  fous  la 
))  même  planète  ,  ont- ils  la  iàgelle  en  par- 
■»  tage  ?  font-ils  comme  lui  honorés  de  la  fa- 
s  veut  du  prince  ?  Ht  ceui:  qui  font  aés  d;ujs 


A  ST 

»  le  même  inftant  que  vous ,  fout-Hs  tons 
»  aftrologues ,  pour  ne  rien  dire  de  pis  l 
»  Que  fi  quelqu'un  périt  par  la  main  d'un 
»  voleur ,  fon  fort ,  dites-vous ,  exigeoit  qu'il 
»  fut  tué  par  la  main  de  ce  miférablc.  Quoi 
))  donc,  ces  mêines  aftres  qui  avoientdeftiné 
»  le  voyageur  dans  le  moment  de  fa  luiiflance^ 
»  à  être  un  jour  expolë  au  fer  d'un  afraifiu  , 
»  ont  audi  donné  à  î'affaffin  ,  peut-être  long- 
»  temps  avant  la  naillance  du  voyageur ,  l'in- 
»  tention  &  la  force  pour  vouloir  &  pouvoir 
»  exécuter  fon  mauvais  deilèin  ?  car  les  af 
))  très ,  à  ce  que  vous  prétendez ,  concourent 
»  également  à  la  cruauté  de  celui  qui  tue , 
»  &  au  malheur  de  celui  qui  eft  tué.  Quel- 
»  qu'un  eft  accablé  fous  les  ruines  d'un  bâti- 
»  mejiti  eft-cedonc  parce  qu'il  eft  condamné 
»  par  fa  deftinée  à  être  enfeveli  dans  fapro- 
»  pre  maifon ,  que  les  murs  en  font  tombés? 
»  On  doit  raifonner  de  même  à  l'occalior: 
»  des  dignités  où  l'on  n'eft  élevé  que  par 
))  fuffrages^uLa  planète  ou  les  aftres  qui  ont 
»  prélîdé  à  la  naiffance  d'une  perfonne  ,  & 
»  qui  dans  vos  principes  lui  ont  deftiné  des 
»  g:.;ndeurs  ,  ont-ils  pu  aufïï  étendre  leur 
»  pouvoir  jufque  fiir  d  autres  hommes  qui 
))  n'étoient  pas  encore  nés ,  de  qui  dépen- 
»  doient  toutefois  tous  les  effets  de  ces  heu- 
))  rcufes  influences  ? 

î)  Ce  qu'il  pourroit  y  avoir  de  vrai ,  en 
»  fuppofant  la  réalité  des  influences  des  corps 
»  céleftcs  j  c'eft  que  comme  le  foleil  produit 
»  des  eiîets  diflérens  fiu"  les  chofes  difté- 
»  rentes  de  la  terre  ,  quoique  ce  foit  toujours 
»  les.  mêmes  rayons  &  la  même  lumière  , 
»  qu'il  échauffe  &  entretient  quelques  fc- 
»  menées  ,  qu'il  en  fait  mourir  d'autres  j 
»  qu'il  defl'eche  de  petites  herbes,  tandis 
»  que  d'autres  qui  ont  plus  de  fuc  réfiftent 
»  davajitage  •■,  de  uiêmeaulliplufieurs  enfans 
»  qui  naiftènt  en  même  temps  reffemblent  à 
»  un  champ  préparé  de  ditTcrentes  manières , 
n  félon  la  différence  du  naturel,  du  teippé- 
»  rament  &  des  habitudes  de  ceux  à  qui  ils 
»  doivent  le  jour.  Cette  puillance  des  aftres 
«  qui  eft  une  pour  tous  ces  enfajis ,  ne  doit 
»  point  dans  tous  produire  les  mêmes  elfets- 
»  Si  le  natiu-cl  de  l'enfant  a  quelque  rapport 
»  avec  cette  puillance ,  elle  y  dominera  :  s'iJ 
»  ei\  oppofé  ,  je  doute  iréme  qu'elle  le  cor- 
»  rige.  De  façon  que  pour  juger  fiiiuement 
»  quel  doit  êtic  le  taradkre  d'un  eufaut,  il 


A  s  T 

rt  ne  faut  pas  s'arrêter  feulement  à  confidcrer 
»  les  aflres ,  il  faut  encore  remonter  aux  pa- 
»  rens  ,  faire  attention  à  la  condition  de  la 
j)  mère  pendant  qu'elle  étoit  enceinte ,  &  à 
»  beaucoup  d'autres  chofes  qui  font  incoii- 
»  nues. 

M  Enfin  ,  je  vous  demande  ,  Chaldéen  , 
»  fi  cette  influence  que  vous  regardez  comme 
»  la  caufe  du  bonheur  ou  du  malJieur ,  dc- 
»  meurera  toujours  au  ciel  jufqu'au  temps 
»  marqué,  pour  defcendre  eniuite  fur  terre . 
»  &  y  faire  agir  des  inftrumens  propres  à  ce 
»)  que  les  aftres  avoient  arrêté  •■,  ou  fi  rea- 
»  fermée  dans  l'enfant ,  entretenue  &  croif- 
»  fant  avec  lui ,  elle  doit  en  certaines  occa- 
»)  fions  k  faire  jour  pour  accomplir  les  dé- 
w  crets  irrévocables  des  aftres  ?  Si  vous  pré- 
M  tendez  qu'elle  demCLirc  au  ciel ,  il  y  a 
>j  dans  vos  principes  une  contradiction  ma- 
»  nifefte  ;  car  puifque  le  bonheur  ou  le 
»  malheur  de  celui  qui  vient  au  monde  , 
»  dépend  de  la  manière  dont  les  allres  étoient 
»  joints  dans  le  moment  de  fa  naiffance  ,  le 
»  cours  de  ces  mêmes  aftres  femble  avoir 
»  détruit  cette  première  forme  ,  &  en  avoir 
»  donné  une  autre  peut-être  entièrement 
•»  oppofee.  Dans  quelle  partie  du  ciel  ie  ièra 
»  confervée  cette  première  puiflance  ,  qui 
»)  ne  doit  paroître  &  jouer ,  pour  ainfi  dire , 
»  fon  rôle  que  plufieurs  années  après,  comme 
»  lorique  l'enfant  aura  quarante  ans  ?  De 
»  croire  d'un  autre  côté  que  ledeftin,quine 
»  doit  avoir  fon  effet ,  que  quand  cet  enfant 
»  (èra  par\'enu  à  un  âge  plus  avancé ,  lui  foit 
»  attaché  dès  fon  enfance ,  c  eft  une  imper- 
»  tinente  rêverie.  Quoi  donc ,  ce  fera  lui  , 
»  qui ,  dans  un  naufrage  où  il  doit  périr  , 
»  fera  caufe  que  Icsvcnts  s'élèveront,  ou  que 
))  le  pilote  s'oubliant  lui-même ,  ira  échouer 
))  contre  des  bancs  ?  Le  laboureur ,  dans  la 
»  campagne,aura  été  l'auteur  de  la  guerre  qui 
»  l'appauvrit ,  ou  d'un  temps  favorable  qui 
))  doit  lui  donner  une  molifon  abondante  ? 

»  Il  eft  vrai  que  quelques-uns  parmi  vous 
»  publient  hautement  des  oracles ,  que  l'é- 
»  vénement  a  juftifiés  j  mais  ces  cvénemens 
»  juftifiés  par  l'expérience  ,  font  en  fi  petit 
»)  nombre  ,  relativement  à  la  multitude  des 
»  faux  oracles  que  vous  a\'ez  prononcés  vous 
»  &  vos  femblables ,  qu'ils  démontrent  eux- 
»  mêmes  le  peu  de  cas  qu'on  en  doit  faire. 
»  Vous  faites  paiTcr  un  million  de  meafonges 


A  S  T  7jj- 

»  malheureux  ,  à  la  faveur  de  fcpt  ou  huit 
»  autres  qui  vous  ont  réufTi.  En  fui>pofaiit 
»  que  vous  agiflcz  au  hazard  ,  vous  avez 
"  conjecturé  tant  de  fois  ,  que  s'il  y  avoit 
»  à  s'étonner  de  quelque  choie ,  ce  feroit 
»  peut-être  de  ce  que  vous  n'avez  pas  ren- 
»  contré  plus  fouvent.  En  un  mot  ,  vous 
S)  qui  prévoyez  tout  ce  qui  doit  arriver  à  la 
»  Sicile  ,  conuuent  n'avez-vous  pas  prévu 
»  ce  qui  vous  arrive  à  vous-même  aujour- 
»  d'hui  ?  Ignoriez-vous  que  je  devois  vous 
»  îraverfcr  dans  votre  dclibin  ?  Ne  dcviez- 
1)  vous  pas  ,  pour  faire  valoir  votre  art , 
•;  prévenir  le  roi  que  telle  per/bnne ,  qui 
»  ièroit  préfente  ,  chercheroit  à  vous  trou- 
»  bler?  Puifqu'enfin  votre  {cience  vous  dé- 
;^  couvre  Ci  le  roi  doit  triompher  de  fèsenne- 
»  mis  ,  dites-nous  auparavant  s'il  ajoutera 
»  foi  à  vos  oracles.  » 

Quoique  Vaftrologk  judiciaire ,  ait  étéfb- 
lidement  combattue  ,  tant  par  Barclay  que 
par  d'autres  auteurs  célèbres  ,  qui  en  ont 
démontré  la  vanité  5  on  ne  peut  pas  dire 
qu'ils  aient  entièrement  déraciné  cette  ri- 
dicule prévention  ;  elle  règne  encore ,  ^  par- 
ticulièrement en  Italie.  On  a  vu  fur  la  fin 
du  fiecle  dernier  un  Italien  envoyer  au  pape 
Innocent  XI  une  prédiftion  en  manière  d'ho- 
ro/cope  fiir  Vienne  ,  alors  aHiégée  par  les 
Turcs  ,  &  qui  fut  très-bien  reçue.  De  nos 
jours  le  comte  de  Boulainvilliers ,  homme 
d'ailleurs  de  beaucoup  d'elprit,  étoit  infatué 
de  Vafrrologie  judiciaire  ,  fur  laquelle  il  a 
écrit  très-ferieulcment.  (G) 

Tacite ,  au  Vh.  liv.  de  fcs annales ^  ch. xxj  y 
rapporte  que  Tibère  dans  le  temps  qu'il 
étoit  exilé  à  Rhodes  ,  fous  le  règne  d'Au- 
gufte  ,  fe  plaifoit  à  conililter  les  devins  liir 
le  haut  d'un  rocher  fort  élevé  au  bord  de 
la  mer  ;  &  que  fi  les  réponfês  du  devin  don- 
noient  lieu  à  ce  prince  de  le  foupçouîier  d'i- 
gnorance ou  de  fourberie ,  il  le  faifoit  à  l'inf. 
tant  précipiter  dans  la  mer  par  un  elcîave. 
Un  jour  ayant  confulté  dans  ce  même  lieu 
un  certain  ThrafyUus  fort  habile  dans  cet 
art ,  &  ce  devin  lui  ayant  promis  l'empire 
&  toutes  fortes  de  profpérités  :  puifque  tu 
es  fi  Iiabile ,  lui  dit  Tibère  ,  pourrois-tu  mt 
dire  combien  il  te  reftedetemps  à  vivre  ?  Thra- 
fyUus ,  qui  fe  douta  apparemment  du  motif 
de  cette  queftion  ,  examina  ou  fit  fêmblant 
d'examiner  ,  fans  s'émouvoir ,  l'afped  Se 
♦  U  u  u  ij  i 


-j^o  A  s  T 

&  la  pofition  des  aftres  an  moment  de  fa 
naiirance  :  bientôt  après  il  lallFa  voir  au 
prince  une  furprife  qui  iie  tarda  pas  à  être 
fiiivie  de  frayeur  ^  &  il  s'écria  ,  (ju  autant qu  il 
en  pouvait  juger  ^  il  était  à  cette  heure  même 
menacé  d'un  grand  péril.  Tibère ,  channé  de 
cette  réponfe  ,  l'embrafTa ,  le  raffura ,  le  re- 
garda dans  la  fuite  comme  un  oracle  ,  &  le 
mit  au  nombre  de  fes  amis. 

On  trouve  dans  ce  même  hiftorien ,  l'un 

des  plus  grands  génies  qui  furent  jamais , 

deux  paflages  qui  font  voir  que  quand  un 

préjugé  eft  général ,  les  meilleurs  efprits  ne 

peuvent  s'empêcher  de  lui  (acrifier  ,  mais 

ne  le  font  pourtant  qu'avec  plus  ou  moins 

de  reftriitlon ,  &  ,  pour  ainfi  dire ,  avec  une 

lorte  de  répugnance.  Le  premier  de  ces  paf- 

fages  fe  lit  dans  le  liv.  VI ,  chap.  xxij  ,  où 

après  avoir  fait  des  réflexions  iiir  les  difîé- 

rens  fentimens  des  philofophes  au  fujet  de 

Yaftrologie ,  il  ajoute  ces  paroles  :  Civterum 

plerifque manaliumnon  eximitur  ,  quin  primo 

i;ujufque  ortu  ventura  defiinciitur  :  fed  quœ- 

damfecus  quam  diclafint  cadere.fallaciis  igna- 

ra  dicentium;  ita  corrumpi fidem  artis  ,  cujus 

prœclara  documenta,  &antiqua  cetas  &  noftra 

tulerit.  Ce  qu'on  peut  traduire  ainfi  :  «  Il 

3J  ne  paroît  pas  douteux  que  tout  ce  qui 

j)  doit  nous  arriver  ne  foit  marqué  dès  le 

3j  premier  moment  de  notre  naiffance  ;  mais 

»  l'ignorance  des  devins  les  induit  quelque- 

3)  fois  en  erreur  dans  les  prédirions  qu'ils 

3)  nous  font  ^  &  par-là  elle  décrédite   en 

»  quelque  m.aniere  un  art  ,  dont  la  réalité 

3>  eft  clairement  prouvée  par  l'expérience  de 

y)  notre  fiecle ,  &  par  celle  des  fieclcs  précé- 

M  dens.  » 

L'autre  paflage  fe  trouve  dans  le  JVe  liv. 
des  Annal,  ck.  Iviij.  ('  Tibère  étant  forti  de 
>j  Rome ,  dit  Tacite  ,  les  allrologuespréten- 
»  dirent  qu'il  n'y  reviendroit  jamais.  Cette 
î)  prcdid ion  occaiiona  la  perte  de  pluiieurs 
»  citoyens ,  qui  en  conclurent  que  ce  prince 
j)  n'avoit  plus  que  peu  de  temps  à  vivre, 
»  &  qui  furent  allez  imprudens  pour  le 
V  publier.  Car  ils  ne  pouvoient  k  douter 
))  qu'eneffet  Tibère  vivToit  encore  onie  ans 
w  fans  rentrer  dans  Rome ,  8i  dans  une  ef- 
»  pece  d'exil  volontaire.  Mais  au  bout  de 
»  te  temps  ,  ajoute  l'iiiftorien  ,  on  appcrçut 
5)  les  limites  étroites ,  qui  dans  la  iciencc 
»  des  devins  fcparoicut  Turt  de  la  cliiuiers , 


A  S  T 

1)  &  combien  de  nuages  y  oblcurcifFoient 
»  la  \érité  :  car  la  prédiftion  qu'ils  firent 
»  que  Tibère  ne  reviendroit  point  à  Rome  , 
»  n'étoit  pas  faite  au  hazard  &  fans  fonde- 
»  ment  ,  puifque  l'événement  la  vérifia  : 
»  mais  toiit  le  refte  leur  fut  caché  ■■,  &  ils 
»  ne  purent  prévoir  que  ce  prince  parvien- 
«  droit  à  une  extrême  vieilleife  fans  rentrer 
»  dans  la  ville  ,  quoiqu'il  dût  fbuvent  s'ea 
)>  approcher  de  fort  près.  »  Moxpatuit  brève 
conjiniumarris  &falji;  veraquequàm  obfcuris 
regcrentur.  Nam  in  urbem  non  venturum ,  kaud 
Jbrte diclum  :cœtcrorum  nefciiegere.,  cumpro- 
pinquo  rure  aut  liitore  ,  &"  fœpè  mirnia  urbis 
adjidens  ,  txtrematn  feneclam  complevcrit.  II 
jiie  fèmble  voir  dans  ce  paifage  un  grand 
génie  qui  lutte  contre  le  préjugé  de  fon  temps, 
&  qui  pourtant  ne  fauroit  totalement  s'ea 
défaire.  (  O  ) 

ASTROLOGIQUE ,  adj.  fe  dit  de  tout  ce 
qui  a  rapport  à  l'aibologie.  Voye^  Astro- 
logie. 

ASTROLOGUE  ,  adj.  pris,  fubft.  fe  dit 
d'une  perfomie  adonnée  à  l'allrologie  ,  ou 
à  la  devination  par  le  moyen  des  allres.  Les 
afcrologues  étoient  autrefois  fort  communs  j 
les  plus  grands  hommes  môme  paroillent 
avoir  cru  à  l'aftrologie  ,  tels  que  M.  de  Thon 
&  pluiieurs  autres.  Aujourd'hui  le  nom  d'j/- 
trologues  eft  devenu  fi  ridicule ,  qu'à  peine  le 
plus  l)as  peuple  ajoute-t-il  quelque  foi  aux 
prédidtions  de  nos  almanachs.  ^^oj.  ASTRO- 
LOGIE. (O) 

ASTRONOME  ,  adj.  pris  fubft.  fc  dit 
d'iuie  perfonne  verfée  dans  l'aftronomie.  Le 
peuple  confond  quelquefois  aflrologue  avec 
jflronome  :  mais  le  premier  s'occupe  d'une 
fciencc chimérique,  &  le  fécond  d'une  fcience 
très-belle  &  très-utile.  Dans  le  temps  que 
l'aftrologie  judiciaire  étoit  à  la  mode ,  il  n'y 
avoit  prefque  point  A'aftronome  qui  ne  fût 
aftrologue.  Aujourd'hui  il  n'y  a  plus  que  des 
ajîronomes ,  &  point  d'alirologues ,  ou  plutôt 
lesaftrobgues  Ibnt  très-méprifés.  F.  les  plus 
plus  célèbres  ajlronomis  à  [article  ASTRO- 
NOMIE. 

ASTRONOMIE  ,  apronomia  ,  fub.  f. 
compoiédca<7iV  ,  étoile ,  8c  de  lo.uof ,  règle, 
loi.  Vafironomie  eft  la  connoilfance  du  ciel 
&  des  pliénomeues  ccleftcs.  (  ^'^oy^^ClEL.  y 
V^ailronomie  eft  ,  à  proprement  parler ,  une 
partie  des  mutJiéniatiques  tiùxtcs ,  q[ui  nous 


A  s  T 

apprend  à  connoîtrc  les  corps  cclcfles,  leurs 
grandeurs  ,  mou^cniciis  ,  diftanccs,  pério- 
des, éclipfeSjé'c.^oyt'îMATHÉMATlQUES. 

Il  y  en  a  qui  prennent  le  terme  aftrono- 
mie  dans  un  feus  beaucoup  plus  étendu  :  ils 
entendent  par-là  la  couiioiiraace  de  Tutii- 
vers  &  des  loix  primitives  de  la  nature.  Se- 
lon cette  acception  ,  Xaftronomie  lèroit  plu- 
tôt une  branche  de  laphyfique,  que  des  ma- 
thématiques. ^oyf{  PHYSIQUE,  Système, 
Nature. 

Les  auteurs  varient  fur  rinvention  de  \af- 
tronomic:  on  l'attribue  à  différentes  pcrfon- 
nes  \  ditVérentes  nations  s'en  font  honneur  , 
&  on  la  place  dans  différens  fiecles.  A  s'en 
rapporter  aux  anciens  hillorieus  ,  il  parcît 
que  des  rois  inventèrent  &  cultivèrent  les 
premiers  cette  fcience  :  Belus  roi  d'Affyrie  , 
Atlas  roi  de  Mauritanie ,  &  Uranus ,  qui 
ré^noit  fur  les  peuples  qui  habitoient  les 
bords  de  l'océan  Atlantique  ,  palFent  pour 
avoir  donné  aux  hommes  les  premières  no- 
tiojis  de  VafironomU, 

Si  on  croit  Diodore  de  Sicile  ,  Uranus , 
pcre  d'Atlas ,  forma  l'année  fur  le  cours  du 
foleil  &  fur  celui  de  la  lune.  Atlas  inventa 
la  fphere;  ce  qui  doiuia  lieu  à  la  fable  qu'il 
portoit  le  ciel  fur  fès  épaules.  Le  même  au- 
teur ajoute  qu'il  enfei.iîua  cette  fcience  à 
Hercule ,  qui  la  porta  en  Grèce  :  ce  ne  fau- 
roit  être  Hercule  fils  d'Alcmene  ,  puifque 
Atlas ,  félon  le  tcmoi«;nage  de  Suidas ,  vivoit 
onze  iiges  avant  la  guerre  de  1  roie  ;  ce  qui 
remonte  jusqu'au  temps  de  Noé  &  de  fes 
fils.  En  defcendant  plus  bas,  on  trouve  des 
traces  plus  marquées  de  l'étude  que  l'on  fai- 
foit  de  Yafrronomie  dans  les  temps  fabuleux. 
Newton  a  remarqué  que  les  noms  des  conf- 
tellations  font  tous  tirés  des  chofès  que  les 
poètes  difent  s'être  palFces  dans  le  temps  de 
la  guerre  de  Troie,  &  lors  de  l'expédition 
des  Argonautes  :  auffi  les  fables  parlent- 
elles  de  perfomies  favautes  dans  Vafirono- 
mie  ;  elles  fout  mention  de  Chiron  ,  d'An- 
cce  ,  de  Nauficaë  ,  &c.  qui  tous  paroiffent 
avoir  contribué  au  progrès  de  cette  fcience. 

Ce  dont  on  ne  i)eut  douter,  c'eft  que  plu- 
ifîeurs  nations  ne  fe  foient  appliquées  à  l'é- 
tude du  ciel  long-temps  avant  les  Grecs  : 
Platon  convient  même  que  ce  fut  un  bar- 
bare qui  obferva  le  premier  les  mou\emens 
fcélelles  3  occupation  à  laquelle  il  fut  dcter- 


A  S  T  741 

miné  par  la  beauté  du  ciel  pendant  l'cié  , 
foit  en  Egypte  ,  foit  eu  Syrie  ,  où  l'on  voit 
toujours  les  étoiles ,  les  nuées  &  les  pluies  ne 
les  dérobant  jamais  à  la  vue.  Ce  philofopiie 
prétend  que  (i  les  Grecs  le  font  appliqués 
fort  tard  à  ïajhonomie  ,  c'eit  au  défaut  feul 
d'une  atmofphere ,  telle  que  celle  des  Egyp- 
tiens &  des  Syriens ,  qu'il  faut  s'en  prendre. 

Auffi  quelque  audace  qu'aient  eu  les 
Grecs  pour  s'attribuer  les  premiers  commcu- 
cemens  des  fciences  &  Acs  beaux-arts ,  elle 
n'a  cependant  jamais  été  allez  grande  pour 
qu'ils  le  foient  donné  l'honneur  d'avoir  jeté 
les  fondemcns  de  Xajlionomie.  Il  eft  vrai 
qu'on  apprend  par  un  partage  de  Diodore 
de  Sicile  ,  qiie  les  Khodiens  prétendoient 
avoir  porté  cette  fcience  en  Egypte  :  mais  ce 
récit  eft  mêlé  de  tant  de  fal)les  ,  qu'il  le 
détruit  de  lui-n:ême  j  &  tout  ce  qu'on  en 
peut  tirer  de  vraifemblable ,  c'eft  que  comn.e 
les  Rhodiens  étoient  de  grands  naviga- 
teurs ,  ils  pouvoient  avoir  furpaffé  les  autres 
Grecs  par  rapport  aux  obfervations  aftrono- 
miques  qui  regardent  la  marine  ;  tout  le 
rcfte  doit  être  regardé  connue  fabuleux. 
Quelques  auteurs  ,  il  eft  vrai ,  ont  donné 
les  premières  observations  céleftes  à  Orphée 
(  comme  Diogcne  Laerce  fur  l'autorité  d'Eu- 
demus,  dans  fou  kifioire  ajhohgi.jue  ,  qui 
a  été  fuivie  par  Théon  &  par  Lucien  ) ,  à 
Palamede  ,  à  Atrée  ,  &  à  quelques  autres , 
ce  qu'Achillcs  l'atius  prétend  prouver  par 
des  pailiiges  d'Efchyle  &  de  Sophocle  ,  dans 
fou  conuiientaire  fur  les  phénomènes  d'Ara- 
tus  :  mais  il  eft  certain  que  le  plus  grand 
nombre  des  auteurs  Grecs  &  Latins  eft  d'un 
avis  contraire  ,  prefque  tous  les  attribuant 
aux  Chaldéens  ou  Babyloniens. 

Vajfronomie  &  l'aftrologie  prirent  donc 
nailfance  dans  la  Chaldée ,  au  jugement  du 
grand  nombre  des  auteurs  :  aufli  le  nom  de 
Clialdéen  eft-il  fouvent  fynonyme  à  celui 
à'ûjironome  dans  les  anciens  écrivains.  II 
y  en  a  qui  ftir  l'autorité  de  Joiepli  aiment 
mieuK  attribuer  l'invention  de  ces  fcien.ccs 
aux  a!;ciens  Hébreux ,  &  même  aux  premiers 
hommes. 

Quelques  juifs  &  quelques  chrétiens  s'ac- 
eordent  avec  les  mufulmans  pour  en  faire 
honneur  à  Enoch  :  quant  aux  autres  Orien- 
taux ,  ils  regardeiit  Cain  comn-.e  le  premier 
aftronomc  :  mais  toutes  ces  opinions  paroiC 


74t  A  S  T 

fent  deftltuées  de  vraifeinblance  à  ceux  qui 
font  verfcs  dans  la  langue  de  ces  premiers 
peuples  de  la  terre  ;  ils  ne  rencontrent  dans 
l'Hébreu  pas  un  terme  A'aJIronomie  ;  le  Chai 
déen  au  contraire  en  eit  pleiii.  Cependant 
il  faut  convenir  qu'on  trouve  dans  Job  & 
dans  les  livres  de  Salomon  quelque  trace  lé- 
gère de  ces  fciences. 

Quelques-uns  ont  donné  une  parfaite  con- 
noillance  de  Vaftronomie  à  Adam  ;  &  l'on 
a  fait  ,  comme  nous  venons  de  le  dire,  le 
même  honneur  aux  defcendans  de  Seth  , 
mais  tout  cela  gratuitement.  Il  ne  faut  pas 
cependant  douter  que  l'on  n'eût  quelque 
connoiflance  de  l'û/îro/.'o/n/^  avant  le  déluge  : 
nous  apprenons  par  le  journal  de  ce  terrible 
événement ,  que  l'année  étoit  de  360  jours  , 
&  qu'elle  étoit  formée  de  douze  mois  •■, 
arrangem.ent  qui  fuppofè  quelque  notion 
du  cours  des  aftres.  f^oyei  Ante- dilu- 
vienne. 

M.  l'abbé  Renaudot  paroît  incliner  pour 
l'opinion  qui  attribue  l'invention  de  Yafiro- 
nomie  aux  anciens  patriarches  ^  &  il  fe  fonde 
pour  cela  fur  plufieurs  raifons. 

1°.  Sur  ce  que  les  Grecs  &  les  Latins  ont 
compris  les  Juifs  fous  le  nom  de  Chaldéens  ; 
z°.  fur  ce  que  la  diiiinftion  des  mois  &  des 
années ,  qui  ne  fe  pouvoit  conuoître  fans 
l'obfervation  du  cours  de  la  lune  &  celui 
du  folcil  ,  eft  plus  ancienne  que  le  déluge  , 
coinme  on  le  voit  par  différens  palTages  de 
la  Genefe  ■■,  3°.  fur  ce  qu'Abraham  étoit  forti 
de  Chaldée ,  de  Ur  Chaldœorum  ,  &  que  des 
témoignages  de  Bcrofe  &d'Eupolemus,  ci- 
tés par  Eufèbe  ,  liv.  IX ,  de  la  préparation 
évangélique  ,  prouvent  qu'il  étoit  hi:a.na."iy.- 
■wiifiQ- ,  /avant  dans  les  chofcs  céleftes  ,  & 
qu'il  avoit  inventé  Yaftronomie  ë>i  l'aftrolo- 
gie  judiciaire  •■,  Kat  tAv  Açpahoyiav ,  itanh  X^^- 
•faUx^iv  iufïtv  ■■,  4°.  fur  ce  qu'on  trouve  dans 
la  fainte  écriture  plufieurs  noms  de  planètes 
&  de  conftellaîions. 

D'un  autre  côté,  M.  Bafnage  prétend  que 
tout  ce  qu'on  débite  fur  ce  fujct  a  fort  l'air 
d'un  conte.  Philon  nous  apprend  que  l'on 
inftruifit  Moyfe  dans  la  fcicnce  des  aftres  ^ 
il  ne  faut  pas  douter  que  ce  légillateur  n'en 
eût  quelque  connoilfance  :  mais  l'on  ne  làu- 
roit  croire  que  l'on  eût  fait  venir  des  Grecs 
pour  l'inftruire,  comme  le  ditcct auteur  Jnif. 
Du  temps  de  Moyfe  il  n'y  avoit  poiju  de 


A  ST 

philofophes  dans  la  Grèce  ;  &  c'eft  de  l'E' 
g^-pte  ou  de  la  Phénicie  que  les  Grecs  ont 
tiré  leurs  premières  connoilFances  philofo- 
phiques.  A  l'égard  de  Job  ,  ceux  qui  le  qua- 
lifient aftronome  ,  fe  fondent  fur  quelque* 
palîages  où  l'on  croit  qu'il  nomme  les  en- 
droits les  plus  remarquables  du  ciel,  &  des 
principales  conficllations.  Mais  outre  que 
les  interprètes  ne  font  point  d'accord  fur  le 
fens  des  termes  employés  dans  ces  textes  ^ 
la  conr.oiiïlmce  des  noms  de  certaines  conf- 
tellatious  ne  leroit  point  une  preuve  que  Job 
fût  aftronome. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  il  ne  paroît  pas  qu'oa 
puiflb  douter  que  Vaftronomie  n'ait  corn-' 
mencé  dans  la  Chaldée  ^  au  moins  c'eft  le 
jugement  qu'on  doit  en  porter  d'après  toutes 
les  preuves  hiftoriques  qui  nous  reftent  ;  8c 
M.  l'abbé  Renaudot  en  rapporte  un  fort  grand 
nombre  dans  fou  mémoire  fur  l'origine  de 
la  Iphere  ,  imprimé  dans  le  premier  volume 
du  recueil  de  [académie  royale  des  fciences  fi* 
des  belles-lettres. 

Nous  trouvons  dans  l'écriture  fainte  di- 
vers paffages  qui  marquent  l'attachement  des 
Chaldéens  à  l'étude  des  aftres.  Nous  appre- 
nons de  Pline  que  l'iuventeur  de  cette  fcience 
chez  les  Chaldéens  fut  Jupiter  Belus,  lequel 
mt  mis  enfuite  au  rang  des  dieux  :  mais  on 
eft  fort  embarrafle  à  déterminer  qui  eft  ce 
Belus ,  &  quand  il  a  vécu.  Parmi  les  plus 
anciens  aftronomes  Chaldéens ,  on  compte 
Zorcaftre  :  mais  les  mêmes  difficultés  ont 
lieu  fur  le  temps  de  fon.  exiftenee,  aufli  bien 
qtie  fur  celle  de  Belefis  8c  de  Berofe. 

Ne  feroit-ce  point  s'expofer  à  partager 
avec  Rudbeck  le  ridicule  de  fon  opinion  , 
que  de  la  rapporter?  Il  prétend  que  les  Sué- 
dois ont  été  les  premiers  inventeurs  de  ïaf- 
tronomie  ;  &  il  fe  fonde  fur  ce  que  la  grande 
diverlité  dans  la  longueur  des  jours  en  Suéde , 
a  dû  conduire  naturellement  fes  habitans 
à  conclure  que  la  terre  étoit  ronde ,  8c 
qu'ils  étoient  voifnis  de  l'une  de  fes  extré- 
mités j  deuxpropofitions  dont  la  vérité  étoit, 
dit-il ,  moins  fenfible  pour  les  Chaldéens  , 
&  pour  ceux  qui  habitoient  les  régions 
moyennes  du  globe.  Delà ,  continue  notre 
auteur  ,  les  Suédois  engagés  dans  l'exameu 
&  dans  la  recherche  des  caufes  de  la  grande 
différence  des  faifons  n'auront  pas  man- 
qué de  découvrir  que  le  progrès  du  foleil 


A  s  T 

dans  les  cieux  eft  renfermé  dans  un  cer- 
tain cfpace  ,  &c.  mais  tous  ces  raifbnne- 
n'cns  ne  font  point  ajîpiiyés  fur  le  témoi- 
irnage  de  l'hiftoire  ,  ni  foutenus  d'aucun  fait 
connu. 

Si  l'on  en  croit  Porphyre ,  la  connoilfance 
de  Yaftionomie  eft  fort  ;;ncienne  dans  l'O- 
rient. 'Si  l'on  en  croit  cet  auteur ,  après  la 
prifc  de  Babyloncpar  Alexandre ,  on  apporta 
de  cette  ville  des  obfervationscclcftes  depuis 
1903  ans,  &  dont  les  premières  étoicnt  par 
conféquentde  l'an  1 1 5  du  déluge  ,c'eft-à-dire, 
qu'elles  avoient  été  commencées  1 5  ans  après 
l'ércftion  de  la  tour  de  Babel.  Pline  nous 
apprend  qu'Epigene  allijroit  que  les  Baby- 
loniens avoient  des  obfervations  de  7Z0  ans 
gravées  fur  des  briques.  Acliilles  Tatius  at- 
tribue l'invention  de  Yajlronomie  aux  Egyp- 
tiens^ 8c  il  ajoute  que  lesconnoillances  qu'ils 
avoient  de  l'état  du  ciel ,  fe  tranfmettoient 
à  leur  poftérité  fur  des  colonnes  fur  lesquel- 
les elles  étoient  gravées. 

Les  païens  eux-mêmes  fe  font  moqués, 
comme  a  fait  entr'autres  Cicéron  ,  de  ces 
prétendues  obfervations  céleftes  que  les  Ba- 
byloniens difoient  avoir  été  faites  parmi 
€uxdepuis47ooooans,ainfi  que  de  celles  des 
Eg}-ptie!is  :  on  peut  en  dire  autant  de  la  tra- 
dition confufè  &  embrouillée  de  la  plupart 
des  Orientaux ,  que  les  premiers  Européens 
qui  entrèrent  dans  la  Chine  y  trouvèrent 
établie  ,  &  de  celle  des  Perfans  touchant  leur 
roi  Cayumarath ,  qui  régna  1000  ans,^& 
qui  fut  fùivi  de  quelques  autres  rois  dont 
Te  règne  duroit  des  fiecles.  Ces  opinions  , 
toutes  ridicules  qu'elles  font  ,.  ont  été  con- 
fervées  par  un  allez  grand  nombre  d'au- 
teurs ,  qui  les  avoieiit  prifes  de  quelques  li- 
vres grecs ,  où  cette  prodigieuse  antiquité 
des  Alîyriens  &  des  Babyloniens  étoit  éta- 
blie comme  la  bafe  de  l'hiftoire. 

Diodore  dit  que  lors  de  la  prife  de  Ba- 
bylone  par  Alexandre  ,  ils  avoient  des  ob- 
fervations depuis  43000  ans.  Quelques-uns 
prennent  ces  années  pour  des  mois ,  &  les 
réduifentà  3476  ans  folaires,  ce  qui  remon- 
îeroit  encore  jufque  bien  près  de  la  création 
du  monde  ,  puifque  la  ruine  de  l'empire  des 
Periès  tombe  à  l'an  du  monde  3610.  Mais 
laiifant  les  fables ,  tenons-nous-en  à  ce  que 
dit  Simplicius  :  il  rapporte  d'après  Porphyre  , 
^uçCallilHiene^dilciple  &  parent  d'Ariftote, 


A  S  T  745 

trouva  à  Babylone  ,  lorfqu'Alcxnndre  s'en 
rendit  maître,  des  obfervations  depuis  1903 
ans  ;  les  premières  avoient  donc  été  faites 
l'an  du  monde  1717  ,  peu  après  le  déluge. 

Les  auteurs  qui  n'ont  pas  confondu  la  fa- 
ble avec  l'hiftoire,  ont  donc  réduit  les  ob- 
fervations des  Babyloniens  à  1900  années; 
nombre  moins  confidérable  de  beaucoup  ^ 
&  qui  cependant  peut  paroître  excclîif.  Ce 
qu'il  y  a  pourtant  Ac  Singulier,  c'eft  qu'en 
comptant  ces  1900  ans  depuis  Alexandre  ^ 
on  remonte  jufqu'au  temps  de  la  difperftoa 
des  nations  &  de  la  tour  de  Babylone  ,  au 
delà  duquel  on  ne  trouve  que  des  fables.. 
Peut-être  la  prétendue  hilloire  des  observa- 
tions de  1900  ans  Sîgnifie-t-elle  feulement 
que  les  Babyloniens  s'étoient  appliqués  à 
Vjfironomie  depuis  le  commencement  de. 
leur  empire.  On  croit  avec  fondement  que 
la  tour  de  Babel  éle\'éc  dans  la  plaine  da 
Sennacr ,  fut  conftruite  dans  le  même  liei». 
où  Babylone  fut  enSîiite  bâtie.  Cette  pîainei 
étoit  fort  étendue ,  &  la  vue  n'y  étoit  bornée, 
par  aucune  montagne  ;,  ce  qui  a  pu  donner, 
promptement  naiifance  aux  obfcr\'ationsL 
aftronomiques. 

Les  Chaldéens  n'étoient  pas  verfés  dans- 
la  géométrie  ,  &  ils  maiiquoientdes  inftiu- 
mens  néceiîaires  pour  faire  des  observations: 
juilcs  :  leur  grande  étude  étoit  l'aSlrolcgie. 
jutliciaire  ;  Science  dont  on  reconnoît  bien, 
aujourd'hui  le  ridicule.  Leur  obfervatoire 
étoit  le  fameux  temple  de  Jupiter  Belus,  à. 
Babylone. 

Les  longues  navigations  des  Phéniciens, 
n'ont  pu  Se  faire  Siuis  quelque  connoiSTance. 
des  aftres  :  auSU  voyons-nous  que  Pline  j. 
Strabon ,  &  quelques  autres ,  rendent  té- 
moignage à  leur  habileté  dans  cette  fcien- 
ce  :  mais  nous  ne  Savons  rien  de  certain, 
fur  les  découvertes  qu'ils  peuvent  avoir  fai- 
tes. Plusieurs  hiftoriens  rendent  aux  Egyp- 
tiens le  témoignage  d'avoir  cultivé  \afiro- 
nomie  avant  les  Chaldéens.  Diodore  de  Si- 
cile avance  que  les  colonies  égyptiennes  por. 
terent  la  connoiSTance  des  aftres  dans  les  en- 
virons de  l'Euphrate.  Lucjeii  prétend  que. 
comme,  les  autres  peuples  ont  tiré  leurs  con- 
noilfances  des  Egyptiens ,  ceux-ci  les  tien- 
nent des  Ethiopiens ,  dont  ils  font  une  colo- 
nie. Les  moins  favorables  aux  Egyptiens,, 
les  joignent  pour  l'iiiventiou  de  ïaJtroiwmU 


744  A  S  T 

aux  Chaldéens.  Il  n'eft  pas  aifé  de  découvrir 
qui  fut  rinvcnter.r  de  Vafironcmie  chez  les 
Egyptiens.  Diodorc  en  fait  lionneur  à  Mer- 
cure -^  Socrate ,  à  Thaul  ^  Diogene  Lacrce 
l'attribue  à  Ninus ,  fils  de  Vulcaiii  ^  &  Ifo- 
crate  à  Buiiris,  Les  connoilTanccs  aflronomi- 
qucs  des  Egyptiens  les  avoicnt  couduits  à 
pouvoir  déterminer  le  cours  du  foleil  Si  de 
la  lune ,  &  à  former  l'année  :  ils  obfervoient 
le  mouvement  des  planètes  ^  &  ce  fut  à  l'aide 
de  certaines  hypothefes ,  &  par  le  fccours 
de  l'arithmétique  &  de  la  géom.étrie  ,  qu'ils 
entreprirent  de  déterminer  quel  en  étoit  le 
cours.  Ils  inventèrent  aulTi  diverfës  périodes 
des  mouvemens  des  cici;x  ^  enfin  ils  s'adon- 
îierent  à  l'ailrologie.  Tout  cela  eft  appuyé 
fur  le  témoignage  d'Hérodote  &  de  Dio- 
dore ,  (S'iT.  Nous  apprenons  de  Strabon  ,  que 
les  prêtres  égyptiens ,  qui  étoient  les  aftro- 
iiomes  du  pays ,  avoicnt  renoncé  de  fbn 
temps  à  cette  étude  ,  &  qu'elle  n'étoit  plus 
cultivée  parmi  eux.  Les  Egyptiens,  qui  pré- 
tendu ient  être  le  plus  ancien  peuple  de  l'u- 
nivers ,  regardoieut  leur  pays  comme  le  ber- 
ceau des  fciences ,  &  par  couféquent  de  Wif- 
tronnmic. 

L'opinion  commune  eft  que  ïaftronomie 
paîTa  de  l'Egypte  dans  la  Grèce  :  mais  la  cou- 
uoiiTance  qu'on  en  eut  ,  fut  d'abord  extrê- 
mement grolïïere  ,  &  on  peut  en  juger  par 
ce  que  l'on  en  trouve  dans  Homère  &  dans 
Héliode  j  elle  ië  bornoit  à  connoitre  certains 
aftres  qui  fervoient  de  guides ,  foit  pour  le 
travail  de  la  terre ,  foit  pour  les  voyages 
fur  mer  ^  c'eft  ce  que  Platon  a  fort  bien  re- 
marqué '■)  ils  ne  faifoient  aucunes  oblcrvations 
cxaftes  ,  8î  ils  ignoroieat  l'arithmétique  & 
la  géométrie  nécelTaires  pour  les  diriger. 

Laerce  dit  que  Thaïes  fit  le  premier  le 
voyage  d'Egypte  dans  le  deffein  d'étudier 
cette  fcience ,  &  qu'Eudoxe  &  Pythagore 
l'imitèrent  en  cela.  Thaïes  vivoit  vers  la  qua- 
tre-vingt-dixième olympiade  ^  il  a  le  pre- 
mier obfervé les  aftres ,  lesécliplés  de  foleil, 
les  folftices ,  &  les  avoit  prédits  ■■,  c'eft  ce 
qu'alîiirent  Diogene  Laerce ,  d'après  fhif- 
toiie  afcrologique d'Eudemus •-,  Pline ,  liv. II , 
cAap.  xi)  ,  6f  Elufebe  dans  fa  chronique.  Il 
naquit  environ  640  ans  avaiit  Jefus-Chrift. 
On  peut  voir  dans  Stanley  C  hifi.philofopk.  ) 
un  détail  circonftancié  de  (es  connoilian- 
ccs  philofophiqucs.  Aiiaxiniandre   fou  dil- 


A  ST 

ciplc  cultiva  les  connoifTances  qu'il  avoît  re- 
çues de  ion  inaître  i  il  plaça  la  terre  au  cen- 
tre de  l'univers  -,  il  jugea  que  la  lune  em- 
pruntoir  fa  lumière  du  foleil ,  &  que  ce  der- 
nier étoit  plus  grand  que  la  terre  ,  &  une 
malfe  d'un  feu  pur.  Il  traça  un  cadran  fo- 
laire,  &  conftruifit  une  fphere.  Anaximene 
de  Milet,  né  5 50 ans  avant  Jefus-Chrill,  re- 
gardoitles  étoiles  fixes  comme  autant  de  fo- 
leils ,  autour  defquels  des  planètes  faifoient 
leurs  révolutions  ,  fans  que  nous  puiffions 
découvrir  ces  ])Ianctes ,  à  caulê  de  leur  grand 
éloignement.  Trente  ans  après  naquit  Ana- 
xagoras  de  Clazomcne.  Il  enfeignoit  que  le 
foleil  étoit  une  malle  de  fer  enflammée  plus 
grande  que  le  Péloponcfej  que  la  lune  étoit 
un  corps  opaque  éclairé  par  le  foleil ,  Se 
qu'elle  étoit  habitée  comme  la  terre.  Il  eut 
pour  difciples  le  fameux  Périclès  &  Arche- 
laiis ,  qui  fut  le  dernier  de  la  feilc  Ionique. 
Pythagore  ayant  paffé  fept  ans  dans  le  fémi- 
naire  ,  &  dans  une  étroite  fréquentation  des 
prêtres  égyptiens,  fut  profondément  initié 
dans  lesmyfteres  de  leur  religion,  &  éclairé 
fur  le  vrai  fyllême  du  inonde  ^  il  répandit 
les  connoifTances  qu'il  avoit  acquifes ,  dans 
la  Grèce  &  dans  l'Italie.  Il  avança  que  la 
terre  &  les  planètes  tournoient  autour  du 
foleil  immobile  au  centre  du  monde  ;  que 
le  mouvement  diurne  du  foleil  &  des  étoi- 
les fixes  n'étoit  qu'apparent ,  &  que  le  mou- 
vement de  la  terre  autour  de  fou  axe  étoit 
la  vraie  caufè  de  cette  apparence.  Plutar- 
que  donne  à  Pythagore  l'honneur  d'avoir 
obfervé  le  premier  l'obliquité  de  l'écliptique  ^ 
de  Placitis  philofoph.  liv.  II ,  ch.  xij.  On  lui 
attribue  aulTiles  premières  obfervationspour 
régler  l'année  ,3365  jours ,  plus  la  59=  partie 
de  2i  jours.  Ce  qu'il  y  a\oit  déplus  fingu- 
lier  dans  fon  fV'flémc  à'aftronomie ,  c'eft  l'i- 
magination qu'il  eut  que  les  planètes  for- 
moient  dans  leurs  mouvemens  un  concert 
harmonieux  ■-,  mais  que  la  nature  des  fous 
qui  n'étoient  pas  proportionnés  à  notre  oreil- 
le ,  cmpêchoit  que  nous  ne  pufllons  l'en- 
tendre. Empcdocle  ,  diiciple  de  Pythagore , 
ne  débita  que  des  rêveries.  Il  imaginoit , 
par  exemple,  que  chaque  hémifphere  a  fou 
foleil  ;  que  les  altres  étoient  de  cryftal ,  &c 
qu'ils  ne  paroiflbient  lumineux  que  par  la 
reflexion  des  rayons  de  lumière  venant  du 
feu  qui  environne  la  terre.  Philolaiis  de 

Crotone 


A  s  T 

('rotone  floriflbit  vers  l'an  450  avant  J.  C. 
Il  crut  aiiiïi  que  le  folcil  ctoit  de  cryfta! ,  & 
il  ajouta  que  la  terre  fè  inouvoit  autour  de 
cet  aftre.  Eudoxe  de  Cuide  qui  vivoit  370 
ans  avant  Jcfus-Chriil ,  fut,  au  jugement  de 
Cicéron  &  de  Sextus  Empiricus ,  un  des  plus 
habiles  aftronomes  de  l'antiquité.  Il  voya- 
gea en  Afie  ,  en  Afrique  ,  en  Sicile  ,  &  en 
Italie  ,  pour  faire  des  obfervations  allrono- 
miques.  Nous  apprenons  de  Pline  ,  qu'il 
trouva  que  la  révolution  annuelle  du  fblcil 
étoit  de  365  jours  fix  heures  j  il  détermina 
aufll  le  temps  de  la  révolution  des  planètes , 
&  fit  d'autres  découvertes  importantes, 
^lien  fait  mention  d'QEnopide  de  Chio  ,  le- 
quel étoit  auiïl  de  l'école  de  Pythagore. 
Stobée  lui  attribue  l'invention  de  l'obliquité 
de  l'écliptique  •■,  il  exhortoit  ks  difciples  à 
étudier  Yajlronomie  ^  non  par  fimple  curio- 
fité  ,  mais  pour  faciliter  aux  hommes  les 
voyages  ,  la  navigation  ,  &c. 

Meton  ,  vers  la  quatre- vingt -fcptieme 
olyinpiade  ,  publia  le  cycle  de  19  ans  ,  ap- 
pelle Ennéadécatcride .  Dans  le  cent  vingt- 
fjptieme  olympiade  ,  Aratus  compofa  les 
pnénomenes  par  ordre  d'Antigonus  Gonathas  , 
fils  de  Démétrius  Poliorcetes ,  &  lùlvant  les 
obfervations  aftronomiques  d'Eudoxe ,  dif- 
ciple  d'Archytas  de  Tarente  &  de  Platon  , 
qui  avoit  été  quelque  temps  en  Egypte  pour 
s'iniîruire  à  fond  de  ïaflronomie. 

Cependant  Vitruve  expofe  l'établilTement 
de  Vafîronomie  en  Grèce  d'une  manière  un 
peu  différente.  II  prétend  que  Berofe  Baby- 
lonien l'apporta  dans  cette  contrée  immé- 
diatement de  Babylone  ,  &  qu'il  ouvrit  une 
école  ^aftronomie  dans  l'île  de  Cos.  Pline 
ajoute  ,  liv.  VU  ,  cfiap.  xxxvij  ,  qu'en  con- 
fidération  de  fes  prédiâions  furprenaiitcs  , 
les  Athéniens  lui  élevèrent  une  ftatuc  dans  le 
Gymnafium  ,  avec  une  langue  dorée.  Si  ce  Be- 
rofe eft  le  même  que  l'auteur  de  l'hiftoire  chal- 
déenne ,  il  doit  avoir  exifté  avant  Alexandre. 

Après  la  mort  de  Pythagore  ,  l'étude  de 
\aftronomii  fut  négligée  j  la  plupart  des  ob- 
fervations céleftes  qu'on  avoit  apportées  de 
Babylone  fe  perdirent ,  &  Ptolomée  qui  en 
fit  la  recherche  ,  n'en  put  recouvrer  de  Ton 
■temps  qu'une  très-petite  partie.  Cependant 
■quelques  difciples  de  Pythagore  continuè- 
rent de  cultiver  ïajhonomie  :  entre  ces  dïi- 
<ùples  on  peut  coinpter  Ariiiarque  de  Samos. 
Tome  111. 


A  S  T  74J 

Ce  dernier  eut  une  haute  réputation  vers 
la  cent  quaramicine  olympiade  ,  &  il  fiiivit 
l'hypothefc  de  Pythagore  B<.  de  Philolaiis  , 
touchant  l'inunobilité  du  folcil.  Il  rcfte  quel- 
ques fragmens  de  lui ,  fiir  les  grandeurs  & 
les  diftances  du  folcil  &  de  la  lune. 

Archimede  vivoit  dans  le  même  temps  , 
&  il  ne  fc  rendit  pas  moins  célèbre  par  lès 
obfer\ations  ,  touchant  les  folfticcs  &  lc$ 
mouvemens  des  planètes ,  que  par  l'ouvrage 
merveilleux  qu'il  fit  ,  dans  lequel  ces  mou- 
vemens étoient  rcprélentés. 

Démocrite  &  les  Eléatiqucs  ne  firent  pas 
de  grands  progrès.  Métrodore  croyoit  la 
pluralité  des  mondes ,  &  s'imaginoit  que 
la  voie  laâée  avoit  été  autrefois  la  route  du 
foleil  :  Xcnophanes  difoit  que  le  foleil  étoit 
une  nuée  enflammée  ,  &  qu'il  y  en  ?.voit 
plufieurs ,  pour  éclairer  les  différentes  par- 
ties de  notre  terre. 

Leucippe  enfin  prétcadoitque  la  violence 
du  mouvement  des  étoiles  fixes  les  failbit  en- 
flammer ,  qu'elles  allumoient  le  foleil ,  & 
que  la  lune  participoiî  peu-à-peu  à  cette  in- 
flammation. 

Chryfippe,  chef  de  la  fe£le  des  Stoïciens 
qui  fe  forma  400  ans  avant  Jefus-Chrift  , 
croyoit  que  les  étoiles ,  tant  fixes  qu'erran- 
tes ,  étoient  animées  par  quelque  divinité. 

Platon  recommande  l'étude  de  ïa/lrono-^ 
mie  en  divers  endroits  de  fes  ouvrages  :  mais 
il  ne  paroît  pas  qu'il  ait  fait  aucunes  décou- 
vertes dans  cette  fcience  :  il  croyoit  que  le 
monde  entier  étoit  un  animal  intelligent. 

Ariftote  compofa  un  livre  fur  Xaftroiw- 
mie ,  qui  n'eft  pas  parvenu  jufquà  nous.  U 
croyoit ,  coinme  Platon  ,  que  l'univers  & 
chacune  de  les  parties  étoient  animées  par 
des  intelligences.  Il  a  obfcrvé  Mars  éciipfé 
par  la  lune  ,  &  une  comctc.  Les  écoles  de 
Platon  &  d' Ariftote  ont  produit  divers  aftro- 
nomes diftingués.  Tel  étoit  entr'autres  He- 
licon  de  Cyzique  ,  qui  poulîii  l'érude  de  ïaf- 
tionomie  ,  jufqu'à  prédire  une  éclipfe  de 
foleil  à  Dcnys  de  Siraculc. 

Numa ,  fécond  roi  de  Rome  ,  qui  vi- 
voit 736  ans  avant  Jefî-is-Chriil ,  réforma 
l'année  de  fon  prcdéceflèur  fur  le  cours  du  fb- 
lcil &  de  la  lune  en  m.ême  temps.  Tous  les 
deux  ans  il  plaçoit  un  mois  de  vingt-deux 
jours,  après  celui  de  février,  afin  de  regagner 
les  onze  jours  que  la  révolution  aiuiuclle  du 
X  i  s  s 


74^  A  S  T 

ibieil  avolt  de  plus  que  douze  révolutions 

lunaires. 

Les  làvans  font  fort  partagés  fur  le  temps 
auquel  Pytheas  de  Marfeille  a  vécu  :  fans  en- 
trer dans  cette  difpute  ,  remarquons  feulc- 
ir.em  que  c'cft  lui  qui  le  premier  prit  la 
iiauteur  du  foleil  à  midi  dans  le  temps  du 
fblftice  ,  &  qui  par  ce  moyen  trouva  l'obli- 
quité de  l'ccliptiquc  ;  ce  qui  eft  une  des  plus 
importantes  obfervaticns  de  ïajlronomie. 
Enfin  les  Ptclémées ,  ces  rois  d'Egypte  & 
ces  protecteurs  des  Iciences ,  fondèrent  dans 
Alexandrie  une  école  à'oflro-nomie. 

Les  premiers  agronomes  de  cette  école 
furent Tim.ochares&Ariftylus ,  quifaifoient 
leurs obfervations  de  concert.  Ptoîomée  nous 
en  a  confervé  une  partie. 

Vers  l'an  270  avant  Jelus-Chrift  ,  florif- 
foit  Aratus  dont  nous  avons  déjà  parlé  ,  le- 
quel compofa  fon  poëmc  fur  Vafironomie. 
Les  anciens  en  ont  fait  tant  de  cas  ,  qu'il  a 
eu  un  grand  nombre  de  commentateurs.  Il 
^'écarte  de  l'opinion  ,  qui  étoit  gcnérale- 
iTicnt  reçue  alors ,  que  le  lever  8i  le  cou- 
cher des  aflres  étoieut  la  caufedu  change- 
ment de  l'air. 

Dans  le  même  temps  qu'Ariftarque  ,  vi- 
"voit  le  fameux  Euclyde.  Outre  fes  ouvrages 
<le  géométrie  ,  on  a  encore  de  lui  un  livre 
des  principes  de  Ycjironomie  ^  où  il  traite  de 
■la  /phere  &  du  premier  mobile.  Sous  le 
règne  de  Ptolémce  Philadelphe  parut  Fha- 
nethon  ,  dont  il  nous  refte  un  ouvrage  que 
Jacques  Cronovius  fit  imprimer  à  Lcyde  en 
1698.  Eratofthene  fiit  appelle  d'Athènes  à 
Alexandrie  par  Ptolémée  Evergcte;  II  s'ap- 
pliqua beaucoup  à  \ aftronorràe  ,  relative- 
ment à  la  gco;rraphie.  Il  fixa  la  diflance  de 
la  terre  au  loleil  ï.<.  à  la  lune  ;  détermina  la 
longitude  d'Alexandrie  &  de  Syene  ,  qu'il 
"jugeoitétre  fous  le  mém.e  méridien  ;  &  ayant 
calculé  la  diftance  d'une  de  ces  deux  villes 
à  l'autre ,  il  ofa  mefcrer  la  circonférence  de  la 
terre,qu'ilfîxaentre2  5oooo&25icoollades. 

Cononqui  vivoit  fous  les  Ptolémées  Phi- 
ladelphe &  Evergete^  fît  pluficurs  obferva- 
tions fur  les  éclipfes  de  foleil  &  de  lune,  & 
■il  découvrit  une  conlîcllation  qu'il  noinm.a 
à/icvelurc  de  Bérénice  ;  Callimaque  en  fît  un 
poëme ,  duquel  nous  avons  la  tradudior. 
par  Catule.  Mais  à  la  lête  de  tous  ces  aftro- 
î}omes  011  doit  placer  Ilipparque ,  qui  eu- 


A  S  T 

treprit ,  pour  me  fcr\  ir  des  exprefîîons  de 
Pline  ,  un  ouvrage  fî  grand ,  qu'il  eût  été  glo- 
rieux pour  un  dieu  de  l'avoir  achcvé,rf  m  etiaiTt- 
deo  improbam  :  c'étoit  de  nombrer  les  étoiles ^ 
&  de  lailfcr  ,  pour  ainfidire ,  le  ciel  à  lapof- 
térité  comm.e  un  héritage.  Il  calcula  les  éclip- 
fes de  lune  &  de  foleil  pour  fix  cents  ans ,  6c 
ce  fut  for  fos  obfervations  que  Ptoîomée  éta- 
blit fon  fameux  traité  intit'iilé  uA-yàMTcvr-j.- 
(i,  Hipparque  conunença  à  paroître  dans  la 
cent  cinquante -quatrième  olympiade  \,  il 
comiuenta  les  phénomienes  d'Aratus ,  &  il  a 
montré  en  quoi  cet  auteur  s'étoit  trompé. 

Les  plus  illuftres  aftronomes  qui  font  ve- 
nus eufuite  ,  ont  été  Géminus  de  Rhode,. 
dans  l'olympiade  178  j  Théodore  Tripoli- 
tain  ■■,  Sofigcnes  ,  dont  Céfar  fe  forvit  pour 
la  réformation  du  calendrier  ^  Andromaque 
de  Crète  :  Agrippa  Bithynien  dont  parle 
Ptoîomée  ,  lib.  Fil ,  chap.  iij.  Ménélaiis 
fous  Trajan  ;  Thcon  de  Smyrne  ■-,  &  enfîu 
Claude  Ptoîomée  qui  vivoit  fous  Marc- Au- 
rele ,  &  dont  les  ouvrages  ont  été  jufqu'aus 
derniers-  fîecles  le  fondement  de  toute  Yaf- 
troncmii  .  non  feuleiuent  parmi  les  Grecs  ,, 
mais  encore  parmi  les  Latins ,  les  Syriens  , . 
les  Arabes  &  les  Perfans.  Il  naquit  à  Pclufa 
en  Egypte ,  &  fît  la  plus  grande  partie  de 
fos  obfervations  à  Alexandrie.  Profitant  do 
celles  dlHipparque  &  des  autres  anciens  af- 
tronoîues,  il  forma  un  fyflême  cVûfIronc-< 
ir.ic'  r{ui  a  été  foivi  pendant  plufieurs  lîecles. 
Sextus  Empir(icus  ,  originaire  de  Cheronéo 
&  ne\eu  du  fameux  Plutarque  ,  qui  vivoit . 
dans  le  même  fîecle ,  &  qui  dans  les  ouvra^ 
ges  qui  nous  refteiit  de  lui,  fe  moque  de 
toutes  les  fciences,  n'a  cependant  ofé  s'atta- 
quer à  ïajlronomie.  Bien  plus ,  le  cas  qu'il 
en  fait  le  porte  à  réfuter  folidcnient  lesChal- 
déens  ,  qui  abufont  de  Xajironomie  ,  laren- 
doient  méprifable.  Nous  trouvons  encore 
au  deuxième  fîecle  Hypficles  d'Alexandrie  , 
auteur  d'un  livre  (ïajfronoinie  qui  nousrcflci 

On  ne  trouve  pas  que  dans  un  allez  long 
eijjace  de  tcn'ips  il  y  ait  eu  parmi  les  anciens 

omains  de  grands  ailrononios.  Les  dé- 
fauts de  l'année  de  Numa  ,  &  le  peu  d'or- 
dre qu'il  y  eut  dans  le  caleiuirier  jufcju'à  la 
réformation  de  Jules  Célîir,  doivent  êt;e 
regardés  plutôt  comme  un  eflét  de  fincapa- 
cité  des  pontifes,  que  comme  une  mar-- 
que  de  leur  Hegligcnce,  L'iui  sj^o  de  Kome>, 


A  s  T 

^ulpiciiis  Gallus ,  clans  la  guerre  contre  les 
Perles ,  voyant  les  IblJats  troubles  par  une 
çclipfc  de  hitie  ,  les  raliura  en  leur  en  expli- 
quant les  caulcs.  Jules  Céliir  cultiva  Vaf- 
tronomie  j  Macrobc  ck  Pline  alfurcnt  même 
qu'il  compofa  quelque  cliofe  fur  cette  fcien- 
te.  Elle  fut  au(ji  du  goût  de  Ciccron  ,  puil- 
qu'il  fit  la  verlion  du  poënie  d'Aratus  fur 
ïajhor.oriie.  Tercntius  Varron  ,  cet  homme 
uni\eriél ,  fut  aulîi  aCtronome.  Il  y  eu  eut 
même  qui  firent  leur  unique  étude  de  cette 
Tcieuce.  Tel  fut  P.  Nio-idius ,  qui  donna 
dans  l'aftrologie  judiciaire ,  &  qui ,  à  ce 
qu'on  prétend  ,  prédit  l'empire  à  Àugufte  le 
jour  même  de  fa  naillance.  Manilius  qui 
/loriiroit  fous  cet  empereur ,  fit  un  poëme 
iùr  cette  fcience.  Nous  avons  aulfi  l'ouvrage 
de  Caius  Julius  Hyginus,  affranchi  d'Au- 
f^ufte.  Cependant  le  nombre  des  agrono- 
mes fut  fort  petit  chez  les  Romains ,  dans 
des  tciîips  où  les  arts  &  les  fcieuces  paroif- 
fbient  faire  les  délices  de  ce  peuple.  La  \é- 
ritable  caufe  de  cette  négligence  à  cu!ti\cr 
l'ûfhonomkf  elt  le  mépris  qu'ils  en  failoient. 
Les  Chaldéens ,  qui  renfeignoient  à  Rome, 
donnoient  dans  l'altrologie  :  en  falloit-il  da- 
vantage pour  dégoûter  des  gejis  de  bon  fëns  ? 
aulfi  les  magillrats  chalferent-ils  divcries  fois 
ces  fourbes. 

Séueque  avoit  du  goût  pour  l'aftrologie  , 
connue  il  paroît  par  quelques  endroits  de 
fes  ouvrages.  Pline  le  naturalise  ,  dans  fon 
importaiit  ouvrage,  paroît  n'avoirpas  ignoré 
ïajironomie  ■-,  il  a  même  beaucoup  contri- 
bué aux  progrès  de  cette  fcience  ,  eu  ce 
qu'il  nous  a  confervé  un  grand  nombre  de 
fragmens  des  anciens  aftronomcs.  Sous  le 
règne  de  Domitien  ,  Agrippa  fit  diverfes 
obfèrvations  aftrcnomiques  en  Bithyuie. 
L'on  trouve  dans  les  écrits  de  Plutarque  di- 
vers palfages  qui  luarquent  qu'il  n'étoit  pas 
ignorant  dans  cette  fcience.  Méiiélaiis  étoit 
aftronome  de  profefiîon  ^  il  fit  fes  oblèrva- 
tions  à  Rome  j  Ptolomée  en  failbit  gnuid 
cas.  Il  compofa  trois  livres  de  figures  fphé- 
riques ,  que  le  P.  Merfénne  a  publiés.  Enfin 
il  faut  encore  placer  dans  ce  fiecle  1  hcon 
de  Smyrne  ,  déjà  nomiué  '-,  il  écrivit  fîir  les 
diverfes  parties  des  mathématiques ,  du  nom- 
bre defquelles  efl  Xaftronomie.  Les  aftrolo- 
gues  ,  nommés  d'abord  chaL'ctns ,  &  cn- 
iuite  mathématiciens ,  étoient  fort  en  vogue 


A  S  T  747 

daas  ce  fiecle  à  Romc^  les  empereurs  Jklcs 
grands  en  faifoient  beaucoup  de  cas. 

Cenforiu  ,  qui  vivoit  fous  L-s  Gordiens  , 
vers  l'an  238  de  J.  C.  a  renfermé  dans  fou 
petit  traité  de  dienaiali^  un  grand  nom- 
bre d'obfervations  qui  ne  fè  trouvent  point 
ailleurs. 

Anatolius,  qui  fut  évêque  de  Laodicéc  , 
compofa  un  traité  de  la  Pâquc ,  où  il  fait 
\oir  Ion  halîileté  dans  ce  genre.  Septinie 
Séxe.'e  fav(;ri(â  au  commencement  du  troi- 
(icmc  fiecle  le»  luathématicieus  ou  aftrolo- 
gues  -^  mais  fiir  la  {\\\  de  ce  fiecle  DiocIéticH 
&  Maximieu  leur  déléudircnt  la  pratique 
de  leur  art. 

Macrobe ,  Marcianus  Capella  &  quel- 
ques autres ,  n'oi;t  parlé  qu'en  pafiant  de 
Xafironomie. 

Nous  avons  de  Firmicus  huit  livres  fur 
Wifironomie  ;  mais  comme  il  donnoit  beau- 
coup dans  les  rêveries  des  Chsidéens ,  fon 
ouvrage  n'efi  pas  fort  inflructif.  Théon  le 
jeune  ,  d'Alexandrie  ,  fit  di\'crlés  obfèrva- 
tions ,  &  compofa  un  comiucntaire  fur  un 
ouvrage  de  Ptolomée  ,  dont  les  favans  font 
cas  encore  aujourd'hui.  Hypatia  fe  difîin- 
gua  dans  la  même  fcience,  mais  il  ne  nous 
refie  rien  d'elle.  Paul  d'Alexandrie  s'appli- 
qua à  la  fcience  des  horofcopes ,  &  nous 
avons  fon  introdudtion  à  cette  fcience  pré- 
teiidue. 

Pappus  elî  connu  par  divers  fragmens  qui 
font  regretter  la  perte  de  fes  écrits.  On  place 
auili  dans  le  quatrième  fiecle  Théodore  Mau- 
lius  ,  conful  romain ,  qui  ,  au  rapport  de 
Claudien ,  fit  un  ouvrage ,  qui  s'efî  perdu  , 
fur  la  nature  des  chofes  &  des  aflres  ^  Se 
Achillcs  Tatius ,  dont  nous  avons  un  com- 
mentaire fur  les  phénomènes  d'Aratus. 

Synéfius,  é\êque  de  Ptolémaïde,  fut  dif^ 
ciple  de  la  célèbre  Hj-patia.  Il  nous  reftc 
de  lui  un  difcours  à  Pœouius  ,  où  il  fait  la 
defcription  de  fbn  aflrolabe^  c'étoit  une  ef- 
pece  de  globe  célefte.  Ru  fris  Eelîus  Avienus 
fit  une  paraphrafe  en  vers  hexamètres  des 
phénomènes  d'Aratus ,  qui  efl  parvenue  jiif- 
qu'à  nous.  Le  commentaire  de  Macrobe 
fur  le  fonge  de  Scipion',  fait  voir  qu'il'  n'é- 
toit pas  ignorant  dans  ïn[}ronomie.  Capella, 
qui  fut  proconful ,  écrivit  fur  cette  fcience 
rou\'rage  que  nous  connoifîbns  fous  le  nom 
I  de  Satyriœn.  Proclus  L5-cius ,  cet  ennemi 
X  X  XX  2 


748      .    .         A  S  T 

du  cliriftianiCne  ,  étoit  favant  dans  \'afiro- 
uomie ,  comme  plufîeurs  ouvrages  qui  nous 
relient  de  lui  en  font  foi. 

Parmi  les  aftronomes  du  fixieme  fiecle  il 
faut  placer  Boëce  ,  car  fes  écrits  prouvent 
qu'il  sY'toit  appliqué  à  cette  icicncc.  Thius 
fit  des  obfèn'ations  à  Athènes  au  commen- 
cement du  même  lîecle  :,  elles  ont  été  im- 
primées pour  la  première  fois  à  Paris  en  1645, 
fur  un  manufcrit  de  la  bibliothèque  du  roi. 
Les  progrès  de  Denys  le  Petit  à  cet  égard 
font  connus.  Laurentius  de  Philadelphie 
compofa  quelques  ouvrages  diaftronomie  qui 
ne  fubfiftent  plus.  Ce  que  Cafliodore  a  écrit 
eft  trop  peu  de  chofe  pour  lui  donner  rang 
parmi  les  aftronomes.  Il  en  faut  dire  autant 
de  Simplicius  5  fon  commentaire  ilir  le  li- 
vre d'Ariilote ,  de  Calo  ,  montrent  pourtant 
une  teinture  de  cette  fcicnce. 

Dans  les  fiecles  vu  &  V  1 1 1 ,  nous  trou- 
vons llldore  de  Séville,  à  qui  ïaftronomie  ne 
doit  aucune  découverte.  Léontius ,  habile 
dans  la  méchanique ,  conftruiiît  une  fphere 
en  faveiir  d'iui  de  fes  amis,  &  com.pofa  un 
petit  traité  pour  lui  en  faciliter  l'ufage.  L'on 
trouve  dans  les  ouvrages  du  vénérable  Bede 
diverfès  chofes  relatives  à  ïaftronomie.  Al- 
cuin  fon  difciple  cultiva  auffi  cette  fcience  , 
&  porta  Charlemagne ,  dont  il  avoit  été 
précepteur ,  à  favorilér  les  (itvans. 

Les  auteurs  qui  ont  écrit  depuis  Conftan- 
tin  jufqu'au  temps  de  Charlemagne ,  &  de- 
puis ,  réduifoient  toute  leur  étude  à  ce  qui 
«voit  rapport  au  calendrier  &  au  comput 
eccléfiaftique.  Charlemagne  ,  fuivant  le  té- 
moignage d'Eginhard  &  de  la  plupart  des 
hiJloriens ,  étoit  favant  dans  ïaftronomie  ;  il 
donna  aux  mois  &  aux  vents  les  noms  alle- 
mands qui  leur  reftent  encore ,  avec  peu  de 
changement.  L'ambalfade  que  lui  envoya 
Aaron  Refchild  eft  fameufe  dans  l'hiftoire  , 
;i  caufè  des  pré/èns  rares  dont  elle  étoit  ac- 
compagnée, parmi  le{qucls  on  marqi;e  une 
horloge  ,  ou ,  félon  d'autres ,  un  planiiphere. 

L'auteur  anonyme  de  la  chronique  des 
rois  francs ,  Pépin  ,  Charlemagne  &  Louis , 
cultiva  ïûftronomie.  Il  a  inféré  pluiieurs  de 
les  obfsrvations  dans  fa  chronique.  Une 
preuve  de  fon  habileté  Si  de  fes  progrès  , 
c'eft  qu'il  prédit  une  éclipfc  de  Jupiter  par 
la  lune  ,  &  qu'il  l'obicrva.  Sur  la  fin  du 
ilixicuœ  lletie  ou  trouve  le  nioiue  Gerbert , 


A  S  T 

qui  fut  évêque  &  cnfuite  pape  fous  le  nort\ 
de  Syiveftre  II,  Il  étoit  favant  dans  ïaftro- 
nomie &c  dans  la  méchanique ,  ce  qui  lui 
attira  le  foupçon  de  magie.  Il  fit  une  hor- 
loge d'iuie  conftrudlion  merveilleufe  ,  &  un 
globe  célefte.  Il  faut  placer  dans  le  onzième 
(jecle  Jeun  Campanus  de  Novarre  ;  Michel 
Pfellus,  fénateur  de  Conftantinople  ^  Her- 
mannus  Contraélus ,  moine  de  Reichenau  , 
&  Guillaume  ,  abbé  de  S.  Jacques  de 
Wurtzbourg.  Ils  ont  tous  écrit  fur  ïaftro- 
nomie. Dans  le  douzième  fiecle  Sigebert  de 
Gemblours  s'attacha  à  marquer  les  temps 
félon  le  cours  du  foleil  &  de  la  lune.  Athé- 
lard  ,  moine  anglois ,  fit  un  traité  de  l'allro- 
labe  ;  &  Robert ,  évéque  de  Lincoln ,  un 
autre  de  la  fphere.  Jean  de  Sé\'ille  traduifit 
ÏAlfragan  de  l'arabe  en  latin. 

Une  des  principales  caufes  du  peu  de  pro- 
grès que  ïaftronomie  a  fait  pendant  plufieurs 
fiecles ,  fut  l'ordre  que  donna  Omar  III ,  ca- 
life des  Sarrafins ,  de  brûler  tous  les  livres 
qui  k  trouvoient  en  Orient  vers  le  milieu  du 
feptieme  fiecle.  Le  nombre  de  ceux  qui  fe 
trouvoient  à  Alexandrie  étoit  immeniè  ;  ce- 
pendant comme  il  fallut  employer  plus  de 
fix  mois  pour  exécuter  l'ordre  du  calife ,  qui 
achevoit  pour  lors  la  conquête  de  la  Perfe  , 
les  ordres  qu'il  avoit  envoyés  ne  furent  pas 
fi  rigoureufement  exécutés  en  Egypte ,  qu'il 
n'échappât  quelques  manulcrits.  Enfin  la 
perfécution  que  les  différentes  fèftes  qui  s'é- 
toient  élevées  parmi  les  mahométans,avoient 
fait  naître  tant  en  Afrique  qu'en  Afie ,  ayant 
ceifé  preiqu'entiérement ,  les  mêmes  Arabes 
ou  Sarraiins  recueillirent  bientôt  après  un 
grand  nombre  d'écrits  que  les  premiers  ca- 
lifes Abbaiîides  firent  traduire  d'après  les 
veriions  fyriaques  ,  &  enftiite  du  grec  en 
leur  langue  ,  laquelle  eft  devenue  depuis  ce 
temps  la  langue  favante  de  tout  l'Orient. 

On  fait  qu'en  général  les  Arabes  ont  fort 
cultivé  les  fciences  •■,  c'eft  piu"  leur  moyen 
qu'elles  ont  palfé  aux  Européens.  Lorfqu'ils 
fè  rendirent  maîtres  de  l'Efpagne,  ils  avoient 
ttaduit  en  leur  langue  les  meilleurs  ouvrages 
des  Grecs.  C'eft;  fur  ces  traduètions  que  les 
Occidentaux  fe  formèrent  d'abord  quelque 
idée  des  fciences  des  Grecs.  Ils  s'en  tinrent 
à  ces  traduftions  jufqu'à  ce  qu'ils  euifent  les 
originaux.  iJaftronomie  n'étoit  pas  la  fcience 
Ift  moius   cultiACC  parmi  ces  peuples.  Ils 


A  s  T 

ont  écrit  un  ^raiid  nombre  de  livres  fur  ce 
fujet;  la  feule  bibliothèque  d'Oxford encon- 
tieiit  plus  de  400 ,  dont  la  plupart  font  in- 
connus aux  f  ivans  modernes.  L'on  n'en  fera 
pas  iiirpris,  fi  l'on  fait  attention  que  les  cali- 
fes eux-mêmes  s'appliquoient  à  \û/fronomie, 
&  récompenfoient  en  princes  magnifiques 
ceux  qui  fe  diftinguoicnt  dans  cette  fcience. 
Le  plus  illuftrc  parmi  les  princes  niahomé- 
tans  qui  ont  contribué  à  perfectionner  l'j.^rro- 
nomie ,  non-feulement  par  la  traduction  des 
livres  grecs,  mais  encore  par  des  obfcrvations 
aftronomiques  faites  avec  autant  d'exafti- 
tude  que  de  dcpeHfe  ,  a  été  le  calife  Alma- 
moun  ,  fepticme  de  la  fam.ille  des  AbbaHi- 
dcs  ,  qui  commença  fou  empire  en  813. 
Il  étoit  fils  de  cet  Aaron  Rcfchild  dont  nous 
avons  parlé  à  l'occalion  de  Charlemagne. 
On  dreffa  fur  les  obicrvations  qu'il  fit  faire  , 
les  tables  allronomiques  qui  portent  fon 
nom.  Il  en  fit  faire  d'autres  pour  la  mefure 
de  la  terre  ,  dans  les  plaines  de  Sinjar  ou 
Sennaar ,  par  trois  frères  très-habiles  afiro- 
nomes  ,  appelles  hs  enfar.s  de  Muffa.  Le 
détail  de  ces  obfcrvations  efc  rapporte  par 
ditférens  auteurs  cités  par  Golius  dans  fes 
fa'/antes  notes  fur  Xalfragan.  Il  ramalfa  de 
tous  côtés  les  meilleurs  ouvrages  des  Grecs , 
qu'il  fit  traduire  enarabe;,  il  les  étudioit  avec 
foiii ,  il  les  communiquoit  aux  favans  de  fbn 
empire  :  il  eut  fur-tout  un  grand  foin  de  faire 
traduire  les  ouvrages  de  Ptolomée.  Sous  fbn 
règne  fleurirent  pluiieurs  favans  aftronomes  ■■, 
&  ceux  qui  font  curieux  de  connoître  leurs 
ouvrages  &  ce  que  Yafîronomie  leur  doit , 
trouveront  de  quoi  fe  fatisfaire  dans  Abulfa- 
rage  ,  d'Herbelot,  Hottingcr,  &c.  qui  font 
c;;trcs  fur  ce  fiijet  dans  un  allez  grand  détail. 
Quelques  favans  fe  font  appliqués  à  tra- 
duire quelques-uns  de  leurs  oiivrages ,  ce  qui 
a  répandu  beaucoup  de  jour  CmYa/Ironom/e. 
Il  feroitàfouhaiîerque  l'on  prît  le  même  foin 
de  ceux  qui  n'ont  pas  encore  été  traduits. 
Depuis  ce  temps  les  Arabes  ont  cultivé  Yûf- 
tronumie  avec  grand  foin.  Alfragan ,  Abu- 
niadar ,  Albategni ,  Geber ,  &c.  ont  été  con- 
nus par  nos  auteurs ,  qui  les  ont  traduits  & 
commentés  fur  des  traduéiions  hébraïques 
faites  par  des  juifs  ^  car  jufqu'aux  derniers 
llccics  prefque  aucune  traduction  n'avoir  été 
faite  fur  l'arabe.  I!  y  en  a  encore  un  grand 
nombre  d'autres  qui  ne  le  cedentpoiuî  à  ceux 


A  S  T  749 

<^je  nous  contioifTon^.  De  plus ,  à  l'cKemple 
d'Alinamomi ,  di\'ers  prir.ces  ont  fait  renou- 
veller  les  ohfervations  aflronomiques  pouT 
fixer  le  temps ,  ainfi  que  fît  Mclikfchab ,  le 
plus  puiflantdesfultans  Seljukides,  lorfqu'il 
établit  l'époque  gélaléenne ,  ainfi  appelléc  à 
caufc  que  Geialeddin  étoit  fbn.  furnom.  Les 
califes  Ahnanzor  &  Almamoun  étant  fouve- 
rains  de  la  Pcrfè  ,  inlpirerent  aux  Perfans  du 
goût  pour  cette  li;icnce.  Depuis  eux  il  y  a  eu 
dans  cette  nation  de  temps  en  temps  des  af- 
tronomes  célèbres.  Quelques-inis  des  m.onar- 
ques  perfans  ont  pris  des  foins  très-louabics 
pour  la  reformation  du  calendrier.  Aujour- 
d'hui même  ces  princes  font  de  grandes  dé- 
penfos  pour  le  progrès  de  cette  fcience ,  mais 
avec  fort  peu  de  fuccès  :  la  raifon  eft  qu'au 
lieu  de  s'appliquer  à  l'fl/z'rowoOT/V, ils  n'étudient 
les  ailres  que  pour  prédire  l'avenir.  On  trouve 
dans  les  voyages  de  Chardin  ,  un  long  paf- 
(àge  tout-à-fait  curieux  ,  qui  donne  une 
jufte  idée  de  l'état  de  cette  fcience  chez  les 
Perfans  modernes. 

LesTarraresdelccndansde  Ginghifchan  & 
de  Tam.crlan  ,  eurent  la  même  paiïion  pour 
Xaftronomic.  Naiîireddin ,  natif  de  Tus  dans 
le  Corafàn  ,  auteur  d'un  commentaire  far 
Euclyde ,  qui  a  été  imprimé  à  Ron-ic ,  a  dreffé 
des  tables  aili'onomiqucs  fort  cflimées  :  il 
vivoit  en  ix6\.  Le  prince  Olugbeg  qui  étoit 
de  la  même  maifon  ,  fit  bâtir  à  Saraar- 
cande  un  collège  Si  un  obfervatoirc  ,  pour 
lequel  il  fit  faire  de  très-grands  inflrumens; 
il  fé  joignit  à  fes  aflronoines  pour  faire  des 
observations.  Les  Turcs  difent  qu'il  fit  faire 
\\n  quart  de  cercle  ,  dont  le  rayon  avoit  plus 
de  180  pies  :  ce  qui  efi:  plus  fur  ,  c'eil  qu'à 
l'aide  de  lès  afîronomes  i!  Ht  des  tables  pour 
le  méridien  de  Samarcande  ,  drcsTaun  cata- 
logue des  étoiles  fixes  vilibles  dans  cette  ville, 
Sccompofa  div'crs  ouvrages,  dont  quelques- 
uns  font  traduits  en  latin  ,  &  les  autres  font 
encore  dans  la  langue  dans  laquelle  ils  ont  été 
compolés.  Il  y  a  tout  lieu  de  croire  que  les 
obfcrvations  aftronomiques  trouvées  dans  le 
iiecle dernier  entre  les  mains  des  Chinois,  y 
avoient  paffé  de  Tartarie  ;  car  il  y  a  des 
pre.r.es  certaines  que  Ginghifchan  entra 
dans  la  Chine  ,  &  que  fes  defcendans  fu  - 
reiit  maîtres  d'une  grande  partie  de  ce  vaftc 
cfiipire ,  où  ils  portèrent  vraifemblablement 
les  obfervatioiis  ëc  les  tables  qui  avoient  été 


T50  A  S  T 

faites  par  les  aftioncmes'dc  Cciofan.  Au 
refie  ,  Ya(l:oiiomi£  a  été  cultivée  prerque  de 
temps  iniinéinoririi  à  la  Chine.  Les  million- 
naires jéfuites  fe  font  fort  appliqués  à  déchif- 
frer les  anciennes  obfèrvations.  L'on  en  peut 
voir  riiiftoire  dans  les  obfervations  du  P. 
Souciet.  En\iron  400  ans  avant  J,  C.  les 
fciciiccs  furent  négligées  chez  les  Chinois. 
Cette  négligence  alla  en  croillant  juiqu";! 
l'empereur  ITin-Chi-Hoang.  Celui-ci  iîtbrû- 
Jer  246  ans  avant  J.  C.  tous  les  livres  qui 
traitoient  des  fciences  à  l'exception  de  ceux 
de  médecine,  d'allrologie ,  &  d'agriculture  : 
c'eil:  par-là  que  périrent  toutes  les  obièrva- 
tious antérieurc-s  à  ce  temps  :  400  ans  après, 
Licou-Pang  rétablit  les  fciences  dans  fon 
empire  ,  &  érigea  un  nou\cau  tribunal  de 
mathématiques.  L'on  fit  quelques  inftrumcns 
pour  obfcrver  les  aftres  ,  &  l'on  régla  le 
C3'endrier.Depuiscctemps-làr^///'o/.'0/7!/fn'a 
point  été  négligée  clicz  ce  peuple.  I!  lènible 
que  les  obfervations  faites  depuis  tant  de 
lîccles ,  fous  les  aufpices  &  par  les  ordres  de 
pulifaus  monarques ,  auroient  dû  fort  enri- 
chir Vafironomie. 

Cependant  les  miflîonnaires  qui  pénétrè- 
rent dans  cet  empire  fur  la  fin  du  xvj^  ficelé, 
trouv^erent  que  l'état  où  étoit  cette  fcience 
parmi  les  Chinois  ,  ne  répondoit  point  à  la 
longue  durée  de  leurs  obfervations.  Ceux 
d'entre  les  miflicnnaires  jéfuites  qui  entcn- 
doient  les  mathématiques  ,  s'infinuerent  par 
ce  moyen  dans  l'ciprit  du  monarque.  Les 
plus  habiles  devini-ent  préfidens  du  tribunal 
de  mathématiques ,  &  travaillèrent  à  mettre 
Ycftro.iomic  fur  un  meilleur  pié  qu'elle  n'avoit 
été  auparavaiit.  Ils  firent  des  inftrumens 
plus  exacts  que  ceux  dont  on  s'étoit  fcrvi 
jufqu'alors ,  rendirent  les  obfervations  plus 
jufies ,  &  profitèrent  des  connoiifances  des 
Occidentaux.  V.  les  relations  du  P.  Verbiefr  , 
&  des  autres  miiTionnaires ,  ou  bien  la  def- 
cription  de  la  Chine  ^  par  le  P.  Du'ialde. 

A  l'égard  des  Juifs,  quoiqu'ils  aient  com- 
pofé  un  allez  grand  nombre  d'ouvrages  fur 
la  fphcre,  dont  quelques-uns  ont  été  impri- 
jnés  par  Munflcr  en  hébreu  &  en  latin .  il  y 
a  peu  de  chofes  néanmoins  où  ils  puiifcnt 
être  confidérés  comme  originaux.  Cepen- 
dant comme  la  plupart  d'cntr'cux  favoicnt 
l'arabe,  &;  que  ceux  qui  ne  le  favoicnt  pas 
Wouvoicnt  des   tradudioiis  hébraïque?   de 


A  S  T 

tous  les  anciens  aftronomes  Grecs  ,  ils  poit- 
voient  aiféinent  avec  ce  fecours  faire  valoir 
leur  capacité  parmi  les  chrétiens.  Depuis  la 
nailfancede  J.  C.  quelques-uns  de  leurs  doc- 
teurs ont  étudié  ïafaononiii  ,  pour  régler 
feulement  le  calendrier ,  &:  pour  s'en  fervir 
à  l'adrolûgie ,  à  laquelle  ils  font  fort  adonnés. 
Celui  qui  paroit  avoir  fait  le  plus  de  progiès 
dans  cette  fcience  ,  c'cft  R.  Abraham  Za- 
chut.  Il  vivoit  fur  la  fin  du  xv-  fiecle ,  ôc  fut 
proreflèur  en  tf/2ro/2o/72/>àCarthage  en  Afri- 
que ,  &  enfuite  à  Salamanque  ^  on  a  de  lui 
divers  ouvrages  fur  cette  fcieiice. 

Les  Sarrafms  avoient  pris ,  en  conquérant 
rEg}'pte  ,  une  teinture  à'afcronomie  ,  qu'ils 
portèrent  avec  eux  d'Afi'iquc  en  Efpagne  ^ 
&  ce  ïut  là  le  circuit  par  lequel  cette  fcience 
rentra  dans  l'Europe  après  un  long  exil. 
Voici  les  plus  fameux  aftronomes  qui  fê 
foicnt  diftingués  en  Europe  depuis  le  xij^ 
iiecle.  Clément  de  Langthon  ,  prêtre  ëc 
clianoine  Anglois ,  écrivit  vers  la  fin  du  xij^ 
fiecle  fin-  Vafrronomie.  Le  xii]*  fiecle  oUre 
d'abord  Jordanus  Vemoracius  ,  &  eufiiite 
l'empereur  Frédéric  II ,  qui  fit  traduire  de 
l'arabe  en  latin  les  meilleurs  ouvrages  de 
philofophie  ,  de  médecine  &  aaftronomic. 
Il  avoit  beaucoup  de  goût  pour  cette  der- 
nière fcience ,  julque-là  qu'il  difoit  un  jour 
à  l'abbé  de  Saint-Gai ,  qu'il  n'avoit  rien  de 
plus  cher  au  monde  que  fon  fils  Conrad  , 
&  une  fphere  qui  marquoit  le  mouvement 
des  planètes.  Jean  de  Sacro-Bofco  vivoit 
dans  le  mêm.c  temps  ■■,  il  étoit  Anglois  de 
nailTance  ,  &  profellbur  en  philofophie  à 
Paris ,  où  il  compcfa  ibn  li'.re  de  la  fphere, 
qui  fut  fi  cftimé  ,  que  les  profeiîéurs  en 
aftronomie  l'cxpliquoient  dans  leurs  leçons. 
Albertle  grand ,  cvêquedc  Ratisbonne, s'ac- 
quit auiîi  une  grande  réputation  :  il  com- 
pofa  un  traité  d\:fnonomie ,  &  fè  dillingua 
dans  la  méchanique  par  rin\ention  de  plu- 
fieurs  machines  furprenantes  pour  ce  temps- 
là.  Depuis  ce  fiecle  Yafcro/iomie  a  fait  des 
progrès  coniîdérables  :  elle  a  été  cultivée 
par  les  premiers  génies  &  protégée  par  les 
plus  grands  princes.  Alphonfè  ,  roi  de  Caf- 
tille,  l'enrichit  même  des  tables  qui  portent 
toujours  fbn  nom.  Ces  tables  furent  drelîees 
en  1270  ;  &  ce  furent  des  Juifs  qui  y  eurent 
la  plus  grande  part.  ^''.  Taull:.  Roger  Ba- 
con ,  moine  Anglois  ,  vivait  dans  le  même 


AS  T 

temps.  Guido  Bonatus,  Italici! ,  de  Frioul  , 
cil  1184.  Eii  1310  ,  Pctrus  Apoiiciilîs  ,  qui 
lut  iliWï  de  quelques  antres  moins  conliiié- 
rablcs  en  comparaifon   de  Pierre  d'Ailly  , 
cardinal  Se  évcqne  de  Cambray  ,  &  du  car- 
dinal Nicolas  de  Cu(a ,  allemand ,  en  1440  ; 
Dominique  Maria ,  Bolonois,  précepteur  de 
Copernic i  George  Purbachius,  ain{i  appelle 
dubouri^deBurbach  fur  les  frontières  d'An- 
trichc  &  de  Bavière,  qui  enfei^^na  (niblique- 
incnt  la  philofopiiie   <à  Vienne ,  cil  un  de 
ceux  qui  ont  le  plus  contribué  au  rétablilié- 
nient  de  ïafironomic.  Il  fit  connoillaucc  avec 
le  cardinal  Beiîarion  pendant  /hléf^ation  vers 
l'empereur.  Par  le  con/eil  de  Belfarion  , 
Purbacîuus  alla  en  Italie  pour  apprc.idre  la 
langue  greque  ,  &  anllî-tôt  il  s'appliqua  à 
la  lecture  de  Valmagcffi:  de  Ptoloinée,  qu'on 
n'avoit  lu  depuis  pluiicurs  liecles  que  dans 
ces  traduiftions  im]5aifaites  ,  dont  il  a  été 
parlé  ci-delîiis ,  f  ;itcs  fur  les  hébraïques  , 
qui  avoient  été  faites  fur  les  arabes ,  &  celles- 
ci  lin-  les  fyriaques.    Il  uvoit  ccmme;icé  un 
abrégé  de  ïalinagejh  fur  l'original   grec  : 
mais  il  ne  put  aller  qu'au  iixieme  livre,  étant 
mort  en  1461  ,  âgé  ieuicmeiit   de  39  ans. 
Son  principal  difciplc  fut  George  ALdler  , 
appelle coirimuiiérr.ent  P.cgiomontanus ,  par- 
ce qu'il  ctoit  natif  de  Konisherg  en  Pnific. 
Il  fut  le  premier  qui  compofa  des  éphéméri- 
des  por.r  plijfieurs  années  ,   &  divers  a.;îres 
ouiTagcs  très-eftiinés,  entre  autres  les  Théo- 
riques des  planètes.  Après  la  mort  de  Purba- 
chius il  palfa  en  Italie  avec  le  cardinal  Belfa- 
rijn;  après  avoir  vifité  les  principales  aca- 
tlémies  d'Italie  ,  il  revint  à  "v'ienne  ,  d'où  le 
loi  de  Hongrie  l'appella  à  Bude  :  mais  la 
guerre  allumée  dans  ce  pays  inquiétant  Ké- 
giomontanus  ,  il  fe  retira  à  Nuremberaf  en 
147 1 ,  &  s'y  lia  d'amitié  a\'ec  un  ri jlie  bour- 
geois nonnné  Btrnard  Walther  ,  qui  avoit 
beaucoup  de  goût  pour  Xaflronomie.   Cet 
homme  fît  la  dépenfe  d'iuie  imprimerie  ck 
de    plufieurs    infirumcns    afi;ronomiques   , 
avec  leiqucls  ils  firent  divcnes  obfervjtions: 
Sixte  IV  appe'la  Régiomciitanus  à  Rome 
pour  la  réforjne  du  calendrier  :  il  partit  au 
mois  de  juillet  1475  ,  après  avoir  été  créé 
évcque  de  Ratisbonrie  :   il  ne  fit  pas  long 
féjour  à  Rome  ,  y  étant  m.ort  au  bout  d'un 
an.  Régiomontanus  avoit  donné   du  goût 
gour  ïnjlronomii    à  plufieurs    |ierfouiiS3  , 


A  ST  7îï 

tant  à  \'ienne  qu'à  Nuremberg  :  ce  qui  fit 
que  cette  fcicnce  fut  cultivée  avec  foin  lians 
ces  deux  villes  après  fh  mort.  Di\crs  aftro- 
nomes  y  parurent  avec  éclat  da:îs  le  xvijc 
lîecle. 

Jean  Bi;mchini ,  Ferrarcis,  travailla  pref^ 
qu'en  même  ten.ps  avec  réputation  à  des 
tables  des  incuv'emenscc'cftcs.  Les  Floren- 
tins cultivèrent  aiifii  en  ce  temps-là  Vajfro- 
r.omie  ,  mais  ils  ne  firent  aucun  ouvrage 
comparable  à  ces  premiers;  &  Marflle  Fi- 
cin  ,  Jovianus  PoïUanus,  joannes  Abiufus  y 
&  plufieurs  autres  s'adonnèrent  un  peu  trop 
à  l'afirologie. 

Le  juif  Abraham  Zahcut,  aftrologue  du 
roi  de  Portugal  D.  Emmanuel  ,  &  dont 
nous  avons  déjà  parlé  ,  compoiii  un  caic:;- 
dricr  perpétuel ,  qui  fut  imprime  eu  1 500  ^ 
&  qui  lui  acquit  une  grande  réputation  :. 
mais  il  n'y  mit  rien  de  lui-même  que  l'or- 
dre Si  La  dirpofition  ,  le  refîc  étant  tiré  des 
ancicîuies  tables  que  plufieurs  autres  juifs 
avoient  faites  quelque  temi)s  auparavant , 
&  qiù  fe  trouvent  encore  dans  les  biblio- 
thèques. 

Enfin  Nicolas  Copernic  panit.  Il  naquit 
à  1  horn  au  commencement  de  I  an  1472.. 
Son  inclination  pour  les  mathématiques  fè 
manifefta  des  l'eiifance.  Il  fit  a  abord  quel- 
ques progrès  àCracovie  :  &  à  ^l  ans  il  entre- 
prit le  voyage  d'Italie.  Il  alla  d'abord  à 
Bologne ,  où  il  fît  diverfes  obfcrvaiions  avec 
Dominicus  Maria.  Dc-là  il  pafla  à  l^oîr.e  , 
oùfii  réputation  égala  bientôtccUc  deRégio- 
moutaïuis.  De  retour  dans  la  patrie  ,  Luc 
W'azclrodiuî  ,  fon  oncle  maternel ,  évéque 
de  Warinie  ,  lui  donna  un  canonicat  dans- 
fa  cathédrale.  Ce  fut  alors  qu'il  fo  propofà 
de  réformer  le  fyfcèiiic  reçu  fur  le  mouve- 
ment des  planètes.  Il  examina  avec  foin- 
les  opinioiis  des  anciens ,  prit  ce  qu'il  y  avoit 
de  bon  dans  chaque  fylléme ,  &  en  forma 
un  nouveau  ,  qui  porte  encore  aujourd'hui 
fon  nom.  Il  fut  eiUerré  à  ^Xarmie  en  mai 
154?.  Son  f)'llc'ne  établit  l'ir.in'.obilité  du 
folcil  &  le  mouvement  de  la  terre  autour  de- 
cet  aibe  ,  à  quoi  il  ajouta  le  inouvament  de 
la  terre  fur  Ion  axe,  qui  étoit  l'hypothefè 
d'Héraclide  de  Pont  &  i\i  .cphantus  pytha- 
goricien. 

Il  ne  faut  pas  oublier  Jérôme  Cardan ,  n&. 
à  Pa\'ic ,  c:  1 5o3.  Il  s'appliqua  à  la  méda- 


ir 


A  s  T 


cine  &  aux  mathématiques.  Comme  il  étoît 
fort  ciititc  de  railro!o,;4-ic ,  il  voulut  remettre 
cette  prétendue  fcience  en  honneur  ,  en 
faifant  \oir  la  liaifon  qu'elle  avoit  avec  la 
véritable  afironomn:  I!  compofa  divers  ou- 
vrages liir  cette  idée,  &  mourut  à  Milan  en 
1575.  Guillaume  IV  ,  Landgrave  deHelFe  , 
mérite  auill  de  tenir  fa  place  parmi  les  aftro- 
Mom.cs  célèbres  du  mêine  ficelé.  Il  fit  de 
grandes  dépenfès  à  Caflèl ,  pour  faciliter  les 
obfervations.  Il  avoit  à  les  .q:ag'es  Jufte 
Byrgius,  Suiilc  très-habile  dans  la  méchani- 
que,  qui  lui  fit  quantité  d'inftrumens  aftro- 
iioniiques  ;  &  Chriftophe  Rothman,  favant 
artronome  ,  de  la  principauté  d'Anhalt  , 
aidoit  le  laud;:jrave  dans  les  cbfervations. 

Vers  le  mêr.ie  temps ,  Tycho-Brahé  con- 
tribua auilî  beaucoup  à  perfeélionnerlç/rro- 
nomie  ,  non  leulenicnt  par  fês  écrits ,  mais 
par  1  invention  de  phifieurs  inftrumens  qu'il 
mit  dans  foîi  château  d'Uranibourg ,  auquel 
il  donna  ce  nom  à  caufe  de  l'obfcrvatoire 
qu'il  y  fit  conftruire.  Il  publia  d'après  fes 
propres  cbfervations  ,  un  catalogue  de  770 
étoiles  fixes. Tycho-BraJié  étoit  d'iuie  famille 
illuftredu  Danemarck.  Une  éclipfc  de  foleil 
qu'il  vit  à  Copenhague  en  1560  ,  lorlqu'il 
n'étoit  encore  âgé  que  de  14  ans ,  lui  donna 
un  te!  goût  pour  Ynfironomie  ,  que  dès  ce 
ir:0ment  il  tourna  ies  études  de  ce  côté-là. 
Ses  parens  vouloientle  faire  étudier  en  droit: 
mais  il  s'appliquoit  à  fa  fcience  favorite  ,  & 
conlàcroit  à  l'achat  des  livres  qui  y  étoient 
relatifs  l'argent  delliné  à  fès  plaifirs.  Il  fit 
ainfidegrandsprogrès  à  l'aide  de  fon  propre 
génie  5  &  dès  qu'il  ne  fut  plus  gêné ,  il  vifita 
les  principales  univerfités  d'Allemagne  ,  & 
les  lieux  où  il  favoit  qu'il  y  avoit  de  favans 
agronomes.  Après  ce  voyage  il  revint  en 
Danemarck  en  1 57 1 ,  où  il  fe  procura  toutes 
les  commodités  qu'un  particulier  peut  avoir 
pour  faire  de  bonnes  cbfervations.  Quatre 
ans  après  il  fit  un  nouveau  voyage  en  Alle- 
magne &c  en  Italie.  Il  vit  les  inftrumens  dont 
fè  fcrvoit  le  Landgrave  deHeffe,  &  il  en 
admira  la  jufteflè  &  l'utilité.  Il  pcnfoit  à  fe 
fixer  à  Bâle  :  mais  le  roi  Frédéric  II  l'arrêta 
en  lui  donnant  l'île  de  Ween  ,  où  il  lui  bâtit 
un  obfervatoire  &  lui  fournit  tous  les  fccours 
néceifaires  à  fes  vues.  Il  y  refta  julqu'cn 
î  597  ,  que  le  roi  étant  mort ,  la  cour  ne 
voulut  ylus  fiib\euir  à  cette  dépen/è.  L'cm- 


AST 

porettr  Rodolp'ie  l'appclla  à  Prague  l'année 
fuivante  ,  &  il  y  m.ourut  en  1601  ,  Agé  de 
55  ans.  On  fait  qu'il  inventa  un  nouveau 
(yliéme  d'afiroiwmie  ,  qui  eft  une  eljjece  de 
conciliation  de  ceux  de  Ptolomée  &  de 
Copernic.  Il  n'a  pas  été  adopté  par  les  aftro- 
nomes  :  mais  il  lëra  toujours  une  preuve  des 
profondes  connoilfances  de  fon  auteur.  Le 
travail  de  Tycho  conduifit,  pour  ainfi  dire , 
Kepler  à  la  découverte  de  la  vraie  théorie  de 
l'univers,  Scdes  véritables  lois  que  les  corps 
célclles  fiiivent  dans  leurs  m.cuvemens.  11 
naquit  en  1571.  Après  avoir  fait  de  grands 
progrès  dans  Wiftronomk ,  il  le  rendit  en  i  rtco 
auprès  de  Tycho-Brahé  ,  qui  l'attira  en  lui 
faifant  des  avantages.  Il  eut  la  douleur  de 
perdre  ce  maître  dès  l'année  fuivante  :  mais 
l'empereur  Rodolphe  le  retint  à  fon  fèrvice  y 
t<  il  fut  continué  lur  le  même  pié  par 
Matthias  &  Ferdinand.  Sa  vie  ne  lailfa  pas 
d'être  alfez  traverfée  ,  il  mourut  er.  1636.  Il 
avoit  une  habileté  peu  comn:une  dans  Yafiro- 
nomie  &  dans  ropv.ique.  Dcfcartes  le  recon- 
noît  pour  fon  maître  dans  cette  dernière 
fcience  ,  &  l'on  jjrétend  qu'il  a  été  aufil  le 
précurfour  de  Defcartes  dans  l'hypothefe  des 
toiu"billons.  On  fait  que  fes  deux  loix  ou 
analogies  fur  les  révolutions  des  planètes  ont 
guidé  Nev/ton  dans  fon  fyftême.  f^oye^ 
Planète,  Période,  Gravitation. 

Galilée  introduifit  le  premier  l'ufagedes 
télefcopes  dans  Xafironomie.  A  l'aide  de  cet 
inftrumcnt ,  les  fatellites  de  Jupiter  furent 
découverts  par  lui-même,  de  même  que  les 
montagnes  dans  la  lune,  les  taches  du  foleil , 
&  là  révolution  autour  de  fon  axe.  f.  Té- 
lescope ,  Satellite,  Lune, Taches, 
&c.  Les  opinions  de  Galilée  lui  attirèrent  les 
cenfiires  de  l'inquifition  de  Rome  :  mais  ces 
cenfiires  n'ont  pas  empêché  qu'on  ne  l'ait  re- 
gardé comnne  un  des  plus  grands  génies  qui 
aient  paru  depuis  longtems.  Ce  grand  homme 
étoit  fils  naturel  d'un  praticien  de  Florence , 
il  naquit  dans  cette  ville  en  1564.  Ayant 
oui  parler  de  l'invention  du  télelcope  en 
Hollande  {voyei  TÉLESCOPE)  fans  favoir 
encore  comment  l'on  s'y  prenoit ,  il  s'appli- 
qua à  en  faire  un  lui-même  ;  il  y  réuflit  & 
s'en  ibrvit  le  premier  &  très-avantageufe- 
ment  pour  cbîèrver  les  aftres.  A  l'aide  de 
ce  fccours  ,  il  découvrit  dans  les  cieux  ,  des 
cho/ès  qui  avoient  été  inconnues  à  tous  les 

anciens 


A  s  T 

iancîciis  aftronomes.  Il  prétendoit  troUVer  les 
longitudes  par  robfcrvation  des  cclipfès  des 
fatellites  de  Jupiter  :  mais  il  mourut  en  i'54i 
avant  que  de  parvenir  à  Cou  but.  On  peut 
voir  une  cxpoiîtion  de  fcs  vues  &  de  fcs 
découvertes ,  que  M.  l'abbé  Pluche  met 
dans  la  bouche  de  Galilée  même  ,  tome  IV 
de  fon  fpcclacle  de  la  nature. 

Hevelius  parut  enfuite  ^  il  donna  d'après 
lès  propres  obfèrvations  un  catalogue  des 
étoiles  fixes  beaucoup  plus  complet  que  celui 
de  Tyciio.  GalTendi ,  Horrox  ,  Bouillaud , 
W'ard  ,  coKtribuereut  aulîî  de  leur  côté  à 
l'avancement  de  ïajîionotiiie.  V.  Saturne  , 
Anneau  ,  Ecliptique  ,  Micromètre. 

L'Italie  podcdoit  alors  J.  B.  Riccioli  & 
Fr.  Ma.  Grimaldi ,  tous  deux  de  la  compa- 
gnie de  Jefus  ,  8c  alTociés  dans  leurs  obfèr- 
vations. Le  premier  ,  à  l'imitation  de  Pto- 
lomée ,  compo&  ini  nouvel  almagefte  ,  dans 
lequel  il  ralFembla  toutes  les  découvertes 
altronomiques  ,  tant  anciennes  que  moder- 
nes. Les  Hollandois  qui  ont  tant  d'intérêt  à 
cultiver  cette  fcicncc  à  caufe  de  la  navio;a- 
tion,  eurent  aufTi  dans  ce  XVII^  ficclc  d'ha- 
biles allronomcs.  Le  plus  illuflre  ell:  Huy- 
ghcns,  c'eft  à  lui  qu'on  doit  la  découverte 
de  l'anneau  de  Saturne  ,  d'un  de  fes  fittelli- 
tcs  ,  oc  l'hivention  des  horloges  à  pendule. 
Il  fit  un  livre  fur  la  pluralité  des  mondes  , 
accompagné  de  conjeclurcs  fur  leurs  liabi- 
tans.  li  mourut  en  1695  ,  âgé  de  76  ans. 

Nev^-ton  ,  d'immortelle  mémoire  ,  dé- 
montra le  premier  ,  par  des  principes  phy- 
fiques ,  la  loi  félon  laquelle  le  font  tous  les 
mouvemens  céleftes  j  il  détermina  les  orbi- 
tes des  planètes ,  &  les  caules  de  leurs  plus 
grands  ainfi  que  de  leurs  plus  petits  éloigne- 
mens  du  foleil.  Il  apprit  le  premier  aux  fa- 
vans  d'où  naît  cette  proportion  conilante  & 
régulière  obfervée  ,  tant  par  les  planètes  du 
premier  ordre ,  que  par  les  fccondaires ,  dans 
leur  révolution  autour  de  leurs  corps  cen- 
traux ,  &  dans  leurs  diftauces  comparées 
avec  leurs  révolutions  périodiques.  Il  donna 
une  nouvelle  théorie  de  la  lune  ,  qui  répond 
à  fes  inégalités ,  &  qui  en  rend  raifon  par 
îes  loix  de  la  gravité  ik  par  des  principes  de 
méchanique.  Voyc^  An  RACTION,  LuNE  , 
Flux  &  Reflux  ,  6v. 

Nous  avons  l'obligation  à  M.  Halley  de 
Yajlioiiomie  des  comètes,  ci  uousiui  devons 
Totnc  m. 


A  S  T  7f  I 

auHî  un  catalogue  des  étoiles  de  rhcmifphcre 
méridional.  Uajlronomie  s'eft  fort  ciu-ichie 
par  fes  travaux,  y.  CoMETE  ,  Table,  &c. 

M.  Flainlleed  a  obfervé  pendant  quarante 
ans  les  mouvemens  des  étoiles ,  &  il  nous  a 
donné  des  oblcrvations  très-importantes  fur 
le  foleil ,  la  lune  &  les  planètes  ,  outre  uii 
catalogue  de  3000  étoiles  fixes  ,  nombre 
double  de  celui  du  catalogue  d'Hevclius.  Il 
paroît  qu'il  ne  maiiquoit  plus  à  la  perfeftioit 
de  Yaflronomie  ,  qu'une  théorie  générale  8c 
complète  des  phénomènes  céleftes  expliques 
par  les  vrais  mouvemens  des  corps  Ôc  par 
les  caules  phyfiques  ,  tant  de  ces  mouve- 
mens que  des  phénomènes  j  Grcgori  a  rem- 
pli cet  objet.  Voy.  CENTRIPETE,  CENTRI- 
FUGE ,    &c. 

Charles  II,  roi  d'Angleterre,  ayant  forme 
en  1660  la  fociété  royale  des  icicnces  de 
Londres,  fit  conftruire  fix  ans  après  un  ob- 
fervatoire  à  Greenwich.  Flamftecd ,  quî 
commença  à  y  faire  des  obfèrvations  en 
i6j6  ,  eiimorten  1719.  Il  a  eu  pour  fuc- 
cellëur  l'illurtre  Edmond  Halley ,  mort  en 
1742  ,  &  remplacé  par  M.  Bradley ,  célè- 
bre par  fa  découverte  fur  l'abcrriition  àc% 
étoiles  fixes. 

L'académie  royale  des  fciences  de  Paris, 
protégée  par  Louis  XIV  &  par  Louis  XV  j 
a  produit  auill  d'cKcellcns  aflrononies  ,  qui 
ont  fort  enrichi  cette  fcieace  par  leurs  obfèr- 
vations &  p;u-  leurs  écrits.  M.  Callîni  ,  que 
Louis  XIV  fit  venir  de  Bologne ,  s'eil  di(- 
tingué  par  plufieurs  décou\ertes  aftronomi- 
ques.  M.  Picard  mcfura  la  terre  plus  exac- 
tement que  l'on  ne  l'avoit  fait  ju  [qu'alors  j 
&  M.  de  la  Hire  publia  en  1701  dos  tables 
aftronomiques.  Depuis  ce  temps  les  mem- 
bres de  cette  compagnie  n'ont  point  cciîé  de 
cultiver  Xajîvonomie  en  même  temps  que  les 
autres  fciences  qui  font  fon  objet.  Aidés  des 
inllrumeiis  dont  l'oblèrvatoire  de  Paris  ell 
abondamment  fourni ,  ils  ont  fait  prencL-c 
une  nouvelle  face  à  ïaflronomie.  Ils  ont  fait 
des  tables  exadtes  des  fatellites  de  Jupiter  ; 
ils  ont  déterminé  la  parallaxe  de  Ivlars , d'oi!i 
l'on  peut  tirer  celle  du  foleil  \  ils  ont  corrigé 
la  doélrinc  des  réfradKons  des  allres  j  enfin 
ils  ont  lait  &  font  tous  les  jours  \:i\\  grand 
nombre  d'oblèrvations  fur  les  planètes ,  les 
étoiles  fixes ,  les  comètes ,  é-r.  L'Italie  n'efh 
pas  demeurée  en  arrière  ;  vl  pour  le  prouver 
Yyyy 


754  A  S  T 

il  luffit  de  nommer  MM.  Giiilleliniiii,  Bi;in- 
chini ,  Marlîgli ,  Manfredi ,  Ghiileri ,  Ca- 
jielli ,  ùc.  Le  nord  a  aufh  eu  de  favaus  af- 
tronomes.  M.  Picaj^d  ayant  amené  Olaiis 
Rocnier  ,  de  Copenhague  à  Paris ,  il  ne 
tarda  pas  à  fe  faire  conjicître  avantageiife- 
ment  aux  académiciens.  Il  conftruifit  di\'er- 
{^5  machines  qui  imitoient  exadement  le 
mouvement  des  planètes.  Son  mérite  le  fit 
rappellcr  dans  fa  patrie ,  où  il  continua  à 
fournir  glorieufemeut  la  même  carrière.  Le 
7oi  de  Suéde ,  Charles  XI ,  obfcrva  lui-même 
îe  foleil  à  Torneo ,  dans  la  Bothnie  ,  fous 
jle  cercle  polaire  arÛique.  L'onfait  avec  quels 
Ibins  &  quelles  dépcnfcs  on  cultive  depuis 
quelque  temps  Yaftronamh  à  Pétersbourg  , 
&  le  grand  nombre  de  favaus  que  la  libéra- 
lité dufouverain  y  a  attirés.  Enfin  les  voyages 
laits  au  nord  &  au  fud  pour  déterminer  la 
figure  de  la  terre  avec  la  plus  grande  préci- 
fion  ,  immortalifercnt  à  jamais  le  règne  de 
Louis  XV ,  par  les  ordres  &  les  bienfaits 
de  qui  ils  ont  été  entrepris  &  terminés  avec 
£iccès. 

Outre  les  obièr^'atoircs  dont  nous  avons 
cléja  parlé ,  phifieurs  princes  &.  plufieurs 
villes  en  ont  fait  bâtir  de  très-beaux ,  &.  fort 
bien  pourvus  de  tous  les  inftrumens  uécef- 
faires.  La  ville  de  Nuremberg  fit  bâtir  un 
cbfèrvatoire  eu  1678  ,  qui  a  fervi  fiicce/îive- 
ment  à  MM.  Eimart ,  MuUer ,  &  Doppel- 
mayer.  Les  curateurs  de  l'académie  de  Leyde 
en  firent  un  eu  1690  ^  l'on  y  remarque  la 
Iphere  armillaire  de  Copernic. 

Frédéric  I  ,  roi  de  Pruffe  ,  ayant  fondé 
su  commencement  de  ce  fiecle  une  fociété 
royale  à  Berlin  ,  fit  conilruire  en  même 
temps  un  cbfèrvatoire  •-,  M.  Kirch  s'y  eft 
diftingué  jufqu'à  fa  mort,  arrivée  en  1740. 
Le  comte  de  Marfigli  engagea  en  ijiz  le 
fënat  de  Bologne  à  fonder  une  académie 
&  à  bâtir  un  obfervatoire.  Voy.  Institut. 
L'année  fuivante  l'académie  d' Altorf  fit  aulîî 
la  dépenfe  d'un  pareil  édifice.  Le  landgrave 
tleHeffe  fuivit  cet  exemple  en  17 14  ;  le  roi 
de  Portugal  en  1722,,  &  la  ville  d'Utrecht 
en  17Z6  \  enfin  en  1739  &  l'année  fuivante 
le  P.  d'EvoraenafaitconftruireunàRome  j 
le  roi  de  Suéde  un  à  Upfd  ;,  l'on  en  a  fait 
\\\\  troifiemc  dans  l'acadéiuie  de  Giellè. 

Nous  trouverons  quelques  dames  nui  ont 
marché  links  traces  de  la  célèbre  Hypatia  j 


A  S  T 

telle  a  été  Marie  Cunitz  ,  fille  d'un  incdecm 
de  Sùcfie ,  laquelle  fit  imprimer  en  1650  des 
tables  aftronomiques  iuivant  les  hypcihefes 
de  Kepler.  Maria  Clara  ,  fille  du  fin;!ut 
Eimart  &  femme  de  Muller,  tous  deux  ha- 
biles aftrouomes  ,  fut  d'un  grand  lècours  à 
fon  père  8c  à  ion  mari ,  tant  dans  les  obfer- 
vations  que  dans  les  calculs.  Jeanne  du  Mce 
fit  imprimer  à  Paris  ,  en  1600  ,  àç.i  entre- 
tiens fur  l'opinion  de  Copernic  touchant  la 
mobilité  de  la  terre ,  où  elle  fc  propolè  d'en 
démontrer  la  vérité.  Mademoifeîie  Winkel- 
inan  ,  époufc  de  M.  Godefroi  Kirch  ,  par- 
tageant le  goi'it  de  Xajlronomie  avec  fon  mari , 
fe  mit  à  l'étudier ,  &  y  fit  d'alfez  grands 
progrès  pour  aider  M.  Kirch  dans  fes  tra- 
vaux. Elle  donna  au  public  en  171 2  un  ou- 
vrage ^alhonomic. 

Il  paroit  par  les  lettres  de  millionnaires 
Danois ,  que  les  Brachmaues  qui  habitent 
la  côte  de  Malabar  ont  quelque  coinioif- 
fance  de  \ajironomie  :  il  y  en  a  qui  fiaent 
prédire  les  éclipfes.  Leur  calendrier  appro- 
che du  calendrier  Julien  :  mais  ces  connoif- 
fances  font  obfcurcies  par  quantité  d'erreurs 
grolîieres ,  8i  en  particulier  pi\x  un  attache- 
ment fuperftitieux  à  l'aftrologie  judiciaire  r 
ils  abulènt  étrangement  le  peuple  par  ces 
artifices.  Il  en  faut  dire  autant  des  habitans 
de  l'île  de  Madagafcor  ,  où  les  prêtres  fout 
tous  aftrologues.  Les  Siamois  donnent  auiîi 
dans  ces  fiiperf!:itions.  M.  de  Lalobbere ,  à 
fon  retour  de  Siam  en  France ,  apporta  leurs 
tables  aftronomiques  fur  les  mou\emens  du 
foleil  &  de  la  lune.  M.  Cailini  trouva  la 
méthode  fuivant  laquelle  ils  les  avoieiu  dref^ 
fées  ,  allez  ingénieufè  ,  8c  après  quelques 
changemcns ,  aifez  utile.  Il  conjectura  que 
ces  peuples  les  avoient  reçues  des  Chinois. 

Les  peuples  de  l'Amérique  ne  fout  pas 
deftitués  de  toutes  connoiiîances  aftronomi- 
ques. Ceux  du  Pérou  régloient  leur  année 
iiir  le  cours  du  foleil  •■,  ils  avoient  bâti  des 
obfervatoires ,  8c  ils  connoiilbient  plufieurs 
conftellations. 

Quoique  cet  article  lôit  un  peu  long  ,  on 
a  cru  qu'il  feroit  plaifir  aux  lecteurs  j  il  eft 
tiré  des  deux  extraits  qu'un  h;ibile  journa- 
lifte  a  donnés  de  l'hiftoire  de  Vajlrorwmic ,. 
publiée  en  latin  par  M.  Vl'eid'er ,  IFictemb. 
//i-4°.  1740.  Ces  extraits  fè  trouvent  dans 
^  la  iwuvilu  bibliQih,  mois  de  niiirs  bi.  d'aviU 


A  s  T 

Ï741  -,  &  ils  nous  ont  été  communiques  par 
M.  Formey ,  hiftorio.r^raplic  &  fecrctaire  i\c 
racadéniic  royale  des  Iciences  &  belles-let- 
tres de  Pr'.;!ie  ,  à  qui  par  conféquent  nous 
a\  ons  obli?atio:i  de  prefquc  tout  cet  article. 
Ceux  qui  voudront  une  hiftoire  plus  dé- 
taillée de  l'orijine  &  des  progrès  de  Yafno- 
nomU,  peuvent  confulterdirtcrcusouvraî^es , 
entre  autres  ceux  d'Ifmaèl  Bouillaud,  &de 
Flamfteed;  Jean  Gérard  V'ofllus,  dans  fon 
\'oluinc  de  (juatuor  ariibus  poputaribus  ;  Hor- 
rius ,  dans  fon  hiftoirc philojophique ,  impri- 
mée à  Leyde  en  1655  in~^".  Jonfius ,  de 
fcriptoribus  hiftorLv  philo fophicœ ,  imprimé 
à  Francfort ,  ia-i^.  1659.  On  peut  encore 
confulter  les  vies  de  Régiomontanus ,  de 
Copernic  ,  &  de  Tycho ,  publiées  par  Gal- 
fendi.  Feu  M.  Caliini  a  compoië  aulli  un 
traité  de  t  origine  ù  du  progris  de  tafirono- 
mie  ^  qu'il  a  fait  imprimer  à  la  tête  du  re- 
cueil des  voyages  de  l'académie  ,  qui  parut 
en  1695. 

M.  l'abbé  Renaudot  nous  a  lailTé  fur  l'o- 
rigine de  la  fphere  un  mémoire  que  nous  a\'onf; 
déjà  cité  ,  &  dont  nous  avons  fait  beaucoup 
d'ufage  dans  cet  article  :  on  peut  encore 
confulter,  fi  l'on  veut ,  les  préfaces  des  nou- 
velles éditions  faites  en  Angleterre,  de  Ma- 
nilius  &  d'Hé/iode.  Parmi  les  anciens  écri- 
vains ,  Diogene  Laerce  &  Plutarque  fout 
ceux  qu'il  eft  le  plus  à  propos  de  lire  fur  ce 
même  fijjet. 

On  diflribue  quelquefois  ï'afironomie,  re- 
lativement à  fes  diftércns  états ,  en  aftrono- 
mic  nouvelle  ,  &  aftronomie  ancienne. 

Uaftronomie  ancienne^  c'eft  l'état  de  cette 
icience  fous  Ptolomée  &  fes  fuccefTeurs  ; 
c'eft  ïaftronomie  avec  tout  l'appareil  des  or- 
bes folides,  des  épicycles,  des  excentriques , 
des  déférens ,  des  trépidations ,  Ê'c.  f^oye[ 
Ciel  ,  Éi'icycle,  &c. 

Claud.  Ptolomée  a  cxpofé  l'ancienne  af- 
tronomie datjs  un  ouvrage  que  nous  a^'ons 
de  lui  ,&  qu'il  a  intitulé  ,uê%iv?,r  î-wTa^c-.Cet 
ouvrage  ,  dont  nous  avons  déjà  parlé  ,  a 
été  traduit  en  arabe  en  817  -,  &  l'rapezun- 
ïius  l'a  donné  en  latin. 

Purbachius  &  fon  difciple  Régiomonta- 
nus publièrent  en  1550  un  abrégé  dn/<  •>«- 
tP7mra.^if ,  à  l'ufagc  des  commençans.  Cet 
iibrégé  contient  toute  la  dodtrinc  des  mou- 
vemens  céleftes,  les  grandeur:  des  corps,  les 


A  S  T  75J 

'  éclip fes,  fi-c. L'arabe  Albategnicon^ilaaufîi 
liii  autre  ouvrage  fur  la  connoillance  des 
cl  lilesi  cet  ouvrage  parut  en  latin  en  1575. 
Vajironomie  nouvelle  y  c'eft  l'état  de  cette 
i riencc  depuis  Copernic ,  qui  anéantit  tous 
ces  orl)es  ,  épicycles  &  fidliccs ,  &  réduifit 
la  coiiftitution  des  cieux  h  des  principes  plus 
fimples, plus  naturels ,  &  plus  certains,  l^oyei 
CoPERNicivojt'^,:yj^SYSTEME,  Soleil, 
Terre  ,  Planète  ,  Orbite  ,  &c.  f^oyei 
de  plus  Sphère  ,  Globe  ,  '&c. 

Uafcronomie  nouvelle  eft  contenue  ,  i°. 
dans  les  îix  livres  des  ré\-olutions  céleftcs 
publiés  par  Copernic  l'an  de  J.  C.  156(5. 
C'eft  dans  cet  ouvrage  que  corrigeant  le  fyf- 
tcme  de  Pythagorc  &  de  Phiîolaiis  fur  le 
mouvement  de  la  terre  ,  il  pofe  les  fonde- 
mens  d'un  fyftéme  plus  exa<ft. 

2".  Dans  les  commentaires  de  Kepler  fur 
les  mouvemensde  Mars  ,  publiés  en  i6cçf  : 
c'eft  (buis  cet  ouvrage  qu'il  liibftitue  aux  or- 
bites circulaires  qu'on  avoit  admis  jufqu'a- 
lors  ,  des  orbites  elliptiques  qui  donnèrent 
lieu  à  une  théorie  nouvelle ,  qu'il  étendit  à 
toutes  les  planètes  dans  fon  abrégé  de  Frï/'z/o- 
nomie  de  Copernic  ,  qu'il  publia  en  163  5. 
3°.  Dans  Vafironomie  philola'ique  de 
Bouillaud  ,  qui  parut  en  1(545  '■>  il  s'y  pro- 
pofe  de  corriger  la  théorie  de  Kepler ,  6c 
de  rendre  le  calcul  plus  exa(^  &  phis  géomé- 
trique. Setii  Ward  fit  remarquer  dans  fon 
examen  des  foiîdemens  AqX aftronomie phi- 
loLûque  ,  quelques  erreurs  commifcs  par 
l'auteur  ,  qu'il  fe  donna  la  peine  de  corrio-er 
lui-même  dans  m\  ouvrage  qu'il  publia  en 
11557 ,  fous  le  titre  A'expojitionplus  claire  des 
fondemens  de  [aftronomie  philola'ique. 

4".  Dans  Vafironomie  géométrique  de 
Ward  ,  publiée  en  16^6  ,  où  cet  auteur  pro- 
pofe  une  méthode  de  calculer  les  mouvc- 
mcns  des  planètes  avec  aftcz  d'exaditude 
fans  s'aftlijçttir  toutefois  aux  vraies  loix  de 
leurs  mouvemeus ,  établies  par  Kepler.  Le 
comte  de  l^agan  donna  la  même  chofe  l'an- 
née fuivantc.  Il  paroit  que  Kepler  même  avoit 
entrevu  cette  n:éthodc  ,  mais  qu'il  l'avoit 
abandonnée  ,  parce  qu'il  ne  la  trouvoit  pas 
aifez  conforme  à  la  nature. 

5".  Dans  Xaftronomie  Brita/in/quc publiée 
en  1657  ,    Se  dans  Y  aftronomie  Caroline  de 
Strct ,  publiée  en  \66i\  ces  deux  ouvra"-c« 
font  fondés  fur  l'hvpothcfe  de  Ward. 
Yyyy* 


75^ 

6°. 


AS  T 

Dans    Vafironomie  Britannîqui    de 


Wii  -s ,  publiée  en  1669  ,  l'auteur  donne 
d'après  les  principes  de  Bouillaud ,  des  exem- 
ples fort  bien  choifis  de  toutes  les  opérations 
de  rùyîro«o/72/^  pratique,  &  ces  exemples  font 
mis  à  la  portée  des  commer.çans, 

Riccioli  nous  a  donné  dans  ion  almagefie 
7îo:/vf(2«,  publié  en  1 651,  les  différentes hy- 
potliefes  de  tous  les  aftronomes ,  tant  anciens 
que  modernes  ;,  &  nous  avons  dans  les  élé- 
mens  de  Vafironomie  phyfique  &  géomé- 
trique de  Gregori,  publics  en  1702,  tout  le 
fyftême  moderne  Vafironomie  ,  fondé  fur 
\q%  découvertes  de  Copernic  ,  de  Kepler  , 
&  de  Newton. 

Taquet  a  écrit  un  ouvrage  intitulé  ,  la 
moelle  de  [ aftronomie  ancienne.  Whifton  a 
donné fes préleclions aftroncmi'jues ,  publiées 
en  1707.  Au  relie  les  ouvrages  les  plus  pro- 
portionnés à  la  capacité  des  commençans  , 
ibnt  les  infiruBions  afcronomiques  de  Merca- 
tor  ,  publiées  en  i6c6:  elles  contiennent 
toute  la  doi^trinedu  ciel,  tant  ancienne  que 
moderne  ;  &  Y  introduction  à  la  vraie  aftro- 
nomie  de  Keill ,  publiée  en  1718,  où  il  n'eft 
queftiou  que  de  Vaftronomie  moderne.  Ces 
deux  ouvrages  ibnt  également  bien  faits  l'un 
&  l'autre ,  &  également  propres  au  but  de 
leurs  auteurs.  Le  dernier  de  ces  traités  a  été 
tionné  en  françois  par  M.  le  Monnier  en 
1746  ,  avec  pluiîeurs  augmentations  très- 
confidérables ,  relatives  aux  nouvelles  dé- 
couvertes qui  ont  été  faites  dans  Yafitronomie  ; 
il  a  enrichi  cet  ouvrage  de  nouvelles  tables 
du  foleil  &  de  la  lune ,  &  des  fatellites  , 
qui  feront  d'une  grande  utilité  pour  les  aftro- 
nomes.  Enfin  il  a  mis  à  la  tête  un  elfai  en 
forme  de  préface ,  fiir  l'hiftoire  de  Vaftrono- 
mie moderne ,  où  il  traite  du  mouvement  de 
la  terre,  de  lapréceiïion  des  é({uinoxes,de 
l'obliquité  de  l'ccliptique  ,.  &  du  moyen 
mouvement  de  Saturne  M..Caflîni,  aujour- 
d'hui penfionnaire  vétéran  de  l'académie 
royale  des  fciences  ,  a  auflî  publié  des  //«•'- 
mens  dSaflronomie  en  deux  volumes  in-^. 
qui  répondent  à  l'étendue  de  fes  coiuioiiran- 
tes ,  &  à  la  réputation  qu'il  a  parmi  les 
iàvans. 

Le  ciel  pouvant  être  coiifidéré  de  deux 
manières ,  ou  tel  qu'il  paroît  à  la  vue  funple , 
«u  tel  qu'il  eft  conçu  par  l'efprit,  l'iT/îro/jorn/V 
ycut  k.  divifer  e«  deux  parties  j  h\Jjphéri<iui 


AST 

&  la  théorie  ;  Vafironomie  Iphérique  eft  celle 
qui  confidere  le  ciel  tel  qu'il  fe  montre  à 
nos  yeux  ^  on  y  traite  des  obfervations  com- 
munes Saflronomie ,  des  cercles  delà  fpherc , 
des  mouvcmens  des  planètes ,  des  lieux  des 
fixes  ,  des  parallaxes ,  ér. 

Uafironomie  théorique  eft  cette  partie  de 
Vafironomie  qui  confidere  la  véritable  ftruc- 
ture  &  dilpolition  des  cieux  &  des  corps 
céleftes ,  âc  qui  rend  raifon  de  leurs  diflé- 
rens  phénomènes. 

On  peut  diftinguer  Vafironomie  théorique 
en  deux  parties  :  l'une  eft  pour  ainfi  dire 
purement  afironomique  ,  &  rend  raifon  des 
différentes  apparences  ou  phénomènes  qu'on 
obfèrve  dans  le  mcuvement  des  corps  cé- 
leftes \  c'eft  elle  qui  enfeigne  à  calculer  les 
éclipfes  ,  à  expliquer  les  ftatioas  ,  direc- 
tions, rétrogradations  des  planètes ,  les  mou- 
vemens  apparens  des  planètes  tant  pre- 
mières que  fecondaires ,  la  théorie  des  co- 
mètes ,  ùc. 

L'autre  fe  propofe  un  objet  plus  élevé  & 
plus  étendu  ;  elle  rend  la  raifon  phyfique 
des  mouvemens  des  corps  céleftes ,  déter- 
mine les  caufes  qui  les  font  mouvoir  dans 
leurs  orbites  ,  &  l'action  qu'elles  exercent 
mutuellement  les  unes  fiir  les  autres.  Dcf^ 
cartes  eft  le  premier  qui  a^t  tenté  d'expli- 
quer ces  différentes  choies  avec  quelque 
vraifèmblance.  Newton  qui  eft  venu  de- 
puis ,  a  fait  voir  que  le  fyftème  de  Defcar- 
tes  ne  pouvoit  s'accorder  avec  la  plupart  des 
phénomènes ,  &  y  en  a  fubftitué  un  autre  ^ 
dont  on  peut  voir  l'idée  au  mot  Philoso- 
phie NEWTONIENNE.  On  peut  appellcF 
cette  féconde  partie  de  Vafironomie  théori- 
que affronomie  phyfique ,  pour  la  diftinguer 
de  l'autre  partie  qui  eft  purement  géométri- 
que. David  Gregori  u  publié  un  ouvrage  eu 
deux  volumes  //z-4°.  qui  a  pour  titre  :  Elé- 
mens  d'aflronomie  phyfique  &  géométrique  , 
afironomits  phyficcv  6"  geometricce  eltmenta.. 
Voye[  les  différentes  parties  de  Vafironomie 
théorique, fous /^j/now Système,  Soleil  ^ 
Etoiles  ,  Planète  ,  Terae  ,  Lune  ,. 
Satellite  ,  Comète  ,  ê'c. 

On  peut  encore  divifer  Vafironomie  en 
terrcftre  &  en  nautique  :  la  première  a  pour 
objet  le  ciel,  en  tant  qu'il  eft  confidere  dans 
un  obfèrvatoire  fixe  &  immobile  fur  la  terre 
ferme  :-  là  fecoude  a  pour  objet  le  ciel  vi» 


A  s  T 

d'un  obfervatoire  mobile  ^  par  exemple ,  clans 
un  vaiiieau  qui  Te  meut  en  pleine  mer.  M. 
de  Maupertuis  ,  aujourd'hui  prélideiit  per- 
pétuel de  l'académie  des  fcicncesdc  Berlin, 
a  publié  à  Paris  en  1743  un  excellent  ou- 
\Tage  ,  qui  a  pour  titre  ,  aftronomie  nauti- 
que ,  ou  élémens  cfafironoinie  ,  tant  pour  un 
obfervatoire  fixe  ,  que  pour  un  obfervatoire 
mobile. 

L,'ûpronomie  tire  beaucoup  de  iecours  de 
].i  géométrie  ,  pour  mefurer  les  diftances  & 
les  mou^emens  tant  \Tais  qu'apparens  des 
corps  célelles  ;  de  l'algèbre  pour  réfoudre  ces 
inêmes  problêmes ,  lorfqu'ils  font  troj)  com- 
pliqués:, de  la  méchanique  &  de  l'algèbre, 
pour  détcnniner  les  caufes  des  momcmens 
des  corps  céleftes  ^  enfin  des  arts  méchani- 
ques ,  pour  la  conflruftion  des  inflrumcns 
avec  lefquels  on  obferve.  l''.  Trigonomé- 
trie ,  Gravitation  ,  Secteur  ,  Quart 
DE  CERCLE,  ê'c.  & plufieurs autres  articles, 
qui  feront  la  preuve  de  ce  que  ron  avai  e 
ici.  (-0) 

La  méthode  la  plus  naturelle  pour  traiter 
AzY aftronomie  &  pour  l'étudier,  confifte  à 
fùivre  l'ordre  des  phénoinenes  qu'on  obferve 
&  des  conféquences  que  l'on  peut  tirer.  Le 
premier  de  tous  les  phénomènes  célefles  , 
le  plus  fimple  de  tous  ,  le  plus  frappant  &c 
le  plus  facile  à  obferver  ,  eil  le  mouvement 
diurne ,  c'eft-à-dire  ,  celui  que  paroît  avoir 
tout  k  ciel  ■■)  il  s'achève  dans  l'efpacc  d'envi- 
ron Z4  heures.  Nous  voyons  chaque  jour  le 
iôleil  fe  lever  &  fe  coucher.  Si  nous  faifons 
atrenrion  aux  aftres  qui  ne  paroillent  que  la 
nviit ,  nous  les  verrons  de  même  pour  la  plu- 
part fe  lever  &  /è  coucher  tous  les  jours  , 
c'eft-à-dire  ,  paroître  fur  l'horizon  du  côte 
de  l'orient  &  fe  cacher  fous  l'horizon  du  côté 
de  l'occident. 

En  confidérant  d'une  manière  plus  atten- 
tive &  plus  fiiiv'ie  ce  mouvement  général 
des  aftres  ,  pendant  l'efpace  d'une  iniit  ci; 
de  plufiei.rs  ,  on  remarque  bientôt  que  clia- 
que  étoile  décrit  un  cercle  dans  l'efpace 
d'environ  24  heures.  Les  étoiles  qui  font 
plus  au  nord  décrivent  de  plus  petits  cer- 
cles que  les  autres  \  &  l'on  voit  tous  ces  cer- 
cles décrits  par  dificrcntcs étoiles,  diminuer 
de  plus  en  plus  ,  aller  enfin  iè  perdre  &  fè 
confondre  en  un  point  élevé  de  la  rondciir 
du  ciel  j  que  nous  apucUous  IspCic  du  tr.or.di. 


A  S  T 


757 


Celui  que  nous  voyons  eft  le  pôle  boréal  , 
fcptentrional  ou  ardiquc.  Ainfi  pour  fe  for- 
mer une  idée  de  Yafironotnie ,  il  faut  d'abord 
apprendre  à  connoitre  le  pôle  du  monde  , 
c'cft-à-dire  ,  l'endroit  du  ciel  étoile  \ers  le- 
quel il  fe  trouve  placé.  On  remarque  dans 
le  ciel  une  étoile  qui  en  eft  fort  proche  ,  8c 
qu'on  nomme  pour  cette  raifon  l'cVo/'/t'/'o- 
laire.  On  rcconnoit  cette  étoile  ])ar  le  moyen 
delà  conftcllation  de  la  grande  ourfe  appcl- 
lée  communément  le  chariot  de  David ,  dont 
les  deux  dernières  étoiles  indiquent  une  di- 
rection qui  tend  à  l'étoile  polaire  ,  &  cette 
feule  conftcllation  peut  nous  faire  connoître 
toutes  les  autres. 

Lorfqu'on  a  reconnu  le  pôle  du  monde 
autour  duquel  fe  fait  le  mouvement  diurne  , 
il  eft  naturel  de  concevoir  le  pôle  qui  lui  eft 
oppofé  ,  c'eft-à-dire  ,  le  pôle  auftral  ou  au- 
tarcique ,  &  l'équateiu-  qui  eft  un  cercle 
placé  à  égales  diftances  des  tleux  pôles.  On 
rapporte  à  l'équateur  les  fituaticns  des  diffé- 
rentes étoiles  par  afcenfions  droites  &  par 
déclin.aifons,  &  l'on  a  un  nouveau  moyen  de 
diftiiiguer&de  reconnoitrecn  tout  temps  les 
différentes  conftellatioiis. 

Parmi  les  aftres  dont  on  pvoit  ob(cr\'é  Je 
mouvemicnt  diurne ,  on  a;  perçut  bientôt  qu'il 
y  en  avoit  cinq  qui  changeoient  de  place  au 
bout  d'un  certain  teir.ps  ^  0!i  les  appella 
planètes,  &  c'eft  l'obfervation  de  leurs  moii- 
vemens ,  comme  de  ceux  du  foleil  &  de  la 
lune ,  qui  a  fait  le  premier  objet  de  curiofité 
&  de  diiîiculté  dans  Yafironomie.  Le  plus 
fimple  &  le  plus  fcnfible  de  tous  ces  mou- 
vemens  propres  ,  celui  qui  dut  frapper  le 
plus  tous  les  )'eiix  ,  fut  le  mouvement  de  la 
lune  qui  s'achève  en  un  mois. 

Après  le  mou^cmeiit  pro];re  de  la  lune,  le 
p/lus  rcniarquîsble  eft  le  niou\-enient  annuel 
du  foleil  :  il  l'on  remarque  le  foir  du  côté  de 
l'occidcntquelque  étoile  fixe  après  le  coucher 
du  foleil,  &  qu'on  la  confidere  attentivement 
pluficurs  jours  de  fuite  à  la  même  heure  , 
on  la  verra  de  jour  en  jour  plus  près  du 
foleil  ,  cnfortc  qu'elle  difi^aroîtra  &  fera 
effacée  par  les  rayons  du  foleil  dent  elle  étoit 
affcz  loin  quelques  jours  auparavant.  Il  fera 
al.'ë  en  même  temps  de  reconnoîrre  que  c'eft 
le  foleil  qui  s'cft  approché  de  l'étoile  ,  &que 
ce  n'eft  pas  l'étoile  qui  s'eft  npprochée  du 
fykil.  Eu  cflct ,  on  verra  c^uc  tous  les  jours 


7îS  A  S  T 

les  étoiles  fc  lèvent  &  fe  couchent  aux  mêmes 
points  de  riiorizon  vis-à-vis  des  méniesobjets 
tcrreftres  \  qu'elles  font  toujours  aux  inêrnes 
difbuces  les  unes  des  autres  ,  tandis  que  le 
foleil  change  continuellement  les  points  de 
fon  lever  oc  de  fon  coucher ,  &  de  iàdiftance 
aux  étoiles  -^  on  verra  d'ailleurs  chaque  étoile 
fe  lever  tous  les  jours  environ  4  minutes 
plutôt  que  le  jour  précédent  relativjment  au 
foleil  ;,  on  ne  doutera  pas  que  le  foieil  feul 
n'ait  chaussé  de  place  par  rapport  à  l'étoile , 
&  ne  fe  foit  rapproché  d'elle.  Cette  obfcr- 
vation  peut  fe  faire  en  tout  temps  ,  mais  il 
faut  prendre  garde  à  ne  pas  confondre  imc 
étoilJ  fixe  avec  une  planète  ,  nous  appren- 
drons ci-après  à  les  diltinguer.  Le  premier 
phénomène  que  prcfente  le  mouvement 
propre  du  foleil,  eildonc  celui-ci.  Le  foleil 
fe  rapproche  de  jour  en  jour  des  étoiles  qui 
font  plus  orientales  que  lui  ,  c'eft-à-dire  , 
qu'il  s'avance  chaque  jour  vers  l'orient^  ainfi 
le  mouvement  propre  du  foleil  fe  fait  d'oc- 
cident en  orient  :  tous  les  jours  il  eit  d'envi- 
ron un  degré  ,  &  au  bout  de  365  jours  on 
reverroit  fétoîle  vers  le  couchant  à  la  même 
heure  &  au  même  endroit  où  elle  paroilTbit 
Tannée  précédente  à  pareil  jour ,  c'ell-à-dire, 
que  le  Voîcil  eft  venu  fe_  placer  au  même 
point  par  rapport  à  l'étoile  •■,  il  aura  donc 
fait  une  révolution  :  c'eft  ce  que  nous  appel- 
ions le  mouvement  annuel.  En  l'obfervant 
pendant  plufieurs  années  ,  on  a  reconnu  que 
la  durée  de  chacun  de  ces  retours  du  loleil , 
par  rapport  à  une  étoile  ,  étoit  de  365  jours 
6  9'  1 1"  ,  c'elt  ce  que  l'on  appelle  ïannce 
fydérale. 

'  Après  avoir  confidéré  attentivement  toutes 
les 'étoiles  ,  on  reconnut  bientôt  qu'il  y  en 
avoit  cinq  qui  chungeoient  de  pofition  par 
rapport  aux  autres ,  &  ce  font  les  planètes. 
On'en  remarqua  une  dont  le  changement 
étoit  trcs-lcnt ,  &  qui  pour  faire  le  tour  du 
ciel  &  répondre  fucceflivement  aux  différen- 
tes étoiles  fixes ,  employoit  29  ans  177  jours  ^ 
c'eft  Saturne.  Une  autre  qui  faifoit  la  même 
révolution  dans  l'cfpace  d'environ  1 1  ans, 
c'crt  Jupiter  -,  une  troificmo  ({U!  parcouroit 
toute  la  circonférence  du  ciel  en  un  an  322, 
jours ,  c'eft  Mars  :,  la  quatrième  qui  paroil- 
ibit  la  plus  brillante  de  toutes  &  que  nous 
ai)pellons  Vénus  ,  accompagne  le  foleil  , 
fjii'cllc  précède  quelquefois  le  matin  ,  ou 


AST 

qu'elle  fuit  après  fon  coucher  j  elle  revient 
à-peu-près  à  la  même  pofition  dans  l'efpace 
de  584  jours.  Cette  circonftancc  peut  la  faire 
reconnoîtreaudétautdc  fa  révolution ,  qu'on 
ne  peut  fuivre,  par  rapport  aux  étoiles  fixes, 
comme  celle  des  trois  précédentes  :  enfin  la 
cinquième  planète  &  la  plus  difficile  avoir, 
parce  qu'elle  accompagne  le  foleil  de  très- 
près,  eft  Mercure  que  nous  voyons  revenir 
à  la  même  pofition  par  rapport  au  foleil , 
dans  l'efpace  de  116  jours. 

Après  avoir  ainfi  reconnu  les  planètes ,  on 
vit  qi;e  la  trace  de  leur  mouvement  s'écartoit 
peu  de  celle  du  foleil  ,  &  l'on  voulut  rap- 
porter tout  à  celle-ci  qu'on  appella  Véclipri- 
que ,  &  dont  l'obliquité  ,  par  rapport  à  l'é- 
quateur  ,  eft  de  2  3«l  28'.  Ou  rapporte  cà  l'é- 
cliptiquelespofitions  des  aftres  par  le  moyen 
A(^%  longitudes  &  des  latitudes  •■,  celles-ci 
s'obfervent  par  le  moyen  des  afcenfions  droi- 
tes &  des  déclinaifons  qui  fiippofent  la  dé- 
terminaifon  des  équinoxes  &  l'obfervatioii 
de  la  hauteur  du  pôle. 

La  néceiTité  de  rapporter  les  aftres  à  l'é- 
quateur  ,  à  l'écliptique  ,  à  l'horizon  &  au 
méridien  ,  a  fait  imaginer  la  trigonométrie 
fphériquc  ,  par  le  moyen  de  laquelle  on 
affigne  les  mouvemens  des  aftres  dans  tous 
les/èns  ,  lorsqu'on  en  a  déterminé  feulement 
les  circonftanccs  dans  deux  direélions  diffé- 
rentes. 

Les  révolutions  des  planètes  étant  inéga- 
les ,  on  a  cherché  à  reconnoître  leurs  équa- 
tions ou  inégalités,  leurs  excentricités ,  leurs 
aphélies.  Les  plans  des  orbites  étant  tous 
differens  les  uns  des  autres  ,  il  a  été  né- 
ceffaire  de  déterminer  leurs  inclinaifons  & 
leurs  nœuds.  Les  ioix  de  Kepler  ont  faitcon- 
noître  les  rapports  des  révolutions ,  avec  les 
diftances  &  la  règle  des  principales  inégalités 
des  planètes ,  des  fatellites  &  des  comètes  j 
elles  ont  conduit  à  la  découverte  de  l'attrac- 
tion ;  &  celle-ci  a  fait  trouver  les  petites 
inégalités  qui  avoient  échappé  à  l'obferva- 
tion. 

Les  dilVanccs  abfolues  des  planètes  ,  par 
rapport  à  nous,  étoient  une  àQ%  plus  grandes 
ditlicultés  de  Yafironomie  :  on  eii  par\eini  à 
les  découvrir  par  le  moyen  des  parallaxes,  Se 
celles-ci  ont  fiiit  coiuioître  plus  cxaétemcnt 
les  circonftances  des  cclipfes  de  fok'û  qui 
étoient  les  plus  diflkilcs  à  calculer  jindépei:- 


A  s  T 

dainiiicnt  des  révolutions  (ies  planètes ,  on 
obfcrvc  aiiffi  leurs  rotations  &  la  figure  de 
Jours  taches  ou  de  leurs  bandes  qui  condui- 
fent  à  la  déte;  niinatiou  de  leurs  équateurs  ou 
de  leurs  axes  de  rotation. 

Les  obicrvations  qui  ont  fèrvi  à  toutes  ces 
découvertes ,  Te  font  par  le  moyen  d'un 
grand  nombre  -d'inrrrumens  ,  tels  font  les 
lunettes,  quarts  de  cercles  ,  micromètres , 
héliometres,  lunettes  méridiennes,  lunettes 
parallaétiques ,  fextans,  ièdeurs ,  horloges  à 
pendules ,  &c.  Les  obfervations  fè  font  prin- 
cijialemciit  par  le  moyen  des  hauteurs ,  des 
diilauces  entre  dilférens  ailres  ,  de  leurs 
partages  au  méridien  ,  de  leurs  conjonc- 
tions ,  de  leurs  oppofitions.  Les  oblërva- 
tions  e^vigent  des  corrections  à  raifon  de 
la  réfraction  qui  change  les  hauteurs ,  les 
levers  &c  les  C4Duchers  des  aflres ,  de  mcnie 
que  la  parallaxe. 

Enfin ,  les  ufages  &  les  applications  de 
cette  fcience  ie  trouvent  dans  la  prédidion 
des  éclipfès ,  chir.s  robfcrvation  des  longi- 
tudes en  mer ,  dans  la  géographie,  la  chro- 
nologie ,  le  calendrier ,  la  gncmonique  j  c  cft 
en  confaltant  tous  les  articles  que  nous  \e- 
nons  d'indiquer,  qu'on par\icndra à  trou\'er, 
malgré  les  incon\  éniens  de  l'ordre  alphabé- 
tique ,  un  cours  complet  d'aftronomie. 

Nous  ne  pouvons  mieux  terminer  cet  ar- 
ticle que  par  un  catalogue  des  meilleurs  li- 
vres à'aftronomic. 

On  en  trouvera  un  recueil  immenfe  dans 
l'ouvrag»  qui  a  pour  titre  :  Joannis  Ftiderici 
WeidUri  bil'liographiaafironomica  ^umpoi  is , 
guo  libri  vel  compofiti  vel  editi  funt  ordine 
fervato.  JVittembcrgcv ,  1755  ,  iz6  p.  in-^°. 
Cette  bibliographie  eft  comme  la  fuite  d'un 
excellent  ouvrage  du  même  auteur ,  intitulé  : 
Jcannis  Friderici  WcidUri  kiftoria  aftrono- 
miiP ,  Jîi'e  de  ortu  &  progrej/u  a/hvnomùr  , 
TVittembergx .,  ïj^i  ,  614  pages  i/i-^°.  dans 
laquelle  on  trouvera  de  très-grands  détails 
fur  tous  les  altronomes  connus  par  quelque 
ouvrage  que  ce  puiifectre.  Nous  ne  mettrons 
dans  notre  catalogue  que  les  livres  modernes 
que  tout  le  monde  peut  avoir  à  Paris.  Les 
ouvrages  de  Ptolomée  ,  de  Tycho ,  de 
Kepler,  d'Hevelius ,  de  Riccioli,  &c.  de- 
vroient  être  à  la  tête  du  catalogue;,  mais  ils 
font  fi  rares ,  qu'il  feroit  inutile  de  les  indi- 
quer à  ceux  ^li  veulent  ndiicllcir.e:u  fe  ibr- 


AST  733, 

mer  inie  bibliothèque;  d'ailleurs  nous  au- 
rons occafion  de  les  citer  prefque  tous. 

Je  commencerai  par  avertir  ici  que  la 
colleftion  des  Mémoires  de  tacadémie  des 
Sciences  de  Paris  renferme  le  plus  riche  iréfcr 
que  nous  ayons  en  fait  (Xajîionomie  :  toutes 
les  parties  de  cette  vafle  fcience  y  font  trai- 
tées dans  le  plus  grand  détail  &  de  la  manière 
la  plus  complète.  Il  y  en  a  actuellement 
foixante  &  dix  volumes //;-4".  depuis  1699 
inclufivement ,  jufqu'au  \olume  de  lyôS  , 
publié  en  1770.  11  y  a  aulli  onze  volumes 
de  mémoires  faits  avant  1699  ,  fcpt  volumes 
des  pièces  qui  ont  remporté  les  prix  propofcs 
par  l'académie ,  &cinq  des  mémoires préfen- 
tés  par  des  favans  étrangers.  Les  Tranfaclions 
philofvphiqucs  de  la  ibciété  royale  de  Lon- 
dres ,  depuis  1665  julqu'à  prêtent,  renfer- 
ment auili  une  riche  colkftion  de  mémoires 
dajironomie.  \Jhifioirc  de  /'ccadémiedcBer- 
lin,  depuis  1747,  contient  encore  beaucoup 
d'excellentes  chofcs  fur  l'ajii  onomie  phyfique  j 
les  mémoires  de  Gottingcn  ,  de  Pétersbourg, 
de  Bologne ,  de  Turin  ,  &  ceux  de  Nurem- 
berg ,  méritent  aulFi  d'être  cités  avec  éloge. 

Il  y  a  quelques  ouvrages  élémentaires 
A'ajlronomie  en  Angleterre  ,  qui  font  très- 
bons  ,  tels  que  ceux  de  Gregori ,  Whillon  , 
Keill ,  Long  ,  Fergu/fon  ,  Leadbetter  , 
Dunthcrn  ,  Hodgfon  ,  Coftard ,  &c,  j  nous 
n'en  dirons  rien ,  parce  que  nous  écrivons 
fur-tout  pour  les  lecteurs  françois ,  &  parce 
qu'ils  ne  contiennent  guère  autre  chotë  que 
ce  qui  eft  contenu  dans  ceux  qui  font  impri- 
més à  Paris.  Nous  ne  citerons  les  livres  étran- 
gers que  lorfqu'ils  feroin  abfolument  néccil- 
faires  à  ini  aftronome ,  tels  que  les  ou\Tages 
de  Flamfteed  &  \'opii,/-uc  de  Smith  ,  dont  il 
y  a  deux  éditions  françoi/cs ,  imprimées  à 
Avignon  &  à  Brelt  cii  1767,  avec  les  tables 
des  logarithmes  de  Gardiner. 

Traités  généraux  d'ajironomie, 

Elémens  d'ajironomie  ,  par  M.  Ca/îînî  , 
avec  les  tables  ajironomiques  du  même  au- 
teur. Paris,  1740,  2  vol.  iti-a^.  de  l'impri- 
inerie  royale  :  ce  livre  contient  fur-tout  la 
détermination  des  orbites  planétaires. 

Injlitutions  a(lronomiques  ,  par  M.  le 
Monnier  ,  in-a^.  1746,  chez  Defiint,  nie 
du  Foin.  C'ell  une  traduCtioii  du  Ii\'re  de 


7(To  A  S  T 

Keill ,  augmentée  conridérablcment  ;  on  y 
trouve  les  tables  de  la  îcue  de  Flamftced. 

Leçons  élémentaiies  d'afironomie  géomé- 
trique &  phyfique  ,  par  M.  de  la  Caille  , 
1761  ,  M- 8"^  chez  Gueriii  ,  rue  S.  Jacques. 
C'eft  un  excellent  abrégé  de  toute  \aftro- 
nomie. 

Tables  aflronomiqms  de  M.  Halley;;ow7-/« 
planètes  Se  les  comètes  ,  augmentées  de  plu- 
sieurs tables  nouvelles  pour  les  fatellites  ,  les 
étoiles  fixes,  de  la  Lande,  1759,  //2-8°.  chez 
Bailly  ,   quai  des  Auguftins  ,  à  Paris. 

Expofitions  du  calcul  ajîroiiomique  ,  de  la 
Lande ,  1761  ,  in-%°,  de  l'imprimerie 
royale  ,  &  fe  trouve  chez  Durand  le  jeune , 
rue  faint- Jacques. 

Agronomie  ,   divifée  en  viî:gt-qnatre  li- 
Tres  :  de  la  Lande  ,  z  vol.  111-4°.  ^7^4  h  ^^ 
féconde  édition  qui  eft  fous  preffe  depuis 
1770  ,  aura  3  volumes  in-^-f.  à  Paris  ,  chez 
Delàint,  rue  du  Foin.  Cet  ouvrage  renferme 
un  abrégé  de  tout  ce  qu'on  a  fait  jnfqu'ici 
dans  la  théorie  &  la  pratique  dsYaftronomie , 
la  connoilTiuice  des  mouvemens   du  foleil , 
de  la  lune  ,  des  planètes  ,  des  comètes ,  des 
fatellites  &:  des  étoiles  fixes  ^  la  dcfcription 
de  tous  les  inftrumens  ;,   la  manière  de  les 
vérifier  &  de  s'en  fcrvir  :,  Fluftoire  des  aftro- 
nomes  célèbres  :,  celle  de  leurs  ouvrages  _& 
celle  de  leurs  découvertes ,  fuivant  l'ordre 
naturel  qui  les  a  dû  produire  ;  le  calcul  inté- 
gral ,  appliqué  aux  attrapions  céleftes  ■■,   la 
manière  deconnoître  les  conftcllations^  un 
recueil  d'obfervations  choilies  •■,  des  tables 
nouvelles  pour  le  foleil ,  la  lune ,  les  planètes 
&  les  fatellites  ;  enfin  tout  ce  qui  ell  nécel- 
faire  pour  bien  connoître  Yaftronomie  &  l'in- 
dication confiante  de  toutes  les  fonrces  où 
l'on  peut  trouver  de  plus  amples  détails  fur 
chaque  branche    de  cette  fcience.   On  n'a 
rien  oublié  pour  rendre  ce  livre  le  plus  com- 
plet qu'il  pullfe  être  ,  dans  l'état  aduel  de 
Yaftronomie. 

Hiftoricv  caleftis  ,  Flamfteed  ,  171?  5  3 
vol.  in-folio.  Ce  grand  ouvrage  comprend 
une  colledHcn  prodigicufc  d'obfervations 
uftronomiques  avec  le  grand  catalogue  d'é- 
toiles du  même  auteur  ,  qua  nous  citerons 
plus  d'une  fois. 

Tables  oflogarithms.\^oiv\on,  1741  ,/'/!-4°. 
par  Gardiner.  Le  P.  Pezcnas  vient  de  les 
faire  réimprimer  à  Avignon  en  1769 ,  avec 


A  ST 

nnc  augmentation  de  quatre  premiers  degrés 
CM  Iccondes  :  ces  tables  font  les  plus  étendues 
&  les  plus  commodes  qu'on  puillc  trouver 
a£luellemcnt ,  celles  d'Ulacq  étant  devenues 
très-rares. 

On  trouve  à  Paris  ,  chez  Defaint  ,  de 
petites  tablcsabrégécs  extrêmement  commo- 
des peur  de  moindres  opérations;  mais  dans 
les  grands  calculs  aftronomiques ,  il  eft  indif 
penfable  d'avoir  des  logarithmes  de  finus  de 
10  m.  10  fécondes  ,  &  ceux  des  nombres 
jufqu'à  un  million  ,  tels  qu'on  les  trouve 
dans  les  tables  d'Ulacq ,  Trigonotnciria  arti- 
jicialis ,  &c.  Gowrt'j? ,  1 6  3  3  ,  ou  dans  les  tables 
que  nous  venons  de  citer. 

A  Compkat  Syftem  of  opticks  by  Robert 
Smith,  1738,  Cam^bridge,  1  vol.  in-a^^. 
Cet  excellent  ouvTage  contient  toutes  les 
théories  de  l'optique ,  une  ample  defcription 
des  inftrumens  d'aftronomie  &  d'optique.  Il 
en  a  paru  deux  traduirions  françoifcs  en 
1 767 ,  avec  des  augmentations  ,  l'une  du 
P.  Pczenas ,  l'autre  de  M.  le  Roy. 

Traités  particuliers  d aftronomie. 

La  Figure  de  la  terre  \>Zï'^\.  Bouguer, 
1769  ,  //z-4°.  394  pages  ,  chez  Jombcrt  , 
rue  Dauphine.  Ce  livre  renferme  les  meil- 
leures recherches  pour  la  pratique  Se  la  théo- 
rie des  obibrvations  délicates. 

Mefure  des  trois  premiers  degrés  du  méri- 
dien,paT  M.  de  laCondamine,  1751 ,  rn'4°. 
de  l'imprimerie  royale  ,  &  fe  trouve  chez  la 
veuve  Durand.  Item  ,  Journal  du  voyage  y 
&c.  avec  plufieurs  fupplémens.  Cet  ouvrage 
eft  très-méthodique  ,  très-clair  ,  très-bicii 
écrit ,  également  curieux  pour  la  partie  hii- 
torique  ,  &  pour  la  partie  aftronomique. 

La  Méridienne  de  Paris  vérifiée  ,  &C.  par 
M.  Caffini  de  Thuri ,  1744,  in-4°.  chez 
Guerin.  On  y  trouve  une  multitude  d'ob- 
fervations faites  par  M.  de  la  Caille  pour  la 
figure  de  la  terre. 

De  Litteraria  expeditione  ,  &C.  P.  P.  ^o£- 
cowich  8c  Maire  ,  /n-4".  Rome  ,  traduit  en 
françois  &  imprimé  à  Paris  en  1770  :  ce  li- 
vre eft  de  même  nature  que  celui  de  M. 
Bouguer. 

Hiftoire  cèle  fie  ou  recueil  dl'obfervations  fai- 
tes dans  le  dernier  fiecle ,  par  MM.  Picard ,  la 
Hire,  (S-c-.  avecnndifcours  préliminaire,  par 
M.  le  Momiier  1741 ,  /■/z-4''.  chez  Brialfoiu 

Oefervations 


A  s  T 

Obfervations  aflronomiques  ac  M.  le  Mon- 
nit-r  ,  in-folio ,  175 1  ,  lyy^  ,  17J9  ,  de  l'im- 
primerie royale.  Il  y  a  déjà  trois  livres  d'im- 
primés ,  d'environ  60  pages  chacun  :  le  qua- 
trième ctoit  lous  prelleen  1771. 

La  figure  de  la  terre  ,  déterminée  par  les 
oblcrvations  faites  au  cercle  polaire ,  &c.  par 
M.  de  Maupercuis ,   1758  ,  in-8°. 

Degré  du  méridien  entre  Paris  £,'  Amiens  , 
déterminé  par  la  melure  d^- M.  Picard,  & 
par  les  oblcrvations  de  MM.  de  Maupcrtuis , 
Clairaut ,  Camus ,  le  Monnier ,  1 740,  //2-S°, 
chez  Guerin. 

Dimetifio  graduum  meridiani  Viennenfis  & 
Hungaric! ,à  Jof.  Liefgani^.  Viiidobonje,  1770. 

Connoijfance  des  temps  ou  connoiJTance  des 
mouvemens  cékjles  ,  depuis  1760  juiqu'en 
1 774.  De  la  Lande  ,  chez  Panckoucke  , 
rue  des  Poitevins.  On  trouve  dans  ce  livre 
grand  nombre  d'obfervations  &  de  tables 
nouvelles  pour  l'ufage  des  aftronomes. 

Ephémérides  de  M.  de  la  Caille  ,  depuis 
I74y  jufqu'en  1774  >  ^  ^'^1.  iii-8°.  chezHé- 
rillan  ,  rue  S.  Jacques.  Tous  ces  volumes , 
fur-tout  le  dernier  ,  font  enrichis  de  mémoi- 
res inrérejjans  fur  l'ûjlronomie  ;  le  fèptieme 
volume  a  paru  en  1774. 

Il  y  a  de  fcmblables  éphémérides  publiées 
à  Bologne ,  par  M.  Zanotti. 

Ephemeridcs  ^4/7ro/7o/n/Cir,  par  Hell,  depuis 
17^7  juiqu'en  1771.  Vienne  in-8°  Tous 
Ces  volumes  renferment  aurti  beaucoup  de 
tables  tk  d'obfervations  intérelfantes. 

/?,-a/(/z^  c/e/ ,  par  M.  Pingre,  17H'  ^JP» 
in-S°.  chez  la  veuve  Durand.  Cet  almanach 
aftronomique  ctoit  le  plus  détaillé  &  le  plus 
exaft  qu'on  eut  calculé. 

On  a  commencé  à  publier  à  Londres  en 
1767  ,  un  ouvrage  encore  plus  conlidéra- 
ble  ,  intitulé  :  The  Nautical  Almanac  ,  dont 
il  a  déjà  paru  cinq  volumes  :  ils  contiennent 
un  détail  prodigieux  fur  les  diftances  &  les 
mouvemens  de  la  lune ,  relativement  à  la 
manière  de  trouver  les  longitudes  en  mer. 
The  British  mariner' s  guide  ,  Ma^kelync  , 
in-^°.  Lond.  176  3,  dont  il  a  déjà  paru  8  vol. 

Livres  d'ajironomie  phyfique  ,  fondés  fur  les 
calculs  de  l'attraction. 

Théorie  de  la  figure  de  la  terre  par  M. 
Clairaut,  1745,  in.-8°.  chez  Duiaiid  ,  rue 
5.     Jacques. 

Temç  IIL 


A  S  T 


l6i 


Recherches  fur  la  préccjfion  des  équinoxes  , 
par  M.  d'Alembcrt,  1749,  '"  4°.  chez  Da- 
vid, rue  dcsMathurins. 

Theoria  mollis  lunje  ,  à  L,  Euler,  17J}, 
in-^°.  à  Pctersbourg. 

Théorie  du  mouvement  des  comètes  ,  par 
M.  Clairaut,  iy6o,in-8°.  chez  Panckoucke  j 
rue  des  Poitevins. 

Recherches  fur  dijférens  points  impnrtans 
du  fyJJéme^du  monde,  par  M.  d'Alembert , 
i7)-4<Sv;   luiv.   3    vol.in-^°.  chez  David. 

Opufcules  mathématiques  ,  j  vol.  in-dP 
1768 ,  chez  Brialfon. 

Pièce  fur  la  théorie  de  l.i  lune ,  par  M.  Clai- 
raut ,  avec  de  nouvelles  tables  de  la  lime  , 
ieconde  cdit  1764  ,  chez  Defaint  Se  Saillant. . 

Pièce  fur  l  s  inégaUtés  de  Saturne  ,  qui  a 
remporté  le  prix  de  l'académie  en  1748  , 
par  M.  Euler  ,  chez  Guerin.  Cette  pièce  ed: 
la  première  où  l'on  ait  traité  le  problême  des 
trois  corps  par  une  méthode  analytique  & 
nouvelle.  M.  Simpfon  a  donné  ,  en  1740, 
1745  &  1757  ,  trois  volumes  de  ditFcrens 
mémoires  ou  opul'cules  en  anglois  ,  parmi 
lefquels  on  en  trouve  plufieurs  (mVaJIrono- 
mie  phyfique  ,  faits  de  main  de  maître  ;  l'au- 
teur ell  mort  en  1760.  Connoijfance  des  mou- 
vemens cékjlss  pour  \i6-/.  On  trouvera  l'in- 
dication de  tous  les  livres  nouveaux  d'<j/- 
tronotnie  à7i.ns  le  recueil  pour  les  aflronomes  y 
par  M.  Jean  BernoulH  ,  à  Berlin  ,  1771  &: 
1772  ;  &nous  les  citons  prelque  tous  d?ns 
les  divers  articles  de  ce  diâ:ionnaire  ;  les 
citations  doivent  être  une  des  principales  ri- 
cheifes  de  cet  ouvrage. 

Cartes  célefles. 

Flamflcedii  Atlas  caleflis  1719  ,  in-fclio 
maximo.  C'eft:  une  très-belle  colleftion  de  27 
planches  ,  qui  repréfentent  en  grand  toutes 
les  conftellations  &:  les  étoiles  du  ciel. 

Carte  du  ipdiaque  ,  où  l'on  voit  en  grand 
toutes  les  conllellations  du  zodiaque ,  gravée 
lous  les  yeux  de  M.  le  Monnier  ,  pard'Heul- 
land  ,  en  17 j 5  ,  &  qui  fe  trouve  chez 
M.  BellLn  ,  géographe  de  la  marine.  Il  y  a 
aufn  un  zodiaque  femblable  ,  gravé  à  Lon- 
dres ,  par  Senex  en  deux  feuilles ,  d'après 
les  obfervations  de  Flamileed  &  de  Hailey. 

Stcllarum  fixarum  hemifpluvrium  aufrale  » 
item  ,  hemifphcerium  boréale  ;  par  Sciiex 
grave  à  Londres  en  deux  feuilles. 
Zzzz 


l6%  A  S  T 

M.  Robert  de  Vaugondi  a  publié  auflî  un  ' 
nouveau  planifphere  en  deux  feuilles ,  de  la 
gva;idcur  de  celui  de  Senex  ,  où  le  trouvent 
les   nouvelles  conftellations  obfervées   par 
M.  de  la  Caille. 

Figure  du  pajfage  de  Vénus  fur  le  diftjue 
du  foie  il ,  qui  s'oblcrva  le  3  juin  1769  ;  ïur 
laquelle  on  voit  les  momcns  de  l'enrrie  & 
de  la  fortie  de  Vénus  pour  tous  les  lieux  de 
la  terre ,  avec  l'effet  des  parallaxes  &  le  choi:t 
des  pays  où  ce  paflàge  a  dû  être  obfervé , 
pour  en  déduire  la  diftance  du  foleil  &  de 
toutes  les  planètes  de  la  terre.  De  la  Lande  , 
chez  Lattre  ,  graveur  ,  rue  S.  Jacques. 

M.  Julien ,  à  l'hôtel  de  Soubife,  a  public  , 
en  1763  ,  un  catalogue  complet  des  caries 
géographiques ,  de  tous  les  auteurs  tant  étran- 
gers que  françois  ,  que  l'on  peut  avoir  chez 
lui  :  on  y  trouve  beaucoup  de  cartes  rela- 
tives à  VûJIronomie,  dont  nous  allons  mettre 
?ci  le  catalogue. 

Syjiéme  folaire ,  par  M.  Whiflon  ,  demi- 
feuille. 

Sénélcgraphie  ou  figure  de  la  lune  ,  d'He- 
velius ,  16^6. 

Autre  SéUnographie  anonyme. 

Figure  de  réchpfe  de  ioleil  de  1715,  par 
.  Whifton. 

Etat  du  ciel  au  temps  de  rcclipfe  de  1 7 1 J  , 
par  M.  Hnlley. 

Figure  de  réclipfc  de  lune  de  1718  par 
M.  Halley. 

Eclipfe  de  foleil  de  1748  ,  par  M.  Mayer , 
en  deux  feuilles ,  avec  une  explication  de  AL 
de  rifle  :  par  M.  Homan  ,  1747. 

La  même  éclipfe ,  par  M.  Lowitz ,  en 
deux  feuilles  ;,  1747 

Avertiflcment  de  M.  de  l'Ifle  ,  au  fujet 
<îe  cette  éclipfe  ;  brochure  in-^°.  allez  rare , 

'748. 

Figure  de  l'éclipfe  de  lune  du  8  août 
'J748,  par  M.  Lowitz. 

Eclipfe  de  Ioleil  du  S  janvier  1750  ,  par 
M.  de  1  Iflc  ,   1749. 

La  même  écliple  pour  Nuremberg ,  par 
M.  Homan,   173c. 

Ecliple  de  lune  du  jç)  juin  1750,  par 
yi.   de   l'Iflc. 

Eclipfe  de  lune  du  15  décembre  17JO  , 
par  AL  de  l'Ille. 

Ecîîpfedc  lune  du  9  juin  175  i  ,  par  M.  de 


A  S  T 

Eclipfe  du  2  décembre  1751  j  par  M.  de 
rifle. 

Figure  du  paflage  de  Vénus  de  i7(;i ,  par 
M.  de  rifle,  1760  ;  cette  figure  eft  fembla- 
ble  à  celle  que  j'ai  donnée  pour  le  paflàge 
de  Vénus  de   1769. 

Carte  de  L'éclipfe  du  foleil  du  premier  avril 
1764,  par  madame  le  Pautc. 

Atlas  cékjh ,  par  M.  Jean  Gabriel  Dop- 
pelmayer ,  gravé  à  Nuremberg ,  en  trente 
teuilles.  On  y  trouve  des  planilpheres ,  fix 
cartes  célefles ,  lemblableî  à  celles  du  P.  Par- 
dies,  qui  comprennent  tout  le  ciel  ;  des  figu- 
res des  orbites  des  planètes  ,  des  comètes , 
les  fl:ations ,  les  rétrogradations ,  les  iacelli- 
tes,  iS'c.  cet  atlas  eft  exécuté  groiTiércment  ; 
on  n'y  trouve  point  les  lettres  greques;  &  il 
efi:  moins  commode  que  les  autres  cartes  don: 
nous  avons  parlé.   (  M.  de  la  Lande.  ) 

ASTRONOMIQUE,  adj.  ajh-oncmicus  ; 
on  entend  par  ce  mot  tout  ce  qui  a  rapport  à 
l'aflronomie.  Vuye^  Astronomie. 

Calendrii.r  ajïronomiqiie.  V.  Calendrier, 

Heures  ajlronomiqucs.  Voyc[  Heure. 

Olfervatioiis  aflronomiques.  Voye:^  Obser- 
vations  CÉLESTES. 

Ptolomée  nous  a  confervé  ,  dans  fon  al- 
magefte  ,  les  obfervations  aflronomiques  des 
anciens  ,  entre  lefquelles  celles  d'Hippar- 
que  tiennent  le  premier  rang.  V.  Alî.iageste. 

La  plupart  des  ouvrages  ou  traités  d'alfro- 
nomie,  qui  ont  été  publiés  lous  les  règnes  de 
François  I  &  de  les  iuccefléurs  ,  n  étoienc 
que  des  extraits  de  Valmagefte  de  Ptolomée  , 
traduit  de  l'arabe  ,  ou  iur  les  manulcrits 
grecs  ;  ceux-ci  furent  recueiUis  ,  (Se  les  parta- 
ges reftitucs  dans  la  belle  édition  de  Bile 
de  1538.  Cet  ouvrage  renferme  non-ieu- 
lement  les  hypotheles,  les  méthodes  prati- 
ques ,  &  les  théories  des  anciens ,  mais  en- 
core pluheurs  oblervations  aflronomiques 
faites  en  Orient  &  à  Alexandrie  ,  depuis  la 
17^  année  de  Nabonaflard',  qui  eft  le  temps 
de  la  plus  ancienne  éclipie  qu  un  iaciie  avo.r 
été  oblervée  à  Babylone  ,  julquc  vers  l'an- 
née 887  ,  qui  répond,  lelon  nos  chrono- 
logifles,  à  l'année  140  de  l'ère  chrétienne. 
Cet  ouvrage  avoir  été  publié  fous  l'empire 
d'Antonin  ,  &  il  ne  relloit  guère  que  ce  li- 
vre d'aflronomie  qui  eut  échappé  à  la  fureur 
des  barbares;  les  autres  li\res  qui  s'étoient 
liins  doute  bien  moins  uiuh!i)liés ,  avoicùC 


A  s  T 

été  détruits  pendant  les  rav.iges  prcfquc  con- 
rinuels  qui  felircnt  durant  cinq  cents  ans  dans 
toutes  les  provinces  romaines. 

L'empire  romain  ayant  lini ,  comme  l'on 
fait  en  Occident  l'an  476  de  l'ère  chrétien- 
ne ,  &  les  nations  gothiques  qui  en  avoient 
conquis  les  provinces ,  s'y  étant  pour  lors  éta- 
blies ,  une  longue  hirbane  fuccéda  tout  d'un 
coup  aux  iîecles  éclairés  de  Rome  ■,  is:  cette 
grande  ville ,  de  même  que  celles  de  la 
Gaule ,  des  Elpagnes  &  de  l'Afrique  ,  ayant 
été  plufieurs  fois  priles  &c  faccagees ,  les  ma- 
nufcrits  furent  détruits  &  dilfipcs  ,  &;  l'uni- 
vers refta  long-temps  dans  la  plus  profonde 
ignorance  ,  I/i/f.  ajîr.  de  M.  le  Monnier. 

En  8S0  le  farraiin  Albatcgni  le  mit  àob- 
ferver.  En  1457,  Regiomontanus  le  livra 
à  la  même  occupation  à  Nuremberg;  J.  VVer- 
nérus  &  Ber.  W'altherus  les  élevés ,  conti- 
nuèrent depuis  147;  jufqu'en  1504;  leurs 
oblcrvations  réunies  parurent  en  1544.  Co- 
pernic leur  fuccéda;  &  à  Copernic  le  land- 
grave de  Hellè  ,  fécondé  de  Rothman  & 
de  Byrgius.  Tycho  vint  enfuite ,  &  fit  à 
Uranibourg  des  obfcrvations  depuis  1581 
jufqu'en  i6ci  :  toutes  celles  qu'on  avoit  juf- 
qu'alors,  avec  la  defcription  des  inftrumens 
de  Tycho  ,  font  contenues  dans  Yhijioire  du 
ciel ,  publiée  en  1671  ,  par  les  ordres  de 
l'empereur  Ferdinand.  Peu  de  temps  après , 
Hevelius  commença  une  fuite  à'ohfervations , 
avec  des  inftrumens  mieux  imaginés  &  mieux 
faits  que  ceux  qu'on  avoit  eus  juiqu 'alors  : 
on  peut  voir  la  defcription  de  ces  inftru- 
mens dans  l'ouvrage  qu'il  a  donné  lous  le 
titre  de  Machina  cœkftis.  Onobjeéte  à  Heve- 
lius d'avoir  obfcrvé  à  la  vue  hmple  ,  &  de 
n''avoir  point  lu  ou  voulu  profiter  des  avan- 
tages du  télefcopc.  Le  docteur  Hook  donna 
à  ce  fujet ,  en  16^4,  des  obfervations  (ur 
les  inftrumens  d'Hevelius  ;  &  il  paroit  en 
faire  très-peu  de  cas  ,  prétendant  qu'on 
n'en  peut  attendre  que  peu  d'cxaétituJe.  A 
la  Ibllicitation  de  la  lociété  royale  ,  M.  Hal- 
Icy  fit  en  1679  le  voyage  de  Dantzick  ; 
examina  les  inftrumens  d'Hevelius,  les  ap- 
prouva ,  &  convint  que  les  obfervations  aux- 
quelles ils  .ivoient  fervi ,  pouvoient  être 
cxaâes. 

Jer.  Horrox  &  Guill.  Crabtrée  ,  deux 
aftronomesanglois ,  fe  iont  faitconnoirre  par 
leurs  oblervations  qu  'ils  ont  poulfées  depuis 


A  S  T  7/?j 

165  f  jufqu'en  1645.  l-'lamfteed,  CalTini, 
Halley  ,  de  la  Uirc,  Roemcr  &  Kirch  leur 
luccéderent. 

M.  le  Monnier  fils  ,  de  1  académie  royale 
des  fcie^i^es ,  &  des  fociétés  royales  de  Lon- 
dres &  de  Berlin  ,  a  publié  en  1741  un  ex- 
cellent recueil  des  meilleures  obfervations 
aftronomique^  ,  faites  par  l'.Kad.  royale  des 
Iciences  de  Paris  ,  depuis  Ion  établillèment. 
On  n'en  a  encore  qu'un  volume  qui  doit  être 
luivi  de  plufieurs  autres  :  l'ouvrage  a  pour 
titre  ,  Hi/loire  cMeJîe  ;  il  eft  dédié  au  roi ,  &c 
orné  d'une  préface  très-lavante. 

Lieu  agronomique  d'une  étoile  ou  d'une 
pLmctc  ;  c'efl:  fa  longitude  ou  le  point  de 
l'écliptique  auquel  elle  fépond ,  en  comp- 
tant depuis  la  iediion  du  bélier /■«  co/2/tY//f/z- 
t!_a  ;  c'elt-à-dire  en  fuivant  l'ordre  naturel  des 
lignes,  ^oye:^  Lieu  ,  Longitude. 

AsTRONOMiQ_UES  ,  nom  que  quelques 
auteurs  ont  donné  aux  fraélions  fèxagéfl- 
malcs  ,  à  caufe  de  l'ulage  qu'ils  en  ont  fait 
dans  \cs  cûculs  afronomiques.  Foye^  Sexa- 
gésimal. 

Tables  agronomiques.  Voye-^  Tables, 

Théologie  agronomique  ,  c'eft  le  titre  d'un 
ouvrage  de  M.  Derham,  chanoine  de  VVind- 
for  ,  &  de  la  lociété  royale  de  Londres , 
dans  lequel  l'auteur  fe  propofe  de  démon- 
trer l'exiftence  de  Dieu  par  les  phénomènes 
admirables  des  corps  célefles.  Fojei_  Théo- 
logie. (  O) 

ASTRUM  ,  (  Chym.  )  terme  dont  les 
philofophes  chymiques  fe  fervent  pourfigni- 
fier  une  plus  grande  vertu  ,  puilfince  ,  pro- 
priété ,  acquife  par  la  préparation  qu'on  a 
donnée  à  une  chofe.  Comme  afirum  du  fou~ 
fre  ou  aflrum  fulphuris  flgmfie  le  foufrc 
réduit  en  huile  ,  dont  les  vertus  furpaftent  de 
beaucoup  celles  du  loufre  en  nature  ;  aflrum 
falis  ou  du  fcl  ,  c'eft  le  fel  réduit  en  eau 
ou  en  huile  :  ajlrum  mercurii  ou  du  mercure, 
c'eft  du  mercure  lublimé.  O^i  donne  ce  nom 
aux  alkools  ,  aux  quinteflènces  des  cho- 
fes.  (  H-  ) 

*  ASTRUNO  ,  montagne  d'Italie  ,  au 
royaume  de  Naples  ,  près  de  Puzzol.  Il  y  a 
dans  cette  montagne  des  bains  appelles  b'.gni 
1i  aflruno ,  que  quelques  géographes  pren- 
nent pour  la  fontaine  minérale  que  les  anciens 
nommoient  Oraxus  ;  ces  bains  font  fournis 
par  les  eaux  d'un  petit  lac. 

Zzzz   2. 


7^4  A  S  T 

ASTURA  ,  (  Géug.  I  rivière  àt  la  cam- 
.  pagne  de  Rome,  quia  Ion  embouchure  dans 
la  mer  de  Tofcane  ,  à  dix  lieues  au-dedus 
de  Rome.  Il  y  avoir  autrefois  un  bourg  près 
de  cerce  embouchure;  ce  fut  là^Cicéron 
s'embart]ua  pour  Cayette  après  qu'il  eut  été 
profcrit.Ce  fut  près  de-Li  qu'il  fut  mis  à  mort 
parordrc  du  triumvirat.  Ce  Fut  encore  près 
de  ce  même  endroit  que  Conrard  &  Frédé- 
ric furent  battus  &  pris  par  Charles ,  roi  de 
Naples.  {C.A.) 

ASTURIE,  province  d'Efpagne,  qui  a 
enviro)!  48  lieues  de  long 3  !ur  iS  de  large, 
bornée  à  l'orient  par  k  Bifcaye  ,  au  midi 
par  la  vieille  Caftille  lîc  le  royaume  de  Léon  , 
à  loccident  par  la  Galice  ,  au  nord  par  l'O- 
céan ;  elle  (e  divife  en  deux  parties,  VAjJu- 
rie  d'Orviedo  ,  &  V  Ajîurie  de  Sentiliam  : 
c'eft  l'apanage  des  fils  aines  d'Efpagne. 

ASTY  AGE  ,  (  Hijh  anc.  )  fils  de  Cyaxare  , 
fut  le  dernier  roi  des  Medes.  On  dit  que 
pendant  la  grolIelTe  de  la  fille  Mandant , 
qu'il  avoic  mariée  à  Cambife  ,  il  vit  en  longe 
une  vigne  qui  fortoit  de  fon  icin ,  &:  qui 
s'étendoit  dans  toute  l'Afie  ;  ce  qui  l'effraya 
û  fort,  dit  Hérodote  ,  qu'il  rclolut de  taire 
mourir  l'enfant  qu'elle  metcroit  au  monde  : 
-car  il  avoir  appris  des  mages  que  cet  enhnt 
ruineroir  plulseurs  empires.  Mandane  éranr 
accouchée  de  Cyrus ,  le  garanrit  des  embû- 
ches de  fon  grand-pere.  (H-) 

ASTYMEDE  ,  {Hifi.pc'ét.  )  féconde  fem- 
me d'Qzdipe ,  perfécuta  les  enfins  du  pre- 
mier lir  de  fon  mari  ;  &  pour  les  rendre 
odieux  à  leur  père  ,  elle  les  accufa  d'avoir 
voulu  attenter  à  fon  honneur  ;  ce  qui  irrita 
tellement  le  malheureux  (Rdipe  ,  qu  il  rem- 
pht  de  fang  toute  la  maifon ,  dit  Diodore. 

ASTYNOMES  ,  f.  m.  pi.  (//;/?.  nnc.  ) 
nom  que  les  Athéniens  donno  eut  à  dix  hom- 
mes prépofés  poi:r  avoir  l'evil  ur  leschan- 
teuies  &  fur  les  joueurs  de  flùre  :  quelques- 
uns  ajou.ent  qu'ils avoient  au iTi  l'intendance 
des  grands  clicmlns.  Ce  nom  cil:  grec , 
&  dérive  de  açv  ,  viUe. ,  Sc  de  i5y-o> ,  loi ,  ou 
ïif.'iir  ,  divijcr.  (G) 

ASTYOCHE^ ,  (  Hijf.  puct.  )  fille  de 
Philnnte  ,  ayant  été  faite  cnptivepar  Hercule 
dans  la  ville  d'Ephyne  en  Elidc  ,  fut  aimée 
de  ce  héros  &:  eu  eu:  ma  tils  nommé  Tlipo- 
km^.  (4-) 


A  S  Y 

j      ASTYOCHUS,  (Myth)  filsd'Eole,  régna 
après  fon  perc ,  fur  les  îles  Liparies ,  qu'il 


appella  Ec/enne*  du  nom  de  Ion  pcre. 

ASTYONE  ,  (  Hiji.  pcéi.  )  c'elc  le  nom 
de  la  belle  Chryfeis ,  fille  deChryies ,  grand- 
prêtre  d'Apollon.  (•+•) 

*ASTYPAL^US,  furnom  d'Apollon, 
à  qui  cette  épithete  eft  venue  d'Aftipalie , 
une  des  Cyclades ,  où  il  avoit  un  temple. 

ASTYRA  ,  (  Géogr.  anc.  )  ville  d'Eolic 
dont  parle  Scylax.  Il  y  avoit  encore  une 
autre  ville  de  ce  nom  en  Phénicie ,  dans  le 
voilmsge  de  l'île  de  Rhodes  ;  Etienne  le 
géographe  en  a  fait  mention.  (  C.  A.) 

*ASTYRENA  ,  (  Myih.)  Diane  flit 
ainfi  lurnommée  d'un  lieu  nom.mé  Afira 
dans  la  Mélie ,  où  cerre  déeOe  avoir  un  bois 
facré. 

*  ASUAN ,  (  Géog.  anc.  &  mod.  )  ville 
d'Egypre ,  dans  la  partie  méridionale  ,  fur 
la  rive  droite  du  Nil.  Les  Turcs  l'appellent 
Sûhid  ,  &  les  Arabes  Ufuan  ;  quelques  géo- 
graphes croient  que  c'tft  l'ancienne  Méta- 
compfo  ,  Tacompfon  ,  ou  Tachimpfo  ;  d'autres 
la   prennent  pour  Syene  même. 

^  ASSUNGEN  ,  périr  lac  de  Suéde  , 
dans  la  Vcftrogorhie  ,  vers  les  provinces  de 
Smallande  &:  de  Hallande. 

AS  Y  LE  ,  f.  m.  (  H,Jf.  anc.  £'  mod.  )  lanc- 
tuaire  ,  ou  lieu  de  refuge,  qui  met  à  l'abri 
un  criminel  qui  s'y  retire,  &:  empêche  qu'il 
ne  puilie  être  arrêté  par  aucun  oftîcicr  de 
juftice.  Vcyei^  Refuge,  Privilège. 

Ce  mot  vient  du  grec  ôcjvKcf ,  qui  eft  com- 
pofé  de  «  privatif,  &decuAa«,  je  prends 
ou  je  heurte  ;  parce  qu'on  ne  pouvoit  autre- 
fois ,  fins  lacrilege ,  arrêter  une  pcrlonne 
réfugiée  dans   un  afyk.  Voye^  Sacrilège, 

Le  premier  ar\lc'ii\t  établi  à  Athènes  par 
les  deicendans  cl'Hercule  ,  pour  le  mettre 
à  couvert  de  la  fureur  de  leurs  ennemis.  Voy. 

HÉRACLIDES. 

Les  temples  ,  les  autels  ,  les  ftatues ,  &c 
les  tombeaux  des  héros,  étoient  autrefois  la 
retraite  ord'naire  de  ceux  qui  étoient  acca- 
blés par  la  rigueur  des  loix  ,  ou  opprimés 
par  la  violence  des  tyrans  :  mais  de  tousces 
aj^  les  ,  les  temples  étoient  les  plus  lurs  & 
les  plus  mvio'ablcs.  On  fuppofoit  que  les 
dieux  le  chargeoient  eux-mêmes  de  la  pu- 
nirion  d'un  criminel  qui  venoit  (e  mettre 
i  I  ainli  Ibus  leur  dépendance  inunédiatc  j  & 


A  s  Y 

on  regardoit  comme  une  pnnde  impictc 
d'otcr  la  vengeance  aux  immortels.  Voyc:^^ 
Autel  , Temple, Tombfau  , Statue  ,  ùc. 

Les  IlraélitCb  avoient  des  villes  de  refuge  , 
que  Dieu  lui-même  leur  avoit  indiquées  ;  elles 
ctoient  l'afyle  de  ceux  qui  avoient  commis 
quelques  crimes,  pourvu  que  ce  ne  fut  point 
de  propos  délibéré. 

A  l'égard  des  païens  ,  ils  accordoient  le 
refuge  &:  l'impunité  ,  même  aux  criminels  les 
plus  coupables  &  les  plus  dignes  de  châti- 
inent ,  les  uns  p,ir  fupcrftition ,  lesaurres  pour 
peupler  leurs  villes  ;  &:  ce  iut  en  effet  par  ce 
moyen  que  Thebcs ,  Athènes  &  Rome  le  rem- 
plirent d'abord  d'habitans.  Nous  liions  aufTî 
que  les  villes  de  Vienne  &  Lyon  étoient  autre- 
fois un  afyk  chez  les  anciens  Gaulois  j  &  il  y  a 
encore  quelques  villes  d'Allemagne ,  qui  ont 
conlervc  leur  droit  à'afylc. 

C'cft  pour  cette  railon  que  fur  les  médail- 
les de  différentes  villes  ,  principalement  de 
Syrie ,  on  trouve  l'inicription  ASTAOl ,  à  la- 
quelle on  ajoute  IFPAi ,  par  exemple,  TTPOT 
ItPAS  KAI  ASTA02 ,  2IA0N02  iEPA2  KAI 
A2TAOT. 

La  qualité  d'afyls  étoît  donnée  à  ces  vil- 
les ,  félon  Spanheim  ,  à  caule  de  leurs  tem- 
ples ,  &  des  dieux  qui  y  étoient  révérés. 

La  même  qualité  étoit  aufTî  quelquefois 
donnée  aux  dieux  mêmes.  Ainfi  la  Diane d'E- 
phcfe  étoit  appellée  hiijhot.  On  peut  ajouter 
que  le  camp  formé  par  RemusiSc  Romulus , 
qui  fut  appelle  afyk ,  &  qui  devint  enfuite 
une  ville ,  étoit  un  temple  élevé  au  dieu  Afy- 

IxUS,  ©.à>-  ccrihcthf. 

Les  empereurs  Honorius  &  Théodofe 
ayant  accordé  de  femblabies  privilèges  aux 
églifes  ,  les  évêques&  les  moines  eurent  foin 
de  marquer  une  certaine  étendue  de  terrain  , 
qui  fîxoit  les  bornes  de  la  jt-iriidiition  lé- 
culiere  ;  &  ils  furent  fi  bien  conlerver  leurs 
privilèges ,  qu'en  peu  de  temps  les  comcns 
furent  des  efpeces  de  forterefles  où  les  cri- 
minels les  plus  avérés  fe  metroient  à  \'\hn  du 
chJtimenr ,  &  bravoicnt  les  m.rgillrats.  V. 
Sanctuairî. 

Ces  privilèges  furent  enfuite  étendus,  non 
feulement  aux  églifes  &aux  cimetières ,  mais 
aufTi  aux  maifonsdes  évêques  :  un  criminel 
qui  s'y  étoit  retiré  ne  pouvoit  en  fortir  que 
lous  promefle  de  la  vie,  &  de  l'entière  rc- 
rruiïioft  de  ibn  ciime.  La  raifon  pour  laquelle 


A  S  Y  -]6<i 

on  étendit  ce  privilège  aux  maifonsdes  évê- 
ques  ,  fut  qu'il  n'étoit  pas  poflîble  qu'un  cri- 
minel pafTàt  fi  vie  dans  une  églife  ,  où  il  ne 
pouvoir  faire  décemment  plufîeurs  des  fonc- 
tions animales. 

Mais  enfin  ces  afyhs  ou  lanftuaires  furent 
dépouillés  de  plulieurs  de  leurs  immunités, 
parce  qu'ils  ne  fervoient  qu'à  augmenter  le  bri-r 
gandage ,  &:  à  enhardir  le  crime. 

En  Angleterre,  dans  la  charte  ou  patente 
des  privilèges  ou  immunités  ,  qui  ont  été 
confirmées  à  leglife  de  S.  Pierre  d'^'orck  , 
l'an  f .  H.  VII  ;  on  entend  par  afyk  ,  cathedra 
quietudinn  &  pacis.  Quod  Ji  alii^t/s  vefano 
fpirhu  agitatus  diaholico  aufu  quanquam  ca- 
pe re  prLTfiimpferit  in  cathedra  lapidcâ  jiixta 
altare  ,  quod  AngUci  vacant  frecdflool  ,  id 
efl ,  cathedra  quietudinis  vel pacis  ;  hu'jus tarrt 
Jlagitiofi  facrikgii  ernsndatio  fub  nuUo  judicio 
erat  ,  fub  nullo  pccunice  niimcro  claude'.'atur  , 
fed  apud  Anglos  Botales  ,  hoc  cfi ,  fine  emcnda 
vocahatur.  Monajl.t.  :j  ,  p.  l^^. 

Il  y  avoit  plufîeurs  de  ces  afyks  ou  (ànc- 
tuaircs  en  Angleterre  ;  mais  le  plus  fimeux 
étoit  à  Beverly  ,  avec  cette  infcriprion  :  Hcec 
fedes  lapidea  freedflool  dicitur ,  id  efl  ,  pacis 
cathedra  ,  ad  qujim  reus  fugiendo  pcrveniens  , 
omnimodam  habet  fecuritatem.  Cambden. 

Les  afyks  refïcmblent  beaucoup  aux  fran- 
cliifes  accordées  en  Italie  aux  églifes  (  Voye:^ 
Franchise;)  mais  ils  ont  tous  été  abo- 
lis, f  G) 

*  En  France ,  l'églife  de  S.  Martin  de  Fours 
a  été  long-temps  un  afyk  inviokible. 

Ch.ijlemagne  avoit  donné  aux  afyks  une 
première  atteinte  en  779  ,  par  la  défenfe 
qu'il  fit ,  qu'on  portât  à  manger  aux  crimi- 
nels qui  fe  retireroient  dans  les  églifes.  Nos 
rois  ont  achevé  ce  que  Charlemagne  avoit 
commencé. 

ASYMÉTRIE  ,  f.  f.  compofé  de  «  priva- 
tif ,  de  <rvv ,  avec  de  y.ÎT^cv ,  mefure  ,  c'eît- 
à-dire  fans  mefure.  On  entend  par  ce  moc 
un  défr.uï  de  proportion  ou  de  corrcfpon- 
dance  entre  les  parties  d'une  chofe.  f^oyc^ 
SvmmÉtrie. 

Ce  mot  dé/îgnef/2  mathématique ,  ce  qu'on 
entend  plus  ordinairement  par  incommenfu- 
rabilité.  Il  y  a  incommenf  urabilité  entre  deux: 
quantités  ,  lorfqu'elles  n'ont  aucune  com- 
mune mefure  ;  tels  font  le  côté  du  quarré  >?c 
fi.  diagonale;  en  nombres  les  racinei  îburdt:  , 


16^  AS  Y 

comme  ^  x  ,  ùc.  font  aulTî  incommenrura- 
bles  aux  nombres  rationels.  V.  Incommen- 
surable ,  Sourd  ,Quarré  ,  ùc.  (£) 

ASYMPTOTE,  f.  f.  afympiotus  ,  terme 
de  géométrie.  Quelques  auteurs  définiffent  \'a- 
fymptote  une  ligne  indéfiniment:  prolongée  , 
qui  va  en  s'approchant  de  plus  en  plus  d'une 
autre  ligne  qu'elle  ne  rencontrera  jamais.  Voy. 
Ligne. 

Mais  cette  définition  générale  de  Vafymp- 
tote  n'eft  pas  exade  ,  car  elle  peut  être  ap- 
pliquée à  des  lignes  qui  ne  font  pas  des  afymp- 
totcs.  Soit  (fig.  zo  ,  n°.  X.  fecl.  coti.  )  l'hy- 
perbole iC  6"  I,  ;  Ton  axe  CM;  Ton  axe  con- 
jugué A  B.  On  fait  que  fi  du  centre  C,  on 
mené  les  droites  indéfinies  CD  ,CE  ,  pa- 
rallèles aux  lignes  BS ,  AS ,  tirées  du  fom- 
met  S  de  l'hyperbole ,  aux  extrémités  de  fon 
axe  conjugué  :  ces  lignes  CD ,  CE,  feront 
les  afymptotes  de  l'hyperbole  iC^X. 

Soient  tirées  les  paralleles/^g- ,  hi,  &c.  à 
Vafymptote  C  D  ;  A  eft  évident  que  ces  paral- 
lèles indéfiniment  prolongées ,  vont  en  s'ap- 
prochant  continuellement  de  l'hyperbole 
qu'elles  ne  rencontreront  jamais.  La  définition 
précédente  de  Vafymptote  convient  donc  à  ces 
lignes  ;  elle  n'eft  donc  pas  exafte. 

Qu'cft-ce  donc  qu'une  afymptote  en  géné- 
ral ?  C'efl  une  ligne,  qui  étant  indéfiniment 
prolongée,  s'approche  continuellement  d'une 
autre  ligne  auili  indéfiniment  prolongée,  de 
manière  que  fa  diftance  à  cette  ligne  ne  de- 
vient jamais  zéro  abfolu  ,  mais  peut  tou- 
jours être  trouvée  plus  petite  qu'aucune  gran- 
deur donnée. 

Soit  tirée  1  a  ligne  N  opq  perpendiculaire- 
ment à  Vafymptote  CD  ,  &  à  fes  parallèles 
fg,  hi ,  hc.  il  eft  évident  que  Vafymptote 
C  D  peut  .approcher  de  l'hyperbole  plus  près 
que  d'aucune  grandeur  donnée  ;  car  la  pro- 
priété de  Vafymptote  C  D  confifte  en  ce  que 
le  produit  de  Cp  par  p  q  eft  toujours  conf- 
iant ;  d'où  il  s'etifuit  que  C  p  augmentant 
à  l'infini ,  p  q  diminue  auftî  à  l'infini  :  mais 
la  diftance  des  parallèles/^  ,  A  /  ,  à  cette 
courbe  fera  toujours  au  moins  de  np,  de 
op  ,  £'c.  &  par  conféquent  ne  fera  pas  plus 
petite  qu'aucune  grandeur  donnée.  Foye:^ 
Hyperbole. 

Le  mot  afymptote  eft  compofé  de  i  pri- 
vatif,  fi"'  ,  avec  ,  &  de  t/ttIw  ,  je  tcmbe  , 
c'eft-à-dire  qui  n'cft  pas  co-incidcnt ,  ou  qui 


A  S  Y 

ne  rencontre  point.  Quelques  auteurs  latins 
ont  nommé  les  afymptotes ,  linece  ititaBx. 

Certains  géomètres  diftinguent  plufleurs 
efpeces  à! afymptotes  ;  il  y  en  a  félon  ces  au- 
teurs ,  de  droites  ,  de  courbes  ,  &:c.  Ils  diftri- 
buent  les  courbes  en  concaves ,  convexes  ,  Sec. 
Ik  ils  propofent  un  inftrument  pour  les  tracer 
toutes  :  le  mot  A' afymptote  tout  court  ne  dé- 
figne  qu'une  afymptote  droite. 

h'afymptote  fe  définit  encore  plus  exac- 
tement une  ligne  droite  ,  qui  étant  indéfini- 
ment prolongée  ,  s'approche  continuellement 
d'une  courbe  ou  d'urte portion  de  courbe  aufïi 
prolongée  indéfiniment ,  de  manière  que  fa 
diftance  à  cette  courbe  ou  portion  de  courbe 
ne  devient  jamais  zéro  ablolu  ,  maispeuttou- 
jours  êtretrouvéc  plus  petite  qu'aucune  gran- 
deur donnée. 

Je  dis  ,  i".  d'une  courbe  ou  d'une  por- 
tion de  courbe  ,  afin  que  la  définition  con- 
vienne ,  tant  aux  courbes  ferpentantes  qu'aux 
autres. 

Car  la  ligne /^  h  (figure  ao ,  n.  ^.)  ne 
peut  être  confîdérée  comme  Vafymptote  de 
la  courbe  ferpcntante  m  nopr  s ,  que  quand 
cette  courbe  a  pris  un  cours  réglé  relative- 
ment à  elle  ,  c'ef1:-à-dire  un  cours  par  lequel 
elle  a  été  toujours  en  s'en  apprechant. 

Je  dis ,  1°.  que  la  diftance  de  Vafymptote 
à  la  courbe  peut  toujours  être  trouvée  moin- 
dre qu'aucune  grandeur  donnée  ;  car  fans 
cette  condition  ,  la  définition  conviendroic 
à  Vafymptote  &  à  fes  parallèles.  Or  une  dé- 
finition ne  doit  convenir  qu'à  la  chofe  dé- 
finie. 

On  dit  quelquefois  que  deux  courbes  font 
afymptotes  l'une  à  l'autre  ,  lorfqu'indéfini- 
ment  prolongées  elles  vont  en  s'approchanc 
continuellement ,  fins  pouvoir  jamais  fe  ren- 
contrer. Ainil  deux  paraboles  de  même  pa- 
ramètre ,  qui  ont  pour  axe  une  même  li- 
gne droite  ,  font  afymptotes  l'une  à  l'autre. 

Entre  les  courbes  du  fécond  degré  ,  c'cft- 
à-dire  entre  les  feftions  coniques ,  il  n'y  a 
que  l'hyperbole  qui  ait  des  afymptotes. 

Toutes  les  courbes  du  troilieme  ordre  ont 
toujours  quelques  branches  infinies  ,  mais 
ces  branches  infinies  n'ont  pas  toujours  des 
afymptotes  ;  témoins  les  paraboles  cubiques, 
&  celles  que  M.  Newton  a  nommées  pa- 
raboles divergentes  du  troifieme  ordre.  Qitant 
aux  courbes  du  quatrième,  il  y  en  a  une  in- 


'  AS  Y 

finité ,  qui  non  feulement  n'ont  pas  quatre 
cjymptotes ,  mais  qui  n'en  ont  point  du  tout , 
&  qui  n'ont  pas  même  de  branches  infinies 
comme  l'elliple  dt  M.  Cailini.  V.  Courbl  , 
Branche  ,  Ellipse  ,  £v. 

La  conchoïde  ,  la  cilloïdc  ,  &  la  loga- 
rithmique ,  qu'on  ne  met  point  au  nombre 
des  courbes  géométriques ,  ont  chacune  une 
afymptotc.   Voye:^  Cou R bh. 

L'afymptote  de  la  conciioïde  eft  très-pro- 
pre pour  donner  des  notions  claires  de  la  na- 
ture des  afyinptotes  en  général.  Soit  {pi. 
del'analyfe  ,f.g.  i .)  MM  A  M  une  portion 
de  conchoïde,  C'ic  pôle  de  cette  courbe,  & 
B  R  une  ligne  droite  au-delà  de  laquelle  les 
p.;rties  QM,  EA,  QM  ,  &c.  des  droites 
tirées  du  pôle  C,  font  toutes  égales  cntr'cUes. 
Cela  polé ,  la  droite  B  R  lera  Ycfymptote  de 
la  courbe.  Car  la  pt-tpendiculaire  M I  étant 
plus  courte  que  MO  ,  &  M  R  plus  courte 
que  M  Q  ,  &c.  ii  s'enfuit  que  la  droite  B  D 
va  en  s'approchant  continuellement  de  la 
courbe  MM  A  M  ;  de  forte  que  la  diftance 
M  R  va  toujours  en  diminuant ,  &  peut  être 
aufTi  petite  qu'on  voudra  ,  fans  cependant 
être  jamais  abiolument  nulle.  V.  Divisibili- 
té ,  Infini  ,  (!v'c.    Voye^^  aujfi  Conchoïde. 

On  trace  de  la  manu-ie  fuivante  les  afymp- 
totes  de  l'hyperbole.  Soit  {planches  d:s  ftcl. 
coniq.  fig.  xo.  )  une  droite  D  E  tirée  par  le 
fommet  A  de  l'hyperbole  ,  paralicle  aux 
ordonnées  Mm  ,  &  égale  à  l'axe  conjugué 
d  a  ;  en  forte  que  la  partie  A  E  foit  égale  à 
la  moitié  de  cet  axe  ,  &  l'autre  partie  D  A 
égale  à  l'autre  moitié.  Les  deux  lignes  tirées 
du  centre  C  de  l'hyperbole  par  les  points  D 
êc  E  ,  lavoir  C  F  ik  C  G ,  feront  ks  afymp- 
totes  de  cette  courbe. 

Il  réfulte  de  tout  ce  que  nous  avons  dit 
julqu'ici,  qu'une  courbe  peut  avoir  dans  cer- 
tains cas  pour  ûfymptotc  une  droite  ,  &  dans 
d'autres  cas  une  courbe.  Toutes  les  courbes 
qui  ont  des  branches  infinies ,  ont  toujours 
l'une  ou  l'autre  de  ces  afymptotes  ,  &  quel- 
quefois toutes  les  deux;  Vafynptote  eft  droite, 
quand  la  branche  infinie  eft  hyperbolique  ; 
Vafymptote  eil:  courbe  ,  lorlque  la  branche 
infinie  eft  parabolique  ,  &  alors  Vafympro.'c 
courbe  eft  une  p.uabole  d'un  degré  plus  ou 
moins  élevé.  Ainli  la  théorie  des  afyrn,uo:cs 
des  courbes  dépend  de  celle  de  leurs  bran- 
ches jnhnies.  F'oyci  Branche. 

Une  wi^"drbe  géométrique  ne  peut  avoir 


»  puis  d  ai]'mprot,'s dïoizt-i,  qa'A  n'y  a  d'unités 
dans  l'expofmt  de  fbn  ordre.  Voy.  Stirling  , 
E'.um.  Un.  ^  ,  ord.  prop.  vj  ,  cor.  J  ,  &:\'In- 
troduaion  de  l'analyfe  des  lignas  courtes  ,  par 
M.  Cramer  ,  page  ■^.!f4  ,  arr.  i^j.  Ce  dernier 
ouvrage  contient  une  excellente  théorie  des 
afymptotes  des  courbes  géométriques  &  de 
leurs  branches  ,  chap.   yiij. 

Si  l'hyperbole  G  MR  ,fig.  zz,'eftunedes 
courbes  dont  la  nature  exiJrimée  par  l'équa- 
tion aux  afymptotes  foit  renfermée  dansl'c- 
quation  générale  x'"  y"  =rt'"  +  ";  tirez  la 
droite  P  M.  ,  par-tout  où  vous  voudrez , 
parallelc'd'j/jm/ii'o/i-  C  S;  achevez  leparallé- 
lograme  P  C  O  M.  Ce  paiallclograme  fera 
à  l'efpace  hyperbolique  P/tf  G  B  termine 
par  la  ligne  P  M ,  par  l'hyperbole  indéfi- 
niment continuée  vers  G  ,  is:  par  la  partie 
PB  de l'û/j'/7z;vo/e  indéfiniment  prolongée 
du  même  coté  ,  comme  m  —  «  efl  à  n. 
Ainfi  lorfquc  m  fera  plus  grand  que  n  ,  l'ef- 
pace  hyperbolique  lera  quarrablc.  Si  m=n  , 
comme  dans  1  hyperbole  ordinaire ,  le  pa- 
rallélograme  PCOM  fera  à  l'efpace  hyper- 
bolique comme  zéro  efl  à  i  ,  c'eft-à-dire 
que  cet  eipace  fera  infini  relativement  au 
parallelograme,  &  par  conféquent  non  quar- 
rable.  Lnfin  (i  m  eft  moindre  que  n  ,  le  pa- 
r.;llélograme  lera  à  l'efpace  hyperbolique 
comme  un  nombre  négatif  à  un  nombre  po- 
fitif,  l'efpace  PMGB  fera  infini,  &  l'ef- 
pace TWPCEfera  quarrablc.  Voyei  la  fin  du 
cinquième  livre  des  feclions  coniques  de  M. 
le  marquis  de  l'Mojiital.  Voye^^  aujjiunmé~ 
moire  de  M.  A''arignon  imprimé  en  1705  , 
parmi  ceux  de  l'académie  royale  des  laen- 
ces  ,  «Sl  qui  a  pour  titre  Réjhxions  fur  hs 
efpaces  plus  qu'infinis  de  M  Wallis.  Ce  der- 
nier géomètre  prérendoit  que  l'efpace  M  P 
G  B  ,  étant  au  parallelograme  comme  un 
nombre  politil  à  un  nombre  négatif,  l'ef- 
pace M  P  G  B  était  plus  qu'infini.  M  Va- 
rignon  cenfure  cette  exprelTion  ,  qui  n'tft 
pas  (ans  doute  trop  exacle.  Ce  qu'on  pcuf 
.•llurer  avec  certitude  ,  c'efl:  que  l'elpace 
P MGB  eft  un  clpace  plus  grand  qu'aucun 
eipace  .mi  ;  <^:  p.ir  conléquent  qu'il  eft  infini. 

Pour  le  prouver,  &  pour  reniïreladémonf^ 
tration  plus  iimple  ,  failons  a=i  ,&:  nous 

m 

aurons  l'équation  a."  )"  =  i  ouy^=a-      T. 
f  Voyc[  Exposant  ).  Doik  y  dx ,  élément 

1  de  l'aiic  PMGB  =  x~"V dx  ,  'dgiit 


76S 


A  S  Y 


l'intégrale  (  Voy.  Intégral)  eft  ■ 

ri 

pourcomplétercette  intégrale    il  faut  qu  elle 
K.  ^1     r —  o-    A  nu    11   s  eniuit 


foie  ==  o  lorfque  x  = 

que  l'intégrale    complète  eft  —  ^ 


d'où    il   s'enfuit 

m      , 
H  I 


m      , 


m      , 


4-  l_^î Donc ,  1°.  Si  m  <  /2 ,  on  a 

I  _  Z  égal  à  une  quantité  pofitivc.  Ainfi 
l'intégrale    fe    réduit    à  ^--|- qui  repré- 


fente  l'efpace  ECPM;  d  ou  1  on  voit  que 
cet  efpace  eft  fini  tant  que  x  eft  hni ,  ^ 
que  quand  x  devient  inhni,  l'elpace  devient 
iîifini  auffi.  Donc  l'efpace  total  renkrme  par 
la  courbe  &  fes  deux  afymptotes  ,  elt  intim; 
&commel'efpace  ECPMcfk  hm,  ils  enfuit 
que    l'efpace  reftant  PMGB  eft  inhni. 

Il  n'y  a  que  l'hyperbole  ordinaire  ou  les 
cfpaces  PMGB ,  KCPMMcnt  tous  deux 
infinis  dans  toutes  les  autres  hyperboles  1  un 
des  efpaceseft  infini ,  &  l'autre  hni  ;  1  elpace 
infini  •  eft  PGMB  dans  le  cas  de  /tz  <  n,  & 
dans  ie  cas  de  m>  n  c'eft  PMCE   Mzj  il 
faut  obferverde  plus  que  d  msle  cas  de  m  <Zn, 
l'efpace  infini  PMGBdt  plus  grand  en  quel- 
que manière  que  celui  de  l'hyperbole  ordi- 
naire ,  quoique  l'un  &:  l'autre  elpaces  (oient 
tous  deux  infinis  :  c'eft- U  Gms  doute  ce  qui  a 
donné  lieu  au  terme /)/«i  qu'mfims  de  M.  Wal- 
lis    Pour  éclaircir  cette  queftion ,  luppolons 
CJF=i  &cPM=i,  &  imaginons  parle 
point  M   une  hyperbole  équilatere  entre  les 
deux  afymptotes  CB,CE     que  je  fuppole 
faire  icrun  angle  droit  ;  enfuitc  par  le  mcme 
point  M  décrivons  une  hyperbole, dont le- 
quation  foit  x"' y"  =  i  ,  m  étant  <  n  ,  il 
tft  vifible  que  dans  l'hyperbole  ordinaire 

m 

y  =  x~  '  ,  &  que  dans  celle  cl  y  =  a:  »  ' 
d'où  l'on  voit  que  x  étant  plus  grand  que  i  , 
c'eft-à  -dire  que  C  P ,  l'ordonnée  correfpon- 
dantc  de  l'hyperbole  ordinaire  ,  fera  plus  pe- 
tite que  celle  de  l'autre  hyperbole.  En  cftct , 
fi  a:  eft  plus  grand  que  i  ,  &:  que -^  foit  -<  i, 


A  S  Y 

il  s'enfuit  q«e  A-       "  fera  >  x        ,  ptilfque 

m  étant  <  /2 ,  on  a  x"  >  x'",  lorfque  x  eft 
plus  grand  que  i ,  D'où  il  s'eniuit  que  x  > 
-  &  -  ou^' — '  <  ^-  ou  X — 7-  Donc  l'ef- 

pace  PMGB  de  l'hyperbole  reprelentce 
par  x^y"  ==  I ,  renfermera  l'elpace  de  l'hy- 
perbole ordinaire  repréfentée  par  l'équatioii 
a:j=  I  ,  &  ayant  la  même  ordonnée  P  ^^ 
Ainfi  ,  quoique  ce  dernier  efpace  ioitinfim  , 
on  peut  due  que  l'autre  qui  eft  infini  a  plus 
forte  raifon  ,  eft  en  quelque  manière  un 
infini  plus  grand.  Voye^  à  l'article  Infini  , 
la  notion  claire  &  nette  que  l'on  doit  le 
former  de  ces  prétendus  infinis  plus  grands 
que  d'autres.  . 

Soit  TS  ,  fig.  53  '  "'^e  logarithmique  , 
P  R  fon  afympiote  ,  P  T  la  lous-tangente  , 
&  P  iWune  de  fes  ordonnées.  L'eipace  in- 
déterminé RPMS  fera  égal  k  PM^P 
T;  &le  folide  engendré  parla  révolution 
de'la  courbe  autour  de  fon  afymptote  VF, 
fera  égal  à  la  moitié  du  cylindre  ,  qui  auroïc 
pour  hauteur  une  ligne  égale  à  la  lous-tan- 
gente ,  &  pour  demi-diametre  de  la  baie 
une  ligne  égale  à  l'ordonnée  QF".  Voy eiLo- 

GARITHMICIUE.  ,. 

ASYMPTOTiaUE  ,  afymptoticus  ,  ad), 
m  efpace  afymptotique  ,  eft  l'elpace  rentermc 
entre  une  hyperbole  &  Ion  afyniptote ,  ou 
en  général  entre  une  courbe  &fonalymp- 
tote  ;  cet  efpace  eft  quelquefois  hni  ,  quel- 
quefois infini.   Voye^  Asymptote.  (O)     _ 

ASYNDETON  ,  mot  compote  à  a  pri- 
vatifs de  «rt/vM»' ,  colUgo  ,  j'unis  ;  c'eft  une 
figure  de  grammaire  ,  qui  conliftc  a  lup- 
primer  lesliaifons  ou  particules  qui  dcvroienC 
ctre  entre  les  mots  d'une  phrale  ,  &  donne 
au  difcours  plus  d'énergie.  Voye^  Conjonc- 
tion ou  Liaison.  , 

On  la  trouve  dans  cette  phrafe  attribuée 
àCcfar,  vent,  viJi ,  vici  ;  où  la  particule 
copulative  &  eft  omife  :  &  dans  cette  au- 
tre de  Cicéron  contre  Catilina  ,  al<itt_,  ex- 
ceint,  evafit,  erupit;  &  dans  ce  vers  de  Virgile, 
Ferte  citiflatntnas  ,  date  tcla ,  fcandtte  tnuros 
Varyndetoti  eft  oppofée  à  la  figure  appel- 
Xécpolifynthcton  ,  qui  conlifte  à  mukiphcr  la 
particule  copuhùvc  Kuj^l  Polisvnthe- 
TON.  (  G  )  «Y 


ATA 
A  T 

A  T ,  f.  in.  (Jiift.  nat.  Botaniq.  )  arbre  de 
l'Afrique  &  de  l'Ail.:  ,  allez  bien  rcpré- 
iciité  &  dans,  prefquc  tous  Tes  détails  ibws 
le  nom  Malabare  ata-maram  ,  c'eft-à-dire , 
aibre  d\it  ,  par  Van-Khecde  ,  dans  fon 
Hortus  Malabaricus  ,  vol.  III ,  pag.  1 1  , 
f/.XXIX.  Les  Malabarcs  l'appellent  encore 
ir.anil-jaka  ,  à  cauie  de  la  relTemblance  de 
fôn  fruit  avec  celui  du  jaka  ,  au  moins  en 
apparence  ■■,  les  Brames  atna  ,  manil-pano- 
Jou  ,  &  jona  jaka  ;  les  Portugais  atas  & 
ûioeira  ;  les  habitatisde  Ternate  ar/s  ;  ceux 
du  Mexique  tfyyipalis  ;  les  Eipagnols  a/iûte 
xle  pannucho.  Recchus  eu  donne  une  figure 
iifièz  mauvaife  fous  le  nom  de  ate  panni- 
cenfis  5  dans  Ion  Hifloirc  des  plantes  du  Mexi- 
que ,  pafj'.  348.  Celle  de  Plukenet  ii'cft  .çuere 
meilleure,  Ibus  le  nom  à'anona  indien fruclu 
conv'ido  viridi  ^  fquamis  vcluti  aculcato  ,  ata- 
maram  korti  Alalabarici araticit ponhe  Marc- 
graavii  &  Pifonis  ,  forte  ctiam  yata  finen- 
jlbus  Boymii  flora  finenfis  ,  noflratibus  co- 
lonis  ,  the  Prikley  apple  vulgo  nuncupatur. 
Almageflum  botanicum  ,  pag.  32,  phytogra- 
phiiT^pl.  CXXXl^ ,  fig.  2.  Jean  Commelin 
en  a  repréfentc  fort  bien  les  feuilles  &  les 
graines  ,  fous  le  nom  â^anona ,  dans  Çon 
Hortus  Amflelodamenfis  ,  vol.  I.  pi.  LXIX. 

h'at  s'élève  à  la  hauteur  de  20  pics  , 
fous  une  forme  conique  alongée  &  affez 
ferrée  ,  parce  que  fes  branches  ,  quoiqu'en 
petit  nombre ,  en  font  peu  écartées ,  à  peine 
fous  un  angle  de  30  a  40  degrés.  Son  tronc 
eft  haut  de  5  à  6  pies  ,  fur  un  pié  au  plus 
de  diamètre,  alfcz  droit,  à  bois  très-dur, 
verdâtre  au  cœur ,  très-blanc  dans  fon  au- 
bier ,  couvert  d'une  écorce  verte  au  dehors , 
piquetée  de  petits  points  cendrés ,  épaiife  , 
îbngueufe  &  rouge  au  dedans. 

Sa  racine  eft  médiocrement  grande ,  alTcz 
ramifiée  ,  &  s'étend  plus  verticalement  Ibus 
terre  qu'horizontalement.  Son  écorce  eft 
rougeâtre. 

Ses  feuilles  font  alternes ,  affez  ferrées , 
rangées ,  non  pas  circulaircment ,  mais  ftir 
un  même  plan ,  de  manière  que  le  feuil- 
lage eft  applati.  Elles  font  elliptiques,  poin- 
tues aux  deux  bouts  ,  longues  de  quatre 
à  iix  pouces  ,  une  à  deux  fois  moins  lar- 
Tome  III. 


ATA  7^5) 

gcs ,  entières ,  allez  cpailîcs ,  vertes  Se  L.i- 
fantes  delfus  ,  plus  pfdcs  &  ternes  dcllous  , 
a\'ec  une  nervure  garnie  de  chaque  côté 
de  lept  à  huit  côtes  alternes ,  portées  fur  un 
pédicule  cylindrique  aifcz  court,  Surélevées 
ibus  lui  angle  de  45  degrés. 

Les  fleurs  fortejit  folitairement  de  l'aif- 
iellc  des  feuilles  qui  font  tombées ,  de  forte 
qu'elles  parniilént  iculement  le  long  des 
branches  antiennes  ou  de  la  fcvc  précé- 
dente. Elles  ont  d'abord  la  forme  d'un  bou- 
ton cylindrique  ,  long  d'un  pouce  ,  deux 
fois  inoins  large  ,  porté  fur  un  pédicule 
prcfiiu'auiTi  long  ■■,  lorfqu'cllcs  font  épa- 
nouies ,  elles  ont  un  pouce  &c  demi  de  dia- 
mètre. Chaque  fleur  coniîfte  en  un  calice 
verd,  caduc,  très-épais ,  d'une  feule  pièce 
à  trois  diviiions  profondes ,  triangulaires , 
&  en  une  corolle  à  fix  pétales  inégaux , 
verds  au  dehors ,  blancs  au  dedans  ,  dif- 
pofcs  fur  deux  rangs ,  de  manière  que  les 
trois  extérieurs  font  étroits  ,  &  une  fois 
phis  longs  que  les  trois  intérieurs  qui  font 
arrondis.  Le  centre  de  la  ileur  eft  occupé 
par  400  ou  500  étamines  courtes  ,  feiTiles 
à  anthères  blanches ,  quadrangulaires  ,  raf- 
fcmblées  en  fphere  autour  de  150  à  200 
o\aircs  diftiniSts ,  qui ,  en  tnûriifant,  devien- 
nent autant  de  baies  ovo'idcs ,  pointues  aux 
deux  bouts  ,  longues  d'un  pouce ,  une  fois 
moins  larges ,  diipofécs  en  quinconce  au- 
tour d'un  diique  devenu  un  axe  conique 
alongé ,  &  réunies  par  leur  moitié  infé- 
rieure en  un  fruit  fphéroïde  ,  tantôt  un 
peu  applati  ou  déprimé  ,  tantôt  iin  peu 
alongé  en  une  cipece  de  cône  obtus ,  de 
trois  à  quatre  pouces  de  diamètre  ,  verd 
extérieurement  ,  comme  écaillcux  par  les 
pointes  fàillantcs  de  chaque  baie  qui  cfl 
charnue  ,  molle  ,  blanchâtre ,  à  une  loge  , 
Se  qui  contient  ini  feul  pépin  ovoïde  ap- 
plati ,  comme  anguleux ,  long  de  fix  à  Icpt 
lignes,  de  moitié  moins  large,  veiJ-noir 
ou  brun-noir  ,  liifc  ,  tr>s-luifant ,  tron- 
qué à  fon  extrémité  inférieure  ,  par  la- 
quelle il  eft  attaché  verticalement  au  fond 
de  la  baie. 

Cuir.  L'ae  eft  naturel  au  Sénégal ,  auprès 
du  Cap-Verd  ,  aux  îles  Philippines  &  à 
Manille  ,  d'où  il  a  été  cnfuite  tranfporté  au 
Malab;u- ,  &  enfin  au  Mexique  &  au  Brcfil, 
Il  fe  multiplie  de  boutures  'éi  de  icw^cnçc^  , 
A  a  a  a  a 


770  ATA 

Se  01!  le  cultive  clans  les  jardins.  Il  aime 
les  iabies  gras  ,  ari^ileux  ou  limoneux  , 
char.dà  &  liiuiULles ,  &  mêlés  cle  fumier  c!c 
ciîeval.  Il  commence  à  porter  du  fruit  dès 
la  féconde  ou  troilieine  asmée ,  ?<;  conti- 
n'jc  aiuil  pcndar.t  50  ans  uc  au  delà  ,  lorf- 
cju'on  le  cultive  avec  foin  :  il  en  porte  deux 
fois  l'an  ,  favcir  eu  avril  &  mai ,  &  en 
août  &  leptembre ,  de  manière  que  les  fleurs 
d'avril  !ie  mûrilfent  qu'en  fcptembre  ,  & 
celles  de  leptembre  donnent  leur  fruit  en 
février.  Il  fleurit  donc  pendant  la  faifon 
des  pluies ,  qui  dureut  depuis  avril  ju(- 
qu'en  odtobre  ,  que  l'on  appelle  /liier  au 
Malabar  ,  pendant  que  le  temps  fec  s'ap- 
peilc  l'été. 

Qualités.  Toute  cette  plante  a  un  goût 
un  peu  auflcre  mêlé  d'amertume  ,  &  une 
odeiir  légèrement  aromatique.  Ses  fruits  ont 
une  odeur iuave,  (Scunelincurtrcs-aiîréable. 
Ufag£5,  L.es  fruits  de  Vat  iê  cueillent  uu 
peu  avant  leur  maturité  ,  pour  les  lalilcr 
mûrir  &:  adoucir ,  à-peu-près  comnie  l'on 
«iicille  les  nèfles;,  alors,  ils  fe  m.angent  avec 
«Iciices  -^  ils  font  fort  rafraîclHllaus ,  &  lâ- 
chent le  ventre  lorfqu'on  boit  de  l'eau  par- 
delîlis.  On  les  fait  cuire  aulTi  avant  leur 
.maturité  ,  a\-cc  un  peu  de  gingembre  ,  dans 
}'eau  commune  que  l'on  boit  dans  les  ver- 
liçes.  Ses  feuilles  pilées  &  réduites  en  cata- 
j)lafme  a^'ec  un  peu  de  fel  ,  s'appli({uent 
iivec  fuccès  fur  les  tumeurs  malignes  pom- 
les  amener  à  llippuration. 

Remaiijuei.  M.  Linné  a  confondu ,  fous 
le  nom  iïanana  murkata  ,  f'oliis  ovalHan- 
ccolatis  glabri^  nitidis  ^  planis  ^  pomis  muri- 
€at'is  ,  dans  fou  Syftîma  Nûtur.t?  ,  imprimé 
en  1767  ,  pa[;.  375  ,  non  fcidcment  Yat  du 
Malabar ,  mais  encore  le  corrolbl  commun 
tie  l'Amérique  ,  l'anona  verd  épineux  ,  fi- 
j;-iré  par  Sloane  ,  dans  fon  Hiftoirs  naturelle 
de  la  Jamaïque  pi.  CCXXF  ,  &  celui  à 
feuilles  très-étroites  gravé  par  Phikenet  à 
\:\pl.  CXXXIF,  //°.  2  ,  de  fi  Phyto gra- 
phie ,  toutes  plantes  qui  en  différent  beau- 
coup, comme  on  le  verra  à  la  delcription  de 
chacune  d'el'es.  (  M.  Adanso\.  ) 

*  ATABALE  ,  f.  m.  (  Hijf.  mod.  & 
mufiq.  )  efpece  de  tambour ,  dont  il  cil  fait 
mention  dans  les  voyageurs  ,  qu'on  dit  kxrc 
en  ufjge  p;u-mi  les  Maures ,  mais  dont  on 
a&  nous  douue  aucune  dcicriptioii. 


ATA 

*  ATABF.K ,  f.  m.  f  Uifî.  mod.  )  nom 
de  dignité  qui  lignifie  en  turc  père  du  prince  , 
&  qu'ont  porté  plufieurs  feigneurs  ,  infti- 
tutcurs  des  princes  de  la  maifon  des  Seigiu- 
cides  •■,  les  Perfans  les  appellent  atabekian. 
La  faveur  ou  la  fûiblelfe  de  leurs  maîtres 
les  rendit  fi  puiffans ,  qu'ils  établirent  en  Afie 
c[uatre  branches ,  qu'on  nomme  dynafties  : 
il  y  eut  des  atabeks  de  l'Iraque  qui  -firent 
la  première  dynallie  '-,  ils  commencèrent  en 
1127  de  J.  C.  &  finirent  eu  631  de  l'hé- 
gire ,  après  avoir  régné  fur  la  Chaldée ,  la 
Méfopotamie  ,  toute  la  Syrie  ,  iufqu'eii 
Egypte  :  les  atabeks  de  la  ?vlédie ,  ou  de 
i'Adherbigian  ,  qui  firerit  la  féconde  dynal- 
tie  ;  ils  commencercpit  en  555  de  l'hégire  , 
&  finirent  eu  622  :  les  atabeks  de  Perfe  ou 
Salgarieus  ,  ils  ont  duré  depuis  543  juf- 
qu'en  (16  3  de  l'h.égire  :  les  atabeks  Lan  flans  , 
ainfi  aj^pellés  de  la  province  de  Lar,  dont  ils 
le  rendirent  maîtres ,  finirent  en  Modhaf- 
feredin  Afrafiab  ,  quelque  temps  après  l'a» 
de  l'hégire  740. 

*  ATABULE ,  f  m.  vent  fâcheux  qui 
règne  dans  la  Pouille  ,  &  qui  incom- 
mode, dit-on,  les  arbres  &  les  vignes;,  il 
faudroit  encore  favoir  de  quel  point  du  ciel 
il   fouffle. 

ATABYRION  ,  (  Gt'ogr.  )  nom  que  les 
Grecs  ont  donné  au  mont  Tliabor  ,  aujeur- 
d'hui  Dfchebeltur ,  dans  la  plaine  d'E.fdre- 
lon  en  Paleftine.  Une  montagne  de  l'île  de 
Rhodes ,  une  autre  de  la  Sicile  ,  une  ville 
de  Perfe  &  une  de  Phénicie  ,  ont  aullî  porté 
le  même  nom.  (  C.  A.) 

*  ATABYRIUS  ,  f  Mytk.  )  furnora 
que  Jupiter  avoit  chez  les  Rhodiens ,  dont 
il  étoit  la  phis  ancienne  divinité  :  Rhodes 
s'appelloit  anciennement  Atabyria. 

*  ATACAMA  ,  f  Géogr.  mod.  )  port 
de  mer  ,  dans  l'Amérique  méridionale , 
au  Pérou  ,  proche  le  trojMque  du  Capri- 
corne ^  il  y  a  un  délèrt  &  des  montagnes 
du  même  nom.  Les  montagnes  féparent  le 
Pérou  du  Chili  •■,  il  y  fait  fi  froid  ,  que  quel- 
quefois on  y  meurt  gelé.  Le  port  e'i 
à  309^1.  10'.  d(  long.  &  lo\  30'.  de  lat^ 
mérid. 

*  A TAD,  (  Cécgr.  faintc.  }  contrée  au 
delà  ilu  Jourdain  ,  appellée  la  plaine  d'E- 
gypte ,  où  les  ifraélites  célébrcrcut  les  obfe» 
celles  de  Jacob, 


ATA 

ATALA  ,  (  Gi'ogr.  )  petite  ville  d'Italie 
en  Sicile ,  dans  la  vallée  de  Déinona.  Elle 
cft  (iir  le  détroit  de  Mcflinc  ,  dans  une  11- 
tiiation  fort  agréable,  entre  Meili:ieck'I'aor- 
mina.  Long.  ^()  ,  50  ;  iat.  37  ,  ^o.(Cyi.) 

ATALANTE  ,  (MytA.  )  fille  de  Cénée , 
roi  de  l'île  de  Scyros ,  avoir  pris  tant  de 
goût  pour  l'exercice  de  la  challè  ,  qu'elle 
s'y  adonnoit  toute  entière  ,  courant  à  tra- 
vers les  bois  &  les  campagnes  :  elle  devint 
fi  Ici^ere  à  la  courfc ,  qu'il  étoit  impofliblc 
aux  hommes  les  plus  vigoureux  de  l'attciu- 
clrc.  Un  jour  elle  fut  vivement  pourfui\'ie 
par  deux  centaures  ;  mais  elle  eut  alfez  d'a- 
drefl'e  &  de  force  pour  les  tuer  à  coups  de 
flèches ,  même  en  courant  toujours.  Elle 
fe  trouva  à  la  fameufe  chalIe  du  fanglier 
de  Calydon ,  &  aux  jeux  &  combats  inlti- 
tués  en  l'honneur  de  Pclias  ,  où  elle  lutta 
centre  Pelée  ,  &  remporta  le  prix.  Elle 
avoit  réfolu  de  confer\cr  fa  \irginité  ■■,  mais 
là  grande  beauté  la  faifoit  rechercher  de 
toutes  parts.  Pour  fe  délivrer  de  l'impor- 
tuuité  de  tant  d'amans  ,  elle  leur  propolii 
de  difputer  avec  elle  ,  à  condition  qu'ils 
léroicat  fuis  armes  ,  qu'elle  courroit  avec 
ini  javelot ,  &  que  ceux  qu'elle  pourroit 
iitteincbe,  elle  les  perceroit  de  cette  arme  5 
mais  que  le  premier  qui  arrivcroit  au  but 
;nant  elle  ,  feroit  fon  époux.  Plufieurs  ac- 
ceptèrent la  condition  ^  mais  comme  elle 
couroit  plus  vite  qu'eux  ,  déjà  plufieurs  de 
fes  pourfuivaiis  avoient  perdu  la  vie  ,  lorf- 
qu'Hyppomene  fè  fèrvit  d'un  ftratagême 
qui  le  rendit  vainqueur.  Vénus  lui  avoit 
fait  prcfent  de  trois  pommes  d'or  ,  cueillies 
dans  le  jardin  des  Hefpérides  :  le  fignal 
donné ,  Hyppomeiie  courant  le  premier  , 
liilla  adroitement  tomber  ces  trois  pom- 
mes, à  quelque  diliance  l'une  de  l'autre  : 
Atalante  s'étant  amufée  à  les  ramalTer  ,  fut 
A'aiiicue,  &  devint  le  prix  de  la  vidoire. 
Tvlais  quelque  temps  après ,  ayant  profané 
avec  fon  mari  im  temple  de  Cybcle  ,  elle 
fut  changée  en  lionne  ,  &  lui  en  lion  :  ce- 
pendant on  fait  époufèr  dans  la  fuite  Ata- 
lante à  Mélcagre.  (  +  ) 

*  ATALAVA  ,  petite  ville  de  Portugal 
dans  l'Eftramadure  ,  proche  le  Tage.  Long. 
10,  S;lat.  39,  25. 

ÀTANAIRE  ,  terme  de  Fauconnerie ,  fe 
difoit   d'un    oifcâu    qiii    avoit   encore    le 


ATA  ,771 

pcnnage   d'anrnn  ,    ou  de  l'année  palfée. 

ATARAXIl-:  ,  f.  f.  (Morale.)  terme 
qui  étoit  fort  en  ufage  parmi  les  Scepti- 
ques 8c  les  Stoïciens  ,  pour  fignifier  le 
calme  &  la  tranquillité  de  l'efprit ,  &  cette 
fermeté  de  jugement  qui  le  garantit  de  tou- 
tes les  agitations  &  les  mouvemcns  qui  vien- 
nent de  l'opinion  qu'on  a  de  i()i-m6ir.c  ,  & 
de  la  fcience  qu'on  croit  polTédcr.  Voye^ 
Stoïciens. 

Ce  mot  cft  purement  grec  ;  il  cft  coin- 
polé  de  X  privatifs  de  ta^àr^o)  ,  je  trou- 
ble ,  f  émeus  ^  je  Jais  peur.  C'cft  d;sis  Yata- 
razie  que  confiltoit ,  fuivaut  ces  philofo- 
phcs  ,  le  fouverain  bien  ,  &  le  plus  grand 
bonh.-jr  de  la  vie.  Voyci  Souverain 
BIEN.  (X) 

ATARKA  ,  (  Géogr.  )  ville  de  la  Myfie  , 
fur  l'Hellefpont.  On  la  nommoit  auffî  Atar- 
neaou  Atarneus.  C'eft  aujourd'hui  Aifmahy 
petite  ville  de  Natolie  ,  près  de  laquelle  on 
trou\e  le  grand  village  de  Camara  ,  & 
des  morceaux  d'antiquité  en  très  -  grand 
nombre. 

*  ATAROTH  ,  (  Gfogr.  fainte.  )  il  y  eut 
une  \'ille  de  ce  nom  en  Paleftine  ,  dans  la 
tribu  de  Gad,  au  delà  du  Jourdain  ^  une 
autre  fur  les  confins  de  la  tribu  d'Ephraïm , 
du  côté  du  Jourdain. 

*  ATAVILLES  ,  f.  m.  pi.  (  G*-o^r.  ) 
peuples  du  Pérou  ,  dans  l'Anîérique  mé- 
ridionale ,  à  la  fource  du  Xanxa ,  à  quelque 
diftance  de  la  mer  Pacifique  &  de  Lima. 

ATAXIE  ,  f.  f.  terme  de  médecine  ,  cotr- 
pofé  de  x  privatif  &  de  ja^tt ,  ordre  ,  c'eft- 
à-dire  ,  défaut  d'ordre  ,  irrégularité  ,  trou- 
ble ,  confufion. 

Il  fignifie  dans  un  fens  particulier ,  un 
dérangement  &  une  irrégularité  dans  les  cri- 
fcs  &  les  paroxyfines  des  fièvres.  Hippoc. 
liv.  1.  6"  3.  ép.  On  dit  que  la  fièvre  ejt 
dans  fataxie ,  ou  irréguliere  ,  lorfqu'elle 
ne  garde  aucun  ordre  ,  aucune  égalité  , 
aucune  règle  dans  fon  caradere  &  dans 
le  retour  de  fes  accès.  Ainfi  ce  mot  figni- 
fie le  reiiverfement  d'ordre  qui  ai-rive  dans 
les  accidens  ordinaires  des  maladies  ,  fir- 
tout  lorfque  la  malignité  s'y  mêle  \  il  fè 
dit  P-ulTî  du  pouls  ,  lorfqu'il  ne  garde  au- 
cun ordre  dans  le  temps  ou  le  ton  de  fes 
battemens.^  (  'N  ) 

ATCHÉ  ,  monaoie  d'argent  biiloK  ,  la 
A  aa  aa  z 


772  ATE 

plus  petite  £:  celle  de  moindre  valeur  en- 
tre toutes  les  cfpcces  qui  ont  cours  dans 
les  états  du  graud-iëigneur  ,  où  il  n'y  a 
aucune  monnoie  de  cuivre  ,  excepté  dans 
la  province  de  Babylone.  Elle  a  pour 
empreinte  des  caractères  arabes  :  Yacché 
vaut   quatre    deniers    8c  un  neuvième  de 

'*  ATÉ  ,  f.  f.  (  Myik.  )  dcefib  malfai- 
fante  ,  dont  on  n'arrétoit  ,  ou  dont  on  ne 
prévenoit  la  colère ,  que  par  le  fecours  des 
Lites  ,  filles  de  Jupiter  :  Até  vient  de  ^tm  , 
mal,  iniiifUce  ,  èi /nés  \ici\t  as  Kn  al  ,  priè- 
res. Jiipitcr  la  prit  un  jour  par  les  cheveux , 
&  la  précipita  du  ciel  en  terre  :  ne  pou- 
vant plus  brouiVicries  dieux,  er.tre  krqueis 
Jupiter  avoit  fait  ferment  qu'elle  ne  repa- 
roîtroit  plus  ,  elle  fe  mêla  malheureufe- 
ment  des  affaires  des  hommes  ;,  elle  par- 
courut la  terre  avec  une  vîtefl'e  incroya- 
ble ,  &  les  prières  boiteufes  la  fuivirent  de 
loin  ,  tâchant  de  réparer  les  maux  qu'elle 
laiifoit  après  elle.  Cette  fable  allégorique 
cil  d'Homerc  ,  &  elle  eft  bien  digne  de  ce 
grand  poëte  ■■,  ce  feroit  s'cxpofcr  à  la  gâter 
<jue  de  l'expliquer. 

ATEL ,  (Géogr.  )  c'eft  l'un  des  noms  que 
les  Tartares  doinient  au  Volga  ■^  les  autres 
font  Edel  &  Jodel  •■,  &  ces  noms  fignifient 
îe  grand  Jlcuve ,  la  grande  rivicre  ou  le  grand 
courant.  (  C.  A.  ) 

*  ATEL  A,  {Géogr.  anc.  &  mod.)  an- 
cienne ville  de  la  Campanie ,  en  Italie  :,  c'eft 
aujourd'hui  Sant-Arpino  ,  dans  la  terre  de 
Labour  ,  entre  Naples  &c  Capoue.  Il  y  avoit 
autrefois  lui  amphithéâtre  ,  où  l'on  jouoit 
des  comédies  faryriques  &  bouffonnes  , 
qu'on  appelloit  aullanes.  Il  ne  relie  rien  de 
l'amphithéâtre  ,  ni  des  atellanes.  Voyei 
Atellanes. 

ATELLANES  ,  adj.  pris  fub.  {Littéral.) 
pièces  de  tiiéatre  en  ulage  chez  les  Ro- 
mains, &  qui  reffembloient  fort  aux  pièces 
iktyriques  des  Grecs  ,  non-feulement  pour 
le  choix  des  fujets  ,  mais  encore  par  les 
caraétcres  des  afteurs  ,  des  danfes  &  de 
la  mullque. 

On  les  appelloit  ainfi  à'Ateh  ,  ville  du 
pays  des  Oiques ,  ancien  peuple  du  La- 
linm  ,  où  elles  avoient  pris  uiiiffance,  &c 
d'où  elles  paifercnt  bientôt  à  Rome  \  c'cli 


•A  T,E 

cércii  Of,s  ludi  ,  &   dans  Tacite   Ofeum 
ludicrum. 

Ces  pièces  étoient  ordinairement  comi- 
ques ,  mais  non  pas  abfolument  ni  exclufi- 
veinent  à  tout  fujet  noble  ou  férieux  qu'on 
pût  y  faire  entrer  :  quelquefois  des  pafto- 
ralcs  héroïques  ,  telles  que  celle  dont  parle 
Suétone  dans  la  vie  de  Domitien  \  elle  rou- 
loit  fur  les  amours  de  Paris  &  d'QEnonc  : 
quelquefois  c'étoit  un  mélange  bizarre  de 
tragique  &  de  comique  :,  elles  étoient  jouées 
par  des  pantomimes  qu'on  appelloit  atel- 
lans  ,   aiellani  ,  ou  exodiaires  ,  exodiarii  ; 
parce  que ,  dit  un  ancien  fcholiafte  de  Ju- 
vciial ,   cet  a£leur  n'entroit  qu'à  la  fin  des 
jeux  ,  afin  que  toutes  les  larmes  &  la  trif- 
teflè  que  caufoient  les  pallions  dans  les  tra- 
gédies ,  fniîént  effacées  par  les  ris  &  la  joie 
qu'infpiroient  les  atellanes.  On  pourroit  donc, 
dit  Voffius  ,  les  appeller  des  comédies  faty- 
riques  ;  car  elles  étoient  pleines  de  plaifan- 
teries  &  de  bons  mots,  comme  les  comédies 
greques  :  mais  elles  n'étoicnt  pas ,  comm.e 
celles-ci,  repréfentées  par  des  acieurs  ha- 
billés en  fatyres.  Le  même  auteur  dilbn- 
gue  les  atellanes  des  mimes  ,  en  ce  que  les 
mimes  étoient  des  farces  obfcenes ,  &  que 
les  atellanes   refpirolent   une  certaine   dé- 
cence \  de  manière  que  ceux  qui  les  repré- 
fcntoient  n'étoient  pas  traités  avec  le  mémer 
mépris  que  les  autres  afteurs.  Voye[  Ac- 
teur. On  ne  pouvoir  pas  même  les  obliger 
de  fe  démalquer  quand  ils  rempliffoient  mal 
leurs  rôles.   Cependant  ces  atellanes  ne  fe- 
continrent  pas  toujours  dans  les  bornes  de  la 


poiaq^uoi  ou 


bicnféance  qui  y  avoit  d'abord  régné  j  elle» 
devinrent  ft  licencieulcs  &  fi  impudentes , 
que  le  fénat  fut  obligé  de  les  iupprimer.. 
Voir.  Inftit.poet.  lib.  IL  (G) 

♦  ATELLARI  ou  ATELL AR A, (G.o<r. 
anc.  &  mod.  )  rivière  de  Sicile  ,  qui  coule 
dans  la  vallée  appcllée  di-Noto  ,  palfe  à 
Noto,  &  fe  jette  dans  la  mer  près  des  mi- 
nes de  l'ancienne  Elore.  On  prétend  que 
ÏAtdlara  eft  ÏElorc  d'autrefois. 

ATÉNTVDOLILET  ,  f.  m.  (  H  i p.  mod.} 
premier  mmilire  de  l'empire  des  Perles.  Il 
jouit  de  la  plus  syrande  autorité.  H  ell  grand 
chancelier  àc  l'état ,  préfident  du  confeil ,, 
fur-intendant  des  finances ,  bf.  chargé  de  la 
dillributioa  des  dons  U  penllons ,  de  toa- 


ks  tfouve  wmiiiécs  Uaws  Ci-  \  te?  les  artliires  «transcrcs.  Les  édits  ôc  oi- 


ATE 

donnances  fe  publient  fous  fon  nom  en 
cette  forme  moilefte  : 

Mo/  qui  fuis  le  foutien  de  la  puiffance  ,  la 
créature  de  cette  cour  ,  la  plus  puisante  de 
toutes  les  cours  ,  &c. 

Uatéma-douLt  tire  par  mois  lunaire ,  pour 
fès  appoiiueincns ,  mille  tomans  ,  qui  font 
environ  cinq  cents  quarante  mille  livres  de 
France  :  il  vend  d'ailleurs  les  gouvcrnemens 
&  tous  les  emplois  iinportans  de  la  milice 
&  des  finances  ,  &  il  ne  faut  p;.s  oublier 
dans  le  calcul  de  ics  re\enus  ,  le  produit 
des  étrennes  qu'il  reçoit  annuellement  (},cs 
divers  officiers  de  l'empire,  f-f-) 

A  TEMPO  GÎUSTO ,  (  Muji-jue.  )  ces 
mots  Italiens  lignifient  exaclement  ^  en  temps 
jujle.  On  les  trouve  fouvent  à  la  tête  d'une 
pièce  de  mufique  ,  &c'eft  une  marque  qu'il 
faut  exécuter  d'un  mouvement  modéré ,  aifez 
approchant  de  l'andaiite,  en  marquant  bien 
les  notes.  Onne  dcvroit  jamiais  ,  ce  me  fem- 
ble  ,  fe  fervir  d'expreffions  trop  vagues  en 
mufique  où  il  y  a  déjà  tant  d'indéterminé. 
Ce  quieft  temps  juftc  pour  l'un  ,  ne  l'ellpas 
pour  l'autre.  (  F.  D.  C.  ) 

*  ATEiNA  (  Géogr.  )  petite  ville  d'Italie 
au  royaume  de  Naples  ,  proche  de  Negro. 
I-ong.  33,  S  ; /c/.  40 ,  28. 

*  ATERGATIS  ,  déeiTe  des  Syriens  -, 
on  croit  que  c'eft  la  mcre  de  Sémiramis  \  elle 
ctoit  repréfentée  avec  le  vifàge  &  la  tête 
d'une  femme,&  le  refte  du  corps  d'un  polifon. 
Atergatis ,  dit  Voffius ,  fignifie  fans  poijfoii  ; 
&  il  conjefture  que  ceux  qui  honoroient  cette 
déellè  s'abftenoient  de  poiiTon. 

ATERMOYEMENT  ,  terme  de  palais, 
qui  fignifie  un  contrat  entre  des  créanciers 
fcc  un  débiteur  qui  a  fait  faillite  ,  ou  qui  eft 
dans  le  cas  de  ne  pouvoir  s'empêcher  de  la 
faire ,  portant  terme  ou  délai  pour  le  paie- 
ment des  femmes  qu'il  leur  doit ,  &  quel- 
quefois même  remife  abfolue  d'une  partie 
d'icellei. 

Le  débitein-  qui  a  une  fois  obtenu  un 
atermoyement  de  fes  créanciers  ,  n'eft  plus 
reçu  par  la  liiite  à  faire  ceffion, 

Uatennoyement  peut  être  volontaire  ou 
forcé  :  dans  le  premier  cas  il  s'opère  par 
un  fimple  contrat  entre  les  créanciers  &  le 
débiteur  ■-,  dans  le  lecond  ,  il  faut  que  le  dé- 
biteur obtienne  en  petite  chancellerie  des 
lettres  d'attrmoyemçiit ,  ôc  qu'il  les  falie  eu- 


ATH  773 

tériner  en  juftice,  après  y  avoir  appelle  tous 
fes  créanciers;  mais  il  ne  peut  pas  forcerfes 
créanciers  hypothécaires  à  accéder  à  Yater- 
moyemcnt.  ()n  a  fait  A'atermoyemeiit ,  ater^ 
moyer ,  atermoyé.  {H) 

*  ATH  ,  (Géogr.  )  ville  des  Pays-Bas 
dans  le  comte  d'Hainaut ,  fur  la  Denre.  Long. 
21,  3o;/rt/.  50,  35- 

*  ÀTHACH  ,  (  Géogr.  fainte.  )  ville  de 
Paleftine  dans  la  tribu  de  Juda.  Voye^  I. 
Reg.  XXX.  40. 

ATHALIE  ,(H//?.<f.-5  7i///î.)  fille  d'Achab, 
roidcSamarie,  &  de  Jézabel ,  époufa  Joram, 
roi  de  Juda.  Après  la  mort  de  ce  prince  , 
elle  réfolut  de  faire  tuer  tous  les  enfans  que 
fon  filsOchofias  avoitlaifîés,  afin  de  pouvoir 
monter  fans  obftacle  fur  le  trône  de  Juda  ; 
car  Jéhu  avoit  mis  à  mort  Ochofias  lui- 
même  ,  avec  quarante-deux  princes  de  foa 
fang.  Elle  exécuta  en  partie  fon  projet  fau- 
guinaire  :  il  n'y  eut  que  le  jeune  Joas,  que 
fa  tante  Jofabet  trouva  le  moyen  de  fouftraire 
à  ce  maïïacre.  Cet  enfant  fut  élevé  fecrettc- 
m.cnt  dans  le  temple.  Au  bout  de  fcpt  ans , 
le  grand-prêtre  Joïada  voulut  le  remettre  fur 
le  trône  de  fes  pères  qu'occupoit  la  cruelle 
Athalie.  Il  réuiTit ,  &  Achalie  accourue  au 
bniit  du  couronnement  inefpéré  de  Joas ,  fut 
mife  à  mort  par  les  troupes  ,  l'an  du  monde 
312(5. 

*  ATHAMANIE ,  {Géogr.  anc.  )  pays  de 
l'Epire  ,  entre  l'Acarnanie  ,  l'Etolie  ,  &  la 
ThclTalie. 

ATH  AMAS ,  (  Hijl.  anc  &  mythol.  )  Les 
m.alheurs  de  ce  prince  ont  ouvert  un  vafte 
cîiamp  à  l'imagination  des  poètes.  Son  hif- 
toire  eft  cachée  fous  l'emblème  de  fablesquï 
ont  beaucoup  exercé  les  laborieux  mytholo- 
giftcs.  Ce  roi  d'Orcomenc  avoit  eu  ,  de  fou 
pretnier  mariage  avec  Neiphilc ,  deux  en- 
fans  ,  Phrj'xus  &  Stellé  ■■,  il  fcnna  une  fé- 
conde union  avec  Ino,  fille  de  Cadmus ,  dont 
naquirent  Cléarque  Sf  Mélicefte.  Ino ,  ma- 
râtre impitoyable  ,  conçut  une  averfion  in- 
vincible pour  les  enfans  du  premier  lit,  dont 
le  droit  d'aineflë  éloignoit  les  fiens  du  trône. 
Le  royauine  ayant  été  frappé  du  fléau  de  la 
ftérilité  ,  elle  fit  fervir  la  religion  àfahaine  ; 
l'oracle  fut  confulté  fiir  les  moyens  de  faire 
renaître  l'abondance  •■,  le  prêtre  ,  corrompu 
par  les  largefTesd'Ino,  répondit  que  les  dieux 
irrités  ne  poiivoicnt  s'appaxfcr  que  dans  le 


774  A  T  H 

fang  de  Phry^nis.  Ce  jeune  prhicc ,  pour  fe 
dérober  à  la  mort ,  fit  équiper  fccrctcment 
un  vaiiî'eau  ,  &  le  iàuva  ,  avec  tous  les 
tréfors  de  fon  père  ,  dans  la  Colchide. 
Atkamas  &  Ino  exagérèrent  le  larcin  fait  par 
ï'hryxus  ^  &  l'idée  qu'on  fe  forma  des  ri- 
cheifes  enlevées ,  dornia  naiffance  à  la  fable 
de  la  toifon  d'or  &  à  l'expédition  des  Ar- 
fronautes.  Plus  l'on  s'éloigna  des  teinps  , 
plus  l'image  de  ces  tréfors  devint  précieufe. 
Athamas  découvrit  dans  la  fuite  la  perfidie 
d'Ino.  Délèfpéré  d'avoir  perdu  fon  fils  & 
fes  tréfors  ,  il  oublia  que  Léarqueétoitfon 
£ls ,  &  comme  il  étoit  l'objet  des  tendre/Tes 
de  fa  mère  ,  il  le  fit  aiîalTiiier ,  &  punit 
nw  innocent  du  crime  d'une  femme  qui 
étoit  feule  coupable.  Ino  auroit  eu  la 
même  deftinée  ,  fi  elle  ne  l'eût  préve- 
inie  en  fe  précipitant  du  haut  d'un  ro- 
cher dans  la  mer  ,  où  l'on  publia  qu'elle 
ftit  changée  en  monftre  marin.  Ce  défef 
poir  &  Athamas  fervit  encore  à  exagérer 
l'idée  qu'on  fe  formoit  de  la  toifon  d'or. 
(  T-~N.  ) 

*  ATHAMAS  ,  (  Géogr.  anc.  )  rivière 
d'Etolie  dont  les  eaux ,  dit  0\ide  ,  allu- 
moient  une  torche  ,  fi  on  l'y  trempoit  au 
dernier  quartier  de  la  lune.  La  montagne 
d'où  cette  rivière  couloit ,  avoit  le  même 
nom.  * 

ATHANAGILDE,  roi  des  Vifigoths, 
(  Kiftoire  d'Efpagne.  )  Vainement  l'hifioire  a 
célébré  les  vertus  de  ce  prince  ;  cuvain 
elle  l'a  mis  au  rang  des  plus  illuilres  fou- 
verains  ;  fês  vertus  éminentes ,  fcs  rares 
qualités  ,  fon  éqiiité ,  fa  bienfaifance  ,  n'ont 
pu  fiùrc  oublier  l'irréparable  faute  qu'il  com- 
juit  en  imjîlorant  le  lëcours  de  Juftinien  , 
J'^  en  oflrant  aux  légions  Romaines  des  éta- 
bliiîémens  fur  les  côtes  maritimes  d'Efpa- 
gne. L'attachement  des  Vifigoths  pour  lui , 
leur  confiance  ,  leur  eflime ,  &  fiir-tout  la 
tyrannie  d'Agila  fon  prédécelfeur  ,  l'euf- 
fent  élevé  fur  le  trône  )  mais  trop  impa- 
tient de  régner  ,  il  eut  la  criminelle  im- 
prudence de  recourir  à  l'avide  Juftinien  , 
ik  d'acheter  ,  au  prix  d'une  partie  des  états 
qu'il  vouloit  gouverner  ,  la  proteélion  de 
l'empereur  ,  &  le  fccours  prelque  inu- 
tile   des    troupes    mercenaires    qui   fiiivi- 


A  T  H 

rcnt   en    Efpagne    le    général  Liberius. 

L'imprudent  Ac/ianagi/Je  ne  tarda  point 
à  fe  repentir  de  hi  ceffion  qu'il  avoit  faite 
à  fês  avares  alliés  :  car  ,  peu  contens  des 
places  qu'il  leur  avoit  promifes ,  les  infiitia- 
blcs  Romains  s'emparèrent  forcément  des 
\'illcs  les  plus  confiJérables  du  royaume  des 
Vifigoths  •■,  enforte  que ,  quoique  vainqueur 
&  féul  polfeircur  du  trône  ,  le  fiiccefl'cur 
d'Agila  vit  l'Efpagne  prefqu'eiitiere  ,  prête 
à  tomber  au  pouvoir  de  fes  alliés.  Menacé 
par  les  Vandales ,  qui  paroiffoieut  difpofés 
à  faire  une  irruption  dans  lès  états  ;  prelfé 
par  l'Italie  ,  qui  ,  foumife  à  Conftantino- 
plc  ,  ne  pouvoit  fe  difpenfer  de  foutenir 
les  prétentions  de  l'empereur  d'orient  ^  ja- 
mais Athanagilde  n'eût  pu  défend-re  fon 
royaume  contre  les  ufiirpations  des  Ro- 
mains ,  ni  le  mettre  à  l'abri  des  irruptions 
des  Vandales,  fi  ,  par  bonheur  pour  lui, 
l'imbécille  foiblcfTe  de  Juftinien  ,  la  démence 
de  fon  fuccclFeur ,  &  fur-tout  la  rébellion 
de  Narfès  n'eulTent  garanti  l'Efpagne  du 
joug  de  l'Orient  ,  "«:  des  armes  de  l'Italie. 
Cependau-t  les  prétentions  des  foldats  ,  éta- 
blis par  Liberius  dans  les  états  àAthana- 
gildc  ,  devinrent  fi  infupportables  ,  &  leurs 
déprédations  fi  exceffives ,  que  la  guerre 
éclata  entre  les  deux  nations  ;  les  Romains 
eurent  quelques  fiiccès ,  les  Vifigoths  rem- 
portèrent auiîi  quelques  avaîitages  \  mais  ils 
ne  purent  empêcher  les  foldats  &  les  fuccef- 
feurs  des  foldats  de  Liberius,  de  fe  mainte- 
nir en  Efpagne  pendant  près  d'un  fiecle  , 
jufqu'à  la  fin  de  614  ,  qu'ils  en  furent 
chaires  par  Suintila.  Athanagilde  toutefois 
avoit  réufli  dans  fes  vues  ;,  il  étoit  monté 
fur  le  trône,  en  554,  &  il  avoit  choifi 
pour  capitale  de  fes  états  Tolède  ,  villa 
forte  ,  placée  au  centre  du  royaume.  A 
l'imprudence  près  qu'il  avait  eue  d'appeller 
les  Romains  ,  fes  liijets  ne  lui  reprochè- 
rent ni  vices  ,  ni  défauts  ;  il  fut  le  père  de 
fes  peuples  ,  &  fonda  fon  autorité  fur  leur 
rvfTeèHon  ^  il  fit  régner  la  juftice  &  le  boa 
ordre  ,  autant  qu'il  fut  en  lui  :  ami  de  la 
paix  ,  il  fit  tous  fes  efforts  pour  pcrfuader 
aux  Romains  de  fe  contenter  des  terres  qu'il 
leur  avoit  cédées  \  mais  ces  ufiap-iteurs 
avides  n'écoutant  ni  fes  confcils  ,    ni  \q% 


(  a  )  L'auteur  di-s  Lettres  fur  l'Encyclopéille  pri'tfnd  qu'Atli.imas  n'cft  point  une  rivière ,  mais  le  pcifplc  Adumanne  , 
ce  ^ui  eft  conttedit  pat  les  anciens  g'éogr.iplici  &  notre  opinion. 


A  T  H 

exhortations  ,  il  eut  recours  à  la  voie  des 
armes  ^  il  les  combattit  avec  valeur  ,  &  le 
cou\Tit  de  gloii-e.  Sa  renommée ,  ôc  la  ré 
putatioii  de  la  rare  beauté  des  deux  filles 
qu'il  avoit  eues  de  fon  cpouic  Gofliinde  , 
setoieut  répandues  chez  les  voiiins  ;  & 
Si;îebert ,  roi  d'Auilralic  ,  pénétré  d'eiiimc 
pour  les  \crtus  <ÏAihaitagilde  ,  &;  peut-être 
d'amoiir  pour  la  coicbre  Bruniciiildc  ou 
Bruuchaut  ,  lui  envoya  demander  cette 
jeune  princelie  en  mariasse ,  par  Gogon  , 
ion  premier  miniftre  ,  à  la  tête  d'une  am- 
bailade  Iblemnelle.  Le  roi  des  \'ilî;^oths 
accrcillit  favorablement  la  demaiide  de  Si- 
gebcrt;  &  Bruneliaut ,  emportant  avec  elle 
une  très-riche  dot  en  argent ,  partit  avec 
Go;?on  ,  &  fe  rendit  auprès  de  Sigebert, 
qu'elle  n'eut  pas  plutôt  époufé  ,  qu'elle  ab- 
jura rarianifme  pour  le  cathoîiciime.  Quel- 
ques hiftoriens  airurcnt  que  fon  père  étoit 
catholique  auili ,  mais  en  iècret ,  &  qu'il 
diffimula  fa  religion  ,  de  crainte  de  dé- 
plaire cà  fes  fujets  :  mais  ce  qui  rend  un  jîcu 
furpeéle  l'affertion  de  ces  hilloricns,  c'cfr 
Ja  vaine  tentative  qu'ils  font  pour  juftiiicr 
Brunchaut  ,  qu'ils  peignent  comme  l'une 
des  princcffcs  les  plus  accomplies  de  fon 
iiccle,  des  perfidies  &  des  crimes  que  lui 
ont  imputé  d'autres  hiftcriens  vraifembla- 
blement  mieux  inftruits.  Quoi  qu'il  en  foit , 
Chilpéric ,  roi  de  Soiifons ,  &  frerc  de  Si- 
gebcrt ,  enchanté  des  grandes  qualités  de 
Brunehaut  ,  demanda  l'année  fuivaiue  en 
mariage  ,  quoiqu'il  eût  déjà  deux  fem- 
mes ,  Andouere  &  l'horrible  Frcdegondc  , 
Gaîlùinde  ,  fœur  de  Brunehaut ,  au  roi 
des  Viiigoths.  Informé  de  l'inconduite  & 
des  moeurs  dépravées  de  Chilpéric ,  Aihana- 
gilde  ne  confentit  qu'avec  beaucoup  de  peine 
à  ce  mariage,  qui  fut  célébré  cependant,  & 
qui  fut  fi  fatal  à  l'infortunée  Galfuinde  ou 
Gahonte  ,  que  fon  barbare  époux  fit  étran- 
gler par  les  conièils  violens  de  Frcdegonde. 
Athanagilde  n'cxiftoit  déjà  plus  lors  de  ce 
meurtre  affreux  ;  il  étoit  mort  en  567  , 
après  un  règne  glorieux  &  paifible  de  i  ^ 
ans.  (  Z.  C.  ) 

ATH ANATES ,  adi. pris fub. {Uifl. ar.c.) 
Dom  d'un  corps  de  foldats  chez  les  anciens 
Perfes.  Ce  miOt  eft  originairement  grec  ,  2< 
fignifie  immortel  ;  il  e'i  ccmpofé  d'x  pri',  a'. if 
Se  de  ixixi  cf ,  mon. 


ATH  77^ 

Les  athcnates  compofoicnt  un  corps  do 
cavalerie  de  dix  mille  hommes  \  ^  ce  corps 
étoit  toujours  complet,  parce  qu'un  foldat 
qui  mouroit  étoit  aulli-tôt  remplacé  parmi 
autre  :  c'étoit  pour  cette  raifon  que  les  Grecs 
les  appelloicat  athanaus  ,  &  les  Latiiis  im- 
morialcs. 

On  conjefture  que  ce  corps  commença 
par  les  diX  mille  foldats  que  Cyrus  fit 
\  enir  de  Perfc  pour  fii  garde  :  ils  ctoient 
diliingués  de  tous  les  autres  par  leur  armure 
ùiperbe  ,  &  plus  encore  par  leur  cou- 
rage. (G) 

ATHAX'OPv  ,  f.  m.  tcrma  de  chymie  , 
grand  fourneau  immobile  fait  de  terre  ou 
de  brique  ,  fur  lequel  s'élcve  une  tour  dans 
laquelle  ou  met  Je  charbon  ,  qui  defcend 
dans  le  foyer  du  fourneau  ,  à  mefure  qu'il 
s'en  confume  ,  félon  que  la  tour  peut  con- 
tenir plus  ou  moins  de  charbon.  Le  feu  s'y 
conferve  plus  ou  moins  long-temps  allu- 
mé ,  fans  qu'on  foit  obligé  d'y  m.ettre  de 
temps  en  temps  du  charbon ,  commje  on 
fait  dans  les  autres  foiirneaux.  Uathanor 
communique  la  chaleur  par  des  ouvertures 
qui  font  aux  côtés  du  foyer  ,  où  l'on  peut 
placer  pluliears  vaiiîeaux  ,  pour  faire  plu- 
iieurs  opérations  en  même  temps.  Voyei 
foLRNEAux, Chaleur,  &c. 

Ce  mot  eft  emprunte  des  Arabes ,  qui 
donnent  le  nom  de  taniuron.  à  m\  four  , 
à  l'imitation  des  Hébriux  qui  l'appellent 
tannour  ;  d'autres  le  déri\ciU  du  grec 
asuvàrof,  immortel,  par  rapport  à  la  longue 
durée  du  feu  que  l'on  y  a  mis. 

La  chaleur  de  YatAanor  s'augmente  011 
fe  diminue  à  n-.cfiirs  que  l'on  ouvre  ou 
que  l'on  ferme  le  regiilre.  î^oyei  Re- 
gistre. 

L'atAanor  s'appelle  aufîi  piger  Henricus , 
parce  qu'on  s'en  fort  ordinairement  dar-.s 
les  opérations  les  plus  lentes  ,  &  qu'étant 
une  fois  rempli  de  cluirbon ,  il  ne  celfc  de 
brider  ,  fans  qu'on  foit  obligé  de  renou- 
vcllcr  le  feu  i  c'eft  pourquoi  les  Grecs  rap- 
pellent àv.iiJi'i, ,  c'cft-à-dire  ,  ijui  ne  demande 
aucun  fuin. 

On  le  nomme  aufTi  h  fourneau  philo fo- 
phique  ,  le  fourneau  des  arcanes  ;  ucerus  ch't- 
ir.icus  ,  ou  fpargyricus  ;  &  farnus  turritus^ 
loiiriieau  à  tour. 

Ou  voit  j  Cl.ym.  PL  IF.  fig.^jl,  un  four- 


77^  A  T  H 

neau  athanor ,  ou  de  Henri  le  pareffeur  :  a 
le  cendrier  -^  b  ,\q  foyer  ^  c ,  c ,  les  ouver- 
tures pour  la  communication  de  la  chaleur 
au  bain  de  fable  ou  au  bain  marie  ■,  d ,  d , 
vtiide  de  la  tour  dans  lequel  on  met  le 
charbon  -^  e  ,  e  ,  fblides ,  ou  murs  de  la 
tour  j  /',  dôme  ou  coux'ercle  du  fourneau  j 
g  y  à,  deux  trous  par  où  s'échappe  la  fu- 
mée. Le  fourneau  athanor  eft  compofé  , 
comme  nous  l'avons  dit ,  d'un  bain  de  fable  ^ 
I  le  cendrier  \  i  le  foyer  ■■,  3  le  bain  de  fable  ; 
4  un  matras  dans  le  Hible  •■,  5  une  écuelle 
qui  eft  auiîi  dans  le  fable  ■■,  6  trou  au  régiftre  ■■, 
7  l'entrée  de  la  chaleur  dans  le  bain  de 
iable  ^  8 ,  8  ,  la  platine  fur  laquelle  eft  le 
fiible.  Le  fourneau  athanor  a  encore  un 
bain  marie  :  i  le  cendrier  ^  2.  le  foyer  ;, 
3  ,  3  ,  le  chaudron  où  l'eau  du  bain  marie  eft 
contenue  \  4  un  rond  de  paille  fur  lequel  la 
cucurbite  eft  pofée  j  5  la  cucurbite  coëffée 
de  fon  chapiteau  ^  6  ,  <5  ,  les  régiftres  j  7 
efcabeile  qui  porte  le  récipient  j  8  le  réci- 
pient. (M) 

*  AÏHDORA  ,  (Gcogr.)  ville  d'Ir- 
lande à  neuf  milles  de  Limerick  ,  dans  la 
Mommonie. 

ATHEAS,  (Hifl.anc.)  L'hiftoire  parle 
de  deux  rois  de  ce  nom.  Le  premier  oc- 
cupa le  trône  de  Pont  ^  c'eft  la  feule  parti- 
cularité que  nous  lâchions  de  fa  vie.  L'au- 
tre ,  qui  fut  roi  des  Scythes ,  fuccéda  à 
Syclis  ,  fon  père ,  vers  l'an  300  avant  Jefus- 
Chrift.  Le  temps  a  dévoré  la  plus  grande 
partie  de  fcs  aftions  ;  mais  il  en  refte  en- 
core aflez  pour  faire  voir  que  ce  fut  un 
des  grands  princes  qui  aient  régné  dans  la 
Scythie.  Il  joignoit  à  la  fierté  &  à  la  valeur 
naturelle  de  f  i  nation  ,  la  fagelle  &  la  po- 
litique des  Grecs.  Atheas  eut  de  fréquens 
démêlés  avec  les  Tribales  &  les  Iftriens , 
fur  qui  il  remporta  plufieurs  viftoires,  fans 
pouvoir  leur  ôter  l'envie  de  lui  faire  la 
guerre.  L'opiniâtreté  de  ce  peuple  ayant 
lalFé  là  conftance,  Atheas  envoya  demander 
des  iècours  à  Philippe ,  lui  promettant 
pour  récompenfe  de  le  faire  rcconnoître 
pour  fon  fucccffcur  au  trône  de  Scythie.  Le 
roi  de  Macédoine  ctoit  pour  lors  occupé 
contre  les  Bizantins  ,  auxquels  il  faifôit  une 
guerre  pénible  &  ruiiieufe.  Il  avoit  bcfoin 
de  toutes  lès  troupes  pour  lui-même  ^  mais 
le  prix  (\à Atheas    mettoit   à  fcs  ferviccs  , 


A  TH 

lui  fit  multiplier  toutes  les  relFources  :  le 
lècours  partit  ;  mais  étant  arrivé  ttop  tard  , 
il  fut  renvoyé.  Philippe  en  reifcntit  une 
vive  douleur  \  réduit  à  difïïmuler ,  il  envoya 
demander  au  prince  des  Scythes  les  frais 
qu'il  lui  a\oit  occaiionés.  Ce  fut  à  cette 
occafion  c^\  Atheas  fit  cette  ficre  réponfe , 
dont  s'eft  embelli  un  de  nos  plus  grands 
poètes.  «  Les  Scythes  ,  répondit-il  aux 
amballadeurs  Macédoniens ,  n'ont  ni  argent 
ni  or  ^  du  fer ,  du  courage ,  voilà  leur  unique 
richelfe.  »  On  reconnoit  aifément  cette 
réponfe  dans  ces  vers  prononcés  par  un  de 
ces  rois  barbares  : 

La  nature  marâtre  en   ces  affreux  climats  , 
Au   lieu  d'or  ne  produit  que  du  fer ,   des 
foldats. 

Quelle  que  fbit  la  pompe  de  ces  deux 
vers,  on  peut  dire  qu'ils  affbibliflent  la 
penfée  du  roi  Scythe.  Atheas  met  le  fer 
&  le  courage  au  delfus  de  l'or ,  &  eft  bien 
loin  de  donner  à  fon  pays  des  épithetes 
délàgréables  ,  telles  que  mariure  &  af- 
freux. Quoi  qu'il  en  foit  ,  Philippe  con- 
çut le  deilein  de  fe  \'enger  de  cette  ré- 
ponfe ;  mais  comme  il  n'étoit  pas  le  plus 
fort ,  il  voulut  ufer  d'artifice.  Il  envoya 
de  nouveaux  ambaillideurs  lui  demander 
l'entrée  dans  fes  états ,  fous  prétexte  de 
vouloir  ériger,  à  l'embouchure  du  Danube, 
une  ftatue  en  l'honneur  d'Hercule.  Athées 
lui  répondit  ,  avec  ce  laconifme  ordinaire 
aux  Scythes  :  c(  Qu'il  vienne  ,  dit-il ,  mais 
feul  8c  fans  armée.  ))  Il  ne  fut  pas  pofTible 
à  Philippe  de  retenir  plus  long-temps  fon 
reifentiment ,  il  déclara  la  guerre  aux  Scy- 
thes. Atheas  n'ayant  employé  que  de  la 
valeur  contre  \v.\  prince  artificieux  ,  périt 
dans  un  combat ,  vers  l'an  340  a\ant  notre 
ère.  Il  étoit  âgé  de  90  ans.  C'étoit  un 
prince  tempérant  &  fobre  ,  aimant  la 
guerre  &  déteftant  le  repos.  On  dit  que 
pendant  la  guerre  de  Macédoine  ,  fes  offi- 
ciers lui  ayant  préfcntc  un  inulicien  fa- 
meux ,  qui  avoit  été  fait  prifonnicr  ,  il 
lui  ordonna  de  chanter  :,  mais  que  ne  pou- 
vant fupporter  f  1  voix  efféminée ,  il  le  fit 
taire  aulli-tôt.  «  Que  j'aime  bien  mieux 
entendre  ,  difoit-il  ,  les  henniHemens  de 
mon  cheval ,  que  la  nndique  de  cet  hom- 
mc-Ià.  »    Ce  trait  iùflit   pour  caraûérifcr 

Atheas 


AT  H 

Athées.  II  eut  Carc.iiïis  pour  fiiccclTcur. 
Julliii,  /.  IX ,  Cs  ij.  Front.  /.  //,  c.  jv.  Orof. 
&  alii.  (  T-N.  ) 

ATHÉES  ,  f.  m.  pi.  (  Màa;'/!.  )  on  ap- 
pelle athées  ,  ceux  qui  nient  l'exiftcncc  ^\xxv 
Dieu  anieur  du  monde.  On  peut  les  divifer 
en  trois  cluffes  :  les  uns  nient  qu'il  y  ait 
ww  Dieu  :  les  autres  artettent  de  palier 
pour  incrédules  ou  fceptiques  fur  cet  arti- 
cle ;  les  autres  enfin  ,  peu  ditlérens  des  pre- 
miers ,  nient  les  principaux  attributs  de  la 
nature  divine  ,  &  fuppofent  que  Dieu  cft 
un  être  lans  intelligence  ,  qui  a^it  pure- 
ment par  néceflité  ;  c'efl-à-dire  un  être  qui  , 
à  parler  proprement ,  n'a;^it  point  du  tout , 
mais  qui  elî  toujours  pallif.  L'erreur  des 
athées  vient  nécciiairenient  de  quelqu'une  de 
ces  trois  fources. 

Elle  vient  i".  de  l'ignorance  &  de  la  ftu- 
pidité.  II  y  a  plufieurs  perfonncs  qui  n'ont 
jamais  rien  exaininé  avec  atter.tion  ,  qui 
n'ont  jamais  fait  un  bon  ufage  de  leurs 
lumières  naturelles ,  pas  même  pour  ac- 
quérir la  counoilliuice  des  vérités  les  plus 
claires  &  les  plus  faciles  à  trouver  :  elles 
palfent  leur  vie  dans  une  oifiveté  d'efprit 
qui  les  abaiffe  &  les  avilit  à  la  condition 
des  bêtes.  Quelques  perionnes  croient  qu'il 
y  ait  eu  des  peuples  aitez  grolTîers  &  aflcz  iau- 
^'ages ,  pour  n'avoir  aucune  teinture  de  re- 
ligion. Strabo'i  rapporte  qu'il  y  avoit  des 
nations  en  Efpaguc  &  en  Afrique  qui  vi- 
voieut  fans  dieux ,  &  chez  lefqucls  on  ne 
découvroit  aucune  trace  de  religion.  Si  cela 
étoit ,  il  eu  faudroit  conclure  qu'ils  avoient 
toujours  été  athées  ;  car  il  ne  paroit  nulle- 
ment poilîble  qu'un  peuple  entier  palfc  de 
la  religion  à  l'athéifiue.  La  religion  eii  une 
chofe  qui  ,  éiant  une  fois  établie  dans  un 
pays ,  doit  y  durer  éternellement  :  on  s'y 
attatlie  par  des  motifs  d'intérêt  ,  par  l'el- 
pérance  d'une  félicité  temporelle ,  ou  d'une 
félicité  éternelle.  Ou  attend  des  dieux  la 
fertilité  de  la  terre  ,  le  bon  {iiccès  des  en- 
treprifes  :  on  craint  qu'ils  n'envoient  la 
flérilité  ,  la  pelle  ,  les  tempêtes  ,  &  plu- 
fieurs autres  calamités  ^  &  par  confjquent 
on  obferve  les  cultes  publics  de  religion  , 
autant  par  crainte  que  par  efpérance.  L'on 
eft  fort  foigneux  de  commen;er  par  cet 
endroit-là  l'éducation  des  enfans  ^  on  leur 
recommande  la  religioii  comme  une  chofe 
ToTTie  lll. 


.     ATH  777 

de  la  dernière  importance ,  &  comme  la 
fourcc  du  bonheur  ik  du  malheur ,  felou 
qu'on  fera  diligent  ou  négligent  à  rendre 
aux  dieux  les  hotuieurs  qui  leur  appar- 
tiennent :  de  tels  fentimcns ,  qu'on  fuce 
avec  le  lait ,  ne  s'effacent  point  de  l'efprit 
d'une  nation  ■■,  ils  peuvent  fe  modifier  en 
plufieurs  manières,  je  veux  dire  ,  que  l'on 
peut  changer  de  cérémonies  ou  de  dogmes  , 
Ibit  par  vénération  pour  un  nouveau  doc- 
teur ,  foit  par  les  menaces  d'un  conquérant: 
mais  ils  ne  fauroient  dilparoître  tout-à-fait  ; 
d'ailleurs ,  les  perfonnes  qui  veulent  con- 
traindre les  peuples  en  matière  de  religion, 
ne  le  font  jamais  pour  les  porter  à  l'athéifiue  : 
tout  fè  réduit  à  fubftituer  aux  formulaires 
de  culte  &.  de  créance  qui  leur  déplailênt  , 
d'autres  formulaires.  L'obfervation  que  nous 
venons  de  faire  a  paru  fi  vraie  à  quelques 
auteurs ,  qu'ils  n'ont  pas  héfité  de  regarder 
l'idée  d'un  Dieu  comitie  une  idée  innée  8c 
naturelle  à  l'homme  :  &  dc-là  ils  con- 
cluent qu'il  n'y  a  jamais  eu  de  nation  , 
quelque  féroce  &  quelque  fauvage  qu'on 
la  fuppofè ,  qui  n'ait  reconnu  un  Dieu. 
Ainfi,  félon  eux,  Strabonne  mérite  aucune 
créance  ^  &  les  relations  de  quelques  voya- 
geurs modernes  ,  qui  rapportent  qu'il  y  a 
dan.«  le  nou\cau  monde  des  nations  qui 
n'ont  aucune  teinture  de  religion  ,  doivent 
être  tenues  pour  fufpcftes,  6c  même  pour 
fauffes.  En  effet  ,  les  voyageurs  touchent 
en  paifant  une  côte ,  ils  y  trouvent  des 
peuples  inconnus  :  s'ils  leur  voient  faire 
quelques  cérémonies  ,  ils  leur  donnent  une 
interprétation  arbitraire  \  &  fi  au  contraire 
ils  ne  voient  aucune  cérémojùe ,  ils  con- 
cluent qu'ils  n'ont  point  de  religion.  Mais 
couunent  peut-on  fàvoir  les  fentimens  de 
gens  dont  on  ne  voit  pas  la  pratique  ,  & 
dont  on  n'entend  point  la  langue  ?  Si  l'on 
en  croit  les  voyageurs ,  les  peuples  de  la 
Floride  ne  reconnoiHoient  point  de  Dieu  , 
&  vivoient  finis  religion  ■■,  cependant  \.n\ 
auteur  Anglois  qui  a  vécu  dix  ans  parmi 
eux  ,  afiiire  qu'il  n'y  a  que  la  religion  révé- 
lée qui  ait  eliàcé  la  beauté  <le  leurs  princi- 
pes ;,  que  les  Socrate  &  les  Platon  rougi- 
roient  de  fè  voir  furpaiïer  par  des  peu- 
ples d'ailleurs  fi  ignorans.  Il  eft  vrai  qu'ils 
n'ont  ni  idoles ,  ni  teiriples ,  ni  aucun  culte 
extérieur;  mais  ils  font  vivement  perfuadés 
Bbbbb 


77?  A  T  H 

d'une  vie  à  venir  ,  d'un  bonheur  futur  pour 
récompenfèr  la  vertu  ,  &  des  fbufîrances 
éternelles  pour  punir  le  crime.  Que  iàvons- 
nous  ,  ajoute-t-il  ,  fi  les  Hottentots  &  tels 
autres  peuples  qu'on  nous  repréfente  comme 
athées ,    font    tels    qu'ils  nous   paroill'cnt  ? 

5  il  n'eft  pas  certain  que  ces  derniers  re- 
connoifTent  un  Dieu,  du  moins  eil-il  fur 
par  leur  conduite  qu'ils  rcconnoiilènt  une 
équité  ,  &  qu'ils  en  font  pénétrés.  La  Bef 
cription  du  Cap  de  Bonne-Efpérance  par  M. 
Kolbe  ,  prouve  bien  que  les  Hottentots  les 
plus  barbares  n'agiifent  pas  fuis  raifon  ,  & 
qu'ils  favçnt  le  droit  des  gens  &  de  la  na- 
ture. Ainfi ,  pour  juger  s'il  y  a  eu  des  nations 
iâuvages  ,  fms  aucune  teinture  de  divinité 

6  de  religion  ,  attendons  à  en  être  mieux 
informés  que  par  les  relations  de  quelques 
voyageurs. 

La  féconde  fourcc  d'athéifine  ,  c'eft  la 
débauche  &  la  corruption  des  mœurs.  On 
trouve  des  gens  qui  ,  à  force  de  vices  & 
de  déréglemens ,  ont  prefque  éteint  leurs 
lumières  naturelles  &  corrompu  leur  raifon  : 
au  lieu  de  s'appliquer  à  la  recherche  de  la 
vérité  d'une  manière  impartiale  ,  &  de  s'in- 
former avec  foin  des  règles  ou  des  devoirs 
que  la  nature  prefcrit  ,  ils  s'accoutum.ent  à 
enfanter  des  objeâioHS  contre  la  religion , 
à  leur  prêter  plus  de  force  qu'elles  n'en 
ont ,  &  à  les  foutenir  opiniâtrement.  Ils  ne 
font  pas  perfuadés  qu'il  n'y  a  point  de  Dieu  , 
mais  ils  vivent  comme  s'ils  l'étoient  ,  & 
tâchent  d'effacer  de  leur  efprit  toutes  les 
notions  qui  tendent  à  leur  prouver  une  di- 
vinité. L'exiftencc  d'un  Dieu  les  incommode 
dans  la  jouiifance  de  leurs  plaifirs  crimi- 
nels ^  c'eft  pourquoi  ils  voudroient  croire 
qu'il  n'y  a  point  de  Dieu ,  &  ils  s'eifor- 
cent  d'y  parvenir.  En  effet ,  il  peut  arriver 
quelquefois  qu'ils  réuflsffent  à  s'étourdir  & 
à  endormir  leur  confcience  '-,  mais  elle  fo 
réveille  de  temps  en  temps ,  &  ils  ne  peu- 
vent arracher  entièrement  le  trait  qui.  les 
déchire. 

Il  y  a  divers  degrés  d'atRéifme  pratique , 
Se  il  faut  être  extrêmement  circonfpe  for 
ce  {iijet..  Tout  homme  qui  commet  Aes 
«rimes  contraires  à  l'idée  d'un  Dieu ,  & 
qui  perfévcre  même  quelque  temps  ,  ne 
fauroit  être  déclaré  aufiî-tot  athée  de  pra- 
tiq^uc.  David ,  par  exemple ,  en  joignant  le 


A  T  H 

meurtre  à  l'adultère  ,  fembla  oublier  Dieu  , 
mais  on  ne  fauroit  pour  cela  le  ranger  au 
nombre  des  achées  de  pratique  j  ce  caradere 
ne  convient  qu'à  ceux  qui  vivent  dans  l'ha- 
lîitude  du  crime  ,  &  dont  toute  la  con- 
duite ne  paroît  tendi'e  qu'à  nier  l'exiftence 
de  Dieu. 

L'atheifme  du  cœur  a  conduit  le  plus 
fouvent  à  celui  de  l'efprit.  A  force  de  de- 
firer  qu'une  chofe  foit  vraie  ,  on  vient 
enfin  à  fc  perfoader  qu'elle  eft  telle  ;,  l'ef- 
prit devient  la  dupe  du  cœur  ,  les  vérités 
les  plus  évidentes  ont  toujours  un  côté  obf- 
cur  Se  ténébreux  par  où  l'on  peut  les  atta- 
quer. Il  fufîlt  qu'une  vérité  nous  incommode 
&  qu'elle  contrarie  nos  paiîions  ;  l'efprit 
agiiîânt  alors  de  concert  avec  le  cœur , 
découvrira  bientôt  des  endroits  foibles  aux- 
quels il  s'attache  :  on  s'accoutume  infonfi- 
blement  à  regarder  comme  faux  ce  qui  avant 
la  dépravation  du  cœur,  brilloit  à  l'efprit 
de  la  plus  vive  lumière  :  il  ne  faut  pas  moins 
que  la  violence  des  pafiions  pour  étouffer 
une  notion  auffi.  éA'idcnte  que  celle  de  la 
divinité.  Le  monde  ,  la  cour  Se  les  armées 
fourmillent  de  ces  fortes  diathéts.  Quand  ils 
auroient  renvcrfé  Dieu  de  deffus  fon  trône, 
ils  ne  fè  donneroient  pas  plus  de  licence  6c 
de  hardieffe.  l,es  uns  ,  ne  chercliant  qu'à 
k  diftinguer  par  les  excès  de  leurs  débau- 
ches ,  y  mettent  le  comble  en  fe  moquant 
Ide  la  religion  j  ils  veulent  faire  parler  d'eux, 
&  leur  vanité  ne  foroit  pas  fàtisfaite  s'ils  ne 
jouiffoient  hautement  &  fans  bornes  de  la 
réputation  d'impies  :  cette  réputation  dan- 
gereufo  efl  le  but  de  leurs  fouhaits  ,  &  ils 
feroienî  mécontens  de  leurs  expreifions  ,  fî 
elles  n'étoient  extraordinairement  odieufes» 
Les  railleries ,  les  profanations  &  les  blaf- 
pheines  de  cette  forte  d'impies  ,  ne  font 
point  une  marque  qu'en  ettët  ils  cToient 
qu'il  n'y  a  point  de  divinité  -^  ils  ne  par- 
lent de  la  forte  que  pour  faire  dire  qu'ils 
enchérifîénî  fur  les  débauchés  ordinaires  ;■ 
leur  athéifme  n'eft  rien  moins  que  raifonné, 
il  n'eft  pas  même  la  caufo  de  leurs  débau- 
ches, il  en  eft  plutôt  le  fruit  &  l'efîèr,  & 
pour  ainfi  dire  le  plus  haut  degré.  Les  au- 
tres ,  tels  que  les  grands  ,  qui  font  le 
plus  fbupçonncs  d'athéifme  ,  trop  paref- 
Çcu-ii.  pour  décider  en  leur  efprit  que  Dieu 
iieft  pas  ,  fè  repofènt  mollement  d;ms  le. 


A  T  H 

felii  des  délices,  a  Leur  indolence  ,  dit  la 
»  Bruyère ,  va  jufrju'à  les  rendre  froids  6c 
î>  indiftérens  fur  cet  article  fi  capital,  comme 
»  fur  la  nature  de  leur  ame  &  fur  les  con- 
>i  féquences  d'une  vraie  religion  '-,  ils  ne 
•»  nient  ces  chofes  ni  ne  les  accordent ,  ils 
5)  n'y  peiifent  point.  »  Cette  efpcce  d'a- 
thcifnie  ell  la  plus  commune  ,  8Î  elle  cft 
aulfi  connue  parmi  les  turcs  que  parmi 
les  chrétiens,  M.  Ricaut ,  fecrctaire  de  M. 
le  comie  de  Winchelfcy ,  ambalfadeurd'Aii- 
gleterre  à  Conltantinople  ,  rapporte  que  les 
ctâe'es  ont  formé  une  feéle  nombreufe  en 
Turquie  ,  qui  cft  compofée  pour  la  plupart 
de  caJis  &  de  perfonnes  favantes  dans  les 
livres  arabes ,  &  des  chrétiens  rcnés^ats  , 
qui ,  pour  éviter  les  remords  qu'ils  fentent 
de  leur  apoftafie ,  s'efforcent  de  le  perfuader 
qu'il  n'y  a  rien  à  craindre  ni  à  efpérer  après 
la  mort.  Il  ajoute ,  que  cette  doélrinc  con- 
tagieufe  s'eft  infinuée  jufque  dans  le  fcrrail  , 
i'ic  qu'elle  a  infeftc  l'appartement  des  fem- 
mes &  des  eunuques  ■-,  qu'elle  s'eft  auiTî  in- 
troduite chez  les  Bâchas  ■■,  &  qu'après  les 
avoir  einpoifonnés ,  elle  a  répandu  (on  venin 
ftjr  toute  la  cour  •■,  que  le  fultan  Amurat  fa- 
vorifoit  fort  cette  opinion  dans  fa  cour  & 
dans  fon  armée, 

11  y  a  enfin  des  atAees  de  {péculation  & 
de  raifonncment ,  qui ,  Ce  fondant  fur  des 
principes  de  philofophie  ,  fbutiennent  que 
les  argumens  contre  l'exiftence  &  les  attri- 
buts de  Dieu  ,  leur  paroilFeut  plus  forts  & 
plus  concluans  que  ceux  qu'on  emploie 
pour  établir  ces  grandes  vérités.  Ces  for- 
tes ât  athées  s'appellent  des  athées  théoriques. 
Parmi  les  anciens  on  compte  Protagoras , 
Démocrite ,  Diagoras  ,  Théodore ,  Nica- 
nor  ,  Hippon  ,  Evhemere  ,  Epicure  &  fes 
fe£tateurs  ,  Lucrèce  ,  Pline  le  jeune  ,  &c. 
&  parmi  les  modernes  ,  Averroès,  Calde- 
rinus ,  Politien  ,  Pom.ponace  ,  Pierre  Bem- 
bus ,  Cardan  ,  Cœfalpin  ,  Taurellus ,  Cré- 
jnonin ,  Bérigord ,  Viviani ,  Thomas  Hobbe , 
Benoît  Spinofa ,  &c.  Je  ne  penfe  pas  qu'on 
doive  leur  aifocicr  ces  hommes  qui  n'ont 
ni  principes  ni  fyftime ,  qui  n'ont  point  exa- 
miné la  queftion  ,  &  qui  ne  favent  qu'iin- 
parfaitement  le  peu  de  difficulté  qu'ils  dé- 
bitent. Ils  fe  font  une  fottc  gloire  de  paifer 
pour  efprits  forts  ■■,  ils  en  affectent  le  llyle 
pour  fe  diftinjuer  de  la  foule  ,  tout  prêts  à 


A  T  H  779 

prendre  le  parti  de  la  religion  ,  fi  tout  le 
monde  fc  dcclaroit  impie  &  libertin  :  la  fin- 
gularitc  leur  plaît. 

Ici  fe  prélcnte  naturellement  la  célèbre 
queftion  ,  (avoir  fi  les  lettrés  de  la  Chine  font 
véritablement  athées.  Les  lèntimens  flir  cela 
font  fort  partages.  Le  P,  le  Comte ,  jéfuite  y 
a  avancé  que  le  peuple  de  la  Chine  a  con- 
fervé  près  de  2000  ans  la  connoiiFance  du 
véritable  Dieu  ^  qu'ils  n'ont  été  accufés  pu- 
bliquement d'athéifme  par  les  autres  peu- 
ples ,  que  parce  qu'ils  n'avoient  ni  temples 
ni  facrifices  \  qu'ils  étoicnt  les  moins  cré- 
dules &  les  moins  fuperftitieux  de  tous  les 
habitans  de  l'Afîe,  Le  P,  le  Gobicn  ,  auffi 
jéfuite ,  avoue  que  la  Chine  n'eft  de\enue 
idolâtre  que  cinq  ou  lix  ans  avant  la  nait- 
fànce  de  J,  C,  D'autres  [irétendent  que  l'a- 
théifme  a  régné  dans  la  Chine  jufqu'à  Con- 
fucius ,  &  que  ce  grand  philolbphe  même 
en  fut  inferté.  Quoi  qu'il  en  foit  de  ces 
temps  fi  reculés ,  fiir  lefquels  nous  n'olons 
rien  décider ,  le  zelc  de  l'apoftolat  d'un  côté , 
&  de  l'autre  ,  l'avidité  infatiablc  des  négo- 
cians  Européens ,  nous  ont  procuré  la  con- 
noiiFance de  la  religion  de  ce  peuple  fubtil, 
Savant  &  ingénieux.  Il  y  a  trois  principales 
Cedies  dans  l'empire  de  la  Chine.  La  pre- 
mière fondée  par  Li-laok.ium  ,  adore  un 
Dieu  fbuverain ,  mais  corporel  ,  &  ayant 
fous  fà  dépendance  beaucoup  de  divinités 
fiibalternes ,  fur  lesquelles  il  exerce  un  em- 
pire abfohi.  La  féconde,  infcètée  de  prati- 
ques folles  &  abfurdes ,  m.et  toute  fa  con- 
fiance en  une  idole  nommée  Fo  ou  Foë, 
Ce  Fo  ou  Foë  mourut  à  l'âge  de  79  ans  j 
&  pour  mettre  le  comble  à  fon  impiété  , 
après  avoir  établi  l'idolâtrie  durant  fa  vie  y 
il  tâcha  d'infpirer  l'athéiline  à  iâ  jnort.  Pour 
lors  ,  il  déclara  à  fes  difciplcs  qu'il  n'avoit 
parlé  dans  tous  ks  difcours  que  par  énigme, 
&  que  l'on  s'abufoit  fi  l'on  cherchoit  hors 
du  i.éant  le  premier  principe  des  chofès. 
C'eft  de  ce  néant ,  dit-il ,  que  tout  eft  forti , 
&  c'eft  dans  le  néant  que  tout  doit  retoin- 
ijer  :  voilà  l'abyme  où  aboutiflent  nos  efpé- 
rances.  Cela  donna  naifîânce  parmi  les  Bon- 
zes à  une  fcfte  particulière  dUathées  ,  fon- 
dée fiir  ces  dernières  paroles  de  leur  miaitre. 
Les  autres ,  qui  eurent  de  la  peine  à  fè  dé- 
faire de  leurs  préjugés ,  s'en  tinrent  aux  pre- 
luieres  erreurs.  D'autres  enfin  tâchèrent  de 
Bbbbb  i 


780  A  T  H 

les  accorcîer  enfcinble ,  en  faifant  un  corps 
«le  dodtine  où  ils  enfeigrlerent  une  double 
loi  ,  qu'ils  nommèrent  la  loi  extérieure  &  la 
loi   intérieure.   La   troifieme  enfin  ,   plus 
répandue  que  les  deux  autres  ,   &  même 
la  feule  autorifée  par  les  loix  de  1  état  ,  tient 
lieu  de  politique  ,  de  religion  ,  &  fùr-tout 
de  philofbphie.  Cette  dernière  ièdie  ,  que 
profeiFent  tous  les  nobles  &  tous  les  fa- 
vans  ,  ne  reconnoît  d'autre  divinité  que  la 
matière ,  ou  plutôt  la  nature  \  &  fous  ce 
nom  ,  fburce  de  beaucoup  d'erreurs  &  d'é- 
quivoques ,  elle   entend   je  ne  fais  quelle 
ame  invifible  du  monde  ,  je  ne  fais  quelle 
force   ou   vertu   f  irnaturelle  qui  produit , 
qui  arrange  ,    qui  conferve  les  parties  de 
l'univers.  C'eit ,  difènt-ils,  un  principetrès- 
pur  ,  très-parfait  ,  qui  n'a  ni  commence- 
ment ni  fin  ;,  c'ell  la  fource  de  toutes  chofes , 
l'elfence  de  chaque  être  ,  &  ce  qui  en  fait 
la  véritable  différence.  Ils  le  lervent  de  ces 
magnifiques  expreffions ,  pour  ne  pas  aban- 
donner en  apparence  l'ancienne  doctrine  ; 
mais  au   fond  ils  s'en  font  une  nouvelle. 
Quand  on  l'examine  de  près  ,  ce  n'eft  plus 
ce  fouverain  maître  du  ciel  ,  jufte  ,  tout- 
puilfant,   le  premier  des  efprits ,  &  l'arbi- 
tre de  toutes  les  créatures  :  on  ne  voit  chez 
eux  qu'un  athéifme  rafiné  ,   &  un  éloigne- 
ment  de   tout  culte  religieux.  Ce  qui  le 
prouve ,  c'eil  que  cette  nature  ,  à  laquelle 
ils  donnent  des  attributs  fi    magnifiques  , 
qu'il  fëmble  qu'ils  l'affranchillent  des  im- 
perfeftions  de  la   matière  ,  en  la  feparant 
cle  tout  ce  qui  ell  fenfible  &  corporel ,  eft 
iiéaninoins  aveugle  dans  fes  actions  les  plus 
réglées  ,  qui  n'ont  d'autre  fin  que  celle  que 
nous  leur  donnons ,  8c  qui  par  conféquent 
ne  font  utiles   qu'autant  que  nous  favons 
en  faire  un  bon  ufage.  Quand  ou  leur  ob- 
jecte que  le  bel  ordre  qui  règne  dans  l'u- 
nivers n'a  pu   être   l'effet  du  hazard  ,  que 
tout  ce  qui  exiffe  doit  avoir  été   créé  par 
une  première  cau/ê  ,  qui  efl  Dieu  :  donc , 
répliquent  -  ils  d'abord  ,   Dieu  eft  l'auteur 
du  mal  moral    i^  du  mal  phyfique.  On  a 
beau  leur  dire  que  Dieu  ,  étant  infiniment 
bon  ,  ne  peut  être  l'auteur  du  mal  :  donc , 
ajoutent-ils.  Dieu  n'eft  pas  l'auteur  de  tout 
ce  qui  exiite.  Et  puis  ,  continuent- ils  d'un 
air  triomphant  ,  doit-on  croire  qu'un  être 
ylciu  de  bonté  oit  créé  le  inonde  ,  &  que 


A  T  H 

pouvant  le  remplir  de  toutes  fortes  de  pef- 
fedtions ,  il  ait  précifément  fait  le  contraire? 
Quoiqu'ils  regardent  toutes  chofes  comme 
l'eifet  de  la  necelîité  ,  ils  enfeignent  cepen- 
dant que  le  monde  a  eu  un  commence- 
ment ,  &  qu'il  aura  une  fin.  Pour  ce  qui 
eft  de  l'homme  ,  ils  conviennent  tous  qu'il 
a  été  formé  par  le  coikovu-s  de  la  matière 
terreftre  &  de  la  matière  fubtile ,  à-peu- 
près  comme  les  plantes  nailfent  dans  les 
îles  nouvcliement  formées  ,  où  le  labou- 
reur n'a  point  femé  ,  &  où  la  terre  feule 
eft  devenue  féconde  par  fa  nature.  Au  refte 
notre  ame  ,  di;ènt-ils  ,  qui  en  eft  la  portion 
ia  plus  épurée ,  finit  avec  le  corps  ,  quand 
fcs  parties  font  dérangées  ,  &  renaît  aufft 
avec  lui ,  quand  le  hazard  remet  ces  mêmes 
parties  dans  leur  premier  état. 

Ceux  qui  voudroient  abfolument  purger 
d'athéifme  les  Chinois  ,  difent  qu'il  ne  faut 
pas  faire  un  trop  grand  fond  fur  le  témoi- 
gnage des  miffionnaires  \  &  que  la  feule  diffi- 
culté d'apprendre  leur  langue  &  de  lire  leiu-s 
livres  ,  eft  une  raifon  de  fufpendre  fon 
jugement.  D'ailleurs ,  en  accufant  les  jéfiii- 
tes  ,  fans  doute  h.  tort ,  de  foufîrir  les  fu- 
perftitions  des  Chinois  ,  on  a  ,  laus  y 
penfer  ,  détruit  l'accufation  de  leur  athéif- 
me ,  puifque  l'on  ne  rend  pas  un  culte  » 
un  être  qu'on  ne  regarde  pas  comme  Dieu. 
On  dit  qu'ils  ne  reconnoilfent  que  le  ciel 
matériel  pour  l'Etre  fuprême  :  mais  ils 
pourroient  reconnoître  le  ciel  matériel  (  lî 
tant  eft  qu'ils  aient  dans  leur  langue  un 
mot  qui  réponde  à  celui  de  matériel ,  ) 
&  croire  néaiuuoins  qu'il  y  a  quelque  in- 
telligence qui  riiabite  ,  puifqu'ils  lui  de- 
mandent de  la  pluie  &  du  beau  tcinps  , 
la  fertilité  de  la  terre  ,  ùc.  Il  fe  peut 
faire  aifement  qu'ils  confondent  l'intelli- 
gence avec  la  matière  ,  &  qu'ils  n'aient 
que  des  idées  confufcs  de  ces  deux  êtres  , 
fins  nier  qu'il  y  ait  une  intelligence  qui 
prefide  dans  le  ciel.  Epicure  &  fos  diici- 
plcs  ont  cru  que  tout  étoit  corporel ,  puif- 
qu'ils ont  dit  qu'il  n'y  avoit  rien  qui  ne 
fût  compofé  d'atomes  \  &  néanmoins  ils  ne 
nioicnt  pas  que  les  âmes  des  hommes  ne 
fiilfcnt  des  êtres  intclligens.  On  fait  auffî 
qu'avant  Defcartcs  on  ne  diftinguoit  pas 
trop  bien  dans  les  écoles  l'elprit  &  le 
corps  5   &  l'on  ne  peut  pas  dire  néanmoins 


A  T  H 

que,  dans  les  écoles ,  on  :iiât  que  l'.une  hu- 
maine fût  une  nature  intelli':entc.  Qui  fiiit 
fi  les  Chinois  n'ont  pas  quelque  opinion 
femblable  du  ciel?  ainiî  leur athéifine  n oft 
rien  moins    que  déciilé. 

Vous  demanderez  peut-être  comment 
plufieurs  philofophes  anciens  &  modernes 
ont  pu  tomber  dans  rathéifme  :  le  voici. 
Pour  commencer  par  les  philofophes  païens, 
ce  qui  les  jeta  dans  cette  erreur  énorme  ,  ce 
furent  apparemment  les  faulfes  idées  de  la 
di\inité  qui  réj^ioient  alors  ;,  idées  qu'ils 
furent  détruire  ,  fans  flivoir  édifier  fur  leur 
mine  celle  du  vrai  Dieu,  Et  quant  aux 
modernes  ,  ils  ont  été  trompés  par  des 
fophifmes  captieux  ,  qu'ils  avoient  l'cfprit 
d'imaginer ,  fans  avoir  alfez  de  fugacité  ou 
de  jurteilè  pour  en  découvrir  le  foible.  Il 
lie  fàuroit  alfurément  y  avoir  ^athée  con- 
vaincu de  fou  fyitême  ,  car  il  faudroit 
qu'il  eût  pour  cela  une  démonftration  de 
la  non-exiltence  de  Dieu ,  ce  qui  eft  im- 
pofTible  ;  mais  la  conviâion  &  la  pcrfuafion 
font  deux  chofes  différentes.  Il  n'y  a  que 
la  dernière  qui  convienne  à  Xathée.  Il  fe 
perfuadece  qui  n'eft  point  :  mais  rien  n'em- 
pêche qu'il  ne  le  croie  aulîî  fermement  en 
vertu  de  fes  fophifmes  ,  que  le  théifme 
croit  l'cxiftence  de  Dieu  en  vertu  des  dé- 
monllrations  qu'il  en  a.  Il  ne  faut ,  pour 
cela,  que  convertir  en  objeÛions  les  preuves 
de  l'exiftence  de  Dieu  ,  &  les  objeÛions  en 
preuves.  II  n'eft  pas  indiftérent  de  com- 
mencer par  un  bout  plutôt  que  par  l'autre , 
la  difculîîon  de  ce  qu'on  regarde  comme 
lin  problême  :  car  fi  vous  commencez  par 
l'affirmative  ,  vous  la  rendrez  plus  facile- 
ment viftorieufe  \  au  lieu  que  fi  vous  com- 
mencez par  la  négative  ,  vous  rendrez  tou- 
jours douteux  le  fucccs  de  l'affirmât i\e.  Les 
mêmes  raifonnemens  font  plus  ou  moins 
d'impreiTion  félon  qu'ils  font  propofés ,  ou 
comme  des  preuves  ,  ou  comme  des  ob- 
jeftions.  Si  donc  un  philofophe  débutoit 
d'abord  par  la  thefe  ,  il  ny  a  point  de 
Dieu ,  &  qu'il  rangeât  en  forme  de  preuves 
ce  que  les  orthodoxes  ne  font  venir  fur 
les  rangs  que  comme  de  fimples  difficultés  , 
il  b'expoferoit  à  l'égarement:,  il  fe  trouveroit 
fatislait  de  fes  preuves  ,  &  n'en  voudroit 
point  démordre  ,  quoiqu'il  ne  sût  comment 
fe  dcbarrafTer  des  objections  5  car ,  diroit-il, 


A  TH  781 

Ç\  j'aftîrmois  le  contraire  ,  Je  ine  verrois 
obligé  de  me  fauver  dans  l'afyle  de  l'incom- 
préhcnfibilité.  Il  choifit  donc  malhcurcufè- 
ment  les  incompréhcnfibilités ,  qui  ne  dé- 
voient \cnir  qu'après. 

Jetez,  les  yeux  fur  les  principales  con- 
troverlcs  des  catholiques  ik  àa  protcftans, 
vous  verrez  que  ce  qui  paile  dans  l'efprit 
des  uns  pour  une  preuve  démonftrati'.c  tle 
faulfcté  ,  ne  palié  dans  l'efprit  des  autres 
que  pour  un  Ibphifme  ,  ou  tout  au  plus 
pour  une  objeftion  fpécicufe  ,  qui  fait  voir 
qu'il  y  a  quelques  nuages  même  autour  des 
vérités  ré\  élées.  Les  uns  &  les  autres  por- 
tent le  même  jugement  des  objections  des 
fociuieus  :  mais  ceux-ci  les  ayant  toujours 
confidérées  comme  leurs  jjreuves  ,  les  pren- 
nent pour  des  railbns  convaincantes  :  d'oîi 
ils  concluent  que  les  objections  de  leurs 
adverfaires  peuvent  bien  être  difficiles  h 
réfoudre  ,  mais  qu'elles  ne  font  pas  fblides. 
En  général ,  dès  qu'on  ne  regarde  une  cliole 
que  comme  l'endroit  ditlïcile  d'une  thefe 
qu'on  a  adoptée  ,  on  en  fait  très-peu  de 
cas  :  on  étoulfe  tous  les  doutes  qui  poiir- 
roient  s'élever,  &  l'on  ne  fe  permet  pas 
d'y  faire  attention  ;,  ou  ,  fi  on  les  examine  y 
c'eft  en  ne  les  confidérant  que  comme  de 
fimples  difficultés  ;,  &  c'eft  par-là  qu'on  leur 
ôte  la  force  de  faire  impreffion  fur  l'efprit. 
Il  n'eft  donc  point  furprenant  qu'il  y  ait 
eu  &  qu'il  y  ait  encore  des  athées  de  théo- 
rie, c'eft-à-dire  ,  des  athées  qui,  par  la  voie 
du  raifonnement ,  foient  parvenus  à  fe  per- 
fuader  qu'il  n'y  a  point  de  Dieu.  Ce  qui 
le  prouve  encore  ,  c'eft  qu'il  s'eft  trouvé 
des  athées  que  le  cœur  n'avoit  pas  féduits  , 
&  qui  n'avoient  aucun  intérêt  à  s'aftran- 
chir  d'un  joug  qui  les  incommodoit.  Qu'un 
profelléur  d'athéifine  ,  par  exemple  ,  étale 
faftueulcment  toutes  les  preuves  par  lef 
quelles  il  prétend  appuyer  fbn  fyftême  im- 
pie ,  elles  faifiront  ceux  qui  auront  l'im- 
prudence de  l'écouter  ,  &  les  diipoferont  à 
ne  point  fe  rebuter  des  objcftions  qui  fui- 
vent.  Les  premières  impreffions  feront  com- 
me une  digue  qu'ils  oppoferont  aux  objec- 
tions ^  & ,  pour  peu  qu'ils  aient  de  pen- 
chant au  libertinage ,  ne  craignez  pas  qu'ils 
fe  lailTent  entraîner  à  la  force  de  ces  ob- 
jeftions. 

Quoique  l'expérience  nous  force  à  croire 


7Si  A  T  H 

que  plufieurs  pliiloibphes  anciens  &  mo- 
tlernes  ont  vécu  8c  font  morts  dans  h  pro- 
feffion  d'athéifme  -,  il  ne  fiiut  pourtant  pas 
s'inia;^!ner  qu'ils  foicuî  en  fi  grand  nombre 
que  le  fuppofent  certaines  periu;uies ,  ou 
trop  zélées  pour  la  religioii ,  ou  ir.al-ip.l'en- 
tionnée?  contre  elle.  Le  père  Merfeune  vou- 
loit  qu'il  n'y  eût  pas  moins  que  50  tnille 
aiàées  dans  Paris  i  il  eft  vifible  que  cela  eft 
outré  à  l'excès.  On  attache  fouvent  cette 
note  injurieufe  à  des  peribnnes  qui  ne  la 
méritent  point.  On  n'ignore  pas  qii'il  y  a 
certains  elprits  qui  fc  piquent  de  raiibnne- 
ment ,  &  qui  ont  beaucoup  de  force  dans 
la  dispute.  Ils  abufentde  leur  talent,  &  fe 
plailént  à  s'en  fervir  pour  embarralfer  un 
hoînme  qui  leur  paroit  convaincu  de  l'exif- 
tence  de  Dieu.  Ils  lui  font  des  objeftions 
fur  la  religion  ;  ils  attaquent  fes  réponfes , 
ôc  ne  voulant  pas  refter  en  arrière  ,  ils  crient 
&  s'échauffent ,  c  eft  leur  coutuine.  Leur 
adverfnre  fort  mal  fatisfait ,  &  les  prend 
pour  des  athi-'es  ,  quelques-uns  des  aiïîftans 
prennent  le  même  fcandale ,  &  portent  le 
même  jugement  ^  ce  font  fouvent  des  ju- 
gemens  téméraires.  Ceux  qui  aiment  la 
difpute  &  qui  fe  fentent  très-forts  ,  fou- 
ticnnent  en  mille  rencontres  le  contraire  de 
ce  qu'ils  croient  bien  fermement.  Il  fuflira 
quelquefois  ,  pour  rendre  quelqu'un  ful- 
peft  d'athéifine  ,  qu'il  ait  difputé  avec  cha- 
leur fur  l'infuffifance  d'une  preuve  de  l'exif- 
tence  de  Dieu  ^  il  court  rifque  ,  quelque 
orthodoxe  qu'il  foit  ,  de  fe  voir  bientôt 
décrié  comme  un  athée  ■■,  car  ,  dira-t-on  , 
il  ne  s'échaufferoit  point  s'il  ne  l'étoit  pas  ; 
quel  intérêt  fons  cela  pourroit-il  prendre 
ilans  cette  difpute  ?  La  belle  demande  1  n'y 
eft-il  pas  intérelTé  pour  l'honneur  de  fon 
difcernement  ?  Voudroit-on  qu'il  laillat 
croire  qu'il  prend  une  mauvaife  preuve 
pour  un  argument  démouftratif  ? 

Le  parallèle  de  l'athéifme  &  du  paga- 
nifmc  fe  préfente  ici  fort  naturellement.  On 
fe  partage  beaucoup  fur  ce  problème ,  fi 
l'irréligion  eft  pire  que  la  fuperftition  :  on 
convient  que  ce  Ibnt  les  deux  extrémités 
vicieufês  au  milieu  defquelks  la  vérité  eft 
fituée  :  mais  il  y  a  des  perfonnes  qui  pen- 
fent  avec  Plutarquc  ,  que  la  fuperftition 
eft  un  plus  grand  mal  que  l'athéifme  :  il 
y  en  a  d'autf  es  qui  n'ofeut  décider  ,  & 


A  T  H 

pîufieurs  enfin  qui  déclarent  que  l'athéifme 
eft  pire  que  la  fuperftition.  Jufte  Lipfe  prend 
ce  dernier  parti  :  mais  en  même  temps  il 
;;voue  que  la  fuperftition  eft  plus  ordinaire 
que  l'irréligion  ■■,  qu'elle  s'inîînue  fous  le 
ma{que  de  piété  ■■,  &  que  ,  n'étant  qu'une 
image  de  la  religion  ,  ellefcduitde  telle  forte 
l'cfprit  de  l'homme ,  qu'elle  le  rend  fou  jouet. 
Perfonne  n'ignore  combien  ce  fujet  à  oc- 
cupé Bayle ,  &  commeiit  il  s'eft  tourné  de 
tous  côtés ,  &  a  employé  toutes  les  fubti- 
lités  du  raifonnement,  pour  foutenir  ce  qu'il 
avoit  une  fois  avancé.  Il  s'eft  appliqué  à 
pénétrer  jufque  dans  les  replis  les  plus  ca- 
chés de  la  nature  hutnaine  :  aulTi  remar- 
quable par  la  force  oc  la  clarté  du  raifon- 
nement ,  que  par  l'enjouement ,  la  vivacité 
&  la  délicateftc  de  l'efprit ,  il  ne  s'eft  égaré 
que  par  l'envie  déméfurée  des  paradoxes. 
Quoique  fainiliarifé  avec  la  plus  fnnephilo- 
fophie  ,  fon  efprit  toujours  adtif  &  extrê- 
mement vigoureux  n'a  pu  fe  renferm.er  dans 
la  carrière  ordinaire  ^  il  en  a  franchi  les 
bornes.  II  s'eft  plu  à  jeter  des  doutes  fiir 
les  chofes  qui  font  les  plus  généralement 
reçues ,  &  à  trouver  des  raifons  de  proba- 
bilité pour  celles  qui  font  les  plus  géuéra- 
Icm.ent  rejetées.  Les  paradoxes ,  entre  les 
mains  d'un  auteur  de  ce  caraftere  ,  pro- 
duilent  toujours  quelque  chofe  d'utile  8c 
de  curieux  ■■,  Si  l'on  en  a  la  preuve  dans  la 
queftion  préfente  :  car  l'on  trouve  dans  les 
pcnfées  diverfes  de  M.  Bayle  ,  un  grand 
nombre  d'excellentes  obfcrvations  fiu-  la  na- 
ture 8c  le  génie  de  l'ancien  polythéifme. 
Comme  il  ne  s'eft  propofé  d'autre  méthode 
que  d'écrire  félon  que  les  chofes  fè  préfèn- 
tcroient  à  fa  penlee ,  fcs  argumens  fe  trou- 
vent confufémcnt  épars  dans  fon  ouvrage. 
Il  eft  néceft'aire  de  les  analyfèr  &  de  les 
rapprocher.  On  les  expofèra  dans  un  ordre 
où  ils  viendront  à  l'appui  les  uns  des  au- 
tres^ 8f  loin  de  les  afToiblir,  on  tâchera  de 
leur  prêter  toute  la  force  dont  ils  peuvent 
être  fiifceptiblcs. 

Dans  fés  penfées  diverfes ,  M.  Bayle  pofk 
fa  thefc  de  cette  manière  générale  ,  çue 
fae/u'ifme  licji  pas  un  plus  grand  mal  que 
t  idolâtrie.  C'eit  l'argument  d'un  de  fcs  ar- 
ticles. Dans  l'article  même  il  dit  que  t  ido- 
lâtrie eff  pour  le  moins  aufji  abominable  que 
(athéifme.   C'efl  ainfi  qu'il   s'explique  d'à- 


A  T  H 

bord  :  mais  les  coiitrnrliifUons  qu'il  cffuya 
•  lui   firent  propofcr  fa  thcfe  a\cc  les  rcltric- 
tioiis  fuivantcs.  »   L'idolâtrie  des  anciens 
»   païens  n'cft  pas  un  mal  plus  aflieux  que 
))   l'ii^norance    de    Dieu  dans   laquelle  on 
3)   toniberoit  ,  ou  par  ftupidité  ,  on  par  dé- 
i)  faut  d'attention  ,  fans  une  malice  prc- 
»  méditée  ,  fondée  fur   le  dclfein   de  ne 
>j   fèntir   nuls  remords  ,    en  s'adoimant    à 
»   toutes  fortes  de  crimes.  »  Enfin,  dans  fa 
cor.tinuation  des  penlces  di\errcs ,   il  chan- 
gea encore    la   quellion.    11  fuppofa   deux 
anciens  philofophcs,  qui,  s'étant  mis  en  tétc 
ti'examiner  l'ancienne  religion  de  leur  pays, 
euliirnt  obfervc  dans   cet  examen   les  loix 
les  plus  rigoureulcs  de  la  reclicrche  de  la 
vérité.  «  Ni  l'un  ni  l'autre  de  ces  deux  cxa- 
5)  minateurs  ne  fe  propcfent  de  fe  procurer 
»  un   fyftéme  favorable  à  leurs   intérêts  j 
»   ils  mettent   à  part    leurs  pafTions  ,    les 
j)  commodités    de    la  %'ie  ,  toute   la  mo- 
3)  raie  ;  en  un  mot  ils  ne  cherchent  qu'à 
»  éclairer  leurs   efprits.  L'un  deux  aya'it 
)>  comparé  autant  qu'il  a   pu  fuis   aucun 
»  préjugé   les  preuves   &   les  objections , 
»  les  réponfes  &  les  répliques,  conclut  que 
»  la  nature  divine   n'cll  autre   choie  que 
})   la   vertu  qui   meut   tous  les  corps  par 
»  des  loix  néceifaires  &:  immuables  :,  qu'elle 
))   n'a  pas  plus  d'égard    à  l'homme  qu'aux 
»  autres  parties  de  l'univers  ^  qu'elle  n'cn- 
5)   tend  point  nos  prières  ;     que   nous   ne 
r>  pou\oiis  lui  faire  ni  plaifir  ni  chagrin  ;,  » 
c'e(t-à-dire  ,   en   un  mot ,  que   le  premier 
philofophe  deviendroit   at/u'e.    Le  fécond 
philofophe  ,  après  le  m.ême  examen ,  tombe 
dans  les  erreurs  les  plus  groflîeres  du  paga- 
nifme.  M.  Bayle  foutient  que  le  péché   du 
premier   ne  feroit  pas  plus  énorme   que  le 
péché  du  dernier  ,  &  que  même   ce  der- 
nier auroit  l'e/prit  plus   faux  que  le  pre- 
mier. On  voit  par  ces  échantillons ,  com- 
bic'.i  M.  Bayle  s'elt  plu  à  embarralfer  cette 
queftion  :  divers  favans  l'ont  rétùtée ,  &  ilir- 
tout  M.  Bernard  ,  dans  différens  endroirs 
de  fes  nouvelles  de  la  république  des  let- 
tres,  &  M.  Warbuton  ,  dans  fes  dilfcrta- 
tions  fur  l'unioii  de  la  religion  ,   de  la  mo- 
rale &    de  la  politique.  C'elt   une  cliolc 
tcut-à-fait  indifférente  à  la  vraie  religion  , 
de  favoir  lequel  de  l'atliéifine  ou  de  l'ido- 
lâtrie efl  un  plus  grand  mal.  Les  iutérêf 


.      ATH  78  î 

du  clirifiianifiiic  font  tellement  féparés  de 
ceux  de  l'idolatric  païeinic  ,  qu'il  n'a  rie.'i 
à  perdre  ni  à  gagner  ,  foit  qu'elle  pafié  pour 
moins  mauvailb  ou  j^our  i)lus  mauvaifc 
que  l'irréligion.  Mais  ,  quand  on  examine 
le  parallèle  de  l'athéiline  par  rapport  à  ïn 
(bciété,  ce  n'cft  plus  un  prolilême  indiffé- 
rent. Il  paroît  que  le  but  cie  M.  Baylc 
étoit  de  prouver  que  l'athciinie  ne  tend 
pas  à  la  dellrudtion  de  la  /bciété  ;  &  c'eft- 
là  le  point  qu'il  imi>orîc  de  bien  dévelop- 
per :  mais ,  a\ant  de  toucher  à  cette  ])artie 
de  fon  fylléme  ,  examinons  la  première  ^  &c 
pour  le  faire  avec  ordre ,  n'oublions  pas  l;i 
dillindion  qu'on  fait  des  ar/it'cs  de  théorie 
&  des  at/iû-s  de  pratique.  Cetie  diftinéiicii 
une  fois  établie ,  on  peut  dire  que  l'aîliéifine- 
pratique  renferme  un  degré  de  malice  , 
qui  ne  fe  trou\e  pas  dans  le  pol)  îhéifine  : 
on  en  peut  donner  plufieurs  railbns. 

La  première  efl:  qu'un  païen  qui  ôtoit 
à  Dieu  la  fainteté  &  la  juftice ,  lui  laiffoit 
non  feulement  l'exiftence,  mais  aulî]  la  con- 
noilîance  ;  au  lieu  qu'un  a//iee  jiratique  lui 
ôte  tout.  Les  païens  pouvoient  être  regar- 
dés comme  des  calomniateurs  qui  flétrif- 
foient  la  gloire  de  Dieu  5  les  ût/ie'es  prati- 
ques l'outragent  &  l'alfalliîient  à  la  fois. 
Ils  reffcmbieut  à  ces  peuples  qui  maudif- 
foient  le  lolcil ,  dont  la  chaleur  les  incom- 
modoit ,  &  qui  reuflcnt  détruit  ,  fi  cela 
eût  été  poilible.  Ils  étouffent ,  autant  qu'il 
cft  en  eux  ,  la  pcrfuafion  de  l'exiftcnce  de 
Dieu  5  &  ils  ne  le  portent  à  cet  excès  de 
malice  ,  qu'a<în  de  iè  deli\rer  des  remords 
de  leur  conJcience. 

La  féconde  eft  que  la  malice  eft  le  ca- 
ra£tere  de  l'athéifme  pratique  ,  mais  que 
l'idolâtrie  païenne  étoit  un  péché  d'igno- 
rance ;  d'où  l'on  conclut  que  Dieu  cft 
plus  olîènfé  par  les  at/iées  pratiques  que 
par  les  païens  ,  &  que  leurs  crimes  de 
lelè-majefté  divine  font  plus  injurieux  au 
\rai  Dieu  que  ceux  des  païens.  En  effet , 
ils  attaquent  malicieufement  la  notion  de 
Dieu ,  qu'ifs  trou\ent  dans  leur  cœur  &  dans 
leur  efprit  ;  ils  s'efforcent  de  l'étcufier  ; 
ils  agiffcnt  en  cela  contre  leur  conlcience , 
&  feulement  par  le  motif  de  fe  délivrer 
d'un  joug  qui  les  empêche  île  s'abandon- 
ner à  toutes  fortes  de  crimes.  Ils  font  donc 
diredtemcnt  la  guerre  à  Dieu  j  & ,  aiiifi , 


784  A  T  H 

l'injure  qu'ils  foat  au  foiivcrain  Etre  eft 
plus  offenfànte  que  celle  qu'il  recevroit 
des  adorateurs  des  idoles.  Du  moins ,  ceux- 
ci  étoient  bien  intentionnés  pour  la  divinité 
en  général ,  ils  la  cherchoient  dans  le  def- 
fein  de  la  fervir  &  de  l'adorer  ;  &  croyant 
l'avoir  trouvée  dans  des  objets  qui  n'é- 
toient  pas  Dieu  ,  ils  l'honoroieut  félon 
leurs  faux  préjugés ,  autant  qu'il  leur  étoit 
poffible.  Il  faut  déplorer  leur  ignorance  ; 
mais  en  même  temps  il  faut  reconnoître 
que  la  plupart  n'ont  point  fu  qu'ils  er- 
roient.  Il  eil  vrai  que  leur  conCcience  étoit 
erronée  :  mais  du  moins  ils  s'y  confor- 
moient  ,  parce  qu'ils  la  croyoient  bonne. 
Pour  l'athéifme  Spéculatif,  il  eft  moins 
injurieux  à  Dieu  ,  &  par  conféquent  un 
moindre  mal  que  Ib  polythéifme.  Je  pour- 
rois  alléguer  grand  nombre  de  partages  d'au- 
teurs, tant  anciens  que  modernes ,  qui  re- 
connoifîént  tous  unanimement  qu'il  y  a  plus 
d'extravagance  ,  plus  de  brutalité  ,  plus  de 
fureur ,  plus  d'aveuglement  dans  l'opinion 
d'un  homme  qui  admet  tous  les  dieux  des 
Grecs  &C  des  lloinains  ,  que  dans  l'opi- 
nion de  celui  qui  n'en  admet  point  du  tout. 
)>  Quoi  ,  dit  Plutarque ,  (  Traité  de  la  Su- 
))  perjl.  )  celui  qui  ne  croit  point  qu'il  y 
»  ait  des  dieux ,  eft  impie  •■,  &  celui  qui 
))  croit  qu'ils  font  tels  que  les  fuperftitieux 
»  le  les  figurent ,  ne  le  fera  pas  ?  Pour 
»  moi ,  j'aimerois  mieux  que  tous  les  hom- 
«  mes  du  monde  diifent  que  Plutarque  n'a 
))  jamais  été  ,  que  s'ils  difoient ,  Plutarque 
»  eft  un  homme  inconftant,  léger,  colère, 
»  qui  fcvange  des  moindres  oHenfes.  »  M. 
Bofttict  ayant  donné  le  précis  de  la  théo- 
logie que  Wiclef  a  débitée  dans  fou  tria- 
logue  ,  ajoute  ceci  :  «<  Voilà  un  extrait  fî- 
))  dele  de  les  blafphemes  :  ils  fe  réduifent 
■»  en  deux  chefs  ;,  à  faire  un  dieu  dominé 
»  par  la  néceflîté  ^  &  ce  qui  en  eft  une 
»  fliite  ,  un  dieu  auteur  &  approbateur 
»  de  tous  les  crimes ,  c'eft-à-dire  un  ilieu 
))  que  les  athées  auroient  raifon  de  nier  : 
))  de  forte  que  la  religion  d'uii  (i  grand  ré- 
«  formateur  eft  pire  que  l'athéifme.  »  Un 
des  beaux  endroits  de  M.  de  la  Bruyère 
eft  celui-ci  :  «  Si  ma  religion  étoit  fauflc , 
»  je  l'rivoue  ,  voilà  le  piège  le  mieux  drclié 
1)  qu'il  foit  pofTible  d'imaginer  :  il  étoit 
»  ii;é\'itable   de  ne  pas  doiuicr    tout   au 


AT  H 

»  travers ,  8c  de  n'y  être  pas  pris.  Quelle 
»  majefté  !  quel  éclat  des  myftcres  !  quelle 
»  fuite  &  quel  enchaînement  de  toute  la 
))  dodirine  !  quelle  raifon  émineute  !  quelle 
»  candeur  !  quelle  innocence  de  mœurs  ! 
»  quelle  force  invincible  &  accablante  de 
»  témoignages  ,  rendus  fiiccefiîvement  & 
»  pendant  trois  liccles  entiers ,  par  des  mil- 
»  lions  de  perlbnnes  les  plus  fages  ,  les 
»  plus  modérées  qui  fulfent  alors  fur  la 
»  terre  ?  Dieu  même  pouvoit-il  jamais 
»  mieux  rencontrer  pour  me  féduire  ?  par 
H  où  échapper  ,  où  aller  ,  où  me  jeter  , 
»  je  ne  dis  pas  pour  trouver  rien  de  meih- 
»  leur,  mais  quelque  choie  qui  en  appro- 
»  che  ?  S'il  faut  périr  ,  c'eft  par-  là  que  je 
))  veux  périr  ;  //  meffplus  doux  de  nier  Dieu  , 
»  que  de  l'accorder  avec  une  tromperie 
»  lî  fpécieulè  &  fi  entière.  «  f^oyei  la  con- 
tinuation des  penfées  di\'er{ès  de  M.  Bayle. 

La  comparaifon  de  Richeome  nous  fera 
mieux  fentir  que  tous  les  raifonnemens  du 
monde ,  que  c'eft  un  fentiment  moins  ou- 
trageant pour  la  divinité  ,  de  ne  la  point 
croire  du  tout ,  que  de  la  croire  ce  qu'elle 
n'eft  pas  ,  &  ce  qu'elle  ne  doit  pas  être. 
Voilà  deux  portiers  à  l'entrée  d'une  mai- 
fon  :  on  leur  demande  ,  peut-on  p.arler  à 
votre  maître  ?  Il  n'y  eft  pas ,  répond  l'un  : 
il  y  eft  ,  répond  l'autre  ,  mais  fort  oc- 
cupé à  faire  de  la  faufle  monnoie  ,  de  faux 
contrats  ,  des  poignards  ,  &  des  poifons, 
pour  perdre  ceux  qui  ont  exécuté  fès  dcf- 
lèins  :  ïat/iée  reifemble  au  premier  de  ces 
portiers ,  le  païen  à  l'autre.  II  eft  donc 
vifiblc  que  le  païen  oftcnlè  plus  griève- 
ment la  divinité  que  ne  fait  ïatAée.  On 
ne  peut  comprendre  que  des  gens  ,  qui  au- 
roient été  attentifs  à  cette  comparaifon  , 
enflent  balancé  à  dire  que  la  fuperftitiou 
païenne  valoir  inoins  que  l'irréligion. 

S'il  eft  vrai ,  1°.  que  l'on  ofTenlè  beau- 
coup plus  celui  que  l'on  nomme  fripon  , 
fcélerat ,  infâme ,  que  celui  auquel  on  ne 
fonge  pas  ,  ou  de  qui  l'on  ne  dit  ni  bien  , 
ni  mal  :  z*^.  qu'il  n'y  a  point  d'honnête 
femme  ,  qui  n'aimât  mieux  qu'on  la  fît 
pailér  pour  morte  que  pour  proftituée  : 
3^.  Qu'il  n'y  a  point  de  mari  jaloux  qui 
n'aime  mieux  que  fa  femme  faffc  vœu  de 
continence,  ou  en  général  qu'elle  ne  veuille 
plus    entendre  parler    de  commerce  a\ec 

un 


A  T  H 

un  homme  ,  que  fi  elle  Ce  proflituoit  à 
tout  venant  :  4^*.  qu'un  roi  chadc  de  Ion 
trône  s'efHmc  plus  oireufé  ,  lorfqiic  fos 
fiijcts  rebelles  font  e;ifiiite  très-fidèles  à  un 
autre  roi  ,  que  s'ils  n'en  inettoient  auciui 
à  fà  place  :  5°.  qu'un  roi  qui  a  une  forte 
guerre  fur  les  bras ,  ell  plus  irrite  contre 
ceux  qui  embralîent  avec  chaleur  le  parti 
<ie  f;s  ennemis ,  que  courre  ceux  qui  fc 
tiennent  neutres.  Si  ,  dis-je  ,  ces  cinq  pro- 
portions font  vraies  ,  il  faut  de  toute  né- 
ce/rité  ,  que  roiîenfe  que  les  païens  fai- 
(bient  à  Dieu  ,  foit  plus  atroce  que  celle 
q'ue  lui  font  les  izsàtes  Ipéculatifs ,  s'il  y 
en  a  :  ils  ne  longent  point  à  DiK;u  ^  ils 
n'en  dilent  ni  bien  ni  mal  ;  &  s'ils  nient 
fon  exiftence  ,  c'eft  qu'ils  la  regardent  , 
non  pas  comme  une  choiè  réelle  ,  mais 
comme  une  fiftion  de  l'entendement  hu- 
iriain.  C'eft  un  grand  crime  ,  je  l'avoue  ; 
mais  s'ils  attribuoicnt  à  Dieu  tous  les 
crimes  les  plus  infâmes ,  comme  les  païens 
les  attribuoient  à  leur  Jupiter  &  à  leur 
Vénus  ^  fi  ,  après  l'avoir  cliafie  de  fon 
trône  ,  ils  lui  fubflituoient  une  infinité 
de  faux  dieux  ,  leur  offèuie  ne  fèroit-ellc 
pas  beaucoup  plus  grande  ?  Ou  toutes 
les  idées  que  nous  avons  des  di\crs  de- 
grés de  péchés  ibnt  fauifes  ,  ou  ce  Icnti- 
irient  eft  véritable.  La  perfection  qui  eft 
-1^  plus  chère  à  Dieu ,  cil  la  faintetc  ■■,  par 
confcquent  le  crime  qui  l'offenfc  le  plus, 
eft  de  le  faire  méchant  :  i;e  point  croire 
fon  exiilcnce ,  ne  lui  point  rendre  de  culte  , 
c'efi:  le  dégrader  j  mais  rendre  le  culte 
qui  lui  eft  dû  à  une  Lifiniié  d'autres  êtres  , 
c'eft  tout-à-la- fois  le  dégrader  &  le  décla- 
rer pour  le  démon  dans  la  guerre  qu'il 
fait  à  Dieu.  L'Ecriture  nous  apprend  que 
c'eft  au  diable  que  le  terminait  l'honr.cur 
rendu  aux  idoles  ,  d/i  gentium  dœmonia. 
Si  au  jugement  des  jx-rfonnes  les  plus  rai- 
fonnables  &  les  plus  juftcs  ,  un  aiîcnrat 
à  l'honneur  eft  une  injure  plus  atroce 
■qu'un  attentat  à  la  vie  ■-,  fi  tout  ce  qu'il 
y  a  d'hoiuiétes  gens  conviennent  qu'un 
meurtrier  fait  moins  de  tort  qu'un  calom- 
niateur qui  flétrit  la  réputation,  ou  qu'un 
j»ge  corrompu  qui  déclare  infâme  u;i  in- 
nacent  ^  en  un  mot ,  fi  tous  les  hommes 
qui  ont  du  fentimcnt ,  regardent  comme 
ime  adion  très-criminelle  de  préférer  la 
ToimlII. 


A  T  H  7S5 

vie  à  l'honneur  ,  l'infamie  à  la  mort  :  que 
de\ons-nous  pcafcr  de  Dieu  ,  qui  vcric 
lui-même  dans  les  amcs  ces  fentimc:r  no- 
bles &  généreux  ?  Ne  dcvons-uous  pas 
croire  que  la  faintcté  ,  la  probité  ,  la  juf  • 
tice  ,  font  (es  atuibuts  les  plus  clfeatiels  y 
&  dont  il  eft  le  plus  jaloux  :  donc  la  ca- 
lomnie des  païens ,  qui  ,  le  chargeant  de 
toutes  fortes  de  crimes  ,  détruit  les  per- 
fedlions  les  plus  précicufes  ,  lui  eft  une 
oFiènfè  plus  injurieulc  que  l'impiété  des 
athées  ,  qui  lui  ôte  la  connoillance  &  la 
dircèl:ion  des   événemcns. 

C'ell  un  grand  défaut  d'efprit  nie  n'a- 
voir pas  rcconiui  dans  les  ouvrages  de  la 
nature  un  Dieu  fouverainement  parfait  ; 
mais  c'eft  un  plus  grand  défaut  d'elprit 
encore ,  de  croire  qu'une  nature  fujette 
aux  paHîons  les  plus  injuftes  &  les  plus 
laies ,  fait  un  Dieu ,  St  mérite  nos  adora- 
tions :  le  premier  défaut  eft  celui  des  û/^f'M, 
&   le  fécond  celui  des  païens. 

C'eft  une  injure  fans  doute  bien  grande 
d'effacer  de  nos  cœurs  l'image  de  la  di- 
vinité qui  s'y  trouve  naturellement  em- 
preinte :  mais  cette  injure  devient  beau- 
coup plus  atroce  ,  lorfqu'cn  défigure  cette 
image ,  &  qu'on  l'expcfe  au  mépris  de 
tout  Icmojidc.  Les ûMtV^  ont  effacé  l'image' 
de  Dieu  ,  &  les  païens  l'ont  rendue  mé- 
connciffable  ■,  jugez  de  quel  côté  l'ofîcnfc 
a  été  plus  grande. 

Le  grand  crime  des  athées  parmi  les 
païens ,  eft  de  n'avoir  pas  mis  le  véritable 
Dieu  fur  le  trône,  après  en  avoir  fi  juf- 
tement  &  fi  railbnnablement  précipité  tous 
les  faux  dieux  :  mais  ce  criu-e,  quelque 
criant  qu'il  puifiè  être  ,  eft-il  une  injure 
aniTi  fànglantc  pour  le  vrai  Dieu  que  celle 
qu'il  a  reçue  des  idolâtres  ,  qui  ,  après 
l'avoir  détrôné  ,  ont  mis  fur  (bn  trône 
les  plus  infâmes  divinités  qu'il  fiït  poUlble 
d'imaginer  ?  Si  la  reine  Elifabeth  chailée 
de  lès  états ,  a\  oit  appris  que  lès  fujets 
révoltés  lui  eulicnt  fait  fiiccéder  la  plus 
infâme  proftituée  qu'ils  euirent  pu  déter- 
rer dans  Londres  ,  elle  eut  été  plus  in- 
dignée de  leur  conduite  ,  que  s'ils  euiîèut 
pris  une  autre  forme  de  gouvernement , 
ou  que  pour  le  moins  ils  enflent  donné 
la  couronne  à  une  illuftre  priucellè.  Non 
feulement  la  perfonne  de  la  reine  Elifa- 
C  c  c  c  e 


'JÎ6  ATH 

ieth  ei'it  cté  tout  de  nouveau  infiiltée  par 
le  choix  qu'on  aiiroit  fait  d'une  infâme 
courti'ane,  mais  aufîi  le  caraftere  royal 
eût  été  déshonoré  ,  profané  :  voilà  l'ima^^e 
«le  la  conduite  des  païens  à  l'éjjard  de 
Dieu.  Ils  fc  font  révoltés  contre  lui  ;  & , 
après  l'avoir  chailé  du  ciel ,  ils  ont  fubfti- 
tiié  à  fa  place  une  infinité  de  dieux  char- 
gés de  crimes  ,  &  leur  ont  donné  pour 
chef  un  Jupiter ,  fils  d'un  ufurpateur ,  & 
Jifurj>ateur  lui-même.  N'étoit-ce  pas  flé- 
îiir  &  déshonorer  le  caraftere  divin,  ex- 
pofer  au  dernier  mépris  la  nature  &  la 
jnaiefté  divine  ? 

A  toutes  ces  raifons ,  M.  Bayle  en  ajoute 
inie  autre  ,  qui  efl:  ,  que  rien  n'éloigne 
<]avantag;e  les  hommes  de  fe  convertir  à  la 
vraie  religion ,  que  l'idolâtrie  :  en  effet , 
parlez  à  un  cartéiien  ou  à  un  péripatéti- 
cien  ,  d'une  propofition  qui  ne  s'accorde 
pas  avec  les  principes  dout  il  cil  préoccupé, 
vous  trouverez  qu'il  fcngc  bien  moins  à 
pénétrer  ce  que  vous  lui  dites ,  qu'à  ima- 
giner àcî  railons  pour  le  combattre  :  par- 
lez-en à  un  homme  qui  ne  foit  d'aucune 
fedc  ,  vous  le  trouvez  docile ,  &  prêt  à 
fe  rendre  finis  chicaner.  La  raifon  en  eft, 
qu'il  eft  bien  plus  mal  -  aifé  d'introduire 
quelque  habitude  dans  une  ame  qui  a 
déjà  contrafté  l'habiuide  contraire  ,  que 
dans  une  ame  qui  eft  encore  toute  nue. 
Qui  ne  fait ,  par  exemple  ,  qu'il  eft  plus 
difficile  de  rendre  libéral  un  homme  qui 
■a  été  avare  toute  fa  vie  ,  qu'un  enfant 
qui  n'eft  encore  ni  avare  ni  libéral  ?  De 
inéme  ,  il  eft  beaucoup  plus  aifé  de  plier 
d'un  certain  feus  un  corps  qui  n'a  jamais 
été  plié  ,  qu'un  autre  qui  a  été  plié  d'un 
fens  contraire.  Il  eft  donc  très-raifonua- 
fcle  de  penfer  que  les  apôtres  euffcnt  con- 
verti plus  de  gens  à  J.  C.  s'ils  l'cufknt 
prêché  à  des  peuples  fims  religion ,  qu'ils 
n'en  ont  converti ,  annonçant  l'Kvangile 
à  des  nations  engagées  par  un  zeie  aveu- 
jçle  &  entête  aux  cultes  fiiperftitieux  du 
paganifme.  On  m'avouera  que  ,  fi  Julien 
l'apoftat  eût  été  at/ue  ,  du  caradere  dont 
il  étoit  d'ailleurs  ,  il  eût  lahrê  en  jiaix  les 
chrétiens  ;  au  lieu  qu'il  leur  faifoit  des 
injures  continuelles  ,  infatué  qu'il  étoii 
«les  fiiperftitions  du  paganiline  ,  ik  telle- 
ment infatué  ,  qu'un  hUtcncn  de  fa  reli- 


ATH 

g-ion  n  a  pu  s'empêcher  d'en  faire  une  cf- 
pcce  de  raillerie  j  difaut ,  que  s'il  fût  re- 
tourné victorieux  de  fbn  expédition  con- 
tre les  Perfes  ,  il  eût  dépeuplé  la  terre  cls 
bceufs  à  force  de  facrifices.  Tant  il  eft 
vrai  ,  qu'un  homme  entêté  d'ur.e  fauflè 
religion  ,  réfifte  plus  aux  lumières  de  la 
véritable  ,  qu'un  homme  qui  ne  tient  à 
rien  de  femblable.  Toutes  ces  raifons  , 
dira-t-on  à  M.  Bayle  ,  ne  font  tout  au 
plus  concluantes  que  pour  un  athée  néga- 
tif ,  c'eft'à-dire  pour  un  homme  qui  n'a 
jam.ais  penfe  à  Dieu  ,  qui  n'a  pris  aucun 
parti  fur  cela.  L'ame  de  cet  homme  eft 
comme  lai  tableau  nu  ,  tout  prêt  à  re- 
cevoir telles  couleurs  qu'on  voudra  hii  ap- 
pliquer :  mais  peut-on  dire  la  niême  chofè 
d'un  athée  pofitif ,  c'eft-à-d're  d'un  homme 
qui  ,  après  sxoix  examuié  les  preuves  fur 
leiquelles  on  établit  l'exiftence  de  Dieu , 
finit  par  conclure  qu'il  n'y  en  a  aucune 
qui  foit  folide  ,  &  capable  de  faire  im- 
preinon  fiir  un  efprit  vraiment  philofo- 
pliique  ?  Un  tel  homme  eft  affuréri-eut 
plus  éloigné  de  la  vraie  religion ,  qu'un 
homme  qui  admet  ime  divinité  ,  quoi- 
qu'il n'en  ait  pas  les  idées  les  plus  lai- 
nes. Celui-ci  fe  confcr\e  le  tronc  fur  le- 
quel on  pourra  enter  la  foi  \éritable  •. 
mais  celui-là  a  mis  la  hache  à  la  racine  de 
l'arbre ,  &  s'eft  ôté  toute  efpérancc  de  fe 
relever.  Mais  en  accordant  que  le  païen 
peut  être  guéri  plus  facilement  que  Yathée  , 
je  n'ai  garde  de  conchire  qu'il  foit  moins 
coupable  que  ce  dernier.  Ne  fiiit-on  pas 
que  les  malacîies  les  plus  honteufes ,  les 
plus  fales  ,  les  phis  infâmes  ,  font  celles 
dent   la  guérifon  eft  la  plus  facile  ? 

Nous  voici  enfin  parvenus  à  la  focondc 
partie  du  parallèle  de  l'athéifine  &  du  po- 
lythéifine.  M.  Bayle  va  plus  loin  j  il  tâche, 
encore  de  prouver  que  l'athciime  ne  tend 
pas  à  la  defiruilion  de  la  fociété.  Pour 
uous ,  quoique  nous  fo)-ons  pcrfuadés  que 
les  crimes  de  leie-majellc  divine  font  pkis 
éuorin  s  t'ans  le  fyftêmede  la  fiiperftiticn  ,. 
que  dans  celui  de  rirréli:jion,  nous  croyons 
cependant  que  ce  dernier  eft  plus  perni- 
cieux au  genre  humain  que  le  premier.. 
Voici  fijr  quoi  nous  nous  tondons. 

On  a  généralement  penfé  qu'une  des; 
preuves   que    l'atiiéilinc    eu  pcruiciieux  àt 


A  T  H 

ïa  focicté  ,  confiftoit  en  ce  qu'il  exclut  îa 
coiinoiifiuice  du  bien  &  du  mal  moral , 
cette  coiiuoiliàncc  étant  poilérieure  à  celle 
(le  Dieu.  C'eil:  pourquoi  le  premier  argu- 
ment tiotit  M.  Bayle  fait  ufage  pour 
jullifier  l'atliéirme  ,  c'eft  que  les  athées 
peuvent  coiifcrver  les  idées  par  Icfrjuelles 
on  décou\'rc  la  dirtiirence  du  bien  &  du 
mal  moral  \  parce  qu'ils  comprennent  , 
aufii-bicn  que  les  déiites  ou  théilics ,  les 
premiers  principes  de  la  morale  &  de  la 
métiipliyliquc  \  &  que  les  épicuriens  qui 
nioicnt  la  [irovidence  ,  &  les  llratojiicicns 
qui  nioicnt  l'exiftence  de  Dieu  ,  ont  eu  ces 
idées. 

Pour  connoitre  ce  qu'il  peut  y  avoir  de 
vrai  ou  de  faux  dans  ces  argumens  ,  il 
faut  remonter  jufqu'aux  premiers  principes 
de  la  morale  j  matière  en  cUe-mcme  claire 
&  facile  à  comjirendre  \  mais  que  les 
diljjutes  &  les  li:btilités  ont  jetée  dans 
une  extrcme  coufufion.  Tout  l'édifice  de 
la  morale-pratique  ell  fondé  liir  ces  trois 
principes  réunis  \  favoir  ,  le  fèiitimcnt  mo- 
ral ,  la  différence  Ijiécifique  des  aiftions 
humaines  ,  8c  la  volonté  de  Dieu,  j'ap- 
jielle  fentiment  moral  cette  approbation  du 
bien  ,  cette  horreur  pour  le  mal  ,  doiiî 
l'inftinft  ou  la  nature  nous  prévient  anté- 
rieurement à  toutes  réflexions  fiir  leur  ca- 
raétere  &  fur  leurs  conféquences.  C'efl-là 
la  première  ouverture  ,  le  premier  principe 
qui  nous  conduit  à  la  connoiliance  par- 
faite de  la  morale  ,  &  il  eft  commun 
aux  athées  aufli-bien  qu'aux  théiftes.  L'inf- 
XinSt  ayant  conduit  l'hoinme  jufque-là ,  la 
faculté  de  raifonner  qui  lui  ell  naturelle  , 
le  fait  réfléchir  fur  les  fondemcns  de  cette 
approbation  &  de  cette  horreur.  Il  décou- 
vre que  ni  l'une  ni  l'autre  ne  font  arbi- 
traires ,  mais  qu'elles  font  fondées  fur  la 
différence  qu'il  y  a  eiîentiellement  dans 
les  actions  des  hommes.  Tout  cela  n'im- 
pofant  point  encore  une  obligation  allez 
forte  pour  pratiquer  le  bien  &  pour  évi- 
ter le  mal  ,  il  faut  nécellairement  ajouter 
la  volonté  fupérieure  d'un  légillateur  ,  qui 
non  feulement  nous  ordoiuie  ce  que  nous 
fontons  &  reconnoiffons  pour  bon  ,  mais 
qui  propofo  en  même  temps  des  récom- 
penfos  pour  ceux  qui  s'y  conforment  ,  & 
des  châtimeas  pour  ceux  qui  lui  défobéif- 


A  T  H  787 

i  fent.  C'cft  le  dernier  princr])e  des  précep- 
tes de  morale  ■■,  c'eft  ce  qui  leur  donne 
le  vrai  caraélere  de  devoir  .•  c'cft  donc 
/îir  ces  trois  j)rincipcs  que  porté  tout  l'c- 
dilice  de  la  morale.  Chacun  d'eux  eft 
foutenu  par  m\  motif  propre  &  particu- 
lier. Lorlqu'on  fc  conforme  au  fentiment 
moral  ,  on  éprouve  une  fenfation  agréa- 
ble :  lorfqu'on  agit  conformément  i^  la  difi- 
férence  e/fentielle  des  choies  ,  on  concouit 
à  l'ordre  &  à  l'harmonie  de  l'univers  \  ïx. 
lorlqu'on  fe  foumet  à  la  volonté  de  Dieu  , 
on  s'ailiire  des  récompenfcs ,  &  l'on  évite  dcî 
peines. 

De  tout  cela  ,  il  réfulte  évidetnmer.t 
ces  deux  conféquences  :  1°.  qu'un  athéA 
ne  fauroit  avoir  une  connoilTance  exacfcè 
&  complète  de  la  moralité  des  aiStions  hu- 
maines proprement  nonnnéc  :  1°.  que  là 
/èntiment  moral  &  la  connoilTance  dci 
di.fîcrences  eiîcntielles  qui  (pécificnt  lc9 
actions  humaines,  deux  principes  dont  oii 
connoit  qu'un  athée  eft  capable ,  ne  con- 
cluent néanmoins  rien  en  faveur  de  l'ar- 
gument de  ?v1.  Bayle  ;  parce  que  ces  deux 
chofes  ,  même  unies  ,  ne  fuftifeut  pa-i 
pour  porter  \athce  à  la  pratirjue  de  la 
\crtu  ,  comme  il  eft  nécelfaire  pour  le  bien 
de  la  fociété  ,  ce  qui  eft  le  jjoint  dont  i( 
s'agit. 

Voyons  d'abord  comment  M.  Bayle  a 
prétendu  prouver  la  moralité  des  aàicns 
humaines,  fuivant  les  principes  d'un  ftrato- 
nicien.  Il  le  fait  raifonner  de  la  manière 
ftiivante  :  «  La  beauté  ,  la  fymmétric  ,  la 
»  régularité  ,  l'ordre  que  l'on  voit  dani 
»  l'univers  ,  font  l'ouvrage  d'une  nature 
"  qui  n'a  point  de  coiinoifTance  ;  &  cn- 
»  core  que  cette  nature  n'ait  point  fuivi 
M  des  idées  ,  elle  a  néanmoins  produit 
»  une  infinité  d'efpeAs ,  dont  chacune  a 
»  fes  attributs  ejiontiels.  Ce  n'eft  point  en 
»  conféquence  de  nos  opinions  que  le  feu 
»  &  l'eau  dilferent  d'elpecc  ,  S:  qu'il  y  a 
)j  une  pareille  différence  entre  l'amour  ?< 
»  la  haine  ,  &  entre  l'allirmation  &  \x 
»  négation.  Cette  différence  fpécifiqi.e 
»  eft  fondée  dans  la  nature  même  des 
»  chofos  :  mais  comment  la  connoilfoiis- 
»  nous  ?  N'eft  -  ce  pas  en  comparant  \c3 
»  propriétés  elfentielles  de  l'un  de  ces  êtres 
»  avee  \è%  propriétés  ellèntielles  de  l'au- 
C  c  c  c  c  z 


7S8  A  T  H 

»  tre  ?  Or  .  nous  connoiflbns  par  la  inême 
■»  voie  ,  qu'il  y  a  une  différence  ijjécifi- 
))  que  entre  le  menfonge  &  la  vérité  , 
M  entre  l'ingratitude  &  la  gratitude ,  &c. 
»  Nous  devons  donc  être  affurcs  que  le 
5)  vice  &  la  vertu  différent  fpécifiquemcnt 
«  par  leur  nature  ,  &:  indépendamment 
»  de  nos  opinions.  »  M.  Bayle  en  conclut, 
que  les  ftratoniciens  ont  pu  connoître  que 
le  vice  &  la  vertu  étoient  deux  efpeces 
<le  qualité ,  qui  étoient  naturellement  fé- 
jiarées  l'une  de  l'autre.  On  le  lui  accorde, 
j)  Voyons  ,  continue  - 1  -  il  ,  comment 
w  ils  ont  pu  fâvoir  qu'elles  étoient  outre 
»  cela  réparées  morakuient.  Ils  attri- 
5)  buoient  à  la  même  nécefTité  de  la  na- 
»  ture  ,  l'établiffeîîient  des  rapports  que 
3)  l'on  voit  entre  les  chofes ,  &  celui  des 
»  règles  par  lefquelles  nous  diftinguons 
3)  ces  rapports.  Il  y  a  des  règles  de  rai- 
o)  fonnement  ,  indépe'idantes  de  la  volonté 
»  de  l'homme  j  ce  n'eft  point  à  caufe 
:;)  qu'il  a  plu  aux  hommes  d'établir  les 
i)  règles  du  fyjlogifme  ,  qu'elles  font  ']u(- 
))  tes  &  véritables  ;,  elles  le  font  en  elles- 
j)  mêmes  ,  &  toute  entreprife  de  l'efprit 
»  humain  contre  leur  effence  &  leurs  at- 
})  tributs  feroit  vaine  &  ridicule.  )>  On 
accorde  tout  cela  à  M.  Bayle.  Il  ajoute  : 
3)  S'il  y  a  des  règles  certaines  &  inunua- 
j)  blés  pour  les  opérations  de  l'cntende- 
o")  ment  ,  il  y  en  a  aufli  pour  les  aftes  de 
j)  la  volonté.  »  Voilà  ce  qu'on  lui  nie  , 
&  ce  qu'il  tâche  de  prouver  de  cette  ma- 
nière. "  Les  règles  de  ces  aftcs-là  ne  font 
))  pas  toutes  arbitraires  \  il  y  en  a  qui  éma- 
5J  nent  de  la  néceffué  de  la  nature  ,  & 
j)   qui  impofent  une  obligation  indifpenfa- 

»  bic La  plus  générale  de  ces  regles- 

))  ci,  c'eft  qu'il  faut  que  l'homme  \euille 
j)  ce  qui  eft  conforme  à  la  droite  raifon. 
>)  Il  n'y  a  pas  de  vérité  plus  évidente  que 
3)  de  dire  qu'il  eft  digne  de  la  créature 
»  raifonnablc  de  fe  conformer  à  la  raifon , 
))  &  qu'il  cil  indigne  de  la  créature  rai- 
»  fonnable  de  ne  fe  pas  conformer  à  la 
3)  raifon.  » 

Le  paffagc  de  M.  Bayle  fournit  une  dif- 

tiiiflion  à  laquelle  on  doit  faire  beaucoup 

d'attention ,  pour  fe  former  des  idées  nettes 

de  morale.  Cet  auteur  a  diilingué  avec  foin 

h.  tUfférencc  par  laquelle  les  qualités  des 


A  T  H 

chofos  ou  des  aftions  font  naturellement 
réparées  les  unes  des  autres,  &  celle  pa/ 
laquelle  ces  qualités  fout  moralement  fépa- 
rées  ;  d'où  il  naît  deux  fortes  de  différen- 
ces, l'une  naturelle  ,  l'autre  morale.  De  la 
différence  naturelle  &  Ipécinque  des  cho- 
fes ,  il  fuit  qu'il  eft  raifonnable  de  s'y  con- 
former ou  de  s'en  abftenir  ;  &  de  la  diffé- 
rence morale  ,  il  foit  qu'on  eft  obligé  de 
s'y  conformer  ou  de  s'en  abftenir.  De  ces 
deux  différences ,  l'une  eft  fpéculati^'e  ■■,  elle 
fait  voir  le  rapport  ou  défaut  de  rapport 
qui  fe  trouve  entre  les  chofes  j  l'autre  eft 
pratique.  Outre  le  rapport  des  chofes ,  elle 
établit  une  obligation  dans  l'agent^  enforte 
que  différence  morale  &  obligation  de  s'y 
conformer  ,  font  deux  idées  infcparables  r 
car  ,  c'eft-là  uniquement  ce  que  peuvent 
lignifier  les  termes  de  dijf'érence  naturelle  &i 
de  différence  morale;  autrement  ils  ne  llgni- 
ficroient  que  la  même  chofe ,  ou  ne  figni- 
fieroient  rien  du  tout. 

Or  ,  li  l'on  proine  que  de  ces  deux  diffé- 
rences ,  l'une  n'eft  pas  néceflairement  une 
fuite  de  l'autre ,  l'argument  de  M.  Bayle 
tombe  de  lui-même  :  ccft  ce  qu'il  eft  aifè 
de  faire  voir.  L'idée  d'obli):;:ation  llippoft; 
néceJfaireinent  un  ène  qui  oblige  ,  5<  qui 
doit  être  différent  de  celui  qui  eft  obligé. 
Suppofer  que  celui  qui  oblige  &  celui  qui 
eft  obligé  ,  font  une  feule  &  même  per- 
fonne  ,  c'eft  fiippofer  qu'un  homme  peut 
faire  un  contrat  avec  lui-même  ;  ce  qui  eft 
la  chofe  du  monde  la  plus  abfurde  en  ma- 
tière d'obligation  :  car  ,  c'eft  une  maxime 
incontcftable  ,  que  celui  qui  acquiert  ua 
droit  fur  quelque  chofe  par  l'obligation 
dans  laquelle  un  autre  entre  avec  lui .  peut 
céder  ce  droit.  Si  donc  ,  celui  qui  oblige 
&  celui  qui  eft  obligé  font  la  même  per- 
fonne  ,  toute  obligation  devient  nulle  par 
cela  même  ;,  ou  ,  pour  parler  plus  exaêie- 
ment ,  il  n'y  a  jamais  eu  d'obligation.  C'eft- 
là  néanmoins  l'ablindité  oti  tombe  \athh 
ftratonicicu  ,  Icrfqu'il  parle  de  difiérence 
morale  ,  ou  autrement  d'obligations  ;,  car 
quel  être  peut  lui  impofer  des  obligations  ? 
Mais  ,  c'eft-là  prcciferaent  l'abfurdité  dont 
nous  venons  de  parler  ^  car  la  raifon  n'eft 
qu'un  attribut  de  la  perfoiuie  obligée  ;,  &[ 
ne  l;ii:roit  piu-  confcquent  être  le  principe 
de  l'obligation  :   fon  ofiice  cil  d'examiner 


A  T  H 

&  cîe  juger  des  oblitjations  qui  lui  (ont  îm- 
pofëcs  par  quclqu'autre  piincipc.  Dira-t-ou 
que  par  la  raifou  ,  on  n'cuteud  pas  la  rai- 
fou  de  cliaque  homme  eu  particulier  ,  mais 
la  raifon  en  çcucral  ?  Mais  cette  raifou  s^c- 
iiérale  u'eft  qu'une  notion  arbitraire  ,  qui 
n'a  point  d'cxiilcnce  réelle  ■■,  &  conuucnt 
ce  qui  n'cxifte  pas  peut-il  obliger  ce  qui 
exifte  ?  c'eft  ce  qu'on  ne  com.prend  pas. 

Tel  ert  le  caraftere  de  toute  obligation 
en  général,  elle  fuppofc  une  loi  qui  com- 
mande &  qui  défende  ^  mais  une  loi  ne 
peut  être  impofée  que  par  un  être  intelli- 
gent &  fupérieur  ,  qui  ait  le  pouvoir  d'exi- 
ger qu'on  s'y  conforme.  Un  être  aveugle  &C 
fans  intelligence  n'ell  ,  ni  ne  làuroit  être 
légillateur  :,  &  ce  qui  j^rocede  nécelfaire- 
inent  d'un  pareil  être  ,  ne  iliuroit  être  con- 

'  fidérc  fous  l'idée  de  loi  proprement  nom- 
mée. Ileftvrai  que,  dans  le  langage  onii- 
naire ,  on  parle  de  loi  de  raifon  Hc  de  loi 
de  nécciUté  %  inais  ce  ne  font  que  des  ex- 

.  preiTïons  figurées.  Par  la  première  ,  on  en- 
tend la  règle  que  le  légillateur  de  la  na- 
ture nous  a  donnée  pour  juger  de  fa  vo- 
lonté ■■,  &  la  féconde  fignific  Ibulement  que 
la  nécefiité  a  en  quelque  manière  une  des 
propriétés  de  la  loi ,  celle  de  forcer  ou  de 
contraindre.  Mais  on  ne  conçoit  pas  que 
quelque  chofe  puill;  obliger  un  être  dépen- 
dant &  doué  de  volonté  ,  il  ce  n'ell  une 
loi  prilè  dans  le  fens  philofophique.  Ce  qui 
a  trompé  M.  Bayle ,  c'cft  qu'ayant  apperçu 
que  la  difiérence  elfeutielle  des  choies  eil 
un  objet  propre  pour  rentendemcut ,  il  en 
a  conclu  avec  précipitation  ,  que  cette  dii- 
fcrence  devoir  également  être  le  motif  de 
la  détermination  de  la  volonté  ■■,  mais  il  y 
a  cette  difparité ,  que  l'entendement  cft 
néceilité  dans  fes  perceptions  ,  &  que  la 
volonté  n'efî;  point  néceiritée  dans  fes  dé- 
terminations. Les  différences  eflcutielles  des 
chofes  n'étant  donc  pas  l'objet  de  la  volonté, 
il  faut  que  la  loi  d'nn  fupérieur  intervieiuie 
pour  former  l'obligation  du  choix  ou  la  ino- 
ral ité  des  aftions. 

Hobbes,  quoiqu'accufé  d'athéifme,  fem- 
ble  avoir  pénétré  plus  avant  dans  cette  ma- 
tière que  le  liratonicien  de  Bayle.  Il  paroît 
qu'il  a  fenti  qite  l'idée  de  morale  renfermoit 
nécelîairement  celle  d'obligation  ,  l'idée 
d'obligation  celle  de  loi ,  5c  iidée  de  loi 


A  T  H  j^9 

cel'e  de  Icgiflateur  ■■,  c'ell  pourquoi  ,  après 
avoir  en  quelque  forte  banni  le  légillateur 
de  l'univers ,  il  a  jugé  à  propos  ,  afin  que 
la  moralité  des  adlions  ne  reliât  pas  fans 
fondement,  de  faire  intervenir  fon  grand 
monltre  qu'il  apiiclle  /e  h'viathan  ,  &  d'en 
faire  le  créateur  &  le  foutien  tlu  bien  & 
du  mal  moral.  C'cft  donc  envain  qu'on  prc- 
tendroit  qu'il  y  auroit  un  bien  moral  à 
agir  conformément  à  la  relation  des  choies, 
parce  que  par-là  on  contribucroit  au  bon- 
heur de  ceux  de  fon  cfpece.  Cette  raifon 
ne  peut  établir  qu'un  bien  ou  un  mal  na- 
turel ,  &  non  pas  lui  bien  ou  un  inal  moral. 
Dans  ce  fyiléme,  la  vertu  Icroit  au  même 
niveau  que  les  produciions  de  la  terre  ftc 
qi;e  la  bénignité  des  failbns ,  le  vice  ieroit 
au  même  rang  que  la  pelle  &  les  tempêtes , 
puifquc  ces  diflérentcs  choies  ont  le  carac- 
tère commun  de  contribuer  au  bonheur  ou 
au  malheur  des  hommes.  I.a  moralité  ne 
fauroit  réfulter  liiiiplement  de  la  nature 
d'une  a£tion  ni  de  celle  de  fon  effet  ^  car 
qu'une  chofe  foit  raifoiniablc  ou  ne  le  folt 
pas  ,  il  s'enfuit  feulement  qu'il  cil  conve- 
nable ou  abftirde  ile  la  faire  ou  de  ne  la 
poiiit  faire  ;  St  fi  le  bien  ou  le  mal  qui 
réfulte  d'une  aftion ,  rendoit  cette  adioii 
morale  ,  les  brutes ,  dont  les  adions  prc- 
duilént  ces  deux  effets,  auroieat  le  carac- 
tère d'agens  moraux. 

Ce  qui  vient  d'être  expofé  ,  fait  voir 
que  \ athée  ne  fiîftroit  parvenir  ;\  la  connoif- 
(ànce  de  la  monJité  des  actions  proprement 
nommées.  Mais  quand  oti  accorderoit  à  uii 
aihée  le  léntiment  moral  Si  la  conuoillancc 
de  la  différence  ellcntielic  qu'il  y  a  dans 
les  qualités  des  actions  humaines  ,  cepen- 
dant ce  fcutiment  êi  cette  connoilfance 
ne  feroient  rien  en  faveur  de  l'argument 
de  M,  Bayle ,  parce  que  ces  à<iu\  cliofcs 
unies  ne  fuîîîlcnt  point  pour  jïortcr  la  mul- 
titude à  pratiquer  la  vertu  ,  ainfi  qu'il  eft 
nécelfaire  pour  le  maintien  de  la  Ibciété. 
Pour  difputcr  cette  queîlion  à  fond  ,  il 
faut  examiner  jufqu'à  quel  point  le  feuti- 
Tiicnt  moral  ieul  peut  influer  fur  la  con- 
duite des  hommes  pour  les  porter  à  la 
vertu  :  en  fécond  lieu  ,  quelle  nouvelle 
force  il  acquiert  ,  lorfqu'il  agit  conjoin- 
tement avec  la  coiuioiilance  de  la  diffé- 
rence  elTeutielle  djs  chofes   j  diilindioii 


790  A  T  H 

d'autant  plus  nécelTaire  à  obferver  ,  qu'en- 
core que  nous  ayons  reconnu  qu'un  athée 
peut  parvenir  à  cette  connoifl'ance  ,  il  eft 
néanmoins  un  genre  ^athéca  qui  en  font 
entièrement  incapables ,  &  fur  Icfquels  il 
n'y  a  par  conféquent  que  le  fentimont  mo- 
ral feul  qui  puillb  agir  :  ce  Ibnt  lés  athées 
épicuriens  ,  qui  prétendent  que  tout  en  ce 
monde  n'eft  que  l'effet   du  hazard. 

En  pofant  que  le  fentiment  moral  efi: 
dans  l'homme  un  inftinâ: ,  le  nom  de  la 
chofe  ne  doit  pas  nous  tromper ,  &  nous 
faire  imaginer  que  les  impreflions  de  l'inf- 
tinél:  moral ,  font  aulTi  fortes  que  celles  de 
rinftinâ  animal  dans  les  brutes  :  le  cas  eil 
différent.  Dans  la  brute  ,  l'inlHnâ:  étant  le 
feul  principe  d'aétion  ,  a  une  force  in\in- 
cible:,  mais  dans  l'homme  ce  n'eft,  à  pro- 
prem.ent  parler,  qu'un  preffcntiinent  offi- 
cieux ,  dont  l'utilité  eft  de  concilier  la  rai- 
fon  avec  les  paillons  ,  qui  ,  toutes  à  leur 
tour  ,  déterminent  la  volonté.  Il  doit  donc 
être  d'autant  plus  fcible ,  qu'il  partage  avec 
plufieurs  autres  principes  le  pouvoir  de  nous 
l'aire  agir  :  la  chofe  même  ne  pouvoir  être 
autrement  ,  fans  détruire  la  liberté  du  choix. 
Le  fentiment  moral  eft  fi  délicat ,  &  tel- 
lement entrelacé  dans  la  conftitution  de  la 
nature  humaine  \  il  eft  d'ailleurs  fi  aifément 
&  fi  fréquemment  effacé  ,  que  quelques 
perfonnes  n'en  pouvant  point  découvrir  les 
traces  dans  quelques-unes  des  aftions  les 
plus  communes ,  en  ont  nié  l'exiftence.  Il 
demeure  prefque  fans  force  &  fans  vertu  , 
à  moins  que  toutes  les  paffions  ne  fojent 
bien  tempérées ,  &  en  quelque  manière  en 
équilibre.  Delà ,  on  doit  conclure  que  ce 
principe  feul  eft  trop  foible  pour  avoir  une 
grande  influence  fur  la  pratique. 

Lorfque  le  fentiment  moral  eft  joint  à 
la  connoiilance  de  la  différence  cifentielle 
des  choies ,  il  eft  certain  qu'il  acquiert  beau- 
coup de  force  ^  car  d'un  côté  cette  connoif- 
fance  fcrt  à  diftinguer  le  fentiment  moral 
d'avec  les  paffions  déréglées  &  vicicufes  ; 
&  d'un  autre  côté  le  fentiment  moral  empê- 
che ,  qu'en  raifonnant  fiir  la  différence  cflen- 
tielle  des  chofes,  l'entendement  ne  s'égare 
&  ne  fiibftittie  des  chimères  à  des  ré;i4ités. 
Mais  la  queftion  eft  de  fn'oir  fi  ces  àcwy. 
principes  ,  indépendamment  tic  la  volomé 
&  du  commandement  d'un   lirpéricur ,  Jk 


AT  H 

par  conféquent  de  l'attente  des  récompenfes 
&  des  peines ,  auront  affez  d'influence  fur 
le  plus  grand  nombre  des  hommes ,  pour 
les  déterminer  à  la  pratique  de  la  vertu. 
Tous  ceux  qui  ont  étudié  avec  quelque  at- 
tention ,  &  qui  ont  tant  foit  peu  appro- 
fondi la  nature  de  l'homir.e  ,  ont  tous  trouvé 
qu'il  ne  fuffit  pas  de  reconnoître  que  la 
vertu  eft  le  fbuverain  bien ,  pour  être  porté 
à  la  pratiquer  :  il  faut  qu'on  s'en  falfe  \x\\<î. 
application  perfonnelle  ,  &  qu'on  la  confi- 
dere  comme  un  bien  faifant  partie  de  notre 
propre  bonheur.  Le  plaifirde  fatisfaire  une 
pailicn  qui  nous  tyrannife  avec  force  & 
avec  vivacité  ,  Se  qui  a  l'amour  propre  da:is 
^.c%  intérêts  ,  eft  communéinent  ce  que  nous 
regardons  comme  le  plus  capable  de  con- 
tribuer à  notre  fatisfaètion  &  à  notre  bon- 
heur. Les  pallions  étant  très-fouvent  op- 
pofées  à  la  vertu  &  incompatibles  avec  elle  , 
il  faut  pour  contre  balancer  leur  effet ,  met- 
tre un  nouveau  poids  dans  la  balance  de  la 
vertu  ■■)  &  ce  poids  ne  peut  être  que  les 
récompenfes  ou  les  peines  que  la  religion 
propoiè. 

L'intérêt  perfonnel ,  qui  eft  le  principal 
reflbrt  de  toutes  les  actions  des  hommes , 
en  excitant  en  eux  des  motifs  de  crainte  Se 
d'efpérance ,  a  produit  tous  les  défordres 
qui  ont  obligé  d'avoir  recours  à  la  iociété. 
Le  même  intérêt  perfonnel  a  fuggéré  les 
mêmes  motifs  pour  remédier  à  ces  défor- 
dres 5  autant  que  la  nature  de  la  fcciété 
pouvoit  le  permettre.  Une  paffion  aufiî  uni- 
vcrfelle  que  celle  de  l'intérêt  perfonnel ,  ne 
pouvant  être  combattu<^  que  par  l'oppofi- 
tion  de  quelqu'autre  paffion  aufli  forte  & 
aiiffi  aftive  ,  le  feul  expédient  dont  on  ait 
pu  fe  fervir ,  a  été  de  la  tourner  contre 
elle-même  ,  en  l'employant  pour  une  fin 
contraire.  La  fociété  ,  incapable  de  remé- 
dier par  fa  propre  force  aux  défordres  qu'elle 
devoit  corriger  ,  a  été  obligée  d'appeller  la 
religion  à  ion  fecours  ,  &  n'a  pu  déployer 
ià.  force  qu'en  confcquence  des  mêmes  prin- 
cipes de  crainte  &  d'efpérance.  Mais  , 
comme  des  trois  principes  qui  fervent  de  bafè 
à  la  morale ,  ce  dernier ,  qui  efi  fondé  fiir 
la  volonté  de  Dieu  ,  &  qui  manque  à  un 
athée  ,  eft  le  ièul  qui  préfente  ces  puilfans 
motifs  ;  il  s'enfuit  évidemment  que  la  reli- 
gion ,    à  qui  isxxlo,  on  en  eft  redevable  y 


A  T  H 

eft  abfoliiincnt  néccHaire  pour  le  mair.tieii 
de  I:i  fociété  ;  ou  ,  ce  qui  re\'ient  au  iiîémc, 
que  le  fentiment  mcnil  &  la  conncirùincc 
de  11  différence  cjTeiiticlle  des chofcs ,  réunis 
enfeinble  ,  ne  fiuiroient  avoir  alFcz  d'in- 
fluence fur  la  plupart  des  hommes  ,  pour 
les  déterminer  à  la  pratique  de  la  vertu. 

M.  Baylc  a  trc3-!)ien  compris  que  1  ef- 
pérance  '6c  la  crainte  font  les  plus  pu'ilians 
se/lbrts  de  la  conduite  des  hoinmes.  Quoi- 
qn'aprcs  a\oir  diftini^ué  la  différence  nntu- 
relle  des  chofcs  &  leur  différence  morale , 
il  les  avoir  enfiitc  confondues  pour  en 
tirer  un  motif  qui  pût  obliger  les  hom- 
mes à  la  pratique  de  la  vertu  ■■,  il  a  appa- 
rcmiment  fenti  Tineincacité  de  ce  motif,  puif 
qu'il  en  a  appelle  un  autre  ^foii  fècours  , 
en  fuppofmt  que  le  defir  c^la  gloire  & 
la  crainte  de  l'infimie  fuffiroient  pour  ré- 
gler Ja  conduite  des  athéet;  8c  c'eft-là  le 
iècond  argument  dont  il  fe  fèrt  pour  défen- 
dre fon  paradoxe.  «  Un  homn.ie  ,  dit-il , 
»  deltitué  de  foi  ,  peut  être  fort  feulîble 
3J  à  l'honneur  du  monde ,  fort  avide  de 
»  louange  &  d'encens.  S'il  fè  trou\e  dans 
1)  un  pays  où  l'i^îjratitude  Se  la  four- 
»  berie  expofent  les  hommes  au  n:épris , 
»  &  où  la  généro'ité  8c  la  vertu  font  ad- 
»  mirées  ,  ne  doutez  point  qu'il  ne  faffe 
»  profeilion  d'être  homir.e  d'honneur  ,  & 
î)  qu'il  ne  foit  capable  de  reftituer  m\  dé- 
w  pôt,  quand  méine  on  ne  pourroit  l'y 
»  contraindre  par  les  voies  de  la  juftice. 
3)  La  crainte  de  paffcr  dans  le  monde  pour 
»  un  traître  &  un  coquin  ,  l'einporiera  fur 
»  l'amour  de  l'argent  ;  ôc  ,  comme  il  y  a 
»  des  perfounes  qui  s'expofènt  à  mille  pei- 
))  nés  &  à  mille  périls  pour  fe  venger  d'une 
»  offenfe  qui  leur  a  été  faite  devant  très- 
»  peu  de  témoins ,  &  qu'ils  pardonucroient 
y>  de  bon  cœur,  s'ils  ne  craignoientd'encou- 
«  rir  quelque  infamie  dans  leur  voilinage  : 
w  je  crois  de  même  que  ,  malgré  les  oppo- 
>i  fitions  de  fon  ;ivarice ,  un  hoir.me  qiii 
»  n'a  point  de  religion  ell  capable  de  rci- 
»  tituerua  dépôt  qu'on  ne  pourroit  le  con- 
»  vaincre  de  retenir  injuflement ,  lorfqu'i! 
)'  voit  que  fa  bonne  foi  lui  attirera  les  éloges 
»  de  toate  \.n\Q  ville  ,  &  qu'on  pourroit  un 
»  jour  lui  faire  des  reproches  de  iow  infi- 
))  délité  ,  ou  le  foupçonner  à  tout  le  moins 
»  d'une  chofc  qui  i'empécheroit  de  paifer 


A  T  H  7^, 

»  po.ir  honnête  homme  dans  l'cfprit  des 
»  autres  :  car  c'efl  à  l'eflime  intérieure 
»  des  autres  que  nous  afpirons  fiir-tout, 
»  Les  gcftes  &  \q%  paroles  qui  marquent 
»  cette  eftime,ne  nous  plaifcnt  qu'autant 
»  que  nous  nous  imaginons  que  ce  font 
»  dc-i  figues  de  ce  qui  fc  pnfîc  dans  l'efprit. 
"  Une  m.-îchine  qui  viendroit  nous  fîiire 
»  la  révérence  ,  &  qui  formeroit  i\q%  pa- 
»  rôles  flatteufcs ,  ne  fcroit  guère  propre 
»  à  nous  donner  bonne  opinion  de  nouî- 
»  mêmes,  parée  que  nous  faurions  que  ce 
))  ne  feroient  pas  des  figues  de  la  bonne 
»  opinion  qu'un  autre  "^  auroit  de  notre 
1)  mérite  j,  c'eft  pourquoi  celui  dont  je  parle 
»  ijourroit  facrificr  fon  avarice  à  fa  vanité , 
»  s'il  croyoit  feulement  qu'on  le  foupçon- 
»  ueroit  d'avoir  violé  les  loix  facrées  du 
»  dépôt  :  &  s'il  fc  croyoit  à  l'abri  de  tout 
»  foupçon  ,  encore  pourroit-il  bien  fe  re- 
»  foudre  à  lâcher  prife,  parla  crainte  de 
»  tomber  dans  l'inconvénient  qui  eft  arrivé 
»  à  quelques-uns ,  de  publier  eux-mêmei 
»  leurs  crimes  pendant  qu'ils  dormoienî , 
»  ou  pendant  les  tran.fports  d'une  fièvre 
»  chaude.  Lucrèce  fe  fert  de  ce  motif  pour 
»  porter  à  la  vertu  des  hommes  fuis 
»  religion.  » 

On  conviendra  avec  M.  Bayle ,  que  le 
defir  de  l'honneur  &  la  crainte  de  l'infamie 
font  deux  puiliaiis  motifs  pour  engager 
les  hommes  à  iè  conformer  aux  maximes 
adoptées  par  ceux  avec  qui  ils  converfcnt, 
■?<;  que  les  maximes  reçues  parmi  les  na- 
tions civilifécs  (  non  toutes  les  maximes , 
mais  la  plupart,  )  s'accordent  avec  les  règles 
iiivariables  du  julle ,  nonoblîant  tout  ce  que 
Sextus  Empiricus  &  Montagne  ont  pu  dire 
de  contraire ,  appuyés  de  quelques  exemples 
dont  ils  ont  voulu  tirer  une  coiiféquence 
trop  générale.  La  vertu  contribuant  évi- 
demment au  bien  du  genre  humain,  8c 
!e  vice  y  mettant  obflacle  ,  il  n'eft  point 
fiirprenant  qu'on  ait  cherché  à  encourager , 
p;u-  l'cftime  de  la  réptitation ,  ce  que  chacun 
on  particulier  trouvoit  tendre  à  fon  avan- 
tage ^  &  que  l'on  ait  tâché  de  décourager  , 
par  le  mépris  &  l'infamie  ,  ce  qui  pouvoit 
produire  un  effet  oppofé.  Mais  comme  il 
eft  certain  qu'oii  peut  acquérir  la  réputatioii 
d'honnête  homme  ,  prelqn'aulli  furemcnt 
£c  beaucoup  plus  aifément  8c  plus  pro  np- 


79t  A  T  H 

tcment .  par  une  hypocrifie  bien  concertée 
&  bien  ibutcnue  ,  que  par  une  pratique 
fiiicerc  de  la  vertu  j  un  athée  qui  n'efl  re- 
tenu par  aucun  principe  de  confcicncc  , 
choifira  fans  doute  la  prerniere  voie ,  qui 
ne  rcmpcchera  pas  de  fatis faire  en  fecret 
toutes  fes  paillons.  Content  de  paroitre 
vertueux  ,  il  agira  en  fcélérat  lorsqu'il  ne 
craindra  pas  d'être  découvert ,  &  ne  con- 
fultera  que  les  inclinations  vicieufcs  ,  fon 
avarice  ,  fa  cupidité  ,  la  padion  criminelle 
dont  il  fe  trouvera  le  plus  violemment 
dominé.  II  eft  évident  que  ce  fera  là  en 
général  le  plan  de  toute  perfonne  qui  n'aura 
d'autre  motif  pour  fe  conduire  en  Jionnête 
homme:  ,  que  le  delir  d'une  réputation 
populaire.  En  ciîet ,  dès  là  que  j'ai  baïuii 
de  mon  cceur  tout  fenîimcnt  de  religion , 
je  n'ai  point  de  motif  qui  m'engage  à  fa- 
crifîer  à  la  vertu  mes  penchans  favoris,  mes 
paiîions  les  plus  impéricufes ,  toute  ma  for- 
tune ,  ma  réputation  même.  Une  vertu 
détachée  de  la  religion  n'ell  guère  propre 
à  me  dédommager  des  plaifirs  véritables 
&  des  avantages  réels  auxquels  je  renonce 
pour  elle.  \-.cs  athées  diront-ils  qu'ils  aiment 
la  vertu  pour  elle-même ,  parce  qu'elle  a 
unz  beauté  cfiéntielle  ,  qui  la  rend  digne 
de  l'amour  de  tous  ceux  qui  ont  afTez  de 
lumières  pour  la  reconnoîtrc  ?  Il  eft  aiTez 
étonnant ,  pour  le  dire  en  palTant ,  que  les 
peribnnes  qui  outrent  le  plus  la  piété  ou 
l'irréligion  ,  s'accordent  néanmoins  dans 
leurs  prétentions  touchant  l'amour  pur  de 
la  vertu  :  mais  que  veut  dire  dans  la  bou- 
che d'un  athée  ,  que  la  vertu  a  une  beauté 
effentielle  ?  n'eft-ce  pas  là  une  expreilion 
vnide  de  fens  ?  Comment  prouveront  -  ils 
que  la  vertu  eft  belle,  &  que  lijppofé  qu'elle 
ait  une  beauté  elfentielle  ,  il  faut  l'aimer , 
lors  même  qu'elle  nous  eft  inutile ,  &  qu'elle 
n'influe  pas  fur  notre  félicité  ?  Si  la  vertu 
eft  belle  elfentiellement ,  elle  ne  l'eft  que 
parce  qu'elle  entretient  l'ordre  &  le  bon- 
heur dans  la  fociété  humaine  ;,  la  vertu  ne 
doit  paroître  belle  ,  par  conféquent ,  qu'à 
ceux  qui ,  par  un  principe  de  religion  ,  lé 
croient  indilpenfablcmciit  obligés  d'aimer 
les  autres  hommes  ,  &  non  pas  à  des  gens 
qui  ne  fauroient  raifonnablement  admettre 
aucune  loi  naturelle  ,  linon  l'amour  le  plus 
grollier.   Le  fcul  égard  auquel  la  vertu 


A  T  H 

peut  avoir  une  beauté  cflentielle  pour  un 
incrédule  ,  c'cft  lorfqu'clle  eft  pollédéc  ÔC 
exercée  par  les  autres  hommes,  &  que  par- 
là  elle  fcrt  pour  ainlî  diie  d'afyle  aux  vi- 
ces du  libertin  :  ainfi  ,  pour  s'exprimer  in- 
telligibleinent ,  les  incrédules  devroicnt  fju- 
tînir  qu'à  tout  prendre  ,  la  vertu  eft  pour 
cliaque  individu  humain ,  plus  utile  que  le 
vice ,  &  plus  pi'opre  à  nous  conduire  vers 
le  néant  d'une  manière  commode  Se  agréa- 
ble. Mais  c'eft  ce  qu'ils  ne  prouveront  ja- 
mais. De  la  manière  dont  les  hommes  font 
faits  ,  il  leur  en  coûte  beaucoup  plus  pour 
fuivre  fcrupuleufement  la  vertu  ,  que  pour 
ie  laiffer  aller  au  cours  impétueux  de  leurs 
penchans.  La  vertu  dans  ce  monde  eft 
obligée  de  ^tter  fans  celle  contre  mille 
obftacles  ,  qui  à  chaque  pas  l'arrêtent  ;  elle 
eft  traverfée  par  un  tempérament  indocile, 
&  par  des  paillons  fougueulês  ^  mille  objets 
féduâeurs  détournent  fon  attention  '-,  tan- 
tôt ^ittorieufe  &:  tantôt  vaincue  ,  elle  ne 
trouve  &  dans  fés  défaites  &  dans  fès  vic- 
toires ,  que  des  fources  de  nouvelles  guer- 
res ,  dont  elle  ne  prévoit  pas  la  fin.  Une 
telle  lîtuation  n'eft  pas  feulcinent  trifte  i<. 
mortifiante  ■■,  il  mt  femble  même  qu'elle 
doit  être  inlîipportable  ,  à  moins  qu'elle 
ne  foit  foutenue  par  des  motifs  de  la  der- 
nière force  •■,  en  un  mot ,  par  des  motifs 
auftl  puilfans  que  ceux  qu'on  tire  de  la 
religion. 

Par  confëquent ,  quand  même  un  «//if  f  ne 
douteroit  pas  qu'une  vertu  ,  qui  jouit  tran- 
quillement du  fruit  de  fès  combats  ,  ne 
foit  plus  aimable  &  p!us  utile  que  le  vice, 
il  feroit  prefqu'impoiîible  qu'il  pût  jamais  y 
parvenir.  Plaçons  un  tel  homme  dans  l'âge 
où  d'ordinaire  le  cœur  prend  fon  parti  ,  te 
commence  à  former  fon  caraftcre  •■,  don- 
nons-lui ,  comme  à  un  autre  homme  ,  un 
tempérament ,  des  paftîons  ,  un  certain 
degré  de  lumière.  11  délibère  avec  hii- 
même  s'il  s'abandonnera  au  vice ,  ou  s'il 
s'attachera  à  la  vertu.  Dans  cette  fittiation , 
il  me  femble  qu'il  doit  raifonncr  à-peu-près 
de  cette  manière.  «  Je  n'ai  qu'une  idée  con- 
»  fuie,  que  la  vertu  tranquillement  pollé- 
»  dée  pourroit  bien  être  préférable  aux 
M  agréniens  dû  vice  :  mais  je  fens  que  le 
»  vice  eft  aimable  ,  utile  ,  fécond  en  ienfa- 
»  tious  délicieulês  ;  je  vois  pourtant  que 

V  dans 


A  T  H  AT  H  .79? 

»  dans  pliifieurs  occafions  il  cxpofe  à  de     ver  dans  ce  raifonnemeiit  d'un  jeune  cfprit 


w  fâcheux  iiiconvenicns  :  mais  la  vertu  me 
»  paroît  fujette  en  mille  rencontres  à  des 
»  inconvéniens  du  moins  aufli  terribles, 
»  D'un  autre  côté  ,  je  comprens  parfaite- 
»  ment  bien  que  la  r^ute  de  la  vertu  cft 
»  elcarpée ,  &  qu'on  n'y  avance  qu'en  Ce 
»>  gênant  ,  qu'en  fe  contraignant  ;  il  me 
»  faudra  des  années  entières ,  avant  que  de 
»  voir  le  chemin  s'applanir  (bus  mes  pas , 
»  &  avant  que  je  puiiïe  jouir  des  effets 
»  d'un  fi  rude  travail.  Ma  première  jeu- 
»  neffe  ,  cet  âge  où  l'on  goûte  toutes  Ibr- 
»  tes  de  plaifiTS  avec  plus  de  vivacité  & 
»  de  raviirement  ,  ne  fera  employée  qu'à 
»  des  efforts  auflî  rudes  que  continuels. 
»  Quel  eft  donc  le  grand  motif  qui  doit 
»  me  porter  à  tant  de  peine  &  à  de  fi 
»  cruels  embarras  ?  feront-ce  les  délices 
»  qui  ibrtent  du  fond  de  la  vertu?  mais 
»  je  n'ai  de  ces  délices  qu'une  très-foible 
»  idée.  D'ailleurs ,  je  n'ai  qu'une  efpece 
»  d'exiftence  d'emprunt.  Si  je  pouvois  me 
»  promettre  de  jouir  pendant  un  grand 
»  nombre  de  fiecles  de  la  félicité  attachée 
»  à  la  vertu  ,  j'aurois  raifon  de  ramaffer 
»  toutes  les  forces  de  mon  ame  ,  pour 
»  m'affurer  un  bonheur  fi  digne  de  mes 
»  recherches  :  mais  je  ne  fuis  fur  de  mon 
»  être  que  durant  un  feul  inftant  ;  il  fe 
»  peut  que  le  premier  pas  que  je  ferai  dans 
»  le  chemin  de  la  vertu  ,  me  précipitera 
»  dans  le  tombeau.  Quoi  qu'il  en  foit ,  le 
»  néant  m'attend  dans  un  petit  nombre 
»  d'années  ;  la  mort  me  faifira ,  peut-être , 
»  lorfque  je  commencerai  à  goûter  les  char- 
»  mes  de  la  vertu.  Cependant ,  toute  ma 
»  vie  fe  fera  écoulée  dans  le  travail  Se  dans 
»  le  défagrément  :  ne  fera-t-il  pas  ridicule 
»  que ,  pour  une  félicité  peut-être  chimé- 
»  rique ,  &:  qui ,  fi  elle  eft  réelle,  n'exiftera 
»  peut-être  jamais  pour  moi ,  je  renonçaflfe 
»  à  des  plaifirs  préfens ,  vers  lefquels  mes 
»  paffions  m'entraînent  ,  &  qui  font  de 
M  fi  facile  accès  ,  que  je  dois  employer 
»  toutes  les  forces  de  ma  raifon  pour 
»  m'en  éloigner  ?  Non  :  le  moment  où 
it  j'exifte  eft  le  feul  dont  la  poffeffion  me 
»  foit  aflurée  ;  il  eft  raifonnable  que  je 
»  faififle  tous  les  agrémens  que  je  puis  y 
«  raflembier.  » 

Il  me  femble  qu'U  ferok  difficile  de  trou- 
Tome   III. 


fort,  un  défaut  de  prudence,  ou  un  mui- 
que  de  juftefte  d'efprit.  Le  vice  ,  conduit 
avec  un  peu  de  prudence  ,  l'emporte  infi- 
niment fur  une  vertu  exafte  qui  n'eft  point 
foutenue  de  la  confolante  idée  d'un  être 
fuprême.  Un  athée ,  fage  économe  du  vice, 
peut  jouir  de  tous  les  avantages  qu'il  eft 
polfible  de  puifer  dans  la  vertu  confidé- 
rée  en  elle-même  ;  &  en  moine  temps  il 
peut  éviter  tous  les  inconvéniens  attachés 
au  vice  imprudent  6c  à  la  rigide  vertu. 
Epicurien  circonfpeft  ,  il  ne  refufera  rien 
à  fes  defirs.  Aime-t-il  la  bonne  chère  ?  il 
contentera  cette  paflîon  autant  que  fa  for- 
tune &c  fa  fanté  le  lui  permettront  ,  &c 
fe  fera  une  étude  de  fe  confervcr  toujours 
en  état  de  goûter  les  mêmes  plaifirs  avec 
le  même  ménagement.  La  gaieté  que  le 
vin  répand  dans  l'ame  a-t-el'e  de  grands 
charmes  pour  lui  ;  il  eflaiera  les  forces  de 
fon  tempérament ,  &:  obfervera  jufqu'à 
quel  degré  il  peut  foutenir  les  délicieufes 
vapeurs  d'un  commencement  d'ivrefle.  En 
un  mot ,  il  fe  formera  un  fyftême  de  tem- 
pérance voluptueufe  ,  qui  puiffe  étendre 
fur  tous  les  jours  de  fa  vie,  des  plaifirs  non 
interrompus.  Son  penchant  favori  le  por- 
te-t-il  aux  délices  de  l'amour?  il  emploiera 
toutes  fortes  de  voies  pour  furprendre  la 
fimplicité  ,  &  pour  féduire  l'innocence. 
Quelle  raifon  aura-t-il  fur-tout  de  refpec- 
rer  le  facré  lien  du  mariage  ?  Se  fera-t-il 
un  fcrupule  de  dérober  à  un  mari  le  cœur 
de  fon  époufe  ,  dont  un  contrat  autorifé  par 
les  loix  l'a  mis  feul  en  ponbAîon  ?  Nulle- 
ment :  fon  intérêt  veut  qu'il  fe  règle  plutôt 
fur  les  loix  de  Ces  defirs ,  &:  que  profitant 
des  agrémens  du  mariage  ,  il  en  laifli;  le 
fardeau  au  malheureux  époux. 

Il  eft  aifé  de  voir  par  ce  que  je  viens  de 
dire,  qu'une  conduite  prudente,  mais  fa- 
cile ,  fuffit  pour  fe  procurer  fans  rifque 
mille  plaifirs  ,  en  manquant  à  propos  de 
candeur,  de  juftice  ,  d'équité,  de  généro- 
fité  ,  d'humanité  ,  de  reconnoiflance  ,  & 
de  tout  ce  qu'on  refpede  fous  l'idée  de 
vertu.  Qu'avec  tout  cet  enchaînement  de 
commodités  ôc  de  plaifirs  ,  dont  le  vice 
artificieufement  conduit  eft  une  fource  inta- 
riffable ,  on  mette  en  parallèle  tous  les  avan- 
tages qu'on  peut  fe  promettre  d'une  vertu 
Ddddd 


794  ATH 

qui  fe  trouve  bornée  aux  efpéiances  de  la 
vie  prcfente  j  il  cfl  évident  que  le  vice  aura 
iiir  elle  de  grands  avantage;  ,  &  qu'il  in- 
fluera beaucoup  plus  qu'elle  fijr  le  bon- 
heur de  chaque  homme  en  particulier.  En 
eitet,  quoique  la  prudente  jouiffance  des 
plaifirs  des  lens  puiffe  s'allier  julqu'à  un 
certain  degré  avec  la  vertu  même ,  com- 
bien de  fources  de  ces  plaifirs  n'ell-elle  pas 
obligée  de  fermer  ?  Combien  d  occalîons 
de  les  goûter  ne  fe  contraint-elle  pas  de 
négliger  &c  d^écarter  de  fon  chemin  ?  Si 
eîle  fe  trouve  dans  la  profpérité  &  dan*, 
l'abondance  ,  j'avoue  qu'elle  y  eft  afl'cz  à 
fon  aife.  Il  eft  certain  pourtant  que  dans 
les  mêmes  circonftances,  le  vice,  habilement 
jDis  en  œuvre,  a  encore  des  libertés  infini- 
ment plus  grandes  :  mais  l'appui  des  biens 
de  la  fortune  manque-t-il  à  la  vertu  ?  rien 
n'efl  p'u;  deftitué  de  reffources  que  cette 
trifte  iageffe.  Il  eft  vrai  que  fi  la  maffe  gé- 
nérale des  hommes  étoit  beaucoup  plus 
éclairée  &  dévouée  à  la  fageffe  ,  une  con- 
duite régulière  &  vertueufe  feroitun  moyen 
(le  parvenir  à  une  vie  douce  &  commode  : 
mais  il  n'en  eft  pas  ainfi  des  hommes  ;  le 
vice  &  l'ignorance  l'emportent ,  dans  la 
fociété  humaine,  fur  les  lumières  &  fur  la 
lageffe,  C'eft-là  ce  qui  ferme  le  chemin  de 
la  fortune  aux  gens  de  bien  ,  &  qui  l'élar- 
git pour  une  efpece  de  fages  vicieux.  Un 
athée  fe  fent  un  amour  bizarre  pour  la 
venu ,  il  s'aime  pourtant  :  la  baileffe ,  la  pau- 
vreté ,  le  mépris  ,  lui  paroiffent  des  inaux 
véritables  ;  le  crédit  ,  l'autorité,  les  richef- 
k% ,  s'offrent  à  fes  defirs  comme  des  biens 
«lignes  de  fes  recherches.  Suppofons  qu'en 
achetant  pour  une  fomme  modique  la  pro- 
teftion  d'un  grand  feigneur  ,  un  homme 
puiffe  obtenir  malgré  les  loix  une  charge 
propre  à  lui  donner  un  rang  dans  le  monde  , 
à  le  faire  vivre  dans  l'opulence  ,  à  établir 
&  à  foutenir  fa  famille.  Mais  peut-il  fe 
ïéfoudre  à  employer  un  fi  coupable  moyen 
de  s'affurer  un  deftin  brillant  &  commode .'' 
Non  :  il  eft  forcé  de  négliger  un  avantage 
fi  confidérable  ,  qui  fera  faiiî  avec  avidité 
par  un  homme  qui  détache  la  religion  de 
la  vertu  ;  ou  par  un  autre  qui  agiffant  par 
principes ,  fecoue  en  mcme  temps  le  joug 
^  la  religion. 
Je  ne  donnerai  point  ici  un  détail  étendu 


ATH 

de  femblables  fîtuaîions,  dans  lefquelles  la 
vertu  eft  obligée  de  rejeter  des  biens  très- 
réels  ,  que  le  vice  adroitement  ménagé  s'ap- 
proprieroit  fans  peine  &  fans  danger:  mais 
qu'il  me  foit  peimis  de  demander  à  un 
athée  vertueux  ,  par  quel  motif  il  fe  réfoud 
à  des  facrifices  fi  triftes.  Qu'eft-ce  que  la 
narure  de  fa  vertu  peut  lui  fournir ,  qui 
flifnlé  pour  le  dédommager  de  tant  de 
pertes  confidérables  ?  Eft -ce  la  certitude 
qu'il  fait  Ion  devoir  ?  mais  je  crois  avoir 
démontré  ,  qi(e  fon  devoir  ne  confifte  qu'à 
bien  ménager  fes  véritables  intérêts  pendant 
une  vie  de  peu  de  durée.  Il  fert  donc  une 
maîtreffe  bien  pauvre  &  bien  ingrate,  qui 
ne  paie  fes  ("ervices  les  plus  pénibles,  d'au- 
cun véritable  avantage,  &  qui,  pour  prix 
du  dévouement  le  plus  parfait ,  lui  arrache 
les  plus  flatteufes  occafions  d'étendre  fur 
toute  fa  vie  les  plus  doux  plaifirs  &  les  plus 
vifs  agrémens. 

Si  Vathée  vertueux  ne  trouve  pas  dans  la 
nature  de  la  vertu  l'équivalent  de  tout  ce 
qu'il  facrifîe  à  ce  qu'il  confidere  comme 
fon  devoir ,  du  moins  il  le  trouvera ,  direz- 
vous  ,  dans  l'ombre  de  la  vertu,  dans  la 
réputation  qui  lui  eft  fi  légitimement  due. 
Quoiqu'à  plufieurs  égards  la  réputation  foit 
un  bien  réel ,  &  que  l'amour  qu'on  a  pour 
elle,  foit  raifbnnable,  j'avouerai  cependant 
que  c'eft  un  bien  foible  avantage,  quand 
c'eft  l'unique  récompenfe  qu'on  attend 
d'une  ftérile  vertu.  Otezles  plaifirs  que  la 
vanité  tire  de  la  réputation  ,  tout  lavan- 
tage  qu'un  athée  peut  en  efpérer,  n'aboutit 
qu'à  l'amitié ,  qu'aux  careft'es ,  &  qu'aux 
lervices  de  ceux  qui  ont  formé  de  fon 
mérite  des  idées  avantageufes.  Mais  qu'il 
ne  s'y  trompe  point  :  ces  douceurs  de  la 
vie  ne  trouvent  pas  une  fource  abondante 
dans  la  réputation  qu'on  s'attire  par  la  pra- 
tique d'une  exafte  vertu.  Dans  le  monde  , 
fait  comme  il  eft  ,  la  réputation  la  plus 
brillante,  la  plus  étendue  &  la  plus  utile, 
s'accorde  moins  à  la  vraie  ("agefle  ,  qu'aux 
richeiles  &  aux  dignités  ,  qu'aux  grands 
talens  ,  qu'à  la  fupériorité  d'efprit ,  qu'à 
la  profonde  érudition.  Que  dis  -  je  !  un 
homme  de  bien  fe  procure-t-il  une  eftime 
aulfi  vafte  fk  aufTi  avantageufe  ,  qu'uit 
homme,  poli ,  complaifant  ,  badin  ,  qu'un 
fia  railleur,  qu'un  aimable  étourdi,  qu'uck 


A  T  H 

agréable  débauché?  Quelle  utile  réputation, 
par  exemple,  la  plus  parfaite  vertu  s'atti- 
re-t-elle  ,  lorfqu'elle  a  pour  compagne  la 
pauvreté  &t  la  baireffe  ?  quand ,  par  une 
efpece  de  miracle  ,  elle  perce  les  ténèbres 
épailTes  qui  l'accablent ,  ia  lumière  frappe- 
t-elie  les  yeux-  de  la  multitude  ?  Echaut- 
fe-t-elle  les  cœurs  des  hommes  ,  &  les 
attire-t-elle  vers  un  mérite  fi  digne  d'ad- 
iniration  ?  Nullement.  Ce  pauvre  eft  un 
homme  de  bien  ;  on  fe  contente  de  lui 
rendre  cette  juftice  en  très-peu  de  mots,  &: 
on  le  laiffe  jouir  tranquillement  des  avan- 
tages foibies  &  peu  enviés  qu'il  peut  tirer 
de  ton  toible  &  ftérile  mérite.  Il  eft  vrai 
que  ceux  qui  ont  quelque  vertu  ,  préfer- 
veront  un  tel  homme  de  l'afFreufe  indi- 
gence ;  ils  le  foutiendront  par  de  modiques 
bienfaits  :  mais  lui  donneront-ils  de  mar- 
ques éclatantes  de  leur  eftime  }  fe  lieront-ils 
avec  lui  par  les  vœux  d'une  amitié  que  la 
vertu  peut  rendre  féconde  en  plaifirs  purs 
&  iolides.^  Ce  font  là  des  phénomènes  qui 
ne  frappent  guère  nos  yeux.  Virius  lau- 
datur  &  alget.  On  accorde  à  la  vertu  quel- 
que louange  vague  ;  &  prefque  toujours  on 
la  hifie  croupir  dans  la  mifere.  Si ,  dans 
les  triftes  circonftances  où  elle  fe  trouve , 
elle  cherche  du  fecours  dans  fon  propre 
fein  ,  il  faut  que  par  des  nœuds  indidolubies 
elle  fe  lie  à  la  religion  ,  qui  feule  peut  lui 
ouvrir  une  fource  inépuifable  de  fatisfac- 
tions  vives  &  pures. 

Je  vais  plus  loin.  Je  veux  bien  fuppofer 
les  hommes  affez  fages  pour  accorder  l'ef- 
time  la  plus  utile  à  ce  qui  s'olFre  à  leur 
efprit  fous  l'idée  de  la  vertu.  Mais  cette 
idée  eft-elle  jufte  &  claire  chez  la  plupart 
des  hommes?  Le  contraire  n'eft  que  trop 
certain.  Le  grand  nombre ,  dont  les  fuffra- 
ges  décident  d'une  réputation  ,  ne  voit 
les  objets  qu'à  travers  fes  partions  &  fes 
préjugés.  Mille  fois  le  vice  ufurpe  chez  lui 
les  droits  de  la  vertu  ;  mille  fois  la  vertu 
la  plus  pure ,  s'offrant  à  lui  fous  le  faux  jour 
de  la  prévention ,  prend  une  forme  défa- 
gréable  &  trifie.  ' 

La  véritable  vertu  eft  refferrée  dans  des 
bornes  extrêmement  étroites.  Rien  de  plus 
déterminé  Se  de  plus  fixé  qu'elle  par  les 
règles  que  la  ralfon  lui  prefcrir.  A  droite 
,Ô<  gauche   de  fa  route  ainfi,  limitée  ,  fe 


A  T  H  79î 

découvre  le  vice.  Par-là  elle  eft  forcée  de 
négliger  mille  moyens  de  briller  &  de 
plaire ,  &  de  s'expofer  à  paroître  fou- 
vent  odieufe  &  méprifable.  Elle  met  au 
nombre  de  fes  devoirs  la  douceur ,  la  po- 
litefle,  la  complaifance  ;  mais  ces  moyens 
allures  de  gagner  les  cœurs  des  hom- 
mes ,  font  fubordonnés  à  la  juftice  ;  ils 
deviennent  vicieux  dès  qu'ils  s'échappent 
de  l'empire  de  cette  vertu  fouver.iins  , 
qui  feule  eft  en  droit  de  mettre  à  nos 
acftions  &  à  nos  léntimens  le  fceau  de 
l'honncie. 

Il  n'en  eft  pas  ainfi  d'une  fauffe  vertu  : 
faite  exprès  pour  la  parade  &c  pour  fervir 
le  vice  ingénieux  ,  qui  trouve  fon  intérêt 
à  le  cacher  fous  ce  voile  impofteur ,  elle 
peut  s'arroger  une  liberté  infiniment  plus 
étendue  ,  aucune  règle  inaltérable  ne  la 
gcne.  Elle  eft  la  maîtreiïe  de  varier  fes 
maximes  &:  fa  conduite  félon  fes  intérêts, 
&  de  tendre  toujours  fans  la  moindre  con- 
trainte vers  les  récompenfes  que  la  gloire 
lui  montre.  Il  ne  s'agit  pas  pour  elle  de 
mériter  la  réputation  ,  mais  de  la  gagner 
de  quelque  manière  que  ce  foit.  Rien  ne 
l'empêche  de  fe  prêter  aux  foiblefTes  de 
l'el'prit  humain.  Tout  lui  cft  bon ,  pourvu 
qu'elle  aille  à  fes  fins.  Eft  -  il  néceffaire 
pour  y  parvenir  ,  de  refpefter  les  erreurs 
populaires  ,  de  plier  fa  raifon  aux  opinions 
favorites  de  la  mode,  de  changer  avec  elle 
de  parti  ,  de  fe  prêter  aux  circonftances 
&  aux  préventions  publiques  ?  ces  efforts 
ne  lui  coûtent  rien  ,  elle  veut  être  admi- 
rée ;  &  pourvu  qu'elle  réuffiiTe  ,  tous  les 
moyens  lui  font  égaux. 

Mais  combien  ces  vérités  deviennent- 
elles  plus  fenfibles  ,  lorfqu'on  fait  atten- 
tion que  les  richeflfes  &  les  dignités  pro- 
curent plus  univerfellement  l'eftime  popu- 
laire ,  que  la  vertu  même  !  Il  n'y  a  point 
d'infamie  qu'elles  n'effacent  &  qu'elles  ne 
couvrent.  Leur  éclat  tentera  toujours  for- 
tement un  homme  que  l'pn  fuppofe  fans 
autre  principe  que  celui  de  la  vanité ,  en 
lui  préfentant  l'appât  flatteur  de  pouvoir 
s'enrichir  ailément  par  fes  injuftices  fecret^ 
res  ;  appât  fi  attrayant  ,  qu'en  lui  don- 
nant les  moyeTis  de  gagner  l'eftune  exté" 
rieure  du  public  ,  il  lui  procure  en  même 
temps  la  facilite  de  fatisfiire  fes  autre* 
Dd'ddd  2  ■  " 


79<5  A  T  H 

pafTions  ,  Sc  légitime  pour  ainfi  dire  les 
manœuvres  fccrettes  ,  dont  la  découverte 
încertaine  ne  peut  jamais  produire  qu*un 
effet  paflfager  ,  promptement  oublié  ,  & 
toujours  réparé  par  l'éclat  des  richefTes. 
Car ,  qui  ne  (ait  que  le  commun  des  hom- 
mes ,  (  &  c'eft  ce  dont  il  eft  uniquement 
queftion  dans  cette  controverfej  le  laiffe 
tyrannifer  par  l'opinion  ou  l'eftime  popu- 
laire ?  &  qui  ignore  que  l'eftime  populaire 
eft  infcparablemenr  attachée  aux  richeffes 
&  au  pouvoir?  Il  eft  vrai  qu'une  clafte  peu 
nonibreufe  de  perfonnes,  que  leurs  vertus 
&  leurs  lumières  tirent  de  la  foule,  ofe- 
ront  lui  marquer  tout  le  mépris  dont  il 
eft  digne  ;  mais  il  fuit  noblement  Ces  prin- 
cipes ;  l'idée  qu'elles  auront  de  fon  carac- 
tère ne  troublera  ni  Ton  repos  ni  fes  plai- 
firs  :  ce  iont  de  petits  génies  ,  indignes 
de  (on  attention.  D'ailleurs ,  le  mépris  de 
ce  petit  nombre  de  ("âges  &  de  ver- 
tueux peut -il  balancer  les  refpefts  &  les 
foumillions  dont  il  fera  environné  ,  les 
marques  extérieures  d'eftime  véritable  que 
la  multitude  lui  prodiguera  ?  11  arrivera 
même  qu'un  ufage  un  peu  généreux  de 
fes  tréfors  mal  acquis  ,  les  lui  fera  adjuger 
par  le  vulgaire ,  &  fur-tout  par  ceux  avec 
qui  il  partagera  le  revenu  de  fes  four- 
beries. 

Après  bien  des  détours ,  M.  Bayle  eft 
comme  forcé  de  convenir    que  Yaihéifme 
tend  par  fa  nature  à   la  deflruftion  de  la 
fociété  ;  mais  à  chaque  pas   qu'il  cède  ,  il 
fe  fait  un  nouveau  retranchement.  11  pré- 
tend donc  ,  qu'encore  que  les  principes  de 
Vathéifme   puifTent    tendre   au  bouleverle- 
ment  de  la  fociété  ,  ils  ne  la  ruineroient 
cependant  pas ,  parce  que  les  hommes  n'a- 
gilfent  pas  conféquemment  à  leurs  princi- 
pes ,  &  ne  règlent  pas  leur   vie  fur  leurs 
opinions.  Il  avoue  que  la  chofe  eft  étrange  : 
mais  il  foutient  qu'elle  n'en  eft  pas  moins 
■vraie  ,  Se  il  en  appelle  pour   le  fait  aux 
«bfervations    du  genre  humain.   «  Si  cela 
?>  n'étoit  pas,  dit-il,  comment  feroit-il 
»  poflible  que  ces  chrétiens ,  qui  connoif- 
»  lent   fi  clairement    par    une   révélation 
»  foutenue  de  tant  de  miracles ,  qu'il  faut 
>y  renoncer  au   vice   pour  être   éternelle- 
»  ment  heureux ,  &  pour  n'erre  pas  éter- 
y  riellemen:  malheureux  j  qui  ont  tant  d'ex- 


_  A  T  H 

>t  cellens  prédicateurs  ,  tant  de  direfteurs 
»  de  confclence,  tant  de  livres  de  dévo- 
»  tion  ;    comment  (eroit-il  poftîble  parmi 
»  tout  cela  que  les  chrétiens   vécuflenr , 
»  comme  ils  tout ,  dans  les  plus  énormes 
»  déréglemens  du  vice.''  »  Dans  un  autre 
endroit,  en  parlant  de  ce  contrafte,  voici 
ce  qu'il  dit;  «  Cicéron  la  remarqué  àl'é- 
>>  gard  de  plufieurs  épicuriens  qui  étoient 
»  bons   amis  ,   honnêtes  gens.,    &  d'une 
»  conduite  accommodée  ,  non  pas  aux  de- 
»  firs  de  la  volupté  ,  mais   aux  régies  de 
»  la  raifon.  »  Ils  vivent  mieux  ,  dit  -  il , 
quiU   ne  parlent  ;  au  lieu  que  les  autres 
parlint  mieux  quils  ne  vivent.  On  a  fait 
une  femblable  remarque  fur  la  conduite  des 
ftoïciens  :   leurs    principes   étoient  ,    que 
toutes  chofes  arrivent  par  une   fatalité  ^\ 
inévitable,  que  Dieu  lui-même  ne  peut  ni 
n'a  jamais  pu  l'éviter.  «  Naturellement  cela 
»  devoit    les    conduire   à   ne    s'exciter   à 
»  rien,  à  n'ufer  jamais  ni  d'exhoi rations , 
»  ni   de  menaces  ,  ni  de  ceniures ,  ni  de 
>»  promeftes  ;  cependant  ,  il  n'y  a  jamais 
»  eu  de  philofophes  qui   fe   foient   (ervis 
»  de  tout  cela  plus  qu'eux ,  &  toute  leur 
»  conduite  faifoit  voir  qu'ils  fe  croyoient 
»  entièrement  les  maîtres  de  leur  deftinée.  » 
De   ces   dlfférens   exemples  ,   M.    Bayle 
conclut  que  la    religion    n'eft   point   aufli 
utile  pour  réprimer  le  vice  qu'on  le  pré- 
tend ,  &  que  Vathéifme  ne  caulé  point  le 
mal  que  l'on  s'imagine  ,  par  l'encourage- 
ment qu'il  donne  à  la  pratique   du  vice  y. 
puifque  de  part  &  d'autre  on  agit  d'une 
manière  contraire    aux  principes  que  l'on 
fait  profeftion  de  croire.  //  J'eroit  infini  ,. 
ajoute-t-il ,  de  parcourir  toutes  les  bizar- 
reries de  Chomme  ;  cefi  un   monfire  plus, 
nionflrueux  que  les  centaures  6*  la  chimère 
de  la  fable. 

A  entendre  M.  Bayle  ,  l'on  feroit  tenté 
de  fuppofer  avec  lui  quelque  obfcurité 
myftérieufe  dans  une  conduite  fi  extraor- 
dinaire ,  &  de  croire  qu'il  y  auroit  dans, 
l'homme  quelque  principe  bizarre  qui  le 
difpoferoit ,  ("ans  favoir  comment ,  à  agir 
contre  ("es  opinions  ,  quelles  qu'elles  fuf» 
fent.  C'eft  ce  qu'il  doit  néceflairement 
(uppofer  ,  ou  ce  qu'il  dit  ne  prouve  riea 
de  ce  qu'il  veut  prouver.  Mais  fi  ce  prin- 

,  :  cipe ,  quel  q^u'il  foit ,  loin  de  porter  l'iiom'j 


A  T  H 

ïne  à  agir  conftainment  d'une  manière 
contraire  à  fa  croyance  ,  le  poiiife  quL'lque- 
fois  avec  violence  à  agir  conformén^ient 
à  fes  opinions  ;  ce  principe  ne  t'avorile 
en  rien  l'argument  de  M.  Bayle.  Si,  même 
après  y  avoir  penfé  ,  l'on  trouve  que  ce 
principe  fi  myftérieux  £<  iî  bizarre  n'cft 
autre  chofe  que  les  paflinns  irrégulieres 
&  les  defirs  dépravés  de  l'homme  ,  alors  , 
bien  loin  de  tavorifer  l'arj^ument  de  M. 
Bayle,  il  eft  direftement  oppol'é  à  ce  qu'il 
foutent:  or,  c'eft-là  le  cas,  &  heureufe- 
ment  M.  Bayle  ne  iauroit  s'empêcher  d'en 
faire  l'aveu;  car  quoiqu'il  afFeftc  commu- 
nément de  donner  à  la  perverfité  de  la 
conduite  des  hommes  en  ce  point  ,  un 
air  d'incompréhcnfibilité  ,  pour  cacher  le 
fophifme  de  ion  argument  ;  cependant  , 
lorfqu'il  n'eft  plus  fur  fes  gardes ,  il  avoue 
&  déclare  naturellement  les  raiibns  d'une 
conduite  fi  extraordinaire.  «  L'idée  géné- 
M  raie  ,  dit -il  ,  veut  qu'un  homme  qui 
»  croit  un  Dieu,  un  paradis,  &  un  enfer, 
»  fade  tout  ce  qu'il  connoit  être  agréable 
»  à  Dieu  ,  &:  ne  faffe  rien  de  ce  qu'il  fait 
»  lui  être  défagréable.  Mais  la  vie  de  cet 
»  homme  nous  montre  qu'il  fait  tout  le 
»  contraire.  Voulez -vous  favoir  la  caufe 
»  de  cette  incongruité  ?  la  voici.  C'eft 
»  que  l'homme  ne  fe  détermine  pas  à  une 
»  certaine  atftion  plutôt  qu'à  une  autre  , 
»  par  les  connoiilances  générales  qu'il  a 
»  de  ce  qu'il  doit  faire  ,  mais  par  le  ju- 
>»  gement  particulier  qu'il  porte  de  chaque 
»  chofe  ,  lorfqu'il  eft  fur  le  point  d'agir. 
>♦  Or  ,  ce  jugement  particulier  peut  bien 
»  être  conforme  aux  idées  générales  que 
»  l'on  a  de  ce  qu'on  doit  faire  ,  mais  le 
»  plus  fouvent  il  ne  l'eft  pas.  11  s'accom- 
>♦  mode  prefque  toujours  à  la  palfion  do- 
»  minante  du  cœur ,  à  la  pente  du  tem- 
»  pérament ,  à  la  force  des  habitudes  con- 
»  traftées  ,  &:  au  goût  ou  à  la  fenlibi- 
»  lité  qu'on  a  pour  de  certains  objets.  » 
Si  c'eft  là  le  cas,  comme  ce  l'eft  en  effet, 
on  doit  néceffairement  tirer  de  ce  prin- 
cipe une  conléquence  directement  con- 
traire à  celle  qu'en  tire  M.  Bayle  ;  que  fi 
les  hommes  n'agiffen:  pas  conformément 
à  leurs  opinions  ,  &.  que  l'irrégularité  des 
paillons  Se  des  defirs  foit  la  caufe  de  cette 
perveifité  ,   il  s'enfuivra  à  la  vérité  qu'un 


A  T  H  797 

thtlfît  relieicux  agira  foiivenr  contre  fes 
principes  ,  mais  qu'un  atlici  a;^ira  confor- 
mément aux  (itns  ,  parce  qu'un  arlicc  ôc 
un  t/ié.'fie  fatisfont  leurs  pafTions  vicieulcs , 
le  premier  en  fuivant  fes  principes ,  &  le 
fécond  en  agiflimt  d'une  manière  qui  y  eft 
oppoiée.  Ce  n'eft  donc  (jiie  par  accident 
que  les  hommes  agiflent  contre  leurs  piin- 
cipes  ,  feulement  lorfque  leurs  principes 
fe  trouvent  en  oppofition  avec  leius  pa(- 
fcms.  On  voit  par-  là  toute  la  foiblefTe 
de  l'argument  de  M.  Bayle,  lorfqu'il  eft 
dépouillé  de  la  pompe  de  féloquence  6^ 
de  l'obfcurité  qu'y  jettent  l'abondance  de 
fes  difcours  ,  le  faux  éclat  de  l'es  raifon- 
nemens  captieux  ,  &  la  malignité  de  fes 
réflexions. 

Il  eft  encore  d'autres  cas  que  ceux  des 
principes  combattus  par  les  pallions  ,  où 
l'homme  agit  contre  fes  opinions  ;  &  c'cft 
lorfque  fes  opinions  choquent  les  fenti- 
mens  communs  du  genre  humain  ,  comme 
le  t'atalifme  des  ftoïciens ,  &  la  prédefti- 
nation  de  quelques  feéles  chréiiennes  : 
mais  l'on  ne  peut  tirer  de  ces  exemples 
aucun  argument  pour  foutenir  &  juftilier 
la  doftrine  de  M.  Bayle.  Ce  fiibtil  con- 
troverfifte  en  tait  néanmoins  ufage  ,  en  infi- 
nuant  qu'un  athée  qui  nie  l'exiftence  de 
Dieu  ,  agira  auftî  peu  conformément  à 
fon  principe  ,  que  le  fatalifte  qui  nie  la 
liberté,  &  qui  agit  toujours  comme  s'il 
la  croyoit.  Le  cas  eft  différent.  Que  l'on 
applique  aux  fataliftes  la  raifonque  M.  Bayle 
afligne  lui-même  pour  la  contrariété  qu'on 
obferve  entre  les  opinions  &  les  adions 
des  hommes  ,  on  reconnoîtra  qu'un  fata- 
lifte qui  croit  en  Dieu ,  ne  fauroit  (e  fer- 
vir  de  fes  principes  pour  autorifer  fes  paf- 
fions  ;  car ,  quoiqu'en  niant  la  liberté  il  en 
doive  naturellement  réfu'ter  que  les  adions 
n'ont  aucun  mérite  ,  néanmoins  le  fata- 
lifte ,  reconnoiffant  un  Dieu  qui  récom- 
penfe  &  qui  punit  les  hommes,  comme 
s'il  y  avoit  du  mérite  dans  les  actions  , 
agit  auftî  comme  s'il  y  en  avoit  réelle- 
ment. Otez  au  fatalifte  la  croyance  d'uix 
Dieu  ,  rien  alors  ne  renipêchcra  d'agir 
conformément  à  fon  opinion  ;  eniorte 
que,  bien  loin  de  conclure  de  fon  exem- 
ple que  la  conduite  dlin  ij//it'e  démentira 
,  fes  opinions  ,  il  eft  au  contraire  évident 


793  A  T  H 

que  Vathf.fin'.  joint  au  fatslifnie  ,  réalliera 
dans  b  p'-atique  les  Ipécularlons  que  l'idée 
{"cille  du  fatalilme  n'a  jamais  pu  taire  palier 
jufque  dans  la  conduite  de  ceux  qui  en  ont 
l'outenu  le  dogme. 

Si  l'argument  de  M.  Bayle  eft  vrai  en 
quelque  point ,  ce  n'eft  qu'autant  que  Ton 
atkci  s'écarteroit  des  notions  fupérieures 
&  légères  que  cet  auteur  lui  donne  fur 
la  nature  de  la  vertu  &  des  devoirs  mo- 
raux. En  ce  point,  l'on  convient  que  Va- 
thct  eft  encore  plus  porté  que  le  théifte  à 
agir  contre  les  opinions.  Le  théille  ne 
s'écarte  de  la  vertu,  qui,  fuivant  les  prin- 
cipes ,  eft  le  plus  grand  de  tous  les  biens , 
que  parce  que  fes  partions  l'empêchent , 
dans  le  moment  de  l'aftion,  de  confidérer 
ce  bien  comme  partie  nécelTaire  de  ion 
])onheur.  Le  conflit  perpétuel  qu'il  y  a  en- 
tre (a  raifon  &  fes  pallions,  produit  celui 
qui  le  trouve  entre  fa  conduite  &  l'es  prin- 
cipes. Ce  conPiit  n'a  point  lieu  chez  Vaikét; 
fes  principes  le  conduifent  à  conclure  que 
les  plaiiirs  iénfuels  font  le  plus  grand  de 
tous  les  biens  ;  &  ies  paffions ,  de  concert 
avec  des  principes  qu'elles  chériiTent ,  ne 
peuvent  manquer  de  lui  faire  regarder  ce 
bien  comme  partie  néceffaire  de  ion  bon- 
heur :  motif  dont  la  vérité  ou  l'illufion 
détermine  nos  actions.  Si  quelque  choie 
eit  capable  de  s'oppofer  à  ce  délbrdre, 
&  de  nous  faire  regarder  la  vertu  comme 
pntie  néceffaire  de  notre  bonheur ,  fera-ce 
l'idée  innée  de  fa  beauté  ?  fera-ce  la  con- 
templation encore  plus  abftraite  de  la  dif- 
férence elTentielle  avec  le  vice  ?  réflexions 
qui  font  les  feules  dont  un  athée  puiffe 
faire  ufage  :  ou  ne  lera-ce  pas  plutôt  l'opi- 
nion que  la  pratique  de  la  vertu  ,  telle 
que  la  religion  l'enfeigne  ,  eil  accompa- 
gnée d'une  récompenie  infinie  ,  &  que 
celle  du  vice  eit  accompagnée  d'un  châ- 
timent également  infini?  on  peut  obferver 
ici  que  M.  Bayle  tombe  en  contradiftion 
avec  lui-même:  là  , il  voudroit  faire  accroire 
que  le  fentiment  moral  &  la  différence 
edentielle  des  chofes  iufTifent  pour  rendre 
les  hommes  vertueux  ;  &  ici ,  il  prétend 
que  ces  deux  motifs  réunis  ,  &:  foutenus 
de  celui  d'une  providence  qui  récompenfe 
&  qui  punit  ,  ne  l'ont  prelque  d'aucune 
efficacité. 


A  T  H 

Mais ,  dira  M.  Bayle ,  l'on  ne  doit  pa< 
s'imaginer  qu'un  athh  ,  précirément  parce 
qu'il  cft  athée  ,  &  qu  il  nie  la  providence, 
tourr.era  en  ridicule  ce  que  les  autres 
appellent  vertu  &  honnêteté  ;  qu'il  fera 
de  faux  fermens  pour  la  moindre  chofe  ; 
qu'il  ("e  plongera  dans  toutes  fortes  de 
défordres  ;  que  s'il  le  trouve  dans  un  porte 
qui  le  mette  au  deffus  des  loix  humaines, 
aufîi  -  bien  qu'il  s'eil  déjà  mis  au  deiTus 
des  remords  de  fa  confcience  ,  il  n'y  a 
point  de  crime  qu'on  ne  doive  attendre 
de  lui  ;  qu'étant  inacccfïible  à  toutes  les 
confuléiations  qui  retiennent  un  thé'rte  , 
il  deviendra  nécciTairement  le  plus  grand 
&  le  plus  incorrigible  i'célérat  de  l'uni- 
vers. Si  cela  étoit  vrai  ,  il  ne  le  feroit  que 
quand  on  regarde  les  chofes  dans  leur 
idée ,  &  qu'on  fait  des  abftraftions  méta- 
phyfiqucs.  Mais  un  tel  raifonneinent  ne 
fe  trouve  jamais  conforme  à  l'expérience. 
Uathée  n'agit  pas  autrement  que  le  thélile, 
malgré  la  diverfité  de  l'es  principes.  Ou- 
bliant donc  dans  l'ufage  de  la  vie  &  dans 
le  train  de  leur  conduite  ,  les  conléquen- 
ces  de  leur  hypothefe  ,  ils  vont  tous  deux 
aux  objets  de  leur  inclination;  ils  fuivent 
leur  goût  ,  &.  ie  conforment  aux  idées 
qui  peuvent  flatter  ramour  -  propre  :  ils 
étudient  ,  s'ils  aiment  la  fciencc  „  ils  pré- 
fèrent la  fincérité  à  la  fourberie  ,  s'ils 
fentent  plus  de  plaifir  après  avoir  fait  un 
afte  de  bonne -foi  qu'après  avoir  dit  un 
menfonge  ;  ils  pratiquent  la  vertu  ,  s'ils 
font  feniîbles  à  la  réputa'ion  d'honnête 
homme  :  mais  (i  leur  tempérament  les 
poufle  tous  deux  vers  la  débauche  ,  &c 
s'ils  aiment  mieux  la  volupté  que  l'appro- 
bation du  public  ,  ils  s'abandonneront  tous 
deux  à  leur  penchant  ,  le  théirte  comme 
Vathée.  Si  vous  en  doutez ,  jetez  les  yeux 
furies  nations  qui  ont  différentes  religions, 
&  fur  celles  qui  n'en  ont  pas ,  vous  trou- 
verez par-tout  les  moines  pallions  :  l'am- 
bition ,  l'avarice  ,  l'envie  ,  le  deiîr  de  fe 
venger,  l'impudicité  &  tous  les  crimes 
qui  peuvent  fatisfiire  les  paifions  ,  (ont 
de  tous  les  pays  &  de  tous  les  ficelés. 
Le  juif  &  le  mahométan  ,  le  turc  5c  le 
maure  ,  le  chrétien  &  l'infiideie  ,  l'indien 
&  le  tartare  ,  l'habitant  de  terre  -  ferme 
!k  l'habitant  des  iles ,  le  noble  Se  le  ro- 


ATH 

hirier  ,  toutes  ces  fortes  de  gens  qui , 
fur  la  vertu ,  ne  conviennent ,  pour  ninfi 
dire  ,  que  dans  la  notion  générale  du 
mot,  font  fi  leinbiables  à  l'éiiiard  de  leurs 
partions ,  que  l'on  diroit  qu'ils  fe  copient 
les  uns  les  autres.  D'où  vient  tout  cela, 
finon  que  le  principe  pratique  des  ac- 
tions de  l'homnie  n'eft  autre  chofe  que 
le  tempérament  ,  rindination  naturelle 
pour  le  plailîr,  le  goût  que  l'on  contracte 
pour  certains  objets  ,  le  defir  de  plaire 
à  quelqu'un  ,  une  h^ibitude  qu'on  s'eft 
formée  dans  le  commerce  de  l'es  amis  , 
ou  queiqu'autre  dirpofuion  qui  réllilte  du 
fond  de  la  nature ,  en  quelque  pays  que 
l'on  nai/Te  ,  &  de  quelles  connoiirances 
que  l'on  nous  remplifle  l'efprit?  Les  maxi- 
mes que  l'on  a  dans  l'elprit  laifTent  les 
fentimens  du  cœur  dans  une  parfaite  indé- 
pendance :  la  feule  caulè  qui  donne  la 
forme  à  la  différente  conduire  des  hom- 
mes ,  font  les  différens  degrés  d'un  tem- 
pérament heureux  ou  malheureux  ,  qui 
naît  avec  nous  ,  &  qui  eft  l'effet  phyli- 
que  de  la  conftitution  de  nos  corps.  Con- 
formément à  cette  vérité  d'expérience  , 
il  peut  fe  faire  qu'un  athée  vienne  au 
inonde  avec  une  inclination  natiu-elle  pour 
la  juftice  &C  pour  l'équité  ,  tandis  qu'un 
théifte  entrera  dans  la  fociété  humaine 
accompagné  de  la  dureté  ,  de  la  malice 
&  de  la  fourberie.  D'ailleurs  ,  prefque 
tous  les  hommes  nailfent  avec  plus  ou 
moins  de  refpeit  pour  les  vertus  qui 
lient  la  fociété  :  n'importe  d'où  puifle  ve- 
nir cette  utile  difpofition  du  cœur  hu- 
main ;  elle  lui  eft  elTentielle  :  un  certain 
degré  d'amour  pour  les  autres  hommes 
nous  eft  naturel  ,  tout  comme  l'amour 
fouverain  que  nous  avons  chacim  pour 
nous-mêmes  :  de -là  vient  que  quand 
inême  im  athée  ,  pour  fe  conformer  k  fes 
principes  ,  tenteroit  de  pouffer  la  fcélé- 
rateffe  jufqu'aux  derniers  excès  ,  il  trou- 
veroit  dans  le  fond  de  fa  nature  qvul- 
ques  femences  de  vertu ,  &  les  cris  d'une 
confcience  qui  l'effraieroir  ,  qui  l'arrcte- 
roit ,  &  qui  teroit  échouer  fes  pernicieux 
delleins. 

Pour  répondre  à  cette  objeiftion ,  qui 
reçoit  un  air  éblouiffant  de  la  manière  dont 
M>  ijaylç  l'a  propofée  en  divers  endroits 


ATH  79c> 

de  fes  ouvrages ,  j'avouerai  d'abord ,  que 
le  tempérament  de  l'homme  eft  pour  lui 
une  féconde  fource  de  motifs,  &  qu'il  a 
une  intiuence  très-étendue  fur  toute  fa 
conduite.  Mais  ce  tempérament  forme-t-il 
ieul  notre  caractère  ?  détermine- t-il  tous 
les  :\i\QS  de  notre  volonté  ?  fommes-nous 
abfolumcnt  inflexibles  à  tous  les  motifs  qui 
nous  viennent  de  dehors;  nos  opinions, 
vraies  ou  fauffes  ,  font-elles  incapables  de 
rien  gagner  fur  nos  penchnns  naturels  } 
Rien  au  monde  neft  plus  évidemment 
faux  ;  &  ,  pour  le  fouttnir ,  il  faut  n'avoir 
jamais  démêlé  les  refî'orts  de  fa  propre 
conduite.  Nous  (entons  tous  les  jours  que 
la  réflexion  ,  fur  un  intérêt  confidérable  , 
nous  fait  agir  dircflemeiit  contre  les  mo- 
tifs qui  fbrtent  du  fond  de  notre  nafu.'-e. 
Une  fage  éducation  ne  fait  pas  toujours 
tout  l'effet  qu'on  pourroit  s'en  promettre  : 
mais  il  eft  rare  qu'elle  f()it  ablolument 
intruflueulé.  Suppolbns  dans  deux  hommes 
le  même  degré  d'un  certain  tempérament 
&  de  génie  :  il  eft  fur  que  le  même  carac- 
tère éclatera  dans  toute  leur  conduite?  L'un 
n'aura  eu  d'autre  guide  que  fon  naturel  ;. 
fon  efprit  afloupi  dans  l'inadlion  ,  n'aura 
jamais  oppofé  la  moindre  réflexion  à  la 
violence  de  fes  penchans  :  toutes  les  habi- 
tudes vicieufes  dérivées  de  fon  tempéra- 
ment ,  auront  le  loifir  de  fe  former  ;  elles 
auront  affermi  fia  raifon  pour  jamais.  L'au- 
tre ,  au  contraire  ,  aura  appris  ,  dès  l'âge 
le  plus  tendre  ,  à  cultiver  fon  bon  fens 
naturel;  on  lui  aura  rendu  familiers  des 
principes  de  vertu  &C  d'honneur  ;  on  aura 
fortifié  dans  fon  ame  la  fenfibilité  pour  le 
prochain  ,  de  Laquelle  les  femences  y  ont 
été  placées  par  la  nature  ;  on  l'aura  formé  à 
l'habitude  de  réfléchir  far  lui-même,  &  de 
réfîfter  à  fes  penchans  impérieux  :  ces  deux 
perfbnnes  feront -elles  nécelTalrement  les 
mêmes  .'  Cette  idée  peut-elle  entrer  dans 
l'efprit  d'un  homme  judicieux  ?  Il  eft  vrai 
qu'un  trop  grand  nombre  d'hommes  ne  dé- 
mentent que  trop  fouvent  dans  leur  con- 
duite le  fent'ment  légitime  de  leurs  princi- 
pes ,  pour  s'affervir  à  la  tyrannie  de  leurs 
paftîons  :  mais  ces  mêmes  hommes  n'ont 
pas  dans  toutes  les  occallons  ,  une  con- 
duite également  inconféquente;  leur  tem- 
pérament n'eft  pas  toujours  excité  avec  U 


Soo  A  T  H 

même  violence.  Si  un  tel  degré  de  paflîon 
détourne  leur  attention  de  la  lumière   de 
leurs  principes,  cette  paffion  ,  moins  ani- 
mée ,   moins   fougueuie  ,  peut  céder  à  la 
force  de  la  réflexion  ,  quand  elle  ofFr3  un 
intérêt  plus   grand  que  celui  qui  nous  eft 
promis  par  nos  penchans.  Notre  tempéra- 
ment a  fa  force,  &  nos  principes  ont  la 
leur;  félon  que  ces  forces  font  plus  ou  moins 
grandes  de  cÔ!é  &  d'autre,  notre  conduite 
varie.  Un  homme  qui  n'a  point  de  princi- 
pes oppofés  à  fes  penchans ,  ou   qui  n'en 
a  que  de  très-foibles ,  tel  que  ^aihéc  ,  fuivra 
toujours  indubitablement  ce  que  lui  dide 
fon  naturel;  &  un  homme  dont  le  tempé- 
rament eft  combattu  par  les  lumières  fauffes 
ou  véritables  de  fon  efprit ,  doit  être  fou- 
vent  en   état   de  prendre  le  parti   de  Çqs 
idées  contre  les  intérêts  de  fes  penchans. 
Les  récompenfes  &  les  peines  d'une  autre 
vie    font  un    contrepoids    falutaire  ,   fans 
lequel  bien  des  gens  auroient  été  entraînés 
dans  l'habitude   du  vice,  par  un  tempéra- 
ment qui  fe   feroit  fortifié  tous   les  jours. 
Souvent  la  religion  fait  plier  fous  elle  le 
naturel  le  plus  impérieux ,  &  conduit  peu 
à  peu  fon  heureux  profélyte  à  l'habitude  de 
la  vertu. 

Les  légiOateurs  étoient  Çv  perfuadés  de 
l'influence  de  la  religion  fur  les  bonnes 
mœurs  ,  qu'ils  ont  tous  mis  à  la  tête  des 
loix  qu'ils  ont  faites  ,  le  dogme  de  la  pro- 
vidence &  d'un  état  futur.  M.  Bayle ,  le 
coryphée  des  incrédules  ,  en  convient  en 
termes  exprès.  «  Toutes  les  religions  du 
»  monde,  dit-il ,  tant  la  vraie  que  les  fauf- 
»  k%  ,  roulent  fur  ce  grand  pivot ,  qu'il  y 
»  a  un  juge  invifible  qui  punit  &  qui  récom- 
»  penfe  après  cette  vie  les  aftions  de  l'hom- 
»  me ,  tant  intérieures  qu'extérieures  :  c'eft 
»  de  -  là  qu'on  fuppolb  que  découle  la 
■»  principale  utilité  de  la  religion.  »  M. 
Bayle  croit  que  l'utilité  de  ce  dogme  eft 
fi  grande  ,  que  dans  l'hypothefe  ou  la  reli- 
gion eût  été  une  invention  politique  ,  c'eût 
été  ,  félon  lui,  le  principal  motif  qui  l'au- 
roit  inventée. 

Les  poètes  grecs  les  plus  anciens ,  Mufée, 
Orphée  ,  Homère  ,  Héfiode ,  &c.  qui  ont 
donné  des  fyftêmes  de  théologie  oc  de  reli- 
gion conformes  aux  idées  &  aux  opinions 
populaires  de  leurs  temps ,  ont  tout  établi 


AT  H 

le  dogme  des  peines  &  des  récompenfes 
futures  comme  un  article  fondamental.  Tous 
leurs  fucceffeurs  ont  fuivi  le  même  plan  ; 
tous  ont  rendu  témoignage  à  ce  dogme 
important  :  on  en  peut  voir  la  preuve  dans 
les  ouvrages  d'Efchile,de  Sophocle  ,  d'Eu- 
ripide &  d'Ariftophane ,  dont  la  profeflîon 
étoit  de  peindre  les  mœurs  de  toutes  les  na- 
tions policées  ,  greques  ou  barbares  ;  6c 
cette  preuve  fe  trouve  perpétuée  dans  les 
écrits  de  tous  les  hiftoriens  &  de  tous  les 
philofophes. 

Plutarque,  remarquable  par  l'étendue  de 
fes  connoiflTances ,  a  fur  cet  objet  un  paf- 
fage  digne  d'être  rapporté.  «  Jetez  les  yeux, 
dit-il ,  dans  fon   traité   contre   l'épicurien 
Colotès  ,  «  fur  toute  la  face  de  la  terre; 
»  vous   y  pourrez  trouver  des  villes  fans 
»  fortification,  fans  lettres,  fans  magiftrats 
»  réguliers,  fans  habitations  diftinftes,  fans 
»  profeilîons  fixes  ,   fans  propriété ,    fans 
ufages   des  monnoies  ,   &  dans   l'igno- 
rance univerfelle  des  beaux  arts  :  mais 
vous  ne  trouverez  nulle  part  une  ville 
fans  connoiftance  d'un    dieu    ou  d'une 
religion  ,    fans    ufage  des  vœux ,    des 
fermens  ,  des  oracles ,  fans  facrifices  pour 
»  fe  procurer  des  biens,  ou  fans  rits  dé- 
»  précatoires  pour  détourner  les  maux.  >» 
Dans  fa  confolation  à  Apollonius  ,  il  dé- 
clare que  l'opinion  que  les   hommes  ver- 
tueux ieront  récompenfes  après  leur  mort ,' 
eft  fi  ancienne,  qu'il  n'a  jamais  pu  en  dé- 
couvrir ni  l'auteur,  ni  l'origine.  Cicéron  Se 
Seneque  avoient  déclaré  la  même    chofe 
avant  lui.  Sextus  Empiricus   voulant   dé- 
truire la  démonftration  de  l'exiftence  de 
Dieu, fondée  furie  confentement  univerfel 
de  tous  les  hommes ,  obferve  que  ce  genre 
d'argument   prouveroit  trop  ,  parce   qu'il 
prouveroit  également  la   vérité  de  l'enfer 
fabuleux  des  poètes. 

Quelque  diveriité  qu'il  y  eût  clans  les  opi- 
nions des  philofophes  ,  quels  que  fuftent 
les  principes  de  politique  que  fuivît  un  hif^ 
torien  ,  quelque  fyftême  qu'un  philofophe 
eût  adopté  ;  la  néceftité  de  ce  dogme  gé- 
néral, je  veux  dire,  des  peines  5c  des  ré- 
compenfes d'une  autre  vie  ,  étoit  un  prin- 
cipe fixe  Se  conftant  ,  qu'on  ne  s'avifoit 
point  de  révoquer  en  doute.  Le  partifan  du 
pouvoir  arbitraire  regardoit  cette  opinioa 

comme 


A  T  H 

comme  le  lion  le  plus  fort  d'une  obciflaiice 
iivciiîîle  •■,  le  défenlciir  de  la  liberté  civile 
l'e/ivinigcoit  comme  imc  foiirce  féconde  de 
vertus  (X  un  eiicourajemiCnt  à  l'amoi.'r  de 
la  patrie  ^  &  quoique  fou  utilité  eût  dû 
être  une  preuve  invincible  de  la  divinité 
de  Ton  ori;^ine,  le  philofophe  athée  eu  con- 
cluoit  au  contraire  qu'elle  étoit  une  inveu 
tion  de  la  politique  ;  comme  fi  le  vrai  & 
l'utile  n'avoieut  pas  néceirairement  un  point 
de  réunion  ,  &  que  le  vrai  ne  produisit 
pan  l'utile  ,  comme  l'utile  produit  le  vrai. 
Quand  je  dis  \uriU ,  j'entcncis  l'utilité  «^énc- 
rale,  &  j'exclus  l'utilité  particulière  ,  toutes 
les  fois  qu'elle  fe  trouve  en  oppofition  avec 
l'utilité  générale.  C'elt  pour  n'a\oir  pas  fait 
cette  diftinûion  julie  &  néceJfaire,  que  les 
iages  de  ranti((uité  païenne  ,  philofoplies , 
ou  légillateurs  ,  fout  tombés  dans  l'erreur 
de  mettre  en  cppolltion  l'utile  &  le  \rai  : 
&  il  en  réfulte  que  le  philofophe  ,  négli- 
geant l'utile  pour  ne  chercher  que  le  vrai , 
;i  ibuvent  manqué  le  vrai  \  &  que  le  légilla- 
teur  ,  au  contraire  ,  négligeant  le  vrai  pour 
n'aller  qu'à  l'utile,  a  fouvent  manqué  l'utile. 
Mais  ,  pour  revenir  à  l'utilité  du  dogme 
des  peines  &  des  récompenfcs  d'une  autre 
vie  ,  &  pour  faire  voir  combien  l'autiquité 
a  été  unanime  fur  ce  point ,  je  vais  tranf- 
crire  quelques  paiTages  qui  confirment  ce 
que  j'avance.  Le  premier  eft  de  Timée  le 
Locrien  ,  un  des  plus  anciens  difciples  de 
Pythagore  ,  homme  d'état ,  &  qui,  {iii\ant 
l'opinion  de  Platon  ,  étoit  confommé  dans 
les  connoifl'ances  de  la  philofophie.  Timée  , 
après  avoir  fait  voir  de  quel  ufage  eft  la 
fcience  de  la  morale  pour  conduire  au  bon- 
heur un  cforit  naturellement  bien  difpofé ,  en 
lin  faiiluit  counoitre  quelle  eft  la  mcfure 
du  juile  &  de  l'injufte  ,  ajoute  que  la  (b- 
ciété  fut  inventée  pour  retenir  dans  l'ordre 
des  efprits  moins  raiibnnables ,  par  la  crainte 
des  loix  &  de  la  religion.  c(  C'eft  à  l'égard 
»  de  ceux-ci  ,  dit-il,  qu'il  faut  faire  ufage 
))  de  la  crainte  des  châtimens ,  foit  ceux 
»  qu'infligent  les  loix  civiles  ,  ou  ceux  que 
»  fulminent  les  terreurs  de  la  religion  chi 
»  haut  du  ciel  &  du  fond  des  enfers  ;  châ- 
))  timens  fans  fin  ,  réfervcs  aux  ombres 
»  des  malheureux  ■■,  tourmens  dont  la  tra- 
»  dition  a  perpétué  l'idée  ,  afin  de  puri- 
j)  fier  l'elprit  de  tout  vice.  » 
Toriu  IIL 


A  TH  Soi 

Polybc  nous  fournira  le  fécond  pafiiige. 
Ce  fage  hiftoricn  ,  extrêmement  verlé  dans 
la  connoiilance  du  genre  humain  ,  &  dans 
celle  de  la  nature  des  fbciétés  civiles  ■■,  qui 
fut  chargé  de  l'augufte  emploi  de  compoiér 
des  loix  pour  la  Grèce  ,  après  qu'elle  eut 
été  réduite  fous  la  puifl'ance  des  Romains  , 
s'exprime  ainfi  en  parlant  de  Rome."  I..'ex- 
»  cellence  fi:périeure  de  cette  république 
»  éclate  particulièrement  dans  les  idées  qui 
»  y  régnent  fur  la  providence  des  dieux. 
»  La  fiiperliitiou ,  qui ,  en  d'autres  endroits, 
»  ne  procUiit  que  des  abus  &  des  défor- 
»  dres ,  y  fôutient  au  contraire  &  y  anime 
»  toutes  les  branches  du  gouvernement , 
))  &  rien  ne  peut  fiirmontcr  la  force. avec 
))  laquelle  elle  agit  fur  les  particuliers  &c 
»  fur  le  public.  Il  me  feinble  que  ce  puiC- 
»  faut  motif  a  été  expreltément  imaginé 
»  pour  le  bien  des  états.  S'il  falloit  ,  à  la 
))  vérité  ,  formicr  le  plan  d'une  fociété  ci- 
»  vile  qui  fût  entièrement  compofée  d'hom- 
»  mes  Higes ,  ce  genre  d'inlHtution  ne  feroit 
»  peut-être  pas  nécclTaire  :  mais  puilcju'eii 
»  tous  lieux  la  multitude  e!l  volage ,  capri- 
»  ciculè  ,  fiijctte  à  des  paflîons  irrègu- 
»  lieres ,  &c  à  des  reffentimens  violens  & 
»  dèraifonnables ,  il  n'y  a  pas  d'autre  moyen 
))  de  la  retenir  dans  l'ordre ,  que  la  ter- 
»  reur  des  châtimens  futurs  ,  &  l'appa- 
»  reil  pompeux  qui  accompagne  cette 
»  forte  de  fiction.  C'eft  pourquoi  les  an- 
))  ciens  me  paroilfent  avoir  agi  avec  beau- 
»  coup  de  jugement  &  de  pénétration ,  dans 
»  le  choix  des  idées  qu'ils  ont  infpirées  au 
»  peuple  concernant  les  dieux  &c  un  état 
»  futur  ^  &  le  (iecle  prèfènt  montre  beau- 
»  coup  d'indifcrètion  &  un  grand  manque 
»  de  feus ,  lorfqu'il  tâche  d'effacer  ces  idées, 
»  qu'il  encourage  le  peuple  à  les  mépriibr  , 
»  èc  qu'il  lui  6te  le  frein  de  la  crainte. 
»  Qu'en  rèfiilte-t-il?  Eu  Grèce  ,  par  exem- 
»  p!e  ,  jjour  ne  parler  que  d'une  feule  na- 
»  tion ,  rien  n'clt  capable  d'engager  ceux 
)j  qui  ont  le  maniement  des 'deniers  pu- 
»  blics,  à  être  fidèles  à  leurs  cngagemens. 
•»  Parmi  les  Romains ,  au  contraire ,  la  feule 
»  religion  rend  la  foi  du  fermc/Ut  lui  ga- 
))  rant  fur  de  l'honneur  &  de  la  probité 
»  de  ceux  à  qui  l'on  confie  les  fommcs 
»  les  plus  confidérables,  foit  dans  l'admi- 
»  niftration  publique  des  affaires ,  foit  dans 
E  c  e  e  c 


goz  A  T   H 

»  les  ambii/ïtides  étrangères  :,  &i  tnnclii  qu'il 
»  eft  rare  en  d'autres  pays  de  trouver  un 
»  homme  intègre  &  défintérefië ,  qui  puiile 
»  s'abftenir  de  piller  le  public  ,  chez  les 
»  Romains  rien  n'eft  plus  rare  que  de 
w  trouver  quelqu'un  coupable  de  ce  crime.  ■» 
Ce  palFage  mérite  l'attention  la  plus  fé- 
rieuie.  Polybe  étoit  grec  ■-,  &  comme  homme 
de  bien  ,  il  aimcit  tendrement  fa  patrie  , 
dont  l'ancienne  gloire  &  la  vertu  étoicnt 
alors  iùr  leur  déclin  ,  dans  le  temps  que 
la  proipérité  de  la  république  romaine  étoit 
à  fon  comble.  Pénétré  du  trifte  état  de 
fbn  pays ,  &  obfèrvant  les  cfTets  de  l'in- 
fluence de  la  religion  fur  l'efprit  des  Ro- 
mains ,  il  profite  de  cette  occafion  pour 
donner  une  leçoii  à  fes  compatriotes ,  & 
les  inftruire  de  ce  qu'il  regardoit  comme  la 
caufe  principale  de  la  ruine  dont  ils  étoient 
menacés.  Un  certain  libertinage  d'eiprit 
avoitinfeilé  les  premiers  hommes  de  l'état , 
&  leur  faifoit  penfer  &  débiter  ,  que  les 
craintes  qu'inipire  la  religion  ne  font  que 
«les  vilions  &  des  fùperftitioni  ■■,  ils  croyoient 
fans  doute  faire  paroître  pai'-là  plus  de  pé- 
jîctration  que  leurs  ancêtres  ,  &  fè  tirer 
du  niveau  du  commun  du  peuple.  Polybe 
?es  avertit  tju'ils  ne  doivent  pas  chercher 
la  caufe  de  la  décadence  de  la  Grèce  dans 
.îa  mutabilité  inévitable  des  choies  humai- 
nes ,  mais  qu'ils  doivent  l'attribuer  à  la 
corruption  des  mœurs,  introduite  par  le 
libertinage  de  l'efjjrit.  Ce  fut  cette  corrup- 
tion qui  affoiblit  &  qui  énerva  la  Grèce , 
&  qui  l'avoit ,  pour  ainfi  dire  ,  conquife  j 
enforte  que  les  Romains  n'eurent  qu'à  en 
jjrendre  pofienion. 

Mais  fi  Polybe  eût  vécu  dans  le  ficelé 
.{iiivant,  il  auroit  pu.  adreifer  la  même  leçon 
aux  Romains.  L'efprit  de  libertinage ,  fu- 
nefte  avant-coureur  de  la  chute  des  états  , 
fit  parmi  eux  de  grands  progrès  en  peu  de 
temps.  La  religiony  dégénéra  au  point,  que 
Céfar  ofa  décferer  en  pleiu  fénat ,  avec  une 
licence  do!it  toute  l'antiquité  ne  fournit 
point  d'exemple ,  que  l'opinion  des  peines 
&  des  récompenfes  d'une  autre  vie  étoit 
une  notion  fans  foiidement.  C'étoit-là  un 
terrible  pronoftic  de  la  ruiiie  procliaine  de 
la  république. 

Le/prit  d'irréligion  fait  tous  les  jours 
jde  nouveaux  progrès  j  il  a'.uucc  à  uas  de 


A  TH 

géant  ,  &  Ragne  infenfiblement   tous   les 
efprits  &  toutes  les  conditions.  Les  philo- 
fbphcs   modernes ,  les  efprits  forts  me  per- 
mettront-ils de  leur  demander  quel  cft  le 
fruit  qu'ils  préterident  retirer  de  leur  con- 
duite ?  Un  d'eux  ,   le   célèbre  comte   de 
Shafsbury  ,  aulTi  fameux  par  fon  irréligion 
que  par  fa  réputation  de  citoyen  zélé,  &c 
dont  l'idée   étoit    de    fubftituer  ,   dans   le 
gouvernement  du  monde  ,  la  bienveillance 
à  la  créance  d'un   état  futur  ,    s'exprime 
ainfi  dans  fon  flyle  extraordinaire.  «  La 
)>   confcience  même,  j'entends ,  dit-il ,  celle 
»  qui  eft  l'effet  d'une  difcipline  religieufe  , 
»  ne  fera  ,  fans  la  bien\eillance ,  qu'une 
»   miférable  figure  :  elle  pourra  peut-être 
»   faire  des  prodiges  parmi  le  Milgaire.  Le 
»  diable  &  l'enfer  peuvent  faire  e^t  fîir 
»  des    efprits   de   cet   ordre   ,    lorfque  la 
»  prifon  &  la  potence  ne  peuvent  rien  : 
M   mais  le  caraftere  de  ceux  qui  font  polis 
»   &  bienveillans ,  eft  fort  différent  ^  ils 
»  font  fi  éloignés  de  cette  fimplicité  pué- 
w   rilc ,  qu'au  lieu  de  régler  leur  conduite 
»  dans  la  fociété  par  l'idée  des  peines  &î 
»   des   réconipenfes  ftiturcs,  ils   font  voir 
»   évidemment  ,  par  tout  le  cours  de  leur 
)j  vie  ,    qu'ils   ne    regardent    ces   notion? 
»   pieufes  que  comme  des  contes  propres 
»  à  amufcr  les  enfans  &  le  x^ulgaire.  ))  Je 
ne  demanderai  point  où  étoit  la  religion 
de  ce  citoyen  zélé  lorfqu'il   parloit  de  la 
forte  ,   mais  où  étoient  fa  prudence  &  fa 
politique  ^  car   il   eft  vrai  ,  comme  il  le 
dit ,  que  le  diable  &  l'enfer  ont  tant  d'effet , 
lors  même  que  la  prifon  &  la  potence  font 
inefficaces  ,  pourquoi   donc  cet   homme  , 
qui  aimoit  fa  patrie  ,  vouloit-il  ôter  un 
frein  fi  néceffaire  pour  retenir  la  multitude  ^ 
&  en  reftreindre  les  excès  ?  fi  ce  n'étoit  jias 
fon   deffein    ,    pourquoi,  donc   tourner  la 
religion  en  ridicule  ?  Si  fbn  intention  étoiî 
de  rendre  les  Anglois  polis  &  bienveillans  , 
il  pouvoit  aufll  bien  fe  propofer  de  les  faira 
tous  lords. 

Strabon  dit  qu'il  eft  impofllble  de  gou- 
verner le  commun  du  peuple  par  les  prin- 
cipes de  la  philofbi^liie  ;  qu'on  ne  peut  faire 
d'imprellion  fiu"  lui  que  par  le  moyen  de  la 
fiiperftition  ,  dont  les  fidtions.  &  les  pro- 
diges font  la  bafc  &  le  foutien  ;  que  c'cfc 
pour  cela  que  Iss  Icgillatcurs  ont  fuit  ufa^J 


A  TH 

cle  ce  qu'elifèignc  la  fable  fur  le  tonnerre 
de  Jupiter ,  l'égide  cle  Miner\c ,  le  trident 
de  Neptune  ,  le  thyrfe  de  Bacchus  ,  les 
fcrpens  &  l»s  torches  des  Furies ,  &  de  tout 
le  refte  des  fixions  de  ranciennc  théologie, 
connne  d'un  cpouvantail  propre  à  frapper 
de  terreur  les  imaginations  puériles  de  la 
multitude. 

Pline  le  naturaliflc  rcconnoît  qu'il  eft  nc- 
cclFaire  pour  le  foutien  de  la  Ibciété  ,  que 
les  homines  croient  que  les  dieux  inter- 
viennent dans  les  affaires  du  genre  hu- 
main 5  &  que  les  châtimens  dont  ils  pu- 
Jiillcnt  les  coupables ,  quoique  lents  ,  à 
csufe  de  la  diverlité  des  foins  qu'exige 
le  gouvernement  d'un  i\  vafte  univers , 
foHt  néanmoins  certains ,  &  qu'on  ne  peut 
s'y  fouâraire. 

Pour  ne  point  trop  multiplier  les  cita- 
tions ,  je  finirai  par  rapporter  le  préam- 
bule des  loix  du  philofophe  Romain  : 
comme  il  fait  profefflon  d'imiter  Platon  , 
qu'il  en  adopte  les  fcntimens  &  fbu\'ent 
les  cxpreflions ,  nous  connoîtrons  par-là  ce 
que  pcnfbit  ce  philofophe  fur  l'influence 
de  la  religion  par  rapport  à  la  focicté. 
»  Les  peuples ,  avant  tout ,  doivent  être  fer- 
w  meinent  perfuadés  de  la  puiffance  &  du 
))  gouvernement  des  dieux  ,  qu'ils  font 
»  les  fouverains  maîtres  de  l'univers  ,  que 
»  tout  eft  dirige  par  leur  pouvoir ,  leur 
))  volonté  &  leur  providence  ,  &  que  le 
»  genre  humain  leur  a  des  obligations  in- 
»  finies.  Ils  doi\'cnt  être  perfuadés  que  les 
»  dieux  connoiiTcnt  l'intérieur  de  chacun  , 
))  ce  qu'il  fait,  ce  qu'il  peu fe,  avec  quels 
»  fentimens ,  avec  quelle  piété  il  remplit 
»  les  actes  de  religion ,  &  qu'ils  diftinguent 
»  l'homme  de  bien  d'avec  le  méchant.  Si 
»  l'efprit  eft  bien  imbu  de  ces  idées ,  il 
»  ne  s'écartera  jamais  du  vrai  ni  de  l'utile. 
))  L'on  ne  fauroit  nier  le  bien  qui  réfulte 
))  de  ces  opinions ,  11  l'on  fait  réflexion  à 
»  la  ftabilité  que  les  fermens  inettent  dans 
))  les  affaires  de  la  vie  ,  &  aux  effets  falu- 
))  taires  qui  réfultcnt  de  la  nature  facrée 
»  des  traités  &;  des  alliances.  Combien  de 
»  perfonnes  ont  été  détournées  du  crime 
»  par  la  crainte  des  châtimens  divins  !  & 
3)  combien  pure  &  faine  doit  être  la  vertu 
5)  qui  règne  dans  une  fociété ,  où  les  dieux 
}>  immortels    interviennent    eux  -  mêmes 


ATH  «03 

»  (ÎBmmc  juges  &  témoins  !  >>  Voilà  le 
préambule  de  la  loi  ;  car  c'cft  ainfi  que 
Platon  l'appelle.  Enfuitc  vieinient  les  loix 
dont  la  première  eft  conçue  en  ces  termes  : 
»  Que  ceux  qui  s'approchent  des  dieux 
»  foient  purs  tSc  chaftes^  qu'ils  foieiit  rcm- 
»  plis  de  piété  &  exemps  de  l'oftentation 
»  des  richeffbs.  Quiconque  fait  autrement , 
»  Dieu  lui-même  s'en  fera  vengeance. 
»  Qu'un  fiûut  culte  foit  rendu  aux  dieux  , 
»  à  ceux  qui  ont  été  regardes  comme  ha- 
»  bilans  du  ciel  ,  &  aux  héros  que  leur 
»  mérite  y  a  placés ,  comme  Hercule  , 
»  Efculape  ,  Caftor,  Pollux,  &  Romultis. 
»  Que  des  temples  foient  édifiés  en  l'hon- 
»  neur  des  qualités  qui  ont  élevé  des 
»  mortels  à  ce  degré  de  gloire  ,  en  l'hon- 
»  neur  de  la  raifon ,  de  la  vertu  ,  de  la 
))  piété  &  de  la  bonne  foi.  »  A  tous  ces 
differens  traits  on  reconnoît  le  génie  de 
l'antiquité  ,  &  particulièrement  celui  des 
légiilateurs  ,  dont  le  foin  étoit  d'infjjircr 
au  peuple  les  fentimens  de  religion  pour  le 
bien  de  l'état  même.  L'établilfement  des 
myfteres  en  eft  un  autre  exemple  remar- 
quable. Ce  fujet  important  &  curieux 
eft  amplement  développé  dans  les  difter- 
tations  fur  l'union  de  la  religion  ,  de 
la  morale  ,  &  de  la  politique  ,  tirées 
par  M.  Silhouette  d'un  ouvrage  de  War- 
burton. 

Eufiii  M.  Bayle  abandonne  le  raifonnc- 
ment ,  qui  eft  fon  fort  :  fa  dernière  rcf- 
fource  eft  d'avoir  recours  à  l'expérience  )  8c 
c'eft  par-là  qu'il  prétend  foutenir  fi  thefc  , 
en  faifant  voir  qu'il  y  a  eu  des  aiAees  qui 
ont  vécu  moralement  bien  ,  &  que  même 
il  y  a  eu  des  peuples  entiers  qui  fc  font 
maintenus  fans  croire  l'cxiftcnce  de  Dieu. 
Suivant  lui ,  la  vie  de  plufieurs  ût/ie'es  de 
l'antiquité  prouve  pleinement  que  leur 
principe  n'entrame  pas  iiécefTairement  la 
corruption  des  moeurs^  il  en  allègue  pour 
exemple  Diagoras,  Théodore,  Evhemcrc  , 
Nicanor  &  Hijipon  ,  philofophes  dont 
la  vertu  a  paru  f\  admirable  à  S.  Clément 
d'AIexan;lrie  ,  qu'il  a  voulu  en  décorer  la 
religion  &  en  faire  autant  de  théi/ies , 
quoique  l'antiquité  les  reconiioiilc  pour  des 
athées  décides.  11  defccnd  enfijite  à  Epi- 
cure  &  à  les  fcftateurs ,  dont  la  conduite  , 
de  l'aveu  de  lci:rs  ennemis ,  étoit  irrépro- 
E  e  c  e  e  2 


So4  A  T  H 

chable.  Il  cite  Atticus ,  Caffius ,  8i  Pline  le 
naturaîifte.  Enfin  ,  il  finit  cet  illuftre  catalo- 
j»ue  par  l'éloge  de  la  ^•ertu  de  Yanini  &  de 
Spinofa.  Ce  n  eit  pas  tout  j  il  cite  des  na- 
tions entières  ôiathécs  ,  que  des  voyageurs 
modernes  ont  découvertes  dans  le  conti- 
nent &  dans  les  îles  d'Afrique  &  de  l'A  ■ 
mérique,  &qui,  pour  les  mœurs,  l'empor- 
tent îiir  la  plupart  des  idolâtres  qui  les  en- 
vironnent. Il  eft  vrai  que  ces  athées  font  des 
fauvages  ,  fans  loix  ,  fans  magillrats ,  fans 
police  civile  :  mais  de  ces  circonflances  il 
eu  tire  des  raifons  d'autant  plus  fortes  en 
faveur  de  fon  fentiment  ^  car  s'ils  vivent 
paifiblement  hors  de  la  fociété  civile,  à 
plus  forte  raifon  le  feroicnt-ils  dans  une 
fociété ,  où  des  loix  générales  empêche- 
roient  les  particuliers  de  commettre  des 
injuftices. 

L'exemple  des  philofophes  qui ,  quoique 
athées  ,     ont  vécu  moralemerù   bien  ,  ne 
prouve   rien  par  rapport  à  l'influence  que 
îathéifme  peut  avoir  fur  les  cœurs  des  hom- 
mes en  général  ^  &  c'eft-là  néanmoins  le 
point  dont  il  eft  queftion.  En  examinant 
les  motifs  différens  qui  engageoient  ces  phi- 
lofophes  à  être  vertueux,   l'on  verra  que 
ces  motifs ,  qui  étoient  particuliers  à  leur 
caraftere  ,  à    leurs  circonftances  ,  à   leur 
delTein  ,  ne  peuvent  agir  fur  la  totalité  d'un 
peuple  qui  léroit  infefté  de  leurs  principes. 
Les   uns    étoient  portés  à  la  vertu  par  le 
fentiment  moral  &  la  différence  eirentielle 
des    chofes    capables  de  ffeire   un   certain 
effet  fur  un  petit  nombre  d'hommes  ftu- 
tliffiux ,  contemplatifs ,  &  qui  joignent  à  un 
heureux  naturel  ,  xm  eiprit  délicat  &  fub- 
îil  :  mais  ces  motifs  font  trop  foibles  pour 
déterminer   le  com.mun   des  hommes.  Les 
«litres  agiiîbicnt  par  pa/Tion  pour  la  gloire 
&  la  réputation  :  mais  ,  quoique  tous  les 
hommes    reifentent  cette  padion  dans  un 
même  degré  de  force ,  ils  ne  l'ont  pas  tous 
dans  un  même  degré  de  délicateffe  :  la  phi- 
part  s'embarralTent  peu  de  la   puifer  dans 
des  fburces  pures  :  plus  fenfibles  aux  mar- 
ques extérieures  de  refpeft  &  de  déférence 
qui  l'accompagnent ,  qu'au  plaiiir  intérieur 
de  la  mériter ,  ils  marcheront  par  la  voie 
la  plus  aifée  &  qui  gênera  le  moins  les  au- 
tres pafTions,  &  cette  voie  n  eft  point  celle 
«k  la  vertu.  Le   nombre  de  ceux  fur  ^li 


A  T  H 

ces   motifs  font  capaWes  d'agir  eft   donc 
très-petit,  comme  Pomponace  lui-mêm.e, 
qui   étoit  athée ,   en  fait  l'aveu.  »  Il  y  a  , 
))   dit-il  ,   quelques    perfonnes   d'un    natu- 
»   rel   fi  heureux,  que  la  iëule  dignité  de 
)j  la  vertu  futlit  pour  les  engager  à  la  pra- 
»   tiqi;er ,   &  la  feule   diiîbrmité  du  vice 
»   pour    le    leur     faire    éviter.    Que    ces 
«   difpofitions  fout  hcursufes  ,  mais  qu'elles 
))   font  rares  !  Il  y  a  d'autres  perfonnes  dont 
))  l'efprit  eft  moins  héroïque  ,  qui  ne  font 
»  point  infenfibles  à  la  dignité  de  la  vertu 
»  ni  à  la  baffe jTe  du  vice  ;   mais   que   ce 
«   motif  feul ,   fans  le  fecours  des  louanges 
»   &  des  honneurs  ,  du  mépris  &  de  l'in- 
■»  famie  ,  ne  pourroit  point  entretenir  dans 
»  la  pratique  de  la  vertu  &  dans  l'éloigne- 
»   ment  du  vice.  Ceux-ci  forment  une  fe- 
))   conde  claffe  ;   d'autres   ne  font  retenus 
))  dans  l'ordre  que  par  l'efpérance  de  quel- 
»   que  bien  réel ,  ou  par  la  crainte  de  quel- 
w  que  punition  corporelle.  Le  légiflateur  y 
»  pour  les    engager    à  la  pratique  de  la 
»  vertu  ,    leur  a  préfenté  l'appât  des  ri- 
)j   cb-cffes  ,  des  dignités ,  ou  de  quelqu'au- 
H   trc  chofe  femblable  ;  &  d'un  autre  côté- 
»   il  leur  a  montré  des  punitions  ,  foit  en 
»  leur  perfonne ,  en  leur  bien  ,  ou  en  leur 
»  honneur  ,  pour  les  détourner  du   vice. 
))   Quelques  autres,  d'un  caraftere  plus  fc- 
•>■>  roce ,  plus  vicieux  ,  plus  intraitable  ,  ne 
))  peuvent  être  retenus  par  aucun  de  ces 
»   motifs.  A  l'égard  de  ces  derniers ,  le  lé- 
»   giflateur  a  invente  le  dogme  d'une  autre 
»  vie,  où  la  vertu  doit  recevoir  des  récoiîv 
»  peiffes  éternelles ,  &  où  le  vice  doit  Ç\.> 
»  bir  des  châtimens  qui  n'auront  poiiit  de 
»   fin  ^  deux  motifs  dont  le  dernier  a  jjcau- 
»  coup  plus  de  force  fur  l'efprit  des  hom- 
»   mes ,  que  le  premier.   Plus  inftruit  par 
»  l'expérience  de  la  nature  des  maux  qi.e 
»   de  celle  des  biens,  on  eft  plutôt  déterminé 
))  par   la   crainte  que  par    l'efpérance.  Le 
»   légilîateur  prudent   fie  attentif  au   bien 
»  public  ,  ayant  obfcn'é  d'une  part  le  peu- 
»   chant  de  l'homme  vers    le  mal,  &   de 
»  l'autre  côté  ,  combien  l'idée  d'une  autre 
))   vie  peut  être  utile  à  toiis  les  hommic? , 
»  de   quelque  condition  qu'ils    foicnt ,  ^  a 
»   établi  le  dogme  de  l'immortalité  de  l'a- 
»   me ,  moins  occupé  du  VTii  que  c'e  l'i.- 
)j  tile  j  &  de  ce  qui  pouvoiî  conduire  les 


A  T  H 

»  hommes  à  la  pratique  de  la  vertu  :  &  l'on 
•>i  ne  doit  pas  le  blâmer  de  cette  politique  j 
w  car,  de  inêir.e  qu'un  inédecin  trompe  un 
»  malade  afin  de  lui  rendre  la  fauté  ,  de 
»  même  l'homme  d'état  inventa  des  apolo- 
»  gués  ou  des  Hdions  utiles  pour  lérvir 
»  à  la  correction  des  inœurs.  Si  tous  les 
»  hommes  à  la  vérité  étoient  de  la  première 
))  clalTe  ,  quoiqu'ils  crulFcnt  leur  ame 
■»  mortelle  ,  ils  rempliroieiit  tous  leurs 
»  devoirs  :  mais  comme  il  n'y  en  a  pref- 
))  que  pas  de  ce  caraftere  ,  il  a  été  nc- 
))  cefiaire  d'avoir  recours  à  quelqu'autre 
»  expédient.  » 

Les  autres  motifs  étoient  bornés  à  leur 
feue  •■,  c'étoit  l'envie  d'en  foutenir  l'honneur 
&  le  crédit ,  &  de  tâcher  de  l'annoblirpar  ce 
fauyJuftre.  Ileil  étonnant  julqu'à  quel  point 
ils  étoient  préoccupés  &  polfédcs  de  ce  de- 
fir.  L'hiftoire  de  la  converfàtion  de  Pompée 
&  de  Poilidonius  le  floïque ,  qui   eft  rap- 
portée dans    les  Tufculanes  de  Cicéron  , 
en    eft     un  exemple    bien   remarquable    : 
o   dou'dtr ,    difoit    ce   philofophe  malade 
&  fouffrant  !  tes  efforts  font  vains  ;  tu  peux 
ttre    incommode  ,    jamais  je  navouerai   que 
tu  (ois  un  mal.  Si  la  crainte  de  fe  rendre 
ridicule  en  défavouant  fes  principes  ,  peut 
engager  des  hommes  à  fe  faire  une  iî  grande 
violence  ,  la  crainte  de  fe  rendre  générale- 
ment odieux   n'a  pas  été  un  motif  moins 
puiiTant  pour  les  engager  à  la  pratique  de 
la  vertu.    Cardan  lui-même  reconnoît  que 
l'athéifme  tend  malhcureufement  à  rendre 
ceux  qui  en  font  les  partifans  ,  l'objet  de 
l'exécration  publique.  De  plus  ,  le  i>n\\  de 
leur  propre  confervation  les  y  engageoit  ;, 
le  magiftrat    avoit  beaucoup  d'indulgence 
pour  les  fpéciilations  philofophiques  :  mais 
l'athéifme  étant  en  général  regardé  coinme 
tendant  à  renverfer  la  fociété,  fouvent  il 
déployoit  toute  fa  vigueur  contre  ceux  qui 
vouJoient  l'établir  \  enforte  qu'ils  n'avoient 
d'autre  moyen  de  défarmer  là  vengeance  , 
que  de  perfuader  par  une  vie  exemplaire  , 
que  ce  principe  n'avoit  point  en  lui-même 
une   influence    fi    funelîe.   Mais   ces  mo- 
tifs étant  particuliers  aux  fedes  des   phi- 
lofophes  ,  qu'ont-ils  de  commun  avec  le 
relie  des  hommes. 

A  l'égard  des  nations  de  fauvages  athées^ 
qui  vivent  dans  l'état   de  la  nattire  fans 


A  T  H  805 

fociété  civile  ,  avec  plus  de  vertu  que 
les  idolâtres  qui  les  cnviroinient  j  fans  vou- 
loir révoquer  ce  fait  en  doute ,  il  fuffira 
d'obferver  la  nature  d'une  telle  fociété  , 
pour  démalquer  le  fophifinc  de  cet  argu- 
ment. 

Il  eft  certain  que  dans  l'état  de  la  fociété , 
lesihommcs  font  conftamment  portés  à  en- 
fre  ndre  les  loix.  Pour  y  remédier  ,  la  fo- 
ciété eft  conftamment  occupée  à  foutenir 
&  à  augmenter  la  force  &  la  ligueur  de 
{c%  ordonnances.  Si  l'on  cherche  la  caufe 
de  cette  perverfité  ,  on  trouvera  qu'il  n'y 
en  a  point  d'autre  que  le  nombre  &  la 
violence  des  delirs  qui  nailfcnt  de  nos  bc- 
foins  réels  &  imaginaires.  Nos  befoins 
réels  font  nécelîairement  &  invariable- 
ment les  mêmes ,  extrêmement  aifés  à  fa- 
tisfaire.  Nos  befoins  imaginaires  font  infi- 
nis ,  iàns  mclLire  ,  fans  règle  ,  augmen- 
tant exa£lcment  dans  la  même  proportion 
qu'augmentent  les  dificrens  arts.  Or  ces 
diffcreus  arts  doivent  leur  origine  à  la  ïo- 
ciété  civile  :  plus  la  police  y  eft  parfaite  , 
plus  ces  arts  font  cultivés  &  perfedion- 
nés ,  plus  on  a  de  nouveaux  befoins  & 
d'ardens  defirs  •-,  &  la  violence  de  ces  de- 
firs  ,  qui  ont  pour  objet  de  fatisfaire  des  be- 
foins imaginaires  ,  eft  beaucoup  plus  forte 
que  celle  des  defirs  fondés  fur  les  befoins 
réels ,  non  feulement  parce  que  les  premiers 
font  en  plus  grand  nombre,  ce  quilournit 
aux  paffions  un  exercice  continuel  \  non 
feulement  parce  qu'ils  font  plus  dérailbn- 
nables ,  ce  qui  en  rend  la  fatisfaCtion  phis 
difficile  ,  &  que  n'étant  point  naturels ,  ils 
font  lans  mciure  :  mais  priucipalcnicnt  parte 
qu'une  coutume  vicieufe  a  attaché  à  la 
fatisfaétion  de  ces  befoins  ,  une  efpece 
d'honneur  &  de  réputation  ,  qui  n'eft  point 
attachée  à  la  fatisfaction  des  befoins  réels. 
C'eft  en  couféqucnce  de  ces  principes ,  que 
nous  di'.bns  que  toutes  les  précautions 
dont  la  prévoyance  humaine  eft  capable , 
ne  font  point  fufiifantes  par  elles-mêmes 
pour  maintenir  l'état  de  la  fociété  ,  îsc 
qu'il  a  été  nécefiaire  d'avoir  recours  a 
quelque  autre  moyen.  Mais  dans  l'état  de 
nature  ,  oîi  l'on  iguore  les  arts  ordinaires , 
les  befoins  réels  des  hommes  font  en  petit 
nombre  ,  &  il  eft  aifé  de  les  fitisfaire  :  la 
nourriture  &  l'habillemeut  font  tout  ce  qui 


SoS  A  T  H 

eft  nécefîairc  au  foutieii  de  !a  vie  ;  &  la  pro- 
vidence a  pourvu  aboiiciammciit  à  ces  bc- 
ibins  ;  cnforte  qu'il  ne  doit  y  avoir  guère 
de  difpute  ,  puifqu'il  le  trouve  prefque  tou- 
joLirs  uue abondance  plus  que  liiîïifante  pour 
làtisfaire  tout  le  monde. 

On  peut  voir  clairement  par-là  comment 
il  eft  polTible  que  cette  canaille  d'ai/zees  , 
s'il  el\  permis  de  fc  fervir  de  cette  expref- 
fîon  ,  vive  paifiblemcnt  dans  l'état  de  na- 
ture i  &  pourquoi  la  force  des  loix  humaines 
ne  pourroit  pas  retenir  dans  l'ordre  &c  le 
devoir  une  îbciété  civile  à'atkées.  Le  fo- 
phifine  de  M.  Bayle  fe  découvre  de  lui- 
même.  Il  n'a  pas  fouteuu  &  n'auroit  pas 
voulu  foutenir  que  ces  athées ,  qui  vivent 
paiiîblemcnî  dans  leur  étatprélènt,  fans  le 
frein  des  loix  humaines,  vivroient  de  même 
fans  le  fecours  des  loix ,  après  qu'ils  au- 
roient  appris  les  diftcrens  arts  qui  font 
en  ufage  parmi  les  nations  civilifées  ;  il  ne 
nieroit  pas  fans  doute  que  ,  dans  la  fociété 
civile ,  qui  ed  cultivée  par  les  arts ,  le  frein 
des  loix  efî:  abfoluinent  ncceffaire.  Or  voici 
les  quefiions  qu'il  eft  naturel  de  lui  faire. 
Si  un  peuple  peut  vivre  painblcmcnt  hors 
de  la  ibciété  civile  ,  fans  le  frein  des  loix , 
■  mais  ne  fauroit  ,  fans  ce  frein  ,  vivre 
paifibicment  dans  l'état  de  Ibciété  ,  quelle 
raifoii  avcz-vous  de  prétendre  que  ,  quoi- 
qu'il puiiîe  vivre  paifiblem.ent  hors  de  la 
fociété  fans  le  frein  de  la  religion  ,  ce  frein 
ne  devienne  pas  néccifaire  dans  l'état  de  fo- 
ciété ?  La  réponfe  ù  cette  queftion  entraîne 
néceiraircment  l'examen  de  la  force  du  frein 
qu'il  faut  impofer  à  l'homme  qui  vit  en  fo- 
ciété :  or  nous  avons  prouvé  ,  qu'outre  le 
frein  des  loix  huitaines ,  il  falloit  encore 
celui  de  la  religion. 

On  peut  obferver  qu'il  règne  un  arti- 
fice uniforme  dans  tous  les  fophifines  dont 
M.  Bayle  fait  ufagc  pour  foutenir  fon  pa- 
radoxe. Sa  thefe  étoit  de  prouver  que 
Yatht'ifme  n'cft  pas  pernicieux  à  la  fociété  j 
&;  pour  le  prouver,  il  cite  des  exemples. 
Mais  quels  exemples  ?  de  fojihifies ,  ou 
de  fauvages  ,  d'un  petit  nombre  d'hom- 
mes fjîéculatifs  fort  au  dcllbus  de  ceux 
qui ,  dans  un  état  ,  forment  le  corps  des 
citoyens ,  ou  d'une  troupe  de  barbares  & 


A  T  H 

de  fiuvages  infiniment  au  de/îbus  d'eux  ,' 
i-iont  les  befoins  bornés  ne  réveillent  point 
les  pallions  ;  des   exemples  ,  en  un  mot , 
dont  on  ne  peut  rien  conclure  ,   par  rap- 
port au  commun  des  hommes ,  &  à  ceux 
d'entre  eux  qui  vivent  en  fociété.  Voyt^^ 
les  diffcrtations  de  l'union  de  la  religion  , 
de    la  morale    &  de  la  politique  de  M. 
^X'arburton ,  d'où  font  extraits  la  plupart  des 
raifonnemens  qu'on  fait  contre  ce  paradoxe 
de    M.  Bayle.    tifei    l'article  du  Poly- 
théisme ,  où  l'on  examine  quelques  diffi- 
cultés de  cet  auteur.  (  X  ) 
^  ATHÉISME   ,  f.   m.  {Métaphyfiq.  *) 
c'eft  l'opinion  de  ceux  qui  nient  i'exiiience 
d'un  Dieu  auteur  du  monde.   Ainfi  la  fim- 
ple  ignorance   de  Dieu  ne  fcroit  pas  \a- 
zhéifme.  Pour  être  chargé  du  titre  odieux 
à'athéifme  ,  il  faut  avoir  la  notion  de  Dieu  , 
&  Ja  rejeter.   L'état     de   doute   n'eft  pas 
non    plus  ïathéifmî  formel  :    mais  il  s'en 
approche    ou  s'en  éloigne ,    à   proportioa 
du   nombre  des  doutes  ,   ou  de  la  maiùere 
de  les  en\'ifager.     On  n'eft  donc  fondé  à 
traiter  d'c/i^tv.f ,  que  ceux  qui  déclarent  ou- 
vertement qu'ils  ont  pris  parti  fur  le  dogme 
de    l'exiftencc    de  Dieu  ,    Se    qu'ils  fou- 
tiennent  la  négative.   Cette  remarque  eft 
très-importante  ,  parce    que    quantité  de 
grands  hommes  ,  tant  anciens  que  moder- 
nes ,    ont  fort  légèrement  été   taxés  d'<z- 
théifme ,   foit  pour   avoir  attaqué  les  faux 
dieux ,  foit  pour  avoir  rejeté  certains  argn- 
mens  foibles ,  qui  ne  concluent  point  pour 
l'exiftence  du  vrai  Dieu.  D'ailleurs   il   y  a 
peu    de  %c\\%  qui  penfent  toujours  confé- 
quemment ,   fur-tout  quand  il    s'agit  d'un 
fujet  audi  abftrait  &  aulîi  coinpofé  que  l'cft 
l'idée  de  la  caufe  de  toutes  chofcs  ,  ou  le 
gouvernement  du  monde.  On  ne  peut  re- 
garder comme  véritable    athéi   que  celui 
qui  rejette  l'idée  d'une  intelligence  qui  gou- 
verne avec  un  certain  deifein.  Quelque  idée 
qu'il  fc  faife  de  cette  intclligcn.ee  ,  la  fup- 
pofât-il    matérielle   ,    limitée    à    certains 
égards ,    ùc.  tout  cela  n'cft  point  encore 
Xathéifme.  YJathéiftne  ne  fc  borne  pa^  à  dé- 
figurer l'idée  de  Dieu ,  mais  il  la  détruit 
entièrement. 

J'ai  ajoute  ces  mots ,  auteur  du  monde  , 


(ij)  L'atlicirac  cft  un  dclîr ,  &  n'cft  pis  un  tut.  Mj£illon> 


A  T   H 

parce  mnl  ne  liiriît  pas  d'adcptcr  claiîs 
ion  fyiicme  le  mot  de  Dieu  ,  pour  n'ctrc 
pas  athée.  Les  Epicuriens  parloicut  des 
dieux  ,  ils  en  rcconnoillbient  un  grand 
nombre  ;  &  cependant  ils  étoient  vrai- 
ment athées  ,  parce  qu'ils  ne  donnoicnt  à 
ces  dieux  aucune  part  à  l'origine  &  à  la 
cnnfcrvation  du  monde  ,  &  qu'ils  les  rclc- 
guoient  dans  une  molleHb  de  \  le  oiiivc  & 
indolente.  Il  en  eft  de  même  du  ipinofifmc, 
dans  lequel  l'ufage  du  mot  de  Di€u  n'empê- 
che point  que  ce  fyiicme  n'en  exclue  la' 
notion. 

]Jatkéifinc  eft  fort  ancien  \  félon  les  ap- 
parences ,  il  y  a  eu  des  athées  avant  Dé- 
niocrite  &  Leucippe  ,  puifque  Platon  (  de 
Legib.  pag.  888  ,  cdit.  Serr.  )  dit  en  parlant 
aux  athées  de  fon  temps.  «  Ce  n'efc  pas 
»  vous  {èul ,  mon  fils  ,  ni  vos  amis  (  Ué- 
»  mocrite  ,  Leucippe  &  Protagore  )  qui 
»  avez  eu  les  premiers  ces  fentimens  tou- 
»  chant  les  dieux  :  mais  il  y  a  toujours 
y>  eu  plus  ou  moins  de  gens  attaqués  de 
»  cette  maladie,  w  Arillote  ,  dans  fa  méta- 
phyfique  ,  alTure  que  pluiîeurs  de  ceux 
qui  ont  les  premiers  philofophé  ,  n'ont  re- 
connu que  la  matière  pour  la  première 
caufe  de  l'univers  ,  fans  aucune  caufe  effi- 
ciente &  intelligente.  La  raifon  qu'ils  en 
avoicnt,  comme  ce  philofophé  le  remarque 
(  //l>.  1 5  c.  iij  ,  )  c'cit  qu'ils  alFtiroient  qu'il 
n'y  a  aucune  fubftance  que  la  matière  ,  & 
que  tout  le  refte  n'en  eft  que  des  accidens , 
qui  font  engendrés  fec  corruptibles  ■■,  au  lieu 
que  la  matière  ,  qui  eft  toujours  la  même  , 
n'eft  ui  engendrée ,  ni  fujette  à  être  détruite , 
mais  éternelle.  Les  matérialiftes  étoient  de 
véritables  athées ,  ncHi  pas  tant  parce  qu'ils 
n'établiilbient  que  des  corps ,  que  parce 
qu'ils  nereconnoiiîbient  aucune  intelligence 
qui  les  mût  Se  les  gouvernât.  Car  d'autres 
pliilofophes  ,  comme  Heraclite  ,  Zenon  , 
6'c.  en  croyant  que  tout  eft  matériel ,  n'ont 
pas  laillé  d'admettre  une  intelligeuce  natu- 
rellement attachée  à  la  matière  ,  &  qui  ani- 
nioit  tout  l'univers  ,  ce  qui  leur  faifoit  dire 
que  c'eft  un  animitl  :  ceux-ci  ne  peuvent 
êtje  regardés  comme  athées. 

L'on  trouve  diveriès  efpeces  ôiatfu'ifm: 
chez  les  anciens.  Les  principales  font  Wter- 
nhé  du  monde  ,  fatomifme  ou  le  concours 
fonun  ,  Yhylopathianijme  ,  &  Y hylo^o'ifme , 


A  T  H  îaj 

qu'il  faut  chercher  fous  leurs  titres  parti- 
culiers dans  ce  lîiiStionnairc.  Il  faut  remar- 
quer que  l'éternité  tlu  monde  n'cft  une 
espèce  iXtuht'iJir.e  ,  que  dans  le  !éns  auquel 
Ariftote  ik  fcs  leflatcurs  l'eiabliftbient  ;  car, 
ce  n'cft  pas  être  athée  ,  que  de  croire  le 
monde  co-éterncl  à  Dieu ,  &  de  le  regarder 
comme  un  efict  iuféparablc  de  iîi  caufè. 
Pour  l'ctcniité  de  la  matière  ,  je  n'ai  garde 
de  la  ranger  parmi  les  fyftêmcs  des  athées. 
Ils  l'ont  tous  foutenue  à  la  \crité  ,  mais  dos 
phiiolbphes  théiftcs  l'ont  pareillement  ad- 
mifc  ,  ik  l'époque  du  dogme  de  la  création 
n'cft  pas  bien  aftiirée.  Voye\  Création. 
Parmi  les  modernes ,  il  n'y  a  éCatfiéifme  fyf- 
tématiquc  que  cchii  de  Spinofa ,  dont  nous 
faiibns  aulli  un  article  féparé.  Nous  nous 
bornons  ici  aux  remarques  générales  fiii- 
vanlcs. 

1°.  C'eft  à  l'athée  à  prouver  que  la  no- 
tion de  Dieu  eft  contradiéloire  ,  &  qu'il 
eft  impolfible  qu'un  tel  être  o.ifte.  Quand 
même  nous  ne  pourrions  pas  démontrer  la 
pollibilité  de  l'être  fouveraineiiient  parfait  , 
nous  ferions  en  droit  de  denuinder  à  l'alliée 
les  preuves  du  contraire j  car,  étant  perfua- 
dés  avec  raifbn  que  cette  idée  ne  renferme 
point  de  contradidtion  ,  c'eft  à  lui  à  nous 
montrer  le  contraire  ;  c'eft  le  devoir  de 
celui  qui  nie  d'alléguer  iès  raifous.  Ainfi  , 
tout  le  poids  du  tra\jil  retombe  ftir  l'athée  j 
&  cehii  qui  admet  un  Dieu  ,  5)eut  tran- 
quillement y  acquiefcer ,  lallfaiit  à  fbn  anta- 
gonifte  le  Ibin  (.Yen  démciitrer  la  coiîtra- 
didtion.  Or  ,  ajoutons-nous  ,  c'eft  ce  dont 
il  ne  viendra  jamais  à  bout,  t  ii  etfet ,  l'af- 
femblage  de  toutes  les  perfections  dans  un 
fèulétre,  ne  renferme  point  de  coiitradiêtio!!, 
il  elè  donc  polîible  :,  &  de-là  qu'il  eft,  poiTible , 
ce  être  doit  néceiîalrement  exifter  ,  l'exlf- 
tence  étant  ccitiprife  parmi  ces  réalités  :  mais 
il  faut  renvoyer  à  Yanicle  DiiiU  ,  le  détail 
des preu\es de  fbn  exiiience. 

2.  Bien  loin  d'éviter  les  diflîcidtés  ,  en 
rejetant  la  notion  de  Dieu  ,  l'athée  s'en- 
gage dans-  des  ]i}'pothefes  mille  fois  plus 
difficiles  à  rccc\oir.  Voici  en  peu  de  mots 
ce  que  l'atiîée  eft  obligé  d'admettre.  Suivaut 
fon  hypothcfe ,  le  monde  exifte  par  lui- 
même  ,  il  eft  indépendant  de  tout  autre  être, 
&  il  n'y  a  rien  dans  ce  monde  vifible  qui 
ait  fa  ruifoii  hors  da  monde.  Les  pairies^ 


8o8  A  T  H 

de  ce  tout  Se  le  tout  lui-mcmc  renferment 
laraiibn  de  leur  exiftence  clans  leur  eiîencef, 
ce  font  des  êtres  abfolumeut  nécelîaires  , 
&:  il  impliqucroit  contradiftion  qu'ils  n'exif- 
taiîèat  pas.  Le  monde  n'a  point  eu  de  com- 
mencement ,  il  n'aura  point  de  fin  ;  il  eft 
éternel  ,  &  fuiïifant  à  lui-même  pour  fa 
confervation.  Les  miiracles  font  impoffibles, 
&  l'ordre  de  la  nature  inaltérable.  L.es  loixdu 
mouvement ,  les  évcncmens  naturels  ,  l'en- 
chaînement des  chofes ,  font  autant  d'cifets 
d'une  néceflité  abfolue  •■,  l'ame  n'a  point  de 
liberté.  L'univers  eft  fans  bornes  |,  une  fata- 
lité ablolue  tient  lieu  de  providence.  (  Foy. 
Wolf ,  Tkéolog.  nat.  tom.  II,fccl.  i,càap.  ij.) 
C'eft-là  ,  &  non  dans  le  iyftême  dcsthéiftes , 
qu'il  faut  chercher  les  contradidions  •■,  tout 
en  fourmille.  Peut-on  dire  que  le  monde  , 
confidéré  en  lui-même  ,  ait  des  caraderes 
d'éternité  qui  ne  fe  puiifent  pas  trouver 
dans  un  être  intelligent  ?  Peut-ou  ibutenir 
qu'il  eil  plus  facile  de  comprendre  que  la 
inaticre  fe  meut  d'elle-même  ,  &  qu'elle  a 
formé  par  hazard  &  fans  deifein  le  monde 
tel  qu'il  eit  ,  que  de  concevoir  qu'une  in- 
tellij^euce  a  imprimé  le  mouvement  à  la 
matière  ,  &  en  a  tout  fait  dans  certaines 
vues  ?  Pourroit-on  dire  que  l'on  com.prend 
comment  tout  ce  qui  exifte  a  été  formé 
par  un  mouvement  purement  méchanique 
&  néccffairc  de  la  matière  ,  fans  projet  ôf 
fans  deffein  d'aucune  inteliis^ence  qui  l'ait 
conduite  i  &;  qu'on  ne  comprend  pas  com- 
ment une  intelliijcnce  l'auroit  pu  faire  ?  II 
n'y  a  alîlirément  perfonne  qui ,  s'il  veut  au 
moins  parler  avec  fincérité ,  n'avoue  que  le 
fécond  eft  infiniment  plus  facile  à  compren- 
dre que  le  preinier.  Il  s'enfuit  de-là ,  que  les 
athées  ont  des  hypothefes  beaucoup  plus 
ditnciles  à  concevoir  que  celles  qu'ils  rejet- 
tent \,  &  qu'ils  s'élois^nent  des  fentimens 
communs ,  plutôt  pour  fe  diftinguer  ,  que 
parce  que  lesdillicultés  leur  font  de  la  peine  ; 
autrement  ils  n'embrafferoient  pas  des  fyf- 
têmcs  tout~à-fait  incompréhenfibles ,  fous 
prétexte  qu'ils  n'entendent  pas  les  opinions 
généralement  reçues. 

^".  L'athée  ne  fauroit  éviter  les  abfur- 
ditès  du  progrès  de  l'infini.  Il  y  a  un  pro- 
grès qu'on  appelle  reâ/ligne  ,  Se  un  progrès 
qu'on  appelle  circulaire.  Suivant  le  premier , 
eu  remontant  de  l'eftct  à  la  caufc  ,  &  de 


AT  H 

cette  cauis  à  une  autre  ,  comîîie  de  l'œuf 
à  la  poule,  &  de  la  poule  à  l'œuf,  on  ne 
trouve  jamais  le  bout  ■■,  &  cette  chaîne  d'êtres 
viilblement  contingens  ,  forme  un  tout  né- 
ceiîaire ,  éternel ,  infini.  L'impofTibilité  d'une 
telle  fuppofition  eft  fi  manifcfte  ,  que  les 
philofophes  païens  l'avoient  abandonnée  , 
pour  k  retrancher  dans  le  progrès  circu- 
laire. Celui-ci  confifte  dans  certaines  révo- 
lutions périodiques  extrêmement  longues , 
au  bout  defquelles  les  mêmes  cliofes  fe  retrou- 
vent à  la  même  place  •■,  &  l'état  de  funi- 
vers  eft  précifém.ent  tel  qu'il  étoitaumême 
moment  de  la  période  précédente.  J'ai  déjà 
écrit  une  infinité  de  fois  ce  que  j'écris  à 
préfènt  ,  &  je  l'écrirai  encore  une  infinité 
de  fois  dans  la  fuite  des  révolutions  éter- 
nelles de  l'univers.  Mais  la  m.ême  abfur- 
dité  qui  produit  le  progrès  reftiligne ,  re- 
vient ici  contre  le  progrès  circulaire.  Comme 
dans  le  premier  cas  on  cherche  inutilenient, 
tantôt  dans  l'œuf ,  tantôt  dans  la  poule , 
lans  jamais  s'arrêter  ,  la  raifon  fùffifante 
de  cette  chaîne  d'êtres  :,  de  même  dans 
celui-ci  une  révolution  eft  liée  à  l'autre  : 
mais  on  ne  voit  point  comment  une  révo- 
lution produit  l'autre  ,  Jk  quel  eft  le  prin- 
cipe de  cette  ficceflion  infinie.  Que  l'on 
mette  des  millions  d'années  pour  les  révo- 
lutioiis  univerfelles  ,  ou  des  jours  ,  des  heu- 
res ,  des  minutes ,  pour  l'exiftence  de  petits 
inlèéles  éphémères ,  dont  l'un  produit  l'au- 
tre fans  fin  ;  c'eft  la  même  cholè  j  ce  font 
toujours  des  effets  enchaînés  les  uns  aux 
autres ,  fans  qu'on  puilTe  ailigner  une  caufe , 
un  principe  ,  une  raifon  fulïifaute  qui  les 
explique. 

4°.  On  peut  auftl  attaquer  Xathéifme  par 
fes  conféquences ,  qui ,  en  fappant  la  reli- 
gion ,  rcnverfcnt  du  mêmiC  coup  les  fon- 
demens  de  la  morale  &  de  la  politique.  En 
ellét  ,  ïachéifme  avilit  &  dégrade  la  nature 
humaine  ,  en  niant  qu'il  y  ait  en  elle  les 
moindres  principes  de  morale  ,  de  politi- 
que ,  d'équité  &  d'humanité  :  toute  la  cha- 
rité des  hommes  ,  fuivant  cet  abfurde  fyf- 
tême  ,  toute  leur  bienveillance  ne  viemient 
que  de  leur  crainte  ,  de  leur  foiblefie ,  6c 
du  befoin  qu'ils  ont  les  uns  des  autres.  L'u- 
tilité &  le  dcfir  de  par\cnir  ,  rcn\ ie  des 
plaifirs ,  des  honneurs ,  des  richcilés ,  font 
les  uniques  règles  de  ce  qui  eft  bon.  La 

juftice 


A  T  H 

jiifUcc  5t  le  g'Ouvcrnemciit  civi!  ne  feint  des 
choll's  ni  bonnes ,  ni  deiîrables  par  elles- 
mêmes  •,  car  elles  ne  fer\ent  qu'à  tenir  dans 
ks  fers  la  liberté  de  l'honiine  :  mais  on  les 
H  établies  comme  un  moindre  mal ,  &  pour 
©bvier  à  l'état  de  guerre  dans  lequel  nous 
nailîbns.  Aiiiii  les  hommes  nr  font  jullcs 
que  malgré  eux  •,  car  ils  voudroient  bien 
♦ju'il  fiit  portible  de  n'obéir  à  aucune  loi. 
Enfin,  ("car  ceci  n'eft  ici  qu'un  échantillon 
des  principes  moraux  &  politiques  de  ïa- 
tÂéij'me ,  )  les  fouverains  ont  une  autorité 
proportionuée  à  leurs  forces  ;  iî  elles  font 
illimitées,  ils  ont  un  droit  illimité  de  com- 
mander; enlÎTrte  que  la  volonté  de  celui  qi'.i 
commande  tienne  lieu  de  jullice  aux  fujets , 
&  les  oblige  d'obéir ,  de  quelque  nature 
que  foient  les  ordres. 

Je  conviens  que  les  idées  de  l'honnête 
&  du  déshonnctc  lubfilient  avec  Witficifme. 
Ces  idées  étant  dans  le  fond  &  dans  l"ef- 
iènce  de  la  nature  humaine  ,  l'athée  ne 
fiiuroit  les  rejeter.  Il  ne  peut  méconnoi- 
tre  la  différence  morale  des  allions  ;  parce 
que ,  quand  même  il  n'y  auroit  point  de 
divinité  ,  les  aftions  qui  tendent  à  dété- 
riorer notre  corps  &  notre  ame  fêroient 
toujours  également  contraires  aux  obliga- 
tions naturelles.  La  vertu  purement  phi- 
lofophique ,  qu'on  ne  fauroit  lui  refurcr  , 
en  tant  qu'il  peut  fe  conformer  aux  obli- 
gations naturelles  ,  dont  il  trouve  l'ein- 
preinte  dans  fa  nature  ,  cette  vertu  ,  dis- 
je ,  a  très-peu  de  force  ,  &  ne  fauroit 
guère  tenir  contre  les  motifs  de  la  crain- 
te ,  de  l'intérêt  &  des  partions.  Pour  ré- 
fîfter  ,  fur-tout  lorfqu'il  en  coûte  d'être 
vertueux  ,  il  faut  être  reinpli  de  l'idée 
d'un  Dieu  qui  voit  tout ,  &  qui  conduit 
tout.  ÏSathéifme  ne  fournit  rien ,  &  fe 
trouve  fans  rellburce  ;  dès  que  la  vertu  eft 
malheureufe  ,  il  eft  réduit  à  l'exclamation 
de  Brutus  :  Vertu  ,  ftcrile  vertu  ,  de  quoi 
m  as-tu  fervi  ?  Au  contraire  ,  celui  qui 
croit  fortement  qu'il  y  a  un  Dieu  ,  que  ce 
Dieu  eft  bon ,  que  tout  ce  qu'il  a  fait  & 
qu'il  permet  ,  aboutira  enfin  au  bien  de  fès 
créatures  ç,  un  tel  homme  peut  conferver  fa 
vertu  8f  fbn  intégrité  ,  même  dans  la  con- 
dition la  plus  dure.  Il  eft  vrai  qu'il  faut  pour 
cet  effet  admettre  l'idée  des  récompeiifes 
èc  des  peines  à  venir. 
Tome  m. 


A  T  H  8oi> 

II  réfultc  delà  que  \'athc:fme  publique- 
ment profeffé  eft  punilîable  (lîivant  le 
droit  naturel.  On  ne  peut  que  dé/;ipprou- 
vcr  hautement  quantité  de  procédures  bar- 
bares &  d'exécutions  inhumaines,  que  le 
limple  Ibupçon  ou  le  prétexte  à'athéifmc 
ont  occalionées.  Mais ,  d'un  autre  côté , 
l'homme  le  plus  tolérant  ne  difconvicn- 
dra  pas  ,  que  le  magiftrat  n'ait  droit  de 
réprimer  ceux  qui  ofeut  profelfer  Vathéip 
me ,  &  de  les  faire  i)crir  même ,  s'il  ne 
peut  autrement  en  délivrer  la  fociété.  Per- 
fonne  ne  révoque  en  doute  ,  que  le  ma- 
girtrat  ne  foit  pleinement  autorifé  à  punir 
ce  qui  eft  mauvais  &  vicieux  ,  &  à  ré- 
compenfer  ce  qui  eft  bon  &  vicieux.  S'il 
peut  punir  ceux  qui  font  du  tort  à  une 
feule  perfonne  ,  il  a  fans  doute  autant  de- 
droit  de  punir  ceux  qui  en  font  à  toute 
une  fociété ,  en  niant  qu'il  y  ait  un  Dieu  y 
ou  qu'il  fe  mêle  de  la  conduite  du  genre 
humain  ,  pour  récompcnfer  ceux  qui  tra- 
vaillent au  bien  commun ,  &  pour  châ- 
tier ceux  qui  l'attaquent.  On  peut  regar- 
der un  homme  de  cette  forte  comme  l'en- 
nemi de  tous  les  autres ,  puifqu'il  renverfc 
tous  les  fondemens  fur  lefqucls  leur  confer- 
vation  &  leur  félicité  font  principale- 
ment établies.  Un  tel  homme  pourroit 
être  puni  par  chacun  dans  le  droit  de  na- 
ture. Par  conféquent  le  magiftrat  doit 
a\oir  droit  de  punir  non  feulement  ceux 
qui  nient  l'exiftence  d'une  divinité  ,  mais 
encore  ceux  qui  rendent  cette  exiftence 
inutile  ,  en  niant  fa  providence ,  ou  eu 
prêchant  contre  fon  culte  ,  ou  qui  font 
coupables  de  blafphcmes  formels ,  de  pro- 
fanations ,  de  parjures ,  ou  de  jurcmens 
prononcés  légèrement.  La  religion  eft  lî 
néceffaire  pour  le  foutien  de  la  fociété 
humaine  ,  qu'il  eli  impaffiblc  ,  connue  les 
païens  l'ont  reconnu  aiiffi  bien  que  les 
chrétiens  ,  que  la  fociété  fubfifte  fi  l'ou 
n'admet  une  puiffance  invifible  qui^  gou- 
verne les  affaires  du  genre  humain.  Voyez- 
en  la  preuve  à  l'article  des  athées.  La  crainte 
&  le  refpcdl  que  l'on  a  pour  cet  être  , 
produit  plus  d'effet  dans  les  hommes , 
pour  leur  faire  obferver  les  devoirs  dans 
lefquels  leur  félicité  confifte  fur  la  terre  , 
que  tous  les  fupplices  dont  les  magiftrats 
puiiTent  les  menacer.  Les  athées  mciiie 
Fffff 


8io  ATH 

n'ofent  le  nier  ^  &;  c'eft  pourquoi  ils  flip- 
pofent  que  la  religion  eft  une  invention 
des  politiques ,  pour  tenir  plus  facilement 
la  fociété  en  règle.  Mais  quand  cela  feroit , 
les  politiques  ont  le  droit  de  maintenir 
leurs  établifFcmens ,  &  de  traiter  en  enne- 
mis ceux  qui  voudroient  les  détruire.  Il 
n'y  a  point  de  politiques  moins  fenfés  que 
ceux  qui  prêtent  l'oreille  aux  infinuations 
de  Xathéifmt ,  &  qui  ont  l'imprudence  de 
faire  profeiïion  ouverte  d'irréligion.  Les 
athées  ,  en  flattant  les  fouverains ,  &  en 
les  prévenant  contre  toute  religion  ,  leur 
font  autant  de  tort  qu'à  la  religion  même, 
puifqu'ils  leur  ôtent  tout  droit ,  excepté 
la  force  ,  84  qu'ils  dégagent  leurs  fujets 
de  toute  obligation  &  du  ferment  de  fidé- 
lité qu'ils  leur  ont  fait.  Un  droit  qui  n'efl: 
établi  d'une  part  que  fur  la  force  ,  &  de 
l'autre  que  fur  la  crainte  ,  tôt  ou  tard  fe 
détruit  &  fê  renverfe.  Si  les  fouverains 
pouvoient  détruire  toute  confcience  &  toute 
religion  dans  les  efprits  de  tous  les  hom- 
mes, dans  la  penfée  d'agir  enfuite  avec 
une  entière  liberté  ,  ils  fe  verroient  bien- 
tôt enfevelis  eux-mêines  fous  les  ruines  de 
la  religion.  La  confcience  Se  la  religion 
engagent  tous  les  fujets  :  1°.  à  exécuter 
les  ordres  légitimes  de  leurs  fouverains , 
ou  de  la  puilFance  légiflative  à  laquelle  ils 
ibnt  fournis ,  lors  même  qu'ils  font  oppofés 
à  leurs  intérêts  particuliers  :  z°.  à  ne  pas 
réfifter  à  cette  même  puiiîance  par  la  for- 
ce ,  comme  S.  Paul  l'ordonne.  Kom.  ch.  xij. 
verf.  II.  La  religion  eft  encore  plus  le 
Ibutien  des  rois ,  que  le  glaive  qui  leur  a 
été  remis.  Cet  article  eft  tiré  des  papiers  de 
M.  Formey  ,  fecretaire  de  [académie  royale 
dePruJfe.(X) 

On  ne  peut  parler  de  l'athéifme  fans  dé- 
velopper les  opinions  de  celui  qui  l'a  réduit 
le  premier  en  lyftême. 

Spinosa  en  a  fait  un  corps  de  doc- 
trine lié  &  tiifu  félon  la  méthode  des  géo- 
mètres j  mais ,  d'ailleurs ,  fon  fentiment  n'eft 
pas  nouveau.  Il  y  a  long-temps  que  l'on 
a  cru  que  tout  l'univers  n'eft  qu'une  fiibf- 
tance ,  &  que  Dieu  &  le  monde  ne  font 
«pi'un  fèul  être.  Il  n'efl  pas  fur  que  Straton  , 
philofbphe  péripaticien ,  ait  eu  la  même 
opinion  ,  parce  qu'on  ne  fait  pas  s'il  en- 
feignoit  que  l'univers  ou  la  nature  fût  un 


ATH 

être  fîmple  Se  une  fubrtance  unique.  Ce 
qu'il  y  a  de  certain ,  c'eft  qu'il  ne  recon- 
uoilibit  d'autre  dieu  que  la  nanire.  Comme 
il  fe  moquoit  des  atomes  &  du  vuide  d"E- 
picure  ,  on  pourroit  s'imaginer  qu'il  n'ad- 
mettoit  point  de  diftinûion  entre  les  par- 
ties de  l'univers  ^  mais  cette  conféquence 
n'eft  point  néceffaire.  On  peut  feulement 
conclure  que  fbn  opinion  s'approche  infini- 
ment plus  du  fpinofifme  qne  le  f}-ftême  des 
atomes.  On  a  même  lieu  de  croire  qu'il 
n'enfeignoit  pas ,  com-me  faifbient  les  ato- 
miftes  ,  que  le  monde  fût  un  ouvrage 
nouveau  ,  Si  produit  par  le  hafard  ;  mais 
qu'il  enfeignoit ,  comme  font  les  fpinofif^ 
tes ,  que  la  nature  l'a  produit  néceffaire- 
ment  &  de  toute  éternité. 

Le  dogme  de  l'ame  du  monde  ,  qui  a 
été  fi  commun  parmi  les  anciens ,  &  qui 
faifoit  la  partie  principale  du  fyftême  des 
ftoïciens ,  eft ,  dans  le  fond  ,  celui  de  Spi- 
nofa  ;  cela  paroîtroit  plus  clairement ,  fî 
des  auteurs  géomètres  l'avoient  expliqué. 
Mais  comme  les  écrits  où  il  en  eft  fait  men- 
tion ,  tiennent  plus  de  la  méthode  des  rhé- 
toriciens  ,  que  de  la  méthode  dogmatique  j 
&  qu'au  contraire  Spinofa  s'eft  attaché  à  la 
précilion ,  fans  le  fervir  du  langage  figtiré ,  qui 
nous  dérobe  fi  fbu\'ent  les  idées  juftes  d'un 
corps  de  doûrine  ;  delà  vient  que  nous 
trouvons  plufieurs  différences  capitales  entre 
fbn  fyftême  &  celui  de  l'ame  du  monde» 
Ceux  qui  voudroient  fbutenir  que  le  fpi-' 
nofifme  eft  mieux  lié ,  devroient  auifî  fbu- 
tenir qu'il  ne  contient  pas  tant  d'orthodoxie  •■, 
car  les  iloïciens  n'ôtoient  pas  à  Dieu  la  pro- 
vidence :  ils  réuniffoient  en  lui  la  ccimoif- 
fànce  de  toutes  les  chofes  j  au  lieu  que  Spi- 
nofa ne  lui  attribue  que  des  connoillances 
féparées  &  très-bornées.  Lifez  ces  paroles 
de  Scncque  :  m  Eumdem  quem  nos,  Jovem  in- 
»  telligunt,  cu/lodem  ,  recloremque  univerji ^ 
n  animum  ac  fpiritum  ,  mundani  kujus  operis 
))  dominum  &  artificem  ,  cui  nomcn  omne 
»  convertit.  Vis  ilLum  fatum  vocare  ?  Non 
»  errabis  :  kiceft  ex quo  fufpenfa  funt  o.nnia  , 
))  eau  fa  caufarum.  Vis  illum  providentiam 
»  dicere  ?  Reâe  dicis.  Eft  tnim  eu  jus  confiio 
»  huic  mundo  providetur.  Vis  illum  naiuram 
»  vocare  ?  Non  ptccabis.  Eft  enim  ex  quo 
))  nota  fur.t  omnia  ,  cujus  fpiritu  vivimus. 
»   Vis  illum  vocare  mundum  ?  Non  falUris, 


A  T  H 

•  '/î/'  'fl  ti^'iTi  totiim  quod  rides  ^  totus  fuis 
»  panibus  induur  ^  tr  f<  fuflinens  vi  Juâ. 
»  QuceJ},  natur.  lib.  XI ,  dip.  xlv.  Et  ;iillciirs 
))  il  parle  ainfi  :  «  Quid  cji  auiem  ,  cur  non 
»  ezijfimes  in  co  divini  aliquid  cxijUrc  ,  qui 
»)  Dei  par  eft  ?  Totum  hoc  quo  continemur  ? 
j)  £•  unum  eji  &  De  us  ,  &  focii  ejus  fumus 
))  6"  memhra.  »  Epij}.  92.  Lifez  aufîi  le  tlii- 
cours  de  Catoii  ,  dans  le  ly,  Irv.  de  la 
Pharfale  ,  Se  fur-tout  coniidcrez-y  ces  trois 
vers. 

EJl-ne  Deifcdes  niji  terra  £•  pontus  5>  aer  , 
El  cœlum  fi»  vin  us  ?  Superos  quid  quœrimus 

ultra  ? 
Jupiter  eft  quodcumqut  vides  ,   quocumque 

moveris. 

Pour  revenir  à  Spinofa ,  tout  le  monde 
convient  qu'il  avoir  des  mœurs,  qu'il  fut  fo- 
bre ,  modéré ,  pacifique ,  dcfintéreJfé ,  même 
généreux  j  ion  cœur  n'étoit  taché  d'aucun 
de  ces  vices  qui  déshonorent.  Cela  eft  étrange^ 
mais  au  fond  il  ne  faut  pas  plus  s'en  éton- 
ner, que  de  voir  des  gens  qui  vivent  très- 
mal  ,  quoiqu'ils  aient  une  pleine  perfuaiîon 
de  l'évangile  j  ce  que  l'attrait  du  plaifir 
re  fit  point  dans  Spinofa  ,  la  bonté  & 
l'équité  naturelles  le  firent.  De  fon  obf- 
cure  retraite  fortit  d'abord  l'ouvrage  qu'il 
intitula  ,  cruiif  thcologico-politique  ,  parce 
qu'il  y  enviîàgc  la  religion  en  elle-même  , 
&  piir  rapport  à  fon  exercice  ,  eu  égard 
au  gouveriienient  civil.  Comme  la  cer- 
titude de  la  révélation  eft  le  fondement 
de  la  foi  ,  les  premiers  efforts  de  Spinofa 
Ibnt  contre  les  prophètes.  Il  tente  tout  pour 
a.foibiir  i'idcc  que  nous  avons  d'eux ,  & 
que  nous  puifons  dans  les  prophéties.  Il 
borne  à  la  fcience  des  mœurs  tout  le  mé- 
rite des  prophètes.  Il  ne  veut  pas  qu'ils 
aient  bien  connu  la  nature  &les  perfections 
de  l'être  fouverain.  Si  nous  l'en  croyons  , 
ils  n'en  fàvoient  pas  plus ,  &  peut-être  qu'ils 
n'en  favoient  pas  tant  que  nous. 

Moyfc ,  parexem.ple,  imaginoit  un  Dieu 
jaloux  ,  complaifant  Se  vindicatif  ^  ce  qui 
s'accorde  avec  l'idée  que  nous  devons  avoir 
de  la  divinité.  A  l'égard  des  miracles  ,  dont 
k  récit  eft  fi  fréquent  dans  les  écritures ,  il 
a  trouvé  qu'ils  n'étoient  pas  véritables.  Les 
prodiges ,  félon  lui ,  font  impofîibles  \  ils 
dérangeroieut  l'ordre  de  la  nature ,  6c  ce 


ATH  îit 

dérangement  eft  contradi(ftoire.  Enfin  , 
pour  nous  aftianchir  tout-d'un-coup  8c  nous 
mettre  à  l'aife  ,  il  détruit  par  un  chapitre 
ièul  toute  l'autorité  des  anciennes  écritures. 
Elles  ne  font  pas  des  auteurs  dont  elles 
portent  les  noms ,  ainfi  le  jKutateuque  ne 
icra  plus  de  Moylê  ,  mais  une  compilatioa 
de  vieux  mémoires  mal  digérés  par  Efdras. 
Les  autres  livres  facrés  n'auront  pas  une 
origine  plus  refpcftable. 

Spinofa  avoit  étonne  Sc  fcandali/c  l'Eu- 
rope par  une  théologie  qui  n'avoit  de  fon- 
dement que  l'autorité  de  ia  parole.  11  ne 
s'égara  pas  à  demi.  Son  premier  ouvrage 
n'étoit  que  l'eflai  de  fes  ioicts.  Il  alla  bien 
plus  loin  dans  un  fécond.  Cet  autre  écrit 
eft  fà  morale ,  où ,  donnant  carrière  à  fèi 
méditations  philofophiques  ,  il  plongea  fon 
ledteur  dans  le  fein  de  l'athéifme.  C'eft  prin- 
cipalement à  ce  monftre  de  hardieffe ,  qu'il 
doit  le  grand  nom  qu'il  s'eft  fait  parmi  Ict 
incrédules  de  nos  jours.  Il  n'eft  pas  vrai 
que  fes  leftateurs  fbient  en  grand  nombre. 
Irès-peu  de  perfonnes  font  foupçonnées 
d'adhérer  à  ia  doftrine  ,  &  parmi  ceux 
que  l'on  en  foupçoiuie  ,  il  y  en  a  peu  qui 
l'aient  étudié  ,  &  ,  entre  ceux-ci  ,  peu 
qui  l'aient  comprife ,  &  qui  foient  capa- 
bles d'en  tracer  le  vrai  plan ,  &  de  déve- 
lopper le  fil  de  les  principes.  Les  plus  fin- 
ceres  avouent  que  Spinofa  eft  incompré- 
henlible ,  que  fa  philofophie  fur-tout  eft: 
pour  eux  une  énigme  i^erpétuclle ,  &  qu'en- 
fin ,  s'ils  le  rangent  de  fon  parti,  c'eft  qu'il 
nie  avec  intrépidité  ce  qu'eux  -  mêmes 
avoient  un  penchant  fecret  à  ne  pas  croire. 

Pour  peu  qu'on  s'enfonce  dans  les  noires 
ténèbres  où  il  s'eft  enveloppé  ,  on  y  dé- 
couvre une  fuite  d'abymes  ,  où  ce  témé- 
raire raifonnenr  s'eft  précipité  prefque  dès 
le  premier  pas ,  des  propofit.ons  évidem- 
ment fauifes ,  &  les  autres  contcfti-'blcs  , 
des  principes  arbitraires  fubilitucs  aux  prin- 
cipes naturels  &  aux  vérités  lènfiblcs  ,  un 
abus  des  termes  la  plupart  pris  à  contre- 
fens ,  un  amas  d'équivoques  troirpeufes  , 
une  nuée  de  contradiftions  palpables. 

De  tous  ceux  qui  ont  réfuté  le  fpiiiofifine , 
il  n'y  a  perfonne  qui  fait  développé  auiîî 
nettem-ent ,  ni  combattu  avec  autant  d'avan- 
tage que  l'a  fait  M.  Bayle.  C'eft  pour- 
quoi je  me  fais  un  devoir  de  tranfcrire  ici 
^  Y  mil 


8iî  A  T  H 

un  précis  des  raifonnemens  par  lefquels  il 
a  ruiné  de  fond-en-comble  ce  fyftêinc 
monllrueux.  Mais  avant  d'en  faire  fentir  le 
ridicule ,  il  eft  bon  de  les  expofér.  Spinofa 
foutient  ,  i°.  qu'une  fubllance  ne  peut  pro- 
duire une  autre  fubftance  \  i'*.  que  rien  ne 
peut  être  créé  de  rien ,  parce  que  ce  fèroit 
une  contradiétion  manifefte  que  Dieu  tra- 
vaillât fur  le  néant  ,  qu'il  tirât  l'être  du 
non-être  ,  la  lumière  des  ténèbres  ,  la  vie 
de  la  mort  ;  3''.  qu'il  n'y  a  qu'une  feule 
fubftance  ,  parce  qu'on  ne  peut  appeller 
fubftance  que  ce  qui  eft  éternel ,  indépen- 
dant de  toute  caufe  fupérieure  ,  que  ce 
qui  exifte  par  foi-même  &  néceflairement. 
Or  ,  toutes  ces  qualités  ne  conviennent 
qu'à  Dieu  ,  donc  il  n'y  a  d'autre  fubftance 
dans  l'univers  que  Dieu  feul. 

Spinofa  ajoute  que  cette  fubftance  uni- 
que ,  qui  n'eft  ni  divifée  ,  ni  divifible  ,  eft 
douée  d'une  infinité  d'attributs ,  &  entr 'au- 
tres de  l'étendue  &  de  la  penfée.  Que  tous 
les  corps  qui  fe  trouvent  dans  l'univers  font 
des  modifications  de  cette  fubftance  en  tant 
qu'étendue  ,  &  que  les  âmes  des  hommes 
font  des  modifications  de  cette  fubftance 
en  tant  que  penfée.  Le  tout  cependant  refte 
immobile  ,  &  ne  perd  rien  de  fon  eifence 
pour  quelques  changemens  légers  ,  rapides , 
momentanés.  C'eft  ainii  qu'un  homme  ne 
ceffe  point  d'être  ce  qu'il  eft  en  effet ,  foit 
qu'il  veille ,  foit  qu'il  dorme ,  foit  qu'il  fe 
3-epofè  nonclialamment  , .  Ibit  qu'il  agillef 
avec  vigueur.  Ecoutons  ce  que  Bayle  op- 
pofe  à  cette  doftrine. 

1°.  Il  eft  impoflîble  que  l'univers  fcit  une 
fubftance  unique  •■,  car  tout  ce  qui  eft  étendu 
a  néceffairement  des  parties ,  &.  tout  ce  qui 
a  des  parties  eft  compofé  :  &  comme  les 
parties  de  l'étendue  ne  fubfiftent  point  l'une 
<laus  l'autre,  il  faut  néceffairement,  ou  que 
retendue  en  général  ne  foit  pas  une  fubf- 
tance ,  ou  que  chaque  partie  de  l'étendue 
foit  une  (ijbftance  particulière  &  diftinfte 
<le  toutes  les  autres.  Or  ,  fèk  n  Spinofa  , 
l'étendue  en  général  eft  l'attribut  d'iuiefubl- 
îance  :  d'rn  autre  côté ,  il  avoue  avec  les 
autres  philofoplies  ,  que  l'attribut  d'une 
fubftance  ne  diffère  point  réellement  de 
cette  fubftance  ;,  d'où  il  faut  conclure  que 
chaque  partie  de  l'étendue  eft  ujie  fubftance 
particuiicre  :  ce  ejui  ruine  les  foudcuieiis 


AT  H 

de  tout  le   {yftême  de   cet  auteur.   Pour 
cxcufcr  cette  abfurdité  ,  Spinofa  ne  fàuroit 
dire  que  l'étendue  en  général  eft  diftinctc 
de  la  (iibftance  de  Dieu  ^  car  s'il  le  difoit, 
il  enfeigneroit  que  cette  fubftance  eft  en 
elle-même   non  étendue  ;,   elle  n'eût  donc 
jamais  pu  acquérir  les  trois   dimcnfions  , 
qu'en  les  créant  ,  puifqu'il  eft  vifible  que 
l'étendue  ne   peut  fortir  ou   émaner  d'ua 
ftijet  non  étendu  ,  que  par  voie  de  créa- 
tion :  or  Spinofa  ne  croyoit  p^int  que  de 
rien  on  pût  faire  rien.  Il  eft  encore  vifible 
qu'une  fubftance  ncn  étendue  de  fa  nature  , 
ne  peut  jamais  devenir  le  lùjet  des  trois  di- 
m^enfions  :  car ,  comment  feroit-il  poffible 
de  les  placer  fur  ce  point  mathématique  ? 
elles  fubfiftercient  donc  fans  un  fujet,  elles 
feroient  donc  une  fubftance  \  de  forte  que 
li  cet  auteur  admettoit  une  diftinflion  réelle 
entre  la  fubftance  de  Dieu  ,  &  l'étendue  en 
général,    il  fcroit  obligé  de  dire  que  Dieu 
feroit  compofé  de  deux  fubftances  diftinc- 
tes  l'une   de  l'autre  ,  favoir ,   de  fon  être 
non  étendu  ,  &  de  l'étendue  :  le  voilà  donc 
obligé  de  reconnoître  que  l'étendue  8c  Dieu 
ne  font  que  la  même  chofe  ;   &   comme 
d'ailleurs  ,  dans  fes  principes ,  il  n'y  a  qu'une 
fubftance  dans  l'univers  ,  il  faut  qu'il  en- 
feigne  que  l'étendue  eft  un  être  fîniple  , 
&   auffi  exempt   de  compofition  que   les 
points  mathématiques  ;  mais  n'eft-ce  pas 
fe  moquer  du  monde  que  foutenir  cela  ? 
eft- il  plus  évident  que  le  nombre  millénaire 
eft  compcfé  de  mille  unités,  qu'il  n'eft  évi- 
dent qu'un  corps  de  cent  pouces ,  eft  com- 
pofé de  cent  parties  réellement  diftinftes 
l'une  de  l'autre ,  qui  ont  chaciuie  l'étendue 
d'un  pouce  ? 

Pour  îè  débarraffer  d'une  difficulté  iï 
preffante  ,  Spinofa  répcnJ.  que  l'étendue 
n'eft  pas  compofée  de  parties  ,  mais  de  mo- 
difications. Mais  a-t-it  pu  bien  fe  promet- 
tre quelque  avr-itage  de  ce  changement  de 
mot  ?  qu'il  évite  tant  qu'il  \'cuàra  le  nom 
de  partie  ,  qu'il  fubftitue  tant  qu'il  vou- 
dra celui  de  modalitg  ou  modification  ,  que 
fait  cela  à  l'affaire  ?  les  idées  que  l'on  atta- 
che au  mot  ponie  ,  s'effaceront-elles  ?  ne 
les  appliquera-ton  pus  au  mot  modif  cation  ? 
les  lignes  &  les  curaderes  de  diflérence 
font-ils  moins  réels  ,  ou  moins  évidcns  , 
quand  ou  diviiè  la  mauere  eu  modiiîca- 


A  TH 

tlons ,  que  quand  on  la  divifc  en  parties  •■, 
vifions  que  tout  cela  :  l'idée  de  la  matière 
demeure  toujours  celle  d'un  être  compofë  , 
celle  d'un  amas  de  plulieurs  fubllances.  Voici 
de  quoi  bien  prouver  cela. 

Les  modalités  font  des  êtres  qui  ne  peu- 
vent exifter  fans  la  fubftauce  qu'elles  modi- 
fient ,  il  faut  donc  que  la  fubibnce  fc  trouve 
par-tout  où  il  y  a  des  modalités  ,  il  faut 
même  qu'elle  fc  multiplie  à  proportion  que 
les  modifications  incompatibles  entr'elles 
fe  multiplient.  11  eft  évident ,  nul  fpinolille 
ne  peut  le  nier,  que  la  figure  quarréc  &  la 
figure  circulaire  font  incompatibles  dans 
le  même  morceau  de  cire  ■■,  il  faut  donc 
nécelTaireirient  que  la  fubftance  modifiée 
par  la  figure  quarrée  ne  foit  pas  la  même 
fiibftance  que  celle  qui  eft  modifiée  par  la 
figure  ronde  :  autremeiit  la  figure  quarrée 
&  la  figure  ronde  fe  trouveroient  en  même 
temps  dans  uu  fèul  &  même  uijet  :  or  ,  cela 
eft  impoiTible. 

2°.  S'il  eft  abfurde  de  faire  Dieu  étendu  , 
parce  que  c'eft  lui  ôter  fa  iimplicitc ,  &c  le 
compofer  d'un  nombre  infini  de  parties^  que 
dirons-uouï  quand  nous  fongerons  que 
c'cft  le  réduire  à  la  condition  de  la  naaire 
la  plus  vile  ,  en  le  faifant  matériel  ,  la  ma- 
tière étant  le  tliéatre  de  toutes  les  corrup- 
tions &  de  tous  les  chan;j£mens  ?  Les  fpi- 
rofiiîes  fouticnnent  pourtant  qu'elle  ne  fouf 
fre  nulle  divifion  ,  mais  ils  fouticnnent  cela 
par  la  plus  fri\ole  ck  la  plus  froide  ciiica- 
iierie  qui  puilfe  fe  voir.  Afin  que  la  matière 
fû*  divifie  ,  difent-ils ,  il  faudroit  que  l'une 
de  Ces  portions  fût  féparce  des  autres  par  des 
efp^ces  vuides  :  ce  qui  n'arrive  jamais  ^  mais 
c'elt  très-mal  définir  la  di\  ifion.  Nous  Som- 
mes an(Ti  réellement  féparés  de  nos  amis  , 
lorfqiie  l'intervalle  qui  nous  fépare  ,  eft  oc- 
cupé par  d'autres  hommes  rangés  de  file , 
que  s'il  étoit  plein  de  terre.  On  rcnvcrfe 
donc  &  les  idées  &  le  langage ,  qua-id  on 
nous  fouticut  que  la  matière  réduite  en 
ceiidres  ti  eu  fumée  ,  ne  foutîre  point  de 
réparation. 

3°.  Nous  allons  voir  des  abfurdités  en- 
core plus  monftrueufes  ,  en  confidérant  le 
dieu  de  Spinofa  ,  comme  le  fujct  de  toutes 
les  modifications  de  la  penfée  :  c'eft  dcja 
une  grande  dimculté  que  de  concilier  l'éten- 
due &  ia  peulee  dans  une  feule  fubUaiicc  j 


ATH  815 

&  il  ne  lagit  point  ici  d'un  alliage  comme 
celui  des  métaux,  ou  connue  celui  de  l'eau 
6c  du  vin  ;,  cela  ne  demande  que  la  jiifla- 
pojltion  :  mais  l'alliage  de  la  penfée  &  de 
l'étendue  doit  être  une  ideiuhc.  Je  fuis 
fur  que  fi  Spinofa  avoit  trouvé  un  tel  em- 
barras dans  luie  autre  feéte  ,  il  l'auroit 
|ugée  indigne  de  fon  attention  \  mais  il 
ne  s'en  eft  pas  fait  une  affaire  dans  fa  pro- 
pre caufc  :  tant  il  eft  vrai  que  ceux  qui 
cenfurent  le  plus  dédaigneulèment  les  pen- 
fées  des  autres  ,  font  fort  indulgens  eiivers 
eux-mêmes.  Il  (e  moquoit  fans  doute  du 
myfterede  la  Trinité,  &c  il  admiroitqu'uuc 
infinité  de  gens  oiâlïcnt  parler  d'une  na- 
ture formée  de  trois  hypoftafes ,  lui  qui , 
à  proprement  parler  ,  donne  à  la  nature 
divine  autant  de  perfonnes  qu'il  y  a  de 
gens  fur  la  terre  j  il  rcgardoit  comme  (lus 
fous  ,  ceux  qui ,  admettant  la  îransfùbftan- 
tiation  ,  difent  qu'un  homme  peut  être 
tout-à-la-fois  en  pkifieurs  lieux  ,  vivre  à 
Paris  ,  être  mort  à  Rome  ,  ùc.  lui  qui 
foutient  que  la  fubftance  étendue  ,  unique  , 
&  indivifible ,  eft  tout  à  la  fois  par-tout , 
ici  froide  ,  ailleurs  chaude  ,  ici  irifte  ,  ail- 
leurs gaie  ,  (Se. 

S  il  y  a  quelque  chofè  de  certain  &  d'in- 
conteft.able  dans  les  connoiftanccs  humai- 
nes ,  c'eft  cette  propofition-ci  :  on.  ne  peut 
affirmer  véritablement  d'un  même  fujet  ,  aux 
mêmes  égards  ,  &  en  même  temps  ,  deux 
termes  qui  font  oppofés  ^  par  exempte  ,  on  ne 
peut  pas  dire  fans  mentir  ,  Pierre  fe  porte 
bien  ,  Pierre  efi  fort  malade.  Les  fpinofiftcs 
ruinent  cette  idée  ,  &  la  juftifieut  de  telle 
iorte ,  qu'on  ne  fait  plus  où  ils  pourroient 
prendre  le  earaftcrc  de  la  vérité  :  ciU"  ,  fi 
de  telles  propofitions  étoicnt  fauftes  ,  il 
n'y  en  a  point  qu'on  pût  garaiitir  pour 
vraies.  Montrons  que  cet  axiome  eft  très- 
faux  dans  leur  fyftên-e  ,  &  pofbns  d'abord 
poiu-  maxime  inconteftable  que  tous  les 
titres  que  l'on  do;ine  à  ce  fujet  ,  pour 
fignifier  on  tout  ce  qu'il  fait ,  eu  tout  ce 
qu'il  foui,î"re  ,  conviennent  proprement  & 
phyfiquenient  à  la  fubftance  ,  &  non  pas 
à  fes  accidens.  Quand  nous  l'ilbns  :  le  fer 
eft  dur  ,  le  fer  eft  pefant ,  il  s'enfonce  dans 
l'eau  ^  nous  ne  prétendons  point  dire  ,  que 
fa  pefanteur  eft  pefante  ,  6'c.  ce  langage 
feroit  très-impertinent  ,  nous  voulons  dire 


8i4  ATH 

que  la  fubflancc  étendue  qui  le  compofc  , 
rcfifte  ,  qu'elle  pefe  ,  qu'elle  dcfcena  fous 
l'eau.  Ue  même  ,  quand  nous  difons  qu'un 
homme  nie  ,  affirme  ,  fe  fâche  ,  careife  , 
loue  ,   &c.   nous  faifons  tomber  tous  ces 
attributs  fur   la   fubftance    même  de  fou 
ame  ,  &  non  pas  fur  fes  penfées ,  en  tant 
qu'elles  font  des  accidens  ou  des  modifi- 
cations. S'il  étoit  donc  vrai ,   comme   le 
prétend  Spinofa  ,  que  les  hommes  fulfent 
des  modalités  de  Dieu,  on  parlcroit  fauf- 
fement  quand  on  diroit  :  Pierre  nie  ceci  , 
il  veut  ceci ,  il  veut  cela  ,  il  affirme  une 
telle  chofe  :  car  réellement  ,  félon  ce  fyf 
terne  ,  c'eft  Dieu  qui  nie  ,  qui  veut  ,  qui 
affirme  ,  Se  par  conféquent  toutes  les  dé- 
nominations   qui   réfultent   de    toutes   les 
penfées  des  hommes  ,  tombent  proprement 
&  phyfiquement  fur  la  fubftauce  de  Dieu  ^ 
d'où  il  s'enfuit  que  Dieu  hait  ik  aime ,  nie  & 
affirme  les  mêmes  chofes ,  en  même  temps, 
&  félon  toutes  les  conditions  requifes ,  pour 
faire  que  la  règle  que  nous  avons  rapportée 
touchant  les  termes  oppofés ,  foit  faulie:  car 
on  ne  fauroit  nier  que  ,  félon  toutes  ces  con- 
ditions priics  en  toute  rigueur,  certains  hom- 
mes n'aiment  &  n'affirment  ce  que   d'au- 
tres hommes  haïflent  &  nient.  Pailbns  plus 
avant  :  les  termes  contradiâoires  vouloir 
&  ne  vouloir  pas ,  conviennent  félon  tou- 
tes   ces   conditions  ,   en   même   temps   à 
diiïércus  hommes  ^  il  faut  donc  que  dans 
le  fyftêine  de  Spinofa  ,   ils  conviennent  à 
cette  fubftance  unique  &  indivifible  qu'on 
nomme  Dieu.  C'eft  donc  Dieu  qui  forme 
en  mêine  temps  l'afte  de  vouloij  ,  &  qui 
ne  le  forme  pas  à  l'égard  d'un  même  ob- 
jet. On  vérifie  donc  de   hii  deux  termes 
contradiâoires ,  ce  qui  eft  le  renverfement 
des  premiers   principes    de  la   métaphyii- 
que  :  un  cercle  quarré  n'eft  pas  plus  une 
contradidtion  ,  qu'une  fubftance  qui  aime 
&:  hait  en  même  temps  le  même  objet  : 
voilà  ce  que  c'eft  que  la  faulFe  dclicateife. 
Notre  homme  ne  pouvoit  fouffrir  les  moin- 
dres obfcurités ,  ni  du  péripatétifme  ,  ni  du 
{'udaïfme ,   ni  du  chriftianifme  ,  &  il  cm- 
jraifoit  de  tout  fon  cxm  une  hypothefe  qui 
allie   enfemble  deux  termes  aulTi  oppofés 
que  la  fii^furc  quarrée  &  la  circulaire ,  &  qui 
fait  qu'une  infinité  d'attributs  difcordans  & 
incompatibles  ,  &  toute  la  variété  &  l'an- 


A  T  H 

tîpathle  des  panfées  du  »enre  humain  (ê  cer- 
tifient tout  à  la  fois ,  d'une  feule  &  même 
fubftance  très-fimple  &  indivifible.  On  dit 
ortlinairement  -^quot  capita  ^totf(nfus\  mai» 
lèlon  Spinofa ,  tous  les  fentimens  de  tous  les 
iiommes  fontdans  une  feule  tête.  Rapporter 
iimplement  de  telles  chofes ,  c'eft  les  ré- 
futer. 

4°.  Mais  fi c'eft,phyfiquement  parlant, une 
abfurdité  prodi;;ieufe ,  qu'un  fujet  fimple  &c 
unique  Ibit  modifié  en  même  temps  par  les 
peniees  de  tous  les  hommes ,  c'eft  une  abo- 
mination exécrable  quand  on  confidere  ceci 
du  côté  de  la  morale. 

Quoi  donc  !  l'être  infini  ,  l'être  néceflai- 
re ,   Ibuverainement  parfait  ,  ne  fera  point 
ferme  ,  conftant ,   &  immuable  ?  que  dis- 
je  ,  immuable  !  il  ne  fera  pas  un  moment  le 
même  ^  fes  penfées  fe  fuccéderont  les  unes 
aux  autres  ,  fans  fin  &  fans  ceffe  ;  la  même 
bigarrure  de  paffions  &  de  fentimens   ne 
fe  verra  pas  deux  fois  ;  cela  eft  dur  à  di- 
gérer. Voici   bien  pis  :  cette  mobilité  con- 
tinuelle   gardera    beaucoup    d'uniformités 
en  ce  fcns  ,  que  toujours  pour  une  bonne 
penfée ,  l'être  infini  en  aura  de  mille  for- 
tes ,   d'extravagantes  ,  d'impures  ,  d'abo- 
minables ;   il   produira  en  lui-même  tou- 
tes les  folies  ,  toutes  les  rêveries  ,  toutes 
les  feletés ,  toutes  les  iniquités  du   genre 
hu.main  ■-,  il  en  fera  non  feulement  la  caufe 
efficiente  ,  mais  auffi  le  fujet  paffif  ^  il  fe 
joindra  avec  elles  par  l'union  la  plus  in- 
time que  l'on  puifté   concevoir  :  car  c'eft 
une  union  pénétrable  ,  ou  plutôt  c'eft  une 
vraie  identité ,  puifque  le  mode  n'eft  point 
diflinft  réellement  de  la  fubftance   modi- 
fiée. Plufieurs  grands  philofophes  ne  pou- 
vant   comprendre    qu'il     foit    compatible 
avec  l'être  Ibuvcrainement  bon  ,  de  fouf- 
frir  que  l'homme  foit  fi  méchant  &  fi  mal- 
heureux ,  ont  fuppofé  deux  principes ,  l'iui 
bon  ,  l'autre  mauvais  :  &  voici  un  philo- 
fophe  qui  trouve  bon  que  Dieu  foit  bien 
lui-même  &  l'agent  &  le  patient  de  tous 
les  crimes  ,    &  de  toutes  les  miferes  de 
riiommc.  Que  les  hommes  iè  haiffent  les 
uns  les  autres  ,  qu'ils  s'cntr'aftaffinent  au 
coin  d'un  bois ,  qu'ils  s'affemblent  en  corps 
d'armée   pour  s'entretuer  ,   que   les  vain- 
queurs mangent  quelquefois  les  vaincus  : 
cela  fc  comprend  ,  parce  qu'ils  font  dif- 


A  T  H 

•  %în£ts  les  uns  des  autres  ;  maïs  que  les 
hommes  n'étant  que  l;i  modification  du 
même  être  ,  n'y  ayant  par  coiifcquent  que 
Dieu  qui  agillc  ,  &  le  même  Dieu  en 
nombre  ,  qui  Te  modifie  en  turc  ,  en  le 
modifiant  en  hons^rois  ,  il  y  ait  des  guer- 
res &;  des  batailles  ;  c'cft  ce  qui  furpalFe 
tous  les  monllrcs  &  tous  les  déréglemens 
chimériques  des  plus  folles  têtes  qu'on  ait 
jamais  enfermées  dans  les  petites  mailbns, 
Ainfi  ,  dans  le  fyltéme  de  Spinofa ,  tous 
ceux  qui  difcnt ,  /es  Allemands  ont  tué  dix 
mille  Turcs  ,  parlent  mal  &  faulîèment ,  à 
moins  qu'ils  n'entendent  ,  Dieu  modifie 
en  Allemand  ,  a  tué  Dieu  modifié  en  dix 
mille  Turcs  j  &  ainfi  toutes  les  phrafes 
par  lefquelles  on  exprime  ce  que  fe  font 
les  hommes  les  uns  contre  les  autres  , 
n'ont  point  d'autre  fens  véritable  que  celui- 
ci  ,  Dieu  fe  hait  lui-même ,  il  fe  demande 
des  grâces  à  lui-même  ^  &  fe  les  refufe  ;  // 
fe  perfécute  ,  //  fe  tue  ,  /'/  fe  mange  ,  il  fe 
calomnie  ,  il  s'envoie  fur  [échafiud.  Cela  fe- 
roit  moins  inconcevable  ,  11  Spinofa  s'étoit 
repréfenté  Dieu  comme  un  aiiémblaçe  de 
plufieurs  parties  diftinftes  \  mais  il  l'a  ré- 
duit à  la  plus  parfaite  fimplicité  ,  à  l'unité 
de  fubftance  ,  à  l'indivifibilité.  Il  débite 
donc  les  plus  infâmes  &  les  plus  furieulès 
extravag-ances  ,  &  infiniment  plus  ridicules 
que  celles  des  poètes  touchant  les  dieux 
du  paganifinc. 

5°.  Encore  deux  objeâions.  Il  y  a  eu 
des  philofophes  aflez  impies  pour  nier  qu'il 
y  eût  un  Dieu  ,  mais  ils  n'ont  point  poulie 
leur  extravagance  jufqu'à  dire  ,  que  s'il 
exiftoit ,  il  ne  leroit  point  une  nature  par- 
faitement heureule.  Les  plus  grands  fcep- 
tiques  de  l'antiquité  ont  dit  que  tous  les 
hommes  ont  une  idée  de  Dieu  ,  félon  la- 
quelle il  eft  une  nature  vivante  ,  heureufè  , 
incorruptible  ,  parfaite  dans  la  félicité  , 
&  nullement  fufceptible  de  maux.  C'étoit 
fans  doute  une  extravagance  qui  tenoit  de 
la  folie  ,  que  de  ne  pas  réunir  dans  là  na- 
ture divine  l'immortalité  &  le  bonheur. 
Plutarque  réfute  très-bien  cette  abfurdité 
des  ftoïques  :  mais ,  quelque  folle  que  fût 
cette  rêverie  des  ftoïciens  ,  elle  n'ôtoit 
point  aux  dieux  leur  bonheur  pendant  la 
vie.  Les  fpinofiftes  font  peut-être  les  feuls 
qui  aient  réduit  la  divinité  à  la  mifere. 


AT  H 


»'y 


Or  ,  quelle  mifere  ?  Quelquefois  fi  gran 
de  ,  qu'il^  fe  jette  dans  le  défcfijoir  ,  Se 
qu'il  s'anéantiroit  s'il  le  pouvoit  \  il  y  tâ- 
clie ,  il  s'ôte  tout  ce  qu'il  peut  s'ôter  i  il 
fe  pend  ,  il  fe  précipite  ne  pouvant  plus 
fiipi^orter  la  trifteflé  ailieufc  qui  le  dévore. 
Ce  ne  font  point  ici  A<i%  déclamations  , 
c'efl  un  langage  exadl  &  philofophiquo  j 
car  fi  l'homme  n'eft  qu'une  modification, 
il  ne  fait  rien  ;  ce  feroit  une  phrafe  im- 
pertinente ,  boufibniie  ,  burlefque  que  de 
(hre  ,  la  joie  cji  gaie  ,  la  trifejfe  eft  trifte. 
C'eli  une  femblable  plirafc  dans  le  ïyftême 
de  Spinofa  que  d'ailirmer  ,  t  homme  peiife  , 
t  homme  s'afflige  ,  l'homme  fe  pend  ,  &c. 
1  outes  ces  propofitions  doivent  être  dites 
de  la  fubfiance  dont  1  homme  n'eft  que  le 
mode.  Coiument  a-t-on  pu  s'imagi/ier 
qu'une  nature  indépendante  qui  exifte  par 
elle-même  ,  &  qui  poii'cde  des  perfcdions 
infinies ,  foit  fujctte  à  tous  les  malheurs  du 
genre  humain  i  Si  quelque  autre  nature  la 
contraignoit  à  fe  donner  du  chagrin  ,  à 
fèntir  de  la  douleur ,  on  ne  trouveroit  pas 
fi  étrange  qu'elle  employât  fon  aétivité  à 
fe  rendre  malheureufe  ;  on  diroit ,  il  faut 
bien  qu'elle  obéillè  à  une  force  nuijeure  : 
c'eft  apparemment  pour  éviter  un  plus  grand 
mal  ,  qu'elle  fe  donne  la  gra\cl]e  ,  la  co- 
lique ,  la  fièvre  chaude ,  la  rage.  Mais  elle 
ell  feule  dans  l'univers  ,  rien  ne  lui  com- 
mande ,  rien  ne  l'exhorte  ,  rien  ne  la  prie. 
C'eft  fa  propre  nature  ,  dit  Spinofa  ,  qui 
la  porte  à  fe  donner  elle-même  en  certai- 
nes circonftances  un  grand  chagrin  ,  &  une 
douleur  très-vive.  Mais  ,  lui  rcpondrai-je  , 
ne  trouvez-vous  pas  quelque  chofe  de  mont 
truciix  &  d'inconcevable  dans  une  telle 
fatalité  ? 

Les  raifons  très-fortes  qui  combattent 
la  dodrine  que  nos  âmes  font  une  por- 
tion de  Dieu  ,  ont  encore  plus  de  folidité 
contre  Spinofa.  On  objecte  à  Pythagoras 
dans  un  ouvrage  de  Cicéron  ,  qu'il  rélulte 
de  cette  doélrine  trois  fauirctés  évidentes  : 
1°.  que  la  nature  divine  feroit  déchirée  en 
pièces  ;  2°.  qu'elle  feroit  malheureufe  au- 
tant de  fois  que  les  hoiumes  ;  ^5°.  que  l'ef- 
prit  humain  n'ignorereit  aucune  chofe  , 
puifqu'il  feroit  Dieu. 

6°.  Je  voudrois  favoir  à  qui  il  en  veut, 
quand  il  rejette  certaines  dodrincs,     6c 


8i(î 


A  T  H 


qu'il  en  propofe  d'autres.  Veut-il  appr^rti- 
dre  des  vérités  ?  Veut-il  réfuter  des  er- 
reurs ?  Mais  eli-il  en  droit  de  dire  qu'il 
y  a  des  erreurs  ?  Les  penfées  des  philofo- 
phes  ordinaires,  celles  des  juifs  ,  celles  des 
chrétiens  ne  font-elles  pas  des  modes  de 
l'être  infini ,  auflî-bieu  que  celles  de  fon 
éthique  ?  Ne  font-elles  pas  des  réalités 
aufli  néceflaires  à  la  perfection  de  l'uni- 
vers que  toutes  les  fpeculations  ?  N'éma- 
nent-elles pas  de  la  caufe  nécellaire  ?  Com- 
ment donc  ofe-t-il  prétendre  qu'il  y  a  là 
quelque  chofè  à  rediifier  ?  En  fécond  lieu , 
ne  prétend-il  pas  que  la  nature  dont  elles 
font  les  modalités  ,  a;jit  néceiîîiircment  , 
qu'elle  va  toujours  fon  grand  chemin  , 
qu'elle  ne  peut  ni  le  détourner ,  ni  s'arrê- 
ter ,  ni  qu'étant  unique  dans  l'univers  , 
aucune  caulè  extérieure  ne  l'arrêtera  jamis 
ni  redrelfera  ?  Il  n'y  a  donc  rien  de  plus 
inutile  que  les  leçons  de  ce  philofoplie  ? 
C'eit  bien  à  lui  ,  qui  n'eft  qu'une  modi- 
fication de  flibilance ,  à  prefcrire  à  l'Etre 
infini ,  ce .  qu'il  faut  faire.  Cet  être  l'en- 
îendra-t-ii  ?  Et  s'il  l'entendoit  ,  pourroit-il 
en  profiter  ?  N'agit-il  pas  toujours  félon 
toute  l'étendue  de  fes  forces  ,  fans  favoir 
ni  où  il  va  ,  ni  ce  qu'il  fait  ?  Un  homme , 
comme  Spuwfa ,  fè  tiendroit  en  repos  , 
s'il  raifonnoit  bien.  S'il  eft  poflible  qu'un 
tel  dogme  s'établifle ,  diroit-il  ,  la  nécef- 
lité  de  la  nature  l'établira  fans  mon  ou- 
vrage ;  s'il  n'eft  pas  pbiïible  ,  tous  mes 
écrits  n'y  feront  rien. 

Le  fyftême  de  Spinofa  choque  fi  vifi- 
blement  la  raifon  ,  que  fes  plus  grands 
adm.irateurs  reconnoilTent  que ,  s'il  avoit 
enfeigné  les  dogmes  dont  on  l'accufe ,  il 
feroit  digne  d'exécration  j  mais  ils  préten- 
dent qu'on  ne  l'a  pas  entendu.  Leurs  apo- 
logies ,  loin  de  le  difculper ,  font  voir  clai- 
rement que  les  adverfaires  de  Spinofa  l'ont 
tellement  confondu  &  abymé  ,  qu'il  ne 
leur  relie  d'autre  moyen  de  leur  répliquer , 
que  celui  dont  les  janfenilles  fè  font  fèr- 
vis  contre  les  jéfuites ,  qui  eft  de  dir-j  que 
fon  fentiment  n'ell  pas  tel  qu'on  le  fup- 
pofè  :  voilà  à  quoi  fe  réduifent  fes  apolo- 
giftes.  Afin  donc  qu'on  voie  que  perforuie 
ne  fauroit  difputer  à  (es  adverlaires  l'hon- 
neur du  triomphe  ,  il  fulUt  de  confidé- 
rer  qu'il  a  ciOTeigné  effedtiveuicnt  ce  qu'on 


A  T  H 

lui  impute ,  &  qu'il  s'eft  contredit  froP 
fièrement  &  n'a  fu  ce  qu'il  vouloit.  On  lui 
tait  un  crime  d'avoir  dit  que  tous  les 
êtres  particuliers  font  des  modifications 
de  Dieu.  Il  eft  manifefte  que  c'eft  Ça 
doftrine  ,  puifque  là  propofition  14e  eft 
celle-ci  ,  prœcer  Deum.  nulla  dari  nique 
concipi  potejt  fuhflantia  ,  &  qu'il  alfure  dans 
la  1 5«  quidquid  eft  ,  in  Deo  eft  ,  &  nihtl 
fine  Deo  neque  cJJ'e  neque  concipi  poteji.  Ce 
qu'il  preuve  par  la  raifoa  que  tout  eft 
mode  ou  lubftance  ,  &  qi;e  les  modes  ne 
peuvent  exifter  ni  être  conçus  fans  la  fiibf' 
tance.  Quand  donc  un  apologifte  de  Spi- 
nofa parle  de  cette  manière ,  s'il  étoit  \rai 
que  Spinofa  eût  enfeigné  que  tous  les  êtres 
particuliers  font  des  modes  de  la  fiibftance 
divine  ,  la  vidoire  de  k%  adverfaires  fe- 
roit complète  ,  &  je  ne  voudrois  pas  la 
leur  eontefter  \  je  ne  leur  contefte  que  le 
fait ,  je  ne  crois  pas  que  la  doârine  qu'ils 
ont  réfutée  foit  dans  fon  livre.  Quand  ^ 
dis-je  ,  un  apologifte  parle  de  la  forte  , 
que  lui  manque-t-il?  qu'un  aveu  formel 
de  la  défaite  de  fon  héros  ;  car  évidem- 
ment le  dogme  en  queftion  eft  dans  la  mo- 
rale de  Spinofa. 

Il  ne  faut  pas  oublier  que  cet  impie  n'a 
point  méconnu  les  dépendances  inévitables 
de  fon  fyftême  ,  car  il  s'eft  moqué  de  l'ap- 
parition des  eljjrits ,  &  il  n'y  a  point  da 
plîilofopliie  qui  ait  moins  de  droit  de  la 
nier:  il  doit  rcconnoîîre  que  tout  penlè 
dans  la  nature  ,  &  que  l'homme  n'eft  point 
la  plus  éclairée  &  la  plus  intelligente  modi- 
fication de  l'univers  :  il  doit  donc  admettre 
des  démons.  Quand  on  fuppofe  qu'un  ef- 
prit  fouverainement  parfait  a  tiré  les  créa- 
tures du  ièin  du  néant ,  fans  y  être  déter- 
miné par  fa  nature  ,  mais  par  un  choix 
libre  de  fon  bon  plaifir ,  on  peut  nier  qu'il 
y  ait  des  anges.  Si  vous  demandez  pour- 
quoi un  tel  créateur  n'a  point  produit  d'au- 
tres elî^rits  que  l'ame  de  l'homme  ,  on  vous 
répondra ,  tel  a  été  fon  bon  plaifir  ,  fat 
pro  ratione  voluntas  :  vous  ne  pourrez  op- 
pofer  rien  de  railônnable  à  cette  réponlè , 
à  moins  que  vous  ne  prouviez  le  fait ,  c'eft- 
à-dire,  qu'il  y  a  des  anges.  Mais  quand 
on  fuppofe  que  le  Créateur  n'a  point  agi 
librement  ,  qu'il  a  cpuifé  ,  fans  choix  ni 
règle  ,  toute  l'étendue  de  fa  puilFance,   & 

que 


A  T  H 

que  d'ailleurs  In  penfée  eft  un  de  fos  attri- 
buts, on  eft  ridicule  fi  l'on  foutient  qu'il 
n'y  a  pas  des  dcinons.  On  doit  croire  i|ue 
la  penl'ée  du  Créateur  s'eft  modifiée,  non 
feulement  dans  le  corps  des  hommes,  mais 
auflî  par -tout  l'univers,  &  qu'outre  les 
animaux  que  nous  connoiiTons ,  il  y  en  a 
ime  inrinitc  que  nous  ne  connoifïons  pas , 
&  qui  nous  furpaireiu  en  lumières  &  en 
malice,  autant  que  nous  furpaffons,  à  cet 
égard,  les  cliiens  &lesbœuls.  Carcef'eroit 
lachofedumondelamoinsraifonnahle  ,  que 
d'aller  s'imaginer  que  l'elprit  de  l'homme 
eft  la  modification  la  plus  parfaite  qu'un 
Etre  infini ,  agiffant  félon  toute  l'étendue 
de  Tes  forces ,  a  pu  produire.  Nous  ne 
concevons  nulle  liailon  naturelle  entre 
l'entendement  &  le  cerveau;  c'eH:  pour- 
quoi nous  devons  croire  qu'une  créature 
fans  cerveau  eft  auffi  capable  de  penfér  , 
qu'une  créature  organifée  comme  nous  le 
fonmes.  Qu'eft-ce  donc  qui  a  pu  porter 
Spino/h  à  nier  ce  que  l'on  dit  des  efprits  ? 
Pourquoi  a-t-il  cru  qu'il  n'y  a  rien  dans 
le  monde  qui  foit  capable  d'exciter  dans 
notre  machine  la  vue  d'un  fpeftre,  de 
faire  du  bruit  dans  une  chambre  ,  &  de 
cauCer  tous  les  phénomènes  magiques  dont 
les  livres  font  inention?  Efl-ce  qu'il  a  cru 
que,  pour  produire  ces  effets,  il  t'audroit 
avoir  un  corps  auffi  maffit  que  celui  de 
l'homme  ,  &  qu'en  ce  cas-là  les  démons 
ne  pourroient  pas  fubfifter  en  l'air  ,  ni 
entrer  dans  nos  maiibns ,  ni  fe  dérober  à 
nos  yeux  ?  Mais  cette  peniee  feroic  ridi- 
cule :  la  mafTe  de  chair  dont  nous  fommcs 
compofés,  eft  moins  un  aide  qu'un  obl- 
tacle  à  l'elprit  &  à  la  force  :  j'entends  la 
force  immédiate  ou  la  faculté  d'applic|uer 
les  inftrumens  les  plus  propres  à  la  pro- 
duction des  grands  effets.  C'eft  de  cette 
faculté  que  naiffent  les  acf  ions  les  plus  fur- 
prenantes  de  l'homme  :  mille  &c  mille  exem- 
ples le  font  voir.  Un  ingénieur  ,  petit 
comme  un  nain,  maigre,  pâle,  fait  plus 
de  chofes  que  n'en  feroient  deux  mille 
fauvages  plus  forts  que  Milon.  Une  ma- 
chine animée  ,  plus  petite  dix  mille  fois 
qu'une  fourmi  ,  pourroit  être  plus  capable 
de  produire  de  grands  effets  qu'un  élé- 
phant :  elle  pourroit  découvrir  les  parties 
infenfibles  des  animaux  &c  des  plantes  , 
Tome   m. 


A  T  H  Sn 

aller  fe  placer  fur  le  flege  des  praniers  refTorts 
de  notrecerveau,  &  y  ouvrir  des  valvules, 
dont  l'effet  fcroit  que  nous  viffions  des 
fantômes  &  entcndilTions  du  bruit.  Si  les 
médecins  connoifToieiu  les  premières  fibres 
&  les  premières  combinaifons  des  parties 
dans  les  végétaux,  dans  les  minéraux,  dans 
les  animaux  ,  ils  connoitroient  aufll  les 
inftrumens  propres  à  les  déranger,  &f  ils 
pourroicntappliquer  ces  inftrumens  comme 
il  ieroit  néceftaire  pour  produire  de  nou- 
veaux arrangemens ,  qui  convcrtiroient  les 
viandes  en  poifon,  &:les  poilbns  en  bonnes 
viandes.  De  tels  médecins  feroient ,  fans 
cornparaifon,  plus  habiles  qu'Hippocrate  ; 
&  s'ils  étoicnf  allez  petits  pour  entrer  dans 
le  cerveau  &  dans  les  vifceres,  ils  guériroient 
qui  ils  voudroicnt,  &  ils  cauferoient  aufTi  , 
quand  ils  voudroient  ,  les  plus  étranges 
maladies  qui  fe  puiffent  voir.  Tout  fe  ré- 
duit à  cette  queftion  :  eft-il  pofTible  qu'une 
modification  invifible  ait  plus  de  lumières 
que  l'homme  &  plus  de  méchanceté .''  Si 
Splnofa  prend  la  négative  ,  il  ignore  les 
conléquences  de  fon  hypothefe  ,  &  fe 
conduit  témérairement  &  (ans  principes. 

S'il  eiît  raifonné  cotiréquemment ,  il  n'eût 
pas  auflî  traité  de  chimérique  la  peur  des 
enfers.  Qu'on  croie  tant  qu'on  voudra  que 
cet  univers  n'eft  point  l'ouvrage  de  Dieu  , 
&  qu'il  n'eft  point  dirigé  par  une  nature 
fimple  ,  fpirituelle  &  diftinde  de  tous  les 
corps,  il  faut  pour  le  moins  que  l'on, 
avoue  qu'il  y  a  cerfaines. chofes  qui  ont  de 
l'intelligence  &  des  volontés,  îk  qui  font 
jaloult's  de  leur  pouvoir  ;  qui  e>:e;cent  leur 
autorité  fur  les  autres ,  qui  leur  comman- 
dent ceci  ou  cela ,  qui  les  châtient ,  qui 
les  maltraitent,  qui  fe  vengent  févérement. 
La  terre  n'eft-elle  pas  pleine  de  ces  fortes 
de  chofes  ?  Chaque  homme  ne  le  lait- il  pas 
par  expérience  ?  S'imaginer  que  tous  les 
êtres  de  cette  nature  fe  foient  trouvés  pré- 
cifément  (ur  la  terre  ,  qui  n'eft  qn'un  point 
en  cornparaifon  de  ce  monde ,  c'eft  aftu- 
rément  une  penfée  tout-à-fait  déraifbnna- 
ble.  La  railbn  ,  l'efptit ,  l'ambition  ,  la 
haine,  feroient  plutôt  fur  U  terre  que 
par-tout  ailleurs.  Pourquoi  cela  ?  En  pour- 
roit-on  donner  une  caulé  bonne  ou  mau- 
vailé  ?  Je  ne  le  crois  pas.  Nos  yeux  nous 
portent  à  ctre  perfuadés  que  ces  elpaces 


8i8:  A  T  H 

immenfes ,  que  nous  appelions  It  ciel ,  où 
il  Ce  fait  des  mouvemens  fi  rapides  &  fi 
adifs,  font  aufii  capables  que  la  terre  de 
forir.er  des  hommes ,  &  auffi  dignes  que 
la  terre  d'être  partagés  en  pkifieurs  domi- 
nations. Nous  ne  iavons  pas  ce  qui  s'y 
paflTe  ;  mais  fi  nous  ne  confidtons  que  la 
raifon,  il  nous  faudra  croire  qu'il  eft  très- 
probable  ,  ou  du  moins  poffible ,  qu'il  s'y 
trouve  des  êtres  puiifans  ,  qui  étendent  leur 
empire,  aiifli  bien  que  leur  lumière  ,  fur 
notre  monde.  Nous  fommes  peut-être  une 
portion  de  leur  feigneurie  :  ils  font  des 
loix ,  ils  nous  les  révèlent  par  les  lumières 
de  ila  confbience ,  &<:  fe  fâchent  violem- 
ment contre  ceux  qui  les  tranfgreffent.  il 
fuffit  que  cela  foit  poffible  pour  jeter  dans 
l'inquiétude  les  athées,  &  il  n'y  a  qu'un 
bon  moyen  de  ne  rien  craindre  ,  c'efi  de 
croire  la  mortalité  de  l'ame.  On  échappe- 
roit  par-là  à  la  colère  de  ces  efprits,  mais 
autrement  tls  pourroient  être  plus  redou- 
tables que  Dieu  lui-même.  En  mourant 
on  pourroit  tomber  fous  le  pouvoir  de 
quelque  maître  farouche  ,  c'cft  en  vain 
qu'ils  efpéreroient  d'en  être  quittes  pour 
quelques  années  de  tourment.  Une  nature 
bornée  peut  n'avoir  aucune  forte  de  per- 
feclion  morale  ,  ne  fuivre  que  fon  caprice 
&  fa  paffion  dans  las  peines  qu'elle  inHige. 
Elle  peut  bien  refTembler  à  nos  Phalaris  & 
à  nos  Nérons  ,  gens  capables  de  laiflerleur 
entiemi  dans  un  cachot  éternellement,  s'ils 
av:>ient  pu  pofTéder  un#  autorité  éternelle. 
Efpércra-t  on  que  les  êtres  mal-faifans  ne 
dureront  pas  toujours  ?  Mais  combien  y 
a-t-il  d'athées  qui  prétendent  que  le  foleil 
n'a  jamais  eu  de  commencement,  &  qu'il 
n'aura  point  de  fin. 

Pour  appliquer  tout  ceci  à  un  fpinofifie  , 
fpuvenonsr-nous  qu'il  eft  obligé ,  par  fon 
principe  à  rcconnoître  l'immortalité  de 
l'ame  ,  car  il  fe  regarde  comme  la  modalité 
d'un  êrre-efientiellement  penfant  ;  fouve- 
Hons-nous  qu'il  ne  peut  nier  qu'il  n'y  ait 
des  modaliiés  qui  fe  fâchent  contre  les 
autres,  qui  les  mettent  à  la  gêne  ,  à.  la 
queftion  ,  qui  font  durer  leurs  tourmens 
autant  qu'elles  peuvent,  qui  les  envoient 
aux  galères  pour  toute  leur  vie  ,  &  qui 
feroient  durer  ce  fupplice  cternellement , 
fi.  la  «lort  n'y  mettoit    ordre  de   part  & 


A  r  H 

d'autre.  Tibère  &  Caligula  ,  monftres  a/Fa* 
mes  de  carnage  ,  en  font  des  exemp'es 
fameux.  Souvenons-nous  qu'un  fpinofifie 
fe  rend  ridicule ,  s'il  n'avoue  que  tout  l'uni- 
vers efi  rempli  de  modalités  ambitieufes, 
chagrines,  jaloufes ,  cruelles.  Souvenons- 
nous  enfin  que  l'efience  des  modalités  hu- 
maines ne  confifie  pas  à  porter  de  grofl"es 
pièces  de  chair.  Socrate  éioit  Socrate  le 
jour  de  fa  conception  ou  peu  après  ;  tout 
ce  qu'il  avoit  en  ce  temps-là  peut  fubfifter 
en  fon  entier  ,  après  qu'une  maladie  mor- 
telle a  fait  cefljîr  la  circulation  du  fang  & 
le  mouvement  du  cœur  dans  la  matière 
dont  il  s'étoir  agrandi  :  il  t({  donc  ,  après 
fa  mort  ,  la  même  modalité  qu'il  étoit 
pendant  fa  vie ,  à  ne  confidérer  que  l'el- 
fentiel  de  fa  perfonne  ;  il  n'échappa  donc- 
point  par  la  mort  à  la  juftice ,  ou  au  ca- 
price de  fes  perfécuteurs  invifibles.  Us 
j'euvent  le  fiiivre  par-tout  où  il  ira,  &le 
maltraiter  fous  les  formes  vifibles  qu'il 
pourra  acquêt  ir. 

M.  Bayle,  appliqué  fans  cetTe  à  faire 
voir  l'inexaftitude  des  idées  des  partifans 
de  SpinoJ'a,  prétend  que  tou'es  leurs  dif- 
putes  fur  les  miracles  n'eft  qu'un  miférable 
jeu  de  mots,  &  qu'ils  ignorent  les  confé- 
quences  de  leur  fyfiême,  s'ils  en  nient  la 
polfibilité.  Pour  faire  voir  ,  dit-il ,  leur 
mauvaife  foi  &  leurs  illufions  fur  cette 
matière,  il  fuffit  de  dire,  que  quand  ils 
rejettent  la  poflîbilité  des  miracles  ,  ils  allè- 
guent cette  raifon  ,  c'eft  que  Dieu  &  la 
nature  font  le  même  être  :  de  forte  que  fi 
Dieu  tailbit  quelque  chofe  contre  les  loix 
de  la  nature  ,  il  feroit  quelque  chofe  comte 
lui  même,  ce  qui  eft  impoflible.  Parlez 
nettement  &  fans  équivoque ,  dites  que 
les  loix  de  la  nature  n'ayant  pas  été  faites 
pjr  un  légiflateur  libre,  &  qui  connfit  ce 
qu'il  taiibit ,  mais  étant  l'aftion  d'une  caufe 
aveugle  &  nécefiaire^,  rien  ne  peut  arriver 
qui  (oit  contrait  e  à  ces  loix.  Vousallé^suerez 
alors  contre  les  miracles  votre  propre  thefe: 
ce  fera  la  pétition  du  principe ,  mais  au 
moins  vous  parlerez  rondement.  Tirons-les 
de  cette  généralité  ,  demandons-leur  ce 
qu'ils  penfent  des  miracles  rapportés  dans 
l'Ecriture.  Us  en  nieront  abloli.ment  tout 
ce  qu'ils  ne  pourront  pas  attribuer  à. 
.quelque    tour    de  loupkfle.    Lailions-lc.uf. 


ÀTH 

palTerle  front  d'airain  qu'il  faut  avoir  pour  " 
s'infcrire  en  faux  contre  des  faits  de  cette 
nature ,  attaquons-les  par  leurs  principes. 
Ne  dites-vous  pas  que  la  puifTance  de  la 
nature  eft  infinie?  &  la  feroit  elle  ,  s'il  n'y 
avoit  rien  dans  l'univers  qui  pût  redonner 
la  vie  à  un  homme  mort?  la  ("eroit-elle  s'il 
n'y  avoit  qu'un  feiil  moyen  de  tonner  des 
hommes,  celui  delà  génération  ordinaire  ? 
Ne  dites  pas  que  la  connoifTance  delà  na- 
ture eft  infinie.  Vous  niez  cet  entendement 
divin,  où  ,  félon  nous,  la  connoifTance  de 
tous  les  êtres  pofîibles  eft  réunie  ;  mais  en 
difperfant  la  connoifTance  ,  vous  ne  niez 
point  fon  infiiité.  Vous  devez  donc  dire 
que  la  nature  connoît  toutes  chofes,  à-peu- 
près  comme  nous  difons  que  1  homme  en- 
tend toutes  les  langues.  Un  feul  homme  ne 
les  entend  pas  tou'Cîjmais  les  uns  entendent 
celle-ci  Sclesautres  celle  là.  Pouvez-vous 
nier  que  l'univers  ne  contienne  rien  qui 
connoifTe  la  conftru61ion  de  notre  corps? 
Si  cela  étoit ,  vous  tomberiez  en  contra- 
didion  ,  vous  ne  reconnoitriez  plus  que  la 
connoillance  de  Dieu  fût  partagée  en  une 
infinité  de  manières  :  l'artifice  de  nos  orga- 
nes ne  lui  feroit  point  connu.  Avouez  donc , 
fi  vous  voulez  raifonner  conféquemment , 
qu'il  y  a  quelque  modification  qui  le 
connoît;  avouez  qu'il  eft  très-poiTible  à  la 
nature  de  refTu'citer  un  mort ,  &.  que  votre 
maître  confondoit  lui-même  fes  idées  , 
ignoroit  les  fuites  de  fon  principe,  lorfqu'il 
difoit  que  ,  s'il  eût  pu  fe  perfuader  la  réfur- 
redion  de  Lazare  ,  il  auroit  briie  en  pièces 
tout  fon  fyftéme  ,  &  embrafTé  fans  ré- 
pugnance la  foi  ordinaire  des  chrétiens. 
Cela  fuffit  pour  prouver  à  ces  gens-là  qu'ils 
démententleurs  hypothefes ,  lorfqu'ils  nient 
la  poiïibilité  des  miracles ,  je  veux  dire ,  afin 
d'ôter  toute  équivoque  ,  la  poffibilité  des 
événemens  racontés  dans  l'Ecriture. 

Plufîeurs  perfonnes  ont  prétendu  que 
M.  Bayle  n'avoir  nullement  compris  la 
doctrine  de  Spinofa^  ce  qui  doit  paioître 
bien  étrange  d'un  efprit  aulTi  fubtil  iSc  aulfi 
pénétrant.  M.  Bayle  a  prouvé,  mais  aux 
dépens  de  ce  ("yftème ,  qu'il  l'avoit  parfai- 
tement compris.  Il  lui  a  porté  de  nouveaux 
coups  que  n'ont  pu  parer  les  fpino/iftes. 
Voici  comment  il  raifonne.  J'attribue  à 
Sfinofa  d'avoir  e n feigne  ,   i'^.  qu'il  n'y  a 


ATH  819 

qu'une  fubflance  dans  l'univers  ;  1°.  que 
cette  fubftance  cfi  Dieu  ;  3".  que  tous  les 
êtres  particuliers,  le  lijleil,  la  lune  ,  les 
plantes ,  les  l)i5tes ,  les  hommes ,  leurs  mou- 
vemens ,  leurs  imaginations  ,  leurs  dcfirs, 
font  des  modifications  de  Dieu.  Jedemande 
préfentemenr  aux  fpinofule?,  votie  maître 
a-t-il  enfeigné  cela  ,  ou  ne  l'a-t-il  pas  ensei- 
gné ?  S'il  l'a  enfeigné,  on  ne  peut  point  dire 
que  mes  objeftions  aient  le  défaut  qu'on 
nomme  ignorado  cUnchi ^xgnor^nct  de  l'état 
de  la  queflion.  Car  elles  fuppofent  que 
telle  a  été  fa  doiflrine  ,  &  ne  l'attaquent 
que  fur  ce  pié-là.  Je  fuis  donc  hors  d'ai- 
fiire  ,  &  l'on  fe  trompe  toutes  les  fois  que 
l'on  débite  que  j'ai  réfuté  ce  que  je  n'ai 
pas  compris.  Si  vous  dites  que  Spinofa  n',i 
point  enfeigné  les  trois  doiSlri nés  ci-de(Tus 
articulées  ,  je  vous  demande ,  pourquoi 
donc  s'exprimoit-il  comme  ceux  qui  au- 
roient  eu  la  plus  forte  pafiion  de  perfuader 
aulefteur  qu'ils  enfeignoient  ces  trois  cho- 
fes ?  Efl-il  beau  &  louable  de  fe  fervir  du 
fîyle  commun  ,  fans  attacher  aux  paroles 
les  mêmes  idées  que  les  autres  hommes , 
&  fans  avertir  diiféns  nouveavi  dans  lequel 
on  les  prend?  \4ais  pour  dilcuter  un  peu 
ceci,  cherchons  où  peut  être  la  méprife. 
Ce  n'cft  pas  à  l'égard  du  mox  fuhflan ce  ç[\xq 
je  me  ferois  aburé,carie  n'ai  point  com- 
battu le  fentiment  de  Spinofa.  furce  point- 
là  ,  je  lui  ai  laifTé  pafTer  ce  qu'il  lùppofe  , 
que  pour  mériter  le  nom  de  fubflance  ,  il 
fliut  être  indépendant  de  toute  caufe  ,  ou 
cxifler  par  foi-même  éternellement  nécefTai- 
rement.  Je  ne  penfe  pas  que  j'aie  pu  m'a- 
butér  en  lui  imputant  de  dire  ,  qu'il  n'y  a 
que  Dieu  qui  ait  la  nature  de  fubflance. 
S'il  y  avoit  donc  de  l'abus  dans  mes  ob- 
jedions  ,  il  confifteroit  uniquement  en  ce 
que  j'aurois  entendu  par  moJiiHtés  ,  modifi- 
cations ,  modes  ,  ce  que  Spinofa  n'a  point 
voulu  lignifier  par  ces  mots-là  ;  mais  , 
encore  un  coup,  fi  je  m'y  étois  abufé,  ce 
feroit  fa  faute.  J'ai  pris  ces  termes  comme 
on  les  a  toujours  entendus.  La  doflrine 
générale  des  philofophes ,  eft  que  l'idée 
d'être  contient  fous  foi  immédiatement 
dcuxefpeces,  lafubftance  &  l'accident,  Sc 
que  la  fubftance  fubfifte  par  elle-même  , 
cm  pcr  fi  fuhfifens  ^  &  que  l'accident  liib- 
fiftc  dans  un  autre,  e/Ji  inalio.  O:  fublifkr 
GggSS  i 


8zo  A  T  H 

par  foi ,  dans  leurs  idées,  c'eft  ne  d-'pendre 
que  de  quelque  fuietd'inhélîon;  5^ comme 
cela  convient,  félon  eux,  à  la  matière, 
aux  anges ,  à  l'ame  de  l'homme  ,  ils  ad- 
mettent deux  fortes  de  fubftances ,  l'une 
incrcée  ,  l'autre  créée,  &  ils  fubdivifcnt  en 
deux  efpeces  la  fubftance  créée  ;  l'une  de- 
ces  deux  efpeces  eft  la  matière,  l'autre  eft 
notre  ame.  Pour  ce  qui  regarde  l'accident, 
il  dépend  fi  effentiellement  de  fon  fujet 
d'inhéfion  ,  qu'il  ne  fauroit  fubfîftor  fans 
lui;  c'eftfon  caraftere  fpécitiq'.ie.  Deicarîcs 
l'a  toujours  entendu  ainfi.  Or ,  puifque  Spi- 
nofa  avoir  été  grand  cartéfien  ,  la  raifon 
veut  que  l'on  croie  qu'il  a  donné  à  ces  ter- 
mes-là le  mcme  fens  que  Delcartes.  Si 
cela  eft  ,  il  n'entend  ,  par  moditication  de 
fubflance  ,  qu'une  façon  d'être  qui  a  la 
même  relation  à  la  fubuance  ,  par  la  figure, 
le  mouvement ,  le  repos ,  la  fituation  à  la 
matière  ,  fi-c.  que  la  douleur,  l'affirmation, 
l'amour,  &c.  à  l'ame  de  Ihomme  :  car 
voilà  ce  que  les  carréiiens  appellent  modes. 
Mais,  enluppolantune  foisquela  lubftance 
eft  ce  qui  exifte  de  foi ,  indépendamment 
de  toute  caufe  efficiente  ,  il  n'a  pas  dij  dire 
que  ia  matière  ,  ni  [[ue  les  hommes  fuïïent 
des  fubftances  ;  &  puifque  ,  félon  la  doc- 
trine commune,  il  ne  divifoit  l'être  qu'en 
deux  efpeces ,  favoir  en  fubftance  &  en 
modification  de  fubftance ,  il  a  dii  dire 
qjc  la  matière  &i  l'ame  des  hommes  n'é- 
toient  que  des  modifications  de  (iibftance , 
qu'il  n'y  a  qu'une  feule  fubflance  dans 
l'univers,  &  que  cette  fubftance  eft  Dieu. 
Il  ne  fera  p!us  queftion  que  de  favoir  s'il 
fubdivife  en  deux  efpeces  la  modification 
de  fubftance.  En  cas  qu'il  fe  ferve  de  cette 
fubdivifion ,  6c  qu'il  veuille  que  l'une  de 
ces  deux  efpeces  foit  ce  quelescartélîens  & 
les  aiures  philoloplies  chrétiens  nomment 
Juhjtance  crcée ,  tk  que  l'autre  efpece  foit 
ce  qu'ils  nomment. 7Cc."i<./(;/2i  ou  mode.,  il  n'y 
aura  plus  qu'une  diijiute  de  mots  entre  lui 
&  eux,  &  il  fera  très-ailé  de  ramener  à 
l'orthodoxie  tout  fon  fyftême  ,  &  défaire 
évanouir  toute  fa  fe£le  ;  car  on  ne  veut  être 
Ipinofifte  qu'à  caufe  qu'on  cioit  qu'il  a 
icirverféde  tond  en  comble  le  fyftême  des 
chrétiens,  6i  l'cxiftcnce  d'un  D.x-u  imma- 
tériel &  gouvernant  toutes  choies  avec  une 
fouveraine   liberté.   D'où   nous    pouvons  I 


A  TH 

conclure  en  paflant,  que  les  fpirofîftes  & 
leurs  adverl'aires  s'accoidetU  pa:faitement 
bien  dans  le  fens  du  mot  modification  de 
l'uhflance.  Ils  croient  les  uns  &  les  autres  que 
Spinofa  ne  s'en  eft  fer\i  que  pour  défigner 
un  être  qui  a  la  même  nature  que  ce  que 
les  cartéfievs  appellent  mode  ,  &  qu'il  n'a 
jamais  entendu,  par  ce  mot-là,  un  être 
qui  eût  les  propriétés  ou  la  nature  de  ce  que 
nous  appelions yi/'y?.ince  créée. 

Si  l'on  veut  toucher  la  queftion  au  vif, 
voici  comme  on  doit  raifonner  avec  un 
fpinofiue.  Le  vrai  &  le  propre  caraftere.tle 
la  modification  convient-il  à  la  matière  par 
rapporr  à  Dieu  ,  ou  ne  lui  convient-il 
point?  Avant  de  m.e  répondre,  attendez 
que  je  vous  explique,  par  des  exemples, 
ce  que  c'eft  que  le  caraflere  propre  de  la 
modification.  C'eft  d'être  dans  un  lujet  de 
la  manière  que  le  mouvement  eft  dans  le 
corps  &  la  penlée  dans  l'ame  de  l'iiomme. 
Il  nefulîit  pas,  pour  être  une  mo^îificarion 
de  la  fubftance  divine,  de  fubnfter  dans 
l'immenfité  de  Dieu ,  d'en  être  pénétré  » 
entouré  de  toutes  parts  ,  d'exifter  par  ia 
vertu  de  Dieu  ,  de  ne  pouvoir  exifter  ni 
fans  lui  ,  ni  hors  de  lui.  Il  faut  de  plus 
que  la  fubftance  divine  foit  le  f'ujet  d'inhé- 
rence d'une  chofe ,  tout  comme  ,  ftlon 
l'opinion  commune  ,  l'ame  humaine  eft  le 
(ujet  d'inhérence  du  fentiment  &  de  la 
douleur,  &  le  corps  le  fujet  d'inhé'ence 
du  mouvement ,  du  repos  &  de  la  figure. 
Répondez  préleniement  ;  &  fi  vous  dites 
que  ,  félon  Spinofa  ,  la  l'ubftance  de  Dieu 
n'eft  pas  de  cette  manière ,  le  (ujet  d'inhé- 
rence de  cette  étendue,  ni  du  mouvement 
ni  des  penf'ées  humaines;  je  vous  avoueiai 
que  vous  en  faites  un  philoiophe  ortho- 
doxe, qui  n'a  nullement  mérité  qu'on  lui 
fît  les  objections  qu'on  lui  a  faites,  hi  qui 
méritoir  feulement  qu'on  lui  reprochât  de 
s'être  fort  tourmenté  pour  embarraf!er  une 
doftrine  que  tout  le  monde  favo'.t,  &  j'Our 
forger  un  nouveau  fyftême  qui  n'étoit  bâti 
que  fur  l'équivoque  d'un  mot.  Si  vous 
dites  qu'il  a  prétendu  que  la  l'ubftance  di- 
vine eft  le  fujet  d'inhérence  de  la  matière, 
&  de  toutes  les  diveilités  de  l'étendue  & 
de  la  peniée  ,  au  même  fens  que  ,  kl  )[i 
Delcartes ,  l'étendue  eft  le  (ujet  d'inhérence 
du  mouvement,  l'ame  de  l'hcmiuc  tlt  le 


AT  H 

.fujet  d'inhérence  des  lenlations  &  des  paf- 
fions  ;  i'ai  tout  ce  que  je  demande  ;  cVftair.ii 
que  j'ai  entendu  Spin(.<fj  ;  c'eft  là-dclTui  que 
toutes  mes  objections  lont  fondées. 

Le  précis  de  tout  ceci  eft  une  queftion  dt 
fait  touchant  le  vrai  fens  du  mot  modi- 
■fcarion  dans  le  (yftême  de  SpinoJ'a.  Lt 
faut-il  prendre  pour  la  même  chofe  qu'une 
fubftance  créée,  ou  le  faut-il  prendre  au 
fens  qu'il  a  dans  le  fentiment  de  M.  Dcf- 
cartes  ?  Je  crois  que  le  bon  parti  eft  le 
dernier ,  car  dans  l'autre  fens  Spinofa  aii- 
roit  reconnu  des  créatures  diftinftes  de  la 
fubftance  divine,  qui  euflent  été  faites  ou 
de  rien  ou  d'une  matière  diftin<fte  de  Dieu. 
Or ,  il  feroit  facile  de  prouver  par  un  grand 
nombre  de  pafiages  de  {t%  livres ,  qu'il  n'ad- 
met ni  l'une  ni  l'autre  deces  deux  chofes. 
L'étendue,  félon  lui,  efl  un  attribut  de 
Dieu.  Il  s'entuit  de  là  que  Dieu  efîen- 
tiellement ,  éternellement ,  néceffairement 
eft  une  fub!îance  étendue ,  &  que  l'éten- 
due lui  eft  aufTi  propre  que  l'exiftence  ; 
d'où  il  réfulte  que  les  diveriités  particu- 
lières de  l'étendue,  qui  font  le  foleil ,  la 
terre,  les  arbres ,  les  corps  des  bêtes,  les 
corps  des  hommes,  font  en  Dieu,  comme 
les  philolophes  de  l'école  fuppofent  qu'elles 
font  dans  la  inatiere  première.  Or ,  fi  ces 
philofophes  fuppofoient  que  la  matière  pre- 
mière eft  une  fubftance  fimple  &  parfai- 
tement unique,  ils  concluroient  que  le  fo- 
leil &  la  terre  font  réellement  la  même 
fubftance.  Il  faut  donc  que  Spinofa  con- 
clue la  même  chofe.  S'il  ne  diloit  pas  que 
le  foleil  eft  compofé  de  l'étendue  de  Dieu  , 
il  faudroit  qu'il  avouât  que  l'étendue  du 
foleil  a  été  faite  de  rien  ;  mais  il  nie  la 
création  :  il  eft  donc  obligé  de  dire  que 
la  fubftance  de  Dieu  eft  la  caufe  matérielle 
du  foleil ,  ce  qui  compofe  le  foleil ,  fub- 
jiclum  ex  quo  ;  &  par  conféquent  que  le 
i'oleil  n'eft  pas  diftingué  de  Dieu ,  que  c'eft 
Dieu  lui-même,  &  Dieu  tout  entier,  puif- 
que,  félon  lui,  Dieu  n'eft  point  un  être 
compofé  de  partie^.  Suppofons  pour  un  mo- 
ment qu'une  malle  d'or  ait  la  force  de  (t 
convertir  en  alFiettes  ,  en  plats ,  en  chan- 
deliers, en  écuelles ,  &c.  elle  ne  fera  pain; 
diftinfte  de  ces  afl^iettcs  &  de  ces  plats  :  & 
•fi  l'on  ajoute  qu'elle  eft  une  mafte  fimple 
Sa.  non  compoféc  de  partie;^  il  icra  cor- 


A  T  H  821 

'  tain  qu'elle  eft  toute  dans  chaque  ?iïiette  &r 
d.ins  chaque  chandelier,  car fi  elle  n'yétoit 
point  toute,  elle  fe  feroit  partagée  en  di- 
verses pièces  ;  elle  feroit  donc  compofée 
de  parties ,  ce  qui  eft  contre  la  fjppnfttion. 
A'ors  ces  propolitions  réciproques  ou  con- 
veràbies  feroient  véritables ,  le  cliundilier 
ejï  ta  m^jfi  d/or  ,  la  majj'c  d'or  eft  le  c/imi- 
dclicr.  Voilà  l'image  du  Dieu  de  Spinofa, 
il  a  h  force  de  fe  changer  ou  de  fe  modifier 
en  terre  ,  en  lune,  en  mer ,  en  arbre  ,  &c. 
&  il  eft  ablolument  un  ,  &  fans  nuHe 
compofition  de  parties.  Il  eft  donc  vrai 
qu'on  peut  alfurer  que  la  terre  eft  Dieu, 
que  la  kme  eft  Dieu  ,  que  la  terre  eft  Dieu 
totu  entier,  que  la  lune  l'eft'  aufïî  ,  qiio 
Dieu  eft  la  terie,  que  Dieu  tout  entier  eft 
la  lune. 

On  ne  peur  trouver  que  ces  trois  ma- 
nières ,  félon  lefquelles  les  moditications  de 
Spinofa  foient  en  Dieu;  mais  aucune  de 
ces  manières  n'eft  ce  que  les  autres  phi- 
lofophes difent  de  la  fubftance  créée.  Elle 
eft  en  Dieu,  difent -ils,  comme  dans  (a 
caufe  efficiente  ,  &  par  conféquent  elle  eft 
diftinfte  de  Dieu  réellement  &  totalement. 
Mais ,  félon  Spinofa  ,  les  créatures  f()nt  en 
Dieu  ,  ou  comme  l'etîet  dans  la  caufe  ma- 
térielle, ou  comme  l'accident  dansfon  fujet 
d'inhélion  ,  ou  comme  la  forme  du  chande- 
lier dans  l'étain  dont  on  le  compofe.  Le 
foleil ,  la  lune  ,  les  arbres ,  en  tant  que  ce 
ibnt  des  chofes  à  trois  dimenlions ,  l'ont 
en  Dieu  comme  dans  la  caufe  matérielle 
dont  leur  étendue  eft  compolée  :  il  y  ;i 
donc  identité  entre  Dieu  Si  le  foleil ,  &c. 
Les  mêmes  arbres ,  en  tant  qu'ils  o-nt  une 
torme  qui  les  diftingué  des  pierres  ,  font 
en  Dieu  ,  comme  la  torme  du  chandelier  eft 
dans  l'étain.  Etre  chandelier  n'eft  qu  'une  ma- 
nière d'êtr«  de  l'étain.  Le  mouvement  des 
corps  &  des  penfées  des  hommes  font  en 
Dieu ,  comme  les  accidens  des  péripatéti- 
ciens  font  dans  la  fubftance  créée.  Ce  f  );it 
des  entités  inhérentes  à  leur  fujet,  qui  n'en 
l'ont  point  compofces  ,  &  qui  n'en  ior.t 
point  parties. 

Un  apoiogifte  de  Spinfa  foutient ,  que 
ce  philofophe  n'attribue  point  à  Dieu  l'éten- 
due corporelle,  mais  feulement  une  éten- 
due intelligible ,  &  qui  n'eft  point  'unagi- 
nable.  Mais  fi  l'étendue  des  corps  que  nous 


821  A  T  H 

Voyons  &:  que  nous  imaginons  n'eft  point 
l'érendue  de  Dieu  ,  d'où  eft- elle  venue, 
comment  a-t-elle  été  faite  ?  Si  elle  a  été 
produite  de  rien  ,  Spinofa  efl:  orthodoxe , 
<on  fyftémË  devient  nul.  Si  elle  a  été  pro- 
duite de  l'étendue  intelligible  de  Dieu  , 
c'eft  encore  une  vraie  création  ,  car  l'éten- 
due intelligible  n'étant  qu'une  idée ,  & 
n'ayant  point  réellement  les  trois  dimen- 
fions  ,  ne  peut  point  fournir  1  "étoffe  ou  la 
matière  de  l'étendue  formellement  exiftnnte 
hors  de  l'entendemicnt.  Outre  que,  fi  l'on 
diftingne  deux  eîpeces  d'étendue,  l'ur.e  in- 
telligible, qui  appartientàDieu,  l'autre  ima- 
ginable ,  qui  appartient  aux  corps  ,  il  fau- 
dra aulîi  admettre  deux  fujets  de  ces  éten- 
dues, diftinfts  l'un  de  l'autre,  SsC  alors  l'unité 
de  fubfknce  efl  renverfée,  tout  l'édifice  de 
Spuiojd  va  par  terre. 

M.  Bayle,  comme  on  peut  le  voir  par 
tout  ce  que  nr>us  avons  dit,  s'eft  princi- 
palement attaché  à  la  fuppofition  que  l'é- 
tendue n'eft  pas  un  être  compofé ,  mais 
une  fubftance  unique  en  nombre.  La  rai- 
fon  qu'il  en  donne ,  c'eit  que  les  fpinofiftes 
témoignent  que  ce  n'eft  pas  là  en  quoi 
confiftent  les  difficultés.  Us  croient  qu'on 
les  embarrafTe  beaucoup  plus  ,  lorfqu'on 
leur  demande  comment  la  penfée  &  l'éten- 
due peuvent  s'unir  dans  une  même  fubf- 
tance.  Il  y  a  quelque  bizarrerie  là-dedans. 
Car ,  s'il  efl:  certain  par  les  notions  de  notre 
efprit  que  l'étendue  &  la  penfée  n'ont  au- 
cune affinité  l'une  avec  l'autre  ,  il  efl  en- 
core plus  évident  que  l'étendue  eft  com- 
pofée  de  parties  réellement  diflindes  l'une 
de  l'autre,  &  néanmoins  ils  comprennent 
mieux  la  première  difficulté  que  la  féconde, 
&  ils  traitent  celle-ci  de  bagatelle  en  com- 
paraifon  de  l'autre.  M.  Bayle  les  ayant  fi 
bien  battus  par  l'endroit  de  leur  fyftcme, 
qu'ils  penfoient  n'avoir  pas  befoin  d'être 
f'ecourus,  comment  repoufferoient  -  ils  les 
attaques  aux  endroits  foibles  ?  Ce  qui  doit 
fiirprendre,  c'eft  que  Spinofa  refpeftant  n 
peu  la  raifon  &  l'évideHce,  ait  eu  des  par- 
tifans  &  des  fe^cs  de  fon  fyftême.  C'eft 
fa  méthode  fpécieufe  qui  les  a  trompés , 
&  non  pas  comme  il  arrive  quelquefois , 
un  éclat  de  principes  féduifans.  Ils  ont  cru 
que  celui  qui  employoit  la  géométrie ,  qui 
procédoit  par   axiomes,  par   définitions. 


A  T  H 

I  par  théorèmes  &  par  lemmes ,  fuîvoit  trop 
j  bien  la  marche  de  la  vérité ,  pour  ne  trouver 
qje  l'erreur  au  lie-.i  d'elle.  Ils  ont  jugé  du 
fond  fur  les  apparences,  décifion  précipitée 
qu'infpire  notre  parefle.  Ils  n'ont  pas  vu  que 
ces  axiomes  n'étoient  que  des  propofitions 
très-vagues ,  tiès-incertaines  ,  que  ces  défi- 
nitions éroient  inexaftes,  bizarres  &  défec- 
tueufés,  que  leur  chef  alloit  enfin  au  milieu 
des  paralogifmes  où  fa  préfompiion  &  fes 
fantaiies  le  conduifoient. 

Le  premier  point  d'égarement ,  qui  eft 
la  fource  de  l'erreur ,  fe  trouve  dans  la 
définition  que  Spinofa  donne  de  la  fubf^ 
tance.  J'eniends  par  la  fubflance  ,  dit  -  il  , 
ce  <]ui  eft  en  foi  &  conçu  par  foi-même  , 
ce(i-à-dire ,  ce  dont  la  conception  na  pas 
befoin  de  la  conception  d'une  autre  chofe  dont 
cUi  doive  être  formée.  Cette  définition  eft 
captieufe ,  car  elle  peut  recevoir  un  fens 
vrai  &  faux  ;  ou  Spinofa  définit  la  fubl- 
tance  par  rapport  aux  accidens ,  ou  par 
rapport  à  l'exiftence;  or,  de  quelque  ma- 
nière qu'il  la  déllniffe  ,  fa  définition  eft 
faufile ,  ou  du  moins  lui  devient  inutile. 
Car,  i".  s'il  défiait  la  fubftance  par  rap- 
port aux  accidens,  on  pourra  conclure  de 
cette  définition  que  la  fubftance  eft  un  être 
qifi  fuhfifte  par  lui  indépendamment  d'un 
lujet  d'inhéfion.  Or,  Spinofa  ne  peut  taire 
Ibrvir  une  telle  définition  à  démontrer  qu'il 
n'y  a  dans  le  monde  qu'une  feule  &  uni- 
que fubflance.  Il  eft  évident  que  les  arbres , 
les  pierres,  les  anges  ,  les  hommes  ex'iftent 
indépendamment  d'un  fujet  d'inhérence. 
i".  Si  Spinofa  définit  la  fubftance  par  rap- 
port à  l'exiftence,  fa  définition  eft  encore 
faufte.  Cette  définition  bien  entendue  , 
figiiifie  que  la  fubftance  eft  une  choie  dont 
l'idée  ne  dépend  point  d'une  autre  idée  , 
&  qui  ne  fuppofe  rien  qui  l'ait  formée, 
mais  renferme  une  exiftence  néceflaire , 
or  cette  définition  eft  faufle,  car,  ou  Spi- 
nofa veut  dire ,  par  ce  langage  myftérieux  , 
que  l'idée  même  de  la  fubflance  autrement 
l'efTence  &  la  définition  de  la  fubftance  , 
eft  indépendante  de  toute  caufé  ,  ou  bien 
que  la  fubftance  exiftante  fùbfifte  tellement 
par  elle-même  ,■  qu'elle  ne  peut  dépendre 
d'aucune  caufe.  Le  premier  fens  eft  trop 
ridicule,  &  d'ailleurs  trop  inutile  à  Spino» 
fa^  pour  croire  qu'il  l'ait  eu  dans  l'efpiu: 


AT  H 

car  ce  fens  fe  réduiroit  à  dire 
tioii  de  la  flib(t,4nce  ne  peut  produire  une 
autre  détinition  de  fiilîlîance  ,  ce  qui  eft 
ahlurde  &f  impertinent.  Quelque  peu  con- 
féquent  que  (oit  Sp'inoja ,  je  ne  croirai 
jamais  qu'il  emploie  une  telle  détinition  de 
la  lubftince  ,  pour  prouver  qu'une  fubl- 
tance  n'en  peut  produire  ,  comme  fi  cela 
étoit  impoiTibie;  fous  prétexte  qu'une  dé 


AT  H  8z^ 

, quel:'  dé'inî- }  ne  peut  être  produite  par  une  autre  fub'' 


tance. 

La  définition  qu'il  donne  du  fini  &  de 
l'infini  n'eft  pas  plus  heurcufe.  Une  chofe 
eft  finie,  félon  li;i ,  quand  e'ie  peut  cire 
terminée  par  une  choie  de  la  nKme  nature. 
Ainii  un  corps  efl  dit/Z/î/,  parce  que  nous 
en  concevons  un  plus  grard  que  lui  ;  ainfl 
la  penfée  eft  terminée  par  une  autre  penlée. 


fiai;ion  de  fubftance  ne  peut  produire  une  ;  Le  corps  n'eft  point  terminé  par  la  penfée  y 

autre  définition  d>"  fubftance.  Il  faut  donc 

que   Spinofa  ,  par  (a  défiaiiion  entortiiiée 

de  la  fubftance,  ait  voulu  dire  que  la  l'ubl- 

tance  exifte  feulement   par  elle  -  même  , 

qu'elle  ne  peut  dépendre  d'aucune  caufe. 


ainfi  que  la  penfée  ne  l'eft  point  par  le 
corps.  On  peut  flippoler  deux  fujsis  dif- 
férens ,  dont  l'un  ait  une  connoifiance  in- 
i  finie  d'un  objet ,  £>:  l'autre  n'en  ait  qu'une 
connoiffance  finie.  La  connoiffance  infinie 
Or ,  c'ett  cette  définition  que  tous  les  phi-  '  du  premier  ne  donne  point  l'exclufion  ;i 
lofophes  attaquent.  Ils  vous  diront  bien  que  ^  la  connoiffance  finie  du  fécond.  De  ce- 
la défiifition  de  la  fubftance  eft  fimp!e  &  in-  qu'un  être  connoît  toutes  les  propriétés  &C 
divifible,  fur  -  tout  fi  on  la  confidere  par  '  tous  les  rapports  d'une  choie,  ce  n'cfl  pas 
oppoliion  au  néant;  mais  ils  vous  nieront!  une  raifon  ,  pour  qu'un    autre  n'eri  puift"e 


qu'il  n'y  ait  qu'une  fubftance.  Airtre  choie  eft 
de  dire  qu'il  n'y  a  qu'une  feule  définition 
de  (libftance ,  &  autre  choie,  qu'il  n'y  a 
qu'une  fubftance. 

En  mettant  à  part  les  idées  de  métaphy- 
fique  ,  &ices  noms  d'eff'cnce,  d'exifîfna,  de 
J'uhjlunce  ,  qui  n'ont  aucune  diftmftion 
réelle  entr'elles ,  mais  feulement  dans  les 
diverlés  conceptions  de  l'entendement  ;  il 
friudra ,  pour  parler  plus  intelligiblement  & 


du  moins  faifir  quelques  rapports  &  quel- 
ques propriétés.  Mais  ,  dira  Spinofa  ,  les 
degrés  de  connoiffance  qui  (e  trouve  dans 
l'être  fini ,  n'étant  point  ajoutés  à  cette  con- 
noiffance que  nous  fuppofons  infinie ,  elle- 
ne  peut  pas  l'être.  Pour  répondre  à  cette 
objeftion  ,  qui  n'eft  qu'une  pure  équivoque, 
je  demande  ,  fi  les  degrci  de  la  connoif- 
fance finie  ne  fe  trouvent  pas  dans  la  ccn- 
noiftance  infinie;  on  ne  fauroit  le  nier.  Ce 


phis  humainement  ,  dire  que  puifqu  il  y  a  l  ne  feroit  pas  à  la  vérité  les  mêmes  degrés 


deux  fortes  d'exiftence  ,  l'une  nécelfaire,  & 
l'aurre  contingente,  il  y  a  de  toute  néceffiié 
deux  fortes  de  fubftance  ;  l'une  qui  exifte  né- 
ceffairement ,  &  qui  eft  Dieu  ;  &  l'auire  qui 
n'a  aucune  exiftence  empruntée  de  ce  pre- 
mier erre,  &  de  laquelle  elle  ne  jouit  que 
par  fa  vertu  ,  qui  font  les  créatures.  La  défi- 
nition de  Spinofa  ne  vaut  donc  rien  du  tout  ; 
elle  confond  ce  qui  doit  être  nécefiài^ement 
diftingué  ,  l'effence  qu'il  nomm^  fubflance  , 
avec  l'exifteiKe.  La  définition  qu'il  apporte 
pour  prouver  qu  une  fubftance  n'en  peut 
produire  une  autre  ,  eft  auffi  ridicule  que 
ce  railbnnement  qu'on  feroit  pour  prouver 
qu'un  homme  eft  un  cercle  :  par  homme 
j'entends  une  figu.e  ronde;  or,  le  cercle 
eft  une  figure  ronde ,  donc  l'homme  eft  un 
cercle.  Car  voici  comme  rî.i\onnit  Spinofa  :. 
il  me  plait  d'entendre  par  fubftance  ce  qui 
n'a  point  de  caufe  ;  or ,  ce  qui  eft  produit  p.ir 
un  autre  a  une  caufe,  donc  une  fubftance 


numériques ,  mais  ce  feront  les  mêmes  fpe- 
cifiqiiement ,  c'eft  -  à  -  dire ,  qu'ils  feront 
femblables.  Or,  il  n'en  faut  pas  davantage 
pour  la  connoiftance  infinie.  Quant  aux 
degrés  infinis  dont  elle  eft  compofée  ,  on 
ajouteroit  encore  tous  l'es  degrés  qui  fe 
trouvent  épars  &  défunis  dans  toutes  les 
connoiffances  finies ,  elle  n'en  deviendroif 
pqs  plus  parfaite  ni  plus  étendue.  Si  )'avois 
précilémeiu  le  même  fonds  de  connoiflurnces- 
que  vous  avez  fur  quelque  objet,,  en  de- 
viendrois-je  plus  habile ,  6c  mes  lumières 
plus  étendues,  parce  tju'on  njoutercit  vos 
connoift.iuces  numériques  à  celles  que  je 
poftéde  déjà  }  Vos  connoilTances  étant 
abioluinent  femblabies  aux  miennes,  cette 
fépétition  de  la  même  fcience  ne  me  ren- 
droit  pas  plus  l'avant.  Donc  une  conn^iif- 
(ance  infinie  n'exii^e  point  les  degrés  finis 
des  autres  conno:ffances  ;  donc  ui-e  chofe 
n'eft   pas   précifément   finie,    parce   qu'il 


824  A  T  H 

exifte  d'autres  êtres  de   la   même  nahire/ 
Ses  raifonnemens  lur  l'infini  ne  font  pas 
plus  juftes.  Il  appelle  infini ,  ce  dont  on  ne 
peut  rien  nier,  &ce  qui  renferme  en  foi  for- 
inellement  toutP<;  les  réalités  pofiîbles.  Si  on 
lui  paffe  cette  définitior!,  il  efl:  clair  qu'il  lui 
fera  aifé  de  prouver  qu'il   n'y   a   dans    le 
monde    qu'une    Tubdance   unique  ,   &  que 
cette  lubilance  cft  Dieu ,  &  que  tou'es  les 
chofes  font  les  modes  de  cette  fubftance. 
Mais ,  comme  il  n'a  pas  prouvé  cette  défi- 
nition ,  tout  ce  qu'il  bâtit  defliis ,  n'a  qu'un 
fondement  ruineux.   Pour  que   Dieu   foit 
infini,  il  n'eft  pas  nécefTaire  qu'il  renferme 
en  lui  toutes  les  réalités  poflilîles  qui  font 
finies  &  bornées,  m^is  feulement  les  réalités 
&  perfeftions  pofiîbles  qui  font  immenfes 
&  infinies  :  ou ,  fi  Ton  veut ,  pour  parler  le 
langage  ordinaire  de  l'école  ,  qu'il  renferme 
éminemment  toutes  les  réalités  &;  les  per- 
feftions  poffibles  ;  c'eft-à-dire  ,  que  toures 
les  perfeftions  &  réalités  qui  fe  rencontrent 
dans  les    individus    de    chaque    être    que 
Dieu  peut  former,  fe  trouvent  en  lui  dans 
un  degré  éminent  &  fouverain  :  d'où  il  ne 
s'enfuit  pas  que  la  fubflance  de  Dieu  ren- 
ferme la  fuftance  des  individus  fortis  de  fes 
mains. 

Les  axiomes  de  Spinofa  ne  font  pas  moins 
faux  &  captieux  que  fes  définitions  :  choi- 
fifTons  ces  deux  qui  font  les  principaux  : 
La  connoijfanci  de  Pejfct  dépend  de  la  con- 
noiffance  de  la  caufe  ,  &  la  renferme  nècef- 
fairement  :  Des  chofes  qui  nom  rien  de 
'commun  entrelUs  ne  peuvent  fervir^  à  fe 
faire  connaître  mutuellement.  On  fen't  tout 
d'un  coup  le  captieux  de  ces  deux  axiomes  ; 
&  ,  pour  commencer  par  le  premier ,_  voici 
comment  je  raifonne.  On  peut  confulérer 
l'efl'et  de  ces  deux  manières,  en  tant  qu'il 
efl:  formellement  un  effet,  ou  matérielle- 
ment, c'eft-à-dire,  tout  fimplement ,  en 
tant  qu'il  efl  en  lui  -  même.  Il  vrai  que 
l'effet  conlîdéré  formellement  comme  effet , 
ne  peut  être  connu  féparément  de  la 
caufe  ,  félon  cet  axiome  des  écoles  ,  cor- 
relata  funt  fimul  cogniiione.  Mais  fi  vous 
prenez  l'effet  en  lui-même  ,  il  peut  être 
connu  par  lui-même.  L'axiome  de  Spinofa 
•efl  donc  captieux  ,  en  ce  qu'il  ne  dillingue 
pas  entre  les  différentes  manières  dont 
en  peut  cnvifager  l'effet.  D'ailleurs,  quand 


A  T  H 

Spinofa  dît  que  la  connoiffance  de  l'efTet 
dépend   de   la    connoiffance    de  la    cau(e 
&  qu'elle  la  renferme  ,  veut  -  il  dire  que 
la   connoiffance  de  l'effet  entraîne   nécef- 
fairement  wnn  connoiffance  parlaite  de  la 
caulé }   Mais ,   en   ce    fens  ,  l'axiome    efl 
très-faux  ,   puifque  l'effet  ne  contient  pas 
toutes   les   perfections  de  la   caufe ,  qu'il 
peut  avoir  une  nature  très  -  difl'érente  de 
la  fienne  ;  favoir  ,  fi  la  cauie  agit  par  fa 
feule    volonté  ;  car   tel    fera    l'effet    qu'il 
plaira  à   la  volonté  de  le  produire.    Mais 
fî    Spinofa    prétend    feulement  que    l'idée 
de  l'effet  eft  relative  à  fidée  de  la  caufe, 
l'axiome  de  Spinofa  eft  vrai  alors  ,  mais 
inutile    au  but   qu'il  fe   propofe  ;  car ,  en 
partant    de    ce   principe  ,   il    ne   trouvera 
jamais  qu'une  fubftance  ne   puifi^e  en  pro- 
duire ime  autre  dont  la  nature  &  les  aitri- 
buts    feront  différens.  Je  dis  plus  :  de  ce 
que  l'idée  de  l'effet  eft  relative  à  l'idée  de 
la    caufe  ,  il    s'enfuit    dans    les    principes 
de  Spinofa,  qu'une  fubftance  douée  d'attri- 
buts  différens    peut    être    la  caufe    d'une 
autre    fubftance.    Car   Spinofd    reconnoît 
que  deux  chofes ,  dont  l'une  eft  caufe  de 
l'autre  ,  fervent  mutuellement  à   le  faire 
connoître  :  or,  ft  l'idée  de  l'effet  eft  rela- 
tive à  l'idée  de  la  caufe,  il  eft  évident  que 
<\qux  fubftances  de  différent  attribut  pour- 
ront fe   faire  connoître    réciproquement  , 
pourvu  que  fune  foit  la  caufe  de  l'autre  , 
non  pas  qu'elles  aient   une  même  nature 
&  les  mêmes  attributs,  puifqu'on  les  fup- 
pofe  différens  :  mais  par  le  rapport  qu'il  y 
a  de  la  caufe  à  l'effet.  Pour  l'autre  axiome 
il  n'eft  pas  moins  faux  que  le  précédent  : 
car ,    quand   Spinofa  dit  que    les    choies 
qui  n'ont  rien  de  commun  entr'elles ,  ne 
peuvent    fervir    à    fé  faire   connoître  ré- 
ciproquement ;  par  le  mot  de    cornmun  , 
il   entend    une    même    nature    fpécifique. 
Or    l'axiome    pris    en  ce   fens  ,  eft    très- 
faux  ;   puifque ,   foit    les   attributs  généri- 
ques, foit  la  relation  de  la  caufe  à  l'effer, 
peuvent  les  faire  connoître  les  uns  par  les 
autres. 

Examinons  maintenant  les  principales 
propolliions  qui  forment  le  fyftême  de 
Spinofa.  Il  dit  dans  la  féconde  ,  ([ue  deux 
fubftances  ayant  des  attributs  diffircns,  nont 
rien  de  commun  entrUlUs,  Dans  la  démonf- 

tration 


ATH 

tfatioii  de  cette  proportion  ,  Il  n';illc<»i!c 
tl'autre  preuve  que  la  dcHnitioii  qu'il  a 
donnée  de  la  fubftance ,  laquelle  étant 
faullè  ,  on  n'en  peut  rien  légitimcincnt 
conclure ,  par  coiiféquent  cette  propor- 
tion cft  nulle.  Mais  afin  d'en  faire  mieux 
compretidie  le  faux,  il  n'y  a  qu'àconfidé- 
rer  l'exiilence  &  relFence  d'une  chofc 
pour  découvrir  ce  fbphifme.  Car ,  puKquc 
Spinofa  convient  qu'il  y  a  deux  fortes 
d'exirtc:ice  ,  l'une  ncceiraire  &  l'autre  qui 
ne  l'eft  pas  '-,  il  s'enfuit  que  deux  fubftan- 
ces  qui  auront  différcns  attributs ,  comme 
retendue  &  la  pcnfée  ,  conviendront  entre 
elles  dans  une  exillence  de  même  ef- 
pece  ,  c'eft-à-dire  ,  qu'elles  /iront  fcm- 
Blablcs ,  en  ce  que  l'une  &  l'autre  n'exif- 
teront  pas  néceflairement ,  mais  feulement 
par  la  vertu  d'une  caufe  qui  les  aura  pro- 
duites. Deux  edcnces  ou  deux  f.ib  (lances 
parfaitement  Semblables  dans  leurs  proprié- 
tés eifentielles ,  feront  différentes  ,  en  ce 
gue  l'exiftence  de  l'une  aura  précédé  celle 
de  l'autre  ,  ou  en  ce  que  l'une  n'eft  pas 
l'iuitre.  Quand  Pierre  feroit  femblable  à 
Jean  en  toutes  chcfes ,  ils  font  différens  , 
en  ce  que  Pierre  n'eil  pas  Jean ,  8c  que 
Jean  n'eft  pas  Pierre.  Si  Spinofa  dit  quel- 
que chofe  de  cop.cevable  ,  cela  ne  peut 
avoir  de  fondement  &  de  vraifem.ijlancc  , 
que  par  rapport  à  des  idées  m.étaphyfi- 
^ues  qui  ne  mettent  rien  de  réel  dans  la 
nature.  Tantôt  Spinofa  confond  l'efpece 
avec  l'individu ,  6c  tantôt  l'individu  avec 
l'efpece. 

Mais  dira-t-on  ,  Spinofa  parle  de  la 
fubftance  précifémeiit  ,  &  confidérce  en 
elle-même.  Suivons  donc  Spinofa.  Je  rap- 
porte la  dénnition  de  la  fubftance  à  l'exif- 
tence ^  &  je  dis  ,  li  cette  fubftance  n'cxifte 
pas  ,  ce  n'eft  qu'une  idée  ,  une  définition 
■qui  ne  met  rien  dans  l'être  des  choies  ; 
{{  elle  exifte  ,  alors  l'efprit  &  le  corps  con- 
%iennent  en  fubftance  &  en  exiftence. 
Mais  ,  félon  Spinofa  ,  qui  dit  une  fubf- 
tance ,  dit  une  chofe  qui  exifte  nécelîài- 
rement.  Je  réponds  que  cela  n'eft  pas 
vrai ,  Se  que  l'exiftence  n'eft  pas  plus  ren- 
fermée dans  la  définition  de  la  iiibftance 
en  général  que  dans  la  définition  de  l'hoirt 
me.  Enfin  ,  on  dit ,  &  c'eft  ici  le  dernier 
jretranchement  ,  que  la  fubftance  eft  uu 
Tome  IIL 


ATH  8zy 

être  qui  fiibfifte  par  lui-même.  Voici  donc 
où  cft  l'équivoque  ^  car  puifquc  le  fyftérne 
de  Spi/iofa  n'eft  fondé  imiquement  que  fur 
cette  définition ,  avant  qu'il  puilTe  argumen- 
ter &  tirer  des  conlcoucnces  de  cette  défi- 
nition ,  il  faut  préalableinent  convenir  avec 
moi  du  lens  de  la  définition.  Or  ,  quand 
je  définis  la  fubftance  un  être  qui  fubfiftc 
par  lui-même  ,  ce  n'eft  pas  pour  dire  qu'il 
exifte  nécelfairement  ,  je  n'en  ai  pas  la 
pcnfée  ;  c'clt  uniquement  pour  la  diftin- 
guer  des  accidens ,  qui  ne  peuvent  exif- 
ter  que  dans  la  liibliance  &  par  vertu 
de  la  fubftance.  On  voit  donc  que  tout 
ce  fyftême  de  Spinofa  ,  toute  cette  faf- 
tueufe  démonftratlon  n'eft  fondée  que  ftjr 
une  équivoque  frivole  &  facile  à  dif- 
fiper. 

La  troifieme  propofition  de  Spinofa  eft 
que  ,  dans  les  chofes  qui  nont  rien  de  com- 
mun entr elles,  tune  ne  peut  être  la  caufe 
de  (autre.  Cette  propofition  ,  à  l'expliquer 
précifémcnt ,  eft  fauffc  aufli  ;  ou  ,  dans  le 
i'eul  fens  véritable  qu'elle  peut  avoir  ,  on 
ne  peut  rien  en  conclure.  Elle  cft  faulfe 
dans  toutes  les  caufes  morales  &  occafio- 
nelles.  Le  fon  du  nom  de  Dieu  n'a  rieit 
de  commun  avec  Tidée  du  créateur  qu'il 
produit  dans  mon  efprit.  Un  mallieur  ar- 
rivé à  mon  ami  n'a  rien  de  commun  avec 
la  trifteftc  que  j'en  reçois.  Elle  cft  fauftc 
encore  cette  propofition  ,  lorfque  la  cauie 
eft  beaucoup  plus  excellente  que  l'effet 
qu'elle  produit.  Quand  je  remue  mon  bras 
par  l'acte  de  ma  volonté  ,  le  mouvement 
n'a  rien  de  commun  de  fa  nature  avec 
l'afte  de  ma  \olonté  ,  ils  font  trés-diffé- 
rens.  Je  ne  fuis  pas  un  triangle  ;  cepen- 
dant je  m'en  forme  une  idée  ,  &  j'exa- 
mine les  propriétés  d'un  triangle.  Spinofa  a 
cru  qu'il  n'y  avoit  point  de  fubftance  fpi- 
rituelle  ,  tout  eft  corps  fclon  lui.  Combien 
de  fois  cependant  Spinofa  a-t-il  été  con- 
traint de  le  repréfcnter  une  fubftance  lj>i- 
rituelle  ,  afin  de  s'efforcer  d'en  détruire 
l'exiftence  ?  Il  y  a  donc  des  caufes  qui 
produilcnt  des  c.'!"ets  avec  lelqucls  elles 
n'ont  rien  de  conunun  ,  parce  qu'elles  ne 
les  produlfeut  pas  par  une  émanation  de 
leur  elFencc  ,  ni  dans  toute  l'étendue  de 
leurs  forces. 

La  quatrième  propofition  de  Spinofa  np 
H  h  1)  Il  i' 


Jitî  A  T  H 

nous  arrêtera  pas  beaucoup  :  Deux  ou  plu- 
f.eurs  chofes  dijiinBes  font  difiinguéta  entr  el- 
les ,  OH  par  la  divtrfné  des  attributs  des 
fubjiances  ,  ou  par  la  diverfité  de  leurs  ac- 
eidcns  quil  appelle  des  aftéâiions.  Spinofa 
confond  ici  la  diverfité  avec  la  diftinftion. 
La  diverfité  vient  à  la  vérité  de  la  diver- 
fité fpécifique  des  attributs  &  des  affec- 
tions. Ainfi  il  y  a  diverfité  d'elTence  ,  quand 
Tune  eft  conçue  &  définie  autrement  que 
■l'autre  \  ce  qui  fait  l'efpece  ,  comme  on 
parle  dans  l'école.  Ainli  un  cheval  n'efi: 
pas  un  homme  ,  un  cercle  n'eft  pas  un 
triang;le  ^  car  on  définit  toutes  ces  chofes 
diverièment ,  mais  la  diftinftion  vient  de 
ia  diftinÛion  numérique  des  attributs.  Le 
triangle  A ,  par  exeinplc  ,  n'eft  pas  le  trian- 
ple  B.  Titius  n'eft  pas  Maevius  ,  Davus  n'eft 
pas  GEdipe.  Cette  propofition  ainfi  expli- 
quée ,  la  fuivante  n'aura  pas  plus  de  difficultés. 

C'eft  la  cinquième  conçue  en  ces  ter- 
mes :  //  ne  peut  y  avoir  dans  t  univers  deux 
ou  plufieurs  fubjiances  de  même  nature  ou 
de  même  attribut.  Si  Spinofa  ne  parle  que 
de  l'efTence  des  chofes  ou  de  leur  défini- 
tion ,  il  ne  dit  rien  j  car  ce  qu'il  dit  ne 
iigiufie  autre  chofb ,  finon  ,  qu'il  ne  peut 
y  avoir  dans  l'univers  deux  eifcnccs  difi'é- 
rentes ,  qui  aient  une  même  elfence  :  qui 
en  doute  ?  Mais  fi  Spinofa  entend  ,  qu'il 
ne  peut  y  avoir  une  eifence  qui  fe  trouve 
en  plufieurs  fujets  finguliers  ,  de  même 
que  reffcnce  de  triangle  fe  trouve  dans  le 
iriangle  A  &  dans  le  triangle  B  ;  ou  comme 
ridée  de  l'eilénce  de  la  fiibftance  ié  peut 
trouver  dans  l'être  qui  penle  &  dans  l'être 
étendu  ,  il  dit  une  cholè  mauifeftement 
laulîe  ,  &  qu'il  n'entreprend  pas  même  de 
prouver. 

Nous  voici  enfin  arrivés  à  la  fixieme 
propofition  que  Spinofa  a  abordée  par  les 
iléiours  &  les  chemins  couverts  que  nous 
avons  vus.  Une  Jubflance  ,  dit-il  ,  ne  peut 
être  produite  par  une  autre  fubftance.  Ciom- 
ment  le  démontre-t-il  '{  Par  la  propofition 
précédente  ,  par  la  féconde  &  par  la  troi- 
•fienie  5  mais  piiifque  nous  les  avons  ré- 
futées, celle-ci  tombe  ftc  fe  détruit  fans  au- 
tre examen.  On  comprend  aifément  que 
Spinofa  ayant  mal  défini  la  fubftance  , 
cette  propofition  qui  en  eft  la  couclufion  , 
doit  être    Hccefiauemcut  faulTe.  Car,  au 


A  T  H 

fond ,  la  fubftance  de  Spinofa  ne  fignifiç- 
autre  chofe  ,  que  la  définition  de  la  fubf- 
tance ou  l'idée  de  fon  eflence.  Or,  il  eft 
certain  qu'une  définition  n'en  produit  pas 
une  autre.  Mais  comme  tous  ces  degrcs 
métaphyiiques  de  l'être  ne  fubfiftcnt  ôc 
ne  font  diftingués  que  par  l'entendem.ent , 
&  que  dans  la  nature  ils  n'ont  d'être  réel 
&  effeûif  qu'en  vertu  de  l'exiftence  ,  il 
faut  parler  de  la  fubftance  ,  comme  exif 
tante  ,  quand  on  ^eut  conlldcrer  la  réa- 
lité de  fes  effets.  Or,  dans  un  tel  rocher, 
être  exiftant ,  être  fubftance  ,  être  pierre  , 
c'eft  la  même  chofe  :,  il  faut  donc  en  par- 
ler comme  d'une  fubftance  exifîante ,  quand 
on  le  confidere  comme  étant  adtuellement 
dans  lêtre  des  chofes ,  &  par  conféquent 
comme  fiibftance  exiftante,  pour  exifcerné- 
ceiraireinent&  par  elle-même,  ou  par  la  \ertu 
d'autrui  ■■,  il  s'enfuit  qu'une  fubllance  peut  être 
produite  par  une  autre  fubftance ,  car  qui  dit 
une  fubflancc  qui  exifte  par  la  vertu  d'autrui , 
dit  une  fiibftance  qui  a  été  produite  ,  &  qui 
a  reçu  fon  être  d'une  autre  fiibftance. 

Après  toutes  ces  équivoques  &  tous  ces 
fophifines ,  Spinofa  croyant  avoir  conduit 
fon  leâicur  ou  il  fouhaitoit ,  le\'e  le  maf^ 
que  dans  la  fepticme  propofition.  Il  ap- 
partient ,  dit-il  ^  à  la  fubflance  Sexifer. 
Comment  le  prouve-t-il  ?  Par  la  propofi- 
tion précétlcnie  qui  efl  fauife.  Je  voudrois 
bien  iavoir  ,  pourquoi  Spinofa  n'a  pas  agi 
plus  franchement  &  plus  fincérement  ^ 
car  fi  l'ellcncc  de  la  fubitance  emjiorte  ne- 
ceffairement  l'exiftence  ,  comme  il  le  dit 
ici,  pourquoi  ne  s'en  eft-il  pas  expliqué 
clairement  dans  la  définition  qu'il  a  don- 
née de  la  fiibftance  ,  au  lieu  de  fe  cacher 
fous  l'équivoque  fâcheufe  de  fubfijrer  par 
foi-mtme  ,  ce  qui  n'oft  véritable  que  pjir 
rapport  aux  accidens  &  point  du  tout  à 
l'exiftence  ?  Spinofa  a  beau  faire  ,  il  ne 
détruira  pas  les  idées  les  plus  claires  &  les 
plus  naturelles. 

La  fubliance  ne  dit  autre  chofe  qu'un 
être  qui  exifte  ,  fans  être  un  accident  atta- 
ché à  un  fujet.  Or  ,  on  fait  nafurellcir.ent 
que  tout  ce  qui  exifte  fans  être  accident , 
n'exifte  pas  néanmoins  néccf lairement .  donc 
l'idée  ii  l'effénce  de  la  même  l'ubitaiice 
n'emportent  pas  nécellairement  l'exillence 
avec  elles. 


A  T  H 

On  n'entrera  pas  plus  avant  dans  l'cxa- 
mcn  des  nropontions  de  Spinofa  ,  prcc 
que  les  fomioniciis  étant  détruits ,  il  /c- 
roit  inutile  de  s'appliquer  davantasfe  à  rcn- 
vcrfèr  le  bltiment  ;  cependant,  comme  cette 
miticrc  eit  dit^icilc  à  comprendre  ,  nous 
la  rctoi.'chcror.s  encore  d'une  autre  maniè- 
re ;  & ,  quand  ce  ne  (croit  que  des  répé- 
titions ,  elles  ne  feront  pas  néanmoins 
inutiles. 

Le  principe  fur  lequel  s'appuie  Spinofa 
cft  de  lui-mcme  obfcur  &  iucompréhcn- 
fible.  Quel  eil-il  ce  princijîe  ou  fonde- 
ment de  fon  {}'ftème  ?  C'eft  qu'il  n'y  a 
dans  le  monde  qu'inie  feule  fubftance.  Cer- 
tainement la  propofition  eli  oblcure  ck 
d'une  obfcurité  linguliere  &  nomellc 
car  les  hommes  ont  toujours  été  pcrfua- 
dés ,  qu'un  corps  humain  &  un  muid 
d'eau  ne  font  pas  la  même  fubftancc  5 
qu'un  efprit  &  un  autre  efprit  ne  font  pas 
la  même  fubftance  :,  que  Dieu  &  moi , 
&  les  autres  différentes  parties  de  l'uni- 
vers ne  font  pas  la  même  fobftancc.  Le 
principe  étant  nouveau  ,  furprenant ,  con- 
tre tons  les  principes  reçus  ,  &  par  ccn- 
féquent  fort  obfcur ,  il  faut  donc  l'éclair- 
cir  &  le  prouver.  C'eft  ce  qu'on  ne  peut 
faire  qu'avec  le  fecours  de  preuves  qui 
foient  plus  claires  que  la  choie  incme  à 
prouver,  la  preuve  n'étant  qu'un  plus  grand 
jour  ,  pour  mettre  en  évidence  ce  qu'il 
s'agit  de  faire  connoître  &  de  perfuadcr. 
Or  quelle  eft  ,  félon  Spinofa  ,  la  preuve 
de  cette  propolîtion  f^énérale  ,  il  ny  a  &  il 
ne  peut  y  avoir  qii une  feule  fuhftance  ?  La 
voici  :  ceji  qu'une  fubftance  nen  fauroit 
produire  une  autre.  Alais  cette  preuve  n'en- 
fcrme-t-elle  pas  toute  J'oblcurité  &  toute 
la  difficuhé  du  principe  ?  N'cft-elle  pas 
également  contraire  an  Icntiment  reçu  dans 
le  genre  humain ,  qui  eft  perfuadé  qu'une 
fiibftauce  corporelle  ,  telle  qu'un  arbre , 
produit  une  autre  fubftance,  telle  qu'une 
pomme  ,  &  que  la  pomme  produite  par 
un  arbre  ,  dont  elle  eft  achiellement  lé- 
parée  ,  n'eft  pas  aftuellement  la  même 
iùbftance  que  cet  arbre  ?  La  féconde  pro- 
portion qu'on  apporte  en  preuve  du  prin- 
cipe ,  eft  donc  aulfi  obfcure  pour  le  moins 
qiiC  le  principe  ,  elle  ne  l'éclaircit  donc 
pas ,  elle  ne  prouve  doiic  pas.  Il  cft  ainfi 


A  T  H  8*7 

de  chacune  des  autres  preuves  de  Spinofa  : 
an  lieu  d'être  un  éclaircificment ,  c'eft  une 
nouvelle  obfciirit<;.  Par  cscmple  ,  com- 
ment s'y  prend-il  pour  prouver  qu'une 
fiibrtancc  ne  fiuroit  en  ])roc!iiire  une  au- 
tre ?  C'eft,  dit-il,  parce  quelles  ne  peu- 
vent fe  concevoir  tune  par  (autre.  Quel 
nouvel  abyme  d'obfcurité  ?  Car  enfin ,  n'ai- 
je  pas  encore  plus  de  peine  à  démêler ,  fi 
deux  fubftances  peuvent  fe  concevoir  l'une 
par  l'autre  ,  qu'à  juger  fi  une  fubPaiice 
en  peut  produire  une  antre  ?  Avancer  dans 
chacune  des  preuves  de  l'auteur  ,  c'eft: 
faire  autant  de  démarches  d'une  obicurité 
à  l'antre.  Par  exemple  ,  /'/  ne  peut  y  avoir 
deux  fubftances  de  même  attribut ,  6'  qui 
aient  quelque  ckofe  de  commun  entr  elles. 
Cela  eli-il  plus  clair,  ou  s'cntend-il  mieux 
que  la  première  propofition  qui  étoit  à 
prom'er  ;,  (avoir  ,  quil  ny  a  dans  le  monde 
quune  feule  fubftance. 

Or  ,  puifque  le  fens  commun  fe  révolte 
à  chacune  de  ces  propofitions  ,  aiilii- 
bien  qu'à  la  première  ,  dont  elles  font  les 
prétendues  preii\cs  ,  au  lieu  de  s'arrêter 
à  raifonner  fur  chacune  de  ces  prcu^■es  , 
où  fo  perd  le  feus  commun  >  on  /croit  en 
droit  de  dire  à  Spinofa  ,  votre  principe 
eft  contre  le  fcns  commun  j  d'un  principe 
où  le  lèns  coinmun  fo  perd ,  il  n'en  peut 
rien  fortir  où  le  fcns  commun  fe  retrou- 
ve. Ainfi  ,  de  s'amufer  à  vous  fiiivre,  c'eft 
inanifeftemcnt  s'expofèr  à  s'égarer  avec 
vous  ,  hors  de  la  route  du  fens  commun. 
Pour  réfuter  Spinofa  ,  il  ne  faut  ,  ce  inu? 
femble  ,  que  l'arrêter  au  premier  pas ,  fan? 
prendre  la  peine  de  fuivre  cet  auteur  dans 
un  tas  de  conféquences  qu'il  tire  (clon  fa 
m.éthodc  prétendue  géonîétrique  ,  il  ne 
faut  que  liibftitucr  au  principe  obfcur  dont 
il  a  fait  la  bafe  de  fon  fyftéme ,  celui-ci , 
//  y  a  plufieurs  fubflances  ,  principe  qur 
dans  fon  genre  eft  clair  au  (ùpréir.e  tic- 
gré.  Et  ,  en  effet ,  quelle  propoiition  plus 
claire,  plus  frappante,  plus  intime  à  Tin- 
telligence  &  à  la  confciencc  de  l'homme  l 
Je  ne  veux  point  ici  d'autre  juge  que  le 
icntiment  naturel  le  plus  droit ,  &  que 
l'imprellion  la  plus  jufte  du  fcns  commun 
répandu  dans  le  genre  humain.  Il  eft 
donc  naturel  de  repondre  fimpleir.ent  à 
la  première  propofition  qui  leur  fert  de 
H  h  h  h  h  z 


8z8  A  T  H 

principe  :  vous  avancez  une  extravagance 
qui  révolte  le  fens  comnuin ,  &  que  vous 
n'entendez  pas  vous-même.  Si  vous  vous 
obftinez  à  foutenir  que  vous  comprenez  une 
chofe  incompréhenlible  ,  vous  m  autorifcz 
à  juger  que  votre  efprit  eft  au  comble  de 
l'extravagance  ,  &  que  je  perdrois  mon 
temps  à  raifbnner  contre  vous  &  avec  vous. 
CeA  ainli  qu'en  niant  abfolument  la  pre- 
mière propofition  de  fes  principes ,  ou  en 
éclairciirant  les  termes  obfcnrsdont  il  s'eme- 
loppe,  on  renverfe  l'édifice  &  le  fyftémc  par 
tes  fondemejis.  En  eifct  ,  les  principes  des 
feftateurs  de  Spinofa  neréfultentque  des  té- 
nèbres où  ils  prennent  plaifir  à  s'égarer  , 
pour  y  engager  avec  eux  ceux  qui  veulent 
bien  être  la  dupe  de  leur  obfcurité  ,  ou  qui 
ii'cnt  pas  aflcz  d'intelligence  pour  apperce- 
voir  qu'ils  n'entendent  pas  eux-mêmes  ce 
qu'ils  difènt. 

Voici  encore  quelques  raifons  dont  on 
peut  fe  fervir  pour  renverlcr  ce  fyftême.  Le 
mouvement  n'étant  pas  elfentiel  à  la  ma- 
tière ,  &  la  matière  n'ayant  pu  fe  le  don- 
ner à  elle-même  ,  il  s'enfuit  qu'il  y  a  quel- 
que autre  fubllance  que  la  matière ,  &  que 
cette  fubftance  n'eft  pas  un  corps  ,  car 
cette  même  diilîculté  retourneroit  à  l'infini. 
Spiiwja  ne  croit  pas  qu'il  y  ait  d'abfurdité 
à  remonter  ainfi  de  caufe  en  caufe  à  l'infini  \ 
c'cfl:  fe  précipiter  dans  l'abyme  pour  ne 
pas  vouloir  fe  rendre  ',  ni  abandonner  fon 
fyftême. 

J'avoue  que  notre  eiprit  ne  comprend 
pas  l'infini ,  mais  il  comprend  clairement 
qu'un  tel  mouvement  ,  un  tel  effet  ,  un  tel 
tomme  doit  avoir  fa  première  caufe  ^  car 
fi  l'on  ne  pouvoit  remonter  à  la  première 
caufe,  on  ne  pourroit ,  en  delcendant,  ren- 
contrer jamais  le  dernier  effet ,  ce  qui  eft 
manifeftement  faux ,  puifque  le  mouvement 
qui  fe  fait  à  l'inftant  que  je  parle  ,  eft  de 
ncccflité  le  dernicr.f/Gèpendant  on  conçoit 
fans  peine  ,  que  jemonter  de  l'effet  à  la 
caufè  ,  ou  deicendre  de  la  caufe  à  l'effet , 
font  des  chofes  unies  de  la  même  manière 
qu'une  montagne  avec  •  fa  vallée  ■■,  de  forte 
que  ,  comme  on  trouve  le  dernier  effet,  ou 
tîoit  auili  rencontrer  la  première  caufe. 
Qu'on  ne  dilè  pas  qu'on  peut  connncncer 
wws.  ligne  au  point  où  je  fais  ,  &  la  tirer 
jufqu'à  l'infini  j  de  même  qu'on  peut  corn- 


AT  H 

niencer  un  nombre  êc  l'augmenter  Jufqu'à 
l'infini  ^  de  telle  forte  qu'il  y  ait  un  premier 
nombre  ,  un  premier  point  ,  làns  qu'on 
puiffé  trou\er  le  dernier.  Ce  feroit  un  fo- 
phifme  facile  à  reconnoîcre  ,  car  il  n'eft  pas 
queftion  d'une  ligne  qu'on  puiffe  tirer ,  ni 
d'un  nombre  qu'on  puilîc  augmenter  ,  mais 
il  s'agit  d'une  ligne  formée  &  d'un  nombre 
achevé.  Et  comme  toute  ligne  qu'on  achevé 
après  l'avoir  commencée  ,  toutnombre  qu'on 
cefle  d'augmenter  ,  eft  néceffairement  fini , 
ainfi  de  même  ,  dans  le  mouvement ,  l'effet 
qu'il  produit  à  l'inftant  étant  fini  ,  il  fout 
que  le  nombre  des  caufes  qui  concourent  à 
cet  effet  le  Ibit  auffl. 

On  peut  éclairer  encore  es  que  nous  di- 
Ibiis  par  un  exemple  aifez  feniîble.  Les 
philofophes  croient  que  la  matière  eft  divi- 
lible  à  l'infini.  Cependant  quand  on  parle 
d  une  divifion  aduelle  &  réelle  des  p;irties 
du  corps  ,  elle  eft  toujours  néceffairement 
finie.  11  en  eft  de  même  àcs  caulës  &  des 
effets  de  la  nature.  Quand  elle  en  pourroit 
produire  d'autres  ,  &  encore  d'autres  à 
l'infini ,  les  caulës  néanmoins  &  les  effets 
qui  exiftent  actuellen:ent  à  cet  inftant  ^ 
doivent  être  finis  en  nombre  ■■,  &  il  eft  ridi- 
cule de  croire  qu'il  faille  remonter  à  l'in- 
fini pour  trouver  la  première  caulè  du  mou- 
vement. De  plus ,  quand  on  parle  du  mou- 
vement de  la  matière  ,  on  ne  s'arrête  pas  à 
une  feule  partie  de  la  matière ,  pour  pou- 
voir donner  lieu  à  Spinofa  d'échapper  ,  en 
difant  que  cette  partie  de  la  matière  a  reçu, 
fon  mouvement  d'une  autre  partie  ,  &C 
celle-là  d'une  autre  ,  &  aiiiii  de  inéme  juf- 
qu'à  l'infini  ;  mais  on  parle  de  toute  la  ma- 
tière quelle  qu'elle  foit ,  finie  &  infinie  , 
il  n'importe.  Ou  dit  que  le  mou\en;ent 
n'étant  pas  de  l'eflcnce  de  la  matière  , 
il  faut  nécelfairement  qu'elle  l'ait  reçu 
d'ailleurs.  Elle  ne  peut  l'avoir  reçu  du 
néant  ■■,  car  le  néant  ne  peut  agir.  11  y  a 
donc  une  autre  caulé  qui  a  imprimé  le  mou- 
vement à  la  matière  ,  qui  ne  peut  être  ni 
madère  ni  corps.  C'cft  ce  que  nous  appelions, 
ejpvu. 

On  démontre  encore  par  l'hiftoirc  da 
monde ,  que  l'univers  n'a  pas  été  tcrn-.e  par. 
une  longue  (iicceilion  de  temps  ,  ccmnie 
il  faudroit  néceifiùrement  le  croire  &  \q.s 
dire,  fi  une  cauié  toute-puillimtc  ôc  iiU€i> 


A  T  H 

ligcnte  n'avoit  pas  prclîdc  dans  la  créa- 
tion ,  afin  de  1  ache\  cr  &  de  le  mettre  en 
fa  perfeèlion.  Car  s'il  ctoit  formé  par  le 
(cul  mouvornent  de  la  matière ,  pourquoi 
fè  feroit-elle  fi  épuifée  dans  fes  commence- 
iiiens  ,  qu'elle  ne  puiffe  plus ,  &  n'ait  pu 
depuis  plufieurs  (iccles  foriner  des  aftrcs 
nouveaux  ?  pourquoi  ne  produiroit  -  elle 
pas  tous  les  jours  des  animaux  &  des  hom- 
mes par  d'auti-cs  voies  que  par  celle  de  la 
génération  ,  fi  elle  en  a  produit  autrefois? 
ce  qui  ell  pourtant  inconnu  dans  toutes  les 
hiftoires.  II  faut  donc  croire  c£u'une  caufc 
intelligente  &  toute-puilîaate  a  formé ,  dès 
le  commencement ,  cet  univers  en  cet  état  de 
perfection  où  nous  le  voyons  aujourd'hui. 
On  fait  voir  aulll  qu'il  y  a  du  deffein  dans 
lacaufequi  a  produit  l'univers,  Spinofan'au- 
roit  pu  néanmoins  attribuer  une  vue  &  une 
fin  à  fa  matière  informe.  Il  ne  lui  en  donne 
qu'en  tant  qu'elle  ell  modifiée  de  telle  ou 
telle  manière  ,  c'eil-à-dire  ,  que  parce  qu'il 
y  a  des  hommes  &  des  animaux.  Or 
c'efl  pourtant  la  dernière  des  iibfurdités  , 
de  croire  &  de  dire  que  l'œil  n'a  pas  été 
fait  pour  voir ,  ni  l'oreille  pour  entendre. 
Il  faut,  dans  ce  malheureux  fyltéme,  réfor- 
mer le  langage  humain  le  plus  raifonna- 
ble  &  le  mieux  établi  ,  sfin  de  ne  pas 
admettre  de  connoilfance  &  d'intelligence 
dans  le  premier  auteur  du  monde  &  des 
créatures. 

II  n  efî:  pas  moins  ablùrde  de  croire  qi:c  , 
il  les  premiers  hommes  font  fbrtis  de  la 
terre  ,  ils  aient  reçu  par-tout  la  même  figure 
de  corps  &  les  mé:îies  trai';s ,  fans  que  l'un 
ait  eu  une  partie  plus  que  l'autre  ,  ou  dans 
une  autre  iîtuation.  Mais  c'efi;  parler  con- 
formément à  la  raifon  ik  à  l'expérience  ,  de 
dire  que  le  genre  humain  foit  Lrti  d'un 
même  moule ,  &  qu'il  a  été  fait  d'un  même 
iàng.  Tous  ces  argumens  doivent  convain- 
cre la  raifon  ,  qu'il  y  a  dans  l'univers  un  au 
tre  agent  que  la  matière  ,  qui  le  régit  & 
en  diîpofè  comme  il  lui  plaît.  C'eil  pour- 
tant ce  que  Spinofk  a  entrepris  de  détruire. 
Je  finis  par  dire  que  plufieurs  perfonnes  ont 
aifuîé  que  là  dodfrine  ,  confidérée  n  cm? 
indépendamment  des  intérêts  de  la  reli- 
gion ,  a  paru  fort  niéprifabîe  aux  grandi 
mathématiciens.  On  le  croira  plus  fatile- 
meut ,  fi  l'on  fc  fouvieiït  de  ces  deux  cho- 


A  T  H  8i^ 

fcs  :  l'une  ,  qu'il  n'y  a  point  de  gens  qui 
doivent  être  plus  perfuadés  de  la  multipli- 
cité des  fublhmces  ,  que  ceux  qui  s'appli- 
quent à  la  confidcration  de  l'étendue  i  l'au- 
tre ,  que  la  plupart  de  ces  fiivans  admet- 
tent du  vuide.  Or  il  n'y  a  rien  de  plusoppofé 
à  l'hypothefe  de  Spinofa  ,  que  de  foutenir 
que  tous  les  corps  ne  fc  touclient  point ,  ik. 
jamais  deux  fyllémes  n'ont  été  plus  opposés 
que  le  lien  ix  celui  des  atomiltes.  11  cit  d'ac- 
cord a\ec  Epicure  en  ce  qui  regarde  la  re- 
jcéfion  de  la  providence  ^  mais  ,  dans  tout 
le  relie  ,  leurs  lyfiémes  font  comme  l'eau  ^ 
le  feu.  (À') 

ATHELING  ,  f.  m.  (  Hip.  mod.  )  étoit 
chez  les  anciens  Saxons  ,  ancêtres  des  An- 
glois  ,  un  titre  d'honneur  ,  qui  appartenoit 
en  propre  à  l'héritier  préfomptif  de  la  cou- 
ronne. 

Ce  mot  Aient  du  mot  Saxon  crdeling  , 
qui  eft  dérivé  de  add ,  noble.  On  l'écrit 
aulîi  quelquefois ,  adling,  edling  ,  eMing&C 
ethcimg. 

Le  roi  Edouard  le  confefi"eur  étant  lâns 
cnfans,  &  voulant  faire  Edgar  ,  dont  il  étoit 
le  grand  oncle  maternel  ,  fon  héritier  ,  lui 
donna  le  premier  le  nom  û'atheling  ^  les 
antiquaires  remarquent  qu'il  étoit  ordinaire 
aux  Saxons  de  joindre  le  mot  de  ling  ou 
ing  y  à  un  nom  chrétien ,  pour  marquer  le 
fils  ou  le  plus  jeune  ,  comme  Edmondin.?  , 
pour  le  fils  d'Edmond  ;,  Edgaring  ,  pour  le 
fils  d'Edgar  :  c'efi  pour  cela  que  quelques- 
uns  ont  cru  que  le  mot  aiAeling  devoit 
îigjiifier  originairement  ,  le  fih  d'un  noble 
ou  d'«/7  prince,  Ccj>endiint  il  y  a  apparence 
que  le  mot  cihelinç ,  quand  il  eft  appliqué 
à  l'héritier  de  la  couronne  ,  fignifie  plutôt 
un  homme  doué  de  plufieurs  belles  ijuiilués  y 
que  le  fils  d'un  noble  ■■,  &  ce  teriiie  paroît 
répondre  au  nobiliff.  Cœjar  ,  qui  étoit  ea 
ufiige  chez  les  Romains.  Voye^  Cesar  &■ 
NOBILISSIME.   (G  ) 

ATHEMADOULET ,  f  m.{HiJl.mod.) 
c'cd  le  premier  0:1  le  principal  mitiiftre  de 
l'empire  tles  Pcrfes.  Ce  mot ,  lèlon  Kemp- 
fer  ,  s'écrit  en  perfan  ,  athemaaddaulet  ; 
félon  Ta\ernicr  ,  aihemcidoulet  ;  félon  San- 
Icu  ,  eimadoulet.  On  le  regarde  comme 
originairement  Arabe  ,  &  compofé  de  iti~ 
mode  èc  dauUt ,  c'eft-à-dire  ,  la  confiance  en 
la  majejlé  -^  oiJ ,  feloji  lavcrnicr ,  lefuppqrt- 


830  A  T  H 

des  riches  )  &  feloa  Kempfer  ,  f  appui  &  le 
ré/upe  de  la  cour. 

L'autorité  de  Yatkemadoulet  reflemble 
beaucoup  à  celle  du  grand  vifir  de  Turquie, 
excepté  qu'il  n'a  point  le  cominandement 
de  l'année  ,  comme  le  grand  vifir.  Voyei 
VisiR. 

\J athemadoulet  eft  grand  chancelier  du 
royaume  ,  préfident  du  confcil  ,  fiirinten- 
dant  des  finances  ^  8c  il  eft  chargé  de  toutes 
les  affaires  étrangères  ;  c'eft  un  véritable 
vice-roi  ou  gouverneur  du  royaume  ;  il  in- 
titule ainfi  les  ordonnances  &  édits  du  roi  : 
Bende  derga  ali  il  alia  etmadaulet  :  c'eft-à- 
diie  ,  moi  qui  fuis  le  foutieii  de  la  puijfance  , 
la  créature  de  cette  cour  ,  la  plus  puijjante  de 
toutes  les  cours  ,  &c.   (G) 

ATHENA  ,  (Mu/iq.  inflr.  des  anc.  )  forte 
de  flûte  des  Grecs ,  dont  on  dit  que  le  Thé- 
bain  Nicophele  fe  fervit  le  premier  dans  les 
hymnes  à  Minerve,  f  Poil.  Onom.  lib,  IK  , 
cap.  X,  )  Il  y  avoit  aufTi  une  efpece  de  troin- 
pette  appellée  Athtna.  Voy.  TROMPETTE. 
Mufiq.  inftr.  des  anciens.  (  F.  D.  C.  ) 

ÀTHÉNAIS  ,  Voy,  Eudoxie. 

ATHÉNÉE  ,  f.  m.  (  Hifi.  anc.  )  c'étoit  un 
lieu  public  à  Rome  ,  bâti  l'an  i.^S  ^le  J.  C. , 
par  1  empereur  Adrien  ,  pour  fervir  d'audi- 
toire aux  favans  ,  &  à  ceux  qui  ,  félon  la 
coutume  ,  voudroient  lire  ou  déclamer  leurs 
ouvrages  en  préfeuce  d'une  nombreufc  af- 
femblée.  Il  fcrvoit  aulfi  de  collège  ,  &  l'on 
y  faifbit  des  leçons  publiques.  On  conjeaure 
qu'Adrien  nomma  ainfi  cet  édifice  du  nom 
grec  A^îrn  « ,  Minerve ,  deelfe  des  fciences , 
ou  de  la  ville  d'Athènes ,  qui  avoit  été  le 
féjour  &  comme  la  mère  des  beaux-arts.  Un 
femblable  atkenée  ,  conftruit  à  Lyon  par 
l'empereur  Caligula  ,  fut  célèbre  par  les 
grands  hommes  qui  y  enfeigncrent ,  U  par 
ks  prix  qu'y  fonda  ce  prince.  On  a  étendu 
ce  titre  ^athénée  aux  collèges  ,  aux  acadé- 
mies ,  aux  bibliothèques,  aux  cabinets  des 

favans.  (  G  ) 

ATHÉNÉES ,  adj.  pris  fubft.  (  H//?,  anc.  ) 
fête  que  les  Athéniens  célébroient  en  l'hon- 
neur de  Minerve.  Erichtonins  ,  troifieme 
roi  d'Athènes  ,  l'avoit  inftituéc  ^  lorfque 
Théfée  eut  rallèmblé  les  douze  bourgades 
de  l'Attique  pour  en  former  une  ville  ,  la 
fcte  célébrée  par  tous  les  peuples  réunis  , 


A  T  H 

prit  le  nom  è&Panathéniti,  V.  PanATHÉ- 

NÉFS.  (G) 

§  ATHENES,  (Géogr.)  ancienne  ville  de 
Grèce ,  fituée  auprès  du  golfe  d'Egines ,  Sa- 
ronicus finus  ,  aujourd'hui  Setines  ,  capitale 
de  la  Livadie.  £.  41  ,  55  ^  /ar.  38  ,  5. 

Cette  ville ,  autrefois  la  capitale  de  l'At- 
tique ,  s'eft  rendue  à  jamais  célèbre  par 
les  grands  hommes  en  tout  genre  qu'elle  a 
produits  ,  par  le  foin  &  le  fuccès  avec 
lequel  les  arts  &  les  fciences  y  étoient  cul- 
tivés ,  &  par  la  ^-a^g-Kq  de  fes  loix.  Rap- 
portons ici  l'éloge  que  Ciceron  en  fait  , 
Orat.  pro  Flacco  ,  C.  XXVI.  «  C'eft-là  où 
la  politelfe  des  mœurs  ,  le  favcir  ,  la  ma- 
nière de  fervir  la  divinité ,  l'art  de  culti- 
ver la  terre  ,  &  d'employer  fes  produâioiis 
aux  différens  befoins  de  la  vie  ,  la  con- 
noilfance  du  droit  ,  la  fcience  des  loix  , 
ont  pris  naiflance  ,  &  d'où  elles  fe  font 
répandues  fur  toute  la  terre.  C'eft  pour- 
quoi on  a  feint  ,  qu'à  caufe  de  fa  beauté, 
les  dieux  s'en  difputereiit  la  poflëfllon.  Sou 
antiquité  eft  telle  ,  qu'elle  palfe  pour  avoir 
produit  d'elle-m.ême  fes  premiers  habitans , 
en  forte  que  la  même  terre  eft  toute  à  la 
fois  leur  mère  ,  leur  nourricière  &  leur  pa- 
trie. La  confidcration  qu'elle  s'eft  attirée  eft: 
({  grande ,  que  la  réputation  de  la  Grèce ,  fi 
diminuée  ?<;  prefque  tombée  ,  ne  fublifte 
plus  que  par  l'eftime  générale  qu'on  a  pour 
cette  ville.  )) 

Si  l'on  confulte  l'hiftoire  ,  on  trouvera 
({uAtkenes  fut  bâtie  par  Cécrops  ,  origi- 
naire de  Sais ,  en  Eg^'pte.  Elle  fiit  premiè- 
rement appellée  Cécropie  ,  du  nom  de  fon 
fondateur  :  Cranaiis  lui  donna  enf.iite  celui 
<ï Athènes  ,  en  conlidération  de  Minerve  , 
appellée  par  les  Grecs  \Sma  ,  qui  en  étoit 
deelfe  tutélaire  ,  &  qui  y  étoit  honorée 
d'une  manière  particulière.  D'autres  difcnt 
qu'il  lui  fit  porter  le  nom  d'Atliene  fa  fille  , 
au  lieu  de  celui  de  Cécropie  ou  de  Poflîdo- 
nie  ,  qu'elle  portoit  auparavant.  Peut-être 
que  la  reflcmblance  de  ce  dernier  nom  avec 
celui  de  Neptune  ,  qui  s'appcUoit  n.juS'ùv , 
a  donné  lieu  à  la  fable  du  combat  de  Minerve 
&  de  Neptune ,  dont  Ovide  fait  le  récit. 
Métam.  lib.  VI,  2. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  la  ville  ne  fut  pas 
aufii  coulîdérable  dans  fon  origine  qu'elle 
l'a  été  dans  la  fuite  •■,  fuivant  Thucydide , 


AT  H 

«lie  ne  s'ctendoit  giicre  au  delà  de  la  Cro- 
pole ,  qui  eft  encore  .iiijoiird'hiii  la  cita- 
delle placée  entre  deux  éirinences ,  dont 
l'iiiie  étoit  le  Mufceum  Se  l'autre  le  mont 
Anche fmus  ,  jufciu'à  ce  que  Thcfce  ,  à  /on 
retour  de  I  lie  de  Crête  ,  eût  pris  la  réfo- 
lution  de  réunir  les  douze  bourgs  de  l'At- 
tique  dans  une  feule  ville.  Il  fut  par-là 
oblige  d'en  étendre  l'enceinte  ,  queThcmif- 
tocle  agrandit  encore  par  la  conftruftion 
du  port  du  Pirée  ,  qu'il  joijînit  à  la  ville 
par  des  murs.  Voye^  ce  mot.  Parmi  les  dif- 
férentes chofes  remarquables  qu'il  y  avoir 
à  Athènes  ,  on  difliuguoit  particulicreincnt 
Vuc.idémie,  qui  étoit  le  lieu  où  s'aficmbloicnt 
ceux  qui  étoient  attachés  à  la  ihttc  de  Platon  ; 
delà  vient  qu'on  leur  donna  le  nom  cl'acj- 
démiciens  ,  tout  comme  on  donna  celui  de 
péripatéticiens  aux  fectateurs  d'Anltotc , parce 
qu'ils  le  promenoient  dans  le  Lyc-ïC.  Voye\ 
Académie,  Académiciens, Péripaté- 
ticiens ,  Lycée.  Il  y  avoit ,  outre  cela  , 
le  portique,  appelle  no/ciA:!,  qui  étoit  une  cé- 
lèbre galerie  ]îe!iite  par  Polignote  ,  où 
Zenon  aifembloit  fes  difciples.  Ce  fut  de 
ce  lieu  appelle  en  grec  Sto^t  ,  qu'ils  prirent 
le  nom  de  Stoickns.  On  voyoit  encore  les 
jardins  d'Epicure  ,  où  ce  philofophe  avoit 
accoutumé  de  débiter  ks  dogmes. 

On  doit  juger  par  tous  ces  établiflemens, 
combien  îts  Iciences  étoient  en  honneur  à 
Athènes.  On  n'y  étoit  pas  moins  attentif  à 
tout  ce  qui  pouvoit  infpirer  du  goût  pour 
les  armes.  On  accordoit  les  récompenfes 
les  plus  riatteulcs  à  ceux  qui  sétoieiit  dif- 
tingués  dans  les  combats.  On  leur  élevoit 
des  ftaïues.  Il  y  avoit  un  cimetière  féparé 
pour  ceux  qui  étoient  morts  au  fervice  de 
leur  patrie ,  qu'on  appelloit  le  ccrarni<juc. 
Voyez  ce  mot  ;  &  leurs  dcfcendans  éîcicut 
entretenus  aux  dépens  de  la  république. 
Ceux  qui  furvivoientà  leurs  exploits  étoient 
comblés  de  louanges ,  &  on  a  remarqué 
que  les  Grecs  y  étoient  ordinair£:?ieut  fèn- 
libles.  Cette  inclination  eiî  peut-être  ce  qu'il 
y  a  de  plus  propre  à  produire  les  grands 
hommes ,  quoiqu'elle  prùfle  avoir  aufîi  de 
ti-ès-fâchcuiès  fuites.  Plutarque  a  dit  de 
Thémiltocîe ,  que ,  comme  après  la  victoire 
de  Salamine,  il  entendit  un  jour  que  parmi 
la  foule  qui  l'environnoitjCcux  dont  il  étoit 
connu  le  niontroieut  aux  autres ,  en  dila/it , 


ATH  8ji 

c'ejf-là  et  grand  Thémiflocle  ,il  confcfla  qu.il 
k  troiivoit  bien  payé  de  tous  fes  travaux. 
Horace  ,  grand  connoifl'cur ,  dit  des  Grecs  , 
que  hors  les  louanges  ils  n'étoicnt  avares  de 
rien  :  prœter  laudem  nullius  avari. 

Cette  ville  fut  gouvernée  premièrement 
par  des  rois ,  &  cnfuite  par  des  archontes.  V. 
Archontes.  Outre  ces  magiftrats ,  qui 
avoient  chacun  leur  départementparticulier, 
il  y  avoit  le  confeil  de  l'aréopage  :  Voye^ 
ce  mot  ;  ôc  un  confèil  compofé  de  500 
perlônnes ,  où  l'on  rapportoit  tontes  les 
affaires  avant  que  de  les  propofcr  à  l'aficir.- 
blée  du  peuple ,  en  qui  réiidoit  la  Ibuve- 
rainc  autorité.  Ce  plan  de  gouvernement 
étoit  dû  en  partie  à  Soloii  ,  qui  réforma 
ce  qu'il  y  avoit  de  défeétueux  dans  l'an- 
cienne conftitution  de  l'état ,  &  qui  ,  aux 
loix  trop  lànguiiiaircs  de  Dracon  ,  en  fubf- 
titua  d'autres  plus  modérées.  Cette  forme 
de  gouvernement ,  à  quelques  chaiigemens 
près  que  l'on  fut  obligé  d'y  faire  par  la 
divcrllté  des  temps  &  des  coiijondures  , 
s'ell  conlervée  à  Athènes  pendant  une  lon- 
gue fuite  d'années ,  julqu'à  ce  que  cette 
\ ille ,  après  a\oir  pailé  par  diiîérentes  ré- 
volutions ,  éprouva  le  fort  des  autres  villes 
de  la  Grèce ,  &  fut  foumilè  au  pouvoir 
des  Romains. 

Pifilîrate  fut  le  premier  qui  porta  at- 
teinte à  l;i  liberté,  la  première  année  de 
la  57*.  olympiade.  Cet  homine,  que  l'am- 
bition rendit  injufte ,  avoit  d'ailleurs  d'ex- 
cellentes qualités.  Dans  l'ulàgc  qu'il  fit  de 
fa  puiiTance ,  il  montra  du  rcljseét  pour  les 
loix  établies  :  détrôné  deux  fois  ,  il  fut 
remonter  fur  le  trône  ;  il  s'y  étoit  placé 
par  la  rulè ,  il  s'y  maintint  par  fon  huma- 
nité. Il  aimoit  les  lettres  ,  il  paflb  pour 
avoir  fondé  le  premier  une  bibliothèque  à 
Athènes  ;  il  finit  fes  jours  en  paix ,  & 
put  tranfmettrc  à  fes  enfans  la  fouverai- 
neté  qu'il  avoit  ufurpée  :  ils  ne  la  gardè- 
rent que  dix-huit  ans  ,  après  Iclqucis  les 
Athéniens  recouvrèrent  leur  liberté.  Cette 
république  elîiiya  auffi  une  crilc  ^'iolente 
par  Ja  guerre  que  lui  fit  Darius ,  fils  d'Hyf- 
tafpe  roi  de  Perfe.  La  viiloirc  qu'ils  eu- 
rent le  boiilieur  de  remporter  à  Marathon  , 
les  tira  l'.e  ce  danger.  Cette  entreprilè  de 
la  part  des  Perfes ,  ne  fut  que  comme  ]p 
prélude  de  celle  de  Xerxès,  qui  arma  contre 


Sjî  A  T  H 

les  Grecs  des  troupes  preff[iie  Innombra- 
bles par  mer  &  par  terre.  Athcnes  eut  beau- 
coup à  fouffrir  dans  cette  guerre.  Ses  lia- 
bitans  (è  virent  réduits  à  abandonner  !a  ville , 
à  envoyer  leurs  femmes  &  leurs  enfans  à 
Trezene  ,  &  à  embarquer  fur  leurs  vailfeaux 
tout  ce  qu'il  y  avoit  d'hommes  capables 
de  porter  les  armes.  L'armée  de  Xerxès 
s'empara  de  la  ville  fans  peine  :  mais  un 
petit  nombre  de  braves  citoj'ens  qui  s'é- 
toiciit  retirés  dans  la  citadelle  ,  s'y  défen- 
dirent jufqu'à  la  mort.  Xerxès  s'en  étant 
enfin  rendu  maître ,  la  fit  brûler  avec  la 
ville.  La  victoire  des  Grecs  à  Salamine  , 
obliiî^ea  ce  prince  de  quitter  la  Grèce.  Les 
troupes  qu'il  y  laiifa  furent  défaites.  Les 
Athéniens  &  les  Lacédémonicns  eurent  le 
plus  de  part  à  ces  viftoires.  Si  elles  leur 
acquirent  de  l'honneur ,  cette  guerre  leur 
coûta  beaucoup  aulli. 

Les  Athéniens  coururent  enfinte  \\\\  jjrand 
danp^er  dans  la  guerre  qu'ils  furent  obligés 
de  foutenir  contre  d'autres  états  de  la 
Grèce ,  en  particulier  contre  les  Lacédémo- 
nicns ,  &  qu'on  nomma  la  guerre  du  Pc- 
loponefe.  Périclès  étoit  à  la  tête  des  affaires , 
quand  cette  fuîiefte  divifion  s'éleva.  La 
pelle  ,  dans  ces  triRcs  circonftances ,  dé- 
truiiltauiîî  une  infinité  d'habitans.  La  guerre 
que  les  Athéniens  portèrent  en  Sicile  par 
les  confeils  d'Alcibiade  ,  fut  extrêmement 
ruineufe  pour  eux.  Affoiblis  par  les  pertes 
qu'ils  y  firent ,  leur  ville  fut  afllégée  & 
prilè  par  Lyfandre  ,  chef  des  Lacédémo- 
iiiciis.  Il,  y  établit  trente  tjTuns  ;  elle  re- 
couvra pourtant  fa  liberté.  Conon  ,  un  de 
iès  citoyens ,  en  rétablit  les  murailles.  Les 
Athéniens  eurent  beaucoup  à  foulrlrir  des 
troubles  que  Philippe  &  Alexandre  exci- 
tereat  dans  la  Grèce.  Leur  ville  fut  encore 
prife  par  Antipater.  Caflandre  ,  autre  gé- 
néral d'Alexandre  le  Grand  ,  s'en  rendit  en- 
fiiite  le  maître  ,  &  y  établit  pour  gouver- 
neur Démétrius  de  Phalere  ■■,  fous  fon  gou- 
vernement ils  jouirent  d'une  parfaite  tran- 
quillité. Un  autre  Démétrius,  c'elt  celui 
qu'on  nonune  Polyorcete  ,  s'en  rendit  maî- 
tre enfuite  ,  &  y  rétablit  le  gouvernement 
démocratique.  Peu  après ,  elle  fc  rebella 
contre  lui  ,  il  s'en  rendit  maître  5c  lui 
pardonna.  Elie  tomba  enfuite  fous  la  puif- 
iiuicc   d'Antigoniis    Gonatès.   Philippe  de 


A  T  H 

Macédoine  vouhit  la  foumettre ,  ina!s  il 
i!e  rciifiit  pas  dans  fon  entreprifè.  Arche- 
laiis ,  l'un  des  généraux  de  Mythridatc  ,  la 
prit  :  un  citoyen  d'At/ienes  ,  nomi'né  Arif- 
tion  ,  à  qui  Archelaiis  avoit  confié  quel- 
ques troupes ,  s'empara  de  toute  l'autorité , 
&  exerça  dans  cette  ville  une  cruauté  tyran- 
nique.  Elle  fut  enfuite  alTiégée  par  Sylla  , 
&  prife  d'affaut  après  un  long  fiege  très- 
cnicl. 

Dès-lors  la  Grèce  fut  en  quelque  forte 
dépendante  des  Roir.ains ,  faiis  être  cepen- 
dant tout-à-fait  privée  de  fa  liberté,  yî/zic- 
«w  fubfiila  encore  long-temps  avec  éclat, 
non  fur  le  pié  de  ville  ou  de  république 
guerrière ,  mais  comme  ville  ■  favante  5c 
comme  le  fiege  des  beaux  arts.  Les  grands 
y  envoyoient  leurs  enfans  pour  achever  leur 
éducation.  Ciceron  y  eîivoya  Ion  fils  pour 
étudier  fous  Cratippe.  Horace  &  félicitoit 
d'y  avoir  léjourné  ,  adjecere  boncr  paiilo  plus 
anis  Athenœ.  On  fait  que  S,  Bafde  &  Gré- 
goire de  Nazianze  y  avoicnt  fait  leurs  étu- 
des ^  Ciceron  lui-même  voyagea  dans  la 
Grèce  ,  à  Athènes  &  dans  l'Afie  mineure  , 
pour  s'y  perfeftionuer  dans  l'art  oratoire 
&C  dans'  l'éloquence  ,  dont  il  fut  depuis  un 
modèle  qu'on  pourroit  dire  parfait  parmi 
les  hommes. 

Enfin  ,  après  la  chute  de  l'empire  ,  Athè- 
nes devenue  la  proie  d'un  peuple  ennemi 
des  fciences ,  eft  tombée  dans  la  barbarie. 
Elle  fut  prife  par  les  Turcs  en  145  5  ,  re- 
prilc  par  les  V'énitiensen  1464  8c  en  1687  j 
mais  ils  furent  contraints  de  l'abandonner , 
&  elle  eft  reftée  aux  Turcs.  Tous  ces  ac- 
cidens  ont  fi  fort  diminué  fon  ancieiui» 
fplentieur ,  qu'elle  eft  devenue ,  pour  ainfi 
dire  ,  un  fimple  vilhige.  On  trouve  cepen- 
dant ,  foit  au  dedans  ,  foit  au  dehors , 
plufieurs  reftes  de  fon  ancienne  magnifi- 
cence ,  qui  prouvent  le  degré  de  perfec- 
tion auquel  l'architcûure  5c  la  fculpture 
avoient  été  portées  dans  cette  ville.  Elle  a 
encore  6000  habitans ,  dont  les  trois  quarts 
font  des  chrétiens  orientaux,  qui  y  ont  plu- 
fieurs églifcs  6c  chapelles,  avec  un  métrcn 
politaiii  qui  y  fait  fa  réfidence.  Les  Turcs  y 
ont  cinq  mofquées,  dont  une  étoit  ancienne- 
ment le  temple  de  Minerve ,  qu'on  appel- 
loit  Parthénion, 

Parmi  les    anticjuitcs    que  l'on    voit   à 

Athènes  , 


A  T  H 

nés  ,  celles  du  ch:1teaij  font  les  mieux  con- 
servées. Ce  château  cfl  kir  une  colline  ,  il 
renferme  un  temple  en  marbre  blanc  &  à 
colonnes  de  porpln're  &  marbre  noir  , 
qu'on  dit  magnifique  &  Ipacieux.  On  voit 
;ui  hontil'pice  des  ligures  de  cavaliers  ar- 
més ,  dans  le  pourtour  ,  d'autres  figures 
moins  grandes  ,  des  bas  reliefs ,  tsc.  au 
bas  du  château  ,  il  rede  dix-lèpt  colonnes 
do  marbre  blanc,  de  trois  cents  qui  formoient 
anciennement  le  palais  de  Thelée.  Ces  co- 
lonnes ont  dix-huit  pies  de  tour  au  moins  , 
&  iont  haut,  s  à  proportion.  On  lit  fur 
une  porte  qui  ell  entière ,  au  dehors  :  cette 
ville  d'Athènes  ejî  ajfiire'ment  la  lille  de 
The'fce ,  &  en  dedans  ,  cène  tulle  d'Athènes 
efilj.  l'ille  d'Adrien ,  &  non  pas  de  Thé  fée. 
On  voit  encore  \ç.  fj.nj.n  ou  la  lanterne 
de  Démollhene  ;  on  dit  que  c'eft-là  où 
ce  grand  orateur  s'enfermoit  pour  étudier 
fon  art  :  c'ell  une  petite  tour  de  marbre 
environnée  de  (ix  colonnes  canelees  ,  & 
couvertes  d'un  dôme  au  dediis  duquel 
il  y  a  une  lampe  à  trois  becs  en  orne- 
ment d'architeâure.  La  Irife  crt  chargée 
d'un  bas-reliet ,  où  l'on  diftingue  qua- 
torze grouppes  de  deux  figures  chacun  : 
ce  font  des  Grecs  qui  combattent  ou  qui 
facrifient.  Il  y  a  encore  quelques  ruines  de 
l'Aréopage  ,  du  Prytanée  ,  d'un  temple  de 
la  vidoire  ,  l'arfcnal  de  Lycurgiic  ,  un 
temple  de  Minerve  dont  nous  avons  lait 
mention  plus  haut ,  la  tour  des  vents  dont 
Virruve  a  parlé ,  les  débris  d'un  temple 
bari  fur  le  mont  Lnrium,  le  monument  de 
Philopappus  ,  celui  dcTralyllus  ,  quelques 
colonnes  du  Propylée ,  &  quelques  autres 
monumcns.  Ces  morceaux  refpirent  en- 
core un  air  de  grandeur  ;  &  du  milieu  de 
ces  décombres  s'élève  une  voix  éclatante 
^^ui  célèbre  à  la  lois  la  gloire  des  héros  &: 
celle  àts  artiiles  de  la  Gïccç.. 

Les  deux  rivières  de  l'ilifie  &  de  l'Eri- 
dan  qui  arrofent  la  plaine  fur  laquelle 
Athènes  ell  fituée  ,  font  peu  confidérables 
iUijourd'hui ,  parce  que  la  première  a  éjé 
partagée  en  plufieurs  canaux  pour  arroier 
les  plantations  d'oliviers ,  tellement  qu'elle 
ilé  réduit  à  la  fin  prelqu'à  rien  ;  la  dernière 
le  perd  tout-A-fait ,  parce  qu'on  la  conduit 
fur  les  champs. 

Nous  ne   pouvons  terminer  cet  article 
Tome  m. 


A  T  H  gî3 

fins  parler  des  grands  hommes  que  cotte 
ville  a  produits  ,  non  pour  faire  l'hilloirc 
de  leur  vie  que  nous  donnerons  dans  ton 
lieu  ,  mais  pour  nous  borner  uniquement 
à  une  indication  même  fort  incomplette  de 
ceux  qui  ont  figuré  le  plus  avantageufe- 
mcnt.  PiiKhate  qui  s'empara  du  gouver- 
nement X Athènes  ,  quoiqu'on  cela  il  le 
rendit  coupable  d'injuilice  ,  fut  à  certains 
égards  un  grand  homme  ,  l'ambition  l'a- 
veugla ,  (on  bon  naturel  l'empêcha  d'abu- 
(er  de  fon  pouvoir.  Miltiades  &  Thé- 
miflocle  furent  tout-à-la  fois  de  grands 
capitaines  &  de  grands  hommes  d'état. 
Arillido  brilla  par  fa  droiture  ,  par  fon 
amour  pour  fa  patrie  ,  &  montra  autant 
de  courage  que  tout  autre  pour  la  détenle. 
Après  ceux-l.'i ,  Cimon  le  difUngua  d'une 
manière  tout-à-fait  glorieufe.  Periclès  lut 
par  la  perfuafion  fe  rendre  en  quelque 
forte  maitre  de  la  république  :  il  n'a  laiflc 
aucun  écrit  qui  témoigne  les  talens  ;  mais 
fes  actions  rendent  très-croyable  tout  ce 
qui  fe  dit  de  fon  éloquence.  Conon  s'cfl 
rendu  célèbre  par  fon  amour  pour  la  pa- 
trie. Démollhene  pafîe  pour  un  modèle 
achevé  dans  Fart  oratoire.  Alcibiade  a 
réuni  tous  les  talens ,  la  nature  lui  avoit , 
pour  ainfi  dire ,  prodigué  tous  les  dons  , 
&  l'on  peur  dire  de  lui  qu'il  n'eut  point 
d'égal ,  foir  dans  le  vice ,  loit  dans  la  vertu  : 
on  auroit  dû  nommer  avant  lui  Socrate  , 
qui  fe  donna  beaucoup  de  foin  à  lui 
former  l'efprit  &  le  cœur.  Platon  a  rendu  , 
pour  ainfi  dire  ,  fon  nom  immortel. 
Thucydide  ,  Xénopon  ,  entre  les  hiflc- 
ricns  ;  Euripide,  Sophocle  ,  Ariftophane, 
Efchile  ,  parmi  les  poètes  ,  fe  firent  une 
grande  réputation.  Nous  en  ajouterions 
bien  d'autres  ,  fi  nous  ne  deflinions  pas 
un  article  féparé  dans  ce  Dictionnaire  à  tous 
les  grands  hommos  qii" Athènes  a  produits. 
Nous  allons  finir  par  tracer  le  caraâerc 
de  ce  peuple.  Toute  fon  hilloirc  montre 
qu'il  avoit  du  génie,  &  des  talens  fupé- 
rians.  Il  y  avoit  parmi  les  Athéniens  beau- 
coup de  lumière  &:  de  goût,  ils  jugeoient 
bien  des  ouvrages  d'elprit.  L'influence 
que  les  orateurs  avoient  dans  les  affaires 
de  la  république  ,  montre  combien  ce  peu- 
ple étoit  admirateur  de  l'éloquence  ;  ils  re- 
j  cherchoicut  la  pureté  du  langage  avec  ua, 
liiii 


^34  A  T  H 

foin     infini  ;   le  peuple   même   avolt  un 
extrême  clélic.itciïê  à  cet  égard  ;   l'aventure 
de  Thcophrafle  ,   fl  fouvent  rapportée  ,  en 
cft   une  bonne  preuve.  V.s  entcndoient  les 
intérêts  de  la  république  ,    le  peuple  même 
y    étoit     beaucoup    moins    ignorant    que 
chez   d'autres   nations.  Ceci   ne    doit  pas 
furprendre  :  on     voit    quelque   choie    de 
pareil    dans   la  plupart    des     états  démo- 
cratiques. Naturellement  bons  &  humains , 
la    bienfaifancc    des    Athéniens   s'étendoit 
jufqu'aux   bêtes  même  :  la  fondation  qu'ils 
firent    pour    un  mulet  qui  avoit  beaucoup 
travaillé  à  des  ouvrages  publics  en  efl  une 
marque.  D'iin  autre  côté  ,  légers  ,  inconl- 
tans  ,    ils  oublièrent    plus   d'une  lois   les 
bienfaits  qu'ils  avoient  reçus ,    &  payèrent 
d'ingratitude  ceux  qui  les  avoient  le  mieux 
fervis.  Ceci  peut  à  un  certain  point  s'excu- 
fer  par  leur  amoirr    pour  la  liberté  ;  ils  en 
étoient  jaloux  à  un  tel  degré  ,  qu'un  fim- 
ple    foupçon  les   faifoit   agir  comme  h  la 
taute  étoit     avérée.    L'oflraciime    pratiqué 
-contre  les  plus  dignes  citoyens  (  rcje:^  OS- 
TRACISME )  ,   ell  un   exemple  de  ce  que 
l'on  vient  de  dire.  Les  Athéniens  aimoient 
le  plaifir ,  mais  l'amour   du    plaifir  cédoit 
toujours  à  l'amour  de  la  patrie  ,  qu'ils  dé- 
fendirent en   plufieurs    occaiions  avec    la 
plus  grande  valeur.  De  fi  grandes  qualités 
&   de    fi   grands   détauts    ne  fe    rencon- 
trent guère  que  dans  des  pays  de  liberté. 
(T.D.  G.) 

Athènes,  {Hifloire  ancienne^rAtdquey 
autrefois  appelléc  lonie  ,  étoit  bornée  à  l'o- 
rient par  la  mer  Egée  ,  au  midi  par  le 
golfe  Saronique  ,  à  l'occident  par  la  Mé- 
garide ,  &  au  nord  par  la  Béotie.  Athcnes  , 
capitale  de  cette  contrée  ,  n'occupoit  dans 
fon  origine  que  l'efpacc  où  la  citadelle  tut 
depuis  conflruite  ;  mais  lorfqu'elle  devint 
l'école  des  nations ,  elle  prit  tant  d'ac- 
croiflément ,  que  Ion  circuit  étoit  de  cent 
foixante  &:  dix-huit  lladcs.  On  lui  donna 
d'abord  le  nom  de  Cécropicnne  ,  de  Ce'crops 
qui  tut  Ion  tondarcur  ;  &  ce  ne  fut  que 
ious  le  règne  d'Ampliitrion  ,  qu'elle  prit 
le  nom  à^AJienes.  Quclruefois  on  la  dif- 
tinguoit  fimplcment  par  le  nom  de  ville  , 
i.iirc  de  diillni!:lion  qui  lut  donné  à  Tro}'c  , 
à  Alexandrie  d'Egypte  &  à  Rome.  Quel- 
ques-uns prétendent  qu'fiUe  eut  Ogigès  pour 


A  T  H      ^ 

fondateur.  Mais  les  marbres  d'Arundel  & 
Eufebe  ne  datent  la  chronologie  à' Athènes , 
que  de  Cécropsqui  en  efi  regardé  comme 
le  premier  roi.  Il  eut  ieize  iuccefleurs  au 
trône  ,  dont  les  plus  célèbres  turent 
Ericlée  &  Théiée.  Le  premier  immorta- 
lifa  l'on  règne  par  la  découverte  de  l'agri- 
culture ,  qu'il  introduifit  dans  l'Attique  ; 
l'autre  raflémbla ,  dans  l'enceinte  de  la  ville , 
les  hommes  épars  dans  différentes  bour- 
gades ;  il  divifa  le  peuple  en  trois  clafTes  , 
comme  en  Egypte  ,  en  nobles  ,  en  labou- 
reurs &  en  artifans.  Tous  les  autres  rois 
n'ont  fauve  de  l'oubli  que  leur  nom_ , 
excepté  Codrus  qui  le  dévoua  pour  le  ta- 
lut  de  la  patrie.  Les  guerres  allumées  par 
fes  enfans ,  pour  fe  difputer  le  trône  qu'il 
laifloit  vacant ,  dégoûtèrent  le  peuple  du 
gouvernement  des  rois  ,  qui  n'avoient  eu 
que  le  fantôine  du  pouvoir ,  dont  le  corps 
de  la  nation  s'étoit  réiervé  la  réalité. 

Après  Tabolition  de  la  royauté,  on  éta- 
blit des  archontes  perpétuels ,  qui  n'avoient 
qu'une  autorité  limitée  par  la  loi  ,  dont 
ils  étoient  les  dépofitaires  &  les  minillres. 
On  craignit  que  la  perpétuité  de  leur 
pouvoir  ne  leur  ini'pirât  l'ambition  d'en 
abufer.  Le  peuple  ,  qui  s'étoit  réfervé 
la  puiflance  légillative ,  fixa  leur  nombre 
à  neuf  ,  &:  réduifit  leur  exercice  à  pareil 
nombre-  d'années  ,  ne  voulant  lailler 
auclme  trace  de  la  royauté  ,  dont  la  per- 
pétuité de  pouvoir  ofiroit  une  image 
odieufe  ;  &  dans  la  fuite  ,  les  archontes 
furent  annuels  ,  parce  que  les  Athéniens 
transieroient  ,  à  regret,  à  des  magiilrats  , 
une  autorité  qu'ils  croyoient  n'appartenir 
qu'au  cfirps  de  la  nation. 

Leur  adminillration  étoit  trop  palTItgere 
pour  les  rendre  relpeclables.  _  Armés  du 
glaive  de  la  loi ,  la  pointe  en  tut  émoudée 
dans  leurs  débiles  mains.  A  peine  avoient- 
ils  appris  à  gouverner ,  qu'on  leur  don- 
noit  des  fuccefl'eurs  fans  expérience  ,  qui 
ne  pouvoient  aufli  taire  qu'un  court  elîai 
de  leurs  lalens  pour  le  gouvernement  , 
iiins  avoir  le  temps  de  les  développe)-. 
Le  peuple  le  plus  infiruir  fut  le  plus  m.;l 
g(Hiverné  :  l'excès  du  mal  fit  fonger  aux 
moyens  d'y  appliquer  le  remède.  On  len- 
tit  la  néceflïté  de  fixer  les  principes  du 
gouvernement  qui ,  jufqu'alors  ,  avoient  été 


A  T  H 

arbitraires  ,  &  qui  font  tou)Oiirs  fîms  vi- 
gueur, quand  ils  n'ont  pas  le  fceau  du  chef 
&  de  k  nAÙon.  Athènes ,  emportée  julqu'à 
cette  époque  par  les  événemens  &  les 
pallions ,  jeta  les  yeux  iur  un  des  archon- 
tes ,  nommé  Dracon  ,  dont  la  vertu  dure 
&  farouche  ctoit  plus  propre  à  répri- 
mer l'indocilité  des  efclaves  ,  qu';\  façon- 
ner des  citoyens  à  l'obéiflance  des  loix. 
Il  falloir  que  les  Athéniens  fuffent  bien 
corrompus  ,  puifquc  leur  légiflateur  infli- 
gea pe'ne  de  mort  pour  les  fautes  les  plus 
légère  ;  &  pour  les  crimes  les  plus  atroces  ; 
il  condamna  au  même  (iipplice  le  malheu- 
reux qui  n'avoit  fait  qu'une  chute  ,  «Se  le 
fcélérat  vieilli  dans  l'habitude  du  crime. 
Il  falloit  une  grande  férocité  pour  diéfer 
des  loix  fi  barbares.  Peut-être  aufli  ne  con- 
fondit-il la  foiblelîé  avec  le  crime  ,  que 
parce  qu'il  connoilîoit  l'excès  de  corrup- 
tion de  (es  concitoyens  ,  &  qu'il  valoit 
mieux  être  barbare  qu'indulgent  ,  pour 
prévenir  la  tentation  des  maux  dont  il 
étoit  le  témoin.  Les  droits  de  l'humanité 
réclamèrent  contre  une  légiflation  li  meur- 
trière ,  qui  ne  fit  que  multiplier  les  dé- 
fordres  qu'elle  s'étoit  propofé  de  répri- 
mer. La  loi  parut  un  joug ,  &  il  falloir 
une  règle.  Tout  frein  fut  rompu  ;  &  l'on 
retomba  dans  le  chaos  de  l'anarchie.  Le 
peuple  ,  fatigué  lui-même  d'une  indépen- 
dance licencieufe  ,  s'adrefTa  à  Solon  pour 
lui  donner  des  loix.  Il  falloir  une  main 
habile  pour  guérir  tant  de  maux  :  trois 
faâions  avoient  des  vues  difiérentes  ;  les 
habitans  des  montagnes  vouloient  que  la 
puiflance  fouveraine  réfidât  dans  le  peu- 
ple ,  ceux  de  la  plaine  panchoient  vers 
l'arifîocratie.  Les  plus  iagcs  de.randoient  un 
gouvernement  mixte,  pour  mettre  une  ba- 
lance entre  la.  tyrannie  des  magiilrats  & 
la  licence  du  peuple.  Solon  ,  appelle  au 
trône  par  les  vœux  de  fa  nation  ,  prefcra  le 
titre  de  iégillatcur  à  celui  de  roi.  Les  fac- 
tions qui  divifoicnt  Athènes ,  ne  lui  per- 
mirent point  de  donner  à  fes  loix  ce  degré 
,de  perfection  qu'elles  auroient  pu  rece- 
voir dans  des  temps  moins  orageux  ;  comme 
il  lui  fut  impollible  de  faire  tout  le  bien 
dont  il  étoit  capable  ,  il  pallia  les  maux 
qu'il  ne  pouvoit  extirper;  &  quand,  au 
lieu    de   remède  ,    on   ne  donne  que  des 


A  T  H  835 

adoucillemcns  ,  on  augmente  les  maladies 
politiques  ;  il  eût  bien  voulu  fe  propoler 
Licurgue  pour  modelé  ;  mais  il  avoit  k 
niaitrillr  un  peuple  dominé  par  une  ima- 
gination ardente  ,  qui  confondoit  le  beau 
avec  le  luxe  ,  &  toujours  prêt  à  s'élancer 
au  delà  des  limites  d'une  liberté  railonna- 
ble.  Le  goût  des  voluptés  avoit  épuifé  les 
plus  grandes  fortunes  :  des  pères  dénatu-- 
rés  vendoient  leurs  enfans  pour  (e  déro- 
ber aux  pourfuites  de  leurs  créanciers  ufu- 
raires.  Les  mères  &  les  filles  prolHtuoient 
leur  honneur  pour  arracher  leurs  époux  & 
leurs  pères  des  priions  ;  d'autres  s'expa- 
trioient  pour  trouver  chez  l'étranger  des 
moyens  de  fubfilfer.  Les  campagnes  ref- 
toient  incultes  &  les  villes  défertes.  Le 
peuple  ,  ébranlé  par  l'exemple  de  Sparte  ,, 
où  il  n'y  avoit  ni  pauvres ,  ni  riches ,  ni 
inécontens  ,  demandoit ,  avec  des  cris  (é- 
ditieux  ,  le  partage  des  terres.  Solon ,  crai- 
gnant de  tomber  en  précipitant  fa  mar- 
che ,  commença  par  publier  une  remife 
des  dettes  ;  &  ,  pour  en  faciliter  le  paie- 
ment, il  augmenta  le  prix  de  la  monnoie. 
La  mine ,  qui  n'étoit  eifimée  que  foixante 
&  quinze  dragmes  ,  en  valut  cent.  Cet 
édit  ne  fit  que  des  mécontens  :  le  pauvre , 
qui  n'a\  oit  point  infpiré  afTez  de  confiance 
pour  contracter  des  dettes ,  ne  trouvoit 
aucun  foulagement  ;  le  riche  ,  qui  avoit 
retranché  fon  néceflaire  pour  augmenter 
fa  fortune  ,  eut  droit  de  fe  plaindre  :  il 
n'y  eut  que  les  diiîipateurs  qui  gardèrent 
le  filence  ;  parce  que  ,  ians  devenir  plus 
riches  ,  ils  n'eurent  plus  à  redouter  les 
pourfuites  de  leurs  créanciers. 

Ce  début  fit  connoître  à  Solon  qu'il  de- 
voir conformer  les  principes  de  fon  gou- 
vernement au  caradere  de  fes  concitoyens  : 
ainfi,  convaincu  lui-même  des  vices  de  fa 
légiflation,  il  dilcnt  :  Us  loix  que  je  donne 
aux  Athéniens  ,  ne  font  pas  les  meilleures 
qu'on  puij/'e  établir  y  mais  ce  font  les  meil- 
leures qu'Us  fuient  capables  Je  rccei-'oir  ;  & 
quand  on  les  comparoir  aux  toiles  d'arai- 
gnées ,  où  il  n'y  avoit  que  des  mouches 
qui  piifTent  fe  laifTcr  prendre  ,  il  répon- 
doit  qu'on  fe  foumettoit  ,  fans  murmurer , 
j  des  loix  qu'on  n'ai-'oit  aucun  intérêt  de 
lioler,  Ù  que  lesjiennes  étant  établies  pour 
l'utilité  de  tous  fes  concitoyens  ,  ils  crou- 

li  iii   i 


§3^  A  T   H 

ver  ientplus  d'avantages  à  les  obferverqu^à 
les  enfreindre. 

Solon  n  avoit  point ,   comme  Licurgue  , 
l'a-antage  d'une  haute  nalfllince  ;  il-n'em- 
ployoit  point,  comme   lui,  l'autontc  im- 
polànte  de  la  divinité  ,  ni  rimpoiKirc   des 
prêtres  pour  coniacrer   les  iniVitutions  ;   il 
n'avoit    que  cette   confiance  qu'infpire    la 
vertu,   touiours  trop  fimple  pour  être  rel- 
pedablc  à  la  multitude  ;   ainfi  ,  quoique  lu- 
périeur  par  les  talens  au  légiflareur  Spar- 
tiate, il   n'eut  pas  un  fi  glorieux  fucccs, 
parce  qu'il  fe  vit  fans  ceflc  arrêté  dans  la 
marche  :    il    fut  obligé    d'abandonner   au 
peuple   la   puiflànce    légillative  ,    le  droit 
d'élire   les  magiftrats  ,    de  contrader   des 
îiUia.ices,  de  faire  la  paix  &:  la  guerre.  Les 
citoyens    furent    diflribués    en    dit-terentes 
elalfes  ;  &  perfiiadé  que  l'indigent  confli- 
tué    en  dignité,    eft    plus   acccfiible    à    la 
vénalité  &''à  la  corruption  ,  il  ordonna  de 
ne  conférer  les  charges  qu'à  ceux  qui  _re- 
tireroient ,  au  moins ,  de  leurs  terres  cinq 
cents   mefures  de  froment,  d'iuiile  &    de 
vin  ;  mais ,   pour   confoler  les  pauvres  de 
cette  esxlufion  de  la  magiilraturc  ,   il  leur 

ibléc 


ans  avoit  droit  de  haran- 

orateurs  turbulens  loumettoient 

à 


lligeife  du    magiilrat    à   leur  éloquence 


donna  droit  de  luffrage  dans  les  airemblees 
publiques.  C'ttoit  avilir  les  magiilrats  que 
de  les  foumettre  aux  caprices  de  la  multi- 
fude  ,  qui  pouvoit  annuller  iés  arrêts  ; 
c'étoit  foumettre  les  décifions  des  perlon- 
nes  inflniites  à  une  aiïemblée  tumultueulé 
d'ignorans  ,  &  toujours  fufccptibles  de  vè- 
nalité  ou  de  fcduclion  ;  c'eft  ce  qui  fit  dire 
à  Anacharf!squcdans-4//îf/ifJ'  c'étoient  les 
fages  qui  delibéroient ,  &  que  c'etoknt  les 
fous  qui  avoient  le  privilège  de  décider. 

Ce  fut  pour  prévenir  l'abus  que  le  peu- 
ple pouvoit  faire  de  fon  autorité  ,  qu'il 
établit  un  fénat  compolé  de  quatre  cents 
citoyens  choifis  dans  les  quatre  tribus  qui 
formoient  le  corps  de  la  nation  ;  ils  étoient 
chargés  d'examiner  les  aiiaires  avant  de 
les  expofer  au  jugement  de  l'aflemblée,  qui 
feule  avoit  le  droit  de  décider.  Cette  inlH- 
tution  eût  été  exxellente ,  fi  ces  deux  au- 
torités bien  combinées ,  euiltnt  pu  fe  ba- 
lancer fans  fe  détruire  :  ces  aflèmblées 
étoient  trop  multipliées  pour  ne  pas  en- 
gloutir tout  le  pouvoir.  Le  lénat  devoit 
les  convoquer  quatre  fois  en  trente-fix 
jours.  Toutmagiftrat  &  tout  général  d'année 


A  T  H 

avoit  encore  le  droit  d'en  demander  3'ex- 
traordinaires  ;  ainfi  ,  c'étoit  un  corps  tou- 
jours fubfiftant ,  devant  lequel  tout  citoyen 
âgé  de  cinquante 
suer. 
la_ 

inioluue  &  féditieule  ;  plus  faciles  à  le  lalfler 
corrompre  qu'à  arrêter  la  corruption  ,  ils 
turent  les  artiians  des  troubles  &  les 
moteurs  Ats  diffenfions  ;  &  ,  quoique  la 
plupart  de  ces  démagogues  tulknt  le» 
moins  intérefTés  aux  deiafires  &  aux  prof- 
pérités  publiques ,  ce  n'ctoit  que  par  leur 
impulfion  que  les  flots  de  la  multitude  étoient 
agités. 

Solon  ,  pour  tempérer  des  défordres  dont 
il  étoit  dans  Timpuiflance  d'extirper  les  ra- 
cines ,   rétablit  l'aréopage  dans  fa  première 
dignité.  C'étoit  dans  cet  auguffe  tribunal  que 
la  diviniré   iémbloit   diéVer  fes   arrêts   par 
l'organe  des  hommes  qui  étoient  fon  image  : 
ces    intelligences  pures  &   fubllmes  préli- 
doicnt  aux  deifinées  publiques   &  particu- 
lières. Leur  incorruptibilité  &  la  fageiïe  de 
leurs  décifions  infpirerent  tant  de  confiance ,. 
que  les  rois  &  les  particuliers  ,  les  Grecs  &: 
les  barbares  loumettoient  à  leur  tribunal  les- 
affaires  les  plus  intérefïanres  &  les  plus  com- 
pliquées.   C'étoit  dans  les   ténèbres  qu'ils 
écoutoient  les  plaidoyers  &  prononçoient 

Ipiirc  nrrrrc:    •     \n<;    fair>;   rrnipnr  exnnies   avec 


eurs  arrêts  :  les  faits  étoient  expoiés  avec 
llmplicité  ;  les  réflexions  pathétiques  dé- 
voient en  être  bannies.  L'éloquence  lévé- 
rement  proicrite  ne  prctoit  point  au  men- 
fonge  les  couleurs  de  la  vérité  :  ces  juges 
incorruptibles  auroient  fuffi  pour  mainte- 
nir l'ordre  dans  une  république  vertueulé  ; 
mais  le  pouvoir  étoit  entre  les  mams  d'une 
multitude  ignorante  &  corrompue.  Les  loix 
de  Dracon  ,  qui  avoient  été  abolies  ,  furent, 
remifes  en  vigueur  ;  on  ne  fit  qu'adoucir 
la  févérité  des  peines  infligées  aux  coupa- 
bles ,  pour  ne  pas  laillér  iublilter  un  abus  qui 
confondoit  les  foiblefles  palfageres  avec  les 
crimes  d'habitude. 

Solon  ne  pouvant  atteindre  Licurgue 
pour  mettre  une  parfaite  égalité  entre  tous 
les  cnfans  de  la  patrie,  rapprocha  du  moins 
l'intervalle  qui  léparoit  les  citoyens  ;  il  lut 
permis  à  tout  le  monde  d'embrafler  la 
défenfè  de  l'oirenfé  ;  &  ,  quoiqu'on  ne  tiit 
point    lélc    perfonnellement ,   on    pouvoit 


A  T  H 

cîter  au  tribunal  des  loix  tout  auteur  d'un 
délit.    Cette    inllitution    anocioit   tous   les 
cuoJ''ens  aux  injures ,  &   accoutumoit  A   la 
fenfibiliré    des   maux    d'autrui  ;  il   fit  une 
autre  loi  qui  avoit  de  grands  avantages ,  & 
qui   ouvroit   la  porte  à  de   grands    abus  : 
il  ordonna  que  tout  citoyen ,  .dans  les  di(- 
lènfions  civiles ,  le  déclarât  pour  un  parti  ; 
ceux  qui  ,  par  vnc  lâche  politique  ,  relîoicnt 
dans    rindiilercnce  ,    furent    condamnés    à 
un   exil    perpétuel ,   &  i\  la  perte  de  leurs 
biens.  Le  motif  de  cette  infîitution  eft  icn- 
iihle  ;  tous  les  citoyens  ayant  la  patrie  pour 
mcrc  commune,    tous  doivent  contribi;er  à 
en  entretenir  la  l'plendeur.  Dans  les  divilions 
domeftiques ,   la    juilice  elt  toujours    d'un 
côté  ,  &  c'efl  la  trahir  que  de  ne  pas  le  dé- 
clarer pour  elle  :   c'eft  ctre  infidèle  à  l'état 
que  de   relier  dans    l'inaction  de    peur  de 
compromettre  (li  lortune;  &  il  arrive  fou- 
vent  que  ceux   qui  ont  le  plus  à  perdre  , 
font  toujours  arrêtés  par  une   circonfpec- 
tion  timide   &   hafiement  intérelTée.  Voilà 
quels  étoient    les    avantages   de   cette  loi  : 
vc^ci  quels  en  étoient  les  abus.  Dans  la  cha- 
kur    des  dilcordes    nationales  ,     les  deux 
partis  s'élancent  au  deLà  des  limites  ;  il  cÛ 
avantageux  qu'il  y  ait  des  citoyens  calmes 
&  exemps  de  partialité  pour  erre  les    ar- 
bitres des  fadions  à  la  fin  de  l'ivrefle.  Ce 
ne  peut  erre  que  les    Ipeftateurs  oiflfs  & 
indifTércns ,    qui  peuvent  inijjirer  la  con- 
fiance ;  quand  on  a  embrafTé  un  parti ,  on 
devient     naturellement     fulped  :    il    peut 
encore    arriver    que    des    faiftions    arraées 
foient  également  rcpréhenfibles  ;  alors  cette 
iniiitution  rendoit    tous  les  citoyens  cou- 
pables. 

Le  légiflateur  ne  voulant  pas  que  le  ma- 
riage fût  un  trafic  mercenair»,  mais  une 
union  formée  par  une  tendrefle  récipro- 
que ,  retrancha  du  contrat  tout  ce  qui 
pouvoit  allumer  la  cupidité.  Il  fut  ordonné 
que  les  filles  qui  n'étoient  pas  uniques  , 
n'auroient  pour  dot  que  trois  robes  & 
quelques  meubles  d'une  mince  valeur.  Ses 
loix  ,  pour  m.aintenir  la  pudeur  des  mariages 
&  les  peine.s  infligées  aux  adultères ,  furent 
des  freins  puiiritns  contre  la  lubricité.  La 
légiilarion  la  plus  vigilante  échoue  toujours  , 
quand  elle  eiftreprend  de  combattre  le  pen- 
chant d'une  nation. 


A  T  H  S37 

La  loi  ne  confultant  que  l'ordre  de  la 
nature  ,  avoit  julqu'alors  profcrit  la  liberté 
de  tciler  :  il  tut  permis  aux  mourans  de 
dilpo'.er  de  leurs  biens  ;  c'étoit  un  attentat 
contre  i:n  peuple  libre,  que  de  le  forcer  à 
laifler  ion  héritage  à  d'indignes  parcns  , 
tandis  qu'on  livroit  à  l'indigence  des  amis 
vertueux  ,  que  la  rcconnoiflance  obligcoit 
de  récompcnfer  ;  mais  cette  liberté  ne 
s'étendit  point  iur  ceux  qui  laifioicnt  des 
cntans  ;  quoiqu'on  n'en  ilût  pas  pré- 
voir un  grand  abus  ,  on  crut  qu'il  étoit 
de  la  décence  de  les  priver  des  moyens 
d'outrager  la  nature.  Il  n'établit  aucune  loi 
contre  le  parriciile  :  ce  crime  lui  parut  ii 
allreux  ,  que  c'eût  éré  en  faire  naître  l'idée 
que  de  le  défendre  ;  il  prononça  des  pei- 
nes féveres  contre  ceux  qui  calomnioient 
les  morts ,  quoique  leurs  déréglemens  eul- 
ient  mérité  une  jufte  cenlure  :  on  les  tenoit 
pour  i'acrés  ,  &  la  religion  s'en  déclaroit  la 
proteftnce.  La  licence  d'en  médire  auroic 
éternifé  les  haines  :  ceux  qui  diloient  des 
injures  dans  les  temples  ,  étoient  traités  de 
profanateurs  ;  on  punifloit  auili  ceux  qui , 
dans  les  tribunaux  ,  dans  les  afiemblées 
publiques  &  dans  les  théâtres  ,  donnoienf 
des  fcenes  de  violence  &  d'emi'ortemcnt , 
parce  que  le  public  aflcfiiblé  ell  toujours 
refpeélable  ,  &  qu'il  faut  avoir  un  tonds 
de  férocité  pour  violer  les  égards  qu'on 
lui  doit.  Les  récompcnfes  décernées  aux 
vainqueurs  dei  jeux  de  la  Grèce  ,  avoienc 
dégénéré  en  profulions.  Solon  détendit 
d'épuiler  le  tréior  public  pour  enrichir  des 
athlète»  &  des  lutcurs ,  tandis  qu'on  laii- 
foit  languir  dans  l'indigence  les  détenfeurs 
de  l'état  ;  ces  largcfles  parurent  mieux  em- 
ployées à  nourrir  les  entans  de  ceux  qui 
étoient  morts  les  armes  à  la  main  ,  ou  qui 
avoient  lêrvi  avec  intégrité  la  patrie  dans 
des  emplois  pacifiques. 

Les  manutaûures  ,  les  ans  &  les  mé- 
tiers furent  anoblis.  L'inutilité  ne  tut  plus 
le  privilège  de  la  naiflancc.  Solon  chargea- 
l'aréopage  de  s'informer  des  moyens  dont 
chacun  uloit  pour  fubfifter.  Il  favoit  que 
l'indigence  pareHeufe  failoit  de  mauvais 
cito}'ens  ;  c'étoit  donc  pour  bannir  l'inuti- 
liré&  les  vices  .  qu'il  tira  tous  les  arts  mé'- 
chaniques  de  leur  avilideinent.  Un  fils  fut 
difpcnfé  de  nouirir  l'on  père  ,   s'il  ne  lui 


SjS  A  T  H 

av'oit  fait  apprendre  aucun  métier  :  lesenfans 
ncs  d'une  courtifanne  jouirent  du  même 
privilège ,  qui  étoit  plutôt  une  flétrifliire  , 
puilqu'elle  éternilblt  l'infamie  des  auteurs 
de  leurs  jours.  La  confidération  attachée 
aux  arts  les  plus  vils  à  nos  yeux,  prévint  la 
contagion  des  mendians  qui  déshonorent 
les  villes  ,  &  qui  font  la  ccniiire  de  leur 
police.  A  peine  cette  légillation  fut-elle 
établie  ,  qu'il  s'éleva  trois  fadions  qui  conf- 
pirerent  à  la  détruire.  Piliilrate  ,  riche  , 
magnifique  &  populaire  ,  fit  fervir Tes  tréfors 
à  corrompre  les  âmes  vénales  ;  &  Solon  eut 
la  honte  de  voir  la  tyrannie  s'élever  fur  les 
ruines  de  fon  gouvernement ,  qui  ne  dura 
que  vingt-quatre  ans. 

Pifiitrate  ,  tyran  paifible  ,  étoit  d'autant 
plus  dangereux ,  qu'il  paroifloit  n'ufer  de 
fon  pouvoir  que  pour  la  félicité  publique. 
Ses  manières  inlinuantes  auroient  façonné 
les  Athéniens  à  l'efclavage  ,  fi  les  deux  au- 
tres fadions  ne  les  eulTènt  fait  fouvenir 
qu'ils  avoient  été  libres  ,  &:  qu'ils  avoient 
un  maître.  Pifilbatc  détrôné  deux  fois  ,  ren- 
tra deux  fois  triomphant  dans  fa  patrie  ;  il  ne 
fut  repréhenfible  que  par  les  moyens  qu'il 
prit  pour  s'élever.  Sa  douceur  &  fa  mo- 
dération légitimèrent  fes  prétentions  ;  &  , 
tant  qu'il  gouverna  ,  les  Athéniens  furent 
protégés  par  le  bouclier  de  ta  loi_;  il  divila 
le  peuple  en  dix  tribus.  Le  fénar ,  qui 
n'étoit  compofé  que  de  quatre  cents  féna- 
teurs ,  fut  augmenté  de  cent  ;  au  lieu  de 
quarante  prytanes  ,  il  en  établit  cinquante  , 
qu'il  tira  du  fénat  :  leurs  fondions  éfolent 
de  convoquer  les  aflémblées  du  peuple , 
&  de  rapporter  les  afEiires  fijr  lefquelles  le 
Jénat  avoit  déhbéré.  Piiillratc  n'eut  ni  le 
fort  ni  les  vices  des  tyrans  :  il  mourut 
tranquillement  dans  fon  lit  ,  &  tranfmjt  fa 
pullfance  à  les  deux  fils,  qui  n'hénterept 
ni  de  fes  talens ,  ni  de  fes  vertus  ;  l'un  fut 
adalilné  par  Hermodius  &  Ariibgiton,  ;\ 
qui  ylthenes  reconnoiiïante  rendit  prefque 
des  honneurs  divins  ;  l'autre,  nonjmé  Hyp- 
pias  ,  dégradé  du  trône  ,  fut  chercher  un 
afyle  à  la  Cour  de  Darius  qui ,  fous  pré- 
texte d'êt^-e  le  protcdcur  des  rois ,  eflaya  de 
donner  des  fers  A  la  Grèce. 

Apres  l'expulfion  d'Hyppias,  l'expérience 
de  la  rvrannie  réveilla  le  Icntiment  de  la 
Jiibçrté  •.  mais  la  crainte  de  l'opprefllyn  fit 


A  T  H 

de  tous  les  citoyens  autant  d'opprelTeurs.  On 
ne  fut  plus  vertueux  impunément  :  la  modé- 
ration ,  traitée  d'hypocnjie ,  fur  regardée 
comme  le  voile  d'une  adroite  ambition. 
La  fiipèrtorité  des  talens  parut  dangereufe, 
parce  qu'on  pouvoit  en  abuler  pour  oppri-. 
mer  ;  &  ,  dans  le  temps  qu'Athènes  élevé 
des  monumens  aux  bienfaiteurs  de  la  patrie, 
dans  le  temps  qu'elle  immortalife  leurs  lér- 
vices  &  fa  reconnoifl'ance  iur  le  bronze  & 
l'airain  .  elle  punit  par  le  ban  de  l'ollra- 
cilme  ou  d'un  exil  de  fix  ans ,  des  citoyens 
à  qui  elle  ne  peut  reprocher  que  le^ir  mé- 
rite &  leurs  vertus  :  c'étoit  déifier  &  traî- 
ner en  même  temps  dans  la  boue  fes  dé- 
fenfcurs. 

Les  inquiétudes  caufées  par  l'amour  de 
la  liberté  ,  empêchèrent  les  Athéniens  de 
tomber  dans  les  langueurs  de  l'inertie.  Le 
fanatiime  républicain  entretint  les  inclina- 
tions belliqueufes  d'un  peuple  qje  fes  pen- 
chans  entraînoient  vers  les  amorces  des  vo- 
luptés. Dans  l'ivrefTe  d'une  liberté  naiflvmte, 
ils  oferent  défier  la  puifiance  des  Perles 
qui  vouloient  rétablir  le  fils  de  Pififlrate  jur 
le  trône  ;  malgré  l'inégalité  de  leurs  for- 
ces ,  ils  furent  les  agreffeurs  ;  &  Sardis , 
capitale  de  Lydie  ,  fut  prife  &  réduiteen 
cendres.  Darius ,  indigné  qu'un  peuple  juf^ 
qu'alors  obicur ,  oiat  mefurer  ics  forces 
contre  lui  ,  réfolut  de  l'en  punir  ;  &  fon 
armée  ,  qui  s'avança  jufqu'à  Marathon  ,  fut 
hontcufement  défaite.  Le  monarque  Perlan  , 
plus  irrité  qu'abattu  ,  ié  préparoit  .i  Tondre 
une  féconde  fois  liir  la  Grèce  ,  lorfqu'il 
fut  furprJs  par  la  mort.  Xerxès ,  ion  luo- 
cefTeur  ,  impatient  de  venger  l'affront  tait 
à  fon  père  ,  dépeupla  fes  états  pour  former 
une  armée  de  dix-huit  cent  mille  combat- 
tans.  Les  Athéniens  fufpendirent  leurs 
nnimofités  domcfliqucs  ;  &.  ,  laifis  d'en- 
thoufiafme  pour  la  patrie  ,  ils  foutin- 
rent  avec  les  Spartiates  tous  le  poids  de 
la  guerre  midiquc  :  abandonnés  des  autres 
peuples  de  la  Grèce  ,  ils  furent  les  ièuls 
qui  rélolurentde  mourir  libres.  Thémllfo- 
cle ,  général  des  Athéniens  ,  ne  vit  qu'un 
moyen  de  fi^.uver  leur  ville  ;  c'étoit  de  l'aban- 
donner :  ils  conilruifent  des  vaiileaux  avec 
les  charpentes  de  leurs  maifons  :  ils  envoient 
les  vieillards  ,  les  femmes  ^  les  entans  A 
Salaminc  ;  &  rcftant  eux  mêmes  fans  patriç , 


A  T  H 

ils  s'avancent  pour  fcrvir  de  digue  ;\  une 
inondation  de  barbares.  Cette  rélolution 
hardie ,  infpirée  par  la  magnanimité ,  étoit 
moins  didée  par  le  dcieipoir  que  par  la 
prudence.  Si  les  Pcrfes  eullent  été  vain- 
queiu's ,  Athènes  n'eût  pu  iurTivre  à  ("es 
enhins  ;  ainii  ce  n'étoit  pas  la  iacrifier 
que  de  l'abandonner  ,  puifque  ,  fi  les 
Athéniens  étoient  triomphans  ,  la  ville 
reparoîtroit  peuplée  d'habitans  couverts  de 
gloire. 

Les  Perles  fe  répandent  comme  un  tor- 
rent dans  la  Grèce  ;  après  avoir  torcé  le 
pas  des  Thermopiles  ,  Thefpie  &  Platée 
font  réduites  en  cendres.  La  citadelle  à' Athè- 
nes luccombe  (ous  les  eflorts  des  barba- 
res ,  &  enlevelit  lous  Tes  ruines  Tes  in- 
trépides détenfeurs.  Leurs  flottes ,  compo- 
fées  de  douze  cents  vaifleaux ,  dominoient 
fur  les  mers  ;  &  les  Grecs  n'avoient  que 
trois  cent  qiuitre-vingts  voiles  pour  lui  en 
difputer  l'empire  :  mais  ils  occupoient  le 
détroit  de  Salamine ,  où  le  petit  nombre 
pouvoir  défier  la  iupériorité.  Ce  fiit  dans 
ce  bras  de  mer  que  s'engagea  le  combat  le 
plus  mémorable  dont  Fhiiloire  hifle  men- 
tion. Les  barbares ,  trop  reflerrés  ,  ne  pou- 
voient  déployer  toutes  leurs  forces  contre 
les  Grecs  qui  agiflbient  tous  à-la-fois  :  leur 
flotte  fut  diiperiée  ;  &  Xerxès  ,  craignant 
que  l'ennemi  ne  rompît  le  pont  qu'il  avoit 
jeté  fur  le  Bofphore ,  s'entuit  avec  précipi- 
tation dans  {ts  éta'ts ,  laifTant  à  Mardonius 
trois  cent  mille  hommes  qui  turent  taillés  en 
pièces  à  Platée. 

Les  Athéniens  ufercnt  de  la  plus  grande 
modération  envers  les  Grecs  qui  avoient 
trahi  la  caufe  commune  ,  &  que  les  Spar- 
tiates ,  moins  indulgens ,  vouloient  punir. 
C'eût  été  remplir  la  Grèce  de  mécontens  ; 
c'eût  été  ménager  des  amis  aux  barbares  :  il 
étoit  de  la  politique  de  pardonner.  Cette 
victoire  diflîpa  la  terreur  que  le  nom  Perfin 
inlpiroit.  On  éleva  le  courage  des  vivans 
par  les  honneurs  qu'on  rendit  aux  morts  ; 
on  grava  leurs  noms  &  celui  de  leurs  tri- 
bus iur  les  monumens  qu'on  érigea  dans 
le  champ  de  la  vidoire  ;  &  les  efclaves 
qui  avoient  pris  les  armes ,  curent  part  aux 
difiindions  :  on  infiitua  des  jeux  tunebres  , 
où  l'on  fit  le  panégyrique  de  ces  victimes 
de   la  patrie  ;  la  dixième  partie   du    butin 


A  T  H  S35 

fiit   confiicrée   aux    dieux  tutélalres  de   l.i 
Grèce. 

Les  Athéniens,  féduits  par  leur  profpé- 
rité ,  s'abandonnèrent  à  une  confiance  prc- 
fornptueule  ;  &  ,  honteux  de  n'occuper  que 
le  iecond  rangdans  la  Grèce  ,  ils  s'en  regar- 
dèrent comme  les  dominateurs.  Sparte ,  qui 
avoit    encore    fes  vertus  ,   fut    fufceptible 
d'une  baffe  jaloufie  de  leur  gloire  ;  elle  eut 
l'orgueil  impérieux   de    n'avoir  point    d'é- 
mulc  ,   elle  leur   défendit  de  rebâtir  leurs 
murailles ,  lous  prétexte  que  la  Grèce  en- 
tière étoit  leur  plus  terme  rempart ,  d'au- 
tant plus  que ,  li  les  Perfes  taifoient  une  nou- 
velle invafion  ,   ils  feroient  a  Athènes  une 
place  d'armes ,  d'où  ils  donneroient  la  loi 
au  refie  de  la   Grèce.  Athènes  releva  fes 
remparts ,   &:  Sparte  ,  retenue  par  l'équité 
de   les    loix ,    eut    afîez    de    pudeur   pour 
n'ofer  l'en  punir;  les  deux  peuples  tlcvenus 
ennemis   iccrets  ,   crurent  devoir    faciifier 
leur  reffentiment  aux  intérêts  de  la  patrie  ; 
accoutumés  à  être  appelles  les  deux  bras , 
les  deux  pics  &  les  deux  yeux  de  la  Grèce, 
ils  fentoient  qu'elle  feroit  mutilée  par  l'ex- 
tinétion  de  l'une  ou  de  l'autre.  Les  Athé- 
niens ,  fatigués  du  repos ,  ne  furent  redou- 
tables   qu'à  eux-mêmes  ,    tant    que   Thé- 
mifiocle  ,  Arifiide  &    Cimon  eurent   afTez 
d'alccndant  Iur  leur  efprir ,  )X)ur  leur  iairc 
Ipntir  les  avantages   de  conlèrver  l'ancien 
iyitême  de  la  Grèce.  La  hauteur  infultante 
de  Paufanias  rendit  les    Spartiates  odieux 
à  leurs  alliés  ,  qui  déférèrent  le  comman- 
dement général  aux  Athéniens.   Ce  ne  fut 
point  avec  des  flottes  ni  des  armées  qu'iN 
acquirenf  cet  empire;  la  douceur  d'Ariflide 
&    de  Cimon  leur   méritèrent   cette  préé- 
niinence  ,   mais  s'ils  s'en   étoient  montrés 
dignes,  ils  étoient  incapables  de  le  conlèr- 
ver. Comment  un  peuple  qui  n'avoit  point 
de  principes  fixes  de  gouvernement ,  auroir- 
il  pu  ployer  fon  caradere  à  celui  des  autres  ? 
Platée  &  Marathon  avoient  été  le  berceau 
de  la  gloire  des  Athéniens ,    ils  en  fourin- 
rent  l'éclat  tant  qu'ils  s'abandonnèrent  à  la 
fagefTe  d'Arifl:ide  &  de  Cimon  ;  mais  une 
fuite  de  profpérités  ell  le   préfage  certain 
de  la  décadence  d'un  état  où  le  gouverne- 
ment ell  populaire  ,  où  les  efprits ,  extrê- 
mes   dans   le   bien  comm.e  dans  le   mal  , 
pailent  de  l'infclence  de  b  viftoire ,  daii5 


«4-0  A  T  H 

le  découragement  des  revers.  Le  gcnie  d'un  ' 
grand  homme  lutfît  pour  tormer  ici  mcturs 
publiques  :  en  voici  deux  exemples  trap- 
pans,  j^  près  la  viftoire  de  Platée  ,  les  Athé- 
niens fentaiit  l'imporrance  d'une  marine  ,  ' 
l'e  rendirent  puiHans  iur  mer.  Les  autres  ' 
Grecs,  à  leur  exemple,  équipèrent  des  flot- 
tes; ce  fut  alors  que  Thémillocle  conçut 
Je  projet  criminel  de  donner  des  loix  A  la 
Grèce  ,  en  brûlant  la  flotte  des  alliés.  Il  ne 
divulgua  point  le  fecrct  de  les  moyens  ;  il 
demanda  au  peuple  qu'on  nommât  quel- 
qu'un à  qui  il  pijt  le  communiquer  ;  le 
choix  tomba  fur  Ariftide  ,  relpedé  par  fes 
lumières  &  Ion  intégrité  ;  ce  vertueux  ci- 
toyen écouta  avec  horreur  la  propolition 
de  trahir  des  alliés,  dont  on  n'avoit  aucun 
iujet  de  fe  plaindre;  il  retourne  à  l'aflèm- 
blée  ,  &  s'armant  de  modération  ,  il  dit 
avec  tranquillité  :  Athéniens  ,  le  projet 
formé  par  T hémiflocle ,  dl  le  plus  favora- 
ble à  votre  élévation  ;  mais  comme  il  cfl 
injurte ,  il  eil  le  plus  contraire  à  l'intérêt 
de  votre  gloire.  Le  peuple  ,  laifi  d'un  noble 
îTiouvement,  détend  à  Thémiflocle  de  rien 
exécuter  ;  ce  tr.iit  montre  qu'il  y  avoit  un 
fonds  de  vertu  dans  les  Athéniens ,  &  qu'il 
ne  falloit  qu'une  main  habile  pour  le  dé- 
velopper. C'efl  dans  une  affemblée  tumul- 
tueulè ,  &  non  dans  l'ombre  d'une  école  , 
que  toute  une  nation  fait  le  facrifice  de  fes 
intérêts  ,  parce  qu'ils  font  incompatibles 
avec  l'équité. 

Cimon  nous  en  fournit  un  autre  exem- 
ple. Après  avoir  couvert  ia  patrie  de 
gloire ,  il  avoit  été  banni  par  les  intrigues 
de  la  fadion  dominante,  qui  voùloit  hilre 
aux  Spartiates  une  guerre  qu'il  vouloit  pré- 
venir ,  comme  dellruclive  du  (yflême  qui 
ne  tailoit  des  villes  de  la  Grèce  qu'une  répu- 
blique fédérative.  Ce  vertueux  citoyen  , 
perlécuté  par  fa  patrie ,  ne  la  regarda  pas 
jmoins  cpiîJme  fa  mère  ,  &c  ayant  appris 
que  les  Spartiates  &  les  Athéniens  étoicnt 
pièts  d'en  venir  aux  mains  ,  il  (e  croit 
dilpenlé  de  ion  b.ui  ,  il  vient  avec  les 
îunies ,  &i'e  range,  comme  fimple  foldat , 
■fous  les  enkignes  de  fi  tribu  ,  pour  com- 
battre ceux  dont  il  ttoit  loupçonné  d'èrrc 
)c  partifan.  Ses  ennemis  ,  au  lieu  de  l'ad- 
înircr,  l'obligent  de  quitter  le  camp;  avant 
jdc  s'éloigner,  il  exhorte  l'es  compagnuaï, 


A  T  H 

fufpeâs  comme  lui ,  à  faire  un  effort  de 
courage  ,  &  à  "ifiirer  dans  leur  fang  Tin- 
jurieux-  foupçon  qu'on  a  de  leur  fidélité. 
Ses  généreux  crmpagnons  ,  défefpérés  de 
ne  pouvoir  combattre  fous  fes  yeux ,  le 
conjurent  de  kur  ialfîcr  du  moins  (on 
armure  complote ,  pour  leur  faire  croire 
qu'il  eu  avec  eux  ;  ils  la  placent  au  milieu 
de  leur  bataillon  ,  &  pofTtiîeurs  de  ce  gage 
de  l'héroïfme ,  ils  s'élancent  dans  la  mêlée 
avec  une  fureur  fi  opiniâtre  ,  que  tous 
expirent  percés  de  coups  :  tel  efl  l'aicendant 
du  génie ,  loutenu  de  la  vertu  ,  fur  les  âmes 
les  plus  vulgaires. 

Après  la  mort  de  ces  deux  grands  hom- 
mes ,  intègres  magiflrats  &  intrépides  guer- 
riers ,  Athènes  pencha  vers  Ion  déclin  ; 
il  s'éleva  un  homme  qui  avoit  tous  les 
talens ,  toutes  les  vertus  &  tous  les  vices  , 
c'éfoit  Périclès  ,  magiflrac  éclairé  ,  orateur 
afl'edueux  &  véhément ,  grand  capitaine  & 
mauvais  citoyen.  Né  avec  tous  les  dons  de 
la  nature,  il  ne  les  déploya  que  pour  la 
ruine  de  la  patrie;  &c  quoique  fon  cœur  fiât 
ouvert  à  toutes  les  pallions ,  il  les  fubor- 
donna  toutes  X  l'ambition  de  gouverner. 
Ce  tut  en  introduifant  le  luxe  &:  les  vices, 
en  entretenant  le  goût  des  fêtes  &  des  vo- 
luptés ,  qu'il  façonna  un  peuple  indocile  à 
l'obéiflance.  L'aréopage  étoit  chargé  d'in- 
fliger des  peines  à  ceux  qui ,  nés  fans  biens , 
n'exerçoient  pas  un  arc  inéchanique  ;  le 
légiflateur  ,  par  cette  inflitution  ,  avoit  cru 
que  le  peuple ,  occupé  de  ion  travail ,  ie 
repoieroit  du  loin  des  afïîiires  fur  les  ma- 
giftrats.  Périclès  prit  une  autre  route  : 
flatteur  de  la  multitude,  il  careiTa  ion  goût 
pour  les  fêtes  &  les  ("peclacles  ;  &  ,  détruilant 
l'habifude  du  travail  ,  il  inipira  la  pafîion 
des  arts  de  luxe  ,  &  le  dédain  des  proteiiions 
utiles.  Il  fut  alors  auilî  glorieux  de  chanter 
les  héros  que  de  les  imiter  ;  &  tandis  que 
Sparte  bornoit  ion  ambition  à  être  libre  & 
guerrière  ,  les  Athéniens ,   égarés  dans  leur 


route  ,    etoient  tous   poètes  ,   orjiteurs 


& 


philolopl-.es.  Les  dépends  dts  reprélenta- 
tions  théâtrales  épuiièrcnt  le  trelbr  public  , 
qui  ne  put  plus  fournir  à  l'entretien  des 
flottes  &  des  armées  ;  les  reprélentatlons 
des  tragédies  de  Sophocle  &  d'Euripide  , 
engloutirent  plus  d'or  que  la  guerre  ibu- 
tcnuc  contre  les  Perles,    pour  la  défenfe 

coiiunune 


A  T  H 

commune  de  la  Grèce.  Les  étrangers  étoient 
indignés  de  raUldiiité  fcandalculè  des  ma- 
i^iftracs  aux  i'pcflacles  ;  &  ,  tandis  que  le 
joldat  &  le  ni.Hclot  lullicitoient  le  ial.iire 
de  leur  iiuig  ,  on  prodiguoit  l'or  de  l'état 
pour  avoir  des  machines  &  des  décora- 
tions théâtrales  :  les  plailirs  qui  ne  doi- 
vent être  que  des  délailemens  ,  devinrent 
des  beîoins. 

Ce  turent  tous  ces  défordres  qui  firent 
deicendre  Atlienes  de  la  première  place 
qu'elle  occupoit  ,  pour  s'aifeoir  dans  le  ic- 
cond  rang.  Après  avoir  humilié  l'orgueil 
des  Perles  ,  elle  eut  la  vanité  d'imjioler 
le  joug  à  toute  la  Grèce  ;  les  alliés  ,  qu'elle 
épuiloit  pai"des  exaûions  ,  lurent  dans  l'im- 
pui^lànce  de  la  (butenir  ,  &  bientôt  de- 
vinrent Çqs  ennemis  ;  la  confédération  ref^ 
pe6hible  qui  ne  lormoit  de  la  Grèce  qu'une 
république  ,  lut  rompue  ;  la  guerre  du 
Péloponeie  fut  le  germe  malheureufe- 
ment  fécond  de  toutes  les  calamités  ,  & 
(on  iflue  fut  aufli  fatale  aux  vainqueurs 
qu'aux  vaincus. 

Périclès  ,  voulant  gouverner  flms  rivaux , 
avoit  écarté  des  atlaires  tous  ceux  dont  les 
talens  pouvoient  lui  faire  ombrage  ;  il  lui 
falloit  des  agcns  fubordonnés ,  qui  ne  vif- 
fent  que  par  les  yeux  ,  lîins  élévation  dans 
l'efprit ,  fans  droiture  dans  le  cœur  ,  plutôt 
faits  pour  l'intrigue  que  pour  la  politique. 
Tandis  que  les  arts  agréables  uilirpoient 
la  confidération  due  aux  talens  utiles  ,  il 
fe  formoit  des  hommes  aimables  ,  mais 
incapables  de  gouverner  la  république. 
Cléon  ,  intriguant  audacieux  ,  s'empara 
du  timon  des  affaires  ;  cet  homime  (orti 
du  néant  ,  &  monté  au  laite  de  la  gran- 
deur lans  le  fecours  des  talens  &  des  ver- 
tus ,  fit  naître  de  la  confiance  à  tous  les 
intriguans  ,  qui  reconnurent  qu'il  ne  falloit 
que  de  l'audace  pour  maîtrifer  un  peuple 
occupé  de  fttes ,  de  jeux  &  de  fpecïacles. 
On  crut  devoir  oppoier  à  ce  citoyen 
turbulent  ,  Nicias  ,  dont  la  circonipec- 
tion  timide  ne  régloit  rien  que  lùr  la  cer- 
titude des  iuccès.  A  force  de  porter  Tes 
vues  trop  loin  ,  il  ne  diffinguoit  plus  les 
objets  ;  trop  vertueux  pour  defcendre 
dans  les  replis  des  cœurs  corrompus , 
•  trop  défintéreflé  pour  voir  dans  les  autres 
l'avarice  &  La  cupidité  ;  trop  modelle  pour 
Tome  III. 


A  T  H  S4r 

appcrccvolr  fes  talens  ,  il  n'avoit  quj  h 
défaut  de  i'e  défier  de  fa  Cflpacité  ,  &:  de 
préfumcr  trop  de  celle  des  autres  :  ce  qui 
Fauroir  rendu  digne  de  commander  à  un'; 
république  vertueulc  ,  devoit  l'exclure  du 
gouvernement  dans  des  temps  orageux. 

Athènes ,  penchant  vers  fa  ruine  ,  avoit 
beloin  d'ime  inain  pour  la  relever.  Nicias  , 
plus  heureux  A  négocier  qu'à  combattre  , 
fit  une  paix  qui  devoit  rendre  à  la  Grèce 
fa  Habilité  ;  mais  Alcibiade  ,  né  pour  cii 
troubler  le  repos  ,  fixa  tous  les  yeux  fur 
lui  ;  comblé  de  tous  les  dons  de  la  nature  , 
il  prêtoit  des  grâces  aux  vices  ,  &  des 
amorces  aux  voluptés  ;  formé  à  l'école  de 
Socrate  ,  il  y  avoit  appris  à  connoîtrc 
(es  devoirs  ,  &:  non  à  les  remplir  ;  il 
étoit  tellement  livré  aux  plaifirs  ,  que  les 
momens  qu'il  leur  déroboit  ,  pour  le  don- 
ner aux  affaires  ,  étoient  moins  des  occu- 
pations que  des  délafîcmens  ,  &  des  rel- 
lources  contre  la  fatiété  de  la  jouiflânce  ; 
fufceptible  de  toutes  les  pallions  ,  il  f^vt  ic 
Il  bien  les  varier  ,  qu'il  iembloit  toujours 
diiîerent  de  lui-même  pour  fe  perlbnn:- 
fier  dan<;  autrui.  Vit-il  au  milieu  des  Spar- 
tiates ?  il  les.  lùrpafîe  en  auflérité.  Eft-il 
parmi  les  Thraces  ?  il  fe  (oumct  lans  efforts 
à  leur  régime  làuvage.  Va-t-il  dans  1  Alic 
mineure  ?  il  fe  livre  à  la  mollefle  de  l'Icnic  , 
qu'il  inftruit  encore  dans  tes  rafinemens 
des  voluptés  :  un  caraflere  fi  mobile  ne 
peut  avoir  de  mœurs  ,  puifqu'il  n'a  point 
de  principes  ;  mais  les  vices  ne  révol- 
toient  point  alors  les  Athéniens  ,  qui  en 
étoient  flétris.  Leur  marine  ,  qui  auroit 
dû  faire  leur  puilîance  ,  ne  fervir  qu'à  les 
afFoibiir  ;  ce  fut  par  elle  qu'ils  fe  procu- 
rèrent toutes  les  choies  de  luxe  ;  les  pro- 
ductions de  la  Sicile  ,  de  l'Hélelpont ,  or- 
nèrent leurs  tables  &  leurs  palais  ;  l'Egypte, 
la  Lydie  ,  fembloient  n'être  fécondes  que 
pour  eux  :  les  vins  de  l'Archipel  turent  les 
délicieux  poifons  qui  troublèrent  leur  débile 
rai  ion. 

Un  peuple  ,  occupé  de  jouir ,  doit  être 
fans  ambition  ;  mais  les  Athéniens  ,  en- 
traînés par  l'agitation  naturelle  de  leur  ca- 
radere  ,  font  voluptueux  ,  &  veulent  en- 
core être  conquérans.  Ils  tournent  leurs 
armes  contre  la  Sicile  ,  &  ne  penfent  pas 
que  leurs  ennemis  font  dans  la  Grèce.  Cette; 
Kkkkk 


R41'  A  T  H 

guerre   ne  pouvoit    être     foutenue     avec 
gloire ,  qu'autant  que  le  génie  d'Alcibiade 
préfideroit   aux  opérations  ;  à  peine  eut-il 
abordé  en  Sicile  ,   que  les  préludes  fijrent 
des  vidoires  ;  mais  ,  tandis  qu'il  triomphoit 
des    Siciliens ,    fes    ennemis    étoient  dans 
Athènes  ,   où     ils    l'attaquoient    avec    les 
armes  de  la  fuperftition.  On  l'accufe  d'avoir 
profané  les  myfteres   de  Cérès  ;  des  ora- 
teurs mercenaires  tonnent  avec  bruit  pour 
défendre  la    cauie    de  Mercure   &   de   la 
Déefîe  ;  les  mœurs  licencieules  d'Alcibiade 
fiivoriient    le    fuccès    de    leur  éloquence  ; 
on   le  cite    au   tribunal  des  loix  pour  ré- 
pondre ;  il    fe   fouftrait  par  la  fuite    à  la 
malignité  de  fes  accufateurs  ,  &  l'on  pro- 
nonce contre  lui  un  arrêt  de  mort ,  &  la 
confilcation  de  tous  fes  biens  :  ce  fut  ainfl 
que  ,  pour    relever   quelques  ftatues  ,   on 
renverfa  la   colonne  de  l'état.  Les   alliés  , 
qui  ne  s'étoient  engagés  dans  cette  guerre 
que    pour    apprendre  à  vaincre  fous  lui  , 
tombèrent   dans   le  découragement.   Alci- 
biade  ,  qui  s'étoit  réfugié  à  Sparte  ,  étoit 
devenu  redoutable    à   fe  patrie   qui  l'avoit 
dédaigné   pour  défenfeur  ;  mais  ayant  fé- 
ffuit  la  femme  du  roi  Agis  ,    qui  lui  avoit 
donné  l'hofpitalité  ,  la   crainte    d'un   jufte 
reïTentiraent   lui  fit    chercher  un  afyle  au- 
près  de    TifÏÏipherne  ,  gouverneur   de  la 
bafle  Afie  ,  où  fon  génie   turbulent  forma 
àes   tempêtes    qui  éclatèrent  fur  Athènes. 
Pifandre  &    les  autres   chefs    de  l'armée  , 
réduits  par  l'éclat   de  fes  promefles  ,  ren- 
verferent  la   démocratie  ,  &  lui  fubftitue- 
rent  le  gouvernement  de  quatre  cents  no- 
bles ,   avec  un  pouvoir    illimité.  Cette  ef- 
pece   d'oligarchie    priva     le   peuple   d'une 
prérogative  dont    il   avoit  joui    avec  plus 
d'éclat   que  de   tranquillité  ;  ces  nouveaux 
tyrans  ,  devenus  les  bourreaux  de  leurs  con- 
citoyens ,    réveillèrent    par  leurs   excès  le 
fcntiment   de    la  liberté.  L'armée  compo- 
lée    de  citoyens  ,  dont  on  violoit  les  pri- 
vilèges ,  dépouille  du   commandement  fes 
généraux   ,    partifans  de     l'oligarchie  :  les 
quatre  cents  lont  dépofés.  Alcibiade  ,  rap- 
pelle de  fon  exil  ,  ne  voulut   rentrer   dans 
fa  patrie  qu'avec    la  vidoire  ;  toutes   {qs 
entreprifcs  furent  couronnées  du  fuccès  :  il 
reparut   dans  Athènes  comme  un   libéra-  1 
reur  ,  chargé  de  troghécs  &   des  dépouil-  | 


A  TH 

les  des  nations.  Cette  faveur  pafTagere  étoit 
trop  éblouiffante  pour  ne  pas  allumer  l'en- 
vie ,  &  dès  qu'on  le  crut  invincible  ,  il 
parut  redoutable  j  fa  gloire  fut  une  nou- 
velle fource  de  difgraces ,  fon  armée  tail- 
lée en  pièces  pendant  fon  abfence  ,  four- 
nit un  prétexte  pour  le  deflituer  du  com- 
mandement. Athènes  ,  ayant  coupé  le  feul 
bras  qui  pouvoit  la  défendre  ,  fut  obligée 
d'ouvrir  fes  portes  au  général  des  Spar- 
tiates ;  &:  ce  vainqueur  infolent  l'obligea 
de  courber  fa  tête  altiere  fous  le  joug  de 
trente  t}  rans  ,  qui  firent  périr  plus  de  ci- 
toyens ,  que  la  guerre  n'en  avoit  enlevé 
en  dix  ans.  Trafibule ,  touché  des  maux 
de  fa  patrie ,  fe  met  à  la  tête  de  foixante 
citoyens  ,  réfugiés  comme  lui  à  Argos ,  & 
les  tyrans  font  détruits  :  mais  en  rendant 
la  liberté  à  fa  patrie  ,  il  n'y  trouva  que 
des  hommes  indignes  d'être  Hbres.  Le  fang 
des  vainqueurs  de  Xerxès  étoit  glacé  dans 
les  veines  de  leurs  defcendans  ;  au  lieu  de 
ces  Athéniens  qui  avoient  vaincu  à  My- 
cale  ,  à  Marathon  &  à  Salamine  ,  c'étoient 
des  hommes  familiarités  avec  l'ignominie 
&  l'elclavage  ,  c'étoient  des  poètes ,  des  mu- 
ficlens  &  des  décorateurs  de  théâtres  , 
qui  dirigeoient  les  rênes  de  la  république  : 
les  fonds  amaifés  pour  la  défenfe  de  l'état ,. 
furent  appliqués  aux  dépenfcs  des  jeux  & 
des  Ipedacles. 

La  gloire  d'Athènes  s'éclipfe  avec  Tra-^ 
fibule  qui  ,  en  afïranchiflant  la  patrie  ,  ne- 
put  lui  donner  des  mœurs.  Chabrias  , 
Iphicrate  &  Thimothée  jettent  encore 
des  étincelles  dans  les  champs  de  l'hif^ 
toire  ;  enfin  Démoflhene  &  Phocion  fu- 
rent les  derniers  Athéniens  ,  &  les  feuls 
dignes  de  ce  nom  ,  au  miheu  d'une  ville 
peuplée  d'efclaves  ,  qui  ,  après  avoir  été 
afîujettis  à  Philippe  &  à  Alexandre ,  pafîe- 
rent  ,  comme  le  refte  de  la  Grèce  ,  fous 
la  domination  des  Romains.  Cette  ville  , 
autrefois  embellie  de  trophées  élevés  à  la 
valeur  ,  ne  renferme  plus  qu'une  vile  po- 
pulace ,  fiétrie  par  la  mifere  &  par  les 
chaînes  du  defpotilme  ;  la  patrie  des  arts 
n'efl  plus  peuplée  que  de  barbares  qui  n'é- 
prouvent pas  même  le  fentlment  de  la  gran- 
deur de  leurs  ancêtres. 

Les  Athéniens  furent  le   feul  peuple  da' 
paganifinc  chez  lequel  il  s'éleva  des  que- 


A  T  H 

relies  fur  le  culte  religieux.  Leur  efprit 
iubfil  &  pointilleux  rafînoit  lur  la  recher- 
che des  cérémonies  ;  ils  avoient  l'imagi- 
nation trop  ardente  pour  n'être  pas  ful- 
ceptibles  de  crainte  &  d'e(pérance  ,  deux 
fèntimens  qui  attachent  étroitement  à  la 
religion  reçue  ;  auiîi  avoient-ils  l'extérieur 
faflueux  de  la  dévotion.  Ils  s'aflcmhloient 
dans  les  places  publiques ,  où  ils  hiiloient 
de  pathétiques  harangues  aux  dieux  pour 
expliquer  leurs  heloins  ;  plus  il  y  avoir 
d'art  &  de  travail  dans  leurs  ppiercs ,  plus 
ils  en  efpéroicnt  d'efficacité  ;  c'etoit  à  haute 
voix  qu'Us  (ollicitoient  le  ciel  ,  cd\  pour- 
quoi leurs  voifins  les  appelloient  les  cyga- 
Ics  de  la  Grèce.  Juvenal  lance  une  mor- 
dante invedive  (ur  leur  manière  de  prier , 
&  leur  repréfente  qu'il  feroit  beaucoup 
plus  iage  d'abandonner  aux  dieux  le  loin 
de  leur  dellince  ,  que  de  les  fatiguer  par 
des  demandes  importunes  qu'ils  n'ont  pas 
la  cruauté  d'accorder  à  des  hommes  aveu- 
gles dans  leurs  vœux.  Athènes  aflujettie 
aux  Romains  ,  fans  être  leur  efclave ,  con- 
ferva  long-temps  fon  enthoufiafme  répu- 
blicain ;  ennemie  du  premier  des  Célars 
qui  lembloit  devoir  naître  dans  fon  fein  , 
elle  éleva  des  autels  à  Caflîus  ,  vengeur 
de  la  liberté.  Ses  lumières  ,  fa  politeflc  , 
fon  goût  pour  les  arts  &  les  feiences  ,  lui 
(bumirent  ,  pour  ainli  dire  ,  fes  vain- 
queurs ,  puifqu'ils  devinrent  les  dilciples. 
Ce  fut  à  fon  école  qu'ils  apprirent  à  la 
relpefter  ,  &  elle  n'eft  aujourd'hui  tom- 
bée dans  l'avilifîement ,  que  depuis  qu'elle 
ert  foumife  à  des  maîtres  barbares  ,  qui 
n'ont  lu  que  combattre  ,  vaincre  &  dé- 
truire. Le  plus  beau  de  {es  titres  ,  dans 
fà  décadence ,  efl  d'avoir  formé  Antonin 
le  pieux  &  Antonin  le  philofophe.  Les 
Goths  s'emparèrent  d'^f/îf/iej-  fous  l'empire 
de  Gallien,  &  l'an  145  î  de  Jefus-Chrift , 
elle  fut  dévaftée  &  prefque  détruite  par 
les  Turcs  :  elle  n'efl  plus  aujourd'hui 
qu'une  bourgade  ,  connue  lous  le  nom  de 
Senne.  (  T— N.  ) 

ATHENREY  ,  ou  A  t  e  r  i  c  H  ,  ou 
AthenrY,  (  Géogr.)  ville  d'Irlande  au 
comté  de  Galloway  ,  dans  la  province  de 
Connaught ,  à  fix  lieues  lud  de  Tuam  &  à 
quatre  ouefl  de  Golloway.  Elle  eft  entourée 
<i'une  muraille  de  grand  circuit  qui  renferme 


AT  H  S43 

beaucoup  de  chnmps  .  de  jardins  &  peu  de 
maifons.  Elle  envoie  deux  députés  au  parle- 
ment.Zo/z^.  S  ,40  ,ldt.  <(}  ,  ■zo.  (  C.  yi.) 

*  ATHÉREME,  f.  m.  {Med.)  maLulic 
qui  a  fon  fiege  dans  les  ampoules  des  poils  , 
ou  huilcufes  ou  fébacécs  ;  ces  ampoules  ne 
déchargeant  point  leurs  fijcs  ,  lorl'qu'il  ar- 
rive ,  par  quelque  caufe  que  ce  foit  ,  que 
leurs  orifice:;  font  bouchés  ,  il  en  vient  tou- 
jours de  nouveaux  par  le?  artères  ,  &  elles 
fê  gonflent  d'une  façon  énorme.  Voye:^ 
Inftr.  de  Boerhcmt^c  ,  tom.  IV^ ,  traduites 
par  M.  de  la  Métrie. 

ATHEROME  ,  «^?',«'/rf  ,  en  Chirurgie  , 
eft  une  tumeur  dont  la  matière  eft  d'une 
conhftance  de  bouillie  ,  fans  qu'il  y  ait 
de  douleur  ni  changement  de  couleur  à  la 
peau.  Voye\  TUMEUR  ENKISTÉE. 

L'i2fAfVo/72f  ell  enfermée  dans  un  klft  ou 
fac  membraneux  ;  il  ne  cède  point  quand 
on  le  touche  avec  le  doigt ,  &  il  n'y  rcfîe 
aucune  imprcffion.  K.  KiST  &  EnKISTÉ. 

Vatherorne  eli  ainfi  nommé  du  grec 
«•S-fifa  ,  (orte  de  bouillie -ou  de  pulpe  ,  à  quoi 
reflemble  la  matière  de  cette  tumeur.  Il  n'ell 
pas  fort  différent  du  mélicéris  &  du  lîéato- 
me  ,  &  il  le  guérit  de  même  par  l'iiraputa- 
tion.  K.  MÉLICLRISÔ'  Stéatome.  (  F) 

*  ATHERSATA  ,  f  m.  (  Bifl.  anc.  ) 
nom  d'office  ou  de  charge  chez  les  Chal- 
déens.  Il  eft  attribué  k  Néhémie  dans  Ei- 
dras  ,  il  lignifie  lieutenant  de  roi ,  ou  gou- 
l'ernenr  de proiincc. 

*  ATHIES  ,  ville  de  France  dans  le 
Vermandois  en  Picardie ,  fur  l'Armignon. 

ATHIS  ,  (  Gcogr.  )  nom  de  deux  petites 
villes  ou  jolis  bourgs  de  France  ,  dont  l'un 
eft  dans  le  Laonois  ,  à  une  demi-lieue  de 
Laon  ,  &  l'autre  en  Normandie  à  cinq  Lieues 
eft-fud-eft  de  Vire.  l^C.A.) 

ATHLETES  ,  f  m.  plur.  (  Hifl.  anc. 
Gymnajlique.  )  c'eft-à-dire ,  comhattans ,  du 
grec  «^MiTiif ,  qui  vient  d'aSASd-,  combattre  \ 
nom  qu'on  donnoit  proprement  ;\  ceux  qui , 
dans  les  jeux  publics,  combattoient  A  la 
lutte  ou  à  coups  de  poing  ,  &  qui  a  été 
enfuite  commun  à  tous  ceux  qui  dllpu- 
toient  le  prix  de  la  courfe  ,  du  faut  ,  & 
du  dilque  ou  palet.  Les  Latins  les  diftin- 
guoient  par  ces  cinq  noms  particuliers  ; 
luclatores  ,  lutteurs  ;  pug'des  ,  combattans  à 
coups  de  poing  ;  curfores  coureurs  ;  /oZ- 
Kkkkki 


«4*4  AT  H 

tdtores  ,  fauffiirs  ;  &  dlfcoboli ,  jeteurs  èc 
difque  ou  joueurs  de  palet ,  auxquels^  ré- 
cinq aoms  grecs  -.  cd?.aiTLi  , 
\iifM  ,  éijK.Q.hoi.   Voye\ 


ponaent  ces 

•ïïi  aT 


/ ,  (Tcc/z-Éi- 


Gymnastique.  ,,  ,     j 

Les  exercices  des  athlètes  furent  d  abord 
jnflitués  pour  exercer  &  former  les  jeunes 
gens  aux  travaux  &  aux  fatigues  de  la 
£uerre  :  mais  ils  dégénérèrent  bientôt  en 
fpedlacles  ,  &  ceux  qui  s'y  adonnoient ,  en 
hommes  publics.  Us  menoient  une  vie  dure  : 
&  quoique  quelques-uns  d'eux  aient  été 
fameux  par  leur  voracité  ,  &  aient  fait  dire 
à  Fiaute  comme  un  proverbe  pugilicè  & 
athleticè  vivere  ,  pour  marquer  un  homme 
qui  mange  beaucoup  ;  il  cÛ  certain  qu'en 
général  ils  pratiquoient  un  régirne  très-auf- 
tere  ,  bêchant  la  terre  un  mois  avant  le 
combat  pour  fe  rendre  les  rnembres  fou- 
pies  ,  •&  s'abftenant  des  boifîons  forces  & 
du  commerce  des  femmes  :  ce  qu'Horace 
nous  apprend  par  ces  vers  : 

Quijii  detopta'am  curfu  contingere  metam  , 
Mul:a  tulii  f'citjmp^jcr  ,  fiicavit,  &  alfa  , 
Ahfiiimit  Verte!  e  t'  \ino.  Art.  poër. 

Epiâete  &  S.  Paul  leur  rendent   le  même 
témoignage  :   qui  in  agone  contendu  ,  ab 
omnibus  fe  abjhnet.  Us  invoquoientles  dieux 
avant  que  de  combattre  ,  &  leur  lacriftoient 
fur  fix  autels.  Quand   ils  avoient  remporté 
la  vicloire  ,  ils  étoient  honorés  d'une  cou- 
ronne aux  acclamations  du  peuple  ,  chan- 
.  tés  par  ks  poètes ,,  &  reçus  dans  leur  patrie 
comme  des  vainqueurs  ,  puifqu'ils    y  en- 
troient par  une  brèche    f^iite  aux   miu-s  de 
]a  ville  :  leurs  nom.s  étoient  écrits  oans  les 
iirchives ,   ks  infcriptioiis  ,    &  autres  mo- 
numeas  publics  ;  enfin  les  cérémonies   de 
leur  triomphe  fe  terminoieiit  par  des  feflins 
publics  &  particuliers.  Us  étoient  toute  leur 
vie  révérés  de  leurs  concitoj'cns  ,   prcnoient 
la' première  place  aux  jeux  publics  ;  &  ks 
Grecs ,  félon  Horace  ,  les  regardoienf  comme 
fies  cfpcces  de  dieux. 

Pal/nague  nobilis , 
Terrarum  dominos ei'ehit  ad dcos.  Od.  lib  I. 

Un  autre  privilège  des  athlètes  moins 
brillant ,  mais  plus  utile  ,  c'étoit  d'être  nour- 
rie, k  rcfle  de  leurs  jours   aux  dépens  du 


A  T  H 

public  ;  privilège  que  leur  confirmerervt 
les  empereurs  :  &  l'on  ajoutoit  à  cet 
avantage  l'exemption  de  toute  charge  6î 
de  toute  fonction  civile  ,  mais  il  falloit 
pour  l'obtenir  avoir  été  couronné  au  moins 
trois  fois  aux  jeux  (îtcrés  ;  les  Romains  y 
ajoutèrent  même  dans  la  liiite  cette  con- 
dition. ,  qu'une  des  couronnes  eut  été  rem- 
portée à  Rome  ou  en  Grèce.  On  leur  érigea 
des  ilatues  ,  on  alla  même  jufqu'à  leur 
rendre  les  honneui-s  divins.  Tous  les  exer- 
cices des  athlètes  étoient  compris  fous  le 
nom  générique  de  TnvTa^Mv  ,  pcmathle  ,  & 
ceux  qui  réuniflbifnt  tous  ces  cinq  talens  , 
étoient  appelles  parles  Grecs  -^HTa^Kot  ,  & 
par  les  Latins  quinquertiones.  (G) 

ATHLETIQUE  ,  adj.  {  //(/?.  anc.  ) 
branche  de  la  Gyainallique ,  comprenant 
tout  ce  qui  concernoit  ks  athlètes  &  leurs 
exercices.  Voye:^  GYMNASTIQUE.  (  G) 

*  ATHLONE ,  (  Geogr.  )  ville  dTrlande , 
au  comtédeRofcommon  ,  iur  le  Shannon. 
Long,  q  ,   50  ,  lac.  ^3-  y  2.O. 

ÀTHLOTHETE  ,  f.  m.  (  Hlfl.  anc.  ) 
nom  de  celui  qui  préfid-oit  aux  combats 
des  athlètes.   Voye\  AgONO THETE.  (  G); 

*  ATHMATA  ,  (  Géogr.fiinte.  )  vilk 
de  la  Paleltuie  ,  dans  la  tribu  de  Juda ,  fituée 
entre  Aphera  &  Cariath-Aibc. 

ATHMONON  ,  (  Geogr.  )  petite  villfe 
ou  bourg  de  Grèce  dans  l'Attique  ,  ^de  La 
tribu  Cécropide..  Ses  habitans  étoient  fingu- 
hércment  attachés  nu  culte  de  Venus  ;_on  y 
voyoit  ur  temple  dcdié  à  cette  déefle  Ibus  k 
nom  d' Uranie  ;  le  roi  Porph}  rion  l'avcit 
fait  bâtir.  {C.A.) 

§  ATHOL  ,  (  Géogr.  )  province  d'E- 
colfe  ,  dans  la  partie  mitoyenne  de  ce  royau- 
me ,  entre  ks  provinces  de  Perth  ,  de  Stra- 
thernc  ,  de  J3adenocK  &  de  Loquabir. 
G'cfl  un  pays  ilérik  ,  couvert  de  monta- 
gnes ,  de  bois  ,  rempli  de  lacs  dont  les 
piincipaux  font  ceux  deLogan  ,  d'Eyrachel, 
de  Keynach  &  d*  Garry.  Blairen  eil  la  capi- 
tale. L'ainé  de  l'une  des  branches  de  la  fa- 
mille de  Murrav  ,  prend  le  titre  de  duc 
A'AdwL.iCA.) 

ATHON  ,  (  Géographie.  )  ville  de  la  Pa- 
Icftine  dans  l'Iturée  \  (wx  les  frontières  de 
l'Arabie.  Alexandre  Jcannée  l.i  conquit  fur 
Aretas  ,  roi  d'Arabie.  (  C.  A.  ) 

§  ATHOS ,    (  Cc'ogr.  )  grande    &   Éi- 


A  T  H 

Bieufe  montagne  d'Europe  ,  fur  les  côtes 
maritimes  ilc  la  Macédoine  ,  vers  l'ancienne 
Thrace  ou  Romanic  moderne ,   dans   une 
prelqu'ile   dont   elle  occupe  toute  la  lon- 
gueur ,   &  des  deux  côtés  dç  laquelle  ie  tor- 
mcnt  il  ^ol/o  di  coniejjli ,  Jinus  ftrirnvniciis 
&  il  golf o  di  monte  fanto  ,  jinusjmgniats. 
On  donne  communément  à  cette  prelqu'île 
quarante  lieues  de  circuit  &:  autant  à  la  bafe 
de  VAthos.   Ce   mont  efl:  compté  dans  le 
nombre    des  plus  coniidérables    inégalités 
convexes  qui  (oient  fur  la  (uriace  du  globe  : 
c'eil  une  chaîne  de  plufieurs  (ommets  ,  &  , 
pour  ainfi  dire  ,  de  plulieurs  étages,  parmi 
lelquels  il  en  eit  un  qui ,  par  la  hauteur  & 
les  habitations ,    attire  iiir-tout   l'attention 
des  curieux-  :    c'cll   celui  que  l'on    appelle 
proprement  YAchos  &  le  Monte  fanto.  Sa 
hauteur  n'a  pas  encore  été  mefurée  comme 
celle  du  Ténérif,  du  Chimboraço,  du  Saint- 
Gothard  &  du  Canigou  ;  mais  on  la  coi^çoit 
par  l'étendue  de  l'ombre  qu'elle  tait.  Cette 
étendue  fut  déjà  obfcrvée  par  les  anciens  : 
Pline  &  Plutarque  rapportent  qu'au  ioUlice 
d'été  ,  vers  l'heure  du  coucher  du  iolei| , 
la  place  du  marché  de  Myrrhina ,  dans  file 
de  Lesbos ,  aujourd'hui  Stalimene  ,   rece- 
voit  l'ombre  de  VAthos  ;  des  oblêrvations 
faites  depuis  ont  confirmé  le  fait  ,  &  l'on 
fait  que  de  cette  île  à  cette  monta^jne  il  y  a 
17  à  18  lieues  de  dillance. 

Les  environs  de  VAclios  contenoient  au- 
trefois les  cinq  villes  de  Cléonce,  de  Thyrles, 
d'Akrothom  ,  d'Olophixus  ,  de  Dion  ,  & 
jîombre  de  maiibns  de  campagne  foi-t  jolies , 
cil  ie  retiroient  fouvent  les  an.ciens  philo- 
fophes  de  la  Grèce  ,  à  caufe  de  la  uilubrlté 
de  l'air ,  &  de  l'afpeû  riant  &  majellueux 
de  fes  coteaux  ,  &:  des  mers  qui_  les  envi- 
ronnoient.  A  ce  peuple  de  phiîofophes  ont 
fiiccédé  vingt-dcLix  couvenrs  de  moines 
grecs  ,  &  une  multitude  d'hermitages  & 
de  grottes  ftndifiées  ,  mais  puantes  &:  mal- 
làints.  Ces  couvents  font  entoures  de  murs 
&  de  foiTés ,  pour  la  plupart  capables  ce 
réafter  aux  coup;  de  main  des  corlaires  dont 
ils  font  fouvent  mcnax:és.  On  y  compte 
environ  fix  mille  religieux  fous  la  protec- 
tion du  bofiangi-bachi,  &  fous  les  yeux  d'un 
aga  qui  relevé  du  bâcha.  Lc>  prélens  qu'ils 
font  à  celui-ci  montent  à  près  de  5CC00 
livres  par  im ,  Ix  la  contribution  q^ii'iis  psicat. 


A  T  H  845 

à  h  porte  ottomane  ert  de  la  même  fomme. 
Ce  (ont  les  aumônes  qu'ils  reçoivent  de  l'é- 
glife  greq;ie   en   général,  &  des  hofpodars 
de  Valachic  &  de  Moldavie  en  particulier  , 
qui  ,    conjointement   avec    le   produit  des 
pâturages  de  la  montagne ,  les  mettent   en 
état  de  fournir    à    leur   contriburion.  Ces 
moines  vivent    d'ailleurs  dans  une  grande 
pauvreté  &   (ous  des  règles  très-audcrcs  ; 
quelques-uns  d'entr'eux  fe  vouent  ;\  l'étude 
&  à  la  contemplation  ;   mais  le  plus  grand 
nombre  travaille  de  fes  mains  ou  mendie. 
Il  y  a  pour  eux  un  marché  public   qui    f; 
tient  tous  les  fimedis ,  fous  la  préfidence  de 
l'aga  ,    dans    un    endroit  de   la   montagne 
nommé  Kareis  :  c'c(l-là  qu'ils  (ont  échange 
entr'eux  de  pain  ,    de  (ruits  ,  de  légumes , 
de  couteaux  ,  d'uflenfiles  &  de  petites  ima- 
ges. TcHite  viande  leur  e(l  févérement  inter- 
dite ,    aufli-bien    que   toute    communica- 
tion  avec    les  temmes.    On    prétend    que 
tous  parviennent  à  uu  âge  fort  avancé  ;  ce 
qui  n'ell  pas  difficile  à  croire  d'après  la  dcf- 
cription  du  pays  qu'ils  habitent  ,  &  de  la 
vie    fobre    qu'ils    mènent.    C'efl    aujour- 
d'hui l'une  des  plus  grandes  curiofués  de  la 
Grèce  moderne   que   le  voyage   du    mont 
Athos.   (CA.) 

ATHOTIS  ,  (HiU.  d'Egypte.)  Après  la 
mort  de  Menés  qui  avoit  étendu  (a  domi- 
nation fur  tt)ute  l'Egypte  ,  ce  royaume  fut 
partagé  entre  fes  quatre  (ils.  Celui  de 
Thebes  fut  l'héritage  à'Athoth  :  il  paroîc 
que  le  pouvoir  fuprême  réfida  tout  en  lui , 
&  que  fes  frères  ne  furent  que  lés  lieute- 
nans.  Il  eil  du  moins  confiant  qu'il  iut 
le  collègue  de  celui  qui  régaoit  à  This  , 
6c  qu'il  n'avoit  point  d'ailocié  dans  le  gou- 
vernement de  Thebes.  Ce  prince  anoblit 
encore  le  trt)ne  par  la  fipériorité  des  con- 
noilTîinces  qu'il  y  fit  alîeoir  avec  Kii.  Les 
Egyptiens  lui  attribuent  l'invention  de 
l'écriture  &  de  la  langue  ficrée  ;  il  étendit 
les  limites  de  la  géométrie  ,  dont  on  aiîijre 
qu'il  donna  les  premières  leçons.  Sort 
génie  avide  ne  tout  connoître-  le  tranfporta 
dans  le  ciel,  pour  y  contempler  les  mou- 
vemens  périodiques  de  ces  globes  lumi- 
neux fiottaas  daas  l'immeniitc  ;  ii  décou- 
vrit la  cauie  des  éclipfes ,  &  détermina  avec 
précifion  leur  retour.  Sa  découvertes  da.os 
,  raili-oaomie  turent  gravées  lur  dci  coioiôr 


^4^  A  T  H 

nés  de  pierre  &  de  marbre  ;  &  ,  pour  les 
rendre  plus  refpedables  ,  il  n'employa  que 
des  caraderes  myftérieux ,  voulant  pré- 
venir la  curiofité  indilcrerte  du  peuple,  qui 
eût  néglige  la  culture  des  arts  utiles  pour 
fe  livrer  à  des  oblervations  plus  fatisfaifan- 
tes  &  moins  pénibles.  Ce  monarque  bien- 
iaifant  ,  ne  fe  bornant  point  à  une  étude 
oifive  ,  voulut  encore  épier  la  nature  pour 
lui  dérober  le  fccret  de  fes  opérations  & 
pour  aider  fa  fécondité  :  l'expérience  lui 
avoit  appris  que  le  loi  d'Egypte  n'étoit 
pas  touiours  également  fertile  ,  &  qu'une 
année  d'abondance  étoit  fouventluivie  d'une 
année  de  ftérilité  ;  ce  Rit  pour  en  con- 
noître  la  caufe  &  en  prévenir  les  eflets , 
qu'il  fit  creufer  des  caves  protondes  ,  où 
il  obfcrvoit  le  degré  de  fermentation  de 
la  terre  ,  c'étoit  fur  la  quantité  des 
vapeurs  qu'elle  exhaloit  qu'il  prélageoit  les 
années  d'abondance  ou  de  flérilité.  Il  eit 
probable  qu'en  defcendantdans  les  entrailles 
de  la  terre  ,  on  pourroit  découvrir  par 
quels  moyens  elle  enrichit  fa  lurface.  La 
reconnoifiance  publique  lui  donna  une 
place  dans  le  ciel ,  félon  l'ufage  de  déiher 
les  bienfaiteurs  de  la  patrie.  Il  fut  adoré 
fous  le  nom  de  Thot  ou  de  Mercure. 
L'hiftoire  &  la  fable  le  repréfentent  comme 
un  génie  créateur ,  &  comme  une  intelli- 
gence bientaifante ,  envoyée  lur  la  terre 
pour  en  régler  la  police  &  l'harmonie.  Les 
détails  de  fa  vie  lont  tombés  dans  l'oubli. 

(r-iv.) 

ATRIBIS  ,  (  Geogr.  )  nom  d'une  ville 
en  Egypte  &  d'une  autre  en  Arabie.  La 
première  étoit  dans  le  Delta ,  fur  l'un  des 
canaux  du  Nil  ;  mais  on  ignore  en  quel 
lieu  la  féconde  étoit  fituée.  {C.  A.) 

ATRONGE,  {Hifi.  des  juifs.  )  fimple 
berger  ,  d'une  force  &  d'une  taille 
extraordinaires ,  au  rapport  de  l'hiflorlen 
Jofeph ,  qui  nous  apprend  que  cet  homme 
fier  de  ces  qualités  ,  profita  de  l'abfence 
d'Archelalis ,  roi  ou  plutôt  ethnarque  de 
Judée  ,  pour  ufurper  fon  trône  ;  mais 
qu'Archelaiis ,  à  Ion  retour ,  s'étant  faifi 
de  lui  ,  le  fit  promener  ignominieufe- 
ment  par  toutes  les  villes  de  fon  ethnar- 
chie ,  monté  fur  un  ane  ,  avec  une  couronne 
■àt  fer  fur  la  tête  d'im  poids  proportionné 
à  ià  foxce ,  puis  le  fit  mourir. 


A  T  H 

ATHY,  {Giogr.)  viUe  d'Irlande  au 
comté  de  Kildare ,  dans  la  province  de 
Leinftcr.Elle  eft  fur  la  rivière  de  Water- 
hird  au  lud  de  Kildare.  Elle  envoie  deux 
députés  au  parlement.  Long,  lo ^  20;  Lat, 
S3,   lo.  {C.A.) 

*  ATHYR,  (Hifl.  anc.)  c'étoit  le  nom 
que  les  Egyptiens  donnoient  au  mois  que 
nous  appelions  Noi'embre. 

ATHYTES,  adj.  pi.  pris  fubft.  {Hift. 
anc.  )  facrifices  qui  fe  failoient  ancienne  - 
mens  lans  viftimes  ,  &  qui  étoient  pro- 
prement les  lacrifices  des  pauvres  qui  n'a- 
voient  pas  le  moyen  d'acheter  des  animaux 
pour  être  immolés  aux  dieux.  Ce  ncm  efl 
grec,a6u-r»,d'>'  privatif,&  'inK, j'immole. {G) 
ATIBAR  ,  1.  m.  (  Commerce.  )  nom 
que  les  habitans  de  Gogo  en  Afrique  , 
donnent  à  la  poudre  d'or  ,  &  dont  les 
Européens  ont  fait  celui  de  Tibir  y  quia 
la  même  fignification. 

ATIENZA  ,  (  Géogr.  )  ville  d'Efpagne 
dans  la  vieille  Caflille  ,  entre  Siguença  & 
Borgo  d'Ofma.  Elle  elf  jolie  &  bien  fituée. 
Il  y  a  de  hautes  montagnes  dans  le  voifi- 
nage  qu'on  appelle  Sierras  d'Atien^a.  Long. 
25,-  Lat.  4z  ,  25.  (C.  A.) 

ATINGA  ,  f.  m.  {Hifi.  nac.  Ichthyolo- 
gie.  )  poifTon  du  Brefil  ,  dont  Marggrave 
a  donné  dans  fon  hifloire  naturelle  du  Bre- 
fil ,  lifre  IV ,  chapitre  j  ,  (bus  le  nom 
d'orbis  muricatus  ranœ  riclu ,  guamaiacu 
atmga ,  une  figure  paflable  qui  a  été 
copiée  par  Jonflon  &  Ruyfch,  page  îA^  , 
planche  XXXIX ,  figure  j  ,  de  \cur  hijîoire, 
naturelle  générale  des  poijjons.  Artedi  l'ap- 
pelloit  ofiracion  fubrotundus  f  aculeisbrei'i- 
bus  plants  ,  ventre  glabro  ,  dans  fon  ich- 
thyologia  fynonym.  page  86.  M.  Linné  le 
défigne  fous  le  nom  de  Diodon  ,  atinga  , 
fphcericus  ,  aculeis  trique  tris  ,  dans  fon  fyf- 
tema  natures  ,  édition  de  1767 ,  page  42  z. 
Seba  en  a  donné  la  figure  au  volume  III  de 
fon  Thefaurus  ,  &c.  plan.  XXIII ,  n"  j. 

Ce  poifTon  a  le  corps  ovoïde,  déprimé 
de  deflus  en-defîbus  comme  un  cofFrc  long 
de  cinq  ;\  cinq  pouces  &  demi ,  une  fois 
moins  large  &  deux  fois  moins  profond  ; 
la  bouche  femblable  à  celle  de  la  gre- 
nouille ou  du  crapaud;  les  mâchoires  fans 
dents  ,  compofées  chacune  d'un  os  fim- 
ple, recouvert  en  partie  par  une  peau  mince 


A  T  I 

qui  tient  lieu  de  lèvre  ;  les  j-eux  grands , 
ronds ,  faillans  ,  à  prunelle  cryftnlline 
entourée  d'un  iris  jaune  ;  le  corps  couvert 
en-deirous  d'une  peau  YiiVc  &  molle  com- 
me dans  la  grenouille  ,  &  armée  en-deffus 
d'épines  odeufes  ,  dures  ,  coniques  & 
aiguës. 

Ses  nageoires  font  au  nombre  de  cinq , 
toutes  petites  &  quarrées ,  dont  deux  pec- 
torales fur  les  côtés  du  ventre ,  une  dor- 
fale  &  une  anale  l'une  au  defTus  de  l'au- 
tre ,  &  toutes  deux  tort  proches  de  la 
queue  ,  qui  eil  arrondie  ou  comme  tronquée 
à  fon  extrémité  ;  il  n'y  en  a  point  de  ven- 
trales. Tous  leurs  rayons  lont  mous ,  car- 


tilagineux ,  rami 


fiés  & 


unis  par  une  mem- 


brane affcz  ferrée.  Derrière  les  nageoires , 
on  appcrçoit  de  chaque  côté  l'ouverture 
de?  ouies  l'ous  la  forme  d'une  fente  verti- 
cale ,  qui  admettroit  à  peine  l'introduc- 
tion du  petit  doigt. 

La  couleur  générale  de  fon  corps  en 
delfus  ,  eft  un  gris  taché  de  brun  rouffii- 
tre  ;  en-deflbus  il  efl  d'un  blanc-jaune 
comme  les  épines.  Toutes  les  nageoires 
font  jaunes.  On  voit  de  chaque  côté  trois 
t-aches  noires  ,  rondes  ,  de  la  grandeur 
d'un  denier  ou  de  l'ongle  ,  dont  une  au 
deiïlis ,  &  l'autre  au  delfous  des  nageoires 
pedorales  ,  &  une  auprès  de  la  queue: 
il  y  en  a  aulfi  douze  ou  quinze  plus  petites 
fous  chaque  œil  &  (ous  les  côtés  des  mâ- 
choires inférieures. 

Mœurs,  lu'acinga  a  la  faculté  de  s*enfler 
comme  une  outre  ou  comme  un  ballon  , 
lorfqu'il  eft  pourfuivi  par  quelque  enne- 
mi ;  alors  les  épines  dorfales  (ont  hérif- 
lëes  &  lui  fervent  de  défenfe.  Il  eft  com- 
mun dans  les  eaux  douces  des.  rivières  du 
Bre'il.  On  le  mange. 

Remarques.  "Vatinga.  fait ,  comine  l'on 
voit  ,  un  genre  particulier  de  poifTon  ,  dans 
la  famille  de  ceux  qu'on  appelle  commu- 
nément coffres  ou  lunes  de  mer  ,  à  caufe 
de  la  propriété  qu'ils  ont  de  s'enfler  A 
volonté.  Le  nom  de  diodon  ,  que  M.  Linné 
lui  donne  ,  lui  convient  en  ce  qu'en 
efièt  il  n'a  que  deux  dents  ,  une  à  chaque 
mâchoire  j  mais  quatre  autres  genres  de 
poifibns  de  cette  famille  ont  le  même 
caraâere  ,  ainfi  ce  nom  n'efl  plus  géné- 
rique &  peut  induire  ea  erreur  :  il  doit 


donc  être  abandonné  ,  ou  bien  il  ne  peut 
fervir  qu'à  défigner  une  petite  l'eftion  de 
quatre  genres  dans  cette  famille. 

M.  Linné  fait  une  autre  confufion  que 
les  voyageurs  ne  lui  pardonneront  pas, 
c'efl  de  réunir  avec  ["atingii  ,  comme 
variétés  ,  celui  de  Sénégal  qu'il  appclloit 
autrefois,  d'après  Artedi,  diodon ,  reticula- 
tus,  fubrouindus  aculeis  triquetris^  dans  fon 
SyflemancLturce,  édition  i  o^.page  J  j4,/i* 
^..  &  celui  des  Indes  figuré  par  Seba  dan  : 
fon  Thefaurus  }  volume  I II,  plan.  XXI II^ 
n°.  2  ^  z  ,  Se  qu'il  défignoit  fous  le  nom, 
de  diodon  ediinatus  ,  fubrotundus  y  aculeis 
bafitriquetris  ,  dans  fon  Syftema  natunv  , 
édition  to^.  page  JJ5  ,  qui  font  trois 
efpeces  fort  différentes  d'un  même  genre. 
{M.  Adanson.) 

^  ATISIS  &  ATISO  ,  {Géog:)  rivières. 
d'Italie ,  au  pays  des  Inlubriens  :  leurs, 
noms  modernes  font  l'Adige  &  la  Tofa  ; 
&  leurs  embouchures  X  toutes  deux  iont 
dans  le  lac  Majeur.  C'efî  vers  l'une  de  fès 
deux  rivières  que  les  Cimbres  furent 
défaits  par  Marius.  (C  A.) 

ATI  FLAN  ,  (  Géogr.  )  Inc  de  l'Amé- 
rique ,  dans  la  nouvelle  Elpagne  ,  au  gou- 
vernement de  Guatimala  ,  dans  le  pays 
des  Choutalos.  Il  a  environ  dix  lieues  de 
tour.  (C.  A.) 

ATLANTES  ,  f.  m.  pi.  terme  d'Archi^ 
teclure  ,  efl  un  nom  que  l'on  donne  à  des 
figures  ou  demi-figures  humaines ,  qu'on 
emploie  en  guife  de  colonnes  ou  de  pilaf- 
tres  ,  pour  loutenir  un  morceau  d'archi- 
tefture  ,  comme  un  balcon  ou  autre  chofè 
femblable.  Voye-{  CoLONNE  ,  Ùc.  On  les 
appelle  aufTi  telamones  (P) 

ATLANTIA,  (Gfb^r.)  nom  de  cette 
patrie  de  l'Ethiopie  qu'habitoient  les  At- 
lantes. C'étoient ,  fuivant  Hérodote  ,  des 
peuples  finguliers.  On  croit  aujourd'hui 
que  ce  font  les  mêmes  que  les  habitans 
du    royaume    de  Bournou  ,    en  Nigritie. 

ATLANTIQUE, adj.  m.  (Géog.)  Océan 
atlantique;  c'eft  ainfi  qu'on  appelloit  autre- 
fois &  qu'on  nomme  quelquefois  aujour- 
d'hui ,  cette  partie  de  l'Océan  qui  efl  entre 
l'Afrique  &  l'Amérique  ,  &  qu'on  défigne 
ordinairement  par  le  nom  de  mer  du  nord. 

Vo^er^  Océan.  (O) 


84Î  A   T  L 

Atlantique  ou  île  Atlantique, 

{Gdogr.)  île  célèbre  dans  l'antiquité  ,  dont 
Platon  &  d'autres  écrivains  ont  parlé  ,  &: 
dont  ils  ont  dit  des  chofes  extr.iordiniiirc.i. 
Cetic  île  de  fan-.euic  aujuurd"hi;i  pr.r  h 
dif-utequ'ily  a  entre  les  modernes  iur  ion 
cxiilence  &  llir  le  lieu  où  elle  étoit  firuée. 

'Vile  Atlantique  prit  Ion  nom  d'Atlas  , 
fils  aine  de  Neptune  ,  qui  fuccéda  à  Ion 
père  dans  le  gouvernement  de  cette  île. 

Platon  eft  de  tous  les  anciens  auteurs  qui 
nous  reftcnt ,  celui  qui  a  parlé  le  plus  claire- 
ment de  cette  î-le.  Voici  en  iubflance  ce 
qu'on  lit  dans  ion  Tymée  &  dans  ion 
Cricias. 

U Atlantique  étoit  une  grande  île  dans 
l'Océan  occidental  ,  fituée  vis-à-vis  du 
détroit  de  Gades.  De  cette  île  on  pouvoit 
aifcment  en  gagner  d'autres  ,  qui  étoient 
près  d'un  grand  continent  plus  vafte  que 
l'Europe  &  l'Afie.  Neptune  régnoit  dans 
{'Atlantique  ,  qu'il  diflribua  à  fes  dix 
cnfans.  Le  plus  jeune  eut  en  partage  l'extré- 
mité de  cette  île  appellée  Gades ,  qui  en 
langue  du  pays  fignifie  fertile  ou  abondant 
en  moutons.  Les  defcendans  de  Neptune  y 
régnèrent  de  père  en  iils  durant  l'eipace 
de  9000  ans.  Ils  poUédoient  aulîî  différentes 
autres  îles  ;  &:  ayant  paiTé  en  Europe  & 
en  Afrique  ,  ils  fubjuguerent  toute  la  Lybie 
&  l'Egypte ,  &  toute  l'Europe  juiqu'à 
l'Aile  mineure.  Eniîn  Vile  Atlantique  fut 
engloutie  fous  les  eaux  ;  &;  long-temps 
après ,  la  mer  étoit  encore  pleine  de  bas- 
fonds  &  de  bancs  de  irible  à  l'endroit  où 
cette  île  avoit  été. 

Le  favant  Rudbeck  ,  profefTeur  en  l'uni- 
verfité  d'Upfal  ,  dans  un  traité  qu'il  a 
intitulé  Atlanticajnr  manheim ,  foutient 
que  V Atlantique  de  Platon  étoit  la  Suéde 
&  la  Norvège  ,  &  attribue  à  ce  pays  tout 
ce  que  les  anciens  ont  dit  de  leur  ile  At- 
lantique. INLais  après  le  partage  que  nous 
venons  de  citer  de  Platon  ,  on  eit  furpris 
fans  doute  qu'on  ait  pu  prendre  la  Suéde 
pour  ïile  Atlantique-^  &  quoique  le  livre 
de  Rudbeck  foit  plein  d'une  érudition  peu 
commune  ,  on  ne  lauroit  s'empêc' er  de  le 
regarder  comme  un  vifionnaire  en  ce  point. 
D'autres  prétendent  que  l'Amérique  étoit 

ile  Atlantique  ,  &  concluent  de-l;\  que  le 
nouvenu  monde  étoit  connu  de»  anciens. 


A  T  L 

Mais  le  difcours  de  Platon  ne  paroît  point 
s'accorder  avec  cette  idée  :  il  lembleroit 
plutôt  que  l'Amérique  feroit  ce  vafle  con- 
tinent qui  étoit  par-delà  \  ile  Atlantique  y 
6:  les  autres  îles  dont  Platon  lait  mention. 

Kircher  dans  fon  Alundusfubtenaneus  y 
&  htcmznàansi'on  hijhire  des  lies, chap.  i-, 
avancent  une  opinion  beaucoup  plus  pro- 
bable que  celle  de  Rudbeck.  \S Atlantique  , 
ielon  ces  auteurs ,  étoit  une  grande  île  qui 
s'étendoit  depuis  les  Canaries  jufqu'aux 
Açores;  &  ces  îles  en  font  les  reiles  qui  n'ont 
point  été  engloutis  lous  les  eaux.  {G) 

ATLAS  ,  {Hift.  Mythol.  Geogr.)  roi  de 
Mauritanie  ,  fut  regardé  comme  le  tils  de 
Neptune,  parce  qu'il  fut  le  premier  qui 
mit  une  flotte  en  mer.  L'art  de  la  navi- 
gation exige  le  fecours  de  l'aflronomie  , 
ce  fut  ce  qui  le  détermina  à  cultiver 
cette  fcience  dont  il  étendit  le  limites.  On 
le  regarde  comme  l'inventeur  de  Tai^rono- 
inie ,  parce  qu'il  fut  peut-être  le  premier 
qui  en  introduifit  la  connoiflance  en  Mau- 
ritanie ;  c'eil  de-là  qu'efl  venue  la  table 
qui  le  peint  portant  le  ciel  iiir  les  épaules. 
Nous  apprenons  de  Diodore  que  ce 
prince  fut  le  maître  d'Hercule  ,  qui  porta 
dans  la  Grèce  la  connoiuince  de  la 
fphere  &  de  l'aflronomie  ;  comme  les 
fables  ne  font  que  des  vérités  défigurées 
par  ceux  qui  veulent  les  embellir  ,  on  peut 
en  conclure  que  l'allronomie  ,  la  géogra- 
phie &  la  navigation  ,  n'ont  été  cultivées 
que  par  les  anciens  Maures  &  que  les 
ancêtres  de  ces  peuples  abrutis  dans  l'igno- 
rance ont  été  les  inilituteurs  des  nations. 
Ce  prince  faifoit  fa  réfidence  Iur  une  mon- 
tagne qui  porte  encore  aujourd'hui  fon 
nom.  C'eit  une  chaîne  de  montagnes  qui 
fépare  des  pays  incultes  des  pays  tenilcs. 
Quoique  les  poètes  aient  débité  que  foa 
fommet  fe  perd  dans  les  cieux  ,  il  n'efl 
comparable  en  hauteur  ni  aux  Alpes  , 
ni  à  l'Appennin ,  qui  ne  font  que  des  col- 
lines elles-mêmes  ,  fi  on  les  compare  aux 
montagnes  du  nouveau  monde.  La  hau- 
teur perpendiculaire  de  YAtlas  eft  depuis 
quatre  cents  juiqu'à  fix  cents  verges.  La 
pente  en  eft  douce ,  &  quoiqu'il  foie 
hérifTé  de  rochers ,  l'on  y  trouve  des 
terrains  extrêmement  fertiles  ,  où  croiflcnt 
quantité   d'arbres  fruitiers ,  qui  fourniflcnt 

des 


A  T  L 

des  fubfiflances  aux  habitans  de  quelques 
villages  iiidi^eiis.  Ce  mont  fameux  a  beau- 
coup exercé  les  poètes  qui  en  ont  exalté 
les  merveilles.  Les  voyageurs  n'y  décou- 
vrent aucuns  vertiges  de  ces  antiques  mer- 
veilles ,  qui  en  faifoient  le  plus  délicieux 
pays  de  la  tcne.  Des  bêtes  farouches  y 
cîifputent  leur  priîure  aux  mnilieurcux  ha- 
bitans ,  &  le  jardin  des  Hefpérides  eft 
couvert  de  fables  arides ,  où  l'on  ne  re- 
cueille ni  or  ni  fruits.  (T-N.) 

ATLAS  ,  f.  m.  en  Anaromie  ,  eft  le  nom 
de  la  première  vertèbre  du  cou  qui  fou- 
tient  la  tête.  Elle  eft  ainiî  appcUée  par  allu- 
fion  nu  fameux  mont  Atlas  en  Afrique  , 
qui  eft  fi  liaut  qu'il  femble  foutcnir  le  ciel  ; 
-&  à  la  fable  où  il  eft  dit  qu'un  roi  de  ce 
pays-là  nommé  yltlas  ,  portoit  le  ciel  fur 
ics  épaules, 

h.' Atlas  n'a  point  d'apophylê  épineufe  , 
parce  que  le  mouvement  de  la  tête  ne  k 
fait  pas  fcr  cette  vertèbre  ,  ir.ais  fur  la  fé- 
conde ,  comme  elle  eft  obligée  de  tourner  j 
toutes  les  fois  que  la  tête  fe  m.cut  clrcu- 
laircment  ;  fi  elle  avoit  eu  une  apophyfe 
épiueu/e  ,  elle  auroit  gêné  le  mouvement 
des  mufcles  dans  l'extcni^on  de  la  tête.  Elle 
eft  d'ailleurs  d'un  tiiFu  plus  fin  &  plus 
ferme  que  les  autres  vertèbres ,  &  elle  en 
difière  encore  en  ce  que  les  autres  reçoivent 
d'un  côté  &  fbiit  reçues  de  l'autre  ,  au 
lieu  que  la  première  vertèbre  reçoit  des 
deux  côtés  -,  car  les  deux  condyles  de  l'oc- 
cipital font  reçus  dans  {es  cavités  fupé- 
rieures ,  ce  qui  forme  fou  articulation  avec 
la  tête  j  &j  en  m.éme  temps  ,  deux  émi- 
nences  de  la  féconde  vertèbre  font  re- 
çues dans  fès  deux  cavités  inférieures  ,  ce 
qui  fait  Ton  articulation  avec  la  féconde 
vertèbre.  (  L  ) 

Atlas  ,  (  Géog.  )  On  a  danné  ce  nom 
à  des  recueils  de  cartes  géographiques  de 
toutes  les  parties  connues  du  monde  ;  foit 
parce  qu'on  voit  fur  une  carte  les  parties 
de  la  terre  ,  comme  fi  on  les  confidéroit 
du  fommet  du  mont  Atlas  ,  que  les  an- 
ciens qui  en  ont  tant  dit  de  chofes  ,  re- 
gardoient  comme  le  plus  élevé  qu'il  y  eût 
fur  le  globe  ^  foit  plutôt  par  la  raifon  que 
'es  cartes  portent  ,  pour  ainfi  dire  ,  le 
inonde  ,  comme  la  fable  a  fuppofé  qu'il 
étoit  porté  par  Atlas. 
Tome  m. 


A  T  L  84J 

Il  y  a  apparence  que  cette  fable  du  ciel 
porté  par  Atlas  ,  vient  de  la  hauteui  du 
mont  Atlas ,  qui  fèmblc  fe  perdre  dans 
les  nues.  C'eft  une  chaîne  de  hautes  nr  n- 
tagncs  de  l'Afrique  qui  féparent  la  Barbarie 
du  Hilédulgérid ,  &  qui  s'étendent  de  l'eft 
à  l'oueft.  La  rigueur  du  froid  ,  qui  elt  très- 
grande  fur  les  autres  montagnes ,  rend  celle- 
ci  inhabitable  en  quelques  endroits  :  il  y 
en  a  d'autres  plus  teinpérées,  où  l'on  con- 
duit les  troupeaux.  La  neige  couvre  le  haut 
de  cette  montagne  pendant  toute  l'année  , 
ce  qui  n'eft  pas  extraordinaire.  Revenons 
à  nos  Atlas  géographiques. 

Outre  les  Atlas  généraux  de  toutes  les 
parties  connues  de  la  terre,  il  y  a  des  ^//n* 
des  parties  prifes  féparément.  Tel  eft  ['Atlas 
de  la  mer  ,  &c. 

Le  grand  Atlas  de  Blaew  eft  le  premier 
ouvrage  qui  ait  pani  fous  câ  titre.  Depuis 
ce  temps  nous  en  avons  plufieurs  de  MM. 
Sanfon  ,  Delifle ,  &c.  P'.  Carte.  (O) 

*  ATLF. ,  f.  m.  (  Hiji.  nar.  boc.  )  nom 
que  les  Egyi)tiens  donnent  au  tamaris. 

ATLISCA  ,  (  Gx-ogr.  )  vallée  confidcra- 
ble  de  l'Amérique  feptentrionalc  ,  dans 
la  province  de  Tlafcala  ,  au  Mexique. 
On  y  recueille  du  froment  c.  abondance. 
{C.A.) 

^  ATMEIDAN,  f  Topogr.  )  belle  place  de 
ConftaiTtinople  ,  où  l'on  exerce  les  che- 
^■aux  ûxi  grand  fcigneur  &;  ceux  des  fpa- 
his ,  c'eft  l'hippodrome  des  Grecs.  Il  y  a 
fur  cette  place  un  beau  ferrail,  bâti  par 
le  fameux  Ibrahim  Bâcha.  Il  ne  faut  pas 
confondre  l'Atmeidan  avec  l'Etineidan  ti. 
rOkîneidan  \  ce  font  trois  places  differeu- 
tcs  à  Conftantiaople.  {C.  A.) 

ATMOSPHERE  ,  f.  f.  (  Pkyf.  )  eft  le 
nom  qu'on  donne  à  l'air  qui  environne  la 
terre,  c'eft-à-dire  à  ce  fluide  rare  Scélafti- 
que,  dont  la  terre  eft  couverte  par-tout  à 
une  hauteur  confidérablc  ,  qui  gravite  vers 
le  centre  de  la  terre  &  pefe  fur  fa  furface  , 
qui  eft  emporté  avec  la  terre  autour  du 
foleil ,  &  qui  en  partage  le  mouveuieiU  tant 
annuel  que  diurne.  Voye:^^  Terre. 

On  entend  proprement  par  atmofphere  , 
l'air  confidéré  avec  les  vapeurs  dont  il  eft 
rempli.  Voye^  AiR.  Ce  mot  eft  formé  des 
mots  grecs  aruô?  vapeur ,  &  ç-^ti^a.  ,  fphere; 
ainfi  on  rie  doit  point  écrire  athmofpken 
L  11  1  1 


S50  ATM 

par  une  k  ,  mais  a:mof'phere  ,  fans  A  ,    le  * 
jnot  grec  «r/xàf  ,  d'où  il'vieiit ,  étaat  écrit 
par  im  7  &  non  par  un  9. 

Par  atmofplure  on  entend  ordinairement 
la  inafie  entière  de  l'air  qui  environne  la 
terre  :  cependant  quelques  écrivains  ne 
donnent  le  nom  (Xatmofpkere  ,  qu'à  la  par- 
îie  de  l'air  proche  de  la  terre  qui  reçoit 
îss  vapeurs  &  les  exhalaifbns,  8f  qui  rompt 
icnfibiement  les  rayons  de  lumière.  V'oyei 
RÉFRACTION. 

L'efpace  qui  eft  au  defllis  de  cet  air  gref- 
fier ,  quoiqu'il  ne  foit  peut-être  pas  entiére- 
jnent  vuide  d'air,  eft  lur-pofé  rempli  par  une 
ir;atiers  fubtile  qu'on  appelle  éiher,  &  ilefl 
iippellé  pour  cette  raifon ,  région  éthérée  ou 
tjpace  éthéré.   Voyei  ExHER  ,   CiEL  ,  &c. 

Un  auteur  moderne  regarde  Yatmofphere 
comme  un  grand  vailleau  chymique  ,  dans 
lequel  la  matière  de  toutes  les  efpeces  de 
corps  fublnnaires  flotte  en  grande  quantité. 
Ce  vaiileau  eft  ,  dit-il  ,  comme  un  grand 
fourneau ,  continuellement  expofé  à  l'aition 
du  foleil  ,  d'où  il  réfulte  ime  quantité  in- 
nombrable d'opérations ,  de  liiblim.ations , 
de  féparations ,  de  compofitions ,  de  di- 
gellious  ,  de  fennentations  ,  de  putréfac- 
tions ,  &c.  Sur  la  natiire  ,  la  conftitiition , 
les  propriétés  ,  les  uiàges ,  les  diitérens 
états  de  Yatmofphere ,  voyei  f article  AiR. 

On  a  inventé  un  grand  nombre  d'inftru- 
jr.ens  pour  faire  connoître  &  pour  mcfiu-cr 
les  diffcrcns  changemcns  &  altérations  de 
X'aimofphere  ■■,  comme  baromètres,  thermo- 
mètres ,  hygromètres ,  manomètres  ,  ané- 
momètres ,  6  c.  Voyei  les  anichs  B,\RO- 
METRE  ,  Thermomètre,  ^-c.l^atnwf- 
phere  s'infinue  dans  tous  les  vuides dos  corps, 
&  devient  par  ce  inoyen  une  des  princi- 
pales cauiès  dos  changemcns  qui  leur  arri- 
vetit  :,  comiue  générations,  corruptions ,  dif- 
fol'.ltions,  de.  royfçGÉi\iÉRATION,  &c. 

Une  des  grandes  découvertes  de  la  phi- 
lofophie  moderne ,  eft  que  tous  les  effets 
que  les  anciens  attribuoient  à  l'horreur  du 
vuide  ,  font  uniquement  dus  à  la  prefiîon 
de  \ainiorphere.  C'eft  aufl'i  cette  preiTion  qui 
ell  caillé  en  p;u-tie  de  l'aïUicrence  des  corps. 

Voyc\  Horreur  uu  vuide  ,   Pompe  , 
Pression  ,  ?,c. 

Poids  de  fptmofphere.  Les  corps  organifés 
font  particulièrement  aiTeflés  par  la  preflbu 


A  T  M 

de  Yatmofphere  :  c'cll  à  elle  qi:c  les  plantes 
doivent  leur  végétation  ;  que  les  aniir.aux 
doivent  la  refjjiration ,  la  circulation  ,  la 
nutrition,  &c.  Foyei  PlANTE  ,  AmmAL  y 

Végétation  ,  Circulation  ,  £-f. 

Elle  eft  auffi  la  caufe  de  pîuîieurs  alté- 
rations confidérables  dans  l'écouoîiiie  ani- 
male ,  &  qui  ont  rappori:  à  la  faute,  à  la 
vie,  aux  maladies  ,  &c.   Voye\  AiR  ,    <S"f. 
Par  conféquenc  c'eil  unt  chofe  digne  d'at- 
tention que  de  calculer  la  quantité  préciiè 
de  la  prefllon   de  Yatmofphere.  Pour  en  \  e- 
nir  à  bout ,  il  faut  obferver  que  notre  corps 
ell  également  preffé  par  Yatmofphere  dans 
tous  les  points  de  fa  furface ,  &  que  le  poids 
qu'il  contient  eft  égal  à  celui  d'un  cylindre- 
d'air  ,  dont  la  bafe  feroit  égale  à  la  liirface 
de  notre  corps ,   &  dont  la  hauteur  fèroit 
la  n:ème  que  celle  de   Yatmofphere.   Or  le- 
poids  d'un  cylindre  d'air  de  la  miême  hau- 
teur que  Yatmofphere  ,  eft  égal  au  poids  d'un 
cylindre  d'eau  de  même  bafe  ,  Se   de    32. 
pies  de  hauteur  er.viron  ^  ou  au  poids  d'un: 
cylindre  de  mercure,  de  même  baie  &dc.- 
29  pouces  de  hauteur;  ce  qui  fe  prouve 
tant  par  l'expérience  de  Torricelii ,    que- 
par  la  hauteur  à  laquelle  l'eau  s'élève  dans 
les  pompes  ,  dans  les  fîphons  ,  &-c.  Voy.c\ 
Tube  de  Torricelli  \  V.  aujji  Po.mi'E  ,. 
Siphon  ,  ^c 

De  là  il  s'enfuit-  que  chaque  pie  quarré- 
de  la  ftirface  de  notre  corps  ell  prelfé  par 
le  poids  de  3 1  pics  cubes  d'eau  :  or ,  on 
trouve  par  l'expérience ,    qu'un  pié  cube 
d'eau  pelé  environ  70  livres.  Ainfi  chaque 
pié  quarré    de  la  furface    de  notre  corpr 
lijutient  un  poids  de  2240;,   car-  32X70 
=22-40  :  par  conféquent  la  furface  entière 
de  noire  corps ,  porte  un  poids  égal  à  au- 
tant de  fois  2240  livres ,   que  celte  furface/' 
a  de  pies  quarrés.  Donc  ,  fi  l'on  fiippolè  que- 
la  fin  face  du  corps  de  l'homme   contient 
1 5  pies  quarrés  ,  ce  qui  n'eft  pas  fort  éloi- 
gné de  la  vérité  ,   on   trouvera   que  cette, 
furface  foutient  u    poids  de  35600  livres, 
car  2  24!'  X  1 5=33600. 

La  ditféi  ence  entre  le  poidr  de  l'air  que 
notre  corps  foutient  dans  diifcrens  lemjs, 
eft  aufil  lc;rt  grande» 

Ea  eiîèt ,  la  diiîlérence  dans  le  poids  de 
l'air  en  diHéreiv:  temps ,  cil  mefurée  par 
la  hauteur  dmuercure  daiis  le  bmamcirt  j-' 


A  T  M   _ 

&  comme  la  plus  grande  variation  dans  la 
hauteur  du  mercure  eli  de  trois  pouces , 
il  s'enfuit  que  la  plis  {grande  diflercnce 
entre  la  preHlon  de  Tair  fur  notre  corps  , 
fera  égale  au  poids  d'un  cylindre  de  mer- 
cure de  trois  pouces  de  hauteur  ,  qui  auroit 
vine  bafe  éfralc  à  la  furface  de  notre  corps. 
Or  ,  un  piL'  cube  de  mercure  étant  fuppoi'c 
de  1064  livres,  c'cft-à-dirc  de  ioii44drag- 
mes,  on  dira,  comme  102 144 dragmes font 
à  un  pic  cube,  en  à  1718  pouces  cubes,  ainfi 

59 17 -.2  draçmes  font  à  un  pouce  cube.  Un 
pouce  cube  de  mercure  pcfe  donc  environ 
59  dragmes  \  &  comme  il  y  a  144  pouces 
quarrés  dans  un  pié  quarrc  ,  un  cylindre 
de  mercure  d'ini  pic  quarrc  de  bafe  ,  &  de 
trois  pouces  de  liauteur  ,  doit  contenir 
432  ponces  cubes  de  mercure  ,  &  par  con- 
féquent  pefe  432  X  59  ou  25488  dragmes. 
Répétant  donc  15  fois  ce  même  poids  , 
on  aura  15  X  25488  dragmes  =  3S2250 
=  47790  onces  =  3890  j-  livres  ,  pour  le 
poids  que  la  furface  de  notre  corps  fou- 
tient  en  certains  temps  plus  que  d'au- 
tres. 

Il  n'eft  donc  ])as  fiirprcnant  que  le  chan- 
gement de  température  dans  l'air  ,  aftccte 
fènfiblement  nos  corps  ,  &  puilfe  déranger 
notre  fanté  :  mais  on  doit  plutôt  s'étonner 
qu'ii  ne  'ÎJ&  pas  fur  nous  plus  d'effet.  Car , 
quand  on  confidere  que  nous  foutenons 
dans  certains  temps  près  de  4000  libres  de 
plus  que  dans  d'autres  ,  &  que  cette  \'a- 
riation  efc  trcs-foudaine  ^  il  y  a  lieu  d'être 
furpris  qu'un  te!  changement  ne  brife  pas 
entiérem.ent  le  tilfu  des  parties  de  notre 
corps.  • 

Nos  vailTeaux  dolveiit  être  fi  rclTcrrés 
par  cette  augm.entation  de  poids ,  que  le 
iimg  devroiî  de:nein-er  ftagnant ,  &  la  cir- 
culation celîer  eniiéiement  ,  fi  la  nature 
n'avoit  pas  fagement  pourvu  à  cet  incon- 
vénient ,  en  re.idant  la  force  contractivc 
du  cœur  d'autant  plus  grande  ,  que  la 
réfiftance  qu'il  a  à  furmonrer  de  la  part 
des  vaifièaux  efl  plus  forte.  En  effet  , 
dès  que  le  poids  de  l'air  augmente  ,  les 
lobes  du  poumon  fe  dilatent  avec  plus  de 
force  '-,  &  par  conféquent  le  l'ang  y  eft  plus 
parfaitement  divilé  :  de  forte  qu'il  devient 
plus  propre  pour  les  fecretions  les  plus 
llibtiles  ,  par  exemple  ,  pour  celle  du  fluide' 


ATM  gyr 

nen'eus  ,  dont  l'aftion  doit  par  con(ë^ 
cfuent  contraélcr  le  cœur  avec  plus  de  force. 
De  plus  ,  le  mouvement  du  Cing  étant 
retarde  vers  la  furface  de  notre  corps ,  il 
doit  palier  en  plus  grande  abondance  au 
cerveau  ,  fur  lequel  la  prefllon  de  l'air  ell 
moindre  qu'ailleurs  ,  étant  foutcnue  par  le 
crâne  5  par  coi\féquent  la  (écrétion  &  la  gé- 
nération des  efjjirits  fe  fera  dans  le  cer\'eaii 
avec  plus  d'alx)nda!v;e  ,  &  coiifequeînment 
le  cœur  en  aura  plus  de  force  pour  porterie 
/iing  dans  tous  nos  vaiifeaux  on  il  pourra 
palier,  tajidis  que  ceux  qui  font  proches  de 
la (iirface  feront  bouchés.  A^oy.CcEUR, Cir- 
culation ,  &c. 

Le  changement  le  plus  confidérable  que 
la  prcdion  de  l'air  plus  ou  moins  grande 
produifc  dans  le  faiig  ,  eft  de  le  rendre  plus 
ou  moins  épais ,  &  de  foire  qu'il  fe  reflérre 
dans  un  plus  petit  efpace  ,  ou  qu'il  eu 
occupe  m\  plus  grand  dans  les  vaiifeaux 
où  il  enti-e.  Car  l'air  qui  cii:  renfermé  dans: 
notre  lang  ,  conferve  toujours  l'équilibre 
avec  l'air  extérieur  qui  paflé  la  fiirface  de 
notre  corps  ^  &  fon  efibrt  pour  fe  dilater  eft 
toujours  égal  à  l'eifort  que  l'air  fait  pour  le 
comprimer  ,  de  manière  que  i\  la  prcfilon  de 
l'air  extérieur  diminue  tant  foit  peu,  l'air  in- 
térieur fe  dilate  à  proportion ,  &  fait  par 
conféquent  occuper  au  fang  un  phis  grand  ef^ 
pace  qu'auparavant.  Voy.  Sanc  ,  Chaleur, 
Froid,6v. 

Borelii  explique  de  la  manière  fuivante  , 
la  raifon  pour  laquelle  nous  ne  fentons  point 
cette  prefllon.  De  mot.  iiot.  à  grav.fac.prop^ 

2.9  5  &f- 

Après  avoir  dit  que  du  fible  bien  foulé 

dans  un  vaiffeau  dur  ,  ne  peut  être  divi.(è 
par  aucun  moyen  ,  pas  même  par  l'effort 
d'un  coi!»  ;,  8f  que  de  même  feau  conte- 
nue dans  une  vellic  qu'on  comprime  égale- 
ment en  tout  fèns  ,  ne  ^seut  ni  s'échapper 
ni  être  pénétrée  par  aucun  endxoit  :  À\ 
ajoute  :  <.<■  De  inême  il  y  a  ,  dans  le  cops 
»  d'un  animal ,  un  grarid  noir.bre  de  par- 
»  ties  difi'drentcs  ,  dont  les  unes  comme 
»  les  os ,  font  dures  ^  d'autres  font  molles  , 
«  comme  lès  mufcles ,  les  nerfs ,  les  mem- 
■>■>  branes  ;  d'autres  font  fluides  ,  comme 
»  le  fimg  ,  la  lymphe  ,  &c.  Or  ,  il  n'eit 
»  pas  poffible  que  les  os  foient  rompus  ou 
»  déplacés  dans  le  corps  ,  A  moins  que  lïi 
L  1 1  1  1  2 


f^ï  ATM 

V  piefîîon  ne  devienne  plus  grande  fur  un 

V  os  que  fur  l'autre ,  comme  nous  voyons 
■»  qu'il  arrive  quelquefois  aux  portefaix.  Si 
ij  la  preilion  lé  partage  de  manière  qu'elle 
î>   agifle  également  en  bas  ,  en  haut  &  en 
»  tout  fejis ,  &  qu'enfin  toutes  les  parties 
■»   de  la  pean  en  foient  également  affectées;, 
1»   il  eu  évidennneut  impofTible  qu'elle  puiffe 
j)  oceaiîoncr  aucune  frarture  ou  luxation  : 
»  on   peut  dire  la   même  cho{è  des  muf- 
1)   des  &  des  nerfs ,   qui  font  à  la  vérité 
5)   des  parties  molles  ,   mais  compofëes  de 
5)  parties  fol  ides,  par  le  moyen  delquelles 
j)   ils  le  fbutiennent  mutuellement ,  &  ré- 
))   fillentà  lapreflion.  Enfin  la  même  chofe 
î)   a  lieu  pour  le  fang  &  les  autres  liqueurs  : 
»  car  comme  l'eau  n'eft  f  ifceptihle  d'au- 
»  cune   condenlàtion    fènlible  ,  de  même 
j>   les  liqi'.eiirs  animale?  contenues  dans  les 
»)  vaificaux  peuvent  bien  recevoir  une  at- 
»   tritio!!  pnr  la  force  qui  agit  liîr  tel  ou 
))   tel  endroit  des  vaifibaux  ,  mais  elles  ne 
ji   peu\-eat  être  forcées  à  en  fortir  par  une 
»  preHloîi  générale  •■,  d'où  il  s'cnfinî ,  que 
»  puifqu'aucune  des  parties  ne  doit  fouflnr 
3>  ni  féparatîcn,  ni  luxation,  ni  contufion  , 
"»  ni  enfin  aucune  forte  de  chimgeinent  par 
)è   laprelTion  de  l'air,  il  efl  impoffible  que 
))  cette  prefllon  puiilc  produire  en  nous  de 
XI   la   douleur  ,   qui  e(l  toujours  l'eftct  de 
0)  cfuelque  folution  de  continuité,  w  Cela  fe 
confirme  par  ce  que  nous  voyons  arriver  aux 
vplongcurs.  Foy.  Plonger. 

La  m.êmc  \érité  efi;  appuyée  par  une 
Txpcrience  de'Boyle.  Ce  phylîcien  mit  un 
iêtard  daiis  un  vafè  à  moitié  plein  d'eau , 
■&1  introduifit  dans  le  vafè  une  quantité  d'air 
telle  ,  que  l'eau  Ibutenoit  un  poids  d'air 
huit  fois  plus  grand  qu'auparavant  ;  le  petit 
animal ,  quoiqu'il  eût  la  peau  fort  tendre, 
ne  parut  rien  relFentit  d'un  ii  grand  chan- 
gement. 

Sur  les  effets  qui  réfultent  de  la  diminution 
confidérable  ,  ou  de  la  fupprellion  prefque 
totale  du  poivls  de  YatmafpAere  ,  voy.  MA- 
CHINE PNEUMATIQUE.  Sur  les  caufes  des 
variations  du  poids  &  de  la  preffion  de  l!ii/- 
mofphere ^  voy^f  BAROMETRE. 

Hauteur  de  l\itmo(phere.  Les  philolbphes 
ïnodernes  fe  font  donné  beaucoup  de  peine 

four  déterminer  la  hauteur  de  tattnofphere. 
i  l'air  n'avoit  point  de  force  élaflique ,  mais 


ATM 

qu'il  fût  par  -  tout  de  la  même  den/îté'^ 
depuis  la  furface  de  la  terre  jufqu'au  tout 
de  Yatmofphere ,  comn'^e  l'eau  ,  qui  eft  éi^a- 
leir.cnt  denfe  ,  à  quelque  profondeur  que 
ce  foit ,  il  fuftiroit  pour  déterminer  la  hau- 
teur de  tatniofphere  ,  de  trouver  par  une  ex- 
périence facile,  le  rappon  de  la  denfitédu 
mercure  ,  par  exemple ,  à  celle  de  l'air  que 
nous  refpirons  ici-bas  :,  &  la  hauteur  de 
l'air  feroit  à  celle  du  mercure  dans  le  ba- 
fometre  ,  comm.e  la  dcnfité  du  mercure  ell 
à  celle  de  l'air.  En  effet ,  une  colonne  d'air 
d'un  pouce  de  haut ,  étant  à  une  colonne 
de  mercure  de  ir.êire  hauteur ,  comme  r 
à  10800  ;  il  eft  évident  que  10800  fois  une 
colonne  d'air  d'un  pouce  de  haut ,  c'cft-à- 
dire  une  colonne  d'air  de  900  pies ,  lèroit 
égale  en  poids  à  une  colonne  de  mercure 
d'un  pouce  :  donc  une  colonne  de  30  pou- 
ces de  mercure  dans  le  baromètre  feroit  Ibu- 
tenue  par  une  colonne  d'air  de  27000  pies 
de  haut,  fi  l'air  étoit  dans  toute  tatmofphen 
de  la  même  denfité  qu'ici-bas  :  fiir  ce  pié- 
!a  hauteur  de  tatmofphcre  feroit  d'environ 
îyooo  pies,  ou    de  il  de   lieue;  c'eft-à- 

dire  de  deux  lieues  ^  ,  en  prenant  2000  toi- 
les à  la  lieue.  Mais  l'air  par  fon  élafticité 
a  la  vertu  de  le  comprimer  &  le  dilater  r 
on  a  trouvé  par  différentes  expériences  fré- 
quemment répétées  en  France  ,  en  An- 
gleterre &  en  Italie ,  que  les  différcns  efpa- 
ces  qu'il  occupe  ,  lorfqu'il  eft  comprimé  par 
différens  poids  ,  font  réciproquement  pro- 
portionnels à  ces  poids  :  c'cft-à-dire  que 
l'air  occupe  moins  d'efpace  en  même  raifoii 
qu'il  eft  plus  preffé  •,  d'où  il  s'enfiiit ,  que 
dans  la  partie  fupérieurc  de  Vatmofphere.  où' 
l'air  eft  beaucoup  moins  comprimé  ,  il  doit 
être  beaucoup  plus  raréfié  qu'il  ne  l'cft  proche 
la  furface  delà  terre  j  5c  que  par  conlcquent 
'.  la  hauteur  de  tctmofphere  doit  être  beaucoup 
plus  grande  que  celle  que  nous  venons  de 
trou\er.  Voici  une  idée  de  la  méthode  que 
quelques  auteurs  eut  fùivie  pour  la  déter- 
miner. 

Si  nous  fiippofbns  que  la  hauteur  de  ïat- 
mofphere  foit  diviiec  en  une  infinité  de  par- 
ties égales  ,  la  denfité  de  l'air  dans  chacune 
de  ces  parties  eft  comme  fa  malle  ;  &  le 
poids  de  Xatmofphere  ,  à  un  endroit  quel- 
conque ,  eft  aulîi  comme  la  niaflj  totale- 
de  l'air  au  d^Hus  de  cet  endroit  j  d'où  ii 


ATM 

s'enfuit  que  la  denfité  ou  la  mafTc  dz  l'air 
dans  chacune  des  parties  de  la  hauteur , 
eiï  proportioniîcUc  à  la  maire  ou  au  poids 
de  l'air  fiipérieur  ;  &  que  par  coufcqucnt 
cette  inallé  ou  ce  poids  de  l'air  fiipérieur 
eft  proportionnelle  à  la  diiîérence  entre  les 
malles  de  deux  parties  d'air  contiguës  prilcs 
depuis  la  furfacc  de  ïatmojphert  ;  or  nous 
lavons  par  un  théorcine  de  géométrie  ,  que 
lorlque  des  grandeurs  font  proportionnelles 
à  leurs  différences  ,  ces  grandeurs  font  en 
proportion  géométrique  continue  •,  donc  , 
tlans  lafuppofitionquc  les  parties  de  la  hau- 
teur de  l'air  forment  une  progrclTion  arith- 
métique ,  la  denfitc  ,  ou  ce  qui  revient  au 
ii.êmc ,  le  poids  de  ces  parties  ,  doit  for- 
mer proportion  géométrique  continue. 

Par  le  moyen  de  cette  iéric  ,  il  ell  facile 
de  trouver  la  raréfaélion  de  l'air  à  une  hau- 
teur quelconque  ,  ou  la  hauteur  de  l'air 
correipondantc  à  un  degré  donné  de  raré- 
fr.éaon  ,  en  oblervant  ,  par  deux  ou  trois 
hauteurs  de  baromètre  ,  la  raréfaftion  de 
l'air  à  deux  ou  trois  hauteurs  différentes  ^ 
d'où  l'on  conclura  la  hauteur  de  tatmof- 
fhcre ,  en  fuppofant  que  l'on  fâche  le  der- 
nier degré  de  raréfaction  ,  au  delà  duquel 
l'air  peut  aller.  Voyc-^les  articles  BAROME- 
TRE ,  Série,  Progression  ,  &c.  royei 

cujfi  Gregory  A/Ironom.  Phyf.  &  Géom.  liv. 
V.  prop.  3.  ^  Halley  dans  les  tranfaâ. 
Th,l.  n".   181. 

Il  faut  avouer  cependant  que  fî  l'on  s'en 
rapporte  à  quelques  obfervations  faites  par 
M.  Cafîini ,  on  fera  tenté  de  croire  que 
cette  méthode  de  trouver  la  hauteur  de  tat- 
mofphtre  eft  fort  incertaine.  Cet  aftronome , 
dans  les  opérations  qu'il  fît  pour  prolon- 
ger la  méridienne  de  l'Obiervatoire  de 
Paris  ,  mcflira  avec  beaucoup  d'exaftitude 
les  hauteurs  des  diiîérentes  montagnes 
qui  fè  rencontrèrent  dans  fa  route  :  & 
ayant  obfèrvé  la  hauteur  du  baromètre  fur 
Je  fbmmet  de  chacune  de  ces  montagnes , 
il  trouva  que  cette  hauteur  comparée  à  la 
hauteur  des  montagnes ,  ne  fîiivoit  point 
du  tout  la  proportion  indiquée  ci-deffus  ^ 
mais  que  la  rarcfadlion  de  l'air  à  des  hau- 
teurs confidérables  au  deffus  de  la  furface 
de  la  terre  ,  étoit  beaucoup  plus  grande 
qu'elle  ne  devroit  être  ,  fuivûut  la  règle 
précédente» 


ATM  853 

L'académie  royale  des  fcienccs  ayant  donc 
quelque  lieu  de  révoquer  en  doute  l'exac- 
titude des  expériences  \  elle  en  fit  un  grand 
nombre  d'autres  fiir  des  dilatations  de  l'air 
trcs-confidérables  ,  &  beaucoup  plus  gran- 
des que  celles  de  l'air  fiir  le  Ibmmiet  des 
montagnes  j  &  elle  trouva  toujours  que 
ces  dilatations  fuivoient  la  raifbn  inverfe 
des  poids  dont  l'air  étoit  chargé  j  rfoii 
quelques  phyliciens  ont  conclu  ,  que  l'air 
qui  eft  fur  le  fbmmet  des  montagnes  cfè 
d'une  nature  différente  de  l'air  que  nous 
refpirons  ici -bas  ,  fec  fiiit  apparenunent 
d'autres  loix  dans  fa  dilatation  &  fa  com- 
preiîion. 

La  raifbn  de  cette  différence  doit  être 
attribuée  à  la  quantité  de  vapeurs  &  d'exha- 
laifons  grofferes  dont  l'air  eil  chargé ,  &c 
qui  eft  bien  plus  confidérable  dans  la  par- 
tie inférieure  de  \atmofphcre  qu'au  dcîiiis. 
Ce?  vapeurs  étant  moins  claftiqucs ,  moins 
capables  par  confcquent  de  raréfaction 
que  l'air  pur  ,  il  faut  néceirairement  que 
les  raréfactions  de  l'air  pur  augmentent 
en  plus  grande  raifon  que  le  poids  ne  di- 
minue. 

Cependant  M.  de  Fontcaelle  explique  au- 
trement ce  phénomène ,  d'après  quelques 
expériences  de  M.  de  la  H  ire  '-,  il  prétend  que 
la  force  élaftique  de  l'air  s'augmente  par 
l'humidité  \  &  qu'ainli  l'air  qui  eft  proche 
le  fbmmet  des  montagnes ,  étant  plus  hu- 
mide que  l'air  inférieur ,  eft  par-là  plus 
élaftique ,  &  capable  d'occuper  un  plus 
grand  efpace  qu'il  ne  devroit  occuper  na- 
turellement ,  s'il  étoit  plus  fcc. 

Mais  M.  Jurin  foutient  que  les  expérien- 
ces dont  on  fc  fert  pour  appuyer  cette  expli- 
cation, ne  font  point  du  tout  concluantes. 
Append,  ad  Varen.  Géograph. 

M.  Daniel  Bernouilli  donne  dans  foiiHy- 
drodynartiique  une  autre  méthode  pour  dé- 
terminer la  hauteur  de  tatmofphere  :  dans 
cette  méthode  ,  qui  eft  trop  géométrique 
pour  pouvoir  être  expofee  ici ,  &  mifè  i 
la  portée  du  commun  des  leéteurs  ,  il  fait 
entrer  la  chaleur  de  l'air  parmi  les  caufe* 
de  la  dilatation. 

La  règle  des  compreflions  en  raifbn  dz^- 
jKjids  ne  peut  donner  la  hauteur  de  fatmof- 
phere  ;  car  il  faudroit  que  cette  hauteur  fût 
infinie  j  Si  que  la  deufité  de  l'air  fût  nulle  à 


8  54  ATM 

fa  l'.irfece  fîipérieure.  II  feroit  plus  natureï  de 
fui^pofer  la  dehfité  de  i'air  proportionnelle  , 
non  au  poids  ccnipriinaiit ,  mais  à  ce  même 
poids  aiigmentc  d'un  poids  conftaiit  ^  alors 
la  hauteur  de  fctmojpkere  feroit  finie ,  & 
ne  feroit  pas  pliis  dilHcile  à  trouver  que  dans 
la  première  !'.)'podicj.è .  comme  il  eft  dcmoii- 
iré  dans  le  Tvaité  des  Jluidcs ,  imprimé  chez 
David,    1744. 

Qaoi  qu'il  en  foit ,  il  eft  couftant  que 
les  raréfaôions  de  l'air,  à  diffcrentes  hau- 
teurs ,  ne  fuivcnt  point  la  proportion  Acs 
poids  dont  Fair  cil  cliargé  ^  par  confcquent 
les  expériences  du  baromètre,  faites  au  pié 
&  fur  le  fonimet  des  montagnes ,  ne  peu- 
vent nous  donner  la  hauteur  de  Yatmof- 
yhc're  ;  puifque  ces  expériences  ne  font 
laites  que  dans  la  partie  la  plus  inférieure 
de  l'air.  Uatmofpficre  s'étend  bien  au 
delà  ^  &  fes  réfractions  s'éloign.ent  d'au- 
tant plus  de  la  loi  précédente  ,  qu'elle  cft 
plus  élcignée  de  la  terre.  C'eil  ce  qui  a 
engagé  M.  de  la  Hire ,  après  Kepler  ,  à 
fe  fervir  d'une  méthode  plus  aiicienne  , 
■plus  fimple  &  plus  fûre  pour  trouver  la 
hauteur  de  ïatmofphere  :  cette  méthode  cfi: 
fondée  fur  robfervation  des  crépufcules. 

Tous  les  aâronoînes  conviennent  que 
quand  le  foleil  eft  à  dix-jiuit  degrés  au 
deflbiis  de  l'horizon  ,  il  envoie  un  rayon 
qui  touche  la  furface  de  la  terre  ,  &  qui , 
ayant  fa  direélion  de  bas  en  haut  ,  va 
Jrapper  la  furface  fupérieure  de  ïatmof- 
phere ;,  d'oîi  il  eft  renvoyé  jufqu'à  la  terre  , 
qui'  touche  de  nouveau  dans  une  dircftion 
liorizontale.  Si  donc  il  n'y  avoit  poi/U 
ïatmofphere  ,  il  n'y  auroit  pas  de  crépuf 
cule  :  par  conféqucnt  fi  ïatmofphere  n'étoit 
pas  auffi  haute  qu'elle  eiî: ,  le  crépufulc 
comrncnccroit  &  finiroit  quand  le  foleil 
feroit  à  moins  de  18  degrés  au  délions  de 
l'horizon ,  &  au  contraire  :  d'où  Ton  peut 
conclure  que  la  grandeur  de  l'arc  dont  le 
foleil  eft  abailié  au  défions  de  l'horizon  . 
au  commcp.ccrr.cat  &  à  la  fin  du  crépuf- 
cule  ,  détermine  la  hauteur  de  ïatmofphere. 
Il  faut  cependant  remarquer  qu'on  doit 
fuuftrairc  32'  de  l'arc  de  i8<l  ,  à  caufe  de 
la  réfraclion  qui  élevé  alors  le  foleil  plus 
haut  de  32'  qu'il  ne  devroit  être  :,  cV  qu'il 
faut  encore  ôter  16  minutes  pour  la  dlftance 
du  limbe  fjpcrieur  du  foleil  (  qui  cfi  f  ip- 


A  T  M 

pofé  en^'oj'cr  ce  rayon  )  au  centre  dé  ce 
même  aflre  ,  qui  cfî:  le  point  qu'on  fuppofe 
à  i8<l  moins  32'  r  l'arc  reliant  fera,  par 
conféquent  ,  de  i/**  li'  ;  &  c'clt  de  cet 
arc  que  l'on  doit  fe  fervir  pour  déterîpmcr 
la  hauteur  de  ïatmofphere. 

Les  deux  rayons  ,  l'un  direft  ,  l'autre 
réfiéchi ,  qui  font  tous  deux  tangens  de  la 
furface  cle  la  terre  ,  doivent  néceliairement 
le  couper  dans  ïatmofphere  ,  de  maniera 
qu'ils  iàliênt  entr'eux  un  angle  de  17**  iz' , 
&  que  l'arc  de  la  terre  ,  compris  entre  les 
points  touchans  ,  ibit  auffi  de  17^^  ii'  ; 
donc,  par  la  nature  du  cercle  ,  une  ligne 
qui  partiroit  du  centre ,  &  qui  couperoit 
cet  arc  en  deux  parties  égales ,  rencontre- 
roit  les  deux  rayons  à  leur  point  de  con- 
coîirs.  Or  il  eft  facile  de  trouver  l'excès 
de  cette  ligne  fur  le  rayon  de  la  terre  j  & 
cet  excès  fera  la  hauteur  de  ïatmofphere. 
M.  de  la  Mire  a  trouvé ,  par  cette  méthode , 
la  hauteur  de  ïatmofphere  de  37223  toiles  , 
ou  d'environ  17  lieues  de  France.  La  même 
méthode  avoit  été  employée  par  Kepler  ; 
mais  cet  aftroncme  l'a'.'oit  rcjetéc ,  par  cette 
feule  raifon  qu'elle  donnoit  la  hauteur  de 
ïatmofphere  vingt  fois  plus  grande  qu'il  ne 
la  croyoit. 

An  refte  ,  il  faut  obferver  que  dans  tout 
ce  calcul  l'on  regarde  les  rayons ,  direél  8c 
réfléchi,  comme  des  lignes  droites;,  au  lieu 
que  ces  rayons  font  en  effet  des  lignes 
courbes ,  formées  par  la  réfraéfion  conti- 
nuelle des  rayons  dans  leur  paJlagc  par  les 
couches  différemment  denfès  de  ïatmof- 
phere. Si  donc  0!i  regarde  ces  rayons  connue 
deux  couches  fembiablcs ,  ou  plutôt  comme 
luie  feule  &  unique  combe ,  dont  une  deS 
extrémités  eft  tangente  de  la  terre  ,  lé 
fbmmet  de  cette  courbe ,  égalcn;cnt  diilant 
des  deux  extrémités  ,  donnera  la  hauteur 
de  ïatmofphere  :  par  confcquent ,  on  doit 
trouver  cette  hauteur  un  jieu  moindre  que 
dans  le  cas  011  l'on  fuppofbit  que  les  deux 
rayons  étoient  des  lignes  droites  ;  car  le 
point  de  concours  de  ces  deux  rnyons  qui 
touchent  la  courbe  ;\  fès  extrémités  ,  doit 
être  plus  haut  que  le  fonunct  de  la  courbe  , 
qui  tourne  fa  conca\ité  vers  la  terre.  M.  de 
la  Hire  diminue  donc  la  hauteur  de  l'^r- 
mofphere  d'après  ce  principe  ,  ?f  ne  lui 
donne  que  365(52  toiles  ,    ou    16  lieues. 


A  T  O 

Hi!}.  ite  facaJ.  roy.  des  Sciences  ,  an.  1 5  !  3  , 
pciT.  61.    yoyci  Us  articUs   RÉFRACllON 

iS- Crépuscule,  6v. 

Sur  Xcimofyhere  de  la  lune  &  iIcs  planè- 
tes,  royq  /f.î  û/v/c/m  Lune  £•  Planète. 

Sur  Xatrr.ofphcre  des  comètes  &  du  foleil , 
voyei  CoMEi E  &  Soleil  ^  voyci  aujji 
Taches,  Aurore  Boréale  £■  Lumière 
zodiacale. 

Aimo/phcre  des  corps  folides  ou  durs,  efl 
une  efpecc  de  fplicrc  forir.ée  par  les  pctils 
ccrpuicu'.es  qui  s'échappent  de  ces  corps. 
P'oyei  Sphère  &  Emanation. 

iVl.  Boylc  prétend  que-  tous  les  corps  , 
même  les  plus  folides  &  les  plus  durs  , 
comme  les  diamaus,  ont  leur  ntmofphcie. 
Voyei  Diamant  ,  Pierre  précieuse. 
f.  au/jl AiYiAST,  Magnétisme,  &c.(0) 

*  ATOCK  ou  ATTOCK ,  capitale  de 
la  province  de  mêinc  nom ,  au  Wogol  en 
Afie ,  au  confluent  du  Nilao  &  de  l'Inde. 
Long,  cjo ,  40;  /iu.  32  ,  2C. 

*  ATOLLONoi/ATTOLLONfub.  m. 
(Gc'ogr.  )  amas  de  petites  iles  qui  fe  tou- 
chent prefqr.e.  Les  Maldives  Ibiit  diftri- 
feuccs  en  treize  atcllons. 

*  ATOME,  {VJjl.  nat.)  animal  m.i- 
cfoicopique  ,  le  plus  petit  ,  à  ce  qu'on 
pî-ctend ,  de  tous  ceux  qu'en  a  découverts 
avec  les  mei'lci'rs  microicopes.  On  dit  qu'il 
paroît  au  micrcfcopc ,  tel  qu'un  grain  de 
f;'.ble  fort  fin  parcît  à  la  vue  ,  &  qu'en  lui 
roinarque  plulieurs  pies  ,  le  dos  Lhnc  ,  8;: 
des  écailles. 

Atomes,  f.  m.  petits  corpufculcs  indi- 
vjfiLles ,  qui ,  félon  quelques  anciens  phi- 
lofophes,  étoicnt  des  élémeus  ou  parties 
primitives  des  coi-ps  naturels.  Ce  mot  vient 
ù'à  privatif,  &  de  liyta,  Je  coupe,  l^oyei 
Atomisme. 

bromes  fè  dît  aufl:  de  ces  petits  grains  de 
peuiTlere  qu'on  voitvoltijîcr  dans  imccham.- 
bre  fermée ,  dans  laquelle  entre  un  ra}-on 
de  foieil. 

ATOMISME  ,  Phyfique  corpufcul'ire 
très-ancienne.  Sîrabon  ,  en  parlant  de  l'oni- 
dîtipn  des  Phéniciens,  dit  ( lib.  XVI.  p. 
521.  édit.  Genev.  Voye[  aujfi  S  ex  tus  Emp. 
edv.  Math.  pag.  367.  idic.  Gen.  )  «  S'il  on 
»  faut  croire  PofTidonius ,  le  dogme  de;; 
y  atomes  eft  ancien  ,  &  vient  d'un  Sido- 
.«s  aieju.  nommé  Mofchns ,  oui  a  vécu  avant 


A  T  O  85^ 

'  »  la  guerre  de  Troie  ».  Pyt'.agcre  paror 
avoir  appris  cette  dodlrinc  c.  Orient  j  8i 
Ecpharitus  ,  célèbre  pythagoricien ,  a  té- 
moigné (■  cpud  Stobœutn  )  que  les  unités 
dont  Pyihagorc  difoit  que  tout  efl  ccm- 
pofé,  Ji'étoient  que  des  atotr.es;,  ce  qu'A- 
riflotc  affure  audi  en  divers  endroits.  Em- 
l'édocle  ,  pythagoricien  ,  difoit  de  même 
que  la  nature  de  tous  les  corps  ne  venoit 
que  (fu  mélange  ù  de  la  ftparacion  des  par- 
ticules ;  &  quoiqu'il  admit  les  quatre  élé- 
micni ,  il  prétendoit  que  ces  élémiCus  étoient 
eux-mêmes  compofés  d'atomes  ou  de  cor- 
pufcules.  Ce  n'efl  donc  pas  fiins  raifon  que 
Lucrèce  loue  fi  fort  Empédocle  ,  puifque 
fa  i^hyrique  eiî  ,  à  plulieurs  égards ,  la 
même  que  celle  d'Epicure.  Pour  Anaxa- 
gore  ,  quoiqu'il  fut  aulTi  atomifie  ,  il  avoit 
un  fentiment  particulier,  qui  efl  que  chaque 
chofe  étoit  compofsc  des  atomes  de  fou  ef- 
pcce  j  les  os ,  d'atomes  d'os  ;  les  corps  rou- 
ges ,  d'atomes  rouges ,  &c. 

La  dcdlrjiie  des  atomes  n'a  été  propre- 
ment réduite  en  fyflcme  que  par  I  .eucipp-e 
&  Dcmocrite  •■,  avant  ces  dcws  philofopjics 
elle  n'avoir  pafîé  que  pour  une  partie  du 
lyltême  philofbphique  qui  fcrvoit  à  expli- 
quer les  phénomènes  des  corps.  Ils  allèrent 
pliis  loin  ,  &  firent  de  ce  dogme  le  fonde- 
ment d'un  fyftcme  entier  de  pliilofophie, 
Ceft  ce  qui  a  fait  que  Diogcne  Laerce  & 
plufieurs  autres  auteurs  les  en  ont  regardés 
comme  les  inventeurs.  On  aflocie  ordiiîai- 
rement  enfèmble  les  noms  de  ces  deux  phi- 
lofcphes.  L.eucippe  ,  dit  Ariflcte  dans  fii 
»  métaphyiique ,  &  fon  compagnon  Dé- 
»  mccrite  difent  que  les  juincipes  de  tou- 
»  tes  chofès  font  le  plein  &  le  vuide , 
»  le  corps  &  l'efpace  ,  dont  l'un  efl  quel- 
»  que  choie  ,  &  l'autre  n'eil  rieii  :  &  que 
»  les  caufes  de  la  variété  des  autres  trois 
»  êtres  font  ces  trois  chofcs  ,  la  fig-ure  ,  la 
»  difpofirion  &  la  fituation.  »  Il  n'y  a  point 
de  meilleur  mo3'en  pour  fe  faire  une  idée 
complète  de  Vatomifme ,  que  de  lire  le  fa- 
meux poëme  de  Lucrèce.  Voici  en  peu  de 
mots  le  fond  de  ce  fyfLcmc  ,  tel  que  nous  le 
trouvons  drais  ce  poëme  Latin  ,  &  dai  s 
di\ers  endroits  de  Ciceron  où  il  en  cil 
parlé. 

Le  monde  eft  nouveau  ,  &  tout  efl  pleire 
des  preuves  de  fa  aouvc.uîé  y  mais  la  mu- 


«5^  ATO 

tic-re  dont  il  eft  coraïKjfc  eft  éternelle.  Il 
y  a  toujours  eu  une  quantité  iininenfe  & 
réel'.eniciit  infinie  d'atomes  ou  corpufculcs 
durs ,  crochus ,  qiiarrés ,  obbn^s ,  &  de  tou- 
tes figures  ^  tous  iiuliviriblcs,  tous  en  mou- 
vcincnt  &  faifant  clîbrt  pour  avancer  ■■,  tous 
defcendant  &  traverfimt  le  vuide  :  s'ils 
avoient  toujours  continué  leur  route  de  la 
forte,  il  n'y  auroit  jamais  eu  d'affembla 
gcs ,  &  le  monde  ne  feroit  pas  ■■,  mais  quel 
ques-uns  allant  un  peu  de  côte ,  cette  légère 
dcclinaifon  en  ferra  &  accrocha  plufieurs 
enfemble  :  delà  fe  font  formées  diverfes 
inalfesi  un  ciel,  un  foleil ,  une  terre  ,  un 
homme  ,  une  intelligence ,  &  une  forte  de 
liberté.  Rien  n'a  été  fait  avec  deffein  :  il 
faut  bien  fe  garder  de  croire  que  les  jam- 
bes de  l'homme  aient  été  faites  dans^  l'in- 
tention de  porter  le  corps  d'une^  place  aune 
autre  •■,  que  les  doigts  aient  été  pourvus 
d'articulations  pour  mieux  faifir  ce  qui  nous 
feroit  nécelfaire  )  que  la  bouche  ait  été 
garnie  de  dents  pour  broyer  les  alimens  ^ 
ni  que  les  yeux  aient  été  adroitement  fuf- 
pendus  fur  des  inufcles  fouples  &  mobiles , 
pour  pouvoir  fe  tourner  avec  agilité  ,  & 
pour  voir  de  toutes  parts  en  un  inftant. 
Non ,  ce  n'eft  point  une  intelligence  qui  a 
difpûfé  ces  parties  afin  qu'elles  pulTent  nous 
fcrvir  i,  mais  nous  faifons  ufage  de  ce  que 
nous  trouvons  capable  de  nous  rendre 
fervice  : 

Ne  putes  oculorum  clafa ,  creata 
Ut  videant  ;  fed  quod  tiaium  tfi  ,  id  pro- 
créât  ujum. 

Le  tout  s'eft  fait  par  h*ard  ,  le  tout  fe 
continue  ,  8c  les  efpeces  fe  perpétuent  les 
mêmes  par  hazard  :  le  tout  le  diiïbudra  un 
jour  par  hazard  :  tout  le  fyftêm.c  fe  réduit  là. 
(Hijl.  du  cki,tom.  Ilypag.  ZII,  212.) 
Il  feroit  fuperflu  de  s'arrêter  à  la  réfutation 
de  cet  amas  d'abfurdités  ■■,  ou ,  s'il  étoit  né- 
aelfaire  de  les  coinbattre  ,  on  peut  conful- 
tcr  l'anti-Lucrcce  du  cardinal  de  Polignac. 

L'ancien  atomifme  étoit  un  pur  athéif- 
me  ■-,  mais  on  auroit  tort  de  faire  réjaillir 
cette  accufation  fur  la  philofophie  corpufcu- 
laire  en  général.  L'exemple  de  Démocrite , 
de  Lcucippe  &  d'Epicure  ,  tous  trois  aufîî 
grands  athées  qu'atomiftes ,  a  fait  croire  à 
bien  des  gens ,  que  dès  que  l'on  adinettoit 


ATO 

les  corpulcules ,  on  rejctoit  la  do£lrIne  qui 
établit  des  êtres  immatériels  ,  comme  la 
divinité  &  les  âmes  humaines.  Néanmoins, 
non  feulement  la  pneimiatologie  n'eft  pas 
incompatible  avec  la  dodtriiie  des  atomes  , 
mais  même  elles  ont  beaucoup  de  liaifoa 
enfemble  :  aufll  les  mêmes  principes  de  phi- 
lofophie qui  avoient  conduit  les  anciens  à 
reconnoître  les  atomes  ,  les  conduilireiit 
aufîî  à  croire  qu'il  y  a  des  choies  imma- 
térielles ;  &  les  mêmes  maximes  qui  leur 
perfuaderent  que  les  formes  corporelles  ne 
font  pas  des  entités  dlflinftesde  la  fubftance 
des  corps ,  leur  perfuaderent  aufTi  que  les 
âmes  ne  font  ni  engendrées  avec  le  corps , 
ni  anéanties  avec  fa  mort.  Ceux  qui  fou- 
haitent  des  preuves  plus  détaillées  là-delfus, 
les  trouveront  dans  Icfyfléme  intelUcluel  de 
Cudworth  ,  &  dans  \extrait  de  M.  le  Clerc. 
Bibl.  choif.  tom.  I ,  art.  3.  VoyeiauJJl  COR- 
PUSCULAIRE. Cet  article  eft  tiré  de  M.  For- 
mey.  {X) 

ATONIE  ,  f.  m.  f  Med.  )  d'i  privatif, 
&  de  Ti'iva  ,  étendre  \  foiblejfi  ,  relâchement  , 
défaut  de  ton  ou  de  tenfion  dans  les  folides 
du  corps  humain. 

Ce  mot  étoit  fort  en  ufage  parmi  les 
médecins  de  la  fede  méthodique  ,  qui  at- 
tribuoient  les  caufes  des  maladies  au  relâ- 
chement ,  à  la  tenfion ,  ou  à  un  mélange  de 
ces  deux. 

\^ atonie  eft  caufè  de  maladie  dans  la  dé- 
bilité des  fibres ,  dans  les  tempéramens 
hum.ides ,  &  dans  ce  qu'on  appelle  \intem- 
pcrie  froide  ù pituitcufc  :  elle  eft  fymptoma- 
tique  dans  les  pertes  abondantes ,  à  la  fuite 
des  grandes  évacuations  dans  les  maladies 
longues ,  lors  de  la  convalclcence ,  &  enfin 
après  de  grands  travaux  ,  comme  aufîl  après 
de  grandes  douleurs. 

L.'atonie ,  comme  caufe  de  maladie  & 
comme  maladie  ,  fe  traite  par  les  aflriu- 
gens ,  les  apéritifs ,  les  amers ,  les  liytlra- 
gogues  •■,  &  les  alimens  de  bon  Cac  pris  en 
petite  quantité,  les friôions,  la  promenade , 
l'exercice  ,  y  font  fur-tout  utiles.  Lorf^ 
qu'elle  eft  de  nailfance,  &  qu'elle  fait  le 
tempérament ,  comme  il  arrive  dans  les 
gens  humides  &  fujets  aux  bouffilîures,  il 
faut  la  corriger  ,  autant  qu'il  eft  poflible  , 
par  un  régime  exaft ,  par  les  boilfons  alté- 
rantes ,  Icgéreineut  fiidorifiques  :  les  cor- 
diaux 


A  TO 

tiiaux  employés  une  fois  par  feraaine ,  tels 
que rcl,ixir  de  Gains ,  la  confcÛion  alkcrmès, 
Êi'c.  peuvent  empêcher  fès  mauvailcs  iuircs. 

h^atonie  f  comm;:  lymptome  &  fuirc  des 
éracuaricins  immodérées  ,  des  lorir^ues  ma- 
ladies ,  delà  fatigue,  de  la  convalelcence  , 
le  traite  par  le  repos  &  la  diète  reilaurante. 
f^.CoNVAT.ESCENCE&  FolBLE'lSE.C.V) 

ATONIE  Je  la  matrice.  (  MeJec.  )  La 
iflruélurc  particulière  de  la  matrice  (  J^oye:{ 
Matrice),  &  les  fondions  auxquelles 
ce  vifcere  eft  defliné ,  rendent  bien  im- 
portant le  ton  des  fibres  qui  le  compo- 
fent.  Il  huit  que  ces  fibres  pu i fient  le  prê- 
ter à  une  extenfion  proportionnée  au  dé- 
veloppement &  À  l'cxpanfion  que ,  dans 
diiFérentes  circonHances ,  cet  organe  doit 
fupporter.  Il  faut  encore  que  ces  mêmes 
fibres  puiïïènt  réagir  ,  fe  replier  iiir  elles- 
mêmes  ,  &  réduire  la  matrice  à-peu-près 
au  même  volume  qu'elle  avoit  auparavant. 

Si  la  rigidité  de  ces  fibres  s'oppofe  à 
leur  extenfion  ,  la  fîérilité  en  eft  un  ciîèt  né- 
ceflaire  (  P^ofc^  STÉRILITÉ  )  ,  &  il  en  ré- 
lultc  plufie'.irs  autres  maladies ,  telles  que 
des  pertes  enrouge&  enblanc  {V.  FLEURS 
Blanches,  Pertes),  Leur  tro^-»  grande 
duftilité  les  expofe  à  un  relâchement  qui 
rend  la  circulation  difficile  dans  ce  vifcere  , 
&  qui  fiivorriê  des  engorgemens  vicieux. 
Leur  diftenfion  exceflive  les  réduit  à  une 
ntonu  plus  dangereule  encore. 

Cette  aconi.e  a  lieu  dans  les  groflefîes , 
lori'que  deux  ou  plulieurs  enfans  (ont  ren- 
fermés dans  la  matrice  ,  ou  lorfque  l'en- 
fant dont  la  femme  eft  grofle  eft  d'un  vo- 
lume dilproportionné  à  la  capacité  de  ce 
vifcere  ,  ou  que  les  eaux ,  par  leur  abon- 
dance ,  néceflitent  un  développement  extra- 
ordinaire. \J atonie  qui  en  réiulte  n'eft  d'au- 
cune conléquence  tant  que  dure  la  groi^ 
fefïe  ;  elle  peut  cauler  la  mort  des  femmes 
les  mieux  portantes ,  fi  elle  fubfifte  après 
l'accouchement. 

Dès  que  le  placenta  s'eft  détaché  des 
parois  de  la  matrice ,  les  vailTeaux  fan- 
guins  qui ,  pendant  le  cours  de  la  grof- 
fèfîê ,  s'étoient  remplis  de  fang  ^  fe  dé- 
gorgent ;  il  flirvient  une  perte  roLige  que 
le  rétréciUement  du  calibre  des  vailfeaux, 
opéré  par  le  reiïlrrement  de  la  matrice  , 
diminue  infenfiblemcnt ,  &  qui ,  prenant 
Tome  III. 


A   T   O  gyy 

fîiccelîîvement  difîércntcs  nuances  ,  fe  ter- 
mine par  une  perte  en  blanc,  y^oje:^  Ac- 
couchement ,  Lochies. 

C'efl  par  le  jeu  des  fibres  mufculaires 
&  membraneulès  de  ce  vilcere  ,  q-  e  s'o- 
perc  cette  diminution  du  diamètre  des 
raiffeaux.  Si  la  perte  de  leur  ton  les  rend 
inaclives  ,  les  vaillcaux  refient  béans  ,  l'éva- 
cuation languinc  devient  Ci  confidérable , 
que  la  mort  des  accouchées  eft  inévitable 
pour  peu  que  cet  état  dure  ;  fouvent  même 
elle  arrive  dans  le  quart-d'heure  après  l'ac- 
couchement ,  &  une  fuiblefte  exceflive  en 
eff  du  moins  une  fuite  néceffaire. 

L'expérience  la  plus  conftante  prouve  la 
réalité  de  cet  effet  de  l'atonie  de  la  ma- 
trice. Cette  caufe  a  éié  méconnue  dans 
les  ficelés  derniers.  Mauriceau  &c  la  Motte, 
célèbres  accoucheurs  du  div-fcptieme  ficelé, 
témoins  de  la  mort  de  plufieurs  femmes , 
i\  la  fuite  de  deux  accouchemens ,  par  des 
pertes  immodérées,  attiibuoient  ces  pertes 
à  des  caules  merveilleufes  qu'il  étoit  im- 
poflible  de  reconnoître  ;  prévenus  de  cette 
idée  ,  ils  ne  fe  font  pas  même  occupés  des 
moyens  de  parer  à  de  fi  funeftes  accidens  , 
loit  en  prévenant  les  pertes  ,  ioit  en  les 
arrêtant. 

Rullch ,  par  fa  découverte  des  fibres 
mulculaires  utérines  (  de  nofo  uceri  muf~ 
culo.  )  reconnues  par  Roederer  (  Elem.  art. 
obfietncice)  ,  nous  a  mis  fur  la  voie  qui 
devoit  nous  y  conduire.  }io'timi\n{de  igno- 
rata  uteri  jlriiSiirâ  )  ,  par  fes  remarques 
fur  le  mouvement  alternatif  &  héterochro- 
ne  du  fond  de  la  matrice  &  de  fon  col^ 
M.  de  Haller  ,  par  les  expériences  relatives 
à  l'irritabilité  des  fibres  (  Màn.  far  l'irri- 
tabilité'^ ,  nous  ont  tait  prelîentir  les  fer- 
cours  ,  qu'en  pareilles  circonltimces ,  on  pou- 
voir retirer  de  l'organilation  de  la  ma- 
trice ;  M.  Lcvret  (  Obfery.  furies  accouche- 
mens ^  tom.  IL)  nous  tait  reconnoître  ce 
qui  pouvoit  remplir  les  indications  que 
préfente  Vaionie  de  ce  vifcere.  Rien  de 
mieux  raifonné  &  de  plus  judicieux  que 
les  confeils  donnés  à  ce  fujet  par  ce  favarit 
Zl  célèbre  accoucheur.  C'efl  d'après  lui 
que  j'indiquerai  ici  &  ce  qu'il  faut  faire  lorl^ 
qu'on  a  lieu  de  redouter  cens  atonie  ,  &  les 
rcffources  à  employer  pour  en  diminuer 
les  efïèts  quand  on  n'a  pu  la  prévenir. 
M  m  m  m  m 


«58  A  T  O 

Je  ne  m'aflrein'drai  pas  cependant  à  fui- 
■«re  cxclufivement  ce  que  conCeille  M.  Le- 
♦ret;  &  le  traitement  que  je  vais  décrire 
(era  encore  dirigé  d'après  les  oblervations 
de  Smellie  (  wme  II.  )  &  d'après  les  lumières 
que  j'aii  acquifes  fur  cet  objet  ;  foit  par 
Blés  converfations  avec  mon  ami  M.  Enaux , 
maître  en  chirurgie  de  la  ville  où  je  pra- 
tique la  médecine  ,  foit  par  les  faits  qui 
le  font  pafles  fous  mes  yeux. 

La  trop  grande  duûilité  des  fibres  peut 
clonner  Jieu  à  Vatonie  de  la  matrice  ,  par  la 
facilité  avec  laquelle  ,  en  pareilles  circonf- 
tnnces  ,  elles  peuvent  être  diflendues. 

Toutes  les  fois  donc  que  le  tempéra- 
knent  lâche  des  femmes  ,  telles  que  les  blon- 
des ,  &  que  l'infiltration  fércule ,  ou  un 
épuifement  des  forces  ,  auront  dilpolé 
les  fibres  ;\  une  grande  duftilité ,  on  fera 
dans  le  cas  de  s'attendre  à  Vato/jie  de  la 
matrice. 

Le  volume  exceffif  du  ventre  ,  fans  au- 
tre caufe  apparente  que  la  groflefîe ,  en- 
gagera encore  à  la  prévoir ,  même  dans 
fdcs  femmes  bien  faines  &:  bien  vigou- 
reu  fes. 

Alors  ,  pour  preVenîr  cette  atonie  ,  M. 
ievret  confèille  de  forcer  la  matrice  à  fc 
contrader  ,  avant  que  le  décollement  du 
placenta  ait  néceffité  une  perte  rouge.  Il 
veut,  en  conféquence  ,  lorlque  Taccouche- 
ment  fe  prépare ,  qu'on  perce  les  mem- 
branes de  bonne  heure,  pour  favorifer  l'é- 
toulement  des  eaux  ,  afin  que  la  matrice  , 
cédant  d'être  auiii  diflendue  qu'elle  l'étoit, 
fc  reflcrre  peu- .à-peu ,  tandis  que  la  nréicnce 
de  l'entant  s'oppofe  à  fon  aiEiiifement ,  & 
que  le  placenta  n'étant  point  encore  dé- 
collé ,  il  n'y  a  point  de  perte  à  craindie. 

Mris  fouvent ,  après  l'écoulement  d'une 
|>artie  des  eaux  ,  la  tète  s'appuie  fur  l'ori- 
iice  de  la  matrice  ,  &  forme  obftacle  à  la 
lorvie  du  relie.  Leur  cvacuarion  n'efî  poii;r 
afiez  confidérablc  pour  produire  Teftet  que 
M.  Lcvret  attend'oit  du  dcchiremcrt  des 
rnCmbi^nes.  C'efl  une  remarque  de  M. 
Enaux,  que  rexpcrience  fa  mis  dans  le 
cas  de  faire ,  &;  qui  l'cnfage  A  regarder 
eomme  eflenriel  de  rei^oufTer  de  temps  en 
tem]is  la  tetc  de  l'cnfanr ,  :\  l'aide  d'un 
doigt  introduit  à  travers  l'orifice  de  la  ma- 
trice.' 11  i'iiut  taire  cette  manœuvre  avaut 


AT  O 

que  la  tête  foit  defcendue  dans  le  petit 
baffin ,  &  dans  l'intermifEon  des  douleurs. 
On  doit  la  continuer  jufqu'à  ce  que  la  di- 
minution du  v(jlume  du  ventre  &  la  cef- 
fatjon  de  l'écoulement  des  eaux  aient  don- 
né lieu  de  croire  qu'elles  font  entièrement 
évacués. 

L'on  n'efi:  pas  toujours  aiïez  heureux 
pour  avoir  le  temps  de  recourir  à  ce  moyen  : 
fouvent  l'accouchement  efl  fi  précipité , 
que  l'accoucheur  ,  qui  fait  juiqu'à  quel 
point  Vaionie  qu'il  fufpefte  ell  redoutable, 
n'a  d'autres  rsllburces  pour  la  prévenir 
que  de  laiflèr  à  la  nature  le  foin  d'expul- 
fer  l'arriere-falx ,  ou  du  moins  d'attendre 
quelque  temps  avant  d'en  faire  l'extrac- 
tion ;  ainfi  le  confeillent  Mrs.  Levret  & 
Smellie.  L'inquiétude  peu  éclairée  des  af- 
llftiins  ne  doit  jamais  empêcher  un  accou- 
cheur de  fuivre  ce  confeil ,  qui  ell  de  l'a 
plus  grande  importance. 

Il  n'efi:  cependant  pas  toujours  roflible 
d'en  profiter  ;  11  y  a  des  placenta  d 'une 
furface  lilTe  &  polie ,  &  qui ,  loin  d'cère 
implantés  dans  le  parois  de  la  matrice ,  ne 
l'ont ,  pour  alnfi  dire  ,  que  collés  à  ià  fur- 
face,  de  façon  qu'ils  fe  détachent  au  plus 
léger  effort  de  ce  vifcere,  &  ibrteut  pref- 
cju'en  même  temps  que  l'aifant.  Alors  il 
faut  promptement  appliquer  fur  les  reins 
2:  fur  le  ventre  de  la  malade  ,  des  linges 
trempés  dans  un  liquide  très-froid ,  &  que 
l'on  rafi-aîchiru  fréquemment ,  afin  que  la 
l'roideur  ,  irritant  les  parties  »  &  attirant  les 
Inarticulés  ignées  force  les  fibres  à  fe  conr 
trafter.. 

En  même  temps  on  fera  des  frijlions 
fur  la  région  de  la  matrice ,  &  l'on  em- 
poignoiM  ,,  en  quelque  forte  ,  ce  vifcere  , 
que  l'on  prefîera  ;  ces  moyens  fuffirour 
fôuvenr  pour  lui  faire  reprcndi-e  fon  rel- 
lôrt.  Mais  s'ils  ne  font  point  ccfler  Vato- 
nie j  fi  l'on  ne  fcnt  point  la  matrice  s'ar- 
londir  fous  la  main ,  fi  la  perte  continue , 
il  faut  introduire  dans  le  vagin  un  tam- 
pon fait  avec  un  linge  fin  ,  rempli  d'étou- 
pcs  ou  de  coton ,  &  le  fouiecir  d'une 
main  ,  tandis  que  de  l'autre  on  conîmiie 
de  frotter  &  de  manier  le  ventre.^  A  cette 
manœuvre  ,  on  réunira  l'ulage  d'une  po- 
tion OTti-lpa-Gnodique  ,  peu  échauffante  , 
ôc  capable   as  rétablir  6i    J'entrctenij:  les 


A  TO 

-forces  ic  la  malade  ,  fans  trop  raréfier  la 
ni.iire  humorale.  J'ai  été  pliificurs  fois  té- 
moin du  luccès  de  cette  mcthode. 

Quand  ,  par  la  forme  globulculc  que  la 
matrice  prend  fous  la  main  >  on  lent  que 
Vdconie  a  ceflë ,  &  fur-  tout  fi  des  accidens 
IiiOériques  llirvicnncnr  ,  on  ôte  le  tampon 
l^our  faciliter  la  fortie  des  caillots.  Quelque- 
fois il  faut  introduire  la  main  dans  la  ma- 
trice pour  les  tirer  ;  mais  fouvent  la  feule 
dilatation  de  l'orilice  &  du  col  de  la  ma- 
trice ,  par  l'introduclion  de  la  main  ,  en 
détermine  la  fortie.  Cette  dilatation  par 
l'hétérochronérré  des  mouvemens  du  tond 
&  du  col  de  ce  vifcere  ,  fufKt  ordinaire- 
ment pour  engager  le  fond  à  fe  contrac- 
ter &  à  cxpull'cr  les  caillots.  Mais  fi  après 
leur  expullion  la  perte  continue ,  il  faut 
revenir  au  tampon  ,  renouveller  les  fric- 
tions fur  le  ventre  ,  &  continuer  la  même 
rianocuvre ,  juiqu'A  ce  que  la  matrice  le 
foit  réduite  au  volume  où  les  vaiiTèaux  , 
qui  yerfoient  le  fang  ,  le  trouvent  rétrécis 
au  point  de  ne  plus  donner  ilfue  qu'à  une 
liqueur  légèrement  teinie  en  rouge. 

M.  Levret ,  qui  ne  paroît  pas  avoir  fiit 
ufage  du  tampon  ,  recommande  d'ôter 
exaâement  tous  les  caillots.  Sa  raifon  ef t , 
que  la  préfence  d'un  corps  étranger  dans 
la  matrice  ,  entretient  la  dilatation  de  ce  vii- 
cere  &  s'oppofe  à  fon  rederrcment.  Mais 
il  lemble  perdre  de  vue  l'efïet  du  caillot 
fur  les  vailleaux  ouverts.  L'hémorragie 
utérine  difiere  ,  il  eu.  vrai  ,  des  autres  hé- 
morragies ,  en  ce  que  l'organiiation  de  la 
matrice  peut,  fans  le  Iccours  du  caillot  , 
faire  ccffer  celle-ci  par  l'eiTet  de  ion  refîer- 
rement.  Quel  inconvénient}-  auroit-il,  ce- 
pendant ,  à  réunu'  ces  deux  moyens  ?  Se- 
roit-on  arrêté  par  la  crainte  des  accidens 
hiilériqucs  que  la  préience  de  ce  caillot 
peut  occafioner  ?  Je  puis  dire  avec  vé- 
rité que  ces  accidens  ne  font  point  à  crain- 
dre ,  parce  qu'on  les  fait  ceffer  à  volonté 
en  donnant  iilue  à  ces  caillots.  Il  elf  cer- 
tain qu'on  doit  très-peu  compter  fur  fci- 
ficacité  du  caillot ,  tant  que  le  vagin  n'é- 
tant point  bouché ,  le  fang  verfé  par  les 
vaifleanx  utérins  ,  s'échappe  en  partie  ,  & 
ne  forme  qu'un  caillot  incapable  de  rem- 
plir toute  la  cavité  de  ta  matrice.  Mais 
£ue  le  vagin  foit  tamponné  ;  que    tout  le 


A  T  R.  o      8-^ 

fàng  foit  oblige  d©  iè  figer ,  &  bientôt 
le  caillot  s'appliquera  iiir  l'orifice  dc«  vaif-. 
Icaux  béans  ;  bien  p-lus ,  le  moulaut  fur  la 
concavité  de  la  matiice ,  il  touchera  par- 
tout lu  furlacc  ,  en  irritera  tous  les  points» 
&  mettant  en  jeu  l'irritabilitc  de  toutes 
les  fibres  de  ce  vifcere  ,  en  décidera  It 
conflriélion  univerlelle  &  uniforme  ,  â^ 
fera  celfcr  fans  retour  &:  l'atonie  &c  la  pert# 
qui  en  efl  l'effet. 

Je  puis  affirmer  que  plufieurs  expérien- 
ces heurcufes  m'auforiient  à  donner  ce 
moyen  comme  infaillible  ;  &  que  je  n'crt 
ai  jamais  vu  de  mauvais  efièts. 

Hofîrnan  avoit  imaginé  le  tampon  dans 
une  occafion  où  une  perte  excefllve  me- 
naçoit  la  vie  d'une  maI;»Je  groffe  de  trois 
mois  ;  &  le  fuccès  le  plus  flatteur  juffifia 
le  riiifbnnemcnt  -qui  l'avoit  conduit  à  y 
avcm  ixcours  {fécond  j'ol.fec^.  i.  ch.  v,  ob" 
ferr.  z.)  C'efl  d'après  fon  exemple  que 
dans  des  circoniîr.nces  analogues  Smellic 
l'a  employé.  J'oie  garantir  (jue  la  méthode 
du  tampon  imaginée  par  Hoflinan  , 
adoptée  par  SmcHie  ,  &  fulvie  par  M. 
Enaux  &  par  plufieurs  chirurgiens  de  cette 
ville ,  aura  toujours  un  effet  fatisfailant 
dans  le  cas  de  Vatonie  de  la  matrice  ;  ce 
moyen  ne  fera  pas  moins  efficace  dans  les 
pertes  qui  fuccedent  aux  faulles  couches  , 
(Sec.  Voyci  Fausses  COUCHES  ,  Ta.m.- 
PON.  {M.  M.) 

ATOUGIA ,  (Ge'ogr.)  petite  ville  de 
Portugal  dans  l'Elfrémadure  ,  fur  le  bord 
de  la  mer ,  vis-A-vis  des  Barlingues.  Elle 
ef{  au  fond  d'une  petite  baie ,  au  nord-eft 
de  Santaren.  (  C   A.) 

*  ATRA  ,(  Géog.  anc.  )  ville  de  Méfo- 
potamie  fituée  furlapointe  d'une  montagne  , 
&  fameufè  par  les  fieges  qu'elle  a  foutenus. 

ATI^ABILAIRE  ,  adj.  fe  dit  de  celui 
qu'une  bile  noire  Ô£  adufle  rend  triile  & 
chagrin  :  vifcige  arralvl.iire,  huîneur r.trabi^ 
laire.  Il  efi  aufli  liibllantif  :  c'efl  un  atia- 
bilaire.   Voyei^  BlLE.  (  /.  ) 

Atrabilaires  ,  cjp fuies atrabiLiie c  „ 
ou  reins  fuccenturiaux,  Fc»)'f^REINSSUC- 
CENTURIAUX. 

ATRAMITES,  (  Geogr.)  c'efl  un   <.]çs 

noms  finis  lesquels  les    anciens  géographes 

ont  parlé  des  habitans  de  l'Hadramant    ou 

HaJramuth  ,  riçlor   &    flori  fiante   conu'ée 

M  m  m  m  m  2. 


8-'o       o       A  T  R. 

de  l'Arabie  heureulè  vers  l'Océan  ,  entre 
le  Yemen  ,  le  Scadshar  ,  &  les  diftriâs 
d'Aden  ,  de  Tis  &:  de  Sanaa.  Du  temps 
de  Mahomet ,  ces  peuples  étoicnt  de  la 
tribu  d'Ad  ;  ils  font  jiujourd'hui  de  celle 
de  Namud  ,  &  Moka  ell  leur  capitale. 
{D.G.) 

■  ATRAX  ou  Atracia  ,  (  Ge'ogr.  )  ville 
de  Theilalie  ,  ainfi  nommée  d'Airax  ,  fils 
de  Penéc  &  de  Bura  ,  qui  la  fit  bâtir.  Elle 
devoit  être  confidérabic  ,  puiique  les 
poètes  fe  font  quelqueiois  iervis  de  l'épi- 
thete  atiacieii  pour  lignifier  Thcjfalien.  Il  y 
avoit  aufli  une  rivière  de  ce  nom  qui  fe  je- 
t'oit  dans  la[  mer  Ionienne,  après  avoir 
pafle  par  le   pays  des  Atraciens.  {C.  A.) 

Atrax  ,  (  Géogr.)  rivière  :de  Grèce 
dans  TEtolie  ,  qu'elle  traverie  prelque  entiè- 
rement du  nord  au  fud  ,  pour  aller  fe 
fêter  dans  le  golfe  de  Lépante  :  l'on  nom- 
moit  Atraces  les  peuples  qui  en  habitoient 
les  bords.  {D.  G.) 

ATREjf  m.  {Archltecî.)  efl  la  partie 
d'une  cheminée  où  l'on  fait  le  feu  entre 
les  jambages  ,  le  contre-cœur  &  le  foyer. 
Elle  le  carrelle  de  grand  ou  petit  carreau 
de  terre  cuite  ,  ou  quelquefois  de  plaques 
de  fonte  ou  ter  tondu  ,  auili-bien  que  toute 
la  hauteur  de  la  clieminée  jufque  vers  la 
tablette  du  chambranle.  Les  angles  doivent 
en  être  arrondis  ,  pour  renvoyer  la  cha- 
leur dans  l'intérieur  de  la  pièce.  Il  faut  faire 
les  âtres  de  dix-huit  pouces  au  moins  de 
profondeur  ,  &  de  deux  pies  &  un  quart  au 
plus  ;  trop  profonds  ,  la  chaleur  le  diflipe 
dans  le  tuyau  de  la  cheminée  ;  &  ,  à  moins 
de  dix-huit  pouces  ,  les  cheminées  font  fu- 
jettes  à  fumer.  F.  CHEMINÉE.  (P) 
1  Atre  ,  en  verrerie  ,  eil  une  pierre  de 
gièsde  douze  à  quinze  pouces  d'épaifieur  , 
qui  couvre  la  lurtacc  du  fond  du  four  , 
pour  recevoir  &  conferver  les  matières  vi- 
trifiées qui  tombent  des  pots  lorfqu'ils  fe 
callent  ,  ou  qu'on  les  a  trop  remplis. 

ATRÉE  ,(  Hijl  poet.  )  fiis  de  Pelops  , 
fuccéda  à  Eurilléc,  roi  d'Argos  ,  dont 
il  avoit  époufé  la  fille.  Le  commencement 
de  la  haine  qu'il  eut  contre  fon  frère 
Thiefle  ,  vint  de  ce  que  celui-ci  lui  avoit 
enlevé  un  bélier  ;\  la  toilon  d'or;  ou  ,  fé- 
lon Euripide ,  une  brebis  dorée  qu'il  re- 
jjardoit  comme  le  bonheur  de  la  famille  , 


A  T  R 

c'efî-à  -  dire  ,  quelques  trcfors.  Enfiiire 
Thiefle  lui  débaucha  fa  femme  yËrope  , 
&  en  eut  deux  enfans.  Acre'c  ayant  décou- 
vert ce  commerce  ,  le  chafïîx  d'abord  de 
fa  cour  ;  mais  ne  fe  croyant  pas  afiez 
vengé  par  cet  éloignement  ,  il  le  rappelia 
fous  prétexte  de  réconciliation  ;  &  ,  ayant 
mafiacré  les  enfans  que  Ion  frère  avoit 
eus  de  la  reine  ,  il  les  lui  fit  fervir  à  table 
dans  des  mets  empoifonnés  :  le  fbleil  fe 
cacha  ,  dit  la  fable  ,  pour  ne  pas  éclairer 
vin  repas  fi  barbare.  Atre'e  fut  tué  par 
Egific  fils  de  Thiefle.  (-f) 

ATRî ,  ville  d'Italie  au  royaume  de 
Naples  ,  dans  l'Abbruze  ultérieure.  Long. 
32  ,  38  ;    lata.    42.,  jr. 

*  ATi^IBUNIE  ,  {Gt'og.  mod.)  rivière 
de  Saint-Domingue  ;  elle  coule  dans  la 
partie  occidentale  de  l'île  ,  &  fe  jette  dans 
la  mer. 

ATRIDES  ,  (  Hifl.  poet.  )  c'efl  le  nonr 
qu'on  donne  à  Agamemnon  &  à  Mène- 
las ,  comme  fils  d'Atrce  ,  quoique  plu- 
fleurs  croient ,  avec  quelque  raifon  ,  qu'ils 
n'étoient  pas  fils  de  ce  prince  ,  mais  de- 
Pliflhene  fon  frère  ;  &  comme  les  adions. 
de  ce  dernier  n'avoient  pas  mérité  une 
place  honorable  dans  l'hifloire  ,  Homère, 
pour  honorer  la  mémoire  du  chef  des 
Grecs  ôi  de  fon  frère  ,  avoit  afitûé  de  les 
faire  paiTer  pour  les  enfans  d'Atrée,  &  de 
les  nommer  p-av-zoutAtridcs.  (  +  ) 

*  ATRIUM,  (  Htjl  anc.  )  c'étoit  un- 
lieu  particulier  de's  maifons  ,  des  temples 
&  des  palais  des  anciens.  Il  n'eil  pas  facile  de 
déterminer  la  pohiion  &  lulage  de  ce  lieu,, 
non  plus  que  d'autres.  Martial  femble  con- 
fondre le  vcflibule  avec  l'arnu/w  ,  lorlqu'il 
dit  que  l'endroit  où  l'on  voyoit  de  fon 
temps  le  grand  cololfc  &  les  pegmata  ou 
machines  de  théâtre  &  d'amphithéâtre  ,. 
étoit  ['atrium  de  la  mailon  dorée  de  Né- 
ron. Il  s'efl  fervi  pour  déiigner  cet  en- 
droir ,  de  l'expreflîon  atria  régis.  Or  Sué- 
tone place  les  mêmes  choies  dans  le  vcfli- 
bule du  palais  de  Néron  :  yeftihulum  ejus 
fu:t  in quo colojfus,  &c.Le  poiiteefl  moins 
à  croire  ici  que  l'hiflorien  :  car  il  cû  conf- 
tant  que  le  veltibule  étoir  devant  la  mai- 
Ion  ,  &  l'atrium  au  dedans.  Phifieurs  ont 
pris  avec  Martial  Vatrium  pour  le  vcflibule  ;. 
mais  Auluscllc   les  réfute.  Il  y  en    a  qui 


A  T  R 

ont  cru  que  r  J^'' W/7I  S:  ï impluvium  éio\zM 
tin  ieul  &  mcme  endroit,  mais  il  paioît 
qu'ils  ie  font  rrn;npés.  Uatrium  étoit  dii- 
ting'.ié  du  veililnile  en  ce  qu'il  fiiioit  par- 
tie de  la  malfon  ,  &  de  Vimplui'ium  ou  cour 
de  dedans  ,  en  ce  qu'il  étoit  couvert.  On 
mangeoit  dans  l'ain'uw.On  y  gardoit  les 
ihiages  de  cire  des  ancêtre.  Verrius  Plaçais 
enl'eignnit  la  grammaire  aux  petits  eritans 
dans  l'atrium  de  Carilina.  On  prend  com- 
munément Vacrium  pour  la  lalle  d'entrée. 
Les  habits  étoient  gardés  dans  Vaerium. 
If  atrium  lihertatis  étoit  une  cour  ménagée 
dans  un  des  tt-mples  que  les  Romains  éle- 
vèrent à  la  liberté  :  ce  hit -là  ,  dit  Tite- 
Live,  qu'on  dépola  les  otages  desTarentins. 
Il  y  avoir  des  archives  ;  on  y  gardoit  les 
tables  &  les  actes  des  cenleurs  ,  &  les  loix 
contre  les  veflales  inceftueules  :  ce  fut-là 
qu'on  tira  au  fort  dans  laquelle  des  quatre 
tribus  les  affl-anchis  entreroient.  Le  temple 
de  Vella  avoit  aulîi  une  cour  appellée  atrium. 
*  ATROPATENE,  {Gé...g.  anc.  & mod.) 
contrée  de  la  Médic  ,  la  plus  ieptentrionale  , 
où  elle  étoit  bornée  par  l'Albanie  ,  à  l'o- 
rient par  la  mer  Cafpicnne  ,  à  l'occident  par 
la  grande  Arménie  ,  &  au  m.idi  par  la  Par- 
thie.  C'ert  aujourd'hui  le  Kilan. 

ATROPHIE ,  {M.d.)  c'eil  la  maigreur 
extrême  de  tout  le  corps  ;  on  la  nomme 
encore  marajmus  ,  tabès  ,  &:c.  Il  eft  impor- 
tant de  ne  pas  confondre  ,  comme  pludeurs 
l'ont  fait ,  l'atrophie  eiïentielle ,  ou  primitive, 
avec  celle  qui  n'eil  que  le  lymptome  d'une 
autre  maladie  :  il  faut  encore  diltinguer  la 
eonfomption  des  jeunes  gens  ,  du  maraf- 
me  des  vieillards  :  maladies  qui  ne  fe  refleni- 
blenr  que  par  leurs  eiiets.  \J Atrophie  eilen- 
tielle ,  qui  ne  dépend,  par  conféquent  , 
d'aucune  maladie  connue ,  efl  beaucoup  plus 
rare  que  l'autre.  Les  chagrins  ,  les  loucis  , 
l'amour  ,  &  autres  paillons  vives  ,  y  don- 
nent lieu  ;  elle  vient  encore  après  les  tra- 
vaux exceflifs  ,  les  longues  abiîincnces ,  l'a- 
bus des  Hqueurs  fpiritueules ,  la  débauche 
des  femmes,  ù'c.  Cette  émaciarion  eft  fa- 
milière aa>;  jeunes  gens,  qui  y  donnent  fou- 
vent  lieu  par  leiirs  déréglemens ,  les  An- 
glois  &  les  HoUandois  y  font  plus  fujets 
que  les  autres  nations.  Le  marafme  des 
vieillards  reconnolt  rarement  les  caufes 
que  nous  venons    d'indiquer  :   il  dépeiid 


A  T  R  8'(?r 

du  défTi'chemenf  des  vaifTenux  ;  mais  il 
ell  quelquefois  entretenu  par  un  vice  dans 
les  vilceres. 

L'atrophie  fymptomatique  ,  qu'on  voir 
très-communément ,  eft  la  fuite  de  la  plu- 
part des  maladies  chroniques  ,  &  de  quel- 
ques aiguës.  Les  iuppurations  ,  les  ulcères , 
les  f^uirres  ,  &  autres  défordres  internes  ; 
la  dyfTenterie  rebelle ,  les  anciens  cours  de 
ventre  ,  la  lalivation  ,  les  fucurs  habituelles 
&  le  diabètes  ,  en  iont  les  caules  ordinai- 
res. Les  afFeclions  hypocondriaciues ,  fcor- 
butiques  ,  fcrophuleufes  ,  &c.  la  produifenr 
auili  :  elle  e(l  encore  l'elfèt  de  certains  poi- 
lons  lents,  qui  agilïent  infenfiblement  fur 
tous  les  organes,  d'autant  plus  redoutables, 
qu'on  n'y  penie  pas.  Uatrophie  eu  encore- 
le  produit  d'une  infinité  de  maladies  chro- 
niques ,  comme  on  peur  le  voie  dans  leurs 
articles  :  nous  parlerons  ailleurs  de  celle 
des  enfans. 

La  fièvre  lente  accompagne  l'un  &  l'autre 
marafme  un  peu  avancé;  on.  la  prend  fou- 
vent  ,  à  l'exeniple  de  plufieurs  écrivains  ,. 
pour  la  maladie  principale  :  il  efl  certaine- 
ment bien  comm«-Jede  réduire  à  une  ieule: 
dénomination  ,  un  très-grand  nombre  de 
maladies  très -difficiles  à  diilinguer  ;  mais 
cette  méthode  elt-elle  avantageufe  aux  ma- 
lades? On  fera  encore- remarquer  en  pafTant, 
qu'on  croit  mal  -  à  -  propos  que  le  fièvre 
ne  peut  être  appellée  lente  ,  qu'après  qua- 
rante ou  cinquante  jours  :  les  praticiens  at- 
tentifs ne  doivent  pas  ignorer  qu'on  vo;r 
aiîêz  fouvent  des  fièvres  de  ce  caractère, qui, 
bien  loin  d'avoir  cette  ancienneté  ,  finiffênt" 
avant  ce  terme  :  les  mélancoliques  prin- 
cipalement ne  nous  en  laiflênr  pas  man- 
quer d'exemple.  Ce  qu'on  vient  de  dire 
pourra  être  regardé  comme  une  queflion. 
de  mot  ,  mais  elle  n'eft  pas  frivole  en. 
médecine  ;  car  ,  peur  -  on  ignorer  que- 
plufieurs  de  ceux  qui  l'exercent ,  fiiivenf 
auprès  des  malades  les  idées  qui  naiflenr 
du  nom  qu'ils  ont  donné  à  tout  hazard  ;« 
la  maladie?' 

Il  efl  fouvenrtres-ciifHcile  de  diflinguer 
Yatrophie  efTentielle  ,  de  la  fymptomatique;. 
ce  n'ert  que  fur  l'hifloire  la  plus  exade- 
&  la-  plus  circonflanciée  de  ce  qui  a  pré- 
cédé ,  &  l'exam.n  le  plus  fcrupulcux  de; 
l'état  grêlent   du  h.  maladie  ,  qu'on  geuc 


«^t  A  T  R 

en  juger  avec  quelque  certitude  ',  car   ces 
deux  fortes   d'émaci.itions  ,   fe   refîemblent 
quelquefois  parl'aitement  ,    &    font  même 
fuivies  des  mêmes    accidens.  Cependant  la 
confomption  primitive    a  ,  dans    quelques 
cJrconûances ,    de  vraies  intermilllons  ,  & 
même  alTez  longues  ;  ce  qui  n  arrive  jamais 
à  la  fymptomatique.   Dans  la  première  ,  la 
fièvre  ne  fe  manifefle  que  lorfque  la  ma- 
îiidie  a  fait    de  certains  progrès  :  l'appétit 
ne  manque  point  ,    &  la  refpiration  dans 
le    commencement    ell:   très  -  libre  ;   mais 
elle    eft  gênée    dans    la  fuite   au  moindre 
exercice  ;  le   pouls  devient   fébrile  ,   plus 
fcnfiblement   le  foir     que  le  matin  :  plu- 
lieurs  fe   plaignent  de  fourmiUemens  ,    & 
même  de   douleurs   le    long   de   Fépine  ; 
d'une  peianteur  douloureufe  à  la  tête  ,    & 
du   tintement  d'creille  :  quelques-uns  ont 
des  accidens  nofturnes ,  ou  une  gonorrhée 
involontaire,  qui  les  jette  dans  le  plus  grand 
épuifement:  le  dégoût  furvient  ;  le  ventre, 
qui  avoit  été  jufqu'alors  parcfieu^  ,  s'ouvre 
quelquefois  fans  mefure  ;  &  cette  diaj-rhée  , 
qu'on  nomme  colUquative  ,  accompagnée  le 
plus  fouvent  de  fucurs  de  ja  même   nature, 
précipite   les  malades    dans  le   plus   grand 
accablement ,   qui  leur  fait  perdre  quelque- 
fois l'ufage  des  jambes  :  la  peau  du_  vifage 
enfin  fe  deflcche  ;   elle  devient  livide    ou 
-verdâtre  ;  le  nez  s'affile  ;  les  yeux    s'enfon- 
cent ;  la  vue  fe  trouble ,  &  les  tempes   fe 
o-eufent  :  c'eft  de  ce  concours  que  naît  ce 
.qu'on   appelle   la  face  hippocratique  ,   qui 
répond  à  l'alfreufe   émaciacion    des  autres 
parties,  _ 

Uheâifie  des  vieillards ,  qui  eu  un 
vrai  marafme  ,  eft  rarement  accompa- 
gnée de  tous  ces  fymptomes  :  les  pro- 
grès font  moins  rapides  ;  mais  ils  con- 
.duifent  plus  fûvcment  i\  la  mort  :  qucl- 
.ques-uns  tombent  dans  l'hydropifie  ,  d'au- 
txes  ont  une  gratelle  par-tout  le  corps , 
qui  ne  leur  biffe  aucun  repos  ;  tous  per- 
dent le  goût  d;s  alimens  ,  &c  mciircnt  , 
pour  la  plupart ,  afTcz  paiftbicment  ,  quel- 
quefois même  ians  qu'on  s'y  attende: 
cependant  leur  fin  ejl  iouvcnt  annoncée 
par  la  gangrené  ,  qui  le  communique  au- 
dehors  ,  ou  par  d'autrcï  accidens  qui  (ont 
ics  produits  du  dcflcchemcnt  de  tautes 
},çs  pa/ries. 


A  T  R 

Le  marafine  eflentiel ,  qui  né  rcconnoît  i 
par  conlcquent  ,  aucun  délordre  interne  , 
fe  guérit  affez  ordinairement  lorfqu'il  n'eft 
pas  invétéré  :  On  a  remarqué  qu'il  finifloit, 
dans  la  plupart  des  jeunes  gens  ,  au  boue 
de  fept  ans  ;  mais  il  ,  arrive  quelquefois  , 
avant  ce  terme,  que  la  poitrine  s'afïêdle  , 
&  qu'il  fe  fait  des  épanchemens  dans  le» 
cavitéi  de  la  tête  ,  delà  poitrine  &  du  bas-» 
ventre  ,  &  ces  accidens  rendent  commu- 
nément la  maladie  incurable.  Les  exacer-» 
bâtions  de  la  fièvre,  la  diarrhée  &_le» 
lueurs  colliquatives  ,  les  urines  huileuies  , 
l'accablement  extrême  &  la  face  hippo- 
cratique annoncent  la  mort  :  la  Êevro 
aiguë  ,  qui  termine  le  plus  fouvent  Va- 
trophie  fymptomatique  ,  cit  plus  rare  danâ 
l'ellentieile. 

Toutes  les  ouvertures  des  cadavres  dont 
je  ti-ouve  l'hiftoire  ,  ne   regardent    prefque 
qncY atrophie  fymptomatique  ;  &  l'on  auroit 
beaucoup    de  peine  à  choifir  ce  qui   con- 
vient à  ce  fujet,  fi  nos  propres   recherches 
ne  venoient  au  fecours.  Outre  les  obfîruc- 
tions ,  les  fuppurations  ,    les   pourritures , 
Jes  épanchemens  ,  &  au-rres  défordres  com- 
muns à  tomes  les  maladies ,  on  obferve  les 
poumons  flétris  ,  d:frechés  ,  remplis  de  tu- 
bercules   ou    de    concrétions    plâtreufes , 
rongés,  adhérens  aux  parties  qui_  les  envi- 
ronnent.   On  trouve  des   concrétions  coe- 
neulés  dans  le  cœur  &:  les  grolles  artères  ; 
les  veines  prefque  remplits   d'air  ;  le  cœur 
défTeché   &   quelquefois   ulcéré  ou  tuber- 
culeux; les  vifcercs    fiétris  &    décolorés; 
des   épanchemens  plus  ou   moins  confidé- 
rables  dans   les  cavités  ,   &   fur-tout    des 
inondations  au   cerveau  &  à  la  moelle  de 
l'épine  ,  des  engorgemens  aux  poumonsoii 
ailleurs,  des  vers  dans  les  premières  voies. 
On  a  vu  ,  dans  une  exténuation  des   plus 
empiètes  ,     une    quantité    étonnante    de 
giàille  dans   le  méfentere  ,    l'épiploon ,  & 
autres  parties   du  bas -ventre  qui  en  font 
fufceptibics.  On  a  vu  encore  l'ellomac  ulcé- 
ré ,  ou  fquirrlieuK  ;  le   pylore    rederré  _& 
cartilagineux;   la  rate   ex:r=ii:'.rn-:}«    P^^tc 
ou  offcuie  ;  l'épiploon  collé  aux  inteïtins  ; 
&:  ces  vi(cere.s  ne  formant  qu'un  peloton; 
le  mélcntere    farci  ti'une  matière  blanchâ- 
tre ,   fc)hue  ,  &  quelquefois  picrreulé  ,  iup- 
puré  ,  pufride  &  détruit.  Çc  qu'on  obicrv« 


A  T  R 

|>îus  particulièrement  dnns  les  vieillards  , 
regarde  les  ofllfications  des  cartilages ,  des 
tendons  ,  des  ligamens  ,  tles  artères ,  des 
valvules  du  coeur ,  de  la  taulx ,  de  la  rente 
du  cervelet ,  6v.  fiins  parler  de  l'altération 
des  vilceres  qu'on  ne  rencontre  que  par' 
accident:  on  a  vu  enfin  ,  dans  un  kijet 
dont  l'eflomac  &  le  pancréas  étoient  Iquir- 
rheux  ,  les  membres  ,  quo'que  rciroidis , 
confervant  toute  leur  flexibilité.  On  juge 
bien  que  la  plupart  des  déiordres  dont  on 
vient  de  hiire  mention  ,  doivent  être  regar- 
dés comme  le  produit  de  la  maladie  qui  tait 
le  fujet  de  cet  article. 

Lalaignée  eft  ici  très-rarement  néceflîiire. 
Les  émétiques  &  les  purgatifs  doivent  y 
être   employés  ,    lorique    l'état   des    pre- 
mières voies  le  demande  ;  hors  ce  cas ,  on 
doit  les  donner  avec  beaucoup  de  réferve  : 
cependant    l'eflomac     doit     erre    fouvent 
regardé  comme  le  foyer  de  cette  maladie  ; 
&  ceû  dans  la  vue  d'en  rétablir  les  fondions 
qu'on  fait    ufage   des    llomacliiques ,   des 
îimers  &  des  fortifinns:  tels  (ont  les  citrons  , 
le  quinquina  ,  l'ablintrie ,  les  martiaux  ,  & 
les  eaux  minérales  qui  participent  de  kur 
nature.  Les  humedans ,   les  tempérans  ,  les 
dépurans  &  les  anti-fcorbutiques  ;  les  adoii- 
ciilàns  &   les    rafraîchi lîans  ,    comme   les 
crèmes  d'orge  &  de    riz  ,   le  fàgou  ,  les 
gelées  ;    les  bouillons  de   poulet ,    d'écre- 
viiTés  ,    de    limaçons    &    de    tortue  :    le 
lait ,    le    perit-Iait ,    les    émulfions  ,    &c. 
font  les  alimens  &  les   remèdes  qui   con- 
viennent à    V atrophie ,    lorfque   l'eilomac 
permet  d'en  ufer.  Les  caïmans  font  fouvent 
nécefîiyres  :  le  camphre ,  la  liqueur  anodyne 
minérale  ,  la  poudre  tempérante,  font  ceux 
qu'on  donne    avec  le   plus  de  lûreté.  Les 
t'pithêmes  ffomachiques  ,  les  bains,  les  fric- 
tions ,    font    des    acccffoires    qui   peuvent 
avoir    leur    utilité.    On    retire    enfin    de 
grands    avantages    de  Ja    diiîiparion ,    du 
changement  d'air  ,  de  l'exercice  agréable , 
&  fur-tout  de  celui  du  cheval ,.  &c.  La 
plupart  de  ces  remèdes  peuvent  convenir 
au  roaralme  des  vieillards ,  &  en  retarder  les 
progrès;  mais  on  doit  jilus  infillcr  fur  les 
analeptiques  ,  &  principalement  lur  le  vin  , 
quiefl,  comme, on  le  dit  vulgairement  ,  le 
lait  des  vieillards,  mais  qui  dokctrcxoujcurs 
éiOUiié  d\  ec  ménaî^emem. 


A  T  R.  8<?3 

"Vatrophie  des  enfans  cfl  accompagrfîic  de 
l'enflure  ou  de  la   dureté  du   ventre,    dir 
dégoût ,  ou  d'une  faim  extraordinaire  ;  de 
la  toux    feche  ,    &  quelquefois    de    l'op- 
prefllon  ,  de  l'abattement  &   de  la  pâleur 
au  vilage  ;  de  la  diarrhée  avec  les  urines 
bourbtufes ,    &    très-colorées.    Le    ventre 
cependant  s'élève  de  plus  en  plus ,  &  devient 
douloureux  :    la  fièvre  lente  ,    qui  devient 
plus    manifefle  ,    fe    renforce    pendant    I;i 
digeflion ,  &  efl  accompagnée  de  foif  ;  les 
extrémités  fe  refroidifîcnt ,  &  annoncent  la 
mort.  Les  enfans  peuvent  tomber  dans  le 
marafme  ,  lorfque  leurs  nourrices  manquent 
de  lait ,  ou  qu'ils  en  tettcm  d'une  mauvaife- 
qualité.  L'abus  des  abforbans ,  &  de  remè- 
des falins ,  les  alimens  grofliers  ,  dont  on 
nourrit  quelquefois  les  enfans ,  ^c.  peuvent 
être  encore  la   four«e  de   cette  maladie  , 
qui  recelé  dans  les  vifceres  ,  des  déiordres 
auxquels  il  efl  fouvent  impoffible  des  remé-- 
dier  ;  tels   font  ceux  que  l'ouverture   des 
cadavres  nous  découvre  tous  les  jours ,  dont 
les  plus  communs  confiifent  en  des  obflruc-- 
tions  très-manifefîcs  dans  les  veines  laclées 
ou   des    eng-irgeraens  fqulrrheux  dans   les- 
glandes  du  méléntere.  On  a  vu  les  inteflins- 
contenant  une  efpece  de  lie  noirâtre,  rem- 
plis de  vers  &  de  flatuofirés.  Le  foie  a  paru 
d'une  grofïèur  démefurée  ,  &  d'une  forme 
extraordinaire;  décoloré,  &  avec  beaucoup- 
de  dureté  :  les  poumons  fe  font  préfcntés 
tachetés  de  différentes  m.anieres ,  adhérens  à 
la  plèvre ,  remplis  de  tubercules  ,  fjppurés , 
&  dans  un  état  de  pi)urriture. 

Un  lai<  nouveau  cff  très-fouvent  le  fe-J. 
remode  q'fi  convient  aux  enfans  à  la  ma- 
melle ,    lorfque   la    maladie    n'a-  pas   jeté 
encore    de     profondes    racines..  Les   iJé— 


ayans  &  les  apéritifs  légers  font  employés 


et  ' 

avec  fuccès  ,  tant  pour   les  enfins  au  Wt 

•que  pour  les  fevrés.  On  ufe  beaucoup  de 
rhubarbe,  &  de  quelques'  autres  Ijxatifs'; 
mais  on  doit,  éviter  les  purgatifs  flimulanj.-, 
qui  ne  manquent  guère  d'irriter  la  malKdie. 

.On  peut  enfuite  efîayer  les  amers  ,  &  même 
les  martiaux ,  pour  les  enfins  fevrés:  la 
xcrrt  foliée  de-  tartre,    le  fel  de  duobus  , 

■la  liqueur  anodyne   minér.ile  ,  &:  l'huile  dc" 
tarrre   par  défaillance ,    iont    encore   des 
remèdes  qu'on  fait  entrer  c':  ;is  ce  traitement, 

*0n  peu:  tirer  enfin  quelque  a\'?.nta^e  des- 


8^4  A  T  R 

liniraens  relâchans  ,  des  fomentations  cmol- 
lienrcs ,  &:  mcme  des  bains  ;  on  a  vu  de 
grands  tfFecs  de  ces  derniers ,  lorfque  l'atro- 
phie étoit  caufée  par  les  crinons ,  inl'eftes 
qi;i  3fraquenf  la  peau  des  enfans ,  &  dont 
nous  feims  mcnrion  ailleurs. 

l'atrophie  dc^'.xtré\n\té^,aridura  arnntm, 
dépend  le  plus  fouvent  d'un  vice  caché  , 
tant  dans  les  nerfs ,  que  dans  la  moelle  de 
l'épine ,  que  la  feule  ouverture  des  cada- 
vres peut  manifefter  ;  mais  elle  peut  recon- 
noître  une  cauie  évidente ,  comme  une 
tumeur  qui  comprime  les  nerts ,  la  luxa- 
tion qui  produit  le  même  eifet  ,  &c.  Ce 
dclléchement  entraîne  ,  dans  la  plupart,  la 
perte  du  fentiment ,  &  même  du  mouve- 
ment :  il  fe  forme  encore  quelquefois  iur 
la  partie  ,  des  phlyâenes  qui  la  menacent 
de  gangrené.  On  guérit  aifément  cette  ma- 
ladie ,  (i  clic  reconnoît  une  caufe  évidente  ; 
mais  celle  qui  vient  d'un  vice  des  liqueurs , 
eft  preicjue  incurable.  Après  les  remèdes 
généraux  ,  s'ils  font  jugés  nécefl^iires  ,  & 
le  régime  humeûant  ou  adoucillànt ,  on 
ufe  ordinairement  des  tempérans ,  des  légers 
apéritifs  &  des  diaphorétiques  ,  mais  le 
plus  fouvent  fans  le  moindre  luccès.  On 
doit  plus  attendre  de  la  boifTon  des  eaux 
minérales ,  tant  froides  que  chaudes ,  dont 
les  circonibnces  règlent  le  choix ,  que  de 
tous  les  autres  remèdes  internes.  On  peut 
tirer  quelque  avantage  des  bains  de  bouil- 
lon de  tripes  ,  de  l'eau  de  guimauve ,  & 
autres  émollicns  ;  des  fridions  &  ondions 
faites  avec  l'huile  de  vers  ,  de  petit-chien  , 
de  camomille  ;  avec  l'onguent  rof\t ,  &c. 
de  la  douche  des  eaux  therma'cs  ,  &c.  Les 
ventoufes  feches  ont  réufli  quelquefois  ; 
mais  il  faut  que  la  caufe  de  la  maladie 
foit  bien  légère  ,  pour  céder  à  un  pareil 
remède.  (T) 

*  ATROPOS  ,  une  des  Parques  x'étoit 
la  plus  âgée  ,  il  là  tonftion  ,  celle  de  cou- 
per le  fil  de  la  vie.    Voye^  PARQUES. 

A  TROP  US,  {Mufiq.  inflrum.  des  anc.) 
cfpece  d'inllrument  de  mulîque  des  anciens , 
dont  on  ne  fait  rien  de  plus.  (  F.  D.  C.  ) 

ATTACHE ,  f  f.  fe  dit  eu  général  & 
de  la  choîe  qui  fert  à  empêcher  qu'une 
fiutre  ne  s'en  fépare  ou  ne  s'en  éloigne ,  & 
de  l'endroit  où  l'on  retient  quelque  choie. 
P^ns  le  premier  cas ,  on  dit  attacher  une 


ATT 

tapljferie  à  un  mur  i  &  dans  le  fécond  , 
mettre  un  cheval  à  Fattache. 

Attache  ,  lettres  d'attache  ,  font  une 
permiflion  par  écrit  des  oflficiers  ou  juges  des 
lieux  ,  à  l'effet  d'autoriîer  dans  l'étendue 
de  leur  reiîcjrt ,  l'exécution  d'acies  ,  lettres 
ou  jugfmens  émanés  d'ailleurs.  [H). 

Attache  ,  {Manège.)  Mettre  un  cheval 
à  l'attache  _,  c'efl  l'attacher  à  la  mangeoire 
pour  le  nourrir  avec  du  foin  ,  de  la  paille 
&  de  l'avoine.  Prendre  tant  pour  ['attache 
d'un  cheval ,  c'eft  ie  faire  payer  une  fomme 
pour  mettre  ieuleraent  im  cheval  à  couvert 
pendant  quelque  temps.  {V) 

Attache  ,  en  Jardinage  ,  fe  dit  d'un 
ornement  de  parterre  qui  fe  lie  à  un  autre  , 
&  qui  y  eft  pour  ainfî  dire  attaché.  Cet 
ornement  icrt  a  attache  ù  celui-ci;  {K) 

Attache  fè  dit ,  chéries  bijoutiers,  d'un 
aflèmblagedediamans  mis  en  œuvre,  com- 
pofé  de  deux  pièces  faites  en  agraffe  ou  autre- 
ment ;   &  s^iccrochant  l'une  à  l'autre. 

Attache  ,  en  Bonneterie  y  le  dit  de 
grands  bas  qui  vont  julqu'au  haut  des 
cuifîès  ,  &  qu'on  nomme  a.  iîi  bas  à  bottes. 

Attache  ,  en  charpenterie ,  le  dit  d'une 
grolfe  pièce  de  bois  qui  porte  à  plomb 
iLir  les  foies,  qui  loutient  le  moulin  ,  qui 
traverfe  verticalement  toute  fa  charpente  , 
qui  fert  d'axe  à  cette  machine  ,  &  fur 
laquelle  elle  tourne  quand  on  veut  lui  fliire 
prendre  le  vent.  Fa)v:;  MoULIN  A  VENT. 

Attache-BOSSETTE  ,  en  terme  d'e'pe- 
ronnier  f  eft  un  morceau  de  fer  de  forme 
conique  à  fes  deux  extrémités ,  qui  iont  crcu- 
fées  pour  conferver  la  tête  du  clou  L'attache- 
boj/ètte  forme  à  fon  milieu  une  efpece  de 
collet  qui  entre  dans  un  étau. 

Attache.  Le-i  fondeurs  appellent  ainfî 
des  tuyaux  menus  ,  (oudés  par  im  bout 
contre  les  cires  de  l'ouvrage  ,  &  par  l'autre 
contre  les  égouts  ,  &  difpofés  de  manière 
qu'ils  puilfent  conduire  la  cire  dans  les 
égouts ,  qui  aboufiffent  à  une  iflue  générale 
à  chaque  partie  de  la  figure  qui  peut  le 
permettre.  Voye^  FoNDERIE. 

Attache  ,  eft  un  petit  morceau  de 
peau  de  mouton  ,  de  douze  à  quinze  lignes 
de  lo;ig  ,  dont  le  fervent  les  fondeurs  de 
caraclercs d'imprimerie  pour  attacher  la  m;i- 
rrice  au.bois  de  la  pièce  de  dediis  du  moule. 
On  met  cette  attache  d'un  bout  à  la  ma- 
trice 


ATT 

trice  qu'on  lie  avec  du  fil ,  &  de  l'autre 
on  l'applique  avec  la  fiilive  lur  le  bois  du 
moule.  Cette  attache  n'empêche  pas  la  ma- 
trice d'être  un  peu  mobile  ;  mais  comme 
elle  e(l  arrêtée  par  le  iobet  &  le  jimblet ,  elle 
reprend  la  place  fi--tôt  que  l'ouvrier  referme 
fon  moule. 

Attache.  On  donne  ce  nom  ,  dans  les 
grojf'cs  forges  ,  à  deux  pièces  de  bois  qui 
fervent  à  contenir  le  drôme.  V.  Drome  , 
Forge. 

Attache  ,  en  terme  de  vannerie  ,  efl 
une  efpece  de  lien  qu'on  iait  de  plufieurs 
brins  d'oiîer ,  pour  tenir  plus  iolidcmcnt  le 
bord  &  le  relie  de  l'ouvrage  enlcmble. 

Attache  ,  en  pitrerie  j  fe  dit  des  petits 
morceaux  de  plomb  de  deux  ou  trois  pouces 
de  long  ,  d'une  demi-ligne  d'épailleur  fur 
une  ligne  &  demie  de  largeur ,  que  les  vi- 
triers ioudent  iur  les  panneaux  des  vitres  , 
pour  fixer  les  verges  de  ter  qui  les  tiennent 
en  place. 

*  ATTACHEMENT  ,  attache  ,  dé- 
vouement, (Gram.)  Tous  marquent  une 
dilpofition  habituelle  de  l'ame  pour  un  objet 
qui  nous  eft  cher  ,  &  que  nous  craignons 
de  perdre.  On  a  de  l'attachement  pour  i'es 
amis  &  pour  les  devoirs  :  on  a  de  l'attache 
à  la  vie  &  pour  fa  maîtreflè ,  &c  l'on  efl 
dévoué  à  fon  prince  &  pour  fa  patrie  :  d'où 
l'on  voit  qu  attache  fe  prend  ordinairement 
en  mauvaife  part ,  &  qu  attachement  &  dé- 
fouement  le  prennent  ordinairement  en 
bonne  part.  On  dit  de  Vattachement  ,  qu'il 
efl  fincere  ;  de  {'attache  ,  qu'elle  efl  forte  ; 
&  du  dévouement ,  qu'il  efî  fans  réferve. 

ATTACHER  ,  lier,  {Art  méchanique.) 
On  lie  pour  empêcher  deux  objets  de  fe  iëpa- 
rer  ;  on  attache  ,  quand  on  en  veut  arrêter 
un  ;  on  lie  les  pies  &  les  mains  ;  on  attache 
à  un  poteau  ;  on  lie  avec  une  corde  ;  on  atta- 
che avec  un  clou.  Au  figuré  ,  un  homme  efl 
liéf  quand  il  n'a  pas  la  liberté  d'agir  ;  il  efl 
attaché ,  quand  il  ne  peut  changer.  L'auto- 
rité lie  ,  l'inclination  attache  ;  on  efl  lié  k  la 
femme  ;  &  attaché  à  fa  maîtreife. 

Attacher  ,  v.  a£t.  lé  dit,  dans  les  ma- 
nufactures de  foie  ,  des  lémples ,  du  corps , 
des  arcades  &  des  aigàlles:  c'ell  le  mettre  er 
état  de  travailler.   ^.  VELOURS  CISELÉ. 

Attacher  les   rames  de  rubannerie . 
c'ell  l'adlon  de  fixer  les  rames  à  l'arcade  du 
Tome  III. 


ATT  S(îj 

bâton  de  retour.  Voici  comment  cela  s'exé- 
cute. On  prend  deux  longueurs  féparées  de 
ficelles  .1  rames  ,  de  quatre  aunes  environ 
chacune  ;  lelquellcs  longueurs  fe  plient  en 
deux  lans  les  couper.  A  l'endroit  de  ce  pli , 
il  le  forme  une  bouclette  pareille  .t  celle  quC 
l'on  hv.t  pour  attacher  des  anneaux  à  des 
rideaux  ;  cnluite  les  quatre  bouts  de  ces  lon- 
gueurs iè  palfcnt  dans  l'arcade  du  b;îton 
de  Retour  :  après  quoi  il  fe  torme  une  double 
bouclette  au  moyen  de  la  première  ,  en 
paffant  les  longueurs  à  travers  cette  même 
première  ;  d'où  il  arrive  que  le  tout  fe  trouve 
doublement  arrêté  à  ladite  arcade.  On  voit 
ailément  que  voilà  quatre  rames  attachées 
enfemble  d'une  feule  opération  ;  ce  qui  doit 
le  fiiire  quarante  fois  lur  chaque  retour  , 
puilque  l'ordinaire  efl  d'y  en  mettre  i6o  , 
ainfi  qu'il  fera  dit  à  farticle  rame.  Voye\ 
Rame. 

Attacher  le  mineur  à  un  ouvrage  f 
c'efl ,  dans  V  attaque  des  places  ou  la  guerre 
des  fieges  ,  faire  entrer  le  mineur  dans  le  fo- 
lide  de  l'ouvrage ,  pour  y  faire  une  brèche 
par  le  moyen  de  la  mine.    Voye\  MiNE. 

U attachement  du  mineur  fé  fait  au  mi- 
lieu des  faces ,  ou  bien  au  tiers ,  à  le  prendre 
du  coté  des  angles  flanqués  des  baflions , 
demi-lunes  ,  ou  autres  ouvrages  équivalens. 
Il  vaudroit  mieux  que  ce  fût  en  approchant 
des  épaules  ,  parce  que  l'effet  de  la  raine 
couperoit  une  partie  des  retranchemens  , 
s'il  y  en  avoit  ;  mais  on  s'attache  ,  pour 
l'ordinaire  ,  à  la  partie  la  plus  en  état  &  la 
plus  commode.  Cet  attachement  doit  tou-^ 
jours  être  précédé  de  l'occupation  du  che- 
min couvert ,  &  de  l'établiffement  des  par- 
ties néceffaires  lur  le  même  chemin  couvert  ; 
de  la  rupture  des  flancs  qui  peuvent  avoir 
vue  fur  le  logement  du  mineur  ,  &  de  la 
delcente  &  pafîîige  du  tolTé , "auquel  il  fait 
ajouter  un  logement  capable  de  contenir  ^o 
ou  30  hommes  devant  le  folîé  ,  pour  la  garde 
du  mineur. 

Après  cela  on  fait  entrer  fous  les  man- 
driers  le  mineur ,  qui  commence  auUi-tôt  à 
percer  dans  l'épauîement ,  &  à  s'enfoncer 
dans  le  corps  du  mur  du  mieux  qu'il  peut. 

Il    faut   avouer  que   cette    méthode    efl 

dure  ,  longue  &  très-dangereufe  ,  &  qu'elle 

1  fait  périr  une  infinité  de  mineurs  :  car  ils 

iont  long -temps   expofés  ,    i*^.  au  canon 

N  n  n  n  n 


i66 


ATT 


âes  flancs  ,  dont  l'ennemi  dérobe  toujours 
quelques  coups  de  temps  en  ttmps ,  même 
quoiqu'il  (bit  démonté  &  en  grand  défqrdre  , 
parce  qu'il  y  remet  de  nouvelles  pièces , 
avec  leiquelles  il  tire  quand  il  peut ,  &  ne 
manque  guère  le  logement  du  mineur  ; 
2°.  au  moufquet  des  tenailles  &  des  flancs 
haut  &.  bas  ,  s'il  y  en  a  qui  ibient  un  peu 
en  état  ;  3°.  aux  pierres ,  bombes  ,  grena- 
des &  feux  d'artifice  que  l'ennemi  tache  de 
poufier  du  haut  en  bas  des  parapets  ;  4°.  aux 
furprifes  des  forties  dérobées  qu'on  ne  man- 
que pas  de  faire  fort  fréquemment  ;  & 
pardeflus  cela  ,  à  toutes  les  ruies  &  con- 
tradiâicns  des  contre-mines  :  de  forte  que 
la  condition  d'un  mineur ,  en  cet  état ,  efl 
extrêmement  dangereufe  ,  &  recherchée  de 
peu  de  gens  ;  &:  ce  n'eft  pas  fans  railon ,  qu'on 
dit  que  ce  métier  efl  le  plus  périlleux  de  la 
guerre. 

Quand  cet  attachement  efl  favorifé  du 
canon  en  batteries  fur  les  chemins  couverts  , 
c'eft  tout  autre  chofe  ;  le  péril  n'efl  pas ,  à 
beaucoup  près ,  fi  grand.  On  enfonce  un  trou 
de  4.  ou  5  pies  de  profondeur  au  pié  du  mur  , 
eu  il  fe  loge  &  fe  met  ;\  couvert ,  entort  peu 
de  temps  ,  du  canon  &  du  moufquet  des 
flancs  ,  des  bombes  &  grenades  &  feux 
d'artifice  ,  qui  ne  peuvent  rien  lui  hiire.  Peu 
de  temps  après  Ion  attachement  ,  il  n'a 
plus  que  les  forties  &  les  contre-mines  à 
craindre. 

Ajoutons  ;\  cela  que  fi  ,  après  avoir  dé- 
combré  &  vuidé  Ion  trou  de  ce  qu'il  aura 
rrouvé  d'ébranlé  par  le  canon  ,  il  en  reiîbrt 
pour  un  peu  de  temps,  &:  qu'on  recom- 
meiice  à  y  faire  tirer  50  ou  6q  coups  de  ca- 
non bien  enlemble  ,  cela  contribuera  à  l'a- 
gnindir  &  à  l'cnioncer. 

Ce  même  canon  lui  rend  encore  un  bon 
office  ,  quand  il  y  a  des  galeries  ou  contre- 
mines  dans  l'épaiileur  du  mur  ,  parce  qu'il 
les  peut  enloncer  à  droite  &  à  gauche  à 
quelque  difl.ince  du  mineur ,  &  par  ce  moyen 
en  interdire  i'ufage  A  l'ennemi  ;  il  iert  même  à 
difpofer  la  prochaine  chute  du  revêtement , 
&  à  la  faciliter.  Attaques  des  places  y  ^ar 
M.  de  Vauban    (  Q  ) 

Attacher  :  aut ,  [Manège.)  c'ert^ atta- 
cher la  longe  d'un  licou  aux  barreaux  du 
râtelier  ,  pour  empêcher  que  le  cheval  ne 
manijc  fa  litière.  {V) 


ATT 

S'attacher  à  P  éperon  ^  {^Manège.} 
c'efl  la  même  chofe  que  le  jeter  fur  l'éperon. 
Voyei  Se  jeter.  (  V) 

ATTACHEUSE  ,  f  f.  nom  que  l'on 
donne  dans  les  manufaflures  de  foie  ,  à  des 
filles  ,  dont  la  fonftion  efl  d'attacher  les  cor- 
dages qui  fervent  dans  les  métiers.  Voje:^ 
Métier  a  velours. 

*  ATTALIE  ,  {Geog.  anc.  &  mod.)  ville 
maritime  de  l'Afie  mineure  dans  la  Pam- 
phylie  ;  on  la  nomme  aujourd'hui  Saialie. 

Il  y  a  eu  une  autre  ville  de  même  nom 
dans  TEolie. 

^*  ATTANITES  ,  (  Hift.  anc.  )  forte  de 
gâteaux  que  failoient  les  anciens  ,  &  dont  il 
ne  nous  reile  que  le  nom. 

*  ATTAQUE  ,  en  médecine  ,  fe  dit  d'un 
accès  ou  d'un  paroxyfme. 

Ainfi  ,  l'on  dit  ordinairement  attaque  de 
goutte  ,  attaque  d'apoplexie.  Cette  attaque  a 
été  violente.  V.  AcCÈS,PaROX  YSME,  «S'a. 

Attaque  ,  f  f.  (  An.  miUt.  )  effort  eu 
tentiuive  qu'on  fait  contre  une  perfonne  ou 
contre  un  ouvrage  ,  pour  parvenir  à  s'en 
rendre  maître.  Voye\  l'article  SiEGE.  (  Ç  ) 

Attaque  i^Tu/f^utT  ou  d'emblée,  efl  une 
attaque  que  l'on  fait  fans  obferver  toutes  les 
précautions  &:  les  formalités  qui  s'obiervent 
ordinairement  dans  un  fiege  réglé. 

Pour  prendre  le  parti  de  hrufqucr  le  fiege 
d'une  place  ,  il  faut  être  afTuré  de  la  foiblelîê 
de  la  garnifon  ,  ou  que  la  place  ne  foit  dé- 
fendue que  par  les  habitans  ,  &  que  les  dér- 
tenfcs  font  en  mauvais  état. 

L'objet  de  ces  fortes  A^ attaques ,  efl  de 
s'emparer  d'abord  des  dehors  de  la  place., 
de  s'y  bien  établir  ,  &  de  faire  enfùite  des 
tr.  nchées  ou  des  couverts  pour  mettre  les 
troupes-  à  l'abri  du  feu  des  remparts ,  & 
continuer  eniuite  les  progrès  des  axtaques  ^ 
pour  s'emparer  du  corps  de  la  place. 

Lorfque  cette  attaque  réuflit ,  elle  donne 
le  moyen  d'abréger  beaucoup  le  fiege  ;  mais 
pour  y  parvenir,  ilfaut  nécclTàirement  lur,- 
prendre  la  place ,  attaquer  vlgoureulèment 
l'ennemi  dans  fon  chemin  couvert ,  &  lès 
autres  dehors-,  &  ne  paslui  donner  le  temps: 
de  le  reconrKiître.  En  un  mot ,  il  faut  bruf- 
quer  les  attaques ,  c'efl-à-dire ,  s'y  porter 
avec  la  plus  grande  vivacité. 

Il  y  a  plufieurs  circonflanccs  où  cette 
forte  d'' attaque  peut  fe  tenter  ,  comme  lorfi- 


ATT 

que  la  faifon  ne  permet  pas  de  faire  un  fiege 
dans  les  formes  ;  qu'on  eft  informe  que  l'en- 
nemi efl  à  porttie  de  venir  en  peu  de  temps 
au  iècours  de  la  place  ,  &  qu'on  ii'eit  pas 
en  état  de  lui  réliller  ;  enfin  ,  lorfqu'il  eft 
eirencicl  de  s'en  rendre  maître  tr(^s-promptc- 
ment  ,  &  que  la  nature  des  fortifica- 
tions &  des  troupes  qui  les  détendent  , 
ne  permet  pas  de  penfèr  qu'elles  ioient 
en  état  de  réiifler  à  une  attaque  vive  &: 
lou  tenue. 

Attaque  d'emblée  ,  j/oyq  ci-dejjhs 
Attaque  brusquée. 

Attaque  de  bastions  ;  c'efl  ,ya/2j 

la  guerre  des  jiegcs  ,  toutes  les  dil'pofitions 
qu'on  fait  pour  en  chaifcr  immédiatement 
l'ennemi  ,  &  pénétrer  dans  la  ville.  Cette 
attaaue  efl  la  principale  du  fiege  ,  &  elle 
en  eîl  ordinairement  la  dernière  :  on  s'y  pré- 
pare dans  le  même  temps  qu'on  travaille  à 
îè  rendre  maître  de  la  demi-lune. 

"  Lorfqu'on  eft  maître  du  chemin  cou- 
»  vert ,  on  établit  des  batteries  fur  fts  bran- 
ji  ches ,  pour  battre  en  brèche  les  faces  des 
j>  baflions  du  front  de  \! attaque  ,  &  celles 
}■>  de  la  demi-lune.  Les  brèches  ie  prati- 
»  quent  vers  le  milieu  des  faces  ,  pour 
»  pénétrer  plus  aiiément  dans  le  bafHon. 
»  On  fait  une  defccnte  de  foffé  vis-à-vis 
7>  chaque  face  des  baflions  attaques  ;  ou 
»>  bien  ,  &  c'efi  l'ulage  le  plus  commun  , 
}■>  on  en  fait  feulement  vis-à-vis  les  faces 
})  du  front  de  Vattaque.  On  y  procède 
>j  comme  dans  la  defcente  du  fofîé  de  la 
?3  demi-lune  ;  &  l'on  fe  conduit  aulil  de  la 
»  mcme  manière  pour  le  palTage  dti  folié , 
«  foit  qu'il  foit  fec  ou  plein  d'eau  ;  c'eff-à- 
»  dire  ,  que  s'il  eft  fec  ,  on  conduit  une 
?>  fappe  dans  le  foflé  ,  depuis  l'ouverture  de 
«  la  defcente  ,  julqu'au  pié  de  la  brèche , 
»  &  qu'on  i'épaule  fortement  du  coté  du 
j)  flanc  auquel  elle  eft  oppofée.  Si  le  folfé 
il  eft  plein  d'eau  ,  on  le  paffe  fur  un  pont  de 
»  taicines  ,  que  l'on  conftruit  aufll  comme 
»)  pour  le  pafîage  du  folié  de  la  demi- 
ti  lune. 

»  Les  batteries  établies  fur  le  haut  du 
«  glacis ,  pour  battre  en  brèche  les  faces  des 
)i  baflions  ,  tirent  fur  la  partie  des  faces  où 
>j  doit  être  la  brèche  ,  &  elles  tirent  toutes 
w  enfemble  &  en  fappe  ,  comme  on  le  prati- 
V  que  dans  ïattaque  de  la  demi-lune  :  & 


A  TT 


8(Î7 


»>  lorfqu'elles  ont  fait  une  brèche  {iidjfante 
')  pour  qu'on  puillc  monter  à  l'aiiaut  fur 
»  un  grand  front  ,  on  conlèrve  une  partie 
'»  des  pièces  pour  battre  le  haut  de  la  bre- 
»>  che  ,  &  on  en  recule  quelques-unes  fur 
»  le  derrière  de  la  p'ate-fonne  ,  qu'on  dif- 
»)  pôle  de  manière  qu'elles  puillent  battre 
»  l'ennemi ,  lorfqu'il  le  préfeiite  vers  le  haut 
»  de  la  brèche.  Tout  cela  fe  fait  pendant 
»  le  travail  des  defcentes  du  fofié  &  de  fbti 
»  pallàge.  On  ie  fert  aulli  des  mines  pour 
M  augmenter  la  brèche  ,  même  quelquetoi.'s 
»  pour  la  faire  ;  &  pour  cet  ellct ,  on  y  aita- 
>j  che  le  mineur. 

"  Pour  attacher  le  mineur  ,  lorfque  le 
»>  fofîé  eft  fec  ,  il  fiiut  qu'il  y  aie  un  locc- 
>j  ment  d'établi  proche  l'ouverture  de  la  del- 
j)  cente  ,  pour  foutenir  en  cas  que  1  athégé 
»>  fallè  quelque  forîie  fur  le  mineur.  On  lui 
»  fait  une  entrée  dans  le  revêtement  avec 
»  le  canon  ,  le  plus  près  que  l'on  peut ,  du 
»  fond  du  foflé  ,  afin  d'avoir  le  deifous  du 
»  terrain  que  l'ennemi  occupe  ,  &  des  gale- 
»  ries  qu'il  peut  avoir  pratiquées  dans  i'in- 
»  térieur  des  terres  du  baftion.  On  peut , 
j)  avec  le  canon  ,  fau'e  un  enfoncement  de  > 
j>  ou  6  pies  ,  pour  que  le  mineur  y  foit  bien- 
»  tôt  à  couvert.  Il  s'occupe  d'abord  à  tirer 
»  les  décombres  du  trou  ,  pour  pouvoir  y 
»  placer  un  ou  deux  de  les  camarades  ,  qui 
»  doivent  lui  aider  à  déblayer  les  terres  de 
»    la  galerie. 

"  Lorfque  le  fofîe  eft  ï^cc  ,  &  que  le  ter- 
M  rain  le  permet ,  le  mineur  le  pade  qucl- 
>;  quetois  par  une  galerie  fouterraine  qui 
"  le  conduit  au  pié  du  revêlement.  Lorf- 
»  que  le  folfé  eft  plein  d'eau  ,  on  n'attend 
jj  pas  toujours  que  le  palTîige  du  folié  loic 
>5  entièrement  achevé  pour  attacher  le  mi- 
»  neur  à  la  face  du  baflion.  On  lui  fait  un 
»  enfoncement  avec  le  canon  ,  ainfi  qu'on 
>j  vient  de  le  dire  ,  mais  un  peu  au  delTLis 
»  de  la  fuperficie  de  l'eau  du  folfé  ,  afin 
»  qu'il  n'en  foit  pas  incommodé  dans  fa 
»  galerie  ,  &  on  le  tait  pafler  avec  un  petit 
»  bateau  dans  un  enfoncement.  L'ennemi 
»  ne  néglige  rien  pour  l'étouffer  dans  U 
)>  galerie.  Lorfque  le  foffé  eft  fec  ,  il  jette 
»  une  quantité  de  différentes  compofitions 
>j  d'artifice  vis-à-vis  l'œil  de  la  mine.  Cet 
j)  artifice  eft  ordinairement  accompagné 
V  d'une  grcle  de  pierres  ,  de  bombes ,  de 
N  n  n  n  n  a 


ii6S  ATT 

«  grenades  ,  Ùc.  qui  empêche  qu'on  n'aille 

}>  au  fecours  du  mineur.  M.  de  Vauban  , 

»  dans  f  on  traité  de  la  conduite  des Jieges  , 

y>  pi-opofe  de    fe  fervir  de   pompes  pour 

»j  éteindre  ce  feu.  On  en  a  aujourd'hui  de 

»  plus  parfaites  &  de  plus  aifées  à  fêrvir , 

»  que  de  ion  temps  ,  pour  jeter  de  l'eau 

jj  dans  l'endroit  que  l'on  veut  ;  mais  il  ne 

»)  paroît  pas  que  l'on  puiffc  toujours  avoir 

?'  afîez  d'eau  dans  les  iolfés  fecs  pour  faire 

>5  jouer  des  pompes  ;  &  que  d'ailleurs ,  il 

«  foit  aifé  de  s'en  fervir  fans  trop  fe  décou- 

»>  vrir  à  l'ennemi.  Quoi  qu'il  en  foit  ,  lorf- 

»  que  le  canon  a  hiit  au  mineur  tout  l'en- 

>5  foncement  dont,  il  eit  capable  ,    il  n'a 

»>  guère    à   redouter  les   feux  qu'on   peut 

«  jeter  à  l'entrée  de  fon  ouverture ,  &  il 

n  peut  s'avancer  dans  les   terres  du  rem- 

r>  part ,  &  travailler  diligemjncnt  à  fa  ga- 

>}  lerie.  Outre  le  bon  office  que  lui  rend  le 

»  canon  ,  pour  lui  donner  d'abord  une  el- 

y>  pece  de  couvert  dans  les  terres  du  rem- 

»  part  ,   il  peut  encore  ,   fi    l'ennemi  y  a 

»  conflruit  des  galeries  proche  le  revête- 

n  ment  ,  les  ébranler  ,  &  même  les  crever  ; 

«  ce  qui  produit  encore  plus  de  lûreté  au 

il  mineur  pour  avancer  fon  travail.  Les  mi- 

j>  neurs  fe  relaient  de  deux  heures  en  deux 

»  heures  ,   &   ils    travaillent  avec  la   plus 

jj  grande  diligence  ,  pour  parvenir  à  mettre 

r>  la  mine  dans  l'état  de  pcrfeélion  qu'elle 

>5  doir  avoir  ,  c'eit-à-dire  ,  pour  la  charger 

»  &  la  fermer.  Pendant  ce  travail ,  ils  éprou- 

»  vent  fouvent  bien  des  chicanes  de  la  part 

»  de  l'ennemi. 

»   Le  mineur  ayant  percé  le  revêtement , 

»  il  tait  derrière  ,  de  part  &  d'autre  ,  deux 

»  petites  galeries  de  n  à  impies  ,  au  bout 

?)  defquelles  il  pratique ,  de  part  &  d'autre  , 

»  deux  tourneaux  •  iavoir  ,  l'un  dans  l'é- 

»  paiffeur  du  revêtement  ,  &  l'autre  en- 

»  foncé  de  1 5  pies  dans  les  terres  du  rem- 

»>  part.  On  donne  un  foyer  commun  à  ces 

»  quatre  tourteaux  ,  lelquels  prennent  leu 

«  enicmble ,  &  font  une  brèche  très-large 

j>  &   très-fpacieule. 

»   Loriqu'il  y  a  des  contre-mines  pra- 

■>■>  tiqutes  dans  les  terres  du  rempart  &  le 

«  long  de  Ion  revêtement ,  on  fait  enforte 

»  de  s'en  emparer ,  &  d'en  chader  les  mi- 

»j  neurs.  M.  Goulon  propofe  pour  cela  de 

w  faire  fauter  deux  tougaces  dans  les  envi- 


A  T  T 

'»  rons  ,  pour  tacher  de  les  crever.  Aprèj 
"  quoi  ,  fi  l'on  y  eil  parvenu  ,  il  veut 
»  qu'on  y  entre  avec  dix  ou  douze  gre- 
»  nadiers  ,  &  autant  de  foldats ,  comman- 
»  dés  par  deux  (ergens  ;  qu'une  partie  de 
»5  ces  grenadiers  aient  chacun  4  grenades , 
"  &  que  les  autres  foient  chargés  de  4 
»  ou  5  bombes  ,  dont  il  n'y  en  ait  que  3 
»  de  chargées ,  les  deux  autres  ayant  néan- 
»>  moins  la  hilée  chargée  comme  les  trois 
»  premières.  Les  deux  fergens  fe  doivent 
»  jeter  les  premiers  l'épée  ou  le  pifiolet  ù 
»  la  main  dans  la  contre-mine  ,  &  être 
>5  fuivis  des  grenadiers.  Si  les  alîiégés  n'y 
»  paroill'ent  pas  pour  détendre  leur  con- 
»  tre  -  mme ,  on  y  tait  promptement  un 
"  logement  avec  des  facs  à  terre.  Ce  lo» 
»  gement  ne  confifle  qu'en  une  bonne 
»  rraverie  qui  bouche  entièrement  la  ga- 
»  lerie  de  la  contre  -  mine  du  côté  que 
"  l'ennemi  peut  y  venir.  Si  l'ennemi  vient 
»>  pour  s'oppoler  à  ce  travail ,  les  grena- 
>5  diers  doivent  lui  jeter  leurs  trois  bom- 
n  bes  chargées  ,  &  le  retirer  promptement , 
>j  de  même  que  leurs  camarades  ,  pour 
»)  n'être  point  incommodés  de  l'etiet  de 
»  ces  bombes.  La  tumée  qu'elles  font  en 
"  crevant ,  &  leur  éclat ,  ne  peuvent  man- 
T>  quer  d'obliger  l'ennemi  d'abandonner  la 
T>  galerie  pour  quelque  temps  \  mais  dès 
'>  qu'elles  ont  fait  tout  leur  effet ,  les  deux 
>j  fergens  &:  les  grenadiers  ,  avec  les  lol- 
»  dats  dont  ils  tout  accompagnés ,  ren- 
»  trenr  promptement  dans  la  galerie  ,  & 
>5  travaillent  avec  diligence  à  leur  tra— 
"  verte  pour  boucher  la  galerie.  Si  l'en— 
"  nemi  \eut  encore  interrompre  leur  ou— 
»>  vrage  ,  ils  lui  jettent  les  deux  bombes 
»  non  chargées  ,  qui  l'obligent  de  te  retirer 
»  bien  promptement  ;  &  comme  l'etïét 
»  n'en  eft  point  à  craindre  ,  ce  que  l'en- 
»  nemi  ignore,  on  continue  de  travailler  à 
»  pertedionner  la  traverle  :  on  y  pratique 
')  même  des  <  uvertures  ou  créneaux  pour 
>5  tirer  lur  l'ennemi ,  en  cas  qu'il  paroitîè 
»  dans  la  partie  de  la  galerie  oppolée  à  la 
>5    travtrle. 

"  Loriqu'il  n'y  a  point  de  galerie  ou  de 
»  contre -mine  derrière  le  revêtement  du 
n  rempart  ,  ou  loriqu'il  y  en  a  une  ,  & 
»  qu'on  ne  peut  y  parvenir  aifément  ,  le 
n  mineur  ne  doit  rien  négliger  poux  tâcher 


ATT 

»)  de  la   découvrir  ;   (S:  il  doit   en  même  ] 

»  temps  veiller ,  avec  beaucoup  d'attention  ,  ! 

»  pour  ne  pas  le  laiiTer  furprcndre  par  les  j 

»  mineurs   ennemis  ,  qui  \iennent  au  de- 

«  vant  de  lui  pour  l'ctoulkT  dans  la  ga- 

j>  lerie  ,   la  bouclier  ,  &  détruire  entière-  j 

»j  ment  fon  travail.  Il  faut  beaucoup  d'in- 

»  tclligence  ,  d'adrefle  &  de  fubtilité  dans 

»  les  mineurs  ,    pour  fe  parer  des  pièges 

>J  qu'ils    i"e    tendent    réciproquement.     Le 

»>  mineur  ,    dit    M.   de  Vauban  dans   ies 

»  mémoires ,  doit  écouter /eurent  s^il  n'en- 

»  tend  point  tiaraillerfous  lui.  Ildoitfon- 

»>  der  du  côte  qu'il  entend  du  bruit:  fouvent 

»  on  entend  d'un  côté ,  pendant  qu'on  tra- 

»  paille  de  l'autre.   Si  le  mineur  ennemi 

w  s'approche  de  trop  près ,  on  le  prévient 

»  par  une  fou,<;ace  ,  qui  l'étouiîe  dans  la  ga- 

»  lerie.  Pour  cet  elFet ,  on  pratique  un  trou 

}>  dans  les  terres  de  la  galerie  ,  du  côté  que 

»  l'on   entend    l'ennemi  ,    de    cinq   à   fix 

«  pouces  de  diamètre  ,    &  de  fix  à    lept 

f>  pouces  de  profondeur  ;    on  y  introduit 

>'  une   gargouffe  de  même   diamètre  ,  qui 

"  contient  environ  dix   à  douze  livres  de 

»>  poudre.  On  bouche  exadement  le  trou 

f>  ou   fon   ouverture   vers    la   galerie    par 

*>  un  fort  tampon  ,  que  l'on  applique  im- 

»'  médiatement    à    la  gargoufle  ,    &    que 

n  l'on  foutient  par  des  éterfillons  ,  ou  à^s 

*y  pièces  de  bois  pofées  horizontalement  en 

»  travers   de  la    galerie  ,    que    l'on  iène 

»  contre  les  deux  côtés  de  la  galerie ,  en 

»  faifant    entrer  des   coins    à  force   entre 

«  l'extrémité  de  ces  pièces  &  les  côtés  de 

«  la  galerie.  On  met  le  feu  à  cette  tougafie 

>'  par  une  lufte  ,  qui  pafle  par  un  trou  fait 

»'  dans    le    tampon ,    &;    qui    communique 

>'  avec  la    poudre   de  la  gargouH'e.    Si  la 

»  galerie    du    mineur    ennemi    n'eil    qu'à 

"  quatre  ou  cinq  pies  de  la  tête  de  cette 

"  fougaile  ,    elle  en    fera  indubitablement 

»  enfoncée  ,  &  le  mineur  qui  fe  trouvera 

«  dedans ,  écralé  ou  étouffé  par  la  tumée. 

«  On  peut  aufli  chafler  le  mineur  ennemi 

f>  &  rompre  fa  galerie  ,  en  f;iiiant ,  comme 

»  nous  l'avons  déjà  dit  ,    fauter  fuccelh- 

w  vement  plulieurs  petits    fourneaux  ,  qui 
»   ne  peuvent  manquer  d'ébranler  les  terres  , 

»  de  les  meurtrir  ,  c'e{l-à-dire  ,  de  les  cre- 

»5  valîer ,  &  de  le"s  remplir  d'une  odeur  fi 

»  puante  ,  q;uc  perlom^^e  ne  la  puilie  fup- 


A  T  T 


8<Î9 


»  porter  ;  ce  qui  met  les  m'neurs  ennemis' 
»  abfolument  hors  d'état  de  travailler  dans 
»  ces  terres.  On  en  cÛ  moins  incommodé 
»  du  côté  de  l'aliicgcant ,  parce  que  les 
»  galeries  étant  beaucoup  plus  petites  & 
»  moins  entcincées  que  celles  des  afiiégés  , 
»  l'air  y  circule  plus  ailément ,  &  diflipc 
»   plus  liromptcnicnt  la  mauvailê  odeur. 

>y  On  peut  aulii  crever  la  galerie  de 
»  l'ennemi,  lorlque  Ion  n'en  eft  pas  fort 
»  éloigné  ,  avec  plulieurs  bombes  que  l'on 
»  introduit  dans  les  terres  du  mineur 
»  ennemi  ,  &  que  Ton  arrange  de  manière 
»  qu'elles  fafîent  leur  effet  vers  Ion  côté. 
»  Les  mineurs  ,  en  travaillant  de  part  & 
»  d'autre  pour  aller  à  la  découverte  &  le 
»  prévenir  réciproquement  ,  ont  de  gran- 
»  des  iondes  avec  lelqucUes  ils  fondent 
}■)  l'epalileur  des  terres ,  pour  juger  de  la 
>■>  dilfance  à  laquelle  ils  peuvent  ie  trouver 
»  les  uns  des  auires.  Il  faut  être  alerte  là- 
»  delîus  ;  &  lorlque  le  bout  de  la  fonde 
»  paroîr  ,  (e  tliipofer  à  remplir  le  trou 
»  qu'elle  aura  fait  ,  auiii-tôt  qu'elle  fera 
>y  retirée ,  par  le  bout  d'un  piffolet  ,  qui 
»  étant  introduit  bien  directement  dans. 
"  ce  trou  ,  &  tiré  par  un  homme  alîuré  , 
»  dit  M.  de  Vauban ,  ne  peut  guère 
M  manquer  de  tuer  le  mineur  ennemi. 
»j  On  doit  faire  iliivre  le  premier  cotfp 
»)  de  piilolet  de  trois  ou  quatre  autres  ; 
"  &  eniuite  nettoyer  le  trou  avec  la 
»  fonde  ,  pour  empêcher  que  le  mineur 
»  ennemi  ne  le  bouche  de  ion  côté.  Il  eif 
»  important  de  l'en  empêcher,  pour  qU*il 
"  ne  piiiile  pas  continuer  ton  travail  darts 
"  cet  endroit  ,  &  qu'il  Ibit  totalement 
"    obligé  de  l'abandonner. 

»  lotîtes  ces  chicanes  ,  &  plufieur» 
«  autres  qu'on  peut  voir  dans  les  mémoires 
»  de  M.  de  Vauban  ,  font  connoître  que 
n  l'emploi  de  mineur  demande  non  feu- 
>?  lement  de  l'adrefle  &  de  l'intelligence  , 
>5  mais  auili  beaucoup  de  courage  poar 
»  parer  &  remédier  à  tous  les  obftacles 
»  qu'il  rencontre  dans  la  conduite  dès 
»  travaux  dont  il  eff  chargé  :  il  s'en  pafc 
>}  aficz  ai'ément  quand  il  eil  maître  du 
»  defibus  ;  mais  quand  il  ne  l'ell  poirif  , 
»   fa  condition  efi  des  plus  fàcheufes. 

»  Pour  s'affî:rer  11  l'on  travaille  dafts  !a 
w  galerie,   le    mineur  iè    Itrt   otàkmttè-^ 


S70  ATT 

»  ment  d'un  tambour ,  fur  lequel  on  met 
>3  quelque  cholé  ;  rcbranlement  de  la  terre 
3J  y  caufe  un  certain  trémouflement  , 
>'  qui  avertit  du  travail  qu'on  lait  def- 
»'  ious  :  il  prête  auill  l'oreille  attentive- 
*)  ment  fur  la  terre  ,  mais  le  trémoufîe- 
»>  ment  du  tambour  ell:  plus  iur.  C'cll 
«  un  dei  avantages  les  plus  confidérables 
»  des  affiégés  de  pouvoir  être  maîtres  du 
»  deflous  de  leur  terrain.  Ils  peuvent 
?j  arrêter  par-là  les  mineurs  des  alîiégeans 
}}  à  chaque  pas  ,  &c  leur  taire  payer  ché- 
»  ■  rement  le  terrain  qu'ils  fe  trouvent  à 
>'  la  fin  obligés  de  leur  abandonner.  Je- 
f>  dis  de  leur  abandonner  ,  parce  que  les 
»  ailiégeans  ,  qui  ont  beaucoup  plus  de 
n  monde  que  les  ailiégés  ,  beaucoup  plus 
*>  de  poudre  ,  &  qui  font  en  état  de  pou- 
»  voir  réparer  les  pertes  qu'ils  font ,  foit 
»  en  hommes  ,  foit  en  munitions ,  doi- 
»>  vent  à  la  fin  forcer  les  alilégés  ,  qui 
«  n'ont  pas  les  mêmes  avantages  ,  de  le 
f>  rendre  ,  faute  de  pouvoir ,  pour  ainfi 
»>  dire  ,  fe  renouveller  de  la  même  ma- 
ry   niere. 

})  Pendant  que  le  mineur  travaille  à  la 
*>  conihuc^ion  de  fa  galerie  ,  on  agit  pour 
»>  ruiner  entièrement  toutes  les  dcicnlès 
»>  de  l'ennemi  ,  &  pour  le  mettre  hors 
»)  d'état  de  défendre  fa  brèche  &  de  la 
f}  réparer.  Pour  cela  on  fait  un  feu  con- 
»>  tinuel  fur  les  brèches  ,  qui  empêche 
n  l'ennemi  de  s'y  montrer  ,  &  de  pou- 
w  voir  s'avancer  pour  regarder  les^travaux 
»  qui  peuvent  fe  filre  dans  le  foflé  ou  au 
»3  pié  des  brèches.  S'il  y  a  une  teniiiUe  , 
»>  on  place  des  batteries  dans  les  places  d'ar- 
»3  mes  rentrantes  du  chemin  couvert  de 
«  la  demi-lune ,  qui  couvrent  la  courtine 
»  du  front  attaqué  ,  qui  puiffcnt  plonger 
»>  dans  la  tenaille  ,  &:  empêcher  que  l'en- 
w  nemi  ne  s'en  ferve  pour  incommoder 
tj  le  palTage  du  foffé.  On  peut  auflî ,_  pour 
«  lui  impolér ,  établir  une  batterie  de 
»j  pierriers  dans  le  logement  le  plus  a\ancé 
yj  de  la  gorge  de  la  demi-lune  ;  cette 
f>  batterie  étant  bien  fa-vie  ,  rciid  le 
»j  féjour  de  la  tenaille  trop  dangereux  & 
f>  trop  incommode,  pour  que  l'ennemi  y 
»)  relie  tranquillement,  &  qu'il  y  donne 
»>  toute  l'atteniion  nécclîàire  pour  incom- 
ji;  ipoder  le  paflage  du  iolfé. 


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ATT 

"  Quelquefois  l'ennemi  pratique  des  em» 
braliires  biailées  dans  la  courtine  ,  d'où 
il  peut  auiii  tirer  du  canon  fur  les 
logemens  du  chemin  couvert ,  ce  qui 
incommode  &  ces  logemens  &  le  com- 
mencement de  la  delcente  du  toffé.  Les 
alîîégés  ,  au  dernier  firge  de  Pliilips- 
bourg  ,  en  avoienC  pratiqué  de  lembla- 
bles  dans  les  deux  courtines  de  ['atta- 
que ;  ce  qui  auroit  tait  perdre  bien  du 
monde  ,  s'il  avoit  lallu  établir  des  bat- 
teries fur  leur  contrefcarpe  ,  &  faire  le 
pafîiige  du  tolîe  de  la  place. 
»  Le  moyen  d'empêcher  l'effet  de  ces 
batteries  ,  elf  de  tâcher  de  les  ruiner 
avec  les  bombes  ,  &:  de  fiiire  enforte  , 
lorfque  le  terrain  le  permet  ,  d'enfîler 
la  courtine  par  le  ricochet.  On  peut 
auHI  placer  une  batterie  de  quatre  ou 
cinq  pièces  de  canon  fur  le  haut  de 
fangle  flanqué  de  la  demi-lune  :  dans 
cette  pofition ,  elle  peut  tirer  direélement 
fur  la  courtine  ,  &  plonger  vers  la 
tenaille  &  la  poterne  de  communication, 
par  où  l'ennemi  communique  dans  le 
folTé  lorfqu'il  efl  fec.  Enfin  on  ié  fert 
de  tous  les  expédiens  &  de  tous  les 
mo>  cns  que  l'intelligence  ,  l'expérience 
&  le  génie  peuvent  donner ,  pour  fe 
rendre  iiipérieur  à  tout  le  feu  de  l'enne- 
mi ,  pour  le  faire  taire  ,  ou  du  moins 
pour  que  l'ennemi  ne  puiflè  fe  montrer 
à  aucune  de  lés  défeniés  ,  fans  y  être 
expofé  au  feu  des  batteries  &  des  loge- 
mens. 

>j  Nous  n'avons  point  parlé  jufqu'ici  des 
flancs  concaves  &  à  orillons  ;  on  fait 
que  l'avantage  de  ces  flancs  eft  princi- 
palement de  conferver  un  canon  proche 
le  revers  de  l'orillon  ,  qui  ne  pouvant 
être  vu  du  chemin  couvert  oppofé  ,  ne 
peut  être  démonté  par  les  batteiies  qui 
y  font  placées.  Si  Ton  pouvoit  garantir 
ce  canon  des  bombes  ,  il  cfl  ccrtaio 
qu'il  produiroit  un  très-grand  avantage 
aux  affiégés;  mais  il  n'elf  pas  poffible 
de  le  préfcmer  ,  ainfi  fon  avantage 
deviens  aujourd'hui  moins  confidérablç 
qu'il  ne  l'étoit  lorfque  M.  de  Vaubao 
s'en  cil  fervi  :  alors  on  ne  failoit  pas 
dans  les  ficges  une  auflî  grande  cgn- 
ibmmation   de    bombes    qu'.i    préiL'ni. 


ATT 

n  Le  flanc  concave  il  orillon  ne  chan- 
j>  gcroit  rien  aujourd'hui  dans  les  dii'po- 
>j  lirions  de  Witcaque  ;  on  auroir  Iculcincnt 
r>  attention  de  taire  tomber  pluiicurs  bom- 
«  bes  iur  l'orillon  ,  &  iur  la  partie  du 
r  flanc  qui  y  joint  immédiatement ,  & 
»  CCS  bombes  ruineroient  indubitablement 
»  l'embralure  cachée  &  protégée  de  l'o- 
;»  rillon.  Un  avantage  ,  do.it  il  faut  ctpen- 
»  dant  convenir  qu'ont  encore  aujour- 
>5  d'hui  les-  flancs  concaves ,  c'eft  de  ne 
7i  pouvoir  pas  être  enfilés  par  le  ricochet. 
71  Les  flancs  droits  le  peuvent  être  des 
7)  batteries  placées  dans  les  places  d'armes 
?>  rentrantes  du  chemin  couvert ,  vis-à-vis 
«  les  faces  des  balHons  ;  mais  les  flancs 
»  concaves ,  par  leur  difpolition  ,  en  !onr 
«  à  l'abri. 

>»  Suppofons  préfentcment  que  les  paf- 
r>  lages  des  tollés  l'oient  dans  l'état  de 
«  perfeûion  néceflâire  pour  qu'on  puillê 
»  pafler  deflus  ;  que  le  canon  ou  les 
«  mines  aient  donné  aux  brèches  toute 
»'  la  largeur  qu'elles  doivent  avoir ,,  pour 
?)  qu'on  puifle  y  déboucher  iur  un  grand 
jy  front  ;  que  les  rampes  foient  adoucies  , 
>3  &  qu'on  puifTc  y  monter  ficilement 
y>  pour  parvenir  au  haut  de  la  brèche.  On 
«  peut  s'y  établir  en  luivaiit  l'un  des  deux 
»  moyens  dont  on  parlera  dans  l'article  de 
>5  la  demi-lune.  ,•  favoir ,  en  y  tailant  monter 
>J  quelques  tàppeurs ,  qui  ,  à  la  tavcur 
>}  du  teu  des  batteries  &  des  logemcns  du 
?j  chemin  couvert,  commencent  l'établil- 
»>  fement  du  logement  ;  ou  en  y  montant 
7>  en  corps  de  troupes  ,  pour  s'y  établir 
3i  de  vive  forcé  ;  6u  ,  ce  qui  efl:  la  même 
»   chofe  ,  en  donnant  Taflaut  au  baflion. . 

55  Si  l'ennemi  n'a  point  pratiqué  de 
»  retranchement  dans  l'intérieur  du  bafiion, 
»  il  ne  prendra  guère  le  parti  de  foutenir 
>■)  un  afîàut  qui  l'expoferoit  à  être  emporté 
?)  de  vive  force  ,  à  être  tait  prifonnier  de 
>»  guerre ,  &  qui  expoleroit  auffi  la  ville 
3>  au  pillage  du  foldat. 

>5  Tout  étant  prêt  pour  lui  donner' l'af- 
?>  faut ,  il  battra  la  chamade  ,  c'ell-à-dlre 
«  qu'il  demandera  à  fe  rendre  à  de  cer- 
j>  taincs  conditioas  ;  mais  h  les  affiégeans 
*>  préfument  qu'ils  fe  rendront  maîtres  de 
«  la  place  par  un  affaut  ,  fans  grande 
?)  perte  ,  ils  ne  voudront  accorder  que  des 


ATT  871 

conditions  allez  dures.  Plus  les  aflîégés 
font  en  état  de  fe  défendre,  &  plus  ils 
obtiennent  des  conditions  avantageufcs, 
mais  moins  honorables  pour  eux.  Le 
devoir  des  officiers  renfermés  dans  une 
place  ,  efl  de  la  défendre  autant  qu'il  elî 
pollible ,  &  de  ne  fonger  à  fe  rendre , 
que  lorfqu'il  c{\  ablblument  démontré 
qu'il  y  a  impoilibilité  de  réfillcr  plus 
long-temps  lans  expoi'er  la  place  &  lagar- 
niion  àla  difcrétior^dc  l'alilégcant.  Une 
détenfc  vigoureufe  fe  fait  re!j:ieaer  d'un 
ennemi  généreux  ,  &  elle  l'engage  fou- 
vent  à  accorder  au  gouverneur  les  hon- 
neurs de  la  guerre ,  dûs  à  fa  bravoure 
&  à  fon  intelligence. 
»  Nousj  fuppolons  ici  que  de  bons  rc- 
tranchemens  j-iratiqucs  long-temps  avant 
le  fiege  ,  ou  du  moins  dès  fon  com.^ 
mencement ,  dans  le  centre  ou  à  la  gorge 
des  baflions  ,-  mettent  l'alliégc  en  état 
de  foutenir  un  allaut  au  corps  de  i'n- 
place,  &:  qu'il  fe  réferve  de  capituler 
derrierefes  retranchcmens.  Il  faut  dans 
ce  cas  fe  réfoudre  d'emporter  la  brèche 
de  vive  force,  &  d'y  faire  un  logement 
fur  le  haut ,  après  en  avoir  chaiic  l'en- 
nemi. 

»  Lorfqu'on  fe  propofe  de  donner  l'aP-' 
faut  aux   bafiions ,  on  fiit    pendant  le" 
temps  qu'on  conflruit  &  qu'on  charge  ■ 
les_  mines  ,  un  amas  conlidérable  de  ma- 
tériaux dans-  les  logemcns  les  plus  pro^ 
chains  des   brèches  ,  pour  qu'on  puilTc 
de  mam  en  main  les  faire  paifer  promp-  • 
tement  pour   la  conflruâion   du   loge- 
ment ,  aufil-tot  qu'on  aura-  chalTé  l'en-  • 
nemi. 

»  Lorfqu'on  eft  préparé  pour  mettre  le 
feu  aux  mines ,  on  commande  tous  les 
grenadiers  de  l'armée  pour  monter  à  l'ail 
laut  ;  on  les  fait  foutenir  de  détache-i 
mens-  &  de  bataillons  en  allez  grand- 
nombre  pour  que  l'ennemi  né  puilîè  pas 
réfiller  à  leur  attaque.  Ces  troupes  étant 
en  étar  de  donner.,  on  fait  jouer  le^ 
mines;  &  ,  dorfque  la  poulîiere  efl  u.f 
pcir  tombée.,  les  grenadiers  comman- 
des pour  marcher  &  pour  monter  lerf 
premiers  ,  s'ébranlent  pour  gagner  le 
pié  de-  la  brèche  ,  011 ,  étant  parvenus , 
ils  y.  montent  la  bayonnet«  au  bout-d.f 


gyi  ATT 

„  tufil  ,  fuivis  de  toutes    le    troupes  qui 

„  doivent  les  foutenir.  L'ennemi  qui  peut 

»  avoir  confervé  des  fourneaux  ,  ne  man- 

„  quera  pas  de  les  faire  fauter.  Il  fera  auflî 

,)  tomber    i'ur  les  alTaillans   tous  les  feux 

,)  d'artifice  qu'il  pourra  imaginer  ,  &  leur 

„  fera  payer  le  plus  cher  qu'il  pourra  ,  le 

»  terrain  qu'il  leur  abandonnera  fur  le  haut 

,j  de  la  brèche  :  mais  enfin  il  faudra  qu'il 

,y  le    leur    abandonne  ;    la  fupériorité  des 

>j  allîégeans  doit  vaincre  à  la  fin    tous  les 

,i  obikcles  des   aiîîégés.    S'ils   font  al|"ez 

,j  heureux   pour   réfiller    à    un    premier 

M  alîaut ,   ils  ne  le  feront  pas  pour  réiifler 

»  à   un  iècond  ou  à    un  troiileme:    ninii 

»  il  faudra  qu'ils   prennent  le  parti  de  ie 

«  retirer  dans  leurs  retranchemens.  AuiTi- 

«  tôt  qu'ils  auront  été  repouifés  ,  &  qu'ils 

}i  auront  abandonné  le  haut  de  la  brèche  , 

«  on  lera  bien  de  travailler  en  diligence  au 

«  logement.  Il  confiitera  d'abord  en  une 

>5  elpece  d'arc  de  cercle  ,  dont  la  convexité 

>}  léra  tournée  vers_  l'ennemi ,  s'il  y  a  une 

»  brèche  aux  deux  faces  des  deux  bafiions  ; 

n  autrement  on   s'établira  fimplement  au 

M  haut  de  la  brèche.  On  donne  l'alfaut  à 

il  toutes'  les  brèches  enfemble  ;  par-là  on 

»  partage  la  réfiilance  de  l'ennemi ,  &  on 

»  la  rend    moins    confidérable.    Pendant 

»  toute  la  durée  de  cette  aâion ,   les  bat- 

»)  teries  &  les  logemens  font  le  plus  gratid 

»>  feu  lùr  toutes  les  défenfes  de  l'ennemi , 

»5  &  dans  tous  les  lieux   où  il  eft  placé  , 

»5  &  fur  lefquels  on  peut  tirer  fims  incom- 

f*  moder  les   troupes  qui  donnent  fur  les 

w  brèches. 

»   Le  logement  fur  la  brèche  étant  bien 

»  établi ,  on  pouflèra  des  (appes  à  droite 

j>  &  à  gauche  vers  le  centre  du    baftion. 

»  On  fera  monter  du  canon  fur  la  brèche  , 

»  pour  battre  le  retranchement  intérieur  ; 

>}  on  paOcra  fon  fofle  &  on  s'établira  fur 

»  fa  brèche  ,  en  pratiquant  tout  ce  qu'on 

»>  vient  de    dii-e  pour  les  bafiions.  Si  ce 

«  premier   retranchement  étoit  luivi  d'un 

f>  fécond  ,  l'ennemi  ,  après  avoir  été  forcé 

»  de    l'abandonner  ,    le    retireroit    dans 

>j  celui-ci  p(jur  capituler.  On  l'attaqueroit 

»  encore   comme  dans    le    premier ,    & 

»  enfin  on  le  torceroit  de  fe  rendre.  Il  ell 

»  allez  rare  de  voir  des  défenfes  poulTées 

f>  auiG  loin  que  nous  avons  fuppofé  celle- 


AT  T 

»  ci  ;  mais  ce  long  détail  étoit  nccenalre 
»  pour  donner  ime  idée  de  ce  qu'il  y 
»  auroir  à  faire  ,  fi  l'ennemi  vouloit  poul- 
»j  fer  la  réfiilance  jufqu'à  la  dftniere  ex- 
>j    trémité. 

M  Dans  Vattaque  des  retranchemens 
')  intérieurs  ,  outre  le  canon  ,  il  taut  y 
>5  employer  les  bombes  &  les  pierriers.  Les 
»  bombes  y  caufènt  de  grands  ravages  , 
>3  parce  que  les  afliégés  font  obligés  de 
>3  fe  tenir  en  gros  corps  dans  ces  retran- 
>j  chemens  ,  qui  font  toujours  affez 
o  petits  ;  &  par  cette  raiion  les  pierriers  y 
"  font  d'un  uiage  excellent  par  la  grêle 
>5  de  pierres  qu'ils  font  tomber  dans  ces 
5>  ouvrages  ,  qui  tuent  &:  eilropient  beau- 
»j  coup  de  monde.  j>  Attaque  des  places  , 
par  M.  le  Blond. 

Attaque  d'une  citadelle.  Les  attaques 
des  citadelles  n'ont  rien  de  différent  de 
celles  des  villes:  on  s'y  conduit  ablolument 
de  la  même  manière.  Lorlqu'on  eft  obligé 
de  commencer  le  fiege  d'une  place  où 
il  y  a  une  citadelle  ,  par  la  place  même, 
on  eff  dans  le  cas  de  faire  deux  fi  ges  au 
lieu  d'un  :  mais  il  arrive  fouvent  que  cet 
inconvénient  efl  moins  grand  que  de  s'ex- 
pofer  à  Vattaque  d'une  citadelle  ,  qui  peut 
tirer  de  la  ville  de  quoi  prolonger  fii  détenfè. 
Il  eff  aifé  d'en  dilputer  le  terrain  pié  à 
pié  ,  &  de  faire  encore  un  grand  &  fort 
retranchement  fur  l'efplanade ,  qui  arrête 
l'ennemi.  Si  l'on  avoit  d'abord  attaqué  la 
ville  de  Turin  au  lieu  de  la  citadelle ,  ce 
fiege  n'auroit  pas  eu  le  trifie  événement 
que  tout  le  monde  fait  :  c'efl  le  lenti- 
ment  de  M.  de  Feuquieres.  Voye\  le  IV. 
l'el.  de  fes  Mémoires  ,  pag.  t  ^^. 

Attaque  DE  Flanc  ;c'elt,  dans  Van 
militaire  ,  Vattaque  d'une  armée  ou  d'une 
troupe  fur  le  flanc  ou  le  côté.  Cette  attaque 
efl  fort  dangereufc  :  c'efï  pourquoi  on  a 
loin  de  couvrir  autant  qu'on  le  peut  les 
flancs  d'une  armée  ou  d'une  troupe  par  des 
villages  ,  des  rivières  ,  ou  fortifications  natu- 
relles ,  qui  empêchent  l'ennemi  de  pouvoir 
former  ou  diriger  lôn  attaque  iiir  les  flancs 
de  la  troupe  qu'il  veut  combattre.  Voye:^ 
Flanc  &  Aile. 

Attaque  de  Front;  c'efl,  dans 
l'art  militaire  ,  l'attaque  qui  fe  fait  lur  le 
devant  ou  la  tête  d'une  troupe. 

Attaque 


ATT 

Attaque  des  lignes  de  conval- 

LATION  ,  c'ell:  rcfFort  que  l'ennemi  t'air 
pour  y  pénétrer  ,  &  en  chafler  ceux  qui  les 
défendent. 

Le  plus  difficile  &  le  plus  dangereux  de 
cette  attaque  ,  c'eft  le  comblement  du  foiïé. 
On  (è  fert  pour  cet  effet  de  falcines  ;  chaque 
foldat  en  porte  une  devant  lui  ,  ce  qui 
fauve  bien  des  coups  de  hjfil  avant  qu'on 
arrive ,  fur-tout  quand  elles  font  bien  fai- 
tes &  compofées  de  menu  bois.  Lorfqu'on 
eft  arrivé  fur  le  bord  du  forte  ,  les  foldats 
fè  les  donnent  de  main  en  main  pendant 
qu'on  les  parte  par  les  armes.  Il  ftut  avouer 
que  cette  méthode  tft  fort  incommode  & 
tort  meurtrière.  M.  le  chevalier  de  Folard  , 
qui  tait  cette  obfervation ,  propofe ,  pour 
conierver  les  troupes  dans  cette  adion ,  de 
faire  plulîeurs  chaffis  de  fept  à  huit  pies 
de  large  ,  fur  dix  à  douze  de  longueur , 
iuivant  la  largeur  du  torté.  Ces  chaflis  doi- 
vent ctre  compoi'és  de  trois  ou  quatre  ioli- 
veaux  de  brin  de  lapin ,  de  quatre  pouces 
de  largeur  lur  cinq  d'épaifl"eur,  pour  avoir 
plus  de  force  pour  foutenir  le  poids  des 
loldats  qui  pafleront  deflîis ,  avec  des  tra- 
vers bien  cmmortoifés.  On  cloue  dertus  des 
planches  de  lapin.  Pour  mieux  ailurer  ces 
ponts ,  on  peut  pratiquer  aux  extrémités  des 
grapins  ,  qui  s'enfoncent  fur  la  bern-K  ou  (ùr 
le  falcinage  des  lignes. 

Loriqu'on  veut  ie  fei"vir  de  ces  ponts  ,  il 
faut  les  taire  monter  dans  le  camp  &  les  voi- 
turer  lur  des  chariots  derrière  les  colonnes  , 
â  une  certaine  dirtance  des  retranchemens  , 
après  quoi  on  les  fait  porter  par  des  foldars 
commandés  à  cet  effet  ,  qui  les  jettent  lur 
le  forte  lorlque  les  troupes  font  arrivées , 
obfervant  de  les  pofer  &  placer  à  côté  les 
uns  des  autres  ,  de  manière  qu'ils  pudfent 
fe  toucher.  Vingt  ponts  conftruits  de  la 
forte  llifEfent  pour  le  partage  d'une  colonne , 
&  lairteront  encore  des  efpaces  luffilans  pour 
celui  des  grenadiers. 

On  peut  encore  le  fervir,  pour  le  com- 
blement des  lignes ,  d'un  autre  expédient 
qui  exige  moins  de  préparatifs.  Il  faut  faire 
faire  de  grands  lacs  de  grorte  toile ,  de 
huit  pies  de  long  ,  qu'on  remplira  des  deux 
côtés  de  paille ,  de  feuilles  d'arbres ,  ou  de 
fumier  ,  qui  eft  encore  meilleur  à  caule 
du  feu.  On  roulera  fur  trois  rangs  paral- 
Tome  m. 


ATT  873 

leles  ,  un  nombre  de  ces  ballots  ,  A  la  têic 
&  iur  tout  le  front  des  colonnes  ,  qu'oa 
jettera  dans  le  folfé  ,  d'abord  le  premier 
rang ,  enluite  le  fécond  ,  &  ainfi  des  autres  , 
s'il  en  faut  plulîeurs.  Deux  ou  trois  de  ces 
rangs  de  ballots  lufîîront  de  relie  pour  com- 
bler le  forte  ,  il  on  leur  donne  cinq  pies  de 
diamètre.  Comme  il  peut  relier  quelque  vui- 
dc  entre  les  ballots  ,  à  caufe  de  leur  ron- 
deur, on  jettera  quelques  fafcines  defius ,  que 
les  loldats  des  premiers  rangs  des  colonnes 
doivent  porter.  Cette  méthode  de  combler 
un  tofl^é ,  a  cet  avantage  ,  que  les  foldats  qui 
roulent  ces  ballots  devant  eux,  arrivent  à 
couvert  julqu'au  bord  du  fofl^é.  On  peut 
fe  fervir  également  de  ballots  de  fafcines. 
Folard  ,   Comment,  fur  Polybe. 

Attaques  d'une  place;  ce  font  en  gé- 
néral toutes  les  aclions  &  tous  les  difFérens 
travaux  qu'on  fait  pour  s'en  emparer.  Voy. 
Tranchée  ,  Sappe  ,  Parallèle  ou 
Place  d'armes,  Logement,   ùc    , 

Régler  les  attaques  d'une  place  ;  c'efl  dé-' 
terminer  le  nombre  qu'on  veut  en  faire  ,  & 
les  côtés  ou  les  fronts  par  lefquels  on  veut 
l'attaquer  ;  c'eil  auffi  fixer  la  forme  &  la 
figure  des  tranchées,  y^voir  les  attaques 
d'une  place  ,  ceiï  avoir  un  plan  lur  lequel 
les  tranchées ,  les  logemens  ,  les  batteries , 
£v.  lont  tracés. 

Maximes  ou  principes  qu^ on  doit  obferver 
dans  r attaque  des  places.  L  II  faut  s'appro- 
cher de  la  place  fans  en  être  découvert, 
direélemexit  ou  obliquement ,  ou  par  le 
flanc. 

Si  l'on  faifoit  les  tranchées  en  allant 
direélement  à  la  place  par  le  plus  court 
chemin  ,  on  y  fcroit  en  bute  aux  corps  des 
ennemis  poflcs  fur  les  pièces  de  la  fortifica- 
tion où  la  tranchée  aboutiroit  J  &  fi  l'on 
y  alloit  obliquement  ,  pour  lortir  de  la 
diredion  du  feu  de  l'endroit  où  l'on  veut 
aller,  &  que  la  tranchée  fût  vue  dans  toute 
la  longueur  par  quelqu'autre  pièce  de  la 
fortitication  de  la  place  ,  les  foldats ,  placés 
fur  cette  pièce  de  fortification  ,  verroient 
le  flanc  de  ceux  de  la  tranchée ,  laquelle 
ie  trouvant  ainfî  enfilée  par  l'ennemi ,  ne 
garantiroit  nullement  du  feu  de  la  place 
les  loldats  qui  leroient  dedans. 

Or  comme  l'objet  des  tranchées  eft  de 
^  les  en  garantir  ,  il  faut  donc  qu'elles  foicnt 

O  000  0 


874  ATT 

dirigées  de  manière  qu'elles  ne  folent  ni  en 
vue  ,  ni  enfilées  par  l'ennemi  ,  d'aucun 
endroit. 

II.  II  faut  éviter  de  faire  plus  d'ouvrage 
qu'il  n'en  cil  beloin  pour  s'approcher  de  la 
place  fans  être  vu  ,  c'eft-à-dire  ,  qu'il  faut 
s'en  approcher  par  le  chemin  le  plus  court 
qu'il  ell  poflible  de  tenir ,  en  fe  couvrant 
ou  détournant  des  coups  de  l'ennemi. 

III.  Que  toutes  les  parties  des  tranchées 
fe  foutiennent  réciproquement  ,  &  que 
celles  qui  font  les  plus  avancées  ,  ne  foient 
éloignées  de  celles  qui  doivent  les  défendre , 
que  de  12.0  ou  130  toifes  ,  c'eit-à-dire  ,  de 
la  portée  du  fulil. 

IV.  Que  les  parallèles  ou  places  d'armes 
les  plus  éloignées  de  la  place  ,  aient  plus 
d'étendue  que  celles  qui  en  font  plus  pro- 
ches ,  afin  de  prendre  l'affiégé  par  le  flanc  , 
s'il  vouloit  attaquer  ces  derniers  parallèles. 

V.  Que  la  tranchée  foit  ouverte  ou 
commencée  le  plus  près  de  la  place  qu'il 
eil  poflible  ,  fans  trop  s'expofer  ,  afin  d  ac- 
célérer &  diminuer  les  travaux  du  fiege. 

VI.  Obferver  de  bien  lier  les  attaques , 
c'eft-à-dire  ,  d'avoir  foin  qu'elles  aient  des 
communications ,  pour  pouvoir  fe  donner 
du  fecours  réciproquement. 

VII.  Ne  jamais  avancer  un  ouvrage  en 
avant ,  fans  qu'il  ioit  bien  foutenu  ;  & , 
pour  cette  raiion ,  dans  l'inreryalle  de  la 
féconde  &  de  la  troiiieme  place  d'armes , 
faire,  de  part  &  d'autre  de  la  tranchée  , 
des  retours  de  40  ou  50,  roifes  parallèles 
aux  places  d'armes  ,  &  conflruits  de  la 
même  manière,  qui  fervent  à  placer  des 
i'oldats  pour  protéger  les  travaux  que  l'on 
fait  pour  parvenir  à  la  troiiieme  place  d'ar- 
mes. Ces  lortes  de  retours  ,  dont  l'ufage 
cû  le  même  que  celui  des  places  d'armes , 
le  nomment  aemi-places  d'armes. 

VIII.  Oblerver  de  placer  les  batteries  de 
canon  iur  le  prolongement  des  pièces  atta- 
quées ,  afin  qu'elles  en  arrêtent  le  feu  ,  & 
que  les  travaux  en  étant  protégés  ,  avancent 
plus  aiiément  &  plus  promptement. 

IX.  Embraflcr  ,  par  cette  raiion  ,  tou- 
jours le  Iront  des  attaques ,  afin  d'avoir 
toute  l'étendue  nécedaire  pour  placer  les 
batteries  Iur  le  prolongement  des  faces  des 
pièces  couvertes. 

X.  Eviter  avec  foin   d'attaquer  par  des 


ATT 

lieux  ferrés,  comme  auflî  par  des  angles 
rentrans  ,  qui  donneroient  lieu  à  l'ennemi 
de  croifer  fes  leux  fur  les  attaques. 

On  attaque  ordinairement  les  places  du 
côté  le  plus  foible  :  mais  il  n'eft  pas  tou- 
jours aifé  de  le  remarquer.  On  a  beau 
reconnoître  une  place  de  jour  &  de  nuit, 
on  ne  voit  pas  ce  qu'elle  renferme  :  il  faut 
donc  tâcher  d'en  être  infiruit  par  quelqu'un 
à  qui  elle  ioit  parfaitement  connue.  Il  ne 
faut  rien  négliger  pour  prendre  à  cet  égard 
tous  les  éclaircilfemens  poflibles. 

Il  n'y  a  point  de  place  qui  n'ait  fon  fort 
&  fon  foihle ,  à  moins  qu'elle  ne  ioit  régu- 
lière &  iiruée  au  milieu  d'une  plaine ,  qui 
n'avantage  en  rien  ime  partie  plus  que 
l'autre  ;  telle  qu'eil  le  Neuf-Brilach.  En  ce 
cas  ,  il  n'efl  plus  queilion  d'en  réioudre  les 
attaques  que  par  rapport  aux  commodités  , 
c'efl-à-dire ,  par  le  côté  le  plus  à  portée- 
du  quartier  du,  roi ,  du  parc  d'artillerie  & 
des  lieux  les  plus  propres  à  tirer  des  falcines ,. 
des  gabions ,  fiv.  Comme  il  fe  trouve  fort- 
peu  de  places  fortifiées  régulièrement ,  la- 
diverfité  de  leur  fortification ,  &  du  terraia 
iur  lequel  elles  font  firuées ,  demande  au- 
tant de  différentes  observations  particulières- 
pour  leur  attaque. 

Si  la  fortification  d'une  place  a  quelque 
côté  fur  un  rocher,  de  25  ,  30  ,  40,  50 
ou  60  pies  de  haut ,  que  ce  rocher  foie 
fain  &  bien  el'carpé ,  nous  la  dirons  inac- 
ceiîible  par  ce  côté  ;  fi  ce  rocher  bat  auprès 
d'une  rivière  d'eau  courante  ou  dormante, 
ce  i'era  encore  pis  :  fi  quelque  côté  ,  en 
plein  terrain  ,  ell  bordé  par  une  rivière  qui 
ne  ioit  pas  guéable ,  &  qui  ne  puiflè  être 
détournée  ;  que  cette  rivière  foit  bordée  du 
côté  de  la  place  d'une  bonne  fortification  , 
capable  d'en  défendre  le  paliàge  ,  on  pourra 
la  dire  inattaquable  *par  ce  côté  :  fi  fon 
cours  efl  accompagné  de  prairies  baiîès  & 
marécageufes  en  tout  temps  ,  elle  le  iera- 
encore  davantage. 

Si  la  place  ell  environnée  en  partie  d'eau 
&  de  marais,  qui  ne  fe  puifîent  dellécher, 
&  en  partie  accefiible  par  des  terrains  fecs 
qui  bordent  ces  marais  ;  que  ces  avenues 
ioient  bien  fortifiées  ,  &  qu'il  y  ait  des 
pièces  dans  le  marais  qui  ne  ioient  pas 
abordables ,  &  qtii  puiilcnt  voir  de  revers, 
les  attaques  du  terrain  ferme  qui  les  joint  ; 


ATT 

ce  ne  doit  pas  être  un  lieu  avantageux  aux 
attaques  ,  ;\  caufe  de  ces  pièces  inacccllibles , 
parce  qu'il  faut  pouvoir  embrafTèr  ce  que 
J'on  attaque.  Si  la  place  efl  toute  environ- 
née de  terres  bafles  &  de  marais  ,  comme 
il  s'en  trouve  aux  Pays-Bas ,  &  qu'elle  ne 
foit  abordable  que  par  des  cliaufiees  ;  il 
faut  i".  conlldércr  il  l'on  ne  peut  point 
deflecher  les  marais ,  s'il  n'y  a  point  de 
temps  dans  l'année  où  ils  fc  deficcbent 
d'eux-mêmes ,  &  en  quelle  failon  ;  en  un 
mot ,  fi  l'on  ne  peut  pas  les  iaire  écouler  & 
les  mettre  à  fec. 

2.°.  Si  les  chauffées  font  droites  ou  tor- 
tues ,  enfilées  en  tout  ou  en  partie  de  la 
place ,  &  de  quelle  étendue  eft  la  partie 
qui  ne  l'eft  pas  ,  &  à  quelle  diftance  de  la 
place  ;  quelle  en  elî  la  lai-geur ,  &  fi  l'on  peut 
y  tournoyer  une  tranchée  en  la  défilant. 

3°.  Si  l'on  peut  afleoir  des  batteries  au 
deiïus  ou  à  côté ,  lur  quelque  terrain  moins 
bas  que  les  autres  ,  qui  puilfent  croilèr  lur 
les  parties  attaquées  de  la  place. 

4°.  Voir  fi  les  chauffées  font  fi  fort  en- 
filées ,  qu'il  n'y  ait  point  de  tranfverfales 
un  peu  conlidérables  ,  qui  fartent  Iront  à 
la  place  d'all'ez  près  ;  &  s'il  n'y  a  point 
quelque  endroit  qui  puifle  faire  un  couvert 
confidérable  contre  elle  ,  en  relevant  une 
partie  de  leur  épaiifeur  fur  l'autre  ,  &  à 
quelle  diftance  de  la  place  elles  fe  trouvent. 

5".  Si  des  chaufîées  ,  voifines  l'une  de 
l'autre  ,  aboutilîènt  à  la  place  ,  fe  joignent , 
&  en  quel  endroit  ;  &  fi ,  étant  occupées 
par  les  attaques ,  elles  peuvent  s'entre-ie- 
courir  par  des  vues  de  canons  croiiés ,  ou 
de  revers ,  lur  les  pièces  attaquées. 

6°.  De  quelle  nature  eft  le  rempart  de  la 
place ,  &  de  fes  dehors  ;  fi  elle  a  des  che- 
mins couverts ,  fi  les  chauffées  qui  les  abor- 
dent y  font  jointes ,  &  s'il  n'y  a  point  quel- 
qu'avant-foffé  plein  d'eau  courante  ou  dor- 
mante qui  les  lépare  :  où  cela  fe  rencontre  , 
nous  concluons  qu'il  ne  faut  jamais  atta- 
quer par-là ,  pour  peu  qu'il  y  ait  d'appa- 
rence d'approcher  de  la  place  par  ailleurs  , 
parce  qu'on  eft  prelque  toujours  enfilé  & 
continuellement  écharpé  du  canon  ,  ians 
moyen  de  pouvoir  s'en  détendre  ,  ni  de  s'en 
rendre  maître ,  ou  cmbraffer  les  parties  atta- 
quées de  la  place 


ATT  S75 

par  où  l'on  peut  cmbraffer  les  fronts  de 
Y  attaque  ;  parce  que  ccux-L\  font  toujours  à 
préférer  aux  autres. 

2°.  La  quantité  de  pièces  à  prendre  avant 
de  pouvoir  arriver  au  corps  de  la  place  ;  leur 
qualité  &  celle  du  terrain  lur  lequel  elles  font 
fituées. 

3°.  Si  la  place  eft  baftionnce  &  revêtue. 

4-°.  Si  la  fortification  eft  régulière  ,  ou  à- 
peu-près  équivalente. 

î°.  Si  elle  eft  couverte  par  quantité  de 
dehors ,  quels  &  combien  ;  parce  qu'il  faut 
s'attendre  à  autant  d'affaires  qu'il  y  aura  de 
pièces  à  prendre. 

6°.  Si  les  chemins  couverts  font  bien 
faits  ,  contreminés  &  paliffadés  ;  fi  les  glacis 
en  font  roides ,  &  non  commandés  des  pie- 
ces  fupéricures  de  la  place. 

7°.  S'il  y  a  des  avant-foffés  ,  &  de  quelle 
nature. 

8°.  Si  les  foffés  font  revêtus  ou  profonds  , 
fecs  ou  pleins  d'eau ,  &  de  quelle  pro- 
fondeur ;  fi  elle  efl  dot  mante  ou  cou~ 
rante  ,  s'il  y  a  des  éckilœ  ,  &  la  pente 
qu'il  peut  y  avoir  de  l'entrée  de  feau  à  leur 
fortie. 

9°.  S'ils  font  fecs  ,  &  quelle  en  eft  la 
protondeur  ;  &  fi  les  bords  en  font  bas 
&  non  revêtus  :  au  refte  ,  on  doit  comp- 
ter que  les  plus  mauvais  de  tous  font 
les  foflés  pleins  d'eau  quand  elle  eft 
dormante. 

Les  foffés  qui  font  fecs  ,  profonds  &  re- 
vêtus ,  font  bons  :  mais  les  meilleurs  font 
ceux  qui  étant  fecs  ,  peuvent  être  inondés  , 
quand  on  le  veut ,  d'une  groife  eau  cou- 
rante eu  dormante;  parce  qu'on  peut  les 
défendre  fecs  ,  &  eniuite  les  inonder  ,  & 
y  exciter  des  torrens  qui  en  rendent  le 
trajet  impoflible.  Tels  font  les  foflés  de  Va- 
lenciennes  du  côté  du  Quefnoy  ,  qui  font 
['ces ,  mais  dans  leiquels  on  peut  mettre 
telle  quantité  d'eau  dormante  ou  courante 
qu'on  voudra ,  fans  qu'on  puifle  l'empê- 
cher. Tels  font  encore  les  foffés  de  Landau  , 
place  moderne  ,  dont  le  mérite  n'eft  pas  en- 
core bien  connu. 

Les  places  qui  ont  de  tels  foffés  ,  avec  îles 
réfervoirs  d'eau  qu'on   ne  peut  ôter  ,   font 


ncs-difficiles  à  forcer ,  quand  ceux  qui  les 
v^^  -^  .«  j.,..^^.  r  défendent  favent  en  faire  ufage. 

A  l'igard  de  la  plaine  ,  il  faut  1°.  examiner  ][     Les  foffés  revêtus  ,   dès  qu'ils   ont  10, 

0  0000   2. 


87^  ATT 

li,  i^,  20  &  25  piés  de  profondeur, 
font  aufll  fort  bons  ;  parce  que  les  bom- 
bes ni  le  canon  ne  peuvent  rien  contre  ces 
revétemens ,  &  que  l'on  n'y  peut  entrer 
que  par  les  defcentes ,  c'ell-à-dire  ,  en  défi- 
lant un  à  un ,  ou  deux  à  deux  au  plus  ; 
ce  qui  eft  fujet  à  bien  des  inconvéniens  : 
car  on  vous  chicanne  par  diftcrentes  lorties 
fur  votre  paflhge  &  vos  logemens  de  mi- 
neurs ;  ce  qLii  caufe  beaucoup  de  retar- 
dement &  de  perte  ;  outre  que ,  quand 
il  s'agit  d'une  attaque ,  on  ne  peut  la 
foutenir  que  toiblement  ,  parce  qu'il  faut 
que  tout  pafle  par  un  trou  ou"  deux ,  & 
toujours  en  défilant  avec  beaucoup  d'in- 
commodité. 

Il  faut  encore  examiner  fi  les  fofîés  font 
taillés  dans  le  roc  ,  fi  ce  roc  ell  continu 
&  dur  :  car  s'il  eft  dur  &  mal-aifé  à  mi- 
ner ,  vous  ferez  obligé  de  combler  ces  toflés 
jiifqu'au  rez  du  chemin  couvert  pour  fiire 
votre  partage  ;  ce  qui  eft  un  long  travail 
&  difficile  ,  fur-tout  fi  le  folîé  eft  profond  :  ' 
car  ces  manœuvres  demandent  beaucoup 
d'ordre  &  de  temps  ,  pendant  lequel  l'en- 
nemi qui  fongc  à  fe  défendre  ,  vous  fait 
beaucoup  foutilir  par  Ces  chicanes.  Il  dé- 
tourne les  matériaux  ,  arrache  les  falcines  , 
y  met  le  feu ,  vous  inquiette  par  fes  forties  , 
&  par  le  feu  de  fon  canon  ,  de  fes  bombes 
&  de  fa  moufqueterie,  contre  lequel  vous 
êtes  obligé  de  prendre  de  grandes  précau- 
tions ;  parce  qu'un  grand  feu  de  près  eft 
fort  dangereux  :  c'eft  pourquoi  il  faut  de 
néceffité  l'éteindre  par  un  plus  grand,  & 
bien  dilpofé. 

Après  s'être  inftruit  de  la  quar-té  des 
fortifications  de  la  place  que  l'on  doit  at- 
taquer, il  faut  examiner  les  accès,  &  voir 
fi  quelque  rideau  ,  chemin  creux  ,  ou  iné- 
galité du  terrain ,  peut  favoriler  vos  ap- 
proches &  vous  épargner  quelque  bout 
de  tranchée  ;  s'il  n'y  a  point  de  comman- 
■dement  qui  puifle  vous  fervir  ;  fi  le  ter- 
rain par  où  doivent  fe  conduire  les  attaques  ^ 
eft  doux  &  ailé  à  renverfer  ;  s'il  eft  dur  & 
mêlé  de  pierres ,  cailloux  &  roquailles ,  ou 
de  roches  pelées  ,  dans  lequel  on  ne  puifle 
que  peu  ou  point  s'enfoncer. 

Toutes  ces  différences  font  confidéra- 
bles  ;  car  fi  c'eft  un  terrain  aifé  à  manier , 
il  fera  facile  d'y  faire  de  bonnes  tranchées 


ATT 

en  peu  de  temps  ,  &  on  y  court  bien 
moins  de  rifque.  S'il  eft  mêlé  de  pierres  & 
de  cailloux  ,  il  fera  beaucoup  plus  difficile , 
&  les  éclats  de  canon  y  feront  dange- 
reux. 

Si  c'eft  un  roc  dur  &  pelé ,  dans  lequel 
on  ne  puifîe  s'enfoncer  ,  il  faut  compter 
d'y  apporter  toutes  les  terres  &  matériaux 
dont  on  >  aura  befoin  ;  de  taire  les  trois 
quarts  de  la  tranchée  de  fafcines  &  de 
gabions  ,  même  de  ballots  de,.bourre  & 
de  laine  :  ce  qui  produit  un  long  &  mau- 
vais travail ,  qui  n'eft  jamais  à  l'épreuve  du 
canon  ,  rarement  à  celle  du  moulquet ,  & 
dont  on  ne  vient  à  bout  qu'avec  du  temps , 
du  péril  &  beaucoup  de  dépenfè  ;  c'eft 
pourquoi  il  faut  éviter  tant  que  fon  peut 
d'attaquer  par  de  telles  avenues. 

Choix  d'un  front  de  place  en  terrain  e'gal 
le  plus  fai'orable  pour  l'attaque.  Il  faut 
examiner  &  compter  le  nombre  des  pièces  X 
prendre  ;  car  celui  qui  en  aura  le  moins 
ou  de  plus  mauvaifes  ,  doit  être  conhdéré 
comme  le  plus  toible  ,  fi  la  qualité  des 
folfés  ne  s'y  oppofe  point. 

Il  y  a  beaucoup  de  places  fituées  fur  des 
rivières  qui  n'en  occupent  que  l'un  des 
côtés  ,  ou  fi  elles  occupent  l'autre  ,  ce  n'eft 
que  par  de  petits  forts  ,  ou  des  dehors 
peu  confidérablcs  ,  avec  lefquels  on  com- 
munique par  un  pont ,  ou  par  des  bateaux 
au  défaut  de  pont.  Tel  étoit  autrefois  Stenay , 
&  tels  lont  encore  Sedan ,  Mézieres  ,  Char- 
lemont  &;  Namur ,  fur  la  Meule  ;  Metz  & 
Thionville  ,  fur  la  Mofelle  ;  Huningue  , 
Strasbourg  &  Philisbourg  ,  fur  le  Rhin  ; 
&  pluiieurs  autres. 

Uù  cela  fe  rencontre  ,  il  eft  plus  avan- 
tageux d'attaquer  le  long  des  rivières  ,  au 
defliis  ou  au  deffous  ,  appuyant  la  droite 
ou  la  gauche  fur  un  de  leurs  bords  ,  & 
pouflânt  une  autre  tranchée  vis-à-vis  ,  le- 
long  de  l'autre  bord  ,  tendant  à  fe  rendre 
maître  de  ce  dehors  ;  ou  bien  l'on  peut 
occuper  une  fituation  propre  à  placer  des 
batteries  de  revers  ,  fur  le  côté  oppofé  aux 
grandes  attaques. 

Comme  les  batteries  de  cette  petite  at- 
taque peuvent  auili  voir  le  pont  ferrant 
de  communication  de  place  à  ce  dehors  > 
les  grandes  attaques  de  leur  côté  en  pour- 
roient  faire  autant ,  mo>ennant  quo'i  il  fe- 


ATT 

roit  difficile  que  la  place  pût  y  communi- 
quer long-temps;  d'où  s'enluivroit  que,  pour 
peu  que  ce  dehors  fût  pretîc  ,  l'ennemi 
i'abandonneroit ,  ou  n'y  teroit  pas  grande 
réfiilancc  ,  principalement  s'il  eft  petit ,  & 
peu  contenant  :  m;'is  ce  ne  ieroit  pas  la 
même  choie  ,  li  c'étoit  une  partie  de  la 
ville  ,  ou  quelque  grand  dehors  ,  à-peu- 
près  de  la  capacité  de  \X''  ick  ,  qui  tait  partie 
de  la  ville  de  Mallrick.  Tout  cela  mérite 
bien  d'trre  démêlé  ,  &  qu'on  y  fliflé 
de  bonnes  &  lérieuies  réflexions  ;  car  il 
eft  certain  qu'on  peut  en  tirer  de  grands 
avantages. 

Après  cela  il  taut  encore  avoir  égard 
aux  rivières  &  ruificnux  qui  traverlent  la 
ville ,  &  aux  marais  &  prairies  qui  ac- 
compagnent leur  cours  ;  car  quand  les 
terrains  propres  aux  attaques  aboutifTent 
contre  ,  ou  les  avoifinent  de  près  ,  ibit 
par  la  droite  ou  par  la  gauche  ,  cela  donne 
moyen  ,  en  prolongeant  les  places  d'armes 
juique  fur  les  bords ,  de  barrer  les  iorties 
de  ce  côté-là  ,  &  de  mettre  toute  la 
cavalerie  ,  enfemble,  fur  le  coté  des  attaques 
qui  n'ell  point  favorifé  de  cet  avantage  ; 
avantage  confidérable  ,  parce  que  la  cava- 
lerie ie  trouvant  en  état  de  pouvoir  ie 
porter  toute  eniemble  à  l'action,  elle  doit 
produire  un  plus  grand  effet  que  quand  elle 
cil  iéparée  en  deux  parties. 

Outre  ce  que  l'on  vient  de  dire  ,  il  efl 
bon  encore  de  commander  journellement 
un  piquet  de  cavalerie  &  de  dragons  , 
dans  les  quartiers  plus  voiiîns  des  attaques  j 
pour  les  poufler  de  ce  cuté-là  ,  s'il  arri- 
voit  quelque  fortie  extraordinaire  qui  bou- 
leversât la  tranchée. 

Pour  conclufion  ,  on  doit  toujours  cher- 
cher le  foible  des  places  ,  &  les  attaquer 
par-li\  par  préférence  aux  autres  endroits , 
à  moins  que  quelque  conlidérntion  ex- 
traordinaire n'oblige  d'en  uler  autrement. 
Quand  on  a  bien  reconnu  la  place  ,  on 
doit  taire  un  petit  recueil  de  les  remar- 
ques avec  un  plan  ,  &  le  propofer  au 
général  &  à  celui  qui  commande  l'artillerie, 
avec  qui  l'on  doit  agir  de  concert ,  &  con- 
venir après  cela  du  nombre  des  attaques 
qu'on  peut  faire  :  cela  dépend  de  la 
force  de  l'armée  &  de  l'abondance  des 
munitions. 


ATT  877 

Je  ne  crois  pas  qu'il  loit  avantageux  de 
faire  de  laudes  attaques  ,  parce  que  l'en- 
nemi s'appercevant  de  la  tauflèté  dès  le 
troifieme  ou  quatrième  jour  de  la  tran- 
chée ,  il  n'en  fait  plus  de  cas  ,  &  les  mé- 
prife  ;  ainii  c'elt  de  la  fatigue  &  de  la 
dépenlè  inutile. 

L'on  ne  doit  point  f^iire  non  plus  d'jf- 
taques  fe'parees  ,  à  moins  que  la  garnifbn 
ne  loit  très-foible ,  ou  l'armée  très-forte  , 
parce  qu'elles  vous  obligent  à  monter  aufil 
fort  à  ime  leule  qu'à  toutes  les  deux  ,  & 
que  la  iéparation  les  rend  plus  foibles  & 
plus  difficiles  à  fervir. 

Mais  les  attaques  les  roeilleurcs  &  les  plus 
faciles  ,  font  les  attaques  doubles  qui  l'ont 
liées  ,  parce  qu'elles  peuvent  s'entrc-fe- 
courir  :  elles  font  plus  ailées  à  fervir ,  fè 
concertent  mieux  &  plus  facilement  pour 
tout  ce  qu'elles  entreprennent ,  &  ne  laif^ 
ient  pas  de  faire  diverlion  des  forces  de 
la  garnilon. 

Il  n'y  a  donc  que  dans  certains  cas 
extraordinaires  &  nécefîités,  pour  lefquels 
je  pourrois  être  d'avis  de  n'en  faire  qu'une  , 
qui  font ,  quand  les  fronts  attaqués  font  fi 
étroits  ,  qu'il  n'y  a  pas  allez  d'elp)ace  pour 
pouvoir  développer  deux  attaques. 

Il  faut  encore  faire  entrer  dans  la  recon- 
noifîlince  des  places ,  celle  des  couverts  pour 
l'établillement  du  petit  parc  ,  d'un  petit 
hôpital ,  &:  d'un  champ  de  bataille  pour 
1  afTemblée  des  troupes  qui  doivent  monter 
à  la  tranchée ,  &  des  endroits  les  plus 
propres  à  placer  les  gardes  de  cavalerie. 

Le  petit  parc  fe  place  en  quelque  lieu; 
couvert  ,  à  la  queue  des  tranchées  de  cha- 
que attaque  :  il  doit  être  garni  d'une  cer- 
taine quantité  de  poudre ,  de  balles  ,  gre- 
nades ,  mèches  ,  pierres  à  fuill ,  ferpes  , 
haches  ,  blindes  ,  raartelets  ,  outils  ,  &c. 
pour  les  cas  furvenans  &  prefTans ,  afin- 
qu'on  n'ait  pas  la  peine  de  les  aller  cher- 
cher au  grand  parc  quand  on  en  a  belbiii. 

Près  de  lui  fc  range  le  petit  hôpital  , 
c'efl-à-dire  les  chirurgiens  &  aumôniers 
avec  des  rentes  ,  paillailes ,  matelas  ,  & 
des  remèdes  pour  les  premiers  appareils  des 
blefîùres.  Outre  cela  ,  chaque  batailloni  V 
mené  avec  foi  fes  aumôniers ,  chirurgiens 
majors ,  les  fraters  ,  qui  ne  doivent  poiiir 
quitter  la  queue  de  leur  troupe. 


878  ATT 

A  l'égard  du  champ  de  bataille  ,  pour 
raffcmblée  des  gardes  de  tranchée  qui 
doivent  monter  ,  comme  il  leur  faut  beau- 
coup de  terrain  ,  on  les  aflemble  pour 
l'ordinaire  hors  de  la  portée  du  canon  de 
la  place  ,  &  les  gardes  de  la  cavalerie  de 
même  :  celles-ci  font  placées  enfuite  fur 
la  droite  &  la  gauche  des  attaques ,  le  plus 
à  couvert  que  l'on  peut  du  canon  ;  & 
quand  il  ne  s'y  trouve  point  de  couvert , 
on  leur  fait  des  épaulemens  à  quatre  ou 
cinq  cents  toifes  de  la  place  ,  pour  les 
gardes  avancées  ,  pendant  qvje  le  plus 
gros  fe  tient  plus  reculé  ,  &  hors  la  portée 
du  canon. 

Quand  il  fe  trouve  quelque  ruiflëau  ou 
fontaine  près  de  la  queue  des  tranchées  , 
ou  fur  le  chemin ,  ce  font  de  grands 
fecours  pour  les  foldats  de  garde  ;  c'eilpour 
quoi  il  faut  les  garder  ,  pour  empêcher 
qu'on  ne  les  gâte  ;  &  quand  il  feroit 
néccfïîiire  d'en  afllirer  le  chemin  par  un 
bout  de  tranchée  fait  exprès ,  on  ne  doit 
pas  héfiter. 

On  doit  aufli  examiner  le  chemin  des 
troupes  aux  attaques  ,  qu'il  faut  toujours 
accommoder  &  régler  par  les  endroits  les 
plus  fecs  &  les  plus  couverts  du  canon. 

Quand  le  quartier  du  roi  fe  trouve  à 
portée  des  attaques  ,  eljcs  en  font  plus 
commodes  :  mais  cela  ne  doit  point  faire 
une  fujettion  confidérable. 

Il  eil  bien  plus  important  que  le  parc 
d'artillerie  en  foit  le  plus  près  qu'il  elî 
poflîble. 

C'efl  encore  uhe  efpece  de  néceffité  de 
loger  les  ingénieurs  ,  mineurs  &  fapeurs  , 
le  plus  près  des  attaques  que  l'on  peut , 
afin  d'éviter  les  incommodités  des  éloi- 
gnemens. 

Les  attaques  étant  donc  réfolues  ,  on 
règle  les  gardes  de  la  tranchée  ;  favoir  , 
l'infanterie  iur  le  pié  d'être  du  moins 
auflî  forte  que  les  trois  quarts  de  la  garni- 
fon ,  &  la  cavalerie  d'un  tiers  plus  nom- 
breule  que  celle  de  la  place  ;  de  forte  que 
fi  la  garnifon  étoit  de  quatre  mille  hom- 
mes d'infanterie  ,  la  garde  de  la  tranchée 
/  doit  être  au  moins  de  trois  mille  ;  &  fi 
la  cavalerie  de  la  place  étoit  de  400  che- 
vaux ,  il  faudroit  que  telle  de  la  tranchée 
fut  de  600. 


ATT 

Autrefois  nos  auteurs  croyoient  que  pour 
bien  faire  le  fiege  d'une  place  ,  il  fallok 
que  l'armée  afliégeante  tût  dix  fois  plus 
torte  que  la  garnifon ,  c'efl-à-dire  que  fî 
celle-ci  étoit  de  looc  hommes ,  l'armée 
devoit  être  de  loooo  ;  que  11  elle  étoit  de 
2000 ,  l'affiégeante  devoit  être  de  20000  ; 
&  fi  elle  étoit  de  3000 ,  il  falloit  que  l'ar- 
mée ,  à  peu  de  choie  près  ,  fût  de  30000 
hommes ,  félon  leur  eflimation  :  en  quoi 
ils  n'avoient  pas  grand  tort  ;  &  fi  l'on 
examine  bien  routes  les  manœuvres  à  quoi 
les  troupes  (ont  obligées  pendant  un  fiege , 
on  n'en  feroit  pas  iurpris  :  car  il  faut  tous 
les  jours  monter  &  defcendre  la  tranchée  , 
fournir  aux  travailleurs  de  jour  &  de  nuit  , 
à  la  garde  des  lignes ,  à  celle  des  camps 
particuliers  &  des  généraux  ,  à  l'efcorte 
des  convois  &  des  fourrages  ;  faire  des 
fafcines  ;  aller  au  commandement ,  au 
pain  ,  à  la  guerre ,  &C.  de  forte  que  les 
troupes  font  toujours  en  mouvement  , 
quelque  grofle  que  ce  foit  une  armée  :  ce  . 
qui  étoit  bien  plus  fatiguant  autrefois  qu'à 
prélent ,  parce  que  les  fieges  duroient  le 
double  &  le  triple  de  ce  qu'ils  durent 
aujourd'hui  ,  &  qu'on  y  fiiii'oit  de  bien 
plus  grandes  pertes.  On  n'y  regarde  plus 
de  fi  près  :  &  on  n'héfite  pas  d'attaquer 
une  place  à  fix  ou  fept  contre  un  ;  parce 
que  les  attaques  .d'aujourd'hui  font  bien 
plus  favantes  qu'elles  n'étoient  autrefois. 
Attaque  des  places  ,  par  M.  le  maréchal 
de  Vauban. 

Comme  les  fortifications  particulières  & 
les  différens  accès  des  places  en  font  varier 
le  fort  &  le  foible  de  plufieurs  manières  , 
il  faudroit  autant  de  règles  qu'il  y  a  de 
places  ,  fi  l'on  vouloir  entrer  dans  le  détail 
de  toutes  les  attaques  des  places  :  on  fe  con- 
tentera donc  de  parler  des  fituations  les  plus 
générales  ;  telles  font  les  villes  entourées  de 
marais  ,  fur  les  bords  des  rivières ,  fur  une 
hauteur ,  ^c 

Attaque  d'une  place  entourée  de  marais. 
Une  place  entourée  de  marais  de  tous  d'étés , 
&  qui  n'efl  acceillble  que  par  des  chauHées 
pratiquées  dans  des  marais  ,  efl  dans  un 
terrain  très-peu  favorable  pour  en  former 
le  fiege. 

Ce  que  l'on  peut  faire  d'abord ,  efl  de 
travailler  à  dcfTéclier  le  marais ,  fi  l'on  peut 


ATT 

y  trouver  quelque  écoulement  ;  &  faire  en- 
lone  de  détourner  les  eaux  qui  y  entrent: 
c'til  c<;  que  l'on  peut  taire  alfez  aiiémcnt 
dans  un  pays  plat  ou  uni  :  s'il  s'y  trouve 
de  l'impollibilité  ,  il  finit  prendre  le  parti 
d'aborder  la  place  par  les  chaufîces  ,  en  les 
élargiilant  autant  qu'il  e(l  poffible  ,  &  en 
pratiquant  des  elpaces  poLir  l'emplacement 
des  batteries. 

Si  la  fituation  d'un  tel  terrain  ne  permet 
pas  d'y  confiruire  des  parallèles  ou  places 
d'armes  à  l'ordinaire  ,  ces  ouvrages  y  Ibnt 
iuifli  moins  utiles  que  dans  un  terrain  d'un 
accès  facile  &  praticable ,  parce  que  l'en- 
nemi ne  peut  lortir  de  lii  place  en  force 
pour  tomber  iur  les  travailleurs. 

Les  chaulîées  qui  abordent  la  place  peu- 
vent être  fort  peu  élevées ,  &  feulement 
au  deflus  du  niveau  des  eaux  du  marais  , 
ou  bien  elles  peuvent  avoir  une  élévation 
de  deux  ou  trois  pies  au  deflus  :  fi  elles  font 
de  la  première  efpece  ,  elles  ne  donneront 
point  la  terre  néceflaire  à  la  conltruélion  de 
la  tranchée  ;  &  ,  dans  ce  cas  ,  on  d\  dans 
la  néceffité  de  la  faire  de  fifcines  ,  de  i'acs  à 
laine  ,  à  terre ,  &c.  Si  elles  font  de  la  féconde 
efpece  ,  elles  pourront  tournir  aflèz  de  terre 
pour  la  tranchée  ,  en  oblervant  de  la  taire 
un  peu  plus  large  ,  afin  d'avoir  plus  de  terre 
pour  en  former  le  parapet ,  (ans  être  obligé 
de  creuler  jufqu'au  niveau  de  l'eau. 

I!  y  a  une  chofe  qui  mérite  grande  atten- 
tion dans  ces  chaulîées  ;  c'ell  d'obl'erver  fi 
elles  font  enfilées  de  la  place  ,  auquel  cas  il 
eu  très-difficile  de  s'établir  deflus ,  &  de 
fliire  aucun  retour  ou  zig-zag  ,  parce  qu'ils 
le  trouveroient  tous  enfilés.  Il  eli:  bien  diffi- 
cile de  remédier  à  un  auili  grand  inconvé- 
nient. Ajoutons  à  cela  ,  que  s'il  ne  i'e  ren- 
contre ,  dans  ces  chauflees  ,  aucun  endroit 
où  l'on  puifle  placer  des  batteries  à  ricochet, 
le  fiege  fera  très-difficile  à  former. 

"  S'il  talloit  cependant  fe  faire  un  pafl^age 
?»  dans  un  terrain  de  cette  efpece  ,  on  pour- 
»5  roit  faire  un  tondement  de  claies  &  de 
»j  fafcines  dans  les  lieux  les  plus  lavorables 
>5  du  marais  ,  ou  le  long  des  chauffées ,  & 
?>  fe  couvrir  de  part  &  d'au  re  par  de  grands 
»  gabions  ,  facs  à  terre ,  &c.  &  même  une 
fy  tranchée  direde  en  le  traverfint  tort  fou- 
y  vent  ,  c'eft-à-dire  ,  tonnant  luccefïïve- 
w  ment  des  traverfes  qui  lailTent  des  paflàges 


ATT  879 

»  vers  la  droite ,  &  enfuite  vers  la  gauche. 

»)  Cette  iorte  de  tranchée  tut  employée  .m 

»  fiege  de  Bois-le-Duc  en  161c;  ;  niais  alors 

»>  la  détenfe  des  places  n'étoit  point  auUi 

»  lavante  qu'elle   l'eft  aujourd'hui  ,  oCi  un 

»  pareil   travail  auroit  bien  de  la  peine  i 

n  être  foutenu  ;  cependant  il  efl  des  cir- 

»>  confiances    où   l'impollibilité    de    faire 

»  mieux  ,  doit  engager  à  ih  fcrvir  de  toutes 

}>  fortes  de   moyens   pour  parvenir  à    les 

»  fins.   C'efl:  dans  un  terrain  de  cette  na- 

»  ture    qu'un    ingénieur    trouve    de    quoi 

>}  exercer  toute  ia  tagacité  &  fit  capacité. 

»  Si  les  chauflees  ont  fix  ou  fept  toifes  de 

»  largeur,  &r  quatre  ou  cinq  pies  de  haut 

'}  au  deffus  des  eaux  du  marais  ;  fi  elles 

»  ne  font  point  enfilées  de   la  place ,    & 

"  fi  l'on  y  remarque  ,  de  diffance  en  dif- 

»  tance  ,   des   endroits   propres  il  établir 

')  des   batteries  à    ricochet  ;    on    pourra  , 

»  quoiqu'un  peu  plus  mal-aifément    que 

»)  dans    un    autre    terrain  ,  parvenir   à  fe 

')  rendre  maître  de  la  place.   Mais  fi  toutes 

»>  ces   circonftances  ne  le  trouvent  point 

j>  réunies  enfemble ,  il  y  aura  une  efpece 

»  d'impoiîibilité  :  dans  ces  fortes  de  litua- 

»  tions  ,  on  doit  employer  le  blocus  pour 

>}  fe  rendre  maître  des  places.  Il  peut  être 

>5  fort  long  lorfque  les  villes  font  bien  mu- 

})  nies  :  mais  enfin  ,  c'efl  prefque  le  feul 

»>  moyen  qu'on  puifle  employer  utilemenc 

M  pour  les  réduire. 

»   Si  les  marais  impraticables  rendent , 

j>  pour  ainfi  dire ,  les  places  qui-  en  font 

>5  entourées  ,  hors  d'atteinte  des  attaques 

»  d'un  fiege  ,  il  faut  convenir  auffi  que  de 

»  telles  places  font  dans  une  fort  nrauvaife 

»  fituation    pour  la    fanté   de    la  garnifon 

"  &   des  habitans.    Mais  il  y  a-tr-ès-peu 

73  de  places  qui  foient  totalement  entourées 

"  de  marais  :  il  y  a  prefque  toujours  quel- 

»  que  côté  qui  offi-e  un  terrain  plus  favo- 

»  rable  aux  approches  ;  &  alors ,  quand  on 

»  en  forme  le  fiege,  on  évite  autant  que 

»  l'on  peut  Vanaque  du   côté  des  marais. 

»  Quoique   les  autres  fronts   foient  ordi- 

n  nairement  plus   forts  ,   on  ne  laiflc  pas 

»j  de  prendre  le  j:«rti  d'attjgiter  la  place  de 

»  leur  côté ,  parce  que  la  facilité  des  appro- 

»  ches  dédommage  amplement  de  l'aug- 

>j  mentation  des  ouvrages  qu'il  fiiut  pren- 

w  dre  pour   s'en  rendre  maître.   Lorfque 


rSo  ATT 

«  les  marais  font  véritablement  impratica- 

»  blés  ,  là  place  n'a  pas  befoin  d'être  auffi 

»  exaûement  fortifit'c  de  leur  côté  que  des 

}>  autres  qui  font  plus  acceffibles  :  mais  il 

f>  arrive  quelquefois  que  des  marais   crus 

»>  impraticables  ,  ne  le  font  pas  véritable- 

"  ment  ;  &  alors  ,  fi  l'on  en  étoit  inltruit 

»  bien  exadement  ,   on    profiteroit  de  la 

»>  lécurité  de  l'ennemi  à  leur  égard  ,  pour 

j>  attaquer  la  place  y  par  leur  côté  ,  &  s'en 

>'  rendre  maître  avec  bien  moins  de  temps 

3)  &  de  perte.  C'eft  à  ceux  qui  font  chargés 

»>  de  ces  fortes  d'entrepriles ,  de  bien  taire 

»  reconnoître  les  lieux  avant    que    de  fe 

}>  déterminer  fur  le  choix  des  attaques.  Il 

w  y  a  d'ailleurs  des  marais  qui  font  im- 

»j  praticables    dans  un  temps  ,  &  qui  ne 

»>  le  font  pas  dans  un  autre  ,  (ur-tout  après 

«  une  grande  fécherefîe.  Il  peut  le  trou- 

«  ver  des  payians  des  environs  de  la  place 

}>  qui  en  foient  inftruits  ;  on  ne  doit  rien 

»  négliger  pour  être    exaûemcnt  informé 

»3  du   fol   &   de  la  nature  de  ces  marais. 

f>  On  fent  bien  que  le  temps  le  plus  pro- 

p>  pre  &  le  plus  favorable  pour  former  des 

«  lièges  en  terrain    marécageux ,    efl    au 

t>  commencement  de  l'automne  ,    lorfque 

})  les  chaleurs  de  l'été  l'ont  en  partie  def- 

»  féché  ». 

De  l'attaque  d'une  place  fituée  le  long 
d'une  grande  rivière.  "  Les  places  qui  font 

«  fituées  le  long  des  grandes  rivières  ,  font 

fj  d'une  prife  moins  difficile  que  celles  qui 

«  font  entourées  de  marais. 

»   On  conduit  leurs  attaques  à  l'ordinaire 

»  du  côté  qui    paroît  le   plus  favorable , 

«  &  on  les  difpofe  de  manière  qu'on  puifîe 

«  placer  des  batteries  de  l'autre  côté  de  la 

s>  rivière  ,  ou  dans  les  îles  qu'elle  peut  lor- 

»  mer  vis-à-vis   la  place  ,    qui   protègent 

?>  l'avancement  des  tranchées  ,  &  qui  mc- 

»  me  ,  quclqviefois  ,  peuvent  battre  en  brc- 

«  che  le  front  auquel  on  dirige  les  atta- 

7>  ques.  C'ell  ainfi  que  M.  le  maréchal  de 

3)  Vauban  en  ufa  au  fiege  du  vieux  Brilack 

»>  en  1703.  Une  batterie  qu'il  étabht  dans 

»)  une  des  îles  que  le  Rhin  tait  vis-à-vis 

»  de  cette  ville  ,  nommée  \'lle  des  Cadets , 

»)  d'où  l'on  découvroit  un  baftion  qui  étoit 

»>  le    long  du  Rhin  ,   &  que  l'on  pouvoit 

«  battre    en  brèche  par  le  pié ,    accéléra 

î>  beaucoup  la  prilè  de  cette  place ,  qui  fc 


ATT 

,,  rendit  le  quatorzième  jour  de  l'ouver- 
,,  turc  de  la  tranchée. ,, 

"  Au  fiegc  de  Kell,  en  1733  »  on  plaça 
,,  autn  des  batteries  dans  les  îles  du  Rhin  , 
,,  qui  firent  brèche  à  l'ouvrage  à  corne  de 
„  l'attaque  ,  &  à  la  face  du  baflion  de  ce 
,,  fort  placé  derrière  l'ouvrage  à  corne.  Ces 
,,  batteries  battoient  à  ricochet  la  face  & 
,,  le  chemin  couvert  de  ce  baflion  ,  dont 
,,  la  branche  de  l'ouvrage  à  corne  du  côté 
,,  du  Rhin  tiroit  fa  défenfe  ;  ce  qui  aida 
,,  beaucoup  à  avancer  la  tranchée  entre 
,,  cette  branche  &  le  Rhin  ,  &  accéléra  la 
,,  capitulation  du  fort.  ,, 

Au  fiege  de  Phiiipsbourg ,  en  1734 ,  on 
„  s'empara  d'abord  de  l'ouvrage  qui  étoit 
,,  vis-à-vis  de  la  ville  ,  de  l'autre  côté  du 
,,  Rhin  ,  &  l'on  y  établit  des  batteries  à 
,,  ricochet ,  qui  ,  enfilant  les  défenfes  du 
,,  tront  vers  lequel  on  dirigeoit  les  attaques, 
„  ne  permcttoient  pas  à  l'ennemi  de  taire 
,,  iur  les  tranchées  tout  le  feu  qu'il  auroit 
,,  pu  faire  lans  ces  batteries ,  qui  plongeoient 
,,  le  long  de  ces  défenfes. 

,,  Lortqu'il  y  a  un  pont  fur  la  rivière 
„  vis-à-vis  de  la  ville  ,  il  eil  ordinairement 
,,  couvert ,  ou  par  un  ouvrage  à  corne,  ou 
,,  par  une  demi-lune  ,  &c.  &  comme  il  ed 
,,  important  de  s'emparer  de  cet  ouvrage  , 
,,  on  peut ,  pour  y  parvenir  ailément ,  placer 
„  des  batteries  vers  le  bord  de  la  rivière  , 
,,  qui  puiffent  ruiner  le  pont  ou  le  couper  ; 
„  au  moyen  de  quoi  la  communication  de 
,,  l'ouvrage  dont  il  s'agit  ne  pouvant  plus 
,,  fe  faire  que  difficilement  avec  la  ville  , 
,,  l'ennemi  le  trouve  dans  la  nécelFité  de 
,,  l'abandonner. 

,,  Une  obfervation  très-importante  dans 
,,  le  fiege  des  villes  placées  le  long  des 
„  rivières  ,  c'etl  de  lavoir  à-peu-près  le 
,,  temps  où  elles  lont  lu  jettes  à  lé  déborder, 
,,  &  quelle  eft  l'étendue  de  l'inondation  la 
,,  plus  grande ,  afin  de  mettre  non  leule- 
,,  ment  les  tranchées  à  l'abri  de  tout  acci- 
,,  dent  à  cet  égard  ,  mais  encore  de  placer 
,,  le  parc  d'artillerie  en  lieu  iûr  ,  &  où 
,,  l'inondation  ne  puifle  pas  s'étendre  ,  & 
,,  gâter  les  munitions  de  guerre  defiinécs 
„  pour  le  fiege.  „ 

JDe  l'attaque  des  places  Jltue'es  far  des 
hauteurs.  "  Une  place  fituée  fur  une  hauteur 
,,  dont  le   front  le  trouve   foit   élevé  & 

„  oppofc 


ATT 

«  pofé  à  un  terrain  ferré  ,  qui  ne  fournit 
»  aucun  endroit  propre  à  l'étabnifemcnt 
n  des  batteries  à  ricochet ,  cl\  affez  diffi- 
w   cile  à  prendre. 

»  Dans  des  iltuations  pareilles ,  on  voit 
»  s'il  n'y  a  pas  quelque  hauteur  dans  les 
5»  environs  dont  on  puilîe  fe  lervir  pour 
»  y  ttablir  des  batteries  à  ricochet.  S'il 
»  n'eii:  pas  pollible  d'en  trouver ,  il  faut 
»  battre  les  dctcnles  par  des  batteries  di- 
»  rcdes  ,  &  faire  enlorte  d'en  chafler  l'en- 
»>  nemi  par  des  bombes ,  qu'il  taut  jeter  con- 
»  tinuellement  dans  les  ouvrages.  A  l'égard 
»  de  la  difpofition  des  tranchées  &  des 
»  parallèles ,  elle  doit  fuivre  la  figure  du 
»  terrain  ,  &  l'on  doit  les  arranger  du  mieux 
«  qu'il  cil  poflîhle ,  pour  qu'elles  produi- 
>j  lent  les  eHèts  auxquels  elles  lont  deili- 
«  nées  dans  les  terrains  unis. 

n  II  faut  obferver  ici  que  les  lieux 
>•>  fort  élevés  ,  qui  ne  peuvent  être  bat- 
>}  tus  que  par  des  batteries  conlîruites 
«  dans  des  lieux  bas ,  font  pour  ainfi  dire 
j)  à  l'abri  du  ricochet ,  parce  que  le  ri- 
»)  cochet  ne  peut  porter  le  boulet  que  juf- 
5>  qu'à  une  certaine  hauteur  ,  comme  de 
«  Il  ou  15  toifes.  Dans  de  plus  grandes 
>5  élévations ,  il  hiut  pointer  le  canon  li 
n  haut  que  l'affût  ne  peut  le  foutenir  ;  & 
»  fi  pour  le  fatiguer  moins  ,  on  diminue  la 
»  charge  ,  il  en  arrive  que  le  boulet  n'a 
y)  pas  affez  de  force  pour  aller  jufqu'au 
?}  lieu  où  il  eft  delliné. 

»  Il  faut  encore  obferver  que  ,  lorfque 
j)  l'on  a  des  tranchées  à  iaire  dans  des 
>j  terrains  élevés ,  il  huit ,  autant  qu'il  eil: 
»  poflible  ,  gagner  d'abord  le  haut  du  ter- 
»  rain  pour  y  conduire  la  tranchée  ,  parce 
>5  qu'autrement  la  tupériorité  du  lieu  don- 
»  neroit  non  feulement  beaucoup  d'avan- 
»  tage  à  l'ennemi  pour  faire  des  forties 
>j  fur  les  tranchées  conftruites  dans  le  bas 
>i  du  terrain  ,  mais  encore  pour  plonger 
>y  dans  ces  tranchées  ;  ce  qui  en  rendroit 
ft  le  féjour  très-dangereux. 

»  Les  places  fituées  iur  des  hauteurs  font 
»  quelquefois  entourées  d'un  terrain  ,  fur 
»  lafuperficie  duquel  il  n'y  a  prefque  point 
«  de  terre.  Lei  tranchées  y  lont  extraor- 
»  dinairement  difficiles  ,  &  il  faut  néccf- 
»  fairement  les  conilruire  de  lacs  à  laine  , 
»  de  facs  -^  terre  3  &  autres  chofes  qu'on 
Tome  III 


ATT  88r 

«  apporte  pour  llippléer  à  la  terre  que  le 
»)  terrain  ne  fournit  point.  Il  fe  trouve  auflï 
»j  que  la  plupart  de  ces  plujes  i'ont  conf- 
»  truites  lùr  le  roc  ,  &  alors  l'établifTe- 
»>  ment  du  mineur  y  elt  bien  long  &  bien 
>5  difficile.  On  examine  dans  ce  cas  s'il  n'y 
»  a  pas  de  veines  dans  le  roc  par  lelquclles 
»  il  puille  être  percé  plus  facilement. 

>j  II  faut  dans  ces  iituations  s'armer  de 
"  patience  ,  &  vaincre  par  la  continuité 
»  du  travail ,  tout  ce  que  le  terrain  oppofc 
»  de  difficultés  &  d'obifacles.  M.  Gou- 
"  Ion  ,  dans  (es  mémoires  ,  propoie  pour 
»  la  détenfe  du  foffé  pratiqué  dans  le 
"  roc  ,  de  s'enfoncer  au  bord  le  plus  pro- 
"  fondement  qu'on  peut.  Il  tuppole  un 
»  fofle  creulé  de  30  pies  ,  &  que  les  mi- 
>f  neurs  étant  relevés  louvent  ,  puificnt 
»  parvenir  à  s'enfoncer  de  6  ou  7  pies  en 
"  7  ou  8  jours  ;  après  quoi  il  tait  faire 
»  un  fourneau  à  droite  &  un  à  gauche 
»  de  cet  efpece  de  puits  ,  difpofés  de 
»  manière  que  l'effet  s'en  fafle  dans  le 
»)  foiîé.  Avant  que  d'y  mettre  le  feu  ,  on 
"  doit  jeter  dans  le  fofTe  un  amas  de  facs 
»  à  terre  ,  de  faicines ,  &c.  pour  commen- 
r>  cer  à  le  combler.  Les  fourneaux  fautant 
y)  après  cela ,  les  décombres  qu'ils  enlèvent 
>j  couvrent  ces  faicines  &  lacs  à  terre  ,  & 
j>  comblent  une  partie  du  folié  ,  en  con- 
»>  tinuant  ainfi  d'en  faire  fauter  ,  on  par- 
»j  vient  à  faire  une  delcente  aifée  dans  le 
>j   fofTé. 

»  Pour  faire  brèche  dans  un  rempart 
»  taillé  dans  le  roc  ,  le  même  M.  Goule. n 
»  propoie  de  mettre  Iur  le  bord  du  fofîe 
»  7  ou  8  pièces  de  canon  en  batterie  ,  pour 
»  battre  enbreche  depuis  le  haut  du  ro- 
>j  cher  jufqu'au  haut  du  revêtement  qui 
»  peut  être  conffruit  defTus ,  afin  que  les 
j>  débris  de  ce  revêtement  &  de  la  terre 
»  qui  efl  derrière ,  falTc  une  pente  affez 
}>  douce  pour  que  l'on  puifle  monter  à 
>5  l'afîaut.  Si  l'on  veut  rendre  la  brèche 
>}  plus  large  &  plus  praticable  ,  on  peut 
t)  faire  entrer  le  mineur  dans  les  débris 
»  faits  par  le  canon  ,  &  le  faire  travailler 
»  à  la  conflruéfion  de  plufieurs  fourneaux 
y>  qui ,  en  fautant ,  augmenteront  l'ouver- 
7j    ture  de  la  brèche. 

De  P attaque  desvilles  maritimes.  '*  Les 
»  villes  maritimes  qui  ont  un  port ,  tom- 
Ppppp 


HHi  ATT    ■■ 

.)  bcnt  aflez  diins  le  Ci^s  des  autres  villes 
jy  lorfque  l'on  peut  bloquer  leur  port ,  & 
>»  qu'on  eft  maître  de  la  mer  ,  &  en  état 
p>   d'empêcher  que  la  ^/uVf  iicn  ioit  fecou- 

V  rue.  Si  la  mer  elt  libre  ,  ou  fi  l'on  peut 
»  furtivement  &  à  la  dérobée ,  iaire  en- 
?)  trcr  quelques  vaiifeaux  dans  le  port ,  la 
>j  place  étant  continuellement  ravitaillée  , 
«  fera  en  état  de  fupporter  un  très-long 
j>  fiege.  Ofiende  affiégéc  par  les  Efpagnols  , 
fi  foutint  un  fiege  de  plus  de  trois  ans  ; 
»5    les  iecours  qu'elle  recevoit   continuelle- 

V  ment  du  cucé  de  la  mer  ,  lui  procure- 
»  rent  les  moyens  de  taire  cette  longue 
■>'    réliflance. 

71  Ainfi  l'on  ne  doit  faire  le  fiege  de  ces 
»  ibrtes  de  places  ,  que  lorlqu'on  cfl  en 
}y  état  d'empêcher  qu/:  la  mer  n'apporte 
?)   aucun  iècours  à  la  ville. 

»  Ce  n'ell  pas  aflèz  pour  y  réuffir  d'avoir 
71   une  nombreLïfe  flotte  devant  le   port  , 
?}   parce  que  pendant  la  nuit  l'ennemi  peut 
.V    trouver  le  moyen  de  taire  palier  ,  entre 
»j    les  vaifleaux  de  la  flotte  ,  de  petites  bar- 
t)   ques   pleines    de  miinitions.  Le   moyen 
S3   le  plus  etîîcace  d'empêcher  ces  fortes 
7)   de  petits  fecours  ,   feroit  de  taire  ,  fi  la 
j>   fltuarion  le  permcttoit ,    une    digue    ou 
?3   ejhcjde ,  comme  le  cardinal  de  Richelieu 
;>   en  fît  faire  une  pour  boucher  entièrement 
»   le  port  de  la  Rochelle.  Mais  outre  qu'il 
»  V  a  pai  de  fituaiions   qui  permettent  de 
}>   faire  un  p.ireil  ouvrage  ,  l'exécution  en  eit 
îj  fi  longue  &  fi  difiicile ,  qu'on   ne  peut 
j)  pas  propoler  ce  moyen  comme  pouvant 
?}  être  pratiqué  dans  \! attaque  de  toutes  les 
?i  villes  maritimes.  Ce  qu'on  peut  taire  au 
>y  lieu  de  ce  grand  &   pénible    ouvrage  , 
?j  c'elt  de  veiller  avec    foin  fur  les  vaii- 
j)  fea-.ix  ,    pour  empêcher  autant  qu'il  eil 
>i  poflibie   qu'il  n'entre  aucune  barque  ou 
?5  v.  iileau  dans  le  port  de  la  ville  ;  ce  qui 
«  étant   bien   obft-rvé ,  toutes  les  attaques 
t>  iè  font   fur  terre  comme  à  l'ordinaire  , 
j>  le   voifinage    de  la  mer  n'y  fait  aucun 
5>  changement  :  au   contraire  ,  on  peut  de 
y)  defïlis  les  vaifleaux  canoncr  diftérens  ou- 
jy  vrages  de  la  ville  ,  &  tavorifcr  l'avance- 
})  ment  &  le  progrès  des  attaquas  «. 

»  On  bombarde  quelquefois  les  villes 
»j  marinmes ,  fans  avoir  le  delfcin  d'en 
M  Élire  le  fiegc ,  qui  pourroit  fbutij-ir  trop 


ATT 

»  de  difficultés.  On  en  ufe  ainfi  pour  pu- 
»)  nir  des  villes  dont  on  a  lieu  de  fe  pla:n- 
»  dre  ;  c'til  ainfi  que    Louis  XIV  en  u!à 
7>  à  l'é.v-rd  d'Alger,  Tripoli  ,_Geiies  ,  6v, 
»  Ces  bombardemens    ie  font  avec  des 
)}  galiottes ,  conflruites  exprès  pour  placer 
»  les  mortiers ,  &  que  pour  cet  effet  on 
»>  appelle  galiottes  à  bombes.  M.  le  cheva- 
»  lier  Renau  It s  imagina   tn    léSo,   pouf 
»  bon-ibardtr  Alger.  Jufquà  lui  ,   dit  M. 
>j  de  Fontenelle  dans  Ion  éloge  ,  tl  n'e'toit 
>y  tombe' dans  l'c/prit  de  pcrfonne  ^ue  des 
»  mortiers  pujjent  ii'itre  pas  placés  a  terre  , 
»   Ù  fe  paJJ'cr  d'une  ajfiette  folide.  Cepen- 
yy  dant  M.  Renau  propofa  les  galiottes ,  & 
»)  elles   eurent  tout   le  fuccès   qu'il  s'étoit 
»  propole;   les  bombes  qu'on  tira  dedeffjs 
>5  ces  galiottes ,  firent  de  fi  grands  ravage» 
»  dans  la  ville  ,  qu'elles  obhgerent  les  Al- 
»  géricns  de  demander   la  paix.    Attaque 
>y  des  places  ,  par  M.  le  Blond. 

Att  AC^VES  des  petites  villes  ù  châteaux. 
Ces  fortes  à' attaques  îc  rencontrent  aflèz 
fouvent  dans  le  cours  de  la  guerre  ;  elles 
ne  méritent  pas  ordinairement  toutes  les 
attentions  du  fiege  royal  ;  ce  font  des  pofles 
dont  on  peut  s'emparer  ,  fou  pour  la  fûreré 
des  communications  ,  ou  pour  éloigner  les 
partis  de  l'ennemi. 

♦'  La  plupart  de  ces  petites  villes  &  cl.â- 
»  teaux  ne  lont  enfermés  que  de  fimplcs 
yy  murailL-s  non  rerradécs  ;  il  y  a  au  plus 
»  quelques  méchans  fof.es  ,  alfcz  faciles  à 
»  p-ilfer  ,  ou  bien  quelques  petits  ouvrages 
»  déterre  frailée  &  paliiïadee  vis-à-vis  les 
>3  portes  ,  pour  les  couvrir  &  les  mettre  à 
yy  fabri  d'une  première  infulte. 

»  Quelque  toibies  que  foiuit  les  murailles 
>j  de  ces  endroits ,  ce  ilroit  s'expofer  à  uns 
yy  perte  évidente  que  d'aller  en  plein  jour 
»  ie  préfenter  devant  ,  &  chercher  à  les 
»  franchir  pour  pénétrer  dans  la  ville  ou 
>j  dans  le    château. 

>j  Si  ceux  qui  iont  dedans  font  gens  de 
»  réfolution  &  de  courage  ,  ils  fentiront 
»>  bien  toute  la  difficulté  qu'il  y  a  d'ou- 
>j  vrlr  leurs  murailles  &  de  pafier  deffus  , 
»  ou  de  rompre  leurs  portes  pour  fe  pro- 
»   curer  une  entrée  dans  la  place. 

»  Il  faut  donc  pour  attaquer  ces  petirs 
yy  endroits ,  être  en  état  de  faire  brèche 
«  aux  murailles  ;  &  pour  cet  etict ,  il  taut 


ATT 

M  mener  avec  foi  quelques  petites  |'ie- 
»  ces  de  Ciinon  d'un  tranfport  t'acile  , 
»  de  même  que  deux  mortiers  de  7  ou  8 
*>  pouces  de  diamètre  ,  &  s'arranger  pour 
»  arriver  A  la  fin  du  jour  auprès  des  lieux 
»  qu'on  veut  attaquer ,  &  y  faire  pendant 
»  la  nuit  une  elpece  d'épaulemcnt  pour 
w  couvrir  les  troupes  &  taire  fervir  le  ca- 
»  non  à  couvert ,  &  les  mortiers  ;  en  faire 
j>  uihge  dès  la  pointe  du  jour  fur  l'ennemi  ; 
»  c'efl  le  moyen  de  les  réduire  promptc- 
7>  ment  &  iiins  grande  pêne. 

>j  iMais  il  l'on  n'eit  pas  à  portée  d'avoir 
»j  du  canon  ,  le  parti  qui  paroît  le  plus 
»  (ûr  &  le  plus  facile,  iuppoiant  qu'on  con- 
»  noiiïe  bien  le  lieu  qu'on  veut  attaquer  , 
»>  c'cll  de  s'en  emparer  par  efcaiade.  On 
w  peut  faire  femblant  d'attaquer  d'un 
»  côté,  pour  y  attirer  l'attention  des  trou- 
»  pes  ,  &  appliquer  des  échelles  de  l'au- 
»  tre  ,  pour  franchir  la  muraille  &  péné- 
»j  trer  dans  la  ville.  Suppofant  que  l'ei- 
»j  calade  ait  réufll  ,  ceux  qui  font  entrés 
>j  dans  la  ville  doivent  d'abord  aller  aux 
>j  portes ,  pour  les  ouvrir  &  faire  entrer  le 
»  reile  des  troupes  ;  après  quoi ,  il  f.:ut  al- 
»j  1er  charger  par  derrière  les  foldncs  de  la 
»  ville  qui  le  détendent  contre  la  faujfe 
j>  attaque  ;  fe  rendre  maitre  de  tout  ce 
»5  qui  peut  alTurer  la  prife  du  lieu  ,  & 
7->  forcer  ainfi  ceux  qui  le  défendent  .1  fc 
»>  rendre. 

5>  On  peut  dans  ces  fortes  d'attaques  fe 
j>  lervir  utilement  du  pétard  :  il  efl  encore 
»  d'un  ulagc  excellent  pour  rompre  les 
}i  portes ,  &  donner  le  moyen  de  péné- 
»  trcr  dans  les  lieux  dont  on  veut  s'em- 
jj  parer.  Il  faut ,  autant  qu'il  eft  poflible  , 
»>  ufer  de  furpriie  dans  ces  attaques ,  pour 
r>  les  taire  heureulemenr  &  avec  peu  de 
«  perte.  On  trouve  dans  les  mémoires  de 
»  M.  de  Fcvquieres  différens  exemples  de 
»  polies  fcmblables  h  ceux  dont  il  s'agit 
»  ici ,  qu'il  a  forcés  ;  on  peut  fc  fervir  de 
5>  la  méthode  qu'il  a  obicrvée  ,  pour  en 
>>  ufer  de  même  dans  les  cas  femblablcs. 
«  Nous  ne  les  rapportons  pas  ici  ,  parce 
)y  qu'il  eff  bon  que  les  jeunes  ofîiciers  li- 
j>  ient  .ces  mémoires  ,  qui  partent  d'un 
>y  homme  conlommé  dans  toutes  les  par- 
»  ties  de  la  guerre  ,  &  qui  avoit  bien  mis 
»  à  profit  les  leçons    des  excellens  géné- 


A  T  T  8^3 

»  raiix     fous    lelq'ieis*    il    avoir     f^;rvi. 

»  Il  y  a  un  moyen  iijr  de  chaflcr  l'ennc- 
»  mi  des  petits  polies  qu'il  ne  veut  pas 
»  abmdonner ,  &  où  il  eft  difficile  de  le 
>j  forcer  ;  c'eft  d'y  mettre  le  feu.  Ce  moyen 
»  eft  un  peu  violent  :  mais  la  guerre  le  per- 
»  met ,  &  on  doit  l'employer  lorfqu'on 
»>  y  trouve  la  confervation  des  troupes  que 
»  l'on  a  fous  fcs  ordres.  Quelle  que  fbit 
»»  la  nature  dts  petits  lieux  que  l'on  atta- 
»  que  ,  fi  l'on  ne  peut  pas  s'en  emparer  par 
»  furprife  ,  &  que  l'on  foit  -obligé  de  les 
»  attaquer  de  vive  force  ,  il  faut  difpofer 
»  dits  fuliliers  pour  tirer  continuellcmer.t 
»  fur  les  lieux  où  Tcnnemi  efl  placé  ,  & 
»  aux  crénaux  qu'il  peut  avoir  pratiqués 
»  dans  fes  murailles  ;  faire  rompre  les  por- 
»  tes  par  le  pétard  ,  ou  à  coups  de  hache  ; 
»  &  ,  pour  la  lùreté  de  ceux  qui  font  cette 
»  dangereufe  opération  ,  faire  le  plus  grand 
y>  feu  par-tout  où  l'ennemi  peut  lé  montrer. 
»  La  porte  étant  rompue,  s'il  y  a  des  bar- 
«  ricades  derrière ,  il  faut  les  forcer  ,  en  les 
»  attaquant  brufqliement ,  &  fans  donner 
»  le  temps  ù  l'ennemi  de  fe  reconnoître , 
»  &  le  faire  prilonnier  de  guerre  ,  lorf- 
»  qu'il  s'cfl  défendu  jufqu'à  la  dernière  ex- 
»  trémité  ,  &  qu'il  ne  lui  ell  plus  pofïïble  de 
»  prolonger  la  défenie.  Attaque  des  places  y 
»  par  M.  le  Blond. 

Attaque  de  la  demi-lune  ;  c'cfl,  dans 
Part  militaire  ,  l'aflion  par  laquelle  on  tâche 
de  s'emparer  de  cet  ouvrage. 

»  Pour  cela  ,  le  partage  du  folTé  étant  fait 
>j  de  part&d'autre  des  faces  de  la  demi-lune, 
»  &  la  brèche  ayant  une  étendue  de  i^  ou 
»  16  toifcs  vers  le  milieu  des  faces  ,  on  fb 
>j  prépare  à  monter  à  l'aflàut.  Onamaficàcet 
>j  cfîèt  un  grand  nombre  de  matériaux  dans 
»>  tous  les  logemens  des  environs  :  on  tra- 
>5  vaille  à  rendre  la  brèche  praticable  ,  en 
»)  adouciffant  l'on  talud  ;  on  y  tire  eu  ca- 
»  non  pour  faire  tomber  les  parties  du  re- 
»>  vêtement  qui  le  louticnncnt  encore.  On 
»  peut  auiîi  fe  fervir  utilement  de.  bombes 
n  tirées  de  but-en-blanc  ;  elles  s'enterrent 
»>  aifément  dans  les  terres  de  la  brèche ,  déjà 
»>  labourées  &  ébranlées  par  le  canon  ;  & 
»  en  crevant  dans  ces  terres  ,  elles  y  font , 
>j  pour  ainfi  dire  ,  l'effet  des  petits  fotir- 
»  neauxou  fougaces:  par  ce  moyen  le  fol- 
»  dat  monte  plus  facilement  à  la  brèche. 
P  p  p  p  p  2. 


S84  ATT 

»  Pour  donner  encore  plus  de  facilité  à  j 
j)  monter  A  la  brcchc  Se  la  rendre  plus  pra- 
j>  ticable  ,  on  y  hiit  aller  quelques  mineurs  , 
«  ou  un  fergent  &  quelquL-s  grenadiers , 
»  qui  avec  des  crocs  applanillent  la  bre- 
?>  clie.  Le  teu  des  logemens  &  des  batteries 
7>  empêche  l'ennemi  de  le  montrer  lur  les 
7>  défcnfes  pour  tirer  iur  les  travailleurs  ; 
fi  ou  du  moins  fi  l'ennemi  uix  ,  il  ne  peut 
3)  le  taire  qu'avec  beaucoup  de  circonlpec- 
j>  tion ,  ce  qui  rend  fon  teu  bien  moins 
?)  dangereux. 

7i  Si  l'ennemi  a  pratiqué  des  galeries  le 
7)  long  de  la  face  de  la  demi-lune  ,  &  vis-à- 
}}  vis  les  brèches ,  les  inineurs  peuvent  aller 
>y  à  leur  découverte  pour  les  boucher  ou 
r  couper,  ou  pour  en  cliaflcr  l'ennemi  ;  s'ils 
71  ne  les  trou^-cnt  point,  ils  peuvent  faire  lau- 
fj  ter  diiFérens  petits  tourneaux  ,  qui  étant 
j)  répétés  plufieurs  fois ,  ne  manqueront  pas 
îj  de  caufer  du  déiordre  dans  les  galeries  de 
75  l'ennemi  &:  dans  les  fourneaux. Tout  étant 
»  prêt  pour   travailler   au  logement  de  la 
j)  demi-lune  ,  c'e{t-à-dire  pour  s'établir  Iur 
j>  la  brèche  ,  les  matériaux  à  portée  d'y  être 
ji  tranfportés    aifément   &   promptement  , 
35  les  batteries  &  les  logemens  du  chemin 
3i  couvert  en  état  défaire  grr.nd  teu;  on  con- 
j5  vientd'un  fignal  avec  ks  commandans  des 
}i  batteries   &   ceux  des  logemens  ,    pour 
3>  les  avertir  de  taire   teu  ,   &  de   le  fai- 
j)  rc   ceflcr  quand  il  en  eft    beloin.  CtR 
3)  ordinairement  un    drapeau    qu'on   élevé 
rj  dans  le    premier   cas ,  &  qu'on  abaiffe 
3>  dans  le  fécond.   Tout  cela  rangé ,  &  la 
yy  brèche  rendue  praticable  ,  comme  noui 
»  l'avons  dit ,  on  tait  avancer  deux  ou  trois 
j)  t;ippcurs  vers  le  commencement  de  la  rup- 
3i  tuie  d'une  des  laces ,  du  coté  de  la  gorge 
55  de  la  demi-lune  ,  &  vers  le  haut  de  la 
35  brèche.   Il  fe  trouve  ordinaircinent  des 
J5  cfpeces  de  petits  couverts  ou   entonce- 
35  mens  dans  ces  endroits ,  où  les  laj-)peurs 
35  commencent  à  travailler  ,  à  fe  loger  ,   & 
35  àpréparer  un  logement  pour  quelques  au- 
»  très  lappeurs.  Lorfqu'il  y  a  de  la  place 
75  poTTf^es  recevoir  ,  on  les  y  tait  monter  , 
»s  &  ils   étendent   inrentiblemcnt   le  loge- 
as ment  fur  tout  le  haut  de  la  brcehe  ,  oCi 
35  ils  tunt  vers  la  pointe  un  logement  qu'on 
>5  appelle  afie;^  ordinairement  un  nid  de  pie. 
»  Pendant  qu'ils  travaillent ,  le  feu  de  la 


ATT 

>i  batterie  &  des  logemens  demeure  tran- 
>j  quille  ;  mais  quand  l'ennemi  vient  fur 
55  ces  lappeurs  pour  détruire  leurs  loge- 
>5  mens  ,  ils  fe  retirent  avec  prOmptiui  le  , 
»  &  alors  le  drapeau  étant  élevé  ,  on  tait 
»  feu  iur  l'ennemi  avec  la  plus  grande  viva- 
55  cité ,  pour  lui  taire  abandonner  le  haut 
»  de  la  brèche.  Lorlqu'il  en  elt  chaiié  , 
»  on  baifTe  le  drapeau  ,  le  feu  ceûe  ,  &  les 
»  lappeurs  vont  réti'blir  tout  le  déii;rdre 
»  qui  a  été  fait  dans  leur  logement ,  &  tra- 
55  vaillent  à  le-  rendre  plus  folide  &  plus 
>5  étendu.  Si  l'ennemi  vient  pour  les  chailer , 
j>  ils  ie  rerirent ,  &  l'on  tait  jotier  les  battc- 
»  ries  &:  le  teu,  des  logemens ,  qui  l'obli- 
»j  gent  à  quitter  la  brèche  ;  après  quoi  on 
>5  le  fait  ceiler  ,  &  les  lappeurs  retournent 
55  à  leur  travail. 

>5  On  continue  la  même  manœuvre  juf- 
»  qu'à  ce  que  le  logement  toit  en  état  de  dé- 
»  fenfe  ,  c'eil- à-dire  de  contenir  des  troupes 
»  en  état  d'en  impofer  à  l'ennemi  ,  &  de 
55  réfifter  aux  attaques  qu'il  peut  taire  au  lo- 
53  gcinent.  L'ennemi ,  avant  que  de  quitter 
55  totalement  la  demi-lune  ,  tait  lauter  les 
5>  tourneaux  qu'il  y  a  préparés.  Après  qu'ils 
»  ont  fait  leur  eftet,  on  fe  loge  dans  leur 
5»  excavation ,  ou  du  moins  on  y  pratique 
55  de  petits  couverts  pour  y  tenir  quelques 
•  55  fiippcurs ,  &:  l'on  le  fert  de  ces  couverts 
55  pour  avancer  les  logtmens  de  l'intérieur 
55  de  l'oLiviage. 

55  Le  ki^ement  de  la  pointe  te  tait  en 
55  efjiecc  de  petit  arc,  dont  la  concavité  elt 
55  tournée  du  côté  de  la  place.  De  chacune 
55  de  les  extrémités  part  un  logement  qui 
'5  règne  le  long  des  taces  de  la  demi-lune  fur 
55  le  terre-plain  de  ton  rempart,  au  pié  de 
55  fon  parapet.  Ce  logement  ell  très-en- 
55  toncé  dans  les  terres  du  rempart ,  afin  que 
53  les  foldats  y  foient  plus  à  couvert  du  feu 
53  de  la  plact  ;  on  y  tait  auili ,  pour  le  garan- 
55  tir  de  l'enfilade  ,  des  truverfes  ,  comme 
55  dans  le  logement  du  luiut  du  glacis.  Oii 
53  fait  encore  dans  l'intérieur  de  la  demi-lune, 
>j  des  logemens  qui  en  traverfent  toute  la 
55  largeur.  Ils  fervent  à  ilécouvrirla  commu- 
55  nicaticin  de  la  tenaille  à  la  pi  ice,  &  par  con- 
53  fequent  à  la  rendre  plus  duîic^lc,&  ù  conte- 
55  nir  des  troupes  en  nombre  liilîllant  pour 
53  réfiiler  à  l'ennemi ,  s'il  avoiidelTcin  de  re- 
53  venir  dans  la  demi-lune, 6c  de  la  reprendre. 


ATT 

»   Si  1:1  demi-lune  n'étoit  point  revxt.ic  , 

»  &  qu'elle  tût  fimplemcnt  ti-.u!c'c  &  p;ilifla- 

n  Hée  ,  un  en  feroit  ïatcaqiie  de  la  mûmc 

»  iTi.inicre  que  fi  elle  rétoit  ;  c'ell-à-dire 

}■>  qu'on  dirpoilroit  tics  batteries  comme  on 

»  vient  de  l'cnieigner  ;  &  pour  ce  qui  con- 

»  cerne  la  brèche  ,  il  ne  s'agiroit  que  de  rui- 

n  ner  la  traile  ,  les  paliflades  &  la  haie  vive 

>5  de  la  bcrme ,  s'il  y  en  a  une  vis  à-vis  l'en- 

}■>  droit  par  lequel  on  veut  entrer  dans  la 

ji  demi  -  lune  j  s'y  introduire  enluite  ,  & 

»  iaire  les  logemens  tout  comme  dans  les 

}%  demi-lunes  revêtues. 

■  »J    Tout  ce  que  l'on  vient  de  marquer  pour 

y>  la  prife  de  la  demi-lune  ,  ne  (e  tait  que 

n  loriqu'on  veut  s'en  emparer  par  la  tappe  , 

}■>  &  avec  la  pelle  (S;  la  pioche  ;  mais  on  s'y 

»  prend  quelquctois  d'une  manière  plus  vive 

>»  &  plus  prompte  5  &  pour  cela  ,  dès  que 

»  la  brèche  eil  prcparée  ,  &  qu'on  l'a  mile 

»  en  état  de  pouvoir  la  trancliir  pour  entrer 

>5  dans  la  demi-lune ,  on  y  monte  à  l'aflaut 

"  biui'qucment  ,    à-peu-près  comme  dans 

}i  les  attaques   de   vive  force    du   chemin 

n  couvert  ,  &  l'on  tache  de  joindre  l'en- 

»  ncmi  ,    &  de  le  chaflèr  entièrement  de 

«  l'ouvrage.  Cette  attaque  ell  alTez  péril- 

w  leufe ,  &  peut  coûter  bien  du  monde , 

»  lorsqu'on   a  afïàire  à  une  garnifon  cou- 

)i  rngeufe  ,  &  qui  ne  cède  pas  aifément  fon 

»  terrain.  Mais  il  y  a  iouvent  des  cas  où 

»  l'on  croit  devoir  prendre  fon  parti ,  pour 

«  accélérer  de  quelques  jours  la  priic  de  la 

>>  demi-lune. 

»   Si-tôt  que  l'on  efl  maître  du  haut  de 

«  la  brèche  ,  on  y  tait  im  logement  fort 

f>  à  la  hike  ,  avec  des  grbions  &  des  talci- 

»  nés  ;  &  pendant  qu'on  le  tait ,  &  même 

»  pendant  qu'on  charge  l'ennemi  &  qu'on 

M  l'oblige  d'abandonner  le  haut  de  la  bre- 

»  che  ,  on  détache  quelques  lo'.dais  pour 

«  tâcher  de  découvrir  les  mines  que  l'en- 

»  ncmi  doit  avoir  faites  dans  l'intérieur  du 

»  rempart  de  la  demi-lune  ,  6c  en  arracher 

«  ou  couper  le  faucilfon.  Si  l'on  ne  peut  pas 

«  réullîr  à  les  trouver  ,  il  ne  laut  s'avancer 

})  qu'avec  circonfpeâion  ,  &  ne  pas  iè  tenir 

»  tous  enfcmbie  ,  pour  que  la  mine  faffe 

«  un  effet  moins  confidérable.  Souvent  l'en- 

»  nemi    lailfe    travailler  au  logement  ians 

»  trop  s'y  oppofer  ,  parce  qu'il  ne  le  fait 

t)  qu'avec  une  très-grande  ^erte  4?  JQOÀide  ; 


ATT  SSf 

>5  les  travailleurs  &  les  troupes  étant  pendant 

»  le  temps  de  fa  conthiiélion  abfolument 

'>  en  butte  à  tout  le  teu  de  la  place ,  qui 

»  ell:  bien  fervi ,  &  que  la  proximité  rend 

>j  très-dangereux  ;  ma's  lorfque  le  logement 

»  commence   à    prendre  torme  ,   l'ennemi 

»  fait  lauter  tes  mines ,  &  revient  enfuite 

»  à  la  demi-lune  ,  pour  elîayer  de  la  repren- 

')  die  ,  à  la  faveur  du  défordre  que  les  mines' 

"  ne  peuvent  manquer  d'avoir  caufé  parmi 

>j  les  troupes  qui  y  éttnent  établies.  Alors  il 

»  tant  revenir  liir  lui  avec  des  troupes  qui' 

>y  doi\ent  être  à  ]5ortée  de  donner  du  ic- 

»5  cours  à  celles  de  la  demi-lune ,  6c  s'établir^ 

>)  dans  les  excavations  des  mines  ;  6c  enfin' 

»  rendre  le  logement  folide  »  le  garnir  d'un 

»>  aflez  grand  nombre  de  ioldats  ,  pour  être 

»>  en  état  de  réfitfcr  à  tous  les  nouveaux  ef- 

»  torts  de  l'ennemi. 

»    Cet  ouvrage  ne  peut  guère  être  ainfi 

»>  dilputé  ,  que  torique  la   demi-lune  a  un 

"  réduit ,  parce  que  le  réduit  donne  une 

»  retraite  aux  foldats  de  la  place  qui  dé- 

»  tendent  la  demi  -  lune  ,   &  qu'il   met  k 

»j  portée  de  tomber  aifément  dans  la  demi- 

'5  lune  :  car  s'il  n')-  en  a  point ,  6c  que  fen- 

'5  nemi  km  chatfé  de  la  demi-lune  ,  il  ne 

»  peut  plus  guère  tenter  d'y  revenir ,  lur- 

»  toiit  il  la  communication    de   la    place 

'5  avec  la  demi-lune  ,  ell  vue  des  batteries 

>'  è^   des  logemens    du  chemin   couvert  : 

"  car  fi  le  toffé  efl  plein  d'eau  ,  cette  com- 

»5  munication  ne  pourra  fc   faire   qu'avec 

"  des  bateaux  ,   qu'on  peut  voir  aiiément 

"  du  chemin  couvert  ,  6c  qu'on  peut  ren- 

'>  verler  avec  le  canon  ces  batteries  ;  6c  fi 

"  le  foflé  eft  iec  ,  6c  qu'il  y  ait  une  capo- 

n  nierc ,  la  communication  ,  quoique  plus 

"  iijre  ,  n'tff  pourtant  pas  fans  danger  ,   ;î 

»  caule  du  teu  qu'on  y  peut  plonger  des 

'j  logemens   du   chemin   couvert  ,  enforte 

»>  qu'il   cfl  atîèz    ditficile    que  l'ennemi  y 

"  puifie  faire  palTer  alTez  brulqucment  un 

»  corps  de  troupes    lutEiant  pour  entrer 

»j  dans  la  demi-lune  ,  6c  s'en  emparer  ;  il 

')  lui   manque   d'ailleurs  de  la  place  pour 

»  s'afTcmblcr  ,  6c  tomber  tout  d'un  coup 

jj  avec  un  gros  corps  fur  les  iogemens  de 

»  la  demi-lune. 

j>    Il  y  auroit  teulemcnt  un  cas  où  il  pour- 

"  roir  le  faire  ;  lavoir ,   loriqu'on  a  prati- 

;;  que  dans  l'angle  de  la  gorge  de  la  demi- 


§8(î  ATT 

»  lune  un  efpace  A-peu-près  de  la  graii- 
9>  deur  des  places  d'armes  du  chemin  cou- 
9>  vert  ;  cet  elpace  ne  pei;t  être  vu  du  che- 
p)  min  couvert  ni  de  fes  logemens ,  &  il 
?)  y  a  ordinairement  des  degrés  pour  mon- 
?>  ter  du  fond  du  folîé  dans  la  demi-lune  ; 
9>  l'ennemi  pourroit  en  profiter,  pour  efîâyer 
9)  d'y  venir  ;  mais  fi  l'on  fi;  tient  bien  iur 
w  fes  gardes  ,  &  qu'on  ne  fe  laiflè  point 
?>  fijrprendre  ,  il  fera  toujours  aiié  de  k 
?>  repoufler  ,  même  avec  perte  de  la  part  ; 
«  parce  qu'alors  on  a  contre  lui  l'avant  ige 
9)  de  la  fituation ,  &  qu'il  cil  obligé  d'at- 
»  taquer  à  découvert  ,  pendant  que  l'on 
»   fe  détend  favorilé  du  logement. 

»)  Le  temps  le  plus  favorable  pour  l'atta- 
>»  que  de  la  demi-lune  ,  de  vive  force  ,  eft 
»i  la  nuit  ;  le  teu  de  l'ennemi  en  eft  bien 
*'  moins  lûr  qu'il  ne  leroit  de  jour.  »>  Atta- 
que des  places  par  M.  le  Blond. 

Attaque  du  chemin  couvert  ;  c'efl  , 
dans  l'An  militaire  ,  les  moyens  qu'on  em- 
ploie pour  en  chafler  l'ennemi ,  &  pour  s'y 
établir  eniuite.  Cette  attaque  fe  fait  de  deux 
manières ,  ou  par  la  fappe  ,  ou  de  vive  force. 
On  va  donner  une  idée  de  chacune  de  ces 
attaques. 

Lorfque  la  troifieme  parallèle ,  ou  place 
d'armes  ,  elt  folidement  établie  au  pié  du 
glacis  ,  &  qu'on  veut  s'emparer  du  chemin 
couvert  par  la  fappe  ,  on  s'avance  en  zig-zag 
par  une  fappe  iijr  les  arêtes  des  angles  fail- 
Jans  du  chemin  couvert  attaqué  ;  &  comme 
il  efl  alors  lort  diificile  de  le  parer  de  l'cn- 
filadc ,  on  s'entonce  le  plus  profondément 
qu'on  peut ,  ou  bien  l'on  tait  de  fréquentes 
traverfes.  On  arrive  aufli  quelquefois  à  l'an- 
gle iniilaut  du  glacis  par  une  tranchée  di- 
rç&t  qui  fe  conftruit  ainfi. 

Ocux  fappeurs  pcuflent  devant  eux  ,  le 
long  de  Tarérc  du  glacis  ,  un  gabion  tarci 
ou  un  manrcicr.  Ils  ont  une  lappe  de  chaque 
côté  de  cette  arête.  Ils  en  font  le  toile  beau- 
coup plus  profond  qu'à  l'ordinaire  ,  pour 
s'y  couvrir  plus  fjjrement  du  feu  de  la 
place.  Cette  fappe  ,  qui  chemine  ainfi  des 
deux  côtés  en  même  temps  ,  fe  nomme 
double  fappe.  Elle  a  un  parapet  de  chaque 
côté ,  Si.  des  traverles  dans  le  milieu  ,  de 
diftance  en  diflance.  Voye^  TRANCHÉE 
DIRECTE.  Lorfqu'cUe  eil  parvenue  à  la 
moitié  ,   ou  aux  deux  tiers  du  glacis  ,  on 


ATT 

conflruit  ^ts  cavaliers  de  tranchée  pour 
coiTimander  &  enfiler  les  branches  du  chemin 
couvert.  Voye^  CAVALIER  DE  TRAN- 
CHÉE. 

Ces  cavaliers  bien  établis ,  il  efî  aifé  de 
poufler  la  tranchée  direcle  julqu'à  l'angle 
laillant  du  chemin  couvert  ,  &  d'établir  A 
!a  pointe  de  cet  angle  ,  &  fur  le  haut  du 
glacis  ,  un  petit  logement  en  arc  de  cercle  , 
dont  le  feu  peut  obliger  l'ennemi  d'aban- 
donner la  place  d'armes  qui  efl  en  cet  en- 
droit. On  étend  enfuite  ce  logement  de 
part  &  d'autre  des  branches  du  chemin 
couvert ,  en  s'entonçant  dans  la  partie  fi.pé- 
«ei;re  ou  la  crête  du  glacis  ,  à  la  diifancc 
de  trois  toiles  du  côté  intérieur  du  chemin 
couvert  ,  afin  que  cette  épaiireur  lui  lérvc 
de  parapet  à  l'épreuve  du  canon. 

L'opération  que  l'on  vient  de  décrire , 
pour  parvenir  de  la  troifieme  parallcle  à 
l'angle  iàillant  du  chemin  couvert  ,  ie  fait 
en  même  temps  fur  tous  les  angles  fàillans 
du  front  attaqué.  Ainfi  l'ennemi  fe  trouve 
obligé  de  les  abandonner  à-peii-près  dans 
le  même  temps.  Le  logement  le  continue 
enfuite  de  part  &  d'autre  de  ces  angles  , 
vers  les  places  d'armes  rentrantes  du  chemin 
couvert. 

On  oblige  l'ennemi  d'abandonner  ces 
places  d'armes  par  des  batteries  de  pier- 
riers  qu'on  conllruit  vis -;\- vis,  &  qui 
joignent  les  logemens  des  deux  branches 
Au  chemin  couvert  ^  qui  forment  les  angles 
rentrans.  Ces  batteries  étant  conflruitcs  , 
elles  font  pleuvoir  une  grêle  de  cailloux 
dans  les  places  d'armes  ,  qui  ne  permettent 
pas  à  l'ennenni  de  s'y  foutcnir.  On  avance 
toujours  ,  pendant  ce  temps-là,  le  logement 
des  branches  vers  la  place  d'armes  ;  & 
lorlque  l'ennemi  l'a  ab;indonné  ,  on  con- 
tinue lé  logement  du  glacis  tout  autour 
des  faces  de  la  place  d'armes.  On  lait  un 
autre  logement  dans  la  place  d'armes  ,  qui 
communique  avec  celui  de  fes  faces.  Il  s'é- 
tend i\-peu-prcs  circulaircment  le  long  des 
demi-gorges  des  places  d'armes. 

Ce  logement  bien  établi  ,  &  dans  fcm 
état  de  perfedion  ,  empêche  l'ennemi  de 
revenir  dans  le  chemin  couvert,  pour  cflayer 
de  le  reprendre. 

Tous  les  logemens  fe  font  avec  des  ga- 
bions &  des  falcines.  On  remplit  les  gabions 


ATT 

de  terre  ;  on  met  des  hilcincs  defTus  ,    & 
l'on  recouvre  le  tout  de  terre. 

"  Dans  tout  ce  détail  nous  n'avons  point 
f,  t.iit  ula^e  des  min(?s  ,  afin  de  limpliHer 
/,,  dut:int  qu'il  eil  polIiSle  Li  del'cription  des 
,,  tra.aux  que  l'on  tait  depuis  la  troifieme 
,,  parallèle  ,  pour  le  rendre  niairre  du  i.7zf- 
„  /7Z^/zcoai'tr^.  Nous  allons  luppléer  aéluel- 
„  lement  à  cette  omillion  ,  en  parlant  des 
,,  princlp.ilosdifficulrés  que  donneur  lesmi- 
,,  nés,  pour  parvenir  à  chafler  l'ennemi 
,,  du  chemin couicn. 

,,  Sans  les  mines  il  feroit  bien  difficile 
,,  à  l'ennemi  de  retarder  les  travaux  dont 
,,  nous  venons  de  donner  le  détail  ;  par- 
,,  ce  que  les  ricochets  ledélblent  entiére- 
,,  ment ,  &  qu'ils  labourent  toutes  fes  dé- 
,,  ienies  ,  enlorte  qu'il  n'a  aucun  lieu  où 
,,  ilpuilFes'en  mettre  à  l'abri  :  mais  il  peut 
,,  s'en  dédommager  dans  les  travaux  (ou- 
,,  terrains ,  où  les  mineurs  peuvent  aller  , 
,,  pour  ainfi  dire  ,  en  sûreté  ,  tandis  que 
,,  ceux  de  l'afllégeant ,  qui  n'ont  pas  la 
,,  même  connoillance  du  terrain  ,  ne  peu- 
,,  vent  aller  qu'à  tâtons  ,  &  que  c'cfl  une 
,,  elpecc  de  hazard  ,  s'ils  peuvent  parvenir 
,,  à  trouver  les  galeries  de  l'ennemi ,  & 
,,  les  ruiner.  Si  l'on  efl  inflruit  que  le  gla- 
,,  cis  de  la  place  loit  contreminé  ,  on  ne 
,,  doit  pas  douter  que  l'ennemi  ne  pro- 
,,  lue  de  les  conrremines  ,  pour  pouiTcr 
,,  des  rameaux  en  avant  dans  la  campa- 
,,  gnc  ;  &  alors  ,  pour  éviter  autant  que 
,,  taire  fe  peut,  le  mal  qu'il  peut  faire 
„  avec  ^cs  foLirneaux ,  on  creufe  des  puits 
,,  dans  la  tr<:îhemc  parallèle  ,  auxquels  on 
,,  donne  ,  li  le  terrain  le  permet ,  i8  ou 
„  ïo  pies  de  profondeur  ,  afin  de  gagner 
,,  ledefTous  des  galerie:;  de  raiîiégé  ;  &  ., 
,,  du  fond  de  ces  puits  ,  on  mené  des  ga- 
,,  leries  ,  que  l'on  dirige  vers  le  chemin 
,,  cowfrr  pour  chercher  celles  de  l'ennemi. 
,,  On  londe  les  terres  avec  une  longue  ai- 
,,  guille  de  1er  ,  pour  tâcher  de  trouver 
,,  ces  galeries.  Si  1  on  fe  trouve  deffiis ,  on 
,,  y  fera  une  ouverture  ,  par  laquelle  on 
„  jettera  quelques  bombes  dedans  qui  en 
»,  feront  déierter  l'ennemi ,  &  qui  ruine- 
t,  ront  Ik  galerie.  Si  au  contraire  on  fe 
),  trouve  defUius  ,  on  la  fera  lauter  avec 
yy  un  petit  fourneau  :  mais  fi  l'on  ne  peut 
ty  parvenir  à  découvrir  aucune  galerie  de 


ATT 


887 


,,  l'ennemi ,  en  ce  cas ,  il  faut  prendre  le 

,,  parti  de  faire  de  petits  rameaux  à  droite 

,,  &  à  gauche  ,  au    bout  defquils    on  fera 

,,  de  petits  fourneaux    qui  ébranleront  les 

,,  terres  des  environs ,  &  qui  ne    pourront 

,,  guère  manquer  de  ruiner  les  galeries   & 

,,  les  fourneaux  de  l'aillégé. 

,,  Quelque  attention  que  l'on  puifie  avoir 
,,  en  pareil  cas  ,  on  ne  peut  prélumer 
„  d'empêcher  totalement  l'ennemi  de  fè 
,,  fervir  des  fourneaux  qu'il  a  placés  ious 
,,  le  glacis  :  mais  à  racfure  qu'il  les  fait 
,,  fauter  ,  on  tait  pafler  des  travailleurs  , 
,,  qui  font  promptement  un  logement  dans 
,,  l'entonnoir  de  la  mine  ,  &  qui  s'y  éta- 
,,  biiflent  folidement.  On  peut  dans  de 
,,  certaines  lituations  de  terrain,  gâteries 
,,  mines  des  ailiégés  ,  en  tailant  couler 
, ,  quelque  rulffeau  dans  Çqs  galeries  ;  11  ne 
,,  s'agit  pour  cela  que  de  creufer  des  puits 
„  dans  les  environs  ,  &  y  faire  couler  le 
„  ruiiîêau.  On  fe  fervit  de  cet  expédient 
„  au  fiege  de  Turin  ,  en  1706  ,  &  on 
,,  rendit  inutiles  par  -  là  un  grand  nombre 
),  de  mines  des    afllégés. 

,,  L'ennemi  doit  avoir  dlfpofé  des  four- 
,,  neaux  pour  empêcher  le  logement  du 
,,  haut  du  glacis  ;  ils  doivent  être  placés 
,,  à  quatre  ou  cinq  toiles  de  la  palilîade 
,,  du  chemin  coui'en ,  afin  ,  qu'en  (autant 
,,  ils  ne  caul'enr  po-nt  de  dommage  à  cette 
,,  paliflade  ,  &  qu'ils  fe  trouvent  à-peu- 
,,  près  Ious  le  logement  que  l'afliégeant 
,,  fiit  furie  haut  du  glacis.  Lorfqu'il  y  a 
,,  mis  le  ieu  ,  on  s'établit  dans  leurenton- 
,,  noir  ;  l'afliégeant  fait  aulli  lauter  des 
,,  fourneaux  de  ion  cufé  ,  pour  enlever  & 
,,  détruire  la  paliflade.  Enfin,  on  ne  négli- 
,,  ge  rien  de  part  &  d'autre  pour  fe  dé- 
,,  truire  réciproquement.  L'allugé  fait  en- 
,,  forte  de  n'abandonner  aucune  partie  de 
,,  fon  terrain  ,  fans  l'avoir  bien  diiputc  ; 
,,  &  l'afliégeant  emploie  de  Ion  côté  toute 
,,  fjn  Induitrie  ,  pour  obliger  l'ennemi  ù 
„  le  lui  céder  au  meilleur  compte  ,  c'efl- 
,,  à-dire  avec  peu  de  perte  ,  de  temps  ,  & 
,,  de  monde. 

,,  On  ne  peut  donner  que  des  piincipes 
,,  généraux  iur  ces  iorres  de  chicanes.  EI- 
,,  les  dépendent  du  terrain  plus  ou  moins 
,3  favorable;  &    enfuite  de  la  capacité  & 


88S  ATT 

»   de  l'Intelligence  de  ceux  qui  attaquent , 
>i   &    de  ceux  qui  défendent  la  place. 

»  Nous  avons  luppofé ,  avant  que  de 
»  parler  des  raines  ,  en  traitant  du  loge- 
?)  ment  fur  le  haut  du  glacis  ,  que  le  feu 
>■>  des  cavaliers  de  tranchée  ,  celui  des  bat- 
?>  tories  de  canon  &:  de  bombes  à  ricochet, 
»  avoit  obligé  l'ennemi  de  quiiterle  cne- 
f>  min  coure/ 1  :  mais  ii  ,  malgré  tous  ces 
»  feux ,  il  s'oblline  à  demeurer  danvies  pla- 
t>  ces  d'armes  ,  &  derrière  les  traverlës  , 
i)  voici  comment  on  pourra  parvenir  à  l'en 
>5  chafTer  totalement ,  &  à  taire  lur  le  haut 
»>  du  glacis  le  logement  dont  nous  avons 
7}    déjà  parlé. 

»  Soit  que  l'ennemi  ait  fait  fauter  un 
fy  fourneau  vers  l'angle  faillant  de  (on  che~ 
;,,  min  couvert  ,  ou  que  l'affiégeant  ait  fait 
>j  fauter  vers  ces  endroits  une  partie  des 
»  paliflades  ;  fi-tôt  que  le  fourneau  aura 
»  joué  ,  on  fera  pafler  des  travailleurs 
73  dans  fon  entonnoir  ,  qui  s'y  couvriront 
,,  promptement  ,  &  qui  enfuite  étendront 
,,  le  logement  dans  le  chemincourenAi  part 
„  &  d'autre  des  côtés  de  fon  angle  (aillant. 

,,  On  communiquera  la  tranchée  double  , 
„  ou  la  double  lappe  de  l'arête  du  glacis, 
,,  avec  ce  logement  ,  pour  être  plus  en  état 
„  de  le  foutenir  ,  s'il  en  eft  befoln  ,  &  pour 
,,  pouvoir  communiquer  plus  sûrement  avec 
,,  lui.  Une  des  grandes  attentions  qu'il 
„  faut  avoir  dans  ce  logement ,  c'eft  d'en 
„  bien  couvrir  les  extrémités,  c'eft-à-dire 
„  de  s'y  bien  traverfer  pour  fe  couvrir  des 
,,  feux  des  autres  parties  du  chemin  cou- 
„  l'en,  où  l'ennemi  fe  tient  encore. 

,,  Lorfquece  logement  fera  parvenu  au- 
„  près  des  premières  traverfes  du  chemin- 
3,  couvert ,  fi  l'ennemi  eft  encore  derrière, 
,,  comme  il  ne  peut  y  être  qu'en  très- 
„  petit  nombre,  eu  égard  à  l'efinice  qu'il 
,,  y  a  ,  on  l'en  fera  chaiîer  par  une  com- 
„  pagnLe  de  grenadiers  ,  qui  tomberont 
,,  brufquemcnt  fur  lui  ;  après  quoi  on 
,,  fera  chercher  dans  la  partie  qu'ils  au- 
,,  ront  abandonnée  ,  l'ouverture  ou  le  lau- 
,,  ciflbn  de  la  mine  ,  &  ii  on  la  trouve , 
3,  comme  il  y  a  apparence,  on  l'arrache- 
ra, &  on  rendra  par-là  fa  mine  inutile. 
,,  On  pourra  auffi  laire  palier  quelques 
, ,  travailleurs  dans  le  pallage  de  la  travcr- 
,,  lé  :  ils  y    feront  un  logement   qui    fera 


ATT 

,,  l'un  des  plus  sûrs  de  ceux  que  l'on  peut 
,,  faire  dans  cette  proximité  de  l'ennemi. 
,,  On  percera  enluite  une  entrée  dans  le 
,y  chemin  couvert ,  vis-à-vis  ces  traverlës  ; 
,,  on  la  prolongera  jufque  vers  le  bord  du 
,,  folfé  ,  en  fe  couvrant  de  la  traverle; 
,,  après  quoi  l'on  fera  partir  une  fappe  de 
,,  chacune  des  extrémités  de  ce  paifage  , 
,,  c'e/î- A-dire  environ  du  bord  de  la  con- 
,,  tr'elcarpe ,  lefquelles  fulvront  à-peu-près 
,,  l'arrondillêraent  de  cette  contr'efcarpc, 
,,  vers  le  milieu  de  laquelle  elles  fe  ren- 
,,  contreront.  On  enfoncera  beaucoup  ce 
,,  logement  ,  afin  qu'il  ne  caufe  point 
,,  d'oblîacle  à  celui  du  haut  du  glacis  :  & 
„  l'on  fera  enforte  de  lailfer  devant  lui 
,,  jufqu'au  bord  du  fofTé  ,  une  épaifTeur 
,,  de  terre  fulfifante  pour  réiiikr  au  ca- 
,,  non  des  flancs  &  de  la  courtine.  On 
,,  blinde  ce  logement  pour  y  être  à  cou- 
,,  vert  des  grenades.  Il  efl  d'une  grande 
,,  utilité  pour  donner  des  déi^ouvertes  dans 
„  le  folle. 

,,  On  continuera,  pendant  le  temiis  qu'on 
,,  travailleraà  ce  logement  dans  l'mtérieur 
„  du  chemin  couvert ,  le  logement  du  haut 
,,  du  glacis,  jufqu'aux  places  d'armes  rcn- 
,,  trantcs  ,  d'où  l'on  pourra  chafler  l'enne- 
„  mi  de  vive  force ,  par  une  attaque  de 
,,  quelques  compagnies  de  grenadiers,  fup- 
,,  pofé  qu'il  fe  Ibit  obiliné  à  y  demeurer 
,,  malgré  le  teu  des  ricochets,  des  bom- 
,,  bes ,  &  des  pierriers.  L'ennemi  les  a)  anr 
,,  totalement  abandonnées ,  on  y  tera  un 
,,  logement  en  portion  de  cercle  dans  l'in- 
,,  térieur  ,  ainh  qu'on  l'a  déjà  dit  précé- 
,,  demment. 

De  l'attaque  de  vive  force  du  chemin  cou- 
vert.  "  Il  y  a  une  autre  manière  de  chafler 
,,  l'ennemi  du  chemin  couvert  plus  promp- 
,,  te,  mais  aulli  beaucoup  plus  meurtrière  , 
,,  plus  incertaine  ,  &  infiniment  moins  ia- 
,,  vapte.  Elle  confifle  à  taire  une  attaque 
,,  fubite  de  tout  le  chemin  couvert  du 
,,  front  de  l'attaque  ,  à  en  chafler  l'ennemi 
,,  à  force  ouverte  ,  &  à  s'y  établir  immé- 
,,  diatement  après  par  un  bon   logement. 

,,  Il  le  trouve  descirconflances  quiobli- 
,;  gent  de  prendre  quelquefois  le  p;u-ti 
,,  d'attaquer  ainfi  le  chemin  couvert  :  com~ 
,,  me  lorfque  l'on  ne  peut  pas  établir  des 
,j  batteries  à  ricochet  pour  battre  (es  bran- 
ches 


ATT 

»  chcs  de  mcme  que  les  faces  des  pièces 
>j  de  tortification  du  tror.t  de  Vattaque  , 
»  ou  qu'on  prelume  que  l'ennemi  n'ci! 
7>  pas  en  état  de  rélUler  à  une  attaque  d. 
»  la  forte  ;  ou  enfin  qu'on  croit  ne  devoir 
j>  rien  négliger  pour  ;;  emparer  quelque- 
j>  jours  plutôt  du  chemin  c^-uyert  ;  en  cc 
»  cas  on  prend  le  parti  de  Kiire  cette  ai- 
>j  tjqiie.  Voici  en  peu  de  i  ■'.ots  comment 
>j   on  s'y  conduit. 

»>  Lo'rfqu'on  a  pris  le  parti  d'attaquer  le 
jj  chemin  couvert  de  vi\  e  tui  ce  ,  en  fait  en- 
»j  forte  que  la  troifieme  pariilielc  avance 
»  ou  empiète  fur  le  glacis  :  plus  elle  lera 
M  avancée  &  plus  Yattaque  fe  tera  avania- 
>j  geufement.  On  hilt  des  banquettes  tout 
»  le  long  de  cette  parallèle  en  torme  de 
»  degrés  jiilqu'au  haut  dé  ion  parapet  , 
»  afin  que  le  foldat  puilfe  paiîer  ailéiuent 
»  pardeiiùs  ,  pour  aller  à  V  attaque  duc  he- 
»    min  comeit. 

T>  On  tait  un  amas  confidérahle  de  ma- 
>3  tériaux  \\\\  ic  revers  de  cette  ligne  ,  & 
w  dans  la  ligne  même  ,  comme  d'outils, 
>j  de  gabions  ,  de  hilcincs  .  de  iacs  à  ter- 
„  re  ,  Ùc.  afin  que  rien  ne  manque  pour 
»  fiiire  promptement  le  logement  ,  après 
avoir  chaiié  l'ennemi  du  chemin  cou- 
vert. On  commande  un  plus  grand  nom- 
bre de  compagnies  de  grenadiers  qu'à 
l'ordinaire  ,  on  les  place  le  long  de  la 
>5  troifieme  parallèle  ,  fur  quatre  ou  fix 
>y  de  hauteur;  &  les  travailleurs  'ont  der- 
»  riere  eux  ,  ilir  les  revers  de  cette  paral- 
»  lele  ,  munis  de  leurs  outils ,  de  gabions , 
»  fafcines ,  Ùc.  On  a  foin  que  tous  les 
>3  autres  poites  de  la  tranchée  foient  plus 
jj  garnis  de  troupes  qu'à  l'ordinaire  ,  afin 
«  de  fournir  du  fecours  à  la  tête,  s'il  en 
j)  ell:  befoin  ,  &  qu'ils  faficnt  feu  fur  les 
>j  défenfes  de  l'ennemi ,  qu'ils  peuvent 
»  découvrir  :  les  grenadiers  font  auflî  ar- 
f>  mes  de  haches  pour  rompre  les  paliifa- 
}j   des  du  chemin  couvert. 

»  On  donne  ordre  aux  batteries  de  ca- 
»  nons  ,  de  mortitrs  ,  &  de  pierricrs ,  de 
»  fe  tenir  en  état  de  féconder  Wittaque  de 
«  tout  leur  feu  ;  on  convient  d'un  fignal 
>>  pour  que  toutes  les  troupes  qui  doivent 
»>  commencer  V attaque,  s'ébranlent  en  mê- 
„  me  temps  ,  tombent  &  toutes  enfemble 
«   fur  l'ennemi. 

Tome  ni. 


ATT  SSï, 

»  Ce  fignal  confifie  en  une  certaine  quan- 
tité de  coups  de  canon  ,  ou  un  certain 
nombre  de  bombes  ,  qLi'on  doit  tirer 
de  liiitc  ;  &  l'on  doi*  ie  mettre  en  mou- 
vement au  dernier  coup  ,  à  la  der- 
nière bcmibe. 

"  Le  ii;;iu!l  ét.'.nt  donné  ,  toute*  les  troi:- 
pes  de  la  troifieme  parallèle  s'ebranient 
en  même  temps  ,  &  pafîent  brut- 
quement  pardeiiùs  fon  parapet  ;  elles 
vont  à  grands  pas  au  cliemin  couvert  , 
&  entrent  dedans  ,  loit  pf.r  fes  bar- 
rières ,  foit  par  les  ouvertures  que  les 
grenadiers  yfont,  en  rompant  les  paliiia- 
des  à  coups  de  hache.  Loriqu'tlles  y  ont 
pénétré  ,  elles  chargent  l'ennemi  avec 
beaucoup  de  vivacité;  dès  qu'elles  font 
parvenues  à  lui  en  taire  abandonner  quel- 
ques-uns des  angles  ,  les  ingénieurs  y 
conduilent  promptement  les  travailleurs  , 
&  y  tracent  un  logement  fur  la  partie 
fupéricure  du  glacis  ,  vis  -  à  -  vis  de  la 
partie  du  chemin  couvert  abandonné  , 
&  à  trois  toifès  de  fon  côté  intérieur. 
Ce  logement  ,  comme  on  a  déjà  dit ,  fê 
tait  avec  des  gabions  que  les  travailleurs 
polent  fur  le  glacis  ,  à  côté  les  uns  des 
autres.  Les  joints  en  font  couverts  pr  r 
des  facs  à  terre  ,  ou  par  des  fagots  de 
fappe.  On  remplit  auifi  ces  gabions  de 
terre ,  on  les  couvre  de  fafcines ,  &  l'on 
jette  fur  le  tout  la  terre  que  l'on  tire  du 
glacis  ,  en  creulànt  &  en  élargiflant  le 
logement  ;  on  s'en  fait  un  parapet  pour 
fe  mettre  à  couvert  du  feu  direâ  de  la 
place  ,  le  plus  promptement  qu'il  eft 
polfible  ,  &  l'on  fe  garantit  de  l'enfi- 
lade par  des  travcries. 
jy  Pendant  cette  opération  ,  toutes  les 
batteries  de  la  tranchée  ne  cefïènt  de  ti- 
rer aux  défenfes  de  la  place  ,  pour  y 
tenir  l'ennemi  en  inquiétude  ,  &  dimi- 
nuer autant  que  l'on  peut  l'activité  de 
fon  feu  fur  les  travailleurs  &  fur  le  lo- 
gement. 

»>  Lorlque  les  troupes ,  qui  ont  fait  l'at- 
taque ,  l'ont  parvenues  à  chaHer  l'enne- 
mi de  fon  chemin  couvert  ,  ou  de  quel- 
qu'une de  iés  places  d'armes  (car  fou- 
vent  on  ne  peut  dans  une  première  at- 
taque y  établir  qu'un  ou  deux  logemens 
aux  angles  laiilans  )  ,  elles  fe  retirent 
Q  q  q  q  q 


890  ATT 

»  derrière  le  logement ,  oCi  elles  reflerit  | 
»  le  genou  en  terre  ,  jufqu'à  ce  qu'il  foit 
»  en  état  de  les  couvrir.  Quelquerois  Ten- 
»  neini  que  Ton  -croyolt  avoir  chalTé  du 
>j  chemin  com-'en  ,  revient  à  la  charge  ,  & 
»)  il  oblige  de  recommencer  Vauaqiie  &  le 
f>  logement ,  qu'il  culbute,  en  tombant  ino- 
>j  pinément  defTus.  Cette  attaque  peut^  fe 
«  recommencer  plufieurs  fois  ,  &  être 
>5  fort  difputée  ,  lorfque  l'on  a  affaire  à 
»  une  forte  garnifon  ;  en  ce  cas  il  faut 
«  payer  de  bravoure ,  fe  roidir  contre 
7>  les  difficultés  de  l'ennem*. 

»  Lorfqu'il  efl  prêt  d'abandonner  la  par- 
»5  tie  ,  il  laut  mettre  le  feu  à  fes  mines  ; 
f}  on  s'établit  auffi-tôt  qu'elles  ont  joué  , 
3)  dans  les  entonnoirs,  comme  nous  l'a- 
f)  vons  déjà  dit ,  en  paHant  de  cette  ana- 
T>  que  par  la  fappe  :  enfin  on  s'oppofe  à 
»  toutes  fes  chicanes  ,  autant  que  l'on  peut; 
>j  &  fil'on  cft  repouflfé  dans  une  premie- 
«  re  attaque  ,  on  s'arrange  pour  la  rccom- 
»  mencer  le  lendemain  ou  le  llir  -  lende- 
■>•>  main ,  &  l'on  tâche  de  prendre  encore 
i->  plus  de  précautions  que  la  première  fois 
)■)   pour  réullîr  dans  l'entreprilc. 

■>■)  Avant  de  commencer  cette  attaque,  on 
»  canonne  pendant  plufieurs  heures  avec 
«  vivacité  le  chemin  couvert ,  pour  tâcher 
j>  d'en  rompre  les  paliflades  &  labourer 
})  la  partie  fupérieure  de  Ion  glacis  ,  afin 
»>  d'avoir  plus  de  facilité  à  y  pénétrer  & 
!•)  à  faire  le  logement.  On  laifle  après  cela 
„  le  temps  néceiTaire  aux  pièces  pour 
w  qu'elles  refroidiflent ,  c'eft-à-dire  envi- 
»  ron  une  heure  ,  &  l'on  commence  Wzt- 
«  taque  comme  nous  l'avons  dit ,  pendant 
»j   laquelle  l'artillerie  agit   continuellement. 

)}  Il  faut  convenir  que  cette  forte  d'at- 
7)  taque  cft  extrêmement  meurtrière.  Les 
»)  aliiégeans  font  obligés  d'aller  pendant 
»>  prefque  toute  la  largeur  du  glacis  à  dé- 
»  couvert ,  .expolés  h  tout  le  feu  de  la  pla- 
»  .ce.  Ils  font  obligés  d'attaquer  des  gens 
.•)  crc'iés  derrière  des  paliflades  ,  qu'il  huit 
»  rompre  à  coups  de  hache  pour  parve- 
»  nir  jufqu'.i  eux.  Il  faut  combattre  long- 
«  Temps  avec  un  délavantage  évident  ;  & 
»i>  lord'qu'à  force  de  valeur  on  a  chalTé  l'en- 
.M  nemi ,  on  fe  trouve  expofé  à  tout  le 
yy  feu  des  remparts  ,  qui  eil  fcrvi  alors 
»   avec  la  plus  grande  vivacité.  On  ell  aul- 


ATT 

»  fi  expofé  aux  mines  que  l'ennemi  fait 
»  l'auter  pour  déranger  le  logement ,  met- 
»  tre  du  défordre  &  de  la  confufion  par- 
>j  mi  les  troupes  ;  ce  qui  leur  donne  la 
»  iacilité  de  revenir  fur  elles  ,  &  de  les 
»  harceler  encore  de  nouveau.  Il  s'en  faut 
»  beaucoup  que  la  première  méthode  dont 
»>  nous  avons  parlé  ,  foit  auffi  incertaine 
»  &  auffi  meurtrière  que  celle-ci.  Suivant 
»  M.  le  Maréchal  de  Vauban  ,  on  doit 
>5  toujours  la  préférer  lorfqu'on  en  eflmaî- 
M  tre ,  &  ne  fe  fervir  de  cette  dernière , 
»  que  lorfqu'on  y  eu  obligé  par  qucl- 
)5   ques  raifons  eflèntiellcs. 

'5  Le  temps  le  plus  favorable  peur  c;:te 
»  attaque  eu  la  nuit  ;  on  efi  moins  vu 
7)  de  la  place  ,  &  par  confequcnt  fon 
»j  feu  eft  moins  dangereux  :  cependant 
n  il  y  a  des  généraux  qui  la  font  faire  de 
»  jour.  Il  n'y  a  rien  de  réglé  là-defTus; 
V  ils  (ont  les  maîtres  de  prendre  le  parti 
»j  qu'ils  croient  le  meilleur ,  fuivant  les 
>j  circonilances  du  temps  &  des  lieux.  „ 
Attaque  des  places  ,  par  M.  le  Blond.  {Q) 

Attaque  ,  en  Efcrime  ,  eu  un  ou  plu- 
fieurs mouvemens  que  l'on  fait  pour  ébran- 
ler l'ennemi ,  afin  de  le  frapper  pendant  fon 
défordre. 

ATTAQUER  u/j  chei^al,  {Manège)  c'cfl 
le  piquer  vigoureufement  avec  les  éperons. 

in 

ATTEHU ,  f.  m.  (Hift.  nat.  Botaniq.) 

genre  de  plante  de   la  famille    des    piita- 

chiers  ,   dont   on  connoît  aux  îles  Molu- 

ques  deux  efpeces  que  nous  allons  décrire. 

Première  efpece.  AttehU. 

Vattehu  ,  ainfi  nommé  par  les  habitans 
de  Boeron  &  de  Leytimore  ,  a  été  très- 
bien  gravé,  quoique  ians  détails  ,  par 
Rumplie  dans  Çon  Heibanum  Amboinicum, 
l'ol.I,  pag.  i  i,0  ,  pi.  LUI,  n".  z,  fous  le 
nom  de  papaya  littoria  Boeronenjis. 

C'cfl  un  arbre  de  io  pies  de  hauteur  , 
.\  tronc  flmple  ,  droit  &  élevé  ,  d'un  pie 
ou  environ  de  diamètre  ,  fans  branches  , 
couronné  feulement  A  fon  extrémité  ,  com- 
me le  papayer ,  ou  plutôt  comme  le_  fu- 
mac  ,  l'azcdrac  ou  le  monbin  ,  d'un  faifccau 
de  quinze  à  vingt  feuilles  ,  au  deiious  def- 
quellcs  on  voit  lùr  une  longueur  de  deux 


ATT 

pi^s  ,  ou  environ ,  les  cicatrices  ron(ies  & 
contiguës  des  feuilles  précédemment  tom- 
bées. Lorlqu'il  cÛ  jeune,  fon  bois  cfl  fi  ten- 
dre ,  fi  cafTant ,  que  le  vent  l'abat  fouvent , 
&  qu'on  ne  peut  y  monter  ;  il  y  a  au  cen- 
tre une  grande  cavité  qui  fe  remplit  peu  à 
peu  ,  de  forte  que  quand  il  eil  vieux  ,  on 
n'y  voit  qu'un  pouce  de  moelle  tongueulc 
entourée  d'un  bois  dur. 

Ses  feuilles  font  alternes  ,  difpofécs  cir- 
culairement ,  &  fort  ferrées  autour  du  (om- 
met  du  tronc  ,  ailées  fur  un  double  rang  , 
ou  compofées  de  huit  à  neuf  paires  de  fo- 
lioles alternes ,  elliptiques ,  pointues  aux  deux 
bouts  ,  longues  de  quatre  à  cinq  pouces , 
deux  à  trois  fois  moins  larges  ,  dentelées 
à  dents  aiguës ,  fermes ,  feches ,  lifies  deflus , 
molles  dell'ous  ,  relevées  d'une  nervure  lon- 
gitudinale qui  les  coupe  inégnlement  en  deux , 
&  qui  porte  huit  à  dix  côtes  comme  oppofees 
de  chaque  côté.  Le  pédicule  commun  qui 
compolè  chaque  feuille  ,  ne  porte  les  fo- 
lioles que  fur  ia  moitié  fupérieure  ,  l'autre 
moitié  eft  nue  ;  il  cÛ  charnu ,  herbacé  ,  verd , 
long  d'un  pié  ou  un  pié  &  demi  ,  cylindri- 
que, épais  de  deux  à  trois  lignes  ,  &  comme 
articulé  à  fon  origine  ,  qui ,  après  fa  chute  , 
relte  fur  l'arbre  comme  une  callofité  aflcz 
élevée. 

Du  centre  du  faifccau  des  feuilles  ,  s'élève 
au  fommet  de  l'arbre  un  faifceau  de  vingt 
à  trente  panicules  ou  grappt's  de  Heurs  , 
élevées  ,  droites  ,  longues  de  fix  à  neuf 
pouces  ,  ramifiées  chacune  en  dix  à  douze 
branches  alternes  ,  difpcfees  circulairement. 
Chaque  grappe  porte  environ  cent  ou  deux 
cents  fleurs  ,  d'abord  iemblables  à  des  bou- 
tons fphériques  d'une  ligne  environ  de  dia- 
mètre ,  portés  fur  un  pédicule  à-peu-près 
de  même  longueur  ,  &  couchés  horizon- 
talement ,  qui  s'ouvrent  en  un  calice  hé- 
mil'phérique  d'une  feule  pièce  à  quatre  dents , 
&  qui  contient  une  corolle  à  huit  pétales 
oblongs  ,  jaunes  &  concaves ,  avec  un 
ovaire  peu  apparent  ,  couronné  de  cinq 
flvles  écartés ,  qui  devient  par  la  fuite  une 
baie  ovoïde  blanchâtre,  i'echc  comme  une 
ccorce  ,  qui  conferve  fcs  cinq  flyles  pendans 
&  correfpondans  à  autant  de  loges  qui  con- 
tiennent chacune  un  pépin  ovoïde  ,  pendant 
du  haut  du  fruit  en  bas. 

Qualitc's.    Toute  la  plante  a  une  faveur 


ATT  891 

douce  afîez  fade.  En  quelque  endroit  qu'on 
la  coupe  ,  elle  rend  un  ("uc  laiteux  comme 
le  papayer  ou  le  fumac. 

Ufdges.  A  Leytimore  &  Totarfon  où  cet 
arbre  croît  aflez  abondamment ,  on  fait  de 
fon  bois,  pour  les  portes  des  maifons  &  pour 
les  petits  navires  ,  des  planches  qui  font  aflêz 
de  durée. 

Deuxième  efpece.  R1MA.-TEHU. 

La  féconde  efpece  d'attehu  fe  nomme 
77V;7j-/tf/zz/ par  les  habitans  de  Soyar.  Ceux 
de  Baguala  ou  Bagucwal  l'appellent  oeri~ 
marej/'u  ou  culit  goegor ,  parce  que  fon 
écorce  &  les  feuilles  tombent  fi  facilement , 
que  louvent  fon  tronc  en  eft  entièrement 
nu  &  découvert;  ceux  des  îles  Uliafl'es  ay  non 
allô  ;  ceux  de  Leytimore  ay  niwer  &  ayn'ier , 
c'efl-A-dire  ,  arbre  femblablc  au  palmier 
calappa  ,  c'eft-à-dire  ,  au  cocotier  ;  les  Ma- 
lays  lui  donnent  le  nom  de  papaya  utan 
que  Rumphe  a  rendu  par  celui  de  papayx 
fyli'eflris  ,  ious  lequel  il  a  donné  une  figure 
fort  réduite  &  incomplète  de  cette  p!an;e 
;\  la  pag.  149  ,  pi.  LUI,  fig.  i  ,  de  fon 
Hcrbarium  Amboinicum  ,  pol.  I. 

Le  rima-tehu ,  a  ;\-peu-près  le  port  de 
Vatrehu  ,  mais  il  s'élève  julqu'à  la  hauteur 
de  trente  à  quarante  pies  ;  fon  tronc  n'a 
guère  que  fix  ;\  neuf  pouces  de  diainetre  ; 
les  cicatrices  des  feuilles  tombées  y  (ont- 
moins  élevées  ,  plus  triangulaires  &  plus 
lâches ,  parce  que  les  feuilles  y  lont  moins 
ferrées  ,  &  il  efl  pour  l'ordinaire  un  peu 
courbé  par  le  poids  des  feuilles.  Elles  font 
ailées  comme  à  ceux  de  la  première  efpece  , 
compofées  de  quinze  à  vingt  paires  de  fo- 
holes  longues  de  fix  à  neuf  pouces  ,  &  une 
fois  moins  larges,  c'eft- à-dire,  moins  étroi- 
tes à  proportion  de  leur  longueur  que  celles 
de  ïattehu  ;  le  pédicule  commun  qui  les 
porte  ,  prefque  d'un  bout  ;\  l'autre  ,  a  cinq^ 
ou  fix  pies  de  longueur  ,  &  eft  comme  ar- 
ticulé ou  renflé  à  l'infertion  de  chaque  paire 
de   folioles. 

Les  grappes  de  fleurs  couronnent,  comme 
ccl'cs  de  Vattehu  ,  le  tronc  ;  mais  elles 
ont  jufqu'à  deux  pies  de  longueur.  Les 
fleurs  font  fuivies  de  petites  baies  ovoïdes 
de  la  grandeur  &  forme  d'un  grain  de  riz 
ou  d'épine-vinette  ,  berberis ,  applati  en 
deflfus,  couronné  de  cinq  filets  ,  à  chair 
Qqqqq   2 


.991  ATT 

l):iir.che  ,  ftche  ,    partar,--e  en  clifq  loges ,  ' 
contenant  cinq  pépins. 
'  Cet  arbre  croît  particulièrement  fur  les 
itiont.igncs   de  Le}  timoré.    Il  a  les  mêmes 
qualités  &  les  muiies  ufages  que  ïattehu. 

Remarques.  Rumphe  n'artribue  dans  fa 
figure  aL*  rima-tchu  que  quatre  pttales  , 
tandis  qu'il  en  accorde  huit  à  Vattehu, 
tant  dans  la  delcription  que  dans  lafigure 
qu'il  donne  de  cette  plante  :  ce  qui  nous 
paroît  être  une  erreur  ,  d'autant  plus  qu'une 
pareille  irrégularité  ne  le  voit  dans  aucune 
autre  plante  de  la  famille  des  piilacliiers , 
où  l'on  ne  peut  refufer  une  place  à  ce  genre 
qui,  en  fuppofant  fa  corolle^ à  quatre  pé- 
tales ,  fe  rapprccheroit  afléz  de  razeclérac. 
{M.  Adajvson.  ) 

ATTEINDRE  ,  terme  de  marine  pour 
dire  joindre  un  vaijfeau.  Atteindre  un  raif- 
feau  en  chajjant  fur  lui.  {Z) 

ATTEINT  ,  A^].  terme  de  Palais  en 
matière  criminelle  ,  le  dit  d'une  perionne 
qui  a  été  trouvée  coupable  de  quelque  crime 
ou  délit.  On  ne  le  dit  guère  iansy  ajouter 
le  terme  de  convaincu  y  qui  y  ajcTute  plus 
fîe  force  ;  car  un  acculé  atteint ,  ell  feu- 
raeat  celui  contre  lequel  il  y  a  de  torts 
indices  :  mais  il  n'eft  convaincu  que  quand 
ion  crime  efl  parfaitement  conflaté  :  aufli 
une  fentcnce  ou  arrêt  de  morj-  porte  tou- 
jours que  l'accuie  a  été  atteint  &  convaincu. 

Voye\  Conviction.  (//) 

*  ATTEINTE,  en  médecine  ^  fe  prend 
pour  une  attaque  légère  de  maladie.  On 
dit  :  il  fentit  dès  là  jeuneiTe  les  premières 


atteintes 


delà 


a  coutte. 


Atteinte  ,  f.  f.  {Manège.)  c'efldans 
les  coui-fès  de  bague  le  coup  dans  lequel  la 
lance  touclie  la  bague  fans  l'emporter.  On 
<îit  :  il  a  eu  tro:s  dedans  &:  deux  atteintes  ; 
ou  dans  une  courfe  ,  il  a  touché  deux  loi:^ 
la  bague,  &  il  l'a  emportée  trois. 

Atteinte,  {Manège.)  mal  qui  arrive 
«u  derrière  du  pié  d'un  cheval  ,  quand  il 
s*y  bleffe,  ou  qu'il  y  efl  bleffé  par  le  pié  d'un 
autre  cheval.  Atteinte  encornée  ,  cfi:  cclfj 
qui  prnctre  jufque  defious  la  corne.  At- 
teinte foitrde  ,  cil  celle  qui  ne  forme  qu'une 
contufion  (ans  bleflurt-  apparente. 

Un  cheval  fè  donne  une  atteinte  ,  lorf- 
qu'avec  la  pince  du  fer  de  derrière  ,  il  fe 
donne  un  coup  f.r  le  talon  du  pié  de  de- 


A  T  T 

vant  ;  mais  plus  communément  les  attein- 
tes proviennent  de  ce  qu'un   cheval  qui  en 
luit   un  autre  ,  lui  donne  wn  coup  ,  foit  au 
pié    de  devant ,    foit  au  pié  de  derrière  , 
en  marchant   trop  près  de  lui.    ^atteinte 
ou  le  coup  qui  lera  donné  iur  le  talon  au- 
près du  c]uarticr,  de  l'une  oil  de  l'autre  de 
ces  deux    façons  ,    fera  meunrifîure  ;    ce 
qui  s'appelle  une  atteinte  fourde;   ou  bien 
une  plaie ,   ou    un  trou   en    emportant    la 
pièce  ;    &  fi  ce  trou  pénètre  julqu'au  car- 
tilage du   pié,    &  que   ce  cartilage  fe  cor- 
rompe ,    alors  le  mal  eft  confidérable  ,   & 
s'appelle  une  atteinte  encornée  ,  qui  devient 
aufli  dangereuic  qu'un  javard  encorné.  Une 
atteinte  encornée  peut  provenir  auiii  de  ce 
qu'un  cheval  fe  fera  blefie  iur  la  couronne 
avec  le  crampon  de  Tautre  pié  :   elle  de- 
vient de  même  encornée  ,  lorlqu'on  la  né- 
glige dans  les  commencemens  ,  quoiqu'elle 
ne  ioit  p;Ls  confidérable  d'abord  ,    &  que 
le  cheval  n'en  boite  guère  :  car  fi  l'on  con- 
tinue à  le  travailler  ,  fans  longer  à  ion  at- 
teinte ,   la  piu'tie  fatiguée  fera  plus  flijctte 
à  fe  corrompre ,  &  à  venir  en  matière. 

Les  chevaux  ,  dans  les  temps  de  gelée  , 
quand  on  leur  met  des  crampons  fort  longs , 
&  des  clous  à  glace ,  ic  donnent  des  attein- 
tes plus  dangercufes. 

On  connoît  Vatteinte  par  la  plaie  :  on 
voit  dans  l'endroit  où  le  cheval  a  été  at- 
trapé ,  foit  au  dcflous  de  la  couronne  ,  ou. 
même  dans  le  paturon  ,  le  iang  qui  fort  y 
&  un  trou  ,  ou  bien  la  pièce  emportée. 
,  A  l'égard  de  ïaueinte  fourde  ,  je  veux  dire ,. 
celle  où  il  ne  paroit  rien  ,  on  la  recon- 
noît  en  ce  que  le  cheval  boire  ,  &  qu'oa 
fent  la  partie  frappée  plus  chaude  que  k 
relie  du  pié. 

Quand  la  partie  qui  efl  au  défias  de  X at- 
teinte enfle  ,  que  la  corne  ie  rellerre  ,  & 
que  le  pié  s'étrécit  au  dellous ,  il  eil  bien 
à  craindre  que  le  cartilage  du  pié  ne  le 
corrompe  ,  &  que  Vatteinte  ne  devienne 
encornée. 

Un  cheval  aura  fouvent  eu  une  atteinte 
qui  aura  pénétré  julqu'au  cartilage  :  on; 
pcnirra  le  guérir  en  apparence  ;  le  trou  fe. 
bouche  ,  &  la  plaie ,  s-'il  y  en  a  ,  ie  con- 
i'olidera  hicilemect  ;  le  cheval  ne  boitera 
plus  ;  &  on  le  croira  guéri  :  n-.ais  comme: 
le  cartilage  eÛ  touche ,    &  qu'il  ell  iniba- 


ATT 

fible  ,  quoiqu'il  ne  fafle  plus  boircr  ,  la 
inaricre  s'afîcmble  dans  cette  partie  ,  &  en 
fait  peu  à  peu  une  torte  attttnw  encornée  , 
qui  ci\  quelquefois  fix  mois  à  paroître  , 
lur-tout  lorfque  la  matière  qui  corrompt 
ce  cartilage  n'a  point  de  malignité  par  elle- 
même. 

Quand  on  néglige  une  atteinte  f:mple , 
elle  peut  devenir  encornée  ,  &  par  cojifé- 
quent  très-dangereul'e. 

Dès  le  moment  qu'on  s'appcrçoit  de  Vat- 
tcinte  ,  c'eO-.'i-dire  auiiî-tur  qiTelle  a  été 
donnée  ,  on  met  du  poivre  delilis  ,  ce  qui 
la  guérir  pour  l'ordinaire  :  mais  fi  l'on  ne 
la  traite  pas  dans  le  moment  qu'elle  vient 
d'être  donnée  ,  après  avoir  coupé  la  chair 
détacliée  ,  on  commencera  par  laver  la 
plaie  avec  du  vin  chaud  &  du  lel  ;  on  pi- 
lera enfuite  un  jaune  d'œuf  dur  ,  (S:  on 
l'appliquera  deflùs  en  forme  d'onguent  ; 
s'il  y  a  un  trou  ,  on  emploiera  la  rérébcn- 
thme  &  le  poivre  ,  ou  bien  de  la  poudre 
à  canon  délayée  avec  de  la  falive  ;  on  en 
remplit  le  trou  de  Vatteinte  ,  &:  on  y  met 
le  feu  :  fi  le  trou  eil  fin-  la  couronne  ,  &  pro- 
fond ,  il  faut  paiîer  deîlus  le  fer  ardent  ; 
&;  pour  empêcher  que  l'air  n'y  entre ,  on 
fera  tondre  l'emplâtre  divin  avec  l'huile 
rofat  ;  &  après  l'avoir  mis  fur  du  cotun  , 
on  l'appliquera  fur  la  plaie. 

Si  Vatteinte  efl  confidérable ,  on  com- 
mencera par  faigner  le  cheval. 

Lorfque  Vatteinte  devient  encornée  ,  c'efl 
qu'cl'c  a  été  négligée  ,  ou  que  la  bleflure 
fe  trouvant  auprès  du  cartilage  ,  la  chair 
meurtrie  le  convertit  en  une  matière  qui 
corrompt  le  cartilage  ;  ou  bien  Vatteinte 
jnéme  parvient  jufqu'au  cartilage  ,  &  le 
noircit  :  cette  circoafîance  cfl  très-dange- 
reufe. 

Il  faut  fuivre ,  pour  guérir  une  atteinte 
encornée  ,  la  même  méthode  que  pour  le 
javard  encorné  ;  car  elle  efl  iujette  au  même 
accident  ,  &  la  cure  en  eft  précifément  la 
même. 

Au  rcfle  ,  il  f^iut  empêcher  que  Vatteinte 
ne  ie  mouille  ,  &:  que  le  cheval  ne  la  lè- 
che ;  car  il  ne  fauroit  guérir  tant  qu'il  fe 
léchera.    (  V) 

ATTELAGE  ,  fe  dit  d'un  nombre  de 
xhevaux  deitinés  à  tirer  ui^  voiture. 


^     A   T  T  893 

ATTELfc'R  ,  c'eH  joindre  des  chevaux 
H  i;ne  viurnre  pour  la  tirer. 

ATTELIER  ,  boutique  ,  n:agafin  ,  chan- 
tier. L'attelicr  &  la  /'outiqne  ,  ibnt  l'un 
&  l'autre  des  lieuv  où  l'on  travaille  cnfcm- 
ble  &  féparément  :  mais  Vattelier  le  dit 
des  peintres ,  ôx^  (culpteurs ,  des  fondeurs  , 
&  de  quelques  autres  ;  le  chantier ,  des 
charpentiers  ,  marchands  de  bois  ,  conf- 
trudeurs  de  vaiilcaux  ;  &  la  boutique  y  de 
piefque  tous  les  autres  arts  méchaniqucs. 
Le  cliantier  cft  ordinairement  plus  rrand 
que  Vattelier  ,  &;  Vattelier  plus  grand  que 
la  boutique  :  Vattelier  &  la  boutique  iont 
couverts  ;  ie  cliantier  ne  l'eit  pas  toi-jours  , 
ni  prefque  jamais  en  entier  :  Vattelier  èc  le 
chantier  lonr  des  batimens  féparés  ;  la  bou- 
tique &  le  riapajin  font  des  Heux  particu- 
liers d'un  bàtinicnt  ;  le  premier  a  com.mu- 
nément  une  ouverture  liir  la  rue.  Les  ou- 
vrages Vc  fonrdans  Vattelier  &  dans  la  bou- 
tique ,  le  renferment  dans  le  rnaga/in  ,  & 
reilentati  contraire  fur  lecAj/ji.'Vr  juiqu'à  ce 
qu'ils  foient  employés  ou  vendus. 

Vattelier  des  terrafiiers  eft  l'endroit  d'un 
jardin  où  ces  ouvriers  dénofent  leurs  ou- 
tils ,  &  fe  difpoient  au  travail  :  la  berge 
lur  laquelle  en  forme  les  branches  6c  les 
coupons  d'un  train  ,  s'appelle  Vattelier  clés 
faijéitrs  de  trains.  Voyc^  TraiN.  Le  ci- 
rier  a  proprement  quatre  attelle rs  ^  la  fon- 
derie ,  Vattelier  des  mèches  ,  celui  de  V ap- 
prêt, ^cc\u\  de  Vachêrement.  T^oy.  Cl  RE, 
Danslamanufaflure  des  glaces,  il  y  a  deuît 
(oi-tesàCatteliers;  ceux  de  l'adouci,  Scceuv 
du  poli  :  on  dégrollît  les  glaces  dans  les 
premiers  ;  on  les  achevé  dans  ks  autres. 
Voyei  Glace. 

Les  atteliers  de  vers  à  foie  font  une  ef- 
pece  d'édifice  léger  ,  confirait  de  perches  , 
&  léparé  en  cabanes  par  des  branches  ou 
rameaux  de  divers  bois  ,  &  dont  le  plan- 
cher efl  fait  de  claies  d'ofiers  Vqc%  &  pe- 
lés :  (^G.9i.  là  qu'on  nourrit  &  qu'on  enfre- 
tient  les  vers  à  foie  ;  c'efl  li\  qu'ils  font  kuis 
œufs  &   leurs  cocoiis. 

Attelier  ,  f  m.  {Hifl.  mod.  )  fe  dit 
encore  d'un  lieu  où  l'on  enfenne  les  pau- 
vres ,  les  vagabonds  &  les  fainéans,  pour  les 
y  faire  travailler,  moyennant  la  nourriture  & 

:  rhabillemciu ,  £v. 

l      Tels  font  à  Londres  Brid-wclî ,  &  plu. 


894  ATT 

fleurs  autres  lieux  dans  les  faubourgs,  fur- 
tout  dans  la  rvQ  de  Bishopfgate  ,  où  l'on 
retire  les  piuivrcs  enfans  de  la  ville  qui 
n'ont  aucun  étabUflement  ;  &  celui  qui  elt 
dans  la  paroiiTe  de  lainte  Marguerite  à 
Wefiminikr,  appelle  the-Grey-Coat-hof- 
pital.  Voye\  HÔPITAL. 

Il  y  aà  Amfierdam  u n  fameux  a«f//>r  ou 
maifon  de  corre(5lion ,  appellée  Rafphuyfe  , 
qui  ,  par  un  privilège  obtenu  en  lyoz  ,  a 
feule  le  droit  de  fcier  &  de  couper  les  bois 
qui  fervent  pour  la  teinture,  comnie  Icbrefil, 
le  fantal  ,  le  campeche  ,  le  faflàlras ,  &c. 

Chaque  perfonne  eft  obligée  de  donner 
350  livres  de  bois  râpé  par  jour  ,  &  ceux 
qui  font  moins  robuftes ,  une  certaine  quan- 
tité de  coupeaux.  {G) 
ATTELIER  du  Sculpteur,  [Afiron.) 
nom  d'une  conllellation  méridionale  intro- 
duite par  M.  l'abbé  de  la  Caille  ,  dans  fon 
nouveau  PLanifphere  des  étoiles  aujhdles  ; 
il  l'appelle  apparatus  fculptoris.  Elle  ell  fituée 
fur  le  colure  des  follHces  ,  au  defTus  de  la 
grue  &  du  phénix.  La  plus  belle  étoile  de 
cette  conftellation  eft  de  la  cinquième  gran- 
deur ;  fon  afcenfion  droite  au  commence- 
ment de  17^0,  éroitdc  n'',  38',  58"  ,  & 
fa  déclinaifon  30<l ,  43'  ,  3"  auilrale.  Voyez 
C.vlum  Auftrale  ftelliferum  ij6j.  {M. 
DE   LA    LANDE.  ) 

ATTELLE ,  f.  f.  Il  y  a  chez  les  Po- 
tiers -  de-terre  deux  inflrumens  de  ce  nom  : 
l'un  eft  un  petit  morceau  de  bois  qu'ils 
mettent  entre  leurs  doigts  ,  &  qu'ils  ap- 
pliquent aux  bords  de  l'ouvrage  pour  l'en- 
lever de  deflîislarouc  ;  l'autre  ell  de  fer  , 
a  la  forme  d'une  plaque  mince  ,  &  de  trois 
eu  quatre  pouces  en  quarré,  eft  perce  d'un 
trou  dans  le  milieu  pour  pouvoir  être  tenu 
ferme  ,  eft  tranchant  par  une  de  fcs^  faces  , 
&  fert  au  potier  à  diminuer  d'épaiflcur  fon 
ouvrage. 

Attelles  ou  Attelloires  ,  terme 
de  Bourrelier  ;  ce  font  deux  efpeces  de  plan- 
ches chantournées ,  beaucoup  plus  larges 
par  en-haut  que  par  en-bas  ,  que  les  bour- 
reliers attachent  au  devant  des  colliers  qui 
doivent  fervir  aux  chevaux  de  charrettes 
&  de  charrues.  Les  attelles  font  ordinai- 
rement faites  de  bois  de  chêne  ,  &  on  les 
peint  quelquefois. 

Les  bourreliers  font  dans  l'ufage  d'atta- 


ATT 

clier  au  devant  de  leurs  boutiques  ,  ou 
d'y  faire  peindre  des  attelles  y  pour  fervir 
de  montre  &  d'enfeigne. 

Attelles  ,  terme  de  Plombier;  ce 
font  des  bois  creux  ,  qui ,  étant  réunis  & 
joints  l'un  contre  l'autre  ,  forment  une  poi- 
gnée dont  ces  ouvriers  fe  lervent  pour  te- 
nir leur  fer  à  fouder  :  on  appelle  auITi  ces 
poignées  de  moufflettes.  V.  MoUFFLET- 
TEs  &  Fer  a  souder. 

Attelles  font  auffi  au  nombre  des  ou- 
tils du  fontainier.  voye\  ce  que  c'eflau  mot 
Fontainier.  [K) 

'^ATTENDORN  ,  (  Geo^r.)  ville  d'Al- 
lemagne ,  dans  le  duché  de  Weftphahe , 
aux  confins  du  comté  de  la  Marck  ,  pro- 
che d'Arensbcrg  ,  vers  le  midi. 

ATTENDRE  un  cheval,  [Manège.  ) 
c'eft  ne  s'en  point  fervir  ,  ou  le  ménager 
jufqu'à  ce  que  l'âge  ou  la  force  lui  ibif 
venue.  (  ?^). 

ATTENE  ,  (  Géogr.  )  contrée  de  l'A- 
rabie Heurcule  que  Pline  met  à  cinquante 
mille  pas  du  rivage  ,  vers  le  golfe  de  Gerra. 
C'eft  aujourd'hui  le  pays  d'Oman.   {C.  A.) 

ATTENI  ou  ATTENY,  [Géogr.  )  ville 
des  Indes  au  royaume  de  Decan ,  dans  la 
prcfqu'  île  en-deçà  du  Gange.  Elle  eff  dans  une 
belle  fituation ,  au  milieu  d'une  forêt  de 
palmiers,  non  loin  de  la  mer,  à  vingt-deux 
lieues  ,  &;  au  nord  de  Vilapour.  (  C.  A.  ) 

ATTENTAT  ,  f  m.  en  terme  de  Pa- 
lais f  fe  dit  de  toute  procédure  qui  donne  at- 
teinte aux  droits  ou  privilèges  d'une  juril- 
didion  fupérieure  ,  à  l'autorité  du  prince  , 
ou  A  celle  des  loix. 

ATTENTATOIRE  ,  eft  un  adjeaif 
forme  du  terme  précédent ,  &  qui  a  le 
même  uiiige  &  la  mêmefignification.  [H) 

''ATTENTE,  [Architecture.)  Voyei^ 
Pierre  d'attente  &  Table  d'at- 
tente. 

♦ATTENTION ,  exactitude,  rigilance, 
[  Gramm.  )  tous  marquent  différentes  ma- 
nières dont  l'ame  s'occupe  d'un  objet  :  rien 
n'échappe  à  Y  attention  ,•  Vexaclitude  n'omet 
rien  ;  la  vigilance  fait  la  sûreté.  Si  l'ame 
s'occupe  d'un  objet  ,  pour  le  connoître 
elle  donne  de  ^attention  ;  pour  l'exécuter 
elle  apporte  de  Yexaclitude  ;  pour  le  con- 
fervcr  elle  emploie  la  vigilance.  Vattention 
fuppofc  la  préfcnce  d'eiprit ,  VcxaSitude, 


ATT 

la  mémoire  ;  k  vigilance  ,  la  crainte  &  la 

méfiance. 

Le  magifirat  doit  ctre  accent!/ y  l'ambaf- 
fiideur  exac!  ,  le  capitaine  viç^iLinc.  Les  dil- 
cours  dca  autres  demandent  de  Witcention  ; 
le  maniment  des  aflaires  de  VexacIicuJc  ; 
l'approche  du  danger  de  la  l'igilancc.  Il  faut 
écouter  avec  dcteniion  ;  iatiihiire  à  fa  pro- 
mefie  avec  exaâiciide  ,  &  veiller  à  ce  qui 
nous  efî  confié. 

ATTENTION  ,^  f.  f.  (  belles  lectres.  ) 
C'eft  une  aûion  de  refprit  qui  fixe  la  pen- 
féc  lur  un  ohict  &  l'y  attache  ,  nu  contraire 
de  la  diiîlpation  qui  la  dérobe  à  el!e-même  , 
de  la  rêverie  qui  la  laifle  errer  au  liazard  fur 
mille  objets  dont  aucun  ne  l'arrête ,  &  de 
la  diftraclion  qui  l'emporte  loin  de  l'objet 
qui  doit  Tùcciiper. 

h'artention  donne  à  refprit  une  fécondité 
furprenantc ,  &.  bien  for.vcnt  ine!];érée  ;  c'eft 
peut-être  le  plus  grand  iecret  de  l'art ,  le 
plus  grand  moyen  du  génie.  Ce  que  tout 
le  monde  apperçoit  d'un  coup-d'œil  dans 
la  nature  ,  n'a  nen  de  piquant  dans  l'iiTii- 
tiition,  le  charme  de  celle-ci  confifle  à  nous 
frapper  de  mille  traits  intéreflans  qui  nous 
avoient  échappé  ;  c'efl  Vattencicn  qui  les 
faifit ,  &  qui ,  changée  en  habitude  ,  diftin- 
gue  le  coup-d'œil  pénétrant  de  l'artiik  ,  du 
re^jard  diftrait ,  vague  &  contus  de  la  mul- 
titude. 

Il  n'efl:  pas  bien  décidé  que  le  poëtc  , 
dont  les  peintures  vous  ravifilnt  par  la  nou- 
veauté des  détails  &  leur  vérité  finguliere  , 
io.t  né  avec  plus  de  talent  que  vous  pour  imi- 
ter la  nature  ;  vous  l'auriez  peinte  comme 
lui ,  fi  vous  l'aviez  étudiée  avec  la  même 
aue/icicn  que  lui  ;  mais  tandis  que  vos  ycu>: 
fc  promènent  fans  réflexion  ,  comme  fans 
dcflèin  ,  fur  ce  qui  fe  palle  autour  de  vous , 
les  liens  ne  ceHent  d'épier  la  nature  ,  fie 
d'oblcrver  ce  qui  lui  échappe  de  fingulier 
&  de  piquant.  • 

Lorfque  l'accenaon  fe  porte  fur  ce  qui 
fc  paflê  au  dedans  de  nous  -  mêmes  ,  elle 
s'appelle  réflexion  ;  &  lorfque  la  réflexion 
efl-  protonde  &  long-temps  fixe ,  elle  s'.ip- 
peile  méditation  ,•  c'efl  la  iource  des  grandis 
peniées.  C'efl  en  creulant  que  le  génie  s'en- 
richit des  tréfors  cachés  dans  les  entrailles 
de  la  nature  ,  fembl.iblc  au  chêne  que  nous 
peint  Virgile  ,  qui,   p'u.  il  étend  iës  raci- 


A  T  T  Spy 

nés  ,  plus  il  élevé  les  r.imfaux.  (  M.  Mar~ 

M  ON  TEL.  ) 

Attention  ,  f.  f.  (Logiq.  )  c'eft  une 
opération  de  notre  amc  ,  qui ,  s'attachant  à 
une  partie  d'un  objet  compofé  ,  la  confidcre 
de  manière  à  en  acquérir  une  idée  plus 
diflinâe  que  des  autres  parties.  Ainfi  ,  dans 
un  fpeâaclc  ,  nous  donnons  une  attencion 
toute  particulière  aux  fcencs  vives  &  intc'- 
reflantes.  La  connoilîlmce  que  fait  naître 
en  nous  l'attention  efl  fi  vive  ,  qu'elle  ab- 
forbe,  pour  ainfi  dire,  foutes  les  autres, 
oc  qu'elle  lemblc  fcu'e  occuper  l'amc  & 
la  remplir  toute  cnûcYC. 

Il  eir  certain  eue  plus  nous  apporterons 
de  contention  d'efprit  à  l'examen  d'une 
ciiofe  qui  cfl  hors  de  nous  ,  plus  nous  pour- 
rons acquérir  un  grand  nombre  des  idées 
particulières  qui  font  contenues  dans  l'i- 
ciée  complexe  de  ce  que  nous  cxaininons. 
La  même  chofe  a  lieu  par  rapport  à  ce 
dont  nous  avons  une  perception  immé- 
diate ,  ibit  qu'il  s'agifîè  de  ce  qui  lé  paiîè 
dans  notre  ame  ,  Ibit  que  nous  compa- 
rions des  idées  déjà  acquifes.  A  l'égard 
de  ccs^  dernières  ,  il  cfl  clair  que  fi  nous 
confidérons  pendant  long  -  temps  &  avec 
.ittention  deux  idées  corr.pofées  ,  nous  dé- 
couvrirons un  plus  grand  nombre  de  rela- 
tions entre  les  idées  particulières  qui  les 
con-.poient.  UaticntioncÛ  ,  pour  ainli  dire, 
une  efpece  de  microfcope  qui  groflit  les 
objets  ,  &:  qui  nous  y  f.;it  apperccvnir 
mille  propriétés  qui  échappent  à  une  vue 
diilraite. 

Pour  atigmcnrer  Vattentlon  .  il  faut  avant 
tout  écarter  ce  qui  pourroit  la  troubler  ; 
enfuire  il  faut  chercher  des  lecom-s  pour 
l'aider.  , 

1°.  Les  fenfations  font  un  obflacîc  .1  Y  at- 
tention que  nous  voulons  donner  aux  ob- 
jets qui  occupent  notre  imagination  ;  & 
le  mLJlieur  moyen  de  conierver  cette  at- 
leniion^ ,  c'elr  d'écarccr  tous  les  objets  qui 
pourroient  agir  fur  nos  fens  ,  &  de  ban- 
nir de  notre  imagination  tout  ce  qui  la 
rembie  trop  vivement.  Les  fenfations  obf^ 
curciflent,  ellàcent  ,  &  font  écliofcr  les 
acles  de  l'imagination  ,  comme  le  prouve 
l'expérience.  Vous  avez  vu  hier  un  tableau 
dont  vous  vous  rapp.llez  ?.duc!iement  l'i- 
dée \    mais   au  même   moment   un  autre 


£c,6 


y^  ATT 

rabieau  frappe  votre  vue  ,  &  chafTe  par 
Ion  impreilion  l'image  qui  vous  occupoit 
inttriturement.  Un  prédicateur  luit  de  mé- 
moire le  fil  de  Ion  difcours  ;  un  objet  lin- 
gulier  s'ofFre  à  les  regards  ,  fon  attention 
s'y  livre  ,  il  s'égare  ,  &  cherche  inutile- 
iT.cnt  la  fuite  de  les  idées.  Il  eli:  donc  ci- 
Tcncie!  de  préierver  (es-  fens  des  imprel- 
lîons  extérieiires  ,  lorsqu'on  veut  loiitcnir 
l'on  attention.  De-Ià  ces  orateurs  qui  i-éci- 
lentlcs  yeux  fermés  ou  dirigés  vers  quel- 
que point  fise  &c  immobile.  Del;\  les  loins 
d'un  homme  de  lettres  ,  pour  placer  fon 
cabinet  d.^ns  quelque  endroit  retiré  &  tran- 
«^juille.  Delà  le  iuccès  des  études  de  la 
nuit ,  puifqu'il  règne  alors  un  grand  caime 
par-tout. 

Le  tumulte  de  l'imagination  n'ert  pas 
moins  nuiiiblc  à  ïattention  y  que  celui  des 
fens.  A  rifiue  d'un  Ipeèbcle  ,  il  vous  cil  dif- 
ficile de  reprendre  vos  études  ;  vous  êtes 
daas  le  même  cas  le  lendemain  d'une  grande 
partie  de  divertillement ,  dont  les  idées  fe 
renouvellent  avec  vivacité  ;  &  en  giénéral  , 
toutes  les  fois  que  nous  loinmes  fortement 
occupés  de  plufieurs  objets  brillans ,  fonores , 
ou  propres  à  faire  quelque  autre  imprcliion 
lur  nos  lens. 

Les  modifications  de  l'âme  ont  trois  cau- 
fes ,  les  fens  ,  l'imagination  &  les  pallions. 
Tous  ceux  qui  veulent  s'appliquer  foigneu- 
fement  à  la  recherche  de  la  vérité,  doivent 
avoir  un  grand  loin  d'éviter,  autant  que 
cela  fe  peut,  toutes  les  fênfitions  trop  for- 
tes ,  comme  le  grand  bruit ,  la  lumière  trop 
vive ,  le  plailir  ,  la  douleur  ,  &c.  Ils  doi- 
vent veiller  fans  celle  à  la  pureté  de  leur 
imagination ,  &  empêcher  qu'il  ne  le  trace 
dans  leur  cerveau  de  ces  veltiges  profonds 
«jui  inquiettent  &  qui  dilFipent  continuelle- 
j'iient  l'elprit.  Enfin  ,  ils  doivent  lijr-tout 
arrêter  les  mouvemens  des  pallions  ,  qui 
font  dans  le  corps  &  dans  l'ame  des  imprel- 
iîonsiipuiifantes,  qu'il  cR  d'ordinaire  comme 
jmpullible  que  l'eli^rit  penlc  à  d'auu-es  cho- 
ies qu'aux  objets  qui  les.  excitent.  Néan- 
moins ,  on  peut  faire  ulage  des  pallions 
&  des  lêns  pour  coiiRrver  Wittention  de 
Tclprit. 

Les  paillons  dont  il  efi:  utile  de  fe  fervir  , 
dit  le  P.  Mallebranche  ,  pour  s'exciter  à  la 
rccher«.he  de  la  vérité  ,  Ibnt  celles  qui  dou- 


A  T  T 

nent  la  force  &  le  courage  de  furmonter 
la  peine  que  l'on  trouve  à  le  rendre  atten- 
tif. Il  y  en  a  de  bonnes  &  de  mauvaifes; 
de  bonnes  ,  comme  le  defir  de  trouver  la 
vérité  ,  d'acquérir  allez  de  lumiert  pour  fe 
conduire  ,  de  fe  rendre  utile  au  procî:ain  , 
&  de  quelques  autres  femblables  ;  de  mau- 
vailes  ou  de  dangereulés  ,  comme  le  defir 
d'acquérir  de  la  réputation  ,  de  le  faire  quel- 
que éfabiidcment  ,  de  s'élever  au  delfus  de 
les  lèmblabies  ,  ck.  quelques  autres  encore 
plus  déréglées. 

Dans  le  malheureux  état  où  nous  fom- 
me.-;  ,  il  arrive  louvent  que  les  pallions  les 
moins  railonnables  nous  portent  plus  vive- 
ment à  la  recherche  de  la  vérité ,  &  nous 
coniolcnt  plus  agréablement  dans  les  peines 
que  nous  y  trouvons  ,  que  les  pallions  les 
plus  jiilîes  &:  les  plus  railonnables.  La  v;l- 
nité  ,  par  exemple  ,  nous  agite  beaucoup 
plus  que  l'amour  de  la  vérité.  La  vue  coii- 
lulè  de  quelque  gloire  qui  nous  environne 
iorlque  nous  deoitons  nos  opinions  ,  nous 
loutient  le  courage  dans  les  études  même 
les  plus  /térilcs  &  les  plus  ennuycuies.  Mais 
il  par  hazard  nous  nous  trouvons  éloignés 
du  petit  troupeau  qui  nous  applaiidifloit , 
notre  ardeur  le  reiroidit  aulfi-tôt  :  les  études 
même  les  plus  folides  n'ont  plus  d'attrait 
pour  nous  ;  le  dégoût ,  l'ennui ,  le  chagrin 
nous  prennent.  La  vanité  triomphoit  de  notre 
parefle  naturelle ,  mais  la  parefle  triomphe 
à  Ion  tour  de  l'amour  de  la  vérité  ;  car  Ja 
vanité  refiite  quelquefois  à  la  parelfe  ,  mais 
la  parelîe  ell  prelque  toujours  \  iftorieufe  de 
l'amour  de  la  vérité. 

Cependant  la  p'ilion  pour  la  gloire ,  quand 
elle  ei\  réglée  ,  peut  Icrvir  beaucoup  à  for- 
tifier Wittention.  Cette  paillon  ,  fi  elle  fe 
trouve  jointe  avec  un  amour  llncere  de  la 
vérité  &  de  la  vertu  ,  elt  digne  de  louanges  , 
&  ne  manque  jamais  de  produire  d'utiles 
eH^ts.  Rien  ne  fortifie  plus  l'efprit ,  &  n'en- 
courage davantage  les  talens  à  le  dévelop- 
per ,  que  l'elpérance  de  vivre  dans  le  lou- 
venir  des  hommes  ;  mais  il  eft  difficile  que 
cette  paillon  le  contienne  dans  les  bornes 
que  lui  prelcrit  la  railon  ;  &  quand  une 
fois  «lie  vient  ;\  les  paffer ,  au  lieu  d'aider 
l'efprit  dans  la  recherche  de  la  vérité  ,  elle 
l'aveugle  étrangement ,  &  lui  hiit  même 
croira  que  les  chofcs  Ibnt  comme  il  louhaite 

qu'elles 


ATT 

qu'elles  foient.  Il  cft  certain  qu'il  n'y  atiroit 
pas  eu  tanr  de  huilTes  invenrions  &c  tant  de 
découvertes  imaginaires  ,  il  les  hommes  ne 
fe  laiflbient  point  étourdir  par  des  defirs  ar- 
dens  de  paroître  inventeurs. 

La  pallion  ne  doit  fcrvir  qu'i  réveiller  Vac- 
tention  :  mais  elle  produit  toujours  Tes  propres 
idées  ,  &  elle  poulie  vivement  la  volonté  à 
juger  des  choies  par  les  idées  qui  la  touchent , 
plutôt  que  par  les  idées  pures  &  ablh'aitcs  de 
la  vérité  ,  qui  ne  la  touchent  pas. 

La  féconde  iource  d'où  l'on  peut  tirer 
quelque  fecours  pour  rendre  l'elprit  atten- 
tif ,  font  les  fens.  Les  fenlations  font  les 
modifications  propres  de  l'aine  ;  les  idées 
pures  de  l'ePprit  font  quelque  chofe  de 
différent  :  les  lenfations  réveillent  donc 
notre  attention  d'une  manière  beaucoup  plus 
vive  que  les  idées  pures.  Dans  toutes  les 
queftions  où  l'imagination  &  les  fens  n'ont 
rien  à  fxifir ,  l'efprit  s'évapore  dans  les  pro- 
pres penfées.  Tant  d'idées  abrtraites  ,  dont 
j1  faut  réunir  &  combiner  les  rapports  ,  ac- 
cablent la  raifon  ;  leur  iubtilité  l'éblouit  ; 
leur  étendue    la  dilîlpe  ,  leur  mélange  la 


confond.  L'ame  épuiiee  par  les  réflexions  , 
retombe  kir  elle-mcme ,  &  lailTe  (es  penlées 
flotter  &  le  luivre  lans  règle  ,  ians  force  6c 
fans  direclion  :  un    homme   protondément 
concentré  en   lui-même  n'efl   pas  toujours 
le  plus  attentif.  Comme  nos  fens  font,  une 
fource  féconde  où  nous  puilons  nos  idées  , 
il  eft   évident  que   les  objets  qui   iont    les 
plus  propres  k  exercer  nos  lens  ,  font  auiFi 
les  plus  propres  à  foutenir  notre  attention  ,• 
c'ell  pour  cela  que  les  géomètres  expriment 
par  des  lignes  lenfiblcs  les  proportions  qui 
font  entre  les  grandeurs  qu'ils  veulent  con- 
lîdérer.  En  traçant  ces  lignes  fur  le  papier  , 
ils  tracent ,  pour  ainfi  dire  ,  dans  leur  efprit 
les  idées  qui  y  répondent  ■  ils  fe    les  ren- 
dent plus  famiHeres  ,  parce  qu'ils  les  ientent 
en  même    temps  qu'ils  les  conçoivent.   La 
vérité  ,  pour  entrer  dans  noselprits  ,  a  befoin 
d'une  efpece  d'éclat.  L'elprit  ne  peut  ,  s'il 
eil:  permis  de  parler  ainfi  ,  fixer  la  vue  vers 
elle  ,  fi  elle  n'cll  revêtue  de  couleurs  ienli- 
bles.  11  faut  tellement  tempérer  l'éclat  dont 
elle  brille  ,  qu'il  ne  nous  arrête  pas  trop  au 
fenfible  ;  mais  qu'il  pu ilfe  feulement  foutenir 
notre  eiprit  dans  la  contemplation  des  vé- 
rités purement  intelligibles. 
Tome  III. 


ATT  897 

Si  quelqu'un  doutoit  encore  que  les  (t:ns 
foient  propres  à  loiitenir    &   à    fixer  notre 
attention  vers  un  objet ,  j'appelleroisà  mon 
fecours  l'expérience.  En  eflèt ,  qu'on  fe  re- 
cueille dans  le   filence  &  dans  l'obfcurité  , 
le  plus  petit  bruit  ou  la  moindre   lueur    fuf- 
fira  pour  dillrairc  ,  l'on   ell  irai  pé  de  l'un 
ou  de  l'autre  ,  au  moment  qu'on  ne  s'y   at- 
tendolt  point  :   c'eft  que  les  idées  dont  on 
s'occupe  fe  lient  naturellement  avec  la  fitua- 
tion  où  l'on  fe  trouve  ;  &  qu'en  conléqucncc 
les  perceptions  qui  iont  contraires  à  cette 
fituation  ne  peuvent  iurvenir  ,  qu'aufil-tôt 
l'ordre  des  idées   ne  folt  troublé.    On  peut 
remarquer  la  même  chofe  dans  une  fuppo- 
fifion  toute  différente  :  fi  pendant  le  jour  & 
au  milieu  du  bruit  je  réfléchis  ilir  un  objet  , 
c'en  iera  afléz  pour  me  donner  une  dulrac- 
tion  :  que  la  lumière  ou  le  bruit  ceffe  tout-à- 
coup  ,  dans  ce  cas  ,  comme  dans    le  pre- 
mier ,    les   nouvelles  perceptions   que  j'é- 
prouve font  tout-à-tait  contraires  ;\  l'état  où 
j'étois  auparavant  ,  l'imprellion  lubite  qui  fe 
fait  en  moi  doit  donc  encore  interrompre  la 
fuite  de  mes  idées. 

Cette  féconde  expérience  lait  voir  que  la 
lumière  &  le  bruit  ne  font  pas   un  obfla- 
cle  à  Y  attention.  Je  crois  même  qu'il  ne  tau- 
droit  que   de  l'habitude   pour  en  tirer  de 
grands  iccours.  Il  n'y  a  proprement  que  les 
révolutions   inopinées  qui  puiflent  nous  dif- 
traire.  Je  dis  inopinées  ;  car  quels  que  l'oient 
les  changcmcns  qui  le  Iont  autour  de  nous  , 
s'ils  n'offrent  rien  à  quoi  nous  ne  devions 
naturellement  nous  attendre ,  ils  ne  font  que 
nous  appliquer  plus  fortement  à  l'objet  dont 
nous  voulions  nous    occuper.   Jamais  nous 
ne  Ibmmes   plus    occupés    aux   ipedacles , 
que  lorfqu'ils  fom  bien  remplis  :  notre  at- 
tention fe  renforce  par   Vattention  vive  Sc 
foutenue  que  nous  voyons  dans  le  grand  nom- 
bre des  fpeftateurs.  Combien  de  chofes  dif- 
férentes ne  rcncontrc-t-on  pas    quelquefois 


dans  une  même  campagne  ?  Des  cûreaux 
abondans  ,  des  plaines  arides ,  des  rochers 
qui  fe  perdent  dans  les  nues  ,  des  bois  oà 
le  bruit  &  le  filence  ,  la  lumière  &  les  té- 
nèbres fe  fiiccedent  alternativement  ,  &ç. 
Cependant  les  poètes  éprouvent  tous  les 
jours  que  cette  variété  les  infpire  ;  r'eil 
qu'étant  fiée  avec  les  plus  belles  idées 
don  t  la  poéfic  fe  pare  ,  elle  ne  peut  man- 
R  r  rr  r 


S'5)8  ATT 

quer  de  les  rtveilier.  La  vue  ,  par  exemple  , 
d'un  coteau  abondant ,  retrace  le  chant  des 
oilcaux  ,  le  murmure  des  ruifTeaux  ,  le  bon- 
heur des  bergers  ,  leur  vie  douce  &  paifi- 
ble  ,  leurs  amours  ,  leur  confiance  ,  leur 
fidélité  ,  la  pureté  de  leurs  mœurs  ,  &c. 
Beaucoup  d'autres  exemples  pourroient 
prouver  que  l'homme  ne  pente  qu'autant  qu'il 
emprunte  des  fecours  ,  foit  des  objets  qui 
lui  frappent  les  fens  ,  foit  de  ceux  dont  l'i- 
magination lui  retrace  les  images. 

Il  n'y  a  rien  qui  ne  puifle  nous  aider  à  ré- 
fléchir ,  parce  qu'il  n'y  a  point  d'objets  aux- 
quels nous  n'ayons  le  pouvoir  de  lier  nos 
idées  ,  &  qui  par  coniéquent  ne  loient  pro- 
pres à  faciliter  l'exercice  de  la  mémoire 
&  de  l'imagination  :  mais  tout  confille  .i 
lavoir  former  ces  liaifons  conformément 
au  but  qu'on  fe  propofe ,  &  aux  circonftances 
où  l'on  le  trouve.  Avec  cette  adreffe  il  ne  fera 
point  néceflaire  d'avoir  ,  comme  quelques 
philofophes  ,  la  précaution  de  fe  retirer  dans 
des  folitudes  ou  de  s'enfermer  dans  un  ca- 
veau ,  pour  y  méditer  à  la  fombre  lueur 
d'une  lampe.  Ni  le  jour  ,  ni  les  ténèbres  , 
|ii  le  bruit ,  ni  le  fdence  ,  rien  ne  peut  mettre 
obflacle  à  l'efprit  d'un  homme  qui  fait  penler. 

Que  prétendoit  Démocrite  en  ie  crevant 
les  yeux  pour  avoir  le  plaiiir  d'étudier  lans 
aucune  diilraâion  la  phylîque  ?  Croyoït-il 
par-là  perfeftionner  les  connoilîances  ?  Tous 
tes  philofophes  méditatifs  Ibnt-ils  plus  iiî- 
ges,  qui  fe  flattent  de  pouvoir  d'autant  mieux 
connoître  l'arrangement  de  l'univers  &  de 
ies  parties  ,  qu'ils  prennent  plus  de  loin  de 
tenir  leurs  yeux  exaâement  lermés  pour 
iTiéditer  librement?  Tous  ces  aveugles  phi- 
lofophes fe  font  des  fyilémes  pleins  de  chi- 
mères &  d'illufions  ,  parce  qu'il  leur  eil  im- 
pofllble  ,  fans  le  fecours  de  la  vue ,  d'a- 
voir une  Julie  idée  ni  du  foleil  ,  ni  de  la 
lumière,  ni  des  couleurs  ,  c'eil-à-d  re  des 
parties  de  la  nature  qui  en  font  la  beauté 
&  le  principal  mérite.  Je  ne  doute  pas  que 
tous  ces  iombres  philolophes  ne  ie  ioient 
louvent  furpris  ne  pentant  rien  ,  tandis  qu  ils 
^;oient  a'^ymés  dans  les  plus  profondes  mé- 
ditations. On  n'auroit  jamais  reproché  au 
fameux  Defcartes  d'avoir  hibriqué  un  monde 
tout  diblérent  de  celui  qui  cxiile  ,  fi ,  plub  cu- 
rieux obfervateur  des  phénomènes  de  la  na- 
ture ,  il  eût  ouvert  les  yeujf  pour   çontçoi- 


ATT 

pler  avidement  ,  au  heu  de  fe  plonger  J 
comme  il  a  fait ,  dans  de  pures  rêveries  ,  & 
de  former  ,  dans  use  fombre  &  lente  mé- 
ditation ,  le  plan  d'un  univers. 

Uattentio/i  eif  lufceptible  de  divers  de- 
grés :  il  y  a  des  gens  qui  la  conlervent 
au  milieu  du  bruit  le  plus  fort.  Citons  l'exem- 
ple de  M.  Montmort  ,  &  rapportons  les 
propres  termes  de  M.  de  Fontenelle.  "  Il 
»  ne  craignoit  pas  les  diflradions  en  dérail. 
'>  Dans  la  même  chambre  où  il  travailloit 
j)  aux  problêmes  les  plus  intérelians  ,  on 
»  jouoit  du  clavecin  ,  fon  fils  couroit  &  le 
'>  lutinoit  ,  &  les  problêm.es  ne  laiflbient 
»  pas  de  fe  réfoudre.  Le  P.  Mallebranche 
»  en  a  été  plufieurs  fois  témoin  avec  éton- 
"  nement.  Il  y  a  bien  de  la  force  dans  un 
«  efprit  qui  n'eft  pas  maîtrilé  par  les  im- 
>5  preflîons  du  dehors  ,  même  les  plus  lé- 
»  gères.  »>  Il  y  en  a  d'autres  que  le  vol 
d'une  mouche  interrompt.  Rien  n'cft  plus 
mobile  que  leur  attention  ,  un  rien  la  difirait  : 
mais  il  y  en  a  qui  la  tiennent  fort  long- 
temps attachée  à  un  même  objet  ;  c'ell  le 
cas  ordinaire  des  métaphyficiens  confom- 
més  ,  &  des  grands  mathématiciens.  La  luita 
la  plus  longue  des  démonllrations  les  plus 
compliquées  ne  les  épuiie  point.  Quelques 
géomètres  ont  poufle  ce  talent  à  un  point 
incroyable  ;  tels  font  entr' autres  Cla\  ius  & 
Wallis ,  le  premier  a  fait  un  traité  de  VA/- 
trolabe  ,  dont  très-peu  de  gens  ieroient 
capables  de  foutenir  la  fimplc  lecture. 
Quelle  n'a  donc  pas  été  la  force  de  /'ar-r 
tention  <!ans  un  auteur  ,  pour  compoler  ce. 
qu'un  lecteur  intelligent  a  peine  à  luivre  jul^ 
qu'au  bout  ! 

11  fe  trouve  auflî  des  perfonnes  qui  peu-r 
vent  embrafîer  plufieurs  choies  A-la-fois  , 
tandis  que  le  plus  grand  nombre  eil  oblige 
de  le  borner  à  un  objet  unique.  Entre  les 
exemples  les  plus  diHingués  dans  ce  genre  , 
nous  pouvons  ci^er  celui  de  Jules  Céii\r  , 
qui  ,  en  écrivant  tine  lettre  ,  pouvoir  en 
diéler  quatre  autres  A  les  ieeretaires  ;  ou  s'il 
n'écrivoit  pas  lui-même  ,  dw^oit  fept  lettres 
;i- l'a -fois.  Cette  Ibrte  de  capacité  ,  en  fiijt 
d'attention ,  eft  principalement  fondte  fur  la, 
mémoire  ,  qui  rappelle  fidèlement  les  djHe- 
rens  objets  que  1  imagination  (cpropole  de 
confidércr  attentivement  à -la -fois.  Peu  d« 
gens  font  capables   de   cette  compliçatioû 


ATT 

'à'' attention  ;  &  à  moins  que  d'ctre  doué  de 
diipofitions  naturelles  extrêmement  lieureu- 
its  ,  il  ne  convient  pas  de  taire  des  eflais 
dans  ce  genre  ;  car  la  maxime  vulgaire  ell 
vraie  en  général  : 

Plurihtts   intentas  ,   minor  efl  ad  Jîngula 
fenfus. 

Il  en  eft  qui  peuvent  donner  leur  at- 
tention à  des  objets  de  tout  genre  ,  &  d'au- 
Tres  n'en  font  maîtres  qu'en  certains  cas. 
Inattention  e(l  ordinairement  un  efl'et  du 
goût ,  une  fuite  du  plailir  que  nous  pre- 
nons à  certaines  choies.  Certains  génies  uni- 
verl'els  ,  pour  qui  toutes  fortes  d'études 
ont  des  charmes  ,  &  qui  s'y  appliquent 
avec  fuccès  ,  font  donc  dans  le  cas  d'ac- 
corder leur  attention  À  des  objets  de  tout 
genre.  M.  Leibnitz  nous  fournit  ,  tai  rap- 
port de  M.  de  Fontenelle  ,  un  de  ces  génies 
univerfels.  Jamais  auteur  n'a  tant  écrit  , 
ni  fur  des  fujets  fi  divers  ;  &  néanmoins 
ce  mélange  perpétuel ,  fi  propre  à  taire  naî- 
tre la  contulion  ,  n'en  mettoit  aucune  dans 
fes  idées.  Au  milieu  de  ces  paiîages  brul- 
ques  ,  ta  préciiion  ne  le  quittoit  point ,  & 
l'on  eût  dit  que  la  quetlion  qu'il  dilcutoit 
étoit  toujours  celle  qu'il  avoit  le  plus  ap- 
protoniiie.  Le  plus  grand  nombre  des  hom- 
mes ,  &  même  des  lavans  ,  n'a  d'aptitude 
que  pour  un  certain  ordre  de  choies.  Le 
poète  ,  le  géomètre  ,  le  peintre  ,  chacun 
refTerré  dans  fon  art  &  dans  ta  profeflîon  , 
donne  à  tes  objets  favoris  une  attention 
qu'il  lui  feroit  impotUble  de  prêter  à  toute 
autre  choie. 

Il  y  en  a  ,  enfin  ,  qui  tont  également  ca- 
pables à'attention  pour  les  objets  ablens  , 
comme  pour  ceux  qui  font  préléns  :  d'au- 
tres au  contraire  ne  peuvent  la  fixer  que 
tur  les  chotes  prclentes.  Tous  ces  degrés 
s'acquièrent  ,  le  contervent  &  fe  perfec- 
tionnent par  l'exercice.  L^n  Montmor  ,  im 
CUi-'ius  ,  un  I^'allis  ,  un  Jules  Ce'far,  dont 
nous  avons  donné  des  exemples  ,  n'étoient 
parvenus  à  ce  degré  ,  à  cette  capacité  d\it- 
tention  qu'ils  potîcdoient  ,  que  par  un 
exercice  long  &  continuellement  réitéré. 
Tout  le  monde  fait  de  quelle  force  étoit 
^attention  d'Archimede  ,  qui  ne  s'apperçut 
ni  du  lac  de  fa  patrie  ,  ni  de  l'entrée  du 
ibldar  furieux  dans  fon  cabinet ,  qu'il  prit 


ATT  8p^ 

fans  doute  pour  quelqu'un  de  Ç^s  donietH- 
ques ,  puilqu'il  lui  recommanda  de  ne  pas 
déranger  les  cercles.  Un  autre  trait  de  fà 
vie  prouve  qu'il  étoit  tout-à-f.\it  capable 
de  cette  profondeur  A' attention  requife  pour 
taitu-  dans  un  objet  prélcnt  tout  ce  qu'il 
y  a  d'important  à  y  remarquer.  Je  veux 
parler  du  fait  rapporté  parVitruve  ,  &  de 
la  manière  dont  Archimede  s'y  prit  pour 
découvrir  le  mélange  qu'un  orlevre  avoir 
tait  d'une  certaine  quantité  d'argent  dans 
une  matlê  d'or  que  le  roi  Hiéron  lui  avoit 
donnée  pour  en  taire  une  couronne,  f^ovrij 
Alliage. 

Concluons  qu'ici  ,  comme  aillcur,"; ,  liihi- 
tude  fait  tout  ;  l'amc  eit  flexible  comme  le 
corps ,  &  fes  facultés  font  tellement  liées 
au  corps  ,  qu'elles  fc  développent  &c  le 
perfeélionncnt  auilî-bien  que  celles  An 
corps  ,  par  des  exercices  continuels  ,  &  des 
aâes  toujours  réitérés.  Les  grands  hommes 
qui  ,  le  fil  d'Ariane  en  main  ,  ont  pénétré  , 
tans  s'égarer ,  julqu'au  tond  des  labyrinthes 
les  plus  tortueux ,  ont  commencé  par  s'et- 
layer  ;  aujourd'hui  une  demi-heure  d'ar- 
tention  ,  dans  un  mois  une  heure  ,  dans  un 
an  quatre  heures ,  loutenues  fans  interrup- 
tion ;  &  par  de  tels  progrès  ,  ils  ont  tiré 
de  leur  attention  un  parti  qui  paroît  incroya- 
ble à  ceux  qui  n'ont  jamais  mis  leur  efprit 
à  aucune  épreuve  ,  &  qui  ne  recueillent  que 
les  produâions  volontaires  d'un  champ  que 
la  culture  fertilife  fi  abondamment.  On  peut 
dire  en  général  ,  que  ce  qui  fait  le  plus  de 
tort  aux  hommes  ,  c'etf  l'ignorance  de  leurs 
forces.  Ils  s'imaginent  que  jamais  ils  ne 
viendront  à  bout  de  telle  chofe  ;  &  dans  ■ 
cette  prévention  ,  ils  ne  mettent  pas  la  main 
à  l'auvre  ,  parce  qu'ils  négligent  la  méthode; 
de  s'y  rendre  propres  inlenfiblemcnt  &  par 
degrés.  S'ils  ne  réulliilent  pas  du  premier 
coup ,  le  dépit  les  prend ,  &  ils  renoncent 
pour  toujours  à  leur  deflêin.  Cet  article  ejl 
tiré  des  papiers  de  AT.  Formey.  (  X) 

ATTENUANS ,  adj.  { Méd.  )  On  donne 
ce  nom  à  diftérens  remèdes  qui  font  for: 
unies  en  médecine  ;  on  en  fait  diilcrcntes 
clatTes  :  les  incififs  fimples  qui  délaient  & 
détrempent  les  molécules  des  tluides  : 
les  autres  divilent  Si  tondent  répaiiîifle- 
ment  des  humeurs  en  rompant  la  cohéfion 
trop  forte  de  leurs  parties  intégrantes  ; 
Rr rr r  i 


5)00  ATT 

il  en  efl  qui  agiflent  fur  les  vifcofités  des 
fluides,  contenues  dans  le  ventricule  &  dans 
les  inteft/ns  :  d'autres  font  plus  propres  à 
iigir  fur  le  fang  ;  enfin  ,  il  en  efl  qui  agil- 
lent  fur  les  folides  en  irritant  &  en  augmen- 
tant leurs  vibrations  ,  tandis  que  d'autres 
n'exercent  leur  énergie  que  fur  les  fluides 
fèuls. 

Ces  difFérens  atténuans  font  appelles  fon- 
dans  &:  apéritifs  ,  lor{que  ,  par  leur  adlion  , 
ils  divifent  les  matières  tenaces  quiembarrai- 
fenr  les  petits  vaifleaux  ,  &  qu'ils  enlèvent 
les  obftruâions  des  vlicercs  glanduleux  , 
tels  que  le  foie  ,  les  reins  ,  &  la  rate.  Voye\ 
Apéritifs. 

On  les  nomme  expeclorans  ,  lorfqu'ils 
£igifl"ent  liir  le  tiiîli  des  bronches  ,  qu'ils  en 
détachent  l'humeur  qui  les  enduit  ,  & 
qu'après  l'avoir  diviiée  ,  ils  la  font  fortir 
par  les  crachats  ;  tels  font  les  racines  d'au- 
née  ,  d'iris  de  Florence  ,  le  lierre  terreflre  , 
l'hyfope,  &c.  Fo>'e;;ExPECTORANS. 

Les  auénitans  ,  outre  les  clafles  que  nous 
en  avons  décrites  ci-delius  ,  iont  encore 
div'fés  à  railon  de  leur  origine  ,  en  ceux 
tires  du  règne  végétal  ,  d;  ceux  que  le 
règne  animal  &  minéral  nous  fournilîent  : 
ceux  du  règne  végétal  font  toutes  les  plantes 
acres,  &  qui  donnent  un  fel  volatil  fixe  ; 
tels  que  toutes  les  plantes  purgatives  ,  le 
cabaret ,  le  pié-de-veau  :  d'autres  agifl'ent 
par  un  fel  volatil ,  tels  que  le  crefîbn  ,  le 
rayfort ,  le  cochléaria  ,  &  enfin  toutes  les 
efpeces  de  plantes  cruciteres  :  d'autres  enfin 
atténuent  les  humeurs  par  un  lel  acre 
marié  avec  des  parties  lulfureuies  ;  telles 
Iont  les  réfines  du  ialap  ,  leturbir  gommeux  ; 
telles  font  toutes  les  gommes  réfines,  comme 
le  fagnpenum  ,  l'opopanax  ,  le  bdellium. 

Les  favoiTS  peuvent  erre  rapportés  au 
règne  minéral  ou  végétal  ;  ils  agiflent  à-peu- 
près  comme  les  gommes  rélmes.  V.  Savon. 

Le  règne  animal  fournit  des  iels  volatils  , 
tels  que  le  fel  ammoniac  ,  de  ialpetre ,  &c. 

Le  rcgtre  minéral  tournit  les  iels  acides 
minéraux  ,  le  vitrii;l  ,  le  fel  marin  &  les 
{èls  neutres  formés  de  ces  premiers  par 
leur  acide  décompofé  &  débarraflé  de  ia 
baie,  pour  eniuite  l'incorporer  dans  la  baie 
p.ikaline  du  tartre  ,  du  nitre  &  autres  ;  tels 


ATT 

font  les  fels  neutres  &  androgyns  ,  comme 
le  tartre  vitriole  ,  le  fel  de  Glauber  ,  & 
tous  les  fels  combinés  ,  à  l'imitation  de  ces 
premiers  ;  ces  fels  font  les  fels  neutres  de 
tous  genres  ,_  les  fels  androgyns  ,  amers , 
purgadfs  &  tondans  ;  ils  peuvent  remphr 
bien  des  indications. 

Le  règne  minéral  fournit  encore  les  re- 
mèdes atténuans  combinés  d'un  fel  acide  , 
&  d'un  foutre  métallique  ,  qui  efl  la  terra 
inflammable  ,  &  la  mercurielle  de  Beker  ; 
tels  font  le  fer  ,  la  pierre  hématite  ,  l'anti- 
moine ,  le  mercure ,  le  cuivre  ,  l'étain  ,  le 
plomb  ,  &  leurs  préparations  différentes. 

Comme  la  vertu  des  atténuans  efl  des 
plus  étendues  ,  on  leur  a  donné  mille  noms 
dirtérens  ;  ces  noms  Iont  tirés  des  effets 
particuliers  de  ces  fels  fur  les  humeurs  ,  & 
lur  les  lolides  ;  ainfi  l'on  en  a  lait  diflérentes 
efpeces  ,  tels  que  les  amers  ,  les  ajhingens  , 
les  toniques ,  les  altérans  ajiringens  ,  les 
altérans  laxatijs,  diurétiques,  apéritifs,  dia- 
phorétiques.   [N)   V.  AIÉDICAMENS.  (*) 

ATTÉNUATION  ,  f  f.  { Phyfique.  ) 
action  d'atténuer  un  fluide  ,  c'efl- à-dire  ,  de 
le  rendre  plus  liquide  &C  moins  épais  qu'il 
n'étoit.  Voye:{  AttÉNUANS. 

Chauvin  définit  plus  généralement  Vatté- 
nuation  ,  l'adion  de  diviler  ou  de  féparer 
les  plus  petites  parties  d'un  corps  ,  qui  au- 
paravant tormoient  une  maflé  continue  par 
leur  union  intime  ;  c'efl  pour  cette  raifon 
que  les  Alchimifles  fe  fervent  quelquefois 
de  ce  mot ,  pour  exprimer  la  pulvérifation  , 
c'efl-à-dire  ,  l'aélion  de  réduire  un  corpa 
en  une  poudre  impalpable  ,  foit  en  le 
broyant  ,   foit  en    le   pilant  ,    &c.    Voye\ 

Poudre  Ê' Pulvérisation.  (Z.) 

Atténuation  ,ié  Aa  en  Médecine,  Aï: 
l'effet  des  remèdes  atténuons  ,  c^u  de  certains 
eflorts  que  la  nature  fait  d'elle-même  pour 
détruire  la  lorce  des  maladies  :  c'efl  ainfi 
oue  la  fièvre  emporte  un  levain  qu'elle 
détruit  en  le  brifant  ;  &  cette  atténuation 
du  levain  qui  obflruoit  les  petits  vaifleaux  , 
elt  duc  à  la  divifion  des  humeurs,  à  l'irri- 
tation &  à  la  vibration  des  (olides  augmen- 
tée. Cette  atténuation  efl  la  première  indi- 
cation dans  ks  maladies  qui  proviennent 
de  la  condenfation   &  de  l'épailliflement , 


(*)M.   la   Fofle  attîque  Its  prcjuiétés  données  aiu  atitnuins  ;    ce  ^'ù  eft   abfolumeat  conua  le  i  l'opinion'  de» 
{•kj  i—i). Us  i'taKticûs. 


ATT 

mais  elle  eft  fort  dourcufe  ,  &  mcme  nui- 
fible  dans  l'acrimonie.  {  N) 

Atténuation  ,  f.  t'.  terme  de  Palais, 
ufité  dans  les  matières  criminelles  :  on 
appelloit  défenfes  par  atténuation  ,  les 
délenles  de  l'acculé  ,  données  par  appointc- 
ment  à  ouir  droit  ,  qui  portoit  que  la  par- 
tie civile  doruieroit  les  conclufioiis ,  &  l'ac- 
cufé  Ces  défenfes  par  atténuation.  Mais 
l'ordonnance  criminelle  de  1670,  tit.  xaj  , 
art.  z,  a  abrogé  cette  torme  de  procédure, 
&  permet  ieulcinent  à  la  partie  civile  de 
préfenter  la  requête  ,  dont  copie  doit  are 
donnée  à  i'accufé  ,  qui  en  conféquence 
donne  auffi  la  fienne  ,  fans  que  néanmoins 
le  jugement  du  procès  puille  être  retardé  , 
faute  par  la  partie  civile  ou  par  l'acculé  de 
donner  fa  requête.  Celle  de  l'acculé  tenant 
lieu  de  ce  qu'on  appelloit  défenfes  par  atté- 
nuation ,  s'appelle  requête  d^atte'nuation  , 
c'e(l-.i-dire  requête  par  laquelle  I'accufé  tâ- 
che d'excufer  ou  diminuer  l'on  crime.  Voye^ 
Accusé.  {H) 

ATTE^\]EK,broyer,puh'érifcr,{Gram.) 
l'un  fe  dit  pour  les  fluides  condenfés  , 
coagulés  ;  &  les  deux  autres  des  iolides  : 
dans  l'un  &  l'autre  cas  ,  on  divile  en  mo- 
lécules plus  petites  ,  &  l'on  augmente  les 
furfaces  :  broyer  ,  marque  l'adion  ;  pulvé- 
rifer  en  marque  l'cftcr.  Il  faut  broyer  pour 
pulférifer  ;  il  faut  fondre  &:  difloudre  pour 
atténuer. 

Atténuer  ,  fe  dit  encore  de  la  diminii- 
tion  des  forces  ;  ce  malade  s  atténue  ^  cet 
homme  efl  atténué. 

ATTERER ,  v.  a.  brifer  ,  rompre  ;  dans 
V économie  animale  ,  fe  dit  de  l'adion  que 
les  parties  groflieres  des  humeurs  &  des 
alimens ,  agitées  d'un  mouvement  inteilin  , 
exercent  les  unes  fur  les  autres.  Les  par- 
ticules falines  ù  terreufes  s'attercnt  les  unes 
les  autres.  Il  e(l  prefque  ,  en  phyfiologie , 
lynonyme  à  bnfcr.  (  /) 
^  ATTERRAGE,  L  m.  {Marine.)  c'cfl 
l'endroit  où  l'on  vient  reconnoître  la  terre 
en  revenant  dequelque  voyage.  (  Z) 

ATTERRER  ,  v.nixn'.  {Manne.  )c\([ 
prendre  connoiflànce  d'une  terre  en  venaxit 
delà  mer  ,  ou  y  aborder.  (Z) 

ATTERRISSEMENT  ,  f  m.  terme  fy- 
aonymcix allai' ion;  c'eill'apport  de  terre, 
lâbie  ou  limon  ,  que  la  mer  ou  un  fleuve 


ATT  90 1 

apporte  fur  fon  rivage  ou  fur  fa  rive.  Le 
roi  prétend  que  le  ncuveau  fol  ,  que  forme 
Vatterrifl'einem  ,  lui  appartient  ,  ioriquel'iif- 
terrijfemenc  cft  produit  par  une  rivière 
navigable.  Voye^  ÂllUVION  ,  qui  efl  d'un 
ufagc  plus  particulièrement  confacré  au  droit 
romain.  {H) 

*  ATTESTATION  ,  f  f.  c'eR  l'adion 
de  donner  un  témoignage  ,  ou  une  preuve  de 
la  vérité  d'une  choie  ,  principalement  par 
écrit.  Ko>r:;[  TÉMOIGNAGE. 

Les  miracles  doivent  être  bien  atteflés  pour 
qu'on  puifTe  y  ajouter  foi.  Voye-{  MIRA- 
CLE ,  Crédibilité  ,  6v. 

*ATTERZEE,  Asterzée, 
SCHWARTZZÉE,  lac  d'Allemagne  dans  la 
haute  Autriche  &  le  quartier  de  Traun  ,  le 
long  de  TEger  qui  le  tra'.  crie  ;  il  efl  aulli  tra- 
verfé  du  Manzée- 

ATTiA  ,  adj.  {Hi(l.  aie.)  loi ,  ainfi  nom- 
mée de  la  famille  de  Labicnus  ,  qui  ,  étant 
tribun  du  peuple,  fit  palî'er  cette  loi  pour 
rendre  au  peuple  le  droit  de  nommer  aux' 
lacerdocesvacans  :  droit  que  Sylla  lui  avoir' 
enlevé  en  caflant  la  loi  Domitia  qui  lui  affu- 
roit  cette  prérogative.  {G) 

ATTI-ALU  ,  f.  m.  Hii}.  nat.  Botan.  ). 
efpece  de  figuier  du  Malabar  ,  aflcz  bien 
repréfentée  lous  ce  nom  par  Van-Rhecde  , 
dans  fon  Honus  Malabaricus  ,  volume  I  , 
pag.  4.J  ,  pLinche  XXV.  Les  Brames  l'ap- 
pellent roembadoe  ;  Jean  Conimelin  ,  dans 
les  notes  furcet  ouvrage  ,page  44- ,  ledéfi- 
gne  ainll  :  ficus  Malabarenjis  ,  folio  oblongo 
acuminato , fruclu  vulgari  ixmulo.  C'eille' 
ficus  race niof a  ,foliis  ovatis  integerrimis  y. 
acutis  y  impreffo punclatis  ;  caule  arboreo  y 
de  M.  Linné  dans  Ion  Syfiema  natur^v , 
édition  in-zz  ,  imprimé  eâ  1768,  page' 
Gj  z  ,  n'^.  G. 

C'efl  un  arbre  toujours  verd  ,  qui  s'élève' 
à  la  hauteur  de  cinquante  à  foixante  pies  , 
aj'ant  une  cime  iphériqus  compofée  de 
branches  épaiflès ,  ferrées ,  grofles  ,  écartées 
fc'Us  un  angle  de  4^  degrés  ;  &  portée  fur 
un  tronc  droit  ,  de  trois  pies  de  diamè- 
tre ,  couvert  d'une  écorce  épaifle  ,  coriace  , 
blanciiG  par  -  tout  ;  mais  dont  l'intérieur' 
tire  un  peu  lur  le  rouge.  Les  feunes  bran- 
ches font  vertes ,  &  comme  articulées  ou 
noueules. 

Sa  racine  eit  grofTe,   garnie  de    fibre?- 


t,oi  ATT 

nombreufes  qui  s'érendcnt  très -au- loin  , 
tant  au  deffus  qu'au  deflôus  de  la  terre  , 
&c  dont  récorce  eft  noire  au  dehors  ,  blan- 
che en  dedans  ,  &  rougit  peu  après  qu'on  l'a 
coupée.  Loriqu'on  en  a  léparé  une  bran- 
che ,  il  en  iort  en  abondance  une  eau  rou- 
geâtre  ,  mais  limpide  ,  d'une  laveur  froide  , 
mais  lade. 

Les  feuilles  font  alternes ,  difpofées  cir- 
culau'emcnt  ,  fort  ferrées  &  ouvertes  fous 
un  angle  de  45  degrés  ,  le  long  des  jeunes 
branches  elliptiques  ;  médiocrement  poin- 
tues aux  deux  bouts ,  entières  ,  longues  de 
quatre  à  fix  pouces ,  une  fois  moins  lar- 
ges ,  molles  ,  minces  ,  lifTes  ,  luilantes , 
verd-bruncs  defliis  ,  plus  clair  deiîous ,  re- 
levées d'une  nervure  longitudinale  ,  à 
cinq  ou  fix  côtes  alternes  de  chaque  côté, 
dont  les  deux  inférieures  ,  partant  immé- 
diatement du  pédicule  ,  iont  comme  oppo- 
fées  ,  &  forment ,  pour  ainfi  dire  ,  trois 
nervures  principales  avec  celles  du  milieu. 
Le  tilù  qui  paroît  entre  les  côtes  des  feuil- 
les elf  croiié  de  veines  qui  imitent  un  réfeau 
alTez  ferré.  Le  pédicule  qui  les  porte  ell 
cylindrique ,  menu  ,  deux  h  trois  fois  plus 
court  qu'elles  ,  &  fillonné  en  deflfus.  A 
l'oppofé  de  chaque  feuille  efl  une  écaille 
verte  qui  enveloppe  d'abord  ,  fous  la  forme 
d'un  cône  oblong  ,  le  bourgeon  qui  termine 
les  branches ,  &  qui  tombe  dès  que  la 
feuille  extérieure  qui  l'enveloppe  ,  vient  à 
s'épanouir. 

Les  figues ,  c'efî-à-dire  ,  les  enveloppes 
qui  contiennent  les  Heurs  ,  naifîént  dijpo- 
fees  en  épi ,  &  au  nombre  de  fix  à  huit , 
le  long  des  branches  de  la  fève  précédente 
dont  les  feuilles  font  tombées  ;  de  manière 
qu'elles  fortcnt  réellement  de  l'ancienne 
aiffeile  de  ces  feuilles.  Elles  font  Iphémï- 
des  ,  un  peu  déprimées  ou  applaties  cn- 
defîù.s ,  avec  une  petite  cavité ,  de  la  for- 
me de  la_  ligue  ordinaire  blanche  marfeil- 
loife  ,  mais  feulement  d'un  bon  pouce  de 
diamètre  ,  couchées  horizontalement  fur 
un  pédicule  trois  fois  plu;;  court  qu'elles  , 
de  forte  qu'çlles  égalent  la  longueur  du 
pédicule  des  feuilles.  Leur  coulci:r  eif 
.d'abord  verte,  mais  en  mîiriflant  elles  devien- 
nent rouges  ;  alors  elles  font  pleines  de 
^petites  fleurs  jaunes ,  fpheroïdes  ,  charnues , 
i^.djÇUJfà  ç'iiXfl  feuilles  &  dpu\  à  trois  éti- 


A  T  T 

mines  ,  portées  fur  un  long  pédicule ,  &' 
contenant  chacune  une  graine  fphérique , 
menue  ,  noirâtre  ,  couronnée  d'un  à  deux 
fligmates  cylindriques. 

Qualités.  Toutes  les  parties  de  Vatti-aht 
font  lans  odeur  ;  elles  ont  une  faveur  aflrin- 
gente ,  & ,  coupées  ,  rendent  une  liqueur 
blanc-rougeâtre.  Cet  arbre  porte  du  fruit 
deux  à  troi^  fois  l'an  ,  comme  les  autres 
elpecesde  figuier,  &  ne  fe  multiphe  guère 
que  par  fes  iémences  ,  que  les  grives  &  les 
corbeaux  ont  avalées  &  enfuite  rendues  avec 
leurs  excrémens.  Il  croît  dans  les  lieux  liiblon- 
neux  au  Malabar. 

Ufages.  Ses  figues  fe  mangent  lorfqu'eî- 
les  font  bien  mûres  ;  alors  elles  font  plei- 
nes de  fourmis  ,  leur  goût  n'cfl  pas  aull; 
délicat  que  celui  de  la  figue  commune. 
Elles  relTêrrcnt  le  ventre  &.  corrigent  l.i 
mauvaifc  qualité  des  humeurs  &  de  la  pi- 
tuite. La  décoclion  de  fa  racine  fe  boit 
pour  purifier  le  lang  &  le  foie  ,  &  pour 
adoucir  l'acrimonie  des  humeurs  coléri- 
ques. Le  fuc  qui  coule  des  mêmes  raci- 
nes tronquées  fe  reçoit  dans  un  va(e  ,  & 
fe  boit  dans  les  maladies  du  foie  ;  il  s'a- 
plique  aulli  avec  iuccès  fur  les  gerçures 
des  mains.  Son  écorce  fe  prend  en  décoc- 
tion pour  appaifcr  les  ardeurs  du  foie , 
&  pour  guérir  les  crevailès  &  gerçures  de 
la  bouche  &  d'autres  parties  du  corps  ; 
pilée  ,  elle  s'applique  aulli  fiir  les  ulcères 
&  fiir  ce  mal  facré  ,  appelle  en  Porrugsl 
cobrella.  Dans  les  fièvres  ardentes  ,  on  frotte 
avec  Iuccès  la  tète  &  le  corps  avec  la  décoc- 
tion de  fes  feuilles  dans  l'huile. 

Remarques.  Le  nom  de  ficus  racemofa  , 
que  M.  Linné  donne  à  Yatti-aln  ,  n'eff  point 
exaâ ,  car  fes  fieurs  ou  fes  figues  ne  font 
pas  difpofées  en  grrppes  ramifiées  ni  pen- 
dantes ,  comme  les  grappes  proprement 
dites  de  la  vigne  ,  mais  en  épi  fimple  , 
élevé  ,  comme  celui  du  chataigner  ou  du 
chêne. 

M.  Linné  devroit  encore  nous  appren- 
dre ious  quelle  autorité  il  avance  que  les 
feuilles  de  cet  arbre  Iont  pointillées  ,  folits 
imprejjo  punclatis  i  car  Van-Rheede,  qui 
ell  le  leul  auteur  qui  en  ait  donné  la  del- 
cription  ,  ne  parle  point  de  cette  fingu- 
larité  ;  &  nous  pouvons  aflurcr  qu'elle 
n'cxiiîe  point  dans  Ips  feuilles  de  ce:  arbrç 


ATT 

que  nous  avons  dans  notre  litrbitr.  (  M. 
Adanson.  ) 

ATTICISME ,  f.  m.  {Litterat.) fiwfTc , 
politefîê  de  langage.  \J atticifme  t'roit  ainfi 
nommtf  d'Athènes  ,  qui  étoit  la  ville  et  la 
Grèce  où  Ton  parloit  le  plus  purement ,  & 
où  l'on  prononçoit  le  mieux  ;  julque-là 
qu'une  vendeuic  d'herbes  reconnut  à  la  pro- 
nonciation de  Thcophrafle  qu'il  n'étoit  pas 
Athénien.  L'urbanité  ,  dit  Quiniilien  à  la 
fin  de.  Ion  chapitre  de  l'ifu ,  confiile  en  ce 
que  les  choies  que  nous  dilons  lc)ienP  telles 
qu'on  n'y  remarque  rien  de  choquant  , 
picn  de  groflier  ou  de  bas ,  rien  qui  fente 
Ja  province ,  ni  dans  les  termes  ,  ni  dans 
la  prononciation  ,  ni  dans  le  gefte  ;  de  ma- 
nière qu'il  la  faut  moins  chercher  dans  un 
bon  mot,  que  dans  tout  l'air  du  dilcours  , 
s'il  eft  permis  de  parler  ainiî  :  comme  chez 
les  Grecs ,  Yatcicifme  efl  une  certaine  de'lica- 
tejje  qui  fentoit  Vefprit  £>'  le  goût  particulier 
de  la  fille  d'AtJunes  ,  ce  terme  eft  d'ufàge 
peur  exprimer  les  grâces  d'un  ftvle  léger 
&  correa.  (G) 

"  AT  nCURGES ,  f.  f.  en  Architeclure , 
colonnes  quarrées.    V'oyei  CoLONNE. 

ATTICUS  (PoMPONms) ,  Htjl  Rom. 
Hijl.  de  la  Plùlofoph.  tut  le  plus  grand 
philofophe  des  Romains  ,  puifqu'il  fit 
fèrvir  les  connoiflànces  ,  non  à  contenter 
une  curiofiré  flcrile  &  iuperbe ,  mais  à 
f^  rendre  meilleur.  Savant  fîins  orgueil , 
généreux  fans  tafle ,  il  chercha  moins  à 
briller  qu'à  plaire  &  à  être  utile.  Son 
hifloire  ,  (ans  offrir  aucun  de  ces  traies 
qui  frappent  l'imagination ,  &  que  le  pré- 
Jugé  annoblit  ,  doit  fervir  de  modèle 
aux  grands  &  aux  riches  ,  qui  3  nés  avec 
des  paffions  tranquilles  ,  s'éloignent  du  tu- 
multe des  affaires  dans  les  temps  orageux, 
pour  jouir  d'eux-mêmes  &  de  leurs  amis. 
Accicus  né  chevalier  romain,  fut  fatisiait 
d'être  ce  qu'étoient  fes  pères.  La  nature 
€n  le  comblant  de  tous  les  dons  aimables  , 
J€ta  encore  dans  f  m  cœur  le  germe  de 
toutes  les  vertus  ;  (on  pcre  tendre  &  vi- 
gilant ,  fe  fit  un  devoir  iacré  de  diriger 
fts  inclinations  fortunées  ;  heureux  qui  peut 
avoir  un  tel  maître  !  fes  progrès  furent  fi 
rapides ,  que  les  premières  familles  de 
Rome  briguèrent  l'avantage  d'affocier  leurs 
«iifans  à  iês  études.  L'aménité  de  les  ma-urs 


ATT  905 

tempérant  l'envie  arrachée  à  la  fiipériorité 
de  jès  talens  ,  il  n'inipira  que  de  l'émulation 
■k  les  égaux.  Une  mort  prématurée  kii  en- 
leva ion  perc ,  dans  un  âge  où  les  pafllons 
font  le  plus  impérieufès  ,  parce  qu'au  mo- 
ment  de  leur  naiflance  ,  on  ignore  com- 
bien elles   font   dangereufes.   Maître  alors 
d'une  grande   fortune,    recherché   par  fes 
richelïès  &  par  kii-même  ,   il  fè  précau- 
tionna contre  les  amorces  du  luxe  &  des 
voluptés  •   &   ne  connut  les  tempêtes  des 
pallions  ,    que   par  les  fréqucns  naufrages 
des  comi>agnons  de  fa  jeuneile.   Sulpitius 
Ion  proche  parent  fur  maifacré  pour  avoir 
voulu  faire  revivre  les-  loix  agraires.  Atti~ 
eus  craignit  d'êcr-e  enveloppé  dans  la  ruine 
de  ce  zélé  tribun  ,   auquel  il  étoit  attaché 
par  les  liens  de  l'amitié  &  du  iang  ;  Rome 
alors  n'oppofoit  plus  de  frein  à  la  licen- 
ce ,  &  le  plus  faâieux  étoit  le  plus  accré- 
dité.  Atticus  crut  devoir   lui    préférer  un 
al)le  où   il   pût  être  impunément  homme 
de  bien ,  &  ce   fut  à    Athènes   qu'il  fixa 
ion  féjoiir  ;  mais  en  s'éloignant  de  Rome , 
11    conferva    toujours    le    même    attache- 
ment pour  Ciceron ,    Canius ,   Marias    & 
Torquatus  ,     qu'il     aiinoit     depuis     l'en- 
fance :  dès  qu'il  eut  fixé   fon  lejour  dans 
cette  ville,  qui  étoit  le  fanâu^iire  des  arts - 
&  du  goût ,   l'amour  des  lettres  tint  tou- 
tes ies  aiitrcs   pallions  alkrvies  ;  il  apprit 
toutes    les   beautés  de   la  langue  greque  ,  ■ 
qu'il  parloit  avec  tant  de  délicat^jffe  ,  qu'on 
eût  dit   qu'il   étoit   né  dans    Athènes.    Il 
compofa  plufieurs   pièces  de  poéfie ,  qu'il 
recitoit  avec  àcs  grâces  qui  donnoient  un 
nouveau  prix  à  fa  compolition  ; ,  poëte   & . 
orateur  fans  prétention  ,    il  joignit  à    ces 
deux   titres   une.  grande   connoiffance   des 
antiquités  romaines.  Il  fit  la  généalogie  des 
plus  illuitres  maifons  de  la  république  ;  & 
iàuva    du    naufrage    des    temps    tous    les 
Brutus  ,  les    Marcellus  ,    les  Fabius  ,   les 
Cornéliens    &   les   Emiliens.  -  Cette   riche 
colleélion   étoit  un    hommage    rendu   aux 
héros   bienfaiteurs  de  ià    patrie  ;  Çts  hai- 
fons  avec  Ciceron  nmJs  fourniiîènr  un  vo- 
lume de    lettres,  qui  fiiffifent   pour  nous 
inllruire  des  principaux  événemens   de  ce 
iiecle  de  brigandages.  Jamais  il  ne  prenr)it 
ies  repas  fans  qu'on  y  fit  quelque  leÔure 
iiilbucliv* ,  parce  qu'il  étoit  periuadé  que 


5)c4  ATT 

refgrit   avoir  autant  befoin  d'alimens .  que 
le  corps. 

^iiicus  fupéricur  aux  autres  par  fes  con- 
noiflanccs  &  la  dclicarefie  de    ion  génie  , 
n'ambitionnoit  que  de  les  lurpafler  en  bicn- 
faifance  &   en  génerollté  ;    il  lembla  n'ê- 
tre que  le  difpenlateur  de  fes  biens  ,   &  il 
fut  un  exemple  ,  que  la  libéralité  en  !e  ré- 
pandant   ne    s'épuife    jamais  ;    lès    treiors 
étoient  ouverts  à  quiconque  étoit  dans  le 
befoin.   Les   prêts    ufuraires  écoicnt    alors 
autorifés  par   l'ufage  ,  &  ce  vice  étoit  un 
fonds  inépuifable  pour  l'avare  opulent.  Ac- 
ticus  pi-êtoit  fans  intérêt ,  mais  il  exigeoit 
qu'on  fût  exaft  à  s'acquitter  ,  pour  ne  pas 
lui  ôter  la  reflburce   d'obliger.  Dans  une 
calamité  dont  Athènes   fut   affligée  ,  il  fit 
diftribuer  du   froment  à   tous  les  citoyens 
foufFrans  ;  l'éclat  du  rang  &c  de  la  naiflànce 
•ne  iui    en    impoioit   pas  ;   dans    la    dillri- 
bution   de  lès  dons  ,    le   plus   malheureux 
devenoit  l'objet  de  fa  prédilection  ,  quand 
il  étoit  le  plus  honnête.  Les  Athéniens  re- 
connoiflans  lui  déférèrent  le  droit  de  bour- 
geoific ,   honneur    qu'ils    ne    prodiguoient 
pas  ;  il  ne  put  l'accepter ,  pour  ne  point 
déroger  à  la  qualité   de  citoyen  Romain , 
qu'on  croyoit   incompatible  avec  toute  au- 
fre.  Ils  voulurent  encore  lui  ériger  des  ffa- 
tues  ,  il  refufa  conflamment  cette  diflmc- 
tion  glorieutè  ;  &  ce  ne  fut  qu'en  fon  ab- 
fence  que    la   reconnoifTance  publique  lui 
en  éleva  ,  ainfi  qu'à  fa  femme  Pylia  ,  dans 
les    lieux    regardés   dans  l'Attique  comme 
les  plus  faints.  Vertueux  fans  éclat,  il  eût 
vécu  obfcur  ,   s'il  n'eût  été  trahi   par  lès 
bienfaits. 

Quoiqu'ami  de  tous  les  hommes ,  il  y 
en  avoit  de  privilégiés  dans  fon  cœur.  Le 
jeune  Marius  profcrit  par  Sylla ,  trouva 
d'abondantes  refTources  dans  fa  générofité  , 
&  quand  il  fut  privé  de  tout,  il  ne  man- 
qua de  rien.  Ciceron  exilé  par  les  intri- 
gues de  Clodius  ,  en  reçut  des  fommes 
immenfès  ,  qu'il  n'avoit  point  follicitées. 
Si  les  hommes  poflédoient  le  fecret  d'o- 
jpliger  ,  il  n'y  auroit  que  peu  d'ingrats  ;  la 
dureté  dont  ils  humilient  leurs  protégés, 
difpenle  de  lareconnoilîance.  Atcicus  étoit 
perfliadé  que  la  libéralité  efl  le  fèul  bien 
aont  on  jouit  fans  amertume  &  fans  fatié- 
.té ,  &  quand  il  donnoit  ,  il  croyoit  être 


ATT' 

le  feul  heureux.  Sylla  ,  ;\  fon  retour  d'Afie  i 
pallà  par  Athènes  ,  où  il  fut  retenu  par 
les  charmes  de  fa  converfation  favante  & 
polie  ;  il  n'oublia  rien  pour  fe  l'attacher  , 
&  lorfqu'il  fut  obligé  d'en  partir,  il  vou- 
lut l'emmener  avec  lui.  Acticus  ne  fut 
point  ébloui  par  l'éclat  de  fès  promeflès  , 
&  lui  répondit  :  N'exigez  pas  que  j'aille 
combattre  des  amis  qui  m'»nt  déterminé 
à  quitter  l'Itahe  ,  parce  qu'ils  exigeoient 
que  je  prifîe  les  armes  contre  vous.  Sylla 
applaudit  à  fa  délicateiîê  ,  &  ,  avant  de  s'en 
iéparer ,  il  l'autorifa  à  recevoir  tous  les 
honneurs  que  les  Athéniens  lui  avoient 
déférés  ;  ce  fut  alors  qu'il  prit  le  nom 
d'Atticus  :  devenu  citoyen  d'Athènes  ,  il 
confacra  une  partie  de  fon  temps  à  l'ad- 
minilfration  publique  ,  &  les  momens  qu'il 
put  dérober  aux  affaires ,  furent  employés 
à  l'étude  &  à  fa  police  domeffique  :  éga- 
lement ennemi  de  l'avarice  &  de  la  pro- 
digalité ,  il  conlerva  toujours  un  efprit 
d  ordre  ,  qui  le  mit  en  état  de  fe  livrer  à 
fes  inclinations  bienfaifantes. 

Quelques  momens  de  calme  dont  Rome 
jouit  ,  le  déterrninerent  à  revenir  dans 
fa  patrie.  Sa  fortune  déjà  immenle  reçut 
de  grands  accroifièmens  par  l'héritage  de 
ion  oncle  ,  homme  fâcheux  &  difficile  , 
qui  hailfoit  tous  les  hommes  ,  &  dont 
Atticus  avoit  le  privilège  d'adoucir  la  fé- 
rocité. Il  y  maria  fa  fœur  avec  Quintus 
Ciceron  ,  frère  de  l'orateur.  Cette  union 
ne  fut  point  heureufe  ;  les  deux  époux 
furent  obligés  de  fe  léparer,  &  ce  divorce 
ne  mit  aucune  altération  dans  l'amitié 
à^ Atticus  &  de  l'orateur  ,  parce  que  cette 
amitié  étoit  formée  fur  la  conformité  des 
inclinations  ,  &  non  iur  le  droit  d'affi- 
nité. 

Le  chemin  des  honneurs  lui  étoit  ou- 
vert ,  il  y  étoit  appelle  par  les  vœux  des 
gens  de  bien ,  &  les  richeilès  lui  don- 
noient  la  facilité  d'acheter  les  iiiffi-ages  àcs 
amcs  vénales  ;  il  refufa  la  préture  ,  &  ne 
voulut  être  qu'homme  privé  ;  mais  il  n'en 
avoit  pas  moins  d'inHucnce  dans  les  déli- 
bérations publiques  \  &  dans  ce  temps  de 
troubles  &  de  faélions  ,  il  refla  conflam- 
mcnt  attaché  au  parti  le  plus  jufle.  Il  prit 
les  fermes  de  la  république ,  félon  l'ulage 
antique   des   chevaliers   romains  ;   fa  per» 

çeption 


ATT 

'ception  fut  douce  &  humaine  ,  il  n'intenta 
îiLicun  procès  ,  il  ne  fit  décerner  aucune 
peine  contre  ceux  qui  aliéguoicnt  l'im- 
puilTImce  de  payer.  Les  gouverneurs  des 
provinces  avoient  coutume  de  fe  taire 
accompagner  par  des  chevaliers  ,  dont  ils 
failoient  les  inih'uinens  &  les  complices 
de  leurs  exadions.  Acticus  tut  loUicité  de 
fe  prêter  ;\  cette  balTefl'e  ,  mais  il  n'aimoit 
qu'à  ufer  de  Tes  biens ,  fans  envier  ceux 
des  autres.  Pendant  les  guerres  de  Céiar 
&  de  Pompée  ,  il  relia  tranquille  à  Ro- 
me ,  quoique  ceux  qui  reiloient  dans  la 
neutralité  fuifcnt  regardés  comme  des  en- 
nemis par  les  deux  chefs  de  parti.  Pom- 
pée ,  qui  exigea  le  plus  ,  ne  fut  point  of- 
iênfé  de  ion  indiilérence  pour  fa  cauie  : 
&  Céfar ,  vainqueur  à  Pharfale,  lui  témoi- 
gna les  mêmes  égards  que  s'il  en  eût  été 
bien  lèrvi  :  tel  cft  l'afcendant  des  hommes 
maîtres  d'eux-mêmes.  Lorique  l'ivreflé 
des  taclions  efl  diflipée  ,  on  télicite  ceux 
qui  ont  refuié  d'y  prendre  part.  Célar 
lui  envoya  le  fils  de  fa  focur  Pomponia 
fiiit  prifonnier  à  Pharlale ,  &  ,  pendant 
route  fa  dictature  ,  il  lui  témoigna  la  même 
confiance. 

Son  elprit  fouple  &  docile  fe  pretoit  à 
tous  les  goûts  ,  jeune  encore  il  fut  plaire 
à  Sylla  dans  fon  déclin  ;  vieux  il  devint 
également  cher  à  Brutus ,  qui  étoit  dans 
la  fleur  de  fon  ;ige.  C'efl  le  privilège  des 
âmes  tranquilles  ,  qui  jamais  ne  le  livrent 
aux  faillies  de  l'humeur  ,  ni  aux  impref- 
fions  de  l'enfance.  Lorique  la  fortune  aban- 
donna Brutus  ,  &  qu'il  tut  obligé  de  lonir 
d'Italie ,  Aniciis  ,  qui  avoit  été  indiffé- 
rent à  la  caufe ,  fe  fit  un  devoir  de  l'obli- 
ger ,  parce  qu'il  étoit  malheureux  ;  il  lui 
fit  tenir  en  Epire  une  iomme  conlidéra- 
blc  ,  &  après  la  journée  de  Philippe  ,  il 
ula  de  la  même  générofité  envers  les  illuf^ 
très  proicrits ,  à  qui  il  fournit  de  l'ar- 
gent &  des  vaifïêaux  pour  fe  retirer  dans 
laSamothrace.  Antoine  heureux  ne  le  compta 
pas  parmi  les  adorateurs  de  ia  fortune  ; 
mais  lorfqu'il  eut  été  déclaré  ennemi  de 
la  république ,  Atùcus  fe  fit  un  devoir 
d'adoucir  le  fort  de  fa  famille  délailTée  , 
dans  un  temps  où  l'on  n'avoit  pas  lieu  de 
préiumer  qu'elle  leroit  en  état  de  lui  en 
marquer  fa  reconnoiflàiice.  Fulvie  ,  fem- 
Tome  III. 


ATT  f)oj 

me  de  ce  triumvir  ,  étoit  alors  pourfui- 
vie  par  des  créanciers  impitoyables  ,  il  le 
rendit  la  caution  lans  en  être  ioUicité  ,  & 
lui  prêta  même  de  l'argent  fans  intérêts  , 
pour  aller  rejoindre  fon  mari  ;  &  comme 
on  lui  demandoit  le  mivtif  de  cette  géné- 
rofité envers  un  homme  qu'il  avoit  négligé 
dans  la  profpérité  ,  il  répondit  :  il  faut 
aimer  les  hommes  &  non  pas  leur  for- 
tune. Une  révolution  imprévue  ramena 
Marc-Antoine  heureux  &  triomphant  à 
Rome  ;  ceux  qui  l'avoient  abandonne 
dans  fa  dil'grace  éprouvèrent  fes  vengean- 
ces. Acticus  craignit  que  les  liailons  avec 
Ciceron  ne  l'euiTent  fait  paroître  coupa- 
ble ,  il  le  tint  caché  ,  pour  ne  pas  s'ex- 
pofer  à  l'orage.  Antoine  ,  qui  voulut  s'ho- 
norer d'une  fi  illuilre  amitié  ,  lui  écrivit  de 
le  rendre  avec  confiance  auprès  de  lui , 
l'afïtirant  qu'il  étoit  effacé  de  la  lifte  des 
profcrits  ,  ainfi  que  fon  ami  Canius.  Aui- 
cus ,  heureux  de  s'être  iauvé  du  naufrage 
commun  ,  s'abandonna  comme  auparavant 
à  la  bienfaifance  de  les  penchans  :  protégé 
d'Antoine  ,  il  n'ufa  de  fon  crédit  que 
pour  adoucir  les  maux  de  ceux  qui  avoient 
liiivi  le  parti  de  Brutus.  Scrvilie  ,  mcre  de 
ce  dernier  des  Romains  ,  tombée  dans  la 
dilgrace ,  vieilliffoit  dans  la  miiere  ,  il  eut 
pour  elle  les  mêmes  égards  ,  que  dans  les 
temps  où  ion  fils  étoit  fidole  des  Romains. 
Vipianius- Agrippa  ,  qui  avoit  droit  de 
prétendre  à  tout,  à  caulè  de  la  faveur  dont 
il  jouiflbit  auprès  d'Augufte  ,  ne  crut  pas 
pouvoir  contracter  une  alliance  plus  riche 
&  plus  honorable  qu'avec  la  fille  ôiAtti- 
eus  ,  il  l'accepta  pour  gendre  ,  &  il  n'eut 
d'autre  motif  que  de  lé  i'ervir  de  fon  cré- 
dit ,  pour  protéger  tant  d'illuftres  infortu- 
nés ,  que  les  triumvirs  avoient  proicrits. 
Il  naquit  de  ce  mariage  une  fille  qui ,  dans 
la  fuite  ,  fut  mariée  à  Tibere-Claudc-Néron. 
Devenu  plus  puilîant  par  cette  alliance  qui 
le  faifoit  entrer  dans  la  famille  d'Augulfe  , 
il  fut  toujours  fans  ambition  ,_  &  il  n'y 
eut  que  les  malheureux  qui  firent  l'heu- 
reufe  expérience  de  fa  faveur.  Augufte_, 
enchanté  de  fa  converfation  ,  déroboit 
tous  les  jours  quelques  heures  aux  affai- 
res pour  s'entretenir  avec  lui  ,  &  lorfqu'il 
étoit  éloigné  de  Rome  ,  il  étoit  exad 
ù  lui  écrire.  Des  intérêts  domefliques  al- 
S  s  s  s  s 


ço6  ATT 

lumerent  des  haines  entre  les  deux  rivaux 
de  la  puifîance  ruprtme.  Atticus  ,  tavori 
d'Auguite ,  ne  coda  jamais  d'être  Tami 
d'Antoine  ,  avec  lequel  11  entretint  un 
commerce  de  lettres  julqu'au  dernier  mo- 
ment de  fa  vie.  Il  eut  la  même  conduite 
envers  Ciceron  &  Hortenfius  qui  partagè- 
rent fon  attachement.  Les  rivaux  de  ta- 
Icns  rarement  font  fms  haine  ;  mais  ces 
deux  orateurs  étoient  trop  llipérieurs  au 
relie  des  hommes  pour  s'abandonner  à  la 
bafî'efTe  de  l'envie  :  pénétrés  d'une  ellime 
réciproque,  ils  regardoient  la  gloire  com- 
me un  héritage  commun  ,  &  ce  fut  ce 
fentiment  qui  les  unit  conlhimment  avec 
Atticus. 

If  étoit  parvenu  à  l'âge  de  77  ans  {ans 
avoir  éprouvé  aucune  de  ces  infirmités  qui 
îifHigcnt  la  vieillefle  ;  alors  il  fe  fentit  atta- 
qué d'une  irritation  d'humeurs  dans  la  partie 
inférieure  des  inteftins.  La  vie  ne  fut  plus 
pour  lui  qu'un  fentiment  douloureux.  En- 
nuyé d'en  fupporter  le  poids  ,  il  prit  la 
folle  réfolution  de  s'en  délivrer.  Eh  quoi  ! 
difoit-il ,  quand  je  fuis  inutile  aux  autres  , 
&  que  je  fuis  à  charge  à  moi-même ,  dois-je 
préférer  une  continuité  de  fouff'rances  à  une 
dijfolution  infenfible  ?  Il  appclla  fes  proches 
&  fes  amis  ,  &  leur  fit  d'éternels  adieux 
avec  la  même  férénlté  que  s'il  n'eût  entre- 
pris qu'un  voyage  ordinaire.  Cette  icene 
fiit  touchante  ;  il  fe  priva  de  toute  elpece 
d'alimens ,  &  mourut  le  cinquième  jour. 
Il  avoir  défendu  qu'on  lui  rendît  aucuns 
honneurs  funèbres  ,  il  fut  dépoié  fans  pompe 
dans  le  tombeau  de  Cécilius  fon  oncle,  dont 
il  avoit  réuni  toutes  les  aileûions.  Mais  les 
regrets  &  l'affluence  des  gens  de  bien  qui 
aflifterent  à  les  funérailles  ,  furent  le  plus 
bel  ornement  de  fa  pompe  funèbre  :  la  piété 
filiale  fait  l'éloge  de  la  trempe  de  fon  cœur. 
C'ell  vis-à-vis  de  fes  proches  qu'on  fe 
livre  fans  contrainte  à  fes  penchans  :  on 
efl  en  repréfentation  devant  le  public.  Atti- 
t'UJ' avoit  67  ans ,  lorlqu'U  perdit  ia  merc, 
.4gée  de  90.  Il  fe  confola  de  fa  mort  par 
le  témoignage  que  pendant  le  cours  d'une 
fi  longue  vie  ,  leur  tendrefle  réciproque 
n'avoit  éprouvé  aucune  altération.  Il  eut 
Je  même  attachement  pour  fa  firur  Pom- 
ponia  ,  avec  "laquelle  il  fé  fit  un  devoir  de 
partager   là   forume  :    tel  fur    cet  homme 


ATT 

opulent ,  qui  n'ufa  de  fes  richelTcs  que  pour 
ioulager  les  malheureux  ;  ce  favori  des  maî- 
tres du  monde  ,  qui  n'ambiilonna  que  de 
les  rendre  des  hommes  de  bien  j  ce  lavant 
fans  orgueil ,  qui  ne  connut  jamais  l'envie  ; 
ce  philofophe  ,  qui  ne  fit  fervir  cette  fcience 
qu'à  régler  fes  mœurs.  (l'-N.) 

§  ATTIGNY  ,  {Geog.)  petite  ville  de 
France  en  Champagne  ,  &  chef-hcu  d'une 
petite  contrée  appelle»;  la  fML'e  du  bourg  ; 
elle  ell  fur  la  rivière  d'Aline ,  à  trois  lieues 
fud-cft  de  Rheiel ,  &  à  huit  fud  de  Char- 
ville  ;  ce  lieu  ert  fort  ancien  &  très-célebre 
par  les  conciles  qui  s'y  font  tenus.  Plufieurs 
rois  de  France  y  ont  fait  leur  féjour  ;  & 
Chilperic  ,  neveu  de  Clovis  II ,  y  mourut. 
Ce  fut  à  Attigny  où  l'on  tint  les  premières 
aiîemblées  d'état  pour  la  légillation  du  royau- 
me, fous  le  règne  des  Mérovingiens.  (C.A.) 

§ATTIGOUVANTANSo«Attigo- 
VANTAïS,  (Geog.)  peuples  de  l'Amérique 
feptentrionale  àl'occident  du  lac  des  Hurons.. 
On  ne  connoît.à  ce  peuple  chafléur  d'autres 
habitations  que  des  cales  en  forme  de  grands 
fours,  couvertes  d'écorces  d'arbres  &  nattées 
en  hiver ,  foit  d'herbes  longues,  foit  de  f)eaux 
d'ours.Onnelui  connoîtpas  non  plus  d'autre 
police  que  les  avis  pallàgersqu'il  reçoit  del'af^ 
îémbléede  fes  vieillards,  ni  d'autre  culte  rell-- 
gieux  que  fes  invocations  à  un  être  imaginaire 
ou  à  un  dieu  nommé  Ocqui ,  dont  les  attri- 
buts ferablent  être  plutôt  ceux  d'undémoa 
que  ceux  d'une  divinité  bienfalfante.  Ils  en-- 
terrent  leurs  morts  avec  pompe  ,  &  char- 
gent leurs  tombeaux  d'arcs ,  de  fîeches 
&c  d'ufknfiles  ,  fe  perfuadant  qu'après 
cette  vie ,  il  en  efl  une  autre  où  Ton  va 
bien  loin  goûter  la  douceur  de  fe  retrouver 
avec  tous  les  amis.  Les  fellins  fon  fort 
en  ufage  parmi  eux  :  leurs  médecins  font 
à  la  fois  leurs  devins  &  leurs  laltimban- 
ques  ;  &  dans  leurs  maladies  ,  à  ce  qu'oa 
allure  ,  leurs  remèdes  les  plus  ordinaires 
lont  la  mufiqiie  &  la  danfe.  On  alTure  aulR 
qu'avant  le  mariage  ,  leurs  filles  fe  profil- 
tuent  fans  rélèrve^  mais  qu'une  fois  deve- 
nues femmes ,  il  n'y  a  rien  de  plus  exem- 
plaire que  leur  challetc  :  ce  font  ces  mê- 
mes femmes  qui  labourent  les  terres ,  fe- 
ment  le  maï.? ,  le  raoiifonnent ,  afiemhlcnt 
le  bois  pour  les  cabanes  ,  portent  le  ba- 
gi^e  d'un   endroit  à  un  autre,  &  prennent 


ATT 

enfin  fur  elles  feules  toutes  les  pc'mes  du 
ménage.  Les  hommes  n'y  font  autre  choie 
que  trafiquer  ,  aller  à  la  chafle  ou  à  la 
guerre.  (  C  A.  ) 

*  ATriNGANS  ou  PAULITIENS, 
ou  PAULUOANNITES.  Voyei  Pauli- 

TIENS. 

ATTIKAMEGUES  ,  (G%.)  peuple  de 
l'Amérique  leptentrionalc ,  au  5°  degré  de 
latitude,  vers  le  lac  Saint-Thomas,  en  re- 
montant le  fleuve  à  l'embouchin-e  duquel  on 
a  bâti  la  ville  des  Trois  Rivières  entre  Québec 
&  Montréal.  Ce  peuple  pailè  poLir  l'un  des 
plus  dociles  de  cette  contrée.  (  C  A.  ) 

ATTILA ,  {HiJ}.  des  Goths.)  fils  deBen- 
deme  ,  arriere-fîls  du  grand  Nembroth  , 
élevé  &  nourri  dans  Engaddi ,  par  la  grâce 
de  Dieu  ,  roi  des  Kuns  ,  de^  Medes  ,  des 
Goths,  des  Daccs  ;  la  terreur,  l'etlroi  de 
l'univers ,  la  verge  &  le  fléau  de  Dieu.  Tels 
étoient  les  titres  que  prenoit  cet  homme 
farouche ,  le  plus  redoutable  &  l'unique  de 
Ion  efpece  que  nous  oUrent  les  annales  du 
monder-Rien  n'égaloit  fa  futBiance  &  fon 
orgueil;  il  avoit  coutume  de  du'e  que  les 
étoiles  tomboient  devant  lui ,  que  la  voûte 
des  cieux  s'abaiiloit ,  que  fon  poids  plioit 
la  terre ,  &  qu'il  étoit  un  marteau  pour 
tous  les  peuples.  On  ne  fait  rien  de  les 
premières  années  ,  mais  on  peut  croire  qu'el- 
les annoncèrent  ce  qu'il  devoit  être.  Aidé 
de  Bleda  fon  frère  &  fon  allbcié  au  trône 
des  Huns ,  il  ravagea  toutes  les  provinces 
de  l'empire  d'orient  ,  &  força  Théodofe 
le  jeune  à  lui  pajer  tribut.  Après  avoir 
ainfl  humilié  ce  prince ,  il  lui  fit  chaque 
jour  de  nouveaux  outrages.  "  Théodoie , 
vdifoit-il  infblemment ,  ert  ifl'u  d'un  père 
»  très-noble  ,  ainfi  que  moi;  mais  en  me 
>5  payant  tribut ,  il  eft  déchu  de  fa  noblcffe  , 
7»  &  devenu  mon  efclave.  S'il  oie  me  faire 
»  la  guerre,  ou  me  dreffer  à^s  embûches, 
«je  le  punirai  comme  un  efclave  rebelle  & 
>5 méchant.  »  Un  jour , il  lui  envoja un  Goth 
pour  ambafiadeur ,  avec  ordre  de  lui  parler 
en  ces  termes  :  "  Attila  ,  mon  maître  d:  le 
j'vôtre,  vous  ordonne  de  tenir  un  palais 
«prêt  pour  le  recevoir.»  Une  convient  pas  à 
Théodofe ,  diloit-il  encore  ,  "  d'être  fourbe 
»ou  menteur  :  il  a  promis  à  un  de  mes 
»>fujets  la  fille  de  Saturellus  en  mariage  ;  s'il 
»  viole  fa  promcfTc  ,  je  lui  taii  la  guerre: 


A  T  T     _  5>o7 

»s'il  cfî  dans  l'impuiffance  de  l'accomplir, 
7J&  qu'un  de  les  ilijcts  oie  lui  défobéir, 
"je  vole  le  venger.  »  Outre  le  tribut  qu'il 
e.v'geolt  de  l'empereur ,  il  reccvoit  les  ap- 
poiiucmens  de  général.  Une  circonflancc 
flnguliere  de  la  vie  de  cet  homme  étcn-r 
nant ,  c'eff  qu'il  ne  voulut  foumeure  les 
Romans  que  pour  avoir  droit  de  les  dé- 
fendre :  il  lé  déclara  leur  proteifleur ,  lorf- 
qu'il  po.voit  être  leur  maître.  Cependant , 
après  la  mort  de  Théodofe  le  jeune  ,  Mar.- 
cien ,  fuccefTeur  de  ce  prince  ,  refuià  de 
plier  fous  le  joug  du  barbare  :  après  avoir 
fait  fortifier  tous  les  pofles  importans  ,  il 
déclara  qu'il  ne  vouloit  pas  d'un  fembla- 
ble  général.  Attila  pouvoir  en  tirer  \en- 
geance  ;  il  fit  une  irruption  contre  les  ter- 
res de  l'empire  d'orient.  Mais  Marcien 
lui  ayant  oppofé  de  bonnes  troupes ,  il  le 
replia  vers  l'occident ,  où  il  fe  promertoit 
des  vidoires  plus  faciles  :  ii  avoir  hiit  maf^ 
liicrer  fon  frère  Bleda  ,  ne  pouvant  iiip- 
porter  d'affocié  au  trône.  Pluiieurs  écrir- 
vains  rapportent  qu'il  fubjugua  une  partie 
de  la  grande  Ger:nanie.  On  ne  voit  ce- 
pendant pas  qu'il  ait  été  en  guerre  contre 
les  peuples  de  cette  célèbre  contrée.  Au 
refîe ,  les  Germains  pouvoient  s'être  volon- 
tairement foumis  à  un  prince  qui  ne  le- 
voit  aucun  impôt  lur  fcs  fujets  ,  &  qui , 
rîioins  intéreflé  qu'ajiibitieuK  ,  fe  conten- 
toit  de  foumcrrre  les  nations ,  &  leur  en 
abandonnoit  les  dépouilles.  Attila  ne  de- 
mandoit  aux  Huns  que  des  hommes  &  du 
fer.  Les  Germains ,  naturellement  avides  de 
gloire  &  de  butin  ,  ne  pouvoient  choilir 
un  meilleur  général.  Ce  fut  vers  l'an  qua- 
tre cent  cinquante-un  qu'il  entreprit  cette 
invafion  fi  fameufe  lous  le  nom  d'im-ajiori 
d'Attila  :  il  avoit  une  armée  de  cinq  cent 
mille  hommes  tous  dévoués  à  la  viiïloirc 
ou  à  la  mort  ;  il  leur  avoit  infpiré  un  zèle 
fanatique  &  liiocrrdtieux  ,  fe  difant  armé 
par  le  dieu  Mars  qui  lui  avoit  envoyé  fon 
égide  &  fon  épée.  Ces  troupes  prodigieu- 
Jes  &  déterminées  ne  l'empêchèrent  pas  de 
recourir  à  la  rufe  :  tous  les  moyens  de 
réuifîr  entroient  dans  la  politique  ;  aucun 
n'étoit  vil  à  fcs  yeux  ,  s'il  en  alTuroirle  fùc- 
cès.  Lorfque  les  Romains  d'occident  lui 
demandèrent  contre  qui  il  delVmoit  ces  im- 
menfes  préparatifs ,  il  leur  répondit  que 
S  sss  s  2, 


5)c8  ATT 

c'étoit  pour  châtier  les  Vifigoths  {"es  efcla-- 
ves  ,  &  fe  venger  d'une  injure  que  lui  avoir 
faite   Théodoric    leur   roi ,    ainli   que  des  | 
Francs   qui    avoient    oié  mettre  le  pié  fur  , 
les  terres  de  l'empire  dont  il   s'étoit  dé- 
claré le  protecteur  ;  dans  le  même  temps ,  | 
il   recommandoit  à  Théodoric   de  ne  p.is 
prendre  l'alarme  ,    l'afîùrant    qu'il  ne   ve- 
nok  dans  les  Gaules  que  pour  les  partager 
entre  les  Huns  &  les  Viligoths.   Lorfqu'il 
eut  trompé  fur  fes  delfeins  Valentinien    III 
&  Théodoric ,  il  couvrit  le  Danube  d'une 
infinité  de  barques  :  il  traverfe  la  Panno- 
nie,  le  Norique  &  la  Suabe  ;  arrivé  dans 
les  Gaules ,  il  marche  vers  Cologne  ;  il  en 
chafle  Mérouée ,    &  livre  la  ville  au  pil- 
lage   &    à  la  Hamme.    Tongres ,   Trêves  , 
Spire  ,   Vormes  ,    Mayence  ,    Andcrnac  , 
Arras  ,  Befançon  ,  Metz ,  Toul  ,  Langres 
&  pîuheurs  autres  villes  éprouvèrent  éga- 
lement la   lureur  de  cet  impitoyable  con- 
férant. Les  Romains,  étonnés  de  ces  iuc- 
cès,  en  conçurent  la  plus  vive  inquiétude. 
Aétius  fe  rendit  auffitôt  à  Arles  :  les  Huns 
étoient  devant  Orléans ,  dont  ils  battorent 
les  murs.  Comme  il  n'avoit  qu'une  foible 
armée ,   il  i"e  tint  fur  la  défenfive  ,  &  en- 
voya des  députés    aux  afliégés  les   aflurer 
d'un  prompt  lecours.  Les  Orléanois  étoient 
affez  portés  à  faire  une  vigoureule  délenle  ; 
le  fort  effrayant  de  leurs  voilms  étoit  pour 
eux   un  aiguillon  puilîànt.  Aétius  fit  aulli- 
lôt  follicitcr   Théodoric   pour    l'engager  à 
fe  joindre  à  lui ,  afin  d'oppoier  une  digue 
au  torrent.  Le    roi   des    Viiigoths   fe   re- 
fula  d'abord  aux   follicirations    du    général 
Romain  ;    il  avoit  réiolu  d'attendre  ,   pour 
le  déclarer  ,    que  les  Huns  eullent  mis  le 
pié    lur    ies   terres   :    il    étoit   retenu   par 
Attila  qui  l'ailûroit  toujours  de  fon  ami- 
tié ,   &   lui  promettoit  de  l'aflocier   à  iés 
conquêtes  ;  mais  le  préfet  Avitus  fe  lervit 
de  ion  aicendant  lur  l'elprit  de  ce  prince  , 
&  le  décida  pour  la   caule  commune.  Il 
l'éclaira  iur  les  delfeins  d'.^ m/a  ,  &  lui  fit 
voir  que  cet   ambitieux  tendoif  à  fe  for- 
mer une  monarchie  univerieUc  ;   &  comme 
on  r.i  remarqué  ,  Théodoric  pouvoit-il  le 
fia; ter  que  le  roi  des  Huns,  qui  reguoit  par 
lemalfacre  d'un  frère,  &  dont  le  nom  étoit 
redoute  jufqu'aux  rives  de  l'Indus  &  du  Ta- 
naïs ,  eût  rcipcdé  l'alliance  des  Viiîgoihs? 


ATT 

Tandis  qu' Avitus  négocioit  à  la  cour  de 
Théodoric  ,  Aétius  avoit  envoyé  des  dé- 
putés au  delà  du  Rhin  &  dans  toutes  les 
parties  des  Gaules ,  où  les  Huns  n' avoient 
point  encore  pénétré.  Il  négocia  avec  tant 
de  iuccès  ,  que  ion  armée  ,  luivant  Proi- 
per  ,  fut  en  peu  de  temps  preique  auili 
nombreule  que  celle  des  ennemis  ;  elle 
étoit  compoiée  des  Francs ,  de  la  tribu  de 
Mérouée ,  de  plufieurs  peuples  Sarmates  & 
Saxons,  qui  avoient  refuie  de  ie  plier  au 
joug  des  Huns  ,  d'Armoricains  aujourd'hui 
les  Bretons ,  de  Lifiens ,  de  Bourguignons , 
iujets  de  Gondroche  &  de  Chilperic ,  des 
Ripuaires  qui  tenoient  les  environs  de  Co- 
logne ,  des  Brions  autrement  Bréones  que 
Valois  place  dans  la  Vindélicie,  &  de  plu- 
iieiirs  autres»peuples  de  la  Gaule  Celtique 
&  de  la  Germanie ,-  auxquels  les  Romains 
avoient  commandé  autrefois  comme  à  leurs 
lujets  &;  qu'ils  étoient  charmés  de  compter 
alors  parmi  leurs  alliés. 

Lorique  cette  armée  ,  jointe  à  celle  des 
Viiigoths,  approcha  d'Orléans,  cette  ville 
étoit  à  l'extrémité  ;  elle  étoit  comme  la 
clef  de  l'Aquitaine.  Attila  ,  periliadé  qu'il 
étoit  de  la  dernière  importance  de  s'en 
affurer  avant  l'arrivée  des  nations  confé- 
dérées ,  taiibit  continuer  les  affauts  de 
jour  &  de  nuit.  Les  alliégés  n'efpérant 
plus  aucun  iecours  ,  perdirent  enfin  cou- 
rage ,  &  envoyèrent  au  camp  des  Huns 
demander  grâce.  Attila  n'en  faifcit  point; 
&  tout  ce  qu'il  leur  accorda  en  faveur 
d'Anian ,  leur  évêque ,  chef  de  la  dépu- 
tation ,  fut  qu'ils  Icroient  réduits  en  i'ervi- 
tude  ,  &  qu'ils  iroient  vivre  dans  quelque 
contrée  inhabitée  de  fes  états.  L'horreur 
de  la  mort  l'ayant  einporté  fur  la  honte 
de  l'eiclavagc ,  les  afliégés  ouvrirent  leurs 
portes  ,  &  Attila  envoya  ies  principaux 
officiers  faire  le  partage  des  captifs.  On 
chargeoit  leuràvcharriots  de  leurs  dépouil- 
les; on  les  chaflbit  vers  le  camp  du  vain- 
queur ,  eux ,  leurs  femmes  &  leurs  en- 
fans  ,  lorique  Aétius  ic  lés  allies  iurprircnt 
les  troupes  que  les  Huns  avoient  au  delà 
de  la  Loire.  Les  romains  chargèrent  les 
Huns  avec  tant  de  vigueur ,  que  les  trou- 
pes fe  jetèrent  dans  le  ilcuve ,  où  périt  un 
nombre  prodigieux  de'  foldats.  Tous  ceux 
I  qui  étoicat  dans  Orlé;ins  pour  en  enlevtr 


ATT 

Ifes.  dépouilles ,  furent  maflacrés  ,  à  la  ré- 
lèrve  d'un  petit  nombre  auquel  Anian  lauva 
la  vie.  Ce  n'étoit  qu'un  léger  échec  pour 
j4ttila  ;  &  cependant  il  fit  une  retraite  vers- 
la  partie  des  Gaules  qu'il  avoit  conquiie, 
à  deflein  lans  doute  d'y  attirer  les  Roinains 
&  les  Vifigoths ,  d(int  les  troupes  croient 
encore  intérieures  aux  fiennes.  Mais  Aétius, 
trop  lage  pour  s'enorgueillir  de  les  premiers 
fijccès  ,  fe  contenta  de  relever  les  murs 
d'Orléans  ;  ce  fut  dans  cette  ville  qu'il  at- 
tendit les  Francs  qui  n'a  voient  point  encore 
pu  le  joindre.  Dès  qu'ils  furent  arrives ,  il 
ibntit  d'Orléans  ,  &  alla  avec  eux  &  les 
autres  peuples  ies  alliés  ,  clierchcr  l'ennemi. 
Attila  étoit  dans  les  plaines  de  Clialons  en 
Champagne  ,  d'autres  difènt  de  Sologne 
dans  rOiléanois  ,  lor.'qu'il  reçut  les  pre- 
mières nouvelles  de  l'approche  d'Aétius.  Sa 
fierté  ne  lui  permettant  pas  de  l'attendre 
dans  l'enceinte  d'un  camp  ,  il  donne  le  fi- 
gnal  du  départ ,  &  marche  \  fa  rencontre  : 
il  y  eut  pendant  une  nuit  un  combat ,  dont 
le  l'uccès  fit  connoitre  combien  celui  dont 
dépendoit  le  dellin  des  Gaules  ,  dcvoit  coû- 
ter de  fang.  Un  corps  de  Gépides  détachés 
de  l'armée  des  Huns  pour  battre  la  cam- 
pagne ,  ayant  rencontré  une  troupe  de  Francs 
qui  prccédoit  celle  d'Aétius  pour  le  même 
delîèin  ,  ces  deux  partis  fe  chargèrent  réci- 
proquement ;  ils  le  trouvèrent  fi  parlaite- 
ment  égaux  en  nombre  &  en  valeur ,  qu'au- 
cun ne  pouvant  vaincre  ,  ni  (è  réioudre  à 
faire  une  retraite  ,  on  ne  cefla  de  tuer  de 
part  &  d'autre  ,  que  quand  il  n'y  eut  plus 
perfonne  en  état  de  frapper. 

Dès  que  les  deux  armées  furent  en  pré- 
fence,  .^«//a  envoya  un  détachement  pour 
fe  faiiir  d'une  hauteur  que  l'on  regard(3it 
comme  un  pofle  de  la  dernière  importance. 
Aétius  l'ayant  prévenu.,  les  Huns  en  tirè- 
rent de  finiitres  prél'ages.  Attila  ,  pour 
les  raflurer  ,  eut  recours  aux  arulpices  qui , 
lùr  l'in  pedion  des  viftimcs  ,  répondirent 
que  le  dellin  ne  promettoit  rien  de  favo- 
rable à  la  vérité,  mais  qu'un  général  de 
l'armée  ennemie  refteroit  fur  le  champ  de 
bataille.  Quelques  particularités  dans  la  vie 
A^Atala ,  comme  l'épée  qu'il  prétendoit 
avoir  reçue  du  dieu  Mars.,  ont  fait  pen- 
ièr  à  quelques  écrivains  que  ce  prince  re- 
gardoit  la    religion  en  politique  ;  mais  fa 


ATT  5)09 

confiance  en  ces  oracles  menteurs  prouve 
qu'il  avoit  adopté  les  erreurs  des  Huns  ido- 
lâtres. Il  ne  révoqua  point  en  doute  l'évé- 
nement de  cette  prédiflion  \  pcrluadé  que 
le  fort  menaçoit  Aétius  ,  il  réfolut  de  livrer 
la  bataille.  La  mort  de  ce  général  balançant 
dans  ion  elprit  toutes  les  pertes  qu'il  pou- 
voit  taire,  les  plaines  de  Chalons  furent 
couvertes  d'un  nombre  infini  de  foldats  que 
l'on  regardoit  comme  l'élite  de  tous  les  ]')eu- 
ples  de  l'Europe  :  ils  n'avoient  reçu  les  uns 
des  autres  aucun  outrage,  dit  Jornandès  ;' 
&  cependant  ils  étoient  prêts  à  s'entre- 
détruire  ,  par  compbilance  pour  un  leul 
homme  ,  dont  l'ambition  leur  tenoit  lieu  de 
la  plus  implacable  haine.  Quel  malheur  ,• 
continue  le  même  hiltorien  ,  que  la  tolio 
d'un  barbare  ait  détruit  dans  une  heure  , 
ce  que  la  nature  n'a\oit  produit  qu'avec 
effort  pendant  tant  d'années!  L'adion  com- 
mença vers  les  quatre  heures  du  fbir  ;  & 
ce  fut  une  des  plus  langlantes  dont  l'hifloire 
tafle  mention.  Un  ruifleau  qui  coulojt  au 
miheu  des  deux  camps  ,  fortit  de  ies  bords, 
groffi  du  fang  qui  fe  mêla  avec  ies  eaux. 
Théodoric  périt  dans  la  chaleur  de  l'adion  ; 
&  fa  mort  tut  regardée  comme  l'accom- 
pliiîemcnt  de  la  prédidion  des  devins.  La 
vidoire  fe  déclara  pour  les  Romains.  Attilx' 
furieux  de  voir  que  la  fortune  l'abandonne , 
précipite  les  Huns  dans  les  plus  grands  périls. 
Les  Ûfirogoths ,  les  Gépides  ne  leur  cédè- 
rent point  en  valeur  :  échauffés  par  une 
ardeur  ég;de  ,  ils  s'enfonçoient  à  Tenvi  dans 
cette  Icene  de  carnage.  La  nuit  ne  put  cal- 
mer la  fureur  des  combattans  ;  ils  fe  char- 
geoient  encore  dans  les  plus  épaiflès  ténè- 
bres. Cependant  Attila  donne  l'ordre  pour 
la  retraite  ;  &  ion  armée  le  iuit  dans  un 
filence  farouche  :  rentré  dans  l'on  camp  ,  il  fe 
forme  un  rempart  de  fes  charriots  fuivant 
Tufage  des  Huns ,  qui  tlit  commun  X  tou- 
tes les  hordes  du  Nord.  Attila  ne  fortit  • 
point  de  fes  retranchemens.  On  dit  que 
craignant  d'y  être  forcé  ,  il  fit  taire  un  bû- 
cher, réfolu  de  s'enfevelir  dans  les  fiam-» 
mes ,  ne  voulant  jpas  ,  dit  un  hiflorien  , 
qu'un  prince  qui  avoit  été  la  terreur  des 
nations  pendant  ià  vie  ,  tût  en  leur  puillance 
après  fa  mort.  Cependant ,  pour  ne  mani- 
teîler  rien  de  (es  craintes  ,  &  pour  mafquer 
ù    défaite  ,    il    ordonna    des   chants     de 


5>io  ATT 

viâoires ,  &  fit  retentir  fon  camp  du  bruit 
<les  trompettes  &  des  autres  inilrumens 
militaires. 

Aétius ,  PU  lieu  de  s'applaudir  de  la  vic- 
roire  ,  tint  confeil  ,  &  délibéra  fur  les 
moyens  de  s'en  afïurer  le  truit.  Ce  lage 
général ,  infenllble  à  une  vainc  gloire ,  ne 
longea  qu'aux  intérêts  de  l'empire.  11  ne 
ten'oit  qu'il  lui  d'achever  la  ruine  à^ Attila  ; 
mais  il  fe  contenta  de  l'avoir  affoibli  :  il 
craignit  que  les  Francs  &  les  Vifigoths , 
auxquels  il  attribuoit  le  fuccès  de  cette 
journée  ,  ne  devinflent  trop  puiflàns  ,  & 
ne  i"e  partageafl'ent  les  Gaules  ;  il  le  mé- 
nagea comme  un  ennemi  dont  la  terreur 
devoit  le  retenir  dans  l'alliance  des  Romains. 
Il  engagea  Thorilmond  ,  fils  de  Théodoric  , 
à  aller  fe  faire  couronner  à  Touloufe ,  ca- 
pitale de  fon  état  ,  lui  dilant  qu'il  devoit 
craindre  que  fes  frères  ne  fe  filTent  un  titre 
de  Çon  abfence  pour  le  fupplanter.  Aétius 
ufi  des  mêmes  artifices  pour  engager  Mé- 
rouée  à  le  retirer  dans  les  états.  Il  leur 
donna  à  l'un  &  à  l'autre  un  vafe  d'or , 
préfent  qui  fut  long-temps  ,-\  la  mode  dans 
l'antiquité  :  il  y  avoit  de  ces  vafes  qui  pe- 
foient  julqu'à  cinq  cents  livres. 

Attilz  étoit  toujours  en  proie  aux  plus 
vives  alarmes  ;  il  ne  put  d'abord  fe  perfua- 
dcr  le  départ  des  Francs  &  des  Vifigoths. 
Il  en  rejeta  les  premières  nouvelles  comme 
une  rufe  de  fes  ennemis  pour  l'attirer  hors 
de  fes  retranchemens  ;  mais ,  lorfque  ks 
■couricrs  lui  en  eurent  donné  la  certitude  , 
il  torma  des  projets  plus  vafies  que  ceux 
qui  venoient  d'échouer.  On  dit  que  cette 
bataille  lui  coûta  deux  cent  mille  hommes  ; 
il  efi  certain  que  fes  troupes  étoient  confi- 
dérablement  dimmuées  ,  puifque  ,  fâchant 
Aétius  dépourvu  d'une  partie  de  fes  alliés , 
il  n'eut  point  aflez  de  confiance  pour  l'at- 
raquer.  Tels  font  les  détails  que  nous  ont 
confervé  les  anciens  hifioriens  de  l'inva- 
fion  à^ Attila  dans  les  Gaules  ,  invafion  plus 
fameufe  par  les  ravages  que  par  les  luccès. 
Les  villes  &  les  campagnes  par  où  paiTîi  ce 
furieux  torrent ,  turent  changées  en  déferts  ; 
&  l'on  peut  juger  de  la  terreur  que  le  roi 
des  Huns  infpira,  par  la  conduite  des  habi- 
tans  de  la  ville  de  Troyes.  On  rapporte  qu'ils 
ie  retirèrent  fur  des  montagnes ,  &  que  Lu- 


ATT 

pus ,  leur  évêque ,  ne  put  les  déterminer  i 
rentrer  dans  leur  ville. 

Le  roi  des  Huns  ne  retourna  dans  fes  états 
que  pour  taire  de  nouv  ''lies  levées.  Les  Qua- 
des  ,  les  Oies  ,  les  TurcUinges  &  les  autres 
Germains  d'au  delà  de  la  ViiUile ,  défigncs 
dans  l'antiquité  tous  le  nom  de  Bajitunes  ^ 
ainli  que  les  Scythes,  lui  ayant  fourni  des 
recrues ,  il  dirigea  d'abord  la  route  vers 
Confiantinople  ;  mais  ce  n'étoit  qu'une  ru  le 
pour  tromper  lijr  fes  delTeins  les  Romains 
d'occident.  Il  revint  prelqu'auffi-tjt  fur  (t^ 
pas ,  pafîà  les  Alpes ,  &  mit  le  fiege  devant 
Aquilee.  Cette  ville,  dont  dépendoit  le  fort 
de  ritaHe ,  fit  une  défenle  \\  vigoureul'e , 
que  les  Huns  délelpérant  du  fuccès ,  firent 
éclater  leurs  murmures  :  ils  parloient  de 
lever  le  fiege ,  lorfque  Attila  apperçut  plu- 
ficurs  cicognes  qui ,  dirigeant  leur  vol  vers 
la  campagne  ,  portoient  fur  leurs  ailes  leurs 
petits ,  encore  trop  toibles  pour  les  luivre. 
')  Ces  oileaux  ,  guidés  par  leur  infiind  , 
>»  leur  dit-il,  vous  montrent  quel  doit  être 
■>■>  dans  peu  le  delhndela  ville  ;  ils  ne  la  quit- 
11  tent  que  pour  le  louftraire  à  l'cmbrafe- 
»  ment  dont  elle  ell  menacée.  »  Les  Huns, 
non  moins  fuperllitieux  que  leur  louvcrain  y 
acceptèrent  cet  augure.  Ils  redoublèrent  leurs 
afîauts  avec  une  ardeur  nouvelle ,  ne  doutant 
pas  que  le  départ  des  cicognes  ne  tut  le  pré- 
làge  affuré  de  leur  triomphe.  Les  ailiégés  , 
étonnés  de  leurs  efforts ,  &  ne  pouvant  en 
loutenir  l'impétuofité  ,  abandonnèrent  leur 
ville;  &  pour  avoir  le  temps  de  mettre  en 
fureté  ce  qu'ils  avoient  de  plus  précieux  ,  ils 
placèrent  fur  les  remparts  des  flatues  qui 
repréfentoient  des  foldats  armés.  Les  Huns , 
à  qui  ce  ftratagême  en  avoit  impolé ,  lu- 
rent privés  du  pillage  qu'ils  s'étoient  pro- 
mis ;  leur  cupidité  trompée  excitant  leur 
fureur,  ils  juftifierent  la  prédi6liond'^'//t//j, 
&  réduifircnt  la  ville  en  cendres  ;  encoura- 
gés par  ce  fuccès  ,  ils  prennent  fuccclllve- 
ment  Vérone  ,  Trévigio  ,  Crémone ,  Brelîla 
&  Bergame.  Les  garnilons  de  ces  ditléren- 
tes  villes  furent  palfées  au  fil  de  l'épée.  Ce 
tut  dans  ces-délordres  que  naquit  Venife  : 
cette  ville  qui  devoit  balancer  un  jour  les 
defiinées  de  l'Europe ,  &  prelcrire  des  bor- 
nes à  la  valeur  des  Turcs.  On  rapporte 
que  les  Padouans ,  pour  fe  loulbaire  au 
fort  effrayant  de  leurs  voifins  ,  (ê  réfugie- 


ATT 

rentdans  des  marais  près  du  golfe  Adria- 
tique ,  où  ils  languirent  d'abord    dans    une 
nilreuie  rnilere  ,  jufqu'à   ce  que  leur   conl- 
tance  les  e'Ievant  au  dclîus  de  leurs  revers  , 
ils    fe    confbuifirent     quelques     cabanes. 
Atcild  continuoit  toujours  les   ravages  ; 
il  s'ëtoit  rendu  maître  de  Pavie  &  de  Milan. 
Ce  fut  dans    cette  dernière   ville  qu'il  dé- 
ploya toute  la  fierté   de    Ion  ame.   A}ant 
vu  des  tableaux   dans    lefquels   les    empe-  j 
reurs  étoient   repréfentés  (ur   leur  trône  , 
&  traitant  les  rois  en   efclaves  ,  il    les    fit  . 
effacer  aulH-fôt ,  &  en  fit  faire  d'autres  où  , 
les  empereurs  étoient  reprélentés   dans  une  j 
attitude  hu!ni!:ante,  &:  le  conjurant  de  re-  ■ 
cevoir  leurs  hommages  qu'il  icmbloic   de-  \ 
daigner.  Les  romains  étoient  corflernés   de  ! 
crainte;  ils   n'avoient  aucun  obflacle  A  op- 

f)oier  aux  Hvms.  Aétius  étoit  dans  les  Gau-  j 
es  ,  où  il  s'efforçcit  de  foutenir  ime  ombre  i 
de  la  majeflé  romaine  ;  S.i  s'il  étoit  vrai  que  ! 
la  dellinée  i^éttilz  eût  dépendu  de  lui  l'an- 
née précédente,  il  dutfe  repentir  de  n'en 
avoir  pas  profité  pour  le  perdre.  Convaincu 
del'impoiîibilité  de  conlerver l'Italie  ,  décri- 
vit ;\  Valentinien  III ,  lui  conieillant  de 
faire  la  paix  ,  n'importe  quelles  en  fuiTcnr 
les  conditions ,  ou  de  fe  rendre  dans  les 
Gaules  où  il  lui  préparolt  une  retraite.  Tel 
étoit  le  déplorable  état  de  l'empire  ,  lorl- 
que  le  pape  Léon  lortit  de  Rome ,  &  alla 
au  devant  à^ Attila.  ;  parvenu  à  la  tente,  il 
fe  jette  à  fes  pies ,  &  le  conjure ,  avec 
larmes  ,  de  rendre  le  calme  à  l'occident.  Le 
pon;ife  parvint  à  toucher  le  cœur  du  bar- 
bare. Attila  fe  tourna  vers  les  (eigneurs  de 
fa  cour.  "  Je  ne  fais  pourquoi ,  leur  dir- 
»  il,  les  paroles  de  ce  prctrc  m'ont  touché.  » 
On  prétend  qu'il  afîlira  avoir  vu  un  fan- 
tôme vêtu  pontificalement ,.  qui  le  mena- 
çoit  de  le  tuer  ,  s'il  perfiiloit  à  vouloir  la 
guerre.  Il  confentit  enfin  à  fe  retirer  ,  mais 
à  condition  qu'on  lui  remettroit  Honora  , 
fccur  de  Valentinien  ,  qu'il  réclamoit  com- 
me la  femme  ,  avec  la  part  du  trélor  im- 
périal ,  qui  revenoit  à  cette  princeile  ;  il 
exigeoit  en  outre  une  penfion  annuelle. 
L'empereur  foufcrivit  à  ces  conditions,  ne 
croj-ant  pouvoir  racheter  à  trop  haut  prix 
les  maux  dont  l'empire  étoit  menacé. 

Atiila  ne  l'urvécut  point  à  cette  expédi- 
tion ;  il   fongeoit  à  faire  une  invaiion  en 


ATT  5,11 

Aflc  ,  lorfqu'il  fut  pris    d'un    faigncmeiu 
de  nez,  dont  il  mourut  l'an  453-  On  pré- 
tend ,    contre    toute  vrailcmblancc,    ou  d 
étoit  dans  la  cent  vingt- cinquième  année  : 
il  n'eil    guère   probable  qu'à  cet  âge  on 
piiifîc    fupporter  les    fatigues  des   guerres 
laborieules     qu'il    entrcprcnoit  fans     cefiè. 
Bonfinius  qui  rapporte  cette  particularité, 
en  ajoute  une  plus  croy.ible  ;  ilafllire  qu'il 
mourut  pour  s'être  livré  à  des  plailîrs  trop 
vifs  le   jour  de  les    noces.  Plufieurs    mo- 
dernes   le  font  plu  à  nous  tracer  le   por- 
trait de  cet   homme  étonnant ,  &  en    ont 
faifi  fous  les   traits.  "Ils  (les  Huns)  étoic/it, 
y>   dit  l'un  d'eux ,  gouvernés  par  AtiiU ,  le 
»    monarque   le   plus   redoutable    qui  fut 
»    alois  dans  l'univers.  S'il  eil  vrai  qu'il  ait 
»    conquis  la  Germanie  ,  comme  quelques- 
j>    uns  le  prétendent  ,    fans  cependant  rap- 
»    porter  les  guerres  qu'il    eut  à  foutenir 
>?   pour  ^'en  rendre  maître ,  fcsétats  s'éten- 
»   doient  des  rives  du  Rhin  jufqu'aux  bords 
»    les  plus  reculés  de  la  mer  Noire  (  on  ne 
»   lauroit    fixer    autrement     l'étendue    de 
»   la    domination  }  ;     elle    n'avoit     pour 
»    bornes   que    la  terreur  de   fes    voifins. 
»>   Les  princes  &  les  rois  trembloient  à  foa 
»   ieul    nom;    &    la  déférence  qu'a  t'oient 
>j    pour    kii    l'empereur    d'orient   &    celui 
»  d'occident ,  ne    diliéroit  pas  de  l'obéil- 
»   fance  que  des  lujets  doivent  à  leur  l'ou- 
>j   verain.  Egalement  fait  pour  la  guerre  & 
»    pour  la  politique,  il  a  voit  tous  les   ta- 
»   lens  du  capitaine  &  de  l'homme   d'étnt, 
»   employant  tour-à-rour  &  toujours  avec 
>5   luccès  ,   les  forces  ,  les  menaces  ,  l'arti- 
»   fice  &  la  rufe.  Il  ufoit  indifféremment 
»    de  tous  les  moyens  :  aucun  n'étoit  vil  à 
»'    fes  yeux  ,  s'il  lui  prf)curo!t  la  viétoirc. 
»    Quoique  craint  de  les  lujets  ,   il  en  fut 
>»   l'amour  &  l'idole  ,  comme  11  fut  la  ter- 
»   reur  &  l'eiïroi  de  fes  ennemis  ;  ce  n'é- 
»>   toit  pas  par  une  vaine  oHentation  qu'il 
»   en  impoloit  au  peuple;  plein  demépiis 
»  pour  cette  magnificence   que  les  fouve- 
>3   rains  étalent    comme  le    figne   de  leur 
»   grandeur,  il  fe  montr.oit    toujours   en 
»)   public  dans  la  plus  grande  fimplicité.  Il 
»    paroiiloit  pauvre  au  milieu  des    dépouil- 
>)   les  d'une  partie  de    la    terre  ;  il  n'a\'Git 
>j   d'autre   lymbole  de  la  puillance  que  la 
>}   lance  &  fbn  épée.  Son  trône  étoit  une 


5)11  ATT 

»j  chaife  de  bois  ,  quelquefois  même  une 
7)  pierre  brute  ,  placée  fous  un  arbre  ,  & 
»  lous  un  drapeau  qui  lui  fervoit  de 
7>  tente.  C'ctoit  à  ce  tribunal  qu'il  ci- 
«  toit  le  Perfe  ,  le  Grec  &  le  Ro- 
«  main  ,  qui  tous  s'humilioient  devant 
«  lui.  .  .  .  Comme  tout  intérefle  , 
*>  continue  le  même  auteur  ,  dans  la  vie 
7>  de  cet  homme  extraordinaire  ,  je  dirai 
»  quelque  chofe  de  Ton  extérieur  :  quoi- 
"  que  d'une  taille  au  deiTbus  de  la  médio- 
»  cre  ,  il  avoit  la  tête  d'une  grofleur  dé- 
w  melii.rée  ,  le  nez  extrêmement  large  & 
»'  écrafé  ,  le  front  applati ,  la  barbe  claire 
»  &  entrecoupée  par  d'afïreufes  cicatri- 
w  ces  ;  ies  yeux  petits  ,  qu'il  ne  favoit 
»'  fixer  ,  étoient  comme  ion  corps  ,  tou- 
f>   jours  en  mouvement  :  cette  figure    hi- 

»   dcufe Tout  en  lui  fembloitdire  au 

»'  monde  qu'il  étoit  tait  pour  ca  troubler 
»  la  paix.  >j  M.  de  Montefquieu  l'a  peint 
avec  cette  touche  vigoureure&  iublime  ,  qui 
n'appartient  qu'à  ce  profond  écrivain.  "  Ce 
»'  prince  ,  dans  fa  maifon  de  bois  ,  où 
»  nous  le  préfente  Prifcus,  dit-il,  maître  de 
»'  routes  les  nations  barbares  ,  &  en  quel- 
»»  que  façon  de  toutes  celles  qui  étoient 
»  policées  ,  étoit  un  des  grands  monar- 
»>  ques  dont  l'hinoire  ait  jamais  parlé.  On 
«  voyoit  à  iii  cour  les  ambaddcurs  des 
»>  Romains  d'orient  &  de  ceux  d'occident  , 
?'  qui  venoient  recevoir  fes  loix,  ou  im- 
*>  plorer  fa  clémence  ;  tantôt  il  deman- 
♦>  doit  qu'®n  lui  rendît  les  Huns  u-anstu- 
»>  ges  ,  ou  les  efclaves  Romains  qui  s'é- 
»'  toient  évadés  ;  tantôt  qu'on  lui  livrât 
»  quelque  minillre  de  l'empereur  :  il  avoit 
»j  mis  fur  l'empire  d'orient  un  tribut  de 
»5  deux  mille  cent  livres  d'or.  Il  recevoit 
»>  les  appointemens  de  général  des  armées 
»j  romaines.  Il  étoit  craint  de  fes  fujets  ; 
9)  &  il  ne  paroît  pas  qu'il  en  lût  haï  : 
#>  prodigieufèment  fier ,  mais  cependant 
»>  rufé ,  ardent  dans  là  colère  ,  mais  fa- 
»)  chant  pardonner  oudirtérerla  punition, 
»>  iuivant  qu'il  convenoit  à  fes  intérêts  , 
»}  ne  failant  jamais  la  guerre ,  quand  la 
w  paix  pouvoit  lui  donner  aflez  d'avanta- 
s»  ges ,  fidellement  lervi  des  rois  même  qui 
»)  étoient  ious  fa  dépendance  ;  il  avoit 
?>  gardé  pour  lui  leul  l'ancienne  fimplicité 
p>  des  lîicEurt.  des  Hunï.  Du   relie  ,  ou  ne 


ATT 

»>  peut  guère  louer  ,  fur  fa  bravoure,  le  chef 
»  d'une  nation  où  les  enfans  entroient  en 
>5  fureur  au  récit  des  hauts  laits  d'armes 
»  de  leurs  pères ,  &  où  les  pères  verloient 
»  des  larmes  parce  qu'ils  ne  pouvoient  pas 
»>  imiter  leurs  enfans.  »  Ce  ieroit  une  pré- 
iomption  téméraire  de  vouloir  rien  ajouter 
aux  réflexions  de  ce  grand  peintre. 

La  valle   monai-chie   dont    Attila   avoit 
été  le  fondateur  ,  fut  divifés  après  fa  mort. 
Pcrfuadé  que   tout  partage  conduit  un  état 
à   fa  ruine   inévitable  ,    il    avoit  nommé  , 
pour  lui  fuccéder  ,  Eliac  l'ainé  de  fes  fils  ; 
mais  lès  vues  ,  qui  attefloient  fi  politique  , 
furent  furmontées  par  le  cri  de  la  nature, 
qui  ,  mettant  une  parfaite   égalité  entre  les 
enfans   d'un   pcre  commun  ,    femble    leur 
donner    les  mêmes    droits  à  ion   héritage. 
Ellac  avoit  toutes  les  qualités  qui  caraâé- 
rifent  un    général  ;  &  ce  n'ctoit  que  par 
celles-là  que  l'on  devoir  prétendre  à  régner 
iur  un   peuple  qui   ne    vivoit  que  dans  le 
camp ,  &    qui  ne   goûtoit    de  plaifir   que 
fur  le  champ  de    bataille.   Mais  il  avoit  un 
grand   nombre  de  frères  qui ,  tous  ,  s'étoient 
lignalés   par    des  adions  de  la    plus   éton- 
nante valeur  ;  ne    pouvant  fe   reioudre   à 
obéir  ,  ils  fe  firent  des  partifans  ,  &  fe  réu- 
nirent pour  demander  une  égalité  de  par- 
tage :  leurs  prétentions  réciproques   plon- 
gèrent   toutes    les    nations    Icptentrionalcs 
dans  la  plus  horrible    confufion.    Les  rois 
tributaires    ou  fujets    en  profitèrent    pour 
recouvrer  leur  indépendance.  Ardaric  ,  roi 
des  Gépides  ,  fit  entendre   à  Ellac  &  à  les 
frères  qu'il  neprétendoit  recevoir  les  loix 
d'aucun  d'eux.  Sa  fierté  étoit  indignée  qu'on 
le  difputât  fa  conquête    comme  celle  d'un 
vil    bétail  ;  les  autres  rois    des  différentes 
nations  ,  Scythes  ,  Sarmates  &   Germains 
firent  voir   le  même   cfprit  d'indépendan- 
ce ;  ils  réunirent  leurs  forces  à  celles  d'Ar- 
daric ,   &  tous  enfemble  allèrent  combat- 
tre Ellac  ,   qui   fut  alfez  généreux  pour  re- 
noncer à  la  fupérioritc  qu'il  prétendoit    fur 
(es  frères,   &  pour  marcher  leur  égal  con- 
tre l'ennemi  commun.  Les  rois  rebelles  eu- 
rent l'avantage    dans    une  grande  bataille. 
Leur  viftoire  fut  i'cellée  du  lang  de  trente 
mille    Huns    &    de    celui    d'Ellac  ,    qui 
fit  des  prodiges    de    valeur ,    &    périt   en 
di^ue  iiis  à'ALula.  Les  Huns  vaincus  aban- 

donnereiit 


ATT 

âonhéfcnt  la  Pannonie  aux  Gc'pides ,  &  fi- 
rent une  retraite  vers  rembouchurc  du  Da- 
nube. (  T-N.  ) 

ATTiL(EPONS  ,  (G^'ogr.  )  c'étoit  au- 
trefois un  bourg  de  la  Gaule  Belgique  ; 
c'eft  prélèiKcment  un  village  du  duché  de 
Luxembourg  ,  n  iinmé  Etulsbruck ,  ;\  qua- 
tre lieues  de  la  capitale  &  à  cinq  de  Trê- 
ves.   (  C.  A .) 

ATTILUS  ,  (  Hifl.  de  Sucde.  )  roi  de 
.Suéde  ;  il  n'efl  célèbre  que  par  fon  avarice. 
Il  (lirchargca  (on  peuple  d'impôts ,  non  pour 
entretenir  le  luxe  de  fa  cour,  mais  pour  cn- 
levellr  dans  des  caveaux  la  lubflance  du 
pauvre.  Il  eut  le  fort  des  avares ,  il  vécut 
dans  des  alarmes  conrinuclles  ,  époufa  une 
femme  prodigue  ,  qui ,  de  concert  avec 
ion  fils  Rovolo  ,  roi  de  Danemarck  ,  en- 
leva (es  trélors  &  alla  les  diflipcr  dans  les 
états   de  ce  prince.    {M.  de  Sac  y.) 

ATTI-MEER-ALU,  f.  m.  {Hifi. 
nie.  Botaniq.  )  figuier  du  Malabar  ,  dont 
Van-Rheede  a  donne  une  adèz  bonne 
figure  dans  fon  Hortus  Malabaricus  ,  iv- 
lume  III  y  page  75,  planche  L  VIII , 
les  Brames  l'appellent  rauka-paray  ;  les 
Portugais  arrore  da  raijs  ladrao  ,  les 
Hollandois  worcel-fijgh. 

C'efl  Tarbrc  le  plus  gros  qui  ait  encore 
été  obfervé  dans  les  Indes  &  dont  l'ac- 
croiflèmcnt  eft  le  plus  fingulier.  Sa  graine 
l;ve  foit  fur  le  tronc  de  certains  arbres  , 
l'oit  entre  les  lentes  des  rochers  ou  des  vieil- 
les mazures  des  bâtimcns  ,  d'où  il  pend 
en-bas  comme  un  lizeron  ou  comme  une 
liane ,  ou  toute  autre  plante  grimpante  en 
général.  Sa  racine  ou  la  tige  jette  cnfliite 
des  filets  minces  d'abord  ,  qui  fe  fichent 
en  terre  ,  qui  groffiiïent  &  forment  un 
tronc  confidérable  ,  pendant  que  la  racine 
&  la  tige  ancienne  meurent  :  ce  tronc  jette 
de  tous  côtés  de  nouveaux  filets  qui  fe 
joignent  à  lui  pour  le  groiîlr  encore  ,  de 
forte  qu'il  paro'it  comme  cannelé  ou  formé 
de  cotes  longitudinales  &  inégales  ;  & 
il  prend  ainfi  jufqu'à  douze  à  dix  -  huit 
pics  de  diamètre  fur  une  pareille  hau- 
teur. Ces  filets  fe  prolongent  jufqu'à  terre  , 
où  ils  forment  des  racines  blanches  à  écorce 
noirâtre ,  peu  épaiffes  ,  qui  s'étendent  fort 
au  loin  fous  terre  à  une  petite  profondeur. 
Les  branches  qui  couronnent  cet  arbre 
Tome  III, 


ATT  5)13 

font  très-nombrcufes ,  fort  minces  ,  &  s'é- 
tendent en  rayonnant  de  tous  côiés  ,  de 
manière  à  lui  former  une  cime  hémifphéri- 
que.  Les  jeunes  branches  font  moins  écar- 
tées ,  elles  s'écartent  fous  un  angle  qui  a 
à  peine  30  à  40  degrés  d'ouverture;  leur 
bois  ainfi  que  celui  du  tronc  ,  cil  blanc  , 
mou  ,  flexible  ,  &  recouvert  d'une  écorce 
vcrd-cendrée. 

Les  feuilles  refïcmblent  affez  A  celles  de 
l'atti-alu  ,  mais  elles  font  moins  ferrées  ,  un 
peu  moins  grandes  ,  moins  larges  à  propor- 
tion ,  ayant  à  peine  cinq  pouces  de  lon- 
gueur ;  elles  f'ont  plus  rudes  en  dcfl'ous  , 
portées  fur  un  pédicule  très-court  ;  leur 
nervure  inférieure  les  coupe  en  deux  par- 
ties inégales ,  &  les  côtes  qu'elle  jette  au 
nombre  de*  cinq  à  fix  de  chaque  côté  , 
lont  alternes  &  difnolées  de  manière  qu'il 
n'y  en  a  aucune  à  leur  origine  qui  forme 
les  trois  côtes  que  l'on  remarque  dans  cel- 
les de  l'atti-alu. 

Les  figues  ou  enveloppes  qui  contien- 
nent les  fleurs  ,  iortent  i'olitairement  de 
raifTellc  de  chaque  feuille  ,  dont  elles  fur- 
pafiént  de  beaucoup  le  pédicule  en  lon- 
gueur. Elles  ont  la  forme  de  la  figure  or- 
dinaire ou  celle  de  l'atti-alu  ,  mais  elles 
lont  beaucoup  plus  petites  ,  aj'ant  environ 
fix  lignes  de  diamètre  ;  le  pcduncule  qui 
les  porte  eft  une  ;\  deux  fois  plus  court 
qu'elles  ,  &  fort  mince ,  de  fnrre  qu'elles 
pendent  horizontalement.  En  mùrilT'ant  elles 
deviennent  rouges  &  pleines  d'une  chair 
blanche. 

Qualités.  Uatti-rncer-alu  efl  fins  odeur  ; 
toutes  fcs  parties  ont  une  faveur  acerbe 
&  amere  ;  coupée  ,  elles  rendent  un  fjc 
laiteux ,  épais  ,  onchieux  ,  acre  ,  qui  en 
léchant  devient  purpurin.  Cet  arbre  efî 
toujours  verd  &  couvert  de  feuilles  &  de 
fruits  toute  l'année.  Il  croît  par-tout  le 
Malabar  ;  dans  le  Kandenate  ,  province  da 
royaume  de  Cochin  ,  près  du  temple  de 
Bayca  ,  on  en  voit  un  dont  le  tronc  a  ')0 
pies  géométriques  de  circonférence  ,  &  que 
les  habitans  alTurent  avoir  déjà  vécu  deux 
mille  ans. 

Ufagcs.  Ses  figues  fe  mangent  comme 
celles  de  l'atti-alu  ;  elles  font  fouveraincs 
pour  arrêter  les  flux  de  ventre  de  toute 
cfpccc.    Le    fuc    des  feuilles  fe   boit  dan* 

T-rttt 


c)i4  A  TT   ^ 

ks  fièvres  ardentes.  La  décoftion  de  fa 
racine  ouvre  puiffamment  les  obftrudions 
du  foie  ,  &  guérit  tous  les  ulcères  de  la 
bouche.  {M.Adanson.) 

ATTIQUE,  {Geosr.anc.)  province  de 
TAchaïe,  en  Grèce,  entre  la  mer  Egée, 
la  Béotie ,  &  le  pays  de  Mégare.  Le  peuple 
de  YAttique  étoit  diviie  en  dix  tribus  ;  ces 
tribus  occupoient  une  partie  de  la  ville 
d'Athènes  ,  &  quelques  bourgs  ,  villa- 
ges,  &  vilicï.  Vojei  RÉPUBLIQUE 
d'Athènes.  On  y  en  ajouta  trois  dans  la 
fuite  ;  &  l'on  démembra  quelques  portions 
des  anciennes ,  pour  former  les  nouvelles  ; 
ce  qui  tait  que  certains  bourgs  ,  dans  les 
anciens  auteurs  ,  font  attribués  à  diftérentes 
tribus.  Le  confeil  des  Prytanes  étoit  com- 
pofé  de  50  perfonnes  prifes  de  chaque  tribu. 
La  tribu  Erechthcide  étoit  ainii  nommée 
d'Ereûheus  ;  VEgcïde  ,  d'Egée  ;  la  Pan- 
dionique  ,  de  Pandion  ;  la  Léontide ,_  de 
Léon  ,  qui  dévoua  fes  filles  pour  le  ialut 
de  la  patrie;  laPtole'/naide  ,  dePtolémée, 
fils  de  Lagus  ,  VAcamantide  ,  d'Acamas , 
fils  de  Théfée  ,  ÏAdrianique  ,  d'Adrien  ; 
YOe'néide,  d'Oénée  ,  fils  de  Pandion  ;  la 
Ce'cropide  ,  du  roi  Cécrops  ;  ÏHyppothoon- 
tide  ,  d'Hyppothoon  ,  fils  de  Neptune  ; 
VAlamide  ,  ou  X  M  and  de  ,  d'Ajax  de 
Télamon  ;  VAntiochide  ,  d'Antiochus  , 
fils  d'Hercule  ;ry3ffra//£i!fj,.  d'Attale,  roi  de 
Pcrgame.  Ces  treize  tribus  comprenoicnt  174- 
peuples  ou  communautés  de  noms  difterens. 

Eirélides,  Herme,  Hepheflia,  Thorique, 
le  Céramique  de  dehors ,  Céphale ,  Ci- 
cynna  ,  Curtiades  ,  Porns  ,  Profpalota  , 
Sphettos  ,  Cholargos  ,  appartenolent  à  VA- 
camantide. 

Marathon,.  Oéné  d'Aiantide  ,  Rnmne  , 
Titacide ,  Tricorynthe ,  le  Phalere  ,  Pfaphi- 
des,  appartenoicTit  à ÏAiamide  ou  yEantide, 

jEgilie  ,  Alopeque  ,  Amphitropé  ,  Ana- 
phl}  lie  ,  Atené  ,  Befa  ,  Thores  ,  Itea  , 
Crioa  ,  Leccum- ,  Leucopyra  ,  Melenes  , 
Pallené  ,  Pentelé  ,  Perrides,Felequcs ,  Sc- 
machides  ,  Phryrn ,  appartenoient  à  ÏAn- 
xiochide. 

Agnus,  ApoUonia,  Sunium  ,  à  YAtuIide. 

Athmonon  ,  jExoné  ,  Aies  ,  .^xonines  , 
Da:dalides  ,  Epiciquides  ,  Mclite  ,  Xipeté  , 
Pithos ,  Sypaicttc  ,  Tiinéoicis  ,  à  la  Ce- 
twjjide. 


ATT 

Aies  ,  Araphenides  ,  Araphen  ,  BatéJ 
Gargette  ,  Diomoea  ,  Erechtiha  ,  Ericera  , 
Icaria ,  lonides  ,  CoUyte ,  Cydantides ,  Plo- 
thras ,  Philîdes  ,  Chollides  ,  à  YEgeïde. 

Agraulé  ,  Anagyre  ,  Euonynos ,  The- 
machos  ,  Kedes  ,  Céphyfie ,  Lampra  fu- 
périeure  &  inférieure ,  Pambotades  ,  Per- 
gafé ,  Sybrides ,  Phigus  ,  à  VErcchtéides. 

Aphidne,  Elou(a,Oa,  Adrianide ,  Plie- 
gxa  ,   à  X Adrianide. 

Azcnia,  Amanxanthea,  Anacara  ,  Acher- 

de ,  Decel^a  ,  Elius ,  Eleufis ,  Troiades  , 
Thimoitades ,  Kciriade  ,  Coïlé  ,  Corydal- 
los  ,  Oeum  Deceleicum  ,  Oénoé  Hyppo- 
thoontide  ,  le  Pyrée  ,  Spendale  ,  à  VHyp- 
pothoontide. 

jEthalides  ,  Halime  ,  Deirades  ,  Ekalé  , 
Eupyrides ,  Ketti ,  Croppia  ,  Leuconium  , 
Oeum  Ceramicum  ,  Pzonides  ,  Potamos  > 
Scambonides  ,  Hybabes  ,  Phréarrhes ,  à  la 
Léontide. 

Acharne ,  Butades ,  Brauron ,  Epicephe- 
fia  ,  Thria  ,  Hyppotamades  ,  Laciades ,  Lu- 
cia ,  Oë  ,  Perithoides ,  Ptelea  ,  Tyrmides  y 
Philé  ,  à  la  Léontide. 

Angelé  ,  Cydathen^um  ,  Cytheron  , 
Myrrhinus  ,  Pacanie  fupéricure  &  intérieu- 
re ,  Prafies  ,  Probalynthe  ,  Stirie  ,  Pheg;ça  , 
à  la   Pandtonide. 

Berenicides  ,  Tyrgonldes  ,  Conthylé  , 
Phlya,  à  la  Ptolémaïde. 
'  Argiha  ,  Harma ,  Achrade  ,  Dryme  , 
Edapteon ,  Enna ,  Echelides ,  Euchontheus, 
Zolier  ,  Thebe  ,  Thrion  ,  Calé  ,  le  Céra- 
mique de  dedans ,  Cothocides  ,  Colonos 
Hippies,  Colonos  Agoraios  ,  Cynolarges  , 
Lariiîa  ,  Laurium  ,  Lensum  ,  Limnes  , 
Miletum  ,  Munichia,  Panade  ,  Parncfhe  , 
Pnyx,  Patrocleia  ,  Sciron,  Sporgilos,  Hy- 
mette  ,  Hyfies  ,  Phormilii  ,  Phirittii ,  Chi- 
tone  ,  Orope  ,  ibnt  des  lieux  dont  on  ignore 
les  tribus. 

AtTIQUE.  Voyei  ÉPOQUE  ,  ou  ErE 
ATTIQUE. 

AttIQUE-,  tribu  attique.  Fôj.  Tribu. 

AttiQUE  ,  talent  attique.  Voyf{  TA- 
LENT. 

Attique  ,  {en  Architeclure.  )  étage  peu 

élevé  qui  fert  à  couronner  &  exhauiîcr  un 

bel  étage  ,  tel  que  C(.lui  qui  le  voit  à  Ver-i 

,  laJllcs  ducuté  des  jardins  :.  on  nuinmc  cet 


ATT 

étage  fupéricur  attique  ,  parce  que  /à  pro- 
portion imite  celle  des  bâtimens  pratiques 
A  Athènes,  qui  étoient  tenus  d'une  hauteur 
médiocre  ,  &  ("ur  leiquels  il  ne  paroilToit 
çoint  de  toirs  ,  auili  faut-il  fe  garder  d'en 
taire  paroître  de  trop  élevés  ,  qui  iemble- 
«roient  accabler  cet  étage  ;  &  li ,  dans  un  bâ- 
timent de  beaucoup  de  protondeur ,  on  ne 
pouvoit  fe  dilpenler  d'introduire  des  com- 
bles apparens ,  il  huidroit  le  garder  de  pra- 
tiquer Ibus  ces  combles  de  pareils  étages, 
malgré  l'ulage  fréquent  qu'on  en  fait  dans  nos 
bâtimens  à  la  place  des  maniardcs  ;  ce  qui 
rend  à  la  vérité  les  étages  liipérieurs  beau- 
coup plus  praticables. 

Ces  efpeces  d'étages  font  fouvent  déco- 
rés d'un  ordre  d'architcéhire  qui  n'a  rien 
de  commun  avec  la  proportion  des  cinq 
efpeces  d'ordonnances ,  tolcane ,  dorique  , 
ionique  ,  corinthienne  ,  &  compofce  :  mais 
cependant  il  doit  y  avoir  quelque  rapport 
avec  le  genre  d'architecture  qui  le  reçoit  ; 
c'efl-à-dire ,  que  chacun  des  cinq  ordres  a 
fa  proportion  particulière ,  qui  exprime  le 
genre  ruftique  ,  f'olide  ,  moyen  ,  délicat , 
•&  compofé  ;  &  que  l'ordre  unique ,  à  lui 
leul ,  doit  emprunter  de  chacun  de  ces 
ordres  le  caractère  qui Jui  convient,  félon 
qu'il  eft  placé  fur  l'un  d'eux  ,  fans  pour 
cela  avoir  plus  de  cinq  diamètres  au  moins, 
ou  fix  diamètres  au  plus ,  &:  fe  diflinguer 
principalement  par  la  richeffe  ou  la  fim- 
plicité ,  félon  que  l'exige  la  convenance  du 
bâtiment. 

La  plupart  des  architedes  font  d'avis 
contraire  fur  la  hauteur  qu'on  doit  don- 
ner ;\  cet  ordre,  par  rapport  à  celui  de 
deflbus.  Ce  qu'ils  ont  trouvé  de  plus  par- 
fait dans  les  exemples  antiques ,  n'a  pu 
les  accorder  :  les  uns  lui  donnent  les  deux 
tiers  de  la  hauteur  de  l'ordre  qui  les  fou- 
tient  ;  les  autres  ne  lui  donnent  que  la 
moitié.  Je  fuis  de  ce  dernier  avis ,  &  je  con- 
viens néanmoins  que  cette  proportion  peut 
varier  de  quelque  choie,  félon  que  l'édi- 
fice efl:  plus  ou  moins  élevé  ;  ce  qui  ne  peut 
fe  déterminer  qu'à  la  faveur  des  régies  de 
l'optique ,  fans  lefquclles  on  ne  peut  que 
tâtonneV ,  rliquer  de  fliire  des  fautes  monf- 
trueufes ,  ou  réufîlr  par  un  heureux  hazard. 

Jamais  il  ne  faut  employer  cet  ordre  en 
colonne  ,  fa  proportion  raccourcie  ne  pou- 


ATT  <>ij 

vant  jamais  faire  un  bon  cfîct  ;  &:  quand 
il  le  trouve  des  colonnes  dans  l'ordonnance 
d'un   bâtiment    que  l'on    veut    couronner 

d'un  attique,  il  faut  reculer  ce  dernier  ordre 
à  plomb  des  pilafîres  de  deflbus ,  &  cou- 
ronner les  colonnes  de  devant  avec  des 
figures ,  comme  à  Verniilles ,  à  Saint-Cloud, 
à  Clagny ,  ùc.  Il  faut  lavoir  aufll  que  les 
croiit^es  que  l'on  pratique  dans  ces  étages 
doivent  ctre  quarrées  ,  ou  tout  au  plus 
que  leur  largeur  doit  être  A  la  hauteur  , 
comme  4  eft  à  5  ;  &  fur-tout  éviter  de  les 
faire  barlongues ,  forme  confacrée  aux 
fbupiraux.    Voyei;^  AbajoUR. 

Les  baluffrades  qui  couronnent  cet  étage  > 
doivent  aufii  fe  reiïèntir  de  fa  proportion 
raccourcie,  &  avoir  environ  un  cinquième 
moins  de  hauteur  que  celles  qui  couronnent 
un  ordre  régulier. 

On  pratique  fouvent  des  aniques  fans 
ordre  &  fans  croifée  :  ils  font  deftinés^ 
recevoir  feulement  des  infcriptions  au  lieu 
de  baluflrades ,  tels  qu'on  voit  ceux  de  la 
porte  de  S.  Denys ,  S.  Martin  ,  S.  Bernard, 
à  la  plupart  des  fontaines  publiques  ;  alors 
ces  attiques  prennent  le  nom  de  l'architec- 
ture qui  les  reçoit ,  &  de  la  diverflté  des 
formes  qui  les  compofènt  ;  ce  qui  fait  ap- 
pcller  attique  continu,  celui  qui  entoure 
toutes  les  faces  d'un  bâtiment  fans  inter- 
ruption ;  attique  circulaire  ,  celui  qui  fert 
d'cxhauflement  àun  dôme,  A  une  coupole, 
à  une  lanterne ,  Ùc.  attique  interpofé,  celui 
qui  efl  Ctué  entre  deux  grands  étages  ; 
attique  de  comble  ,  celui  qui  efl  conflruit 
de  pierre  ou  de  bois ,  revêtu  de  plomb  , 
fervant  de  parapet  à  une  tcrraile  ,  plate- 
forme ,  ùc.  attique  de  cheminée ,  le  revê- 
tiflement  de  marbre  ou  de  menuifèric  ,  de- 
puis le  dellus  de  la  tablette  ,  jufqu'environ 
la  moitié  de  la  hauteur  du  manteau  ;  ces 
derniers  étoient  fort  ulités  dans  le  dernier 
fiecle ,  avaftt  l'ufage  des  glaces  :  Verfàilles  , 
Triannon  &  Clagny  nous  en  fournifTent 
des  exemples  ,  que  l'on  imite  encore  au- 
jourd'hui dans  les  grandes  pièces  ,  où  la 
dépenle  &  la  décoration  des  glaces  feroient 
fuperflues.  (P) 

ATTIRAGE (Poids  d'),  c'eflainfique 

les   hleurs  d'or    appellent    les  poids    em- 

I  ployés  dans    leur  rouet.  Voye\  à  l'article 

l  Filer  l'or  ,  dans  la  defcription  du  rouet» 

T  tttt  Z 


5>i^  ATT 

i  ulàge  de  ces  poids.  Voyei  aujfi  Vexplica- 
tion   du    même  mot  au  MoULIN  A  FIL. 

Les  filcurs  d'or  donnent  auilî  le  nom  de 
cordes  d'attuage,  aux  cordes  qui  foutien- 
nent  les  poids   à!attirage. 

ATTISE ,  f.  f.  nom  que  l'on  donne 
dans  les  BraJ/eries  ,  au  bois  que  l'on  mec 
dans  les  fourne.'.ux  ious  les  chaudières. 

ATTISONNOIR,  f.  m.  Les  Fondeurs 
appellent  ainiî  un  outil  crochu  dont  ils  ie 
iervenr   pour  atti!er  le  feu. 

ATTITUDE  ,  f.  f.  en  terme  de  peinture 
ù  de  Jculpture ,  cû  la  pofition  ou  l'aâion 
des  figures  en  général  :  néanmoins  il  fem- 
ble  convenir  particulièrement  à  celles 
qu'on  a  miles  dans  une  pofition  tranquille. 
On  dit  l'attitude  ,  &  non  ïaclion  d'un 
corps  mort. 

On  dit  :  cette  figure  efl  bien  dejjînée  ,  bien 
coloriée  ,  mais  /'attitude  en  ejl  déf agréable . 

(R) 

Attitude  ,  en  Ecriture ,  fe  dit  de  la 
pofition  du  corps  &  de  la  tête  quand  on 
^crit. 

Il  y  a  deux  fortes  à' attitude ,  félon  la 
forte  d'écriture  ;  on  a  la  tête  un  peu  pan- 
chée  fiir  la  gauche  pour  la  bâtarde  &  la 
coulée  ;  on  l'a  dro'ite  pour  la  ronde. 

*  ATTOCK  (  Royaume  d'  ),  {Géog.) 
province  d'Afie  dans  l'empire  du  Mogol , 
vers  la  grande  Tartarie  &  les  fources  de 
ITude ,  entre  les  provinces  de  Cachemire , 
Penback  ,  Multant ,  Hujacan  &;  Cabul. 
Le  Send  &  l'Inde  en  font  les  principales 
rivières. 

ATTOMBISSEUR,  f  m.  terme  de 
fauconnerie ,  oileau  qui  attaque  le  héron 
dans  Ion  vol  :  il  taiit  lavoir  qu'on  en  lâche 
plufieurs  (lir  lui  ,  &  qu'il  y  en  a  qui  lui 
donnent  la  première  attaque,  d'autres  la 
féconde.  On  dit  :  ce  faucon  efl  bon  attom- 
bijjeur. 

ATTOUCHEMENT  ,^  f.  m".  (  Ge'om.  ) 
point  ^attouchement ,  qu'on  appelle  aufll 
point  de  contact  ou  de  contingence ,  efl  le 
point  dans  lequel  unu  ligne  droite  touche 
•une  ligne  courbe  ,  ou  dans  lequel  deux 
courbes  fe  touchent.  V.  CONTINGENCE. 

On    dit   ordinairement  en    Géométrie  , 

que  le  point  d'a^^ouL/if/ne/îf vaut  deux  points 

ri"'ntc;-feiSion ,    parce  que  la  tangente  peut 

.•tri«  rCàiirdée  cornoie  uuc  iccïoxîe  qui  coupe 


ATT 

la  courbe  en  deux  points  infiniment  pro- 
ches. En  eflet  ,  difent  les  géomètres ,  con- 
cevons par  exemple  une  ligne  droite  in- 
définie ,  qui  coupe  un  cercle  en  deux  points  ; 
imaginons  enfuite  que  cette  ligne  droite 
fe  meuve  parallèlement  à  elle-même  vers 
le  fommet  du  cercle  ;  les  deux  points  d'in->, 
terfecilon  fe  rapprocheront  infenfiblement , 
&  enfin  fe  contondront ,  ou  ne  feront 
plus  qu'un  point,  lorlque  par  ce  mouve- 
ment la  lécante  fera  devenue  tangente , 
c'efl-à-dire  ne  fera  plus  que  toucher  ou 
raier  ce  cercle. 

Cwnmc  il  n'y  a  point  réellement  de  quan- 
tités infiniment  petites,  &  q  :e  par  con- 
féquent  l'on  ne  iauroiî  concevoir  d.ux. 
points  infiniment  proches  {i-'oy.  INFINI  & 
InfINIMENTPETIt)  ,  il  t. Il  très-impor- 
tant de  le  former  une  idée  nerte  de  cettei- 
façon  de  parler  ,  que  le  point  d'attouche~ 
ment  vaut  deux  points  d'interfecfion.  infi- 
niment proches.  Elle  fignifie  feidenent  que 
le  point  À' attouchement  ell  la  limite  ou  le 
terme  de  tous  les  doubles  points  d'interfec- 
tion  des  fécantes  parallèles  à  la  tangente , 
c'elt-i\-dire  >  que  fi  l'on  mené  parallèlement 
à  la  tangente  ,  une  ligne  qui  coupe  en  deux 
points  la  courbe  ,  par  exemple ,  le  cercle ,. 
on  p<;ut  toujours  imaginer  cette  ligne  à 
une  telle  diflance  de  la  tangente  ,  que  la 
[•difiance  des  deux  points  d'interfcdion  loit 
aufli  petite  qu'on  voudra  :  mais  que  cette 
dilîance  ne  deviendra  pourtant  jamais  ab- 
folument  nulle ,  à  moins  que  la  fécante- 
ne  fe  confonde  abfolument  avec  la  tan- 
gente. C.tte  idée  des  limites  efl:  très-n^tte , 
&  très-utile  pour  réduire  la  géométrie  des 
infinim,  nt     petits    A    àcs    notions    claires,. 

Voyei  Limite,  6v. 

Au  refle ,  il  n'eft  qu.ftion  jufqu'ici  que 
du  point  à'' attouchement  fimple  ;  car  il  y 
a  àts  points  à\ittouchemcnt  qui  équivalent 
à  trois  points  il'interlcûion  ,  comme  dans 
\! attouchement  au  point  d'inflexion  ,  -d'au-» 
très  équivalent  à  quatre  points  d'interfec- 
tion  ,  comme  dans  X attouchement  am  poinr 
de  ferpcntcment  infiniment  petit  ;  &  amfil 
A  l'infini  ;  roy.  INFLEXION,  SerPENTE- 
MENT  :  ce  qui ,  en  réduifant  la  chôfe  i\  des 
notions  claires  ,  fignifie  fimplemcnt  que  b 
valeur  de  la  fècante  devenue  touchante  ,  a 
dans  ce  cas  trois  ou  quatre  ,  t'c.    raciaçs 


ATT 

égales  dans  l'équation  de  la  courbe  ;  je  dis, 
de  la  fecantc  det'cnue  touchante ,  car  il  y  a 
«Ijs  cas  où  une  lécantc  a  plulljurs  racines 
cgales  ,  l'ans  être  touchante,  comme  dans 
les  points  doubles  ,  &  dans  les  points  con- 
jugués. Ce  qui  dillingue  ces  points  des 
points  d'attouchement  ,  c'eil  que  fi  vous 
donnez  une  autre  diredii)n  à  la  ligne  qui 
^toit  tangente  ,  en  la  failant  toujo\irs  pal- 
ier par  le  point  à' accouchement ,  alors  elle 
ne  coupe  plus  la  courbe  qu'en  un  point , 
&  l'équation  qui  reprélènte  fon  interfec- 
tion  celle  d'avoir  des  racines  égales  ;  au 
lieu  que  dans  les  points  multiples  &  con- 
jugués ,  la  lécante  a  toujours  pluiîeurs  ra- 
cines égales ,  quoique  poiition  qu'on  lui 
donne  ,  pourvu  qu'elle  palîe  toujours  par 
le  point  multijile  ou  conjugué.  J^oye^Rk- 
ciNE  ,  Intersection,  Point  mul- 
tiple, Point  CONJUGUÉ,  &c. 

ATTRACTIF  ,  adj.  m.  fe  dit  de  ce  qui 
a  le  pouvoir  ou  la  propriété  d'attirer.  Fo>'. 
Attraction  ,  &c.  Ainll  on  dit  force  at- 

tra^ire  ,  vis  attradiva  ,  &c. 

La  vertu  atcraclive  de  l'aimant  fe  com- 
nui nique  au  fer,  en  faifant  toucher  le  fer 
à  l'aimant.  Voyei^  AlMANT.  (  O) 

Attractifs,  adj.  {Médecine.^ xtmt- 

des  appliqués  extérieurement  ,  qui  par 
l.ur  ailivité  pénètrent  les  porcs  ,  fe  mêlent 
avec  les  matières  qui  caulent  l'obllruc- 
tion  ,  les  raréfient ,  les  diipofent  à  s'é- 
vacuer plus  facil-'ment ,  en  tenant  la  par- 
He  ouverte  par  la  brûlure  ou  par  ïva- 
cifion. 

Les  attractifs  ne  diffèrent  point  des  re- 
mèdes qui  font  mûrir    &   digérer.    Voyei^ 

Mûrir,  Digestion. 

Les  principaux  imipl:s  de  cette  nature 
fcnt  les  différentes  matières  graffes  ,  la 
fiente  de  pigeon  &  celle  de  vache  ,  le  fon , 
k  levain,  le  hareng,  l'encens,  la  poix, 
la  réfine  ,  l'huile  ,  6v. 

La  matière  étant  raréfiée  par  les  re- 
m.'des ,  &  par  conléquent  devenue  plus 
coulante ,  le  (ang  qui  circule  fans  ceffe 
peat  aifémenr  l'entraîner  dans  (on  cours  , 
la  mêle  atnfi  avec  la  mafTj  commune  ,  S: 
caufer  de  grands  délordrcs. 

La  raréfaction  lui  failant  occ^'per  un 
efpace  plus  confidérable  ,  il  en  réf  lit;  une 
•^■xtç.'ifion  dv5  parties  qui   la  contiennent  ; 


ATT  5)17 

&  le  fentimcnt  en  efl  douloureux.  Un 
plus  grand  concours  des  fluidevs ,  &  par 
conléquent  une  augmentation  de  la  tu- 
meur ,  en  font  d'autres  hlclieux  effets.  Ti 
faut  donc  adminiftrer  ce  genre  de  médi- 
camens  avec  une  extrêm.e   circonit)eâ:ion. 

ATTRACTION,  f  k.attra.cfioo\xtrac- 
tio  compofé  de  ad  &  de  traho ,  je  tire  ; 
fignifie,  en  Me'ch.viique ,  l'adion  d'une 
force  motrice ,  par  laquelle  un  mobile  eff 
tiré  ou  rapproché  de  la  puidance  qui  le 
meut.  V.  Puissance  &  Mouvement. 

Comme  la  réaftion  eff  toujours  égale  &: 
contraire  à  l'action  ,  il  s'eniuit  que  dans 
toute  actTacllon  le  moteur  c(l  attiré  vers  le 
mobile  autant  que  le  mobile  vers  le  mo- 
teur. V.  Action  &  Réaction. 

Dans  l'ulage  ordinaire  on  dit ,  qu'un  corps. 
A  eff  attiré  vers  un  autre  corps  B  ,  lorf- 
que  A  eff  lié  ou  attaché  avec  B  j^ar  le 
moyen  d'une  corde  ,  d'une  courroie  ou 
d'un  bâton  ;  c'eff  de  cette  manière  qu'un 
cheval  tire  un  chariot  ou  une  barque  :  & 
en  général  on  dit  qu'un  corps  en  attire 
un  autre ,  lorlqu'il  communique  du  mou- 
vement à  cet  autre  par  le  moyen  de  quel- 
que corps  placé  entr'eux  ,  &  que  le  corps 
mote.'.r  précède  celui  qui  eff  mu. 

De  plus ,  lorlqu'on  voit  deux  corps  li- 
bres ,  éloignés  l'un  de  l'autre  ,  s'approcher 
mutuellement  ians  que  l'on  s'apperçoivc  de 
la  caulè  ,  on  donne  encore  h  ce  phénomène 
le  nom  d'attrairion  ,•  &  c'eff  principale- 
ment dans  ce  dernier  icns  qu'il  a  été  em- 
ployé par  les  philofophes  anciens  &  mo- 
dernes. ISattracfion  ,  prile  dans  le  premier 
iens ,  le  nomme  plus  communément  trac~ 
tion.    Voyei  TRACTION. 

Attraction  o\\  force  attraclii'e ,  dans  l'an- 
cienne phyiique  ,  fignifie  une  force  natu- 
relle qu'on  fuppofe  inhérente  ;\  cerrains 
corps,  &  en  vertu  de  laquelle  ils  agiflent 
fur  d'à  .très  corps  éloignés,  &  les  tirent  A 
eux.   Voyei  FoRCE. 

Le  mouvement  que  ces  prétendues  forces 
produifcnt,  eff  appelle  par  les  Pénpatéti- 
ciens  moui-ement  d'attraclion  ,  &  en  plu- 
fieurs  occafions , /u?-'û.'i,-  &  ils  rapportent 
diiFérens  exemples  où ,  félon  eux ,  ce  mou- 
vement fe  remarque  :  ainfi  nous  refpirons 
l'air ,  difcnt-i's ,  par  atrraflion  eu  faclion  , 


9i«  ATT 

de  même  nous  fuçons  par  attraction  ime  ] 
pipe  de  tabac  :  c'eft  encore  par  attraction 
qu'un  enfant  tette  ;  ceû  par  attraclion  que 
le  flmg  monte  dans  les  ventoufes  ,  que  l'eau 
s'élève  dans  les  pompes,  &  lahiniée  dans 
les  cheminées  ;  les  vapeurs  &  les  exhalai- 
Tons  ibnt  attirées  par  le  foleil ,  le  fer  par 
l'aimant,  les  pailles  &  la  poullierepar  l'am- 
bre &  les  autres  corps  éleâriques.  Voye^ 
SUCTION. 

Si  ces  philofophcs  avoicnt  fait  un  plus 
grand  nombre  d'expériences  ,  ils  auroient 
bientôt  reconnu  que  ces  dilïerens  phéno- 
mènes venoient  de  l'impulfion  d'un  fluide 
invifible.  Ainli  l.t  plupart  des  eftlts  que 
les  anciens  attribuoient  à  Vattraclion  ,  font 
aujourd'hui  attribués  à  des  caules  plus  na- 
turelles &  plus  fenfibles ,  principalement  à 
la  prefliondeFair.  Voye^  AiR  &  PRESSION. 

C'eli  la  preflion  de  l'air,  par  exemple  , 
■qui  produit  les  phénomènes  de  l'infpiration 
des  ventoufes ,  de  la  fuâion  des  pompes  , 
des  vapeurs  ,  des  exhalaifons  ,  &c.  Voye^ 
Respiration  ,  Suction  ,  Pompe  , 
Ventouse  ,  Vapeur  , Fumée  ,  Exha- 
laison ,  &c. 

Sur  les  phénomènes  de  l'attraction  élec- 
trique  &   magnétique  ,    t'oye^  AlMANT  , 

Magnétisme  &  Electricité. 

La  puiffance  oppoféc  à  V attraclion  efl  ap- 
pellée  répuljion  ;  &  l'on  obferve  que  la  ré- 
pulfion  a  lieu  dans  quelques  effets  naturels. 
Voyei  Répulsion. 

Attraction  ou  piiiffance  attractive ,  fe  dit 
plus  particulièrement  dans  la  philofophie 
Newtonienne  ,  d'une  puilTance  ou  principe  , 
en  vertu  duquel  toutes  les  parties  ,  ioit  d'un 
même  corps ,  foit  de  corps  diftérens ,  tendent 
les  unes  vers  les  autres  ;  ou  pour  parler  plus 
exaftement ,  V attraction  efl  l'effet  d'une  puil- 
fance ,  par  laquelle  chaque  particule  de  ma- 
tière rend  vers  une  autre  particule,  l^oye^ 
Matière  &  Particule.  Les  loix  &.  les 
phénomènes  de  rtirfraf7/o/2fontun  des  points 
principaux  de  la  philolophie  Newtonienne. 
J^ojf^  Philosophie  Newtonienne. 

Quoique  ce  grand  philofophe  le  lerve 
du  mot  à'attiaclion ,  comme  les  philofo- 
phes  de  l'école ,  cependant ,  félon  la  plupart 
de  fes  difciples ,  il  y  attache  une  idée  bien 
différente.  Nous  difons/f /0/2  lu  plupart  de  fes 
difciples ,  car  nous  ne  faifons  que  détailler 


ATT 

ici  ce  qui  a  été  dit  fur  Vattracîion ,  nous 
réfervant  à  expofer  à  la  fin  de  cet  article 
notre  fentiment  particulier. 

Uattraclion,  dans  la  philofophie  ancienne, 
étoit ,  félon  eux,  une  eipece  de  qualité 
inhérente  à  certains  corps  ,  &  qui  réfultoit  de 
leurs  formes  particulières  &  Ipécifiqucs  ;  & 
Fidée  que  les  anciens  philolôphes  attachoient 
à  ce  mot  àe  forme ,  étoit  fort  obfcure.  Voy. 
Qualité  &  Forme. 

Uactraclion  Newtonienne  ,  au  contraire  , 
ell  un  principe  indéfini ,  c'ell-à-dire  ,  par 
lequel  on  veut  déiigner  ni  aucune  ei- 
pece ou  manière  d'adion  particulière  ,  ni 
aucune  caufephyfique  d'une  pareille  adion, 
mais  llulement  une  tendance  en  général  , 
un  conatus  accedendi  ou  effort  pour  s'appro- 
cher,  quelle  qu'en  foit  la  caufe  phyfique 
ou  métaphyfique  ;  c'ell-à-dirc  ,  foit  que  la 
puiiîance  qui  le  produit  foit  inhérente  aux 
corps  mêmes  ,  ioit  qu'elle  coniifle  dans 
l'impulfion  d'un  agent  extérieur. 

Auiîi  Newton  dit-il  expreilément  dans 
ies  principes ,  qu'il  le  iert  indifféremment 
des  mots  d'attraction  ,  d'impuljion  ,  &  de 
propenfion  ,  &  avertit-il  le  ledeur  de  ne  pas 
croire  que,  par  le  n\ox.à' attraction ,  il  veuille 
déiigner  une  manière  d'adion  ou  fa  cauiè 
efficiente ,  &  fuppofer  qu'il  y  a  réellement 
une  force  attradive  dans  des  centres  qui 
ne  font  que  des  points  mathématiques , 
lii'.  I.  pag.  ^.  Et  dans  un  autre  endroit  il 
dit ,  qu'il  confidere  les  forces  centripètes 
comme  des  attractions ,  quoique  peut-être 
elles  ne  foient  phyfiquement  parlant ,  que 
de  véritables  impulfions  ,  ibid.  pag.  l^J-  Il 
dit  auiîi  dans  fon  Optique  ,  page  jzz,  que 
ce  qu'il  appelle  attraction ,  cil  peut-être 
l'effet  de  quelque  impulfion  qui  agit  iui- 
vant  des  loix  différentes  de  l'impulfion  or- 
dinaire ,  ou  peut-être  auffi  l'effet  de  quel- 
que caufe  qui  nous  eff  inconnue. 

Si  l'on  confidere  l'attraction  ,  continuent 
les  Newtoniens  ,  comme  une  qualité  qui 
réfultc  des  formes  particulières  de  certains 
corps,  on  doit  la  profcrire  avec  les  iym- 
pathics  ,  antipathies  ,  &  qualités  occultes.' 
Voye\  Qualité  occulte.  Mais  quand 
on  a  une  fois  écarté  cette  idée  ,  on  rcmarqiic 
dans  la  nature  un  grand  nombre  de  phé- 
nomènes, entr'autresla  peianteurdes  corps, 
ou  leur  tendance  vers  un  centre  ,  qui   (cm- 


ATT 

tient  n'être  point  l'effet  d'une  impuîiîon  , 
cni  dnns  lerqiiels  au  moins  l'impuUion  n'cfl: 
pas  fenfible  :  de  plus  ,  ajoutent-ils ,  cette 
adion  paroît  diftérer  à  quelques  égards  de 
l'impullion  que  nous  connoiflons  ;  car  l'im- 
puliion  cil:  toujours  proportionnelle  à  la 
îurtace  des  corps ,  au  lieu  que  la  gravité 
agit  fur  les  parties  lolides  &  intérieures  , 
&  efl  toujours  proportionnelle  à  la  maflc  , 
&  par  conléquent  doit  être  l'effet  d'une 
caulé  qui  pénètre  toute  leur  luMlance. 

D'ailleurs ,  les  oblervations  nous  ont  ap- 
pris qu'il  y  a  divers  cas  où  les  corps  s'ap- 
pj-ochent  les  uns  des  autres,  quoiqu'on  ne 
puilîe  découvrir  en  aucune  manière  qu'il 
y  ait  quelque  caufe  extérieure  qui  agiffe 
pour  les  mettre  en  mouvement.  Quiconque 
attribue,  ce  mouvement  à  une  impuHion 
extérieure  ,  iuppole  Jonc  un  peu  trop  lé- 
gèrement cette  cauie.  Ainll ,  quand  on  voit 
que  deux  corps  éloignes  s'approclient  l'un 
de  l'autre  ,  on  ne  doit  pas  le  preffer  de 
conclure  que  ces  corps  lont  poufles  l'un 
vers  l'autre,  par  l'aftion  d'un  fluide  ou  d'un 
autre  corps  invilible  ,  juiqu'à  ce  que  l'ex- 
périence l'ait  démontré  ;  comme  il  ell  ar- 
rivé dans  les  phénomènes  que  les  anciens 
attribuoient  à  l'horreur  du  vuide  ,  &  qu'on 
a  reconnu  être  l'effet  de  la  preflîon  de 
l'air.  Encore  moins  doit-on  attribuer  ces 
phénomènes  à  l'impuHlon  ,  lorlqu'il  paroît 
impoilîble  ,  ou  au  moins  très-difficile  ,  de 
les  expliquer  par  ce  principe  ,  comme  il 
efl  prouvé  à  l'égard  dg  la  pcfanteur.  Mufich. 
r//a/  de  Phyjique. 

Le  principe  inconnu  de  V attraction  ,  c'efl- 
à-dire  inconnu  par  la  caule  (car  les  effets 
fî)nt  (ous  les  yeux  de  tout  le  monde  )  eit 
ce  que  l'on  appelle  aitraclion  ;  &  fous  ce 
nom  général ,  on  comprend  toutes  les  ten- 
dances mutuelles  dans  Iciquellcs  l'impullion 
ne  ie  maniterte  pas  ,  &  qui  par  conléquent 
ne  peuvent  s'expliquer  par  le  fecours  d'au- 
cunes loix  connues  de  la  nature. 

C'eft  de-là  que  font  venues. les  difïcran- 
tes  fortes  ^attracfions  ;  lavo'u"  la  pelanteur , 
l'afcenfion  des  liqueurs  dans  les  tuyaux 
capillaires,  la  rondeur  des  gouttes  de  flui- 
de, ùc.  qui  font  l'effet  d'autant  de  diffé- 
rens  principes  agi  (Tans  par  des  loix  diffé- 
rentes ;  attraclions  qui  n'ont  rien  de  com- 
iiiUi:,,  linon  qu.'cuwj  ne  lont  peut-êt;:. poj;ît 


ATT  t)itf 

l'effet  d'une  caufe  phyfiquc ,  &  qu'elles  pa- 
roiffent  réfultcr  d'une  force  inhérente  aux 
corps  ,  par  laquelle  ils  agiiîènt  fur  ces  corps 
éloignés  ,  quoique  notre  rai  (on  ait  beau- 
coup de  difficulté  à  admettre  une  pareille 
force. 

'V attraction  peut  fe  divifer  ,  eu  égard 
aux  loix  qu'elle  obferve  ,  en  deux  efpeces. 
La  première  s'étend  à  une  diflancc  fenfi- 
ble  :  telles  font  Wittraclion  de  la  pelanteur 
qui  s'obferve  dans  tous  les  corps ,  &  \'at- 
traclion  du  magnétilinc  ,  de  l'éledricité , 
«S'c.  qui  n'a  lieu  que  dans  certains  corps 
particuliers.  Voye^  les  loix  de  chacune  de 
ces  attractions,  aux  mots  GraVIIé  ,  Al~ 

MANT  ,&  Electricité. 

ISattraction  de  la  gravité  ,  que  les  ^^a_ 
thématiciens  appellent  auffi  force  centri- 
pète ,  cft  un  des  plus  grands  principes  èc 
des  plus  univerféls  de  la  nature.  Nous  la 
voyons  &  nous  la  fentons  dans  les  corps- 
qui  font  proches  de  la  furfacc.  de  la  terre 
{Voyei  Pesanteur)  &  nous  trouvons  par 
l'oblcrvation  ,  que  la  même  force  ,  c'efl-à- 
dirc  cette  force  qui  cfl  toujours  propor- 
tionnelle à  ja  quantué  de  matière  ,  &  qui 
agit  en  raifon  inverfe  du  quarré  de  la  dil- 
tance,  que  cette  force,  dis-je  ,  s'étend  juf- 
qu'à  la  lune  ,  &  jufqu'aux  autres  planètes, 
premières  &  fecondaires  ,  aufli-bien  que 
jufqu'au»  comètes  ,  &  que  c'efî  par  elle 
que  les  corps  célefles  font  r-etenus  dans  leurs 
orbites.  Or  comme  nous  trouvons  la  pe- 
lanteur dans  tous  les  corps  qui  font  le  lu- 
jet  de  nos  obfervations  ,  nous  fommes  en-, 
droit  d'en  conclure  par  une  des  règles  re- 
çues en  Philolbphie ,  qu'elle  Ib  trouve  auffi. 
dans  tous  les  autres  :  de  plus ,  commo 
nous  remarquons  qu'elle  efl  proportio- 
nelle  à  la  quantité  de  matière  de  chaque 
corps  ,  elle  "  doit  exifler  dans  chacune  de' 
leurs  parties;  &  c'eft  par  conféquent  une 
Itxi  de  la  nature  ,  que  chaque  particule  de 
matière  tende  vers  chaque  autre  particule. 
Vcyei  la  preuve  plus  étendue  de  cette  vé- 
rité ,  &  l'application  de  ce  principe  aux 
mouvemens  Aqs  corps  célefles ,  fous  les 
articles  PHILOSOPHIE  NEWTONIENNE 

Soleil,  Lune,Planete,  Comète,  Sa-. 

TELLITE,  CeNTRIPETEXenTRIFUGE. 

C'efl  donc  de   VattracJion,   fuivant  M. 

Nç>s-tçn  i  que  rrgyjeniicjit  h  plupart  dts 


5)10  ATT 

raouvemcns  ,  &  par  conféquent  des  clian- 
gemens  qui  fe  font  dans  l'univers  :  c'efl 
par  elle  que  les  corps  pefans  delcendcnt, 
&  que  les  corps  légers  montent  ;  c'ell  par 
elle  que  les  projeâiles  lont  dirigés  dans 
leur  courfe  ;  que  les  vapeurs  montent ,  &: 
que  la  pluie  tombe  ;  c'eft  par  elle  que  les 
fleuves  coulent  ,  que  l'air  prelle  ,  qi!c 
rOcéan  a  un  flux  &  rcflu::.  VoyCT^  MOU- 
VEMENT ,  Descente  ,  Ascension  , 
Projectile  ,  Vapeur,  Pluie  ,  Fleu- 
ve ,  Flux  &  Reflux  ,  Air  ,  Atmos- 
phère, &>:•  Les  mouvemens  qui  réfultcnt 
de  ce  principe  ,  font  Tobjet  de  cette  partie  (i 
étendue  des  mathématiques  ,  qu'on  appelle 
méchanique  ou  fladque  ,  comme  aulli  de 
Yhydroflatique  ,  àç.\  hydraulique  ,  &:c.  qui 
en  font  comme  les  branches  &  la  iuite  ,  &t-. 
Voyei  MÉCKANiQUE  ,  Statique  , 
Hydrostatique  ,   Pneumatique  ; 

Voyeiaujfi  MATHÉMATIQUE,  PHILO- 
SOPHIE ,  S'c. 

La  féconde  efpcce  Sattraclion  cfl  celle 
qui  ne  s'étend  qvi'à  des  dirtanccs  infenfi- 
bles.  Telle  eft  Xaumclion  mutuelle  qu'on 
remarque  dans  les  petites  parties  dont  les 
corps  îbnt  compolés  ;  car  ces  parties  s'at- 
tirent les  unes  les  autres  au  point  de  con- 
tai ,  ou  extrêmement  près  de  ce  point , 
avec  une  force  très-fupérieure  à  celle  de  la 
pefanteur  ,  mais  qui  décroît  enfuite  à  une 
très-petite  diilance  ,  jufqu'à  devenir  beau- 
coup moindre  que  la  pelanteur.  Un  au- 
teur moderne  a  appelle  cette  force  attrac- 
tion de  cohéfion  ,  fuppolant  que  s'eit  elle 
qui  imit  les  particules  élémentaires  des 
corps  pour  en  faire  àcs  mafTes  fenfibles , 
Voyei  Cohésion  ,  Atome  ,  Parti- 
cule ,  àc. 

Toutes  les  parties  des  fluides  s'attirent 
mutuellement  ,  comme  il  paroir  par  la 
ténacité  &  la  rondeur  de  leurs  gouttes  , 
fi  l'on  en  excepte  l'air ,  le  feu  ,  &  la  lu- 
mière ,  qu'on  n'a  jamais  vus  fous  la  for- 
me de  gouttes.  Ces  mêmes  fluides  fc  for- 
ment en  gouttes  dans  le  vuide  comme  dans 
l'air,  ils  attirent  les  corps  folides ,  &  en 
Ibnt  réciproquement  attirés  ;  d'où  il  pa- 
roît  que  la  vertu  ntrraélive  fe  trouve  ré- 
pandue par-tout.  Qu'on  mette  l'une  fur 
l'autre  deux  glaces  de  miroir  bien  unies , 
bien  nettes  &  bien  fcclies ,  on  trouvera  alors 


ATT 

qu'elles  tiennent  enfemble  avec  beaucoup 
de  force,  deiorte  qu'on  ne  peut  les  féparer 
Tune  de  l'autre  qu'avec  peine.  La  même  cho- 
ie arrive  dans  le  vuide ,  lorfqu'on  retran- 
che une  petite  portion  de  deux  balles  de 
plomb  ,  enlbrte  que  leurs  furfaces  devien- 
nent unies  à  l'endroit  de  la  feôion ,  & 
qu'on  les  preilè  enluite  l'une  centre  l'autre, 
avec  la  main ,  en  leur  taifant  faire  en  mê- 
me temps  la  quatrième  partie  d'un  tour  ; 
on  remarque  que  ces  balles  tiennent  en- 
lemble  avec  une  force  de  40  ou  50  li- 
vres. En  général ,  tous  les  corps  dont  les 
lurfaces  font  unies ,  feches  &  nettes  ,  prin- 
cipalement les  métaux  ,  fe  collent  &  s'at- 
tachent mutuellement  l'un  à  l'autre  quand 
on  les  approche  ;  de  forte  qu'il  faut  quel- 
que force  pour  les  iéparer.  Mulîch.  efjai 
dcPhyf. 

Les  corps  s'attirent  réciproquement  , 
non  feulement  lorfqu'ils  fe  touchent ,  mais 
aufll  lorfqu'ils  font  à  une  certaine  diflan- 
ce  les  uns  des  autres  :  car  ,  mettez  entre 
les  deux  glaces  de  miroir  dont  nous  ve- 
nons de  parler  ,  un  fil  de  foie  fort  fin  , 
alors  ces  deux  glaces  ne  pourront  pas  fe 
toucher  ,  puifqu'clles  feront  éloignées  l'u- 
ne de  l'autre  de  toute  l'épailTeur  du  fil  ; 
cependant  on  ne  laiffera  pas  de  voir  que 
ces  deux  glaces  s'attirent  mutuellement , 
quoiqu'avec  moins  de  force  que  lorfqu'il 
n'y  avoit  rien  entr'elles.  Mettez  entre  les 
glaces  dcuxiils  que  vous  aurez  tordus  enfem- 
ble ,  enluite  trois  fils  tordus  de  même ,  & 
vous  verrez  que  Yattraclion  diminuera  à 
mefure  que  les  glaces  s'éloigneront  l'une  de 
l'autre.  Muflch.  ibid. 

On  peut  encore  taire  voir  d'une  manière 
bien  fenfiblc  cette  vertu  attradive  par  une 
expérience  curieuie.  Prenez  un  corps  lolide 
&  opaque  ,  qui  finifle  en  pointe  ,  foit  de 
métal ,  loit  de  pierre  ,  ou  même  de  verre  ; 
fi  des  rayons  de  lumière  parallèles  paflent 
tout  près  de  la  pointe  ou  du  tranchant  de 
ce  corps ,  dans  une  chambre  obicure  ,  alors 
le  rayon  qui  fe  trouvera  tout  près  de  la 
pointe  ,  fera  attiré  avec  beaucoup  de  force 
vers  le  corps  ;  &  ,  après  s'être  détourné 
de  fon  chemin ,  il  en  prendra  un  autre  , 
étant  brife  par  VattruJlion  que  ce  corps 
exerce  fur  lui.  Le  rayon  un  peu  plus  éloi- 
gné  de   la  pointe   eu    aulH  attiré ,    mais 

moins 


ATT 

moins  que  le  prtccdent  ;  &:  ainfl  il  fera 
moins  rompu  ,  &  s'écartera  moins  de  fon 
chemin.  Le  rayon  fuivant ,  qui  efl  encore 
plus  éloigne  ,  iera  aulli  moins  attiré  & 
moins  détourné  de  fa  première  route.  En- 
fin ,  ;\  une  certaine  diftance  tort  petite ,  il 
y  aura  un  rayon  qui  ne  fera  plus  attiré  du 
tout ,  ou  du  moins  fenfiblement  ,  qui  con- 
l'ervera  fans  le  rompre  la  diredion  primitive. 
MiifTch.  ibid. 

C'efl  à  M.  Newton  que  nous  devons 
la  découverte  de  cette  dernière  eipece 
êi'attraclion  ,  qui  n'agit  qu'à  de  très-petites 
dillances  ;  comme  c'eft  à  lui  que  nous 
devons  la  connoiflance  plus  parfaite  de 
l'autre  ,  qui  agit  à  des  diilances  conlidé- 
rables.  En  efiet  ,  les  loix  du  mouvement 
&  de  la  percuflîon  des  corps  fenfibles  dans 
les  diflérentes  circonilances  où  nous  pou- 
vons les  fuppolerj  ne  paroiflent  pas  lufn- 
fantes  pour  expliquer  les  mcuvcmens  in- 
teftins  des  particules  des  corps ,  d'où  dépen- 
dent les  diltérens  changemens  qu'ils  (ubiflent 
dans  leurs  contextures',  leurs  couleurs  ,  leurs 
propriétés  ;  ainfi  notre  philolophie  leroit 
néceflaireraent  en  detaut  ,  fi  elle  étoit  fon- 
dée lur  le  principe  leul  de  la  gravitation  , 
porté    même    auffi  loin  qu'il  efî    pofllble. 

Fbyq Lumière  ,  Couleur  ,  &c. 

Mais  outre  les  loix  ordinaires  du  mou- 
vement dans  ks  corps  fenlibles ,  les  par- 
ticules dont  ces  corps  (ont  compofés  en 
oblervent  d'autres  ,  qu'on  n'a  commencé 
à  j-emarquer  que  depuis  peu  de  temps , 
&  dont  on  n'a  encore  qu'une  connoifTance 
fort  imparfaite.  M.  Newton  ,  à  la  péné- 
tration duquel  nous  en  devons  la  pre- 
mière idée  ,  s'eft  prefque  contenté  d'en 
établir  l'exiflence  ;  &  après  avoir  prouvé 
qu'il  y  a  des  mouvemens  dans  les  petites 
parties  des  corps  ,  il  ajoute  que  ces  mou- 
vemens proviennent  de  certaines  puilfances 
ou  forces  ,  qui  paroiflent  différentes  de  tou- 
tes les  forces  que  nous  connoifTons. 

"  C'eft  en  vertu  de  ces  forces  ,  félon  lui , 
»que  les  petites  particules  des  corps  agil- 
«fent  les  unes  iur  les  autres  ,  même  à 
>nine  certaine  difîance  ,  &  produilent  par- 
wlà  plufieurs  phénomènes  de  la  nature. 
wLes  corps  lenlibles  ,  comme  nous  l'avons 
«déjà  remarqué  ,  agiflènt  mutuellement 
Mies  uns  fur  les  autres  ;  &:  coinme  la 
Tome  III. 


ATT  5)n 

«  nature  agit  d'une  manière  toujours  conP- 
»  tante  &  uniforme  ,  il  efl  fort  vraifem- 
j)blable  qu'il  y  a  beaucoup  de  forces  de 
»la  même  clpece  ;  celles  dont  nous  venons 
»de  parler  s'étendent  à  des  diflanccs  alfez 
"fenfibles  j  pour  pouvoir  être  remarquées 
»>par  des  yeux  vulgaires  :  mais  il  peur  y  en 
>j  avoir  d'autres  qui  agiffent  à  des  diflan- 
"  ces  trop  petites  ,  pour  qu'on  n'ait  pu  les 
"oblcrver  jufqu'ici  ,  &  Féledricité  ,  par 
"exemple,  agit  peut-être  à  de  telles  dif- 
»  tances  ,  même  fans  être  excitée  par  le 
»5  frottement.  >j 

Cet  illufire  auteur  confirme  cette  opi- 
nion par  un  grand  nombre  de  phénomè- 
nes &  d'expériences  ,  qui  prouvent  claire- 
ment félon  lui ,  qu'il  y  a  une  puiflance  & 
une  aâign  atcraciive  entre  les  particules , 
par  exemple  ,  du  fel  &  de  l'eau  ,  entre 
celles  du  vitriol  &;  de  l'eau ,  du  fer  &  del'eau- 
forte  ,  de  l'elprit  de  vitriol  ô;  du  falpêtre. 
Il  ajoute  que  cette  puiflance  n'efi  pas  d'une 
égaie  force  dans  tous  les  corps  ;  qu'elle  efî 
plus  forte  ,  par  exemple  y  entre  les  parti- 
cules du  fel  de  tartre  &  celles  de  l'eau- 
forte  ,  qu'entre  les  particules  du  fel  de  tar- 
tre &  celles  de  l'argent  :  entre  l'eau-forte 
&  la  pierre  calaminaire  ,  qu'entre  l'eau- 
forte  &.  le  fer  :  entre  l'eau-forte  &  le  fer  , 
qu'entre  l'eau-lorte  &  le  cuivre  ;  encore 
mc)indrc  entre  l'eau-forte  &  l'argent  ,  ou 
entre  l'eau-forte  &  le  mercure.  De  même 
l'efprit  de  vitriol  agit  fur  l'eau  ,  mais  il 
agit  encore  davantage  fur  le  fer  ou  fur  le 
cuivre. 

Il  efl  facile  d'expliquer  par  Vanraclion 
mutuelle  la  rondeur  que  les  gouttes  d'eau 
affedent  ;  car  comme  ces  parties  doivent 
s'attirer  toutes  également  &  en  tous  fens , 
elles  doivent  tendre  à  former  un  corps  , 
dont  tous  les  points  de  la  furface  foient  à 
difîance  égale  de  fou  centre.  Ce  corps 
feroit  parfaitement  fphérique  ,  11  les  parties 
qui  le  compoient  étoient  fans  pefanteur  : 
mais  cette  force  ,  qui  les  fait  defcendre  en 
en-bas  ,  oblige  la  goutte  de  s'allonger  un 
peu  ;  &  c'eil  pour  cette  raifon  ,  que  les 
gouttes  de  fiuide  attachées  à  la  iurfacc 
intérieure  des  corps ,  dont  le  grand  axe  eft 
vertical,  prennent  une  figure  un  peu  ovale. 
On  remarque  aufll  cette  même  figure  dans 
les  gouttes  d'eau  qui  font  placées  fur  la 
V  V  v  vv 


9Zi  ATT 

{iirfp.ce  fupéricure  d'un  plan  horizontal  ; 
mais  alors  le  petit  axe  d.e  cette  figure  eit 
vertical ,  &  in  llirface  inférieure  ,  c'elt-à- 
dire  ,  celle  qui  touche  le  plan  ,  ell  plane  ; 
ce  qui  vient  tant  de  la  pefànteur  des  par- 
ticules de  l'eau  que  de  ï attraction  des  corps    . 

ilir  lelquels  elles  font  placées,  qui   altère    folide  ,  qui  fera  d'autant  plus  dur  , 
l'effet  de  leur  attraâioti  mutuelle.    Auflî,    rmr7iO/2  aura  été  plusforre  ;  ainfi 
moins  la  furface   fur  laquelle  la  goutte  ell 
placée  a  de  force  pour  attirer  lés  parties  , 
plus  la  goutte  refle  ronde  :  c'efl  pour  cette 
raifon  ,  que  les  gouttes  d'eau  qu'on   voit 
fur  quelques  feuilles  de  plantes  ,  font  par- 
fliitement  rondes  ;  au  lieu  que  celles  qui  fe 
trouvent    fur   du  verre  ,  (iir  des  métaux  ; 
ou  fur   des    pierres  ,    ne   font  qu'à   demi- 
rondes  ou    quelquefois  encore   moins.    Il 
en  eft  de  même   du  mercure ,  q«i  fe  par- 
tage ftir  le  papier  en  petites  boules  parfai- 
tement rondes  ,   au  lieu    qu'il    prend    une 
figure  applarie  lorfqu'il  eft  mis  fur  du  verre 
ou  fur  quelque  autre  métal.  Plus  les  gouttes 
font  petites ,  moins  elles  ont  de  pefanteur  ; 
&  par  conléquenr  lorfqu'elles  viendront  à 
s'attirer  ,  elles  formeront  un  globule  beau- 
coup plus    rond  que  celui  qui  fera  formé 
par  les  grofîes  gouttes  ,  comme  on  pour- 
roit  le  démontrer  plus  au  long  ,  &  comme 
l'expérience  le  confirme.  Il  eft  A  remarquer 
que  tous  ces  phénomènes  s'oblcrvent  égale- 
ment dans  l'air  &  dans  le  vuide.  MuJJ'ch. 

On  peut  s'aflîirer  encore  de  la  force  avec 
laquelle  les  particules  d'eau  s^ attirent ,  en 
prenant  un.-  phiole  ,  dont  le  cou  foit  fort 
étroit  &  n'ait  pas  plus  de  deux  lignes  de 
diamètre ,  &  en  renverfant  Cv-'tte  phiole  , 
après  l'avoir  remplie  d'eau  :  car  on  remar- 
quera  alors  qu'il  n'en  fort  pas  un»  feule 

C  mmc  ,  dans  une  goutte  d  eau  ,  les  par- 
ties qui  s'attirent  réciproquement  ne  rei- 
tentpas  en  repos  avant  que  d'avoir  for- 
mé une  petite  boule  ,  de  même  auffi  deux 
gouttes  d'eau  fituées  l'une  proche  de  l'au- 
tre ,  &  'éï'érement  attirées  par  la  furface 
fur  laquelle  elles  fe  trouvent ,  le  précipi- 
teront l'une  vers  l'autre  par  leur  attraction 
mutuelle;  &  ,d:infi  Y injîant  même  de  leur 
premier  contaft  ,  elles  fe  réuniront  &  for- 
meront une  boule  ,  comme  on  l'obferveen 
dïet  ;  la  même  chofc  arrive  à.  deux  gouttes 
de  mercure- 


ATT 

Lorfqu'on  verfe  enfemble  les  parties  de 
divers  liquides  ,  elles  s'attirent  tr.utuelle- 
ment  ;  celles  qui  fe  touchent  alors  ,  tien- 
nent l'une  à  l'autre  par  la  force  avec  laqi  elle 
elles  agilfent  ;  c'ell  pourquoi  les  liquides 
pourront  en  ce  cas  fe  changer  en  un  corps 

que  far- 
ces liqui- 
des fe  coaguleront.  Miiffch. 

Lorfqu'on   a  fait   diifoudre    des    parties 
de  fel  dans    une   grande    quantité  d'eau  , 
elles  font  attirées  par  l'eau  avec    plus  de 
force  qu'elles  ne  peuvent  s'attirer  mutuelle- 
ment ,  &  elles  reftent  féparées  afîez   loin 
les  unes   des  autres  :    mais   lorfqu'on  fait 
évaporer    une    grande    quantité    de    cette 
nnême  eau  ,  foit  par  la  chaleur  du  foled , 
foit  par  celle   du  feu  ,   foit   par  le  mojen 
du  vent ,  il  s'élève  fur  la   furface  de   l'eau 
une   pellicule  fort   mince  ,  formée  par  les 
particules  de  fel  qui  fe  tiennent  en  haut , 
&  dont  l'eau   s'elî  évaporée.  Cette  pelli- 
cule ,  qui   n'eft  conipofée  que  des  parties 
de  fel  ,    peut   alors  atdrer  &    féparer  de 
l'eau  qui  efi  au  deflbus  ,  différentes  parti- 
cules falines  ,  avec  plus   de  force  que  ne 
pouvoit  fiire  auparavant  cette  même  eau 
déjà  diminuée  de  volume  ;   car  par  l'éva- 
poradon  d'une  grande  quantité  d'eau,  les 
parties  ialines  fe   rapprochent  davantage  , 
&  s'uniffent  beaucoup  plus  qu'auparavant  ; 
&  l'eau  fe  trouvant  en  mioindre  quantité , 
elle  a   aulfi  moins  de  force  pour  pouvoir 
agir  fur  les    parnes  Ialines  qui  font  alors 
attirées    en  haut  vers    la  pellicule  de  lel  il 
laquelle  elles  le  joignent.  Cette  petite  p.au 
devient  par  conféquent  plus  épaifle  &  plus 
pefante  que  le  Hquide  qui  efî  au  deffjus, 
puifque  la  pefanteur  fpécifique  des  parties 
falines  eft  beaucoup  plus  grande  que  celle 
de  l'eau  ;    ainfi  ,  dès  que  cette  peau  efl 
devenue  fort  pefante  ,  elle  fe  brife  en  pie- 
ces  ;  ces  morceaux  tombent  au  fond  ,   & 
continuent   d'attirer   d'autres    parties    fali- 
nes ;  d'où  il  arrive  qu'augmentant  encore  de 
volume  ,  ils  fe  forment  en  groffs  maffes 
de  différentes  grandeurs  appellées  cryjlaux. 
Mua'ch. 

L'air  ,  quoiqu'il  doive  furnager  tous  les 

liquides  que  nous  connoilfons  ,  &  qui  font 

beaucoup  plus   pefans   que   lui  ,    ne   lailfe 

l  pas  d'en  être  (uùrc  ,  &  de  ic  mêler  avec 


ATT 

eux  ;  &  M.  Petit  a  f.iit  voir  par  pliineurs 
expériences  ,  Je  quelle  manière  il  eft  ad- 
hérent aux  corps  fluides ,  &  fè  colle ,  pour 
ainil  dire  ,  aux.  corps  (olides.  Mtm.  Acad. 

Les  cfTèrvercences  qui  arrivent  lorlqu'on 
mêle  enlemble  diftcrens  liquides  ,  nous  don- 
nent un  exemple  remarquable  de  ces  fortes 
d  atcraclions  entre  les  petites  parties  des 
corps  fluides;  on  en  verra  ci-dellous  une 
explication  un  peu  plus  détaillée. 

Il  n  efl  pas  non  plus  fort  difficile  de 
prouver  que  les  liquides  l'ont  auircs  par 
les  corps  iolides.  En  eflet  ,  qu'on  vcrle 
de  l'eau  dans  un  verre  bien  net ,  on  re- 
marquera qu'elle  efl  attirée  iur  les  côtés 
contre  lefquels  elle  monte  &  auxquels  elle 
s'attache  ,  de  (orte  que  la  iurhice  de  la 
liqueur  efl  plus  baflè  au  milieu  que  celle 
qui  touche  les  parois  du  verre  ,  &  qui 
devient  concave  :  au  contraire ,  lorfqu'on 
verlè  du  mercure  dans  un  verre ,  la  iur- 
rtice  devient  convexe ,  étant  plus  haute  au 
milieu  que  proche  les  parois  du  verre  ; 
ce  qui  vient  de  ce  que  les  parties  du  mer- 
cure s'attirent  réciproquement  avec  plus 
de  torce  qu'elles  ne  font  attirées  par  le 
verre. 

Si  Ton  prend  un  corps  folide  bien  net, 
&  qui  ne  ibit  pas  gras ,  qu'on  le  plon- 
ge dans  un  liquide  ,  &  qu'enfuite  on  le 
levé  fort  doucement  &  qu'on  l'en  retire , 
la  liqueur  y  reliera  attachée  ,  même  quel- 
quefois à  une  hauteur  aflez  conlidérable  ; 
enforte  qu'il  reile  entre  le  corps  &  la  fur- 
lace  du  liquide  ,  une  petite  colonne  qui 
y  demeure  fufpendue  :  cette  colonne  fe 
détache  ,  &  retombe  lorlqu'on  a  élevé  le 
corps  affez  haut  pour  que  la  pelanteur 
de  la  colonne  l'emporte  fur  la  force  attrac- 
tive. Muirch. 

La  force  avec  laquelle  le  verre  attire  les 
fluides  ,  le  manitelîe  principalement  dans 
les  expériences  iur  les  tuyaux  capillaires. 
f^oye^  Tuyaux  CAPILLAIRES. 

Il  y  a  une  infinité  d'autres  expériences 
qui  conflatent  l'exiltcnce  de  ce  principe 
à\ittracfton  entre  les  particules  des  corps. 
yoyei  les  articles  SeL,  MeNSTRUE,  u'c. 
Toutes  ces  adions  ,  en  vertu  delquelles 
les  particules  des  corps  tendent  les  unes 
vei's  les  autres ,  ionc  appellées  en  général 


ATT 


9'-} 


par  Newton  du  nom  indéfini  iVattrat7ion, 
qui  efl  également  applicable  À  toutes  les 
adions  par  lefquellcs  les  corps  fenfibles 
agilîcnr  les  uns  liir  les  autres  ,  loit  par  im- 
pulfion ,  ou  par  quelque  autre  force  moins 
connue  :  &  par-là  cet  auteur  explique  une 
inhnité  de  phénomènes  ,  qui  feroicnt  inex- 
plicables par  le  feul  principe  de  la  gra- 
vité :  tels  font  la  cohélion  ,  la  difTolution , 
la  coagulation  ,  la  cryllallifuion  ,  l'afcen- 
fion  des  fluides  dans  les  tuyaux  capillaires 
les  lecrétions  animales  ,  la  fluidité  ,  la 
fixité ,  la  fermentation  ,  6v.  J^qye^  les 
articles    COHÉSION   ,     DISSOLUTION   , 

Coagulation,  Crystallisation  , 
Ascension  ,  Sécrétion  ,  Fermen- 
tation ,  &c. 

»  En  admettant  ce  principe  ,  ajoute  cet 
»  illuflre  auteur ,  on  trouvera  que  la  na- 
»  ture  ell  par-tout  conforme  à  elle-mè- 
»  me  ,  &  très-fimple  dans  fes  opérations  ; 
>j  qu'elle  produit  tous  les  grands  mouve- 
"  mens  des  corps  célefles  par  VattracHon 
»  de  la  gravité  qui  agit  fur  les  corps  ,  & 
'>  prelque  tous  les  petits  mouvemens  de 
»  leurs  parties ,  par  le  moyen  de  quel- 
»  qu'autre  puiflance-  attraTnve  répandue 
>j  dans  ces  parties.  Sans  ce  principe  ,  il  n'y 
>j  auroit  point  de  mouvement  dans  le  mon- 
"  de  ;  &  fans  la  continuation  de  l'adion 
>»  d'une  pareille  caufè  ,  le  mouvement  pé- 
»  nroit  peu-à-peu  ,  puifqu'il  devroit  con- 
y>  tinuellement  décroître  &  diminuer  ,  li 
»  ces  puilîances  adives  n'en  reproduifent 
»•  fans  celîê  de  nouveaux.  »  Optique , 
P-ige  373. 

Il  eif  facile  de  juger  après  c-ela  combien 
font  injuftes  ceux  des  philofophes  moder — 
nés   qui    le  déclarent  hautement  contre  le* 
principe  de  l'attraction  ,   fans  en  apporter' 
d'autre  raifon ,  finon  qu'ils  ne  conçoivent 
pas   comment   un    corps   peut   agir  fur  un 
autre  qui  en  cfl  éloigné.    Il  cfl  certain  que 
dans  un   grand   nombre   de  phénomènes  , 
les  philoiophes  ne  reconnoiirent  point  d'au-*- 
tre  adion  ,  que  celle   qui  eft  produite  pai 
l'impuliion   &  le  contad  immédiat  :  mais 
nous  voyons  dans  la  nature  plufieurs  eft'ets  , 
lans   y    remarquer  d'impulllon    :    fouvent 
même   nous  fommes  en    état  de  prouver 
que    toutes    les    explications    qu'on    peut 
donner  de  ces  cfFets  ,  par  le    moyen   des 

V  V  V  V  V  i 


9i4  ATT 

loix  connues  de  l'impulfion ,   font  chimc- 
riqucs   &    contraires  aux    principes  de   la 
méchanique  la  plus  fimple.  Rien  n'eft  donc 
plus  fage  &  plus  contorme  à  la  vraie  phi- 
îofophie  ,    que  de   iuipendre   notre  juge- 
ment l'ur  la  nature  de  la  force   qui   pro- 
duit   ces    effets.    Par-tout    où   il    y  a  un 
efïèt ,  nous  pouvons  conclure  qu'il  y  a  une 
caufe ,    foit   que    nous  la    voyions  ou  que 
nous    ne    la  voyions    pas.   Mais  quand    la 
caufe  eft  inconnue  ,    nous  pouvons  confi- 
dérer  fimplement  l'effet,   fans  avoir  égard 
à  la  caufe;  &  c'efl  même  à  quoi  il  (êm- 
ble    qu'un    philofophe    doit    fe    borner  en 
pareil  cas   :  car  d'un   côté ,  ce  leroit  laii- 
4'er   un  grand  vuide  dans  fhilloire   de   la 
nature,   que  de  nous  diipenfer  d'examiner 
un  grand  nombre  de  phénomènes  fous  pré- 
texte que  nous   en  ignorons   la  caule  ;   & 
de  l'autre  ,    ce  feroit  nous  expofer  à  faire 
un  roman  ,   que    de   vouloir  railbnner  lur 
des  caufes  qui  nous  font  inconnues.    Les 
phénomènes   de   VactraSion   (ont  donc  la 
matière  des    recherches  phyfiques  ;    &  en 
cette  quaUté  ils  doivent  taire   partie    d'un 
fyflêmc    de    phyfique  ;   mais    la    caufe   de 
ces  phénomènes  n'elî  du  reflort  du  phy- 
ficien  ,  que   quand  elle  efl  fenfible,  c'eft- 
à-dire  ,    quand  elle  paroît  elle-même  être 
l'ciFet  de  quelque  caule  plus  relevée  (  car 
la   caufe    immédiate  d'un  effet    ne  paroît 
elle-même  qu'un  eftet ,    la  première  caufe 
étant  invifible.  )   Ainfi  nous   pouvons  lup- 
pofer    autant   de    cauies    ^atcraBion    qu'il 
nous  plaira,  ians  que  cela  puiiïé  nuire  aux 
effets.  L'illuflre  Newton  femble  même  être 
indécis  fur  la   nature  de  ces  cauies   :  car 
il  paroît    quelquefois  regarder    la    gravité 
comme    l'effet     d'une    caufe    immatérielle 
(  Optiq.  page  343  ,  &c.  )  ;  &  quelquefois 
il   paroît  la  regarder  comme  l'effet  d'une 
caufe  matérielle.  IbiJ.  page  325. 

Dans  la  philofophie  Newtonienne  ,  la 
recherche  de  la  caufe  eft  le  dernier  objet 
qu'on  a  en  vue  ;  jamais  on  ne  penlé  à  la 
trouver  que  quand  les  loix  de  reffet  &  les 
phénomènes  font  bien  établis ,  parce  que 
c'eft  par  les  effets  feuls  qu'on  peut  remon- 
ter jufqu'à  h  caufe  :  les  aâions  même 
les  plus  palpables  &  les  plus  fenfibles  n'ont 
point  une  caufe  entièrement  connue  :  les 
plus    profonds    pliilofophes    ne    faurcicnt 


ATT 

concevoir  comment  l'impulfion  produit 
le  mouvement ,  c'efl-à-dire  ,  comment  le 
mouvement  d'un  corps  palfe  dans  un  au- 
tre par  le  choc  :  cependant  la  communi- 
cation du  mouvement  par  l'impulfion  efl 
un  principe  admis ,  non  feulement  en  phi- 
lofophie ,  mais  encore  en  mathématique  ; 
&  même  une  grande  partie  de  la  mécha- 
nique  élémentaire  a  pour  objet  les  loix  & 
les   eflets  de  cette  communication.    J-^oyei^ 

Percussion  &  Communication  de 

mouvement. 

Concluons  donc  que  quand  les  phéno- 
mènes font  fuffifamment  établis  ,  les  au- 
tres efpeces  d'efïets ,  où  Ton  ne  remarque 
point  d'impulfion ,  ont  le  même  droit.de 
pafîer  de  la  phyfique  dans  les  mathémati- 
ques ,  fans  qu'on  s'embarraffe  d'en  appro- 
fondir les  caufes  ,  qui  font  peut-être  au 
deflîis  de  notre  portée  :  il  efl  permis  de 
les  regarder  comme  caufes  occultes  (  car 
toutes  les  caufes  le  font  ,  à  parler  exacte- 
ment ) ,  &  de  s'en  tenir  aux  effets ,  qui 
font  la  leule  chofe  immédiatement  à  notre 
portée. 

Newton  a  donc  éloigné  avec  raifon  de 
fa  philofophie  cette  difcuffion  étrangère 
&  métaphyfique  ;  &  malgré  tous  les  re- 
proches qu'on  a  cherché  à  lui  faire  là- 
defîlis ,  il  a  la  gloire  d'avoir  découvert 
dans  la  méchanique  ,  un  nouveau  prin- 
cipe ,  qui  ,  étant  bien  approfondi  ,  doit 
être  infiniment  plus  étendu  que  ceux  de 
la  méchanique  ordinaire  :  c'eft  de  ce  prin- 
cipe feulement  que  nous  pouvons  atten- 
dre fexplication  d'un  grand  nombre  de 
changemens  qui  arrivent  dans  les  corps  , 
comme  produdions  ,  générations  ,  corrup- 
tions ,  &c.  en  un  mot ,  de  toutes  les  opé- 
rations  furprenantes  de  la  chymie.  l'^oYe:^ 

Génération,  Corruption,  Opé- 
ration ,  Chymie  ,  &c 

Quelques  philofophes  anglois  ont  ap- 
profondi les  principes  de  Vactracfion.  M. 
Keil  en  particulier  a  tâché  de  déterminer 
quelques-unes  des  loix  de  cette  nouvelle 
caufe,  &  d'expliquer  par  ce  moyen  plu- 
fieurs  phénomènes  généraux  de  la  nature  , 
comme  la  cohéfion  ,  la  fluidité  ,  l'élafH- 
cité ,  la  fermentation  ,  la  mollefle  ,  la  coa- 
gulation. M.  Friend  ,  marchant  fur  fès 
traces ,  a  encore  foit  une  application  plus 


ATT 

étendue  de  ces  mêmes  principes  ntix  phé- 
nomènes de  la  chymie.  AuUi  quelques 
philolophcs  ont-ils  été  tensû;  de  regarder 
cette  nouvelle  méchanique  comme  une 
fcience  complcte  ,  &  de  penicr  qu'il  n'y  a 
prefqu'aucun  efïet  phyllque  dont  la  force 
attracfiie  ne  hnirnille  une  application  im- 
médiate. 

Cependant ,  en  tirant  cette  conft'quence  , 
il  y  auroit  lieu  de  craindre  qu'on  ne  le 
hâtât  un  peu  trop  :  un  principe  fi  fécond 
a  befoin  d'être  examiné  encore  plus  à 
fond  ;  &  il  lemble  qu'avant  d'en  taire  l'ap- 
plication générale  à  tous  les  phénomènes  , 
il  faudroit  examiner  plus  exaiSement  les 
loix  &  iés  limites.  ISattracJion  en  général , 
eft  un  principe  il  complexe  ,  qu'on  peut 
par  fon  moyen  expliquer  une  infinité  de 
phénomènes  différens  les  uns  des  autres  : 
mais  julqu'i\  ce  que  nous  en  connoifîîons 
mieux  les  propriétés  ,  il  ieroit  peut-être 
bon  de  l'appliquer  à  moins  d'effets ,  & 
de  l'approfondir  davantage.  Il  le  peut  faire 
que  toutes  les  attractions  ne  (e  relîemblent 
pas  ,  &  que  quelques  -  unes  dépendent 
de  certaines  caules  particulières  ,  dont  nous 
n'avons  pu  nous  former  jufqu'à  prélènt  au- 
cune idée ,  parce  que  nous  n'avons  pas  afTez 
d'obfervations  exactes  ,  ou  parce  que  les 
phénomènes  lont  fi  peu  fenfibles  ,  qu'ils 
échappent  à  nos  fens.  Ceux  qui  viendront 
après  nous  ,  découvriront  peut  -  être  ces 
diverfes  fortes  de  phénomènes  :  c'elî  pour- 
quoi nous  devons  rencontrer  un  grand 
nombre  de  phénomènes  qu'il  nous  eft  im- 
poflible  de  bien  expliquer  ,  ou  de  démon- 
trer ,  avant  que  ces  caufes  aient  été  décou- 
vertes. Quant  au  mot  àHattracllon  ,  on  peut 
f'e  fervir  de  ce  terme  jufqu'à  ce  que  la  cauie 
foit  mieux  connue. 

Pour  donner  un  effai  du  principe  d'ar- 
traclion  ,  &  de  la  manière  dont  quelques 
philofophcs  l'ont  appliqué  ,  nous  joindrons 
ici  les  principales  loix  qui  ont  été  données 
par  Newton  ,  M.  Kei! ,  M.  Friend  ,  &c. 

ThÉOR.  I.  Outre  la  force  attractive  qui 
retient  les  planètes  &  les  comètes  dans  leurs 
orbites  ,  il  y  en  a  une  autre  par  laquelle  les 
différentes  parties  dont  les  corps  font  com- 
pofés  ,  s'attirent  mutuellement  les  uns  les 
autres  ;  &  cette  force  décroît  plus  qu'en 
raifon  inverfe  du  quarré  de  la  diilance, 


ATT  5)15 

Ce  théorênne  ,  comme  nous  l'avons  déjà 
remarqué  ,  peut  ie  démontrer  par  un  grand 
nombre  de  phénomènes.  Nous  ne  rappelle- 
rons ici  que  les  plus  fimples  &  les  plus 
communs  :  par  exemple  ,  la  figure  fphéri- 
que  que  les  gouttes  d'eau  prennent ,  ne 
peut  provenir  que  d'une  pareille  force  : 
c'eft  par  la  même  raifon  que  deux  boules 
de  mercure  s'unifîcnt  &  s'incorporent  en 
une  feule  dès  qu'elles  viennent  à  ie  tou- 
cher ,  ou  qu'elles  font  fort  près  l'une  de 
l'autre  :  c'cfl  encore  en  vertu  de  cette  force 
que  l'eau  s'élève  dans  les  tuyaux  capillaires  , 

A  l'égard  de  la  loi  précifè  de  cette  at- 
traclion  y  on  ne  l'a  point  encore  détermi- 
née :  tout  ce  que  l'on  lait  certainement , 
c'efl  qu'en  s'éloignant  du  point  de  contad  , 
elle  décroît  })!us  que  dans  la  railbn  inverfe 
du  quarré  de  la  difiance  ,  &  que  par  con- 
féquent  elle  luit  une  aun^e  \v\  que  la  gra- 
vité. En  efîet  ,  fi  cette  force  fuivoit  la  loi 
de  la  raifon  inverfe  du  q;jarré  de  la  dif- 
tance  ,  elle  ne  feroit  guère  plus  grande  au 
point  de  contaâ:  ,  que  fort  proche  de  ce 
point  ;  car  M.  Newton  a  démontré  dans 
les  Principes  mathématiques  ,  que  fi  Y  attrac- 
tion d'un  corps  efl  en  raifon  inverfe  du 
quarré  de  la  difhnce  ,  cette  attraction  efl 
finie  au  point  de  cootacl ,  £:  qu'ainfi  elle 
n'efi  guère  plus  grande  au  point  de  con- 
taâ ,  qu'à  une  petite  diflancc  de  ce  jîoint  ; 
au  contraire  ,  lorlque  Yattraclion  décroît 
plus  qu'en  raifon  inverfe  du  quarré  de  la 
difiance  ,  par  exemple  en  raifon  inverfe  du 
cube  ,  ou  d'une  autre  puifïance  plus  grande 
'que  le  quarré  ;  alors  ,  félon  les  démonflra- 
tions  de  M.  Newton  ,  Y  attraction  qII  infi- 
nie au  point  de  contaâ  ,  &  finie  à  une 
très-petite  diftance  de  ce  point.  Ainfi  ïat- 
traclion  ,  au  point  de  contaâ  ,  efr  beaucoup 
plus  grande ,  qu'elle  n'efl  à  une  très-petite 
diflance  de  ce  même  point.  Or  il  eff  cer- 
tain par  toutes  les  expériences  ,  que  l'at- 
traclion  ,  qui  eft  très-grande  au  point  de 
contaâ  ,  devient  prefque  infenfible  à  une 
très-petite  diftance  de  ce  point.  D'où  il 
s'enfuit  que  X attraction  dont  il  s'agit ,  dé- 
croît en  raifon  inverfe  d'une  puiflîince  i>l«s 
grande  que  le  quarré  de  la  diftance  :  maii 
l'expérience  ne  nous  a  point  encore  appris  , 
fi  la  dimimitiua  dg  cette  tyr;e  lùic  la  raU 


<>i6  ATT 

fon  inverfe  au  cube  ,  ou  d'une  autre  puif- 
fance  plus  élevée. 

II.  La  quantité  de  Yattraâion  dans  tous 
les  corps  très-petits  ,  eft  proportionnelle  , 
toutes  chofes  d'ailleurs  égales  ,  à  la  quantité 
de  matière  du  corps  attirant ,  parce  qu'elle 
ert  en  effet ,  ou  du  moins  à  très-peu  près , 
la  ibmme  ou  le  réfultat  des  attraâions  de 
toutes  les  parties  dont  le  corps  eft  com- 
pofé  ;  ou  ,  ce  qui  revient  au  même  ,  ïat- 
traction  dans  tous  les  corps  fort  petits  ,  eft 
comme  leurs  folidités ,  toutes  chofes  d'ail- 
leurs égales. 

Donc  1°.  à  diftances  égales,  les  attrac- 
tions de  deux  corps  très  -  petits  feront 
comme  leurs  maffes  ,  quelque  différence 
qu'il  y  ait  d'ailleurs  entre  leur  figure  &  leur 
volume. 

z°.  A  quelque  diftance  que  ce  foit , 
\ attraction  d'un  corps  très  -  petit  eft  com- 
me fa  maflè  ,  divifée  par  le  quarré  de  la 
diftance. 

11  faut  obferver  que  cette  loi ,  prife  rigou- 
reufement ,  n'a  lieu  qu'à  l'égard  des  ato- 
mes ,  ou  des  plus  petites  parties  compo- 
fantes  des  corps  ,  que  quelques-uns  appellent 
particules  de  la  dernière  cornpojinon  ,  &: 
non  pas  à  Fégard  des  corpuicules  taits  de 
ces  atames. 

Car  lorfqu'un  corps  eft  d'une  grandeur 
finie  ,  Wittraêion  qu'il  exerce  fur  un  point 
placé  à  une  certaine  diftance  ,  n'eft  autre 
chofe.que  le  réfulrat  des  actraclions  que 
routes  les  parties  du  corps  attirant  exer- 
cent fur  ce  point ,  &  qui ,  en  fe  combi- 
nant toutes  enlemble  ,  produifent  lur  ce 
point  une  force  ou  une  tendance  unique 
dans  une  certaine  direélion.  Or  ,  comme 
toutes  les  particules  dont  le  corps  attirant 
eft  compofé  ,  font  différemment  fuuées  par 
rapport  au  point  qu'elles  attirent  ;  toutes 
les  forces  que  ces  particules  exercent  ,  ont 
chacune  une  valeur  &  une  direûion  diffé- 
rente ;  &  ce  n'eft  que  par  le  calcul  qu'on  peut 
iavoir  fi  la  force  unique  qui  en  réiulte  eft  , 
comme  la  maflé  totale  du  corps  attirant , 
diviiée  par  le  quarré  de  la  diftance.  Auili 
cette  propriété  n'a-t-elle  lieu  que  dans  un 
très-petit  nombre  de  corps  ;  par  exemple  dans 
les    ipheres  ,   de  quelque  grandeur  qu'elles 

fuifient  être.  M.  Newton  a  démontré  que 
attraclion   qu'elles  exercent  lur  un  point 


ATT 

placé  aune  diftance  quelconque ,  eft  la  même 
que  fi  toute  la  matière  étoit  concentrée  & 
réunie  au  centre  de  la  fphere  ;  d'où  il  s'en- 
fuit que  Vattraclion  d'une  iphere  eft  ,  en  gé- 
néral ,  comme  la  mafle  ,  diviltc  par  le  quarré 
de  la  diftance  qu'il  y  a  du  point  attire'  au 
centre  de  la  fphere.  Lorfque  le  corps  attirant 
eft  fort  petit ,  toutes  les  parties  font  cenfées 
être  à  la  même  diftance  du  point  attire  ^  & 
font  cenlées  agir  à-peu-près  dans  le  même 
(ens  :  c'eft  pour  cela  que  ,  dans  les  petits 
corps  ,  V attraction  eft  cenfée  proportion- 
nelle à  la  mafte  diviiée  par  le  quarré  de  la 
diftance. 

Au  refte  ,  c'eft  toujours  à  la  maffe  ,  & 
non  à  la  grofleur  du  volume  ,  que  Yattrac- 
tion  eft  proportionnelle  ;  car  Vattraction 
totale  eft  la  fomme  des  attractions  parti- 
culières des  atomes  dont  un  corps  eft  com- 
pote. Or  ,  ces  atomes  peuvent  être  telle- 
ment unis  enlemble  ,  que  les  corpuicules  les 
plus  l'olides  forment  les  particules  les  plus 
légères  ;  c'eft-à-dire  ,  que  leurs  furfaces  n'é- 
tant point  propres  pour  le  toucher  intime- 
ment ,  elles  feront  féparées  par  de  fi 
grands  interftices ,  que  la  grofleur  ne  fera 
point  proportionnelle  à  la  quantité  de  ma- 
tière. 

III.  Si  un  corps  eft  compofé  de  parti- 
cules dont  chacune  ait  une  force  attractive 
décroiflante  en  raifon  triplée  ou  plus  que 
triplée  des  diftances ,  la  lorce  avec  laquelle 
une  particule  de  matière  lera  attirée  par  ce 
corps  au  point  de  contaél  ,  fera  infiniment 
plus  grande  ,  que  fi  cette  particule  étoit  pla- 
cée à  une  diftance  donnée  du  corps.  M. 
Newton  a  démontré  cette  propofition  dans 
fcs  principes  ,  comme  nous  l'avons  déjà 
remarqué.  Vuye:{  Princ.  math.  fect.  xiij. 
lit-'.  T.  propojnion  première. 

IV.  Dans  la  même  fuppofition  ,  fi  la 
torce  attractii-e  qui  agit  à  une  diftance 
allignablc  ,  a  un  rapport  fini  avec  la  gra- 
vité ,  la  force  attractive  ,  au  point  de  con- 
tad  ,  ou  infiniment  près  de  ce  point ,  fera 
infiniinent  plus  grande  que  la  force  de  la 
;;ravité. 

V.  Mais  fi  ,  dans  le  point  de  ct^taifl ,  la 
fijrce  attvadive  a  un  rapport  fini  à  la  gra\ité , 
fa  force  ,  à  une  diftance  allignable  ,  fera 
mfiniment  moindre  que  la  force  de  la  gra- 
vité ,  &  par  conféquent  Icra  nuUe. 


ATT 

VI.  La  force  atcru.^iie  de  olwque  pnni- 
ciile  de  mntiore  an  point  de  coniad ,  furpalle 
prefqiie  inHnliner.c  la  torcc:  de  la  graviré  , 
mai-i  coi-endanc  n'elt  pj';  infiniment  plus 
grande.  l--'c  ce  rlîéorémc  &  du  précédent,  il 
s'enfuit  que  la  force  accractive  qui  agit  à  une 
diftance  donnée  quelconque ,  lèfa  prefque 
égale  à  zéro. 

Par  conl'équcnt  cette  force  attraclwe  des 
corps  terrcltres  ne  s'étend  que  dans  un  el- 
pace  extrêmement  petit ,  &  s'évanouit  à  une 
grande  diltance.  Ceft  ce  qui  tait  qu'elle 
ne  peut  rien  déranger  dans  le  mouvement 
des  corps  célellcs  qui  en  iont  tort  éloignés, 
&  que  toutes  les  planètes  continuent  (en- 
liblement  leur  cours ,  comme  s'il  n'y  avoir 
point  de  force  attraclire  dans  les  corps  ter- 
reltres. 

Où  la  force  attraclU'e  cède  ,  la  force  ré- 
piilfive  commence,  félon  M.  Newion  ,  ou 
plutôt  la  force  attraBive  le  change  en  torce 
repullive.  Voyei  RÉPULSION. 

VII.  Suppofons  un  corpufcule  qui  tou- 
che un  corps  :  la  force  par  laquelle  le  cor- 
pufcule eil:  poufle  ,  c'eit-à-dire  la  ft)rce 
avec  laquelle  il  ell  adhérent  au  corps  qu'il 
touche,  fera  proportionnelle  à  la  quantité 
du  contaét  ;  car  les  parties  un  peu  éloignées 
du  point  de  contad  ne  contribuent  en  rien  à 
la  cohéfion. 

Il  y  a  donc  difFcrens  degrés  de  cohéfion  , 
félon  la  différence  qui  peut  fe  trouver  dans 
le  contact  des  particules;  la  torce  de  co- 
héfion ell:  la  plus  grande  qu'il  ell  poflible  , 
lorfque  la  furface  touchante  eft  plane  :  en 
ce  cas  ,  tofites  chofes  d'ailleurs  égales  ,  la 
force  par  laquelle  le  corpuicule  eft  adhé- 
rent ,  fera  comme  les  parties  des  ilirtaces 
touchantes. 

C'eft  pour  cette  raifon  que  deux  mar- 
bres parfaitement  polis  ,  qui  fe  touchent 
par  leurs  furfaces  planes ,  font  difficiles  à 
teparcr ,  &  ne  peuvent  l'être  que  par  un 
poids  fort  fupérieur  à  celui  de  l'air  qui 
les  prefîê. 

VIII.  La  force  de  ïatcracFion  croît  dans 
les  petites  particules  ,  à  mtfure  que  le 
poids  &  la  grollêur  de  ces  particules  di- 
minue ;  ou  pour  m'expliquer  plus  claire- 
ment ,  la  force  de  Vaumc^ion  décroît  moins 
à  proportion  que  la  maffe,  toutes  choies 
d'ailleurs  égales. 


ATT  5)17 

Car  comme  la  force  attraclii'e  n'agit  qu'au 
point  de  contaâ,  ou  fort  près  de  ce  point, 
le  moment  de  cette  force  doit  erre  comme 
la  quantité  de  contact:,  c'efl-à-dirc  comme 
la  denfîré  des  parties ,  &  la  grandeur  de 
leurs  furtaces  :  or  les  furtaces  des  corps 
croifTent  ou  décroidènt  comme  les  quarrés 
des  diamètres  ,  les  folidités  comtnc  les 
cubes  de  ces  mêmes  diamètres  ;  p?r  confé- 
quent  les  plus  petites  particules  ayant  plus 
de  furtace  ,  à  proportion  de  leur  foiiditc  , 
font  capables  d'un  contait  plus  fort ,  ùc. 
Les  corpufcules  dont  le  contait  eft  le  plus 
petit ,  &  le  moins  étendu  qu'il  eft  poflible  , 
comme  les  fpheres  infiniment  petites  ,  font 
ceux  qu'on  peut  f'cparer  le  plus  ailémcnt  l'un 
de  l'autre. 

On  peut  tirer  de  ce  principe  la  caufe  de 
la  fluidité  ;  car  regardant  les  parties  des 
fluides  comme  de  petites  fpheres  ou  glo- 
bules très-polis  ,  on  voit  qtie  leur  actraclio/i 
&  cohéfion  mutuelle  doit  être  très-peu  con- 
fidcrable  ,  &  qu'elles  doivent  être  tort  faci- 
les à  féparer  &  à  glitler  les  unes  fur  les  au- 
tres ;   ce    qui   conftitue    la  fluidité,    r^oye:^ 

Fluidité,  Eau  ,  &c. 

IX.  La  force  par  laquelle  un  corpufcule 
eft  attiré  par  un  autre  corps  qui  en  eft  pro- 
che ,  ne  reçoit  aucun  changement  dans  fa 
quantité  ,  foit  que  la  matière  du  corps  atti- 
rant croiffe  ou  diminue  ,  pourvu  que  le 
corps  attirant  conferve  toujours  la  même 
denfité ,  &  que  le  corpufcule  demeure  tou- 
jours à  la  même  diitance. 

Car  puifque  la  puifTancc  attraitive  n'efl 
répandue  que  dans  un  tort  petit  efpace , 
il  s'enfuit  que  les  corpufcules  qui  font 
éloignés  d'un  autre  ,  ne  contribuent  en  rien 
pour  attirer  celui-ci  :  pa'conféquent  le  cor- 
pufcule fera  attiré  vers  celui  qui  en  eft  pro- 
che avec  la  même  force  ,  foit  que  les  autres 
corpufcules  y  l'oient  ou  n'y  foie.it  pas  ;  &  par 
conléquent  aufli ,  foit  qu'on  en  ajoute  d'au- 
tres ou  non. 

Donc  les  particules  auront  différentes  for- 
ces attraftives ,  félon  la  diflérence  de  leur 
ftruilure  :  par  exemple  ,  une  particule  per- 
cée dans  fa  longueur  n'attirera  pas  fi  fort 
qu'une  particule  qjji  feroit  entière  :  de  même 
I  aufli  la  différence  dans  la  figure  en  pro- 
1  duka  une  dans  la  force  attraâive.  Ainli  unç 


5î8  ATT 

Iphere  attirera  plus  qu'un  cône ,  qu'un  cy- 
lindre ,  6'c. 

X.  Suppofons  que  la  contexture  d'un 
corps  foit  telle ,  que  les  dernières  particu- 
les élémentaires  dont  il  eu  compolé  foient 
un  peu  éloignées  de  leur  premier  contad  , 
par  l'aftion  de  quelque  force  extérieure  , 
comme  par  le  poids  ou  l'impuHion  d'un 
autre  corps ,  mais  fans  acquérir  en  vertu 
de  cette  force  un  nouveau  contait  ;  dès  que 
l'adion  de  cette  force  aura  ceflë ,  ces  particu- 
les tendant  les  unes  vers  les  autres  par  leur 
force  attraftive  ,  retourneront  auliî-tôt  à 
leur  premier  contaâ:.  Or  quand  les  parties 
d'im  corps  ,  après  avoir  été  déplacées  ,  re- 
tournent dans  leur  première  iituation  ,  la 
figure  du  corps  ,  qui  avoit  été  changée 
par  le  dérangement  des  parties  ,  fe  réta- 
blit auffi  dans  Ton  premier  état  :  donc 
les  corps  qui  ont  perdu  leur  figure  pri- 
mitive ,  ne  peuvent  la  recouvrer  par  ïat- 
traâion. 

Par-là  on  peut  expliquer  la  caufe  de  l'é- 
laflicité  ;  car  quand  les  particules  d'un  corps 
ont  été  un  peu  dérangées  de  leur  Iituation , 
par  l'aâion  de  quelque  iorce  extérieure  ;  fi- 
tôt  que  cette  force  ce(ïè  d'agir ,  les  parties 
réparées  doivent  retourner  à  leur  première 
place;  &  parconféquentle  corps  doit  repren- 
dre {a  figure,  &c.  Voy.  ÉLASTICITÉ  ,  (Sv. 

XI.  Mais  fi  la  contexture  d'un  corps  eft 
telle  que  Tes  parties,  lorlqu'elles  perdent  leur 
contad  par  l'aâion  de  quelque  caufe  exté- 
rieure ,  en  reçoivent  un  autre  du  même  degré 
de  force  ;  ce  corps  ne  pourra  reprendre  (à 
première  figure. 

Par-là  on  peut  expliquer  en  quoi  confiée 
la  molleilè  des  corps. 

XII.  Un  corps  plus  pelant  que  l'eau ,  peut 
diminuer  de  groileur  à  un  tel  point ,  que  ce 
c-orps  demeure  fulpendu  dans  Teau  ,  fins  de(- 
cendre  comme  il  le  devroic  faire  ,  par  (a  pro- 
pre pefanteur. 

Par- là  on  peut  expliquer  pourquoi  les 
particules  falines  ,  métalliques,  &  les  autres 
petits  corps  icrablables  demeurent  fufpen- 
dus  dans  les  iîuides  qui  les  diifolvent.  Voye:{ 

Menstrue. 

XIII.  Les  grands  corps  s'approchent  l'un 
do  l'autre  avec  moins  de  vîtelfe  que  les  petits 
corps.  En  efL't,  la  force  avec  laquelle  deux 
cprps  A,B, s'attirent  {fig.  ja.. mech. h" 4..) 


ATT 

rcfide  feulement  dans  les  particules  de  ces 
corps  les  plus  proches  ;  car  les  parties  plus 
éloignées  n'y  contribuent  en  rien  :  par  con- 
féquent  la  force  qui  tend  à  mouvoir  les  corps 
A  &c  B ,  n'efl  pas  plus  grande  que  celle 
qui  tendroit  à  mouvoir  les  leules  particules 
c  &  ^.  Or  les  vîtefîés  des  différens  corps 
mus  par  une  même  force  font  en  raifon  in- 
verfe  des  mafîes  de  ces  corps  ;  car  plus  la 
mafîe  à  mouvoir  efl  grande ,  moins  cette 
force  doit  lui  imprimer  de  vîtelfe  :  donc  la 
vîtefle  avec  laquelle  le  corps  A  tend  à  s'ap- 
procher de  -S ,  efl  à  la  vîteffe  avec  laquelle 
la  particule  c  tendroit  à  fe  mouvoir  vers  B , 
fi  elle  étoit  détachée  du  corps  A  ,  comme 
la  particule  c  eft  au  corps  A  :  donc  la  vî- 
tefle du  corps  A  efl  beaucoup  moindre  que 
celle  qu'auroit  la  particule  c  ,  fi  elle  étoit  dé- 
tachée du  corps  A. 

C'efî  pour  cela  que  la  vîtefîe  avec  laquelle 
deux  petits  corpulcules  tendent  à  s'appro- 
cher l'un  de  l'autre ,  efl  en  raifon  inverie  de 
leurs  mafîes  ;  c'efl  auilî  pour  cette  même 
raifon  que  le  mouvement  des  grands  corps 
eft  naturellement  fi  lent ,  parce  que  le  fluide 
environnant  &  les  autres  corps  adjacens  le 
retardent  &  le  diminuent  confidérablement  ; 
au  lieu  que  les  petits  corps  font  capables 
d'un  mouvement  beaucoup  plus  grand ,  &c 
font  en  état  par  ce  moyen  de  produire 
un  très- grand  nombre  d'effets  ;  tant  il  eft 
vrai  que  la  force  ou  l'énergie  de  Vattraclion 
eft  beaucoup  plus  confidérable  dans  les  pe- 
tits corps  que  dans  les  grands-  On  peut  auffi 
déduire  du  même  principe  la  raifon  de  cet 
axiome  de  ch}  mie  :  les  f eh  n'agijjent  que 
quand  ils  font  dijfbus. 

XIV.  Si  un  corpulcule  placé  dans  un 
fluide  eft  également  attiré  en  tous  lens  par 
les  particules  environnantes ,  il  ne  doit  re- 
cevoir aucun  mouvement  \  mais  s'il  eft  at- 
tiré par  quelques  particules  plus  forte- 
ment que  par  d'autres ,  il  doit  fe  mou- 
voir vers  le  côté  où  ïatcraclion  eft  la  plus 
grande  ;  &  le  mouvement  qu'il  aura  lera 
proportionné  à  l'inégalité  à\ncracIion  ;  c'efî- 
à-dire,  que  plus  cette  inégalité  lera  grande  , 
plus  aullî  le  mouvement  lera  grand  ,  &  au 
contraire, 

XV.  Si  des  corpulcules  ncgent  dans  un 
fluide  ,  &  qu'ils  s'attirent  les  uns  les  autres 
avec  plus  de  fofije  qu'ils  n'attirent  les  parti- 
cules 


ATT 

eules  intermédiaires  du  fluide  ,  &c  qu'ils 
n'en  ibnt  attirés  ,  ces  corpulcules  doivenr 
s'ouvrir  un  paflâge  à-travers  les  particules 
du  fluide  ,  &  s'approcher  les  uns  des  au- 
tres avec  une  force  égale  â  l'excès  de  leur 
force  attraâive  fur  celle  des  parties  du 
fluide. 

XVI.  Si  un  corps  eu  plongé  dans  un 
fluide  dont  les  particules  foient  attirées 
plus  fortement  par  les  parties  du  corps  , 
que  les  parties  de  corps  ne  s'attirent  mu- 
tuellement ,  &  qu'il  y  ait  dans  ce  corps  un 
nombre  confidérable  de  pores  ou  d'interfli- 
ces  à  travers  lelquels  les  particules  du 
fluide  puilîent  palier  ,  le  Huide  traverfera 
ces  pores.  De  plus  ,  fi  la  colielion  des 
parties  du  corps  n'eft  pas  aifez  hirte  pour 
réllfler  à  l'eltort  que  le  fluide  fera  pour  les 
féparer  ,  c^^^  corps  fe  diflbudra.  yoye\  DIS- 
SOLUTION. 

Donc  ,  pour  qu'un  menrtrue  foit  capa- 
ble de  difloudre  un  corps  donné  ,  il  faut 
trois  conditions  :  i°.  que  les  parties  du  corps 
attirent  les  particules  du  menitrue  plus  tor- 
tement  qu'elles  ne  s'attirent  elles-mêmes 
les  unes  les  autres  :  i**.  que  les  pores  du 
corps  foient  pjrméables  aux  particules  du 
rnenflrue  :  3°.  que  la  cohélion  des  parties  du 
corps  ne  (bit  pas  aifez  hirte  pour  réfifler  à 
l'eiîort  fie  à  l'irruption  des  particules  du  mcnf- 
true.  Voyei  MenstRUE. 

XVII.  Lc^  fels  ont  une  grande  force  at- 
tradive  ,  même  lorfquils  Ibnt  iéparés  par 
beaucoup  d'interfliccs  qui  laiflent  un  libre 
pallage  à  l'eau  :  par  conlequent  les  parti- 
cules de  l'eau  font  fortement  attirées  par 
les  particules  ialines  ;  de  lortc  qu'elles  le 
précipitent  dans  les  pores  (îes  parties  Iali- 
nes ,  féparent  ces  parties  ,  &  dilîolvent  le  lél. 
Voyei  Sel. 

XVIII.  Si  les  corpufculcs  font  plus  atti- 
rés par  les  parties  du  fluide  qu'ils  ne  s'at- 
tirent les  uns  les  autres  ,  ces  corpufcules 
doivent  s'éloigner  les  uns  des  autres  ,  &  le 
répandre  ça  6i  là  dans  le  fluide. 

Par  exemple  ,  li  l'on  diilout  un  peu  de 
fel  dans  une  grande  quantité  d'eau  ,  les 
particules  du  fel ,  quoique  d'une  pefanteur 
fpécifique  plus  grande  que  celle  de  l'eau  , 
fe  répandront  &  fe  difpoferont  dans  toute 
la  malle  de  l'eau  ,  de  manière  que  l'enu 
lira  auili  falée  au  fond  ,  qu'à  la  partie  lu- 
Tome  III. 


ATT  5)29 

périeure.  Cela  ne  prouvc-t-il  pas  que  les 
parties  du  iel  ont  une  force  centrifuge  ou 
répulfive ,  par  laquelle  elles  tendent  à  s'é- 
loigntr  les  unes  des  autres  ;  ou  plutôt  qu'el- 
les Ibnt  attirées  par  l'eau  plus  fortement 
qu'elles  ne  s'attirent  les  unes  les  autres  ?  En 
eflèt ,  comme  tout  corps  mont/»' dans  l'eau  , 
lorfqu'i!  cil  moins  attiré  par  la  gravité  tcr- 
reftre  que  les  parties  de  l'eau  ,  de  même 
toutes  les  parties  de  fel  qui  flottent  dans 
l'eau  ,  &  qui  font  moins  attirées  par  une 
partie  quelconque  de  kl  que  les  parties  de 
l'eau  ne  le  font  ;  toutes  ces  parties  ,  dis-je  , 
doivent  s'éloigner  de  la  partie  de  tel  dont 
il  s'agit ,  &  lailTcr  leur  place  à  l'eau  qui  ea 
eÛ  plus  attirée.  Newton  ,  Opt.  p.  J&j. 

XIX.  Si  des  corpulcules  qui  nagent  dans 
un  fluide  tendent  les  uns  vers  les  autres  ,  & 
que  ces   corpufcules  loient   élafliques  ,   ils 
doivent ,  après  s'être  rencontrés ,  s'éloigner 
de  nouveau  ,  jufqu'à  ce  qu'ils  rencontrent 
d'autres   corpufcules   qui  les   réflcchillént  ; 
ce  qui  doit   produire  une    grande  quantité 
d'impulfions  ,  de   repercuflions  ,  &   pour 
ainfi  dire  de  conflits  entre  ces  corpufcules. 
Or  ,  en  vertu  de  la  force  attractive  ,  la  vî- 
telle  de  ces  corps  augmentera  continuelle- 
ment ;  de  manière  que   le  mouvement  in- 
tellin  des  particules  deviendra  enfin  lénfible 
aux  yeux.    V.  MOUVEMENT  INTESTIN. 
De  plus  ,  ces   mouvemens  feront  difïe- 
rens ,  &  feront  plus  ou  moins  lenfibles  & 
plus  ou  moins  prompts  ,  félon  que  les  cor- 
pufcules s'attireront  l'un  l'autre  avec  plus 
ou  moins  de  force ,  &  que  leur  élafticité 
fera  plus  ou  moins  grande. 

XX.  Si  les  corpulcules  qui  s'attirent  l'un 
l'autre  viennent  à  fe  toucher  mutuelle- 
ment ,  ils  n'auront  plus  de  mouvement  , 
parce  qu'ils  ne  peuvent  s'approcher  de  plus 
près.  S'ils  font  placés  à  une  très-petite  dil- 
tance  l'un  de  l'autre  ,  ils  fe  mouvront  :  mais 
\\  on  les  place  à  une  diflance  plus  grande  , 
de  manière  que  la  force  avec  laquelle  ils 
-.'attirent  l'un  l'autre ,  ne  furpallc  point  la 
force  avec  laquelle  ils  attirent  les  particules 
intermédiaires  du  fluide  ;  alors  ils  n'auront 
plus  de  mouvement. 

De  ce  principe  dépend  l'explication  de 
rous  les  phénomènes  de  la  tcrmentation  & 
de  l'ébullition.  Fojy;^  FERMENTATION  & 

Ebullition. 

Xxx  X» 


^yo  ATT 

Ainfi  l'on  peut  expliquer  par-là  pourquoi' 
rhuile  de  vitriol  fermente  &  s'cchauiFe 
quand  on  verfe  un  peu  d'eau  defllis  ;  car 
les  particules  falincs  qui  fe  touchoient  font 
un  peu  dclunies  par  rcffi-ifîon  de  l'eau  :  or 
comme  ces  particules  s'attirent  l'une  l'autre 
plus  fortGipent  qu'elles  n'attirent  les  parti- 
cules de  Veau  ,  &  qu'elles  ne  font  pas  éga- 
lement attirées  en  tout  fens  ,  elles  doivent 
néccffairement  fe  mouvoir  &  termenter. 
Voye^  VlTPvlOL. 

C'eit  aufli  pour  cette  raifon  qu'il  fc  fait 
une  fi  violente  ébuUition ,  lorfqu'on  ajoute 
à  ce  mélange  ,  de  la  limaille  d'acier  ;  car 
les  particules  de  l'acier  font  fort  elaftiques  . 
&  font  par  conféquent  réfléchies  avec  beau- 
coup de  force. 

On  voit  auffi  pourquoi  certains  menf- 
trues  agiflent  plus  fortement ,  &  difTolvent 
plus  promptement  le  corps  lorlque  ces 
menftrues  ont  été  mêlés  avec  l'eau.  Cela 
s'oblèrve  lorfqu'on  verfe  fur  le  plomb  ou 
fur  quelques  autres  métaux  ,  de  1  huile  de 
vitriol ,  de  l'eau-forte  ,  de  l'efprit  de  nitre  , 
recfifîés  ;  car  ces  métaux  ne  le  difloudront 
qu'après  qu'on  y  aura  verfe  de  l'eau. 

XXI.  Si  les  corpufcules  qui  s'attirent 
mutuellement  l'un  l'autre  n'ont  point  de 
force  élafîique  ,  ils  ne  feront  point  réflé- 
chis ;  mais  ils  le  joindront  en  petites  mai- 
fes  ,  d'où  naîtra  la  coagulation. 

Si  la  pefanteur  des  particules  ainfi  réu- 
nies furpaffe  la  pefanteur  du  fluide  ,  la  pré- 
cipitation s'enlùivra.  f'^.  PRÉCIPITATION. 

XXII.  Si  des  corpufcules  nageant  dans 
un  fluide  s'attirent  mutuellement  ,  &  fi  la 
figure  de  ces  corpulcules  eil  relie  ,  que  quel- 
ques-unes de  leurs  parties  aient  plus  de 
force  attraSfive  que  les  autres  ,  &  que  le 
contad  l'oit  aufli  plus  tort  dans  certaines 
parties  que  dans  d'autres  ,  ces  corpulcules 
s'uniront  en  prenant  de  certaines  figures  ; 
ce  qui  produira  la  cryflallilation.  Voyei^ 
Crystaliisation. 

Des  corpufcules  qui  font  plongés  dans 
un  fluide  dont  les  parties  ont  un  mouve- 
ment progreflif  égal  &  uniforme,  s'attirent 
mutuellement  de  la  même  manière  que  fi 
le  fluide  étoit  en  repos  :  mais  fi  toutes  les 
parties  du  fluide  ne  fe  meuvent  point  éga- 
lement ,  \^ attraction  des  corpufcules  ne  fera 
plus  la  même. 


ATT 

C'efî  pour  cette  raifon  que  les  feîs  ne 
cryflallilc'it  point  ,  a  moins  que  l'eau  où 
on  le-:  :net  ne  foit  froide. 

XXîII.  Si  entre  deux  particules  de  fluide 
fe  trouve  placé  un  corpulcule  ,  dont  les 
deux  côtés  c>ppofe  aient  une  grande  force 
attraffii'e  ,  ce  corpufcule  forcera  les  parti- 
cules du  fluide  de  s'unir  &  de  fe  conglu- 
tiner  avec  lui  ;  &  s'il  y  a  plufieurs  corjiuf^ 
cules  de  cette  iorte  répandus  dans  le  fluide, 
ils  fixa'ont  toutes  les  particules  du  fluide  , 
&  en  feront  un  corps  folide  ,  &  le  fluide 
fera  gelé  ou  changé  en  glace.  Voye:^ 
Glace. 

XXIV.  Si  un  corps  envoie  hors  de  lut 
une  grande  quantité  de  corpufcules  dont 
Vatcraclion  foit  très-forte  ,  ces  corpufcules  , 
lorfqu'ils  approcheront  d'un  corps  fort  lé- 
ger ,  furmonteront  par  leur  attraction  la 
pefanteur  de  ce  corps  ,  &  l'attireront  k 
eux  ;  &  comme  les  corpufcules  font  erv 
plus  grande  abondance  i\  de  petites  dil- 
rances  du  corps ,  qu'à  de  plus  grandes  ,  le 
corjîs  léger  fera  continuellement  tiré  vers 
l'endroit  où  l'émanation  efl  la  plus  denfe  ; 
jufqu'A  ce  qu'enfin  il  vienne  s'attacher  au 
corps  même  d'où  les  émanations  partent. 
Voye\  ÉMANATION. 

Par-là  on  peut  expliquer  plufieurs  phé- 
nomènes de  réleélricité.  V.  Electricité^ 

Nous  avons  cru  devoir  rapporter  ici 
ces  difiérens  théorèmes  fur  ïaittacîion  , 
pour  faire  voir  coinment  on  a  tâché  d'ex- 
phquer  à  l'aide  de  ce  principe  plufieurs 
phénomènes  de  chymie  :  nous  ne  préten- 
dons point  cependant  garantir  aucune  de 
ces  explications  ;  &  nous  avouerons  même 
que  la  plupart  d'entr'elles  ne  paroilfent  point 
avoir  cette  précifion  &  cette  clarté  qui  eft 
nécefTaire  dans  l'expofition  des  caufes  des 
phénomènes  de  la  nature.  Il  efl  pourtant 
permis  de  croire  que  Vattraclion  peut  avoir 
beaucoup  de  part  aux  eflPets  dont  il  s'agit  ; 
&  la  manière  dont  on  croit  qu'elle  peut  y 
fatisfaire  ,  efl  encore  moins  vague  que  celle 
dont  on  prétend  les  expliquer  dans  d'au- 
tres fyftêmes.  Quoi  qu'il  en  foit  ,  le  parti 
le  plus  iage  eit  fans  doute  de  fufpendre- 
encore  fon  jugement  fur  ces  choies  de  dé- 
tail ,  julqu'à  ce  que  nous  ayons  une  con- 
noiflance  plus  parfaite  des  corps  &  de  leurs 
propriétés. 


ATT 

Voici  c?onc ,  pour  fatisfaire  5  ce  que 
nous  avons  promis  au  commencement  de 
cet  article  ,  ce  qu'il  nous  lèmble  qu'on  doit 
penfer  fur  ['anrjffion. 

Tous  les  philolbphes  conviennent  qu'il  y 
a  une  force  qui  fait  tendre  les  planètes 
premières  vers  le  Tolcil ,  &  les  planètes  fe- 
condaires  vers  leurs  planètes  principales. 
Comme  il  ne  faut  point  multiplier  les  prin- 
cipes flins  néceiUté  ,  &:  que  Fimpulfion  ell 
le  principe  le  plus  connu  &  le  moins  con- 
tclté  du  mouvement  des  corps  ,  il  cft  clair 
que  la  première  idée  d'un  philolophe  doit 
être  d'attribuer  cette  force  à  l'impuliion 
d'un  riuide.  C'eft  à  cette  idée  que  les  tour- 
billons de  Defcartes  doivent  leur  naiffance  ; 
&  elle  paroifibit  d'autant  plus  heureufé  , 
qu'elle  expliquoit  à  la  fois  le  mouvement 
de  tranflation  de  planètes  par  le  mouve- 
ment circulaire  de  la  matière  du  tourbil- 
lon ,  &  leur  tendance  vers  le  loleil  par  la 
force  centrifuge  de  cette  matière.  Mais  ce 
n'eit  pas  aflez  pour  une  hypothelè  de  fatis- 
faire aux  phénomènes  en  gros  ,  jiour  ainfi 
dire  ,  &  d'une  manière  vague  :  les  détails 
en  l'ont  la  pierre  de  touche  ,  &  ces  détails 
ont  été  la  ruine  du  iyftême  Cartéfien.  J^oje^ 
Pesanteur  ,  Tourbillons  ,  Car- 
tésianisme ,  6v. 

Il  faut  donc  renoncer  aux  tourbillons  , 
quelque  agréable  que  le  fpedacle  en  pa- 
roifle.  Il  y  a  plus  ;  on  cft  prelque  torcé  de 
convenir  que  les  planètes  ne  fe  meuvent 
point  en  vertu  de  l'adion  d'un  fluide  :  car 
de  quelque  manière  qu'on  iuppole  que  ce 
fluide  agifle  ,  on  fe  trouve  expoié  de  tous 
côtés  à  des  difficultés  inlurmontables  :  le 
feul  moyen  de  s'en  tirer  ,  feroit  de  fup- 
pofer  un  fluide  qui  fût  capable  de  pourfèr 
dans  un  fens  ,  &  qui  ne  refiftât  pas  dans 
un  autre  :  mais  le  remède ,  comme  l'on  voit , 
feroit  pire  que  le  mal.  On  eft  donc  réduit 
à  dire  ,  que  la  force  qui  fait  tendre  les 
planètes  vers  le  foleil  vient  d'un  principe 
inconnu  ,  &  fi  l'on  veut  d'une  qualité  oc- 
culte ;  pourvu  qu'on  n'attache  point  à  ce 
mot  d'autre  idée  que  celle  qu'il  préfente 
naturellement  ,  c'efl-à-dire  d'une  caufe  qui 
nous  eft  cachée.  C'eft  vraifemblablement 
le  fens  qu'Ariftote  y  attachoit ,  en  quoi  il 
a  été  plus  lage  que  fes  ledateurs  ,  &  que 
bien  des  philofophes  modernes. 


ATT  5)31 

Nous  ne  dirons  donc  point ,  fi  l'on  veut , 
que   Vattrac7iun   ci]  une  pr(>pnété  primor- 
diale de  la  matière  ,  mais  nous  nous  gar- 
derons bien  auiii  d'affirmer ,  que  l'impul- 
fion  ioit  le  principe  néctiraire  des   mou- 
vemens  des  planètes.  Nous  avouons  mûme 
que   11  nous    étions  forcés   de   prendre  un 
]jarti ,  nous   pancherions  bien  plutôt  pour 
le  premier  que  pour   le  l'ecoiuî  ;  puisqu'il 
n'a  pas  encore  été  polliblc  d'expliquer  par 
le  principe  de  l'impuliion  les  phénomènes 
célciles  ;  &   que  l'impoilibilité    même    de 
les  expliquer  par  ce  principe  ,  cil  appuyée 
lur  des  preuves  très-iortes  ,   pou?  ne  l'as 
direlur  des  démonlh'ations.  Si  M.  Newton 
paroît  indécis  en  quelques  endroits  de  les 
ouvrages  lur  la  nature  de  la  force  attractii^e  ; 
s'il  avoue  même  qu'elle    peut  venir  d'une 
impulfion  ,  il  y  a  lieu  de  croire  que  c'étoit 
une  elpece  de  tribut  qu'il  vouloit  bien  payer 
au  préjugé  ,  ou  ,  li  l'on  veut  ,  à  l'opinion 
générale  de  Ion  fiecle  ;  &  l'on  peut  croire 
qu'il  avoit  pour  l'autre  fentiment  une  forte 
de  prédileélion  ;    puifqu'il  a   foulFert    que 
M.  Côtes  fon  difciple  adoptât  ce  fentiment 
fans  aucune  réiervc  ,  dans  Li  préface  qu'il 
a  mile  à  la  tête  de  ia  leconde  édition  des 
Principes  ;  préface  faite  fous  les  yeux  de 
l'auteur  ,  &  qu'il  paroît  avoir  approuvée. 
D'ailleurs  M.  Ne\r  ton  admet  entre  les  corps 
célefîcs  une  attraction  réciproque  ;  &  cette 
opinion  femble  fuppofer  que  ïatuaclion  cft 
une  vertu  inhérente  aux  corps.  Quoi  qu'il 
en  foit ,  la  force  attracllve ,  félon  M.  New- 
ton ,  décroît  en  raifon  inverfe  des  quarrés 
des  diftances  :  ce  grand  plùlofbphe  a  expli- 
qué par  ce  leul  principe  une  grande  par- 
tie des  phénomènes  célcftes  ;  &  tous  ceux 
qu'on    a   tenté   d'expliquer  depuis    par  ce 
même  principe  ,  l'ont  été  avec  une  facilité  & 
une  exaâitude  qui  tiennent  du  prodige.  Le 
icul  mouvement  des   aphdes  de  la  lune  a 
paru  durant  quelque  temps  fe  refufer  à  ce 
fyftêmc  :  mais  ce  point  n'eft  pas  encore 
décidé  au  moment  que  nous  écrivons  ceci  ; 
&:  je  crois  pouvoir  affîirer  que  le  (\flême 
Newtonien  en  fortira  à  ion  honneur.    V^. 
Lune.  Toutes  les  inégalités  du  mouvement 
de  la  Urne  qui  ,   comme  l'on  fait    ,    font 
trés-confidérables  ,  &c  en  grand    nombre  , 
s'expliquent  très-hcurcuiement  dans  le  lyU 
tême  de  Vattraciion.  Je  m'en  ("uis  auffi  affiiré 
Xxxxx  i 


5>3i  ATT 

par  le  calcul ,  &  je  publierai  bientét  mon 
travail.  "  , 

Tous  les  phénomènes  nous  démontrent 
donc  qu'il  y  a  une  force  qui  fait  tendre  les 
planètes  les  unes  vers  les  autres.  Ainli  nous 
ne  pouvons  nous  difpenfer  de  l'admettre  ; 
&  quand  nous  ferions  forcés  de  la^  recon- 
noître  comme  primordiale   &  inhérente  à 
la  matière,  j'ofe  dire  que   la  difficulté  de 
Co;icevoir  une  pareille  caufe  feroit  un  ar- 
gument bien  foible  contre    fon  exiftence. 
Peribnne  ne  doute  qu'un  corps  qui  en  ren- 
contre   un    autre  ,    lui    communique^    du 
mouvement  :  mais  avons-nous  une  idée  de 
la  vertu  par  laquelle  fe  fait  cette  commu- 
nication ?  Les  philofophes  ont  avec  le  vul- 
gaire bien   plus   de  reflêmblance  qu'ils  ne 
s'imaginent.  Le  peuple  ne  s'étonne  point  de 
voir  une  pierre  tomber  ,  parce  qu'il  l'a  tou- 
jours vu  ;  de  même  les  Philofophes,^  parce 
qu'ils  ont  vu   dès  l'enfance    les   effets   de 
l'impulfion  ,  n'ont  aucune  inquiétude  lur 
la  caufe  qui  les  produit.   Cependant  fi  tous 
les  corps  qtii  en  rencontrent  un  autre  s'ar- 
rêtoient  fans    lui   communiquer    du  mou- 
vement ,  un  pHilofophe  qui   verroit  pour 
la  première   fois  un  corps    en  poufler  un 
autre  ,  feroit  auffi  furpris  qu'un  homme  qui 
verroit  un  corps  pefint  fe  foutenir  en  l'air 
fans    retomber.    Quand  nous   faurions   en 
quoi  confifie  l'impénétrabilité   des   corps  , 
nous  n'en  ferions  peut-être  guère  plus  éclai- 
rés   fur  la    nature  de  la   force   impuhlve. 
Nous  voyons  feulement ,  qu'en  coniéquence 
de     cette   impénétrabilité  ,    le  choc    d'un 
corps  contre  un    autre   doit    être  fuivi   de 
quelque    changement  ,  ou  dans    l'état  des 
deux  corps  ,  ou  dans  l'état  de  l'un  des  deux  : 
mais  nous  ignorons ,  &  apparemment  nous 
ignorerons  toujfujrs  ,  par   quelle  vertu  ce 
changement  s'exécute  ,  &  pourquoi  ,    par 
exemple  ,  un  corps  qui  en  choque  un  autre 
ne  refte  pas  toujours  en  repos  après  le  choc , 
fans  communiquer  une  partie  de  ion  mou- 
vement au  corps  choqué.  Nous  croyons  que 
Vattraclion  répugne  à  l'idée  que  nous  avons 
de  la  matière  :  mais  approtondiifons  cette 
idée,  nous  ferons  effi-ayés  de  voir  combien 
peu  elle  ed  dillinâe ,  &  combien  nous  de- 
vons  être   réfervés  dans  les  conléquences 
que  nous    en  tirons.   L'univer"!   cfl   caché 
pour  nous  derrière  iine  efpece  de  voile  ù-tra- 


A  T  T 

vers  lequel  nous  entrevoyons  confur^^ 
ment  quelques  pomts.  Si  ce  voile  fe  déchi- 
roit  tout-a-coup  ,  peut-être  ferions-nous 
bien  (urpris  de  ce  qui  le  pafie  derrière. 
D'ailleurs  ,  la  prétendue  incompatibilité  de 
Vattracfion  avec  la  matière  n'a  plus  lieu  , 
dès  qu'on  admet  un  être  intelligent  &  ordon- 
nateur de  tout  ,  à  qui  il  a  été  aulll  libre  de 
vouloir  que  les  corps  agiffent  lesuns  iur  les 
autres  à  diflance  que  dans  le  contaû. 

Mais  autant  que  nous  devons  être  portés 
à  croire  l'exillence  de  la  force  à' attracllon 
dans  les  corps  célelles ,  autant ,  ce  me  fem- 
ble  ,  nous  devons  être  réfervés  à  aller  plus 
avant.   i°.  Nous  ne  dirons  point  que  Vac~ 
tracrion  eft  une  propriété  ejj'entielle  de  la 
matière  ,   c'efl    beaucoup    de  la    regarder 
comme  une  propriété  primordiale  ;  &:  il  y  a 
une  grande  difiérence  entre   une  propriété 
primordiale    &    une    propriété   ej/encielU. 
L'impénétrabilité  ,  la  divilibilité  ,  la  mobi- 
lité ,  font  du  dernier  genre  ;  la  vertu  im- 
pulfive  ell  du  fécond.  Dès  que  nous   con- 
cevons un  corps ,  nous  le  concevons  nécel- 
fairement  divifible ,  étendu  ,  impénétrable  : 
mais  nous  ne  concevons  pas  néceflairement 
qu'il  mette  en  mouvement  un  autre  corps,  i". 
Si  l'on  croit  que   ïattraclion  loit  une  pro- 
priété inhérente  à  la  matière  ,  on  pourroit  en 
conclure  que  la  loi  du  quarré  s'obferve  daps 
toutes  fes  parties.  Peut-être  néanmoins  fe- 
roit-il  plus  fage  de  n'admettre  Vattraclion 
qu'entre  les  parties  des  planètes  ,  Jans  pren- 
dre notre  parti  fur  la  nature  ni  fur  la  caufe 
de  cette  force  ,  jufqu'à  ce  que  de  nouveaux 
phénomènes  nous   éclairent    fur  ce  fujct. 
Mais  du   moins   faut-il   bien   nous  garder 
d'alTurer  ,  que  quelques  parties  delà  matière 
s'attirent  iiiiv.-int  d'autres  loix  que  celles  du 
quarré.  Cette   propofition    ne  paroît  point 
iiiffifamment  démontrée.  Les  faits  font  l'u- 
nique  boulîole   qui   doit  nous  guider  ici  , 
&  je  ne  crois  pas  que  nous  en  ayons  en- 
core un  affez  grand  nombre  pour  nous  éle- 
ver à  une  aflertion   fi  hardie  :  on  peut    en 
juger  par  les  differens  théorèmes  que  nous 
venons  de  rapporter  ,  d'après  M.   Keil  & 
d'autres  philoibphes.  Le  fyflême  du  monde 
eft  en  droit  de  nous  taire  foupçonncr  que 
les  mouvemens  des  corps    n'ont  peut-être 
pas  l'impulfion  feule  pour  cauie  ;  que  ce 
ibupçon  nous  rende  lages ,  &  ne  nous  prcC 


A  TT 

fôns  pas  de  conclure  que  ]! attraction  foitvin 
principe  univerlel  ,  iiilqu'à  ce  que  nous  y 
ibyions  forcés  pnr  les  phénomènes.  Nous 
aimons ,  il  cil  vrai ,  à  géncralifer  nos  dé- 
couvertes ;  l'analogie  nous  plaît ,  parce 
qu'elle  flatte  notre  vanité  &  loulage  notre 
pareiïe:  mais  la  nature  n'ell  pas  obligée  de 
Te  conformer  à  nos  idées.  Nous  voyons  il  peu 
avant  dans  les  ouvrages,  &  nous  les  vo\'ons 
par  de  h  petites  parties  ,  que  les  principaux 
reflorts  nous  en  échappent.  Tachons  de  bien 
appcrcevoir  ce  qui  ell  autour  de  nous  ;  & 
Il  nous  voulons  nous  élever  plus  haut ,  que 
ce  ioit  avec  beaucoup  de  circonlpedion  : 
autrement  nous  n'en  verrions  que  plus  mal , 
en  croyant  voir  plus  loin  ;  les  objets  éloi- 
gnes {croient  toujours  confus,  &  ceux  qui 
étoient  à  nos  pies  nous  échapperoient. 

Après  ces  réHexions ,  je  crois  qu'on  pour- 
roit  fe  difpenfer  de  prendre  aucun  parti 
fur  la  dilpute  qui  a  partagé  deux  acadé- 
miciens célèbres  ,  fuvoir  H  la  loi  éi'atcrac- 
tion  doit  nécellàirement  être  comme  une 
puiiîance  de  la  dUlance  ,  ou  fi  elle  peut 
être  en  général  comme  une  fonftion  de 
cet-emêmediibnce,  (  î^oj-er^  PUISSANCE 
&  Fonction;  )  quellion  purement  méta- 
phyfique ,  &  (ur  laquelle  il  eli:  peut-être  bien 
hardi  de  prononcer  ,  après  ce  que  nous 
veinons  de  dire  ;  auffi  n'avons-nous  pas  cette 
prétention ,  fur-tout  dans  un  ouvrage  de  la 
nature  de  celui-ci.  Nous  croyons  cependant 
que  fi  l'on  regarde  Yatcraclion  comme  une 
prc)priéeé  de  la  matière ,  ou  une  loi  primi- 
tive de  la  nature  ,  il  eft  aflez  naturel  de  ne 
faire  dépendre  cette  attracticn  que  de  la 
feule  diitance  ;  &  en  ce  cas  la  loi  ne  pourra 
être  repréfentée  que  par  une  puilîance  ; 
car  toute  autre  fondion  contiendroit  un 
paramètre  ou  quantité  confiante  qui  ne 
dépendroit  point  de  la  diflance ,  &  qui 
paroîtroit  fe  trouver-là  fans  aucune  raifon 
fuffiiante.  Il  efl  du  moins  certain  qu'une 
loi  exprimée  par  une  telle  fonèlion  ,  leroit 
moins  fimple  qu'une  loi  exprimée  par  une 
feule  puiiîance. 

Nous  ne  voyons  pas  d'ailleurs  quel 
avantage  il  y  auroit  à  exprimer  Vattraclion 
par  une  fondion.  On  prétend  qu'on  pour- 
roit  expliquer  par-là  ,  comment  ïattrac- 
tion  à  de  grandes  diflances  eft  en  raifon 
ÏQverfe  du  quarré,  &  fwit  une  autre  loi 


ATT  j)3j 

A  de  petites  diflances  ;  mais  il  n'eft  pas 
encore  bien  certain  que  cette  loi  d'attrac- 
tion à  de  petites  diflances  ,  foit  aulK  gé- 
nérale qu'on  veut  le  iuppofer.  D'ailleurs  , 
fi  l'on  veut  faire  de  cette  fondion  une  loi 
générale  qui  devienne  fort  différente  du 
quarré  à  de  très-petites  dilfinces  ,  &  qui 
puiffe  lervir  à  rendre  r.;ifon  des  attractions 
qu'on  obleive  ou  qu'on  luppofe  dans  le» 
corps  terreflres  \  il  nous  paroît  difficile 
d'opliqucr  dans  cette  hypothefe  comment 
la  pelanteur  des  corps  qui  font  immédia- 
tement contigus  à  la  terre  ,  cil  à  la  pelan- 
teur de  la  lune  à-peu-près  en  railbn  in- 
verfe  du  quarré  de  la  diflance.  Ajoutons 
qu'on  devroit  être  fort  circonfpeél  à  chan- 
ger la  loi  du  quarré  des  diflances  ,  quand 
même  ,  ce  qui  n'cft  pas  encore  arrivé  , 
on  trouveroit  quel.iuc  phénomène  célcflc  , 
pour  l'explication  duquel  cette  loi  du  quan- 
ré  ne  fuffiroit  pas.  Les  difTérens  points  du 
lyfiême  du  monde  ,  au  moins  ceux  que 
nous  avons  examinés  jufqu'ici  ,  s'accor- 
dent avec  la  loi  du  quarré  des  diflances  : 
cependant ,  comme  cet  accord  n'efl  qu'un 
à-peu-près  ,  il  eft  clair  qu'ils  s'accorde- 
roient  de  même  avec  une  loi  qui  Ceroit 
un  peu  différente  de  celle  du  quarré  des 
diflances  :  mais  on  flnt  bien  qu'il  feroit 
ridicule  d'admettre  une  pareille  loi  par  ce 
feul  motif. 

Refte  donc  à  favoir  fi  un  feul  phéno- 
mène qui  ne  s'accorderoit  point  avec  la 
loi  du  quarré ,  feroit  une  raifjn  fuffifante 
pour  nous  obliger  à  changer  cette  loi 
dans  tous  les  autres  ;  &  s'il  ne  feroit  pas 
plus  lage  d'attribuer  ce  phénomène  à  quel- 
que caufe  ou  loi  particulière.  M.  New- 
ton a  reconnu  lui-même  d'autres  forces 
que  celles-là  ,  puifqu'il  paroît  fuppofcr 
que  la  force  magnétique  de  la  terre  agit 
lijr  la  lune,  ic  l'on  fait  combien  cette  force 
efl  difîerente  de  la  force  générale  d'at- 
traBion  ,  tant  par  fon  intenfitc ,  que  par 
les  loix  fuivant  lefquelles  elle  agit. 

M.  de  Maupertuis,  un  des  plus  célèbres 
partifins  du  Newtonianiliiie  ,  a  dL  nné 
dans  fon  dilcours  fur  les  figures  des  affres  , 
une  idée  du  fj-flêmc  de  Vattraclion  ^ 
&  des  réflexions  fur  ce  fyflême ,  auxquel- 
les nous  croyons  devoir  renvover  nos  lec- 
teurs ,  comme  »u  rucilleur  précis  que  nouî 


534  ATT 

connoiflîons  de  tout  ce  qu'on  peut  dire 
flir  cette  matière.  Le  même  auteur  obler- 
ve  dans  les  Me'm.  acad.  i  y  ;54-  >  ^i-'C  Mrs.  de 
Boberval  ,  de  Fermât  &  Falcal  ont  cru 
long-temps  avant  M.  Newton  ,  que  la  pe- 
fanteùr  étoit  une  vertu  attradive  &  inhé- 
rente aux  corps ,  en  quoi  l'on  voit  qu'ils 
ie  font  expliqués  d'ime  manière  bien  plus 
choquante  pour  les  cartéfiens  ,  que  M. 
Newton  ne  l'a  tait.  Nous  ajouterons  que 
M.  Hook  avoit  eu  la  même  idée  ,  &  avoit 
prédit  qu'on  expliqueroit  un  jour  très- 
hciu'eufement  par  ce  principe  les  mouve- 
mens  des  planètes.  Ces  réflexions ,  en  aug- 
mentant le  nombre  des  partilans  de  M. 
Newton  ,  ne  diminuent  rien  de  Ça  gloire  , 
puilque  étant  le  premier  qui  ait  lait  voir 
î'ufiîge  du  principe  ,  il  en  eft  proprement 
l'auteur  «Sf  le  créateur.  (O) 

Attraction  des  Montagnes.  Il 
efl  certain  que  fi  l'on  admet  Vattracllon  de 
toutes  les  parties  de  la  terre  ,  il  peut  y 
avoir  des  montagnes  dont  la  mafle  foit 
aflez  confidérable  pour  que  leur  attraâïon 
foit  fenfible.  En  effet ,  fuppofons  pour  un 
moment  que  la  terre  loit  un  globe  d'une 
denfité  uniforme ,  &  dont  le  rayon  ait 
iijoo  lieues,  &  imaginons  lur  quelque  en- 
droit de  la  furface  du  globe  une  monta- 
gne de  la  même  denlité  que  le  globe  ,  la- 
quelle foit  faite  en  demi-lphere  &  ait  une 
lieue  de  hauteur  ;  il  eft  aiié  de  prouver 
qu'un  poids  placé  au  bas  de  cette  mon- 
tagne lera  attiré  dans  le  fens  horizontal 
par  la  montagne ,  avec  une  force  qui  fera 
la  3000^  partie  de  la  pefanteur  ,  de  ma- 
nière qu'un  pendule  ou  fil  à  plomb  placé 
au  bas  de  cette  montagne ,  doit  s'écarter 
d'environ  une  minute  de  la  fituation  ver- 
ticale: le  calcul  n'en  eft  pas  difficile  à  faire, 
on  peut  le  fuppofer. 

Il  peut  donc  arriver  que  quand  on  ob- 
fèrve  la  hauteur  d'un  aftre  au  pié  d'une 
tort  grofle  montagne  ,  le  fil  à  plomb  , 
dont  la  diredlion  lert  à  faire  connoître  cette 
hauteur ,  ne  foit  point  vertical  ;  &  fi  l'on 
faifoit  un  jour  cette  ohfervation  ,  elle  four- 
niroit ,  cefemble  ,  une  preuve  confidérable 
en  faveur  du  (yftême  de  Y attraclion.  Mais 
comment  s'affurer  qu'un  fil  A  plomb  n'eft 
par  exaftement  vertical ,  puilque  la  direc- 
tion même  de  ce  fil  eft  le  feul  moyen  qu'on 


ATT 

puifTe  employer  pour  déterminer  la  fitua- 
tion verticale  ?  Voici  le  moyen  de  réfoudre 
cette  difficulté. 

Imaginons  une  étoile  au  nord  de  la  mon- 
tagne ,  &  que  l'oblervateur  foit  placé  .1 
fud.  Si  Xanraclion  de  la  montagne  agit 
fenfiblement  fur  le  fil  à  plomb  ,  il  lera 
écarté  de  la  fituation  verticale  vers  le  nord  , 
&  par  coniéquent  le  zénith  apparent  recu- 
lera ,  pour  ainfi  dire,  d'autant  vers  le  fud  ; 
ainii  la  diftance  obfervée  de  l'étoile  au 
zénith ,  doit  être  plus  grande  que  s'il  n'y 
avoit  point  à'' attraction. 

Donc  fi ,  après  avoir  obfervé  au  pié  de 
la  montagne  la  diftance  de  cette  étoile  au 
zénith  ,  on  fe  tranfporte  loin  de  la  mon- 
tagne fiir  la  même  ligne  à  l'eft  ou  à 
l'oueft  ,  enforte  que  Vattraclion  ne  puifle 
plus  avoir  d'effet ,  la  diftance  de  l'étoile 
obièrvée  dans  cette  nouvelle  ftation  doit 
être  moindre  que  dans  la  première,  au  cas  que 
l'attraction  de  la  montagne  produife  un 
effet  fenfible. 

On  peut  auffi  fe  fervir  du  moyen  fui- 
vant ,  qui  eft  encore  meilleur.  Il  elt  viii- 
ble  que  fi  le  fil  ;\  plomb  au  fud  de  la 
montagne  eft  écarté  vers  le  nord  ,  ce  même 
fil  à  plomb  au  nord  de  la  montagne 
fera  écarté  vers  le  fud  ;  ainfi  le  zénith  , 
qui  dans  le  premier  cas  étoit ,  pour  ainfi 
dire  ,  reculé  en  arrière  vers  le  fud  ,  fera , 
dans  le  fécond  cas ,  rapproché  en  avant 
vers  le  nord  ;  donc  dans  le  fécond  cas  la 
diftance  de  l'étoile  au  zénith  fera  moindre 
que  s'il  n'y  avoit  point  A' attraction  ,  au  lieu 
que  dans  le  premier  cas  elle  étoit  plus  gran- 
de. Prenant  donc  la  différence  de  ces  deux 
diftances  ,  &  la  divifant  par  la  moitié  ,  on 
aura  la  quantité  dont  le  pendule  eft  écarté 
de  la  fituation  verticale  par  {'attraction  de 
la  montagne. 

On  peut  voir  toute  cette  théorie  fort 
clairement  expofée  avec  plufieurs  remar- 
ques qui  y  ont  rapport  ,  dans  un  excel- 
lent mémoire  de  M.  Bougucr ,  imprimé 
en  1749  ,  à  la  fin  de  fon  fivre  de  la  figure 
de  la  terre.  Il  donne  dans  ce  mémoire  le 
détail  des  obfervations  qu'il  fit  conjoin- 
tement avec  M.  de  la  Condamine  ,  au  lud 
&  au  nord  d'une  grofle  montagne  du 
Pérou  appellée  Chimboraco  ;  il  rélulte  de 
ces  obfervations  ,  que  Vj-ttriclion  de  cette 


ATT 

grofTc  montiigne  écarte  le  fil  à  plcmib 
d'environ  7  '  &  (.lemie  de  la  fituation  ver- 
ticale. 

Au  refle  ,  M.  Bougiier  fait  à  cette  oc- 
cafion  la  remarque  judicieuie  ,  que  la  plus 
grolîe  montagne  pourrolt  avoir  très-peu 
de  donfité  par  rapport  au  globo  ferrelhe  , 
tant  par  la  nature  de  la  matière  qu'elle 
peut  contenir  ,  que  par  les  vuides  qui 
peuvent  s'y  rencontrer  &c.  qu'ainfi  cent 
obicrvarions  où  l'on  ne  rrouveroit  point 
diattraclion  lenfible  ,  ne  prouvcroient  rien 
contre  le  lylléme  newtonien  ;  au  lieu  qu'une 
feule,  qui  lui  leroit  lavorable,  comme 
celle  de  Chinboraco,  mériteroit  de  la  part 
des  phil'ifophes  la  plus  grande  attention. 
Vo}€'{  Montagnes.  (O) 

ATTR ACTIONNAIRE  ,  adj.  pris  fub. 
eft  le  nom  que  l'on  donne  aux  partilans 
àtVatcrdcIion.  Voyei  ATTRACTION.  (O) 

ATTR.\PE  ,^  f.  f.  (  Marine.)  c'ta  une 
corde  qui  empêche  que  le  vaifleau  ne  fe 
couche  plus  qu'il  eft  nécefl*aire ,  lorfqu'il 
eft  en  carène.  {Z  ) 

Attrape  ,  f.  f.  fe  dit  dans  les  fonde- 
nés  de  tables  en  cuivre ,  d'une  pince  coudée 
qui  fert  à  retirer  du  fourneau  les  creufets 
lorfqu'ils  fe  calîênt.  Pour  cet  effet  ,  les 
extrémités  de  les  branches  les  plus  courtes 
font  formées  en  demi-cercles. 

ATTRAPE-MOUCHE.  V.  Musci- 

J>UI,A.  (  k) 

ATTRAPER,  en  terme  de  peinture,  dé- 
fîgne  l'aftion  de  bien  faifir  fon  objet  &  de 
bien  l'exprimer.  Ce  peintre  ,  dit-on  ,  iai- 
fît  bien  la  rcffemblance ,  les  carafreres  ; 
il  attrape  bien  la  manière  de  tel.  (R) 

ATTRExMPE,  adj.  fe  dit,  en  faucon- 
nerie ,  d'un  oifeau  qui  n'eft  ni  gras  ni  mai- 
gre ;  on  dit  cf/ji/co/i  efi  attrempé. 

ATTREMPER ,  v.  ac=b.  en  Verrerie ,  fe 
dit  des  pots  ;  attremper  un  pot  ,  c'eft  le  re- 
cuire ,  ou  lui  donner  peu  à  peu  le  degré 
de  chaleur  nécefîliire ,  afin  qu'il  puifle  paf- 
fer  dans  l'intérieur  du  four  lans  rifquer 
defecafler.  Fi-^yfij  VERRERIE. 

ATTRIBU'i',  llib.  m.  {Métaphyfique.  ) 
propriété  conftante  de  l'être  ,  qui  eft  déter- 
minée par  les  qualités  eflentielles.  L'eiTence 
de  l'être  confifte  dans  fes  qualités  primi- 
tives qui  ne  font  fuppofées  par  aucune 
autre,  &  qui  ce  fe  fuppofent  point  réci- 


ATT  535 

proqucmcnt.  De  celles-ci ,  corrme  de  leur 
iource  ,  dérivent  d'autres  qualités  qui  ne 
lauroient  manquer  d'avoir  lieu  ,  dès  que  les 
premières  ibnt  une  fois  po'.ées  ;  &  qui  ne 
iont  pas  moins  infépnrables  de  l'ctre  ,  que 
celles  qui  conftitucnt  ion  elîènce.  Car  les 
qualités  qui  peuvent  exifter  ou  ne  pas  exil- 
ter  dans  le  i'ujet ,  ne  ("ont  ni  eflentielles  , 
ni  attributs  ;  elles  forment  la  clafic  des  mo- 
des (  dont  on  peut  confulter  l'article  j.  Nous 
avons  donc  un  critérium  propre  à  diftin- 
guer  les  qualités  effenticlles  des  attributs , 
&  ceux-ci  des  modes  :  mais  il  faut  avouer 
qu'il  n'y  a  guère  que  les  lujets  abflraits  & 
géométriques  ,  dars  leiqucls  on  pijilfc  bien 
taire  fenrir  ces  diiHnâions.  Le  triage  des 
qualités  phyfiques  eft  d'une  toute  autredif- 
ficulté ,  &  reflcnce  des  fujets  le  dérobe 
conftamment  à  nos  yeux. 

Un  attribut  qui  a  fa  raifon  fjffifante  dans 
toutes  les  qualités  effentielles ,  s'appelle  attri- 
but propre  :  celui  qui  ne  découle  que  de 
quelqjes-unes  des  qualités  cflenticllcs ,  eft: 
un  attribut  commun.  Eclairciflons  ceci  par 
un  exemple.  L'égalité  des  trois  angles  d'un 
triangle  recliligne  à  deux  droits  ,  eft  un 
attribut  propre  ;  car  cette  égalité  eft  déter- 
minée &  par  le  nombre  des  cotés,  &  par 
l'efpece  des  lignes ,  qui  font  les  deux  qua- 
lités effentielles  de  ce  triangle.  Mais  le  nom- 
bre des  trois  angles  n'eft  déterminé  que  par 
celui  des  cotés  ,  &  devient  par-l.'i  un  attri- 
but commun  qui  convient  à  toutes  fortes  de 
triangles,  de  quelque  efpece  que  foient  les 
lignes  qui  le  compofent ,  droites  ou  courbes. 

Au  déhiut  des  qualités  efTcntielles ,  ce 
font  les  attributs  qui  fervent  à  former  les 
définitions ,  &  à  ramener  les  individus  à 
leurs  e'peces ,  &  les  efpeces  à  leurs  genres. 
Car  la  définition  (  Voye^  fon  article  )  étant 
deftinée  à  faire  reconnoitre  en  tout  temps 
le  défini ,  doit  le  défigner  par  des  qualités 
confiantes  ,  telles  que  font  les  attributs.  Les 
genres  &  les  efpeces  étant  aufll  des  notions 
fixes  qui  doivent  caraftériièr  fans  variation 
les  êtres  qui  leur  font  fubornés  ,  ne  peu- 
vent (e  recueillir^  que  des  mêmes  qualités 
permanentes  du  fujet.  Cet  article  ef  tire  de 
M.  Formey.  f  X) 

Attributs  ,  en  Théologie  ,  qualités  ou 
perfeâions  de  la  divinité  ,  dont  elles  confti- 
cueut  l'eftcûce.  Telles  Ipnt  l'iafiaitéj  l'éter- 


5)3^  ATT 

nité,  l'immenfité  ,  la  bonté,  la  juftice  ,  la 
providence  ,  la  route-puiflànce  ,  la  pré- 
fcience ,  l'immutabilité ,  &f.  La  conciliation 
de  quelques  attrièuts  deD'ieu,  (bit  entre  eux, 
comme  de  la  {implicite  avec  l'immenlité , 
&  de  fa  liberté  avec  fon  immutabilité  ;  foit 
avec  le  libre  arbitre  de  l'homme  ,  comme 
la  préfcience ,  ell  une  iource  inépuifable 
de  difficultés  ,  &  l'écueil  de  la  railon 
humaine.  (  G  ) 

Attributs  ,  dans  la  Mythologie  ,  font 
des  qualités  de  la  divinité  que  les  poëtcs 
&  les  théologiens  du  paganiime  perfonni- 
fioient ,  &  dont  ilsfaifoient  autant  de  dieux 
ou  de  déefles.  Ainfi,  félon  eux,  Jupiter 
éroit  la  puiilnnce  ;  Junon  ,  le  courroux  ou 
la  vengeance  ;  Minerve  ,  la  fageffe  ;  la  vo- 
lonté abiolue  étoit  le  deftin  ,  Fatum  ,  au- 
quel la  puillânce  divine  ou  Jupiter  même 
étoit  allujeiti.  (G) 

Att  RII3UTS,  chei  les  peintres  &  les fculp- 
teurs  ,  iont  des  i}  mboles  confacrés  à  leur? 
figures  &  à  leurs  ftatues  pour  carafcérilcr 
les  divinités  de  la  fable ,  les  vertus  ,  les 
arts  ,  &c.  Ainli  l'aigle  &  la  foudre  font  les 
attributs  de  Jupiter  ;  le  trident  eft  celui  de 
Neptune  ;  le  caducée  ,  de  Mercure  ;  le  ban- 
deau, l'arc,  le  carquois,  caradériient  l'A- 
mour ;  une  balance  &  une  épée  défignent 
la  jultice  ;  l'olivier  marque  la  paix  ;  &  la 
palme  ou  le  laurier  font  les  attributs  de  la 
vidoire.  Voyei  StaTUE  ,  SCULPTURE  , 
Peinture.  (  G) 

ATTRIBUTIF ,  a^].  terme  de  Palais  ou 
de  pratique ,  qui  ne  fe  dit  que  des  édits  , 
ordonnances  ou  autres  chofes  femblables  , 
d'où  il  rélulte  en  faveur  de  quelqu'un  ou 
de  quelque  choie  un  droit ,  un  privilège  , 
une  prérogative.  Ce  mot  ne  fe  dit  jamais 
feul  ;  il  eil  toujours  fuivi  de  la  dénomi- 
nation du  droit  ou  privilège  dont  l'édit 
ou  a£le  en  quellion  eft  attributif.  Ainfi  l'on 
dit  que  le  fceau  du  Châtclet  de  Paris  eft 
attributif  de  jurildidion  ,  c'eft-à-dire  ,  que 
c'eft  à  cette  jurifditlion  qu'appartient  la  con- 
noillance  de  l'qxécution  des  acles  fcellés  de 
fon  fceau.  {H) 

*  ATTRITION,  f.  f.  ce  mot  vient  du 
vtrhc  atterere ,  frotter ,  ufer ,  &  fe  forme 
de  la  prépofifion  ad ,  à  ,  unie  au  verbe 
lero  ,  j'ufe.  Il  figniiie  le  frottement  réci- 
proque de  deux  corps;     au  oioyen  duquel 


ATT 

fe  détachent  les  particules  brifées  de  leurs 
furfaces.  Koje;;  MOUVEMENT  &  FROT- 
TEMENT. 

C'eft  par  ce  mouvement  que  l'on  aiguife 
&  que  l'on  polit.  P'oje^aux  articles  CHA- 
LEUR, LUMIERE,  FeU,  ÉLECTRICITÉ  , 
les  effets  de  Vattrition. 

M.  Graya  trouvé  qu'une  plume  frottée 
avec  les  doigts ,  acquit  par  cela  iéul  un  tel 
degré  d'elettricité  ,  qu'un  doigt ,  auprès 
duquel  on  la  tenoit  ,  devenoit  pour  elle 
un  aim^'nt  ;  qu'un  cheveu  qu'il  avoit  trois 
ou  quatre  fois  ainli  trotté ,  voloit  à  (es  doigts  , 
n'en  étant  éloigné  que  d'un  demi-pouce  ; 
qu'un  poil  &  des  fils  de  foie  étoient  par 
ce  même  moyen  rendus  éleâriques.  L'ex- 
périence fait  voir  la  même  choie  (lir  des 
rubans  de  différentes  couleurs  &  de  quelques 
pies  de  long ,  la  main  les  attire  quand  ils 
iont  frottés  :  imprégnés  de  l'air  humide  , 
ils  perdent  leur  électricité  ;  mais  le  feu  la 
leur  redonne. 

Le  même  philofophe  dit  que  les  étoffes 
de  laine  ,  le  papier  ,  le  cuir ,  les  coupcaux , 
le  parchemin  ,  (ont  rendus  élefiriques  par 
\'attrition. 

Ily  a  même  quelques-uns  de  ces  corps 
que  Vattrition  feule  rend  lumineux.  Voye\ 
Phosphore. 

AttritioN  fe  prend  auffi  quelquefois 
pour  le  frottement  de  deux  corps  qui,  (ans 
u(er  leurs  (urfaces,  ne  fait  que  mettre  en 
mouvement  les  fluides  qu'ils  contiennent  : 
ainfl  l'on  dit  que  les  fenîations  de  la  faim  , 
de  la  douleur  ,  du  plaiflr  ,  (ont  caufées  par 
Yattruion  des  organes  qui  (ont  formés  pour 
ces  effets.  {O) 

Atirition,  Théologie,  c'eft  une  ef^. 
pece  de  contrition  ,  ou  une  contrition  im- 
parfaite. Voy.  Contrition. 

Les  Théologiens  (cholaftiques  défîniffent 
Vattrition  ,  une  douleur  &  une  déteftation 
du  péché  ,  qui  naît  de  la  conddération  de 
la  laideur  du  péché  &  de  la  crainte  des 
peines  de  l'enfer.  Le  concile  de  Trente ,  fejf. 
XIV.  chap.  ju.  déclare  que  cette  efpece  de 
contrition ,  fi  elle  exclut  la  volonté  de  pé- 
cher ,  avec  elpérance  d'obtenir  pardon  de 
(es  fautes  padées,  eft  un  don  de  Dieu  ,  un 
mouvement  du  Saint-Elprit ,  &  qu'elle  di(- 
polé  le  pécheur ,  à  recevoir  la  grâce  dans  le 
facremcat  de  pénitence.   Le   lentiicent  -le 

plus 


ATT 

plus  reçu  fur  Xattridon  ,  eft  que  Vattiition 
dans  le  facrcmcnt  de  pénitence  ne  liiffir  pns 
pour  juftifier  le  pécheur  ,  A  moins  qu'elle  ne 
renferme  un  amour  commencé  de  Dieu ,  par 
lequel  le  pécheur  nime  Dieu  comme  lource 
de  route  julHce.  C'efl  la  dotlrinc  du  concile 
de  Trente  ,  fejf. ^  Vl ,  chap.  ,j  ,  &  de  l'af- 
femblée  du  clergé  de  France  en  1700. 

Les  Théologiens  difputent  cntr'eux  fur  la 
nature  de  cet  amour  ,  les  uns  voulant  que 
ce  foit  un  amour  de  charité  proprement 
dite  ,  les  autres  loutenant  qu'il  iuffit  d'avoir 
un  amour  d'eipérance.  VoyeT^  AmoUR  & 
Charité. 

II  efl  bon  de  remarquer  que  le  nom  d'at- 
trition  ne  ié  trouve  ni  dans  l'écriture  ni  dans 
les  pères  ;  qu'il  doit  Ion  origine  aux  théo- 
logiens fcholaftiques  ,  qui  ne  l'ont  introduit 
que  vers  l'an  lilo  ,  comme  le  remarque 
le  P.  Morin  ,  Je  Pœnit.  lib.  VIII 3  cap.  ij, 
n°.   14. 

ATTRITIONN AIRES ,  f.  m.  {The'ol.) 
nom  qu'on  donne  aux  théologiens  qui  fou- 
tlennent  que  Vatnition  fervile  eft  fuffilante 
pour  juftifier  le  pécheur  dans  le  facrement 
de  pénitence. 

Ce  terme  efl  ordinairement  pris  en  mau- 
vaife  part ,  &  appliqué  à  ceux  qui  ont  fou- 
tenu  ,  ou  que  ïattrinon  conçue  par  la  con- 
fîdération  de  la  laideur  du  péché  ,  &  par 
la  crainte  des  peines  éternelles  ,  lans  nul 
motit  d'amour  de  Dieu  ,  étoit  iuffiiante  ;  ou 
qu'elle  n'exigeoit  qu'un  amour  naturel  de 
Dieu  ;  ou  même  que  la  crainte  des  maux 
temporels  fufïiloit  pour  la  rendre  bonne  ; 
opinions  condamnées  ou  par  les  papes  ,  ou 
par  le  clergé  de  France.  {G) 

ATTROUPÉES,  adj.  f.  pi  en  ^nato- 
mie  ,•  épithete  des  gl-.uides  qui  font  voifl- 
nes  les  unes  des  autres  ;  telles  font  celles  de 
l'eftomac ,  du  golier ,  &c.  on  les  nomme  aufli 
ajfemblées.   Fojq  Glande.  (  Z) 

ATTU  ou  Aattu  ,  (  Géog.)  petite  ville 
de  l'Arabie  Heureufe  entre  la  Mecque  & 
Hali.  Le  Blanc  l'appelle  Outor.  (D.G.) 

*  ATTUAIRES  ,  f  m.  (  Hifl.  mod.  ) 
peuples  qui  taifoicnt  partie  de  l'ancien  peuple 
François.  Ils  habitoient  le  pays  deBeze  dans 
le  Langrois.  Les  Sidies  ou  Saliens  tailoient 
l'autre  partie- 

ATTUARIORUM  PAGUS,{Ge'og. 
du  moyen  âge.  )  caiitoa  des  Attuariens.  Ce 
Terne  m. 


ATT  ^     9^.7 

pagiis  y  dans  les  clinncs  ,  efl:  aufll  déngné' 
lôus  les  noms  à' Attoarioi  uni  ,  lIuLouj.r:v- 
ntm  y  Athoanenjis.  II  tire  fi  dén()minati(>a 
des  Àttuaricns  ,  colonie  des  Francs  origi- 
naires des  Cattes  en  Germanie  ,  établis  danï 
le  Langrois  ,  ious  Conltance-Chlorc ,  ciim- 
me  nous  l'apprend  Eumene  dans  le  pani!;;y- 
rique  de  ce  prince. 

Tacite  les  appelle  Chafuarii  ,  Strabon. 
Chattuarii  y  &  Ptolomée  Cafuores  :  Vel- 
Icius  Patcrculus,  /.//,  d\  le  fetil  qui  les  nom- 
me Actuaiii  :  il  les  place  au  delà  du  'Ihin  , 
près  des  Bruderes ,  peuples  de  la  Weflph.xlie 
lur  la  Lippe.  11  y  a  encore  une  ville  près  de  la 
Lippe,  appellée  Hatierech  ou  Hutteren. 

Ammien  Marcellin  rapporte  que  le  Célar 
Julien  ,  dans  la  guerre  contre  les  Germains, 
s'empara  tout  d'un  coup  du  pays  des  Francs, 
appelles  Actuanens  ,  &  qu'après  en  avoir 
défait  une  partie ,  il  fut  obligé  de  leur  don- 
ner la  paix. 

Ceux  qui  s'étoient  établis  dans  les  Gaules, 
donnèrent  leur  nom  au  canton  cle  Be>:e  ,  i 
cinq  lieues  de  Dijon.  Ce  chct-licu ,  lelon 
quelques-uns  ,  a  eu  le  nom  d'Atortiiim.  J'ai 
moi-même  remarque,  il  y  a  cinq  ans  ,  dans 
la  forêt  de  Volors  ou  Velours  ,  appellée  Fb- 
lors  dans  la  Chronique  de  Bcze ,  pag.  GGz^ 
an.  1 1 19  ,  l'enceinte  &  les  ruines  d'une  an- 
cienne ville  ^ïKtAniua  ;  &  je  prélume ,  avec 
des  gens  inflruits ,  que  ce  lieu  pourroit  bien 
avoir  été  d'abord  habité  par  les  Attuariens.- 
M.  le  Préfident  Bouhier  ,  dont  l'autorité  cil 
grande  dans  la  littérature  ,  croir  qu'ils  ont 
aufll  occupé  le  bourg  d'Autrcy. 

La  Chronique  deBcze  paroîtafllgner  pour 
limites  Ace  canton  démembré  du  Langrois  , 
la  Saône  d'un  côté  ,  ia  Tille  &  la  Vlngeane 
de  l'autre  :  ainfi  il  étoif  renf  rmé  entre  les 
comtés  de  Langres  ,  d'Amous  ,  d'Ouche  & 
de  Châlon.  Les  annales  de  faint  Bertin  k 
l'an  839  le  difent  pofitivement,  Comitatus 
Attoariorum  inter  comitatum  Cavallonen- 
fem  ,  comitatum  Amous  ,  &  comii.  Lmgo- 
ncnfem. 

Les  capitulaires  de  Charles  le  Chauve  , 
donnés  à  Ville-Serve  en  Picardie  en  853  , 
font  inention  du  même  canton  &  de  ceux 
qui  l'avoifment  ,  Cahillono  ,  Hatuariis  , 
Tornedrifo  &  Belncfo.  Baluze ,  tome  II , 
in-fol.  pag.  70. 

Il  s'étendoit  depuis  Barges  &  Aizcray  à 

Y  y  y  y  y 


95?î  ATT 

Po  jilly-fûr-Vmgeane  &  Fontaine-Françoife, 
ce  qui  fair  environ  luiit  lieues  du  liid  au  nord  : 
&  depuis  Pontailler  à  Norgcs  fix  ligues  de 
l'efhil'oueii  _  r     ,     T 

Il  eut  le  nom  de  comté  au  ixfiecle  .  Les 
chartes  font  mention  d'Hildegarnus ,  comte 
des  Attoariens  ,  en  815  ;  &  de  Hugues  ,  fils 
de  Hugues  de  Beaumont ,  comte  de  Dijon  , 
au  X  fiecle  ,  Hugo  Attoariorum  cornes. 
Voyez  Chr.  S.  Beiïigni  Div.  &  Not.  Gai. 
Valois,  p.  5». 

Le  duc  Amalgalre  fonda  en  630  l'abbaye 
de  Beze  ,  ainfi  nommée  d'une  très-belle 
fontaine  ,  Befua  in  pago  Attoariorum  ,  & 
l'enrichit  de  plufieurs  terres  ,  telles  que 
Sjioy  ,  de  Speis  ;  Trocheres  ,  très  CafcV  ; 
1  rcgcs,  TregitV ,  dont  il  ne  refte  plus  qu'une 
métairie.  Voye■l^  Chron.  Be\e y  p.4Si. 

On  connoît  par  la  chronique  de  Beze  à 
l'an  634  ,  d'autres  villages  de  ce  canton  , 
tels  que  Janlîgny ,  Genfeniacum  ;  Talraai , 
Talamayum  ,  Tdamanim  ;  Bere  ,  Beria  ; 
Oiiilly  ,  Anxilidcum. 

Différentes  chartes  rapportées  par  Perard 
nous  apprennent  qu'en  679  ou  684,  (clon 
î'abbé  de  Foix ,  Notice  des  Diplômes,  p.S^, 
Fenay,  Longvic  ,  Fifîey  ,  Chenoves,  villa- 
ges près  de  Dijon,  Fedeniaciis ,  Longovia- 
na  y  Fifciacum  &  Clienevcc ,  étoient  in  pago 
Attoariorum  ,*  &:  qu'en  735  Ruffey  &  Echi- 
rey  ,  Rufiacum  &  Efcoriacum  ,  étoient  du 
même  canton.  Perard  .,  p.  8  ,  9  ,  i6i. 

Waré  ,  par  fon  tellament  de  l'an  711  , 
lègue  à  l'abbaye  de  Sainte-Reine  qui  ne  lub- 
fide  plus  ,  Poifeul-les-Saulx  .Pujfe^fmm  ; 
&  à  celle  de  Saint-Prix  de  Flavigny,  Flacey, 
Is-fur-Tille  ,  Blagny  ,  Flexum  ,  Hiccium  , 
Blandonecum  ou  Blandoniacum  in.  pago 
Attoariorum.  Il  réferve  à  fes  héritiers  les 
terres  de  Vedis-Vuieas  y  Vievigne  ;  Vo- 
guntias  ,  Vonges  ;  Lucuni  ,  Luc  ;  Sago- 
neum  ,  Sagaenai  ,  in  pago  Atlio.  Voyez 
Hi/t.  de  Bourg,  par  O.  Plancher  ,  en  trois 
vol.  in-fol.  tome  I ,  p.  z  2  ,  i  l  Z  y  pr. 

Ce  dernier  lieu  ei\  ancien  ,  puifqu'on  y 
a  découvert  en  1701  une  colonne  milliaire 
avec  une  infcription  en  beaux  carafteres 
romains ,  par  laquelle  on  voit  qu'elle  a  été 
ëlcvée  l'an  42.  de  J.  C.  fous  l'empire  de 
■Claude  ,  marquant  xxij  milles  de  là  à  Lan- 
grcs ,  Andematuniim.  M.  le  Gouz  de  Ger- 
]an  ,  ancien  grand  bailli  du  Dijonnois ,  que 


ATT 

les  lettres  &  îa  patrie  viennent  de  perdre 
(mars  1774)  ,  a  tait  graver  cette  colonne 
&  l'infcriptiondans  fes  Antiquités  de  Dijon 
in-4°.  i  Jjz.  Voyea  aulll  Journ.  de  Trey. 
Septembre  IJO^  y  p.  l  ilig-  A-J • 

Il  eft  fouvent  parlé  dans  le  Recueil  de 
Perard  ,  p.  z  o  ,  zz,  z^y  z  §  yàt  Villa 
Santo  Colonicajire  Bargas  ,  en  775 ,  778  , 
820.  M.  l'abbé  de  Foix,  dans  fa  Notice  des 
diplômes  y  in-fol.  p.  zG^,  dit  que  Bargas 
eit  un  de  ces  noms  barbares  dont  nul  géo- 
graphe n'a  pu  fixer  la  fituation ,  ni  dire  le 
nom  moderne.  Si  de  Paris  où  il  écrivoit, 
il  câit  conliilté  quelques  bourguignons  inf- 
truits ,  ils  lui  auroient  dit  que  c'eft  le  village 
de  Barges  entre  Dijon  ,  Nuyts  ,  Citeaux  ,  â 
trois  lieues  fud  de  la  première  ville. 

Witgaire  ,  curé  de  Barges ,  fit  des  dons  à 
l'abbaye  de  Saint-Benijgne  en  816,  Witga~ 
rius  presbiter  Bargas  in  pago  Atoar.  Gai. 
Ch.  tom.  IV y  p.  6  y  t. 

Don  Mabillon ,  en  rappcUant  la  fonda- 
tion de  l'abbaye  de  Saint-Léger  ,  richement 
dotée  par  Théodrade ,  fille  de  Charlemagne , 
vers  l'an  800,  la  place  in  pago  Athoarioritni 
feu  Befuenfi.  Ce  n'étoit  plus  qu'un  prieuré  à 
la  fin  du  dixième  fiecle  ,  lorfqu'il  fut  réuni  à 
l'abbaye  de  S.  Germain  d'Auxerrc.  Annal. 
Bened.  tom.  UyP-  347- 

Un  diplôme  de  Louis  le  Débonnaire , 
rapporté  par  l'abbé  de  Foix  ,  p.  400  ,  en 
830  ,  cite  Pauliacum ,  Pouilli-fur-Vingeane 
(  non  Pouliac ,  comme  le  dit  le  compila- 
teur, )  &  Belleaeuve ,  BelUneuvium  in  pago 
Athoar. 

Louis  le  Débonnaire  donna  en  836  i 
Fulbert ,  l'un  de  fes  valTIuix ,  dont  le  père 
avoit  été  tué  au  fervice  de  cet  empereur  , 
une  terre  de  fon  domaine  ,  fituée  in 
pago  Athoar.  aux  confins  du  CMlon- 
nois  ,  appellée  AJiriaca  Villa  ,  Aizerey 
(  Not.  dipl.  p.  455.  )  Le_  grand  Boifuet  a 
palIé  plufieurs  années  de  fon  entance  dans 
cette  terre ,  qui  appartenoit  en  partie  à 
fon  père. 

Dans  les  aflifes  tenues  à  Luc  ,  Luco  ,  en 
867  ,  en  préfence  de  l'évoque  Ilaac  &  du 
comte  Odo  ,  il  crt:  fait  mention  des  com- 
miflaircs  [Mijfi)  pour  les  cantons  d'Ouche 
&  des  Attuairiens  ,  m  Ufcarenji  &  Atoeriis  ; 
c'eft  le  feul  endroit  où  ils  foicntainfi  nom- 
més.  Vojei  Per.  p.  i47- 


ATT 

Ce  mémo  cvcqiic  de  Lnngrts  c^onnn  en 
869  à  l'abbaye  de  Flavigni  ,  l'églue  de  S. 
Sulpice  de  Fontaine-Françoile  ,  ecdejia  de 
Foiudiia  in  pa(^o  Atuv ienjl.{Voyei  Canul. 
de  Flarigni.)  Ce  bourg  cil  connu  par 
la  viftoire  de  Henri  IV  ,  qui  porta  le 
dernier  coup  à  la  ligue  ,  &  lui  ouvrit 
les   portes  de    Dijon  &  des    autres  villes 

Pontailîcf ,  Pomiliacum ,  Pons/li/Tus  eft 
ancien  ,  puitque  les  rois  Carlovingicns  v 
avoicnt  une  nv.iilon  de  plailance.  On  voit 
ànn'^VHiJloire  de  l'eglife  de  S:i:nt  Etienne 
de  Dijon  ,  in-fol.  p.  jz  ypr.  une  charte  de 
Charles  le  Chauve  ,  de  l'an  876  ,  datée 
Pontiliaco  paldtio  régis.  La  partie  en-deçà 
de  la  Saonc  qui  renferme  la  paroiile  de  S. 
Jean ,  étolt  du  comté  Attuarien  :  elle  eft 
encore  du  doyenné  de  Beze  &;  du  diocefe 
de  Dijon  ,  ayant  été  avant  173 1  de  celui 
de  Langres  ;  l'autre  partie  eft  de  celui  de  Be- 
lànçon.  Arpinus  ,  quaranrc-ùeuxieme  cvc- 
que  de  Langres ,  donna  à  Fabbaye  de  S. 
Pierre  de  Beze  01"!  il  venait  de  transférer 
le  corps  de  S.  Prudent,  Pontailler,  P0/2- 
tiliacLim  villam  ,  en  889.  Voye\  Gai.  Chr. 
tom.  IV.  p.  §4^-  Les  privilèges  de  cette 
ville  furent  "accordés  par  Guillaume  de 
Champfitteen  11^7.  V.  PoNTAiLLER. 

VHiftoire  de  Peglife  de  S.  Etienne  ,  p. 
6*5  &  25  5  ,  fait  mention  de  Couternon  lous 
le  nom  de  Curtanonus ,  au  neuvième  fie- 
cle ,  &  au  onzième  fous  celui  de  Cors-Ar- 
nulfi  ou  Corte-Arnulfi ,  comme  étant  dans 
le  pays  des  Athoariens.  C'étolt  le  Tufcu- 
lum  du  favant  Philibert  de  la  Mare  ,  con- 
feiller  au  parlement ,  qui  ,  dans  le  dernier 
fiecle  ,  y  avoit  raffemblé  plufieurs  anciennes 
infcriptions ,  des  ftatues  &;  des  figures  an- 
tiques :  cet  illuflre  magiftrat  avoit  la  col- 
leàion  la  plus  riche  &  la  plus  curieufe  en 
Lvres  ,  &  fur-tout  en  manufcrits  fur  la 
Bourgogne ,  qui  après  fa  mort  ont  pafTé 
en  partie  à  la  bibliothèque  du  roi.  Il  eft 
étonnant  que  le  nom  de  ce  favant  ne  foit 
rappelle  dans  aucun  des  nouveaux  Diftion- 
naires  j  où  fè  trouvent  tant  de  gens  incon- 
nus ,  (fÎBiqu'il  ait  donné  plufieurs  ouvrages 
latins  fort  eftimés.  Couternon  cû  encore 
remarquable  par  la  belle  maifon  de  M. 
Bernard  de  JBliincey  ,  fecrctaire  en  chef 
des  états, 


ATT       .        939 

Renaud  de  Chatillon  donna  à  S.  Ue- 
nigne  l'églilé  de  S.  Julien-fur-2.orgc  avec 
des  fonds  ,  mjnfum  ununi  cum  ecclejiâ  S. 
Juliani  J'iiper  I^orgiam  in  pdgo  Attoar.  Ce 
qui  eft  approuvé  par  Gui  de  Granccy 
&  Milon  de  Frolois  en  1038.  Perard  , 
p.    186. 

Norges,  NorgicV,  eft  très-ancien  ;  la  voie 
Romaine  de  Châlon  à  Langres  y  iialfoit  ; 
j'ai  découvert  à  cent  pas  du  village  ,  en 
leptembre  1773  >  ""  morceau  d'une  co- 
lonne milliaire  qui  marquoit  VII.  C'eft 
tout  ce  qui  reftoit  de  l'inlcription  de  ce 
moniunent  tirédufoflé  de  lancienne  voie, 
par  un  payfan  qui  avoit  brile  la  colonne , 
dont  je  vis  encore  le  piédeftal  d'une 
belle  pierre  blanche  tirée  d'Afniere.  Nor- 
ges eft  marqué  in  centenJ  Boringoruin  en 
881  dans  Perard /5.  1^9-  Une  comman- 
dcrie  de  l'ordre  de  S.  Antoine  y  fut  fon- 
dée pour  les  malades  en  1100,  par  les 
feigneurs  du   Val-Saint-Julien. 

Le  village  de  Norges  à  deux  lieues  nord 
de  Dijon  ,  eft  diftingué  par  une  belle  fon- 
taine formant  une  rivière  qiu  nourrit  de 
bons  poiflons  ,  du  brocher  fur-tout  ,  fie 
par  une  très-jolie  maiion  de  campagne  ap- 
partenante à  M.  Bouillet,  procureur  géné- 
ral de  la  chambre  des  comtes ,  de  l'aca- 
démie de  Dijon  ,  un  des  plus  relpeftables  & 
des  plus  généreux  cito3ens  de  cette  ville. 

La  chronique  de  Beze  nous  indique  plu- 
fieurs autres  paroiffes  dans  le  pays  des  Ar- 
tuariens ,  tels  que  Tafnai ,  TafenateW.im  ; 
BufTerotte  ,  Buxiacus  ;  Marej-furTille  , 
fameux  par  fes  forges  ,  Alariacum  ;  Men- 
toche  j  Mentufca  in  territorio  Atuarin- 
fium  en  1 1 19  ;  &  Villey-fur-Tille ,  Villia' 
cum ,  où  l'abbé  Nicaife ,  très-connu  par 
Ion  l'ivre  des  Syrenes  f  découvrit  un  refle 
de  temple  du  paganifme ,  avec  cette  ini- 
cription  :  Minervce  Arnalia:,  qui  lui  donna 
lieu  d'exercer  fon  érudition.  (C  ) 

*  ATTUND  ou  OSTUND ,  (Geogr.  ) 
pays  delà  Suéde  ,  une  des  trois  parties  de 
i'Upland  ,  entre  StockoKn ,  Upfal,  &  la  mer 
Baltique. 

^  ATTUR  ,  (  Geogr.  }  ville  d'Afie ,  qui 
n'exifte  plus.  Elle  étoit  fur  le  Tygre  ,  dans 
le  gouvernement  moderne  de  Molul  ,  & 
non  loin  de  cette  ville.  On  l'appelloit  auiii 
Achur  &;  AJfur  ,  &  Ion  Jiftnd  Aturu  , 
y  )•  y  y  y  Z 


540  ATT 

Atyrla  ou  AJfyria  ;  ce  diUrifl:  compofoit 
VAjJyrie  proprement  dite  :  car  ,  à  l'exem- 
ple des  Chaldcens  &  des  Syriens  qui  con- 
vertiflbient  AJJur  en  Atliur ,  il  a  plu  aux 
Grecs  &  aux  Latins  de  convertir  Ajjyria. 
en  Atyria  ,  &  en  Aturia.  Les  Turcs  (ont 
maîtres  de  ce  pays-là.  Le  loi  en  e(t  natu- 
rellement très-tertile ,  mais  fort  néglige. 
C'eftundes  beaux  climats  de  l'Afie.  [C.A.) 

ATTUS A ,  (  Geogr.  )  ancienne  ville  de 
l'Afie  mineure  ,  fur  les  frontières  de  la 
Myfie  &  de  la  Bithinie.  Pline  afTure  que 
ce  fut  une  très-grande  ville  ,  bien  bâtie 
&  bien  peuplée.  (  C.  A.  ) 

ATUN  ,  f.  m.  (  hijf.  nat.  Botan.  )  ar- 
bre des  îles  Moluques  très-bien  gravé  lous 
le  nom  d^atunus  par  Rumphe  dans  fon 
Herbarium  Amhoiniciim  ,  vol.  I.pag.  171 
chdp.  ^6.  pldnch.  LXVI.  Les  habitans  de 
Ternate  l'appellent/a/j  ,  ceux  de  Boege/ù- 
macka ,  &  les  Macaifares  lommii. 

Il  s'élève  à  la  hauteur  de  1%  <\  30  pics  , 
fous  la  forme  d'un  limonier  ou  d'un  ci- 
tronier ,  dont  le  tronc  leroit  droit ,  élevé 
de  10  à  12  pies  ,  (lir  un  pié  &  d  mi  à 
deux  pies  de  diamètre  ,  cannelé  ou  mar- 
qué de  côtes  légères ,  &  couvert  d'une 
écorce  épaifle  ,  mais  fi  fragile  qu'on  ne 
peut  l'enlever  que  par  tragmens  ,  à  peine 
de  la  grandeur  du  doigt.  Sa  cime  elt  co- 
nique ,  très-denle  ,  formée  de  branches 
fermes ,  droites  ,  alrerncs ,  ierrées  ,  écar- 
tées fous  un  angle  qui  à  peine  a  45  degrés 
d'ouverture. 

Ses  feuilles  (ont  alternes  ,  fort  ferrées 
ou  rapprochées  ,  &  difpoiées  fur  un  même 
plan  lur  les  branches ,  de  lorte  que  leur 
feuillage  eft  applati  comme  dans  l'anone  & 
}e  cananga  ;  elles  font  elliptiques ,  poin- 
tues aux  deux  bouts ,  longues  de  fept  à 
.quinze  pouces  ,  une  fois  &  demi  à  deux 
fois  moins  larges ,  entières  ,  fermes  ,  lè- 
ches ,  légèrement  velues ,  relevées  en-dei- 
fôus  d'une  nervure  à  huit  ou  dix  côtes 
alternes  de  chaque  côté  ,  &  portées  fur 
un  pédicule  cylindrique  fort  court ,  de 
manière  qu'elles  s'écartetit  prefque  hori- 
2ontalcment. 

Les  branches  Ibnt  terminées  par  un  épi 
plus  court  d'un  tiers  ou  environ  que  les 
feuilles  ;  cet  épi  cft  compolë  de  quinze  à 
vingt  fleurs ,   difpofces  circulaireraent  fur 


A  T  U 

toute  n»  longueur ,  blanches ,  de  la  formt 
&  grandeur  de  celles  de  l'oranger ,  &  por- 
tées (ous  un  angle  de  4$  degrés  liir  un 
pédicule  égal  à  leur  longueur.  Chaque  fleur 
clt  compolée  d'un  calice  ouvert  en  cloche 
à  cinq  divifions  perfiflantes  ;  d'une  corolle 
à  cinq  pétales  elliptiques  ,  pointus ,  fermes  , 
une  tois  plus  longs  que  larges  ;  une  fois 
plus  long  que  le  calice,  ouverts  en  étoile  ; 
de  10  étamjnes  égales  à  la  corolle  ,  rele- 
vées ,  peu  écartées  prefque  comme  dans  le 
cirronier  ;  &  d'un  ovaire  porté  fur  un  dif- 
que  orbiculaire  charnu  qui  l'éloigné  un 
peu  des  étamines. 

Cet  ovaire  ,  en  mûrilîant  ,  devient  un 
fruit  à  écorce  ovoïde  ,  de  la  forme  &  gran- 
deur d'un  CEuf  de  canard  ou  même  plus , 
grande  ,  ieche  ,  d  une  épaiifeur  de  quatre 
lignes  ,  comme  écailleulè  au  dehors ,  rele- 
vée de  tubercules  ,  cendré-roulle,  à  une 
feule  loge,  marquée  lur  un  côté  ,  vers  ion 
extrémité  ,  d'un  nllon  ,  par  lequel  elle  s'ou- 
vre pour  l'ordinaire  ,  quoique  difficilement , 
en  deux  valves  ou  battans  égaux  &  con- 
caves ,  à  peu-près  comme  la  mufcade  co~ 
maçon.  Cette  écorce  contient  une  feule 
amande  ovoïde  ,  de  la  grandeur  d'un  œuf 
de  poule  ,  mais  comprimée ,  veinée  de 
blanc  ,  de  roux  &  de  cendré  y  comme 
une  mufcade  ,  charnue  ,  ferme  comme  le 
coco  ou  l'arec  ,  qui  devient  brune  ou  roufle 
en  léchant ,  &  entourée  d'un  fillon  vertical 
comme  fi  elle  devoit  fe  féparer  en  deux 
parties  égales  en  cet  endroit.  Lorfque  l'é- 
corce  fe  feche  fans  s'ouvrir  ,  ou  en  ne  s'en- 
tr'ouvrant  que  par  une  tente  arquée  ,  on 
entend,  en  la  remuant,  l'amande  jouer  de- 
dans &  faire  du  bruit. 

Qualités.  Uatun  eft  un  arbre  fort  lent  A 
croi  tre  ,  fa  cime  efl  d'abord  fort  élégante 
&  élancée  ,  &  fon  tronc  cylindrique  & 
uni  ,  mnis  il  iè  creuie  inlenliblement  & 
devient  cannelé.  Son  bois  ell  dur ,  de  peu 
de  durée  ,  &  fragile  ainfi  que  fcs  branches. 
Ses  fruits  mûriflent  fi  lentement  que  le  temps 
de  leur  maturité  n'efl  pas  bien  confiant  ; 
néanmoins  le  mois  de  novembre  eu  la 
temps  qui  leur  eil  le  plus  ordinaire.  Son 
amande  a  une  faveur  auflere  &  très-aflrin- 
gente  ;  comme  elle  efl  prel'que  aullî  dure 
qu'une  pierre  ,  dans  (a  maturité  partaite  > 
les  Malays  lui  ont  donne  le  nom  d'jfw/i  , 


AT  U 

écrive  du  met  huu  qui,  en  leur  langage,  ' 
ll^iiiiie  une  pierre. 

Culture.  Il  croît  communément  dans  les 
fies  d'Amboine,  Banda  &  Cclchcs  ;  on  le 
multiplie  de  drageons  ou  rejetons  qui  poul- 
lènt  au  pié  des  vieux  arbres. 

L//j;r.f.  L'amande  de  Yatim  ne  Ce  mange 
pas  crue  ni  feule  ;  les  Malays  la  râpent  pour 
cx'citcr  l'appérit ,  &  fcrvir  d'épice  qu'ils 
mêlent  dans  l'elpece  de  mets  qu'ils  appel- 
lent gourou  ,  &  qui  eit  compolé  de  iar- 
dines  crues  ou  cuites,  &  d'autres  fêmbla- 
bles  petits  poilTons  dépecés  en  petits  mor- 
ceaux ,  ou  piles  &  mclés  avec  le  gingem- 
bre ,  le  piment  ,  l'ail  &  le  jus  de  limon. 
Cette  amande  efl  il  aflringente  ,  qu'elle 
arrête  fubitement  toutes  les  dyflènteries  les 
plus  violentes ,  Toit  qu'on  la  mange  ieule  , 
foit  qu'on  la  mêle  dans  le  pain  de  iagou 
ou  dans  diflerens  mets.  Pluîieurs  Indiens 
en  font  même  un  grand  fecret  ;  mais  il 
ne  faut  l'employer  qu'avec  modération  , 
car  il  y  a  fouvent  du  danger  à  arrêter  trop 
promptement  les  dyflènteries.  Sa  poudre 
mêlée  avec  la  firine  du  fagou  réduite  en 
pâte ,  avec  l'addition  d'un  peu  d'eau  ,  & 
appliquée  fur  le  ventre  des  femmes  en- 
ceintes,  arrête  le  flux  menllruel  &  autres 
pertes  de  fang  qui  leur  furviennent  à  contre- 
temps. 

Lorfque  ces  amandes  ne  font  encore  qu'à 
demi-mûres  &  comme  vifqueufes  ,  les  ha- 
bitans  d'Amboine  en  font  une  efpece  de 
glu.  Pour  en  tirer  le  même  avantage  lorl- 
qu'elles  font  mûres  &  lèches  ,  ils  les  font 
infufcr  dans  l'eau  ,  &  les  broient  en  une 
forte  de  bouillie  épaillê  dont  ils  recouvrent 
les  jointures  de  leurs  navires  après  les  avoir 
remplies  de  moufle  ;  cette  pâte  s'y  appli- 
que étroitement ,  &  fe  feche  &  durcit  com- 
me une  glu  qui  rougit  comme  du  (ang. 
Ils  en  verniflbnt  aufli  les  piliers  de  leurs 
mallons  &  les  poutre-;  qui  font  expoiées 
à  être  rongées  par  les  vers  ou  les  larves  d||^ 
capricornes  &  autres  infeéles. 

Remarques.  ISatun  efl ,  comme  l'on  voit, 
un  genre  de  plante  qui  le  range  naturciio- 
ment  dans  la  famille  des  piftachicrs  à  feuilles 
fimples  ,  à  côté  du  mufcadier  comacon  , 
dont  il  femblc  ne  difFérer  que  par  fon  ca- 
lice   à  cinq   divilions  ,    fa   corolle  à  cinq 


A  T  Y  94t 

pétales  &  fes  huit  étamincs  ,  &  parce  qu'il  cil 
beaucoup  moins  aromatique. 

Rumphe  dit  qu'il  y  a  trois  autres  cfpeces 
d'jfu/j  À  Amboine  ,  dont  la  première  s'ap- 
pelle atun  mamina ,  qui  veut  divc acun  gras , 
parce  que  ion  amande  cil  plus  graflè  ,  plus 
tendre  &  moins  auilcre.  Les  deux  autres 
qu'il  appelle  iitun  laut  &  atun-puti ,  font 
des  genres  tort  différens ,  &  nous  en  ren- 
voyons la  deicription  à  leur  place.  (  M. 
Adanson.  ) 

ATYS  ,  {Myth.)  l'un  des  prêtres  de 
Cybelc  ,  faifoit  les  inclinations  les  plus  ten- 
dres de  la  décfl^e  ;  mais  le  jeune  homme 
la  ficrifia  à  la  nymphe  Sangaride  ,  fille  du 
fleuve  Sangard.  La  déefl!e  l'en  punit  dans 
la  perfonne  de  i"a  maîtrcfle  qu'elle  fit  périr. 
Acys,  au  défeipoir  d'avoir  perdu  Sangaride, 
porta  i'a  rage  jufqu'à  ie  mutiler  lui-même  , 
il  le  feroit  même  ôté  la  vie  fi  Cybcle  ne 
l'eût  métamorphofé  en  pin.  Il  y  a  des  au- 
teurs qui  difent  c^uAtys  étoit  un  jeune 
berger  de  Phrygie ,  dont  Cybele  déjà  vieille  , 
devint  amoureule  ,  mais  quoiqu'elle  fût 
reine  ,  il  la  méprila  pour  quelque  jeune 
beauté  ;  Cybele  apprenant  qu'elle  avoit  une 
rivale  ,  courut  comme  une  tijricufe  au  lieu 
011  étoient  les  deux  amans  ,  &  ayant  trouvé 
Atys  caché  derrière  un  pin ,  elle  le  fit  mu- 
tiler aux  yeux  de  fa  rivale  ,  qui  fe  tua  de 
défefpoir.  Catule  dit  o^nAcys  lé  mutila 
lui-même  ,  par  je  ne  fais  quel  tranfport  de 
rage  ;  &  que  Cybele  le  pri  alors  au  nom- 
bre de  fes  prêtres.  Ce  qu'il  y  ade  vrai  » 
c'efl  que  les  prêtres  de  Cybele  IbufTroient 
volontairement  le  lupplice  aAiys,  &  dans 
leurs  fêtes  mêloient  des  cris  &  des  hurle- 
mcns  pour  pleurer  la  mort  a  Atys.  Le* 
amours  A' Atys  &  de  Sangaride  font  le 
fujet  d'un  opéra  de  Quinault.  (f  ) 

ATZEBEROSCIM,  (  Mujlq.  infl.  dea 
Hcb.  )  Bartoloccius  (  Biblioth.  mag.  Rabb. 
part.  II  y  )  prétend  avec  fondement  qu'aqc- 
berofcim  n'étoit  point  un  inlîrument  par- 
ticulier de  mufique ,  mais  le  nom  général 
de  tous  ceux  qui  étoient  laits  de  lapin  ou 
de   buis.  Kircher  ,   pourtant ,  met  {'atr^c- 


ofcim  au  nombre  des  inflrumcns  de  pcr- 
cuilîon  ,  &:  en  donne  la  iîgure  ,  en  quoi  il 
ell  auturifé  par  l'auteur  du  fcilltehaggibo- 
rim,  <\vAài<zni^ini\ïa.i\eherofdin:  " '"— 


Cet 


i)4»  A  T  Z 

infiniment  de  fapin  (  ou  de  buis  )  avoit  » 
aflez  la  forme  d'un  mortier  ;  on  le  frap-  » 
poit  avec  une  efpece  de  pilon  du  même  ;  » 
bois ,  terminé  par  deux  boutons  ;  on  '  » 
,  tenoit  le  mortier  de  la  main  gauche ,  &  » 
(3  le  pilf^n  de  la  droite  ;  on  frappoit  tantôt  |  » 
»  fur   le  fond  du  mortier  ,  tantôt  fur  les  1  t> 


A  T  Z 

côtés  ou  bords ,  tantôt  fur  l'ouverture  , 
en  mettant  le  pilon  en  travers  ,  &  l'on 
fe  fervoit  tantôt  d'une  des  extrémités , 
tantôt  de  l'autre.  ï^'ac^berofcim  avoiê 
un  fon  clair  ,  mais  fans  aucune  harmo- 
nie ,  &  qui  refloit  toujours  le  même. 
(  F.  D.  C.  ) 


FIN  du  Tome  troifiemt. 


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